Full text of "Romania"
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ROMANIA
ROMANIA
RECUEIL TRIMESTRIEL
CONSACRÉ A l'étude
DES LANGUES ET DES LITTÉRATURES ROMANES
PUBLIÉ PAR
Paul MEYER ^ Gaston PARIS
Pur remenbrer des ancessurs
Les diz et les faiz et les murs.
Waci.
6* ANNÉE — 1877
PARIS
F. VIEWEG, LIBRAIRE-ÉDITEUR
67, RUE RICHELIEU
UBRARY OF THE
LELAHD STANFORD à,:. ! VER8ITY.
NOV 5 1900
NOTICE
SUR
UN MS. BOURGUIGNON
(musée britannique addit. 1 5606)
SUIVIE DE PIÈCES INÉDITES
Parchemin, 161 iF.; o",2$$ sur o*,i85; commertcemcnt du XlV* siècle *; acquis
par le Musée le 8 novembre 1845 de th. Rodd, libraire qui a beaucoup acheté
ponr cet établissement, et provenant de Motteley, de Paris. Le libraire Mot-
tdey, qui était en même temps amateur de livres, a fait plusieurs ventes. L'une
d'elles, la dernière, eut lieu en 1845, mais le 2 décembre, selon l'indication du
catalogue de vente (Paris, Cuillebert), et naturellement, notre ms., acquis
d'un intermédiaire par le Musée dès le 8 novembre de cette même année, n'y
figure pas. Il faut donc croire qu'il a été acheté de gré à gré.
Voici maintenant ce que ce volume nous apprend sur sa propre histoire.
Vers le commencement du XIV* siècle il était en Bourgogne, où il parait avoir
été exécuté, à en juger par les formes du langage. En effet, il y a sur le verso
du feuillet 5 de la pagination la plus récente quelques notes écrites, paratt-il,
à cette époque, et dont j'ai déchiffré ce qui suit. D'abord ces mots d'une écri-
ture très-fine : Henris (?) Fourriers de Semur, Puis, au-dessous, d'une autre
écriture : Ces livres est (ici un nom gratté). Qui l'anblera as forches penduz sera.
Je n'ai aucun moyen de déterminer si dans la première inscription il s'agit de
Semur en Auxois (Côte-d'Or) ou de Semur en Brionnais (Saône^t-Loire). Du
reste, ces deux lieux ne sont pas fort éloignés l'un de l'autre. Plus tard le ms.
appartint à Fauchet, comme le prouve cette note placée en tête du fol. actuelle-
ment numéroté 160, mais qui était autrefois le premier : paraphrase des pseaulmes.
Cest a moj Claude Fauchet. Çà et là sur les marges (ff. 3 s, 127, 133), quelques
roots de l'écriture bien connue du savant président. Voilà donc un livre à signaler
à celui qui s'imposera la tâche difficile de reconstituer la bibliothèque de
Fauchet. Je ne crois pas qu'aucune citation de notre ms. ait été faite dans le
célèbre Ruuàl de Forigine de la langue et poésie françoise^ mais on sait que cet
I . Saint Louis (2 5 août) figure au calendrier qui commence ce volume.
Jiomania^ VI l
2 P. MEYER
ouvrage ne donne qu'une idée bien incomplète des lectures faites par son auteur ^
Le ms. add. i$6o6 se compose en réalité de 161 ff. comme je Tai dit plus
haut. Néanmoins la pagination qu'il a reçue à son entrée au Musée lui en donne
162, parce qu'elle comprend un premier feuillet tout moderne (peut-être de la
main de Motteley) où se lisent quelques renseignements sur le contenu du ms.
Mais il y a en outre une autre pagination, faite au XV" siècle ce me semble,
et souvent enlevée par le couteau du relieur, qui commence à iv, correspon-
dant au fol. 2 de la nouvelle pagination, et conserve jusqu'à la fin sur cette
dernière l'avance de deux unités. Il y a donc au commencement une lacune de
trois feuillets. Ces trois feuillets se retrouvent à la fin du volume. Ils sont main-
tenant numérotés 160 à 162, mais ils l'étaient autrefois j, ij et iij. Les anciens
chif&es se lisent encore sur les deux premiers. C'est sur le fol. j (= 160), ai-je
dit, que se trouve l'autographe de Fauchet. Nous verrons plus loin ce que
contiennent ces feuillets, et pourquoi on les a rejetés à la fin du volume.
Je vais maintenant donner une table très-sommaire des ouvrages ou opuscules
renfermés dans le ms. add. 1 5606, soulignant les titres empruntés aux rubri-
ques du ms.
I. Le calendrier.
II. De David H prophuie. — Vers.
III. Paraphrase du psaume Eructavit (ps. XLIV). — Vers.
IV. Traité de la messe. — Prose.
V. La Conception de Wace.
VI. Des poignes d'enfer. — Vers.
VII. Prière intitulée : Salut dou sanc et dou cors Jehus Christ. — Vers.
VIII. De Nostre Dame, prière. — Vers.
IX, De Jhesu Crist^ deux prières. — Vers.
X. Sermon. — Vers.
XI. Prière. — Vers.
XII. Psaumes de la Pénitence. — Vers.
XIII. La Bible du seigneur de Berzy.
XIV. Des besulotes, connu sous le titre de • Dit de l'Unicome •. — Vers.
XV. Des Aj. chevaliers. Sera publié plus loin. — Vers.
XVI. Caton, traduction d'Adam de Suel.
XVII. Ansoignemans de Doctrine. Le c Doctrinal Sauvage t. — Vers.
XVIII. Pour chatoier les orguilloz. Sorte d'enseignement moral qui sera publié
plus loin.
XIX. Les Quinze Signes. — Vers.
XX. De la Plure-chante. — Vers.
XXI. Vie de saint Denis. — Prose.
XXII. Le dit de Guillaume d'Angleterre. — Vers.
XXIII. Li livres de sapience. — Prose.
XXIV. Le Cloître spirituel. — Prose.
1 . La Bibliothèque nationale possède une vingtaine de mss. ayant appartenu
au président Fauchet ; voy. L. Delisle, le CaUnet des mss. de la Bibl. nat. II,
36J-4.
NOTICE SUR UN MS. BOURGUIGNON }
Reprenons uiainlenant tous ces articles un i un. Je n'ai pas Tintention
^épuiser en une fois le ms, : mon but est pour le présent de faire connaître
eatictement les ouvrages ou opuscules qu'il renferme, et de publier deux d'entre
6UI. D'autres seront étudiés en une prochaine occasion avec des développe-
ments qui ne sauraient trouver place dans ce mémoire*
)*ai rcprodurt, autant que les ressources de notre imprimerie le permettaient,
tes abréviations dont la solution présente quelque doute, ainsi 9 pour con ou
fom, p qui peut être pa, par^ por^ etc»
L — Calendbier.
li serait désirable que Ton publiât une collection d'anciens calendriers appar-
teaaot i des temps et i des lieux aussi variés que possible. On arriverait sans
doute ainsi â constater des particularités, principalement dans le choix des
saints, propres à chaque province, à chaque diocèse peut-être, et de la sorte on
aurait un élément précieux pour déterminer l'origine des rass- qui contiennent
un calendrier ^ Le seul ouvrage de moi connu (il y en a d'autres indubitable«
ment) ot se trouvent reproduits d'après des mss. un certain nombre d'anciens
oltoânen, &i k Medti 4tvi Kalcndarium'^ de Hampson* L'un dVntre eux (I,
461-71) est en français. Il est tiré du ms. Harléien 27;, fin du XIII^ siècle, qui
profientf paralt-il^ de Tégltse de Ludlow (Shropshire). Il dilfére beaucoup du
iidtre. J*ai fait en diverses collections de mss. quelques recherches dans l'espoir
de découvrir un calendrier analogue à celui qu'on va lire, mais sans succès*
Dans la publication qui suit, j'ai cru pouvoir sans inconvénient remplacer
les indications anciennes de quantièmes par la simple numérotation des jours
de chaque mois. Ainsi, en regard de V Apparition (Epiphanie), je place un 6,
aoi lieu que le ms. porte / (lettre domin.) viij ti. J'ai omis les quantièmes des
jours pour lesquels il n'y a rien de marqué. Cela économise un grand
oombire de lignes.
Dans le texte du ms. i) y a des mots en rouge et d'autres en noir, les uns et
k$ autres de la même main, selon toute apparence. Les premiers sont ici repro-
duits en italiques^ les seconds en simple romain. En outre il y a quelques
addhioQS d*anc fine écriture qui ne semble pas de beaucoup postérieure à celle
du reste du ms. Ces additions sont imprimées en petit texte-
Les jours égyptiens sont ceux qu'on trouve marqués dans presque tous les
calendriers du moyen4ge. Voyez à ce propos le mémoire de M. J. Loiseleur,
inlilulé : Lts joars igyptknSj leurs yariations dans ks calendriers da moyen^dge
iMim. di la Sac, des Antiq. de France, U XXXIIl, 187J) ^.
I* M. H.Bradshaw, le bibliothécaire de TUniversité de Cambridge, a com-
oieocé une collection de ce genre. Fuisse-Nl un jour la publier I
2. Le litre complet, gui est fort long, a été donné ci-dessus, III, 206,
}. J'aî publié en 1S66 dans le Jarhach f. romamscke Literatur (Vil, 49-50
quatre listes de jours périlleux d'après des mss. de Paris, de Londres et de
Glasgow. Depuis j'en ai trouvé beaucoup d'autres qu'il serait trop long d'énu-
oiérer ici.
p. MEYER
Qn remarquera que quelques-uns des noms des saints ont la forme du génitif
latin (Proti^ ii sept.; Marci, 7 oct.; GalU, 16 oct.). Ils ont donc été trans-
portés sans traduction, de quelque calendrier latin dans le nôtre.
li Une
Jor eg.
Janvex hai .xxxj. jour j
.XXX. jours.
I Liansneaf.
6 Lificions.
13 Saint Hilaire.
15 Saint Mort.
16 Sain Marceal.
17 Saint Anthoine.
20 S. Flavien. 5. Sobachien,
21 Santé Annès.
22 Sain Vincent.
2$ Saint PouL D. eg.
26 Saint Policarpe.
27 Sain Jehan Boiche d'or.
28 Sainte Annès
Feyrex hai .xxviij.
xxix.
1 Sainte Brite.
2 Li chandelouse.
} Sain Blaive.
4
5 Sainte Agate.
14 Saint Velantin.
22 Sain Père.
24 Sain Mathias.
Mars hai .xxxj. jor^
jors,
I Saint Aubin.
21 Sain Benoit.
jors y li Une
D.eg.
li Une .XXX.
D.eg.
2 5 Li marsoinche > ,
27 Li résurrections.
28
D.eg.
Avris hai .xxx. yor, H Une .xxôc.
jors.
4 Saint Ambroise.
6 Sain Venebar.
10 D. eg.
12 Heufamie.
14 Sain Valerien.
20 D. eg.
2j Sain George.
27 Sain Mar amngelistes.
28 Sain Vitour.
Mai hai .xxxj. jour et li Une .xxx.
jours.
I Sain Jacq. et 5. Felipe.
3 Sainte crois.
6 SainJehans.
9 Sain Nicholas.
10 Sain Gordien.
12 Sain Paneras.
20 Sain Bandere '.
25 Saint Urbain.
28 Sain Germain.
D.eg.
d.eg.
Jehuns ai .xxx. jors et li lene .xxix.
jors.
I Sain Nicomede.
Janvier. 15, Saint Maur. — 21 et 28, Sainte Agnès, dont la lête est le
plus ordinairement placée au 21 ; voy. les Bollandistes, Janv. II, 807 a.
Février. 1 , Sancta Brigida.
Mars. 2^, L'Annonciation. L'Art de vér. les dates (éd. in-8*, II, 23), cite
Marzachc. Cf. Hampson, II, Mar sues.
AvRa. 6, S. Wincbaudus. dont la fête tombe en effet ce jour. Boll., Avril,
II, $72. — 12, Sainte Euph^mie. Boll., Avril, II, 81
Mai. 20, Plutôt Baudere, s'il s'agit de S. '^
Mai, V, 194.
BauddiuSf de Ntmes, Boll.*
NOTICE
SUR
UN
MS. BOURGUIGNON
5
2 Sain Marcelin.
1 1 Sain Tiburce.
6 Sain Claudien.
1 3 Saint Ipolite.
9 Sain Fclcden.
14 Vigile.
10
D.
«^•
1 5 Nostre Dame me-^st.
Il Sain Barnabe.
18 Saint Agapie.
1 3 Sain Reneber.
20 Sain Feleber.
i6 Sain Forgehu (?).
D.
«^•
22 Sain Siphorie.
i8 Sain Marcelin.
24 Sain BorteUmier.
19 Sain Gervais.
25 Sain Lohis. Sain Genise
23 Vigile.
28 Saint Augustin.
24 S. Jehan batitre.
29 Sain Jehan.
25 Saint Eloi.
26 Sain Jehan.
28 Vigile.
29 Saint prey sain Pou.
Septembres ai .xxx. jors et
.XXX. jors.
I Sain Ladre.
li Une
2 Sain Juste.
Junios ai .xxxj. jours et li Une .:
KXX.
î
D. eg.
jours.
4 Sain Marcel.
I Sain Thibaut.
5 Sain Ferru.
2 Sain Marcenée.
8 Nostre Dame.
4 Sain Martin.
9 Sain Gorgone.
1 1 Sain Benoit.
1 1 Sain Prothi.
1}
D.
«^.
14 Sainte crois.
18 Saint Amou.
17 Sain Lamber.
20 Sainte Marguerite.
20 Vigile, li cartant.
22 Li Madelene.
d.
^g-
2 1 Sain Mathier.
D. eg.
25 Sain Jacq. S. Clitofe'.
22 SainMoris.
28 Sain Nazaire.
24 Saint Andoiche.
30 Gcrmani, epî.
2 5 Sain Vandelin.
27 Sain Florantin,
Ost ai .xxxj. jour etli Une. xwc. jors.
29 Sain Michié.
I Sainipre.
D.
^g-
3 Saint Estiene.
Octovrez ai .xxxj. jour et
li Une
5 Sain Domenique.
.xxix. jours.
6 Sain Ci.
I Sain Romier.
9 Vigile.
2 Sain Ligier.
10 Sain Loirans.
6 Sainte Foi.
Juin. 13, Ragnebertus, Bol!., Juin, II. 694. — 16. S. Fcrrcolus (?) Boll.,
Juin, III, 7.
Juillet. 2, C'est ainsi que j'ai lu : peut-être MartinU} C'est S. Martinianus,
Boll., Juillet, I, 300.
Août. G, Saint Sixte, pape? — 20. S. Philibert. — 22. S. Syraphorien. — ■
2$. S. Genesitts. — Septembre. 20. Les Quatre Temps. — Octobre. 1, S. Rémi,
maintenant, en prov. San Roumii. — 7.^. Marc. — 16. S. Gall.
6
p. MEYER
7 Sain Marci.
25 Sainte Catherine.
9 Sain Denise.
27 5<2//z Maxime,
1 1 Sain Suplis.
28
D, eg.
1 3 Sain Girart.
29 Vigile.
1 5 Sain Lienart.
30 Samr Andrier,
1 6 Sain Gallî
1 V kJCUlt VJCIAIJa
1 8 5a//2 Luc avangelitres.
Delors ai .xxx/. your et H lene .xxix.
19 Saint Aquilin.
yor5.
22
D. ^g.
I Saint Eloi.
2 5 Sain Crepien.
6 S«m Nicholas.
27 Vigile.
7
D, eg.
28 Sain Simon et Jude.
/
8 iVortrf Dame.
3 1 Vigile de Toz Sainz.
1 3 Sainte Luce.
21 5m/z Thomas,
Novembres ai .xxx. jors
€t // lene
22
D. eg.
.XXX. jors.
24 Vigile.
I Li Touz Sains.
25 Nativité de Deu.
2 Des trespacez.
26 Saint Estienne.
5
D. eg.
27 Sain Jehan,
8 Li .iiij. caronez.
28 L/ inoscent.
9 Sain Théodore.
29 5âm Thomas.
1 1 Sain Martim.
30 Li jour riloux.
1 3 5a//z Breceom.
31 Sain Sauvestre,
I 4 Saint Madou.
16 Saint Euchere.
Après la sainte Agathe
lene prime
20 Saint Ysidore.
querons
22 Sainte Cécile.
Lou semadi après li voille des Bran--
23 Sain Climant.
dons.
Novembre. 8, Les Quatre Couronnés (Claude, Castor, Symphorien, Nicos-
trate). — 13, Saint Bnce (Brictio).
Décembre. Delors, On a beaucoup disserté sur Torigine de ce nom. M. de
Wailly a cité, à Tappui de Topinion qui explique deloir (c'est la forme la plus
fréquente) par de Voir, une charte dont il lit les derniers mots : au mois de Voir
dns (vo^. Annuaire de la Soc. de Vhist. de France, 1852, p. 33-4). M. Bourg ue-
loL qui a réuni un très-grand nombre d'exemples du mot en question (Bibl. de
VEc. des Ch. 6, III, 75), a contesté cette explication en se fondant sur ce que
tous les textes connus (sauf celui cité par M. de Wailly) portaient mois de de
deloir^ et non mois deloir. Il ne sera donc pas inutile de citer un exemple qui
vient confirmer Topinion défendue par M. de Wailly. Dans une chronique
d'outremer, on lit à Tannée 125^ : c Après, u mois del ter morut pape Inno-
c cent • {Hist. occid. des Croisades, II, 442). Un autre ms. porte mois de Viver,
leçon fautive, mais qui pourtant confirme la bonne. Il n'y a pas de doute sur le
sens, puisque le pape Innocent IV mourut en effet le 7 décembre. — Toutes
mes recherches pour trouver ce que c'étaient que les < jours riloux • ont' été
vaines.
If. — Poème axlégorique
LE 6IÉ0E DE JJIBUSALBM PAR NaBUCHODONOSOB ET NaBUZAIUIAN.
Ce poémei qui est précédé de la rubrique assez peu appropriée De Davtd H
ftophuti, est en somme un combat des vices et des vertus, sujet bien souvent
traité au moyen-Âge. C'est donc une sorte de débat^ mais qui ofTre ceci en
particulier qu'il est coulé dans le moule d'une allégorie d'ailleurs bien connue.
iémsalcni, c'est Tâme du chrétien ; Babylone représente Tenfer; et ainsi le récit
du siège de Jérusalem par Nabuzardan (Rois, IV^ xxvj représente le siège de
rime pir le diable. Il y a aussi des traits empruntés à fa description de laJéru*
silein céleste de TApocalypse (ch. xxt). On n'ignore pas que ces allégories ont
été courantes au moyen-Âge. Il suivra de rappeler ici les deux poèmes en dialecte
vérooais dt Jcrusaicm cœîesli et de Bûbylonc m/ernali^ publiés successivement par
Ozanam * et par M. Ad. Mussafia». Il y a dans les œuvres de saint Bernard
DO scnnon • de duodecim portis Jérusalem • (Migne, CLXXXIV, 1 1 17), et un
autre analogue dans celles de saint Brunon (M igné, CLXV, 89). Notre poème
est tout à fait indépendant de ces écrits ; et j'ajouterai même qu'il m'a semblé,
à en juger par une rapide lecture, avoir le caractère d'une composition origi*
oaJe fondée sur des lieux communs de théologie. Son principal intérêt réside
dans sa date^ qui est précise et ancienne : l'auteur nous dit en terminant qu'il
ï'est rois â l'œuvre en 1 1 80. Je ne me rappelle pas avoir îamats rencontré un
autre ms. de cet ouvrage.
De David II prophecie, (/. 6 î)
Or m'antendez ,j, pou, signor,
Ne me tenez p memeor
D€ ce que je vos veul 9ter :
E>e Jherusalem la cité,
Oek beauté, de la richace,
De la bonté, de la autece
Des murs de pierre preciose,
Dont la cité est tote close,
De la mervoiiouse clarté
Qui anlumine la cité,
Et des portes et des antrées
De(s)chieres pierres aomées»
Et dou precios pavement
Qui totc la cité porpreni,
Des tors de la cité nobile,
Et des citiens de la vile
Qui a Dell chantent los et g;races
ç les rues et ç les places.
Que vos faroie je lonc plait ?
C'est la vérité entresait.
De la cité nus ne pet dire
Ne l'estoire ne la matière ;
Meas vaut assez que je ne di,
De certain lou vous afi [sic].
Car an tôt ce selonc la letre
Ne devez pas vostre sen motre,
Car c'est dit por allégorie.
Et autre chose senefie
Cesie Jherusalem terrestre :
Ne sai commani poist cel estrc
De la Jherusalem céleste [b\
Dont hont profecié li prophète»
Tout ne çquant nos dit de Tune
i. Oocumms ùiidUs pour servir à rhiitoin iutérmrt de Htalit^ Paris, i8jo;
DOtice, p. 1 18*^4; texte, p. 291- j 11.
a. Pièces A et B des Moimmtnu di diaUcti itâHani, Vienne. 1864 (Comptes-
rendus de l'Académie de Vienne, t. XL VI).
) . FoL iij de l'ancienne pagination.
^^v ^1
^^1 Prophétie ont de chascune,
De fi savons sebnc Testoire V
^^M Si corn cesniojgne l'escriture,
Ceste desirucion fut voire. 1
^^H Geste cité, ceste Agure,
Li pueptes ot Deu corrodé ; 1
^^B Signer, quanque ce senefie
Si lor avint de lor pechié. ^M
^^H Je n^ai pas lout sans que v9 die,
La prise de ceste cité ^M
^^M Mas nonpquani tant vos an dî,
Vos veul traire a moralité; ■
^^B Seloncce que Deu servons ci,
Hoez, selonc Pallegorie, 1
^^H Chascun, di, des bon(e)sheûrez,
Que ceste prise senefie. J
^^m Ne di pas chascun des dâpnez :
Ce devez vos tuit savor bien ^H
^^H La n'avront ja li félon partj
Que l'arme a chascun crestien^ ^|
^^B Car Babiloinne iert d'autre part,
Ou est de pais la vision, ^H
^^H La cité de confusion
Est citez Deu et mansion \ ^H
^^H Ou il avront lor mansion,
De ceaus sera, laissus es ceaus, ^H
^^H Avec Sathan qu'il hont servi,
Jherusalem ceîestiaus. ^H
^^M Côme si home et si ami :
De Babiloine est rois et sire ^H
^^H C'est leu de peine et de martirej
Deables, lai tient son âpire ; ^H
^^M De plaint de plor, de duel et dire.
CVst an anfer, ou ti félon ^H
^^B Decestuj laîs la mencion,
Seront a grant confusion. ^H
^^H Car il n'i a se torment non;
Icil nos essaut nuit et jor ; ^H
^^H Et dira de Jherusalem
Il n'ot onques pais ne sejor. ^H
^^m Ce que j'en croi et que j*en sen.
Chascun de nos essaut et tante ^^Ê
De ce mal ou plus met s^enteme, ^^Ê
^^M Bon trove an Pestoire ancîene
De la cité Deu deiuaîne ^ ^H
^^H La Jherusalem terriene
Vot avor li félons lou reyne. ^H
^^M Li rois de Babiloinne assist,
Antor ai ses engins dreciez, (i) ^H
^^H Et tant sit devant qull la prist ;
Se prendre la pet mSt en liez. ^H
^^B Arst et destruit la Deu maison,
De ses angins, de sa boidie ^H
^^H Lou cecle (?j, temple Salemon.
Vos 9tera une partie ; ^H
^^M Tôt âporta Targent et Tor :
Et ^ ce les vos veul 9ter ^H
^^H Ce fut Nabugordonosor (sic), [c]
Que vos les puissez eschiver. ^H
^^M Grant mal 6t a Jherusalem,
De toz mal est orguei reine ^H
^^H A icest tens Nabradanz ^ :
Et 9mancemens et racine. ^|
^^H Les oz conduist des chevaliers,
Ele ai .vij. vices principauz ^H
^^H Et fut maitres confanoers (sic);
Qui 9duent les autres mauz. ^H
^^M Princes queurs fut de la coîsîne ^ ;
Ses premiers dux et vaine glore... ^H
^^H Au roi fit la cité encline.
H
^^^^K u Corr. Nûhuiatàan; cf. IV, Rois,
XXV, Setsuiv. ^H
^^^^^m 2, Nibuzardan est tou|ours qualifié
dans la Bible de t pnnceps militiae • ou ^H
^^^^H « exercitus », ou de t magîster militum. » Plus foin, foL 9 ^, le même person- ^H
^^^^^B nage est qualifié de « princes de^ queurs i^= queux} et des meingiers.» Ainsi en- ^^M
^^^^^^ core, dans la rubrique du Sermon foyeux de la vu de iainî Ongnon (A. de Montât- ^^|
^^H gloQ, Potsiis françûtsci des XV" a XVh
^^H de * maistre cuisinier », et U mi
iûdes, J, 284), Nabuzardan est qualihé ^H
^me facétie se retrouve dans Rabelais, ^H
^^^ IV, XXXIX.
^^H
^^^^^^ ;. Su, corr. [de] Deu demainc ^
^^J
lîSo
Ce poème, qui a environ
fol. XII) :
Por ce donra Dex l'enté
De Jherusalem la cité
Non ceos qui bien çmencerom^
Mas ctos qui en bien fineroni.
C'est la clarté qui enlumine^
Nos dit Tescriture divine :
N'est de lune ne de soleil,
Ains nuls hôs ne vit son paroil ;
Totes autres clartez sormonte,
A sa beauté nule ne monte ;
De lui veoir est li loiers
Que Dex donra ses chivalîers
Iqui au pmenabïe jor
De la clarté nostre Seignor.
NOTICE SUR UN MS. BOURGUIGNON 9
vers, se termine ainsi (fol. 17, anc. pigin.
Onques ne cesse ne ne fine,
Toz t^s la cité enlumine.
Ele ai non vision de pais,
Dex nos hi moînt et clars et lais !
Seignor, ver moi ne vos poisi mie,
Se je ai blasmé lor folie :
Si s'amandent, si feront bien,
Plus feront lor prou que îou mien.
Mil ans ot et .c. [et] boitante
Cant a travaiilier mit s'entente
ïcil qui ceste estoire fit
De la naissance Jhesu Crist,
ilL — Paraphrase du psaume shuctàVIT,
Cet ouvrage, composé poyr Marie deFrance, comtesse de Champagne de 1164
à 1 198^, nous a été conservé en un nombre de copies relativement considérable.
Voici la liste de celles que je connais :
Paris, Bibl. nal. fr, 902, fol. 1 ^9 ; incomplet; ros. exécuté en Angleterre.
— — — 1536, fol. 248; le prologue (14 vers) est omis*
— — — 1747, foi, 8s ; ms. exécuté dans le midi de la France*
— ^ ^ 2094, foi, J72.
— — — 20046 (anc* S. G, fr. 1985), fol. 57.
— — 24429 (anc. La ValL 41), foL 117,
— — — 25532 {anc. N.*D. 195), fot. 268- le prologue est omis,
— Anenal h. L, fr. 283, fol. 69 v^
Madrid, Bibl. nat., F 149».
Vienne, Bibl. palat^ 343^1 fol. 1.
Inc. (fol. 18, anc. pagin, fol. tx) :
Une chanson que David fist^
Que Nostre Sire ou cuer li mist
I. Voy, d*Arbois de Jubainville. Histoire des comtes de Champagne^ IV, 642*
^^ M. Martin a pensé (Le Bcsant ie Dieu, p, xu) que la * dame de Champa-
gne t du V. ^ pourrait être Blanche ae Navarre, femme de Thibaut IIJ*
M. Martin, qui se serait épargné cette erreur en consultant le livre de M. d'Ar-
bots de Jubamville^ ou simplement le catalogue des rtiss. français de la Bibl.
nat., n' 002^ n'a pas fait attention que la < dame de Champagne » en question
e$l qualifiée un peu plus loin de « suer le roi de France •, ce qui ne peut
s'appliquer qu'à Marie, sœur de Phtlippe^Auguste.
a. Je donnerai prochainement la notice de cet important ms.
10 p. MEYER
Dira (= dirai) ma dame de Champaigne.
Celui cui Damedex enseigne
En espère de toz ses biens....
IV. ~ Traité de la messe.
Inc. (fol. 55, anc. pagin. fol xxxvij) :
C'est ici l'antrée de la mosse : quant l'an doit oïr la messe ne les
ordenances qui(l) afierent a faire. Premièrement au pmancemant de la
mosse l'on doit restraindre les sans an lui, que l'an ne doit panser ne
regarder a chose que soit ohie ne vehue...
Je n'ai pas pris la peine de rechercher d'où ce traité était traduit. Je me
borne à remarquer qu'il se retrouve encore dans le ms. Barrois 305, chez le
comte d'Ashburnham ; cf. Delisle, Bibl. de PEc. des ch.^ 6, II, 251.
V. — Wacb, la Conception de Notre-Dame.
Inc. (fol. 37, anc. pagin. fol. xxxix) :
Ou non Deu qui nos doint sa grâce,
Oez que nos dist maistre Gace,
En quel tans, 9mant et f coi,
Au tans Guillaume lou bon roi,
Fu pmancié et estaubli
De ceste estoire que je di
Que la feste fu célébrée
Que 9cehue et engendrée
An ma dame Sainte Marie...
Fin :
Que il parsoniers nos en fiaice
f sa pidié et ^ sa grâce.
Que por l'arme Sainte Marie
Pater noster chascuns en die.
Autres mss. de cet ouvrage bien connu :
Paris, Bibl. nat. fr. 818, fol. 4.
_ — — I ^04, fol. 417. Copie moderne d'un ms. qui paraît perdu.
— - — ,527.
— — — 24429 (anc. La Vall. 41), fol. 73.
— — — 25532 (anc. N.-D. 195), fol. J20.
NOTICE SUR UN MB. BOURGUIGNON 1 I
— — lat, $002, fol. 1 17 8' (ce ii*est qu'un fragment de la fin).
— — Ms. Nobict de la Clayette, p. 141.
Tours, 917, fol. 6 k
Cambridge, Saint John Coïl, B 9, fol, 1 ,
On sait que cet ouvrage a été publié deox fois : d'abord par MM. Mancel et
TrIbiitieQ *, d'après le ms. 25512, puis par M. Luzarche d'après le ms. de
Tours*. Le ms. 2^}2 présente un début tout particulier^ conçu en fort mau-
rais vers dont Wacc ne saurait aucunement être responsable. Voici les neuf
premiers vers de cette leçon : au neuvième la leçon du ms. 2^532 se raccorde
18 telle de Wace.
Se aucuns est cui Dieu ait chier,
Sa porele [sic, pour perole) et son mesiier,
Viegne olr que je dirai
Ja d'un seul mot n'i raeniira[i].
Maistre Guaces, uns clers sachant,
Nos espont et dit en romanz.
En quel tans, comment et par cui
Fut commencié et establi
Que la fesie fust célébrée...
VI. — Descente de saint Paul en Enfeb.
Je ne m'étendrai pas sur ce poëme^ ayant intention de Tétudier^ avec
d'autres sur le même sujet, dans un mémoire sur les légendes pieuses dans la
Uttératurc française, dont je rassemble les matériaux depuis bien des années.
Je me bornerai à dire qui! est fondé sur un apocryphe dont nous possédons
deux rédactions latines. Celles-ci dérivent d'un texte grec que nous n'avons pas
(ou du moins qui n'a pas été publié, que je sache), mais qui devait être de
fon près apparenté i l"Aicoxdt^ut{^i; tou àt^oy àiîû(rr6><w ria^ou publiée par
Tischendorf, et de laquelle on a aussi une traduction syriaque.
Cette légende, dont la popularité est attestée par la variété même des rédactions
qu'on en possède, a une importance considérable pour l'histoire des croyances
religieuses au moyen-âge. Bien que le fait de la descente de saint Paul en enfer
ei l'écrit qui la raconte aient été également repoussés par TEglise, néanmoins
i n'est pas douteux que ce même écrit est la source principale des idées qu'on
s'est faites des tourments réservés aux damnés.
Je connais en français cinq rédactions rimées de cette légende. De la rédaction
en quatrains que renferme le ms. 1 5606 je ne puis indiquer que deux autres mss.:
i, UUabhsammt de ta flU de la conception de NoUre-Damc, dite fit e aux Nor»
mûnds, par Wa<^, publié par Mancel et Trebutien. Caen, 1842, in-U'.
2. La Vit de ta vierge Mam^ de maître Wage (p, p. V. Luzarche), Tours^
12
P. MEYBR
Paris, Bibl. nat., fr. 24429 <anc. La ValL 41)^ Fol 13 j. (i4)
— — — 24432 (anc. N.-D. J98), fol, 91 c (fî),
La particularité de noire texte, c'est qu'à un certain endroit, au quatrain
XXI, les vers octosy lia biques à rimes plates viennent remplacer les quatrains
alexandrins. Toutefois ceux-ci reparaissent après une courte interruption
et se poursuivent jusqu'à la fin. On connaît dans l'ancienne littérature française
quelques poèmes où le mètre change ainsi sans raison apparente. Oe ce nombre
sont les Enuigncmtnu Tràor (B. N. fr. 1^408 ; cf. HisL /i«,, XXOI, 60), le
Parknoptus et deux anciennes traductions de la Bible T.
Le texte a été écrit à longues lignes^ aitn d'économiser Tespace, les pages
étant trop étroites pour admettre deux colonnes d'alexandrins, tandis qu'une
scyle colonne eût laissé un espace blanc. En voici le commeficement et la fin
avec les variantes des deux mss. pour les 80 premiers vers :
Des poignes d' enfer.
L Beau soigner et vos dames, faites queFon vos ohie, (fol. 81 a)
Que Dex doint a vos armes de paradiz la joiel
Si je sa aoctin bien que je dire ne doîe,
4 A vos ne toiche mie quex poicherres que soie.
IL J'a apris a escole, sou sa por escritare ;
De Deu heit la parole cîlz qui de Deu n'ai cure.
Mez ciz qui de Deu est et qyi aime droiture
8 Mont hi a bu cuer preu si antant a mesure.
III, Or escouiez signor qui Damedeu amez,
Que les poines d'enfer et les delors dotez,
Je vos ferai antandre, se hoir lou voulez,
1 2 Comam pechierres hons est an anfer penez.
IV, Des grans poignes d'anfer vos dira je partie,
A garant rescriture, si n an mantira mie,
COmant pecherres h5s les dessert an sa vie,
1 6 Qui Deu ne vei amer, ains maint an foie vie. (t)
V, Soignour, desus cet arc(?) est .j. cieh 9passez,
De lune et de solot et dVstoiles formez,
Por cui trestoz li mons est hui anlu minez.
20 Soz celui est .j, autre qui est Dex apalez.
VL An après est li ciez ou est la maetez
I. Sur lesquelles voy. Stengel, Mitthahngcn aus franzastschm Hândschrifun
d. Turmcr Umv. BMothck, p, 18, note.
I -8 La deux premters coupUts manqutnl dans B C.
14 fi C Par g. d' — 16 C en félonie, B et il maint en folie,
1 7 B C cel air, — 1 8 fî C d*e» listes. — 20 B C Deseur ccl en a a. {C Dcsour
cel a .j,) q. e. ciel a. — 2 1 C Après est li tiers ciels; B est li sièges et la grant m.
^^^^^^V NOTICE BOURGUIGNON |; ^H
^^^^p Ou lî fiz Deu pmaim qui de virge fut nez, ^|
^^^^^ Qui f les pecheors fut an h croix penez, ^H
^^m 24 Que deaubles avoit irestoz anprisonez. ^H
^^^^^ VII, Ainz ne fu hQs mortez qui toi îce veist, ^^^H
^^^^K Fors Tapostre sain Pou qui lot lou mont oïst. ^^^H
^^^^^ Cil vit jusque au lier ciel^ la ou est Jhesu Crizt, ^^^^1
^^M 28 Por sain Michié l'arcange que Jhesus li tramist. ^^^|
^^M VIU, Icele grant autoce que glore est appalée, ^H
^^^^K Por cuer de crestien ne pest estre pansée, ^H
^^^^V Por lotre de nui cler ne pet estre provée; ^H
^^V ^2 Benoîte sera l'arme que laissus en tomée, ^H
^^m IX* ïcele grant autauce vit sains Pau resplandir ; ^H
^^^^^ Ne lou pet reconter quant il n'ost lou lesir^ ^H
^^^^H Que nostre Sire Dex ne li vot consantir ; ^H
^^^^ )6 Ne 11 bOs n'est pas dignes qui doive ce oir. (c) ^H
^^H X. Soîgnors, or vos dira ce que vos hai promis : ^H
^^^L Con grant sont li tormant ou delorous pahis, ^H
^^^^H La ou cil pecheor seront ansamble mis» ^H
^^^^^ 40 Qui ne veulent amer ne Dé ne ses amis. ^H
^^H XI. Sains Pou fut an anfer aincoiz que il transist, ^^Ê
^^B Quar sains Michié l'arcange Pi mena et conduist. ^^Ê
^^M Dex vot que il cogneust les poignes et veïst ^H
^^B 44 D'enfer, et de mal fere {> ce chateist. ^H
^H^ Xn. Or orrez ja parler de l'anfemat delor, ^^^H
^^m A garant a[n] traons sain Pou nostre doctor ^^^H
^^M Gommant sont tormanté li mavais poicheor^ ^^^H
^^m 4S Que por la vainne gloire bissent lor creator. ^^^H
^^Ê XIIL An l'abime d'anfer bai J, barbre planté ^H
^^^^^ Dont li seges desor sont charbon âbrasé ; ^H
^^^^^^ Les brainches sont de feu. li rain sont anflamé, ^H
H 25 B cest estre; C qui ces jîj. ciex. ^ 16 C qyi Tamor Diex conquist, ^H
H B que Damcidieu conquist. ^^M
H 29 fi C ûfouunt La ou sainte Marie est roînne clamée. ^^M
H 10 B C par bouche de bon clerc (fi cuer) ; B dite ne racontéei C ne pucl ^^M
H estre escoutèe. ^H
H 3 $ fi ^ fors le 6lz Dieu melsmes qui por lui (C nos] vost morir. ^H
H 19 C en flambe m. ^^M
H 44 fi ^ Tant en poons savoir corn saint Pois nous en dist, ^^Ê
^^^ 49 fi C A rentrée. — jo B li cimes^ C les branches Uk), — p-3 bis B Les ^^M
^^H cimes sont de flambes et h rain borjonné | Le brandon plus ardant que n'est feu ^^M
^^V embrasé ; C Et de boutons de fer estre tous boutonés | De boutons plus ardans ^H
B qoe nus feus embrasés. ^H
^^^H
^^^^^^^^^^^1
^^^1 n^^^^H
Des broiches sont li raîn antor anvironné. ^^^^^^^M
^^^^H $2 bis Plus ardam et plus âpre que charbons aluroé ^^^^^^H
^^^H
Illuc vit sain Pou poicheors cniciez ^^^^1
^^^^M
Les .j. pandre por mains, les autres por les piez, (d) 1
^^^^M
Por les brainches desus anbroichiez^ anfichiez, 1
^^m
Les autres por les dois panduz por lor péchiez. 1
^^^1
Sains Pou hai regardé par la senestre part, ^J
^^^^m
Si vit une fomoise de feu qui tos tans art ; ^H
^^^H
La flame por .vij. leus les devise et départ. ^H
^^^^^H 6o Or prions Damedeu, lou roi, que nos an gart ^|
^^^^H
De prisom au deauble, et nos trahe a sa part. ^H
^^^F
Soigneurs, an l'apre (corr, la) fomoise habitent .vij, delors; ^H
^^^^L
.vij. diable Tatisem : c'est lor maistre labours; ^H
^^^^M
Et .vij. fiâmes an issent de diverses coloyrs ; ^H
^^H
De chascune des Hames issent .j. grans ardouz. ^H
^^^B
Anviron la fornoîse hai .vij. cruex tormant ^H
^^^^M
Ou pecheors sont mis, mortel cruciaumant. ^H
^^^^M
.vij. deauble les gardent au trainchani feremant, ^H
^^H
Quant ont Tarme saisie, si la geteni dedans. ^H
^^^1
Set plaies les apele(nt) la divine escriture : ^^^1
^^^^M
La premere est de noix et destroinant froidure, ^^^|
^^^M
La tierce est de feu et de mervoilouse ardure, ^^^H
^^^1
La quane est de sanc angousoz sens mesure. ^^^|
^^^H
La quinte des .vij. plaies et do crual sarpem, ^H
^^^^M
Et la siste de foudres et d'avenimemant ; ^^Ê
^^^^M
La septainne de paors et d'epaontemant : ^^^|
^^H
Or vos an gart Dex qui fit !ou forraemant ! ^^^B
^^^H
Quant icil *vij. deauble hont une arme saisie, ^H
^^^H
Por ices .vij. tormans chascuns a soi la guie : ^^Ê
^^^^^u
Li .j. la lance a Tautre, ja ne sera guerpie ; ^H
^^^^p
De queque part qu'ele aile deauble l'ont saisie. ^H
^^^F
Lor vient a la chaitive .j. delorouz essaut ^H
^^H
Qui por ses grans péchiez sofrera si grant mal ^H
^^^1 6o
manque inataretUmtnt) àB C. 1
^^^^^1 6a B De ch. des branches en i. Juj. a., C De ch. des .vij. en i. .vij. chalors. 1
^^^^^1 66 fi Ou p. reçoivent, C As p. revient* — 70 B ajoutt a vers qui parait |
^^^^^H ttàussâift
, bun ûu'il donne au quatrain tm vers de trop : La seconde est de glace 1
^^^^^H et de tranchant ^J
^^^^^B 7^-6 nmtni m ens dans B, et par suiu variâmes considirahta, ^^Ê
^^^^P NOTICE
MS. tj ^^^^^H
^^m Eft anfer hai une rœ maie
De la puor qui de ti ist. ^^^H
^^H S4 Que ou tonnant plungeetavole.
Tuit cil qui murent an pechié ^^^H
^^M De quoi feuz d'ânfer dedesoz
1 1 2 Sunt a cele roe ataichié, [mans ^H
^^B Les Us f les orgoillors , les glos »
Et plurent por les [grans] tor- ^H
^^V Q^ui an celé roe sont mis.
De totes manières dedans. ^^H
■ B8 La roe briemanl vos devis,
Itcil [sic] qui ont tel guer[re]don ^H
^^^ Si 9me sain Pou nos reconte
1 16 Por ce qu'il orent a bandon ^H
^^P Qui sait que celé roe monte :
Les biens dou monde, et il mo- ^H
H Mont est pesans et an voîsouse ^
[rirent, ^H
■ 92 El grans et griez et perilose
Que Deu ne povres ne con- ^H
■^ A ces qui tormanté seront
[nurent; ^H
^^ft Et 7 droite déserte ironL
Et selonc ce que mespris hont, ^H
^^^ Tote est 9passée por art [art.
120 Plus et mains tormanté i sont. ^^Ê
H 96 Et de lotes [parsP] trainche et
Mm hi a tormanz sanz mesure, ^H
^^^ Ansint escorche et art et cuit
Mervotlleest9mamnOzildure^ ^^Ê
^^M Qanque elle atant et aççut. {h)
Mais oncor hont il une poinne ^^Ê
^^M .ii). goules ai soz celé roe ;
1 24 Que plus les grive et plus les ^H
^^B 100 An ces goules s'enbat et noe
[poinne ^H
^^m Et parmi eas sa voie tome.
Que totes ces choses ne font : ^H
Ce est li duel, qui toz les font, ^|
De ce qu'i voient paradis ^H
^^^ Mot est chascune grans et lée :
■ 104 An l'une ai glace et jalée
128 Et la grant joie ou cil sont mis ^H
^^K Si froide, si cruel, si pesme
Qui an cest monde Deu ser- ^H
^^m Que nul mostre n'i pet esme ;
[virent, ^H
^^H Et a[n] l'autre ai métaux boil-
Par coi la joie desservirent, (c) ^H
^^H 108 El la tierce si mau oians [lanz.
Je vos ai conté briement ^^Ê
^^H Que tote la roe an salit
n2 La dolor et lou dànement. ^H
^^H Ne vos anuit il mie mes paroles oir. ^H
^^^^^ N'i a celui de vos ne 9vigne morir, ^H
^^^^r La boiche et lou pataix et la langue porrir; ^|
^^V I )6 Richece ne beauté ne vos |
porra garir. ^H
^^^^^K Don ne veistes vos morir vos ansessous ^H
^^^^H Li quel vos hont laissié et terres et lionours P ^H
^^^^^P Ne savez ou il sont, s'ont mestier de secors. ^^M
^^^^^ 140 Dex gan nos et vos des anfemaus deloursî ^H
^^^^^ Tuit an irons après, ja nan ert trestomé ; ^|
^^^^H Mot por pet estre liés qui
maint en cherité. ^H
^^^^1 Qui main an cherité il maint an Damedé, ^H
^^^^^ 144 Et Dex est an celui qui maint an cherité. ^H
H 8) Con. art desozp — 89 D'Ut à la fin du moraau en octosyltûbtqua i^. 1 }i) ^^^|
H lu nrs sont krits tn colonne. — 102
Vers omis. — lo6 mostre, pour mètre? ou ^^M
H inostre[r)? U nn est trop court.
|6 p. MBYER
Or prions Damedé qui an la crois fiit mis^
Premeremant f nos et puis f ses {corr. nos) amis^
Que il oit merci des mors et aussimant des vis,
148 Que an anferne soient mauvaisemant assis.
Sain Pou et saint Michiez sont an anfer antre :
Si hont de devant hos .j. tonnant esgardé ;
Sain Pou s'en arestist quant il l'out avisé,
152 De la poor qu'i ot reclama Damedé : {d)
<( Marci, béas sire Pères qui* mains en trinité!
(( Garde m'arme et mon cors de ceste tempesté. »
Sain Michié [se] regarde, lou vit espaonté ;
156 De la maim lou soigna, si l'a aseguré.
Li tonnant don saint Pou ot la paor si grant
Vos sai je bien conter ; lui an trais a garant :
Ce est une grant roe de nor feu tôt ardant :
160 Mil toises hai de lonc et de large autretant.
La roe est de [noir] feu menuemant tomant,
Estanceles an volent menuemant sailant,
Roiges, indes et noires^ mont aspremant cuianz.
164 De la roenor porroit ardor uns aymant.
C'est [la] f re plus dure qui pet estre trovée,
La pierre d'aymant est f ce apalée ;
Mas s'ere ou feu d'anfer ja n'i avroit durée ;
168 L'arme qui la ira mOt est malaûrée.
Fin (fol. 187 d) :
Quant saint Michié li anges hot saint Pou tôt mostré,
An .j. petit momant l'a ou soi {corr. ciel) tranporté :
Paradis li mostra, lou règne Damedé,
Ou li bon seront mis a grant bienaûrté.
Soignour, de paradis ne vos sai reconter :
[Car] tant ert grans la joie com Dex voudra doner
A ces cou (= qui /') serviront et lou voudront amer.
Or prions Damedeu qui tôt pet govemer
Tel chose nos lai dire por quoi puissaTs monter
Laissus an celé joie qui tôt tans doit durer!
A la place des vers octosyllabiques ci-dessus rapportés, il y a dans les deux
autres mss. neuf quatrains qui sont sans rapport aucun avec Tinterpolation du
ms. de Londres.
NOTICE SUR UN MS. BOURGUIGNON I7
VII. — Salut dou sang et dou cors Jhesu Crist,
Pressiours sanc, saintimes cors,
Qui an la crois fut f nos mors,
Et pendi ton fil Jhesu Criz
Qui iou monde forma et fit,
Qui fiit mors et occiz por moi,
Et f touz pecheors, bien iou croi ;
f nos vos ferit de la lance
Longin, c'est ma fine créance...
Cette pièce se termine au fol. 88 c par ces vers :
Cant vos tenrez vos jugement
De tout Iou mont 9munement
Avec vos mère nostre Dame,
Que vos aez de mon cors m'arme. Amen.
VIII. — De Nostre Dame.
Ave sainte Marie, digne de grant amour,
Gloriose pucele, fonteigne de doçour,
Rose tôt tans novele, li lis de douce odour,
Estoile San décors, soloiz sanz tenebrour,
Mère de miséricorde, Jhesu Iou creator
Qui premiers li vouastes cheasté et amor,
Sans exa de famé ne de nQs ancessor...
Cest une prière composée de quarante-cinq vers distribués en deux tirades,
Tune en our^ l'autre en ez.
Suit (fol. 89 tf) :
IX, — De Jhesu Crist.
Ave Jhesu beau sire, li sov[e]rains puissans,
Voie es a desvoié, salus, veras amans ;
Bienahûrez (est) li cors qu'a toi est atandans ;
Crans guer[re]don donnés au cors humilians.
La sainte Madelene esploitai saigemant ;
Ains ne laisçai f home a ces siegle vivant,
Ains s'abaissa vers vos très par desos .j. banc.
Cette tirade monorime est suivie d'une auti-e en ier, dont les deux premiers
vers (fol. 90 a) sont :
Ave, Jhesu beau sire, qui tôt peuz justisier
Qui ( ta grant pidié daignas mort essaier. . .
w 2
l8 p. METER
X. — SnMOR.
Exhortation à résister aux tentatioas , lac :
Damedex nostre pères oirm mont saigement (f . 90 c)
En nostre premenin» si tos dira 9ment.
Quant loa premeraîn home deauble anvahi,
Ç angim loa trahit» si corn (vos) avés ohi.
Por ce vot Dex an terre que .j. saige home eûst
Que il pust lou deauble anginier et seûst ;
Mats nule créature ne lou pet bien faire
Fors Dex tant soulemant de ceste ovre poffaire.
Geste besoigne anprist nos père Jhesu Cris :
Ce fil li bons f cui deauble fut sopris...
Fin (fDl 96 c) :
Or vos hai ansegnié bêlement et apris
9ment devés respondre contre vos enemis
Qui tôt adès vos gaitent^ et f vos decevor
Se metent a grant painne et au main et au soir.
S'a ce que dit vos ai volez bien garde prendre,
Nuns d'aux ne vos poura legierement sosprendre.
Or prions tuit a Deu qui sofri paission (d)
Qu'i nos voille garder de tel temptacion.
Amen.
XI. — PwèRB.
Dex qui feis 9me veras père
De ta fille ta sainte mère,
Quant f pidié de nos venis
Prendre de char humanité,
Sens déguerpir ta delté...
Fin (fol 97 a) :
Douce mère, virge bénigne
Qui de porter Deu futez digne.
Sans comimpre virginité,
Voie, secors au desvoiés,
Vostre chier fil f nos proies...
XII. — Les Psaumes de la Pénitence.
Précédés (fol. 97 b) de cette rubrique [: Toriuz ces foillot, si trovcnz les
Mj, salmes an romani mât bien. Cette version des psaumes de la Pénitence se
NOTICE SUR UN MS. BOURGUIGNON I9
racootre dans une infinité de mss. du xiii* au xyi<> siècle. Elle est particuliè-
rement fréquente dans les livres d'heures. Inc. :
Dex, an tun jugement ne in'arguer pas, sire... (f. 97 c)
XIII. — La Birlb de Huûue de Berzi.
Pièce connue, depuis Tédition de Méon^, sous le titre de Bible au seigneur
de Berzc, que lui donne le m$. B. N. 837. Elle se rencontre dans quatre mss.,
outre celui du Musée :
Paris, Bibl. nat., fr. 378, fol. 3.
— — — 837, fol. 261. — Texte de Méon.
Bruxelles, Bibl. des dncs de Bourgogne, 941 1-26.
Turin, Bibl. roy., L. V. 32, fol. 174, — Scheler, Notice, etc., p. 89.
Voy. sur ce petit poème V Histoire littéraire, XVIII, 816-21.
Par faire Parme saine (f. 100 t)
Ciz qui plus voit plus doit savor,
Que por oïr et por veoir
Set l'on ceu que l'on ne savroit.
Qui toz jors an .j. liu seroit
Seichoiz que gueres n'apanroit.
Tant ai aie, tant sui venu,
Que j'a lou siegle conneû
Qui ne vaut riens a maintenir,
Fors por l'arme dou cors morir...
Fin (fol. 107 c) :
Beal sire Dex^ rois poetis,
Ansint corn je vos ai requis,
An bien faire si me tenez,
Ne ja ne vos an repantez
De moi adracier a bien faire.
Car qui 9mance bien a fiaire
SO doit tenir jusque a la some. (d)
Sire qui çdonas a l'Ome
Ses péchiez quant il se repant
De bon cuer et veraiement,
Fai moi, sire, tout aussimant
f ton digne 9mandement. Amen.
XIV. — De l'Unicornb.
Aax sept mss. de ce dit qui ont été indiqués ici même, I, 207^, il faut ajouter:
1. BarhazanMéon, Fabliaux, II, 394. La rubrique de fir. 378 est < la Bible
Hngoe de Berzi. • Probablement Berzi-le-Sec, Aisne.
2. La leçon du ms. 2162, indiquée dans la Romania, L L, a été publiée sous
20 P. MEYER
Paris, Bibl. nat., fr. 2094, fol. 218.
— Arsenal, B. L. fr. 283, fol. cliiij.
_ -. — 288, fol. 77 V-
Turin, Bibl. roy., fr. 36 (L. II, 14), fol. $83.
Des bestelotes, moralité.
Mot par est fox ciz qui antant,
Qui lou bien voit et lou mal prant.
Premiex devroit a bien antandre,
Et puis a trestoz faire antandre,
Au9 bon mo(n)t, se l'on l'i laisse...
XV. — Des deux Chevauers.
Sera publié à la suite de cette notice.
XVI. — Caton, traduit par jAdam de Suel.
Il existe, à ma connaissance, sept anciennes traductions françaises en vers des
distiques de Denis Caton : celles d'Hélie de Winchester, d'Everard, d'Adam
de Suel, de Jehan du Chastelet, de Lefèvre, et deux anonymes. La plus répandue
a été celle d'Adam de Suel, dont je connais treize exemplaires, y compris le
ms. 1 5606. Aux sept mss. (six de la Bibl. nat. et un du Musée britannique)
qui ont été indiqués dans la Romania^ I, 209, il faut ajouter :
Dijon, 298^, fol. cix.
Tours, 927, fol. 185. — Romania, II, 93.
Berne, 354, fol. 117.
Bruxelles, Bibl. des ducs de Bourg., 941 1-26.
Madrid, Bibl. nat., F 149, fol. 49.
Seignor, ains que je vos 9mant (fol. 1 1 3)
Espondre Caton an romant,
Vos veul devisier la santance
Don nostre maistre sont an tance,
Quar li on dient et (= a) délivre
Que cilz Catons qui fit ces livre...
XVII. — Le Doctrinal Sauvage.
On peut voir sur cet ouvrage bien connu VH'utoire Uttiraire^ XXIII, 238-41.
Je regrette que Fauteur de cet article n'ait pas donné les raisons qui Pont
conduit à supposer qu'il y eût i dans ce recueil fort confus des passages de
c plusieurs mains différentes ». Je ne trouve, quant à moi, aucune trace de la
diversité qu'a cru reconnaître M. Le Clerc : je pense que le Doctrinal est d'un
ce titre : Le dit de FUnicorne et del Serpent^ en vieux picard..., par M. F.
{lisez J.) WoLLBNBBRQ. Berlin, Calvary, une 1/2 feuille gr. in-8« (extrait d'un
programme universitaire publié en 1862).
NOTICE SUR UN MS* BOURGUIGNON 21
tÊtar, et d'un auteur â qui on peut avec probabilité attribuer d'autres écrits
raDafiqaables à plus d'un titre. Ce n'est pas le moment de traiter ici cette
ipicslion, et je me borne à donner la liste des mss. du Doctrinal qui sont
panrenus a ma connaissance. Dans cette liste, j^ai pris soin d'indiquer^ autant
qiK me l'ont permis les moyens que j'ai eus de me renseigner, les premiers vers
de càaque texte, précaution nécessaire, parce que, par suite de transposition
ou d'omission, les diverses leçons du Doctrinal présentent trois commencements
diUbtnls. 11 y a ta une première indication pour le classement de ces leçons.
Parts, BibL nat.^fr* 8^4, fol, i, — Certes bone chose est de bon tntmdtmcnt.
— — — 837, fol, JJ4, — Or escoute: seignour que Diex vûus benàc.
— Texte de Jubinal, Noav, rec.^ II, i$o.
— — — '248J (anc. SuppL fr. iip), fol. u^ — Certes bonne
chose est de bon enseignement.
— — — Ï9M2 (^"c. S. G. tr 1239), fol. lOK — Certes bone
chose est de bon entendement,
— _ ^ 25408 (anc, N--D. 27 ^ biSjioL aj. — Certes boenc chose
est II boen entendement,
— — — ISA^^ (^"c. N.-D. 272), foï, 195, — Signour or escouîis
ke Diex vous beneïe,
— — ^ 2J547 (anc- St-Victor 624), fol, 2. — Commence par un
couplet qui paraît propre à ce ms., mais qui est taché
au point qu'on ne peut plus en lire que quelques mots.
*— Ms, Noblet de la Clayette, p. 1 j s . — Certes bone chose est de bon
entendement.
— Arsenal, B. L. fr 283, fol. ccdj K
Epioal, 189^ Voy. Balletin de laSocieti des anciens textes français, J^?^» P* 7S'^'
— Seigneurs or escoutez que Dieu vous benye.
Lfoii, Palais S, Pierre, 28 (Cal. Delandine, n» 983), — Seigneurs or entendis
que Deu vous benye.
Met!, toç. Voy. Clercx, Câtal, des mss, relatifs à t'Hist. de Metz tt de la Lor-
raine {1856), p, 83,— Seigneurs or escouteis que Dieu
vous benoye.
ReDoes, 147. Voy, Mailla, Description des mss, de Rennes (1837), p, 120.
Bruxelles* Bibl* des ducs de Bourg., 941 1-26, fol 93 y*». — Certes bontcose est,..
— — — '0459 • remaniement exécuté en (444 par Jean de Sta-
velot ; cf. Scheler; Notice sur deux mss, de Titrin^ p. 73.
— A moy entendus mes amis.
— — — ' 0 S 7 ^ — Glorieux Diix qui me fus ^.
1 , I) ne m'est pas possible de donner le début de îa leçon contenue dans ce
ms., une décision bien peu justifiable, je n'hésite pas à k dire, ayant autorisé
le prêt i l'étranger de ce ms. qui est d'un prix infini, et par son ancienneté, et
par le grand nombre d'ouvrages, dont plusieurs uniques, qu'il contient.
2, J'emprunte les incipa des mss. de Bruxelles au Catalogue des mss. de la
Bi^. foy. des dues de Bourgogne^ t. I. Le Doctrinal de sapience contenu dans le
*• i©3^, et que mentionne M, Slengel, Durmart, p. 460, paraît être un
omirigr différent de notre Doctrinal.
22 P. MEYER
Londres, Musée brit., Harl. 978, fol. 124. — Oez stigmrs entendez que Deu
vus btnde,
— — — 4333, fol. 105 ^. — Sïgnor or escoutis que Dex vos btnole,
— — Egerton 745, fol. 207 b, — Seigneurs or escoutis que Diex
vous beneîe,
Oxford, Bodleienne, Digby 86, fol. 177. — S'il estoit uns frauncs homme ki me
vottsist entendre, Stengel, Notice du ms. Digby, p. 69.
— Jésus Coll. 29, fol. 20 1 . — Si ceofust un riche heome ki me vousist entendre.
Berne, 113, fol. 202; copie à la Bibl. nat., Moreau 1727. — Certes bone
cose est de bon entendement.
Turin, fr. 134 (L. V. 32), fol. 62. Scheler, Notice^ p. 73 <.
A ces mss il faut ajouter l'ancienne édition (vers l'an 1 500) mentionnée par
M. V. Le Clerc, Hist. M., XXIII, 240.
La leçon du ms. add. 1 5606 commence ainsi :
Anseignemans de Doctrine. (f. 118 b)
Soignor, or escoutez, que Dex vos benohie !
S'orrez bons mos noveas qui sont sanz vilenie^
Ceu est de doctrinau qui ansoigne et chastie
Lou siegle, qui se gart d'orguer et de folie.
Certes bone chose est de bon antandemant...
Fin (fol. 122 b) :
Cest doctrinau doit on apanre et retenir,
De bons ansoignemans ne puet nuls maux venir.
Qui bien les retienra Dex l'an doint bien joir. Amen.
XVIII. — Pour chatoier les orguiUoz.
Pièce que je crois inédite, et qui sera publiée à la fin de cette notice.
XIX. — Les quinze signes de la fin du monde.
Le jugement dernier et la description des quinze signes qui doivent le précéder
sont l'un des lieux communs de la poésie du moyen-âge. On peut voir sur les
origines de cette croyance et sur la littérature qui en est sortie un mémoire de
Mlle Caroline Michaelis dans VArchiv fur d. Studium d. neueren Sprachen, XLVI,
33-60. Le petit poème que nous avons ici a eu le plus grand succès, tant en
France, où il a été composé, qu'en Angleterre où il a été souvent copié. Mais
tous les exemplaires ne sont pas également complets. Plusieurs commencent à
ces vers qui manquent dans notre ms. par suite d'une omission, mais que j'ai
rétablis en note :
Se ne vous cuidoie anoier
Ou destorber d'aucun mestier •.
1. M. Scheler, qui disserte sur les différences des leçons de Bruxelles et de
Turin, a malheureusement négligé de citer le commencement de chacune d'elles.
2 . Une preuve évidente de la grande popularité de cette pièce est que ces
NOTICE SUR UN MS. BOURCUIGNOK 2|
D'»tres plus loin eocore <v. 49 du ms. 1 $606) :
Qut or veut oïr la mervoille
Envers quJ rien ne s'aparoille ^ ;
èartc (ju'i s'en 'tenir aux indications des catalogues, on pourrait prendre
pOttrdes poèmes différents ce qui n*est qu*un seul et même poème plus ou moins
cocnpiet Aussi ai- je soin, dans la liste qui suit, d'indiquer entre parenthèses le
rtn par lequel débute chaque exemplaire :
Piris, BibK nal* fr 834» fol. 126. — Oez trestoits commummtnu
— — — 837, fol* 112, — Otz trestait communtmtnt;
— — — M^î* ^^^' 3J" — ^^ ^^^ comv/ument,
— — — 2094, ^oL 194. — Oc2 tresîuit commummafit*
— — -* 2 ï 68, fol, 1 86, — Se ne voi caidaisit a/mur.
— — — '2483 (anc Suppl. fr. 1JJ2), foK 142. — Se ne vous
caida^sc ennuier.
— — »9ï $2 (anc. S. G. fr. 1239), fol. 24 V. — Se m vos qm-
dassc annuier.
— — 20040 (anc. S. G. fr, 1659) fol 105, — OUs trtstuk com-
munément.
— — 2JS4S (anc. N,-D. 274 bis)^ fol. 104. — Oiez signor,
tûmmufiûlment.
J, B. L. fr, 288, loL 97 r", col. 3. — Je donne en note le début qui
est particulier^.
ux vers ont été reproduits sans changement dans un poème sur f^histoire de
C. et de la vengeance tirée de sa mort par Vespasien :
Se ne vos cuîdoie anoicr
Ou deslorbe[rJ d*aucun meslier,
De la vengancbe vous diroie
Que fist li rois Vespaziens...
fr ;6| dans Stengel, Mitthulungcn am franzcts, hândsckr. d. fumer
' '^hek 0874^ p, 22\, — L'emprunt ne s'est pas borné à ces deux
tcrs , toute la partie précédente du prologue paraît avoir été transcrite,
autant qu'on peut en juger d*après les extraits cités par M. Stengeî qui, ne
" [Tétant pas aperçu de cette imitation^ ne nous a pas donné les moyens de Ëiire
'ne comparaison complète.
I . Encore deux vers devenus populaires. Dans la traduction de TEvangile de
Nicodéme par André de Couiances :
En Jérusalem tel merveille
Qu'a nulc rien ne s'apareille,
(Musée brit., add. 10289, foL 80 f).
Dans le Fcrgus de Guillaume :
Ferguv esgarde la mervetle
A cul nule ne s'aparelle.
(Edit. Martin 1872 Itj, 9^0),
I début du Bouchir d'Ahkviile (Barbazan-Méon, Fsblunix^ ÏV> i) :
Seignor oies une merveille
Conques n'olstes sa pareille,
.Or entendez .j. trouvement Court encontre le firmament,
?ui ore est fet nouvellemenl Li planettes ne sont pas lent,
ei que nous n'avons pas evus, La nature des clemens,
Confailemcnl Zodiacus Et la seducion des vens,
24 P- MEYER
Lyon,Bibl. delà ville, 584 (Cat. Ddandioe,n«64S)*. QuioreviautoîrlamervoilU:
Tours, 927, à la suite du mystère d'Adam, éd. Luzarche, p. 69. — Oiez,
sàgnor, communément,
Londres, Lambeth, 522, fol. 150. — Se jeo nevusquidassc emmjer.
Oxford, Corpus Chr. 36, fol. 46. — Se ne vos cremisse cnaer.
Cambridge, Univ. lib. Gg. I, 1 , fol. 111 b. — Oiez tuz communalment.
— Caius Coll. 435, p. 139. — Se gc ne vos cuidaisse enuier^.
— S. John Coll. B. 9, fol. lij b, — S'il ne vous devoit esnuier.
Berne, 3 ^, fol. 60. — Se ne vos cremisse cnuier.
Des XV signez aez memore. (fol. 1 24)
Oez trestuit 9munemant Tant f est pleins d'iniquité
DQ nostre sires nos reprant :
De ceu que tote créature,
4 Chascune scions sa nature,
Requenoit meauz son creatour
Que hOs ne fait; s'a grant
[deiour.
Mas hOs de lui servir.se foint,
8 De quoi nostre Sires se plaint
Qui nos ama tant bonnemant,
De canque ai soz ioufinnemant
r^os bai donné la soignerie,
12 Etchascunsdenoslouguerrie:
Muez bestes, ors et lions,
Oiseaus, serpans, de mer poi-
[sons,
Ciel et terre, souloi et lune ;
16 Et des estoilles n'i ai nule
Qui ne face ceu qu'ele doit.
Et bons que fait qui tôt ceu
[voit ?
20 Qu'i n'ai de lui nule pidé.
Plus velontiers ouroit 9tcr
9mant Rolans ala joter
A Olivier son çpaignon
24 Qu'i ne feroit la paission
Que Dex sofirita grant aan
f lou poichié d'Aive et d'Adâ.
pquoisumesnosorgoilous ? (b)
28 Hé ! las, chaiti, ja morrons nos!
Ou est qui f nos bien ferai
Cant l'arme dou cors partira?
Certes, nostre ami ploreront :
32 C'esttozlibiensqu'inosfaront.
Ha eciant nos ocdons,
Nos qui Damedeu guerraons.
Mot an aront grief jugemant
)6 Après ces siegle trespassant ;
Car cant ses siegles fenira,
Nostre Sires signe ferai,
Ceu nos recQte Jeremies,
Ou destourber d'aucun mestier
Des .XV. signes vous deisse.
?ue ja mentir ne vous queîsse,
bute la pure vérité. . .
Car li uns est en Orient
Et li autres en Occident,
Et li autres vers mienuit.
Pour Dieu, seingneurs, ne vous
Ne vous doutasse a anuier [anuit.
1 . Ce ms. contient aussi (ff. 1 à 8) la Passion dont j'ai cité précédemment
(Romania^ V, 473) les premiers vers d'après un ms. de Tr. C. C. Le même
ouvrage se trouve encore dans les mss. B. L. fr. 288 (fol. 18 v«) de l'Arsenal,
3^50 (fol. 1 12| de Vienne, et enfin a été intercalé dans les textes des XV signes
tel que l'offre le ms. 20040.
2. Voy. sur ce ms. Romania, IV, 385.
14 Le ms. omet ici deux vers ainsi conçus dans le ms. de Tours :
Font quanque il deivent sans tristor
Et gracient tuit lor creator.
38 // y a ici une omission, causée probablement par un bourdon ^ que je répare
^^^V NOTICE SUR UN
MS. BOURGUIGNON Z$ ^^H
^H 40 Jerobabel et Hisaîes,
^6 Qui tant doit estre redotée : ^^H
^m De Babiloîgne Daniel,
Dou cié chorra plue sanglante : ^^H
^H Et si Taforme Ezechîer,
Ne cuidiés pas que je vos mante : ^^^Ê
^P Aaron, Amon et Moisès^
[(foL I24V<') ^^H
j 44 Tuit 11 autre çpheie après.
Tote chose an ert colorée ; ^^^|
^^ .). pou devant lou jugemant
60 Mot aurat i âpre jornée. ^^H
^^ Tuit li félon seront dolant.
Li nfant qui a naistre seront ^^^|
^V De^ montrera sa poeté
Dedans les vantres crieront : ^^^M
^M 4S Ou siegle de sa maeté.
« Marci) rois Dex omnipotans, ^^^|
64 ic |) ceu ne queresaint ja naistre ^^^f
^H Qui or vet hoir merevoilles
<t Que naisquesaint a ce iour^ ^^^|
^H Anvers cui riens ne s'aparoîlle^
t( Quetote riens soufre delour. )) ^^^|
^^ Drcceoit son chief , si m e re gart :
^^^1
[ }2 Je li dira bien de quel part
Li primex jors sera itaus, ^^H
^K Viendra la grant mesavanture
68 Mas li secuns sera plus maus, ^^H
^H Qui passera tote nature -
Car dou ciel charront les es- ^^M
[toilles ^^M
^H Or escoutez de la jornée
Ceu en une grant merevoilles . . . ^^H
^^ Li popuUnté de ce petit poème s'est étendue [usqu'ati midi de la France. Le ^^^|
^ os. Bibl. naL fr. 1745 (fol. cxxj v"et
suiv.) en contient une version provençale ^^^H
do0t toid le début. Je place à droite des chiffres de renvoi au texte précédent. ^^H
Ar escolas so que teu diray.
No so cell home ta fello, |^^^|
Que lotz escrigz Irobal ho ay
1 2 Si vas Dieus ha sa entencio ^^^|
£ls libris de antiquitatz
Ni .j, pauc mi vol escotar^ ^^^|
1 4 Que son escrigz de veritatz^
Que nol convenga a plorar. ^^^^Ê
Si co J'escrig san Jeronimes
Cantz a quest secgie fenira [3] ^^^^^
Cant ell parletz dels «xv* signes.
16 Nostre Senher signes fara ; ^^^^M
Al jorn de la fi d'aqueslz mon,
So nos recomta JeremiaSi ^^^H
8 Can tous cauzas pcriran,
Zorobabel et Ysayas, ^^^^|
Para Dieus pcr sa gran benananssa
E si 0 ferma Ezechiel ^^^^^H
En .XV. jorns tais demostranssa
20 E la propheta Daniel, ^^^^^^|
fapài h ms, Sjy :
^^^1
Quant icest siècle fenira
Que toutes choses fineront? ^^^H
tva soz ciel homme si félon, ^^^H
Et Diex aus bons joie donra.
Se vers Dieu a s'entencion ^^^H
Se ne vos cuidoie anoîer
Et ,}. pou me veut escouter, ^^^H
Ou dcstorbcr d'aucun mesticr,
Que ne t'estueceja plorer ; ^^^H
Des .XV. signes vos deisse^
Quar, quant li siècles fenira ^^^H
Nostre Sires signes fera ; ^^^H
Ainz que remuer m'en queïsse,
Toute la pure vérité.
Par .XV. jors voudra moustrer ^^^H
Seignor vendroil il vos a gré
Signes qui lont a redouter. ^^^H
A olr la fin de cest mont,
Ce nous raconte Geremies. ^^^H
64*^ Corr, queresainS) naisquesains.
^^1
2 Dans totz escrigz, comme aux vers suivants dans antiquitatz, veritatz, d tnîkurs ^^^H
eacori, on umarqucra (jac k copiste met à la fin des mots un 1 ^u/ n'est justifié par ^^^H
fiai. Cut p.-î. un umpU ornement JUcnture. ^^^H
26
Nathan » Amon e Moyzcns,
Motz d'autras prophetas après.
Um pauc enan lo jutjamcn,
Caîil li malvays ceran doten,
Mostrara Dleus sa magestatz
Et en terra sa pozestalz.
Qui vol auzir las meravilhas [49]
28 Vas cuy res no si aparelha,
Endregz son cor .j. pauc m'esgartz,
Et leu diray li daus cal partz
Venra la grans deszaventura
J2 Que passa ra tota mesura*
Ar entendes de la(s) joniada(s)[ssl
Que tan deu esser redobtada(s) ;
Non cujes pas <|ue leu vos menta :
36 De cel cayra plueia sancnenta,
MEYER
Tola la terra o'er coltada,
Motz y aura aspra rozada*
Los efans que natz no ceran
40 Dedin los ventres cridaran
Ab clara vos motz autamen
Merce a Dieus omciipoten ;
E diren ho totz en ayssi ;
44 « Reys glorios, Senher merci I
« Nos volgram mays esser tnen»
* Que car (tart?) venrem a naysse-
[mcn,
€ En aquel temps ni en aquell jorn
48 « Que totas res sulîriran dolor; ■
Ar tornaray a ma razo^
Et escotas lug mo sermo.
Lo premier jorn cera motz fers..
XX. — La Pleube-chante,
V Histoire Unèrairt^ XXIIÎ, 253, n*a consacré qtie cinq lignes à cette pièce
qui se recommande non moins par le mérite de la forme que par Tintérét du
fond. Elle a du reste été publiée deux fois. D'abord en 1834 par H. Monîn^^
puis en 1839 par Jubinal, dans les mîts et àtaircissemmts de son édîllon de
Rutebeuf (i»"« édition, I, 398; 2* édition, ÏIl, 9Ï-9). Elle a été très-souvent
copiée. Voici une liste, probablement incomplète, des mss, où elle se rencontre :
Paris, BibL nat. fr. 837, fol. 335 (texte de Jubinal).
— — — 12483 lanc. S, fr. 1132), fol. 210.
— — — 19152 (anc. S. G. fr. 1239), foU 10}.
— — — 25408 (anc, N,-D. 273 bis), fol. 109.
— Arsenal, B. L, fr. 28}, fol. ceci.
Lyon (Texte de Monin).
Bruxelles, 94n«26, foL 78 v*».
Londres, Musée brit., Harl. 4333, foK 101 — Cf. Romania^ 1, 208.
Ashburnham place, Barrois 305; cf. DtMt, Bibi.dtVEc.da Chants j 6 ^l\^2\i,
Turin, fr* 134 (ou L. V. 32^, fol. 58. Cf. Scheler, NoUct^ etc., p. 75.
De la plure-ckante, hesîoire. (fol. 1 27 a)
De celui aut soignor qui an la crois fut mis
Lou jor dou grani divanre, si corn Pestoire dit,
Saint ciz benoît e a bone fim pris
Qui .]. pou entendra des biens que j?a apris.
Mot vaut nieuz plore-chante que ne fait chante-plore ;
Cil qui s'anvoise et chante e an pechié demoire
I . La PkuH'çkanie, prûst (sic) motaît d rdigmse en romm du Xilh sikU,
Lyon, 1854, 16 p, in-8».
NOTÏCE SUR UN MS. BOURGUÎCNON 27
Prorcra (sic) an anfer* ja n*ert qui lou secoircj
Antre les Satanas qui sont nor 9me moure.
£t de la plore-chante savez que senefie?*.*
XXÎ. — Vie de sAiNT Denis.
Traduction de la vie latine qui se rencontre dans une infinité de mss., et qu'il
ae httt pas confondre avec celle qu^on attribue â Fortunat, et qu*ont publiée les
BoUindtstes (9 oct.)> — Inc. (fol. ip 4) :
Des apostres qui anoncitnî la loi nostre Signour Jhesu Crlt,
Après la preciouse mort que nostres Sires, verax Dieu et verax hons,
¥001 sofrir an la sainte veraie croiz j> lou salut dou monde, et après sa
resnrrection et sa gloriouse ascension, qui monta es sains ciels, et siet a
bdestre de son père,..,.
La mênie version se rencontre en plusieurs mss., notamnient BîbL nat. fr.
6^, fol, I ; 1040, foi. 14s ; Troyes, 19^.
XXII. — Le Dit dk Gollaume d'Awolbterbe.
CesUle pocme que M. Fr. Michel a publié en 1840 dans le t. IIÏ de ses
CAfO/rifucî anglo-normandes, d'après le ms. B. N. fr* 24452 (anc. N.-D. 198).
le ne connais pas un troisième exemplaire de cette pièce. — Inc* (foL 140} :
Por recorder ,j. dit sui ci endroit venuz.
Oex gan touz ceoz et celles dont serai entenduz !
De .j. roil (sic) voz veuz parler de qui fut mainienuz
4 Li pahîs de Ingleterre ; or est s'arme laissuz.
En la joe des cielz ou tuit porrons aler
La fome 9 lou roi d5 je vos veul parler,
L^Escriture tesmoinne car qui vet aut monter
8 U ne doit pas grani fais desuz son col porter ;
El c'est escrit que richez qui ne vet dire îiin
N'antrerai en la gloire dou Dex maint et li suen,..
XXI II. — Le livre de Sapienge.
Compilalion de maximes bibliques évidemment traduite de quelque auteur
ecclésiastique d» bas temps. ^ Inc. (fol. i\2 a) :
Li livres de sapience.
Li çmâncemanz de sapience est la paors de Deu. Et dit Salemons li
faiges r A ces qui dotent Deu riens ne lor faut, ne a ces qui Tainment
an vérité. Et David dit : Nostre sires [d) Dex fera la veîomé a ces qui
XXiï. — Var, du ms. 24412 — 6 Se faison com. — 7 que qui v. — 9 c'un
f, — 10 ou D. — jo N'enterroit.
38 p. MEYER
lou doteront ; et lor prières orra et les fera saus. Et sain Jehans dit H
apostres : Qui dotera Deu, mont ferai biem. De ceu dit .j, saigez : Se
tu doutes Deu si te doteront totes choses qui te verront...
XXIV. — Ci ^menci U sûlmons de Chisire espintuel^ qui doit estre en
chascum arme, et vient en moralité au doistre maîtritL (fol. 156 c)
La sainte arme qui (rorr. cui) force d'amotir fait languir li fait dire la
bonté de son ami et de son espouz, quar n'est pas merevoille cui agui*
Ions point se il saut. Si se vante la damoisele de son ami qui la raenere
ou déduit ou ceiier au vin*..
Il me semble qu'il y a une lacune, dont je ne puis mesurer l'étendue, après le
feuillet 1 56 qui termine un cahier. Voici les derniers mots de ce feuiïlet et les
premiers du suivant :
FoL 10... Cis doistre doit estre poinsde quarriaux de ,vij, colors :
li première est pidiez des amis charnez qui Deu servent ; li segons es
despiz don monde ; li tiers est despiz des choses lëporez.
FoL 1 57. C'est de la necteé de Jhesu Crist, de vioîete de umilité, de
roses de pacience...
Le ms. se termine, ainsi qu'il a été dit ci-dcssos (p. 3), par trois feuillets
maintenant numérotés de i6o à 162, mais qui autrefois étaient placés au com-
mencement du volume. Les deux premiers portent encore les n" j et ij ; quant
au troisième, qui devait porter le n^ iij, il a été rogné d'un peu près, et le
chiffre a disparu. Ces trois feuillets étaient autrefois dans le corps du ms. Ks
ont été coupés (probablement à cause de quelque faute de copie) et remplacés,
de la même main, par de nouveaux feuillets, véritables canons <|u'on a insérés à
leurs places respcclivcs. Le folio léo commence par ces vers Conques Dix
namû ypocritc \ Ja n'avra s*amor ne su grâce... qui sont aussi les premiers du
foL }o. De même le foL 161 a cédé sa place au fol. i\. Quant au troisième, le
fol. 162, je n'ai pas trouvé à quel leuillet il correspondait. On voit que l*usage
de certains bibliophiles, qui font relier à la fin du volume les feuillets remplacés
par des cartons, ne date pas d'hier.
Je vais maintenant extraire du ms. addit. i j6o6 deux pièces que je crois
inconnues. Viendront ensuite quelques observations sur la langue du ms.
Les deux Chevaliers,
Ces deux chevaliers étaient deux frères dont ta vie était bien différente.
L'aîné, tout en dévotion, ne songeait qu'à faire pénitence et k assurer son salut
par des bonnes œuvres et des actes de piété. Le plus jeune au contraire menait
une vie élégante et somptueuse. Il se peignait quatre fois le jour, nous dit le
poète ; il passait son temps aux tournois et aux fêtes. Il y avait acquis un grand
renom, et selon l'expression proverbiale de Tauietir « d'armes avoit passé
NOTICE SUR UN WS* BOURGUIGNON 2C^
Gitrviui « ^ Un jour il tint une cour et y invita son frère. Celui-ci y vinl> mais
ataïue faisait un singulier contraste avec celle des autres invités. Tandis que
ccui-ci étaient tout au plaisir, lui songeait aux joies du paradis » et
penoone ne le vit rire. On s'en étonne : son jeune frère, perdant patience, veut
fe contraindre i paraître joyeux, et n'y parvenant pas, le défie. L'aîné rentre en
I son chiteau et se met en défense, prévoyant bien qu'iï allait être attaqué. Il le
fut eo eJFet dès le lendemain. Désireux d'éviter une inutile effusion de sang^
l>bé propose au cadet de vider leur querelle par un combat singulier. Celui-ci
lecepte^ et, contre toute attente, est mis hors de combat et obligé de rendre
100 épée. Le vainqueur emmène son prisonnier dans son château^ le fait désha-
bOer, et ordonne à deux chevaliers de lui appuyer leurs épées contre le corps
lit point que le sang coule. — « Ris donc maintenant! b lui dit-il. Mais celui-ci
n'en a guère envie. — i Moi non plus, ■ reprend le frère aîné, « je n'ai point envie
I de rire lorsque je songe aux peines de l'enfen » Puis il tui pardonne, et
désormais ils vécurent en bonne intelligence, le cadet consacrant, lui aussi, sa
vie i la pénitence. De longues années après ces événements, le frère aîné se sen-
tant mourir, recommanda à sa femme de lui faire ouvrir le cœur quand il serait
mort. Elle le fit^ et on y trouva Timage d'un crucifix.
Je ne connais aucun autre texte, aucune autre rédaction de ce pieux récit. Il
y a dans le ms. Bibl. nat. fr. 24432 (anc. N.-D. 198)» fol. ciw^'-cvi), un petit
poème eo quatrains intitulé U Dit des Âj, CkevatUrs, mais qui n'a aucun rapport
avec cdut dont le texte suit.
Dou pechié d^ orgueil laissier,
(fol. Mob) [ïiaire,
Frainche geni douce et debo-
.j. pou vos veuz prier défaire
Pais por o'ir raison certene,
Jhesu Cris qui vit et qui règne
901 let sires, com rois, 9me Dex,
Li nostre père droiturex,
Rois dou ciel et [rois] des ar-
[canges,
Rois des apostres et des anges,
Rois desus toie créature,
PÎ2 de [la] Virgenate et pure,
ta saintirae pucele monde,
1 2 Li grans sires de tôt lou monde
Q[ sus toie rien ai puissance,
Vos gart de tort et d'acusance,
Et d'an9brier et de contraire.
1 6 Et nos doint a si bon chié traire
C'a tex 0 vres puissains amordre
Qui soaint a rahôplir Tordre
Laissus an la gloire celestre,
20 Por devers la partie destre
Dou roi quipasn'ainme boidie.
Signor, ne cuidez que je die
Chïfles ne gas d'avau la vile,
24 Ains vos di selonc Tavangile
Qui dit an fine vérité
Que hôs qui vient an charité (c)
Qu'i vient an Deu et Dex an lui,
28 Dex est loz jors avec celui
Qui vil et se tient natemant
An bonne foi onestemanl,
Anstnc com li lois lou 9mande.
3 2 Mas necuidez que je vos mante
A devisier la ^mandise,
I. Cf. par tx. R, Vaqueiras :
Vencut agr'a sobricr
D'aventura Galvanh. {Ux rom., 1, 365),
J6-7 vient, Ciyrr mamt; cf, I Jom. iv» 16,
JO p. WEYER
La loi, les porns, de sainte
[Eglise :
A pièce achivé ne l*avroie,
0 Ou estre puet que ne savroie.
Ç ceu ne m'an veis anuemot[r ]e,
Mas je vos veis an romant
,j. essample beal a oïr [motre
40 Dun tuit iciz porrom joïr
Qui hi panseront de fin cuer,
Car toz mal an métrons defuer,
Orguel, avarice et anvie ;
44 Mont an amanderont lor vie
Et vers Deu et versnostre Dame ;
Prou hi avre[z] a corse arme;
Nos an[a]vonsbientuit métier*
48 Or oez que je veus traitier,
Et de quoi vos fais mancion.
D'une ante esirent dui ciun :
L'ante, ceu fut *j. cbivaliers,
p Mas ne seré ja âparliers
De dire quex bons il estoît,
Mas c'a bien faire s'afaitoit.
Sa moilîers hot de li jj. fîz
{6 Deas valos, saiges et soitiz ;
Ceu furent li ciun de Pante. (d)
Norri furent an lor jovante
[A] aise et furent chier an.ij,,
60 A tant que .j. jors fu avenuz
Que chivaliers an fit It paires ;
Puis morit : ausi fit li maire
3medui furent mis an terre.
64 Li frère partirent an erre
Hastivement lor heritaige
An pais ; de ceu firent que saige.
Cha9s d'aux ot .j.belchateal,
68 Bien séant, fort et riche et bel.
Parti sont : or lor çvient fomes ;
Adonc esposerent Jj. dames.
Noces hi ot grans et plenteres ;
72 Gens hi ot de maintes meneres
Qui grani joie et [grant] feste
[firent,
Que cani les noces départirent
Chasçs fi^eres an sa maison
76 Se demora longe saison.
Li ainez fut prouz et jantis,
A Deu servir est antantis.
An jehuner et an voillier
80 Voloit lou sien cors trevailier,
An bien et an armone faire ;
Et chas9 jor vetoit la ère
p Tamor Deu nostre Signor
84 Mot voiontex, et san grinor
Ne pet îïGs h5s sofïrir sans
Sa fome li façoit gfon [mon.
Qui tote sa vie savoii [(/. 1 n .)
88 Et mm grant pidié an avoit.
Formant Paraoit et lenoit chier,
Riens ne li sait que reprouchier.
Ses sires mot la tenoit chiere,
92 Que mot avoit bone menere*
3dui meneent (m5t) bone vie.
Mas de lot ceu n'ai nulz anvie
Lî firaire(s) au signor qui estoit
96 â son chatel ou s^afaitoit
Et pignoit Jiij, foîz lou jor;
N*ere mie adès a sejor,
Ains aloit sans deîaement,
100 Quant savoit -j- tomoiemant,
Tomeoit an estrange terre,
Pris de chevalerie querre.
Tant fil par sa chevalerie
104 Qu' il hot [an] sa baichelerie
D'armes, et grans pris et grans
[los
Plus c'onques n'ot li quens de
[Los,
Ne ciz de Bar ne cîz de Noi,
] 08 Ciz de Blois ne ciz de Sain Poî.
Mot hot grant pris et grant
[renon,
9 ne parloit se de lui non
Près et loint an estrange terre,
(Pris de chevalerie querre)
I
I
10 1 Corr. tornoier? — \\\ U v€rs qui sait n*€st sans àoatt qut la réftàiîion
I
■
^^^^P NOTtCB SUR UN MS, BOURGUICKON )l ^^^|
■ 1 11 An tom[oj]eraeTit et an guerre.
Ne fut hôsqui lou vehit rire* ^^^|
^^m D^irmes avoit passé Gauvain^
Formant s'an merevoilent tuît : ^^^H
^H Maini chivaliersprit de sa main
152
Au signor li dient plus d'uît: ^^^H
^H Et maint an ferit sus l'escu*
« Sire, » font il ^< [il] nos est vis ^^^H
^^ î\i ,], jor hot .j* tomoi voincu»
ic Quen'estmiebien vostreamis J^^H
■ Lou pris hot deces qui hi furent .
<t Vostre frères, car il li pause ^^^^|
^^L Camcomoéhont.sis'esmurent,
156
n De ceste gent qui ci s'anvoise; ^^^^H
^V 11 et sa gent, por revenir [{b)
<c N'est home qui hui lou viet ^^^H
W liQ An son pahîs, qu^i vet tenir
^^^1
^H Gram con de joe, qu*i savolt
0 Demandez p quoi ceu est, ^^^|
^H Que lou pris dou tomoi avoit.
» ^^^M
^H An son pabîs est revenuz ;
Li chevaliers 01 la novele, ^^^H
^V 124 Anez i fut et chier tenuz ;
160 Tôt maintenantson frère apale: ^^^^|
W Son frère mande que il vainne
a Frère, J> fait il <^ qu'avez hahu P ^^^H
^K Asacort, que pas ne remainne ;
(c Avez [vos] vostre sanc bahu i ^^^H
^^T £t 11 predons pleins de pidié,
«c Estes vos inés de mon bien ? ^^^H
■ 118 Quj vers Deu hai tex amitié
164
— Frère,)) fait il <( nenî, de rien, ^^^H
^^m Qu'îne panse a nule autre chose,
— Dites moi donc|) quexraison ^^^|
^^ft 1(1) vint : or oez la porglose :
a Vos ne faites an ma maison ^^^H
^^K^ A la cort ot maint gentil home,
a Joe ausi com cil autre funt ? ^^^H
^^Ft|i N'an porroie dire la some :
i6a
a Vos sospirez de cuer |)font, ^^^^|
^H Dames hi ot et damoîseles
(T Hui ne getastes .j. souns : ^^^H
^H Admées, nobles et baies, [joie :
(( Ceu est ^ ceu que je haï lo(s) ^^^H
^V Après maingier commançai
I^H
f 1 {6 N[cn]i ot dame (dame) qui soit
u D'armes plus que vos; bien ^^^|
^H [coe,
[lou sai, ^^H
^H Ains chantient por contancion
172
« Duel an avez. — Frere^ nen ^H
^H Mainsmosdediverses chansons
[aii
^^F ciz chivalier espingnent tuit,
c( Honques n^an hos ne duel
f 140 Tex joie mènent ei tex bruit
[ne ire.
^K Qu'il n'est nuls hOs, si les oïst,
— Riez do! ja vos covient rire;
^^B An cuî li cuers ne resjoist.
« Riez ! car rire vos covient.
^H Mas U bons frères au signor
176
— Non fera, car il ne m*â liêt,
^^ 144 Pansoît a la joie grinor,
a Ne si ne suie ne autremant.
1 A la joie de paradis
— Ries ! car je lou vos gmant,
^^L Qui est et qui sera toz dis.
« Ou jaserois toz detrainchiez.
^H Ne li chaloit de lor paroles.
180
— Frère, » fait il, « de fi
^H 148 De lor dis ne de lor caroles.
saichiez (d\
^^1 f riens que vit ne ohit dire (c)
n Que p ceu puis perdre la teste,
^^ Jéoithrt iii y. ro2. On ptut supposer qui
^^A pàg€ éan$ le ms. sur uquel le nôtre a iti
Ci vers èialt écrit en renvoi ûu bas de U
copié, et que notre copiste t'a transcrit.
^^M ^^^^ ^ ^^ ''ritu place, dans U UxU^ pals une
seconde fois par erreur à la plact
W dm tmtoi. — \\jMs. hôs.
j
^^^1
p. MEYER
^^^1
in Ne rira [ne] nH fera feste,
Si s*an va la lance baissie ^M
« Ceu saichiez vos bien tôt
Tant qti^il vint a la chevauchie. ^M
[de fi.
Son frère apale d'une part : H
^H 18^
\ — Non ? » fait il, a et je vos
220
> « Frère, » fait il « se Dex vos '
[deffi :
[gart.
u Se vos ocîerra de ma main
(c Dites moi qu'avez an pansé ?
«Ains que part lijors de demain,
<f Avez por vostre cuer pansé ?
« Cui qu'i poil ne cui qu'i soit
te Volez me vos d© faire guerre ?
[bel,
224
— Oïl, et getter mort a terre,
^^H 18S
« Se vos trtiîz an vostre chatel.
<c Car lou corros et l'acoison J
<i Alez vos an! » Et ciz s'an
u Vos des hier à ma maison* ^ ^Ê
[tome,
Li predGs taniost li responi : '
Qu'a la feste plus ne sejorne,
228
<c Frère, |> Deu qui fit lou mont,
Ains monte et puis se met an
« Il m'est avis et si me samble
^^H 192
Et ciz démenèrent la joe [voe.
n Se mes gens et les vos as-
Tant que ceu vint a Faserir,
[sanble
Et il s*an vint por soî garir
« Se 9batent, ceu sera maus.
An son chatel ; il dest sa fome
JP
« Moi et vos 9batons por aus.
^^^H
Son estre ; lor plora la dame ,
(( ç tel covant que se je suis
Des .ij. eauz 9mance a larmer.
« Voincuz, vos auroissanzanui
La nuit font lor portes fermer,
ti Ma terre et tôt mon aritaige ;
Et quant ceu vint a Tandemaîn
2î6
(( La teste an prenez an otaige.
^^^H
Li chevaliers leva bien main ;
a Et se vos estes f mon cors
Sa gent ai fait d'armes garnir,
if Voi ncu z , j e vos an ma nra 1 ors
Ne vet 9 l'an puisse eschamir*
« a prison dedls mon chatel ;
Son cors fit armer et sa teste,
240
« Se vos ocierra si m*esi bel. » ^
^^H 204
Car il crient lou fou de la feste;
Ciz qui cuidoit valor Rolant H
Et puis ai fait matre la sale
Vit son frère maigre et crolant, H
Sus . j , granî destrierde Casiale,
[(*) ■
Et si fit lou cheval quovrir ;
Bienancuidamaingiertieu .iiij.
^^H
Après fit les portes ovrir.
244
Ocirre lou cuide et abâtre. ^d
Devant lui garde an la châ-
Maintenant li ai dit por ire : H
[painne,
«( Je l'ostroi, » fait il, san plus
Si hai veu mainte ansoigne,
[dire, ^
Maint panunceal et maint escu ;
Lor s'antrevenent li valsa ul ; H
[(f, 113)
248 Chas9 lait core lou cheval, |
^^^H
Lor sot bien que la guerre fu.
Anduiorenttrainchanzespiez; H
Dit a ses gens que [il] saut
Desus tes escuz vomecîez H
[soient,
S'antreferent ^ tex vortu ^Ê
Et que {> chose que il voient
2J2
Que ti .j. hai l'autre abatu ^M
Ne se movaint jusque il re-
Jus dou cheval âmé la prée. V
[veinne.
Au plus june mie n'agrée, H
^^^H 216 Lor s'3 part, de sa main se
pceuque d'armes otgrantpris: H
[soigne t
256
ç la raîne ai son cheval pris, H
^^^^HfP SUR UN 1
!^S. BOURGUIGNON |J ^^^|
^V Et puis avoit trait nu lou branc
An apale .ii}. chevaliers^ ^^^|
^^ Vers lou bon predi5me au cuer
Ardiz [et] coraigeuz et fiers : ^^^M
I Sou va ferir p tel air [franc.
ti Or tost ! »> fait il <( prenez ^^^|
■ jéo Sus l*esai qu'i an fit cheïr
[mon frère ^^^|
^H l grant chantel âmé lou pré.
296 tr Une grant paor et amere ^^^^^1
^H il Vû5n*avez pas fait a mon gré, i>
« Li laites, car je lou çmant» ^l^^^l
^H Fait li predons, « |> saint
« Et si vos dira bien 9mant : ^^^^1
^V [Martin,
u Desarmez lou, a une espée '^^^1
■ J64 iMas vos aurois ja .j. tatin. »
foo et Taigne chascuns longue et lée, ^^^|
■ Lor lou fiert sus lou chapeler
« Et desoz chascune memale ^^^|
1 Dou eaume^ si que clianceler
ce Li anpointiez sus la forcele ^^^H
1 Lou fit : tant estoit eslordiz.
(( Une espée et por darrier ^^^|
^K 368 Tant duremant fut estordiz
^^H
^H Qu'i ne soi a dire ho ne non.
^04 <( Nen'i ait jane ,j. ne autre (ci) ^^^|
^H Autre foiz lou fiert II predon,
*t Ne face sanblant de Tocierre. ^^^M
^V Et ciz cheït toz estandu»
c( Poignez cant vos lou m'or- ^^^|
I 271 A son frère ai lou branc randu ;
[roiz dire ^^^H
^H Mardcrie, et li predons saut, {c)
c( .). pou, si que voe son sanc ^^^H
^H Se dit : a Vos an vanroîz an aut,
^ûS 0 Coler tôt contraval son flanc ; ^^^|
W « An prison, tôt a ma marci,
((Masnem'ociéspas mon frère : ^^^H
1 ij6 *i El si vos desarmés ici
cr Andouz nos porta une mère, ^^^H
K *r La leste, car plus ne vos
i< Et J. paires nos angendra. ^^^H
^H [quier. »
3 1 2 (( Mas je suis ciz qui lou vsdra ^^^H
^H — Frère, n fait il « mot ve-
<( Sa felor, car trop fou lou ^^^^1
^H [lontier. »
[truis. ^^^B
^^ |] se desarme, et li predons
«Predommeanfera,sejepuî$.» ^^^|
^^180 Apalede l*ost .j* garceon
Ausinc 9 li predons lou dit, ^^^|
^B Qui lor ai randu lou destrier
^16 Cil lou firent sanz contredit : ^^^|
^H Que il monte por les estriers.
Desarmé Pont et desvetu. ^^^B
^f Au garceon diienjt quilaîletost
A pures braes irestot nu ; ^^^H
W 2S4 La novele conter an l'ost,
Chas9 tient une espée grant , ^^^H
^^ Que pais est, et chascuns s'an
j20 Li .j. au destre bras l'en prant ^^^|
^m [aile.
Et II autres ^ lou senestre ; ^^^H
^H Que dz lor ai conté sanz fâile
Or ai il bien trové son maîstre» ^^^|
^H eu de L'ost oient la novele :
Car desoz chascune memale ^^^^|
^Ki88 N'i ot celui cui ne fust baie :
P4 Li apoljient une alemale ^^^|
^H Tuit se départent, si S'an vont.
Trainchant, agùe e afilée ; ^^^^1
^^ El U frère ou chastel amont
Por darrier fu la tierce espée ^^^|
^^ Sont venu mot ativemant ;
Droit idroit ou les autres sont. ^^^|
1 392 El lî aTnez soutivemant
p8 Li predons lor escrie adont, ^^^^|
^^h 20^ a m pour tXf comme aussi au v,
^^^Monf tm, U Uudra? — 126 Je m
^68. — }09 Corr. Mas quep — 312 lou ^^^^1
vois pas bien de quille main était tenue cette ^^^^1
W Zfaîfâmc ij^.
^^^m
^^m Romàniê, Vi
^^M
^^^r
P. MEYER
^^^
Si 9 por ire, fieremam :
(( Ne nub tans ne nule saison.
(c Poignez! car je lou vos
Î64
« Or raïés an vostre maison,
[9mant. »
<t Car je ne vos ocierra pas,
Cil lou poigneni, et il iressaut ;
a Mas de mau faire soi[e]z las.
^^^H
Li sanc |> mé les pbes saut,
m
Comraval li desccni et raie
u Pansez an bien dès ore mais,
A lerre de chascune plaie.
08
« Ansinc avrons moi a vos
Cil sent la detor, si frémit
Ciz li otroe qu'i sera [pais. »
[(f* ïij)
Predons, gimais mau ne ferai.
^^p
Ses frères lou voit, se li dit :
Il dit vor, car puis predons fu :
« Ri, frère, ri! o[r] ri, o[r]ri!
Î72
Puis ne porta lance n*escu,
— Non fera : j'a lou cuer
Ains mena puis vie d'ermite
[marri.
Por amor dou saint Esperiie,
Et li predons qui hot esté fl
An sainte vie maint esté,
« 9mant rira ne 3 quex guise
^^^^ )40
il Qui voit ne qui sant sonjuise ?
J76
Kt De paor hai lou cuer marri
Et maint i ver et maint termine >
V Ne ja n'aian nule marci,
Sait de fi (que) sa vie define :
<f Ains atan la mort arestaul ;
Déclinant va, nepetplus vivre.
^^H.
« Et cop d'espée me font raaul
î8o
A sa fome dit a délivre : [doi.
« Don ciz chivaiier me font
a Dame, je muer, foi que vos
[guerre.
« Fariez vos or riens f» moi? »
it Si voi mon sanc chéîra terre.
La bonne dame li respont :
« Tex duel ai que je ne puis dire.
384
« N'est riens c'om puisse faire
^^^1
ti De joe faire ne de rire.
[ou moni
— Non? frère, dites vosde voir?
« Que f vostre amor ne feisse*
— Oïl. — Don povez [vos]
[Manqae un vers]
[savoir
— Feriez ore, chiere dame?
(t Que ausi com vos estes ore
?88
— Oïl, sire, saichiez, por
^^^K 352
u Ere je lor e plys ancore
[m'arme.
a Destroiz, car plus erent poi-
— Don vos pri cant je sera mors
[gnanz
« Que vos facezovrir mon cors;
« Et angoissoz et detrainchanz
« S'an faites fors traire lou cuer,
a Les espées don je sanioie
Î92
t^ Saichoiz que vos hi avroiz
^H
(t La detor, don pansis estoie ;
[buer.
« Car je pansoie a la delor
te Tant soulemem faites ç moi
« D'anfer qui me tôt b quelor.
« Lou cuer faitez fandre }) mi:
« Car lejc paor me fait anfers
u Si vorroiz qu'il avradedanz. n
^^r }6o
ce Qui n'aisusmoi neosneners
396
La mors li fut antre les danz :
« Ne frémisse cant m'e[n] sou-
Cant ot ceu dit morir l*estyi.
[vient,
El la dame, si 9me il dut, (c)
« Si que de joie ne me tient,
Fit vitemant, sanz sejomer.
^^^H }4} It/^it Mtiuirt a estai. — U7-8 Ces daa nrs tt lient mal. Le second est
^^a
U dtbui â mt phrase dont U fin mam
^mrait.
^^^^^Ê
NOTICE SUB UN MS. BOURGUIGNON
M
400 Louconan tex guise atorner :
Ûvrir ; s'an fit traire lou cuer ;
El cant 11 cuers an fut mis
Ifuer(s),
Fandrc lou fit, saichoiz de fi :
404 Dedanz trova .j. crucefi,
(D|ou cuer nioïmes ; saichez
[don
Bons qui panse an Deu an pfon^
Veraement, de cuer antier,
408 Deauble nou panst anginier ;
Mas ne croit Deu ne son povor.
Et Dex ne se fait pas veor
A cha9, ne il n'est mie tans,
4ti Mas dou deable ai bon desfans
H5s qui sert nostre creatour,
Car avec lui et tôt antour
Sont li messaige Jhesu Crit^
416 Si 9 nos trovons an escrit.
Qui or lou porroit tant amer
Qui pohit son cuer antaumer
Tant que li fiz Deu hi antrat
410 Et que sesautex i orat(?),
Boer seroit[ciz] nez de &a mère,
Et buer angendrezdeson père
Hé! Dex! il ne remaint c'an nos,
424 Carausi[bien],cesaichiezvos,
Venroit Dex f nos consoilier.
S'aprenez poi lui a voilier
Voiliez 9me por iceluî
428 Qui ses services abeli [(d)
Tamqu*i l*avoit escrit ou cuer,
Ne unques n'an hexit defuer,
Ain s vequit et usa sa vie
4Î2 An charité sanznuie anvie*
Hé! Dex! quide son digne cors
Fisi charité, et prit la mort
De mort an crois |» nos secorre
4j6 De nos poichiez, et vout res-
Sa proie qui est aculie, [corre
Cil nos destort de Tasailie
Dou deablcj qu*i ne nos fece
440 Dommaige et ne nos anlace ;
Et ma dame sainte Marie
Vers lui nos an soit an ahie^
Sains Pou, s. Pères et s. Jehans
444 Hespondainttuit: Amen, amen.
Si faut des Âj, chevaliers.
Enseignement moral.
Cette pièce est écrite en sixains de vers octosyllabiqucs rimant par aab aah,
ne qui a été fort employée jusqu'à la Renaissance. C'est notamment celle
des fables du xm* siècle publiées en 1834, d'après un ms. de Chartres, par
Gratct-Dup{cssis *, et des Tlnlbns de Mariage {fin du xv siècle ou commence-
ment du xvi*K réimprimées par M» de Montaiglon dans ses Poisies françomt^
I, 17. Tel est aussi le type du sixain donné dans ÏAn de rhàorique^ également
réimprimé par M. de Montaiglon (III, 121) 3, Quant au fonds il se compose de
Llieux communs de morale. On ne trouve dans ces strophes guère de ces traits
' preds qui donnent à certains dits relatiis aux états du monde un réel intérêt
pour rhisloire des mœurs. Néanmoins, comme ce petit poème ne se trouve pas^
^ i ou connaissance du moinSi dans nos mss. de Paris, j'ai cru utile de te
publier.
409 Vers corrompu f — 428 Corr. Gui. — 4)4 Corr. l'amors. — 456 et vout?
— 437 esl^ corr. crt?
I. On en trouvera une dans mon Rauâld'amuns textes j partie française, n'' ja,
a. C'était aussi une des formes du sixain dans la poésie provençale. En fran-
çais b forme qui a prévalu est aab ccb.
|6 p. MEYER
Pot chaîùkf In orgueiltot,
(fol 122 è)
Por orguîllors hiimilier
Vos veul ,j. 9te desploer
Que j*a a pris nova le ment,
DD maini se porront chatoier
Quant il rouront pronuncier,
6 S'il hont sant ne antandemant.
On doit bien oïr e antandre
p ansoignier et p aprandre
Bon 9te et bon dit ausimant,
Ceoz don on pet exsple panre
Et de folie soi reprandre
1 2 Et contenir plus saigemant.
Qui saigement se vet tenir
Ces oionde li covient air
Et vivre 9 pais et oblemem.
Vos vaez sovent avenir
Que Dex ne vet orguel sofrir
|8 Qui dure au sieglelongemant.
Mais l'amors dou monde noB
[tient
Si que de Deu ne nos sovient,
Ains Pavons dou tout oblié,
Si(!) nos pail il et nos sotient
Et nos donne ceu qui covient.
24 {Manqui an yen)
Il nos daùi bien sovenir (c)
Que Dex vot a onte morir
Por nostre vie restorer,
Et an ces monde vot venir
Et humblement soi maintenir
30 p nos aidier a ceu covrer.
Qui plus ai richesce e anour,
Si doute moins nostre Signour^
, Et ait armone et charité ;
Mas . j , pou fait sanblant d'amor
Liriche(s) au pauvre e au menor
jé Tant que il l*a deserité.
It n*î hai leauté ne foi,
Ne point de bien ne point de loi ,
Foi ne justise ne droiture,
Ceu font li maistre de la loi,
Li prince, li conte et ti roi.
42 11 ne lor chaut don motre cure,
Ou monde ai tant de convoitise
Que nusïi'ai riens qui lisofise»
Ja tant, saicbeois^ n'avra
[d'avor.
La chars nos resaut e atise
Qui nos destroint et nos justise,
48 p acQplir tôt son volor.
Ahine, luxure e anvie,
Orguel, paroce et gloteniei
Hont si conquesté ces pahis
Qu'î n'i remant chatelerie
Ne bore ne vile ne abaie [avis.
j4 Qu'il ne proignent, ce m'est
Si religios hont abis
Si hont il autant de delis {d)
Et plus que n- ont li seculere ;
Por néant se cavrent, ce cuit.
Car on sait bien il i sonttuit :
60 1 1 hont changié règle a menere.
Orguel, rapine et troicherie
Portent au moîgnes compai-
[gnie,
Au grans abés e au prelas ;
Humiliiez s'an est fuie
M6t corrocie et mot marrie
9 Bon, mi> ban. — 20-3 Cf. as nrs du ffolmc di Boécc
Quar no nos merabra pcr cui vivri esperam,
Qui nos soste tan quan per terra annatn,
E qui nos pais, que no rourem de fam.
^V NOTICE SUR UN MS. BOURGUIGNON ^7 ^^^^^^^H
^H 66 Qui n'aîme mie tex soulax.
Sanz reco vrier et sans confon ; ^^^|
Tex va a maul qui recovra, ^^^|
^H Trop duremant est esbaie
Tex s'avance qui ne poura ^^^|
^H Car chivaliers ne ralment mie»
102 Tout acûplir devant sa mort, ^^^|
^H AinslisontduremantcontTâlre ;
^^^1
^H Ceu fait la chars, nostre enemie ,
Ces mondes n^est que ruse et ^^^H
^H Qui onques ne fit bonne anvaie,
^^M
^^ 7i NcricnsquiaDieudahutpîaire.
H n'i ai riens qui soit esteauble, ^^^|
Tojors se cheange et se remue ; ^^^|
^H Hé ! chetis mondes soufraitous
Mais l'autre siegle est delitable ^^^|
^H Eidecevans eangoisouz,[chié,
Ou est la joie pordurauble ^^^f
^H Ploins de soufraite et de poî-
108 Qui ne se cheange ne remue. ^^^|
^H Mondes cruex e orguillos,
^^^Ê
^V Nos ne vivrons que .j. jor ou
Qui bien panserot an sa vie, ^^^|
■ 78 Mar nos hi sûmes aloichîé! [ ij,;
Il ne devroit avoir anvie [ciers. ^^^|
D'estre orguillos ne boban- ^^^|
^H Ces mondes nos est essanple-
Or panse bien, si t'umilie, ^^^|
■ [re(s)
Et tu verras, n'an doter mie, ^^^H
^H Que nos devons nos cuers re-
^H [traire
^H D'amer ii et de maire cure,
1 14 Que tu ce dois petit prisier. ^^^H
Que vaut orguezP que vaut ^^^|
^H Car il i ait trop a refaire . [gaire
^^^1
^1 Kuns [hom] ni pet demorer
Que vaut bobans? que vaut ^^^|
^H 84 Qui n'ait poinne et maie avan-
^^^1
^H [ture.
Qui a néant doit reparier ? ^^^|
^B Ou monde ai tant de mauvaitié,
N '1 demorra contes ne rois, [b] ^^^M
^H Hui es sains, (et) demain desai-
Arcevauques, clors ne borgeos ^^^|
■
1 20 Que tôt ne convainne morir. ^^^H
^H Li plus sains ai grant meladie,
^^^Ê
■ U^^12^)
Las ! tant hi ai de desconfort ^^^H
^H Ou mort ou pris ou mehainié,
Que nuns ne sait de quele mort, ^^^H
^^ Ou |>l câqu'i ai gaaigné
Quant ne çmaht il doit fenir. ^^^H
L 90 A .j. cou, an tote sa vie.
Ja nul ni avra qui an port ^^^H
^H Fortune fait maint home riche.
Ne blou ne bife n'estalfort, ^^^H
^H Et mat si aut et sî Tanfiche
1 26 Fors c'un suaire a Tanfmir. ^^^H
^H Que il ne prise nule gent ;
^H Mas an pou d'oire lou deffiche,
^^ El vire .j. tour et lou refiche
Avers ert lor droiz aritaîges, ^^^|
Mar ant beal cors et bel visai- ^^^|
& 96 An povreté e an néant.
Detotehumaignecreature[ges: ^^^H
^^^H 7 r
Ja nul ni avra avantaige, ^^^H
^H Teic est sainsqui demain morra,
Tant hoit esté de aut |>aige, ^^^^Ê
^m Tex rit et joue qui plor(e)ra
132 Qui ne devainne porreture. ^^^|
^^1 108 Cùn. ne ne mûc. — 117 reparier
revertir^ ^^^^^
^8 p. MEYER
Certcz, fous est a desmesure 1 68
Cors, qui n'aut que fiens e or-
[dure
Et formez de si vil matere,
Quant p néant se deffigure,
Et sait qu'il est a avanture
1 ^8 D'estre demain mis an la bere.
174
Japor la mort ne seroitquite :
Il convient que Parme s'esquiie
An purcatoire tôt ainceois,
Ou tant ai poigne et maie luite
Qui ne porroit estre descrite
144 Ne an latin ne an franceois.
r8o
Cil qui avrom confession
Et de très grant devocion
Fin et loiau repantemant,
Cil recivront purgacion.
Nus n'avra ja remission
i jo S'il ne Pachete dureraani.
Li desconfès mort an pechié 186
Neraatrontja,saichoizjoupié,
Ne nH avront espurgemant,
Ainceoiz vanront trestuît soilié
An la cort Deu estre jugié
1 56 Cant il tanra son parlemant.
Li userîer hi randront 9te
Et dou chetau et de la monte, icj2
Apertemant, devant la cort.
N'i demorra ne roi ne çte
Qui trop n*i ait deior et ontc,
162 Et qui ne soit tenuz bien court.
Apoutoles et cheardenaus, , ^g
Chiez et fontaine de tos maus,
jï orguel et por soignerie,
Qui riche sont d'auirui chetaus,
Por atantiques et por seaus
Et por apertes simonies ;
CildeGrant-monteideCiteaus,
Praires tampliers et Opitaus
An cui cheritcz est perie,
Qui font au segte lor aveaus
p faux jtigemans desleaus.
Don toz li mons se plaint et
I
[crie^ ■
Fauz medisans et janglaous,
Badeauz, bailis et termaous,
Qui tant de mau ont pchacié,
Homecides et traitour,
Et puis après ci robaour
Wi receront pas oblié, (d)
Li plaidior et li arbitres,
Qui honi juré sus les reliques
Qu'i ne seront ou nul a tort ;
Prevosdecliateaus et de viles^
Qui font de troiches et de
[guiUes
Faux jtigemans et faux racon ;
I
I
Tesmoins pjures et orliers,
Foiz-maiïtie[s] et bordeïiers,
Ptoins de vice et de luxure^
Faux chaajaors et faux dra-
[piers,
Il receront oti ior soumiers fl
Tuii chcargié de fauces me- "
[sures,
Li plaidior reïigious
Qui sont g[l]outon e anvious
El hont anvie d^autrui bien
(Deux vers omis).
Que ne fut onques nu!e rien.
Cil qui ont vescu sobremant , fl
Sanz avor Tautrui malemant
An leaté e an amour, h
l}4, Cort n*esl? — i ji Corr N*l
plicrs.
— 167 Ms. arantiqucs, — 170 Ms, tram
NOTICE SUR UN
El boni heû de povres gent
Pidié et donnent îargemant
104 P ^niour Dé nostre soignour ;
CiJ an iront la voie ciere,
Ad congié Deu e a sa mère,
Anfiadiz, droit, sanidoutance.
Ou il avroni joe et lumere»
Avec Jhesu Crii nostre paire
MS, BOURGUIGNON J^
2 1 o Qui nos fit toz a sa sanblance ;
Qui nos anvûit humilité,
Pais e amour et cherité
Et an la fin tex repantance
Que nos voiains la Trinité
Laissus (es ciez) an une deité
2 1 6 Ouiln'aitpointdedescordance.
Amen.
I
OBSERVATIONS GRAMMATICALES
SUR LA UNGUE OU MS. ADDIT. 1 j6o6.
~Ôn a VU au début de cette notice que le ms. addit, i s 606 avait
appirtenu^ dès le commencement dû xiv= siècle, à un habitant de
Scmof, d'oi^ la présomption légitime qu'il a dû être exécuté dans cette
fille ou aux environs. Mais il y a deux Semur, Tun dans la Côte-d'Or
(Semur en Auxois), l'autre tout au sud du département de Saône-ei-Loire
(Semur en Brionnois), séparés par rintervalle de plus d'un degré. Si on
srt-ail des documents en langue vulgaire écrits dans l'une et Tautre de
ces deux villes au temps de Philippe le Bel, il serait probablement
poiiîble d'y reconnaître des particularités de langage à l'aide desquelles
ti patrie de notre ms. pourrait être déterminée. Mais je ne connais pas
iPsndens textes romans de Semur en Brionnois ; et pour l*autre Semur,
les seules pièces qui me soient accessibles, celles qu'a publiées M. Gar-
nier dans ses Chartes de commanes et affranchissements en Bourgogne ",
jettent peu de jour sur la question qui nous occupe, car la plus ancienne,
qui est de 1 262 (n** 189), nous étant parvenue à travers deux ou trois
copies^ n'offre pas un texte suffisamment assuré, et les autres ou bien
sont trop récentes, ou émanent de la chancellerie des ducs de Bour-
gogne. Mon impression est que la probabilité est en faveur de Semur
(C6te-d'0r) ; j'imagine qu'à Semur (Sa6ne-et-Loire) Pidiome se ressen-
tirait davantage du voisinage des pays de langue d^oc.
Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de doute que notre ms. a été exécuté en
Bourgogne, qu'il offre un spécimen précieux du dialecte bourguignon,
dom on a beaucoup parlé, que personne, jusqu'ici, n'a étudié. On sait
que Fallot divisait le domaine de la langue d'oui entre trois dialectes :
40 P. MEYER
le bourgatgnon, le picard et le normand, Burguy et même Diez oni
admis cette division. Pour Fauteur de la Grammaire des langues romanes
(tradua. !, 114), le dialecte de rilenie-France est une subdivision du
bourguignon. Une erreur d'un autre genre a contribué à fausser les
idées à Pendroil du bourguignon. C'est qu'on a admis, depuis Fallot »
(sans qu'il y eût pour cela Tombre d'une raison)» que tes anciennes
traductions des sermons de saint Bernard et de divers ouvrages de saint
Grégoire étaient en dialecte de la Bourgogne, de sorte qu'on attribuait
à ce dialecte des caractères qui ne lui conviennent aucunement, et qu'on
se dispensait de rechercher ceux qui lui sont propres. J'avais, depuis
longtemps, reconnu que les textes prétendus bourguignons, mis au jour
par Le Roux de Lincy, différaient très-sensiblement, quant à la langue,
des chartes de la Bourgogne, lorsque Tétude de poésies liégeoises^ sur
lesquelles j'avais à faire un rapport au Comité des travaux historiques,
me conduisit à croire que les traductions de saint Bernard et de saint
Grégoire appartenaient plutôt aux pays wallons qu'aux bourguignons '.
Les personnes qui prendront la peine de comparer ces textes avec le
ms. I $606 verront que la langue des premiers diffère très-notablement
de celle du second. L'étude de notre ras. ne peut donc manquer de
révéler des faits linguistiques nouveaux. Je me bomerai, dans les
remarques qui suivent, à noter les points par lesquels la langue de ce
ms. diffère de celle de rile*de-France. Je prends surtout mes exemples
dans les deux pièces ci-dessus publiées {ies deux Chevalun et VEnseigne-
ment moral], principalement dans le premier, désignant le second par B;
les renvois (et c'est le plus grand nombre) qui ne sont accompagnés
d'aucune indication autre que le n° du vers, se rapportent aux Deux
Chevaliers. Je ferai usage, comme terme de comparaison, des chartes de
Bourgogne publiées par M. Gamier, avec réserve cependant, sachant
que ces textes sont loin d'être publiés avec toute l'exactilude désirable?.
VOYELLIiS.
1. — Le h, a devient at. Ce fait, constant en lorrain, n'est ici que
fréquent, ai {habet) 94, 128, començal ijj, etc. L'inconséquence de
I
ï. Voy. Le Roux de Lincy, U$ Quatre iivm des rots, p» cxxvt,
a. Voy. Remania, III, 4J2*
)< M. d'Arbois de Jubainville^ dans la Revue critique (1868, art. 171),
M. Bourqueloi, Revue des SocHtés savantes (4* série, X, 47 z) y ont constaté de
nombreuses fautes de lecture. — J*aurai aussi fréquemment occasion de citer lej
po<.nne de Floovant^ dont Tunique copie connue présente avec notre ms. dej
nombreux points de ressemblance. Toutefots je ne vais pas jusqu'à dire qu'il y
ait identité, les deux textes ayant chacun tcurs particularités, et je pense que le
ms. de FioQvant appartient â une région un peu plu^ septentrionale que le ms.
add I (606.
I
KOTtCE SUR UN MS, BOURGUIGNON 4T
b copie doit, en ce cas comme en d*autres, être expliquée par une
de ndson : d'abord par le peu de soins du copiste, qui, ainsi que
jp de ses pareils, n'avait pas de système orthographique arrêté ;
ûte par ce fait que les textes qu'il copiait n'ont pas été originaire-
l composés en bourguignon, de sorte qu'il a conservé dans sa copie
ucoup des formes originales. — On trouve aussi, comme en lorrain,
|ir pour a (foL 1 1 ;, ci-dessus p, 20), et vice-versa (cf, ci-après n« 5),
1. — Devant I ce même a devient au^ comme dans une infinité de
documents bourguignons, vosgiens et lorrains, notamment dans Floo-
vant : arestaul^ maul, ^4^-4.
j, — d, précédé d'un / et déjà affaibli en e, a été absorbé par la seinî-
oyelle iy] que produit cette consonne^ d^où gimais 570» en passant par
itmais^ giemais. Jemais est la forme ordinaire dans Floovant ; mais on
trouve aussi jimais, par ex. vi 1550.
4- — Le groupe latin dtr, au lieu de se réduire à ér selon Pusage général
du français^ devient air comme en provençal : paire^ maire 61-2, B 209,
fmn 95, B ryo.
5. — En français, IV et Vi en position du latin aboutissent égale*
ment à i {e ouvert), hèU de bdla^ messe de missaK Ici cet è a pour
correspondant un a devant l dans les paroxytons : baies 1 54, apaU 160,
219, jd/f (sellel, Casîale (Castiïie, anciennement CasteHe] 205-6, memaie,
ëtmali (lame) Pî-4, cavrmi (couvrent) 6 28, de même devant t : naîe
(octtet 10, 29, maîre 20c, B 81, mat (met) B 92. La même mutation
est de règle dans Floovant, surtout devant /, voy. les assonances en è-e
aui pages 28, 54, 61 de l'édition, quelquefois devant t : regrate
V, jt9. — a pour est p. 24 v, 6 ; pour et [la conjonction) 299, 568. —
i. Non pas dès tes plus anciens textes de notre langue. Il y a eu en français
yoe période où Vc venant de i en position ne sonnait pas comme ïe venant de e
en position, et conscquemmenl faisait rime â part : ce qii*on voit dans la tirade
121 de Rolant (éd. Mùllerj, où toutes les assonances correspondent â un i lat,
en pûs. (jrcfvfj^a^, mase^ etcj, sauf une, TaUte (Tolède) qui est un mot
étranger. Aucune des assonances de cette tirade ne reparaît dans les autres
tirades en i-e de Rofant qui sont fort nombreuses, et où les mots assenants
unissent t en position et ai. C'est de même qu'en provençal i en position
donoe d^ nmes en e esinlt^ tandis qu'c en posttion devient c lare (voy. dans
Kogues Faidit, p, 81 b^\es rimes en ela lare et ela cstrat). En provençal la
disUoclion s'est maintenue d'autant mieux que les rimes en e eslreit se trouvaient
augmentées des nmes venant de é latin (lesquelles en français sont en à ou oi);
en français au contraire, à part Rolant^ les assonances en ^ ou bien ne contien-
nent pas é*t lalms en position, ou les mélangent avec les e latins en position.
Voir pour ces faits Bœhmer, Romarnschc StaJicn, \, ^99 (cf. Romania^ IV, ac^^^-
joo), et Darmesteter, Revue criùqut^ }^l\i 'l* 267. i'ai vainement cherciié à
retrouver quelque chose de celte dislinclion dans le traitement que notre ms.
bourguignon fait subir à ^ et à f en position : !a confusion paraît complète entre
les deux sons originairement distincts, et la variété du traitemenl ne paraît
dépendre que de la nature de la consonne qui suit.
42 P* MEYER
De m^e avant la tonique : apalezp. 12 v. lo, marci 342^ matrant
B 1^2. — Cf. Bonnardot^ RGmania, V, ^19.
6. — En d'autres cas assez variés, Vi français est représenté dans
notre ms, par 0 : valos (vallets) j6, dors (clerc) 119, motre (mettre)
37-8, loîre (lettre) p. 1 j v. jj, /om^ (femme) 69, 86, paroce B 50,
monf (messe) p. 10 (fol. jj du ms.). Il y a des exemples semblables
dans Floovant : frochi (fraîche) v* 620, prouoce (prouesse) v. 2070,
redroce v. 854, reçot v. 298 (cf, recet v. jojl, Mâumoî (Mahommet)
V. 414, 479, mot (î« personne singulier prés, de mettre) 269. Cette
mutation est ordinaire dans PEst. Ainsi S. Vcrolus, patron de Châiilion-
sur-Seine, a changé son nom en S. Vorle. — Il y avait une certaine
hésitation, sinon dans la prononciation, du moins dans la notation,
car nous avons ci-dessus, p. 7, col. i, richace^ aatece^ et p. 13 v. 29
autoce, V, îj autauce, et on vient de voir qu'on rencontre aussi bien
maire que motre.
e, i, en position 1 passent aussi à 0 avant la tonique : voriu i^i^vorne-
Ciéz (vernissé) 2j8, moïmes 41 j, chorra (fut. de cheoir) p» 2j v, 57
(mais charront v. 69), vorrez Î9î- — Comp. îorreenl (anc, fr. terroient,
tiendraient) dans la charte de Bèze (Gamier, I, 541) ; sorgens (sergents)
en I }86 (Gamier, U, 287^, et dans Floovant moïmes v. 476, ^90, pordu
v. lyo, parmi v. ^00, pordonnez v. 470, formeîex'v. ^48, eschavoUe v, jo2.
7. — é fr., en hiatus, avant la tonique, devient volontiers a : bahu
(anc. fr. heii, bû), hahu [eâ] 161-2, daiit (= âeûsî) B i^^ dahuî B 72.
— Dans la charte de Bèze je lis haiiest • (= edst^ le sens n'est pas dou-
teux), le mot que rédiieur (I^ 540) lit hayest. Citons encore reçau dans
une lettre du duc de Bourgogne Eudes IV (Garnier, II, 368), et dans
Floovant, vaerv. (27.
8. — ë lat. tonique suivi d'«, mais non en position, devient oi (non ei
comme en français] : plains \2j^ B 78, 189, paignts (peines) p, 12.
— De même e avant la tonique (dès lors la quantité n'importe plus)
dans soignoT p. 1 2 v. 1 , forme qui est ordinaire dans Floovant.
i lat. et fr. devient e [è ou è?] dans des [dtxï] 226, dest (dixit) 195,
9. — ô tonique du latin, après avoir probablement passé par uf, se
montre réduit à e dans pet (anc. fr. piut) 8$, yet (anc. fr. met] 120.
Avant la tonique 0 s'affaiblit en e : predons 1 29, felor 3 ï j, delor 33$,
357, quetor (anc. fr* cahr) 358; fait dont on a ailleurs bien des
exemples : serar, seloil (soleil), henorer^ etc. — Menoie est constant dans
la charte de Bèze (Gamier, I, 540-1). — 0 s'aflFaiblit en a dans caronez
I. Je ne vois pas bien quelle est la valeur de IV dans ce mot, non plus du
reste qur dans octErrc 305, oÙErra 365, etc. Cf. poicl fpolî) Floovant v. 463,
disufrc (désire) v. 507, melmt iheaume) 909, etc., fuest, Gamier, I, 488.
I
I
I
NOTICE SUR UN MS. BOURGUIGNON 4)
(oooroimés}^ au calendrier, 8 nov., sans doute après avoir passé par
fBf/Oiï«, farroe qui se trouve dans Floovant, v. $8.
10. — tï tonique lat. , suivi d'un /î, s'affaiblit en e [et] dans Une (lune) ,
eiemple unique que nous offire d'une façon constante le calendrier de
ooire m$, — On pour un, p. 20 (fol. 1 1 j).
11. — Les groupes latins en, m^ suivis d'une consonne, sont arrivés
pidoeSemeRt en français au son an. Cette mutation a eu lieu ptus
tit dans TEst que dans le reste des pays de langue d*oil *, Ici elle est
coosiaiite, an (lat. in) 2$, 26, etc.
ij.^ — ^Maislorsquecouj vient après les groupes latins e/i; r/i, oumême
Af TeSeï de la position est annulé, et le son i s'introduit dans an,
. goebe qoe soh son origine. Ainsi : /ra^/ic/if (franche) 1, maingter zj^i,
ihrmnch€s p. 1 j v. ^if detrainchiez (anc. fr. deîranchiez) 179, voincu 1 16|
2J4, 2 j8, — La charte de Bèze nous offre à plusieurs reprises Loingres
(Langres)y franchises (Gamier, I, H^"0- ^^ même venoingcs (ven-
), finoingier^ estroinges (étranges) en ijSy, dans un arrêt du
ducal de Bourgogne (Gamier, I, 287), conîroindriens (ibid.^ Il,
^1))); Uainche dans Floovani v. 62, troinchier v. 1 Ht 422^
I), — Cet efîet du c se manifeste^ en dehors des groupes formés
avec II, dans les groupes ecc^ occ, ucc, qui deviennent oich, oie, selon la
, fojellequi suit : poicherres p. 12 v. 4^poicheorp, 1 j v. 47, p, 14 V. j?.
le, calend, 27 janv., p. 15 v. 155, toichi p. 12 v, 4, îroichu,
\B 185.
14. — La diphthongue française ai se réduit à 4, comme en Lor-
: fifû (ferai, à la i'* pers.) 1761 rira (rirai) 182, ocima 185,
(braies) ^18, plati (plaies) 352, veraemenî 407» — a/ est remplacé
dans irr^ 52, exemple qui parait isolé,
t). ^ — La diphthongue française ci se réduit de même à 0 : valor
'241» pOTfOfy viOT 409-10, joe 121, 167, 192, voe 191, vor (voir,
V0Bii4 ^71, otTOi (anc. fr. ofro/f) ^69, borgtoi B IÎ9, despher B 2. —
De mèrac dans la chane de Bèze, eynços^mc. fr. ainçois (Gamier, 1, $41).
On trouve aussi hors à côté de hoirs dans une charte de Rouvres (cant. de
Genlts, arr. de Dijon), de 1557 (Gamier, 1, 489).— Cf, Romania.V, P4.
Notons au dans pause (anc. fr. poise] i $ $ , où au répond à un ^ long
du latin.
oi se réduit à e dans mentent 93 ; on pourrait donc au v. 1 12 restituer
non torn[oi]emenî, leçon du v, 100, mais tornleymtni^ ou tom[o]ement (cf,
maoéy* Il 8)». Les imparfaits et conditionnels en -eent^ au lieu de
1. Voy. mon mérooirc sur en et an toniques, dans les Mémoires de la Société
de ItQgQistique de Paris, t. I ; cf. Romania, II, 248.
2. Théonqufment, il faudrait en français réserver U diphthongue pour U
tonique, conjuguant torrwi^ tornoia^ tornoU, torncms^ iormtz, iormiait, mais
44 P. WEYER
-oient, soni très-fréquents dans la charte de Bèze : aveent, fereent, regar-
dereent, mostrereent, torreent (tiendraient), sereent, etc., mais cependant
disounîy trovoient.
oi s*affaîblit enfin en t, dans chantient (chantaient) 137, anoncient, fol.
i?o, ci-dessus, p, 27. Une charte de Rouvres (cant, de Genlis, arr. de
Dijon), 1357» nous offre de même pourrimt (Gamier, I, 489), ferient
{Ibid., 490I ; dans un acte de 1234 relatif à Semtir-en-Auxois, mais
émanant du duc de Bourgogne Eudes iV, je relève haumnty pounent
(Gamier, 11, ]6<)).
16. — La finale ïatine <£i/i, eus, est ordinairement traitée en français
comme une diphthongue, Vu persistant et Ve devenant te. Mais dans
notre ms. Vu disparait et est remplacé par un rqui, selon toute appa-
rence, n'était pas prononcé avec le son qui lui était propre, mais servait
à allonger la syllabe : Bortekmier [Banhohmdus] y calendrier, 24 août,
Mdîhier {Maîîkdus)^ 21 sept, Andrier^ jo nov,, petit être mentionné ici à
cause de la forme prov. Andrm, Andrieu^ qui indique un type Andréas.
— En 1262, il y avait à Semur-en-Auxois un prieur appelé Hetyier
{Herv£u$]t voy. Garnier
prov. feu, fieu) 99, 1^9
allonger la syllabe, c'est l'emploi qui en est fait en d*autres cas où le
son r n'est guère admissible : Roumier {Remigius]^ 5 cet., ijaeurs p. 8,
note 2, pressiours (précieux) p. 17, orguilion (orgueilleux) fi i ; et dans
Floovant 1 bur (buste, anc. t. buc^ bu] v. 21 8» armen tarmé] v. 437
i
ut à Semur-en-Auxois un prieur appelé Hervitr
r, I, 364. De même dans Floovant ^ers [fivus^ ■
p» 1 48 '. Ce qui me fait croire que IV ne sert qu'à
CONSONNES.
Â
17» — Le t finaî roman, venant après une consonne, tombe assez
régulièrement lorsque le mot suivant commence par une consonne : Sain
Marceaî, Sairt Vincent, Sain Jehan ^ mais Saint Hilaire, Saint Aubin. Le
calendrier publié cî-dessus p. 4*6 fournit à cet égard des exemples
à foison. Citons encore cw p, 18 (fol. 97), etc., Reneber {Ragnebertus)
calend. 15 juin, Feleber (Philibertus] 20 juin, Lamber 17 sept., don
ou dom (= dont) qui est des plus fréquents, ces p* 24 v. ^-7, B 26,iM
en fait je ne trouve pas de texte ob cette règle, si constante en des cas ana-
logues (par exemple pour 17 dans je titn^ nous tenons), soit régulièrement
observée.
i. En français, la même mutation s'observe quelquefois. Les Chcniticr men-
tionnés à h rime par Rutebeuf dans sa complainte d'Outremer (2" édîtion de
Jubinal, L n^), ne sont point autres que les Canclni ou Chmcliea de maint
autre texte, et dans ce nom, -icr comme -lu ou -icu^ répond à une finale en
-rfuj comme je le montrerai en une autre occasion. Dans le français Angm
PottierSt estmr (prov. Anjeus, Peitcus^ ^tnup)^ -ter correspond sinon à -^la,
moins â des formes analogues ; cf. Ramantû, V, jSo:
NOTICE SUR UN MS. BOURCUIGKON 4$
— Floovant : furiTurcs) 4}o, tin (tint) 172^ môntan 4$), don presqu^à
chaque page,
18. — / finale tombe fréquemment : Michié p. 1 j v. 28, cii p. 25
f. 57, et surtout après i : ci (pour ai) B 179^ qu*i (pour (ju^il]
constamment. Le copiste, qui ne prononçait pas celte /, Fécrit où elle n'a
point affaire : (7 (a= y) i jo, p. 1 5 v. 22, sil (-= lat. sic] ?22 roil p. 27
(W. Ï40), vdlsad 247. — Dans Floovant aussi l*/est souvent omise : quH
ijj,286, h6.
19. — Après 0 nous voyons IH se vocaliser en u dans Pou^ calendrier,
1 29 juin ', ouen /, dans Poi 108. Pour ce dernier cas, comp. dans Floo-
nmv, 104» loj^ mantai {mantellam), ckatais (châteaux) 728.
20. — /, dans le corps du mol, devient n dans nuns 8 ç et 94 (où le •
«copiste a écrit par erreur nûlz, mettant en trop soit Va, soit 1'/. Nuns
(jm/^of) se trouve dans une charte du seigneur de Tilchastel (Garnier,
11^417), et aussi dam Floovant- — Mont, qui est très-fréquent ici et se
rencontre assez souvent en d'autres textes» est de la même façon formé
demutmm.
21. — n final (roman) est parfois remplacé par m : maim p. 16
Y. 1 56, angim fol, 98 c [p. 18), biem p. 28 L 2. — Très-fréquent dans
Floovant : Floovam 16^, Joceram 81 8, (desrubam) 1300, Maupmm 618,
Tapfrgam 1 304. Les exemples seraient encore plus nombreux dans Tun
et l'autre texte, si on n'était naturellement porté à transcrire par n
rabrévîdtion marquée parle îiîulus. Cf Romanta^ V, 527.
22. — c spirant est figuré par ce dans dreceoit p. 25 v. ji, garceon
28 j ; ainceois B 141 ; franceois B 144, cf. saicheois B 4St cheange
B tO)-8, cheardenaus B l6^ Le même usage se montre assez
uemment dans les chartes bourguignonnes.
2J. — s devant une consonne tombe ordinairement : métiers 47,
tkâ^s 67, 41 r, vetoit 82» acimées 1 34, chate! 188, Batiîre czknû. 24 juin,
Ciiîofe (Christophle) 25 juillet, etc. — Nostre et vostre sont, autant qu^il
me souvient, toujours écrits en abrégé, et peut-être eût-il mieux valu
liranscrire Tabréviation par notre et votre, — Dans Floovant aussi maiiîé
Y, j|, maité v* 91 [cf. ci-dessus maetezp. 12 v. 21), ckrMUî (châteaux),
croîtrai v. 99, etc.
24. — s final tombe aussi dans ver p- 9 col 2, tier p. 1 ^ v, 27, or
}J2, tim 24; san p. 17 \{o\. 88), 244, ûu p. 18 (foL 97), B 62-}.
25, — Notre ms. fait un fréquent usage de i7i initiale, non pas seule-
ment aux divers temps du verbe avoir ^ où cet emploi pourrait être
. expliqué par une recherche étymologique (peu vraisemblable, il faut le dire,
de la part de notre copiste), mais en des mots où Fétymologie est hors
» . Cela n'est pas constant : il y a Poai au 2 ^ janvier.
46 p. MEYERy NOTICS SUR UK US. BOURGUIGNON
de question : Hmfamie, calend. 12 avril, hexii{exiyit) 450, hoir p. ti
V* II, harke p. 1 3 v. 49, ht {ibi} 192, etc. — Le même fait s'observe
dans les chartes bourguignonnes» dans Floovant, et dans le Clrart de
Roussillon (bourguignon) de ijjé, publié par M. Mîgnard.
FLEXION.
Je me bornerai à un très-petit nombre de remarques.
L'article il est parfois employé avec des mots féminins : li lois } i, U
mûire 62.
La déclinaison est médiocremeni observée, ce qui, de la pan d'un
copiste assez ignorant et vivant au commencement du xiv* siècle, n'a rien
que de fort naturel
Dans la conjugaison on remarque^ en des verbes de classes différentes,
des parfaits en 1 : moriî 62 imourut), morirenî (en rime avec connurent)
p. ij V, ti7, arestist (arrêta) p. 16 v. 151. Floovant nous offre de
même îrovit v. 5, — On trouve aussi dans un ms. bourguignon de la
Bibl. nat. (lequel toutefois n'est pas de la même partie de la Bourgogne
que le ms. Add, ï 5606) : apparit (dans mon Choix if anciens textes, panie
française 25, 46), morit (ibid, 99), cognuit, en rime avec adait libid, 87).
Menere p. 28 (fol. 1 56), si la forme est sûre, est un exemple du pré-
térit dérivé du plus-que-parfait latin, forme qui a subsisté jusqu'à nos
jours dans certains patois de la Franche-Comté ; voir ce que je dis sur
ce point dans la Revue des Sociétés savantes^ 4'' série, IV (1866), 1^2.
La finale française -oni de la première personne du pluriel est souvent —
en -ains : puissains (puissions) ry, wiains B 214, f
De même la ^- pers. du pîur, : soaint (soient) 18, moMint 2ij,
respondainî 444. Ces exemples, aussi bien de la 1 ■* pers, que de la j*,
appartiennent tous au subj. — De même dans Floovant v« 1 52 perdesant
(perdissent). — On sait qy'on a en lorrain pour le présent de Pindicaiif,
i*' personne du sing., de nombreux exemples où artf remplace le ent ^
du français (voy. Romank^ II, 2j^, note 4),
Paul Mever.
DE
LA POESIA POPULAR GALLEGA'
BQ9Csndo enta paesîa gallega ejemplos de una forma especialde versi-
ficâdon, hemos ido recogîenda algunas composiciones populares de
varrâs clases que no juzgamos indignas de ser colecdonadas. No todas
emplesn la forma local de ta lengua gatlego-portuguesa : como suele
iUDcder en semejames casos, algunas osan en todo 6 en parte de la
kngua nacional .
Los herederos del nombre, y hasia cîerto punto descendientes de los
aniiguos CallalcoSy conservan tradiciones de fisonomia céltica, queindica
M., taies como la creencia en las aimas errâmes y en la muerte prùxîma
comufiicada por el aspecto de un difunto, etc. Acaso entre ellas pueda
comarse la particular aficion al instrumento mûsîco que la lengua
castellana désigna con el nombre del mismo puebïo (gaita gallega) ;
mas por lo que toca à la poesfa poptilar cantada no haîlamos por nuestra
parte huella segura de tradicion primitiva, Y si bien esta poesfa ofirece
algun género especial 6 caracterisiico, el que esta ahora mas en boga le
es comun con otras provincîas de Espafia, donde, no menos que en
Portugal y en Galicia, sîgue todavia dando nuevos reionos. Por él
comcntaremos nuestro esiudio.
COPLAS. Aunque en Galicia se da este nombre (su forma castiza es
eùproi} à toda poesfa popular, Himanse asf especialmente, como tam-
V
I. M.=:D. MaQuel Murguia en su erudita Hisîork de Galicia^ Lugo. 1866,
I, n% sSj^ ^77 ss. — M*, = Noticias y poesias que nos ha communicado ef mismo
^Murgtîîa- — S. = Poesias que nos na comunicado D Juan A. Saco Arce, ^^[^t
ireotajosamente conocido por su Gramdtka de la Ungua galkga. — T.=tNoticias
poesias < hemos debido suprimir no pocas) que nos dictô el joven gallcgo
, Tiboada, — C :=:Caniara galttgos (copias populares aue les sirvcn de leroa)
de D. Rosalia Castro de Murguia. — G.-= uermond y Hcllerich Aptrçu de l'hin,
dis langues neoiat, m Espagne. — B, y F* = Los maestros de mustca Barbieri y
Piquer. ^Crcenios ineditas las poesias senaîadas con M*, S. T. B. P y X (estas de
vanp origen). — Al Catedratico de nuestra facyltad de ciencias, a. la vez^que
bibliofilo, D. J. R. Luanco debîmos el conoctmenio de la obra de Murguia y
algunas poesias se mi -populares*
48 MÎLA Y FONTANALS
bien en Castilla, las cuartetas sueltas, de versos generalraenteoctos^labos »
libres los impares y asonanlados 6 aconsonantados el segundo y el cuano.
De este género bablaba ya el P . Sarmiemo à mediados del sigio pasado
en sus MemoriaSf 557, 98 : « .*. en Portugal es tan natural la poesfa de
que se habfa, que cada pastor es poeta y cada moza de câmaro poétisa*
Esto que es comun en toda Espana es mas particular en Portugal y
Galicia... Ademas de esto, en Galicia las mujeres no son s6!o poétisas,
sino lambien mûsicas naturales... En la mayor parte de las copias hablan
las mujeres con los hombres. » Aun en el dia, segun M., « no hay acto
de la vida vulgar que no tenga sus copias ; las mugeres prmcipalmente
parecen haber inventado este medio de dar û conocer sus sentimentos. 1»
T. nos dijo que copias las compone todo el mundo^ hasta los labradores,
i diferencia de los versos (poesfas que presumen de artisticas) « que
quieren mas inteligencia. n
Las copias abrazan todo género de asuntos y no consienten una clasi-
fication rigurosa ; las distribuimos aproximativamente en religiosas,
reflexdvas, locales (las que se refieren â un hecho hjstérico» 6 una
costumbre 6 preocupacion del pafs), melancôlicas, amatorias y satfricas
à joviales, dejando para el fin las que presentan un cardcter mas inde-
ciso, las dobles y las de versos no octosilabos.
Entre las copias castellanas y portuguesas que se han coleccionado,
no todas, à nuestro ver, pueden ser Uamadas poes/a popular : algunas
no son poesia y otras no son realmente populares. No todas las gallegas
que publicamos 6 reproducimos merecen eï primer nombre, pero todas
6 casi todas pueden ser hijas de una înspiracion popular genuina. Las
hay muy bellas, algunas de una simplîcidad de todo punto primitiva ; la
2î nos parece sublime,
Ademas del nombre gênerai de copias se emplean otros , entre elbs
el antiguo de canîiga. Las copias satiricas se llaman tambien, segun T.,
tiradiiias para escarnir 6 simplemente tiradillas.
Es comun la denominacion de A-la-lai, derivada del estribillo que
acompana â menudo i las copias. El uso de este estribillo fue recordado
por el fecundo versificador Zemadas, cura de Fruime (f 1777), muy
buen galiego, pero por lo visto poco aficionado i las cosîumbres popu-
lares :
Porqué de sus talalâs
En el estribillo eterno
Parece que uqos bataaes
A coros estoy oycndo^-
I
)pu-
à
1 . No creemos rnoportuno recordar que tiuestra métrica creenta en los versos
una silaba mas aue U francesa.
2. Zemadas» kc¥, de Esp,, n» 111.
LA POESfA POPULAR CALLECA 49
Pot e! contrario en nuesiros dias C. que esti dotada de un vivo sen-
dmiento de ta poesfa popular, llama à este estribillo
O dolce^.. h., lûlû
Que lengua de amores fala * .
Al enviamos cl n" i $ B» le dl6 el nombre gênerai de muneira y el
pirticular de alborada^ lo cual significa que se canta con miisica de
nuniifû, y que se destina à ser caniado i la hora del alba.
Hay copias que se Uaman de Nadal, de AninovOt y de Reys, u Cân-
' tinUs, nos dice M% los mozos de lasaideas para sacar dinero à cosa que
b valga : cada dia son peores y menos fieles à la lengua del pafs. »
SegQQ T,, son lodavia popuiares en algunas ciudades y se dice comun-
^Qente : « Vamos à caniar 6s reys. » En los n^* 70 y 1 36 se halla esta
expresion.
Tercetos. La poesia gallega tiene una clase de estancias que suele
acompanarse con el pandero. Es la de lercetos de versos octosilabos,
casi siempre libre el segundo y asonantados à aconsonantados el primero
j d icrcero. Puede considerarse como una cuarteta en que los dos
prizneros versos se han concentrado en uno, el cual i lo menos forma
Ihsinis veces sentido separado y à menudo se compone de una frase
vocatîva. Esta forma que no observamos en las demas poesfas popuiares
de Espana ni en la de Portugal », recuerda naiuralmente el temario
câtico : pcro se ha de noiar que este era monorimo,
RuADAS. Fôrmase à veces una série de estos terceios para acompanar
d baile llamado ma 6 ruada ^ Segun T. este baile se llama lambien en
r algunos lugares faliada y suele danzarse en una plaza 6 era : un hombre
rauita y toca el pandero, mientras los demas hombres y las mujeres
fcantan j baitan, terminando con un sonido agudo y prolongado, llamado
El cjemplo de ruada que da M. y que hemos creido oportuno repro-
1, Atesligua tambien este uso una « Letrîlla (impresa) de los Ubndores
^le^os à los regios desposorios de S. M. (Fernando VU con Maria Cribiina,
1^34) en Us fuadones ae la M. N. y M. L. ciudad de Santiago con su acos-
tnrobrado Atâ^ laia^ iaia^ laU. — Ah^ tala^ iala^ ta / V» umbien nticstro
2. Hay alguna danza catalana y ietrillas castellanas en que el tema es un
lerceto gcneralmcnle con las TÏmuabb (como nuestro n** i 12), — Los stornelHf
(} sçmn ttalianos ofrecen mucha semejanza con los tercetos ^allegos^ con la
notable diferencia de que los versos son endecasilabos, si bien à menudo cl
pnmero se reduce à la invocation del nombre de una flor, v. g. Fier di limotu.
I . En unes villancicos cantados en e) Naammio dd Hoipital de Santiago
leemos : « Hoxe é gran festa, meninas, — Hoxe é dia deruar... » ; t Vamonos
Ma pra aldea — Pois aqui n'é bon ruar... t
4, E^lc gnlo recuerda naiuralmente como notâmos ya en nuestros Trov, en
Eîp, y ha ootado por su parte M. lo de a pubem Barbara ntiiic patriis u/a/t?^*
Um carmins linguis etc. * oe Silio, pero no por esto creemosque baya derivacion.
Homaniâ^ VI 4
io MI LA Y FONTANALS
dudr es tina composîcion notable en su genero y suraamente anîraadâ^
caraaerisiica. De su coniexto se deduce que debid ejecutarse en un lugar
cerrado, acaso un hiierto 6 patio. T. nos ûlclô el coraienzo de otra que
no parece de igual métro :
Aqui mozaS) aqui mozas,
Aqui tadas, aqui todas,
Al rededor d'o pandeiro
Ldele, Idele lelelele
Uh ! Uh I
Muiï EïRAS. Esta es la forma castellana de la palabra gallega muhintira^
derivada de muhino (molino) y que significa motmem K Mas bien que un
género poético désigna una clase de aires ô melodias que acompanan
una danza de igual nombre. Todo, nos dijo T., se puede cantar como
rnamra 6 como fandango. Hay, sin embargo, im métro que corresponde
i estas melodfas, cuyo caracter esencial, segun ha observado M., es la
division de los versos en hemisiiquîos. Mas el tipo perfecto de esta clase
de versificacion existe cuando los versos son endecasilabos, deacemoen
la primera, cuarta y séptima silabas, que es lo que alguna vez ha sido
Uamado endccasiiaho de gaita gallega 2, fl
Este métro, ya en su forma mis libre é îrregular, ya en su forma
perfecta, no es exclusiva, pero si muy caractensiica del pueblogallegoy
se acomoda al instumento musical favorito de este pueblo. Entre los
re francs colleccionados por S. en su Cramdtua hay un ndmero bastante
crecidû en versos de muneira :
i Aïegria, alegrote,
Que anda 0 rabo d'o porco n-o pote.
2 Compra n-a casa e vende n-a feira.
I Escuddro mancebo^
Déitate tarde levàntate cedo*
4 Fillos criados traballos dobrados.
j Gracias â Dios que cocemos
Scte pctadas e nove debcmos >.
6 Gracias a Dios y-às nosas labores,
As nosas barngas parecen tam bores.
1. Hay 6 hubo un baile llamada modtha portuguesû. No es de créer que
medie relacioTi entre esta palabra y la mahmeira.
1, En un art inserto en la Rcvista hisîùnca îaûna H, \%i ss. (V. Romania^
187), p, ^08) t Del decasilabo y endecasilabo anapèsticos i» (denominaclon
que usamos en eï misnio senlido en que se habla de irocaicos y jdmbicos neo-
lalinos) iratamos de esta cspecic de versos y del dodecasîlabo que se combina
venlajosamenle, ya con el decasilabo, va con el endecasilabo aoapéslicos.
3. T. que nos diclô como muàetras los 1, j y 8 dccia en este verso : t Calorce
panes e quiace debemos. » En el segunao verso del 8 decia : « Cuncas y
pratos babés de ruxir. »
LA POESfA POPULAR CALLEGA Jl
7 Honte Sf ntado non faî bon mandado.
8 Martes d'antroîdo cando has de vir?
Casquînas d'ovos (casi) habés de ruiir.
9 Marzo marzola lorbon é rayola *.
10 QucTi vende é mente a boisa 11' o sente.
1 1 Salto d'un souto e mélome en oulro.
12 Ti que me levas y*eu que m'ajydo,
Vamo los dos à cabo d'o mundo*
Por uTios versos de Zemadas (que nos ha comunicado S.) vemos que
en c) sigio pasado ya se consideraba como aire antiguo el métro de la
rouncira * :
Minuei al airt antiguo.
Si en Compostela la noble y leal
Hoy cine Carlos su regjo laurel
Lo hace en lugar de Jacob celestial,
Porque se sepa que un rey, como es él,
Debe à Santiago el împerio espanol etc, ^.
Aunque la répétition de palabras y frases es distintivo comun de la
poesfa popular, se observa de un modo especîal en la mayor parte de
marUiras, cuya conslruccion ofrece una semejanza notable con las can-
de fndole popular que llevan en el Cancionuro del Vaticano el
l^fioQibre de aniiguos trovadores poriugueses 4.
La inspiracîon de las murieiras es bien poco elevada; pero por razon
\ la iroportancia relativa del género no hemos sido escrupulosos en la
rdeccion de ejemplos.
1. Esei refran comun a muchas lenpas contra la inconstancia del Marzo,
^£stos refranes suelen contcner derivados depresivos del nombre del mismo mes :
72ola, manan este y otro gallego ; mûnadas otro caste! fano \ marsol y marseja
catalanes ; marsegia uno m en ton es.
2. t Carta-cuenta 6 razon en suma de las festivas gozosas demoslraciones con
qcc la M. N. y M. E. ciudad de Santiago celebrô la solemne aclamacion de
. R. y S. D. Carlos III (17J9). »
}* Los modernos poetas gallegos no han fîjado la atencion, segun parece, en
jlrf endecasïlabo anapestico y cuando tratan de imitar las murieiras usan del deca-
nlabo ya interciso (54. j), ya anapéslico (muy comun en la poesia castellena).
*ste es el métro de una que pasa indebidamenie por munara popular y que consta
t varias cslancias : « Una noite n-a eira d'o Irigo, etc. 1.
4. Compârense^. porexemplo nuestros n''* it j-iao con la ya famosa cantiga
dû amigo del rey Diniz : Ay frores ! ay frores do verde pyno ! ^ Se sabedes
Lnoras do meo amico,.. Ay frores! ay frores do verde ramo! — Se sabedes
oral do meo amaao •. Monaci Canti ant. pori. n" 1 , V. lambien 11, III, V, VI,
Ifîll, y olrascn cl Cancionànnho de Varnti^gen. Fuera de Galicia ballamos con
_ i conslruccion en Aslurias : • Ay Juana, cuerpo garndo, etc. «Quadrado
iiciufiiùs y Bdlizai de Es pana ^ Aslurias y Léon, p. 237) cuyos versos son
Basi lodos endecasîlabos anapésticos y cl conocido • Canlan de Oliveros é can-
an de Boldao •, que se lee en un aocumenlo apôcrifo inserto en las Cran-
dtzai 4i Avila del P. Ariz.
52 MÎLA Y FONTANALS
Mayos, La personificacion del mes de las fîores que en otros pu^
de Espaiia y en afguno del S. de Francîa era una Maya^ en Galicia es
un Maya, Segun T. los nifios hacen una choza de rétama y dentro se
coloca uno que es el que canta ; otros van al rededor y siguen el canto
goîpeando el suelo con estacas. <t Los Mayos, nos dire M', van decayendo.
En mi ninez, y no soy muy viejo^ los he visto en esta poblacion que es
la que guardaba mejor taies iradidones. Un miichacho, cubîerto de
hinojo de pies â la cabeza, y coronado de rosas, era el Mayo. Este can-
taba las copias que otros muchachos iban acompaiîando con el siguiente
esiribillo : ^^
Cantaret o mayo ^|
E mais ben cantado. ^*
Romances. Si juzgamos por las muestras que hemos reunido no
abundan en Galicia; mas no por esto admitimosque haya en este puebto
una repugnancia innata hacia un género tan naturai y difundîdo. Acaso
se introdujeron à se compusieron en Galicia en mener numéro que en
Portugal y en Asturias ; pero basta para explîcar la aaual car est fa la
decadencia del espiritu tradicional y la mayor aficion i otros géneros
mis enlazados con la miisica y la danza. Igual escasez se nota (juzgando
por lo que se ha publicado), no tan solo en Aragon y en Valencia, sino
tambien en Castilla y Andalucia, que lan fecundas fueron en romances.
Publicamos dos religiosos, dos novetescos^ uno de costumbres, dos
que se pueden llamar humoristicos y uno de carâcter raenos popular.
Tenemos ademas notîcia de bs siguientes.
Coelho ha publicado {Romama^ 187$, p. 270), â mas de uno que cor-
responde â nuestro no i $4 otro de A Morte de Xesus : fl
Juebes santo, juebes santo très dias an tes de Pascoa... ^^
T. nos dicté estos versos que pareceo principio de romance (castel
lano) :
Santa Catalîna nija de iiti rey moro
Matôta su padre coti (yna) espada de oro^.
M. publicd notables fragmentos del romance de Santa ïrena que did
ya a conocer Almeida-Garret, aunque no en su Romanceiro y de que
Th. Braga* Rom. geral^ p. i2j, ha dado versiones de Santarem (Iria a
fidalga). de Covilhà (Santa Iria), del Minho [Santa Helena) y Cane, do
archtp, açoriano^ p. ^64, otra que lleva tambien el nombre de Santa Iria.
I . Sabido es que el asunto de Santa Catalina es favonto de la poesu popubr.
V,, por qemplo, Smith, Romania, ïSy^, p. 440. En Cataluna se conserva un
romance vulgar castellano del mismo asunto queempieza : < Ahiarribaen estos
mundos Hay tierras muy rcgaladas. *
2* Al citar las coleccioncs de este autor, mas fielcs y copiosas gue la de
Almcida-Garret, debemos advertir que esiamos muy distantes de admitir cjertas
ideas que con cspecial inslslencia en cllas se exponen.
I
LA POESfA POPULAR GALLEGA ^J
De Sanu Irena que se dice haber dado nombre à Santarem hablan anti-
gDût breviariûs lusitanos (V. Esp, sagr, XIV, 201 ss.). Aunque en la
vcrson gallega se conserva mâ& fielmente el nombre de la Santa, el
nMnance es indudablemente de origen portugues. La version de M.
eiapieza :
Estando coscïido n-a miôa almohada... *
El mismo M. trae una version abreviada de la que Braga, Rom. gérai,
p, 146. Arch, açor. p. jya. Mania Xàcara â^o Cégo :
Abrecn os portmos âbreme o postigo.
Es un raptOy pero al rêvés de otras muchas canciones del mismo
istmto, contra la voluntad de la robada. Esta alcanza la libertad en las
Tersbnes portuguesas; la gallega termina con ta exclamacîon :
Adios mina casa ! adios mina terra
Adios mifla nay 1 Ay meu beu que este boo pasar era î
T,nasdia6 algunos versos estropeados de la Pastorinha (Pastoriîia) ^t
Brakga, Rom. geml, p. 17), Arch. açor., p. 573 :
Linda pastorifia tî que fas aquï
N-este monte rose de tanto pehgro ;
Te advierto, oifia si quieres venir conmigo, etc.
Este romance que por su comienzo parece ha de ser una serrana al
cstîlo antiguoj versa sobre el répugnante argumento de un recien vcnido
que hace una apuesta contra la virtud de su hermana.
Fizialmente M* nos ha remitido los siguientes versos de un romance
de costumbres, ûnicos que recuerda, à pesar de haberlo visto impreso :
Ëlas eran très comadres é de un barrio todas très,
Fiieron una comida para ir a san Andres.
Una puso trinta ovos, otra puso vint'e seis...
Mientras estan comiendo llegan los maridos y las apalean ^ .
Advcrtiremos que los gallegos revindican !a propriedad del famoso
romance 6 cantar : 0 figueralfiguereido, fundândose en algun resabio no
portugues del lenguaje (ntnas 6 ninas, ihorando, homhre, ccrca)^ en que si
il hecho fuese histôrko debiera haber acontecido en Galicîa y no en Por-
t . En la version de Covîlhâ Iria perdona à sy matador ; en las demas^ înclusa
\i gailegaf se le alribuye un JeEiguaee meios propio de una santa.
a* La aciual ortografia gallega, a eiemplo de la castellana, emplea n y II en
[Itigarde nhy th, usadas por Jos provenzalcs y conservadas por los portugueses.
La ^ de anha y sas compuestos indica pequefla aspiracton para separar la a de
la a V. Saco Gramaûcà^ p. 26. T. pronunciabacasi imgû.
|. En CaïaJufïa hay un romance de igual asunto auoque de diferenie
âsûnaote :
Las ninas son al fom a coure cocas finas
Qu'en volen fè* un dinâ quels seus marits no \\\ siguin
(Jjtibett, curtei, curtci de Ij m.il.i gclosia), etc.
54 M]LA Y FONTANALS
tugal, pobtado entonces de moros, y en que el solar de les Figueroas se
halta en Galicia y bien lejos delmediodia '.
Cantarcillos. No hemos logrado ninguna oracion infantil que se nos
dice, y lo supondriamos aunque no se nos dîjese, que exisien en Galicia;
pero si algunos cantarcillos de olra clase. Los n'*^ i >9 y 14*^ ofrecen una
versificacion muy libre como es comun en esta clase de obrillas^ que se
recilan, sin embargo, con un movîmento ritmico muy decidido. M. da
otro ejemplo de métro muy uniforme :
Pico pico, mazarico
Quen che dou tamano bico ? etc. ^.
£nsalmos. Damos très muestras de este género, ^ veces poco acce-
sible.
DtALOGOS. Aunque patrimonio de personas del pueblo y â menudo de
campesinos^ este género es mas bien vulgar que verdaderamente popular,
tf En las bodas de los campesinos, nos dice M\ suele presentarse una
gran bolla 0 torta de pan que se destina como premio al que mejor y tnàs
copias cante, improvisadas unas^ otras de las que ya andan entre la
gente del campo. Boda en que no hay rcgueifa (asi se llaman estas
tortas) f es de las raas pobres y de ellas se burla la musa popular (V. d
n" 19I. )) Las copias improvisadas en las bodas, que reciben tambien el
nombre de regueifas, consisten à menudoen un dialogo 0 desafio, cuyos
contendientes suelen ser un mozo y una moza. Estas improvisaciones
tienen poco valor literario y « todo se cifra en la gracia y la facilidad de
la improvisacion. )) Como suele suceder en casos an;ilogos los versos
son prosaîcos, pero la costumbre es poética. fl
En el ejemplo que publicamos puede observarse la frecuente repelicîon
del liltimo verso de una copia como primero de la del adversario :
costumbre muy adecuada à la improvisacion y que, segun M., se observa
tambien en las luchas poéticas de las cantadeiras^ las cuales, por lo ^
visto, son diferentesde las regueifas 6 copias cantadas en las bodas 4. ^
t . Estas monts aduce 0. Teodosio Vesteiro q\ie esta publicando una CâUria
de galUgos ilusttci, — Obsérvese que el cantar tiene una construccion si-
métrica que recuerda la que hemos notido en cantares portugueses y gallegos :
pero esto no puede ilustramos acercadel lugar ni de la época de la composicion.
2. Este canlarciltu se halla tambien, anque menos extenso, en Arch. açor,^
p. t8o; en Caslîîla dicen tambien les nifios : Pito, pito, colorîto. Donde viencs
tan bonito ?
j. t Lopcz Tamarîd en su Compindio de alganos vocabhs arâbigos^ etc. dice
que regaifa es voz arabe que significa torta. » M, — Engelmann Closs, de
mots es p. il port, dèmès de l'arabe ponc : ■ Regm/a, urabe Ragmjûy que P. de.
Alcald Ira du ce por horonaxo de guevos, oblada y torta. » I
4. M. llama Rfgueifa a nue&tro n* 145, pero nos dice que suele darse à
semcjanlcs composicîones el nombre de romance îi falla de otro mejor. — El
mismo nos informa de que los aldeanos de Gaticia tienen tambien sus represen-
taciones dramiticas, en parte habladas, en parte mîmicas.
LA POESfA POPULAR GALLEGA f^
ViLLAKCicos. Estas composiciones, det genero lîrico (no hablamos de
iott romances nairaiivos referentes al mîsmo asunto; , lan recomendables
par sa objeto y que tan poéticas costumbres recuerdan, son casi siempre
«mi-populares, es decir, debidas a leirados que se esfuerzan en habïar
d lenguâje del pueblo ^ Asi no es verdaderamenle popular, à pesar de
to aspectû rdstico, el Viilanceie peh Natal pubiicado por Vamhagen
Trams^ p, )6o% nJ lo sonj a pesar de su sencillez y gracia^ los dos
fomâncnios que damos por maestra, excepte la estancia final del primero
qot es un simple canto de cuna K
Si hubiescmos de créer à Terreros, Pakogmfia e^pamla^ la mdsica
popular de Galîcia (no menos que de Portugal) tendrîa lejana ascen-
dencia, pues se hallaria « su aire y gusto n en las Cantigas de Alfonso. ,
Comosea, las melodias publicadas por M. y olras recogidas por P. ofrecen
un sabor particuiar, dîstinto del de las del medbdia de Espafia. Algunas»
segun cl tnismo P., se asemejan â las de las montanas de Santander;
una de elias es cuasî îgual a otra catalana. La de las Regueifas consiste
en una cantilena muy poco variada y adecuada a la improvîsacion,
Conodda es en toda Espaiia la animada nmtuira cou que se canta e^
n* 1 16 y suponemos tambien los 1 14 et 11 ^ . La que nos cant6 T. como
aplicableà toda especie de versos, aun à los octosilabos, es asaz insi-
gnificante^. El canto de rua que publica M, liene mucha viveza y, como
las mtimras^ la primera sUaba fuertemente acentuada.
M. habla con natural entusiasmo de las melodias gallegas y aîgunas,
en efecto, son muy bellas. Este senlimiento es comun à cuantos esiu-
idian los cantos populares con disposîciones estéticas. Aunque en estos
cantos son en cierta manera indivisibles la letra y la melodia, la primera
no siempre ofrece cuanto se desea y à veces ofrece lo que no se quisiera;
al paso que la melodfa nos da un conjunto perfecto en su clase, sin
clémente alguno que desagrade.
1 , Tambien puede componcr poesia scmi-popular un poêla îlelrado , înfîtiido
por inodclos no popuUres : cslo es comun en Italîa,
2. Cuisî tûdo los versos de este villancete son endecasîlabos anapésticos, 6
.bien de 12, 0 bien de 6^ ô } sibbas (quebrados de 12), es decir que tienen d
knovimiento de muhara,
j . Un nliancko-mancira catalan : « Que li darem an-al noy de la marc 1» ha
de provenir, en opinion nuestra, de un original gallego. Su musica es muy
i il de « Tanto bailé > ; pero vcmos que en Galicia solo conocen su
jue suclen decir en casteflano : Tantaratan que los higos (6 tas uvas)
V [1 vrrucs Taniarantan que ya madoraran). El villancico 6 d lo menos el
cstribillo es tambien conocido en Ca&tilîa.
4, Esbaslantc parecida al motivo dtlRokrto : « Oh fortune, à ton caprice »>,
_^ éspojado de su encrgia. Se asemejaria mas si se niodificase este motivo para
^aplicarlo a endecasilabos anapesticos, como el siguiente : ^^ Oh ma fortune que
iOïi Ion caprice,,, »
56 MILA Y FONTANALS
La variedad de instrumentos de miisica usadosen Galicia atestigua ia
aficion à este arte. C. describe el efecto de alguno de ellos :
Redoble das castaîletas,
Xas-carris-cas das conchinas * ,
Xurre xurre das pandeiras,
Tambor do tamborilero,
Gaitifia, gaita gallega,
Xa non m' alegras dicendo :
Muhineira, muhiileira.
Hay ademas las fermas ('sonajas) y la flauta y la sanfona (viella) que
en algunos cases se unen à ia gaita para acompanar el baile Ilamado
muneira >.
Si este es el que conocemos y que suele representarse en la escena
con el nombre de gallegada, es una danza decorosa, aunque muy alegre y
animada y à la cual se da cierto caràcter cômico. No la describe con
este liltimo caràcter M. que habla del « vivo movimiento del galan » y
de « la modestia y pudurosa parsimonia de las mujeres. »
Recordando estos usos, el traje provincial que, al parecer^ no ha sido
aun sustituido por la fea uniformidad modema, las dos especies poéticas
caracteristicas del terceto y de la muneira, la indole de varias melodias,
el contenido de algunas copias y las tradiciones y costumbres que se han
conservado, puede decirse que Galicia posée unapoesfa nacional. Aunque
sabemos cuan aventurado es atribuir este titulo à composiciones que
expresan sentimientos comunes à todos los pueblos y que pueden haber
nacido en un pais extrano ^ el conjunto de las obras poéticas que cono-
cemos corresponde à la idea que generalmente se tiene del pueblo
gallego : algo muelle, pero apacible y bondadoso, sin que deje de ofrecer^
acaso màs de lo que se creyera, propensiones satfricas.
COPLAS 4.
I C. 2 S.
Nosa seîiora d'à Barca Mina Virxen d'Aguas Santas
Ten 0 tellado de pedra ; Ten as culleres n-a fonte
Ben 0 pudera ter d'ouro Para beber os romeiros
MifSa Virxe si quixera. Que vên cansados d'o monte.
1 . Conchas naturales, sin duda modelo de las castafïetas, liamadas tambien
en gallego (como en catalan) castanolas.
2. A veces debe de acompaflarla el tamboril, conforme indica el estribillo :
c Tantarantan. »
3 . Por su vecindad y parentesco con Portugal y por la estancia de muchos
de ellos en Madrid y Andalucia los galleços han tomado naturalmente poesias de
estos paises, pero esto no significa que a su vez no hayan podido comunicarlas.
4. Indicamos con letra cursiva à bastardilla lo que nos ha parecido exdusivamente
castellano en alcunas poesias en que domina el gallego, y lo que es gallego en las prin-
cipalmente castellanas ; senalando las ultimas por la abreviatura (Cast.).
LA PO ES f A POPULAR GALLEGA
&j Santa Margarida,
Mlfta Marprida Santa,
Teades a casan-o monte
Docide 0 paiarino canla.
4 T.
NoQ cintés cantigas * locas
Porque é muito pecado ;
CiDlâ [boas] cantiguinas
A Cmto Cnicificado.
5 S.
Aaqoe tocan as campanas
Nom tocan polios ()ue morren;
TodJi po-Ios que cstan vivos
Para que d 'des s'acorden.
6SÎ.
O secrcto d'o teu pcîto
Non cocrtcs d t«u ami go ;
A itnisti logo s'acaba
Y-él chc sirvc àt test i go.
7 s.
Mou boQtU Q-o mundo
Non hâbîa de oacer.
Porque fai com' a mazâ :
Todû-(a quercn corner.
8 T.
Vamos indo, vamos tndo
Para scrvicio d'o rcy;
Os ricos quedan n*a terra
E y-eu ^ que so pobrc irey,
9 M*-
A Virxen de Cerca vaisc^
O cabildo vay con cla ;
Panadcirinas d*a praza
Vinde a dcspedirvos d'eU.
10 T s.
O portugues rcbctudo,
Criado de mala ley,
Que che costaba en decir
Velay vên o noso rcy ?
11 M.
Uns corren para Castilla,
Outros corren para Cais,
E solo Dîos é quen sabe
En donde a forluna esta.
A Ca&tilla van os homes^
A Castllla por ganar;
Castitia queda n-a terra
Para quen quer traballar.
En Alba hay boas mozas,
En Campafio a fror d'elas,
En Leres o refaixallo,
En San Vecenle son bêlas.
I. U» gallegos que tienen una tîntura de lengua casteUana suelen convenir la gutural
saave en asplrada ; asi se cuenta de unos que quenan ocultar su naturaleaca y que la
dekCHbrteron^ respoodîendo à un ;quiciv vive? Unjaroi en ver de Ungaros, T. dccta
ueiDenee cantija^ pdijrû^ etc., por cantiga, pdi^rOy etc. — En cuanto i la acen-
iT» hacia llana y no esdrujula la palabra cjnfigd. y aunque se nos dice que hay
M que dîccn càntiga^ sera por mfluencia enidita rcciente, pues crccmos con
Vî^ti {Rc9. de Arth.) que si el pueblo hubiese redbido ta vos cântica la hubicra con-
iraido.
1. • El sccreto de tu pccho -^ No se lo des a un amtgo, — Que si la amistad que-
brarc — Te ha de servir de testigo ». Fcroan Caballero, Cuentos y poestas populara,
p. ao8. Variantes en E, Lafuente Alcantara, Cane. popuL II. Copiât, p. H, nota, y otra
ouiy parecida en la mis ma pagina
g EstJ7 antcs de vocal ea muchas vcccs simplcmentc cufonica.
4, Se refiere a U translarion de b imagen de la Virgen de Cerca a San Agt*stîn dônde
tetues ha cclebrado sus funcioncs religiosas el Conccjo de Santiago, M,
$ Se rtûere^ segun parece, à la separacion de Portugal Es singular que, segun T*,
9t cmia en son de fanaango portugues.
6, En CasriJU se canta : * A las indias van ïos hombres — A las Indias por ganar —
Las tntfiai aquî las nenen — Si quisieran trabajar. »
7. Segun T. loi cuatro pueblo* que se nombran pertenecen a un raismo concejo* — El
tCAS te presia a variantes, Asi en Asiurias hallamos la copia citada por Jovellanos :
• Cn Cingas hay bonts moces — En Aviks U Hor d'elles — En Luanco mjclguci curades
— Y en Xiion paraxismeres. » Algo semejante en Andalucia : « A Roma se va por bulas
— Por ubaco a Gibraltar, etc* Fernan, p. 1-^6. V. lambten Lafuente, p* 401 y 41^ :
En Cabanda vcndcn codos En Akorisa puchcros^ etc.
5»
14 T.
Pontevedra é boa villa
Da de beber à quen pasa ;
A Fonte de Ferreria,
San Bartolomé â prasa.
Vcxo à Vigo, vexo â Vigo
Tamen vexo à Compostela;
Vexo 0 Ponte de San Payo
Camifio de roifia terra.
i6C.
Castellanos de Castilla,
Tratade ben os gallegos ;
Cando van, van como rosas,
Cando vên, vên como negros.
17 T.
Si che vas à San Benito
Non vayas 6 de Paredes,
Que tamen San Benito hay
N-ese convento de Leres.
i8M.
Os soldados vanse, vanse,
Vanse po Cudeiro arriba ;
As rapacifias d'Orense
Choran que cortan a vida.
19 M«.
A regueifa esta n-a mesa,
Feita de pan de centeo ;
A muhiiio qu'a moheu
Non tiiia capa nin veo.
20 T.
Fuliada d'esta noche
Mafiana sera sonada ;
Qu'ela sea o que non sea,
Sempre sera fùliada.
MILA Y FONTANALS
21 M 2.
Cando o rio fosse enriba
E os carballos deren uvas,
Han de ser homes de ben
Os homes de barbas nibias.
22 T(Cast.)3.
Vàlgame Dios como canta
La serenita del mar,
Que los navios dan vuelta
Para la sentir cantar.
23 S.
Quen me dera dar un ay
Que s'oira alâ enriba,
Que dixera roiiia nay
i Aquela é mifia filla. •
24 M (Cast.)*.
Yo quisiera tener madré
Aunque fiiese de una sUva^
Que aunque la silva picase
Siempre era la madré taiia.
2sM«.
Non me prendas, silva ver de,
Que n'estou n-a mifia terra;
Nunca silva me picou,
Que non me vingase d'ela.
26 M».
Arriméme à un pino verde
Por ver si me consolaba ;
0 pino como era verde,
De verme chorar choraba.
27 T 7.
Alto pino, alto pino
Qu'ô ceo chegou a rama ;
Non me derrames 0 pino
Que me derramas a aima.
1. Var. X. « Vexo vigo, vexo Cangas, — Tamen vexo RedondeU. » Asi debedecir
segunM*.
2. En Caulufia es el pelo rojo el de mala fama : a Home roig y gos pelut Primé
mort que conegut. »
3. c A Sereia quando canta — Canta no pégo do mar ; — Tanto navio se perde — Oh
que tao dolcc cantar! » Arch, Açor.^ p. j.
4. Aunque el lenguage es castellano seda a la palabra j/Yvâ el sentido gallego dezarza.
— Ai quem me dera ter mae — Inda que fosse una silva — Inda que ella me arra-
nhasse — Sempre eu era sua filla » Braga Cane. pop. y p. 106.
5. « Silva verde nao me prendas — Olha que nao me seguras... »; c Una silva me
prendeu... »; « A silva que me prendeu... »; « Ha silvas que dan amores... » Braga
C. p., 44 y 45. Se ve que esta palabra se toma en sentido metafôrico.
6. Version castellana casi literal en Lafuente, p. 283.
7. Variante de los dos ultiraos versos M* : « Debaixo d'o alto pino — Tina mcu amor
a cama. »
^^^^^^^^^^■^
POPULAR GALLEGA
^^^H
^v
ÎS CM 3.
^^^M
^^■Soîdades danme os campos,
Qu'a ruia que vïudou
^^M
^^v Ai îriftas, as veDdimîadas
Xurou de non ser casada*
^^Ê
H Y os paiarinos cantando
Nin pousar en ramo verde,
^H
1 N-as Urdes é madrugadas.
Nin beber d'augua crara.
^^Ê
H 29 G.-C.
j6M*.
^^M
H Airroos, airidos, aires,
Na aima se me clavou
^^^H
H^ Atrifios d'à mina lerra ;
A rais d'o teu querere ;
^^^H
^^B Airi&os, airinos^ aires
Mentras n-o mundo vivere
^^H
^^V Ainilûs, levatme a ela.
Outro amor non hey de terc.
^H
M jo C-S*
37 MS.
^H
H Adios nos, adios fontes
Adios non^ si non m'o digas
^^Ê
H Adioi regatos pequenos,
Qu*è che palabra muy triste ;
^H
^^v Adtos vista ^ d*os meus oDos,
Entre dos que ben se quercn
^^1
^^B' Non sei cando nos veremos.
Costa caro despedirse.
^H
r 31 c.
î8M.
^H
■ Hora^ mcu meni5o, hora
Si ti me tiberas ley
^^1
H Quen vos ha de dar a teta,
En che libéra carino ;
^^Ê
H Si tua nay vai à mubino
Escribirache unba cafta
^^Ê
H £ teu pay à lena seca ?
N-as a las d'un paxari^o ^.
^H
■ i^T,
39 S ^
^H
H A subt-b é à baixâ-la
Anqtie me vou, non me vou,
^H
^^H A oosta de Carracedo,
Anquc me vou, non nroîvldo ;
^H
^^f A sobî-la é à baiiii-la
Anque me marcho c*o corpo
^^1
H Perdd a data d'o pelo.
Non me marcho c'o sentido*
^H
■ H S.
40 C.
^^Ê
■ Agora que m'eu hei d'tr
Mais 0 que ben quixo un dta
^^^H
H As pednnas choraran :
Se à querer tén aficion
^^^H
H Chorai, pedrinas. anotte
Sempre lie queda una mdgoa
^^M
H Que me vou po-ia manan.
Dentro d'o seu corazon.
^^Ê
■ H S.
41 M.
^H
■ SaJvaterra non Un augua,
Augua d*o Pilarde Cruna,
^^Ê
H Se non ten eu ira darei;
Augua d'o lindo beber,
^^Ê
H Co'a augua d'os meus oNos
Quen amores tên 6 louxe
^^Ê
H Salvalerra regard .
Ma lie valera non ter.
H
^^H j. Los portugueses tietien la palabra
sâudada (sùkdâdes cast.; anyoransa^
ûnyora- ^^|
^^^ft «Cif junto con anyçrar y anyoraru c»t.
, endertos casos regret h. y daidtrium lat). De ^^M
^^^Keti piiUbra han usa do y abusado los |
^^^MMoiâade se halU va en cl rey Denii.
^^^V a. Vit. S. ** fonte n. Acsio dijo u lu
pocui ponugueses modernos. La forma gallega ^^|
^^^1
tme 1».
^^H
^^H }. Var. M. « A ruia,.. de y-augua.
»>
^^H
^^H 4. EJta t et paragogica IV. Sjco, Gramaîica, p, 20 y 11) y exigida por la
^^0 por ooo rcsulun ires consonantes seguidos, ^ (t Hajta el aima me ha Uegado -
musica : ^^H
^^1
■ de h» quercr, — Si no es verdad lo
que digo — Mata puhalà me den, »
Lafaente* ^^|
■ p 141. — M. da esta copia y la siguiente como muestras de Ala-las.
^^H
H $.-*'""'""? digas adios, — que >
es una palabra triste ; — Coraxoncs que
se aman ^^|
H — ^ iespcdirsc. 0 Lafuente
. p 689.
de otras poesias populares.
^^H
H 6- la las aves mertsageras
^^H
■ 7* m Aiisque me voy» no me voy, —
H^^ at V07 de palabra — Mo me voy ac p>
Aunque me voy, tio me ausento ^- —
■ Aunque ^^H
en^amiento. » Lafuenie, p, jSS.
M
6o
MILA Y PONTANALS
42C.-M<.
Cantan os galos pr'o dia,
Erguete, mcu ben, é vaite;
l Como m'hei d'ir, queridifta,
Como m'hei d'ir e deixarte.
4JT.
Canti, mininas, canti
Si po-lo voso gusto é;
Todas as herbiRas chdran
Donde vos ponés os pes.
44 T^
As estrdias menudiRas
Traen o tempo composto ;
Contigo, mina miniRa
Nunca logrei ningun gusto (gosto?
4$ S». gozo?)
Ehi tfts 0 meu corazon,
As chaves par'o abrir ;
Non eu tengo mais que darche,
Ni ti mais que me pedir.
46 C.
Ahi tés 0 meu corazon,
Si 0 queres matar ben podes ;
Pero como estas ti dentro
Tamen si 0 matas moires.
47 T.
O meu amor qu'ha de ser
Quedou de vtr aqui oxe ;
Se ha de vtr inda non tarde
Que ten 0 camiRo lonxe.
48 T.
Adios, miRa miniRa,
A chorar mullei un pano ;
Non pensei que namorar
Costase tanto traballo.
49 TV
Eu tirei una laranxa
De Martin à Portonovo ;
Dentro d'aquela laranxa
Iba o meu corazon todo.
$0 T.
Adios, miRa miniRa,
Adios, meu si e meu non,
Regalo de miRa vida,
Prenda d'o meu corazon.
SI C\
Si 0 mar tibera barandas
Forate ver 6 Brasil ;
Mais o mar non ten barandas,
Amor meu, por dond' hei d'ir?
52 P (Cast.)».
A tu puerta estamos cuatro
Todos cuatro te queremos ;
Mira, niRa, en cual cscollcs
Los demai caricaremos,
SîT.
A perdiz anda n-o monte
O perdigon n-o collado,
A perdiz anda dicendo :
• Ven acâ, meu namorado. »
54 T.
Debaixo de Tescaleira
D'o senor Gobemador
Hay unha parra con uvas
Quen sera 0 vendimiador ?
55 M.
Falando c'unha meniRa
Esmortecido quedei ;
Acoleime n-a sua casa
E co'a meniRa casei.
1. Nicomedes Pastor Diaz pubiicô ya esta copia en su noveU Una cita. Como obn
literaria es en miniatura una alba del género provenzal, pero preferimos acordamos de la
despedida de Julieta y Romeo.
2. « AS estrelhas pequeninas — Facem 0 céo bem composto — Asim sao os signaes
pretos — Menina, nesse teu rosto ». Braga, C. p., p, 79.
). Ehi y Ahi de la siguiente copia son una variedad dialectal; v. Saco, Gramatica^
p. 23a. — « Nao tenho mais que te dar — Nem tu mais que me pedir — Dar-te-hei
meu coraçao — E a chave para 0 abrir. » Braga, C. /»., p. 90.
4. « Toma, nina, esu naranja — Te la doy porque te quicro — No la parus con
cuchillo — Que va mi corazon dcniro. • Lafiiente, p. 108.
(. Casi literal en Braga, C. p., 138. Sin dudt alguna de origen portugues.
6. « A tu puerta estamos cuatro, >- Todos cuatro te queremos, — Escoge tu de los
cuatro — y la dcmas buscaremos n Frman, p. 296. — SegunM*. la palabra caricaremos
no es gallega ; acaso dijo carrexaremos.
LA POESU POPULAR GALLEGA
Msito quero a San Francisco
Forqac leva unha coron a ;
llsiia mab che quero a ti
rporqne che chanus Ramona.
O anillo que li me deches
j Era de vidro, c crcbou ;
Tao maU guia ti levés
^Gmo o anillo levou.
Qucn tên os fillos pequenos
Nitoca deixa de cantar ;
I Qwtn tén seu amor n*a guerra
\ No&ca deixa de chorar.
Pèuie (Peiu?) o cabcllo, minifta,
E non seas pigriseira.
Que o cabello è a gala
D'iinba tnioliU solteira.
60 a
Non hay cantiga n*o mundo
Q«e non tina seu refran ;
Ntinca ninguen faga conta
SenoQ d'o quo tènn-a man,
61 S.
Sînrir 6 rey, queridiria,
Sinrir ô rey, gran regalo !
Sirvir ô rey, qucndiâa,
Nia û*i pe nin d*i cabalo,
61 T,
En a'amoreî d'un soldado
Porunpan de municioa;
0 pan xa se va acabando,
Non quero soldado, non.
6} X,
Mamixîfia, tu refaîxo
Por vida de San Pîrtfto,
Non h botes amarillo,
Bota/o colora dino.
64 C.
Con esta niif\a gaitina
As nenas hei d'eaganar ,
Non sean elas lolinas,
Non vengan ô m eu cantar.
65 M.
0 canto d'o gallegujflo
Ë canto que nunca acaba,
Qu'empeza con talalila
Y acaba con talalala.
66 S.
Manquina d'à fortieira
Tua nai onte coceu ;
Dame un aoaco de bola
Po'la nai que le pareu.
67 S*.
Todos me dtn que che deiie
Que m'has de dar mala vida ;
1 Onde iras, boi, que non ares
Sinon â corladuria ?
68 S.
A muller d'o mcu hirman
Châmame cara lavada;
Pasa a y-augua po-la porta,
Lâvate, mif^a conada.
69 S.
Se non foran as vixigas^
SeBor San Bartolomé,
Se non foran as vixigas
Que bunitifla era eu !
70 T*.
A tua porta^ miniFia,
Vouche a cantar os Reis :
0 carabel itn deu Tollas^
E a rosa dezascis.
I, « Mucho quiero a San Francisco — Porquc ticnc cincô Ibgas- — Muchû mas it
quîero I ti, — Porque Francisca ïe Hamas. » Fernan, p, 2 $2. La mtsma y otras pare-
ddis en l^fuente^ p. ni.
1. ti o anel que tu me deste — Era de vïdro e quebrou — O amor que tu me titihas
-^ Era pouco e acabou. Braga, C. p , P» Mi- Con e1 finil de esta copia ponuguesa
tkse» lemejanu la dos prîmeros versos Je una de Lafuente, p. 3 11 « El amor que te tenîa
En poeo y se me fué, . . n
|, m Quero tiver fiLhos pequenos — Por força ha de cantar; — Quantos veces as
maei caotam — Con vontade de chorar^i* Braga^ C. p.^ i J4-
4, • Adonde iras, bucy» qui no ares r » ei refran castellano. « Onde iras, boi que non
ares ? A cortaduria. ■» Saco^ Cramaticd, p, 37$.
j* « O cravo tem vinte folhas — A rosa tem vinte uma ^ Mas 0 cravo anda em
demanda — Por a rosa ter mas uma. » Qraga, C. p*^ p* 6).
62
71 T.
Botey as redes 6 mar
Para cullir unha boga ;
Cullin a cabeza d'unha
Para dar â mifia sogra.
72 T<.
Velay vên 0 touro bravo,
Velay vên po-lo tcrreiro;
O aire levoule a capa
E 0 vendabal 0 sorabreiro.
7îT.
Toma, cego, a limosna
E no me tomes a mans.
Perdone^ mifia sefiora,
Pensei que todo era pan.
74 T.
Noite boa, noite boa
Pa ser noite diferente
Douroe 0 meu pay una tunda,
Levei-n-a caladamente.
7$ T.
Mifia sogra morreu onte,
Dcixoume o pote à ferrer;
Déixame comer 0 caldo
Que tamen hei de morrer.
76 T.
Indo para Santiago
Doy [unha] volta 6 capote ;
Acordome mifia sogra,
Amai as popas à pote.
77 T.
Non as quero, non as quero
Castafias d'o teu majusto ;
Lévoas n-a faltriqueira
Para comer â meu gusto.
78 T 2.
O meu birman esta en Cades
E mandoume unha navalla
E 0 letreiro que decia :
• Se queres comer trabalia. »
79 T.
Bota lefia n-este lu me
— É verde e non quere arder.
MILA Y FONTANALS
A muller de ruin home
Meis Ile valera morrer.
80 F.
Eu me casei por un afio
Para ver a vida qu'era ;
0 afio vai acabando,
Solterifia quen me dera 1
81 T.
Unha vella è un candil
Son dos demofios n-a casa,
La vella rifie que rifie
0 candil queima a grasa.
82 M.
Agora xa non se usa
Pedir a filla 6 seu pay ;
Se non entrar po-la porta :
Eh meu sogro, como v^i ?
83 T.
Esta noite ha de chover
Que leva cerco a luna ;
Quera Dios non chovan palos
En las costillas d'alguna.
8s T.
Unha vella é mais ben vella,
Mais vella qu'o meu chapeu,
Tratàronlle casamento,
Lcvou as manos 6 ceu.
86 T.
As minifias de Parada
Non tén nada n-as orellas ;
Cando vèn 0 dia santo
Ponen cagadas d'ovellas.
87(Cast.) T.
Madré, vengo de Madril
De ver un rico fandango ;
A la porta de TAudencia
Alli lo quedan bailando.
88 T.
A mifia moller morreu,
Enterrei-n-a n-o palleiro ;
Deixeille un brazo fora
Para tocar 0 pandeiro.
1 . T. sospechaba que esta copia era portuguesa y pronunciaba en ella las 0 como u, lo
cual hizo rarisimas veces en las otras.
2. « Mi marido fiié â las Indias ^ Y me trajo una navaja — Con un letrero que
dice : — Si quieres comer trabaja. » Feman, p. 354. Lafiiente, p. ^70,
LA POESfA
89 T.
San Antonio e mais a coixa
Iban por un carreirifio,
E a coixa iba dicendo :
Dame un netiîio de viîio.
90 T.
Non quero home pequeno,
Que a mina ha de valer
Que me parece n-a casa
A basoira de barrer.
91 S.
En ben vin a morte nègre
Comendo un racimo d'uvas ;
Vaite d'aqui, morte negra
Desamparo d'as viudas.
92 T<.
Se ouYer algun valenton
Qu'en la calle s'atrevese,
Xa pode traer consigo
O cura qui 0 confese.
9jT(Cast.)».
Dama qu'estas â la sala
(hu non sales à fora.
Se bas de salir 6 non,
Mandalo decir en copia.
94 T.
Nos d'acà é vos d'alà
Somos tantos coma vos ;
Nos comemos 0 carnero
E os comos son para vos.
95 S a.
Nos d'aca é vos d'alâ
Somos tantos coma vos ;
Temo-lo rio pro medio
Murrifias sode-los vos.
96 T.
Xa non podo cantar mais
Que se m'acaba a gracia ;
Esta poquifia que tefio
A levo pra mifia casa.
Xa non podo cantar mais
Que se m'acaba a £ala
POPULAR GALLEGA
Que augua de fonteirina
Fai a fala [mui] privada.
97 T.
Este pandeiro que toco
Ë de pelleixo d'ovella ;
Inda onte comei herba
E oxe toca que rabea.
Este pandeiro que toco,
Este que teîio n-a man
Este pandeiro que toco
É de pelleixo de can.
98 T.
Mina nay doume unha tunda
Co'aro d'unha pineira,
Mina nay, tena vergonza
Que vên a genre de feira.
Miîîa nay doume unha tunda
Co'aro d'unha camisa,
Mifia nay, tefia vergonza
Que vên a gente de misa.
99 T (Cast.).
Si te vas â los Madriles
Ten cuidado con los gatos ;
Mira que cojen la carne
Antes de ponerla al plato.
Si te vas à los Madriles
Repara en un caminino
Que hay un can como un demoho
Ficado en un barraquiho.
100 T.
Oxe luns, mafiana martes
Corta feira logo vên ;
De mafiana en outo dias
E a semana que ven.
Cando ha de ser domingo,
Dpmingo cando ha de ser,
Cando ha de ser domingo,
Miniîia, para te vêr.
101 G^
Por amor de voso galo
Traidora, mala vecina,
Por amor de voso galo
6}
j. Esu copia parece mas propia de andaluces que de gallegos, cuyo defecto no es la
£ni£uToiieria .
2. Esta copia tiene respuesta que no recordô T.
). Esta copia y la anterior, aunque nos han Uegado de tan diverso origen, se ve que
se corresponnen.
4. Los cruditos editores de esU copia suponen, no sabemos si con bastante funda-
mento, que alude al olvido de la lengua gallega y dominio de la castellana.
64
Perdei a inifia galifia.
Per amor de vosa lengoa,
(Malo rayo ve la (vo-la) fenda)
Por amor de vosa lengoa
Perdei a mifia facenda.
102 C.
Corao chove raenudino,
Como menudifto chove,
Como chove roenudino,
Po-la banda de Laifio,
Po-la banda de Lestrobe.
103 M.
Pobres vaquifias mifias,
S'o meu cuidado
Como pesa n-a y-alma
Pera n-o carro.
104 T.
Si vas a Santiago
MILA Y FONTANALS
Cômprarae un Saotiaguifto
Non m'o compres grande,
Compram'o pequenifto.
105 C.
San Antonio bendito .
Dademe un home
Anque me mate,
Anque mWolle.
106 C.
Sempre malla que che malla,
Enchendo a cunca,
E qu'é 0 démo traballa,
Acabarà tarde 0 nunca.
107 X.
Morre 0 tangeiro
Deixelo morrer
Qu'outro tangeiro novo
Ha de nacer.
Tercetos.
108 C.
Campanas de Bastabales,
Cando vos oyo tocar
Morrome de soledadcs,
109 M ^
Estrellita d'o luceiro,
Quen tèn amores non dorme
Se non 0 sono primiero.
110 T.
Rabo de sardina crua^
Tanto se me da por ti,
Como po-los cans de rua.
m M.
Elas de Laiflo son,
CoUen 0 junco n-as brefias,
Van à vender ô Padron.
112C».
Anque che son d'à montafia
Anque che son montafiesa,
Anque che son non me pesa.
ujT.
Ladran os cans, gente ven,
Son os de noite pasada
Quedano de vir e vèn.
RUÂDA.
114M3.
VeAa 0 pandeiro à ruar
Qu'estas son as mazarrocas
Qu'hoxe teno de fiar.
0 pandeiro toca ben.
As ferrinas fanllc 0 son ;
Vivan os qu'amores tèn i
Vivan as mozas gallegas,
Vivan as bonitas mozas
Y os galans d'à nosa terra.
Mociiias à bailar todas ;
Mocifios, arriba, arriba !
Ti tamen, meu Furabolos.
1 . A ribeira cuando corrc — No mcio faz a zoada ; — Quem tcm amores nom dorme
— 0 somno da madrugada. Arch. açor.y p. 71.
2. Che (te) se usa a menudo sin necesidad gramatical y como formula de benevolencia.
V. Saco, Gramatica^ p. 16$.
). Es decir : 00 es hora todavia de dar el grito 6 atruxo.
66 MILA Y FONTANALS
E n-0 camino topou unha filla ;
Toda vestida de seda labrada
Porque era filla de Manga rachada.
120 G. M<.
Isca d'ahi galina maldita,
Isca d'ahi non me mate-ia pita ;
Isca d'ahi gaiifla ladrona,
Isca d'ahi pra cas de tua dona.
121 C.
As de cantar que ch*ci de dar zonchos.
As de cantar que ch'ei de dar moitos.
122 T.
Pepa, Répéta caminsa lavada (?)
Foy a muhino larabé-Ia forcada.
125 T.
Birbirinchin d'o beira d'o mar
Dille a teu pay que non podes andar.
Larilari, laralari, lari.
124. G.
Tantarantan por onde van a Noya,
Tantarantan po-la Corredoyra.
Tantarantan !
125 T (Cast.)>.
Al pasar la barca me dijo el barquero :
Moza bonita no paga dinero ;
Al pasar la barca me dijo Farruco :
Moza bonita no paga trabuco.
126 T 3.
Cabaleiro que vas de cabalo
Malo fogo te salte n-o rabo,
Très de riba, très de baixo
Inda cais d'o cabalo abaixo.
127 T*.
Lagartiîlo vai 0 foradiflo
Que ven tua nai co a cunca de vifio,
Lagartiflo vai 6 portelo
Que ven tua nai co'a cunca d'o grelo.
128 S».
Fun à muhifio d'o meu compadre
Fun po-lo vento vên po-lo aire.
I . Solo el segundo verso es endecasllabo ; pero los demas pueden sonar en el canto
como taies dando el valor de dos tiempos à la ultima silaba del primer hemistiquio. An
se hace en algun caso analogo de la poesia popular caulana.
a. Impares dodecasUabos.
). Los dos primeros y el ultimo decasUabos — Obsérvese que la palabra rabo se
extiende por irrision à los hombres en algunos modismos gallegos. V. Saco, Gramaticay
220 y 221.
4. Impares decasilabos, pares dodecasUabos sino se contrae tua.
$ . Esta muneira y las que siguen «rtâa en hemistiquios de cinco.
LA POESfA POPULAR GALLEGA 67
129 C.
Mifia santifla mifia santasa,
Mifia cariAa de calabasa,
Ei d'emprestarvos os meus pendentes
Ei d'emprestarvos o meu collar,
Ei d'emprestarvos, cara bonita,
Si me desprendes a puntear.
130 T<.
Eu tefto un cansino que se chama José
Que baila o fandango co'a punta d'o pe^
Eu teflo un cansino que se chama Laredo
Que baila 0 fandango co'a punta d'o dedo.
Mayo
131 T2.
Esté é 0 Mayo que Mahifio é,
Este é 0 Mayo que anda d'o pé.
0 noso Mayo, anque pequenifio,
Da de corner i Virxen d'o Camifio.
Velay 0 Mayo cargado de rosas
Velay 0 Mayo ^ue las trac mas hermosas.
Angeles somos del cielo venimos^
Si nos dais licencia à la Reina le pedimos,
Angeles somos del cielo bajamos
Si nos dais licencia à la Reyna la cantamos.
ROMANCES.
• 132T. (Cast.)3.
Caminando va José, camioando va Maria,
Caminan para Belen [para llegar con el dia].
Cuando llegan a Belen toda la gente dormia.
Abre las puertas, portero, portero de porteria,
Abre las puertas, portero, à José, amais à Maria.
— Estas puertas no se abren en cuanto no viene el dia.
Cuando fué la média noche la Virgen parida sia (sic).
Con su nino en los brazos lloraba cuanto podia ;
Echo raano a los cabellos a un lienzo que ténia
Lo puso en très pedazos y al nino (le) envolviô Maria,
Vienen ângeles del cielo, ricos pafiuelos traian.
[Los] unos eran de lana (lino ?) otros de la lana fia,
Luego volvieron a ir cantando el Ave Maria.
1. Dodecasilabos.
2. Endecasilabos casi todos de acento en la septima \ menos el ultimo y antepenultimo
que sdn dodecasUabos.
3. Coeiho l. c. publicô la version gallega de este romance, mas compléta al prindpio,
mas tnmcada al fin.
68 MILA Y FONTANALS
133 T. (Cast.).
Era la hija de un rey moro que otra hija no ténia,
Rezaba cinco rosarios todos cinco era en un dia.
Uno [era] por la maflana y [otros] dos al mediodia
Y dos en [la] média noche cuando su padre dormia.
Cuando rezaba el rosario vino la Virgen Maria :
^Que haces aqui, [mi] devota, que haces, devota mia?
— Estoy rezando el rosario que ofrecérvolo (sic) queria.
— Si [tu] quisieres ser monja [ser monja de monjeria],
O quieres subir al cielo con tan buena compaiiia?
— [Que] yo no quiero ser monja, (ni) tampoco de monjeria,
(^e quiero subir al cielo con tan buena compaAia.
133 M«*.
Indou DoAa Silvela por un corredor arriba,
Tocando n-unha vigûela n-a calle d-a Figuria.
[Acordou seu pae da cama con 0 estrondo que fazia :
(^e tendes, Dona Silvana que tendes, a vida minha ?]
— O Rey tina ahi très fillas, casadinas con familia,
Eu por ser a mais bonita aqui me hallo rendida.
— (^ue che farei, miiia filla, si pra ti no hay compaftia ?
— Esté calado, meu pay, qu'eu remedio lie pondria :
Chame 0 Conde d'Algalia casadifio con familia
Que matara y-a Condesa por casar co' sua filla.
[E manda chamar 0 Conde d'à sua parte e da filla].
Chamache 0 Rey de palacio no sey que che quereria.
— (^e manda a su maxestâ? que manda a ma seAoria?
— Que matares a Condesa por casar con miAa filla.
— Porque a hei de matar, triste, s'en motivo ningun tifla ?
— Presentarasm' a cabeza n-esta dourada vacia;
E se non m'a presentaras arrebatareiche a vida.
Tomou 0 Conde d'Algalia mais triste que d'à leyria (?)
Cerrou portas é ventanas cousa que nunca facia,
E mandou cubri-la mesa figurando que comia,
As bagoas que d'él caian por tod' a mesa corrian.
Baixouse doî^a Condesa â preguntarle que tifta :
(^e ten 0 Conde d'Algalia? porque chora, mina almifia?
— Mandoume 0 Rey de palacio que che vos quitar' a vida
E que si non che quitaba qu'el me quitaria a miAa.
(^érem'o Rey de palacio pra casar con sua filla.
Presentareille a cabeza n'esa maldita vacia.
— Non chore 0 Conde d'Algalia qu'eu remedio lie pondria.
Manda vir un cirujano que m'abra unha sangria
I. Almeida, II, 44, conde Janno; Braga, Rom. geraly p. 68; conde Alberto (Porto),
p. 71 ; conde Alves (Beira Baixa); Arch, açor., p. 259, conde Jano. No dudamos de ^ue
todas estas versiones (como tambien la catalana) provienen del conde Alarcos de Riano.
La tradicion popular ha eliminado algunas frases de caracter juglaresco, pero, conforme
notô Puymaigre con respeao â la version arreglada por Almeida, ha olvidado pormenores
interesantes. Llenamos algunos vados de la version gallegi con versos de la de Porto,
conservando en ellos la ortografia portuguesa.
POPULAR GALLEGA
vaisem acabando a vida,
d'esta sala pra coucifia
con quen eu m^adivertia :
tod' esta mina casifia.
[que 0 quero pentearl *
e dareille de maman
d'esté telle d'amargura
LA POES(a
Que pouquinîno e pouco
Déixame dar unha volta
Despedinne d*os criados
Déixame tamen pasear
Dame o fillo mats vello
Traem 'acà esoutro mais novo
[Mama, mama, meu menîfio]
Forque ma H an d'estas horas veraîsme n-a sepultura.
Estattdo o neno mamando xa començoii de faiar^;
Toda a gcnle po-la calle xa s'empez'a alborotar.
Toc'a campana en palacio non sei Cà la aberia
Que morreu Doria Silvela d'unha morte rcpetitina.
[Morreu a fiUa do rey pela soberba que linha :]
Descasar a ben casados cousa que Dios non quena.
69
1
' Xeneroso capitan
L Qm vè) a esta guerra
Pra quinur os soldados
E leva-los i terra ^
Cesto leva quîntados
[Trinta vobntarios foron.
lD*os quintados
fîh muy triste vay d guerra,
— Porquc vas triste, soldado,
Porque le vas triste a eJa ?
— EUi ooQ vou por pal nîn mai
Nio cormancifios que tena,
Vou por unha dama é doncella
Que levo medo que me morra.
— Selc anos te dou d*ausalto,
}ut te volvas por' onda ela ;
cabo d'os sete anos,
2iie te botes â guerra.
r<— Volta, meu cabale, volta,
Volta antes que se morra.
Chegando â ver a capilla
De Rodomi
0 cabalo se m'espanla;
Eu tamen m'espulinei,
Oin unha voz que decîa :
Non lenas medo, cabâllero,
Non me teî^as medo a min,
Que son a dama e doncella
Que algun tempo te servin.
— Se es a dama e doncella
Que algun tempo me scrvïches,
1 Porque no me falas i min ?
Se es ti a dama é doncella
Que algun tempo me serviches
^ Porque non bicas a min?
— Os labios con que te bicaba
N*a terra xa os metin.
Abur, caballero, abur,
No podo estar mais eiqui,
Porque os infernos cstan
I. La venion gillega decia unicamente et Peioarei-n-o^ n
1. Seguo Cî de ver, «n esta version» asi como en la del Arch. Açor.^ por otra parte
r iliiffida« te halla, aunque incompteto en la nuestra, el pormenor del niiîo de ceta
, que bubiera podido creerse iniercalacton de Almeiaa*
j. La vem6catioa coi tan rcvuclia que no hcmos podido cscribir este romance on
i Urgas — En la poesia popular de la peninsula hallamos cuatro temas, mas 0
1 fidiclooados, cxpuestos en romances asonantados en f : r La adultéra sorpren-
2' La adultéra que recibe à su esposo creyendo nue ti su complice; ^* un caballero
anuncia la muerte de su esposa 6 de su dama ; 4' ta dama 6 eiposa que
al u ie cî scpulcro. El r en Duran n' 1419» 1461: el i* aislado y
I *r ': catalan (creemos haocr visto un canio italiano del mismo ssuoto
■yiittCy, , , „,..adofn cl drama Rdaar despues delà muerte de Cuevara apîieado
s écCattro; d 2', y j 4MabreriadQ el segundo) en Almeida, II, ri;, Bernai Francez ;
ptâi, p, }4, tJemal Francez ; Arch. açor., p. ioa ss » Bernai y Pedro Françiolo.
iiPOMQOin que ^bticamûs c^ formada del 4" tema anadido à una parte del romance
i £9 Soliâda 0 (^intûdû conocido tambîen en Portugal y Catabiîa»
70 MILA Y FONTANALS
Agardando xa por min. Gantas mais misas me tengas,
— Se t'agardan os infernos Mas tormentos son pra min.
Venderei o meu cabalo 0 dia da mina morte
E terei misas por ti. Mal dia che foi por min,
— Non vendas o teu cabalo, Por olvidarme de Dios
Nen tenas misas por min E por membrarme de ti.
Gantas mas misas me tefias. Si te casas, meu soldado,
Mai penas son para min. Gâsate en Valladoli ;
— Se por ti aguarda o inferno A primeira filla que teflas
Venderei as miftas rentas Poneraslle com'â min,
E terei misas por ti. Pra que cando chames, sepeas
— Non vendas as tuas rentas, Acordarte ti de min.
Nin teflas misas por min
En xunguin os meus boicinos fun co'iles a arada
E n-o medio de camiflo esqueceumea aguillada.
E voiviume a mifla porta topei a porta cerrada
— Abrem'a porta, muller abrem'a porta, malvada.
— i Gomo ch'ei d'abrir a porta s'estou facendo a colada?
— ^ De quen é aquel gato roxo qu'esta debaixo d'à cama ?
— E un gato d'un viciflo que veu pr'onda a nosa gâta.
— Traem' aca a mifla escopeta a ver si podo tirarle.
— Non fagas eso, marido, non m'avergonçes a cara
in^M-.
Levantéme po-Io lunes à lunes po-la mafiana
E collin os mens boitios e leveinos a labrar;
Gheguei 6 campo con eles, esquenceusem a aguillada,
Vol vin a casa por ela topei a porta cerrada.
Abreme a porta, muller, que. m'esquenceu a aguillada
— Aguardade mais un pouco porqu' estou moi ocupada.
Senteime n-unha pedrifia fortuna non m'aparaba.
Quien te me diera, marido ^ tendido en aquella sala 2,
Con las piernas amarillas^ la cara desfiguraday
Yyo vestida de luto, llorando de mala gana^
Y los vecinos que digan • ahi llora la cautivada ^ »
Y los curas a la puerta diciendo c que saïga, saïga. >
136 S*.
Elas eran once damas, todas amigas d'o Xuez
Pegou 0 tângano-mângano ' n-elas non quedaron senon dez.
1. Aunque abundan los romances del mismo asunto y alguno con el mismo asonante,
ninguno recordamos directamente enlazado con el présente. Suprimimos por mas indeco-
rosos algunos versos de la segunda version que por otra parte recibimos incompleta.
2. Estos versos en que la adultéra expresa tan bellos sentimientos^ en buen castellano
y muy bien construidos, acaso sean obra de un poeta malicioso y no enteramente lego.
j. Acaso equivalga al captiu 0 caitiu, pr. y chitif, fr., en sentido de àesgraciado, pero
es probable que cl que compuso estos versos puso cuitada.
4 . Esta poesia, de un caracter muy popular, se fîmda en un juego de numéros como
otras del mismo género.
5. S. crée estas palabras formadas ad libitum.
LA POESfA POPULAR CALLEGA
D'aquclas dez que quedaron foron st xugar û probe * ,
Pegou 0 tàngatio-tnangano n>elas non quedaron senon nove.
D'esias nove que quedaron deron en corner bizcoiio,
Pegou 0 tàngano-mangano n-elas non quedaron senon oito.
D^estas oito que quedaron deron en ir à San Veccnle,
Pegou o tangano-raângano n-elas non quedaron senon sele,
D'^tai sete que quedaron deron en cantar os Reis,
PegOQ 0 tànganO'm;itigano n>eias non quedaron senon seîs.
D .iquelas seis que quedaron deron en beber vino tinto
Pegou 0 tangano-mangano n-elas non quedaron senon dnco.
D'cstas cinco que quedaron deron en coraer n-un pralo
P^ou 0 tângano-màngano n-elas non quedaron senon calro,
D'cstas catro que quedaron deron en ir a San Andrés
Pegou 0 tangano-mangano n-elas non quedaron senon 1res.
D*aquelas 1res que quedaron deron en corner n-as uvas,
Pegou 0 tângano-mangano n-elas non quedaron senon duas.
D'estas duas que quedaron deron en andar à tuna,
Pegou 0 tangano-mangano n-elas e non qucdou senon unha,
'37 S^.
EsUndo 0 Siftor don Galo en silla d'ouro scntado,
Poftendo médias deseda y*o seu zapato picado,
Mandâronlle cartas novas se querîa ser casado
Cùnha gatifia morena d'unha pintina n^o rabo.
O gato co'a alegria rubiuse logo à un tellado.
Unha pulga deuil* un couce é caiu o galo embaixo
Partindo calro coslelas e a melade d'o espinazo.
Mandou logo chamar curas pra dar conto do robado.
Sete varas de cboriio, outro tanto d'adubado
Unha xerri^a d'aceile pra facer millor guisado,
138 M* (Cast.|3.
Copia de Pepa Rosa cuando se iba a embarcar su marido.
Puente y las Burgas^ adîos, y la Virgen del Cesi
Sacra Virgen del Carmelo todas me asistan a mi 1
Burgas Irescas y calientes calle oscura y nada mas
(îonvento de San (sic) Domingo no vuelvo à verte jamas I
Conventû de San Francisco, convento de les garbosos,
Adios el Padre Guardian con todos los religiosos.
I . I«o ubemos que dase de juego es este.
1. Femajï Caballcro publicô y Wotf reproduce Span. VolUUedtry uûà version castel-
latia et este romance. Una mujcr de Menargues (pueblo catalan frontcriio de Aragon)
OQ» liïjo haberlo jprendîdo de los gallegos que pasaban por alli.
j. Este romance vulgar, pero que recuerda los aniiguos artisticos de trovadores, fuc^
îgun crée fundadamentc M., compuesto cuando la marcha dclbatallon provincial de Orensc,
una de Us campa n as extrangeras emprendidas en tiempo de Carlos [11. Por supuesto
_oe cî Jutùr del romance no me et que se supone su héroe, sino un poeta del pueblo.
Wos dkc el mismo M* que lo cantan los ciegos de U tierra de Orense (ciudad en ^ue se
tutkn todlas los tugares en él mencionados) causando cierto enternecimlento en el auditono.
to considéra como muestra del castellano hablado por los gallegos Uetrados. La copia
gur noî remitiô no era complcta y adcmas suprimiraos no pocos versos, para abreviar.
72 MILA Y FONTANALS
Una vez os digo adios hasta el dia judicial,
Que aquel dia scrk visto aquel dia y nada màs.
Adios, nobles caballeros y otros de mi igualdad,
Tenientes y coroneles que hay en esu ciudad.
Yo te encargo, Pepa Rosa, que no te vuelvas casar,
Pero quedas muy pimposa no te podras resguardar
Non ponderan quince dras en el pesar se acabar.
Nin vendran [los] cuatro meses sin volverte a prodamar.
Toma, hija, estos diez doblones para tu te reroediar
Que si tu madré se casa maldito los quiere dar (sic).
— Adios, mi padre querido, esto si que es de llorar
Que no alcanzaré licencia de poderlo ir à abrazar.
Yo te encargo, Pepa Rosa, que no te vuelvas casar etc.
— Valgate Dios, mi marido, esto si que es de llorar;
No me dejas ningun pré para yo me remediar,
Que de las tristes viudas todos suelen murmurar
Y las piedras del camino tras de ellas son à tirar.
Adios, campe del Posio donde ejercicio tomaba,
Adios la calle oscura donde à muchos convidaba.
Adios puente temerosâ, adomo de la ciudad,
Donde pasan los comercios que vienen de terra y mar
Santo Cristo milagroso, Virgen de la Trinidad
Me liberté y me defenda de terra de mowrindad,
Cantargillos
n9M<.
Jogo d'os pelouros.
Xastrc, Ay petc, pcte,
O démo t'arrastre, Vay pr'o burato
Quo chova, que neve Coida d'os teus fillos
O démo te levé. Qu'esUn langreando.
140 S.
Jogo d'à roda.
Ande a roda, Non me serve
Ande a roda Non te quero
Qu'eu quero Soilo a ti
Qu'eu quero Soilo a ti
Xa casar. Hei de qucrer
I . Corresponde al juego que llaman en Castilla A las j'uegas con la siguiente letra :
« La coja — manoja — que pasa por el rto — y nunca se moja. = Paso el puente —
reludente — del color de la agoardiente. — Paso esU — tambien esta — paso el conde
y la coodesa. » M*.
LA POESfA
Estaodo a mora
N-o seu lugar
Ven a mosca *
Pr'a picar.
A mosca n-a mora
A mora n-a silva
A silva n-o chao,
O chao como é duro
De todo ten man.
Estando a mosca
N-o sea lugar
Ven a pha
FVa pillar.
A pita n-a mosca
A mosca n-a mora etc.
Estando a pha
N-o seu lugar
Ven 0 zorro
Pr'a pillar
O zorro n-a pita
A pita n-a mosca etc.
Estando o zorro
N-o sen lugar
Nube lugra
Dios te esûenda,
Nuhc rubia
Dios te destruja ;
Nube blanca,
Dios te esparzû.
Très Apostoles santos
Iban por un camifio
C'o meu seflor Xesucristo
Atoparon.
POPULAR GALLBGA
,41 s^.
73
Ven 0 can
Pt'o pillar.
O can n-o zorro
O zorro n-a pita, etc.
Estendo 0 can
N-o sen lugar
Ven 0 lobo
Pr^o pillar.
O lobo n-o can
O can n-o zorro etc.
Estando 0 lobo
N-o seu lugar
Ven 0 pau
Pr'a lie pegar.
O pau n-o lobo,
O lobo n-o can,
O can n-o zorro,
O zorro n-a pita,
A pita n-a mosca,
A mosca n-a mora,
A mora n-a silva,
A silva n-o chao,
O chao como e duro,
De todo ten man.
Ensalmos
142 M* a.
0 meus santos, pra d'ond'ides ?
• — Imos pr*o Monte Olivar
— Que ides catar
— Erbas é (de ?) un aflo
Pra curar fistoia,
Chagas, feridas.
— D'aqui vos volverés,
Prometimento me hrés
Qu'ouro nen prata non tomares.
Tomaréi a sa! de mar
1. Es mu poesia que podemos Ilamar continua, por el estilo de ciertos cuentos rit-
micos. Creemos que faltan al prindpio dos estancias : c Estando 0 chao... Ven a silva. »
« Esundoa silva... Ven a mora. »
2. Estos versos supenticiosos de poco valor literario cobran mayor interés por su anti-
goedad relativa. «Son del siglo XV H, nos dice M\ y los halle entre los papeles de la
Inquisidon de Santiago, siendo Director del Archivo General de Simancas, en el cual se
guardan. » Habla tambien de algunos castellanos conservados en el Archivo General
de AlcaU y de otros que remitiô el P. Caravantes, misionero gallego de ultimos de
. siglo XVII, al Santo Ofido.
74
Agua da fonte perenal
La lidra (cidra ?)
E aceite de oliva.
Con esto curares
Madré, madrona
Volvete 0 teu rcdor
Estaba San Crimente
En una pedra sentado
Ven por ahi a Virxc Maria,
Preguntando que estas facendo, San
[Crimente.
— Seftora, estou morrendo de nivas
[é dentés.
— Qués que ch'as bendiça, San Cri-
I mente }
— Si Seiiora^ de moi boa mente.
MILA Y FONTANALS
Chagas é feridas
C'o poder de Den
E d'à Virxe Maria.
143 M*.
Como fizo a lanzada
Que deu Longinos à Noso Seiior
144 M^
— - Pois eu ch'as bendigo
Po-Io arrecido,
E sol rayente
Por saltador
E roedor
Que che volvran
O bon amor,
Conto foi a lanzada
Que deu Longinos à Noso Setior.
Con ikencia de mi padre
Y de la sehora tia
Yo qmsiera preguntar
Esc giupo a que venia.
DiALOGO
A que veno eu ch'o direi
Eiche de contar verdad ;
Veflo por pasà-Io tempo
Que'e cousa de mocidad.
I . La copia de M* no era compléta y ademas suprimimos versos para abreviar. —
Creemos ^ue no sera inoportuno un seacillo indice de palabras gallegas de menos facil
inteligenaa : Amais (T.) : ademas. — Anaco : trozo. = Antroido : carnaval. = Asa-
fiarse : enfadarse. — Atruzo (verbo atruxar) : grito al fin de las ruas. — Bâ^ :
lagrima. — Basoira : cscoba. — Bcira (cast. vera, cat. vora) : orilla, borde. — Bico :
pico. — > Bicar : picar y besar. -> Bola : pan de maiz. — Burato : agujero. — Caminsa
(tambien camisa) : camisa. — Capa : muela de molino. — Carballo : roble. — Car-
rexar : acarrear. — Coru (de cuarta) feria ^ miércoles. — Couce : coz. — Cullcr (cit.
cullera) : cuchara. — Cunca : taza. — Cruna : Coruna. — Dengue : abrigo superior
en cl trajc de las mugeres. — Deitarse : Dormirsc. — Enchcrsc a cunca : cstar a su
negocio. — Espulinarse : espeluznarse. — Esquecer 0 esquencer : acordar. — Farruco :
dim. de Francisco. — Ferrer : fogon. — Fiar : hilar. — Forcada : cucharon sin mango
para probar la sopa. — Foucina : hoz. — Fuliada : reunion para arrancar la paja del
maiz; por extension ma. segun T. (Saco dériva esu palabra de fulion y la define :
fiesta noctuma). — Furat>olos : (agujerea-boUos) entrometido. — Gando: ganado. —
Gango : carica. — Grelo : flor de la espiga dd nabo. — Chao : suelo. — Inda : aun.
— Jun^ : uncir. — Lambcr : lamcr. — Lançrcar : morir de miscria. — Lumia :
calificaaon como de mujer perdida, ladrona, bru)a. — Magoa : herida. — Maçusto :
refresco. — Mazà : manzana. — Mazarroca : mazorca 0 hilada. — Menina y Mmina :
nina. — Nadal (tambien cat.) : Nayidad. — Nciino : cuartillo. — Niva (cat. geniva y
tambien engiva) : encia. — Ontc : aycr. — Pau : palo. — Pctada : bollito, — Pc-
louro : canto rodado. — Pincira : ccdazo. — Pitelo : astilla. — Prestar : aprovcchar.
— Puntear : hacer pamadas (labor). — Quinteiro : corral. — Rabcar : pasarlo mal.
— Rachado : listado. — Refaixallo : aumentativo de Refaixo ? segun T. : robustez. —
Roso : aspero. — Rubir : subir (notable ejeraplo del cambio de j en r). — Soidadcs.
V. p. $9. — Tolo (dim. tolino) : tonto. — Tizar : atizar. — Trabuco (acaso no gallego)
comipdon de tributo. — Yeo : el hierro que su jeta la capa del molino. — Zoncho : cas-
tana cocida.
LA POESfA POPULAR GALLEGA
75
— Si vès por pasà-lo tempo
Qaeridiflo, ben dixestes ;
Si Doo sabe-lo camifio
Volve por onde vineches.
— O camifio ben o sei
Que ch'o vexo dend'aqui ;
Pero tefto de leyar
Unha rosa coma ti.
Si qués que case contigo
Has de fîcerme unha casa
Qui ouste dos mil doblonu
Asomadita à la plaza
— Non me fibles d'unha casa
Que me das n-o corazon,
Que xa eu ch'a tefio feira
En Santiaguifto de Herbon
Pondreite por taberneira
N-a ciudade d'o Santiago
— N-a cuidade d'o Santiago
Non quero ser taberneira
Non me criou mifia này
Para ser revendedeira.
— A tu mai é unha lumia
O teu pai un nigromante :
A casta toda ch'é boa...
Mala polvora levante.
Alegria, meus amigos
Mab alegria é pracer
E que viva o rei d'os ceos
Por sempre enzamais, amen.
Rita, encende catro pallas
E corramos a Belen
Cantéffloslle o ron ron ô neno
G>'as bàgoas n-os ollos
Qpedon durmidifio :
Durme que che preste,
Meu inocentiSo.
Ay mifU xoina,
^'Cantos trabalinos
Ven pasar 6 mundo
Para redimimos?
lyises pitelifios
Qu'estas ehi facendo
ViLLANGIGOS
146 S.
E fagamos durma ben.
A ron ron, ron ron, meu neno
A ron ron, ron ron, meu amor,
Durme ben, meu queredino,
Que che cante 0 ron ron.
Ron ron, ron ron, ron ron, ron.
«47 S.
Trai, Pepiflo, au poucos
Pra quentà-lo neno.
Trai, Pepifio, trai
D'ises pîteliflos
Pra quentâ-io neno
Que ten moito frio.
Non te causes, nai.
En facerme os gangos,
Qu'eu vin â este mundo
Pra pasar traballos.
UNA
PANERA DE REVI FRIBORDZEY.
Proverbes patois du canton de Fribourg et spécialement de la Gruyère^
recueillis pari. Chenaux, et suivis de comparaisons et rapprochements par
J. Cornu.
PROVERBES MÉTÉOROLOGIQUES.
Mois,
1 En janvier la ney e le firey enplyon le gurney.
2 Xé fevrey né fevrôte, ma ven ce làt deblyôte.
Xé fevrey né fevrûye, ma aménerè gran brûyé.
I fô ce fevrey faxe xon devey.
j Xé fevrey fevrûye,mâ meyne en tsan le jûye ; xè fevrey né fevrûye,
ma meyne mâle jure.
4 I v6 mi xû la curténa dû pt de ney tye un ômo xen mandze en
fevrey.
5 I v6 ml on Ik xù lé femey tye un ôrao xen mandze en fevrey.
6 Entre ma e avri tsanta, cùcù, xé il vi.
7 Bîjéde ma, ven (ou ûra) d'avri, fan la rétséxé dû payi; ven {ou
ûra) de ma, bijé d'avri fan la rina dû payi.
8 Ven (pu ûra) de ma, bijé d'avri médzon mê de blyâ tye làt ié
payi.
9 La verdyà de ma né v6 ren xû le prâ.
10 Verdyâ de mi, bijé d'avri fan la rina dû payi.
1 1 Can i tône û ml de ma, fena e enfân deyvon plyorâ {ou trenblyâ);
can i tône û ml d'avri fena e enfin deyvon xe redzoyi (ou piti e
gran deyvon xe redzoyi).
12 Tôna de ma, venta de blyâ; tôna d'avri, rétsexé û payi.
1 3 Can on a yû trè bi ml d'avri, on a gr6 ten de mûri.
14 û raî d'û la plyôdzé derl lé bû.
Jours.
1 5 Le dé vend ro ly amerey raî creva tye 1 jôtro dzoi rexenblyâ.
PROVERBES PRIBOURGEOIS 77
16 Xéri on bî dzok tye Camentrân, xé Pâtye ire lé lendemân,
17 A la Xcnté Luxé (i ^ décembre) lé xô d'una pùdzé;
A la Xent Anleyno {ij janvier) lé répê d'on mueyno ;
A la Tsandelàja (2 février) lé répê d'un' epâja.
18 Can î ney lé dzoi de la Xen Xebaxtyân (20 janvierj^ on rcvey
vent e dû yâdzo lé bû blyan.
19 A la Xen Vençén (22 janvier] u tbt dzâle u ter fen.
20 Xé le là pu veyré d'una monianyé a 1-ôtra !é dzoà de la Tsan de-
là) a, i xe fô recauî xi xenâne*
21 A la Xenté Adyeta (5 février) Pîwe avô la tsèreyreta.
22 A la Xenté Adyeta demi xon fen demi xa palyeta.
2| A la Xenté Adyeta la mîtyî de xa isevançeta.
24 A la Xen Maiià (24 février], buna fena, djiia te jâ,
2j AlaXenDzoje/(i9 mars)^ lé mutsôn û brolse^
26 A la Xen Dzojelle crapote/.
27 La plyôdzé a laXen Midâ (8 jain)^ la plyôdzé xî xenâne xen
plyacâ.
28 T6 Xen (1" novembre) t6 Pâtye.
29 A la Xen Martén (u novembre) la vatsé û len; xé né H ye pâ,
n'end e pâ ben lyen*
fo ATsalandele miixilyôn, a Pâtye le lyexôn.
PRONOSTICS.
31 Can le dzénilye xe pyâlyon pè la lôdzé^ ly e xûnyo de plyôdzé.
î 2 Aprî la dzalâyé la 1 a v a y é,
Aprî la blyantxyâ la niolyâ.
3Î Xé la léna renovale pè la démeïidzé, prépara pon e plyantsé.
34 Gran moâ, granta cua,
Ij Can le nyèle van contré Plyanfaydn, pren la leyna e ton tacén;
I can le nyôle van contré lé Valey, pren ta fô e ton covey.
j6 La plyôdzé dd raatén né revire pâ lé pelérén (ou n*enpatse pa la
dzomâ dû pelérén).
}7 Lé rèdzo dû matén fa alâ le mulén; lé rôdzo dû dévè lé ne fa
xetxS le lapé.
î8 Can i tône {ou lâne) xii lé bÛ nyù, i nevéçrè xù lé bû folyu,
J9 Tan tône ce plyâ.
Tan nyolate ce plyà, tan ly afôrhlye ce x'evâie (L* Ruffieux).
40 Grôxa ûra e vîlyé fena n'an djyemê jûcorl po ren.
PROVERBES AGRICOLES.
41 Pè le vanl le derbi; pè le praî le xapî*
A vani le derbi; a la combala laxapala.
78 CHENAUX ET CORNU
42 Pè le combale le nevè ; pè le gale le perè.
43 Payi de firomén, payi de tormén.
44 Payi de montanye, payi de xénalye.
45 Av6 lé hlyon déjô le pon;
Av6 lé bey ren detey;
Avôlé ryô adyùla x6;
Av6 lé dâ ren né xâ.
46 Djyemè an tardu né fû vajù.
V6 mi tardû tye vajù.
47 An de fen, an de ren.
An de plyôdzé, an de fen; an de ts6, an de ren.
48 Déjô lé grô l'andén Pânây é dû txyertén.
49 L'aveyna de fevrey fê trenblyâ le xoley.
50 Cran d 'a veyna e pey perhî xe rccontron volontyt.
5 1 Fen de tsô, fen de mô.
52 I te fô ben fen a, xé té vu ben aryâ.
53 Can le prôme xon mare, tstjon (pa tseyjon) xen le gûrlâ.
54 Plyanta te tsû a la plyaneyté dû rahlyôn e mey le a la plyaneyté
dû bacon.
$5 Totevi la xej6n ameyne la mex6n.
PROVERBES DIVERS.
56 Le jacùtârexon mendro tye le lâre.
57 Xi ce né di ren ly afttc.
Xi ce di ren aflte.
58 Ly e on bîl ojî tye Tagaxé, matrù xovén ly énûye.
59 Le jaluete rùhyé ne tsljon (pu tseyjon) pâ avô la boÀma [ou la
tséménâ).
60 Can on x' âme ben, on a totevi prû plyeçé.
61 Can on n'a pâ xen c'ôn âme, i fô amâ xen c'ôn a.
62 5n a vûto de Xàt prâ tye de Pana.
63 Ll y a ben d! jân 0 a l'onbro, can lé xelâ ly e mûxî.
64 Vè Tapotityêro i néfô ren letxl;
Vè lé fivre i né fô ren totxl.
65 Ren aprén ce né côçe [ou ce né coçey).
66 Xi ce n'a pâ n'a tye a atendré.
67 On n'a djyemè jûyuunaxilyâre xobrâ xû on tey.
68 Xen c'on balye a la poÀrta redexén pè la boarna.
69 Ben robâ né profite pâ.
70 Lyen de xon ben, prt de xa perda.
71 I betévilyâ pâ [ou ren) de butévalye.
PROVERBES FRIBOUROEOIS 79
7J De bcy ré lî y a pâ tan de mô, porvù c-on xaise reiomâ a l'oçô.
71 U y a ren de bîçé tan mô lodjyà po né puyey tsûmâ aprî una
roédjyâ.
74 Xi ce ly a di bîçe ly a dl perde.
7 j On n'c djyemê b ly amâ lye pè mendro tye xe*
76 Xi ce n'a ren fl de mô n'a pà pueyré dû bory ô.
77 Mê onbrâçe, mé i xen.
78 y ya per iô( dû brûly o tye 1 carte,
79 l né fô pâ brùçà por ben avanhî; inuiîlo d'aryâ devân de maneyt.
80 La bùtsityé né xàte pâ lyen dû tron.
81 I f6 xefêré emi de la canalyé : le brave dzen né fan ren de mô.
82 Xi ce n'a ren de Catén n'a ren de xagrén.
8) Xi ce x*emsôiéne xen cayon x*enverne xen bac6n.
84 Ti le cayén né xon pâ den le biiet6n*
On vi pa xé ben di cayén, ma le plyé grô xon pà î btietén,
85 I fô ben cémenhî po ben fumi.
86 Xi ce n'e pâ contén, c'alixe vè lé contentyâ,
87 Le bon conto fan le bon jemi.
88 Tî le cùiî de fû talyon ben.
89 on c plyé gran ten cùixl tye leva.
90 Can on e den la dançé, i fô ta danhl
91 I fô lé dejoâdré po raraénâ l'oâdré.
92 l né fô pâ xe deviçi devàn d^alâ drémî.
9J Xé lè werde la démendzé, la démendzé te werderè.
94 Xen ce ly e a d û trè iy e a nyon.
9j Le bon Dyu n'envûye pâ lé tsévri xen lé boxôn po lé nûri.
96 T$ac6n por xe, le bon Dyù por ti.
97 YÔ lé bon Dyù va, î plyâ.
98 Lêxen adî féré xi c'enmandze le xérije.
99 Toîmih'i dzaloji.
100 Dzalojî pâxe vûdeji.
loi On né di pà dzalyé a una môdzé ce n^a pâ (ou ren) de tatse.
102 Le dzanlye xe môçron, la vréiâ rixie a isôma {ou la vréiâ xâbre
a tsâmaj .
10} Le dzanlye de xti an fan vivre Tan ce ven.
104 U ya ben mê tye le tsen ce dza pon.
10) Tôtc brave dzen xe valyon,
106 Can on cènye le dzen, on lu demande pâ du yô xon.
107 La dzénilyé né di pâ tsantâ devin té pu«
105 I fô djyemê dzérâ de ren,
109 Léxen ôtye po Tavini : li ya ben roê de dzoâ derl lé vant
1 10 En xe devéjén on x'entén.
8o
CHENAUX ET CORNU
I ï I Awî de Perdzén on a d1 xûblyet a Xen Ly6do.
1 1 2 Dû jevi valyon mê tye yon, d'apH lé coçéml de Mûdon.
I I î Can lé mô ly e fey, le jevi xon prey,
1 14 Xi ce n'a pâ Pexprî a la tlça devrè l*avî l pi.
1 1 { Xi ce pè xon ben pè xun exyén,
1 16 Can tsacôn x*eyde (pu eydye)^ nyon né xe creyve.
1 17 Farna fretsé e pan îsô n'enreiséxon pa l'oçô*
Ben de prîçe e pan tsô n'enrétséxon pà Toçô.
j 18 En farvadzén on ven fâvre*
] ]9 Xi ce xe fâ faya, lé là lé médze.
120 Lî ya una fen a tôL
iiï De female den una mej^Sn i n'en fô pâ mê tye de fomS û peyiyo.
122 Dî female e dî tsavô i n'end a pâ xen defô.
123 I f ô prendre lé len cémén i ven, le female cémén xon, e l'erdzén
po xen ce vô.
124 Can fenaplyece de parla (ou devéjâ), Penlèremén fô apreçâ (ou
prépara).
125 Moâ de fena, ya de tsavô, ly e la tsevancé de Toçô.
1 26 Xi ce fâ xen ce né dey aréve a xen ce né vùdrey.
1 27 Xi ce fâ cémén xon véjén né fâ ne mô ne ben.
128 Tô té me fâ tô te fari, dejey la txîvra a xon tsévri.
129 Ben farè, ben troverè.
1^0 1 fô c'oîi en faxe, xé n'e pâ a la réçé^ ly e en aién beyré.
131 N'e pâ totevi fl ça, can le hlyètse xônon.
1)2 Xi ce ly a prû filye e prÛ ley diyemè dzûyo né xe vey.
I î j ! né fô pâ wltyi l*erba a ta rojâ e le filye a la tsandeyla.
1 34 Le fil ye e le tsavô né xàvon pâ (ou né xan pâ) yô xêrè lu oçô.
r ?ç Le filye de bon payijân, le raotele de pure dzen, xon mare devân
dlçré vilye.
1 36 On pu pâ Içré en mîmo ten û foâ e û mulén,
i }7 Xi ce ly a pueyré dî fôlye né dî pâ alâ û bû*
Car dit un autre prov, : Xi ce va û bû va a la dyèra,
1^8 Le frè né pâyon nyon.
I î9 Djyemê frêle/ n'a atrapâ bon bre/.
140 Tor fô tsançé.
141 N'e ren dlçré fû, x on lé fâ pâ a veyré.
142 Nyon n'e fû parey.
14J Ly e bon dlçré fû, ma awi rejôn.
144 Ti le fû ly âmon xénâ e vérl la xinyâla po vanâ.
14J Xi ce balye la coârda a non fû entén xénâ mé tye xon xû.
146 1 né fô pâ ataryà le fû.
1 47 Xé nire ren de f û, né xérey ren de cure.
PROVERBES rWBOURGEOlS Si
\^ Tan plyé vUyo, tan plyé fû.
149 Y6 B ya ren de f u, 11 ya ren de fumeyré*
ï jo Le f û ly e on bon dyerç6n, ma on crûyo mètre.
Lé fii e 11 we xon di bon dyerç6n, roa dl crûyo me}ire.
151 Gaba te, nyon né te gabe.
iji Djyemê gran gabâre n^e jû gran fajâre.
If; Dl cû ie gâte vînyon a mâle.
1^ Préml gânye cû x*ecoârtse*
1 j) Gôta ail gâta xe fâ la môta.
i{6 Grâta te awl te j'onlye.
IJ7 Grâta me, te grateri.
t}3 Vô mi werdâ çû ce xon grâ tye d'en engrexî dî jôtro.
1)9 DecÛçe le grA e lé ryô né bêta pâ tun oç6.
Car Llwe, le xinyâ e le gran tsémén xon ti dî crûyo vêjén.
t66 Ly e la pùriré di plyé gr6 ce xen lé plyé mô,
l6t Dl grobt nô jend an tî.
fit Xen ce ven pa la hlyôia xen va pè lé tabâ,
i6| Xi ce n'emén [ou n'ù) tye una hlyôtsé n'enién tye on xon.
164 Can on parle ûd là, i x6 de la dzâ*
165 Tôf xen ce blyanlseiye n*e pâ laçî.
166 A corédjl on lanbén né pè pâ ton ten; lêxé lo amolyi, xé ly
aiDÔlye gran îen n*amolyerè pâ po ren.
167 N*e pâ lâre xi ce lare robe.
168 N'e pâ lé tof de xe leva maîén* i fô modâ prû viito.
169 Xi ce léxe f éré lêxe burlâ xa mej6n,
170 Le lu d'oâ maryon le cû toà.
171 Tsô cpi xe fa la lyéna.
Prû lyiie fan maya (L. Ruffieux).
171 Fâ cémén té vùdri, ma cémén té fari ton lyl» té te cutseri.
'7Î î^joï* ^^ vu îçré roajaley po lé fedzo.
174 On né pu pâ prendre due mare û m!mo ni.
On né trâve djyemê due mare den lé raîmo ni,
17 j Tôle le marmite ly an lÛ cùvihlyo.
76 Le marmit6n ly an adi (ou lotevi) côtye bon Iets6n*
Maryâdevô, roaryâde vô pâ : mô le môtse, mô le tavân, mô le
pjâ, ma le molàn, dyablyo l'on, dyàblyo TAtro,
178 A la cueyté xe mârye , a liji xe repén^
Can on xe mârye a la cueyté» on xe repén a liji.
»79 Po xe pendre e xe maryâ i fô pâ gran ten lî mujâ'
180 On e plyé vùio maryâ tye ben lodjî.
t8i 1 f6 xe maryâ po xe fèré a blyamâ ; i fô mûri po xe fèré a gabà.
iSa Mè on a, mè on vildrey avey.
82 CHENAUX ET CORNU
i8^ Mè melyà, mè de dzénilye mè de jâ.
184 De pu xe mehlye, de pu ly a a fêré.
185 Xi ce ly e métré xe cûtse yô va.
186 I vô mî làt médjî tye làt dré.
187 Prû médze e ren né bey, djyeraê xû né xe vey.
188 La mi j ère ameyne la nyéjé.
189 Mo xû mô n'e pâ xendâ.
190 On m ô né ven djyemê xolet.
191 Can lé mô i ven, i trôtse.
192 Môlavéjâ né vi pâ xen peyne.
19^ Fô detôr pofêré on mondo.
194 Due montanye né xe recontron pâ, ma ben dû jômo.
195 On pren mê de mot se awî dû mey tye awî dû vénêgro.
196 Xi ce xe talye lé nâ la façé xe defa.
197 Trè dzoâ de nôçe, lé lendemân ren de pan.
198 Xi ce va a nôçe va a côçe.
199 Ben nye, ben denyé.
200 Mê on pèle {ou plyâme) le jô, mê i xenton mô.
201 Tsatye oji trâve xon ni b!.
A tsatye ojî xon ni xenblye M.
202 Lé plyé crûyo onbro po la mejôn d'on payijàn ly e on tsaçt.
203 I né fô pâ xe talyl le jonlye lé dévendro, x'on xe vu gratâ lé
déxando.
204 Ly e pertôr ce 11 ya ôtye, frô ver nô ce nô nô baten ti le dzoâ.
205 Djyeraê crûyo ovrey n'a jû bun ùti (ou bune badye).
Le crûyo jorey n'an djyemê bune badye.
206 On né fa tye xen c'on pâ, e pâ xen c'on va.
207 Li ya ren d'axé pahyén tye lé travô : ly atén adl c'on lé faxe.
208 Lé pan nure ben d! xoârte de dzen.
209 Aw! le janhyàn on médze lé pan blyan.
210 Médzé dû pan ney, can t^ dzûno, xé té vu médjt dû pan blyan,
can té xéri vîlyo.
211 Ly e totevi la pançé ce mepe la dançé.
212 Can l'enfàn ly e batxt, le parén mancon pâ.
Can la filyé ly e maryâyé, le martxyân vlnyon.
2 1 3 Le parole pâxon, le cû câxon.
214 Le pat se fan le jeçatse.
215 On né fâ pâ de mendre patse tye û mohî.
216 Xi ce xovén dzûye, médze e bey, paye totevi ta xen ce dey.
217 Po payî e mûri ly e totevi prû vùto.
218 Tsatye payi, tsatye mûde.
219 Xi ce vu prendre dû pexôn ne di pâ avi pueyré de xe molyl.
PROVERBES FRIBOURGEOIS 8^
220 Ly e pertèr ce le peyre xon dure.
221 Le peyre nibaton adî î grô pèrewè.
222 A foârçé de iyèré di peyre xù on tey, en rSxte ad! côtye june (ou en
zÂbreadi côcuna).
223 U ya mè de dzûne pi a la taneri (ou a l'afitemén) tye de vllye.
224 Po prendre le piti i né f6 pâ atendré ce xan frè dû ni.
225 Le piti van adi devè (ou dûvè) lé bâ.
226 Piti a piti (ou ts6 pu) Poji fl xon ni,
227 Plyan va, lyen tséméne.
228 I né f6 pâ bréjl lé pon, can on a paxâ llwe (lisez lé hlyon).
229 Xi ce 6 una pôtsé farè ben on pots6n.
2^ Can ly e bon ly e prà.
231 On crûyo arandzemén v6 mi tye on bon procès; xë c6c6n te
demande ta rèba, balyé la ley e ta tsèmi}é awey.
2^2 Trè procès gânyl, un ômo rinâ.
2); Prometré e tini xon dû.
N'e pâ lé ter de prometré, i f6 tini.
2)4 Prû prometré e pu (ou ren) tini, ly e le fû e le cure entretini.
2)5 Promexa fi dévala.
2)6 Xi ce ven pûro ven crûyo.
2)7 Xen ce ven pè lé raçi x'en va pè la fôrtsé.
2)8 Xen ce ven de rapéna i x'en va de ruvéna.
2)9 Can le rate xon xûle; la fama (ou faréna) v6 ren mé.
240 La rej6n ly e buna per ter.
241 Ren xé, ren lé.
242 Y6 H ya ren, nyon li xe ten.
24) Awî ren on n'a ren.
244 Xen ce ven dû ren on lé pren po ren.
245 Xicé rep6n ly ap6n.
246 Ben xovén on xenplyo revi v6 m! tye dû bon jevi.
Ben xovén on bon revi fa mê d'efé tye on bun evi.
J47 Revi de janhyàn, revi de tûcàn; revi de dzûne dzen, revi de ren.
248 Tàt rexère e tbt reçrén, ibt retrâve a xon bején.
249 Le rémaxe nâve ecâvon totevi ben.
250 Xi ce xarey l'avini xérey prû rétso.
251 Ly e la mendra ry a dû tsé ce créjéne lé mé.
La mendra rya dû tsé fâ lé mé de ya.
252 Atan xi ce ten ce xi ce ly ecoàrtse.
25) Dû ten, di female e dû goememén né x'en fô pâ mehiyâ, pùxcé (ou
dùcé) on n'avance ren.
254 on are totevi mé de téra tye de ya.
84 CHENAUX ET CORNU
255 Can tôt ûdrè ben, nô II xérén pâ mè; ly e dyûxtamén (ou portàn)
ad6n ce il fart bon.
256 Can n y a po trè^ li ya po catro.
257 Lé tren médze lé ben.
258 Can on a fl trenta, i f6 féré trentyôn.
259 Bon tridze, bon devén.
260 Trû ly e trù.
261 Lé trû pâxe mejéra. Comp. : Can la mejéra ly e plyeyna, i tàme.
262 Lé trù ameyne lé trù pu.
263 Ly e le tsa ce brijon tète le cétale.
264 Por prendre le rate le tsa trèjon lu gan.
265 I fô nû tsahyâ por en nùri yon.
266 Ben tsante e ben dançe fa mihi ce pu tsevançe.
267 Ben tsantâ e ben danhi né grâvon pâ d'avanht.
268 A tsavô balyi on né demande pâ xé ly e fran.
A tsavô balyî on né weyte pâ le den.
269 On né talye pâ lé pi a non tsavô lé prémi yâdzo ce x'axupe.
270 Le tsen xen cùa n'an pâ pueyré de moçrâ lé cù.
271 Can tôt ûdrè ben, farè bon d'içré tsèrotôn; can ben tserdzerôn
trù, ily ûdrè adî ben.
272 I né fô pâ ùrdi mê tye c'on pu trama.
27? On van de pùdze vô mi werdâ c'una filyé a maryâ.
274 Ven ce dzâle^ bijé ce dedzâle, fena ce pu parle, xon trè tsûje
galyâ rare.
275 Ven xù laçî poârte profi ; laçî xû ven poârte vénén,
276 Mi vô içré rûdji de verména tye de x'engrexî de rapèna.
277 Tsatye vélâdzo, tsatye lengâdzo.
278 Frotâde le bote a non vélàn : i dérè ce vô le li burlâde (ou le I! yt
burlâye).
279 Xi ce mode cémén vî revén cémén modzôn.
280 Fâ bi vini vilyo, ma fa mô llçré.
281 Fûdrey vini vîlyo devân tye de vini dzûno.
282 A ten û ta la vrétâ ven adî a dzoà.
283 û pûro lé xa.
284 On né xô dû xa ce xen ce lîya.
285 Tsatye peyna méréte xalêro.
286 Vô mi xalyi firô du la rùva tye dû lé fon.
287 Di xarvente de prlçe, di tsavô de môney, ce le bon Dyû nô pre-
jervey.
288 I vùdrey mi xavey tye d'avey.
289 On né xâ ne ce va ne ce ven.
290 A ten U ta tôt xe xâ.
PROVERBES FRIBOURGEOtS
191 Xi ce né xâ ren n'àblye ren,
192 Xi ce x'en xen x'enprén.
m Xi ce xe xen ben n'a pueyré de ren.
îj4 Lî ja pa de xen ce valyon lé bon Dyû.
^\ Ij e trû ta de bétâ de la xô^ can la tsè xen dza ma,
196 I n'c ren de xobrà ta, porvù ce né falye pâ retornâ,
297 Xi ce conte xù la xupa di j6tro va xovén drémi xen marendâ.
198 1 né fô pâ xûtâ dû prâ a la tsèreyré.
Le txivre e le tsevreyre xâton dû prâ a la isèreyré.
299 Crtyé ya e buna mo djyemè xon jû d'acoâ.
;oo Xé la yé tséjcy, ti le jojl xérân prey.
h
COMPARAISONS ET RAPPROCHEMENTS.
Les rravaux de Bridel, peu nombreux du reste, sont tout ce qu'il y a
d'imporunt sur les proverbes de la Suisse romande. Ce sont les Instruc--
àons pour mon fils Purre^Louis^ p. 127-1 0 du Conservateur suisse^ ou
ffinruiei hilyétiennes, Lausanne 1874 (tome VI)', et les Proverbes en
patois vaudois ou roman dans le même ouvrage, i8jo, p. 429-4^6*.
Attssi un nouveau recueil plus riche et mieux ordonné sera-t-il bien reçu
de tous ceux qui aiment la littérature populaire.
H y a environ un quart de siècle que son auteur s'occupe de réunir
\n proverbes fribourgeois et surtout gruériens. Il en a publié quelques-
uns dans le Journal de Fribourg de 1860^ dans la Feuille d'avis de la
Cfëyire de 1870, dans l'appendice du Glossaire de Bridel et dans
le» NouyelUs itrennes fribourgeoises de 1 866, 1 869-1 87 5 - ^^s publications
ionaiit à peine du pays où elles voient le jour, un recueil général est
des plus désirables.
Les trois cents proverbes contenus dans cet article sont répartis en
Froftrbrs météorologiques par ordre chronologique, en Pronostics, Pro-
nrbis agricoles et Proverbes divers, par ordre alphabétique, basé non sur
le premier mot, mais sur le mot principal imprimé en caractères espacés.
Le système orthographique est, à peu de différences près introduites
pour le rendre encore plus simple, le même que dans les Chants et
Cùtàis fopulair€S de la Gruyère ^ publiés dans la Romania de 1875.
t . RmteU de Co^hZ, p* 18 5*1 95 et Nouvelles itnnnes fribourgeoises 187J,
p. 95-100.
j. Reeuiil de Coadàz, p. 1 40- 1 4 ^ .
86 CHENAUX ET CORNU
Voici les recueils que j'ai consultés et que je cite selon Tordre que j*ai
suivi dans les comparaisons et rapprochements :
Le doyen Bridel. Glossaire du patois de la Suisse romande avec un
appendice contenant une série de traductions de la parabole de l'Enfant pro-
digue, quelques morceaux patois en vers et en prose et une collection de pro-
verbes (p. 530-544), le tout recueilli et annoté par L. Favrat. Lausanne,
1 866 (Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire de la
Suisse romande. Tome XXI).
L'abbé G. Pont. Origines du patois de la Tarentaise, Paris, 1872.
Le D' Perron. Proverbes de la Franche-Comté. Besançon et Paris, 1 876.
Le Roux DE LiNCY. Le livre des proverbes français. Seconde édition.
Paris, 1859. 2 vol.
Armanaprouvençauy 1857, 1859-1865, 1867-1873.
Adelphe Espagne. Proverbes et dictons populaires recueillis à Aspiran
{arrondissement de Lodève). Revue des langues romanes^ 1873, p. 600-653.
Le pasteur Fesquet. Proverbes et dictons populaires recueillis à Colo-
gnac {arrondissement du Vigan, Gard), Même revue, 1874, p. 103-134.
César Oudin. Refranes 0 proverbios Espanoles traduzidos en lengua
Françesa, Con cartas en refranes de Blasco de Garay. Troisième édition.
A Bruxelles 1634.
Theophilo Braga. Cancioneiro popukr (p. 182-196] : Aphorismas
poéticos da lavoura), Coimbra, 1867.
Orlando Pescetti. Proverbi italiani. Raccolti e ridotti sotto à certi capi
e luoghi communi per ordine d'alfabeto. In Vinetia, 16 1 1 .
P. Alessandro da Crecchio francescano. Scelta di proverbi morali ita-
liani offerta à saggi estimatori del senno antico. i> ediz. romana. Roma,
1863.
Eduard Boehmer. Churwàlsche Sprichworter. RomanischeStudien. Heft
VII. 1876, p. 157-209 '.
Rev. G. SwAiNSON. A Handbook of wheather FolkAore, Edinburgh and
London, 1873. ^n-j5^
proverbes météorologiques.
I Gomp. Perron, p. 4 : v Janvier so et bé remplit cave et soulé »,
(( Quand sec est le mois de janvier, ne doit se plaindre le fermier »,
p. 5 : « Poussière en janvier, abondance au grenier », « Janvier
I. Ce recueil permettant par sa bonne disposition des renvois faciles, je me
suis dispensé Je citer in extenso les proverbes à rapprocher. R. signifie
Rheinisch et E. Engadinisch.
PROVERBES FRrBOURGEOÏS 87
d'esu chiche fait le paysan riche »>, et p, 6 : « Janvier ei février
comblent ou vident le grenier. » De même en Italie : « Il gran freddo
dt gennaia empie il granaio » Prov, mor. 540, « Gran fred de Genar
Timpieniss elgranar » Swainson. Handbook ofWeather Fùlk-iort^ p. 19.
Comp. encore Prov, mor. 1 162 : c< Gennaio polveraîo empie il granaio. »
2 " Si février ne donne pas du froid, mars vient qui gâte tout, n Le
Rév. C. Swainson cite sans indication de provenance ce dicton : <f Si
fivricr ne févroie, mas vient qui le garotte », p, 42, Le Glossaire de
Bridel* p. $îi , donne les mêmes dictons, le second en patois de Valan-
çn : «Sefévïi ne févreye, mar vin que debreye ». Comp. sur le mois de
mars le dicton de Valangin : a Si mar ne marmotte, avri fâ la poiie »
Ghss.âe Bridel, p. 532. Le Roux de Lincy, I, 99 : Si febvner ne
&ia des siennes, mars lui livre camp et guerre fière. » A Menton l'on
dit : * Se Febraro non febregia, Mars marsegia *v Rom. 187s, p. 49?.
On exprime fréquemment la même idée par : «c II faut que février fasse
I son devoir, jj Perron, p. 4 : « Il faut que Thiver se fasse. « L'it, dit
I fiareilleinenl : * Se febbraio non febbreggia, marzo campeggia » Prov.
or,, 9?o. Bœhmer, p* 207, 4.
j <K Si février donne du froid, mars mène paître les oies; si février ne
'donne pas du froid, mars amène de mauvais vents, n VArm. prouv, de
1857 cite un dicton différant peu de la seconde partie de celui-ci : « Se
I fevrié noun febrejo, loutl li mes de Pan aorejo. >»
4 u 11 vaut mieux voir en février deux pieds de neige sur le tas de
ftimicr qu'un homme en manches de chemise. »
j a II vaut mieux voir un loup sur le fumier qu'un homme en manches
de chemise en février. » Perron, p. 5 : « Vaut meu voûre in loup
I enraigie q'en houme en ch'mise au mois d- [anvie. » Le Glossaire de
Eridel, p. J32» cite le même dicton en patois de Valangin : tt Atant
vodré vai on ludsu on fémi,qu^en homme detchepouénâ u mai d* févrL 1*
6 Glossaire de Bridel, p. $^2 : « Ëttre mar et avri, tchantei coucou,
s* t*aî vu. }> Perron, p. 20 : « Entre mars et aivri, chante, coucou, si
t'c vi. » Arm. proav, 1857 : « En abriéu canto lou couguou» s'es
néq», Cl Ri¥, des kng, rom,, 187^, p. 374 : « En abriu canto lou
coucut, se viu. n
7 Rîse de mars, vent d*avril, font la richesse du pays; vent de mars,
bise d*avril» font la ruine du pays, Le Glossaire de Bridel, p. s ? i , donne
U première moitié de ce même dicton*
8 « Vent de mars, bise d'avril, dévorent plus de blé que tout le
pays. i>
9 tt La verdure de mars ne vaut rien pour les prés. »>
10 « Verdure de mars, bise d'avril, font la ruine du pays. »
11 Glossaire de Bridel, p. çî'- ^^ ^^^^ ^^ ^^"^y ^^^ ^^^^ dictons
88 CHENAUX ET CORNU
fort semblables, I, no: «Quand il tonne en mars, le bonhomme
dit: Hélas! Quand il tonne en avril, le bonhomme se réjouit»; et
p. 1 J4 : « En mars quand il tonne, chacun s'en étonne; en avril s'il
tonne, c'est nouvelle bonne. « Voir aussi Swainson, p. 80. On trouvera
dans le livre de M. Swainson, p. 56-57, des proverbes contradictoires
sur le pronostic à tirer du tonnerre de mars,
1 2 a Tonnerre de mars, venie de blé isigne de misère, le blé sera
cher); tonnerre d'avril, richesse au pays, » Le Roux de Lincy a le même
dicton, !, 92 : « Quand il tonne en avril, il faut apprêter son baril ï*;
comp. Perron, p. 6 : « Quand é toune en fevré, faut pouthiâ lâ brousse
au sou lé, îï et p. 7 : « Toi n ne en m eu, poiiche là friià a tzeu ; loinne
en aivri poitche lâ fritâ a paigni. »
î j « Quand on a vu trois beaux mois d'avril, il est bien temps de
mourir »; c'est-à-dire qu'on doit être vieux, parce qu'il est extrêmement
rare que le mois d'avril soit beau. Comp. Perron, p. 8 : « Jamais mois
d'avril ne fut si beau qu'il n'y eût de la neige à plein chapeau, »
wtl'aipairue du mois d'aivri n'entre pas dans lou bari », te Jaimà bour-
geon d'aivri o'o aivu ne bê jû ne bé ri. »
14 Glossaire de Bridel, p. çp* (^ Au mois d'août la pluie derrière le
bois fij c'est-à-dire qu'elle est toujours prêle à arriver. Comp. Perron,
p. 9 : ce Le mois d'août trompée les fous ; il n'a jamais fait grandir le
Doubs. I»
I ^ Glossaire de Bridel, p. 552. Perron, p, 16 : « Le vendredi aimerait
mieux crever qu'aux autres jours ressembler. » Le Roux de Lincy, I,
155, a la même superstition relative au vendredi : « Vendredi de la
semaine est le plus beau ou le plus laîd. »
16 « Ce serait un beau jour que celui de Carnaval, si Pâques était le
lendemain. »
! 7 Nous trouvons ce même dicton en France : << A la saincte Luce le
jour croit le saut d'une puce h Le Roux de Lincy, 1, 124; en Pro-
vence : « Per Santa Lucia tous jours creissou dau saut d'una pucia »
Ad. Espagne dans la Rev, des iang. rom,, 1873, p, 618 (xxxvi), et avec
une variante : « A santo Lùcio li jour aumenton d'un saut de clusso »
Arm. prouv., 1857; en Espagne: a Santa Lucia mengua la noche y
cresce el dia » Oudin, Refr, esp., p. 2^5; en Portugal : v Dia de Santa
Luzîa cresce un palmo 0 dia » , et r< Dia de Santa Luzia mingûa a noite
e cresce 0 dia» Theoph. Braga, Cane, pop.^ p. 182-5; el en Italie:
(( Da S. Lucia a Natal e allongato il di un passo dî gai », « Da S. Lucia a
Natal cresce il dî un passo di can » Ori. Pesceiti» p, 217^, et t^ Per San
Barnabà (1 1 giugtïo) il più lungo dell' esta; per Santa Lucia il più corto
di che cisia a Prov, mot., 8jo. Le Roux de Lincy, I, 1 18 : « A la saint
Antoine les jours croissent le repas d'un moine », « A la Chandeleur les
PROVERBES FRIBOURCEOIS 89
jours croissent la durée du repas d^une épouse; » I, 96 : « A ta fêle de
h Chandeleur les jours croissent de plus d'une heure, n
iS tt Quand il neige le jour de ta saint Sebastien» on revoit vingt-deux
fois le bois blanc (de neige). » En fr. : « A la saint Sebastien, Thiver
reprend ou se casse les dents » Swainson, p, ji»
«9 Le Roux de Lincy, î, 129 : « A la saint Vincent tout dégèle ou
tout fend. » « A la saint Vincent Thyver se reprend : tout gèle ou tout
fend ou se rompt la dent, » A. Espagne, Reu. des iang, rom., 187$,
p, 6ti (viiil : t< Per sani Vincent Ion frech cousent », et Arm. prouv,,
i8j7 : « Persan Vincèn li glaceiroun perdon II dent 0 It recoubron per
bniems. »
10 « Si le loup peut voir d'une montagne à Tautre le jour de la Chan-
deleur, il se faut recacher six semaines, » Comp, Perron, p. n :
« Quand Tours met ce jour-là sa patte à la fenêtre, il la retire pour
(quarante jours n, c Ai lai chandelouset laivou lou sereillo beilleret se
senangna aipré lai pousse passeret », u Quand las bos chantant ou
que las miale fioutant aivant lai Notre-Daime, é se recaichant ché
seœene de temps. 0
11 «A la sainte Agathe l'eau descend le petit chemin (le dégel com-
mence].)»
22 c A la sainte Agathe, à moitié son foin, à moitié sa paille (la
moitié de Thivemage du bétail est passée). » Perron, p. $7 : «c Ai lai
SaÎM-Ogothc moitié de ton foin et de tai peilloie », « Pour le deux
février il faut avoir moitié de son fourrage au grenier, » Comp. en ît. :
« Mezzo gennaioj mezzo pane e mezzo pagliaîo » Prov. mor,, 680.
2| K A la sainte Agathe la moitié de la récolte est employée* n
24 (< A la saint Mathias, bonne femme, laisse sortir tes abeilles. »
2$ <r A la saint Joseph, le bout de la chandelle dans le baquet. >> Dès
le 19 mars le cordonnier ne travaille plus de nuit; si on allume sa chan-
delle, il Téieim dans Teau du baquet dont il se sert pour ramollir le
cuir, »
26 « A la saint Joseph les petits crapauds (commencent à sortir)* »
27 4( La pluie à la saint Médard, ta pluie six semaines sans disconti*
nucr. » Comp. dans Le Roux de Lincy^ ï, r26, un dicton semblable :
• Sll pleut le jour saint Médard, il pleuvra quarante jours plus tard», et
iÊn& \ts Orig. du patois de la Tarentaise, par l'abbé G. Pont, p. 78:
K Se plé lo dzor de sein Médar, i plé karanta dzor pé tar. » Voir aussi
VArm, prouv, de 185^ : « Quand plôu per sant Médard, de la recordo
emporto un quart, » ou « pîôu quarante jour pu tard. » Celui que cite
Ad. Espagne, Rev. des Iang. rom., 187?, p. 615 (xxiv) : <f Quand pl6u
per sant Médard las rendas diminuon d'un quart », aussi « quarania
jours dura lou bard » est plus différent. Comp. Perron, p. 14 : « S'il
90 CHENAUX ET CORNU
pleut le jour de saint Médard, le tiers des biens est au hasard,.,., il
pleuvra quarante jours plus tard; à moins que la Saint-Bamabé ne
vienne à lui couper le nez, n
28 ((Le temps sera à Pâques comme à la Toussaint »
29 « A la Saint-Martin, la vache au lien (à la crèche) : si elle n'y est
pas, elle n'en est pas bien loin. »
^o Glossaire dt Bridel, p. 550. Ce dicton appartient à tout le domaine
roman, à la France : « A Noël au balcon, à Pâques au tison », « A Noël
les moucherons, à Pâques les glaçons >>, « A Noël souvent moucherons
et à Pasques sont les glaçons » Le Royx de Uncy, 1, 1 12; à la Pro-
vence : « Que per Noué se soureîha, per Pascas crèma sa legna «
Ad. Espagne, Rev. des lang, rom*, 1875, p, 609 (l), ou « Qu'a Nadal
se sourelha a Pascas crèma sa legna ï> Rtv. des lang. rom,, 1873,
p, 592, ou bien aussi : <t Nouvè* u jo, Pasco au fio, Nouvè* u fio,
Pasco au jo « Arm, primv.y 1857; à TEspagne : « La de Navidad al sol,
la Ooridaal lîzon » Oudîn, Refr. esp.^ p. 102, et u Por Navidad sol y
por Pasqua carbon >* Ibid,, p. 191 ; au Portugal : a Por Natal ao jogo,
pela paschoa ao fogo » Braga, Cane, pop.j p, 190, et « 0 Natal ao
soalhar e a paschoa ao lar » p, 183; et à Pltalie : « Da Natal al
giuoco, Da Pasqua al fuoco » Orl. Pescetti, p, 217^, « Natale al sole,
Pasqua al tizzone n Prov. mor.j 751, Corap, encore : « Décembre
agghiacciato non dev' essere disprezxato n Prov. mor., ^12. Bœhmer,
p. 208, 16, Comp, Perron, p. 10 : << Noël herbeux, Pâques neigeux.
Noël herbeuxi Pâques teigneux, n
PRONOSTICS.
5 1 « Quand les poules se pouillent à la remise, c*esi signe de pluie, n
ji « Après la gelée la lavée (la pluiel » Perron, p. 2^. — « Après la
gelée blanche la mouillée (la pluie), » Le Roux de Lincy, I, 99 :
« Blanche gelée est de pluie messagière. »
^ î « Si la lune renouvelle le dimanche, prépare pont et planche (c'est
signe de pluie). »
J4 « Long museau, longue queue, >ï Perron, p. ? : « Té nâ» té
coue )K C*est-à-dire que si l'hiver commence vite, il finît tard. Le Gtos-
sâire de Bridel, p. ;;i, donne ce dicton sous une forme plus claire :
Kt Can rivé a on Ion bè, 1 a asebén na londzécùa. )s Perron, p. î : u Quand
l'hiver a une longue tête, il a une longue queue. »
j { « Quand les brouillards vont contre Planfayon (que le vent d'ouest
règne, amenant ordinairement la pluie), prends ton alêne et ton îacon;
quand les brouillards vont contre le Valais (que la bise, vent du nord-est,
règne, amenant ordinairement le beau tempsK prends ta faux et ta
PROVERBES FRïBOURCEOtS fl
pterre à aiguiser. » On veut dire par là qu'il faut dans ie premier cas
travailler à la maison, rapiécer ses habits, ses souliers ou les harnais; ei
dans le second cas faucher ses foins ou ses blés sans crainte de la pluie.
Voir dans le Glossaire de Bridel, p. 5^0, deux dictons semblables, Tun
vaudois : « Se le nyèle van d'amôn, pren l'aulyé e lu lacin, se le nyôle
van d'avô pren lu covay e la fô », l'autre de Valangin : « Quand la
mole est dsu Tchumont» prêt Teûlhe et poui le tacon ; quand é Test dsu
le Van-né, prêt la fortche et le raté. »
^b Chss, de Bridel, p, ^i. » Plôdze du matin arrèthe pâ b pèle-
rin n Pabbé G. Pont, Orig. du patois de la Tarent^ p. 82. Perron,
p. iç : « La pluie du matin n'arrête pas le pèlerin »», u Pluie du matin
n'est pas journée. j> Corap. en itaL : « Rossa la sera, bianco il mat-
tino, è la giornata del pellegrino » Prov, mor., 839*
Î7 u Le rouge du matin (le ciel rougi par le soleil levant) fait aller
les moulins (amène la pluie) ; le rouge du soir (le ciel rougi par le soleil
couchant) fait sécher les plantes ^ (amène la sécheresse) . » Ce dicton
mentionné déjà dans TEvangile^de S. Mathieu, XVI, v. 2-3 : Facto
vespere dicilis : a Serenum erit, rubicundum est enim cœlum; et mane :
Hôdie tempestas, rutilât enim triste cœlum jj, est commun à la France,
Perron, p. 24 : if Rougeu du maitin fan virie las melin. Las rougeu du
SOUCI fan soichie las touets », « Arc-enniiel du matin, pluie sans fin;
arc-en-ciel du soir, il faut voir w, « L'arc-en-ciel du souet rassue las
gouillets. M « Rouge vesprée et blanc matin est la joie au pèlerin »
(xv* siècle) Le Roux de Lincy, L 1 m, et « De rouge matinée lede
vesprée » II, 475; à la Provence qui en a plusieurs versions : « Rou-
jéirola de la sera, bel tems espéra )>, « Rougéirota dau mati ploja
en cami » Ad. Espagne, Rev, dis lang. rom,, îSyj, p. 618 (xxxvm et
xxxviii), 0 Rouge de séro, bel tens espéro », *» Rouge de sero, blanc
dèu matin, es lou journau dôu pèlerin ^), « Rouge de matin escoumpisso
lou camin » Ibid. en note; à l'Espagne : « Aurora ruvia, 0 viento o
lluvia » Oudîn, Rej. esp,, p. 52 ; et à l'Italie : << Il rossorde la serabuon
tempo mena », « Il rossor de la mattina fa rieropire la piscolina » OrL
Pcscctti, p, igjfc. Bœhmer, p. 209, 13,
|8 Glossaire àt Bridel, p. $31 : » Quand it tonne sur le bois nu
(dépouillé de ses feuilles) , il neigera sur le bois feuille, d
19 Glossaire de Bridel, p. jji : «Tant teunnequ*et pieu » [Valangin],
Le Roux de Lincy, I, i^ : « Tant tonne qu'il pleust » du xv« siècle.
Orl. Pescetii, p. 144 i? : « Tanto luona che piove^ a p. 90 b : « E non
tuooa mai, che non piova n\ et p. 223 ^ : « Quando hà ben tonato e
tooato, è forza che piova. » -- « Quand le ciel est assez couvert, il pleut ;
Par (api on entend dans la Gruyère le rumex ûlpinus, patience des Alpes.
92 CHENAUX KT CORNU
quand les nuages ont assez couvert les sommets, ils se dissipent enfin. »>
40 *( Gros vent et vieille femme n'ont jamais couru pour rien, w 11 y a
deux variantes de ce proverbe dans !e Glossaire de Bridel, p. jîS :
« Vllyè fena e gran vè/i né coriran jamê po rèn » du canton de Vaud, et
« L'oûre et le vilhè dget ne corret pas por ret ?> de Valangin. Perron,
p, 25 : « Grand vent, grande pluie » ; et p. 26 : <r Jaimâ gram vent ni
veille fanne n'ont couru pou ran. >» Le proverbe français : « Besoin fait
vieille trotter», dont Le Roux de Lincy, I, 486, donne un exemple du
xrji* siècle, est le même, mais moins complet. Il en est de même du pro-
verbe provençal cité par Fesquet, Rev, des lang, rom,, 1874» p, 12 j :
(c Besoun fo la vielho irouià e lous gambèts sauta, n
PROVERBES AGRICOLES.
41 tf Par les roches, les sapelois ; dans les prairies^ les grands sapins, n
i< Sur les sommets, les sapelots; dans la petite vallée» le grand sapin, n
42 « Dans les petits vallons, les amas de neige ; dans les gorges, les
amas de pierres, »
4î cf Pays de froment, pays de tourment. »
44 a Pays de montagnes, pays de clochettes, n
45 « En bas la rivière, dessous le pont; en bas le petit ruisseau^ pas de
maison; en bas le courant, adieu le sel; en bas le torrent, rien ne sait, n
46 a Jamais année tardive ne fut improductive » Glossaire de Bridel,
p. JJ2. « Année tardive ne fut jamais oisive » >» Perron, p. j. Comp.
le proverbe espagnol : « Mas vale ano tardio que vazio n Oudin, Refr,
csp., p. 122, et le proverbe portugais : « Melhor é o anno tardio que
vasio » Braga, Cane, pop.^ p. 184.
47 Gloss, de Bridel, p. nj- <^ An de foin, an de rien. )) Comp.
Perron, p. 2 : Anna de van, annâ de ran, »
i( Année de pluie, année de foin; année chaude, année de vin. )t
48 i( Sous le gros andain, Pannée de disette, » Comp. Perron, p* i :
« Année pluvieuse, année chancreuse. n
49 <( L'avoine semée au mois de février [est si pesante qu'elle] fait
trembler le plancher supérieur des granges, w Glossaire de Bridel, p. ^^6:
« Aveine de fevri fà pieyi V soli >» Valangin). Le Roux de Lincy, p. 99,
a un diaon tout pareil : « Belle avoine de février donne espérance au
I. Les formes semblables de ce dicton en roman çruérin, en franc-comtois,
en espagnol et en portugais, me paraissent appuyer solidement Tétymologie d'oisif
proposée par Thomseo, Romanta, 1875, p. 262. Comp. encore vouûisâ, Gioss,
de Bridel s. v., et p, jj2.
PROVERBES FRI BOURGEOIS 9^
9 Perron, p, 44 : « L^avoine de février remplit le grenier; Ma
ù trop iâ* )>
jo <( Grains d*avoine et pois percés se rencontrent volontiers. »
51 « Foin de montagne inaccessible au béiaîi, foin de peine* »
52 tt 11 te faut bien faner, si m veux avoir beaucoup de lait. »
5î « Quand les prunes sont mûres, elles tombent d'elles-mêmes* »
Le Glossaire de Brideli p. jj}, a ce même proverbe une fois avec des
traiiintes sans importance et l'autre fois avec une comparaison mal
achevée : « Can le prdme san ben maure ; yé tsizon sen le grulâ; le fêiye
San tôt de mémo, can 1 an lôta de maryâ. )> Comp. les proverbes italiens:
<f Quando la pera è matura, convien ch* ella caggia n Orl. Pescetti,
p. 176^, « Quando la pera è maiura, se ne casca senza tortura n Prov.
mai,^ 53. Bœhmer, R, 82.
J4 «t Plante tes choux sous la constellation du fumier et cuis-les sous
celle du lard, i) On veut indiquer par là qu'il faut beaucoup d^engrais
pour faire croître les choux et beaucoup de graisse pour les cuire. Peut-
être a-t-on voulu par ces constellations d'un nouveau genre tourner en
ridicule ceux qui prêtent foi aux influences des astres. Comp. le fr. :
te Ce n*est pas le tout que des choux, il faut encore de la graisse » Le
Houx de Lincyi 16$.
S f Perron, p. 4 : « La saison amène la moisson. » Le Roux de
Lincy, H, 294 : « En temps, lieu et saison, le donner et moisson »; Car-
ias en refr. de Blasco de Garay, p* 10 ; u Cada cosa en su tiempo, y
Oâbos en adviento n ; en it. plus simplement : a Ogni cosa hà la sua
sta^one» OrL Pescetti, p. 141.
PROVERBES DIVERS.
$6 « Le zaxotsâre né vâlyan pâ mê tye le lâre. n (Jorat) w Les écou-
teurs sont moindres que les voleurs. » Comp. ClossaiTeàt Bridel, p. j }8,
Perron, p. 76, et Boehraer, R, ( 1 5.
57 « Qui ne dit rien consent. » Boehmer, fî. 65.
58 Glossaire de Bridel, p. 554. « C'est un bel oiseau que la pie,
mais quand on la voit trop souvent, elle ennuie. » Perron, p. ix et 73 :
9 Ço in belouséque Taiguaisse, mais quand on l'ai prou vu, on s'en
seule, n
^9 « Les alouettes rôties ne tombent pas dans la cheminée. » Comp.
Le Roux de Lincy, 1, 1^9: a Les allouettes luy tomberont toutes rôties
dans la bouche, d
60 « Quand on s^airae bien, on a toujours assez de place (dans la
maison), d
61 « Q^ui ne peut comme il veut, veuille comme il peut jï Le Roux
94 CHENAUX ET CORKU
de Lincy, II, 199. De même en îtaiien : « Chî non puô quel che vole,
voglîa quel che pu6 » OrL Pescetti, p. 241 , et a Chi non puô far conie
vuolc facda corne pu6 », p. 92.
62 « On a vite de tout assez sauf de l'honneur: n
6? « Quand le soleil est couché, il y a bien des bêles à Tombre n Le
Roux de Lincy, I, i J2, En provençal : « Quand lou soulèu es coucha,
i a forço bèsti à l'oumbro w Arm. prouv,^ i86r, p. lO}.
64 « Chez rapothicaire il ne faot rien lécher ; chez le forgeron it ne
faut rien toucher. r> Comp. dans le recueil d'OrI, Pescetti, p. 42b
{= Ptov, mor.f 74) : « Al fabro non toccare; al maliscalco non
t'accostare; alto speziale non assaggiare n; p. 1966 : « Non toccar i
ferri de bottega n ; et p. 22}i» : « Non trescar co* ferri de bottega* »
65 (c On n'apprend rien sans qu'il en coûte d^ ou ce On apprend à ses
dépens* »
66 t« Celui qui n*a pas n*a qu'à attendre. » Le proverbe cité par Le
Roux de Lincy, f , 1 54, a un sens différent, Comp, Bœhmer, R. 242*
67 i( On n*a jamais vu un couvreur rester sur un toiL w
68 <f Ce que l'on donne à la porte redescend par !a cheminée», c'est-
à-dire l'aumône n'appauvrit pas. Comp. Prop. mor,, 22: « Ail' uorao
timosimero Dio è tesoriero n^ et 566 : « La limosina mantiene la casa. j>
69 (f Bien volé ne profite pas. » Ad, Espagne, Rev, des îang. lom,^
187Î, p. 627-8, a le même proverbe ! « Be raubâ se flouris, jamais noun
es granà «, et <t Be raubat a pas jamais protisperai,» Les Prov. mor. ont
trois versions de ce proverbe, 880 : u Roba rubata a cona durata »;
681 : <( Mal guadagnato, maie speso »» et « La roba di maie acquisto
se la pona il vento, /> Bœhmer, ft, 182, 2ç?, 254, 255, 256. Comp.
encore 272, 27^. E. 29-48,
70 Glossaire de Bridel, p. 540. « Loin de son bien, près de sa
perte. »
7! « Pas de badinages avec les gens susceptibles, w
72 Glossaire de Bridel, p. ^ ^6. c A boire il n^ ^ pas tant de mal,
pourvu qu'on sache retourner chez soi. w Comp. Bœhmer, E, 87.
7:^ it II n'y a pas d'animal si mal logé qui ne puisse se reposer après
avoir mangé. »
74 « Qui a du bétail a des pertes. »
75 « On n'est jamais blâmé qye par moindre que soi, »
76 « Celui qui n'a pas fait de mal n'a pas peur du bourreau, n En ît, :
<c Chi delitto non ha dmor non sente w Prov. mor.^ 127; v Cammina
dritîo e non aver paura » Prov. mor., 1 56, et (f Maie non fare, e paura
non avère »» Prov. mor,, 676. Bœhmer, E. 4v
77, « Plus on remue, plus il y a d'odeur, j» De même en provençal :
cr Au-mai va boulegas, ati-mai sente » Arm. proav,^ 1868, p. 109, et en
PROVERBES FRIBOURGEOIS ÇÇ
italien : « Chi casca nel fango, quanto più vi si dîmena, tanta più
tlnibmu » Orl. Pescetti, p. 176.
78 n (1 y a partout de ta trichene excepté au jeu de cartes. 1»
79 a II ne faut rien brusquer pour bien avancer; inutile de traire
avam d^avotr manié |le pis de la vache). » Corap. Bœhmer, R, ^9, 97.
E. 209,
80 « L'éclat de bois ne saute pas loin du tronc. » Comp. dans le
recueil d'Orl. Pescetti^ p. 208 : « Ogni pianta serba delîa sua radiée i>,
H 11 ramo al tronco s'assomiglia », if La tacca somîglia ail' arbore *>,
« La scheggia vien dal legno* )> Bœhmer, R. 166, 178.
8i (I II ^ut se faire ami de la canaille : les braves gens ne font pas de
mal. >» Comp* le proverbe français : « De gens de bien ne vient que
bîeiiJ» Le Roux de Lincy, II, aSi. L% dit : n Usa col buono, e sta
ben col catiivo » Prov. mot., 994.
82 if Celui qui n^a pas de Cadn (d'amourettes) n'a pas de chagrins, r*
Comp. Perron, p. 74 : « Pour vivre heureux, pas d'amourettes, pas de
procès et pas de dettes. »
8| ic Celui qui passe Tété sans garder de cochon^ passe Phiver sans
lard. i>
84 u Glossaire de Bridel, p. H5- «Tous les cochons ne sont pas dans
les éubles* »
85 « Bien commencé demi avancé » Le Roux de Lincy, II, 248*
<» Chose bien commencée est à demi achevée » Il 271. « Pèr bèn fini»
Êiu bèn commença o Arm. prouv.^ 1868, p, io8. « Chi ben comincia
ha la meta dell' opra )) OrL Pescetti, p. jo (= Prov, mor,^ 199, avec la
varianie t- allaf, Bœhmer, K. 15, 16.
86 « Que celui qui n'est pas content aille chez celui qui le conten-
tera. » Comp. Bœhmer, R. ^10.
87 « Les bons comptes font les bons amis ^* Le Roux de Lincy, H,
12). En it. : <f Patti chiari, amici cari », ou aussi a Conti corti amicizia
lunga » Proi^^ mor,, 8?o. Comp. Bœhmer, R, 288.
88 oc Tous les couteaux de fou coupent bien, n
89 II y a dans Le Roux de Lincy, li, 560, ce prov. : « On est plus
enterre qu'en prez » qui n'offre guère de sens; peut-être faut-il lire
qa^en pin, ce qui équivaudrait au proverbe gruérin jP. M.).
90 <c Quand on est dans la danse, il faut la danser, n En italien :
Cl Poi ch' io son intrato in danza, bisogna ch' io balli » OrL Pescetti,
p. 161^, et « Chi non sa ballare, non si meita alballo» Prov, mor., i 58.
91 tt II faut le désordre pour ramener Tordre. » Comp, Perron, p.
7) : < La misère met ordre. »
91 tt C'est folie se dépouiller avant d'aller coucher » Le Roux de
lincy, II, 262, En prov, : « Fau jamais se desabiha avans de se raetre
if Si tu gardes te dimanche , le
a Qui est à touz, si est à ntilz »
Le bon Dieu n'envoie pas le che-
96 CHENAUX ET CORNU
au lié )> Arm. prouv., 1863, p. 44; car, dit un autre proverbe qui en
semble être le commentaire : (< Qui te sien donne avant mourir bien tost
s'appresie à moult souffrir » Le Roux de Lincy, 11^ 389, 395, « Que
bailo soun ben davans mouri merito de pâli » Fesquei, Rev, des long,
rom.y p. 133. Et en esp. : « Quien da lo suyo antes de morir apareje se
a bien sufrir n Oudio, Refr, esp., p. 216, et it Quien da lo suyo antes de
su rauerte merece que le den con un maço en la frente » Carias en
refranes de Blasco de Garay, p. 91.
9Î Glossaire de Bridel^ p. 532-
dimanche te gardera. »
94 Le Roux de Lîncy, lit )90 -
(xv" siècle),
95 Cfoi^aire de Bridel, p> 535. «
vreau sans le buisson pour te nourrir, j>
96 « Chacun pour soi et Dieu pour tous n Le Roux de Lincy, 1^ 19,
et n, 267. Bœhmer, £. 252,
97 u Où Dtex veut se pleut » du xiii* siècle, « Là où Dieu veult il
pleut I» du xv** siècle. Le Roux de Lincy, I, 21, Comp. encore H,
477* *î Souïeio e plôu coume Dieu v6u n Arm. prouv.^ 1872, p. 99.
et Quando Dios quiere, con todos vientos llueve » Oudin, Refr, esp.^
p. 199, « Quando Dîo vuole, a ogni vemo piove » Orl. Pescetti, p. ijfr.
98 « Laissons toujours faire celui qui met la queue aux cerises. »
99 « Envye en tout art est en vie » Le Roux de Lincy, H, 296. En
italien : a L'astio è frà gli artefici n, et «l'invidia fu sempre maritata frà
gli artefici 1» OrL Pescetti, p. 127» On connaît les vers d'Hésiode dans
les Trapaux et les Jours :
CtqXoÎ h Te Ysf'cova Y^ftwv
dç a^evov oirajîovra.
100 a Jalousie passe sorcellerie. »
loi Glossaire de Bridelj p. $^4. « On n'appelle pas tachetée une
génisse qui n*a point de taches. »
102 « Les mensonges se montrent, la vérité reste à Tombre. i>
io| « Les mensonges de cette année font vivre Tannée prochaîne, »
Proverbe des ouvriers qui, après avoir promis de faire l*ouvrage dans un
temps indiqué^ ne le font que plus lard.
104 Glossaire de Bridel, p. 559. « Les chiens ne sont pas seuls à
aboyer, »
105 tt Toutes les braves gens se valent. »
106 a Quand on connaît les gens, on ne leur demande pas d'où ils
viennent. »
PROVERBES FRIB0URGE01S 97
107 Glossain de Bridel, p. 554. « La poule ne doit pas chanter
devmt le coq x prov. fr. En prov. : a Jamai davans lou gau galîno dèu
ciBta » Arm. pToav., 1862, p. 70, ou « Aqui ount* es lou gau fau pas
que ta galina cante > Rtv. des lang. rom.^ 187;, p. $84, ou aussi
« Ai! que vai mau, quand la galîna fai lou gau », p. 58 ^ L'espagnol
s'exprime autrement : ^ Con mal esta el buso, quando la barba no anda
de suso > Oudin, Rifr. esp,, p. 48; mais Fit. dit pareillement: « In casa
non ci è pace, quando gallina canta e gallo tace 1» Prov, mor.^ 549.
Ecehmer, £. 257.
io8 € Il ne faut jamais jurer de rien. »
109 « Laissons quelque chose pour Pavenir^ il reste encore bien des
joiirs derrière la montagne. «
HO * En s'expliquam on se comprend, »
Mil Avec deTargent on a des sifflets à Saint-Claude », c'est-à-dire
ofl peut acheter des sifflets à la foire de la ville de Saint-Claude en
France, où Ton vendait autrefois beaucoup de jouets d*enfants. En
csp. : a Por dinero bayla el perro » Oudin, Rejr, esp,y p, 190, et « Quien
dineros tiene alcança lo que quiere », p. 218, Carias en refr. de Blasco
de Gau^aj, p. 69.
112 < Deux avis valent mieux qu'un », ou « Deux sûretés valent
rakiiz qu'une j» est un proverbe bien usité en français ; cependant Mou-
don, petite ville du canton de Vaud, n'est pas ici pour la rime, ainsi qu*on
serait tenté de le penser. Dans les franchises de cette ville de laSj, qui
fur^t celles d*un grand nombre d'autres lieux, et entre autres de
Gruyères, on lit les articles suivants :
£9 Si quis voluent aliquem a regiquina repellere, dicens ipsum esse litigato>
ffsn vel litis partîcipem, débet hoc probare per duos iesies.
24 ,., si ultra mensuram vulneratus extimare vellet opéras sive expensas,
domious vel qui loco domini interfuerit débet taxare et admensurare predicta^
habitis secum daobus probis hominibus de Meldutio.
4} Maccllario credendum est de cxpositione carnium per suum juramenttim
OiiD uao sequente idem jurando...
61 111e qui déportât pagam tabernarii invito tabernario et conlradicente et
poneote bannum tabernc, tenetur domino in sexaginta solidis, si probatur per
ioM testes.
62 ... si vadiatus negat debitum et vadians potest id ipsum probare per
duos testes, non débet bannum domino, (Voy, les Chartes communaks du pays
di Vaud dans le tome XXVII des Mémoires et documents publiés par la Société
d'histoire de la Suisse romande.)
ï\} *i Quand la chose est faite, li consaus en est pris » du xwV s.»
Le Roux de Lîncy, 11, J76. En italien : » Domandar consiglio dopô il
fotto » OrL Pescetti, p. 190, et ^ Dopo il fattoognuno è savio n Prov.
komânia^ Yl 7
98 CHENAUX ET CORNU
mor., îJ7. Dans le Jorat (Vaud), on a une comparaison proverbiale du
même sens : « L e comèn ia grayla apil vénendzé. » Comp. Bœhmer,
R. 299.
tr4 » Celui qui n'a pas Tesprlt à la tête devra l'avoir aux pieds (sera
obligé de faire du chemin pour réparer ses sottises). *> L'italien dit:
« Chi non ha cuore habbia gambe n OrL Pesceiii, 141^, ei« Chi ha poca
memoria deve averbuone gambe » Prov. mor.^ 248.
n 5 <i Qui perd le bien perd le sens » Le Roux de Lincy, II, 401 . De
même en italien : ^ Chî perde ta robba perde il consiglio »> OrL Pescetti,
p. 180.
1 16 Glossaire de Bridel, p. 5 56, « Quand chacun s'aide, personne ne
se tue » Perron, p. 80»
j 17 Glossaire de Bridel, p. n?- « Farine fraîche ou bien de prêtre
et pain chaud n'enrichissent pas la maison, » « Bein d'église n'enriisai
pâ », Tabbé G. Pont, Orig, dti patois de la Tareniaisc, p. 76. Perron,
p. çî : »t Jeune femme et pain chaud sont des ruine-ouiau », u Jeune
femme, bois vert ei pain tendre font bientôt maison à vendre. » Comp.
les différentes versions du même proverbe citées par Ad. Espagne, Rev,
des lang, rom., 1875, p. 627 (lxxiii) : a Se députa ou de campana
jamais noun flouris ni noun grana d , « Ben de campano ni flouris ni
grano *, <» Argent de fremo e soun de campano noun flouris ni grano, »
Ibidem^ p. 652 xui^ : « Bos verd, fenno jouino, escoubo novo, pan
caud, arouînoun l'oustau »^ « Bos verd e pan caud fan la rouino d'un
oustau i>, ti Pan fresc, proun fiho e bouesc verd metoun i'oustau eu en
désert i>, « Boues vert e pa cald destruison Poustal. »>
1 1 8 « En forgeant devient on febre « (xv<^ siècle) Le Rouy de Lincy,
n, 1 30, et a En forgeant on devient forgeron ^^. « Atressi cum per far-
guar I Es hom fabres per razo, | Es hom laires per emblar, | e tracher
per tracio (P, Cardinal Mahn, Ged. 758). L'espagnol dit : « El usar
saca ofhctâl » Oudin, Refr, esp., p. 80. Comp, Bœhmer, R* 30.
119 Ce proverbe appartient à tout le domaine roman ; en fr. : « Qui
se fait brebis le loup le ravit » Le Roux de Lincy, 1, 15^, « Qui se fait
bête le loup le mange », p» 148; en prov* : « Fasès-vous fedo, loup
vous manjara »» Arm. prouv,^ 1864, p. 24. a Que feda se fai, lou loup
la manja » Rev, des iang, rom.^ 1875, p. po; en iial. : <* Chi pecora
si fà, il lupo se la mangta ?> Ûrl. Pescettî^ p. 172. L'italien dit aussi :
« Chi Colomba se fà, îl falcon se la mangia » OrL Pesceiti, p. 172.
Outre ces deux proverbes il y en a encore un autre exprimant la même
vérité. Prov. : « Fasès vous mèu bèn dous, mousco vous manjaran »
Arm, prouv.y 1860, p. 7^. De même en espagnol : « Hazed os miel, y
comer os han moscas v Oudin, Refr\ esp.^ p* 9}.
120 «t II y a une fin à tout. »
PROVERBES FR1 BOURGEOIS 99
111 * Des femmes dans une maison il n'en faut pas plus que de poêles
dans une chambre, i*
112 c H n'y a femme, cheval» ne vache, qui n*aît toujours quelque
tadie » Le Roux de Lincy, 1, p. 226. De même en espagnol : « Ni
noter sîn tacha, ni mula sin raça » Oudin, Refr. esp,, p. 147, et (t Quien
qoisiere mula sin tacha que se este sin ella p Cartas en refranes de Blasco
de Garay, p, 94; et en portugais : * Quen qyercavallos sem tacha sem
eDe$ se acha » Braga, Cane, pop., p. 187.
12; « I fâ preindre lo tein kemein À vein, lous omo kemein i son*
l'ardzetn pc ceîn kâ va « Pabbé G. Pont, Origines du patois de la Taren-
iâisif p. 81. « Il faut prendre le temps comme il vient, les gens pour ce
ciu'iis sont loua les femmes pour ce qu'elles sont. i> Perron, p* 66), et l'ar-
getii pour ce quil vaut * Le Roux de Lincy, I, i^j. Bœlimer, R. 160.
Comp. les proverbes moins complets : « L*en doit prendre le temps
comme Dieu l'envoyé r^ Le Roux de Lincy, H, 5 0, et « fl faut laisser
le inonde comme il est i> II, 310. De même dans les Origines du patois
dt U Tannîaise^ p. 78 : a Fâ laiché alla 16 mondo kemein à vÂ. n
114 Glossaire de Bridel> p. n^ - ^ Canfene bôison (cessent) de parla
Pemèremè/2 fô apretâ, »
125 G/onairf de Bridel, p. 534 : * Mort de femme, vie de cheval,
t'est la prospérité de la maison. »
126 Glossaire de Bridel, p* 541. « Qui fait ce qu'il ne doit il lui
advient ce qu'il ne voudroit »► du xv« siècle, Le Roux de Lincy, II, 592.
Comp. aussi ÏI, ^98. De même en italien : a Chi fà quel che non deve,
gli intervicn quel chc non crede », « Chi vuol far quel che non puote
^ iznervien quel che non vuole n OrK Pescetti, p. 92. Bœhmer, R, 38,
E. Î9.
1 27 « Celui qui fait comme son voisin ne fait ni mau ni bin. i> Perron^
p. 78.
128 <t Comme tu me fais» je te ferai, disait la chèvre à son chevreau. »
Coiop. Le Roux de Lincy, II, ^7? : « Pour ce te fais que tu me refaces.
L'une bonté l'autre requiert », et le proverbe francnzomtois et prov, :
« Que tè fA, fâ li, quement dit Fousé i> Perron, p. 78, « L'alauseto dis:
que ti fo, fai-li, ?» ou bien : « Que te fo fa-li, que te guinho, guinho-li 1»
Fesquei, Rev. deslang. rom., 1874, p. 129, et la note de la même page.
L^espAgnol dit : « Quai hizîeres, tal avras n Cartas en refranes de Blase
de Garay, p. 12. Un autre proverbe de la Suisse romande du même
sens est: « Cèca porcôca «, « noix pour noix d Ghssaîre de Bride! ,
129 Glossaire de Brideî, p. 541. « Qui bien fera bien trovera ou
avéra » est un proverbe du xiir siècle. Le Roux de Lincy, II, 584 et
481; prov. : « Qu bèn fara ben irouvara i> Arm, prouv., 1868, p. !o8;
100 CHENAUX ET CORNU
italien : « Chi ben farà ou fa, ben havrà » OrL Pescetti, p. 8ï* Prùv.
mor,, 192, « Fa bene il beri che faî, e bene tu n'avrai » Prov. mor,^
410, <t A chi fa bene, Iddio manda bene » Ptqv, mor,, k Une autre
forme du même proverbe est : « Qui mal fera mai trouvera « Le Roux
de Lincy, II, 395. « Tô fâ, lô vin », c'est-à-dire à qui fait tort, tort
arrive. Perron, p. 74. « A chi mal fà mal va » OrL Pescetti, p. 177^,
« Chi fa maie» aspetti mate » Prov. mor.^ 19, En prov. nous avons les
deux proverbes réunis : et Que ben farà ben troubarà ; que mau farà
mau traubarà « Ad. Espagne, Revue des langues rom.j 1875, p. 604,
Bœhmer, ft. 4. £. 120.
1 jo tt II faut qu'on en fasse (des sottises), si ce nVsi pas à la crèche
c'est en allant à Pabreuvoir. «
[31 « Il n'est pas toujours feste n Le Roux de Lincy, II, 3 1 5, ou « Il
n*est pas tous les jours festes n I, 29^ a quand les cloches sonnent. 1»
Comp. Bœhmer, R. 169.
152 Ghisaire de Bridel, p. ^40. « Celui qui a beaucoup de filles et
de maisons, jamais plaisir ne se voit. » Perron, p. 91 : " Les filles et les
chevaux sont des ruine-outeau ?», a Qui n*a que des filles pour des gendres
sera à toutes heures en grand esclandre » Le Roux de Lincy, I, 234,
i|î De même en français : « Toille, femme layde ny belle prendre
ne doibt iL dois) à la chandelle *> Le Roux de Lincy, U^ 426; en
esp^ignol : «c La mujer y la tela no lascatas {lisez catad)a bs candelas >
Oudin, Refr. esp.^ p. 1 1 1 , et en italien : « Ne donna ne tela non pigliar
a lume di candela » Orl. Pescetti, p. 15 et 38^, parce que, selon le
proverbe français : « A la chandelle la chèvre semble demoiselle * Le
Roux de Lincy, 1, 164, et selon le proverbe espagnol : « De noche a la
vêla la burra parece donzella « Oudin, Refr, esp,^ p* 63.
ij4 Ghisaire de Bridel, p. S 3 3-4' *^ ^^^ filles et les chevaux ne
savent pas où sera leur demeure. » 1 Les femmes et les chevaux ne
savent pas leur rétro » Perron, p. 9}.
1 3 5 « Les filles dt^ bons (riches) paysans trouvent de suite des maris,
et les pauvres gens sont obligés de vendre ou de manger leur fromage
avant qu'il soit vieux, i»
1 36 « On ne peut pas être en même temps au four et au moulin. »
Comp. : « On poué pâ trecaudà éallâ à la pretheauchon » l'abbé G, Pont,
Or/^, du patois de la Tarenîaise^ p. 74, « Non si puô attender alla casa
c ai campi » OrL Pescetti, p. 1 i8i^a Non si puô esser in un medesirao
tempo in Francia e in Lorabardia » OrL Pescetti, p. 119.
137 « îl ne faut pas aller au bois qui craint les feuilles » Le Roux de
Lincy, 1, 60,
I }8 « Les frais ne payent personne. ■
1 19 « Jamais trop gourmet n'a eu bonne sauce, n
PROVERBES FRIBOURGEOIS 101
140 « Chaque fou a sa chance. » Un proverbe it. dit : « La fortuna
^Dioaiutai pazzi ed i fanciulli n Orl. Fescetti, p. 24^^ et 74; un
lutrc : « Pazzi e pîccirilli Dio l'ajuta » Prov. mor., 814.
141 Corap. « Fol semble sage, quand il se tait » Le Roux de Lincy,
ï» 2]%^ « Folie gardé(c) vaut deux fois dite » II, 476, « Por ce est
B fox qu'il face la folie ?» I 24; ; et le proverbe esp. : a El bovosi
Cicallado, por sesudo es reputado » Oudin, Refr, esp., p, 71,
142 Glossaln dt Bridel. p, 537, « Chacun a sa marotte. ï>
I4*t « C'est bon d'être fou, mais modérément, p
144 ■ Tous les fous aiment sonner les cloches et tourner la manivelle
pour vanner. »
145 « Celui qui donne la corde d'une cloche à un fou entend sonner
plus qu'il ne veut f
146 « Il ne faut pas agacer les fous, n
147 « S'il n*y avait pas de fous, il n'y aurait pas de folles. »
Î48 « D'autant plus vieux, d'autant plus foy. t>
149 « Y a pâ de foua sein femire ^ Tabbé G* Pont, Origines du patois
d£ k Tatenîaise, p. 76. « Il n'est jamais feu sans fumée » Le Roux de
Lmcy, 1, 70, « Où n'y a feu n'y a fumée », 1,71. De même en proven-
çal : « To pas fioc en coumbo qu'entoucon noun ressoundio p Fesquet,
Rof, des iang, rom., p. 128 (xcu). Comp. aussi la note : « Tant pregoni
non se fa lou fuec que lou fun non saille y>, ^ N'ey pas jamais ta
pregoun lou houec que lou hum noyn sortie r> (Béarn). L'espagnol
dit : « Donde fuego se hace humo sale n Oudin» Refr* esp,^ p. 68.
150 Comp. Le Roux de Lincy, H, no ; « Argent est un bon servi-
tcQr et un mauvais maître. »
I ji *i Vante-toi. puisque personne ne te vante, n Un autre proverbe
de la Suisse romande est : « N'a pâ fôta de braga ce se brage e mimu »
Gtessairc de Bridel, p, 5J7.
1 52 De même en français : u Grand vanteur, petit faiseur j» Le Roux
de Lincy, 11, 505, « De grans vanteurs petits faiseurs » H, 282, * Cora-
oaanément un grand diseur se trouve enfin petit faiseur i» 11, 127. Le
provençal et l'espagnol expriment la même vérité par le proverbe: « Jamai
cal miaulaire fugué bon cassaire » Arm, proup., ï86o, p. 89, « Gato
maullador nunca buen caçador >> Carias in rejranes de Blasco de Garay,
p. 16. Comp. encore Texpr. prov. : « Mê de braga tye de fê » Ghssaire
de Bridel, p. 5^7, Bœhmer, R. 98, ;ii7. £. 18, 19.
I I > * Quelquefois les plaisanteries deviennent sérieuses. »
154 « Qui gagne d'abord se ruine ensuite. » En italien : « Chi vince
da prima perde da sezzo » OrL Pescettî, p. \o^ b, çi ^ Chi vince da
prima» maie indovina n OrL Pescetti, p. jo6.
I j j Giossaiie de Bridel, p. 5)}. « Goutte après goutte se fait le fro-
102 CHENAUX ET CORNU
mage. » Bœhmer, R. jo. Comp. les proverbes français : « Gomie à
goutte on remplit la cuve » Le Roux de Lincy» I, 66; prov. ; « Gouio
à gouto si vyejo la bouto « Arm. prouv., 1868, p. 108; et esp. : « Gota
à gota la mar se apoca », « Grano no hinche harnero, mas ayuda a su
companero », « Grano a grano hinche la galHna el papo » Oudin, Refr,
esp.j p. 90. Comp. encore Glossaire de Bridel, p. j J5 : « Se tôte gôte
cresan, tôle gôte decresan. »
1 56 « Gratte-loi avec tes ongles* »
t$7 Glossaire de Bridel, p. 541. « Gratte-moi, je te gratterai »,
c*est-à-dire : « Loue-moi, je te louerai. »
158 « Il vaut mieux garder ceux qui sont gras que d'en engraisser
d'autres i> (en parlant des gouvernements) .
1^9 Ghssaîrc de Bridel, p, 5 jj et 558. En esp. : « A par de rio ni
corapres vina, ni olivar, ni caserio » Oudin, Refr, esp.^ p, 27, a Nihagas
hueria en sombrio, ni edifiques cabe rio ?> p. r ^7, « Ni pesca cabo rio,
ni vina cabo camino 1» p. 146, En italien : « Ne mulo, ne raulino, ne
fiume 0 fomo per vicino » OrL Pescetii, p, i-^b. Car, dit un autre pro-
verbe : « Un grand seigneur, un grand clocher et une grande rivière
sont trois mauvais voisins » Le Roux de Lincy, II, 101; prov. : « Se-
gnour, ribiero e camin, fan très marrit vesin » Arm. prouv., 1862,
p. 1 04, « Segnour, ribiero e grands camins soni tous très de calious
vezins ^ Alph. Roque-Ferrier, Rev. des lang. rom., 1874, p. 507.
160 (t Les fautes des grands sont les plus scandaleuses, d
161 « Des bourgeons nous en avons tous », c'est-à-dire chacun a ses
défauts.
1 62 « Ce qui est venu de la flûte s'en va au taborin. « <t Ce qui vient
de la flûte retourne au tambour » Le Roux de Lincy, 11, [03. « Ce
qui vient de pille-pille s^en retourne en guille-guille » Perron, p. 172.
Comp. Bœhmer, R, i^-j.
165 « Kan on eimein ke na cloise, on n'eintein k'on son » l'abbé
G, Pont, Orig, du patois de la Tarentaise^ p. j^; en français: « Qui
n'entend qu'une cloche n*entend qu'un son »>, proverbe dont on n'a pas
d'exemples anciens, Le Roux de Lincy, L 8; de même en provençal :
« Quau n*enlènd qu'uno campano n'entend qu'un son », ou « Qu n'ausc
qu'uno campano n'ause qu'un son ** Arm, pfoav.^ 1864, P- y^t^t 1868,
p. 107; et en italien ; « Bisogna sentir ambedue le campane innanzi che
si dîa la senienza » OrL Pescetiî, p. 107^, et : « Non giudicare se senti
una campana senza Takra w Prov. mor,^ 758,
164 « Quand on parle du loup, il sort de la foréL »» Le proverbe
savoyard est : a Kan on parle du laou, al arive î baou i> l'abbé G. Pont,
Orig, du patois de la Tarentaise, p. 78, et le proverbe français : « Quand
on parle du loup, on en voit la queue > Le Roux de Lincy, 1, 182.
PROVERBES FRIBOURCEOÏS 10}
165 La ferme de ce proverbe doit appartenir en propre à la Gruyère,
oir le français dit : « Ce n'est pas tout or ce qui reluist, ni farine ce qui
blanchîst » Le Roux de Lîncy, I, 8i, « Tout ce qui reluit n'est pas
d'or » Perron» p. 70; le prov. : » Tout ço que luse n'es pas d'or ^>
Arm, prouK 1868, p. 107; l'esp. : « Todo lo blanco no es farina v
Oiidin, Rifr. esp,^ p. 254, « Nô es todo oro lo que reluze y> Oudin
Rgfr. ap,^ p. 162, ou bien aussi : « No es oro todo lo que reluze ni
harina loque blanquea » Carias en refranes de Blasco de Garay, p. 24;
et lltalien : •< Oro tuuo non è quel che risplende « Orl, Pescelli, p. i {,
et • Dov'è Toro luce; ma non è tutt' oro quel che luce r> Prov. mor.^
|2i. Bœhiner, R, 11. E. 189.
166 tt A corriger un lambin ne perd pas ton temps; laisse-le
amouiUer, s'il amouille longtemps, il n'amoutilera ' pas pour rien* n
167 Glossaire de Bridel, p. $37. « N*est pas voleur celui qui vole le
volctir* » Comp, Le Roux de Lincy, 11, J07 : « Il est bien larron qui
défobe un larron, «
r68 En français on trouve ce même proverbe dès le xiii'* siècle :
M Au matin lever ne gist mie tous ti esplois, ^> a Ce n'est paâ le tout de
te icvcr malin », ou « c'est peu de se lever matin, il faut encore arriver
â l'heure 1 Le Roux de Lincy, 11, 2 p et 1, loi , « Ce n'est pas tout de
courir, il faut partir à temps » U^ 2^8, ou « C'est peu que de courir, il
faut partir à point » La Fontaine» fable du Lièvre et de ta Tortue. Plus
brièvement: a C'est tout de partir à l'heure » Le Roux de Lincy, 1, 101.
169 <r Celui qui laisse faire laisse brûler sa maison. »
170 • Les louis d'or font marier les gens difformes. » Perron* p. çç :
« Terre marie merde et l'argent peutes gens* »>
171 Glossaire de Bridel, p. ç^^ << Epi par épi on fait ia glane. » —
« En portant assez de charges de foin, on parvient à faire une meule, w
171 « Kemein on fâ sa cutse on se cutse >» l'abbé G. Pont, Origines
éipâîùis de la Tarcntaise, p. 77. En fr. : « Comme on fait son lit on se
couche » Le Roux de Lincy, II, 172. Comp. encore M, ^95 :
• Qui mal fait son lict mal couche et gist » G* Meurier [xvi* siècle), et
en esp. : « Quien mala cama haze en eîfa se yaze » Oudin, Refr, esp.,
p* 207. Bœhmer, /î. 86.
17^ « Personne ne veut être boucher pour ïe foie. »>
174 « On ne peut pas prendre deux mères au même nid. »
175 « Il n'y a pas de si petit poutot qui ne trouve son convéquiol »
Perron» p. 66. « A chaque pot son couvercle « Le Roux de Lincy, II,
214. a 11 n'y a si méchant pot qui ne trouve son couvercle » II, 21 5, De
1 AmcmlUr, terme technîaue. c'est assouplir le pis de la vache pour la
tratrc. Voir Littré^ s. v., qui aonne une autre signification de ce verbe.
104 CHENAUX ET CORNU
même en esp. : n No 3y olla tan fea que no halle su cobertura n Oudin,
Réf. esp., p. 160.
ijb « Les marmitons ont toujours quelques bons morceaux, d
177 <ï Mariez-vous, ne vous mariez pas, mauvaises les mouches,
mauvais les taons, mauvais les poux, mauvaise la teigne, diable l'un,
diable l^aiitre, » Perron, p. 56 : «t Marie-toi, ne te marie pas, pour sûr
tu t'en repentiras. »
178 Glossaire de Bridel, p» çjy. « Qui en haste se marie à loisir se
repent » Le Roux de Lincy, II, 390» « Celui qui trop t6t se marie peut
bien dire au bon temps adieu »> II, S9, « Qui mal se marie tost se mar-
rie j) I! Î9Ç. Un autre proverbe de la Suisse romande, d*un sens plus
général dit : « Sè/i c^on a fê a la cuaité on s'en repèrr a lézi « Glossaire
de Bridel, p. 5 $7. De même en esp, : i< Quien de presto se détermina
de espacîo se arrepiente » Cartas en refranes de Blasco de Garay, p. i j.
179 (f Pour se pendre et se marier il ne faut pas y penser longtemps. »
180 « On est plus tôt marié que bien logé » Perron, p. 56. Aussi,
dit le proverbe français : <t Avant de te marier aye maison pour habiter )>
Le Roux de Lincy, II, 244.
181 « Il faut se marier pour se faire blâmer; il faut mourir pour se
faire louer. » Comp. le proverbe prov* ; « Cau naisse pèr èstre poulit,
si maridà pèr èstre riche e mouri pèr èstre brave )ï Fesquet, Rev, des
lang. rom., p. 120 (xl).
182 En esp, ; « Quien mas tiene mas quiere » Oudin, Refr. esp.,
p, aji.
i8:j Glossaire de Bridel, p. 5 54, « Plus il y a, mieux c'est ; plus il y
a de poules, plus il y a d'œufs. »
1 84 Le proverbe français est : « Qui de tout se tait de tout a pais >>
qu'on rencontre dès le xni* siècle, Le Roux de Lincy, 11, 588. De
même en prov. : « Que de res noun se mescla de tout a repaus »
Ad. Espagne, Riv. des iang. rom., 1875, p. 629 (Lxxxvi), ou « Qui biou
en pax dorm en repaus » Alph, Roque-Ferrier, Rev, des Iang. rom.^
1874, p. ]i0i; et en italien : <« Chi fà i fatti suoi non s'imbratta le
mani n Ori. Pescetti, p. 866 et i ç8i?, et « Non mischiarti in molti affari,
se vuoi schivar de' giomi amari ^î Proy. mor.^ 744.
185 « Celui qui est maître se couche où il veut. »
r86 K U vaut mieux tout manger que tout dire. i> Bœhmer, £. ïoi.
187 « Qui mange beaucoup et rien ne boit ne se voit jamais
rassasié. »
r 88 <c La misère amène le noise. »>
189 « Mal sur mal n'est pas santé ou ayse n Le Roux de Lîncy, I,
262 et 27c, II, Î4Î,
190 et 191 C/o«<wr^ de Bridel, p. nî* ^^ proverbe se rencontre
PROVERBES FRIBOURCEOIS 10 S
dans tout le domaine roman ; en France : « Un malheur ne vient jamais
seul B Le Roux de Lincy, tl, 4|l, ou « Quand une fortune vient ne
vient seule > (xv« siècle) Le Roux de Lincy, II, ^78; en Provence:
« Lou oiau ven à quintau e s'en vai à tarnau 1» Rev. da lang, ram.f
187^, p. 6îi- Comp. aussi l'énigme, p. }o6; en Espagne : « Mal sobre
B»l y piedra por cabeça! » Oudin. Refr, esp.^ p. 12$, « Bien vengas
mal, si vienes solo n Oudin, Refr. tsp^^ p^ ?6, Carias tn nfranes (f^Blasco
de Garay, p. 90, s El mal entra àbraçadas y sale à pulgaradas » Oudin,
R^r. €sp,^ p. 72 ; en Italie : « Le non vengon mai sole, » « Le disgrazie
SOQ come le ciregie, una tira l'altra n Ori. Pescetti, p. i\b^ « Ogni mal
Yuoi giunta jj p. 114, « Il maie viene a carri, e va via a oncle 9 p. i ^4.
Bœhmer, B, 255, Comp. avec 191 l'inverse dans Perron, p, 6{ : « Là
où le bien vient, il torche ».
191 a Mal âdvisé ne fut jamais sans peine v (xvi« siècle) Le Roux
de Lincy, H, Î42. « Mal avisé n'est pas sans peine y> Perron, p. 70.
1 Mau avisa a toujours depeno»» Rev.destang. rom*^ i^7h P- 60 1^0-
19) « Il faut de toute sorte de gens pour faire un monde » Perron,
p. 41.
194 Ce proverbe est de tout le domaine roman; de la France :
< Deux hommes se rencontrent bien, mais deux montagnes point n
Le Roux de Lincy, I, 79, ou sans rime : <i Les hommes se rencontrent
et les montagnes non » I^ 2)3; de la Provence : < Bèn se rescontron
dos montagno, quand se rescontron dous gibous » Arm. prouv., 1S67,
p, 87; de TEspagne : t Topanse tos hombres y no los montes » Oudin,
Rcfr. isp,, p. 255 ; et de IMtalîe: « Si riscontran glî huominî e non le
montagne », « Dice it proverbio ch'à irovar si vanno glihuominî spesso,
c imontifermi stanno» (Ariosio) Orl Pescetti, p, 2 j 2. Il y a deux autres
versions du même proverbe dans les Prov. mor. , 490 : « I monti non si
raâirontano, ma gli uomini si rincontrano^ t> « I monti fermi stanno, eg!i
uomini a riveder si vanno. »» Bœhmerj R. 122. £, 17J,
19$ « On prein pe mé de mut&e avoué de raie k*avoué de vcnegre »
l'abbé G* Pont, Origines du patois de la Tarentaise^ p. 78 ; en français de
même : * On prend plus de mouches avec du miel qu'avec du vinaigre »
Le Roux de Lincy, I, 186.
1 96 Le Roux de Lincy a plusieurs variantes anciennes de ce même
proverbe : t Qui son nés coupe sa face désonoure » 11, 469, ou « eniedist
sa face » II, 482, ou « il déserte son vis » H, 498. Le prov. moderne
est : « Qui coupe son nez défigure son visage » II, 587. De même en
iulicn : ■ Chi si laglia il naso, s'insanguina la bocca » QrL Pesceiti,
p. t|}6. Bœhmer, 8. 268.
t97 * Trois jours de noce, le lendemain pas de pain, t
198 « Celui qui va à la noce va à la dépense. »
Iô6 CHENAUX ET CORNU
199 « Qui bien lie bien deslie » Le Roux de Lincy» II, 384; prov. :
« Qui ben lia ben desli » iMarcabrun), Bartsch, Chresî. prov^y p. 60,
10; esp. : tt Mira que aies que desates » Oudin, Refr. csp.^ p. 129,
« Quien bien ata bien desata 1» Carias en refrants de Blasco de Garay,
p* 29; italien : t< Chi ben serra ben âpre » Orl. Pescetli, p. 39.
Bœhmer, E. 30,
200 <x Plus on pile Pail plus il sent mauvais. »
20J tt A chacun oiseau son md semble beau « Le Roux de Lincy, 1,
188 et II, 472, proverbe dont on a des exemples dès le xiii^ siècle. De
même en prov. : « Cada aussel troba soun nis bel » Ad. Espagne^ Rev,
des lang, rom,, 1873, p. 60 y, et en it. : « Ad ogni uccello suo nido è (ou
pare) bello i* Orl. Pescetti, p. 170. Prov. mor,, 25. Comp. encore ;
< Ogni volpe porta amore alla sua tana 1» Proy, mor,, 784. Bœhmer,
R. 2.E. 6.
202 « L'ombre la plus mauvaise pour la maison d'un paysan, c'est un
château. »
20$ ^ Il ne faut pas se couper les ongles le vendredi, si l'on se veut
gratter le samedi* »
204 « Il y a panoui quelque chose (du désaccord) excepté chez nous
oil nous nous battons tous tes jours. i>
20^ Glossaire de Bridel, p. ^41, *< Maveîs ovriers ne trovera ja bon
cstil 1» (xïn'= siècle) Le Roux de Lincy, II, 143. L*it. dit pareillement :
« Cattivo lavoratore a ogni ferro pon cagione n OrL Pescetti, p. i8çt.
206 Comp. les proverbes français : « Chacun fait ce qu'il peut » Le
Roux de Lincy, IL 267, et « Outre pouvoir noient » (xiiï«^ siècle) II,
36$ ; l'esp. : ce Quien quando puede no qitiere, quandoquiere nopuede ^,
et IHt. : a Chi non fa quando pu5 non puà far ou non fâ quando vuole n
Orl. Pescetti, p. 92^, 157, 16 r, « Chi non vuole quando puô, non puô
quando vuole » Prov. mor,, 259, « Fa come puoi, non corne vuoi »
Prov. mor.^ 404, « Chi fa a potere, fa a dovere » Prov. mor.^ i ^6.
207 « Il n'y a rien d'aussi patient que le travail, il attend toujours
qu'on le fasse. »
208 ce Le pain nourrit bien des sortes de gens, w Comp, l'italien :
a 0 povero pane, da chi se' tu mangiato! n OrL Pescetti, p. 6^b.
209 « Avec les vieillards on mange le pain blanc. » Consolation
donnée aux filles qui épousent des vieillards. Comp. le proverbe ital. :
a Beata colei, che di vecchîo pazzo slnnamora »» Orl. Pescetti, p ijb.
210 « Mange du pain noir quand tu es jeune» si tu veux manger du
pain blanc quand tu seras vieux. )> Comp. Le Roux de Lincy, II, it 1 ;
« Manger son pain blanc le premier, d et les proverbes italiens : t< Chi
va a caval da giovane, va a piedi da vecchio » Orl Pescetti, p. 230/7,
« Chi travaglia in gioventù, nposain vecchiaia » Prav. mor,y 240. Comp.
PROVERBES FRIBOURGEOIS '-^^i ^qj
aussi dans le Glossaire de Bridel, p. ^41, le proverbe de Valangin ;
« Dîouveunn cavati vilh piotôn «, ei Bœhmer, R, 89, 250.
3 î I t« Les pansards font marcher les penseurs )> ; prov. qui diffère de
cdoique die l'abbé G. Pont, Origines du patois de la Tarentaise, p. 75 :
V. Après la panihe vin la danlhe », et du proverbe français : « De la panse
vient la dance » Le Roux de Lmcy» II, 76,
212 Comp. le proverbe prov. : « Bateja fa, peirin se presenion n
Arm. prouv,, 1861, p. 30. Un autre proverbe dit : « Quand notre fille
est mariée nous trouvons trop de gendres » Le Roux de Lincy» K 2J4;
de même en esp.: tt Ahijacasadasalennosyemos)>Oudin,Ke/f.«p.,p. 9.
2 1 î « Les faits se montreront et les ditz passeront » Le Roux de
lincy, 11, }^i. Comp. Titalien : « Le parole son femîne, e i faiti son
masdu i> Orl. Peschetti, p. 169.
214 o Les contrats lient. » On disait en ancien français : tt Conve-
nances (conventions) vainquent loi » Le Roux de Lincy^ H, 277. Cf.
P. Meyer, Happons au ministre, p. 174.
21 î Glossaire de Bridel, p. 559. « Les moindres marchés qu'on fait
sont ceux qu'on fait à réglise (en se manant), » Comp. un autre prov. :
« ! v6 de gr6 ml xe burlâ a Poçô tye û mohi. »
216 « L'homme qui moult boit tard paye ce qu'il doibt ^> Le Roux de
Lincy, 1, 2^5, « Qui trop boist tard paye ce qu'il boit (/. doilj » II, 408.
2 1 7 « C'est toujours assez tôt de payer ses dettes et de mourir, »
218 Français : u Autant de villes autant de guises n Le Roux de
lincy, II, 18;, « Tant de gens^ tant de guises )) II, 418; esp. : « En
cada tierra su uso « Oudin, Refr. esp.^ p. 82 ; îtal. : « Tanti paesi tanle
osanze n Orl. Pescetti, p, 229, et « Tal paese tal usanza n p. 241.
Bœhmer, R. 294*
219 Glossaire àt Bridel, p. 540 : a Can on vau dau pes6n, se fô
molyi c si c'a fôia de fû ce lo tsertsay. » Prov. « Quau noun s'arrisco
noun pren peis » Arm. prouv.^ 1867, p. 82; esp. « Sin mojarse el
pescador nunca toma muy gran pez n Dialogo entre el amor y un cavaliero
fiejo à la suite des lettres de Blasco de Garay, ou aussi : « Quîen no se
osa aventurar, no passa la mar )), et « Quien no se aventura, no anda a
carallo ni a mula )> Oudin, Refr. esp., p. 211; italien : « Non si puô
haver de* pesci senza immollarsi >* Orl. Pescetti, p. ^ob, et a Achi nulla
tcnta^ nulla riesce » Prov. mor,^ 21* Comp. Bœhmer, R. 514.
130 Prov. (t Li roucas soun dur pertout n Arm, proav.^ 1868, p. 108.
221 « Les pierres rouient loujours vers les gros tas de pierres, w u La
pierre va toujours au murger ' » Perron, p. 65,
u Murzcr, i3î de pierres élevé entre les héritages et où chacmi jette ou porte
celles qu'il ôte de son champ ou de sa vigne (Perron).
I08 GHEN4.UX ET CORNU
222 « A force de jeter des pierres sur un toit, il en reste toujours
quelques-unes. )>
22^ a 1[ y a plus de jeunes peaux â la tannerie que de vieilles, n
Comparaison expressive donî on se sert pour montrer qu'il meurt plus
de personnes dans la jeunesse que dans la vieillesse* Le h. dit : « Il va
plus au marché peaux d*agneaulx que de vieilles brebis » Le Roux de
Lîncy, I, I j8, et Tit. : « Più capretti e agnelli vanno id beccheria che
pécore e becchi n, « Cosi presto muojon le pécore ^ovani corne te
vecchîe », « Non hà più caria Tagnello che la pecora » OrL Pescetti,
p. \4^k
224 Glossaire de Bridel, p. 515 * << Po prè/îdre lu ni, né îà pâ
atè/idre ce le zozl seyan via. « C*est-à-dire, pour prendre les petits
(oiseaux) il ne faut pas attendre qu'ils soient hors du nid.
225 a Le petit [le pauvre) a toujours la courte paille. »
226 Patois savoyard : u A tsa paou Taougé fâ son ni »> l'abbé
G. Pont, Origines da paims de la Tarenlalse, p. 82 ; en franc. : « Petit à
petit Poiseau fait son nid » Le Roux de Lincy, 1, 189; en esp. : « Poco
à poco hila la vieja eî copo n Oudin, Refr. esp.^p. 1 89 ; en il, : « A passo
si va â Roma » Prov, mor.j 72.
227 Glossaire dt Bridel, p. 5 j8. En français : « Qui va doucement va
scurement » Le Roux de Lincy, II, 409; en italien : « Chi va pian va
San », « Pian pian si va lontano », « A penna a penna si pela un'
ocha; a passo a passo si fa de gran cammino « OrL Pescetti, p. 99^;
(c Chi va piano, va sano; e chi va sano, va lontano n Prov. mor, 189.
Bœhmer, R, jjS, E, 68.
228 (t II ne faut pas briser le pont, quand on a passé la rivière. »>
229 << Celui qui fait une grande cuillère en fera bien une petite, )> En
français : «i Qui fait un fer cent en sçaii faire >> Le Roux de Lincy, 11,
392, i< Celui qui fait bien un panier fait bien une charpigne (cor-
beille) » Perron» p. 7? j en italien ; « Chi fà il carro lo sa disfare»
OrL Pescetti, p. 1 17.
2J0 Perron, p. 138 : « Quand To bin, To prou n. « Quand c'est
assez, c'est assez. y> Comp. Bœhmer, £.15.
2^1 Patois savoyard : « On mauvais arrandzemein va miu*qu'on bon
procès i> l'abbé G. Pont, Origines da patois de la Tartnîaisi^ p, 7};
français : c< Un mauvais arrangement vaut mieux que le meilleur procès »
Le Roux de Lincy, M, 146; esp. : « Mas vale mala avenencîa que buena
seniencia « Oudin, Refr^ e$p*, p, 121, Bœhmer, R, 147 ei Nachtrag,
p. 187. E, 179; aussi» ajoute le proverbe gruérin : « Si quelqu'un te
demande ton habit, donne-le-lui et de plus ta chemise iplulôt que d'en-
tamer un procès). » Comp. Perron, p. 74 : « Celui qui gagne un procès
revient en chemise, ei celui qui le perd revient loui nu \ » et en it. :
PROVERBES FRIBOURGEOIS IO9
Didue già litîgami ecco il ritratto; Tuno in camîda, e Taliro nudo
jfino nProv, mot., 559.
ip «Trois procès gagnés un homme ruiné. » Prov. mor.^ 6jo:
«L'uomo che lîtiga sempre perde. »
3JJ De même en patois savoyard : « Promettre et leni son due »,
«Promettre va dza bin, mai leni é co miu ^ Tabbé G. Pont, Origines du
fâtois de la Tarentaise, p. 8a, « Dire et faire son doué ^ p. 75 ; et en
t.: t Ce sont deux, promettre et tenir » Le Roux de Lincy, U, 260»
• Promettre et tenir sont deux 1* II, 576, « Promettre est facile^ mais
* efectuer difficile ■ II, 376* Bœhmer, R. 370.
2î4 « Beaucoup promettre et rien tenir est pour vrais fols entretenir 1^
Le Roux de Lincy « H, 246, « De foie promesse se fak fox tous liez »
(xnr siècle) I, 238, « De bel proraès est li fol en joy » Jl, 474,
« Douces promesses fols lient » II, 290, « Promettre sans donner est à
fol contenter » II, ^76, « Promesse saunz doner est au fol confon • 1!,
480. Le proverbe espagnol est plus général : u Buenas palabras y ruynes
hechos enganan sabios y locos i> Oudin, Refr. esp.^ p. 39. L*italien est
comme le gruérin et le français : «t Prometter non è per dare, ma per
matii conientare » Orl. Pescetti^ P- 9Î i aussi : « A pazzi e a fanciulli
non si vuol prometter nulla » Orl. Pescetii, p. 17 ^b. Un autre proverbe
pareil est : « Gli huomîni si legano per le parole e i biioi per le corna »,
ou aussi u Le funi legano i buoi e le parole gli huomini » Orl. Pescetti,
p. 169.
2î 5 Espagnol : « Quien fia 0 promete en deuda se mete n Oudîn,
Refr. eip,, p. 227; ital. : « Ogni promessa è debito n Prov. moi,, 787»
« Cosâ promessa è mezzo débita « Orl. Pescetii, p. 66t, ou « Il pro-
mener è la vigilia del dare n p. 20 ^b.
ijé Glossaire de Bridel, p. $ 37. « Qui devient pauvre devient mauvais.»
1 J7 w Ce qui vient par le râteau s'en va par la fourche. )i
2)8 Glossaire dt Bridel, p. S}9. 0 Ce qui vient par la rapine s'en va
par U mine. »
139 Perron, p. 73 : « Quand las gouris sont trop gras, é cassant îout
soAt »; le prov. dit : «^ A ase sadou, lou blad i' es de pesoio n Arm.
prouv^y 1857, p. 64, ou cr Quand lei pouerc soun sadou, lei cereio soun
amaro « Arm. prouv.^ 1868, p. 107; Tesp. : t< Al hombre harto las
cerezas le amargan n Oudin, Refr. esp.^p, 17; l*it. : « Colombo pasciuto
ciregia amara n Od, Pescetti, p. r97£'*
240 Glossaire de Bridel, p. 5 37. « En toute saison duit raison » Le
Roux de Lincy, II, 294. L*italîen exprime la même vérité par : a Ogni
cosa vuol misura i>, ou « Tutte le cose voglion peso e misura » OrL
Pescetti^ p, 146^^, et plus conformément ay prov. gruérin : « Ogni cosa
ruol la sua ragione » Pro¥. mor,, 738.
I 10 CHENAUX ET CORNU
241 « Rien ici rien là »; Pesp. dit : « Quien ruyn es en sa villa niyn
es en Se villa >» Cartas en nf runes de Blasco de Garay, p. 27,
242 « Où il n'y a rien personne ne demeure. »
24 î « On beîlle rien pe rien )> Tabbé Pont, Origines du patois de la
Tarenîaise^ p. 75. « On n'a rien pour rien ri Le Roux de Lincy, II, ^61,
«f Rien pour rien » II, 415, « De rien rien » II, 286. Bœhmer, R, 221,
;68.
244 « Qui rien n'a rien n'est prisé (xv* siècle) Le Roux de Lincy^
II, 404, <( Vis est tenu partout qui riens n'a » (xiii* siècle) II, 4^5, De
même l'italien : a Povertà fà l'huomo vile,» ou « Povertà fà viltà » Orl.
Pescetti, p. 1 87,
24^ C/o5sa/r« de Bridel, p. 540. « Qui répond envenime la chicane.»
Comp. l'esp. : « A cartas cartas y a palabras palabras i- Oudin^ Refr,
esp.f p. 4; et rit : « Le parole son corne le ciregie, ch' una tira l'altra »
Ori. Pescetti, p. 169.
246 « Bien souvent un simple proverbe vaut mieux que deux bons
avis. »
247 u Proverbes de vieillards, proverbes de radotleurs; proverbes de
jeunes gens, proverbes de rien, »
248 «t Tout garde et tout conserve tout retrouve à son besoin, »
Comp. le prov. it, * « Chî ben ripone ben irova » Ori. Pescetti, p. 86^
(^ ProY, mor,^ 276, avec une variante),
249 Provençal : «t Escoubo novo fai bèu sèu » Àrm. prouv.^ 1864,
p. 8$; it. : <k Spazzatura nuova spazza ben la casa n Orl. Pescetti,
p. 2^1, Comp. Perron, p. 71 : « Toutes les servantes font balai neuf, •
Bœhmer, R, 276. E. 224.
2$o *t Qui connaîtrait l'avenir serait assez riche. «
2 5 1 Glossaire de Bridel, p, s^2 : « L e la mendré rùva dau tser ce
crène lu mê. * Le Roux de Lincy donne trois versions de ce même pro-
verbe : « Du char la plus meschante roue est celle qui crie toujours o
(xvi* siècle) II, 161 ; « La pire roe de la charrette fait greignor noyseï»
(xiH* siècle) II, 477; a C'est la pire roue comme est très seur qui fait
plus de bruit et rumeur »* II, 26^ Perron, p- 7Ç : <* Moins la roue
(d'un char) est graissée, plus elle crie. » L- italien dit de même : « La
piil trista ruota del carro è sempre quella che cigola » Orl. Pescetti,
p. 2Î7, ou aussi : « La peggior ruota è quella che cigola » Prov. mor.^
252 Pareillement en français : « Autant fait celui qui tient le pied
que celui qui escorche » Le Roux de Lincy, II, 244, ou « Car qui
escorche et pié tient par une voie se contient » I, [75 ; en provençal :
« Amant fai aquéu que tèn coume aquéu qu'escourtego » Arm, prouv.,
1867, P' ^7» ^^ ^n ÎL : i< Tanto mérita chi tien quanto chi scortica^ )> ou
PROVERBES FRI BOURGEOIS I 1 1
bien » Tanto è chi ruba quanto chi tien il sacco « Orl. Pescetti^p. 165.
Bflêhmer, E. 2^4.
3{î € Du temps, des femmes, du gouvernement, ne nous en mêlons
pas« puisqu'on n'avance rien. » De même en italien : « Ne dj tempo ne di
Signom non ti dar malinconia » Orl. Pescetli, p. 225. Bœhmer,/Ï. 569.
£ 201.
i{4 Provençal * « Avèn toujourmai debènque de vîdo » Am.prouv.,
1864, p. 87.
255 * Quand loutira bien (sur cette terre), nous n'y serons plus;
c'est pourtant alors qu'il y ferait bon. i- Comp. 271.
256 Perron, p. 80 : « Quand il y en a pour trois, il y en a pour
quatre, i
2 57 Glossaire de Bridel, p, ^40, « Le train mange le bien. » Comp.
Perron, p, 41 : « Le train mange le train «, « Charroi gagné charroi
dépensé. »
2f8 a Quand on a fait trente, il faut faire trente et un (terminer la
chose commencée). » Comp, l'it. : tt chi fè sei fê sette » Orl, Pescetti,'
p. 92.
159 « En fréquentant les bons, on devient bon, »
260 * Trop est trop » Le Roux de Lincy, II, 429. Litalien dit de
même: « Ognitroppo è troppo » OrL Pcscetîi, p. 147e. Prop. mor,,
78î-
261 Comp. les proverbes italiens : « Ogni troppo sta per nuocere »,
■ Ogni troppo versa », « Ogni soverchio porta colpa » Orl. Pescettî,
p. 147^, « Il soverchio rompe îl coverchîo n Pwv, mor,, 486, et « Chi
troppo la tira, la spezza », » Il troppo storpia i» Proi'. mor., 129.
Bœfamer, R. 1)4, 190. £. 8^.
262 Comp, le proverbe français : « Le trop et le trop peu rompt la
fcste et le jeu » Le Roux de Lincy, II, J?2, et les deux prov. italiens :
• Il molto e 1 poco rompe lo giuoco » OrL Pescettij p. 59, et « Tanto è
}| troppo quanto il troppo poco i> p. i6^b. Aussi : « 11 troppo guasta,
ed il poco non basta » Prov. mor,^ 557. Bœhmer, E. 236.
26) « Ce sont les chats qui brisent toutes les écuelles, t>
264 « Pour prendre les souris les chats tirent leurs gants. 1
26$ « Il faut neuf chasseurs pour en nourrir un» » Perron, p. 4i :
• Chaissou.t, pauchoux, haibits dreilloux p, « Pauchoux, pouiltoux;
chaissoux, dreilloux j^^ <£ Il faut sept chasseurs pour en laisser mourir un
de Éaim 1, « La chasse amène la besace «, te Qui %'a à la chasse perd sa
place. » Comp. te proverbe provençal : « Jamais cassaire a nourri soun
poire » Arm,pTouv., 1872, p. 29; les proverbes espagnols : r A puerta
de caçidor nunca gran muladar » Oudin, Refr. esp., p. 27. et « Tal
dexa et caçador la casa como la caça la cama ^ Oudin, Refr. esp,,
J I 2 CHENAUX ET CORNU
p. 250, et le proverbe italien: « Chi vuol farc figli poverelli, li faccia
cacciatori, e acctiiappa uccelli » Prov, mor.^ 271.
266 Glossaire de Bridel, p. 5 97. « Qui bien chante et qui bien danse
fait un métier qui peu avance » Le Roux de Lîncy, H, 7J.
267 Glossaire de Bridel, p. 5^7. « Bien chanter et bien danser n'em-
pêchent pas d'avancer, u
268 On a des exemples de ce proverbe en français dès le xiii* siècle :
a A cheval donné ne luy regarde en la bouche », « Cheval donné ne
doit-on en dens regarder » Le Roux de Lincy^ I, 160, « A chevell doné
sa dent n'estagardé i> IJ, 472, L'espagnol et l'italien disent de même :
a A cavallo dado no le miren el dienie » Oudin, Refr. esp.y p. 5, « A
caval donato non guardar [ou non si guarda) in bocca, n Orl. Pescettî,
p. %{b. Prov. moT,^ 1 1, Comp. Bœhmer, R. 257. E, 7.
269 tf On ne coupe pas le pied à un cheval la première fois qu*il
bronche. »
270 « Les chiens sans queue n*ont pas peur de montrer le derrière »
Car, dit un proverbe italien r « Chi disprezza Tonestà dimosira che non
Fha n Proy. mor,^ 207.
271 « Quand toyt ira bien, il fera bon être cîiarretier; quand même
on chargera trop, tout ira toujours bien. »
272 « Il ne faut pas ourdir plus qu'on ne peut tramer. *> Cf Fla-
menca^ V. 106S : « Assatz ordis, c'ora que tesca. »
17; Comp. les proverbes français et espagnols : a Fox est ds qui
famé veut gaitier # (xnT siècle! Le Roux de Lincy, 1, 23 j, « Qui a
femme à garder n*a pasjolirnée assurée » 1, 229, « Filles soties à marier
sont bien pénibles à garder « I, iHi ^ ^'^^^ "^ fâcheux troupeau à
garder que de sottes filles â marier 1» H, 26$, « Qui a des filles est
toujours berger » I, 234. Perron, p* 9? : » Celui qui a une fille à garder
de nun ne doit causer. » L'espagnol dit tout pareillement : « Nina y
vina, y peral y havar malos son de guardar » Oudin^ Refr. esp., p. 147.
Comp, rit. : « Figlîe, vigne e giardini, guardale dai vicini « Prov. mor,,
274 Glossaindt Bridel, p. $?8, avec une variante sans importance,
« Vent qui gèle, bise qui dégèle, femme qui peu parie, sont trois choses
des plus rares. » Comp. Perron, p. 3 : « Vent qui gèle, bise qui dégèle
et femme qui parle latin ne causent qu*ennui et chagrin. 1»
17^ tt Vin sur lait c'est souhait, lait sur vin c^est venin » Le Roux
de Lincy, II, 221, ou <t Lait sur vin c'est venin ; vin sur lait c'est sou-
hait )) II, 199. « Le vin sur le lait rend le cœur gai ; le lait sur le vin
rend le cœur chagrin t Perron, p, 82, De même en provençal : w Vin
sus h et restaura; la sus vin est un vérin » Arm, prouv,, 1872, p. ^7,
et en espagnol : « Dixo la lèche al vino : Bien seas venido amigo »
PROVERBES FRIBOURGEOIS 11]
Ondnty Riff. esp.^ p. 65, et «< La lèche con el vino torna se venino »
p. 104.
276 « Mieux vaut être rongé de vermine que de s'engraisser de
rapine, »
277 a Chaque village, chaque langage, n
278 <t Graissez les bottes d*un vilain, il dira qu'on les lui brûle », « De
vîldin jamais bon faict )>, « Faites bien le vilain et il vous fera mal n
(xiir siècle) Le Roux de Lincy, 11, 105. Gabriel Meurier (xvi« siècle)
rite encore : « Dépends le pendant, il le pendra; oigne ie vilain, il te
poindra » Ibidem. On a dès le xin'' siècle : u Oignez vilain, il vous
poindra; poignez vilain, il vous oindra » Le Roux de Lincy, II, 106»
Cûmp. Revue critique, 1H70, II. 405, L'italien dit de même : « Chi slm-
pregna di villan, tutto Tanno gli duoi la pancia », et « Chi fà servizîo
al vilUn, si spuîa in man )> OrL Pesceiii, p. 2 jy b.
179 4 Celui qui part veau revient jeune bœuf », c'est-ànlire : les sots
ferment mieux de rester chez eux, car ils ne reviendront pas plus sages.
De même les proverbes italiens : a Andar bestia, e tornar bestia, » et
<t Andar vitello e tomar bue » OrL Pescetti, p. 11^.
280 <c La vieillesse est une belle chose, mais elle est pénible à sup-
poner* •
28 1 a 11 fiaudrait devenir vieux avant de devenir jeune. »
281 «Tôt ou tard la vérité se découvre.» Comp. 290,
28; « Au pauvre le sac. « Comp, le proverbe italien : « Al villano la
zappa in mano « Prov. mor.^ 64.
2^4 ti On tire du sa ke cein ke lai e » l'abbé G, Pont, Origines du
fâlais de iàTanntaisc, p. 81. * On ne tire du sac que ce qu*il y a. »
Comp. Glossaire de Bndel, p. 5 ^^ : ^k On né pau salyi de la famâ
btyantsé d'on sa de tserbcîn. »
28^ « Tsake peina mouerte salaire n Tabbé G. Pont, Origines du
fÊtùis de la Tarcntalsej p. 80. En français : « Toute peine mérite
salaire. «
28e « Il est plus facile de sortir du bord que du fond. r>
287 a Des servantes de prêtres, des chevaux de meuniers, que le bon
Dieu nous préserve. »
288 L'espagnol dit de même : « Mas vale saber que aver » Oudin,
Refr, isp.y p. 120, Cartas en refranes de Blasco de Garay, p. 84.
389 Le proverbe français est : <« On ne scet qui meurt ne qui vit u
Le Roux de Lincy, II, ^62,
290 L'espagnol dit : « El tiempo aclara las cosas » Carîas en refranes
de Blasco de Garay, p. 22, et Titalien : •* Ogni cosa al tin si scuopre »
Orl. Pe$c€tti, p. 20 J, et « Il tempo scuopre ogni cosa» p. 22 2è.Bœhmer,
H. 216* \S2.
kamaniat Yt 8
I 14 CHENAUX ET CORNU
291 Glossaire de Bridel, p. ^ 41 : « Si ce né sa rèn ne pau rè/i depè-
drc* V « Qui ne sait rien n'oublie rien, w
292 « Qiii se sent coupable s'enflamme » c'est-à-dire se ftche,
29 j a Qui se sent innocent n'a peur de rien* »
294 tf II n'y a pas de saints qui valent le bon Dieu. »
295 « Quand !a viande est gâtée, il est trop tard d'y mettre du
sel, T>
296 « Ce n^est rien de rester tard, pourvu qu'il ne faiîle pas retourner
pour achever sa besogne. i>
297 Le Roux de Lincy donne quatre versions de ce proverbe répandu
au-delà des Alpes et des Pyrénées : « A tart manjue qui à autrui escuele
s'atent », ou « A tart prent qui à autrui s'atent » (xiii'^ siècle) II, 19$,
a Qui s'attend à l'escuelle d'auirui a souvent mauvais diner n 1!, 196,
ou « Qui sur Pescuelle d'autrui s'asseure, quand il pense manger il
jeusne » I, ? 2 ; espagnol : « Quien à mano agena espéra ma! yanta y peor
cena » Oudin, Refr, esp,, p. 231; italien : « Chi per altrui man s'im-
bocca tardi si satolla » OrL Pescetti, p. 2r9fr. Prov, mot,, 2^1,
298 Glossaire de Bridel, p. 5)^. u ïl ne faut pas sauter du pré au
chemin, n — « Les chèvres et les chevrières sautent du pré au chemin, o
299 Glossaire dç Bridel, p. 541. Espagnol 1 Quien en mal anda en
mal acaba » dnias en nfranes de Blasco de Garay, p. 22; italien : « Chî
mal vive, mal muore » Prov, mor,^ 256, « Chi ben vive ben muore »
OrL Pescettij p. 149& ; car« Quai vita tal fme » Prov, mor.^ 256*
Bœhmer, R. 24 r,
300 <t Si le ciel tombait, il y aurait bien des bêtes à Tombre, ou bien
des alouettes de prises ^ Le Roox de Lincy, l, 97^ « Si les nues cheoit,
les aloes sont toutes prises » (xv^ siècle). Comp. Rabelais, liv. IV, ch. 16 :
« Toutes fois on dict que les alouètes grandement redoutent la ruynedes
cieuU, car les cieolx tombant toutes seroyent prises » Le Roux de Lincy»
Ii I J9. En provençal : « Si lou ciel toymbavo, fouarso ousséou serien
près a la leco » Alph. Roque-Ferrier, /^£V* des lang, rom.^ *S74, p. }02,
qui cite le proverbe latin : v Si cœlum caderet, multae caperentur
alandae. » italien : a S'el del rovinasse^ si piglierebbon di molti
uccelli » Orl. Pescetti, p* 184. Comp. le proverbe du Jorat (Vaud) :
« Se nlre on se e on ma, on béteray on tsevô àhn una botôlye, i» et
ceux de la Franche-Comté : « Avec un si on mettrait un cheval dans
une bouteille, » et u Si toutes les bêtes étaient attachées, les liens
seraient trop chers » Perron, p. in-
MÉLANGES.
I.
SPIGOLATURE PROVENZALI.
I. — Cercalmon, Car vei fenir a tôt dia.
In un suo articolo intomo a Cercalmon', il Mahn, discorrendo délia
tenzone Car vei fenir a tôt dia, dice che ce il Conte de Poitou menzionato
ndia nostra poesia, che deve ricompensare Cercamon, è di sicuro il noto
primo trovatore, di cui Cercamon ben era tuttavia contemporaneo. >>
Non so se il dotto autore scriverebbe ora di nuovo queste parole; so
bene che non le avrebbe scritte mai, per poco che si fosse data la briga
dî esaminare la storia. Perché esse reggano, occorre una piccola modifi-
cazione; bi^ogna aggiungere un non : di sicuro il Conte di Poitou qui
menzionato non è Guglielmo IX.
Non d vuol molto a provarlo. La lieta prospettiva che si mette
irnianzi colle parole lo coms de Peitieus ve^ è poi ripresentata due volte
ancora sotto altre forme : Cran be vos venra de Fransa, \ Si atendre lo
voUu.,. Maistre^ conte novel \ Aurem nos a Pantacosta. In tutti e tre i luoghi,
io dico, si deve alludere ad una cosa stessa; almeno, per scindere in
tresperanze ciô che secondo l'interpretazione spontanea appare corne una
spemizaL soia, occorrebbero ragioni ben gravi. E ragioni, ne gravi, ne
Kevi, non ne esistono punto; anzi, le circostanze che emanano dalla ten-
zone, presa nel suo senso più naturale, trovano una corrispondenza cosl
esatta nella storia del tempo^ da permetterci perfino di determinare, non
solo in che anno, ma perfino in quai mese, sia stata composta questa
poesîa.
Si comind dal mettere senz' altro in disparte Guglielmo IX. Suppo-
1. Der Troubadour Cercamon^ nel Jahrh, /. roman. Liter,^ I, 83.
||6 MÉLANGES
niamo pure ch* cgli, quaiido Cercalmon e Guglielmirio vennero tra di
loro a tenzone, fosse in Francia, dove infatii andô più volte. Cîô baste-
rebbe per renderci ragione alla meglio délie due prime allusioni : ma e
che faremmo délia lerzaP Cercalmon, come si accennerà poî, era già in
età provetta, Cuglieimo IX succedetie al padre nella coniea essendo ^o-
vinetto quindicenne, Fanno 1086, Se si allttdesse a questo conte, Cer-
calmon verrebbe dunque ad essere, e dî molto, il irovaiore più aniico
di cui noi s' abbia ricordo , la sioria positiva délia lîrica cortigiana pro-
venzale si spingerebbe ad un tempo, al quale fmo ad ora s*era creduio
di poler giungere solo per via d*ipoiesi. Troppa grazia, perché sia lecito
accettarla ad occhichiusi! Apriamoli, e vedremo subito svanire ilsogno.
Non puô essere fiorito nel secolo xi il poeta che noi sappiamo essere
stato maestro a quel Marcabruno \ che vivevae componeva tyttavia nel
1180».
Neppure Gugltelmo X, figliuolo ed erede del IX, rîesce ad appagarci.
Scompajono le difficollà cronologiche : resta inesplicato il Cran be vos
vtnra de Fransa. Si vuol nondimeno lener in serbo questo personaggio
per un caso di nécessita ? Si tenga pure : dal canto mio non credo di
arnschiar nulla, assicurando che non si sentira più il bisogno di andarlo
a ripescare.
Infatli , non s'ha che a badare ai casi awenuii alla morte di GugUeimo X,
per acquistare la certezza più pîena che nella tenzone in discorso si
aliude al successore di questo principe. Mi si permetta di riferire come
le cose andasseroj dietro la scorta dei cronistî, e tra gli altri di Sugieri,
che ohre ad essere stato spettatore autorevolissimo, ebbe anche parte
aîtiva inqueifaîti.
Nei primi mesi deli* anno tr^y Guglielmo X ebbe desiderio d'jin-
prendere un pellegrinaggio a S. Jacopo di Compostella. Egli non aveva
figli maschi r bensi due femmine, Eleonora e Petronelïa* Prima di par-
tire, dubitando del ritorno, consegnô in un testamenio le sue ultime
volontà, per assicurare la sorte délie lîgliuole, che, in grazia del sesso,
correvano grandissimo pericolo d-essere spogliate : « Filias meas Régis
domini mei proteciioni relinquo, Leonoram collocandam cum domino
Ludovico Régis filio, si baronibus meis placuerit, cui Aquîtaniam et Pic-
taviam relinquo, Petronellae vero filiae roeae, possessiones meas et
castêlla quae in Burgundia, ut proies Gerardi ducis Burgundise, possi-
deo, »
1. V. la biografia provenzale di Marcabninoi Diez, Lcben u. Werke dtr TVôuK»
p, 42; Suchicr, Dtr Trouhahar Marcahm : Jâhrtuch, XIV, 142*
2. Diez, Uben u. Wtrkc d. Troab,, p. 51. [C'est une erreur qui va être
immédiatement corrigée. Voir l'article suivant. — P. M.]
3. Bouquet, XIJ, 409.
CERCALMON 1 1 7
Guglielmo parti, e non rivide più i suoi dominii; chè il Venerdi Santo»
vale a dire U 9 di Aprile, egli spirava nel santuario stesso di Compo-
steUa, tnentre si leggeva il Passio «. Recata nel Poitou la trista nuova, si
mandarono subito messaggi a Luigi il Grosso, significandogli le disposi-
nota testamemarie del defunto. Il re non si fece pregare : Eleonora por-
lava una dote che equivaleva oraraai al regno di Francia; la parte
mag^ore délie provincie del mezzogiorno veniva con queste nozze a
riunîrsi strettamente alla corona ; un dominio quasi nominale da secoli, si
trasfonnava in possesso pieno e immediaio. Cosi Luigi, per beneficio
délia fortuna, poieva meitere il colmo a queir edi6cioj a cui aveva con-
sacrato la vita intera : i'autontà regia era infine ripristinata in tutto il
suo splendore*
Orbene, stabilité le nozze tra Eleonora e l'erede del irono — Luigi
ancor esso — si pensô ail* esecuzione. La solennité deï fatto, il bisogno
di accaparrarsi il rispetto dei nuovi suddiii, richiedevano magnificenza
d'apparato. Una scorta agguerrita e numerosa era inoltre necessaria per
hr valere Tautoriià del testamento e vincere le resistenze che si sareb-
bero poiute inconirare. Fra coloro che accompagnarono Luigi per con-
figliario e guidarlo, fii pure Sugieri'. Si parti nel Giugno; il i*di
Luglio si gîunse a Limoges?, e vi s"i ebbero accoglienze solenni. Quindi
û prosegul il viaggio. Le nozze furono celebrate a Bordeaux, dove
anche furono prestaii gli omaggi4. Maecco che, mentreduravanotuttavia
le (este, giunsero nuove a Luigi che il padre era morto s . Che fare in
cosî grave frangente? Luigi raccolse i suoi consiglieri, ed essi, tutti
d*accordo, gli suggerirono di ritomare promameme in Francia, affinchè
per il meno non si perdesse il più**. A Goffredo, vescovo di Chartres, fu
commessa intanio la cura délia nuova sposa e l'ufficio di provvedere ad
ogni bisogno che potesse nascere. Ci6 fatto, Luigi si affreiiô a panire, ed
andè a prender possesso del regno.
Ora imendiamo pienamente, che signifohi il bene che deve venir di
Francia ed il nuovo conte che si aspetta. Pur troppo furono speranze
fallacj, e Cercalmon, che vedeva tutto di color cupo, aveva ben più
ragione dell' awersario, che lo voieva persuadere a star di buon anirao.
2. W,, 62.
\. !d,^ j^%\. Erra il compiïatore dell' Indice, dicendo il 30 Giugno, Non badô
che nel lesto di Goffredo Vosiensc c*è un doppîo do m a ni : in crastinum ; dit
nasûna,
4. W.,84,
V. Luigi il Grosso moriil i^diAgosto. Ce lo attesta Sugîeri (Bouquet^ XII, 6^),
Contro una laie autoriti non pu 6 aver forza Orderico vitale, che pone cotesta
morte Irc giorni più tardi (Ib.^ yGjj-Cf, d'Arboisde Jubainville, Hist. daComm
dfChampagm, II, j;i .
6. U., 84.
MÉLANGES
Sî credeva che Luîgi sarebbe rimasto nei nuovî stati : la subita morte del
padre mandô a vuoto ogni cosa, e per lunghi e lunghi annî Limoges fu
privata dello splendore di una corte, Bisognerà aspettareil 1 169, perché
di nuovo risorga con Riccardo Cuor di Leone Famica grandezza. E
allora leniamoci pur sicuri che il povero Cercalmon non potrà più godere
délia generosità del nuovo principe.
E adesso caviamo il costniiio dalla nosira esposizione. Si iratia di
fissare una data. Latenzone di Cercalmon e Guilhalmidevedunqueporsî
tra la morte di Gugîielmo X e la venuta di Luigi. Ma abbiamo qualcosa
di piû : il nuovo conte è aspeiiato per la Pentecosie. Che giungesse poi
qualche poco più tardi, non vuol dir nuUa per noi : la poesia è senza
dtibbio anteriore al 50 di Maggio, nel quai giorno, Panne 1 1 }7, cadeva
quella solennità. 9 Aprile e 50 Maggio : ecco limiti abbastanza angusti :
eppure si possono ristringere maggiormente, Bisogna dar tempo alla
notizia délia morte avvenuta in Galizia di giungere in Poitou, ai sudditi
del defunto di deliberare, ai messi di andare a Luigi il Grosso, di trat-
lenersi, di ritornare colle nuove dell' adesione sua e del tempo fissato per
le nozze. O forse i messi non erano ancora ritornati e l'insediamento a
Pentecoste è un' ipotesi di Guglielmino? Se anche ci6 fosse, dal 9 di
Aprile non cesseremmo percïô di doverci portare verso la fine del
mese. Questo da un lato. DalP akro è da osservare che délia Pentecoste
si parla come di un tempo, vicino sî, ma eon imminente. Perô eccoci
sicuri che la tenzone ebbe luogo tra il declinare delP Aprile e il prin«
cipio del Maggio.
Abbiamo cosî guadagnato un punlo fisso per la vita di Cercalmon.
Questo puniû non basta, se non possiam dire in pari tempo quale fosse
allora presso a poco la sua età. Una frase di Guilhalmi schiarisce an-
che questo dubbio : Maistre, egli dice, josca k brosîa | Vos paras al test
novei tt Maestro, fmo ai capelli voi apparite con îîuovo capo. » Cer-
calmon si duole délia sua miseria; nessuno lo soccorre, nessuno dona più.
0 come? dice TaUro. Ma se vi vedo messo a nuovo fi no nei capelli ! —
Manifestamente il povero irovatore incanutisce '. Egli non è dunque più
gîovane. Diamogli dai quaranta ai cinquant' anni : saremo nel vero,
0 ce ne scostererao dî ben poco.
Sîcchè Cercalmon dovrà esser nato suîla fine del secolo xi ; Tetà sua
pîù florida cadra ail' incirca tra il 1 1 20 ed il n ? ç , ossia, coïncidera cogli
ullimi anni di Gugîielmo ii trovatore e colla signoria del figlio. Poichè il
venir meno délia stirpe dei conti di Poitou lo lascia cosl avvilito» saremo
indoiti a credere ch' egli avesse da tempo riposte in essi le sue speranze.
I , (Cette interprétation est un peu forcée. Je dois ajouter que les deux vers
...joscû la brosu \ Vos partis al lest novel^ sont pour moi fort obscurs. — P. M.J
MARCABRUN 11^
Spegoendûsi cûtesta schîatta, egli^ che ha pur girato tanta parte di
BModo • , non volge gli occhi altrove ; crede non gli resti altro, che man-
date il canlo del cigno. E cosi noi veniamo ad intendere sempre meglio
quai parte considerevolissima abbianoavuto i conti dî Poitou, sïgnoriad
iin tempo del terrîtorîo Lîmosino, nell' affmamento délia nuova poesia,
la quale da un' umile condizione si soUeva alla dignîtà dell'ane. Con lei
e per lei si sollevano anche i suoi cultori; i giullari pongono studio net
trmân, ed acquislano per tal modo anche un nuovo nome. Cercalmon è
appimto uno di costoro; anch' egli, grazie alla poesia^ nonostanie
rumile condizione, ebbe favore di principi, e soUecilô — forse non invano
— !a benevolenza di donne genliti.
P. Rajna.
MARCABRUN.
L'excellente dissertation qu'on vient de lire m'a donné Tidée de publier
quelques recherches qui ont pour résultat de fixer plus exactement qu*on
ne Ta fait jusqu*à ce jour les limites de la carrière poétique en même
temps que de la vie de Marcabrun. On sait que ce troubadour vécut
pendant un certain temps avec Cercamon^, celui-îà même dont M. Rajna
ncot de dater avec précision !a poésie la plus importante* M. Diez a le
méritei ici comme pour beaucoup d'autres troubabours, d*avoir été le
premier à composer avec critique la biographie du personnage, et à
bire sortir quelques dates, au moins approximatives^ des allusions histo-
riques contenues dans quelques-unes de ses pièces K On ne saurait
1 . E urqixct tôt îo mon lai on poc anar,
2. C'est ce que nous apprend l'une des deux notices (la seule qui ait de la
valeur) que nous possédons sur ce poète : « Marcabrus si fo gitatz a la porta
• d'un ne home, ni anc no saup hom qui [el] fo ni d'on. En Aluric5 de! Vilar fetz
f lo noirir. Apres, estel tan ao un trobador que avia nom Ccrcamon qu'el
• coiDensset alrobar, et adoncs el avia noiXïPmptrdut^ mas d'aqui enan ac nom
• Marcabrun. Et en aquel temps non apellava hom cansson^ mas tôt quant hom
• cantava eron nrs, Efo moût cridatz et ausitz pel mon e doplatzper sa lenga^
• car eî fo tant maldizens que a la fin lo desfeiron li castellan de uuian de cui
t avia dich moût gran mal » (Vatican ^2î2, fol. 27). — Cette biographie a été
publiée par Rochegude et par Ray nou a rd diaprés le ms. Saibante, maintenant
^ré^ mais qui n'est certainement rien autre qu*une copie du ms. ^2)2 du
Vatican; vov. ce nue je dis à ce sujet, Revue critique, 1867. I!, 91» — (1 est
assez probable que le biographe de Marcabrun est aussi celui ae P. d'Auvergne,
car ta notion que ven elait le nom commun de toute espèce de chanl, se
retrouve dans la vie de P. d'Auvergne presque dans les nièmes termes que
éêm odle de Marcabrun.
|. Ub€n und Wcrke 4tr Troubadours^ 1829, p. 42-$!.
Î30 MÉLANGES
adresser le même éloge à Tarticle de V Histoire Uîîéraire où Emeric David
a placé notre troubadour dans le xin*= siècle, sans faire le moindre effort
pour dater aucune de ses poésies» sans se douter que le sujet eût été étudié
avant lui'. Tout récemment M. Suchîer, mettant à profit les publications
de MM. Mahn, Grûlzmacher, Milâ y Fomanals, qui ont rendu facilement
accessibles la plupart des poésies de Marcabrun, et s'étant d^ailleurs
procuré copie de presque tous les textes encore inédits, a publié sur cet
ancien troubadour des recherches qui se recommandent par la précision
des indications bibliographiqtîes, et par la circonspection avec laquelle
sont abordées, on piutôt réservées, les véritables difficultés. Ce travail
n'est pas à proprement parler une dissertation : c*est plutôt une série de
notes mises bout à bout, et dans lesquelles on peut trouver d'utiles re-
marques, moins toutefois sur Marcabrun iui-même que sur d'autres per-
sonnagesdont M. Suchier a jugé à propos de nous entretenir incidemment.
Ainsi M. Suchier ^ soutient contre M. Siimming, le dernier éditeur de
Jaufre Rudel (qui ne fait d'ailleurs que développer Pidée émise par Fon-
cemagne et Paulmy et reprise par Diezj , que la comtesse de Tripoli,
pour l'amour de qui Jaufre Rudel fit le voyage d'outre-mer, doit être
identifiée, non pas avec Mélissende, fille de Raimon I S comte de Tri-
poli, mais avec Odierne, femme de ce comte et mère de Mélissende,
Cette opinion, qui est la mienne, et qui pourrait être appuyée d'autres
arguments que ceux qu'a invoqués M. Suchier, conduit à placer le voyage
de J. Rudel et sa mort, non plus, comme dans Tautre hypothèse, après
ii6i, mais vers 11474.
Revenons à Marcabrun, Entre les quarante pièces ou environ qu'on
possède de lui, sept ou huit seulement contiennent des allusions histori-
ques. Deux {Pax in nomine Domini et Emperaire per mi mezeis) ont été
placées à 1146 ou 1 147, date qui, j'en dirai tout à Theure les raisons,
ï. Hist. Unir, de la Frmce, XX, 5)9-46.
2. L. (., p. 126-9.
?. Raimon IL selon Du Cang« {Familles d^outre-mer, 481) qui fait de Raimon
de Saint-Gilles le premier comte de Tripoli.
4. Ce n'est pas toutefois que tout soit à approuver d«ins la discussion k laquelle
se livre M, Suchier, et par exemple il est impossible de ne pas relever la singu-
lière tpéprise dans laquelle il est tombé en rapportant (p. 1 28) la mort de Raimon
de Tripoli au 27 juin i(^2, faisant, bien gralujtement, un mérite à M. Stim-
ming d'avoir mis a l'année \ 1 ^2 cet événement, qui, dit-il, est placé * vers Tan
1 1 52 • par Du Cange (Familles d^oum^mtr, p. 482! cl en 1 149 par D, Vaissèle,
M, Sucnier^ qui ne parait pas très-famih'er avec rhistoire des croisades, s'est
visiblement embrouillé dans ses notes. Il a confondu Raimon de fnpoliy tué vers
Il ^2, sans qu*il soit possible de préciser davantage (Du Cange, p. 482; Vaissète,
éd. orîg,, llj 4J4; éd. Privât, 111, 760) avec Raimon à'Anûockc, tué le 27 juin
HA9 (Du Cange, p. 189, Vaissèle, éd. ori^., Il, 454; éd. Privai, III, 7^^), el
de la confusion de ces deux dates il a forme ce t 27 juin \ï\i b qui ne repond
â rien.
MARCABRUN I 2 I
devrait être un peu reculée; mais Ferreur, si elle existe, est sans grande
[Conséquence, Dans une troisième {A la fontana det vergier) se trouve une
aDusion précise à ta croisade de Louis VU, ce qui date la pièce de 1 147.
Enfin^ tous les critiques, à la suite de Diez, s^accordent à placer la com-
position A*Aiiiaîz de chan corn enanz se meilîura en 1 180 au plus tôt*
J'espère montrer que cette dernière pièce est au contraire l*une des
f^^phts anciennes que nous ayons de Marcabrun, et qu'entre celles dont on
peut fixer la date, aucune n*est plus récente que A la fontana^ qui est de
1147, ou environ.
L'objet principal de ma dissenation est donc Aajatz de chan^ mais
d'abord, pour préparer le terrain, j'examinerai quelques autres vers. Et
' «n premier lieu celui dont voici la traduction K
I. Pêx in nominc Domini ! Marcabnin a fait les paroles et Tair. Oiez ce qu'il
dît ! comment) par sa bonté, le seigneur du ciel nous a fait près de nous un
lavoir tel qu'il n*y en cul jamais, sinon oulrc-mcr, là-bas vers [la vall^ de]
Josaphat, et c'est en faveur de celui qui est près d'ici que je vous exhorte.
H. Soir et matin nous devrions^ si nous étions sages, nous laver, \t vous
rassure; chacun a le moyen de s'y laver; chacun^ tandis qu'il est sain et sauf,
deirrait aller au lavoir qui est pour nous un vrai remède. Car, si avant [de
nous être purifiés] nous allons à la mort, notre demeure, au lieu d'être là-haut,
sera en bas.
I]L Mais avarice et manque de foi tiennent Jeunesse séparée de son compagnon
(la libéralité-). Ah ! quelle douleur, que le plus grand nombre vole là où on ne
gBgne que l'enfer ! Si nous ne courons au lavoir avant que nous ayons la bouche
et les yeux clos^ il n'y a si orgueilleux qui, au jour de sa mort, ne trouve plus
fort que lui.
IV, Le Seigneur qui sait tout ce qui est, tout ce qui sera et tout ce qui a été,
nous y a promis (au lavoir) honneur par la parole d'un empereur. Et Téclal
de ceux qui se rendront au lavoir, savez-vous quel il sera? plus grand que celui
de réloile qui guide les navires, à condition que nous vengions Dieu du tort qui
ktt est fait ici, el là-bas vers Damas ^.
I* Voir le texte dans mon Chatx £ anciens textes, partie provençale, n^ 10,
a* Cette interprétation n'est pas donnée au hasard : nous voyons en effet
4tni la pièce Dirai ws m mon latin, que Joun avait pour frère Donar :
Desvrat a son camt
Jovcns que torn' a déclic
E Douars, ^u*cra sos fraire
Va s'en fugen a lapi.
Cane dans Costans Teng^naire
loi ni jovens non jauzi.
C'est ainsi que dans le Roman de Ham, par Sarrazin, Dona est le fils de Cour-
tmuc (èàil, di la Soc, de t*Hist, de France, p. aaj).
{, On sait que le principal effort de la seconde croisade a été dirigé contre le
snltaii de Damas.
tl2
MÉLANGES
V. De la lignée de Caïti* le premier homme mauvais, il y a ici ' tant de gens,
desquels aucun ne porte honneur â Dieu. Nous verrons qui rairaera de cœur,
car, par la vertu du lavoir, Jésus sera avec nous, étant chassés les garçons * qui
croient aux augures et aux sorts ^.
VL El \ts débauchés corne-vin, presse-dîner, souffle-feu, croope-à-tcrre*,
resteront dans ^. Dieu veut épurer i son lavoir les hardis et les doux, tandis
(jue ceuX'hV garderont les logîs, et trouveront un fort adversaire; c'est pourquoi
je les chasse honteusement.
VIL En Espagne, de ce côté, le marquis [R. Bérenger IV] et ceux du
Temple Salomon souffrent le poids et le fardeau de la fureur des Sarrazins i et
Jeunesse recueille mauvaise louange; et îe blâme, à cause de ce lavoir, tombera
sur les plus puissants seigneurs, rompus, faillis^ indifférents à ta joie et à Taction,
VIIK Le^ Français sont dégénérés s'ils disent non à la cause de Dieu; je les
1 . En Gascogne, ou du moins dans le midi de h France»
2. Au sens méprisant comme en ancien français. Je crois quttor/taiz bs garsos
ûtras est une construction absolue, ce qui justifie l'emploi du cas régime; ou on
pourrait encore taire de tùrnûiz un impératif. Cf. Eis Sûnasis toffiar atras, dans
Emptrairc per mi macis.
3. Les augures tirés du vol des oiseaux, les sorts obtenus en ouvrant! Tavcn-
ture certains livres. Sur les augures, voy. Du Gange, AlbaruUus; Diez, Lebcn «.
Werke der Trouh,^ p. 22; Du Méril, Etudes sur quclqius points d' archéologie et
d'kist. îiitir., p, 120, note 5 ; sur les sorts, Du Gange, SorUs virgihânjE, Marca»
brun était ennemi de ces superstitions. Dans sa pièce à Audnc, il tourne en ridî*
cule ce personnage qui croyait à Taugure tiré du vol des hobereaux.
4. !1 y a ici (v. 46-48) plusieurs mots composés, locutions populaires dont
l'emploi est tout à fait dans la manière de Marcabrun,etqui méritent une note.
Cor/w-vi veut dire « celui qui corne le vin >, corna étant originairement un
impératif, mais le composé étant employé comme si corna était la j* pers. sing.
près, ind. Ce même nom se rencontre à la fin du xi« siècle dans la pièce 148011
Cartul, de S, Victor (Willelmus Cofmxvim)^ et un peu plus tard, dans le Cart*
de S. Gyprien lez Poitiers, n^ ?62. Archiva du Poitou^ 111. Cette expression
ne vient donc pas, comme M, Milâ y Fontanaîs l'a supposé (TVov. en Esp.
P* 7^ n- 9He l'usage de servir le vin dans des cornes. — Coita-disnât est
celui qui presse, qui nâte le dîner. — Buffa-tiio est celui qui souffle le feu; cf.
ÇâiiC'iison^ relevé par M. Darmesteter, Formation des mois composés, p. 182;
luffa-fuic est encore employé par Marcabrun comme terme injurieux dans Difd
vos smcs duptûtisa (fr. 80, fol. 17s ^ï), et bufar b /oc cl carbo est à ses yeux une
occupation méprisable (Mahn, Grii., n* 724, 7), A la catégorie de ces souffle-
feu, ou garçons de cuisine, appartiennent encore ces gmrbaut que Marcabrun
poursuit sans cesse de ses invectives et à qui certains seigneurs confiaient impru-
demment leurs femmes 1 E tenon guirbaun ah tizos \\ Cm las comandjn a gardar
(Mahn, Ccd., n» 609, 4)» — Crup en cami est probablement le synonyme aacro-
pitZj qui se tient habituellement accroupi, par suite, vil, méprisable» terme très-
fréquent chez Marcabrun, C'est vraisemblablement au même setis qu'est men-
tionné {Dirai vos sems dubtansa^ 80, fol. l'j^d) Selh aai crup en Pcscum.
5, J'aime mieux ne pas essayer de traduire in: el fotpjdor (v. 49) ; la variante
en fera pudor n'est sans doute qu'une grossière correction du copiste, qui sert
cependant à assurer la finale -ptdof el l'y du commencement- Toutefois, comme
Vf et ['s se ressemblent fort, on pourrait risquer sospidor Csospitoriam formé sur
sospesl) au sens de lieu de refuge, endroit où on se repose. Ou encore ne
pourrait-on dériver sospidor de suspicere, une cachette d où on pourrait examiner
les arrivants .ï* Ce sens serait en rapport avec le v. J2, £ cd gaitaran hs ostdus.
Tout cela est plus que douteux.
MARCABRUK I 2 l
û nb en demeure [de venir ici]V. Antioche^ prix et valeur, ici Guyenne et Poi*
lem, sont dans les larmes. Seigneur Dieu, en ton lavoir, donne repos à t'âme du
coate, et ici que le Seigneur qui ressuscita protège !e Poitou et Niort !
M. Mili% €l M. Suchier après lui , affirnnent sans hésitation que le
Wffs dii LxYâdor a été composé en vue de Texpédition qui eut pour
fétultai la prise d'Almeria, c'est-à-dire vers 1 146 ou 1 147. Je ne crois
pas cette date très-assurée, Alphonse VI II, roi de Castille et de Léon,
porUmt le titre d'empereur depuis j 1 ^ 5 » a été plus d'une fois en guerre
contre les Sarrazins, et bien que rexpédition d'Almeria ait été la plus
brillante, il n'y a aucune preuve que la pièce de Marcabrun ait été faite
à ce moment. La dernière strophe me semble indiquer une date un peu
plus ancienne. Pourquoi la Guyenne et le Poitou sont-ils dans les larmes?
Quel est ce comte pour Tâme de qui Marcabrun invoque la miséricorde
divine? Ni M. Mili ni M. Suchter ne paraissent y avoir songé. Le seul
comte de Poitou, en même temps duc de Guyenne» qui soit mort vers ce
temps-ïà est Guillaume VIII (ou X comme duc de Guyenne), décédé le
9 ami î ny, et je suis par conséquent porté à croire que le vers dd
Livûdon\*esX pas de beaucoup postérieur à cet événement. Je ne m'explique
pttt très-bien la mention d'Antioche dans ce couplet î. Peut-être le poète
s'cst-il rappelé que le prince d'Antioche était le frère cadet de Guil-
laume VI IL Quoi qu'il en soit, il est sûr que Marcabrun regrettait le
eonaie de Poitou, et Ton peut par suite conjecturer qu'il avait fréquenté
sa cour. Ce qui résulte encore de la dernière strophe de la pièce Alprim
tomensde iHvcrnail:
En Castella e vas Portegau,
On anc non fo trames salutz,
E Dieus los sau I
E vas Barcdona atretau,
Puois lo Peitavis m es faillitz,
Serai mai eu m Artus perdutz.
le cite ce couplet d'après la leçon du Vatic, 5252. Les trois autres
m$s. (tous trois de la même famille), qui contiennent la même pièce, ne
font pas mention du comte de Poitiers, et terminent ainsi la pièce ;
En Castella et en Portegal
Non trametrai autras salutz
Mas : Dieus los sal 1
1. (la*tusûi corn «, dans toutes les éditions^ y compris la mienne, înais je
tfaduis comme s'il y avait Qattts (;= Quels) ai cornes, ce qui est à peine une
cnrectJOQ.
2. TfO¥aJorts en EspaHù, p. 79.
j* Le sens adopte par M. Mil a ne me satisfait pas beaucoup*
124 MÉLANGES
Et en Barseïona atretal,
E neis h vaior sontperduz.
En Gascoigna, sai ves Orsaul,
Me dizo qu'en creis us petitz
On Irobarez s'îeti suî perdulz.
Comme on voit, le vers relatif au Pehaviz été tout simplement omis,
ei le vers Serai mai cum Arïus perdutz a été remplacé, ainsi que M. Su-
chier Pa déjà remarqué, par un pur remplissage. Cette leçon a pourtant
le mérite de nous avoir conservé l'envoi qui contient, indépendamment
de Gascoigna, un nom de lieu facile à déterminer, la vallée d*Os$au ' .
Ces vers, dans lesquels le troubadour dit que le Poitevin, assurément
son protecteur, M manque, sont postérieurs, et sans doute d'assez peu, à
la mort du comte. H semble, autant que les leçons divergentes que j'ai
citées permettent d'en juger, qu'Usaient été composés au nord des Pyré-
nées; rauteur se proposait d'aller en Espagne, mais il parait qu'il n'y
était pas encore. La pièce Al prim comcns serait donc un peu antérieure
à Fax in nomine Dominij selon toute apparence composé au-delà des
Pyrénées.
C'est en Espagne aussi^ et probablement à la cour de l'empereur
Alphonse, qu'a été fait Emperaire pcr mi mtuis *, dont je vais traduire les
deux derniers couplets :
Si les fleuves n'étaient si gros, les Almoravides seraknl en mauvaise passe :
nous pourrions leur en donner garantie. S*ils attendent le retour de la chaleur et
la venue du seigneur de Castitle^ nous les ferons maigrir de Cordoue*
Puisque France, Poitou et Berry obéissent i un seul seigneur, qu'il vienne
ici (ce seigneur) faire à Dieu le service de son fief, car )e ne sais pourquoi vît
le prince qui ne va pas faire à Dieu !e service de son fief î
La période pendant laquelle îa France et le Poitou ont obéi à un
même seigneur est celle de l'union de Louis VU et d'Eléonore (iin^
1152), et comme les derniers vers indiquent clairement que Louis VU
ne s'était pas encore croisé, la pièce ne peut être postérieure au com-
mencement de Tannée 1 147; mais elle peut être antédeure de plusieurs
années, puisque rien n*oblige de croire qu'elle ait été composée au
moment de Texpédition d'Almeria.
Voilà donc trois pièces postérieures, de bien pey d'annéfes, selon toute
apparence, à 1 1^7, et on en pourrait ajouter une quatrième [Emperaire
per ¥ostr€ preîz J) qui est adressée à l'empereur Alphonse. Voici maintenant
1, Voy. Romania.U^ 4J2.
2. Raynouard, Choix^ IV, ijo; Milâ y Fontanals, 7>ov. en Esp, p 81.
j. Elle ne se trouve que dans le ms. de Modëne, et (es quatre premiers vers
MARCA8RUM 12^
une pièce qui me parall composée du vivant du comte Guillaume VI! I,
c'cst-4-dire avant mi- Dans ce vers, Marcabrun, exprimant une idée
qui est l'un des lieux communs de sa poésie, dit : « Prix est descendu
ti âe haut en bas, et tombé dans les balayures ; les pères et les fils ne se
9 ressemblent guère, car je ne trouve personne, sinon en Poitou qui
• s*y = à Prix) attache. »>
Pretz es vengutz d'amon (d)avau
E cazegutz en Tescobilh ;
Crcu parejaran mai egau ^
Paire ni filh,
Qu'ieu non trucp un, eiseti Peitau,
Ques'i atili^
M. Suchîer est poné à croire qu'il s'agit de Richard de Poitiers, plus
tard Richard Cœur^îe-Lion, roi d'Angleterre» mais cette opinion est la
conséquence naturelle de l'explication jusqu'à présent admise de la pièce
Àujatz dt chant corn tnans se meUlard. Je vais donc essayer de prouver
que ce chant n'a pas été mis à sa vraie date.
La pièce Aujatz de chann est une sorte de lamentation, comme Marca-
brun en a fait plusieurs, sur la décadence de Prouesse et de Valeur, de
toutes les qualités qui aux yeux d*un troubadour constituaient la per-
fection. !i est inutile de la traduire (d'autant que le sens de plusieurs
vers n^est pas clair pour moi) : il suffira de rapporter les passages où se
trouvent des allusions historiques :
Je ne vois guère (dit Marcabrun f maintenir droit ni raison, quand par richesse
BU garçon est empereur.
en ont été publiés dans VHùt. titUr. XX^ 541. Sachant quelle avait été copiée
Pour Sunte-Paîaye, je me proposais de la publier d'après les copies déposées à
Arsenal; mais, m'étanl fait remettre le voK qui contient les extraits du ms, de
Modéne <B. L. fr. ^^^ t. Vit, j'ai constaté que le feuillet contenant la pièce de
Marcabrun avait été coupé au canif. Cette mutilation n'est pas la seule dont ait
fu à souifrif ce volume. J'ai cru utile de dresser et de publier la liste des feuillets
enlevés» y joignant la concordance avec la description du ms. de Modène duc â
M. Mussana. La voici
fol, ji, Fornitrs ptr mos.,.
foU 43, N'Alkrt eu sut.,,,
fol. 4a, A l'honor Dita,„,
fol. \è, Emptrain..,.
fol. 68, Bai grans avolisa,,
fol. jéy Cabra juglar,..,
fol, 85, Amies Marchabrati.
(Mussafia, n** 474),
(Mussafia, n** 524),
(Mussafia, n» jai).
Mussatta, n<> 6s i|.
(Mussafia, n" 719).
(Mussalîa, rfi 74')*
(Mussafia, n*' 760),
(Mussafia^ n* 76*).
fol. 87, Tôt a estrun....
1. D'après B, N. fr. 749 (Mahn, Gcd. n* 798), D'autres niss. ont une le^on
assez différente, mais où est conservée la mention du Poitou.
2. Raynouard, C/rou, IV, J03; la leçon du ms. du Vatican est imprimée
dans VAnhiv de Kerrig, U, 29. Je fais aussi usage du ms. fr. 1749, qui seul a
les deux derniers couplets.
1 26 MÉLANGES
Dreig ni razon noi, vei maintener gaire '
Quan per aver es us gartz emperaire.
Voici maintenant la fin, qui est à citer en entier :
Coms de Peitieus vostre pretz aineillura
E d'en Anfos de sai, si gaireil dura,
Car Avignon e Proensa e Belcaire
Te meils per seu no fes Tolzan sos paire.
S'aquest n' Anfos fai contenensa pura,
Ni envas mi fai sembian de frachura,
Sai vas Léo en sai un debonaire,
Franc de razo, cortes e lare donaire.
De malvestat los gart sant' Escriptura,
Que no lor fassa cafloquet ni peintura.
Cel qu'es e fo ngum rtx e salvaire
La sospeiso del rei n' Anfos m'esclaire !
Comte de Poitiers, votre valeur s'améliore, comme aussi celle d'Alphonse,
pour peu qu'elle persiste, car il tient mieux Avignon, Provence et Beaucaire,
que son père ne faisait le Toulousain.
Si cet Alphonse se contente de me faire bonne mine (?), et se montre chiche
â mon égard, j'en sais un, vers Léon, qui est de bonne race, franc, courtois et
large dans ses dons.
Puisse la sainte Ecriture les garder de mauvaiseté, 3. Veuille celui
qui est et qui fut roi et sauveur des. rois, dissiper l'inquiétude que j'ai à l'endroit
du roi d'Aragon !
Voici comment M. Diez, dont l'opinion a été adoptée par M. Suchier,
explique ces allusions : « Le comte de Poitiers est sûrement Richard
«d'Angleterre, et le second Alphonse II d'Aragon, qui, depuis 1167,
<c gouvernait la Provence. Son père, Raimon-Bérenger IV, comte de
« Barcelone, avait sans succès fait la guerre au comte de Toulouse.... Un
<c passage de cette même pièce rend plus que vraisemblable que Marca-
<c brun avait atteint un âge assez avancé ; c'est quand il s'irrite de ce qu'un
a enfant [ein Knabe) soit empereur à cause de ses richesses. Nous ne
« croyons pas qu'il puisse être question d'un autre que de l'empereur de
«c Constantinople, Alexis II, qui, en 1 180, monta sur le trône dans sa
€ treizième année » (Leben u, Werke der Troubad. p. 51).
Tous les faits exposés par M. Diez sont vrais, mais je ne crois pas
qu'aucun d'eux ait le moindre rapport avec la pièce de Marcabrun.
î . La leçon (inédite) du ms. fr. 1 749 est différente pour ce vers : Prctz ni
valor ne veztm tenir gain.
2. Je n'entends pas le vers que je remplace par des points, et l'explication
donnée par M. Milà, p. 104, note, n'est pas admissible, puisqu'elle conserve le
texte, où il y a au moins une faute, celle de l'hémistiche.
MARCABRUN I27
Une première remarque est qu'^j priori il n*est pas très-naturel de faire
vivre jusqu'au delà de 1 180 un poète de qui, pour le reste, les dernières
œavres à peu près datées se rapportent à Tan 1 147. L'invraisemblance
s*aocroh si on considère que Marcabrun n'est pas mort de vieillesse ,
fxittqoe, au témoignage de sa vie, il périt de mort violente. Enfin, si
Mircabrun a vécu jusqu'au temps de Richard Cœur-de-Lion, comment
expliquer que sa biographie soit si brève et si pauvre, tandis que pour
les poètes de ce temps nous avons des notices assez riches en faits ?
Notons que Marcabrun n'est pas un poète de peu d'importance, et qu'il
1 été tenu longtemps en grande réputation, comme le montrent d'assez
nombreuses mentions de son nom dans la littérature de la fin du xn» et
du xnr siècle».
Maintenant j'en viens à l'examen des faits* Ft d'abord, le vers Qaan
fird¥€r es as gartz empcraire. Je crois que M. Diez se méprend lorsqu'il
traduit gtirtz par a enfant t> ou « jeune garçon » {Knabe), En effet, gan
est id une expression méprisante comme dans le cinquième couplet de
Pax m nomint Domini, traduit ci-dessus, comme dans tant de textes
provençaux ou français du moyen-âge, comme garcio dans les docu-
ments latins du même temps. Le sens nettement injurieux de ce mot est
encore accusé par le contexte : Quanper aver.., « quand pour richesse,.. j>
U n'en faut pas davantage pour mettre Alexis II hors de cause; outre
qu'il est douteux qu'un troubadour ayant passé sa vie en Gascogne et en
Espagne se soit jamais beaucoup intéressé à la succession des empereurs
d^Orient- L'empereur espagnol Alphonse devant être supposé à l'abri de
toute injure de la part de notre troubadour, qui fut son protégé, Tallu-
sion ne peut se rapporter qu'à un empereur d'Allemagne dont l'éleaion
ah été l'objet de contestations* Cette circonstance ne s'étant pas pré-
semée pour Frédéric Barberousse, qui succéda sans débat aucun à son
oncie Conrad 111, nous n-avons plus à choisir qu'entre Conrad 111 (ir ?8)
et Lothaire It (1127)1 l'un et l'autre élus avec l'appui de la cour de
Rome, Comme dans sa pièce Lo nrs comens quart vei del faii^ Marcabrun
accuse Rome de vénalité :
Puois avers fai Roma venau,
{Arck. xxxm, jî^K)
nous ne devons pas être surpris si notre poète a soupçonné que l'ar-
gent avait joué un certain rôle dans une élection à laquelle le Saint-Siège
avait contribué. Reste l'expression as gartz qui, appliquée à un empereur
d'Allemagne, est, j'en conviens, un peu dure. Mais Marcabrun avait un
caractère violent et porté aux extrêmes. Ses poésies en donnent la
I. Ces témoignages ont été énumérés dans Flamtnca^ p« xxvn et 421
128 MÉLANGES
preuve, et si des seigneurs peu patients le firent tuer, ce n'est pas appa-
remment pour leur avoir dit des douceurs.
Mais qui était cet empereur, Loihaire ou Conrad ? Cela dépendra des
solutions que nous adopterons pour les autres personnages de la pièce*
Le comte de Poitiers, selon Diez, serait Richard d'Angleterre. Sans
doute, si on suppose que le « garçon » qui est devenu empereur est
Alexis II, mais cette hypothèse écartée i! devient infiniment plus probable
d ^admettre quil s'agit du même comte de Poitiers que nous avons va
regretté par Marcabryn, à savoir Guillaume VIII, mort en 1 1 37* A partir
de ce moment, jusqu'au divorce de Louis Vil et d'Eléonore, le Poitou
est uni à îa France » de sorte que le premier comte de Poitiers que Von
rencontre après Guillaume VIII est Richard que nous venons d'écarter.
Guillaume V1!I adopté, Conrad III est éliminé, puîsqull n'a été élu qu'un
an après la mort de Guillaume VllI, et par conséquent le « garçon »
devenu empereur doit être Lothaire M.
Passons à Alphonse qui tient mieux Avignon, Provence et Beaucaire
que son père ne tenait le Toulousain. Est-ce Alphonse H d'Aragon
comme le prétend M, Diez? C'est impossible : non pas seulement parce
que l'époque où régnait ce prince ne concorde pas avec les résultats que
nous venons d'obtenir, mais encore parce que l'hypothèse de M. Diez,
prise en elle-même, soulève diverses objections dont ni ce savant ni
M. Suchier ne se sont avisés, L'Alphonse à déterminer doit être seigneur
d'Avignon, de Provence et de Beaucaire, et fils d'un seigneur de Toulouse.
Or jamais Alphonse d*Aragon n'a occupé Beaucaire, qui par le traité
de 11 2ç a été, comme toute la rive droite du Rhône, attribué au comte
de Toulouse. Puis, jamais Raimon-Bérenger IV, le père d'Alphonse n,n*a
occupé le Toulousain. Qu'il ait fait ou non la guerre au comte de Tou-
louse, îl importe peu : le texte dit que le père de l'Alphonse en question
tenait le Toulousain.
Les conditions indiquées sont au contraire parfaitement remplies par
Alphonse-Jourdain, comte de Toulouse de 1112 à 1148. Il possédait
Beaucaire, comme aussi, aux termes du traité de 1125, Avignon en
partie, et le marquisat de Provence'. Son père, Raimon de Saint-
GilleSj qui passa en Orient les huit dernièies années de sa vie (1096 à
1105), parait s'être tout à fait désintéressé dugouvememenlde sa terre,
de sorte que Toulouse put être impunément occupée pendant plusieurs
1 . Si on objectait que dans le texte îl y a § Proensa t», et que par là il
faut entendre, non le marquisat de Provence seulement (c'cst-à-djre la partie
située au nord de la Durancei, mais la Provence entière, je répondrais que la
« Proensa *, sans restriction, est aussi comptée dans le poème de la Croisade
albigeoise (v. 5227) au nombre des terres de Raimon VI, encore qu'il n'en eût,
tout de même que son grand-père Alphonse-Jourdain^ qu'une partie.
FRANÇAIS R = P I 29
années par le comte de Poitiers Guillaume VU, celui qui fut troubadour.
En voilà assez pour rendre raison des paroles du poète.
« Si cet Alphonse se montre chtche à mon égard ^ i» dit Marcabrun, « [*en
sais im du côté de Léon qui est counois et généreux. » — Il me semble que
h phrase est construite de telle façon que le personnage auquel il est fait
altiBSion en second lieu doit, comme le premier, s'appeler Alphonse (S*a-
fttesl f^Anfos.,. Sai vas Léo en saî an...). S'il en est ainsi, nous n'avons
pas à hésiter sur notre choix : ce généreux prince n*est autre qu'Alphonse
de Castille et de Léon, celui que nous avons vu si clairement désigné
dans plusieurs des pièces de Marcabrun. C'est à celui4à par conséquent,
d non pas à Alphonse II d'Aragon^ que se rapporte le dernier vers de la
pièce.
En résumé, les quatre personnages désignés dans cette pièce sont le
comte de Poitiers Guillaume Vlll, l'empereur Lothaire II, le comte de
Toulouse Alphonse-Jourdain, le roi de Castille et de Léon Alphonse VIIÏ.
Guillaume VIII étant mort en f H7 J^ ^^^^ 4^^ ^^ P^^^^ ^^^^ antérieure à
cette date; de plus, comme Alphonse de Léon n*y reçoit que le titre de
roi, on peut croire qu'il n'avait pas encore pris le litre d'empereur. Par
conséquent Aujatz de chant corn enans se meiUura est probablement anté*
rieur à 1155. Et c'est ainsi que cette pièce, bien loin d'être Toeuvre de
b vieillesse de Marcabrun, est au contraire la plus ancienne parmi celles
de ses poésies qu'on peut dater; les plus récentes étant jusqu'à présent
A lAJonUna de! vergier, où il est fait une allusion précise à la croisade
de Louis VU^ et Cortciamens ml comensar qui est adressé
A Jaufre Rudel oltra mar,
et par conséquent doit être aussi rapporté à Pannée 1 147, ou environ.
P. M.
III.
FRANÇAIS R = D,
Nos lecteurs n'ont pas oublié rexcellent article dans lequel M. Tobler
a démontré que mirt vient de medicu{m) et grammairt de grammatUa
jvoy, Romania^ U, 241-244). J'accepte pleinement sa double découverte,
cl je ne diffère avec lui que sur un point, qui fait l'objet de la présente
note. II s'agit de savoir comment on a passé de medicu à mire. M. T,
pense que, si Ton trouve dans les formes mirie mire mitre un r à la place
du d disparu, il faut le regarder « non comme issu du d, mais comme
intercalé, parce qu'il apparaU aussi à la place de consonnes dont le
changement en r est d'ailleurs inconnu. En effet, nous trouvons non-
IJO MÉLANGES
seulement remire pour remedium^ omecire pour homuidiumf Ailyre pour
îîlydius.,. mais aussi navire^ que j*aime mieux considérer comme forme
secondaire de navie (pr, navei, nayigi^ esp. nayio)^ dérivé certainement
de navigiuniy que comme provenant d'une forme nouvelle nayiîium ; de
plus artimaire ou arîumaire, forme secondaire d'arîimagef dérivé incon-
testablement d'arfffîï magicam^ enfin grammaire de grammaticum (et
grammafkam). C'est ainsi qu'à côté de mf> pour medicam se place la
forme m/r/e^ etc. >» Dans un article tout récent de la Zàtschrijt de Kuhn
[voy. ci-dessousj p. ï 5 j) Je savant philologue est revenu sur cène question
et l'a résolue de méme^ à propos du root vrilit^ que M.Bugge a rattaché
[Romania^ III, i6o)à vmcu/tf. (« Rien n'oblige, dit M. Tobler, à admettre
ici après le v initial une épenthèse de IV dont il n'y a peut-être pas
I d'autres exemples ; en revanche rien n'empêche de penser que l'hiatus
' qui se produisit après la chute du t ait été détruit ici de la même manière
que j'ai admise dans la /^om^^îni^ pour mire^ rtmire, navire^ gramnidire^
et que Bugge (ftom., IV, ^62) admet aussi pour hure. J'ajouterai les
exemples suivants : daumaireâe dalmatka^ Diah Greg.» 2j6, 8; convinr
(il faut lire ainsi au lîeu de conjurer) de con-vitare^ Troie 24609 \ firie^
Ch* Roi. 1278, à côté de^«î, fire dtficatam; esbariit ( : guarisf) dans
G. de Coinsy 659, 428, esbane ( : mane] Ib. iGj^ 25^ et 48J, ^7,
esharis ( : esmaris] j6, 410, 46^ â'esbaïr ; garigna Baud. Seb. Xlî, 172
(il est vrai que Boca propose d'écrire gaïngna); soron Mont S. Mich.
I !o8s, seront Jeh. de Joumi 505, 915 de secmdum ; le mot dévorer
' « maudire », qu'il faut naturellement séparer de dévorer « manger »
(Littré les confond), et qui vient de devotare (on ne trouve pas, que je
sache, en anc. fr. la forme devoér) ; afiree — afice qu'il faut lire, suivant
moi» au lieu d^aîiree dans Gautier de Coinsy 565, $75 ce n*avint onques
Que fusî perdue n'adirée Riens qui a toi fusî atiree ; ta locution a estuin
( : déduire) du Roman de la Rose 4073 est sûrement a estuide ; de même
dans l'autre mot estuire, qui se trouve avec le sens d' « étui » dans
Barbazan-Méon, IV, 247, 251, r pourrait bien être inséré, ou ne serait-
ce pas une forme féminine parallèle à atuif Voknterif^ d*où provient»
dans Phil. de Thaon Best. 600, l'adverbe de six syllabes votenterivement,
et qui est plus fréquent sous la forme voicntnf, montre également IV qui
ne se trouve pas dans volenteif (abrégé en yoUnti)) ; je ne me rappelle
pas avoir vu plenterîf à côté de plenteïf, mais il faut joindre à cette liste
le fr. mod. plantureux, anc. plenturos et aussi pknîeuros, Amad. 6764,
dont J'r a remplacé le v disparu de pîeniivos pour pknkïvos (pour l'«, cf.
fr. mod. machuref) *.., Dans Alexis 62 b tous les mss. appellent Acaries
I. M, T* montre ici en quelques lignes que Pane, fr. pUntor^ invoqué par
M. Littré, n*a jamais été rencontré, et que le pr. pletidor n*esl qu'une faute de
lecture pour ptcn dor.
i
FRANÇAIS R = D \ ]l
l'empereur romain Arcadius, et tl me semble risqué de remettre le d iaiin
à la place de i'r : cet r^ d'après ce qu'on vient de voir, est justifié sans
^'3 soit besoin de recourir à !a confusion supposée avec saint Acaire,
Enfin rappelons le fr. mod. sareau ; certainement de Pane, fr, seii on
peut tirer sans intermédiaire un dérivé seil-r-d ; la difficulté est que seitr
I côté de seà se trouve déjà dans l'ancienne langue ; la forme prise par
le dérivé aurait-elle influé sur celle du primitif? Ou bien Vr remplace-t-
II des consonnes tombées même à la fin des mots? C'est sûrement le cas
dans leur, lQr= la ou, qu'on rencontre dans plusieurs textes des provinces
du Nord 'voy. Gœli. Gel. Anz., 1874, p. 1046).., Je pense encore que
k mot car^ qui se rencontre souvent dans Baud. Seb. à la place du
pronom relatif que et de la conjonction que (si je ne me trompe, seule-
ment devant des voyelles), est identique à (fue; ce n'est sûrement pas le
Car issu de quart : Or ûiés l'aventute car il H avenra, IV, 540 ; Tanî ala
par la ville car il vint a un four ^ VII, G26, et très-souvent. »
Les exemples allégués par M. Tobler doivent être sensiblement res-
treints- L'étymologie de hure, proposée par M. Bugge, toute séduisante
qu'elle soit, est loin d*être certaine. Conjurer, dans le roman de Troie,
petit (on bien rester. Esbarir, forme que je ne connais, aussi bien que
M. T,, que par Gautier de Coinci, ne me paraît pas pouvoir venir
û'isbdîr ; le sens ne convient pas partout ; ainsi dans ce passage :
Hotin mf est si esbarie Par pou qu*ek n^afonde et noie^ $21,198: je le
traduirais plutôt par <« ébranler ». Pour gimgna il faut lire gaingna,
le ne crois pas à la distinction établie entre les deux dévorer: M. T.
' hl-iiièroe la rend peu vraisemblable en remarquant que devoir n'existe
||MB en ancien français; la transition du sens n*est pas impossible,
stirtout si on considère qu'il s'agit là d'un mot à moitié savant: on peut
trouver un intermédiaire dans le sens de « faire périr, tuer n, donné
aussi à dtvonr (Jubinal, Contes, l, 8^)* Afirer pour atirer dans G. de
Ccnnci est une conjecture un peu bien hardie. Voknterif dérive évidem-
ment de voluntarius ; d. maladif, tardif , pr. asprieu, etc. Quant à planta-
ffipt, je Texplique par plenteivuros, adj, d'un subst. pknîeivare, tiré de
\flimeif; dans le Dolopathos^ v. 2770, on trouve plantiverose comme
r fanante à planteurose. J'exclus tous les exemples plus ou moins douteux
qui présentent une r finale, parce qu'en tout cas ils appartiennent à un
autre genre.
Restent donc les mots mire remire homedre Allyre navire anumaire
grammaire daumatre Jirie soton estuire. Retranchons soron {soronc au
xtv* siècle, dans Littré, s. v, selon), qui est une variante de sdon et
où I'r est par conséquent issue d'une / intérieure. On voit tout de
suite que tous les mots dont Tétymologie est sûre présentent dans leur
type latin «ne voyelle accentuée suivie d'une dentale, d'un ï et d'une
1)2 MÉLANGES
( voyelle finale: médi(c)um^ rtmtdiam^ homiddmm^ [Uydium, grammaii{c)a,
I datmati{c]a, studium^. Il faut y joindre Cire, forme fréquente en anc. fr.
de Atgidiiis *, et enyire [invirie dans Phil. de Thaon : Meyer, Recueil,
p. 287). Trois mots feraient exception, diaprés M. T., et présenteraient
une gutturale en place de la dentale. Le premier, navire^ provient incon-
testablement de tidvilium, fréquent en bas-latin ; le v. fr. a souvent la
forme navilie; je ne citerai que RoL 2627 l^ côté de navirit 2642) ; plus
tard navik, p. ex. Viol 799. — Fine est plus compliqué, mais n*est
pas plus douteux. Le mot essentiellement populaire Jîcdfiim a eu, comme
on sait, en roman, des destinées fort diverses, ou plutôt a subi des
dégradations successives : le roum. ^cai^ le sarde jî^cfu, le vén. figà ont
seuls conservé Taccentuation latine ; [*it. fégaîOy le pg. figado (esp.
higado] nous montrent un déplacement d'accent ; ce déplacement amène
naturellement l'affaiblissement de Va, que nous trouvons dans le figida
des glosses de Cassel, et àans k fégheî bolonais; une fois cette forme
admise, elle se transforma, par analogie avec les nombreux mots sem-
blables, Qnfidicam : de là le piém. fidlch, le bergam. fidech^ le lombard
fidegh ; de là aussi le prov. fetgt \s\i\s%t fedge]^ qui ne peut venir de
ficaîum^ et la triple forme française fie^ feie (Joie) et firie qui est à fidicum
ce que mirie est à médicam. — Reste artumaire ou artimaire^ qui
viendrait a incontestablement » de aritm magicam. Je le conteste
cependant , et je ie tire de arît mathematica , qui aurait donné régu-
lièrement ûTÙmatimaire ou armatimatre ; on ne s'étonnera pas , dans
un mot savant passé dans le peuple, de cette syncope qui ne manque
pas d'ailleurs d'analogies. Artimaire et daumaire viennent ainsi confirmer
la brillante explication de grammaire que nous devons à M, Tobler. La
forme artimage représente d'une autre façon le suffixe dîica.
Reste à savoir comment la dentale des mots en question s'est changée
I en r. A mon avis, elle a passé par I. L7 devant i atone en hiatus a donné
très-fréquemment r en ancien français : citons concire tvatigirt nobirt
mire apostoire^ plus navire qui vient d*être cité, et les noms propres
comme Basire Mabire Aataire : la forme plus ancienne de ces mots est
concilie evangilie nobilie milie apostôlit navilie Basilie Mabilie Euldlie, Les
mots que nous étudions ont dû avoir pour première forme : mïdie remidie
homecidie Aliidie artimâdic gramddie daimàdu fidic esîùdie envldie J, puis
milie remilie hùmicilie Allilie artimàlie gramdlie dalmdlie fille estùlie envilie,
puis mine remirie komecirie Altirie arîimdrie gramdrie dalminefme utùrie
envirie^ et enfin mire remire homectre Allyre artimaire grammaire daumatre
1 . On sait oue M. AscoH a démontré que le suffixe -aticO' est devenu -adith
avant de prcnûrc la forme -aggio en it., *ûge en français,
2, Et aussi, si Ton veut^ A{r)caric de Arcddmm,
) Cette forme existe dansîc Psautier d'Oxford, CXVIII, 1J9.
UN SIGNE d'interrogation EN NORMAND 135
ifiré) istuin (invire). La plupart ne nous ont été conservés que sous une
de leurs formes ; celle en / manque à tous. Cependant elle se rencontre,
et elle a subsisté jusqu'à nos jours, pour un mot que j'ai laissé en dehors :
AiguUiis a donné, en passant par Gidie (Gide s'est conservé comme nom
propre), Giiu^RoL \ 592), d'où Gtle Gilles, et Gire^ forme fréquente (en
prov. aussi Gili et Glri)^ et conservée dans plusieurs noms de lieux. Je
crois pouvoir aussi retrouver la forme en / d'artimaire dans Roianî : Par
éortotial i'i conduit Jupiter (v, 1 392! i il est facile de corriger arûmâlte, en
softe qu'avec animage, qui représente artimddit, on aurait, pour ce mot
aussi, la série complète.
La cause de l'altération du d (primitif ou secondaire) dans tous ces 1
mots est évidemment Tinfluence exercée par le yod voisin, bien que ie|
chasgement direct de ^ en / ne soit peut-être pas sans exemples en
français. Mais je ne sais 's'il faut faire remonter à la période romane
une tendance du d à s'altérer dans cette situation. Quelques exemples
Udîns — comme salvàrtc — ne prouvent rien, et je ne pense pas qu'on
puisse rapprocher du phénomène français celui que présente l'espagnol
dans des formes comme julgo ^mielga [medica] et les suffixes en -atgo
^adgOf azgo\ Ml faut cependant noter en castillan homecillo, qui répond
visiblement à la forme homtdlk que j'ai supposée entre homecidie et
homicirie ; quant à Gil, le nom de ce saint provençal a dû être emprunté
au lieu de son culte.
VrilU, pour en revenir à ce mot , vient donc de rr7/e avec une r simple-
ment épenthétique comme dans breuilUs^f fronde^ gouffn, chanvret Tii.
frustâgfw, et un assez grand nombre d'autres mots romans.
G. P.
IV.
ON SIGNE D'INTERROGATION DANS UN PATOIS FRANÇAIS,
L'i final tombe en général à la fin des mois dans le normand actuel i
par suite il suivi d^une consonne ou placé après le verbe a été réduit à i;
ainsi ; i viindra, nindra-t-il Or le normand négligeant en général les
liaisons i la fin des mots, du moins après î^ on a fini par ne plus savoir
quelle était la valeur du t de viindra-t-i, lequel a continué exceptionnel-
lement à se faire sentir, et ti a été considéré comme représentant, au
u Sur ces formes et d'autres analogues^ voy, les savantes recherches de
H"»* C. de Vasconcellos, Studicn :ur rom. Wortschœpfmg^ p« 2j\-\\.
♦ a, BnuiUts^ entrailles de poisson. C'est le pluriel d'un mot fém. bruetlU, qui
se rtnamlre dans des textes du XIV* siècle, et oui n*csl autre que le mot butÙc,
• entrailles, • expliqué ici dernièrement (Rom, V, 382).
I 34 MÉLANGES
lieu de i seulement, le pronom de la troisième personne. Mais la langue
ne s'en est pas tenue là, et après avoir perdu le sentiment de la valeur
étymologique de //, elle a oublié quelle était la valeur personnelle véri-
table de cette particule, pour n'y voir qu'un signe d'interrogation qu'on
pouvait employer indifféremment à la première comme à la troisième
personne ; c'est ainsi, — sans doute par analogie avec les expressions
comme ton père ira-t-i? ton frère Vém^-t-i? où le sujet est un substantif
et par conséquent de la troisième personne, — qu'on a dit à la pre-
mière : firé-tif f l'ém^-tii locutions dans lesquelles /i joue exclusivement
le rôle de particule interrogative.
D'après cela le présent de l'indicatif du verbe aie se conjugue ainsi
interrogativement en normand :
/' vèe ou/' vouie-tii j'alôn-ti?
vâ'tuf aioUi
va-tif vôn-ti?
Parmi ces formes il faut remarquer, outre l'emploi assez général dans
les patois du singulier je comme pluriel, la contraction, à la seconde
personne pluriel, du pronom vous avec la terminaison verbale «, con-
traction qui a déterminé la chute du v initial de ce pronom < .
Charles Jorbt.
EMPLOI DU PRONOM POSSESSIF A LA PLACE DE L'ADJECTIF
DÉMONSTRATIF EN NORMAND.
Un des phénomènes grammaticaux les plus curieux que présente le
patois normand est l'emploi du pronom possessif à la place de l'adjectif
démonstratif celui. Quand cet adjectif a-t-il disparu? Il n'est guère facile
de le savoir en l'absence de documents vraiment populaires des trois
derniers siècles. Pourquoi a-t-il disparu ? Il est tout aussi difficile de le
dire, puisque si celui devait presque nécessairement se transformer, par
suite de la répugnance du patois moderne pour la diphthongue u/, il
pouvait subsister sous la forme celieu ou mieux celi [s^li].
Quoi qu'il en soit, le parler populaire a complètement rejeté ce/ui, crfk,
ceux, et il se sert à la place de /' siin, la siéne^ lé siin{s). Par exemple :
L' siin qui V di n' n'a manti.
La siéne qui V vé a d* bouôu-z Us.
Lésiïns qui V vodrdn viindrôn V qu'ri.
I. Le phénomène que signale ici M. Joret n'est pas propre au normand ; il se
retrouve en français, et jeréludierai incessamment dans la Romanla. —G. P.
l'adjectif démonstratif en normand 135
De même, au lieu de celui de, on dit /' siin de ou mieux à. Ainsi :
Ch' is P siin à son père.
Il me semble qu'on peut voir dans ce dernier exemple le point de
départ de l'emploi de /' siin pour celui ; on a dû passer sans peine, en
effet, de l'expression ch' es /' siin = c'est celui qu'il possède, où /' siin
désigne la possession entière et complète, à l'expression c/t' es l siin à
son pire = c'est celui que possède son père, où /' siin ne désigne plus
la possession que d'une manière pléonastique ; mais précisément à cause
de cela cette idée accessoire 'de possession attachée à l'origine à /' siin a
dû finir par s'effacer, puisqu'elle était suffisamment exprimée par les
mots à son pire^ et /' siin n'a plus été considéré que comme un pronom
représentant le substantif en dehors de toute idée de possession ; dès
lors il pouvait figurer dans des phrases où cette idée ne se rencontre plus
et par suite se substituer au démonstratif.
Charles Joret.
CORRECTIONS.
SUR LES GLOSSAIRES PROVENÇAUX DE HUGUES FAIDIT.
MM. Gaston Paris, Tobler et Paul Meyer ont successivement proposé
ici (I, 234, II, 537 et ) 47) diverses corrections^ pour la plupart excel-
lentes, au texte imprimé de ces grammaires. J'ai glané après eux
quelques menues observations qu'il ne sera peut-être pas sans utilité de
recueillir. Plusieurs^ dans le nombre, se rapportent à des passages déjà
examinés par ces savants, mais sur lesquels mon opinion diffère de la
leur.
30 a. « Derengar — de série militem exire. » La correction militum
proposée par M. Gaston Paris me semble inutile, militem étant ici régu-
lièrement à l'accusatif. Cf. 36 a, « espelir — avem de ovo exire. »
30e. « Escracar — iussiendo spiritum emittere. » Corr. sputum.
33 a. a Sosteirar — sepelire, » Corr. sosterrar.
33^. « Suar, souar — sudare. » Il aurait fallu, je pense, imprimer
sovar. Le v se sera ici introduit, après la chute du d, comme dans auvir,
lauvar^ etc. Vo dans cette forme a lieu de surprendre, car Vu latin
devient en provençal u, et non 0 estreit. Peut-être faudrait-il corriger
suvar.
3 3 fr. « Trepar — manibus ludere. » On peut sans hésitation, ce me
semble, corriger pedibus.
40a, « Caf — impar vox indignantis. » Cette ligne et la suivante
paraissent avoir été interverties. Je mettrais « Baf — vox indignantis »
en tête. Impar s'expliquerait ensuite parfaitement.
40e. a Pals — pallium. » Corr. palum,
42a. « Brams — clavis {sic). » Corr. clames. Il y avait peut-être
clams (la forme provençale pour la latine) dans le ms. d'où dérive celui
que reproduit l'édition.
42 a. « Tams — par. » On peut, je pense, adopter la correction Cams
SUR LES GLOSSAIRES DE HUGUES FAIDIT I ?7
;=rCèdmi, à laquelle M. Tobler a songé, mais quHl a hésité à proposer*
Le traducteur aura ici employé par^ comme il se sert ailleurs de sic ou
de idinif pour ne pas répéter le nom propre.
42 â. « Calms — piankits sive htrba, « Lisez sine. Chaumes (aussi char-
mes) est, en plusieurs pays de bngue d*oc et de langue d'oil, le nom des
terres mcultes. C'est ainsi qu'on appelle à Angoulême et Chaumes de
Crage^ » un plateau aride et rocailleux auquel conviendrait on ne peut
BBCiix la définition du Donat.
4^ a. • Tancs — pannum, Ugnum amîum. » Outre les significations
relevées par M. Tobler dans Rochegude, îanc a aujourd'hui et avait cer-
tainecnent aussi autrefois celle de heurt Ion en a précisément un exemple
dans le passage des Leys d^amors (F, a 16, ligne 6), auquel renvoie
M. Tobler). C'est peut-être cette signification que iiaduisait le mot
MXfod s'est substitué sous la plume du copiste le pannum de notre
teite.
4ia. 9 Flars — Ittmen magnum, d Comme flars se trouve ailleurs
{Fkmenca, 7492), on ne peut songer à corriger /an (phare). Est-ce le
même mot que ce dernier, avec / épenthélique ?
44a* « Fatz — favas\ » Corr. fa[t]uas.
44-a. a Blâus — bludas )) A lividus, correction de M, Tobler, je
préférerais blandas (qui est dans Ducange) comme plus près du ms. La
sîgnificaiion fondamentale de blaus parait d^ailleurs être fiavus,
44b, u Pahz — pacem veî stulîus. »» Pour sîultas (itaL pazzo) il n'y a
pas de difficulté, mais pacem n'est pas possible. Dans tous les mots de
cette liste, h représente un / palatal provenant de c ou d*i et associé à
une dentale. On remarquera de plus que les substantifs, dans noire dic-
tionnaire, sont partout ailleurs traduits par le nominatif latin. Je pense
d'après tout cela que pacem est ici une faute de copiste pour pactum.
45^, s Abas — abbas. n Ce mot, l'a final y étant atone, n'a pu être
introduit ici que par une erreur de copiste. On peut, je pense, corriger
sans hésitation « Albas — atbus ».
45&, a Fleis — fit contenîus, « M. Tobler suppose que fleis est un
subjonctif et, en conséquence, corrige sit^. Ne serait-il pas préférable d*y
I* Cf- la Crâu de la Provence et, dans le Donal, 43 6 t craucs — îtenlis »,
64 ^, t crauca — ttrra sUrilis », comme a justement corrigé M* Gaston Paris.
2. L*opinion de M, Tobler est partagée par M. Mussafia rVoy. Die caiala-
nUche mttrische Version dtr Sukn Wàsot Masur^ au glossaire), qui cite à l'appui
un exemple provençal (de Folquet de Lunel] et deux exemples catalans. Mais
le fltis de Folquct de Lutiet, qu'il faut certainement rattacher k fleis sar^ identi-
que au fltxar catalan (et non à Jhchir, comme Fa fait Raynouard par méprisCy^
ne paraît pas être le même que \t fleis du Donat. En effet, ce dernier figure parmi
les rimes en m iarg^ tandis que \t fleis de Foiquet est éttoiif puisqu'il rime ave
ejs^ ny$ elcrtys, tous mots rangés, dans le DonM, sous la rubrique eis tsimt.
Iî8 CORRECTIONS
voir le parfait de fléchir, employé neutralement et dans une signification
métaphorique et morale, ce qui expliquerait la traduction?
45^. « Leis — kctus. » Peut-être cette traduction, contrairement à
ce que croit M. Tobler, n*esi-elle pas à rejeter. A côté du parfait *l€xi,
que suppose nécessairement ilt. lessi^ a pu exister un participe Vexw,
qui serait la source de notre kis.
^6b, H Sems — semis vd manias, n Corr. minuas.
47 a. « Crens — barha. »>
« Bens — ' ) . . ...
a Lens — I ^^"^^^ '^ "
Juxta lahia^ transporté mal à propos après /efui, a sa place nécessaire
après barba. Quant à letus^ qu'il faut évidemment corriger /^/rliii^ on doit
l'attribuer exclusivement à lens, Bens restera ainsi sans traduction. Mais
ce mot est ici inadmissible. U faut donc ou te rejeter ou le corriger
« vens », en ajoutant venîus pour le traduire'»
484. <t Saumatiers — cusios saumarii 1», Saumaîier existe encore, à
côté de saumarier. Il ne faut donc pas hésiter à conserver ici cette
forme.
48 1. « Teliers — illud (fuod in iela îexiiur, » Corr. in quo tela.
486. « Sorbiers — Sorbarius vcl corbeliarius, » SorbdlanuSy proposé
par m; Tobïer, ferait, ce me semble, une répétition oiseuse, le pense
qu'il faut rattacher corbdîarius à cornus par 'cormdlarius. Le cormier et
le sorbier ne sont, comme on sait, que le même arbre à des degrés diffé-
rents de culture. Pour la substitution de i? à m, cf. debremba qui est, en
languedocien moderne, l'inverse de remembrar et encore berma = mermar
(même dialecte) .
49(1. Verps — lupus, » Je soupçonne que lapas devait être suivi d'une
épithète dont le traducteur, ne pouvant la découvrir dans le latin, a bissé
la place vide, et que verps signifie hup-garou. Ce qui me le fait supposer,
c'est que le nom de cet animal fantastique est en limousin Le-beroa^ mot
composé dont le second élément (le premier n'est autre que lapas, for-
tement altéré) a avec notre verps une parenté visible.
49^. « Aderms — inhabiîahikm facis. r> Adermir {acrmir) existe à côté
de adtrmar. La correction de M. Tobler est donc inutile.
49e. « Aertz — inhsrei. »> Je crois qu'ici encore M. Tobler corrige à
tort* Aertz peut être une forme de ^<^ personne du singulier aussi légitime
que dertz qui précède presque immédiatement, car iz=^ztl z — d. C'est
ainsi qu'on trouve quelquefois notz pour nodam, nutz^ pour nudum, molz
i. Cf. dans Flamenca, v. 5^97, mil bts =; mil vm. On trouvera aussi bms
lui-même, pour vens, d;»ns la paraphrase à^^Litanus publiée par M. Tabbé Licu-
taud {Un troubadour ùptlsm)^ v. 259.
2. Le provençal tnoderoe dit nus el de même nïi imdixm). — D'autres
SUR LES GLOSSAIRES DE HUGUES FAIDIT I }9
poar modam (Flamenca, 6250, 7j6t)^ formes qu'il serait imprudent de
corriger.
fia. V Fenis — dibiUs. » Glose confirmée par un passage d'un texte
publié depuis les remarques de M, Tobler. Voy. le Bulletin de la Société
dês ënciens Textes^ I,6i : * E fonc tan cayti^us e tan dessemblatz e lar
ftms que a/ic nos poc sofrir. » C'est donc l'idée d*exténuéti non, comme
le suppose M. Tobler, celle û'efléminé que traduit ce mot. Mais d'où
vient-il ? D'après sa place dans le dictionnaire, il devrait correspondre
à un type latin en înus ou is{s)us. Mais c'est peut-être tout simplement
fe participe passé de /emr, pris au sens où nous l'employons souvent
encore, et introduit ici sous cette forme, soit par erreur, soit plutôt par
TeSet d'une licence déjà généralement admise- Cf. Croisade albigeoise,
V. 64ÎÇ :
Qoc las mortz els Jtms metau els monimens.
îitf. *< Gandilz — desiinans (?) ûmore, n M, G. Paris a proposé
âidinans d'après ?6A : « gandir declinarecum fuga, n On pourrait aussi
penser à festtnans.
^}a* « Solorius — solitanus, » Il n'y a pas lieu à correction pour
cette glose. Le témoignage assuré que réclame M. Tobler en faveur de
idcrius est fourni par Peire Vidal (Btm pac d*ivern e d^estia) :
Ma do m n'a pretz soloriu
Denan mil combatedors.
U. Bansch traduit ce mot pzr sonnenktar\ maïs c'est là une interpréta-
tion purement arbitraire.
jjfr, « Zocs — pes ligneus propîer ludam n (ils. lutum avec M. G, Pa-
ris). La place de ce mot devrait être parmi les rimes en ocs large,
comme l'a justement remarqué M. G. Paris. H peut se faire cependant
qu'il n*y ait pas eu ici de confusion dans le ms. En effet on prononce
aujourd'hui soac en plusieurs lieux, par exemple dans la partie centrale
du département de la Dordogne. Mais au nord du même département
Vu reste pur. au moins dans la forme masculine (soc) y car au féminin il
s'altère, sans pourtant passer à Von. Il devient seulement u : sucho 1 sabot),
d*où siichier (sabotier).
$4iZ. < Bols — equs nimis piilsans. n H faut^ je pense, corriger pois,
substantif de />o/xar (=î valde anhelare, jib). Le traducteur aura mis
i^m, etc., au lieu de morbus equi, etc. (maladie d'un cheval poussiff.
j 5 fr. Œ Tors — pars » , La place de tors est bien parmi les ors largs,
comme le prouve la prononciation moderne, qui est îros et non irous.
Cf* le moderne morchù^=*myscapo\xr myxa. De ces exemples on peut
exeraolcs de z = J, après r, sont Rican et Bernariy au cas oblique, qu'on peut
foir dans le Raml de M. Mcycr, p, 16^
140 . CORRECTIONS
conclure que Vu latin provenant de y n'avait exactement ni la même
qualité ni le même son que Va indigène. Pareillement, quand y passait à
Pi, cet / devait être plus larg que Vi latin d'origine. Témoin geis {gypsum)
qui figure (4$^) parmi les rimes larges, tandis que tels, feisj peis^ cm^
ils sont rangés parmi les étroites.
56^», « Bortz — hdûs. n
Œ Bortz — manuum sonos, »
Peut-être manuum doit-il être transporté de la seconde ligne à la première.
Voy. dans Raynouard (il, iitb) un passage d'Amaut Daniel où bortz est
associé ktreps (danse). Dans ce cas lofïuj, resté seul, pourrait être corrigé
en spuriuSf qui en diffère moins que les deux autres roots, de significa-
tion pareille, auxquels a pensé M, Tobler.
57 i». « Cotz — permutaîio, t* Je corrigerais volontiers p^rruia/io (notre
traducteur s'est permis de pires barbarismes), considérant coti comme le
substantif du verbe œîar qui manque à Raynouard et à Rochegude,
mais dont on peut voir un exemple au v. 7882 de Flamencas
jSfr. « Grutz — farrum. » Farrum est ici pour far ^ gruau, qui est le
sens de grutz. Ce mot existe encore, tout au moins en Languedoc, où on
Rapplique spécialement au gruau de mais.
j9a- <i- L*iis — unus^, ?> M. Tobler propose de corriger /u^; mais ce
mot se trouve quelques lignes plus bas. Lucius^ indiqué par M. Meyer,
aurait donné luîz. On pourrait ici corriger juSj et à la page 77, ligne
avant-dernière, de Raimon Vidah, soit également jui» soit fus.
I. Seloii une remarcjue de M. Tobler, dont j'ai connaissance par une note de
la publicalton déjà citée de M. Mussafia (p. ï6, note 3), j'avais pensé d'abord
à tirer notre cotz de cotir^ verbe dont il y a un exemple au t. II, p. 218, dfô
Uys d'amors, et auquel je croyais pouvoir rapporter aussi le coton ae Flamenca,
Mais ce cotir paraît n'être que quaUrt^ refait sur pcrcutir, etc. Vo par consé-
quent v doit être étroit, tandis qu'il est large dans notre cotz comme dans le
coton ae Flamenca.
[Voici, en regard l'une de Taulre^ les deux leçons, 1** de l'édition
de
N.
M. Guessard, qui reproduit lems. XLI^^i de la Laurentienne; 2* du ms. B
lat, 7)}4 (foL j6 v<^) qui passe pour être la copie de ce dernier ms. :
Editjon Ms. 7^4
in m fn us dits
Lus dies tune Lus Lumen
Pus untis Lus unus
Us unus
On est donc conduit à supposer que la bonne leçon était : In u^: Lus. tumcn ;
— lus^ dies lune; — l'us unus, — Je sais bJen que le correspondant régulier de
iucem est /ulr, et oue par conséquent ma conjecture se heurte à Tobjeclion déjà
opposée par M. Cnabaneau i tucius; mais il est certain que las, de Iucem, a de
bonne heure été admis par certains troubadours. Ainsi dans une pièce de Guil-
lem Rainols d'Apt, — que M. Bartsch auribuc à tort A Bertrand de Born^
Crundrlis^ table des troubadours, So. 6y — on trouve lus iGtâ. d, Troub, n** ? 1 î^
4) en rime avec us, reclus, etc. Celle pièce a été composée vers 1216. — P.M,]
j, M. Tobler propose de changer f«, qui se lit au même endroit, en ros,
TEXTE LORRAIN DU XIl^ SIÈCLE 14I
6^fl, (f Estelha. ....)) La traduction doit être frangit. Cl l'espa-
gnol tstreihar,
G^b. « Esca — iUud cum qao i^nis accenditur vel esca cara cani. » On
pourrait proposer « . — ve/esca — caro cani », supposant que le second
esca est provençal comme le premier, ce qui du reste ne serait pas indis-
pensable pour justifier la correction.
6<^b, u Iscla. .,.,>» La traduction est sans doute insala. Cf. le
provençal moderne isdo. De là la forme islha qu'on trouve quelquefois.
6^b. a Osa — [audet]. »« Cela n'est pas possible* Il aurait fallu, très-
probablement, répéter simplement osa (fn hetise), qui est aussi un mot
de la basse latinité. C'est, je pense, parce que ce moi et les trois autres,
placés sous la même rubrique, avaient en latin la même forme qu'en
provençal que le copiste, ou peut-être l'auteur lui-même, s'est dispensé
de les traduire.
Camille Chabakeau.
IL
DIALOGUS ANIME CONQUERENTIS ET RATIONIS
CONSOLANTIS.
(Supplément à l'article publié ci-dessus, V, 269- jj 2*)
Sur la traduction de ce texte en dialecte lorrain du xii« siècle,
M. Mussafia nous adresse quelques observations critiques, portant sur
la lecture ou le sens de certains mots douteux. Ces observations sont
reproduites dans les lignes ci-dessous, la plupart en entier^ avec quel-
ques détails de discussion quand il y a lieu. J'y joins une correction
proposée par M . Boucherie d'après une théorie qui lui est personnelle et
que ce n*est pas le lieu de discuter incidemment.
Ces remarques judicieuses témoignent de Taitention avec laquelle
MM. M. et B. ont examiné ce texte parfois difficile ; nous les en remer-
cions et comptons mettre quelques-unes de leurs critiques à profit dans
la prochaine publication d'un texte patois du xv* siècle, tiré d'un autre
manuscrit de la bibliothèque d'Epinal,
m 10. Nuns ni mi donent deffendeme flv« (nuîlus adminiculum subtri-
buit) , avec è forse auee == aiue colP e superfetaneo ; io avrei stampato :
ni mi donent defendème[nL.,] aact, oppure d. e auet.
jugeant impossible l'admission de ce mot parmi ceux qui ont s fixe à ta finale.
Mais les uys d'amors conErraent ici, loin de le contredire, le témoignage de
Raimon Vidal Voy, t. H, p. 180,
141 CORRECTIONS
IV 6. Li loir tt Us donnes poîlent forces as lois ipremia et dona Icgibus vires
tulerum) ; htrè per certo hier = loyer, esaiia traduzione di premia. —
Observation juste, en vertu de laquelle il faut supprimer ce qui est dit
sur loir au bas de la page 527, orthographier loir et ajouter ce mot
ainsi écrit à la liste de ceux qui réduisent la diphthongue ié en / (voy,
les exemples réunis page 325).
IV 1 5. Nule chose n^est esquise, nule aut[re] verteî nen est chachie nen
atrové[i] (Nichi! exploratum est, nichîl palefaclum est, nichil investiga-
tum est, nichil repertum est). La traduzione segue cosî fidelraente l'ori-
ginale, che si puô dubitare di autlje] vtrîet, Sarei tentato di vedere nelP
autverîet del codice qualche cosa che comsponde al patefaclam est ; cfr.
XXVH 62. — Le passage auquel renvoie M, Mussafia est tel : A mat
sait aiaverés tes pardons, où sait ûiuverés (= fr. soit ouvtn\ répond au
latin pateaî. Mais d'une part il semble difficile de voir quelque ressem-
blance formate entre aiuvetés ou plutôt ajuueres du ms. et autuertet. Et
d'autre part la syntaxe s^oppose, non moins que la grammaire, à ce qu*il
y ail en cet endroit autre chose qu*un substantif féminin donnant le sujet
et réglant Paccord du verbe et du participe est chachie nen aîrovée. Si
Ton admet vertct comme lecture de la dernière partie du groupe de
lettres autuertet^ la correction proposée aat[re] vertet offre un sens irès-
plaiisible et très-clair.
VU 2, Il y a ici dans la traduction une lacune qui m*a induit en
erreur à propos d*une correction au manuscrit. Les deux phrases du
texte latin : Omnes.,. ut leprosam tangere honent, Jacet caro astricta feno^
jaceï pressa catenis^ jacet ligata vincalisy jacet vincta compedibas^ sont ren-
dues en français par ce peu de mots : Tui me enhorrisent cumme lipros de
liens et de boes. Dans l'hypothèse que la lacune portait sur la phrase
tout entière, Jacet... compedibus, liens ^ été corrigé tn fiens (= latin
fimuSf cp. français u fiente ») et rattaché, ainsi que boes, à lipros de la
phrase précédente. M. Mussafia remarque avec raison que liens est la
bonne leçon, traduisant vinculss comme boes (— v. fr buies) répond à
compedibus. La lacune dans la traduction est donc moins considérable
que je ne Tavais supposé : elle ne porte que sur la première partie de la
phrase, de jacet à ligata,
XXVII ^2. Nota noblamanî == npmbr,;d\iro esempio di / = r e d*om-
missione délia nasale* — Noblamant = nombramant, notation individuelle
du lorrain nombralemant, lequel répond au français nombrablement, La
nasale est tombée d'autant plus facilement dans la première syllabe que
la lettre initiale est déjà n. Les nombreux exemples cités à la page ^27
[auxquels il convient d'ajouter eî = en, IV 2» XXVIl 36) témoignent
que n n'avait pas encore pris d'une façon définitive la valeur nasale.
Cette modification du son primitif a été certainement moins générale et
FRAGMENT D UN CONTE CATALAN [4?
profonde dans les dialectes orientaux que dans le français propre-
Bt diL C'est ainsi que les chartes de Metz présentent, au xiir siècle,
Mes noms propres Martin^ Colin^ Jacquemin^ Htiwin Htiin, etc., écrits au
VM^Martu^ Colis^ Jacquemls, Rwis^ eic; qu'au xiv« siècle elles offrent
pdcs mots comme ublance (cp. ensebte du n Dialogue »y Vtl, 9)^ des
futurs tels que varrai vaurat, terrai tarrai = français nenârai tiendrai
De même le patois bourguignon dit parre éparre pour u prendre ap-
I pre&dre », tarre * tendre «, îarré y tiendras, tiendra ». — Sur la fluidité
de la nasale, voy. Romaniay II, 158-9.
XXIX 8. Gûrdi de îo fai et naîc et niant corrumpue (serva rectam
, lideni ; tene sinceram fidemj. In de îo deve celarsi la traduzione di rec-
r; se no, non ci sarebbe et dinanzi nate, — J'avais déjà indiqué par
ttne note que ce passage est corrompu»
XXXI 2. Porte pale viare et sac cors, famellos et aies soif^ telle est la
leçon du ms. traduisant ces phrases latines • PalUda ora gere^ aridum
tùrptu porta , esuri et siti. Sur quoi M, Mussafia remarque : Par mi certo
dic fra cors e famellos manchi una parola, forse soies,
XXXII ir-12. Corriger, d'après M. Mussafia, te cuisses en fecuisses =
t*t$€uisu$, subj, de eschuir « esquiver, éviter », en traduction de cavcas.
Une autre correction plausible, indiquée par M. A. Boucherie, est la
modification de emUsgis^ Xlll 9, en emkrgeSj ce qu'on peut faire, vu le
manque de signification précise du iiiulus qui se trouve au-dessus de le
dans em Uges du ms. Ce serait alors un composé de in et du comparatif
neutre largius, soit* inlargiare, d*où emlergier, sens qui coïncide parfaite-
ment avec celui de dUatare de Toriginal latîn [Revae des langues romanes^
1876, p. 2761.
François Bonn a root.
IIL
FRAGMENT D'UN CONTE CATALAN,
(Supplément à Tarticle publié ci-dessus, p. 4$j-6jJ
8, Non potrebbe il traduttore non aver ben compreso jusîtse e tra-
dotto ensegna?
24. Laguiar m pare buona lezione, identico al lagmar del primo
oempio recato dal Raynouard, tolto dalle Leys d'amor. Pare che abbia
3 significato di t< indugiare, perder tempo, » Non ho a mano il fr, per
controntare ' .
1, [L'original français porte :
Brièraent vos iert l'histoire dite,
Car je n'ai cure de délai. ]
144 CORRECTIONS
44. Tota 0 iof.
64. FUI,
146. Infant. »
i$3. AmiCj
16$. Perché credere che il traduttore non capi ? Tradusse bene soi
quart in si quart. L'essere scritte queste due voci insieme nuUa riieva.
Anche i traduttori italiani, voltando dal francese, usavano se quarto, se
quinte.
189. Daçit vos vos.
217. Daquella in una paroia.
219. Lo moch f Non lii Se veramente /o ^ è forma da notarsi, e fa
riscontro a las dativo.
254. Se la spiegazione em pinet col mezzo di poenitet me vuol dire che
anche il verbo catal. è usato quai iropersonale, direi di no ; penedir dà
anche alla prima persona penet pinet.
287. Auchs va benissimo. È il sostantivo verbale di aucar ahucar
(cf. 286): « vide i cani e udi le grida. » Cosa vorrebbe infatti dire
« udi gli uccelli ? » '.
A. MUSSAFIA.
1. [Il y a bien lo dans le ms. — A. M.-F.]
2. [J'accepte toutes ces corrections et remercie vivement le savant professeur
de Vienne d avoir bien voulu me lire avec autant d'attention. — A. M.-F.]
COMPTES-RENDUS.
f Ueber die Matbaeus Paris zugeschriebene Vie de seint Auban,
nm Hermann Suchier. Halle, Nieraeyer, 1876, in-8*>, vj-ûo p.
A propos de ia Vu desmt Auhan^ publiée par M, Atkmson (voy. Romama V,
)S4)y dont il voulait d'abord écrire une simple récensîon, M. Suchier s'est vu
ieoè i étudier la métrique anglo-normande, objet ^ comme on a pu le voir
^^m mon article sur cette publication, des bizarres conjectures de l'éditeur.
M« S. DC s'en est pas tenu à la formule générale d'après laquelle les auteurs
mglo-oormands aunient eu l'intention de composer des vers réguliers suivant le
aodèlc des vers français qu'ils connaissaient, mais n'auraient pu y réussir, d'une
part parce qu'ils ne possédaient pas suffisamment les régies de ces vers qu'ils
voulaient reproduire, d'autre p^irt, parce qu'ils ne prononçaient pas le fr;inçais
comme les Français. Il a voulu pousser plus loin la précision des recherches ^
et abordant, comme il le dit, un terrain vierge, il a essayé de déterminer tes
règles de versification qu'ont suivies les poètes anglo-normands, et subsidiaire-
nent les modifications phonétiques que subissait en Angleterre la langue fran-
çaise* L'auteur avoue lui-même qu'il ne disposait pas de matériaux assez nom-
breux pour donner à toutes ses assertions une base suffisamment large et solide j
ciaîs les faits^ bien classés et appréciés sainement en général^ qu'il a rassemblés ,
sont acquis et forment une importante contribution à cette histoire de la langue
française en Angleterre, qui est aujourd'hui un des ^rsLnàstiauierata delà science,
et pour laquelle il existe encore si peu de travaux préparatoires. Discuter cha-
csne des opinions de M. Suchier demanderait un long travail ; je me bornerai à
itrt que je ne partage pas toutes ses idées^ surtout sur h versification ; ainsi
I0ui les vers cités page 32 me paraissent^ à vue de pays, devoir et pouvoir
trè*-lacijement être corrigés. Je suis porté aussi, en admettanl même ses
tues générales sur les divers rhythmes anglo-normands, à croire à de fréquentes
irrégularités, et à voir par exemple dans des poèmes comme Gilote et Johant (et
taol d*autres) de simples tâtonnements vers une forme rhythmîque à peine en-
trevue, plutôt qu'une imitation de la versification germanique (d'autre part j'ac-
corderais i l'accentuation saxonne une inlluence plus ancienne que ne le pense
raoleur, p. 39: 6n^ d'où 0/, de ovûk^ ne s'explique pas autrement). — P. J,
}é ne vois pas de raison bien sûre pour regarder comme anglo-normande la belle
ûupuu du corps a de l'àme, publiée par Wright, et qui, comme on sait, a été
décalquée en espagnol au xiii* siècle. — M S. a reconnu, p. 35, que le poème
Or trient U Uns était l'œuvre d'un Français ; mais il ne va pas assez loin en
dsuat • qu'il semble exagérer les fautes de langage anglo-normandes; 1 c'est
aoe grosse parodie, qu'il ne fallait pas citer et employer ici. — On est fort sur-
pris de voir M. S placer encore (p, 4P Jean de Garlande au xr siècle.
G. P.
HomtiRta.YJ 10
146
COMPTES-RENDUS
Ueberlitafenini^ and Spr&che der Chaason du Voyage de Char-
lemagne à Jérasalem et à Constanûnople. Eine kritische Uottf-
suchung von D'" Ed. Koscuwitz* Heilbrona, Hcnninger, 1876, in-go^
vni"92 p.
J'ai parlé de la remarquable étude sur le Voyage de ChûThmagiu^ publiée par
M. Koschwitz dans les Romanische Studien {Romama^ IV, joj). L*auteur
Ta reprise à d'autres points de vue dans ce nouvel ouvrage» qui se divise
en deux parties. La première ajoute au rapprochement déjà institué entre les
diverses versions françaises et étrangères la comparaison de la version galloise,
dont M, K. s'est procuré une copie, et qu'il est, paraît-il, en étal d'utiliser par
lui-même. — La seconde partie, de beaucoup ta plus lon^e^ s'occupe de la
langue du poème. C'est un travail excellent» très-complet dans sa sobriété, et
qui^ comme toutes tes études du même genre» aboutit à des résultats d'un inté*
rét général pour la connaissance de l'ancien français. M« K. est arrivé sur plu*
sieurs points â préciser, à compléter, à rectifier ce qui avait été dit avant lui.
Je ne partage pas toujours son avis» mais il est toujours assez bien motivé pour
qu'on doive en tenir compte. J'aurai bientôt t^occasion de reprendre toutes les
questions traitées en ces derniers temps par MM. Mail» Boehmer, Koschwitz,
Scholle et d'autres encore. Je me borne pour le moment à recommander le tra*j
vail de M. K. â tous ceux qui s'occupent de philologie française.
G. P.
r
1
BeitraBge sar Terglelchendeii Geschlchte der romantisehen
Poésie uDd Prosa des SCittelalters, unter besonderer Berîxcksich*
tigung der englischen und nordischen Lîtteratur, von D'' Ëugeo KfCLCTNG.
Breslau, Koebner, 1876, in-8«*, qûatre-2$6 p. 1
M. Kœlbing a réuni dans ce volume six études fort intéressantes^ et doiit^
chacune apporte un véritable enrichissement â la littérature comparée, i. Sur tes
versions anglaises de la légende de Théophile (voy, ci-dessous, p. isj), — 2. Sur
la version anglaise de la légende de S. Grégoire y dans son rapport avec U pcimt
français et rmitaùon de Hartmann d*Aue; c'est une utile addition aux études déjà
faites sur ce sujet» et qui vont prochainement Être résumées par M. Ai Weber
dans l'édition critique du Grégoire français qull prépare, — y. Sur les versims
anglaïus du Partonopeas. Un fragment anglais» récemment découvert» permet â
M. K. de présenter avec plus d'assurance sa thèse déjà fort vraisemblable de
l'existence d'un poème français sur Partonopeus antérieur i celui qui nous est
parvenu (cf. Remania, IV, 148). —4. La saga noroise i^'Elis ok Rosamunda H sa
source. Une comparaison minutieuse de la version Scandinave d*£/« de Sainte
Gile avec le poème français amène M. K. à l'opinion que la saga représente une
forme plus ancienne de la chanson, notamment en ce qui touche le dénouement
tout'à-fait diffèrent dans les deux récits. A cette occasion» l'auteur rétracte les
opinions qu'il avait précédemment exprimées, se faisant l'écho de M. Brynjûlfsson,
sur la source et la valeur des poèmes de ce genre. Il va peut-être maintenant
trop loin dans un sens opposé â sa première erreur (cf. Romania^ lU }y7),ti^
en tout cas^ des phrases comme celle-ct font sourire : « Nous autres Allemands,
nous avons tout paniculièremenl U droit d*itn fiers {stoh) de ce que nos poètes
i
GÉORCiAN, Essai sur te vocalisme roumain 147
d&DOyeo4ge n^ont pas trouvé un uui des produits de cette poésie digne de pasnr
im Itar kngtie (p. 154)-» Voilà un orgueif fort innocent; mais avec beaucoup
degfoim de ce genre, on ne ferait pas une littérature bien nchel M.K. rend de
gnads services en analysant les sagûs au profit des romanistes; mais crolt-il
^ tous comprennent l'islandais? Il devrait bien traduire ses citations. — ).
tuiom Us plus anciens rimtir islandais. Ce travail, le plus long du volume,
eid*UD intérêt plus spécial, bien que M. K. montre que ces rimur ont sou-
mttdela valeur pour la critique des originaux étrangers dont ils sont issus. —
k Skûujhaîabatkr^ ancien poème islandais du cycle de Renart^ publié avec des
PHMrqties, Le récit mis en vers par le poète islandais paraît être de son inven-
tion; mis i) atteste sans doute une certaine diiïusion dans les pays Scandinaves
de a cycle de récils qu'on a appelé < l'épopée animale. •
sur le vocalisme roumain , précédé d'une étude historique et
critique sur le roiiniain, par C.-D, Gèorujan. Bucarest, Gœbl, ^^7^» in-8*,
V Etude hisiortque et critique sur te roumain annoncée par le litre de cette bro-
àmtn'i pas encore paru ; c*est la seconde partie seule qtii a été imprimée et
présentée par Tauteur, comme thèse de doctorat^ à la Faculté de philosophie
deleiprig» M. Gèorgian est un de ces jeunes Roumains, si dignes de nos sym-
ptiîîiies, qui veulent taire profiter rhistoire et la philulogie nationales des progrès
Kcmpiis dans d'autres pays par la science. Il est venu étudier à Paris et en
AiJemagïïef et son ouvrage de début montre qu'il est au courant des derniers
\nuui accomplis dans le domaine de la phiJobgie roumaine. Il faut surtout lui
savoir gré d'avoir voulu donner à ses recherches une base historique, qui, |us-
iqo'i présent, a trop fait défaut aux études de ce genre; ainsi il a dépouillé fruc-
aeuseroent des livres imprimés en roumain avant notre siècle (surtout des livres
ri^eox), et I) en donne une liste utile; il a trop souvent négligé de nous taire
litre et de se demander quel dialecte exact est représenté par ces livres. Sur
fttïcafisme roumain, M. G. a des idées très-personnelles, qu'il présente avec trop
uraiice, mais qui ne laissent pas d'être intéressantes et parfois très-justes,
ilheureusement elles manquent absolument de précision et de clarté^ et ce
déàut, contre lequel le jeune auteur aurait en tout état de cause à se mettre en
e, a été aggravé d'une manière bien fâcheuse par la forme qu'il a choisie. Il
i regrettable qu'il n'ait pas fait revoir son ouvrage par quelqu'un de ses amis
inçah au point de vue de la langue; tl est on ne peut plus rebutant et souvent
jble de suivre sa pensée, déjà assez flottante, à travers des phrases mal
DÎleSj mal coupées, composées de mots qui ne sont pas français ou ne sont
; pris dans le sens français. Qu*on joigne â cela un déluge de fautes d'i m pres-
fioQ tel qu'il ne s'en est jamais vu, et on comprendra qu'il est à craindre que
K^ une ne soit mise de côté par maint lecteur sans plus ample examen. Ce
Ip c. Il n'est personne qui ne puisse s'instruire dans le travail de M. G.^
! sans accepter ses idées, et nous avons jusqu'ici si peu de renseignements
tcii sur te roumain, qu'il ne faut pas rejeter un secours réel, parce quil est
Rialadrortetnent présenté. Espérons que M, G.^ averti par la critique, s'astreindra
148 COMPTES-RENDUS
une autre fois à donner à son exposition plus de clarté» à ses déductions plus de
rigueur^ et surtout plus de correction à son langage. It y a dans son essai plus
d'un bon endroit^ qui promet à la philologie romane un utile auxiliaire,
G, P.
La Fosae du Souey, étude philologique, par A. Joly. Paris, Vieweg, 1876,
in-8^ 16 p.
On désigne sous le nom de Fosse âa Soucy, et plus anciennement de Soucy
tout court, un endroit où la rivière d'Aure, réunie à la Drôme, se perd dans les
sables d'une colline, près de Bayeux, à trois kilomètres de ta mer. Que veut
dire ce nomi^ M. Joly écarte avec raison le rapprochement avec diverses loca-
lités appelées Soucy (forme mérovingienne Sauciacus^ qui représente Sahc- et
non pas Sait£~^ plus le suf&ie gaulois -iac latinisé en lacus, et non un adjectif
latin en iacas devant lequel il faudrait sous-entendre campus). Les formes an-
ciennes (XV"* siècle) du mot lui donnent pour finale une 5, Soussis. M. L rap-
proche avec beaucoup de vraisemblance ce mot du mot saisis ^ qui se trouve
dans le roman de Thiks (où il relève les variantes des trois manuscrits)» et dans
la Chronique des ducs de Normandie^ et qui signifie clairement « abîme, gouffre. 1
Mais quelle est Tétymologie du mot soîsis? M* L la trouve dans un dérivé de
soisus^ sois part, de sohen^ qui a en effet existé et s'est conservé dans absous,
Solven voudrait dire « rompre, » ce qui fait quelque difficulté, parce qu'en
roman il n'a jamais que le sens de « payer • ou « résoudre. * Il faut d'ailleurs
considérer que ta seule charte du XIII^ siècle où on parle du Soacy fappelle
sorsiZf et que l'acte le plus ancien ensyite( 1405), s'il porte au dos sousst:, a àâtis
le contexte soursiz. Que IV de sorsiz soit devenue l, il n'y a là rien de très-cton-
nant. Je serais tenté de rapprocher sorsiz ^ qui serait ta forme primitive de sotstz^
de sorbere. Sortir se disait pour engloutir (voy. Roquefort; de m, asorbir^
p, ex. AUxis^ 6ïc va^^. Sorbcrc a pu avoir pour participe sorpsus^ et peut-être
cette forme expliquerait-elle, avec le mol français, le correspondant provençal»
que M. J, n'a pas cité, somsis pour sorpsis^ sompsis. Somsis est dans Boéa,
f. 18a : E pois met Varma m effern el somsis» Diez {Altrom, Sprachd. 65)
remarque sur ce mot : t Raynouard le traduit par profond (Abgrund*)^ el cfFec*
tivement ce sens doit lui appartenir, puisqu'il existe À cÔté un verbe somsir^
abîmer, parf. j* pers. sumpsi Lex. rom, 1 52 ^b, part, somsig Ferabr. v. 2o»6^...
Somstr s'est-il formé de subcidtre (couper par dcssouSj défoncer?) comme
somrire de sabndcrcf Ce qui y contredit, c'est que la flexion est autre que celle
d^aume [occidtn) et circoncire. ■ Plus tard, Diez {Et. Wb. II c sumsir) t
donné une autre étymologie, tirant ce mot de summersas, d'où simrsire
t . Diez traduit ici le prov. et non U version de Riynouard, tn supprimant avec sa oonci»
sion habituelle le redressement exprés de U petite erreur de celui-ci, qui prend somsis pQur
un idiectif. M, Bartscbf dans te glossaire de sa Chreitomathie provtnçaU^ a reproduit par
diitraciion ce qu*Ll Usait dans Diez : « Somsis, profond, Abgru/td ; » mais ces deux mots ne
sont pas synonymes, et le second seul est bon.
1 Ce n'est pas tout à fait sûr. Le ms. pone : Tuh foran ja peritz e comfig e negatz ;
BekJcer a corrigé somsig en s'appuyant sur Boicty où il Ut somsig au lieu de somsis. J'avoue
que je ne m'explique pas cette forme somsig au participe. Le vers français correspondant
(aooo) est : Tout fuissent /a aoiit ptri et affondré, P. ê. le pr. avait-il p. descomfig tnJ
bacchi, Bibliografit 149
*lni(r)ftr. Cette étymotogie pourrait aussi bien que celle que j^ai proposée
convenir lu français ; elle présente une contraction qoî me paraît douteuse.
Remarquons que te prov. a une forme sossk^ citée par Die£^ qui se rencontre
loot i fait avec le fr. soasnz. — Le verbe fr. iousir^ cité par M. J,, doit
i\m le même sens que fe pr. mmstr^ c'est-à-dire « s*abîmer, s'engloutir, » Le
seul passage où il se trouve iChron. d. d. de N,^ v. 25145) aytorise cette inter-
prétation aussi bien que celle d* « éclater, se fendre, » adoptée par M. JoJy.
Ênrésumé, M. J. a établi la signification primitive du nom de lieu Soycjf, devenu
Foisedu Soucy depuis qu on n'en comprend plus le sens ; il à ejtpliqué les vieux
roots solsiz et sohir. Quant â leur étymologie, celle qu'il propose ne paraît pas
probable, tant à cause du sens qu'à cause du mot provençal, qu'on ne peut
gttère séparer du mol français. Celle de Diez et la mienne peuvent convenir aux
inu mots ; ni l'une ni Tautre n'est évidente.
G. P.
Série delle edizionl délie opère dl Giovanni Bocoaccl, latine, vu!-
gifï, Iradotte e transformate* — Bologna, Romagnoli, in-8*, 162 pages. —
(Le titre imprimé sur la couverture est ainsi conçu : Bihliografia Boccacesca,)
BUiUoçraila del vocabolarl né* dialetti Halianl raccoltt e posseduti
da Caetano Romagnoli, compiîala da Alberto B\(:ghï bellk Lega. Bologna,
Romagnoli, in -8% 96 p.
La Bihliogrâfiû Boccacescû est, tout de même que Touvrage publié par M, Pa-
pantî dont nous rendions compte dans notre précédente livraison, un hommage
ffodu à Boccace, â l'occasion du centenaire célébré le 21 décembre 187 j. Je ne
lab si la nécessité de faire paraître ce livre à jour fixe a forcé l'auteur, M. A.
Bacchi délia Lega*, à rédiger avec précipitation un travail qui se prétait moins
qu'aucun autre à l'improvisation, mais on ne saurait accorder que cette biblio-
graphie soit exécutée avec le soin et la méthode indispensables en pareille ma-
tière. L*autcur s'excuse dans sa préface sur ce que son travail est la première
bibliographie de Boccace qui ait été pubEtée ; assertion qui n'est pas rigoureu-
«etoent exacte. Car les répertoires de bibliographie générale (Brunet, Grosse, etc.)
fbûmîssaient un premier fond très-considérable ; et M. Bacchi sait bien que dans
le plus grand nombre des cas il n'a fait autre chose que reproduire les descrip-
tions de SCS devanciers, principalement de Graesse, qui lui-même avait copié
Brunet. Cette façon de procéder a divers inconvénients. Outre qu'on s'expose à
reproduire d'anciennes erreurs, il est impossible de ramener à un système uni-
forme des descriptions prises de seconde main. Puis, bien souvent^ ces descrip-
tions coroporlent des signes qui manquaient à l'imprimerie de M. Romagnoli, et
Tauieur a eu le tort de ne pas reconnaître qu'il vaut mieux à coup sûr dévelop-
per les abréviations que d'écrire par ex. MUI.IK4, pour matitrum.
Nous avons en France d'excellents modèles de bibliographies spéciales. Je
citerai notamment la Bihiiograpktc tornèimnc de M. E. Picot. Si on compare
pour la méthode générale cet ouvrage à la Béllografia Boccausca^ on découvre
dans celte dernière une quantité d'imperfections, tant dans la description ùts
éditions que dans leur classement. Amsi le système qui consiste à remplacer le
« Soo nom paraK au bjs de Ta vert tsse ment
n
I ÇO COMPTES-RENDUS
titre de Tédîtion par lo sUsso ou ta stessa est absolument inadmissible dans unef
bibliographie spéciale. C'est se faire la tâche Irop facile. Puis il faudrait que les
traductions fussent groupées par langue, chaque groupe ayant son titre spécial.
II faudrait surtout que Fauteur eût quelque connaissance des langues étrangères^
évitât les fautes d'orthographe dans les titres, et n'intercalât pas, comme cela a
lieu p. 7j> une traduction danoise entre deux traductions anglaises, 11 faudrait
enfin que chaque article fût pourvu d'un numéro, et que l'ouvrage fût suivi d'une
table avec renvoi à ces numéros. Ces remarques nous dispensent d'entrer plus
avant dans la critique d*on travail qui est à refaire sur de nouvelles bases.
Le second ouvrage de M. Bacchi était d'une exécution plus facile. C^est un
catalogue d'une colieclion mise en vente, et, par conséquent, la partie la plus
épineuse do travail, â savoir la recherche des ouvrages, se trouvait toute faite, U
n'y avait qu'à mettre ensemble les vocabulaires de chaque dialecte, et â les
classer dans chaque groupe selon Tordre alphabétique àt& noms d'auteurs. Ces
vocabulaires étant presque tous très-modernes, la description n'en présentait ^^
aucune difficulté. M. Bacchi me paraît avoir convenablement accompli sa tâche, ^M
et son petit répertoire est bon â garder. Mais i$ ne faut pas perdre de vue que la
collection qu'il a décrite est fort incomplète, et que par exemple on n'y voit
pas figurer les anciens glossaires que M. Mussafia a mis à profit dans soti Bei-
trag zur Kandc der Noràiialîamchcn MandarUn (187^),
En même temps que ces deux opuscules, nous avons reçu de M* Romignoli
un autre répertoire bibliographique, la Bibliografia stûtutaria c slorica italiûna ,
compilala da L* M^jsîîonî, Bologna, 1876, vol, I, xxiv-jô^ p. ^ Ce travail,
qui n'est pas de la compétence de la Romania^ nous a paru tr^bten fait.
P. M.
DéTinettes ou Enigmes
réimpression d'un recueil de
populaires de la France, suivies di
77 indovinelli, publié à Trévise en 1628, par
Eugène Rolland, avec une préface par Gaston Paris. Paris, Vieweg, 1877,
in- 12, XVI- 178 p.
Le titre de ce joli petit volume dit assez ce qu*il contient et le recommande
suffisamment aux amateurs de littérature populaire. Les commentaires de M. Rol-
land aux textes qu'il a recueillis, soit dans des livres, soit dans la bouche du
peuple, attestent de son érudition dans ces matières. On pourrait lui reprocher
d'avoir admis quelques énigmes qui ne sont pas vraiment populaires, mais il faut
reconnaître que la ligne de démarcation est bien difficile à tracer. Dans la pré-
face, M. G, Paris s'est attaché â montrer l'intérêt de ces études, le nombre et
la délicatesse des questions qu'elles soulèvent. Aux rapprochements qu'il fait à
propos de l'énigme 71 (sur les poissons), il faudrait ajouter que le commence-
ment de l'énigme russe se trouve dans Symposius (o" 1 1) :
Est domus m terris, clara quae voce résultat;
Ipsa domus resonat, taciius sed non sonai hospes;
Ambo tamen currunt, hospes simul et domus una.
Elle reparaît dans la Dispuîaùo Pippmi cum Albino (voy. Zauchrift fur deutsckes
Aliathum, N. F. II, $45). Le même texte contient une variante de rénigme
d'Homère fRolland, o* 80), qui n'est mentionnée non plus ni dans le livre, ni
dans la préface.
4
PÉRIODIQUES-
t L4NQUSS HOMANBS^ 2' série> t. JI, Fi' 19 (i S octobrc). P, [69-
88, Moniel et Lam bert^ C/^/tU populaires du Languedoc {suîXe), — BibVïogri'
^hn ; Mam de Comptègne diaprés /'Évangile aux femmes^ par M. Constans
(A. B»); Us folies du sieur Usage, édition Auberl des Mesnils (A. Roque-Fer-
fier), article Irès-défavorable. — Périodiques. Sous cette rubrique, M, Bou-
dicfie rend compte des deux premières publications de la Société des anciens
teites français.
— N« il (jj Dovcmbrc). P, 22 j, Milà y Fontanalsj Nous sur trois manus-
aîù. Le premier, et de beaucoup le plus Important de ces mss., est un chan-
xnkr provençal appartenant à un professeur de l'Université de Saragosse.
Ce chansonnier^ dont les premiers feuillets manquent, a été exécuté en Cata-
logne^ probablement au XV« siècle, ou tout à fait à la fiti du XIV* ; du moins
c^cstce qye divers indices me font sypposer^ M. Milà ayant négligé de nous ren-
seigner sur la date et sur l'apparence extérieure de ce recueil. En revanche il
cft a dresse une table qui est utile et intéressante, encore bien qu'il eÙt été pos-
sible d'adopter une disposition typographique plus commode. Il y a dans cette
table un assez grand nombre de petites erreurs qui paraissent en général être
du ^utes d'impression. Le ms, se divise en trois parties dont la première con-
une longue suite de pièces de Serveri de Girone : la plupart ne se trou-
mA nulle part ailleurs, La seconde partie est occupée par des pièces de Tépo-
^ que classique , dont on connaît des copies nombreuses , et probablement
meilleures. On y trouve aussi quelques-unes des anciennes biographies de trou-
badours. Enfin, la troisième partie comprend quelques poètes de l'École de
Toulouse (milieu du XIV s. environ) qui, pour la plupart, n'ont jusqu'à présent
été signalés nulle autre part< — Le deuxième ms, étudié par M, Mi!â est un roman
atalan en prose^, jusqu'ici inconnu » qui a pour sujet les prouesses de Curial
(ne pas confondre avec l'ouvrage d'Alain Chartter qui porte le même nom) et ses
amours avec dame Guelfa. M. Mjlà publie le début et ta Un de ce roman^ com-
iDOiiicatJon utile^ mais où la ponctuation laisse bien à désirer. Le ms. est con-
serré à la bibliothèque nationale de Madrid ^ comme aussi celui du troisième
ouvrage signalé par M. Milà, qui est une ancienne traduction béarnaise de la
[kiciptina dericalis. Selon M* Milà, ce dernier m%, appartiendrait à la deuxième
I, Nous devotti nous excuser de l'irrégularité qu'on aura remarquée dans le compte-
roMlii dei Pirxodiqua^ et que ce dernier numéro ne fait pas encore cesser; nous repren-
ârrai dans le prochain tout notre arriéré.
IÇ2 PÉRIODIQUES
moitié du XIV» siècle. Je le crois plutôt du XV' ; c'est Tépoquc que je lui avais
assignée lorsque j'eus occasion de le voir à Madrid, et les extraits transcrits par
M. Milà révèlent un fait intéressant qui est en accord avec cette attribution :
c'est que la traduction béarnaise est faite non pas sur le latin, mais sur la ver-
sion française du commencement du XV* siècle qu'a publiée l'abbé Labouderie.
La comparaison des trois textes le montre surabondamment :
Texte latin f p.' 28. — Fuit quidam sapiens vcrsificator cgregius, sed cgcnus et men-
dicus, semper de paupertate sua amicis conquerens, de qua etiam versus composait,
talem sensum exprimentes : « Tu qui partiris, monstra car pars mea mihi desit; culpan-
dus non es, sed die mihi quem culpabo, nam si constellatio mea est mihi dura, a te quo-
que id factum esse indubitabile est ; sed inter me et ipsam tu orator et judex es. »
Trad. franc. Trad. biam.
Il fut jadis un moult sage versifieur, mais Et fut un sabi bersificayre, mas paubre era
povreestoitetbesoingneux^et se complaiguoit e nesseiros, et se complanha tout jour a sons
adès a ses amis de sa povreté, et en fist vers amiz de paubreut, e ne fit sertans vers qui
qui avoient tele sentence : « Tu qui pars, dy aben tau sentence : t Tu qui partes, digues
moy pourquoy ma part y fault. Tu ne fais perquez ma part y faut*. A tu no fey punt a
mie a blasmer de ce, mais dy moy qui je en blaymar d'asso, mai digues me a qui io ne
blasmeray, car se ma destinée est a moi dure, blaymerey, car sy ma destinée e ma fortune
non pourquant certaine chose est que tu me es a my dures, creyes que certane cause es
fais ceste durté; mais tu es advocat et juge que tu no me feys punt^ aquesta durtat;
entre moy et ma destinée. » mas tu es avocat et jutge entre myn e ma
fortune. »
— P. 241, Alart, Documents sur la langue catalane des anciens comtés de Rous-
sillon et de Cerdagne (suite). — P. 254-7, A. Roque-Ferrier, De la double forme
de ^article et des pronoms en langue d*oc. Supplément au mémoire publié anté-
rieurement sur le même sujet dans la Revue ^ voy. Romania^ V, 406. — Biblio-
graphie : Darmesteter, Traité de la formation des mots composés dans la langue
française ; Meunier, Les composés qui contiennent un verbe à un mode personnel ;
compte-rendu par M. Boucherie, qui émet^ p. 272, à propos des accusatifs en
-ain et -on {Aude-Audain^ Pierre-Pierron) une opinion singulièrement arriérée ^
M. Quicherat a indiqué, il y a dix ans, dans son traité de la formation française
des anciens noms de lieu (p. 62-3, cf. Revue critique, 1869, II, 348) l'origine de ces
formes. — Périodiques : Compte-rendu de la Romania, n* 1 9. Entre les corrections
que M. Chabaneau propose à la charte du pays de Soûle publiée ci-dessus, p. 371-2,
par M. Bémont et moi, j'accepte volontiers celle de la ligne 25:1 Qui anc ab lor
fes nuille maie carte, » et aussi l'explication de pogge, forme féminine de podium
ayant le sens de « terre en friche. » Mais traduire nasse (I. 28) par « nièce »,
c'est tomber dans une de ces erreurs auxquelles se prêtent si facilement nos anciens
textes du Midi. Je n'ai pas expliqué ce mot parce qu'il Ta été, et très-suffi-
samment, par Du Gange, au mot njijd ; c'est une pêcherie. On en a une infinité
d'exemples. Dans le compte-rendu de ce même numéro de la Romania, M . Bou-
cherie trouve a tout à fait extraordinaire » que j'aie dit que le langage des habi-
tants de Courlisols n'est qu'un patois champenois. Il n'y a d'extraordinaire ici
1 . Dans la Revue^ on lit yfant,
2. Le traduaeur béamab, qui ne comprenait pas la phrase française, a cru bien faire en
ajoutant une négation.
PÉRIODIQUES I 5 \
l Téiannement de M. B,» qui serait certainement bien embarrassé s'tt lui fallait
Mioirce qu*i! appelle la colonie ou l'agglomération de Courtisols. S'il avait eu
cûttit4i&since éts. textes en patois de Gourtisols qu'a publiés M. Tarbé dans ses
Mervàei lur thutotn des patois it Champagne (I, i j 5-7), il n'eût pas été d'un
ifitiiitre que le mien, P. M*
II. JlMBÔUCn FUR BOir^NlSCHE U^n ENOLISCHB LlTBRATUR, XV, }, —
R 267, H^clin, Rahcnha sur Us patois romans 4u canton de' Fribourg (nous
parlerons prochainement une critique spéciale de M. Cornu sur ce travail)* —
P. )»i, Wittc^ Formation du plmil du substantif dans l'anglo-saxon de la dernitre
ftwit. — P. 169, Albers, Sur /f Faust de Marlowc, — P. J93, Lùcking, Sur
(iwitiihu de Sainte Eulalu (observations qui ont perdu leur intérêt depuis la
pubiicition du fac-similé héliographique de ce texte \ ainsi il faut lire v. 26 oram
e! non <>finï, et v, 21 A czo (=; ^a), ce qui met fin aux longues discussions sur
aaniK — P. ^97, Compte-rendu, par M. Liebrecht, de l'admirable recueil de
cwites sialiens de Pitre.
XV, 4, P, 407, Hœfeiin, Rechercha (suite et fin). — P. 445, Fragment de la
chanson de Havis, p. p. Schadel (m vers, sur un feuillet de parchemin con-
smféi la bibliothèque de Darmstadt)* — P. 450, Liebrecht, zum Decamerotti
(carirux rapprochement entre une partie de la ^« nouvelle du second jour cl un
«atc bouddhique récemment publié par M. Schiefner). — P. 452-497, Biblio-
graphie. Ce fascicule est le dernier du Jahrbuch. Le r'' avril prochain paraîtra
i k librairie Lippcrt, i Halle, la première livraison de la Zeitschrift fur romanische
Pkihhgie.
m. ËNOLtscHE ÔTUûtEN, herausgegebcu von D'' Eugen Koelbino, Heil-
hmn, — T, I, liv, I, 1877. — Le Jahrbuch f, roman, a. englisthe Uttraîur^
dont nous avons annoncé, dans la chronique du dernier numéro, la cessation,
Umx une part raisonnable â la philologie anglaise^ qui en outre était accueillie
diRiles revues spécialement consacrées aux langues et littératures germaniques
C9 géfléral. Voici qu'un savant, connu déjà par d'intéressants travaux de littéra-
ire comparée , M. Kœibing^ vient de fonder pour les études anglaises un re-
cueil qui, sans s'astreindre à une périodicité régulière, paraîtra par cahiers de
dit i quinze feuilles- Les articles pourront être écrits en allemand ^ en anglais
ou en français. Pour que celte clause fût mise en pratique dès le premier numéro,
l'on des compatriotes et des collaborateurs de M. Kœlbing a écrit en anglais
quelques pages {p. 181-6) qui ne sont malheureusement pas exemptes de fautes
d'impression et même de grammaire. A part ce court article (qui a pour objet le
*«*« d'une pièce de Ben Jonson), à part quelques notes de M. F. Liebrecht
"""des superstitions populaires, le cahier tout entier a été rédigé par M, Kœl-
**'ng. Ne pouvant mentionner ici que ce qui se rattache aux études romanes,
•OUs laissons de côté la collation du ms, de VOrmulum, qui forme le premier
Jftick P. vG ^ Die jùngtre tngîïscht Fassung d. Theophtlussagc ^ suppïé-
■ttt 1 un précédent travail de M. ÎCœlbing sur les rédactions anglaises
^^ légende de Théophile*, Les deux versions ici publiées en regard Tune de
». L K^bing. Btîtr^gt zur Verglàchenden GtschkhU d. mmantischen Poaie u, Pmsa
^UîtttlaHen. . Brcslau, 1*76; p. 1-41.
^^^^B t{4 PERIODIQUES ^H
^^H l'autre sont précédées d'une introduction où M. K. fait voir que le ThiùpkiU ^|
^^^1 en vers français du ms. Musée br.
, Bib!
. roy. 20 B XIV est traduit d'un texte 1
^^H latin qui se trouve dans un ms. cottofîieu. — P. 57, Zwd muuhngliicht Burkà- 1
^^H tmgm d. Sage von S. Patrik's Purgatorium. M. Kœlbiog connaît de cette légende |
^^^1 quatre versions françaises en vers
et trois anglaises, qu*il compare longuement ■
^^H \^ unes aux autres, sans arriver
à déterminer leurs rapports ; et finalement il 1
^^^H publie l'un des textes anglais. L'exposé
de M. K, est ici, comme en d'autres 1
^^^^^^ cas, pénible et compliqué. L'auteur ne
possède pas assez l'art de bien diviser ^J
^^^^^B un sujets et de donner du relief aux points importants. M, K. ne parait pas ^^|
^^^^^ avoir connu la vie de saint Patrice du
ms. Ee, 6. i r de TUniversité de Caro« ^^Ê
^^M bridge. En voici le début et la ^n :
1
^^■^ En honurance Jhesu Crist <p.
tj)
Si eu m jo Tay escrist tnivé 1
^^^L Ke tiït le mund furma e fist^
Vus voil dire la vérité, ^J
^^^1 Un' aventure voil cunter
Ne i a de ren n'y menti ray^ ^^M
^^^^^ Dunt plusurs se porrunt amender,
Sulunc t'escrist ke truvé ay. ^H
^^^^^L Ki cest escrit vouldront oïr
■
^^^^^1 £ en lur quers bien retenir.
En Yrlaunde esteit jadys ^H
^^^^^H Le oïr ne vaut une chastanie
Un ho m ky ert de grant pris : ^H
^^^^^H îCi del retenir ne se penie.
Sen Patriz esteit sun dreil nun. ^H
^^^^^1 Eynz vaut mieuz de tut lessyr
Mult ert de grant religiun, ^^M
^^^^^1 Ke otr e tost ublier.
En Deu servir s'entente mist ^^M
^^^^^H SeignurSf pur ceo le vus ay dîst
Ki pur lui meinl miracle iist ; ^^M
^^^^^1 Ke vus ky orez cest escrist,
Taunt cum il ert en ceste vie ^^Ê
^^^^H Si bien i ad sil retenez,
Anviz pur luy dunat aye. ^^M
^^^^^B E si n'i ad si l'amendez ;
En icej tens cens de la terre ^H
^^^r Ceo voil a tuz iceus requere
Vers Damnedeu leneyent guerre, ^H
^^^^^_ Ki meuz de moi le saverunt faire.
Kar bien faire ne voleint, ^H
^^^^^H De ceo oe voil jo plus par 1er j
Si repleni de mal esteint; ^H
^^^^^1 A mun purpos voit repeîrer;
Seyn Patriz en out grant dolur. (b) ^
^^^^^^^^1 Qcu vus doint bon achèvement 1
^^^^^ Ore oyez le commencement ;
^^^H
Fin
u (p^ Î7)
^^^^H Or vus tiastez, bel duz amis,
Le chevaler tant se pena.
^^^^^H Kar quant le servise est (/, ert] chanté
E si hastivement munta, ^^M
^^^^H Le priur et tut le clergé
Ke meimes Ture sus vencit ^^Ê
^^^^^H A grant procession vendrunt,
Ke la porte u verte esteit ; ^^M
^^^^H E la porte
Et quant le priur l'a veû, ^^M
^^^^H E s[e) i) vus ne trovent pas,
A mult grant joie Tad receu, ^^M
^^^^H II qutderunt ignés [le] pas
Od sei el mus ter le mena ^H
^^^^^H Ke [vus] seez a mort liveré^
U autre quinze jurs juna, ^^M
^^^^^H Si eu m les autres unt esté^
E demura en oreisuns, ^H
^^^^H E meîntenant arere irrunt,
En junes, en afflictions. ^H
^^^^^^ La porte après eus fermerunt.
£ tuz iceus ke cest oyrent ^H
^^^^^ Quant le chevaler ceo entent
A Dampnedeu grâces rendirent. ^^Ê
^^^^^B II se haste mult durement.
Quant tut le terme fu passé, ^^Ê
^^^^H La beneîcun li unt dune,
Kar la quinzenie aveit [une» ^^M
^^^^H E il s'en est avant aie.
Le chevaler ad la croiz prise, ^^Ê
-^ L M
PÉRIODIQUES I 5 $
f A Deo servir ad s'entente mise : £ Dampnedeu l'a recuilli
Por son servise mcuz parfere La sus en par[a]îs cclestre,
Lf seiflt Sepucre alat requere, U îl ad fel as sous bel estre.
E quant il h d'iloc venu Ore nus doint Deu par sa merci
Abit àt rooyne ad receû* Ke nus le façum allresi. Amm.
Tuf lun purpens ad tut esté
De servir Deu en honesleté (sic) ExpUài Ubir dt CcnidlQ Paradiu ter-
Dekes sa aime dcl cors départi ; nstris.
Ce poème a 1790 ven. Pour la bibliographie du sujet, M K, aurait pcut-
Itrc trouvé quelque utile renseignement dans « U voyage du Pays dt Saini-^
• Pâtm^ réimpression textuelle, augmentée d'une notice blibliographique, par
• pHitouHESTs Junior. Genève, Gay, 1867 •; cf. le compte-rendu de
U. Caidoz, R€VU£ critique, 1869, art. 7^. A la p, 60, M, K, cite le début de
li version contenue dans le ms, Harleien 27 j ; les trois derniers vers cités sont
âiosî conçus : Jesu refais, m Pos dcsdirc \ De latin la dti uaen \ E par tms
m rûmâni fm. Ma copie porte: Je su.., estrere \ K par,,} — P* 111-^9,
Zar IkkrlkfeTung und Quelle des mitleiingilschen Gedichte : Lykaas Disconus.
Dans cet artjcie^ M. K. donne, par comparaison à Tédition de Ritsoiii
les variantes d'un ms. de Naples déjà signalé autrefois dans les Rdtquiae
mttifàMàt MM. Th. Wright et J.-O. Halliwell (il, 60, y entremêlant, sans
(«■iicoup d*ordre, des remarques sur le rapport du poème anglais avec le Bii
tncofinu^ publié (et bien mal publié!) en 1860 par M. Hippeau, et avec [tW'tga-
lois de Wirnt de Gravenbcrg. P. M.
fV. Bulletin de l\ Socièxé des ancien» textes français, 1876, —
?• }7, Assemblée générale du 8 juin 1876; discours du président; rapports du
secrétaire et du trésorier.— P. 64.1 j 2. Fr. Bonnardol, Notice du manasaîî 189
^f U hihttoîhèquf d'Epmal^ contenant des mélanges latins et français en prose et en
Kfs. L'extrême variété des pièces contenues dans ce curieux volume explique
retendue de la notice, qui donne de nombreux extraits, intéressants par la singu*
bnté de la langue.
V. ZErrsc?niFT fùq vergleichetcdb 6pRACiiF0B8CHtJNQ ; N. ?,f in, 4.
— P. 414-42J, Ad. ToHLER, Etymologies françaises. On connaît Térudition, la
nètbode et la pénétration ingénteuse du savant professeur de Berlin ; aussi ses
travaux sont-Ils toujours instructifs et intéressants, même quand on n'admet pas
ses conclusions, t. Vrille. A propos de Tétymologie viticufaj démontrée icr (ïll»
i6o) par M. Bugge, M. T. remarque qu*il ne connaît du mot qu'un exemple en
aRcka français^ qui malheureusement donne déjà vifU et non veille ; je lui signale
U forme désirée dans un passage fort curieux du Martyre de saint BaccîU^ com-
posé par Gieffroy de Paxis en ijt) (Jubinal, Contes , etc., U ^$l au v. 9,
Iheifmlia (p. mervulles) et veilUs^ au v. 17 veillettes p. viellett£s, et au v. 29
I . Soit dit en passant, U même version se trouve dans le ms. fr. 1198 de la BibL nat.,
k OQ II! J'en suy requis n€ ros{e) dédire \ ùe latin ie doy tstraire | 8t pour les lays en
l^ggÊânt fiirt (fol. )o).
4
Ïj6 PÉRIODIQUES
yàlUs pour vUlUs) ; ce passage a en outre l'avantage d'éd ai rcir complètement le
sens de celui qu'a cité M. Tobler. il rattache à ce mot des remarques sur tV
intercalée dont j'ai conleilé les résultats plus haut (p. 129), — 2. Rouette,
Dans cette note excellente, M. T., après avoir montré que rouc«£ est un doublet
de nom {rdorta) et non un dérivé de roue^ donne un certain nombre d'exemples
de cette interversion de co en oe, c'est-à-dire qu'il explique par une tendance
générale des formes jusqu'ici énîgmatiques. Une note contient sur les emprunts
faits par l'auteur des MtracUs de N.*D, de Chartres à Gautier de Coinci, une
observation exacte. — 3, Javelot. M, T. rattache ce mol à glatHt par l'inter-
médiaire d'une forme glavelol. La chute d'une / â cette place est peu probable;
mais^ si elle avait eu lieu^ le^ n'aurait pu se changer en /\ car ce changement
est antérieur à Tépoque où on peut placer la chute de 17 dans glaveht (notons
qntgîûive au sens de lance n'est pas, à ma connaissance du moins, antérieur au
xni« siècle). M. T, compare ckmlU de dmcula ; je pense qu'il reconnaîtra que
ce mot vient, comme je l'ai dit ici {V, 382), de capituia. — 4. Piètre. Cette note
démontre que pihre est bien pedestris^ en apportant des exemples en v, fr. de
peestre au sens du latin. Il faut y joindre peatre dans un passage corrompu et
que je n*aî pas compris en le citant dans AUxiSy p. 214» — j, AfoUr, Ce
verbe, dans le sens de • endommager, blesser, » ne doit pas être séparé du
même verbe au sens de « rendre fou , n et a la même origine : c'est ce qu'éta-
blit fort bien M. Tobler, — 6. Esiuci. Cet article, le plus ingénieux de tous,
n'est pas le plus convaincant. M. T. pense que estueî est une altération de est
ves :=: est opus^ OÙ OR 3 d'abord^ prenant cette locution pour une i^ personne,
changé s en f, puis d*où on a tiré tout un verbe. Il n'y aurait lieu de discuter
celte étymologie, appuyée de toutes sortes de raisonnements, qu>n en propos
sant une autre, et c'est ce que je suis hors d*élat de faire. — En terminant,
M. T. explique oil, non plus par hoc iUud, mais par hoc i!k. Cette réponse
aurait été originairement restreinte aux cas oh il s'agissait de la ^* personoe,
sujet du verbe sous-entendu ; les autres personnes entraient dans des locutions
semblables. Exemples : Vendras tu? — 0 je fd'où plus tard éU^ ce qui paraît
un peu dur ; d'ailleurs ne faudrait-il pas o gU?\. Ai je tort? — 0 tu. Viendra il f
— 0 U ; et de m. o /lOi, o vos, 0 il servait également pour le pluriel. Nenil
s'expliquerait de même par nen it. Se non l vero, è bin irovato.
Q P.
VL Revue des socïètk.h savantes, 6* série^ l. H, septembre à décembre
j 87 s . — P. 42 1 -4, Plainte adressée au duc de Lancastre contre un juge de la cour
de Gascogne, vers 1587, document gascon communiqué par M. Marchegay, et
curieux à différents égards. Malheureusement on y peut reconnaître un assez
grand nombre de fautes de lecture dont plusieurs à la vérité se laissent aisément
corriger (proaussâs^ ï.proanssds: — rouhos^ \. ronhos^ etc.)
T, IH, mai'itiin 1876. — P, 429-49, P, Meyer. Rapport sur des communi-
cations de MM. Blanc, Charvet, Eyglier, de Flcury, Gomart, Luzcl, Mireur et
Tartière. Entre ces communications, les seules qui se rattachent aux études ro-
manes sont celles de M. Blanc, qui consistent en deux textes provençaux (de Vence)
d'un intérêt assez ordinaire, et celle de M, Mireur qui est importante. C'est le
PÉRIODIQUES Î57
reievé de toutes les notions que les archives coinmynales de Draguignan fournis*
; SDf des représentations de mystères en cette vîlle. La plus ancienne de ces
lions est de 1437, la seconde en date est de i ^p\ la plus récente de
1670. A Taide de ce document et de plusieurs autres^ M, Meyer a dressé une
; de tous les mystères provençaux que Ton possède ^ ou dont l'existence est
atée par des mentions relatives à leur représentation. Leur nombre total
||'*élèvei 21 ou 22 ; mais il est certain que plusieurs de ces mystères ont été joués
I français.
Vn. Revcb CRmocB, juillet-décembre. — Art. 152. Ayer, Grammaire corn-
parét di la langtu frdttçaiu (art, important de M. Darmesteter). — 156. An-
ÛTtsen, âkr dèuUchc Volksetymohgie (H. Gaidoz; plusieurs remarques concer-
nent la langue française). — 171. Bougeault, Htitoin des lilUralum étrangères.
— 18;. Palmer, Carnet d^an chasseur d'itymoîogits {à propos de l'anglais, Tau-
teiar traite souvent de mots romans). — 186. Rime di Petrarca..^ p. da Carducci
{ouvrage hors ligne, qui fait vivement désirer la suite). — Méray, La Vie au
Um^$ ils Trounres, — 240. Wissmann, Etudes sur k poème de King Horn. —
141. Imberios et Margarona^ p. p. Meyer (E. Legrand).
VIlï. LiTEBAfliscHEs Centrale LATT, juillet-décembre. — 37. Y seint greal,,,
i«d. by Williams, III (texte gallois; le v. IV contiendra le Charkmagnt gallois).
38. Imberios a Margarona.,, hgg. von Meyer, — 40. Li diahgt Grégoire U
i^... hgg. von Fœrster (important article de M, Tobler),
IX- Jknaer literaturzeitunGt juillet-décembre, — j 5 , La mort du roi Gor-
tond,,, p.p* Scheler (art. de M. Fœrster à joindre à celui de la Romania V^
■ 177 ; la remarque la plus intéressante concerne le mot tambre, et non cambre,
dont la forme et le sens sont établis). — 48. Neumann, die germanischtn Ele-
mente in der prov. und, franz. Sprachc^ I; SchuUze, die germ. Eîemente der franz.
Sproihi (le second de ces écrits, d'après M. Siengel, est une pure aberration ; le
I premier est foin d*étre satisfaisant, Nous partageons cette opinion el nous enga-
geons Pauteur à ne pas donner suite à son entreprise avant de s^'être mieux mis
en état de la conduire à bonne fin.) — 49. C. Michaelîs de Vasconcellos, StU'
ditn îar romanischen Wortschûtpfung {E, Stengel ; nous donnerons un article étendu
fur cet ouvrage important) ; Meyer, das Leben des Trobadors Gaucelm Faidit
(E» Stengel ; article sévère). — 50. Carmina cUmorum (article de M. Wein-
luulïsur cette petite publication anonyme et fort mauvaise).
I/U y en a six, dont dnq sont entlen, le sixième est le fragment sur lequel voy. Romania^
.*%% If 2. On connali aussi un fragment de mystère [r.ayorquin.
CHRONIQUE.
Nous communiquons à nos lecteurs le document suivant, daté de Berlin,
i" février 1877 :
• La mort de Frédéric Diez, arrivée le 29 mai 1876, a fait naître, dans le
cercle de ses élèves et de ses admirateurs, la pensée de rattacher à son nom
glorieux une fondation destinée à faire progresser la science, créée par lui, de
la philologie romane, à encourager de nouveaux adeptes à marcher dans la voie
ouverte par le maître, de façon à entretenir dans les générations futures l'esprit
qui a dirigé ses travaux, et en même temps à rafraîchir perpétuellement le sou-
venir de son mérite inoubliable.
c Les soussignés, qui ont pris l'initiative de cette
FONDATION DIEZ,
adressent leur invitation non-seulement à tous ceux qui, directement ou
indirectement, ont été disciples du maître, quelle que soit leur patrie, car ils ne
sont pas les seuls à jouir du fruit de son activité^ s'ils en ont profité plus que
les autres. Ils adressent avec confiance leur demande de participation à tous
ceux qui ont à cœur en général le progrès et l'honneur de la science, tant aux
Romans, dont Diez le premier a fait comprendre les langues dans leurs vrais
rapports entre elles et dans leur développement individuel^ qu'à ses compatriotes,
au milieu desquels il a, pendant de longues années, travaillé avec tant de fruit, au
nom desquels il ajoute une gloire scientifique que bien peu peuvent égaler, et dont
les écoles lui doivent, pour une branche importante de l'enseignement, la possi-
bilité d'un progrès que les générations prochaines pourront seules apprécier dans
toute sa portée.
c Les contributions qui nous seront adressées seront employées à encourager le
travail scientifique dans le domaine des études romanes, mais nous ne pouvons
dire encore quel sera le mode précis auquel on s'arrêtera. On songerait parti-
culièrement à appliquer les intérêts du capital qu'on espère réunir à récompenser,
à des périodes qui seraient à déterminer, des travaux éminents relatifs à ces
études, sans avoir égard à la nationalité des auteurs, et en admettant au juge-
ment, si on trouve la chose possible, des personnes compétentes des divers pays.
En second lieu, on pourrait penser à la création de prix pour les meilleures
réponses à des questions posées ; peut-être aussi à la création d'une bourse à
cette Université où Diez a enseigné pendant cinquante ans. Il y a lieu d'espérer
qu'après la clôture préalable de la souscription, qui aura lieu le 30 décembre
1877, on pourra arrêter des statuts de concert avec une des plus grandes insti-
CHRONIQUE 1Î9
tutions sdentiiiqiies de rAIIemagne^ qui se chargerait d'administrer la fonda-
tion. Jusque-là, les membres soussignés du comité se dècîarent prêts à recevoir
les fonds, dont la réception sera annoncée publiquement plus tard. Les sommes
envoyées seront, pour le moment, déposées dans la maison Mendeissohn et C, à
Berlîiij qui s'est déclarée disposée à tenir provisoirement la caisse du comité, et
à ïaquelle les comités qui se formeraient à Tetra nger peuvent envoyer directe-
ment leurs contributions.
* Le comité aurait volontiers invité des personnes qui partagent les sentiments
de ses membres pour le maître décédé, mais qui demeurent à une grande dis-
tance de Berlin, à joindre leurs signatures à celles qui se trouvent au bas de
cette invitation ; il s'en est abstenu, pour ne pas rendre trop difficiles les démar-
ches communes qui! faudra faire par la suite. Mais il sera profondément recon-
naissant aux personnes qui ailleurs^ notamment â l'étranger, aideront Fentreprise
en faisant connaître )e plan de la fondation, en provoquant des souscriptions, et
en les iransmeilanl au comité. Dé|à les professeurs G, J. Ascoli â Milan,
K. BAnTstiH à Heidelberg, N. Delius à Bonn, A. Mussapia à Vienne,
G. Paris i Paris, ont accepté de s'associer de cette manière aux eiforts du
comité de Berlin.
« U iQïïixU pour la fondation Dicz :
Cons* BoNiTZ (Berlin) Prof. GnccnEa (Breslau)
Prof. Mahk (Berlin) Prof. Mommses (Berlin|
Prof, von Sybbl (Berlin) Prof. Touleh (Berlin)
Prof. Ebert (Leipzig) Prof. Hebîiio (Berlin)
Prof, M^TZNER (Berlin) Prof* Mûllenhoff (Berlin)
Prof. SuGHiER (Halle) Prof. Zupitza (Berlin). »
Nous n'avons pas besoin de dire que l'œuvre entreprise par le comité de Berlin
a toute noire sympathie. Nous serions heureux que la France contribuât pour une
large part à encourager des études auxquelles elle doit tant|et à rendre honneur
au maître vénéré qui a été, chez nous aussi, Tinitiateur du mouvement philolo-
gique actuel. Nous engageons donc nos lecteurs à contribuer, autant qu'ils le
pourront, à donner de la publicité à l'appel du comité Diez.Nous accueillerons
aussi avec plaisir les suggestions qu'on pourrait nous adresser relativement au
meilleur emploi à faire des fonds recueillis. Le comité n'ayant pas encore de
vues absolument arrêtées à ce sujet, il nous semblerait bon que les diverses opi-
nions qui peuvent se former se produisissent en public,
— M. Schuchardl, précédemment professeur de philologie romane à Halle,
vient d*étre nomméen la même qualité à l'Université de Graz (Styrie),
— M. Arsène Darmesteter soutiendra prochainement à la Faculté des lettres
de Paris deux thèses pour !e doctorat, Tune en français, sur les rasourcts que
possède la langue française, actuelle pour la action de mots nouveaux^ l'autre en
latin, sur les diverses rèdûcims de Floovâni,
— On parle de fonder à îa Faculté des lettres de Montpellier une chaire de
langue et liltératuie française du moyen-âge.
] , L'Académie de Ber lia.
l6o CHRONIQUE
— M. Meyer a trouvé à la Bibliothèque nationale deux mss. des sermons
français de Maurice de Sully qui avaient échappé à ses premières recherches. Il
est persuadé qu'on en rencontrerait d'autres dans des bibliothèques insuffisam-
ment explorées, et prie les lecteurs de la Romania qui en connaîtraient de vou-
loir bien les lui signaler.
— On vient de trouver à la Bodleienne, dans une vieille reliure, deux teuillets
contenant en tout 1 20 vers du ms. du poème de la croisade que nous avons fait
connaître dans le premier article de notre tome cinquième. Ce ms. est français
(non pas anglo-normand, comme les deux que nous avons fait connaître) et du
milieu environ du XIII" siècle. Nous publierons très-prochainement ces 1 20 vers
et le fac-similé photographique de Tune des pages retrouvées.
— Nous avons le plaisir d'annoncer à nos lecteurs que la Rivista di filologia
romanza^ dont nous leur avions annoncé la cessation, va au contraire continuer
à paraître, et dans de meilleures conditions, avec Tappui de TUniversité de
Rome.
— Il paraît depuis le 5 janvier, à la librairie Viaut (42, rue Saint- André-des-
Arts), une publication périodique, intitulée : Mêlusine, revat de mythologie, lit-
térature populaire^ traditions et usages^ dirigée par MM, H, Gaidoz et E. Rolland
(paraît deux fois par mois, in-4<*, 16 pages; prix : France, 15 fr.; Etran-
ger, 16 fr.). A partir de notre prochain numéro, nous rendrons compte de
chaque fascicule de Mélusine; nous ne pouvons aujourd'hui que recommander
vivement à nos lecteurs une publication aussi intéressante, que nous avons appe-
lée de nos vœux (voy: Romania, 1875, p. 159), et qui est dirigée par deux
savants aussi compétents que zélés.
— En même temps que Mélusine poussait son premier cri de ce côté des Alpes,
paraissait sur l'autre versant, chez Loescher (Torino-Roma-Firenze), le premier
numéro de la Rivista di letteratura popolare, diretta da Fr. Sabatini. Nous comp-
tons aussi rendre compte de la Rivista. Nous avouerons que le Proemio du
directeur nous a paru contenir des idées bien vagues, et qui risqueraient fort, si
on les précisait, d'être décidément fausses. Nous avons été aussi surpris de voir
énumérer, parmi ceux qui ont inauguré les études auxquelles la Rivista est con-
sacrée, c Gil Christ nella Scozia (s'agit-il de l'orientaliste Gilchrist?), » et
f Grimm in Danimarca (!). »» Mais si l'éditeur ne semble pas avoir une prépara-
tion très-solide, il a de bons collaborateurs, comme le montre déjà le premier
numéro de la Rivista, et nous espérons que son entreprise sera soutenue par le
public.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
LE
DIT DE L^EMPEREUR COUSTANT.
Le petit poème qu'on va lire se trouve dans le ms. de la Bibliothèque
royale de Copenhague fr. n^ lv (anc. fonds royal n* 2061). C'est un
manuscrit in-4*, sur vélin, composé de 161 feuillets à deux colonnes de
)6 lignes chacune, et contenant, d'après le catalogue d'Abrahams ', les
ouvrages suivants :
1. P» I i*-i J9 v« : Roman de la Rose.
2. F* 149 v«-i 54 P> : Li dis de Vempereour Constant,
}. P 1 54 ro-i 54 vo : Poésie amoureuse.
Début : A vous, singnour, qui des boins iestes :
Ouwrés les ieus, dreciés les testes.
Fin : Et qui ore voira canter
Par courtoisie une canchon
Bien desiervira le pardon.
Explicit,
4. Fo 1 54 v«-i6i v» : Chi commenche de Vevesque de droit.
Début : Catons li sages en son livre
Moult pourfitant doctrine livre.
Fin : Se me pensai que li contéres
Estoit voir disans u mentéres,
Et si me voloit abourder ;
Si Talai moût fort conjurer
Se il me disoit voir ou non,
Car je n'ai pas intention
Que proprement peuist avenir.
I. Description des mss. français de la Bibliotktquc royale de Copenhague. Co-
penhague, 1844.
Roménùâ^ VI * n
l62 A. WESSELOFSKY
Enfin quant vint au départir
Me connut que songiet Tavoit
Brisebare^ et [dont] songiet soit.
Saciés que plus avant n'en sai :
Par tant le rent que Tacatai.
La notice d'Abrahams tomba sous mes yeux comme je venais d'impri-
mer (Russiche Reviu^ IV, p. 181-202) sur la légende qui fait l'objet du
Dit une étude que l'on trouvera plus loin, augmentée et refondue. Je
reconnus tout de suite, aux extraits donnés dans le catalogue, que c'était
une version poétique du conte de l'Empereur Coustant^ publié par
MM. Moland et d'Héricault. Par la gracieuse entremise de M. le prof.
Smith, M. Thor Sundby eut la bonté d'en prendre pour moi une
copie : j'offre ici tous mes remerciements à l'éminent savant qui
m'a permis d'être à sa place l'éditeur de ce poème ; il est inutile de
dire que sa copie était faite, non- seulement avec exactitude, mais avec
l'intelligence que peut seule donner une connaissance approfondie de
l'ancien français. Je préparai cette copie pour l'impression, et M. G.
Paris a pris la peine delà revoir et d'en corriger les épreuves. Différents
traits qu'il est inutile de signaler par le menu rendent l'attribution de
ce petit poème à un auteur picard extrêmement vraisemblable.
LI DIS DE L'EMPEREOUR COUSTANT.
Enyviertamps,quantlifrois dure, 20 As oevres Fortunne pensis,
Que desgatee a li froidure Comment 11 plus poissant del mont,
lerbes et flours, qui ont esté Qui par leur droit anciestre amont
Par le viertu dou temps d'esté Furent sur se roe monté,
5 Em praieries et en cans ; Ont esté de li desmonté
Et que ces oisiaus de lor cans 2 5 Et gieté en la boe jus
Tapir a li yviers destrains, (Moult par est desghissés ses jus),
Et li pluiseurs perent d'estrains Et aucun de moût petit pris
Cambres, sales en lieus de joins, A elle si en grasce pris
10 Ne nuls n'est a painnes si goins Telle fois et si haut Teslieve
Qu'en esté, si liés ne si gais; jo Que en son sa roe le lieve
• Par ces bos corneilles et gais Et Ti tient tant qu'il est en vie;
Ot on braire et criier de fain ; Aucunne fois ra elle envie
Et qu'en lor sason sont li fain. D'aucun que sour sa roe met,
1 5 Car li paisant en repaissent Que de celle honour le démet
Lor biestes, qui mie ne paissent 3 5 Tout jus ou en estât moien :
L'ierbe en camp ne en cemin née ; N'i convient prieur ne moien.
En cel tamps en ma cemminee Dont me prist talent d'un dit fere
M'iere pour le froidure assis D'un enfant de moult bas afaire
10 Si manque — 29 f. est que s. — jo rocc — ji-p inUnertis — 33 Daucuns —
34 Qui
^^^^^ LE OIT DE l'empereur COUSTAKT ib^ ^^^|
^^F Que Foriunne €slever vout si
Dis norkes li fist avoir, ^^^1
W 40 Que elle le fist sans nul si
Flainnes de bien et de savoir, ^^Ê
^^H ^^^ ^ son S3 roe monter.
8^
Famés as contes, as marcis ^^Ê
^^H Tous rois de sen tamps sourmonter.
Les plus poissans de sen pays : ^H
^^B Et pour çou mes engiens s*aoevre
Moult lor proia del bien garder. ^^M
^^f De la matere mettre a oevre,
A un castiel le fisi porter ^H
W 4^ El ma volenlés moult agricsse.
Qui estoit el cief de sa tierre ^H
90
Si fort que il ne cremoit guerre. ^^M
^^K 1) cl jadis un roi eu Griesse
Li rois qui moult fist a loer ^^M
^^H Qui Floriicos fu appiellés.
Vieunt a Bisscnce séjourner ^H
^^H Mouli fu poissans et redoutés^
Qui loinc de cel castiel estoit. ^H
^^^ Riccs cl très larges donneres.
Une nuit en son lit gisoiC, ^H
K 50 De Bisencefu empereres.
%
Moutt anguisseos et moult pensîs ^H
^^^ Une femme ot de grant valour,
Pour sa femme Tempereys; ^H
^^H Qui fu fille Impereour
Ten rement se prist a plorer ^H
^^M Augustus, qui tint Rommenie
Et doucement a regreter : ^H
^^F Et le roiaume dltaiie
c Ahi ] dame sage et courtoise, ^H
■ j 5 Qui Lombardie est appiellee.
100
Queme de vostre mort me poise ! ^^M
^^H De Augustus tieunt la contrée :
Vo valours et vo courtoisie, ^H
^^m De se fille tout l'iretige
Vo biauté, li haute lîngnîe ^H
^^M Avoec se fille a mariage
De quoi vous estrés descendue, ^H
^^P Donna Flonen au corps gent.
M ont toute ma joie tolue ^H
m 60 Moult s'entra m erent loi au ment,
roj
Et en grant douleur embatut. ^H
^^^ Moul démenèrent bonne vie
A f dame, que sont devenut ^H
^^H Et par moult loial compaingnie
Li grant délit et li solas ^H
^^^ Furent un poi de tamps ensanle.
Que j'avoie de vous, eias ! ^^^H
M Mes ensi avinl, ce me sanle,
Tout me font muer en tourment : ^^^^|
H 65 Que d*enfaïîl morut la royne
MO
Adiès me sonl el coer présent» » ^^|
■ ^ Qui moût estoit de bonté finnc;
Ensi fu grant part de la nuit. ^H
^^K Li rois si grant doel en mena
Un poi devant le mienuit ^H
^^V Conques puis famé n'espousa :
Li rois de son lit se leva, ^H
V Donc Ta m oit il b ien d ^a m ou r te n d re
Son cambrelent en apiella , ^H
1 70 Que ains puis ne vû\ilt famé prendre;
"S
Par devant lui le fist venir, ^H
1 Sanlans fu a la tourtertelle :
Si se fist caucier et vieslir. ^H
^^H Tout son vivant pïora s'ancielle.
Hors de sa cambre s'en issi ^H
^^H Li enfes qui li demoura,
Et jus del palais descendi : ^H
^^^ De quoi la dame trespassa,
Par les rues prist a aler ^H
K 7\ Ce estoit une damoisietle
120
Pour lui un petit oublier. ^H
^^^ Sour toutes créatures bielle r
Une famé oy qui cnoit ^H
^^H Sebelinne fu appiellee
Moult haut, car d'enfant travail- ^H
^^H Et Sebiîe en droit nom nommée.
■
^^B Sa mère si bien resanfoit
Li rois regarda amont Tiestre, ^H
^^M 80 Que sa propre façon sanloil :
Son mari vit a la fenieslre, ^H
^^H Li rois pour çou trop miex Tama,
125
Qui es estoilles regardoit ^H
^^P A boinnes gardes le kierka;
Et a Dieu doucement prioit ^H
1 40 Quelle li f. s. nul si — m fille — ji
femme — (6 De le fille — 70 Quant a. — ^B
^^^ 7J Ceistoit — 110 font
^ j
^ 164 A- WESSELOFSKY ^^
^^^^H Qu'elle ne peitsi ajestr.
Li rois, si qu'il n'en ot pité : ^H
^^^^^H Le roi ne vint pas a plaisir^
Tantost a un rasoir saisi, ^^M
^^^^^H Car de sa famé li souvînt
Des le boudinne le fendi ^H
^^^^^K^^ 1 jo Et pour çou plus au coer l'en tint.
175 Amont duskes a la forcielie. ^^M
^^^^^^^ft Le cambrelent a apiellé
Ou corps de le creaturielle ^
^^^^^^^^H Et puis apriès a parlé
Vaut Floriiens se main bouler,
^^^^^^^H De J'ord vilain puant félon
Car le coer en voloil osier.
^ Qyi a Dieu a fait s'orîson
Li cambrelens H dist ensi :
^^^^^H 1 3 } Que sa dame ne puist agire :
180 € A ! biau sire, pour Dieu mierd !
^^^^^Ê 11 a desiervt grant martire.
Mors est, assés en avés fait.
^^^^^ft Mais peu apriès çou demoura
Bailliés le moi tout entresait :
^^^^^B Que cieus dévotement pria
Dedens ie mer Tirai jeter, •
^^^^^P A Dieu que sa femme agesist;
Li rois li fist acreanter.
^^^^^1 140 El Dieu droit en celle eure fat
18) Cieus atout Tenfant descendi ^H
^^^^H La dame d'un 6J délivrer
Du palais et puis s*em parti ^H
^^^^^^ Dont chi apriès orés parler.
Et de la cillé est issus: 1
^^^^^^1 Cieus astronomiiens estoît ;
De pilé fu tous esmeus. ^^1
^^^^^^^H 0 lui sien ami avoit
Sour la mer une abie avoît ^^M
^^^^^^r 14) A cui t! dist ces naots ensi :
1 90 Qui par raençon se censoit ^H
^^^^^H i Or saciés, » fait il, v tout de fi
Cascun an a Tempereour, ^H
^^^^^H Que mes enfes^ qui chi est nés,
Car tout cil de Griesse a cel jour 1
^^^^H De Grîesse sera couronnés,
Paiien et mescreant esloient; 1
^^^^^H Empereres de ceste ville,
Et pour çou au roi se censoient 1
^^^^^B i ^0 Rois del roiaume de Sesille,
19 j Li moine de celle abeye, ^J
^^^^^^^ D^ Romme emperere sera,
U elle fusl lues escillie. ^H
^^^^^^^^^ Nuls destourner ne i'em pora
Li cambrelens qui Tenfant porte
^^^^^K^^ Pour destrainte ne pour pooir,
Sour un fumier devant le porte
^ Car a famé en avéra Poir
De Tabeiie Ta gieté
^^^^1 M$ QH^ ^^I^ ^^^ ^^ ^^^ Floriien. »
200 Tout sanglent et envolepé
^^^^H Li rois ces mos entendi bien,
D'un vermeil couvertour de soiej
^^^^^L Car li preudons qui çou disoît
Puis se mist tantost a le voie,
^^^^^1 Si grant joie en son coer avoit
Si a a sen singneur nonciel
^^^^^H Qu'il ne se sot garde donner
Que il avoît Tenfant noiiet.
^^^^^H i6d Que nuls te peust escuuter.
20^ Li rois Ten crut^ qui moult Tama,
^^^^^H Li rois Toy, moult Tem pesa :
Li portiers bien main se leva,
^^^^^H II ftst tant et tant pourcaça.
Le porte de Tabie ouvri,
^^^^^H Ains que uit jour fuissent passé,
L'enfant sour le fumier oy
^^^^^H Corn a le vateion emblé
Qui anguisseusement criott
^^^^H j6^ a le mere^ et a lui bailliet
2J0 Pour le marlire qu'il sentoii :
^^^^^H Qui le coer en ot forment liet.
Li portiers lantosl y couru.
^^^^^H Dedens sa cambre le porta,
Et quant il a Tenlant veu
^^^^^H Sen cambrelent 0 lui mena :
Si vilainnement atourné,
^^^^^H Andoi Tenfant desvoleperent,
Il en ol au coer grant pttè :
^^^^H (70 Mais onques si biei n'esgarderenL
21 5 Entre ses dous bras Temkierka,
^^^^^H Mais le coer ot d'ire enflamè
Par devant Tabbé Temporla.
^^^^^H 127 Que elle — 1)3 I>e lor v. — 1
M U second a manaue. — 140 drois —
^^^^^H 14; astronomijes — 148 ghes^es — ni qui! en 0. -- 176 crcaturelle — 184 acreater |
^^^^H — 19} mabcream ~ 196 fu — 107 Ubeye
r^/. V. U9. J
^^^^^^^ LC OIT DE l'empereur COUSTANT 165 ^^^|
^^^V « Sire, i dtst il, • vofiés mer-
Qu'il sont ens et palais monté : ^^^H
^^m [veilles
L'empereour ont salué. ^^^|
^^m km ne veîstes lor pareilles. »
Floriiens qui moult fu courtois ^^^H
^^M A tint ti 3 moustré l'enfant.
Assist l'abbé les lui au dois ^^^H
^H 110 U abbes ea ot pîté grant :
26s
Et le fist delés lui mangîer. ^^^H
^^1 11 a fait un mire venir
Coustant sîervi de sen mestîer ^^^^^
^^M Savoir s^on le poroit garir ;
Par devant Tabbé sen sipour : ^^^H
^^H Cieus dist que bien le garîroitj
Forment pleut a Tempereour. ^^^H
^^Ê Qui bien son teuter Ten donroit :
A Tabbê demanda errant : ^^^^|
^H n<^ Dous cens besans a demandés,
270
« Qui vous donna cel biel enfant? » ^^^^|
^^m Mais tant est leur markiés aies
Cieus qui garde ne s'en donna ^^^^|
^^Ê Qa'il en dut cent besans avoir.
Tout le voir tdotost l'en conta, ^^^^|
^^M W Sst dûu garir son pooîr :
Comment li portiers Tôt trouvé ^^^^|
^H Et II chars qui fu joveneet tendre
Devant le porte envolepé ^^^H
^H ijQ Se prist volentiers a reprendre,
i7V
D'une vermeille kieute pointe ; ^^^H
^^1 Si qu'en poi d'eure fu garls.
La vérité si l'entracointe ^^^^Ê
^^H Lî abbes en fu esjoys :
Que Floriyens sait tout de voir ^^^^|
^^H En sains tons le fist baptîsier;
C^e c'est cieus qui devoit avoir ^^^H
^^Ê 11 ineismes le vaut sâcîer.
Sa 6lle et tout son hiretage, ^^^H
^^M 2J5 Et pour çou qu'il ot cousté tant
280 Dont dolans est en son corage. ^^^^|
^H U missent H a non Coustant.
N Abbes, » dist il, a donnés le ^^^^|
^^M Baillier ti fîst boinne nourîce
^^^H
^^H Qui ne fu ne folle ne nice;
Mou! est dingnes pour servir roi; ^^^|
^^M Plus monteplioit en un mois
Et se par vo votenté l'ai ^^^^H
^H 240 K'uns autres ne fesist en trois;
Le treu dis ans quiterai. d ^^^H
^^B Et quant il ot entendement,
28 s
Il ne li osa escondire, ^^^^|
^H Lî abbes, qui Tamoit forment,
Mais mouk en ot el doel et yre; ^^^H
^H Li a £iit boin mestre livrer
Il prist a Tempereur congiet, ^^^^M
^^M Pour lui a prendre et doctrinner
Em plorant a Coustant laisiet. ^^^^|
^^m i^\ O^iestre^ de parler et de lettre;
Li enfes plora tenrement ^^^^|
^H Et quant il se seut entremettre,
290
Qui son singnour amoit forment. ^^^^|
^H II le fist devant lui trencîer
Trois jours fu Coustans a séjour ^^^H
^H Et avoecques lui cevaucier;
A Bisence 0 l'empereour ^^^H
^H De très rices dras )e viestolt.
Roi Floriien, qui li attre ^^^H
^H 350 Car moût grant honneurs li estoit
La besongne de sen martire ; ^^^H
^^M Quant uns si nobles damoisiaus,
29^
Nequedent envis le faisoit, ^^^^H
^H Si gens, si courtois et si biaus,
Car li enfes moult lui piaf soit, ^^^H
^H Siervoit a table devant lui ;
Maïs il savoit tout de ciertaia ^^^H
^^M Mais par tamps en ara anui.
Que c'estoît li £eus d'un vilain, ^^^^|
^H ^)i Li abbes ot d'un grant afaire
Et pour çou l'empereur sanloit, ^^^H
^H Far devant Tempereour a faire :
300
Se sa fille espousee avoit, ^^^^
^^m n monta sour son palefroi,
Qu^clie en seroit deshonneree ^^^H
^^M Coustant mena avoeques soi.
Et sa couronne avilene^. ^^^|
^V Dedens Bisence s'en entrèrent
« Coustantj i dist il, « d'un mien ^^^^|
^H 160 Et par les rues tant alerent
^^^H
^^ ÎJ6 Le — 17J portier — 176 tr dans cntracointe €Si peu lisible — 290 tsingnourc — ^^^^|
1 î^î Rois florijcns
1
i66
Vous estuet un tnesage faire
30s A cel castiel (se li nomma
Et le voie li ensengna) :
Men prouvost me saluerés,
Et ces lettres vous li donrés,
Et li dites qu'il ne laist mie
3 10 Sour corps, sour membres et sour
[vie
Çou ne face que je li mande
Parcest escriptchi et commande. »
Coustans dist que bien li dira :
Il prist congiet et si monta.
3 1 5 Douze journées y avoit,
Mais il erra a tel exploit
Qu'il vint en dis jours au castiel
K'a merveilles vit fort et biel ;
Mais s'il seust çou que il porte.
320 II n'entrast ja dedens le porte.
II a encontre un garçon
Qu'il vit descendre d'un dougnon ;
Dou prouvost li a demandé,
Et il li dist en vérité
32s Qu'il estoit assis au disner.
Pour çou n'i volt Coustans aler
Devant çou c'om eust mengiet.
Dalés le porte ot un vergiet;
Coustans en cel vergiet entra,
330 Son ceval apriès lui saca;
Desous une ente s'est couciés.
Car il estoit moult traveilliés,
Et la s'endormi desous l'ente.
Il devoit bien songier a ente :
3 3 5 Plus y dormi que dusc'a nonne.
La fille au roi qui moult fu bonne,
Très noble et sage damoisielle,
Avoecques li mainte pucielle,
Nobles et bien emparentees,
340 Sont dedens le vergiet entrées :
Constant desous l'ente trouvèrent ;
A grant merveille regardèrent
Sa façon, sa coulour rosine,
Sen biel corps, sa gente poitrine ;
343 Entr'eiles assés en parlèrent
Et de biauté moult le loerent.
Meut plot a le fille le roy,
WESSELOFSKY
Et secreement dist a soi :
c E ! Dieus, com très riœ trésor
3 50 Mieus ameroie que très or
Le visse o moi par mariage,
Que tout le mont en yretage.
Rien n'i a oubliyé Nature. ■
Tant qu'elle vit a sa çainture
3 5 5 Une aumousnière de rice oevre ;
La pucielle le prist, se l'uevre :
Le lettre sem père y trouva,
Tantost le saiel em brisa :
Ensi le vaut Dieu consentir
360 Qui ne voloit mie souffrir
Que ses boins siergans fùst ocis,
Dont puissedi vint grans pourfis.
Sebelinne lisi la lettre,
Qui bien s'en savoit entremettre :
365 Le mort Coustant y a trouvée,
De dolour fu toute esplouree :
Car ses pères li rois mandoit
Au prouvost que lues qu'il tenroit
Coustant, qu'il le fesist morir
370 Secreement, et que oir
On n'en seuist jamais nouvielle.
Forment desplut a la pucielle;
Une damoisielle appiella,
Celi en qui plus se fia:
373 • Diex! • dist eie a li, < quel
[damage,
Quant ou venir de son eage
Convient morir ce damoisiel !
Ains a nul jour ne vie si biel.
Ciertes pas ne le soufferai,
380 Ains se je puis exploiterai
Que je l'averai a mari.
Car onques mes homme ne vi
Qui tant peust a men coer plaire.
A I douce amie deboinnaire,
385 Conseilliés m'ent, se m'ensavésl »
Et elle li dist : c Vous avés
Dou vuit parcemin saielet
Que vos pères vous a donet
Pluiseurs escrocs grant pieça ;
390 Et pour çou le vous saiela
Que vos lettres en fesissiés
)09 dist 310 membre — 313 Constant — 316 il manque — 326 cousunt —
gent — }7i On ne s. — 37J ele manque
344
^^^^^^^^ LE DÎT DE l'empereur COUSTANT 167 ^^^^|
^^^H S'aucun besoing en eussiés.
Et si monta ens el palais ^^H
^^^f Prendés ent une, si metës
U li prouves tenoît ses plais. ^^H
^^^^ Çou dont cils enfes soit sauvés. »
Par devant l\ s'agenoullâ : ^^H
^^^ 395 Sebelinne s'en esjoi:
440
Très hautement le salua ^^H
^^K € Douce amie, * dis! elle a lï,
De par le rice empereour. ^^H
^^^H i Aies pruekes le parkemin ! »
Quant li prouves de sen srgnour ^^H
^^^H Et celle se mist au kemiii.
Oy le damoîsel parler, ^^H
^^^^ Et si est moult tosl retournée
Tantost le courut acoler, ^^H
^M 400 A tout Tcscroe saicléc,
445
Car son singnour amoit forment, ^^H
^^^H Encre et pane avueques porta,
Et li dist : « Doos amis, comment ^^H
^^^H A Sebelinne tout bailla.
Le fait mesire et ses barnages? » ^^H
^^^H Et celle s'asist .1 escrire
Et li valès qut moult fu sages ^^H
^^^V Et ensi commença à dire^
Courtoisement li respondi : ^^^|
^V 40 ) Com celle qui moult ot science :
4S0
« Bien, beau stre, le Dieu mierci ; ^^|
^^^^ • Jou, empererc de Bisence,
Par moi cest escript vous envoie ^^H
^^^H De Griesse et de Sesille rois,
Et forment vous commande et ^^H
^^^H Qui sousienere sui des drois,
^H
^^^H A vous, mes fiables prouvos,
Que faciès ce que dedens a. i ^^H
^^^^ 410 Mant et commanc que aussitos
Tantost le lettre li bailla. ^^M
^m^ Que cts lettres avrès oiies,
4n
Li prouvos la lettre lisi ; ^^H
^^^K Que de) messagier, quî baîlltes
Quant le commandement oy ^^H
^^^B A vous les avra de par moi,
Si fort, moult s'en esmerveilla ; ^^H
^^^H Faciès autant dou corps de soi
Le damoisiel moult regarda : ^^H
^^^^ 415 Que de moi meismes fériés,
Riens n'i vit qui H messesist, ^^H
^M Et que tantost vous ti faciès
460
En son secré meismes dist : ^^H
^^^H Sebille ma allé espouser;
c Bien sanle de grans gens extrais, ^^H
^^^f Et se çou volés refuser
Et a çou aquier je me pais ^^H
^^1 Ne men commandement despire,
Que mon signeur tieng a si sage ^^H
^^^^ 420 De vilain et cruel martire
Qu'il n'euist ja par ce mesage ^^H
^^^B Vo corps martiriyer feroie,
4^5
Fait ce commandement a moi ^^H
^^^B Si tos que trouver vous poroie :
Se il ne seuist bien pour quoi. • ^^H
^^^P Car je me tienc de çou pour 6s
Lors a Sebelinne mandée. ^^H
^^^^ Que venir em poet grans pourfis
Elle est ens illueques entrée» ^^H
^M 42) A vous et as sougis del renne ;
Avoecques li grant compaingnie ^^^|
^^^L Et aprîès men deciet y tienne. »
470
De pucielles de sa maisnie; ^^^|
^^^H Quant tout son voloir mis y a,
De rice atour fu acesmee, ^^^|
^^^H Le lettre sagement ploia
D'oneur et de biauté parée. ^^H
^^^r Et le mist dedans l'aumousniere.
Tout cil dou pabis sus salirent ^^^|
^m 4}o Bietlement se traisent arrière,
Si tos que la pucielle virent , ^^H
^^^_ Dedens lor cambres repairierent,
475
Li prouvos ala contre li ^^H
^^^H Coustant desous Tente laissierent.
Et doucement li dist ensi : ^^H
^^^H El quant il ot assés dormi
« Ma damoisieîle, cieus variés, ^^H
^^^H II s'esveïlla, moult s'esbaht
Qui tant par est courtois et nés, ^^H
^^^^ 4J 5 Quant il vit le soleil si bas :
Mesagiers est a mon signeur ^^^|
^M Del vergiet issl tout le pas
480
Vo père et nostre empereeur. i ^^H
^^^^ 401 auuec— 404 Et si c. — 41 r aues
-- 41Î
Le vous es aura — aîk As vous ^ ^^H
^^^H 4M lo^ — 4Î9 si — 441 empereur — 447 mestres — 459 maissestst — 461 meai- ^^H
^^^H gneur ^ 464 b — 468 illuec
1
i68
A. WESSELOPSKY
Quant Sebelinoe l'enteodi.
Son afaire moalt bien couvri,
Constant par le blance main prist^
Moult le bienvegna et li dist :
48 s c Biaus ciers sires, que fait mes
[pères,
Qui de Bissence est eropereres? »
Quant Coustans oy que c'estoit
La fille au roi que tant prisoit,
Moult s'i prist a humelyier,
490 Et si se vaut agenouillier,
Mais celle en ses bras le retint.
Li prouvos a Sebille vint,
D'unne part le traist a conseil
Et li dist : « Forment m'esmerveil
495 D'an mant que mes sires m'a fait. »
Lors li a tout contet le fait
De le lettre qu'elle escrisi.
Sebelinne moût s'esbahi
Par sanlant et fist Tesmarie
500 Et li dist : c Or ne faites mie
La cose de vous seulement,
Mais par le conseil de le gent
A mon père l'empereour,
Des haus hommes anciennour,
505 Et par lor conseil en ouvrés :
Mandés les et se leur monstres;
Car s'aucunne cose y queoit
Qui desplaisans men père soit,
La coupe si en averiés
510 Se de vo conseil le faisiés. »
Li prouvos s'i est acordés,
Lors a les haus hommes mandés ;
Il y vinrent a rice atour,
Et quant il furent en la tour
$1) Devant le prouvost descendu.
Il lor a Tescript despondu
Et le cruel commandement.
Par le commun assentement
Fu li mariages gréés ;
\'iO Coustans ne fu pas appiellés
De cel autre ne de celui,
Ains coururent tantost a lui
Tout li plus gros qui la estoient,
Si le congoent et fiestoient
)2) Et li font aussi grant honneur
Que nel fesissent lor singnour.
Coustans s'esmerveilla forment,
Et nonponrquant moût sagement
S'en maintient et biel s'en acointe.
S 30 Le fille au roi, qui moult fu ceinte^
Sebille li font espouser,
Et font par les rues crier
Pour le fieste plus essaucier
C'om n'i ouvrast de nul mestier
53 5 Tant ke uit jour fuissent passé;
Et s'ont le bamage mandé
A dis Hues tout en tous sens.
L'endemain y vint tant de gens
C'om n'i pooit osteus trouver ;
S 40 Cascuns s'i penoit de fiester
Pour l'empereur a gré siervir
Que il dévoient moult cremir.
Cil et celles qui la estoient
Constant a merveilles looient
54 S De sens, de biauté, de maintiens.
A Bissence fu Flonyens
Qui de Constant moult desiroit
Savoir, se li prouvos l'avoit
Par son commandement occis.
5 50 Au quint jour qu'il s'en fu partis
Fist sen afaire apareillier
Et ne finna de cevaucier ;
Si est droit au castel venus,
S'oy qu'il estoit es meus
5 $ ) De toutes les menestraudies
Et de toutes les mélodies
Qu'il convenoit a faire joie.
Un varlet vit en mi sa voie
Li rois et se li demanda
560 Pour quoi laiens si grant joie a.
Cieus lidist; c Sire, le pour quoi
Devés vous bien savoir, je croi :
C'est pour les noeces de Constant,
Le biel, le courtois, l'avenant,
565 Qui prise a Sebille vo fille,
Pour çou s'esjoist si la ville;
Car a vo prouvost le mandastes
Par vos lettres et commandastes
Que on li fesist espouser ;
41^7 quf r Mtoit — 488 r. coustant pr. — jo8 despl. a m. — $26 nul — J28 moût
LE DIT DE l'EMPEREUH COUSTANT
169
Î7Ô Et îl ne l'osa refuser
Que fais n*en fust li mariages, t
Et diit ii rois : a II fist que sages
Quant il fist no commandement. j>
Puis disi en lui secrcement :
i7^ f Fols est qui ce voet deslourner
Que Dieus a volut ordener:
James painoe n'i meteraî,
Mes tous jours a oir fe tenrai. »
Il cevauca dusk'as degrés;
(80 El palais est li cris aies
Que Pcniperere fu venus:
Cescuns est contre lui venus.
Quant Sebelinne l'oy dire,
Esprise fu de doel et d*ire,
)%^ Car de çou forment s'esmari
Corn ne !i tolist son mari.
El nompourquant contre lui vinrent
Andoi, cl main a main se tinrent :
Pir devant lui s'agenouillierent
590 Et hautement le bienvegnierenl;
Et quant il vit les deux enfans
Devant lui main a main tenans^
Plains de grascieuse bîauté,
Pris fu d*amour et de pité :
)9) Ens es bouces les a baisiés
El se mtst ses mains sour lor ciés ;
De tout le sien les raviesti.
Sebelinne moult s'esjoy :
Or a elle tout son voloir.
éûû U rois ûsi de Coustant sen oir'
Bien le siervi a gré Couslans.
Mes puis ne veski que dous ans
Li rois apriés cest mariage :
Coustans satssi tout Tiretage,
605 A empereur fu receus;
De ses hommes fu cier tenus.
Si tos com il fu couronnés
Fu de li fi abbes mandés
Qui le nouri et aleva :
610 Par sen conseil toudis ouvra.
A ce 1 tans mescreant estoient
Tout cil qui en Griesse manoient^
Mes par le conseil a Tabé
Mist partout le crcstienté,
61 5 Tout le peuple fist baptisîer;
Mainte capielle et maint moustier
Y fist faire et mainte abeye,
Dieu ama moult toute sa vie.
Tout cil de Bissence la bielle
620 I receurenl la loi nouvielle,
Et pour cette nouvielleté
Ont Bissence sen nom mué :
Le nom leur singneur li donnèrent,
Le roi Coustant, que moult ame-
Lrent :
62} Pour ce que si nobles estoit
Et que nobles oevres faisoit,
L'appielloienl Coustant le noble :
Et pour çou ol Coustantinnoble
Li cyté de Bissence a nom^
630 Qui encore est de grant regnon.
ExplicH de i*tmptrtoar Coustant de CoustantinnobU
Le moyen âge a entouré le nom de Constantin îe Grand d'une cou-
ronne de légendes, formant un cycle à part qu*il serait intéressant d'étu-
dier. Le conte et la légende se sont surtout attachés à certains épisodes
de sa biographie, plus ou moins historiques, qui ont tout particulièrement
fiit travailler rimaginatlan populaire. C'est ainsi que se sont produits les
récits sur son enfance, sur son baptême par le pape Sylvestre, sur Tinfi-
délité de son épouse, sur la fondation de Constantinople, etc. Dans la
(7 a uge— f87 Et manque — 611 maiscreant — 610 1 manqat — 6j) Li.
A- WESSELOFSKY
mémoire des peuples de i^Occident ce monarque est resté le type d*un
empereur puissant ; le souvenir de ses richesses s'est conservé dans la
formule traditionnelle « l'or Constantin », le pendant du « trésor
Salemon. n
Dans Tesquîsse qui suit je me borne à étudier les légendes qui ont
rapport à son enfance. Elles se sont conservées dans trois rédactions diffé-
rentes, ayant toutes à leur base la même tradition.
La première de ces rédactions se trouve dans deux versions françaises
du x\m siècle, Pune en prose, Tautre en vers, celle que je publie ici pour
la première fois. Dans Pune et dans l'autre le nom du héros principal est
Coustant; il s'entend que c'est Constantin le Grand, puisque le nom de
Coustant y est mis en rapport avec la dénomination de Consunlinople.
C'est ainsi que le texte en vers nous dit que l'empereur Coustant était
aimé de tous, et
Pour ce que si nobles estoit
El que nobles oevres faisoit
L'appîelloient Coustant k noblt^
El pour cou 01 Coustant innobie
Li cytés de Bissence a non.
Le récit en prose cherche à concilier les données légendaires avec
celles de l*histoire, la tradition de Coustant, qui aurait donné son nom à
Byzance, avec les droits que l'histoire attribue à Constantin. C'est
ce qui explique, selon moi, les dernières lignes de la version en prose ;
« Et engendra II enpereres Coustans en sa famé un oir masïe ki ot a
non Coustentins, ki fu puis molt preudom. Et si fu puis la cités apielée
Coustantinoble, pour son père Coustant ki tant cousta, ki devant avoit
esté apielée Bisanche. b On trouvera plus loin un autre exemple de cette
confusion des noms de Constant et de Constantin. Quant au contenu des
récits français sur Tenfance de Constantin, on peut à juste titre le qua-
lifier de légendaire.
La seconde rédaction nous est fournie par deux textes : Pun, en latin,
se trouve dans la chronique de Jacques d'Acqui, annaliste italien du xiir'-* s. ;
l'autre, en italien, dans le Dittamondo de Fazio degli Uberti (x!v« s,).
Le résumé sommaire de la légende, que nous a conservé ce dernier, ne
permet pas de décider s'il a utilisé le récit de la chronique, ou si^ comme
le chroniqueur, il a puisé à une source plus ancienne. Quoi qu'il en soit,
les deux versions ont un caractère commun : le thème légendaire de là
rédaction française leur sert de base, mais il y a eu introduction d'une
nouvelle circonstance épisodique et l'on y remarque surtout la tendance
à mettre les données légendaires d*accord avec les noms et les faits de
rhistoire.
Comme troisième rédaction je n*ai sous la main qu'un récit serbe :
LE DIT DE L'EMPEREUR COUSTANT I71
l'silération du ihème primitif y provient non de rinfîuence des rémî-
attccoocs historiques, mais d'une confusion avec un autre cycle, égale-
nent légendaire.
Pto» loin nous apprécierons le contenu de ces légendes concernant
renonce de Constantin. Mais dès ce moment quelques considérations géné-
rales ne seront pas hors de place. Le récit de l'enfance était déjà répandu
dans l'Europe occidentale au xni^ siècle, dans deux versions différentes*
Si Tone d'elles a eu le temps de se modifier sur le sol européen (j^ai en vue
la rédaction de Jacques d'Acqui et du Dùiamondû], il est facile de conclure
de ce fait que la légende primitive y est arrivée à une époque plus
reCttléCt — et probablement de Byzance. Le récit serbe en donne la
preuve : vu rinfîuence considérable de la littérature byzantine sur celles
des peuples jougoslaves» cette voie de transmission nous paraît plus pro-
bable que rhypothèse contraire, d'après laquelle les Serbes auraient
puisé leur récit à une source européenne.
I.
I. Les récits français. — La nouvelle en vieux français ' nous parle
d*im empereur du nom de Muselin, régnant à Bysance et versé dans
rastrologîe. Un soir, par un beau clair de lune, Pempereur cheminant
parles rues de Constaniinople en compagnie d'un de ses chevaliers, ils
Tinrent k passer devant une maison où gémissait une chrétienne en
couches. Ils entendent son mari sur le soHer prier Dieu d'accorder à
53 femme une heureuse délivrance, et bientôt après le conjurer de
ne pas lui venir en aide. L*empereur indigné somme cet homme
de loi donner l'explication de son étrange conduite* Le mari lui déclare
qu'il est astrologue. « J'ai lu, >» lui dit-il^ u dans les étoiles que si
reniant venait au monde à une certaine heure, il serait malheureux et
mourrait d'une mort violente; que, né à une autre heure, il serait au
contraire favorisé de la fortune. >» Ainsi s'expliquait la prière contradic-
taire qui avait surpris l'empereur. Le père affirmait que Dieu avait
exaucé sa prière et que son fils était venu au monde à une heure pro-
pice : il épouserait, continuait-il, la fille de l'empereur de Byzance et
dmeodrait lui-même empereur, — Muselin révoque en doute la pro-
phétie., mais Tastroiogue lui affirme qu'il doit en être exactement comme
il Ta 4l, Alors l'empereur se propose de rendre absolument impossible
Pacoonptissement de la prédiction : il fait enlever l'enfant par un de
d d'Héricauit, Noanlks fronçésu en prose 4a Xllh sikU^
172 A. WESSEtOFSKY
ses chevaliers, quil charge de lui ouvrir le ventre; il veut lui arracher ie
cœur de sa propre main ; le chevalier l'en empêche et promet au souverain
de jeter à b mer Tenfanlj qu'on croyait mort; mais, saisi de compassion,
il l'expose sur un fumier devant un couvent. L'enfant est trouvé par
l'abbé, qui le confie aux soins d'un médecin; celui-ci demande cent be-
sants d*or pour le soigner, mais il doit se contenter de quatre-NÎngts.
De là le nom donné à Tenfant : Cousîanî^ « pour cou kHl sanbloit k'il
coustoit trop au garir, « L'enfant guéri ^ Pabbé le met à l'école où il fait
des progrès étonnants. Devenu un beau garçon de quinze ans, il tombe
par hasard sous les yeux de l'empereur qui était venu voir l'abbé. Le
monarque apprend Thistoire de Tenfant trouvé, et le demande aux
moines. Ils le lui accordent volontiers; alors l'empereur cherche ua nou-
veau moyen de se débarrasser de ce îraand qui doit épouser sa fille. Il
renvoie à son châtelain de Byzance avec une lettre qui enjoint de tuer
sans délai le porteur. Or la lettre tombe entre les mains de la princesse
qui s'épreîid du beau jeune homme et, le voyant endormi de lassitude,
lui enlève ta lettre, à laquelle elle en substitue une autre écrite de sa
main : celle-ci contenait Tordre au châtelain de fiancer le nouvel arrivé
avec la fille de Tempereur, ce qui eut lieu immédiatement. Lorsque
Muselin arrive après la noce, il reconnaît que contre les décrets de la
providence il n'y a rien à faire. A sa mort lui succède sur le trône son
gendre Coustant, qui eut pour fils Coustantin ; mais Byzance se nomma
Coustantinople « pour son père Coustant qui tant cousta. ?»
Les faits essentiels du Dit en vers de l'empereur Coustant sont idcn-
tiques à ceux de la nouvelle en prose : il n*y a de changé que les
noms des personnages. Florien, empereur païen de Grèce et de
Byzance, y est l'époux de la fille d'Auguste, souverain de la Romanie et
du royaume d^Italie qui porte le nom de Lombardie. La femme de
Florien meun en couches, lui laissant une fille nommée Sébile ou Sebe-
line :
77 Scbelinne fut apiellèe
Et Se bille m droit non nommée.
L'empereur est inconsolable. Une nuit, tourmemé par ses tristes
pensées, il va rôder par la ville avec son cambuknî. Le récit qui suit
reproduit toutes les circonstances de la nouvelle en prose : gémissements
d'une femme en mal d^enfant, prière contradictoire du mari qui est
« astronomiens )) ; au moment où l*enfant vient au monde» le père prédît
à son ami, qui est à côté de lui, ce qui attend le nouveau-né : il sera
empereur de Byzance et de Rome et roi de Sicile, et épousera la fille de
Florien. L'empereur, qui a entendu la conversation, fait enlever l'en-
fant, etc. ^ Quelques détails de peu d'importance constituent seuls la
différence entre la version en prose et celle en vers : le médecin à qui
LE Dît de l^empereur coustant 175
s'adresse l'abbé réclame une rémunération de 200 besams d'or et se
contente de 100, ce qui explique le nom donné à Tenfant :
2J5 Et poor CDU qu'il ot coustè tant
Li missent il à non Coustant.
L'cn&nt, venu à Byzance avecTabbé, est reconnu par Tempereur qui
Tobticnt à force de prières et l'envoie dans un « casdel n à son a prou-
wn n avec la lettre dont nous savons le contenu. Coustant, qui arrive
àl*heure du dîner, s'endort dans un « vergiet «, où vient à passer Sebe-
but. Alors a lieu la substitution de la lettre, et le récit se termine par le
mariage de Sebeline et de Coustant, que l'empereur est forcé d'accepter
Cûotme un fait accompli. Deux ans plus tard, Florien meurt et Coustant
lui succède sur le trône. Quant à Constantin, fils de ce dernier, il n'en
est pas fait mention.
Les rapports précis du récit en prose et de celui en vers nous sem-
blent difficiles à déterminer. Malgré la ressemblance parfaite de leur
comenu, chacun des récits le développe à sa façon, ce qui n'exclut pas
leur dépendance réciproque. On y trouve des traits d'une conformité
presque littérale : voy. la nouvelle en prose, p. 50 : « Li empcreres, ki
fil sages, lor fist molt grant joie et mist les II mains sour lor U liesUs^ et
les i tint grant pieche, et c'est la manière de la beneiçon as paiîens >» ;
dans le Dit v. $96 il y a : Et se mist ses mains sour lor dés. — Sebeline
admire Coustant « ki se dormoit et estoit vermaus comme rose » ; elle
dit à son amie : v Bielle compagne^ a ilichi rice trésor ! a (nouv. en prose,
p. Il): dans le Dit v» ^42-? : « A grant merveille regardèrent Sa
Éiçon, sa coulour rosine » ; v. 549 : u E Dieus, com très rice trésor! » eic.
— La différence de nom entre Muselin et Florien et les noms nouveaux
de Sebeline et d'Augustus soulèvent la question de savoir lequel des
deux conteurs a pu modifier le texte de Pautre.
2. Récits italiens. — La légende rapportée par Jacques d'Acqui et
reproduite dans le Dtttamondo 3l pour base la même tradition que les
textes français que nous venons d'analyser, mais elle a dû se prêter à
un rapprochement avec les faits historiques qui n^est pas des plus
adroits. Dans le conte original, l'empereur, désirant déioumer l'accom-
plissement de la prophétie, persécute de toutes les manières son gendre
prédestiné, et le charge d'une lettre qui contient un arrêt de mort; à
cette lettre en est substituée une autre, et ce qui devait arriver arrive : la
fille de Tempereur épouse l'homme que déleste son père. — U s'agissait
de concilier cette donnée avec les faits historiques. L'histoire a connais-
sance des hostilités de Galère et de Constantin, fils du coempereur
Constance Chlore. Dans le conte, le gendre prédestiné est de naissance
obscure, un enfant trouvé : Constantin était le lils illégitime de Constance
174 *• WESSELOFSKY
et de sa concubine Hélène, qui ne devint que par la suite son épouse
légitime ' ; Torigine princière de cette dernière appartient à une légende
postérieure ; celle qui concerne sa provenance de Trêves est déjà répandue
au Dt* siècle* — Dans le récit de Jacques d'Acqui Constantin n'est
d'abord pas reconnu par son père. — On voit que la légende et Thistoire
présentaient certains points de repère, des coïncidences qui ont été mises
à profit, bien que d'une manière incomplète : Pinimitié de Galère contre
Constantin n'est pas relevée dans le récit de J, d'Acqui, et il y manque le
motif de ceiteinîmitié iraditionnelle : la prophétie du mariage* Néanmoins
lorsque vers la fin du récit Constantin épouse la fille de Galère, je
n'hésite pas à reconnaître dans ce fait un trait de la légende primitive.
En effet, ce mariage n^est pas historique ; d^un autre côté il nous est
raconté avec des détails typiques, dans lesquels on ne peut s^empécher
de voir l'altération d*un épisode identique du conte de l'enfant trouvé.
Des marchands, frappés de la ressemblance de Constantin avec l'empe-
reur Constance, mais ne se doutant pas qu'il est réellement son fils,
veulent profiter de cette ressemblance : ils emmènent l'enfant chez
Galère, munis d'une lettre soi-disant de Constance, dans laquelle celui»
ci prie Galère de fiancer sa fille avec celui qui est censé être le fils de
Constance* Il n^y a donc point, comme dans l'ancienne légende, une
substitution de lettre, mais il y a substitution fictive de personne, ce
qui amène, comme dans le conte, un heureux dénouement. Il est difficile
de se représenter ce qui a pu donner lieu à cette modification ; il est clair»
en tout cas, que dès que des personnages nouveaux — les marchanda
— ont été introduits dans le conte et que c'est à eux qu'a été attribuée
ridée de la lettre mensongère, il en est résulté infailliblement des modi-
fications subséquentes : le fait de la prophétie et des pièges tendus par
Pempereur n^ont point trouvé place dans la nouvelle transformation
quasi-historique du récit original.
Voici le texte de Jacques d'Acqui * :
Stcut scribîttir în cronica Treverensi, quidam rex fuit habens filiam, nomtne
Helenam ; et mortua matre, stal Helena in cura suac nutricjs. Cul puellae in
Visio beat! apostolt Petrus et Paulus appartierunt, monentes eam quod statim
eu m sua rmtrice in forma peregrine vadat Romam, quia de ea Deus disposutt
suam voluntatem. Venit Hélène prcdicta visio secundo et tertio* Tune cum
nutrice sua de domo recedît; vadunt Romam ; in Roma obviant imperatori
Constantio. Helena putcra placet sibi, illam cognovît et annulum pro jocale
t . Voy. les témoignages de Zosime, d*Orose et de saint Jérôme dans Massmann,
Katstrchfomk ïll, S^^ô-j; Manso, Ubm Constûntins d, Grûssen, ?• appendice;
Burckhardty Du Ztti Consiantm des Grosscn^ p. 549, note 2.
2. Chfomcon ïmaginis Mundi (éd. Gustave Avogadro) dans tes Hisiortûc
patriat Monumenta cdua jus su ngis Cûroti Alkrti. Scriptorum t. II! (Aug. Tau-
rin. 1848), p. 1590»92.
LE DIT DE l'empereur COUSTANT
ns
eidem dedil, in quo eral figura iniperaloris cum scnplura tali : anullus impera-
toris Constantii. împerator vero ab ea recedens, remansit Helena pueîla gra-
vida; quae se vidcns gravidam fore, habitai in Roma mm sua nulrice. Venit
kmpus partus et peperit filium masculum in figura sîmiiitudinis imperaloris
Constanlii, quem ex nomine palris Constantinum dcnominavit. Crevii puer et
ad scolas Judaeorum et GrecoruTn vadil. Vadit et revertilur et semp«r transit
per viam qnorundam mercatorum de Tuscia, qui videntes puerum pulcrumet in
similitudine impeiatoris Constanlii, calide cogitant de puero isto maximum
îucrum habere. Tune enim erat maxima discordîa de tmperio inter Romanos et
Grccos. Dicebat enim rex Byzanlii quod monarchiam tiabebat lolius orientis
et occidenlîs, et Romani etiam dicebant habere eamdam monarchiam. Isti vero
supradicti mercatores naves multas parantes, cum magno honore et littens
^Isis bulla romana roboratis, Bisantium navigto pervenerunt, et ad imperato-
ruDi Bisanti euntes htteras eidem présentant in hec verba : « Valerio Grecorum
ei Bisanlii imperatori ConstaotiusRomanorum imperator pacem bonam. Consi-
derans cursum lemporis et etiam dampnum corporum et animarum et divinum
judicium futurom super delinquentes, adeo disposu» tecum pacem habere de
discordia, qui est inter nos propter nomen imperandi^ et peto quod hec pax
firmelur a te bono animo et corde perfecto, ut filiam tua m conjungas matrimo-
ntaliter cum filb meo Constantino^ quem ad te mitto cum fidelibus meis latori-
bus litterarum presentibus. Vale semper pacifiée- » Recepta littera imperatoris
Constatitii Romanorum ab imperatore Valerio Grecorum gaudiu m non modicum
factum est (et) per totam Bizantium civilatem ; et de concilio procerum civitatis
et imperii statim data est filia imperatoris Valerii Constantino, quem credebant
fiîium imperatoris Constantii romani. Omnia sunt para ta. In recessu dédit
imperatrix fi lie în cingulo lapides prelîosos insertos immensi valoris, Naves
omnes ascenduot, thesaurum maximum super naves ponunt, Constantinum cum
sponsa sua deducunt; versus Romam ostendunt velle navigare et viam ordina-
tores facti accipiunt in contrarium : quandam insulam vacuam in nocleascendunt,
Constantinum et suam sponsam super insulam ponunt. In nocte média omnes
ilïi fecti ordinatores navem ascendentes pueros vacuos cum aliquali cibo super
insulam in lecto dormîenîes sub uno pukhro papilionc dimisserunt. In crastino
enifn quedam navis romana inde transtens^ Oeo volente, illos ambo de insula
éleva vil, scilicet Constantinum et sponsam suam, et illos usque Romam dedu-
xit. Dum autem perveniunl ad urbem, vadit Constanlinus cum sua sponsa ad
vicum ubi sua mater manebat, et malrem et nutricem matris tristes et vivas (?)
inveniens, illis sua presentia gaudium renovavit, Omnia jam predicla Constan-
linus narravit. Ad quem mater : Ergo hec tua socia est filia imperatoris Gre-
corum.? Tune dixit Helena sponsae Constantini : Non tristeris fitia, quia non es
decepla : hic enim Constantmus, maritus tuus, filius meus est vere imperaloris
Constantii romani, et ego sum filia Flavii régis Alamanie de Treveris.,. Hoc
facto puelIa, uxor Constantini» dat Hélène soceri sue omnes lapides pretiosos,
quos in cingulo insertos occulte de Grecia porlatos apud se habebat. Quos
(tatim Hekna vendidit et ex eis maximum thesaurum suscepîl. Suscepto
thesauro vadit stare magnifice in opposito palatii in Roma, ubi imperator Cons-
lantius morabatur; ibi enim Helena, facîens magnificenlias suas, tempore
congruo cum filio suo Constantino se honorifice presentavit coram Conslanlîo
iropcratore, et quiquid jam dictum est Constantio imperatori apparuit, osten-
176 A. WESSELOFSKY
tiens eldcm anulîum quem âb trnperalore susccperat quando illam primo carna-
litcr cognovit, Quis imperator exauditis valde est gavisus, et cognila veritatc
de matriniDnio filii suî Constancîi et dite tmperatoris Greconim, statim pacem
firmavit^ et Helenam matrem Constantin) în uxorem accipiens, Constantinuni
legîptimavit. Qui imperator Constantius antiquus moriens, filius suus... in
imperium succès s it, et in Greciam transiens, regnum Bizantii dilatando et
m uns maximîs decorando Constantinopolîm a suo nomine dcnominavit^ que
usque hodie sic vocatur. «
La rédaction de la légende de Constantin, telle qu'elle nous a été
conservée par Jacques d'Acqui, était connue de l'auteur du Dittamondo^
1. II, ch. XL Les éditions de 1474 et de Montï présentent dans le teicle
des altérations qu'il serait facile de corriger à l'aide de la chronique
latine» si les manuscrits du Dittamondo n'offraient une leçon satisfaisante.
Voici le texte de Monti :
Cloelio re padre di Elena fue^
La quai giovine tnferma a Roma venne,
Divota a Cnsto quanto si pu6 piue.
Libéra e sana quai fu mai divenne,
Onde per sua beltà Costanzo allora
Vago dî Ici pi£j di seco la tenne.
Un anel d'or le donô in sua dimora,
Che più non voile, c poscia un fanciul fecc
Si mile al padre c bellissimo ancora.
Costui avendo tre anni con diece,
I i Ptr mar andando^ fu menato a un rè,
Che allor regnava tra le genti grece.
Tanto fu data a mercadanti fè,
Che'l rè la 6glia sua gli diede a sposa,
Ma qui non dico il modo, ne il perché*
16 Rubogti poi tornando d'ogni cosa^
17 E soti li tascià corn piacqui a Dio;
Rimase lor la ricca veste ascosa.
Tornando a me Costanzo il signor roio
20 EUna 5 posa impératrice fco^
Poscia che'l ver cou l'ancUo scoprio * ,
Notons que chez Fazio degli Uberti le beau-père de Constantin est
simplement qualifié de « rè » ; il le distingue de Galère^ sur lequel il ne
dit que ce peu de mots :
1. h donne les variantes des manuscrits que j^ai consultés : Ms. de la bibL
nat de Paris, Ital, n"» 81 , f. 60 recto, = vers 1 1 : Anganno fu per mar me*
naîo a un ri; Ms, de Venise, Marc. cL IX, c. XI : Angtgno per mare fa menato
a un rh Jacques d Acqui : calidc cogilûtil. — Vv. 16- 17 : ms. de Paris : Ru-
bûrlï poi, tornando, d ogni cosa — Latmrli soli, e come piacgue a Dio ; ms.
Marc. id. — V* 20: ms Par. : sposa c'mpcratriccj ms. Marc; sposa e
imperatice; Jacques d'Acqu) : Hclenam... in uxorem accipiens.
LE DIT DE l'empereur COUSTANT I77
Poco Gaferio mi fu buono 0 reo,
E per6 poco di lui ti ragiono
Chè 'n due anni dir posso che'l perdeo.
Poscia Co$tan2o^ ch' assai mi fu buono,
Pass6 in poneniCf e delle opère sue
Ancor pensa ndo contenta ne sono,
iprès quoi vient Pépisodc sus-raentionné. — Je serais porté à supposer
qoe Fado degli Uberti avait sous les yeux un texte de la légende
senbLable au récit de Jacques d'Acqui ; la dlstinaion de Galère et du
souveran anonyme, beau-père de Constantin, serait son œuvre person-
nelle : une concession de plus à la vérité historique.
I . Lipndt serbe « . — Selon la légende serbe Constantinople n'aurait
pQS été bâtie de main d'homme, elle aurait apparu d'elle-même. Un
empereur, qui a trouvé à la chasse une tête de mon, fait marcher son
cheval dessus. Alors la tète lui dit : « Pourquoi me foules-tu ^ je puis
encore te nuire quoique morte. » L'empereur descendit de cheval et
emporta le crâne chez lui; il le brûla et réduisit en poudre les restes,
qu'il enveloppa dans un papier et serra dans un coffre* Là-dessus il se
mh en voyage. Sa fille, déjà adulte, prit les clefs du coffre, l'ouvrit,
trouva le papier, mouilla son doigt sur sa langue, le trempa dans la
poudre, le lécha et remit le papier après l'avoir soigneusement replié. Là-
dessus elle devint enceinte, et le souverain reconnut que la faute en était
à il tète de mort. Quoique encore vierge, elle mit au monde un garçon.
Or il arriva qu'un jour l'empereur prit dans ses bras le petit enfant, qui
lui saisit la barbe. Curieux de savoir si l'enfant avait fait cela exprès ou
par ignorance, l'empereur fit remplir un bassin de charbons ardents, et
on autre de ducats. L'enfant porta aussitôt la main sur l'or ». Alors le
monarque craignit que la menace de la tète ne s'accomplît- Lorsque le
garçon fut devenu jeune homme, Tempereur l'envoya dans le vaste
monde : « Tu ne te reposeras, r> lui dit-il, a qu'à un endroit où tu trou-
veras deux maux aux prises l'un avec l'autre. » Le jeune homme erra
par le monde et arriva sur l'emplacement de Constantinople, où il trouva
une épine autour de laquelle s'enroulait un serpent^ de sorte qu'ils se
piquaient l'un l'autre. « Voilà mes deux maux, » s'écria le jeune homme,
et b-dessus il s'éloigna de l'arbuste en faisant un circuit ; puis, quand il
eut marché quelque temps, il fit halte en vue de l'épine et se dit :
m Voilà où il faut que je m'arrête. » A ces mots il se retourna pour
I. Karadzi^, Dicttonnain de la langue urbt^ 2« éd, s. v. Csrigrad: Hortna^rri
Àrchif JttT Geschichu, Siatutik^ Uurattir und Kunst. Wien, 182^, 16* année^
ft. 100. p. 66^, dans Massmann, Katsercronik lU, p. 870-K
I. Mis&mann rappelle à cette occasion le récit biblique de Tépreuve de Moîse
(sfam.
kùmamat Yl
12
178 A. WESSELOFSKY
regarder en arrière, ei il vit que, depuis I*arbuste jusqu'à l'endroit où il
était arrivé, une muraille s'était élevée sur ses pas; sll n'avait pas pro-
noncé ces paroles en s'arrêiant, le mur serait arrivé jusqu'à l^épine.
Le peuple ajoute qu'à Constaïitinople l'espace que le jeune homme avait
encore à franchir pour revenir à Farbuste est resté sans muraille. Plus
tard le îeune homme devient empereur de Consiaminople après avoir
détrôné son aïeul.
Que dans le jeune homme de la légende serbe il faille sûrement voir
Constantin^ c'est ce dont témoignent les rapports qu'on établit entre lui
et la fondation de Constanttnople. — Nous lâcherons de déterminer les
rapports qu'il y a entre cette légende et le Dit de Constantin, tel qu'il
s'est conservé dans les versions françaises.
Sous l'impression de la prophétie, l'empereur veut détourner le ma-
riage de sa fille, qui néanmoins s'accomplit. Dans les contes populaires
que nous reproduisons plus loin pour servir de terme de comparaison
avec les légendes françaises, le jeune homme, persécuté par le père de
l'épouse qui lui est prédestinée, se marie malgré tous les obstacles, et
ordinairement le persécuteur succombe. Ce traît s'est conservé dans la
légende serbe : le vieil empereur est forcé de céder son pouvoir à un
personnage qu'il a persécuté et qu'il exile. Si ce personnage n'est
pas son gendre mais son petit-fils, cette modification pourrait s'expli-
quer, comme en général toutes les différences de la légende serbe
d'avec le conte de Constantin, par l'introduction d'un nouvel élément
épique : la naissance miraculeuse du héros prédestiné. Des contes et des
mythes antiques nous parlent de femmes fécondées par un fruit qu*elles
ont mangé, par 3e l'eau dans laquelle on a trempé une fleur magique, etc. ;
dans la tradition serbe le même r51e est dévolu à la poudre de la tête
de mort. Celle-ci y remplit deux fonctions : c'est d'elle qu'émane la pré-
diction ', c'est elle aussi qui joue le rôle du gendre fatal de la légende
de Constantin, ou plutôt elle le partage avec l'homme né de sa cendre,
c'est-à-dire, avec ïe petit-fils de l'empereur.
Mais il est peut-être plus aisé d'exptîquer les rapports qui existent
entre la légende serbe et les récits français de Constantin, non pas par
l'adjonction d'un épisode accessoire, mais par la simple substitu-
tion d'un récit à un autre, avec conservation des mêmes protago-
I
^. Le crâne prophétiaue rappelle moins le récit du chroniqueur russe (la mort
d*Olcg) et de VOrvaroJits-saga, que l'épisode suivant de la byiine de Vassili
Bouslaéviich : Au haut d*une montaçne Vassili rencontre un crâne humain
desséché ; tl le pousse du pied pour I écarter. Alors la tète de mort lui dit :
« Sache que j'ai été le crâne d'un chrétien, * et elle lui prédit qu'un jour lui
aussi sera foulé aux pieds et roulera comme elle. La prophétie s'accomplit :
Vassilî, voulant sauter par dessus une pierre, tombe et se lue sur place.
Voy. aussi le crâoe prophétisant dans la légende de saint Macaire.
LE DIT DE l'empereur COUSTAKT 179
éÊKU Lldéc dommamc de la légende de Constantin Tenfant trouvé,
t'ai cdk de la faulilé, de h nécessité du destin; la même idée a
imat Heu à plusieurs autres récits épiques, formant un cycle particu-
Bir. Par analogie un rédt de ce genre se serait substitué à celui que la
tEidhîoft rattachait ordinairement au nom de Constantin. C*est ainsi que
X ttraii formée la légende serbe, qui a un pendant dans la nouvelle
HDvinte du Tutinameh turc ',
Dans l*Yeraen vivait un marchand du nom de Djev^^ehr-Schinâs, qui
iviil une fiile unique. Se promenant une fois dans les champs, îl heurta
pr hasard du pied un crâne humain, sur lequel se trouvaient ces mots :
• Quand cette tête était encore vivante, elle a causé la mort de quatre-
îïDgts hommes, et longtemps après son trépas elle doit encore faire périr
<ju«re-vingts hommes. » Djewehr-Schinâs emporte le crâne à !a maison,
le pile et en serre les restes dans une cassette qu'il cache dans un coffre,
— En l'absence de Djewehr'Schînâs, sa fille en agit avec la poudre du
crâne exactement comme la princesse de la légende serbe, et devient
aussi enceinte. On donne à son fils le nom d*lbn-el-Ghaib, le fils du
fflystére. Celui-ci étonne par les manifestations précoces de sa sagesse,
t&Bl autant que l'enfant merveilleux de la légende serbe.
La coniinuation de la nouvelle du Tuûnameh diffère de la légende ; si,
ir6anmoin$, j^appelle Paiteniion sur cenains détails du récit turc, c^est â
cause de quelques points de vue généraux qui en dérivent.
Quelque temps s'écoule et il arrive dans l'Yemen des marchands de
pierres précieuses; Djewehr-Schinâs en achète quelques-unes; mais le
I sage Ibn-el-Ghaib en prend aussitôt deux qu'il met de côté» les recon-
naissant comme fausses. Djewehr-Schinâs, qui s'en rapporte à Tenfam
m 100$ points, rend aussitôt les pierres aux marchands, qui ne savaient
1» cux-mèroes que parmi leurs pierres précieuses il y en eût de fausses;
[ convaincus que l'enfant a raison, ils supplient Djewehr-Schinâs
-de le leur céder, lui promettant en retour tout ce qu'il exigera, D*abord
le vidlard ne s*y prête pas, mais le garçon le prie lui-même de lui per-
seore de se joindre aux marchands. » Je serai leur compagnon de
fijage, • lui dit-il; « je verrai le monde. Si tu as connaissance de mon
irigne nystériettse, les autres, qui l'ignorent, me percent de leurs rail*
' * i d me traitent de fils sans père. Laisse-moi partir, nous serons
dempts des plaisanteries, des railleries, a Le garçon pan avec les
i pour le Semàk, leur patrie, où il dévoile l'infidélité de la
\ da fisir Kâmbin,
MHci, nlers. t. G. Rosen, II, p. 8^ sqq. : Gtsckicke won dtm Schidtl
\ MÈlztg MtMstkm dos Ukn ralonn. — Wickcrhaoïer^ Du Ptfftf-
p. 2o6 sqq. : £^r TodttnuhâdtL
|80 A. WESSELOFSKY
Ce récit est le remaniement d'un conte analogue qu'on trouve dans
le Tuiinameh persan et dans la }■' nuit du Çukasaptati indien. Benfey a
indiqué le$ rapports qui existent entre celui-ci et un épisode du roman de
Merlin ^ : le devin Pushpahasa, qui sait ce que valent les protestations
d'innocence d'une femme infidèle, éclate de rire en les entendant; c'est
comme Merlin qui, dans une situation identique, explique son rire
étrange précisément de la même manière. Si, comme le pense Ben-
fey*, la version turque a considérablement altéré le canevas primitif
du Çukasaptaîtt j'indiquerai, de mon c6té, un trait qui unit plus intime-
ment cette version à la légende de Merlin : Ibn-el-Ghaib et Merlin sont
nés Tun et l'autre dans des circonstances extraordinaires, comme le
jeune homme de la légende serbe : ils n'ont pas de père reconnu ; ces
trois enfants sont des devins^ comme l'£ractes du roman de Gautier
d'Arras.
Eracles, dans la première partie du roman, offre encore une analogie
remarquable avec Ibn-el-Ghaib, Il vient aussi au monde au milieu de
circonstances mystérieuses, dont le récit en style pieusement chaste aura
remplacé les détails plus primitifs et plus crus du conte. De même que
Ibn-el-Gaib prie son grand-père de le céder aux marchands, Eracles
s'adresse à sa mère, la priant de le vendre. Tous deux ont le don de
divination et le manifestent de la même manière : tous deux se connais-
sent en pierres précieuses et en femmes ; en outre Eracles possède encore
le don d'apprécier les chevaux. En choisissant une épouse pour |-empe-
reur, il démêle aussi les pensées intimes de la femme à travers le voile
de son extérieur, et il se met à rire, tout comme Merlin et Pu&hpa-
hasa :
Eracles fait une risée
De çoti k'îl a pensé tel rage,
K'il voit bien leus tout son corage (v. 2262 ss.) ;
Eracles en prent à sousrire (v. 2287) j
c*esl encore lui qui dénonce à son époux Tinfidélité de l'impératrice Ata-
nais,
l! serait difficile de douter de l'origine byzantine de ce roman ; les
légendes grecques du. a sage vieillard », nouvellement publiées ^ accrois-
1. Oriittt tmd Otcidtni I, 2, p. ^44 sqq.; voy* ibid. la notice de Lîebrecht,
p. 341 sqq.
2. U c p. 34J.
}.V Gidel, HistoiH de Ptocholion, dans Tânnuaire de rAssociatron pour
rencouragemcnt des études grecques en France, 6« année (1872) : Mémoires et
Notices, p. 55 sqq. — Legrand, dans la Cûîkcfton da monuments pour servir à
l'àudc de (a tangue nh-heUèniqûi, \^ série, n* 19; id. ibid., nouvelle série,
n* I : Recueil des chansons populaires grecques : Histoire du sage vieiilard^
p* 2J7 sqq. — Wagner, Carmtna greca medii aevi^ p, 277-J03, — Voy. aussi
LE OIT DE l'empereur COUSTANT i8i
kiem encore la probabilité de celte hypothèse. Il convient peul-èlrc de
[ "rechercher une source pareille pourja légende serbe sur b fondation de
I Consuntinople et pour le cycle plus étendu où elle s'est introduite d'une
t façon particulière : le cycle de Constantin renfani trouvé. Au-delà de
Porigmal byzantin se présentent des légendes orientales qui engagent à
poumiivre plus loin les éludes comparatives. Le paragraphe suivant
a donnera un premier échantillon.
IL
Us légendes de Constantin, ou plutôt les ramifications d'une seule
iéf/ssiàty dont nous venons de donner l'analyse, rentrent dans le cycle
de ces récits fatalistes, dont le rameau le plus connu est la légende ira-
Lgkjoede Judas ». On y voit partout cette idée fondamentale que nul ne
ait échapper à son sort. A un enfant né dans une hutte, de parents
obscurs {â quoi la légende serb^ substitue la donnée d'une naissance
B)*5iérieuse, et la chronique latine celle d'une naissance illégitime), un
venir brillant est réservé : il deviendra riche et aura une riche épouse :
iJ deviendra même empereur, souvent au préjudice d'autres, qui mettent
tout en œuvre pour empêcher le son de se réaliser : l'enfant ou le jeune
homme est persécuté, voué plusieurs fois à la mort, mais il échappe
ujours; et comme tout doit lui réussir, ses adversaires ou lui cèdent
*^oa disparaissent par la mort^. De même que dans le récit serbe c'est
Constantin qui détrône son grand-père , de même dans un conte alba-
nais il est prédit à un roi qu'un de ses petits-fils le tuera. Alors le sou-
verain fait jeter à fa mer et noyer tous les enfants mâles que mettent au
monde ses deux filles. Mais le troisième garçon qui avait été jeté à la
D'Ancona, Le Fonti dtlNonïïmo (Romama, L III , p. 164-p, notes à la î* nou-
velle.
1. Voy A. D'Ancona, La Uggenda di Vtrgogna.,. t la kggtnda di Giuda
[Suita Ji cariosiîâ Utkrarlc n** î9) p. 86 sqq.
2, Nous avons k pendant de la légende de répoux prédestiné dans celle de
la fiancée du destin. Elle se retrouve dans la version en prose ( pobjvâisUhinâ)
de la bytine de Sviatogor (Rybnicof, 1 , n* 8, note aux pp. 59-41 ). — Sviatogor
rencontre un forgeron battant deux cheveux fins sur une enclume. * QuVst*cc
atic tu forges îi? » lui demande le bogatyr. « Je forge le sort des époux pré-
(wstiDés l'un à l'autre. » Sviatogor est curieux de savoir quelle femme lui
écherra, et le forgi^ron lui fait savoir que sa future habite la capitale d'un
royaume au bord de la mer, et qu'if y a déjà trente ans g u 'elle y gît dans la
pourriture. Sviatoeor part pour la tuer : suivant les indications données il
trouve une fille quil frappe de son épée; puis il s'éloigne. Mais le coups d'èpée
c'avait Uïi que fendre une croûte semblable à de fécorce de sapin, qui recoti-
V- * ' 5 de la jeune fille, et elle en sort éblouissante de beauté. Le bruit
Sviatogor l'ayant épousée sans la reconnaître, lui demande quelle
cii .1 ^jLdifiCc qu'elle a sur le sein; il apprend ce qui en est et torce lui est
d'avouer qu'il n'y a pas moyen d^échapper â son sort.
|82 A. WESSELOFSKÏ
mer n'est pas noyé, les flots Payant rejeté sur la plage où le trouvent
des bergers qtii l'élèveni. Devenu un vigoureux jeune homme, il délivre
la fille de Tempereur d'un monstre auquel elle était exposée, et îl obtient
sa main en récompense ; mais pendant la noce il tue par mégarde son
aïeul, dont il devient le successeurs
Les contes dont je donne plus loin l*ana!yse ont plus d'affinité avec
le dît de Constantin. Je ferai observer préalablement qu'ils contiennent
tous en commun fa donnée de la lettre, sous la forme qu'elle a revêtue
dans la nouvelle française, « la lettre d^Urie* i> Le récit serbe n'en fait
pas mention; ne s^y serait-elle pas e^acée ?Chez J. d*Acqui nous Pavons
vue jouer un rôle important ; il est vrai que l'emploi qu'on en fait est
autre, mais les contes suivants font naître la conviction que c'est là une
modification ultérieure et que la « lettre d'Urie )> est la conception la
plus ancienne.
Dans un conte sicilien ', un roi s'égare à la chasse par un orage mêlé
d'une piuie torrentielle; il passe la nuit dans une maison isolée et y
entend le vieux propriétaire s'entretenir avec les étoiles. Interrogé par
le roi| le vieillard lui apprend ce que les astres lui ont révélé : sa femme
a mis au monde un garçon, et la reine une fille, et ce fils épousera la
fille du roi* Rentré à la maison , le roi constate que la première partie
de la prédiction s'est accomplie ; alors il se fait apporter tous les garçons
nés le même jour que sa fille. On lui en apporte un seul qui, sur son
ordre, doit être tué, et dont la langue doit lui être présentée comme
preuve de cette mort; mais les serviteurs ont pitié de l'enfant, qu'ils
exposent dans la forêt, tout en montrant à leur maître la langue d*un
chien et la chemise de Tenfant tachée de sang de chien. Sur ces entre-
faites le petit est trouvé par un marchand ismaélite nommé Giuraentu,
qui l'adopte. Devenu un grand jeune homme, il va commercer en Espa-
gne, où la fille du roi s'éprend de lui, Questionné par le roi, il lui répond
qu'il est le fils de Giumentu et qu*il épouserait volontiers la princesse, si
ses parents le lui permettaient* « Retourne donc chez toi et reviens
directement, » lui dit le roi. Le jeune homme se met en route, mais ses
parents adoptifs lui interdisent leur maison dès qu'ils apprennent son
plan de mariage; à cette occasion il apprend pour la première fois son
histoire et comme quoi il n'a ni père ni mère« Il s'éloigne inconsolable,
et voilà que dans une forêt silencieuse, pendant qu'il est assis sous un
arbre, se lamentant sur la rigueur du son, lui apparaît un vieillard qui
se donne pour son père, Pemmène en Espagne sur son cheval et le con-
K Hahn, Grkckischc and albammchc Màrcktn, II, 98 : Paseus.
î. Pitré^ Fiabe, novtlU, raaonlt td altrc tradiziom popolan siciliam t. II, n" C
Lu mtnanti smaUiîu Cmmtntu.
LE DIT DE l'empereur COUSTANT fSj
duît au palais du roi, à qui il se fait reconnaître : (t Je suis, lui dii-il^
celui qui t^a^ dans le temps> prédit l'avenir de ta fille, j» Le roi veut le
cbasser, mais le vieillard lui apparaît sous des traits imposants : c'est un
empereur qui parfois erre dans le monde, lisant Pavenir dans les astres*
Alors le roi| n'ayant plus rien à objecter, fiance sa fille au fils de l'enipe-
rcur.
Rédigée de la sorte, cette légende se montre défigurée sous plusieurs
rapports : il y manque la lettre classique d'Urie, laquelle s*est préservée
dans le livre populaire italien de Flonndo t Chiarastella ' . Je connais ce
fifre par l'extrait de Teza *, Galisse» roi d'Espagne, rencontre à Rome
BB villageois qui lit dans les étoiles l'avenir de son fils : Penfant portera
1EII jour la couronne d'Espagne. Le roi fait enlever renfant Florindo et,
aoyam l'avoir mis à mort, il l'abandonne dans une forêt. Florindo est
recueilli et élevé par Tosco ; quand on lui apprend qu*on ne sait pas de
qoi il est le fils, il va au loin errer dans le monde, à la recherche de son
père, et arrive à Saragosse où, dans un jardin, il voit Chiarastella^ la
fille du roi; celle-ci le prend à son service en qualité d'écuyer. Galisse
prend du goût pour lui et veut l'avoir à sa cour, tandis que Chiarastella
c$t invitée à aller faire une visite au frère de Galisse, le roi du Portugal.
Florindo, qui en est chagriné, déplore son malheureux sort; le roi ayant
reconnu le jeune homme et craignant raccomplissement delà prédiction,
renvoie chez son frère avec une lettre où il recommande de tuer le por-
teiu*. Arrivé en Portugal, Flonndo y retrouve sa bien-aimée, qui, se
doutant de la trahison, se fait montrer la lettre, à laquelle elle en substitue
une autre, où elle écrit l'ordre de la fiancer au jeune homme. Vient le
jour de la noce et en même temps l'annonce de la mon de Galisse^ après
quoi Chiarastella et Florindo entrent en possession du trône d'Espagne.
Passons maintenant â\ix métamorphoses que notre légende a subies
chez d'autres peuples, et voyons d'abord la version allemande î : Une
I* Histona de Florindo et Chiaraudla. Venelia, Giov. Andr. Valvassore detto
Guadaçnmo, iS^U in -4^. V, Passano, / Novdlari iutiam in verso, pp. ^7-59,
et Pitre 1, c, note au n" C, qui renvoie 3tn n° VI de la collection de De Gu-
beniatiî (Novellinc di S. Stefano : ii rè di Spûgna), qu'à mon grand regret je
n*jï pu consulter. Voy. Vittorio imbndim, La noveUaj a ponntina {Llvorm^ Vigo,
1^77^ n* XXXI V ; twrindo c Chura Stella, Les héros du conte florentin portant
les Boms de Florindo et Chiarastella, j'en conclus que nous n*avons iâ qu*un
nfaamento du livre populaire. [Il en est de même du conte recueilli par M, de
Goberoatis; il n'est donc pas h regretter que notre savant collaborateur ne Tait
pss connu. — G. P J
2. E. Teza, i m capelli del nonno Saîutto p. ^9-40. Voy. aussi A. Wcfacr,
Utkf tme Episode im Mimini'Bhardta, dans les Monaisberichte d. kœn. preuss.
Acad d. Wtss. 1869, p. 580-^81 (d'après une communication de R. Kœhler).
:. Gebr, Grimm, iùnder tind Hmsmarchtn L n*» 29 : Dtr Ttukl mit dcn drei
pHdum Haaren. — Cf. Bœhle, Mânhm fur du Jagend n*^ 8 ; Meier, Deutsche
yotksmirchin aus Schwûben a« 79.
184 A. WESSELOFSKÏ
pauvre femme avait mis au monde un ^Is, auquel il fut prédit que dans
sa quatorzième année il épouserait la fille du roi; le monarque, ayant eu
connaissance de la prophétie, en ressentit un vif déplaisir; il se rendit
chez les parents de IVnfant et, feignant de la cordialité : « Bonnes gens,
leur dii-il, vous êtes bien pauvres, et votre enfant doit vous être â
charge; confiez-le-moi, j'en prendrai soin. » Après bien des hésitations
les parents s'entendirent avec le souverain, et lui livrèrent Tenfani
moyennant une forte somme d'argent. Alors le roi mit le petit dans une
caisse et le jeta dans une eau profonde ; mais la caisse ne coula pas à
fond, elle fut portée jusqu'à un moulin, à deux lieues de la capitale, et
repêchée par le meunier qui recueillît Penfani et Padopta. Un jour, par
un temps d'orage, le roi s*était abrité dans le moulin. En voyant l'enfant
il demanda au meunier si cMtait son fils ; puis quand il découvrit que
c'était l'enfant fatal, il chercha un nouveau moyen de le faire périr : il
pria le meunier de lui permettre d'envoyer le fils adoptifporter une lettre
à la reine. Cette lettre était conçue en ces termes : « Dès que ce garçon
sera arrivé, qu'il soit immédiatement tué et enterré. » L'enfant se mît
en roule et le soir il descendit dans une maison de brigands; là, pendant
son sommeil, les brigands bi prirent la lettre; l'ayant tue, ils eurent pitié
du jeune garçon. Suit la substitution d'une lettre avec le contenu que
nous savons; l'enfant trouvé épouse la princesse, et le roi arrive trop
tard pour prévenir le mariage. ^M
Le conte norvégien ' dans Asbjœrnsen offre beaucoup de conformité ^\
avec le conte allemand : l'enfant trouvé y est fils d'un meunier; les
astrologues prédisent qu'il épousera la fille du riche Pcer Krœmmer.
D'abord il est jeté à la rivière dans une caisse, puis on l'envoie à la mon
avec une lettre perfide, à taquelîe des brigands touchés de pitié en
substituent une autre.
Dans une légende danoise dans Grundtvig*, le nom du riche est
Ribber-Krœmmer : il demande à de pauvres gens un abri pour la nuit;
mais il n'y a pas de place dans leur cabane parce que l*h6tesse est en
couches, Riber-Krœmmer couche dans rétable. C'était du temps où
Jésus-Christ et Pierre l'apÔtre parcouraient la terre ; celte nuil4à ils
s-abritent dans une grange, toui près de Tendroit où était Ribber-
Krœmmer, qui entend leur conversation. L'apôtre demande quel sort
est réservé au nouveau-né ; le Seigneur répond qu*il épousera la fille du
riche, A l'aube, Ribber-Krœmmer enlève Tenfant de ta cabane et le jette
à l'eau dans une corbeille. L'enfant est sauvé par un pêcheur qui l'élève;
ï. Asbjœrnsen og Moc, Norske Folkunnty, 2" éd., n" \y Rige Pur Kntm-
mir; voy. la traduction allemande de Bresemann (Berlin, 1847), L 29.
2. Grundtvig, GamU danskc Mindcr 1^ n' 21 ^ ; Ribkr'Krœmmtr.
M
LE DIT DE l'empereur COUSTANT iSç
puds 3 est reconnu par Ribber-Krœmmer qui l'envoie porter une lettre à
sa femme et à &a fille. La lettre contient Tordre de mettre à mort le
porteur. Chemin faisant le jeune homme entre dans une église où Jésus-
Christ et Pierre Tapôtre lui demandent la lettre, la déchirent et lui en
remettent une autre, où ordre est donné de fiancer immédiatement le
messager à la fille de Ribber-Krœmmer. — Plus loin la légende se déve-
loppe de la façon commune à tous les récits de ce cycle.
Une autre rédaction du conte danois (Grundivig, L c, n^ 214 : Rige
Ptr Mœller) nous présente la même légende plus riche en développements.
L'hôtellerie du riche Pierre Mœller est ordinairement pleine de gens
assis sur les bancs tout le long des murs. Un sotr bien tard, oCt il y avait
abondance de visiteurs, il arrive un étranger qui s'assied sur un des
bancs. Bientôt après un pauvre couple, mari et femme, demande à passer
la nuit : la femme était enceinte et pouvait enfanter d'un moment à
l'autre. « Je puis vous faire asseoir sur un banc, » leur répond l'hôte,
< je n'ai pas d'autre place, n Quand vint le temps de mettre au monde
et que la femme ne put plus y tenir, l'hôte la fit entrer dans le four, où
elle mit au monde un fils. Cependant dans Thôtellerie tout le monde
l'entretenait de cette pauvre femme en couches, et l'inconnu arrivé peu
auparavant prédit que, quand Tenfant serait devenu un homme, il
épouserait la fille unique du riche Pierre Mœller. « Il n'en sera rien, n
se dit l'hôte, et quand, quelques jours plus tard, le pauvre couple va se
mettre en route ^ il leur propose de garder l'enfant. <t Vous êtes pauvres,
vous avez même peine à vous sustenter, et chez moi îl sera fort bien, je
le traiterai comme mon propre fils. )i Ils acceptent l'offre et se mettent
en route. Alors Pierre Mœller prend l'enfant, lui crève les yeux et
l'expose dans un épais fourré. Quelque temps après vient à passer près
de cet endroit un riche suivi d'un pauvre. Le pauvre demande au riche :
« Quest-<:e que ces cris qui partent de la forêt ? Ce sont probable-
ment les corbeaux qui se sont abattus sur le corps d'une bête
morte, » répond le riche tout en continuant son chemin. Mais le pauvre,
voulant savoir ce qui en était, attache ses chevaux et pénètre dans la
forêt. Il trouve l'enfant qu'il emporte en l'enveloppant de ses haillons.
Sa femme n'ayant point d'enfant, les pauvres gens adoptèrent l'enfant
trouvé. La seule chose qui les affligeait, c'est qu'il était privé de la vue.
Quand il fut en âge, il était hors d'état de faire paître les oies, parce
qu'il les écrasait en marchant dessus. Il fallut prendre une petite fille
pour les mener brouter^ et le garçon marchait à côté d'elle. Un jour
un inconnu s'approcha d'eux; il passa la main sur les yeux de l'aveugle,
qui y vit clair. — Cependant Pierre Mœller avait depuis longtemps
entendu parler de cet aveugle qu'on avait trouvé, et il devina que c'était
l'enfant dont il avait voulu se défaire. I) alla Uouver le pauvre couple,
|86 A- WESSELOFSKY
il leur dit qu'en entreprenam un voyage au loin il avaii oublié de
donner à sa femme une commission, et il leur demanda s'ils ne consen-
tiraient pas à envoyer leur enfant porter une lettre. Dans la lettre il
enjoignait à sa femme de retenir le porteur, de faire chauffer le four et
de Ty faire brûler. Le garçon se met en route ; un homme le rencontre,
qui lui demande où il va et se fait montrer la lettre. Quand il en a pris
connaissance, il la rend au jeune homme et lui indique le chemin de chez
Pierre Moeller. L'enfant va trouver la femme de Mœller et lui remet la
lettre, où il lui était commandé de bien recevoir le garçon, de le vêtir et
de le choyer comme son propre fils. Quelque temps après» Pierre Mœller
revient à la maison, et y trouve l'enfant plein de vie. Il demande une
explication à sa femme ; celle-ci lui montre sa propre lettre dont elle a
suivi exactement les recommandations. Alors Pierre Mœller médite un
autre projet de se défaire du jeune homme : il lui impose des travaux
pénibles. Ce n^est qu'après leur réussite que la légende parle du ma-
riage de Tenfant trouvé avec la fille de Pierre Mœller, celui-ci périssant
misérablement,
Dans le conte finnois d'Antoine Puuhara ' , deux sages qui passent la
nuit dans une chaumière prédisent le sort d'un enfant qui vient de naitre.
Dans cette même chaumière était descendu un riche marchand de peaujc
de renard ; pendant que l'hôtesse est en couches, il entend le plus jeune
des deux sages dire à l'autre : «f Sois secourable à cette femme pendant
ses souffrances. Cela fait peine de l'entendre gémir. « A quoi le plus âgé
des deux réplique : « Il n'est pas encore temps, )) Puis il se retourne
sur sa couche. Lorsque le plus jeune réitère sa demande, Tatitre répond :
a Maintenant j-ai fait ce qui était en mon pouvoir. i^ Il dit, et le nouveau-
né était déjà entre les bras de l'accouchée. Le plus âgé des sages prédit
que !e nouveau-né héritera du riche marchand. Le lendemain ce dernier
se rend chez le propriétaire de la chaumière et le prie de lui donner son
fils à élever. Le père y consent. Parti avec l'enfani, le marchand l'expose
dans une forêt sur les branches d'un arbre: un bûcheron le trouve et le
recueille; il est reconnu dans son nouveau logis par le riche marchand,
qui lui prépare une nouvelle épreuve : il Tenvoie porter à sa famille une
lettre où il enjoint de le pendre à un bouleau. Des écoliers en promenade
le rencontrent endormi, et à la perfide lettre ils en substituent une autre,
qui amène immédiatement les fiançailles du jeune homme avec la fille
du riche-, celui-ci arrive trop tard pour y mettre obstacle.
Dans un conte hongrois^, Jésus-Christ et Tapètre Pierre entrent chez
1. Ermaii, Archiv fur dU wmmKhajlikhs Kundc Russlands. XVI Jahrg.,
p. iî 6-247.
2, Sticr, Ungarische Voiksmârchen n* 17: Des armcn Mannes Sohn und dU
Kau/niiwnnochUr,
LE DIT DE l'empereur COUSTANT J 87
un gard€*forestier dont la femme vient d'accoucher. Le père de Tenfant,
qui prend le Sauveur pour un prêtre, lui demande sa bénédiction : le
Christ lui annonce que, quand son fils sera devenu homme, il épousera
la fille d'un riche marchand qui se trouve justement là dans leur chau-
mière. Le marchand sindigne à la pensée que sa fille sera fiancée à un
homme de basse condition ; mais le Christ lui répète qu'il en doit être
snsi. — Il n'est pas dit dans le conte qu'on ait exposé l'enfant dans la
forêt, ni qu'on l'ait jeté à l'eau, — Devenu homme et ayant appris la pro-
phétie qui le concerne, le fils du foresûer va à la recherche de sa fian-
cée; il rencontre dans une hûiellerie le riche marchand qui, aux réponses
du jeune homme, reconnaît en lui son gendre prédestiné. Aussitôt il se
présente à lui comme son futur beau-^père et il lui promet de lui donner
une lettre pour sa femme, afin qu'elle l'unisse sans retard avec sa fille.
liais la lettre contenait tout autre chose : elle recommandait de battre
le porteur et de le chasser de îa maison. En chemin le jeune homme
s'endort, des écoliers font une substitution de lettre, et le conte se
termine par les fiançailles.
Un conte tchèque ■ parle d'un roi qui s'est égaré à la chasse et en est
réduit à passer la nuit chez un charbonnier^ dont la femme vient de
mettre au monde un garçon. Le roi, qui ne dort pas, voit apparaître à
minuit trois vieilles femmes blanches; elles tiennent en main des lumières
et s'approchent de l'enfant pour lui prédire son sort. La dernière lui
prédit qu'il épousera la fille du roi. Celui-ci se fait céder le garçon, à
quoi le charbonnier se prête d'autant plus volontiers que sa femme vient
de mourir en couches. L'enfant est jeté à la rivière dans une corbeille,
Cl il est sauvé par un pêcheur qui se charge de l'élever ; puis il est
reconnu par le roi, et il va porter à la reine une lettre où il est enjoint de
le mettre à mort ; une vieille femme y substitue une lettre qui est cause
des fiançailles du jeune homme avec la princesse.
Dans un récit croate ^ un comte dit à un paysan, depuis longtemps à
son service, que s'il leur naît à chacun d'eux un enfant, à l'un un garçon,
À Tautre une fille, ils les marieront. La paysanne met au monde un fils,
qui est élevé dans la maison du comte, et celui-ci devient père d'une
fille. Un jour, le comte irrité contre le paysan fait exposer son fils dans
la forêt. Le garçon y est retrouvé par un aubergiste qui l'élève; il est
découvert par le comte qui Fenvoie porter une lettre à la comtesse. Suit
la substitution de lettre par des écoliers errants, et puis viennent les
1. Erben, Sto proîtonarodntch pohàdck, V Praze iSéj, p. 1-7; Waldau,
Bôhm. Marchai, p. s 27,
2. y^\\^Ht^^NarQdni pripQujtdU, U Varazdinu, i8jB, 10., pp. 1 $7-162.
l88 A. WESSELOFSKY
On voit que ta rédaction croate, qui omet la prophétie, a p^rdu
quelque peu le caractère fataliste du cycle. Dans le conte serbe ^
récemment publié par M. Jagic ", ce caractère est assez évident.
En voici ^analyse. Un voyageur passe la nuit dans une maison oh il naît
un garçon ; deux anges y prédisent que le bonheur du nouveau-né est
entre les mains du voyageur; alors celui-ci achète Tenfant aux parents
et le délaisse dans une forêt sur les branches d'un arbre. Le petit esi
trouvé et élevé par un berger ; on le nomme « l'enfant trouvé. ?> Plu-
sieurs années après, le même voyageur, passant devant Phabitation des
bergers, entend prononcer le nom étrange de l'enfant, et après s'être
renseigné sur son compte il Tacheté aux gens qui sont chargés de rele-
ver. Désirant s'en défaire, il lui remet une lettre qui recommande de tuer
le porteur. Chemin faisant le messager rencontre un jeune moine qui
échange la lettre, etc. Lorsque le voyageur est de retour chez lui,
tt l*enfant trouvé » est déjà fiancé à sa fille. Cependant le beau-père
continue à tendre des pièges à son gendre. Un soir il le charge d'aller
puiser de Teau, et il ordonne aux domestiques de précipiter dans le
puits le premier qui s*y rendra dans la soirée. Mais la belle-mère et la
femme retiennent le jeune homme, qui n'y arrive qu'à minuit. Sur ces
entrefaites, le beau-père, qui a voulu se convaincre qu'on a exécuté ses
ordres, arrive au puits le premier, et c'est lui qu'on y jette.
Dans un conte polonais ' le riche mais avare Zlotolub se réfugie pen-
dant l'orage dans la cabane d'un pauvre à Tagonîe, dont la femme est en
couches et dont les cinq enfants meurent de faim. Sortant de ta chau-
mière Zlotolub exprime les impressions que cette scène a faites sur lui,
« Pourquoi, se dit-il, ces gens-là se marient-ils ? Voilà cinq enfants affa-
més, déguenillés, et un sixième va leur naître pour subir le même sort ! »
— Il faut savoir que pendant ses voyages Zlotolub a appris le langage
des oiseaux, et voici ce qu'il leur entend dire : un moineau criaille à un
autre que le maître de la cabane est mon et que sa femme est accou-
chée d'un fits qui épousera la fdle du riche marchand. Zlotolub prend le
noy veau-né et le jette en chemin dans le creux d'un tilleul; une femme le
trouve et l'élève comme son fils. — Plus loin le conte, tout en reprodui-
sant les données connues, y ajoute quelques détails nouveaux. A l'âge de
sept ans <( l'enfant trouvé « (tel est le nom donné au petit) sauve la vie à
Zlotolub, qui pendant son sommeil va être mordu par un serpent veni-
meux. Dans un entretien le marchand apprend que celui auquel il doit
1. Archiv fur slâwisckc Philologie I, 2j Aas dcm sûdslawiscken Mârcfunschaiz^
p. 288, n' 14; Wer wûs tkui, jlks fur suh. Je n'ai pu voir le livre de Barine-
Gould, HouschoU-stoncs, cl notamment son n» 6, auquel renvoie une note de
R» Kœhicr au n* 14 de la collection de Jagit.
2. Glinski^ Bajârz poiski t. III, p, 19^-215,
LE DIT DE l'empereur COUSTANT 1 89
la vie esi l'enfant trouvé qui lui est si adieux; il s'en empare de nouveau
Cl le jette à la rivière. Un meunier le retire de Peau, et un moine, qui
pissait la nuit au moulin, l'emmène au couvent. Une seconde fois l'enfant
sauve son ennemi de la fureur des loups ; une conversation s'en suit, et
Zlotolub, qui reconnaît le garçon, le frappe de son couteau et s'enfuit à
raventure» Cependant la femme et la fille du marchand trouvent sur la
roule le pauvre blessé, remportent et prennent soin de lui. Il y a déjà
huit ans que l'enfant est chez elles^ et cependant Zlotolub n'est pas
encore revenu; sa famille ne sait ce qui lui est arrivé. Un beau jour on
engage le jeune homme, que tout le monde a piîs en affection, à aller à
Ja recherche de Zlotolub. Il réussit à retrouver le chef de famille, auquel
il sauve la vie pour la troisième fois, en le tirant des flammes. Le mar-
chand le reconnaît, il se nomme et apprend qu'il y a déjà longtemps que
l'enfant trouvé est de la famille. Le jeune homme veut aussitôt rentrer à
b maison, car il lui tarde d'annoncer l'heureux résultat de ses recher-
ches; mais Zlotolub le retient et envoie à sa famille un jeune compagnon
de voyage, porteur d'une lettre à sa femme, à qui il recommande de le
fiancera sa fille sans plus larder. Il espérait ainsi faire échouer la pro-
phétie des oiseaux au sujet de son futur gendre. En route le messager
est assailli par des brigands qui le lient à un arbre; la lettre, qu'il a
laissée tomber, est ramassée par l'enfant trouvé qui la remet à la femme
de Zlotolub ; celle-ci a soin d'exécuter Tordre de son mari, Zlotolub
arrive lorsque la cérémonie est déjà célébrée, mais il conçoit de nouveaux
projets : il enjoint à deux de ses confidents de creuser une fosse sur la
route et d'y enterrer le premier venu qui y tomberait, fût-ce un parent
ou lui-même en personne. Le lendemain malin ii charge l'enfant trouvé
d'une commission qui doit le faire lomber dans le piège. En chemin le
jeune homme s'attarde à sauver des mains des brigands une femme qui
se trouve être sa mère. Zlotolub, qui était sorti pour s'assurer de la
mort de l'enfant trouvé, tombe lui-même dans la fosse, et on l'y enterre.
Dans les contes russes ' qui appartiennent à notre cycle, les princi*
paux personnages ont des noms constants : ce sont a le riche Marco »
et « Basile l'infortuné » (celui-ci se nomme parfois André ou Jean).
Marco est un marchand fort riche qui a en haine les mendiants et qui
lance ses chiens sur ceux qui s'approchent de ses fenêtres. Viennent un
jour deux petits vieillards aux cheveux blancs; Marco veut les faire
chasser^ mais sa fille de cinq ans, u la belle Anastasîe » , le supplie de
leur donner un asile, ne fût-ce que dans retable. Or, ces vieillards
n'étaient ni plus ni moins que Jésus-Christ et un de ses saints [parfois c'est
I. Afanasjef, Contes poputairts rusus^ nouv. éd., III, n. t7j a et b; voir
une troisième rédaction t. IV, p. 426-429.
Î90 A. WESSÉIOFSKY
le Christ seul qui parait, ou bien c'est un ange du ciel). Vers l'heure des
matines le cierge s*allume lui-même devant les saintes images ; les vieillards
se lèvent, tirent de leurs sacs des vêtements sacerdotaux et se mettent à
officier. Anastasie, qui voit tout cela de sa soupente, voit aussi arriver
un ange qui s^adresse à un des vieillards : « Seigneur, lui dit-il, dans
tel et tel village, à tel et tel paysan il est né un fils; comment veux-tu
qu'on le nomme et quelle part de bonheur doit lui échoir ? * A cela le
Seigneur répond : a Son nom sera Basile, son surnom Tlnforiuné, et
par compensation il aura la fortune du riche Marco. » Le lendemain, les
vieillards partis, Anastasie raconte à son père tout ce qu'elle a vu et
entendu. Dans la crainte de voir ta prédiction se réaliser, le père fait
atteler sa voiture et se rend au village dont on a parlé. Là il apprend
que le plus pauvre des paysans vient d'avoir un fils qui a reçu le nom de
Basile, mais qui n*est pas encore baptisé, parce que personne ne veut
être le compère d'un pauvre Alors Marco offre d'être parrain et propose
au père une somme d'argent pour qu'il lui donne son fils à élever.
tf J'en ferai un homme, )> lui dit-il. Après bien des hésitations le pauvre
y consent; Maico prend Tenfant et, en route, il le fait jeter dans un
ravin ; c'était en hiver. — Le surlendemain des marchands passent par
ce chemin; ils sont porteurs d'une somme de douze mille roubles qu'ils
doivent au riche Marco. Arrivés au ravin, ils entendent les cris d'un
enfant et ils envoient leur commis savoir ce que c'est. Le commis descend
dans le ravin et il y voit une verte pelouse, au milieu de laquelle est assis
un enfant qui joue avec des fleurs. Les voyageurs le prennent avec eux
et ils arrivent chez le riche Marco, qui reconnaît aussitôt son filleul. Il
propose aux marchands de les tenir quittes de toutes leurs dettes s'ils
lui donnent l'enfant. Ils y consentent et se remettent en route. — Un
soir, Marco prend l'enfant, le met dans un baril et le jette à l'eau. Le baril
est jeté aux pieds des murs d'un couvent où Ton reçoit l'enfant : il y passe
seize années et apprend à lire et à écrire, Marco le revoit et, contre une
forte somme d'argent, le marchand le reprend à l'abbé et aux frères, leur
disant qu'il veut en faire son premier commis. Suit l'épisode de la perfide
lettre; Marco y écrit à sa femme : « Aussitôt la lettre reçue, va à la
savonnerie avec le porteur de ce message et précipite-le dans une chau-
dière bouillante. « Chemin faisant, Basile rencontre un vieillard, qui lui
demande où il va et ce que c'est que la lettre qu'il porte. Il en rompt le
sceau et la donne à lire à Basile. Celui*<i, les larmes aux yeux, se de-
mande : « Qu^ai-je pu faire à cet homme pour qu'il m'envoie au trépas ? ^
Le vieillard alors lui dit : « Ne t'attriste pas; le bon Dieu ne t'aban-
donnera point. » — Et il souffle sur la lettre qui se recacbète; mais il
y avait écrit dedans : « Ma femme, dès que tu auras reçu celle lettre^
marie Anastasie avec le messager. » Ce qui a lieu en effet.
LE DIT DE L*EMPEREUR COUSTAKT ^ t^l
Un mnxt petit-ruisien s tout en conservant le nom de Marco le riche,
offre urt exemple intéressant des altérations que subissent souvent les
traits essentiels d'une légende dans la transmission orale. — Le riche
Marco s'est arrêté sous les fenêtres d'une chaumière, et c'est là qu'il
désire passer la nuit; îl entend un enfant pleurer d'une voix « angé-
lique. » w Vous avez là un méchant marmot, » dit-il aux gens de la
chaumière, « 51 ne fait que pleurer toute la nuit; vendez-le-moi. » On le
lui donne^ et il le jette au miliey de la forêt, dans un las de neige. — On
Toit que dans cette version de la légende, l'action du marchand n'est pas
motivée : on a oublié la prophétie. — Une colonne d'air chaud descend
du ciel sur l'enfant et une douce atmosphère l'enveloppe dans la neige,
de sorte que l'enfant ne souffre pas du froid. Non loin de là un paysan
avait fait ses meulesde foin; en allant chercher du foin, îl aperçoit une
clarté extraordinaire, et, s'en approchant, il trouve l'enfant dans son
nimbe et le recueille chez lui. — Quelque temps après, Marco s'arrètant
près de la maison du paysan entend de nouveau l'enfant pleyrer de sa
voix angélique. De nouveau il Tacheté, l'enferme dans un van et le
jcne à Teau. Des moines le repêchent et Télèvent dans leur couvent.
Troisième apparition de Marco, qu'attire la voix angélique de l'enfant qui
chante. Marco Pachèie pour la troisième fois, et îl l'envoie remettre à sa
femme une lettre où ordre est donné de mettre à mon le porteur. Ce-
pendant, grâce à une intervention divine, Pordre contenu dans la lettre
se transforme en celui de marier aussitôt !e porteur avec la fille du riche.
Après la noce le jeune homme se met en route et chemine, chemine...
Siiil le récit des travaux pénibles qu'il accomplit. D'ordinaire^ dans les
contes européens de ce cycle, c'est le beau-père de l'enfant trouvé qui les
lui impose, dans Hntention de faire périr son futur gendre. Dans la
version petite *russienne cette circonstance manque; le jeune homme part
de son propre gré et ce n'est qu'à la fin du conte que nous voyons se
dessiner le rapport de cet épisode avec l'ensemble.
Mentionnons encore, pour terminer, un conte albanais ». Il avait été
prédit à un riche marchand que le fils cadet d'un certain pauvre lui dé-
penserait toute sa fortune. Le marchand prie le pauvre de lui céder son
enfant et le lance à la rivière. Les flots rejettent l'enfant sur le rivage,
et un berger le recueille et l'élève. Quand il a atteint l'âge de quinze ans,
le marchand arrive chez le berger et y remarque le beau jeune homme,
il le reconnaît et apprend du père adoptif qu'il y a déjà quinze ans que le
fcime homme est dans la maison. — Suit le message et la lettre contenant
I. Dragomanor» Traditions d conus popalaires de ta Pmc*Russii^ p. )29-jj2:
Vtnjànî à ta voix anglliqm d Marco te riche.
a. Hahn, 1. c. I, n* 20.
Î52 A' WESSELOPSKY
Pordre de tuer le porteur. Chemin faisant le jeune homme rencomre un^
saint, qui se fait montrer la lettre et en substitue une autre. Rentré chez
lui» le marchand revoit Penfant trouvé déjà fiancé à sa fille. Alors il
écrit au garde de ses vignes une autre lettre, où il lui enjoint de tuer
tout homme qui, à une cenaine heure, entrera dans la vigne; puis il
y envoie son gendre, sous prétexte d*en rapporter des raisins. Le gendre
part aussitôt, maïs il arrive avant l'heure indiquée; i! cueille autant de
raisins qu'il lui en faut, puis il rentre chez lui par un autre chemin. Le
marchand va voir si sa commission est faite, et le gardien le tue. Ainsi
Fenfant trouvé entre en possession de la fortune de son beau-père, et il
sait bien la dépenser,
La dernière perfidie du marchand albanais, qui n'atteint pas son but,
de même que les pièges dressés par Zlotolub et le voyageur du récit
serbe, se sont introduits dans notre légende par analogie : ils proviennent
d'une autre légende fataliste assez répandue, fondée sur l'adage : Ne creuse
pas une fosse à ton prochain, tu pourrais bien y tomber toi-même ' . Lsl
ballade bien connue de Schiller nous autorise à nommer cette variante
de la tradition fataliste : « Légende de Fridolin » ou le « Message à la
forge » {Der Gang nach dem Eisenhammer] . Ce n*est pas ici le lieu de
nous étendre sur le caractère particulier de ce cycle légendaire * et sur
ses rapports avec celui qui nous intéresse en ce moment. Je me borne
à mentionner l'écho que cette tradition a trouvé dans un sermon allemand
du XV* siècle » ainsi que dans d'anciens prologues russes, où elle se re-
trouve sous la date du i8 avril, comme un emprunt au ^îatTepixiv 4- Ce
dernier indice témoigne en faveur d'une origine byzantine s , et je le prends
d'autant plus en considération qu'il faudra, selon toute probabilité, faire
découler de la même source le dit de Constantin, — Voici Je récit du
TcaTEfitxiv : Pendant une famine un père avait vendu son fils à un sei-
gneur; en se séparant de son enfant, il lui avait enjoint de ne jamais
passer devant une église pendant le service divin sans y entrer et y rester
jusqu'à la fin de Toffice. Le jeune homme observa strictement les recom-
mandations de son père, Un jour qu'il avait remarqué que la femme de
son maître était en liaison criminelle avec un serviteur, il n*en dit rien
à personne et se borna à prier Dieu de leur pardonner leur péché. Mais
la maîtresse, craignant le scandale, devint furieuse contre celui qui Tavait
K Weber L e. p. 25*6,
2, Voy. la note de M, G. Pans à propos de U version catalane publiée par
M. Morcl-Fatio [Romania^ V, 454),
j. Germama, ïu, 5 ; Fr. Pfciffer, PndïgtmirUm^ "M *» P- 4î7*440-
4. Buslaef, Esquisses kisloriqucsy l, p* 448-449 : Monuments de t ancienne Uui^
rature russe, 1, p. 81-8? {Légende du serf dévot, deux variantes}.
5. C'est aussi Tavis de M, Gaston Paris, I. L
LE Dît de l'empereur C0U5TANT 19J
jurprise, ei elle le calomnia auprès de son mari, lui persuadant que ce
jeune homme avait l'intention de le tuer. Alors le seigneur résolut de lui
faire subir le dernier supplice, et il convint avec t* i'éparque n que celui-ci
tuerait l'homme qui se présenterait à îui porteur d'un suaire fsG'jciptov =
sadûriam, oubrousu). Le jeune homme fut envoyé, mais en chemin il entra
ns une église où il s'attarda ; pendant ce temps on fil périr à sa place
i vrai coupable, celui qui avait déshonoré le seigneur et son épouse * .
la plupart des légendes que nous avons mentionnées (sauf les légendes
albanaise, italienne, polonaise et serbe] font suivre le récit que nous
connaissons par un autre, qui leur est commun à toutes : le beau-pére,
<]ui n'a pas eu le temps de prévenir le mariage fatal, impose à son
gendre toute sorte de travaux pénibles, l'exposant ainsi à de grands pé-
rik; mais le jeune homme en sort sain et sauf, et c*esi le beau-père qui
: par en pàtir. Cet épisode, provenant d'un autre cycle, qui a pour
iijet les « travaux pénibles )> ou les f< missions périlleuses )>, se serait
adjoint à notre légende en Europe, et à une époque assez reculée, puis-
que les versions russe, petite-russienne, tchèque, croate, allemande,
hongroise, finnoise, danoise et norvégienne sont également complétées
par le récit des travaux pénibles, qui s*y rattache de différentes manières :
on le trouve ordinairement vers la fin du conte, après le mariage de
Tenfant trouvé; il n'y a que la légende danoise de Grandtvig, n" 214,
qui le mette avant, et nous avons vu que le conte petit-russien n'a
pas réussi à le lier intimement à l'ensemble de Taciion. L*épisode des
<f travaux pénibles », ainsi que celui de « Fridolin », sont donc dans
notre légende d'une introduction relativement récente, n'en sont pas des
traits originaux et essentiels ; c'est ce que prouvent d'un côté le récit de
Constantin, que nous avons analysé; de l'autre, un conte qui se lie au
nom de l'empereur Conrad, et qui s*est conservé chez Godefroi de Vi-
lerbe ', dans les Gesta Romanorum 1, ainsi que dans quelques autres
monuments. Voici le texte de Godefroi :
Conradus imperator secundus oulli violatori pacts parcebat. Unde cornes
npoldus vioUtor pacts ttmens occidi ab imperatore, fugit in sîlvam remotissi-
am^ ibique cum uxore sua solus in tugurio latiUbaL Contigit imperatorem ex
natione soa fortuito casu illuc divertisse, et ca nocte pepent comitïssa mas-
iluin, Quo vagiente, vos de celo ail : O imperator, infans iste erit libi gêner
beres. Mac voce tertia vice audila^, surgit imperator diluculo^ et
1. Cette légende présente des points de conformité avec celle de rorphelin
Kmed, qui se trouve dans Tintroductton au roman arabe des Sept vtzirs,
Wcber I. c, p. 45*6 et Scott, TaUs^ anecdotes and UiUrs, transiûud from
\tahiû3i Anà Ptnmn^ p. ^j
2. Ed- Pistonus, p. 53 j ; Pertz, Scripiores^ XXII, p, 243,
|. Ed. Oe^îerlcy, n** 20 et les notes,
4» Cf. Gtstj Rom. I. c. : il £odem nocte mulier filtum pepent etC^^ar vocem
Homaniû^ VI
U
194 A. WESSELOFSKY
jnventis duobus suis famulis^ dixit : Ite et occidite illum infantem et cor ipsius
representate michi. Qui euntes accipiunt infantem, set misertl ipsius, non
occidunt, sed super arborcm ponont, atquerelinquunt. Regiaulem représentant
cor leporis pro corde infantis. Rex autem eos remuneraviù Transiens poslea
inde dux quidam ^ invenit et déportât infantem et adoptât etim in fitium. Impe-
rator longe post in domo ducîs videt puerum et habet suspectum, ne sit il le
tjuem precepit ocddi» et assumtt eum quasi pro cliente, et precepit ut ad
reginam luteras suas poitet, in quitus praecipiebat regîne, ut visis litteris
faciat eum occidi. Puer aulenn rem ignorans pergît et in domo sacerdotis *
hospitatur^ qui ei dormîenti litterassubripuit etaperuit, et visa ibi morte pueri^
alias litteras scnpsit in hune modum : Cum videris hune puerum, regina,
stattm da et filiam nostram in uxorem, sicut diligis vitam tuam. Et istas litteras
reposuit in marsupium pueri. Puer nescius abiît^ et ita ilia regb statim tradita
est ei ^,
J'ai fait observer plus liaut que ce n'est guère que superfidellemenl que
cette tradition est mise en rapport avec Conrad; les Gesta Romanomm
allemands substituent à ce nom ceux de Hannibal, Hambribaî, Hanibu-
bal >. Ces oscillations impliqueraient, peut-être, qu'un nom plus ancien,
le nom primitif, se serait perdu.
En abordant les versions orientales de notre légende» je m'arrêterai
avant tout à un conte ossète *. Il y avait une fois un prophète fort pieux
qui n'avait pas d*enfants. Cet homme, qui pénétrait le sens caché de la
parole divine, avait appris par une de ses lectures qu'il lui naîtrait une
fille, que Dieu ferait échoir en partage au fils d'un coussak (esclave ou
serf du princeu Désirant prévenir l'accomplissement de cette prophétie,
il pria le prince de lui céder la femme du coussatt avant la naissance de
l'enfant : il emmène cette femme enceinte dans les champs et l'évenire
d^un coup de sabre; puis il la laisse morte sur place. « Et, comme
c'était œuvre divine, l'enfant sortit du ventre de sa mère et rampa jus-
qu'à ses mamelles, dont il se mit à sucer le lait» » Un prince, qui n'avait
pas d'enfants, se trouvant à la chasse, aperçoit le petit, le fait porter
dans sa maison, Pélève et en fait son filsadoptif. « Il faut que je lise mon
livre », se dit un jour le prophète, et il lut que l'enfant était en vie.
Alors il se rend chez le prince et lui dit qu'il a absolument besoin d'en-
voyer une lettre au sujet d'une affaire fort importante, et que le seul à
audivit dicentem : Acctpe, accipe, acctpe.
dde
_ ^_. , ^ ^ Et sectinda vice audivit vocem
dicentem ad îpstim : Redde. reade, redde .. Et ecce tertia vice audivit vocem
dicentem sîbi : Fuge, fuge, fiige^ Conrade ! hic puer prtmogenitus gêner tuus
erit.
1 . Gestâ Rom, : in auandam ecclesiam,
2, Dans la suite il devient lui-même empereur, sous le nom de Henri Ul,
j. Graesse, Gâta Rom.^ Il, 198; Massmann. Kaiserckromk^ 111, io^^-<}G.
4. V. Coikcùon de renseignements sur les hûbitanls du Caueast^ v. If : Djante-
mir Schanajef, Contes populaires ossèlcSj p. 6-7 : Le prophète aimant Dieu.
LE DIT DE l'eMPEREUH COUSTANT !95
qui il puisse confier ce message est le fils du prince. Le jeune homme
part avec une lettre où ordre esi donné de ne pas le laisser sortir vivant.
Il était encore nuit lorsqu*il arriva à la niaison du prophète. Epuisé de
fatigue, il s'endormit sur le seuil, et pendant son sommeil la lettre lui
glissa de dessous l'aisselle. Sur l'aube, la fille du prophète aperçut le
beau garçon, dont elle s*amouracha. C'était oeuvre de Dieu : elle ra-
masse la lettre et, Payant lue, elle la déchire; puis elle se hâte d'en
écrire une autre selon son cœur et la glisse dans la poche du jeune
homme. Ce fut avec ce message qu'il se présenta à la femme du prophète.
Celle-ci était tout heureuse de voir arriver un gendre. Puis, ainsi que la
jeune fille Tavait recommandé dans la lettre, on lui prépara tout ce qu'il
lui fallait pour son trousseau et on la bissa partir avec le jeune homme.
Quand ils se présentèrent au prophète, celui-ci s'écria tout stupéfait :
O seul vrai Dieu, nen ne se fait donc sans ta volonté!
Les autres variantes orientales parvenues à notre connaissance» l'in-
dienne et Tarabe i celle-ci déjà mentionnée par Crimm ) , ont déjà ajouté
à leur thème primitif la légende de Fridolin, Tel est le conte indien »,
qui fait naître à Sudhârmika, roi de Kerala> un fils portant le signe du
bonheur, six orteils au pied gauche. Après le décès des parents, la nour-
rice de Tenfanl le porta à la ville de Kuntala. Là, dans le palais du mi-
nistre Dîirishtabuddhi, l'enfant se fait remarquer des sages, qui, frappés
de son extérieur et de ses manières, conseillent au ministre de lui accor-
der une attention particulière, vu que, à en juger d'après certains indices,
le destin lui réservait la royauté. Cette prophétie déplut au ministre, qui
résolut de faire périr !e nourrisson. Mais les hommes chargés de la sinistre
mission eurent pitié de l'enfant, et ils se bornèrent à lui couper son
sixième orteil, pour le montrer au roi comme preuve de l'exécution de
ses ordres. Ils exposèrent Tenfant dans une forêt, et il y fut recueilli par
le prince des Kulinda. — Puis le récit parle de l'éducation, des progrès
rapides et des exploits guerriers de Penfant trouvé, auquel on donne le
nom de Candrahàsa, souriant comme la lune; le prince des Kulinda
l'adopte. Un jour, Dhrishtabuddi, en audience che?. le prince, reconnaît
en Candrahâsa le garçon sujet de la fatale prophétie. Il s'alarme à cette
découverte, et, -craignant pour la mort de ses deux fils, il écrit à son fils
Madana, soi-disant au sujet d'importantes affaires d'état, mais en réalité
il lui donne l'ordre d'empoisonner le porteur. Pour que le message arrive
au plus vite, on en charge ïe jeune Candrahâsa, Près de la ville des
Kuntala il s'endort sous un manguier et là Vishayâ le remarque : c'est la
fille du ministre. Elle s'éprend de l'enfant trouvé. Voyant une lettre sortir
de la poche du jeune homme, elle la prend, la décacheté et est saisie
i. Weber 1. c, p. 14-25.
196 A. WESSELOFSKY
d'épouvante en apprenant la cruelle mission; mais, revenant aussitôt àj
elle, elle substitue dans la lettre aux mots : Donne-!ui du pobon^
ceux-ci : Donne-lm Vishayâ len mariagel ; elle recachète la lettre, et,M
rayant remise dans la poche de Candrahàsa^ elle rentre à la maison. Sui^^
le mariage de Candrahàsa avec Vishayâ, puis la colère du ministre, qui,
rentré chez lui, résout de faire périr son gendre par tous les moyens. Il
soudoie un homme pour le tuer près d'un temple non loin de la ville, ei
envoie Candrahàsa dans le temple y porïer une offrande de fleurs. Mais,
chemin faisant, celui-ci est mandé auprès du roi, qui lui transmet le gou-
vernement, tandis que Madana, le fils dy ministre, qui s'est chargé de
l'offrande, est mis à mort. A celle nouvelle, le père se tue lui-même.
Dans un conte arabe^ chez Galland ' et Cardonne *, nous voyons un*^
père persécuter son fils, et cette persécution est motivée d'une façon û^Ê
particuhère que nous y reconnaîtrions un trait nouveau, si nous n'avions
pas ce même détail dans un conte indien, connu probablement déjà au
v^ siècle 1. — Le marchand Kebal (chez Cardonne c'est MohallekU qui
appréhende le ressentiment de sa despotique mais riche épouse, tue sa
concubine, belle esclave qu*il a achetée dans un de ses voyages. Il vou-
drait aussi faire périr le fils qu'elle lui a donné (dans le récit de Cardonne
ce fils n'est pas nommé, dans celui de Galland il se nomme ICebal), mais
il n'arrive pas à ses fins : il expose l'enfant dans un lieu désert où le
trouve un berger, qui se charge de l'élever; puis il le jette à la mer dans
un sac de cuir, et l'enfant est sauvé par un pêcheur qui l'élève. Ensuite
le père envoie son fils porter une lettre, dans laquelle il est dit de tuer le
porteur; celte lettre tombe entre les mains de la fille du marchand; elle
y substitue une autre et devient ainsi Tépouse du jeune homme. Kebal,
qui a juré la perte de son fils, fait encore une dernière tentative : il
donne ordre à ses gens de massacrer l'homme qui descendra vers une
certaine heure son escalier, cet homme étant son ennemi secret. A l'heure
indiquée, il envoie son gendre par cet escalier; mais la fille du marchand,
pressentant un malheur, retient son mari, et pendant ce temps Kebal est
haché par ses propres gens, au moment où il descend lui-même Tes-^
caïier^ pour s'assurer que son ordre est exécuté. H
Une étude attentive des versions occidentales de notre conte donnerait
peut-être lieu de les classer en groupes, suivant les différences les plus
saillantes du récit. C'est ainsi que dans certains contes, c'est le riche qui
arrive chez le pauvre^ dans d'autres c'esi le pauvre qui demande un gîte,
K Nouvel U iuUc dti mitU et me nuits, contes arabes, II, 172-183 . CruauU de
MohâUek.
2. Mélanges de litiiratnn orientale^ II, 69-82
j. Webcr I. c, p* 42-44.
LE DIT DE l'empereur COUSTANT I97
etc.; l'épisode de la lettre substituée se prêterait aussi à une espèce de
classemeni, qui pourrait servir à préciser les limites géographiques de la
propagation de tel ou tel groupe légendaire. Dans Pa perçu qui suit,
nous nous bornerons à une comparaison sommaire des rédactions
orientales et occidentales, qui nous amène approximativement aux con-
clusions suivantes :
1 . Le Dit de Constantin (surtout dans la rédaction française) el la tra-
dition de Conrad, de même que le conte ossète présentent la forme
la plus ancienne de la légende, dépourvue encore de tout détail secon-
daire. Voici leur formule : prophétie -h lettre d'Urie ».
2. Les contes orientaux (à l'exception du conte ossète), de même que
le conte polonais, serbe et albanais, se sont complétés par la légende de
Fridolin, qui y joue un rôle épisodique* Leur formule serait donc : pro-
phétie 4- lettre d'Urie A- légende de Fridolin.
5 . La plupart des légendes européennes ont pris un développement
ultérieur : elles sont complétées vers la fin par un détail puisé à un cycle
hétérogène» celui des travaux pénibles. Cette adjonction, qui ne se re-
trouve pas dans les rédactions orientales, se serait faite en Europe.
4. Si les traditions mentionnées sous le n° i ontpénétréen Europe comme
une importation de l'Orient, le nom de Constantin, se rencontrant dans
des variantes et des relations très-divergentes, témoigne en faveur d*un
intermédiaire byzantin. Ne serait-il pas présumable que dans le récit des
Ccsta Romanorum nous avons affaire à !a légende même de Constantin,
où on n'aurait fait que substituer des noms nouveaux et plus connus aux
anciens tombés en oubli ? Une telle subsiituiion est loin d'être rare; il
est intéressant de noter qu'elle a eu lieu une autre fois au détriment des
noms de Constant ou Constantin. Je veux parler de la « Vaticinaiio
Sibyllae. » Dans ce texte singulier > où on prédit les destinées de Pempîre
d'Orient, le nom du dernier empereur est Constant: u Et tune exsurget
rex nomine et animo Constans. » Il faut probablement entendre
Constantin, d'accord avec la tradition byzantine selon laquelle, de même
que Constantin a été le fondateur de Byzance, le dernier souverain de
la cité se nommera aussi Constantin. Il régnera 122 am : a Et ipsius
regnum 122 annis termînabitur. » C'est là un détail qui n'est pas dénué
d'intérêt, parce qu'il peut servir à expliquer Tétrange indication d'une
pièce en provençal, de Bertran de Paris de Rouergue : comme quoi l'em-
pereur aurait mis j 20 ans à bâtir Constantinople :
Cen vint ans ûbnt c'anc als no fe 2.
T*On trouve aussi une « lettre d'Uric » dans le conte courde des Trois
Frères dans Lerch, Forschungcn ukr du Kunim» p. 4** suiv.
a. Bartsch, DtnkmiiUr âtr provcnialiichen Ltterûtur, p. 8^ suiv.; v. p 87,
V. Jl.
198 A. WESSELOPSKY
Cette prophétie a passé littéralement dans le traité De Vita AniechrisH^
publié sous le nom d'Adson, avec cette seule différence que le nom de
l'empereur n'y est indiqué que par son initiale : Cujus nomen erit C. —
Ce C. fut interprété depuis comme Charlemagne, et, par suite, le traité
même attribué à Alcuin ; c'est ainsi que l'on eut une nouvelle donnée
pour la légende de Charlemagne, empereur « revenant ».
En terminant, je ferai observer que, de même que la légende allemande
fait s'égarer l'empereur Conrad à la chasse, c'est par une aventure de
chasse que commence la légende serbe, pour finir, comme le récit de
Jacques d'Acqui, par la fondation de Constantinople, qui fait pendant à
celle du couvent de Hirschau par Henri IIP.
Alexandre Wesselofsky.
I. Grimm, Deutsche Sagen^ 2' éd., n* 486, p. 162. Voy. Simrock, Deutsche
Màrchen (Stuttg. 1864), n* 72 : c'est, en substance, le récit de Godefroi, il n'y
manque que les noms historiques. Un roi qui n'est pas nommé s'égare à la
chasse du cerf {Hirschjagd), ce qui s'harmonise parfaitement avec la fondation du
couvent de Hirschau mentionnée dans le conte de Grimm.
DELLE VOCI ITALIANE
CHE RADDOPPIANO UNA CONSONANTE PRÏMA DELLA VOCALE
AGCENTATA.
È un fatto ovvio nella storia delta lingua italiana, corne la consonante
scempia che succède alla vocale accentata soglia raddoppiarsi ; al modo
che si vede in acqua da âqua, leggo da lego, legge da lêge[m], figgerc da
flgtrt, piîtima da epithëma, macchina da machina (donde anche,
învece, mddna], femmina da fêmina, e simili. Quesîo fatlo si puô ira-
dtirre in altri lerminicosi, che, quando la vocale acceniata èlunga, essa
s'abbrevii, e la lunghezzasya passi alla consonante successiva [Iggem ,
l^ggf), e quando è brève, s^allunghi la successiva consonante per assi-
' curare cosi la brevità délia vocale (âqua, âcqmj, Giacchè (si badij.seè
vero che la quantité latina, corne taie, è andata perduta fieir itaîiano,
non è men vero perè che anche în italiano la vocale accentata ha attual-
mente una certa differenza quantitativa ; poichè, si pronunzia con una
cerîa lijnghezza se ha dopo di se una consonante scempia \piâno^=p l an u s,
mâno = mânus) , e con maggior rapidità se le succède una consonante
doppia o un gruppo di consonanti (càldo -^ càlji)dus, /F/^to =
fîb {uj la). Onde bensi puè dire chci pronunzîando âqua corne âcqua^
non si sia fatto che impedirle di diventare aqua (corne mâno). Su questo
fenomeno, del raddoppiamento délia consonante successiva alla vocale
accentata, si potrà recar forse maggior luce raccogUendo e confrontando
tuite le voci ov* esso ha liiogo; ma è già, come dicevo, m fatto ovvio
ed abbastanza esemplificato e dichiarato '.
Se non che, anche prima délia vocale accentata avviene non di rado che
una consonante si raddoppii : il s ep e li re latino è per noi upcîiircy ed anzj
stppttiifiy sceleratus è scditraîo, rhetorica èanche rettorica, oitrechè
reîorica, e cosi via. Or cotali raddoppiamenii sono stati avvertiti appena.
\, Vedasi Dibï^, Grammaiik dir romanischtn Sprachcn ; vol, I, CraïUtto délia
Prosadia, — Schucu^adt, nella Romama, Hï, 14.
200 F. d'OVIDIO
Il DiEZ stesso non fa che accenname alcuni esempj in promiscuità coi
raddoppiamenti posteriori all'accento > ; ne altri^ ch'iosappia, ne ha fatto
soggetto di più spéciale ricerca. Non mi è parso dunque inutile raccogliere
tutte le voci che presentano il raddoppiamento in questione, ed indagare
le ragioni che in ciascuna di esse possano averlo determinato.
Ma, prima di trascrivere e dichiarare le voci cosiffatte, gioverà ch' io
significhi quali norme io abbia tenute nello spogliare il vocabolario délia
lingua italiana.
Anzitutto, non ho fotto alcun caso di quelle parole, che presenterebbero
bensl, prese isolatamente, il raddoppiamento in sillaba protonica^ corne
tollerare pertolerare, serrare per serare, lecceto per ilicetum, colle-
rico per choie ricu s, ma che devono la lor doppia consonante sempli-
cémente ail' influsso délie parole a loro strettamente affini, fomite délia
normale geminazione postonica, quali sono îollero da tolero, serro da
sero, leccio dailiceus, collera da choléra'. E tanto meno mi son
curato di quelle parole che, sebbendi radicale latino, pur non continuano
direttamente alcuna voce latina ; bensi si derivarono, mediante qualche
suffisso, da qualche voce latina già venuta alla forma italiana; com'è il
caso, poniamo, di armgginire, il quale si derivô da rùggine, quando
questo s'era già cosi ridotto, da aeriigine[m] che era origina-
riamente ^
In secondo luogo, non ho preso in considerazione quelle voci che già
in latino oscillavano tra la consonante scempia e la doppia, com'è il caso
di solenne (e -//-), di pugilato (e -//-), Brettagna (lat. Britannia,magià
Britto), di betonica (e-«-), e di alcuni derivali di nomi dal suffisso in
-êla 4, come candelara candeliere [e -//-). Non so risolvermi a collocar
qui anche mercenario-mercennajo. In qualche vocabolario latino ^ si trova,
a proposito dimercenarius, avvertilo che forse sarebbe più retto
1. V. Gramm. d. r. Spr.; vol. I, il capitolo sulle Consonanti italiam^ e pro-
priamente il paragrafo sulla Geminazione,
2. Il CoUra (morbus) è la stessa parola, j^oXépa (v6<jo;, come chi dicesse 'la
biliosa'), rivenutaci come parola tecnica medica, e con accenlo greco. Il quale
accento sarebbe utile gli fosse mantenuto, assieme al génère maschile, per
maggior distinzione da collera, quando pur non fosse, com*è, deU'uso più
cornu ne (cfr. Giusti : Nina, risolvitij Non far l[ausUra.... Vicne il choléra).
3 . È notevole l'analogia che occorre tra le vicende délia consonante secondo
ch'è prima o dopo Taccento e le vicende della vocale secondo ch'è atona od
accentata. Come si ha soleva (=solébat), di contro a suole (=:sôletj, cosi
si ha lefriliimo (= legi timus)di contro a /rgg£(= lége|m]). Ma d'altra parte,
come SI ha suonare (= sonare) per influsso di suono^ cosi si ha toWerdre per
influsso di tôWero. E finalmente, come da pkde (non più pedefm]) si derivô
pxtdinOy cosi darwggm^ (non più aerûgine[m]) si derivô arru^ginire.
4. Almeno,se han ragionequeilessicograficheaccettanoloquella, querella,
dopo loquela, querela.
j. V. Klotz, Lateinisches Wôrterbuch.
RADDOPPIAMENTl PROTON ICÎ 20 1
itiereennarius=^*mercsd(elnariu5; ma^ quandopur quesia forma
con -nn-, invece che teoricamente ricostniita, fosse reale e documentata,
ftstercbbe sempre dubbio^ se il nostro mercennajo fosse il pertinace con-
ràuâiore dcHa forma latina in questione, o non piiittosto un postumo e
casuale riiorno de! semplice mcrcenario alla n geminata.
In lerzo luogo, ho irasandato, corne ognuno intende, quelle voci, ove
b consonante doppia non è che il risuliato délia assimilazione di due
CORsonanii che erano o divenlarono atligue. Questo è il caso di addome
=abdomen,4ï/irt€gd2ion^=abnegatione[mj,<ïn/ïfg^rf (sommergere)
&*adnecar e, accâtiare = *adcaptare, e di lytti gli aUrineocomposti
H àAid)e co'n\, corne arredo e corredo (circa -redo, vedi Diez^ Etymolo-
^^P g^diis [Vôrterhudi der romanachen Sprachen^ H, Î44'» addobhare (germ.
m -4tthban^, asiannare, ecc. , formaii sull*analogia dei composii iradizionaii.
I E van pur qui ascritti, senza paHar di matîino — mat[ultinu m , anche
I tiffi— civ[i]iate[m], Mfa^//a — 'batvalia anche per inRusso d/
I kttrreK mj/T/M/(i='manvaria,^^ffffflic=^*janvarius, burraKCL^* bor-
^^_ jaia =: ^or«435f û (cfr. burrina — borina^ bolina; e ^oppa;— ^ofii^i ,
^^P ufitûno :== arabo z a* f a r à n , assassina = arabo h a s c i s c i n^ caffè — arabo
qah vah, E qui spetterà pure camminare, il quai verbo, secondo I'Ascolï,
non é ahro che \amb-inare da ' caraba \^=gamba)f analogo interamenie
iped^nart \ Forse con gli altri esempj di doppia consonante risultante
da ncsso assimilato potrebbe qui imbrancarsi anche il Mupo mannaro\
qoasisignificasseMupusmanuarius' (— manv-i, 'il lupo checammina
ton le mani, che ha mani per piedi anteriori'; giacchè, almeno secondo
una versione assai comune délia credenza popolare, Finfelice uomo, pur
comportandosi corne lupo, non cessa d^avere gli organi umani. Ma è più
probabileche d^altro nonsi traiti, se non d*tin Mupus *humanarius,
(cfr. XuxivOpt*)-5;), cîoè Mupo umano'; cosicchè avrô ad attribyirlo alla
enegoria D, a; per cagione, s'iniende, délia forma toscana, chê a Roma
{manaro) e nel Mezzodi (menaro) troviamo la consonante scempia. Fi-
jiâlmente, il verbo difeitivo arrogcre, che se fosse vera la infelice deri-
Vazione del Dëuus, da ad-augëre^ ci darebbe un esempio di -r- (da
-d-) in 'TT-<t non è che arrogare con alierala conjugazione (v. Diez,
ûramm. d, r. S,, lî, izG.edEtym, W., II, ^ ; ecfr. il râgiîo délia lingua
In quarto luogo, ho omesso quelle voci ove il raddoppiamento non è
i che apparente graiicamente. P. es. griltanda pare aver geminato I' / di
ff^irldnda ; ma siccome questa si pronunzia in reahà ghirlïanda \y. Vescovi,
ne! Vocûb. deWuso toscano del Fanfani^ P- 775; ^ Schuchardt, nella
\. Per lo -mh* io*/nm- vedaiî Diez, Gramm, d. r,S.\ vol. [, Consonanù latine,
\ propria mente b^ In fine.
202 F, d'oVIDIO
Romania^iU^ 16-17), anziin aître epochesi sarcbbescritta proprioccsi,
senza tanti scrupoli (v, Rajna, / Cantari ai Cardaino ecc, Botogna, Ro-
raagnoH, 1873 ; p. LXV-VI), cosi la metatesi grillanda non ha fatlo che
smascherare meglb la doppia. Per la stessa ragione ho omesso pure
mammalucco (fr. mamduqué), che è Farabo mamluk, che noi pranun-
zieremmo naturalmenie mûmm-kkk.
In quinto luogo, non ho qui teîiyto conto di quei raddoppiamentî, corne
^ppoi» accanîo^ dappoi, comecchè, comecchtssm, sopratiuîto, e simili :
raddoppiamentî che appariscono quando si faccian conglomeramenti di
due parole j di cui la prima abbia, come appunto Phanno e, a, da^ comt^
sopra, ecc, il potere di raddoppiare, anche qyando le parole si scrivano
separatamenie, la consonante iniziale délia paroia seguente (p, es. e iu,
pronimzia £/fù), Questi raddoppiamenii, che aliri chiama ' siniattici*, efl
che, a scanso d'ogni più lontano equivoco, 10 inclinerei a chiaraar ^pa*^
raiattici*, sono statî già illustrât! da a!tri ' e da me stesso ^ altrove;c
sebbene merkino forse ancora studj e dichiarazioniulieriori^iuttavia non
hanno in venta nîenie a che fare col soggetto onde qui vogliamo trattare,
ed aï quale oramai senz* aliro ci volgîamo; dopo avère perô ancora
avvenito, che del raddoppiamento di z, come di quello che pare facile e
spontaneo a questo singolare suono^ risul tante del reste quasi sempre da ^
nesso di consonanii assimilato, non cioccuperemopunto, f
1 raddoppiamenti di consonante in siltaba protonica pajon déterminât!
da molteplici condizioni, sicchè h verremo enumerando distribuili in _
altrettame catégorie. Délie quali la prima H
A) è una categoria sui generis, alquarito distinta da tutte le altre, e
taie che non esige una enumerazione compiuta, ma s'accontenta di una
mera esemplificazione. Comprende essa quelle vocî in cui una consonante
è rinforzata da una consonante continua |;\ l^ r) che immediaiamenie le
succéda : par che essa comunichi alla consonante précédente, che di soliio
è b, d^ una parte délia sua forza durativa. Questo è il caso di ahbittra
(arcaismo per abjura ; lat. a b j u r a r e) , abbuUo (= a b j e c t u s) , obbietio,
obbUzione, subbietto, aMfl«/r/^(= adjacente [m]), addieîiivo (=adjcc-
tivus]'; di obbli^fao, obblio; à\ abbnyan (— *ab-ripare), Abbruzzo
1
i. V. Rajna, ne! Propugnûton^ vol. V ; e Schugharot, nella Romania, lU
i-jo.
2. Propugnatore, vol. V.
}. Dovrcmmo atinoverare qui ancKe b forma comunc Mac€ÂmtHi. l\ nome
onginario tu Maî-chlanlio^ cioè Mah-chiodo (vedi il vocabolarjo sotto ^chiûvcUo*
= clavulus con suffisse mutalo), dello identico significato^ ouîndi, che Mal-
agutû^ ed analogo a Maîaspina, MaUbrancke (assai più antico di Dante)j A/j/a-
nimû^ Mahtzzi^ Malagridû^ ecc. Si sarcbbe aspettata rassimilazionc (M/ m kkj)^
ma SI ebbe itivece la soppressione deir l^ cioè MâchtùvcUo {vedi il Sonetto suo a
Giuliano de' Medicî : < Ma perché un po' del pover Machiavello Vostra Magai-
RADDOPPIAMENTl PROTONICI 20)
(Aprutiufn). Giova perô avvertire^ e che questc vod, iranne la
penoltitTia, hanno anche la forma con consonante scempia (cfr. pùblico^
ecc.). c che la forma con la doppia la devono forse in parte pure alla
Uloenza analogica deile parole come âbbaîîere, addum, suppone^ opporre,
ekt contengono un prefisso o ïdentîco o rassomîglîanie. La seconda
dssse
B) è di quelle parole sdrucciole, che raddoppiano la consonante che
ipretede immediatamente la vocale accentaïa. Pare che 1" accento abbia in
sdrucciola una maggior forza che in parossitona, epperciô la voce,
preparandosi alla pronunciazione di un tal accento più energico, dia alla
Leonsonante stessa che lo précède una energia maggiore, Appartengono
'l quesia classe* : accUiia idxr^S(i), accoliio (iKdXoudoç, acolûthus,
)iid, Orig. 7, 12, 29), assintoto (-i-; dloîi|jixrwToç)^ ammtnnicolo (-mî/i-;
imtniculum)^ Bamhillonia (Babilonià)^, bassiliœ {-s-; ^îtçiXixov),
siiica <-S'\ una délie vene del braccio), bottdrica ^bottarga, -/-, ùk
Ts^t/i, buccoiica (-c- ; b u c 0 1 i c a ) , caîîoHco (c a t h 0 1 i c u s, xAÔoXixd;) ' ) ,
ammtdia (comœdia)^ effimero {i<^i'^\klpoç) , faccimolo (-c-; ^malia*;
ficinora?)^! gianniiztro (-^-), immagine (-m-), ippocriîo (-p-; hyp5-
Cf il a ) , mtccanica (-c- ; piyjtv w^J, melUloîo (•/- ; m e li 1 ^ t u s , |uX{Xo)Toç) ,
mmtUagint \-dU-, -cil-; mucilage e muccilago), pettegolo {-a, puti-
culus?, cfr. puîio -d, dial, pi/lW?), remrka (-r-; rhetorica)^ soffistico
(f-i, turribolo (-r-; thuril3ulura), Pittagora (-i-; Pylhagoras),
Fkmminia (-m- ; F 1 a m i n i u s) , Polloma (-/-) »
Su alcune di questc parole si puô legittimamente sospettare che abbian
kenzj si raccordi » ) e Machiavel H; o forse si ebbe il plurale Ma*chiavelti^ donde
siriconiè il singolare Machiavcîh, Comungue, la tendenza che si ha a pronun-
mrt e scriver Mûcchmdti, nasce dal solito influsso raddoppialivo dd / sulla
consonante antécédente^ ed è ajutata anche dalla inopportuna analogia de! nome
t. Quando noto la parola senz'altro, vuol dire che essa non Ka che la forma
con la consonante doppia ; quando aggiungo în parentcsi '*t*\ p. es., vuol dire
che sussiste sioricam ente anche la forma con consonante scempia. Ma quale délie
due &ia più usata attuaimente^ facendosi qui una tuera queslione fonologicaj non
accenno e non cerco. Ometto anche di notare i denvati 1 nolato, p. es., immâ-
guii, lascio slare immaginare^ immaginoso^ ecc. ecc»
a. Vedi Rajna, i, cit.
j< Scherzose formâzioni analogiche, allusiye a questi due uitimi yocaboti,
no la bttccohca pcr * la aueslion della bocca, del mangiare*, e accatlolica {mtr€
n pcr ^âccaito \mtr d') [cfr, il PonT.\, nel Fraa Ztntvcr : f Che fin che lu el
itteva ta cattoUga^ Leva franch l'inleress de la bùccokga t J. Forse a ribadire
b scherzQsa allusione che è in accattolica poirebbe aver contribuito rn piccola
parte i) pensar che si fecc agti ordini monaslici cattoîici ûé mendicanti. Ad ogni
modo, altri scherzi analoghi si hanno, p. es.^ in Sasioma per 'paese sassoso',
MouonA pcr J luogo pieno di mosche', 'candele di ccra di Stgovia' per*candelc
di s«o' , e via via. Ognuno, già, ricorda i roariti di Cornovagliû dci poemi
civaUerescbi.
4. Ma pare s'abbia ânchtfacdùmulo.
204 ^* D'OVÏDIO
influilo parole aventi con esse qualche accideniale anabgia fonica nelia
prima sillaba. Per esempio, accidia^ assintoîo possono facilmente essere
staie imbrancate tra le parole corne accendere^ assomigliare, comenenii il
prefisso a {d) ; e in accoliîo si poiè persino sentira un accolto. In imma-
gine, immaginare, si potè vedere quasi un composto di in'\ del che
sarebbe opportuna conferma il senilrsi in alcune parlaie iialiane me in"
magino (Ascoli). La terza categoria
C) è di quelle parole, le quaiî» avendodue o piCi sîllabe prima dî quella
ove cade Taccento principale, vengono sponianeamente ad avère un altro
âccento« minore, sulla sillaba iniziale; il quai minore accemoè naturate
che produca anch' esso, benchè di certo con minor costanza ed efficacia
che non faccia Taccento principale, il raddoppiamento délia successîva
consonante. Ad esempio.la forma stratiagemma per straia gemma =^^U i
lêgêma = aTpaTfj^iQ;;,*) è in soslanza sîr âtta- gemma ^ quasi corne viva
ménie^ liéve'ménîey ccosî via, Le alire voci che spetiano a questa catego-
ria sono : abhecedario ( a b c c e d a r i u m ), accademla [-c- -academia^
più lardi -emïa, \Kx%lr^*^,l\^), Aîkmagna (-/-; Alemania e-nnia)
allifante td tllionfante {^^eUfante; commlsTovi anche^ nella forma elUonf
e lionf'^ indebîtamente il nome del 'ïeone'l, alUmbicco (sp. oiambique'
arabo aUanbîq), appostotico {-p-\, AppoHonia (-p-), avvoltojo (-v-}i^
babbUonia\{-b-}^ bailacôcora (dialetlale toscano per *albicocca'; v, CaixjH
Sâggîo sulla storia délia lingua e deï diakni itatiani, p, 1^7), Catîerinâ
(-N; vMicoç), cemmamdla (e cemanella, ciarameih, aniichi francesismi,
ésichalumelle= pîccola calamus , doccolatte (spagn* chocolaté^ dal mes!
cano c h oc o 11 aï 11 , coccodrilh - *co codri lus.crocodîlus, xpT/.ilvX'::
coccoveggia (napol. cuauvaja; dacuciibareUcommafièi/^ ida comedo]
ceppicone fstorpiaiura popolana di * occipit-^ne ; v. Caix, op. cit., p. J7,
141), ttiernale (arc), tffemtrïâe fephemeris, ^r^'^t^U), facctlUna (-f-),
Ferragosto 1 Feriae Augusii), fummosterno (specie d'erba, da fumus
terrae, [cfr. fummo=fumo]), maîtemaîko (-f-; maihemaiicus;,
missirizzi (-5-), oppenione (-p'-), patlafrino ^-l-; paraveredus), pdli-
grino (-r-; peregrinus), pappagallo (d'incerta origine, v. Diez, Eîy-
motog. Worterh.y !, ?o^ ; ma tuite lealtre lingue, romanzeenon romanze
hanno un solo p)^ ptUicano (pélican us, pelecanus, rSkîxrnz)
Haffaele [Raphaël)» rtbbkone le ribeconey accrescilivo di ribéca^ dair arabo
rabâb; v. Diez, £r K^., r\ 5481, RuJ'jftj^/ïj/io i Rufinianus, nomeloc;
Flechui, scelUraio (sceleratus , seccomora {^ skomoro, sycomoruil,
sepptlîire {-p-; sepelirel, suppellettile (supellex), soddisfare (-i-;
i . Invece, daAIamania, -nniai venne Atlamagrta, donde la lorm^ aferetica
Lamagna^ e, prcso il La per articolo, la Magna; a nbadir qiiest'ullîma forma
contribucndo i) correr che si fcce col pensiero airaggcltivo magna^ che dovè
parer bcn convcnicnlc alla famosa t vagtna genlium •-
RADD0PPIAMENT1 PROTONICl JOf
fitiibcere), mimaglio -mala (-/- ; TtÔupuïXGîi , Zauaria {-c-;
Zacbarias). Attanasio (-î-; Athanasius).
Anche per moite di queste parole non è illegittimo il sospeUo che
aèbiano ricevuio, se non laspinta, almen fa conferma, al raddoppiamento,
dai ricordar che esse fecero inconsapevolmente altre parole, omofone ad
esscnelle sillabe iniziali, e lalora non alTatto incongrue nel significato.
Alçuiïe, corne accadmia, avvotiojo, soddisfare, arieggîavano i composti
I prefîsso a(d), su(b) ; pellicano ricordd forse la 'bianca pelle \ secco-
tcro il sicco, pappâgâUû il pappan^ Ferragosto il ferro, ceppicone il ceppo,
l«d quarta categoria
0* è di parole parossitone, délie quali non è facile assegnare an motivo
:lie le abbia indotte a raddoppiar la consonanie précédente ail' accento*
tMe abbiamo, ad ogni modo, un doppio lipo. Aicune presenterebbero,
luando il raddoppiamento non ci fosse, il tipo monotono di una série di
cillabe composte di consonante più vocale (e Tiniziale py6 esser sola
vocale' corne "a-lu^me {allume), * ca-po-nt [cappone] ; e in queste il rad-
^•cjoppiamemo potrebb' esser venuto da tendenza dissimîlativa. Le altre ci
ïresenterebbero dopo V accento una doppia consonante o un nesso di
czonsonanti, corne 'so-la-zzo [sollazzoj, 'Ve-le^-îri (VetUîrî), e in queste
potrebbe il raddoppiamento esser nato da tendenza ad assimilare i! peso
cîelle consonanti precedenti con quelle délie susseguenti alFaccenio.
Comunque si debba pensare di questo non facile punio, ecco intamo le
due spanizioni accennate :
â\ :aUoda-dold (a laud a ), /'a//oro (ilia-laur us), a//um£ (alum en),
féellkù (umbilîcus), bubbone {^tO'j^è^i] y honace [saAe] i*r*iarabobûraq),
èottega (apolhêca), cammino (-m-; caraînus, xi^Atvûç), cappone
{capo -Onis, Kixuiv), Fiitont {=Piîone; Python), fitione [barba
maestra délia pianta] lîuiiv? da cui perô forse ' fitto, donde l'accres-
citivo ^tro/i^ ? e insinuatavisi poi, ad ogni modo, V idea di ^fitto nel
tuûlo'?), graffito (graphium, graphisP e poi, ad ognî modo, in-
sinuatavisi r idea del *graffio'l, mammone (voce orientale ; ma in tutte le
altre lingue ha un sol m; greco aniico (Ai^js-ti, medio e moderno ;i.3tïiJLoî;
in alcuni nostn dialetti mendionali maimoneit mannaro (vedi sopra)j
miltom h/-^ melo -onis), miccino [da mica f],parâssita Iparasîtus,
trifi^tTs;!, pelrosdlino tpetroselînura, ::sTpoaiXtvov|, scrutîino HH c
i^uimno {=scrutmOt nnarc)^ scaffale {medio-alto*ted. schafc; dîalett»
nostro merid. scafaU), tappeto (tapetum), zinnale (-n-; *sinalis)^
Banoîommio {-m-, Bariholomaeus, Niccola {-c-j e^(fC(?W (-c- [onde
par continuarsi parallelamente e un Nr/.: Aiç italo-dorico , e Nicolâus^^
ÎStxîXaoç]* Tolommeo {-m-] Ptolemaeus), Tommaso (-m-). Non so
$e allogar qui vassopy che è certo ' il luogo dei vasi ' ; forse con un in-
completo suffisso -cjo per -tojo.
206 F. d'oVIDÏO
b)iûUigro {alàcre-) allocco (ulucus), allùdio (latine medioevale
alodîum; e le altre lingue neolaiine hanno un -/-, fuorchè il francese
dice allia] t baccdlo (a me pare potersi derivare da bacillum, baston-
cello), cammello (-m- ; c a m ê 1 u s ) , Cammilh (-m- ; C a m i I ! u s ) , dammascù
|e domascOj con a in o per contaito di m; Damascus)^ gaîhppa
(z^groppa, V, DiEz, Et. W.^ I,224),gjmmurra (caroùrus f),mannocdnù
(-n-; cfir, manipolo)^ napptlio (-/»-), ommttto (-m-; omittou ottarda
(avî[s]-iarda), pannocchia fpanicula), pennecchio (peniculusi e
pennello, pappardo [papaver,, PoUacco (-/-), soUazzo (solatium), sofâsma
(sojisma, aé^iapt^i), ^^ggtlio (sigillum), ucctllo (*avi cello-), ViUetri
(Velîtrae), Lancillotto (-/-),
Che anche in talune di queste vocî vt sîano stati influssi dt false ana-
logie, non v' è dubbio. Senzastare ad aîmanaccare su tutte quelle in cui
una tal cosa si puô presumere» ci basti toccare di sollazzo e saggelb, ove
facilmente s* è immaginato un composte del prefisso sub-* Su cammino
:=camînus certo influl, indebitameme, cammino (îter),
Quaiîto poi a oîtarda e uccelhj non parrebbe che lo sparir del dîttongo
au (per av[i]=ravi-) sia afifatto innocenie del raddoppiamento délia
consonanie che gli succedeva ; tanto più se si consideri corne, quando U
dittongo resta, resii pur scempia la consoname {angello^ e méridionale
aucielio). Se non che, di una assimilazione corne quella di dttà ( *ci vt a te),
non è a parlare, non avendosi qui attarda ne acctllo. Ammenochè non si
supponesse che 'avtarda, *avcello passassero in *ovfarrfa, * ùvcelh
(con a in o, pel contattodi f), donde ottarda, ucctllo fper occ-).
E qui convîen che si tocchi di alcuni verbi, di cui le sîngole voci,
isolatamente prese, dovrebbero la loro doppia consonante a ragîoni
diverse, cosîcchèii verbo complessivamente considerato non si saaquale
délie catégorie fin qui poste ascriverlo* L'infinito garreggiare (-H, e g^r-
Ttggiava {-T- e simili, entrerebbero nella categoria C, corne stràîîagémma
ecc. Invece {h) ganeggio (-r-K (egli) garreggia (-r-) e simili, entrereb-
bero nella categoria D, b, comc cammello ecc. E fimlmtnie garréggiano
(-r-i entrerebbe nella categoria B, corne cattolko ecc.
Dicasi lo siesso di eccheggiare (-c-) ; e pressappoco lo stesso di sagginare
(sa gin o;), di proccurare \'C-)y proffilare (-/-), prowcdere (-y-). Di proffe--
rire (-/-) non si pud dir neanche quesio, giacchè ha addiriitura alcunc
voci ove la doppia viene ad essere postonica, corne pràffero ^ E forse
puô stare che sia proffiro la causa di proffcnre, e quest'ultimo la causa di
tutij i raddoppiamenti che han luogo dopo il prefisso pro-. I quali perè,
donde che sian nati, non intendo perché non si estendano anche a pr(h
pone, procéderez proteggere^ proftîtare e simili.
I* Lo stesso si ha a dir di quel brulto immigre (-m-)* In cui per6 inilul
Tcrroneo suppostodi yn prefisso in-.
I
I
I
RADDOPPIAMENTl PROTONICI 207
Hé t mifiori incertezze dàn luogo varj composti dai prefissi ah- e ai-
conie âbhominan (-fr-), abborrire (-fr-), abbondare (-/?-), adâiran ['d~),
ûdiofTûti (-4-), adâornart (-J-) ; ai quali uniremo obhedlre {-b-) e abbidire
lohedire) K Se queste forme sien dovute ail' analogia dei rooiti verbi
tinciantî per d- a-, corne abbellin, opporre; ovvero ail' essersi trovate
[e vod verbali nelle condizioni délie voci délie varie catégorie da
noi enamerate, corne per es. abémino corne cathélicus, ôbedlre
corne pèlicinus, e qmndi aver raddoppiato esse {ahhàmino^ ébbe-
£iiî{ ed essersi trascinale cosî appresso lutte le alire voci ; se a ano
di questi niotivi, dico, o a tutti e due insieme, o ad akrî ancora^ deb-
basi la geminazione che si osserva in cotali verbi, io non ho modo di
risolvere ;e,inverità, ho più desiderio che speranza, che altri possa darne
t¥ia dichiarazione appieno soddisfacente.
Ne S" è finita coi prefissi, che pajono esser dawero, in qiiesîa faccenda,
i^ pietra deilo scandolo. Il prefisso in- dà luogo a forme or con -n- riso-
lutamente scerapia, corne inorridire; or con risoluta geminazione dt n^
Corne innamorare ; or finalmente osciïlanti tra le due, corne imndart
1— flfl-'i, mnalzare {-n-). In italiano in e non son le sole parole, si puôdire,
elle abbîanO; senza essere interamente atone corne gli articoli, serbata
l^con&onante finale; ma, stante la tendenza irresistîbile delPorgano to-
Escano a ridurre ad uscita vocalica anche le voci desmenti in consonante,
Seminando la consonante finale e aggiungendovi un e ', in e non si
tidusscro spesso a inné, nonne^ persin nella scrittura K Onde non riesce
difficile intendere Vinn-amoran^ inn-alzare, im-abissare e via via, che
sarebbero dovuti air abitudine fatta dall^ orecchîo toscano ail' inné per in,
K forse l'essere piùi o men carica di consonanti la parte verbale de!
cofQposto dûvè contribuire a determinare la scelta ira -ïn e tnn- (corne
ti vede appunto in inn-a-mo-ra-re, da un lato, ed in in~orr-i-di-rt
daU'altro.
A false analogie son proprio dovute disstnuna [-S'\ dysenteria^
ît*CCTtEpCa),AnuWaj (dysuria, 5uŒ0up{a), râccamare [ricaman; verbo
arabo raqama), /^imma/in/!^ (-''i"» romanzina), rammarican {'xt"
amarîcare), ammtndart [emmââte]^ arringo-are (credutodaiî-f'*''"'^*!''^»
memre non è che aringo^ fr. harangue, dal germanîco kring, oggi ring
'circolo\ in cui fu posta ^ tra /i e r per eufonia ; cfr. pitocco — Trcwx^s)»
1 , Quanlo âd annaffiarc^ esso è inaffian con prefisso scambiato. Ed annaspart^
che potrcbbe aver la identica spiegazîone^ polrebbe perè, stante la frcqaenza
delU forma naspQ par aspo^ ïn mom dialetlî, essere semplicemciîle un derivato di
ROêpOt corne annasau di naso,
2p Qui bus è letto dai Toscan! ^utbusst, dixit dissitu. E altre provincie
diaktuli fanno su per gîù lo stesso; i Calabresi dicono qmbussu^ dkchisitù,
|, V, Rajna^ l. cit.
208 F. O'OVIDIO
subbisso {-b-; fatto sopra abisso, creduio composto del prefisso a^ mentre
ê àfuîffcç, abyssus). E qui va anche ascritto il sussuno, iche da moitié
contre tutte le consueiudini toscane vecchie e nuove, si scrive per
susurrOi sùsurro), ed è da raandare a spasso, assieme con slassera ed
altre cose simili, E qui pure, giacchè si parla di false analogie, citcremo
emanceppare per emanclpare, vedutivisi dentro *i ceppi',
E) saràun'ahra categoria di voci forestière, le quali assumono facilmente
la consonante doppia, per ciô che non riconneitendosi ad altre voci
italiane restano esposte più délie altre a trasformazioni arbitrarie._
Avremo baccalà (Diez, Et, W,, U, 242), caccâo (spagn., portogh. francJ
CiJCiJO, messicano kakahuatl), caccivacca (-c- ; voce portogh.), dettaglii
{détail), gicchirc (franc, jéijuir, aniico-alto-tedesco Jehan; Diez, Et. W,
\j 20 5I, gettajone (presso gliscriitori lalinigithj^^i/iiieffo (sp^gn. ginUe)^
Gbibclîino, tacch^ {DiEZ^ Et. W,, 1, 259), mattahtaggio (-f-; maîehtage]^
ofoU/ïa (— provenzale, da oc, che sogliamo pronunziare occ.;, paUttà
(paletot j, passagaglio -ailo (spagn. pasagaiki, pottaggio (j)oîage\, qmddità
(lat- scolast. quiditas» da quid, che suolsi pronunziarc quidd), taffettà
(pers. talfteh), tonncUata (-n- ; spzgn. tondadà), trace heggiarc DiEZp]
Et, W,, II, 242).
Notiamo finalmente parecchie voci che restano dubbie, stante la eti- '
mologta o incerta od affatto oscura. Sono : aggina^ ammannite (-n- ; da
manoî D1É2, Et, W,, 11, ï 52, vi ripugna), arlccchino, abhaino, acceggia^
baccâlare (-C-), battifoUe, bdletta, bifléra, hilién, cammeo, facchino \\\ il
dizionario di Bellini e Tommaseo, che su questa voce riferiscono alcune
congetmre), ferrajuolo (-r-), gabbano (DiEz, Et, W., I, 109, i9;)tS
gabbaneila (-K), gabbeo^ galkria, gallont (cfr, gal-ante^ gala; Diez, f"'»^
W,^ Il 195; e vi fy uno, non ricordo più chi, che mise avanti retimo ala
per 'nastro*;, gallirko, garretta (*r-;i, gattabaja, ginnaremo, guarguattagio^ l
marroae^ marruffini, maîîajonCy mattarozza (-f-)^ mattonc^ nuUina idal
Maîines, corne dicono ?l, mailaghera, pappoleggio (-p*), parrofjia i-r-), sag-
gina.scoffonc, scuffina, sdonnino^ sessitura, sevecchime, solleccola, solluchero}
(salivicula? CMx^op, cil. , p. ç^}),stibbillare i,4-i esobiUare (sibilare?"
0 da subula, corne alcyni dicono?), tafferugtio, tattiimcUa, tellina, tin-
nudcuto, îottavillâ, zaccagna, zaccaraUy zecconato, zeppoUno.
Finiia la enumerazione e disiribtazioîie deile voci, ci resta ancora una
parte importaniissima délia nostra ricerca : quali sieno le consonanti che
più voleniieri soggiacciano al raddoppiamento. Ripercorrendo le nosire
liste lescluse, s*intende, la categoria A, e queste ultime voci incene), ci ,
troviamo talora avanti a dubbj penosii non sapendoci risolvere a indu- S
I . La propen&ione del loscano pel 'tt- l'ebbe già avvertita, con la sua soliu
perspicacia^ il Fleciiu {Archim glottohgko Uûltano, vol, 11^ pag. p%).
RADDOPPIAMENTI PROTON ÏC! 2O9
dot 0 ad csdudere quelle voci, ove il raddoppiamenio, più che a ragionî
looetiche, le quali del resto non devono aver quasi mai laciuto intera-
ménte> è dovuto a influsso di parole^ affmî di suono e di significatOt cui
«se ricordavano. Comunque, fatla la statistica con la maggior discrezione
possibile, irovîamo, che a tuite va innanzî, per facilita a raddoppiarsi,
b /» che si raddoppia ben ventotio volte. Le vien subito dopo il t'\ che
si raddoppia ventuna voila. Sussegue la m, con venti esempj. Il c
gonurale si raddoppia sedicî volte. Dodici volte il p ; dodici la n ; nove
û/,cd altrettanle il h ; oito la s, ed alirettante il c palatale ; sette volte
iar;ednque il d. Infimi sono il ^ palatale e il v, che han due soli
csempjognuno, Di g gutturale non ho neanche un esempio.
D'indagare le ragioni di questo dî verso ^ quasi direi, coefficiente di
genrinabilità dei varj suoni, non ho ora il tempo ne la maniera. Corne
neanche mi sento in grado di risolvere» se i motivi da noi sopra accennati
per le singole catégorie sieno stati essi la prima spinta al raddop-
pismento, e la consonante. gîà in se disposta a raddoppiarsi^ abbia
sol approffittato délia buona occasione per farlo ; ovvero se sia stata la
consonante la prima a far premure, dirô cosl, pel suo raddoppiamenio,
e i motivi suddetli abbiano solo determinata la concessione del raddop-
piimcnto niedesirao ; se insomma caîohco, p. es», lo abbian fatto camtkù
f»ù per rafîorzare 1* accenio e dar maggior corpo alla paroi a che per
sfegare la veileità raddoppiaiiva de! I, o viceversa, înclinerei^ in verità,
^ primo supposto ; benchè forse per qualche singola voce, o forse per
(jimitutta la categoria D, sî possa anche prefenre il secondo.
Altra quesîione non lieve è quelta che concerne l'età dei nostri raddop-
pijmenti, délia quale crediamo non poiersi, almen per ora^ dir aliro se
ûQn che essa vada risoluta in modo spéciale per ogni singola voce. Nella
sckiera di parole che si son passaie in rassegna ve ii*ha di quelle in cuî
il nddoppiamento ê récente, corne ve navra ceriamenie di quelle vête-
ï*nc, che assunsero la doppia consonante persin dai tempi anieriori alla
fonnazione délie varie lingue neolatine. Già sul principio di questo scritto
^Hïno notate alcune parole, corne pugilat us ecc, che accanto alla
fenna con consonante scempia aveano già nei latino classico la forma con
^ doppia, E si pu6 qui aggiungere che puranco di quelle norme che
«vcfliarono generali in questa o queîla lingua neolatina, o proprio ca-
f^tteristiche di qualcuna di esse, i primi accenni si trovano nel launodei
1. Dei ventî e un caso di -t- raddoppiato, otto sono di 'th~ (cMtolico^ AHa-
^itù^ Pittagorâ, Cattcnnaj matUmatua^ tiUtmâgîio, botuga^ Fntone)^ c dei sedici
dif gutturale tre sono di ch [matamca^ achcggmn^ Zaccam). Ma ciè non nolo^
Je non j)€r ossen'are msieme che errerebbe di moïto chi, in quesli undici casi^
ienc«c il raddoppiamento per una irasformazione o corapensazione délia primi-
tiva ispi-razione.
2 10 F. D'OVÏDIO
mîgliori tempi. Nei qualï^ per esempio» s^ebbe offa accamo a ôfelïa
(oggî ofella c offella) , che sembra accennare di già alla tendenza al rad-
doppiamento detla consonante postonica '. E di tapetum (Ti:rv;ç)J
benchè in lalino non s'abbia mai altro che con -p-, pure è legininio so-
spetlare che in eià ancora antica volgesse a -pp-, losiochè accanto
alPItaliano tappeto troviatno il francese tapiSf e non tavis^ corne in massima
s'aspeiterebbe che fosse se venisse da tapeîum, e il tedesco teppich. Ma
ceno receniissimo è beUico ed acheggiare e simili. La nosira rao
quindi, mette assieme i portaii di età storiche diversissirae,
E corne V intento storico è, s' è già detto, quello a coi abbiamo mirS
qui noi dovremmo fimre, senza guardar punto aila qoesuone praiica
ortografica. Ma non possiamo rassegnarci a dipartirci dal nostro soggetto
senza trarne almeno un criterio générale, un i7:t|jLj6'.:v quasi direi. La
quantità non scarsa di questi raddoppiamenti protonici ci deve, mi pare,
rendere non troppo restii ad accoglierli nell'uso ortografico, Dove la
forma con consonante doppia ha interamente soppiantata quella con la
scempia, non v'èneanche quesiione dafare, e nessuno, io credo, pensera
a scrjvere ahdola, sceieraîo, solazio, alegro^ hoUga e simili. Dove la
forma con consonante doppia, quantunque comparsa, in ctnt epoche e
in certe provincie, nella letteraiura, non è riuscita a farsi strada, ed è
morta, o, lutt' al più, è rimasta circoscritta a poche o a moite parlate
toscane, sarebbe un' affettazione, letterariao popolaresca, secondo i casi,
il rimetterla ora in campo, in luogo di quella ch' è più usata e più eti-
mologica : una taie affeitazioue commetterebbe chi scrivesse maUemaUca^
proccurar^e simili. Ma dove tra le due forme ha luogo ancora un ceno
contrasto^ quivi puô av^e anche un certo campo il gusto, e sin il ca-
priccio, iadivîduale. L* essere colui che scrive un erudito, a cui stia
sempre innanzi alla mente il tipo etimologico, od uno vago dt seguire
quanto sappia di più récente e di più popolare; V essere egli nativo
d'una provincia italiana ove le parlate locali spesseggino di doppie^ o
dove invece le scempie tengano il campo ; V avère iravata V una forma
0 P altra in libri prediletti o avversi ; il volere spingere la concisione fino
a risparmiar le letîere o la facondia fino ad abbondare di quelle ; tuttc
I. Corne si tfovano anche gîâ certi scempiamenti ; p, es., caualis da
canna. Ea questo propositO| raccoglieremo qualche esempio di scempiamento
italtano ; senza (oerô volerne fare oggftto di rîcerca e di dicniarazione. Ciiiamo :
&bûi€ {'bh')^ comiûio (-w^*), comanJoy comune^ comcnto, -tario l-mm-l, cmabra
(cinnabaris, xivydt(5«piç), canochiak {-nn}^ isa^erart, EmanueU (-mm-), gra-
mati(a\-mm-\f paraUsse (-//-; TïapdJXaÇic), parosismo {-ss- ; TtapoÇvciiô; ), sca'
monta (scammonêaT<rxau.(uiiv&La), ufizio ('ff-)> Cfr. makto (maie aptus; ma
prcso per participio di malan^ ammalare, verbî denominatïvi dî mûU ; cfr. invece
maiatiïû)^ hruHco {ûà ' b[rJullico da bull i o ? Caix, op, cit., p. io2),camot/o,
/Tddco fpracticusFulgcnt. Mytb. 2, i ; iTpaxTw6« ; a sccropiare il *ff- con-
tribul \'nr\n\ogi3i dl fanaticOf companatkoj maUmatico c simili).
RADDOPPIAMENTI PROTONICI 211
queste e simili altre cose sogliono determinare colui che scrive a scapric-
ôni a prediligere piuttosto 1' una che V altra forma ; predilezione, del
rato, cbe spesso è affatto momentanea e mutabile. Tunavia, io crederei
dteottcriterio giusto avesse ad esser questo. Quanto aile parole che
entmo più nel linguaggio dotto, preferirei la forma più etimologica ;
(Sreilapoesia bucolica, per esempio, e direi, scrivendo di matematica,
^ûàntoti; perché queste son parole tecniche che restano nel dominio
fipochi, i quali facilmente possono convenire di attenersi alla forma più
etimologica emenosformata. Ma direisempre cattoUco^ meccanica, perché
Posocomane è questo, e scrivendo altrimenti si va incontro alla mara-
viglia di molti e al sorriso di parecchi, senza che metta conto di suscitar
({odla 0 di sfidar questo.
Franccsco d'Ovidio.
CONTES POPULAIRES LORRAINS
RECUEILLIS DANS UN VILLAGE DU BARROIS
A MONTIERS-SUR-SAULX (mEUSE)
(Suite).
XII.
LE PRINCE ET SON CHEVAL.
Il était une fois un roi qui avait un fils. Un jour, il lui dît :
« Mon fils, je pars en voyage pour une quinzaine.. Voici toutes les clefs
du château, mais vous n'entrerez pas dans telle chambre. — Non, mon
père, » répondit le prince. Dès que son père eut le dos tourné, il courut
droit à la chambre et y trouva une belle fontaine d'or; il y trempa le
doigt; aussitôt son doigt fut tout doré. Il essaya d'enlever l'or, mais il
eut beau frotter, rien n'y fit ; il se mit un linge au doigt.
Le soir même, le roi revint. « Eh bien ! mon fils, avez-vous été dans
la chambre? — Non, mon père. — Qu'avez-vous donc au doigt .^ —
Rien, mon père. — Mon fils, vous avez quelque chose. — C'est que je
me suis coupé le doigt en taillant la soupe à nos domestiques. —
Montrez-moi votre doigt. » Il fallut bien obéir. « A qui me fierai-je, »
dit le roi, « si je ne puis me fier à mon fils f » Puis il lui dit : « Je vais
repartir en voyage pour quinze jours. Tenez, voici toutes mes clefs, mais
n'entrez pas dans la chambre où je vous ai défendu d'entrer. — Non,
mon père ; soyez tranquille. »
A peine son père fut-il parti que le prince courut à la fontaine d'or;
il y plongea ses habits et sa tête ; aussitôt ses habits furent tout dorés et
ses cheveux aussi. Puis il entra dans l'écurie, où il y avait deux che-
vaux, Moreau et Bayard. « Moreau, » dit le prince, « combien fais-tu
de lieues d'un pas ? — Dix-huit. — Et toi, Bayard ^ — Moi, je n'en fiais
que quinze, mais j'ai plus d'esprit que Moreau. Vous ferez bien de me
prendre. » Le prince monta sur Bayard et partit en toute hâte.
CONTES POPULAIRES LORRAINS ÎÏJ
Le soif même, le rot revint au château. Ne voyant pas son fils, il
courut à Pécurie. a Où est Bayard ? » dit-il à Moreau* — « Il est parti
ivec votre fils. » Le roi prit Moreau et se mit à la poursuite du
prince.
Au bout de quelque temps, Bayard dit au jeune homme : « Ah !
prince, nous sommes perdus 1 je sens derrière nous !e souffle de Moreau,
Tenez, voici une éponge ; jetez-la derrière vous le plus haut et le plus
loin que vous pourrez. « Le pnnce fit ce que \m disait son cheval, et,
iTendroitoù tomba Téponge, il s'éleva aussitôt une grande forêt. Le
foi hîDcWt la forêt avec Moreau. « Ah! prince, « dit Bayard, « nous
tînmes perdus! je sens derrière nous le souffle de Moreay, Tenez,
»ûid une étrille; jetez4â derrière vous le plus haut et le plus loin que
vous pourrez, »i Le prince jeta Tétrille, et aussitôt il se trouva une
grande rivière entre eux et le roi. Le roi passa la rivière avec Moreau.
<' Ah! prince, i> dit Bayard, « nous sommes perdus! je sens derrière
nous le souffle de Moreau. Tenez, voici une pierre; jetez-la derrière
ym le plus haut et le plus loin que vous pourrez. » Le prince jeta la
pierre» et il se dressa derrière eux une grande montagne de rasoirs. Le
n>i voulut la franchir, mais Moreau se coupait les pieds; quand ils furent
^à moitié de la montagne, il leur fallut rebrousser chemin.
Cependant le prince rencontra un jeune garçon, qui venait de quitter
rotee Cl retournait au pays, « Mon ami, » lui diî-il, « veux-tu
édianger tes habits contre les miens ? — Oh ! » répondit le jeune gar-
çon, u vous voulez vous moquer de moi, n H lui donna pourtant ses
Mu; le prince les mit, puis il acheta une vessie et s'en couvrit la tète.
Ainsi équipé, iî se rendit au château du roi du pays, et demanda si Ton
iïait besoin d'un marmiton : on lui répondit qu'oui. Comme il gardait
toujours la vessie sur sa tête et ne laissait jamais voir ses cheveux, tout
|lcnionde au château le nommait le Petit Teigneux.
OTi le roi avait trois filles qu'il voulait marier : chacune des princesses
devait désigner celui qu*elle choisirait en lui jetant une pomme d*or» Les
*^ipeurs de la cour vinrent donc à la file se présenter devant elles, et
^<ieux aînées jetèrent leurs pommes d'or, Tune à un bossu, l'autre à un
tortu. Le Petit Teigneux s'était glissé au milieu des seigneurs; ce fut à
iiîi que la plus jeune des princesses jeta sa pomme : elle Pavait vu
<'étnêier sa chevelure d'or, et elle savait à quoi s'en tenir sur son compte,
l-crûi fut bien fâché du choix de ses filles : ^ Un tortu, un bossu, un
teigneux, d s'écria-t-il, « voilà de beaux gendres ! «
Quelque temps après, il tomba malade. Pour le guérir, il fallait trois
pots d'eau de la reine d'Hongrie : le tortu et le bossu se mirent en roule
pour les aller chercher. Le prince dit à sa femme : *< Va demander à ton
P*re si je puis aussi me mettre en campagne* *>
114 E> COSQUIH
u Bonjour, mon cher père. — Bonjour, madame la Teigneuse.
Le Teigneux demande s'il peut se mettre en campagne. — A son aise.
Qu'il prenne le cheval àtrois jambes, qu'ilparte et qu'il ne revienne plus. >*
Elle retourna trouver son mari. « Eh bien ! qu'est-ce qu'a dit ton
père ? — Mon ami, il vous dit de prendre le cheval à trois jambes et de
partir, » Elle n'ajouta pas que le roi souhaitait de ne pas le voir reve-
nir. Le prince monta donc sur le vieux cheval et se rendit au bois où il
avait laissé Bayard, Il trouva auprès de Bayard les trois pots d'eau de
la reine d'Hongrie; il les prit et remonta sur le cheval à trois jambes.
En passant près d'une auberge, il y aperçut ses deux beaux-frères qui
étaient à rire et à boire, u Eh bien ! » leur dit-il, « vous n'êtes pas allés
chercher Teau de la reine d'Hongrie? — Oh! n répondirent-ils, « à
quoi bon? Est-ce que tu l'aurais trouvée? — Ouï. — Veux-tu nous
vendre les trois pots?— Vous ks aurez, si vous voulez que je vous
donne cent coups d'alêne dans le derrière. — Bien volontiers. »>
Le tortu et le bossu allèrent porter au roi les trois pots d'eau de la
reine d'Hongrie. « Vous n'avez pas vu le Teigneux? *> leur demanda le
roi. — « Non vraiment, sire, » répondirent-ils. « En voilà un beau que
votre Teigneux ! » M
Quelque temps après, il y eut une guerre. Le prince dit à sa femme?
« Va demander à ton père si je puis me mettre en campagne. »
« Bonjour, mon cher père. — Bonjour, madame la Teigneuse. — Le
Teigneux demande s'il peut se mettre en campagne. — A son aise. Qu'il
prenne le cheval à trois jambes, qu'il parte et qu'il ne revienne plus, o
Elle retourna trouver son mari, a Eh bien! qu'est-ce qu'a dit ton
père ? — Mon ami, il vous dit de prendre le cheva! à trois jambes et de
partir. » Elle n'ajouta pas que le roi souhaitait de ne pas le voir revenir.
Le prince se rendit au bois sur le cheval à trois jambes. Arrivé là, il mit ses
habits dorés, monta sur Bayard et s'en fut combattre les ennemis 11
remporta la victoire. Or, c'était contre le roi son père qu'il avait livré
bataille.
Le tortu et le bossu, qui avaient regardé de loin le combat, retour-
nèrent auprès du roi et lui dirent : « Ah ! sire» si vous aviez vu le vaillant
homme qui a gagné la bataille! — Héîas! » dit le roi, « si fVvais encore
ma plus jeune fille, je ta lui donnerais bien volontiers I Mais avez-
vous vu le Teigneux? — Non vraiment, sire, » répondirent-ils. m En
voilà un beau que votre Teigneux ! n
Survint une nouvelle guerre. Le prince envoya sa femme demander
pour lui au roi la permission de se mettre en campagne. Puis, s'étani
rendu au bois sur le cheval à trois jambes, il mît ses habits dorés,
monta sur Bayard, et partit pour la guerre, encore plus beau que la
première fois. Il gagna la bataille, et le tortu et le bossu, qui regardaient
à
CONTES POPULAIRES LORRAINS 21 J
de Ictni disaient : « Ah ! le bel homme I le vaillant homme ! — Ah !
m, Il dirent'ils au roi^ u si vous aviez vu le vaillant homme qui a gagné
labaîaîllc! — Hélas! i> dit le roi, a que n'ai-je encore ma plus jeune
fille! je la lui donnerais bien volontiers Mais avez-vous vu le Tei-
gneux?— Non vraiment, sire* En %'oilà un beau que votre Teigneux! »
U fallait encore deux pots d*eau de la reine d'Hongrie pour achever
il guérison du roi. Le prince fit demander au roi la permission de se
mettre en campagne» et s'en alla au bois sur le cheval à trois jambes. Il
trouva les deux pots près de Bayard ; il les prit» puis il repartit. En
' passant devant une auberge, il y vit ses deux beaux-frères qui étaient à
rire et à boire. « Eh bien! « leur dit-il, w vous n'allez pas chercher l'eau
de la reine d'Hongrie P — Non, » répondirent-ils; « à quoi bon? En
aiï-tu par hasard ? — Oui, j'en rapporte deux pots. — Veux-tu nous
'es vendre? — Je veux bien vous les céder, si vous me donnez vos
pommes d'or, — Qu'à cela ne tienne! les voilà, »
Le prince prit les pommes d'or, et ses beaux-frères allèrent porter au
_ roi l'eau de la reine d'Hongrie, ^t Avez-vous vu le Teigneux ? leur
<lemanda le roi. — Non vraiment, sire, » répondirent-ils. *c En voilà un
l^u que votre Teigneux ! )>
Bientôt après, le roi eut de nouveau à soutenir une guerre. Le prince
F^c rendit au bois, comme les fois précédentes, sur le cheval à trois jambes.
Arrivé là, il mit ses habits dorés, avec lesquels il avait encore meilleur
^^iir qu'auparavant, monta sur Bayard et partit. 11 gagna encore la bataille.
De il s'en retournait au galop^ le roi, qui cette fois assistait au
it, lui cassa sa lance dans la cuisse afm de pouvoir le reconnaître
fcUrd,
Oe retour dans te bois, Bayard dit à son maître : « Prince, je suis
pnrrce aussi bien que vous : je devais rendre cinq services à un prince,
^'oulez-vous partir avec moi? Mais maintenant où est mon royaume» où
^îtout ce que je possédais t }^ Le prince le laissa partir seul, ei revint au
^ûàîeau sur le cheval à trois jambes,
^ roi fit publier partout que celui qui avait gagné la bataille recevrait
""^ grande récompense. Beaucoup de gens se présentèrent au château
^pf^s s'être cassé une lance dans la cuisse; mais on n'avait pas de peine
* reconnaître que ce n'était pas la lance du roi,
Cependant le prince était arrivé chez lui, et sa femme avait envoyé
chercher un médecin pour retirer la lance. Le roi vit entrer le médecin;
^ûffit^jç celui-ci restait longtemps, il entra lui-même et reconnut sa
*>wœ ;ilne savait comment expliquer la chose. Le prince lui dit : n C'est
***' qui ai tout fait. La première fois, j'ai trouvé les trois pots d'eau de
** ^'^ine d'Hongrie près de mon cheval : je les ai cédés à mes beaux-
trèr^s moyennant cent coups d'alêne que je leur ai donnés dans le der-
2|6 E. COSQUIN
rière. La seconde fois, ils m'ont donné leurs pommes d'or pour avoir
les deux autres pots. »
Le roi fit alors venir le tortu et le bossu : « Eh bien! » leur dit-il,
« où sont vos pommes d'or? — Nous ne les avons plus. » On leur
donna à chacun un coup de pied et on les mit à la porte. On fit la paix
avec le père du prince, et tout le monde fut heureux.
Notre conte correspond au n* 136 de la collection Grimm, qui est moins
complet. Voir les remarques de G. Grimm sur ce conte et aussi celles publiées
par M. R. Kœhler en 1867 sur un conte italien (Jahrbuch fur romanischt und
cnglische Uteratur, t. VIII, p. 253) et en 1870 sur plusieurs contes siciliens de la
collection Gonzenbach (n^* 26^ 61 et 67), dans lesquels nous retrouvons^ eo les
complétant les uns par les autres, les divers éléments de notre conte lorrain.
Nous insisterons sur certains rapprochements déjà indiqués dans ces remarques
et nous en ajouterons de nouveaux.
L'introduction de notre conte lorrain se retrouve, plus ou moins ressemblante,
dans différents contes européens. A ceux que M. Kœhler a analysés dans
ses remarques sur le conte italien, nous pouvons en ajouter d'autres, très-voi-
sins aussi du nôtre pour l'ensemble du récit : un conte du Tyrol italien (Schnel-
1er, n® 20), deux contes du • pays des Saxons » en Transylvanie (Haltrich,
Deutsche Volksmarchen dus dem Sachsenlande in Siebenbûrgen, 1856, n*' 11 et 15),
et un conte flamand (Deulin, Contes du roïCambrinus^ 3» éd., 1874; voir, p. 151,
le conte intitulé Caillou qui biques!,..). Mentionnons encore un conte catalan
du Rondallaye publié par M. Maspons y Labros (3" série, 1875, p. 21) et
le conte breton de Koadalan^ recueilli par M. F.-M. Luzel {Revue celtiquey
n* I, 1870), lesquels, dans le cours du récit, s'écartent de notre conte.
En Orient, nous avons d'abord à citer un épisode d'un poëme des Kirghîzde la
Sibérie méridionale (RadlofF, Probcn der VolksUteratur der tûrkischen Stamme Sud-
SibirienSf t. III, 1870, p. 261). Kosy Kœrpœsch, parti à la recherche de sa
fiancée, arrive auprès d'une * fontaine d'or » ; il y trempe sa chevelure, qui
devient toute dorée. Une vieille femme qui lui apprend où est Bajan, sa fiancée,
lui conseille de se déguiser en teigneux. II arrive pendant la nuit à la yourte de
Bajan et se couche par terre. La jeune fille, s'étant réveillée, voit la yourte
tout éclairée. Ce sont les cheveux de Kusy qui sont sortis de dessous sa coiflfiire
et qui brillent. Elle reconnaît que Kosy est là.
Mais ce qui se rapproche d'une façon bien plus frappante de l'introduction de
notre conte lorrain, c'est un conte qui a été recueilli dans l'Ile de Zanzibar,
chez les Swahili, population issue d'un mélange de nègres et d'Arabes (Swahili
Taies, wilh an english translation, by Edward Steere. London, 1870, p.' 381).
En voici le résumé :
Un sultan n'a point d'enfants. Un jour, il se présente devant lui un démon
sous forme humaine, qui lui offre de lui en faire avoir, â condition que sur
deux, le sultan lui en donnera un. Le sultan accepte la proposition; sa femme
mange une certaine substance que le démon a apportée et elle a trois enfants.
Quand ces enfants sont devenus grands, le démon en prend un et l'emmène dans
sa maison. — Au bout de quelque temps, il donne au jeune garçon toutes ses
CONTES POPULAIRES LORRArNS llj
clefs et part paur un mois en voyage. Un jour, le jeune garçon ouvre la porte
d'une chambre : il votl de l'or fondu; il y met le doigt et le retire tout doré,
II a beau le trotter» Tor ne s*en va pas ; alors il enveloppe son doigt dans un
chifîon de linge. Le démon » étant revenu, lui demande : * Qu'avez- vous au
doigt? » — « Je me suis coupé, » dit le jeune garçon. Pendant une autre
absence du démon, le jeune garçon ouvre toytes les chambres. Il trouve dans
les cinq premières des os de divers animaux^ dans la sixième des crânes humains^
dans la septième un cheval vivant. « 0 fils d'Adam 1 * lui dit le cheval, « d'où
ircnez-vous? • El il lui explique que (e démon ne fait autre chose que de
dévorer des hommes et toutes sortes d'animaux. Il donne au jeune garçon ïe
mojtn de le faire périr. Le jeune garçon suit ces conseils, et, débarrassés du
démon, le cheval et lui vont s'établir dans une ville, bâtissent une maison, et le
jeune homme épouse la fille du sultan du pays.
Ce n'est pas seulement l'introduction de notre conte lorrain, c'est presque
tout l'ensemble du récit que nous retrouvons dans le Cambodge (Bastian, die
Vdlkcr dci asiitckm Asuns, t, IV, 1868, p. J50), En voici le résumé d'après
I analyse fort écourtéc de M. Bastian :
Après diverses aventures, Chao Gnoh, enfant extraordinaire, est recueilli par
la reine des Yakhs (sorte d'ogres ou de mauvais génies), laquelle Tadopte pour
fils. Elle le laisse libre de se promener à son gré dans les jardins du palais;
mais il ne doit pas s'approcher de l'étang d*argenl ni de l'étang d'or. Poussé
par la cunosilé, Chao Gnoh va voir Tétang d'or, y plonge le doîgt, et, ne pou*
vanl enlever l'or dont son doigt est resté couvert, il se voit obligé de le bander
e! de dire a la reine qu'il s'est blessé. Puis il visite les cuisines du palais et y
trouve des monceaux d'ossements et aussi une paire de pantoufles merveilleuses
«îec lesquelles on peut voyager dans i'air, un bonnet qui donne l'apparence
d'un sauvage {sic) et une baguette magique» Il prend ces ob|ets et s'élève en
l'air par la vertu des pantoufles. Comme il se repose sur un arbre» îa reine des
Yakhs l'aperçoit et lui crie de revenir; mais il ne Técoule pas. Alors elle met
par écrit toute sa science magique, appelle autour d'elle tous les animaux et
meurt de chagrin. Son fils adoptif, étant venu aux funérailles, lit les formules que
la reine a écrites et les apprend par cœur. Puis, prenant son vol, il arrive dans
un pays où justement un roi célébrait les noces de ses filles, à l'exception de la
plos jeune qui ne trouvait personne à son goût. Le roi fait venir tous les jeunes
gens de son royaume, mais aucun ne plaît à h princesse, puis tous les hommes
d*jge, mais sans plus de résultat. Alors il demande s'il est encore resté quel-
qu'un. On lui répond qu'il n'y a plus que le sauvage (Chao Gnoh) qui joue là-
biS avec les enfants de la campagne. Quand la princesse entend parler de Chao
Gooh, elle se déclare aussitôt disposée à l'épouser, malgré le mécontentement
de son père, qui la bannit avec son mari dans un désert, (^elque temps
après, le roi exprime le désir d'avoir du poisson et envoie ses gendres lui en
chercher; mats ceux-ci ne peuvent en trouver, car Chao Gnoh, grâce à son art
magique, a rassemblé tous ks poissons autour de lui après avoir lui-mêmechangé
de forme. Enfm, après bien des supplications de la part de ses beaux^frères, il
consent à leur en céder, mais seulement à condition quVil leur coupera le bout
du nez. Ensuite le roi a envie de gibier; mais ses gendres ont beau chasser :
ai8 E. COSQUIN
ChaoGnoh a rassemblé autour de lui tous les animaux de la forêt, et il oe leur en
cède que contre le bout d'une de leurs oreilles. Mais bientôt, poussés par les
génies qui sont indignés de voir mépriser leur ami (Chao Gnoh), des ennemis
fondent en grand nombre sur le pays du roi, et ses gendres sont battus. Comme
le roi demande s'il ne reste plus personne, on lui parle de Chao Gnoh, et
celui-ci, muni par les génies d'armes magiques et d'un cheval ailé, a bientôt
fait de mettre l'ennemi en déroute. A son retour, le roi, rempli de joie, le fait
monter sur son trône.
Dans ce conte de l'extrême Orient, comme dans notre conte lorrain, se
trouvent i la fois l'épisode des objets cédés par le héros à ses beaux-frères et
celui de la victoire remportée par lui, épisodes qui, dans un grand nombre de
contes européens de ce type, ne sont pas réunis dans le même récit. 11 ne sera
peut-être pas sans intérêt de nous arrêter un instant sur le premier de ces deux
épisodes.
Dans un conte sicilien (Gonzenbach, n* 61), Peppe cède à ses frères les
oiseaux qu'il a tués, i la condition qu'il leur imprimera sur l'épaule une tache
noire. Dans un conte grec moderne (Hahn, II, p. 198)^ le héros ne donne
i ses beaux-frères une fiole du lait de biche qui doit rendre la vue au roi
qu'après qu'ils se sont laissé marquer au derrière (sio du sabot de son cheval.
Dans un romance espagnol cité par M. Kœhler, Juan remet successivement à
ses frères l'eau merveilleuse, le lait de lionne et les étendards pris sur l'ennemi,
en échange de quoi ses frères lui donnent les poires qu'ils ont reçues du roi
(dans le conte du Tyroi italien mentionné plus haut, le prétendu « teigneux »
cède à ses beaux-frères une fiole de sang de dragon contre les • boules d'or •
— dans un autre conte du même pays, contre les c pomrfies d'or ■ — qu'ils
ont reçues des princesses); puis ils se laissent couper une oreille et enfin
marquer au fer rouge d'un signe de servitude sur l'épaule gauche. Dans un conte
russe, également cité par M. Kœhler, c'est contre un petit doigt du pied, puis
de la main, et contre une lanière sanglante taillée dans leur dos que les beaux-
li*ères du héros reçoivent de lui trois animaux merveilleux qu'ils étaient allés
chercher.
Ces conditions du conte russe se retrouvent identiquement dans un poème des
Tartares de Sibérie, très-voisin de notre conte et dont voici l'analyse (Radloff,
t. II, 1868, p. 607 etsuiv.) :
Sudati Mxrgxn, trahi par sa femme qui veut le faire tuer, abandonne son
pays. Près de mourir de faim dans une forêt, il dit à un ours qu'il rencontre de
le dévorer, l /ours a peur de lui et s'enfuit. Sudaei Maergan le rattrape, le saisit
et \t Uncc par terre : la peau lui reste dans la main. Il s'en revêt et arrive dans
m )MY3i où il elfraie les gens. Il entre dans une maison, dit qu'il est un homme
("1 sli^iUAmif Ji une jeune fille pourquoi il y a tant de monde rassemblé. Elle
u*jK»ml \\w \'\\\ le mariage de ses deux sœurs.. Son père, un prince, veut lui
\à\\9 ^^^^M^'( \^\^ certain individu ; elle refuse. Le père se fâche : c Alors », dit-il
VM w iMs^ivMiitt « veux-tu prendre l'ours que voilà? > La jeune fille répond
s|U s\\^\ l-^lk W prend en effet pour mari, et ils vont se loger dans une vieille
^vuMv». i*w |i»wr, les beaux-frères de Sudaei Maergaen reçoivent du prince
h^^(UlK^^ U'^ller veiller sur certaine jument, dont le poulain disparait chaque
CONTES POPULAIRES LORRAINS 219
innèt, La femme du prétendu ours a entendu, et elle va rapporter la chose
à fOn mari. Sudsi Msrgacn lui dît d'aller demander pour lui un cheval au
prince. Celui-ci lui donne un mauvais cheval et voilà Sudaci Maergxn en cam-
pagne; mais en chemin il lui arrive un autre cheval, celui avec lequel il s'était
enfaidcson pays, et ce cheval lui apporte tout un magnifique équipement. Il
trouve près de la prairie où est la jument ses beaux-frères endormis sur
kun chevaux. Quand la |umenl a mis bas son poulain, Sudaeî Maergacn voit un
énorme oiseau fondre dessus et l'enlever. Il bande son arc et abatl'ojseau. Pour
ifoïr cet oiseau, ses beaux-frères, qui ne le reconnaissent pas, lui donnent sur
a demande une phalange de leur petit dotgt. Quelque temps après, fe prince
éi i ses deux gendres d'aller tuer un tigre qui lui mange son peuple. C'est
encore Sud«i Marrgaen qui le tue, et il le cède à ses beaux^rères à condition de
kiÈT Uilltr des lanières dans le dos. Après diverses aventures, il dévoile devant
^ pfiaot la conduite de ses beaux-frères.
L'épisode de la bataille est, dans plusieurs contes européens, remplacé par
i'éptsode d*un tournoi où le héros remporte le prix (par exemple, dans le conte
<lo Tyrol italien cité plus haut».
Toute celte partie de notre conte se retrouve dans une légende du moyen âge^
^*c de Robert le Diable GûrKi/rgiifAf Gdthrtc Anztigtn^ 1869, p. ^76 scq.).
Robert le Diable, pour expier ses péchés, se fait passer pour muet et pour
ttiioi et vit méprisé de tous à la cour de l'empereur de Rome. Celui-ci a un
iwiéchaJ quj a demandé en vain ta main de sa fille. Pour se venger de ce refus,
** ^coéchal vient assiéger ta vilie avec une armée de Sarrasins. L'empereur
^rche contre lui. Robert, qu'on a laissé au château, tfouvedans le jardin, près
*'Wae lontjme, un cheval blanc avec une armure blanche complète; en même
l^mps une voix du ciel lui dit d'aller au secours de l'empereur. Il part, rem-
porte la victoire et disparaît pour aller reprendre au château son rôle de fou.
^^Jt lois encore il gagne la bataille; la dernière, l'empereur» voyant le chevalier
^ocotïnti s'éloigner i toute bride^ lance une pique pour tuer son cheval, mais
" "^ manque et atteint Robert à la jambe. Celui-ci s'échappe néanmoins,
^portant dans sa blessure la pointe de la pique. 11 la cache dans le jardin et
•jM^iSe sa blessure avec de l'herbe et de la mousse, La princesse l'aperçoit de sa
, ^''«i comme elle Ta déjà vu précédemment revêtir son armure et monter à
wiev^l - mais, comme elle est muette, elle ne peut rien dire. L'empereur fait
pi^blier que celui qui lui présentera la pointe de la pique et lui montrera ta bles-
^^^^ faite par lui à Tinconnu, aura sa fille en mariage. Le sénéchal parvient à
^^^*^pcr l'empereur et déjà il est à Tautel avec la princesse, quand celle-ci, par
^^ oiir^cle, recouvre la parole et dévoile tout. Robert veut continuer à faire
.nttsensé, mais un ermite, qui a eu une révélation à son sujet, lui dit que sa
F^njietîce est terminée, et Robert épouî^e la princesse,
^-*s contes que nous venons de résumer ne nous présentent pas l'épisode de
^ f>Oursuite à laquelle échappe le prhice en lançant derrière lui divers objets
^*^ïques. Cet épisode existe dans les contes tyrolien, catalan et breton men-
^nnej plus haut; il figure également dans d'autres contes analogues au nôtre:
^^us yn conte autrichien (Vcrnaleken, n* 8), dans un conte norwégten (Asbiœm-
J4» I" voL de ta trad. allemande) et dans deux contes lapons, dont Tun
ien.
220 E. COSQUm
ressemble fort au nôtre (voir la Revue Girmaniâ, innét 1870, n*' 6 et 7 des
contes lapons traduits par M, Liebrccht; ces deux derniers, à partir de cet
cndroii^ passent dans un autre groupe de contes). Nous le retrouvons aussi dans
un grand nombre de contes différents de notre conte lorrain pour l'ensemble du
récit. Ainsi M. Kœhîer cite des contes écossais, irlandais^ allemands, hongrois,
polonais {Orimt and Occident^ t II, 1862, p. 107, [ii et suiv.). Nous pouvons
encore mentionner, en Europe, un conle catalan (Rondallayre, 1»* série, 1871,
p. 46), un conte sicilien (Gonzenbach, u'^C^)^ un conte italien recueilli à Rome
(Miss Busk, The Folk-Ion of Rome, 1874, p. 8), un conle roumain deTransylvanie
(Revue VAti^land, année 1856, p. 21 2 1), un conte allemand du même pays
(Haitrich, n® 57), un conte des Tsiganes de la Bukovine (Mémoires de T Aca-
démie de Vienne, t. 23 (1874) p, 327), un conte grec moderne (Hahn, n*> i>,
un conte iriandais (P. Kennedy, Tkc Finùdt Storits of ircland^UMm, 187^,
p. 6i)j un conte islandais (Arnason^ trad. anglaise, 2<^ série, p. $21}^ un conte
finnois (Gattingische Cckkrk Anzàgen^ 1862, p. 1228)» un conte russe (Gubcr-
natiSf Zooîogical Mythology^ II, p. 6o\ ; en dehors de TEurope, mais dans les
limites de l'empire russe, un conte samoyède {Gœtùfigisckc Gdthnc An:agcn, hc,
cit,] et un conte kirghiz de la Sibérie méridionale, recueilli par M. Radioff dans
son ouvrage déjà plusieurs fois cité (t, III; p. 383).
Dans l'extrême Orient, nous pouvons rapprocher de ce même épisode de notre
conle le passage suivant d'un livre siamois {Asiatu Restanhcs, L XX, Cal-
cutta, 1836, p. 347). Un jeune homme, nommé Rot, s'enfuit du palais d'une
yak (sorte d'ogresse), en emportant divers ingrédients magiques. Poursuivi
par la yak, au moment oà iJ va être atteint, il }ette derrière lui tin de ces ingré-
dients : aussitôt il se dresse d'innombrables bâtons pointus qui arrêtent ta pour*
suite de la yak. Celle-ci les fait disparaître par la vertu d'une autre substance
magique, et déjà elle est tout prés du jeune homme, quand celui-ci, au
moyen d'un nouvel ingrédient, met entre elle et lui une haute montagne, La
yak la fait également disparaître. Alors Rot fait s'étendre derrière lui une
grande mer, et la yak, qui se trouve au bout de son grtmijire, est obligée de
battre en retraite.
C*est de l'Inde que les Siamois ont reçu toute leur littérature avec le boud-
dhisme. On peut donc en conclure que ce llème de la poursuite vient de l'Inde.
Nous en avons, du reste, la preuve directe. Nous le retrouvons en efel dans un
conte populaire actuel du Dekkan et dans un des récits de la grande collection
formée par Somadeva de Cachemir au xi" siècle de notre ère, ta Katkâ-SarU-
Sdgara (l' t Océan des Histoires *).
Dans le conte populaire indien (Miss Frère, Old Dtctan Days^ 2*édit. 1870,
p. 61^ 6j), un jeune homme, poursuivi par un Rakiha femelle (sorte de mauvais
génie, de démon), à qui il a dérobé divers objets magiques, met successive-
ment entre elle et lui, par la vertu de ces objets, une grande rivière, puis une
hable montagne, et enfin un grand feu qui consume ta forêt à travers laquelle
elle passe et la fait périr.
Dans le conte sanscrit de Somadeva (Voir l'analyse du 7' livre dans les
Comptes-rendus de l'Académie de Leipzig, 1861, p. 203 seq,), — conte qui
ressemble beaucoup à un autre de nos contes lorrains, CkatU BianckCy que
1
I
I
1
CONTES POPULAIRES LORRAINS 221
v|B0s donnerons plus tard, ~~ le héros, Çrmgabhuya, pour échapper à h pour-
I8ft€ d'un RJkshasa^ jette successivement derrière lui divers ob|cls que lui a
donnés sa fiancée, 6lle d'un autre Râkshasa : de ta terre^ de Teau^ des épines et
du feu, et il se trouve entre lui et le Râkshasa d'abord une montagne^ puis un
large fleuve, puis une forêt qui enfin prend feu, et le Râkshasa renonce à le
pounuivre.
XIIL
LES TROCS DE JEAN-BAPTISTE.
Il était une fois un homme et sa femme, Jean-Baptiste et Marguerite.
« iean- Baptiste, » dit un jour Marguerite, « pourquoi ne faites-vous
pas comme notre voisin ? il troque sans cesse et gagne ainsi beaucoup
d argent. — Mais, » dit Jean-Baptiste, (f si je venais à perdre, vous me
chercheriez querelle. — Non, non, •* répondit Marguerite, « on sait
bien qu*on ne peut pas toujours gagner. Nous avons une vache, vous
n'avez qu*à Palier vendre, n
Voilà Jean-Baptiste parti avec la vache. Chemin faisant, il rencontra
un homme qui conduisait une bique. « Où vas-tu, Jean-Baptiste ? — Je
vais vendre ma vache pour avoir une bique. — Ne va pas si loin, en
^oîci une. i> Jean-Baptiste troqua sa vache contre la bique et continua
son chemin.
A quelque dislance de là,, il rencontra un autre homme qui avait une
<^c dans sa hotte. <* Où vas-tu, Jean-Baptiste? — Je vais vendre ma
bique pour avoir une oie. — Ne va pas si loin,* en voici une. ^i Ils
échangèrent leurs bêtes, puis Jean^Baptiste se remit en route.
*' rencontra encore un homme qui tenait un coq. « Où vas-tu, Jean-
^^ptiste r — Je vais vendre mon oie pour avoir un coq. — Ce n'est pas
ja peine d'aller plus loin, en voici un. » Jean-Baptiste donna son oie et
prit le coq.
Eu entrant dans la ville, il vit une femme qui ramassait du crottin
tfans la rue. « Ma bonne femme, )i lui dit-il, « gagnez- vous beaucoup à
ce métier-là? — Mais oui, assez, » dit-elle. — (( Voudrez-vous me céder
^^ crottin en échange de mon coq? — Volontiers, « dit la femme. Jean-
l"^Ptiste lui donna son coq, emporta son crottin et se rendit sur le champ
"^ foire; il y trouva son voisin. « Eh bien ! Jean-Baptiste^ fais-tu des
atfaires.^ — Oh ! je ne ferai pas grand*chose aujourd'hui. J*ai changé ma
^che contre une bique. — Que tu es nigaud! mais que va dire Margue-
^5^ * — Marguerite ne dira rien. Ce n*est pas tout : j'ai changé ma
«^Ue contre une oie. — Oh ! que dira Marguerite r — Marguerite ne
dira rien. Ce n'est pas encore tout : j'ai changé mon oie contre un coq,
^ ^^ coq, je Pai donné pour un crottin. — Le sot marché que tu as fait
122 E. COSQUIN
là 1 Marguerite va te quereller. — Bah ! Marguerite ne dira rien. —
Parions deux cents francs : si elle te cherche dispute» tu paieras les deux
cents francs; sinon, c'est moi qui te les paierai. » Jean-Baptiste accepta
et ils reprirent ensemble le chemin de leur village.
i( Eh bien! Jean-Baptiste, » dit Marguerite, »< avez-vous fait affaire?
— Je n'ai pas fait grand Vhose : j*ai changé ma vache contre une bique,
^ Tant mieux. Nous n'avions pas assez de fourrage pour nourrir une
vache ; nous en aurons assez pour une bique, et nous aurons toujours du
lait, — Ce n'est pas tout. J'ai changé ma bique contre une oie. — Tant
mieux encore. Nous aurons de la plume pour faire un lit, — Ce n'est
pas tout, J*ai changé l'oie contre un coq. — C'est fort bien fait; nous
aurons toujours de la plume. — Mais ce n'est pas encore tout. J'ai
changé le coq contre un crottin. — Voilà qui est au mieux. Nous met-
trons le crottin au plus bel endroit de notre jardin, et il y poussera de
quoi faire un beau bouquet* »>
Le voisin, qui avait tout entendu, fut bien obligé de donner les deux
cents francs.
Ce conte se rapproche beaucoup du conte tyrolien h Gagiure (Zingerle, lîj
p. I J2), dans lequel Jean troque successivement sa vache contre une chèvre, la
chèvre contre une oie et Toie contre une crotte de poule qu'on lut donne comme
une chose merveilleuse. Ainsi que dans notre conte, la femme de Jean se montre
enchantée de tout ce qu'a fait son mari et Jean gagne les cent florins de ta
gageure.
En Norwégc, on raconte aussi la mime histoirc(Absjœrnscn, trad. ail. i^voi,
n*» i8)» Gudbrand troque sa vache contre un cheval, le cheval contre un cochon
gras, le cochon contre une chèvre^ la chèvre contre une oie> l'oie contre un coq,
et en dernier lieu, comme il a faimj le coq contre onc petite pièce de monnaie^
le tout à la grande satisfaction de sa femme.
Dans un conte russe (Gubernaiis, Zoologkai Mythohgj^ I, p. 176), le dénoue-
ment est beaucoup moins édifiant. Après avoir troqué de l'or contre un cheval,
le cheval contre une vache, ta vache contre une brebis, la brebis contre un
cochon de lait, le cochon de lait contre une oie, l'oie contre un canard, et
enfin le canard contre un bâton avec lequel il voit des enfants jouer, le paysan
rentre chez lui, où sa femme lui prend le bâton des mains et lui en donne dru {
et ferme sur les épaules.
Dans un conte anglais j Halliwel t, Popuîar Rhymcs and Ntirsery TûUs , 1 849^ p. 26) ,
t M. Vinaigre », qui se trouve en possession de quarante guinées, les emploie à
acheter une vache à la foire. En revenant, il rencontre un joueur de cornemuse;
pensant que c'est un excellent métier, il échange sa vache contre la cornemuse.
Son essai d'en jouer ne réussit pas i il a grand froid aux doigts: il échange la cor>
nemuse contre une paire de gants bien chauds qu'il troque eux-mêmes ensuite,
étant fatigué, contre un gros bâton. 11 entend un perroquet perché sur un arbre
qui se moque de lui et de ses échanges. De fureur, il lui lance le bâton, qui
reste dans l'arbre. Quand il rentre chez lui, il est battu par sa femme.
I
CONTES POPULAIRES LORRAINS 22 1
Rappelons en^n le conle allemand n* 83 de Grimm. Jean s'en retourne dans
son village après avoir reçy de son maître, pour sept années de fidèle service^
un morceau d'or gros comme sa tête. Fatigué de porter celte charge, il est
enchanté de la troquer contre un cheval Le cheval le jeilc par terre ; Jean se
trouve très-heureux de le troquer contre une vache, la vache contre un cochon
de lait, le cochonde lait contre une oie et l'oie contre une vieille meule à aiguiser,
avec laquelle un rémouleur lui a dit qu'il fera fortune, Jean, ayant soif, veut
boire â une fontaine : en se baissant il heurte sa meule, qui tombe au fond de
l'eau. Ainsi débarrassé de tout fardeau, Jean continue joyeusement sa route pour
aller retrouver sa mère.
Dans la Siniaim des Famitics (année 1867, p, 72), M, André Le Pas a publié
un conte belge du même genre, fortement moralisé. Le pauvre Jean a reçu de
saint Pierre une robe d'or; il se laisse entraîner par le diable, qui se présente â
lui successivement sous la forme de divers personnages, i une suite d'échanges
qui finalement ne lui laissent entre les mains qu'un caillou. Mais, en récompense
d'un bon mouvement qui Ta empêché de jeter le caillou i la tête de méchantes
gens, un ange lui rend la robe d*or.
XIV.
LE FILS DU DIABLE.
Un jour, tin homme riche s*en allait à la foire. Il rencontra sur son
chemin un beau monsieur, qui n'était autre que îe diable. (( Vous devez
avoir du chagrin ? » lui dit le diable, — <f Pourquoi ? »> répondit
l'homme» « îi'ai-je pas tout ce quil me faut? — Sans doute; mais si
vous aviez des enfants, vous seriez bien plus heureux. — C*esi vrai, ?>
dit rhomme. — k Eh bien ! » reprit le diable, ♦< dans neuf mois, jour
pour jour, vous aurez deux enfants, si vous promettez de m'en donner
un, — Je le promets, « dit l'homme.
Au bout de neuf mois, jour pour jour, sa femme accoucha de deux
garçons. Bientôt après, le diable vint en prendre un, qu'il emmena chez
lui et qu'il éleva comme son fils. Le petit garçon devint grand et fort :
à treize ans, il avait de ta barbe comme un sapeur.
Le diable avait des filatures. Il dit un jour à son fils : « Je vais sortir;
pendant ce temps tu surveilleras les fileuses, et tu auras soin de les faire
bien travailler. — Oui, mon père, i> Tout en surveillant les fileuses, le
jeune garçon voulut se faire la barbe. Tandis qu'il y était occupé, il
aperçut dans son miroir une des femmes qui lui faisait des grimaces par
derrière. Il lui allongea une laloche : les vingt-cinq femmes qui filaient
furent tuées du coup.
Bientôt le diable rentra chez lui, a Qix sont les femmes? » demanda-
t-il, tf ont-elles bien travaillé? — Elles sont toutes couchées; allez-y
nche
124 e. COSQUIN
voir, » Le diable voulut les réveiller; voyant qu'elles étaient mortes
fit des reproches à son fils. t( Une autre fois, » lui dit-il, » ne t'avise
de recommencer. - Non, mon père» je ne le ferai plus. »
Le diable alla chercher vingt-cinq femmes pour remplacer celles
avaient été tuées, puis il dit à son fils : « Je vais sonir ; veille à ce que
les fileuses ne perdent pas leur temps. — Oui, mon père. « Pendant
Tabsence du diable, le jeune garçon eut à se plaindre d*unedes fileuses;
il lui donna un soufflet, et les vingt-cinq femmes tombèrent mortes*
Étant allé ensuite se promener au jardin, il vit une belle dame blanche
qui rappela et lui dit : « Mon ami, tu es dans une mauvaise maison
Quoî-^ n s*écria le jeune garçon, « la maison de mon père est une m
vaise maison ! — Tu n'es pas chez ton père, » dit la dame blanche, «
es chez le diable. Ton père est un homme riche qui demeure loin d'ici
Un jour qu'il allait à la foire, le diable se trouva sur son chemin et lui
qui! devait avoir du chagrin. Ton père lui ayant répondu qu'il n'av;
pas sujet d'en avoir, le diable reprit : w Si vous aviez des enfants, vi
seriez plus heureux. Eh bien ! dans neuf mois, jour pour jour, vi
aurez deux enfants si vous consentez à m'en donner un. Ton père
consentit, et c'est toi que le diable est venu prendre. Maintenant, mon
ami, tâche de sortir d4cî le plus tôt que tu pourras. Mais d'abord va
voir sous Toreiller du diable : tu y trouveras une vieille culotte noire;
emporte-la. Plus tu en tireras d'argent, plus il y en aura. f> Le jeune
garçon dit à la dame qu'il suivrait son conseil et rentra au logis.
Le diable, à son retour, fut bien en colère en voyant encore toutes
les femmes tuées. *» La première fois qu'il l'arrivera d'en faire autant, «
dit-il au jeune homme, « je te mettrai à ta porte. >» L'autre ne deman-
dait que cela; aussi^ quand le diable l'eut chargé de nouveau de sur-
veiller ses fileuses, il les tua toutes d*un revers de main. Cette fois, le
diable le chassa.
Le jeune garçon, qui n'avait pas oublié la culotte noire, se rendit
tout droit chez ses parents. D*abord on ne le reconnut pas; bientôt
pourtant, comme il ressemblait un peu à son frère, on voulut bien le
recevoir comme enfant de la maison ; mais son père n'était nullement
satisfait de voir chez lui un pareil gaillard.
Bien que les parents du jeune homme fussent riches, ils allaient eux-
mêmes à la charrue; son frère l'emmena donc un jour avec lui aui
champs. Comme ils étaient à labourer, un des chevaux fit un écart.
a Donne un coup de fouet à ce cheval, n cria le frère. Le jeune gan
donna un tel coup de fouet que le cheval se trouva coupé en deux. Le
frère courut à la maison raconter Taventure à son père, « Que veux-
tu?» dit celui-ci, « laisse-le tranquille : il serait capable de nous tuer
tous. »» Cependant, le jeune garçon revint à la maison avec la charme
CONTES POPULAIRES LORRAINS 22$
sur ses épaules et une moitié de cheval dans chaque poche; il avait
labouré tout le champ avec le manche de son fouet. « Mon père, » dii-
il, « j'ai coupé le cheval en deux d'un coup de fouet. — Cela n*est rien,
mon fils; nous en achèterons un autre. >»
Quelque temps après, c'était la fête au village voisin; le frère du jeune
garçon lui demanda s'il voulait y aller avec lui; il y consentit» Son frère
marchait devant avec sa prétendue ; l'autre les suivait. Ils arrivèrent à
l'endroit où Ton dansait. Pendant que le jeune homme regardait sans
mot dire, un des danseurs s'avisa de lui passer la jambe par plaisanterie,
<f Prends garde, » lui dit le frère du jeune homme, « tu ne sais pas qu*il
pourrait le luer d'une chiquenaude. — Je me moque bien de ton frère et
de toi, » dit Tautre, et il recommença la ptaisanterie. Le jeune garçon
dit alors à son frère et à la jeune fille de se mettre à l'écart auprès des
joueurs de violon, puis il donna au plaisant un tel coup, que tous les
danseurs tombèrent roides morts. Son frère s'enfuit, laissant là sa pré-
tendue. Le jeune garçon la reconduisit chez ses parents; arrivé à la
porte, il lui dit : « C'est ici que vous demeurez? — Oui, »i répondit la
jeune fille. — « Eh bien ! rentrez. -»» Il la quitta et s'en retourna chez
lui.
Son frère avait déjà raconté au logis ce qui s'était passé. « Les gen-
darmes vont venir, n disait-il; « notre famille va être déshonorée. >» Le
jeune homme, étant rentré à la maison, barricada toutes les portes et dit
à ses parents : « Si les gendarmes viennent me chercher, vous direz que
je n'y suis pas. d En effet, vers une heure du matin, arrivèrent vingt-
cinq gendarmes; on leur ouvrit la porte de la giange et ils y entrèrent
tous. En les voyant, le jeune garçon prit une fourche et en porta un
coup à celui qui marchait en tête : vingt-quatre gendarmes tombèrent
sur le carreau. Le vingt-cinquième se sauva et courut avertir la justice.
Cependant Paffaire en resta là.
Le lendemain, on publia à son de caisse par tout le village que ceux
qui voudraient s'enrôler auraient bonne récompense. Le jeune homme
dit alors à ses parents : c J'ai envie de m 'enrôler. — Mon fils, »> répon-
dit le père, « nous sommes assez riches pour te nourrir; tu n'as pas
besoin de cela, — Mon père, n dit le jeune homme, « je vois bien que je
ne vous causerai que du désagrément ; il vaut mieux que je quitte la
maison, n ïl partit donc et se rendit au régiment.
Un jour, le colonel lui donna, à lui et à deux autres soldats^ un bon
pour aller chercher de la viande : ils devaient en rapporter quinze livres
chacun. Ils allèrent chez le boucher, qui leur livra la viande. ^ Com-
ment ! » dit le jeune garçon, a voilà tout ce qu'on nous donne ! mais je
mangerais bien cela à moi tout seul. Allons, tuez-moi trois bœufs. —
Mon ami, )> répondit le boucher, « pour cela il faut de l'argent. » Le
Romania^ Vi 1 }
226 E. COSQUIN
jeune homme mit alors la main dans la poche de la culotte noire,
comme il ne savait pas compter, il jeta sur la table de Targeiïtà pletnei']
poignées. Le boucher ramassa Targent et tua trois bœufs, a Mainte-
nam, » dit le jeune garçon à ses camarades, « nous allons en rapponer
chacun un* n En Tentendant parler ainsi, les deux soldats se regar-
dèrent. <( Si cela vous gêne, » dit-il, « je n'ai pas besoin de vous. «^
Il demanda une corde au boucher, attacha les trois bœufs ensemble effl
les chargea sur ses épaules. Dans les rues, chacun s'arrêtait pour le voir
passer et restait ébahi. Le colonel, lui aussi, ne put en croire ses yeux.
Le lendemain, il l'envoya au vin ; le jeune homme en apporta trois ton-
neaux attachés sur son dos avec une corde.
Tout cela ne plaisait guère au colonel ; il aurait bien voulu se débar-
rasser d'un tel soldat. Pour le dégoûter du service, il l'envoya au milieu
des champs garder une pièce de canon que trente chevaux n'auraient
pu traîner, et lui ordonna de rester en faction pendant toute la nuit. Le
jeune homme, trouvant le temps long, se coucha par terre et s'endormit.^
Au bout d'une heure, s'étant réveillé, il prit la pièce de canon et la porta i
dans la cour du colonel ; quand il la posa par terre, le pavé fut enfoncé.
Puis il se mit à crier : « Mon colonel, voici votre pièce de canon ; maiti^
tenant vous ne craindrez plus qu'on vous la prenne. j>
Le jeune homme s'était engagé pour huit ans; comme il était novice
en toutes choses, il croyait n'être engagé que pour huit jours. Au bout
des huit jours, il se rendit près du colonel et lui demanda si son temps
était fmi. a Oui, mon ami, *> dit le colonel, « votre temps est fini. »)
Jl quitta donc le régiment et alla se présenter chez un laboureur. La
femme seule était à la maison; il lui demanda si l^on avait besoin d'un
domestique. « Mon mari, » dit-elle, « est justement sorti pour en cher-
cher un; attendez qu'il rentre. j> Le laboureur revint quelque temps
après sans avoir trouvé de domestique, et le jeune homme s'offrit à le
servir : iî ne demandait pas d- argent, mais seulement sa charge de blé
à la fin de l'année. Le laboureur et sa femme se consultèrent : « Sans
doute, I» se dirent-ils, « le garçon est gros et grand, mais avec quinze
boisseaux il en aura sa charge. » Le marché conclu, le laboureur lui
montra ses champs et lui dit d*aller labourer. La charrue était attelée de
deux méchants petits chevaux : le jeune homme, craignant de les couper
en deux au moindre coup de fouet, déposa son habit par terre, coycha(fl
les deux chevaux dessus et se mit à labourer tout seuL La femme du
laboureur l'aperçut de sa fenèïre. « Regarde, ï) dit-elle à son mari, « le
nouveau domestique qui laboure tout seuL Jamais nous ne pourrons lefl
payer; tout notre blé y passera. Comment donc faire pour nous eo
débarrasser ? » Quand !e garçon eut finit son labourage, il revint à U
maison avec un cheval dans chaque poche. Le laboureur et sa femme
^
CONTES POPULAIRES LORRAINS I27
lui firent belle mine, << Pourquoi n'êtes-vous pas venu dîner ? n lui direni-
îls. — « J*ai voulu finir mon ouvrage, « répondit le garçon ; *' tous vos
champs sont labourés. — Oh ! bien, n dit le laboureur, v vous vous
reposerez le resle de la journée. » Le jeune homme se mit à table ; il
aurait bien mangé tout ce qui était servi, mais il lui fallut rester sur sa
faim.
Le lendemain, le laboureur, qui voulait le perdre, l'envoya moudre
dans cenain moulin d'où jamais personne n^était revenu. Le garçon
partit en sifflant. Etant entré dans le moulin, il vit douze diables, qui
s'enfuirent à son approche. « Bon ! n dit-il, c< voilà que je vais être
obligé de moudre tout seul. » Il appela les diables, mais plus il les appe-
laiti plus vile ils s'enfuyaient. Il se mit donc à moudre son grain et,
quand il eut fini, il renvoya â la maison un cheval qu'il avait emmené
avec lui. En voyant le cheval revenir seul, la femme du laboureur eut un
moment de joie, car elle crut que le domestique ne reparaîtrait plus.
Mais bientôt il revint, amenant avec lui le moulin et le ruisseau jusqu'au-
près de la maison de son maître. <* Maintenant, » dit-il, « ce sera plus
commode; je n^aurai plus besoin d*a!ler si loin pour moudre, — Mon
Dieu! 0 disaient le laboureur et sa femme, « que vous êtes fort ! )> Ils
faisaient semblant d'être contents, mais au fond ils ne Tétaient guère.
Un autre jour, le laboureur dit au jeune homme : fc J'ai besoin de
pierres; va m*en chercher dans la carrière là-bas. » Le garçon prit des
pinces et des ouiils à tailler la pierre et descendit dans la carrière, qui
avait bien cent pieds de profondeur : personne n'osait s'y aventurer à
cause des blocs de pierre qui se détachaient à chaque instant. Il se mit à
tirer d'énormes quartiers de roche, qu'il lançait ensuite par-dessus sa
tête, et qui allaient bien loin tomber sur les maisons et enfoncer les
toits. Le laboureur accourut bientôt en criant : *< Assez ! assez ! prends
donc garde! lu écrases les maisons avec les pierres que tu jettes. —
Bah ! I» dit le garçon, « avec ces petits cailloute ? »
Le laboureur, ne sachant plus que faire, l'envoya porter une lettre à
un sien frère, qui était geôlier d'une prison, et lui dit d attendre ta
réponse. Le geôlier, après avoir lu îa lettre, fit enchaîner le jeune homme
et l'enferma dans un cachot. Le jeune homme se laissa faire, croyant que
telle était !a coutume, et que c'était en cet endroit qu'on attendait les
réponses. M finit pourtant par trouver le temps long; il brisa ses chaînes
en étendant les bras et les jambes, et donna dans la pone un coup de
pied qui la fit voter sur le toit. Puis il alla trouver le geôlier. <• Eh bien ! v)
lui dit-il, a la réponse? — C'est juste, » répondit le geôlier, u je l'avais
oubliée. Attendez un moment, « H écrivit à son frère de se débarrasser
du garçon comme il pourrait, mais que, pour lui, il ne s'en chargeait
pas. Le jeune homme mit la lettre dans sa poche et partit; puis, se ravi-
2 2% E. COSQUIN
sant, il emporta la prison avec le geWier, et la déposa près de la maisorx
du laboureur, «i A présent, ^ dit-il à son maître, « il vous sera bien
facile de voir votre frère. Mais, n ajouta-t-il, a est-ce que mon année
n*est pas finie?— Justement, elle vient de finir, w répondit le labou —
rcur. — Eh bien! donnez-moi ma charge de blé. « A ces mois, les
pauvres gens se mirent à pleurer et à se lamenter, tt Jamais, » disaient—
jls, V nous ne pourrons trouver assez de grain, quand même nous pren-
drions tout ce qu'il y en a dans le village. i> Le jeune garçon feignit
d'abord de vouloir exiger son salaire, mais enfin il leur dit qu'il ne vou-
lait pas leur faire de peine, et même il leur donna de Targeni qui! lira
de la culotte noire.
En sortant de chez le laboureur, il marcha droit devant lui, si bien
qy'il arriva sur le bord de la mer; il s'embarqua sur le premier vaisseau
quil trouva. Mais un des gens du vaisseau, sachant qu'il avait une
culotte dont les poches étaient toujours remplies d'argent, lui coupa la
gorge pendant son sommeil et s^mpara de la culotte. — Je Taî encore
vu, ce matin « qui se promenait avec cette vieille culotte noire.
L* ensemble de notre conte a une grande analogie avec le conte hessoîs le
Jtune Géant (Grimm, n* 90), avec un conte norwégicn (Taies ùf thc Fjdd, trad»
d'Asbjœrnsen par G. W, Dasent. Londres, 1874, p, 48), un conte du - pays
des Saxons • en Transylvanie tKaltrich n*^ 16) et un conte tchèque de Bohème
(Waldau, Bcthmisches Mitrchenbuch, i8éo, p 288). Nous aurons occasion de
revenir sur ces contes qui présentent divers traits frappants de ressemblance
avec deux autres de nos contes lorrains, voisins de celui-ci, Benèdtciiè et U
Laboureur et son Vaiet.
Comparez aussi un conte roumain de Transylvanie, publié en 18)6 dans la
revue VAusknd (p. 692) : Juon a été allaité pendant douze ans et il est devenii'
d'une force extraordinaire. Il entre au service d'un laboureur et ne demande
pour gages que le droit de donner â son maître un soufflet au bout de Tannée*
t C'est bon t, pense le maUrc, t |e saurai bien me débarrasser de toi avant ce
moment là. i> Il envoie Juon labourer avec les autres valets, iuon leur dit de se
reposer et laboure le champ à lui seuL Le laboureur s'effraie. Il envoie Juon
moudre dans le moulin du diable, d'où jamais personne n'est revenu vivant.
Juon moud tranquillement son grain et revient sans le moindre maL Alors te
laboureur lui dit de curer un puits et, quand tl y est descendu, il lait jeter dins
le puits de grosses pierres et enfin une meule de moulin. Juon fait un petit eiforl
et sort du puits avec la meule sur la tète en guise de chapeau (ce détail se
retrouve dans noire conte lorrain Bénédicité}, Alors, d'un revers de main it étend ■
le laboureur raide mort, lui coupe la tête et s'en va ailleurs* I
Nous avons résumé dans les remarques sur notre n* 1 , Jean de l'Ours ^ l'en*
semble d*un conte avare du Caucase et d'un conte des Kariaines de Birmanie,
Ces contes renferment Tun et l'autre un épisode qui se rapproche de notre Fiîs du
Diable^ et surtout des deux contes lorrains mentionnés plus haut. Le voici:
Dans le conte avare^ Oreille^^Ours^ doué d'une force prodigieuse, entre
I
CONTES POPULAIRES LORRAINS «9
comme valet au service d'un roi. Celuî-ci se disposait à envoyer cent hommes
couper du bots, Oreifle-d'Ours s'offre à rapporter du bois en suffisance, si on
lui donne à manger ce qu'on dvait préparé pour les cent hommes. Il rapporte
d'un coup cent arbres et rentre ainsi dans la ville, éventrant le mur de fun,
renversant la maison de Tau Ire» Le roi^ effrayé, songea s'en débarrasser. Il ren-
voie successivement faire des réclamations de sa part à une kart (sorte d 'ogresse |
et à un dragon. Orcillc-d*Ours lui ramène la kart et le dragon eux-mêmes. Enfin
le roi le fait attaquer par toute une armée qui le crible de flèches; mais les
flèches ne font pas sur Oreille-d'Ours plus d'effet que des puces (nous retrouve-
rons aussi ce détail dans notre conte BincâkiU). Oreilk-d'Ours, se voyant
ainsi attaqué, déchire en quatre une jument que le roi lui avait donnée à garder ;
il lance le premier quartier, et, du coup, il étend mille hommes par terre; il
recommence jusqu'à ce qu'il ait anéanti Tarmée du roi.
Dans le conte kariaine^ les gens deviennent envieux de Ta-ywa et de sa force,
et ils cherchent à le faire périr. Ils font rouler sur lui une grosse pierre sous
prétexte de la lui donner pour bâtir une maison i sa mère, puis un gros arbre
qu'ils disent être pour lui faire du feu ; enfin ils renvoient chercher un tigre dont
il devra faire une offrande pieuse pour la guérir de la fièvre. Peine inutile.
Ta-ywa se tire de tout sain et sauf. Un jour une jeune fille qu'il aime lui apprend
(a méchanceté des gens. «-S'il en est ainsi, » dit-il, < si on ne m'aime pas, je
m'en vais. ■
Relevons, pour terminer^ dans les collections de contes populaires étrangers
quelques ressemblances de détail.
L'introduction de notre conte se rapproche de celle d'un conte grec moderne
de rîle de Syra (Hahn, n' 68), Un démon déguisé se présente â un roi et lui
promet qu'il aura plusieurs enfants s'il consent â lui donner l'aîné. Etle est
encore plus voisine de celle d'un conte italien de Vénélic (n" 13 de la collection
Wîdter et Wolf publiée en 1 866 dans fe Jahrhch fur romanischt und cnglischt
LÀltratur) . Un prtnce sans enfants désire tant en avoir qu'il en accepterait du
diable lui-même. Un étranger paraît et lui dit : • Promettez-moi de me donner
unenlant, et moi ]e vous promets que dans un an vous en aurez deux. • Rappe-
lons aussi le commencement du conte swahili de l'île de Zanzibar, analysé dans
les remarques de notre n* 12.
Dans un conte slave de Moravie (Wenzig, Wcsthnischer Marchmichat: ,p.6j),
te diable s'offre à battre tout le gratn d'un laboureur qui lui promet pour
salaire sa charge de blé. Le diable emporte tout le blé.
Enfm, dans le conte tchèque indiqué plus haut, Nesyta, jeune homme mer-
veilleusement fort, entre au service du diable. Il délivre une pauvre âme qui
s'envole sous la forme d'une colomte blanche après lui avoir dit de demander
au diable pour salaire un vieil habit qu'il verra pendu â un clou : les poches de
cet habit sont tou|ours remplies d'or et d'argent. C'est là, comme on voit, k
pendant de Tepisodc de la culotte noire que la dame blanche dit au héros du
conte lorrain de dérober au diable,
2)0 E. COSQUIN
XV.
LES DONS DES TROIS ANIMAUX.
Il était une fois trois cordonniers, qui allaient de village en village.
Passant un jour dans une forêt, ils virent trois chemins devant eux; le
plus jeune prit le chemin du milieu, et ses compagnons ceui de droite
et de gauche.
Au bout de quelque temps, celui qui avait pris le chemin du milieu
rencontra un lion, un aigle et une fourmi, qui se disputaient un àne
mort. Le jeune homme fit trois parts de l'âne et en donna une à chacun
des animaux, puis il continua sa route.
Quand il se fiit éloigné, le lion dit aux deux autres : a Nous avons été
bien malhonnêtes de n'avoir pas remercié cet homme qui nous a fait si
bien nos parts; nous devrions lui faire chacun un don. » Et il se mit à
courir après lui pour le rejoindre.
Le jeune cordonnier fuyait à toutes jambes,. car il croyait que le lion
était en colère et qu'il voulait le dévorer. Lorsque le lion l'eut rattrapé,
il lui dit : « Puisque tu nous as si bien servis, voici un poil de ma
barbe : quand tu le tiendras dans ta main, tu pourras te changer en
lion. » L'aigle vint ensuite et lui dit : « Voici une de mes plumes : quand
tu la tiendras dans ta main, tu pourras te changer en aigle. » La fourmi
étant arrivée, Taigle et le lion lui dirent : « Et toi, que vas-tu donner à
ce jeune homme? — Je n'en sais rien, » répondit-elle. — Tu as six
pattes, » dit le lion, « tandis que moi je n'en ai que quatre; donne-lui
en une, il t'en restera encore cinq. )> La fourmi donna donc une de ses
pattes au cordonnier en lui disant : v Quand tu tiendras cette patte dans
ta main, tu pourras te changer en fourmi. »
A l'instant même le jeune homme se changea en aigle pour éprouver
si les trois animaux avaient dit vrai. Il arriva vers le soir dans un village
et entra dans la cabane d'un berger pour y passer la nuit. Le berger lui
dit : « Il y a près d'ici, dans un château, une princesse gardée par une
bête à sept têtes et par un géant. Si vous pouvez la délivrer, le roi son
père vous la donnera en mariage. Mais il faut que vous sachiez qu'il a
déjà envoyé des armées pour tuer la bête et qu'elles ont toutes été
détruites. »
Le lendemain matin, le jeune homme se dirigea vers le château.
Quand il fut auprès, il se changea en fourmi et monta contre le mur.
Une fenêtre était entr'ouverte ; il entra dans la chambre après avoir
repris sa première forme et trouva la princesse. « Que venez-vous faire
ici, mon ami ? » lui dit-elle. « Comment avez-vous fait pour pénétrer
CONTES POPULAIRES LORRAINS Z^ï
dans ce château ? » Le jeune homme répondit qu'il venait pour la déli-
vrer. « Méfiez-vous, n dit îa princesse, « vous ne réussirez pas. Beau-
coup d'autres ont déjà tenté Paventure; ils ont coupé jusqu'à six tètes à
b bête, mais jamais ils n*om pu abattre la dernière. Plus on lui en
coupe, plus elle devient terrible, et si on ne parvient à lui couper la
Êepiiènîe, les autres repoussent. »
Le jeune homme ne se laissa pas intimider; il alla se promener dans
le jardin, et bientôt il se trouva en face de la bête à sept lètcs, qui lui
dit : ii Que viens-tu faire ici, petit ver de terre ? lu es sorti de terre et
tu retourneras en terre, — Je viens pour te combattre. » La béte lui
donna une épée, et le jeune homme se changea en lion. La bête faisait
de grands sauts pour le fatiguer; cependant, au bout de deux heures, il
lui coupa une tête, (f Tu dois être fatigué, » Im dit alors la bêle, « moi
aussi ; remettons !a partie à demain. »
Le jeune homme alla dire à la princesse qu'il avait déjà coupé une
tête; elle en fut bien contente. Le lendemain il retourna au jardin et la
bête lui dit : (< Que viens-tu faire ici, petit ver de terre ? tu es sorti de
terre et tu retourneras en terre. — Je viens pour te combattre. « La bête
lui donna encore une épée et, au bout de qyatre heures de combat, le
jeune homme lui coupa encore deux têtes. Puis il alla dire à la princesse
qu'il y en avait déjà trois de coupées, u Tâche de les couper toutes, n
lui dit la princesse, tf Si tu ne parviens à abattre la septième, tu périras. »
Le jour suivant, il redescendit au jardin. « Que viens-tu faire ici, petit
ver de terre? tu es sorti de terre et tu retourneras en terre. — Je viens
pour te combattre. » Au bout de huit heures de combat, il coupa trois
têtes à la bête et courut en informer la princesse, <f Tâche de lui couper
la dernière, n lui dit-eîle, « puis fends cette tête avec précaution^ et îu
y trouveras trois œufs. Tu iras ensuite ouvrir la porte du géant et tu lui
jetteras un des œufs au visage, — aussitôt il tombera malade; tu lui en
jetteras un autre, et il tombera mort. Tu lanceras le dernier contre un
mur, et il en sortira un beau carrosse, attelé de quatre chevaux, avec
trois laquais : tu te trouveras auprès de moi dans ce carrosse, mais avec
d'autres habits que ceux que tu pones en ce moment, n
Le jeune homme retourna dans le jardin. « Que viens-tu faire icl^
petit ver de terre? tu es sorti de terre et tu retourneras en terre. — Je
viens pour te combattre. »> lis combattirent pendant dix heures : la béte
devenait de plus en plus terrible ; enfin le jeune homme lui coupa la
septième téie. il la fendit en deux et y trouva trois œufs, comme Tavaît
dit la princesse ; puis il alla frapper à la porte du géant. » Que viens-tu
faire ici, poussière de mes mains, ombre de mes moustaches ^ « lui dit
le géant. Le jeune homme, sans lui répondre, lui jeta un des œufs au
visage, et le géant tomba malade; il lui en jeta un second, et le géant
2^2
tomba mort. U lança le troisième contre un mur, et aussitôt parut
beau carrosse, attelé de quatre chevaux, avec trois laquais. La princi
était dans le carrosse et le cordonnier s'y trouva près d'elle; clic *
donna un mouchoir dont les quatre coins étaient brodés d'or.
Toute la ville sut bientôt que la princesse était délivrée. Or il y av.
là un jeune homme qui aimait la princesse et qui avait essayé de tuer J
bêle à sept tètes. Quand la princesse et le cordonnier s'erobarquèrer»
pour se rendre chez le roi (car il fallait passer la mer), ce jeune homm
parut avec eux.
Un jour, pendant la traversée, il dit au cordonnier : » Regarde don*
dans Teau le beau poisson que voilà, n Le cordonnier s'étant penché-
pour voir, Tautre le jeta dans la mer, où il fut avalé vivant par une
baleine. Le jeune homme dit ensuite à la princesse : « Si tu ne dis pas
que c'est moi qui t'ai délivrée, je te tuerai. » La jeune fille promit de
faire ce qu'il exigeait d'elle. En arrivant chez le roi son père, elle lui dit
que c'était le jeune homme qui l'avait délivrée, et l'on décida que la noce
se ferait dans trois jours.
Cependant il y avait sur un pont un mendiant qui jouait du violon.
Les baleines aiment beaucoup la musique ; celle qui avait avalé le cor-
donnier s'approcha pour entendre. Le mendiant lui dit : wSi tu veux me
montrer la tète du cordonnier, je jouerai pendant un quart d'heure. —
Je le veux bien, /» répondit la baleine. Au bout d'un quart d'heure il
s'arrêta. « Tu as déjà fini ? — Oui, mais si lu veux me le montrer jus-
qu'aux cuisses, je jouerai pendant une demi-heure. — Je ne demande
pas mieux. » Au bout de la demi-heure, il s'arrêta. (< Tu as déjà fini? —
Oui, mais si tu veux me le montrer jusqu'aux genoux, je jouerai pen-
dant trois quarts d'heure. — Je le veux bien. » Au bout des trois quarts
d'heure : « Tu as déjà fini f — Oui, j'ai fini; il parait que tu ne trouves
pas le temps long. Si tu veux me montrer le cordonnier depuis la tête
jusqu'aux pieds, je jouerai pendant une heure. — Volontiers, » dit la
baleine- Et elle le montra tout entier au mendiant. Aussitôt le cordon-
nier se changea en aigle et s'envoia. Le mendiant s*enfuit au plus vite,
et il fil bien, car au même instant la baleine, furieuse de voir le cor-
donnier lui échapper, donna un coup de queue qui renversa le pont.
Le jour fixé pour les noces de ta princesse, on devait habiller de neuf
tous les mendiants et leur donner à boire et à manger. Le cordonnier
vint au palais avec ses habits froissés et tout mouillés; il s'assit près du
feu pour se sécher et tira de sa poche le mouchoir aux quatre coins
brodés d'or, que lut avait donné la princesse. Une servante le vit et
courut dire à sa maîtresse : (f Je viens de voir un mendiant qui a un
mouchoir aux quatre coins brodés d'or : ce mouchoir doit vous appar-
tenir. » La princesse voulut voir le mendiant et reconnut son mouchoir;
I
I
CONTES POPULAIRES LORRAINS 2;?
elle dit alors à son père que ce mendiant était le jeune homme qui avait
tué ta bête à sept tètes.
Le roi alla trouver celui qui devait épouser sa fille et lui dit : <t Eh
bien! mon gendre, voulez-vous venir voir si tout est prêt pour le feu
d'artifice?— Volontiers, » répondit le jeune homme. Quand ils furent
dans la chambre où se trouvaient les artifices, le roi y mit le feu et le
jeune homme fyt étouffé,
La princesse se maria, comme on l'avait décidéj le troisième jour ;
mais ce fut avec le cordonnier.
Ce conte a été apporté à Montiers-sur-Saulx par un jeune homme qui Tavail
appris au régiment, comme le n"* j.
Les trois thèmes dont se compose notre conte, — partage fait par le héros
entre plusieurs animaux et dons qui lui sont faits par eux, délivrance d'une prin-
cesse, prisonnière d'un géant ou d'un autre être maîfaisant, et enfiii délivrance
du héros lui-même retenu captif au fond des eaux, — ces trois thèipcs, â notre
connaissance, ne se rencontrent pas d'ordinaire combinés dans un même récit
{ris le sont dans le n** zj des Novellm di S, Sufano, déjà citées, de M. deGuber-
natis). En revanche, dans les collections déjà publiées, ils se trouvent plusieurs
fois isolément ou groupés par deux.
Ainsi, dans un conte grec moderne d'Epire (Hahn, n* ^), même service rendu
par le prince aux animaui, même don à lui fait par ces animaux, qui sont aussi
un lion, un aigle et une fourmi. Moyen analogue employé par la- princesse, sa
femme, pour le délivrer, après qu'il a été avalé par un drakos f sorte d^ogre),
habitant au fond d'une fontaine (elle fait voir au drakos des pommes qu'elle lui
donnera s'il lui monire son mari).
Dans un conte allemand iWolf, Deutsche Hausmarcken, i8p, p. 8a seq.), se
retrouve le partage. Vers la fin du récit, le héros pénètre sous la forme d'une
abeille dans le château où la princesse sa femme est enfermée, et celle-ci trouve
moyen de se faire dire par le géant comment on peut le tuer (nous verrons ce
trait dans un autre de nos contes lorrains). C'est aussi sous la foimed'unlion que
le héros combat contre un dragon.^ Dans un autre conte de la même collection
(p. 377 >, le héros a été entraîné au fond d'un étang par un petit homme gris à
qui son père l'a promis avant sa naissance; il est délivré par un magicien qui se
le fait montrer à mi-corps, puis tout entier, par le nain, d'abord pour une
montre, ensuite pour un miroir. Dès que le héros se voit hors de Teau, il se
change en oiseau et s'envole, (Dans le conte italien de M. de Gubernatis men-
tionné plus haut» c'est d'abord une boule de cristal, puis une boule d'argent,
enfin une boule d'or que la femme du héros donne au sorcier qui retient son
mari sous terre.)
Comparez encore, pour cette troisième partie de notre conte Je n" i8i de Grimm,
conte de la Lusace, intitulé rOndinc de l'Etang, un conte du Haut-Palatinat
(Schœnwerth, -4uj dir Obtrpfah^ 11, 219), un conte flamand (Deuîin, Contes
du rot CambmuSf p. 92 seq.), un conte écossais (Campbell, n* 4, variante).
Dans ce dernier conte, pour se faire montrer son mari par Tondine, la prin-
2î4 E. cosqyiN
cesse joue de la Karpe sur fe rivage de la mer^ comme dans notre conte le
mendiant joue du violoii.
Dans un conte breton IF.-M. Luzcl, ^' rapport, p. 56) où figure aussi le par-
tage, un ancien prétendant de la princesse, femme du héros, jette celui-ci à la
mer du haut d'une falaise. Une sirène le prend et l'emporte dans sa grotte. Un
jour elle consent à l'élever sur la paume de sa main au-dessus des flots. Aus-
sitôt il souhaite de devenir épervier et s'envole auprès de sa femme qui, le
croyant mort, allait se marier avec le prince qui Tavait jeté à la mer. -^ Dans
un conte allemand de la collection Prœhle {Kindtr-and VoUcsmàerckcn^ '^ÎJt
n" 6>, c*esl pendant une traversée, comme dans notre conte, que le héros est
jeté à la mer par un rival.
Venons aux deux autres thèmes qui composent notre conte. Nous retrouvons
encore le partage dans un conte tyrolien ^Zingerle, H, n* 1). Grâce aux dons que
lui ont fait le lion, la fourmi et la cigogne^ le héros parvient i délivrer une
princesse gardée par un dragon. — Comparez aussi le conte de Prœhle, deux
contes italiens de la collection Comparetlî (187^), n** 52 et j^, et un conte
norwégien {Tates of îhe Fjdd^ trad. d'Absjœrsen, p, 22?).
Dans un conte sicilien de la collection Pilrè (t. II, p. 2\\)^ Beppino partage
un âne mort entre une fourmi, un aigle et un lion. Pour pénétrer dans le palais
où sa femme est tenue emprisonnée par un magicien^ il se change en aigle et en
fourmi. Il combat un lion, fe tue, Touvre : il en sort deux colombes. Beppino
les saisit, en tire deux œufs et les brise sur le front du magicien, qui meurt, —
Comparez un autre conte sicilien (n* 6 de la collection Gonzenbach) : Joseph,
changé en lion, combat un dragon. Quand il l'a tué, il faut qu'il ouvre la
septième tête, d*où sortira un corbeau qui a un œuf dans le corps. Cet oeuf, il
faut le jeter au front du géant qui garde la princesse, femme de Joseph, pour le
faire périr.
Dans ces deux contes^- ainsi que dans le nôtre, Tidée première s*est obscurcie.
Elle se retrouve sous sa forme complète dans un grand nombre des contes de ce
type. Ainsi, dans un conte lapon, intitulé h Géante donî ta m était tâchée dans
un aaf (Gitmmta, année 1870), une femme qui a été enlevée par un géant, lui
demande où est sa vie. Il finit par le lui dire : d^ns une île au milieu de la mer
il y a un tonneau; dans ce tonneau, une brebis; dans la brebis, une poule; dans
la poule, un ttu)\ et dans l'œuf, sa vie. Grâce .1 Taide de plusieurs animaux^ le
fïls de la femme retenue prisonnière (dans la plupart des contes de ce type, c*cst
son prétendant ou son mari) parvient à s *e m parer de l'œuf el fait ainsi mourir
le géant.
Comparez un conte écossais (Campbell, n* i) et divers autres contes, norwégien,
allemand, russe, cités par M, ReinholdKœhler à propos de ce conte dans la revue
Oruntund Ocàd£nt{i. M, p. 101). Nous y ajouterons plusieurs contes bretons (Le
Corps sans âme, n*» j de la collection de contes bretons publiée à Brest en 1870
sous le titre de U Conteur breton, par MM. A. Troude et G. Milin ; U Corps sans
dmty dans le 1** rapport de M. Luxel, p. 112; cf. s* rapport, p. \}^^ divers
contes italiens (Ou bernatis, Zoohgtcat Mythology, t.ïl, p, 5 14,— Comparetti» n" J2
et 55), un conte russe (ibid., II, p, n^ ^^ î9S)i tin conte lithuanien (Contes
des paysans et des pdins slaves, trad, par M, AL Chodzko, p. 21 8), un conte du
CONTES POPULAIRES LORRAINS 2^5
*ftp des Suons • en Transylvanie (Haltricb, n« ^}), deux contes islandais
lAniiSdit, trad. anglaise, 2" série^ p. 40 et ^\%), etc.
En Onenl, nous pouvons rapprocher de celle partie de notre conte un conte
les Tjrtam de la Sibérie méridionale (tribu des Barabines)^ recueilli par
M, Râdioffdans le 4* vol. de$t$Proben dcr VolkthUraiur dtr tùrkischen Shrmme
Sâd'Sàmiu (Saint-Pétersbourg, 1873, p. 88). Dans ce conte, une femme qui
a àétntevée par Tasch-Kan feint de consentir à l'épouser et lui demande où se
Inwie son âme, « Je vais te dire, » répond Tasch-Kan» * oh est mon âme.
Sous sepï grands peupliers il y a une fontaine d'or; il y vient boire sept m<ira/j
&orte de ceris), parmi lesquels it y en a un dont le ventre traîne à terre; dans ce
ttril il y a une cassette d'orj dans cette cassette d'or, une cassette d'argent;
61B \i cassette d'argent sept cailles; Tune a la tète d'or et le reste du corps
«Pargent Celte caille, c'est ma vraie Ime, * Le beau-frère de la femme a tout
cilendy. 11 peut ainsi la délivrer.
Ûam un conte arabe {Htstoiu de Siif-Almoutouk tt de iaFilU du Roi des GénUs^
^*ini partie de certains manuscrits des MiiU et une iVui/jj, un génie finit par
art à une jeune title qu'il a enlevée où est son âme. Son âme est dans un pas-
^^ft^ qui est en'crmé dans une petite boîte; celle boîte se trouve dans sept
'^tres; celles-ci, dans sept caisses ; les caisses, dans un bloc de marbre au fond
^^^ m.
^n livre siamois {Bastian, du Vœlktr des Œstlkhm AslenSf t. IV, 1868, p. Î40)
jp^otitcque Thoïsakan, roi de Ceylan, pouvait, grâce à son art magique, faire
son Ime de son corps et l'enfermer dans une boîte qu'iî laissait dans sa
I pendant qu'il allait en guerre, ce qui le rendait invulnérable. Au moment
^co«bâtlrc le héros Rama, il confie la boîte à un ermite, et Rama voit avec
^■•tifinent que ses flèches atteignent Thossakan sans lui faire de blessures,
'utioiuiiaOt 1^ compagnon de Rama, qui se doute de ta chose, consulte un devin,
*9*ae| découvre, par Tinspection des astres, où se trouve l'âme de Thossakan;
'"«lotiman prend la forme de ce dernier et se rend auprès de l'ermite, à qui il
"o^ïlîande son ime. A peine a-til la boîte, qu'il s'élève en Tair en la pressant si
^^ entre ses mains qu'il Tccrase, et Thossakan meurt*
*-^ajK un livre hindoustani (Garcin de Tassy, Histoire de la LiUératun hindoute
''■^tiDiii/dni/, L II. p, ^^7), un prince f éventre avec son poignard un poisson
**** letquel un div (espèce d'ogre) avait cache son âme*.
^-*ifin, dans un conte populaire actuel de l'Inde recuetlir par miss M, Frère
(0C«^ i)wwfl DaySf a* éd., Londres, 1870, p, 13), une princesse, retenue pri-
•^"^^mèrc par un magicien qui veut l'épouser, obtient de lui par de belles paroles
^^ ^l fui dise s'il est ou non immortel. « Je ne suis pas comme les autres, •
'^'^"*1«. i Loin, bien loin d'ici, il y a une contrée sauvage couverte d'épais
^^'^h. Au milieu de ces fourrés s'élève un cercle de palmiers, et, au centre de
*^^*rcle, se trouvenl six jarres pleines d'eau, placées Tune sur l'autre : sous U
stti^jïie est une petite cage, qui contient un petit perroquet vert^ et, si le per-
tOC|Uet est lue, je dois mourir. Mats il n'est pas possible que personne prenne
jlBUb ce perroquet ; car, par mes ordres, des niill»ers de génies entourent les
çAnîeri et tuent tous ceux qui en approchent. »
Dans le fameux conte égyptien des Deux Frire», qui remonte au moins au
2?6 E. COSQUIN
xV siècle avant notre ère et qui a été traduit d'abord par M. de Rouge [Rcvat
archiologi(iut, 9* anrïée, 18^2, 2* partie^ P- î^j seq.) et ensuite par M. Maspero
{RfYUi da Cours tiUéraircSf t. Vil, 1871, p. 780), Bâlàû dépose son cœur sur la
fleur d'un cèdre. Il révèle ce secret à sa femme, qui le trahit. On coupe le cèdre:
le cceur tombe par terre et Bàtàû meurt.
XVL
LA FILLE DU MEUNIER.
Un jour, uFi meunier et sa femme étaient ailés à la noce. Leur 1
restée seule au moulin, alla chercher sa cousine pour venir coucher avec
elle. Pendant £|u^efles disaient leurs prières, la cousine aperçut deux
hommes sous le lit. «Tiens! » pensa-t-elle, « ma cousine vient me
chercher pour coucher avec elle, et il y a quelqu'un sous son Ht. *> Puis
elle dit tout haut : « Ma cousine, je vais aller mettre ma chemise» que
j'ai oubliée chez nous. — Je peux bien vous en prêter une des miennes.
— Merci, ma cousine; je n'aime pas à mettre les chemises des autrcs.
— Revenez donc bientôt. — Oui, ma cousine. >v fl
La fille du meunier l'attendit longtemps. Enfin, ne la voyant pas
revenir, elïe se décida à se coucher. Tout à coup les deux voleurs sor-
tirent de dessous le lit en criant : « La bourse ou la vie! — Nous
n'avons point d'argent, )> dit la jeune fille, a mais nous avons du grain :
prenez-en autant que vous voudrez. » Us montèrent au grenier. Comme
il n'y avait pas de cordes aux sacs, la jeune fille leur dît d'aller au jar-
din chercher de l'osier pour les lier, et quand ils furent sonis, elle ferma
la porte.
Les voleurs avaient une main de gloire « , mais la jeune fille ayant eu
soin de pousser le verrou, ils ne purent rentrer, w Ouvrez-nous, x>
lui crièrent-ils. — Passez- moi d'abord voire main de gloire par la cha*
lière. » L'un des voleurs la passa, et, tandis qu'il avait la main sous la
porte, la jeune fille la lui coupa d'un coup de hache. Aussitôt les deuj^g
compagnons prirent la fuite, ^M
Au point du jour, on entendît le violon : c'étaient les gens de ta noce
qui revenaient. Le meunier et sa femme étant rentrés au logis, la jeune^
fille ne leur dit nen de ce qui lui était arrivé. ^M
Quelque temps après, le voleur dont ta main avait été coupée se pré-
senta pour demander la jeune fille en mariage. Il s'était fait faire une
main de bois, qu'il avait soin de tenir toujours gantée; il se disait le fils
de M, Bertrand, homme considéré dans le pays : aussi les parents de la
jeune fille furent-ils très-flattés de sa demande.
Voir les remarques pour l'ex pli cation du mol main de ghin.
CONTES POPULAIRES LORRAINS 2^7
Le voleur dit un jour à la jeune fille : « Venez donc voir mon beau
château au coin du petit bois, — J'irai ce soir, n répondit-elle, mais elle
resta à la maison. Quand le voleur revint^ il lui dit : « Vous n'êtes pas
venue au château ; vous m'avez manqué de parole, — Que voulez-
vous? yy répondit-elle, a je n'ai pu y aller; j'irai demain,.. Mais pourquoi
portez-vous toujours un gant ? — C'est que je me suis fait mal à la
main, » dit le voleur.
Le lendemain, la jeune fille monta en voilure avec un cocher et un
laquais* Au coin du petit bois, elle vit une maison d'un aspect misérable*
<i Voilà, » dit-elle, (t une triste maison. Restez ici, mon cocher, mon
laquais; je vais voir ce que c'est. » Elle alla donc seule vers la
maison et aperçut en y entrant sa cousine, que le voleur égorgeait.
a Pour Dieu! pour Dieuî » criait-elle, « laissez-moi la vie! jamais je
ne dirai à ma cousine qui vous êtes, — Non, non! qu'elle vienne, et elle
en verra bien d'autres ! n La fille du meunier, qui était entrée sans être
remarquée, se hâta de sortir en emponant le bras de sa cousine que le
voleur venait de couper. Il y avait sous la table une trentaine de gens
ivres, mais personne ne la vit.
a Mon cocher, mon laquais, » dit la jeune fille, v fuyons d'ici ; c'est
un repaire de voleurs. »> De retour au moulin, elle raconta ce qu'elle
avait vu. Comme le prétendu devait venir le soir même, on appela les
gendarmes, on les habilla en bourgeois et on les fit passer pour des amis
de !a maison.
En arrivant, le voleur dit à la jeune fille: « Vousm*avez encore manqué
de parole; vous n'êtes pas venue voir mon château. — C'est que j'ai eu
aulre chose à faire, » répondit-elle- Vers la fin du repas, le voleur lui
dit : « Entre la poire et la pomme, il est d'usage que chacun conte son
histoire : mademoiselle, contez-nous donc quelque chose. — Je ne sais
rien, n dit-elle, <^ contez vous-même. — Mademûiselle, à vous l'honneur
de commencer. — Eh bien ! je vais raconter un rêve que j'ai fait. Tous
songes sont mensonges ; mon bon ami, vous ne vous en fâcherez pas. —
Non, mademoiselle. j>
a Je rêvais donc que vous m'aviez invitée à venir voir votre château.
J^étais partie en voiture avec mon cocher et mon laquais. Au coin du
petit bois, je vis une maison d'un aspea misérable. Je dis alors à mon
cocher et à mon laquais de m'aiiendre, et j'entrai seule dans la maison.
J'aperçus mon bon ami qui tuait ma cousine. Tous songes sont men-
songes; mon bon ami, ne vous en fâchez pas. — Non, mademoiselle. —
Pour Dieu! pour Dieu! » criait-elle, « laissez-moi la vie! jamais je ne
dirai à ma cousine qui vous êtes. — Non, non, qu'elle vienne et elle en
verra bien d'autres! » Je ramassai le bras de ma cousine que mon bon ami
venait de couper, et je m'enfuis. Messieurs, voici le bras de ma cousine. *>
2)8 B. COSQUIN
Les gendarmes saisirent le voleur, et on le mit à mort, ainsi que toute
sa bande.
L'introduction de notre conte est presque celle d'un conte lithuanien de la
collection Schleicher (p. 9). Douze voleurs se glissent Tun après l'autre dans
une maison par un trou qu'ils ont creusé sous le mur. Mais, à mesure qu'ils
passent, la fille de la maison leur abat la tète. Le dernier des voleurs se doute
du sort qui l'attend : il retire brusquement la tète, mais non sans que la jeune
fille en ait coupé la moitié. Il se la fait refaire en bois (!) et se présente comme
prétendant à la main de la jeune fille.
Nous trouvons aussi une introduction fort ressemblante à celle de notre conte
dans un conte tyrolien (Zingerle, I, n» 22) et dans un conte italien (Comparetti,
n' 1). Comparez encore l'introduction d'un conte sicilien (Gonzenbach, n* 10).
A partir de l'endroit où le voleur se présente comme prétendant, notre ooote
se rapproche d'un autre conte lithuanien {ibid., p. 22) et surtout d'un conte
anglais (Halliwell, Popular Rhymes and Nursery Talcs, p. 47), d'un conte norvé-
gien (Talcs ofthc Fjcld, trad. d'Absjœrnsen, p. 2ji), d'un conte des Tsiganes
de la Bohème et de la Hongrie (C. R. de l'Acad. de Vienne, classe historico-
philologique, 1872, p. 93, et 1869, p. i$8) et du conte hessois n» 40 de la
collection Grimm, h Brigand fiancé (voir les remarques de G. Grimm sur ce
n* 40).
Un conte allemand (Schambach et Mûller, Nicdersachsischc Sagcn and Métrchen^
1855, no 23, p. 307), dont l'introduction est à peu près identique à celle da
conte lithuanien résumé plus haut, présente tout l'ensemble de notre conte
lorrain.
La main de gloire qu'ont les voleurs dans notre conte est un objet magique.
D'après M. F. Liebrecht {Heidclbcrgcr Jahrbûchtr^ 1868, p. 86), elle est formée de
la main desséchée d'un voleur pendu, dans laquelle on place une chandelle faite
de graisse humaine, etc. La vertu de ce talisman, c'est de priver de leurs mou-
vements les personnes qui se trouvent dans le voisinage ou de les plonger dans
un profond sommeil*. M. Liebrecht croit que le mot main de gloire {mande glore^
mandegore) vient du mot mandragore. — Dans le conte sicilien n*» 1 0 mentionné
plus haut, le voleur qui s'est introduit dans le palais pour se venger de la reine,
met sur Poreiller du roi un certain papier magique qui endort le roi d'un
sommeil d'où rien ne peut le tirer. (Comparez la fin du conte sicilien n^ 23.)
Nous avons entendu raconter à Montiers-sur-Saulx une variante commen-
çant comme la Fille du Meunier et qui se rapprochait ensuite du conte sicilien
n* 10. Dans l'un et dans l'autre, le brigand épouse la jeune fille ; puis il l'en-
mène dans un endroit solitaire, l'attache à un arbre et l'accable de coups.
Dans le conte sicilien, pendant qu'il est allé chercher ses compagnons pour
achever sa victime, passent un paysan et sa femme qui conduisent au marché
une charge de sacs de coton. Ils mettent la jeune fille dans un de ces sacs et
elle échappe ainsi au brigand, après divers incidents. Dans la variante lorraine,
I. Voir à ce sujet une curieuse citation des anciennes coutumes delà ville de
Bordeaux, dans le Magasin pittoresque, t. XXXIV (1866), p. 37.
CONTES POPULAIRES LORRAINS 239
dont malhcurcusemetit nous ne nous rappefons la fin que confusément, ce doit
Hm dani on ballot que la jeune fille échappe, — Comparez^ parmi les contes
fljentîonnès plus haut, le conte lithuanien (Schleicher, p. io> et le conte alle-
Qtjnci de la collection Schambach et Mûlfery p. p9.
XVÎI,
L'OISEAU DE VÉRITÉ.
Il était une fois un roi et une reine. Le roi partit pour la guerre,
latssam sa femme enceinte.
La mère du roi, qui n'aimait pas sa belle-iîlle, ne savait qu'inventer
pour lui faire du mal. Pendant Tabsence du roi, la reine mit au monde
deux eijfants, un garçon et une fille; aussitôt la vieille reine écrivit au
roi que sa femme était accouchée d'un chien et d un chat. [[ répondit
qu'il fallait mettre le chien et le chat dans une boîte et jeter ta boite à
la mer. On enferma les deux enfants dans une boite, que Ton jeta à la
mer.
Peu de temps après, un marchand et sa femme, qui parcouraient le
pajs pour vendre leurs marchandises, vinrent à passer par là ; ils aper-
ptrem U boite qui floilail sur Teau. « Oh ! la belle boke ! » dit la
femme; u je voudrais bien savoir ce qu*il y a dedans : ce doit être
queU}ue chose de précieux. » Le marchand retira de Teau la boite et la
àonn2 à sa femme. Celle-ci n'osait presque y loucher; elle finit pourtant
PM" rouvrir et y trouva un beau petit garçon et une belle petite fille. Le
iBVchand et sa femme les recueillirent et les élevèrent avec deux enfants
^QHIs avaient. Chaque jour le petit garçon se trouvait avoir cinquante
^cus, et chaque jour aussi sa sœur avait une étoile d'or sur la poitrine.
Un jour que le petit garçon était à l'école avec le fils du marchand» il
^^* dit : i( Mon frère, j*ai oublié mon pain; donne-m*en un peu du tien,
^ Tu n*es pas mon frère, » répondit Tautre enfant, <c tu n*es qu'un
ï^^ard : on t'a trouvé dans une boite sur la mer, on ne sait d'où m
^*CTis. jî Le pauvre petit fut bien affligé, « Puisque je ne suis pas ton
*f^re» » dit-il, « je veux chercher mon père. » Il fit connaître son inten-
tït>H à ses parents adoptifs; ceux-ci, qui Taimaient beaucoup, peut-être
aussi un peu à cause des cinquante écus, firent tous leurs efforts pour le
retenir, mais ce fut en vain. Le jeune garçon prit sa sœur par la main
d lui dit : i* Ma sœur, allons-nous-en chercher notre père, » Et ils
partirent ensemble.
Us arrivèrent bientôt devant un grand château; ils y entrèrent et
tetnandèrent si l*on n'avait pas besoin d'une relaveuse de vaisselle et
tfua valet d'écurie. Ce château était justement celui de leur père. La
2
I
240 E. COSQUIN
mère du roi ne les reconnut pas; on eût dit pourtant qu'elle se doutait
de quelque chose; elle les regarda de travers en disant : « Voilà de
beaux serviteurs ! qu'on les mette à la pone* » On ne laissa pas de les
prendre; ils faisaient assez bien leur service» mais la vieille reine répé-
tait sans cesse : « Ces enfants ne sont propres à rien ; renvoyons-les
Elle dit un jour au roi : u Le petit s'est vanté d'aller chercher l'ej
qui danse. » Le roi ht aussitôt appeler l'enfant, u Ecoute» n lui dh^
« j'ai à te parler. — Sire, que voulez-vous? — Tu t'es vanté d'alli
chercher l'eau qui danse* — Moi, sire I comment ferais-je pour alli
chercher l'eau qui danse ? je ne sais pas même où se trouve cette eau,
— Que tu t'en sois vanté ou non, si je ne l'ai pas demain à midi, v^m
seras brûlé vif. — A la garde de Dieu 1 » dit l'enfant, et il partit. ^|
Sur son chemin il rencontra une vieille fée, qui !ui dit : w Où vas-tu,
fils de roi ? — Je ne suis pas fils de roi ; je ne sais qui je suis. La mère
du roi invente cent choses pour me perdre : elle veut que j'aille chercher
Teau qui danse; je ne sais pas seulement ce que cela veut dire. — Que
me donneras-tu ? » dit la fée, w si je te viens en aide ? — J'ai cin-
quante écus, je vous les donnerai bien volontiers, — C'est bien. Tu iras
dans un vert bocage; tu trouveras de l'eau qui danse et de Peau qui ne
danse pas; tu prendras dans un flacon de Peau qui danse, et tu partiras
bien vite. i> Le jeune garçon trouva l'eau demandée et la rapporta au
roi. « Danse-t-elle ? ?» dit le roi, — « le l'ai vue danser, je ne sais
si elle dansera. — Si elle dansait, elle dansera toujours. Qu'on la
mette en place. »
Le lendemain, la vieille reine dît au roi r « Le petit s'est vanté d'aller
chercher la rose qui chante, » Le roi fit appeler l'enfant et lui dît :
*t Tu t'es vanté d'aller chercher la rose qui chante, — Moî^ sire!
comment ferais-je pour aller chercher cette rose qui chante ? jamais je
n'en ai entendu parler, — Que tu l'en sois vanté ou non, si je ne l'ai
pas demain à midi^ tu seras brûlé vit n
L'enfant se mit en route et rencontra encore la fée. « Où vas-tu, fils
de roi ? — Je ne suis pas fils de roi, je ne sais qui je suis. Le roi veut
que je lui rapporte la rose qui chante et je ne sais où la trouver. — Que
me donneras-tu si je te viens en aide ? — Ce que je vous ai donné la
première fois, cinquante écus. — C'est bien. Tu iras dans un beau
jardin; tu y verras des roses qui chantent et des roses qui ne chantent
pas ; tu cueilleras bien vite une rose qui chante et tu reviendras aussitôt,
sans t'amuser en chemin. :»> Le jeune garçon suivit les conseils de la
fée et rapporta la rose au roi. <t La rose ne chante pas, » dit la vieille
reine. — n Nous verrons plus tard, « répondit le roi.
Quelque temps après, la vieille reine dit au roi : « La petite s'est
vantée d'aller chercher l'oiseau de vérité* >> Le roi fit appeler l'enfant ei
COKTES POPULAIRES LORRAINS 24J
lui dit : *( To l'es vantée d'aller chercher l*oiseau de vérité. — Non,
sire, je ne m'en suis pas vantée ; où donc l'irais-je chercher cet oiseau de
vérité ? — Que tu t^en sois vantée ou non, si je ne l'ai pas demain à
raidi, tu seras brûlée vive. »
La jeune fille s'en alla donc; elle rencontra ayssi la fée sur son chemin,
c« Où vas-tu, fille de roi ^ — Je ne suis pas fille de roi ; je suis une pauvre
relaveuse de vaisselle. La mère du roi veut nous perdre; elle m'envoie
chercher l'oiseau de vérité, et je ne sais où le trouver. — Que me don-
neras-tu si je te viens en aide ? — Je vous donnerai une étoile d'or; si ce
n'est pas assez, je vous en donnerai deux, — Eh bien ! fais tout ce que
je vais te dire. Tu iras à minuit dans un vert bocage ; to y verras beau-
coup d'oiseaux ; tous diront : Cesî moi ! un seul dira : Ce n'est pas moi !
C^est celui-là que tu prendras, et tu partiras bien vite ', sinon^ tu seras
changée en pierre de seL »
Quand la jeune fille entra dans le bocage, tous les oiseaux se mirent à
crier ; « C'est moi ! c'est moi ! n Un seul disait : « Ce n'est pas moi ! »
Mais ta jeune filte oublia les recommandations de la fée, et elle fut chan-
gée en pierre de sel.
Son frère, ne la voyant pas revenir au château, demanda la permis-
sion d'aier à sa recherche. Il rencontra de nouveau la vieille fée» « Où
vas-tu, fils de roi P — Je ne suis pas fils de roi, je ne sais qui je suis.
Ma sœur est partie pour chercher l'oiseau de vérité, et elle n'est pas
revenue. — Tu retrouveras ta sœur avec l'oiseau, ù dit la fée, « Que
me donneras-tu si je te viens en aide ? — Cinquante écus, comme
toujours. — Eh bien ! à minuit tu iras dans un vert bocage ; mais ne
fais pas comme ta sœur : elle n'a pas écouté mes avis et elle a été changée
en pierre de sel Tu verras beaucoup d'oiseaux qui diront tous : Ccst
moi ! tu prendras bien vite celui qui dira : Ce n^est pas moi f tu lui feras
becqueter la tête de ta sœur, et elle reviendra à la vie. i*
Le jeune garçon fit ce que lui avait dit la fée : il prit l'oiseau, lui fit
becqueter la tête de sa sœur, qui revint à la vie, et ils retournèrent
ensemble au château. On mit l'oiseau de vérité dans une cage, l'eau qui
danse et la rose qui chaule sur un buffet.
Cependant il venait beaucoup de monde pour voir ces belles choses.
Le roi dit : « Il faut faire un grand festin et y inviter nos amis. Nous
nous assurerons si les enfants ont vraiment rapporté ce que je leur ai
demandé, » Il vint donc beaucoup de grands seigneurs, La vieille reine
grommelait . « Voilà de belles merveilles que cette eau, et cette rose, et
cet oiseau de vérité. — Patience, ^i dit le roi, « on va voir ce qu'ils
savent faire, » Pendant le festin, l'eau se mit à danser et la rose à
chanter, mais l'oiseau de vérité ne disait root. « Eh bien i a lui dit le roi,
« fais donc ce que tu sais faire. — Si je parle, » répondit l'oiseau, « je
Romania, VI 1 6
24^ E. COSqiilN
rendrai bien honteux certaines gens de la compagnie. — Parle loujourv
dit le roi. — a N'esl-il pas vrai, ?> dit l'ois^u, <i qu'un jour où voiti'
étiez à la guerre, voire mère vous écrivit que la reine était accouchée d'un
chien et d'un chai f N'est-il pas vrai que vous avez commandé de les
jeter à la mer ? * Et comme le roi faisait mine de se fâcher, Toiseau reprit :
tt Ce que je dis est la vérité , la pure vérité. Eh bien î ce chien et ce chat,
les voici; ce sont vos enfants, votre fils et votre fille. »
Le roi, furieux d'avoir été trompé, fit jeter la vieille reine dans de
rhuile bouillanie. Depuis lors, il vécut heureux et il réussit toujours
dans ses entreprises, grâce à Toiseau de vérité. ■
Voir dans la collection Grimm les remarques de Guillaume Grimm sur le
conte allemarid n^ 96 et celles de M, Reinhold Kœhler sur le conte sicilienne |^_
de h collection Gonzenbach. ^M
Aux contes de ce type mentîoiiDés dans ces remarques il f^iut ajouter un conte
islandais (Arnason, kckndic Ugcnds, translated fey Powell and Magnusson, Uj
p. 427}, un conte breton de même titre que noire conte lorrain (le Conteur brp^M
ton^ par A, Troudç cl G, Milin. Brest 1870)1 plusieurs contes siciliens ln<» l^^^
de la grande collection de M. Pitre, qui donne lanalyse de contes itali^s ana^
logues recueillis en Toscane, en Piémont, dans te Milanais, dans la Vénétie) ;
deux contes italiens (n<** 6 et |o de la collection Comparelti, 1875); dcui
contes catalans du RonJailayre (i""" partie, 1871, p. 63 et Î07) ; un conteniise
(Gubernatis, Zoohgicai Myihoiogy, 11^ p. 17),
On remarquera que, dans le conte breton, Fotseau de vérité, « jttsqu^i ce
qu'il soit priS) est Toiseau du mensonge. » Il en est de même dans notre conte
lorrain.
Un trait particulier de ce conte lorrain, c'est que, pour perdre les enfants,
la vieille reine les accuse de s'être vantés de pouvoir mener à bonne fin telle ou
telle entreprise périlleuse. C'est là un thème fort connu et qu'on a déjà ren-
contré dans notre collection ivoir le conte n' j , U Roi cTAnglnern et son Fi7-
ifu/), mais que nous n'avons jamais vu, croyons-nous, entrer comme élément
dans les contes de ce type. Le plus souvent^ dans ces contes, la belle-mère ou
les sœurs de ta reine, cherchent, elles-mêmes ou par des émissaires, à éveiller
chez les enfants (qui, là, ne sont pas au service du roi leur père) le désir de
posséder les objets merveilleux, et à les pousser ainsi à leur perte.
Ao miheu du xvr siècle, en Italie, Slraparola insérait parmi ses nouvelles
un conte analogue (n* j des contes extraits de Slraparola et traduits en alle-
mand par Vaientin Schmidt. Berlin, 1817), qui a été imité par M™"^ d'Aulnoy
sous le titre de La Prinasu Bdk-ÊtoiU, ^|
Un roman du moyen- âge, imprimé en 1499 et analysé dans les Mélangea ftrl^B
d'un€ grande Bibiwthkque (t. F., p. 4 seq.), V Histoire du Chcvûîiir m Cjgnt,
présente, dans son introduction, un grand rapport avec les contes que nous
étudions. Une reine met à la fois au monde six fils et une iille. Ils étaient
tous d'une beauté parfaite et portaient en naissant chacun une chaîne d'or au
cou. La sage-femme, par ordre de la reine-mère, dit que la reine est accouchée
CONTES POPULAIRES LORRAINS 24J
<lf sept petits chiens* Un écuycr de la vieille reine, chargé par elle défaire périr
lu enfems, en a pitié et les dépose près d'un erinilage. Ils sont élevés par
remite. Quand ils ont environ sept ans, un chasseur les voit dans la forêt et
parle d'eux à la vieille reine qui^ comprenaal ce qu'ils sont, envoie le chasseur
poor b tuer. Celui-ci se contente de leurenlever, à cinq garçons et à la petite
fille qu'il trouve, leurs colliers d'or, et les enfants sont changés en cygnes, etc.
D'autres romans du moyen4ge reproduisent ce trait d'une reine accusée
(Tifoir mis au monde des petits chiens (op. cit. l. H, p. 189, t. O, p. 15 1).
Duisuij conte siamois {Asiatic Rcseankes, Calcutta, i8j6, t. XX, p. 348), la
ieoBC d'un roi est accusée par une rivale d'être accouchée d'un morceau de
Ms. Ce détail se retrouve dans le conte arabe bien connu des Mitk et une Nuiîs^
kl Dtta sœars jalousa dt Imr cadttît. Ce conte arabe se rapproche de tous les
réciu indiqués cj-dessus^ ainsi qu'un conte avare du Caucase, traduit par
M. Schicfner, dont voici le résumé {Mim. âe tAc des scunm dt Saint-Pitershourg^
raèrici, XIX, 1875, n' 12),
Trois sœurs, cardeuses de laine, s*enlretjenneni un soir ensemble, et chacune
d'elles dit aux autres ce qu'elle ferait si ie roi la prenait pour femme. Le roi
eotegd leur conversation : il épouse Tainée, puis la seconde, qui ne peuvent
lerur leur engagement, enfin la troisième. Celle-ci a dit qu'elle donnerait au roi
<n &I1 aux dents de perles et une ^Ue aux cheveux d'or. Pendant que 'le roi
ot i la guerre, elle met au monde, en effet, un ûts aux dents de perles et une
&IBX cheveux d'or. Ses deux sœurs, jalooses, font jeter les enlants dans une
for^de montagnes et envoient dire au roi que sa femme est accouchée d'un
duen et d'un chat. Le roi ordonne de noyer le chien et le chat et d'exposer
I3 nère, 1 la porte du palais, aux insultes des passants.
Cependant les deux enfants sont nourris par une biche, qtii les conduit, deve-
HttgTîods^ dans un château inhabité, où ils vivent ensemble. Un jour que la
l«Be Elle se baignait dans un ruisseau voisin du château, un de ses cheveux
^^f est entraîné par le courant jusque dans la ville du roi. Une veuve le montre
auï temmes du roi. Celles-ci comprennent que les enfants sont encore vivants,
Sio envoient la veuve pour chercher à les perdre. La veuve remonte le ruisseau,
^ve la jeune fitle seule et lui parle du pommier qui parle, qui bat des mains
lîtf) et qui danse. La jeune fille meurt d'envie d'avoir une branche de ce pom-
nier et son frère va la lut chercher au milieu des plus grands dangers, auxquels
i' échappe, La veuve vient ensuite parler à la jeune fille de la belle Jesensoul-
^^ : si son frère Tépousait, cela ferait pour elle la plus agréable compagnie. Le
l^w homme, apprenant le désir de sa sœur de lui voir épouser la belle Jesen-
soûlchar, se met aussitôt en campagne. Un vieillard à longue barbe qu'il ren-
^tre usïs sur le bord du chemin le détourne de son entreprise : la belle
'"^'ûionlchar habite un chlteau d'argent tout entouré d'eau; il faut l'appeler
^^ Ibis, et, si elle ne répond pas, on est changé en pierre. Le rivage est couvert
•* ovaliers ainsi pétrifiés* Le jeune homme persiste, et il lui arrive ce qui est
^^^i aux autres. Ne le voyant pas revenir, sa sœur s'en va à sa recherche,
ï-"* rencontre le même vieillard, qui lui dit que, si Jesensoukhar ne répond pas
^ première et la seconde fois, il faut lui crier : « Es-tu vraiment plus belle que
^\iytc mes cheveux d'or, que tu es si fière? 1 La jeune fille suit ce conseil et
244 ^* cosQum
Jesensoiilchar se montre : aussitôt tous tes cavaliers changés en pierre revien<^
nent h la vie. Le jeune homme épouse Jesensoukhar et Temmène dans son cbâ^
teau, ainsi que le bon vieillard. C'est ce vieillard qtii^ à Toccasion d'une
faite sfu roi par les jeunes gens, révèle le mystère de leur naissance.
XVHK
PEUIL ET PUNCE,
POU ET PUCE.
Ain joûi Peuil et Putice vlèrent
aller glaner. Qua i feureni pa lo
chas, lo vMà que veîrent ine grousse
niâiequev^nôt. Peuil deil à Punce :
tt I va pîeuvé, faoui n'a r'nallen
Mé, j*areuil bée rae hâter : je ne
marche mé ' veite, j' sVeuil toûjou
mouillie; j'm'a vira tout bellotema^.
Té, r'va-t*a atout perlé ? ; t^ais do
grandes jambes, t'erriverais chienô
a va lé pieu je, et lierais lo gaillées^
a m/attada. >>
Punce se mot a route, saouta,
saouta. Elle feut bitoÛ à !a mâson.
Ellerellumé l'feuil^ elle apprôié lo
gaillées et elle lo moié cueire da
Pchaoudron. Ma via qu'a !o remia,
elle cheusé ^ d*dâ et s'y nia.
Ain peuou aprée, Peuil ratre :
« Ah ! qu'j*â frô ! qu'jâ frô î j*seml
tout mouillie. Punce , vérousque
île ? Vinâ m baillée do gaillées; j'io
mingerâ a m'rachaoufîa, » Ma Tavô
bée crier : Punce ne rapondôme,
I s'moté à la chorcher, et vola
qu'elle n'atôtome tout là, i peurné
ine cûyie e i tiré ine assietiaïe de
gaillées. Ma v*là qu'à lé proumère
cûriaie , î croque Punce. « Ahl
Un jour, Pou et Puce voulurent
aller glaner. Quand ils furent par
les champs^ les voità qui virent une
grosse nuée qui venait. Pou dit à
Puce : u îl va pleuvoir, il faut
tious en retourner. Moi, j'aurais
beau me hâter : je ne marche pas
vite» je serai toujours mouillé; je
m'en irai tout doucement. ToiJ
retourne-t-en toute seule, tu as d?
grandes jambes» tu arriveras chez
nous avant la pluie, et tu feras les
gaillées ^ en m'aitendant, p
Puce se mit en route, sautant,
sautant. Elle fut bientôt à la maison.
Elle ralluma le feu, elle apprêta les
gaillées, et eïle les mit cuire dans
le chaudron. Mais voilà qu'en les
remuant, elle tomba dedans et s'y
noya.
Un peu après, Pou rentre '
« Ah ! que î'aî froid ! que j'ai froid ■
je suis tout mouillé. Puce, où est-
ce que tu es ? Viens me donner des
gaillées; je les mangerai en me
réchaufTant. » Mais il avait beau
crier. Puce ne répondait pas. Il
se mit à la chercher, et voyant
qu'elle n'était pas là, il prit une.
cuiller et il tira une assiettée de
gaillées. Mais voilà qu'à la pre-~
K Afif, en vieux français. ^ 2. BdïoUmenl^ bellement, doucement.
|. On dit : à part soi. — 4. Mets du pays, fait de pâte cuite dans du lait.
5 . Chut^ du verbe choir.
CONTES POPULAIRES LORRAINS 245 ^^^^^^J
quée malheur ! Punce o croquaïe !
mîère cuillerée, il croque Puce. ^^|
Qu'o ce qtie j'vâ féire ? Je nVeste
« Ah ! quel malheur ! Puce est cro- ^^|
mé tout cd, j* m*a va. »
quée ? Qu'est-ce que je vais faire P ^^|
Je lie reste pas ici, je m'en vais. ?> ^^|
Qua i km da lé rue, i parte pa
Quand il fut dans la rue, il partit ^^|
V Val-Deyé ', I passé d'va ain vou-
par le Val- Derrière '. M passa ^^|
lût; 1' voulût l\ deit : « Qu*û ce
devant un volet : le volet lui dit : ^^|
que t'aîs don, Peuil ? «
(c Qu>st-ce que tu as donc, ^^|
)i ^H
— (c Punce 0 croquaïe. »
— (C Puce est croquée. » ^^|
— « Eh bé ! raé, j'm'a va char-
— a Ëh bien! moi, jem^envais ^^^H
rie ^ 1)
» ^^^H
Qua i feut dVa chie Ppère Vau-
Quand il ftit devant chez le père ^^H
din î, Pcouchot lî deit : <i Qu'o ce
Vaudîn ^^ le coq lui dit : « Qu'est- ^^|
que t'ais don, Peuil ? »
ce que tu as doec, Pou P /> ^^|
— li Punce 0 croquaïe,
— tt Puce est croquée» ^^|
« Voulût charrie, »
a Volet bat. )) ^^1
— « Eh bé! mé, j'm'a va chan-
— a Eh bien ! moi, je m'en vais ^^|
ter. »
chanter. ^ ^H
Ir*toumépad*véechie Loriche-»,
Il retourna par devant chez Lo- ^H
rfourmouaie îî deit : « Qu*o ce que
riche*; le fumier lui dit : « Qu'est- ^^|
l'ais don, Peuil ? ^i
ce que tu as donc, Pou ? » ^^|
— <i Punce 0 croquaïe,
— <( Puce est croquée. ^^Ê
'I Vouloî charrie,
oi Volet bat. ^^^^Ê
« Couchoi chante, »
« Coq chante. » ^^^H
— <r Eh bé! mé, jVa va dan-
— « Eh bien ! moi, je m'en vais ^^M
ser. >}
danser. » ^H
Ain peuou pu Ion, TaiÔt à coûté
Un peu plus loin, il était à côté ^^Ê
d'ia mâson d%eussieu Sourdai s
de la maison de M. Sourdal ^ qui ^^Ê
que fatôt d'rouéille. Y av6t ine
faisait de 1 huile. Il y avait une ^^M
femme que sortôt avo deuou bom-
femme qui sortait avec deux cru- ^^M
rottes ^. La femme il deit : « Qu'o
ches. La femme lui dit : « Qu'est- ^^M
ce que fais don, Peuil ?»
ce que tu as donc, Pou P n ^^M
— it Punce 0 croquaïe,
— « Puce est croquée, ^H
« Voulût charrie,
<( Volet bat, ^H
« Couchot chante,
<t Coq chante, ^^Ê
« Fourmouaie danse. »
« Fumier danse. » ^^M
} . Le Vâl'Demèrt. C'est dans cette rue de Montiers qu'est née, à la fin du ^^H
siècle dernier, celle dont nous tenons ce conle. ^^^H
a. Charrier, c'est-à-dire traîner en grinçant^ battre. ^^^^|
} . Le père de notre conteuse*
^^^^^H
4. Un homme du village.
^^^^H
\ . Encore une personne du village.
^^^^^^H
é. Comparez butrt, biirctu.
^
246
E. COSQUIN
— a Eh bien ! moi, je m*cn vais
casser mes deux cruches. »
Encore pins loin, il se trouva
près du Grand-Four '. Tout jusie-
loent, le père Quentin ^ le chauffait
pour enfourner le pain, ei il remuait
le bois qui brûlait avec son fourgon.
Le père Quentin lui dit : « Qu'est-
ce que tu as donc, Pou ? n
— ti Puce est croquée,
« Volet bat,
« Coq chante^
« Fumîer danse,
t< La femme a cassé ses deux
cruches, n 1
— a Eh bien ! moi, je m*en vais'
te fourrer mon fourgon au c... »
— « Eh bé ! mé, j*m'a va casser
mo deuou boulrottes. »
Ainco pu Ion , i s 'trouvé pré
deuou Grand-Four ', Tout jeuste-
ma, l'père Quentin * TchaoufTôt
pou afFoumer Tpain, et i r'miôt
l'boû que brûlot avo sïeurgon.
L'père Quentin lî deit : ^ Qu'o ce
que t*ais don, Peuil ? »
— V Punce 0 croquaie,
« Voulût charrie,
« Couchot chante,
« Fourmouaïe danse,
« La femme é cassé so deuou
bouïrottes. »
— « Eh bé ! mé, j'm'a va
t'fourrer m*feurgon aou cû. »»
Comparez dans le recueil des frères Grîmm le conte hessois de même titre
(n« 30)» M. deHahn a trouvé à Smyrne un conte grec moderne analogue inti-
tulé Grain de Poivre (n® 56) : on y voit figurer un petit garçon appelé Grain
de Poivre à cause de sa petitesse et qui tombe dans tin chaudron bouillant, le
vieux cl la vieille qui l'élèvent chez eux^ une colombe, un pommier, une fon-
taine, la servante de la reine, ta reine et le roi, A la fin, le roi, affligé de ce
qu'il vient d'entendre, jette sa couronne par terre et dit à son peuple : i Le
cher petit Grain de Poivre est mort ; le vieux et la vieille se désolent ; h
colombe s'est arraché les plumes ; le pommier a secoué toutes ses pommes ; U
fontaine a laissé couler toute son eau; la servante a cassé sa cruche; la reine^
s'est rompu le bras, et moi, votre roi, j'ai jeté ma couronne par terre. Le che^|
petit Grain de Poivre est mort, n ^*
Dans un conte norvégien du même genre, d'Asbjcernsen, traduit récemment
en anglais par M. Dâscnl {Talcs of ihc Fjeidy p. 30), les personnages sont : un
coq, qui se noie dans un tonneau de bière que sa poule vient de brasser; ta
poule, un moulin â bras, une chaise, une porte, un poêle, une hacher un trem-
ble, des oiseaux, un bonhomme et une bonne femme. Pour terminer, fa bonne
Femme jette sa soupe contre le mur.
M. Pitre a trouvé en Sicile trois contes de ce type <(n" 154)
Mentionnons enfin un conte probablement français : Mouche des hois est morti
(Magasin pittoresque, t. ^7 (1869), p. 82).
lî est curieux de voir comme Tidée générale de ce conte s'est localisée à Mon-
tiers-sur-Sâu!x, On pourrait suivre Pml â travers les rues du village et s*arrôtcr
avec lui devant telle ou telle maison, jusqu'au Grand-Four^ le four banal, sup-
primé à l'époque de la Révolution.
(a suivre,) Emmanuel Cos(^in
i. Le four banal. — 2. Le foumier du four banal avant 1789-
MÉLANGES.
I.
LES NOMS PROPRES LATINS EN -ITTUS-ITTA
ET LES DIMINUTIFS ROMANS EN -ETT-.
Sdon Diez 1, qai suit l'opinion de Pott, la terminaison diminutive -ETT-
^ serait pas d'origine latine, mais d'origine allemande; cependant le fait
V^*dk appartient à tout le domaine roman hormis au valaque engage
^ supposer une base -ITTUS -ITT A dans le latin populaire, plutôt que
^^ recourir à une autre langue pour en rendre raison. Mais il y a
** plos qu'une hypothèse, il y a certitude. Des noms propres de femmes
««que
Attitta
Galliîîa
*
Pollitta
Bonitta
Julitta
Pussitta
Caritta
Livitta
Senecitta
Fmtta
Lucitta
Suavitta
Frunitta
Nonnitta
Vilitta
^^■^ été recueillis par Otto Jahn» et par Josef Klein ^ qui les rapproche
'^^c ndson de ceux en -etta et -ita si nombreux en italien et en espagnol.
^^«s féminins tirés d'inscriptions et de manuscrits vient s'ajouter Sua-
''***ti5, dté par Jahn, Hermès^ III, p. 191. Le suffixe que présentent ces
™^^ï3$ est certainement le même que celui qu'on rencontre si fréquem-
™^^^3t dans les noms propres romans, d'où il a passé aux substantifs et
«^ adjectifs.
J. Cornu.
> - Grammatik der romomchcn Sprachcn, II, 371-373; trad., II, 343.
^. HameSf III, p. 190-191
3 • Kosenamen au/ ITT A y Rhcinischcs Muscum fur Philologie^ N. F. Bd
^^^76), p. 297-300.
3»
24S
MÉLANGES
TANIT = TENEBAT DANS LES SERMENTS.
C'est à tort qu'on a voulu, dans le serment des soldats de Charles
le Chauve, corriger les mots hs îanit pour se débarrasser d*une forme
qu'on ne pouvait pas expliquer'. En effet, si la raison que j'ai donnée
dans la Romania (1875, p. 454-457) pour prouver que Vi de dift^ est
bien à sa place est bonne et valable, elle le sera aussi pour établir que
taniî est l'équivalent de îenebaî.
Quant à l'a de la première syllabe, il n'offre pas de difficultés, vu
Ilncenitude des atones dans les Serments et vu les exemples très-
nombreux où Va répond à e ou i. On rencontre en ancien français,
Saint-Alexis, ms. L ankmes 74a 122 d animas, anxme 82 e ai^ima;
Voyage de Saint-Brandan publié par Suchier dans les Romanische Siadien,
tkmez^^yrmKTE, mkneuni n^ ^minarunt, manmmc Ï462; Strmo de
sapientia à la suite des Dialogues Grégoire lo pape, senior p. 284/41
285/1/4/14 SENiOREM, sxniorie p. 285/12/14/24 *seniorîa, ;a/«> 284/7 m
gelaTa, plknieremenîiS^/^i^Anemisp. i^oj i j 2/1^ Amendetr p. z^G/zSj ^y^ 1
Sermons de Saini Bernard JAlenies p. 531, Knemins p. 553 et $57, En
provençal, la Croisade contre les Albigeois a kvô^iics episcopus, ben/air m
^727 BENEDiCERE, befiAzic 8541, btnhzet 6620, henkzit 7048, icnl^
Dknis 7112 Sanctum Dionysium, ttiMuics 9054 miMicos, trkut J767
TRiBUTUM. On trouve de même en italien, Fioreîù di S, Francesco^ édi-
tion de Vérone 1822, celkbro p. 1 5 ! ^ cerebrum, inconîknenîe à côté de
inconîenentt^ immanikntnîc à côté de immantencnte et immantinente^ trkbuto
A ces exemples on peut ajouter ceux que cite Ascoli, Saggi ladini 75 et
81Î.
Tanit est un imparfait : c'est un temps permis par la syntaxe, et pour
la forme il est aussi bien justifié que siî, qui, à moins d'être un latinisme ,
ne saurait avoir pour base que *siaty demandé par l'ensemble des langues
romanes, et qu^il serait mal à propos de séparer de seie soie, seies soies.
I
^
f. V. Romanuif '^74» P- Î7' ^ott^ et Jahrhck fur ron
Sprachc und Litefatur , \\]t^ p, 584-^8^, cl XV, p. 87-88.
romanhche und engltsc
àifi (disî, p. 4J7, est une faute d'impression) n'est du reste pas
laire qu*elfe me le paraissait d'abord â cause de la combinaison Ji^
2, La forme
aussi extraordinai.- ^ ., ^. „„.._,„_„,„ ^.^
non pas qu^on la rencontre ailleurs, mais on trouve encore dans quelques anciens;^!
textes la combinaison Js qui se réduit plus tard constamment à i. La vie dt^M
saint Alexis, le Psautier d'Oxford, la Chanson de Roland, le Voyage de saint
Brandan publié par Suchier dans les Romaniscke Stadien cl les quatre livres des
Rois en fournissent nombre d'exemples.
î . Ceux que donne Diez, Altromantschc Sprûchâmkmak^ sont sans valeur i
l'exception de tsmtr^ Livre da Rais^ p. 17, comme Suchier et Croeber Tont
dc|à remarqué avec raison.
Tanit daks les serments 249
^Cm^ sisrif soit était le latin siî, il ne pourrait garder son f. Il y a, il est
î, sasîtndreiet dans la cantilène de sainte Eulalîe et dans le fragment
"de Vâlenciennes savdet Bartsch, Chrest. p. 5/17, astrdet p. 5/18/^ (,
/irr«rt ^/ji, mer/rd^f 7/1 5, avec le maintien de Ve^a après Pacceni;
nt^us pouvons-nous leur accorder de l'importance pour le texte des Ser-
ments? Quant à los Diez Ta expliqué suffisamment, Alîromanische
J. Cornu.
SPIGOLATURE PROVENZALL
n '. — La Badia di Niort.
I btografi di Guglieimo IX, conte di Poitiers, sogliono narrare una
»C!andalosa storiella, la quale desta non poco interesse anche in chi si
ocreupa délia storia dei costumi. In lialîa ne diffuse la cognizione il
l>ticn Galvani^, del quale non importa ripeiere !e parole, eco quai sono
del Ginguené^ e del Miliot<. La noiizia del Ginguené mérita invece
proprio di essere riferita : « On conserve encore à Niort la tradition
<i*i-in trait de libeninage unique peut-être dans son genre. Guillaume y
^^ait fait bâtir, pour son usage, une maison de débauche^ en forme de
Couvent, divisée en cellules» gouvernée par une abbesse, ou prieure, et
^^ toutes les sortes de prostitution étaient soumises^ comme le sont les
^^crcices monastiques, à des pratiques régulières, »>
Una tradizione di questo génère conservaia per sette inieri secoîi,
irebbe davvero un bel caso. Se non che essa è puramente e sempli-
^^mcnie un sognodello scrittore, il quale, con una leggerezza inescusabiïe
' c dico poco —, frantende e travisa ciô che leggeva nel Millot.
Qtiesii, alla sua volta, ave va avuto V infelice idea di mutilare e di voler
^^porrc la noiizia originaria, forniia da un cronista contemporaneo,
^^lendo parlare di CugHelmo di Malmesbury, già prima citaio da
Parecchii tra gli allri, per disteso dall' Alt€ser^a^ fin dalla meià del
^ccnto, Riportiamo noi pure qui subito il passo del monaco inglese,
^*ca fonte di tutto quanto fu detto in proposîto. Do il testo quale sta
^tlo nella Raccolta di Dom Bouquet (XIH, 19) :
r. V. VI, M 5.
1. Fïûft dï Storia letterariû
'^^.Pag' 77
nrc /il
cavaliercsca dtll* Occitmm. Milano, Turat),
), Htstcirc lUtifûirt de ta Franct, XIII, 45.
4. Hiiioirt litUrâin des Troubadours^ I, j,
\ Rit. Aijmiûn , L X, c. 13, T. Il, p. 49^
1^0 MÊLANGBS
« Oenique apud castellum quoddam Ivor habitacula quxddixi quasi
monasieriola construens, Abbatiam pellicum ibi se positunim delîrabat :
noncupatim illam et illam, quaecumque famosioris prostibuli esset, Abba*
tissam vel Priorem, caeleras vero officiales instituturuin cantitans. »
Dove si dice Ipor, Teditore annota doversi correggere Niort; c Nio
aveva letto infatti, o almeno stampato anche l'Alteserra. Si la coirezione
vada esente da ogni dubbio, non ardisco decidere. B
Orbene : adesso che abbiamo da%^anti la notizia nella sua pricnhiva^
iniegrità, rivolgiarao a noi stessi una demanda. È dessa credibile ? —
Un' ombra di dubbio se la permise di già il Miliot : « Un tel projet, s*d
fut réel^ prouveroit bien », etc. '. E l'ombra si dilata presso il Diez.
Neppur egli impugna propriamente il fatto : lo dichiara peraltro non
troppo conciliabile collo spirito reïigioso del tempo =.
Quanto a me, non mi fermo al dubbio : arrivo alla negazione. Fosse
pur Guglielmo potente quanto si vuole, quanto si vuole libertino, credere
ch* egli giungesse a formare il disegno di una regola di mereirici e a
dargli, se non altro, un principîo di esecuzione, è proprio troppo* — Ma
e Pautorità del cronista ? Vorremo dunqiie accusar costui d'aver inventato
di planta? — Nient' affatto. Guardiamogli bene in faccia, e Pauiorîtà
sua andrà salva, senza che occorra per ciô dare uno schiaffo alla ragionc.
Non so intendere perché non si sia mai fatto bene attenztone a queUa
parola cantitans. Lo stesso Diez la traduce con un' espressione affatto
generica : habe ausgesagt, Eppure, secondo me, essa ci porge spontanea-
mente la chiave delP enimma. il Conte cantitaî di voler nominare qucsta
e queila donna badessa o priora del suo strano monastera. Ciô significa,
a mio vedere, ch' egli manifesiava le sue intenzioni in una poesia, in un
vers, llbuon monaco, che aveva, e non a torto^ un* opinionc assai trista
dei costumi suoi, credette dicesse da senne* Non peccô di mata fede; al
conirario! Fu solo di una buona fede un pochîno eccessiva ! Se a costui
fosse venuta alla mano, o alla memoria l'altra poesia di Guglieimo, En
Alvernhe, part Lemoù, oramai sarebbe stato uomo da pigliar sul serio
anche le prodezze délia penuîtima sirofa. Che procedesse con sincerità,
lo mostra, e la parola citaia, e il non avère, ben altrimenti dal Gin-
guené, trasformato in fatti ciô che il suo testo non gli poteva dare che
corne disegni : u Abbatiam pellicum.., se positurum delirabat, « Egli
inganna : ma soîtanto perché ha cominciaio dall' ingannare se medesimo.
Mi piace di camminare con molta cautela, e perè sottopongo a riprova
l'ipotesi. La dimentico dunque un momento, e nemmeno penso pîù ail*
1 . Loc. cit.
2. Lckn und Wcrkc d. Troub., s - * ^^ engltsche Geschichtschrcibcr erz^hlt
unseinen Zug von ihm» der sicli mit der Religiosit;et der Zeit Icium in Einklang
bringcn Jaessl, f
LA BADIA Dl NIORT 2JÎ
mcrcà'bilità inirinseca délia cosa narrata, per esaminare sotto on altro
aspetto le parole del cronista. Non s'imende proprio corne mai il Mal-
(nesburiense, che sa tanti particolari di questa bella faccenda, non dica
fillaba deir esito. Eppure scriveva dopo ta morte del Conte. In che
asodo, a faiti compiuti, la notizia gli era gianta cosi circostanziata per
un verso, cosi monca per Taltro ? — Vedo : avrà avuio tmîcamente
sûtto gli occhi l'editto con cui il dissoluto fondatore creava le titolari
deUe lïuove dignità da lui istituitel Certo la supposizione spiegherebbe
1 maravigtia anche quei futuri, posituranif instàuturunif che, riflettendo
bcnc, menono pur essi quaîche spina nel cervello. Peccaio che cotesio
editlo sia ancor più difficile a digerire délie famose bolle di Papa Inno-
cenxo, colle loro funicelle e col piombo 1
Pertanto, prese corne notizia storica, le parole del cronista sono un
gineprajo di difficolià. — E se si considerano corne riflesso di un vers?
— U poeta bandisce ch' egli ha stabilito d'istituire una badia di femmine,
generose deî loro favori. Già vanno sorgendo gli edifîcî in vicinanza d^un
soo Cdstello. Egli chiama Maria^ chiama Maddalena. Ai loro menti ben
a addicono i massimi onori : Tuna sarà dunque badessa, Paîtra priora.
Alïrc — e le vien nominando — saranno suore nella degna brigala.
— O io ni*inganno, o non si saprebbe immaginare un' ordiiura che
iDCglio rispondesse al carattere délia musa di Guglielmo, quale ci si
rivela nelle altre poésie. Si pensi più specialmente al vers già citato. En
Ahtrnhe, part Lemoii. Quasi arriverei a dire che anche la struttura délia
stroEa doveva essere somigliante : un tessuto di quademarii e di otto>
Qui sento il btsogno dî chiarire^ se pure è possibile, un punto alquanto
bujo. Ciô che il Conte di Poitiers sta edificando, non è un unico fabbri-
cato, bensi habitacula qmedam^ quasi monasîemla, Confesso dresser poco
doito in fatto di fraterie; ma certo, tra gii ordini femminiîi allora
esistenti, non ne conosco alcuno che possa in ciô aver servito di modello
a Guglielmo. E intanto, se, quanîo aile forme, la nuova badia non è
riflesso délia reaità, lidea del poeta perde gran parte del suo sale. Che
dunque pensare ? — Un' ipotesi sembra conciliar lutto cosi bene, che
non sû rattenermi dal riguardarla come probabile. Si non c*erano mo-
nache, c'era bensi una regola di frati, la quale, non solo ammeteva, ma
richiedeva il modo d'abitare che risulta dalle parole del Cronista. Tutti
oonoscono i Ceriosini, et non occorre di sicuro ch' io sciupi tempo a
descrivcre un loro convento. Ma forse non tutti ricordano che quest'
ûrdine nacque alla 6ne del secolo xi. Pu nel IÛS4 che Bruno sa ritrasse,
con sei compagnie nelle montagne presso Grenoble. Dopo sei anni egli
partiva di colà^ lasciando in suo luogo un successore, e se ne andava a
bndare un secondo monastero neïla Calabria, dove morl nel noi . L'isti-
2^2 MÉLANGES
tuzioîie era dunque recemissima, allorchè dovette esser composta la
noslra poesîa, S'aggîunga che era cosa francese, se mi si permeiie di
usare il vocabolo in un senso un poco anacronistico. Che avesse attratto
anche l'attenzione di Guglielmo, non si puô a meno di supporlo.
Orbene : Bruno aveva istituîto un ordine maschile : il Conte si dà Paria
di volerio estendere ail' allro sesso, complelando, in certo modo, Topera
del fondaiore^ I Certosini avevano la regola più ausiera tra quame se ne
fossero ancor viste : appunto per ciô tomava di modellare su dî loro la
badia bordeliesca. Quanto più vivo il conirapposto, lamo roaggiore
refficacia. Temevama che mancasse il sa!e : ecconeinvece in abbondanza,
e del vero sal mgrum. Si potrebbe esser tentati di cercare nelP ipotesi
anche un appigiio per determinare con esatiezza il tempo délia coropo-
sizione. Non ne trovo alcuno che abbia aimeno una certa consistenza;
qiianii pajono ofîrîrmisi, sono debolissime radici, le quali si schiantano,
se appenamiprovo ad aggrapparmici. Bisogna aver ben présente al pen-
siero che la parodia délia viia raonasiica è per Pautore un mezza, e non
il vero suo oggetto.
L'oggeito vero, la pane sostanziale, consiste in quella série dî norai»
ira cui si ripartîvano gli uffici del monastero. Di ciô non saprei dubiiare.
Dubiterè invece, e non poco, che le elette di Guglielmo fossero femmine
da conio, corne parrebbe dire, e dovette credere il cronista. L*analogia
di materia coU* En Alvernhe, m'inclina ad immaginarle piuttosto donne
mariiate e di condizione onorevole, quali sono appunto la molher d'En
Cari e d^En Btrnart. E forse quesie due eroine deila poesia consen^ta
apparivano anche nella perdma. Ma qui è opporlima una riserva. Non
oserei afFermare che il poeia si servisse dei nomi veri \ un ardimento
cosiffatto sarebbe forse stato rischioso anche per un pari suo, E nem-
meno escluderei senz' akro la possibilità che i suoî personaggî fossero in
parte invenzioni spiritose. Purchè gli ascoltaiori credessero alla loro
realtâ, e guardandosi attorno, fantasticassero identificazioni più o meno
probabili, l'eiïetto era ottenuto, era raggiunto lo scopo.
E quai era cotesto scopo ? — Se non m'inganno, salira e riso ad ujï
tempo« Duro peraltro faiica a immaginare il mio poeta vindice disinte-
ressaio délia morale ofFesa* Forse Guglielmo aveva vendette da com-
piere» sdegni da sfogare, contro beltà restie a lui, e, a suo credere,
non rigide uguatmeme con tutti. Checchè sia di ciô» il tuono da lui
assunto doveva esser burlesco. Solo scherzando» un Don Giovanni suo
pari pote va permettersi di esporre alla beriîna la scoslumaiezza altrui.
Ma queste sono semphci congeiture, abbastanza superflue, se si vuole.
1 . Le Certosine Icgittimc fiirono istituite assai più tardi, al tempo di Guido,|
qurnlo générale dcll' ordine di S. Bruno.
DÉCLINAISON DE lVrTICLE DANS LE VALAIS 25?
Lo schelelro délia composizione perduia ci sta davanti nelle parole dcl
cronisia; lo spirito che vi doveva scorrer per entre, è certo quello
stesso che vive e si agita nelle alue poésie di Guglielmo. Ognuno
dunque soffii di nijovo nella vecchia creta Panima che n*è fuggita, rivesta
di polpe le ossa, ed operi egli mcdesimo la risurrezione. Quanio a fan-
tastni, non ci comentiamo mai pienâmente che dei noslri proprii. Cosi è,
e cosî dev' essere.
Prima di finire, rimetto un momento il piede su lerreno più sodo per
aggiungere una piccola osservazione. La storiella délia badia non è pro-
babilmenie il solo iratlo biografico di Guglieimo dovuto semplicemenie
ai suoi versi. Chi raetla a risconiro quamo si afferma nella vita pro-
venzaïe, che il Conte tt anet lonc temps per lo mon per enganar las
domnas, » colP avventura riferita nel tante volte citato En Alvernbc,
dovrà, per lo meno.aprir ratiimoalsospetto, che su quesia poesîaealtre
del medesimo stampo si fondi lutta rasserzione. Un lerribile seduttore,
Guglieimo era senza dtibbio; ma dal conoscerlo taie, air îmmaginarselo
un seduttore errante, che corresse anni ed anni il monde per mera
smania di trofei femminih, ci corre assai. Qui» checchè si dica, sentiamo
di essere nel mondo délie finzioni poettche. Badine dunque i poeti a non
dire di se in versi, ciô che poi non vorrebbero ripetuto e credmo in prosa.
O piuttesto — sarà più giusto — badine i signori critici a disdnguere i
deminii délia fantasia da quelli délia reakâ, e a vagliare con diligenza
meticolosa le netizie lore trasmesse da chi non era in grade di sceverare
lui stesso la pula dal grano.
Pio Rajna.
IV.
DÉCLINAISON DE L'ARTICLE
MAINTENUE JUSQIJ^A CE JOUR DANS LE VALAIS.
Qu'il y ait au monde un coin de terre parlant une langue romane
où l'on continue à distinguer par la désinence dans l'article le nominatif
de l'accusatif, voilà un archaïsme fait pour nous étonner et difficile à
croire sans preuves. Mais les preuves, je les ai. Je les lire des traduc-
tions de la Parabole de V enfant prodigue en patois des vallées d'Anniviers
et d'Hérens (Valais) ^ Glossaire de Bridel, p. 4^t-4î4, traductions qui
présentent d'ailleurs tant de phénomènes intéressants qu'elles font vive-
ment désirer une étude approfondie sur ces deux dialectes,
Saint-Luc (Val d'Anniviers).
Nominatif,
1 2. LÉ pîoii zouvenno a détt à chon part-
2 54 MÉLANGBS
1 2. LÉ pare lau j a partagia chon hinn.
1 3. LÉ plou zouvenno féss ramacha ton.
22. LÉ pAre adéttà chau chervitiau.
Accusatif,
1 8 et 2 1 . N petzchia contre lo paradett.
Comp. encore :
20. chou pare lo Va iouk... é lo Va bijia.
22. couvrik'LO,
2 }. amena oun vé gras^ é touA-LO.
Evoléna (vallée d'Hérens).
Nominatif.
1 2. Li plou zoveno dé dau ditti à chon parre.
1 2. Li parre lau j a faiti lo partazo de chon bin.
13. Li Jiss Li plou zoveno... èth alla loin ein oun pahik ethrange.
22. Li parre ditti à chon chervitau.
2 5 . Quan Li primié défiss qu'ire pi le zan ej ouk tornd pré de la michjon,
i a avouik lo train de dansse.
27. Li valetti li a refondouk : Vouthri frâri e tornd et li vouthri parre i'a
bauchia lo vé grâ.
28. LI parre e chaillek.
3 1 . LI parre loui a refondouk.
Accusatif.
18. / me faut parti po alla trovA lo parre.
1 8 et 2 1 . io e petschia contre lo chiel.
22. Couësche~vo de me porta lo plou biauperpouin et mette-iodmounfiss.
23. Amena topari foura lo vé engraschiaet bauche4o.
25 et 27. Voir ci-dessus au nominatif.
32./ fallek faire lo festin,
A Evoléna on parait même distinguer au pluriel le nominatif de l'accu-
satif. Celui-ci est lé :
15. l'a cogna den cha michjon de la campagni po alla vouardâ lé caïon;
Celui-là LI :
16. i Voure ithâ prau countain de mingié de raschine que mingevon li
poissi.
J. Cornu.
FRANÇAIS R POUR D.
M. G. Paris (Romaniay 1877, P- '^9 ^s.) revient après M. Tobler
sur les mots français qui présentent une r issue d'un d latin : il montre
que les seuls exemples authentiques sont mire='medi{c)um^ remire =
FRANÇAIS r POUR d t^^
nmàum, homuire^^homicidium, Allyre^ Illydiumy grammaire;^ gram-
iMh{m , àmmmu = daimati[c]a , tHuirt = sîudmm , Gin — Aegidium ,
*miT€=^inYidiam^ ' fire = {idi[c]um pour ficaiam (piém. fidich), arti-
mtrt = arîem maîhimaXi\Cam. Dans toutes ces formes IV représente un
ilatîn, ùMUïï d roman issu de r latin, qui à l'époque de la transforma-
lion était suivi d'un / suivi lui-même d'une autre voyelle ; les épels mirie^
pu^ tnvinc montrent que IV, quoique née du voisinage de 1'/, ne repré-
_ieiile que ic d seul; Vi s'est maintenu un certain temps après la nais-
' de Vr; si plus tard il est tombée c'est en vertu d'un phénomène
endant du premier.
M. P* cite d'autres formes où une r française remplace dans les mêmes
conditions non un d, mais une / : navire — navUîum^ concire = €ondlium,
ngirc = iuangelium , mire = milia, Aulaire = Eiilatia , et de même
^mbin, Basire^ Mabire, Vi s'est maintenu aussi après la naissance de IV,
car on a navine. M. P, remarque que le nom Aegidiam a donné non-
seulement Cire, mais aussi Giiie : il en conclut que les autres mots où r
provient d'un d ont aussi passé par une forme qui en avait fait /.On aurait
eu successivement di^ i/, ri, r. Le degré artimaiiif intermédiaire entre
anem maîhtmaîkam et artimarie, serait caché dans une leçon animal du
Rùldnt. Le français homecihe serait encore représenté dans le castillan
komeciUo*
Cette théorie est séduisante par bien des côtés, mais je ne puis m'em-
pècher d'y voir de grandes difficultés, La conjecture sur artimal est d'au-
Uni plus sujette à caution que dans le passage où cette forme se trouve
elle est immédiatement suivie d'une i, dont VI de la forme corrompue
peut fort bien provenir. Le castillan homedilo et le français hypothétique
*homi€ilie ne remontent pas à une source populaire commune, carie
mot firançais, ayant conservé la protonique, ne peut pas être populaire;
si le mol castillan a été emprunté à la langue française, il est assez
naturel que le suffixe hUo se soit substitué à une finale étrange comme
-idi€ ou -trie. Enfin Aegidias n'est pas très-probant* De ce qu'un nom de
saint, de bonne heure populaire dans un très-vaste territoire, a donné
dans les divers lieux des formes dialectales diverses, on ne peut pas con-
clure qu'un mot savant comme esîuire^ homecire, remire ait passé succes-
sivement^ en un même lieu, par des phases où ces variétés dialectales se
retrouvent'. Enfin, a priori^ il est peu croyable qu'un mot comme
mtdkuSf dont on a conservé tant de représentations romanes, ait passé
u Ce n'côt pas Cirle qui est mis pour Gilii^ mais au contraire Gilii qut est
pour Giric. C*cst un provençalisme. Dans des comptes en provençal dépouilla
par M. P, Meyer {Komiifiw, 1876, p. ^89) ackiia donne non-seulement g/^jfja»
Îhmsa^ glUra, etc., mais zusti jUyka et gukyû. C'est très-iuslement que
l G, Paris explique le castillan Gil par un emprunt au provençal.
256 MÉLANGES
par la forme *mili€ sans qu'il reste de cette forme la moindre trace; ci
1 invraisemblance augmente quand on considère combien nous avons
d'exemples de 17 dans les mots où elle a réellement existé, comme
naviliCy aposîoiie, MabiU et Mabilk^ Cilles, évangde,
La solution de la difficulté doit être cherchée, si je ne me trompe,
dans une remarque chronologique. Le changement de ^ en r s'esi cer-
tainement opéré assez tard. Il est postérieur au changement du f en <i
dans grammaùca^ âalmatica, fcaium, mathemaùca. Jl est postérieur à la
chute du c dans ces mots et dans medicas. Il est postérieur à ta chute des
protoniques, car il se manifeste dans le mot savant homtdn qui a été
formé postérieurement à cette chute. Il est postérieur à la chute de^^
épitonîques finales, puisqu'on a un e dans mire, remire, estuire (cf. ''''^^|
médium j moi— modiam] : cette observation nous fait voir en outre que
remire eiesiairè, lorsqu'ils se sont formés, étaient des mots savants. On
peut donc supposer que la naissance de IV n'est pas antérieure à la
période carolingienne,
Or^ pendant cette période, peut-être même avant, k d on t placé
entre voye!les avait pris le son du l grec moderne, du th anglais de
oîher, du d espagnol moderne tel quil s'est conservé dans certains dia-
lectes. De là les épels adiadha, cadlmna^ Ludher^ Lodimuigs dans les
serments de 842, avec dh pour t ou ti, comme u consonne pour p on b
dans auant saair. De là bien plus lard les épels tels que empcretfmr—
imperaîorem, loîhet=lâudd{^ etc., dans le ms. L de V Alexis (G. Paris,
Alexis, P^ 9Î s.) et dans d'autres textes intluencés par l'écriture saxonne
(Ibid., p. 95). Par conséquent, dans les mots tels que mirie = medi{c\uftt,
le groupe ri ne vient de di que par Tiniermédiaire de 0/. On a eu succes-
sivement ' midie^ * m/SiV, m trie, mire.
Entre ' miîie et mirie il est inutile de chercher des intermédiaires. La
consonne à occlusion incomplète 0 est formée tout comme la consonne à
occlusion incomplète z par la pointe de la langue, et tend comme elle
à s*échanger avec Tr linguale* M. Joret {Mém. de la Soc, de Ung.^ III,
p. 161) a signalé dans le patois du canton de Seignelai les prononcia-
tions mèle^ pèle pour mère^ père, A Jersey IV médiale a trois prononcia-
tions suivant les paroisses, r linguale non vibrée (comme IV des Anglais) ^^
z et B : ainsi le mot heureux se prononce heureux, heuzeux et ÀeuSeuxjH
Comme !e rhotacisme du z a lieu dans les deux sens (ainsi chaise de
cathedra et Jcru de Jesu^ Joret, p, 161I, il est vraisemblable que l a pu
se changer en r aussi bien que r en l. ^H
On peut donc formuler ainsi la loi phonétique qui a réglé la formatioït^
des mots comme mire : ^ A une certaine époque, postérieure au change-
ment de r et J en S, à la chute du c épitonique médial^ à la chuie des
voyelles protoniques et des épitoniques fmaleSi et à la création d'un
^^^a
UN CODICE DEL CICLO Dl GUCLIELMO 257
ceruîn nombre de mots savants, le groupe consonantique ^i, partout où
la langue française le possédait alors, a élé remplacé par un autre groupe
consonantîque ri, issu directement du rhotacisme de la consonne 3 au
mua d'un i consonne, u
L. H A VET.
UN NUOVO CODJCE
di chansons de geste de! cicSo di Guglielmo.
1 manoscritti contenentî tutta una série di chansons de geste del ciclo di
Cuglielmo, le marquis au court nez^ non sono davvero cosl copiosi, che
i'abbattersi in uno, ignorato fino a qui, non sia da riguardare corne una
buona fortuna, degna di essere comunicata ai compagni di studio.
Eccomi dunque a intraiienere un pochino i leiiori delïa Romanla di un
bel codice, che, grazie alla cortesia del nobile proprietario, ebbi di
récente Topportunità di esaminare in una délie più insigni biblioteche
private che sieno e in Italia e fuori, la Trivulziana f .
Non mi dilungherè in descnzionî- Il codice è merabranaceo, scritto, a
quamo pare^ nella seconda meta del secolo xin. Consia adesso di 229
cane, una délie quali, ira la 207^ e la 208*, fusaltataper isbagito da chi
appose amicamente i numeriprogressîvî. Altrecinque, che erano segnate
ït Wi 781 90, 17S, furono sîrappale da qualche vandalo dei secoli
icorai, per avidità delle miniature — non iroppo pregevoli del resto —
che omavano il principio delle singole chansons. Non so quai buona
Stella abbia preservato i fogtl 22, 38, 141, 191, che offrivano pure il
iDedesimo allettamento. Ogni facciata si divide in due colonne ; e cias-
cuna di quesie pona 40 versi. Solo nei quaitro primi fogli (2-5) le
colonne hanno un verso di meno, vale a dire ^9. In totale veniamo ad
vere una somma di quasi 36500 versî.
Ecco la série delle chansons comenute nel codice. Indico distintamente
il numéro dei versi conservati e dei perduti. Questi ultimi, s'intende,
ilcolo per approssimazione. Se non che, mercè V impronta lasciata
tic miniature, Perrore che posso commeitere è solitamente mînimo : di
uno verso 0 due, c non più. Dove, per cause speciaH, rimane maggior
incertezza, aggiungo un punto interrogativo.
L (^ 2a-22aj Enfances Guillaume, mancanti del principio. ji8j v.
^ 140?
K È darc un' eccellenle noiizia il far sapere che, dei manoscrilti di questa
prçziosa raccolta, un uomo egregio, il conte Giulio Porro, sta preparando un
Qtalogo, che vedrà probabilmente la iuce in un tempo non tontano.
Hûmûfiid^ VI
17
258 MÉLANGES
II. (f^ 22â- }8a) Counmnement Looys. 259} v.
III. (f» }8tf-47^) Charroi de Nîmes. 1464 v.
IV. |f» 47^-58^) Priu (COrange^ mutila in fine, v. 1825 + 44.
V. (f^ èùd'-j-jb) Enfances Vivien^ mancanti del principio e délia fine.
2880 V. + 217.
VI. (f» 79^-89^) Covenans Vivien^ mutilo in principio ed in fine.
1760 V. 4- 154.
VII. ((^91^-1424) Bataille d'AleschanSj mancante del principio.
8164 V. + '*•
VIII. {f> 142a' 167b) Bataille Loqmfer, mutila in fine. 41^6 v.
+ 120?
IX. (^ 1694-1914) Moniage Renoarty mutilo in principio. J584 v.
+ 16?
X. (f* i^ia-i^io) Moniage Guilkume, 6866 v.
Ë cosa meritevole di nota, che questa série non combina precisamente
con quella di nessuno tra i codici enumerati dal Gautier ^ Non ci trovan
luogo le chansons più recenti; in particolare il Foulques de Candie^
ammesso invece nel codice 774 (già 7186?) délia Nazionale di Parigi,
che del resto combinerebbe col trivulziano. L'omissione accresce pregio
d'antichità al manoscritto, od agli esemplari da cui esso dériva.
A titolo di saggio, trascrivo le prime tirades del Couronnement Looys.
I. (f* 22 a) Oez seignor que diex uos soit edant
Le gloriex par son comandemant
Plest uos oir d*une estoire vaillant
Bone et cortoise gentil et auenant
5. .j. nain iuglierres nesai por quoi seuant
.j. mot adiré ius que len li cornant
De looys ne 1ère ne uos chant
Et de guill. au cort nés le uaillant
Qui tant soffri sus sarrazine gent
10. De meilior home ne cuit que nus uos chant
Seignor baron pleret uos dun essemple
Dune chancon bien fête et auenante
Quant diex eslut nouante et .x. reaumes
Tôt le meilior toma en douce france
15. Lemainne roi ot anon^ chaliemainne
Cil aleua volentiers douce france
Diex ne Hst terre qni enuers li napende
Il aiaprendre bauiere et alemeingne
Et normendie et aniou et breteingne
20. Et lombardie et nauarre et touquane
1. Epop. franc. ^ III, 23.
2. 0 col titulus.
UH CODICE DEL CICLO DI GUGLIELMÛ 2J9
Rois qui de france porte coronne dor
Preudon doit estre et vailbot de son cors
Et silest bon qui îi face nul tort
Nedoit guérir tia plain tiabos
2\. Desl qui lel recréant ou mort
Sainsi nu fet dont pert france son los
Ce dit lestoire coron nez est a tort
Quant lachapele fu beneoite aes
Et li mous tiers fu dédiez et fes
30. Cort iot bone tele ne verrez mes
.xiiij, conte gardèrent le pales
Por laioutice lapoore gent iuet
Nus neseclainîme qui très bon droit nen et
Lors fist len droit mes or nufel len mes
3 5 . A cortoisie lont tome limauues
Par sans^ loiens remainrent ti droit plet
Diex est preudon qui nos gouerne et pest
Si conquérons anfer qui est punes
Lesmauues princes dont ne sordrons mes
40, Leior iot bien .xviij. euesques, etc.
L*inîeresse del codice è accresciuîo dalle sue particolari vicende,
Scritto e minialo, per quanlo a me pare, nella Francia, passô da gran
tempo le Alpi; e non le Alpî soltanto. Ce ne dà la prova una nota^ sul
verso deiP ultimo foglio. « Regilliose {sic) ac honeste domine franche ha-
batisse monasterii hordinis sancie clare de raguse detur libenter, »> A
Ragusa ed in un monasiero di donne! Noievole anche quella raccoman-
dazione di concedere senza difficoltà il libro. A chi? Aile monache? Non
è improbabile, dato che sapessero leggere. Certo le chansons contenute
nel volume, Tiiltima soprattutto, potevan dirsi una fettura moko edîfi-
cante. Comunque sia, ecco un indizio da aggîungere agit altri mille,
per convincersi quanto fosse ampiamenîe diffusa la conosenza délia
lingua d'oïi. Ma corne mai il lîbro era capiiato in fondo alla Dalmazia ?
Forse portato dalla stessa madonna Franca o dai suoi parenii ? Per verilà
il nome mi fa quasi nascere la tentazione di credere costei francese, o
di nascita, 0 di schiaita. Ma anche senza quesia ipotesi, il faîto si spiega
colla massima agevolezza. Ragusa era soggetta al leone di S. Marco,
e pote va dirsi una colonia di Venezia» Ora, è ben noto che la regione
veneta era diventata oramaî una seconda palria per la letteratura
epica francese, e perù anche per i codici, che ne conlenevano i docu-
menti.
L'esame délia scriitora permetterebbe soltanto di assegnare alla
t, L. faas.
260 MÉLANGES
dîmora del codice sulle rive dabiate una data approssimativa. S 'ha uà
bel fare : la paleografia, specialmenie per certi luoghi e certi secoli, deve
comentarsî di segnare confmi assai larghi. Ma qui, per buona sorte, non
siamo ridotti a mendicar Ittce incerta. La siessa mano che segnô il nome
di raadonna Franca, pose li accanto un* altra nota : « Joanes superantio
dei graiia veneçie daîmatie atque crouaçie dux et dimidie » Seguono
alcune altre parole, semicancellate. Poichè non ce ne viene alcun luroe
maggîore, tralascio di nportare anche quai tanto che ne ho decifrato.
Senz' altro afTannarci, eccoci a cavallo. Se abbiamo doge Giovanni
Soranzo, vuoî dire che ci iroviamo fra il i ^ giugno 1312, e l'ultimo di
dicembre del 1 528. Una data di antichità davvero assai rispettabile.
Par da supporre che coiesio nome non sia staio messo 11 senza una
qualche occasione spéciale. Forse era giunta allora la notizia délia nuova
elezione. Questa è, a mio credere, Pipoiesi più verosimîte* Tuttavia lo
stimoîo potè anche venire da qualche aîtra circosianza. È da tenere a^
calcolo che ïï Soranzo ebbe a darsi non poco pensiero délia Dalmaziajfl
Egli ridusse air obbedienza le ciltà di Zara, Spalatro, Traù, Sebenico,
che s'erano ribellaie', l particolari dei fatti non ci sono noii abbastanza^
per fondarsi sopra induzioni ben determinaie.
Poteva sembrare che il convento di santa Chiara avesse a nmanei
ben a lungo un asilo tranquillo per il nianoscntto. Niente afîatto. Dio
per quali vicende, aile prime peregrinazioni ne lennero dietro altre.
Quando precisamente, non si piiô dire ; faito sta che al principio del
secolo XV, 0 fors* anche alla fine delxiv,— quii criterii paleografici diven-
tano unica scorta — il volume era gtà a Milano. £ il proprietario di allora
affermava il suo diritto, scrivendo in fine, sulla faccia interna délia rile-
gatura : « ïste liber est nicholy de vicomercaio porte nove parochie
Sancti protaxi} ad monachos Mediolanj^ n Ho cercato inutiimente un
Nicola negîi alberi geneaiogici della famiglia Vimercati, che la Trivul-
ziana possiede. Bensi nelle memorie della famiglia stessa, raccolie da
Carlo Ulderico Galluccio e manoscriite nella medesima biblioteca, è ricor-
data una carta del i4î4t in cui si fa menzione di tre nobilî firatelli,
Giovanni, Lancilotto e Corradino? a de capitaneis de Vicomercato natos
nobilis vin Domini Nicolai. » Non so dire se costui sia il medesimo
Nicola Vimercato in casa del quale, a Rîcengo, tenendo la signoria Gian
Galeazzo» si rappattumarono l'anno 1^9^ i Guelfi ed i Ghibellini di
saV
I
(, V, la Cronaca di Andréa Dandolo; Muratori, R, ÎL Sa, XII, 411.
2. La parola Mcdiolanj è scritta colla solita abbreviatura,
3. Probabilmente quello stesso che fu segretario del duca Filippo Mana^ e
che n*ebbe in ncompensa molti privilegî, conie risulta da una carta del 14^5,
V. Teitoni, Ttatro Araldico^ VllI, appendice.
DU PASSAGE D*SZ A R ET d'R A S Z 26 1
Crcma'. Ê possibiJe l-jdentificazione deî due, e quella di entrambi, o
deU'uno di essi, coirantico possessore de! codice^ Ma più che di pos*i-
bilità non vorrei cerio parlare, nonosianie che i tempi pajano combinani
assai bene, e che il siienzio délie généalogie faccia supporre poco fré-
quente tra i Vimercati il nome di Nicole. Da quesia famîglia il mano-
scritîo non usci probabilraente che per passare — forse insieme coi docu-
tneniï c le memorie ricordaie or ora — nella nobile casa dei Marchesi
Trivulzîo. Potè cosi restarsenc in pace sui suolo lombardo, ed eviiare
le nuovc peregrinazioni — se non peggîo — che gli sarebbero toccate,
»e avesse mutato la dimora di un privato ciitadino colla sontuosità del
Cistello e délia libreria Viscontea di Pavia.
P. Rajna.
Vli.
DU PASSAGE D*S Z A R, ET D'R A S Z
DANS LE NORD DE LA LANGUE D*OC.
Le passage d'sz ^ r et réciproquement dVà sz au xiv<: siècle, dans
ttoe certaine partie de la langue d*oc, a été surabondamment établi par
M. Meyer dans les trois articles qu'il lui a consacrés î. En donner de
nouveaux exemples serait donc assez inutile, s'ils se bornaient à con-
firmer un fait désormais indubitable, sans apporter aucun élément nou-
veau à ia question. Tel n'est pas le cas de ceux qu'un heureux hasard
noms a fait rencontrer, dans des études qui du reste n'avaient rien de
commun avec la philologie, et c'est ce qui nous engage à les publier. Ils
concernent en effet une région où ce phénomène n'avait pas encore été
lignalé^ et de plus ils ont Tavantage d'apporter avec eux des dates
précises. Ces exemples sont pris dans la nomenclature géographique de
^Auvergne, du Limousin et delà Marche, provinces qui forment, comme
(Kï sait, la limite septentrionale de la langue d'oc. Jls nous ont été
fournis exclusivement ^ par de précieuses assiettes d'impôts du xv« siècle
réunies par Gaignières et conservées aujourd'hui à la Bibliothèque natio-
I. Fino, Annali dï Crema, L ;* (I, 127 nella ristampa fat ta a Creina nel
3. Un «rGeorginus de Vîcomercato 1», cheabitava appuoto nella parrocchia di
S. Protasio « ad monachos » si vede apparire tra ) novecento Je! consiglio,
ttetii Tanno 1388, in un documento publicato dal Caivi, Patriziaio Mibncse,
p. J84. Forse era il padre, certo poi un parente, del Nicol6 noslro.
j. Romania. IV, 184-194. i^S'^l ^' 488-90.
4- Nous pourrions encore citer en dehors de cette source et pour une région
nu peu dinérenle : Chtfûssimoni (Loire) ; au xrri* et au xiv" siècle : Ckasâl-
Smont (Aug, Bernard, Cariui de Savigny, p. 91s et 956); en 1492 : Châras-
ijùnùfit {lirid., p. 9^4».
202 MÉLANGES
nale sous les numéros 25898 (Basse- Auvergne), IJ901 (Marchc^,^
2)902 (Haut»Limousin)f et 2^90; ( Bas-Limousin 1 du fonds français, dfl
n'esi pas inutile de faire remarquer que ces assiettes d Impôts, comme*^
tous les documents administratifs d*un intérêt général à la même époque
et dans les mêmes pays, sont rédigées en français; mais évidemment les
noms de lieux y ont été reproduits sous leur forme courante, ^ sauf en
ce qui concerne les terminaisons féminines, — et les phénomènes pho-
nétiques qu'ils nous présentent sont bien le fait du provençal vulgaire de
cette région au xv* siècle.
Nous allons donner d'abord le tableau complet' des cas où nous
avons remarqué le changement à*sz en r et dV en j z; puis nous résu-
merons brièvement les conclusions que ï'on en peut tirer. Pour plus de
commodité nous désignons par A, B, C, D les manuscrits 25898, 25901 ,
23902 et 25903 dont nous avons parlé plos haut. Comme ce sont des
recueils sans pagination de pièces rangées chronologiquement, les dates
sont les seuls renvois, quoique peu précis ^ que nous puissions indi-
quer.
I. — Changement &sz en r
Formes en sz,
Àuthezal (Puy-de-Dôme) : Oliata-
mm {Cartukire de Sauxlllanges^
p. 196); ÀuUzdîA 1438, 1440,
1441 ; Autheizat A 1467; Àliezat
A 1478.
Azeraî (Haute-Loire) : Azarac 1 286
(Baluze, MisceL, éd. Mansi, J^
297); Azerat A 1445» 1478.
Berbezit (Haute -Loire) : Berbezi
141 j (Titres de ta mais, de Boar-
bon^ n*» 5005); Btîbtzy A 144J,
1480.
Bitlnois » (Allier),
à
Formes en r,
AiUyraî X 1445; Auteyrat A 1479^
1468.
d
Areraî A 1440, 1468; Areyrat A
1459; Arera A 1467; Arezat Aj
1458, 1441.
Berbery A 1438^ 1440, 14411 14$;
1467, 1468, 1478.
BilUrez A 1459^ 1467, 1468,
1 . Il semble au premier abord qu'il faille ajouter à cette liste S. Illidias :
S. Alyre (Puy-de-DÔme); mais jI n'en est rien. La formation lilidms ^ Atyn
appartient à une série de mots, récemment étudiés par MM. Tobler, Parts et-
Havet, où IV apparaît de bonne heure à la place du a. Ce qui prouve bien que
ce n'est pas là un phénomène contemporain de celui que nous étudions^ et qu'il
ne faut pas y voir le changement de ^Z en r puis de ; en r, c'est que dès le
XIV" siècle on trouve constamment ^4////, Alitt et jamais Alizi, Ahu dans les
nombreux exemples que nous avons de ce mot (4 exemples en iî^6, iîjj :
Bibl nat., Franc. 22295, pièces 2 et 10; Frûnc. 24051,(01, 1 et 4; i8exemplcs
pour le XV* siècle : A pasum).
2. Quoique nom ne connaissions pas la forme tatine de ce mot, ce ne peut
être évmemment aue Tadjectif Biiiacensts^ dérivé de Bxïïy {BiHêcum) qui est aifis
le voisinage. Les habitanis de Dilly s*appellent aussi BilUzoïs.
Cemt (Hame-Loirc) : Saraxago^
980 {Canal, de Bnoudef p. 27) ^
Cimsa A !4î8, 1440, 1441;
CitezatK 144^ ; CereysaiAi^&o.
Châmkzon (Haute-Loire) : Chamk-
don, x\* s, {CariuL de SauxUL,
p, 482); Chambaoa A 144^,
r48o,
Mmirat^ I Haute-Loire) : Maccria-
am 756 {CartaL de Brioude,
p. 47); Mazerac 1287 (Baluze,
MiiceL, I, joo); Mazelraty Ma-
uyraîA 1445, 1468, 1478.
Moiompizâ (Cantal) : Molirtum Pi-
umi 825 ( Deribier du Chalelet,
/>id. stât, du Cantal, IV, jy6);
Mokmpizy A 144$, 1459; Afo-
Umpezy A 1467, 1468, 1478.
Hozewtles (Haute-Loire) : Noza-
mlas 971 {CartuL de Brioude^
p. 267 1; Nozeyrolles A 1440,
144Î, 1459, 1467, 1468, 1478.
^PtTftut^ (Corrèze) : Perpezacwx*^.
(Labbe, BibL nova^ 11^ $99);
Perpezat D 1424, t4î8, 14Ç4
et suiv.
[fffpizat (Pay-de-Dômel A 14^8,
I44J, 1459, 1467, 1468, 1478.
Pijzat (Dordogne, canton de La
Nouaille) ; Peysacum 1 408 ( de
Gourgucs, Dicî. îopogr. de la
D0rdogn^]\ Peysat, Ptyzat C
1424, I4Î5, I4U, 1454-
iSrrw^fliiia/i (Puy-de-Dôme) : Char-
mtntazos t}j7 (Bibl nat. Lat.
177 14» f* xni); Sermenîazoax
A R ET D*R A SZ 263
1481^ IÇ27; Bilherez A 1478,
1480^ 1482*
Cerreyrat A 1459, 1467, 1468;
Cercirat A 1478.
Ckamberon A 14^8, 1440, 1441;
ChambcTTon A 1459, 1 467 ;
Chamheyron A 1468, 1478»
MareratA 1438, 1440,1441, 14^9,
14671 1468.
Mokmpery A 1438, 1441; Molem-
pyry A 1440,
Noreyrolles A 1457, 1441 ; Nore-
zolles A 1438.
PerpercUD 1440, 1443, 1446.
Perperat A 1440, 1441.
PeyratC 1438, 1441, 1442,1447,
1448.
SememarouxA 1441^ 1468.
1. Nous réunissons sous un même titre les mentions simultanées dt Maiârat^
krouzc ci de Mazcirat^hmpinhac^ car les documents donnent toujours une
éne forme en r ou en 2 à ces deux localités, saul en 1468 où Ton trouve
^ Umrât pour la première et Mazdrat pour h seconde.
a. Nous réunissons sous ce litre Pcrpczaî-U-blanc cl Ptrpuat-U-nûir.
264
MÉLANGES
A i4?8, 1440, 1445.
» >459»
1467, 1478.
Vezezoux (Haute-Loire) :
Ecclesia Vereroux A
1438, 1
Vesedonensis , Villa de
Vesezon reyroux A
Ï4J9,
II 14 {Cart. de SauxiL,
p. 496,
497); Vezesoux A 1445
; Veze-
zouxA 1478.^
2. -
- Changement dV en 5Z.
Formes en r :
Aubeyrai^ A 1438, 1441, 144J,
1459, 1467, 1468, 1478.
Auteyrac (Haute-Loire) : Alteriacum
925 {Cart. de Brioude, p. 129);
Auteyrat A passim.
Azeirat (v. supra).
Chénérailles (Creuse) : Chanaleillas
1267 (Bibl. nat. Lat. 171 16,
p. 59 j); Chanereilles B 1451.
Dompierre (Haute- Vienne) : Dom-
/?er^, Dompierre C passim.
Lauriere (Haute-Vienne) : Laureira
1222 (C/tr. de Saint-Martial, p.
par Duplès-Agier, p. m) ; Lou-
riereC 1424, 1454, 1456.
Lignareix (Corrèze) : Linares, Ly-
nayreis D passim.
NozeroUes (v. ^upra).
Vallilias 969 {CartuL de Brioude,
p. 107); VareillesA 1438, 1441,
1459, 1467, 1468, 1480, 1481,
1482.
Vergheratk 1438; Vergeratk 1441 ;
Vergheirat h 1459, 1467, 1468,
1478, 1480, 1481, 1482.
440, 144» ;*'^-
1467, 1468.
Formes en 5z:
Aubazat (Haute-Loire) ; Aubezat A
1440; Albazat A 1480.
Autezat A 1438, 1441.
Arezat A 1438, 1441.
ChanezailUs 143 1 (Arch. nat., KK
648, pièce 127), 1441 (Bibl.
nat. Franc. 21423, f» 9 r«);
Chanezeilles B 1440.
Dampeize C 1424.
Loz<>r^ C 1435, 1438,1441,1442,
1447, 1448.
Linazes D 1424.
Norezolles A 1438.
Kaze/Ww^rLimandres (Hte-Loire) :
Vazeilles A 1440, 144s, 1478,
1527.
Vergezat ( Haute-Loire ) A 1 44 5 ,
1 527 ; Verghezat A 1440.
1. Cf. Albairac (Hérault); Jean d*Aubayrat, 1394 (77fr« f/« Bourb.^ n*> 3954,
à Perratum).
2. Cet exemple vient infirmer Tétymologie de VaniUts proposée par M. Meyer
(Romania^ IV, 1Q2) : BasiUa. VareilUs dérive très-régulièrement de Vallilias
{= Valliculas : cf. supra Canaliculas= ChénérailUs) \ et si tous les départements
avaient des dictionnaires topographiques, on retrouverait sans doute partout la
même forme primitive. Ainsi pour les cas que nous avons pu vérifier, Varcillts
(Saône-et-Loire) est au xi« siècle Valilias (Cart. de Savigny^ p. 1052); VareilUs
(Creuse) est en 1477 Valeilhcs (Bibl. nat., Franc. 21423, f* 4$ v«). Quant à la
DV PASSAGE îy'SZ k R ET D'R A SZ 2^\
Oa remarquera que le passage dV à it ne paraît pas toui à fait aussi
fréquent que celui dVxx à r; mais comme d'ailleurs ces deux faits sont
Weinment le résultat d'une même cause, à savoir la confusion entre
b sons r et s z; il n'y a pas lieu de les étudier séparément.
Les exemples réunis ci-dessus nous montrent donc que ce phénomène
î*esi produit à la fois au xv siècle dans l'Auvergne, le Limousin et la
Marclic. Toutefois^ dans ces deux derniers pays, il semble s'être mani-
iesiéavec beaucoup moins de force et pendant un temps beaucoup moins
long que dans le premier'. De plus les exemples que Ton y en trouve
m\ un peu isolés et aucun lien topograpîiiqiie bien étroit ne parait les
rattacher les uns aux autres. Dans l'Auvergne, au contraire, sauf un cas
Mi [Bûietois] , la confusion entre r et s 2 semble avoir été restreinte à
la partie méridionale de l'ancien Bas-Pays (sud du Puy-de-Dôme et nord-
(Rttstde la Haute-Loire), En effet, dans les nombreux documents rela-
tif à la Haute-Auvergne que nous avons parcourus % nous n'avons
découvert aucun exemple du même fait.
Ce groupe de la Basse -Auvergne, qui nous fournit à lui seul
1 1 exemples du passage ô's zà r, se prête particulièrement à une étude
chronologique. Malheureusement nous ne pouvons remonter à rorigine
du phénomène puisque le plus ancien document que nous ayons (1458)
nous offre déjà 7 cas où rz a passé à r. Du moins pour les années sui-
vantes peut-on dresser une véritable statistique philologique qui ne
nunque pas d'intérêt :
En 1440, SZ persiste dans 4 cas, passe à r dans 7;
'441.
2
'445.
lo
'4J9.
4
'467,
—
s
1468,
—
4
1478,
8
1480,
—
i i
1 voit qu'après une lutte assez longue, s z reprend définitivement le
«fessus vers 1480 pour se maintenir jusqu'à nos jours. En effet le carac-
^t de ce phénomène est ici tel que M. Meyer Tavait constaté pour le
I forme VaztilUs^ d'ailleurs beaucoup plus rare, elle se rattache, comme on voit,
1 * Nous n'avons remarqué aucune trace d^un fait semblable dans les textes
I hmoanm du xv' siècle, d'aHleurs peu considérables, que nous avons pu consulter
r(Ley marie : Umousm h^tor{qu€^ p. 24-51 H403); 192-1*-)^ (i4oti-«424), 404-5
||Ii4i6k 410-414 {1436).
a. Le viP 2^897 du fonds français de la Bibl. nal. renferme pour la Haute-
[Auvergne des assiettes d'impôts de 142, 4142^ (426^ 1430, 14^2, H47» '47^
M«4.
266 MELANGES
Languedoc proprement dit ' : il est essentiellement temporaire et n'a I
presque pas laissé de traces de son existence. Dans trois cas seule-
ment (et encore un seul est-il hors de doute, les formes anciennes man-
quant pour les deux autres) le changement dV en sz a été consacré
par Tusage : Aubazat, Vazeilles^ Vergezût. De ce fait on peut con-
clure assez vraisemblablement que la confusion entre r et ^z a dû se
produire dans le. nord de la langue d'oc sensiblement plus tard que dans
la région étudiée par M. Meyer, c'est-à-dire, seïon toute apparence,
dans les premières années du xv*" siècle. Si en effet on la faisait com-
mencer au milieu du xiv* siècle, comme il est certain qu'elle durerait
encore jusque vers la fm du xv«, il serait surprenant qu'ayant vécu si
longtemps elle eût laissé si peu de uaces durables.
A, Thomas.
VllL
TERMES DE PÈCHE : JARRET, BOUGUIÈRE.
JARRET.
(Sparus smaris, Linn., Smaris vulgariSt Cuv.)
M Litîré a rangé sous la rubrique de jarret (en latin poples)'
ii poisson du genre des spares n, également appelé jarret^. Ce sont pour- h
tant deux mots différents, entre lesquels il n^y a qu'une simple coïnd-fl
dence d'homophonie. L'étymologie du premier étant connue, il ne reste ^
plus qu'à chercher celle du second. Qui voudrait en effet accepter
l'aventureuse hypothèse de Carpentier? << Hesychio tipaç est piscis
genus, unde dictus videiur jarreîus. n Je n'ai pas rencontré d'exemple
dans l'ancienne langue, ce qui n'est pas étonnant, ce poisson qui vil
dans la Méditerranée n'étant un comestible ni de luxe ni de grande
utilité. En revanche il s'en rencontre un dans la Vida de S Honorât par
Ramon Feraui (éd. Sardou, p. 176, col. i, in fine) :
Can rendemao li pescador
Tireron la rei contra lor.
Non troban bugiia ni geriîd.
:que^
T. Un autre caractère commun qu*il est à peine besoin de relever, c'est
dans notre région comme plus ao sud, la confusion se produit entre tes sons'^;
et r sans distinction de provenance, que d'une part Ti soit primitive [Molmum
Piiimi := MoUmperyjj que le 2 vienne d'un c spirant {Maceriacum =^ Mûnrat) ou
d'un ii {Chûmbcdon thambtron)^ que de raulrc IV soit primitive ou vienne d'une /
(Canalicufas =r CkanczeUUs).
2. M, Lillré a sans doute trouvé ce mol dans Legoaranl : cf. sub voc. minc^
où jarct est écrit avec une seule r, faute typographique sans doute comme
picard au lieu de picarel; M. Littré a oublié ae donner la facile étymologie de
mené {mae/u^ H^ativn, \^wk) et de mtndoU Cmaemdak) : Honnorat tirait le
vença) mendota, mounJotû, amendùula, emmdouh de mcndosus.
lARRET, BOUGUIÊHE 267
Le ms. de la B. N., n** r Î509, ponegarUct, Raynouard, qui a connu
ce passage, traduit (111, ^Sj) jaHlet par jarieL On chercherait sans doute
inuiilenient jadet dans les dictionnaires français. Du reste, jamî lui-
flêsie manque dans Napoléon Landais, Bescherelle et Poitevin; il est
éfaieroent oublié par le Thresor de la tangue francoyse 1606, Fureiiêre,
Ménage, Richclet, le dictionnaire de Trévoux, l'Encyclopédie*, etc*
Cotgrave a « Jarre, the name of a cod ded, d
Bcllon nous apprend que le « smaris seu cerm quem girulum vocani »
p&rtaii à Venise le nom de giroh et à Marseille celui de giarei^. D'après
Rondelet, il était appelé certes à Naples, gnm à Marseille, girolt et
pmdi à Venise, garon à Antibes>. Aujourd'hui, suivant Honnorat, on le
wmmt en Provence : gerla^, gerfe à Nice^; gerre, jarre ^ jarret dans
Ici Bouches-du- Rhône*',
Le sparm smansi a été connu de Pline le naturaliste sous le nom de
gflT£f et sans doute aussi de ^erricula, M. Littré, dans sa traduction de
Pline XXXIl, 5?, $), n'a point pressenti ou admis cette identification :
il traduit donc littéralement par gerricuie et gcrris, M. Lebaigue {Dict
1^ On y trouve garltt avec renvoi à carrdet. De même dans Honnorat garlUi
^tûffdtt. Il n'y a pas à tenir compte de ces former pour trouver Tétymologie
que nous cherchons, le canda étant bien différent du s parus smaris.
I, Pétri Bellonii Ccnomani De AqaatUtbas,.. Parisîis, MDLIll, p. 226,
12$,
j. Gultelmi Rondeletii Libri de pisdbas marinis,,, Lugdtini, MDLini, p. 140.
Us deux premiers mots ont une terminaison latine, les deux suivants sont au
pluriel. Cette synonymie a été reproduite par Lacépède^ sans indication d'ori-
gine {Œtnns iiu comte dt Ladptdc. Nouv. éd. par Desmarcts. Hist. nul, des pois-
ms, IV. Paris, iS^o, p. 454, note j).
4, Dans Achard gcrlo. Il le tire de je ne sais quel celtique gerî = petit.
{, C'csi aussi ce que dit le D* Risso : Ichthyohgu de Nice. Paris, Schœll,
1S10, in-S^, p. 238. Cest là, sans doute, qu*Honnorat a trouvé ce renseigne-
ment.
4. A ces formes on serait tenté d'ajouter encore celle de : « Jarkt, s. m. vl.
/«f//cf, = Jjrietj poisson. <♦ Il est vrai qu*Honnorat n'a pas reconnu ce poisson
puisqu'il n'en donne pas le nom scientifique, mais évidemment larUt n'est qu'une
lorroe un peu différente des précédentes, — Toutefois nous ne l'admettons pas
comme contemporaine, elle n'est qu'ancienne. La rédaction d'Honnorat peut
laire illusion et donner à penser qu'il a trouvé jarUt chez le peuple et dans
lcv),[= vieux langage], /4r//<:r chez Raynouard. H n'en est nenJarUt comme jariUt
^rtenl tous deux du Lexique Roman. On ne saurait être trop circonspect à
l'égard d'Honnorat. Cest A lui, par exemple, que Diez {Etym. ïVtfrt., I, 249)
a emprunté ta forme prétendue moderne akch, due originairement à une faute de
Raynouard ^i'abeck, pour Ubcch^ dans le Ux. rom.^ II, 12).
7. Outre les noms déjà vus, ksparus smaris porte encore chez Honnorat ceux
it fataeiei, gavaroun (Risso, Ichth.y p. 2it),gavarûn = sjmut m^m^ge rie encore
leiiiie)^ ptcareL Ce dernier qualificatif est usité en français, et il était, au dire de
Rondelet |p. 140K employé en Espagne et dans la Narbonnaisc; il convient d'en
rapprocher celui de ipif^^iro dont on se servait à Rome (Bellon^ p, 228). Garoa^
lur les côtes de la Méditerranée désignerait le spams smans c'après Littré cl
Lejgoarant : garûu n'est sans doute qu une mauvaise lecture du garùn de Ron-
iielet (voir ci-dessusl.
268
WËLANGES
lat.-fr.) traduit aussi ou plutôt transcrit gerres par gerriî. Facciolati
Freond ne donnent de version personnelle; ils citent, sans soulever'
d'objection, un ancien glossaire : « gerres [mmhç. i> Cette interpréta-
tion c6toie le sens, La mendole {Spariu maena Lin., Spams mendola
Lac, Mdcna vulgaris Cuv.j est apparentée de fort près au spams smaris^^
et à Toulon par exemple yne variété de la mendole serait appelée /arre/ '* B
La confusion pourrait avoir encore été faite ailleurs. Ainsi Honnoral
donne pfc<ir<r/ comme synonyme à mendola; il agit de même à l'article
gerlc 1**^. Gerte^ qui manque dans Littré, est donné par Landais comme
synonyme de spare mendole^ et par Beschereile comme l'équivalent niçois
de 'c mendole, gros poisson du genre picarel >y, ce qui est contradictoire,
outre que Risso affirme que le gerîe est le nom nicéen du spams smaris.
Lacépède lui-même, qui avait justement reproduit comme synonymes du
sparus Smart s le gerres de Pline, le cerres napolitain, les gerruU et les
giroli de Venise, n*a pas su que gerU était le même moi, et il le donne
malencontreusement (p. 1 58; comme synonyme de mendole.
Toutes ces contradictions ne doivent pas nous tromper. Le peuple est
parfois embarrassé pour donner un nom à toutes les variétés végétales ou
animales. H pourra donc lui arriver de les englober sous une appellation
unique. Ce n'est pas ici le cas. Bellon, Rondelet et Risso ont étudié sur
les lieux; eux-mêmes n'ont nullement confondu ta smarls {giaret Bellon,
gerre Rondelet, gerk Risso) et la maena [mendola à Marseille, Bellon,
p. 22 j ; Rondelet, p. i\S] amendodo à Nice, Risso, p, 2 ?9 , et le peuple
faisait aussi la distinction, ainsi qu'il est prouvé par les noms vulgaires
que rapportent ces savants r. Par conséquent \t gerres de Pline, c'est-à-
dire notre gtrre, gcrle, etc., n'aurait pas dû être traduit par jxattvt^
= maena ^ mendole. Gerres ei maena se distinguent entre eux comme
chez les Grecs u\t,xp\q et ^xaiviç :
ît«i ffpt.gtp{8ÊÇ xal pXéwo^ loi cxapoi àpj^éxspot tt
1 . Honnorat au mot jarret. Je regrette de n'avoir pas retrouvé h source où a
puisé le lexicographe provençaL
2. Je me détie d'autant plus de Texactitude de cette traduction de gerte t^par
mtndoU qu'elle est empruntée par Honnorat â Garcin, textuellement, y compris
la faute de piscard au lieu de picard, ce qui prouve peu d'attention. Une ligne
plus bas gerU 2* est traduit par sparc smans,
5, 11 y a plusieurs espèces de smarh et de maxdoîcs; nous ne parlons que de
ta distinction du genre, ce qui est déjà suffisant. Et même la variété synony-
mique des smaris et des mendoles permettrait de supposer que les pêcheurs
connaissent quelques espèces. Pour la détermination scientifique voir Cuvier et
Valenciennes : Hisloin mlardlt des poisions^ VUiSjo^, p. 287*^20* Ces auteurs
ne considèrent pas la smaris et la mendole comme des sparoiaes, ils en font une
famille â part : celle des ménides.
4. Nous choisissons cet exemple d'Oppien (1, 108) parce qu'on y trouve réunis
JARRET, BOUCUIÉRE 269
Pour en revenir à l'étytnologie de jarret^ nous aurons :
CSRRES, GIRRES' *CERRULUS
genre, — jarre gerle, — *jarle
giaret, jarret gerllet, — garllet, jarlet^
BOUCUlèRE.
Dans l'exemple de Ramon Feraut cité plus haut on a vu figurer le
bogue (Sparus boops^ Linn., Boops vulgaris^ Cuv.). Quoique ce poisson
m bien connue M. Litiré l'a oublié. Du reste dans sa traduction
de Pline ixjLXii, çj, ^l il avait eu des doutes sur ce mot, et plus méticu-
leux que le u Thresor de ia langue françoyse », Furetière, Ménage,
l'Encyclopédie^ etc., il préférait user d*un latinisme : boca.
Ce poisson était nommé chez les Grecs ^oaÇ, ^6in?, 3*iÇou ^û^^ et
h Tjiapk ^= gcrres = gerre, la jwiivi; — maena == mendole et ïe bogue dont îl
«ra queîvlion plus loin. Les trois genres de poissons sont voisins l'un de l'autre :
« faaes non omnibus una, nec diversa tamen 1», mais ils conservent leur indivi-
dualité, et c'est dans ce sens qu'il convient d'entendre Athénée lédilion Meîneke,
Leipzig, Tcubner, 18^8, inni, H, p. 68. Z 315I: STri^Jmwitoç Ôà Iv «suxtpw
\>lîA(urv €|jyotd f7î<ïiv elvat t^ (AatvJSi fim^tx xai crjAapfÔatç %xX. Afislote ne les con-
lond pi&: au livre Vlîl, jo, il parle de la smans et de la mainis, au livre IX, 2,
il Clic le ^>f . Le romaïque ne paraît pas avoir fusionné ces sens, puisqu'il a con-
servé ces trois noms pour les trois genres : <7\tapiàaL ou ^apÉSa ((orme dé)à
connue par Bellon), — yLaiw\àl\., — ^dira ou PoOttoi. — On n'adoptera donc pas
Pinlcrprélalion de Henri Estienoei au mot fr^api^, "* aliqui m^enidas esse putant,*
1. L'édition de Pline par J, Sillig (V, i8$i, p. y) donne girns^ — celle de*
Ludw Jâhn flV, 18^9, p. ^ii) girrcs avec la majorité des mss, Cuvier cl
Vâlenciennes ont employé le mot de girrcs dans un sens tout nouveau. Ils
désignent sous ce nom un genre inconnu à la Méditerranée (p. 536-65).
2, Colgravc, * tant sa curiosité a été grande et exacte à lire toute sorte de
livres, vieux et nouveaux, cl de tous nos dialectes 1», n'a omis aucune des formes
que nous avons rencontrées dans Rondelet et Bellon. C'est évidemment chez le
premier qu'il a trouvé gcrte, picard et garon^ chez le second qu'il a pris le
• marseillois 1 giant^ celle klie infiâïk de la prononciation provençale. Voilà
donc te lecteur amoureux du contrôle averti que les noms de poissons donnés par
Colgrave devront dorénavant être recherchés dans Ekl Ion cl Rondelet, Rondibilis ,
comme dit Rabelais (Pantagruel, III, 31)-
j. Élevé i la taille du thon dans Du Gange au mot bogua^ le bogue a trouvé
son lit de Procusle au mot boca^ où il est précipité au rang de « ptsdculus ». A
moins d*avoir lu les Libâ de piscibus marinis^ il est difficile de savoir que la cita-
lion ainsi indiquée par les Bénédictins : Tract. Je piscibus cap. 65 a Coâ. rcg.
68^8. C. Box vel boca Fiuiio, etc., est tirée de Rondelet; même remarque pour
l'arlicle gcnulus.
Bellon (p. 230) nous apprend que ce poisson était appelé bo^a à Marseille et
i Rome, De son côté Rondelet écrit (p, 1 57): « Venetiis boobaj in reliqua Ilalia,
Liguria, Gailia Narbonêsi^ Htspania bogue nommatur.i Dans Colgrave '- boofuetl
kgue; dans Nicot : bo^ue. Risso khth., p. 242 : bugo à Nice. Achard, Garcm :
hogo
4. tlvojid<rôr, ?A irapà t^v fio^Vj dit Athénée (Z 287, éd. cit., Il, 21 ), explica-
tion fournie aussi par les scholies d*Oppien fl, 1 ro).
La traduction rapportée par H, Eslienne •"^tixa; esse tâç Xsvjtojitttvi^af, maenas
i^"^
270 MÉLANGES
chez les Romains boca^ bocas (?) et box*. Cette première désignation
conservée dans les langues romanes s*est perdue dans le romaique. Mais
ce poisson a été aussi appelé pdio-)* Cuvier et Valenciennes ont élevé des
doutes à ce sujet (/oc. cit. p. 262) : a Quant au nom de ^zu>^ que lui
affecte Rondelet et que Linnaeus lui a conservé, on ne voit ni d*où il
est tiré, ni pourquoi il conviendrait à un poisson dont les yeux n'ont
point une grandeur excessive*, w Que cette qualification convienne peu,
c'est possible. Le bogue n'a pas des yeux de bœuf, mais il n'est pas davan-
tage remarquable par sa voix : ce serait une supposition oiseuse que de
croire pour ce motif que le nom de bogue venu jusqu'à nous ait changi
de sens enroule. Il n*esi pas moins arbitraire de méconnaître le pcw}
Il importe du reste de le remarquer, Rondelet n*est pas l'inventeur de
ce nom de p6tD»^. Athénée (Z 287, p, 21 de l'édition précitée) dit en
effet : 'Apt^rcospaviriç 0' b UuÇavTioç iutxù^<; ^-rj^W fjfjiaç Aé^ttv xbv l/%v
001X1, 5 £37 ^6(ù^% lizii [Aiitpbç jTrapX*»>v ji-rffltXouç (Ltu^ç q^tt. Eîij «v ouvj
h piti)'^, P^bç cçQaXîi-ou; i^^v. Précisément cette forme, dont on ne
rencontre que ce seul exemple, est la seule qui ait survécu dans le
romaïque où elle s'est transformée en pdirat ou go^icaî = bogue
le
e
n
candidiores, quos vulgo girros s, girrulos vacant »^ demande à être discutée. Gtr*
fus et ginutui, mots dont on ne connaît pas la date, répondent au talin clas-
sique gtrres, gcrncuh, ils doivent donc être écartés, puisqu'ils désignent le sparus
smans tpicarel, jarret, etc.). — Quanta >£vxotw»vÎ4T je ne sais trop qu'en dire.
Chassang et Alexandre le traduisent par o anchois blanc x, Rondelet \p, 140) ne
fait pas difficulté de Tidenlifier au sparus smans. Aristote n'en parle pas, et
d*après Athénée ce serait un autre nom du bogue: KaXo'jviai 5è tivî-ç tuiÏ Xeviu>-
liaiviÔEs d; £vtoi fjûaxa; rjvo[AiCo\j«Ti utX. Ce qui ne laisse pas de jeter quelque
doute sur cette traduction de îruxopAivt; par ^«1, c'est que d'après Aristote
{HisL des anirn.^ VIll^ 30) la |j,(xivU. comme le <ni*pt;, est blanche en hiver et
noire en été : xai éx Xtuxoriptirv rràXw h t^ Hç^ti xa^iffTotvrai xaî y^vovro» jiiXavj^,
et c'est aussi ce que répète Pline (IX^ 8i^ed Jahn-Mayhoff, 11, p. 1 j2)* « Mutant
colurem candidum maenae et fîunt aestale nigriores. » D'où cette supposition pos-
sible que XsvxûïiaivK désignerait le iiaivl; d'hiver.
1 . Freund et Lebaigue prétendent à tort que le hca est un poisson de mer
încooRU. C'est de hca et non de tocas que dérivent les formes romanes énumé-
fées par Diez {Etym, Wœrt,, I, 172). La majorité des mss, de Pline (éd. Jahn,
IV, p. jiO donne hoia, \ bocha, 1 fockaj 1 box. La forme bocâs est peut-être
fautive, elle e^t employée par Festus : t Bocas genus piscis a boando, id est
vocem emittendo, appelUtur. » Quant à boarc lui-même, t boare id est clamare
a graeco descendit, * — Isidore de Séville (0;?. aîq. ind. Bon, Vukanû Bruginsi$.
Basileae [1)77]^ XII, 6^ col. 297) : «1 Boccai dicunt etiam boves marinos, quasi
boa cas. » Isidore commence son é numération des poissons par les monstres
marins : « balenac, cete, equi marini^ boccae, ccrulei^ delphinesj porci marini, •
etc., à peu près comme Pline dans son IX* livre. Je suis donc persuadé qu'il
parle non pas du boca = bogue, mais des • viiulî marini quos vocanl phocûs ■
(Pline, IX, J9,éd. Jahn-Mayhoff, II» 1875, p. 117), A qui connaît la réputation
du phoque^ cette explication paraîtra soutenable.
2. Cette objection a été reproduite par Valeaciennes dans le Dictionnaire de
d'Orbijîny,
}, Cf. le bûoba vénitien cité plus haut. La traduction allemande habituelle est
ONE BALUDK HIPPIQUE 27 1
Nous arrivons à bougaière. C'est un « filet très-délié »>, disent Poi-
tevin et Littré, — « employé en Provence »>, ajoutent Landais et Bes-
cljerclle. Buguiera, dit Honorât, <* grand filet horizontal, dont on se
sert dans les environs de Nice, et qu'on jette le soir à la mer, d'où on
le retire le matin, et dans lequel on prend les gades-sey, les caraux, les
trachures. » C'est aussi ce qu^avait écrit le docteur Risso', Le même
auteur ajoute plus loin (p. 259): « [On pêche] le smaris, la mendole,
les bogues, l'élevé, le passeroni, le marron à la hughkre. n
Le sens étymologique de bouguière, filet peu ou prou (( délié >>, est
donc « filet à prendre les bogues » ^ Et telle est la signification de hogara
en italien, de boguera en espagnol et de hogmiro en portugais.
J. Bauqjjier.
IX.
UNE BALLADE HIPPIQUE,
La Bibliothèque de Pavie contient sous la cote CXXXl. A. ï6 un
petit manuscrit du commencement du xvr^^ siècle, qui, après un court
traité de musique (début : în prïncipio septem sunt Uiere musicales^ videlim
1 b, c*, elc.'i renferme un certain nombre de chansons françaises et
italiennes, avec la musique, généralement peu intéressantes. J'y ai copié
la ballade suivante; elle est curieuse mais très-gravement altérée, et
très-probablement tronquée. On voit que les chevaux chantés par la
poésie du moyen-âge conservaient leur gloire à côté des coursiers illustrés
par les poètes de rantiquité qu'on venait de remettre en honneur. Je ne
sais à qui appartenait le Montagne qu'elle célèbre. Je donne cette pièce
avec les corrections que j'ai pu y introduire ; il est clair qu'elle en appelle
encore mainte autre. Parmi les chevaux mentionnés, les uns seront
reconnus de tous les lecteurs, les autres me sont aussi inconnus qu'à eux.
Vous qui parlés du gentil Buciphal,
De Galatée qui tant eut de regnon
Au temps qu'Estor i esloit a chival,
(khsinûsch ou Ocksenaagc. Dîez a sans doute tort de traduire par Murhrassen,
ï. ickîhjotûgicj etc., p. xvij : t La Bughkro : cVsl un grand fitet qu'on jette
le soir à là. mer, de manière à le faire plonger horizontalement. On le laisse
IMrte la nuit dans le même lieu, et le matin on vient le soulever, pour surprendre
ainsi les poissons voyageurs^ tels que les gades-sey^ les carauîc, trachures, etc. •
a. Cuvier et Valenciennes (loc. cit p. 26^ : « Les pêcheurs emploient à cette
Êhe des filets particuliers, qu'ils nomment bughura^ et croient la rendre pîus
rcuse eti suspendant à leur navire de petites figures de bogues, ciselées en
Ulgent. •
i L'initUie manque — 2-j Ces dtux vtn iont inUrvtrns — a Dcsgalele,.* ha de
r. — ^ t. destor qui e.
2^2 MÉLANGES
C'on dit celui de Mezense le bon,
S De qui Virgille loua sy fort le nom
Pour ce qu'il voult o le bon duc morir
Et ne digna le servage souffrir
D'estranges mains, n'estre soubz leur ensegne,
Parler n'en faut ne plus en enquérir^
10 Fors seullement du bon courcier Montagne.
* Se Broyefort en maint estour real
Le fit si bien qu'il eut bruit a seyson,
Et Pirion le rosin Marcial
Et rous Baiart qui fu au filz Hemon,
1 5 Legier, Vignoses, Caldor et Calon,
Et Grimande qui tant souloit courir,
Que Maugis heut quant il vint secourir
Au bon Regnault encontre Charlemagne,
Les feis de ceulx ne faut plus soustenir
20 Fors seullement du bon courcier Montagne.
Pour prince aiant vouloir de conquérir
Ne sey courcier n'aultre gennet d'Espaigne,
S'en presse veult soy bouter ou yssyr,
24 Fors seullement le bon courcier Montagne.
G.
6 Pour ce qu'il vouloit en le bon dut — 8 Destre m — 9 Parler nensant,
ne e. — 1 1 et m. estât r. — 17 Qui mangis... vient — 21 Pour ce pr. -
2j Sempresser v.
COMPTES-RENDUS.
GinnlKLa medll aeiil maximam partem inedita — Ex bibliothecis helueticis
collccU cdrdit Hermannus Hagcnus. Beroae. Apud Georgium Frobenium el
soc. ïidciu:lxxvil (xix-256 p. pelit in-8\ Environ 1^0 pièces disposées
sous ij6 numéros. Huit représentations de dessins acrostiches, îndex des
noms propres» index des commencements des pièces, classement des pièces
MF su tels. Liste des mss, employés, dont te plus grand nombre est du
X* siècle : 29 de Berne, i de Genève, 2 d'EinsicdeIn, j de Leyde). — Prix :
M. Hagen, de Heidelberg, professeur à Berne depuis une douzaine d'années,
est connu des philologues par un certain nombre de travaux estimables raînsi
ses Anuiiola hdnùca qui forment un voltime de supplément dans la collection
ICeil des grammairiens latins, ses biographies de Pierre Daniel el de Bongars,
ion catalogue des mss. de Berne*) : il publie aujourd'hui une collection de
poéiics latines du moyen-âge. Celle collecliort comprend des hytnnes liturgiques,
des pièces historiques ou légendaires, des poèmes moraux^ des traités en vers
sur les mathématiques, la musique, les jeux. Ce nouveau volume est très-inté-
rcsisant, et fait souhaiter la publication des autres poésies du moyen-ilge, conte-
ma dans tes mss. de Berne, et que le même éditeur se réserve de donner au
public. — La grande majorité des pièces que M- Hagea a groupées dans ce
recttctl sont antérieures au Xn« siècle.
Comme le titre l'indique^ elles ne sont pas toutes inédites : te) est le cas de
beaucoup des hymnes liturgiques; pour celles^! le dépouillement des mss. de
Berne reste plein dNntèrêl, parce qu*il fait voir comment les textes actuels, dont
h forme a été consacrée par lusage de f Église, avaient été remaniés et corrigés
lu point de vue de la versification et de la prosodie^. Pour d'autres réimpres-
iiOQS M. Hagen se justice par un motif qui est tout à fait légitime, à savoir te
1, Une série d*énîgmes en sixains, tirées des mss» de Berne, a été fournie
par M. H* à raothologie de M. Riesc. Je ne connais pas son travail intitulé
Amikt and mitutalterltcnc Raîhsdyocsu (Bienne 1869),
2, Parmi des exemples innombrables, j'en citerai seulement un où le renia-
^ m est manifeste : c'est la première strophe de la pièce xxiii (de Sédulius^»
oà, en remplaçant le dimèlre tambique fautif Ho%lu Htrodts impu par Cruditts
Htrodis dcum^ on a détruit la disposition abécédaire. Hërodts ae ce même
etcnple montre que, si l'on pouvait ramener toutes les hymnes chrétiennes à
loir K>rme primitive, on trouverait à glaner çà et li quelques particulantés de
prosodie non encore inscrites dans le Thaaurus de M. Quicherat.
18
Romank^ Vt
274 COMPTES-RENDUS
désir de ne pas interrompre arbitrairement des séries de pièces contenues dans
un même manuscrit, et de respecter les points de repère de l'histoire des lettres.
Or ne peut qu'approuver un tel scrupule, mais à la condition que d'autres
scrupules s'y joignent. Quand une pièce de Fortunat figure au recueil général
des œuvres du poète, il est naturel de ne point la réimprimer sans dire le fait
au lecteur, et il n'est point inutiîe de collalionner le texte déjà connu. Pour
avoir négligé cette précaution, M, Hagçn s'est trouvé admettre dans une seule
et même lecture, au vers 1 5 de la pièce lii^ un non-sens, une faute dequanlilé.
€l une monslruosilé paléographiqoe. Le contexte indiquait surabondamment
quil était question du patriarche In^, il fallait une syllabe longue devant obtit *,
enfin le ms. donnait sedh par un d et une h \ le texte de l'éditeur présente ta con-
jonction W« Si M. H. ^ qui a cm devoir copier sa pièce xxji surle ms. deBerne45$^
parce qu'en principe il ne faut pas interrompre la série du ms, 4^^^ avait en
outre pris ta peine de chercher cette pièce dans Du Mèri! {Poésies populaires
tatiiies ûntèrkiins au X!h sùck^ p, 142), il eût vu que la pièce xxjii, tirée aussi
du m%, de Berne 45^, en est la continuation; au ïieu d'avertir en note que xxn
est hym/ms abcccdanus a itiltra A asqut ad Q, il eût pu noter que les pièces xxn
et xxir» ne forment à elles deux que le commencement d'une hymne abécédaire
dont la fm (depuis O jusqu'à Z) manque dans le ms. de Berne et est donnée
par Du Méril comme par ses devanciers. Du Méril {Poésies inédites du moyenâgc^
p. 386) aurait pu tui fournir aussi une version de la pièce Lin, sur Phîstoire de
Joseph, avec i mquânie-dmx strophes au lieu de vingt j bien que cette version soit
tirée d'un ms. où la fin manque. Du Méril encore lui eût donné pour liv les
variantes d*un ms. de Paris (Poés. ant. au X// j., p. 241), pour lxi vingt-cinq
strophes au ïieu de trois ijbtd.^ p. ijj)^ pour lx les variantes d'un ms. de
Paris et quelques-unes de celtes d'un m$. de OtTmonX {Poésies populains latines
du moyen âge, p. 297) *.
U est d'autant plus fâcheux que M. Hagen n^ait pas songé à consulter les
ouvrages de Du Mérîl, qu'il y ayrail trouvé non-seulement des notes d 'explication
Irès-èrudïles et très-utiles, mais encore ce que lui-même ne possédait qu'à un
degré insuffisant, ta connaissance et le souci de la versification,
I . Il y a longues années que le vers en question figure dans le Thésaurus poiti»
eus Itngua launa de M, L. Quicherat pour établir la quantité de Stth. J'aurai
souvent dans la suite à tirer parti de l'ouvrage de M. Quicherat (i*' édition,
1875), qui est le seul répertoire de la prosodie latine qu^n philologue puisse
consulter utilement. CVst d'après M. Qn^cherat que je cite plus lom nombre de
passages des f>oétes antiques.
1. Du Méril, Poés. pop, tat. du m, a,^ p, 321 note a, cite l'épiiaphe de
Rollon en entier d'après la pierre : M. H. au n** cxxxvi, rv en reproauil la
première moitié d'après un manuscrit, — La pièce XXVI ïl est celle dont Du
Méril, d'après Sinner, cite un fragment dans ses Poésies populaires iaîmes anté'
rieutes au Xih siècle^ p. 249 n. 1 . La pièce v, sur l'arrivée à Rome de l'cni'
pereur «Lothaire : voir E. D[uemmlejr, Histonsche lattchnft de Sybel, 1877,
2^ p, 34^ ss.) rappelle léchant sur l'arrivée de Louis le Débonnaire i Orléans,
que Du Méril ctle au même endroit. — Voir d'autres indications d'éditions an-
térieures dans l'article de M. Duemmler. Un compte rendu ^ de M. A. R[iese], a
paru dans le Uttranschcs Ctnlrâlhlûtt^ 1877, p. jio, A propos de Tallusion
a César (cviii 59), relevée par M. Riesc, voir P. Meyer, Le roman de Flamenca,
p. 2S4 n* i .
Car mina médit acui, p. p. hagen 27 j
M* Hagen en effet, soii par négligence, soit par scepticisme, soit faute de
pféparâUon spéciale, n'a tenu presque aucun compte de h versification et s*cst
aliisi privé d^un des plus sûrs entre les instruments de la critique. Dans les
mnuscrits foisonnaient tes Fautes de quanlité, les vers trop longs ou trop courts^
^Ics mterversions» les rimes inexactes : toutes ces fautes indistinctement, qu*elles
nnssent de l'ignorance des auteurs ou des lapsus des copistes, ont été repro-
par rédilcur à peu près sans aucune tentative de correction. Son premier
pourtant eût d& être de scander chaque pièce, de s'interroger sur chaque
difficulté, de chercher des distinctions entre les auteurs, les époques, les scribes,
rk$ genres poétiques, les rhythmes, de cataloguer les simples licences, les mala-
les fautes formelles, les corruptions^ de faire partout un dosage exact
i éléments de barbarie. S*il eût pris celte peine il eût bien vite reconnu que
vers n'ont jamais été de la prose, même aux temps mérovingiens, à plus forte
raison après Charlemagne ; il eût fini par s'apercevoir que la versification du
XII*" siècle était aussi correcte que celle de Prudence ou d'Ausone, et qu'elle
offrait à la critique autant de ressources que la versification la plus raffinée du
IV' siècle.
Les fautes tout à fait grossières, parmi celles qu'on a le droîl d'attribuer aux
poètes eux-mêmes et que par conséquent l'éditeur doit respecter, sont réparties
dans le recueil de M. Hagen entre un nombre restreint de pièces, dont la plupart
optent parmi les plus anciennes. Ainsi dans les deux courts acrostiches à
dfrtd du ms* de Berne 671 [le texte d'ailleurs en est manifestement corrompu),
1 trouve rhiatus formastt hakns ix 5, le spondée s'tmitl ix 4, le dactyle Grat'me
% î ; dans fa pièce de Taion, du ms. de Berne 611, l'hiatus contra honmda à h
cÉsofe xj 9, les mesures amantes j, impOs 9, ad regin[m] cacii 10, pnierula 7^
jfi{j>)p!kta^ 9; dans les acrostiches intolérables du ms* de Berne 2J2, pens hx
%^ dêin Ixix 26 et Ixx 24, noxâ ablatif Ixx n, dmens Ixxj ij, c6gito Ixxj
r8 et 22, honbratqut Ixxiij 19, rëpidus Ixxij 6, diâbli Ixxiij 28, Pitkco
{Pythîô') Ixxiv 20, et l'hiatus entre m finale et h initiale Ixxv 24; dans
Tacrostiche également intolérable du ms, de Genève 22, càsam 21, sèucras 26;
dins la pièce Ixxix efflàgitamui 81, uôaebas 101, uapërabâl loj, fiât St, ada-
manfms ji, panifgyrkus {y long) 16^ strmëque 61 et 110; dans la pièce Ixxxijj
Ut»s i6, fUgcrt infinitil ^7, et, dans Ixxxj, firàs subjonctif 7, sans compter les
IliaUis à la césure dans Ixxxj 2 et Ixxxij 70; dans les pièces didactiques du
ns, de Berne 558, torcûlaria xiv jo^ îana = Icaena xiîj 49, àtnum xiv 70,
i\kûre et lUra xv $ et toj, xvj m 2, xviij 1 12, xix 11, inbàbitabiUs xix 29^
rhcuiâ xvj 6, .,.6^ue xix ^; ; dans des pièces sapphiques du haut moyen âge,
par compromis entre la versification ordinaire et la versification rhythmique,
remploi d* une longue à la seconde syllabe (Cuifts deuotum xxxvj 9, Qui dèbtt v
j, NoKj aturnam et Nobis ut xlvj j et 7) ou à la sixième ou à la neuvième
pf^àbt (Prauidas castos gencris hûmâm \ M, £ ^f ai bus Maurus sèdulus minister
Uïvj 21, Totius mundi mâ^hinam gubermt xxx] 19, Hodit laeîus segrtgastï
immdo xxxvj 6, Sic dd iussis îibtn pânndo xxxvj 27, rallongement facultatif
t. Cf. sûpikantis dans Gautier de Châtillon, Akxandr. 1^280. Déjà iiip/fx,
au temps de Constantin, dans Oplatianus Porphyrius (xiv 11 et 2$ L. Mueller).
2j6 COMPTES-RENDUS
d'une finale (v 2? et 28, xxiv 20, xxiij passim^ stxîtvj passim, xlij pâssim^
xlvj passim, xlvij passim^ xlix 2), l'admission de Tbiatus (xxxvj 2, j, ^j 9,
i}t 13^ 33)1 ^^"^ compter puëri xxxvj 9 et 22, segregastî xxxvj 6, uaitâque et
mufâ^ufau nominatif xlvij 18 et 26, Hodu xxxj j, mé/as v 2; dans de» qua-
trains en dimètres iambitjucs, également du haut moyen âge, cl très- probable-
ment aussi sous l'influence de la versification rhythmique, des hiatus jxxxv 12,
xxxvîij 12, xxxîx 1 et 12, Ixij t^^ Ixv 4)^ des allongements facultatifs de
finales (xxxv 9, ixij 8), blandimcnta xl 6, martyribus par y long xxxvii) 9,
màiris xxv 9, èam (?) accusatif Ixij )6, rtmôuens xxxix 8; dans des vers à%dé''
pîades, complets ou tronqués d'une syllabe^ des allongements de finales Cxliij
passim^ xvij 29), ou des abrègements {Sprmtn pcnitus tcqut ucuû sant xliij 7).
Dans des sixains d'adonîques rhythmiques (pièce 1] où mclU et carnis 1^7, 62)
sont des nominatifs, où utrmis (69! est mis pour ucrmïbus, et probablement (jo)
îgnis (um fions pour Hymnis (cf. xlviij 4) cum flonbus ^ on a glorja 104^ ph^
tonus 86, exHtis (?) 75 j dans la pièce rhythmique sur la mort d'Héric, duc de
Frioul riiv) on a Jamci/i trisyllabe au vers 5, et inversement Aquilna penta-
syllabe au vers 7. Des adverbes en i, lires d'adjecliis de la seconde déclinaison,
ont la finale brève (probablement par confusion avec les adverbes comme sûtpë^
facdf^ maît^ bcrtt*)^ dans plusieurs des pièces barbares déjà citées : nciexj^^
proutde Ixxxj 6, umce\?) Ixix 28, perfide ^ ualdë^ pie Ixx |» 6, 17, congrue
Ixxv 2\ymtà^hx\\ 29, maxime Ixxix 75, lûm xvj jj. On rencontre isolé-
ment les prosodies fautives /ti?W (hier) cvij 65, mmiida cxxx 16, mùbilis^ cxxxj
|o, roboratit cxxxv iv'4, Iuliana cxxvj 12. Dans les vers hexamètres ou éiégia-
qucs (si l'on fait abstraction de Texemple déjà cité formaiû habcns)^ l'hiatus est
permis à la césure du troisième pied (xj 9, Uxxj 2, Ixxxij 70, cxxxv| iv-j»
ou du quatrième pied (devant une A, p. i2| note)^ en vertu d'une tolérance
dont il y a des exemples dans Virgile et qu'admettaient certains grammairiens
(Thurot» Extrait dt divers mss. iaùns pour servir à l* histoire des doctrines gramma-
ttcûks au moyen- Jge^ Notices et extraits, t, 22, 2' partie, p. 448) ; une fois on
trouve hors de la césure le plus excusable des hiatus, celui qui a lieu entre
une m finale et une h initiale ( Ixxv 24). La licence de l'hiatus était donc
contenue dans des limites étroites : les versificateurs étaient moins enclins i
admettre l'hiatus qu'à risquer les élisions les plus dures, comme celle de uu
Ixxij 2j.
La nomenclature des fautes attribuabîes aux poètes n'est pas encore complète;
mais il est temps de faire remarquer que plusieurs de celles qui viennent d'être
cataloguées, et toutes celles qui seront citées maintenant, sont lojn d'être impar-
donnables. Les formes r^pkius, âtnum, tvbrare, hka^ mntris sont nées d une
inli*rprètation trop large de la régie des syllabes communes (cf. Thurot, p, 421) :
on doit excuser au même titre skrcta xxi j; segregasti xxxvj 6^theàtrum cvij ^\^
îHtûnieûl cxiij t ), rèpks cv 41, ainsi que onâger (xiij 60) qui très-probablement
1. Lj strophe parait désigner le dimanche des Rameaux, et In tmpas uiri
signifie sans a ou te m tempore ucris. — Le mot acceptor au v. \\ signifie tiaceps :
il a été pris à contresens par le scribe, qui a mis en titre VEnsvji de acci-
2. On a signalé immàbUis déjà dans Ennodius,
Camina medii aem^ p. p. hacek 277
j pour origine (e onâgros de Virgile • ; rhcisîa et înhabitabUes s'eJïpIiqueTîl par
l'incerUtude qui existait pour un homme du haut moyen âge à l'égard de la
séparation des mots. La scansion puèri tient à un phénomène familier aux
romantstes : à l'époque où l'accent latin changea de nature et devint un ictus,
ÎJ abandonna toute voyelle antépénultième suivie d*une autre voyelle, et se
Ifansponasur la voyelle pénultième; c'est ainsi que fiUcul vient de fiHôium et
1 de filiolum^ paroi de panttcm^ et le vieux français moUlitr àt muliènm. De là
'muliên vc 16 et le 2, comme dans les exemples cités par M. Quicherat, comme
dans le vers 660 de VOrtstis tragoediaf comme dans plusieurs vers deDracontius
(De Ouhn, p. m); voir les Extraits de M, Thurot, p. 4^2. De fausses
analogies, comme celles de fkn^ des adjectifs en Anus et *âfiuSj des supins
en -Hunif des secondes personnes en -ts ont donné naissance aux fautes
/Itfl, adsmantms (cf. Thurot, p. 428) platânus (cl. balâms^ Thurot, ibid<),
laitiis, pir%s : de même 4iëi^ stâttirus, iûgum ont amené par analogie rèi
.(de ru} lixxvj 7, stntutus Ixxvi) z et siâtim {immédiatement) cxiv 5, iitgis
I (Sédufius ap. Quicherat) et lugacr iv 27 et cxxxj 10; suifuan a amené
\tusp%twn€ cxiv 8 2, M\ana peut se défendre par les immunités particulières aux
noms propres : à plus forte raison on ne sera pas scandalisé de Exsûperm vijc
108, de Mauricius vijc 62 et 122, de Anicius (a long) Ixxiv 9. de Patriàus (?»)
Ixv jr, et on ne verra qu'une pure variété de prosodie dans Agauno (a bref, jii
diphthongue) vijc 14. On ne sera pas plus surpris de voir un poète du haut
ïïioyen-ige se tromper sur la mesure de M^pTvp, TniGtoç ou |ii>o; qu'on ne le
scfait de voir un versificateur contemporain estropier un nom sanskrit ou arabe :
on s'étonnera plutôt de b correction relative des mots transcrits du grec. Les
Carmtnû en fournissent un grand nombre qui ont un article dans le Tfusûurus de
M. Quicherat. et dont par conséquent on connaît le traitement dans la langue
des poètes classiques et des premiers poètes chrétiens; or, en dehors de platânus,
(Je maitynhs par > long, de Pithto et de méios, les seules variétés de prosodie
que ces mois présentent dans M. Hagen et que M. Quicherat n'ait pas catalo-
guées sont sôphus vi] 2j, sôphia iv 20 et Ixiv 20*, pmëgyncas par^ longixxix
16, epiuiia Ixxxvij 2 et 6, pâpam ij ), amen vij 36, Zàbuhn xlv 12, puis une
forme qui *st de Sédulius (Hërodcs xxiij i^ de même Ixiij 1) et une forme (Stê*
phanus Ixjv j) que Draconlius avait employée {Satisjactio i7t)^'; enfin trois
I . Si étrange que cela puisse être, il semble que l'analogie de pàtriSj combinée
avec celle de mïitcr et de frâtcr^ ait fait de même écrire pâter à Draconlius
(î, J2 De Duhn).
!♦ Le poète a dû écrire suspiaone, comme porte le ras., et non suspiùonc,
j. Si au lieu àepatricior on lisait Patricia os,
4. Atissi s6phus x^] 86, sopHU hxx% jj et 41, et, avec le respect de Taccent
grec observé aussi par Prudence et Fortunat (v. Quicherat), sophta iv 4 et 27,
It 6, LXXY 20, LXXIX 76, hXXX 2g. CXXIX 2.
ï. La pièce xxxn est d'une versification trop peu sûre pour qu*on soit tenu
d*admettre Atht-nac et diadèma aux v. 9*10 : encore duJ^ma s'expliquerailil par
Il conservation de l'accent grec. Voici des quantiléi dont plusieurs sont fautives
xu point de vue de la science linguistique moderne, mais sur lesquelles les ver-
sificateurs du moyen-âge n'avaient pratiquement aucun moyen de se renseigner :
M \ix ï6, sacrmandi xlvii i^, ihmnrMs cxxix 6, gazôphylâcium xiv jy, mônus
HÏ3CV 9, »o, hMïolia lxxxvii 6, côluri xvîu 51, Mâmttrum xvi 86^ diâtonicus
278 COMPTES-RENDUS
formes plus correctes <|ue celles qu*ont employées Fortunat, Juvcncus et Paulin
de Noie, â savoir Grêgmus = Vçr\y6^iQ<i Ixvj 3, Zèbedûtus = Ze^. cv 45, Sata»
nan de Saiâv Ixjx j j» Partout ailleurs, qu'elles soient fautives ou qu'elles soient
légitimes, les variétés de prosodie des Carmina reposent sur la tradition des bons
poètes chrétiens. Si des erreurs ont été commises dans ta transcription du grec,
elles sont donc d'ordinaire imputables aux versificateurs des bas temps <fe
l'empire^ non à ceux do moyen âge proprement dit. Gëometrka xix j est fondé
sur tin précédent de Juvénal ; une foule d'autres formes sont fondées sur des
précédents de Lactance, de Juvencus^ d'Ausone, de Prudence, de Paulin de
Noie, de Sidoine, d'Avii, de Sédulius, d'Ennodius, de Fortunat, d'Arator.
Ainsi Pilatus cvij 88 (Laclance)^ tcUâgvnus etc. Ixxxij 11, Ixxxiv 7 et ïj
(Ausone), lizâniû xiv 25 (Prudence, Fortunat), herëmitû ijc 2\ (etëmus Prud. cl
Avil, pour conserver l'accent de ipr.twç; cf. Thurot, p. 450), idùlam vijc
18 (Prud., Sédulius, Fort.), pour conserver Taccent de Eîfiw>ov ), paractUus
XXV ti,xlv 22, Iv 72, Ix 94, Ixv 26 (Prud.; pour conserver l'accent de
na^àtXy^xoç ^)j Sabâvth j 2 (Prud.), Gabtiel xxij iSjXlvj 9(Prud.. PauIin),Swn0n
vij 39 (PrudJ, hac Ixxij 55 disyllabe fPrud., etc.) âiiêtûja \\ 24 (Paulin),
diàbli Ixxiij 28 ididboius Paulin, cL zâbuîus Riese, Anthohgiû, 204, 7 et
Alcuin I. 11| p. 281, Migne^), phisis Ixxx 14 et 22 (physicus de même dans
Sidoine et Ennodius)^ phihîogia Ixxx 40 et 46 {pkilosophus Sid. ^), butyrum iijc
29 (Sid., Fortunat*), ThàUs xvij io (Sid*), Abd par a long Ixxij 28 (Avil)»
prùtophstus Ixxxviij j {Avit, Fortunat), SdmàrUûmis cv 25 (Sédulius), Mari4
xxi| 4, xxiv 4, xlvj 17^ Ixx 13 et 14, je 10 (Sédulius^ Fortunat, Arator, à cause
de l'accent de MapiaJ, tcclësiâ^ xvj 1 J4, Ixvj 2 fEnnodius, Fortunat), monûith
rium cxjcxj 15 (FortJ, triâdis etc. xvj 21, çr, ^9, 73, 74, 98, 99, 160, l^t,
162, Ï79, i8ï, 199 (Fortj,yti*/i//i Ixxvj »6 (Fort. : Quicherat s, v, AnnaU
Aron disyllabe Ixxij 13 (Fortunat?) HuraiUltm et Hurosôlyma avec /^if comptant
pour une longue<^ Iv )6 et ^ (v. Quicherat), hsiph trisyllabe ixix 16 (Juvencus,
Pai}lin), Bhantits ou Mhannti lij }8, Ixij 9 et 20, Ixv 1 \ (cf. Quicherat), luas
Lxxxvu 10^ (cf. diâbolus)^ dlaUssaron xvi 120^ Trôgus Lxxxvnl 20» 24, ^5
61, Senônia lxkvïi j8, Mûssiàccnsis Lxvt 2, Gënouëfa cxxxiv t, Tô^io ï 25, ij
!, 25, vfi 10, J4^ SëfrUus m i, LeQii/rUus (co diphlbongye) vin 4, Gâufrùas
ne I, Fréite ix j, Oio (0 initial bref) lxvi 16, Ardvini ou Arànim lxvi 20,
SkrAf/muj Lxvï 21, >îrf<ï/é»mu5 (iî initial long) LX VI 2a, Bi^ao lxxix j, fî^tAW
Lxxri 29, BwrMjnà xxxiv 7, Consianûmpolitam cxxx noie.
I. M. H, imprime toujours pârackîus par un t, contre l'autorité constante
des mss. C'est panulttus qui est la bonne orthographe : elle repose sur l'iden-
tité de son à laguelle étaient arrivées au temps des poètes chrétiens les deux
voyelles è et î. On a de même Poiychtns == Potyclétus { = IIoXiiît^fiToç) dans
Prudence, Agâpkus = ^AyàiniTo; Thurot 428, Pour l'équivalence de 1 et « cf,
en sens inverse dans le livre de M, H* Burdêgak iiïc îo note. Pour Tabrége*
ment des longues épiloniques cf. anuphima (Aldbelm, cl, Thmot 428), et aussi
2. Plus correctement znbulas, Hagen cxxxiv 6.
3. Cf, phihsophWf Gautier de Châtillon AUxandr. 1, 20,
4. Cf. bëtismus = poi>h|iii;. Vital de Blois Aului 1 2 1 Osann.
5. Aussi ecclêîia Hagen xxxiv 2, xxxvri 5.
6. Cf. Gautier de Châtiflon, Alexandr, l, 421 et 541,
Carmina medii aeui^ p. p. hagen 279
disyUtbe ou Jtsus, initial xlj 1, xliv i^ Ixiv 1^ Irv 22^ Ixxij note» après une
pvojrelle Ixxiij et probablement Ixiv 1 5, Jésus Ixxij 5^ Usas trisyllabe Ixx 26 (voir
^djQs M. Quicherat les divers traitements du motL Sur la tradition des derniers
siédes de l'einpire, en mèine temps que sur renseignement forinel des grammai-
riens du moyen âge^ reposaient aussi certaines variétés de prosodie qu'on
admettait pour des mots purement latins : ainsi irigintà etc. xvj j ^ et 80, xviij
ly^ posicà cv\\ 54 (Quicherat; cl. Thurol, p. 437). ViVtûj, qui se rencontre
trois fois (iv 27, v )3^ Iv 27)^ a son analogue dans te senectûs de Dracontius
{Sitnfactiû 224) * : cette scansion vient peut-être de quelque règle maJ for-
mulée^ destinée primitiYcmeîvt aux nominatifs singuliers comme bonysti manus^.
iCe ne sont pas des tautes que sïuius (ixxj 20) qui se trouve dans Horace, que
rwi'd <%u\ ^9) qui se trouve dans Perse (cf. Thurot, p. 454), que côtWe Mxxvij
2) qui paraitt autorisé par Piaule, Térence el Catulle, que hnic (xviij 78 et lii|
17) qui se trouve dans Stace, que et (Ixxx 9, cxix ), xviij 16) qui se trouve
dans Ovide {Haîiait. ;4), que eut (xxxiv 1 1, xlviij 1 1, à côté de eut monosyllabe
giv) ^0, txjv i6, Ixxj })f dont on a deux exemples, sans compter les exemples
j de M (v. Quicherat) ; que àèinceps (vi|c \ 39) qui est dans Prudence et que
îostific le d?hmc de Virgile ; enfin Lusitani xjx 41 est autorisé tant bien que mal
par Prudence, pramàricatio vijc 29 et Sjxônica Ixxiv 50 par Forlunat, Picta-
uttnsii iijc |i par Fortunal et par les grammairiens du moyen âge (Thurot,
p. 4I), cf. Andegàui^ p. 428)* Ainsi donc les lautes personnelles des versifica-
teurs de M. Hagen se réduisent à un nombre peu considérable.
Les licences de métrique^ tout comme les licences de prosodie, reposaient sur
des traditions antiques. Par exemple, il était admis au moyen-âge qu'une finale
brèïe compte pour une longue, dans rhexamélre, à la césure du troisième pied ;
les exemples de cet allongement par la césure fourmillent dans le recueil de
M. Hagen. Le moyen âge n'avait fait que régulariser (voir les textes des grara-
mainens, Thurot, p. 448) l*exception admise par Virgile dans quelques vers tels
qoe Non U nulUûs txintni numlms iraç. Parfois l'allongement porte sur la césure
du second pied(Hagen xj 10, Ivj 9, n, Ivjj a, Ixxiv j inHU Ixxvj to, cxxjx 1 1,
eldans un vers élégîaque iv 2) ou sur la césure du quatrième pied (H. xj 1,
Uvj ij, ixix 4, Ixx 17, Ixxij îi 7, 29, Ixxiij 20, 23, Ixxiv 29 Jxxxvj 7, 17, 31,
JJ, Iwvij «9> : or Virgile avait écrit Pingue supi^r okam infmdens ardtmibus txûs
et Dûfitj Jthinc auro gramâ salo^ue eUphanto. Dans le recueil de M, Hagen on
tfotivc même des finales allongées en dehors de la c^ure, c'est-à-dire dans le
temps faible; mais il n'y a de cette liberté que quatre exemples, qui tous portent
sirr des monosyllabes : nêc Uxx 45* /^ cv 34 et 40, côr cxxxv iii-2 ^*
En dehors des vers daclyliques les finales brèves sont fréquemment allongées;
dans le recueil de M, H., comme on Ta déjà vu, le fait se présente pour la
ilfophc sapphique, pour le vers asctépiade complet ou tronqué, pour le dimèlre
i. Cf, scraitûs dans Gautier de Châtillon, AUxandr. 10, 296.
2. Le mcrcës de Dracontius 16^ ^6 De Duhn; viendrait d'une confusion avec
les mots en As.
j. Comparez es dans un dimètre iambique (lxii 7). — De même jâL dans
Vital de Blois, ÂuluUria 645. — Alcuin avait commencé un hexamètre par AM
âpis (correction de Jafîé pour Me lapis ^ Einbarti vita Caroli magni ^, p. S),
280 COMPTES-RENDUS
iarobique. C'est une licence excessive si Ton veut, mais en tout cas cette licence
est particulière au haut moyen âge. Aucune des pièces qui la présentent n'est fournie
par un ms. postérieur au X* siècle ; on n*aurait aucun droit de l'admettre dans
une pièce du XII« siècle par exemple, et je doute fort qu'elle fût encore pratiquée
aux».
L'o final est commun partout excepté dans la terminaison du datif et de Tablatif
(Thurot 438); il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'on rencontre presque à
chaque vers passiôy amô^ amandô^ amantô^ ergo, (juandà^ porrô Ixx 20 (cf. Qui-
cherat), ilicô cvij 16 (cf. Quicherat), denuô cvij 71, ,,.6que^ scrmôque; en sens
inverse on a duddecim xvj 102 et 108, comme dans Lactance duôdecies. — Il est
partout admis dans les poèmes des mss. bernois, et il l'a été pendant tout le
moyen âge, qu'une brève reste brève devant les groupes initiaux se, st, sp (on
avait dans Horace saepë stylum et praemiâ scribae), et de mèmedeyant sf ou sph
(xviij 8), sm (xiij 8), z (xvj 82, xix 27), pt ou phth (Ixxxvij 1). C'est tout à fait
une exception que effoderè scro[bes] xiv 24 ; cette exception aussi s'appuyait sur
des précédents comme dans Virgile telâ scandite. — Dès l'antiquité il a été admis
qu'une voyelle brève suivie d'une consonne finale pouvait, devant une h initiale,
former une syllabe longue (Diomède, p. 430, 18; Donat, Ars p. 369, 5 et Ser-
vins p. 424, I s et Sergius p. 479, 2 ; Pompejus p. 116, n ; Victorinus p. 28,
3, etc. : éd. Keil; cf. De Duhn ad Dracontium p. 1 1 1). Il est tout naturel de
trouver cette règle appliquée dans nombre de passages : j 13, xv 73 et 1 18,
xvj 185, xvij 66, xviij 103, xxiij i,xxix 8, xxxj 13 et 14, xliij 11, xlvij ), Ij
33 et 37, Ixij 8, 27 et 48, Ixiij 4 et 10, Ixxj 29, Ixxv 12 et 18, Ixxvij 10, Ixzx
1 S) Ixxxij 92.
En résumé, les vers du recueil Hagen, comme tous les vers du moyen âge,
sont soumis à des règles plus ou moins rigoureuses selon les époques, mais enfin
ils sont soumis à des règles. Aussi un grand nombre de corruptions dues au
copiste se révèlent d'elles-mêmes à tout lecteur qui lit assez lentement pour
sentir l'harmonie du rhythme : et bien souvent, dès qu'on est averti par l'oreille
de la faute, la correction est facile et certaine. Ainsi viij 7 pedi (qui d'ailleurs
est peu intelligible) aurait 1'^ bref : il faut pclagi per marmora. — viij 17, dd
limina : il faut un mot tel que ostia. — xj 4 : Florea cuncta gerit [et] prata
uircntia gcstat. — xvj 44, le vers veut ipse^ et non le génitif barbare ipsae, —
xviij 67, circumcunt ne fait un choriambe qu'à la condition d'être écrit en un
seul mot. — XX j 10, Claustra pudoris permanent : 1. (?) Claustrum... permanet;
au vers 13 1. procedit au lieu de procedcns. — xxv 1 1, atrae : 1. atra; 12, reso^
luit, 1. résolue. — xxvj 39, et est de trop. — xxvij 19, captiuatd : il faut sans
doute captiua est. — xlvij 10 ss., uluit est impossible; d'ailleurs ce mot ne donne
aucun sens. Il faut bibit. — xlix 6 s. (vers sapphiques), M. H. change pellat
langorem en pellat languorcm^ alors que le mètre Indique /?^//rt/<i/igor^/n; il garde
à la fin du vers pietatëm patns^ qui est vide de sens, au lieu de corriger pietate.
— Ivj I, qui quaeris uitam honestam : lire qui uitam quaeris honestam. —
Ixv 5, Regina sicut auium ne fait pas un dimètre iambique : il faut alitum. —
Ixvl 10 : E propriis finibus ne peut commencer un hexamètre : heureusement la
correction est facile. C/tn5/t au v. 19 est si peu vraisemblable, qu'il faut ou
admettre une corruption du texte, ou supposer que le poète avait fait de ChrisCi-
Cdmina medH aem^ p» p* hagen 281
m'misur un composé. — S'me (txxxviij 26) ne peul former un demi-pied : corriger
uu. — La pièce vijc se compose de 219 hexamètres léonins^ où ta rime porte
sur deux syllabes : cette circonstance rend nécessaires les corrections no /<:i [i j),
mttis fî6), audtns (176); au v. 21 3^ pour rimer avec sodaUm^ on peut être
tenté de substituer taUm â simitcm. Au v. 10^ VdU se scruari est inadmissible;
il faut probablement lire au vers 104^ comme M. H. J'indique ennote, Q/i^nj..,
fractam,,. lakfactam à Taccusatif, et ensuite VcUnfuc. Au v, i^ç le mètre veut
Fftna{^ui]. — ijc 20 : la correction de illc en illi est indispensable. — ic 9 :
U rrroe montre qu'il faut changer non pas malum en malo^ mais asmutam en
àiiutto. M. H. paraît avoir compris que les pécheurs tirent du crime leur pied
chargé de hontes : mais ce serait là une locution bigarre, et, ce qui tranche le
doute, pratgraui talum est un solécisme. Évidemment un vers s*est perdu entre
8 et 9, — c 9 s., lire Vt.., fiât,., esta uohcrnm VtL,. fiât |ul] £sca naîûnium
{m%, fiût escat), — ciij 19, passerutt uoluptarent^ 1. aolitarmt. P. 174 n., v. a,
bien que fer? ait été employé par Ausone, il faut garder fore, et la rime indique
de changer noiîa en noUl ; fadopte les deux corrections de M. H, et le ponctue :
Si bonus ista legit/gaudet, quia (luac (ms. ^ui) legit egtt ; Si malus*, inde dolet,
qm[a] sil malus; cl fore noiet. — civ 6, naris et non narts^ pour la rime. —
cvij s\, la rime veut regub paîrum (et non primum), — cviij 76, Tune iaudis
ittuhs csl trop court : ii faut Tuae, — cxj 8, Vt nui(a j«£disparilitategra««îï:
lire disparitau, — cxij 8, Et /dus tadcm udU orare suos : I. uorarc, — cxxxj 29 :
Qmsquu [ad] atttrnum mauuit consccndtrî rcgnum, — cxxxij 10 : Ibit [et] ad
itetiun nuâà pu&tia tuum. — cxxxiij 19, Post hûtc : ôter hacc,
M. Hagen n*a effectué aucune de ces corrections, pour la plupart assez évi-
dentes; en outre, plus d*une fois, it a ajouté aux fautes des mss. des fautes nou-
frites. Ainsi dans fa pièce xv, au vers 6, il faut deux iambes de suite et Tufi a
ulumque minsa : M. H. propose sUum<fut cmaua. Au vers 29 il faut un mol
inapestique, le ms. a abia^ que M. H., en note, avoue pouvoir être conservé :
dans le texte il jmprime ahials> Dans xvj 67 et Ix 95 il signale des lacunes,
mats il dispose tellement les mots subsistants que, de quelque façon qu'on essayât
de remplir les vides, le vers ne pourrait se scander. Dans xxx \\, la lecture
t^rtgu de ta seconde main et de M. Hagen semble moins incorrecte que le tgngi
de la première main (encore cela n'est-il pas parlaitement sûr, voirGelL 14, 5);
mais du moins fgr^gi. qui a Taccent sur ta seconde (GelL ij^ 26 ^ 2^, 2;
Prtsdan* 7, 18, p. 302, »6 Hertxi fait le vers, et cgregk ne le fait pas. Dans
tiirtj, ji, le ms. donne Utras^ qui ne se comprend pas; on voit seulement qu'il
faudrait un mot iambique : M, Hagen imprime tûciris (qui ne se comprend pas
mieux que tdraî). Dans Ixvj ], par exception, M, Hagen corrige le ms.; il suit
Senebier, qui à laudc avait substitué laudes : par malheur il fallait garder la
forme taadt^ dont ta finale est allongée par la césure comme au v, 8 celle de
snhdanU. P ï22, note, en déchiffrant un texte formé par acrostiche, M. H. lit
au commencement d'un hexamètre crud sancta, alors que la disposition de
racrostiche permet de lire sancta cruct. Dans la pièce Ixxix il propose de lire au
commencement d'un hexamètre indicans (v. 69), et, à la fin d'un hexamètre
(V. 71} il préfère à la leçon renidts (qui d'ailleurs est bonne pour le sens) la va-
riante rtmtes^ Dans Ixxxiij 2, vers léonin qui finit par gliscas, il choisit non la
jSj comptes*rkndus
bontie leçon qui place à rhémistiche discjs, mais une variante qui y place Itct&r^
Dans lîotxiv^ à la fin du dernier vers élégiaque, il remplace mtnttqat mctqut^
uaU^ qui n'a ni rhythme nt sens, par mente aoaqui uak, qui ne donne pas plus
Tun que l'autre* Dans viic $4^ vers hexamètre dont les premières syllabes ont
été coupées, il donne le choix entre les restitutions [In cac]âc et \ln fijdt. Au v.
10% où pratlia d*ailleurs convient parfaitement, il propose* praemia vtl pretîa i^
comme si ces deux mois avaient la même mesure. Dans vie 52, ïc commence^
ment d'hexamètre Paulaùm correpc stûtum lui déplaît^i et il écrit Contpcpautûtmi
itatum^ ce qui fait d'un coup deux fautes de quantité. Dans vc tj^ il préfère
pour finir un dactyle, pûra à pcU. Dans ivc 32, où il faut rimer avec labortm^
il propose de remplacer memortm par m&mofan&\ dans ciij 2)«oà ii faut rime
richement avec memkana, étremplic^r plana par plcna, — iic 9 ss., sint U Dta
omnia curât, Cumquc sui iuris sint iusti cum pcrituris, Pracmta cum perns lustù
moderatar habenis. Il y a deux mss«> dont l'un porte la leçon authentique sa
iuris (c*cst-à*dire ms luns^ m tius manu} et l'autre ms, donne sin€ taris : M, Hj
écrit sine curis, ce qui fournit une faute de quantité sans donner de sens plau-
sible. Dans cvij 71 il corrige 0 quant Est graac nephas en 0 quam Est graue^
quam nefas : il était facile d'écarter la faute en insérant non pas quam^ mais
qnamque. Au vers 100 il y a tedor^ pencqui miser miscrc dor (pœnae dor^ |c suis
livré au châtiment) : M. H. a imprimé paenequc miser misert tdor, c'est-à-dire,
sans doute, les verges me dévorent presque^ tWor paene. Dans cix J2, on est
étonné de voir rimer Carnoiis avec mutntutis ; or le ms. a uumtis. Camiius^
mot bas-latin qui figure dans certains glossaires, équivaut à canus ou smex (c'est
le français £/rr nu) ; Ciir/iaf/i au contraire n'a ici aucun sens,
M. Hagen^ n'ayant point scandé d'une façon continue les vers qu*il impri-
mait» n'a pu songer à donner l'index des mètres et rhythmes employés. VoiclH
cet index : ^1
Hexamètres: ix, 1, x}, Ixvî, Ixvij, liix, Ixx, Ixxj, Ixxtj, Ixxiij, ixxjv, Ixjcv^
Ixxvj, Ixxviji Ixxx^ Ixxxvj, Ixxxix^ vic^cxxiv, cxxxf»cxxxv4,cxxxvJ7*^Hexani,
léonins : Ixxix partlm, Ixxxiij, Ixxxv, Ixxxvij, Ixxxviij, ixc, viic» vc, ivc
iiic, iic, ic^ c^ cy, cïj^ d\], civ^ cv, cvj^ cvij, cxxvij, cxxviij, cxxix, cxxxv 1, 2^
7, 8, cxxxvj 6, 8, *— Distiques semblables à ceux de Caion *, Ivij,
Distiques : ij, iij, iv, liî, Ivj, Ixviij, Ixxviiï, Ixxxj, Ixxxij, Ixxxiv, cXj cxj^ cxijj
cxiij, cxiv, cxv, cxv|\ cxvij, cxviij, cxtx, cxx, cxxj^ cxxij, cxxv, cxxvj, cxxxij/
cxxxv j, 5j 6, cxxxvj 2, j, 5; — en vers léonins : cxxx ; — avec similitude du
premier hémistiche de l'hexamètre et du second hémistiche de Télégiaque : vij,
viij. — Hexamètres et élégiaques mêlés : vj, cxxxv| 4.
Trimètres iambiques : xvf.
Asclépiades à deux choriambes : xiv; — • asclepiadeo métro » -w- -w
uy- Ixxvj adnoi. — Hcn décasyllabes : xix. — Vers adoniques : Ixxvj aJnot.
Vers vy -- uv -. : xvij; — vers — yu--;xiij; — vers vu-y- u-- : xv.
Strophes de trois trochaïques septénaires : Ij, tv;— strophes de quatre dimè-
u M* H. na pas mis en relief la disposition en strophes de deux hexamètres,
Ci. la suscriplion (de seconde main^cATONis dans le ms. A. — Je pense que le
)• distique doit venir avant le 4*, comme dans la copie écrite par DanieL
Carmlna m$du aeuif p. p. hagen 28^
Cm la m biques : xt\^ xxtj-xxiîj, xxv, xxix^ xxxtv, xxxv^ xxxvij, xxxvîlj, xxxjx^
xi, xlj, xliv, lix, Ixrj, Ixij biî, Ixiij, Ixiv, Ixv; — strophes sa pphiques : j, v, xviij,
xjifVj Xïxi, xxxiij, xxxvj, xlij, xJvj, xlvij, xîviij, xlix, cxxxiv: — ^ strophes al-
caîques ; xîj; — strophes ascfépîades (sur le type Scrikiis Vario d'Horace); xliij.
VEitfiintUTiON RHYTHMicfUB» — Quatrains lambiques : dimètres xx, xxvj,
tnntètres xxx, Trimètres en strophes de cinq vers : Jiv, Strophes pseodosapphi-
ques (^ tninétres iambiques et un adoniqucï : Ix. Strophes de deux adoniques
^llittèrés (voir à la p. 290) : viijc ; de six adoniques alliltérès : I. — Trochaïques
septénaires en tercets : xxviij, x)v; en quatrains : \n\, Dimètres trochaïques» en
quatrains avec refrains : Iviij, lxj.
Octosyllabes irrègulicrs : xxvlj, xxxij; — strophes formées de courts vers
rimes disposés diversement : cviij. cix *.
Strophes monorimes, formées de trois vers rhylhmiqucs (dont chacun contient
un hémistiche de trois trochées et demi et un hémistiche de trois trochées), avec
un quatrième vers qui est métrique : cxxxiij ^.
Acrostiches, — Initiala : v (Humi.vnjYS), ix cl x lielfbbd). Dessins compliqués
écrits eo rouge dans les mss., reproduits ^ en caractères gras par M. Hagen
p. 21^ ss. : Ixix-lxxvj. — Pièces el fragments abécédaires, c'esl-à-dtre dont les
strophes commencent successivement par les diverses lettres de Talphabet : xxif-
uiij(abci>£PG, hiln), XXV (pGH^ avec une strophe indifférente), Ix (de a à z, y
* compris k, avec une strophe indîiîérente), lxj (auc) ; en outre l (strophes de six
idoniques rhythmiques, Tinitiale revenant dans tous les vers de la même strophe;
manquent k, y et /.); M- Hagen aurait dû laisser dans le texte même l'abrévia-
tion de Chrislus (Xpus) quand elle fournit à Tacrosliche la lettre X.
L*étude des diverses pièces, faite au point de vue de la versification, suggère
des conjectures plus ou moins plausibles sur l'histoire du texte de ces pièces.
M. H. suppose que la pièce Ixi] est formée de deux hymnes distinctes : en la
scandant on trouve à Tappui de cette opinion un argument. £n effet la première
t. M. H. n*a pas fait ressortir typographiqueinent la disposition des strophes
en couples, cvni est compose de cmq couples de strophes; cïx d'une strophe
isolée, mais dont les deux moitiés sont égales, el de deux couples. Le nombre
d« syllabes n'est pas toujours rigoureusement le même dans les vers qui se cor-
respondent : voircviH 2[-;t, 40-49, v^^4» ^^^ 4^'S7*
1. Le vers métrique est ordinairemeni un hexamètre, parfois c'est un élégia-
que l\zt. La bizarrerie de cette composition de strophe s'explique par ce fait,
qtie quelques-uns des vers métriques ainsi accouplés aux vers rhythmiques sont
tirés d*Ovidc. Une pièce toute pareille, où presque tous les vers métriques sont
lires des poètes anciens, a été publiée par M, Wright, the Lutin pocms commoniy
«tlntuted to WalttT Mapcs, p. 1 52^ puis par Du Méril, Poés, pop. îat, du m. a.^
p. I u. Voir en outre les pièces données par M. Wright, p. 1 J9, i6j, 229, et
Jpar Du Ménl, p. 275, — On notera que le v, 14 a une s]rllaDe de trop. Ces
liuatrains sont mtéressants pour l'histoire des éludes littéraires au moyen âge.
fis concernent la vie el les ouvrages d'Ovide.
j * Ces pièces, évidemment écrites en carréj ont été reproduites en rectangle,
fOt qui déforme les dessins* Celte déformation est surtout fâcheuse pour la
Ipièce Lxxiu, où l'acrostiche dessine la coupe d'une église (p. 219K — Ces
'compositions bizarres sont imitées de Publilius Optatianus Porphyrius, poète
du temps de Constantin,
284 COMPTES-RENDUS
partie admet Thiatus (15) Undis que la seconde admet Télision (18 et 3 1) ^ La
pièce Ixxxj 'épitaphe de Wifordus) présente cette particularité que les vers insi-
gnifiants y sont léonins (i, 2, 4, 6, 7, 8) tandis que la rime manqve dans les
vers qui donnent des détails précis (s^ 9^ 10, 11, 12) et dans un vers où le
subjonctif /srtfi aurait Va bref (v. 3). Cela peut faire conjecturer qu'on a approprié
pour Wifordus une épitaphe léonine composée pour un autre >. — Dans la cri-
tique de l'épitaphe de Tabbé Jean (pièce ciij) il n'y a que deux vers non léonins
sur vingt-cinq : ils sont sans doute transcrits textuellement de Tépitaphe criti-
quée. — La pièce cxxix, formée de treize vers dont onze sont léonins, doit être
séparée des deux vers terminaux qu'y ajoute le ms. de Berne. Ces deux vers
n'ont aucun rapport au sujet; ils sont léonins aussi, mais la rime y porte sur
deux syllabes et non comme dans tout le reste de la pièce sur une seule. Ce sont
des sentences de morale religieuse comme celles qu'on trouve si souvent, dans
les manuscrits, isolées ou plaquées au hasard. — Une observation analogue doit
être faite sur la pièce cxxxij. Celle-ci n'est pas léonine : les deux derniers vers
sont des léonins à rime riche qui se trouvent isolément dans un ms. de Munich.
Or ces deux vers ne font que répéter la pensée contenue dans les deux vers
précédents, et forment avec eux une redondance que la forme dialoguée du
morceau rend intolérable. M. H. admet un changement de personnage, mais
cette hypothèse soutient mal l'examen. — Les divergences qui existent entre
la leçon du ms, de Munich et celle du ms. de Berne peuvent donner à penser
que dans ce dernier l'addition du distique vient d'une citation foite de mémoire^.
L'éditeur ne s'est pas toujours efforcé autant qu'il serait souhaitable de com-
prendre les textes techniques, et sa ponctuation laisse souvent à désirer. Pour
être bref je me contenterai d'indiquer quelques rectifications, xvj 74 ss., „Jutr- .
nitur. In se raiertcns hoc modo ^ui (le nombre $) dicitur : Namquc ipse, per «,
ceUros uel impares, Ductas, repraesentare se dinoscitur. Cinq multiplié par lui-même
ou par un autre nombre impair, donne un produit où les unités sont au nombre
de cinq. Ductus signifie encore multiplié au vers 179. — xvj 104 ss., Medii, duos
quos (les nombres 6 et 12) inter, octo cum nouem Sunt; unus ex his (le nombre 9)
mox per ipsum terminum Superatur a duodecim^ quo sex tegit (12 — 9 = 9 — 6). Con-
fertur octo lege nec non musica^ Nam parte tali uincit illum pracminens, Qua parte
stx hic uincit.., (\o — 8=: 8 — 6 : pracminens est le nombre 10, cf. 127 et 188). —
xvi I s8 ss., Perjectus inde surgit octonariuSy Cybus uocatus ipse primus omnium,
Crescens diade : motione primula Tétras diade duplicata prouenit ; Diade mota gignit
,\t9nurium. Perfutus et y tegit (?) quod hune, senarius, Cybi quod omnis sunt tôt
^mitiitdM, — Ixxxvj 19. Il faut lire quod au lieu de (fuid et mettre une simple
virgttW 4près orbis. Le sens de ce vers et du suivant, traduit en notre langage,
c'<»t ^ue le rjivon du cercle est égal au côté de l'hexagone régulier inscrit. —
1.4 l^l^>^ Kxwij énumère les intervalles musicaux de quinte, quarte, octave.
\ U w\ j^ nfn Ji tirer du v. ^4, qui est corrompu.
* No^oïix ^u<» stxtis in nonis ne peut désigner le jour des nones. — Cette
Us^t V ^ ^-^vt îit^ressante parce qu'il est rare de voir ces sortes de formules écrites
^^ Us^Vx K^tirv et garanties par le mètre.
i v'\^l wtt cvtmple frappant d'interpolation ayant pour source un « passage
Carmina medii aeui, p.p. hagen 28 c
douzième, quinzième, et les rapports numériques (rapports de longueurs de
Cordes) qui correspondent à ces intervalles, à savoir a/j, î/4, 1/2, i/j, 1/4.
Les vers relatifs aux intervalles de douzième et de quinzième doivent être lus et
ponctués ainsi : Addita diplasiae (et non tnpUûat) triplam format diapente^
ConsUns Ur quinis post ^uas tst quadrupla phthongis, — M. H* donne p. xvij
une explication fort ingénieuse de Vénigme cxxxv, vji, mais j'avoue que te pre-
mier vers m'embarrasse beaucoup. Je ne vois pas comment on peut désigner le
Vukurnc par celte proposition : Est domus in terris, std uiuU semptr in undis; je
ne comprends ni comment un fleuve (ou un venll vit dans Teau, ni comment il
peut èlrc appelé une maison, une demeure ', Le premier hémistiche pourrait à la
ngueur s'expliquer par une imitation maladroite de la jolie énigme de Sympho-
stiis sur le fleuve et le poisson 2 (Est domus in terris y clara quâe uoa résultât, îpsâ
domus nsonatf tacitus scd non sonai hospcs, Ambo tamcn currunt^ hospes simuî et
domus a/u); mais que faire du second hémistiche? — La pièce Ixxxv donne la
recette d'un tour bien connu. Etant donnés 1 5 pions blancs et 1 5 pions noirs,
00 les dispose de telle façon que, si on compte r^ fois de 1 â 9 et que chaque
fois on supprime le 9^, les 1 ^ noirs soient tous sacrifiés alors que les i ^ blancs
restent au complet. D'après le titre, Sors emusdam de XV Christimis totidcmi^ui
fudatis^ les deux couleurs représentent des chrétiens et des juifs. Chez nous les
enfants exécutent le tour avec des cartes, soit en faisant des deux couleurs les
Blancs et les Nègres, auquel cas ils sacrifient tes cartes noires, soit en en faisant
les Français et les Anglais, auquel cas ils sacrifient les rouges; pour retenir la
disposition des couleurs on se sert des voyelles du vers mnémonique Populeam
nr^ûm mater regina jertbat^ chaque voyelle exprimant le nombre que son rang
indique, a 1, c a, i 3^ 0 4, li \. Cette disposition des couleurs est résumée dans
le ms. de Berne par un distique, qui suit la pièce principale écrite en hexamè-
tres léonins, M, Hagen n'a pas remarqué que les indications de cette pièce sont
en désaccord avec le distique, que le titre, où le ms. donne par erreur le chiffre
XX au lieu de XV. est par là en contradiction tant avec le distique qu'avec la
pièce, que le vers 4 a une syllabe de trop et que la rime de rhémistiche y
i, [Lire sans doute au v, 1 Est dcus pour Est domus. Cf. sur rénigme du
poisson Romama vi (1877) p. 1^0. — G. P. J
2. On me fait remarquer fustemenl que cette énigme pourrait désigner non le
fleuve et (e poisson, mais récatlle de la tortue: et que même, dans celte hypo-
thèse, elle s expliquerait mieux. Toutefois les sujets des énigmes avoisinantes,
Texistence d*une autre énigme sur !a tortue, et surtout Texplication que four-
nissent le ms. de Saumaise (VIl^-Vlll* s.) et V Histoire d' Apollonius dt Tyr^ obli-
-^nl de s'en tenir i l'interprétation reçue. — Post-scriptum . le dois à M, Ém»
hatelam la copie d'une énigme sur le Vutturne, fournie par tin ms. du Vatican
(Reg. ijsu f* 131 V*) uniquement rempli de poésies de Baudri de Bourgueil
¥oir L. Delisle, Romama 1, 1S72, p. 46):
V(u nouem constat tnsitlaba pars elemends :
Cttius si quando dcmatur sillaba prima,
Quod remanct miles quondam pugnauit în artnis ;
Si mcdtum toUas, fadetit remanentia pUg^m ;
Demis postremam (/.-mum), uolucrem duo cetera signant ;
Toium iung^iur, (îiiuium signare uideiur.
Nec uoces id aguni : sed uocum significata
Bec tôt uultumuSf per partes, posse uidetur»
286 COMPTES-REWDOS
manque. Il a donc tran^rit dans son texte, sans les corriger, fes fautes du ms.
de Berne : le lecteur n'csl pas peu surpris de voir qu*en même temps, dans ses
notes critiques, il cite sans en tirer parti des variantes excellentes empruntées à
Tanthologie de M. Riese. ^Ê
rajoute» sans m'aslreîndre â un ordre rigoureux, des observations diverses^
relatives à des pièces diverses.
La pièce lxxtk est attribuée par M. H. à Alcuîn parce que dans le ms. elle
est précédée de deux pièces d'Afcuin, Mais ces deux pièces, comme en général
les poésies d'Alcuin, sont d'une versification facile et agréable* tandis que ta
pièce Lxxrx est aussi gauche et aussi barbare qu'elle est ennuyeuse. Il semble
que l'auteur s'y soit pris à deux lois pour la fabriquer, ou qu'il l*ait fabriquée avec
des fragments hétérogènes. Ainsi la tirade «•6 est léonine fia rime manque au
vers ^, mais ce vers^ où Tindicatif îenct inséré entre rtxcrit tlûgai faitsolècisme^
a dû Être inséré après coup); une autre tirade léonine, irès-longue, va du vers
62 au vers 9^ (le v. 89 a dû être inséré après coup, et au v. 95 il est facile de
placer à Thémistiche yîio5 qui rime avec amicos), mats la tirade finale ne contient
que j vers léonins sur 22. Le vers tj, léonin, est isolé au milieu d'une série
de vers dont la plupart ne le sont pas : or ce vers, oîi nosîro cothurno est dit
ndiculcnjent ^ùur nostra îyra ou toute expression analogue^ semble calqué mala-
droitement sur un vers delà grande tirade léonine, le v. 64, où sophocko cothurno^
copié de Virgile, offre un sens j>ré&entable. — Il y aurait fort â faire pour
rendre cette pièce lisible : voici quelques indications. Au v. 8 garder pauntam.
Vers 8 ss. : Ntmpt ttio canos semas in pecîore gtstas. Et manibus Uhros; et cultos
stnnnt campoi On gcris (ms. Uris) nd mente refers, u(, pUnus adoris (ms. odo-
ris} Fragtferi^ spinisquc canns, sis cuimus optmus, Quo (c.-à-d. teteo) granum
supm condaris in horrea câtli f l\ stmh\t qu'il faille intervertir 15-17 et 18-21
(dans r9 lire spermate au lieu de spcrmalû). 26 ss. : ponctuer Omnthus es facttu^
iubet ut plus omma Chrisîas Esse, manet msUtim sut quo constanUr in acimm
Omne quod es!; licet etc. La rime indiquerait de garder au v. 37 magmficum^ de
changer au v. jj pio en piiy de lire au v. 6G m y stenarchisi^ mysteriankes ;\û ms.
a misltri anhesi, leçon dont l'î final devait à Torigine être superposé â Ve), Au
v. 45, au lieu de quantum décor assc^ ïire tanium décorasse. Mettre un point après
sagaci(^j)^ deux points après corporis (jo); menus sanimus (49} doit être lu non
pas mentis si animus^ mais mentis^ animas^ avec allongement par la césure. Au
v« 66 corriger si en sit. Aux v. 80 s, ponctuer iapiUo Cingi qm petimus, » F\at
hoc » simui ijfjàgiiamus , Aux v. 83 s. mtllTt post... tuum entre deux virgules^
au v< 91 mettre une virgule avant decus, aux v. 99 s. ponctuer quia, noHscam ^
prûestns... frauéem, utrbis, aux v, 112 ss. lire Et pauptrîmis ponens complasculê^Ê
uerbis, împenâi,., frustror uthimenti^ Actermm cupio îaetus,..
La pièce Ixxvij a été publiée d'après un ms. de Parts dans un ouvrage que
M. H. n'a pu voir avant de donner son édition, De rimt des sciences dans
1. Le vers 2 de la pièce lxkviu est presque identique â un vers d'une autre
pièce d'Alcuin (Migne, t. H, p. 74^, lxvi 10 J — Post-scriptum. M. DïimmJer
dit {Histôr. ztschr.) avoir montré dans le Neucs arckivf. altère diutsche geschichts-
kunde^ II, p, 222, que les pièces Ixxix et Ixxx datent i peu près de Tan 987,
Le destinataire de Ixxix serait Constantin de Fïeury,
€armina mtdd aeuiy p« p. hagen 287
Fàtnàae dt ta monarehu françoisi sous Chartemagne ; dissertation.,* pat M, l^Akbt
Bauf.,.y Paris^ '734) in- 16, 98 p, suivies d'un feuillet non paginé qui con-
nt la pièce d'Alcuin (la dissertation en question a été reproduite dans la col-
élection Leber des dissertations relatives à l'histoire de France, t. 14, mais sans
t pièce d'Alcuin), Le Beuf note sur le premier vers : « Dans un Manuscrit de
iint Germain des Prez, Num, $24. les dix premiers vers se trouvent dans ta
pmaire de Ssjaragde, intitulés : Versus cajasdam. Le premier est ainsi : Est
nûu sayiit scnpuîus.., Scriputus vaut mieux que Scrupulus du Ms. de la Biblio-
ItHéqoe Royale [U Beuf désigne lui-même te Regias 5^04, (fui en riahté porte aussi
scripulus]. Il semble que ce soit un nom propre, et peut-être celui dcCrispulus
renversé pour faire le vers. » C'est dans le ms, de Saint-Germain que Le Beuf
a puisé ses suppléments aux lacunes du Regius, y, 6 sxvi, v. 8 nigro. Voici la
IcûlUtion des deux mss. de Le Beuf (je mets en italiques les abréviations résolues^:
B. jY. ms, tat. 8674 (ancienne cote ^04) /" no)^ : versus alcuini ad siamit-
tiKLtin 9EifNEN$^[â C1U1TATIS EpisiopUM, I scfipulus {stc, et non scrupulus) —
î ks om, — i ter comme Lugd, — 4 competa^6 saeui om, — 8 nigro om, —
çéiiSic mtAiacra - 14 nette — 16 s^ieua — 18 satient — bachis — at mulloni
— 22 laudîs — 14 samuhel — secla^ — Sait sans (itre^ et séparée seulement par un r
la pâce Uxviij* : 2 aquae om. — 7 librum felicibus — 1 1 tuusou tuas? — Suii :
Monocolos dtcilUT cantus unlmen/bris (sur divers termes de musique)^.
B, N. ms. laL 13029 (S. G 635, oiim 524), /" 12 r", addition en marge :
VERS* cvi*iJAm i ditione — j bis om, — j ter etiam (que om), — 4 cadit
— coropeta — 5 n, q. certc est — 6 sdeui — 9 bis à 24 om, — Au vers 9
bis la leçon mihi doit être substituée au mata du ms, de Leyde.
Les exécrables acrostiches txx-lxxiv sont attribués par le ms. à iobbph adbas
9carrv5 et la pièce Ixxij est suivie d'une tirade dont voici le dernier vers :
Tuque mémento mei^ dicor qui nomme hseph. Or la pièce Ixxiv (dans le dessin
acrostiche, de sorte que la iecture et l'orthographe même sont certaines) atteste
que l'auteur se nomme Puplius Albinus, Très- probablement les deux dénomina-
K Comparer à cette pièce le n* X des supposuim dans le Martial de Schnei-
dewin.
2. Lt ms, contient j comme t'mdiijue te catalogue^ un commentaire sur Martianus
Capttia, puis te livre de Fnscien ù Symmaqut sur les nombres : ce dernier s'arrête
à as ma/j, Vnde tncipil nomc^ exutraq. parte circQscriplO IMI ud etil sic CM*
(Hertz y t. Il, p. 407, 26), Smt^ sans séparaiion^ une série de gloses sur des noms
grus, depuis le f'* 109 V*, Nicticora ooctis pupilla» Anastron, side sidere.....
jusqu'au f'* 110 v*>j Balneû dictû apotubalineon .La côsolatione u^l recreatione
Mimi, So\ei enl mestîs et infirmis mederi, Orestes filius îuit agamenonis régis.
Qui postquâ reuersus est. cQ pâtre suo a bello troiano. euenit ut matrem suâ
occiJerd. Post cuius necê statî furuil. Tandêq. insereurrsus. scripsittragoediam
de suis erroribus. et bello maxime troiano. dicta auttm tragoedia. uti ab hirco.
qui gr<iralragos àiàtur £(dabatur bellorû scrijjtonbus m praemm. wd a uilibus
munuscults. quae graece tragemata uocantur. buivent^ toujours sans séparation^
des vers détachés de i'Apotheosts de Prudence, dont void les numéros d*aprè5 l'édi-
tion de Parme de 1788 : 194, 19^, 196, 197 (cîoacînae auttiphone), jo8 (cQ),
ji$ (géalôgus avec une sorte a accent et un trait courbe que }e suppose Itre des signes
il qaantiU), 479 ifusqaâ frigentibus inclusivement^ avec un blanc d*une dizaine de
ieitres à la fin de la //g/jf), A la li^nc^ vei\slt8 ai.cl'iwi. etc> — On notera la
plmsante doctrine qui fait d* Or este ïui-mime l* auteur de TOrestis tragoedia.
288 COMPTES-RENDUS
tions sont exactes : loscph est le nom réel et Puplm Âlbinus le nom littéraire
d'un même personnage. Comme Alcuin aussi avait pour nom littéraire Alhtnut *
(cf. Ixxvîj 2;)^ je SUIS bien tenté de croire que la mention alcvinvs Ann^s en
tête de la pièce Ixix vient d'une confusion, et que cette pièce comme les sui-
vantes est de Joseph. Elle n'est pas moins exécrable h tous les points de vue,
elle présente le même système de dessins acrostiches, elle a en commun avec
elles la quantité barbare dem et les formes barbares lasus pour hsas et ylidrus
pour chtiidrus.
L'orthographe de ces acrostiches est à noter. Us offrent de nombreux
exemples de s pour si ou ss pour s :
Ussus Ixix I, Ixx acrost.f Ixxj 26, Ixxij 5 {Usus txxiij 7), — iush \xt 6 (iussa
Ixxv nok} — profusso Ixxij 22 — missit Ixxij 27 — impraesa (=: imprasa) Ixxitj
1} (cf. conpossuit dans les titres de Ixix et txx, à côté de conposuit dans le titre
de Ixxvl Ces exemples ont ceci d'intéressant, quMs viennent de l'auteur lui.
même et non d'un scribe; en effet, dans toutes les pièces en question, le nombre
des lettres est rigoureusement réglé par l'acrostiche. L'auteur écrivait thnumphat
Ixix 9, ydrum Ixx 2^ ammoia (p, amotâ) Ixx 8, ascuitet Ixx 14, pâlata Ixxj îo,
aititroms Ixxij \ {sktlkrono Ixxiij 7), prumia Ixxiij 26, aspa Ixxiij ;6, PupHtu
Ixxiv acrost,^ Carias (mais Càrolus dans la pièce Ixxv^ signée de Teudulfe).
Les vers 34*^7 de la pièce viic, qui a pour sujet la légende de la légion thé-
baine, ont été mutilés par le relieur du ms., dont le couteau en a fait dispa-
raître les premières syllabes. On peut, pour faire comprendre la suite des idées,
restituer le passage à peu près de la façon suivante. J'emprunte quelques sup-
pléments à M. Hagen.
Huntius haec récitât, sed grex plus Impb uicat,
Quod rex hortatur contemnens quodque mînatur,
[!mpaui\Û€ fortb, uacuus formîdine mortis,
Ij [Cattlca (cf. 169)1 terrenli praeponens gaudîa pents.
[F««j^] ut a^ictus déclinât uiuere uictus {uirtus ms.),
\praemia] morte brcui meriiurus perpetis cui :
f«i Nunc, ûît, I iîle status '^ mat, efficiat cmcùtus :
\hlox paît \fit^ talis quid agat furôr imperialis;
40 [Vi Xp]%^ murus non est aliqua ruiturus;
\Caelum] dent igitur, Uquldo nobts aperiiur,
[Omn//| daemonicuSf quod Christo non sit amicus;
IChriitum] diligimus: quod spernlt, a mare nequimus^
[Àtque /ie/]as remur, si templ.i deum ueneremur
4$ [Ausimusu't sacrum fidei uîoLare lauacnmi.
l&acra quijàtm fugîmus^ tamen ad tua lusia uenimus,
[tasta D\ù ^ dantes^ nec^ rez^ tibi danda negantes^
1, Post'fcriptaw , Alcuin a même porté le double nom Publius Albinus^ Jaffé,
Monummîa alcuiniana p 902. Cette remarque est de M. Dû m m 1er. D'après le
même savant, Joseph est un élève d'Alcuin,
2. Cet édit, cette proscription?? Cf, Terlullien, De spectacuHs init, : quis
status fidei, quae ratio ueritatis, quod pracccptum disciplinae*
j . C*est-à'dife Chinti.
4. C'est-à-dire Dw, Le ms. a tc, dont le jambage înilial doit être un reste
du d.
^
Carmina medii aeuiy p. p. hacen 289
[Hcn uolumus\ Recti (scclus est), sed corporc plecû :
[¥tiio îûm] tiobîs opus est, quam passio no bis. i>
jo \Miiis u\t iîU rcfen, rcx ïnm talîbus efferl :
|f tion tgo /n^lndatum légale sinain uiobtum^
\Nic sine uijndicta tramirc meos mea dicta :
[Praemia digna] ferent, ausls quod ta)ibus hercnt;
[Nosani] iussa dari, sacra non debere negari;
1 1 \$i ne]q\nt hortaïus, compesca! eos crudatus.
[Ntc fdjmcn est totuni punire gregem mihi uotum :
{qu/j| ucIU hos temere pariterque uiros abolere ? *
Sorte placet numeri uel perdere uci xniscreri :
Itt, rcsematû aUîs decimos péri ma ris,
60 Vt nece paucorum labet improbltas altonim, 1»
Chacune des trois pièces vc, ivc, cv est donnée par les trois mss, de Berne
702, 710 el 434, que M. H. désigne par les lettres ABC (A et B sont des xi"
el xiï* siècles, C du xV) : il est regrettable que M, H., qui dans sa préface
prsh attacher une juste importance â Thistoire des mss., n'ait pas saisi cette
occasion de tenter un classement généalogique. Bien que les trois pièces réunies
ne fassent guère plus de cent vers^ les variantes fournissent les éléments d'un
classement très-vraisemblable. C n*a en commun avec A ou avec B aucune faute
manifeste; au contraire A et B ont en commun, à l'exclusion de C, la faute
fJM ou pera pour pde (vc 17), la faute quod pour qucm (vc 1 1), la faute rapiat
pour rapUt (ivc 16I, la faute scd pour ud {ivc 7), ïa faute impune pour sine fine
(cv 17 et 18), l'omission du vers Dmicùs cedts animumque tuam maie ledts^.
M. Hagen, induit en erreur sans doute par l'ancienneté plus grande de A et de
B, et par l'incorrection extrême de C, a admis dans son texte toutes ces fautes
de AB sans en excepter une. Ce n'en sont pas moins des fautes, et, jusqu'à
démonstration contraire, elles établissent que AB, par opposition à C, constitue
une famille; que par conséquent AC prime B et BC prime A. De là cette con-
séquence, que dans vc 12 il faut lire, èwgc BC^ îoîtit et non tolUns, danscv 26,
avec BC encore, ChrisU Dei uerhum, qui despicis omnc supcrbam (et non avec A,
isu iupirbum, c'est*à*direT6 tiva elvai {^TtEpiqçawsv, locution barbare que M, H. a
adoptée); que dans cv 24, il faut /àf hacnat ista cicatnx {htrMt B, hai^M C;
cf,/ac d</ au V. 40) et non fac fiât piaga cicatnx qui est une correction du
copiste de A. Le classement montre encore que dans les vers cv r7-aj, qu'A
sail donne correctement, tes perturbations de B et celles de C sont indépen-
dantes les unes des autres; cela n*est d'ailleurs nullement invraisemblable, ces
perturbations étant amenées de part et d'autre par b quasi-identité des vers
16 cl iH. — Au V. 18 il faut At {at B, d C>; le ast de A a été inventé pour
^ire une longue devant la leçon fautive \mpunt.
La fin de la pièce civ est corrompue. Les vers mal bâtis 21-23, qui font
double emploi avec 17-18, ont sans doute été remplacés par ceux-ci, puis, par
areur, reproduits tout en queue. Le réviseur qui a fait 17* 18 ne tenait pas â
K Je ne sais si le point dlnterrogation est dans le ms. : cela est de (quelque
Importance pour la restitution.
2. ïvc 12 bis\ ce vers, qui s'enchâsse très-bien dans le contexte, ne ressemble
nullement aux interpolations de C^ telles que ivc 1 1 ka ou cv 4 bis.
Stomania^ VI 1$
290 COMPTES-RENDUS
rimer aussi richement que le premier auteur, et il a fait rimer concubitus avec
uniu*. Je lirais, en effectuant diverses corrections :
14 Est tamen ipsorum distantia supplidonun,
1 5 Quae sic pensantur, ut crimina perpetiantur
16 Poenas maiores maiora, minora minores :
(21) (Ergo [ms. 0] scdus foedum, quasi si caper appetat hotdum
(22) Cum capra non duit, [tantus] dolororbis ûâhacsity
(2)) Vt minor est nuUo, punitur non minus uUo).
17 Ergo concubitus quem sexus perficit unus,
18 Cttlpa minor nulla, punitur non minus ulla;
19 Vnde timens ^ penas, sceleri non laxet habenas
20 Qui non lazauit, retrahat qui foeda patrauit.
L*abseQce de tout titre et de toute explication fait de la pièce viiic une
énigme bien propre à exercer la patience du lecteur. J'avais renoncé à y rien
comprendre, quand la solution m'a été fournie par mon frère Julien. Les dix-
neuf lignes qu'offre le ms. donnent, pour chaque année du cycle de dix-neuf ans^
la correspondance entre le terme paschal et le régulier de cette année. L'ordre
est celui des années du cycle; le terme paschal est désigné par les locutions
mmac aprilU^ octonae kalendae, etc. ; le régulier est ensuite exprimé dans le texte
en toutes lettres, et à côté en chiffres ; dans le détail tout concorde parfaitement
avec la grande Table chronologique contenue au i " volume de VArt de vérifier les
dates* — Chaque vers se compose de deux adoniques rhythmiques très-barbares
entre les initiales desquels il y a allittération ; voici un essai de restitution (très-
approximative) :
None aprilis No[u£]runt quinos, V
Octo(/ie) kalende Assim depromunt, I
Idus aprilis Etiam sexis, VI
None quaterne Na[mlque dipondjo, IIII
$ Item undene Ambiunt quinos, V
Qdatuor idus Capiunt ternos. III
Terne kalende Titulant senos, VI
Quatuor déni Cubant in quadris, IIII
Scpten^ idus Scptenoj l^gunt ', VII
10 Sene kalende Sorciunt ternos, III
Déni septeni Donant [et] assim, I
Pridie nonaj * Porro quaternoj 5, IIII
Nouene notant(ur) Namque septenos, VII
Pridie idus Panditur quinis, V
IS [Ipse] kâltnde {aprilis) Exprimunt unum»^, I
Dvodene namque Docte quaternoj ^, IIII
1. NiHi^ avons un autre vestige de ses remaniements au v. 10, où le premie
MtiitvtK'hr, Qui rime avec coluhrisy devait dans la composition originale êtr
UH«HH^ |VAT l^nfrà ; le réviseur, ne trouvant pas au mot assez de propriété, ;
»W>^»^ w« K^^wisliche avec tristis.
10, où le premier
'^- originale être
«^^ii^.ux |^« ^«.^««•i* . .- • , — -w r — — ~~ "^ propriété, a
»W>^»^ w« hi^wisliche avec tristis.
*. vS» f»v^t<c ms, tamen spcnas.
K H\ !tf|^tiw» idus septem aeligunt.
4 Vv n\yMrums
hv Vv m«^um fV|M^imunt. — 7. Ms. quaternis.
Carmina medii aeui^ p. p. hagen 291
SPerîem qatntam SPeramns dTObas, Il
QVarfe ^ kalende Qyinque comcjnnt, V
Quindene tribus Constant > adq>tis. III
Voici encore quelques corrections de détail :
T 1 3 : Taetrû ceu nabes radios corasci Solis inuadit^ Boreasqnt spirans Verberat
nobis tenebrosam amictum, Emicat et sol: Haud secas... (ms. cum, nabes). — xiij
10, at ànfft.,., lit instaurant.,., ut texatur..., ut mordet...^ uernant..,, ornât..,:
la grammaire veut un indicatif. Le vers n'admettant pas texitur^ il faut lire
nexâtar; d'ailleurs, pour le sens, nexare est ici préférable à texere. — xvj 69 :
lMand]o attribattts iungitar quinarius^ [El\ementa rnnndus quod subit post quattuor.
[Hic (ou h) co\agulatus etc. — xvj 90 : Quis esse per/ectam [nega senarium], La
perfection du nombre 6 est exprimée au vers 16 j. — xvj 143 s. : Sic paruulis
im nim[u din]te[s septimo] Surgunt, et hi mutantur orbe septimo. -* viic 1 26 s. :
Aspera nonne pad dabia sub sorte parati Régi paremus plagasqae nuemque time-
mas ? Il iiut paremus f plagasnc. — ciij 7 : Vngens et pungens et màibus aspera
ÎMHgens : M. H. a cru devoir changer ungens en urgens. Mais le versificateur
jone id snr angere et pungere comme dans le proverbe oignez vilain il vous
poindra; il ne faut donc pas hésiter à garder la lecture du ms.'. Au v. 14 ensis
indique qu'il s'agit d'une date de mort, et non, comme le dit la note, d'une
date de naissance; je compléterais donc la lacune en lisant Quod febrius mensis
fwk hmc f[uasi mortij/cr 01515 (ou \eiï]fer). — viic 102 s., il faut ponctuer :
Cam sex cenums {600), geminisque nouem (18), duodenis Quattuor (jfi) occisis;
total, 666 soldats massacrés lorsqu'on décime pour la première fois la légion
thébaine. En effet la légion en comprenait 100.3.2+ 2000.3 + 10.3 +9.4 =
6666 (vers 7 s.). Il en reste donc 6000 : la seconde fois on en tue 600 (vers
136 : dtto sustinuae trcccnti). Il résulte de là que Sorte in sex acta au v. 137
n'a pas de sens : peut-être &ut-il lire Sorte in se exacta; reliqua nu parte subacta,
CmuSy etc. — cxxxiij 2, actoris et ciitiu, auctor iste Riese : plutôt auctor is et cuias.
— Il suffira d'indiquer très-brièvement les corrections suivantes, parmi
lesquelles plusieurs portent sur de simples faïutes d'impression, ij 7, O filio,
I. Ofpào. — vij 10, populi, I. populis. — xiiJ39,fn>/i5^ I. mtens. — xiv 4 3,0111/(715, 1.
wmferis {cf. xv 72 snperat^ ivc 26 inuatur). — xvj 1 2 1 , quaterno. — xix 29,
1\mn temœ] inhabitabiles. — xxj 9, tumescit. — xxiv 20, trinus et tmiu, I. unas.
— XXX Si ^^ ^^ ^"^'t ^^ ^^ Hagen, 1. hac die. — xxxvj 10, prostas, I.
ffêesua. — xxxviij 8, ignosce. — xlij 13, cunctis, 1. cancù; 16, crimine, 1. cri-
wÔMâ; 17, kora, 1. ora. — xliij 23, quoque. — I 1 3, contectis plumis, 1. contectas;
26, exstinctus sole, I. exstincto; subens, 1. rubens; 29, plumis , I. plumas 0)\ 37,
iffi. I. i/rse; 43, /fîc [in]uolata{})\ 55, [per]plaudunt Q) \ 64, garder liqacns;
1 10, triumphis^ 1. triomphes et non triumphus; 119 s., Xpus sepulckro, Xpus
resurgit. — liv 2, redundantiû. — Iv 27, Vertis, I. Virtns (?>; 41, Nos, I. Hos;
(0, Tollat, 1. TolUt; 59, beatorum, I. beatarum. — Ivj 2, atquc\ 5, garder beads\
9, detraxà; 20, sordidulam, \. sordidulum. — Ivij 5, praecauc, nunc (ms. itnii,
1 . Ms. quateme.
2. Ms. constant tribus.
}. Cf. Baldo dans Du Méril, Poésies inédites du m. a. p. 2^0 I. i ( : /ji£b5
MUR punguat sua uerba, for'msecus ungunt.
292 COMPTES-RENDUS
non) ftliXi nt u^ àtim ncscis (var. mms) li audcs (var» audis) etc.; au v. 8 lire
avec le manuscrit de Daniel mortaîa, — Iîc 9, mûn\s] — h\\ 1 2 , atquus ; 24, eius, —
Ixiij j, quic^uid, — hix 6, ouc, I» on; îi6, fm de la première noie, or^i, L
orbis. — Ixx 9, «w, I. sid; a6, u/fprw^ «dïw iîforum, I. u/lor tt^/wfuj ilidrum (cf.
y/iWrwIxix, 32)-— Ixxij jî, muriin es inferm^ U maras es infanis; P. m,»,, /♦ j,
/Joj f*ïm/ïr — Ixxv 2 1 , orc/f/ifj âique, — Ixxviij 7, wlfff, qmque {Ugis\ librum
(on pourrait aussi lire kgcs; ici ^mj^u^ vaut qmsqmsiPA)G, n., L 2, proluL-^
Ixxij 2î, mimcroSj l, numcras; au v, 4j garder ^m {=: ^aièui); 7^, /um/, 1,
pr obahkmtni fturis; 86, %««, 1. Alque; 86, M.,. A^^«/if, L Hic... kabd; 9^,1
Hqc facto mss.i Hoc fato Hagen, I* Hoc f^f/a. — Ixxxiv 44, comocai ms., ran-
probal? Hagcn^ U conlocaL — Ixxxviij 4, ajcufium et non excUium; 1 1, ffm-
pofa et îîon umpon; la rime indique de lire aduenîu (11), assoàatus (20), excclsls
(2î), — viic 7» uidbiis; ji^ hinc : Mr. — viic 11 9, je ne puis comprendre
pourquoi M, H. change sokcia (que le ms. d'ailleurs écrit correctement par un
c)cnsolûlio; 180 s., L Hanc gladtus (ms. gladiis) stramij cibus htinc opulens
satiamt, Vitigenam (Hagen Niîtg,) rorem bibk hatCj uomit Ula cruorm; 197 s.,
Quôd (el fton Quid^ scil. corpus efctum) me tantomm comkem probat esse mro.um^
Vci (et non Vt) fuga^ etc» — vie 2^, Inde et non Vnde; un point après manen\
5 5, pcrdiffiàkm en un seul mot, 40, inathit (préférable pour le sens â inninït^ cl
dont muai n'est qu'une orthographe incorrecte). — vie 48 ss- Je proposerais,
quoique avec doute^ la lecture suivante : reram, Hcc fieri qutmqaam fagitiuus
passe bcatum hJtcat ipse dohr(fugkîmSj c.-â-d. qui se transporte avec l'homme),
qm dtjugkntibus extaL Nunc etc. (ms> quîd de jugknilbas cxiaî\t\ ^5 s., Sed non
ut uaUant lûnguorts pcrdtre causas : Qui doht aut metakj paUt kunc non esse
bcâtam (ms. ne nakant^ qui metuit ; cf. 58 His dokî aut mctuUj. — iic 24^ ut pou
grandtm^ et non ut puto. Ces mots se rapportent à cdpam, — ciij, changer sk
en si au v. 21 et écrire au v. aj si pro membrana. — cvij 68, ptr iniqua en
deujt mots; 99, graais. — cviij 52, jîj, Un fit. — cxij 12, fenas, lire fums.
Aux V, 28 et ?6 corriger nota y noîum en tiolaj uoîum (et non mtum), et dans
cxvij 18 Urtindicai (non iadicat qui n'est nullement « scnsoi aptîus)» ; cxvlj 14,
bono. — cxviij 9, partes j I. artes^ Ce serait à vérifier sur l'inscription originale,
qui sans doute existe encore. — cxxiij j, £f, lire/lL — cxxxii) 5, ms. qmdem,
H, quidam^ plutôt pridcm. — cxxxiv j6, conïscue, — Corrections de ponctua-
lion : iv, un point après 10 et non après la; 2j, la virgule après supcrhi. —
vij ji, la virgule avant uobis; 4J, ôter les deux points après aue^ mettre un
point^virgule après leiius. De même viij 21. — xvj 0, un point-virgule après
danl miik. — xxxij lo, ôter la virgule après dïadema. — ^1 2 ss., Ad astra tendit
Âita subHmis; Aspergtns etc. — lij ^9, ponctuer plus fortement après uterqtu,
— Ixij I, ôter la virgule après Rex, — Ixiv j, la virgule avant nistbus. —
liviij 2, praeciara entre virgules. — Ixxiv i s, ponctuer tu pater, 0 palme decus^
et etc. — Ixxvij, un point après le v, m, deux points après le v. 14, une vîrg,
après le v, 20; au v. 24 un point et virgule après sedtas. — Ixxvlij, au v. 1 1
deux points après dtsce ; au v. 1 j une virgule après iuuems. — Ixxx 9, la virg.
avant d\ 1 j, boutim uma,,. Ulud : Cens; un point après 22 el une virg. après
2); un point après 3 1^ une virgule après J4 ; et un point d'interrogation après
40. — Ixxxi) 48, Ôter la virgule avant quac. — Ixxïiij» des virgules avant
I
Carmina medii aeui, p. p. hagen 293
jNMCfo et après re/ûto. — Ixxxix 6, deux points après des. — viic 152, une
nrgule après W ; 201, ôter la virgule qui suit amocnam et la mettre avant
nçàcm, — vie 11 ss., odium^ timor — mentes; Quattuor — omnis, Vix, — iic
22 s., une virgule après aimis^ une autre après aqua. — cj 12, une virg. après
assimiles, — cv, une virgule après 45, deux points après 47. — cvij 7-8, un
point d'exclamation après i/iânia^ un point après tenuisset] 32, la virgule après
peias et non avant; un point-virgule après 55 ; une virgule après 95 ; ôter la
virgule après 102. — cviij, ôter les virgules après 16, 20, 38, et dans 18; en
mettre après 19, 55 ; un point-virgule après 17. — cxj 19, pas de virg. après
res, — cxij 23, virgule après /ro/u/ikj. — cxiv 6, une simple virgule après arte.
avij 5, la virg. après similis. — cix 9-10, ôter toute ponctuation après mumis^
et mettre un point après /ocu5. — cxx, un point après 4. — cxxvj 15, ôter la
virgule avant ut (qui n'est pas corrélatif à ita). — cxxvij 14, un point après 14.
— cxxviij, ôter la virgule après 6. — cxxix, ponctuer fortement après 9. —
czxxvj iv-2, une virgule après forîis.
Au point de vue de la lexicographie j'ai noté au courant de la lecture les
formes suivantes, remarquables tantôt pour le sens et tantôt pour la forme (je
laisse de côté la plupart des noms propres, dont M. Hagen a donné un index) :
senior (seigneur) vij 2,
? mwe X 4,
? taltan x 5 (1. talentum?)^
rulks Ixvj 8, Philôgëus Ixvj 8, ?tëripes Ixvj 9,
Sirenae (confusion produite par l'ace. Sirenas) xiij $ 3 ,
faa (fécondée par) xiij 62,
arastes féroin. xiij 74^
moriae ss perkre lij ^2,
harcd xiv 11,
gauisus ob quod xxiv 1 1 ,
triamphare actif xxxvij 24,
cothurnus Ixix 23, Ixxviij 14, 64,
uûssàia Ixxj 9,
ntncolus Ixxiv 29,
rutilis Ixxv note
scfipûlus Ixxvij I ,
sinscalcus Ixxvij 2, Ifuttclarius Ixxvij 2,
lûuander Ixxvij 3 ter^
focarius Ixxvij 3 ter,
caminaior Ixxvij 23,
progenics (ancêtres) Ixxix 4,
phillàra Ixxix 30,
sintagma Ixxix 41 (la pièce Ixxix fourmille de mots grecs : Sûvrayijwt serait-il
le titre d'un ouvrage du destinataire Constantin?),
cosmi triquadri Ixxix 74,
desma Ixxix 77,
psaimûtio Ixxix 90,
ciphal = xeçaXiTv Ixxx 48,
294 COMPTES-RENDUS
taphus = Tà^ Ixxx) 8,
puUlis Ixxxj 9,
miles ^ chevalier (romain) cxxxiij lo,
trianglus Ixxxvj 7, liuellus Ixxxvi 14,
^uadratorium Ixxxvj titre,
^fltof (âme) viic 74, 92, 93, ivc 18, lux (œil) viic 76,
nulli (génitiO viic 167,
de ficubus (=» ficus) iiic 7, de fratre (== a fr.) cxxx 1 1 ,
homo (= mûritus) iiic 16. /î/w (= puella) ciij 20,
^uo</ (s3 car) iiic 21.
Deip'utas (pitié) iic 7,
/e^rûu m^^û ciij 14,
quœ ruscio viic 186,
quo pro ciij 9,
qualiter (= quomodo) cvij 12,
remaruri cvij 14,
ûlba, frocum, capellus (vêtements) cvij 13, 16, 17,
amodo (et non a/ mo^o ; c'est un adv. fréquent au moyen âge) cvij 41,
merci (c'est le mot français) cvij 76,
ddio (je hais) cvij 8$,
consepelisse cxvij 16,
uelle suo cxxiv 2, /7055e tuum cxxvj 6,
Dan$ la pièce Ixxxij et la suivante il y a lieu de relever les noms donnés aux
pièces du jeu d'échecs. Dans Ixxxij on a, outre le roi et la reine, toute une
hiérarchie féodale, des comités (les fous), des équités (les cavaliers) et aux fron-
tières de l'échiquier des marchiones (les tours) : voir les v. 37, 39, 42 (v. 41 s.
Extremos retinet fines ^ inuectus uterque Bigis^ s eu rochus, marchio siue magis : le
rochus, ou plutôt le marquis). — xiij 75, dans un vers qui au dire de l'éditeur
esifere totus putredine deletus^ il est hardi de lire colubres. Mysteriarchus\xxix66
est un autre barbarisme. — Ixxvij 21, Multo^ qui est imprimé par une grande
M et qui figure dans l'index des noms propres, n'est ni un homme ni un être
mythologique, et n'a aucun droit à la majuscule. Ce mot désigne le ueruex du
V. 18 : c'est tout bonnement le mot français mouton. Voir Diez, Warterbuch^ au
mot montone. M. H. a fait aussi un nom propre de hcrcmita iic 21. — cv 15,
M. H., trompé par tôt du v. 14, change quod en quot. Mais il faut garder quod
(= ut) qui est un romanisme : in tôt, quod despero, en tant de choses, que je
désespère ^ .
Au point de vue de l'orthographe, en outre des formes qui ont déjà été
relevées, les mss. dépouillés par M. Hagen présentent quelques formes â noter :
salpUmustt salplamus (pour psalL) xxvj 28 et 33, ignos (pour hymnos; cf. 1 ^0?)
xlviij 4, grax et gragem {a pour e) vii 32, 0, filex =^ filix xiv ly, dans I 44
l'auteur avait dû écrire hangeli pour angeli. L'emploi de l'y est très-rare, et je
crois qu'au moins dans les cas où 1'/ que les mss. lui substituent forme une rime
I. Sur l'emploi de quod voir Osann, Vitaiis Blesensis Amphitr. 196; cf. dans
le même poème 341 sic quod dicor =.sic ut dicar^ et ajouter I exemple i4ii/u/. 195.
Le Martyre de sainte Agnh, p, p, sardou 29c
fwe Tm\s M, H. aurait dû le conserver : ainsi chdh Ixxix 62. La même obser*
fition s'applique aux rimes entre c = ae (ou c =oOct e ordinaire '. Dans viic
114 la nmc suppose Torthographe magestri. — Frax cvij 81 est ponrfraus et doit
« prononcer comme frauî; c'est ainsi que dans les textes français tkeuax vaut
diaaus. M. H. avertit (cxxxiij 2) que actor qu'il laisse dans le texte vaut aurfor :
la même remarque n*eût pas été superflue cxxvj 5. — Au point de vue de la
prODOnciatton, il y a lieu de relever les rimes ficum^ ùtiquum iiic 4; precor^
m^r lie 26 ; ae^uurn, muum ic 1 \\ mm ^ua^ saliunca ic 19; ainsi que la rime
/sof, projedty tecit, m stî cxxxiij 28.
Au point de vue de l'histoire, on pourrait faire sur le livre de M. Hagen
beaucoup de notes intéressantes. Je souhaite qu*une personne corn pétenie entre-
prenne cette tâche.
Il est temps de conclure par une appréciation d^ensemble. L'édition des Car-
mka e3t utile et soulève mille problèmes curieux; M. Hagen a rendu service à
b science en opérant le dépouillement des mss, de Berne^ et ci et (â il s'est
acquitté du devoir d'éclaircir son texte. Mais on ne peut méconnaître que le
travail a été fait trop vite, que les éditions antérieures n'ont pas été collationnées,
que le sens n'a pas été étudié d'assez près et que la ponctuation a été mise
souvent au hasard, que le choix entre les variantes a été fah sans méthode^ que
plusieurs des corrections qui ont été proposées violent des règles élémentaires;
qa*enfin, chose presque incroyable^ ('éditeur semble n'avoir pas eu conscience
des différences qui distinguent un texte en vers d'un texte en prose. De telles
néjçligences feraient sans doute grand tort, dans Testime de M, Hagen, â un
phHologue non allemand : c'est du moins ce que peut faire présumer l'aigreur
d'une certaine antithèse établie par lui, assez hors de propos, entre une qyalilé
germanique et un défaut danois^. Mats mêler tes questions de falouste nationale
aux questions de science est un travers où ne tomberont pas les lecteurs fran*
çais : à coup sûr ils reconnaîtront avec une cordialité complète le soin que
M. Hagen apportera à ses éditions futures. Il leur suffira que sa prochaine pu-
blication de poésies du moyen- âge atteste une connaissance sérieuse de la versi-
fication, acquise soit â Técole de la science allemande, soit à l'école de
M. Thurot et de M. Quichcrat.
L. HiLVBT.
Le Martyre de sainte Agnès, mystère en vieille langue provençale. Texte
revu sur l'unique manuscrit original, accompagné d'une traduction littérale
en regard et de nombreuses notes, par M. A.-L. Sardou. Paris^ Champion,
[1877]. In-S^, xvi-i 12 p. (Publication de la Société des lettres, sciences et
arts des Alpes-MarîtimesK
Le mystère de sainte Agnès a été découvert à Rome et publié en 1 869 par
4. Sroaragdus scande trùchei Iv 2, tout comme Virgile avait scandé chorëûs ;
it le ms. porte trocka. Ici encore il est pour le moins superflu de rétablir un a
devant It.
i. La qualité germanique est la force, le défaut danois est l'insolence fje ne
puis dire pourquoi Damtût tmoknlm a une majuscule et m gymana une mr-
ntscule). Je ne sats au juste à qui s'adresse la phrase en question (p. vj) : si
c'est de M. Madvig qu il s'agit, il mérilail Thonncur d'être nommé.
296 COMPTES-RENDUS
M, Bartsch» Celle édition, malgré quelques imperfections, est sans contredit
Tune des meilleures qu'ait publiées ce savant. Le travail de M, Sardou ne
diffère pas assez de celui de son devancier pour qu'il y ait lieu d'en rendre
un compte détaillé. Le motif qui a poussé l'éditeur de la Vie de saint Honorât à
donner une fois de plus la mesure de ses connaissances en provençal, c'est que
K rédition donnée par M. Bartsch, avec sa longue introduction et ses nom-
breuses notes en allemand, n'a pu profiter qu'aux personnes familiarisées avec la
langue de Gœthe ■ ; motif dont la portée nous échappe ; car la t longue intro-
duction et les nombreuses notes » du premier éditeur contiennent une foule de
notions utiles qu'on chercherait vainement dans l'introduction et dans les notes
du second, de sorte que les personnes qui ignorent « la langue de Gœthe • ne sont
guère plus que par le passé en état de profiter des recherches de M. Bartsch.
La nouvelle édition se recommande, en apparence du moins, par un mérite
plus sérieux: celui d*une nouvelle révision du ms. de Rome. Cette révision pou-
vait être fructueuse. L'un de mes anciens élèves, M. Clédat, qui en 187^ appar-
tenati â Técole de Rome, a collationné, et non sans utilité, le ms. de SainU
Agnh, Mais le même travail, fait par M, Sardou, ne me parait pas avoir
produit de résultats bien importants. Il y a par exemple, aux folios 70 et 71
do ms. plusieurs morceaux ajoutés après coup, soit par le copiste, soit, plus
probablement, par Tauteur lui-même. Ces fragments ont été intercalés par
M. Bartsch (p. 7 à 10) hors de leur place, et embarrassent visiblement le dia-
logue. M. S. les a rejetés en appendice, ne sachant qu'en faire, et a conservé
diverses fautes de lecture commises par M. Bartsch. Cependant l'examen du ms.
a révélé i M. Clédat l'endroit du texte où ces additions doivent prendre place*.
M. S. s'est mis au travail sans soupçonner que depuis I édition de M. Bartsch^
personne se fût occupé de Sainte Agnh. Il en résulte qu'il a manqué l'occasion
de vérifier sur le ms. des conjectures proposées par divers érudils, et parmi
lesquelles plusieurs sont certaines. Ainsi il y a (Bartsch, 1. 520, Sardou, p. ji)
un vers lu par le premier éditeur : El hosc dur dcua mi al pûîasih amfos, et par
lui corrigé d'une façon arbitraire autant qu'invraisemblable* M. Sardou a lu
comme M, Bartsch (sauf dena au lieu de dnia) et adopté sa correction. Mais,
dès (869^, j'avais proposé la bonne lecture : El bosc dardtna (d'Ardatâ) fustâl
palaiks Amfos, qui a été adoptée par M. Bartsch lui-même •''. Depuis, j'ai su par
M» Cfédal que ma conjecture était réellement la leçon du ms.
M. S, n'a, heureusement, pas trop touché au texte de M. Bartsch, qu'il eût
été assurément fort en peine d'améliorer. Toutefois il a proposé çà et ta quel-
ques modifications qui sont loin d'être toujours heureuses. Je citerai par ex.
celle du v. 82 : As en Sinprom^ e vos dlgas. M. S. pense que le vers a une
syllabe de trop, et propose la suppression de vos, M. S, ne se rend évidemment
pas compte de l'accentuation de StnpronL
Les onze pages de V « Introduction 1* sont consacrées à des matières fort
étrangères à Sainte Agnh. Ainsi M, S. s'y livre à des attaques aussi dénuées de
t. Le travail fort instructif de M. Clédat vient de paraître dans la Bibliothèque des
Écoles françaises d*Athéncs et de Rome.
2. Hevui critique, 1869, 11, 18$.
i, GrundrisSy p. 6. Au lieu de palaihs Am/os^ M, B. i proposé patais ausor, ce qui
rétablit la rime avec le second vers.
Die Siihen weisen Meister, hgg. von mussafia 297
bon sens qoe d*à propos contre ma traduction de Flamenca^ me reprochant
cbri table ment d'avoir omis dans cette traduction des pages entières parce que
je n'étais pas en état de les comprendre. Si donc M. Guessard a joint aux chan*
sons de geste qu'il a publiées, non une traduction, mais un sommaire» c*est
qu'il était incapable de traduire les textes qu'il éditait. Au lieu de me chercher
tinc querelle d'allemand ao sujet d'un ouvrage publié en 186^, M. S, eût mieux
fart de prendre â partie quelque travail plus récent, par exemple le rapport que
l'ai fait l'an dernier au Comité des travaux historiques sur son édilion de la
Vk de sâini Honorais — M. S.^ qui tient absolument à n'être d'accord avec
moi sur aucun point, me blâme encore d'imprimer : < Quel reis Esclaus nit reis
d'Ongna » ; il préfère écrire avec Raynouard : « Quel reis Esclaus ni'L,. » et
fuit de là pour dire que je suis « de l'école allemande ». Le plus aîkmmâ
des deux n'est pas celui qu'on pense. Le système de Raynouard n'avait plus
goèfe, à ma connaissance, qu'un adhérent, M. le D»- Mahn; maintenant tl en
aun deux. Quant au système que je suis, c'est celui que M, Guessard exposait
(en grand détail, et sans se faire faute de démontrer Terreur de Raynouardï à
l'École des chartes, devant des auditeurs au nombre desquels se trouvait, si j'ai
bonne mémoire, M, Sardou lui-même (18^7-8).
A la suite du texte est jointe la copie, avec transcription en notation mo*
deme par M. l'abbé Maillard^ de plusieurs morceaux de musique que contient le
nrystère. C'est peut*étre II tout ce qu'il y a de bon dans l'édition-
P. M.
Die catalanîsche metrischa Terslon der sieben 'Weisen MeSater,
Von Adolf Mi'ss^AFiA. Wten, Gerold, 1876, in-4«, 8j p. (Extrait des Ml-
mmci de P Académie de Vienne^ t. XXV).
On connaissait depuis longtemps, par divers renseignements qu a rappelés
M. Mussafia, Pexistence k Carpenlras d'une version catalane du Roman des
Sept Sages. M. Mussafia, auquel on doit déjà de si importants travaux sur
diverses versions de cet ouvrage célèbre, pria il y a quelques années M, Fccrster,
qui parcourait alors les bibliothèques de France en quéle de manuscrits inédits,
de lui copier ce texte. J'allai de mon côté à Carpentras, en décembre 187J,
pour prendre non une copie, mais une analyse du roman catalan en vue du
cours que je faisais alors au Collège de France, et ayant appris juste à temps
le pro)et qu'avait mon savant ami de publier le texte mème^ je pus collationner
pour lui quelques passages qu'il m'indiqua. Je retrouve en outre dans mes notes
un certain nombre de passages transcrits textuellement, et grâce auxquels je puis
apprécier ta copie de M. Fcerster. Cette copie est lort bonne, comme on devait
l'attendre d'un paléographe aussi exercé: mais il faut ajouter qu'il a eu à la faire
un mente particulier, car le manuscrit est extrêmement difficile ou du moins
offre sur certains points des difficultés partkulièreSi notamment en ce qui con-
cerne la distinction de ts et a, de c et r, et certaines abréviations. Je trouve
entre mes notes et les passages correspondants du texte imprimé un certain
nombre de différences, en général peu importantes, et où je suis d'autant moins
idr d'avoir raison que j'ai travaillé très-vite et que je n'ai pas copié les vers en
«îueslioii avec l'attention qu'on apporte à une copie qui doit être imprimée. Je
298
COMPTES^RENDUS
; de CCS divergences, qui peuvent avoir de Tintérétp V*
signale quelques-unes de ces aivergences, qui peuvent avoir de I intérêt, V* 17,
Btnciils^ el de môme v* 3 1 , Enalls (= EnciUs) ; iJ faut sûrement lire Binàll^i^
EnciiUs; la double i est surmontée d'une barre qui indique une abréviation; on
trouve de même Untuls et d'autres mots. — V. 22, j'ai lu Car vcg que conqutst
i avcts au lieu de prest 0 j. — V. 24, |'ai lu gazardonats (voy, la noie). — V. jo.
(ftustia pour if at ûj, — V. 123, qualcon {qualqueU — V. 126, molis gtns
{mollis gents). — V. 2 1 j, le ms. a cortcsa en un seul mot; ne pourrait-on garder
ce diminutif au lieu d'adopter la correction proposée en note? — V, $94, j*ai
lu pauc, mais il est certain que le ms. se prÔle aussi à la leçon petit. — V. 1095^
j'ai lu laquas, et souvent que où Timprimé porte qat, — V. 1 359, prêts (pncs).
— V. 2218, j'ai lu siâknar pour scaionar\ c'est cerlainemenl la bonne leçon; et
il est probable que tstohn, cité dans la note, doit être corrigé cnatâtan. Le sens
de ces mots est i étançonner (cf. le roman français des Sept Sages, éd. Leroui
de Lincy, p. ^3), étançon » ; pour l'étymologie, cL Litlré» au mot Etalon 2,
— V. 2404, le ms. porte bien Canl ho^ mais il faut corriger Catho, — V. 2892,
tant i j'ai marqué dans mes notes que le ms, pourrait permettre de lire eani^ qui
est meilleur pour le sens. — V. 1946, fiyk {filû]. — V* 3045, si& (jw) ; voy,
sur ce vers la remarque de la p. 32. — V, 3188, simi {estorl). — On parle de
réimprimer le poème catalan, pour la SocUté des langaes romanes^ diaprés l'édi-
tion de M. Mussafia; il sera bon de collationner soigneusement le texte sur le
manuscrit : la connaissance et l'étude de rcnsemble permettra de lire sûrement
plus d'un passage douteux. Il serait â propos d'ailleurs, dans une réimpression,
d'introduire dans le texte les excellentes corrections que M. Mussafia s'est borné
à indiquer en note, et à rejeter en note les leçons fautives du manuscrit* Ce ma-
nuscrit est déplorablement corrompu, et la lecture du poème, dans Tétat où il
nous est arrivé, ne peut se faire avec le moindre agrément.
Outre cette restitution perpétuelle, M. M. a loint â son texte une introduction
grammaticale, des notes explicatives et un glossaire des mots difficiles^ qui sont
assez nombreux. Il est superflu de recommander aux philologues la lecture de
ces pages ; tout le monde connaît la science^ la critique et la pénétration de
M. Mussafia. De tous les disciples de Diez, c'est celui qui a le plus largement
compris la tradition du maître. Il est également chez lui dans chacune des pro-
vinces du domaine roman; il n'en est pas une oh il n'ait fait^ non-seulement
d'utiles applications de la meilleure méthode, mais d'importantes conquêtes.
C'est la première fois qu'il s'occupe de l'ancien idiome catalan^ et il n'a pas
traité ce sujet sans en avoir éclairé plusieurs faces ^ Quant au commentaire
que pouvait demander le texte i\u point de vue de l'histoire littéraire, M. M.
ne l'a pas donné celle fois. Ce n'est pas que ces recherches lui soient moins fami-
lières que les études purement grammaticales : j*ai déjà rappelé ses travaux
antérieurs sur les différentes versions des Sept Sages, Mais il réserve ce travail
pour un mémoire spécial. A vrai dire, je ne vois pas bien avec quoi il le remplira,
à moins qu'à propos du texte catalan il n'entreprenne une étude générale sur
les rédactions occidentales des Sept Sages. Le texte catalan n'a pas pour celle
étude un intérêt particulier ; il est facile en effet de reconnaître qu'il dérive de
t. Voy. siïT ce iravail les intéressantes remarqua de M. Chabancau dans ta Ratte its
langues romanes de décembre 1876.
Du Si^tn mdmm Ifàsfcr^ bgg. von msam 299
Il ftiactÎM traçiise psbiièe pv LerMi de liiicy d qiK fC dèsâgae par L*. D
éHl nêne es démer directaoeol, or il ne s'en éioîgiK q«e fofi peit, et «oatti
ks BodiicatKNis qtt'd a apportées à son origtiui s'erpliqiient par devui ca»es :
le djsr dTabréeer (et fii eièt (a rédactîoa catiiaae est relatnrcsoit Itvt co«te>
ft li dèiir de ndeu oMSlifcr. 11 serait trop loag de DOiitrer ki par le mvm
rapplkaiioo de oes deox teodaoces : je œ pcose pas qn^oa pnifie soofer à attii-
boer a ce poème, d'ailieon asser médiocre, une ûrigme iodépeDdinte de L*.
il est on seul point oh U rédaction catalane se sépare de L, non pour ibréjgcr
00 pour notrvcr, nais an contraire pour aJ longer sans motif. Elie ajoute à t'histove
d^HJppocrate {MedicsLs\, qm tna son œireQ par jalousie et s'en repentit lorsque,
devenn malade, Une 1>ot plus pour le soigner, un épisode mconns aux autres version»
des Stfi Saga. Hippocrate, dit le poème, aTart une femme qu*il aimait et dont
il se croyait aimé. Un jour tons deux à leur ienètre regardaient un troupeau de
porcs, parmi lesquels était une truie ^, t L'homme qui mangeniit de ta chair de
cette truie^ dit Hippocrate, serait perdu sans remède. — Quoi^ sans remède^
^ la femme. Vous me fait^ trembler. — Il n'y en aurait qu'un^ reprit le sage
fàpuiai, ce serait de boire du bouillon * ; mais si on n'avait pas de bouilion, on
mourrait sans faute. • On devine la suite: l'épouse perfide fait tuer la truie et en
sert la chair à son mari; en même temps elle fait briser la marmite et jeter le bouil-
lon. Hippocrate, dés qu'il a goôté cette chair, changedecouleur; quand il apprend
qu'il ne pourra pas avoir de boujllon, il sait qu'il est perdu et à qui il le dort.
Cependant il dissimule., et Peignant de discuter avec sa femme ckèru les condi-
tions de leurs testaments respectifs, il la fait asseoir près de lui sur une pierre
glacée, dont le froid lui entre dans le corps et la tue même avant lui. Ainsi il
meurt vengé. Cette histoire se retrouve, beaucoup mieui motivée, dans le
roman du Saint Graal (voy. P. Paris, ics Romans de U Tâbk-Rondc^ I, p. 266 ssj;
il ne paraît pas cependant que ce soit là que Tait prise le poète catalan : car le
dénouement est un peu différent. Dans ie roman français Htppocrate dit au roi
son beau-père, qui voudrait te guérir, que le seul remède serait une lame de
marbre qu'une femme aurait réchauffée en s'y étecidanl noe« el c'est ainsi qu'il
arrive â taire périr sa femme. Les deux récits ont une source commune, qui
bien probablement est originairement byzantine. Il faut remarquer que le roman
français raconte les aventures d'Hippocrate à propos de t l'Ile d'Ipocras », où
se trouveraient encore les ruines de son palais. Or il est certain que beaucoup
de traditions s'étaient de bonne heure attachées au nom d*Hippocrale dans Hle de
Cos, sa patrie (aujourd'hui l^ngo) : elles y étaient très-vivantes au moyen-lge et
t. Sur cette désignation et lur fa classification des rédactions françaises en prote du
roman de» Sept Saga, ie renvoie à la préface de mon édition de dem de ces rédictkmi,
qui paraîtra incessamment.
a. On pourrait être tenté de prendre pour une trace d'une forme bien plus ancienne la
iubstitution, ddtns Avis^ d*un perroquet à ta pie du roman français. Mais cette tubfti-
tntion était suggérée par le talent du perroquet pour la parole : elle s'est faite égale-
ment, et d'une façon tout indépendante, d:ïn% le poème anglais publié par M» Wright,
qui dérive d'une autre rédaction française en prose (Aj.
^ Le V. 102 j dit truya\ mais on voit par le v. 1026 qu'il s'agit d'une truie ipéciatc.
C'étîit une truie en ckûUar, comme nous l'apprend le icxtc que je vais rapprocner du
catalan.
4. Il faut comprendre le bouillon de la chair de la truie.
ÎOO COMPTES-RENDUS
elfes y subsistent encore *. L'auteur du roman catalan 3 a été induit par le seul
nom du héros à ajouter cette aventure à celle qu'il venait de raconter sur Hippo*
crate^.
Un passage curieux des Uys â*AmoTS contient un résumé du Roman des
Stpi Sûges qui a sans doute pour base un texte provençal : c Tôt le romans dcls
vij. sa vis procezish aperpauc per aquesla figura * : quar can le lilhs del empc-
rador fo jutiatz a penjar per Femperador son payre, cascus dels .vii. savis lo
dislrîguec un jorn que no fos pendutst ab un ysshemplc que li dizia cascus per
esta forma : Si pendes aquest élan, ayssi ten prengua coroa al borgues de son
bon lebrier; e pueys venia l'altres e dizia : Si to filhs fas penjar, ayssi ten
prendra cum fe ad aytal baro de son austor*'. La emperayritz quar volia mal a
son filhastre fil h del enperayre, cant era la nueg am 1 1 marit, deffazia tôt can
li savi havian fag e dig de jorn am d*autres ysshemplcs quel fazia et aduzla a
son prepauzamen, pel contrari d'aquels dels philozophes, perque Tefans fos
pendutz. Enpero Dleus finalmen lo gardée si que Tefans romas coma denan^ e
ela fo despessada*. » Ce sommaire, évidemment fait de mémoire, oc nous
apprend rien sur les parlîcularilés qui pouvaient distinguer le texte d'où il pro-
vient. Rien n'empêche qu'on n*y reconnaisse notre poème catalan' : l'écart des
deux dialectes, au XVI" siècle, n'était pas assez grand pour que ce poème offrît
quelque dtflicylté i des lecteurs toulousains^,
G. P.
I#a reine Esther, tragédie provençale. Reproduction de l'édition unique de
1771, avec introduction et notes, par Ernest Sabatier. Nîmes, André
Catélan, 1877. Pcl. in-8*, XLi-83 p.
La pièce dont on vient de lire le titre est restée inconnue à tous les biblio-
graphes. Elle paraît n'avoir eu qu'une seule édition, dont on ne connaît qu'un
exemplaire^ celui qui a servi à (a réimpression faite par les soins de M. Sabatier.
Cet exemplaire unique, qui appartient â fa bibliothèque municipale de Car-
pentras, a perdu son titre; on Ta rétabli à la main d'après un exemplaire qui,
paraît-il, ne se retrouve plus. Le titre restitué est ainsi conçu : « La Reine
Esther^ iragediou m \fcrs et en cinq actes, a la knguou vulgari^ coumf>ousâdott û la
manière del Juifs dt Cârpentras, A la Haye, chez les Associés. » La date de la
publicatioa, et aussi tout ce qu^on sait de la composition de cette pièce, est
I. Voy- Dunlop-Liebrccht, p, 175, 481,
1. Ou peut-être li source ou il a puisé.
). On trouve une allusion à cette histoire dans un texte catalan et aussi dans un texte
français, qu^on peut lire tous deux dans Comparctti, Virgiî. 11^ 107.
4. Il s'agit de la figure que les auteurs appellent paradigma^ d*après la rhétorique
îatine, c'ejt-à-dire « exemple, » et dont lej» prédicateurs, disent ils, font ^rand usage.
$. Àustor doit être une faute pour auiel^ et Tallusion se rapporte ainsi au conte Avis.
6. Leys d'Amors^ t. HI, p. 190*
7. Je n*atiache aucune importance à la circonstance que rimpératrice est daptssada
ici et brûlée dam le poème catalan. Nous avons affaire à un résumé fait de méïnoire,
par conséquent peu exact, et d'ailleurs tous les textes s'accordent à la faire brûler.
8. Cet article était imprimé quand j'ai lu dans la Revue des langues romanes fi" sér.,
ilî, 10}) ta note supplémentaire de M. Chabaneau où il cite aussi le passade àa Uyi
d*Àmors* U ne regarde pas avistùr comme un Upsas calami; je ne pourrais j voir en
totti cas qu^un lapsus memoriae.
La Reine Esihêr, p. p. sa&atier ^oi
fottrtii par an avis au lecteur imprimé à U fin du volume, où on lit que la tra-
gédie d'Esthcr a été composée • par Tiïltjstre rabia Marbuchke Astruc de la
vOtede Hsle, perfectionnée el augmentée par le Irès-digne rabin Jagob de Llnel,
de ta ville de Carpentras. * La date est ainsi indiquée : « Ce 1 5 Tevet, an de
la création du monde U3S *t ^^ ^u^ correspond, nous dit M. Sabatier, au 18
dèœrobrc 1774.
M. S. a réuni dans sa préface (p, xxx et suiv.) quelques renseignements sur
ces detix rabbins desquels le premier vivait vers la fin du xvir siècle. Il est du
reste impossible de déterminer en quoi ont consisté les perfectionnements et les
augmentations apportés par le second i l'œuvre de son devancier. M. S. sup-
pose avec toute probabilité que le litre pompeux de 9 Tragédie de la reine
Esther 1 et la division en cinq actes appartiennent au réviseur, f La pièce »,
nous dit M, S , f était primitivement connue sous le nom de lou Jo ât Haman »
(p. xxiciv). Si ce n'est là qu'une conjecture, elle est du moins irès-vraisemblabïe.
La • Tragédie d'Eslher », en effet, est entièrement construite dans la donnée
des jeujc dramatiques du moyen âge. C'est un mystère, tout comme le Ludus
Sâncli Jûcobi ou le mystère de sainte Agnès. Cette circonstance nous permet de
rendre compte ici d'une composition qui par sa date sort un peu des hmhes
chronologiques dans lesquelles la Romanla se renferme habituellement.
La Tragédie d'Esther, ou Jeu de Haman (si ce titre, que je préférerais, a
quelque authenticité) offre à divers points de vue un vif intérêt. Il est curieux
de voir le mystère du moyen âge fleurir encore au xvn* siècle. Des témoignages
récemment rais au jour^ conduisaient à la même conclusion, mais avec une bien
moindre certitude» car plusieurs de ces témoignages, bien que tirés d'archives
du midi de ia France^ se rapportent très-vraisemblablement à des mystères
français. D^autre part, on savait bien que les Juifs avaient composé, jusqu'à
une époque assez récente, des chants religieux en provençal, et M. S. en
avait donné la preuve^, mais on ne pouvait guère soupçonner qu'ils avaient
emprunté aux catholiques le drame religieux. Enfin, la pièce elle-même^ comme
texte de langue, mérite d*être étudiée. Quant au mérite littéraire, il est nul : ce
drame est aussi pauvre de style que d'idées; il est écrit en un patois abominable,
oJi les mots français abondent^, et où les vers faux sont tellement nombreux
qu*il est difficile d'en faire peser toute la responsabilité sur le premier éditeur.
M. S.» à qui il faut d'abord savoir gré d'avoir rendu accessible un document
aussi rare, a joint à son édition une intéressante préface, où on remarquera de
précieux renseignements sur ia condition des Juifs de Carpentras pendant le
XVII* et le xvnr siècle. Il a aussi joint à son texte des notes assez nombreuses
1. Dans la Rcfue du Sodités savantes^ voy. ct-dessm, p. 1J6-7.
1. Voy. Romania, Itl, 49g.
}. Voici, à titre d'échantilEon, quelques vers (p. 27} :
Garou, garou^ lou rey vaou averti loutare.
O ciel ! lou oitouyabk récit !
Moun sang dans mes venes se glace.
Lou rey es dounc a la merci
De dous cruels remplis d'oudace.
Faou au'avcrtigue J'aqucs pas
Nosie bon rey et vénérable
Per évita un meichant trépas
Que ly preparoun dous misérables*
;02 COMPTES-RENDUS
et en général utiles. Toutefois, l'édition n'est pas de tous points satisfaisante: it
s'en faut même de beaucoup. L'usage de ce texte eût été pJus aisé si t'éditenr
avait pris la peine de numéroter les vers. Un court glossaire n'eût pas été
sans utilité. L^emploi de l'apostrophe n'est pas toujours Irès-régulier, ainsi,
dans une indication scénique qui se reproduit plusieurs fois (et qui est en fran-
çais), pourquoi imprimer en sunalkni? en s'en aîlani eût été plus clair. I] ne
peut y avoir aucune raison pour imprimer, p* 14, L'aiUnoar d'aùu chapitre (la
teneur du chapitre). Pourquoi lit-on presqu'à chaque page /}•, Tj, quand le
sens exige /y, ia^ Page 20, aneou doit être lu an cou, Alors même que ces
fautes existeraient dans l'édition originale, il n*y aurait lieu de les reproduire que
dans une édition ayant le caractère d'un fac-similé, ce qui n'est point le cas de
la publication de M. Sabatier. Les accents aussi sont employés avec peu de
conséquence. Le commentaire enfin laisse sans explication maint passage diffi-
cile, et peut-être corrompu.
En somme, la publication de M. Sabatier pourrait être mctlleare; toutefois
elle sera bien accueillie de ceux qui s'intéressent à la littérature provençale.
P, M.
G. Flech!a. Intorao ad una peculiarità. di flesBione verbale lu
alcnni dtaletU lombardi, Roma, 1876, in-4'^, 7 P- *•
Diez a admis (trad. fr. Il, 121) avec Biondelli, que les i** pers. plur. qu'on
trouve en milanais, en bergamasque, etc, comme um poria^ am porta^ noter am
porta (=: portûmus)^ se composaient du thème verbal, plus de la caractéristique
m préfixée au lieu d'être suffixée. Ce serait là une bizarrerie sans exemple, non-
seulement en roman, mais en indo-européen. M. Flechia la fait disparaître, en
montrant que dans ces formes um, am est un reste ûshomo. On a d*abord dit : on
porte pourrtouj portons ^ puis, comme on ne trouvait plus assez marquée l'expression
de ta i^ pers. du plur*, on a rétabli le pronom : c'est comme si on disait en français
nous on porte. C'est une singularité d un autre genre, mais elle n'a rien d'inexpli-
cable^ et elle a son pendant exact dans l'usage toscan, qui dit not si prûnza pour
nous Jtnons, si prania étant l'équivalent de on dint. M. FL montre quelque chose
d'analogue dans les langues celtiques, et j'ajouterai que dans plusieurs patois du
centre et de Touest de fa France^ on a remplacé nous : t 06 aller- vous ? —
On va à Angers », etc* Il paraît même s'être produit la confusion inverse %
celle des dialectes italiens, c'est-à-dire que on s'est fait suivre de la première
personne du plurieL Une chanson populaire, — dont je ne connais pas d'ailleurs
la provenance, — dit : » La belle, si nous étions dedans sur au bois^ 0ns i
mangerions fort bien des noix, 0ns i mangerions à notre loisir, » Remarquez
dans le premier vers la forme française nous. La consonne finale de mangerions ne
se prononçant pas, on pourrait y voir aussi bien mangeriont, ?« pers. du ptur,
ce qui serait une manière de faire rentrer dans fa locution l'idée de pluriel, mais
non celle de personne. — La perspicacité de M. Flechia a débarrassé la gram-
maire romane d'une anomalie que les meilleurs philolopes n'avaient pas su
expliquer. G. P.
I. Extrait du t. III, a* série, da Atti iilla nâlt Aecadtmk iti LinceL
PÉRIODIQUES.
I, — Bévue oes langues bomanes, 2« série, t. II, n" 12 h 5 décembre 1876).
L282-J02, Montel cl Lambert, Chûnts populaire du Languedoc (suite). —
liographïc t Mussafia, DU CûiâkniKhc Vinwn da iiekn wciscn MeisUr {C. Cha-
haneati^ utiles observations). Les foins du suur Lcsagt, édition Aubert des
Mesnils (A, Roqîîe-Ferrier, 2** artj. E. Rolland, Faune populaire de ta France
(A, BJ. — Périodiques.
— T m, n" I (1^ janvier 1877), P. 1, Mîlâ y Fonlanals, Anciennes énigmes
lêtalanes; elles sont tirées d'un chansonnier catalan du xv« siècle^ oà elles ont
été insérées après coup, probablement au xvt^* siècle. — P. 9, Alart, Trais
formules de conjuration en catalan (1397^ tirées d'un registre de notaire. La
troisième de ces formules est semblable à l'ensalmû galicien que M. Mili a publié
dao& le dernier numéro de ta Romania^ sous le n° J42 (p. 7^}. M. Alart, qui
f*est aperçu de cette coîntidence, nous informe qu'en un endroit, illisible dans
l'original, où il avait cru pouvoir lire ou restituer ■ al puig de Sant Jehan » on
peut aussi bien lire » al puig de mont Olivan •, en s'aidant de h prière gali-
cienne qui porte monte Otivar. — P. I5'j6^ Chabaneau^ Grammaire Imousint^
additions et corrections. — Bibliographie : Vaschalde, Anthologie paioise du
VWfdù (A. R.^F-).
— N** 2^4 (ij février- i^ avril). P. ^7, Noulet, Histoire littéraire des patois
éa Midi; appendice bibliographique (suite). — P. 73-87, Montel et Lambert,
Chéuas populaires da Languedoc (suite). — Bibliographie : P, Meyer, Recueil
é'êntiiiu textes, 2' livraison (A. B.j. — Périodiques. Dans le compte-rendu du
t* XVI des Mémoires de TAcadémie de Clermont-Ferrand, est rapportée une
inscription tumulaire de 1 270,011 on lit, à la suite du nom, les cinq vers suivants :
Tu que la vas ta boca clauza | Guarda est cors quaisi repauza \ Tais co tu test t ieu
u ftâ \ E tu seras tais co teu sut, | Di pater noster e no fenui ^ . La même idée a été
souvent exprimée^ notamment dans la vieille inscription citée par Du Gange au
mot essere : Cod estis fui, et quod sum csserc abêtis, P. M.
IL RiviSTA Di FiLOLOdu ROMANZA, voL II, fasc, 5-4, — P, 129, Brags^
Sotn a poesia popular da Galiza (contient des vues bien hasardées). — ^ P. 144,
Spchier, Tavola del canzoniere provtnzaie di Chelienham. — P. 19 j. Ferraro,
Saggi di canti popolari raccolti a Pontûlagoscuro. — P. 221, Wesselofslcy, Un
c^ptjolo di Antonio Pucci (traite le même sujet que la première partie du Cheva^
tiu a t*apée\ l'auteur compare en outre un conte russe). — P, 175 et 228.
j« Pour la locution e no t*enui^ cf. Gir. de Rouss.y ms. d'Oxford v. 10: • U tançons
est moU bone, t no[u]s anuL n
^^Ê
J04 PÉRIODIQUES
Caix, Stadj tûmologki (proposilïoos étymologiques pour les mois hggan ^
a. fr. /fl/er, girf, sgomeniatc, strapazzare^ beitola, gaoao, loja, npentaglia,t
arbuscdlo, agio, assHtarCj caniimphra).— CompUs-nndus, Phiodiqaùs el NoûzitA
— Nous n*avons pas encore de nouvelles décisives sur le sort de ce recueil,
dont la disparition attristerait tous les romanistes.
IIL Archiv fur oas Stubium der neubsen Spiuchen*. — LH\ p, 177-
240, Scholle, La prononaation d la chaude l' s d*ûprh its charta dt JomvilU (bon
travail J. — P. 281-^92^ Mabn, Sur Lt poéïu épique des Provençaux (n^apporte
pas de faits ni d*argumenls nouveaux). — P. 293*524, Hoffmann, Us drames de
Melîe, — P. 592-402, Lœffler, Sur la conjugaison française (moderne). — P,
405-41 4) Gaspary, Litadc du dialecte napolitain (intéressant). — Nous relevons ,
parmi les Miiaiigts un article de M. Wiltstock (p. 447-4^7) sur les mois françâisX
dam le potmt des Niklungen, et une note de M. Sachse (p. 4^9) sur le nom dci
Roland,
LUI, p. i-i6, Grûnwald, ùber die ktluschen Elemente im franzœsischen (insigni- 1
fiant). — P. 17, Brinkmann, Grammatische Untcrsuchungen^ \ : knaigarde(Ji'm'
teur essaie de démontrer que dans cette locution nt est une forme de «/i, semblable 1
au ne prov,, et cherche en français d'autres exemples de ce ne^eti; son article
est un tissu de contre-sens), — P. 42^-52^ Gaspary, ùber eine EigentkûmUchkeU
des ntapohiânischen Diaiektes (bonnes remarques concernant l'influence des voyelles
finales sur la tonique; cf. Diez, trad. fr., Il, 5^.
UV, p. 155*182, îî7-î66. Brinkmann, Études de métaphores: l'dn£, le
mulet, le chat (voy. t. XLVl el L). — P, 182-210, Buchhollz^ Sur la gram-
maire halknne (i. L'infinitif présent au sens passif (p. r88'9 noi si). 2. La prèpey-
sition a. \, Le gérondif). — P. 241-302^ Sachs, Sur l'état actuel des études rela^
tiyes aux dialectes romans (discours lu, en partie, à rassemblée des philologues
allemands; l\ contient des renseignements utiles, mais naturellement fort incotn- |
plets)* — Dans les séances de la Société, signalons une intéressante communica-
tion de M, Lûcking (p, 404) sur U déplacement de V accent en français. ^
Mélanges: Hardung, l' article partitif en portugais (p. 116-118); Eysscnhardt^
Gtusto de' Contï; Poésie de Conclave (468-475),
LV, p. 83-90, Mahn, La langue provençale et son rapport avec les autres 1
langues romanes (faible). — P. 189-20O1 Brinkmann, Sur P usage de la préposition ï
de devant te nom en fonction de prédicat. — P. 241-296, Kressner, Les bestiairts]
du moyen dge (peu approfondi; l'auteur a joint un Fragment de VElucidari pro-
vençal, qui, étant traduit du latin, n'avait ici aucun intérêt particulier). —
P. 365-382, Marelle, Contes et chants populaires français. — P. 527-562,
Brinkmann, Etudes de métaphores : le bœuf, — P* 407-458, S. Grégoire^ p. p.
Horstmann (en anglais). — Séances de la Société; p. 201, Liîckîng, Sur Pac» \
centuation des mots français (populaires) tirés du grec.
I. Par suite de diverses circonstances, inutiles à mentionner ici, nous n'avons pas
rendu compte de VArchiv depuis longicmpi, La d entière notice, relative à la première
moitié du i. LU, se trouve dan* notre t, UI (1874). p- V\* Nous donnons auiourd'hui le
dépouillé sommaire de quatre volumes et demi, ce qui nous remet à peu près au
courim.
-*^--
PéRlOOlQUES ÎOÇ
LVI, p. H "57, Kressnef, NachrichUn ùbcr das ahfranzctihcht Epos
Ajmtn de NarbonnCy I (analyse et extraits d'après le ms, B. N. 24369)» —
P, p-jS, Kressner, Eptgrammis dti xvr sihU^ ùrécsd'un ms, de Lausanne {yéàh
tcor croit qu'elles sont de Marot, et i! y est question du colloque de Poissyl Elles
sont calvinistes, fort mordantes, mais assez médiocres.) — P, 1 S 5-187, Bunte^
ùbrr nnt Jranzôsiscke Bcarbatung dts Hyginus. Cet ouvmgç, dédié à François 1«'
quand il n'était que duc d'Angoulèmc, et composé par Robert Frescher, ■ maistre
es ars et bachelier en théologie, v est conservé dans lems. Blankenb, 237 de la
bibL de Wolfenbûttcl. — P. 187-221 et 281-509, Marelle, ConUs et chants
populaires français (ces articles ont été tirés à part ; nous en parlerons à un
autre endroit^ — P. 241-263, Mahrenhollz, Molihre und dit rëmtsche Komedic,
— P, 265-280, Meissner, du btldiichm Darstelîungen des Rcincke Fucks tm
MittelatUr (très-incomplet naturellement, mais judicieux et utile, notamment
pour rAngleterre). — P. 343-377, Brinkmann, £lu(/« de métaphores : ta chhre^
U mouton, k porc. — P. 391-417, Horslmann, Zwe\ Alexinsheder (en ancien
anglais). — P. 41S-55. Comptes-rendus des séances de la Société pour l'étude
des langues romanes. Nous y remarquons p. 420 une note de M, Kastan sur
le créole, p« 422; une de M.Mahn sur les mots almanach et ambassadeur^ p, 423 ;
une de M. Lœschhornsur les origines du Tammgoj iht Shrtw), G. P.'
IV. Il Propuonatore, IX, — P. 328-562, ïmbriani, Sul testo rfe/ Candelaio
di CiorJano Bruno (suile^ — P. 373-409, Corazzini, Del contrasta di Ciulh
d'Akamo (nous reviendrons sur cet article, ainsi que sur d'autres travaux relatifs
au même sujet, notamment sur une lettre que nous a adressée M, Caix, dans
une notice spéciale), — P. 409-424, Storie popoîari in poesia siciliam, pubL da
Salomone-Marino (suite). — P. 430-468, Razzoïm, Squarci con alquante varianii
dit la Divina Commedia. — P. 471-501, Bibliographia.
V. Revue historique de l'ancienne langue française, ou Revue de phi*
lologie française^ recueil mensuel publié sous la direction de M. Favre*, janvier-
mars, — Ce singulier recueil contient des dissertations sans valeur^ tirées
d'ouvrages anciens, sur la langue française, sur le latin, sur les idiomes
celtiques, etc., des versions déjà connues de la Parabole de l* Enfant prodigue en
divers patois, des réimpressions de textes déjà publiés, et plutôt gâtés qu'amé-
liorés par le nouvel éditeur, plus une reproduction avec additions (mais où les
renvois sont omis» du Glossaire français de Du Caoge; cette reproduction com-
prend 1 2 pages au bout de trois mois, ce qui en relègue rachèvement à une
période assez longue. Tout cela est d'ailleurs aussi incohérent que possible. Il
est â désirer, si cette revue doit continuer, que M. Favre s*adjoigne des colla-
borateurs : il pourra ainsi procurer quelques publications utiles; mats pour sa
ptrt il devrait se borner à fournir ses presses.
VI. BoMANiscHE StudieNj VIII. — Foth, Die Verschiebung lateinischer Tem-
pùra in den romanischen Sprachen. Cet excellent travail, qui remplit tout le
t. tibralrie Champion, quai Malaquais, m. Prix : 1$ fr.
Romaniaj VI
20
Î06 PÉRtODlQUES
fascicule (p* 24î-556du L II), se divise en deux parties : ia Faits et iaCaum*
Nous signalerons surtout te j" chapitre de la i'" partie : Formes UmportlUi
romanes d'une origine jnsquà prisent incertaine. Ce chapitre comprend cinq para-
graphes : t) le futur conditionnel en espagnol^ portugais et roumain iVmieuT pense
qu'il provient à la fois du futur antérieur et du parfait du subjonctif latin); —
a) te parfait provençal moderne (il faut l'expliquer simplement par l'influence de
la 3" personne du pluriel sur les autres, et les faits analogues qu'on observe e»
roumain s'expîiquenl de même}; — j) l'infinitif employé en italien à la place de
formes personnelles du verbe (M. Canelto a eu tort de voir Ttmparfait du sub-
jonctif dans diverses formes, usitées seulement chez des poètes et à la rime, d
qui oUrent simplement un emploi particulier de î'infimtif); — 4) rimparfait du
subjonctif dans le sarde de Logudoru (Il faut [e rattacher à Timparfait du subjonctif
latin) ; — 5) le parfait de rinduatif dans le sarde de Logudoru (les formes en -si sont
modernes et ne proviennent pas du plus-que-parfail du subjonctif latin). — Sur
tous ces points nous sommes à peu près d'accord avec Tauteur. et nous sommes
heureux de pouvoir renvoyer à sa démonstration claire et convaincante. La
seconde partie de son travail, ks Causes, de nature plus philosophique et où il
remonte jusqu'à l'usage du latin classique, offrirait plus de pomts contestables;
cependant nous croyons qu'en gros les vues simples et ingénieuses qu'il expose
sont conformes à la vérité des faits. Le mémoire de M. Folli (c*cst, croyons-
-nous, son premier écrit) mériterait, par la clarté de la forme et Tintérèt du
sujet, d'être traduit dans notre langue. — La note de la p. 259 contient une
erreur empruntée à Grimm (dans « ii fut Ja lire i il fut est synonyme de * il
alla 19), et une méprise étrange, due sans doute à une faute d'impression dans (e
livre où M. F. a puisé sa citation : 4 dès les temps où fui écrire notre chmsûn m
n'a pmais pu être français; lisez /uf écrite.
Vil, BULLETrN DE L\ SoCTÈlè DES ANCIENS TEXTES, 1877, — P. jS-40,
P. Meyer, Notice du manuscrit Canonici MiscelL 278 de la bibhotkiijue bodlètennc^
à Oxford (ce qu'il contient de plus mtéressant est un texte bilmgue, français eï
flamand).
VIIL Germanfa, XXI, I. — P. 18-27, Kœhler, Sur la Mâgus-Saga (inté-
ressantes remarques sur trois épisodes de ce récit; d.Romania^W^ 474 s$.). —
P. 67*80, Lîebrecht, Petites notices (mythologiques), — P. 81-8}, Kœlbîng^
compte- rendu d'un travail fort mal fait de M. Bieling sur la Vie de S. Grigoirt;
M. K, publie d'après le ms. anglais qu'a fait connaître M. B. un morceau qui
est maintenant imprimé tout au long dans le Recueil dt P. Meyer.
IV ^ P. î8j-S99, Liebrecht, Lu gageure des trois commères (analyse compari-
tive de contes latins, français, italiens et russes; M. L. ne mentionne pas celui
de La Fontaine), — P. 399-400, Liebrecht, TprUj part {d. Romania^ III, jijf.
IX. ZeiTSCHBIFT fur DKUTSCHES ALTERTHtJM, N. F. IX. — P» 65-68,
Waitz, Sur te Concile d'amour (remarques critiques, d'après de nouvelles sou rces>
I Les livraisons j et j de ce votume, ainsi que U 4* du précédent, ne nom sont
point parvenues.
PÉRIODIQUES ^07
sur cette pièce curieuse, publiée par M. Wailz dans le l. VU de h Ziitschrift
et rdconUot un concile de nonnes, censément tenu à Remiremont, où on déli-
bère sur les mérites respectifs, en amour, des chevaliers el des clercs). — P, 68*
86, Poésies latines de Tépoque carolingienne, publiées par Diimmîer»
I X. ZbITSCHHIFT fur DEUTSCHE pRILOLOmB^ VIII (1877), — P, lOI-IOJ^
^HEicehlef, La soura de la ballade de Bùrgcr Lenardo et Blandine (on savait qu'elle
^^Bpvenait de Guiscardo et Ghismonday première nouvelle de la quatrième journée
^^Ki Dtcamtron ; M. K. montre par quels intermédiaires elle est arrivée au poète
^aDcroand).
' XI. BeITRj^OE ZUH GeSCHICHTE DEB DEPTSCHEN SpHACHK Uf(0 LlTERATUR,
^IIL — P, 504-^34, Zarncke, Zur Gc^chkhu der Grahage (cet important mémoire
^■Kmceme spécialement deux points : i'* d'après M. 2. le fameux Kyot^ que
^HiTolfrain d'Ëschenbach cite comme la source principale de son Panivai (cf. Ho-
^Hlifmtf, IV^ j 48- 150), n'aurait jamais existé; Wolfram n'aurait eu sous les
^^yeux que le P^rcfvj/ incomplet de Chrestien, et il l'aurait complété et modifié â
sa guise; il serait trop long de discuter ici cette hypothèse : disons seulement
qu'au premier abord elle nous semble avoir certaines apparences pour elîe:
il est au moins certain que tout ce qui dans le Panival s'éloigne de Chresiien
I une physionomie très-diférente de celle du roman français que nous con-
oittsons; i' le passage de Guillaume de Maimesbury où il est parlé de Joseph
d'Arimathie comme étant venu en Angleterre et ayant été enterré à Glastonbury
serait interpolé, et on n'aurait cherché à Glastonbury la tombe de ce saint per-
sonnage que longtemps après Guillaume et après la diffusion des romans fran-
çais. Beaucoup d*autres remarques intéressantes seraient à relever dans cette
notice concise : ainsi Tauteur montre que P^«iwr(réquivalent de Perceval dans le
Mibmogwn) ne peut signifier ni « le chercheur du bassin n^ ni < le compagnon
du bassin •, etc. La dissertation de M. Zarncke marquera en tout cas une date
dans l'histoire des études sur ce sujet si curieux et si obscur).
Xll MèMOlRES DE LA SôCIÉTÊ DE UfNOUlSTlQUK DE pARlS, lll, 2. — P, 2 10*
248. Joret, Le patois normand du Basin, Nous n*avons ici que le commencement
de ce mémoire, qui sera sans doute tiré à part et que nous apprécierons mieux
quand il sera complet. Disons seulement qu^îl y a parfois de la confusion dans
la disposition comme dans les termes. Il va sans dire d'ailleurs que c'est un
travail méthodique et qui fait époque dans l'histoire des études sur le dialecte
normand, études déjà nombreuses, mais jusqu'ici assez mat dirigées.
BAayi
^^Pt)ci
XIIL BtBUOTHÈQUB DE l'EcOI-E DES ChaRTES^ XXXVH, 5, — P. 3I7,
ynaud, Etude sur le dialecte picard dans le Ponthicu (ce travail a paru dans une
hure séparée; nous en rendrons compte sous cette forme), — P. 445^ N&te
(de M, Delislej sur Us poésies de Richard de Poitiers ^ irès-intéressante ; on y
montre que Richard est auteur de sept petites pièces de vers anonymes, cl non
sans valeur historique, publiées récemment par M. Wattenbach.
— XXXVII, 6, — P. 444-470, L, de Mas-Latrie, Guillaume de Mâchant et
^ iû Priu d^ Alexandrie {U, de M.>L., à propos de ce poème de Machaut^ qu'il va
}08 PÉRlODiqUES
publier, étudie ta biographie de Tauteur^ mais les renseignements dont il a cru
lenrichir paraissent devoir Hre rapportés à uîi homonyme de Machaut |voy.
Revue Hisîonqut, maî 1877, p. 21^*217); ce qu'il dit sur le poème du Voir Dit ^
considéré par lui comme un pyr romane comme • unt Nouvelle Héhî a du moyeti^|
âge pj n'est pas soulcnable devant la lecture de ce singulier poème» où des évé-
nements très-réels, au moins quant au fond, sont certainement retracés), —
P. 470-528^ L. Delisle, /Voff« sur vingt manmcnts au Vatiiûn (nous relèverons
surtout, dans celte précieuse notice, le curieux morceau d'un Phtiippus de
VttnacQ^ que M. D. n'identifie pas avec assurance au célèbre évêque de Mcaux;
la question est à étudier). — Dans la Bibliographie, signalons l'analyse de
ÏEladc hiogrâphïqat sur François Villon par A. Longnon (H, Lot), nouvelle
édition, mais singulièrement augmentée, de son article dans ta Romania. ^M
XIV. Mélusine, revue de mythologie, littérature populaire, traditions et
usages, dirigée par MM. H. Gaidoz et E. Rolland, n" 1-6 rjanvier-mars). —
Nous ne pouvons donner ici le sommaire de ces six numéros, tort bien remplis»
mais d'articles courts et par conséquent nombreux* Nous signalerons les sui-
vants, comme intéressant de plus près nos lecteurs. 1. Baudry, Traditions popu-
laires de la Neuvilie-Chant-d'Oisei (Normandie): Brueyre, Contes créoles ^ suite
au w 2). — 2. Quépat, Jean Bout-^d' homme ^ conte messin; Joret, Superstitions
du Bessin. — î* Marion^ Prière populaire de la Nièvre; Traditions populaires
de Warloy 'Bâillon (Somme)/ — 4. Devic, Le temps long, conte du Qucrcy;
Carnoy, Jean PAviséf conte picard; Charencey, Traditions populaires du dépar-
tement de rOrne, — ç. Carnoy, Jean f Idiot ^ Jean de l'Ours^ Us Fées et Us doix^^
bossus j contes picards; Smith, les Fugar. — é. Rolland, V Homme- fui vient d^M
ciilj conte du Vivarais. — Tous les numéros contiennent en outre des chansons,
prières, jeux^ dictons, formtilettes, etc., recueillis à bonnes sources et souvent
accompagnés d'images et de mélodies. Enfin Melissint donne une excellente
bibliographie des publications nouvelles qui intéressent la mythographie et lt_^
littérature comparée *. H
XV. La AcADEMJA, RIVISTA de la CULTURA HISî»AN0-1»ORTU01TE8A, latiko-
AMERiGANA, R*» 10, mars. — P* ijo-î^i, Girbal^ Carlomagno en Gerona
(quelques renseignements sur îe culte rendu il Charletnagne à Gïrone, et repro-
duction de la remarquable statue qui lui fut élevée au xiy* siècle dans la cathé-
drale de cette ville).
XVL Italîa ^, UL — Caix, Le débat sur la langue itaHenne, Dans cet inté-
ressant article, M. G. expose les différents systèmes auxquels a donné lieu, en
théorie et en pratique, la constitution d'une langue littéraire commune pour toute
ritalie. Les étrangers trouveront dans ces pages le moyen de s'orienter facilement
dans un labyrinthe tort embrouillé. On sait quel est le point de vue du savant
auteur lui-même (voy. Romania^ IV, 146); il s'en faut d'ailleurs que tous ses
compatriotes y soient ralliés. B
I- M. Rcinhoîd Kœhïer a consacré dans la Jenatr Literatuneitung, 1877» R* t6, un aittcte
extrêmement sympathique aux six premiers numéros du journal de MM. Gaidoz et
Rolland.
2. Recudl trimestrici publié par Kf . K. Hillebrud, cher Hartung, à Ldpzig.
PÉRIODIQUES 509
XVIJ. BoL£TiK Dfi LA SoGfEDAH de amîgos del pais de Valencia. — Enero-
|unio (1875?). P* ty^^G, Estuiito histônco critico sùbr£ tos potlas Vaicncianos
it hs sïglos XIII, xtv y xv, por don Rafaël Ferrer y Bignè. Cette énuméra-
tion des poètes valencîens^ accompagnée de quelques renseignements biogra-
phiques et de la liste des œuvres de chaque poète^ est utile et semble assez
campléte. 11 me semble que l'auteur doit plus d'un renscîgncn:îent à la Rcscnya
diis antkhs patas catalans de M. Milâ (Jochs fïùrâts de 1865) qu'il ne cite nulle
part. A, M.-F.
XVTIL Revue critique^ janvier-mars. -- 1 5, De Montaigbn el de Rothschild,
Poisia françaises, i. XI (G. P.) — 14, Darmestcter elHatzfeld, Montaax choisis
du XVI* $ikU (Ch. Marty-Laveaux ; voy. p. 1 18 une réponse de MM. D. et H,).
XIX.LïTERARiscHEs Genthalblatt, janvier-iTiars. — N"* 1 . Carducci, Rimt di
Pilrarca (Schuchardt),— 2. Diez, Udtf romamschi Worîschcepjtsng <Schuchardt).
— \, Là dmnâ Commtàia^ éd. Scartazzini (Schuchardt ; vraie encyclopédie dan-
tesque). — 6. Ayer, Phonologie de la langue française: Schcler, La transforma'
ùon française des mots latins; Meunier, Les composés qui contiennent un. ver k à m
mode personnel: Darmesteter, Traité de la formation des mots (Schuchardt). —
8. Wacc, Roman de Rou, éd. Andresen jSuchier).
XX. Jenaeh LiTERATLinzEiTUNO, janvier-mats. — j. Grégoire h Pape, Aiol
ei Mirabel^ hgg. von Fœrster (Suchïer ; cet article contenait sur les relations de
la Sociiii des anciens textes avec M, Fcerster des assertions inexactes que M. S. a
rectifiées dans un numéro suivant), — 4. Kcelbing, Beûrage zur Gesch, dcr ro^
mant. Poésie; Ueberlteferung und Sprache des Voyage de Charlemagne (Suchier).
— 8. Kœlbmg, Englische Studien (Suchier). — 10. Laurenlius^ Zur Chanson de
Roland (Stengel); Kcclbing, La Chanson de Roland (Slengel).
XXL ZbITSCHUJFT pur ŒSTERREtCHlSCHE GvSfNASÎEN, 1877. — P. I97-2I J,
U chevaliers as deus espces,.. hgg. von W. Fœrster; compterendu de M. Mus*
safia, très-long et naturellement très-instruclit. J'y relèverai une particularité
d'un intérêt actuel pour les lecteurs de la Romania. Le poème en question con-
tient le mot mile ^ mire ^ medicum ; M, M. en prend occasion pour dire que
suivant lui, dans tous les cas oti r répond en a. fr. à d latin^ le ^ a passé par /.
C'cSl la même opinion que j'ai exprimée ici jVl, I29i et à laquelle M. Havet a
substitué^ dans l'article qu'on a lu plus haut, une nouvelle explication, Mileofirt
20 moins, avec GUtf une autre forme en /. M. M. renvoie à une note ancienne
sur ce sujet lau mot invilia ^= mvidia) dans son glossaire de la légende de Sainte
Catherine en ancien véronais; il a en effet rassemblé dans cette note, que j*aurais
dû citer, plusieurs exemples du changement de di en li, dans ces conditions^
dans de> dialectes de la Haute-Italie.
CHRONIQUE.
Fondation Diez. — En face du comité dont nous avons publié la dernière
fois te manifeste, il s'en est formé un autre, dont nous reproduisons également
la circulaire :
« Vienne, ii avril 1877.
c En souvenir de Frédéric Diez, le fondateur de la philologie romane, mort
Tannée dernière, on a l'intention d'instituer une
Fondation Diez
qui aura pour but de provoquer, d'encourager et de récompenser le travail
dans ce domaine scientifique.
« Il y a quelque temps, de Berlin, on a fait un appel aux souscripteurs pour
cette fondation. Un appel semblable part aujourd'hui de Vienne^ et, si nous ne
nous trompons, la circonstance que la monarchie austro-hongroise réunit des
nationalités si diverses, loin de nuire au succès de notre entreprise, le facilitera.
Car la Fondation Diez n'exclut pas seulement de prime abord la prédominance
d'une nation quelconque; elle est particulièrement destinée à réconcilier et à
rapprocher Romans et Germains. Ceux mêmes qui ne sont pas en état de
mesurer complètement la valeur de la philologie romane apprécieront dans cette
fondation un beau symbole d'union, qui mérite leur participation cordiale.
« Cette entreprise a été saluée avec sympathie, aussi bien qu'en Allemagne
et en Autriche-Hongrie, en Angleterre, en France, en Italie et en Roumanie.
D'autres pays se joindront peut-être à ceux-là. On ne pourra penser à une
organisation définitive de la fondation qu'après quelque temps, car elle sera
nécessairement déterminée par le chiffre des souscriptions.
c MM. Braumûller (Graben) et Gerold (Stefansplatz), libraires, ont consenti
à recevoir les souscriptions ; on peut aussi les adresser aux soussignés :
D' Fort. Demattio, Cons. aul. dr. Fr. chev. de Miklosich,
professeur à l'Université d'Innsbruck. professeur à l'Université de Vienne.
D' Att. H0RTI8, D* Ad. Mussafia,
directeur de la bibl. mun. de Trieste. professeur à l'Université de Vienne.
D' E. Mabtin, D' h. Schuchardt,
professeur à l'Université de Prague. professeur à l'Université de Qraz. »
Cette circulaire avait été préparée par deux remarquables articles de M. H.
Schuchardt, l'un dans le supplément de VAllgemcinc Zcitung du 18 février,
l'autre dans la Gegcnwûrt du 7 avril. Nous traduisons en grande partie le premier
de ces deux articles, qui a peu de chances d'être répandu dans les pays
CHRONIQUE ;tl
romans, et nous ne doutons pas que fes sentiments élevés du savant professeur
de Grax ne fassent sur nos lecteurs une excellente impression :
t En dehors de son but propre^ qui est elle-même, la science peut cri avoir
d*autres; il n'y en a certainement pas de plus noble que celui-ci : rapprocher et
réconcilier les peuples. La vraie science est internationale, et en dépit d'autres
wternationales, rouge ou noire^ elle considère ce titre comme un titre d'honneur.
On comprend que la grande guerre qui a troublé tant de relations ait eu son
contre-coup même dans le domaine de la science; ce que Ton comprend moins,
cat que la provocation ne soit pas toujours partie du côté français. Autant la
pas&ion était excusable après un tel désastre^ autant la magnanimité était com-
nundée après une telle victoire. Or il n'a pas manqué, parmi les Français, de
uvants dont la douleur patriotique n'a pas égaré le jugement impartial; et il
n'a pas manqué, parmi les Allemands^ desavants qui ontabusé du prétexte scien-
tifique pour des agressions politiques. Si l'on ne regarde pas la paix comme
une simple trêve pour préparer la guerre, il faut souhaiter que les liens rompus
se rattachent, plus solidement même qu'auparavant, et c'est surtout aux hommes
de science i prendre cette tâche à cœur. Ils seraient dignes de blâme s'ils ne
saisissaient pas chaque occasion de travailler â combattre les malentendus et les
naovaîs vouloirs entre les peuples. Or on ne peut en trouver une plus favorable
que celle i laquelle sont consacrées les lignes suivantes.
« La descendance commune des langues romanes ne 5*est jamais efacée de la
conscience de ceux qui les partent^ mais elle n'est devenue que tardivement t'obfet
d'une étude scientifique, El le rapport de ces langues entre elles et avec le latin
o*i pas été de prime abord bien compris : il était réservé à un allemand, au
professeur Fr. Diez^ de Bonn, de nous donner du développement des langues
romanes dans le temps et dans l'espace un tableau exact, clair et lumineux. Il
est le fondateur de la linguistique romane, et même, nous pouvons le dire plus
générakmenl, de la philologie romane, car la critique des anciens textes et Tin-
vcstigalion des origines littéraires ne pouvaient se faire que sur les bases de la
linguistique comparative. Le grain qu'il a semé a mis du temps à lever; mais
dans la dizaine d'années qui vient de s'écouler un a largement regagné l'arriéré,
et surtout grâce à l'active participation des Romans. Depuis l'année 1870 Us
ont produit des travaux beaucoup plus importants que les Allemands (je laisse
ici de côté un homme dont l'activité s'étend, avec le plus grand succès, sur
toutes les provinces linguistiques et littéraires de ce domaine, parce qu'il enseigne
et écrit en roman aussi bien qu*en allemand *). Cest surtout, parmi les pays
romans, la France et l'Italie qui comptent ici ; nous devons aussi des contribu-
tions précieuses au Portugal et i la Roumanie; seul, le pays qui il y a trois
siècles nous a donné le Diàlogo de las kngujs n'a à nous montrer que des mains
vides f Grâce â (a place que l'étude des langues romanes occupe depuis
longtemps dans nos Universités nous avons sur les Romans un certain avantage^
qu'ils commencent d'ailleurs à nous disputer; mais qu'est-ce à dire en regard
de l'avantage immense qu'ils ont sur nous? Les instruments qu'il nous faut nous
I. Tous nos lecteurs comprennent qu'il s*agît de M. Ad. Mussafii.
j. M- Schuchardt oublie ici les travaux de notre èmincnt coïïaboraicur M. MHi y Fon-
rtnat», qui, tant pour la linguistique que pour la littérature, se placent au premier rang.
^12 CMRONtQyE
fabriquer à la sueur de notre front^ ils les ont naturellement dans la main, He
finironl-ils pas par s'en servir avec une légèreté et une sûreté tout autres qu^
nous? Ne trouveront-ils pas toujours dans nos travaux de petits ou de grands
défauts?
« La politique n'est pas tout-à'fait étrangère à cet accroissement d'intérêt
que ta France et HtaJie apportent à ces études. Tant que l'unité politique de
ritalie n'était pas accomplie, Tunification linguistique semblait pour les Italiens
le centre de toute philologie; niiaintcnant qu'ils ont atteint le but désrréj ils sont
arrivés aussi à un jugement plus calme et plus libre^ et avec un zèle digne des
plus grands éloges ils ont abordé Tétude de ce panicularisme linguistique qui
n*a eu chez aucune nation romane un dévclopperrient aussi riche et aussi beau.
La France, trahie parle sort des combats, s'est mise a estimer doublement les
arts de !a paix; et quand deux romanistes parisiens, dont Vun était avec le
maître de Bonn en relations particulièrement intimes, fondèrent en 1872 une
revue pour leur science, ils prirent comme devise ces vers d'un vieux poète
français :
Pur remcnbrer dea ancessnra
Les faiz e les diz e les iriurs,
< De Paris, le goût de la philologie romane s'est propagé dans le sud de la
France, et il y a rencontré un mouvement littéraire qui lui était propice de
toutes façons. Les Catalans en Espagne et les Provençaux en France sont depuis
longtemps favorables X Tidée de la décentralisation; ils Tonl étendue au domaine
politique, mais ce n'est que dans le domaine littéraire qu'ils l'ont réalisée, bril-
lamment réalisée. L'auteur de Mîrcio compte parmi les premiers poètes de
notre temps : il s'appelfe Mistral Aux fêtes littéraires où fraternisaient Cata-
lans et Provençaux, étroitement unis par la langue, a succédé à Montpellier en
187$ une fête d'un caractère plus général, où la littérature et la linguistique distri-
buaient leurs prix en commun, et où, à côté des intérêts particuliers de la langue
d*oc^ on insistait sur la communauté intime de tous les Romans, Il est bien
possible que le souvenir des victoires allemandes n'ait pas été étranger à cette
ardeur, mats il n'a reçu, dans celte cordiale el joyeuse fête, aucune expression
le moins du monde haineuse, et on peut espérer que la Chanson du Latm^ pour
laquelle est ouvert cette année un concours poétique, ne sera pas un chant de
guerre^ mais un hymne de paix* Il ne doit pas se trouver de Bertrand de Born
pour enflammer à la guerre contre la patrie de celui qui a tant contribué â f'ire
battre plus vivement le pouls de la jeune Roroania, et qui le premier, par
d'excellentes traductions et de lumineux commentaires, a fait connaître aux
Allemands les œuvres des vieux troubadours. Sous sa direction Romans et
Allemands se sont réunis pour un travail commun. Sa vie s'est écoulée simple
et modeste; Téclat d'honneurs publics n'a pas répondu à ses mérites; cherchons
Ji réparer cette omission. Car c'est maintenant ou jamais qu'il faut veiller k ce
que la gloire de la paix ne s'efface pas trop devant celle de la guerre,
• C'est â Rome que la pensée d'un monument pour Frédéric Diez s'est Uil
jour pour la première fois; la direction de la Rivista dt fihhgia rommzû a
offert cent îm pour ce but. Mais de quel genre doit être ce monument,^ Qu'on
élève un monument à chacun avec ce qui a été la matière ou Tobjet de son tra-
CHRONÏQUE |1|
fail : aux héros de la guerre avec du brome et de la pierre morte, aux héros de
Il science avec des matèrMux plus fins cl vivants. Telle a été aussi la pensée du
CDiDité berlinois qui a lancé dernièrement un appel pour la Fondation Dicz
Pour le djre sans réserve, je trouve celte pensée excellente, mais |e trouve
la forme qu'on lui a donnée trop élroile... Un monument qui prétend répondre
dignement au caractère personnel et scientifique de notre maître doit reposer
é^Jement sur les épaules de TAllemagne, de la France et deTltalie; les Romans
doivent être, non point tolérés ou à Toccasion invités, mais associés à Tœuvre
dés roriginc. Espérons que le plan de la fondation Diez sera modifié dans ce
tens. On ne peut pas dire qu'il soit trop tard : on ne saurait décider avant toute
discussion publique une chose qui ne peut réussir que grâce à la participation
d*ttn grand nombre de personnes. On ne peut pas dire non plus que te plan
proposé soit impraticable : Texécutton en serait assurément rendue plus difficile,
mais dans la proportion même où il augmenterait de valeur... Qu'on ne soit
pas trop timoré ou trop raide; qu'on méleâ la froide réflexion un peu d'enthou-
siasme; qu'on gagne les Romans par une attitude cordiale et par des concessions
légitimes, et ils ne se refuseront certainement pas à se joindre aux Allemands
pour instituer la fondation Dicz, Je ne vois pas où elle pourrait avoir son siège
mieux qu'à Rome, et là des congrès internationaux de romanistes pourraient
facilement s'y rattacher. L'Italie offre aux Allemands et aux Français un domaine
neutre, international^ en même temps qu'un but favori de voyage; en Italie les
études romanes sont rapidement devenues florissantes, et c'est là que travaille
l'homme auquel après Diez, — nous le reconnaissons sans envie, — la linguis-
tique romane a le plus d'obligations*. Quant i Rome, le berceau des langues
romanes et de la civilisation occidentale, elle offre au philologue roman mille
attraits cachés. Il étudie dans les librairies des papes, des Chigi, des Barberini,
les commencements des littératures romanes^ il suit dans les catacombes les pre*
micrs pas des langues romanes, il songe à Sant' Onofno à une de leurs gloires
les plus brillantes ^, et il admire sur les lèvres romaines la force et la grice dont
elles sont susceptibles. Enfin Rome appartient non-seulement aux Romans, mais
aussi aux Allemands. Non point certes à cause du ^ saint empire romain de
natifcn germanique; » c'est depuis que nous avons perdu Rome matériellement
que nous l'avons conquise intellectuellement : pour nos poètes^ nos artistes, nos
savants elle est devenue une seconde patrie, et notre Institut archéologique est
établi sur le Capitole, En face des ruines qui ont enseveli tant de peuples, d'em-
pires et d'institutions, les dissonances nationales s'éteignent plus aisément, et,
quand, à l'époque où Tamandier fleurit, le tiède zéphyr nous caresse en passant
sur ce grand sépulcre, nous croyons sentir le souffle du « printemps universel •
qui • rajeunit la face du monde. ■ Peut-être sonl-ce là des rêves; cl cependant,
pour être le centre d'une fondation qui a pour but de faire fructifier en tous
sens le souvenir d'un homme éminent, qui cherche à augmenter, non pas seule-
ment Tactivité de la science, mais ramilié des peuples^ il me semble toujours que
Rome est indiquée entre toutes les villes^ qu'en tout cas elle se présente plus
naturellement que Berlin. »
T. Inutile dénommer M. Ascolî.
i, Cesi là qu'est enterré le Tasse,
>
314 CHRONIQUE
Cet article a été accueilli avec sympathie par plusieurs journaux
(Augsb, AUgcm. Zeitung, 3 avril ; Neuc Frcie Presse^ 7 mars ; Magazin fir dk
Uuer. des Auslands, 7 avril), anglais (The Academy^ 17 mars), italiens (O/moitfy
18 mars; Gazzetta d*Italia, 25 mars; et roumains {Timpal^ 2-3 mars; CBiiind de
Jassiy 25 mars). Dans son second article, M. Schuchardt est revenu sur œ sujet
surtout pour expliquer qu'il n'y avait dans sa proposition aucune hostilité contre
Berlin, et pour proposer de former des comités multiples qui recueilleraient des
souscriptions pour une Fondation Dicz^ en laissant pour le moment indétemmié
remploi précis qu'on ferait des fonds recueillis, qui, de Taccord général, doiveot
être consacrés, sous forme de bourse ou de prix, à encourager et récompenser
les jeunes gens qui s'occupent de philologie romane sans distincùon de nationaiitc.
C'est conformément à ces idées que le Comité de Vienne a lancé l'appel que
nous avons donné plus haut.
Entre le Comité de Berlin et le Comité de Vienne, nous n'avons pas â nous
prononcer. Il est clair que les fonds, dans quelque caisse qu'ils aillent provisoi-
rement séjourner, finiront par se réunir, et nous ne doutons pas qu'il ne leur
soit donné, au bout du compte, la destination à la fois la plus large, la plus
libérale et la plus pratique. Nous rappelons que les souscripteurs peuvent
adresser leurs offrandes à M. Gaston Paris (7, rue du Regard, à Paris), et nous
engageons vivement tous ceux qui s'intéressent à la philologie romane et qui
comprennent les obligations qu'elle a à notre cher maître, tous ceux aussi qui
partagent les généreuses idées de M. Schuchardt, à contribuer au monument
qu'on élève à l'auteur de la Grammatik der romanischen Sprachen^ à celui dont on
peut dire à juste titre :
Hinc cui Barbaries, illinc Romania plaudit.
Nous publions une première liste des souscriptions qui jusqu'à présent nous
ont été adressées :
La Société philologique de Cambridge . . 270 fr.
G. Paris 500
Michel Bréal 20
Alfred Morel-Fatio 20
Gabriel Monod 40
Arsène Darmesteter 10
Louis Havet S
A. Barbier de Meynard s
Louis Léger S
87s fr.
G. P.
— L'Académie des sciences morales et politiques propose, pour l'année 1879,
le sujet suivant :
t Rechercher les origines et les caractères de la chevalerie, ainsi que les ori-
gines et les caractères de la littérature chevaleresque.
« Déterminer, dans la chevalerie et dans la littérature qui en est l'expression,
quelle part peuvent avoir eue : rTélément celtique (gallois, breton et gaélique);
2' l'élément germanique et Scandinave ; 3' le christianisme et l'esprit religieux.
CHRONIQUE 31 {
• examiner si une part d'influence doit être aussi altnbuée â la civilisation
arabe et moresque^ aa moins sur la branche méridionale de la littérature cheva-
(2- (
■de I.
• Etudier Tinfluence qu'ont exercée ta chevalerie et la littérature chevaleresque
sur les moeurs et les idées de la France et de l'Europe depuis te Xl« siècle
jttsqu^à la dernière période de la chevalerie^ caractérisée par le chevalier
Bayard.
• Déterminer les rapports et les oppositions entre la morale chevaleresque,
telle qu'elle se dégage des Chansons de geste et de l*ensemble de cette littérature^
et, d'autre part^ la morale de TEgiiseet Tespril de la législation féodale.
• Ce prix est de la valeur de quinze cents francs,
f Les mémoires devront être déposés au secrétariat de Unstltut le j i dé-
cembre 1878, >
— M. Schipper, professeur de philologie romane à Kcenigsberg, ayant été
appelé à Vienne en qualité de professeur de langue et littérature anglaise^ il a
été remplace par M. Vollmœller, privat-docent â Strasbourg.
— La Société archéologique de Bèziers vient de publier la sixième livraison
(!• du tome H) du Brevian d'amùr^ dont Tédilion était restée en suspens depuis
itt ans. Cette livraison contient les vers 2091 j-i6j64. A la différence des
édentes» elle est entièrement Tœuvre de M. G. Azais, le savant secrétaire
de la Société, Voicî comment s'est faite cette édition qui, somme toute, malgré
SCS imperfections, fait honneur à la Société archéologique de Béziers. Le texte
des cinq premières livraisons a été établi par M. P, Meyer, d'après les mss.
BibI, nat. fr. 857 {A), 9219 (B), 8^8 (C), i6oj (D)< ; U copie du ms. A avait
été faite pour la plus grande partie par M. Michelant. La notice des mss. publiée
en 1862 avec la première livraison (p. x-xx\ est de M. Meyer, qui a aussi revu
les épreuves des cinq livraisons, sauf celles des feuilles 9 a 1 1 du l. L Lorsque
M. Meyer se milâ Tœuvre^ en décembre î86o, iî n*avait encore que des notions
très- vagues sur l'art de faire une édition critique. Personne ne le lui avait appris,
ct^ â cette époque, personne en France n'eût pu le lut apprendre. Aussi crut-il,
bien à tort, pouvoir se dispenser de collationner régulièrement les mss. C et D ;
}e premier, parce qu'il était de tout point détestable; le second, parce que ce
texte y avait subi de la part de son copiste catalan diverses modi6cations. Or,
comme M. Mussafia Ta plus tard montré dans le troisième fascicule de ses Hand-
schfiftiuhe Studien^^ les deux mss. de Paris A et fî, comme l'un des deux mss. de
U Brbl. imp, de Vienne, appartiennent a une seule et même famille qui est ca*
ractérisée par romission d^un certain nombre de passages. Ces omissions, qui
sont de celles qu'on appelle en terme d'imprimerie des bourdons , furent
nnues par M. Meyer, et corrigées d'après C et D (à défaut du bon ms.
Vienne et des mss. de Londres), dès qu'il lui fut possible de cofla-
nncr îes épreuves sur les mss, , c*est-à-dire h partir de la troisième
atson, publiée au commencement de Tannée 1864^; mais il avait fallu
Parfois on t fait aussi usagr de la version en prose catalane contenue dan« le ras.
Op. ÎU (a»!*^* S. Gcrm., fr. ijy)-
1. 1S64. Extraits des comptes -rend us des séances de l'Académie de Vienne, t. XLVL
), A cette IrvratMn est }ointt rincroduaion de M. G. aejîs.
Jt6 CHRONIQUE
lire les épreuves des deux premières livraisons loin de Paris, et c*cst ainsi qûë"
le texte de ces deux livraisons [vers 1-10695) est lort intérieur i celui des trois
livraisons suivantes. La quatrième livraison^ qui s'arrêteau v. 1 5797 cl termine le
premier volume, parut à la fin de 1864, et la cinquième 0" ^^ t H) en 1S66.
Celle même année, M. Meycr, ayant été nommé archiviste aux Archives de
TEmpire, se trouva dans J'impossîbililé de continuer l'édition, qui dès lors resta
interrompue. La livraison qui vient de paraître a été préparée par M. Azais à
Taide d'une copie exécutée pour la plus grande partie par M. Michelant, et dont
le commencement seulement avait été jadis revu par M. Meyer.
— Nous recevons de M, Krebs la communication suivante relativement à un
ms. que vient d'acquérir la Tayior înmution, à Oxford :
« Ce ms., in-8', est composé de 62 feuillets de vélin cl orné d'une niajuv
cu!e en or et couleur. M contient :
« 1^ Fol. 1-41 il, / Trionfi di Pctrarca, commençant par ces mots : t InchcK
mincia i irionfTi di messe r Franchescho Petrarcha...
« Nel tempo che rinova i mie sospîri. »
et finissant (foL 41J) :
« Hor che fie dunquc a rivederla in ciel 0. »
c Ce texte des Trionfi^ comparé avec celui de l'édition la plus correcte
(Padova, 1810), olîre plusieurs variantes.
i 2* Après } pages vacantes, les foL 43-^^ contiennent la biographie de
Dante* écrite par Leonardo Bruni Aretino. Cette « Vie de Dante » a été publiée
dans plusieurs éditions de la Divina Cûmidia. On la trouve notamment dans celle
de Florence, 1819, in-fol., t. IV, p. j-ix. Mais \t texte du ms. est précédé
d une introduction (1 1/2 pages), qui paraît inédite^ et offre des variantes qui
méritent notre attention.
9 y Après une autre lacune de 2 feuilles {foL ^7-62 tf), une biographie de
Pétrarque. Elle commence par ces mots : c Francescho Pelrarcha, huomo di
i grande ingegno e no di minore virtu.naque in areçço del orlo «, el finit ainsi :
• Cosiâcchi mérita come acchi non mérita dare sipuo. t
i Sait-on si cet abrégé d'une biographie ancienne de Pétrarque a déjà ètè
publié,^ «
— M. W, Fœrster. qui publiera incessamment les deux premiers volumes
de son Creslien de Troyes, annonce en même temps qu'il va diriger, chezHcn-
ninger^ à Heilbronn, l'impression d'une Ahfranzômchc BMolhekf comprenant
des textes publiés et inédits, avec introductions, notes et glossaires,
— On annonce la prochaine apparition, chez Trûbner, à Strasbourg, dcTédi-
tion de Rtnarl^ par M. Martin, depuis longtemps attendue impatiemment,
— On nous adresse naturellement un grand nombre de livres dont nous ne
pouvons donner de comptes-rendus détaillés. Ce n'est pas la bonne volonté qui
nous manque, c'est le temps, l'espace et les forces. Cependant il est bon que les
auteurs ou les éditeurs qui veulent bien nous envoyer leurs publications les
voient au moins annoncées, et d'autre part c'est rendre service à nos lecteurs
que de leur faire connaître même superficiellement les ouvrages relatifs à nos
CHRONIQUE 517
études qui passeni sous nos yeux. Nous donneroEis dorénavant, à la fin de la
chronique de chaque numéro, la liste des livres qui nous auront été adressés.
Nous joindrons parfois, mais sans aucune régularité, un mot d'appréciation à
td ou te[ ouvrage ; il va sans dire que ni l'insertion dans la liste ni l'appréciation
sommaire n'impliquent que nous renonçons â donner du livre un véritable
compte-rendu. A partir du prochain numéro les livres seront mentionnés dans
Tordre ofi nous les avons reçus; aujourd'hui nous relevons au hasard ceux que
nous trouvons sur noire bureau :
V. iMBRuNr, Xn Conti pomiglîanesi, con vananti avellinesi, montellesi, bagrto-
lesi, milanesi, toscane, leccesi, ccc ^ illustrati da Vittorio Imbriani.
Napoli, Detken et Rocholl^ 'S77, in 12, xxxij-290 p. — La Noveïlaja
fiorentina, nella quale è accolta integramente la Novellaja milanese.
Livorno, Vigo, 1877, in-12, xv-640 p. — Recueils aussi précieux par la
sincérité des textes que par ta science et l'esprit des commentaires.
S.-A. GuASTALLA, Canti popolari del circondato di Modica. Modica, Luln e
Sccagno^ 1876, in-ii, cxxx*i04 p. — Nous n'avons \à que le premier
volume d'un recueil qui fait très-bonne suite à ceux que nous possé-
dons déjà de chants populaires siciliens ; la préface contient des renseigne»
ments fort intéressants.
L. DsLii^LE, Inventaire général et méthodique des manuscrits français de la
Bibliothèque nationale. Tome I, Théologie, Paris, Champion, 1876^ in-8",
cIix-20,1 p. — Cette importante publication sera indispensable à toutes les
bibliothèques publiques et à tous les travailleurs qui s'occupent du moyen-
âge, M, Detisie nous fait espérer qu'elle marchera vite. Elle est précédée
d'une introduction très-inslructivc sur l'origine des divers fonds manuscnls
de notre grande Bibliothèque.
P. Rajna, Le Fonli dell' Orlando Furioso. Firenzc, Sansoni, 1867, in-.8«, xiîj
^2 p. — Ouvrage capital, et où Tancienne littérature française tient natu-
rellement une grande place.
Récits d'un Ménesirel de Reims au XI 11*= siècle, publiés pour la Société de
THistoire de France par N. de Wao.ly. Paris, Renouard, 1876, Ixxij-îî2
p, — Edition critique, avec notes et glossaire, du charmant ouvrage
imprimé une première fois sous le titre de Chronique de Rains, une seconde
fois sous celui de Chronique de Flandres.
P. KRuaKR, Ueber die Worlstellung in der franzœsischen Prosalitteratur des
dreizehnten Jahrhunderts. Berlin, 1876, 60 p. (Inaugural-Dissertalioti).
L, Cléoat, Cours de littérature du moyen-ige professé à la Faculté des lettres
de Lyon. Leçon d'ouverture. Paris ^ Thorin, 1877, in-8*', 29 p*
A. Fleck, Derbetonte Vocalismus einiger altostfranzoesischen Sprachdenkmaeler,
und die Assonanzen der Chamon des Loherains. Marburg^ 1877, in-S*,
29 p« (Inaugural-Dissertation).
A. LucHAJRE, De lingua Aquitanica. Paris^ Hachette, 1877^ in-S", 65 p,
(thèse latine de doctorat). — Bon travail, où l'auteur parle des rapports
phonétiques du basque et du dialecte gascon en homme qui connaît l'un et
l'autre.
}ïg CHROHIQUE
La Chanson de Roland, Genauer Abdruck der Venftiancr Handschrift IV,
besorgt vora E. KreLmNU. Heiibronn, Henningcr: Paris, Vicwcg, 1S77,
in-S*, i7i p. — Reproduction diplomatique, qui sera fort utile aux savants,
puisque M. Hofmann n*a pas encore publié ceile qu'il a imprimée
depuis longtemps.
Dtr Mùnchtmr Erul^ Gottfried von Mortmouih in franzoesischcn Vcrsen des XII.
Jahrbunderts.,, hgg. von K, Hopmans* und K, Vollhcblleti. Halle^ Nie-
meyer, 1877, iiî-8% lij-124 p. — Traduction en vers de G. de MonmoutK,
indépendante de celle de Wace et presque aussi ancienne, conservée (incom-
pléle) dans un ms, de Mumcb, publiée avec une importante iotroductioa .
philologique. j
Adam, mystère du X1I« siècle, texte critique accompagné d'une traduction par
L. Palustre. Paris, Dumoulin, J877, in-8', xij-187 p.— Beau livre^ mais
sans valeur scientifique. Uéditeur ne dit même pas si pour son texte
1 critique » \\ a revu le manuscrit, et n'indique pas les leçons de rèditioti
précédente quand il s'en écarle, ce qu'il fait souvent à tort, La traduction
montre qu'il est loin d'avoir toujours bien compris, ce qui était d*aiHeun
impossible avec la teçon qu'il prétendait traduire.
Guta Apottonii Reg'n 7)rii metrica ex codice Gandensi edidil E. DuMMLEa
Halle, 1877, in-4', 20 p. {PrâsnnhcUungsprogrâmm). — - Edition faîieJ
avec soin (cl c'était fort malaisé) d'un poème (incomplet) du X' siècle,]
qu*il ne faut pas attribuer, comme le faisait Hatipt, à Walafrid Strabon.
Waqe^s Roman dt Rou et des ducs de Normandie... hgg. von H. ANnutsKN,
I, Heilbronn, Henninger; Paris, Vieweg, 1877, xcvi*2j8 p. — Nous par-
lerons en détail de cette importante édition ; disons tout de suite qu'elle
annule absolument celle de Piuquet. Voyez Tarticle de M. Suchier dans le
Cenlralbîattf indiqué ci-dessus. j
A. Deloollle, Glossaire de la vallée d^Yères, Havre^ Brenier, 1879, in-B*,
XV-J44 p. — Travail d'amaieor. Voy: Rivue ctiùque^ 1877, n" 20.
CuHDAT (L'abbéI, Noëls vellaves, 1631-1648, publiés par Tabbé Payrard. Le
Puy, Freydicr^ '^7^% xxxij-126 p. — Ces Noëls, du second tiers du
XVll* siècle, sont précieux comme document pour Thistoire du patois du
Velay; en eux-mêmes ils sont assez gais, mais sans grande valeur.
F. Canalkjas, De la poesia heroîco-popular casteflana. Madrid, Saiz, 1876,
in-12, 75 p. — Se rattache au beau livre de M. Miiâ y Fontanais sur ie
même sujet.
G. PiTRÈ, Saggio di gîuochi faticiuHeschi siciliam. Palermo, Monlaina, 1877,
in-8°, 29 p. j
A. LoNGNON, Etude biographique sur François Villon, Paris, Mcnu^ i^??»
in-j2, 22Î p, — L*ètude publiée dans la Romanm^ t, II, ne forme qu'une
partie de ce volume, où l'auteur a fait connaître des découvertes encore
plus importantes que les premières,
F. Masïmjns y Labrûs, Tradicions del Vallès, ab notas comparativas. Barce- I
lona, 1876, in-i2- iv, i^o p. — Plusieurs de ces traditions {notamment
CHRONIQUE }t9
la seconde, qui appartient au cycle des Ftmmu-Cygnes) sont intéressantes,
ainsi que les remarques de l'auteur ; mais )I raconte dans un style trop fleuri*
W, ZARucan^ Oer Graltempeh Vorstudie zu einer Au&gabe des jûn^ern TîtureK
Leipzig, Hirzel, 1876, in-4', 182 p,
C KMAUsa, Zur alt^anzoesischen Lautlehre. Leipzig, 1876, îii-4**, 46 p.(Pro-
gramm), — Observations sur la langue de Rtckan le BeL
ftioscH, Unlersuchungeo ûber die Quellen ynd das Verhaellniss der provenza-
lîschcn und der lateinîschen Lebcnsbeschreibung des hL Honoratus. Ber-
lin, 1877, in-8*, 6j p. (Inaugural-Dissertation )♦ — L'auteur pense que la
vie latine de S. Honorai est issue de la biographie provençale de R^Feraut
(cf. Romama^ l\\ 257 ss.),
— Noos avons reçu trop tard pour lui consacrer cette fois l'analyse détaillée
<}a'il mérite le premier numéro de la Zcitschrijt fur romanischc Phlhlogu, Disons
seulement que l'exécution matérielle en est fort belle, et que les articles sont
aussi intéressants que variés.
— Il nous reste juste le temps et la place de publier le document suivant,
reUtif à h Fondation Diez, que nous venons de recevoir d'Italie :
Appciio agli studiosi italiam conttrntntt la i Fondûiiont Dxtz, •
CoiTi'é noto, in Allemagna s'é da quakhe tempo introdotto Tuso lodevolis*
simo d^ODorare grillustri trapassati, piuttosto che con istatue 0 altri siffatti
moQumenti, con délie c fondazionî 1, le quali, intitolate dal loro nome, giovlno
în qoalche modo al progresso délie scienze o discipline m cui queglt si furon
segnalati^ o tornino cornu nque in quakhe benefizio delF universale. Taie è, per
esempio, la < Fondazione Bopp », istiluitasi, alcuni atini sono, per promuoverc
gli studj glottologici in générale.
Ora, da molti tra i discepoli c ammiratori dell* illustre romanologo Federigo
DiEZ, morto il 39 maggio delt' anno scorso, si é sentito il vivo desiderîo d'inti-
lotare dal suo nome uaa fondaiionc che abbia per iscopo di promuovere studj e
lavori nel campo di quella titologia romanza della qtiale egli ben puè cKiamarsi
il fondatore, e, incoraggiandone il progresse stil la via tracciata dal gran Maestro^
giovi cosl ad ampliare e fecondare le nobtli resultanze da lui conseguite e serbi
a un tempo ognorviva e présente la memorîa de' suoi meriti impenturi.
Quindi é che da akuni dei principali Blologi e romanisti atemanni volendosi
mandare ad effctlo qucsto pensiero, già naio pur nelF animo di parecchi stu-
diosi anche fuori dalla Germanta e particolarmente in Italia, s'ordinè dapprtma
un Comilalo in Berimo, poi un altro in Vienna^ facendosi appello da entrambi *
a quanti v'hanno^ m qualsiasi paese^ discepoli e ammiratori del gran romano-
fogo per ristituzione di una
* FONDAZIONE DIEZ 0
e invitandosi a prendervî parte anche tutti coloro a cui in générale sta a cuore
il progresso del lavoro scienttfico^ siano essi di stirpi latine, le cui lingue il
r. U cifcolarc del comitato berlinese porta la data del i* febbraio 1877 c le finnc
dei pTofeiïori Booitt, Ebcrt» Crceber^ Herrig, Mahn, Maetzner, Mommscnt Mùllcnhoff,
von Syb«î, Suchier, Tobler, Zupitia. Quella del comiiato vicnnese, la data deil' 1 1 aprile
1877 c le firme dei professori Dcmattio, Horti^, Martin, Miklosich^ Mussafia, Schuchardt.
320 CHRONIQUE
DïBZ insegnô primo a rettamente conoscere nék loro reaproche attenenze e
nella loro intima natura^ siano essi suoi cocinazionali^ che p€r opéra dî questo
iiftistre condttadino videro cosl notevolmente accresciuto i'onore degli stud)
alemanni.
Non s'è ancora definilivamenle fermalo il modo in cui dovrà essere usufrut-
tuato il capitale che si vuol cosl raccoîto al fine di promuovere it lavoro scienlU
fico neir âmbjta degli stud| romanzi. Ma Tintento principale è di consegutre on
reddito con cuï premiare, a delerminali periodi, quelle più merilcvoli opère che
si pubblicheraïino nel campo degli sludj neo-latini, e cj6 sempre scni* alcuna
distiDzione cîrca la nazionaJiià degli scrittori, e, pcr quanlo sia possibile, pur
tacendo che ai giudizj prendano parte de* perili d'ogni paesc. Si vorrcbbero
anche assegnare de' premj allé mîgliori Memorie intorno a terni da proporsî.
Chiusa poi la raccolta dei fondi^ pel che è fissato il |t dicembre del 1S77, la
« Fondazione Diez » sari annessa a uno dei primarj Islituli scienlifici, da cui
ne dispenderà indi tnnsnzi Tamniinistrazione.
I sottoscritti doccnti iuliani di filotûgia neo-latina^ costituitisi in i Comitato
per la fondazione Diez •, rivolgcndosi ora corne f^nno anch'essi ai loro con-
citladini per invilarli a concorrere a codesta bel l'opéra, non dubttano punto che
questi ben sentiranno corne incomba alla primogenita fra le stirpi latine di
mostrare in quest' occasione la sua viva gralitudine e la $uâ profonda venera*
zione a quel glonoso che fondava la scienza délie lingue romanze, e dicontribuir
cosi ad un tempo alP incremenlo d'una disciplina, la romanologia, chcdovràfar
parte essenziale délia cullura de' popoli neo-latini. Essi tengono per fcrmo che
gli studiosi ilaliani^ in questa nobile gare internazionale, risponderanno degna-
mente alla ^ducia espressa negli appelli che ci vengono d'oltralpi e che gia hanno
trovalo pronta adesione anche in Francia, in Inghil terra ed in Rumenia.
II contributtOi al quale sono invitati gH studiosi italiani, sarâ incassato dal
tibraio-editore signor Ermanno Loescher (che ha casa a Torino, a Roma e a
Firenze), pregalo dai soUoscritli a far da tesoriere. Chiysa la colletla con la
fine deir anno^ e previa pubbitcazione di un conto parttcolareggiato di quanto
si sarà raccoîto e det nomi dei sitigoli contribuenti^ i londi saranno trasmessî al
comilato di Berlino dal quale è partito tl primo impulso e col quale non pu6
dubïtarsî che abbia a procedere di pîeno accordo anche il comttalo dî Vienna,
corn uni essendo gl' intenti e diventando perciè corne necessaria anche la piena
concordia nei mezzi. Se perd qualche offerla o promessa fosse vincolata a par-
ticolari condizioni, non per questo 1 sotloscrîtli Taccetteranno con minor rico-
noscenza.
Milano e Torino, i\ 20 aprile 1877,
Graziadio Ascoli (Milano), — Napoleone Caix (Firenrc), —
Ugû Angeio Canello (Padova), — Francesco D'Ovinjo
(Napoli), ^ Giovanni Flechia (Torino), — Arturo
Ghaf (Torîno), — Ernesto Monaci (Roma), — Pio
RAiNA (Milano).
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G, Diupelcy k Nogeni-le-Rotro«,
LA PRONONCIATION DE lE
EN FRANÇAIS».
Messieurs les directeurSi
L'un de vous m*a exprimé récemment le désir de me voir formuler
par écrit quelques idées sur la phonétique romane dont je lui avais dit
un mot de vive voix. C'est pour répondre à ce désir que je rédige la
présente noie. Bien qu'elle soit un peu longue, ce n'est point une
dissertation en règle : c'est seulement une esquisse de la théorie que je
crois probable. — Il s'agit de savoir comment» des formes latines p^^^m,
fiitâîimy cdnem, càrum^ on est arrivé aux formes phonétiques actuelles
du français : pyéf pityé, xyc^ xêr.
Ici y représente une consonne, par opposition à i qui est une voyelle,
I-a consonne y est sonore après une sonore : vyc ^ véniî; après une
sourde elle est sourde ; tyè = téneî. Sonore, elle est identique au jod
allemand; sourde, au ck de kh. Seulement le jod et le ch allemands sont
toujours au commencement ou à la fin d'une syllabe : jahr^jejch-komme^
mai-chen ; au contraire, dans les mots français comme vient, tient, pied^
chien^ etc. , la consonne y est à riîitérieur de la syllabe. Ainsi, tandis que
les Allemands coupent màd-chen^ Gret-chen, nous coupons main-iienneat^
Ë'tUnne; de même ga-bion, qaes-tion, pré^cicux, etc. ; de même encore
l^u consonne dans ce-lui; Vou consonne dans An-toinija-douanc, le-foutî;
W dans râteler, Hon-fleur; IV dans pa-tric, em-pereur, nom-brtux. —
Même la consonne de ie initial tend à s'enfermer dans l'intérieur de la
syllabe : iî-nyàn == une hyène y d£-iyèbl = de l'hièbîe. Le y ne peut corn-
mencer la syllabe que s'il est précédé d'une voyelle : âplwa~yéf dwa-
ji^ etc. Après un groupe de deux consonnes le groupe ie prend le son
disyllabique iyé (Jè-vn-yé) etlaconsonney commence la syllabe; les très-
rares personnes qui prononcent encore ie monosyllabe disent fèv^ryé^
ka-lld-ryé, bakAyè^ môt-ryé; de là dans les patois fevérier, calend'érier^
hûiïkéliery sanghclier, monteriez.
Quant à la voyelle e qui suit la consonne y, elle est en tout assimilée
par la prononciation actuelle de Paris à Fe, de date et de source
I. M. Stanislas Giivard, à qui j'avais communiqué une épreuve de cet article,
me fait remarauer qu il a exprime des idées assez voisines des miennes, Journat
asiatique t 1876, 1, p. 444.
Romania^ vi
11
322 L. HAVET
quelconque, que précède nlmpone quelle autre consonne. Je crois certain
qu'aujourd'hui, pour une oreille parisienne, pied rimerait parfaitement
avec pâté, mai^ aimer^ amadoués^ montre-les ; — tienne avec mèney peine,
humaine; — hyine avec pine^ reine j chaîne^ traîne ^—chien avec w/7, bain,
plein, îu plains, il plaint, tu peins , il peint.
Je ne crois pas qu'aucun dialecte roman traite le groupe ie d'une autre
façon. Pour ce qui est de la consonne y, elle sonne exactement de même
dans Vhdiikn fievole = ftebilis, où son origine est consonantique, et dans
ritalien^^ra = fera, où elle est issue d'une diphthongaison de IV. Pour
ce qui est de la voyelle e, l'italien admet les rimes impero :: vera :: Piero,
intesi :: sospesi :: richiesi, era :: vera :: schiera (Dante), l'espagnol admet
les assonances deber :: jiiez :: sien :: bien :: enfor^aé r: prez :: curé ::
fué i: îorcer :: fe :: ser :: esté :i oireis :: aprender :: esté :: bien :: dél ::
rey :: diez (Michaelis, Romancero del Cid I), Ainsi donc» dans le roman
contemporain, le groupe ie est une syllabe comme da^ ho ou //, formé
d'une consonne et d^une voyelle, et traité en conséquence dans les vers,
partout où la versification est au courant de la langue. Il n*y a plus en
roman de diphthongue ie.
Il n'en a point été toujours ainsi. En ancien français, pendant une
longue suite de siècles (et aussi^ si j*ai bonne souvenance, dans l'espa-
gnol du Poème du Cid par exemplei , ie est un élément à part et n'assone
qu'avec lyi-méme. Le plus ancien français distingue trois e, dont l'un
correspond à î" ou ï latin, l'autre à i dans une syllabe fermée, le iroi-
sième à a (ainsi mette ::=: mïîîat, biU:=bella, père =patrem appartiennent
à trois assonances incompatiblcsl, et en outre il distingue de ces trois e
la diphthongue en/ [e + nasale) et la diphlhongîie ei; avec aucun de ces
cinq éléments ne peut assoner la diphthongue (>. Cres^ti-ien== christianum
assone bien avec chielt — caleî; il peut assoner s^vtcpiet, ciel^ consei-llier,
moiAlier; mais il n'assone pas avec ma-ri-er = maritare, bien qu'ici la
chute du t ait mis Ve en contact avec un /. Dans de telles circonstances
il est clair que l'i du groupe te ne poîivait avoir comme aujourd'hui la
valeur d*tine consonne y. Vi était certainement une voyelle, et le groupe
ie était une diphthongue tout comme à la même époque ai, au, eu. Et je
suis porté à croire que dans la diphthongue ie la plus intense des deux
voyelles était IV. Il est aisé de prononcer rr(^5-;M^/î, con-séi4^ier,pai'\er^
txan-djier. Au contraire un / moins intense que Ve est au moins très-
difficile à faire entendre d'une façon distincte dans des groupes pareils;
un son aussi fugace, après une voyelle comme i, une diphthongue comme
ai, une consonne comme / ou /', se serait de très-bonne heure fondu
avec le phonème précédent. L'hypothèse de la prononciation ie rend
d'ailleurs bien compte de la contraaion en i si fréquente dans les dia-
lectes. Enfin elle fait comprendre comment il a pu y avoir si longtemps
DE àe EN FRANÇAIS î2^
La diphthangue ie était donc une
LA PRONONCIATION
un abtme entre ma-n-e et moMi-e,
dîphthongue décroissante » .
Quel était le son de la seconde voyelle dans la dîphthongue i^ ? Là
dessus le français contemporain ne peut nous renseigner : dans pied,
iumtt hyène^ chien nous avons quatre variétés d'* bien distinctes, à savoir
i krmé, e ouvert bref, e très-ouven long, e ouvert nasalisé. Selon toute
apparence Ve avait dans la dîphthongue le même timbre qu'il a gardé en
italien après le changement de l'i intense en une consonne v, à savoir
le timbre de notre c ouvert bref de mettre ^ jetk, Joseph^ tu «, marais. Il
est, je crois, généralement et justement admis que Ve bref latin avait
précisément le timbre de notre è ouvert : il y a donc moins loin de
pldem à pUî que de pidcm à pïiî.— Le son de la dîphthongue, en ancien
français, était donc i^.
La dîphthongue française ie a deux origines principales, à savoir ê
accentué, et après un phonème lingual postérieur quelconque (i, e, y, t\
<r, P, n\ Jt, g *) un a accentué. A ces deux sources il faut joindre le
suffixe -arium. Ainsi on a de ta première source piet =^ ptâcm, vient =
uimt; de la seconde source chier = câruniy chiere ^ airam^ aidier pour
*aid'ar »> adiatân^ paikr = pacàre, crestiien — chrisîiânum^ chien =
cdnem ; de la troisième source premier = *primsdro = primârium.
Voici comment je me figure la transition pour la première source, par
exemple le passage de pi^dem à pièî. Le latin classique dit p^dèm avec è
aigu ; le latin vulgaire dit pédè avec è intense ; sous l'influence de Pintensité,
l'ancienne voyelle aiguë se prolonge et devient double en durée, ce qui
mène à péèdè. De la même façon, à une autre époque, le classique /T^if m,
devenu en latin vulgaire /é*^^, se prolonge tnféédè. Les deux diphthon*
gués monochromes éi et et* subissent ensuite Tinlluence d'une tendance
qui s^est manifestée souvent dans le langage et qu'on pourrait appeler loi
de réfraction des voyelles longues : les deux parties dont se compose la
dîphthongue prennent chacune une nuance distincte, de sorte que pedem
aboutit ipéèî, pièt, fïdem à féit. Dans pièt on passe du timbre plus
fermé au plus ouvert, dans féit du timbre plus ouvert au plus fermé.
Pour la seconde source, a précédé d'un phonème lingual postérieur^,
les degrés éè et é^ ont dû aussi précéder le degré i^ ; je serais d'ailleurs
porté à croire que éè a été précédé de a^, de sorte qu'on aurait eu suc-
cessivement harum, ka^ro, ksJro^ kéèro, d'où plus tard kier, chier. Le
son at» aurait été la transformation commune de tous les a accentués non
placés dans une syllabe fermée; après un phonème lingual postérieur, à
I. J'ai proposé ce terme Romania, t. III (1872), p. j2j.
a. Je crois avec M. Thomsen [Mém. dt îa soc. dt iing,^ 111, p. 106 S5*| que
le trançais 3 possédé, dans les mots comme guetter^ mer, etc., des consonnes
mouillées, analogues à celle des langues slaves*
324 ^* HAVET
une date ancienne, le premier élément a serait devenu plus lingual, et
se serait assimilé au second élément è {kaxro kéèro = cârum, kaJtnè
kéènt = cdnem ' i » tandis qu'après un phonème non lingual la diphihon-
gue B,è aurait persisté plus longtemps; plus tard lesat' subsistants auraient
donné ad puis a/ devant une nasale {maint = ma/id, encore maent dans
rEulaUe ^\ ; enfin la diphlhongue at , en dehors des mots comme cântm,
cdnem et mànetj se serait assez longtemps maintenue (avant de se méta-
morphoser en é comme à Paris, en è comme en Normandie, en et comme
en Bourgogne) sous la notation e. Quoi quil en soit de ces hypothèses,
je crois très-probable que, dans cârum et cdnem comme dans pédem^ la:
diphlhongue it est issue par réfraction d*une diphthongue monochrome éè
Je n'aborderai pas ici te problème ardu que soulèvent les mots de la
troisième source».
L'histoire de 1 o latin est généralement très-analogue à celle de \*e et
rhistoire de Vu à celle de VL De même que cridere et jldem donnent par
réfraction d'une voyelle monochrome creidre et/^Ff, de même dans l'Eu-
lalie belkiidrem donne bdkzour et suam donne soaue. De même que pêdem
donne péèdè puis par réfraction péèdc, pièdè, de même bônum donne
bèono puis par réfraction béono, bnono. L'italien contemporain dit d'une
part pyédc par un e ouvert intense, d*autre part bwonè par un o ouvert
intense.
L'idée de la réfraction vocalique m'a été suggérée par une observation
sur la langue russe, que je dois à M. Stanislas Guyard. En russe, \*o
accentué, et de même le iaî* accentué 4, sont des diphthongues, des
voyelles réfractées. Dans l'une et dans l'autre de ces deux voyelles le
son est d'abord irès-ferraé, ensuite très-ouvert; et, en général, la pre-
mière partie de la voyelle est la plus intense des deux i .
Le génitif goda du mot god, année, se prononce g(^oda; l'infinitif
^/jiî\ se transporter, se prononce y^è^/af; seulement Va et Vè, dans la 1
seconde partie des diphthongues réfractées russes, sont plus ouverts que !
notre o de botie et notre e de tctte, Vc russe vaut de même yùà <**
4
4
1. Ici la qui se lingualise est enfermé entre un phonème lingtial qui le pré*
cède et une voyelle linguale qui le suiL L'a sVst de même lingualise sous une
double influence linguale dans les types càcat, iàcet^ iàctaî ; et il y a été traité
exactement comme reùt été un ^ latin.
2, Je dois une partie de ces combinaisons à M. A. Darmestetcr.
j, h£ traiteraenl de *c(rauii^ qui donne cmu^ arugia^ montre que le traite-
ment du sulfixe -arium doit être expliqué par voie phonétique^ et non écarté
sous orétexte de confusion avec le suffixe -crium.
4. Le laC est la lettre russe qui a la forme d'un b minuscule barré.
^. LtitiC contient en outre une consonne initiale v, qui après une consonne
disparaît, mais mouille la consonne précédente.
6. La réfraction vocalique, d'après une observation que j'ai faite à plusieurs
4
U PRONONCIATION DE t€ EN FRANÇAIS î2Ç
Dans les langues romanes la seconde partie de la diphthongue réfractée
est devenue la plus intense. Il en est de même en russe, au témoignage
de M, Guyard, pour Vo et le iaf (et aussi, je pense, pour Te:) de certaines
syllabes fermées. Ainsi dans le mot god^ année, « Vo équivaut à l'anglais
wa de wasp » : gôtt ou giyor La langue russe nous oflFre donc le dipho-
nème croissant à côté de la diphthongue décroissante.
De tous les dialectes français, celui où la diphthongue décroissante iè
se changea le plus tôt en tin groupe croissant iè ou yè fut le normand
d'Angleterre. Là, très-peu de temps après la conquête, on voit Tancienne
diphthongue ie rimer sans difficulté avec IV issu de Va latin tonique non
influencé dans le sens lingual, par exemple avec Ve de amer, ame, amtz.
Or, en Normandie, le son le plus ordinaire de cet t est fort ouvert ide là
dans le patois de comédie les formes caraaéristiques allais, venais pour
ai/ex, unez^ etcj, et il a dû l'être toujours, sans quoi il se serait confondu
avec Yc fermé issu dV long ou d'î bref latin. Sur le continent et à Jersey
cm entend encore cet t ouvert; à Guemesey on l'écrivait au xvr siècle
ii ou ey et on le prononce aujourd'hui ai. Il n'est donc pas douteux que
Tanglo-normand devait, comme l'italien moderne, prononcer ^é et non v*.
Aujourd'hui on prononce arrière avec un e ouvert long, au xvir siècle
on disait arriére avec un e fermé, et dans mon hypothèse on avait com-
mencé par dire arrihE avec un e ouvert bref. Il est prudent, en générai,
d^admettre, entre le français de la chanson de Roland et le nôtre, plutôt
un grand nombre de révolutions phonétiques qu'un petit nombre.
La diphthongue iè doit être distinguée soigneusement d'une diphthon-
gue ié qui est fréquente dans les patois, mais que le français de Paris
contracte d'ordinaire en i, et qui a pour source un e ou un i combiné
avec un i secondaire. Ainsi dix — decem^ six = sex, pLS == peius, pis —
putus, prix= pretium, église = ecclesia, le suffixe -ise - Htia^ lit = lec-
Ittm, dépit = despectum^ parfait = perfectum, confit = confectum, délite ^
iikctût^prie = 'precat^ lie = ligat, nie ^ necat^ nie=negat^ scie = secaty
chie — cacatt gtst =^ tacet, disme = décimât engin =- ingenium », pire —
puor^ sirt — se(ji)iory lire = légère^ élire = eligere^ suffire = nifficere^
empire = imperium^ martire ^ marîyrum, mire = mcdtcam^ formes qui
dans les patois se retrouvent pour la plupart avec un diphonème yé à la
place de IV parisien.
reprises et dont M. Guyard m'a cocifirmé rexactittide, se manifeste en outre
dans Tacuité de la voix. Le génitif goda se prononce en réalité g"àd«^ avec un
Ion descendant analogue sans aucun doute au circonflexe antique. Ce ton descen-
dant se fait entendre même quand la voyelle n'est pas susceptible de deux variétés
de timbre : p^atx*^ plutôt (comparez p^txi, étant tombé),
i . De même nnt =^ *u^niit^ de uëmre^ et par analogie tint.
p6 L. HAVET
Dans le français proprement dit le diphonème ne se conscrre que
devant une r qui fait partie de la même syllabe {tUrs ^=^ tertitim^
nmtiir = ministerium, mosîier = monastmum^ concierge = • conser-
uia/îi, cierge t=. cereum^ vierge = uirginem], et aussi dans nièce =
*nepua^ pike =^ pecia, à côté de épice =: 'specia. Le timbre fermé de IV
a été modifié dans le français contemporain partout où cette voyelle n'est
pas le dernier phonème du mot ; mais on l'entendait encore au commen-
cement du xvii'' siècle. Le Grand âictionatre des rimes françaises , selon
V ordre alphabétique, à Cologne, cb. bc. xxiv. [par De la Noue], atteste
positivement que nièce et pièce, ayant « vn é masculin en lapenultîesme »,
ne peuvent rimer avec les mots en esse bref ou long (p. 26, col. ?); à
propos des mots en erge, comme héberge, serge, verge, asperge, il s'exprime
ainsi ip. 52 coL 2} : « Ceux ci ont en la penultiesmel*E qui se prononce
comme la diphlhongue ay à laquelle pronontiation il faut tirer )-E mascu-
lin de ia terminaizon suyuante quand on fuy aparie » ; puis il énumère
les mots de la rime terge, à savoir cierge^ concierge et vierge, et rappelle
qu'on peut les apparier à la terminaison précédente « en accommodant
ceste cy à sa pronontiation. »> Il est donc certain que la bonne pronon-
ciation était alors nièce ^ pièce j cierge, concierge, vierge '.
If me reste à mentionner un dernier phénomène. Une fois Vi de la
diphthongue ie devenu une consonne y, cette consonne est devenue malaisée
à prononcer après une chuintante, et par suite a été éliminée. Ainsi au Ueu
de chier, chieare^ peschier, bouchler^ porchier, boulangier, lingiere, giel, etc.,
on dit aujourd" hui xêr, xêvr^ péxéj taxé, pèrxé^ balàjé^ lijér^ jèL II y a
des romanistes dont Toreille est en retard de quelques siècles et qui se
figurent entendre aujourd'hui la différence entre les assonances en e et
l'assonance en ie. Je les prie de se demander de bonne foi si chivre ne
rime pas avec icvre, cher avec pair, et k boucher avec je bouchai. La
consonne y a été éliminée après un autre y et après gn : kôséyé = con-
seiiîier, éparn*é = espargnier, nétwayé = neioUer ^. — Elle se maintient,
je ne saurais dire pourquoi , entre une chuintante et IV nasal : xyë —
chien^ jyê — Gien ? . Mais entre un y et un t nasal elle disparaît 1 àwayi
= doiien.
I
1. De la Noue permet de faire rimer tUrs avec rentiers. Il est certain que de
bonne heure iè s'est confondu avec it partout où il ne se contractait pas, ou
plutôt que, quand il ne s'est pas contracté^ c'est e^u'il s'était confondu avec ii»
2. Dans les infinitifs comme aidier, guttur, baisur^ haiisicf, ckaucier, tmmrier^
Yi a disparu en français moderne. Mais les formes aidtr, gueltcr, baiser^ laisser^
chausser^ cm foirer ont été refaites sur aide^ gaetti, etc. , et non tirées des formes du
Vîeux français. C'est une action analogique et non une action phonétique. If est
clair que cmpinr est formé sur empire^ non tire de cmpciner. Hors de U conju-
gaison l'i reste toujours après l^d^ s^ z. r : lavandier^ moitiiy casur, peaussier^
arrive.
j. / ;V, dans la prononciation actuelle, ne représente pas le latin ilk gtmn et
r
LA PRONONCIATION DE ic EN FRANÇAIS ^2J
En résumé, je pense que la source commune la plus ancienne de la
diphthongue française est é^; que de là est sorti par réfraction vocalique
é^puis i^; qu'ensuite la diphthongue décroissante s'est changée en un
groupe croissant^ iépuis yé\ qu'enfin le groupe ^é, dernière forme com-
mune à tous les ii du vieux français, s'est partagé, à la suite des vicissi-
tttdes les plus complexes, de façon à donner naissance aux diverses
prononciations yè^ yê, yé, yé, et après certains phonèmes è, èy é^ ê.
L. Havet.
Je Y. fr. il gient : je est au pluriel jïn comme pè au pluriel plrC ; c'est encore
«ne affaire d'analogie. Je crois que M. G. Paris {Romania, IV, 1873, p. 122 ss.)
n'a pas assez songe à distinguer ce* qui vient de la phonétique et ce qui vient de
l'analogie.
LA
VIE DE SAINT JEAN BOUCHE D'OR.
M. Alessandro d'Ancona, le savant professeur de Pise, a publié en
1865 dans la Scelta di mriosità kUcrane inédite 0 rare^ la u Leggenda
di Sant Albano » et la << Storia di San Giovanni Boccadoro. 7) M. d'A. a
accompagné son édition d'une savante introduaion où il passe en revue
les nombreuses versions de ces deux légendes.
En parlant des versions françaises, M. d*A. dît (p, 59) : « In Francia
le varie versione délia nostra leggenda non portano mai il nome del
Boccadoro. » Il y a cependant un poème dans le ms. de l'Arsenal ,
B. L. fr 28}, foL 78 v% qui a pour titre : « Or dirons de saint Jehan
Bouche d'or. >» Nous ne connaissons point d'autres manuscrits de ce
poème.
Un conte toui-à-fait semblable fait partie du <( Roman de la Vie des
pères, n II a été publié par Méon, A^. R. il, 129, et porte leiitre : « De
la damiselle qui ne volt encuser son ami ou de celé qui mit son enfant
sus Termite* » Seulement ce n'est pas de la fille d'un roi qu'il s'agit dam
ce conte: le père esi un simple bourgeois, ei le héros du récit est un
ermite sans nom. L'hî&toire de Pencre répandue par le diable et rempla-
cée par de i*or y est naturellement omise, puisqu'il ne s'agit pas de
Chrysostome.
L'auteur du poème de saint Jean Bouche d'or, qui s'appelle Renaut
(voy. V, 19 et 860 du texte publié ci-après), nous apprend [v. 17
ib,) qu'il a trouvé son sujet dans la a Vita patrum. ^> Je ne crois pas
qu^on puisse attacher grand prix à cette assertion. C'est ainsi p. ex.
que Tauteur du conte Dd tumbeor Nosîre Dame^ publié dans la Romania
(187 s, p. 515), dit aussi avoir puisé dans w la vie des anciens pères «, et
M* Fœrster, l'éditeur de ce conte, a vainement cherché son original
dans ce recueil. Il ressort de là, nous le croyons, que les poètes préten-
daient quelquefois avoir puisé dans la Vie des pires ^ qui était sans doute un
LA VIE DE SAINT JEAN BOUCHE d'OR pç
recueil d'une autorité très-respectée, uniquement pour donner plus de
vateur à leurs récits, comme tant de chroniqueurs ei de romanciers
disent avoir trouvé leurs histoires à Saint- Denis. Nous nous abstenons
donc de fonder entre ces deux contes, sur cette assertion du poète, un
rapport de dérivation qui serait, par d'autres raisons encore, difficile à
établir.
Parmi les autres contes français mentionnés par M. d*Ancona comme
représentant la tradition sur Saint Jean Bouche d*or, il n*y a qo^un
miracle qui présente réellement de la ressemblance avec le poème de
Renaut, C'est le « Miracle de Nostre Dame de Saint Jean Crisothomes
et de Anthure, sa mère, cornent un roi lui fist coper le poing et N, D,
lui refisi une nouvelle main. » Ce miracle» publié une première fois par
M. Cari Wahlund (Stockholm, 1875), vient de Têtre de nouveau par
MM, G, Paris et U. Robert, pour la Société des anciens textes français ' .
Dans cette version aussi saint Jean est accusé à tort par la fille d'un roi
de l'avoir rendue grosse; il est exilé et rappelé comme dans les contes
précédents. Mais le récit a reçu deux additions, Thistoire de ta mère de
saint Jean, Anthure, et un autre tour joué à saint Jean par le diable : le
diable écrit, en contrefaisant récriture de saint Jean, une lettre injurieuse
pour le roi; le roi découvre cette lettre, croit Jean coupable et lui fait
couper la main ; Notre Dame lui en rend une nouvelle.
Le «t Miracle de Nostre Dame de Saint Jehan le Paulu, hermite, etc. »
n'a qu'un trait de commun avec le poème de saint Jean Bouche d'or, c*esi
qu'un petit enfant demanda à être baptisé par Jean, Tout le reste de
l'histoire est différent. L'ermite se rend réellement coupable de la faute
qui est imputée à tort à saint Jean Bouche d'or ; puis il tue la fiile du roi
pour cacher son crime. C*est, en deux mots, la même histoire que celle de
la <f Leggendadi Sant Albano)), publiée par M. d'Ancona, et simplement
renouvelée dans les deux versions italiennes publiées à h suite par le
même savant, et intitulées : « La istorîa de San Giovanni Boccadoro. »
Il existe un autre poème français en vers octosyllabiques dans le ms. BibL
Nat. j 5 n» fol- 42 1 1 intitulé : « De saint Jehan Paulu. » Voici le contenu
de ce poème, que nous croyons inédit : Le pape Basile a une vision- il est
porté par un ange dans le purgatoire et voit là les différents tourments
des âmes trépassées. Basile s'étonne beaucoup d'en voir une qui rit.
Il lui demande ce qui peut la rendre aussi joyeuse, et elle répond : U va
naître une fille à Rome qui sera la mère de Jehan Paulu, et celui-ci me
délivrera d'ici par ses prières. Après cette vision, Basile va trouver la fille
dont Tàme a parlé, il prend soin de la marier. Elle a un garçon qu'on
appelle Jehan. Jehan prend la résolution de délivrer Tâme du purgatoire
u Miracles de Nostre Dame par personnages (1876), p. 26^309.
ÎÎO A. WE8ER
et s'en va dans ce dessein dans un désert près de Toulouse. L'histoire
de la fille du roi de Toulouse, qui vient ensuite, est iout*à-fait la même
que celle de la fille du roi dans la Leggmda di Sant Albano. Ici aussi est
ajouté le miracle de l'enfant nouveau-né qui apprend à Jean qu^il a
obtenu le pardon de ses péchés.
Une introduction semblable à celle-là se trouve dans le récit alle-
mand sur saint Jehan Bouche d'or (cité par M, d^Ancona, p. p|, em-
prunté au « Passionale », imprimé à Nuremberg en 1488. Le conte
allemand contient deux traits particuliers qui sont destinés à expliquer
le nom de Bouche d*or. Le premier ne se trouve point dans les ver-
sions mentionnées ci-dessus : saint Jean enfant entre dans une église
et adresse une prière à la Vierge ; celle-ci lui dit de la baiser sur la
bouche : Jean le fait, et depuis ce temps on voit autour de ses lèvres un
cercle d*or luisant. Le second trait est le même que dans le poème
français de saint Jean Bouche d^or : il se rapporte à récriture d'or de
saint Jean et se rencontre encore dans les deux versions italiennes de la
« Istoria di San Giovanni Boccadoro. n
Voici maintenant le texte du poème français de Saint Jehan Bouche
d'or, tel qu'il est contenu dans le ms. de l'Arsenal B. L. fr. 285
f 78 v'» :
Or dirons de saint Johan bouche d^or.
Se chil qui les romans ont fais
Des outrages et des mesfais
Eusenl lor sens apreste
A dire de divinité,
5 Moult eusenl esploîtie mieus.
Tout autres! corne li micus
Est dous vers le fiel qui'sl tant
Si est plus dignes li depors [fors,
C'oo dit qui réconforte Tarmc,
lo Et plus plaîst Deuel nostredame
Et as bons sainsqtiisunten gloire.
Bien doit on tenir en mémoire
Lor vie, et por as gens a prendre,
Por chou k'essample i puisent
[prendre,
1 $ Si iert leur nons plus tenus chier.
Un miracle veul comenchier
Que viu pûînint nous raconte;
Bien doit on raconter cest conte,
Si com nous raconte Remaui»:
20 Moult en est li miracles biaus.
il fu jadis uns moût haut rots
C'ainc n*ama guerres ne desrois.
Mais pais et droiture cl raison.
Cit rois avoit en sa maison
2^ Un capelain de sainte vie:
En son cuer avoit granl envrc
Des Deu besans multeploicr,
Si les voloil si emploier
Qu'il les pcusl al doble rendre.
jo A chou devroit ch as cons entendre
Selonc ce que on a, savoir 1
Ke droit conte peust avoir, I
S'il en a cinc ou dis ou un :
Car li don ne sunt pas conmun ;
) j Dex les a livres a mesure,
Rendre les convient a usure,
Quant covenra au demander; [der, j
Saut chou que Oex veut conman*
10 dex — 17 Dct ,v, besans
^^^^^ LA VIE DE SAINT
JEAN BOUCHE D*OR J^t ^^^B
^H A ascon en doit il servir,
8^ Sovent au capelain parbit, ^^Ê
H 40 Que qui ctiou ne veut aconplir
Qui maint bel motli enseingnoit: ^H
^^^ Certes mau rechut les besans.
N'i entendoit nule folie. ^^Ê
^^B Or ores com 11 bon Jehans
Diables Ta si asaillie ^^H
^^H Kl puis et a non bouce d'or,
Et pointe d'un agu quarrel ^^M
^^P Mutteplia le Dieu trésor,
90 Amer li fist un damoisel, ^^M
^f 4) Que Diex li ot mis entre mains.
Et chit ama la damoisele: ^^M
^^^ On reconte, chou est dé mains,
Endeus aus espnst Testincele. ^^H
^^B C'OD ne poroit conter le dime
Li dansiaus tant s'i acointa^ ^^M
^^V Con il cremoit le roi hautime :
Tant vint a li qu'il l'cnpreingna ; ^^^H
H Ja ne finast de verseiller,
9} Car diables a porcachie ^^^^|
H \o Ne de juner oe de veilter.
' Le fruit qu'en lui a semencie* ^^H
H A bien faire iert tous ses acors;
Nel pot pas covrir lonc termine ; ^^H
H Dame iert li ame et sers li cors^
Mouft se desmente la mescine; ^^M
H Moule ert honestes ses usages,
Car bien savoit qu'ele iert de- ^^M
B Et tant estoit cortois et sages
^H
H jj Kc ja hom n'aperceust s'ucvre*
j 00 Quant diables l'a aperchute, ^H
H Envers le pule bien se cuevre;
Aproismies s'est joste s'oreille, ^^^M
H Car quant entre le gent venoit,
De félonie le conseille : ^^M
1 Festc Cl leeche demenoil :
€ Damoisele^ que vaut vo plainte? ^^M
^^m Estre savoit a cascon fuer,
« Tout entresait estes enchainte. ^H
^^H 60 Mais il avoit dedans son cuer
10; f Quant li rois le sara, vos père, ^H
^^H Plante^ si qu'il vivoit sans gife
0 Et la roine, vostre mère, ^^M
^^V Sebnc les dis de Teuvangile.
« Lues en seres mise a gehtne. ^^M
H On quidoit qu'il aniast le monde;
■ Or soies tant cortoise et fine ^^M
H Le cuer avoit et net et monde^
« Que vostre ami en dcsconbres; ^^M
H 6j Trop par esloit de nete vie.
net Mms est que autrui enconbres^ ^^M
^^H Diables eo ot grant envie,
Il Que vos drus kîece en mortel ^^Ê
^^B Por ta sainte que il menoit;
^^Ê
^^^ Nuit et jor entor lui aloit,
. ^^Ê
H Qu'il le cuidoît faire pechier;
f Dhes qu'aveîs este sa drue, ^^Ê
1 70 En grant se met del trebuchier,
« Que vos en seres bien creue. ^H
H En mainte manière Tassaut :
1 1 1 < Un oef n^en puet mîe vos estre^ ^^M
H Mes ses asaus riens ne li vaut.
c Se vos faites ocire un près- ^^Ê
H Fois et créance ert ses escus,
Tant Ta diables encantee [tre, » ^^Ê
H Qu'il ne pooit estre vericus.
Que moult en est entai entée, ^^Ê
H 7^ Diables en ot grant engaingne ;
Del prestre mètre a danpnement. ^^^H
H Totautresi conme l'araingne
1 20 Ne demora pas longuement ^^^^|
H Devant !e moske met le roi,
Qu'aperchuie s'est la roinne ^^H
H L'empira et mist mal au roi
Au contenement le mescine ^^U
H Par une trop fause querele.
Et au mangier quel te faîsoit ; ^^U
H 80 Li rois ot une fille bêle
En tel guise se demenoit, ^^Ê
1 Que tos \t pultes loe et prise;
125 Chascon jor sanble que dévie: ^^M
H Moult iert cortoise et bien aprise,
Sa mère conul bien teil vie, ^^M
H Ses eures sot et son sautier,
Si come feme d'autre fait : ^^M
H Volentiers aloit au mostier ;
Entresait seit qu'ele a mesfalL ^^Ê
H 41 comme — J5 est — 7? en — 8r
Qm — }oo perchute -^ 107 mU a gestoe — ^^M
■ 11} quek f.
m
^^K_ ^'^
k. WCBER
^^H
^^^^^B
Cete a la face pale et tainte;
• Oil, beaus 1res dous sire , '
^^^^^B i}o
La mcre Ta de tant atainte
[chertés. •
K'ele scut la mésaventure.
Li rois la roine regarde :
^^^^r^
Au roi conta fa contentîre,
170
a El qui se donasi de ce garde,
^^^H
Qui moult grant dolor en de-
f De si saint home corn Jehan ?
^^^H
[ mai ne;
a II en ara honte et ahan : ^m
^^^B
En une canbre o soi Ten maioe^
1 Par la corone que je port^ ^M
^^H I3S
N'i ol fors la reine et lui.
« Arives est a moult mat port ! ^M
• Fille, fait nos as grant anui
'7S
i Trop par est or cls blasme^l
^^^^
w El lait repfovier et hontage,
[lais, >
^^^Hl
f Qui enchainte ies par soignen-
Li rois manda en son palais
^^^^H
[tage;
Ses plus haus barons a droiture.
^^^^1
a Chertés, mouît par en ai grant
Si lor dist la mésaventure: ^^
^^^^H
[honte.
Aine ne se volt plus atargier; ^Ê
^^^H
« Or me di tosl et si me conte
1 80 A ses homes a fait jugier ^|
f De qui tu ies ensî honie^
Le chapelain qui nel savoit, ^M
^^^^H
• Jehis le hors, nel çoiile mie,
Et coupes et pecie n'avoit ; ^M
^^^^H
M Dites le moi sans demorance:
Mais diables qui het sa vie ^H
^^^^1
u Moult en tert pris crueus ven-
Li a lot ce fait par envie. ^|
^^^H
fiance
.8,
Et qyant le virent li baron ^U
^^^B
<t De celui qui Ta enpreingnie. i
Bscrie l'ont come un larron ^M
Diables qui Ta enseingnie
Qui est repris a ses desrois.
^^^^H
S'est a cel conseil enbatus,
«( Jehan, Jehan, > ce dtst li rois.
^^^H
Par qui mams hom est abatus.
i Ta chaslee est redoissie !
^^^H
Et mis a honte et a desroi.
190
• Por quoi as ma filte engroissie?
^^H. '^^
En piorant regarda le roi,
t Ta talsele est perrilleuse :
^^^^■^^
Quiet a terre^ sa face moille.
« L'aighe coie est plus resoî-
^^^^^^H
As pies son peirc s'agenoille,
fgneuse
^^^^^^H
Puis si le baise faintement,
if Que n'est la rade, et plus de-
^^^^^^M
Puis li a dit moult piteument :
[choit:
^^^^^Ê
« Merchi, m fait ele« ^ beaus dous
« Car cil s'en garde qui le voit.
[sire ! •
19s
f Li prives lerre est li plus maus.
^^^^^^1
" Ne vaut noient: il t'estuet dire
« Sauf te quidoie et tu es faus :
^^^^^^H
« Le non de celui qui 'st mesfais,
c Tu m'as done venin por basme. t
^^^^^^1
» De qui tu as rechut le fais
Quant Jehans ot le vilain blasme^
^^^^^^Ê
• Qui si par est hors et vilains, »
Il se seigne, ne set que dire : ^h
^^^^H i6o
« Sire^ Jehans vos capelains,
200
» Poi prisast on son escondire, ^M
^^^^^^H
a C'en quide de tel netee.
Tote la cours sor lui resone. ^M
^^^^^^H
41 M'a tolue ma castee.
Li rois en jurre sa corone ^M
^^^^^^1
« A premiers le bien m^enseigna^
Qu'il crt demain menés en Tille '
^^^^^^H
« Et au darain m'enpreigna;
Ou li mers bat et li vens hille
^^^H
i De mal faire est bien ensein-
20s
1 De ta déserte aras le droit, •
[gîlïCS. ■
Or vos dirai quels Title estoit* ^_
Uns rochiers ert de mer enclos ;^^|
De bos estoil tos plains li clos;
^^^^^^H
Quant li rois Tôt, si s*est seingnies:
^^^^^^P
i Jehans? * dist il, « dis tu
^^^H
[achertes? »
Trop avoit en la desertine
^^^^^^^H
)8 par sonseiognage — n t Qua la terre
— m8 les fais — 171 conme — 171 orc
m'
I9i terres
■
^^
^^^ U VÏE DE SAÏKT
■
JEAN
BOUCHE D^ÛR )l) ^^^H
1 310 Ours et lions et sauvechine^
« Qu'il te rende ta false plainte ^^Ê
B Cuivres, dragons, serpens volans :
« Si que de] fruit dont es en- ^^Ê
H Quant ert repris alcuns dolans
[chainte ^^^|
■ C*on devoit a mort traveillier,
^SS
« A nul jor délivre ne soies, ^^^B
H La ert menés por esillier,
1 De si adont que me revoies. • ^^^^|
■ 31 { Et les bestes te devoroient
Li sergant le mainent atant : ^^|
^^m A grant dolor, qui la estoîent.
De totes pars le vont bâtant. ^^M
^^B En tel afaire, en tel ahan
N'aresterent jusqu'à la rive; ^^|
^^B Dut ti rois esillier Johan
260 De laidengier cascuns estrive. ^^|
^^g Par le dit a la damolsele.
Aprestee irova la nef: ^^M
V aïo Li sains hom cort a la capele.
Docement 1 entre et soef ^^M
^^^ Si a tôt maintenant a ers
Li capelains dont li oil tarment, ^H
^^H Parcemin et taiilie quaiers,
El ti sergant; qui moutt bien s'ar- ^H
^^B El de son enke plain cornet ,
^H
^^m Ses pennes et son kenivet,
265
For tes lions et por tes ors ^ ^H
^^ îai Tôt portera o lui li sire;
L'aighe trespassent a grant cors ^H
B^ Car alcun bien voldra escrire
Jusqu'en t'itle que vont requerre: ^^M
^^ft En Tille desor le rivage ;
Le saint liome metent a terre, ^^M
^^m Car ne doute beste sa! v âge,
Puis Si se sunt ariere enpaint; ^^M
V Ne il n'a paor ne doutance
270
£t li capelains qui remaînt ^^M
H 2)0 Cooment qu'il ait sa sostenance;
S'est a la terre agenoîllies^ ^^M
H Car en nostre segnor se fie
De lermes a ses ex moitlies. ^^M
^^^ Qui ses sergans pas ne defie^
Une sainte orison comence : ^^M
^^K Mais tos jors est près del def^
«r HeJ vrais Dex, qui al diemence ^H
^^k [fendre.
^75
i De tes manoevres reposas, ^H
^^P Li rois le conmanda a prendre
tf En paradis Adan posas, ^^Ê
B 3JI A ses sergans pour dévorer
< [>ont puis fu mis hors con ^^M
^^^ Car il ne velt plus demorer;
[mendis, ^^Ê
^^B Et cil i vont isnele pas,
> For le fruit que li desfendis; ^^Ê
^^B Si Tamainent plus que le pas,
i Las 1 por coi aerst il la pome ^^M
^^P Celui qui n'iert mie mesfais.
280
c Que cotiperé ont tôt li home ^^B
^^ 140 La fille 3) roi ert el palais,
« Que nature ot formes et tais P ^^^B
^^^ Si ti dist, quant ie vit venir :
f II meismes en ot tel fais^ ^^^^|
^^B € jce vos doit bien avenir,
« Qy'en travail fu tant con fu vis, ^^^B
^^B € Dans fats prestres, malvaîs te-
i Et puis ens en tnfer ravis, ^^^B
^^M [chierel »
28s
« En ténèbres, en oscurte, ^^M
^^" Li sains hom a levé sa chiere,
« For te fruit de maleurtei ^^Ê
B 24) Quant entendu a la parole;
1 Honte en ot li ame et li cors; ^^Ê
^^^ Lors a regardée la foie : [dit ?
■ He l vrais pères misericors, ^^U
^^B « Qu*est che^ maie feme, qu as
« Duel ustes de vo créature ^^M
^^B i Certes^ maternent as mesdit.
290
« Qui estoit en la vit ctosure, ^^M
^^B < Dex sel moult bien que ni ai
t U tôt aloient, fol et sage; ^^B
B [coupes
• En terre envoias ton mesage, ^^^^^^B
B 2)0 « En tel mesfait, dont tu m'en-
« A celui fu dit ii salus ^^^^^^^^
B [coupes.
a Qui est voie, vie et salus; ^^^^^|
^^H « Moult comparras chier ton
29S
f Celé parole car devint, ^^^^B
^^B [desroî
« Alnoelanaisçancevint,[cierent, ^^M
^^M M Car je depri al sovrain roi.
« Li aogle as pastors te non- ^^
l}4 A. WEBER
4
• Qui forment s'en esleeciereni;
Les vertus Deu et ses mcrv^flS ^
c L'estoilc fu des rois veue,
Ne porroit bouche d'ome dire.
joo « Cascuns le vil en sa venue,
Tant ala par le bois li sire
« Cascuns mut seus de son en-
M5
Qu'il vit un arbre en un dc$tor,^J
[pire,
Dont li erbe estoit drue entor : ^M
« Et vos les asanbbstes, sire :
De rain,defucilleest bien vestus^^
t L'estoitca vos les amena;
La est li prcudom arestus,
« Cascuns offrande vos dona.
Et si li plot a remanoir, ^M
joj « Casconssoloncccque lisanble,
Hû
La voldra (aire son manoir. ^M
t Vos les prcsisleslQs cnsanble;
Des rains et de la foillc aporle,
• Al saint temple fustes offers ;
Closure i fait, entrée et porte. ^J
< Lî îusies Simions^ vos sers,
Quant ce ot Hait li Deu amis» ^M
• Vos rechut de joie aemplts :
Si se segna, dedens s'est mis : ^M
)io i Lors fu ses désirs aconplts
n\
La voldra alcun bien escrîvre» ^|
■ Lonc la parole qu'il sa voit,
Mais il ne set de coi putst vivre,
• Que sains espirs dit li avoit t
Ne de que! part socors li viegne ;
« Ains que la mort paor te face.
A Deu, se lui plaist, en sovicgne
t Verras tu ton Dcu en la face ;
Par sa grâce, par sa pitie.
PI • U le voit voir a son talent ;
j6o
La nuit, quant il fu anuitie, ^Ê
■ Si corn jo croi tôt vraiement
Li sains hom ne s'oblia paSp^^^f
i Qu'eosi avint icis recors, fcors,
A génois vait isnel le pas, ^^^H
• Si salves vos m'ame et mon
Dist conplie dedens sa ceîc,^^^H
, • El envoies sustance et vte.
Le jor de la virge pucele, ^^^B
)2o • Ûyables m'a fait par envie
i6s
Et après vigile des mors, ^^^H
i Cest duel^ qui 'st de mal ense-
Les bons us ou il ert amor^^^H
fgnics. •
Voldra, se il puet, maintenir,
Il lieve sus, si s'est segnies.
La droite voie veut tenir.
L 'cri son fu en latin dite :
Se bien a ore dusc'a ore,
For ce Tai en romans escrite
370
S'il puet, miex te fera encore.
32 j Que li lai le puissent apreodre,
Dedans sa novele maison
Fermer en lor cuer et entendre.
Fu tote nuit a ortson;
Ki le dira de bon corage^
S11 dormi, ce fu a génois,
Miex Ten ert a tôt son aage.
Piech'a qu'il n'ol les ex saoîs;
Li sains hom qu'iert a tort menés,
37i
Matines dist a l'ajornee ;
jîo Ert de tos biens enlumines.
Quant clere fu la matinée,
Envers le ciel regarde en haut,
A Deu moult saintement rendi
Hardiement s'en entre el gaut,
Et prime et tierce et miedi ;
Aine les bestes ne resoigna.
En son cuer fait veu et proracsc.
Ore oies con Dex ïi dona
}80
S'armes eust, il cantast mese ;
j^Ç Grant honor en la desertine.
Epistle et évangile dist.
Li dragon et la serpentine,
Apres un des quaiers estist.
Li lion et les autres bestes,
Si apresta son escntoire,
Dont il i ot moult de ru bestes,
Comenchier veut un saint estoire
Encontre te saint home aioienl,
J8S
El non del poissant roi oelestrc.
140 Aorerent et inclinoient
l\ ne voldra mie useus cstre .
Humblement com fuissent oeilles.
Qui en huiseuse s'amotte,
m ta mâH9i - î66 U
^
^^^^r u VIE
■
JEAN
BOUCHE d'or )|f ^^^H
V Penser li fait mainte tolie.
430
« Mais ors et autre saWagine, ^^M
1 Son parceirrin et penne taille
• Dont tes cors est en grant perîL ^^M
H 190 D'entrer en la haute bataille,
t Tût tes cors est mis en exil ; ^^Ê
1 Oont dyables a grant envie^
f Car trop cointes estre soloies. ^^Ê
1 Qu'il comence si sainte vie,
« Se mon conseil croire voloies^ ^^M
■ Ou ot mainte bêle aventure.
4>S
* Jo te racorderoîe al roi. $ ^^Ê
m Forroeoi li plaisoit Tescriplure,
Quant li sains hom ot le desroi^ ^^M
■ )9$ Son fain oblie pour la joie.
Lieva sa ma in y sor It fîst signe ^^Ê
^^m Mais al diable muU anoie :
De la crois qui tant par est digne, ^^Ê
^^P Bien sot, se la vie est escrite,
C'anemis aprochier ne lose. ^^|
^^^ Ou il ore tant se délite,
440
Le satenas laidist et cose ^^Ê
^^^ Que sovenies fois le lira,
Q^ue moult l'a fait ei cuer dolant^ ^^Ê
^^Bpo Apres cestui altre escrira*
Fus II a dit par maltalent : ^H
^^H^ • Jo le quidai avoir vencu.
a Jo te conmaiit, fel anemis^ ^^^^Ê
^^B i Mais il a pris le haut escu^
• Par celui qui 'n U aoisfumis, ^^^H
^^H « Dont bien s'est envers moi co-
445
If Qui reçut mort et pasion ^^^H
^^P Son cornet a ti fel aers^ [vers, »
« For geler lame de prison ^^M
^^^40^ Tôt l'encre en a espandu fors.
1 Qui en enfer estoit en cartre ^^^H
■ Lî saios hom volsist estre mors^
« Que mais ne te puisses enbatre ^^^H
■ Quant it vit son enke espatidu.
• En cest ille, tant con g'i ère. ^^^H
^^^ f Hcl las, ore ai jo tôt perdu,
4^0
« Fui t'en de ci, mal vais leciere ! ^^^^1
^^m < Puis que mes enques gist par
« Trop m'as porsui longement. » ^^|
^^ [terre.
Cil s'en fui isnelement, ^^^^Ê
■ 410 i Hel las, qui m'a fait ceste
Li sains hom est dedens sa celé, ^^^^|
1 [guerre ?
Le fîl a la virge pucete ^^H
1 « Maie cose a en cest contor« •
45 S
Proie moult que socors li face. ^^M
1 Li sains hom garda tôt entor,
Envers terre cUne sa face, ^^Ê
H L'anemi vit par devant lut,
Sot sa main a mise sa kene, ^^M
■ QH' ^rant joie ot de son anui :
En sa bouche boute sa pêne, ^^M
" 4t$ Il en rist et fait Ne chiere.
Si le tornie et maine et tire^ ^^M
f Hai! » fait il, malvais leciere,
460
Et en après de cuer sospire : ^^M
• Par toi est abalu mes enkes !
En grant torment estoit ses cors, ^^M
t Quides tu donc que lu me
De sa bouce a retraite fors ^H
[vcnkes? »
La penne ki ert atempree : ^H
t Oie voir, abatus seras.
De cotor d or bien destempree ^^M
420 • Or Rie di coment escriras ?
465
A veu lot le tuel plain. ^H
« Tôt ton enke as perdu : al
Devant ses ex a Irait sa main, ^^M
(mains
Longemenl Te^garda li prestre : ^H
« Or seront huiseuses tes mains,
• He! DeX) quel color puet ce ^^Ê
« Qui si se penoient d'ovrcr.
fesire ^^Ê
f Or n^aras enke ou recovrcr :
fl En porroit on escrire letre? t ^^^^|
4i) • Tu as perdu veu et promesse,
470
Far assai (e comence a mètre ^^^^^|
« Ne jamais ne ca nieras messe*
Apres Taulre letre qu'est noire, ^^^^B
• Et de quel cose vivras tu?
Mais celé resplent, qui est otre : ^H
€ En tel dessert t'ai enbatu
Tote l'autre tetre enlumine. ^^Ê
c Ou il a' a ne pain ne ferine,
t Hai ! sainte vertus devine 1 ^^^H
419 it pnmier ne manque. ~ 4}o autres
— 4)8 que *- 444 qui en — - 461 retrait ^^^^|
- 47> ore
M
^^^^^^^^^^^P WEBER
^^^B
^^^^^1 • Qm bicans escris faire peusse
^1
iio
Et nuit et jor ses poins detort : ^J
^^^^H « Drt^ con m'en fust grâce
Tel duel a a poi ne s'afole. ^H
^^^^^B p
« Lasse! dotante 1 con fui fote '
^^^^^1 <^iil il ot dite sa pensée^
< Quant i'eocopai i'ome saintime
^^^^^H Su SX bouche le tuel boute:
« Qui si bien ert de( joi hau-
^^^^^H ^ Ijt ma vit piain de tel goûte,
[tisme!
^^^^H Si Me coo d'ttel
S^î
f Car ore apert sor ma semence.
^^^^^B SoB tÊÊÊ Mit e sa dolor
t Ore en voi jo bien la provence
^^^^^^k CMr, Dex le sostenoit
« De la parole qu'il descrist
^^^^^^^ b st bûecbe Tenke prenoît.
< Envers le saint cors Jesu Chhsf :
^^^^V ^1 Si srfnt éerenoit ors,
i Quant il îsst de cest palais,
^^^^^B Bl fMit escopir vol oit hors^
HO
• Oians trestos^ et clers et tats,
^^^^H Sa oolors iDUOtt a droilure
• Proia que grose remansise,
^^^^^B Si coq ançois fu par nature,
t De ci a tant quel reveise. ^H
^^^^^H El 1 l'escrire estoit ors fins.
c Bien a Dex fait sa volente : ^H
^^^^^H ^^ Ains que venue fust sa tins
i Quatre ans ai |a ençainte este,
^^^^^^ Vit on l'escrit que tant fu gens,
U5
« Lonc tans ert mes cors encon>
^^^^^^H Moult en loerent Deu les gens
* Car il est piecha devoret. (bres;
^^^^^^H Tant vesqui et ot durée
i iel porchaçai, lasse! cartive!
^^^^^^^H Ot puis a non bouce Joret^ [veille.
• Moult sui dolanîequesur vive. •
^^^^^F^ 49^ Et droîs fu pour la grant mer-
Si grosse estoit a poi ne crieve,
^^^^^1 Jehans nuit et jor se traveille
HO
Toi dis gisoit, onques ne lieve.
^^^^^H De Deu servir et sa puissance ;
Li rois en tel despît l'avoit ^^1
^^^^^1 Moult est povre sa sostenance :
(C'il ne Tooît ne te veoit. ^H
^^^^^1 Û'erbes vivoit et de racines,
En une chambre estoit rcpuse, 1
^^^^^H yoo Mais les douçors qui erent fines,
Enserrée conme recluse ; ^^Ê
^^^^^1 Ne li mannes, bien en sui cers,
HS
Ades gist en un lit enverse; ^H
^^^^^1 Qui peut le puUe ens es dessers
Une seule feme i converse, ^H
^^^^^H Ne lur plût miex, quant les man-
Qui li aporte sa vitaille. ^^M
^^^^H
Ensi ïanguist, ensi travaille : ^^
^^^^^H Que les herbes Jehan faisoient ;
Tanta mal, nusnel porroit dire; J
^^^^^H ^o\ Car Dex le saveur i metoit,
no
La mort sor tote rien désire, ^H
^^^^^H Qui son ami pas n*oblioit :
El demora en tel manière : ^^Ê
^^^^^1 Sovenl le faisoit
Dex acompli bien la profère ^^M
^^^^^1 Or le Uirai de lui
De son âmi, con droituriers. ^^M
^^^^^H Si dirai de la fille
Set ans fu grosse los entiers ^^Ê
^^^^^r v^^ Q.^^ ^^^ 1^ ^^^^ P^^ ^^" desroi
$H
Li lasse qui est en tempeste, ^^Ê
^^^^^ Que par lui ot cel enconbrier.
A un jor d'une haute feste ^^M
^^^^^k Trots jns passèrent tôt entier,
Vint en sa cambre la roine, ^^M
^^^^^B Qu>lf onkes ne pot agesir;
Si araisone la mescine : ^^M
^^^^^1 Vk unie oi moult grant désir,
9 Fille, con pesme vieaves! ^^Ê
^^^^^B m A fnat dûlor use sa
^6o
1 Car me dites, se vous saves , ^^Ê
^^^^H Li nmitaiict ot deservie»
f Se enchainte estes ou emflce. 1
^^^^H Cû %m% borne sus mis avoit
a Del roi en aï este ciflw [peskc : 1
^^^^^^H
• Sovcnt, quant il de vos m'en- 1
^^^^^H 4^ élK — tfi Qui — (47 Que — s6i encliaintes ^J
■
LA VÏE DE SAINT
■
JEAN
BOUCHE D*OR ^^7 ^H
^^^v
1 DaiDCf vo fille porte un veske;
a Un de ses os, de fi sachies, ^H
^r^^^^ *
1 Quant ii ert ncs^ bien le gardes,
« Délivre estroie sans doutante^ ^^|
^^^^^
1 A Taposloile le rendes t
610
« Tes est ma fois e ma créance. ^|
^^^^H
1 Si me rampone e contralie. •
c Dame^ ore aies merci de moi. » ^|
^^^^H
» Dame, certes par ma folie
f Fille, solfres : g'irai al roi ^^^
^^^H
1 Ai le mal ; cjuaDl je) porchaçai,
é Cest oevre raconter e dire, t ^^|
^^^■$70 i
1 C'est à bon droite se honte en
La dame qui Ii cuers sospire ^^|
1 Le col ai durement chargiefai.
615
Est en plorant al roi venue ^ ^^|
^^K
r De mon mesfait, de mon pechte,
El st 11 est as pies cheue, ^^|
^^^^^
1 Ca tort le mis sor le saint
Devant trestous les pies Ii baise; ^^|
^^^H
[home :
Ne quidies mie c'al roi plaise : ^^|
^^^^V
» Il ii*i ot copes, cVsl la some;
< Levés, » fait il, t sus, bêle ^H
■ )7f <
1 D'un danzel fu, que jo amoîe;
[amie 1 t '^H
^^H
1 Por mon père, que jou cremoic
620
■ Sire, jo n'en lèverai mie, ^^^H
^^B
1 Que ne! fesisi livrer a morl^
i S'arai un don que jo demant. > ^^^^^
^^H
« Johan en encopai a tort :
« Dame, jo ferai vo conmant, ^^H
^^B
1 Granl honte en ot e sans roes-
N Bien porres vostre plaisir dire. 1 ^^|
■ fSo.
1 Une proiere Toi faire | faire.
t Sui en certaine, beaus dous ^^|
^^^^^
i A Dcu, qui bien est avérée,
i ^^1
^^^^H
► Que je ne fuisse délivrée
62^
1 Oil, dame, coi qu'il megrieve. » ^^|
^^^^V
i De si qu*il revenist arrière.
La roîne a cest mol se lieve, ^H
^^H
1 Ja del fruit, bêle mère chiere,
Aproismie s'est les s'oreille, ^^|
■ SSs .
1 N'ierc délivre^ c'est mes sors,
Le fait sa fille Ii conseille, ^H
1 St arai veu cel saint cors. *
Son torfait e sa félonie. ^^H
^v
-a roi ne 01 le raeschief ;
6^0
Ensi con ele Toi gehie, ^^|
^K
^our le mesfait sengna 5on chie^
La vérité a desco verte, ^^|
^B
[Juant ut le pechie desloial :
Dont celé a encor sa déserte ^^|
^H <
1 Fille, por coi fesis tel mal ^
Por celui qui moult Deu cre- ^^|
1 Corecie as Deu e ses sains.
E de fin cuer loial Tamoit: [moit, ^^|
^^B
1 Moult ert preudom Ii chapelains
6n
A tort noma le capelain. ^^|
^^H
1 Ki a tort fu déshonores.
Li rois a levée sa main, ^^|
^^1
i Piecha est mors c dévores :
Si s'est plus de cent fois segnies : ^^|
^^L y9i '
1 Jamais nul jor ne le verras ;
i Las! i lait il, • con sui engi* ^H
1 Or di cornent deliverras,
[gniesl ^B
^^^^1
> Quant sans lui ne pues des-
f Bien sai que Dex me requerra ■
^^^^H
[loier? »
640
■ Son serganl e demandera: [
^^^^H
r Dame, qui porroit envoier
( A tort li fis tolir la vie. ^^Ê
^^^^B
Sergans en Tille fiers et os,
H La foie a le mort deservte ^H
^^^600 ^
I Jl i iroveroient des os
• Que li porchaca sans pardons. • ^^|
1^
1 De ccaus qui tlucc sont ocis:
■ Avoi \ sire, ce est mes dons ^^|
^^H
1 Car assez en i a on mis ;
64^
< De ie lase dont paroi ci, ^^|
^^f
1 Toi coillisseni e mais e bons :
< (^e vos ates de li merci; ^H
H
1 Se irovcs estoit uns des suens,
t Se Deu plaist, ne vous des- ^^|
L ^s <
1 On les feroit laver ensamble^
[dires* • ^^H
r S) en bevroie, ce me samble :
• Dame, • fait il, « et vous l'ares ; ^H
H
1 Dt Taighe u seroit atoucies
« Certes de ce sui moult dolans. • ^H
^H^ 1^
îe p. — i8o U ô. — î 87-88 intenertis
1
1^
Romania^ Yt
^^Ê
3j8 A.
650 Ële ii prie des sergans
Qui por les os en Tile iroi^t
Et a lui les aporteront.
« Qu'en ferez vous, amie chiere ? »
Ele li conte la proiere
655 Que li capelains iist par ire,
(Bien Ten oi Dex nostre sire),
Que jamais ne deliverra
De ci adont k'il revenra ;
C'est la créance a la dolente
660 Qui soffert a mainte tourmente,
S'on pooit rien de lui trover
Pour la caitive délivrer,
Ou alcun os qui de lui soit.
Tout maintenant deliverroit :
66$ Se Dex veut, bien peut avenir.
Li rois a fait sergans venir,
Si lor dist son comandement.
Cil sont arme isnelement
De bones armes pour desfendre ;
670 Aie en sont sans plus atendre
Jusc'as nés qui sunt a la rive.
De bien faire cascuns estrive
Encontre les bestes salvages.
Dont tout estoit plain li bos-
[cages:
675 Moult les redoutent li sergant.
Envers l'ilje s'en vont nagant
Por socorre la damoisele.
Jehans estoit devant sa celé,
Si lavoit herbes et racines,
680 Cex voit venir par aatines,
D'elmes, d'aubers apareillies:
Moult s'est li sains hom mer-
[veillies,
Quide que le viegnent destruire.
Envers le ciel ses deus mains
[puire,
685 Puis dist : f Dex ! oies ma
[proiere !
f Ci voi venir une gent fiere :
« Mètre me volent a martire.
« Se vostre plaisir i est, sire,
« Que mais n'i ait de mon tem-
[ poire.
690 t Receves l'ame en vostre gloire !
WEBER
c Ja me porront trover tôt prest,
c Puis que li vos plaisirs i est
< Que plus n'i ait de mon eage. >
Li capelains vint al rivage
695 Encontre cex qui arri voient.
Moult s'esmerveillent quant le
[voient :
Ne seivent con puist avenir.
Jehans dist : c Bien puissies
[venir !
« Plaist vous ci herbergier 0
[nos.^ •
700 c Sire, » font il, c qui estes vos,
c Qui entre ces bestes mânes ? t
a Segnor, » fait il, c ci fui
[menés,
< Set ans a, par fause acoison :
a Johans li capelains ai non. »
705 c Johans.^ vives vos donc, biaus
[mestre? t
« Oil, merci al roi celestre,
f Qui m'a done vie et peuture. »
Cil li contèrent l'aventure
Que por ses os furent venu.
7 1 o f Segnor, bien vous est avenu :
c Totensamble me renmenres;
c Soffres un poi, ja me rares, t
Il est corus ses livres prendre,
Puis en revint sans plus atendre :
71 S En lor nacele reçut l'ont,
Et a grant joie s'en revont.
Tant ont de nagier estrive,
Qu'il sunt en lor terre arive.
Moult désirent que li reis sache
720 Le gaing qu'il ont fait en lor
[cache :
Onques en bos n'en terre nueve
Ne fu faite si bêle trueve.
Deus messages au roi envoient
Qui bien et bel parler savoient :
72 j Conte li ont cornent amainent
Le saint home, dont joie mainent,
Sain et sauf et plain de vertu.
Quant li rois ot la grant vertu.
Bâti son pis en repentance, [gance
730 Crient que Dex n'en prange ven-
663-4 C^ ^^"x v^/'-f ^ont placés dans le ms. après le v. 6^S — 669 armes manque
— 674 bosages. — 687-8 intervertis — 727 Le saint home et — 728 0. de gr.
^^^^^^V VIE
■
JEAN
BOUCHE D*OR ^^Ç ^^^H
^^^^^B Del tort qtie al saint ome fist.
Quant li sains hom ot la dolor, ^^^H
^^^^^1 Trestote la citefremist,
Pitié ot de sa mescstance. ^H
^^^^H Quant H cirent b novele;
f As tu dont vraie rcpentance? t ^H
^^^f Tôt blasmerent fa damoisele
« Ûil, se Jésus me secore 1 1 ^|
^^^V 715 Par qui fu meus 11 desroîs.
780
La rome de prtie plore, ^H
^^H Encontre va a pie ïi rois,
A génois vait, forment li grieve. ^|
^^^^H Et la reine a grant pite,
Li capelains amont ?'en lieve. ^H
^^^^H A l'entrée de la
Si li dist moult piteusement ^^M
^^^^^ Encontrerent le capelain.
QuVfe laist son doulousement. ^H
^^^^^^ 740 Li bons hom a levé sa main^
785
t Certes ne pu iS) dolor me donte: ^^Ê
^^^^^B Ses a beneis et segnies.
« Mon enlant voî morir a honte, i ^^M
^^^^^H Li rois 11 est cheus as pies
f Se Deu plaist, s'iert reconfor- ^^|
^^^^H Et la roine s'agenoille
En une cambre Ta menée, [tee. • ^^M
^^^^^^ La face et li mentons li mol Ile*
La lasse qui grant duel demaine. ^^M
^^M 74S Car elle plore tenrement :
790
Li sains hom la roine enmaine: ^H
^^^^H Merci li proie doucement
L'uis serra après lui li preslre, ^H
^^^^H Des mais que fait h ont a tort
Ne laissa fors que la dame estre , ^H
^^^^H Jehans qui de Deu a confort
Qui moult erl plaine de tristor, 1
^^^^^V Lor respont a moult simple face :
• Dame, or prions al creator 1
^^V 7)0 € Jel vous pardoins, et Deus si
79S
c Qu'il nos en voit confort et joie, 1
^^^^^^^ t Ce porchaça la pecherece [Face.
• Et ma proiere essauce et oie ^^Ê
^^^^^B • Ki de moi ert si menterese :
« De ce que jo li voil requerre. > ^^Ê
^^^^^B f Encor dure cîs blasmes lais. ■
Les deux génois a mis a terre, ^^M
^^^^^ Conduit Ten ont dusc'al palais
S*a conmencie s'orison ^^
^^^^^^ 755 Li rois a trestot son empire.
800
Ki moult fu de sainte raison ; ^^H
^^^^^^ La damoisele Toi dire :
■ Biaus sire Dex^ puis que Jonas ^^Ê
^^^^^H Moult grant désir a de! veoir^
• El ventre del poisson gardas^ ^^M
^^^^^V Par lui quide merci avoir
c Et moi as ^arde vers les bestcs ^^M
^^^r De la dolor qui tant est maie.
• Qui tant par estoient rubesles, ^^Ê
^^V 760 A porter se fait en la sale
80 j
i Si voir con ceste honor m'as ^^M
^^^ Devant le roi ki est ses père;
^H
^^^^K Pitié en a eu sa mère,
• Qui moult bien doit estre ^^M
^^^^0 De honte et d'angoisse noirci :
[retraite^ ^^M
^ « Beie tlle, cries merci | vaille. »
i Or te proi de ceste es garée ^^M
^^^^^^ 76 ( • Au saint home que il vous
f Que jusques ore as enserrée : ^H
^^^^H Ses mains joint celé qui travaille,
• Délivre le par ta puissance ; ^^Ê
^^^^^H Plains gete dolerous et haus :
8io
< Rent moi le fruit de tel sam- ^^Ê
^^^^^H t He ! capelains nés et loiax ,
[blance ^1
^^^^^H f A grant tort vous mis sus la
« Con il aferist al termine, * ^^M
^^^^r
Il a segnie la mescine ^^M
^^^^^^ 770 • Oiant mon père et son barnage
Qui en dolor a mes maint jor : ^^H
^^^^^^ i Je di que coupes ni eustes
Onques n'i ot plus de sojor, ^^M
^^^^^K t Et que mon pechie ne seustes.
81^
Mais maintenant toX a délivre ^^H
^^^^^F t Sire, merci de ceste lasse
D'un enfant malle se délivre, ^^Ê
^^^V « Kia tel duel sa vie passe ; [lor.»
Si forme come de set anz ; ^^Ê
^^V 77$ c Cest drois que conper ma fo-
De tes paroles con d'enfans ^^Ê
^^^^ 79 1 ^^1
}40 LA VIE DE SAINT
Ot le cors doctrine et sage;
820 Onques nul jor de son eage
Ne vit plus bêle créature.
Délivre est de sa porteure :
Saine se lieve isnelenient
La danzele, nul mal ne sent ;
82$ Le saint home aert par les pies,
Qui a terre ert agenoillies :
f Saine sui et point ne me grieve. »
Jehans li capelains se lieve,
Et voit Tenfançon qui parole
830 Si l'aplanie, si l'acole.
Tantost li requist cil baptesme,
Et le saint oile et le saint cresme.
Tantost l'enfant baptisa on,
Et del capelain ot le nom.
835 Deu loent tôt de cel miracle,
Que Dex a fait, de cest segnacle.
Li rois Tonore et si princier,
Et li autres pules Ta chier.
Ses livres mist a lacapele:
840 Quant seue fii la novele
Que ses livres tôt d'or escrist
Qu'en sa bouche destempre prist,
Par miracle Deu en loerent.
Et puis Bouce (Tor l'apelerent :
JEAN BOUCHE D'OR
84 s Por sa sainte conversioa
Sains Jehan Bouce d*or a non.
Sa vie fu nete et saintisme.
Puis plot a deu le roi haotisaie,
K'il fu ve^e de la cite.
850 De sa vie vos ai conte;
Et quant fine fu li bon mestre,
Orison fist al roi celestre
Que femes qui enfans portoient.
S'a lor besoing le reclamoient,
855 Que Tenfes mort ne receust
Devant qu'en fons baptisies fnst,
Et la mère a honor vesqaist ;
Dex li dona ce qu'il requist :
Tenir l'en doit on en mémoire.
860 Por Renaut qui a fait l'estoire
En romans si cortoisement
Deprions Deu omnipotent, [fais^
Le segnor dont tos biens est
Que il nos pardoinst nos mesfaiSy
865 Et otroit droite penitance,
Si con cil qu'est de tel poissance.
Et quiconques escrite l'ait
Foi et plente de tos biens ait.
Et si ait permanable vie!
870 Amen, amen^ cascuns en die.
Chi fine saint Johan Bouche d'or.
Londres, 12 février 1877.
Alfred Webbr».
818 tos — 839 mis — 842 Et quen s.
I . Ce texte a été revu et collationné sur le ms. par M. G. Pans.
TRAITÉS CATALANS
DE GRAMMAIRE ET DE POÉTIQIIE.
U y a quatre ans, à Toccasion de quelques remarques sur le texte du traité
grammatical de Rainion Vidai^ j'exprimais Tespoir qu'on recouvrerait peut-être
un jour le recueil signalé autrefois par Jaime de Viltanueva en son Viaft {itcra*
rio à las igUsias de Es paria ^ comme renfermant, entre autres opuscules» les
Rtgia di trobar compuestûs por Ramon {idaî de Bisalû^ y expUcadas por hfn
FôXâ\
Ce recueil^ que Jaime de Villanueva avait vu dans la bibliothèque des Carmes
déchaussés de Barcelone, ne s'est pas retrouvé, et paraît irrévocabîement perdu,
mais on en a découvert une copie faite au siècle dernier avec assez de soin,
semble-l-il, sinon avec une parfaite connaissance de la langue et du sujet. Cette
copie, ayant fait partie de la bibliothèque du marquis de fa Romana, et
conservée jusqu'à ces derniers temps au ministère de Fomente^ à Madrid, a
été récemment transportée à la Bibliothèque nationale de cette ville. C'est la que
notre savant collaborateur M. Milâ y Fontanals Ta étudiée le premier: il en a
donné une notice et des extraits dans quatre articles publiés par la Rmsta de
Arckiyos^ Blblwleats y Museos^ n'* des ^ et 20 octobre, 5 et 20 novembre 1876.
Me trouvant Tan dernier â Madrid, peu de jours avant la publication du pre-
mier de ces articles, j'eus l'occasion d'étudier la précieuse copie dont Texistence
m'avait été révélée qtfetque temps auparavant par une communication person-
nelle de M. Miià, et m'étant convaincu que les traités contenus dans ce recueil,
sans avoir peut-être toute la valeur que je leur avais supposée, offraient cepen-
dant un réel intérêt pour l'histoire des littératures provençale et catalane, le
me fis faire une copie de la plupart d'entre eux. Cette copie a été exécutée par
M, A. Paz y Melia» de la Bibliothèque nationale de Madrid, qui s'est acquitté
avec le soin le plus méritoire de la tâche quil avait bien voulu accepter.
Le recueil de Madrid, déjà suffisamment décrit par M. M ila dans les articles
sus-indiqués, contient neuf traités^ dont voici l'indication selon Tordre du ms.
r* Mtratl de trobar. Lo autor de esta obra Joa Joan D£ Castellnou. A la fin
se trouve un explicit où figure un autre nom, celui de § Bercnguer de Noya. »
2. Régies d'en Jukre de Foxa*
i^Romania, H, 548, J'aurais dû dire f Jofre de Foxa », mais je suivais
Villanucva et Torrcs Amat.
142 p. MEYER
3. Règles d'en Ramon Vîdal.
4. De doctrina de compendre (lis. compondre) dictais.
5* Compcndi de Joan de Castellnou.
6. Doclrina de cort por Tebamayqcis de Pisa,
7. La Doctrinal de trobar fpar Ramon dbl Cornet] ûm iû glosa 0 corratio
€ declaracio sua, autor Juan de Castelnou*
8. Las Flors del Gay Saber par Guilhem Molinieb,
9. Libre de comordanses appellat Diccionm, ordenat per en Jachme March.
De ces neuf traités, deux seulement à ma connaissance se trouvent ailleurs :
les Réglas de trobar de Raimon Vidal dont on connaît depuis longtemps deux
mss. à Florence, et le Comptndï de L de Casielnou dont un ms. ancien existe à
Barcelone». Le premier de ces deux ouvrages mérite d'être réimprimé d'après
1. M. Milà en a donné le début dans ses Tromdores en Espana^ p. 478-9.
Voici ce début, et de plus la table des rubriques, d'après le roème ms. de Bar-
celone (X n. 10, 26) :
« Aquest es lo compendi de la conaxença dels vicis que poden esdevenircnlos
dictais del gay saber, axi tora sentence con en sentença. E ayci es la premera
partida on son contenguts e déclarais los vkis que hom pot atrobar fora
scntensa; lo quai compendi a leyt Joiîan de Castellnou, un dels .vij. man-
tenedors del consiston deTolosa de la gaya sciencia, al noble t discret en Dal-
m^u de Rochâberti, fill que fou del molt noble en ûalmau de bona memoria,
vezcomte de Rochaberti.
c Car mant hom dupte ouais son aquelles lelres que muden lur so cant los es
ajustada aauesta espiracio n^ perçu nos disem que quanta es pausada après c, /,
fl, /?, j,losiay mudar lor propri so; e podets o veser per aquests versets. Aprop
l^c, n, p^ j, muda lur so con ades vesets : — De c ■ cm pach-m pacha, estrcch*
esîrecha^ gach e gâcha. — De /^ batath^ veylh^ fithj e palk, talh, c metalh^ perilh
t\ jûlha. — De n havels gasanh- gasanha, endink'' cnJenha^ banh..*.
Fin et table, foL xxxviij v :
« Rayso per que los dictayres del compendi no s'es gardas (ik) û«\ {iit) vicis
fora sentencia per lot son procès e régla,
f Alcu per ventura se merevella car nos non som gardât en nostre procès deïs
vicis lots qu*er' h ave m de cl a rats, e nos diem quels creem h a ver esquivais en las
eximplis que havem pausals per rims en Taltre procès que havem fcL Empcro,
sins em pecal en re, volem estar a correccio d'omes entendcns.
Del vici appellat replicacio, ,],
Dels exceptions de replicatio^ ij.
De la segona natura ae replicacio, Jj.
De la terça manera de replicacio, .ii|.
De les escusations de replicacio^ .iij.
Del vici appellat rim lomat, e de les
escusacions d'aqucll, .iij.
Del vici appellat nm tornal, jii|.
Del vici appellat pausa lornada, .liij.
Del vici appellat bordo tornat, jiîj.
De rim faxuch e de totes ses maneres,
De la 6gura appellada anadioplosis,
.vitij.
De la figura appellada epmaleusis,
*viij.
De la ligura appellada epizests, .x|.
De la figura appellada poloptotas, .xj.
De la hgura appellada paracinetios
.xij.
Del vicf appellat ^re, .xij.
— mot pesan, .xiij,
hiat, .xiii).
— metasisme^ .xiiij.
— collusio, .XV.
— liamen compost, .xv.
— fais ace en, .xvj,
— pedas, .XV.
— contradicios, .xviij*
— separacios, .xviij*
— una digressio» .xyiiij,
— cstil mudal, *xviiij,
— iteracio, .xx,
— foravcrtals, .xx.
TRAÏTÊS CATALANS DE GRAMMAIRE ET DE POÉTIQUE 54^
la copte de Madrid pour des raisons que te ferai connaître tout à Theure ; quant
au s^ond je m'en tiendrai au prologue et à la table données d*dessous en note.
J'imprimerai aussi, non pas dans Tordre de la copie de Madrid^ mais autant
i|oe possible selon l'ordre chronologique, plusieurs des autres traités,
I — Raimon Vidal, Las Rcglas de trobâr.
Mon intention n'est pas de disserter sur l'ouvrage de R, Vidaî qui est depuis
longtemps estimé â sa valeur, mais de montrer que la copie de Madrid peut
servir à améliorer en plusieurs passages le texte que nous possédons de ce traité
dans la seconde édition de M. Guessard (t8)S). On en connaissait jusqu'à pré-
sent deux niss., tous deux conservés à Florence, Tun à la Laurenlienne, Tautre
â la Riccardienne*. Le traité est intitulé tas razos dt iroharA^n^ le second de ces
mss,, il n'a pas de titre dans le premier. Dans I édition de 1858 le texte est
cssentieUeroent celui du ms. laurentien, Tautre ms, ayant fourni un assez grand
nombre de variantes. Mais ces variantes ne sont probablement pas toutes celles
que \t ms. pourrait fournir, et tant qu'on ne sera pas complètement informé des
ripports et des différences des deux mss., il sera bien difficile de porter un juge*
nt assure sur leur valeur relative. Il y a là une lacune que comblera bientôt,
Tcspère, la nouvelle édition des Grammaires, prùunçaki qu'a annoncée
M, Stengcl, et à laquelle Timpression de la leçon de Madrid apportera un élé-
ment utile. Si, comme il y a apparence, les trois mss, sont indépendants, le
troisième fournira en bien des cas le moyen d'opter entre les leçons différentes
des deux autres.
— crror, ,xxj.
— desonestat, .xxj,
Perque ha hom acustumat, de cantar
de dones, .xxj.
Del vici appellat jactança, .xjclj.
sobrelaus^
— verbosiial,
Diffinicions de trobar, .xxvîij.
Perque fon tractât logay saber, .xxviii).
De compas, .xxx.
Diffinicions de bordo; mostra qu' es
rims, ,xxx.
Mostra que es cobUi ne quants bor-
dos deu haver^ .xxx.
Mostra que es vers, .xxxj,
Cançons, ,xxx],
Sirventesch, .xxxij.
Finito librosit laus et gloriaChristo
Vivat rn celis Franciscus Kubeî noraine
Dança^ .xxxij.
Discorts, .xxxiîj.
Tensors {sk\f .xxxiii.
Partiments, .xxxiij.
F*aslorelIa, .xxxiiij.
Retranxa, ,xxxiiij.
Pîanchs, xxxi^iij,
Scondiz, .xxxîîij.
Gels accens que havem dits segons
romanç, .xxxiii).
De ryms acordants. .xxxv.
De ryms senrials* et leials, ,xxxv.
De ryms consonants, .xxxvj.
De nms simples leonismes, .xxxvj.
De rimps perfeig leonismes, .xxxvij.
Del s dicta ts no principals ; d'estam-
pida, xxxviij.
I Qui dédit céleri laudetur mente fideli ]
felix i
Le texte de la copie de Madrid présente àe% variantes importantes, de sorte
que ce traité ne saurait être convenablement publié sans le secours des deux mss.
I . Je ne compte pas !e ms. de Paris qui n'est qu'une copie de celui de la Lau-
renttenne, voy. l'édition de M. Guessard, p, Ixij.
*Sonaiii^ C/. Leys d'Amors, [, i)4«
Î44 P MEYER
En altendant que la comparaison des deux m&s. de Florence soit possible^
|e puis au morns constater que le ms. de Madrid permet d'apporter de très-
notables améliorations au texte que M, Guessard a tiré de ces deux mss. Mes
notes en donnent la preuve; je me bornerai ici à viser particulièrement les
notes des ^ 8, 12 et i| o5 l'édition présente des omissions importantes, pro-
duites par ce qu'on appelle en typographie des bourdons.
Le texte de Madrid se rapproche souvent de celui du ms. Riccardi, là où ce
dernier diffère du ms. laureniien, et en ces cas il n'y 3 pas à douter, selon moi,
que la leçon du laureniien doit être re jetée. Avant même de connaître le ms.
de Madrid, !e Riccardi, à en juger par les variantes qu'en a tirées M. Gues-
sard, m'avait toujours paru fort digne d'estime. Comme ce n'est pas un ms,
ancien, mais une copie de la fin du xvi" siècle ou du commencement du xvii%
il n'est point surprenant qu'il s*y rencontre des erreurs de copie, H y en a
aussi, et beaucoup» dans le ms. de Madrid, mais non pas aux mêmes endroits,
et ainsi ces deux médiocres copies peuvent servir à constituer un bon texte.
Pour la commodité des citations et des noies, l'ai divisé le traité de Raimon
Vidal, tel que le présente l'édilion de M. Guessard , en ^o paragraphes. De ces
)o paragraphes, 20 (17 à j6 inclusivement) manquent dans le ms. de Madrid.
Je ne saurais dire si celte lacune existait déjà dans le ms. de Barcelone, ou sll
faut en laisser la responsabilité au copiste à qui nous devons le ms. actuellement
conservé à la Bibliothèque nationale de Madrid.
Mon but étant simplement de faire connaître la copie de Madrid, fit dÛ
m*abstenir d*y introduire aucune correction. Çà et là^ pour faciliter la lecture
et épargner au lecteur la peine de chercher aux notes une restitution nécessaire»
l'ai rétabli entre f 1 un mot omis, mais les passages corrompus ne sont pas
corrigés, et je me suis borné à les signaler en noie* Je n*ai rien tenté, ni dans
le commentaire ni dans le texte, pour la restitution des vers cilés^ dont ta
leçon est souvent tninlelligible : ce sera fceuvre d'une édition critique, pour
laquelle il y aura lieu de mettre à contribution^ non pas seulement le m^. du
traité de R. Vidais mais encore ceux des troubadours.
REGLES d'en RAMON VIDAL
1 . Per ço com eu Ramon Vidais ay visl e conegul que pauchz homens
saben ne han sabuda la mai^eyra del trobar, vull heu far aquesi libre per
dar a conexer es a saber quai trobador ban meyls irobat ; atressi en
quai manera deu hom instruir o menar lo sâber de trobar. Si eu mi at-
lonch en causa que poria dir pus breus, nous en devetz maraveïlar, car
eu vey e conesch que man saber en son tomat en tenso, car so tant breu-
menl dit; perque mi allongaray per tais lochs quis porion ben leu dir
pus breu. Atressi matex si y fas errada e si y lays, pot se be avenir per
oblit, 0 per ço car eu non ay gesausidas totas las causas qui son ei mon,
o per Ventura hi poria fallir per enfalagamen ^ de pensar. Perque tols
hom prtms e subtils mm deu rasonar ^ pus conega la causa : car eu crey
I, — i G, (Guessard) fallimcntz. — 2 Mieux C. no m'en deu uchaiionar*
TRAITÉS CATALANS DE GRAMMAIRE ET DE POÉTIQUE ;4S
be que mam hozn mi blasmara o dira que en algun toch hi degra niays
inetre, que sol ell lo quart no sabra far ne conexer, ni saubra dir, si non
ho irobes tant be aselmat o assermat y . Atressi matex vos dich que home
prira hi haura que, sitôt s'estay be, coy4 sabrien millorar o may trar o
meire, car a greu trobaretz nengun sauber tant fort ni tant primament
dit c*us hom fort prims no y pogues millorar e mays mètre, Per qu'es
dix que negu saber, pus basta ne be e&tay, negus homs nol deu tocar
ne moure i .
2. Primerament sapies que totas gens, chnstians, juheus, sarrahins,
senyor, emperador, rey^princep, dycb, comte, vezcomie, comdor, vei-
corador, cavalier (G. p. 70I, clerch, burgues,vila 0 home pauch e gran,
menon ' dia trobar e xantar, en axi qu'en voïon obrar e qu'en volon en-
tendre, o qu'en volon dir, 0 qu'en voîon ausir, car a greu seretz, en
negun foch tan privât ne tan soK pus que gen hî ha pauca 0 molta, que
ades non haujatz cantar 0 un 0 autre o tots ensemps, que neys li pas-
tor de la montanya e* tôt lo maior solaç qu'il han es de xantar; e tuyi li
mal e li be del mon son en menbrança e en memoria mes per trobar que
per als. E ja no trobaretz pretz, be dich, ne mal dich, pus que trobayre
Taya dit ne mes solamen en rima, que tots tempz ne sia en remenbransa ;
e trobars e xantars egalment son cap de îoias galfardias ^
? . En aquest saber de trobar son egaîment lî trobador et li ausidor '
motas vetz enganat . E diray vos quo ne per que ne son enganaî li ausi-
dor qui re en trobar no entenen : per ço que, com ausiran un bon xan-
tar, faran semblan que fort be l*entendûn, e ja res non entendran. E fan
ho perço cor se cuydan que hom los tengues per pechs, sidizion que no
l'entendisson : axi enganon fur matex, car un dels majors del seyns del
mon es qui vol apendre e demaiidar ço que no sap , perque assatz deu
haver major vergonya aquell qui no sap, que aquell qui demana e vol
apendre *.
4. Atressi, aquells qui cuydon entendre e res no eniendon, e per altre
cuydament ' no ho apenrion, romanon malament enganat. Ez eu no dich
ges que totz los homenz de! mon pusca far eu primz entendentz, ne que
de llurs enugs ne de ilurs vicis se tornen per la mia paraula »; e anch
no fon tan gran orde de error. pusca hom hi pusca parlar e y sia be entes,
3 o assermat est mitUment une addition, tt en mime temps une correctton, fmte
par an copiste. — ^4 G que i. — 5 Ccst à peu prh la Uçon du mss. Riccardi,
2 — I Suppléa tôt ; G* meton totz jorns lor etitcndimcn en. — 2 e tsi de
trop, — 3 Même leçon ^uc le Rtcc,, ^m, d'après C édition, omet les mots son cap,
3, — ^1 E II auzidor, ^ui est nécessaire^ aussi donné pat le Rtcc. — 2 Cm^ dts
ligiUi de l'édition manquent ia.
fA. — I G. per olracujament, — 2 Le texte correspondant dt Vidtiiontstinmtelh-
ible. /avais proposé (Romania, II, 549) une correction que ne confirme pas U ms,
t Madrid.
Î40 P. MEYER
que no trobe qualque hom qui apren o enten ; per que eu, sitoi no
emen que loii los pusca far prims ne entendenz, eu si vull far aquest
libre per la una partîda.
5. E sapies que aquest saber de trobar anch may no fo mes ne ajostatz
tant be en un sol loch, mas que cascuz so ac en son cor, segonz que £0
primz e entendenz ; ne creatz que nuUs homz n'aya estai maestre n-en sia
estatz perfeyts, car tant es lo saber car e fis que nuHs (G. p. 71^ hora
no s'en dona garda, mas dei lot conexera tolz homz primz e entendenz
qui be esgail aquest libre. Empero, eu no dich ges que sia perfeyiz ne
maesire, mas tant ne dîray, segonz so que cuig, en aquestlibre, queioiz
homz qui be l*eniendra ne haia bon cor ne soptil en trobar, ne poyra far
sos cantars ses iota vergonya.
6. Primerameni deus saber que îoiz homs qui vol entendre en trobar
deii saber que nenguna parladura no es tan natural ne lan dreia a tro-
bar del nostre lengaige com aquella francesa, del Lemosi, e de totas
aquellas terras qui entorn li esian 0 son lur vesinas, e atressi de lotes
aquelles qui son entre ellas ' ; e tuyt ly homs qui en la terra son nai e
noyrilz ban la parladura natural e dreyla. May s quant us d'els es eyxitz
de la parladura per una nma que altre raosire, 0 per alire, can meyls
ho coneix ' cey! qui ha la parladura reconeguda que null altre. E aquell
no cuydon ja mal far com fan com la gitan de sa natura, axi com se cuy-
don que llur lenga sia. Per que eu vull far aquesi libre a dar a conexer
la parladura a cey Ils qui la'parlen dreyta, e per ensenyar a ceylls qui no
Lemozi la sabon.
7. Perque deves saber que la parladura francesa val mays, e es pus
avinent a far romane e retronxas ' et pastorellas; e aycellas de Lemosi
valon ^ mays a cansos, a servenies, a verses ; e per totas las altres del
nostre lengaige, son ^ en major auctoritat li cantar de la parladura de
que de null altre.
8. E mant hom ditz que porta ne pa, ne v^ no son paraulasde Leraozi,
per ço cor se dison atressi en las autras terras axi com en Lemozi : per
que no sabon ques dizon. Car totas aquellas paraulas que hom ditz en
Lemozi axi com en las autras terras, atressi son de Lemozi com de
6. — Muux (/.: con aqell.i de Proenza 0 de Lemosi o de Saintonge o d'Alver-
gna ode Caerci. Per qe icu vos die qeqanl ieu parlarai dcLemosis»qeioUs estas
lerras entendas c totas lor vezinas, e totas cdlas qe son entre elUs. — 1
Corrompu : G. per una rima 0 per alcun mot qe li sera meslier, cujon las gtnz
qi non entendon qe la lur lenga sta aitab^ qar non sabon lur lenga, perqe midi
loconois.,.
7, — 1 e retronxas ifui se troavi aussi dans RUc, (retromas) mûnqmdans G,
— 1 C. mis cella de L. val. — j De mimt Jani Ricc. rtmis plus corncUmmt^ de
totas las autras dels noslres Icngalges^ e per aisto son; (7. per toias las terras
de nostre lengage so.
TRAITÉS CATALANS DE GRAMMAIRE ET DE POÉTIQUE ?47
Us autras terras. Mas aycellas que hom diu en Lemozi ' d'autra guisa
que en las autras terras son propriameni de Lemozi. Perqu'eu vos dich
que 1012 horo qui eîi irobar vulla entendre, deu saber la parladura dei
LemozL En après deu saber aquellas ^ de la naiura de la gramatica, si
fort primament vol trobar ni entendre, car loia la parladura de Lemozi
se parU naturalment e drela per caz e per nombre e per génères e per
temps e per personez e per mous. E axi poreiz be entendre e aosir si
me escouiatz.
9. Sapies que totz homs qui s'eniendra ' en gramatica deu saber que
vuit parts son; e totas las paraulaz del mon son de las unas d'aquestas
vuît; ço es saber : del nom o del verb o del particip 0 del pronom 0
del adverbi o del conjunciîu o de la proposicio o de la interjeccio.
10. E ultra toi aço qu'eu t'ay dig, devez saber que paraulas hi a de
très guizas : la una es ajectiva, Pautra substantiva, l'auira comuna,
frautra) ni la primera, ni l'autre, sustantiu ne ajeciiu. Sustaniivas son
aquellas que en pluralitat 0 en singularitat mostren persona 0 gent > 0
temps, 0 sostenon o son sostengudas. Ajeciivas son aycellas del nom 0
deJ pronom 0 del adverbi * 0 del particip ; que aycellas del verb, ne del
conjunctiu ^ ne de la preposicio, ne de la interjeccio, per ça cor no han
pluralitat ne singularitat, ne demoslron genre ni persona ni temps, ni
sostenon ne son sostengudas, potz aquestas appellar neutras.
11. Las paraulas ajectivas son axi corn bos, beyls, bona, kyiâj forîz,
vfli, sotih, plaren, sobres ', am, vau^ amdâuùsch, enauîisch; e totas las
autras del mon qui demoslron sustancia. En axi corn qui desia cant a ^
0 que fay 0 que sofre ; e son per aço appellades ajectivas car no les pot
portar en entendimen si sobre sustancia no les giia.
12. Las paraulas sustantivas son axi com boneza^ cavaliers, cavallz,
dona, poma, eu, tu, meuSy seas^ fuy^ tsiar; e totas las autras del mon qui
8 — \ . Ct passage est inmtlHgtbk dans G. par suite d^uft bourdon : car totas
paraobs qe ditz hom en Lemozi d'autras guisas que en autras terras, aqellas
son propnamenz de Lemozi. On voit qu'entre Lemozi et d'autras 22 mots ont ctt-
omis, — 2 Mauvaise lecture : G* alques.
9. — I C. sYnlenda.
10. — I Corr. genre — — i adverbi a évidemment pris la place du verbe ((ut
lit un peu plus loin, et rkïproaatment. — 3 G»» ^P^^^ avoir, comme h ms. de
Madrid^ annoncé dans ta première phrase de cet alinéa !a distinction des mots adjec-
tijs et des mots substantifs, confond ensuite as deux esphes : adjectivas et sublan-
tivas son totas acellas qe an pbritat et singulanlal, e mostron genre et
persona e tempo, e sostenon 0 son sostengudas, aisi con son sellas del nom et
del pronom e dei particip et del verb ; mas cellas de Tadvcrbi e de la conjunctio,
Ji. — i G. sonrenz. — 2 C. vau, grasisc, engresisc, 0 cant a. Au § i?.
ou Us mimes exemptes reparaissent, le ms, de Madrid a enegresisch au lieu /enan-
tisch. La leçon engresisc de G. \Laurent t est au moins douteuse. Les mots e totas
las a. d. m, q. d, s. du ms, de Madrid sont de trop ui, puisijuils appartiennent
à la définition des mots substantifs ^ voy. l'atméa suivant.
?48 P. MEYER
demostron sustancia visible o ' no vizible; e han nom per ço sustantivas
cor demostron sustancias e sostenon las adjectivas ; e potz ne far una
rayso complida sens las adjectivas*, axi corn qui dezia : eu suy reys
d\AragOf eu suy nch hom,
1 j. E sapies que las paraulas adjectivas son de très maneyras : las
unas masculînas, e las autras femeninas, et las autras comunas. Las
masculinas son axi corn bas, beyh, e lotas aycellas que hom ditz en en-
tendimen de masculi, e no las pot hom [dir mas] absusiantiu masculi, —
Las femenînas son axi com bonasy beylas^ e totas aquellas que hom ditz
en entendimem femeni. — [C, p. 7?] Las comunas son axi com fort,
vils, soûUy plazenîs, sofrcni, am^ vau emalautisch, enegresisck , e raoutas
d'autres qu'en hi a d*aquesta manera. E son per aco apellades comunes
car hom les pot dtr lam be ab sustantiu masculi com ab femeni, com ab
cascuns ^ E axi matex ni ha ires maneras de sustantivas com d'ajec-
tjvas,
!4- Las paraulas sustantivas femeninas son heleza^ bonea, dona^ poma,
e totas cellas que demostron susiancia femenîna, — Las masculinas son
cayaUers^ mercaders^ cavayls, meus, Uetis, e lotas las autras qui demostron
sustancia masculina. — Comunas son eu, tu, suy, estau, e totas autras
don se pusca demosîrar axi be femeni com masculi ; en axi com qui
dezia : Verge es aqueil hom, 0 verge es aquelîa femna.
1 5 . Primeyrament vos parlaray del nom e de las paraulas qui son de
la sua natura, com las ditz hom en Lemozi. Et sapiatz que en !o nom ha
cinch declinacionz, e cascuna de aqueiles ha dos nombres : lo sing:ular,
lo plural ; el singular parla de una causa sola en lo nominatiu e en tots
los altres cases; el nominatiu pluraL e totz los altres cases del plural
parlon de moutas en cascun cas, los quais cases son sis : ço es saber
nominatiu ', geneiiu, daliu, acusaiiu, vocatiu, ablatiu.
16. Apres ayço devetz saber que gramatica fa cinch genres : ço es
saber, mascuh, femeni, neutre, cornu et omne. Mas en romane» totas las
paraulas del mon sustantivas e ajectivas son, axi com eu vos ay dig
desus, masculinas, femeninas, comunas, e de llur entendimem, de* peiî-
tas en fora c'om pot abreujar per raho de neutre, aycest s'alongon '.
il. — t Ce, qui est visibkmtnt fautif, — 2 Nouveau bourdon dans C. qui a
omis Us mots e potz... adjectivas,
1^. — I G. a subsl. masc. com ab féminin» o a fcmmin com a masculin et
com ab comun.
1^, — I Nouvtm bourdon dam G., les trente et un mots qui précidenl, depuis
[nominatiu] e en tots los altres cases^ ont été omis,
16. — j G. en, et commenu une nouvelle phrase à ce mot. /avais difà rtcttfii la
ponctuation (voy. Romania, II, 549) et proposé las au lieu de en; la leçon du ms,
de Madrid eonJuit au mime sens que ma corralion. — 2 la k ms. de Madrid omet
la valeur de sept pages de l* édition.
TRAITÉS CATALANS DE GRAMMAIRE ET DE POÉTICiLIE
H9
97; [C p. 80] Ausit havetz dels masculins; arausdiray dels femenins.
E dich que en lo nominaiiy e en lo vocaiiu singular diiz hom cylla^ ccylla,
ûifuata^ aItTdy cesta; e en los autres cases singtilars dits hom ky ccHuy,
ahtd,aitmy, aquista, ctsta^ ccstuy; e en totz les cases plurals diiz hom
tyks, aylas, altras, altruys, aquisîas, cestas^ ks^ mas^ sas.
}S, Aquestes son les paraules que hom ditz toias vegadas en loiz
lochs : eu. me, te^ se^ tu, nos^ vos ', les allres paraules del pronom ço es
saber, meuSt Uus, sens, nostres, vostres^ s'alongon e s'abreujon, axi com
dels noms masculins. — Las femeninas, ço es saber meaaj teua, sem,
yesira, nostra, vestrdda^ nosiraàa *^ s'alongon e s'abreujon axi com los
femenins del nom.
39. En ayço qu'eu vos ay dig podeiz haver entendui com ne en quai
manera se menon las paraulas del nom e del particip e del pronom
[G. p. 81] en allongameni e en abreugament; e en semblaniz vos parla-
ray ara del adverbi^, e del conjunciitj e de la preposicio e de la inierjec-
do. E sapies que paraules hi ha del adverbi que hom pot dir longas e
breus, segonz que hauras mesier, en axi com mays 0 may^ ais, [d/], lar-
gamenf largammSt bonamens, honamm, examen^ examens^ dltramens, altra-
men : Airesi diiz hom totes aquelies d^aquesta maneyra. E las autres
paraules del adverbi ^ e totas aquellas del conjunctiu e de la preposicio e
de la interjeccio, totz hom prims las deu ben gardar; car toia via e en
totz lochs las ditz hom de una guisa.
40. Huymais vos parlaray del verb» En la primeyra persona del sin-
gubr ditz hom suy^ en îa terça persona del plural ditz hom so, axi com
qui volia dir eu suy heylls^ 0 aquelt so beyL E per ço vos ay parlât d'estas
duaz personas car man trobador an mesa la una persona per [rjaltra ',
41. Atressi hi ha autres paraules de[lj verb en que li plus dels tro-
badors han fallit, e axicon îray^ atray^ rtiray^ Ut, retre* mtynscre, dtscn,
parti, sofri, trahi, vl Per ço cor en aquestes très paraules han fallit H
plussor dels trobadors, parlar vos n'ay per xasiîar los trobadors.
42. E devetz saber que estray^ tray, atray, retray, son de presentz
temps e del indicatiu e de la terça persona del singular. E deu las
hom dir axi com qui dezia, a^uell tray h cavall del stable, aqud retray
bonas noms^ aquett se tray de ço ifiie havia promcs, aqtitli atray gran bt aïs
seus. — £n la primera persona deu hom dir : eu trach lo cayali del stable^
j8.— 1 Dans G. Us motsàth manquent, a te commtnanunt de ta phrase laqestas...
bcs) tst mal ù propos rattaché a l'alinéa précédent. — 2 Vestrada et nostrada
manquent ^ }c crois avec raison , dans G.
40. — I Aiseï différent et plus complet dans G. qui donni toute ta conjugaison
du prisent.
î{0 p. MEYER
eu retrach boues noves, eu m*estraclt de ço qutus havia promes, eu atrich
gran be amasK [G. p. 82] On en Bemat de Veniador fallich, en ajû que
mes la terça persona ^r prima en dos canta[r]St en aquell qui dig : Er
cant vey la fulia \ Jus àeh arbres caser; e atressi en aquell qui dix : Eras
no vey luzir sokyL Del primer cantar falli en aquella cobla :
Ja madona nous maravellcs '
Contra \o da[mj{>[natjge
E h pena qu'eu tray,
Axi dix tray, e degra dir trach. E en Paître falIic en aquella cobla que dix:
Ja madorra nos tnaravell
Sîl prech quem do s'amor nim vay
Contra la fealdatz^ quem retray.
Perque aço es mal dit. E atressi [degra] dir eu tray per vos gran ma/,
E per aventura mant hom dira no pogra dir trac ne retrach^ que la
rima anaba en ay, E aquell deu hom respondre que ell degra cercar pa-
raules en ay que nofossen biaxades ni falsadesen persona ni en cas. Que
s'estray^ aîray ditz hom en aquella guisa matexa,
4î. Atressi matex so de présent temps e del indicatiu e de la terça
persona e del singular cre, descre^ mcynscre ; e en la primera persona ditz
hom crey^ descrey, mescrey. E ayta mal estay qui diu eu cre o aqudl crty
a la nostra parladura, com qui desia eu ve, a^jueîl vey^ m^amia^ car en
la primera persona ditz hom vey, e en la terça ditz hom ve^ atressi ditz
bom en la primera [G. p. 8^] crey^ e en la lerça ditz hom cre\ e atres»
ditz hom de totz los autres. On en Guerau de Bomell hi falli en la sua
bona canço qui dix Cernante* \ Sens JaUimen | Un xan vatten. en aquella
cobla qui ditz
De no
M'en vau melea
Per sobiardiment
Etï burda
Maiitengiida
Qutn tray
Vos tayî âssay
Que a ta mia fie
Be c«.»**,
Aquest crt^ que es de la terça persona, pausa ell per la primeyra,
per que fallich malamen. — Atressi men^ blasmi en Peyrol qui dix
Ezcnam la con h mia fe
Quant vey mon d anges mi matex non en.
42. — i Con. als mieus. — 2. Errmr du copiste^ car ce nrs appartieM à là
citation d'apris. — 3 Corr. bay .,. foldal.
43- — I Corr, Gen m'aten, La cuaim qui suit est loaU corrompue. — 2 m*m
ou ne?
TRAITÉS CATALANS DE GRAMMAIRE ET DE POÉ-PïQilE ^^l
E en Bemat de Venta dom qui dix
Totas las duplc las mynure.
En altre loch on dix
E per pauch de joy nom nae,
A luyt aquest cre devon dir cnj meynscrey^ recuy; perque luy aquisl
an failli en aco.
44. [G. p. 84] Atressi te dich que sofriy feri, trahi, vi, noyri, e totaz
aquellas d*aquesta natura , son del présent temps e del indicatiu, e de la
primera persona de! singular; e en la lerça persona ditz hom : prmck\
fefrich^ fench, grazich, vich. Don en Fofques fallich qui dix en la terça
persona trasi, en aquella canço qui dix : Aran gens veus, en abtanî pauch
d*afayn en aqoella cobla que dix
Que aura mays aytan de bona fe
Canl mays mils si maiex no trasi
Aquest îrasi es ditz en la terça .persona per îrasic^ es hom en la pri-
mera persona ditz îrasi ; e atressi matex de totz les autres d'aquesta
natara; e trac vos en semblan en P. Vidai que dix, en la terça persona,
C'AIexandris trasic..,..
Lo quai dix be ço que dir dévia, perque séria ayta mal dix aquell n
m home^ oauci, 0 feri un home, co qui desia eu vfV/i, o eu fisch^ un home
£ atressi matex faras de tots los autres semblante a aquestz. Perque
podeu assatz entendre, pus eu vos ay probat que aytant bon trobador
hi son fallitz, H malvat en que y podon errar, E qui be ho volrra enten-
dre o esgardar primament, d'aquestz irobadors meteys en irobara mays
de malvadas paraulas qu*eu non ay dicbas, e d^altres mays qy*eu non
sabria dir ne conexer, ne nulls homs primz per be conexem que fos, si
forlmeni no s'i treballaba^
45. Las autras paraylas del verb, per ço cor eu no sabria dir totas
aquellas sens gran alTayn, totz homz prims las deu gardar be, e usar
com auzira las genz parlar d'aquellas terras, e que deman a aquelîs qui
han la parladura regoneguda , e que esgar los bons irobadors com las
han dichas, car yl no podon haver sauber gran, meyns de gran us, si tôt
sesaben Part '.
46. [G, p. 8jj Per haver maior entendiraen, vos vull dir que paraules
hi ha don hom pot far dos manz', axi com, leyaly cal^ eau, vikn^
cascu sino pot hom dir quant le leyal canço ^ E axi trobam que ho
44, — I Corrompu. — 2 Corr, ferich. — j ^ fif^i depuis perque podeu^
di^trt unstbUment de G., C'â-d, du ms, de la LâurcntumUj mais est à peu prts
idatti^ae à la Uçon du ms. Rkc,
4^. — A p£u prh idcnùam à Ricc. U texte correspondant dt G., dtpms e usar
com auzira, tu tnmttlligible,
46. — I Us. avec G. rimas. — 2 Cela n*a aucun sens; lisez awit G. \^i\,
;ç2 P. MEYER
han menât li trobador. Mas li primer , ço es lakn , ieyal canso, lo pus
dretî* Vilan sinssufrens meyis laugeramem^.
47. Dit vos ay en quai loch del nom en que hom ditz mel e cera ^ ;
ereus vull dir que cani son verb ditz hom meyhTfpeyn^, ayso qu'en îvolia
dîr eu millor 0 eu peior,
48. Perque totz homs prims qui be vulla trobar e entendre deu ben
haver esgardadas e regonegudas e privadas las paraulas de Lemozi, e de
las terras qu'eu vos ay ditas ^ e que las sapia abreujar e allongar et va-
reiar e dreyt dir per tots los lochs qu'eu vosay ditz; e deu si ben gardar
que per nenguna rima que mesler haia no la meta fora de sa proprietat,
ni de son cas» ni de son genre, ni de son nombre, ni de sa pan, ni de
son nominatiu ^ ni de son temps ni de sa persona, [ni de son alonga-
men], ni de son abreujament.
49. E atressi matex deu guardar, si vol far un cantar, 0 un romane,
que diga raso e parladures continuades e propies e avinents, e que son
cantar ne son romane no sien de paraules biaxadcs ni de dues parladu-
ras, ni de razos mal continuades ni mal seguides, E, per exempli, axi
com en Bemat de Ventadorn dix que tant amava si doms que per re no
s'en podia partir ne s'en partira. E en la quinta cobla ex dix
Als altras soi> huy mays escazeguts *
Cascuoa pot sis vol a ses ops cayre^,
^0. Et tuyt ceyll qui dizon amich per enemkh » e mey per me, e man-
îentr e reîmir erengcr^, han fallit, can paraulas francesasson, no les deu
hom mesclar ab les leraozinas, ni aquestas ni negunas altras francesas.
E de las paraules biaxades dix eu P. d'Alvergeu' [G. p. 86] amich per
amicks, e xasû per xastichs^i ez eu no crey, que terra sia el mon hon
hom diga aytals paraulas, mas el comdat de Fores. E si be ço es» per
un petit de terra no deu hom acullir aytals paraulas K Ez eu no puch dir
ges toias las paraulas malvadas, ne las rayzos, mas tant ne cuig dir, que
tolz homz prims quis vulla aprimar en aquesi saber **,
talen, vilan, canson, fin ; e pot hom ben dir, quis vol, Itâu, talan vila, chanso,
fi. — } Us, so li p. d, — 4 G, Vilan, fin. sufreti miels abreviamen,
47. — CuFUusc jûMi de copiste. G. melhor 0 pcjor, eraus., It copiite a iU
trompé par la yrtmàrt syli, dt melhor et par era, tt en a fait mel e cera. — î Us,
avec G, peior. — j G. aisi con qî.
48. — 1 Les derniers mois sont conformes à la leçon de Rice, — i Mieux G. ni
de son mot.
49. — Ort conçoit que B de Vent, a dâ dire A las ... cscazutz. — 2. Lis. traire,
jo. — I Cela n'a aucun sens; G, amis per amies. — 2 G* e mantenir per
mantener, e retenir per rctener. — ^ Mimt leçon que dans Rice.; le texte de C.
à cet endroit est corrompu et tra^abrigc. —4 Rici, {etcUst, je pense^la bonne leçon):
amru per amie, castiu per castic. — 5 Esi be.,, p3iT3iU\as manque dans Ricc, aussi
bien que dans G. La leçon du ms, Rice. se termine par la critique de quelques vers de
P. Raimon de Toulouse et de Gaacelm FaidÏL — 6 Celte phrase mmque dans Rtec.;
TRAITÉS CATALANS DE GRAMMAIRE ET DE POÉTrqUE
PUzens plasers^ tant vos am eus dezir
Que res nom pot plazer ses vos nim platz,
Pecar farelz doncs si m volets auzirj
Pus al s nom platz, nem pot abellir ;
i Qu*cu fora richs sim dexasalz sofrir
Qu'eu vos prcgas ans c'allrem fazes gay.
Bem poriatz storcre de morir
Sol queu pbgues mos fis prechs retenir,
Ë far sembbn co m'en pogues fauzir ;
10 E sius volgues que altran volgues may'.
Hî
II. ^- Domina de compontlre dictât s,
Ce petit traité, ou doctrinal, comme on disait jadis, contient rexposé som-
maire, mais très-précis, de seize genres de poésie. Dans une première partie
(§§ 2 i (8) l'auteur fait connaître^ pour chacun de ces genres, la matière qu'il
comporte et !a forme qui lui est propre ; puis il dit un mol de la musique qui
lui convient. Dans une seconde partie (§§ 19 à 53) il explique le nom de chacun
de ces genres : en d'autres termes, il donne, avec plus ou moins de succès,
rétymologie. La * doctrine pour composer ditiés » (ainsi pourrait-on traduire
le titre en ancien français) se donne comme étant une dépendance des t Règles
de trouver 1 de Raimoo Vidal, à la suite desquelles elle se trouve placée dans
le ms. En efct par ces mots du § 1 : « per les rahons dessus dites quez eu t'ay
mostrades • l'auteur se rattache à un traité précédent, qui ne paraît pas être
autre que celui de R. Vidal ; et les mots « quez eu t'ay mostrades > semblent
indiquer que l'auteur du second traité est aussi celui du premier. En outre
remploi du mot « règles » dans le dernier g (• axi son complides les dites r;^/<i »)
paraît établir un rapport avec le titre du premier traité « Lasr^^/^^detrobar»,
Enfin il faut reconnaître que les t Règles pour trouver j« justifient assez peu
leur titre, et que ïe court traité dont le texte suit en forme assez naturelleraenl
ie complément.
Il y a donc des raisons d'une certaine valeur pour attribuer la Doctrina ât
corn ponàn dictais à R. Vidal. Cependant je ne me prononcerai pas à cet égard.
dit lit amst conçut dans C, {ms. Lmr.\ : E ieu non puesc ges aver auzidas totas
las paraulas del mon, mas en se qe a estât dig mal per manz trobadors ni las
malvazas razons ; pero gran ren en cug aver dig en tant per qe lotz homs prims s'en
poira aprimar en aquesl libre de irobar e d entendre 0 de dir o de respondre.
tctti Uçon nUst pas trh-corrtctt ^ ainsi d faudrait jt crois saber au liiu dt libre;
tiU peut néanmoins servir à corriger ceite de Madrid, où il y a lieu de restituer s'en
poira aprh vulla à moins de supposrr qia la fin de la pkrasi a été omise.
1 . Je ne sais pas du tout de qui peuvent être eu vers qui me paraissent bien peu
dignes de Raimon Vidal et même de tipoque où il vivait. Il y faut faire les ratiiU'
Uons suivantes : V. 3^ Pecat ; — v. 4 ni nom p,; — v. ^ s. denhesselz ;
— V. 6, altram ; — v. 7, estorscr; — v, 8, queus p.; — v. to, allram
?algues.
Romania^ Vt
n
354 ^' MEYER
imitant la sage réserve de M. Mii»', qui remarque que teb des genres mention-
nés par ce petit traité, par ex. la gelozcsca^ semblent dénoter plutôt la fin du
Xin« siècle que le commencement. Je n'insiste pas sur ce point parce que la
gelozacd, pour ne nous avoir été connue jusqu'i présent que par un texte des
Uys d'amors (I, 350), pourrait cependant avoir été en usage depuis une époque
assez ancienne. Mais, ce qui me frappe par dessus tout, c'est la différence de
ton et de manière qui existe entre la Doctrina et les Règles, Autant la première
est méthodique et systématique, autant les Règles sont libres d'allures, se pré-
sentant un peu au hasard, sans plan déterminé, s'étendant, se développant selon
la fantaisie de l'écrivain. L'auteur de la Dodruia est un simple maître d'école ;
l'auteur des Règles est un poète ou, à tout le moins, un homme d'imagination
autant que de sens. Il me semble que si Raimon Vidal avait écrit la Doctrina^
il eût accompagné ses définitions de remarques où on eût retrouvé le cachet de
son esprit vif autant que judicieux, et surtout qu'il les eût appuyées d'exemples.
Si la Doctrina est de lui, nous pouvons être assurés que nous n'en avons que le
résumé ou, si l'on veut, le squelette.
Il est intéressant de comparer les définitions de la Doctrina avec celle des Leys
d*amors. Cette comparaison, dans le détail de laquelle je ne puis entrer ici, sera
facilitée par le tableau de concordance qui suit :
cansOj 2, 18 ;
Cf. Uys
, I, 340;
vers, }, 19;
—
1,338;
/flyi,4, 20;
>
>
sirventeschf 5, 21 ;
—
I. 540 ;
retronxa, 6,22 ;
—
1.546;
pastora.T, 23;
—
1.346;
dança, 8, 24;
—
I, )4o;
/»/û/?r (planh), 9, [25];
—
1,356;
alba, 10, 26 ;
1
gayta, 11, 27;
»
estampida, 12, 28;
•
sompni, 13, 29;
1
gelozesca, 14, 3°;
»
discort, 1$, 31 ;
—
U 342;
cobles es par ses, 16, 32 ;
1
1»
tenso, 17, 33
—
I, 344-
Les Leys traitent en outre du partimen (I, 344), soigneusement distingué de
la tenson, et de l'escondig (I, 348). Elles mentionnent sommairement le sompni^
la gilozesca et Vestampida (I, 348 et 350) sans les définir, et donnent des
exemples de câblas esparsas dans la partie des rimes (I, 174) et dans celle des
couplets (I, 252-4). Quant au lays, à Valba et à la gayta, les Uys n'en parient
point. Ces trois formes existaient pourtant dès la plus belle époque de la poésie
provençale ; les deux dernières empruntées à la poésie populaire, la première
empruntée selon toute apparence au français. Ce qui est à noter ici, c'est que
le layjs est décrit comme un genre de poésie consacré à des sujets pieux, ou do
I. Revista de Archivas y 20 octobre 1876.
TRAITÉS CATALANS DE GRAMMAIRE ET DE POÉTIQUE }^<i
oioifis moraux (g 4 cl 20). Le lai français et les dcxix lais provençaux que nous
possédons * ne sont nullement dans cette direction Mais il y cul des lais répon-
dant â la description de la Docînna, celui par exemple que Raimon Féraut dit
avoir composé sur la Passion :
Cell que vole romaniar la vida sant Alban,
Ë los verses del ky fetz de la Passion.
Les différences dans les définitions sont, à mon avis, assez marquées pour
qui! y ail lieu de considérer les deux traités comme loutà fail indépendants Tun
de l'autre Je^rois la Doctnna antérieure aux Uys^ et je ne crois pas que les
auteurs des Uys aient connu la Dodnna : il y a là une raison de plus pour
n'attribuer point à R Vidal la Docitina.
DE DOCTRINA DE COM PENDRE ^•DICTATS,
i . Aço es manera de doctnna, per la quai poras saber e conexer
queescançQ, vers, lays, serventesch, retronxa, pastora, dança, plant,
alba, gayta, esiampida, sompni, gelozesca, discort, cobles esparses,
! îenso; per la quai raho, per les rahons dessus dites quez eu fay mos-
irades, poras venir a perfectio de fer aquesîes sens errada, ses repren-
dimen, corn fer ne volrras.
2. E primeramenl deus saber que canço deu parlar d'amor plazen-
menl, e polz mètre en ton parlar eximpli d'altra rayso, e ses maldir e
ses lauzor de re, sino d'amor. Encara mes, deus saber que canço ha
ûbs e deu haver cinch cobles ; eyxamen n'i potz far, per abeylimen e per
complimen de raho, sis 0 set 0 vuit 0 nou, d'aquell compte que mes te
placia. E potz hi far una tornada, 0 dues, quai te vulles, E garda be
que en axi corn començaras la raho en amor, que en aquella manera
atexa la fins be e la seguesques ; e dona li so noveyl co pus beil poras*
^ » Si vols far vers, deus parlar de veritaiz, de exemples e de prover-
bis 0 de lauror ^ no pas en semblant d'amor; e que en axi corn comen-
içaras, ho prosegiiesques eu fins, ab so novell toia vegada. E aquesta es
îh dîferencia que es entre canço e vers, e que la una rayso no es sem-
^blant de l'altra. E cert ayiames cobles se cove de far al vers, com a ta
canço, e ayiantes tornades.
4. Si vols fer lays, deus parlar de Deu e de segle, 0 de eximpli 0 de
proverbis de laurors $e& feyment d'amor, qui sîa axi plazent a Deu co al
segle; e deus saber ques deu far e dir ab coniriccio tota via, e ab so
1, Le Ui Markhi et le lai nom par (sans pair) dans le ms. fr. rj6ij,
RUBRIŒJE. Sans doute pour compondre, composer.
J. — I Lauror pour lauzor € louange*, k sens ne paraît pas douteux; cf. plaren,
K. Vidal jj 1 1. Toutefois f au § suivant le mime mot reparaît n* étant plus préddi tPo^
a^ui pourrait faire penser aux proverbes des laboureurs^ proverbis ae lauradors.
^6 p. MEYER
novetl e plazen, o de esgleya o d'autra tnanera* E sapies que y ha ines-
ter ay tantes cobles corn en la canço, e aytantes lomades; e segueîx la
raho e la manera axi com eu t'ay dit.
$. Si vok far sirventz, deusparlar de fayt d'armes esenyaitadament S o
de lausor de senyor, o de mal dit o de qualsque feyts qui novellament
se tracten; e començaras ton cantar segons que usaran aquells deU
quais ton serventez començaras; e per proverbis e per exemples poretz
hi portar lez naturaleses que fan^ o ço de que fan a rependre o a lausar
aquells dels quais ton serventez començaras, E sapîes quel polz fer d'ay-
tantes cobles co latin d'aquetz camars que t* he mostratz, e potz lo far
en qualque so le vulles, e specialment se fa en so novell, e maiorment
en ço de canço. E deus lo far d*aytantes cobles com sera lo cantar de
que pendras b so ; e potz^seguir las rimaz contra sembîantz del cantar
de que pendras lo so; airesi lo potz far en altres rimes.
6. Si vols far retronKa^ sapies que deus parlar d^amor, segons Testa-
ment en quen seras, sia piazen o cosiros ; e no y deus mesclar altra
raho. E deus saber que deu haver quatre cobles, e so novell tota vegada,
E deus saber que per ço ha nom retronxa car lo refray de cadauna de
ies cobles deu esser totz us. J
7. Si vols far pastora, deus parlar d'amor en aytal semblan com eu te"
ensenyaray, ço es a saber, si t' acostes a pastora e la vols saludar, 0
enquerer 0 manar 0 corleiar, 0 de quai razo demanar 0 dar o parlar
Il vulles* E potz 11 mètre altre nom de pastora, segons lo bestiar que
guardara, E aquesta manera es clara assalz d'entendre, e potz ïi fer sîs
0 vuît cobles, e so novell 0 so esirayn ya passât.
8. Si vols far dança, deus parlar d'amor be e plaseniment en qualque
esiameni ne' sies. E deus li* fer de deutz ni cobles? e no pus. e res-
post, una o dues tornades, quai te vuUes; loies vegades so novell E
potz fer, sit vols, totes les fins de les cobles en refrayn semblan. E
aquella raho de que la començaras deu continuar, e be servar al comen-
çament, al mig e a la fi.
9. Si vols far plant d'amor 0 de iristor, deus la raho conlinuar; e pot
lofer en quai so te vulles, salvant de dança. E atressi potz lo fer day-
tantes cobles con ia[s] dels damunt dits cantars, e encontra semblés* 0
en dessemblants; e no y deus mesclar altra raho si no piahien, si per
compacio no y ho podies portar. ■
10. Si vols fer alba, parla d'amor plazentmenl; e atressi lauzar lar
dona on vas 0 de que la faras; e bendi l'alba si acabes lo ptazer per lo
j. — i Con. d'enseoyament?
», -* I Corr, que?— 2 la? — 3 Carr. dcdeniz .iiif. cobles? /f^ Ltf s spicifitiU
trois coiipi€ts,
9. — I Cûrr. en contrasembïants ; cf, la fin du ^ ^
TRAÏTÉS CATALANS DE GRAMMAIRE ET DE POÉTIQUE Î5 7
- qaal atnes' a ta dona. E si no 1' acabes, fes Palba blasman la dona e
l^alba on anaves. E potz hi fer aytantes cobles com te vulles, e deus hi
fer so novell.
n. Si vols fer gayta^ deus parlar d'amor o de ta dona, desigan (?) e
serablan que la gayta te pusca noure o valer ab ta dona, e ab lo dia qui
sera avenir ',e deus !a far on pus avinentmeni pugues» preyan totavia la
> gayta ab la dona que t' ajut ; e pot^ hi far aytantes cobles com te vulles ; e
deu baver so novelL
î2. Si vols far estampida, potz parlar de qualqiie fayt vulles» blasman
kolauzan o merceyan, quîi vulles; e deu haver quatre cobles e respone-
dor, e una o dues tornades, e so novelL
I ^ , Si vols far sompni, deus parlar d'aqueiles coses quit seran vijares
que haies somiades, vistes o parlades en durmen ; e potz hi far cinch o
sis cobles^ e so novell.
14. Si vols far gelozesca, deus parlar de gelozia, reprenden 0 con-
trastan de fayt d'amor^ e deu haver responedor^ e quatre cobles, e
una o dues tornades, e so noveyll 0 estrayn ya feyt.
1 5» Si vols far discort, deus parlar d'amor coma hom qui n^ es désem-
parât; c coma hom qui no pot haver plaser de sa dona e vîu turmentatz ;
e que en lo cantar Ha hon lo so deuria muntar, qu'il baxes. E fe lo Con-
tran de toi Taltre cantar. E deu haver très cobles, e una 0 dues tor-
nades e responedor. E potz mètre un 0 dos motz mes en una cobla que
en altra, per ço que mils sia discordant.
16, Si vols fer cobles esparses potz les far en qualso te vulles; e deus
seguir las rimes del cant de que trayras lo so, E atressi les potz far en
altrcs rimes; e deven csser dues 0 très cobles, e una o dues tornades.
17. Si vols far tenso, deus la pendre en algun so que baia bella nota,
e potz seguir les rimes del cantar o no. E potz fer quatre 0 sis cobles 0
vuit, sit vols,
r8* Encara mays te vull mosirar, per çaque stes pus entendenz en ion
irobar, que canço es appellada canço per ço con es causa naturaîment
pauzada en manera de cantar; e per homens autz e bays, ço es saber
que a totz aquells platz pretZj amors e cortesia e solaç, ensenyamentz, e
tôt ço que ella parla.
19. Vers es appellatz per ço vers cor parla de proverbis, e de razonz
naiurals, de eximplis de veriiats, de presemz temps, de passât e de esde-
vcnidor,
20. Lays es appellat per ço lays quis deu far ab gran contriccîo, e ab
gran movîmem de cor vers Deu 0 vers aycetlas causas de que volrras
parlar.
10. — I aiiiest?
1 1 - — I Les idées h suivent mal; je soupçonne quelque lacune.
}{8 TRAITÉS CATALANS DE GRAMMAIRE ET DE POÉTIQUE
21. Serventelz es dit per ço servenletz per ço com se serveii e es
sotsmes a accueil cantar de qui pren lo so e les rimes ; e per ço cor deu
parlar de senyors o de vasails, blasman o casiigan o lauzan o mostran,
0 de faytz d'artnes o de guerra o de Deu o de ordenances o de novelle-
lau.
22* Retronxa es diia per ço retronxa per ço cortotes les cobles deven
esser estronçades a la fi; e per ço lo refrayn de la primeyra cobla ser-
veix a toies les altres cobles.
2^ Pastora es dita per ço pastora cor pren hom lo cantar de aquella
persona de qui hom lo fa ; e pot esser dita pastora si la persona garda
oveylles o oques ' o porchs o d'alires diverses bestiars.
24. Dansa es dita perço com naturaimeni la diiz hom dança[n] 0 bayl-
lan, car deu [aver] so plazent; e la ditz hom ab esturment, c plau a cascus
que la diga e la escout.
[25. Plant....]
26. Alba es dita per ço aîba car pren nom lo cantar de la ora a que
hom lo fa , e per ço cor se deu pus dir en Talba que de dia,
27. Gayta es dita per ço gayta cor es pus covment a fer de nuyt que
de dia, per que pren nom de la hora que hom la fa.
28. Stampida es dita per ço stampida cor pren vigoria en contan 0
en xaman pus que null autre cantar.
29. Sompni es appellat per ço sompni cor îo cantar parla de ço que
Il par que havia vîst de nuyt, 0 ha auzit en sompnian.
îo. Gelouzesca es dita per ço geïouzesca per ço cor gelozamen parla
de ço que dir vol, con!rasta[n] ab alguna persona en son cantar.
ji. Discort es dit per ço discort cor parla discordament e reversa, e
es contrari a lotz altres cantars, cor gita de manera ço que diu.
52, Cobles esparsesson dites per ço cobles esparses cor se fan espre-
sament en quai so te vullcs. Empero convesc que li seguesques hom
manera axi coma canço.
3 ] . Tenso es dita tenso per ço com se diu contrastan e disputan sub-
lilmen lo un ab l'altre de qualque raho hom vuUa cantar.
Î4. E axi son complides les dites règles ordenades per doctrina en
trobar, per la quai doctrina cascus qui be les gari e les veja, si es sub-
til dVniencio, pora leugerament venir a pcrfeccio de la an de uobar.
4
i
(A sume.)
Paul Meyer.
2j, — i prov, aucas, desoits.
j2. — I Con, conven.
LA NOVELLA BOCCACGESCA
DEL SALADINO E Dî MESSER TORELLO.
Parccchî scritli si vedono addotli dagli indagatori délie origini del
Decamerone per illusirare la Novella 9' délia x" giomau : VAn'eniuroso
CiciUano, il Condt Lucanor^ e varie versionid'un'avveniurameravigliosa
di Carlo Magno K Quesi' awantura — un ponentoso ritorno, che préserva
rimperatrice dalP aver due mariti ad un tempo — non è che una deter-
minazione spéciale d*un tema ampiameme diffuso, e comune sopraimito
presse le nazioni germaniche. Appariengono alla stessa famiglia, nell'
occidenie, !a leggenda del cavalière di Mœrungen ^ d'Enrico il Leone'»,
di Tbedel da Walmoden 4, e alire ancora s ; neir oriente, per dire îl poco
che è a mia cognizione, un caso di Vidushaka, presso Somadeva^, e
un* avvenlura d*Abulfauaris nei Mille e un giorno 7. Pare che in servigio
del Decamerone si sîa badato poco a passare in rassegna questa numerosa
fainiglîa;se no, un esempio del Dialogus Miraculomm ûi Cesario {Disi,
8s cap. 59I, che da nessuno vedo ciiato al propostio nostro^T avrebbe
dî ccrto richiamato Tattenzione. Eccolo tutto îrîiero, per comodo dei
letton 9,
« In villa quae dicitur Holenbach miles quidam habita vit nomine
Cerardus; huius nepotes adhuc vivunt, et vix aliquis in eadem reperitur
villa quem lateat miraculum quod de illo dicturus sum. Hic sanctom
Thomam Apostolum tam ardenter diligebat, tam specialiter prae caeieris
1. V, principalmente Lasûau-, DkQatUmdts Daam.j jy, 67, 144; id.,
Bàtrage :ur Gcschischtc âtr kaiitn. Nonllt, j 7 1 .
2. umMM, Dtatscht Sagen, n. 529.
î- SmtiocK, Deutsche Volkbùchtr^ t, I; Grimm, Op. cit., n. siG,
4, SiiiROCK,Op. cit., IX, 497.
y V. SiMROCK, Dtutschf Mythologie^ 3» éd., 176.
6. L. 111^ c. t8 ; t. II, 29 nella traduiione del Brockhaus.
G. dxxxijj; p. 228^ nell' éd. del Panth. itttèr.
Beosl ta ncorda il Simrock nel luogo citato délia sua Mitohgm.
9, Seguo una stampa di Colonia del 1(91. Ma l'edizione migUore — che mi
ittolé di non avère alla mano — è ccrto rullima, procurala dallo Slrangc (Co-
lonva, Hebcrle, 1851).
^6o p* rajna
sanctis honorabat, ut nulli pauperl in illius nomine petenti eleemosynam
negaret : multa praelerea privaia servîtia, ut mm oratîones, ieiunia et
missarum celebrationes, illî impendereconsuevii. Die quadam, Deoper-
miitente, omnium bonorum immicus dîabolus ante ostium mîlitispulsans,
sub forma et habiiu peregrini, in nomine sancîi Thomae hospiiium peti-
vit : que Sïib omni festinatione intromisso, cum esset frigus, et ille se
algere simularet, Gerardus cappam suam foderatam, bonam satis, qua
se legeret ienscubiîum, transmisit, Mane vero, cum is, qui peregrinus
videbatur, non appareret, et cappa, quaesïta, non fuisset inventa, uxor
marito irata ait : Saepe ab huiusmodi trutianis iilusus estis, et adhuc a
superstitionibus vestrisnon cessatis. Cui ille tranquilloanimo respondit :
« Noii turbarî; bene reslituet nobis hoc damnum sanctus Thomas. »
Haec egît dîabolus ut militem per damnum cappae ad impatientiara
provocaret, et Apostoli dilectionera in eius corde extingueret: sed milili
cessit ad gloriam quod diabolos praeparaverat ad ruinam^ et inde ille
aiïiplius est accensuS; unde iste confusus est ac compuncius. Nam, parvo
emenso tempore, Gerhard us, limina beati Thomae adiré volens, cum
esset in procinciu posiîus, circulum aureum in oculis uxoris in duas
partes dividens^ easque coram illa coniungens, unam illi dédit et alteram
sibi reservavit, dicens : « Huic signo credere debes. Rogo etiam ut quinque
«t annis reditum meum expectes; quibus expletis, nubascui volueris. » Et
promisit ei : qui, via vadens îongissima» tandem, cum magnis expensis
maximisque labortbus, pervenit ad civitatem sancti Thomae Apostoli; in
qua a civibus officiosissime est salutatus, et cum tanla charitate suscepitis,
ac si unus illorum esset, eisque notissimus. Gratiam eandcm adscribens
beato Apostolo, oratorium eius intravit et oravit, se, uxorem, ei
omnia ad se pertinentia illi commendans. Post haec , tenmini sui
reminiscens, et in eodem die quinquennium completum considerans,
ingemuil» était:* Heu» modo uxor mea viro alteri nubet! ^ — ïmpedierat
Deus iter eius propterhoc quod sequitur.^ Qui cum tristis ctrcumspicereij
vidit praedîctum daemonem in cappa sua deambulaniem ; et ait daemon :
tt Cognoscis me, Cerharde? — Non, inquit, te cognosco, sed cappam, i>
Respondit ille : u Ego sum qui in nomine Apostoli hospitium a te petivi, et
tt cappam tibi tuli» pro qua et valde punitus sum. b Et adiecit: « Ego sum
« diabolus, et praeceptum est mihi, ut antequam homines cubitum vadam,
H in domum tuam te transferam, eo quod uxor tua alteri viro nupserit, et
« iam in nupiiis cum illo sedet. )> Tollens eum, in parte diei ab India in
Theutoniam, ab ortu solis in eius occasum transvexit, et circa crepuscu*
lum in curia propria îllum sine lesîone deposuit. Qui domum suam sicut
barbarus inirans, cum uxorem propriam cum sponso suo vidisset come-
dentem, propius accessit, eaque aspiciente^ partem circuli in scyphum
mittens abscessit. Quod ubi illa vidit, mox extraxit, et partem sibi dimis-
NOVELLA BOCCACCESCA DEL SALADÏNO Jî
sam âdiungens, cognovit eum suum esse maritum, statimque exiliens in
amplexu eîus ruit, virum suum Gerardum iiliim esse proclamans, sponso
valedicens : quem taraen Gérard us illa nocie, pro honestale^ secum reiî-
nuit. »
La novella boccaccesca consta di due fatti prindpali : l'accoglienza de!
Saladino nella casa del cortesissimo geniiïuomo lombardo, ed il porten-
roso ritomo, che impedisce le nuove nozze, Orbene : il nsconiro ofFer-
tocî da Cesano difTerisce essenzialmente dagli allri, inquantochè ci
somministra il parallelo per lutto il racconto, non già solo per l*una o
Pâlira délie due parti. Questa rispondenza più compléta è cosa di molio
rilievo, E s'aggiungono, a fare ufficîo di rîiicalzo, ceni accordi minuti.
Se raesser Torello riceve al partira un anello dalla moglie, Gherardo ne
dîvide uno colla sua ; se quesli fissa aile seconde nozze un termine dî
« uno anno, un mese ed un dî, n dopo che manchino sue notizie, Faltro
ne pone uno di cinque anni, dalla partenza in génère. E come nella casa
del geniiluomo pavese i finii mercatanti sono vestili e regalati di robe e
g3ubbe ricchïssime, in quella dell' alemanno il non meno finto pellegrino
riceve una cappa ', daiagli, è vero, solo in prestito, ma délia quale egli
pensa a regalarsi da se medesimo. E cotesie robe rappresentano poi la
medesima parte nel secondo incontro : sono riconosciuie, o in tutto o a
tnezzo, qui da messer Torello» là da Gherardo. S' avvena inoHre che il
legame tra le due parti del racconto è sostanzialmenteil medesimo;solo,
ridentîtà si irova dissimulata dagli accidenti, diversi presso i due scrit-
lori, e ben più complicaii, com'è troppo naturale, in quello di essi che
mira a comporre un' opéra d'arte. Ma le ultime scène soprattutio con*
vengono a raeraviglia : il banchetto nuziale, Taneilo giitato nella coppa,
il pronio riconoscimento da parte délia donna, il precipitoso levarsi dalla
tavela e correr nelle braccia del marito, le esclamazioni ^; per uïtimo,
lacondotla cortese che si tiene verso il nuovo sposo. In verità, non si
potrebbe desiderare un accordo più pieno,
Dei pardcolari qui enumerati, molti trovano corrispondenza anche in
altre versioni '; tuni, nonchè riuniii insieme» nemmeno sparsamente*
1, Bocc. : « Due paia di robe^ fuo foderato di drappo e l'altro di vaio. non
mtga citladînc ne da roercatanij, ma da signore, e Ire giubbc di zendado.,. i
— Ces* : ■ Cappam suam foderatam, bonam salis ».
2. Bocc. : c Uridô : Qucsli è il mio signore, qucsli veramcntc è messer To-
rello. > — Ces. : « Virum suum Gcrardum illum esse proclamans •.
5, Per ci tare qualche esempio, un termine dopo il qualc la moglie possa
rtmarilarsi — dieci anni ~ è fissato anche da Carlo Magno presso Encnkel
(Von dkr Hauen, Gesammîah., Il, 6191. Ed un anello, là dovesi parla dclla par-
tcnxa, apparc anche in questo medesimo testo (v. 21); se non che non neè poi
più oueslione, né esso serve puntoal riconoscimeiito. Al ricoDoscimenlo serve bensi
quello di Vidushaka, gettato in un secchîo d'acqua^ come il nostro nelb coppa
î62 p. HAJNA
Perô uno strctto vîncolo di parenieU ira la novelia e il miracolo è da
ammettere di nécessita ; rimane dubbio soltanto il preciso grado e la
specie.
Ebbe propriamente il Certaldese davanti agli occhi il lesto dei credulo 1
monaco di Heisierbach? — La cosa non si potrebbc dire invcrosimile. H
Diâlogus miraculorum, dal tempo délia sua composizione — si stavascri-
vendo nel 1222 — aveva aruto tutto l'agio di diffondersi, e s^eraJ
realmente diffuse. Non so davvero se i manoscritti dell' opéra imera]
abbondassero nel trecento in Italia; so per altro che una copiosa venaJ
derivata di là, venne ad arricchire quelle raccolte di eseoipi, di cui fece- j
vano tanio uso i predicalori, ad edificazione e lerrore dei credenti. Per
venire a qualche caso concreto» in forma abbrevîata, trovo il racconto
che c'interessa, con altri molti délia stessa provenienza, in un Atphâke-
tum nanationum^ éï cui il manoscritto ambrosiano eh' io conosco •
sarà di certo il solo esemplare.
Eppure, a non voler correr rischi, bisogna dubitare. Cià, più
avanti cogli studii, e più si vedono imralciarsi le généalogie dei racconti
nel medio evo. Non c*è oramai narrazione di cai non si vengano a
conoscere e non s'abbiano a supporre parecchie versioni, spesso cosî
prossime da dare facilissimamente luogo a scambii, Nel nostro caso, il
dubbio è aggravaio da certe concordanze sporadiche, che Cesario non
ci puô spiegare, tra taluno degli ahri rappresentanti germanici ceria-
mente ignoti al Boccaccio, e la novelia italiana. Poco importa senza ,
dubbio che il mezzo anello dei Dialogus sia un anello intero nell' Enrico!^
il Leone e nel Cavalière di Mœrungen, Ma non si puô dire altrettanto dellâ^
maniera corne quesio anello vien trasmesso dal marito alla donna. Nella
leggenda di Enrico, il reduce sconosciuto fa chiedere alla duchessa un
sorso di vino. Ella riempie un bicchiere, e glielo manda. Enrico beve, e^
deposio poi Tanello nella coppa, fa che questa sia riportaia alla mogUe»^
Siam già, per qoalche rispeito, più vicini a messer Giovanni che nel
racconto di Cesario. E il cavalière di Mœrungen ci faancora avanzaredi
un passo. Qui il pellegrino, dopo averbevuto emessoPanello nel residuo
dei vino, commette al coppiere di ripresentare la tazza alla signera, e di
pregarla da pane sua che non isdegni di berci alla sua volta. Orbenc :
una circosianza dà valore spéciale agli accordi — non cito quelli che
sîan cornu ni a Cesario — con quesi' ultima narrazione. Essa ha contatti
peculiari col miracolo narraio dal monaco. Anche il viaggio dei cavalierc^^
di Mœrungen ebbe per meta la terra di S. Tomaso. Ciô tutto che viendfl
dei vino. Curbso che nel racconto indiano, corne oel boccaccesco, cotesto anello
è dono délia donna !
ï. Segnato T 45 sup.
NOVELLA POCCACCESCA DEL SALADINO 36^
a dire ? — Fa sospettare che il mîracolo in discorso si narrasse anche
in una forma ancor più prossima al racconto boccaccesco, di quella nota
a noi. Questa, anzichè madré, potrebb' esser nonna, zia, cugina; le
streite somiglianze provenire da rapporti indireiti, non precisabili coi
niateriali di cui dispongo per ora. Comuttociô s^intende bene che Cesa-
rio rimane sempre il legittimo rappresentante di cotesti suoi ipotetici
parent! , i quali, adesso almeno^ — dato che sîano esistiti dawero — ci
sono noti solo da lui e per lui, in quanio cioè le loro faUezze siano ad
esso comuni.
Ciè posto, coniinuiam pure a discorrere del racconto di Cesario, corne
di una vera e propria fonte délia nostra novella. Non è la sola; nienie
affatto. Siccome peraltro è quella che unica et accompagna da un capo
ail- aliro della narrazione, sia pure ad una certa dîstanza e con lempo-
ranee scomparse, sembrerebbe ragionevole supporre che da lei si sian
prese le mosse. Tuttavia non avvenne forse cosi. Ceno, ildisegno géné-
rale del quadro appar condotto dietro questo modetlo; se non che al
quadro stesso messer Giovanni non pensô, a mio credere, se non dopo
aver concepita Tidea di taluna delïe cose che nel modello non erano.
Badiam bene : siamo alla giornata décima del Decamerone, quella in cui
« si ragiona di chi liberalmente ovvero magni6camente alcuna cosa opé-
rasse i>. Ora» la magnifrcenza e liberalilà del Saladino erano iroppofamose,
perché poiessero mancare qua deniro. o Fu in donare magnifico, e délie
sue magnifîcenze se ne raccontano assai^ ^> ci dice il Boccaccio medesimo»
Jiel Commenta alP InfcmOy c.iv.v. 129'. Periamo, a quel che mi pare, si
doveile parlire di qui; indi metter gli occhi sul miracolo, corne sopra di
una maleria, che, acconciamente foggiata, poteva diventare espressione
efficace del concetto che s'aveva nella mente. Ciô, ben inteso, dato che
la novella fosse scritta appunio per esser posta nella nicchia in cui la
iroviamo. Che cosî fosse, qui al termine dell* opéra, credo assai vero-
simile.
Ma, comunque sia, è indubitato che nelP applicazione del racconto di
Cesario alla persona del Saladino» consiste la peculiarità délia novella
boccaccesca. E di cotale applicazione par bene di scorgere il movente.
V'era una certa inirinseca analogia ira il fatto narrato dal monaco tedesco,
e casi che si raccontavano del famosissimo soldano. Si rifletta al suo
picchiare in vesti di romito alla porte del « conte Artese n, e più ancora
alla cortesia che egli riceveva sconosciuto in Ispagna da « Ugo di Mon-
caro jtt, e che poi a mille doppii ricambiava in Oriente : cose queste che
noi apprendiarao da una nota al terzo libro deir Aw^niarosQ Ciciliûno ^.
1. T. I» 193^ Tieir ediz. Mouticr.
2, Il Lami {Novelk Uturark, XV, 561) fu il primo a citar questa nota per
illustrare le origîni ddla novella del Ôtcamiront.
^64 p. RAJKA
Di cotesta nota gioverebbe conoscere la fonte : francese, senza dubbîo.
E invero, che il Saladino viaggiasse irasfigurato per il mondo, etâ
tradizlone difîiisissima- A noi giova sentire che cosa dica in proposito lo
stesso Boccaccio, là dove, nel luogo già citalo del Commenta daniesco,
parla, non più da novelliere, ma da slorico : u Fu vago di vedere e di
cognoscere It gran Principi del mondo, e di sapere i loro costumi : né
in ciô fu contento solamente aile relazioni degli uorninï ; ma credesi che,
irasformaiosi, gran parte del mondo personalmente cercasse, e massi*
mamente inira' Crisiiani, li quali, per la Terra Santa da lui occupaia,
gli erano capitali nemici. »
Credesi : ecco la critîca che fa capolino. Invece parla délia cosa senza
ombra di scetiicismo il più antico commentaiore di Dante, Jacopo délia
Lana, délie parole del quale quelle del Certaldese mi pajono corne un'
eco : « Questi (it Saladino] fue Soldano di Babilonia^ lo quale fue saga-
cissima e savia persona : sapeva tutte le lingue, e sapeva molio benc
trasformarsi di sua persona ; cercava tutte le provincie e tutte le terre
si de* Cristiam corne de" Saraceni, e sapeva andare si segretamente che
nuîla sua génie ne altri lo sapea ', t> E segyila dicendo, comc da un
astrologo gli fosse detto che Goffredo di Buglione (!) lo doveva ucci-
dere. Voîendo prevenire il fato coU' ammazzare egli Goffredo, in abiio
di pcllegrino si conduce a Parigi. Un abale, incontraiolo per via, lo
rîconosce e lo chiama. Il Saladino nega dapprima il suo essere; poi,
visto che il negare non vale, e avuta promessa di segretezza, manifesta
anche l'imemo del viaggio. L*abate va a contare il fatto al re, il quale
manda fuori Goffredo in mezzo alla sua propria scorta. Il Saladino si
persuade di non poler eseguire il disegno; vuoi panire; è preso,e muore
poi in corte.
La iradîzione dei misteriosi viaggi del Saladino è pure uno dei
raolivi su cui poggia il cinquantesimo esempio del Conde Lucanor^.
Invece essa non ha che vedere colla ventîquattresima fra le Novelk antiçke,
poco opportunamente rammentata dal Lîebrechi î e da altri. Là si iratta
semplicemente di una visita , poi ricambiata , al campo cristiano ;
non già dî una peregrinazione oitremare. Bensî questo racconto, che
appaniene in origine a Carlo Magnos se pure anche Carlo non l'ha
ereditato Dio sa da chi, serve a mettere sempre più in evidenza fmo a
quai segno il cavalleresco soldano avesse assunto natura leggendaria.
Senza dubbio farebbe cosa giovevole chi prendesse a sttidiare in un
lavoro spéciale a il Saladino nella tradizione del Medio Evo, » Pur
f. P. 16, neti' éd. Civelli (Milano, 186O.
2, Escritom en pros^ ânteriores al siglo ATI/; Madrid^ !86o; p, 420.
5. Nclle noie alla vcfMonc del Dutilop, p. ^11.
4. G. P\ttis, Htst. p<^L de ChitL, 291.
NOVELLA BOCGACCESCA DEL SALADÏNO 05
iroppo non tutto quanto si narrava sarà giunio fino a noi. 0 perché
Francesco da BuU, commentando il solito verso dantesco, dopo averci
solleticaio la curiosità col dire che di lui tt siconiano moite belle isiorie i>,
ci rimanda con un ingratissîmo, <^ ma perché non le ô autentîche non
le scrivo 1» ' ? Meno maie roitimo, nella fine délia nota che per la
roaggior parte ha copiato del Laneo : n Moite cose si trovano scritte di
lui leggiâdre e belle, e amà per amore ta Reimi di Cipri « ^. Ecco almeno
un cennoi un cenno che ci richiama alla mente il Norandinodeli'//ïn;^mo-
rato, ed il lorneo per Lucina, e che ci fa pensare aile quesiioni délie fonti
bojardesche ed ariostesche,
Presso il Boccaccio, il Saladino gira l'Europa alP inlento di osservare
gli apparecchi che si stanno facendo per la Crociata. Forse che questo
moiivo era dato dalla tradizione ^ — Non addurremo certo per provarlo
ilpasso di un aliro commentatore di Dante, il cosi detto AnommOt che
si vede ciiato dal Lami ^ ; chè le parole di costui sono evidentemente
ricalcaie sul principio délia novella di messer Giovanni. Piuitoslo sem-
brerebbe offrirci un indizio il modo come il Cenaldese, nel commenio
suo, riunisce in un sol periodo le peregrinaKÎoni e la nimicizia coi
Crisiiani. Se non che in questo accoppiamento io sospetto di do ver
scorgere un nflesso délia nota del Laneo » e precisamente dell' aneddoio
«iella venuia a Parîgi.
Cosi stando le cose^ puô esser prezïo deir opéra citare un incidente
analogo, che occorre nel principio degli Aspramond loscani 4, e che
s'aveva prima di certo in un originaîe francese o franco-italiano, non
rinvenuio finora ^ . Agolante, — riasstimo il lesto in prosa di Andréa da
Barberino, — fermato il disegno di un gran passaggio contro la Crisiia-
nità, manda segretamente Sobrino, uno dei re suoî vassalli, a spîare le
forze degli avversarii. Sobrino, solo soletto, si avvia, e cerca Tltaha,
rUngheria^ la Magna, Fiandra, Bretlagna, Inghilierra, Guascognaj Pro-
venza; da ultimo, la Francia. Un anno intero si irattiene in corte di
Carlo corne famiglio. Quindî, visitato Galafro re di Spagna, ritorna
ad Arganoro, dopo esserne siato assenie ben sei anni e sei mesi*
1. Commtmo di Fr, da Buti sopra ta D, C, di D. A. ^ Pisa, Nistri^ i8^8;
1, ijy.
2. LVtiimo Commenta dtUû D. C; Pisa, Capurro, 1827 ; 1, ço.
3. NovcUi tciitrant, 1. cil. I! commenio ddl' Anonimo û ha ora Hillo a
Slampa, per cura del Fanfani (Bologna, Roïïiagnoli, 1866). La nota su! Saladino
su a p. 123 dd l. L
4. vcramcnle, bisogna fare délie riserve per una ddïe due versioni rimate,
qudia conservalaci dal codice magllabechiano Cl, VU, 10, 682; chè i primi
canti mancano in qucslo manoscrilto, l'iinico di ctii io abbia notiïia.
\ , Anche gli Asprûmonti dei due codici di Venczia prendono l'azione a un
punto assai piii inoltralo. I saracint sono già padroni délia Calabrla,
î66 P RAINA
La venliquattresîma novella anîica — una novelîa doppia — menrio-
nata faori di luogo per i viaggî, poteva invece ricordarsi ad altro propo-
silo. Non perô la parte a cul s'intendeva di alltidere ; bensi !■ alira, la
pnma. Messer Torello, prigione presso il Saladino» è trattato corne
l'anonimo <c cavalière francesco ». Enirambi sono sottratti al carcere,
vengono in grazia, sono rivesiiti nobilmente e tenuti corne cari compa-
gni da! cortese signore. Ed entrambi, caduii poi in tristezza per desi-
derio del ritorno, sono confortati, e tosto rimandaii con ricchi doni*
Sicchè, diversi elementi concorrono anche alla formazione detle novclle
boccaccesce. Creare, non è per solilo altra cosa che comporre genial-
menie, e foggiare di nuovo. E compone il popolo, compongono gli
uomini dell'arte : questo senza coscienza, per effeîio di leggi naturali;
quelli invece scieniemente, per deliberato proposito. Nel caso nostro,
appena so dybitare che anche l'eplsodio di Carlo Magno > non fosse noto
al Boccaccio, e non abbia contrïbuiio in qualche maniera. — Noto da qualî
libri ? — Certo non dal VVeUbnch di Enenkel, ancorchè sia questa la soîa
versione che ci offra speciali analogie. Vi abbiamo una scena nel duomo
di Aquisgrana% chesomigha non poco alla nostra in San Pietro in Ciela
dVo, quando sagristano, monaci ed abate si sgomentano alla vista di
messer Toreîlo, Forse il novelliere conobbe Foriginale donde aveva
attinio il rimatore tedesco ; ma teno ponno esservi ben aliri gin e rigiri.
S'avvertirà anche una seconda convenienza. La moglie di Carlo è
cosîretta aîle nuove nozze dai baroni del regno, corne quella di messer
Torello dai parenii stioi. Qui per altro si puô parla re con più verosimi-
glianza di un tncontro fortuito, prodotto dall^ analogia dei dati^ che di
vera parentela.
In Italia, ravventura dt Carlo fu narraia moite volte. Una prima ver-
sione — prima, solo perché più indietro c'è bujo — ce la darebbe
Nicola da Padova, Disgrazia lamente la seconda parte del suo poema s'è
perduta, sicchè bisogna conientarsi di una brève allusione nel principio
deti' opéra. Carlo sia per muovere di Francia coir esercito :
(F** i2<î) Avant qe Caries partisl deu premer liu^
Por le conseil de ses barons plus fiu 3,
Fisl demander Anseîs de Pontiu ;
Neveu s toit Gaenes, si com ie vos escriu ;
A lui leissa France e Ten fist bailleu ;
Pues lui voust fere b mainere Pompiu,
Qe rois voust cstre por son enging sottu.
Vos oirez com le roi de Mongiu *
1, V, Pabis, Hist, pùii. àt Chm,^ }^.
2, Von uer Haoen, Ccsammîah,^ 11, 628.
j. Il cod. ha m,
4. il cod., monguy.
NOVELL A BOCCACCESCA DEL SA LAD I NO l6j
Torna en France coroços et pcnsiu
Por feir vcii|anc« dou treit melesîu^
Qe lui voloit tolir son reigîie plus ânliu,
E la roine belle eu m flor de cm :
Jâ erent feles la noce el le coriu ;
Mais a grant duel en fu ireit le reliu '.
Coiisoliamod colle redazbni posteriori. Una di esse, quella che si
contiene oel Vïdggio di Cddo Magno in ispagna^ è abbastanza accessi-
bile perché si possa rimandare al libro chi sia desideroso di siudiarla *.
Del resio, non ha nulla che ce la riveli più strettameme impareniàîâ
délie altre coïla novella dei Dtcatiurone. Piutiosio riassumerè, perché
iîiedita, la versione eterodossa dataci dalla Spagna del codice medîceo-
palatino loi , t, III, sebbene dî analogo col Boccaccio non vi resti cra-
mai più nieme.
Mentre Carlo sta ad assedio a Pampalona, e quando appena Orlando è
rilornaîo d'Orienté, giungono da Parigi lettere delF impératrice, Essa
raconta corne, essendo gran coniesa tra Macario e Trasmondo di
Maganza e certi altri baroni, mandasse per molia génie ^ che fosse in sua
difesa. Ne nacque uno scandalo. Un giorno, a un desinare, ecco i due
maganzesi venir a questione col conte Rinieri di Tremogna. Da ciô ona
zu^a^ in cui lascîano la vita trentasette baronî. La parte maganzese ha
la peggio, esce fuori, si ritrae alîe sue terre, e ritoma poi riiîvigorita a
mettere ii campo a Parigi, pretendendo datla regina la consegna dei
baroni avversarii. — Avuîe queste nuove, Carlo rimette alPindomani il
deliberare in proposilo. Ma la notie Oriando gli consiglia di non indu-
giare. Evocato uno spirito per mezzo di unlibriccino donato dalsoldano
ad Orlando e da questi ail' imperatore, i due hanno la piena conferma
délie cose contenute nella letiera, Orlando vorrebbe allora correr egli a
Parigi, a metter riparo; ma Carlo non glielo permette, e détermina di
andar egli in persona, accompagnato da Narao, Ansuigi, Ottone e Ber-
linghieri. 1 cinque partono di celato quella notte medesima, e cavalcano
con tanla celerità, che compiono il viaggio in soli dieci giomi ; presiezza
miracolosa, lantochè « si dice per alguno che Charlo si fè portare al
diavolû... E chosi si dicie ed è iscritto per lo libro délia Ispangnia chon-
posto in rima n. — Cado entra dunque in Parigi, e si conduce al suo
palagio, dove, propagatasi la novella, accorre quanta baronia è nella
terra. Allora Macario e Trasmondo s'affrettano a ïevare il campo, e
ridottisi aile loro terre, mandano a chiedere perdono. Oitenutolo, \^en-
I . Mi è giovato rldare questo passo, sebbene già Tabbia stampato nel Propu-
gnatorc^ iV, j, 64,
como.
. Ml e giovato ridare questo passo, sebDene già 1 aDoia stampato nel rropu-
orc, iV. J, 64,
. // yiûggio dt Carh Magna in Ispagna ptr conqiiistare il câmmino di S. C/tf-
0, pubbUcato ptr cura di A. Ceruti; Bologna, Homagnoli, 1871 ; 11, $7.
)68 P. RAJNA
gono a Parigi, e fermata di presenza la pace, seguono poco stante
l'imperatore, che ritoma con nuove genti in Ispagna.
Ecco l'elemento meraviglioso sfumato pressocchè deltutto. Appena s*è
potuta salvare, grazie aile superstizioni del tempo, un' evocazione di
spiriti. Guai alla poesia, quando cade nelle mani dei prosatori ! Per ristoro
délia scipita narrazione che ho riassunto, metterei qui la versione della
Spagna in rima secondo la lezione del manoscritto riccardiano, se non
fosse un pochino troppo lunga. Bastimi dunque, sebbene a malin-
cuore, rimandare aile stampe, per quanto scorrette. Che la composizione
di cotesta Spagm abbia preceduto quella del Decamerone, non si puè per
adesso ne affermare ne negare. Certo le probabilité maggiori stanno per
il no. Ma non vuol dire; esistevano a ogni modo gli originali sui quali
lavorô il rimatore, e dovevano esser noti e diflusi da tempo.
A un ritorno miracoloso, simile ai nostri, ed anzi più spedalmente a
quello del gentiluomo pavese, allude in un sonetto Cerco Angiolieri :
Il fuggir di Min Zeppa, quando sente
II neroico, si passa ogni volare;
E Pier Faste, che venne d'oltreraare
In una nette in Siena, fè nîente
A rispetto di lui ^
In una notte ! Proprio come messer Torello. Chi sapesse dar notizie
di cotesta enimmatica avventura, rischiarerebbe forse considerevolmente
la genesi della novella decameroniana. Chi sa che qui non si nasconda
un anello tra Cesario e il novellatore da Certaido ?
P. Rajna.
I. Questa quartina è riportata dal D'Ancona nei suo studio su Cecco
Angiolieri; Nuova Antologiûj Gennajo 1874, p. 41.
ONOLOGIE D
ÂGNARD.
La vallée de Bagnes est le bras de l'Entremont qui s'ouvre à Saint-
Brancher du c6té du levant. C'est là que se réunissent les deux Drances
pour aller rejoindre le Rhône à Martigny '. Les recherches que j^ai pu
faire dans Tauiomne de 1 874 pendant un séjour qui n'a duré que deux
semaines ne s'étendent pas sur le langage de toute la vallée : elles ont
pour base celui du Châble qui est le village principal de la commune de
Bagnes. Cette commune, qui compte une population d'environ4, 000 âmes,
parle plusieurs dialectes différents, si différents, m'a-t-on dit, qu'autrefois
les habitants avaient de la peine à s'entendre les uns les autres. Selon
Bridel*son langage se composerait de celtique, de latin et de mois
qui appartiendraient à l'idiome des Madjares et des Sarrazins. Comme
les pages suivantes mettent en œuvre presque tous les mots que j'en ai
recueillis, la preuve est donnée que l'élément latin y a la place prédo-
minante.
Ces recherches suivent le même ordre et la même marche que les si
remarquables travaux d'Ascoli sur les dialectes latins. Les paragraphes
n'y ont pas été changés, afm qu'elles soient plus faciles à consulter. S'ils
ne suffisaient pas, leur nombre a été augmenté au moyen de lettres*
^^f(
1 , On peut consulter sur la vallée de Bagnes les ouvrages suivants :
ScHiNER^ Description du département du Simplon ou de la ci devant répu-
uc du Valais. A Sion, 1812 (p. 498-^04).
(ridel, Course à Téboulement du placier de Gétroz et au lac de Mauvoîsin
fond de )a vallée de Bagnes, 16 mai 181S,
ËsijHEn, TuEcusfiL et de CuNRpËNTtËH, Rapport sur l*état actuel de la
vallée de Bagnes dans, te canton du Valais relativement auic mesures propres à
Va prémunir contre l'effet destructeur du glacier infcneur de Gélroz. Présenté au
haut gouvernement du canton du Valais par la commission chargée de cet
examen. Zurich 1 82 1 .
2. Voy, VuLLiEMiN, Le doyen BrideL Essai biographique. Lausanne, 185 j,
h 2J0.
Î70 J. CORNU
LES SONS DU BAGNARD ET LEUR TRANSCRIPTION.
a) Voyelles.
Elles sont toutes comprises dans le triangle suivant qui dispense de
longues explications :
a
5 è
9 é e
u û i
Les voyelles nasales sont les mêmes qu'en portugais, ce sont à 5 ûîë
qui sont marquées par an on un in en^ hormis les cas où il pourrait y
avoir confusion.
b] Diphthongues.
Elles n'offrent matière à aucune remarque d'importance ; cependant
il n'est peut-être pas inutile de dire que èiï se prononce de même que
dans l'allemand Hàuser^ heute, où la diphthongue est indiquée imparfai-
tement par l'orthographe.
Consonnes,
Mon orthographe est la même que dans les Proverbes de la Gruyère.
c et g marquent toujours des sons gutturaux.
j a la prononciation française.
ly marque / mouillée.
ny marque n mouillée.
r est interdental.
s se trouve seulement dans le son composé ts.
w est le w picard et wallon.
X a le son du ch français.
y est le / allemand.
z ne se rencontre que dans dz.
Un son que je ne connais jusqu'à ce jour qu'au val de Bagnes et qui
parait lui être particulier est celui que j'ai marqué, faute de mieux, par
hl. Pour le prononcer il faut redoubler la langue, dont la pointe s'appuie
contre le haut du palais, et laisser échapper l'air de chaque côté. Ce
son n'est pas le même que celui que j'ai marqué dans mes autres travaux
par W/ ou hly.
Voyelles toniques.
A long et A bref.
(C. NiGRA, Fonetica del dialetto di Val-Soana, i-6).
I A long demeure :
alam ^haile adripare SiTuk arriver
ni
mzrtndèi goûter (à qua-
tre heures)
poâ tailler
xapâ allaiter
pâre « père
xâva ihe
PHONOLOGrE DU BAGNARD
ailuminare avunâ éclairer j luire merendare
cubare coà couver
stare etâ rester putare
inairem mâré ' mère
1 A bref se prolonge :
lairo âré voleur patrem
fabru/n fàvré maréchaL sapam
jj e = A dans grave qui devient grey. La forme de ce mot a été de
bonne heure déterminée par kve ou breve^ comme Diez Fa fort bien
remarqué. C'est ce que confirme pleinement l'emploi de \cy et de grey
opposés Tun à l'autre.
ib Le développement d'un i palatal modifie en iVa latin, quelle que
soit sa quantité
caveam dzîwé cage examen exin essaim
scaphium etsïhlo envier, aquam Iwè eau
scalam eub échcUe canem tsin chien
Dans txyura de capram^ chèvre, I*^ a subi la même modification^ mais
la vocalisation de la labiale t'a obscurcie.
Ainsi que nous l*avons vu, la pur de llnfinitif de la première conju-
gaison se maintient, mais un / palatal, quelle que soit son origine,
l'assourdit en è^. Ainsi nous rencontrons les infinitifs suivanis .*
it. albergare
abardjyé
cogîtarc
cudjyè essayer
*adrauriare
amoeyryè saler ex-
*cohortiliare
cyrtelyé cultiver te
cessivement
jardin
annuntiare
anonhlé annoncer
danhlé danser.
se laniare
s^anyé se fatiguer
*de exianiare
deianyé délasser
'ad coUocare
atyèutxyé accoucher
*deexcarricare dtuttd\yé décharger
•abantiare
avanhlé avancer
endrudjyé engrais-
Vuculare
avulyé piquer
ser du terrain j y
axuedjyè rendre uni
mettre du fumier
*a8securare
axùryé assurer
enhlujanyé nettoyer
baiulare
balyè donner
une seconde fois
'bassare
baxyé abaisser
un tonneau avec
*bullicare
bèudjyé bouger
de Peau claire
brulyé mugir
*impactare
enpatxyé empêcher
coagula re
calyé cailler
'inrabiare
enradjyé enrager
cosûiyé glousser pour
x*entriyé s^en tirer ^
appelerles poussins
comprendre
*cumînitiare
corn en hlé corn mencer
irrigare
erdjyé irriguer
1. Cette forme ne s'emploie <jue comme terme de mépris.
2. il aurait fallu un signe indiquant â h fols la qualité et l'accent de la
»oyei!e.
Î72
J. CORNU
fareyé mettre des
praedicare
predjyé parler
fâro 1 dans une
*profectare
profeytyé profiter
cuisine
replicare
repleyé manger ,
*cbriare
hieyryé voir clair
avaler
hluxyé glousser
se retriyé se retirer
laxare
laxyé laisser
rinhlé rincer
Ittbrkare
lueydjyé glisser ,
Xàbuxjè frapper
mener avec un
taleare
talyé couper
traîneau
téljétiller le chanvre
^metficare
meydjyé soigner un
traalyé travailler
malade
tertiare
trehié tresser
^moutarc
molyé mouiller
lorculare
XToljé presser le rai-
moraxyé répriman-
sin
der
*captiare
tsahié chasser
ncyjyé dans métré
*claviculare
tsilyé cheviller
neyjyé o tsénevo
girare
véryé tourner
panhieyé se remplir
'vocitare ?
vudyé vider
la panse
weidanjan
wanyé semer et
pkirt
pedjyé coller
planter
*pkirt>
peuyé piocher
xéréjyé
sérancer
Le participe passé ne subit pas cet assourdissement, car laniatum donne
OMifi fiitigué, ce qui est d'autant plus étonnant qu'un substantif tel que
mercatum devient martxyé, marché.
4â 6 fermé = AV AB :
clavem hl6 clef trabem
4^ à fermé = AT :
bonitatem bontô bonté
veritatem verétô vérité
^ablatum, blà blé
pratum prô pré
f^rt. di à (alà) a6 allé
minatum mènô mené
pUtatum pttô froment écrasé
retofô se dit de la
chaleur étouffée et volatum
^07 AN AM :
UnâM Àna làna laine manum man main
£H\liânâiii iz^iMkmi gentiane, melâna flancs du
plante et liqueur porc tué
trô poutre de pont
concentrée comme
dans un four.
*re + palatum repaô place où l'on
dépose la terre
prise au bas du
champ.
*remutatum-am revô fem. rewâyé
retiré^ reculé
vô volé
î \\NW iVâi^f. $. V. picarc 2
V \>v. lî^wwww» i87S, p. 256-262.
PHONOLOGIE
DU BAGhfAKD
nî
panem
pan pain
tanam
tana tanière
ntmum
ran branche de sapin
lamen
van ou lan planche
qu*on met dessous
illum -f in de
- vendemân lende-
un fagot pour k
mane
main
traîner dans un
sanum -am
xan xâna sain
dévaloir
&î A en position latine :
arborem
âbro arbre
pastor
pâto frulùîT
annum
an an
Reginhart
rènâ rc/iar^
arcam
artsé coffre
it, tacca
tatsé c/cm en géné-
alteru/n
âtro autre
ral ; furoncle
hdssum
bâ bas
*turnassemus
tornaxen
commando
comando je com-
vaccam
vatsé vache
rmnde
saccum
xa Mc
*diani Martis
démâr mardi
sabulam
xabla sable
•diam sabbati
déxando samedi
seracularn '
xaraié serrure
roasculum
mâblo mâle
sonaculam »
xonalé clochette
passu/71
pipas
La plupart des exemples ci-dessus montrent une tendance à abréger
Va long et à maintenir Va bref. Cependant nous voyons âiè^ mais ca/c et
canyê. Màdo [^ malàdo), mâle et tabla offrent le prolongement de T^,
I mais xaWa garde sa quantité latine. Ténàle est traité autrement que xaralc
et xonali qui ont b même quantité que murale. Quelle est la raison de
celte divergence dans des mots de même dérivation ? Si Ton attribue le
prolongement de la voyelle à rinfluence de la labiale qui suit ou qui pré-
cède dans des mots tels que mâdo^ mâle et tabla , pourquoi nVt*il pas
ea lieu dans xabla ? Tabla serait-il peut-être un mot d'introduction mo-
-deme, autrement dit d'origine savante. Dans ce cas le prolongemem de
' Kd serait bien justifié* A l'exception de malade qui a un a bref très-bien
dans son droit, quelle que soit son étymologie, mais qui pourtant ne l'a
pas partout — dans le Jura bernois on dit malade. — le français présente
la même difficulté plus aisée à soulever qu'à résoudre dans maiHe, sable ^
table et tenailles, tous avec un a long, tandis qu'il est bref dans ferraille.
Y a-t-il eu par aventure confusion entre les suffixes -aculam et -alia ?
ÎC îr ^ ATR :
matrem mîré mère
patrem pkê père
t est la réduction de ai dont nous aurons l^occasion de parter plus
lard, Matrem ti patrem donnent, comme nous l'avons vu plus haut, les
doublets marc et pure qui sont des termes de mépris et qui désignent le
1 , Voy, Ducangc, s. v.
2. Voy. Ducange, s. v. sonaglia sonailla^
^74 ^' CORNU
plus souvent ïe roâle et ta femelle des animaux, Fratrtm^ où nulle
distinction n'était nécessaire, n*a produit que ffare^ de même que art seul
rend laîro,
%h A en position romane :
aquilam
âlé aigk
*herbaticum '
erbâdzo herbe da
araneam
aranyé araignée
prés surtout en
*arboraticum
arberâdzo la moitié
automne
du produit d^ un ar-
graneam
grandzé grange à
bre planté au bord
foin
du champ d^autrui
maie habitu/ïï
mâdo malade
à qui elle appartient
maculam
mâle maille
baiulo
halo je donne
monianea
monX3.nyè montagne
baranyé scie de
muralia
murale muraille
charpentier
padahïé paillasse
coagulât
cale il caille
paleam
paie paille
catulam
canyé lapin femelle
tabulam
tabla table
co(n)cacula/ïï
cocalé coquille d*es-
taleo
talo je coupe
cargot
*tenacula =
ténàle tenailles
glaciem
dahlé glace
*villadcum
veâdzo village
8c U contraction de ai, = A +
gutturale.
brachium
brt bras
g[\jié graisse
corvaceum
corbî corbeau
aquam
îwé eau
facere
firé faire
magis
min plus et mais
facisfacitfactum fi
magidem
min pètrissoire
facitis
fide
macru/ïï
mingro maigre
fragum
fri fratse
*seraceum ?
xeri sérac
fraxinum
frlno frêne
saxfim
xi rocher
xoey (dans flrè xoey, empêcher une personne de s'ennuyer) de solattum^
modifié en solacium, a conservé la diphthongue ai dans ey, La chuie de
VI est probablement la cause qui a empêché cette contraction. Dans les
trois mots suivants nous rencontrons é ay lieu de ! :
iacrimam égréma larme
in ecce hac enhlê de ce c6îé-<i
in lilac enlê de ce côté-là
Dans ègrèma Ve a été vraisemblablement déterminé par le déplacement
de raccent, Hlè et le sont souvent enclitiques ; de ià la divergence.
9^ ey eyrè - ARIUM ARIAM:
•bandariam4 bandeyrè bannière, drapeau
I. Voy. Ducangc, s, v. htrbaglum.
j. Voy. Ducange^ s. v.
l. Voy. Ducange, s. v. seracium,
4. Voy* DucangCi s, v, bandtria.
PHONOLOGIE
ou BAGNARD
Hî
^^H
*berlcria*
barleyré anneau au-
granarium
gréney grenier
^^^^H
quel est fixé le
*matrucularitim maruley margmller
^^^1
k
battant de la son-
meism^y second ber-
^^^1
K_
nette
ger
^^^H
^b
borateyré roue en-
mortarium
morley mortier à
^^^1
^K
tourée d^une sorte
piler
^^^H
^B
de crêpe qui sé-
niîcariom
Boyey noyer
^^^1
^r
pare la farine
potey ferblantier
^^^1
W
d*avec le son
prunarium
prumey prunier
^^^H
\ calendarium
candrey almanach
tenaley cerf-volant
^^^1
calyeyré garde-robe
caiiddatrinm
tsandeey chandelier
^^^1
1 *cuparium
coey
tsarateyrê jarretière
^^^1
1
cropeyrê croupière
carrariam
tsareyré chemin
^^^1
k
cumahleyré crémail-
salariam 4
xeyré auge pour
^^^1
■
lère
donner le sel aux
^^^^1
'^ lalponariam
derbuneyré taupi-
nière
brebis; petit sac
pour porter le sel
^1
*scalarium »
etseey escalier
sementarium -am xémentey -ré kom-
^^^1
•'fuinariam
fumeyré fumier
me, femme qui
^^^1
'*filâriam 3
fyeyré sorte de
poutre
vend des graines
^M
9^ Deux mots présentent un e fermé long qui
est dû sans doute à une
^^H
double influence de la palatale antérieure et
postérieure. Ce sont :
^^^1
pascaarium qu
devient patyê^ troisième récolte d'
Lin pré, et sextarium qui
^^^1
donne xètèj setier.
^^^1
Il y a un £
accentué comme dans les infinitifs énumérés à ^b dans
^^^1
Jèùhlè ^ faldarium^ manche de faux, et dans
prémyé = primariamt
^^H
premier, où la palatale a été doublement attirée.
^^^1
Burirè de 'butirariam, baratte, doit sa forme à
^influence des deux i.
^^^1
Mais Iri de âreâm, aire de la grange
, offre la réduction normale de la
^^^H
diphthongue a
f. Corn p. le français aire.
^^1
10 ^ ^=^ AL suivi ou non suivi d'
une consonne
^^^1
*spathulam
epôla épaule
caballum
tse6 cheml
^^^^1
aitum
6 haut
calda/71
tsAda résidu du sérac
^^^1
palum
pô pieu
ou séré
^^^1
talem
tb tel
calceas
tsôhie culottes
^^^H
La même vocalisation a lieu dans les deux mots suivants où al provient
^^H
d'un € ouvert
■
1 1. Voy, Dycange, s. v.
1 2. Voy. Ducange, s, v.
^^^^^M
1 }. Voy. Ducange, s. v. fikria.
^^^H
1 4. Voy. Ducange, s. v.
j
376 J. CORNU
bellum -am by6 bêla beau
novellum -am nov6 novela nouveau
1 1 àt pour art = ALT par dissimiladon dans :
alterum -am àtro -a autre
Comp. àbro de arborem.
1 3 plangere
14 sanctum
15 d/ijfê = ANEA 'ANYA :
araneam
^montanea
16 anî = ANT non soutenu par une voyelle dans :
Quadragesimam entrantem Cramentrân Brandons
et ANT appuyé dans :
Dranciam Dranhlé la Drance
cantor tsanto chantre d'église
x-ja anm = AMM :
flammam hlanma flamme
ijb an = AMP non soutenu par une voyelle :
campum tsan champ
Il est appuyé dans le mot difficile :
ba > tsanba jambe
plendré plaindre
xen saint
aranyé araignée
montanyé montagne
E long tonique.
(Nigra,
. 7-9-)
1 8 ê reproduit Ê devant N dans
avenam
aêna avoine
cœno
hlêno je soupe
pœnam
pêna peine
19 20 21
ey (ei) = É :
habere
avey avoir
*descensam
dexeyja le 8 sep-
*Bemensem
Berney-ja Bernois-,
tembre; descente
mauvais sujet
*stelam
eteiya étoile
*betulletum
byoey endroit où il
habetis
ey
croît des bouleaux
mustelam
moteiya belette
debere
deey devoir
parietem
parey paroi
debeo
deio
pe(n)sile2
peiyo chambre
1. Voy. Diez, E. W., s. v.
2. Voy. Ducange, s. v. pisalis.
PHONOLOGIE DU BAGNARD 377
*'plovere ploey pleuvoir setam xeiya soie
*potere poey pouvoir secale ' xeiya seigle
X^km teiya toile sepem xey haie
o:andelam tsandeiya chandelle vero yey donc, v,fr, voir
^%ralere vaey valoir
2ib i se présente dans deux exemples :
acetum aji acide pour faire cailler le petit lait
cœnam hlina souper
^si a apparaît pareillement dans deux exemples :
foetam faya brebis
metam maya tas de litière de sapin, de milite
E bref tonique.
(Nigra, 10-14).
22 11 est rendu par ey dans :
Mcva te cyva te pro deo
pordcy rôdeur
icpor- -bafim. leyvra lièvre levé
vey facilement.
23 et par ye {ya) dans :
^l)ene byen bien pedem
pya pied
jpetnm pyerra pierre remedium
remyedzo remède
Ce dernier exemple est peut-être cité à tort, attendu que la modifica-
^on de IV aurait aussi sa raison dans 1'/ attiré.
24 EU:
meus myô mien
<X par analogie tuus tyô tien
et suus xyô sien,
exemples auxquels il faut ajouter ego qui fait yç.
25 Bene a deux formes séparées par la signification. L'une est bin,
biens, fortune, usitée aussi dans e bin, eh bien, et axébin, aussi, l'autre
est byen cité plus haut.
E tonique en position.
(Nigra, 15-16).
27 iSa Position latine :
lacertum-am ajer ajerda /^zari dentem dtn dent
bennam hendsicaisseàmener *diam Mercuri démêcro mercredi
le fumier difîerentiam diferenhlé diffirence
*bravamente bràmen bravement centum hlen cent
comprehendere conprendré com- infemum ifè enfer
prendre merendam marenda goàter
I. Voy. Ducange, s. v. sigalum.
378 J. CORNU
mentem men mémoire
vendere
vendre vendre
nervum ne nerf
secemerc
xèdré choisir
perdîtam perda perte
serpentem
zerpén serpent .
palum ferri pofè levier en fer
sementem
zémén graines
tridentem tren trident
substemere
xotèdré mettre la
calidumtempus tsotén été
litière
ventum ven vent
versus
ycr vers
Position romane :
debitum
deto detu
haereticum
eredzo sorcier
feminam
fenai femme
lit 29 t + cons = ES + cons.
•
bestiam bltyé bite
*essere
Itré itre
fenestram fèrAXTSL fenêtre
pressum
pri fromage frais
estis Ite •
vespam
wlpa guipe
jo ey eyri = ERIUAf ERIAAf :
feriam itjxk foire
materiam mateyré peau travaillée^
, étoffes
Ce suffixe est donc traité tout pareillement à ARIUAf ARIAM, où Vi
devenu palatal, avant de passer à la syllabe antérieure, a changé Va ene.
Comp. 9^ et ^h.
31 < = ELLUAf:
"^lacticellum ahlé lait
rastellum
raté râteau \ épine
botellum boê boyau
dorsale
borrellum ' bore collier
*tinellum
ténê cuveau à chou-
circellum dzardzê bords du
croute, à viande
tonneau
castellum
tsatê château
fumellum fornê fourneau
cultellum
tyèùlê couteau
misellum -am mejê/. mejâ, ladre
vitellum
vê veau
avicellum ojé oiseau
Ajoutons à ces diminutifs le mot pellem qui devient pê, peau.
Deux adjectifs qui présentent du reste dans leur féminin une irrégu-
larité ont élargi Ve en a, AL a subi plus tard le même traitement que
dans les mots où Va est originaire. Ce sont :
bellum -am byo bella beau
novellum -am novô novella nouveau
Voir 10.
32 ENS s'est réduit de bonne heure à ES. Aux exemples cités 19
2021, ajoutons :
prehensam » preyja récolte
I . Voy. Ducange, s. v.
Voy. Ducange, s. v. prcsa.
PNONÔLOetS DU BAGNARD
m
l long
tonique.
W
(Nigra,
17-20).
H î = i
long :
album *spmum arbepîn aubépine
nidum
nin nid
aiidire
aui entendre
*palinym
palin sorte d'échalas
•'campaninum
canpanin petite do-
prae + tempws partenxia (vatsé)
chette
+ iva
vache précoce^ cfui
•quaerire
céri chercher
met bas le veau de
crétin crétin
bonne heure
crinem
crin crin
primum -a m
prin prinma mtnce
cronsobrinum
cujin cousin
radicem
ri racine
*cohortile '
eu ni jardin
ripam
ria bord
dicere
dire dire
lardivam
tardia (vatsé) vache
donnire
drumin dormir
. qui met bas au
^engiva/71
dzenjia gencive
printemps
^'diumivam
dzomia journée
*caroinum
isémin chemin
mllidere
enlindre agacer
venire
venin venir
^pinam
epina épine
*veninu/n
vérin venin
£s, fomîre
furnin achever
vilem
vi cep
libem^n
ibro libre
sappinum
xapin sapin
libram
ivra livre
sarcire ?
xartî faire rentrer,
msiù&mim
muin moulin
assttjettir
Remarque, — Vi s*esi réduit à y dans spicam qui devient tpyd, épi, ei
tjrîicam qui donne urtyd^ ortie, par sa rencontre avec a qui, en attirant
l'accent, a fait disparaître la voyelle qui le portail auparavant.
] ç Le suffixe participial ITO de la quatrième conjugaison subit le
même traitement que si Vi était bref :
ex + turd + Stum eturdey étourdi
^^^^^ partitum paney parti
^^^^m I bref tonique.
^^^^ (Nigra, 21-23).
f 56 I bref se maintient dans tatum diem qui donne toti, si Tétymologie
de ce ncjot, qui signifie <f toujours )>, esi assurée. En effet une autre est
aussi naturelle et s'appuie sur le gruérîn totevi = toîam viccm, dont le
sens est le même, La chute du v, comme on le verra plus tard, n'offre
aucune difficulté et la contraction de ai en i est dans les habitudes de
|liûire dialecte, ainsi que nous l'avons montré plus haut, 3c Se et <)b. Si
I cette étymologie est la vraie, la raison de la conservation de Vi est la
même que dans picem qui devient p/, poix, résine, où elle provient de la
Voy. Ducangc^ s. v. corti.
}8o J. CORNU
gutturale suivante. Un troisième exemple où 1'/ bref a persisté est
l'adverbe via, loin, mais quelle est la raison de son maintien ?
Î7 en = IN et IM :
m
minus
sine
insimul
en en
men moins
xen sens
enhlenblo ensemble
ne neyré noir
î8
39 nigrum -am
40 C'est ey qui est la forme normale de l'I bref
digitum dey doigt fidem
invidiam envey envie piper
librum eyvro livre presbyterum
fey (mafey) foi
peyvro poivre
preyre prêtre
I tonique en position.
(Nigra, 24-25).
41 Vi se maintient dans :
quinque hlin cinq
pinnam pina poutre du toit
pîsto plto de pîtâ j'écrase
et dans vineam qui donne vinyè, où il y a position romane. Ptto con-
serve même sa quantité latine, tandis que pina et vinyè ont 1'/ bref.
C'est étonnant que villa, où les langues romanes sont unanimes à garder
l'i\ appartienne à la série suivante qui présente des mots dont Vi se
modifie en e fermé ou ouvert selon les consonnes qui suivent.
42 Position latine :
mter
entre entre
mittere
mètre mettre
linguam
enwa langue
patrignum >
parén homme^ chef
hirpicem
èrxé herse
de la famille
stringere
etrcndre serrer
capistrum
tsêtro licol
fimbrias
frendze franges
villam
vea ville
*matrignam '
marena femme
Position romane :
dominicam
démendzé dimanche
ficatum i
fedzo foie
ciner + suff. fém. î
1 hlendre cendre
Suffixe ICULUAf ICULAAf :
articulum
artè orteil
*butticulam
botèlé bouteille
1 . Voy. Ducange, s. v. mair'ma.
2. Voy. Ducangc, s. v. patrinus.
3. Le latin vulgaire semole avoir changé ce root en fidagum.
PHONOLOGIE DU BAGNARD
}8i
^battuiculum
batè battant de la
geniculum
dzonè genou
sonnette
auriculam
orèlé oreille
0 long
tonique.
(Nigra,
26-îo).
46a èii =
Ô:
*colatorium '
colèù vase ouvert
meliorem
melèû meilleur
au fond pour cou-
miratorium
meryèû miroir
ler le lait
motxyèû mouchoir
^zelosum -am
dzalèû -ja jaloux
nodum
nyèû nœud
*gaudiosum-am dzoyèû -ja joyeux
pilosum -am
pyèù -ja poilu
scopam
etyèùva balai
peduculosum
pyoèû-ja qui a des
*scopo
etyèùvo je balaie
-am
poux
illonim
èù feur, eux
^captiatorem
tsahlèû chasseur
ovum
èù œuf
tsijyèù cavité qui
horam
èùra heure .
reçoit laprtmxèy
dér. ^efimbrias
\ {rtnd]jèù instrument
petit lait qui dé-
pour émietter le
coule du fromage
lait caillé
co[n]suere
tyèûdré coudre
flore/n
hlèù crème battue
xémotyèûinstrument
levée dans la ba-
pour écraser le
ratte
raisin
lavatorium
lavyèû lavoir
46b 0 demeure, mais en changeant sa quantité,
devant les dentales t
tin:
actionem
axy6n action
pulmonem
pormôn poumon
factionem
fahWn façon
potionem
puij6n poison
ma[n]sionem
meyj6n cuisine ^
totum -am
tô tôta tout
occasionem
ocaj6n occasion
Il se maintient aussi dans va = vos et dans àra, à présent. Mais ce
dernier exemple est peu certain, vu que le sens ne me permet pas de le
considérer purement et simplement comme un doublet de /iorâm donnant
èûra, ainsi que fait Diez dans TE. W., mais je le tiens pour le latin ad
horatùy dont Pemploi adverbial a facilement fait contracter â et 0 en à.
Un cas unique maintenu sans doute grâce à la voyelle suivante est
codam qui donne caua, queue, car le maintien de la diphthongue origi-
naire me semblerait encore plus invraisemblable.
1 . Voy. Ducange, s. v. colum 3 .
2. Le sens du mot a pris le même développement que o/d, qui signifie cuisine
dans le canton de Vaud.
1*s
J. CORNU
O bret ionique.
(Nigra, 31-55).
50 Le produit est le même que celui de Vo long :
•aviolum avèû oncle novem nèù neuf
*de(oras defèùra dehors novum -am nèû nèùva neuf'¥i
dîam Jovis dédzèû jeudi probe prèû assez
Uneolum enjèù bout de ficelle rotam rèûa roue
*exprobo eprèùvo j'essaie cor lyèù cœur
mobm mèua meule
5 1 Dans bonam donnant bàna^ bonne, et iono qui fait xànOy je sonne,
il y a eu prolongement de la voyelle latine.
\i Pourquoi foriam donne-t-il foeyre, diarrhée, et historiam^ istoeyrè
histoire» tandis que memoriam devient memuirèy mémoire P
$1 ua = OCl}M:
I
)ocum
focum
locum
d jua jeu
h^feu
tua lieu
54 et s^
accordât
apponere
conca/n
comua
0 tonique en position,
(Nigra, 34-^7}.
acôrde il plaît
apojiûré ajouter, at-
tacher
borna cheminée
contsé bassin de fon-
taine^ de pressoir
coma corne
frontem
corb -f a fém,
pontem
porta m
porto
somntim
fron front
gôrba corbeille
pon pont
pôna porte
porto /e ;?()rf*
posta.
xono sommeil
5 j OCT s*est réduit à / dans le produit de noctem qui est nin, nuit;
â — ose dans bà, bois, de boscam, tandis que Va est bref dans cuxi,
cuisse = coxjm. La forme de ces deux mots est déterminée par Vi
palatal résultant de la gutturale. C'est ce même son qui a rétréci l'a en
ù dans cortuem qui devient crutsè, son. Comp. purîsu == porticum dans
le dialecte du Jorai et ma phonétique du dialecte du pays d'Enhaut,
j6(î. Rem. Un troisième représentant de OSC se rencontre dans poey^
puiSi qui e«t pou que le latin vulgaire semble avoir transformé en pose.
$6^ L'^tfet de la palatale a singulièrement modifié oculum qui a ^t
^IKV. Le t jippartient proprement à Tarticle, mais l'analogie Ta introduit
nu ^i»||ulier iVesi une faute toute semblable à celle sanctionnée dans le
e de TAcadémie, entre quatre^z-yeux au lieu dt entre quatre
à
PHONOLOGIE DU BAGNARD ^8?
jrax- Dans doiia donnant doté pot de terre à mettre le beurre, et fotid
I devenant /ofô, feuille^ la même palatale a sauvé la voyelle latine.
J7 û ^ OL suivi d'une consonne :
coI!um
cùcou
iL volta
ûta voûte
lis les proparoxytons ont èii :
oiolere
raèudre moudre
pollicem
pèudzo pouce
$8 Longe donne luen, loin, par l'effet de la gutturale fondue en pala-
tale. Un exemple unique de an au lieu de on est amun = ad montem^
en haut.
U long tonique,
(Nigra, J8.39),
59 60 U se conserve mais en changeant sa quantité dans :
commua -f- a fém, ^ comuna commune
unam una une
lunam vuna lune
Il la garde dans yerrucam qui donne varuyé^ verrue, et carruaim qui
^^t uèràyè, charrue, sans doute par l'effet de y.
Quand U M et UN manquent d'appui^ ils se réduisent à 0 nasal :
^coaguluraen calôn tait caiUé et unum on un
découpé *remolumen remolôn son te plus
*diam lunae délôn lundi fin
Mais la persistance du t dans brç Èr^fd^sfcrumm-am, vilain, m'amène
I croire que l'a ici s'est trouvé en position ; ainsi s'explique son change-
nt en 0. Le masculin disait une fois *brut et le féminin a été formé
par l'addition de ta au lieu de Va pur et simple. A côté de sa conserva-
tion ou de son élargissement, on rencontre son rétrécissement en u
<]ans :
mulâm mua mule ultra ûtre outre, jus(]ue
plumam pluma ptame securum xui sàr
pulicem pudzé puce
Ce dernier mot doit sa forme à la métaihèse de l'élément palatal. Il
devient û aussi dans le suffixe participial -utuM :
avoyù entendu
necù né
poxu pu ;
et dans les subsuntifs verbaux en -aturaa#, suffixe qui devient -iilre ou
-yiiirè selon la nature des consonnes qui le précèdent :
i , L'on ne saurait penser à communia qui aurait donné une autre forme.
farmùtré serrure
montyùîré monture^
mulet ^ cheval
)S4 J. CORKU
aiîdyùlré apparie- firmaturam
mtnt moniaiuram
•botonaturam boténùlré bouton-
mère
U est devenu ii sous l'influence de y dans feîyûîré^ forme ou moule à
faire le fromage, que le moi latin dont il dérive soit facîuram ou ftctu-
ram. La première élymologie a l'autorité de Ducange*
Une forme difficile à expliquer, parce qu'elle est unique, est pye^ seu-
lement, de pure,
U bref tonique.
(Nigra, 40-42).
6 1 desupra dejèûra dasus
lupum [eu loup
Mais, quand il est en hiatus, tl devient au :
duas duos daue, masc, dû deux
illam tuam a taua la tienne
illam suam a xaua k sienne
Pourquoi murium -am fait-il moeyro -è, trop salé, tandis que salem
muriam est rendu par xarmûîré ?
U tomque en position.
iNïgra, 43-47).
6} U se maintient dans :
acQculam avulè aiguiUi *fructa fruité fruits
exsuaum -am exué -te desséché purga médecine^
fiructum Imi fromage
mots qui tous ont un u long en latin ; pugaam en revanche donne
pmn^ quoique Pu paraisse être long. Mais dans Augusta qui devient àta^
Aoste, la contraction ne permet pas de dire si nous avons la conserva-
lion de l'« bref.
64 et 6; Ailleurs il est rendu par ô :
bullam
bôla boule
*nebullam
nyôa nuage m
betullam
byôa bouleau
ungulam
onle ongle ^
columnam
côna colonne
ulmum
èrmo ormeau
dupîum
d6blo double
?
pôpa pis d'une taie
diurnum
dzè jour
pylpa/îî
pôrpa viande dure
in summo
enlil6n au sommet
rubeum
rôdzo rouge
gurdum -am
gdrdo -a raiiei^/^-
ruptam
rôta route
guttam
gôta goutte
[tigue
ndi tuf
ibpo'^ sombre, noir
gytturem
gôtro goUre
[relie
'legullam
tyôa tutle
locustam
lôta cigale et saute-
arabe sukkar
xècro sucre
Une forme sans autres exemples esifau de/ur/îum, four.
^^^^^^« PHONOLOGIE DU BAGNARD
^1
H 6j b èù ^ cens, = UL + cons. :
^H
H 'bullico bèudzo je bouge *pulvera
pèùdra poudre ^^H
H Bulgarum bèugro homme so- pulvis -h a/ém,
péuhla poussière ^^|
H îiiie pQÛucuhm
pyèu pou ^^H
H dulcetii dèu dèuhlé doux
H
^^^^^^ DïPHTHONGUES TONÏQJJES.
H
^^P (Nigra, 48-n)-
^1
■ 67 OE AE, Plus haut, à Toccasion de Ve long, nous avons déjà cité ^^|
H des exemples cfui présentent ces diphthongues, Voici mamtenant réunis ^^|
H tous ceux que nous avons rencontrés ;
^^M
H foetam faya kràii 'praegTium
pren prémyé por- ^^H
H caelum hleê ciel -am '
^H
H coenam hlina souper taedam
teiya bois résineux ^^M
H poenam pena peine
du tronc de dalé ^^|
H saepem
xey haie ^^H
^^^ 68 AV, Cette diphthongue est rendue par ù :
^H
^^H claudere htûrè dore et fermer ^^^
^^^^^K pauperum -am pûro -a panure
^^H
^^^BV causam tsûja chose
j^H
H Sur le produit de caudam, codam, qui est caua,
queue, voyez 46^. ^^M
H Fagum que le latin vulgaire semble avoir transformé
en *fagvum, favum ^^^k
H est deveny fau {JoraîK puis feu, conformément
au développement ^^H
H normal de la diphthongue AV dans le val de Bagnes
^^^^^1
^^H Voyelles atones.
H
^^P 'Nigra. 54-B6).
^H
^^V 69 A ; maintenu :
^^1
^^" avenam aêna avoine aniculum
artè orieil ^^^^H
■ lacerium -am ajer ajerda lézard 'abantiare
avanhlê ^^^^^|
H acetum ajî 2 1 b acuculam
avulc aigmik ^^^^^k
H araneam aranyé araignée calendarium
cafldrey almanach ^^^^^k
H 'arboraticum arberâdzo ^
^^^H
H èii = AL + cons, :
i^^^^l
H fèudâ tablier •catceone/n
^^^^^^1
H falcariiim fèuhlé manche de
tsèiiptSn bouchon ^^^^^^H
H faux
tsèùpunà boucher ^^^^^^|
H caldaria tsèiideyré c/iau^/er^
^^1
H 1. Voy. Ducange.
^M
^Ê I. Voy. % t = ramalâdzo (Jo^at^.
^^Ê
^^^^ Rontûma^ Vf
^M
^^H
1. CORNU
^H
^^^^^L 7 1 A s'altère en e et f après un son palatal :
^H
^^^^^B
adzelâ acheter
dérivé de csLmkm tsenalyà conduit ^
^^^^^H
dzénélé poule
d'eau d'un tait ■
^^^^^1
tsêna chaîne
cateneîîam
tsénea collier de J
^^^^^H caballum
tseô cheval
^^Ê
^^^^^H
tsémin chemin
claviculam
tsilé > cheville ^^|
^^^^^H Cette altération est obscurcie dans tsêna et tsiiè qui ont subi une con- f
^^^^H
■
^^^^H Un son palatal, quelle que soit sa
t provenance, modifie Va des termi- 1
^^^^^1 naisons atones en è. Par ce fait la première déclinaison est partagée en |
^^^^^H s(
auîemeni au singulier.
La première conj ugaison est de mèoie |
^^^^^1 scîndée en deux.
■
^^^^B
andyiiîré apparie-
differentiam
âikrenUédifférenu 1
^^^^H
ment
dolia
ddié $6 b ^M
^^^^^B
aranyé araignée
galliaam
dzénélé poule ^^M
^^^^^B
artsé coffre
caveam
dziwé cage ^^M
^^^^^H
avélé abeilk
ecclesiam
eleyjé église ^^M
^^^^^H
avulé aiguille
*limaceam
emaxé escargot ^^M
^^^^H
bandeyré bannière
exsucta/»
exuéié masc. exué ^^Ê
^^^^H
baranyè 8 b
sec, desséché ^M
^^^^^H
barleyrè 9 a
familiam
fa mêlé famille ^^M
^^^^^1
Kîyé bête
firmaturam
farmuké serrure ^^M
^^^^^1
boièle bouteille
facîuram ou fie
- fetyùîré $9 60 ^^M
^^^^H
botényulrê bouton-
turam
^H
^^^^H
nière
falciculam
fèufélé faucille ^^M
^^^^^1
buriré baratte
foriam
foeyré diarrhée ^^M
^^^^H
butsélê copeau
folia
ià\é feuille ^H
^^^^^1
canyé lapin femelle
forlia
fôrhlé force ^^M
^^^^H
catyeyré garde-
furcam
fèrtsé fourche ^^M
^^^^^H
robe
•firucta
fruité fruits ^^M
^^^^^1
conéïé quenouille
fumariam
fumeyré fumée ^^M
^^^^^B
comsé 54 et 56 a
"^filariam
fy eyré sorte de poutre ^^Ê
^^^^^1
conxinhlé con-
graneam
grandzé grange à ^^Ê
^^^^^H
science
foin ^^M
^^^^H
aopeyrê croupière
ahd clocca
hl6tsé cloche ^^Ê
^^^^B
cumahleyré cré-
aream
tré aire de la grange ^M
^^^^H
maillère
aquam
^^Ê
^^^^^1
cuxé cuisse
maculam
mâle maille ^^B
^^^^^1
dcrbuneyré taupi-
raateriam
maîeyré peau tra- ■
^^^^^H
nière
vaillée; étoffes 1
^^^^^H
démendzé dimanche
memoriam
mcmuirc mémoire 1
■
^^^^
^p
PHONOLOGIE
DU BAGNARD
î87 ^^^H
H 'Eninus caden-
- metsanhlé difficulté
trentyûtré chevilledu ^^M
H tiain
excessive
^^H
H muriam
moeyré trop saiêt
troga et iroia^
trûyé truîe ^^H
H 'montanea
monizxi'^i montagne
tsaraieyré jarretière ^^|
H 'montaturam
moniy xxiT^monîuTt^
carrariam
tsareyrè chemin ^^H
H
mulet, cheval
carrucam
tsèrûyé charrue ^^H
H nigra/n
neyré noire
claviculam
tsité cheville ^^H
H UDgylam
onlé ongle
caldaria
tsèiîdeyré chaudière ^^|
H auriculam
orèïé onille
tyèùxé courge ^^H
^H paleam
pale paille
vemicam
varûyé verrue ^^H
H paradam
pareyré pareille
vineam
vinyé vigne ^^|
^1 *pavorîàm
poeyré peur
*seraculam
xaralé serrure ,^^^1
^M primariam
prérayeré première
salem muriam
xarmùiré saumure H^^l
H ^pecia '
pyehlé pièce, pièce
salariam
9 a ^^^^M
H
émargent
sementariam
xémenteyré 9 a ^^^H
H ranuculam
rènôlë grenouiiîe
cerasea
xéryejé ^^^^|
H il. rocca
wl^b pierre
•sonacula
xonalé clochette ^^^^M
H it, tacca
latsé 8 a
^H
H 7^ Va initial est tombé dans
Cramentrân i6
= Qaadragesimam ^^H
H entrantemy à
moins que Ton aime mieux admettre la chute du ^^|
H second a avec
métathèse de tV. il est tombé après
racceni dans *diam ^^H
^1 sabhati qui devient dkxando^ samedi.
, et piatanum qui fait plîno^ platane, ' ^^H
H Après la chute du v, Va final atone s'est contracté avec Va tonique dans ^^|
^1 bràmén = tmvâ menle.
^H
H 74 E latin
est conservé. Il en esi
[ de même de celui qyi provient des ^^|
H diphthongues .
itE et OE :
^^1
H *se adpraestare x'apreslà sapprè^
gentianam
dzenhlàna gentiane ^^H
H
ter
ecclesiam
eleyjé église ^^H
H benn- + su§, âim . bendzdn crkhi
*intesiaitim
entêta entité ^^M
^^
pour damer à
'herbaticum
erbàdzo % b ^H
^^^L
manger aux mu-
haereticyffi
eredzo sorcier ^^H
^^^H
lets hars de l'é-
levare
^^H
^^H
curie
femellam
femâ femme\ sur- ^^|
^^^ *Bemensem
Bemey Bernois
tout en mauvaise ^^H
H crepare
créa percer, crever
^H
H debere
deey devoir
lev-i-5ii/, dim
kv^lléger ^^B
H *desce[n]sam
dexeyja descente
mémo ri am
memiîlre mémoire ^^H
^J^ differentiam
diferenhlé diffé-
*poenibilem
peniblo pénible ^^H
■
rena
praedicare
predjyé parler ^^H
^m I. Voy. Ducange.
1
^^ 2. Voy. ûucange^ s. v.
1
;i8ë J. CORNU
re 4- appellare xe rapeâ se rap- re + eraendare remendâ raccom-
peler moder
serpentem xerpén serpent
Un certain nombre de mots offrent un e sourd au lieu de Ve fermé. Ce
sont :
*quaerire céri chercher
fienestram fénîtra fenêtre tenere
*coenare hiénâ souper venire
ropQsitam rèpdlsitites de choux venenum
fendues en quatre sementem
et traitées comme cerasea
LâL pèiptft Pont par l'influence de Pi qui suit; hlénâ a son explication
4umftiinà^ comp. plus bas, 80; xémén a sans doute sa cause dans Vê.
Ltt ^r^fcse n- est rendu le plus souvent par rè.
^\ E ébrip en a par l'influence de la consonne suivante :
Sueri MCteNi amin hier soir prae + tempus partenxia 5 }
xtffv^canum-am bardjyé bardjyéré + iva
la choucroute
ténin tenir
venin venir
vérin venin
xémén graines
xéryejé cerise
^berlariam
^deretrariu/n
sternuere
merendam
mercatum
verger
barleyré 9 a
barney faux
darey dernier {troi-
sième) berger
etamin éternuer
marenda goûter {à
quatre heures)
martxyé marché
re + merced+are remahlâ remerc/er
vtTmmsi {avec dé- YSirména masse de
placement d'ac- vermisseaux
cent)
vermaceum
verrucam
seracula/n
varmm vermis-
seau
varûyé verrue
xaralé serrure
Dans dzdlèii = zelosuniy Va doit remonter assez haut, vu qu'il est
commun à plusieurs des langues néolatines.
77 Un cas unique, pour cela difficile à analyser, esf :
geniculum dzonè' genou
-^8 II tombe avant la syllabe tonique :
vervecarium -am bardjyé -rè berger
deretrarium darey
reyxyé scier
resecare
^H^$ U syllabe accentuée :
apondré ajouter,
attacher
atendrè attendre
batrc corner (cornu
ruere) ; frapper,
sonner
bibere beyré boire
coquere coeyré cuire
comprehendere comprendre com-
prendre
dicere dire dire [dents)
illidere enlindré agacer Qes
Oo^^'^v »Vf'*- ^^^
I
PHONOLOGIE DU BAGNARD
}89
stringere eirendré serrer,
piper
peyvro poivre
presser
plangere
plendré plaindre
excutere etyèûré battre le blé
cadere
txyeyré tomber
fJBicere flré faire
co[n]suere
tyèudré coudre
cîncr + as hiendre cendre
vendere
vendre vendre
claudere hlûré clore et fermer
secemere
xèdré choisir
légère lire lire
*sequere
xèûré suivre
mhtere métré mettre
substemere
xotèdré mettre la
molere raèûdré moudre
litière
pulver + ai fém. pèûdrsi poudre
•vidëre
yèré voir
à la fin des mots :
2iccordare acordâ plaire
picem
pi poixy résine
<2uinuntiare anonhlé annoncer
*plovere
ploey pleuvoir
^idripare aruâ arriver
•poiere
poey pouvoir
siudire aui entendre
probe
prèù assez
I-iabere avey avoir
pedem
pya pied
Beme[n]sem Berney-ja Bernois
pure
pye seulement
Isoniutem bontô bonté
potionem
puijôn * poison
fcene byen bien
*radicem
ri racine
C^adragesimam Cramentràn les
talem
là tel
entrantem Brandons
totam vicem ou
: toti toujours
<mne/n crin crin
totum diem
^cnte/n den dent
tridentem
tren trident
'^diam lunae délôn lundi
trabem
tr6 poutre de pont
#idc/n fey foi
canem
isin chien
*rontem fron front
levé
\tj facilement
"■grève = grave grey difficilement
vitem
vi cep
Ȕucem nyuey noix
sepem
xey haie
panem pan pain
sapere
xey savoir
parietem parey paroi
sementem
xémén graines
pclle/n pê peau
En hiatus il produit le plus souvent une palatale :
nec unum, nec unam
nyon, nyuna aucun
peduculum
pyèu pou
peduculosum -am
pyoèù pou
Mais re + emendare donne remendâ, raccommoder,
79 I ne se maintient que fort rarement :
difFerentiam diferenhlé différence
infernum
ifè enfer
filiolum filuè filleul
pistare
pîtâ »/oa/er, écraser
1. S'emploie surtout comme terme d'injure.
2. Comp. Nigra, 71.
IP
^^
^^^H Ce dernier aM CM d'iMaai pin
lewifAIr qrt
igHik s ^ÊmÊÔÊt
^H |iiiir,i.tee>bfylibeiii>iie.
^^H So flfrcfaa«ekpiai«NrFe8tcii€:
^^^H ^iMMe 2nFq» r«ir4flr
'lindhn'
iêaè)i
^^^H ^imkmm csptùM <4fiiâim
lêréa mréa irair
^^^H wdâtfBfliéitfJfl
verîtatta
vfftl6 fférâl
^^^H '«rittire wnft ownir
▼kânam-aav
vqn,vqàtt9mHi
^^^F prtmtfmm -m prànré -erê fre-
gîrare
veryc lD87)wr
^^^^L
^^^H et quelqoeCirii en ^ ferait -
^^^H fiwiiTiiiii fenm fumuf
'fDÎratornun
oûCfyéâ MTOir
^^^^H sifdhMi *«m nieft roejâ hiârt
*viUatîcuin
veÂdzo riDiigc
^^^^1 Si Devant r foivi d'une consonne il s'étargit en ^
, comme IV dans le '
^^^H fiAme eu. Voir le 75
^^^^1
dzardzé bords di
ï tonneau
^^^^1 firmaturam
farmuirê serrun
^^^^H
xarhl cerder
^^^^1 83 II i'auourdit en u devant une labiale dans adripare qui devient ]
^^^H aruA, arriver, et itbllare qui fait xufc^, siffler.
^^^F S) Chute de Vl ; avant l'accent
^^^K Micticellum ahlè kit
lubricare
lueydjyê ^ h
^^^H ^cuminittare comenhlê corn-
heri nocîem
amin hier soir
^^^^H
avicellym
ojê oiWa ^H
predjyé parler ^H
^^^^H quadrageiimam Cramenirân les
praedicare
^^^^H entranicm Brandons
pullicenum
pudzin poussin; oi-
^^^^1 irrigare crdjyc tniguer
Sidti
^^^^m *foris tempu.^ féurtén printemps
^^^^M après
^^^^H laricerri arjc méUze
forfices
forhle cueaux 4
^^^^H bibis bibît bct
tondre les brebis
^^^^H butyrum bètirro beurre
fraxinum
frïno /r^fig
^^^H debitum dcto dette
*operaltcum
ovrâdzo ouvrage
^^^H digitum dey doigt
'poenibilem
peniblo -a pénible
^^^^ft *dîani Jovis dëd^-èu jeudi
perdilam
perda perte
^^^^M *dbiïi Martia dcmar mardi
pûllicem
pèiidzo poucf
^^^^m genitain dteniAgentille.sagc
pulicem
pùdzé puce
^^^H *herbitieum erbAdr-o j h
repositam
repûta 74
^^^^B haereticum ered7.o sorcier
calidum -am
t$6 t$6da chaud
^^^H hirpicem èrxc herse
coryl + a fém
tyèùdra noisetier
^^^^H (eroinam kn^ femme
'volitis
vèude roii5 ifoulez
^^H
salicem
xôdzé iau/(:
^^^H 1. Voy. DttCâRge, s.
m PHONOLOGIE DU BAGNARD
W 84 0 ; il est rendu par 0 :
m adfrontare afrontà attaquer
m boletuin boey sorte de cham-
w pignon qui croit
P sur le bois
bontô bonté
coà couler
cocaiècoquilled'es'
cargot
colax6n bélier
coinmun+ a/^m.corauna commune
391
bonitatem
colare
co[n]cacula/R
<^licvila/n conélé quenouille
conflaw'e conhià gonfler
xe conparà avoir
de la peine
^colapliare copâ couper
^coiTAraceum corbi corbeau
^ ^cmorare xederaorâ i'^mwer
^^^^^^I^re ecoâ balayer
^^ï>ï"obare eprovâ essayer
i^r^£;5]ijre fori Bas Valais
printemps
^ S Dans les mots suivants il est devenu u (ti), dans plus d'un sans
T^^te par reffet de Vi tonique :
^^"^narn buéna viande
vache
fora[s]«viare
xe foryâ se mettre
de côté
*molare
moâ aiguiser
mo\-{- suff.dim.
moeta pièce de bois
ronde recouvrant
la baratte
montanea
montanyé mon-
tagne
mortarium
mortcy mortier à
piler
mo[n]strare
motrà montrer
*potere
poey pouvoir
pomarium
pomcy pommier
pon-\'Suff.dim.
. porteta contre-vent
*torculare
XToljé presser du vin
volare
voâ voler
solatium
xoey
sonare
xônà sonner
^sonaculam
xonalé clochette
de
dé
^^^tare
^^Injsobrinum
*soliculum hluè soleil
molinum muin moulin
molin+5i//.rf/m. munet moulin à
fouler les pom-
mes^ moulin à
foulon
*morire mûri mourir
potione/n puijôn poison
*totare ^ tyùâ ruer, éteindre
'vocitare vudyé vider
'^ivé de cacare cayunet petit porc
cudjyé essayer
cojin cousin
'^ohortiliare curtelyé 3 b
cohortile curti jardin
^talponariam derbuneyré taupi-
nière
^ormire drùrain dormir
itd, fomire furnin achever
Cette influence de 1'/ est indubitable dans driimin. Tyiiâ a sa cause
dans le y.
87 Vo s'est conservé dans les nominatifs :
pastor pâto fruitier
cantor tsanto chantre d'église
sector xeylo faucheur
1 . Forts serait peut-être plus vraisemblable.
2. Comp. Ascoii, Saggi ladini, p. 36, note.
392 J. CORNU
Mais dans 4rê, de latro, o est tombé et TR a été soutenu par é. Un cas
unique d'o devenu e se présente dans "arhoraticum qui donne arberâdzo.
Corap. l'italien albero.
88 II est tombé dans :
"adcoliocare atyèûtxyé accoucher
'corrosare ' crojâ arracher
De même que Vu après ^, Vo est tombé après c dans coagulare^ calyè^
cailler, et dans l'adv. dérivé de coactare avec le suffixe -o^, a caîsôn.
Il y a eu contraction de Vo avec u dans locustam qui devient làta,
cigale et sauterelle.
*matrucularium màruley marguiller
muralia
urticam
89 U; maintenu :
*butyrariam buriré baratte
*ftimariam furaeyré fumée
*ftigire fuyi aller
lubricare lueydjyé 3 b
Par la vertu de Vy il s'est changé en iï dans :
*assecurare axûryé assurer
pullicenum pùdzin poussin ; oiseau en général
murale muraille
urtyà ortie
90 Changé
en 0 :
*admuriare
araoeyryè saler ex-
Mocustellum
lotê Bruson cigale
cessivement
et sauterelle
annuntiare
anonhlé annoncer
mustelam
moteiya belette
byivs^ suff.dim
. borxeta bourse
puW -k-suff.dim.
polet coq; robinet
cubare
coâ couver
pulmonem
porm6n poumon
*cuparium
coey=covayVAUD
pronuntiare
prenonhlé pronon-
discurrere
dexcori parler
cer
*diumivam
dzomîa journée
peduculosum
pyoèû pouilleux
in+funds+are
enfonhlâ enfoncer
*turnare
tornâ revenir
fomatsé cavité du
superare
xobrâ rester, de-
fourneau
meurer
fumellu/n
fornè fourneau
substernere
xotèdré mettre la
*cuparium
govey seille
litière
UL + cons. se change en or dans pormôn\ un autre traitement plus
ordinaire de la même formule offre la vocalisation de VI :
a[u]scultare atyèùtâ écouter *multonem mèùtôn mouton
*bullicare bèûdjyé bouger cultellum tyèùtè couteau
Le développement de la diphthongue èû a sans doute suivi la marche
suivante : ou au èii. Si crèiityôn^ entamure du pain, qui répond à crotsôn
L'étymologie admise est plus que douteuse.
PHONOLOGIE DU BAGNARD j9^
du Jorat (Vaud), dérive de crustam, comme le sens parait l^indiquer, je
ne vois pas trop comment il faut Tanalyser, Un changement ancien d*a
en a se présente dans xatyèùrè de sabcuîere^ secouer, abattre .
Dranhlé Drance
^fm,dzerI6n seillon à
porter à manger
aux porcs
xarhià cercler
92 II tombe avant Taccent :
coagulare calyé caiiler Drantiam
'coagulumen cal6n 59 60 gcrul + iujf.
catu l -f suff. dim . canyon jeu n e lapin ,
jeune chien
computare conta compter 'circulare
après Taccent :
catulam canyé tapîn femelle 'tardivum lardi tardif
genitum dzen gentil, sage tempus ten temps
gerulum dzerlo hotte calidu/w ls6 chaud
'insimul enhienblo ensemble co[n]siiere tyèiidré coudre
*spathulam epôla épaule vinum vin vin
iun\um fay four 'seraculam xaralé serrure
masculum mMo mâle, homme circulum xathlo cercle
minus men moin versus yer vers
ungulam on lé ongle saxuw xi rocher
peduculuw pyèu pou
U s'est combiné avec M de manière à former un seui son dans revô,
rewâyè = remutatum -^m 4 h.
9} Diphthongaes. — Le traitement de AE et OE ne différant en rien
de celui de l'E, nous avons donné les exemples qui fui appartiennent au
n*74
AU ; cette diphthongue n'offre pas moins de cinq traitements. Vu a
disparu de fort bonne heure dans auscultare qui a fait atycùtà tiAugustam
contracté en Uta. Il y a 0 dans ojè = anceltum et orèlc — auricutam.
Grâce à Vt tonique, Mauritium est devenu Muri^ tandis que la diphthongue
continue à vivre dans aui de auâire et dzaui de gaudere. Enfin, quant à
hutôn, il répond à autén du canton de Vaud. La gutturale qui ici ne s'est
pas fondue en palatale, me paraît avoir contribué à protéger la diphthon-
gue.
Consonnes continues.
9!f
Subst, vcrb . iehi- envêrna haereticum
bernare hirpicem
herbaticu^/ erbâdzo 8 b hodie
eredzo sorcier
èrxé herse
w^j^fty aujourd'hui
>4
J. CORNU
J.
(Nigra, 87).
96
J est rendu par dz dans
:
*diam Jovis
dédzèù jeudi
*jarria, joria »
dzèù forit
juven + a/^m.
dzùéna fille
«t|
par dj ou 4/)^ dans :
jocum
djua /eu
jam
djya ^^/i
*mollio
môlo » je mouille
muralia
murale muraille
paleam
*taleo
paie /?â<7/e
polén poulain
taloî ye coii;?e
Dyuâ a sa raison dans l'influence de la gutturale fondue en palaule,
mais djya est une exception qu'il faut se contenter de signaler.
J (Y) qui suit une autre consonne.
(Nigra, 89-100).
97-98 LY se réduit à /, après avoir passé par d interdental :
dolia dèlé 71
(iolt^ nif.iim. dol6n pot
bnUSaM bmélé famille
mobun filuè fiUeul
Ibla fàlè feuille
netioreiN roelèù meilleur
Un cis de d maintenu s'offre dans padahl'e = paleactam 8 b, forme
qui a Sâ cause dans la dissimilation.
Nous verrons plus tard, à l'occasion de 1'/, que à la tête et dans le
corps des mots entre deux voyelles sa conservation est exceptionnelle.
Aussi la vraie explication de formes telles que lire de légère. Iota de
locustam, luen de longe et lueydjyé de lubricare, c'est que dans toutes il y
a eu une fois une / mouillée produite par la liaison d'une palatale et de
VI latin. Lota, par exemple, doit remonter à la série suivante de
transformations : dota Hyota Uyoosta *loyosta,
99 RY : voyez 52. Les exemples sans attraction font défaut.
100 VY:
caveam dzîwé cage.
foras viare xe foryâ se mettre de côté
vi + suff. dim. yon sentier
loi SY :
^xl^jsiow eleyjé église occasionem ocaj6n occasion
uKij^u'swiHfw mcjôn meyjôn cui- cerasea xéryejé cerise
sine
\>> lV»>*t^v s. V.
^B
PHONOLOGIE
DU BAGNARD $95 ^H
^V !02a NY
^H
W^ kniAlum
anyâ fatigue
•recuneatum recunyà retiré, re- ^M
W araneaffî
aranyé araignée
^1
' iJneolxim
çnyèu bout de ficelle
vineam vinyé vigne ^H
gunyé compliment
^erm, weidanjan wanyé semer et ^H
*Jiiontanea
TnontSinyè montagne
planter ^^Ê
t02^
^1
ttctraneum
etraiïdzo étranger
grane +iu/. ^/m . grandzdn petiti ^H
extranearium
etrandzyé étranger
gr^^^€ ^H
graneam
g^ûnàzé grange à foin
lineum indzo linge ^H
1 o ça DY
:
^H
diumum
dzô jour ^^Ê
'diurnivam
dzornia journée ^H
remedium
remyedzû remède ^H
lo^i
^H
dîOlicdiu;^
démyé demi
modium moè muid = 24 me- ^H
'gavadiosum
dzoyèu joyeux
sures fédérales ^H
"i^iciiam
envey envie
raie cana/ ^H
I <z>7 TY :
^1
" ^^^«^ninitiare
anonhié annoncer
^minus caden- metsanhié difficulté ^H
avanhlè avancer
tiam exTfJsfvf ^^Ê
comenhlécommencer
patientiam paxenhlè patience ^H
^?^^ci€ntiam
conxinhlé conscience
pronuntiare prènonhlé prononcer ^H
diferenhlé différence
irehlé tresse ^^Ê
Dranhlé Drance
*tertiare trehlè tresser ^^Ê
^^^^Xianam
dzenhîâna gentiane
tsahlê chasse ^H
fahidn façon
forhlé force
*capdare tsahié chasser ^H
*capiiatoreni tsahlèu chasseur ^^Ê
cantionem tsanhlôn chanson ^H
^^ se présente dans axyon ^ acUonem^ action, et paxenblc cité ci-dessus. ^|
J ^*est maintenu dans bitye de iffij/iù
^^ attiré dans pf^o/ïf m qui donne p
m et crèuîyôn, dim. de crustam. Y a ^H
uijén ei so/afium qui a fait xoey. ^^|
., t09BY:
■
^*> rabiare
^^brias
enradjyé enrager
rubeu/77 rèdzo rouge ^^|
frendze franges
mbe + suff. dim . rodzete graines d^é- ^^|
^^^PY:
frendjyèù 46 a
pine^-vinette ^^|
propius
prçtso f^rof/i^ ^H
^^^^m
scapliium
etsiihlo cuvf^r ^H
^^BF
ahd. krippea^
réhlé crccht ^H
V Une forme
unique est axyé = apiarium ^. %
^^1 K Voy. DieZ) E. W.j $. v. ^r^;r/^m
— a. Voy, Ducange, s. v» ■
^9^ J. CORNU
L.
(Nigra, 1 01-107).
1 1 i-i 1 2 L simple à la tête et dans l'intérieur des mots même redou-
blée ne se conserve que exceptionnellement.
Tête des mots :
laxare laxyé laisser
lupum lèû loup
lev4. suff. dim. levet-a léger
lepor 4- a fém. leyvra lièvre
levare
leva lever
londzé longe
Corps des i
mots :
alam
âla aile
scholam
ecûla école
beUam
bêla belle
pal-f suff, dim.
paleta spatule
bullam
bêla boule
casai + suff. dim. XssAet emplacement
*deexlaniare
delanyé délasser
où couchent Us
*diam lunae
délôn lundi
vaches dans les
*zelosum -am
dzaléù -ja jaloux
montagnes
scutellam
ecôUa tasse de bois
Son sort est de tomber au milieu
comme à la tête des mots.
Au commencement :
lacticellum
ahlê laii
lineolum
enyèù bout de ficelle
lacertum -am
ajer ajerda lézard
[il]lorum
èù leur et eux
lanam
âna laine
levare, leva te evâ, eyva te
laniatum
anyâ fatigué
Macticatam
eytyà petit lait
se laniare
x'anyè se fatiguer
librum
eyvro livre
latro
âré voleur
liberum -am
ibro -a libre
laricem
arjé mélèze
lineum
indzo linge
(il)lac
élà
libram
ivra livre
lacrimam
êgréma larme
illum -am
0 a le la
Mimaceam
emaxé escargot
de[il]la
da de la
linguam
enwa langue
uxé^ branche d'un
lixivu/R '
enxii eau de la lessive
arbre fruitier
Dans l'intérieur des mots entre deux voyelles :
alâ Vaud
â aller
colare 3
coâ couler
part, du V. préc. aô allé
columnam
côna colonne
boletum
boey 84
dolentem
dôyén petit
betullam
byèa bouleau
de longo
dyon /e /o/2g
betulletum
byoey endroit où il
tô du yon tout du
croît des bouleaux
long
calendariu/R
candrey almanach
*scalarium
etseey escalier
*caballam
cavâ jument
scalam
etxia ^c//e//ér
1. Voy. Forcellini qui a aussi lixivium.
2. Dans la Gruyère loxé ou luxé.
3. Co<f ahlè est c couler le lait ».
^^V PKÛNOLOGrE
DU BAGNARD
?97 ^^H
H femellam femà femme
d^ empêcher les sour ^^^^H
H filariam fyeyré poutre d'une
ris de pénétrer dans ^^^^M
H chambre
la ^^^^M
B galopa JORAT gaopâ galoper
pal H- suff. dim
, paeta alphabet ^^^^|
H celladum hley cave
patellam
pla ^^^^1
H *soliculum hluè soieii
pilosum -am
pyèu -ja poilu ^^^^|
H malehabitum mâdo miï/a£i«?
peduculosum pyoèù -ja poml- ^^|
H *maxellam maxà molaires extrê-
-a m
imx ^^H
H misellam mejd /ii«irc [mei
re -^ pal + are repà prendre la terre ^^|
H malle + suff, d, mè mailkt
au bas d'un champ ^^H
^^^ molam mèua meu/é à ai-
et la porter au ^^|
^^B ^iiûer (â faux
sommet ^^H
^^^ molare, molo moâ, mèuo aiguiser
horotogium
rôdzo horloge ^^|
^Ê mol + sug.dim. moeta 84
casai + suff, dim . tsaet = tsalet ^^|
^H^ maleadagialunimoeyjyii malaisé
candelarium
tsandeey chandelier ^^H
^^^ mul + 5u/, dim . muet mu/rf
capellam
tsapà chapelle ^^H
^^^ mulinui?? m\im moulin
casiellanum
tsatyàn châtelain ^^M
^^^L munerexé canal qui
catenella/Tï
tsénea collier de son- ^^H
^^H am^/7£ /Van à um
nette ^^M
^^H
*tegullam
tyèa tuile ^^M
^^^^ mu lin + su/, m un et m ou/i/î à fouit r
vaiere
vaey valoir ^^H
^^^ iim. les pommes
villam
vea ^^H
^^H mulam mua ma/e
villaticum,
veâdzo village ^^H
^^™ nebulam nyoa nuage
volare
voâ voler ^^H
^K^ palam pâ pelle
volaïu/H
^^M
^^H pal+ sujr. dtm. paet pterrf «fui re-
•salariam
xeyré 9 a ^^|
^^^^ masc, couvre la colonne
solalium
^H
^^H appelée grè, â/f/i
■
^ Après la chute de H, il arrive souvent que la langue remédie au hiatus ^^|
H par un ï' :
^^1
H *lamen van van
levé
vey facilement ^^M
H iaiTvam vâra liannet^n
iilam lunam
a vuna la lune ^^|
H lllumin 4 de- vendemân lende-
alluminare
avunâ éclairer, luire ^^|
^Ê^ mane main
■
^^H La diplithongue ey se change en ei et y détruit le hiatus qui résulte de ^^|
^^^ la suppression de 17 dans :
^^1
H *stelam eteiya étoile
lelam
teiya toile ^^H
H mustebm moteiya bdetîe
candelam
tsandeiya chandelle ^^|
H pe;n]sile peiyo chambn
xeyla G ru y.
xciya seigle ^^|
H Le même son est intercalé dans :
■
H dolenîe/7ï dôyén -ta petit
tam levé
tayey un peu ^^1
■
H pîlatym peyô bouillie
•vitellare
J98 i. CORNU
Nous trouvons un changement de / en n commun d'ailleurs aux aot^^
langues romanes et qui a sa cause dans la dissimilation dans conili^ qV^^
nouille, = coliculam.
Le passage fort connu de / en r devant une autre consonne se
contre dans les exemples suivants :
""album spinum arbepin aubépine pulmonem pormôn poumon
alterum- am àtro-a=*artroâu/r^ pulpam pôrpa viande dure
qualemque carc6n carcuna ^salem muriam xarmùlré saumure
unum-am quelqu'un
Un cas de mouillure de // commun à une grande partie du domaine
roman est celui que présente galUnam devenu successivement "dziiyènè^
dzènélyè (Vaud), puis dzénèdèy dzénèlè.
L après une autre consonne.
(Nigra, 108-115).
114 PL :
plana plana plaine
subst. verb, de tnxsaplo fer à encha-
plangere plendré plaindre
'incapulare pler
platanum plîno platane
replicare repleyé manger ,
*plovère ploey pleuvoir
avaler
plumam pluma plume
Il est devenu bl sans doute par assimilation dans un exemple connu :
. duplum -am
dôblo -a double
1 1 5 BL initial :
ablatum ?
bl6 blé
BL médian :
*pœnibilem
peniblo pénible
sabulam
xabla sable
sibilare
xùblâ siffler
116/z/- FL :
conflare conhlâ gonfler
subst. verb. de xôhlo souffle, vent
flammam hlanma flamme
subflare
florem hlèii 46 a
1 1 7 CL initial est rendu également par hl :
clarum -am hlà hlâra clair
ahd clocca hlôtsé cloche
*clariare hleyryé voir clair
claudere hlûré clore et fermer
clavem hl6 clef
hluxyé glousser
1 20 de même après une consonne :
cumahleyré crémaillère
ptssucu\ -^suff. pihle/ loquet
enhlujanyé 3 b
dim.
*incudinem enhluna enclume
rahlâ racler
masculum màhlo mâle; homme
circulum xarhlo cercle
misculare mehlà mêler
circulare xarhlâ cercler
PHONOLOGIE
DU BAGNARD
^^H
m 118 CL se
réduit à /, après avoir passé par ly et d interdental : ^^^^|
H aquilam
aie aigk
'matrucularium maruley margmlkr ^^^^|
H apiculam
avélé abeiUe
auriculam
orèlé oreille ^^^H
H acyculam
avulê ' aigmik
ranuculam
rénèlé grenomlle ^^|
^^K *btmicylam
boièlé boutdlie
*ienacula
ténâlé tenailles ^^M
^^V co[n]cacuiam
cocâlê coquiik d*es-
*tenacularium
tenaley cerf-volant ^^M
cargoî
'torculo
Xràloje presse du vin ^^H
H coliculam
conèïè quenouille
claviculam
tsilé cheville ^^M
H falciculam
ièùfélè faudiie
*seracylam
xaraîé serrure ^^H
H falcicul+ saf
fèufélén serpe à tail-
*sonacyla
xonalé clochette ^^|
H dim.
ler la vigne
'sonacul + su§
. xonal6n petite ch- ^^H
H maculam
mâle maille
dim.
chette ^H
■^ T'L = CL
^^1
vetula/n
vyelê vieille
^^1
B La mouillure s'e&t conservée grâce au changement en ny dans ca/iyê ^^|
H lapin femelle,
canyàfij jeune lapin, j
leune chien, de catulam. ^^^H
H Pour le maintien de la gutturale,
comp. le vaudois gaîolyt^ chatouiller, ^^^H
H = 'caîuiiare\
eieyjè, église, de eccksiam, doit sans
doute sa forme à un ^^H
H adoucissemem
t ancien de la gutturale assez ordinaire aux mots grecs. ^^H
H 121 GL initiât et dans le corps des roots subit
le même traitement ^H
■ que CL :
■
H coagulât
cale il cailU
strangulare
etranlà étrangler ^^M
H *coaguIumen
cMn 59 60
ungula/n
onlé ongle ^^M
H Un mot a gardé le d encore en
usage dans le Val d'Orsières, c'est ^^|
H gîaciem qui devient dahlè, glace.
■
^^_^ 122 LY est fort rare; il se rencontre dans :
■
vigilatam
velyà veillée
■
^
(Nigra,
R.
ÏI6-Ï2I)*
■
^^H 12^ Maintenu à la tête et dans te corps des mots
■
^^^ ramum
ran j 6 7
'deforas
defèùra dehors ^^H
H radicem
ri racine
merendam
marenda goûter à ^^M
■ ruptam
* ràîa route
quatre heures ^^|
H laricem
arjé mélèze
■
H r entre deux voyelles prend dans
; certains cas une
! prononciation inter- ^^M
H dentale qui se
1 rapproche de / ; par
exemple dans :
^H
faret mèche de coton
gareta éîable à porc ^^^^M
furet ptrçoir
5ra ^^^^1
^^K 1 . Le verbe
qui en est dérivé est avulyt.
1
400 J. CORNU
Final il ne se conserve que dans les proparoxytons.
Verbes :
acordâ plaire
amoeyryé saler ex-
cessivement
aui entendre
Mais apponere fait apondré et facere^ firè.
Substantif et adjectifs :
vervecarium bardjyé berger
colèû vase à couler
le lait
darey dernier {troi-
sième) berger
gréney grenier
hley cave
lavyèù lavoir
*matruculariummaruley marguiller
meliorem melèû meilleur
meryèù miroir
mortey mortier à
piler
né noir
papey papier
124 Métathèse :
dormire drûmin dormir
xe retriyé se retirer
r a pareillement changé sa place dans tyèiidra = coryl + a fém.
Il est tombé avant une consonne par dissimilation dans :
arbore/n âbro arbre substernere xotèdré mettre de
alteru/n âtro autre la litière
*diam Mercuri démêcro mercredi
Il est intercalé sous l'influence de Vr final dans calendarium qui a donné
candrey et maintenu à la fin des mots dans les exemples suivants :
lacertum ajer lézard due à une voûte
*dia/n Martis demàr mardi pour y conserver
tablar table ou les pommes
planche suspen- versus yer vers
Mais le plus souvent le soutien d'une autre consonne n'empêche pas
sa chute :
accordare
*admuriare
audire
"^colatorium
*deretrarium
granarium
cellarium
lavatorium
*miratorium
mortarium
nigrum
papyrum
habere
avey avoir
fora[s] ire
fori Bas VALAisprin-
temps
y firè.
pararium
parey pareil
pastor
pâto fruitier
pascuarium
patyè troisième ré-
colte d^un pré
pomarium
pomey pommier
primarium
prémyé premier
prunarium
prumey prunier
pure
pye seulement
candelarium
tsandeey chandelier
cantor
tsanto chantre d*é-
glise
sector
xeyto faucheur
sementarium
xémentey homme
quivenddes graines
sextarium
xété setier
•tertiare
trehlé tresser
torculare
iro\yé presser du vin
diumum
dzô jour
persicum pyè bleu
furnu/n
fau four
sub.verb. de suh' xotè litière
mercedem
maxin merci
sternere
palu/n ferri
pofè levier en fer
^^^^^^^^H PHONOLOGIE DU
^^M
^^^^^^B
^H
^^^^^^^ (Nigra, 1 27-1 3 1 }.
^^^Ê
j 27- 129 V n'a gardé sa prononciation latine que dans tfz/uY, cage, ^^^^^J
= caveam et wîpa^ g^épe^ — Hspam, Il est devenu
consonne de semi- ^^^H
voyelle qu'il était dans :
^^^M
valere vaey valoir villam
vea ^^^H
vacivam vajia (vatsé) qui ne venenum
^^^H
porîe pas vinum
^^^H
*vermaceuf77 varmin vermisseau
^^^1
et est tombé le plus souvent sous Tinfluence d'un
y ^^^1
versus ytr vers vero
yey ^^^H
1 'vidëre yèré voir vi + suff, dim.
yon ^^^H
Dans le corps des mots entre deux voyelles il ne se maintient que fort ^^^|
rarement; son origine de P ou de 5 ne fait rien pour
sa conservation. Il ^^^H
est resté dans *ixprohare qui devient eproyà, essayer,
et dans le substan- ^^^H
tif verbal de hibemare (\ui est enverna, hivernage, grâce à l'introduction ^^^|
d*un n. Mais sa chute se présente dans :
^^^1
avenam aêna avoine *plovere
ploey pleuvoir ^^^H
adripare aruâ arriver *pavoriam
poeyrê peur ^^^|
( "brava mente brâraén bravement presbyterum
preyre prêtre ^^^H
' cubare coâ couver pauperum-am
puro -a pauvre ^^^^Ê
'cuparium coey=covayVAUD ripam
^^^H
ciepare creâ p^rc^rr, crever *revidere
ryèré ^^^H
debere deey devoir *tardivum -a/n
tardi -a tardif ^^^|
de + ab + ante dyan devant travalyî Vaud
traalyé travailler ^^^H
*diumivam dzornla journée capistrum
tsétro licol ^^^H
, juven + a/^m, âzuenà fille vacivawi
vafia (vatsé) qui ^^^|
'scopare ecoâ balayer
ne porîe pas ^^^|
1 'foris \iare xe foryâ 84 sa père
xey ^^^H
1 P adouci en v est devenu voyelle dans capram qui
a fait îxyiira^ tandis ^^^H
1 qu'il s*est endurci en b dans deux exemples communs aux langues ^^^|
romanes. C'est dans :
^^^1
, *vervecarium bardjyê berger
^^H
et *corvaceum corb! corbeau
^^M
1 jo W germanique :
^^H
aha weidanjan v^anyé semer et aha weinôn
wénâ crier, se dit ^^^H
planter
du porc ^^^H
fl/ra werjan wari guérir afcûweigar*
•
wtro guère ^^^H
1. Voy. Dici E.W., s. v. guari.
^H
^^L Romania^ Vi
^^H
402 J. CORNU
131 V final se perd :
*diam Jovis dedzèù jeudi novem
nèù neuf
ovum èû œuf . novum -am
nèû nèixvz neuf "Vr
*greve = grave ' grey difficilement levé
vey facilement
ciavem hl6 def
(Nigra, 127).
132 Maintenu quelle que soit sa place :
fumum fau four "déferas
defëûra dehors
fabrum favré maréchal-fer- palum ferri
pofè levier en fer
ranty forgeron *profectare
profeytyé profiter
fora[s] ire fori 84
FL. voyez 116.
s
(Nigra, 128-13}).
133 S ne garde nulle part sa prononciation que dans le corps des
mots où elle est impure. Encore les exemples sont-
-ils rares :
se *adpraestare x'aprestâ se pré-
mestcai sorte de seau
parer
à porter à manger
êscabi chaise
aux cochons
historiam istoeyré histoire
visto vite
1 34 Devant les voyelles elle s'endurcit en x :
saccum xa sac sepem
xey haie
sanum -am xan xâna sain *salariam
xeyré 9 a
Sarracenum Xaradzin sorcier sector
sejio faucheur
succutere xatyèûré secouer, superare
xobrâ rester
abattre solatium
xoey divertissement
sapere xey savoir sonare
xônâ sonner
1 3 5 et devient, mais plus rarement, hl :
in+funds+areenfonhlâ enfoncer *soliculu/n
hluè soleil
insimul enhlenblo ensemble pulvis-f- a fém, pèùhla poussière
in summo enhlôn au haut
136 S entre deux voyelles s'adoucit en z qui passe à /. S initiale
qui devient x a un développement tout pareil :
•advisare avéjâ regarder *corrosare ^ crojâ arracher
*Bemens + a/(^m. Btmty'jà Bernoise co[n]sobrinum cujin cousin
1. C'est probablement Ifve qui a déterminé ce changement.
2. Cette étymologie est douteuse.
^r PHONOLOGIE
DU BAGNARD 40; ^^^^^
fiesupra dejêùra dessus
i jalon Us habits ^H
*desceiisam dexeyja descente
miseilum- am mejé -à ladre ^H
duos homines dû jàmo deux hom-
prehensam ' preyja récolte ^H
m€s
pilosam pyèûja poilue ^H
^zelosam dzalèuja jalouse
peduculosam pyoèuja pouilleuse ^H
*gaudiosa/7ï dzoyèuja joyeuse
rosa^ Tù\di rose ^H
Mais X s'est maintenu grâce au développement de la palatale dans : ^H
reyxyé = resecare scier ^H
Si deux s se suivent^ elles se réduisent à une seule qui devient x. 5 se ^H
prononce de même après une consonne : ^|
^K
foxorâ fossoyer ^H
^^B *pos$utiim
poxù pu ^H
^^^P prae + tempus + ivam
partenxia (vatsé) 3 ^ ^H
1)7 A la fm des mots elle disparaît^ qu'elle soit double ou simple : ^|
bibis bîbimus bei beiyen beide
foris tempus fèùrtén printemps ^H
bibitis
fimbnas frendze franges ^H
*Bemensem Berney Bernois
i g ri fy 0 griffes du cha t ^H
'diam Jovis dédzèû jeudi
îllas ciner+ as i hlendre les cendres ^H
'dîâOT Mariis démar mardi
minus men moins ^H
'diain Veneris dévend ro vendredi
ma gis min plus et mais ^H
duos dii deux
pressum pri fromage frais ^H
duas feminas daue fene 2 femmes
propius prçtso proche ^H
*de excarrica- detsérdzen nous dé-
*volitis vos ? vèûde vô ? ^H
mus chargeons
vos vos estis v6 vuite ^H
facis facimus fi fajen fide
vos babetis voey ^H
faatis
^H
^B If8eti42 Chute de 1^5 devant
une autre consonne : ^H
^^ bestiam bityé bète
*pas€uarium patyê 9 b ^H
^^ *boscu^H bû bois
pe[n]sîle peiyo chambre ^H
^H entetô entêté
'pessuculittum pihlet loquet ^H
exiraneum etrandzo étranger
pistare pUâ fouler^ écraser ^H
fenesiram fènîtra fenêtre
praestare prêta prêter ^H
estis ite
presbyterum preyre prêtre ^H
locusfam lèta 64 et 6 ^
persicum pyé bleu ^H
masculum màhlo mâle^ homme
rastellom raté ^1 ^H
•misculare mehlâ mêler
retof6 4 b ^H
mustelam moteiya belette
repositam repûta 74 ^H
iDO[n]sirare motrâ montrer
^casallttum tsaet tsalet 1 1 1 - [ 1 2 ^H
'nasculum necû né
castellum tsatè château ^H
hospitale 016
capistojm tsêtro Ucot ^^H
pasior pâto fruitier
co[n]siiere tyèûdré coudre ^H
^^ft t. Voy. Ducange s. v. praa. ■
J. CORNU
Augustam ûta Aoste sextarium xétè setier
vespam wipa guipe substemere xotèdré 27 28 a
14} Il n'y a qu'un seul exemple. C'est zelosum -am qui a fait dzalii
'ja^ jaloux.
Consonnes nasales.
N.
(Nigra, 134-» 38).
144 Maintenu au commencement et dans l'intérieur des mots, il rend
à la fin la voyelle nasale.
Initial :
nec
nigrum
novem
médian :
avenam
lanam
bonam
bovinam
qualemque
unam
final :
bene
bonum
qualemque
unum
crinem
manum
Le suffixe -men ne laisse que la nasalité à la voyelle qui le précède.
C'est ainsi que *coagulumen donne calôn^ lait caillé et découpé, et *rese-
cumen fait reyxôn, sciure.
Un changement d'n en m se présente dans pronma, prune, = pruna et
prumeyy prunier, = prunarium. Le même son se change en r par dissi-
miUtion dans vérin, venin, = venenum. La mouillure de Vn a lieu sous
l'influence d'une palatale dans :
^bottonaturam botènyùîré bouton- *nebullam nyôa nuage
nière nec unum -am nyon nyuna aucun
nodum nyèù nœud nucem nyuey noix
Cette influence paraît manquer dans nyèiï. C'est une forme analogique
^^ 4ura sa cause dans le produit de nodare.
ne ni
ne noir
novum -am
nidum
nèû nèûva neuf-ve
nin nid
nèù neuf
noctem
nin nuit
aèna avoine
àna laine
bôna bonne
huèmviandedevache
carcuna quelqu'une
spinam
plana
ruinam
lunam
epina épine
plana plaine
ruena éboulement cau-
sé par un torrent
vuna lune
bin bien, fortune
bon bon
carcôn quelqu'un
ma[n]sionem
panem
pulmonem
*castellanum
mején cuisine
pan pain
pormôn poumon
tsatyân châtelain
crin crin
vinum
vin vin
man main
PHONOLOGIE DU BAGNARD
145 NN se réduit à n simple :
cannabum tsénevo chanvre
vannum van van
147 ndr=WR:
apponere apondré attacher
*dia/n Veneris dévendro vendredi
stringere etrendré serrer
dner + as hlendre cendre
148 NS :
*Berne[n]sem Berney -ja Bernois
*desce[n]sam dexeyja descente
mo[n]strare motrâ montre
405
plangere
secernere
substernere
pe[n]sile
prehe[n]sam
co[n]suere
plendré plaindre
xèdré choisir
xotèdré 27 28 a
peiyo chambre
preyja récolte
tyèûdré coudre
Cette chute de Vn qu'on rencontre déjà dans le latin classique n'a pas
eu lieu dans minus qui a fait men; mais les composés vulgaires nous la
présentent. C'est ainsi que minus cadentiam fait metsanhli^ difficulté
excessive.
149 NF :
infemum
ifè • enfer
1 50-1 51 NDNT :
médian :
afrontare
afrontà attaquer
calendarium
candrey almanach
annuntiare
anonhlé annoncer
in+funds+are enfonhlà enfoncer
attendere
atendré attendre
merendam
marenda 123
bennam
benda 27 28 a
^montanea
montanyé montagne
bonitatem
bontô bonté
final :
ad montem
amûn en haut
centum
hlen cent
brava mente
brâmén bravement
mentem
men mémoire
QuadragesimamCramentrân les
pontem
pon pont
entrantem
Brandons
part, de iriyé
térén torén tiroir
dente/n
den dent
iridentem
tren trident
dolentem
dôyén -u petit
canthum
tsan bout
frontem
fron front
ventum
ven vent
aquam arden-
' garjén eau-de-vie
serpentem
xerpén serpent
tem
sementem
xémén graines
grandem
gran grand
151 NC NG ; dans l'intérieur des
mots :
bringa cidre
quinquaginta
hlincanta cinquante
conca/n
contsé 54 et 56 a
londzé longe
strangulare
etranlâ étrangler
ungulam
onlé o/z^/^
1 . C'est rassimilation de NF en / qui a maintenu Yi,
406 J. CORNU
à la fin des mots :
artsébân coffre qui quinque
sert de banc longe
de longo dyon le long
M.
(Nigra, 139-146).
hlin cinq
luen loin
•
1 5 3 Maintenu à la tête des mots :
masculum mâhlo m4/e, homme merendam
manum man main metam
et dans leur intérieur :
QuadragesimamCramentrân les dominicam
entrantem Brandons plumam
marenda 12;
maya 2 1 b
démendzé dimanche
pluma plume
^diam Martis démàr mardi
il rend nasale la tonique de primam qui devient prinma, mince, et de
pruna^ qui a hit pronma, prune. Voyez 144.
154 A la fin des mots il donne le son nasal à la voyelle :
coagulumen calôn 59 60 ramum ran 5 6 7
*deexcarrica- detsérdzen dichar- reyx6n sciure
mus geons quem ? tyin-ta ? queli
examen * exin essaim lamen van planche
primum prin mince
Redoublé, il rend nasale la tonique dans Tintérieur et à la fin des
mots :
cranma crème
flammam hlanma flamme
in summo enhlôn au sommet
et se simplifie purement et simplement avant l'accent :
commun + a fém, comuna commune
155 nbr nbl = M'R et M'L :
insimul enhlenblo ensemble
1 56 MN M*N se réduisent à n après Paccent :
columnam côna colonne
feminam fena femme
somnum xôno sommeil
et avant l'accent à m :
examinare exemâ essaimer
ferainellam femâ femme^ souvent en mauvaise part
A la fin des mots il ne reste que le son nasal : auctumnum fait èdtôn.
i^ya nb np = UB MP dans le corps des mots :
comprehendere conprendré comprendre
^1
^P PHONOLOGIE
DU BAGNARD
^1
^^^p
tenple Hmonnières
^1
^^^^^ gamba ^ isanba jambe
^H
^H A la fin la labiale tombe et la voyelle devient nasale : ^B
^^1 calidum tempus tsotén été
^^H
^^B M est intercalé d'ancienne date dans *diam sabbati qui a hit dèxandro, ^H
^^V samedi.
■
■ 1 Î7^ itf combiné avec a donne vtiw dans rèvà i
Hwày'e^ retiré, reculé, ^H
H =^ nmataîuw
1 -^m. Le même changement a eu lieu dans la Gruyère, ^^^H
^L
Consonnes
C
(Nigra, i
EXPLOSIVES.
1
^h
47->SJ)-
1
^^P i6o CÀ initial est resté dans :
■
M calendarium
candrey almanach
*capitanu/7i
capétân capitaine ^^|
H ^campanam
canpâna clochette
catyeyré garde-robe ^H
1 caluhm
canyé lapm femetie
'caballam
cavâ jument ^H
^H Ciiiïl-hsuff. dtm, cmyôn 92
dèr. de cacare
: cayiSnpor^ ^H
^^B (61 fi, plus rarement fx)'; = CA
M
^B Initial :
ifl
^H cattum
tsa chat
catenam
isèna chaîne ^^H
^P 'casalittum
tsaet 1 1 i-i 12
caballum
tseÔ cheval ^H
B *captiare
tsahlé chasser
carrucam
tser&yé c/i^irrue ^H
H campu/n
tsan c/i^mp
capisirum
tsétro /jVo/ ^H
^L canna ^
tsana Fa^e en étain
tsèùp6n bouchon ^^Ê
^H
de la contenance
tsécanyê chicaner ^^M
^^^^-
d'un pot employé
*carainum
tsémin chemin^ ^^M
^^^Hr
autrefois comme
cannabum
tsènevo chanvre ^^Ê
^^^^^
mesure
tsijyèû cavité qui re- ^H
1 csndelam
tsandeiya chandelle
çoit la prentixê < ^H
1 cantor
ts3imo chantre d'église
claviculam ^
tsilé cheville ^H
H capellam
tsapâ chapelle
canem
tsin chien ^^Ê
■
isarateyré jarretière
tsjpai ^H
H carrariam
tsareyré chemin
tsôhle calotte ^H
^^^
tsargèxé char à deux
calidum tempus tsotén été ^|
^^fe
roues avec an
txyaua corneille ^H
^^^
brancard
cadere
txyeyré tomber ^^^^1
1 castellum
tsatê château
capram
txyùra c/r^vr^ ^^^^|
H *ca$tellanum
tsatyân châtelain
^^H
^^B 1. Voyez DiK^ s. v.
^H
^^™^ 2, Voyez DtrcANaE s. v, cannii 4.
^^Ê
V ;. Il semble
que le mot dit été transformé en camaîan
^^M
H 4« Voy. 169
1
^H
H y Dans i jif
1 tîipa, aller coucher avec
: des ailes.
^
408 J. CORNU
164 Dans rintérieur des mots ordinairement en compagnie d'une
autre consonne CA devient également is^ comme quand il est initial :
arcam
artsé coffre
^minus caden-
- metsanhlé 171
^adcollocare
atyèûtxyé accoucher
tiam
concam
contsé 54 et 56 a
•picam »
pétsé pioche
scaphium
etsïhlo cuvier
*picare
petxyé piocher
scalam
etxîa échelle
plentxyé plancher
furcam
fÔrtsé fourche
itaL rocca
rôtsé pierre
mercatum
martxyé marché
itai tacca
tatsé 8 a
motxyèû mouchoir
vaccam
vatsé vache
l\j atxy au lieu de ts, quand la syllable est accentuée. Une exception
se présente dans bocây manger gloutonnement, verbe qui dérive de bue-
cam. Dans catyeyrè^ dérivé de cacare au moyen du suff. -aria, il y
a un archaïsme phonétique.
160 et 164 Remarque, Dans :
circellum dzardzè bords du tonneau
caveam dziwé cage
*adcaptare adzetâ acheter
la gutturale sourde était devenue sonore, quand elle a pris le son palatal.
163 Entre deux voyelles elle devient y^ qui peut disparaître dans cer-
tains cas en se combinant avec la consonne antérieure :
assecurare axùryé assurer resecare
buyâ faire la lessive carrucam
reyxye scier
tsèrûyé charrue
urtyâ ortie
varûyé verrue
xeiya seigle
xùi sur
dér. de cacare cayôn porc urticam
spicam epyâ épi verrucam
locustam lôta 64 et 65 secale
nec unum -am nyon nyuna aucun securum
replicare repleyé 3 b
Quoique Iota = locustam paraisse fort contracté, il n'y a pas le
moindre doute sur son origine. Locustam a dû devenir successivement
*loyusta, 'loyosta, ^lyosta, Uyota. Ly s'est ensuite réduit à d interdental,
puis à /, conformément à la phonétique du Bagnard.
165 is = CA atone :
dominica/n démendzé dimanche
subst. verb. de
lueydzé traîneau
*deexcarrica- detsérdzen nous dé-
lubricare
mus chargeons
pic + Sifém.
pedzè poix de cor-
donnier
djy = CA tonique :
*vervecarium bardjyé berger
*bullicare
bèùdjyé bouger
'vervecariam bardjyéré bergère
'expulicare
epûdjyétuer les puces
I. Voyez DucANQE.
PHONOLOGIE DU BAGNARD
409
lubricare lueydjyé i h
picare
pcdjyé coller
•mcdicare meydjyé ? b
praedicare
predjyé parler
166 CO eu à la téie des mots.
A c6té de son maintien dans :
cubare coà couver
conflare
conhiâ gonfier
ca| n'.caculam cocale S b
corba bois du cMer
'cuparium coey= covay Jorat*
cornua
cèma corne
coquere coeyré cuire
cogitare
cudjyé essayer
cuminitiare com^nhlè commencer
'scopare
ecoà balayer
on le trouve devenu sonore dans :
corb -h a fém.
gorba corbeille
*cupariym
gOVey SEM BRANCHER Stilk
<l attaqué par Vi palatal, quand son développement phonétique Pa
amené à iiji.
Initial :
cor tyèù cœur
coryl + ifém. tyèudra noisetier
rf^r.i^collocarctyèutsi lit
cubât
consuere
intérieur :
a[u]sculiare
*adcollocare
excutere
tyèùdré coudre
atyèiitâ écouter
atyèutxyé accoucher
etyèuré 78
scopam
*scopo
succutere
tyèiive
lyèùxé courge
clyèûva balai
eiyèùvo balayer
xatyèurc r?4
Tye^coagulam est une forme sans autres exemples, mais qui s'expli-
que sans peine.
167 La gutturale s'est vocalisée dans les mots suivants ou est tombée
purement et simplement :
jocum djua jeu porcum
dico dicum dyu dion persîcum
Ibciwi fua feu saccum
locum lua lieu *seraceum
i68 eu dans les suffixes -ATICUM :
'arboraticum arberâdzo 8 b "^operaticum
*berbaticum erbâdzo 8 b ^villaticum
et dans :
haereticum credzo sorcier
Ficdtum donnant fedzo^ foie^ rentre dans la même série, s'il y a eu mé-
tathèsedcc avec L Comp. Diez, E. W,» s. v, fégado.
1694 hi ' ^ CE Cl, au commencement des mots :
caelu/n hieè ciel ciner -h as hlendre cendre
centum hlcn cent ctWmum hley cave
I - Un problème de prononciation que les Bagnards ont coutume de pré-
senter aux étrangers est : hlin hlcn htmcanu hlin médihlw
puèporc^ homme sale
pyè bleu
xa sac
xeri sérac
ovràdzo ouvrage
veàdzo village
m
410
j.
CORNU
coenare
hlénà souper
cœnam
hlina souper
quinque
hiin cinq
quinquaginta
hlincanta dnquanU
dans leur intérieur :
^lacticellum
ahlè lait
paleaceam
padahlé paillasse
artificium
artifihlo usine
panhleyé ^ b
brahlà brasser
pyeUéyi
glaciem
dahlé glace
'remercedare
remahlâ remercier
dulc + Sifim.
dèûhié douce
rinhlé rinur
in ecce hac
enhlè de ce côté-ci
tsèùhl6n bas
falcarium
fëùhlé 9 b
tsôhle culotte
forfices
forhle 83
tsôhlépyâ chausse-
*raedicinum
medéhlin médecin
pieds
Hl est remplacé par /dans les deux diminutif defalcem^ fiiifèlèy fau-
cille, etfiiifèlôn, serpe à tailler la vigne.
1 6c)b c a été assimilé à s dans :
cerasea xéryejé cerise
'limacea/n emaxé escargot
dim, du préc. emaxôn limaçon
munerexé 1 11-112
dér. de premere prenxixé petit lait dé-
coulant du fro-
mage qui vient
d'itre pressé
170 Entre deux voyelles c devient / :
lacertu/R -am ajer ajerda lézard vicinum -am
acetum aji2i^ avicellum
laricem arjé mélèze vacivum- am
vejm vejena voistn
ojè oiseau
vaji -a 127-129
Mais hirpicem a donné érxè grâce à l'influence du p. Dans xèdrè, de
secernerCy choisir, la gutturale s'est combinée avec s. Xaradzin de Sarra-
cenum, sorcier, est une exception qui se comprend facilement dans un
mot d'origine étrangère. Dans les proparoxytons CE CI deviennent
régulièrement dz :
pollicem pèiïdzo pouce pullicenu/n pùdzinS^
pulicem pùdzé puce salicem xôdzé saule
Mais corticem donne crutsè, son, sans adoucissement, parce que la den-
tale suit une consonne.
171 C se fond en voyelle dans les dyssyllabes et trissyllabes suivants :
coquere
dicere
facere
facis facit
facitis
nuce/n
picem
radicem
fide
nyuey noix
pi poix, résine
ri racine
coeyre cuire
dire dire
fîré faire
fi
Les contractions propres au Bagnard empêchent souvent la voyelle de
paraître. La même vocalisation a lieu quand le c est final : illac donne
^, là.
frué fromage
fruité fruits
nin nuit
profeyiyé profiler
xeyto faacheur
PH0N0LOC1K DU BAGNARD 41 1
172 CT :
actionem axytfn action *fructym
•unpactare enpatxyé empêcher 'frucla
âuctumnum èutén automne noctem
cxsuciu/Ti -am exué 4ê sec, desséché 'profeciare
âicr, de lacl- eyiyà petit lait secior
faciuram fetyùîré ^9-60
Dans axyèn la gutturale n'a pas pu se fondre en y, grâce à la palatale
<le la syllabe finale*
Dans enpatxyé la palatale s'est combinée avec la dentale qui l'a attirée
û la syllabe suivante. ÈûîÔn = autan du Jorat semble avoir rejeté Télé-
Mneni guttural sans se modifier conformément aux habitudes de notre
dialecte. Cependant le c a fait vivre la dîphihongue qui autrement se
serait réduite à 0.
m CR
:
dit. de crassum
grixé graisse
L
lacrimam
egréma larme
1
macrum
mingro maigre
174 es
(X):
coxam
cuxé cuisse
laxare laxyé laisser
lixivum ou
enxii eau de la les-
Vmaxellam^oar maxâ molaires ex-
Uiivium
sive
maxillam trêmes
examen
exin essaim
uxé tn-112
euminare
exeraâ essaimer
saxum xi rocher
fraxinum
frino frêne
Baxyè de bassare a subi le même traitement que s'il présentait la combi-
naison es. Post se transforme de manière à faire croire que le latin
vulgaire prononçait pose ou poss, Frina de fraxinam garde le reste de la
gutturale dans Vi.
QV.
(Nigra, 156),
176-177 Aquam présente deux traitements : selon Tun il devient
îwè, en perdant Pélément guttural ; selon l'autre il rejette la labiale :
âquam ardentem faiigarjén, eao-de-vie»
1794 La labiale a disparu dans :
qualemqueunumcarcôn (juelqa'm
*quartarionem carterôn mesure ,
deux pots
quid ? ce ? que f
'quaerire céri chercher
Quadragesimam Cramentrân les
entraniem Brandons
quinquaginta hlincanu cinquante
La gutturale a été attaquée dans tyin tyinta ? quel ? quelle que soit son
origine» soit qu'il soit le même que Tiialien chente^ soit qu'il vienne de
quem^ ce qui est plus probable vu les formes vaudoises et fribourgeoises.
412 J. CORNU
179^^ Nous avons déjà parlé de coeyrè plus haut et de àlè^ produit de
aquilam^ à ii8.
Dans hlin et hlincanta la gutturale s'est perdue de bonne heure et la
tète du mot est traitée comme si elle avait eu CI. Voy. 169^.
xèiïré «= *sequere doit vraisemblablement être expliqué comme twè.
G.
(Nigra, 157-162).
181 ^z = GA au commencement des mots :
gaudere dzaui jouir y se servir gaudiosum dzoyèù joyeux
gallinam dzènélé poule gabatam dzûtayoue
Il en est de même dans le corps des mots après une consonne. Dz se
change en djy quand la syllable qui suit porte l'accent. Ex. :
ital. albergare abardjyé gôrdzé gorge
irrigare erdjyé irriguer longam londzé longe
Une exception s'offre dans purga, médecine, subsuntif verbal de
purgare.
182 Les exemples de G entre deux voyelles me font défaut, mais il
est permis d'affirmer qu'il se fond en palatale sonore, comme le c dans
la même position. Voyez 16;.
183 GO GU:
gôrdzé gorge
gurdum gôrdo raide de fatigue
gutturem gôtro goitre
184 Précédé d'une voyelle il tombe :
*tegullam tyôa tuile
Augustam ûta Aoste
Dans friy fraise, de fraguttij il s'est vocalisé.
185 -GUA : linguam enwa langue
Corap. îwè, 176-177.
188 GEGI initial :
genitum -am dzen-Xa gentil, sage gerul+ suff.dim. dzerlôn 92
gengivam dzenjia gencive geniculum dzonè genou
gerulum dzerlo hotte
Au lieu de dz on rencontre djy dans djyerla = gerulam,
GE GI médian :
imaginem emadzé image
horologium rôdzo horloge
1 90 La gutturale s'est fondue en palatale sonore dont le développe-
ment est parfois voilé par des combinaisons nouvelles :
^^^^F PKONOLOCtE DU BAGNARD 4rj
m
^^H cogitare cudjyé issayer longe luen loin
^M
^^H dîgitum dey doigt magis min plm et mais
^1
^^H ^fugire fuyi alUr magidem min pétmsoiu
^H
^^H quinquaginta hlincanta cinquante Heginhardum rènà renard
^H
^^m légère Uré lin
^H
^^H Dans etnndrè = stringen et plendrè = plangere la gutturale a subi le
^1
^^H même sort que le d euphonique est venu cacher.
^1
^^m 191 GR initial et après une consonne :
^^1
^^B graneam grandie grange à foin *greve=grave grey diffkiitmini
^1
^^H grananum gréney ^r^mVr Bulgarum héû^ohomme solidi
^1
^^B Après une voyelle la gutturale se vocalise :
^1
^^H nigru/Tt -am né neyré noir -e
^H
^H 192 GN :
^H
^^H maiignum malin rasé itai matrigna marena femme
^1
^^H^ malignam maléna rusée ital. patrigno parén 42
^1
^^^^^L manyîn^ chaudron- pugnum poinpoiVi^
^1
^^^^H nier et hongreur 'praegnu/n-am> pren préinyé 67
H
^^^^ (Nigra, 16?- 170).
■
^^1 19} T demeure au commencement des mots :
^1
^^H taeda/Ti teiya bois résineux talem t6 tel
^H
^^m du tronc de dalé trîdentem tren trident
^H
^^B telam teiya rn^/e trabem ira poutre de pont
^M
^^H Une exception se rencontre dans derbénj taupe, et ses dérivés qui ont
^^
^^H encore une autre irrégularité. Comp. tarpon du dialecte de Val Soana, 54.
^M
^^H 194 11 continue également à vivre dans le corps des mots après une
^^H
^^H consonne
^^^^1
^^H alterum -am àtro -a autre quinquaginta hlincanta cinquante
^^^1
^^m a[u]scultare atyèutâ écouter locustam lôta sauterelle et ci--
^1
^^H Quadragesimam Cramentr^n Us gale
^H
^^H entrantes Brandons portam p6rta porte
^H
^^H sTare etâ rester vostram vûtra votre
^H
^^H Si t devient fmal, il cesse de se prononcer : ainsi altum donne d, haut.
^1
^^M 1 9Ç Entre deux voyelles dont l'antérieure persiste il ne peut se main-
^Ê
^^H tenir que exceptionnellement ; mais quand elle tombe^ sa conservation
^1
^^H est assez fréquente :
*^^^1
^^B bonitate/72 bontô bonté *capitanum capètiin capitaine
^H
^^H brutam brçta vilaine debitum deto dette
■
^^H 1. Voy. Ducange.
^^^^ 2. Voy. Ducange s. v.
J
414 J- CORNU
gabatam dzûta joue totam tôta toute
repositam repûta 74 totam vicem toti toujours
Brçta et tota ont été sans doute formés sous Phifliience du masctifin
brç et tô, quand leur t sonnait encore. Dans pu'4a Bas-Valais laid, vi-
lam,= putldum -am, il y a eu sans doute assimilation des deux dentales
dont la sourde a prédominé.
1 96 II s'adoucit en d surtout dans les proparoxytons :
arboraticum arberâdzo Sb
bibitis beyde
cogitare cudjyé essayer
*àiaim sabbati déxando samedi
ficatum fedzo foie
malehabitum-am màdo -« malade
operaticum ovrâdzo ouvrage
*potiti8= potetis pèùde
perditam perda perte
""consuturarium tyèûdurey tailleur
Un cas sans autres exemples d'adoucissement en d est ajer -da =
lacertum -am, Comp. le français lézard et lézarde,
1 97 Son sort ordinaire est de disparaître entre deux voyelles qui se
conservent :
botellum
boè boyau
platanum
plïno »
betullam
byôa bouleau
■potere
poey pouvoir
*betulletum
byoey 1 9 20 2 1
*remutata/n
rewâyé 4^
firmaturam
farmùîré serrure
catenam
tsêna chaîne
fata
ikyèfée
*catenilla/n
tsénea 71
lavaturam
lavyùîré lavure
vitellum
vê veau
metam
maya 2\b
vitellare
veyâ vêler
'miratorium
meryèù miroir
setam
xeiya soie
Il tombe î
aussi à la fin des mots ou^ pour mieux
dire, quand il de
vient final par la chute de la voyelle qui le suit :
acetum
aji 2\b
parietem
parey paroi
boletum
boey 84
pîlatum
peyô bouillie
bonitatem
bontô bonté
pistatum
pîtô froment écrasé
brutum
brç vilain
pratum
prô pré
*betulletum
byoey 19 20 21
*repalatum
repaô /^b
digitum
dey doigt
'remutatum
revô retiréy reculé
Mauritium
Mûri Maurice
totum
tô tout
*passatum
paxô passé
volatum
vô volé\
198 et à plus forte raison dans les mots où il était final en latin,
mots qui comprennent surtout des formes verbales :
habet a est e
bibit bei venit vin
bibunt beiyon veniunt vényon
coagulât cale
i . Plino est probablement la contraction de 'plaino *platno 'plaano.
^p
PHONOLOGIE
DU BAGNARD
^Ê
^^P 200 La formule TR se réduit à
r, comme nous
; l^avons vu à Toc- ^H
^f casion de Va^
1 }C :
^H
I latro
are yoieur
itaL mâtrigna
marénz femme ^H
H buiyrum
bèurro beurre
^matruculariu/
Timaruley marguilkt ^^|
H deretrarium
darey laj
patrem
paré et p!re pire ^H
■ excutere
etyèuré battre le blé
itaL patrigno
parén 42 ^H
H fratrem
firâre frère
presbyterum
preyre prêtre ^H
H matrem
mâré tt mire mère
^H
^^ 199 TT se réduiî à î entre des voyelles :
^1
^^^
attendere
atendré attendre ^^|
^^^^m
baituere
batrê corner ^^
frapper^ sonner ^H
^^^^P
miuere
métré mettre
^H
^^m Cl tombe à la fin des mots :
^1
^H
battuit
ba.
^1
^H^ 201
habere habetis
arey.
■
^r
1
(Nigra,
3,
171-174).
1
^^m 202 D initial :
^^B
^^H dentem
den dent
*diam lunae
déldn lundi M
^^B debitum
deto dette
dûlia
dèlé i6b ^m
™ 20 î D entre deux voyelles :
^M
audire
aui entendre
peduculu/n
pyèù pou ^H
codam
caua queue
radium
ri rayon de la roue ^H
*crudium -a/7
î croey croyé mauvais
radicem
ri racine ^H
dîmidium
demyé demi
taedam
teiya 67 ^^M
gaudere
àzmi jouir, se servir
tridentem
tren fr/^e/if ^H
*gaudîosum
dzoyèu joyeux
aha wetdanjan
[ wanyé^i? ^H
claudere
hlûré dore et fermer
•vidéré
yèré vo/r ^H
!l s'est maintenu dans mtdéhlin qui est un mot dlnlroductîon récente '. ^H
Dans enitnàfè de illidere, agacer les dents ^ l'introduction de fa nasale a ^^|
protégé le a
L Le maintien du d est incertain dans predjyè, parler, =^ ^H
praedkare, Vu4yl\ vider, n'ayant probablement rien
1 à faire avec vidaum ^^M
viduare^ sa forme ne présente rien d
i'irrégulier. Comp. l'article de Schu- ^|
chardt dans la Romania,
■
204 D final :
■
fidem
fey foi
nidum
nîn nid ^H
magidem
min pétrissoire
pedem
pya pied ^M
nodum
nyèii nœud
tripedem
trèpi trépied ^^Ê
206 Ad est rendu par a.
m
^^V 1 . Un exemple du changement de
H mhiuna^ enclume, = *incumnm.
d en / avec métathèse se présente dans ^^M
4i6
j.
CORNU
P.
176-179).
plana
platanum
pratum
(Nigra,
209 P initial :
palam pà peUe
panem pan pain
parietem parey paroi
pastor pâto fruitier
plana plaine
plîno platane
prô pri
210 Entre deux voyelles P passe à la labiodentale sonore, de même
devant r :
apiculam
scopam
avélé abeille
etyèûva balai
lepor + afim,
*operaticum
. leyvra lièvre
ovràdzo ouvrage
*cuparium
gOVey SEMBRAN-
CHER seille
piper
sapam
peyvro poivre
xàva sève
Devenu v il tombe très souvent
:
crepare
desupra
scopare
créa percer^ crever
dejèûra dessus
ecoà balayer
paupenim
ripam
capistrum
puro -a pauvre
ria bord
tsètro licol
*cuparium coey=covay Jorat
B a pris la place de P dans un cas unique, dans superare qui a fait
xobrA^ rester. Il ne se maintient que dans des mots où le sentiment de
la composition n'avait pas disparu, comme dans :
repositam repûta 74
*trapassare trapaxà trépasser, mourir
tripedem trépâ trépied
et où l'assimilation Tempêche de se modifier, comme dans :
papyrum papey papier
proprium prçpro propre
Capètàn est un mot d'introduction postérieure, ce que prouve CAqui
n'a pas changé.
21 \ a P final disparaît :
lupum
lèù loup
sepem
xey haie naturelle et artificielle
21 ib PP se réduit à P simple
:
apponere apondré ajouter
*cappellum
tsapê chapeau
pèpa pis d^une laie
cippum »
xepa cep
*cappellam tsapâ chapelle
2 1 ? PT :
adcaptare adzétà acheter
ruptam
rôta route
I. Voy. Ducange, s. v. ccppa.
^^^^^^^^^B DU ^^^^ 417 H
^^^ (Nigra, [SchïSi). ^
■
^H
■ 214 B îmtîal :
^^^^^1
^^batluere bairé 78 biberé beyré boire
^^H
^^Meimam benda^y iSa boiemm boey 84
^H
^^ 215 Emre deux voyelles il est soumis ay même sort que le p. Il
^H
I devient par exemple y dans :
^^H
1 babere avey avoir librum eyvro /i>r€
^^^1
^^Ksttte. verb, de envema hmrnagt fabrum favré maréckal-fer-
^^^1
^^V hibernare rant
^H
W 'cxprobarc eprovâ essayer libram ivra livre
^1
H *exprobo eprèùvo cannabum tsénevo chanvre
^1
^L cl disparaît dans :
^1
^^bubricare lueydjyé ^b *nebullam nyôa nuage
^1
^^subst. verb, de lueydzé traîneau presbyterum preyre prêtre
^1
ïubricare caballum tseô cheval
^^1
Devenu v il s*est vocalisé dans txyiira^ de capram^ chèvre.
^1
Une irrégularité qui s'étend dans la plus grande partie du domaine
^1
roman est le maintien du h dans ibro, libre. — Uberum.
^1
Après une consonne b continue à vivre :
^1
arborem âbro arbre 'tierbaticum erbâdzo %h
^J
•album spinum arbepin aubépine corb + âfém, gèrba ' corbeille
^1
"arboraiicum arberàdzo Sb
^^1
1 11 reste également dans B'L :
.^1
^^H *poenibilem peniblo pénible
^1
^^^^H sabulam xabla sable
^H
^^^^^P sibîlare xiiblà siffler
^1
V 216 A la fio des mots il tombe :
^1
^^L probe prèù assez.
^1
^^V trabem tr6 poutre de pont.
^1
217 B*T des proparoxytons se réduit tantôt à ï, tantôt à d :
^1
debitum deto dette gabatam dzûta joue
^H
*diam sabbati dèxando samedi maie habitum mâdo malade*
^^^1
EST se simplifie en t :
^^^1
subslemere xotèdré mettre la litière.
^^H
Accidents généraux.
H
2Ï0 Assimilation. L'assimilation des voyelles est peu développée. A
^1
est devenu e sous Tinfluence de y dans plentxyc^ plancher. 0 s*est rétréci
^H
en u dans :
I
i. Voy. Ducangc, s. v. corba.
Romania, Vt 27
j
^^^^^^1
41 8 J. CORNU
consobrinum cujin cousin
curténa tas de fumier
*cohortile curti jardin
*morire
mûri mourir
*cohortiliare curtelyé jfc
et en ii dans driimin de dormire.
227 Prosthêse de Ve devant Vs
impure :
scholam ecûla école
sternuere
etarnin éternuer
eparmà épargner
'stelam
eteiya étoile
spinam epina épine
stringere
etrendré serrer
•spathulam epôla épaule
scaphium
etsihlo cuyier
spicam epyà épi
scalam
etxia échelle
èscabi chaise
scopam
etyèûva balai
stare età rester
2 ^ I Epenthèse de n dans :
subst. verb, de hibernare
envèrna h
ivernage
lixivum ou lixivium
enxû eau •
de la lessive
252 Epithèse de n après /. L*i
peut être étymologique ou résulter
des lois propres au langage de Bagnes :
dormire drùmin dormir
magis
min plus et mais
illidere enlindré 78
magidem
min pétrissoire
sternuere etarnin éternuer
macrum
mingro maigre
*fimaceum feroin fumier
nidum
nin nid
fraxinum frîno frêne
noctem
nin
iîal. fornire fumin achever
platanum
plTno platane
grandemmer- gran maxin m^ra
tenere
ténin tenir
cedem
venire
venin venir
23$ Attraction :
'admuriare amoeyryé ^b
cropeyré croupière
*assecurare axuryé assurer
curaahleyré 9a
^bandariam bandeyré 9a
deretrarium
darey
vervecarium-ambardjyé-eré berger
'talponariam
derbuneyré 9J
bletsuney poirier
dimidium
demyé demi
borateyré 9a
ecclesiam
eleyjé église
brachium bri bras
*scalarium
elseey escalier
*bulyrariam burîré baratte
*falcarium
fèuhlé 69
calendarium candrey almanach
foriâm
foeyré diarrhée
*quanarione/n carterôn 179a
*fumariam
fumeyré fumée
catyeyré 9a
*filariam
fyeyré 9a
*cuparium coey=covayJoRAT
cuparium
govey 210
*corvaceum corbî corbeau
granarium
gréney grenier
cordanyé cordonnier
griotey arbre qui
croeyjù vieille lampe
porte les griottes
PHONOLOGIE
DU BAGNARD
^^B
1 cellarium
hley cave
pomarium
pomey pommier ^^^H
■ *clariare
hlcyryé voir clair
potey ferblantier ^^^|
1 lÎTieum
indzo linge
primarium -am
premyé premyérê ^^^|
iîitye /Vi
premier ^^^H
1 area/n
irè aire de la grange
prunarium
prumey prunier ^^M
^^m îstoriam
istoeyré histoire
potionem
puijôn poison ^^H
^^B maieriam
maieyré îo
remedium
remyedzo remcde ^^Ê
■ iDa[nisionem
raején meyjàn cui-
^fr cff tenacula tenaley cerf-yolant ^^|
sine
candelariom
tsandeey chandelier ^H
1 memoria/n
memuirê mémoire
tsarateyré jarretière ^H
mqianey 9a
carrariam
isareyré chemin ^^M
moeyjyâ malaisé
caldarja
tsèudeyré chaudière ^H
murium -am
moeyro -é trop salé
"consulurarium tyèùdurey-rê/(îf7/fyr f
roortarium
money mortier à piler
-am
^
murdzyêré tas de
'salariam
xeyré 942 ^H
pierre au milieu
'sementarium
xémentey -ré 9a ^H
des champs
•am
■
pararium >am
parey- ré pareil
cerasea
xeryeiê cerise ^H
*pasctiarium
patyê ^b
sextarium
xété setier ^H
*pavoriam
poeyrê peur
solaiium
xoey divertissement ^^Ê
20 Contraction :
■
alâ Vaud
â aller
•soliculum
hluè soleil % 1
ad îlla/n
an '
lavatonum
lavyèù lavoir ^J
andyulré 7 1
lavaturawï
lavyutré lavure ^H
adripatum
arô arrivé
locustam
lôta 64 et 6$ ^H
'botlonalura/r
bolényulré 71
Mocustellum
lotè B au SON 90 ^H
*brava mente
brâmén bravement
maie habitum
màdo malade ^H
bovina/Tï
hixénâviandc de vache
'maxellam
max» tii-112 ^H
beïullam
byôa bouleau
malle4-iu/.^/m.mè maillet ^^|
*betulletum
byoey 192021
misetlam
meiâ /i]i^r£ ^H
calendarium
candrey almanach
'miratorium
meryèu mirotr ^^Ê
*aballam
cavâ jument
'meiipsimum
mîmo m^me ^^^
•cadalem
c6(ai le dessus de la
mul + suffJim
. muet muld ^^M
queue
raulinum
muin moulin ^^|
*colare illum coà ahlê rou/^r k
mulîn+5u/.^inLmunet 8^ ^^^
Ï2LCtiçti\'dm
lait
*nebullam
nyôa nuiag; ^^H
columnam
côna colonne
nec unum -am
nyon nyuna aucun ^H
de longo
dyon le long
palam
pà pelle ^M
spîcam
epyâ épi
patellam
pia ^oc'/f i frire ^^M
femellam
femâ 74
platanum
plîno p/âfd/ie ^H
cellarium
hley cflw
potere
poey pouvoir ^^Ê
r. 4 an/eyn
', aller à la foire — an vâtra^ k la vôtre»
U
420
J. c
ORNU
*pavoriam poeyré peur
presbyterum preyre prêtre
dérivé de pWare pjèX3Linstrumentpour
piler le sel
*castellanum
catenam
catenillam
claviculam
tsatyân châtelain
tséna chaîne
tsénea 7 1
tsilé cheville
pilosum- am
peducûlum
peducuiosum
*remercedare
pyèù pyèùjapo//tt
pyèû pou
pyoèii pouilleux
reroahlâ remercier
*claviculare
coagulum
tuus
"teguUam
tsilyè cheviller
tye 166
tyô tien
tyôa tuile
re+ emendare reroendâ raccom-
*totare
tyùâ tuer^ éteindre
moder
urticam
urtyâ ortie
Reginhart
*repalare
rènâ renard
repâ I1I-II2
Augustam
vitellum
ûu Aoste
vè veau
*remutatum-amrévô rewâyé j^h
*vitellare
vèyâ vêler
radicem
ri racine
volatum
v6 volé
radium
horologium
*revidere
iridentem
ri rayon de roue
rôdzo horloge
ryèré revoir
tren trident
fl/rfl. weidanjan wanyé jfr
*sapêre xey savoir
*salariam xeyré ça
securum xûi sur
irentyuîré cheville
du char
suum
vi-i- suff.dim.
xyô sien
, yon sentier
*cappellam
tsapâ chapelle
Une contraction qui a déjà eu
lieu en latin (
îst celle de curt/ =
cohortile.
TABLES ALPHABÉTIQUES.
a) Résamé phonolog^que.
A long conservé i
â = Abref 2
-i = ATum sous Pinfluence d'un
son palatal ^b
A EN POSITION latine et romane
conservé Sa
A atone maintenu 69a
-âdzo = -ATICUM 168
AE 67
âm = AMM 17a
fl/I = AMP 17t
-AN-ANA 5 6 7
a/2 = ANT 16
anyè = anea ania i 5
ar atone = er atone 75
ar H- cons. = m + cons. 81
assimilation des voyelles 219 :
G devient u dans 0... i
ATTRACTION 235
au = [} bref 61
AU maintenu à la syllabe atone 9^
B initial maintenu 2 1 4
B maintenu après une consonne 2 1 5
^ = V 127-129
b^ sa chute, 21 $
BL maintenu 1 1 5
c vocalisé 1 67
c traité comme s entre deux vo-
yelles 169^^
CA conservé 160
CHUTE du B 1 16
— du D entredeux voyelles205
^^" PHONOLOGIE
DU BAGNARD 42 1 ^H
K CHUTE du D à la fin des mots 204
E atone avant i'accent maintenu 74 ^H
^^ft — de Pe avant et après l'ac*
E EN HIATUS 78 ^H
^H
£, sa chute avant et après Taccent^ ^H
^^1 — du G entre deux voyelles
H
^H 184
-edzû ^ -ETicum \GS ^^Ê
^H — de I'h 95
EN + voyelle maintenu 1 8 ^^|
^H ~ deTiB)
en = ÎH et im }7 et }8 ^^Ê
^H — de W 1 1 1-IJ2
ENS réduit à es 92. Comp. 19 20 ^^^H
^H — du p final 2 ] 1
^V^l
^^1 — de pR après l'accent 123
EPENTHÈSEde /l 2}l ^H
^H
EPITHÈSE de /I 2^2 ^^
^H — de I'r par dissimilation 1 24
è (yè) ^ -ARE sous l'influence d'un 1
^H — de l's à la fin des mots 1 37
son palatal ^b ^H
^^^^^— de l's devant une autre
è (e) = A atone avant l'accent ^H
^^^^P consonne 1^8-142
sous rinfluence d'un son palatal ^H
^^^^^ — du T 197 200
^Ê
^H — de l*u avant et après Tac-
ê = A final sous l'empire d'un son ^H
^H cent 92
palatal 72 ^H
^H — du V 127-129 210 215
e = E atone modifié par un 1 to- ^H
^H — du V devant Y 127-129
nique 74 ^H
— du V final \ 3 1
ê M =^ I Ion g et ï bref atone avant ^|
co co maintenu 166
l'accent 80 ^H
CONTRACTION 2?6
fê — 0 long 46a ^M
CT 172
èii ^ 0 bref 50 ^^Ê
D maintenu 202
m ^ CL dans les proparoxytons 57 ^^|
D, sa chute entre deux voyelles, 20?
ju — u bref 61 ^^^H
D, sa chute à la fin des mots, 204
èiî + cons. =: ULL + cons. 6^^ ^^^1
d 3= T dans les proparoxytons
^u =^ AL -h cons. à la syllabe atone ^^^|
196-217
^^1
^au lieu de /(/y) 121
^u + cons. = uL + cons. à b ^H
dz {djy dj] = s 96
syllable atone 90 ^H
ir= DY (01) + voyelle 10 ça
-ey -eyr^ = -ARium -aria/h 9a ^H
^ (j^jy) =" BY (bi) + voyelle 109
-«y -eryrè ^ -eriu/ti -ERiA/n 30 ^H
dz— z 14Î
ey ^ É long 19 20 21a ^H
dz — Ck atone 165
ey ^= E bref 22 ^H
Jr^GA i8ia iSib
^y ^ iTUm ) $ ^H
dz=^ GEG\ 188
ev=ibref4o ^H
^/y == G A tonique iHib
p 1^1 ^^H
djy ^ CA tonique r 6 {
/ ^ NF 149 ^^m
E KN POSITION 27 28a
g initial ^ c 1 66 ^^^^H
'è 'èlè = suffixe -icuLum -icuLAm
G fondu entre deux voyelles 190 ^^^|
42 118
G, sa chute entre deux voyelles^ j 84 ^^^H
-/ = -ELLUm jl
ON ^^H
e ouvert ou fermé ^ i en pos, 42
GO (ou) conservé 18} ^H
422 J. CORNU
GR conservé 191
gr = CR 17}
H, sa chute, 9$
hl = TY (ti) + voyelle 107
hl = FL 116
hl = CL 117 et 120
hl= s n 5
hl + voyelle = ce ci au commen-
cement des mots 169
r= ilong n
1 EN POSITION maintenu 41
I atone conservé 79
I, sa chute, 83
i(ï) = k qui subit Pinfluence d'un
/ palatal ^b
i = E long 2ib
l + cons. = ES + cons. zSb 29
/, contraction de ai^ 8c
-îr- = -ATR- }C
-y-W = -s- 1 ?6
-y- =-c- 170
L maintenu exceptionnellement 1 11-
112
L, sa chute, 111-112
/ = / mouillée 97-98 1 1 8
/ (ly) = c'l t'l 1 1 8, = gl 121
LABIALES, leur influence sur i 82
LY conservé 122. Comp. ^b
M i$5
m = N 144
M rend nasale la tonique 153-154
/n = MN m'n avant Taccent 1 56
MÉTATHÈSE de IV I 24
N maintenue au commencement et
dans le corps des mots 1 44
/I = MN m'n après Paccent 1 56
Az = NN 145
N mouillée par un son palatal 1 44
N rend la voyelle nasale 144
nb z=}AB dans le corps des mots 1 57
nbr nbl = m'r m*l 1 5 5
NC NG 151
ndr = n'r 147
ndz = NY (ni) + voyelle loib
np = MP 157
NS réduit à s en latin 148. Cp. 32
NT et ND 150
/ly = NI + voyelle 102^
0 conservé devant n et t 46b
o EN POSITION 54 et 56a
0 = U EN POSITION 64 et 65
O atone avant l'accent maintenu 84
0 conservé après l'accent 87
0 atone 2= u 90
ô fermé = av ab 4a
ô fermé = -ate/w -ATum 4b
ô fermé = al suivi ou non suivi
d'une consonne
OE 67
on + voyelle = on + voyelle 5 1
on = UN UM 59-60
p initial maintenu 209
p final, sa chute, 201
p= pp 2iia
PL maintenu 1 14
proparoxytons en -CEm 168
PROSTHÈSE de Ve devant Vs impure
227
R maintenu 123 et 126
R, sa chute après l'accent, 123 126
R, sa chute par dissimilation, 124
R, sa métathèse, 1 24
r= L 1 1 1-112
r= n 144
s conservé 1 3 3
s, sa chute à la fin des mots, 1 37
s, sa chute devant une autre con-
sonne, 138-142
T conservé au commencement des
mots et après une consonne
193-194
T maintenu entre deux voyelles 1 95
/ = B*T dans les proparoxytons 217
T, sa chute, 197-200
/ = BST 2 1 7
/ = PT 2 1 3
t = TT I 99
T'S 201
PHONOLOGIE
ty = c suivi d'o ou d'u 66
ts (quelquefois /x)') = ca i6i 164
ts = py (pi) + voyelle 109
u long conservé 59-60
û = u long $9-60
u EN POSITION maintenu 63
u^ sa chute avant et après l'accent,
û = OL suivi d'une consonne 57
û = AU 68
a — 0 modifié par un i tonique de
la syllabe suivante 85
u atone maintenu 89
"ttd = -ocum 5 3
iî = u long 59-60
u = suffixe -UTum 59-60
il atone = u suivi d'un i tonique 89
-iilré = -ATURA/n
DU BAGNARD 423
v prononcé comme en latin 1 27-1 29
V = p entre deux voyelles 210
V = B entre deux voyelles 2 1 5
V, sa chute, 127-129 131 210
v, sa chute entre deux voyelles, 2 1 5
V, sa chute devant y, 127-129
V intercalé 111-112
w germanique conservé 1 30
X = s au commencement des mots
X = cs 174
y provenant d'i 3 3 Rem.
-y- == -CA surtout dans les propa-
roxytons 163
y intercalé après la chute de I'l
I 11-112
yè (ya) = B bref 23
yo = EU 34
b) Formes
â fém. 42 54 et 56a 65^ 83 84
111-112 127-1*29
Article démonstratif 1 1 1 - 1 1 2
Déclinaison, première, en ^ 72
Génitifs conservés. Voir au lexique.
Infinitifs de la i ^ conjugaison i et 3 ^
— 2* conjug. 19 20 2ia
— 3* conjugaison 78
— 4« conjugaison 3 3
Neutres pluriels devenus des fémi-
nins de la première 562^ 172
Nominatifs conservés : latro i ,
PASTOR, CANTOR, SECTOR 87
Noms composés 1 1 1 - 1 1 2
Noms d'arbres en -ARium 123
Noms d'arbres féminins 83
Noms en -ATE/n 4b
— -ATicum 168
— -ATORIUm 46
— -ATum 4^
— -ATURAm 59-60
— -ELLum 31
— -ENSEm 19 20 2ia
— -ETUm 19 20 21*2
— -icuLum -icuLAm 42 11 8
— -iGNum-iGNAm 192
— -lOLum 50
— -lONE/n 466
— -ITTUm -ITTAm 1 1 I-l 12
— -ÎTum (participe) 3 5
— -ivum -iVAm 3 3
— ONEm 160
— -osum -osA/n 46^
— -UMEN 59-60 144
— -UTum 59-60
Pluriel de la v^ déclinaison 1 37
Substantifs verbaux 95 1 1 i-ii 2
acetum 21b 69
actionem 462^ 107
acuculam 63 69 72
c) Lexique.
acuculare 3^
adcaptare 71 160-164
adhoram 46b
424 J
admontem 58
admuriare 3^ 90
adripare 78 82
album spinum 3 3
alluminare i
alterum -am 8a 1 1
apiarium 109
apiculam 72
apponere $4 et 56a
aquawi ^b Se 72 176-177
arboraticum Sb 69 87
aream 9^ 72
artificium 169
assecurare ^b 89
auctumnum 93
Augustam 63 93
auriculam 42 72 93
auscultare 90 93
baiulare ^b
battuere 78
battuiculum 42
bellum -am 10 31
bene 25
bennam 27 et 28a
berleriam 9^ 72 75
Bemensem 19 20 21a 74 78
bestiam zSb 29 72 107
beluUam 64 et 65
betuUetum 19 20 2iâ
boletum 84
botellu/n 31
bovinam 85
brutum -am $9-60
Bulgarum 6^b
bullicare 3^ 90
butyrariam 9^ 72 89
butyrum 83
cadere 78
caldariam 69 72
calendariu/n 9a 69 1 24
calidam 10
calidum tempus 27-28^
CORNU
candelarium 9a
canna/n 161
cannabum 145 161
cantor 16 87
capistrum 42
capram 36 127*129 215
captiare 36
carrariam 9a 72
camicam 59-60 72
casalittu/n 138 et 142
catulam 86 72 118
caveam 3^72 100 127-129 160-
164
cellarium 169a
cerasea 72 74
cippum 21 la
circellum 31 81 160-164
claviculam 71 72
claviculare }b
coagulare 32^ 88 92
coagulum 166
codam 46^
coenam 21b 67
cogitare ^b 85
cohortile 338$
coliculam 72 84 1 1 1-112
conflare 84
consuere 46a 78 92
coquere 78 171
corbis 54 et 56
corticem 58 168
corylus/cm. 83
corvaceum 8c 84
coxam 55 72
crudium -am 203
cuparium 9a 90
debitum 2 7- 2 8a 83
déferas 50
descensam 19 20 21a 74
dereirarium 75 78
diaraLunae 59-60 78
— Martis 8a 83
— Mercuri 27 28a
PHONOLOGIE DU BAGNARD
425
— Jovis 50 83
— Veneris 147
— sabbati Sa 7)
digitum 40 83
dolia 56^ 72
dominioim 42 72
dormire 85
dulcem 652^
duplum -am 64 68
ecclesiam 72 74 118
ezcutere 78
expulicare 165
exsuctum -am 63 72
facturam 59-60 72
fagum 68
fialcarium 96 69
iialcicula/n 69 72
ficatum42 168
ficturam 59-60 72
fimaceum 81
fimbrias 42
firmatura/n 59-60 72 81
florem 46a
foetam 21b 67
forfices 83
foriam 52 72
fragum 8c 184
fratrem 3 c
fraxinum 8c 8 3 174
fhictum 63
fructa 63 72
fumum 64 et 65
gabatam 2 1 7
gallinam 71 72 111-112
geniculum 42 77
gerulam 188
gerulum 92
gingivam 33
glaciem 8^ 1 2 1
graneam 8fr 72
granarium ^a
grève = grave ^a 78
gurdum -am 64 et 65
guttur 64 et 6 5
haeretîcum 27-28^ 74 8}
hirpicem 42 83
horologium 188
illidere 33 78 20 j
illonim 46a
impactare 3c
incudinem 120 203 Note
insimul 38 92
in summo 64 et 65
invidiam 40
irrigare 36 83
ja/n 96
lacertum -am 27-28^ 69 196
lacrimam 8c
lacticeilum 31 83
lamen 5 6 7
se laniare 36
laricem 83
larva/n 111-112
latro 87
lavatorium 46a
laxare 36
légère 97-98
Itporem fim. 22
levé 3fl 22 78
liberum -am 2 1 5
libnim 40
lineolum 50
linguam 42 185
lixivum lixivium 174 231
locustam 64 et 65 88 97-98
longe 58
lubricare 3^ 83 89 97-98
magidem 8c
magis 8c
maie habitum Sb
masculum Sa 92
426
matrem i 3c
matrucularium 9a 89
Mauritium 93
medicare ^b
meiDoriam ) 2 72 84
mentem 27-2 8a
mercatum ^b 75
merendam 27-28^75
metam 2 1 b
meus 25
minus cadentiam 72
misellum -am 3 1
modium 1052^
molere 57 78
molliare 3
mortarium 94 84
murium -am 61 72
mustelam 19 20 2 la 90
nebuUam 64 et 65
nec unum -am 73
nignim -am 3972 191
noaem 55
nodum 46a 144
novellum -am 10 31
oculum ^6b
paleaceam 8^ 97-98
palum ferri 27 2&a
papyrum 2 1 0
pararium -am 72
parietem 19 20 2iâ
pascuarium ^b
pastor Sa 87
pateilam 236
pairem 2 3 c
pavoriam 72
pedem 23
peduculum 6$fr 78 92
pensile 19 20 21a
perdiiam 27 28a 83
persicum 138 142 167
pilatura 197
J. CORNU
piper 40 78
pistare 79
plangere 13 75
platanum 73
plovêre 19 20 2 u 78
poliicem 57 83
porcum 167
post 55
potêre 19 20 2 itf 7884
potionem J^6b 78 85 107
praedicare 65^^203.
praegnum -am 67
prehensam 32
presbyterum 40
pressum iSb 29
primum -am 3 3
primarium 96
probe 50 78
pro deo 22 40
pruna 144
puiicem $9-60 80
pullicenum 83 89
pulverem /(^m. 6^b 7S
pulwïïfém. 6^b 78
pure 59-60
pulare i
Quadragesimam entrantem 16 7378
quaerire 33 74
quinque 41
ramum 5 6 7
ranuculam 72
remedium 23
remutatum 4^ 92
repositam 74 83
resecare 78 136
rubeum 64 et 6 5
ruptam 64 et 6 5
sabulam 8^
salariam 9a 72
salem muriam 61 72
salicem/em. 83
PHONOLOGIE DU BAGNARD
427
sanctum 14
sapam 2
Sarracenum 170
saxum 8c 92
scalam 36
scalarium 9a
scaphium ^b
scopam 46a
scutellam iii-i'i2
secale 19 20 2iâ
seceraere 27-28fl 78 170
sector87
sccunim 59-60
semen 27-28i2 74
sepem 19 20 21a
sequere 78 179
seraceum 8c
seraculam 86 72 75 92
sextarium ^b
sibilare 82
solatium 8c 84
soliculum 135
spathulam 10 92
spicam 33 Rem,
stare 1
stelam 19 20 2 1^
stemuere 75
substeraere 27-28^ 78
succutere 90
superare 90 210
suus-a 24 61
taedam 67
talponem 193
tegullam 646165
torculare 3!^ 84
totam vicem 36 78
totum diem 36 78
lotare 85
trabem 44 78
tridentem 27-284 78
tuus-a 24 61
urticam 33 Rem.
ultra 59-60
89
vaavam 127-129
venenum 33 74
vennaceum 75
vero 19 20 2iâ
vemicam 59-60 72 75
versus 27-284 97
vervecarium -am 127-129 16$
vespam 127-128
videre 78
villam 41
vitellum 31
vitem 33 78
vocitare 36 89
aha weidanjan 130
— weigar 1 30
— weinôn 130
— werjan 130
zelosum 46a 75 143
J. Cornu.
LA CHANSON DE BARBE-BLEUE
DITE ROMANCE DE CLOTILDE.
La chanson dont nous donnons trois leçons, une du Forez, deux du
Velay, a été, comme la PorcheronnCy Florence, le Comte Arnaud^ très-
répandue dans ces deux pays. Peu de femmes, il est vrai, aujourd'hui la
savent complète, mais un grand nombre en redit encore quelque fragment.
Cette chanson dépasse singulièrement les limites de nos deux petites
provinces. On la chante en Gévaudan, en Provence ', en Piémont*, dans
le Monferrat). Elle a déjà été publiée dans la langue de ces divers pays;
elle Pa été également en français, mais simplement à titre de traduction
du languedocien 4. Presque toujours, on lui a donné le nom de Chanson
de Clotilde, et on a admis qu'elle racontait les malheurs de Clotilde, fille
deCloviset femme d'Amalaric, roi des Visigoths. Nous dirons plus loin
pourquoi il nous est impossible d'accepter cette détermination et cette
attribution historiques.
I.
1 * N'en sont trois frères, n'ont qu'une sœur à marier.
2 Elle est si belle ne savent pas qui la donner.
3 L'ont pas donnée ni à un prince ni à un baron,
4 Ils Tont donnée à un gentilhomme de Paris *.
1. D. Arbaud, Ch. pop. de Provence, I, 83, Roumanço de Clotilde.
2. C. Nigra, Canzoni popolari del Piemonte^ 42, Clotilde.
3. C. Nigra ^ Canz. pop. del Piemonte^ 38. — Ferraro, Canti popolari Monr
ferriniy 20, Principes sa Giovanna.
4. Champfleury, Ch. pop. des provinces de France^ 27 : Languedoc, Romance
de Clotilde. Voir dans le préambule des chansons du Languedoc les justes remar-
ques qui se rapportent à cette complainte.
5. Marlhes. Communication de MM. J.-B. Riocreux et A. -M. Peyron.
6. Var. L*ont donnée à un comte qui la battait cent fois le jour,
Sa camiseta était tout arrosée de sang (Pradelles, anc. Gévaudan).
Var. Si l'ont donnéie au plus grand voleur du pays,
L'a tant battueie avec un bâton de vert bouisson,
Le sang coulade mais du menton jusqu'au talon (Céaux d'Allègre,
ancienne Basse- Auvergne).
LA ROMANCE D£ CLOTILDE 4I9
5 Le mar épouscj le mercredi l'a tant battu',
6 L'a tant battue avec un bâton de buisson \
7 L*â tant ballue qu'el la mise tout en sang,
8 • Mon ami Pierre, m'Iaisscriez-vous pas aller laver?
9 — Vas-y, Hélène, prends garde d'y pas trop rester. •
10 Fut pas *la rivière qu'elle regarde dans le bois,
1 1 t Dit' donc, Hélène, que regardez-vous dans le bois ?
12 — Us-bas, dit-elle, je vois venir trois cavaliers,
I } t Semblent mes frères, le plus petit c'est le premier.
14 — Dit* donc, Hélène où pourrais-je m'aller cacher?
1 5 — Dans votre chambre, et moi j'en tirerai la clef.
16 — Bonjour, servante : où est la mattress' du château?
17 — Suis pas servante, jen suis la maîtress' du château.
18 — Dit' donc, Hélène, où a-t-eir passe votre beauté?
19 — Hélas ! mes frères, mon mari me Ta bien oté.
20 — Dit' donc, Hélène, votre mari où a-i-il passé?
21 — il est 'I la chasse, voilà trois jours s'est pas rendu.
22 — N'est pas 'la chasse, y a qu'un moment nous l'avons vu.
23 i Ma sœur Hélène, donnez-moi les clefs du château. 1
24 i De chambre en chambre, l'ont tant cherché qu'ils l'ont trouvé^.
2j « Dit' donc, beau-frère, qu'avez-vous fait à ma sœur?
26 — Elle a la fièvre, d'cinq six jours n*a rien mangé.
27 — C'est pas la fièvre, c'est les coups qu' tu lui as donnés.
28 — Dit' donc, Hélène, cî' quelle raort faisons-nous mourir?
29 — La mort la plus cruelle, celle qui vous plaira le mieux. »
30 Le plus grand de ses frères un coup d' pistolet lui a tiré,
3 j Le cadet de ses frères un coup d' bâton lui a donné,
32 Le plus jeune de ses frères t'a pris, l'a porté enterrer.
Var. Amb* un baston pournio (Bagnols. Gévaudan).
Var. Avec un bâton de griiïon (houx) (Chamalières, Velay).
Var. Avec un bâton de vernimorl (?) <Malval€lte, Velay).
Var. Avec un bâton de vernifaut (?) ^Fraisses, Forez).
2. Var. De chambre en chambre à la plus haute ils l'ont trouvé (Dunières).
Dans la plupart des chansons, aucun dialogue ne s'établit entre le mari et les
frères d'Hélène et entre ceux-ci et leur sœur. Le mari sitôt trouvé est tué. C'est
le plus jeune trère qui seul l'exécute.
Var. Le plus jeune de ses frères si n*a pris les clefs à son tour,
A la plus haute chambre trois coups de poignard lui a lancé*
A b plus haute chambre trois coups de poignard lui a plongé
(Chamalières).
Var. Le plus jeune de ses frères n'a pris les clefs à son côté,
De chambre en chambre, k la plus haute n'a monté,
N'a pris son poignard, trois fois dans son sang Fa plongé (Beausac).
Var, Le plus jeune de ses frères a pris les clefs à son côté,
De chambre en chambre, de cnambre en chambre il a monté.
De chambre en chambre, à la plus haute il l'a trouvé,
De son poignard, de son poignard il l'a tué (Fraisses).
4^0 V. SMITH
33 c Dit' donc, mes frères, quel habit prendrai-je demain?
34 — Le blanc, le rouge*, sont les couleurs qui ?ont le mieux. »
II.
VARIANTE».
N'en sont trois frères, ont une sœur à marier.
L'ont mariée, cinquante lieues de ce pays.
Si l'ont donnée au plus méchant de ce pays,
L'a tant battue qu'el l'a mise tout en sang,
Le sang lui coule depuis la tète jusqu'au pied.
c Dis donc, mon homme, laisse-moi donc aller laver.
— Vas-y, Hélène, prends garde d'y pas trop parler, f
N' fut pas 'la porte, trois cavaliers l'on voit venir.
c Dis donc, Hélène, qui sont donc ces trois cavaliers?
— Sont mes trois frères, je les connais à leur manteau,
c Y en a un rouge et l'autre vert et l'autre gris '. i
— Bonjour, servante, où est la dame du château ?
— Suis pas servante, jen suis la dame du château.
— Bonjour, Hélène, ho 1 seriez-vous donc notre sœur ?
c Bonjour, Hélène, où est-c' qu'il est donc votre mari?
— Il est 'la chasse, à la chasse des aperdrix. »
Le plus jeune des frères n'a pris la clef de son côté,
De chambre en chambre, à la plus haute il a monté.
De chambre en chambre, à la plus haute il Ta trouvé.
N'en sort son sabre*, trois fois au cœur lui' l'a plongé.
• Dis donc, Hélène, quel habit voulez-vous porter ?
— ** Le vert, le rouge ; le blanc, le noir je vais quitter,
c Adieu Champagne, adieu méchants de ce pays ! »
1. Var. Le blanc, le rouge, c'est les couleurs qui vont le mieux.
Mon habit noir, c'est la couleur du pays (Marlhes).
Var. Prenez le rouge, celui qui vous plaira le mieux.
Prenez le rose, c'est la couleur des amoureux (Dunières).
Var. Ouel habit prendrai-je aujourd'hui pour faire le deuil de mon mari?
Non pas le rou^e, mais le violet garni de fleurs (Beausac).
Var. Dit' donc, mes frères, quel habit prendrai-je aujourd'hui ?
Non pas le noir, le vert, le gris, toujours le rouge est le plus
joli (Fraisses).
2. Les Beaux-Prés-Yssingeaux. Ecrit sous la dictée de Mariannette Gissiou
et de Philomène Soulier.
3. Var. Y en a un rouge, un vert, un tout garni de fleurs.
4. Var. sapre.
5. La chanteuse fait si peu sentir 1'/ qu'on ne sait si on doit écrire lui l'a
plongé ou lui a plongé^
6. Sous-entendu je veux.
LA ROMANCE DE CLOTILDE- 4)1
IIL
VARIANTE»
N'étant trois Frères, n'âpnt ()u*une sœur à marier,
La maridèron cKinquante lègues loin d'écheu,
Li dounér* un homme, le plus roétsan d'aqué pays.
L'a batlunéie deux ou trois fois durant le jour,
La matinée avec un bâton de vert buisson,
La mé-^zouméie avec un bÂton de vert rosier,
A la soiyséie avec un bâton de vert gnfon.
ff Disa, moun homme, me laissais pas alla lava?
— Vas-y, Hélène, prends garde de pas trop parler. ■
Fut pas Ma porte, quel!' n*aperçoit trois cavaliers.
< Sont mes deux frères, je les connais â leur manteau,
« Y en a vun rouge et l'autre qu'il est bien vblcl,
— Oh ! dis, Hélène^ où irai-je donc me cacher ?
— Là-haul 'la chambre, la plus haut' que vous trouverez.
— Oh ! dis, servante, où est-c' qu'il est la dame du château ?
— Suis pas servante, jen suis la dame du château.
— Est-il possible* oh î que vous soyez notre sœur?
i Oh ! dis, Hélène, où cst-c' qu'il a passé ton mari?
— Il est Ma chasse, *rrappe des caill' et des perdrix. «
Le ptus jeune s'avance, le coup de la mort lui a donné.
« Oh! dîs, Hélène, quel habit veux-tu donc porter?
— Non pas le rouge que toute ma vie je l'ai porté,
« Mais si fe noir^ que de ma vie je 1'^ porté, >
Ce chant fut publié pour la première fois, en 1829, dans les Mémoires
delà Société da antiquaires de France^ y sur une communication faite par
M. Cayx de Marvéjols. Il est en patois lozérien. lia pour titre : Romance
dite de Cloîilde. Le voici :
( N'erount très fraires {bis) n'hant qu'une sor à marîda,
N'crounl très fraires (bis) n'hant qu'une sor à marida.
2 L'haut maridado a) pus méchant d'aque) pays.
} L'ha tant batludo emb' un baston de bert poumia,
4 Lou san li coula de ta teste jusques ai pes :
5 Lou 11 accampoun dine une taise d'argen fi.
6 • Aco's bilene, aco's lou bin que tu biouras. »
7 Sa camisetto sembl' à la pel d'un blan moutoun.
8 Ni baî à Taiguo per sa camisetto laba.
9 Pendent que j'iero, ni bcï béni très cabalies.
i . Rochè-en-Régnier. Ecrit sous ta dictée de Marie Vasselon.
2* Var. fût-il possible,
j. VIIL 21^,
4P V. SMtTH, LA ROMANCE DE CLOTILDË
10 « H6la strbanto^ oh qu'est la dame du castel?
1 1 — Suis pas sirbanto, je suis h dame du caslel,
12 — Ah ! ma surette, qu'est-ce qui voas a fait tant de mal ?
I } — C'est, mon chier frère, le mari que m*âvez baillé. ■
14 A donc lou jouine n'i gabppebes lou castel.
1 5 De cambro en cambro jusqu'à que l'o ajut trou bat,
16 Qu'à cop d'espase la teste To ajust coupât.
M. Cayx explique le litre de Romance de Chtilde par ce simple rensei-
gnement que je copie, « Cette romance passe vulgairement pour un récil
des aventures de Clotilde^ filîe de Clovis et femme d- Amalaric, roi des
Visigûths, au vi^ siècle, massacré par Childebert, frère de Clotilde, en
punition des mauvais traitements qu'il faisait éprouver à celle-ci* » Rien
de plus. Il ne faut pas demander à la chanson même la justification du
litre qu'on lui prête : elle est tout simplement le récit des bruulités d'un
méchant mari ei du châtiment que lui infligent ses beaux-frères. Ce mari
ne ressemble pas au païen Amalaric, qui, selon la légende, pour détourner
sa femme de la foi orthodoxe, la couvre de fumier quand elle va à l'église;
cette femme n*avertil pas ses frères en leur envoyant par un messager
secret, comme le fit Cloiilde, un mouchoir teint de son sang. Ni la forme
ni le motif des violences, ni la circonstance si saisissante qui donne réveil
aux vengeurs ne paraissent dans la chanson. Elle ne peut s'appeler
chanson de Clotilde que si une tradition constante, aussi étendue que la
chanson même, lui impose ce nom. M. Cayx ne constate la tradition que
pour une étroite circonscription du Gévaudan, Il est possible que le
nom de Clotilde ait été assigné de son temps à Théroïne de la romance,
mais aujourd'hui, dans le Gévaudan même, il est complètement ignoré
des chanteuses'. En Velay ou en Forez, où j'ai recueilli onze variantes,
il n^est venu à Tidée d'aucune chanteuse de décorer cette complainte du
nom de Clotilde et dVn faire rhistoire d'une royale infortune. Les
chansons provençale et piémontaise n'impliquent par aucun trait carac-
téristique une origine historique définie , et aucune d'elles ne justifie le
nom de Clotilde que, sur la seule indication de M. Cayx, lui ont attribué
les publications piémontaise et provençale. Il est prudent, ce me semble,
de ne donner à notre chanson d'autres dénominations que celles que
lui donnent elles-mêmes les chanteuses. Elles rappellent ou Chanson
d'HéUnt^ ou Chanson des îroîs frms, ou Chanion de Barbe-Bleue, parce
que pour elles tout méchant mari est un barbe-bleue. Entre ces trois
titres, le choix est libre.
Victor Smith.
I. Je l'ai vérifié à Praddles et à Bagnols-les-Bains ; à Pradcllcs, une vieille
m'a dît le Chant Je Clotilde sons le nom de Chant de BarkSUut\ â Bagnols, on
me l'a transcrit sous le nom de Chanl des trois frères.
MÉLANGES,
COLUBRA EN ROMAN.
Les difficultés que présente le traiteraent roman de coluhra ont été
signalées par M. A. Darmesieter, Romania 5, J876, p* 147 n. r. Je
crois qu'il est possible de les résoudre. Elles portent sur trois points :
place de l'accent, traitement de Vu lâtîn, traitement de Vo latin.
Place de l^accent, — L'accent d'acuité latin portait sur la première
syllabe^ l'accent d'imensité roman porte sur ta seconde : latin C'iubraf
français couleuvre, espagnol eu /ei^r^. La même alternance s'observe dans
^nîegrum entier, p^lpetra paupière^ f'nebraeesp. tinleblâ, ^îacrem alègre. En
apparence elle se rattache à l*alternance classique de ciabra tribraque et
de cûiubra amphibraque» mais en réalité les deux phénomènes sont îndé-
pendants l'un de Tautre*
La licence poétique qui permettaît de faire la seconde syllabe longue
dans cùinbra ne reposait point sur un allongement de Vu. Nulle part en
effet les grammairiens ne disent qu'une voyelle placée dans les mêmes
conditions reçoive le circonflexe ; en grec, où la même règle de prosodie
se retrouve, on ne voit ni £ devenir t^ ni 0 devenir (*>, D'ailleurs les
grammairiens disent unanimement que la syllabe longue Test positione et
non naîura. Donc la différence de prosodie entre c^lubra^t coluhra tenait
au groupe de consonnes hr. On prononçait le groupe dans c^-lu-bra
comme dans re-cre-a-re et dans I-xXet;-t£, c'est-à-dire en réunissant les
deux consonnes dans une même syllabe : dans co-lub-ra au contraire
comme dsLnsad-ra-sus, neg-kc-tus, ob-li-îus, et dans èx-Askt*), c'est-à-
dire en partageant les deux consonnes entre deux syllabes ; c^-lu-^bra
est à co-iub-ra comme iUudne crus est à illud nec tus. Or ce partage des
consonnes entre deux syllabes n*est pas admissible pour les formes
romanes dont l'accent d'intensité ne comcide pas avec l'accent d'acuité
4H MÉLANGES
latin. Dans couleuvre le h latin est traité non comme le b latin de oWffia,"
qui subsiste dans le dérivé oublier^ mais comme Icb de la-hra^ fa^a, qui
se change en v dans îtpn, fhe. De même dans paupière le l latin dispa-
raît comme dans ;7a-fr^m pire, ui-îa vie; dans entier le ^ latin disparaît
comme dans pi-gritia paresse^ augustum août ; dans allègre le c devient
sonore comme dans ma-crum maigrCy a-quila aigle, se~cale seigle. Le trai-
tement de la voyelle intense indique d*ailleurs qu*elle termine la syllabe :
Ve bref de in-te-grum et de pal-pe-tra est traité comme IV bref de pe-4ra
pierre, pe-dempiet, et non comme Ve bref de sep-tem^ de con-fec-tum^ de
esse; Va àta-la-crem est traité comme Va de pa-trem^ spa-tha, mare et
non comme Va de uac-ca, de quat-tuor, de map-pa, de sma-rag-dus^ de
fac-tum ; enfin l'ii de cotubra, d'abord changé en o bref comme nous le
verrons tout à l'heure, est traité comme Vo bref de o-pera œuvre, no-uiim
neuf y et non comme Vo bref de cor-nua corne^ fol-iem fol, coc-sit coist
[Eulalie], noc-tem nuit. Ainsi donc, dès qu'on regarde les faits de près,
le latin poétique co-lub-ra et le roman co-ln-bra paraissent bien diffé-
rents.
Entre ces deux prononciations il y a une autre différence, c'est que
Cù-iu-bra est un produit naturel, qui a existé dans le parler latin des
bas temps puisqu^il en reste des traces dans les langues romanes, tandis
que co'luh-ra est un produit artificiel, qui s'est formé dans la classe let-
trée de la population romaine ei n'en est pas sorti. La versification des
comiques nWmet pas encore l'allongement des syllabes analogues à la
pénultième de cotubra ou à la première de patrem : cette licence n'appa-
raît que dans la versification hellénisante, par imitation de la versification
grecque. Les groupes auxquels la versification latine classique attribue
le pouvoir d*allonger à volonté les syllabes brèves sont ceux qui existent
dans la langue grecque et auxquels la versification grecque attribue le
même pouvoir ; le groupe toot semblable qu^ propre à la langue latine,
n'y participe point. D'ailleurs le traitement roman des formes telles que
lâ'bra^ pa-îrcmy pe-tra montre que jamais la disjonction hellénisante des
deux consonnes n'a pénétré dans le parler réeL II est donc plus que
probable que la place de l'accent d'intensité dans couleuvre^ entier , pan-
pure, allègre et tinicbra n'a rien à démêler avec le déplacement factice de
Taccent d'acuité dans les vers latins de l'époque classique. Cette place
serait la même, si les Romains étaient restés attachés à la versification
du temps de Plaute.
La naissance d'un accent d'intensité pénultième vient uniquement, à
mon avis, d'une certaine force que prêtent à la voyelle les consonnes
qui la suivent. Ce qui a empêché de syncoper la voyelle pénultième et
de dire palptra^ tcnbra, intgrum^ alcrem, colbra^ est ce qui a empêché
aussi de syncoper Ve ou Vu de la syllabe finale dans les troisièmes per-
Colabrd en roman 4^^
sonnes verbales et de dire iegnî, debni> La voyelle pénultième dans les
mots comme colubra, h voyelle ultième dans les mots comme tegunt^
subsistèrent donc à cause du groupe de consonnes qui les suivait ; plus
ttrd elles reçurent Taccent d'intensité. Il y eut seulement une différence
entre les deux catégories des voyelles conservées, c'est que les voyelles
pénultièmes comme celle de colubra reçurent Taccent d^intensifé dans
tout le domaine roman, tandis que les voyelles ullièmes comme celle de
dibint le reçurent seulement dans certains dialectes.
Traitement de /'u latin, — L^espagnoi calebraesi pour ' culuebra commt
f rente est po\iT fraente ^= frontem. Si l'on compare cette forme théorique
'ctiluebra et la forme française couleuvre, on voit quelles supposent en
latin populaire coîobra comme haebra et œuvre supposent opéra . Vu bref
latin intense s'est donc changé en un 0 bref, C'est là un changement dont
il existe au moins trois autres exemples, L^italien nuor^ suppose nora m
lieu de nurus^ Tespagnol saimuera suppose moria m lieu de muria^ le
français eaivri (si Pon compare nocîem nuit et cuneum coin^ voir Roma-
nia \\\, 1874, p. ^}4) suppose copreum au lieu de cupreum.
Un phénomène exactement parallèle au changement de H intense en
d^, c'est le changement de ï intense en ?. H y en a un exemple au
moins : c'est genièvre, qui supppose iuneprum au lieu de iuniperum.
Cette énumération d'anomalies vocaliques nous permet de reconnaître
aisément l'origine de l'irrégularité. Sur les cinq mots qui ont été cités, il
y en a deux où la voyelle altérée est suivie d'un r ( salmuera nuora] , el il
y en a trois où la voyeile altérée est suivie d'une consonne immédiate-
ment suivie d'un r (couleuvre ^ cuivre, genièvre). Dans lous cinq la voyelle
altérée termine la syllabe dont elle fait partie. L'altération a donc sa
cause dans une influence du son r sur un ù ou un î ^u/ termine la syllabe
précédente.
En autres termes, le roman a cédé à la même tendance qui produit
en latin addi-ne, cine-nis, amaui-Ram^ Faii-Ria^ mer^-tnix, geni-tRix,
uertê'bRa à côté de addï-tur et addit^cinïs, amauis-sem^ Falïs-cus, merï-
tus, genUtory vertï-bulum; qui donne sê-Ko pour 'sïso à côté des autres
verbes redoublés comme ststo^ bJbo, glgno, -rlOr^î^t ; qui en composition
donne naissance à im-pt-Ro, ob-st^-tRtx, con-s^-cno^ in-tc-gRum à c6té
de per-fl-ciô^ ob-sîï-ttt, con-sUpio^ con-tUguus ; à la même tendance
enfin qui oppose /o-r^ eifô-Rem à fù-i et fu-turus^ ar-bô-RÏs à ar-bUs-
fiim, ro-bô-Ris à ro-bûr, am-phô-Ra à am-pôî-la, an^cô-Ra à i^-ïwi-pa.
Traitement de Vu latin. — En français Vo non intense de cotobra est
représenté régulièrement par au dans couleuvre. Mais en espagnol on
pourrait s'étonner de voir cet 0 devenir u dans culebra.
Ce changement est loin d'être isolé. U est dùj selon U théorie de
M. Schuchardt, au c qui précède l'o. L'influence du c est d'assimiler à
4}6 MÉLANGES
un U laiin les trois voyelles ô, 5, Û^ atones ou toniques. Ainsi curtir,
corroyer, de côriamy cundido^ pitance, de cônditam^ cumpiir de cômpUre,
cuchara de côchkaria^ citbierto de côôpcrtam^ cUslr de cdnsuere^ cunato^
beau-frère, de cdgnaîum (Pa est long diaprés Tanalogie de cdgaitum^
d où vient accoini et non '^cfuf/ïî), caidar^ soigner, de cùgitan, cuno de
Ciïnfum, CEmi?rf de cûmu/um, cuqmlkro^ garçon d'un four banal , de
côqu£Tt, Hors de Tespagnol on a de même it, cucina fç. camVi^ == ta-
quina^ cucchidja aiiller ^ côchkaria^ cuidicr = côgitare. Le latin acâcuia
fait d'une part agocchk et agouilk, d'autre part aguglia aguja aiguilU K
En résumé toutes les difficultés que semble présenter le traiiemeni de
coluhra sont éclaircies par des analogies. Pour la place de Taccenl d'in-
lensiié on a entkr^ paupière^ tiniebla, allègre; pour le traitement de Va
pénultième on a nuora, saîmuera^ cume^ genièvre; pour le traitement
espagnol de l'o antépénultième on a les formes comme cuilkr, cuidir,
aiguilk,
L* Havbt.
n.
SOUCY, SOLSIDE, SOMSIR.
A propos de l'article qui a paru ici sur le mot soucy et son étyroologje
(VI, 148), M.Alart, archiviste des Pyrénées-Orientales, a bien voulu
m 'envoyer les remarques suivantes :
» Je lis dans un acte de j ^^4 relatif au ruisseau d'arrosage d'IUe en
Roussillon : Si contingeret dktum rcdmm vd reckusam dirui per inandatiQ-
nibus aquarumj vel plavia^ vd etiam per sOLCiOES (Dépôt des notaires
d'iUe)* Ici les sokides désignent les « crevasses » qui se forment à la
suite des pluies dans les terrains meubles dont elles entraînent t'éboule-
ment.
u Dans un capbnu fpapier terrier) du prieuré de Marcevol de 1 594,
il y a une propriété située à Vilella (village détruit, au territoire de
Rigardà, canton de Vinça, arrond, de Prades), loco vocaîo solcjdes * alias
SoLSiRES. Tout ce territoire est traversé par une rivière dont les berges
élevées et composées de terres meubles sont sujettes à de fréquents
ébouiemenis. Ce nom s'applique donc ici à des « éboulements i» ou
a effondrements m.
u Enfin il existe dans la commune de Vinça, voisine de Rigardà, un
quartier de vignes situé sur la rive droite de la rivière de Lentillâ, Au*
1. Schuchardt^ Romania,^^ '^7$i ^^i ^«^^ renonce à Texplication patracûlalâ^
ibid., j, 1874, iio. ^
2. « Ma noie^ prise il y a quinze ans, porte Sokaa ; mais c est certamement
une erreur de copie.»
Soucy, sotstde, somsir 4^7
dessous de ce vignoble, et même sous le lit de la rivière^ il existe des
couches de terrain meuble ou de sable qui sont entraînées par des cou-
rants souterrains, et il $*y produit ainsi des cavités intérieures, qui^
presque chaque année et surtout en temps de pluie, amènent des affais-
sements considérables* J'y ai vu une vigne qui en quelques heures s*est
abaissée ou affaissée en plein de plusieurs mètres, et c'est îa même cause
qui a plusieurs fois renversé le poni en maçonnerie construit sur cette
rivière. Tout ce quartier est ainsi désigné dans les anciens capbreus :
A les solslres (1417).
Vineau a les soclres ..... vïntan al portelt de les socires beremum al
portell de les sucires (1466).
■ De nos jours, et depuis le xvii^ siècle, ce lieu s'appelle iessouddes. »
M . Alarti après avoir ainsi établi pour le mot soicidcj sokire ' le sens
d* tt cffondremenl » le rattache à sahscindtfe. Cette étymologie me paraît
peu probable, puisqu'elle n'explique pas Vi (ou r) du mot, sans parler
d'autres difficultés.
D'autre part, P* Meyer me signale trois exemples de somsiî^ participe
de lomjir, aux v. 1295 {^onsis]^ ï]r9 {somsiiz) et }i}i (50m jf^ de la
Cuene de Navarre. Ce mot a dans ces trois passages le sens de u englouti >^
(M. Michel traduit deux fois par « pendu », une fois par « détruit »).
Somsimen, dans Raynouard V, 261, s'applique à rengloutissement de
Dâlan et Abiron. Raynouard donne aussi jumpiir aabsorben>. Il rattache
ces mots à un participe sumpsus qu'on aurait pu former de sumere ; mais
alors il faudrait séparer absolument samsir et ses dérivés du fr. soUlr, du
catalan solcide^ ce qui me paraît assez peu faisable.
En somme, sorpsus icf. I*it. sorso) ayant donné un dérivé sorpsir (d'oii
sopsir, sompsir d^une pari, sorsir^ solsir de Tautre) me semble encore
pouvoir être présenté comme un candidat sérieux pour cette étymologie ;
mais je reconnais qu'il ne s'impose pas.
G. P,
ML
LA VILLE DE PUI DANS MAINET.
A propos de ce vers du Mainet [Romania, V, ^ 17) :
Irons a Calafort, a Pui u a Tudelc,
j'ai mis en note : « Put est sans doute Puigcerda. » M. Aiart m'écrit :
« Je n'y verrais certes aucun inconvénient, mais vous dites (p. îo6) que
ce poème appanient certainement au xir siècle. L'ancienne capitale
1 Cette double forme semble rentrer dans h série des mots où r provient de
i^ ce qui indiquerait un type latin en -dùim (Meyer suggère soitciJuim). Mais
ce phénomène existc-t-il en catalan ?
4ï8 MÉLANGES
de la Cerdagne était Hix, dont la population fut transportée sur le pla-
teau, jusqu'alors inhabité, où se trouve aujourd'hui Puigcerda, en vertu
d'une charte du roi Alphonse d^Aragon du 17 des calendes d'avril 1 177
(mars 1 178). La nouvelle fondation ne fut d'ailleurs terminée que quatre
ans après, comme Pindique une autre charte du roi Alphonse de juin ou
juillet nS2f et il en résulte que Fuigcerda n'a guère pu avoir quelque
notoriété parmi les trouvères avant le xm* siècle. Je n'en connais en effet
qu'une mention dans une pièce (dux[ii° s. ?) de Guillaume de Berga, qui
du reste était à peu près catalan, L^attribution du Pui de Mainet à Puig-
cerda ne parait donc pas admissible» ei après tout, comme ce n^est qu^une
simple conjecture de votre part^ je suis bien convaincu qu'il vous sera
extrêmement facile de la mettre de côté et de chercher ce Ptd dans
quelque autre pays. »
Il m'est assurément très-facile de renoncer à ma conjecture, et je le
fais sans résistance ; il m'est encore facile de « chercher i) ailleurs le Put
de Mainet ; mais de le trouver, c'est une autre affaire. J'aime mieux
proposer une autre explication. Je lirais volontiers Tm pour Put dans les
deux vers, 87 et 92, où cette ville est mentionnée. Il est clair que les
copistes devaient facilement altérer des noms quils ne connaissaient pas.
La ville de Gon, au v. 92, m'inspire aussi des doutes ; mais je ne vois
pas quelle restitution on pourrait proposer,
G. P.
IV.
r/, SIGNE D1NTERR0GATI0N.
Dans un article que nous avons récemment publié (Vl^ i } ;), M. Joret
signale Pexistence en normand d'une particule qui s'ajoute à tous les
verbes (sauf à la a* personne) dans les phrases inierrogatives. Cette
particule existe aussi bien en français^ dans l'usage populaire, que dans
le patois, et elle est exclamative autant qu'interrogative. Une chanson
soi-disant populaire a pour refrain : Nous avons-^ti bUy nous avons-ti ri !
Une caricature que j*ai vue il y a bien longtemps représentait un écolier
rageur qui s'écriait: Oh! les maîtres! je les at-u! La particule fi ne
s'ajoute pas seulement aux verbes, mais à un adverbe : voiU-ft,
vlà'-îi, voilà-ti pas sont d'un usage journalier, et ont été employés entre
autres par Molière et Voltaire, comme on peut le voir dans Linré, au
mot voilà. M. Littré montre, comme M. Joret, que dans cette locution
voilà est traité comme un verbe (par exemple va-t-il) : c'est un curieux
exemple d'analogie populaire.
L ancien français distinguait la proposition interrogative de la propo-
sition ordinaire en plaçant dans celle-là le pronom personnel après le
I
Ti, PARTICULE INTERROGATIVE 459
r?crb€. La langue moderne a gardé ce procédé pour les 2« personnes :
aimn-taf aimez-vous f Elle hésite déjà plus à s'en servir pour la i'* per-
Ljonnc du pluriel, et dit plus volontiers est-ce que nous avons î que avons-
imus ? La I ^^ personne du singulier ne l'emploie plus guère que dans le
style littéraire ; dans la première conjugaison, on commence même à
Féviter : aimé-je? qui a remplacé Tancien aim gié^ s'écrit à peine et ne se
dit pas ; dans les autres conjugaisons, quelques verbes très-usités, ai-jc,
suiS'je, vois'jtf dis-je, dois-je^ f^^s-jt, l'ont conservé ; pour les autres il est
hors d'usage ou employé par raillerie : dors-je, cours-je? En place de
cette tournure élégante, les gens cultivés emploient la périphrase : est<e
qat />,,.,, le peuple dit : fame-tiy fai-ti^ je dors-ùy etc. A la %* personne,
on a conservé la simple inversion ancienne : aime-î-iU a-t-il, vitnt-ilj
don-iî, et de même aime-t-eliey etc.
L'application aux personnes autres que la y* de la syllabe ù {-î-i!)
offre assurément un fait grammatical des plus remarquables. Elleprovient
d'une part de Punion indissoluble créée entre le verbe et le pronom
personnel précédent par l'emploi constant de celui-ci (inconnu au moyen
âge), notamment dans les verbes commençant par une voyelle : j'ai,
j'aime, etc., d'autre part du besoin de clarté, qu'on a satisfait soit par
|*emploi de la périphrase «i-rf, soit par la création, à Taide d'une sorte
de transplantation, de la particule imerrogative et exclamative ti. Si les
monuments de la langue française étaient perdus, et qu'on n'eût pour
tudier l'histoire du latin en Gaule qu'un patois, on serait fort embar-
sé de rendre compte de l'origine de cette particule.
Nous sommes» grâce à l'étude du développement de la langue^ en
mesure d'expliquer parfaitement ce îi singulier : il provient de ta 5* per-
sonne ; mais cette y personne elle-même y a-t-elleun droit aussi incon-
testable qu'il le semble ? Il faut distinguer. Dans toutes les 5** pers.
du plur. le t laitn s'est toujours maintenu, ainsi que dans la ?* pers.
sing. du prés, de Tind, dos verbes dérivés de verbes latins des 2% ?* et
4' conjugaisons, excepté habere et vadere : on peut admettre que dans
i yû-f-iY le t de vat lou mieux voit) s'est préservé (cf. vat en ville) ; je
fl'admettrais plus difficilement dans a-t-H, parce que at a disparu de la
langue bien plus tôt que vat ou vait, et parce que si on l'admettait pour
a--î-il, il en faudrait dire autant de tous les futurs (chantera^î-il, etc.),
ce qui est peu probable, comme on va le voir. — Dans les impar-
faits, le t latin s'est conservé, aimait-il^ etc. ; de même dans tes condi-
tionnels, et aussi dans les imparfaits du subjonctif : aimif-i/, fut-elle^
etc. — Dans les parfaits, it faut distinguer trois séries : i" les parfaits
forts précédés anciennement d'un s : dit, fit, ou d'une dentale : Hf, ou
appuyés sur une nasale : vint, tint ; dans ceux-là le t remonte à l'anti-
quité ] 2^ les parfaits faibles des conjugaisons autres que la première :
440 MÉLANGES
mourut, partit, flemt^ reçut, etc. ; dans ces verbes le t tombe au moyen-
âge plus souvent qu'il ne subsiste ; cependant on peut croire qu'il s'est
maintenu dans la forme inversive ; 3" les parfaits de la i^" conjugaison :
chanta^ où le t tombe dès le commencement du xn" siècle : il s'agit de
savoir s'il faut reconnaître dans le t de chanta-t-il le/ de il chantât qu'on
trouve par exemple dans la Chanson de Roland, — La même question se
pose pour le présent de Findicatif de h 1 " conjugaison : doit-on consi-
dérer chantc-t'il comme représentant chantet-il, qui était certainement la
forme normale à Tépoque où on disait : // chdnteîy c'est-à-dire au
xi'' siècle ? Les grammairiens du siècle dernier regardaient le /de chante^
i-il, chantera-t'il et chanta-î-il comme purement euphonique ; les gram-
mairiens actuels le regardent comme étymologique \ peut-on arriver à
résoudre la question P
Diez (trad. fr. Il» 253) dit, sans essayer de distinguer les divers cas,
qu*il est difficile de ne pas reconnaître dans ce î un débris de l'ancienne
flexion, mais il ajoute une remarque importante sur laquelle je re-
viendrai tout à rheure. — M. Littré jà l'articie T AuDictionnaiTe]^ après
avoir expliqué ce qu'est le î dit euphonique, s*exprime ainsi : « Ce f est
étranger à l'ancienne langue, du moins quant à la prononciation. Dans
les très-hauts temps, il s'écrivait, mais ne se prononçait pas le plus
souvent. A la fm du xii*" et au xin<^ siècle il ne s'écrivait ni ne se pronon-
çait : les vers montrent que Ton disait aimt il en deux syllabes, et non
comme nous en trois syllabes aime-î-ii Mais la prononciation actuelle
était en vigueur dès le xvi" siècle au moins ; car les grammairiens de ce
siècle nous apprennent que, bien qu*on écrive aimé t7, on prononce
ûimt-t-iL » — M. Bracbel, aux paragraphes 262 et 288 de sa NotivelU
Grammaire française (Hachette), M. Marty-Laveaux au § 186 de sa
Grammaire Instonqae, U. Ayer aux §g 257 et 275 de sa Grammaire
comparée de la langue française, repoussent unanimement et sans hésita-
tion le nom d'euphonitfue donné à ce f, et l'expliquent comme un débris
de î'ancienne conjugaison il aimet, etc. On voit que tandis que les dis-
ciples présentent la solution comme certaine, les maîtres sont plus cir-
conspects : Diez a l'air de sentir que le terrain sur lequel il s'avance est
glissant ; M. Littré ne donne même aucune explication bien nette.
En revanche il apporte un fait d'une grande importance dans le débat,
et qu'ont négligé les philologues qui l'ont suivi : c'est que ce I, prétendu
étymologique, n'existait pas aux XHi* et xiv* siècles. Il ne suflfirait pas
de dire avec Diez qu'on trouve aima on, chanta elle, car on pourrait
répondre que, comme au xvr siècle, la prononciation intercalait le /; il
fallait signaler le fait que dans aime il, chante elle, Ve s'élide et par consé-
quent n'était pas séparé de la voyelle suivante par un t même prononcé.
Cette élision de l'e est-elle générale au moyen âge ? C'est un point qui
Ti^ PARTICULE INTERROGATIVE 44 1
demanderait une étude spéciale. M. Littré a certainement bien tort de
dire que, « dans les très-hauts temps », il s'écrivait et ne se prononçait
pas : c'est un reste des fausses doctrines de Génin, qu^il condamne
assurément aujourd'hui, mais auxquelles il n'a pas sans quelque dom-
mage adhéré pendant longtemps. Le i se prononçait au xi^ siècle ; plu-
sieurs discussions récentes ont établi ici même que dans le Roland il
commence à s'ébranler j mais il est sûr qu'on en trouve .des traces, dans
l'écriture et dans la prononciation, jusque fort avant dans le xii^ siècle. Il
est probable aussi qu'il faut distinguer les dialectes : ainsi le t de mouru^
fUy nndif parait être tombé de bonne heure en picard et s'être main-
tenu jusqu'à nos jours dans le français propre. Mais en thèse générale ta
remarque de M, Littré est incontestable : on prononçait aim' i7 et non
aime-t'it. On prononçait aussi chantd-it et non chanta-i-il, comme le
prouvent des contractions telles que dif die pour dira elle (Chansons da
XV^ siècU, p. I })- Au XVI* siècle on intercalait un f dans la prononcia-
tion, comme l'attestent les grammairiens, et on a fini par l'écrire. Mais
est-il croyable que ce t si récent remonte par dessus quatre siècles au I
étymologique de chanta^ chantera!^ chantât ? Je ne le crois en aucune
façon.
Est-ce donc qu'il faut en revenir au î « euphonique n de nos pères ?
Je ne le pense pas non plus. Chante il n'a rien de choquant pour l'oreille,
et nous disons depuis sept cents ans j*ai eu sans éprouver le besoin
d'intercaler une i, it a ea sans avoir même gardé le t étymolo-
gique. D'ailleurs Peuphonie est une tendance réelle, mais qui ne
s'exerce qu'à l'aide de matériaux q^i'ellc ne crée pas. La grande per-
turbatrice des lois, ici comme ailleurs, c'est l'analogie. On disait:
chanteni'Us, chanîait-il, chantaient-ils^ chanteront-ils, chanterait-il ^ chan-
teraient-^lSy chantât-il^ chantassent-ils ; on a dit de mémt chante-t-ilfChanr-
tera-t-il, chanta-t-iL On a dit en outre chante-t-il parce qu'on disait
boit-iif dort-il^ court-iî, est-il, reçoit-il, etc. On a d'ailleurs renoncé parla
aux formes contractes fl/m' i7, dir^ elle, qui nuisaient à la clarté, et on a
tendu obscurément vers ce qu'a réalisé plus tard le parler populaire, la
création d'une particule interrogaiive ti, abstraite de toutes ces 3*' per-
sonnes en -f-//, et favorisant à la fois la clarté dans Texpression et la
paresse dans l'élocution, puisque grâce à elle Tauditear comprend tout
de suite le caractère de la phrase, tandis que le parleur n'a pas à se
donner la peine de recourir, soit à une interversion qui dérange le
moule habituel de son discours et la forme constante de ses mots, soit à
une annonce périphrastique (est-ce que) qui a l'inconvénient de devoir se
placer avant le verbe et d'exiger par conséquent un certain effort de
prévision de sa part.
Tout ce que je dis de l'interrogation, il faut l'appliquer à l'exclama-
44^ MÉLANGES
tjon. Voilà â dû à sa terminaison, analogue à celle de chanta^ chanterap
ei à son usage particulier, Taddition du ti réservé d'ordinaire aux verbes.
Parmi ceuxH:i, la 2'^ personne s'y soustrait généralement; cependant j*âj
déjà entendu dire plus d'une fois : T^as-îi ha f vous passerez-îi par (à f On
entend aussi, bien que rarement : as-tu-ti buf viendnz-voas^ît me voir f
Jl y a là i*accumulation maladroite de deux procédés; elle est certaine-
ment éphémère, tandis que l'emploi de lï comme particule interrogative
nécessaire (comme // en russe) ira certainement en se généralisant et
finira par pénétrer dans la langue commune, lentement et malgré de
longues résistances si nous conservons une Académie et un enseigne-
ment officiel de la grammaire^ brusquement et sans luttes s'il arrive
qu'une invasion étrangère détruise chez nous, comme elle Ta fait il y
a quatorze siècles dans l*empire romain, la culture et la transmission de
l'usage classique.
En résumé, si je ne me suis pas trompé, sur ce terrain enlevé triom-
phalement à Teuphonie par l'étymologie, c'est l'analogie qui a le droit
de poser son trophée. Elle compte déjà, dans Thistoire de notre gram-
maire, plus d*une heureuse revendication de ce genre, et elle en a encore
plus d*une à exercer.
G. P.
Tl INTERROGATïF EN PROVENÇAL MODERNE \
Les dialectes modernes de la Provence et du bas Languedoc aiment à
placer le mot ti après toutes les personnes du verbe dans les proposi-
tions interrogatives. Quelle est Torigine de cet usage et comment faut-il
appliquer ce mot ? Je vais essayer de répondre à cette double question \
mais il est nécessaire de donner auparavant quelques exemples :
Sing, t'* pers. : aurai li ben lou couer ? va pourrai ii faire ? {Vâiïtih
religieuses, p. 197); pouede a la refusar f (Damase Arbaud» l, p. 11);
pourrai ti faire aco? {Armana prouv, 187c, p. 28).
2" pers. : sabes fi/ (^Revue des L r., VII, 402); deuries ti pas P
{Àrm. de Lengadt 1876, p, 29),
^« pers. masc. : agué ti pôu ? (Saciété des langues romanes, concours de
1876, p. 7?)'
î' pers. fera. ; la principautat es ti granda ? (Faure, Siège de Cadt-
roussûy édit Rouroanille, p. 87) ; fuguesse ti { (Isclo d'or^ p. 220).
^^^^^ — -^ — ^^- — - - — m
I. [Nous insérons cette note de notre savant collaborateor, qui contient des
exemples utiles, bien oue nous ne partagions pas sa manière d'expliquer le phé-
nomène en question. Il nous paraît évident que ce n méridional vient du français
et n'est autre que le ti étudié dans l'article précédent. — Rià.].
Ti INTERROGATIF EN PROVENÇAL MODERNE 44 J
î* pers. neutre: n*esi-ff pas aco piiouyable ? (N. Fizes, Rime IIJ,
lai) ; U a ti res de pus dous f {Théâtre de Béziers, W, 80} ; se pôu H i
Pluriel, r* pers. i que pouden fi faire per vous ? (Vanétés reUg,^
Uij ; auren H de bona lousella ? (Favre, Cad,^ p. j j).
2e pers. : ses ti segur ? (Th. de Beziers^ II, i Î4)î veules ti Jésus ou
Barraban î {Var, relig,, 280) ; venes ti per nous cerca ? (Favre, Cader.
?" pers* masc, : meiuoou ît degus a coubar ? {Poésies biterroises^ 90);
uoubarôu ti > {Revue VU, 166),
)c pers. fém. — Je n^aî pas d'exemples ; niais il est probable qu^on
peut dire troubaréu ti pour trounronî^lUs comme pour trouveront-ils ?
On voit clairement que dans tous les exemples précédents, ti joue
absolument le même rôle que la particule enclitique ne en latin, et il y
a tout iieu de penser que^ dans l'esprit de ceux qui s'en servent, ce mol
est aujourd'hui dénué de toute signification propre. Mais je pense qu'on
ne doit pas hésiter à y reconnaître le pronom ff, datif singulier de la
2* personne. Ce pronom a été empbyé souvent, dans l'ancienne langue,
d'une manière explétive, particulièrement avec les verbes cuidar, pensât
et semblables '. Grâce à l'habitude qu'on avait prise d'en faire ainsi usage
dans des cas où la notion qu'il exprime pouvait ne pas paraître indispen-
sable au sens, on finit par perdre le sentiment de sa valeur réelle, qui
est celte de tibi, et à liii attribuer celle de ne que paraissait indiquer sa
position ; et Pon fut ainsi naturellement conduit à l'employer, non plus
seulement, comme à l'origine, avec la 2' pers, du singulier, mais avec
toutes les personnes et à tous les nombres.
Camille Chabaneau.
VI.
DU TRAITEMENT DES LABIALES P, B, V, F DANS LE
ROUMAIN POPULAIRE.
Les labiales p, ^'^y\ f présentent en roumain un curieux phénomène
qu'on n'a pas encore jusqu'ici mis en pleine lumière ' : c'est leur rem-
placement dans des cas déterminés par les palatales correspondantes.
. Voici deux exemples :
E cujas ti qu'en paradis
Aia hom taient de man|âr?
{Flamenca^ 6091.)
E pensas ti tu oue sia en lo mont autra dieu ni autra rey tant poderos... }
iRhtti dlust. sûinttj etc., pubL par V. Lcspy et P, Raymond,
p. 180.)
, Diez en parle en différents endroits de sa grammaire; mats d'après lui il n'y
444 MÉLANGES
Ce phénomène s'observe dans tout le domaine roumain ; mais il n'est
pas partout également développé : en Moldavie, en Bassarabie et en
Boukovine, c'est IMtat normal du parler populaire et même de la con-
versation familière ; on le trouve sporadiquement en Valachie et en Tran-
sylvanie et il est constant dans le dialecte macédo-roumain Pourtant ce
phénomène si répandu, les grammairiens l'ont jusqu*ici passé sous
silence. Ne s*en sont-ils pas aperçus ? C'est peu vraisemblable. C'est
qu'en Roumanie, par suite d'un singulier préjugé, on trouve peu conve^
nable de relever des phénomènes du langage qui ont pour effet de modi-
fier la physionomie latine de la langue nationale. La langue à tout prix,
de par les grammairiens, doit rester latine. — Voici les faits :
Les labiales /ï, by v, f suivies d'un i palatal sont remplacées par les
palatales /ci, ^/, gi^ hi :
Un, roam. pop*
Herde
hptine
kept
ftiatrâ
Kedicâ
cràkt
dnikiû
suskind
éine
coréï
orfi
aléisor
her^ï
tatin
roum
perdit
pierde
peclinem
pieptine
peaus
piept
peira
piatrâ 1
pedica
piedicâ
crêpas (2« p, du s.)
crâpT
canabinus
clnipiû
suspirare
suspinà
bene
bine
le plut, corvî
corbï
» orbi
orbi
abbiciolus
albisor
ferves (2* p. du s,)
fierbit
V vinum
Vin
^gtn
a que îe changement de / en h mi existe dans tout le domaine roumain (lomc F ^
p. 26], traduct. française); le cnangement des autres labiales est restreint seule*
ment au dialecte macédo-roumaîn. Ainsi pour vil dit: « le passage de v initial 1 g
(seulement devant c ou if) est propre au valaqoe du sud ■ (tome I^ p, 449); cl
pour p et ^ : f on observe dans le va laque du sud des passages du p au ch {h)
et du h au g/ i (tome II, p, ^4). Quant â l'explication du phénomène^ Dicz ne
la donne nulle part. Toutefois, en parlant du changement de v tn g \\ î^
demande : si le fait ne se passe que devant t ou i; si / n'est ici qu'adventice, et
si la chute du k fi'est pas amenée par son intrusion (tome I, p. 449, trad. fr).
Nous essaierons, dans cette notice, de résoudre les questions posées par Diei»
et cela non-seulement pour v, mais aussi pour /?, ^ et/.
I . Nous représentons par a le son que Diez note ^ et qui est analogue â Yt
inuet français^ et par î ce son particulier au roumain, que Talphabct cyrillique
rendait par le signe ïqus et que Diez note g. Quant aux 1, û ils désignent des ï
cl des u qu'on ne prononce qu'à moitié.
a. Le f de gin^ gcr, etc. se prononce comme g italien suivi de «^ i Mais
LE TRAITEMENT DES LABIALES EN ROUMAIN POPULAIRE
g^r
44 S
verres
vicr
vespa
viaspâ
F fera
fiari
6at
fie
filius
fiû
Corainem expliquer cette transformation apparente des labiales en
palatales ? Remarquons que ce phénomène ne se produit que lorsque les
labiales, dans le roumain littéraire, sont suivies d'un i.
Cet ï a pour origine soit un i voyelie venant directement ou non d'un
i latin : corbt^ dibï ; ferres (Jerbes jerbis ferbi)^ cràpi {crêpas crêpes
crépis crapï), soit un e latin. Dans ce dernier cas, IV ' a donné naissance
à une diphthongue ie ou à une diphthongue ia et notre i est le premier
élément de cette diphihongue : pierde^ piept^ piaîrâ, etc.
Cet i disparaît souvent de la prononciation savante. G race à l'influence
que le laiin exerce sur la langue littéraire on écrit : perde^ peatrâ etc.,
et on s'efforce de prononcer ces mots comme ils sont écrits. Quoi qu'il
en soit de cette prononciation, Vi ne s^en fait pas moins entendre dans
la bouche des personnes que le latinisme n'a pas totalement envahies, et
cet / n'est pas une voyelle mais une consonne : pyaîràj vye, pyerde,
fyu, etc.
Ce caractère de consonne est si bien établi que jadis !*écriture cyril-
lique le notait expressément. Elle surmontait cet i de deux points ; ainsi
Ton trouve souvent : pïarde, pïdtrajfie etc.
C'est ce yod palatal, conservé dans la prononciation d'une certaine
classe de la population (dans les provinces oi^ le langage populaire est
totalement envahi par le changement des labiales dont nous nous occu-
pons) , ou de certains endroits d'une province (pour les provinces où le
phénomène ne s'observe que sporadiqueraenti, qui, dans la bouche des
gens du peuple, s*est durci au point de devenir une véritable consonne
palatale, capable d'amener la chute de la labiale précédente. Voilà com-
concurremment avec cette prononciation il y en a une autre oh le g a un son
identique au Tàtii^a du grec moderne dans des mois comme ycvoci t^Y^aittt ; ainsi
on entend : y'm^ t^r , etc.
I. U y a eu en roumain deux sortes de diphthongaison de \*e, qui se sont
produites à deux époques différentes : l'une, celle de e brd accentué, très-
ancienne et due aux causes qui ont amené la diphthongaison de Ve bref accentué
dans presque tout le donuaine roman; Taulre celle deï'f bref ou long accentué,
relativement récente et due à Tinfluence d'une voyclk ou d'une consonne sui*
vante.
Dans le premier cas nous avons :
Is i< en dehors de l'influence de toute voyelle suivante, comme dans l^owfôj
përio*pier, etc.
Et dans le second :
#, ë (i) =^ ia sous rinfluence d'un a ou d'un e suivant, ptUa^puttrâj gem'giariij
nriitm*mràc.
44^ MÉLANGES
ment les groupes labiaux pi^ bi^ vi, fi^ après être devenus p^i^ fc^î, vgi,
/Ai, se sont réduits à Kij gi^ gt, ht.
On trouve encore çà et là les traces de cette étape intermédiaire où U
labiale persistait encore à côté de Vi devenu consonne. Ainsi dans le
parler populaire de toute la Moldavie on prononce encore copkii (enfant)
et iupkî (des loups), mots que la langue littéraire et le parler populaire
de certaines autres provinces prononcent copil, litpL De même on entend
encore dans les montagnes de la Moldavie : bgine^ phtdc^ pltrt^ etc.
Cette prononciation difficile ne pouvait pas se maintenir» aussi a-t-eîle
disparu en général. Mais les traces d'une telle prononciation nous mon-
trent l'existence d'one phase antérieure à celle d'aujourd*hui et nous
prouvent que c'est bien Vï qui a dégagé la consonne palatale et non pas,
comme on dit ordinairement, la labiale qui s'est changée en palatale.
Toutefois on ne peut pas prétendre que la labiale n*ait eu aucune in-
fluence sur le durcissement de !'/,■ autrement nous aurions eu la même
palatale dans tous les cas, tandis que nous avons pour pi^ U; pour hU
^i ; pour W| gi et pour f lu. Cette différence ne peut être attribuée qu'à
^influence que chaque labiale a exercée sur b nature de la consonne
nouvelle : celîe-ci en se dégageant du yod s'est accommodée à la labiale
précédente, devenant muette ou spirante si la labiale était muette ou
spirante, devenant sourde ou sonore si la labiale était sourde ou sonore^
de manière à former avec elle un groupe naturel dont le premier élé*
ment devait ensuite tomber.
L'ébranlement a commencé par la plus faible des labiales» par Vf, En
effet dans les chroniques moldaves du xvtr et du xvui^ siècle et dans
les différents monuments roumains de la Moldavie, on trouve concur-
remment : hie et Jîe, hiarî et fiier^ her et fier etc. Mais les premières
formes sont plus fréquentes que les secondes. On peut affirmer que
Tébranlement des autres labiales n'avait commencé ni au xvir siècle ni
dans la première moite du xv!!!-^ ; car si ce fait avait eu lieu alors, les
chroniqueurs, qui nous donnent Timage fidèle du parler populaire quant
au changement de fi en hi^ sans s'inquiéter des formes latines, nous
auraient sans doute donné des exemples du changement des autres
labiales. Et si les chroniqueurs, quelque peu lettrés, s'en étaient fait
scrupule, les scribes du xvir' et du xvm* siècle, avec leur négligence
ordinaire, se seraient trahis çà et là dans leurs écrits. Il n'y a donc que
le changement de fi en hï qui soit ancien. Quant aux autres changements
ils n'ont pu commencer que dans la seconde moitié du xviii* siècle. Ce
n*est d'ailleurs que parce que le changement de pi en Ici et de bi en ^i
est assez récent qu'on s'explique rexïstence de cette prononciation tran-
sitoire que font entendre encore aujourd'hui les montagnards de la Mol-
davie. A. Lambriok.
MÉTATHÈSE DS tS EH St 447
vn.
METATHÈSE DE TS EH ST ET DE DZ EN ZO,
La remarque fournie par M. J, Banquier, Romanta^ 1876» p*49i,
sur la transformation de ts en st en patois de Queige ne touchant qu'une
partie du phénomène signalé, qui n*étaJt pas nouveau pour moi, qu*il me
soit permis de revenir sur ce sujet, d'autant plus qu'il s'y rattache une
question phonétique et orthographique que je crois voir ici tranchée
définitivement. Je puise ma science en cette matière dans un hvre dont
on a dit beaucoup de mal' (dont on peut pounani tirer d*utiles ren-
seignements aussi longtemps que rien de mieux n'aura paru), et que
M, Joret a connu, puisqu'il le cite à plusieurs reprises dans le cours de
son ouvrage sur la gutturale*. Ce livre est celui de l'abbé G. Pont sur
les Origines du patois de la Tarentaise, Paris, 1872, p. 1 ?8-i48, oii se
trouve un important échamillon du patois de la vallée de Beaufort. Aux
exemples rapportés par M. Bauquier, je puis ajouter ceux qui suivent :
St au commencement des mots.
stenef, p. 158
Jorat (Vaud
) ÎSène CATENAS
stenaîîâ p. 140
—
tscneta * catenitta
stacon p. 138
—
tsacôn chacun ?
stantâ p. ï^^sîanîonp
141 ^
tsânîa tsanîan cantarb gantant
stolon p. 140
est probablement le substantif
verbal de tsalunâ tsalina. Voir
p. 122 et le Glossaire de Bri-
de! s. V.
stiép. 141. 145
—
uî (in) CASis
stiivrettes p. 142
—
tsèvrette 'capritta
nier p. 14$
—
txè CARUM
siûvanion p. 147
Gruyère
tsavantàn qtii signifie hache de
hois et non corde comme tra-
duit l*auteur.
starbounâ p. 147
Jorat
tserbanà ' ca rbon atus
1
St dans rîntérieur des mots.
gaustep. 138
Jorat
gôtsè gauche. V. DiezE.WJIc,
tesiu p. 140
-^-
Cf. le V. Utst it» LECCARE
1. Voir Revue critt^fut^ 1872, I, p. 107M08. A ces reproches bren mérités à
iQOn avis ajoutons une accusation plus grave, c'est de piller sans critique et sans
le citer le Glossaire du doyen BriacL
2. Cependant la note ae la page 210 ferait croire qu'il a connu la métathèse
dont il est question, mais qu'il n'y a attaché aucune importance.
MÉLANGES
— hlfotsetu
*CLOCITTAS
— derotsl
*ît. DIROCCAÏKB
— enpatst
^IMPACTARI
— ecortxd
*KXCORTlCATA
INCANTATUM
448
cliostettesp. 142
dtrostia p. 144
einpastiip. 144
decorstia p. 145
einstantAp. 145
Exceptions.
debotttsep. 1)8 ^âii^ débauche.
ceintu p. 142, ceintu p. 145 Jorat senencè
petzttiu p. 142 — pètyùde
appartzin p. 14) — apartin
vetzap. 145 — vaycè
tzan-tza p. 146 — Djan-djan
petzd p. 147 — petst^
Mais non-seulement u subît cette métathèse, nous b
aussi dans dz,
Zd au commencement des mots.
rencontrons
zde plusieurs fois.
EGO
idodzep. 146
EGO EGO
zdoyon p. 148, \/^o,zdoya^
Gruyère
dziïyon^ dziiyt *jocant jocatum
p. 141.
zdorp. 1)9
Jorat
dzà DIURNUM
zdap. 142, 14J, 144»
—
dza JAM
zdure p. 144
Gruyère
dzure JURAS
zim p. 147
—
GENUS)
Zd dans le corps des mots.
demeinsde p. 1)9
Jorat
dmendzé dominica
areinsdon p. i J9
—
arendzon arrangent
ro5t<« p. 140
—
ràdzu RUBEUM
presdon p. 140
—
prtdzan praedicant
m«<f« p. 144, mesdon 141
mèdze medzan manducas mandu-
sous Pempire gant
de rinfinitif médzî
reinsdia p. 141
—
rendit rangé
/o5(f/â P- 141
—
lodzl logé
arasdia p. 145
—
enradzi 'arrabiata
1 . Peut-être qu'il y a des fautes dans cette série, mais il est intéressant de
constater que si au lieu de ts ne se rencontre pas dans les exemples où le déve-
loppement de ts est récent, ainsi que le prouve le patois de la Suisse romande.
2. Cf. encore sta^ p. 141, qui est probablement une faute d'impression.
j. Voir là-dessus I article de G. Paris dans les Mémoires de la Société de lin-
gmstitjue, t. I", p. 189-192.
449
TOTOS •dIURNOS
POLLICES
DICUNT
Deum
AD Deum
MéTATHèse DE tS BN If
foziorp. i46tûsdorp. 148 Gruyère todioa
fousdis p. \j^6 Jorat paudto
Exceptions.
orp, ijS, 146
m p. 1 ^9. Cf. pi. haut don Gruyère dyon
d:i€ p. 140 — Dhyù
adze p. J44 — adyû
djablotin p. 146
djabU p. 147 — dyâblyo
Ici également où l'endurcissement en dz n*a pas eu lieu dans la Suisse
romande nous voyons que dz ne subit pas la métathèse.
Maintenant comment faot-il rendre compte de cette métathèse, dont
il roe parait résulter que ts et dz, de même que tx [tch] et dj, ne sont pas
des sons simples, comme on a déjà voulu les poser, mais bien véritable-
ment des sons composés, auxquels conviennent très-bien les transcrip-
tions employées par les paysans? Je suppose qu'on aura d'abord pro-
noncé 'stsantà au lieu de îsantâ et ensuite par dissimilation stanîâ^ de
même *zdzor au lieu de dzor, et puis zdor,
J. Cornu.
DIABOLUM
X.
UN EXTRAIT DU ROMAN DE LA ROSE.
l Dans son précieux Recueii de poésies françoises des xv* et xvi« sièdes^
i. m, p. 162-7, M. de Montaigbn a donné sous ce titre: « Le jaloux qui
1 bat sa femme » la réimpression d'une petite pièce gothique faisant partie
de la bibliothèque de M. Cigongne, et contenant environ 1 50 vers, dont
I les premiers sont ceux-ci :
Lors la prent aux poings de venue
Cil qui de mal talent tressue^
Par les tresses et sçaiche et lire;
l^es cheveulx lui rontet dessire
Le jaloulx et sur luy s*aourcc
Comme faict un lyon sur rourcc,,»
M, de Montaiglon a remarqué avec raison que le texte de cette pièce
est fort corrompu, et de cette incorrection a conclu à Texistence d'une
ou de plusieurs éditions antérieures, n II n'y a que des réimpressions
successives qui puissent arriver à produire des phrases aussi inimelli-
gibles. »
Ce morceau est en effet beaucoup plus ancien que Tédition gothique
de M. Cigongne. H est tiré du Roman de ta Rose (éd. Fr. Michel, 11,
^ 1 1). ïl serait curieux de savoir si d'autres extraits du Homoft de la Rou
ont été de même copiés ou imprimés à part.
P. M.
ftomania^ VI 2^
ÉÊÊ
CORRECTIONS.
! SUR LE DONAT PROENSAL.
■j
Malgré ce qu'a pu « coûter de soins » à M. Guessard « la publication
i d'un aussi mince volume » ', malgré les corrections faites ici même
j (I, 234-6; II, 337-47; VI, 136-41) par de savants maîtres, il reste
encore des taches dans le traité de Faidit : j'ai essayé d'en enlever
quelques-unes.
lo-ii. « Dérs — evectus. » Corr. erectus comme dans « dérs —
1; erexit » 48 a et 22-3, « dértz — erigit » 49^, « dérs — erectus » 48 a.
lo-ii. i( Cors — cursus, socors — auxilium, ors — ursus, sors —
desurgo, resors — deresurgo », sont placés à tort parmi les mots en ors
larg, tandis qu'à la p. 56 b ils sont placés parmi les mots en ors estreit.
Ce passage «était fort défectueux», de l'aveu de l'éditeur, dans Péd. de
1840 ; on peut croire qu'il l'est encore dans celle de 1858.
lo-i I . « lis — levis. » Lisez Unis comme p. 52 a. Levis se traduit par
leus 51a.
22-23. « Absôls, vols, revois — absolvit, volait^ revolvit. » Lisez
volvit ainsi que M. Tobler a corrigé pour vols $ 3 b.
28 a. « Assaiar — tractare vel probare. » Corr. tentare. Cfr. « ensahz
— probaiio vel tentes » 44 ^, « assais — probatio vel probes » 41b ^
a ensais 0 ensaies — probes ^) 59 fr.
K) a a Bresar — ad capiendum aves sonum facere. » Corr. llgnum
figere. Cfr. « brés — lignum quo aves capiuntur » 8-9, « lignum fixum
propter aves » 49^.
« Buscalar — ligna parva colligere » mieux vaudrait buscalhar, Cfr.
buscalha 62 b. — De même, 30 b empenhar plutôt que empenar (in pignore
mittere). Ces fautes et d'autres du même genre, que je ne relèverai
plus, sont le fait du copiste italien de notre traité.
a Castiglar — digitum ponere sub ascella alterius ad provocandum
I. Grammûires provençales. Avertissement, p. viii.
SUR LE Donat proensal 45 1
Itisum, » Risum semblerait meilleur, puisque casûglary chastdier\ chatouil-
ler fait rire,
l^ a. i( Escondre — excutere granum. »> Si la correction de M. G.
Paris est bonne {escodre^ comme secodre)^ il faut de même corriger
« escodre — excutere » 24-25, Escoudre s'employait au siècle dernier
en cévenol fSauvages ; Joseph Séguier, Dicl. ms, cévenole la Biblioth*
de Nîmes), Il est usité en rouergai ou mieux rouergas (Vernhet père,
PoésUs paîoists, Rodez, 1877, p. 14).
40 a. « Cracs — sanies naris. w II semble qu'il faudrait ons [escracar
^ cracher jo b] , puisque « sanies naris » est traduit ailleurs par mocs 5 ^fr.
40 b. « Juenals — jenialis ». Lisez Ivtrnais — iemalts : ces mots sont
placés entre maids et eiîivals,
41 b. « Emalhz — subsecas. » Corr. subseces ou sabsectes (« lalhz —
sictis, retalhz — iierum sectes j> 41 b).
42 b. c( Cans — cambias. » Corr. cambies.
4Î a. < Carcs — oneres onus. » Le mot onus est inutile |« descarcs —
exonères 4^ b], îl fait double emploi avec le mot suivant « carcs — o/ïui«.
41 b. « Departz — dividas. >» Corr. dividis.
45 b, et Encèxs — cxseqaem. » M. Tobler corrige euiceris, W vaut
mieux exceas. Le copiste aura été induit en erreur par les sequeris, per-
scquerisy consequeris qui suivent.
46 d. (( Escauèlz. n Listz escayèlz^ dévidoin
46 fc. <f Aparélz — appâtas vel prépares, n Corr. aparéîhz — appâtes.
« Télhz — telz, arbor etc. i» Lisez a Télhz^ télz — arbor etc. i>
47 a. «c Préns — apprehendit. » Corr. apprehendU.
48 a. if Airs — procuravit* » Corr. adérs comme dans « adén —
necessaria dédit n 22-î, et a adérs — procuratus n 4^ a k c6té de
« adtrtz — procura vel procuratus »> 49t.
48 b. tt Esperoniers — qui/rd/... 15 Corr. factt
jo b, a SoUtz — faunus vel stultus. » M. G. Paris corrige soîéît ou
foUtt; ce dernier est certainement préférable aussi bien pù\it faunus que
^jour stultas (« tnfokùr — stultum facere n \6a],
^H 5 1 a. «I Amafils — parva tuba cum voce alta. » Quoique les noms
^Brabes aient été parfois bien défigurés, il semble préférable d^écrire
^mutaJUs. Sur ce mot qui manque dans Raynouard, comme plusieurs autres
I du Donat, par exemple comme laus au sens d'étang (p. 10), voirie
I savant compte-rendu du Dict. de Dozy et d'Engelmann donné par
M. Defrémery» Journ, asiat. 1869, n" 8 (p. n du tirage à part), et
P. Meyer, Revue des sociétés savantes^ \* série, V, 417.
u Pour d'autres formes, voir Thurot, Not. ei Extr. des Mss.^ XXIi, ^28 ;
pour Tétymologie, Flechia, Arch. glott.^ lï, )2K
452 CORRECTIONS
52 b, Fornitz — formatus vel habens necessaria. » Formate traduit
format ) lâ^ et ne parait pas convenir à « fomir — necessaria dare »
36 b.
53 ^. c Baudàcs — parum sciens [var. du ms. 187 ParUienses.] »
La variante n'est pas en l'honneur des Parisiens, car baudàcs signifie
bien parum sciens, Cfr. « Badoc, co^ badoquo — sotte, froide, insipide,
badaud » (Cénac Moncaut, Dict. gasc. fr.). Rapouard donne l'adjectif
bauduc (II, 201), mais il le traduit mal par querelleur.
54 â. <c P61z — pulices. » Ces puces ont sauté du dictionnaire de
Rochegude dans celui d'Honnorat. Lisez pultes ou pour mieux dire puis:
c( poutz — pultes, esca de farina » lo-i i. En bas limousin pous a la
même signification (Honnorat).
56 t en note. c< Pôrtz — portas. » Corr. portes comme à la p. 65 b
<f portz — portes. » Les sept mots en ortz (larg) de la p. 65 b trouvent
leur place naturelle à la suite de estdrtz^ p. 56 ^.
57 a. « Glôtz [var. clàtz] — locus cavus. » On ne trouve en provençal
moderne que dot : la variante est donc préférable.
59a. 1° <c Estancs 0 estanques — liges » 59 â.
2° <c Estancs — claudas » 4) a,
3° « Tança — firmat » 65 t.
4*^ (c Estanca — retinet aquam » 63 i».
Le copiste avait sans doute sous les yeux les deux ex. suivants :
(( estancs 0 estanques — claudas, vel retineas aquam » ; « estacs 0 estaques
— liges » (« estacs — liges » 40 a). Il a remplacé la traduction du
premier par celle du second et oublié celui-ci.
2°, j<». Firmare = claudere (« fermar — firmare » 5 la, « sarrar > —
firmare hostium, claudere vel firmare » ^^a). Estancar ou tancar^ c'est
fermer la porte en mettant la tanco 2, la barre.
4° Pour Diez et Scheler, estancar (étancher, retinere aquam) vient de
stagnare comme estancs (étang) de stagnum^ et ils considèrent tancar
(barrer) comme une mutilation de estancar (étancher). Je suis disposé
aussi à ne pas séparer tancar 3*^ de estancar 2^ 4*', mais je hasarde une
autre explication.
De l'allemand stange stang stanga (long bâton), le provençal aurait
tiré "estancs tancs (barre) î, — sur lesquels auraient été formés estancar
1. « L'Infer fai que durbir et sarar » (Damase Arbaud, Chants pop. Je la
Prov., I, 15).
2. « Tança la porto > (Baldit, Glanes gévaudanaises^ p. 116). Locution pro-
verbiale : ni porto ni tanco.
]. Le prov. mod. tanco et l'it. stanga = barre. Le français technique nous
offre les mots stangue, étangue.
SUR LE Donaî proensal 45 î
tancar {barrer une porte ' , une clôture, faire un barrage à un cours d'eau,
— par suite arriter^, arrêter la faim s» la soif, le sang*).
Les mots qui avaient ou ont encore le sens de barrage de t*eau : v, fir.
istanche, sîanche (Ducange sîancarmm, stanchia]^ prov. estancha^ restanc^
restanca (Honnorai), sont naturellement arrivés par synecdoque au sens
de l'objet barré, c'est-à-dire de l'eau elle-même, de Vétang K
61 a. a Saura — grisea. » Corr. aureaf (« Saurs — color aureus »
44 ^1-
62a. Sadôia deux fois traduit par saturât. Ecrire une fois : satura .
62 h « Moralha — quod pendet in vecie. » En latin mora (retard) veut
dire aussi objet qui arrête ou retarde : morae caputi, SiL ItaL^ venabuli
morac^ Crat. Fal. Ici nous avons ^moracuk^ la chose qui arrête [la ser-
rure]. M. Boehmer (^Rom. Stud, 201), à qui je ne l'ai prise ni empruntée,
est déjà arrivé à cette étymologie.
64 b. « Sesca — arundo secans. » Sesca veut dire glaïeul (G. Azaïs,
Closs. bôtan,), mais d'après Honnorat c'est le nom languedocien et gas-
con des typha. Dans le passage suivant de la Croisade albigeoise (7641-}}
De l'una tor a Tautra ab loacs filetz dobliers ;
Qu'en un vaichd de cucâ que recemblec carmers,
1 portan h viâfida e los cairets d'aciers
la cesca est un typha ^ c'est-à-dire en français massette, masse d*eau ou
roseau des étangs. Dans l'arrond. de Saint-Pons, ce roseau se nomme
bùso^ « on en fait des nattes, des paillassons, des chaises, etc. » (Mel-
chior Banhès, Glossaire botanique langued, fr, laî, de Van. de Saint-Pons j
Hérault. Montpellier, 187J, in-8^) ; il paraît être connu sous le nom de
cesco dans le Gers : « Cesco = glaïeul, paille avec laquelle on garnit les
chaises n. « Sesco = paille à chaise, glaieul. » *.
3. BAUQUiER.
1. De même en it. stangan =: barrer.
2, Gers (Cénac Moncaut) : estanga = arrêter. Pour un exemple voir Lttt,
ffop- de la Case, 415. Nombreux dérivés dans Honnorat. En espagnol estancar^
arrêter.
3, Esiancar ia fam, Raynouard, V, 299.
4. f Aux Jacobins de Provins^ on invoquait SamU Tanche pour arrêter le
sang. » (A. Fourtier, Us dictons de Seine-et-Marne, Provins, 1873, m-8<>, p. ^y)
ç. Gers (Cénac Moncaut) : t Estang — arrêt, obstacle, grande étendue
d'eau, a
6. Cénac Moncaut ne séparant que par des virgules tes traductions sjrnony-
miuues ou antonymigues, on ne sait s'il entend par sesco r la paille [de typha],
2^ le glaïeul ; mais la chose n'est nullement impossible, puisque nous savons
d'ailleurs que telles sont les deux significations différentes de ce mol. — Avec
les feuilles du typha Icn prov. saignoj t on fait des nattes.,., Ton en couvre
aussi le siège des chaises communes » iGaridel, Hist. des plantes d'Atx^ Ah,
*7' î» P* 47^» 477Ï* A Apt et aux environs le lypha se nomme sagno cl massago
(Colignon^ Flore à' Apt, p. 94 des Annales de la Soc. d^Apt^ 2* année, 1864-
1865).
COMPTES-RENDUS.
Histoire de la langue et de la littérature française an moyen
kge^ d'après les travaux les plus récents, par M. Charles Aubertin^ ancien
maître des conférences de littérature française à TEcole normale supérieure,
recteur de T Académie de Poitiers, correspondant de l'Institut. Paris, Belio,
1876, in-80. Tome I», VIII- 582 p.
L'important ouvrage que nous annonçons — un peu tardivement — marquera
une date dans l'histoire de la connaissance de notre ancienne littérature. L'au-
teur nous apprend qu'il y a reproduit à peu près exactement les conférences
qu'il faisait à l'Ecole normale : on peut espérer qu'elles auront laissé des traces
profondes dans le souvenir des jeunes maîtres formés par lui et qu'elles serviront
de base, dans l'Université, à un développement sérieux de ces études si négli-
gées. Le grand public, auquel M. Aubertin s'adresse maintenant, n'avait pas
moins besoin que les futurs professeurs de nos lycées de l'enseignement qui lui
est offert. Les travaux récents de la critique érudite sur nos origines linguisti-
ques et littéraires sont loin d'avoir pénétré même dans le monde lettré: les
savants, absorbés par l'exploitation d'une mine où chaque jour amène d'impor-
tantes découvertes, se sont peu souciés de la tâche moins attrayante de mettre
en œuvre et en lumière les richesses qu'ils tirent du sol. Il n'existe sur notre
ancienne littérature aucun ouvrage d'ensemble, et pour essayer d'écrire le pre-
mier, il fallait assurément beaucoup de courage. Peut-être, parmi ceux qui ont
consacré leur vie à l'étude de celte littérature, aucun n'aurait-il osé entreprendre
ce qu'exécute M. Aubertin : ils savent trop les immenses difficultés de l'œuvre,
ils connaissent trop l'incertitude de la plupart des points de repère, l'obscurité
de la chronologie, les dangers des conclusions prématurées, le petit nombre des
résultats acquis. Les Allemands eux-mêmes, si prompts en général et si habiles à
composer des Pràis^ des Manuels, des Tableaux des littératures les plus diverses,
n'ont pas eu l'assurance de faire pour la nôtre ce qu'ils ont fait pour celles de
l'Italie, de l'Espagne, de la Provence, de l'Angleterre, etc. Depuis la sèche et
incomplète nomenclature, bibliographique plutôt que littéraire, qu'a publiée
Ideler il y a quarante ans, aucun essai du même genre n'a été tenté.
Qu'on songe seulement d'une part à tout ce qui a été publié depuis quinze ans
sur l'épopée, d'autre part au peu qu'on a écrit sur la poésie lyrique, et on verra
les deux genres d'obstacles qui arrêtaient les travailleurs les plus intrépides.
M. Aubertin n'a pas eu autant de timidité, précisément parce qu'il avait moins
de préparation. Abordant, après des études tout autres, un sujet qui la veille
AUBERTiN, Histoire de la littérature française au moyen-àge 4 5 \
lui était presque inconnu, il a été frappé des progrès réellement considérables
accomplis depuis quelque temps dans ce domaine ; n'ayant pas essayé par lui-
même de résoudre quetques-uns des problèmes ardus que présente Tinvestigatton
de notre ancienne liliérature, il a accepté sans difficulté les solutions qu'il trou-
vait chez les autres. Il a lu avec conscience et intelligence, mais sans critique
personnelle^ îes œuvres qu'il a jugées les meilleures, et après en avoir extrait
tous les résultats importants^ il les a coordonnés de son mieux, les a présentés
sous une forme claire^ agréable et concise, et a ainsi produit un livre qui, sans
être de première main, offre tous les caractères d'une habile et judicieuse com-
pilation cl rendra les plus réels services aux études auxquelles il est consacré. Il
est arrivé nécessairement, avec une pareille méthode, que l'auteur n'a souvent
qu'effleuré la surface du sujet, quand l'intérêt réel était au fond \ il est arrivé
qu'il n*a pas exactement interprété les renseignements et les idées qu'il voulait
résumer; il est arrivé qu'il n'a pas tougours suivi les meilleurs guides et qu'il a
accordé ï ceux qu'il choisissait une confiance trop aveugle; il est même arrivé
qu'il a reproduit, sans s'en apercevoir, des théories contradictoires puisées i
différentes sources; mais ces défauts étaient presque inséparables du plan : si
Tauteur de ce livre avait voulu faire œuvre de critique et d'érudit, il se
serait vite perdu dans le dédale des opinions ou dans le chaos non encore
débrouillé des matériaux; il aurait dû passer des mois à résoudre mille petites
questions qui ne l'ont point embarrassé, et fmalement il aurait écrit quelques
dissertations peut-être profitables à la science, mais il n'aurait pas fait l'ouvrage
que nous avons sous les yeux^ et c'eût été réellement dommage. Nous dirons
seulement que çà et là une attention plus constamment soutenue lui aurait fait
éviter quelques-unes des fautes qu'il a commises; et surtout nous signalerons
l'erreur où il est quand i! croit avoir du sujet qu'il a traité une connaissance
réellement approfondie. Cette connaissance, personne aujourd'hui ne peut se
flatter de la posséder; mais en tout cas c'est par de longs et pénibles travaux de
première main qu'on peut arriver â s'en approcher. Aussi les connaisseurs ne
peuvent-ils lire sans sourire un peu les lignes de la préface ob fauteur dit que
sa méthode consiste à < épuiser les questions >, et où il espère qu'en sortant de
la lecture de son ouvrage • on emportera.», une connaissance intime et pénè-
Uante de notre ancienne littérature. 1 Ce qui est vrai, c'est qu'en général, et
sauf d'assez nombreuses réserves, on en emportera une idée juste, et on aura
en outre la précieuse indication des livres où on peut en puiser une notion plus
précise. Ce qu'il faut louer sans restriction dans l'œuvre de M. Aubertin, c'est
le soin qu'il a mis à tire et à dépouiller tes ouvrages les meilleurs et les plus
nouveaux — au moins en français — sur le sujet. C'est là un éloge qui peut
paraître assez mince, tant il est naturel de le mériter; mais nous sommes peu
habitués à rendre ce témoignage aux ouvrages qui paraissent dans notre pays
sur ces matières* Nous sommes encore plus heureux de constater, chez un
membre éminent de cette Université longtemps fermée et presque hostile à ces
études si nationales, un esprit d'impartialité, une intelligence du passé, une
largeur de vues avec lesquels quelques vieux préjugés tenaces, quelques
formules banales, quelques appréciations hâtives ne font que de rares disparates.
Nous regardons le livre de M. A. comme un bon ouvrage et comme un excellent
4{6 COMPTES-RENDUS
symplâme; nous lui souhaitons un vif et prompt succès; nous désirons qu'il
s*achéve le plus lot possible, et que Taiitcur puisse en donner bientôt une édition
nouvelle. C'esl surtout en vue de luf être utile que nous signalerons dans ce
premier volume un certain nombre de points qui appellent une révision. Nous
ne relèverons pas toutes les idées de l'auteur que nous ne partageons pas abso-
lument! pas plus que nous ne discuterons son plan général; chacun a sa manière
de comprendre un sujet aussi vaste et aussi divers que celui qu'il a traité; nous
ne combattrons sa manière de voir que quand elle nous paraîtra directement
opposée à la vérité; nous nous attacherons surtout à indiquer des erreurs de
fait, sur lesquelles tl n'y a pas à disputer; quant aux omissions, naturellemetil
fort nombreuses, aux manques de proportion, aux appréciations contestables^
nous ne nous ferons pas un devoir d*en dresser la liste. Il faudrait pour accora-
pïir celle tâche repenser d'un bout â Tautre tout le travail de M. Aubcrtin :
c'est plus qu'on ne peut demander â un critique. Nous nous bornerons en général
à noter les observations que nous a immédiatement suggérées (a lecture de ce
volume,
Le premier livre, qui comprend 1 16 pages, a pour titre : Origines et forma-
îion de la langue française, Ce n'est pas la meilleure partie de l'ouvrage. M. A,
n*cst tombé dans aucune grave erreur de doctrine ^ mais il a voulu fondre les
théories de l'école de Diez avec des restes de systèmes antérieurs dont il n'y a
plus rien à faire aujourd'hui. 11 a constamment eu sous les yeux, à c6té des
écrits de M. Brachet, — dont il répète d'ailleurs trop docilement les fonnules
et surtout les statistiques, — le livre d'Ampère, qui^ même dans la nouvelle
édition, ne peut guère fournir que des vues fausses et des exemples contestables.
Il ne s'est pas fait de la transformation du latin en français une idée suffisam-
ment précise; il emploie des expressions qui n*ont plus de sens pour la phi-
lologie moderne : que veulent dire par exemple ces mots [p. 76) i 1 C'est vers
le XI* siècle que le sentiment de l'accentuation latine se perd définitivement;
dès lors. îâ ahùon populaire est achevée; il n'entre plus dans la langue que des
roots savants » ? Le français populaire est le latin modifié ; le sentiment de
Taccenlualion latine vit dans l'accentuation française et non dans rinstruclion
des savants. Il n'y a pas de création populaire de racines : les langues,
depuis que nous les observons, ne créent que des dérivés et des composés, et le
français n'a pas cessé d'en produire, — Il fallait laisser à ViUcmain Fidéc ingé-
nieuse mais peu exacte que la déclinaison iatine a péri parce qu'elle c embrouil-
lait fa cerv^elle des Gaulois, des Africains, des Espagnols, 1 et que c'est * la
barbarie étrangère qui a brisé cette lyre trop savante (p. 80). > — De même
l'auteur serait bien embarrassé de fournir des exemples â l'appui de celte asser-
tion (p. 56) : i Le génie des populations gauloises, afranchies du joug romain
et latin, créait en silence des formes nouvelles, des habitudes instinctives de
langage où se révélaient spontanément son humeur et son originalité. » — tt se
fait une idée très-vague de ce qu'est le latin mérovingien, bien qu'il prétende en
donner une définition précise. A cette époque, suivant lui, < le latin populaire,
resté seul, s'élève au rang de la langue écrite ; il passe dans les actes officiels et
dans les livres (p. $0),,. Le bas latin, c^est le latin rustique et populaire devenu
langue écrite <p. 51). * Le latin populaire devenu langue écrite, c'est du fran-
AUBERTrN, Histoire de la littérature française au moyen-àge 4^7
çais ; avant les Sennems de Strasbourg on n'a voulu écrire que le latin classi*
<^ue j c'est dans les fautes commises par les écrivains ou les copistes que noui
trouvons les éléments d'une restitution fort imparfaite du latin vulgaire contem-
porain. Quant au mot bat latin, c^est un terme purement historique ; il désigne
toutes les expressions, formes et constructions qui ne se trouvent pas dans les
auteurs avant la chute de Tempire romain* — En parlant de la déclinaison de
l'ancienne langue, Tauteur dit (p. 8)) : t Elle s'affaiblit avec le sentiment dr^
origines de la langue; et quand le souvenir du latin parlé dans les Gaules
f'e^aça de Tesprit des populations, ce reste de syntaxe latine... se déconcerta et
périt. » Ainsi la déctinaison se maintenait parce qu'on se souvenait qu'elle avait
eiisté en latin ICe sont là des idées aussi fausses que surannées. Les Français
du Xîl* siècle parlaient latin, comme le parlent encore ceux du XI X« ; on ne
saurait trop le répéter; et le dialecte latin parlé en Gaule, après avoir d*abord
réduit la déclinaison à deux nombres, deux genres (pour les adjectifs) et deux
cas, a fini par supprimer les deux cas. L'influence en tout cela du latin littéraire
a été égale à zéro. — On voit clairement qu*il a manque à l'auteur une notion
nette de ce qu'est l'évolution d'un idiome; il va de soi que cette incertitude se
fait sentir dans toute son exposition, sans qu'il soit besoin d'en relever tous les
exemples. Je reprends maintenant cette exposition elle-même pour y noter des
inexactitudes ou des erreurs de divers genres. — P. 7, note. Pourquoi mettre
deux noms de lieux dans la liste des mots gaulois passés en français? Il faudrait
en noter beaucoup plus ou pas un seul. — Que signifie (p. 8) la remarque sur
• les nominatifs singuliers en os [du gaulois], dérivés du sanscrite i L'auteur
semble encore ailleurs croire que les langues indo-européennes dérivent du
sanscrit. — P, 16 M. A. emprunte à des livres vieillis une citation dont on a
cent fois abusé : c'est ValUmand et non le celtique que Julien a comparé au
croassement des corbeaux, comme te ferait encore sans doute plus d'un Roman.
Rien n'est du reste plus vain que ces jugements portés sur Tharmonie d'une
langue qu'on ne connaît pas. — P. 17 (et 70) l'auteur a l'air d'attribuer i
Diez une opinion qu'il reproduit d'après des écrivains moins autorisés, à savoir
que la colonies grecques du Midi auraient transmis un certain nombre d'expres-
sions i la langue doil. — P, 2^. Antonmus^ Pias^ dans les textes d'Ulpien et
du Digeste, désignent Caracalla et non Antonin. ^ P. 19. Il s'agit, dans le
passage d'Ulpien, de fidéicommis et non de testaments., qu'on peut rédiger en
Réimporte quelle langue : la distinction a son importance juridique et philologi-
que. — P. }( ss. M. A. accepte beaucoup trop complètement, à notre avis, les
théories de M. Fustel de Coulanges sur le caractère des invasions germaniques.
— P. 47. Frédégaire (c*est-à-dire l'écrivain désigné sous ce nom depuis Freber)
écrivait au Vil» siècle et non au VI** — P. 49 M. A., opposant à la barbarie
du Nord {à l'époque mérovingienne) les restes de culture intellectuelle qui per-
sistent dans te Midi, écrit : t L'influence des Arabes agit sur l'ancienne Nar*
bonnaise et la Sepli manie. » Comment? en quoi ? où sont les traces de cette
influence ? — L'exposé des lois de la formation de ta langue française laisse stn*
gulièrement à désirer sous tous les rapports. Tenons-nous-en â la déclinaison :
le tableau qu'en dresse M. A. contient les plus graves erreurs (pourquoi la
range-t'il dans la syntaxe.^). Il croit qu*on disait au pluriel nominatif li ftntme
4^8 COMPTES-RENDUS
rp. 8i) el ii m^crton <p, 8?), qu*otî a dit à une certaine époque // fùu% iti
nom. singulier (p. 86)^ ^u'on disait ti enft (p. 8^}; tl prend M et htati pour
deux os différents (p. 87); ces fautes sont tellement élémentaires qu'au lieu de
les corriger nous renvoyons M* A. à n'importe quel livre un peu récent, — Une
erreur plus excusable est d'avoir pris pour des mots < picards (p. \q^) % câtnp^
campagne, etc. qui viennent de l'italien. Le tableau des dialectes, tracé d'après
Diez et Fallût, est naturellement peu exact, mais h science est encore fort
arriérée sur ce point. — L*idée de voir dans certaines formes des dialectes lom*
bards «un reste de l'invasion de la langue française dans Tltalie du moyen
âge * est d'Ampère, à qui il ne fallait pas i'emprunter (p. toç). — Conon de
Béthune est appelé (p. 103) • le comte Quesnes de Béthune •, ce qui fait trois
inexactitudes. — NobUe (p. 75) ne vient pas de nobilis, mais d*un dérivé nobi*
Hus^ comme on l'a déjà démontré. — Le livre I se termine par un paragraphe
intitulé Naissancâ et formation du vers français, dans lequel sont intercalées, assez
étrangement, les notices sur les poèmes de Clermont et VAlcxis. Ce paragraphe
manque absolument de précision. L'auteur ne paraît pas avoir connu notre
Lettre sur ta versification latine rhthmiqae, qui lui aurait fourni, croyons-nous,
d'utiles points de repère. — Il répète encore (p. 106) que le vers saturnien était
fondé sur Taccenl, ce qui aujourd'hui n*est pïus soutenable. — Il prend ï
Ampère, sauf erreur (p. 119 et 1^5), l'impossible étymologie àt laisse^ raltacHé
à kssus : laisse est simplement le substantif verbal de laisser: cf. kis^ relais,
La deuxième partie, intitulée Naissance et dhehppement de la poésie française du
XI' au XV!* siècle^ comprend le reste du volume et comprendra encore une bonne
partie du second. Ce que nous en avons sous les yeux est divisé assez singuliè-
rement en deux t époques, i La t première époque » a pour sous-titre : Li
poésie épique et ta poésie lyrique; la 1 deuxième époque » : La pdsii dramatique,
Cependant l'étude de Tépopée va jusqu'au XIV^ siècle au moins, celle des
mystères remonte au XI*. On ne comprend pas non plus pourquoi cette réunion
dans un même livre, dans une même t époque 1, de la poésie lyrique et de la
poésie épique, ou du moins d'une portion de celle-ci, car l'auteur ne traite
ici que des grandes narrations épiques, bissant de côté les contes, lais^
fables, etc. La poésie lyrique est arrêtée ici au XÏII" siècle, tandis queThistoirc
du théâtre est donnée jusqu'au XVI* siècle. Tout cela est peu rationnel et peu
clair, El est évident qu'il valait bien mieux diviser ta poésie simplement en
épique, lyrique, didactique et dramatique, el épuiser successivement chaque
domaine. Mais l'histoire littéraire est encore chez nous si peu expérimentée qu'on
n^est même pas familiarisé avec les cadres les plus simples. Ainsi peu d'écrivains
— et M* A. ne semble pas être du nombre — donnent au mol t épique • son
vrai sens, qui équivaut à peu près â t poétiquement narratif, f L'habitude fait
attacher â ce mot un sens particulièrement relevé, si bien qu*on ne songe pas
à ranger les fableaux sous cette rubrique imposante. Une incertitude du même
genre, pour le dire en passant, plane sur le mot d' « épopée. » Défini, comme
il Ta été ailleurs, « une narration héroïque fondée sur des chants nationaux
antérieurs, • ce mot est un terme de science, dont l'application n'a rien à faire
avec resthétique. M. A., grâce à sa lecture d'ouvrages oii on l'emploie ainsi, le
prend lui-même souvent dans ce sens. Mais fout â coup, revenant à d'anciens
il
AUBERTîN, Histoiît ic la liîtérature française au fiw) en-âge 4^9
erreinenls» songeant peut*étrc aui blâmes que ses concessions lui aiiireraient de
certaines parts, il écrit des passages qui détonent comme celui-ci (p. 201) :
1 Les chansons de gestes^ narrations diffuses et sans génie, où manquent à ta
fois Tart et le goût, la composition et k style, et surtout l'inspiration créatrice,
ne sauraient être de vraies épopées : c'est abuser des mots et méconnaître les
conditions de îa haute poésie que d'appliquer à des œuvresaussi imparfaites des
qualificatifs aussi ambitieux, » Cela n'empêche pas fauteur de leur donner ce
nom plus d'une fois et de protester (p. 119, 270) contre l'oubli où le XVIl* s.
avait laissé nos antiques épopées, oubli qu^ailleurs, il est vrai (p, 202)» il eitpti-
que cl approuve presque. On voit ici un des défauts, d'ailleurs asseï rarement
sensible, de l'ouvrage : il y a dans M, A. un historien très-intelligent et à côté
de lui un professeur de rhétorique presque tout â fait mort, mais qui de temps
en temps proteste encore et vient troubler l'exposition impartiale de son suc*
cesseur. Nous espérons qu'à la prochaine édition les quelques passages où il à
pris la parole auront disparu. Ils sont d'ailleurs bien rares à côté des excellents
morceaux ob l*auteur a montré de l'ancienne France et de sa poésie un senti-
ment |uste et pénétrant. Tout ce qui concerne la formation de Tépopéc fran-
çaise est excellemment pensé et dit, sinon toujours très-profond. On n'a rien
écrit de meilleur sur la chanson de Roland que les pages sobres, simples et
SRimées que lui consacre M. Anbertin. Nous citerons ce qu'il dit |p. 184) à
propos des regrets de Roland sur ses compagnons morts : f C'est en lisant de
tels passages qu'on a le vif sentiment de l'effet produit par cette poésie sur les
contemporains : elle allait droit à leurs cœurs, et les remuait en exaltant tout
ensemble les instincts énergiques et les affections douces. Comme l'antique poésie
grecque, elle pénétrait de son harmonie fortifiante, de son charme attendrissant,
CCS natures généreuses, mais à demi grossières; elle y développait k meilleur de
rhumanilé*- » Ce qu'on doit surtout reprendre dans le tableau de la poésie
épique dressé par M. A,^ c^est qu'il est par trop incomplet. Cent pages environ
dans deux gros volumes pour cette partie capitale de notre ancienne littérature*
c'est infiniment trop peu. Si au moins ces cent pages étalent bien remplies I
mats elles comprennent bien des choses absolument inutiles. L'auteur, ici et
ailleurs, s'est cru obligé de s'étendre sur l'analyse de recherches érudites dont
un bref exposé suffisait. Suivant d'anciennes habitudes, il nous donne la tra-
duction complète (et très- inexacte, surtout pour le premier) du chant de Hitde-
brand et du LudwigslUd, qui n*ont rien à faire avec notre épopée ; il discute
longuement sur l'ancienne poésie épique des Germains et nous rebat les oreilles
des Scaldeij qui n'ont jamais existé, comme on sait, qu'en Scandinavie; il parle
longuement d'oeuvres latines dont le rapport avec nos poèmes est fort éloigné;
mais en revanche il ne nous donne l'analyse que de deux chansons de geste,
Roland et Raoul de Cambrai; il passe rapidement sur les cycles épiques, leurs
origines, leur développement et leurs relations; il ne fait que nommer des œuvres
capitales comme les Laherains ou Guillaume d*Orange. Des considérations géné-
rales judicieuses, un avant*propo$ inutilement développé, une exposition tron*
I Cf. un jugement contraire p. 1 7 1 , mi il est dit que k parattèle de 1
l'épopée grecque n'est pas supportable.
chansons à
400 COMPTES-RENDUS
quée d'une manière tout à fait fâcheuse quand elle arrive au fait, td est le
caraclère des trois cliapitres consacrés aux chansons de geste. Cette partie du
livre est, à notre avis, à refondre complètement. Voici maintenant quelques
observations de détail. P. 121 (et 17^)^ qu^entend au juste l'auteur par celte
t pauvreté de la langue t qui s'opposait à la maniiestation du génie épique ? Il
vaudrait mieux s'abstenir de ces jugements généraux ou faire voir à Taide
d'exemples ce qu'on veut dire précisément. — P. 122, après nous avoir peint
la France féodale comme * exubérante de jeunesse, » déployant « la furie
brutale et magnanime de l'humeur guerrière^ » menant une i superbe vie, •
pleine d'ivresse et de joie (p. 110), it nous représente tout â coup c les inies
humiliées, attristées, pleines du désespoir de ces temps lugubres. ■ Il n'y a
peut-être dajis ces deux tableaux qu'une contradiction apparente; mais il fau-
drait indiquer laquelle de ces deux tendances s'est exprimée dans Tépopéc. —
F* 123, Dire que Charlemagne, dans certains poèmes^ est un « Prusias • peut
ne pas être exagéré; mais en faire t une sorte de Thersite 1, c'est aller au-delà
de toute vérité et de toute mesure. — P. 1 36. Nous avons déjà dit que tous
ces détails sur la poésie allemande étaient inutiles; encore serait>il bon de con^
naître un peu ce dont on veut parler et de ne pas renvoyer à • Eckard, p. 4 r
(sic) n ou d Du Méril, Hisî. phUmophi^ut {sic), pour attester Texistence du
Htliand. — P. 1)9. Même avant rexcelleM mémoire de M. Révillout, il n'était
pas permis d'attribuer la Viia GuUUîmi au X« siècle : on sait maintenant qu'elle
est du premier quart du XÏI\ — P. m^ note. Le poème de Métcllus de
Tegcrnsee (XII' s.) sur Osigierou Ogicr, devient t une élégie du moine {sic) de
Tegernsee, intitulée Mèidluî^ et composée vers ro6o. », La compilation est îci
par trop négligente. — P; 146, à propos du mol # chanson de geste t, on
lit : t M* Paulin Paris* a trouvé cette expression qui est restée. 1 II Ta trouvée
dans les chansons dt geste elles-mêmes^ ce qu'il fallait dire, et si elle est
f restée », c'est qu'elle est la seule bonne. — P. 149. • Au XIII' siècle l'ale-
xandrin remplace le décasyllabe, » Cela n'est vrai en aucun sens, M. A. cite
lui-même ailleurs le Voyage à Constantinopk, composé en alexandrins au XII' s.
au moins, et Adenet a écrit Bcuvon de Çomanhh en iécasyllabes. — P; 15a,
Nous avons nos raisons pour trouver que l'argumentalion de P. Mcyer, contre
l'épopée provençale, n'est pas aussi décisive que le croit M. A.; mais on com-
prend qu'il ait admis une opinion qui n'a pas été sérieusement contredite —
P. 1^4. Nous lisons avec surprise que < les laisses de la chanson de Roland et
de quelques mins polmes ont pour refrain l'exclamation aoï ». — P. 1 ^6. Le bas-
latin trobare^ quelle que soit son étymologie, n'a rien â faire avec « le radical
germanique (sic) treffen >; l'infinitif ir^uKcr n'existe pas^ et en l'admettant M. A.
fait preuve d'une grande ignorance de l'ancienne conjugaison. — P. 160. M fallait
laisser à l'abbé de la Rue (que M, A. a beaucoup trop consulté) les notices sur
les f compositions 1 de Richard 1^'' et sur la généalogie de Philippe de Than,
— P, 160 « Qui ne connaît. ♦, les îais du sire de Coucy ? » Qui les connaît? —
P. 165. M. A. donne, sans doute d'après un autre, mais tout à fait arbitraire-
I. HoQi demanderoiu à l'auteur^ s'il a occasion de cher ce nom à Tavenir, de le
débanasser de cet accent circonflexe dont il ne manque jamais de r^lfubler
AUBKRTIN, Histoire de la linératun française au moyen-âge 461
ment^ le nom du • Cterc devenu Trouvère t au dit du Département des livres,
— P, i6é. La note sur b symphonu et la mile est absolument erronée, La
sympboruc est bien postérieure â la vielle; celle-ci était un violon, cetIc-U pro-
bablement répondait à ce que nous appelons meik aujourd'hui. — P. 168. Une
citation qui vient^ je croîs^ de Chariot te /i/i/est attribuée âBerfr ans gratis pics*
— P. 172. En parlant de b prétention des chansons de geste i être histori-
ques« M. A. dit : « Voilà un trait bien français, etc. > Mais il est commun à
toutes les épopées. — L'analyse de la Chanson de Roland contient plusieurs
inexactitudes : il n*est pas dit (p. 270 que Marsile n'eût que 20,000 hommes,
mais que 20,000 hommes l'entouraient dans son verger; c^est sous un pin et
non sous un if que Marsîte reçoit Ganelon (p. 177); en revanche, Olivier pour
voir venir les païens monte sur un put (émînence) et non sur un pin (p, 179) :
cette dernière faute, ainsi que les citations, montre, chose singulière ! que M. A.,
qui parle beaucoup des derniers travaux faits sur le Roland^ a suivi pour son
analyse Tédition et sans doute la traduction de Génin, P^ 1S2, L'expression
€oup de Roland, telle qu'elle est employée là, est un contre-sens. P. 185^ il ne
fallait pas omettre !e miracle renouvelé de celui de Josué qui est raconté dans le
poème, surtout quand on insiste plus loin sur le peu de merveilleux qui s'y
rencontre, P 276^ M. A. dit que le portrait de Charlemagne du faux Turpin
a été imité dans beaucoup de chansons de geste; dans lesquelles? P. 177.
Il est tout à fait faux de dire que tuer un ambassadeur « était selon les règles et
parfaitement conforme au droit des gens; » la preuve s'en trouve même ici,
où ceux qui entourent Marsile l'arrêtent dans son transport contre Ganelon. —
Nous sommes étonnés de lire (p. 187) le jugement suivant: t Par certains
traits de simplicité sublime, la Chanson de Roland nous rappelle la poésie
d'Homère, et, par sa rudesse, la polsie d*Enmtis. i Rien ne se ressemble
moins â coup sCtr : Ennius, savant et philosophe, essaie de pher la langue encore
ioculte de Rome à l'imitation de l'art grec; si on peut le comparer à quelqu'un
de nos poètes, c'est à Ronsard, et non i un auteur de chansons de geste. Les
conjectures qu'émet Tauteur, à b suite de ce singulier parallèle, sur l'influence
possible d'Homère (à travers le Pindarus Thehantis 1) sur notre poésie épique,
sont dénuées de tout fondement. — Dans Tanalyse de Raoul de Cambrai^ l'au-
teur, généralement exact et habile, n'a pas assez relevé les beaux traits qui se
trouvent encore dans b seconde partie, noyés, il est vrai, dans un récit banal et
diffus, — On voit que ces chapitres, d'ailleurs fort estimables, portent en
majnts endroits les traces d'une rédaction hâtive.
Le reproche général que nous avons adressé à M. A. à propos des chansons
de geste est encore bien plus applicable au chapitre suivant, consacré aux romans
de la Table Ronde. Sur tes 54 pages quM contient plus de 2^ sont prises par
des recherches sur l'origine du cycle breton; quelques-unes sont données à des
extraits du Tristan en prose, et c'est à peu près tout- Chrestien de Troyes est
i peine nommé ; ses œuvres ne sont pas analysées ; l'immense influence que les
romans français de ce genre ont exercée à l'étranger est indiquée en deux mots;
bref^ tout l'essentiel du sujet est omis. Quant à l'introduction, faite à l'aide des
seuls travaux français, elle n'a pas réussi à édaircir les points obscun de ce
(ujet encore si difficile ni même à concilier les vues contradictoires des savants
462 COMPTES-RENDUS
qui ont servi de guides â Tauleur; et ie lecteur, croyons-nous, donnerait bîen
volontiers ces pages remplies d' une érudition assez confuse pour une connaissance
plus précise du su|et, du caractère, de la date et de rhistoire de ces grands
romans de la Table-Ronde, en vers et en prose, dont il a tant entendu parler,
— Où M. A. a-t-il vu que les héros bretons joignaient â une galanterie raffinée
< un culte exalté pour la vierge Marie (p, 204) » ? ^ D*où lui viennent ses
renseignements sur le vers celtique de huit syllabes (p. 208)? — Pourquoi écrit-
il Marc'fi et non Marc le nom de l'époux d'Iseut, comme s'il avait sous tes yeux
un texte breton ?
Le chapitre V, intitulé « Le cycle de l'antiquité — Fin de la poésie épique
du moyen-âge », se divise en deux parties qui n'ont entre elles aucun rapport.
La première ne donne pas lieu à beaucoup de remarques générales; ici encore
cependant on peut trouver que Fauteur s'étend trop sur des origines qui n^ont
pas grand intérêt (voy, notamment p. 246 toutes les ciutions qui établissent
qu'on admirait Homère au moyen-âge, pour arriver à conclure qu'on ne le con-
naissait pas)^ et passe rapidement sur te vrai sujet. La distinction et les rapports
du monde des clercs et du monde des laïques, qui ne sont nulle part bien exposés
dans le livre de M. A., devaient être étudiés ici, et cette étude aurait plusappris
au lecteur que les extraits surabondants de travaux spéciaux qu'a donnés Tau-
leur Ses jugements sont d'ailleurs, comme d'habitude, â la fois précis et justes ;
nous citerons les excellentes remarques que voici (p. 251) : « Ce qui manque
aux hommes de ce temps-là, ce n'est pas la connaissance, c'est Tinlelligence de
rantiquîté. Ils ont en main les textes; ils n'ont pas le sentiment de la valeur des
chefs-d'oeuvre. Deux choses se dérobent aux lecteurs^ aux imitateurs des nobles
poèmes antiques et leur échappent absolument : l'ime et le génie du poète
Si Homère eût été connu, on ne l'aurait ni mieux apprécié ni plus habilement
imité que Virgile. » Cependant M. A. se laisse aller contre les auteurs de poèmes
imités de l'antique à des sévérités excessives : nous doutons qu'il ait lu Benoit
de Sainte-More d'un bout à l'autre avant de le traiter avec le mépris fort injuste
qu*il déverse sur lui (p. 249] ; en tout cas il ne s'est pas rendu compte de la
grande influence qu'il a exercée et par conséquent de sa place importante dans
l'histoire littéraire. Qu^il taxe de subtilités puériles les enfantillages amoureux
de l'Eiîcjj, tant admirés des Allemands dans la traduction de Veldcke, nous y
consentons; mais pourquoi traiter de * jargon barbare » la langue excellente
dans laquelle ils sont écrits ? ce sont là encore des restes du vieil homme« — La
seconde partie du chapitre eU une sorte de capharnaîjm où l'auteur a entassé
pêle-mêle une notice aussi insuffisante qu*inexacte sur les romans d'aventure (qui
auraient dû avoir une place à part^ et une place respectable), quelques indica-
tions sur la décadence des chansons de geste, et une histoire sommaire (encore
trop longue proportionnellement) des études sur la poésie épique. Tout cda est
mal digéré et visiblement écrit avec peu de goût. — Ce chapitre se fait remar-
quer par le nombre de fautes de détail qu'on peut y relever : nous sommes loifi
de les signaler toutes. P. 240. L'histoire semblable â celle d'Ulysse chez
Polyphème, dans k Doh pathos^ ne vient certainement pas d'Homère; M, A,
aurait pu le noter dans la Romanis, — P. 24$ la Batailk des Stpl Arts est
attribuée â Rutebeuf. — P. 248 &s, les portraits des héros, dans Benoit, sont
AUBERTiN, Histoire de la littérature française au moyen-âge 4a )
préseotès comme son inventioa personnelle. C'est là qu'un peu d'érudition aurait
été à sa place; M, A, les aurait retrouvés dans Darès s'il avait pris ta peine de
les y chercher; il aurait vu notamment que c'est Darès qui a fait Hector louche
et non pas • borgne •, car Benoit, cité par M. A., dit : D'ânsdous la idi hirnts
atoit; boirnc veut dirt louche^ h latin a strabum* — Où M. A. a-t-il trouvé
(p. 2^4) que Gautier de Châlillon fut chanoine de Tournai? — P* 267. L'auteur
semble savoir très-vaguement ce que veut dire incunabU. — Ce qui est dit sur les
romans d'aventures (p. 264 ss,| est par trop inexact : Amadas est présenté
comme inédit; Tauteur ne sait pas que Philippe de Reim doit être appelé Phi-
lippe de Rerai et n'est autre que Philippe de Beaumanoir; il ne cite de ses
romans que la Manekine^ mais en revanche il lui attribue Btancandin^ qu'il paraît
croire inédit, ainsi c[u*EracU ; il ne connaît de Fhin cl Bknchefior que Tédilion
allemande, analyse de travers Gmiimmc de PaUrme, etc. Encore une fois, ce
chapitre, mal ordonné comme plan, est exécuté avec une négligence que nous
devons signaler pour qu'elle ne subsiste pas.
Le chapitre VI a pour sujet La poésie lyri^at du Midi. A notre avis il
constitue un hors d œuvre, et nous ne l'examinerons pas en détail. L'auteur
reconnaît (p. j22) que le plan de son ouvrage lui f interdit absolument t de
traiter l'histoire de la littérature provençale; mais il ajoute : « Notre tdche se
borne à un seul chapitre de cet ample sujet....» l'histoire du développement de
la poésie lyrique des troubadours. » Pourquoi ce chapitre rentrait-il plus que
le reste dans le plan de M. Aubertin ? Il ne nous le dit pas ; mais c'est sans doute
à cause de Tinfluence qu'on a attribuée à la lyrique provençale sur la lyrique
française. Cette raison ne justifiait pas un chapitre à part consacré à ta première:
il fallait fondre dans l'étude sur les poètes lyriques de la langue d'oïl les rensei-
gnements nécessaires sur leurs prédécesseurs de la tangue d*oc. D'ailleurs ce
motif devait influencer M. A. moins que tout autre, puisque dans son ch, Vî,
La poésie lyrique des trouvlres^ il s'efforce de diminuer autant que possible la part
d'influence reconnue jusqu'à lui aux troubadours. C*est peut-être la le seul point,
dans le livre de M. A,^ sur lequel il se soit fait une opinion personnelle et ta
soutienne contre les maîtres dont il suit d'ordinaire l'avis. Ses arguments sont
malheureusement trop généraux pour provoquer une discussion féconde; mais il
a le mérite de poser une question qui n'a jamais été résolue définitivement, et
qui offrirait à quelque jeune travailleur un beau champ d'études : celle des rap-
ports de la poésie lyrique des trouvères et des troubadours. ^ Ce chapitre VI
est d'ailleurs intéressant et bien fait, quoiqu'un peu superficiel comme toupurs ;
('auteur a compris l'importance de la forme et du rhythme dans Tétude de cette
poésie SI sévèrement réglée, mais il n'a pas su en pénétrer les lois» ce qui
d^ailleurs eût été une découverte qu on ne pouvait s'attendre à trouver dans
un ouvrage comme le sien. Résumé habite et intelligent de la notice sur les
Chansonniers de VHsstotre littéraire et de quelques autres écrits, le chapitre de
M, A. pèche souvent par omission, rarement par commission. Nous n'avons
que peu de détails â signaler. P. J48. Le chiffre de « quinze romances 1 n'a
pas de raison d'être. — P, 560. D'après M, A., le Salut d'amour de Ph. de
Beaumanoir est inédit ; on voit encore ici que l'auteur ne connaît pas te livre
de M. Bordier sur Philippe de Beaumanoir, sieur de Rémi, où le Salut est publié
464 COMPTES-RENDUS
en entier, — P, 565. Le châtelain de Coucy n'était pas sûrement sirt deCoucy,
et P. Meyer a démontré qu'il ^'appelait Renaut.
Nous arrivons avec le deuxième \mt^ consacré au théâtre, i ta pariiela plus
étudiée, la mieux digérée et la meilleure du volume de M. Aubertin.Cent pa^
sont consacrées au théâtre sérieux, c'est-à-dire à peu près exclusivement aw
mystères, cent au théâtre comique. L*auteur se montre partout au courant d«s
derniers travaux faits sur ces sujets : il les résume avec clarté, en tire ce qu'ils
ont de plus intéressant pour le public, et porte sur les oeuvres qu'il étudie un
jugement indépendant et presque toujours remarquablement juste. On peut bteo
lui reprocher encore, pour parler d'abord des quatre premiers chapitres^ d'avoir
emprunté à ses sources (qui sont ici les ouvrages de Magnin et Du Méril) une
érudition au moins inutile. Est-il bien raisonnable, dans un ouvrage comme le
sien, d'écrire tout un chapitre sur le théâtre antique, pour nous démontrer
qu'il ne contient en aucune façon (p. 573) le germe du drame du moyen4ge?
Est-il utile de reproduire de vains rapprochements entre les mystères futurs
et les chants funèbres des temps mérovîûgiens (p. 582) ? Est*il admissible surtout
de nous énumérer une fastidieuse série de fabrication de lettrés byzantins^ d'une
forme plus ou moins dramatique, qui n'ont rien à faire avec le théâtre en France
fp, 380) ? L'auteur entre réellement dans son sujet au chapitre II, où, suivant
les recherches de MM. Sepel et Gautier, il arrive à tracer un tableau eiact cl
intéressant des origines liturgiques des mystères. Comment^ quand^ où ces
mystères en lalin^j représentés dans les églises et faisant partie du culte, sont-ils
devenus des drames français joués sur les places par des laïques, c'est ce que la
science n'a pas encore pu nettement établir. M. A., après avoir annoncé avec
un peu trop d'assurance (p. 42 p^ comme il lui arrive parfois, qu'il va t élucider
ce point obscur, » ne l'éclaircit pas plus que ses devanciers Jl n'a pas vu qu'entre
le théâtre des XII" et XIH* siècles et celui du XV* il y a des différences radi-
cales^ qui n'ont pas encore permis de rattacher historiquement Tun à Tautre.
Son jugement sur les grands mystères de la dernière époque est d'une extrême
sévérité : nous ne protesterons pas vivement contre cette appréciation, mais il
faut avouer que si elle est fondée on ne s'explique pas bien l'espace considé-
rable que l'auteur a accordé à cette litlérattire dramatique dans son livre, où il
a fait à l'épopée une place si étroite. — P. 399, à propos du drame à' Adam ^
qui est du Xl!« siècle, nous lisons celte phrase extraordinaire : 1 Quel est l'au-
teur à' Adam ? On l'ignore. Sous Henri VI d'Angleterre {ûc), un moine anglais
avait pris le titre de âocttur h mjstlm liturgKjues (!), mais rien ne prouve
qu^Adam soit de lui. » Dans quel vieux bouquin M. A, a t-il pris celte note?
— P. 430, fauteur, après avoir parlé des quarante Mirada dt Notre-Damt
<dont la SocUU des ûncuns textes a commencé la publication), ajoute : < Nous
avons encore, du même temps, un mystère de la Natmtê, un mystère de Julien et
Lihanias... 1» Mais ils font partie de ce recueil de quarante mystères. — M. p.,
M. A. croit avec M. de la Villemarqué que le Mystère de Jésus est une traduction
d'un mystère français plus ancien que h Passion de Greban ; il n*a pas lu l'article
où P, Meyer a démontré que le drame breton était fait sur celui de Jean Michel.
— P. 4JJ. L'auteur cite à propos du nom des mystères des passages latins mal
choisis, car dans la plupart mystenum n'est qu'une mauvaise traduction du fran-
4
4
AUBERTiN, Histoire de la littérature française au moyen-âge 465
çais m«lifr, qui vienl de ministeriam. Le mot mystlres^u sens dramatique remonte
au contraire au latin mysurium au sens ihéologiquc. — P. 4 H ss. L'auteur
droet qu'il y avait pour la représentation des mystères un système de hettx
K ta posés et un autre d'étages superposés ; il regarde même ce dernier comme
us habituel et c'est celui qu'il décrit. Mais il n'a jamais existé que dans Tima-
nation des écrivains modernes^ comme M. Paulin Pans Ta démontre il y a
longtemps. — P. 4^6. La comparaison entre Bodel et Rutebeuf comme auteurs
amatiques n'est pas juste. Le langage de Bodei nVst pas • rude et grossier, t
; it est inouï de dire que son Jeu de saint Nicolas ■ ne nous offre ^ue des scènes
; taverne, t etc. Les scènes de ce genre y tiennent, il est vrai, trop de place,
mais cette œuvre si originale, qui méritait une étude à part^ contient quelques-
uns des passages les plus héroïques de toute la littérature dramatique du moyen-
Ige. — P. 4^7 ss. Revenant aux MiracUs de Nostrt Dame, M A. commet
plusieurs inexactitudes. Après avoir dit qu'ils sont du XI V« siècle, il ajoute fort
bizarrement : « Avons-nous quelque mystère authentique du X1V« siècle? Nous
n'en possédons aucun qui soit certainement de cette époque, p [1 dit que ces
Miracles sont écrits en i petits vers irrégutiers *; il doute qu*ik aient été
représentés: tl trouve que Tun d'eux est surtout ■ caractéristique par les
extravagances â* invention dont il est plein, 1 ne sachant pas que ce miracle
comme les autres ne tait que mettre en scène une légende fort répandue. —
Quelques erreurs sur les Greban ^p, 464) seront facilement rectifiées quand
aura été publiée l'édition du mystère de la Passion qui va enfin paraître à peu
près en même temps que cet article.
Les trois derniers chapitres sont consacrés au théâtre comique. Les prolégo>
mènes sont encore ici un peu trop étendus^ outre que Thistoire des comédies et
des divertissements analogues chez les Romains pourrait être plus exacte et plus
complète : l'auteur n'a pas tait usage du livre si précieux d'E. du Méril. En
fèalitéj il n'y a aucun !ien saisissable entre les bouffons romains et notre théâtre
comique; les digressions sur la fête des fous, etc., sont assez inutiles ou du moins
tiennent trop de place, car ces sujets appartiennent â l'histoire sociale bien plus
i}u'â l'histoire littéraire. Cest surtout le XV« siècle, comme de juste, qui fait le
sujet de l'exposition de M. A.; cependant il s'est occupé des rares productions
intérieures : il a malheureusement ignoré l'une des plus intéressantes, la farce
du Garçon et de l'AvtugU^ publiée par P. Meyer dans le Jâhrbuch fur romanische
Làlerâtur. Son tableau du théâtre comique du XV' siècle est bien disposé et bien
exécuté; ses jugements sont, comme d'ordinaire, réfléchis et raisonnables. Cette
fitrtie de son livre est une de celles qui instruiront et intéresseront le plus tes
lecteurs auxquels il s'adresse. Nous n'y avons relevé que quelques inadvertances.
— P. 483. On sait que la prétendue tessbe pour la représentation de la Casmû
est fausse. — P. 484. M. A, ne connaît pas la nouvelle édition du Qatrotus^
qu'il appelle d'ailleurs fort inexactement une imitation de [Aalularui, — P. 488,
téanisme pour dtre 4 emploi de vers léonins t est un mot aussi barbare qu'inu-
tile. — P. 490 ss. on lit une dissertation sur Hrolsuit (M. A. dit Hroswitha)
cl ses œuvres ; quand donc ces comédies latines d'une nonne allemande dispa-
ratlront-elles de nos histoires de ia littérature française? — P. ^oj M* A. fait
d'Adam de la Haie un * moine défroqué » ; il n'aurait pu se marier : il était
Romama^ VI )0
466 COMPTES-RENDUS
simplement clac, ce qui n'est pas la même chose; ajoutons qu'il appréne ass£z
justement le Jeu de la FeuiiUe, mais on regrette qu'il n'ait pas reproduit les
lignes charmantes que M. Renan a écrites sur ce bizarre petit chef-d*œijvr«. —
P. 5 10*1 5. Sur la bazoche, son origine et son rôle, sur Tétymologie et la portée
première de la farce, il y aurait bien des réserves à faire; mais M. A, rÉ^ume
les opinions généralement admises. — P, j2o (et encore p. $27 et 546) M. A.
attribue à Villon les Repues franches ; c'est une singulière distraction. — P. (21,
TauLeur dit que le recueil de farces trouvé en 184s en Allemagne passa en
Angleterre t et de lâ revint â Paris t. 11 est malheureusement encore au British
Muséum. — P. 542 on lit que i (e manuscrit w de Paulin « n'existe plus* »
Que veut dire celte expression? il existe des manuscrits de Patelin, quant à
raulographe, ce n'est pas merveilfe que nous ne Tayons pas, — P. 548 ennote^
sur Anselme (c'est-à-dire Gaucelm) Faidit et sb prétendue comédie de l'Hérhie
des Pères (sic), M. A. a répété les inventions de Nostradamus^ qu'il apprécie
ailleurs comme elles le méritent.
Nos critiques auront sûrement montré à M, Auberlin le cas que nous faisons
de son livre et Tinlerêl que nous prenons à son succès. Il retrace ainsi lut-mèmc,
en terminant le premier volume, le cadre du second : 0 II nous reste, dit-il, à
étudier le genre satirique, qui a tenu dans la littérature du moyen âge une si
large place^ puis les variétés du genre didactique. Nous aurons enfin à conclure»
à rechercher et à faire voir les causes nombreuses qui ont arrêté cet essor de
génie, qui ont fait périr dans sa fleur celle poésie pleine de promesses; c'est ce
que nous examinerons en letant un regard sur les derniers poètes, Charly d'Or-
léans^ Villon et leurs contemporains^ en passant en revue l'époque pédantesque
des € grands rhétorîcqueurs 1 qui prélude gauchement à l'œuvre de la Renais-
sance, sans avoir Tenibousiasme et le talent de la Pléiade. Ces derniers chapitres
sur la poésie, joints à l'histoire complète des genres en prose, formeront notre
second volume. » Nous engageons vivement l'auteur, soit à propos des romans
en prose, soit à propos des fableaux, et surtout des lais, qui sont de véritables
petits romans d'aventure, à revenir sur cette classe de narrations poétiques, qu'il
a beaucoup trop négligée, et qui mérite une place à part tant par sa valeur
littéraire que par son importance pour l'histoire de la vie sociale. Si, comme
on est fondé â l'espérer, le second volume de M. Auberlin répond au premier
par l'exactitude habituelle des informations^ la justesse générale des vues,
l'excellente exposition^ fa qualité du style^ il aura fait un ouvrage vraiment naé-
riloire et digne de toutes les recommandations de la critique. Le succès ne
pourra lui manquer , et lui permettra bienlÂt de se rendre de plus en plus digne
de continuer à l'obtenir *.
G. P.
î . Lès faute* d'impression sont malheureusement très-nombreuse dans le livre de
M. A. En voici une petite liste, qui t%î certainement bien loin d'èire complète P. 7 vdt&-
nica P. 11 et 18 Namanliûnuï pour Namatienus, P- 41 et ailleurs FrancA pour Franc
ou Frank. P, 60 iager p. juger. P* 78 acuttu p. ucuîut, p. gj X" siicU p. Xi'. P. 91
Xif siècle p. XtX', Ib, Chevalet. P. 99 quum p. quam. P, 114 Panier, P* 140 et au-
teurs Tûilièftrt, P* 199 Boâa p. BodeL P. 17 j vautours j). autours, P, i$6 Votfram,
P. 17 j Tyrrhiwî. P. 181 Eberfetd, P, 509 Corbtan p. Corbiac. P. }tj du pleurs amlres,
P. ||6 Bonnor p. Bonnet (ceci est pis qu'une faute d'impression). P. \^\ M. Baret est
Etude hlstorlcpie et littéraire sur Touvrage latin intitulé Tle
de Saint Guillaume, par Ch. Revillout, In-4% $2 p. Extrait des
PubljcalJuns de la Société archcologique de Montpellier^ n'* 3)-)6. Paris,
Dumoulin et Dtdron^ 1876.
On s'est beaucoup occupé, d'abord au point de vue historique, puis au point
de vue de l^hisloire littéraire, de la Vita GuHktmi Gdhmmis^ écrite par un
moine du couvent de Gellone ou S. Guilhem le Désert. On sait que le duc de
Toulouse Guillaume^ l'un des plus illustres lieutenants deCharlemagne, se retira
en S06 dans le vallon désert Geltone, où il avait peu auparavant établi une petite
communauté religieuse^ et mérita par ses vertus monasliqueS; continuées pendant
six ans. de recevoir le titre de saint. Ce personnage n'est pas seulement intéressant
en lui'n:ème^ mais en ce qu'on a reconnu en lui le héros d'une série de chan-
sons de geste où on célèbre les exploits de Guillaume à! Orange^ ou fkkrtbract (et
non Fufûbracc comme dit M. Réviîlout) ou aucoarî mz. Cette îdenlificatton esl-
clle juste? Il faut distinguer. La critique a mis hors de doute la fusion en un
seul héros de plusieurs personnages parfaitement indépendants^ et différents de
temps et de lieu : ainsi je crois avoir établi ici que Fun de ces personnages a
été Guillaume, comte de Montreuil-sur-Mer au X« siècle'. L'un des principaux
parmi les autres est-il Guillaume de Toulouse? Personne n'en a douté jusqu*à
présent, d'autant plus que la Vita GmiUlmi contient un passage, visiblement
emprunté à la poésie populaire, où Guillaume, comme dans nos chansons, enlève
Orange au sarrazin Thibaut; et réciproquement Tune des rédactions du Monxagt
Cuilhame — car le Guillaume des chansons se fait moine comme le Guillaume
de Toulouse historique — parle expressément de Gellone^ d'Aniane ou des
déseru de Montpellier comme du lieu ou finit son héros. lï y a donc renvoi
fortnel de Tun des personnages à l'autre. M. R. oppose à ces rapprochements
un scepticisme peut-être excessif. Le passage de la Vitâ prouve simplement,
dit-il, que les moines de Gellone ont rattaché i leur patron ce qu'ils entendaient
chanter sur Guillaume d'Orange ; le passage du Montage prouve que l'auteur
de cette rédaction a été influencé par la Vua, Il accorde cependant qu'entre
Guillaume d'Orange et Guillaume de Toulouse il y a quelques points de contact
réels : t Trois liens, dont on ne saurait dissimuler ta force, rallachcnl le Guîl-
' laumc de la poésie à celui de l'histoire. Le premier est fourni par les combats
Fiutour de Narbonne qui remplissent les Enfances du fils d'Aimcri, et semblent
un souvenir altéré de h grande bataille livrée sur les bords de l'Orbieu, Le
second, c'est le fait, commun aux deux Guillaume, d'une retraite dans un
monastère..... Mais le troisième et sans contredit le plus fort de ces liens, c'est
le nom de Guibourc, commun à la femme du Guillaume des poèmes et à Tune
des épouses de Guillaume de Toulouse (p. 6). • Si ces tiens sont solides, les
divergences entre les deux personnages, pour le reste, importent peu, parce que,
comme nous Tavons dit, le Guillaume des poèmes est formé de plusieurs Guil-
' appelé Barrtl, p. ho et h> BarrL P. liZ U troisième p. le quatrième, P. 471 16)9 p.
Iin9' 1-a plupart des passages en vieux françaii rcprodmti textuellement comienneni des
l^utet.
I. Romantij \^ 177-189.
à
468 COMPTES-RENDUS
bume, ce que M. R. oublie trop. La large part qu'a eue Guitlaume de Tou-
louse à la formation du Guillaume épique me paraît incontestable, et je mon*
trerai ailleurs que les poèmes en contiennent d'autres preuves encore que cd)&
que donne M. Révîtlout, et dont la première au moins est très-faîble. Les
Enfances GutUaamc sont de pure învenlbn; si le héros combat tesSarrazins auprès
de N^rbonne, c'est parce qu^unc fiction relativement récente en avait fait te 61$
d*Aimeri de Narbonne: îe souvenir de la grande bataille livrée sur les bords
de t'Ûrbteu se retrouverait plus naturellement et a été cherché jusqu'ici dans
les poèmes sur la bataille d'Aliscans. Qu'il nous suffise pour le mûment d^iffir-
mer la participation de Guillaume de Toulouse â la constitution du Guillaume
épique : on comprend dès lors l'intérêt qui s'attache à Tétude critiquedesdocu*
ments relatifs â sa vie.
L'un de ces documents est la charte de fondation de Gellone, précieuse
surtout parce que certains personnages que célèbrent les chansons de
geste y sont également mentionnés. Mais ce qui arrête dès les premiers pas^
c'est qu*il existe de celle charte deux rédactions, prétendant toutes les detix
être authentiques, et sensiblement différentes. L'une de ces chartes fait de
Gellone une simple cellû^ soumise dans les termes tes plus exprès à l'autorité
du monastère voisin d'Aniane ; l'autre ne dit pas un mot d'Aniane et crée à
Gellone un monastère absolument indépendant. Cette question de la dépendance
de Gellone fut très-discutée entre les deux couvents aux XI* et Xll* siècles ; ce
fut â cette époque que chacun dVux produisit son titre : évidemment Tun des
deux est faux, mais lequel? M. Thomassy^ il y a une quarantaine d'années,
écrivit dans la B\bi\othïqm de VÊcok des chartes (II, 177 ss.) une dissertation
spéciale sur ce sujet, et conclut en déclarant seule authentique la charte qui
ne fart pas mention d'Aniane ; M, Gautier dit (Ep, fr. 111, 61) qu'il se range â
son avis, « qu'il a voulu approfondir », Pour moi, je suis arrivé depuis long-
temps à une conclusion absolument opposée*, et je songeais à publier un mémoire
sur ce sujet, quand fappns que M> R. préparait un travail dans la même vue.
Il était mieux que moi préparé il Fcnlreprendre, et je !e lui abandonnai volon-
tiers. Ce travail, le savant professeur de Montpellier ne te publie pas encore
cette fois-cr^ mais il nous en donne un avant-goût et un résumé suffisant. Il a
eu la bonne fortune de retrouver les originaux des deux chartes, que personne
n'avait vus, et il veut en publier une reproduction photographique. En atten-
dant, il les împnme en regard Tun de l'autre, et fait ressortir les différences
qui sont toutes en faveur de la charte d'Aniane. Ceïlc-ci est datée du r s dé-
cembre (804) ; les fabricatcurs de Gellone ont daté la leur du 14, seulement ils
ont eu rimprudence d'ajouter t dimanche (feria prima) » ; or en 804 le 14 dé*
cembre était un samedi et non un dimanche 3. ^ Le sîyîe de la charte authen-
tique a toute la barbarie qui régnait encore au commencement du fX« siècle ;
celui de la charte fausse a la correction relative du XIl*. Ainsi de parentes meos
j. Les arguments de M. Thomassy sont si vagues qu'il n'^ a pas i les réfuter en
forme, et que M. R. ne l'a pas fait. Il voit, — ce qui est caractéristique pour les progréa
de la philologie, ^ une preuve de la fausseté de l'acte authentique dans le fait qu*il
contient beaucoup de passages grammaticalement fautifs, qui sont corrects dans Tautre.
i« Une faute d'impression — i) pour 14 — obscurcit i cet endroit le raisonnement de
M. Revillout.
RÉviLLOUT, La Vie de saint Guillaume 469
est corrigé en d€ parmùbas meis, pro nos omnibus suptnus nominatos en pro nobis
0, s. nominâtiSf annô Jiii, impcrio tjus en anno Sui, imperii ijus^ elc. — Quef-
ques points ne sont pas sans intérêt pour l'histoire de U légende. La charte
authentique parle des épouses de Guillaume, • uxores meas Witburgh et Cune-
gunde f ; Tordre où elles sont mentionnées semble indiquer que Guibourc ini
la première et Cunegond la seconde ; le rédacteur de la charte fausse, sans
doute i cause de la grande célébrité de Guibourc dans les poèmes, et des récits
qui la présentent comme associée à la vieillesse de Guillaume, a mterverti l'ordre:
• et uxorîbus meis Cunegunde et Guilburgi >, en même temps qu'il a rapproché
le nom de Guibourc de la forme devenue usuelle, Il a fait plus : il a intercalé
parmi les parents de Guillaume pour Tâme desquels il demande des prières son
ocveu Bertrand, son compagnon inséparable dans les chansons de geste : « et
nepote meo Bertranno »^ tandis que ce personnage est absolument inconnu i
Tacte authentique.
Le gros du mémoire de M. R. est consacré non pas à la double charte de
fondation, mais à h Vitâ^ qui s*y rattache d'ailleurs étroitement. Il montre —
et fêtais arrivé absolument aux mêmes conclusions dans un cours sur le cycle
de Guillaume d'Orange professé il y a cinq ans — que cette biographie monas-
tique n'a aucune espèce de valeur quelconque^ au moins pour l'histoire, et
qu'elle se compose de trois éléments outre îa charte de fondation : 1° la partie
relative à la vie de Guillaume à Gellone dans la biographie de S. Benoît d'Aniane
par Ardon ; 1* quelques traditions du monastère, sans valeur^ et quelques lieux
communs de miracles; 5** les chansons de geste* La première partie tsï le pen-
dant exact de la fausse charte dont je viens de parler : le récit d 'Ardon, bio-
graphe contemporain et véridique, est audacieusement falsifié, sans parler des
exagérations emphatiques sur les vertus de Guillaume, pour rompre tout lien
entre lui et S. Benoit, c'est-à-dire entre Gellone et Aniane. Les traditions du
cloître se bornent à peu de chose : je regarde volontiers comme authentique ce
qui se rapporte au chemin construit par Guillaume. Quelques miracles, et le don
fait i Guillaume par Charlemagne d'un morceau de la vraie croix, sont sans
doute de pure invention. Je reparlerai tout à l'heure de ce qui regarde les chan*
sons de geste. M, R. analyse très-finement les procédés de composition de
l'auteur de la Vitâ ; il montre que parfois il a altéré Ardon parce qu'il ne le
comprenait pas; d'autres fois parce que les mœurs monastiques ayant changé,
il ne se représentait pas exactement ce qu'était un monastère du temps de
S. Benoit, Il fait voir ses procédés de style, communs à tous les auteurs de
son temps, et s'il se montre çà et là un peu indulgent pour ses intentions, il
n'en met pas moins à jour le continuel mensonge où il se complaît. H rattache
ensuite cette œuvre, atnsi que la fausse charte de Guillaume et deux autres
pièces falsifiées qu'il publie en appendice — un précepte de Louis le Pieux et le
Tiiiamtntitm Miofrait (antidaté et altéré) — à l'abbatiat d'un nommé Guillaume,
qui fit exécuter en ni2 le Cartutaire oh se trouvent transcrits tous ces actes,
tl est certain qu'il y a entre ces diverses pièces un grand air de famille : M. R.
montre que ta vie de S. Benoit par Ardon, si bien pillée par Tauteur de la
VtU^ a prêté des phrases entières au prétendu précepte de Louis te Pieux.
D'autre part, la charte falsifiée a fourni divers traits à Kauteur de la VïU, ou
470 COMPTES-RENDUS
plus vraisemblabkment ces deux estimables fabrlcitions ont le même auteur ou
sont au moins sorties du même milieu. Voici un petit trait curieux, parce qu'il
peut servir à montrer comment se créent les * traditions • . Dans sa charte
authentique, Guillaume parle de ses sœurs : t et sorores meas Abbanc et Bu-
tane. » Os formes sont des représentations latines du cas régime en -dn (devenu
en français •(!//?), propre aux noms germaniques de femmes de la déclinaison
faible : des formes analogues sont employées sans cesse dans les textes de cette
époque, et ont servi à M. Quicherat, comme on sait, i expliquer les noms
français comme Bmâin^ Aitdm, Le nominatif des noms des deux soeurs de
Guillaume est donc Abha et Bcrta^ et en français moderne elles doivent s'ap-
pder Abbe et Berte. L'auteur de Tacte faux n'a rien compris à cette dédj-
naison, tombée en désuétude depuis qu'on savait un peu mieux le tattn ; il a
écrit f etsororibus meis Albana (sic) et Bertana », et le rédacteur de la Vlta
emploie au nominatif les formes Albana (ce qui n*est pas un nom germanique) et
BtrUma. Ce rédacteur n'a pas compris^ pas plus que l'auteur de la charte
fausse, que toutes les personnes mentionnées îct par Guillaume étaient
décédées, et il a profité de la mention de ces deux sœurs pour inventer
un petit roman, d'après lequel elles suivirent Guillaume i Geltone, s'y construi-
sirent une humble habitation et y moururent en odeur de sainteté. Cette inven-
tion fit fortune : bien que les chroniqueurs du couvent n'aient jamais pu dire
où logeaient les deux sœurs, on montrait leur tombeau au XVI I** siècle, et je
Taj vu encore dans Téglise de Gellone. L'auteur d'un livre bizarre, k Vit de
Saint Cuilhem^ par un solMn montagnard (Lodève, 1862), raconte avec émotion
« la légende touchante et bénie d'Albane et de Bertaneu, et nous apprend,
entre autres choses, que 1 les mères pieuses donnent souvent à leurs filles un
de ces noms bénis comme un garant de bonheur Ip. 80) •. Ainsi, des formes
dues â ^ignorance pénètrent dans Tonomastique réelle. Il y a un autre exempte de
cette méprise dans Thistoire de Guillaume de Touïouse. Tous les historiens»
M. Gautier et M. Révillout (p. 6 etc.) comme les autres, appellent Aidant li
mère de ce personnage. Or la charte authentique dit * genetrice mea Aldanê »;
Aidant répond au fr. Audain : ces formes d'accusatif n'ayant point passé dans
l'usage moderne, il faut dire Aide (le faussaire naturellement écrit Atdana).
L'histoire de ces temps, chez les écrivains modernes, fourmille de fautes de ce
genre.
Reste à se demander quelle est la valeur de la Vita pour l'histoire poétique
de Guillaume. M, R, n'a pas traité à fond cette partie de son sujet. Il n'y
était pas prut-étre suHlsamment préparé : it n'a pas sur l'âge respectrf et le
rapport des différents poèmes du cycle des notions assez personnelles et assez
précises, et il n'a pas les problèmes que soulève ce cycle curieux assez présents!
l'esprit. Ce n'est pas ici le lieu d'étudier cette question en détail \ je me borne-
rai à dire que les poèmes qu'a connus, vers t iio^ Tauteur de la Vtta doivent,
ou tout au moins peuvent avoir été des poèmes en tangue d'oc. On ne voit pas
bien comment à cette époque un moine de Geltone aurait connu des chansons
françaises* Partout ot son bref résumé diffère de nos chansons, M. R, semble
croire qu'il les a modifiées exprés ; il est bien plus naturel de croire que ses
allusions se rapportent â des poèmes qui différaient de ceux que nous avons.
RÉviLLOUT» La vie de saint Guillaume 471
Je terminerai en insistant sur un Irait spécial. La Vaa ei le plus ancien Mo-
niagc sont d'accord pour raconter que Guillaume, avant de se rendre au monas-
tère, déposa son écu à Brioude sur l'autel de saint Julien. Le trait n'est pas histo-
rique, puisque, comme le fait remarquer M. R. (p. ^5), Téglise de saint Julien,
détruite au Vll!^ siècle, n'était pas relevée de ses ruines enSo6. * Mais, ajoute-
t-il, les moines du Xll' siècle ignoraient cette circonstance ; ils savaient seule-
ment qu'on montrait à Brioude un bouclier colossal déposé dans le sanctuaire
de S. Julien par un des nombreux Guillaume qui, dans le courant du X« siècle,
régnèrent en Aquitaine ou en Auvergne et s'illustrèrent aussi par leurs exploits
contre les païens envahisseurs de la France. Ce bouclier gigantesque, â qui
pouvait-il appartenir, sinon à leur grand fondateur?,.. A leurs yeux^ comme à
i'Ceux du peuple, il ne pouvait y avoir qu'un seul Guillaume,.. C'est ainsi que
Je bouclier que l'on conservait à Brioude devint, dans les chansons de geste et
dans la biographie monastique, le bouclier de Guillaume de Gellone (p. iS'S^)-'
Je ne sais où M. R. a trouvé que le bouclier conservé â Brioude fôt colossal V
Ce qui est sûr, c'est qu'à l'église Saint-Julien de Brioude on montrait Técu d'un
comte Guillaume; et il n'est pas moins assure que ce Guillaume u'était ni Guil-
laume d'Orange ni Guillaume de Gellone, mais bien Guillaume 1", dit U Puux^
duc d'Aquitaine et comte d'Auvergne, mort en 910» qui s'occupa beaucoup de
l'église Saint-Julien de Brioude, la restaura, la dota magnifiquement et voulut
y être enterré. 11 est probable que dès le XI* siècle, à Brioude même, on ne
distinguait plus bien les deux Guillaume, et que l'attributton identique de la
chanson du Montage et de la Vita a pour source les assertions des chanoines qui
i Brioude muniraient ce trophée aux pèlerins. 11 y aurait sur ces divers points
à écrire une petite dissertation dont j'ai à peu près réuni les matériaux.
En résumé, le mémoire de M. Révillout est une oeuvre d'excellente critique histo-
rique et littéraire, 11 réhabilite la charte authentique de la fondation de Gellone, si
injustement méconnue^ expose le petit groupe de falsifications auxquelles les
moines de S» Guilhem se sont livrés dans le commencement du Xll" siècle, et
tcmct à sa véritable place, qui est fort peu honorable, la Vita GudUimif beau-
coup trop appréciée. Nous voudrions que l'exemple du savant professeur de
Montpellier engageât d'autres écrivains à débrouiller ainsi^ notamment en ce
qui concerne le midi, les points de contact, si obscurs mais si importants, qui
existent entre l'histoire et l'ancienne épopée française ^.
G. P,
t. tl résulte seulement du texte, où on dit que les visiteurs peuvent [uger par ce
bouclier quei a été Guillaume, qu'il était uti peu plus grand que les écus usités au
xit* siècle. Et encore! Le moine de S. Guilhem n'avait san^ doute pas été i Brioude :
il pii\ù au hasard ou d*aprèa de vagues récits .
3. P. î9, uiia perraro textus tegmine ne veut pju dire <* couvert d'un seul vêtement
et encore très- rarement •, mais « couvert d'un seul vêtement très mitice. » — P. 60 la
Vita était desiinéc 1 être lue et non chantée. — P. jo, le ms. de Guillaume tPOrangt
Cûuiervé à S, Guilhem et vu par Catel n'est pas perdu ; il existe à Paris À la Biblio-
I fhéque nationale : voy. komania^ t. Il, p. j^r — Les textes latini imprimés par M. R-
I kÎHent i désirer comme correction et comme reproduction.
PÉRIODIQUES.
I. Rbvub DB8 LANQUEs ROMANES, 2* série, t. III, fi» 5 (i 5 mai). — p. 17),
Alart, Documents sur la langue catalane (suite et fin). — P. 178, Lettres à Crh-
goire sur les patois de France (suite). — Bibliographie : Récits d* histoire sainU en
BiarnaiSy traduits et publiés par MM. Lespy et Raymond <C. Chabaneau : c'est
moins un compte-rendu qu'une suite d'observations sur le texte ; nous rendrons
compte prochainement de cette publication). — P. 216, Périodiques.
— N<» 6 (i) juin). P. 225, Milà y Fontanals, Mélanges de langue catalam;
observations détachées sur divers points de la prononciation ou de la flexion du
catalan. M. Milà présente une explication, qui me paraît bien douteuse, du mot
son qui aide â former un si grand nombre de noms de lieux (principalement de
maisons isolées, d'écarts) dans les iies de Mayorque et de Minorque ; ainsi Son
Ramont, Son Nebots, SonSardina. Selon M. Milà son serait pour so d*en^ c.-à-
d. c ce [qui est} de... 1 P. 229, en note, M. Milà exprime cette idée que le
vers inintelligible de Marcabrun (voy. ci-dessus p. 126 n. 2) : Que no lor fassâ
cafloquet ni peintura^ c peut être un vers à césure épique ». Il faudrait d'abord
établir que Marcabrun admettait la césure dite épique, ce qui, je crois, serait
difficile. — P. 230, Lettres à Grégoire sur les patois de France (suite). Ces lettres,
où les études linguistiques trouvent toujours peu à glaner, continuent d'autre
part à être fort intéressantes pour l'histoire de l'ancien régime. On y voit
notamment par maint témoignage combien peu le clergé se souciait de répandre
rinstruction parmi les paysans et de cultiver leur intelligence. — Bibliographie :
Le livre des Manières, par Etienne de Fougères, p. p. F. Talbert(A. Boucherie;
l'édition de M. Talbert est bien mauvaise; on y voit à chaque page la preuve
d'une grande inexpérience des travaux de la critique, et M. Boucherie pourrait
encore, ce me semble, publier celle qu'il avait préparée du même texte). Li che-
valiers as deux espées, hgg. von W. Fœrster (A. B.). — P. 269. M. Chabaneau
maintient l'explication de nassa par « nièce ■ (Charte du pays de Soûle, Roma-
nia^ t.V), rejetant l'interprétation de f pêcherie», que je persiste à croire la plus
probable. P. M.
II. Zeitschrift fur romanische Philologie, herausgegeben von D' Gustav
Groeber, protessor ander Universitaet Halle*. La nouvelle revue qui vient de
remplacer le Jahrbuch s'annonce de la manière la plus favorable : presque tous
I. Halle, Lippert. Prix de l'abonnement pour la France : 20 fr.
PÉRIODIQUES 47^
fes romanistes connus de T Allemagne ont collaboré au preinjer fascicule, qui
contient des articles aussi variés qy 'importants. La grammaire et l'histoire iitté-
rairt y sont également représentées ; on y trouve des textes inédits et des
comptes- rendus d'une grande valeur ; epfin^ sauf le roumain^ tous les idiomes
romans y sont l'objet de quelque notice : c'est d'ailleurs le français qui occupe
la plus grande place.
I, r. — P. 1» Tobler, Milanga de grammaiu française : i) emploi du pro*
nom personnel avec un adverbe ; emploi de ne pour noi dans les phrases de ce
genre (ne tu) et dans d'autres {ne mU^ ne gatres); 2] emploi particulier de de en
ancien Français (Povre cose est de mortel yie}^ qui a laissé des traces dans la
langue moderne {// est doux de vivre ^ pour ce (fut est de lui) ; emploi analogue de
fU£ de; j) Périphrase d'un verbe ï un temps hni par l'infinitif avec faire : Tout
son es(u ti fait jus noingnier = lui reoingnt ; M» T. maintient son explication de
Faites moi esiouter^ que j'ai combattue ici (V^ 409) ; il ne m^a pas convaincu, et
je n'admets même qu'avec réserve la première partie de sa thèse ; je reviendrai
sur ce point ailleurs : 4) propositions alternatives dont le second membre com-
mence par ou {Serai je deïmis ou je serai ochis?) ou par si; ^) emploi de Timpé-
ratîf où on attendrait le subjonctif {Je te requitr quUn gutrtedon Wun de as cierges
me fai don) tl, dans le même cas, de Tinfinitif avec ne, qui sert d*rmpéfatif
négatif (... Dolcement te voil prier Qui de toi ço riens n'obtier); 6) emploi de
cors^ persone, char^ ckitf^ membres ^ joyenîe, non avec le nom au génitif ou le pro-
nom possessif comme simples périphrases du nom; 7) participes présents actifs
au sens passif {argent comptant) ^ avec une riche liste d*cxemples* Dans toutes ces
remarques, le savant philologue ne se borne pas à constater Fusage à l'aide de
nombreuses citations ; il cherche toujours à Texpliquer logiquement et histori-
quement ; c'est ce qui donne une haute valeur à ces mélanges de grammaire,
dont la forme est extrêmement concise. — P, 26, SychoWe, L* épisode de Bûligant,
ittterpoU dans la Chanson de Roland ; Tauteur cherche â prouver par l'étude de
la langue que le grand épisode où est racontée la défaite de Baliganl, dans la
Chanson de Rohnd, est d'une autre main que le reste du poème ; toutes ses
raisons ne sont pas frappantes^ il s'en faut, mais leur ensemble constitue une
probabilité assez forte, surtout, il faut le dire, parce qu'elle est corroborée
d'arguments d'un autre ordre. ^ P, 4*, Braga, 0 cancioneiro porîuguei da Vati-
cana e suas relaçâes com outros cancioneiros dos seculos XI!I et XIV : ce titre dit
suffisamment le sujet et l'intérêt de cet article; M. Braga prépare une édition
critique du grand chansonnier que M. Monaci vient de reproduire diplomatique-
ment. — [P, j8j Bartsch, Zwei proveniaîische lais. Ce sont les lais t Markiol •
et t Non pari>, conservés dans le mss. Bibl, nat. fr. 844 et 1261 f. Le premier
appartient à la poésie amoureuse, le second contient l'expression des sentiments
d'un chevalier partant pour la croisade. L'un et l'autre présentent de nom-
breuses difficultés. Les deux copistes français rl'un d'eux était d*Arras) qui
nous les ont transmis avaient sans doute sous les yeux un texte déjà peu correct,
qu'ils n'étaient guère en état de comprendre et qu'ils ont corrompu à qui mieux
mieux. M, B. a placé en regard du texte combiné des deux mss. un essai de
restitution qui est peu réussi. Il s'y trouve beaucoup de corrections qui ne
conduisent â aucun sens probable. Je m'empresse d'ajouter que M. B. n'a pu
474 PÉRIODIQUES
donner b dernière main à son Iravail. Une note de la p. 160 nous appreod
que, gravement malade, i) n'a pu revoir les épreuves de son mémoire* Aui
deux [dis provençaux M. B. a joint un lai français, imité du lai • Markiol *, que
lui a fourni le ms. de Noailles (1261^) : la rubrique en est ainsi conçue:
f Uns lais de Nostre Dame contre le lai Markioi ». Malheureusement M. B, n'a
pas su que le même lai se retrouvait dans le ms. fr. 219; qui fournit, outre UQ
bon nombre douilles variantes, des phrases entières qui sont omises dans le
chansonnier de Noailles. L'édition de M. B. est donc non avenue. M. B. a
placé en lète de sa publication quelques pages sur les lais oîi je ne trouve rien
qui ne soit déjà connu, mais qui ne contiennent pas tout ce qu'on pourrait dire
sur ce sujet, A la p* 58 c'est certainement à tort que les vers Cdlam
pîatz mais que chansos \ Vofta m lais de Bretanha sont attribues à Foiquel de
Marseille. Il est vrai que la pièce d*où ils sont tirés a été publiée sous le nom
de ce troubadour par Raynouard *. Mais il est tellement évident qu'elle n'a rien
du style ni des idées de F. de Marseille, qu'il eût été à propos de vérifier sur
quoi se fondait l'attribution adoptée par Raynouard. Or^ vèriGcation faite, il se
trouve que celle chanson n'existe que dans uîi seul ms. (Vatican 3206, iol. 26),
où elle est suivie de îa pièce Pots fin* amor me torna en akgritr que le mène
ms. donne également à Folquet : bien i tort, car la pièce Poh fin anwr se
trouve dans dix mss. entre lesquels six ['attribuent à Gauceran de Saiot-
Didier, trois k Guillem de Saint-Didier, le ms. jio6 demeurant la seule autorité
en faveur de Folquet. 11 est donc très probable que la pièce qui dans le ms,
précède Pois fin* amors est aussi de Guillem ou de Gauceran de Saint-Didier.
En tout cas c'est par erreur que le copiste les a mises Tune et l'autre sous
le nom de Folquet, et cette erreur s'explique d*autant plus facilement que les
pièces qui précèdent immédiatement dans le ms. 5206 sont en effet de Folquet*
le copiste a oublié de changer la rubrique. A propos d'un passage du lai
Markiol M. B. a réuni (p. 72-3) plusieurs textes sur « b bou (le bœuf) Berta-
lat ». Il y a là une allusion qui reste inexpliquée. En terminant je dois faire
remarquer que M. B. n'est pas le premier, comme il le laisse croire, qui ait
signalé les lais Markiol et Non par. Ils étaient déjà fort connus des érudits qui
se sont occupés de Tancienne poésie lyrique française et provençale. Je les ai
mentionnés dans Flamenca^ p. 279. Dès lors j'en avais pris copie et tenté la
restitution. Je dois confesser que mon travail laisse en général à désirer dans
les passages qui ont aussi embarrassé M. Bartsch. G'est pourquoi je l'ai gardé
dans mes cartons. — P. 79, Fœrster, Caiatûmschts StrcUgedickl zwiscken En
Bucimà suncm Pfcrd, Pièce de 343 vers tirée du ms. de Carpentras d*après
lequel M. Mussafia a publié le roman des Sept Sages, C'est un dialogue très-
vif et plein de traits curieux entre un chenapan appelé Bue et son cheval qui
Texhorte â s'amender. li se termine par le testament burlesque de Bue. On sait
qu'il existe plusieurs pièce? analogues ; M. F. en rappelle quelques-unes» sans
toutefois entrer dans l'examen des rapports qui peuvent les unir. Il reste en
outre à rechercher dans quelle partie de ta Catalogne elle peut avoir été com*
posée. Je relève en passant la mention de Sabadell (v, 134), petite ville située à
PÉRIODIQUES 47 J
yne vingtaine de kilomètres âu N. 0. de Barcelone. Le mi. est fort incorrect ;
an le Mvait déjà par les notes de M. Mussafia sur les Sept S^ges* M. P. s'est
appliqué à le bien transcrire el â proposer en note des corrections qui en géné-
ral sont acceptables. Mais il reste encore bien des passages désespérés. Dans la
citation relative au Tisiamentum osini^ p. 88, il faut lire 984 plutôt que 92$.
— P. M.l
P. 88* Mélanges, I. Hhtoirt dts mœurs. 1, Superstitions portugaises; 2, la
Mutharinga^ danse portugaise (Liebrecht). II. Histoire littéraire, r. Sur Marie dt
France (Liebrecht; rapproche le lai des Detix Amants d'une légende pcnane). 2,
La source au Sermo de Sapienlia, publié par M. Fœrster à la suite des Dialogues
de Grégaire (Suchier ; cette source est l'Elucidarius d'Honoire d'Autun). 5, Sur
// Chevalier as deus espées ( Fœrster : Tépisode du roi Ris, qui se faisait un
manteau des barbes de ses ennemis vaincus, se retrouve ailleurs). 4. Siw Richard
le bial (Fœrster : deux vers de ce poème, qu'on a aussi relevés dans Blancandin^
se retrouvent dans Rertart). III. Bibliographie. 1. Le ms. du Vatic. n' 3207
(Stengel : rèvbion des notices de BartscK et Grùzmacher). 2, Lakrmto amoroso
(Vollmœller : description de ce rarissime recueil de romances, que M, V. se
propose de réimprimer). IV. Textes inédits. 1 . Règles de santé en ancien français
( Fœrster ; ms. Ars. B, L. Fr. 28 î). 2. Fragment d'une chanson d'amour m anckn
français (Fœrster; ms. de Tours 136; trois jolis quatrains monorimes, du
Xin* siècle, inconnus d'ailleurs). V. Corrections, t. Sur Brun de la Montaigne
(Mussafia; observations critiques sur le texte, la préface et le glossaire), 2, Rois,
1, xxt (Fœrster : correction évidente). VL Grammaire, i. Détermination de
tipoqm de la chuti de e et de '} après l'accent dans le roman du nord-ouesl (Stengel:
Vi serait tombé avant IV, l'un avant, Tautre après Tassibilation des gutturales;
mais la démonstration est loin d'être convaincante). 2. Lo, li — il i en ancien
italun (Crœber ; remarques fort intéressantes sur l'emploi de ces formes en
ancien italien et sur l'origine probable de i7, ().
P. III, Comptes^rendus. Slûnkel ^VerhaUniss der Sprache der Lex romana Uti-
mnsis tur schulgerechten Litiniut in Bezug auf Nominalfltxtonund Anwtndung der
Casus (cet ouvrage a obtenu de l'Académie de Berlin, qui en avait proposé le
sujet, un prix fort considérable ; M. Schuchardl pense qu'il ne le mérïtail pas
et que le sujet même était malheureusement choisi; Tarticle en lui-même con-
tient beaucoup d'observations utiles sur le bas-latin). — Rajna, le Fonti âelV
Orlando Furioso iCanello). — Braunfels, Kritischer Versuch ùber Amadis von
Gallien fM. Lemcke pense que l'auteur s'égare en niant l'existence d'un Amadis
portugais, bien que V Amadis que nous possédons doive sans doute être regardé
comme espagnol ; ni l'auteur ni la critique ne mentionnent le récent livre de
M. Braga sur ce sujet). — Publications de la Société des anciens textes français
(Lemcke). — Matthes, De roman der Lorreinen (article instructif de M. Stengd).
— Wace's Roman de Rou hgg, von Andresen (long article de M* Fœrster, peut-
être un peu sévère, bien que les observations soient généralement justes; le cri-
tique éclaircit, avec une grande richesse d'exemples, plusieurs points de lexico-
graphie et de grammaire* Au v. 3910, Ne li est mie avis quil seil altz chacur Ne
qu'il ûenge a traisîre ne leus ne leuner^ M. F. lit tracter pour traxstre (« émenda-
tioQ sûre •, dit-il)» el propose leitmitr ne Imier au second hémistiche; lisez :
476 PÉRIODIQUES
Nt que d îiengt a iristre ne sens ne lévrier), — Laurenlius, Zur Kritik dcr Chanson
de Roland (Scholle ; travail qui a surtout le mérite de poser certains problèmes)
!IL RoMàNiscHE Studien (II) 9. — p. 537-670. Grœber, Die Luétrsêmm-
hngtn étr Troubadours, Ce long mémoire a pour objet l*étude des chansonniers
(Complets ou simples fragments) des troubadours^ que l'auteur passe successive*
ment en revue, recherchant d*après quelles sources ris ont été composés ou
compilés» s'attachant à établir les rapports qu'ils ont les uns avec les autres.
Il ne peut pas être question de rendre compte ici, dans la partie consacrée aux
Périodiques, d'un travail aussi étendu et traitant de matières aussi épineuses.
La moindre discussion en ces matières exige un déploiement considérable de
preuves, par conséquent beaucoup plus de temps et d'espace que }e n*en puis
consacrer actuellement â Touvrage de M. Grœber. Je me borne à résumer mon
opinion en disant : qu'il y a dans cet ouvrage une masse énorme de recherches
exécutées avec soin et conscience ; que toutefois les résultais obtenus ne sont
nullement en rapport avec l'efTort accompli. M. G., qui s'exprime sur ces résul-
tais avec une juste modestie, n'est probablement pas éloigné de partager cette
opinion. Je mVmpresse d'ajouter qu'en général le peu de valeur ou l'incertitude
des résultats obtenus ne doit pas être imputé à l'insuffisance de Tauteur, mats i
l'insulfisance des é/éments sur lesquels nous opérons *. Après bien des années
d^étudcs et d'essais sur îe sujet même qu'a traité M. G., je me suis confirmé de
plus en plus dans l'opinion que j'exprimais en 1868 à l'occasion du chansonnier
de Mazaugues : ■ La plupart des recueils des troubadours que nous possédons
ne sont pas les premiers qu'on ait faits, mais ils ont été compilés à Taide de
recueils antérieurs. Aucun ou presqu'aucun ne peut être dit complètement ori-
ginal. Presque tous contiennent une ou plusieurs pièces répétées deux fois,
chaque fois sous un nom différent^ ce qui indique manifestement une double ori-
gine, médiate sinon immédiate. Les leçons indiquent aussi les affinités fes plus
variées. ïl y a donc dans la dérivation de nos recueils de troubadours un enche-
vêtrement tel qu'il est impossible, comme on peut le faire jusqu'à un certain
point pour les chansonniers Irançais^ de les grouper par familles*. » Le très-Ion^,
et en plusieurs parties très-mériloire travail de M. G est la confirmation de ces
vues peu encourageantes. Je dois dire encore que le plan suivi par M. G. ne me
paraît pas le meilleur qu'on pût adopter. — Il y a^ à la fin de ce numéro, an
appendice contenant un article intitulé • Monsieur Paul Meyer » pour faire
pendant au t Monsieur Gaston Pans » du n" 7. M, Bœhmer, me prenant à
particH, répond aux observations qu'on a pu lire ici même, t. V, p. Ç03-4. La
réponse est molle et ne va pas au fait, La question est de savoir si G* Paris a
donné quelque prétexte à Timpulation de malveillance systématique queM. Bceh^
\. Il faut dire toutcfais que M. G. a bitîn souvetii manqué des renseignements néces-
saires. Par exemple, U est loin de connaître suffis.immeni les mss. de Paris, Il est donc
possible, en pluiieurs cas, d*arriver à des résultats plus exacts et ptus sûrs que ceux
auxQuels il s est arrêté. C'est ce qu'on reconnaîtra sans doute, si je puis trouver le tcmp»
d^acnever quelques recherches depuis longtemps commencées sur certains chansonniers.
1. ftûjf ports au ministrt^ p. t6K
pÉaiooiQUES 477
mer lait peser sur M. J'ai prouvé jusqu'à l'évidence que cette imputation n'a
aucun fondement, même apparent. M, B, n'est pas convaincu par mes preuves;
je m'y attendais : l'évidence même est impuissante à détruire ce qu'on appelle
one idée fixe. Le temps et la tranquillité sont les seuls remèdes. Pour fe reste
aussi M, B. court les champs. Il trouve que le proverbe béarnais dont j*ai fait
usage manque d'urbanité. W n'a pas tort : mais ce n'est pas à lui que je l'ai
appliqué, a A tel couteau telle gaine ■ ; soit dit sans diminuer en rien le mérite
scientifique de M. le professeur Forster^ successeur de Die2 (à Bonn).
M» B. découvre que je sais mal l'allemand, et le prouve en montrant
que i'at traduit t so dass « par t afin que »^ quand tl fallait t de sorte que ■.
La preuve n'est peut-être pas très-forte ; toutefois, je ne chicane point :
j'avoue ma faiblesse en allemand, et je n'ai jamais cherché à la dissimuler,
M. B. le sait bien. Mais c'est là une circonstance assez étrangère au débat.
Ce que )e retiens^ non sans un certain plaisir, de l'article que M. B. me fait
l'honneur de me consacrer, c'est que Téditeur des Romamschc Studien attend
avec impatience Tar rivée de son exemplaire de la Romania ; et lorsque le numéro
est en retard, ce qui malheureusement est fréquent, M. B. trouve le temps
long. Nous le comprenons et nous en sommes flattés non moins que pcin^.
Mais, comme dit le proverbe, t Mieux vaut bonne attente que mauvaise hite ».
Si nous faisions un recuefi dépourvu de bibliographie et conçu selon un plan
aussi simple que les Romanhcht Staditn^ nous parviendrions probablement à
paraître à jour fixe. Et pourtant les Romamschc Sludien ne prétendent même pas
à une périodicité régulière : Thty nho iîvc in giass koasts skouU not throw
nom. P. M.
IV. Revue historique de l'anctennb langue française, avril-juin. —
Nous ne pouvons nous astreindre à faire le dépouillement suivi de ce bizarre
recueil ; la plupart des articles sont trop dénués d'intérêt. Nous relevons seule-
ment dans le n-^ d'avril (p. 107 ss.) une série de Questions étymohgitiuts, par
M. H. Moisy, qui attestent chez l'auteur de l'intelligence et de la lecture, mais
une absence complète de méthode. 1* Masser; M. M. le tire âemussan^ qui n'a
pas ce sens, sans voir que le v. fr. mucier, le pic. muchtr^ postulent dans le
mot latin un c ou un ù. — 2. Vmeau; l'auteur pourrait bien avoir raison de
voir dans ce mot un équivalent (nrse-iau) de aquanus. — 3. Ragréer : M, M.
le rattache avec raison à fane, fr. agnur ou agréer^ de ta famille de gràr et
û'âgrts. — 4. M. M. explique très-bien, contre Liltré, Tancien verbe isscmer^
qui signifie • dégraisser, maigrir » et vient de ex et sûgmiin)^ d'oà le v. fr.
sâln^ fr. sûm [doux). — 5» Frm est mal à propos rapproché d'un prétendu
V. fr. fnis^ - ciselé, travaillé en relief, relevé en bosse, • qui n'est autre que
notre )rm moderne dans l'exemple cité. — 6, L'étymologie proposée pour
foagadi, foucade est inadmissible pour des raisons qu'il serait trop long de don-
ner ici.^ — 7. M. M. veut rattacher repair cr à reperire, tandis qu*en réalité repire
lui-même, qu'on tire de repcrire^ est le substantif verbal de npalrtr =: repatriare.
— 8. Tout le monde sait que endher vient de desver; pour celui-ci M. M.
reprend sans le savoir une étymologie surannée, qui l'identifie à dtsnur : la
forme des deux mots est absolument distincte. '— 9. Quenotu n*a rien d faire
47^ PÉRlODIQyES
avec chiiM^ pour cent raisons, et entre antres parce que ce mot n'est que ie
diminntif dn t. fr. qnenni^ c dent >, comme le montrent les exemples de Littré,
anzqnds on pourrait en ajouter beaucoup d'autres. — lo. Littré rattache
solur an b. I. solarium ; on peut admettre que cdui-d est identique an bt. saië-
nom qui a le sens de c terrasse ». G. P.
V. Revue de LUfouisnouE et de philologie gompaaéb, recudl triaies-
triel publié par M. Girard de Rialle, avec le concours de MM. Emile Picot et
Julien Vinson (Paris, Maisonneuve). — Avril et octobre 1876, janvier 1877 :
Le Héricber, Principes Je philologie et philologues contemporains ; appréciation
des travaux de MM. Littré, Du Méril, Nisard, etc. ; quelques remarques utiles
mêlées à beaucoup de fantaisies et de lieux communs.
VL HigToniMHE l^ETTSCHRiFT, XXXVII, I. — P. 77-96, W. Bemhardi,
éer Dino-Streit ; analyse et critique des ouvrages pour et contre l'authenticité
de Dino Compagni; M. B. conclut que c nous pouvons tranquillement considérer
l'historien Dino Compagni comme bien et dûment enterré. >
VII. Revue critique, avril-juin 1877. — 69. De quelques mots slaves passés
en français (ajoutez la note de la p. 310 sur heiduque; l'auteur de cette brochure
est M. Bauquier). — 88. Longnon, Etude sur Villon (G. P.). — 99. Magen et
ThoWn^ Archives municipales d'Agen(P, M.; observations philologiques). — 105.
Kœlbing, Etudes de littérature compara; Etudes anglaises (Arthur Chuquet). —
122. Settegast, Benoit de Sainte-More (A. Darmesteter).
VIII. L1TBRARI8CHE8 Cbntralblatt, avril-juin. — 16. Koschwitz, Die
Chanson du voyage de Charlemagne (W.F.). — 22. Rajna, le Fonti delV Orlando
(S st). — 24. Darmesteter et Hatzfeld, Morceaux choisis du XVh sikle (W. F.;
grand éloge).
IX. Jenaer Literaturzeituno, avril-juin. — 18. Hall, On tnglish adju-
tives in -able (I. Zupitza ; art. favorable) ; — Tourtoulon et Bringuier, E/uJ^ sur
la limite de la langue d*oc et de la langue d'oil (E. Stengel ; favorable).
CHRONIQUE.
Notrecottaborateuf M. Arsène Darmesteter, après avoir soutenu â la Sor-
bonne les deux thèses dont nous avons donné te titre (VI > M^)» a été nommé
maître de conférences à la Faculté des Lettres. Il ne commencera qu'à la ren-
trée à faire âe$ conférences régulières,
— Dans sa séance du 6 juillet, l'Académie des inscriptions a nommé M. G.
Paris membre-adjoint de ta commission de VHistoirt littéraire de ta France^ qui
se compose de MM. Haureau, Paulin Pans, Liltré et Renan,
^ L'Académie française a décerné pour la première fois le prix de philologie
française à M. Ad* Régnier^ pour la direction de la belle collection des Grands
Ecrivains dt ta France ^ publiée â la librairie Hachette,
— Dans sa séance du 20 juillet, TAcadémie des inscriptions a modifié ainsi
fe programme du prix Brunet : it Faire la bibliographie méthodique des produc*
tïons de la poésie française antérieures au règne de Charles VIII qui sont impri-
mées, et indiquer autant que possible les mss. d'après lesquels elles Tont été. i
— Lj Sociiié dts anciens textes français a tenu sa séance publique annuelle le
jevdi 2 r juin. L'assemblée a décerné â M. Paulin Paris le litre de président
honoraire. Elle a nommé M. Michelant président, MM, Thurot et de Montai-
glon vice*présidents. Le discours du président sortant, les rapports du secré-
taire et du trésorier seront publiés dans le Butletin.
— M. Littré a terminé un supplément à son grand Diciionnairt qui ne com-
prendra pas moins de 80 feuilles. Les premières livraisons sont en vente. On
ne lira pas sans émotion la préface où rillustre auteur raconte comment la
mort a failli rempéchcr de mettre la dernière maîn à son œuvre, et prend congé
de cette œuvre et du public. Nous sommes heureux d'annoncer aux lecteurs
de la Romama que la sanlé de M. Littré s*est quelque peu rat!ermie et que la
science peut espérer de le conserver longtemps encore. Le Supplément enrichit
le Dtcttonnaire d*un grand nombre de mots cl d'exemples nouveaux, et montre
avec quel soin l'auteur s'est tenu au courant de tous les travaux faits en ces
derniers temps dans le domaine de Tétymologie française.
— M, Pigeonneau a soutenu, dans le mois de juin, devant la Faculté des
lettres, one thèse sur le Cycle de la Croisade.
— M. Tabbé Bellangcr a soutenu, le mercredi 1 1 juillet, à là Faculté des
Lettres de Paris^ une thèse latine sur Gautier de ChdtUîon et une thèse française
sur la Rime,
— Nous avons reçu les ouvrages suivants :
Le Uvre dts manilns, par Etienne de Fougères^ évéque de Rennes (» 168-1178),
publié pour la première fois par F. Talbert. Paris, Thorin, 1B77, in-4*.
— Texte autographié de ce curieux poème, que M. Boucherie avait
annoncé depuis longtemps Tinlcntion de publier. M. Talbert en prépare
une édition définitive, qui nous donnera l'occasion d'y revenir.
Rispettr del secolo XV ; Sermintese storico di Antonio Pucci (iJ4^ii ^^^^'
canti popolari Siciliani; Canzonc di Guido Guinicelli. — Quatre char-
mantes petites publications per notu de M. A, d*Ancona
480 CHRONIQUE
H Magico prodigiûSQ^ comedia famosa de Don Pedro Calderon de la Barca...,
publiée par A. Morel-Fatio. Heilbronn, Henninger; Paris, Vieweg; Ma-
drid, Murillot 1877^ in- 12^ lxxvi-256 p, — Outre que celle édilion a pour
base un manuscril autographe de Calderon, conservé dans la bibliothèque
du duc d'Osuna, elle offre le premier exemple d*une édilion critique d'une
comédie espagnole. L'introduction conlient des vues d'un grand intérêt
sur le vieux théâtre castillan ; on y remarquera, entre autres précieux ren-
seignementSi l'étude sommaire, mais très-neuve, sur la versification. Les
notes expliquent certaines allusions ou donnent des rapprochements avec
d'autres œuvres de Calderon.
Franzashcht Volk$i\dtr^ zusammengeslclll von Morii Haupt, and aus seiticm
Nachlass herausgegeben* Leipzig, Hirzel, 1877, P^^* in-J2. — Voy, Rn,
crit.y 2j juin 1877.
MariengeUU — franzœsisch portugicsîsch provenzalisch — Halle, Lipperl, 1877,
in-8% 57 p. — Cette élégante plaquette est due à M. Suchicr ; elle con-
tient une prière à la Vierge, du XIII' siècle^ déjà publiée; une autre en
portugais et une autre en provençal : les deux premières pièces sont tirées
de mss. possédés par des particuliers p en Allemagne, et dont M. S. donne
une description soigneuse.
Deik sacre rapprcscntaziom popokri in Sidita^ da Giuseppe PiTftè. Palermo,
1876, gr, in-8<*, 91 p, —Extrait de VArchivo storko sidHano ; travail fait
con âmore.
Emile LauhouEi Mémoire sur le poète Arnaud Daubasse, Sa vie. Ses œuvres.
Toulouse, 187Î, in- 18, 80 p. — Notice intéressante sur ce remarquable
poète languedocien ( 1 660- 1 720I.
Sprachîtchts aus mmanlschtn Voiksmarchcn, von Dr. Johann Urban J.vbnik.
Wien, 1877, in-8', jj p. — Opuscule très- intéressant, contenant, outre
des remarques judicieuses sur les rapports de la langue littéraire et de la
langue populaire en Roumanie, une liste de locutions populaires extraites
de cornes roumains^ quelques remarques linguistiques rattachées à ta gram-
maire de Diez, et une bibliographie précieuse des contes populaires rou*
mains publiés jusqu'ici.
DU aiUshn Jranîûtsischen MundarUn Eine sprachgcschichtllche Untersuchung
von Gustav Llgkinq. Berlin, Weidmann, in-8% 266 p. — Cet ouvrage,
consacrée l'étude critique des plus anciens monuments de notre langue,
mérite un examen approfondi. Disons seulement qu'il paraît fait avec beau-
coup de soin et de méthode.
Rtcutil général n compld desFabltaux des XÎU^ tt XIV* sildu^ imprimés ou iné-
dits, publiés d'après les manuscrits par MM. Anatole de Montaiglon et
Gaston Raynaud, T. II. Paris, librairie des bibliophiles, 1877. — Ce
tome II, qui s*est fait beaucoup attendre^ sera, nous assure-t-oo, très-pro-
chainement suivi du tome IIL Celui-ci contient plusieurs textes inédits, et
des notes et variantes pour ce volume et le précédent*
— M, Scbuchardt nous prie de dire que s'il n*a pas mentionné, ï propos de
l'Espagne, les remarquables travaux de M. Mili y Fontanals^ c'est qu'il ratta-
chait la Catalogne^ ptrie de féminent romaniste, au groupe de la langue d'oc.
Lipropriétaire-gérant: F. VÎEWEG.
Imprimerie Couverneurj G» DiupcJey i Nogcnt-lc-Rotroy.
MÉLANGES DE POÉSIE FRANÇAISE,
I.
FRAGMENTS D'UNE RÉDACTION DE GARIN LE LORRAIN
EN ALEXANDRINS.
Les fragments des Lorrains, principalement de Girbcrt, ont foisonné avec tant
d'abondance en ces dernières années , qu'un fragment de plus de la même geste
serait une denrée trop commune pour être offerte à nos lecteurs, s'il ne se recom-
mandait par quelque circonstance particulière.
La circonstance particulière est, dans le cas présent, que le fragment dont on
trouvera le texte plus loin est en alexandrins. Il n'est pas rare de rencontrer çâ
et là, dans les Lorrains, comme en d'autres poèmes décasyllabiques, des alexan-
drins isolés, voire même des tirades entières dont un copiste s'est avisé d'allonger
les vers, mais ici nous avons à faire à deux morceaux, l'un de 77, l'autre de
76 vers, séparés par une lacune d'environ 80 vers*, soit d'un feuillet, de telle
sorte qu'il est permis de supposer que le poème entier de Garin le Lorrain ^ au-
quel ont appartenu ces fragments, était en alexandrins.
Ces fragments ne nous sont pas parvenus en original. Nous n'en avons plus
qu'une copie faite au siècle dernier, qui forme le 44' article d'un recueil de
mélanges ayant appartenu au président Bouhier, et maintenant conservé à la
bibliothèque de Troyes sous le n* 68$. D'après le catalogue (qui forme comme
on sait le second volume du Catalogue général des mss. des bibliothèques des
départements) la plupart des extraits ou copies dont se compose le ms. 685 sont
de la main d'un avocat de Dijon appelé Louis Mailley (ou Maillé?). En tête de
sa copie de nos deux fragments on lit ces mots : • Fragmens d'un viel roman,
tirés d'un ms. de Mons' le conseillier de La Mare. » Il s'agit de Philibert de La
Mare, conseiller au parlement de Bourgogne, dont la précieuse collection fut
acquise en partie pour la Bibliothèque du Roi en 1719, le reste étant arrivé à
la même bibliothèque, en 1 790 , après avoir passé par les mains du marquis de
Paulmy et par le Cabinet des chartes'. Je doute fort qu'on retrouve à la
1. Exactement 80 vers, d'après le ms. 4988.
2. Voy. L. Delisle, Cabinet des manuscrits^ I, )6i-4.
Romania, VI 3 I
482 p. MEYER
Bibliothèque nationale les feuillets originaux : s'ils faisaient, comme je le suppose,
office de feuillets de garde, ils ont dû disparaître dans quelque changement de
reliure. Ce devait être des feuillets de garde, car on ne peut supposer que
l'homme studieux à qui nous devons la copie de ces deux morceaux les ait tirés
d'un ms. complet : il n'aurait pas, assurément, choisi deux passages qui ne se
suivent pas et qui commencent l'un et l'autre au milieu d'une phrase. L'étendue
de chaque morceau (77 et 76 vers) donne à croire que le ms. était de petit ix-
mat et à une seule colonne par page. Il se pourrait cependant aussi que le ms.
eût été à deux colonnes, mais que les deux feuillets s'étant trouvés collés sur
les plats d'un volume, on n'ait transcrit de chacun d'eux que la partie qui se
présentait à la vue ; toutefois le fait qu'il manque entre nos deux fragments à peu
près autant que ce que renferme chacun d'eux, donne â croire que les feuillets
contenaient réellement 80 vers*, soit deux colonnes, une par page.
Le rédacteur du catalogue, Harmand^ le ci-devant bibliothécaire de Troyes,
dit que nos deux morceaux semblent appartenir à une autre branche de la
grande épopée des Lorrains que le roman de Garin publié par M. Paulin Parts
(p. 289). C'est une erreur, et plusieurs des vers qu'il cite se retrouvent, sous la
forme originale, c'est-à-dire en décasyllabes, dans l'édition de M. Paris. Ce qui
a pu causer cette erreur, c'est que le premier de nos deux feuillets se rattache,
non pas à la rédaction la plus ancienne, celle qu'a suivie en général M. Paris,
mais à une rédaction remaniée que nous a conservée le ms. de la Bibl. nat.
fonds français 4988 ^ J'ai donc transcrit d'après ce ms., comme terme de com-
paraison, tout ce qui correspond à notre premier feuillet, marquant, â droite,
de dix en dix vers, la concordance avec le texte alexandrin. Pour que la suite
des idées fût plus intelligible, j'ai copié tout le commencement de la tirade, qui
manque dans le fragment de Troyes. C'est seulement au v. 55 que ce fragment
se raccorde avec la leçon la plus fréquente de Garin (édit. P. Paris, I, 73).
Fr. 4988, fol. 4 a :
Nostre empereres fist ses briés saieler.
Il fait mander quan k'il peut aiïner :
.Ix. mil en a bien amassé[s].
Les os s'esmeuvent : or penst Dieus del guier!
De S. Denis fait Vensaigne porter
Li dus Carins J ki tant fait a loer :
N'ot tel baron dusc'a la Rouge Mer.
Et Beg. fait Vost rengier et sierer;
1. Le premier de nos fragments n*a que 77 vers, et le second 76. Mais dans le pre-
mier il y a certainement un vers passé, et il y en a deux dans le second, comme on le
verra aux notes.
2. Voy. ce que M. Bonnardot dit de ce ms., Romania^ III, 233. M. Bonnardot le
groupe avec quelques autres ms. en une même famille. Je dois dire toutefois que je n'ai
trouvé la leçon correspondante au texte du premier de nos deux fragments alexandrins que
dans le seul ms. 4988.
3. Corr. Le duc Garin. A la rigueur on peut admettre que fait (au vers pricident) soit
une sorte d'auxiliaire^ comme l'anglais doe$, mais cf. plus bas [v. 28) : A Fromondin
font l'ensaigne porter.
MÉLANGES DE POÉSIE FRANÇAISE 48^
// ri a baron tn fost nel doit amer.
A Soissons yinrent, si corn j'oï conter;
Aval le pré se keurent adouber,
La mssiés le vitaik amener y
De maintes pars chevaliers aûntr.
De Soissons partent ^uant il dut ajourner;
Dusi^a Bruiieres ne vorent arester;
lUeuk a fait li roys sa gent armer;
Beg. et Car. en font avant aler.
Quille, aveuk et Fromont le séné,
Atout .XX.™ chevaliers adoubé[s];
Desci en Post ne se sont aresté.
La veïssiés maint chevalier verser;
Beg. en donnent le los li baceler
De bien ferir et de lance porter.
Leur escief font partir et deviser y
Beg, donna le sien y ki moût fut ber, [i]
Vers Flandres tournent pour le terre gaster.
Et Flamenc vinrent au roy merchi crier :
« Hé! gentieus roys y aiiés de nous pité ,
« Que [/le] nous faites nostre terre gaster! »
Mais aine ne porent au roy merchi trouver.
Devant le roy en sont venu ester.
Beg. li dus^ qui moût fist a lœr.
Et dist au roy : « Tout çou laiiés ester!
« Qui merchi crie il le doit bien trouver :
« Dieus le çmande ki tout a a sauver, »
Dont dient tout : « Ychils estera ber, [lo]
ti Et s'il est saiges il peut assés donnera »
La trieve donnent et si font paisfremer,
Adont parolle Garins li gentieus ber :
<c Sire, » fait il, « a vous me veul clamer :
i( Roys Anseys nu veut deshireter;
€ Ma terre tient ke deuisse garder.
« Nel deûssiés souffrir ne endurer:
c A vous en doit li drois fiés retourner,
« En toutes cours garandir le devés.
— Faites le bien^ sire, » che dist Hardrés. (b)
« Pour coi fériés vo gent arier tourner f [20]
« Alons a Mis dont j'oi{e) Garin parler.
1. Il faudrait dorer; ef. la leçon de Troyes.
484 P- MEYER
« Qaant i serons faites le roy mander
« Qu'il laisî vo terre^ n'i ait soing d'arester;
« Et s'il nelfait, mais n'en voiras tourner y
« Si aras fait tout jus la tour verser. »
Et dist li rois : « Si corn vous pmandés. »
A itarit font les grans os arouter,
A Fromondin font l'ensaigne porter;
Moût en sont lié chil legier baceler.
Ensanble en vont, cui qu'en doie peser, [}o]
A Mis en vinrent droit a .;. ajourner;
Dont fissent très et pavillons lever;
Lor mesaigiers font en la vile entrer
Parler au roy, l^il le cuident trouver.
En la vile entrent li mesaige Pépin
Parler au roy se le pevent véir.
Parla premiers Hardrés au poilflouri :
« Nostre empereres, » fait il, « m'envoie chi;
« Des fiés le roi estes a tort saisi :
« Par moi vous mande, ke vous veés ychi, [40]
« Que li rendes sa terre et son paiis.
— fen parlerai >, sire, » dist Anseys.
— Vous ferés bien, sire, » Hardrés a dit,
« Car bien sachiés qu'en poroit estre pis. »
Anseys fait la gent a lui venir :
« Consilliés moi, signeur baron, » fait il,
« Bien sai ke tieng a tort le fief Pépin,
« Et si nel puis contre lui garentir.
« K'en loés vous, franc chevalier gentil?
— Rendes H, sire, pour Dm ki ne menti; [50]
(c Si ert a pais li terre et li paiis. »
A ces paroles ont fait Garin venir.
Si li rendi quan k'il y dut tenir.
Quant çou ot fait n'en demoura enki,
Ançois s'en va arier en son paiis.
Chi vous lairons .j. poi del roy Pépin,
Si vous dirons del riche roy Tieri :
Moriane ot et Val-parfonde ausi.
Li .iiij. roy sont en sa terre mis.
Toute li gastent sa terre et son paiis;
1 . Corr. J'en penserai.
MÉLANGES DE POÉSIE FRANÇAISE 485
// prent consel comment pora garir. [66]
Ses mesaigiers envoia a Pépin,
Joffroy, Gautier et çte Baûdaïn;
De Val-par fonde se sont en France mis;
Aine ne finerent si vinrent a Clugny;
Illeuk demandent nouveles de Pépin ; (c)
On leufensaigne a Lengres, la fort cit,
La tient sa court, aine hons si grant ne vit : [70]
Beg. y est et ses frères Garins,
HardréSy Fromons, Guillaumes li marchis.
Es les mesaiges ki vinrent a Pépin.
Premiers parla Joffrois li fieus Gaudin^
Que bien Poïrent Mansiel et Angevin,
Et Loherenc, Baivier et Poitevin.
Chieus Damedieu ki de faige fist vin
Quant sist as noces de 5. Archedeclin..,
Voici maintenant le premier fragment de Troyes où je restitue en italiques
quelques mots laissés en blanc dans la copie.
Bègue dona le sien, moult en fist a loer.
Vers Flandres s'en tomerent por le règne gaster ;
Flamens vienent encontre por la merci crier,
Mais onques ne le porent envers le roi trover.
5 Corne Beg. le voit le sens cuide derver,
Devant le roi de France s'en est venus ester :
c Sire, » dist il al roi, « tôt ço laissiés ester;
« Li hom ki merci crie bien doit merci trover :
« Jh. le comanda qui tôt a a garder. »
10 Dont dient par la sale : (c Cis estera moult ber;
« S'est sage chevaliers moult puet longes durer, n
Les trêves ont données, si font le pais jurer.
<( Sire, » ço dist Garins, (c or me vieng jo clamer
a Del fort roi Anseis, moi velt desireter,
15 « Ki me toit ma contrée que deûsse garder.
« Certes, nel deussiés sofrir ne endurer,
<c Que li fiés doit a vos venir et retomer :
« Si deussiés par tôt vostre droit délivrer. »
— Faisons le bien, beau sire, ço dist li mes Hardrés.
20 « Por coi fériés vous gens ariere retomer?
« Alons nos en a Mex dont j'oi Garin clamer.
« Quant nous serons devant, faisons le roi mander
« Que nos laist vostre terre; n'a droit en l'arester ;
486 p. MEYER
« Que, s'il nel fût ensi, ne vos en tomcr^
2 5 « De ci que vos ares les tors fait cravanter.
— Jo l'otroi, » dist li rois^ « foi quç vos doi porter. »
Atant fisent les o$ guencir et retosnêri
Fromondin font l'ensegne baillier et délivrer;
Forment s'en entreroetent dl riche baceler,
30 Et chevalcent ensemble, cui qu'en doient penser.
Devant Mex sont venu droit a un ajomer;
Fisent très et alcubes et pavellons lever;
Les messages ont fait dedans la ville entrer
Por parler al baron^ qu'il le cuident trover.
) 5 La [de]dens est entré li message Pépin, (v*)
En la sale ont trové le fort roi Anseis.
Premiers parla Hardrés cui on i ot tramis :
« L'emperere de France, sire, m'envoie ci;
(( Del fief l'empereor estes a tort saisis :
40 « Il vous mande par moi, par verte le vos di,
<c Que tost li délivrés sa terre et son pais.
— J'en prenderai consel, » dist li rois Anseïs.
— Sire, vous ferés bien, » li cuens Hardrés a dit,
< Car bien saciés de voir qu'il porroit estre pis. »
4j Anseis fait sa gent par devant lui venir :
« Segnor, conseillés moi, franc chevalier gentil :
« Jo sai que tieng a tort la terre al roi Pépin,
« Et si ne le puis mie contre lui garantir ;
« Que me loés, baron, par le cors saint Martin?
50 — Se li rendes, » font il, « frans chevaliers gentis :
i< Por tant si iert a pais la terre et li pais. »
A iceste parolle ont fait Garin venir;
Ne sejornerent gaires, ains se toment d'iqui :
Cascuns a pris congié, si vai[t] en son pais.
5 5 Or lairomes del roi qui France dut tenir.
Et dirons anuit mais del riche roi Teri,
Gel qui tint Moriane et Val-profonde aussi.
Li .iiij. roi félon se sont ensemble mis,
Il li gastent sa terre, son règne et son pais ;
60 Li rois a pris conseil cornent pora garir.
Ses messages envoie en France al roi Pépin
Qu'il li viegne secorre par Deu et par merci,
<2 On voit par le texte en dicasyllabiques qu*un vers a été omis après celui-ci. Cf»
ci-dessus^ p. 482, n. 1.
MÉLANGES DE POÉSrE FRANÇAISE
El por cresticîiié que il doit maintenir.
Ses messages atome et si les a eslis,
6j Joifrois et Berenger et li cuens Harduins;
De Val-profonde en voie vers France se sont mis
Onques ne trestomerent si vinrent a Cluigni ;
La demandent nouvelles de nosire roi Pépin ;
A Lengres lor enseignent qui n'est pas loing d'iqui,
70 Et li rois tint sa cort, aine si rice ne vit,
Que ja i fu dus Beges et ses frères Garins,
El Hardrés et From., Guili. ïe marcis.
Venu sont li message devant le roi Pépin ;
Premiers paria Goifrois, cil qui fu niés Gaudin,
75 Si que bien Tont oï Mansel et Angevin,
Lohereni et Breton, Norman et Poitevin :
« Cil Dameldex de gloire qui de Paigue fist vin. »
487
Pour le second fragmwït la divergence que je sipabis toot à l'heure entre le
ms. 49S8 et les autres mss. consultés par moi, n*existc plus, et par conséquent
l'édition de M, P. Paris donne un élément de comparaison suffisant. Le texte
de notre fragmciu correspond aux pages 79, vers 3, à 83 vers 8 du l* 1 de cette
édition.
« Lassus en cel palais parler al roi Pépin,
« Savoir s'en autre point seroit ft consel mis
« De secorre le roi qyi pros est et gentis.
il Nos somes jovencel, porchaçons nostre pris»
ç <c El se li rois nous faut mandomes nos amis,
te S-alons chevalerie querre en autre païs.
— Dehaît ait qui le vie! sire, » dist Fromondins.
Enprès se sont levé li conte de haut pris.
De ci que al palais ne prisent onques fin ;
10 Contremom en montèrent et Beg. et Carins,
Entre lui et Guill, et le pro Fromondin.
Les messages encontrent, tienent les ciés enclins
Et ploreni seurement des biaus ieus de lor vis
Corne Beg, les voit, très grande pitiés Fen prist.
1 5 « Estes vos chevaliers »^ tî Loherains a dit?
Que cil ont respondu : a Si m'ait Dex, oïl;
M Jo ai a non Jofres et si sui niés Gaudîn.
— Par mon cief, ^ ço dist Beg. , « vos estes mes cosins.
— Sire, n Joifrois respond, u forment venimes a Pépin.
67 J^ai th O. oc ne iresracrent,
7 vie, ctfrr, vèc, — 16 Que, corr. Et. — j? Corr. Jofrois. — 19 Ms, 4988 foL i 4 '.
Sire i»f fait U, « nous sommes si souspris.
488 P. MEYER
20 « Mais il nous en est, sire, del tôt en tôt falis.
— Or retomés ariere, baron i», ce dist Garins.
c( Se Deus plaist et S. Pierre, il n'ira mie ainsi :
tf S'il ensi vous faloit nous seriemes boni. »
Et li messagier dient : « Sire, vostre merci. »
25 Ariere sont venu devant le roi Pépin.
Moût est li dus Garins sor le palais montés,
Avuec lui les messages que il a retomés;
Decoste lui fii Beges dont il est moult amés,
Et Fromont et Guill. lor compaignon juré.
30 Garins parla premiers qui bien fii escotés :
« Sire drois empereur, envers moi entendes.
« Une cose avés faite dont moût estes blasmés :
a Vous deûssiés premiers a vos barons parler;
« Ne deûssiés pas croire les viels chenus barbés
3 5 « Ki aiment le sejor et le grant reposer,
« Et le soir, al choucier, le vin et le claré.
« Ja par itel consel en pris ne monterés
— Sire, vous dites mal, » ce dist li cuens Hardrés;
« La terre est essillie et li règne gastés
40 a Par Girart le franc duc qu'est de Rossilon nés,
« Par cui furent maint home mort et desireté.
« Tels se fait de la guerre frés et abandoné
a Se Pépins l'emperere estoit ore(s) arotés,
a Ja n'i mettroit de! sien .ij. d. moneés.
45. — Sire, » ce dist Garins, a jo cuit que vous gabés :
<c Ains ne sera .ij. ans acomplis ne passés
«^ Jo mettrai avuec moi .x.^ homes armés;
a Ains costera mil mars, ains que past li estes,
a Que Tieris n'ait secors li bons rois coronés
50 — Père, » ce dist Fromt. [et] « car vous reposés,
« Mainte parole as dite dont vous estes blasmés.
a Laissiés ester la cort, que mestier n'i avés :
a Nos remanrons cui avés engenrés,
a Et li rois est meschins, sel servirons assés
5 5 a Bien le poromes faire, je et mes parentés.
— Baron, » ço dist li rois, « trop en avés parlé;
a Vos tornés tôt l'afaire sor le conte Hardré.
Li .iiij. roy gastent nostre paiis.
Pour le secours venimes a Pépin.
Il y a donc deux vers d'omis, omission dont on peut rendre raponsable le copiste moderne.
— 26 Moût, lis. Dont ? — n ^^^^ conservé sans changement.
MÉLANGES DE POÉSIE FRANÇAISE
« Jo irai al secors dès que vos le volés.
^ Sire, 1» dist li dus Beges, t que faire le devés.
— Sire drois emperere, i» ce disi li dus Garins,
« Se vous soufrés itani que conquis soil TierriSy
« Li règnes est perdus et gastés li pais ;
•ï Onques ne acoimastes plus félons anemis :
« 11 gasteront la terre et prendront le pais;
65 « Saciés, toie Borgoigne ien de la guerre pis,
— Vassal, laissiés ester! » li emperere a dit,
[I en jure Jhesus et li cors S. Denis
Que il nel lairoit raie, qui li îoldroit Paris,
Que nel voise secore quant ensi en est pris,
70 — Sire, îï ço dist dus Beges, « la vostre gent merci,
< Ensi devés vous faire, emperere gentis.
« Et vous segnor François, Mansel et Angevin,
« Ja avés vos oi que l*emperere a dit :
i Aies ent en vos terres por vos armes guarnir
75 4< Droit a la Pentecoste que vos soies id,
€ A Lions la cité u II conciles est pris. »
489
ÎL
LE POÈME DE LA CROISADE IMITE DE BAUDRl DE BOURGUEIL,
FRAGMENT NOUVELLEMENT DÉCOUVERT.
Lorsque, il y a environ deuï ans*, je dissertais sur la chanson de la première
croisade composée principalement d'après VHistoria Hitrosolymitana de Baudri,
rèvêque de Dôle^ je disais que l'auteur de ce poème était, « sinon un Français
ou un Normand du continent, au moins un Normand d'Angleterre ayant con-
servé le bon usage de la langue, les fautes nombreuses que nous rencontrons
dans les deux mss. de son œuvre devant^ selon toute probabil lié, être portées
au compte des copistes. »
Un heureux hasard est venu confirmer mon opinion. Nous avons maintenant
la preuve que le poème dont je ne connaissais que deux mss. exécutés en Angle-
terre, est l'œuvre d'un Français du continent. Il y a quelques mois, M. W.-H.
Turner« qui achève actuellement le catalogue des chartes de la Bodléienne^,
trouva, dans la reliure d'un livre acheté à Londres, deux feuillets manuscrits d'un
poème français. Grâce â Tobligeance de mon ami M. Neubauer, sous-bibliothé-
caire de ta Bodleienne, ces feuillets me furent communiqués, et j'y reconnus
deux fragments du poème imité de Baudri. J ai fait reproduire en héliogravure
I Kùmanîa^ V, 1 n suiv,
2, Ce catalogue est sous preue et sera prodiaîoeoieni publié.
490 p. MEYER
un côté de Tun d'eux, et tout lecteur ayant quelques connaissaBces en paléogra-
phie reconnaîtra que 1 écriture de ce fragment est française, et qu'elle appartient
au milieu du XIII* siècle.
Le premier de ces feuillets coïncide avec le premier des morceaux que j'ai
publiés Tan dernier, d'après les mss. d'Oxford et de Spalding. Les chifto placés
entre [ ] à droite du texte faciliteront la comparaison avec ce morceau. On
remarquera qu'en général le texte du fragment est supérieur à celui des mss.
entiers. C'est ce que je fais ressortir dans les notes ^.
Ces précieux fragments ont été donnés à la Ekxlléienne. On les a fixés dans
la reliure du ms. Hatton 77 qui est le plus ancien des deux mss. du poème
de la croisade.
M
— Voire, dist l'emj ., « ne m'en puis esclaîrier. »
Puis a fait Menuiax Godefroi acointier
5 Qu'il lait Costantinoble et s'aut fors herbergier.
Car la gens ne li sires ne Vi ont gaires chier.
Quant Godefrois Toi, sa gent a fait logier [54$]
Auques lôig (sic) de la vile dalés .j. grant vergier
Qui fil Pempereor, mervîllous et plenier;
10 Et i coroit une aiguë qui menoit grant teropier.
Assez i fussent bien p^ lor cors aaisier
Se ne fussent li Griu qui les vont abaier. [5 jo]
A .j. soir i alerent f lor fort en9brier,
Car cil qui l'ost dévoient la nuit eschergaitier
1 5 En ont .vij. detrenchiez qui gisent el gravier.
Bien le sot Pemp ains qu'il s'alast couchier :
Se il en est maris nus n'en doit mervillier. [555]
Au matinnet a Paube, quant il dut esclairier,
Manda p' Godefroi le nobile guerrier.
20 Li bons dus God. a la |)ole oie
Q (sic) Alexis le manda, que Jhesus maleïe !
Toz les millors manda de sa grant baronnie, [560]
Bien les fist conreer, ce fu grans cortoisie;
Puis montent es destriers qui vinrent de Hongrie.
2 5 Dui et dui sont entré ç la porte Goulie :
Merveilles les esgardent celé gens Grifonnie,
Et dit li .j. a l'autre : « Veés quel baronnie! [565]
I . Je reproduis, dans la transcription de ces fragments, celles des abréviations qui
peuvent donner lieu à doute. Je restitue en italiques quelques mois ou lettres qui man-
quent actuellement par suite de déchirures.
I Dans le premier fragment, les deux premiers vers de chaque page ont été coupés. —
4 Menuiax, 6. Sp. eneveis qui n'a pas de sens. — 17 Ce vers est faux dans 0. et Sp,
MÉLANGES DE POtSIE FRANÇAISE 491
« Et 9 samble preudom li sires qui les guie!
« Mit fait nostrc cmf . Alexis grant folie
30 « Qiiant il nés foit passer outre la ROmenie,
[570]
L'empereor troverent qui fist chîere marie,
Et fil en .j. encloistre lés une praerie ;
35 Sor .ij. pailes seoit qui furent de Hongrie,
Lés lui hx Murgalez qui fii dus de Hongrie
Et ses oncles de père a la barbe florie, [57)3
Et fr/en .c. duc et 9te de maisnie escharie
Furent environ lui et ne s'esturent mie.
40 Li dus ala avant a la chiere hardie,
L'empereor salue de Deu le iil Marie.
Alexis li respont : « Et il V9 beneïe! [580]
« Mais je ne salu pas la vostre 9paignie
« Qui ont mes homes mors et ma terre gastie.
45 c€ Toute ceste contrée en est vers ox marie.
« Si V9 consillerai sans nesune boisdie
« Que passissiez le Bras le matin 0 navie; [585]
« Je vos ferai avoir bonne marcheandie,
« Si que vostre os en iert bien ç tôt replenie;
50 « Et v9 me juerrés, ques avés en baillie,
« A bien garder ma terre, mes m'bres et ma vie.
— Volentiers, » dist li dus, « Dex v9 en prest aïe! [590]
« Mes seùrté m en faites que n'i ait trecherie.
— Et je ensi l'otroi, » Alexis li escrie.
5 5 Les s. font aporter a .j. vesque Ysale :
Ambedui ont juré et ont lor foi plevie;
Quant sont entrebaisié si fu la départie, [595]
Et li dus retoma a sa herbergerie;
A toz ses 9paignons a sa voie bastie
60 Que demain passeront quant l'aube iert esclarcie.
Entre ce feuillet et l'autre il y a, selon le ms. d'Oxford, si j'ai bien compté,
une lacune de 237 vers, soit quatre de nos feuillets. Comme ce second fragment
appartient à une partie du poème que je n'ai pas publiée dans ma dissertation^ je
36 mgalez, avec une abréviation dont le sens n'est pas tris-sûr, La leçon d'O. et de.
Sp. est corrompue. — 37 0. Sp. Et si onqucs despuis (!!) — 39 0. Sp. et ne se sistrent,
qui semble préférable. — $ 1 La fin de ce vers n'est pas une cheville, c'est la formule des
actes de fidélité, principalement dans le Midi : non ti decebrai de ta vida ne de ta membra
que a tuo corpore juncta sunt, Recueil d'anciens textes^ partie provençale^ a* 42 ; cf.
Vaûsètit II» pr» cxxi, cxzvi, cuui, etc.
492 P. MEYER
vais, pour rendre plus facile rintelligence du morceau , transcrire d'après le ms.
d'Oxford le début de la tirade, le faisant imprimer en italiques. Je ne donne
qu'exceptionnellement, dans les notes, les variantes du ms. d'Oxford, qui en
général sont sans valeur.
Dans ce morceau le poète traite sa matière avec une grande liberté, prêtant
â ses personnages des discours dont on trouve à peine Tidée dans le texte latin.
Ainsi les paroles mises dans la bouche de Boëmond (v. 12-7) paraissent avoir
pour origine ces mots de Baudri : a Francis prxtendere se juramentum nulli nisi
a Deo debere, cujus milites erant in via^ » La résistance de Raimon de Saint-
Gilles, lorsqu'on le prie de prêter serment à l'empereur, est indiquée par Baudri:
€ Comes autem S. i^gidii plus aliis renitebatur. » Mais je ne vois pas que le
message envoyé â Alexis par c deux prudhommes, Alexandre et Renier •, se ren-
contre dans aucun récit latin.
Godefrei de Boillon od le grand hardement,
Qui en Romanie ot esté [mult] lungement,
Fu retornez ariere, Deu li soit en présent!
Por endroit la vitaille dont (//) ot eschar sèment
Mais quant de Buiamon aprist Vaveinementy
Tel joie en out le duc que {tres^tut s'en esprent;
Et quant il s' entrevirent ^ ce sachiez voirement
Plus [grant] joie se firent qu'assez ne funt parent. {?• 22)
Le jor vint li evesques et le conte ensement,
Dan Reimond de Saint Gile od le grant escient;
Huit jor furent ensemble por atendre lor gent.
Alexis Vemperere cui tote Grèce apent
Par ses corpals ^ lor manda parlement,
Et que fussent si home par tel devisement
Que le marchié eussent [tôt] plentivosement,
Et après les siwist od son cfforcement.
Mais tut ont respondu qu'il nelf[e]ront naient,
Ne ja sur Damedeu n'avront avoement.
Car por lui sunt (tut) meii et soen sont (tut) quitement.
Quant Alexis l'di, qui Deus doinst manement!
Si lor ad [il] veé marchié et passement.
Tuit li baron de l'ost en fuht assemblement,
Saveir coment il le front 3 et corn faitierement
Si poront contenir endroit 4 Varestement.
Dan Raimon de Saint Gile parla premièrement :
« Seignors, ge vos dirai le mien entendement :
1 Bongars, 9^/46; Histor. occid. des croisades, IV (non encore achevé), ij c.
2 Bauarif 91/^ ' « Misit autem ad hoc quendam suum corpalatium »; voy. Du Cange,
cura palatii, sous cura 7.-3 Corr. S. corne le feront. — 4 Ms. Si porent c. dendroit.
MÉLANGES DE POÉSIE FRANÇAISE 493
a Cist Griffon sun[t] félon et plain d^utragement,
« Et se mainent vers Deu et vers nos malementy
<K Et nos avons ici merveillus (a)jostement.
Voici le texte du second fragment :
« Et n9 avons ici mervillous jostement :
« S'Alexis l emp. ne fait nostre talent,
« Je lo bien et 9seil que tôt 9munement
« Asaillons sa cité qui vers n9 prent 9tent.
5 0 Grijois sont plain d'engien et de decevement,
« Mais coart et lanier sont, sans deffendexnent :
a Plus valent .xx. des nos que ne font des lor .c. ;
a Sempres les arons pris, f le mien escient,
« Puis ferons de la terre nostre 9xnandement.
10 a Or en dites v9 autre ce que chascuns en sent,
« Car je v9 en ait dit le mien 9seillement.
— p Deu! » dist Buiemons, « ci a mal loement.
« N9 somes ci venu pr Deu tôt purement,
« Et p^ paiens destruire, se il le m 9sent,
1 5 a Et del tomer arrière n'i a p^pensement.
« Pr ce n9 vient miex faire son asegurement,
« Que ja des crestiens faceon ociement. »
Trestuit l'ont otrié fors Raîmon seulement.
[A]u dit dant Buiemon se tiennent li paumier,
20 Fors Ralroon de S. Gile qui nei volt otrier.
Il ont pris .ij. preudomes, Alissandre et Renier,
Et furent Longuebart et ml't bon latimier :
Alexis les envoient lor 9seil ensaignier;
Avuec ox nen alerent fors que dui escuier.
25 L'empereor troverent séant en .j. vergier,
9sillant a ses hommes desoz .j. olivier;
Il sont aie avant, s'ont parlé(r) au portier,
Qui dist l'empereor : « La fors sont messagier. >
L'emp. respont : « Faites les aprochier. »
)o Dont sont avant venu li cortois messagier,
Alexi saluèrent 9me roi droiturier : (k°)
« Biax sire, enten a moi; ne te chaut anuier.
1 1 Ce yen y assez peu utile, manque dans 0. — 3) H y a de plus dans 0 : Cil i sont
aie chascun sur son destrier || Que od els... — 2S De plus dans 0 : Qui volent od lui
de son preu conseilUer. ~ )o 0. Cil sont aie avant lor parole noncier. — ) 2 0. a nos
ne te doit.
494 **• WÉYER
« Très Mcn as tu oï, Wcn a .j. an entier,
« Que li bons apost., Urbains que Dex a cfaier,
j 5 « i4 fait as crestiens banir et preechier
a Que tuit cil qui p' Deu se volroient oroîsîer
a Et aler sor paiens 9querre et desraisnier
« Icele sainte terre ou Dex volt travillier
« Et ou soufri son cors batre et crucefier,
40 a Seroient tuit assox de Deu le justicier.
« P' ce ont il guerpi et entant et raoillier,
« Et sOmes ci venu p' nos cors travillier,
« Et p' la passion nostre Signor vengier;
a Mais tu, que le pues faire et qui n9 dois aidîer,
45 « Cui il tolent plus terre 9 ne poroit proisîer,
« Ne sai f quel 9seil n9 en viex eslongier;
« Que a nostre passage ne n9 fai en9brier,
« Mais vien ensamble 0 n9 p' la loi essaucier,
« Et p' les Sarr. destruire et guerroier;
50 « 0 la force de n9 les poroies chacier
tt De toute RQmenie que tu as a traitier.
« N9 et la nostre gens i irons tôt premier,
« Et ferons la bataille au fer et a Tacier :
« iV' an i avra cité, tant soit a mur doublier
5 5 « Ne vile ne chastel, tant soit en haut rochier,
« Ne tant soit haut levée sor mur ne sor terrier,
a Que n9 ne la prenons et façons trebuchier.
« Toie sera la terre quant ve/zras au derrier,
« Et encor en avras le Damedeu loier
60 « Se loialment te mainnes vers n9 et sans trechier.
III.
PROLOGUE EN VERS FRANÇAIS D^UNE HISTOIRE PERDUE DE
PHILIPPE-AUGUSTE.
Le ms. du Musée Britannique coté AdJit. 21212, et acquis du libraire E. Tross
le 12 janvier i8$6, est un volume de format oblong, en parchemin, ayant
25$ mill. de hauteur et 145 de largeur. II contient, à partir du cinquième
feuillet, la Philippide de Guillaume Breton. Dans la marge supérieure du même
59 0. Et ou loffri por nos son biau cors a plaicr. — 46 Un vers a Hi oublié aprh
celui-ci; le wici d'après 0 : Et por ce venimes ça et te volom prôlcr. — 5(*^ qui ail
unt haut terrier | Ne tant soit ... sor si haut rochier.
I
I
I
MÉLANGES DE POÉSIE FRANÇAISE 49^
feuillet, uine main de la fin du XVï* siècle a tracé d^one écriture qui ne m'est
pas inconnue, mats que je ne puis réussir h identifier*, ces mots : G^sta phUipi
Ri gis /rancis qm Jlormt anno D, 1 181. Le feuillet 1 contient une notice, écrite
en ce siècle^ sur le ms. Les feuillets 2 et 3 contiennent un fragment d'un censier
français du XI V° siècle V Sur le feuillet 4 ont été écrits au XIII" siècle les 1 18
vers français dont on trouvera le texte plus loin'.
Ces vers sont le prologue d'un ouvrage que nous n'avons point. L*autcur
commence par déclarer, dans une phrase longue et embarrassée, que si celui qui
fit une entreprise devant laquelle tout autre qu'un homme de haut courage
aurait reculé, que si celui-là avait vécu, si la mort ne nous Pavait ravi â Mont-
pensier, aucun roi de France depuis le temps de Charlemagne^ sauf Philippe
son père, ne se fût illustré par un aussi puissant effort. Il s'agit donc de
Louis VIIL De Téloge du fils Tauteur passe à celui du père, et après avoir
rappelé la prise d*Acre, il annonce Fintenlion de raconter la vie de Philippe-
Auguste, d'après les chroniques de Saint-Denis (v, 69 et suiv,). C'est à la
requête de son seigneur • de Flagi », de qui il se dit Tobligé, qu'il a entrepris
de traiter ce sujet. Mais, comme il est bien difficile de composer en vers sans
introduire dans le récit, en vue de la rim#, des paroles inutiles, des mensonges
selon Texprcssion sévère dont il se sert (v. lOjK il a résolu de conter en prose
■ comme le livre de Lancelot, où il n'y a de rime un seul mot, * Enfin il ter-
mine par un appel à Tauditoire, invitant ceux qui ont envie d'entendre la vie de
Philippe-Auguste â ne pas s'éloigner, et il annonce qu'il parlera aussi de
Louis VI IL
L'idée que les entraves de la versification nuisent à la précision et â l'exac-
titude est assez simple pour s'être présentée aux écrivains de tous tes temps,
maison a dû surtout songer à Texprimer â une époque où il était encore habi-
tuel de rimer totis les ouvrages destinés à l'amusement ou à l'instruction des
laïques. Notre auteur s'excuse visiblement de n'avoir pas écrit en vers la vie du
roi Philippe. C'est ainsi qu'au commencement du Xlli* siècle le comte Renaut
de Boulogne, ayant désiré que la chronique de Turpin lui fût traduite en prose,
le traducteur jugeait opportun de faire connaître le motif d'une préférence si
peu conforme au goût régnant. Et ce motif était précisément celui qu'invoque
notre historien de Philippe- Auguste : • Et por ce que rime se veit afaitier de
« moz conqueilliz hors de l'estoire, vout li quens que cist livres fust sanz rime*. »
Le prologue en vers est une dernière concession faite au goût des auditeurs :
on leur contera en prose l'histoire de Philippe-Auguste et de son fits^ mais on
les invite en vers à l'écouler.
1 , Eîie ressemble un peu à celle de P. Pithou qui a publié le premier la Philippide,
mais b ressemblance ne va pas jusqu'à ridentité-
2. On Ut à U An : a ... les quiex cens Mons. Huben Riboule soign"* d'Acé et de la
Châpclie GastineL.. 1» Assé U Riboul est un village du cinton de Beaumoni-sur-Sartlie
(Sarthe).
\, Les feuillets 1 et i sont évidemment de simples feuillets de garde, mais le qua-
trième, bien que ne faisant pas partie du premier cahier (lequel se compose dci
feuillets (à u)^ y a pourtint été rattaché depuis le xiv* siècle an moins, puisqu'il y a
V* de ce feuillet 4^ d'une écriture de ce temps, un sommaire de ta Philippide» bous ce
: « In hac nagina continetur in grosso materia totius hujus Ubelli i».
G. Paris, Ji Psiitdo^TttrpmQ^ p» j6.
49^ F. MEYER
La chronique elle-même, dont nous avons le prologue^ ne nous est pas par-
venue. Peul-élre faui-il h reconnaître dans un ouvrage duquel deux mss.,
actuellement perdus, sont indiqués aînst qu'il suit dans un des cataJogyes de ta
Bibitolhèque de Charles V * :
997 bis. Le lî\rre du roi Philippe le Conquérant rimé.
997 ter. Le romans du roi Philippe le Conquerani, les Macabéts, Pamphîlet et la rpistres
Scnequc, parde en rime et partie en prose, en lettre de note.
A la vérité, ces deux ouvrages sont donnés comme » rimes », au moins le
premier, car il peut y avoir doute pour le second. Mais étaient-ils rrmés d'un
bout à l'autre? L'auletir du catalogue n*aura-l-il pas étendu à tout Touvrage ce
qui n'était vrai que du prologue? En tout cas un « romans » de Philippe le
Conquérant, en vers, nous est inconnu.
C^esl à la requête de son bon séi[^neur<t de Flagi n* que l'auteur inconnu de
ce prologue a entrepris de traiter en français de l'histoire de Philippe^Auguste
(vv. 74 ss,). Quel était ce personnage de qui nous n'avons ici que le surnom ?
On peut, si je ne m*abuse, le déterminer sans faire une part trop grande à la
conjecture. Nous devons tout d'abord supposer qu'il avait vécu sous Philippe-
Auguste et sous Louis VIII et que ce fut peu d'années après la mort de ce der-
nier que l'idée lui vint de se faire écrire en français les faits de ces deux rois,
Gile de Flagi, sur qui nous avons des témoignages depuis 1203 jusqu'à Hj6,
qtiï avait, dès le temps de Philippe- Auguste, rempli la lonclion de châtelain de
Sens, me paraît d'autant mieux satisfaire aux conditions cherchées que je ne
voîs en ce temps aucun autre fief du nom de Flagi. Le village d'où Gile tirait
son nom est situé dans l'arrondissement de Fontainebleau, canton de Lorrez-Ie-
Bocage.
En 120; (n, s.) Philippe- Auguste confirma la cession que Gile de Flagi avait
faite à Tabbé de Saint-Germain-des-Prés de ses droits sur ravouerie et le lignage
d'Esmans^.
En 121 $, 1230 et i2p Gile de Flagi, quali&é, à la première de ces dates,
de châtelain de Sens, prend part à des actes dont il est inutile de rapporter ici
l'analyse, parce qu'on la trouvera dans le Trésor giniahgique de dora Villevieillc,
actuellement en cours de publication". Ces trois actes concernent, comme celui
de 1205, Saint-Germain-des-Prés.
Dans un compte des dépenses de saint Louis pendant l'année n}^, « Gilo de
Flagiaco » figure pour un don de quatre livres *.
Enfin, en 1236, nous rencontrons une dernière mention de notre personnage
dans une charte de l'archevêque de Sens relative à îa fondation d'une chapelle
t in herbergagio Gilonis de Flagiaco, militis, sito apud Bellam Fontanam * » ,
Voici maintenant les vers qui nous permettent d'accorder à Gile de Flagi
f . Je dois cette indication è Tobligeance de M. L. Deliste ; les numéros sont ceux que
portent ces articles dans l'édition des catalogues de la bibliothèque de Charles V qui fera
partie du t. Itl du Cabinet des manuscrits de ta Bibththlqut nationaU,
2. Dellsle, CataL des Actes de Ph.~Aug,, n* 749.
3. BibL nat., cabinet des titres, n* lae.
4. Historiens de France, XXI^ iji D»
i. De Marrîer, Historia regalu monasterii 5. Mdrtlni û câmpiSy p. }2i.
^^^^^^^^^^^^ANGES DE POÉSIE 497 ^^^^|
^^^1^^^^^ es protecteurs des lettres. D'après quelctues îndiceSi tels ^^^|
1^^ *' de m pour tn, h
copie parait avoir été faite en Cham- ^^H
Hl il fîst tant(e) haute
Lisant por voir por Jhesu Ctît ^^M
■ [àprise 1/4)
Qui est vûie^ vertez & vie, ^^^^
^^ nuls huemn'eùst éprise
}6 Guerpi sa roiz par qu'il sa vie ^^M
^^^^^S fust de très haut coraige
& son vivre de chascun jor ^^H
^^^^Hpris de grant vassetaige
Chaçoit a paine & a labor ; ^^H
^^^Hs eûst plus duré ou règne,
& cist guerpirent lor enor ^^H
^^Hie cuit pas que dès Charte-
40 Por amor de nostre Segnor, ^^H
^^^F [maigne
France la grant, la dolce terre, ^^M
^^F Dom il est si granz deparlance^
& esmurent 9tanz & guerre ^^|
^Ve Né[s] fu rois ne régna en
As Sarrazins, as mescreanz ^^H
V [France,
44 Que l'an tenoit a recreanz, ^^M
H si 9 il sont venu a tere,
As Sarrazins d'outre la mer, ^^H
■ Fors le roi Ph. son père,
& a cels que Fan sielt nomer ^^H
Qui tant feist de granz efîorz
Popelicanz et Aubijoîs, ^^M
Il Com il feïst, ne fust ta raorz,
48 Que la vigors de ces dois rois ^^^
Qui ne doute 9te ne roi,
Qui tant sont dolz a reman- ^^M
H Ne home rtul, qui par desrot
[toivre^ ^^M
^ Le nos toli a MQpancier.
An fist a mainz santir êc boivre ^^M
16 Se resons fust, a Deu tancier
L'amer bevraige de la mort ^^H
Deussom, por ce que si tost
J2 Infernal, ou il sans confort ^^^
Le nos toli, & de son ost
Seront toz jors sans deti- ^^M
Ou ciel lassus fist 9paignon,
[vrance. ^^H
20 Quar tant soffrî a Avignon
Doubuen roi Ph. de France ^^^
Por son saint nô & por sa foi
Set i^an bien qu'il par le palacre ^^M
De niai, de paine,quege croi
;6 De mer passa & vint a Acre [b) ^^M
Sans doute quil an ceste vie
Que li Sarrazin nos avoient ^^M
24 A la corone desservie [frirent
Tolue a force & la tenoîentp ^^M
Des martirs qui por Deu sof-
Mes li buens rois par son ^^H
Les granz tormenz & deguer-
[grant san, ^H
[pirent
60 Ph., qui maint grant ahan ^^M
Cesiraonde &ce qu'il i avoient,
An sotfri & mainz granz escharz ^^^
^ 28 9me cil qui rien ni amoient
Que li esmut li rois Richarz ^^^
ta Qui fust contre le Deu servise.
Ainz qu'il eust la mer passée, ^^M
H A lor meniere ik a lor guise
64 Par vigor Pot tost ramenée ^^H
H Le fist il, & li rois ses pères.
An la garde des Crestiens ^^M
B}2 Li chanceliers dou ciel, sainz
& retolue as paiens, ^^|
B [Pères.
Si 9 vos orroiz a délivre ^^H
H si 9 nos trûvom an escrit,
68 9ter ci amprès an cest livre, ^^M
|2 mi. Li cbccl's — 4a dois — dtux
^M
H Romania, Vt
^1
49^ P. MEYER
Si 9 le truis [tôt] a devise
An l'estoire de Saint Denise,
Ou j'a ceste matière prise
72 Qu'an françois tretier ai âprise 96
A la requeste mon segnor
De Flagi, qui m'a grant enor
Fête et mainz [bons] servises
[fez.
76 Dou buen roi Ph. les fez 100
& les batailles & les guerres
Que il fist par diverses terres
Orroiz 9ter an ceste estoire.
80 Bien doit sa vie estre â mi- 104
[morie
& sa valors & sa largece
A cels qui béent a proece,
& ses sanz & sa porveance. 108
84 An point mist le règne de
[France
& an force & an pooir
Qui avant soloit poi valoir.
& se ne cuidasse mesprandre
88 Vers mon segnor, ja ce
[aprandre
A tretier n'escrire n'osasse ;
Mes chose nule ne me lasse
Que il me vuelle comander,
92 Ainçois me cuit ml't amander
Se ge puis fere son plesir,
112
ii6
Mes trop redot a anvaîr
Ceste œvre ; mes, vaille que
[vaille,
Ausi 9 par ci le me taille,
M'en irai outre par la Ictre
Sans riens oster & sans riens
[mètre.
Issi vos an feré le conte
Non pas rimé, qui an droit 9te,
Si 9 li livres Lancelot
Ou il n'a de rime un seul mot,
Por mielz dire la vérité
& por tretier sans fauseté ;
Quar anviz puet estre rimée
Estoire ou n'ait ajostée
Mançonge por fere la rime.
Ne quier fere or plus longue
[lime
An rimoier, mes qui anvie
Ne talant avra de la vie
Oïr Ph. le buen roi (c)
Ne s'esloigne pas ioign de
[moi,
Ainçois s'en aprochebien près,
Quar il i orra ci amprès
Parler de son fil Looïs,
Le roi qui tant fu postels
Dom nos sommes tuit irascu
De ce que si poi a vescu.
96 Locution qui pour n*être pas rare n'en est pas moins obscure. C. Paris m'en signale
deux exemples :
Bons avocas....
Ne quiert apiaus ne fausses lois,
Ains suit decretales et lois
Ainsi corn par mi le me taille.
{Jubinaly Contes, 1, 289.)
Et dans le Jeu Adam {id, Coussemaker^ p, 299) :
Par foi ! tu dis a devinaille
Ainsi corn par chi le me taille.
En voici un troisilme^ tiré de la Desputizon du Croisié et dou descroisié :
Ausi com par ci le me taille,
Guides foïr d'enfer la flame
Et acroire et mètre a la taille
Et faire de la char ta dame.
{Rutebeuf, r« éd., I, 133; 2» éd., I, ij8.)
100 Ms. Nos. — 106 n*ait, corr. nen ait ou ne soit?
MÉLANGES DE POÉSIE FRANÇAISE
499
IV.
Plaidoyer en faveur des femmes.
Dire du bien, et surtout 4îre du m^l des femmes^ a été pour le moyen âge,
comme pour Tantiquîté, un des lieux communs de b littérature. Impuissants à
saisir les aspects variés d'un sujet, incapables d'une appréciation indépendante
et nuancée, les écrivains du moyen âge qui ont traité ce lieu commun ont pris
décidément parti pour l'une des deux opinions opposées, et leurs compositions
sont ou des invectives ou des panégyriques.
L'invective semble avoir la priorité dans Tordre chronologique. Non qu'en fait
I att de bien solides raisons pour considérer les poésies oCi la femme est atta-
quée comme plus anciennes que celles où elle est louée; mais ces dernières se
présentent avec le caractère de plaidoyers^ de défenses : ce sont des réponses
qui supposent non-seulement l'existence, mais encore la fréquence de Tattaque.
A ne prendre que les poésies françaises consacrées au bïâme ou à Téloge des
feinines qui ont été publiées, laissant de côté les pièces inédites et les textes
nombreux où le même sujet est traité incidemment, on peut citer :
i" Comn* :
Le « blastange des famés », BibI, naL fr, 8^7 fol. 240, Jubinal, Jongkan et
Trouvères^ p. 75. Inc.
Cil îires qui forma le monde.
La comparaison de la pie et de ta femme, en couplets totds. Musée bnt. Hart.
22} j fol. 112; Jubinalj Nouveau ncmi de contes, II, 326. Inc.
Femmes a la pie«
« Lî epystle des femes i^ BibI. nat. tr. iSH» ^^^' S^4) ^ubînal, Jongi et
TfOtf»'., p. ai, en couplets de 12 vers octosyllabiques. înc.
Femes sont de diverse vie.
• L'cvangile as famés •, de Jeban Durpatn, BtbL nat. fr» 8j7 fol. 201,
15^5 fof. 519, i^9î fol, 99, Dijon 298. Jubinal, Jongl, et Trouv,^ p. 26;
récemment réédité par M. Constans*. Le début, qui varie selon les inss<, est
dans i^S) -
Quiconques veit mener pure et silntlsme vie.
c Le blasme des famés • dont je connais cinq rédactions, i* Laurentienne XLII^
plut, XLIJoL 8}, sous ce titre : i Incipît tractatus de bonitate et malitîamulie-
rum t\ 190 vers, quoique incomplet de la fin; P. Heyse, Romanuche 'médita^
p. 63. — 2^ Ms. de Westminster abbey sous ce titre : • Le dit de la condition
des femmes, « complet en 126 vers; Balietin de lu Soc. des anc* textes frâtiçaù,
1875^ p. 27 et J4. — j*» Musée brit. Harl. 225J fol. m; sans titre,
complet en 96 vers; Jubinal, Noov, ru. II, jjo; Th. Wright, Reli^ui^t anti-
qua^ II, 22 u — 4^ BibI. nat. fr. 159; fol. i^^^ 1 le blasme des famés i,
76 vers. — 5* BibL nat. fr. 857 fol. 192, • le blasme des famés i», 94 vers;
I . L*ordre que j^ stiis dam cette énumèration est Tordre alphabétiaue déduit du
I premier vers de cette pièce. Il n'y a aucun fond à faire sur tes titres donnés par les mit.
I ioit en rubrique, soit en explicii.
I 2. Bif//dm de là SocM kùtoriqutéi CompUgne, t. LU (If^rie di CompOgat d'aprii
i iÉïaRgUe atix femmes ) .
500 p. MEYER
Jubinal, JongL et TVouv. 79^ — Tous ces textes commencent, à quelques
variantes près, par ces deux vers que je donne d'après le ms. Harleien :
Qui femme prent a compagnie
Veiez s'il fait sen ou folye.
2* Pour :
« Le bien des fomes •, Bibl. nat. fir. 837 fol. 193 ; Jubinal, JongL et Troia,,
p. 83. Se trouve aussi dans le ms. Harl. 4333 ; cf. Romania, I, 209. Inc.
Qui que des famés vous mesdie.
Le dit des femmes, Musée brit., Harl. 2253 fol. no; Jubinal, Nouf, rec,^ II,
334; Th. Wright, Reliqma antiqua^ II, 218. Quelques uns des vers de ce
petit poème sont reproduits dans un traité de courtoisie que renferme le ms.
de la Bodleienne Selden supra 74. Inc.
Seignours et dames, ore escotez.
A ces deux pièces il faut ajouter celle dont le texte suit, et qui nous a été
conservée par le ms. du Musée Britannique, Cotton , Cleopatra A, 8. Elle est
évidemment incomplète de la fin. Ce que nous en possédons a été écrit vers le
milieu du Xin« siècle sur un feuillet de garde qui, dans son état actuel, ayant
été quelque peu rogné vers le haut, mesure 170 mill. sur 100. Ce feuillet de'
garde, maintenant numéroté 82, n'est mentionné dans aucun des deux cata-
logues du fonds Cottonien.
Une particularité paléographique que présente ce morceau , et qui n'est pas
indigne d'être notée, c'est l'emploi des chiffres arabes (voy. vers 19 et 107). Il
y a du reste de la même écriture, sur l'autre partie de la même feuille (fol. 83},
des notes en français relatives au comput, et contenant aussi des chiffres arabes.
Une autre pièce sur le même sujet se rencontre dans deux mss. de Cam-
bridge. Elle est précédée dans l'un d'eux de cette rubrique : t Ci comence du
bounté des femmes. » II n'y a aucun doute qu'elle a été composée en Angle-
terre. Je la réserverai donc pour une autre occasion, ne voulant faire entrer
que des morceaux purement français dans le petit recueil de mélanges que j'ai
l'honneur de présenter actuellement aux lecteurs de la Romania.
Ainsi que je l'ai dit plus haut, tous ces plaidoyers pour ou contre les femmes
reproduisent sans cesse un nombre assez limité d'arguments. Contre, outre
toutes sortes de défauts qui sont bien près d'épuiser la liste des péchés capitaux,
on invoque la faute d'Eve. Pour^ on ne manque pas de faire valoir l'idée à
laquelle un vers célèbre de J.-B. Legouvé a donné chez nous une forme pour
ainsi dire consacrée :
Tombe aux pieds de ce sexe...
Elle avait déjà été exprimée, en bien mauvais hexamètres, par l'auteur d'un
poëme qui, du xni« siècle au xv, a eu la plus grande vogue, le Facctus :
Rusticus est vere qui turpia de muliere
Dicit, nam vere sumus omnes de muliere -.
et nous la retrouvons dans le petit poème ci-après publié, vv. 13-8.
1. Il faut ajouter un court extrait (26 vers) copié dans le ms. Digby 86 ; voy. la notice
de M. Stengel, p. 38.
2. Lt Facetus a été longtemps attribué à J. de Garlande, attribution que conteste
M. Hauréau dans son récent mémoire sur les œuvres de ce fécond auteur (Notices et
extraits des mss, y t XXVII, 1' partie). Selon la glose d'un ms. cité par M. Hauréau
MÉLANGES DE POÉSIE FRANÇAISE ÇOI
On iavoquiit encore dans le même sens des arguments théologiques. Le ms.
Gg. 1.1. de rUniversité de Cambridge donne (fol. 392 c) le r^umé suivant dès-
motifs pour lesquels la femme pouvait être préférée à l'homme :
Mulîer prefertur vîro, scilicet :
MaUria : Quia Adam faaus de limo terre, Eva de Costa Ade,
LocQ : Quia Adam factus extra paradîsum, Eva in paradîso.
In concepùone : Quia mulier concepit Deum, quod honno non potuit,
Apparicione : Quia Chrisîus primo appaniit mulieri post resurrec-
tionecn^ scilicet Magdalene.
Exdlîacione : Quia mulier exaltaia est super choros angelorum^ sci-
licet beaia Maria,
Je ne sais d'où a été tiré ce sommaire : je me boriic à remarquer que les
arguments tirés du lieu où furent respectivement formés Adam et Eve et de la
conception de Jésus par la Vierge se retrouvent dans notre petit poème,
w* So et suivants. I) est probable qu'on y trouverait encore quelqu'un des
autres arguments énumérés dans le latin ^ si le poème n'était incomplet.
Tout a premiers v^,...
Que SI vilain ne si estout
Ne soiiés que nus de v9 die
4 De dame lait ne vilome.
Moul s^enpire, moût se houîiisi
Li houn qui vilounie en dist.
Qui as dames honor ne porte ,
8 La soie honors doit iestre m or-
Or esgardés, vilaine jent, [te.
Que Dius vous het apieite-
[ment,
Vous qui dites de nule dame,
12 N'a tort n'a droit, visse ne
[blasme.
Li premier hosiel que eûstes
Furent lor ventre u v9 jeùstes^
El car et sanc d^eles presistes :
1 6 9raent est ce dont que v9 dites^
N'a gas n^a ciertes, mal ne lait
De ce dont v9 lestes estrait ?
Eles v9 ont tant 9paré,
20 Tant soufieri et tant enduré
P' vous si neiement nourir,
Souef garder et congoïr,
Que , se nul bien i pensissiés,
24 Que aorer les deùssiés.
Tout li ossiel soient houni
Qui suelent kunciier lor ni.
Certes, se je Tosasce dire»
28 Je juge que v9 iestes pire
Que ne sont bies[ies] en pas-
[ture
En qui n'araisson ne droiture.
Et si saciés bien sans doutance
5 2 Que Dius en preni si griés ven-
[gance
(p. 19),^ les deux vers ci-dessus rapportés ne se trouveraient pas dans tous les mu.
Je les ai trouvé» dans ceui que j'ai consuttéi et dans les imprimés.
I La fin du ytrs a été enlevée par U couteau du relieur. — i Ce mot étant engagé àam
lu reliure^ comme du reste la première lettre de chacun des 2} premiers nrs^ n* est pas très-
sûr, — 7-8 Ces vers sont évidemment une citation: cf. « le bien des f^mcs »» Jubinal,
Joagteurs, p. S6 : Quar si comme U sages dise, | M'est pas sages qui en mesdit r [ Qui
aus famés honor ne porte, | La seuc honor doit estre morte. — îî-6 Pnrv bien connu
qui est cité au mime propos par k poème de Cambtidge, — 19 Cf, Chrétien de Troyu^
Perceval {dans mon Recueil d'dncieas textes^ t8, 174-6 Sachiez bien... j Que Gâtons
sont tuit par nature { Plus fol que best^ en pasture.
^^^^H $02 MEYER
^^^
^^^^H Que nus ne lor est anemis
El largues qui seut icsire es- 1
^^^^H Qui aîns la mort ne soit honîs.
[can. 1
^^^^^1 Lor anemts est cil sans doute
Maint[e] joie en est démenée, 1
^^^^H 16 Qui d'eles mesdire ne doute.
68 Et mainte guère racordée ; |
^^^^^1 Et nous resavons bien trestuit
Mains vilains rudes et despiers
^^^^H Que joie, solas ne déduit
Devient pour les dames apiers.
^^^^^1 N'avons entirement sans eles.
Eles font maint dolant joieus,
^^^^^1 40 Tant sont lor acointances bêles
72
Et refraîgneni main[l] orgei-
^^^^H Que nous avons pie mPt grant
[leus.
^^^^^H Quant eles nos font bîao san-
Saciés que Dius ml't les a ma
^^^H [blant.
Quant estabïi et coumanda
^^^^H Mes unes jens desloisont la
Que nous fuissons en lor dan-
^^^^H 44 Qui des dames qure nen ont,
[gicr
^^^^H Ains he[e]ni ces p' ce lui.
7^
De les amer et des prissier;
^^^^^B J e pli Diu qu *il lor doinst anui ;
C'en est la fins c'en est ta
^^^^H Parsa viertut) par sa poissance
[soumc.
^^^^H 48 Priegne d'eles si grtef ven-
Et Dius les aime plus que Pome;
^^^H
Et par .j. manières poés,
^^^^H Qu^il deviegnent tuit si con-
80 Ce prover : quar fais et formés |
^^^^^1 Sibestorné, si contrefait [trait,
Fu li hom defors Paradis; 1
^^^^^H Que li uns n'et de Pautre qure
Et quant il fu la dedens mis, 1
^^^^H 5 2 Quant il oevrent contre nature
Nostre Sire dormir le fisi 1
^^^^H (Vers enlevé à ta riHure) (b)
84
Et en dormant del cors li prist 1
^^^^H S'il n'est del mestier desloial,
La coste dont feme forma. ^J
^^^^^B Ne ]a mms hom mal n'en diroit
Or esgardés s'il li moustra ^H
^^^^H ) 6 Se lour vîsce ne les Itaoit.
Plus grant amour que Pome
^^^^H Dîus me puist vif et mon honir
[lors
^^^^H Si ja p' çou les voel haïr.
88
Quant il fourma Poume defors?
^^^^^B Quar je voi tout apiertemeni
^^^^H 60 Qued'elestousiîbiensdescent.
Apriès,quant Dieu vintaplassir
^^^^^H Pour dames donne Pen ma[i |nt
Qu'il vouip'' nous hom devenir^
^^^^H
Sans oevre d*oume, purement,
^^^^H Et 9trueve mainte cançoitn ;
92
Nasqui de feme, voirement.
^^^^H Maint foi en sont devenut sage,
S'auquns demande coument
^^^^H 64 Maint bas hom montet en pa-
[pot
^^^B
lestre, je di : si corn Dius vot.
^^^^^B Hardis en devient mains
N'en sai moustrer autre pro-
^^^^H
[vance,
^^^^^H 49 Corr. celé por celuL — n ^'^ /ff/r^J
soulignées font fort douteusa, te mr, étant |
^^^^^H troué et taché â cet endroit. — 61 nu. mât.
— 62
ti y a dans le bien des famés, nij. m
^^^^^^H Harleien, deux vers aattlogues qui manquent
dans l'édition de Jubînai : Fanme fait feire |
^^^^^^H Doviax sons | Et dire sonci et chinçoos.
■
^^^^^H 6{ et saiv. Cf. le bien des fjmes {Jubinal^ Jongleun, p. 8(> : Firo« ti csi de tel ■
^^^^^B oatnre | Qu'ele fait les coan hardis, [ Et
eiveilUer les endormis. | Moût est fiaine de ■
^^^^^B grant pooir, | Car par famé, ]'e[IJ sai de voir
, 1 Ocvienent large li a ver. — 87 Corr, qu'a* 1
MÉLANGES DE POÉSIE
96 Mais bien sai tés fii sa pois-
[sance^
Et nus loiaus de çou ne doute.
Mais s'auquns mescreans m'as-
[coute, 116
Apiertement se traie avant,
100 Et je mousterai par sanblant
Que Dius de la Virge naquist.
Jadis quant li pulles enquist
De qui lignée cil naistroit
104 Qui le monde salver devroit, 120
A Moise[n]t fu coumandé
De par Diu que li .12. ainsné
Des .12. lignées pressisent
108 Cascuns une verge, et meïs- 124
[sent
{Deux vers enlevés à la reliure.)
De celés qui raverdiroit
1 1 2 Sans planter et fruit porteroit.
FRANÇAISE 50)
/cil a qui verge ce fust
Fust ciertains que naistre
[deùst
De son lignage li Salveres
Qui est apielés fius et pères.
La verge q'Aaron i mist
Savons nous bien qu'ele fors
[mist
Aielles et flours et nois no-
[vieles.
Or di, desloiaus, 9ment eles
Porent en la verghe venir?
Coument pot la verge florir
Sans ce que tiere n'atouça
Et que nature n'i ovra ?
Et je dira coument ce fii
Que la Verge fruit conceû....
{Le reste manque.)
Paul Mbyer.
i\i et subf, La première lettre de chaque vers a iti coupée à la reliure.
LE ROMAN DE BLAQUERNA.
NOTICE D'UN MANUSCRIT DU XIV* SIÈCLE.
Le célèbre roman de Ramon LuU, connu depuis le xvi^ siècle sous le
titre de Blanquerna^^ qui tracte de cinch estaments de persones : de matri-
monif de religio, de prelatura, de apostoUcal senyoria (la quai es en b pare
sanct y en los cardenals) y del estât de vida hermitana contemplativa, occupe
une place considérable parmi les œuvres morales du Docteur Illuminé et
mériterait, à divers égards, un examen détaillé que nous ne pouvons pas
lui consacrer ici '. Sans doute au point de vue de l'histoire de la philo-
sophie et de la théologie lulienne, rien ne porte à faire de cette apologie
de la contemplation dans la solitude une étude à part, et à l'isoler d'au-
I . La forme Blanqutrna^ consacrée depuis Tédition de Valence de 1 5 2 1 , semble
due à une faute de copiste. Le manuscrit de M. Piot et le texte latin du
cantique dialogué De amich y de amaty qui fait partie du cinquième livre du
roman, s'accordent à écrire Blaqucrna^ et l'on ne saurait admettreque les scribes
de ces deux versions aient omis partout le signe d'abréviation de l'/i. M. A. Helffe-
rich {Raymund Lull und die Anfânge dcr catalonischcn Litcratur^ Berlin, 1858,
p. 1(4) admet l'authenticité de la forme Blanquerna^ dont il fait un dérivé de
Valence. « Blanch, ros, fresch, colorât e dispost era Blanauerna e molt bell
era de veure », dit le texte de 1 521 (f<> xi v», col. 2), et l'éditeur a ajouté en
marge, pour la prompta memoria dels IcctorSy la note suivante : c Expossicio del
nom de Blanquerna. » Je m'en tiendrai donc, jusqu'à preuve du contraire, à la
forme sans n autorisée par le manuscrit du xiV siècle. — M. P. Meyer me rap-
pelle que le palais de Blaquerna à Constantinople {Palatîum Blachernarum : il y
avait aussi des thermes, une église, un mur et une porte du même nom, voy.
Du Gange, Constantinopolis christiana) est maintes fois mentionné dans les
historiens occidentaux des Croisades. Lull aurait-il tiré de U le nom de son
ermite ?
2. Une analyse sommaire de notre roman a été donnée par M. A. Helfîerich
dans l'ouvrage cité plus haut, p. 114 a 122. Il en a été parlé aussi dans l'intro-
duction des Obras rimadas de Ramon LuU par D. Gerônimo Rossellô, Palma,
i8j9, et dans la Biblioteca de escritorcs baleares de D. Joaquin Marîa Bover,
Palma, 1860, s. v. Lull (Ramon).
^
LE ROMAN DE BLAQtJERNA JOJ
1res ouvrages du même auteur qui Texpliqueni oti la complètent. Mais
le roman de Blaquerna est intéressant à plus d*un titre : on y trouve
notaromeni Texposé des théories de Lull sur Téducation physique et
intellectuelle, qui me paraissent dignes d'attention et dénotent un grand
sens pratique ' , la peinture des mœurs de la haute bourgeoisie catalane
du xiu' siècle, atteinte de tous les vices que procurent le bien-être et
la richesse, enfin la description de la vie des couvents, pleine de traits
pris sur le vif et d'autant plus à considérer qu'elle est l'œuvre d'un
membre fervent du clergé régulier. Il y aurait en somme à tirer de ce
gros livre, sur la dviïisation des pays catalans au moyen-âge, un nombre
considérable de renseignements de très-bon aloi.
Quant aux romanistes il n*est pas étonnant qu'ils aient si longtemps
abandonné i'ermite Blaquerna aux charmes de ses contemplations» car
l'édition modernisée du roman de Lull ne pouvait en aucune façon leur
servir de texte de langue pour étudier le catalan du xin* siècle, et les
manuscrits anciens passaient jusqu'ici pour détruits ou perdus. C'est
donc pour nous yne véritable bonne fortune que de pouvoir signaler aux
lecteurs de cette revue un fragment considérable de la version originale
de Blaquerna, qui nous a été conservé dans un manuscrit, fort correct et
d'une très-bonne époque, appartenant à la riche bibliothèque de M. E.
Piot. Cet érudit distingué, autant que zélé et heureux collectionneur, est
du nombre, trop restreint encore, de ces amis des lettres qui savent
tirer parti de leurs trouvailles, et ne mettent pas leur gloire à dissimuler^
sans aucun profit pour ta science « les trésors que leur zèle intelligent a
su mettre à l'abri de toutes chances de destruction. En permettant à
l'auteur du présent travail d'étudier à loisir ce précieux joyau de sa
coUeaîon, M. Piot a rendu à nos études un véritable service, dont je
suis heureux de pouvoir le remercier publiquement.
Le manuscrit que je me propose de faire connaître aux amateurs d'an-
cienne littérature catalane est un petit in-folio écrit tout entier à deux
g
Il y aurait beaucoup de faits intéressants à relever dans ces pages de péda*
'ogîe, où une chose entre autres m'a frappé : c'est ûue LuU ne conseitle pas à
Ja mère de nourrir elle-même son enfant. Il parle de la nourrice, qu'il veut saine
et de bonne vie, comme d'un objet absolument indispensable, PJus loin le phi-
losophe défend à la maman de trop bien garnir le panier de son fiis pour s'en
aller à l'école. Le passage est assez curieux : i Un dia scsdevcngue que Aloma
dona a son âll Blanquerna, ans que anas a la escola^ de mati a almorsar carn
rostida, e desputx li dona hun 6ao ûue menjas en la scola si \ï venia sabor de
menjar. Quant Evast son pare ho $^i>c^ repres en gran manera a Aloma e dixlî
que al s in&nts no deu hom donar a almorzar de mati sino pa tant solament, per
que no se avesen a esser guolos ni llepols, e perque no perden la sabor de
menjar en taula, quant es ora de dinar. Car per menjar pa a soles, los fadrfns
noy troben tal sabor que costrenguen i natura ses operacions per molt menjar,
y ae pa, que hom nols ne deu donar, si ja ells no demanen, •
506 A. VOREL-FATIO
colonnes, sur vélin, dans la première moitié do xiv« siècle. Dm
littéraire de cette date et de cette condition matérielie est une cfaoœ
extrêmement rare en Catalogne et, je dirai même, dans toute l'Espagne.
L'usage était à cette époque dans la Péninsule d'écrire sur papier, et k
parchemin ou le vélin n'était employé dans les manuscrits de ce genre
qu'à titre tout à feit auxiliaire K Quant à la date de l'écriture je crois bien
ne pas me tromper : peut-être même serait-il possible de l'attrftuer an
premier tiers du xiv« siècle.
Voici maintenant la description détaillée de ce qui nous reste de
cet ancien exemplaire; je dis, de ce qui nous reste, car le manuscrit de
M. Piot est malheureusement incomplet d'un certam nombre de feuillets
au commencement et présente quelques lacunes dans l'intérieur. Dans
son état actuel le volume compte 107 feuillets. Le f^ 1, chiffiré xxviiu
dans l'ancienne pagination, commence par les mots : c La quai
sabor e color es la cams del espos nostre », qui correspondent, dans
l'édition imprimée à Valence en 1 52 1 , au livre II, partie I, chap. xxxvii,
f^ XXIX vo, col. I, ligne 8. L'étendue de la lacune du commencement
doit être exactement désignée par l'ancienne pagination, car dans tous
les rapprochements que j'ai faits entre le manuscrit et l'édition, j'ai
toujours constaté que les feuillets de l'imprimé couvrent assez exacte-
ment les feuillets de notre exemplaire manuscrit. Les lacunes de l'inté-
rieur sont de trois feuillets, qui ont été enlevés entre les feuillets actuels
47 et 48, 48 et 49, 56 et 57. Le f> 47 v© finit : « En aquella plassa »
(= éd. de Valence, f> lxxvii, col. 2) et le 48® commence : « E disseron
que aquel home era gran iogador » (= éd., f* lxxviii, col. 2); le
f» 48 v^ se termine par la rubrique du livre IV (= éd., f* lxxix, col. 2)
et le 49« commence : « lauesque demandât de lemperador e reconta al
ioglar son estaraent » (= éd., f" lxxx v^, col. i); enfin le f* 56 v**nous
conduit jusqu'aux mots : « Aquel cauallier uenc en aquela ciutat aramir
cors per cors tôt home que » (=éd., f lxxxviii, col. 2) et le 57*
reprend : « E cridaua per la uilla que el daria aquel palafre » (éd.,
f* Lxxxix, col. 2).
Le texte du roman a été bien traité par le scribe de notre manuscrit,
et la plume du réviseur contemporain chargé de revoir son travail n'a
laissé que peu de traces sur les marges ou dans le corps du texte. Vers
la fin de l'ouvrage cependant, à la place qu'occupe dans le livre cin-
quième le dialogue De Vami et de Vaimé, les annotations marginales
abondent singulièrement; elles commencent au haut du f* 74 par cet avis
I . Le cas qui se présente le plus souvent, dans les pays catalans au moins,
me paraît être Vcncartemmt des cahiers de papier dans une couverture de par-
chemin qui constitue ainsi le premier et le dernier feuillet de chaque cahier.
LE ROMAN DE BLAQUEBNA 507
au lecteur : ce Multuin oportet haberi aliquod exemptar antiquum », et se
poursuivent jusqu'à la fin du petit traité. Ces annotations ne sont pas
du premier réviseur, mais d'un lecteur du xvr siècle, qui s*est proposé
de combler certaines lacunes du manuscrit en copiant en marge le texte
latin ■ ou vulgaire des articles du dialogue omis par le scribe. U est à
remarquer que les additions en langue vulgaire diffèrent sensiblement de
la version imprimée à Valence*
La provenance du manuscrit de M. Piot m*est inconnue; mais voici
quelques indications qui pourraient peut-être fournir des points de repaire
aux érudiis catalans mieux placés que moi pour en reconstituer l'histoire.
Au verso du dernier feuillet, coL 2, je lis : cr Aquesi es lo libre qui es
den Bnt (Bernât) Gàu(Guerau ?), e sera mentra deus ho vulla*. »
Sur une des gardes de la fin j'ai déchiffré :«...£ hunado, quien le
perdîo venga cercarlo hon de... llara como. En la villa de Ybeça(Ibiza)
a veinie de março. — Conosco yo Sancho de... ynosa te hurte de una
parocha por mandamiento de Hernando de Lor... » Enfin, dans l'espace
blanc de la seconde colonne du f" 58, on lit : a En la villa de Médina»
Jeronimo » ; au verso on trouve une mauvaise figure de saint, une tête
et un cou d'oiseau ^ le tout dessiné à la plume. La reliure en parchemin
est insignifiante,
La popularité du roman de Bia^uerna ne s'éteignit pas avec le moyen-
âge dans les pays de langue catalane. Sans doute cette apologie de la
vie contemplative ne devait trouver qu'un faible écho dans la société du
XVI* siècle, peu disposée à sacrifier à la vida htrmiîana les quatre pre-
miers états que LuU nous décrit comme une sorte de purgatoire terrestre;
mais la réputation immense du grand docteur suffisait à recommander la
lecture du livre, même aux plus mondains : seulement il devenait indis^
pensable d'en rajeunir la forme, qui commençait à ne plus être com-
prise. C'est ce que fit, en 1521, Moism Joan Bonlabij ?, catala^ naîural de
Rocaforî de Qaerdt^ mesîre en arts y prevere, sous les auspices de Mossen
Gregori Genovan, chanoine de la cathédrale de Majorque 4, pour le
compte de l'imprimeur valencieOj Johan Joffre K
I . Nous parierons plus bas de ce texte
3, Cette note est d une main du xv* si(
latin.
siècle; les autres paraissent toutes du
XVI*.
) . Dans U suscripiion du second prologue de Tédition ce prêtre se nomme
Johanncî Bonlabij Tarrâconensts^ c'est-à-dire originaire du diocèse de Tarragone^
dont faisait et lait encore partie le bourg de Rocafort de Queralt. Je n'ai pu
trouver aucun renseignement biographique sur cet éditeur de Blaquerna.
4. Villanueva parle à diverses reprises de ce chanoine, voy. le V'mge Uttrario
à las iglatjs de tipana, t. XX, p. 116 et XXJ, p. 9^, 94 et 140. Voyez aussi
la notice que lui a consacrée Bover, BtblïoUca de turkoàs baUara^ s. v,
^. La Bibliothèque nationale possède un exemplaire (coté D (697) de ce
livre très-rare et qui se compose au point de vue du texte de trois parties :
508 A. MOREL-FATIO
Examinons d'un peu près cette édition et voyons s'il est possible de
déterminer les rapports qui l'unissent au texte original.
L'imprimé de Valence se présente comme une traduction en valenden
(traduit y corregit ara novament dels primers originals y estampât en lUngaa
valenciana). Cette expression traduit, qui pourrait donner lieu à une mé-
prise, est expliquée par Johan Boniabij dans son Epistolaproemial à Gre-
gori Genovart. Voici ses paroles :
« Die que entre molts altres libres que ha composts (R. Lull) y arts particu-
lars en diverses sciencies debax de la universal y gênerai a totes, la quai li fon
revelada (corn ell diu) per nostre S. deu, ne ha fets très, en los quais ymita
specialment a Salamo en los dits libres^, y demostra y proseguex plenament en
ells lo intent de aquell. Los quais son la doctrina puéril maior, laquai feu a son
fin, y aquest Blanquerna cornu a tots los estais depersonesenlosseus.v. libres,
lo quai ara novament ses traduit^ corregit y stampat en lengua valenciana a despeses
de V. R. (segons me pregua ne prengues yo lo carrech, conexentme aifectat a
la sciencia de aquell, onque noy sia docte ni menys llimat en dita lengua, com sia
a mi peregrina y strangera) y lo libre de amich y de amat, lo quai es part esscn-
cial del .v. libre en dita obra. i»
Et plus loin :
c Révèrent S., puys lo Blanquerna es ia estampât y correcte al manar de
V. R., haonque no ab tant rich stil de paraules com requir la maiestat de la
sentencia que tracta (maiorment en lo .v. libre), lo quai per servarla ensemps
ab alguna gravitât antigua y dolça memoria de aquell bon temps // havtm Jet
retenir acordadament alguns vocables de la lengua llemosina primera que mal no
parexen, etc. »
De ces deux passages qu'on vient de lire il y a deux conclusions à
tirer. La première, c'est que l'expression traduit peut s'appliquer fort
bien au rifacimento en valencien moderne de l'ancienne version catalane,
puisque le catalan Joan Boniabij parle du dialecte de Valence comme
d'une langue qui ne lui est pas familière {peregrina), qui lui est même
étrangère : il va jusque là. La seconde, c'est que ce traducteur a eu cer-
tainement sous les yeux l'ancien texte vulgaire. Où aurait-il pris ces
bons vieux mots de la langue limousine première, si ce n'est dans un
manuscrit semblable à celui qui nous a été conservé ^ Notez qu'il n'a pas
puisé ces archaïsmes dans d'autres sources ; il dit expressément qu'il
a conservé au livre quelque chose de la saveur du vieux style : c'est
donc qu'il suivait à la lettre le Blaquerna catalan, n'en modifiant la langue
r des 8 feuillets préliminaires consacrés au prologue de Blaquerna, au prologue
en latin du Libre de Gracions y contcm placions del cntenimcnt en Dca et à la table
des deux ouvrages; 2* des 140 feuillets du livre de Blaquerna, achevé d'imprimer
le ]o mai 1 $21 ; ^^ des 11 feuillets (cxli-cli) du Libre de Gracions, etc., achevé
d'imprimer le 1 2 juillet de la même année.
1 . Les Proverbes, l'Ecclésiaste et le Cantique.
LE ROMAN DE BUQUEKKA 509
et les tournures qu'autant que le lui permettait sa médiocre pratique du
dialecte valencien. Et puis de quelle langue aurait-il traduit f Du latin î
Il faudrait donc admettre Texisience au xvi'- siècle d'une traduction latine
de Blû^uerna, car il parait évident que ce roman avec ses détails de
mœurs et sa couleur locale a été rédigé originairement en catalan. A être
coulé dans le moule uniforme et usé de la langue savante, ce tableau
des cinq états du monde aurait perdu une bonne partie de son intérêt et
de son charme naïf ' .
Au reste les érudits et les bibliographes qui se sont occupés de Bîa-
querna ne paraissent pas avoir connu de texte latin, ils se réfèrent tous
à Tédition de Valence*. On possède, il est vrai, une version latine du
Libre de amie e de amat, qui est un fragment du Bkqutrna, mais l'ou-
vrage entier, à notre connaissance du moins, ne paraît en aucun temps
avoir tenté la plume d*un traducteur.
Le Blancjuerna de 1521 peut donc passer, jusqu'à preuve du contraire,
comme un simple remaniement en langue moderne du texte originaire-
ment écrit en ancien catalan»
Il est temps d'en venir à la version latine de ce dialogue du cinquième
livre de Blaqutrna, dont il a été question à plusieurs reprises* Dans l'édi-
tion de 1 52 1 ce dialogue occupe les folios cvi à cxix, et il y est précédé
d'une introduction où Tauteur nous apprend qu'un ermite de Rome vint
un jour prier Blaquerna de lui composer un « llibre que fos de vida her-
mitana e que ab aquel llibre adoctrinas e sabes tenir en contemplacio y
en devocio als altres hermilans. ^ Blaquerna, après avoir réfléchi et
priéj se décida à répondre à la demande de cet ermite en rédigeant un
« llibre de amich y de araat : lo quai amich fos feî y dévot crislia e lo
amat fos Deu. j» Le plan de ce petit traité lui fut suggéré, nous dit~il,
par le souvenir d'une pratique religieuse du pays des Mores. Le passage
est assez curieux pour être rapporté :
1 . D. Gerôntmo Rosseli6, qui prépare depuis longtemps une bibliographie des
œuvres de Lull, dit sans la moindre hésitation : t Es et Blanqu^rna en su con-
junte un vasto poema que (scribiâ Lulio en prosa Umosina, etc. • ; v6y. les Obras
rtmadas de Ramon Lutlf p. 5$*
2. Voyez entre autres le catalogue des œuvres de Lull imprimé par
Nicolas Antonio dans sa Bibliotheca hisparu vdus. seconde éd., t, II, p. \}o. Ce
bibliographe, après avoir transcrit le titre de Tédilion de 1^21, a joute en parlant
de BonlaDij : * Qui forsan inlerpretatus ipse librum fuit ex latino *, ce qui ne
nous avance pas beaucoup. — Il esiiste i t'Escurial, sous la cote &-1I-K une
bibliographie lutienne composée à la fin du xvi<^ siècle parle D'Arias de Loyola*
M. hfelnerich^ qui en a pris une copie (voy. Le. p, 75) ne paraît pas y
avoir trouvé d'indication relative à une version latine de notre roman, car en ce
cas il n'aurait pas manqué de le dire. — J'ajoute que la Btblioncit Nâcioml de
Madrid possède (du moins possédait) une Memona de Us okas de Rjmon
Util que Ikgaron à noticia dcl Doctor Dimâs (sous la cote Q_^ î9J. Ce mémoire
ne paraît pas avoir été utilisé jusqu'ici.
JIO A. MOREL-FATÎO
Mentres que Blanquerna consîderava en esta manera, ell recorda oom una
vegada^ quant ell era papa ^ li reconta un moroque los tnoros han atgunes per-
sones religioses entre ells, los quais son molt estimais entre los altres> y estot
an nom suJfies o morabichs, e aquells han paraules de amor y exemples abre*
viats, losquals donen al home gran devocio, e son paraules que han mester
exposîcio^ e per la exposicio puja lo enteniment mes ait en sa contemplacio,
per lo quai pujarnent multiplica y puja la voluntal en gran devocio.
Lull divisa ce livre en trois cent soixante-six exemples^ un exemplei
selon VArt de contemplation, pour chaque jour de l'année.
Ce petit cantique dialogué^ qui forme un tout à lui seul, pouvait être
détaché, sans rien perdre de son intérêt, du grand roman moral dans le
cadre duquel il est du reste assez mal placé. Il se prêtait aussi fort bien
à être traduit en latin. Il est possible que la traduction dont nous allons
parler, et qui fut imprimée pour la première fois à Paris en 1505, soit
l'œuvre de Lull lui-même*. L'éditeur, qui ne fut autre que le célèbre
érudit et traducteur de la Bible, Jacques Lefèvre d'Etaples, ne nous dit
rien à cet égard, il nous apprend seulement qu'un exemplaire dudit livre
(qu'il nomme Libdlam Bla^aerne de amore divino) lui fut remis par un reli-
gieux de la congrégation de Sainte Justine ei qu'il le copia à Padoue
l'année du jubilé de i ^ooK
u Allusion à un passage du livre IV (Dd estât dt apostolkal stnyôm)^
f- xcvii, que voici : « Envers la Barberia fon m mtssatger del cardetia! (le car-
dinal Domine fiiti umgemte Jesu Chnsîe}^ to quai troba molts gaîiadors y alfamiins
qui predîcaven als moros lo alcora e les benaventnrances de llur parais. E ab
tant dévotes paraules los predicaven que quasi quants los scoltaven ptoraven.
Molt se maraveîla lo misatger de la devocio que aquelles gents havicn en
aquelles paraules, corn allo quels predicaven fos gran error, e troba que per
la bella manera y devota que tenien en predicar y eu plorar, e perquels recon-
taven la vida de molts homens qui per devocio monen, per ço ploraven les
cents. Encara troba un îlibre del amich y del amat, on era recontat corn (os
homens dévots feyencançons de deu y de amor, ecom per amor dedeu llexavcn
los délits del mon y an^ven per lo mon sostenint pobrea y molts altrcs tre-
balls. »
2. On pourrait admettre aussi que ces aphonsmes religieux ont été original^
rement écrits en lalin et que Lull les traduisit plus tard en langue vulgaire an
moment de les faire entrer dans le Btaqucrna.
j. tf Clausi quasî sigillo quodam amatorio Contemplationum volumen (les
deux livres des Cûtnemplattons de Lull qui occupent les 85 premiers feuillets du
livre imprimé à Paris en 150^ par Jehan Petit) libcllo Blaquerne de amore
divîno^ quem în peregrinatione iubilei, anno quingentesimo supra millesimum dei
humani salutisque hominum, escripsi Patavi. Communicaverat enim michi unus
ex illa sancta et admirabili per universam Italiam monastice observationis coq-
gregatione Justine virgmis a Prosdocimo apostolorum discipulo Dec dicata. a
— Bru net cite une autre édition de notre texte, inûiulét Lher meditationam totius
anni^ aiias de amtco et âmalo. Rothomagi, i6p, in-8», avec des notes* — Il
existe (ou existait) à la Biblioteca Nactonal de Madrid une version castillane
manuscrite (ras. B lo^, p. 102) ; peut-être la même que celle qui fut imprimée
en 1749 et au sujet de laquelle je puis donner quelques renseignements,
grâce à Tobligeance de D. Marceîino Menendci Pelayo de Santandcr et D. José
LE ROMAN OK BLA(^ERNA ^ I t
La publication de cette édition latine a fort bien pu ne pas être connue
de l'éditeur catalan Jean Bonlabij. Rien ne prouve en tout cas qu'il s'en
soit servi. Sa version du Libre de amie t de amaî est, il est vrai, souvent
plus rapprochée du texte latin que de la version catalane manuscrite,
mais nous avons déjà vu plus haut que celte partie précisément du ma-
nuscrit de M . Piot a été moins bien traitée que les autres par le scribe,
à tel point qu*un lecteur du xvk siècle jugea convenable d'en réparer de
son mieux les lacunes et les incorrections par le rapprochement d'autres
copies. Le manuscrit catalan dont rédiieur de (521 s'est servi pouvait
être plus correct et plus complet que le nôtre : mieux vaut s'arrêter à
cette hypothèse que d'admettre, sans preuve, une source latine pour
une petite partie d'une œuvre considérable, qui présente dans son en-
semble tous les caractères d'un simple rajeunissement.
f! ne me reste plus qu'à laisser la parole au grand docteur. Les extraits
qui suivent donneront, je pense, une idée de son roman à ceux de nos
lecteurs qui n*ont pas encore eu l'occasion de lire la rarissime édition de
Valence, et mettront en lumière les nombreuses et considérables variantes
de langue et de style qui séparent le texte original de la version remaniée
au xvt' siècle. J'ai accompagné les passages du Libre de amie e de amat
de ta version latine de 1 50 5^ pour permettre à chacun de contrôler les
observations qui ont été présentées plus haut sur la nature du travail de
Jean Bonlabij*
Ramoti de Luanco de Barcelone. En voici le titre : Blanquernamatstro de h ptrjucian
(hr\stiana en îos cstadoi de matnmomo^ religion^ prelacia^ apostélico senorio y yidj
enmiiica. Compaesto en Icnguû lemosina par et duminado doctor^ Màrùr invictissimo
de Jesu^-Christo y Maestro universal en todûs Arles y Ciencias B, Raymundo Luho.
Impreso en Valtncia, Âno de 152t. Trûducxdo fteimcnte ûkora de et vaUnctano \ de
un andguo Manuscrite Lemosino en Ungua Castellana. Con iuenaa, Ano MDCCXÙX.
En MaihfCii. En ta oficina de ta Viada Frau im pressera de la Real Audiencia.
L*emploi d'uo vieux ms. catalan est spécifié dans les Avisos al ledor^ qui occu-
pent les pp, 17 à 22 : < Advierto ftnalmenle (dit le traducteur anonyme) que,
en cuanto à la fidclidad de esta traduccton, se ha procurado fuese la màs
puntual ; por lo que, i mas del exemplar valencîano, nos hemos valido de un
antiguo manuscrito lemosino que se conserva ai Mallorcû en la libreria del Real
Conventû de N. P. S. Francisco de Assis de îos PP. Menores de la Obstrvancia^
que nos hadado bastante luz para explicar aigu nos passajes que nos parecieron
algo obscuros en cl exemplar valeneiano *. Les éruaits catalans savent-ils si ce
DIS. existe encore et, en ce cas, où il se trouve?
JU
A. MOREL-FATIO
MAjojscfirr Piot, f" 4 c v®.
Editton bb Valekce, I $2 I .
De fortkudo, L.
En la forcst per on anaua Bla-
querna auia. î. caslcl mot fort^ lo
quâl era dun catiallier; !o quai per la
forsa del castel^ e car era forlz de per-
5oiia e sabja mot de faitz darmas^ era
mot ergollos e fazia molas de en m ri as
a tûtz aquels que eslauan entoro sa
cncontrada. I. iorn sesdeuenc quel
cauallier loti sols en son cauall, garnit
daquelas armas que auia acostumadas
a porta r, fes assaut en j, castel! que
era duna don a que auia mot bcla fil la.
Auentura fo que lo cauallier atrobet
la donzella foras las portas dcl caste! I
ab dautras donzelas, e près aquella,
en lo col de son cauall la pauzet, a
forsa délia donzella e de tolas las
autras^ e mtretsen ab ella en lo gran
boscatge* Gran fo lo crit e lencausa-
ment que fon laîtz al caoallier per so
que ti tolguesson ladonzela. Ûementre
que lo cauallier lanportaua^ la don-
zella ploraua e cridaiia motfortment»
et j\ escudier que seguia lo cauallier^
acosseguet lo cauallier e combatetse ab
el, e lo cauallier naffret et enderro-
quet lescudier, et aucisllî son caual,
e tent sa uia ab la donzella uers son
castell.
Segon que auentura menaua Bla-
qoerna per j, luoc e per autre per la
forestj esdeuencse que lo cauallier e
Blaquerna sencontreron. La donzella
ploraua e crîdaua^ e preguet Bla-
querna que lî aiudes, Mas Blaquerna
consideret que sos poders corporal
era freuols contra lo poder del caual-
lier, e per aîso pcnsct com aiudes a la
donzela ab fortitudo-caritat que son
fofsas espirituals, e per aiso dix al
cauallier aquest exemple.
Ca, IVÎL De Jortalea y deh tffuUs
gratis qiu obra tnumps ab la cari ta t^
pruàmm y k$ ahrts virfuU contra,
malmsiai^ tngan y malicia y las
aiires vkis ab dos kits atmpies.
En h forest per on anaua Blan-
querna ha uia un castell molt fort^
lo quai era de un caua lier molt sforçat ;
lo quai caualler per la forlalesa del
castell^ y perqueera ell fort de pcrsoîwi
y sabla moll de fet de armes, era moU
superbios, e perço feya moites injurie*
y violencies a tots aquelfs qui estaueQ
en les sues encontrades y veynal. Un
jorn sesdeuengue quel caualler, guar-
nil y ben aparellat en son cauall, toi
sol, saltejâ un castell^ lo quai era de
una don a viuda^ la quai ténia uoa
filla molt bella. Ventura fon quel
caualler troba la donzella fora de la
porta del castell ques deportaua ab
altres donzelles, y près ell aquella y
posala en lo coll del seu cauall, a força
y desgrat délia y de les altres don-
zelles, e portalasen y entrasen en lo
gran boscatge. Grans foren los crits y
gran lonch lo encalç que Ton fet al
caualler per los del castell , perlai que
li lleuassen la donzella. Mentres quel
caualler senportaua la donzella y ella
ploraua e cridaua molt fortment, un
scuder qui encaiçaua al caualler, ateo-
guc lo caualler y combatcs ab ell.
Mas lo caualler feri e nafra al escuder,
y derrocal en terra, y matali lo cauall,
y tengue son cami ab la donzella
cnuers son castel L
Acas se sdeuengue (segons que Ven-
tura seguia a Blanquerna per lo
boscatge de un Hoc h en altre) que lo
caualler ab la donzella y Blanquerna
se encontraren^ y la donzella ploratia
LE ROMAN DE
Segon que es recontat, sesdeuenc
que .i. home mot saui en fizolophia
et en theologia et en autras sciencias
ac deuocio danar prezicar als Sarrazis
ueritat de la sancta fe catholica, per
tal que destruxes la error dels Sarrazis
e que lo nom de dieu y fos azoratz e
benezitz, segons que es enfre nos.
Lo saint home anet en terra de Sar-
razis, e prezicaua e demostraua
ueritat de nostra ley, e destruzia la
ley de Mafumet aitant cant podia.
Fama fo per tota aquella terra de so
que el fazia. Lo rei sarrazi fetz far
mandament a aquel saint crestia que
ixis de tota sa terra, car, se non o
fazia, el séria llieuratz a mort. Lo
saint home non obezi al mandament
corporal, car caritat e forsa eron en
son coratge, que li fazion menisprezar
la mort corporal. Mot fo lo rei endi-
gnatz contra el, e fes lo uenir denant
si, et dixli aquestas paraulas :
c 0 fol crestia, que as menisprezat
mon mandament e la forsa de ma
seinhoria, e no uezes tu que y eu ai
tant de poder que puesc tu turmentar
e ilieurar a mort? On es lo tieu
poder, per lo quai as menisprezada
ma forsa e ma seinhoria ? — Seynher,
dix lo crestia, ueritatz es quel uostre
poder corporal pot uenser e sbbrar lo
mieu cors, mas la forsa de mon co-
ratge non pot esser uensuda per la
forsa del uostre coratge ni per la forsa
que es en totz los coratges dels homes
de uostra terra. E car forsa de co-
ratge es plus nobla e maior que forsa
corporal, per aiso caritat que es en
mo coratge ama tan fortment la forsa
de mon coratge que fa menisprezar la
forsa corporal que uos auetz en uostra
persona et en uostre règne ; e per aiso
la forsa e la caritat de mon coratge uos
te apparellat corn se combata ab totz
los poders de uostra arma e de totas
las armas que son en uostre seinho-
ratgue. •
Romania^ VI
BLAQUERNA 5 I J
y cridaua, fent gran dol, y prega,
quant veuaBlanquerna, que li ajudas.
Mas Blanquerna considéra quel seu
poder corporal era flach contra lo
poder del caualler, y perço dellibera
que ajudas a la donzella ab fortalesa
y ab caritat, lesquals son forces spe-
rituals de la anima; e perço dix al
caualler est exemple.
Segons ques reconta, sesdeuengue
que un home molt saui en philosofia y
en theologia y en altres sciencies hague
deuocio de anar a preicar als Moros
la veritat de la sancta fe catholica,
pertal que destrois llur error e quel
nom de deu fos adorât y beneyt entre
ells, segons que es entre nosaltres. Lo
sanct home sen ana a terra de Moros,
hon prehicaua e amostraua la veritat
de la nostra sancta fe y destrohya en
quent podia la secta de Mahomet.
Fama fon per tota aquella terra del
que ell dey a y feya. Y lo rey moro
feu fer manament ad aquell sanct home
christia que ell ixques de tota sa terra,
e si nou volia fer, lo menaçaren que
ell séria lliurat a mort. Lo sanct home
no obéi al manament corporal del rey
moro, perque caritat y fortalea eren
en son cor. Quant lo rey 0 sabe fon
molt indignât contra ell, y feulo(s)
venir dauant, y dixli estes paraules :
(c 0 foll cristia, qui has menyspreat
lo meu manament y la força de ma
senyoria, no veus tu que yo he tant
poder quet puch matar 0 fer penar en
diuersos turments ? Hon es lo poder
que tu tens, per lo quai has menys-
preada ma força y lo meu manament?
— « Senyor (respos lo sanct home
christia), veritat es quel vostre poder
corporal pot vençre y sobrar lo poder
del meu cor, mas la fortalea del meu cor
no pot esser vençuda per la vostra
força ni per tota la força de tots los
homens qui son en vostra terra, per-
que la força del cor es major y mes
noble que no es la fortalea corporal.
514 A
Mot fo lo reis marauillatz de las
paraulas que auzia, e demandaua al
crestia qui era occasio de son coratge,
per la quai el arramia totas las forsas
e totas las caritatz que eron en las
armas dels homes de sa terra.
c Seinher, dix lo crestia, tant es
gran cauza la encarnacio del fill de
dieu e la passio que sostenc per saluar
nosautres, e tant es fortz causa ueri-
tat contra falcetat, que per aiso soi ab
tanta de caritat e de fortitudo en mon
coratge, que en tota uostra terra ni
enfre totz ios homes que uos auetz,
non es car[i]tatz-fortitudo que pogues
per razos contrastar a la mia ; et aiso
es per so quar totz uosautres etz en
error e non auetz deuocio en la encar-
nacio e passio de nostre seinhor dieu
iesu christ. •
Lo rei sarrazi fo mot iratz contra
lo crestia, e fetz mandament per tota
sa terra que uengessan totz Ios plus
sauis homes et aqueisquemaiss ague-
sson de caritat, e que uenguesson al
crestia la fortitudo-caritat de son
coratge, e pueissas que son cors fezess-
on a mala mort morir. Tug foron
aiustat contra lo crestia ; e lo crestia
les uenquet els sobret totz de forsa
spiritual e de caritat, e dix al rei
que eniuria faria al cors, si! tolia al
arma, que a maior uertut en forsa-
caritat que totas las armas dels sieus
homes, et eniuria faria al arma, si no
la gazardonaua de sos mérites.
Cant Blaquerna ac dig al cauallier
lexemple damunt dig, el fes al cauallier
aquesta demanda. « Seinher, dix Bla-
querna, quai uos es semblant que sia
plus fortz e plus noble de poder, o
la forsa de coratge que uens e apo-
dera tantz.daltres coratges, o la forsa
corporal quel rei sarrazi auia maior quel
crestia ? » Lo cauallier respos e dix :
« Aquella forsa de coratge es la mellor
forsa que sia en home. • — « Seinher,
dix Blaquerna, aitant quant la torsa es
MOREL-FATIO
E perço la caritat que es «n mon cor
ama tant fortment la fortalesa de moi
cor, quem fa roenysprear la força co^
poral del manament vostre que voi
haueu en vostra persona y en tôt
vostre règne : y perço la força y la cari-
tat del meu cor estan aparellades de
conbatres ab tots Ios poders de la
vostre anima y de (otes les animes que
son en vostra senyoria tota. »
Molt se marauella lo rey de les pa-
raules que deya lo cristia, y demaoali
quina cosa era la tortalea gran de! seu
cor, que axi acometia a totes les forces
y caritats de les animes que eren en sa
terra.
« Senyor (respos lo cristia), tantes
gran cosa la encarnacio del fill deden
y la passio que sostengue per nosaltres,
y tant es fort cosa la veritat contra la
falsia, que perço so yo ab tanta cari-
tat y ab tanta fortalesa en mon cor,
que vos ni tots Ios homens de vostra
terra tota no porien contrastar a la
mia fortalea ; perço que tots vosaltres
sou en error y no haueu fe ni deuocio
en la encarnacio ni en la passio de
monsenyor deu Jesu Christ. •
Lo rey more fon molt yrat contra
lo cristia, y feu manament que ven-
guesen tots Ios mes sauis y doctes
homens de sa terra y tots Ios qui mes
caritat haguessen, y que vençescen al
cristia la gran fortalea y caritat de
son cor que ténia, e après que fessen
son cos morir a mala mort. Tots foren
aplegats contra lo cristia ; mas lo
cristia Ios sobra a tots yls vençe de
força speritual y de caritat, e dix al
rey que injuria faria al cor, sil lleuaua
de la anima, que ha major virtut en
fortalea y en caritat que totes les
animes y de ell y de tots Ios Moros
de sa terra, e injuria faria a la anima
si no la apremiaua de sos merits.
Quant Blanquerna hague recontat al
caualler aquest exemple, eli li feu esta
demanda. « Senyor (dix Blanquerna),
LE ROMAN DE
maior e plus nobla, daitant deu miis
esser amada per caritat. Be \xeitit qos
que la mia forsa corporal ni la forsa
de la donzela que uos porta tz non an
forsa contra la forsa de uostre caual
e de uosiras armas c de uostra per-
sona. E per aiso ueiatz on a mais de
forsa, 0 en uostre coratge o en uostre
caoall e armas e persona ; car si
uoslre coratge es plus fortz contra
maluestat et inîurta e luxuria que
uo5lra persona ni uostras armas ni
uostre cauaill, uos retornareti la don*
lella ai luoc on laueiz preza^ e non
enclinarctz uostre coratge a maluestat
ni a falliment. Ënaisi com dieus a
donada forsa al uostre cors, auretx
per uerttit de dieu torsa en uostre *
coratge, per lo quai auretz cariiat a
totz bos (aigs on sia leialtat e cortezia,
enscjnhamcnt et hu militât, t
Mot considère! lo caual lier en las
paraulas que dizia Blaquerna, e no
uolc que mal enseinhament ni uilama
ueoces ni sobres son coratge, ab lo
qtial auia uensut e sobrat motas
uegitadas moutz caual liers en assautz
et en batallas, et per aiso lo cauallicr
dix a Blaquerna aquestas paraulas :
t Ane no fui uencuiz ni sobratz per
nuyt 3 home, on se leu non obezia a
QOstras paraulas^ uiltat e uilania
uencerîa mon coratge, lo quai coratge
4 mi mot amable, car per sa forsa
estatz sobriers totz temps a mos
iDcrotxs. Non es uencutz mos coratges
per Ui uostras paraulas» ans uens e
apodera en mi la maluestat e la
uilania que i solia esser Veus la don-
zela, prec uo% que la retornelz al
castel de sa maire. Y eu ai natfrat a
mort J. escudier del castel e per aiso
segu rament non poiria retornar la
donzella en aquellas encontradas. • Et
ab aquestas paraulas lo cauallier se
BUQUERNA { I $
quai vos sembla que sla mes fort y
mes noble en si, o la força del cor
del cristia que apodera y vençe tants
a lires cors y forces de homens, o ta
força corporal quel rey moro hauia
major quel cristia? * Lo caualler
respos y dix que !a fortalea del cor es
major força y la mes noble que en lo
home puga esser. c Senyor (dix Elan-
querna), tant quant la força es major
y mes noble^ tant deu esser mes
amada per caritat. Be veeu vos que ta
força corporal en mr, nj en la donzella
que vos portao^ no es lanta que
puixa esser contra la força de
vostre cauall y de vostres armes y
de vostra persona. Y perço mirau
hon ha mes força, o en vostre cor, o
en vostre cauall y armes y persona. E
si en vostre cor ha mes força contra
maluestat^ injuria y lluxuria que no
ha en lo vostre cauall ni en vostres
armes y persona, certes vos tornareu
la donzella^ que portau per força, al
Iloch de on la haueu presa, e no iucti-
nareu vostre cor a maluestat ni a
dejfatliment. Perque axi com deu ha
donat força al vostre cos, axî haureu
per virtut de deu fortalesa y noble
cor, per lo quai haureu caritat a tots
bons fets hon baja Uealtat, cortesia,
bona criança e h u militât.
Molt considéra lo caualler en les
paraules que deya Blanquerna, y no
volpe que ma la criança, descortesia
ni vilanta per elt lossen entantexaiça-
des quel vencessen ni sobrassen son
cor, ab lo quat etl hauia vençut y
sobrat moites vegades a molts ca-
uallers en caualcades y en batalles, e
perço dix lo caualler a Blanquerna
estes paraules : « May no fuy vençut
ni sobrepujat per ningun home. Mas
si yo no obeia a vostres paraules,
mala crian;a, villat y vîlania vençerien
5l6 A. MOREL-FATIO
parti amigablament de la donzela e al meu cor, lo quai es a mi molt
de Blaquerna.
De temptacio. LI.
Mot desplac a Blaquerna car auia
a ixir de son cami per acompai-
nhar la donzella que lo cauallier li auia
comandada; mas caritat-fortitudo lo
fezeron anar ab la donzella ues las
partidas del castel. Dementre que Bla-
querna anaua ab la donzella, Bla-
querna senti temptar son coratge de
carnal delieg per la gran beleza de la
donzella e per la soletat en la quai
era ab ella en lo boscatge. Mas encon-
tenent que Blaquerna senti la temptacio,
remembret la metguia 2 per la quai hom
mortificaua tota temptacio. so es asa-
ber dieu e la sua passio e la celestial
gloria e las infernals penas ; e gitet
se ad oracio e demandet aiuda a las
.vii. uertutz queeron en sa compainh-
ia, e remembret la uilltat e lentaca-
ment que es en la obra de luxuria, e
deziret auer la nobla obra que es en
las uertutz com saiudon contrais uicis.
Motas uegadas ac Blaquerna temptacio
de luxuria, dementre que anaua ab la
donzella, et encontenent se donaua ad
oracion, segon que damont es dih e
mortificaua la temptacio.
Per esperit maligne sesdeuenc que
amable, car per sa força so estât tos-
tcmps soberch a mos enemichs. Y an
per vostres paraules venç y apoder eo
mi maluestat y a vilania^ lesqnals hi
solien estar. Veus aci la donzella,
prech vos que la torneu vos al castdl
de on yo la he presa a sa mare. Yo
he ferit y malnatrat un scader del
castel I, e perço segurament noy poria
ja tomar, onquels portas la donzella.
Ab aquestes paraules Blanquema y la
donzella se partiren del cauallcr molt
agradablement.
Ca, LVlll, De temptacio y del modo
singular com pot hom euadir y scapar
ad aquella qualsmol que sia per
exemple de Blanquerna.
Molt desplague a Blanquerna quant
hague a exir de son cami per
acompanyar la donzella quel caualler
li hauia acomanada ; mas caritat y for-
talesa lo feren anar ab la donzella
enuers les partides del seu castell.
Mentres que Blanquerna anaua ab la
donzella, ell se senti temptat en son
cor de carnall délit per la bellea y
gentilea de la donzella y per la soledat
en la quai era ab ella en lo boscatge.
Mas encontinent quant Blanquema
senti la temptacio, tantost se recorda
de la medecina ab la quai mortifica
hom tota temptacio, y es a saber
recordar a deu y a la sua sancta passio
y la celestial gloria y les pênes infer-
nals ; y posas en oracio e demana aju-
tori a les set virtuts que eren en sa
companya, e recordas de la viltat y
de la sutziedat que es en là obra de
lluxuria, y desija hauer la noble obra
que es en les virtuts, com se ajuden
ensemps contra los vicis e purifiquen
la anima de aquells. Moites vegades
1 . Ce membre de phrase est corrompu. Cp. le passage correspondant du ms.
2. Lu de ce mot a été exponctué par le reviseur.
t
LE ROMAN DE
\n donzella âc temptacio de peccar ab
61a<)Ufma, e quar non auia la ma-
aieira de Blaquerna contra temptacio,
dix aquestas paraulas : ■ Senhcr, dix
la donzella, en uostre podcr son, c
uo5tras paraulas man desllieurada de
[as mas del cauallier, autre gazardo
nous puesc tar mas daitant que uos
podetz pleuir de ma persona a lot
uostre placer. * Blaquerna senti en si
multtplicarlalemptacio perlas paraulas
d€ la don/ella que duia, e retornet
remembrar dieu e las uertutz, segon
que auia acostumal.
D^meutre que Blaquerna conside-
raua en fortitudo et en nobfeza Je
coratgc, per llum e per la cspiracio
de la diuinalsauiesca remembret et entes
conjdieusdesEanîparet* moiz peccadors,
per so que fossan occazio com homes
iustz ne pogucsson multipîicar lor^
uertutz, e per aiso Blaquerna aper-
ceup que dczamparada era la donztftia
de la gracia de dieu^ per so que Bla-
querna nagues maior occazio e com ne
fos plus fortz contra temptacio e
luxuria, per tal que per maior fortitudo
agues maior mérite; e per aiso Bla-
querna sagenoilet et oret e bcnezt
dieu que ti donaua tantasde manieiras
per la [s] quais pogues moût exalsar
sas uertutz^ Dementre que Blaquerna
adoraua e bcnezia dieu, per diuinal
uertut uenc en uolontat a Blaquerna
com adoctrmes la donzella contra temp-
tacio totas tas ueguadas que (os temp-
tada de luxuria o dautre peccat.
t Donzella, dix Blaquerna, natura
es de entendement que fa mot amar o
àirar so que es mot membrat^ e per
aiso totas las ueguadas que hom a
temptacio de far alcun peccat, deu hom
mot membrar la uittat et la lageza del
peccai. Car aitanl com tiom mais mem-
bra en aquesta manicira, daiUnt len-
BLAQUERNA |I7
hague Blanquerna temptacio de llu'
xuria, mentresqueanaua ab la donzella,
mas daua tantost tôt son enteniment a
oracio, segons que dit es, e axi mor-
tificaua la temptacio àé sperit mali-
gne.
Axi mateix, persucjestio del dimoni,
ta donzella en semblant manera h.igue
en son cor aquelta mateixa temptacio
que pecas ab Blanquerna, y perque
no ténia la manera de Blanquerna la
donzella contra temptacio, dixii estes
paraules. « Senyor en vostre poderso,
y les vostres paraules mehan dclliura-
da de les mans det caualler, altre
guardo yo nous puch dar ni al
re puch 1er per vos, sino queus podeu
pletiîr de ma persona a tôt vostre
plaer. » Blanquerna senti en si multi-
plicar la temptacio per les paraules
que la donzella li deya^ y retornas a
recordar a deu c a les virtuts, segons
que hauia acostumat.
Menlres que Blanquerna axi consi-
deraua en la vtrtut de fortalea y noblea
de coragc, per llum de gracia y per
spiracio de la diuinal sauie^^a ell
recorda y cntengue com deu desem-
para ua a molls peccadors aigu nés
voltes pertal que fossen occasio als
homens justs qup no errassen, mas
que poguessen multiplicar llurs virtuls
E perço Blanquerna entengue que
dese m parada era la donzella de la
gracia de deu, perque ell tingucs
ma|or occasio de esser mes tort contra
temptacio y luxuria, pertal que per
major lortalesa agues major ment. Y
per esta uusa Blanquerna se agenoHa
tantost en terra e benehi y lloa a Deu,
qui li daua tantes maneres, per
tesquals pogues exalçar ses vîrtuts.
Meotres que Blanquerna axi adoraua
y bcneia a deu, per la diuinal virtut
il vengue en voluntat com adoctrinas
1. Révision :*deszampaniua.
2. Révision : los.
5l8 A. MOREL
tendementplusfortment fa a la uolontat
dezamar lo peccat. Aulra manieira y a
de mortificar temptacio, so es asaber
que hom remembre dieu e sa boneza,
grandeza, poder, sauieza, amor, per-
feccio, iusticia, ni com a faita gran amor
a home, ni com li te gran gloria apa-
rellada, ni con es gran cauza usar de
fe, esperansa, caritat, iusticia, pru-
dencia, fortitudo, tempransa. La tersa
manieira es en quai manieira deu hom
ublidar lo peccat e totas las circuns-
tancias del, cant es temptatz ; car per
ublidar lo peccat es mortificada la
uolontat a amar lo peccat, e per aiso
deu hom membrar autras causas. Per
aquestas .iii. manieiras damunt dichas
pot hom mortificar tota temptacio. •
La donzella conoc que Blaquerna
li dizia aquellas paraulas per so car
auia conogut so de que era temptada,
e lauzaua e benezia dieu que tanta
de uertut auia donada a Blaquerna
contra temptacio, et tota hora que li
uenia temptacio de Blaquerna , uzaua
de la doctrina que Blaquerna li auia
donada, per la quai doctrina morti-
ficaua la temptacio et acostumaua sa
arma a uzar de uertutz.
Longuament anero Blaquerna e la
donzela per lo boscatge, e tant ane-
ron que la donzela fon enoiada danar
e uolc repauzar sotz .i. arbre, a la
ombra del quai sadormi. Dementre
que la donzela dormia, Blaquerna
estaua en oracio e contemplaua en la
diuinal benediccio
FATIO
a la donzella contra la tempUcio, tota
ora que fos temptada de lluxuria o de
altre qualseuol peccat.
« Donzella (dix Blanquema), natnra
es de enteniment que faça molt amar
0 auorrir allô que es roolt recordat.
E perço tota vegada que hom ha
temptacio de fer algun peccat, deu
hom molt recordar la vilut y la
sutziedat y lejea del peccat y lo dan
que sen seguix. Car tant quant hom
mes recorda desta manera la viltat de
la obra, tant lenteniment fa mes
fortment a la uoluntat auorrir lo
peccat. Altra manera hi ha de morti-
ficar temptacio, ço es a saber si hom
recorda a deu y a sa bondat, granca,
poder, sauiesa, justicia, amor y per-
feccio, y com ha deu gran amor al
home, y com li te gran gloria [apa-
rellada, e com es gran cosa usar de fe,
sperança, caritat, justicia, prudencia,
fortalea, temprança. La terçera mane-
ra es que hom deu oblidar lo peccat
y totes ses circunstancies quant dell
es hom temptat ; perque en oblidar lo
peccat y ses circunstancies ne es la
voluntat mortificada a amar lo peccat.
E perço deu hom recordar altres coses
que no sien semblants a les de que
hom es temptat. Per estes très ma-
neres damunt dites pot hom mortifi-
car sa voluntat a peccar y a esser
vençuda tota temptacio. »
La donzella conegue que Blan-
querna deya aquelles paraules pertal
que hauia conegut lo peccat de que
era temptada, y lloa e benehi a deu,
qui tanta virtut hauia dat a Blan-
querna contra la temptacio. E tota
ora que li venia temptacio de Blan-
querna vsaua de la doctrina que Blan-
querna li hauia donada, per la quai
doctrina mortificaua sa temptacio y ha-
bituaua sa anima a virtuts.
Molt gran stona acaminaren Blan-
querna y la donzella per lo boscatge,
y tant agueren acaminat que la don-
LE ROMAK DE BUQUERNA 519
zeila era cansada de anar e voigue
reposar dauall un arbre, a la ombra
del quai se adormi. Mentres que la
donzella dormia^ Blanquerna estigue
en oracio y contemplaua la diuinal be-
nedkcio . .
De pcniiendû, LllL
Blaquema anaua pcr lo boscatge
remembrant et amant son creâtor e
son dieu, cantant gloria m tttîsis, dw.
ïflientreque anaua enaixi,cl airobet
vna carrîeîrai per U quai anet tro que
fo hora nona, que alrobel .i. escudier
que uenia per .1. autre cami, mot plo-
ros, e demoflraua en son semblant
seinhal de tristicia. Blaquerna dcman-
det al escudier per ques ploraua?
Lescudier respos : < Seinlier, y eu plor
per so car .i. seinhor ab cui estaua,
lo quai a nom Narpan, ma tout mon lo*
fer, e son me partitz del^ per so
[^uar noJ puesc seruir a sa guiza, car
tant es enueios e dezordenatz en sas
costumas que null home non potsofnr
son mal estatge. t — t Bels amîxs,
dix Blaquema, on esta aque! seinhor
Narpan que uos dtzetz^ • — 1 Sein*
her, respos lescudier^ e) esta près
daisi en una abadia ; en aque) mones-
lier a fag alberc, et es uengutz en
âquel luoc per far peniiencia, mas la
nitencia en que el esta es semblant
1 la peniiencia del lop. t Blaquerna
demandet al escudier quais fon la pe-
niiencia del lop? *f Seinhcr.dix lescu-
dier, en À. temps scsdeuencquc lo lops
întret en J. pargue on au ta motas (e-
dasi et ausis e deuoret aqucllas. Len-
dema mati, quant to seinhor de las
fcdas intret en lo pargue et atrobet
mortas las fedas, ac moût gran ira
contra lo pastor que non auia gardât
lo parregue aquella nueg, et aucis lo
pastor. e cant lac mon, cil plainhia
la mort del pastor e de las fedas. Lo
Ctf. LIX. De ptniuncia y dti modo
corn se degna ftr perqiu no 5W vana
corn la de Narpan^ y de Us parts que
ûqaelîa ha de tenir per esstr bom y
fruetaosû^ segons doctrina y exemple
de Blûnquerna,
Blanquema anaua per fo boscatge
recordant y amant lo seu creador
deu y senyor, cantant ghrut m excehis
deo. Mentres que ell axi anaua, troba
un cami, per lo quai ana fins a ora
de nona, que troba un scudcr, lo
quai venia pcr un allrecami, moll plo-
ros, y demostraua en sa manera scnyal
de gran tristicia. Blanquerna demana
a) scuder perque ploraua ? Lo scuder
respos : « Senyor, yo plorc perlai
que un senyor ab qui yo estaua, lo
quai ha nom Narpan^ se rete ma
soldada, que nu iam vol dar. y som
partit de ell, que nol puch seruir a sa
guisa, perque tant es copdicios y de-
sordenat en ses pratiques que ningun
home no pot comporlarlo. » ^ « Belf
amich, dix Blanquerna^ on esta eii
senyor Narpan, que vos dieu, ab qui '
vos eslaueu ? • — i Senyor, respos lo
scuder, ell esta aci prop en una abadia
de monjes, y en aquell monestir hay
fet una casa, a) quai es vengul per fer
peniiencia ; mas la penitencia que elt
fa es semblant a ta penitencia del
llop. * Blanquema demana al scuder
quina era la penitencia del llop^
« Senyor, dix to scuder, diuse que
una vegada sesdeuenguc que un llop
entra de nit en un corral on hauîa
molles ouclles y molts ntoltons y cor-
deros, y mata y deuora gran partida
i
520
A. MOREL-FATIO
lop que ui la mort del pastor et auzi
lo dol quel pages fazia, ac contricio
de cor, e dix que cauza couinent era
que fezes penitencia del dan que auia
donat al pages e de la occazio en la
quai era de la mort del pastor, et en
una uinha on auia motz razims, la
quai era del pages al quai auia mortas
las fedas, el anet far penitencia [e]
maniar totz iorns dels razims a tota
sa uoluntat. On en semblant manieira
fa penitencia lo seinhor abqui ai estât
longament, car el a estât home pec-
cador en lo mon et a mortz homes et
a faitz motz peccatz, et es uengutz en
aquest monestier on mania e beu e
iatz a sa uoluntat, e uiu en gran be-
nanansa, de la quai an mal exemple
totz los monges daquel monestier e
moutz dels nan enueia. v — c Amix,
dix Blaquerna, es uos semblant que se
ieu anaua al monestier et estaua .i.
temps ab Narpan, sil poiria conuertir
a bonestament ? » Lescudier respos :
« Si uos estatz ab el, a uos pendra
enaixi co [ne] près al papagay. » Bla-
querna lo preguet que ill dixes lexem-
ple del papagay. « Seinher, so dix
lescudier, en una terra sesdeuenc que
doas bogias pauzeron leinha sobre una
luzerna, e cuidauonse que fos fuoc,
e buffauon en la leinha per so quel
fuoc sescomprezes .1. papagay sestaua
en un arbre, e dizia a las simias que
non era la luzerna fuoc, e las simias
non escoutauon sas^ paraulas .1. corp
dizia al papagay que non uolgues tre-
ballar en correccio daquels que non
recebon doctrina. Lo papagay dauallet
del arbre e mes-se enfre las simias per
so quel auzisson. E la una daquelias
près et aucis lo papagay. Enaixi pen-
ra a uos, si uoletz corregir aquel que
non recep correccio, car en los sieus
uicis nirelz2 corromputz contra alcus
bons noirimens, sils auetz. » Blaquerna
de aquelles. Laltre dia per lo mati,
quant lo senyor de les ouelles entra
en lo corral y veu lo gran dan quel
llop li hauia fet y la mort de les
ouelles, hague molt gran yra contra lo
pastor, qui no auia guardat aquelia nit
lo corral, y mata lo pastor, y quant
lague mort, ell planyia la mort del pas-
tor y de les ouelles. Lo llop, quant
sabe quel senyor del bestiar hauia
mort lo pastor per lo ma! que ell
hauia fet, plangue molt lo dan y la
perdua del bon home, de qui era lo
bestiar, y majorment la mort del pastor,
de la quai ell era statoccasio,y hague
gran contricio en son cor e dix que
conuenia en totes maneres que ell ne
fes penitencia. E perço ell sen ana en
una vinya hon auia molts raims ma-
durs, la quai era del senyor de les
ouelles que ell hauia mort, y tots
jorns ell menjaua, guastaua y destro-
hia los raims de la vinya a tota sa
voluntat, y de aquelia manera feya
penitencia. On en semblant manera
fa penitencia aquell senyor ab qui yo
he estât molt de temps, perque ell es
estât home molt peccador en lo mon
y ha mort molts homens e ha fet
molts altres peccats. Y ara es vengut
a fer penitencia en aquest monestir,
hon menja e beu delicadament y dorm
en bon ilit bla e cubert de nobles
draps, y viu a gran délit desapersona
e ab gran benauenturança. Y de la sua
vida han molt mal exemple los monjes
del monestir y molts de ells ne han
gran enueja y desigen que poguesen
axidelitosament viure. » — « Amich,
dix Blanquerna, parues que si yomen
anaua al monestir y estaua algun temps
ab ell, sil poria conuertir e tornar a
bon estament ? » Lescuder respos :
« Si vos estau ab ell, a uos ne pora
pendre axi corn ne près al papagay. »
Blanquerna li dix, que corn ne hauia
I. Ms. las. — 2. Ms. firetz ou siretz.
LE ROMAN DE
dit : • leu me confizi en lo conceil!
que la uolp dix al sengbr ■ Lescu-
dicr prcgucl a Bbquerna que H contes
aquci ixempic, Blaquema dix : * Una
Lliolp anaua per j. boscatge cl airobcl
^A. scnglar que esperaua j. leo^ ab lo
quai setioltacombatre. La uolp demâri'
del al sengfar que esperaua, e to sen-
glar H recontet son coratge. La uolp
éh aJ senglar que e1 non auia mas
doas dcns ab que pogues combatre lo
leo, que lo leo auia motas dens e mo-
tas onglas contra lo senglar, e per
aiso era semblant quel leo agues lo
mellor de la batalla, Lo leo uenc et
combatetse ab lo senglar et auck e
deuoret aquel, per so car auia seinh-
oria darmas : on per semblant ma-
nicira icu ai seinhoria darmas contra
Narpan^ car ieu combatrai aquel ab ta
aîuda de las diuinals uertutz e de las
ucrtutz creadas, et cl non poira comba-
tre mi mas ab uicis tant solamenl, los
quais uicis non an poder contra dieu
ni uertut/, i
Quant lescudtcrac auzit lexemplc, el
se parti de Blaquerna e tenc son
cami. Blaquerna consideret en lo
pcrill que podia esdeucnir en lo mo-
neslier per lo mal exemple de Narpan.
que falsament y fazia penitencia, e
cantal -es peransa fezeron lo anar al
moncsiier, on trobet Narpan, de qui*
lescudier hauia parlât. « Amix, dix
Narpan, don uenelz, ni uolrialz esiar
j. an 0 plus ab seinhor? t — t Seinh-
er, dix Blaquerna, yeu cxi daquesta
sclua e oauc sercan mon prou, et
cstaria ab seinhor on me pogues mcll-
orar e que el per mi prezes mellora-
mcnt. On pueîss uos auetz demandât
de mon estament, prec uos quem di-
gatz lestamen segon lo quai uos
staîtz en aquest monestier. > Narpan
espos a Blaquerna : t Yeu estau en
aquest monestier per far penitencia
BUQUERNA )2I
près al papagay ? Lescuder respos :
* Que en una terra sesdeuengue que
dos monetes posauen II en y a sobre una
luerna, pensant que la luerna fos foch,
y bufauen en la Kenya perço quel foch
se encengues. E un papagay estau a en
un arbre, y deya a les monetes que
allô que alh Itoia no era foch sino
I luerna, mas les monetes no escoltauen
ses paraules ni cessauen de buiar en
ta lluerna. E un corp, que y sobreucn-
gue, dix al papagay que nos volgues
treballar en dar correccro als qui no
la rebien, que les bogies bestics eren
que no rebien doctnna, Lo papagay
no sen volgue estar per lo quel corp
li deya, ans deualla del arbre y mes
se entre les bogies pertal quel hoissen.
E la una de aqueltes prenguel y mata
lo papagay Axi ne pendra a uos^ si
voleu corregir y casttgar aquell qui no
pren correctio ni caslich de ningu. Ans
SOS mais vjcis, si uos estau ab ell,
faran perdre algunes bones criançcs,
si les haueu. i Dix llauos Blanquerna :
< Yom confie en les paraules que la
rabosa dix a! porch montes, t Lescu^
der pregua a Blanquerna que ti contas
aquell exemple. Dix Blanquerna :
• Una rabosa era, la quai anaua per
lo boscatge y troba un porch munies
qui speraua a un lleo, ab lo quai se
volia combatre. E la rabosa demana
al porch, que speraua ? E lo porch li
reconta tôt son cor. Lauos ta rabosa
dix que ell no ténia sino dos dents
ab que se conbales ab lo lleo, y quel
lleo hauia moites dents y moites vnglcs
ab ques podia ben deffensar dell, per
la quai cosa li paria quel leo li deuia
hauer gran auentajeen la balalla. Cont
la rabosa It hague dit aço, to lleo
vengue y corn bâtes ab lo porch montes
e matai y squateral lot en quant li
tenia senyoria en armes. E axi per
semblant manera he yo senyoria de
I . Ftut'ltfc y a'Nl que dans te manuscnt.
À
522
A. MOREL-PATIO
dels peccâtz que yeu ai iàitz en lo
mon, als quais soi fugitz .1. escudier
ses partitz de mi, e per aiso es me
mestier .i. autre escudier. On si uos
uoletz estar ab mi, yeu satisfarai a
uostre trebaill en tal manieira que uos
ne seretz pagalz. • — « Seinhcr, dix
Blaquema, si uos faitz penitencia et
yeu seruis uos, secse que yeu fassa
penitencia. E per aiso yeu estarai ab
uos .i. an, sotz tal forma e condicio
que uos fassatz penitencia. » Narpan
e Blaquema se couengron de lurs en-
prenemens, e Blaquema serui Nar-
pan .viii. jorns segon la uolontat de
Narpan, per so que Narpan lo con-
ceupes damor en son coratge e que
mieils lo crezes, et encara per so que
Blaquema conogues las costumas de
Narpan.
AI .viii. iorn Narpan dix a Bla-
quema que aucizes una auca daquellas
que ténia en past e que la adobes al
disnar. Blaquema intret en la maizo
on estauon las aucas ab g[r]an re de
gallinas e de capos, et atrobet la
uolp que era intrada en aquella maiso.
Blaquema aucis la uolp etescorguetla,
.sal la coa, e mes la en ast : e quant
Narpan fon a la laula, Blaquema
aportet en .i. tallador la uolp denanl
Narpan. Mot fo mcrauillatz Narpan
e demandât a Blaquema per que non
aportaua lauca et aportaua la uolp,
la quai era orribla cauza a maniar et
a uezer. « Senher, dix Blaquerna, las
aucas ni las gallinas non an tan niortal
enemic con es la uolp, e car uos amatz
aucas e gallinas, coue que manietz
lur enemic. » Mot fon iratz Narpan
contra Blaquerna, e motas de uilanias
li dis per so car li conseillaua que
manies la uolp e non auia aparellada
lauca. « Senher, dix Blaquema, en-
aissi con la uolp es contra las aucas e
las gallinas, enaissi aucas e gallinas e
capos e grassas escudelas son contra
penitencia, e car ieu son obligat a
uos a seruir segons forma de peniten-
armes contra Narpan; perque yom
combatte ab ell ab la ajuda de
les diuinals virtuts y de les virtuts
creades, e ell nos pora conbatre en
mi sino ab vicis tant solament, los
quais vicis no han força ni poder
contra deu ni contra les virtuts. »
Quant lo scuder hague hoit aquest
exemple, èll se parti de Blanquerna y
tengue son cami. Blanquerna consi-
deraua lo gran perill que podia hauer
lo monestir per lo mal exemple de
Narpan , lo quai falsament alli feya
penitencia. E charitat y sperança feren
lo anar al monestir, on troba a Nar-
pan, del quai lo scuder li hauia parlât.
« Amich, dixii Narpan, de on veniu.?
Vos vol ri eu estar per ventura a seruir
un senyor vn any, o mes temps? t —
c Senyor, respos Blanquerna, yo ixch
de aquesta silua y vaig a cercar mon
profit. Estaria volenterdsament ab
senyor que yo men pogues millorar e
que ell per mi prengues alguna millo-
ria. E axi puix vos aueu demanat de
mon stament, lo quai yous he dit,
prech vos quem digau lo vostre, segons
lo quai vos estau en aquel monestir. •
Narpan respos a Blanquerna : « Yo
estisch en aquest monestir per fer pe-
nitencia dels peccats que he fets en lo
mon, del quai so fogit. E un scuder
que yo ténia es se partit de miytinch
ne menester allre, e perço, si vos
voleu estar ab mi, yous satisfare vostre
treball en tal manera que vos ne sereu
pagat y content. » — « Senyor, dix
Blanquerna, si vos feu penitencia e yo
estich ab vos yus serveixch, seguirsa
que yo fare penitencia. » E perço yo
estare ab vos un any ab tal condicio
que laçiu penitentia. Narpan y Blan-
querna se conuengueren de llurs tractes,
y Blanquerna serui a Narpan huyt
dies segons la volunîat de Narpan,
perlai que Narpan li concebes amor
en son cor e que Blanquerna millor
pogues conexer y saber les sues cos-
tumes.
LE ROMAN
da, si mdniatz la uolp contra los
deltctî els deltcatz ma[n]iarsque desi-
ratz maniar, fareiz penîtencia. »
Tôt aquel iom passet Narpan que
non maniel carn e fon mot irat contra
Blaquerna. A la nueg can uolc intrar
en son lieg, Bfaquerna ac pauT^ada la
cousera de ius lo m a ta las e to mata-
las de ius la paillassa e las flassadas
foron de ius los llnsols. Narpan dis a
Btaquerna^ perque non auia fag lo lieg
segons que auia acostumat t Blaquerna
respos que aquel lieg era fag scgon
obra de penîtencia, e que en auira
manieira no sabna far lieg de penî-
tencia. Narpan era home perezos c
no uolc far lo lieg segon que lo îieg
era acostumat de far» Narpan esperet
que Blaquerna sagenolles el descaîses,
segons que auia acostumat de far;
mas Blaquerna lidrs que humilitat era
amiga de totz aquels que faztan pcni-
tencia. Aquela nueg iac Narpan en lo
lieg que auta contrafag Bbquema c
non poc dormir, e consideret molt en
los fallimens que auia faitz en lo mon
et en las paraulas que fi auia ditas
Blaquerna. A (a mieia nueg, can los
monges se leueron a matinas e Bla-
querna auzi lesquiila, eï cridet : Nar-
pan ! c dtsij ques Icues a oralio, car
ora era. Narpan li dis que non era
acostumat de leuar aital hora. Bla-
querna uolc ques leues en totas ma-
oieiras^ e leuet li los draps de sus,
e primetramenl ti donet j. escapolari
qui era de drap gros et aspre^ lo quai
Narpan portaua sobre sa gonella.
Narpan per so que ac considérât la
nueg, c car contriclio se comenset
apropriar a son coratje» obezi a Bla-
querna c ucsti a sa carn aquel abit
que era de pel de boc» et en après,
Blaquerna li donet sa gonella que era
de blanc de Narbona e pueis donetli
la camiza que era de prim drap de li,
e uesliia sobre sa gonella,
Can Narpan fon teuatz e uestitz,
DE BLAQUERNA }2]
Narpan dix al huyten dia a Blan-
querna que matas una oqua de aquelles
que ténia en past e que la aparellas
pera dinar. Blanquerna entra en lo
corral on estaven les oques ab molles
.gallines y capons, c trobay la rabosa
que era entrada en lo corral per men-
jar de les gallines, Blanquerna mata la
rabosa y scorchala tota, saluo lo cap
y la coa y les potes, y mesia en ast,
y axi roslida^ quant Narpan fon en
taula, aportalay cubertamenl en un
tallador e posalay davant. Corn Narpan
veu la rabosa , el! se maravella
molt^ e dix a Blanquerna corn no
havia aparellada la oqua que li ha via
manat, y havia aparelîat la rabosa, la
quai era orrible cosa de menjar y de
veure. « Senyor, respos Blanquerna,
les oques y les gallines no han tant
mortal enemich corn es la rabosa, e
perque vos amau molt les oques y les
gallines, conue que menjeu to enemich
de elles. » Molt cnujat fon Narpan
contra Blanquerna y molles vilaniesli
dix^ perque li consellava que menjas
de la rabosa y perque no Ir havia
aparellada la oqua. c Senyor, dix
Blanquerna, axi com ta rabosa es
contra tes gallines y les oques, axi les
oques, gallines, capons y bones scu-
délies son contra penîtencia, E perque
yo so obligal de seruiruos segons for-
ma de penîtencia, yous he aparellat
la rabosa., ques conue ab penîtencia,
de la quai si vos menjau yus apartau
de les delicades viandes, vos fareu pe-
nîtencia. •
Tôt aquel dia passa Narpan que no
volguc menjar carn y fon molt y rat
contra Blanquerna. Quant vengueala
nit ques volgue gitar en to Mit, ell
troba que Blanquerna hauîa posa! la
coçera dauall los matalafs y sobrels
matalafs la marfega y sobre la mar-
fega les posts del Ilit y sobre les posts
la va nova y après de la vanova la
flaçada y sobre la tla^ada bs tlan^olf.
524 A. MOREL-FATIO
Blaquerna sen anet ab el a la gleiza Corn Narpan veu lo Ilit axi fet, ell dix
pei» estar en contemplatio et en oratio ;
mas Narpan dis a Blaquerna que mot
gran uergonha auia que labat els
monges lo uegessen enaissi uestitz.
Blaquerna respos que uergonha-forti-
tudo sacordauan ab penitencia, e que
dieus auia benauratz aquels que aurian
paciencia-humilitat en esser escarnitz
e reprezes per far obras de penitencia.
Tota ora toron Narpan e Blaquerna
en. la gleiza tro al dia quels monges
agro uoluntat dintrar en capitol e que '
après la satis&tio e las diciplinas
dixessan la messa, la quai plus digna-
ment es dita per la satisfatio del ca-
pitol. Can los monges intreron en lo
capitol (e), lo seinhor abat demandet
a Narpan per que anaua tan estranh-
ament uestit ni con sera leuat tan
mati. Narpan respos que enaissi lauia
uestit son escudier e que lauia resci-
dat, e que el uolia esser daqui en
auant obedient a Blaquerna en tôt
so que Blaquerna li conselles. . .
a Blanquema, perque no hauia fet lo
Ilit axi com solia? E no li bastaua ja
que li hauia donat mal dinar y mal
dia, que encara li volia donar mala
nit ? Blanquerna respos que aquell Ilit
era fet segons penitencia e que en
altra manera eli no sabia fer lo Ilit
pera home qui volgues fer penitencia.
Narpan era home pereos y no volgue
adobarse lo Ilit ni ferlo com se acos-
tumaua de fer. Narpan se asegue y
spera que Blanquerna se agenollas y
quel descalças com auia acostumat de
fer. Mas Blanquerna li dix que humi-
litat era amiga de tots aquells qui fey-
en penitencia, e axi ques descalças
ell mateix. Aquella nit Narpan se gita
en lo Ilit que hauia contrafet Blan-
querna y noy pogue dormir en tota la
nit. Molt consideraua Narpan en los
peccats que hauia fets en lo mon y en
les paraules que li hauia dit Blan-
querna. Quant vengue a ora de mija
nit quels monjes se lleuauen a dir ma-
tines, Blanquerna ohi la campana e
dix a Narpan ques Ileuas a matines
per fer oracio a deu. E Narpan li
respos que ell no era acostumat de
Ileuarse a ta! ora ni hauia veat de
anar a matines. Mas Blanquerna volgue
ques Ileuas en totes maneres y lleuali
la roba del Ilit que ténia de damunt.
Lauos Narpan se lleua y vestis. E pri-
merament li dona Blanquerna un sca-
polari de drap molt gros y aspre fet
de pel de boc, lo quai Narpan portaua
sobre la gonella. Y Narpan perço
que hague considérât en la nit, y
perque comença ja de auer contriccio
en son cor, ell obéi a Blanquerna, e
vesti sobre la sua carn aquel scapo-
lari de sayal : y après li dona Blan-
querna la gonella^ que era de blan-
queta de Narbona, y après li dona la
camisa, que era de orlanda prima, e
vestilas sobre la gonella.
Quant Narpan fon Ileuat y axi
L£ ROMAN DE BLAQUERMA ;2(
vestit, Blanqucrna sen ana ab ell a la
iglesia per star en contcmptado y en
ordCJOf y dixii que fes orâcio y pre-
guas a deu per si mateix e per tots
SOS proismes, qui eren peccadors en lo
mon, Mas Narpan li dix que molt gran
vergonya hatiiia det abat y dels mon-
ges que axtl vesses vestit, Blanquema
respos : i Vergonya y fortatesa se
conuenen ab penitencia. > E dixii que
deu apremiaua en la benauenturança
de parais tots aquells qui hauien pa-
ssiencia y humilitat en aquest mon y
coin porta u en esser scarnits y represos
per fer obres de penilencia. Tota ora
estigueren Narpan y Blanqucrna en la
iglesia fins al dia darque les monges
vol i en enirar en capitol per fer satis-
facio de ses culpes» perque^ après la
satisfacio y les deciplines, diguessen
missa, la qua( mes dignament es dita
per la satîstacio del capitoi.
Quant tos inonjes entrauen en lo
capitol, lo abat demana a Narpan com
anaua tant stranyament vesttty perque
se era lleuat tant gran mati ? Narpan
respos que axil hauia vestit lo seu
scuder y quel hauia tant mati desper-
tat y fet ileuar. Y que de alli auanl
ell vol ta esser obcdient a son scuder
Blanquema en toi lo que It aconsellas.
II.
Texte latîn , éd.
150^, fo 86.
de Manuscrit Piot, ^ 102,
Brtae argumenîum.
Blaquernaalteriusana-
chorete petkionibus ac-
quiescens^ ^6) brevia
verba in libellum com-
pegit qucm pretitulavit
de amico et amato. Sunt
cnim hec verba amoris et
exempla abbreviata el de-
claralione egentia^ quibus
intellectus ascendit ait lus
aii maîorem devotionem.
Et hac ratione tôt una
Comensa h iibrt àc amie
ad amai.
Blaquerna estaua en
oratio e consideraua la
maneira segon la quai
contemplaua dieu e sas
uertutz, e cant aura fi-
nida sa oratio escrîuia
so en que auia contem-
plât dieu, et aisso fazia
lotz ioms e mudaua en
sas orations tiouellas ra-
zos, per talque de diuer*
Edïtioî^ oe Valebjce»
f*» 106.
Cùmença h l'en de amkh
y de amat.,...
Estaua Blan<|uerna en
oracio e consideraua la
manera segons la quai
contemplaua en deu y en
ses virtutSy e quant hauia
acabada sa oracio, ^
criuia allô en que hauia
contemplât, e aço feyi
tots dies e mudaua en sa
oracio noues rahons^ per-
lai que de dîuerses ma«
,j6
collcgil quot satit dies
in anno , ot unufnquodque
abbreviatum verbum per
diem conlemptando suf-
ficcre possit, secundum
artcm contemplationum.
Amicus : quilibet fidelis
et dévolus christianus.
Amatus : Deus*
1. Jrtterrogavîtamicus
suum amalum si in eo
alîquid remanserat dih*
gendam, Respouditama-
tus quod id proptcr quod
amicî multiplicari potest
amor semper in cosupe-
rêst amandum.
2. Vieperquasamicus
suum requtnl amalum
su ni longe, péri eu José ,
considerationibui referle
suspinis et rtetibus ac
iliuminate amoribus.
?. Mulliamatorescon-
gregati fuerunt ad aman-
dum unum aniatum^ qui
ipsos omnes faciebal amo-
ribusabundare el quifibel
eorum pro precipuo
suum ducebat amatum
cl de co gralas concipie-
bat cogitaliooes ex qui-
bus iucundas senliebal
tribulationes.
4, Plorabat amicus ac
dicebat : quando erit
lempus ut in scculo ces-
sent tenebre aut inferio-
rum vie^ et aqua aue de
more descendit itîfcrius,
quando erit tempus ut
naturam assumai ascen-
dendî superius, aut inno-
centes, qyando erunt
plures quam nocenles ?
Ah, quando gaudebitami-
cus quod mori;itur prop-
Icr suum amatum, aut
amalus quando videbil
ob suum amorem lan-
guere amicum?
$,Dîxit amicus amato:
lu, qui impies solemsplen'
dore, impie cor mcum
amore. Respondit ama-
lus : sine amoris pleni-
tudîne non essent luis
oculis lacbrime neque in
K. MOREL-PATIO
sas maneiraF e de moltas
compozes lo libre de
amie ad amat; e que
aquellas m a ne iras fossen
breus e que en brcu de
temps la anima ne pogues
moltas decorrer. t. en la
benediclio de dieu Bla-
querna corn en set lo libre,
lo quai départi en artans
uerses comadiasen lan,
e cas eu uers basta a lot
,'u dia a contemplar dieu,
segons la art del libre de
contemplacion.
Comensem lasmaUfo-
ras moral s.
1 . Demandel lamic a
son amat si auia en el
nulla causa remazuda a
amar. El amat respos
3ue so per que ta amor
el amie podia monti*
pficar era a amar.
2. Las carreiras per
las quais lamic serca son
amat son longas, perillo*
zas, pobladas de consi-
dérations, de sospirs e
de plors el entumrnadas
damors.
3. Aiusteronse tnollz
amadors a amar .1. amat,
quels aondaua tolz da-
mors, e cascu auia per
cabal son amat e sos
pensamens agradables ,
per los quais senlian
plazens tribulacions.
A, Ploraua lamic e
dizia : tro a quant de
temps sessaran tenebras
en lo mon per so que
sesson las carreiras m*
fernafs» ni laiga que a en
costuma que decorrega
a en j us , q u ant sera la ora
que aîa natura de puiar
a en sus, nils innocens
cora seran mais quels
colpables î* Quant segua-
bara lamic que mueira
per son amat, ni lamal
quant ueira son amie
languir per samor?
5 . Dis lamic a lamat :
lu que umples lo solel de
resplandor, timple mon
J
nef es e mollK materies
compongues lo libre de
amich y de amal; e
aquelles maneres fossen
breus perlai que en poch
de temps ta anima ne
pogues moites drscorrer,
E en la benediccio de
deu Blanquerna comença
son tlibre, !o quai de-
parti en lants versoî corn
aies ha en lany, e cascun
vers basta pera lot un
dia a contemplar a deu,
segons la art del Ilibre
de contemplacio, que le
seguix après de! Ilibre de
amich y amat en lo pre>
sent volum.
K Demana lo amich
al seu amat si en ell
hauia romas ninguna
cosa a amar. Lo amat
respos que allô penque
lamor del amich se podia
m u II i pli car restaua tos-
temps per amar.
2. Les carrcres per
les quais io amich cerca
al seu amai son (longues
y perilloses. plenes de
considcracions,dcsospiri
e de plors e yliuminades
de amors.
}, Ajustarcnse molts
amadors a amar un amat,
quils abundaua a lots de
amors, e cada hu dells
hauta per joya y cabal a
son amal y ae aquell
pensaments agradables
concebia, per los quais
sencia plasents tribata-
cions.
4. Ploraua lo amrch
y deya : quant serai
temps que cessaran les
ténèbres en !o mon y les
vies del infern, pertal
que cessen les carreres
infernais, e (a aygua que
ha en costuma de correr
auafl^ quant sera la ora
que prenga nalura de
pujar amunt ? E los in-
nocenls, quant seran mes
quels culpables? Ah.
quant se gabara Io amich
huDC locum venisses ut
posses tuum amatum vi-
dera.
6, Tenta vit a mat us
suum amicura si perfccle
îpsum amabat cl intcrro^
§avit eum de quo erat
iffercnlia que est inlcr
prcsenliam cl absenUam
amatr. Respondtt ami-
cus : de ignorantîa et
recprdatione.
7. Intcrrogavit a mat us
amicum : es mcmor ali-
cuius rei quam tibi in-
buerim unde me vis
amare? Respondit ami^
eus : ita, nam înter ieti-
cias et tribulationesquas
michî donas, non facio
differcntiam,
8* Dicas, amice, dixit
amatus : habebis patien-
tiam si luos dupticavero
languores ? Ita, respondit
aroicus : dummodû meos
dopiicaveris amores.
9. Oixit amatusamico
suo : scis ne quid sit
amor? Respondit ami-
cus : si nescirem quid sit
amor, scirem quid est
tribulatio, tristicia et do-
(0. Dixerunt amico :
quare non répondes
amato tuo qui te Jvocat ?
Rcspondit : tam expono
me gravibus pericuhs ut
ad eum perveniam et iam
itli loquor^ etus honores
desiderans.
1 1. Âmice desipiens :
quare corpus tuum des-
truis et pecunias tuas
dispensas et delectaiiones
huius seculi relinquis et
spretus inter gentes in-
cedis? Respondil : ut
amati mei konorcm ho-
nores, qui perptures est
non amatu^ et tnhono-
ratus quam amatuset ho*
noratu*^.
LB ROMAN DE flUQUBRNA
cor damor. Respos la-
mat : ses compliment
damor non foron tos
uuels en plor, ni tuuen*
gut en est loc uezer ton
amador.
6. Tcmplet lamat son
amie si amaua perleita-
men, e demanaetli que
era la diferencia que es
eiïfra presencia et absen-
cia damât. Rcsposlamic:
de intiorancia et ubiida*
ment.
j. Demanda lamat a!
amie : as membransa de
nulla cauza que taia gua-
zardonat per so car me
uoles amar? Respos :
hoc, per so car entra lo*s
irebals cis plazers quem
donas nom fas diferencia.
8. Digas, amie, dis
lamat, auras paciencia
sit doble las langors? Hoc,
am quem dobles mas
lauz (siCï amors.
9. Dis lamat al amie :
sabes enquara que es
amor? Respos : si no
saubcs que es amors,
saubera que es trebail,
tristicia e dolor.
10. Disseron al amie,
per que non respondes a
ion amat que tapela ?
Respos : îam auentur a
greus périls, per so que
a ei peruenga e ia ltparli>
dezirans sas honors.
[ 1. Amie fol, perque
destrus ta persona e des-
pendes tos deniers e
iaisasdelietz daquest mon
c uas mesprezatz enfra
las gens ? Respos : per
honrar los honramens de
mon amat, que per mats
homes es dezamatz, de-
zonratz que honratz et
amat.
S 37
que muyra per to seu
amat ; e lo amat quant
veura b seu amich llan-
guir per ta sua amor ?
)« Dix lo amich al seu
amat : tu qui vmples lo
sol de resplandor, vmple
lo meu cor de amor,
Respos lo amat ; sent
compliment de amor no
serten tos vils en plor,
ni tu séries vengut en
aquest lloch per vcure Id
teu amat.
6. Templa lo amat al
seu amich sit amaua per-
teiameni e demanali de
que era la différencia que
es entre la presencia y la
abscncia del amat, Res-
pos lo amich : aue de
ignorancia e oblîa e de
coneixença y record.
7. Demana lo amat al
amich : has record de nin-
guna cosa que yot haja
rctribuit perque tum
vu Iles amar? Respos lo
amich : si, perque en
los treballs y en los
plaers quem dones no
fas yo différencia.
8. Digues, amich (dit
to amat),hauras pascien-
cia sil doble leslangors?
Respos lo amich : si, ab
quem dobles mes amors.
9. Dix lo amat al
amich, sabs encara que
es amor? Respos lo
amich : sino sabcs que
es amor, sabria que es
trebail, trislicu y doïor.
10. Diguerènalamtch:
perque no respons a ton
amat quit crida ? Respos
lo amich : jam jusmet a
sofrir greus perdis perlai
que a ell vinga e ja II
parle, desijantses honors.
1 1 . Amich insensaty
perque deslroijics ta per-
sona y despens los diners
c llexes los délits de
aquest mon evas menys-
preal entre les genls .''
Respos lo amich : per
honrar les onors de mon
528 A. MOREL-FATIO, LE ROMAN DE BLAQUERNA
amat, qui per mes ho-
mens es desamat y de-
sonrat que aroat y honrat.
Ces extraits ne sont pas assez étendus pour fournir la matière d'une
étude philologique qpelque peu complète. Néanmoins je crois devoir
attirer l'attention du lecteur sur le caractère spécial que présente le
dialecte du manuscrit de M. Piot. C'est un catalan fortement imprégné
de formes provençales. Ainsi l'influence de la langue classique se mani-
feste dans la phonétique par la diphthongaison, inconnue au catalan, de
1'^ et de Vô ou en position : yeu, mieu^ dieu] luoc^ puesCj nueg, fuoc; la
conservation de la diphthongue au : cauza ; le passage du ^médian au z :
prezicar^ azoratz, vezer, vezes^ obezia^ etc.; aussi par Vécriîure nh de l'/i
mouillée : seinher, etc. Il est à remarquer ensuite que la distinction
du cas direct et du cas oblique est beaucoup mieux observée, pour les
substantifs, adjectifs et participes, que dans les textes catalans de la
même époque. Dans la conjugaison on peut encore noter les parfaits
(3« pers. sing.) en et : preguet, penset, etc. , les futurs (i'* pers. sing.)en
ai : satisfaraiy estarai; la forme etz (esîis) pour sots.
Faut-il rendre le scribe de notre manuscrit seul responsable de cette
teinture provençale appliquée à Pœuvre catalane de Lull P Je le pense,
car on ne voit pas pourquoi le docteur de Majorque se serait servi de ce
dialecte mixte : son Libre de maravelleSy par exemple, est écrit dans un
catalan relativement très-pur ' . D'autre part rien ne prouve que notre
manuscrit ait été exécuté de ce côté-ci des Pyrénées et en dehors des
pays de langue catalane ; divers indices au contraire portent à lui attri-
buer une origine transpyrénéenne. On pourrait donc admettre que
l'exemplaire de M. Piot a été copié en Espagne par un scribe auquel
l'ancien provençal était particulièrement familier.
I . Voyez les extraits publiés par K.. Hofmann, Ein Katalanisches Thicrepos
von Ramon Lull^ Mùnchen, 1872, et l'édition de l'ouvrage complet en cours
d'impression dans la Bibliothtca catalana de M. Aguilô y Fuster.
CONTES POPULAIRES LORRAINS
RECUEILLIS DANS UN VILLAGE DU BARROIS
A MONTIERS-SUR-SAULX (mEUSE)
{Suite),
XIX.
LE PETIT BOSSU.
Il était une fois un roi qui avait trois fils, mais il n'y avait que les
deux premiers qu'il traitât comme ses fils ; le plus jeune était bossu et
son père ne pouvait le soufhir ; sa mère seule l'aimait.
Un jour, le roi fit appeler l'ainé et lui dit : « Mon fils, je voudrais
avoir l'eau qui rajeunit. — Mon père, j'irai la chercher. » Le roi lui
donna un beau carrosse attelé de quatre chevaux, et de l'or et de l'ar-
gent tant qu'il en voulut, et le jeune homme se mit en route.
Il avait fait deux cents lieues de chemin, lorsqu'il rencontra un berger
qui lui dit : « Prince, mon beau prince, voudrais-tu m'aider à dégager
un de mes moutons qui est pris dans un buisson P — Il ne fallait pas l'y
laisser aller, » répondit le prince, « je n'ai pas de temps à perdre. » Etant
arrivé à Pékin, il entra dans une belle hôtellerie, fit dételer ses chevaux
et commanda un bon diner. Il eut bientôt des amis et ne pensa plus à
poursuivre son voyage.
Au bout de six mois, le roi, voyant qu'il ne revenait pas, appela son
second fils et lui demanda d'aller lui chercher l'eau qui rajeunit. Il lui
donna un beau carrosse, attelé de quatre chevaux, couvert de perles et
de diamants ; le jeune homme monta dedans et partit. Après avoir fait
deux cents lieues, il rencontra le berger, qui lui dit : « Prince, mon beau
prince, voudrais-tu m'aider à dégager un de mes moutons qui est pris
dans un buisson ? — Pour qui me prends^tu ? » répondit le prince ; « il ne
fallait pas l'y laisser aller. » Il arriva à Pékin, où il logea dans la même
Romaniû^ VI 34
5 30 E. COSQUIN
hôtellerie que son frère ; lui aussi, il eut bientôt des amis et ne songea
plus à aller plus loin.
Le roi l'attendit un an, et, ne le voyant pas revenir, il se dit : c Je
n'ai plus d'enfants ! Qui donc aura ma couronne? » Il ne pensait pas
plus au petit bossu que s'il n'eût pas été de ce monde. Cependant cehii-
ci tomba malade. On fit venir un médecin ; le jeune prince lui dit qu'il
était malade de chagrin, de voir que son père ne l'aimait pas, et qo'Q
voudrait bien voyager. Le médecin rapporta ces paroles au roi, qui vint
voir son fils. « Mon père, » lui dit le petit bossu, « je voudrais aller cher-
cher l'eau qui rajeunit, et je ne ferais pas comme mes frères : je la rap-
porterais. — Tu iras si tu veux », répondit le roi. Il lui donna un vieux
chariot qui n'avait que trois roues, un vieux cheval qui n'avait que trois
jambes, d'argent fort peu, mais la reine y ajouta quelque chose, et voilà
le prince parti.
Après avoir fait deux cents lieues, il rencontra le berger qui lui dit :
<c Prince, mon beau prince^ voudrais-tu m'aider à dégager un de mes
moutons qui est pris dans un buisson f — Volontiers, » dit le prince. Et
il aida le berger à dégager son mouton. Quand il se fut éloigné, le
berger, songeant qu'il ne lui avait rien donné pour sa peine, le rappela
et lui dit : « Prince, j'ai oublié de vous récompenser. Tenez, voici des
flèches : tout ce que ces flèches perceront sera bien percé. Voici un
flageolet : tous ceux qui l'entendront danseront. »
Le prince poursuivit son chemin et arriva à Pékin. Quand il passa
devant l'hôtellerie où logeaient ses frères, ceux-ci, qui étaient sur le
perron, eurent honte de lui et rentrèrent dans la maison. Le pauvre petit
bossu descendit dans une méchante auberge où il détela son cheval lui-
même; puis il prit avec lui un homme de peine pour lui montrer la ville.
En se promenant, il vit un homme mort privé de sépulture. « Pourquoi
donc n'enterre-t-on pas cet homme ? » demanda-t-il. « C'est parce qu'il
avait beaucoup de créanciers et qu'il n'a pu les payer. — En payant
pour lui, pourrait-on le faire enterrer ? — Oui, certainement. »
Le prince fit venir les créanciers, paya les dettes de l'homme mort et
donna de l'argent pour le faire enterrer; ensuite il continua son voyage.
Un jour, une bonne vieille le reçut dans sa maisonnette et lui donna à
boire et à manger; il la paya généreusement, puis s'en alla plus loin.
Quand il eut fait encore deux cents lieues, tout son argent se trouva
dépensé, et il n'avait plus rien à manger; son cheval était encore plus
heureux que lui : il pouvait au moins brouter un peu d'herbe le long du
chemin. Un renard vint à passer ; le prince allait lui décocher une de
ses flèches, quand le renard lui cria : (( Malheureux ! que vas-tu faire ?
tu veux me tuer ! » Le prince, saisi de frayeur, remit sa flèche dans le
carquois. Alors le renard lui donna une serviette dans laquelle se trouvait
CONTES POPULAIRES LORRAJNS { ) T
de quoi boire et manger ei lui dii : a Tu cherches l*eau qui rajeunit ?
elle est dans ce château ^ bien loin là-bas. Le château est gardé par un
ogre, par des tigres et par des lions. Pour y arriver, il faut passer un
fleuve; sur ce fleuve tu verras une barque qu'un homme conduit depuis
dix-huit cents ans. Aie soin d'entrer dans la barque les pieds en avant.
car si tu y entrais les pieds en arrière ■, tu prendrais la place de l'homme
pour toujours. Arrivé au château, ne te bisse pas charmer par la magni-
ficence que tu y trouveras. Tu verras dans l'écurie des mules ornées de
lames d'or, prends la plus laide; tu verras aussi deux oiseaux verts,
prends le plus laid, n
Le prince eut soin d'entrer dans la barque les pieds en avant et arriva
au chMeau; il allait prendre la mule et Toiseau quand l'ogre rentra.
<( Que fais-tu ici ? j> lui dit l'ogre. Le prince s'excusa, s'humilia devant
lui, lui demanda grâce. L'ogre lui dit : « Je ne te mangerai pas; tu es
trop maigre, n 11 lui donna â boire et a manger, et le prince resta au
château, où il avait tout à souhait» L'ogre l'envoya combattre ses enne-
mis, des bétes comme lui ; le prince, grâce à ses flèches, gagna la bataille
et rapporta des drapeaux. Il combaitit cinq ou six fois, et toujours il fut
vainqueur.
Or il y avait au château une princesse que l'ogre voulait épouser,
mais qui ne voulait pas de lui. Un jour que le prince venait de gagner
une grande bataille, il eut l'idée de jouer un air sur son flageolet. La
princesse était à table avec l'ogre ; en entendant le flageolet merveifleux,
ils se mirent à danser ensemble, sans savoir d'abord d'où venait cette
musique. Quand l'ogre vit que c'était !e prince qui jouait, il le fit venir à
table et lui dit : « Demande-moi ce que tu désires : je te l'accorderai. »
Il pensait bien que le prince ne lui demanderait pas son congé. <t Je
demande, n dit le prince, « ce qu'il y a de plus beau ici, et la permission
de faire trois fois le tour du château. » L'ogre y consentit. U y avait
dans le château de l'or à ne savoir où le mettre, mais le prince n'y
toucha pas ; il prit le plus laid des deux oiseaux verts et la plus laide
mule, qui faisait sept lieues d'un pas, sans oublier une fiole de l'eau qui
rajeunît; puis ilflt monter sur la mule la princesse qui était d'accord
avec lui. Au lieu de faire trois fois le tour du château, il ne le fit que deux
fois et s'enfuit avec la princesse. L'ogre, s'en étant aperçu, courut â
leur poursuite, mais il ne put les atteindre.
Le jeune homme rencontra une seconde fois le renard, qui lui dit :
« Si tu vois quelqu'un dans la peine, garde^toi de l'en tirer. » Un peu
plus loin, il fut très-bien reçu par la bonne vieille dans sa maisonnette,
enfin il arriva à Pékin avec la princesse. Sur une des places de la ville
I . C'est-à-dire à ncutons.
532 E. COSQUIN
il y avait une potence dressée. « Pour qui cette potence i » demanda le
prince. On lui dit que c'était pour deux jeunes étrangers qu'on devadt
pendre ce jour-là. En ce moment on amenait les condamnés ; il reconnut
ses frères. Il demanda quel était leur crime. « C'est, » lui dit-on, « qu%
ont fait des dettes et qu'ils n'ont pu les payer. » Le jeune homme réunit
les créanciers, les paya et délivra ses frères, puis ils reprirent ensemble le
chemin du royaume de leur père. Le petit bossu avait donné à son
frère aîné la mule, à l'autre l'oiseau vert et l'eau qui rajeunit, il avait
gardé pour lui la princesse. Ses frères n'étaient pas encore contents; ils
cherchaient ensemble le moyen de le perdre, et la princesse, qui voyait
leur jalousie, s'en affligeait.
Un jour qu'on passait près d'un puits qui avait bien cent pieds de
profondeur, les deux aînés dirent à leur frère : « Regarde, quel beau
puits. » Et, tandis qu'il se penchait pour voir, ils le poussèrent dedans
et emmenèrent la princesse, la mule et l'oiseau. Quand on arriva au
château, la princesse était languissante, la mule et l'oiseau étaient tristes.
On mit la mule dans une vieille écurie, l'oiseau dans une vieille cage.
L'eau ne put rajeunir le roi ; on la mit dans un coin avec les vieilles
drogues.
Cependant le pauvre prince, au fond du puits, poussait de grands
cris ; le renard accourut et descendit dans le puits. « Je t'avais bien dit
de ne tirer personne de la peine ! Je vais pourtant t'aider à sortir d'ici;
tiens bien ma queue. » Le jeune homme fit ce qu'il lui disait, et le renard
grimpa ; il allait atteindre le haut, quand la queue se rompit et le jeune
homme retomba au fond du puits. Le renard rattacha sa queue en la
frottant avec de la graisse et prit le prince sur son dos. Une fois dehors,
il le redressa, et le jeune homme, débarrassé de sa bosse, devint un
prince accompli.
Il se rendit au château du roi son père et se fit annoncer comme grand
médecin, disant qu'il guérirait le roi et la princesse. Il entra d'abord
dans récurie : aussitôt la mule reprit son beau poil et se mit à hennir ;
il s'approcha de l'oiseau : celui-ci reprit son beau plumage et se mit à
chanter. Il donna à son père de l'eau qui rajeunit : le roi redevint jeune
sur-le-champ et sortit du lit où il était malade. Rien qu'en voyant le
jeune homme, la princesse revint à la santé. Alors le prince se fit recon-
naître de son père et lui apprit ce qui s'était passé ; puis l'oiseau parla à
son tour et raconta toute l'histoire.
Les fils aînés du roi étaient à la chasse. Le roi fit cacher leur jeune
frère derrière la porte, et, quand ils arrivèrent, il leur dit : « Je viens
d'apprendre une singulière aventure qui s'est passée dans une ville de
mon royaume : trois jeunes gens se promenaient ensemble au bord d'un
lac, deux d'entre eux jetèrent leur compagnon dans ce lac. Rendez un
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^ î >
jugement de SalomoTi : quel châtiment méritent ces hommes ? — Us
méritent U mort. — Malheureux ! vous l*avez donc aussi méritée ! Vous
ne serez pas jetés dans Teau, mais vous serez brûlés. » La sentence fut
exécutée. On fil ensuite un grand festin^ et le jeune prince épousa la
princesse.
Notre conte présente, pour rcnsembic, mais traité d'une façon originale, un
thème que nous appellerons, si l'on veut, à cause du conte bien connu de la
collection Grimm (n^ 57), le thème de VOistau (Por^ et auquel sont venus se
joindre divers autres éléments.
Rappelons en quelques mots ce thème de VOheau d'or^ dans sa forme ta plus
fréquente, — Les trois fils d*un roi partent successivement â la recherche d*un
oiseau merveilleux que leur père veut posséder. Les deux aînés se montrent
peu charitables à Tègard don renard {ou parfois d'un loup, ou d'un ours) : ifs
refusent de lui donner à manger ou tirent sur lui, malgré ses prières. Arrivés
dans une ville, ils se laissent retenir dans une hôtellerie, font des dettes cl sont
mis en prison. Le plus jeune prince, qui a été bon envers te renard, reçoit de
celui-ci l'indication des moyens A prendre pour s'emparer de t'oiseau qui est
djns le palais d*un roi; mais il ne suit pas exactement les instructions du renard
et il est fait prisonnier. Il obtiendra sa liberté et de plus Toiseau s'il procure
au roi certain cheval merveilleux qui est en la possession d'un autre roi. Son
imprudence le fait encore tomber entre les mains des gardiens du cheval, cl il
doit aller chercher pour ce second roi certaine jeune fille que le roi veut épouser.
Cette fois il ne s'écarte pas des conseils du renard. Il ramène la jeune fille et il
a l'adresse de ramener aussi le cheval et l*oiseau. Comme il s'en retourne ver»
le pays de son père, il rencontre ses frères qu'on va pendre ; il les délivre
malgré le conseil que le renard lui avait donné de ne pas acheter de • gibier de
potence. > (Tout cet épisode n'existe que dans certaines versions^* Pour récom-
pense, ses frères se débarrassent de lui (dans plusieurs versions, ils le jettent
dans un puîts) et lui enlèvent l'oiseau, le cheval et la jeune fille. Le renard le
sauve; le jeune homme revient chez le roi son père, et ses frères sont punis*
Ce thème se retrouve, plus ou moins complet, dans un assez grand nombre
de contes mentionnés par M. R. Kcehier dans les Mimoms dt t'Ae, de Satnh
PèUrsbouTg, L XIX (187?) a* 6, p. iv seq., et qui ont été recueillis en Alle-
magne, en Tyrol, en Norwége, en Lithuanie, en Bohême, dans le < pays saxon t
de Transylvanie, en Bukovine, en Valachie, en Grèce. A cette ènumération nous
ajouterons un conte écossais (Campbell, n*46), un conte irlandais 1 P. Kennedy,
Firuiàt Stories of înland^ Dublin, 187^, p, 47), et un conte russe f Ralston,
Rasûan Fûlk-TûUs, p. 286).
Le thème de VOiseau d'or a une grande affinité avec un autre thème qui est
développé dans le n* 97 de Grimm (VEau de h m) et dans des contes allemands,
autrichiens, tyrolien, suédois, écc^sais, lithuanien, hongrois^ sicilien^ dont
M. Kcehler a donné rindication (/œ. cit., p. xix) et auxquels nous joindrons
un conte italien (Comparetti, n* $7).
Dans tous ces conlcs, trois princes vont chercher pour leur père Teau de \m
n4 ^' cosQum
vie ou un fniit merveilteux qui doit le guérir, et c'est le plus jeune qui réassit
dans celte entreprise. Dans plusieurs, — notamment dans des contes allemands,
dans les contes a ut ri chiens, le conte lithuanien et le conte italien, — les deux
aînés font des dettes, et leur frère les paie et les empêche d'être pendus (dans
des contes aîlemands et dans les contes autrichiens, malgré l'avis que lut avait
donné un ermite, un nain ou des animaux reconnaissants, de ne pas acheter de
t gibier de potence i). Il est tué par eux ou, dans un conte allemand, (Ernst
Meier, Dmischt Volhmmchtn aus Schwabtn, Stuttgart, i8^2, n* 5), jeté dans
un grand trou, mats ensuite il est rappelé à la vie dans des circonstances qu'il
serait trop long d'expliquer.
Il est curieux de voir comment le thème de VOnçau d'or s'est modifié dans
notre conte lorrain.
L'introduction se rattache aux contes du type de VEdu de la vu. Notons la
comme lien entre les contes des deux types, un conte allemand du type de
VOiseiiu d'or (Woîf, Dmtsche Hausmarchm, p, 2;o), dans lequel les princes s'en
vont à la recherche d'un oiseau dont le chant doit guérir le roi (Cf. Crmim^
m, P^ 98).
L'épisode du berger envers lequel les deux frères aînés sont impolis et peu
complaisants appartient encore au thème de VEau de la vu^ ou du moins se
retrouve comme idée dans plusieurs contes allemands de ce type, dans lesquels
les deux princes répondent grossièrement à un nain ou à un vieillard iGrimm,
n' 97; Simrock, Dmischt Mt^rclnn^ u* 47; Meier, ti' VK Comme forme, il cor-
respond â un passage d'un conte de M'"« d'Aulnoy, tout différent pour le reste,
Bdk'Belk ou k Chevalier Fortuné y où la plus jeune des filles d'un vieux setgnetir
aide une bergère à retirer sa brebis d'un fossé, — Dans le conte allemand de
fa collection Wolf, cité il y a un instant, c'est envers un ours (qui tient ici U
place du renard) que les deux princes se montrent impolis; ce qui, sur ce point
encore, rapproche les contes des deux types. Ordinairement, dans les contes du
type de l'Oi^^u d'or, les deux frères aînés tirent sur le renard, et le plus jeune
seul en a pitié. Notre conte lorrain présente successivement les deux épisodes;
mais, dans le second, il ne met pas en scène les frères aînés.
Nous ne nous arrêterons qu'un instant sur les dons que le < petit bossu t
reçoit d'abord du berger, puis du renard. La serviette dans laquelle il y a de
quoi boire et manger est évidemment une altération de la serviette merveilleuse
de notre n** 4, Tapaiapûutau.stmGiU qui se couvre de mets au commandement
Les flèches qui ne manquent pas leur but et le flageolet qui fait danser, se
retrouvent associés dans un conte allemand cité par M. de Hahn dans les
remarques de ses contes grecs (t. lî, p. 242) et dans un autre conte allemand
(Grimm, HI, p. 192L Comparer la sarbacane et le violon dun* i lo de la collec-
tion Grimm*
L'épisode de l'homme mort que le 1 petit bossu t fait enterrer appartient
au thème bien connu do Mort rtconnmsani^ que M. Benfcy a étudié dans son
introduction au Pûtiichaîmira (t. I, p, 221 et t. II, p. 552), M- Koehler dans
des revues allemandes {Gtrmamû^ t, III, p. 199 scq. ; Ontnt ttnd Ocadent, l. H,
p. 522 scq), et M. d'Anconadans ta iîomamiï (1874, p. 191) à propos d'un récil
du NovtlUno italien, Mais, dans notre conte lorrain, ce thème est mutilé et privé de
CONTES POPULAIRES LORRAINS S M
ses développements^ à moins que Ton ne voie dans le renard une incarnation
de l'homme mort, qui, comme dans les contes de ce type, servirait le prmcc
par reconnaissance et finirait par se découvrir à tui en tui disant adîeu pour la
dernière fois *. Le conte du Mort reconnaissant^ très- répandu en Europe^ a été
aussi recueilli en Arménie; il forme te sujet de plusieurs récits et poèmes du
moyen- Age.
Le batelier qui, depuis des siècles, transporte les voyageurs de l'autre côté
du fleuve et dont le prince est en danger de prendre la place, se retrouve dans
le conte hessois le DiûbU ûux irais cheveux dor (Grîmm, n*» 29) et dans diverses
variantes de ce thème. Ainsi, chez les Tchèques de Bohême (Chodzko^ p, 40),
en Norwége (Asb)œrnsen, t, 1, n« ^ de la trad. allemande), en Allemagne
iMeier, (1*75; Prœhie, Marchcn fur du Jugend , Halle, 18 $4, n' 8), dans le
Tyro! (Zingerle, II, p. 70),
A partir de Tendroit du récit où le prince arrive chez l'ogre, nous rentrons
dans le thème de VOiscau d'or. La plupart des éléments de ce ihèmc se retrou-
vent dans notre conte, mais tout autrement groupés. Ainsi, Vogrc de noire
conte résume en sa personne les divers rois possesseurs des êtres merveilleux
qu*il s'agit d'enlever. L'oiseau vert remplace l'oiseau d*or ou l'oiseau de feu,
et, quand le renard dit au c petit bossu • de prendre le plus laid des deux
oiseaux verts et ensuite la plus laide mule, c'est là évidemment un souvenir
altéré de ia recommandation faite au prince, dans la forme originale du thème,
de se garder de retirer l'oiseau d'or de sa cage de bois ou de mettre au cheval
merveilleux une selle d'or. Le cheval merveilleux lui-même est devenu dans
notre conte lorrain fa muk qui fait sept lieues d'un pas (comparez dans les
Contes inédits des MiîU et tinc Nuits^ traduits par G. -S. Trébutien^ t. I, p. 299,
la t mule qui est un génie faisant en un seul jour un voyage d'une année •).
Enfin la princesse qui est retenue dans le château de Togre, c'est la princesse
aux cheveux d'or du thème primitif. Quant à Veau qui rajeunit^ comme il y a eu
dans notre conte lorrain combinaison du thème de VEau de ta vie avec celui
de Wiseau d'or^ elle devait naturellement figurer en plus à cet endroit du
récit.
Le jugement que les deux frères du * petit bossu » rendent sans le savoir
contre eux-mêmes termine aussi plusieurs contes étrangers, mais des contes
différents du nôtre pour l'ensemble du récit. Voir, par exemple, les contes
allemands n°^ 1^ et 13^ de la collection Grimm, un conte tyrolien (Zingerle, II,
p. i5i),de«ix contes siciliens (Gonzenbach, n*»* 1 1 et tj), un conte grec mo-
derne (Simrock, Deutsche Mitrchen^ appendice, n* 5), etc,
En Orient^ nous avons plusieurs rapprochements à faire. — On y trouvera
sans doute nombre de détails qui se rapportent moins à notre conte lorrain,
dans sa forme actuelle, qu'à ses deux thèmes principaux, dans leur pureté^
1. Ces lignes étaient écrites quand un conte basaue, faisant partie d'une
collection tout récemment publiée (Wcntworth Webster, Basque Ixgcnds^
London, 1877, p. 182 sqj est venu confirmer notre interprétation. Dans ce
conte, qui se rattache au thème de TOu^rfu d'or^ il est dit expressément que le
renard qui 3 secouru le prince était f § âme * d'un homme mort, dont, comme
dans notre conte lorrain, le prince a payé les dettes pour le faire enterrer.
50 E. COS<ilJIN
au thème de Wiscau d'or et à celui de VEau di la vu (à ce dernier surtout);
mais on n'aura pas de peine à y reconnaître non-seulement l'idée générale
de notre Puit Bossu, — Texpédition de plusieurs princes qui vont cher-
cher pour (e roi leur père un objet merveilleux^ le succès du plus jeune et
la trahison des aînés, à la fin punie, — mais encore, tantôt datis Vun^ tantôt î
dans l'autre de ces récils orientaux, plusieurs des traits les plus caractéristiques .
de notre conte : ainsi, nous y voyons le plus jeune prince dédaigné par
son père et partant seul en expédition; les frères aînés faisant des dettes, réduits
à la misère et retenus prisonniers, puis délivrés par le jeune prince; celut-ci
jeté par eux dans un puits, etc.
Prenons d'abord la grande collection de contes, chants et poèmes des Tar-
tares de la Sibérie méridionale, qui a été publiée par M. W. Radioff et déjà
citée plusieurs fois par nous. Elle contient dans le volume concernant les
Kirghiz, à côté des chants et récits non écrits, quelques poèmes formant dans (
le pays une sorte de littérature. Dans l'un de ces poèmes (t. ITI, 1870,
p. 5î^ seq), trois princes se mettent en route ensemble pour aller chercher
certain rossignol, que leur père a vu en songe. Arrivés à un endroit où trois
chemins s'ouvrent devant eux, ils se séparent. Le plus jeune, Hxmra, devient
répoux d'une péri (sorte de fée) et^ avec l'aide de celle-ci, il parvient à prendre
Toiseau merveilleux. Comme il s'en retourne vers le pays de son père, il ren-
contre dans une auberge ses deux frères, devenus valets de cuisine • ; il paie
leurs dettes et les emmène avec lui. En chemin, ses frères lui crèvent les yeux
et le jettent dans un puits. Le rossignol qu*ils rapportent à leur père révèle â
celui-ci le sort de Haemra. Le poème s'arrête court : on s'attendait à voir
reparaître la péri, qui avait donné à Hasmra, pour qu*il pût l'appeler en cas de
danger, une boucle de ses cheveux.
Dans un conte tartare de la même collection (t. ÎV, J872, p. 146)1 trois
princes partent aussi à la recherche d'un oiseau merveilleux. Le plus jeune seul
se montre charitable envers un loup, qui lui indique où est Totseau et ce qu^iJ
doit faire pour s*en emparer. Suit, comme dans le thème de l'Oiseau tfor, une
série d'entreprises {enlever des chevaux^ une guitare d'or, une jeune fillet,
auxquelles te prince est condamné pour avoir oublié les recommandations do
loup. Il manque dans ce conte tartare la trahison des frères aines.
Une autre collection, également citée précédemment dans nos remarques, les
contes avares du Caucase, traduits en 1873 par M, Schiefner, nous fournil
encore un conte â comparer au nôtre. Si on laisse de côté un long épisode
dont nous aurons occasion de reparler plus tard, ce conte peut se résumer très-
brièvement. Le commencement est celui du poème kirghiz ; seulement, à la
place du rossignol, il y a un 1 cheval de mer 1. Cest avec Taide d'une vieille
géante, sorte d*ogresse, dont il a su gagner la bienveillance, que le plus jeune
prince parvient â se rendre maître du cheval et aussi d'une fille du roi de la
mer. A son retour, en passant dans une ville, il trouve ses frères réduits i la
misère et devenus valets, l'un chez un boulanger, l'autre chez un boucher. H
r. Dans un conte du • pays saxon i de Transylvanie (Haltrich, «• y)^ {^^
deux frères sont également valets d*au berge.
CONTES POPULAIRES LORRAINS 557
prend âvec lai* mais ceux-ci, envieux^ s'arrangent de façon â k faire tomber
as un puits. Le cheval l'en retire et, à sa vue, ses frères prennent la fuite pour
De plus revenir.
On peut également citer ici un conte arabe (MiUe et une Nuits, t, Xî, p. 17^,
ie la trad. allemande dite de Breslau), dans lequel trois princes partent à la
cherche d'un oiseau que leur père, le sultan du paysd'Yémen, veut avoir. Le
ilus icune^ Atadin^ dédaigné de son pére^ délivre successivement deux princesses
xposées à des monstres et^ apr^ les avoir épousées^ il les abandonne pendant
ur sommeil après leur avoir écot dans la main son nom et son pays. Enfin il
krrive dans ïa ville où se trouve la princesse qui possède Toiseau. Grâce aux
onseîfs d'un vieillard, il peut pénétrer dans le palais, gardé par des lions, et
Si se relire en toute hâte après avoir écrit son nom et son pays dans la main de
princesse endormie. Puis il reprend le chemin de la capitale de son père.
Parvenu non loin de là^ il rencontre ses frères qui Taccablent de coups et lui
prennent l'oiseau. Mais bientôt arrivent auprès de la ville, accompagnées des
sultans leurs pères et de grandes armées, les deux princesses qu'Aladin a déli-
tées et celle dans le palais de laquelle il a pénétré. La trahison des frères aines
découvre, et le sultan d'Yémen cède son tr6ne à Atadin.
Donnons encore l'analyse d'un roman hindoustani traduit par M. Garcin de
Tassy dans la Revm ik l'Orunt^ de f Alger ie et des colonies (18581 l, I, p. 21 2Ï
ous ce titre ; La Doctrine de i'amour ou Taj^Uimuluk et Bjkawcli^ roman Je phi
osophU religieuse^ par Nihaî Chûnâ, de DelhL Le roi Zaïn Ulmuluk a perdu la
ue Les médecins déclarent que le seul remède est la < rose de Bakawali. >
quatre fils aînés du roi partent pour aller chercher cette rose, Un cin-
quième fils, Taj-Ulmaluk, que son père a fait élever dans un palais éloigné, les
Ifencontre et, apprenant d'une personne de leur suite qui ifs sont et où ils vont,
I se joint à Tescorte comme un voyageur. Arrivés dans une ville, les quatre
Paînés entrent dans le palais d'une courtisane, nommée Lakkha, et perdent au
jeu par son habileté déloyale tout leur argent et leur liberté. Taj-Ulmtiluk
décide de les délivrer; il gagne la partie contre Lakkha et 1^ rend son esclave.
Il lui raconte alors son histoire et apprend que la rose se trouve dans te jardin
de Bakawali, fille du roi des fées. Mais le soleil lui-même ne saurait pénétrer à
travers la quadruple enceinte de ce jardin. Des millions de dives «génies» veillent
de tous côtés ; en Tair, des fées écartent les oiseaux ; sur la terre^ la garde est
confiée i des serpents et à des scorpions; au-dessous du sol, au roi des rats
avec des milliers de ses sujets. Ta j~ Ulmuluk s'habille en derviche et se met en
marche. Bientôt il tombe entre les mains d*un dive-géanl qui veut d*abord le
manger, puis qui a pitié de lui et finit par le prendre en amitié, surtout quand
le prince lui a fait manger des mets délicieux apprêtés par lui. Ce dive fait ser-
ment de faire ce que le prince désirera. Le prince lui parle de la rose *, Le
dive fait venir un autre dive, lequel envoie le prince â sa sœur Hammala, chef
des dives qui gardent la rose. Après divers incidents^ Hammala ordonne au roi
des rats de creuser un passage souterrain et de porter Ta/- Ulmuluk dans le
I . Pour cet épisode, comparez le conte italien n* 37 de la collection <
arttii, mentionné plus haut. Le prince est, là aussi, aidé par un ogre.
5)8 E. COSQUIN
jardin de Bakawali. Taj-Ulmuluk prend la rose, pénètre dans le châteao de
Bakawali endormie et emporte Tanneau de celle-ci. De retour, il délivre ses
frères, toujours prisonniers de la courtisane, sans se faire connaître d'eux, et les
suit, déguisé en fakir. Les entendant se vanter d'avoir la rose, il a rimpmdence
de leur dire que c'est lui qui la possède et de le prouver en rendant la vue i no
aveugle. Ses frères lui prennent la rose, l'accablent de coups et retournent chez
leur père, à qui ils rendent la vue. — La suite de ce roman hindoustani serait
trop longue à raconter ici en détail. Elle se rapproche de plusieurs contes du
type de VEau de la vie. Bakawali, surprise de la disparition de sa rose et de son
anneau, se met à la recherche du ravisseur. Elle finit par le trouver; les mé-
chants frères sont démasqués, et Taj-Ulmuluk, qui a été secouru dans sa
détresse par sa protectrice Hammala, épouse Bakawali.
Dans l'Inde encore, nous trouvons un autre récit qu'il convient de rapprocher
de tous les précédents. C'est un conte populaire qui a été recueilli dans le Ben-
gale par M. G.-H. Damant, et publié dans une revue de Bombay, The Indian
Antiqaary (t. IV, 1875, p. 54 et suiv.). En voici le résumé : — Un roi a deux
fils, Chandra et Siva Dâs, nés de ses deux femmes, Surân! et Durânî. Il ne peut
souffrir Siva Dâs ni sa mère, et il les a relégués dans une cabane où ils vivent
d'aumônes. Siva Dâs est très-dévot au dieu Siva, et il en a reçu un sabre qui
donne la victoire à son possesseur, le protège contre les dangers et le transporte
où il le désire. Or, certaine nuit, le roi fait un rêve merveilleux, auquel il ne
cesse de penser : il a vu endormie une femme dont la beauté illumine tout un
palais ; chaque fois qu'elle respire, une flamme sort de ses narines, comme une
fleur. II déclare à son premier ministre que si celui-ci ne lui montre pas c son
rêve 1, il le fera mettre à mort. Le premier ministre part aussitôt avec Chandra
et une nombreuse suite. Entendant parler du songe de son père, Siva Dâs fait
demander au roi la permission de se mettre lui aussi en campagne. « Qu'il parte
si bon lui semble, dit le roi; s'il meurt, je n'en serai pas fâché : il n'est pas
mon fils. » Siva Dâs se fait transporter par son sabre à la place où sont Chandra
et ses compagnons, qu'il trouve arrêtés par une forêt. Grâce à son sabre, Siva
Dâs peut traverser cette forêt, et, arrivé à un village, il entre au service d'un
roi qui, en récompense d'un grand service rendu, lui donne sa fille en mariage.
Puis il se fait transporter dans le pays des rdkshasas (sorte de mauvais génies,
de démons). Pris par deux râkshasas, il est apporté par eux à leur roi qui,
loin de vouloir le manger, le prend en amitié et le marie à sa fille. Un jour
Siva Dâs raconte au roi des râkshasas l'histoire du rêve. Le roi lui dit que ce
« rêve » existe et il le renvoie à certain ascète qui vit dans la forêt. L'ascète
donne à Siva Dâs le moyen de trouver Vapsara (danseuse céleste) que son père
a vue en songe et de conquérir sa main '. L'apsara ne reste que quelque temps
avec Siva Dâs et lui donne en le quittant une flûte qui lui servira à la faire
venir auprès de lui quand il le voudra. Siva Dâs retourne auprès de son beau-
père le râkshasa, qui lui fait encore épouser sa nièce; puis il s'arrête chez le
roi, son autre beau-père, et se fait transporter par le sabre, lui et ses trois
I . Nous étudierons ce passage en détail à l'occasion de notre conte Chatte
blanche.
CONTES POPULAIRES LOHRAmS ç^f)
femmes^ à Pendroit où sont restés Chandra et le premier ministre. Sur une
question de Chandra^ il lui dît qu'il a trouvé le t rêve a du roi. CKandra en
conclut que ce t rêve * est Tune des trois femmes que Si va Dâs a ramenées,
cl il complote avec le ministre de tuer Siva Dâs et de s'emparer de ses femmes.
Uq jour, il invite Siva Dâs à jouer avec lui aux dés sur la margcite d'un puits.
Siva Dâs, soupçonnant quelque mauvais dessein, dit à ses femmes que, si
Chandra te précipite dans le puits, il faudra qu'elles y jettent aussitôt leurs
beaux vêtements et leurs ornements. Chandra Payant effectivement poussé dans
le puits, 06 le sabre merveilleux Tempéche de périr, elles font ce que Siva Dâs
leur avait prescrit, et celui-ci prend tous ces objets avec lui. Quand Chandra
arrive à la cour de son père, le roi, très-joyeux, invite d^autres rois à venir voir
son • rêve •, et Surânl^ la mère de Chandra, envoie dire à Durant, la mère de
Siva Dh^ de venir la trouver. Cependant Siva Dâs s'est transporté en secret
dans sa maison, et il dit à sa mère d'aller chez Surilnî et de se parer des habits
et des ornements qu'il a rapportés du pays des râkshasas (ceux que ses femmes
lui ODt jetés dans le puits) : personne n'a jamais vu de ces ornements et per-
sonne ne peut les imiter. Quand les trois jeunes femmes remarquent les vête*
ments et les ornements que porte Surânl, elles se disent l'une à l'autre que ce
doit être la mère de leur mari *. Pendant ce temps, les rois se sont tous réunis,
et Chandra doit leur montrer le t rêve. » Il va trouver les jeunes femmes et,
voyant qu'elfes ne savent rien du rêve, il s'enfuit par une porte dérobée. Les
trois princesses révèlent alors ce qui s'est passé. Chandra et sa mère sont bannis ;
Siva Dâs et Durânî, mis à leur place. Stva Dâs fait venir sa femme l'apsara,
ti le roi le fait monter sur son trône.
RJCHEDEAU.
Il était une fois un pauvre homme, appelé Richedeau, qui avait autant
d'enfants qu*il y a de trous dans un tamis. Il envoya un jour un de ses
petits garçons chez le seigneur du village pour lui emprunter un boisseau
w Qu'est-ce que ton père veut faire d*un boisseau ? demanda le sei-
gneur. Est-ce pour mesurer vos poux ? — Monseigneur, » répondit l'en-
fant, « il veut mesurer l'argent qu'il vient de rapporter à ta maison. »
1 . Nous donnons ce passage assez au long, — bien qu'il ne se rapporte pas aux
contes du type du nôtre, — à cause des ressemblances qu'il présente avec notre
conte de Jean de rOars (n<> 1 de cette collection). Dans le conte indien comme
dans le conte lorrain, ce sont des bijoux merveilleux, dons de trots princesses^
qui font connaître h celles-ci, quand elles les revoient, la présence non loin de
11 du héros que des traîtres avaient abandonné au fond d'un puits. — Ce trait
n'avait pas encore, que nous sachions, été trouvé en Orient. (Comparez, pour
la combinaison de ce thème des bijoux avec celui de VOiseau d*or^ le conte grec
moderne n* ^1 de la collection Hahn).
540 E. COSQUIN
Bien que le seigneur n'y crût guère, il dit à une servante de donner le
boisseau. Richedeau mesura donc son argent et renvoya ensuite le
boisseau; comme il ne l'avait pas bien secoué, on trouva au fond trois
louis d'or..
Le seigneur, fort surpris, alla aussitôt chez Ricbedeau. « Comment as-tu
fait, » lui demanda-t-il, « pour avoir tant d'argent ? — Monseigneur, »
répondit Richedeau, qui ne voulait pas dire son secret, <c j'ai porté à la
foire la peau de ma vache, et je l'ai vendue à raison d'un louis chaque
poil. — Est-ce bien vrai, ce que tu me dis là ? — Rien n'est plus vrai, mon-
seigneur. — Eh bien ! je vais faire tuer les cinquante bêtes à cornes qui
sont dans mon étable, et j'en retirerai beaucoup d'argent. » Le seigneur
fit donc venir des bouchers qui abattirent tous ses bœufs et toutes ses
vaches; puis il envoya ses gens porter les peaux à la foire pour les vendre
à raison d'un louis chaque poil. Mais les valets eurent beau offrir leur
marchandise ; dès qu'ils faisaient leur prix, chacun leur riait au nez, et
ils revinrent sans avoir rien vendu.
Le seigneur, furieux de sa mésaventure, courut chez Richedeau pour
décharger sa colère sur lui. Celui-ci l'aperçut de loin, et il dit à sa
femme : « Voilà monseigneur qui vient pour me quereller. Mets-toi vite
au lit et fais la morte. » En entrant dans la cabane, le seigneur remarqua
l'air affligé de Richedeau. « Qu'as-tu donc? » lui demanda-t-il. — « Ah!
monseigneur, ma pauvre femme vient de trépasser ! — Mon ami, » lui dit
le seigneur, «je te plains : c'est un grand malheur. » Et il s'en retourna
sans songer aux reproches qu'il voulait faire à Richedeau.
« Voilà qui est bien pour le moment, dit alors la femme de Richedeau;
mais plus tard, quand monseigneur me verra sur pied, qu'aurai-je à lui
dire ? — Tu lui diras que je t'ai soufflé dans l'oreille, et que cela t'a
ressuscitée. »
Quelque temps après, le seigneur, passant par là, vit la femme de
Richedeau assise devant sa porte. « Quoi, »dii-il, « c'est vous, madame
Richedeau ? je vous croyais morte et enterrée. — Monseigneur, » répon-
dit-elle, « j'étais morte en effet, mais mon mari m'a soufflé dans l'oreille, et
cela m'a fait revenir. — C'est bon à savoir, » pensa le seigneur; «il faudra
que j'en fasse l'essai sur ma femme. » De retour au château, il n'eut
rien de plus pressé que de tuer sa femme ; ensuite il lui souffla dans
l'oreille pour la ranimer, mais il eut beau souffler, la pauvre femme ne
bougea pas.
Le seigneur, au désespoir, fit atteler sur-le-champ son carrosse, et
partit avec plusieurs valets pour se saisir de Richedeau. On l'enchaîna et
on l'enferma dans un sac que Ton mit dans le carrosse ; puis on se remit
en route et Ton arriva dans un pré, au bord d'un grand trou rempli
d'eau. Richedeau fut déposé sur l'herbe; mais, au moment où on allait le
CONTES POPULAIRES LORRAINS {4'f
jeter dans l'eau, tes cloches sonnèrent la dernière laisse pour Tenterre-
ment de la femme du seigneur. Celui-ci revint en toute hâte au château
avec ses gens, afin de n'être pas en retard pour la cérémonie.
Richedeau, resté seul dans son sac au milieu du pré, se mit à dire à
haute voix : *f Pater, Pater. « Un berger, l'ayant entendu, s^approcha
de lui et lui demanda : « Que fais-^tu là, et qu'as-tu à dire Pater ? )»
Richedeau répondit ; « Je dois rester làndedans jusqu'à ce que je sâche
le Pater» et je ne puis en venir à bout; on voudrait me faire curé. —
Cela m'iraii bien, à moi, d*ètre curé, >> dit le berger; « je sais le Pater
tout au long. — Eh bien ! » dit Richedeau, « veux-tu te mettre à ma
place? — Volontiers, » dit l'autre. Quand Richedeau fut sorti du sac, il
y enferma le berger et partit avec les moutons.
Cependant le berger, dans le sac, disait et redisait son Pater sans se
lasser. Après Pemerremeni, le seigneur revint au pré avec ses gens et
leur ordonna de prendre le sac et de le jeter dans Teau. Le pauvre
berger eut beau crier : </ Mais je sais mon Pater tout au long. » On ne
fit pas attention à sgs cris, et on le jeta dans le trou.
Richedeau retourna le soir au village avec les moutons. Le seigneur
le vil passer. « Comment, n lui dit-il, «tu n'es pas mort? — Non, mon-
seigneur; il aurait fallu me jeter un peu plus loin. — Mais, ))dit le seigneur,
« où donc as-tu trouvé ces moutons ? — Au fond de Peau, monseigneur ;
à quelques pieds plus loin, on trouverait mieux encore. Oh ! les beaux
moutons ! Si vous voulez» monseigneur, je vous les ferai voir. »
Le seigneur suivit Richedeau, qui emmena son troupeau avec lui
Quand ils furent arrivés au bord de leau, où se reflétait l'image des
moutons : « Regardez, » dit Richedeau, w regardez, monseigneur, les
beaux moutons que voilà I >>
Aussitôt le seigneur sauta dans Peau pour les aller prendre, et il se
noya. Quant à Richedeau, il devint le seigneur du village.
Ce conte, variante de notre u* lo, René d son sagncur, — aux remarques
duquel nous renvoyons, — outre qu'il est moins complet, présente une lacune
qui n'existe pas dans ce n- lo. Rien n'explique comment le héros, donné comme
un « pauvre homme », se trouve tout d*un coup en étal de mesurer Tor au
boisseau. En revanche, la dernière partie de Richedeau est plus claire et mieux
conservée.
Une autre variante, que nous avons également entendue à Montiers-sur-
Saulx, a, elle aussi, l'épisode du boisseau, mais elle le motive bien. Voici les
traits principaux de cette variante, très-voisine de divers contes étrangers, par
exemple du conte allemand n' 1 5 de la collection Prœhle {M^rcknfm dit Jugmd.
Haile, i8h) :
Une fillette, qui est partie de chez ses parents parce qu'elle ne veut pas
aller â Técole, s'en va par le monde en emportant sous son bras un corbeau
542 E. COSQUIN
qu'elle a attrapé. Ayant été accueillie dans une maison en Tabsence dn nÉttre,
elle regarde par une fente dans la chambre voisine de l'endroit où on fa mise
et observe ce qui s'y passe. Le maître étant rentré, il demande à la fillette ce
que c'est que la béte qu'elle tient sous son bras, c C'est un devin, » répond-
elle. — « Comment? un devin ? — Oui, c'est une bête qui sait dire tout ce qai
se passe. — Est-il à vendre? — Je vous le vendrai, si vous vouiez; mais je vais
d'abord vous montrer ce qu'il sait faire, i Et elle frappe la tète du corbeao,
qui se met à croasser. « Il dit qu'il y a quelqu'un de caché dans la chambre
d'à côté, i L'homme entre dans la chambre et voit que c'est vrai. Puis la
fillette fait dire à son corbeau qu'il y a des victuailles et du vin cachés dans le
buffet, c C'est un devin véritable 1 i dit l'homme; c si cher qu'il soit, je venz
l'acheter, i II donne à la fillette beaucoup d'argent et un âne pour le porter,
et la fillette s'en va plus loin. Elle vend bien cher son âne à un meunier en lui
disant que c'est une c quittance » : quand on doit de l'argent, on n'a besoin
que de présenter cet âne à son créancier pour n'avoir plus rien à payer; de
plus, elle lui fait croire Cde la même façon que René, le héros de notre n<> lo)
que l'âne fait de l'or. Puis elle va trouver sa marraine et la prie de lui prêter un
boisseau, t Pourquoi faire ? — Pour mesurer mes écus d'or. » On lui prêle le
boisseau et, quand elle est partie et qu'on frappe sur le fond du boisseau, il en
tombe trois louis. L'explication prétendue de cette fortune, donnée non point
par la fillette, mais par son père, ce qui est assez bizarre, est la même qne
dans Richdeau : c'est qu'on a vendu une vache et son veau un sou le poil. La
fin de cette variante est encore celle de Richedeau^ mais fort confuse.
Le tr^it des pièces d'or qui restent au fond du boisseau se retrouve dans
d'autres contes. Ainsi dans un conte arabe des Mille et une Nuits (Hist. <PÂli-
Baba et des quarante voleurs)^ Cassim a mis de la poix au fond du boisseau que
son frère est venu lui emprunter, et c'est ainsi qu'il découvre qu'Ali-Baba a
mesuré de l'or. Dans d'autres contes, c'est à dessein que les pièces d'or ont été
laissées dans le boisseau. Ainsi, dans le conte de Boukoutchi-Khan^ le pendant
du Chat botté chez les Avares du Caucase, le renard, qui remplit le rôle du chat,
va emprunter au Khan un boisseau pour mesurer, lui dit-il, l'argent, puis l'or
de son maître; et, chaque fois, il a soin d'enfoncer dans une fente du boisseau
l'unique pièce d'argent ou d'or qu'il possède {Mém. de l\Ac, de St-Pétersbourg,
t. XIX, 1873, "° ^i P- 54)- I^ en est de même dans le conte sibérien corres-
pondant, recueilli chez lesTartares riverains de laTobol (Radioff, op. c/r,t. IV,
p. 359). Comparez encore un passage du conte indien que nous donnerons tout
à l'heure.
Nous nous arrêterons un instant sur un ou deux autres détails de Richedeau
qui ne se trouvent pas non plus dans le conte lorrain de même type déjà publié
(no 10).
Dans le conte allemand n" 61 de la collection Grimm, le paysan dit au maire
et aux gens du village qu'il a vendu trois cents écus la peau de sa vache ;
aussitôt, comme le seigneur de Richedeau, tous s'empressent de tuer leurs
vaches.
Dans le conte allemand de la collection Prœhie que nous avons mentionné
plus haut, le paysan montre aux gens l'image des moutons se reflétant dans
CONTES POPUUIRES LORRAINS ^45
Teau, comme fait Ricbedeâu, Dans k n* 61 de Grimm, c'est l^image de nuages
floconneux qu^il leur montre, el il leur fait croire que ce sont des moutons.
Une autre variante de ce même conte, que nous avons également recueillie à
Montiers-sur^Saulx, présente quelques traits particuliers. Nous en donnerons le
rèiumé ; Une veuve a trois fils, François, Claude et Jean, Les deux premiers,
l'un marchand de cochons, l'autre marchand de chevaux, sont mariés ; Jean
demeure avec sa mère. Un jour, Jean dit à celle-ci qu'il veut aller vendre de la
mélasse pour du mieL It met de la mélasse plein un grand tonneau avec un peu
de miel par dessus. Il rencontre ses frères, qui lui demandent cequ*il ai vendre,
et veulent lui acheter son miel. Jean le leur fait cent écus et ne veut rien en
rabattre. Les autres trouvent que c'est bien cher, mais ils finissent par donner
les cent écus. Jean étant revenu chez sa mère, celle-ci lui demande â qui il a
vendu sa mélasse; il répond que c'est à ses frères. « Tu n'aurais pas dû les
attraper, • lui dit-elle. François el Claude, ayant découvert la tromperie,
viennent pour tuer Jean. Mais auparavant Jean s'est concerté avec sa mère.
Quand ses frères arrivent, il la leur montre étendue dans son lit et leur dit
qu'elle est morte; puis it prend une flûte, lui en joue dans l'oreille, et elle se
relève, François et Claude demandent à Jean combien il veut vendre la flftte.
< Cent écus. — Les voilà. > Ensuite Jean met dans un sac de la mousse avec
un peu de laine par dessus, et ses frères Tachétent pour de la laine. Quand ils
rentrent chez eux, leurs femmes les querellent à cause de ce sol marché; ils tes
tuent et essaient en vain de les ressusciter au moyen de la fiûlc. Cependant,
Jean, passant près d'un troupeau, demande au berger de ïe lui prêter : le berger,
pendant ce temps, ira à la messe. Et Jean s'en va avec le troupeau. Ses frères,
qui le cherchaient pour le tuer, le rencontrent el lui demandent où il a eu ce
troupeau. Il les mène sur le bord de la rivière et leur dit qu'il a sauté dedans
et que c'est là qu'il a trouvé tes moutons. Aussitôt l'un de ses frères se jette
dans la rivière, Glou^ gioa, gtou, fait l'eau, pendant qu'il se noie. Le second
frère demande â Jean ce que dtt l'autre. • Il dit que tu ailles Taider. > Et il
se noie comme le premier. Comme ils n'ont pas d'héritier, c'est Jean qui recueille
leur fortune.
Aux différents contes mentionnés dans les remarques de notre n*» îo, il faut
ajouter un conte basque iWentworth Webster, Bûs^iui Ugtnds^ p, 154), et,
dans la littérature du XVI*' siècle, un conte deStraparola <n'7 des contes extraits
lie Slraparola et traduits en allemand par Vaientin Schmidt Berlin, 1817),
[ce dernier omis par inadvertance.
Au moment oti nous avons rédigé les remarques de ce n' 10, nous ne cou-
naissions en Orient que deux contes des Tartares de Sibérie, qui fussent â rap-
procher des contes de ce type. Aujourd'hui nous pouvons en citer un autre,
venant de l'Inde elle-même et qui a beaucoup de ressemblance avec notre n« 10
\ surtout. Ce conte, intitulé Le Paysan qui atuapa Us su hommts^ a été recueilli
dans le Bengale par M. G.-H. Damant et publié en 1874 dans la revue Thi
Indian Antiquarj (p. 11). En voici l'analyse :
Un paysan a un oiseau apprivoisé ; quand il est à travailler aux champs, sa
urne attache â l'oiseau une pipe et tout ce qu*il fâut pour fumer^ et l'oiseau
va le porter â son maître. Un jour, six hommes qui passent par li voient ce
544 £• COSQUIN
manège de Toiseau, et ils offrent au paysan de le lui acheter trois cents
roupies. Le marché fait, ils attachent à Toiseau trois cents autres roupies et
lui disent de les porter à certain endroit. Mais Poiseau, naturellement, s'en
retourne avec sa charge à la maison du paysan. Celui-ci prend l'argent et bk
'avaler à sa vache une centaine de roupies. Cependant, les six hommes, s'apenx-
vantqueToiseau n'a pas fait la commission, vont trouver le paysan. En entrant chez
lui, ils voient la vache en train de se débarrasser des roupies : voilà l'oisean
oublié, et les six hommes donnent au paysan cinq mille roupies pour avoir cette
merveilleuse vache. Ils l'emmènent chez eux, mais la vache ne donne plus d'or do
tout, et les six hommes la ramènent au paysan. Celui-ci les invite à dtner avant
qu'on ne s'explique. Ils acceptent. Pendant le repas, le paysan prend un bâton, et
au moment où sa femme sort pour aller chercher encoreà manger, il l'en firappe
en disant : c Sois changée en jeune fille et apporte-nous un autre plat. • A
leur grande surprise, les six hommes voient^ au lieu de la femme, une jeune
fille (en réalité la fille du paysan) apporter le second plat. Cette même scène se
renouvelle plusieurs fois. lis achètent le bâton cent cinquante roupies, et le
paysan leur recommande de bien battre leurs femmes quand elles leur apporte-
ront à manger : elles recouvreront ainsi leur première jeunesse et leur première
beauté. Les six hommes suivent si bien cette recommandation, qu'ils les assom-
ment toutes. Furieux, ils courent à la maison du paysan et y mettent le feu.
Le paysan ramasse une partie des cendres, en remplit plusieurs sacs, dont il
charge un buffle, et il se met en route vers Rangpour. Chemin faisant, il ren-
contre plusieurs hommes qui conduisent à un banquier de cette ville des buffles
chargés de sacs de roupies. Il se joint à eux, et, pendant qu'ils dorment, il leur
prend deux sacs de roupies, met à la place deux sacs de cendres et s'enfuit. Il
prie ensuite un des six hommes, qu'il rencontre, de conduire ces sacs à sa femme :
auparavant il avait enduit de gomme le fond d'un des sacs, de sorte qu'il y reste
attachées quelques roupies, et l'homme peut ainsi voir quel en était le contenu.
Il va aussitôt le dire à ses camarades et les six hommes viennent demander au
paysan comment il a eu cet argent ; il répond que c'est en vendant les cendres
de sa maison. Aussitôt les autres brûlent leurs maisons et s'en vont au bazar
mettre les cendres en vente. Ils n'y gagnent que des coups. (Comparez, pour
cet épisode, qui manque dans nos contes lorrains, un trait analogue d'un conte
hessois résumé dans les remarques du n» 6i de Grimm, t. III, p. 107). Plus furieux
que jamais, ils se saisissent du paysan, et, après l'avoir mis dans un sac, pieds et
poings liés, ils le jettent dans la rivière Ghoradhuba, qui coule auprès de là.
Par bonheur pour le paysan, le sac, en s'en allant à la dérive, s'accroche â un
pieu. Vient à passer un homme à cheval. Le paysan lui crie de vouloir bien le
tirer du sac, et qu'il lui coupera de l'herbe pour son cheval sans lui demander
de salaire. L'homme le tire du sac, et le paysan lui propose d'aller promener
son cheval ; l'autre le lui confie, et le paysan passe ainsi auprès des six hommes.
Ceux-ci, fort étonnés de le revoir, lui demandent où il a trouvé ce cheval. Il
leur répond que c'est dans la rivière Ghoradhuba et qu'il y en reste beaucoup
d'autres plus beaux. Aussitôt ils veulent savoir ce qu'il faut faire pour
les avoir. Le paysan leur dit d'apporter chacun un sac avec une bonne corde et
de se mettre dedans. La chose faite, il en jette un dans l'eau. En entendant le
CONTES POPULAIRES LORRAINS {4^
bouillonnement de Teau^ tes autres demandent ce que c'est : le paysan répond
que c'est leur camarade qui prend un cheval. (Comparez dans la variante ci-
dessus le détail du ghu ghu de l'eau.! Alors tous demandent à être jetés vite
dans Teau. Le paysan s'empresse de les satisfaire, et ensuite il vît tranquille et
heureui.
On le voit, ce conte indien est tout â fait le pendant de nos contes euro-
péens de ce type. La fin seule n'est pas complète^ mais nous en avons une
forme sans lacune dans un épisode d'un autre conte ègatemeni indien qui a été
recueilli chez les SAntâU par le Rév, F.-T, Colc et publié dans Vlndian Anti-
^uary (187^, p. 2 j8), Gouya s>st associé à une bande de voleurs. Un jour, il
se prend de querelle avec eux; les voleurs le battent^ lui lient pieds et poings
et le portent vers la rivière pour le noyer. Mais, en chemin, comme ils ont
grand* faim, ils s'en vont chercher à manger et déposent Gouya au pied d'un
arbre. Un berger qui passe par là, attiré par les cris de Gouya, lui demande
qui il est et pourquoi il crie. Gouya répond : « Je suis un fils de roi et on
m'emporte malgré moi pour me faire épouser une fille de roi que je n'aime pas.
— Laissez-moi me mettre à votre place, • dit le berger, t j'épouserai volon-
tiers la princesse. > Il délivre Gouya et se laisse mettre à sa place pieds et
poings liés Bientôt après reviennent les voleurs; ils prennent le prétendu
Gouya et, en dépit de ses protestations qu'il n'est pas Gouya, ils le jettent dans
la rivière. Pendant ce temps Gouya s'est enfui, poussant devant lui les vaches
du berger. Quelques jours après, les voleurs le rencontrent avec son troupeau
et lui demandent d'où lui viennent ces vaches. Gouya leur dit qu'il les a prises
dans la rivière où ils l'ont jeté. S*tls le veulent, il les jettera dedans à leur tour,
et ils trouveront autant de vaches qu'ils en pourront désirer. La proposition
est acceptée avec empressement; les voleurs sont garrotés et jetés par Gouya
dans la rivière, où ils se noient.
Chose curieuse ! les principaux traits de cet épisode se préientent dans un
troisième conte indien sous une forme non plus plaisante, mais merveilleuse. On
en jugera en lisant ce fragment d'un conte recueilli dans h môme région que le
précédent par le même M. Cole {InJian Annquûry^ '^7S> P- " )- ^^ *'o>.
voulant se débarrasser du héros du conte, nommé Toria, fait organiser une
grande chasse : Toria doit faire partie de la suite et porter la provision d'ceufs
et d'eau. Arrivés auprès d'une caverne, les gens du roi disent qu'iî s'y est
réfugié un lièvre et ils forcent Toria à y pénétrer ; puis ils roulent à l'entrée de
grosses pierres, amassent des broussailles devant et y mettent le feu pour
étouffer Toria. Mais cetui-ci casse ses oeufs, et toutes les cendres sont disper-
sées (sk); ensuite il verse son eau sur la braise, et le feu s'éteint. Etant
parvenu, non sans peine, â se glisser hors de la caverne, il voit, â son grand
étonnement, que toutes les cendres sont devenues des vaches et tout le bois i
moitié brûlé, des buffles. H rassemble toutes ces bètes et les mène chez lui»
Quand le roi les voit, il demande à Tona où il se les est procurées. Celui-ci lui
dit qu'il les a trouvées dans la caverne où on Ta enfermé : il y en a encore bien
d'autres; mais, pour les avoir^ i) faut que te roi et ses gens entrent dan$ la
caverne, qu'on en bouche l'entrée et qu'on allume du feu devant, comme on a
fait pour lui. Le roi s'introduit aussitôt avec ses gens dans la caverne, après avoir
Homania. vi \ \
546 B. COSQUIN
dit à Toria de fermer l'entrée et d'allumer le feu. Toria ne se fait pas prier, et
le roi et sa suite périssent étouffés.
Un simple détail de narration. Nous avons déjà rencontré dans un de nos
contes (n® 4) cette bizarre expression c autant d'enfants qu'il y a de trous daas
un tamis », et nous l'avons rapprochée d'une expression exactement semblable
d'un conte hongrois. Nous pouvons ajouter aujourd'hui qu'elle se trouve égale-
ment dans un conte du c pays saxon » de Tran^lvanie (Haltrich, n» 21).
XXI.
LA BICHE BLANCHE.
Il était une fois un roi que deux jeunes filles aimaient. L'une d'dles
était sorcière; ce fut l'autre que le roi épousa.
Au bout de quelque temps, la jeune reine accoucha d'un fils. Ce jour-
là le roi n'était pas au château : la sorcière en profita pour se glisser
auprès de la reine; elle la changea en biche blanche et prit sa place. Si
dans trois jours personne n'avait délivré la reine, elle devait rester
enchantée toute sa vie. Bichaudelle seule, la servante de la reine, avait
vu ce qui s'était passé, mais elle n'osa le dire à personne, car elle aurait
été, elle aussi, changée en biche blanche.
Le lendemain, le roi revint au château. Il entra dans la chambre où
était la sorcière, et, croyant que c'était sa femme, il lui demanda
comment elle allait. « Pas trop bien, et si je ne mange de la biche
blanche au bois, je mourrai. » Le roi s'en fut à la chasse et poursuivit
longtemps la biche ; mais celle-ci se cachait dans les taillis, dans les
broussailles, si bien qu'il ne put l'atteindre.
La nuit, la vraie reine revint :
« Bichaudelle, ouvre-moi ta porte.
— Plaît-il, dame ^ — Où est le roi ?
Le roi est-il couché ? — Oui, dame, il est au chevet,
Qui tient sa dame par la main.
~ Hélas ! plus que deux nuits, mon cher fils,
Et si le roi ton père ne me délivre.
Je serai donc toute ma vie biche blanche au bois. »
Les serviteurs entendirent tout, mais ils n'osèrent rien dire.
Le matin, le roi vint trouver la sorcière et lui demanda comojent elle
allait. <( Pas trop bien, et si je ne mange de la biche blanche au bois, je
mourrai. » Le roi poursuivit encore la biche, mais elle se cachait dans
les taillis, dans les broussailles, et il ne put l'atteindre.
La nuit, la reine revint encore :
c( Bichaudelle, ouvre-moi ta porte.
coHTËS popu urnes lorrains ^47
— Pkh-il, dame ? — Où est le roi ?
Le roi est-il couché? — Oui, dame, il est au chevet,
Qui tient sa dame par la main.
— Hélas! plus qu'une nuit, mon cher fils.
Et si le roi ton père ne me délivre,
le serai donc toute ma vie biche blanche au bois. »
Les serviteurs avaient encore entendu les paroles de la reine, et cette
fois ils les rapportèrent au roi.
Le matin, le roi vint demander à la sorcière comment elle allait, a Pas
trop bien, et si je ne mange de la biche blanche au bois, je mourrai. »
Le roi poursuivit la biche, mais il ne la pressa pas tant que les autres
jours. La biche se cachait dans les taillis, dans les broussailles, et elle
échappa au roi.
La nuit, la reine revint; le roi s'était caché dans un coin de la
chambre.
« Bichaudelle, ouvre-moi ta porte.
— Plaît-ii, dame ? — Oà est le roi ?
Le roi est-il couché? — Oui, dame, il est au chevet,
Qui tient sa dame par la main«
— Hélas ! plus que cette nuit, mon cher fils.
Et si le roi ton père ne me délivre,
Je serai donc toute ma vie biche blanche au bois. »
ft Non, ma bien-aimée, » s'écria le roi, » vous ne le serez pas plus
longtemps. » Au même instant le charme fut rompu. Le roi fit mourir U
méchante sorcière et vécut heureux avec sa femme.
Ce petit conte doit être rapproché de plusieurs contes étrangers dans lesquels
il ne forme qu'un épisode du récit. Celui qui lui ressemble le plus, à notre
connaissance^ est un coote suédois (Cavallîus, p, 142 de la trad. allemande)^ où
la mère de la fausse reine demande au roi, pour guérir sa fille^ le sang de la
petite cane, comme la sorcière demande à manger de ta biche blanche ^ Dans
ce conte^ la vraie reine revient aussi trois nuits ; chaque fois elle demande au
petit chien ce que fait la sorcière, etc.
Dans un conte russe (Ralston, Russtan Folk-TâUs^ p, [84), la vraie reine»
changée en oie sauvage par sa marâtre, qui lui a substitué une stenDC fille,
I . Ce trait se rencontre dans des contes qui difTèrent du« nôtre pour tout le
reste. Ainsi, dans on conte grec moderne, recueilli dans TAsic Mineure (Hahn,
n* 49), une jeune fille, fiancée d*un prince, est changée en un poisson dVjr par
une négresse qui prend sa place auprès du prince Voyant que celui-ci a beau-
coup de plaisir â regarder le poisson d'or, la négresse fait la malade et dit que,
pour qu^elle soit guérie, il faut qu'on tue îe poisson et qu'on lai en fasse du
Douilton. De même, dans une variante italienne, la négresse demande â manger
pour se guérir une tourterelle qui n'est autre que la vraie fiancée du prince
(Comparetti, n<> 68).
54^ E. CÛSQUIN
revient trois nuits de suite pour allaiter son enfant. La troisième ibis, il
faudra qu'elle s'envole pour toujours c par delà les sombres forêts, par ddi
les hautes montagnes. »
Dans un conte catalan {Rondallayre, 3^ série, p. 149), une reine a été
changée en colombe blanche par une gitana^ qui a pris sa place auprès du roi ;
elle vient plusieurs fois sous cette forme demander au jardinier du château
comment se trouve le roi avec sa c reine noire » et ce que hh son enfant à
elle.
Voyez encore les deux contes allemands de la collection Grimm^ Petit Frht
et Pet'ae Saur (n» 11) et les Petits hommes de la forêt (n« 1 j), avec les remar-
ques de Guillaume Grimm sur le n^ 11. (Cf. un conte islandais de la collection
Arnason, trad. angl., 2« série, p. 443).
On peut enfin comparer, comme ayant beaucoup d'analogie avec le nôtre, le
conte allemand La Fiancée blanche et la Fiancée noire (Grimm, n^ 1 3 s) et un conte
lithuanien (Chodzko, Co/z/M ^d5 Paysans et des Pâtres slaves, 1864, p. 315).
Dans ces deux contes, une marâtre, qui conduit sa belle-fille à un roi que
celle-ci doit épouser, la jette dans l'eau en la transformant en cane et loi
substitue sa propre fille. Trois nuits de suite, la cane vient au palais du roi et
(dans Grimm) demande ce que devient son frère et ce que fait le roi, ou (dans
Chodzko) va pleurer sur le cercueil de son frère. Cf. un conte islandais (Arnason,
op, cit. p. 23$) et deux contes siciliens (Gonzenbach, n^^ 13 et 33).
En Orient, nous trouvons dans un livre siamois un trait qui n'est pas sans
ressemblance avec un passage de notre conte lorrain (Asiatic Researches, t. XX,
Calcutta, 1836, p. 345). Une yak (sorte d'ogresse ou de mauvais génie) a pris
la forme d'une belle femme et est devenue l'épouse favorite d'un roi. Voulant se
débarrasser des autres femmes du roi, douze princesses sœurs, elle feint d'être
malade et dit qu'elle ne pourra guérir que si on lui donne les yeux de douze
personnes nées de la même mère. Il n'y a que les douze princesses qui se trou-
vent dans ce cas, et le roi leur fait arracher les yeux. — Nous ferons remarquer
à ce propos que, dans un des contes islandais mentionnés plus haut (Arnason,
p. 443), une troll* prend aussi la forme d'une belle femme et se substitue
auprès du roi à la vraie reine qu'elle a fait disparaître.
XXll.
JEANNE ET BRIMBORIAU.
Un mendiant passait dans un village en demandant son pain; il frappa
à la porte d'une maison où demeurait un homme appelé Brimboriau avec
Jeanne sa femme. Jeanne, qui se trouvait seule à la maison, vint lui
ouvrir : « (^ue demandez-vous? — Un morceau de pain, s'il vous plaît,
I . Les trolls jouent à peu près dans l'imagination islandaise le même rôle
que les yaks dans l'imagination siamoise.
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^49
— El OÙ allez-vous ? — Je m'en vais au Paradis. — Oh ! bien, » dit b
femme, « ne pourriez- vous pas porter une miche de pain el des provisions
à ma sœur qui est depuis si longtemps en Paradis ? elle doit manquer de
tout. Si je pouvais aussi lui envoyer des habits, je serais bien contente.
— Je vous rendrais ce service de tout mon cœur, » répondit le mendiant,
a mais jamais je ne pourrai me charger de tant de choses. !i me faudrait
au moins un chevaL — Qu'à cela ne tienne ! » dit la femme, « prenez
notre Finette; vous nous ta ramènerez ensuite* Combien vous faut-il de
temps pour faire le voyage ? — je serai revenu dans trois jours. »
Le mendiant prit la jument et partit, chargé d'habits et de provisions.
Bient6t après, le mari rentra : « Où donc est notre Finette ? « dit-il —
Ne t'inquiète pas, î» dit la femme; « tout-à-l'heure il est venu un brave
homme qui s*en va au Paradis. Je lui ai prêté Finette pour qu'il porte à
ma sœur des habits et des provisions; elle doit en avoir grand besoin.
Je lui en ai envoyé pour longtemps. Ce brave homme reviendra dans
trois jours, «
Brimboriau ne fut guère content ; pourtant il attendit trois jours^ et,
au bout de ce temps, ne voyant pas revenir la jument, il dit à sa femme
de se mettre à sa recherche avec lui. Les voilà donc tous les deux à
battre la campagne. En passant près d*un endroit où l'on avait enterré
un cheval, Jeanne vit un des pieds qui sortait de terre. « Viens vite, »
cria-i-elle à son mari; (* Finette commence à sortir du Paradis, »> Brim-
boriau accourut, et, quand il vit ce que c^était, il fut fort en colère.
Sur ces entrefaites, survinrent des voleurs qui emmenèrent Briraboriau
et sa femme. Les pauvres gens trouvèrent moyen de s'échapper, et
emportèrent en se sauvant une porte que les voleurs avaient enlevée
d'une maison. Comme il se faisait tard, ils montèrent tous les deux sur
un arbre pour y passer la nuit, Brimboriau tenant toujours sa porte.
Bientôt après, le hasard voulut que les voleurs vinssent justement sous
cet arbre pour compter leur argent. Pendant qu'ils étaient assis tran-
quillement, Brimboriau laissa tomber la porte sur eux. Les voleurs
effrayés se mirent à crier : « C'est !e bon Dieu qui nous punit ! ^ Et ils
s*enfuirent en abandonnant Targent. Brimboriau s'empressa de le
ramasser, et dit à sa femme : « Ne nous fatiguons plus à chercher
Finette; nous avons maintenant de quoi la remplacer, i)
Nous avons entendu raconter à Montters-sur-Sautx ce ccntc de plusieurs
manières. Dans une de ces variantes^ le mari, en rentrant i la maison, est si
fiiché de voir le cheval partie qu'U décroche la porte pour la jeter sur le dos de
sa femme. Jeanne s'enfuit, Jean court après elle, tenant toujours sa porte.
Survient une troupe de voî(?urs; Jean et Jeanne grimpent sur un arbre avec la
porte pour n'être pas aperçus. l*es voleurs viennent s*asseoir au pied de
l'arbre, etc. — Ici* Tèpisode de la portr est amené plus naturellement.
5 50 E. COSQUIN
Dans une autre version, en partant à la recherche du cheTal, rhonine, aussi
simple que sa femme, prend la clef de la maison et dit à sa femme de prendre
la porte sur son des, c de peur que les voleurs n'entrent. > Une troisième va-
riante met en scène un petit garçon emportant la porte de la maison, c ponr
qu'elle soit bien gardée. >
Dans une quatrième variante, apparatt un nouvel élément. Un jour, ob
homme dit à sa femme de faire une soupe maigre, c Pourquoi maigre, * dit la
femme, « puisque nous avons du lard? — Le lard, t répond le mari, c c'est
pour dorénavant (dorénavant, plus tard), i Un pauvre^ qui passait, a entendu la
conversation. Quand l'homme est à la charrue, il frappe et dit qu'il est
f Dor'navant. i La femme s'empresse de lui donner sa plus belle bande de lard
et lui tire du vin. Le pauvre lui ayant fait croire qu'il revient du Paradis, elle
lui parle d'une sienne fille, qui est morte, f Je la connais, > dit le pauvre;
fl elle sera bien aise d'avoir ses habits. > La femme les lui donne, ainsi qn'one
jument pour porter tout ce bagage. A son retour le mari est bien fâché, etc.
Les différents thèmes qui composent ce conte lorrain et ses variantes, figu-
rent, soit séparés, soit réunis^ dans divers autres contes français et étrangers.
Prenons d'abord le thème de l'homme qui prétend revenir du ciel. Nous le
retrouvtns dans un conte français du Vivarais (Mélas'me^ 1877, ^^ ^> col. 135);
un conte allemand de la Souabe (Ernst Meier, Deutsche Volksmarchcn ans
Schwaben, Stuttgart, 1852, n» 20); un conte suisse (Sutermeister, n* 23); un
conte norvégien (Asbjœmsen, t. I, n» 10 de la trad. ail.); un conte anglais
(Baring-Gould. Appendice à la fin des Notes on Folklore of the Northern count'us
of England and the Borders. By W. Henderson [Londres, 1866], n» 3); un
autre conte anglais (Af^/iuin^, 1876, ifi 15, col. 352); un conte valaque
(Schott, n° 43), — tous contes dans lesquels il se présente isolé; — dans des
contes de diverses parties de rAllemagne (Grimm, n' 104; Meier, p. 303;
Prœhle, Kinder-und Volksmarchcn, n° 50), un conte du Tyrol allemand (Zin-
gerle, I, n® 14), un conte des Valaques de la Moravie (Wenzig, Wcstslawischer
Marchenschatz^ p. 41), un conte italien de Rome (miss Busk, The Folk-Lore
of Rome, p. 361), un conte irtandais (F. Kennedy, The Fïreside Stories of Ire-
land, p. 13), — où il est combiné avec d'autres thèmes, souvent (dans Meier,
Prœhle, Zingerle, Wenzig) avec le thème que nous examinerons après celui-ci.
Dans un conte russe (Gubernatis, Zoologïcal Mythology, I, p. 200), ce n'est
pas du ciel, mais de l'enfer, qu'un soldat dit revenir, et il raconte à la bonne
femme qu'il y a vu le fils de celle-ci, forcé de mener paître les cigognes et
grandement à court d'argent.
Dans un bon nombre des contes de ce type, le mari ou le fils de la femme
qui a été attrapée, monte à cheval quand il apprend la chose (ici le cheval
n'a pas été donné par la femme), et poursuit le voleur, et celui-ci trouve
encore le moyen de lui escroquer son cheval.
Ce même thème a été plusieurs fois traité dans la littérature du XVI« siècle.
M. Sutermeister, dans ses remarques sur le conte suisse mentionné plus haut,
renvoie au livre du moine franciscain allemand Jean Pauli, Schimpf und Ernst,
publié pour la première fois en 1519 (feuille 84 de l'édition de 1542), à une
facétie de Hans Sachs, L'Ecolier qui s'en allait en Paradis (3, 3, 18, éd. de Nu-
CONTES POPUtAlHES LORRAINS ^ S I
fg), qui aurait été imitée de Pauli, et au RùtlwagenbûihUtn de Joerg
Wickram (i 555, p. 179 de Téd. de H. Kurz).
La quatrième variante lorraine que nous avons indiquée offre un nouveau
thème, qui se présente sous diverses formes dans les contes suivants : dans un
conte français du Quercy {Mélusinej 1877, n" 4, coL 89), dans des contes alle-
mands ^Proehfe, hc. at.; — Mcicr, toc. cit. ; C. et Th. ColsKom, Marchtn und
Sagcn I Hanovre, 1S54, n* 56), des contes du Tyrol alicmand (Zingerle, ioc.
cit. Cl II, p. (80, wn conte du Tyrol italien (.Schnellcr, n« 56), un conte du
pays napolitain {Jdhrb. fur romanische and cngi, Liuratur^ VIII, p. 268), un
conte des Va laques de la Moravie (Wenzig, toc. cu.)^ un conte anglais (Halli-
wcll, Popuiar Rkymcs and Nursery Tatcs, p. |i). Ainsi, dans tel de ces contes
(Zingerte, \U p* 18$), un homme s'en va en voyage en recommandant i sa
femme d'être bien économe et de garder quelque chose t pour l'avenir. »
Arrive un mendiant qui demande à la femme un peu de lard. « Non, » dit-
elle, i je ne puis rien donner; mon mari est parti ; il faut que je garde tout
pour l'avenir, — Cela se trouve bien» » dit le mendiant, « donnei-moi
le lard : c'est moi qui suis l'Avenir. • Et la femme lui donne tout le lard.
— Dans tel autre (le conte allemand de Colshom), un homme a mis de
côté de Pargcnt, comme il dit en plaisantant, * pour Jean l'Hiver 1 {fur
Hms Winter}. Pendant qu'il est parti, ses enfants demandent aux passants
s'ils s'appellent Jean T Hiver. Un compagnon cordonnier répond que oui, et ils
lui donnent l'argent . Ailleurs, la sotte femme donne l'argent ou les provisions
qui avaient été mis en réserve • pour le long hiver • (dans le conte alle-
mand de Prœhle), 1 pour le temps long 1 (dans le conte du Quercy), t pour
le bes<5in 1 (dans le conte vafaque), etc. Dans le conte allemand de Meier, nous
avons â peu près le début de notre variante lorraine. Un homme dit i sa femme
qu'elle loi (ait trop souvent manger du tard et des pommes séchées au four et
qu'il faut garder cela c pour le long printemps. » Un passant qui a entendu se
donne pour t le long printemps. ■
Venons maintenant au troisième thème principal, Taventure de la porte et
des voleurs. Il ne se rencontre pas ordinairement réuni avec tes deux précé-
dents ou Tun d'eux. Nous n'avons vu cette combinaison que dans le conte du
Quercy, mentionné tout a fheure. Ce thème existe dans un conte bourguignon
(E. Beauvois, Contes popaîaïus de ta Norwége^ de ta Ftntande et de la Bourgogne,
p. 201); dans des contes allemands (Grimm, n^ 59, Kuhn et Schwartz,
Norddeutscbe Sagen^ Marchen and Gcbrauche. Leipzig, 1848, n° 13)^ dans un
conte autrichien iVernaleken, n« 59), dans des contes du Tyrol allemand |Zin*
gerle, I, n^ 24; II, p. ^0), dans un conte du c pays saxon » de Transylvanie
(Haltrich, n- 64; cf. n* 62) ; dans un conte anglais (Halliwell, n* 26), des contes
italiens de Rome (Busk, p. 169 et 574), d'autres contes italiens {Jdhrb. fur
roman, and tngt, Uteratur, VIII, p. 26;), un conte catalan (Rondatlayrc, III^
p. 47), enfin, mais sous une forme mutilée, dans un conte sicilien (Gonienbach,
t. I, p. 251-252; Pitre, ti' 190, p. j66).
Dans nombre de ces contes, il est assez mal expliqué comment il se fait qu'on
prenne avec soi celte fameuse porte. Dans les uns (conte du Quercy, conte
autrichien), c'est parce que la femme ou te jeune homme n'a pas compris ce
552 E. COSQUIN
que lui disaient son mari ou ses frères. Ailleurs, c'est parce que la mère a dit
aux enfants de bien faire attention à la porte (conte allemand de Kuhn et
Schwartz), ou parce que la femme se dit que celui qui est maître de la porte
est maître de la maison (conte allemand de Grimm), etc.
Quelques contes présentent Tidée-mère de cet épisode sous une forme légè-
rement différente. Dans un conte grec moderne (Simrock, Deutsche Marcha,
Appendice, n« 2), un fou est mis en prison ; il enlève les portes et les charge
sur son dos. II monte sur un arbre avec son fardeau, puis en dormant il le
laisse tomber sur des marchands qui s'enfuient, et il prend leurs marchan-
dises. Dans d'autres contes grecs modernes, recueillis en Epire (Hahn, n« 34
et surtout variante, t. II, p. 2^9), c'est une meule de moulin que le héros, fou
également, laisse tomber aussi sur des marchands. Dans un conte valaque
(Schott, n« 23), où nous retrouvons les voleurs, c'est un moulin à bras. Enfin,
dans un conte français de l'Amiénois (Milusine, 1877, rr 20, col. 280), un petit
garçon et sa mère, qui s'en vont au marché vendre une peau de vache, grim-
pent sur un chêne en apercevant des voleurs, et le petit garçon laisse tomber
sur eux la peau de vache pendant qu'ils comptent leur or^
En Orient, la collection kalmoucke du Siddhi-Kûr, originaire de l'Inde, nous
fournit le pendant de ces divers récits. Dans le conte n* 6 (trad. ail. deB. Jûlg,
1866), un homme traversant un steppe trouve sous un palmier un cheval mort.
Il en prend la tète comme provisions de bouche, l'attache à sa ceinture et
grimpe sur le palmier pour y dormir en sûreté. Pendant la nuit, arrivent des
démons qui se mettent à festoyer sous l'arbre. Tandis que l'homme les
regarde, la tète de cheval se détache de sa ceinture et tombe au milieu des
démons, qui s'enfuient sans demander leur reste. L'homme trouve sous l'arbre
une coupe d'or qui procure à volonté à boire et à manger.
Dans un petit poëme ou conte recueilli par M. W. RadlofT chez les Tartares
de la Sibérie méridionale (op. cit., t. I, p. 31 1), un fou, qui est entré avec ses
deux frères dans la maison d'un Jaelbaegaen (sorte d'ogre) à sept têtes, parvient,
après diverses aventures, à tuer ce Jaelbaegaen. II lui coupe une de ses sept
têtes, une main et un pied, et emporte le tout avec lui. Poursuivis par un autre
Jaelbaegaen, qui celui-ci est à douze tètes, les trois frères grimpent sur un arbre.
Le Jaelbaegaen vient précisément passer la nuit au pied de cet arbre. Tout à
coup, le fou dit à ses frères qu'il ne peut tenir plus longtemps la tête dont il
s'est chargé, et, malgré leurs remontrances, il la laisse tomber. Le Jaelbaegaen,
fort étonné, s'imagine qu'il y a une bataille dans le ciel, puisqu'il pleut des
I. II est assez curieux de remarquer que, dans notre conte lorrain n» 13,
René et son seigneur^ c'est aussi une peau de vache qui effraie, quoique d'une
autre façon, les voleurs et leur fait abandonner tout leur argent. Cette ressem-
blance entre les deux types de contes est ^ans doute fortuite ; mais, ce qui ne
l'est pas, c'est celle qui existe entre notre n® 20, Richcdeau, conte du même
type Que René, et un conte allemand (Grimm, III, p. 102), où se trouve l'épi-
sode de la porte et des voleurs. Dans l'un et dans l'autre, on emprunte un
boisseau pour mesurer de l'argent, et une pièce d'or reste attachée au fond du
boisseau. Ajoutons que notre seconde variante lorraine de Jeanne et Brimboriau,
indiquée ci-dessus^ présente également ce trait du mesurage de l'or, avec la
prétendue explication que Ricnedeau (n® 20) donne de sa fortune.
CONTES POPULAIRES LORRAINS 55^
tètes de Jxlbxgxns, et, quand ensuite le fou lâche successivement la main^ puis
le pied qu'il portait, le Jxibxgxn se dit |que décidément il y a la guerre U-
haut, et il s'enfuit.
Enfin, dans Tlnde elle-même, on peut citer un épisode d'un conte recueilli
dernièrement chez les Santals et dont nous avons déjà fait connaître un fragment
dans les remarques de notre n^ 20.
Gouya et son frère Kanran (/oc. cit,^ p. 258) ont, par ruse, fait périr un
tigre. Ils le dépècent; Kanran prend quelques-uns des morceaux les plus déli-
cats, Gouya choisit les entrailles. Ils montent tous les deux sur un arbre pour
y être en sûreté pendant la nuit. Or, il se trouve qu'un prince, passant par U,
s'arrête avec sa suite sous l'arbre pour s'y reposer. Gouya, qui pendant tout le
temps a eu dans les mains les entrailles du tigre, dit à son frère qu'il ne peut
les tenir plus longtemps, et il les laisse tomber justement sur le prince, profon-
dément endormi. Le prince se réveille en sursaut, et, voyant du sang sur lui,
il s'imagine qu'il a dû lui arriver quelque accident; il s'enfuit comme un fou,
et ses serviteurs, pris de panique, le suivent, abandonnant tout le bagage, qui
est pillé par les deux frères.
Plusieurs des contes européens mentionnés ci-dessus en dernier licii ont, dans
l'épisode des voleurs, un trait qui se retrouve dans une de nos variantes lorraines
(la troisième). Dans le conte allemand de Grimm, la sotte femme a pris avec
elle, outre la porte, une cruche de vinaigre et des pommes séchées au four (ou
dans une variante, des raisins secs). Quand elle est sur l'arbre avec son mari,
elle se trouve trop chargée; elle jette d'abord ses pommes sèches. • Tiens 1 >
disent les voleurs qui sont au pied de l'arbre, c les oiseaux fientent ! • Puis
elle verse son vinaigre, et les voleurs croient que la rosée commence â tomber.
Enfin elle lâche la porte. Dans un des contes tyroliens indiqués plus haut (Zin-
gerle, I, n* 24), les trois frères qui sont sur l'arbre sont si effrayés â la vue
des voleurs, que la sueur d'angoisse dégoutte de leur front, et les voleurs
croient qu'il va pleuvoir *. Dans divers autres contes (conte du Quercy, conte
allemand de Kuhn et Schwartz, conte du « pays saxon t de Transylvanie, conte
grec moderne, conte catalan), ce n'est plus de la sueur qui tombe sur les voleurs,
et le passage est assez grossier. Il se reproduit identiquement dans notre troi-
sième variante lorraine.
I. Deux contes appartenant à un autre thème, celui de notre n* 16, la Fille
du Meunier^ — un conte du Tyrol allemand (Zingerle, I, n* 22) et un conte
lithuanien (Schleicher, p. 9) — ont ce trait ou un trait analague. Dans l'un et
l'autre, les voleurs qui poursuivent la jeune fille viennent â passer sous l'arbre
dans les branches duquel elle s'est réfugiée. Dans le conte tyrolien se trouve
exactement le trait des gouttes de sueur; dans le conte lithuanien, l'un des
voleurs, en passant sous l'arbre, atteint sans le savoir la jeune fille au pied
avec sa longue pique et le sang coule. « Ah! t disent les voleurs, • il commence
â pleuvoir. 1
554
LE POIRIER D'OR.
!l élaiiune fois des gens riches, qui avaieni trois filles. La mère n'ai-
mait pas la plus jeune, elle l'envoyait tous les jours aux champs garder
les moutons et lui donnait, au lieu de pain» des pierres dans un sac : 1j
pauvre enfant mourait de faim.
Un jour qu'elle était à chercher des fraises, elle rencontra un homme
qui lui dit : « Que cherches-tu, mon enfant? — Je cherche quelque chose
à manger. — Tiens, » dit l'homme, « voici une baguette : tu en frap-
peras le plus gros de tes moutons, et tu auras ce que tu pourras désirer. •
Cela dit, il disparut. Aussitôt fa jeune fitie donna un coup de baguette
sur le plus gros de ses moulons, et elle vit devant elle une table bien
servie, du pain, du vin, de la viande, des confitures. Elle mangea de
bon appétit, et quand elle eut fmi, tout disparut. Comme elle fit de
même tous les jours, elle ne tarda pas à devenir grasse et bien portante,
si bien que sa mère ne savait qu'en penser.
Un jour, la mère dit à la seconde de ses filles d'accompagner sa sœur
aux champs, pour s'assurer si elle mangeait. La jeune fille obéit, mais,
à peine arrivée, elle s*endormit. Aussitôt la plus jeune donna un coup de
baguette sur le plus gros de ses moutons : il parut une table bien servie,
et elle se mit à manger ; sa sœur ne s aperçut de rien. Quand elles furent
de retour : u Eh bien! » dit la mère, « as-tu vu si elle mangeait? —
Non, ma mère, elle n'a ni bu ni mangé. — Tu as peut-être dormi ? —
Oh ! point du tout, — Ma mère, n dit alors l'aînée, « j'irai demain avec
elle, et je verrai ce qu'elle fera. »
Quand elles furent aux champs, rainée fit semblant de dormir. Alon
la plus jeune donna un coup de baguette sur le mouton, la table parut,
et elle mangea. Le soir, la mère dit à l*akée : « Eh bien! as-tu vu si elle
mangeait P — Oh ! elle a mangé beaucoup de bonnes choses ! Elle a
donné un coup de baguette sur le plus gros de nos moutons et il a pani
aussitôt une table bien servie, du pain, du vin, de la viande, des confi-
tures. »»
La mère fit semblant d'être malade et demanda à son mari de tuer le
mouton. « Il vaudrait mieux tuer une poule, » dit le mari, — « Non,
c'est ie mouton que je veux manger. » On tua le mouton et la pauvre
enfant se trouva de nouveau en danger de mourir de faim. Elle retcmma
au bois chercher des fraises et des mûres. Comme elle y était occupée,
Thomme qu^elle avait déjà vu s'approcha décile et lui dit : « Que cher-
ches-tu, mon enfant? — Je cherche quelque chose à manger. * L'homme
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^5$
reprit : « Tu ramasseras tous les os du mouton, et lu les mettras en un
tas, près de la maison, n La jeune fille suivit ce conseil, et, à la place où
elle avait mis les os, il s^éleva un poirier d*or.
Un jour, pendant qu'elle était aux champs, un roi vint à passer près
de la maison, ei, voyant le poirier, il déclara quil épouserait celle qui
pourrait lui cueillir une de ces belles poires, La mère dit à ses filles
ainées d'essayer. Elles montèrent sur l'arbre, mais quand elles étendaient
la main, les branches se redressaient» et elles ne purent venir à bout de
cueillir une seule poire. En ce moment la plus jeune revenait des champs.
« Je vais monter sur l'arbre, » dit-elle, — « A quoi bon ? >> dit la mère,
1 u tes sœurs ont déjà essayé, et elles n'ont pu y réussir. » Pourtant la
jeune fille monta sur l'arbre, et les branches s'abaissèrent pour elle. Le
roi tint sa promesse : il prit la jeune fille pour femme et l'emmena dans
son château.
Environ un an après, pendant que le roi était à la guerre, la reine
accoucha de deuK jumeaux, qui avaient chacun une étoile d'or au front.
Dans le même temps, une chienne mit bas deux petits, qui avaient aussi
une éiûile d'or. La mère du roi, qui n'aimait pas sa belle-fille, écrivit à
son fils que la jeune reine était accouchée de deux chiens. A cette nou-
velle, le roi entra dans une si grande colère qu'il envoya l'ordre de
pendre sa femme, ce qui fut exécuté.
VARIANTE.
LES CLOCHETTES D'OR.
[1 était une fois un roi et une reine qui avaient une fille nommée Flo-
rins La reine tomba malade, et, sentant sa fin approcher, elle recom-
manda sur toutes choses à Fiorine de prendre grand soin d'un petit
agneau blanc qu'elle avait et de ne s'en défaire pour rien au monde :
autrement il lui arriverait malheur. Bientôt après, elle mourut.
Le roi ne larda pas à se remarier avec une reine qui avait une fille
appelée Truiionne. La nouvelle reine ne pouvait souffrir sa belle-fille;
elle l'envoyait aux champs garder les moutons, et ne lui donnait pour
toute la journée qu'un méchant morceau de pain noir, dur comme de la
pierre.
Tous les matins donc, Fiorine prenait le morceau de pain et partait
avec le troupeau; mais, quand personne ne pouvait plus la voir, elle
appelait le petit agneau blanc, le frappait avec une baguette sur l'oreille
droite, et aussitôt paraissait une table bien servie. Après avoir mangé,
elle frappait l'agneau sur l'oreille gauche, et tout disparaissait. Sa belle-
556 E. COSQUIN
mère s'étonnait fort de la voir grasse et bien portante. « Oix peut-dk
trouver à manger ? » disait-elle à sa fille. — « J'irai avec elle, > dit un
jour celle-ci, « et je verrai ce qu'elle fait. »
Quand elles furent toutes les deux dans les champs, Truitonne dit à
Florine : « Voudrais-tu me chercher mes poux ? — Volontiers, » répon-
dit Florine. Truitonne mit sa tète sur les genoux de sa sœur et ne tarda
pas à s'endormir. Aussitôt Florine frappa sur l'oreille droite de l'agneau :
une table bien servie se dressa près d'elle, et quand elle n'eut plus faim,
elle frappa l'agneau sur l'oreille gauche, et tout disparut.
Le soir venu, la reine dit à sa fille : « Eh bien ! l'as-tu vue manger?
— Non, je ne l'ai pas vue. — N'aurais-tu pas dormi, par hasard ? —
Oui, ma mère. — Ah ! que tu es sotte ! Il faut que j'y aille moi-même
demain. — Non, ma mère, j'y retournerai; j'aurai soin de ne pas
dormir. »
Le jour suivant, elle demanda encore à Florine de lui chercher ses
poux, et fit semblant de dormir. Alors Florine, croyant n'être pas vue,
frappa sur l'oreille droite de l'agneau; elle mangea des mets qui se
trouvaient sur la table, et, quand elle fiit rassasiée, elle fit tout dispa-
raître.
De retour au château, Truitonne dit à sa mère : « Je l'ai vue se
régaler : elle a frappé sur l'oreille droite du petit agneau blanc, et
aussitôt il s'est trouvé devant elle une table couverte de toute sorte de
bonnes choses. »
La reine feignit d'être malade et dit au roi qu'elle mourrait, si elle ne
mangeait du petit agneau blanc. Le roi ne voulait pas d'abord faire tuer
l'agneau, car il savait combien Florine y tenait; à la fin pourtant il fut
obligé de céder. L'agneau dit alors à la jeune fille : « Ma pauvre Flo-
rine, puisque votre belle-mère veut à toute force me manger, laissez-la
faire ; mais ramassez mes os et mettez-les sur le poirier : les branches se
garniront de jolies clochettes d'or qui carillonneront sans cesse ; si elles
viennent à se taire, ce sera signe de malheur. » Tout arriva comme
l'agneau l'avait prédit.
Un jour, pendant que Florine était aux champs, un roi vint à passer
près du château. Voyant les clochettes d'or, il dit qu*il épouserait celle
qui pourrait lui en cueillir une. Truitonne voulut essayer ; sa mère la
poussait pour Taider à monter sur le poirier, mais plus elle montait, plus
Tarbre s'élevait, de sorte qu'elle ne put même atteindre aux branches.
« N'avez-vous pas une autre fille ? » demanda le roi. — « Nous en avons
bien une autre, » répondit la belle -mère; « mais elle n'est bonne qu'à
garder les moutons. » Le roi voulut néanmoins la voir, et attendit qu'elle
fût de retour des champs. Quand elle revint avec le troupeau, elle s'ap-
procha de l'arbre et lui dit : « Mon petit poirier, abaissez-vous pour
CONTES POPULAIRES LORRAINS JJJ
moi, que je cueille vos clochettes, h Elle en cueillit plein son tablier» et
les donna au roi. Celui-ci l'emmena dans son château» et Tépousa.
Quelque temps après, Florine tomba malade. Son mari, qui était
obligé à ce moment de partir pour la guerre» pria la belle-mère de Flo-
rine de prendre soin d*elle pendant son absence, A peine fut-il parti, que
la belle-mère jeta Florine dans la rivière et mit Truitonne à sa place.
Aussitôt les clochettes d'or cessèrent de carillonner. Le roi ne les enten-
dant plus (on tes entendait à deux cents lieues à la ronde), se souvint
que sa femme lui avait dit que c'était un signe de malheur, et reprit en
toute hâte le chemin du château. En passant près d'une rivière, il
aperçut une main qui sortait de Teau ; il la saisit et retira Florine qui
n'était pas encore tout à fait morte. Il la ramena au château, fit pendre
Truitonne et sa mère, et le vieux roi vint demeurer avec eux.
Dans U variante Us Chchettes d*or^ les noms de la fille du roi et de cette de
la reine, Florine et Truitonne, sont empruntés kVOiuâu bteu^ de M"**d'Aulnoy ;
c*cst, du reste, la seule chose qui ail passé de ce conte dans te nôtre. Une
autre variante, également de Montiers-sur-Saulx, a emprunté encore i
M"** d'Aulnoy les noms des héros, Gracuasc et Ptranet. Là, c'est Pcrcinet,
l'i amoureux » de Gracieuse, qui donne à celle-ci, persécutée par sa marâtre, la
baguette avec laquelle elle doit frapper l 'oreille gauche d*un mouton blanc.
Dans cette variante manque l'épisode de Tarbre, et la conclusion est directe^
ment empruntée au conte de M»"^ d'Aulnoy : Gracieuse, jetée dans un trou par
ordre de sa marâtre, appelle Percinet à son secours, et celui-ci, qui est c un
peu sorcier >, la fait sortir du trou par un souterrain qui aboutit à sa maison«
La fin du Pùirier d'or donne, sous une forme mutilée, une partie du thème
développé dans notre n» 17, VOisiau de Virile. Celle de la variante Us Clochettes
d^or présente aussi, croyons-nous, une altération. Dans des contes allemands
(Grimm, n** 1 j cl n*» 1 1 var.), la reine est aussi jetée dans Teau par sa marâtre,
qui lui substitue sa propre fille; mais, en tombant dans Teau, elle est changée
en oiseau, et la suite du récit se rapproche de notre n" 21, la Bukc blanche^ et
des contes analogues, Notre conte lorrain n'est pas, du reste, le seul qui
soit incomplet sur ce point Dans un conte breton {Mélusme^ 1S77, n" ï8,
col- 421 scq.) et dans un conte basque (W. Webster, Basque UgmdSy p. 187
seqOt q*^i| l'un c^ Tautre, se rattachent à la fois aux contes que nous exami*
Qons et à ta Bkhc blanchi^ la reine, jetée dans un puits ou dans un précipice,
ne subît non plus aucune métamorphose et, comme dans tes Ctochtttcs d'or^ elle
est sauvée d'une manière qui n'a rien de merveilleux.
Au sujet du passage réaliste de cette même variante, dans lequel Truitonne
demande à Florine de lui chercher ses poux, nous ferons remarquer que c'est \k
^on détail qut se trouve dans un grand nombre de contes populaires aliemands,
uèdois, serbes, grecs modernes, etc.
Si nous comparons maintenant, pour ce qu'ils ont de commun, notre conte
lorrain et ses variantes aux collections déjà publiées, tl nous faut d'abord men*
itonner dans la cotlecttoo Grimm le conte de la Lusace Simplml^ Doublail a
558 E. COSQUIN
Triplail (n* 150). En dehors d'un conte des bords du Rhin, Guillaume GriniB
ne connaissait pas en 1856 de conte analogue.
Nous pouvons rapprocher de nos contes lorrains un conte bourgoigoon,
recueilli avec deux ou trois autres du même pays par M. E. Beanvois {Coaus
populaires de la Norwige^ de la Finlande et de la Bourgogne^ 1862, p. 239).
Dans ce conte intitulé la Petite Annette, c'est par sa marâtre (comme dans les
Clochettes d'or et dans l'autre variante lorraine) et non par sa mère (comme dans
le Poirier d'or) que la jeune fille est maltraitée. Il en est ainsi, du reste, dans
presque tous les contes du genre du nôtre. C'est la Sainte Vierge qui apparaît
à la petite Annctte et qui lui donne un bâton dont elle doit frapper un bélier
noir, et aussitôt il se trouve là une table servie. C^uand Tatnée des deux filles
de la marâtre est envoyée aux champs pour surveiller Annette, celle-ci l'endort
en récitant cette formule : < Endors- toi d'un œil, endors-toi de deux yeux, t
Elle répète les mêmes paroles à la cadette, à qui sa mère a mis un troisième
œil derrière la tête (sic), de sorte que cet œil reste ouvert. Comme dans notre
conte, la marâtre feint d'être malade et demande à son mari de lui tuer le bélier.
Suit, comme dans notre conte aussi, l'épisode de l'arbre qui pousse à la place
où a été enterré le foie du bélier.
Dans un conte écossais (Campbell, n^ 43), la servante que la marâtre envoie
aux champs avec sa belle-fille pour épier celle-ci a aussi un troisième œil
derrière la tête, et cet œil ne s'endort pas. Aussi peut-elle voir une brebis grise
apporter à manger â la jeune fille. Après que la brebis a été tuée, le conte
passe dans le cycle des récits du genre de Cendrillon,
Un conte dont le début est analogue à celui du nôtre et qui se rapproche
ensuite, comme le conte écossais, des récits du genre de Cendrillon, c'est le
conte norwégien de Kari Trastak (Asbjœrnsen, n» 19 du i<' vol. de la trad.
allemande). La princesse, obligée de garder les vaches et mourant de faim, est
secourue par un taureau, dans l'oreille gauche duquel se trouve une serviette
qui donne à boire et à manger autant qu'on en désire. Dans un conte du
« pays saxon » de Transylvanie (Haltrich, n° 33), c'est aussi un taureau qui
file pour une jeune fille, persécutée par sa marâtre, dont la fille a trois yeux,
une énorme quenouille de chanvre qu'elle doit avoir filée pour la fin de la
journée < .
1. Ce détail des c trois yeux • rattache bien évidemment aux contes
analysés ci-dessus le conte transylvain, et, par lui, divers contes où une ma-
râtre persécute sa belle-fille non pas en la faisant mourir de faim, mais en
lui imposant une tâche impossible, toujours la même que dans le conte tran-
sylvain. Ainsi, dans un conte toscan (Gubernatis, Novclline di S. Stefano^
n" 1), Nena reçoit de sa marâtre l'ordre d'avoir filé pour le soir une
demi-livre de laine. Une vieille lui conseille d'aller dire à la vache qu'elle
mène paître de lui filer celte laine. Le lendemain, la marâtre la fait accom-
pagner par sa fille à elle ; la vieille dit â Nena de peigner sa sœur, qui ne tarde
pas à s'endormir (cf. notre variante les Clochettes d'or)^ et la vieille nie ; le jour
d'après, la sœur ne s'endort pas et la jeune fille est battue. Le conte ensuite
passe dans un autre cycle. — Dans un conte romain (Busk, Folk-Lore of Rome,
p. 31), c'est la vache elle-même qui propose à la jeune fille de faire son
ouvrage, pendant que celle-ci ira lui couper de l'herbe. Ici, comme dans notre
conte lorrain le mouton, la vache est tuée par ordre de la marâtre et, à partir
CONTES POPULAIRES LORRAINS {f9
Dans un conte istandaîs, dont le commencetnent a quelque rapport avec cetui
de nos contes lorrains (Arnason, irad. anglaise, 2' série, p. 2$^), c*esi la mère
de Mjadveig, maltraitée par la sorcière, sa marâtre, qui lui donne, en lui appa-
raissant pendant son sommeil, une serviette tou)ours remplie de provisions. La
fille de la sorcière surprend le secret et enlève à Mjadveig la serviette mer-
veilleuse.
Citons encore deuf contes russes qui se rapportent pour tout l'ensemble 1
nos contes lorrains et surtout au conte allemand de Grimm« Dans le premier,
provenant du gouvernement d'Arkhangel (Ralston» Russian Folk-TaUs^ p, jSjj,
nous rencontrons un trait des plus curieux. La princesse Marya est obligée par
sa marâtre de garder une vache, et on ne lui donne qu'une croûte de pain dur.
Mais, I arrivée auit champs, elle s'inclinait devant la patte droite de la vache,
et elle avait à souhait i boire et à manger et de beaux habits. Tout le long du
jour, vêtue en grande dame, elle suivait la vache; le soir venu, elle s'inclinait
de nouveau devant la patte droite de la vache, ^tait ses beaux habits et retour-
nait à ta maison, » Dans ce conte russe, la marâtre fait aussi espionner successi-
vement sa belle fille par ses deux filles à elle, dont la seconde a trois yeux. Des
entrailles de la vache, enterrées par Marya près du seuil de la maison, it pousse
un buisson couvert de baies, sur lequel viennent se percher des oiseaux qui
chantent de la plus charmante façon. Seule, Marya peut donner au prince une
)atte remplie des baies du buisson : les oiseaux, qui avaient presque crevé les
yeux aux filles de la marâtre, cueillent ces baies pour elle. Le conte ne se ter-
mine pas au mariage du prince avec Marya ; il passe ensuite — comme notre
variante Us Chchetus d'or, — dans une nouvelle série d'aventures, où se trouve
développé le thème que notre variante ne fait qu'indiquer d une manière très-
imparfaite. Nous avons eu occasion de résumer cette dernière partie dans les
remarques de notre n'» 2 1 ia Biche biancht.
Dans un autre conte russe (Gubernatis, Zoohgical Mythohgy^ L I, p. 17^
181. Cf. Ralston, p. 260), une jeune fille doit en une nuit avoir filé, tissé et
blanchi pour sa marâtre un poids de cinq livres de chanvre. La vache qu'elle
garde lui dit d'entrer dans une de ses oreilles et de ressortir par l'autre {su}^ et
tout sera fait. La marâtre envoie successivement pour la surveiller ses trois
filles, qui ont l'une un ceil, Tautre deux, Tautre trois, A l'endroit du jardin otk
de cet endroit, nous passons à l'histoire de Cendrillon. La c fée * du conte de
Perrault, c'est ici une c balle d'or t, que la vache a dit à la jeune fille de
recueillir sous son cœur^ quand on Taura tuée, et qui accomplit ses souhaits.
(Comparez le conte sicilien n" p de la collection Gonzcnbach). Du reste,
d'autres contes, portant le titre de Ctndnllon sont encore à citer ici. Dans le
CcndnUon serbe (Vouk, n*» j2), c'est aussi une vache oui file pour Cendrillon.
La marâtre, quand elle en est avertie, fait tuer la vacne. Cendrillon recueille
les os de la vache, ainsi que celle-ci lui a dit de le faire, et, à la place o2i
elle les a enterrés, elle trouve tout ce qu'elle peut désirer, Ce qu'il y a ici de
remarquable, c'est que la vache n'est autre que ta mère de la |cune fille, victime
d'un mauvais sort. — Dans le Cendrillon allemand (Grimm, n^ 2t), Cendrillon
s'en va pleurer près de la tombe de sa mère sur laquelle elle a planté un arbre
(Comparez l'arbre qui pousse à la place où l'on a enterré les os du mouton ou
de la vache], et chaque fois il vient se percher sur l'arbre un bel oiseau blanc,
— rame de sa mère évidemment, — qui lui donne tout ce qu'elle demande.
560 E. COSQUIN
la jeune fille a enterré les os de la vache, il s'élève un pommier à fruits d'or,
dont les branches d'argent piquent et blessent les filles de la marâtre, tandis
qu'elles offrent d'elles-mêmes leurs fruits à la belle jeune fille, pour que celle-ci
puisse les présenter au jeune seigneur dont elle deviendra la femme.
En Orient, nous pouvons rapprocher de tous ces récits un conte populaire
actuel de l'Inde^ recueilli par miss M. Frère dans son ouvrage déjà mentionné
Old Deccan Days (n'» 1) : Les sept filles d'un roi sont tourmentées par leur
marâtre, qui ne leur donne presque rien à manger. Elles vont pleurer sur la
tombe de leur mère. Un jour, elles voient pousser sur cette tombe un oranger
pamplemousse ; elles en mangent chaque jour les fruits et ne touchent plus an
pain que leur donne la reine. Celle-ci, fort surprise de ne pas les voir maigrir,
dit à sa fille, à elle, d*aller les épier. Les princesses, excepté la plus jeune quia
le plus d'esprit, donnent chacune un de leurs fruits à leur belle-sœur, qui va
raconter la chose à sa mère. Alors celle-ci fait la malade et dit au roi que, pour
la guérir, il faut faire bouillir l'arbre dans de l'eau et lui mettre de cette eao
sur le front. Quand l'arbre est coupé, un réservoir près de la tombe de la
défunte reine se remplit d'une espèce de crème qui sert de nourriture aux sept
princesses. La marâtre, qui l'apprend par sa fille, fait renverser le tombeau et
combler le réservoir. De plus, elle fait la malade et dit au roi que le sang des
princesses peut seul la guérir. Le roi n'a pas le courage de les tuer; il les
emmène dans une jungle, et, quand elles sont endormies^ il les abandonne et tue
un daim à leur place. Sept princes, fils d'un roi voisin, qui sont à la chasse, les
rencontrent, et chacun en prend une pour femme.
Citons encore, comme oflfrant du rapport avec notre Poirier d'or, un conte
grec moderne (Hahn, no 1). Une jeune fille nommée Poulia, dont le frère Aste-
rinosa été changé en agneau, est devenue la femme d'un prince. La reine-mère
la déteste : un jour elle fait jeter Poulia dans un puits et tuer Tagneau. Poulia
parvient à sortir du puits; elle rassemble les os de Tagneau et les enterre au
milieu du jardin. A cet endroit, il pousse un grand pommier portant une pomme
d'or que personne ne peut cueillir ; mais les branches s'abaissent pour Poulia.
Ce conte grec peut servir de transition entre les contes que nous venons
d'étudier et un cycle voisin, dont nous voulons simplement dire un mot. Dans
les contes de ce cycle, ce n'est plus pour priver quelqu'un de secours ou même
pour lui faire de la peine qu'on tue certain animal ou qu'on abat certain arbre :
c'est parce qu'on soupçonne ou plutôt qu'on reconnaît l'existence sous cette
forme d'une personne détestée, que l'on poursuit à travers plusieurs transfor-
mations successives. Mentionnons, brièvement, comme types de cette sorte de
contes, un conte grec moderne (Hahn, n* 49), mieux conservé que des contes
analogues, italien et français, des XVII«et XV!!!® siècle [P entameront^ n*49« —
Grimm, III, p. 308); un conte allemand du t pays des Saxons • de Tran-
sylvanie (Haltrich, n® i); un conte actuel de l'Inde (miss Frère, op. cit., n^ 6),
et enfin toute la dernière partie du vieux conte égyptien, traduit sous le titre
de Roman des Deux- Frhres * .
i. Nous avons étudié dans la Revue des Questions historiques (octobre 1877,
p. S02 seq.) les ressemblances surprenantes que ce conte du X-V* siècle avant
notre ère présente avec des contes actuels d'Europe et d'Asie.
CONTES POPULAIRES LORRAINS
{6i
LA LAIDE ET LA BELLE,
Il était une fois un roi et une reine, qui avaient chacun une fille d'un
premier mariage. La fille de la reine était affreuse à voir^ elle avait trois
Lyeux, deux devant et un derrière ; celle du roi était fort belle.
Il se présenta un jour au château un jeune prince, qui voulait épouser
la fille du roi. La reine déclara au roi que sa fille à elle se marierait la
première, et cacha la belle princesse sous un cuveau
Le prince, ne sachant pas qu'il y avait deux princesses, partit avec ta
laide pour aller célébrer les noces dans son pays. En les voyant passer,
les enfants criaient :
<i Hé ! le beau ! il prend la laide et il laisse la belle j
La belle est sous le cuveau. *
Le prince, surpris, demanda à la princesse : * Que disent-ils doncr
— Ne faites pas attention à ce que peuvent dire des enfants, t» répondit-
elle. Mais le prince réfléchit à ce qu^il venait d'entendre; il retourna au
château du roi ei y resta trois jours. Enfin il découvrit où était la belle,
ett après avoir mis la laide sous le cuveau, il emmena la belle dans son
royaume, ou il Tépousa.
On a vu que le conte précédent U Poirûr d'or et ses variantes de M on tiers •
surSaulx se rapprochent du n* i jo de la collection Grimm. Simplœil, Doubiml
et Tnplail. Le petit conte que nous venons de donner rappelle deux détails du
conte allemand, qui n'existaient pas dans nos contes lorrains : ta t laide • a
trois yeux, comme Triplœil, et U reine cache ta * belle t sûus un cuveau,
comme la mèchanle mère cache Doublœi! sous un tonneau.
Dans le conte serbe de Ccminllon (Voulc, n'» ji), cité dans les remarques de
Dire numéro précèdent , quand le prince vient pour essayer la pantoufle, la
clle*mèrc cache Cendrillon sous une huche et dit au prince qu'elle n'a qu'une
rStle-, mais le coq de la maison se met à chanter : « Kitceriki! la jeune ftlle est
sous la huche 1 ■ comme dans notre conte tes enfants cnent : € La belle est
sous le cuveau T » (Comparez le conte allemand de Cendrillon, n* 21 de lacolL
Crimm. Les deux sœurs de Cendrillon réussissent à mettre la pantoufle en se
coupant, l'une l'orteil^ Tautre le talon* Le prince les emmène Tune après
l'auire; sur son passage deux colombes chanlenl : § Roucou, roucou, le soutier
plein de sang, le soulier est trop petit; la vraie fiancée est encore à ta maî-
on. » — Ce passage se retrouve presque identiquement dans te conte islandaii^
cité dans nos remarques du Poirier d*or\.
Dans le conte toscan des Novelline di S, Sltjano (n« 1), cité au même endroit,"
un prince vient p©ur épouser la • belle. » La mariltre met celle-ci dans un ton*
neau, voulant ensuite y verser de l'eau bouillante^ et le prince emmène sur son
Romanlajv )6
562 E. COSQUIN
cheval la fille de la marâtre, cachée sous un voile. Un chat se met à dire :
f Miaou, miaou, la belle est dans le tonneau; la laide est sur le cheval du roi. »
Le prince met la laide dans le tonneau, où sa mère sans le savoir la fait périr.
— Cf. la fin de deux contes italiens des collections Busk (p. 35) et Comparetti
(n«3 0.
Un recueil du XV H* siècle, le P entameront , de Basile, nous offre un récit
analogue. A la fin du conte n^ 30, une marâtre, Caradonia, envoie sa bdle-fille
Cecella garder les cochons. Un riche seigneur, Cuosemo, la voit et va la
demander en mariage à Caradonia. Celle-ci enferme Cecella dans un tonneaa
avec l'intention de l'y échauder, et elle donne sa propre fille, Grannizia, à Cuo-
semo, qui remmène. Furieux d'avoir été trompé, Cuosemo retourne chez Cara-
donia, qui est allée à la forêt chercher du bois pour faire bouillir Teau. Un chat
noir se met à dire : c Miaou, miaou, ta fiancée est enfermée dans le tonneau. 1
Cuosemo délivre Cecella et met Grannizia à sa place. La vieille échaude sa
propre fille et, de désespoir, va se jeter â la mer.
XXV.
LE CORDONNIER ET LES VOLEURS.
Un pauvre cordonnier allait de village en village en criant : « Souiien
à refaire ! souliers à refaire ! d Sa condition lui paraissait bien triste^ et
il maugréait sans cesse contre les riches : u Ils sont trop heureux, •
disait-il, (c et moi je suis trop malheureux ! »
Un jour, en passant devant une revendeuse, il eut envie d'un fromage
blanc. « Combien ce fromage ? — Quatre sous. — Les voilà. » Il mit
le fromage dans son sac et poursuivit son chemin. Il rencontra plus loin
une marchande de mercerie : « Combien la pelote de laine ^ — C'est
tant. )) Il en prit une et se remit à marcher en sifflant.
Arrivé au milieu d'un bois, il vit devant lui un beau château ; il y entra
hardiment. Ce château était habité par des voleurs. « Camarades, » leur
dit le cordonnier, v voulez-vous jouer avec moi au jeu qui vous plaira ^. —
Volontiers, t> répondit le chef de la bande, «jouons à lancer une pierre en
l'air. Si tu jettes plus haut que moi, le quart du château t'appartient. «
Le voleur lança très-haut sa pierre. Le cordonnier, lui, tenait dans sa
main un petit oiseau ; il le lança en l'air de toutes ses forces comme si
c'eût été une pierre : l'oiseau s'envola et disparut. Les voleurs furent
bien étonnés de ne pas voir retomber la pierre. « Tu as gagné, « dit le
chef au cordonnier, « le quart du château est à toi. Jouons maintenant à
qui fera sortir le plus de lait de ce chêne : si tu gagnes, tu auras un
autre quart du château. »
Le voleur étreignit le chêne d'une telle force qu'il en fit sortir du lait.
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^6^
Le cordonnier s'étaii mis sur Testomac son fromage blanc, il embrassa
l'arbre à son tour, et l^on vit le lait couler en abondance. *f C'est toi
qui as gagné, » dit le voleur. <t Maintenant jouons la moitié du château
contre l'autre moitié, à qui fera le plus gros fagot. *»
Le voleur monta sur un chêne, coupa des branches et en fit un énorme
fagot. Le cordonnier grimpa sur l'arbre après lui, et se mil à entourer
toute la tête de l'arbre avec sa pelote de laine, <^ Que fais-tu là ? » lui
demandèrent les autres. — « Je fais un fegot avec tout ce chêne. —
Arrête, »» dit le chef des voleurs. « Ce n'est pas la peine de continuer : tu
as gagné, nous le voyons bien d'avance. »
Us rentrèrent îous ensemble au château, et Ton conduisit le cordonnier
dans la chambre où il devait passer la nuit. En regardant autour de lui,
le cordonnier vit pendus au mur un grand nombre d^habits de toute
espèce. « Hum ! « se dit-il, « les gens de ce château ne seraient-ils pas
des voleurs ? Il faut se méfier* » Il prit une vessie remplie de sang et la
mit dans le lit à sa place; lui-même se cacha sous le lit. Au milieu de la
nuit, trois voleurs entrèrent dans la chambre» s'approchèrent du lit sans
faire de bruit, et l'un d'eux y donna un grand coup de couteau. * Le
sang coule ! i* dit-îL Le second tît de même. « Oh ! » dit le troisième, « il
ne doit pas encore être mort ; je vais l'achever. » Et il frappa à son tour.
Cela fait, les trois voleurs se retirèrent.
Le lendemain matin, les voleurs étaient réunis dans une des salles du
château quand ils virent entrer le cordonnier, « Quoi! » s'écrièrent-ils,
H lu n*es pas mon ? — Vous voyez, j) dit le cordonnier. — « Ecoute, u
lui dirent les voleurs; « si tu veux nous laisser le château, nous te don-
nerons un sac plein d'or. » Le cordonnier accepta la proposition et partit
bien joyeux. Mais, pendant qu'il traversait la forêt, d'autres voleurs
tombèrent sur lui et le dépouillèrent. «» Ah î n s'écria- t-il, •' que j'étais
sot d'envier le sort des riches : ils ont tout â craindre. Moi, je suis plus
heureux qu'eux. »
De retour dans son pays, il trouva une belle jeune fille qui lui plut ; il
répousa et vécut heureux.
Ce conte correspond aux n*» 20 cl 183 de la collcGlîon Grimm. Nous renver-
rons aux remarques de G. Gnmm sur ces deux numéros, ainsi qu'aux remarques
de M. R. Kœhler sur un conte gascon de la collection Cénac*Moncjut
{Jûhrbuch fur romamchi imd tnglischi Uuratar^ V, p. ^), sur des contes italiens
(ibid.. Vil, p. 16; VIU^ p. 2$2) et sur un conte sicilien (Gonzenbach, n« 41)-
Aux contes cités dans ces remarques, npus a|outerons un conte hongrois
(n* 1 1 de la collection Gail-Stier. Pesth, 18^). un conte des Tsiganes de la
Bukovine (Af/m. de tAc. de Vitnnc^ t. 2} I1874]. p. 286), deux contes suisses
(Suterroeister, n^ jo cl 41), un conte basque (Wenlworlh Webster, Bas^at
Ugmdt, London, 1877, p. 7-9. Cf. un passage d'un autre conte également
564 E. COSQUIN
basque, p. 14-1 5 )> un conte lapon (dans la revue Germania, t. 15 [1870], o« 7
des contes lapons traduits par M. Liebrecht), et, pour Tépisode do iromage
blanc, un conte sicilien (Pitrè^ no 83).
Notre conte a beaucoup de rapports avec un autre de nos contes lorrains
déjà publié, le Tailleur et le Géant (n» 8 de notre collection). Il n*est même pas
rare de voir à des contes étrangers analogues au conte le Cordonnier et la
Voleurs^ une introduction dans le genre de celle de l'autre conte lorrain. Parmi
ceux qui n'ont pas cette introduction et qui se rapprochent par conséquent
davantage du conte que nous examinons en ce moment, nous mentionnerons un
conte grec moderne de Pile de Tinos (Hahn, t. II, p. 211), un conte du t pays
saxon » de Transylvanie (Haltrich, no 27), un conte italien de Vénétie {Jahrb.
fur rom. und engl. Lit,^ VII, p. 16)^ etc.
Le conte lorrain présente une altération assez notable du thème primitif : les
voleurs sont un souvenir affaibli des géants, drakos, diables, etc., qui figurent
dans les contes étrangers. D'un autre côté, le récit a pris la tournure d'une
leçon morale.
On peut aussi faire remarquer qu'un trait du thème primitif se présente ici
sous une forme particulière. Dans la plupart des contes de ce type, c'est en
faisant sortir de l'eau d'une pierre, — c'est-à-dire, en réalité, du petit-lait d'un
fromage mou, — que le tailleur, cordonnier, etc., donne au géant, drakos, etc.,
une haute idée de sa force. De son côté, dans plusieurs de ces contes, le géant
a d'abord broyé une pierre entre ses doigts (dans Grimm, n» 20, il a vraiment
fait sortir de l'eau d'une pierre ; mais, sous les doigts du petit tailleur, il en
ruisselle en apparence bien davantage). — Dans notre conte lorrain, c'est d'uo
arbre qu'il s'agit de faire sortir du lait^ de la sève. Comparez dans un conte
gascon (Contes populaires de la Gascogne^ par Cénac-Moncaut, 1861, p. 90),
l'épisode où Juan doit, sur l'ordre de son seigneur, lancer une pierre contre un
arbre de façon à le faire « saigner. » Juan s'en tire en lançant un œuf contre
l'arbre.
Un livre populaire anglais, Jack le Tueur de géants j dont on connaît une édi-
tion datée de 171 1, présente un des épisodes de notre conte lorrain. Jack, qui a
demandé l'hospitalité à un géant, entend pendant la nuit celui-ci se dire à lui-
même qu'un bon coup de massue va le débarrasser de son hôte. Il met une
bûche dans le lit à sa place. Le lendemain, le géant, qui croit avoir tué Jack,
est fort étonné de le voir s'avancer vers lui. « Ah ! c'est vous ! » lui dit-il,
« comment avez-vous dormi ? n'avez-vous rien senti cette nuit ? — Rien, » dit
Jack, « si ce n'est, je crois, un rat qui m'a donné deux ou trois coups avec sa
queue, n — Cette hâblerie de Jack se retrouve, sous des formes plus ou moins
analogues, dans la plupart des contes de ce type ; elle a disparu de notre conte
lorrain.
En Orient, un voyageur a trouvé le pendant de tous ces contes. Dans un conte
persan (Malcolm, Sketches of Persia. Londres, 1828, t. II, p. 88), un homme
d'Ispahan, nommé Amîn, obligé dans un voyage de traverser certaine vallée
hantée par des ghouls (sorte d'ogres), prend pour toutes armes une poignée de
sel et un œuf. Il rencontre effectivement un ghoul. Sans se déconcerter, il lui
dit que lui, Amîn, est le plus fort des hommes et qu'il voudrait se mesurer avec
CONTES POPULAIRES LORRAINS 565
lui. Il le défie d'abord de faire sortir de l'eau d'un caillou. Le ghoul ayant
essayé en vain, Amtn glisse son œuf dans le creux de sa main ; puis, saisissant le
caillou, il le presse, et le ghoul stupéfait voit un liquide couler entre les doigts
du petit homme. Ensuite, par un procédé du même genre, Amtn tire du sel
d'une autre pierre. Le ghoul, peu rassuré, se fait humble et invite le voyageur
â passer la nuit dans sa caverne. Amtn le suit. Quand ils sont arrivés chez le
ghoul, celui-ci dit à son hôte d'aller chercher de l'eau pour le repas, tandis que
lui-même ira chercher du bois. Amtn, ne pouvant seulement soulever l'énorme
outre du ghoul, s'avise d'un expédient; il se met à creuser le sol et dit au ghoul
qu'il lui fait un canal pour amener l'eau chez lui, en souvenir de son hospita-
lité ^ c C'est bon, i dit le ghoul, et il va remplir l'outre. Après le souper, il
indique à Amîn un lit au fond de sa caverne. Dès qu'Amîn entend le ghoul
ronfler, il quitte son lit et met à sa place des coussins et des tapis roulés. Sur
ces entrefaites, le ghoul se réveille; il se lève tout doucement, prend une massue
et frappe sept fois de suite sur ce qu'il croit être Amîn endormi; puis il va se
recoucher. Amîn regagne lui aussi son lit et demande au ghoul ce que c'est que
cette mouche qui sept fois de suite s'est posée sur son nez. Le ghoul, étonné,
effrayé, s'enfuit, et Amîn peut s'esquiver de son côté. — La fin de ce conte
persan, que nous laissons de côté, est identique à celle de plusieurs des contes
mentionnés plus haut (voir, par exemple, le conte allemand de Transylvanie,
le conte tsigane^ le conte grec moderne n* 2 ^ de la collection Hahn) ; elle n'a
plus de rapport avec notre conte lorrain.
XXVI.
LE SIFFLET ENCHANTÉ.
Il était une fois un roi et ses deux fils. Ce roi avait un oiseau si beau
et si charmant, que jamais on n'avait vu son pareil ; aussi y tenait-il
beaucoup.
Un jour qu'il lui donnait à manger et que la porte était ouverte, l'oi-
seau s'envola. Le roi appela ses fils, et leur dit : « Celui de vous deux
qui, d'ici à un an, retrouvera l'oiseau, aura la moitié de mon royaume. »
Les deux frères partirent ensemble, et, arrivés à une croisée de che-
min, ils se séparèrent. Bientôt l'aîné fit la rencontre d'une vieille femme :
c'était une fée. « Où vas-tu? » lui dit-elle. — «Je vais où bon me semble;
cela ne te regarde pas. )> Alors la vieille alla se mettre sur le chemin où
passait le plus jeune. « Où vas-tu, mon bel enfant ? — Je vais chercher
l'oiseau que mon père a laissé envoler. — Eh bien ! voici un sifflet. Va
I. Il y a ici une altération. Dans plusieurs des contes mentionnés ci-dessus,
le petit homme creuse la terre autour d'une fontaine et dit au géant qu'il va lui
rapporter toute la fontaine, comme, dans notre conte lorrain et dans d'autres,
il prétend vouloir rapporter tout un arbre ou toute une forêt.
566 E. COSQUIN
dans la forêt des Ardennes; tu donneras un coup de sifflet et tu diras :
Je viens chercher l'oiseau de mon père. Tous les oiseaux répondroa:
C'est moi^ c'est moi. Un seul dira : Ce n'est pas moi. C'est celui-là quH
faudra prendre. »
Le prince remercia la vieille, mit le sifflet dans sa poche et s'en aUi
dans la forêt des Ardennes. Il donna un coup de sifHet et dit: a Je viens
chercher Toiseau de mon père. » Tous les oiseaux se mirent à crier :
« C'est moi, c'est moi, c'est moi. » Un seul dit : <c Ce n'est pas md. »
Le prince le saisit et reprit le chemin du château de son père.
Il rencontra bientôt son frère, qui lui demanda : <r As-tu trouvé l'oi-
seau ? — Oui, je l'ai trouvé. — Donne-le-moi. — Non. — Eh bien! je
vais te tuer. — Tue-moi si tu veux. » Son frère le tua, creusa un trou
et l'y enterra; puis il retourna chez son père avec l'oiseau. Le roi,
bien content de ravoir son oiseau, fit préparer un grand festin, et y
invita beaucoup de monde.
Cependant, le chien d'un berger, passant dans la forêt, s'était mis à
gratter à la place où le jeune prince était enterré. Le berger, qui avait
suivi son chien, aperçut quelque chose à l'endroit où il grattait, et crut
d'abord voir un doigt qui sonait de terre ; il regarda plus attentivement
et vit que c'était un sifflet; il le prit et le porta à ses lèvres. Le sifflet se
mit à dire :
w Siffle, siffle, berger,
C'est mon frère qui m'a tué,
Dans la forêt des Ardennes. «
Le maire du pays, qui était le voisin du berger, entendit parler du sifflet
et Tacheta. Ayant été invité au festin du roi, il prit le sifflet pendant
qu'on était à table et se mit à siffler :
« Siffle, siffle, maire.
C'est mon frère qui m'a tué.
Dans la forêt des Ardennes. »
Le roi prit le sifflet à son tour :
« Siffle, siffle, mon père.
C'est mon frère qui m'a tué.
Dans la forêt des Ardennes,
Pour Toiseau que tu as laissé envoler, d
Le fils aîné du roi comprit bien que c'était de lui qu'il s'agissait* il
voulut s'enfuir, mais on courut après lui, on le fit revenir et on Tobligea
de siffler aussi :
« Siffle, siffle, bourreau.
Car c'est toi qui m'as tué,
Dans la forêt des Ardennes. »
Aussitôt le roi fit brûler son fils dans un cent de fagots. Ensuite il
CONTES POPULAIRES LORRAINS 567
demanda au berger s'il se rappelait Pendroit où il avait trouvé le sifflet.
Le berger dit qu'il ne s'en souvenait pas bien, qu'il essaierait pounant
de l'y conduire, mais le chien y alla tout droit. Dès qu'on eut retiré le
corps, le jeune homme se dressa sur ses deux pieds.
Le roi, rempli de joie, fit préparer un grand festin en signe de réjouis-
sance, et moi je suis revenu.
Ce conte correspond au conte hessois n* 28 de la collection Grimm et surtout
à la variante également hessoise de la même collection (t. III, p. 55). Nous ren-
verrons aux remarques de Guillaume Grimm sur ce n* 28 et aussi à celles de
M. R. ICœhler sur le conte sicilien n^ 5 1 delà collection Gonzenbach. A l'occa-
sion de ce conte sicilien, très-voisin du nôtre, M. ICœhler mentionne des contes
analogues recueillis dans différentes parties de l'Allemagne, dans le c pays
saxon » de Transylvanie, dans divers pays polonais, dans le Tyrol italien, en
Catalogne, dans une autre partie de l'Espagne, et enfin, en France, dans l'Ar-
magnac.
En France, encore, nous avons à citer une autre variante, publiée par la
Semaine des Fûmil Us (8" année, 1865-1866, p. 709), sans indication de pro-
vince. Dans ce conte, un petit garçon jette sa sœur dans une fontaine pour
s'emparer d'une rose de campanelle (rose artificielle) que leur père a donnée à la
petite. Un jour, longtemps après, le porcher du domaine ayant conduit ses
bétes de ce côté, le verrat se plonge dans la fontaine et en sort avec un doigt
d'enfant dans la gueule. Le doigt se met à chanter :
Verrat de chez mon père,
Ramenez-moi tant doucement !
Pour la rose de campanelle,
Quand j'allais boire à la fontaine,
Mon petit méchant de frère,
Il m'a poussé le nez dedans :
Ramenez-moi tant doucement !
Le porcher prend le doigt, qui chante alors :
Porcher de chez mon père,
Ramenez-moi, etc.
Quand on est arrivé dans la cour du domaine, où le père est batteur en
grange :
Bonnes gens de chez mon père, etc.
L'un des derniers numéros de Mélusine (1877, n* 18, p. 423) renferme un
autre conte français de ce type, recueilli dans la Loire. Outre ces deux contes
français, nous ajouterons à la liste de M. ICœhler, dressée en 1870, un second
conte sicilien (Pitre, n» 79) et trois variantes italiennes du pays napolitain
(V. Imbriani, XII Conti pomigUanesi Napoli, 1877, p. 195 seq.), où les
trois fils d'un roi s'en vont chercher une plume d'un certain oiseau qui doit
rendre la vue à leur père. Là, comme dans plusieurs des contes indiqués ci-
dessus, un berger se fait une flûte avec un os du frère assassiné, et c'est cet os
qui chante et révèle le crime. Dans d'autres contes de ce type, — par exemple
568 ' E. COSQUIN
dans un conte toscan (Gubernatis, Novclline di S. Sufano^ n'* 20) et dan
autre conte italien assez altéré (Comparetti, n* 28), qu'il faut encore joîi
l'un et Tautre à la liste de M. Kœhler, — c'est dans un roseau ou une 2
plante qui a poussé à la place où la victime a été enterrée, que le berger se 1
une flûte. Notre conte lorrain présente en cet endroit une altération do U
primitif.
Nous rencontrons dans le conte catalan indiqué plus haut (RondûlL
i" série, p. ^3), le détail, si peu vraisemblable, même dans un conte mer
leux, du jeune homme retrouvé vivant quand on le retire du trou où il a
enterré.
Enfin la littérature orientale nous offre un trait du même genre, mais <
nous n'oserions pas affirmer la parenté directe avec nos contes, dans un di
chinois intitulé U Plat qui parle (Journal Asiatique, 4* série, vol. f 8, p. j
Un riche voyageur est assassiné par un aubergiste et sa femme, c Pan (
bergiste) brûle le corps de sa victime, recueille ses cendres, pile ses os, do
fait d'abord une espèce de mortier, puis un plat. C'est ce plat qui, appor
l'audience de Pao-Tching, parle et dénonce les coupables, i»
XXVII.
ROPIQUET.
Il était une fois une femme qui avait du fil de chanvre à porter
tisserand. Pendant qu'elle finissait de l'apprêter, le diable entra c
elle et la salua : « Bonjour, ma bonne femme. — Bonjour, monsieur
Si vous voulez, » dit le diable, « je vous tisserai tout votre fil pour r
mais à une condition : c'est que vous devinerez mon nom. — Volontier
.^j- répondit la femme. « Vous vous appelez peut-être bien Jean ? — Non,
chère. — Peut-être Claude ? — Non. — Vous vous appelez donc Fr
S cois ? — Non, non, ma bonne femme; vous n'y arriverez pas. Cep
■ Ji: dant, vous savez, si vous devinez, vous aurez votre toile pour riei
:*/'lJ:îi Elle défila tous les noms qui lui vinrent à l'esprit, mais sans trouvei
jf!^' v.i. nom du diable. « Je m'en vais, » dit celui-ci ; « je rapporterai la toiled
^y. il deux heures, et, si vous n'avez pas deviné, la toile est à moi. »
j: Le diable étant parti, la femme s'en fut au bois pour chercher un fai
Elle s'arrêta près d'un grand chêne et se mit à ramasser des branc
mortes. Justement sur ce chêne était le diable qui faisait de la toile et
taquait, taquait; autour de lui des diablotins qui l'aidaient. Tout en 1
vaillant, le diable disait :
« Tique taque, tique taque,
Je m'appelle Ropiquet, Ropiquet.
Si la bonne femme savait mon nom, elle serait bien aise. »
La femme leva les yeux et reconnut son homme. Elle se hâta d'écr
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^69
sur son soulier le nom qu'elle venait d'entendre, et, en s'en retournant
au logis» elle répéta tout le long du chemin : « Ropiquet, Ropiquet. »
Elle ne fut pas plus tôt rentrée chez elle, que le diable arriva* « Voilà
votre toile, » lui dit-il w Maintenant» savez-vous mon nom ? — Vous vous
appelez Eugène ? — Non, ma bonne femme. — Emile ? — Vous n'y êtes
pas. — Vous vous appelez peut-être bien Ro piquet ? — ^ Ah ' » cria le
diable, «^ si tu n'avais été sous l'arbre, tu ne l'aurais jamais su, « Et il
s'enfuit dans la forêt en poussant des hurlements épouvantables et en
renversant les arbres sur son passage.
Moi, j'étais sur un chêne : je n^ai eu que le temps de sauter sur Tarbre
voisin et je suis revenu.
Ce conte correspond au conte allemand u» 5 ^ de la collection Grimn™ et au
conte sicilien n* 84 de la collection Gonzenbach, M. R, Kœhler a donné dans ses
remarques sur ce dernier conte l'indication des contes de ce genre qui ont été
recueillis en Allcinagne, en Flandre, dans le Danemark» en Suède, en Islande,
en Angleterre, en Irlande, dans le Tyrol itaticn, dans la Masovie (en Polognel,
chez les Slovaques de Hongrie, Nous renverrons également aux remarques de
G. Grimm sur \ç n° ss mentionné ci-dessus, et nous ajouterons en outre à la
liste donnée par M. Kœhler. un conte autrichien (Vernaleken, n^ ijK un conte
basque (Wenlworlh Webster, fîiwfue Legtndi^ p ^6), un conte du nord-oucsl
de la France (dans ta revue Mèlastne, 1877, "* ^» ^^'' '^*^)'
Dans la plupart de ces contes, une jeune fille que son père ou sa mère a fait
passer pour une très habile fileuse, doit devenir reine si elle 61e dans un temps
très-court une énorme quanlilé de chanvre, ou, dans certaines versions, si elle
réussit â transformer de la paille en fil d'or ou de soie, comme ses parents ont pré-
tendu qu'elfe savait le (aire. Un être mystérieux, souvent un diable, lui propose de
se charger de cette tâche. Si elle devine son nom, elle n'aura rien à lui donner;
autrement, elle ou, dans plusieurs versions, son premier enfant lui appartiendra
Dans la plupart de ces contes, ce n'est pas la jeune fille qui entend le diable djre
son nom ; c'est une autre personne, qui ensuite le rapporte à la |cune fille, le
plus souvent sans savoir Tintérèt qu'elle a i le connatlre.
On voit que, dans notre conte lorrain, rélémcnl tragique, st Ton peut parler
ainsi, — le danger qui menace la jeune fille, — a disparu^ Aussi le récit a-t*il
pris une tout autre couleur.
Au commencement du XVlll» siècle, en 170$, M"' Lhérilier mscrajt un conte
de ce genre, Rtcdin-rudon,d^n% son livre mlitufé ta Tour tcnlbrtusc. Contes angUis.
Dans ce conte, altéré en plus d'un endroit et tourné en manière de roman» la
jeune fille, Rosanie, doit, comme dans certains contes actuels, non pas devmer,
mais se rappeler le nom de Thomme habillé de brun dont elle a reçu pour trois
mois une baguette qui lui permet de soutenir â (a cour de la reine sa réputation
peu méritée d'incomparable fileuse. Vers la 6n des trois mois, le prince royal,
qui aime Rosanie, et qui souffre de la voir préoccupée, s'en va h la chasse pour
se distraire. Passant près d'un vieux palais en ruines, tl y aperçoit plusieurs
personnages d'une figure affreuse et d'un habillement bizarre* L'un d*eux fait
570 E. COSQUIN
des sauts et des bonds en hurlant une chanson dont le sens est que si certaite
étourdie avait mis dans sa cervelle qu'il s*appelait Ricdin-ricdon, elle ne tombe-
rait pas entre ses griffes. En rentrant au château, le prince raconte la chose i
Rosanie, qui se trouve ainsi tirée du danger et qui épouse le prince.
Il se raconte, paralt-il, en Suède, une légende qui n'est au fond que notre
conte. C'est la légende de Téglise de Lund. (Voir Une excursion en Suide, par
V. Foumel, dans le Correspondant du lo déc. 1868, p. 868). Il s'agit du géant
Jxtten Finn, qui promet à saint Laurent de bâtir une église; mais, quand Péglise
sera finie, le saint devra avoir deviné le nom du géant; sinon, il devra lai donner
le soleil et la hine ou c les deux yeux de sa tète. • Quand approche le nxnnent
fatal, saint Laurent interroge tous ceux qu'il rencontre et jusqu'aux bètes de h
forêt pour savoir le nom du géant ; mais personne ne connaît ce nom. Eain,
passant le soir dans un pays qu'il n'avait jamais vu, devant une maison, il
entend un enfant qui pleure et sa mère qui lui dit : a Tais-toi, ton père Jaetten
Finn va rentrer, et, si tu es sage, il t'apportera le soleil et la lune, ou les deux
yeux de saint Laurent. 1
Le Magasin pittoresque a publié en 1869 (p. 330) un c vieux conte touran-
geau », fort arrangé, mais dont le fond a de l'analogie avec cette légende sué-
doise. Un paysan doit livrer son fils à un démon si dans trois jours il n'a pu
deviner le nom de celui-ci. La mère de l'enfant entend une voix qui chante
comme font les nourrices : c Cher petit démon, ne pleure pas : ton père Ra-
pax {sic) va t'amener un beau petit compagnon, i
Enfin, en Orient, dans la collection mongole du Siddhi-Kùr^ d'origine indienne,
comme on sait, nous trouvons un récit dont l'idée a beaucoup de rapports avec
les contes ci-dessus et particulièrement avec la légende suédoise et le coote
tourangeau (XV« récit). Le voici, d'après la traduction allemande de M. B.
Jùlg (Inspruck, 1868) :
Un prince a été assassiné par son compagnon d'études et de voyages; en
mourant il a dit un seul mot, dont personne n'a pu comprendre le sens. Le roi
son père rassemble tous les savants, les devins, les enchanteurs du pays et les
fait enfermer dans une tour : si dans huit jours ils ne lui ont pas expliqué le
mot mystérieux, ils seront mis à mort. La veille du jour où expire le délai, un
des plus jeunes, qui est parvenu à sortir de la tour, va se cacher dans une forêt.
Pendant qu'il est assis au pied d'un arbre, il entend des voix qui viennent du
haut de cet arbre. C'est un enfant qui pleure ; en même temps, son père et sa
mère le consolent en lui disant que demain le roi fera mettre à mort mille savants,
f Et pour qui seront leur chair et leur sang, si ce n'est pour nous ? » L'enfant
ayant demandé pourquoi le roi les fera exécuter, le père lui dit que c'est parce
qu'ils ne peuvent deviner ce que signifie un certain mot, dont il lui donne le
sens. Le jeune savant a tout entendu; il se rend auprès du roi, lui explique le
mot en question, par lequel le prince désignait son assassin, et il sauve ainsi la
vie à tous ses confrères.
COMTES P0I>ULA1RES LORRAINS
S7'
XXVIll
LE TAUREAU D*OR.
Il était une fois un roi qui avait pour femme la plus belle personne du
monde. Elle ne lui avait donné qu'une petite fille, fort jolie, dont la
beauté augmentait de jour en jour. La princesse était en âge d*être
mariée, lorsque la reine tomba malade - se sentant mourir, elle appela
le roi près de son lit et lui fit jurer de ne se remarier qu'avec une
femme plus belle qu'elle-même. Il le promît, et, bientôt après, elle
mourut.
Le roi ne tarda pas à se lasser d^ètre veuf, et ordonna de chercher
partout une femme plus belle que la défunte reine, mais toutes les
recherches furent inutiles. Il n'y avait que la fille du roi qui fût plus belle.
Le roi, qui avait en tête de se remarier, mais qui voulait aussi tenir sa
parole, déclara qui! épouserait sa fille.
A cette nouvelle, la princesse fut bien désolée et courut trouver sa
marraine, pour lui demander un moyen d^empécher ce mariage. Sa
marraine lui conseilla de dire au roi qu'elle désirait avoir avant les noces
une robe couleur du soleil. Le roi fit chercher partout, et l'on finit par
trouver une robe couleur du soleil, i^uand on lui apporta cette robe, la
princesse fut au désespoir : elle voulait s'enfuir du château, mais sa
marraine lui conseilla d'attendre encore et de demander au roi une robe
couleur de la lune. Le roi réussit encore à se procurer une robe telle que
sa fille la voulait. Alors la princesse demanda qu'on lui donnât un taureau
d'or.
Le roi se fît apporter tout ce qu*il y avait de bijoux d*or dans le
royaume, bracelets, colliers, bagues, pendants d'oreilles, et ordonna â
un orfèvre d'en fabriquer un taureau d'or. Pendant que l'orfèvre était
occupé à ce travail, la princesse vint secrètement le trouver et obtint de
lui qu'il ferait le taureau creux. Au jour fixé pour les noces, elle ouvrit
une petite porte qui était dissimulée dans le flanc du taureau et s'enferma
dedans , quand on vint pour la chercher, on ne la trouva plus. Le roi
mit tous ses gens en campagne, mais on ne l'avait vue nulle part. Il
tomba dans un profond chagrin,
Cependant, il y avait dans un royaume voisin un prince qui était
malade ; il lui vint aussi la fantaisie de demander «1 ses parents un taureau
d'or. Le roi, père de la princesse^ ayant entendu parler de ce désir du
prince, lui céda son taureau d'or, car il ne tenait pas à le conserver. L^
princesse était toujours dans sa cachette-
Le prince fit mettre le taureau d'or dans sa chambre, afin de Tavoir
572 E. COSQUIN
toujours devant les yeux. Depuis sa maladie, il ne voulait plus avoir per-
sonne avec lui et il mangeait seul ; on lui apportait ses repas dans sa
chambre. Dès le premier jour, la princesse profita d'un moment où le
prince était assoupi pour sortir du taureau d'or, et elle prit un plat,
qu'elle emporta dans sa cachette. Le lendemain et les jours suivants,
elle fit de même. Le prince, bien étonné de voir tous les jours ses plats
disparaître, changea d'appartement ; mais comme il avait fait porter le
taureau dans sa nouvelle chambre, les plats disparaissaient toujours.
Enfin, il résolut de ne plus dormir qu'il n'eût découvert le voleur. Quand
on lui eut apporté son repas, il ferma les yeux et fit semblant de som-
meiller. La princesse aussitôt sortit tout doucement du taureau d'or pour
s'emparer d'un des plats qui étaient sur la table; mais, s'étant aperçue
que le prince était éveillé, elle fut bien effrayée; elle se jeta à ses pieds,
et lui raconta ses aventures. Le prince lui dit : c< Ne craignez rien : per-
sonne ne saura que vous êtes ici. Désormais je ferai servir deux plats de
chaque chose, l'un pour vous et l'autre pour moi. »
Le prince fut bientôt guéri et se disposa à partir pour la guerre.
« Quand je reviendrai, » dit-il à la princesse, « je donnerai trois coups de
baguette sur le taureau pour vous avertir. »
Pendant l'absence du prince, le roi son père voulut montrer le taureau
d'or à des seigneurs étrangers qui étaient venus le visiter. L'un d'eux,
pour voir si le taureau était creux, le frappa de sa baguette par trois
fois. La princesse, croyant que c'était le prince qui était revenu, sortit
aussitôt de sa cachette. Elle eut grand'peur en voyant qu'elle s'était
trompée. Le roi, très-surpris, lui fit raconter son histoire, et lui dit de
rester au château aussi longtemps qu'elle voudrait.
Or, il y avait à la cour une jeune fille qu'on y élevait pour la faire
épouser au prince. En voyant les attentions qu'on avait pour la princesse,
elle fut prise d'une mortelle jalousie. Un jour qu'elles se promenaient
ensemble au bois, cette jeune fille conduisit la princesse au bord d'un
grand trou en lui disant de regarder au fond, et, pendant que la prin-
cesse se penchait pour voir, elle la poussa dedans et s'enfuit. La prin-
cesse, qui était tombée sans se faire de mal, appela au secours. Un
charbonnier, qui passait près de là, accourut à ses cri.s, la retira du
trou et la ramena au château. Justement le prince, la guerre étant ter-
minée, venait d^y rentrer lui-même, et l'on faisait les préparatifs de ses
noces avec sa fiancée. Un grand feu de joie avait été allumé devant le
château. Le prince ayant appris ce qui était arrivé, ordonna de jeter
dans le feu la méchante fille, puis il épousa la belle princesse. On fit
savoir au roi son père qu'elle était mariée; il prit bien la chose, et tout
fut pour le mieux.
CONTES POPULAIRES LORRAINS Ç7^
Il est inutik de faire remarquer la ressemblance de l'introduction de notre
conte lorrain avec celle du conte de Reau d'Ant. Nous n'avons pas à nous
occuper spécialement de ce dernier conte, qui a été étudié par Guillaume Grimm
dans les remarques du n*» 6^ de la collection Grimm et par M. R. Kœhter dans
celles des n«* jS et 2^ de la cotlection Gonzenbach, Bomons-nous X dire un
mol de cette introduction, cVsi-à-dire, pour préciser, de la partie du conte où
I est parlé du projet criminel du roi et des premières demandes que lui fait ta
princesse pour en empêcher l'exécution (demandes de vêlements en apparence
impossibles à fabriquer). On la retrouve notamment dans tes contes suivants ;
un conte allemand (Grimm, n° 6^), un conte lithuanien (Schleicher, p. to), un
conte tchèque de Bohème (Waldau, p. ^02), un conte valaque (Schott^ n*^ ?>»
des contes grecs modernes (Hahn, n" 27 et variantes), un conte sicilien (Gon-
zenbach^ n*" ^8)^ un conte italien de Rome (Busk, p. 84), un conte catalan
{Rondâtlayre^ i''^ série, p 1 1 1)^ des contes basques (Wcnthv^orlh Webster,
p. 16s), un conte écossais (Campbell, n<> 14),
 partir de l'endroit 011 la princesse demande le taureau dV, notre conte déve-
loppe un thème qui s'est jusqu'à présent rencontré assez peu fréquemment dans
les collections. Dans le conte caulan mentionné tout à Theure, la princesse, après
îvoir, sur l'avis de son confesseur, demandé à son père une robe de plumes
Tàt toutes les couleurs, une autre d*écai!les de tous les poissons, et une troisième
• faite d'étoiles 9^ lui demande enfin une boite d'or, assez grande pour qu'elle y
puisse tenir. Quand elle a cette boite, elle s'y enferme et dit à ses serviteurs de
la porter en lieu de sûreté* Ceux-ci, passant dans un royaume oi!i tout le monde
est triste à cause de la maladie du fils du roi, plongé dans une profonde mélan-
colie, se laissent entraîner par l'appât du gain à vendre la boîte d'or, dont on
veut taire présent au prince. La boîte est mise dans sa chambre. Deux nuits de
suite, pendant que te prince est endormi, ia princesse sort de la boîte et va lui
écrire dans la main {sic). La troisième nuit, le prince fait semblant de dormir.
11 voit la princesse et apprend d'elle qui elle esL A partir de ce moment, il
cesse d'être triste et ordonne que désormais on lui apporte dans sa chambre
double part de chaque mets. Par malheur, bientôt te prince est obligé de partir
I pour la guerre. Il donne son anneau à la princesse et dit â ses gens de continuer
porter tous les jours à manger dans sa chambre. Les valets^ fort étonnés de
' cet ordre, vont regarder par le trou de la serrure et découvrent la présence de
la princesse. Ils remportent bien loin dans la boîte d*or, vendent la boîte et
jettent fa princesse dans un trou rempli d'épines. Elle est délivrée par des ber-
gers qui lui font garder les cochons. Cependant le prince, de retour, envoie
partout à la recherche de la princesse ; mais c'est peine inutile, et il retombe
dans sa noire tristesse. Le roi son père ayant fait publier partout qu'il donne-
Pilait une grande récompense â qui rendrait la gaité à son 61s, la porchère se remi
au château, montre au prince Panneau que celui-ci lui a donné et elle épouse le
prmce.
Un conte italien recueilli à Rome (mtss Busk, The Fatk*Lùre of Rome^ p. 911
dont le commencement est altéré, — le roi, père de la princesse, veut simple
ment lui faire épouser un t vieux vilain roi », — présente également beaucoup
de ressemblance avec notre conte lorrain. La princesse demande i son père,
574 K- cosQUiN
avant de donner son consentement, un chandelier d'or, haut de dix pieds et
plus gros qu'un homme. A peine Ta-t'elle qu'elle s'en montre dégoûtée, et elle
dit à son chambellan de Ten débarrasser : le prix qu'il en tirera sera pour lai.
Puis elle s'enferme dans le chandelier. Le chambellan porte le chandelier dans on
pays étranger, et le vend au fils du roi, qui le fait mettre dans sa chambre. Le
soir, quand il revient du théâtre (sic)^ il trouve mangé le souper qu'on lui avait
apporté dans sa chambre. Le lendemain, même chose. La troisième fois, il se
cache et surprend la princesse. Depuis ce moment, il ne sort plus de sa chambre,
et, quand ses parents le pressent de se marier, il dit qu'il ne veut épouser que
le chandelier (la candelura). On le croit fou; mais un jour la reine, entrant à
l'improviste dans la chambre de son fils, voit ouverte la porte ménagée dans le
chandelier et une jeune fille à table avec le prince. Elle comprend alors ce que
celui-ci voulait dire, et, comme le roi et la reine sont charmés de la beauté de
la princesse, le mariage se fait aussitôt.
Nous rencontrons encore à peu près la même idée dans un conte sicilien
(Pitre, I, p. 388), où la princesse, que son père veut épouser, s'enferme avec
des provisions dans un magnifique meuble de bois doré qu'elle fait jeter à la mer.
Un roi recueille le meuble et le fait porter dans son palais. Ici, comme dans le
conte précédent et dans notre conte lorrain, la princesse sort trois fois de sa
cachette pour manger, et le roi la surprend et l'épouse.
Au milieu du XVI« siècle, en Italie, Straparola insérait parmi ses nouvelles
un conte de ce genre (n» 6 des contes extraits de Straparola et traduits en alle-
mand par Valentin Schmidt. Berlin, 1817). La princesse de Saleme, en mou-
rant, remet son anneau à son mari Tebaldo et lui fait promettre, — comme dans
plusieurs des contes mentionnés ci-dessus, — qu'il ne se remariera qu'avec la
femme au doigt de laquelle ira cet anneau. Or l'anneau ne va qu'au doigt de la
fille du prince, Doralice, qui, le trouvant un jour, s'est amusée à l'essayer.
Tebaldo veut épouser Doralice. Celle-ci, sur le conseil de sa nourrice, s'enferme
dans une armoire artistement travaillée que la nourrice seule sait ouvrir et dans
laquelle elle a mis une liqueur dont quelques gouttes permettent de vivre
longtemps sans autre nourriture. Tebaldo, furieux de la disparition de sa fille,
voit un jour l'armoire et, comme elle lui rappelle des souvenirs odieux, il la fait
vendre à un marchand génois, lequel à son tour la vend au jeune roi d'Angle-
terre. Ce dernier la fait mettre dans sa chambre à coucher. Pendant qu'il est â
la chasse, Doralice sort de l'armoire, met en ordre la chambre et l'orne de
fleurs odoriférantes. Cela se renouvelle plusieurs fois. Le roi demande à sa mère
et à ses sœurs qui lui pare si bien sa chambre; mais elles n'en savent pas plus
que lui. Enfin, un matin, le roi fait semblant de partir pour la chasse, et il se
cache dans un endroit d'où il peut voir dans sa chambre par une fente. Dora-
lice est découverte et le roi l'épouse. — La suite du conte n'a aucun rapport
avec notre conte lorrain.
Nous rapprocherons du thème sur lequel sont construits ces divers contes un
thème très-voisin, où nous retrouverons un détail de notre conte lorrain que
nous n'avons pas jusqu'ici rencontré. Voici ce thème, tel que le présente un
conte sicilien (Pitre, n» 37) :
Une reine a mis au monde, au lieu d'enfant, un pied de romarin, si beau qu'il
CONTES POPULAIRES LORRAINS 575
fait Tadmiration de tous ceux qui le voient. Un sien neveu, roi d'Espagne,
obtient d'emporter ce romarin dans son pays. Un jour qu'il joue du flageolet à
côté du romarin, il en voit sortir une belle jeune fille, et il en est de même
toutes les fois qu'il joue de son flageolet. Obligé de partir pour la guerre, le
prince dit à Rosamarina (la jeune fille) que, quand il reviendra, il jouera trois
fois de suite du flageolet et qu'alors elle pourra sortir de son romarin (Comparez
dans notre conte lorrain les trois coups de baguette sur le taureau d'or). Pen-
dant son absence, les trois sœurs du prince entrent dans son appartement et,
trouvant le flageolet, chacune en joue à son tour. A la troisième fois, apparaît
Rosamarina. Les princesses, s'apercevant alors pourquoi leur frère n'aimait plus
à sortir, et furieuses contre Rosamarina, l'accablent de coups et la laissent à
demi morte. — Suit un long épisode où le jardinier chargé par le prince de
soigner le romarin découvre par hasard le moyen de rompre le charme qui
tient Rosamarina attachée à son arbuste. 11 la guérit, et, à son retour, le prince
l'épouse.
Dans un des contes de son P entameront [ifi 2), le Napolitain Basile, au
XVII'' siècle, a développé ce même thème, mais en le gâtant par sa manière
bouffonne et souvent inconvenante.
XXIX.
LA POUILLOTTE ET LE COUCHERILLOT.
Un jour, la pouillotte ' et le coucherillot > s'en allèrent aux noisettes.
En cassant les noisettes à la pouillotte, le coucherillot avala une écale ;
il étranglait.
La pouillotte courut à une fontaine : « Fontaine, donne-moi de ton
eau pour m'abreuver, que j'abreuve le petit coucherillot, qui étrangle en
grand gosillot '. — Tu n'en n'auras pas, si tu ne vas me chercher de la
mousse. »
La pouillotte s'en alla près d'un chêne : c( Chêne, mousse-moi, que je
mousse la fontaine, que la fontaine m'abreuve, que j'abreuve le petit
coucherillot, qui étrangle en grand gosillot. — Tu n'auras rien, si tu ne
vas me chercher une bande. »
La pouillotte alla trouver une dame : « Madame, bandez-moi, que je
bande le chêne, que le chêne me mousse, que je mousse la fontaine, que
la fontaine m'abreuve, que j'abreuve le petit coucherillot, qui étrangle
en grand gosillot. — Tu n'auras rien, si tu ne vas me chercher des pan-
toufles. »
1 . Petite poule.
2. Petit coq.
j. Petit gosier.
576 E. COSQUIN
La pouillotte entra chez le cordonnier : « Cordonnier, pantoufle-moi,
que je pantoufle madame, que madame me bande, que je bande le chêne,
que le chêne me mousse, que je mousse la fontaine, que la fontaine
m'abreuve, que j'abreuve le petit coucherillot, qui étrangle en grand
gosillot. — Tu n'auras rien, si tu ne vas me chercher des soies. >
La pouillotte alla trouver une coche > : « Coche, soie-moi, que je soie
le cordonnier, que le cordonnier me pantoufle, que je pantoufle madame,
que madame me bande, que je bande le chêne, que le chêne me mousse,
que je mousse la fontaine, que la fontaine m'abreuve, que j'abreuve le petit
coucherillot, qui étrangle en grand gosillot. — Tu n'auras rien, si tu ne
vas me chercher de l'orge. »
La pouillotte alla près d'une gerbe : « Gerbe, orge-moi, que j'orge la
coche^ que la coche me soie, que je soie le cordonnier, que le cordonnier
me pantoufle, que je pantoufle madame, que madame me bande, que je
bande le chêne, que le chêne me mousse, que je mousse la fontaine, que
la fontaine m'abreuve, que j'abreuve le petit coucherillot, qui étrangle
en grand gosillot. — Tu n'auras rien, si tu ne vas chercher le batteur. »
La pouillotte s'en alla trouver le batteur : a Batteur, bats la gerbe,
que la gerbe m'orge, que j'orge la coche, que la coche me soie, que je
soie le cordonnier, que le cordonnier me pantoufle, que je pantoufle
madame, que madame me bande, que je bande le chêne, que le chêne
me mousse, que je mousse la fontaine, que la fontaine m'abreuve, que
j'abreuve le petit coucherillot, qui étrangle en grand gosillot. »
Le conte s'arrête, comme on voit, brusquement. Dans la forme complète, la
poule devait, ainsi que dans les contes étrangers de même sujet, finir par avoir
de l'eau, mais arriver trop tard auprès du coq, mort et bien mort.
Dans deux contes allemands (Grimm, III, p. 129 et n^ 80), dans un conte
norwégien (Asbjœrnsen, t. I de la trad. ail., n* 16), dans un conte tchèque de
Bohême (Waldau, p. 341), le coq et la poule vont aussi aux noix, et l'un
d'eux, — dans les trois premiers contes, la poule, — étrangle pour avoir voulu
avaler un trop gros morceau. Dans un conte du t pays saxon » de Transylva-
nie (Haltrich, n^ 75), c'est un pois que la poule avale.
Nous retrouvons dans ces divers contes à peu près la série de personnages
et d'objets mis en scène. Ainsi, dans le conte norwégien, la fontaine, pour
donner de son eau, demande des feuilles; le tilleul, pour donner ses feuilles, un
beau ruban (comparez la t bande » de notre conte lorrain) ; la Vierge Marie,
pour donner le ruban, une paire de souliers; le cordonnier, des soies; le san-
glier, du grain; le batteur, du pain; le boulanger, du bois; le bûcheron, une
hache; le forgeron, du charbon. Le charbonnier donne le charbon, etc. (Ici,
par exception, la poule revient à la vie).
Nous nous éloignons déjà de notre conte lorrain avec un conte allemand de
I. Une truie.
CONTES POPULAIRES LORRAINS 577
la Souabe IMeier, n* 80). Le coq et la poule voyagent ensemble. En sautant un
fossé, le coq prend si fort son élan, que son pbot crève. Ils s'en vont chez ïe
cordonnier, t Cordonnier^ donne-moi du fil, que je recouse mon jabot. » Le
cordonnier demande des soies; la truie^ du lait; la vache^ de l'herbe^ etc.
Ce conte souabe peut servir d'intermédiaire entre notre conte lorrain et deux
contes, Tun allemand (Simrotk, n*^ j6), l'autre suisse (Sutermcistcr, n* \), 06
une souris a tant ri en voyant son compagnon de route, le chat (ou le charbon :
ci, Grimm, n* 18 et 111, p, 27) tomber dans l'eau, que sa t petite panse 1 en
a crevé. Elle va trouver le cordonnier pour lui demander de ta recoudre ; le
cordonnier demande des soies, et ainsi de suite. Comparez un conte catalan» très-
voisin (RondalU)ri^ t. 111, p, 48) et un conte du département de l'Ardèche
(MUtisintj 1877, n* 18, coL 425). — Dans d'autres contes, Tun anglais (Halli-
well, p. )jK l'autre allemand (Meier^ n" 80> le chat a coupé la queue de ta
souris, et tl ne veut ta lui rendre que si fa souris va lui chercher du lait (ou du
fromage). Suit encore tout un enchaînement de personnages.
Ajoutons encore â la liste des rapprochements â faire un coote sicilien
(Pitre, n* 155), dans lequel notre thème est très-bizarrement rattaché â un
autre thème que nous aurons plus lard occasion d'étudier à propos d'un de nos
contes lorrains, trois contes italiens du pays napolitain (V. tmbriani^ Xlf Conti
^migUâncsi^ P- 236 seq.) et un conte écossais (Campbell^ n** 8).
Enfin, notre thème se présente sous une autre forme que celle de conte.
Ainsi, dans la revue Mélusme (1877, n' 6, coL 148), la * randonnée t suivante,
recueillie dans la Loire-fnférieure : * Minette m*a perdu mes roulettes. J'ai dit
i Minette : Rends-moi mes roulettes. Minette m'a dit : Je ne te rendrai tei
roulettes que si tu me donnes croutettes. J'ai été â ma mère (ui demander crou-
tettes. Ma mère m'a dit, etc. » Et à la fm : « Le chêne m*englandc, — J'cn-
glande le porc;..* — Ma mère m'encroûte, — J'encroûte Minette, ^ Et Minette
m'a rendu mes roulettes. • Comparer encore dans Miiasint (1877, n' 9, col.
218) tine c randonnée § du département de TËure, et dans les Cùntti popu'
tains recmllis en Agamis, de M. J,-F. Bladé iParb, 1874), le n' j, Lf lait de
Madame.
En Orient, nous trouvons notre conte chex les Ossètcs du Caucase (Mélanges
asiati^ues^ publiés par T Académie de Saint-Pétersbourg, t. V [1864-1868], p. 99,
ti Bulletin deTAcadémie, t. VIU, p. j6). Le pou et la puce voyagent ensemble;
ils sont obligés de passer Teau. La puce saute sur l'autre bord, mais le pou
tombe dans Teau, La puce s^en va trouver le cochon et lui demande une de ses
soies pour retirer son compagnon. Avant de donner ta soie, le cochon veut avoir
des glands. Le chêne demande que Qûrghùi ne vienne plus souiller le terrain
auprès de lui (su), Qûrghûi veut un œuf. La poule demande que la souris ne
vienne plus ronger son panier; la souris, que le chat ne l'atrape plus ; le chat
veut du latL La vache donne le lait ; le chat le boit et ne prend plus la tourts ;
la souris ne ronge plus le panier : la poule donne un cnif ; Qûrgbdi OiAllge Toaii
et ne souille plus le terrain auprès du chêne; te chêne doniit dit gjiadi; fc
cochon les mange et donne une de ses soies, et la puce retire de Teau um
compagnon, c Aujourd'hui ils vivent encore. •
/tomoMia^ ¥t
il
578 E. COSQUIN
XXX.
LE FOIE DE MOUTON.
Il était une fois un militaire qui revenait de la guerre. Sur son chemin
il rencontra un homme qui lui proposa de faire route avec lui; le mili-
taire y consentit. Les deux compagnons étant venus à passer auprès
d'un troupeau de moutons : « Tiens, » dit l'homme au militaire, « voici
trois cents francs ; tu vas m'acheter un mouton et nous le ferons cuire
pour notre repas. »
Le militaire pfit l'argent et alla demander au berger de lui vendre un
mouton. (( C'est impossible , » dit le l)erger, a le troupeau ne m'ap-
partient pas. — Je te paierai cent francs pour un mouton, » dit l'autre.
Finalement, le berger accepta le marché et le militaire revint avec la
bête.
« Maintenant, » lui dit son compagnon, « nous allons apprêter notre
repas. Va d'abord me chercher de l'eau. » Et il lui donna un vase sans
fond. Le militaire puisa à la plus prochaine fontaine, mais il ne put
rapporter une goutte d'eau; il fallut que l'homme 7 allât luinnême.
Le militaire, pendant l'absence de son compagnon, s'occupa de tare
rôtir le mouton, et, tout en tournant la broche, il prit le foie et le man-
gea. L'homme, de retour, demanda ce qu'était devenu le foie du
mouton. « Le mouton n'en avait pas, » répondit le militaire. « Un
mouton qui n'a pas de foie! cela ne s'est jamais vu. — Moi, » dit le
militaire, « je l'ai déjà vu. — Combien a coûté le mouton? » reprit
rhomme. « — Il a coûté les trois cents francs que vous m'avez donnés.
— Tu as gardé une partie de l'argent, » dit l'homme ; « autrement tu
aurais pu rapporter l'eau dans le vase sans fond. Mais passe pour cette
fois. »
Ils poursuivirent leur route et entrèrent chez une vieille dame, qui
avait bien quatre-vingts ans et qui était fort riche. Elle avait promis la
moitié de sa fortune à celui qui pourrait la faire redevenir jeune comme
à quinze ans. L'homme s'offrit à la rajeunir ; il commença par la tuer,
puis il brûla son corps, mit les cendres dans un linge et fit une fois le
tour du puits. Aussitôt la vieille dame se retrouva sur pied, pleine de
vie et de santé, et jeune comme à quinze ans; elle paya bien volontiers
le prix de son rajeunissement. Quelque temps après, l'homme rendit
encore le même service à une autre vieille dame, et reçut la même récom-
pense.
Or cet homme était le bon Dieu qui avait pris la forme d'un voyageur.
Il fit trois parts de l'argent et dit au militaire : « As-tu mangé le foie
CONTES POPULAIRES LORRAINS 579
du mouton ? — Non, je ne l'ai pas mangé. — Eh bien ! celui qui l'a
mangé aura deux de ces trois parts. — Oh ! alors, » dit l'autre, (c c'est
moi qui l'ai mangé. — Prends tout, » dit le bon Dieu, « mais tu auras
encore besoin de moi. » Et il le quitta.
Le militaire continua son voyage et eut encore une fois la chance de
rencontrer une vieille dame qui voulait aussi rajeunir. Il entreprit la
chose et fit tout ce qu'il avait vu faire au bon Dieu : il tua la dame, brûla
son corps, mit les cendres dans un linge et tourna une fois autour du
puits; mais ce fut peine perdue. Il refit jusqu'à six fois le tour du puits,
sans plus de succès. La justice arriva, et notre homme allait être conduit
en prison quand, fort heureusement pour lui, le bon Dieu le tira d'affaire
en ressuscitant la vieille dame. Le militaire remercia le bon Dieu, et se
promit bien de ne plus s'aviser à l'avenir de vouloir rajeunir les gens.
Comparez dans la collection Grimm le conte autrichien n* 8 1 , ainsi que les
remarques de G. Grimm, qui nous montrent Texistence de contes de ce type
dans la littérature allemande, au milieu du XVl« siècle. Le Novcllino italien, qui
date du XIII« ou de la première moitié du XIV* (Romania^ ^^7 h P* 4^^)) ^^'
tient aussi une nouvelle analogue à notre conte lorrain. Voyez dans la Romania
(1874, p. 181) l'analyse qu'en a donnée M. d'Ancona, et les remarques dont il
Ta accompagnée. Aux contes mentionnés par Grimm et par M. d'Ancona, et qui
ont été recueillis dans diverses parties de l'Allemagne, dans la Silésie autrichienne,
chez les Tchèques de Bohême, en Lithuanie, en Toscane, nous ajouterons un
conte allemand de la collection Simrock (n* 32), qui est, pour ainsi dire, iden-
tique à la nouvelle italienne, un conte flamand de Condé-sur-l'Escaut (Deulin,
Contes du roi CambrinuSy p. 1 16 seq.), et un conte breton (F. -M. Luzel, 3* rap-
port; voir le conte intitulé Porpant).
M. d'Ancona mentionne encore, après M. R. Kœhler, un petit poème persan
de la première moitié du XIII« siècle, dont la source, — au moins la source
immédiate, — est évidemment chrétienne {Zcitschrift der dcutschcn morgenUn-
dischen Gescllschaft^ XIV, p. 280). Là, c'est un morceau de pain que le compa-
gnon de Jésus nie avoir mangé pendant l'absence de celui-ci. Jésus lui donne des
preuves de sa puissance en le faisant marcher avec lui sur la mer, puis en ras-
semblant les os d'un faon quMIs ont mangé ensemble et en rendant la vie à
l'animal, et chaque fois il demande à son compagnon s'il a mangé le pain.
L'autre persiste toujours à nier. Mais quand Jésus a changé en or trois monti-
cules de terre et dit que la troisième part appartiendra à celui qui a mangé le
pain, l'homme s'empresse de dire que c'est lui.
Nous avons entendu, k Montiers-sur-Saulx, faire allusion à une histoire où,
comme dans le conte tchèque ci-dessus (Wenzig, p. 88), saint Pierre, ou plutôt
Pierre, qui n'est encore que disciple, joue vis-à-vis de Jésus un rôle analogue
à celui du c militaire ». La même histoire se trouve en épisode dans le conte
de Grimm où le soldat, en passant une rivière, voit l'eau monter jusqu'à son
cou , puis jusqu'à sa bouche sans vouloir avouer qu'il a mangé le cceur de
l'agneau.
580 E. COSQUIN
XXXI.
L'HOMME DE FER.
Il était une fois un vieux soldat, nommé La Ramée, qui était toujours
ivre et chiquait du matin au soir. Son colonel lui ayant un jour {sût des
remontrances, il tira son sabre, lui en donna un coup au travers du
visage et le tua. Un instant après, le capitaine et le caporal arrivèrent
pour conduire La Ramée à la salle de police, lui disant que le lendemain
il passerait en conseil de guerre. « Caporal, » dit La Ramée, <c j'ai
oublié mon sac sur la table de ma chambre ; cela ne m'arrive pourtant
jamais : vous savez que mes effets sont toujours en ordre. Me permet-
tez-vous de l'aller chercher ? — Va, si tu veux, » répondit le caporal.
La Ramée prit son sac, qui était rempli de pain et le jeta dans la rue ;
puis il sauta lui-même par la fenêtre, ramassa le sac et s'enfuit. Pour se
mettre en sûreté, il passa en Angleterre.
Un soir qu'il traversait un bois, il vit une misérable masure. Comme
il mourait de faim, il y entra et trouva une vieille femme occupée à teiller
du chanvre. Il lui demanda si elle pouvait lui donner un morceau à
manger et un gite pour la nuit. La vieille lui servit une fricassée de
pommes de terre et lui montra dans un coin un tas de chènevottes où il
pourrait coucher, faute de lit.
Le lendemain matin, La Ramée allait se remettre en route, lorsque la
vieille lui dit : « Je sais une chose qui peut faire ma fortune et la tienne.
Dans un certain endroit se trouve un château, dont je te dirai le chemin ;
rends-toi à ce château, entres-y hardiment. Dans la première chambre,
il y a de Tor et de l'argent sur une table ; dans la seconde, des lions; dans
la troisième, des serpents; dans la quatrième, des dragons; dans la cin-
quième, des ours; dans la sixième, trois léopards. Tu traverseras toutes
ces chambres rapidement et sans t'efïrayer. Entré dans la septième
chambre, tu verras un homme de fer, assis sur une enclume de bronze,
et, derrière cet homme de fer, une chandelle allumée : marche droit à
la chandelle, souffle-la et mets-la dans ta poche. Il te faudra ensuite
passer dans une cour où se trouve un corps-de-garde ; les soldats te
regarderont, mais toi ne tourne pas les yeux de leur côté, tiens-les
toujours fixés à terre. Et surtout aie bien soin de faire ce que je te dis ;
sinon il t'arrivera malheur. »
La Ramée prit le chemin que lui indiqua la vieille, et ne tarda pas à
arriver au château. Dans la première chambre il vit sur une table un
monceau d'or et d'argent; dans la seconde, des lions; dans la troisième.
^
^
CONTES POPULAIRES LORRAINS j8l
des serpents ; dans ta quatrième, des dragons ; dans la cinquième, des ours ;
dans la sixième, trois léopards, dans la septième enfin, un homme de fer
assis sur une enclume de bronze, et derrière cet homme de fer, une chan-
delle allumée. La Ramée marcha droit à la chandelle, la souffla et la mit
dans sa poche. Puis il traversa, en tenant les yeux fixés à terre, une
grande cour où se trouvait un corps-de-garde. Quand il fut hors du
château, il s'avisa d^allumer sa chandelle ; aussitôt Thomme de fer, qui
était serviteur de la chandelle, parut devant lui et lui dit : n Maître, que
voulez-vous ? — Donne-moi de Targent, » répondit La Ramée ; « il y a
assez longtemps que je désire faire fortune. » L*homme de fer lui donna
de Targent plein son sac ei disparut.
Alors La Ramée se mil en route pour se rendre à (a capitale du
royaume. Chemin faisant, il vit tout-à-coup devant lui la vieille sorcière,
qui lui réclama la chandelle. H dit d'abord qu'il Tavait perdue^ ensuite il
lui présenta une chandelle ordinaire, « Ce n'est pas celle-là que je
veux, »> dit-elle, u donne-moi vite celle que je t'ai envoyé chercher, n
La Ramée, voyant qu'elle le menaçait, se jeta sur elle et la tua,
Arrivé à la capitale, il se logea à l'hÔtel des princes, où il payait cin-
quante francs par jour. Comme il ne se refusait rien, au bout de quelque
temps son sac se trouva vide, et tl devait la dépense de deux ou trois
journées ; la maltresse de l*hôtel ne cessait de lui réclamer son argent et
de le quereller. La Ramée était dans le plus grand embarras.
Après avoir une dernière fois fouillé dans son sac sans avoir pu en
tirer un liard, il mit la main dans sa poche, espérant y trouver quelques
pièces de monnaie ; il en retira la chandelle. « Imbécile que je suis! »
s'écria-t-il, « comment ai-je pu ne pas songer à ma chandelle? « Il s'em-
pressa de rallumer, et aussitôt l'homme de fer se présenta devant
lui. cf Maître, que désirez- vous ? — Comment! u cria La Ramée,
tt coquin, brigand, tu me laisses ici sans le sou! — Maître, je n'en savais
rien; je ne puis le savoir que par le moyen de la chandelle, — Eh bien!
donne-moi de l'argent. i» L'homme de fer lui en donna plus encore que
la première fois. Pendant que La Ramée était occupé à compter ses
écus et à les empiler sur la table, la servante regarda par le trou de ta
serrure, et courut dire à sa maîtresse que c*était un homme riche et
qu*il ne fallait pas le traiter comme un va-nu-pieds. Aussi, quand il vint
payer, l'hôtesse lui fit-elle belle mine.
Deux ou trois jours après, La Ramée alluma encore sa chandelle :
Phomme de fer parut. « Maître, que désirez-vous? — Je désire que la
princesse, fille du roi d'Angleterre, soit cette nuit dans ma chambre. »
La chose se fit comme il le souhaitait : à la nuit, la princesse se trouva
dans la chambre de l'auberge. La Ramée lui parla de mariage, mais elle
ne voulut pas seulement l'écouter. Elle dut passer la nuit dans un coin de
582 E. COSQUIN
la chambre, et le matin La Ramée ordonna au serviteur de la chandelle
de la ramener au château.
' La princesse avait coutume d'aller tous les matins embrasser son père.
Le roi fut bien étonné de ne pas la voir venir ce jour-là.* Sept heures
sonnèrent, puis huit heures, et elle ne paraissait toujours pas. Enfin elle
arriva. « Ah ! » dit-elle, « mon père, quelle triste nuit j'ai passée ! » Et
elle raconta au roi ce qui lui était arrivé. Le roi, craignant encore
pareille aventure, alla trouver une fée et lui demanda conseil. « Nous
avons affaire à plus fort que moi, » dit la fée, « je ne vois qu'un seul
moyen : donnez à la princesse un sac de son, et dites-lui de laisser
tomber le son dans la maison où elle aura été transportée. On pourra
ainsi reconnaître cette maison. »
Cependant La Ramée avait changé d'hôtel. Un jour, il alluma la chan-
delle et dit à l'homme de fer : « Je désire que la princesse vienne cette
nuit dans ma chambre. — Maître, » dit l'homme de fer, « nous sommes
trahis. Mais je ferai ce que vous m'ordonnez. » Après s'être acquitté de
sa commission, il prit tout le son qui se trouvait chez les boulangers,
et le répandit dans toutes les maisons, de sorte que, le lendemain,
on ne put savoir où la princesse avait passé la nuit.
La fée conseilla alors au roi de donner à sa fille une vessie remplie
de sang : la princesse devait percer cette vessie dans la maison où elle
serait transportée.
La Ramée ordonna encore au serviteur de la chandelle de lui amener
la princesse. « Maître, » dit l'homme de fer, « nous sommes trahis ;
mais je ferai ce que vous me commandez. » Il pénétra dans les écuries
du roi, tua tous les chevaux de guerre et tous les bœufs, et en répandit
le sang partout. Le matin, toutes les rues, toutes les maisons étaient
inondées de sang, si bien que le roi ne put rien découvrir. Il alla de
nouveau consulter la fée. « Vous devriez, » lui dit-elle, « mettre des
gardes près de la princesse. )>
Le soir venu, La Ramée alluma la chandelle. « Maître, » dit l'homme
de fer, « nous sommes trahis; il y a des gardes auprès de la princesse.
Je ne puis rien contre eux. » La Ramée voulut y aller lui-même. Les
gardes le saisirent, l'enchaînèrent et le jetèrent dans un cachot sombre
et humide.
Il était à pleurer et à se lamenter près de la fenêtre grillée de sa prison,
lorsqu'il vit passer dans la rue un vieux soldat français, son ancien cama-
rade. Il l'appela. « Eh! )> dit le soldat, « n'es-tu pas La Ramée ? — Oui,
c'est moi. Tu me rendrais un grand service en m'allant chercher dans
mon hôtel mon briquet, mon tabac et ma chandelle, que tu trouveras
sous mon oreiller. » Le vieux soldat en demanda la permission au ser-
gent de garde, et se présenta à l'hôtel de la part de La Ramée. « C'est
CONTES POPULAIRES LORRAINS 5 8?
ce coquin <jui vous envoie ? » dit l'hôtelier, a Prenez ses nippes^ et que je
n'en entende plus parler* »
Quand La Ramée eut ce qu'il avait demandé, il battit le briquet ci
alluma sa chandelle. Aussitôt Tbomme de fer parut, et les chaînes de La
Ramée tombèrent. « Misérable, rt cria La Ramée» « peux-tu bien me
laisser dans ce cachot! — Maître, « dit i'homme de fer, « je n'en
savais rien* Je ne puis le savoir que par le moyen de la chandelle, —
Eh bien ! tire-moi d'ici. »
L'homme de fer fit sonir La Ramée de son cachot, et lui donna de
Tor et de l'argent, tant quil en voulut; puis La Ramée se fa transporter
sur une haute montagne près de la capitale, et ordonna à l'homme de
fer d y établir une batterie de deux cents pièces de canon; après quoi^ il
envoya déclarer la guerre au roi d'Angleterre.
Le roi fit marcher cent hommes contre lui. La Raraée avait pour armée
cinq hommes de fer. Le combat ne fut pas long ; tous les gens du roi
furent tués, sauf un tambour qui courut porter au roi la nouvelle. Alors
La Ramée somma le roi de se rendre ; mais celui-ci répondit qu'il ne le
craignait pas et envoya contre lui quatre cents hommes, qui furent encore
tués.
Sur ces entrefaites, La Ramée vit passer un aveugle et sa femme;
cet aveugle avait un méchant violon, dont il jouait d'une manière
pitoyable, « Bonhomme ! » lui dit La Ramée, <* tu as un bien beau
violon! — Ne riez pas de mon violon, » répondit l'aveugle, v c'est un
violon qui a pouvoir sur les vivants et sur les morts, — Vends-le-moi, i>
dit La Ramée. — « Je ne le puis, t. dit l'aveugle, »* c'est mon gagne-
pain. — Si l'on t'en donnait dix mille francs, consentirais-tu à l'en
défaire ? — Bien volontiers. »
La Ramée lui compta dix mille francs et prit le violon. Il envoya
ensuite un padementaire dire au roi de lui amener sa fille et de la lui
donner en mariage, sinon que la guerre continuerait. « Il a pour sol-
dats, n dit le parlementaire, « des hommes hauts de dix pieds, armés de
sabres longs de huit pieds. ?• Le roi chargea le parlementaire de répondre
qu'il viendrait s'entendre avec La Ramée. En effet, il arriva bientôt
avec sa fille.
et Je vous donne deux heures pour réfléchir, n dit La Ramée. « Si
vous ne consentez pas â ce que je vous demande, je bombarderai votre
château et voue ville. « Le roi réfléchit pendant quelque temps, « Je
serais disposé à faire la paix, n dit-il enfin, « mais voilà bien des braves
gens de tués. - Sire. » dît La Ramée, « riai n'est plus facile que de
les ressusciter. » Il prit son violon, et, au premier coup d'archet, les
soldats qui étaient étendus par terre commencèrent à remuer, les uns
chcrcham leurs bras, d'autres leurs jambe*, d'autiet leur létc.
$84 E. COSQUIN
A cette vue^ le roi se déclara satisfait et consentit au mariage. Comme
il commençait à se fEÛre vieux, il prit sa retraite, et La Ramée devint
roi d'Angleterre à sa place. Il fallut bien alors que le roi de France loi
pardonnât sa désertion et ses autres méfaits.
Ce conte correspond au conte mecklembourgeois n* 1 16 de la collection Grimm,
La Lumilrc bleue. Nous renverrons à ce conte et aux remarques de GaîUaume
Grimm. Depuis la dernière édition de ces remarques (1856), il a été publié des
contes qui, sur certains points, se rapprochent davantage de notre conte lomio
que le conte mecklembourgeois et que les contes allemands, danois et hongrob,
mentionnés par G. Grimm.
Prenons d'abord un conte allemand recueilli dans le Harz (Ey, Harznutr-
chenbuch, 1862, p. 122). Un vieux soldat, renvoyé du service sans le sou, bien
qu'il ait bravement servi le roi, arrive chez un charbonnier au milieu d'une forèL
Le charbonnier et lui se lient d'amitié et ils font ménage ensemble. Un jour, le
charbonnier demande au soldat si, pour leur bonheur à tous les deux, il veut se
laisser descendre dans un puits de mine où sont entassés d'immenses trésors, et
lui rapporter un paquet de bougies qui s'y trouve. Le soldat y consent. Arrivé
au fond du puits, il voit au milieu d'une grande salle brillamment éclairée un
homme de fer assis sur un trône et, auprès de lui, trois caisses remplies d'or,
d'argent et de pierreries ; le paquet de bougies est au-dessus de la porte. Le
soldat le prend, puis il remplit ses poches de pierreries et se fait remonter par
le charbonnier. Le lendemain, il trouve celui-ci mort. Il s'en va dans une grande
ville et y vit en grand seigneur. Mais un jour vient où ses richesses sont épuisées.
Voyant qu'il n'a plus même de quoi acheter de l'huile pour sa lampe, il prend
une de ses bougies et l'allume. Aussitôt paraît l'homme de fer. Le soldat lui
demande un sac d'or et se rend dans la ville du roi dont il a été si mal récom-
pensé. 11 ordonne à l'homme de fer de lui amener pendant la nuit la princesse;
il fait faire à celle-ci, pour se venger du roi, l'ouvrage d'une servante, et la
maltraite. Le roi dit à sa fille de marquer à la craie la porte de la maison où
elle sera transportée ; mais l'homme de fer marque de la même manière toutes
les maisons de la ville. Le roi dit alors à la princesse de cacher son anneau d'or
sous le lit. On trouve l'anneau et le soldat est condamné à être pendu. Pendant
qu'il est en prison, il réussit à se faire apporter ses bougies, et, quand il est au
pied de la potence, il obtient du roi, comme dernière grâce, la permission d'en
allumer une. Aussitôt l'homme de fer arrive, un gourdin à la main, et assomme
le bourreau et les spectateurs. Le roi crie au soldat de faire trêve et lui donne
sa fille en mariage.
Dans un autre conte allemand (Simrock, Deutsche Marchen, n» 14), l'homme
qui paraît quand on allume la bougie se nomme Jean de fer. C'est, comme dans
notre conte lorrain, une vieille qui demande au soldat de lui aller chercher la
bougie (comparez, du reste, le conie de Grimm); mais, dans tous ces contes
allemands, c'est toujours dans un puits qu'il faut descendre. Le moyen qu'em-
ploie ici le soldat pour faire venir la princesse dans sa chambre est tout différent
de celui des autres contes de ce type. Quand le soldat est en prison, il promet
CONTES POPULAIRES LORRAINS 585
au factionnaire des louis d'or, si celui-ci lui rapporte sa bougie. Une fois qu'il l'a
entre les mains, il ordonne à Jean de fer de démolir la prison et le château du
roi. Alors le roi lui offre sa fille en mariage.
Dans un autre conte allemand de ce type (Prcehle, Kinder-und Volksmarchen,
n* II), nous retrouvons presque identiquement les moyens auxquels recourt le roi,
dans notre conte lorrain, pour découvrir la maison oft sa fille est transportée.
Il fait attacher au-dessous du lit de la princesse, qui, dans ce conte, est emportée
avec son lit, d'abord un sac de pois mal fermé , puis un sac de lentilles, enfin
une vessie pleine de sang. Il espère pouvoir ainsi reconnaître le chemin qu'auront
suivi les ravisseurs. Les deux géants, serviteurs du briquet, qui remplace ici la
chandelle, ramassent tous les pois et toutes les lentilles, mais ils se trouvent
impuissants devant les traces de sang. — Dans le conte mecklembourgeois de
Grimm, où la princesse, d'après le conseil de son père, a rempli sa poche de
pois et les a semés le long du chemin, le c petit homme noir > répand des pois
dans toutes les rues de la ville, et ainsi la précaution de la princesse devient
inutile.
Le violon merveilleux, qui ressuscite les morts, a son pendant dans la guitare
du conte sicilien n" 45 de la collection Gonzenbach.
Il est à peine besoin de le faire remarquer : le thème de notre conte lorrain
et des contes que nous venons d'examiner n'est autre que celui qui a fourni à
l'imagination arabe de si brillants développements dans le célèbre conte des Mille
a une nuitSy Aladin et la Lampe merveilleuse. Nous avons encore, du reste, un
autre rapprochement à faire en Orient. Dans un conte qui a été recueilli par
M. W. Radloffchez les Tartares de la Sibérie méridionale, riverains de la Tobol
{Proben der VolkslUeratur der tûrkischen Stdtmme Sùd-Sibiriens, t. IV» St-Péters-
bourg, 1872, p. 275), un jeune marchand, qui s'est lié d'amitié avec un mollah*,
expert dans la magie, demande à ce mollah de lui faire venir dans sa maison la
fille du roi. Le mollah fabrique un homme de bois, qui, tous les soirs, va prendre
la princesse et la porte dans la maison du marchand. Le roi, ayant eu connais-
sance de ce qui était arrivé à sa fille, ordonne à celle-ci d'enduire sa main de
cire, et, en entrant dans la maison où on la portera, de l'appliquer contre la
porte pour y faire une marque. La princesse suit ces instructions. En voyant la
marque sur la porte, le marchand se croit perdu, mais le mollah lui dit d'aller
mettre de la cire sur la porte de toutes les maisons, et, quand les soldats envoyés
par le roi font leur ronde, il leur est impossible de distinguer des autres la maison
du coupable.
On se rappelle, dans le conte d'Ali Baba des Mille et une nuits^ le passage où
le voleur qui a marqué à la craie, pour la reconnaître, la porte d'une maison,
se trouve ensuite tout â fait déconcerté quand il voit qu'on a marqué de la même
façon toutes les portes des maisons voisines.
1. Mollah^ c'est-à-dire c seigneur i. Dans les pays musulmans on donne ce
nom notamment aux personnes distinguées par leur savoir et leur piété.
586 E. COSQUIN
APPENDICE.
' Quelques rapprochements au sujet de certains contes de nos trois premières
parties nous ayant échappé lors de la publication de ces contes, nous donnerons
ici les principaux.
Le plus important se rapporte à notre conte n^ j, Lu Deux Soldats de 1689.
Nous en avons fait connaître, dans nos remarques, deux formes orientales, —
kirghize et arabe; — aujourd'hui nous pouvons y ajouter une forme indienne,
un conte recueilli dans le Bengale par M. G.-H. Damant {The Indian Antiquarj^
1874, p. 9). Voici le résumé de ce conte :
c Le fils d'un roi et le fils d'un kotwal s'étant liés d'amitié^ se mettent i
voyager ensemble en pays étranger. Un jour, le fils du kotwal dit au fils du roi :
c Vous faites toujours du bien aux autres; quant à moi, je leur fais toujours du
mal. » Le prince ne répond rien, et ils poursuivent leur route^ jusqu'à ce qu'ils
arrivent à un puits, où le prince^ qui a grand'soif, se fait descendre par son
compagnon. Celui-ci l'y abandonne.
c Pendant la nuit, il arrive auprès du puits deux bhuts (sortes de génies), qui
se mettent â causer ensemble. L'un d'eux a pris possession d'une certaine fille
de roi, et personne ne pourra le chasser, si l'on ne fait telle ou telle chose,
qu'il indique; mais personne ne connaît ce secret. A son tour, le second bbut
dit â l'autre qu'au pied d'un arbre voisin il y a cinq pots remplis d'or, sur
lesquels il veille, et personne ne pourra les lui enlever, si l'on ne recourt à td
et tel moyen*.
i Du fond de son puits, le prince a tout entendu, et, le matin, il s'en fait
retirer par un homme qui passe. Précisément cet homme était envoyé par le
roi, père de la princesse possédée par le bhut, pour annoncer partout qu'il
donnerait à celui qui délivrerait sa fille la main de celle-ci et son royaume. Le
prince, profitant des secrets qu'il a surpris, délivre la princesse, puis s'empare
des pots d'or. Les bhuts s'aperçoivent alors que leur conversation a dû être
entendue et ils se promettent de bien surveiller le puits à l'avenir.
« Quelques jours après, le fils du kotwal, ayant appris du prince ce qui s'est
passé, va se cacher dans le puits ; les bhuts l'y trouvent, et ils le mettent en
pièces. »
On remarquera combien ce conte indien est voisin du conte arabe auquel
nous faisions allusion tout à l'heure.
Le commencement de notre conte français, — avec son altération caracté-
ristique, que nous n'avions rencontrée nulle part, — se trouve identiquement
dans un conte allemand du Harz (Ey, Harzmarchenbiich, Stade, 1862, p. 188).
Deux compagnons s'en vont par le monde et gagnent leur pain en faisant des
armes. L'un est bon et un peu simple; l'autre est méchant et rusé. Un jour, ce
dernier dit à l'autre que décidément le métier ne va pas ; il vaudrait mieux que
l'un des deux se rendît aveugle : l'autre le conduirait et ils recueilleraient beau-
I . Dans la variante lorraine Jacques et Pierre^ résumée dans les remarques de
notre n» 7, le lion raconte aux autres animaux que la princesse d'Angleterre a
quatre millions cachés dans un pot.
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^87
coup d'aumônes. Le simple et naïf compagnon se laisse crever les yeux, etc.
Nous rappelons que, dans une note vers h fin de notre n* 19, le Petit Bossu ^
nous avons attiré l'attention sur un passage d'un conte indien qui correspond à
un épisode de notre n^ i , Jean de IVurs.
Aux deux ou trois contes que nous avons rapprochés d'une manière plus
spéciale, pour l'ensemble, de noire n' j, /f Roi d'Angleterre et son FiUeut, il faut
ajouter un conte italien (Comparetti, n* 0, où nous trouvons un trait de ressem-
blance avec notre conte français qui ne s'était pas encore présenté à nous. Un
prince se met en route pour aller voir son oncle le roi de Portugal, qu'il ne
connaît pas» En chemin, on jeune homme se joint à lui et se fait raconter l'objet
de son voyage. Quand ils se trouvent dans un endroit isolé, ce jeune homme
met au prince un pistolet sur la gorge et le force à consentir à ce qu'il prenne
son titre et sa place : le prince passera pour son page. Arrivé à la cour, Tim-
posleur ne tarde pas â faire charger le page d'entreprises dangereuses, entre
autres de retrouver Granadoro, la reine, qui a disparu. (Ce trait correspond
tout-i*fait au passage de notre conte où Adolphe doit retrouver la fille du roi,
qui est on ne sait où.) Grâce aux conseils d'une cavale, le page réussit dans ces
diverses entreprises. Pour aller à la recherche de la reine, il se fait donner un
vaisseau, sur lequel il s'embarque avec la cavale. Pendant la traversée, il
recueille dans son vaisseau un poisson, une hirondelle et un papillon, et ensuite
ces animaux fui viennent en aide quand, avant de revenir avec lui, Granadoro
lui demande successivement de lui apporter son anneau qu'elle a jeté au fond de
la mer^ de lui procurer une fiole d'une eau qui jaillit au sommet d'une montagne
inaccessible et enfin de la reconnaître entre ses deux sœurs, toutes semblables k
elle. De retour à la cour du roi son mari» Granadoro ressuscite au moyen de l'eau
le page que le prétendu neveu du roi a tué, et elle dévoile Timposteur*
Un conte serbe (Archiv fur siawisihe Philologie, Berlin, 1876, p. 271) offre
une grande ressemblance pour Tintroduction avec le conte grec moderne analysé
dans nos remarques sur le Roi d* Angleterre et son Filleul; mais il y manque le
serment qui rapproche tant ce conte grec de notre conte français. Comparez
encore un autre conte serbe (ibid.y p. 270).
Enfin, nous avons trouvé dans un conte allemand (Prœhlc^ Mterehen fur du
Jttgifid^ n* }i) un début qui est absolument celui de notre n* 16 La Fille du
Meumer. La plus jeune fille d'un rot est restée seule pour garder la maison (fie),
pendant que son père et ses soeurs sont en voyage. Une jeune bergère doit venir
coucher toutes les nuits dans sa chambre, afin qu'elfe n'ait point peur. Un soir,
la bergère, avant de se coucher, aperçoit sous le lit de la princesse un homme
tu visage noirci. Elle dit à la princesse qu'elle a oublié quelque chose chez elle
cl s'cntuit sous prétexte de l'aller chercher. Alors l'homme, qui est un chef de
brigands, sort de dessous le lit, et ordonne à la princesse de lui montrer où sont
tous les trésors du château, etc.
Nous aurions pu allonger cet appendice; mais les rapprochements que nous
aurions encore pu faire n'auraient en général ajouté rien de vraiment nouveau à
nos remarques. Une ou deux variantes, que nous publierons dans la suite, nous
fourniront du reste l'occasion de revenir sur certains détails plus importants.
{a suivre,) Emmanuel CosqyiN.
MÉLANGES.
PRUEKES.
Le vers 397 du Dit de l'empereur Coustant^ publié ci-dessus (p. 167),
peut paraître obscur à maint leaeur :
Aies pruekes le parkemin.
C'est pour l'expliquer^ ainsi que d'autres passages analogues, que
j'écris cette note. On verra que ce mot a embarrassé plus d'un éditeur
d'anciens textes.
Une locution usuelle en ancien français est celle d'aller pour une chose
dans le sens d' « aller chercher une chose. » En voici trois exemples : il
serait facile d'en citer d'autres en grand nombre :
Si apela la dame et li dist qu'ele alast por Aucasin son ami. — Aucasin a
Nicolcte, pr. XX.
Amis, aies por vostre mestre. — Barl. et Jos., 141, 14.
Vait por son fil Asternanten. — Troie, 1 5388*.
La préposition /7or, jointe au pronom oc, avait formé l'adverbe poruec»,
signifiant « pour cela », et qui, outre ce sens et le sens conjonctionnel
de (( pourvu 3 », est souvent employé en donnant à por la valeur que je
1 . Cette locution existe encore en espagnol : ir por alguno^ ir por agua,
« aller quérir quelqu'un, aller chercher de l'eau. »
2. Sur poruec dans ce sens, voy. Diez, Et. Wb.^ II c, s. v. avec^ Cachet.
Burguy, II, 318 (où la forme porvec. prise dans Roquefort, est fautive), Renaut^
143,34, etc.
3. Ce sens est assez fréquent; voy. par ex. le Comte de Poitiers, v. 53 : Priuc
au'ele soit de haut parage; Beuve d'Hanstone dans le ms. (anc.) La Val. 80,
i<» 18 : Preuc au' a Hanstone refust a saveté; Partonop. 7846; Gilles de Chin, 1374
(cité dans Gacnet). — On ne s'étonnera pas, connaissant le sens un peu flottant
de diverses conjonctions de ce genre, de voir la nôtre signifier aussi t puis(que) • :
Proec (juefins cuers (jui bet a haut honnour Ne se por oit de tel cose des fendre (H. de
Bregi, Vil, 30, dans Maetzner ; cf. Keller, Romvart, p. 258). Je reconnais ce
mot, estropié par le copiste et signifiant « quoi(que) », dans ce passage de
PRUEKES ^89
viens d'indiquer, en sorte que aler poruec signifie « aller chercher cela,
la chose dont il a été question «. A côté dt porua^ poreuc, porec [cf avec)^
poureuc, pomme ^ on trouve aussi, comme d^ailleurs dans les autres cas^
la forme contractée priitc^ preac^ et de même qu*à côté à^avuec on a
avuekes, avue^uest à côté âHluec iluikeSy illaeques, on a prackes à côté de
preuc. Voici quelques exemples de ce poruec adverbe :
Et quant paroa ala^ mut avoit demuré. — S. Thomai^ v. 2041 .
Rainouals cort portc^ si l'a saisi. — Altsc.^ 7ï97*
Jo irai pruec e lu chi m'atendras* — Aiisc^ 3748,
Jou irai prucc^ certes, se vous volés. — H, de Bord* y 102^9.
Or il est arrivé à poruec^ prutc^ la même chose qu'à avuec. On a perdu
de vue la valeur de la seconde partie du mot, qui en faisait nécessaire-
ment un adverbe, et on en a fait une préposition, ayant à peu près le
sens du simple par, comme avuec a pris par l^usage le sens de odK C'esi
ainsi qu'il se présente dans le vers cité au début de cet article. — Mais
une panicularité de prutc, c'est qu'on a si bien identifié ce mot avec
quérir, dont il offrait à peu près le sens dans la locution aler pruec ^ qu'on
construit pruec comme un infinitif et non comme une préposition ; c'est-
à-dire qu'on le sépare du mot qu*il régit et que souvent ailleurs on l'en
fait précéder. Voici plusieurs exemples de cet usage curieux :
Or venés pnuc quant vous volés ^
^^^^^ Le porcelet Ici estoit mien. — Meunier d'AUti, v. 26%.
^^^^B Et 11 prieus dont prucck ala
^^^^^ Renan, — Cour. Rtn.^ v. 1177.
^^^^^ Jcs irai pi\uc et si les avérés. — H, de Bord,^ v, loyjS*,
^^^^^ Or je
^^^^^K Que tu le me voises pourhuec. — Ren> te Nouy,^ IV ^ 7t.
^^^^H Car entre Barat et Haimet
^^^T^ l-c vcnront anqueniiît poraec. — Bar. et //., v. 189.
^K Vés, dame Douche nous vient prutc. — du Adam^ p. 84*.
^^ Si li dist que s'elc voloit il l'iroit poru, — Chron, d*Ernaut, p. 59*,
I Rcnart U Contnjait : Point pour amye ne la ternit^ Prtng qu'amy a pelé iavoit
" (B* = ms. de Vienne, 19c).
1 . Le troisième composé de ce pcnre, senuec, d'ailleurs moins usité, se pré-
sente toujours avec son sens adverbial.
2. L'éditeur n'a pas compris. Il imprime : Or renis^ pnnc quant vous wlis
Cette faute se retrouve dans la nouvelle édition.
3 . Le ms, b porte Jes irai qutrre^ ce qui indique bien le sens de proie ; le
copiste de ce ms., comme il arrive souvent» a traduit un mot tombé de l'usage.
4. M. Fr, Michel traduit : t Dame Douce vient près de nous. •
j. Porec ou pnuc est )a leçon de quatre ms$.; l'éditeur, qui lit prenc, a préféré
celle des deux mss. qui donnent : il iroit por lai. Cette leçon est bonne aussi,
mais rédileur a eu tort de dire que tous les autres ms$« • ont de mauvaises
leçons ».
590 MàLAKOES
De même qu*aler poruec signifie « aller chercher », envoler poruec signi-
fie <c envoyer chercher ». Adenet le Roi a employé trois fois cette locution
dans les Enfances Ogier :
Charlos refu tost pourou envolés. 1853.
Devant ta tente fist pourou envoyer
Les quatre Turs et les fist convoyer. 4552-
Après la messe fii pouroec envoyés
Li apostoiles et trestous \i ciergiés. 7303.
C'est-à-dire : « On envoya chercher Chariot, — le pape; il fit envoyer
(= il envoya) chercher les quatre Turcs ». M. Scheler n'a pas compris
ces passages : « Pouroec, dit-il sur le v. 1852, signifie d'habitude pour
cela^ dans cette intention; mais cette signification ne se prête ni ici, ni
dans les deux autres passages où il paraît encore. Comme je le trouve les
trois fois accouplé au verbe envoyer (= mander), j'en conclus que l'auteur
lui attribue la valeur de par exprès ». — La conclusion est hâtive :
comment pour cela en viendrait-il à signifier « par exprès ? » Il n'est pas
plus exact qu'envoyer signifie «mander ». Pour dire « mander », Adenet
disait envoier pouroec.
O.P.
II.
DEUX JEUX-PARTIS INÉDITS D'ADAM DE LA HALLE.
Les deux Jeux-partis à' Adam de la Halle que nous publions aujourd'hui
se trouvent dans le ms. fr. 1 109 de la Bibliothèque nationale de Paris
(anc. 7365), et n'ont pas été compris par Coussemaker dans les Œuvres
complètes de ce trouvère artésien. Cet oubli est d'autant plus étonnant
que Coussemaker a connu ce ms., où il a puisé des variantes pour un
grand nombre de Chansons et pour 14 autres Jeux-partis que renferme
aussi le ms. 25566 (^anc. La Vall. 81), qui a servi de base à l'édition;
deux des pièces empruntées à ce même ms. La Vallière n'existent
pas dans le ms. 1 109 ' : ce sont donc 18 Jeux-partis, et non pas 16,
qu'il faut attribuer au Bossu d'Arras (cf. Œuvres complètes d'Adam de la
Halle, Introd. xliii).
Nous retrouvons dans ces deux pièces l'interlocuteur favori d'Adam,
qu'il désigne simplement par Sire^ comme déjà dans les Jeux-partis n"' vi,
VII, VIII, IX et x de l'éd. Coussemaker et qui, d'après Coussemaker, doit
être Jean Bretel,ce qui paraît d'ailleurs fort probable (Fàuchel, Œuvres,
I. Ces Jeux-partis portent dans Tédit. de Coussemaker les n®* x et xv :
Adan, amis, je vous di^ une fois (p. 169-72) — Assignés chi, Griviler, jugement
(p. 193-6).
DEUX JEUX-PARTIS I>'AiDAM DE LA HALLE ^91
i6iOy f 584 v<*, donne à Jean Bretel le titre de Sire); à côté de lui nous
voyons apparaître deux trouvères connus, Audefroi le Bâtard (si c'est bien
lui, comme nous le pensons, qu'il faut reconnaître dans Audefroi) , et Jean
Grieviler, en même temps qu'un nouveau venu, Robillart de Kainsnoi, Si
du reste nous remarquons qu'Adam de la Halle a toujours pris pour juges
de ses Jeux-partis les trouvères de son époque, tels que Audefroi le
Bâtard, Grieviler, Lambert Ferri, Jean Erart, Jean le Cuvelier et autres,
nous admettrons facilement que ce Robillart de Kainsnoiy qui d^amours set
le mestier, doit être un poète artésien, renommé pour ses chansons d'amour,
et dont les œuvres, non plus que celles de Grieviler Qiist. litt. XXIII,
604-;), ne sont parvenues jusqu'à nous.
Mss. fr.
Sire, assés sage vous vol
Pour moi consillier
De chou dont vous vue! proiier :
Se j'aim une dame en foy.
Quant doi estre plus jolis?
U quant je sui si souspris *
Que s'amour 11 proi
Et sui de désir espris,
U quant je sui si ois
Ke j'en ai l'otroi?
— Adan, le conse! de moi
Veer ne vous quier :
Je vous di, au mien cuidier.
Par le foy que je vous doi.
Que moût doit estre esbaudis
Qui de cuer proie toudis,
Et plus que li roi
Cil qui de l'otroi est fis :
Il i a ja tant conquis
Qu'il set bien pour quoy.
— Sire, d'amours, que bien Toy,
Ne savés jugier;
Ciers cante adès au moustier
Et bien sert quant il a poi
Pour estre canoune eslis ;
Et, quant il l'est, si vaut pis :
Pour itant je croi
Cil qui est d'otroi saisis
I.
1109, fol. }2lfr.
Recroit, com hon enrichis
Qui piert l'esbanoy. 50
— Adan, se vo dit ne ploi,
Poi faich a prisier;
) Li prians est en dangier
Tous jours et en grant effroy
Pour paour d'estre escondis ; 3 ^
Mais cil qui l'otroi a pris.
Il est sans anoy :
'^ Plus est liés li bons garnis
D'otroi c'uns prians mendis
N'est : a che m'apoi. 40
— Sire, quant en un tournoy
Prendés chevalier
Pour lui faire fiancier,
Loes le devés laissier quoy
Qu'il est a fiance mis : 45
Se ma dame m'a proumis
Son cuer, plus n'ai loi
D'estre cantans ne polis.
Pour eskiever les mesdis
Pour mi et pour soi. 50
— Adan, mal mon sens emploi
En vous castiier :
On ne puet fol redrecier
A sens, quant prins a son ploi :
Otrois est si signouris, 5 5
Qui l'a si est raemplis
»$
20
Uçons du ms,: \. — 14 doit — 17 li doi — 21 que, 1' manquent — 30 Qui/
pict — 31 ncmploi — 53 castiier — 56 li
592 MÉLANGES
De si gent conroi. Qui denier ont fait laissier
Qu'estre ne puet desconfis; Gieu, feste, gas et riboy.
Mais liprians est hounis - A Robillart de Kainsnoi 65
Apetitdefoy. 60 quj d.^monrs set le mestier.
— Empreng signeur Audefroi Celui tieng pour droiturier,
Pour nous apaisier, A son jugement m'otroy.
II.
Ms. fir. 1109, fol. 321 c.
Adan, du quel cuidiés vous
Qui vive a dolour plus grant?
U cil qui est fins jalons
De celi qu'il aime tant
Qu'il ne s'en puet départir $
Et si Ta a son plaisir,
U cius qui maint en dangier et li prie,
Mais riens n'i prent, et s'est sans jalousie?
— Sire, de ces amourous
Connois bien le plus dolant : lo
Saciés que c'est uns maus dous
De jalousie en amant , (d)
Si vient de trop enchierir;
Mais cil qui ne puet goîr
De sa dame soeffre droite haskie, 1 5
Car li jalous a chou dont il mendie.
— Adan, povrement rescous
Vous estes, je vous créant;
Jalouzie est uns courons
Pour quoi on vit en morant : 20
Je n'i senc nul bien entir ;
Mais cil qui vit en désir
Continuel de bien servir s'amie,
Vit bien a pais en povreté jolie.
— Sire, ja n'ere au desous 25
De chou que j'ai dit avant ;
Mius vient, au tesmoing de tous,
Le ventre avoir trop tendant
Pour un peu de mal souffrir
Que de famine langhir ; 30
Chius est plus mal baillis cui fains aigrie
Que ne soit cil qui de trop mcngier crie.
60 peu.
Leçons du ms. : II. — 23 Continueus, bien, s' mûn^ue
LE REDOUBLEMENT DBS CONSONNES EN ITALIEN ^93
— Adan, parmi grans tribous
Conquist tout en mendiant
Et honneur et pris Aious, ^5
Ce set bien cascuns ; mais quant
Hom a grant tere a tenir,
Et si ne s'en set chavir,
Ains vit dolans, il a pis le moitié
Que cil qui en povreté montepiie. 40
— Sire, les raisons de nous
Vous pnievent a recréant,
Mais, que ce ne soit courons,
On voit le rice, en waitant,
Avoir déduit et plaisir, 45
Et les diseteus kaîr
En desespoir d'anui qui les carie :
Soustenu ai par chou bien ma partie.
Grieviler, qui sans merir
Sert a pais de cuer en tir, )o
En désirant il a plus noble vie
Que cil qui got d'amours, et ne s'i fie.
Gaston Raynaud.
III.
LE REDOUBLEMENT DES CONSONNES EN ITALIEN
DANS LES SYLLABES PROTONIQUES.
M. d'Ovidio a étudié dans la Romania (VI, 199 ss.), avec l'attention et
le soin qu'il apporte d'ordinaire à ses travaux, le redoublement des con-
sonnes en italien dans la syllabe qui précède la tonique ; mais il ne parait
pas avoir réussi à expliquer le phénomène. Il le regarde comme déter-
miné par des conditions très- variées, et dont plusieurs sont même abso-
lument opposées. Comment dans strattagemmaj accademia^ etc., le redou-
blement peut-il être dû à l'accent secondaire que porte la première
syllabe, quand on le voit se produire immédiatement avant la tonique
dans des cas plus nombreux encore, comme accidia, alloda, etc.?
Comment attribuer une influence à la chute dactylique du mot dans
accididy accolito, etc., quand le redoublement a lieu dans un plus grand
nombre de mots, comme allegro, alloda, dont la chute est iamhique?
X 5 pais Aions. — Ces vers font allusion â la première partie, en vers déca-
syllabiques, de la chanson dMio/ ; ils ont déjà été cités dans son édition de
Rutebeuf^ III, 187. par A. Jubinal, qui voit dans notre pièce un jeu parti dédié
â Adam de la Halle. — 49 Grieviler n'est pas ici invoqué comme juge; Adam
lui adresse le jeu parti, en répétant dans l'envoi la thèse qu'il a soutenue dans le
débat. — p En manqtu.
HomiuUû^iy }8
594 MÉLANGES
Enfin faut-il admettre dans aUegro, alloco ^etc, une tendance assimilante;
dans alloda^ allemo, etc., une tendance dissimilantei Cela finirait par
revenir à dire que toutes les conditions se montrent favorables au redou-
blement; ou en d'autres termes qu'il n'est lié à aucune condition. Cepoi-
dant il est facile de reconnaître ce qui est commun aux divers cas :
Le redoublement se produit à la fin de la syllabe initiale.
Sur les 170 à 180 formes que M. d'O. énumère sous les rubriques A,
B, C, D, E, il ne s'en trouve qu'une douzaine où la consonne redoublée
ne soit pas à la fin de la syllabe initiale : ammennicolo (aussi hi-],
Bambillonia (-/-), mucellaggine {-/-), parassito (•^-), petrosellino^ Barto-
lommeo (-m-), Tolommeo (-m-), Lancillotto (-/-), Ghibellino^ palettà^
taffeîtà^ tonnellata. Il faut remarquer que sur ce nombre sept mots se
prononcent aussi avec la consonne simple, en outre que cinq sont des
noms propres, que parassito n'a pas une origine populaire, que petrosello
existe à côté de petrosellino^ que tonnellata est la représentation correcte
de l'esp. tonelada (puisque l'esp. tonel, le fir. tonneau serait en \t*tonnello),
etc. Bref, ces exceptions ne font que confirmer la règle. Parmi les cin-
quante mots d'origine douteuse ou tout à fait inconnue' énumérésp.208,
il ne s'en trouve que six où le redoublement ait lieu à une syllabe atone
qui ne soit pas l'initiale.
Une fois la condition du redoublement établie, il n'est pas difficile d'en
découvrir aussi la cause. La syllabe initiale se prononce toujours avec un
certain renforcement dans l'expiration, et sans cela il ne serait pas possi-
ble de distinguer un mot de l'autre. C'est ce qui explique la solidité de
la consonne initiale, certaines modifications de la première voyelle atone,
d'e par exemple en 0 (Diez, Gramm.^ I, 173 s.; Caix, Osservazioni sui
vocalismo iîaliano, 26 s.), et enfin le redoublement de la consonne qui
suit cette voyelle. A la tendance négative qui pousse à ne pas rejeter la
voyelle atone de la première syllabe (et cette tendance est incontestable
malgré quelques formes comme prêt to^ trivello, brusîolare, sîaccio), corres-
pond exactement la tendance positive qui porte à consolider cette
voyelle en renforçant la consonne. Il serait désirable de donner à toutes
ces recherches un fondement plus profond, qui ne peut se trouver que
dans l'étude des dialectes (cf. par ex. le napol. cammisa^ demmonio,
delluvio^ vallena, leggitemo^ Lobberto). Personne ne serait plus en état de
le faire que M. d'Ovidio.
Hugo SCHUCHARDT.
Gratz, 9 août 1877.
1. Il n'aurait pas fallu y comprendre parroffia ; le prov. parrofia=parochia est
suffisamment attesté.
CHARRÉE
IV.
CHARRÉE,
r CHARRéE := cendre lessivée*
or Charrie, dit Littré, cendre qui reste sur le cuvier, après que la
lessive est coulée, — Etym, Berry, cherrée. Ménage le tire de cinerata,
cendrée; la Monnoye du bourguignon carre, cendre. Il est bien probable
qu'en effet charrée est quelque altération de cendrée. » il me semble, au
contraire^ que cela n'est pas du tout probable, car on ne voit pas corn*
ment le c palatal du radical latin cin aurait donné en français la chuin-
tante ou linguale ch K II est vrai que cineraîa a donné toute une série de
dérivéSf dont le sens est semblable ou analogue à celui de charrée; ainsi
esp. cernada [= cenradd, cinYata), charrée; cat. port, cendrada, id.;
pr, cendrada, charrée (Aix) et lessive qu'on fait aux olives pour leur
enlever leur amertume; fr. cendrée, écume de plomb et à Tournay mé-
lange de poussière de houille et de chaux employé comme ciment. Mais
tous ces vocables viennent régulièrement de cineraîa; il n'en est pas de
même de charrée^ et, sans parler des difficultés que présenterait une
pareille dérivation, il serait au moins surprenant que cineraîa eût donné
à la fois en français chûnèt et cendrée. Aussi est-ce ailleurs quil faut cher-
cher Tétymologie du premier de ces mots. Charrée a pour équivalent
dans le patois normand du Bessin carèe, en picard car{r)ie; ceci nous
ramène nécessairement à un radical car, dont la première lettre explique
à la fois le k du normand et du picard et le ch du français, les-
quels restent une énigme avec le radical cin^. D'un autre c6té la termi-
naison ée ne peut venir que d'une désinence ata ou ada; le mot latin
dont dérive le français charrée ne peut donc être que car[r)âta ou car{r)ada.
Or ces roots existent précisément dans le latin du moyen-âge ; on lit
par ex. dans une charte de Charles le Chauve : i carrada una ex mo-
diis octo ^) ^ dans une autre charte de Louis le Débonnaire : « vini car-^
ratas 20 », et Du Cange auquel j'emprunte ces citations traduit c^rr^t/â et
carratd par « onus carri, Gallis chareiée vel charrée v ; ou par a dolii
vinearii seu alterius liquoris specîes ï>. Maintenant comment du sens de
charretée ou tonneau a-t-on pu passer à celui de cendre lessivée ? C'est ce
1. Ceci n'a pas paru une difficulté à M. Scheler, lequel dérive sans hésiter
charrie 1 de châru^ chcrn, mol patois qui signifie cmàn et qui paraît venir de
cintrtm par assimilalioTi de n à r 1 ; le savant lexicographe aurait dû faire con-
naître le t patois * dans lequel il a trouvé ce mot,
2. Sans parler de la difficulté d'eipliquer te double r de chmU ou tarrèt par
l*/i + r de cinr.
596 MÉLANGES
que l'absence de textes suffisants empêche de dire ; tout ce qu'on entre-
voit c'est que cette cendre étant un engrais précieux qu'on recueille avec
soin et qu'on exporte même d'une province dans une autre, on a pu lui
donner un nom emprunté à la manière dont on la transportait.
Faut-il rattacher à la même origine les formes provençales chairel,
cheirely chairias (Honorât) ? Cela est vraisemblable, mais elles ne sau-
raient guère servir à élucider l'étymologie de charrie. Quoi qu'il en soit^
on voit que dans le domaine franco-provençal la cendre lessivée a reçu
une double dénomination tirée soit de sa nature première, soit de l'em-
ploi qu'on en fait ou plutôt de la manière dont on la transporte pour
s'en servir.
2** CHARRÉB = appât.
Quant à chàrrée^ « larve d'insecte qui sert d'appât d, suivant la défi-
nition de M. Littré, qui donne ce mot sans en indiquer l'étymologie, il
vient évidemment de carnata (cf. esp. carnada, même sens), avec assi-
milation de /2 à r dans le français.
Charles Joret.
Aix, novembre 1876.
V.
UN DÉBAT CHANTÉ.
Le peuple chante sur plusieurs points de la France > un jeu d'esprit
qui dès le xiii'' siècle servit plusieurs fois de thème aux ingénieuses
combinaisons des lettrés'. Il s'agit de la querelle de l'Eau et du Vin et
de la suprématie que tour à tour revendique Pun ou l'autre. Ce sujet,
qui semble n'appartenir qu'aux rhéteurs, le peuple le goûte et le redit
en plusieurs façons. Il le chante en des couplets d'une langue et d'un
rhythme auxquels il n'est pas habitué et que sa mémoire a dû, non sans
effort, apprendre sur des feuilles semées par le colportage.
A Marihes-en-Forez, on chante onze couplets d'un Débat de VEau et
du Vin qui commence ainsi :
Hélas! que tu es folle,
Disait le Vin à l'Eau ;
1. Puyniaiffre, Chants pop. du pays messin, 191: Hélas! que tu es folle, etc.;
— Romania, III, qi [Ch, pop, de la vallée d'Ossau)^ M. de Puymaigre dit qu'on
chante dans la vallée le Débat du vin et de Veau, mais n'indique pas quel chant;
— Francisque Michel, Le pays basque, 356.
2. Edélestand du Méril, Poésies inédites du moyen-âge, 303, chant latin ; — >
A. Jubinal, Fabliaux, I, 29?, 311 ; —A. de Montaiglon, Recueil de poésies
françoises des XV' et XVI' siècles , IV, 103.
UN DÉBAT CHANTÉ 597'
Toujours tu cours, tu voles,
Tout le long d'un ruisseau.
De même qu'une errante
Toujours tu suis la pente;
Du moins imite-moi,
Car l'homme sans mélanges
Me donne des louanges
Mille fois plus qu'à toi.
Une récente image d'Epinal donne les huit premiers couplets de ce
débat qui a eu ou d'autres éditions que celle-ci ou d'autres éditeurs que
Pellerin.
Le cordonnier Avinain, de Chamalières en Velay, m'a dit une autre
chanson sur le même thème.
Dedans Cambrioles * ce beau séjour,
C'est l'objet de mes amours,
Y avait ce bon vin de coteau
Qui voulait faire la guerre à l'eau.
« Mais l'Eau par un coup de tonnerre
Frappant toujours toute la terre,
Moi que je suis dans mon cerrier
Cent fois plus fort qu'un cavalier. •
L'Eau lui répond sans s'inquiéter :
ff Tu veux donc bien me chagriner?
Que deviendrais-tu ici sans doute
Si j'arrêtais toutes mes sources,
Car s'il manquait mon arrosée
Que deviendrais-tu avec ton bois tordu ? »
La dispute se poursuit durant quatre couplets et l'Eau finit par triom-
pher. Cette chanson, plus dénaturée que la première, est, conmie elle,
une de ces compositions artificielles que nous apporte l'image ou l'aima-
nach.
A cAté de cette littérature écrite, qui s'adresse surtout au mécanisme
de la mémoire, on trouve assez souvent parallèlement et plus profondé-
ment établis dans la couche populaire des chants sans texte arrêté que
le peuple comprend, pétrit et transforme sans cesse dans un moule qui
lui est familier.
Tels sont ces quelques couplets d'un Débat du Vin et de VEau qui me
paraissent appartenir à la littérature populaire spontanée, fort éloignée
de cette littérature de surface que nous inflige le colportage en répan-
dant dans nos campag;nes des chants dont la donnée nous plaît, mais que
défigure un costume d'emprunt.
I . J'ignore où se trouve Cambrioles, et s'il existe ailleurs que dans l'imagi-
nation du chanteur une localité de ce nom.
«59^ MÉLANGES
1 En me promenant tout le long d'un ruisseau,
J'entendis le Vin et TEau qui se disaient contraire.
2 Le Vin dit à la Rivière : c Mais que tu es mauvaise!
Toute personne qui boit de toi est bien mal à son aise. >
3 Voici TEau qui lui répond d'une douce manière :
c Moi qui nourris la truite pour la grossir ensuite
Et tous les petits poissons qui viennent à ma suite. »
4 Voici le Vin qui lui répond d'une grosse manière :
c Moi fais chanter les hommes quand illes sont à table
Et les fais vivre en riant dans leur petit ménage, i
5 Voici TEau qui lui répond d'une douce manière :
« Moi Ton fait la lessive pour blanchir ta chemise,
L'on me dresse des moulins pour faire la farine. >
6 Voici le Vin qui lui répond d'une grosse manière :
c Et moi l'on me renferme dans un tonneau de chêne ;
Lorsqu'on a besoin de moi l'on me perce à l'oreille. »
7 Voici l'Eau qui lui répond d'une douce manière :
c Moi sers au saint baptême, toi tu n'es pas de même :
J'admets les enfants du monde au saint nom de l'Eglise ^ >
V. Smith.
VL
FRAGMENT D'UNE COMPLAINTE DU JUIF-ERRANT.
A Marlhes et à Chamalières on m'a chanté quelques couplets d'un
Juif'Errant qui a précédé la complainte célèbre : Est-il rien sur la terre. . .
Ces couplets d'un rhythme compliqué ont sans doute été apportés par
des feuilles imprimées dont je n'ai pu d'ailleurs trouver aucun exemplaire.
Les voici :
1 Jésus s'en va portant sa croix, 3 Dieu ne m'a pas donné le temps
Au Calvaire s'en est allé. De dire adieu à mes parents,
N'en tomba de faiblesse, Mes enfants, ni à ma femme.
Monsieur, . Monsieur,
Se vcuillant reposer Aussitôt qu'il m'a parlé
Devant-z-un cordonnier. Il m'a fallu marcher.
2 Cordonnier m'a rebuté. [ment, 4 Quand je passe dedans l'eau,
c Oh ! marche, marche prompte- Je n'ai pas besoin de bateau.
Oh ! marche devant ma gloire. Ni de pont, ni de planche.
Et toi. Monsieur,
Tu marcheras sur la terre Le bon Dieu me conserve
Jusqu'au jugement. » Me faisant marcher.
I . Vorey, chanté par Mariannette Dunis.
UNE COMPLAINTE DU JUtF ERRANT ^99
) Quand je passe à Montbrisonf Monsieur^
La vîtle était en garnison; Avant que je retourne^
La ville est en discorde, Dieu l'aura accordée
Si on se demande à quelle discorde ce dernier couplet fait allusion et
à quelle date approximative peut remonter la chanson, on esi lente de
placer le passage du Juif-Errant à Montbrison au temps de la Ligue et
d'assigner à la chanson une époque un peu postérieure, le premier tiers
du xvn* siècle, par exemple. Du 2 décembre 1592 aux premiers mois
de 1 596, Nemours et Saint*Sorlin, appuyés par les ligueurs, occupèrent
successivement Monibrison et lui imposèrent la lourde charge de leur
garnison :
Quand je passe à Monibrison,
La vîlte était en garnison
Mais la merveille de la venue du Jyif-Errant demanda sans doute
quelque temps pour s'accréditer, et la poésie ne dut s*en emparer
que lorsqu'un certain éloignement lui eut composé une sone de
vraisemblance. Ces apparitions du Juif, témoin de la mort de
Jésus-Christ, furent nombreuses en France au commencement du
xvn* siècle, et probablement s*y produisirent dès la fin du xwf. Un
lettré 2 écrivait en 1610 que dans toute !*Europe il était question
du Juif-Errant. En 1609, on imprimait à Bordeaux une pièce qu'on
donnait pour deux sous et dans laquelle, avec la vie du Juif-Errant
en prose, se trouvait une complainte attestant Tapparîtion du voyageur
sans trêve en Champagne ». En 16J5 4, un opuscule, imprimé à Paris»
parle de la visite du Juif-Errant à Fontainebleau, à Châlons-sur-Mamc
et dans T Ile-de-France. Il n'est donc pas inadmissible que notre chanson
forézienne vise je ne sais quel passage de ce personnage qui aurait eu
lieu de r $92 à 1 $96, et que cette chanson elle-même appartienne au
commencement du xvti" siècle ï,
V. Smîth.
j , Chamalières, Marianncllc Vincent, femme Alibert.
î. Boulhrays, cité par le comte de Douhet, Dictmnaire da Ugcnda (Ency-
dopédie Migncj, au mol Jaif -Errant.
}, Champfleury, Histotn de timascrie populaire^ le Mj-Erra/it^ J4. La com-
plainte de 1609 est reproduite par Nisard, Hut dis livres populaires^ I, 48}, el
par Tarbé, Romanas de Champagne^ 11, 1 (9. Elle n*a point d^aillcurx la naïve
simplicité d'un chant populaire. Elle paraît avoir été composée plutôt pour être
lue que chantée,
4. ChampfleurY, livre précité, 79.
\, M- Patiu. de Dôlc, a envoyé, en 1857, au Comité de ta lênp», une
ancienne complainte imprimée du Juif 'Errant \pro€ts*mktl de lésknu du 4 mat).
Il serait curieux de connaître ce chant et sa date.
CORRECTIONS.
LE MS, BOURGUIGNON ADDIT. 1 5606.
Le ms, bourguignon du Musée britannique dont j'ai donné ta description
et de copieux extraits dans le précédent volume de la Romania, a été
exécuté par un copiste visiblement peu habile, C'était un écrivain très-
provincial, n'ayant pas été à bonne école, et n'étant pas moins étranger
aux beaux usages de la calligraphie du temps qu'aux formes du beau
français qui dès lors prédominait dans la littérature. Nous devons lui
savoir tant de gré d'avoir écrit tout droit comme on parlait chez lui,
qu'en vérité nous pouvons bien lui pardonner sa mauvaise écriture. Tou-
jours est-il que dans cette écriture lourde et gauche certaines lettres,
par exemple le t et l'r, IV et l'o ne se distinguent pas fort nettement, d'au-
tant que Tencre est si pâle que les traits déliés sont bien souvent très-
peu perceptibles. Par suite j*ai commis un certain nombre d'erreun
dans les extraits que j'ai donnés de ce ms., principalement dans les pre-
miers, alors que je n'étais pas encore familier avec la langue du copiste.
Ces erreurs je les aurais sans doute corrigées si j'avais eu la faculté de
collationner les épreuves avec le ms,, mais tl m'a été impossible de me
rendre à Londres au moment où mon mémoire s'imprimait. Je me pro-
pose actuellement de rectifier ici mes mauvaises lectures.
Lorsque j'ai commencé à étudier et à transcrire le ms. en question, je
n'ai pas tout d'abord reconnu que certaines abréviations ne pouvaient
pas être interprétées avec certitude. Ainsi j'ai ordinairement, du moins
dans mes premiers extraits, transcrit suivant la notation française, c'est-
à-dire par en^ in, on^ les finales t\ ï^ ô, que j'aurais mieux fait de repro-
duire telles que les donne le ms. Je me suis aperçu tardivement de mon
imprudence, et j'ai écrit (p. 44, § 21) : « « final roman est parfois rem-
placé par m.,. Très- fréquent dans FloovanL.. Les exemples seraient
encore plus nombreux dans l'un et l'autre texte, sî on n'était naturelle-
ment porté à transcrire par n l'abréviation marquée par le tltulus, n Le
fait est que j'ai souvent cédé à cette tendance (je pense que les éditeurs
de Fîoovant en ont fait autant), et que même» ce qui est plus grave, j*aî
en plusieurs cas écrit n là oii le ms, porte m. Ainsi, dans le calendrier
[p. 4 et suiv.i j'ai écrit sain alors que le ms. a toujours sah Si le copiste
LE MS. BOURGUIGNON ADDIT. 1 5606 60I
avait écrit ce mot sans abréviation, il eût assez vraisembiablement, sinon
adopté^ du moins fréquemment employé la forme saim, malgré le t du
latin sanctus^ car il écrit dom pour dont (voy. p* 44, § 17). Notons
encore dans le calendrier Fiâvii^ Sobachiè (janvier), Aabl (mars), Vaie-
rii (avril), Gordiê^ Urbàî, Germai (mai), Claudiê, Feliciê, Marcttl^ Jehâ
(juin), Aagusfi (août), Fioranfi (sept.), Aquilï^ Crépi? |oci.). Puis, p. 7,
coL 2> v, 8, certalf v. 16, dd; p. n, v, jo, dd] p, 14, v. 52, rai;
p. 15, v. 89, sal (et ailleurs : je n'ai jamais rencontré dam notre ms. ce
mot en toutes lettres); p. 18, v. 14, mat; p. 20^ v. 4 du Caton^ dô;
p. }0, V. 40, dû; p. îi, V. i6î et passim, bii (mais nen en toutes
lettres au v, 1 64); p. 34, v. j 5 5 , dô. Dans tous ces cas on ne saurait se
décider entre m tt n: ainsi il y a dom plusieurs fois, mais on trouve don,
par ex. p. 27, v, 2 du n^ xxii, où j'ai à tort écrit dont. Toutefois, pour
certains cas, la probabilité est plus grande d'un côté que de Tautre : les
notations an, ien, on, m^ sont très-fréquentes, tandis que biem, p. 28,
1. i^prisom, p. 14, v, 60 bis, sont exceptionnels. Au contraire im esta
peu près constant, et je dois m 'accuser d'avoir écrit dans le calendrier
Vetaniin (février), Marcelin Quin), Martin (juiilet)» Vandelin (septembre),
quand dans tous ces noms le ms, porte clairement une m finale. De
même encore p. 18, dem. L le ras, porte bicm] p. 27 In" xxil nstimc-
tiom (quoiqu'il y ail tout à côté ascension], et à la ligne d'après som.
J'ai remarqué, p. 44, n* 17, que <t le / final roman, venant après une
consonne, tombe assez régulièrement lorsque le moi suivant commence
par une consonne. » i'ai commis quelques fautes contre cette règle. Dans
le calendrier il faut lire sai PouU sài Policarpe (janvier), sal pre (juin) ;
puis, p, 16, v, 149 et 169, sal Michiez, v. 1 57, saï Pou, En revanche il
y a, contrairement à ladite règle, sait Girantt saJtLienart (oct.). Il faut,
conformément à la règle, et il y a en effet dans le ms., maint an, p. 1 5 ,
v. 14Î.
Voici maintenant le reste de mes ^rraf^ dans Tordre des pages du mé-
moire:
P, 4. Boiche^ lis. Bolche (janvier). — Jacq., lis. Jasq,^ (mai) et de
même au 25 juillet. — Bandere, lis. Baudere (mai).
P. 5. Marcenée, ms. Marteneê (juillet), — Agapie, lis. Agapite (août).
— Octovrez, lis. Oitovrez.
P. 6. Sainz^ lis. Sains {i i oct,)- — Nativité de Deu, lis. Nativitez de
Deul (déc), — Riloux, je lis maintenant îihuXf qui pour moi n'est guère
plus clair >.
1 L'f dans Jaiq, ne se prononçait pas plus que dans ostroi, p. ^a v. 346.
1. Il y avait en français un mol encore conservé dans quelques patois, liiUux
ou teilUux ayant le sens général de c rugueux ■, sans doute dérivé de til ou tai
(tilleul), par allusion i Pécorce de cet arbre. Cotgrave le rend par • knobby,
602 CORMCTIONS
P. 7. V. ly antendez, lis. antandez. Col. 2, v. 8, vom, lis. vos. —
Après l'avam-dernier vers, supprimez la ponctuation, et au dernier rers
lis. tuit au lieu de tout, plaçant après ce mot, qui dépend de prophète (an
vers précédent), un point et virgule.
P. 8,.coL I, V. 16, /eu,, lis. leiu. — V. 17, placez une wgule après
plaint. — V. 18, cestui, lis. cestu, — V. 19, tonnent , fo. tormant, — V.
6 du bas, â, lis. an (S). — Col. 2, v. 13, lis. laissoz, — V. 24, lis.
règne. — Av. dem. v., 1. autre.
P. 9, col. I, V. 7, lis. soloU. — V. 10, fis. nain. — V. rj, lis. pme-
nauble. — V. 14, lis. Soigner. — Col. 2, v. 4, lis. clers. — Aui deux
derniers vers de la page, lis. )&, mit (cf. p. 45, n* 2}) et Sires.
P. 10, V. j, lis. Et espire. — V. 5 du poème de Wace, le ms. porte
non pas Fu, mais a, ce qui du reste est une mauvaise leçon. — Au der-
nier V. lis. an^ et non en.
P. 1 1 , 1. 2, ajoutez : Carpentras, 465.
P. 12. Rubrique, lis. anfer; de même v. 10. — V. 17, cet, lis. cest.
P. 13, V. 27, lis. Criz. — V. 50, pest, lis, pet. — V. 3}, lis. Pou.
— V. 37, lis. Soigner. — V. 42, lis. condist.
P. 14, V. 57, par^ lis. por. — P. 59, te, lis. lez. — V. 68, Hs. hont.
— V. 74, lis. âvenimemant.
P. 15, V. 97, il y a plutôt ainsinc. — V. 107, lis. an, sans Q. —
V. 1 1 1 , lis. morent. — V. 1 1 3 , te, lis. lor. — V. 1 3 1-2, lis. briemant^ ià-
nemant.
P. 16, V. 152, lis. poour.
P. 17. Rubriques des pièces VII et IX, lis. Crit. — V. 8, lis. Longins.
— Pièce VIII, V. 4, lis. Estoille, — V. 6, lis. vouâtes. — Pièce IX.
Entre les deux tirades indiquées, il s'en trouve une dont j'ai négligé de
tenir compte. Elle commence ainsi (fol. 89 c):
Ave Jhesu beau sire, que Ç nos tut occiz.
Si 9 estes il fiz au roi de Paradiz
Qui de la sainte Virge an Balean nasquit,
E ^ ta grant douceur an terre descendiz,
Chieremant Tachetas, que la mort i ssofris...
Dernier vers de la même page, lis. doignas.
P. 18. Pièce X, V. 14, a, ms. 3. — Pièce XI. Les vers que j'ai cités
de cette pièce n'en font pas voir la construaion. Elle est en sixains (aab
cet), mais beaucoup de vers ont été omis par le copiste. Voici quelques
vers qui font suite à ceux que j'ai publiés :
scaly, rough, rugged. » A la rigueur on pourrait admettre que le même mot a
été employé pour désigner les froids de décembre, mais il y aurait là une exten-
sion de sens qu'on ne peut guère supposer sans preuve.
LE MS. BOURGUIGNON ADDIT. I 5606 6o^
Senz déguerpir ta déîté,
Nos mostras que chier nos teiiis.
Verax Dez qui por nos te feîs.
Que forme de nos preïs
Do toz li mondes esclaira^
Oez et reçois m*orison,
Dex qui nos fels livroison
A vivre tant 9 toi plera
P. 19. Rubrique, saine, lis. sauve. — V. 6, lis, iuw. — V. 7, lis.
cogneiL — 3« av. dem. v., lis. veraiemant.
P. 20, ligne 2, lisez cxliiij, au Heu de cliiij. — V. 1, lis. Mdt,..
foz, — V. 5, lis. premexK — V. s, mo(n)t, il y a motâ. — V. 1 du
Caton, lis. Soignor.
P. 22. Rubrique, lis. Ansoignemans de Dotrine. — V. 6, lis. Ces.
P. 25, col. 2 du texte provençal, en marge, lis. [37] au lien de [3].
— V. 60, lis. aura ci âpre. — V. 67, Us. premex.
P. 26, V. 57, lis. colrada. — Rubrique, lis. l'estoire. — V. 5, meuz,
lis. meaz.
P. 27^ V. 6 du Dit de Guillaume, roi, lis. ro<7, comme au v. ^ J'ai
noté ci^essus que dans le calendrier, au mois de décembre, il y a Deul
(Dieu). — V. 7, car, lis. quar. — V. 10, dou, ms. dd.
P. 28. Rubrique, lis. materié (yoj, p. 45, n® 18). Je transcris ici la
fin du traité, telle qu'elle se trouve au commencement du fol. 1 57 :
C'est de la necteé Jhesu Cnst, de violete de umilité^ de roses de pacience, de
ysope de 9fort, de mirre d'atranprance, d'olive de miséricorde, de saffrant de
fervent amour, de racine de sedre. Li banier c'est de la trinité, de paumier c'est
de puissance, et ces chosez doivent estre 9fitez de cure : c'est de la douceour
Dieu qui honquez ne faut. Aprez cest maingier et ceste boivre lou fait dormir
jubiiacions et meladie de cuer, et tôt ansic {sic) muert ceste saincte arme au
monde. Si l'Sportent li ange au paradiz de délit an délit, la ou ele ambrace son
espouz et son ami, c'est Jhesu Criz, et règne avec lui sanz lui. La nos moint li
pères et li fiz et li sainz esperiz. Amen.
Suivent le Gloria in excelsis, le Credo^ le premier chapitre de l'évan-
gile de saint Jean, qui occupent le reste du fol. 1 57 et le haut du fol.
1 58, col. 1 . Vient ensuite une sorte de formule de confession qui com-
mence ainsi :
Je me râ 9fes a la benoite Trinité, lou père, lou fil, lou saint esperit, preme-
rement en ce que j'a fait encontre lou vou que je avoie pramis a Deu en ba-
I . Cette finale tx répondant au latin arm se retrouve dans /tf/iva, fmex (au
calendrier), vclontcx, p. 30, v. 84, etc. Il y a là un petit fait de phonétique
que j'ai oublié de noter dans mon mémoire.
604 CORRECTIONS
toime de renuncier au deable e a totes ses ovres, et je me suis conoentos en
plusors menere e an plusors péchiez de boiche et de iait^ si 9me de mes .y.
sens que je hai mauvaisement governés, et desquex je ai pechié f lou 9€eo-
tement dou cuer. Item des eahus {sic) des ques j'a regardé vainneroent...
Ce traité se termine au foi. 159 v<> ; à la suite viennent les trois
feuillets éliminés dont j'ai parlé p. 3.
La description du ms. étant ainsi complétée, je reprends la série de
mes errata,
P. 29, V. 15, lis. Qui.
P. }o, V. 84, lis. velontex. — V. 90, lis. repruchUr. — V. 94, Us. nuls,
P. 31, V. 112, lis. torn[oi]emanL — V. 154, lis. nostre, — V. 177.
Il y a plutôt ne sine, qu'on pourrait corriger n'e[n]sinc,
P. 32, V. 224, lis. getier, V. 243, tieu, lis. tex.
P. 33, V. 275, a, ms. 3. — V. 282 et 286, Que, ms. s. — V. 302,
lis. apointiez. — V. 316, i4, ms. â.
P. 34, V. 335, lis. sant. — V. 349, de, ms. dô. — V. 352, e, lis. et.
C'est généralement lorsqu'une voyelle suit, que notre ms. note la copu-
lative par un simple e, le contraire de ce qui a lieu en provençal.
P. 3 5, V. 41 5, ms. sut. — V. 436, lis. res[c]orre^ et suppr. la note.
P. 36. Rubrique, lis. orguilloz. V. i , lis. urguillors, — V. 1 5-6, lis.
dhlemanty sovant. — V. 19, lis. Mas. — V. 31, lis. richeou. — V. 39 et
47, lis. juiise, — V. 43, Us. covoitise.
P- 57» V. 72, lis. Deu. — V. 82, lis. // //. — V. 89, lis. hai. —
V. 99, ms. recoirier. — V. 104, lis estauble, p. 1 1 3, lis. vorras.
P. 38, V. 137, a, ms. 5. — V. 145, ms. avroit (mauvaise leçon). -—
V. 1 84, ms. des viles (mauvaise leçon, ou changez le de précédent en des).
P. M.
P. S. — M. Boucherie a proposé dans la Revue des langues romanes du 1 ^ mai
1877 sur certains passages ae mes extraits du ms. 15606 des conjectures dont
aucune n'est confirmée par le nouvel examen du ms. auquel je viens de me livrer.
Voici à cet égard quelques explications. P. 1 5, v. 84, avole n'est pas une faute
d'impression ; c'est la leçon du ms. J'aurais dû noter ce fait parmi mes observa-
tions grammaticales, entre les §§ 2 et 3. — P. 25, v. 65, il faudrait^ non pas ice
comme le suggère M. B., mais plutôt icel (voir la leçon des XV signes publiés
par Luzarche), mais je n'avais pas à faire de corrections à un texte que je n'ai
nullement donné comme correct, mais simplement comme un échantillon du ms.
P. 32, V. 213, la correction saur est admissible, mais la leçon du ms. est
bien sauty comme je l'ai transcrite. — Même page, v. 216, la correction de sa
main s'éloigne donnerait un sens différent de la leçon du ms. (de sa main se soi^
gnc), mais non meilleur. — P. 3j, v. 259, c'est précisément parce que sou est
pour si lou ou si le, qu'il faut écrire en un mot sou (cf. le prov. sel pour si /o),
de même cou pour (jui le, — P. 37, v. 117, revertir convient aussi bien pour la
forme que pour le sens. — Même page, v. 125, estainfort, en un mot, est une
forme parfaitement établie, voir Du Cange, stanfortis, et pour plus de détails sur
cette étoffe, Bourquelot, É/u^« sur les foires de Champagne^ i'« part., p. 227-3 1 .
COMPTES-RENDUS.
De Floovante vetustiore ^alUco poemate et de merovingo
cyolo scripsit et adiecit nu ne primum édita Olavianam Flovcnli Sagae ver-
sboem et excerpta e Parisiensi codice « Il Libro de Fioravantet A. Darmks-
TETEA. Lutetix Parisiorutn, apud bibliopo(am F, Vieweg^ '^77» in-S",
vin-190 p.
Le sujet que M. Arsètie Darmestclcr a pris pour sa thèse latine de docteur
ès-tellres est heureusement choisi : le poème de Fhoyant^ dont on ne possède en
langue d'oil qu'une rédaction unique, conservée dans un seul manuscrit \ sou«
lève des questions fort intéressantes de critique philologique et littéraire. Ces
questions se groupent d'elles-mêmes en trois séries^ auxquelles correspondent les
trois Parties du livre de M. Darmesleter. Dans la première il recherche en quel
dialecte et â quelle époque le poème que nous avons a été écrit, et d^ns quel
rapport sa forme originale doit être avec celle qui nous est parvenue. — Dans la
seconde, il compare à ce poème différentes rédactions du même thème en langues
étrangères, et s*efforce de classer généalogiquemenl toutes ces versions. — Enfin
dans la iroisième tl rapproche Floovant de quelques autres compositions éga-
lement relatives à Tépoque mérovingienne et cherche à établir Texistence d'un
cycle mérovingien dont elles constituent les débris. — J'examinerai successive-
ment ces trois parties,
M. D. n'a pas de peine à démontrer que le ms. de Floovant présente un
mélange absolument confus de (ormes lorrames cl françaises, et à prouver
ensuite, à l'aide des assonances^ que l'original était français^ et que les formes
lorraines sont dues aux scribes^ — non pas directement aux deux scribes qui
ont exécuté au XIV* s. notre ms., — mais à un copiste précédent dont ils
paraissent avoir assez fidèiement reproduit Tccuvre bizarrement composite.
L'étude de ces mêmes assonances Tamène à croire que le poème a été composé
vers le milieu du XIî* siècle, — Ces résultats sont en gros assurés et bien
démontrés ; dans le détail il y aurait plus d une réserve i faife. L'auteur déclare
lui-même qu^il n'a pas suivi, pour des raisons particulières, la méthode ta plus
strictement scientifique; je ne le chicanerai donc pas U-dessus ; il sait parfai-
tement que pour déterminer un dialecte de la langue d'oîl^ il liut partir du latin
et non du français Mais bien des points devraient être précisés. Ainsi p. 1 :
1, Ht. de Montpellier, publié par HH. Gotturd et Midkdaof dant It premier volume
des ÂiKUiu pûètu de la Franci*
6o6 COMPTES-RENDUS
c Gallicum a in ai convertit burg. et lothar. dialectus^ t Voilà qui est bien
absolu, et cependant un certain nombre à* a paraît être commun au lorrain et au
français, f Contra gallicum é sxpenumero ad a in burg. et lothar. dialecte
redigitur^. > Quelle bizarrerie apparente ! A ces assertions vagues, n'était-
il pas possible de substituer des règles précises? — Lirais ^ aimés {annalts)
ne sont pas plus lorrains que français ; VI n'a été réintégrée que postérieure-
ment dans les pluriels de ce genre. — P. lo, M. D. signale trob exemples
de h pour la; un seul est juste (v. 1672); dans les deux autres cas, v. 456 (et
non 4$ s) et 641, le devrait être imprimé U\ c'est le pronom féminin et non
l'article : on connaît les autres formes hi et VU. — L'auteur conclut que la
patrie du texte est la région des Vosges plutôt que la Lorraine septentrionale et
notamment le pays de Metz : on voudrait qu'il eût indiqué sur quels textes il
s'appuie. Pour le lorrain, il cite les publications de M. Bonnardot^ qui four-
nissent en effet une base très-solide ; mais pour tous les autres dialectes de
l'Est, entre lesquels il choisit celui des Vosges, il ne se réfère absohiment qu'à
l'article de P. Meyer dans la Romaniai^l, i ss. : Notict d*un ms. hourgmgnen),
— Malgré ces quelques traces de hâte, les conclusions de M. D. sont évidem-
ment définitives en ce qui concerne l'appréciation linguistique du ms. de Flocvant
et doivent être substituées à l'affirmation des éditeurs : c II est écrit en dialecte
lorrain. > — La date assignée au poème est aussi rendue très-vraisemblable par
d'ingénieuses raisons. Quelques points de détail sont critiquables. Ainsi cette
phrase : « Gallicus sermo [c. â d. le dialecte français propre; il vaudrait mieux
dire francicus ou francensis^ puisqu'on dit Franck pour Ile-de-France] mixta dia-
lectus jure dici possit, qunm quxdam burgundicx, alia picardicae, alia autem
normannicx propria mutuata fuerit. t L'auteur l'atténue lui-même un peu plus
bas, mais il valait mieux ne pas l'écrire. Non qu'il soit faux, à mon avis, de dire
qu'un phénomène linguistique a pu se propager d'une région à une autre, mais
parce que présenter ainsi le français comme formé d'emprunts faits à tous ses
voisins est une conception des plus bizarres : n'existe-t-il donc pas aussi ancien-
nement et au même titre qu'eux? — P. 23, dans une strophe en oi on lit ruou-
vrerez et irez ; M. D, corrige avec raison recouvreroiz et iroiz ; mais il oublie qu'à
la p. 10 il a signalé ces formes comme propres aux dialectes bourguignon et
lorrain. — P. 2j, pour expliquer l'ancien plur. U pere^ Us pères, il est permis
de supposer le lat. vulg. patri au nominatif, mais plus qu'inutile de lui adjoindre
le barbare accusatif patros : si l'italien semble attester patri, l'espagnol atteste
assurément patres. — P. 19 ss. M. D. donne une longue liste de corrections, néces-
sitées par le sens ou la mesure, au texte de Floovant. Elles sont généralement
très-bonnes. V. 13, S« voist lire Vestoire en France a Paris, M. D. dans Paris; je
lirais plus volontiers a Saint-Denis. — V. loio, si Vasiet au diner; l'assonance
étant en ii, M. D. lit : si au d. l'asiet, mais la syntaxe s'oppose à cette cons-
truction ; lisez : au diner si Vasiet; de m. v. 1 1 30, Or je pris substitué à Or pris je
1. Sur le mot Ausai {Alsace)^ M. D. prétend que le fr. dit Ausa. J'ai toujours trouvé
Ausai; il est vrai <\\x* Ausai assoneen j (voy. p. 16), mais il en est de même àt jamais
(ib.), que l'auteur suspecte à tort, et de bien d'autres (voy. tir. 21). Ausai assonc
d'ailleurs en ai dans une autre strophe citée par M. D. lui-même (p. 83).
2. M. D. range ici par erreur faz : c'est aussi la forme française.
DARMESTETER, Oe Flùovanlt 607
«st uiadfDÎ&sible; mais il n'y a pu besom de correction^ /# (anc. /ou) pouvant
Irès-bieo se pas élider son t devant une voyelle. — V. 1 jp. la ponctuatmii des
èditeufs est fautive^ mais celle de M. D. Test aussi ; lisez : Tu mt U iottûs, kU,
filU U roi d^AiiSM. — La correction du v. 1 jooest inutile, jamatt pouvant isso-
ler en j (voy. ci-dessus, p. 606, n, 1), — V, 174^ : Vos ren/iez dt Rome, si estes
fmûnaz; la rime étant en 1, ptnanaz doit être corrigé en pererins^ forme ancienne
de ptierins (on a dit aussi peretin par une autre dissimilalion)* — V. 1796 : Des
(oatratra^ sut (éd. contrair(s\^ M. D. Des contrmra^ btau (sic) stn; lisez plutôt : Di
S£S contmmSf sirt. — Dans le chapitre V de cette partie» l'auteur cherche à
prouver que le poème, tel que nous Tavons, a subi vers la fin du XII<* siècle un
remaniement et notamment des interpolations. Il n'y réussit pas. Il s'appuie sur
des répétitions qui lui semblent inutiles, appliquant ainsi au Floovani le procède
que M. Grœber a appliqué au Furabras: mais l'un et l'autre ne vorent pas qu'un
fait commun à un très-grand nombre de chansons de geste, pour ne pas dire à
toutes, n'est pas susceptible d'une explication particulière. Ce n*est pas ici le
lieu de discuter cette question déjà souvent agitée. Je me borne i montrer
Taveuglement où une opinion préconçue a jeté un critique d'ordinaire 51 judi-
cieux (M. Grœber en même occurrence en a d ailleurs donné les mêmes marques).
Voici trois vers répétés avec variation d'assonance ; ce sont des reproches que
Richer adresse i Floovant, qui hésite, à un premier combat^ devant le nombre
des ennemis :
I. El di va, malvais hom, ja fus tu 62 de reï, ,
Si o*u ne vair ne gris, destrier ne palefrci.
Se tu ne le conquiers a Tespié vianeis * ?
II. Tu fus chadet de Prince por 12 grant malvabtié;
Si n'as or ne argent, pale^ei ne destrier.
Se tu ne le conquiers au fer et a Tacier f
De l'un de ces groupes de trois vers, M. D. dit : • Habent vim et nervos hts
versus » ; de l'autre : t Quam débiles et exiles isti t • Or je défie le lecteur qui ne
sait pas auxquels s'appliquent respectivement ces deux jugements de le déterminer
avec assurance. De même p. 29, des vers que l'auteur considère comme inter-
poléi sont qualifiés de cplus que médiocres», sans qu'ils aient en réalité d'autre
tort que d'en répéter de précédents. — On ne saurait être trop prudent dans les
conclusions de ce genre, et les divers arguments de M. D. ne m'ont pas plus
convaincu que celui qu*il tire des répétitions épiques. Au reste, la question n a
pas grande importance pour la critique de FlGovant^ puisque, d'après M, D.
lui-même, te remanieur a peu touché i l'original et s'est â peu prés borné â
interpoler quelques strophes ou quelques vers.
La deuxième partie a pour titre : De Floofantis fshia fârm nrsionihs ni
maatiomim. C'est ta plus longue de l'ouvrage, et celle où l'auteur a montré la
critique la plus pénétrante et la plus heureuse. Il étudie d*abord les deux frag-
menU du Fioyait néerlandais publiés par M. Barlsch dans la Gtrmmk, et
montre qu'ils se rapportent h un poème analogue au Floofant que nous possé-
dons, mais cependant assez différent. Il conclut que le ms, que le versificateur
I. Umi^ réd. etM. O. __
& pour 5< et tsptt poitr ufU.
Mf, i riis pour km^ «n v. a 5^ pour Si, ao v« 9
6o8 COMPTES-RENDUS
néerlandais a eu sous les yeux et le ms. de Montpellier sont • dtj« divenae pn-
mitivî poematîs amissî retractatJones.» D'après la nature des variantes du texte
néerlandais^ — qui consistent surtout en amplifications et dans ilntroduction de
nouveaux personnages, — on peut très-vraisemblablement admettre que le poème
qui lui a servi de base est un remaniement fait au Xlll« siède, et sans doute
rimé, du texte même que nous possédons (non pas bien entendu d*aprés la mène
récension) ; il serait ainsi â notre Fhovani à peu près ce que le texte perdu du
Voyage à JérusûUm qui a servi de base à la rédaction en prose est au ms. unique
de Londres <. — M. D. passe ensuite aux imitations italiennes. Il avait à sa dis-
position trois textes : les livres I et il des Rcali 4i Franck^ — le Fioratami
découvert et publié par M. Ra|na (voy, Romania^ II, 353 s&.)^ — et un autre
ms. de FmoYanUj récemment acquis par la Bibliothèque nationale (voy. Romania,
III, 320). Le livre I des Reali^ la première partie des deux autres livres, sont
consacrés non à Ftoravante^ mais à son père Fiovo, M. D, laisse provisoirement
ce premier récit de côté, et étudie ce qui concerne Fioravante seul. II fait voir
que cette partie elle-même contient en réalité deux récits fort semblables, cousus
assez adroitement l'un au bout de l'autre, et arrive avec beaucoup de finesse à
démontrer que le premier de ces récits remonte à une rédaction, et le second i
une autre rédaction française de Fhoveni : la première ressemblait plus au
Floovant conservé^ la seconde au poème qu'a eu sous les yeux l'imitateur néer-
landais. — Revenant ensuite à Fiovo, il s'attache à montrer — ici M. Rajna
Tavait précédé — que F histoire du père de Floovent n'est elle-même qu'une
variante de celle de son fils, variante dont une rédaction assez différente dans les
détails, mais identique au fond, a également servi d'original à un traducteur
norvégien du XHl" siècle^. M. D. compare avec soin la Fîovtnî saga — dont
foriginal, au dire du traducteur norvégien^ avait pour auteur un certain Simon,
qui Taurait composé à Lyon (peut-être faut-il lire Laon;, — et le Fiovo italien,
et montre après M. Rajna combien le poème français que supposent ces deux
versions ressemblait au Fhovani, — Il examine ensuite le rapport des trois textes
italiens, leur origine et leur caractère. Ici l'auteur se sépare de M. Rajna. Le
savant professeur de Milan avait cru reconnaître dans le Fioraitank^ — source
des livres ï et II des Rcali^^ — la traduction pure et simple d'un roman en prose
française. M. 0. au contraire, adoptant et développant les arguments que j*ai
donnés ici (II, 354SSO contre cette thèse, démontre que la compilation des trois
parties en une, par la création d'épisodes indispensables à leur cohésion, ne peut
être le fait que d'un Italien. Il croit qu'il a existé deux poèmes franco-italiens,
Fun, — dérivé du Fiovtnt source de la Flovcnisaga^ — relatif au père de FIoo-
veni, l'autre, — formé à l'aide de deux rédactions du Flûovent français, mises
bout à bout (voy. ci-dessusi, — consacré à Floovent lui-même. Ces deux
1. Voyei la notice de M. Koschwiu.
j. La version norvégienne a ^ comme on sait, été mise en latin en 1731 par un étudiant
islandais, J. Olaf; M. D. publie en appendice cette traduction dont le ms. est à Paris.
OUf donne dans sa préface quelques détails curieux sur Tusage encore vivant en UUode
de l'u^e cette saga et d'autres à des auditeurs toujours charmés. Il nous apprend aussi que
Fiovtnt était devenu un prénom usité en Islande.
?. Je laisse ici de côté^ comme M. D., les parties du Fioravante qui racontent des (aîtt
postérieurs à la mort du personnage qui a donné son nom i tout le livre>
4
DARMESTETER. De FloovanU 609
poèmes ont â leur tour été fondus en un par un compilateur sans doute encore
originaire du nord de l'Italie^ et son œuvre a reçu au moins trois rédactions :
i* le Fiorayanu de Paris, plus primitif en beaucoup de Iraits, mais qui a réduit
â un résumé de quelques pages l'histoire de Fiovo; 2*» îe Fioravantt de Florence^
plus complet, mais remanié par un Toscan et altéré ; i" un troisième Fiorayante^
qu'a eu sous les yeux Andréa da Barbcrino pour écrire les Reali^ où il a encore
considérablement modifié et rajeuni son original, — Je simplifie quelque peu ici
Imposition de M. D, Ses recherches ingénieuses et tout â fait convaincantes
sont présentées sous une forme très-claire dans un tableau qui termine cette
partie de l'ouvrage. Chemin faisant, tl aborde un certain nombre de questions
secondaires intéressantes et fournit sur plusieurs points des renseignements nou-
veaux*.
Il a cependant laissé de côté la plus importante des questions que soulevait
son étude : quel est le rapport précis entre le poème de Flonnt et celai de
Floonntf M. D. a bien un chapitre intitulé : Quid ïnttr Flovcnùs (Fiovi) fâbulam
tt FloQvanîn (Ftorûvantis) inUrsit; mais au lieu de traiter des différences de ces deux
poèmes, il n'en examine en réalité que les ressemblances. Ces ressemblances
sont certainement nombreuses, mais il fallait aussi tenir compte des divergences.
La plus essentielle à coup sûr est celle du début (que M. D, omet tout à
fait dans son exposé de ce qui est commun aux deux poèmes). Flovent fut lèpre-
mier roi chrétien de France, d'après les versions islandaise et italienne; il était
neveu de Constantin ; ayant tué en présence de son oncle un grand seigneur
insolent, il s'enfuit^ arrive en France^ où régnait encore le paganisme (mahomé-
lismc), défend victorieusement le roi Florent de France contre les Saxons, et
finalement épouse la fille du roi des Saxons, devient roi de France après avoir
tué ic roi Florent qui le trahissait, et convertit tout son royaume au christîa-
, nisme. — Floovent (dans le Floovani et les deux parties du FioravanU) est fils du
premier roi chrétien de France ; ayant coupé la barbe â un haut baron qu'on lut
avait donné pour mattre, il s'enfuit pour éviter ta colère de son père, défend contre
les Saxons (Sarrasins) le roi d*Ausaî ^Alsace), et finalement épouse la fille du roi
des Saxons, et se réconcilie avec son père, qu'il a secouru efficacement jde même
que Flovent secourt son oncle, assiégé dans Rome par les païens). Assurément
ces deux histoires se ressemblent beaucoup ; mais il s^agit de savoir laquelle est
la plus ancienne, et comment il se fait qu'on ait attribué des aventures si sem-
blables tantôt au premier roi chritm de France, tantôt au fils du premier roi chré-
tiat, M. Rajna ne s'est pas expliqué sur ce point : s'il fallait prendre ses paroles
â la lettre, il attribuerait â Tauteur du Fioravante h distribution des rôles par
laquelle Flovent, primitivement identique â FJoovcnl, est devenu son père". Cette
opinion était â la rigueur soutcnable pour qui voyait dans le Fmavûnu b traduc*
tton d'un roman français ^ M. D., qui a prouvé que le Fiorjvante est italien, ne peut
des F
'^ i tratt I la tinfiuliére lé^endr de la translation de l'empire
duÉ »e ffouve dfjin* le Fhrarantt de Paris, et, d'après Je$
...... ,-:u k poème franto-vénitien â*Ugo d*Atvemia.
2. « lo pcniO cHt dclij itorii di Flovent 0 Floovani esisiesseio almeno dtieverjîoûi
ôlirc a qoella a noi pfrvenufj. Il no«tro autorc dovrcbbe avertc compost*? imiemc, scnna
lûdarsi sèment jrt dil pemlna the m cotai guisa U tuo prougoiùsta diventava proge-
oiiore di lé wtàmmo {Rumhi, etc,^ p, 6j). 1»
6lO COMPTES-RENDUS
la partager. En effet la Fiovent saga et le Fiovo franco-italien (rendu si probabte
par M. D.) nous attestent Texistence d'un poème français où figvrait Fioveat
comme premier roi chrétien. Mais alors se pose la question qne M. D. n'a pas
abordée : comment en est-on venu à transformer ainsi les données, soitd« FlawA^
soit du Floovent} Dans le poème primitif, le héros était-il neveu de Constantin et
fils de Clovis, premier roi chrétien ou fils du premier roi chrétien? anivait-ii et
France pour délivrer, conquérir et baptiser le pays, ou bien en partait-il et y reve-
nait-il à la fin comme légitime héritier du trône? Ce sont là des différences qui ont
une grande importance, et il ne suffit pas pour les expliquer de dire que ces deux
histoires sont des variantes d'un thème primitif. — Or la réponse n'est pas dou-
teuse: c'est l'histoire de Floovent qui est l'original. Pour nous en conTaincre, il
faut nous reporter à la troisième partie du livre de M. D., où sont réunis les
témoignages anciens relatifs â notre héros. Tous en parlent comme du fils de Clo-
vis, comme du compagnon de Richer; un seul, celui de Bertrand de Ronergne,
paraît se rapporter à Flovent^; il n'est que du milieu du XIII* siècle'; il prouve
donc simplement que le poème de F lovent existait à cette époque*. Il y a pins :
on a depuis longtemps rapproché de Floovant le début des Gtsta Dagoberû; on y
voit le jeune Dagobert, fils de Clotaire II, couper, comme Floovent, la barbe i
un puissant seigneur et s'enfuir pour éviter la colère de son père. La tradition
de Floovent remonte donc au moins au X« siècle; rien de pareil pour ceUe de
F lovent, — Il résulte de là que M. Rajna, et après lui M. D., ont fait fausse
route en regardant F lovent et Floovant comme deux variantes parallèles du même
thème. Floovant ignore absolument F lovent; l'auteur qui l'a composé savait
très-bien que le premier roi chrétien de France s'appelait c Cloovis. » C'est ce
qu'ignorait l'auteur de Flovent, qui a fait une simple imitation de Floovent.
Le nom du père de celui-ci ne se trouvait sans doute pas dans le texte qu'a
connu l'imitateur. Il s'est dit : t Si Floovent était le fils du premier roi chré-
tien, d'où celui-ci sortait-il donc? » Et illui a composé une histoire, qu'il a
d'autant plus étroitement modelée sur celle de Floovent qu'il comptait sur la
popularité de celui-ci pour le succès de son poème. C'est aussi pour cela qu'il
l'a nommé Flovent, presque comme son fils. On peut être sûr que la chanson
débutait et finissait par des allusions à Floovent (le traducteur islandais, qui ne
connaissait pas ce dernier poème, les a naturellement supprimées). L'auteur de
Flovcnty qui ignorait le nom de Clovis^ avait entendu parler de Constantin et de
ses relations avec le pape Silvestre, sujet d'une légende fort répandue. Comme il
fallait donner une patrie et une famille à son héros, il choisit Rome (croyant
I Florisen Que près premiers de Fransa mandamen.
2 . L'allusion de Mainet^ qui fait remonter à Cloovi^ le premier roi qui tint crestienti^ la
possession de Joyeuse^ s'applique fort bien à Floovent, puisaue celui-ci, dans le texte
suivi par le Fioravante, reçoit cette épée des mains de sa mère (qui sans doute la sous-
trait au roi). — Dans F lovent on raconte comment Flovent avait reçu cette épée d'un
ermite averti par le ciel.
3. Une circonstance assez curieuse permettrait de le faire remonter bien plus haut.
Guillaume de Berneville, Pauteur de la Vie de Saint Gile aue j'imprime avec M. Bos pour
la Société des anciens textes , rend le nom du roi Flavius de la Vie latine par Florent, Il
ne semble pas que ce nom ait existé en dehors du poème perdu dont il s'agit. Or la Vie
de Saint Gile est de la première moitié du xii* siècle. En tout cas Floovent fut beaucoup
plus célèbre que son père.
DARMESTETER, Di Floovantt 6ll
que Constantin y avait toujours ré^né) et Constantin, et il amena tranquillement
le neveu de Constantin à la cour du roi païen Floire de France^ sans plus se
soucier de Thistoire réelle que si elle n'avait pas existé. Voilà le vrai rapport des
deux poèmes *. Il ne faut pas trop s'étonner de ta grande ressemblance entre
Toriginal et rimitation : d'abord la ressemblance n'est pas si grande que te
disent nos deux auteurs, qui ne relèvent que tes points de contact; ensuite on
trouverait des cas semblables dans T histoire des chansons de geste. Il y a des
générations de t Narbonnab » qui répètent plus ou roolos fidèlement tes mêmes
aventures, comme on peut te voir dans le livre de M. Gautier. Ici encore, par
conséquent» « le fils a engendré le père*».
Dans la troisùme partie de son travail. M, D. recherche l'origine et le carac-
tère de Floovan^, et est amené par là à rapprocher les différents poèmes qui se
rapportent à des rois mérovingiens : Fioovani, Fiovtnî^ Florent a Octûvicn*,
Cipuis de Vignevaux^ Chartes k Chauvt*, Mirman et Sigurd U mm. Ces deux
derniers récits n'existent qu'en islandais; M. D., grâce à Tobiigeance d'amis
Scandinaves, en a donné une utile analyse. Mirman parait imité d'un poème très-
récent, sans base traditionnelle*^ ; quant â Sigurd^ je Técarterais tout à fait, te
regardant comme d'invention purement Scandinave. Aux autres il faut joindre,
comme Ta fait M. D., les allusions au mariage de la fille de Floovent avec un
roi des Saxons, mariage évidemment raconté dans quelque chanson, et considéré
comme la cause des guerres interminables entre les Francs et les Saxons. --
Appuyé sur ces poèmes, qu'il rapproche de quelques fragments de chroniqueurs
{notamment du fameux passage de la vie de saint Faron), M. D. essaie d^élablir
l'existence d'une épopée mérovingienne. Je crois qu'il a tout à fart raison, —
d'ailleurs j'ai émis cette opinion il y a douze ans, — et qu'il aura contribué à
mettre en lumière un fait important pour l'histoire de notre épopée. Aux argu-
ments qu'il donne on pourrait en ajouter d'autres' ; on pourrait surtout pousser
l'investigation plus loin qu'il ne l'a fait, et se demander quelle a été l'origine et la
portée primitive de celte épopée formée autour de Clovis» de Clotaire et de
Dagobert. Il faudrait d'abord savoir, — et je suis surpris que l'auteur n'ait pis
posé cette question,— si elle appartenait aux Francs ou aux Romans, si elle était en
latin vulgaire ou en théodisque. H y aurait encore à rechercher comment elle
i. C'est donc à tort que MM. Rajna et D. ne voient dans Ftonnî qu'une forme de
Fioorent : c'est un nom fait i Timiution du premier,
j. Ainsi la restitution du poème pTimitit, — source de Flovent cl de Fhovtnt, -*
tentée par M. D. (p. 8j si,)* est une œuvre vainc. — îl faut aussi modifier d'après ces
données le tibleau des différentes rédactions.
). Il commence par réunir touiei les allusions à Floorent. A celles qu'on connausait U
ajoute ta mention u'Albéric des Trois- Fontaines et un vers d'un fabicau inédit,
4. M. Rajna avait déjà supposé que ce poème du xtv* siècle avait fait des emprunts au
Fhvtnt perdu; M. D. Ta mis hors de doute.
|, Ce personnage absolument fantastique, qui a emprunté son nom I un roi carolin^
gien, est présenté comme un roi de Hongrie, païen, puu baptisé, que les pairs de France
prociament roi après la mort de Ciotaire.
6 Sauf peut-être le nom du héros, qui pourrait bien au contraire remonier k une tn*
dition historique et ancienne ; mais il ne subsisterait dans le poème que son nom.
7, Je m'étonne que l'auteur n'ait pas repioduît le passage si important du Potta Saxo,
maintes fois ciré, à propos de Louis le Pieux : n Est quoque jam notum : yalgaria carmiM
magnis taudibus ejus avos et proavos célébrant; Pippinos, Carolos, Htttdovic^s ti Theo-
dricoSf Et Carlomannos Hlothariosque canunl. »
6l2 COMPTES-RENDUS
s'est propagée, quelle influence elle a exercée sur Tépopée carolingienne, quelle
action elle en a subie à son tour, etc. On voit que la question est loin d'être
épuisée, et elle suffirait certainement encore à une dissertation spéciale. Le
mérite de M. D. est surtout d'avoir fait ce raisonnement inattaquable : ayant
montré que les Gesta Dagoberti et le FloevaU nous offrent, l'un la forme mona-
cale, l'autre la forme populaire d'une même tradition relative â la jeunesse de
Dagobert, il ajoute : c Sed quomodo Merovingx fabulx, sacculis VI<> et VII* natac,
per sexcentos annos per ora populi vigere potuerunt, nisi illas servaret forma
quxdam certa et ea qux non mutaretur^ > c'est-à-dire les poèmes dans lesquels
elles étaient racontées * ?
Je relève encore dans cette dernière partie un ou deux points particuliers.
J'ai suggéré à M. D. une explication du nom de Floovent qu'il a adoptée.
Suivant moi, Floovent est pour Floovtnc^^ plus anciennement nécessairement
FlodovmCy et Flodovenc n'est autre que Hlodovinc, c'est-à-dire que le mot est à
Hlodovech ce que Meroving est à Mtrovtch, On sait que le groupe initial Hl dans
les noms francs est perpétuellement rendu par FI dans les textes du VII* siècle
(voy. les exemples réunis dans Fœrstemann) : Flodovicus, etc. Flodovenc signifie
donc le fils ou le descendant de Flodovic =zClovis. Il ne s'en suit pas qu'il feiille voir
dans Floovent, avec M. D., un synonyme de c mérovingien », et dire : c Inde
patet Merovingorum totam gentem in plebis mente per fabulosam personam
reprxsentatam fuisse, Flo[d]ovinc scilicet, id est Cloovisiadem; nihil minim igitur
primi christiani Francorum régis filium istum Flo[d]ovinc seu Cloovisiadem
habitum esse. Huic autem fabuloso Cloovisii filio gesta attribuuntur maximi e
Merovingis regibus, Dagoberti scilicet. » Je me représente les choses autrement.
Que le nom de Flodovinc ait été porté par les descendants de Chlodovech, c'est
possible et même vraisemblable ^ ; mais le héros de notre poème n'est pas un type
fabuleux: c'est Dagobert. Il est probable que dans la chanson primitive son nom
était souvent accompagné de l'épithète de Flodovinc^; peu à peu le prénom a
absorbé le nom, et il n'est resté que Floovent : cela tendrait à faire admettre
comme point de départ de tout ce développement une chanson germanique. —
Dagobert, dont nous avons ici les Enfances, — sous une forme étrangement
remaniée, — a certainement été le plus célèbre des rois de la première race.
Faut-il croire cependant avec M. D. que sa popularité se soit perpétuée sans
interruption jusqu'à nos jours et survive encore, bien que sous une forme
ridicule, dans une chanson bien connue (M. D. en traduit spirituellement les
deux premiers vers: Rex est Dagobertus Perverse bracatas)? Je ne suis pas de cet
avis. Cette chanson, faite sur un vieil air de chasse, est très-moderne ; je ne la
crois pas plus ancienne que ce siècle. La forme seule du nom, Dagobert, aurait
1. M. D. admet une autre possibilité, c'est qu'elles aient pris la forme prosaïque de
contes, pareils à nos contes de fées. Je ne crois pas cette alternative acceptable, pour des
raisons qu'il serait trop long de développer ici.
2. M. D. rapproche loherent, flament^ etc. Les exemples ne sont pas rares. Le ms. de
la I "^^ partie de la Geste as Normanz (connue à tort sous le nom de Roman de Rou)
donne Hastant pour Hastenc = Hasting.
3. On pourrait aussi bien appeler tous ces rois les Chlodovingiens que les Miro'
vingiens.
4. C'est ainsi que la chronique saxonne appelle Alfred le Grand Aelfred Athu^ng, « fils
d'Athulf », c'est-à-dire d'Athelwulf.
La Passion du Christ, p. p. edstrœm 6\ ^
dû avertir M. D. : ce nom, s*ij s'était transmis oralement, serait Daibert. Le
nom du roi Dagobert, pris pour type d'un roi ancien et ridicule *, figure égale-
ment dans un proverbe comique^, et n'y est pas plus traditionnel. Si le < cycle
mérovingien » est vivant <}uelque part, c'est en Islande avec fa Fhnnt saga
et en Italie avec les Reati di Franàa^.
J'ai adressé au livre de M. Darmesteter de nombreuses critiques; pour en
apprécier toutes les qualités, il faut le lire. On sera îrappc à chaque page,
comme l'ont été les |uges de la Sorbonne, de la finesse du raisonnement, de la
solidité du savoir et de la clarté de t'exposition. L'auteur a bien voulu mscrire
mon nom en tète de son ouvrage; j'ai cru ne pouvoir mieux le remercier quVn
lui montrant que }e l'avais étudié de près.
G. P.
La passion du Christ, poème provençal, d'après un ms, inédit de la
Bibliothèque de Tours, traduit et accompagné d'un exposé grammatical, par
E.-L. EosTnteM. Thèse pour te doctorat présentée à la Faculté de philoso-
phie d'Upsala, — Gœleborg, 1877,
En rédigeant en français une thèse présentée à une université de Suède, l'au-
teur a eu pour but de montrer qu'il était en état de manier notre langue^ et ce
but il Ta parfaitement atteint. Nous devons pour notre part lui être d'autant
plus reconnaissant d'avoir choisi le français, que le sujet par lui traité nous
intéresse plus particulièrement. Quant à la façon dont ce sujet est traité, il y a
bien des réserves à faire. Le texte provençal édité par M- Edstrœm n'était pas
aussi inconnu qu'il semblerait l'avoir été lorsqu'on lit la préface de l'éditeur. Il a
été l'objet d'une notice dans le Bulletin de la Société des anciens textes français
(année 187^, p. 61-71), Dans celte notice M. E. aurait appris diverses choses
qu'il lui importait de savoir; d'abord que le ms. de Tours n'était pas unique,
mais que trois mss. de Paris renfermaient le même poème provençal ; il y aurait
trouvé aussi des renseignements qui lui ont manqué sur l'original latin de ce
poème^ et sur les versions en diverses langues qui ont été faites de ce même
original pendant le moyen-dge, La liste des ouvrages cités qui termine la pré-
face montre au reste que M. E., et c'est dans une certaine mesure une excuse^
n'a eu à sa disposition qu'une bibliothèque bien insuffisante. Il est fâcheux
notamment de ne pouvoir citer la Poisu des Trôuhadoun de Diez que d après
VHUtoin de Id langui tt de îâ liulratmt française de M. Aubertin ; d'autant que
M. Aubertin n'est pas toujours exact en ses citations : par ex. lorsqu'il mentionne
1, Pourquoi? sans doute à cause de sa statue ï Notre-Dame. Beaucoup de plaisanteries
populaires, — naturellement parisiennes, — n*ont pas d'autre origine. Cf. La ,XXIIl.
manières de nlains : « Li vilaini babuins est cil qui vet drvant Nostre Dame a Paris, et
regarde les rots^ et dist 1 Vesta Pepin^ vesla CharUmainnt ; ei on lui coupe sa bor$t par
deriere, »» Ces statues avaient répandu les noms de auclqucs vieux rois, ei leur mine
rébarbative semblait groicsc^ue, — Une autre source de notions du même genre étaicjit
ks sépultures royales de Samt- Denis.
2 M t1 n'est si bonne compagnie qui ne se quitte, disait le roi Dagobcrt à ses chiens
en les jetant i l'eau parce qu'ils étaient galeux. *
).Le nom au moins de Dagoben paraît s'être maintenu dans la tradition allemande, à en
juger par rempcreur Tacpreht de la Wettchronik d'Enenkel; mais son histoire ne rappelle
en rien celle du roi de France (voy. VEradias de Massmano, p. 199 ss.).
6l4 COMPTES-RENDUS
(p. 297) un c Gvibert de Puicibon » que M. E. lui a malhenreasemeiit em-
prunté.
Quant au texte, il est évident — les notes du bas des pages en donnent la
preuve — que Téditeur y a apporté beaucoup de soin et de scrupule, mah ses
connaissances en provençal sont encore bien limitées. Ainsi s'expliquent des
lectures telles que toiz pour totz (v. 12), par pour per (v. 43), reu pour fen
(139), etc. Souvent aussi les mots sont mal coupés; ainsi il faut écrire ensems
et non en sems; à*aqiU5î et non da qutst (v. 166), aquï et non a qui (v. 253),
mr?a et non vivria (v. 373), e que y a, et non e qucya (v. 680), aitan^ et non
ai, tan (v. 723), etc. Vers 44 et 45 lui iac et/u scriso sont évidemment mal lus
et mal coupés. D'autres fois le vrai sens n'a pas été saisi et par suite fa ponctua-
tion est mauvaise; ainsi v. 68 quel soleil , vens doit se lire quel soleil vens^ tXvens
appartient à vencer, non à venir comme M. E. Ta cru. Je laisse de côté la cor-
rection des fautes qui se trouvent dans le ms. : il y aurait là tout un travail à
faire pour lequel les trois mss. de Paris devraient être mis à contribution.
U Exposé sommaire des flexions , qui n'est pas non plus exempt d'erreurs, n'offre
aucun fait qui ne soit connu.
P. M.
Étude sur le dialecte picard dans le Ponthieu d'après les chartes
des xiii« et xiv siècles (12 $4-1 3 3 3), par Gaston Riynaud. Paris, Frank,
1876, in-8», 123 p.
V Étude de M. Raynaud est la thèse qu'il a soutenue pour obtenir le titre
d'archiviste-paléographe ^ On ne peut indiquer aux élèves de l'Ëcole des chartes,
dans le domaine de la philologie, de travaux â la fois plus utiles et mieux appro-
priés à leurs forces que des monographies de ce genre. Copier un certain
nombre de chartes françaises, renfermées dans des limites bien précises de temps
et de lieu, les publier et les soumettre à l'analyse grammaticale, sont trois opéra-
tions dont tout élève de cette École doit être en état de bien s'acquitter. La seule
vraiment délicate est la troisième, car la première ne demande que de l'atten-
tion, et la seconde, bien qu'il y faille déjà plus d'intelligence et de méthode, est
rendue facile par l'enseignement et par les excellents modèles qu'on a maintenant
sous les yeux, — notamment dans les publications de M. de Wailly. C'est aussi
dans les travaux de cet illustre savant sur les chartes de Joinville, d'Aire et les
comptes municipaux de Reims qu'ont été exécutés pour la première fois des
dépouillements dans le genre de celui qui nous occupe. Mais quelles que soient
les qualités éminentes de ces mémoires de M. de Wailly, il ne faut pas oublier
qu'ils ont été écrits pour un objet spécial, — pour établir l'orthographe de
textes que l'auteur voulait publier, — et il y a d'autres raisons encore de ne
pas recommander à l'imitation servile la méthode qui y est suivie. M. R., tout
en déclarant qu'il a pris pour modèle les Observations sur les chartes d'Aire^
a classé et qualifié les faits grammaticaux qu'il a observés autrement que ne l'a
fait M. de Wailly. La méthode qu'il a suivie est, comme il le dit, celle que j'ai
I. Elle a paru d'abord dans la Bibliothèque de P École des chartes, t. XXX VI et
XXXVII.
RAYNAUD, U dialicii picard 6 j ^
adoptée dam la préface de VAkxis; mais je ne sais si je li recommanderais aux
auteurs de monographies semblables. Pour moi aussi il s'agissait avant tout de
déterminer l'orthographe du texte que je voulais éditer, c'est-à-dire de discerner
entre les formes du manuscrit L celles qui devaient remonter à l'auteur et celles
qui provenaient de copistes : les recherches grammaticales n'étaient là qu'un
moyen, et ne devaient pas par conséquent déterminer l'ordre à suivre. Il en est
autrement dans des études comme celles de M. R.; ici il s'agit de caractériser
grammaticalement un groupe de textes, dont on connaît d'ailleurs l'époque et la
date. Pour cette besogne, la méthode descendante, — qui part du latin, — est
plus claire, plus simple et plus sûre que la méthode ascendante^ et c'est celle
que je voudrais voir appliquée par les émules qu'aura sans doute M. Raynaud.
On verra dans la suite de cet article quelques-uns des inconvénients qu'a eus
pour lui l'emploi de l'autre procédé ; mais ce que je ne puis naturellement ^ire
sentir» c'est la supériorité qu'aurait eue un travail conduit comme je l'indique
ici» En prenant successivement, — pour la phonétique par exemple, — chaque
voyelle latine sous ses difîérents aspects, chaque consonne à ses différentes
places, on est bien sûr de ne laisser échapper aucun fait. Il est clair d'ailleurs
qu'il ne s'agit pas, à propos de quelques chartes, de refaire toute la grammaire
française, et qu'il ne faut insister, — comme l'a fait M. R., — que sur les points
où le dialecte qu'on étudie se distingue du français propre. Mais ces points
seront précisément mb en relief avec beaucoup de netteté par la méthode des-
cendante.
Le travail de M» R. est digne de tous les éloges. L'auteur y montre une
réelle connaissance de la vieille langue, une grande circonspection, et de la darlé
dans les idées ; il est en outre au courant des travaux les plus récents sur le
sujet. Son étude touche à plusieurs points importants de l'histoire de notre
vieille langue, et il les traite d'une façon quelquefois nouvelle. Ses conclusions
sont que le dialecte picard, — tel qu'il se parlait dans le Ponùm de Ji^o â
H]^> — se distingue du français pur par un assez grand nombre de traits.
Laissant de côté ceux qui sont douteux, insignifiants ou n'apparaissent que spo-
radiquement dans les chartes, j'indiquerai les suivants pour la phonétique :
1. ant
int enl
A.
il*
î. ellos
eaus
iaus
î. en
cin
am
4. ol
j. ca
ou
cha, che, chié
au
ka, ke, kié
6. ga
7. ce, ci
8. abilis
îa, gc
ce
ables
ga. ghe
che
avles
Revenons sur chacun de ces points dont on sent l'importance, puisque nous
avons là les distinctions essentielles de la langue des chartes du Pontieu et de
la langue d'où est issu le français moderne. On comprend que c'est par des
Je marque ici an f pour indiquer qu'il «'agit d*4ii, tn suivi d'une consonne.
6l6 COMPTES-RENDUS
études spéciales comme celle-ci que Ton arrivera enfin quelque jour à écrire cette
Grammaire de la langue d'oil dont nous ne possédons que le titre.
1 . En pontier, comme en français, an et en (provenant d'une part de an, d'autre
part de in, en latin, suivi d'une consonne) se confondent au XIII« siècle. Seule-
ment M. Raynaud croit que la confusion est inverse dans les deux dialectes : en
français 6 s'est absorbé dans J, en pontier â se serait absorbé dans é. Il s'appuie,
outre quelques vraisemblances tirées de ses chartes, sur le patois moderne^ ce qui
est un très-bon argument; car, qu'on le sache bien, on ne pourra vraiment
arriver à la connaissance des dialectes anciens qu'à l'aide des patois actuels ; —
mais son indication est bien vague, c Le son è, dit-il (p. 82), existe encore dans
le patois moderne >. Dans quels mots? Existe-t-il pour les mots qui ont an en
français? Où M. R. puise-t-il la connaissance du patois moderne du Pontieu?
Toutes questions auxquelles il n'est point fait de réponse et qui sont cependant
capitales. Je vois ailleurs (p. 110), à propos de ce patois moderne, un renvoi â
Corblet, et ce renvoi m'inquiète doublement, d'abord parce que le Glossaire ày^
mologiquô de M. l'abbé Corblet est un ouvrage sans queue ni tète, et ensuite
parce qu'il s'agit dans ce glossaire de la Picardie propre et non du Pontieu. La
question soulevée par M. R. est des plus intéressantes : je ne puis l'aborder ici,
mais je lui demanderais volontiers de compléter, par des informations prises sur
les lieux, les renseignements trop imparfaits qu'il nous offre.
2. Sur eaus et iaus^ rien à remarquer, si ce n'est la bizarre disposition par
laquelle M. R. a traité de ce dernier suffixe une première fois sous i et une
seconde foissou^âu; il sait bien cependant que Vi de iaus n'est pas une voyelle.
S'il était parti du latin, il n'aurait pas eu cet embarras.
3 . Ain pour ein est remarquable et distingue bien nettement le pontier du
normand (au moins de l'ouest) qui dit volontiers ein pour ain, aussi bien que du
picard plus oriental qui dit oin.
4. Un trait fort intéressant, commun au picard ordinaire, est au pour ou de
ol : cauper^ saus, vauront. M. R. remarque avec beaucoup de vraisemblance que
la marche suivie a dû être ol — ou — au ; ou s'est donc changé en au quand ces
deux groupes étaient encore de vraies diphthongues. Il faut ajouter que ce chan-
gement ne s'opère que sur du et non sur 6u : 61 et ul latin donnent également
ol, mais sous cette notation uniforme il faut distinguer les deux sons répondant
aux deux provenances, d'une part càlper^ sàls^ voiront, — d'autre part dôlce^
môlt^ cscôlter. Cette distinction se reflète dans le picard, qui dit saus^ cauper^
vauront^ — mais non dauce^y maut^ escauter. Il est vrai qu'on pourrait croire que
dans douce, moût, escouter, VI a été non pas vocalisée, mais élidée, en sorte que
ces mots, notés phonétiquement, auraient toujours été duce, mut, escuter^ et non
douce y môut^ escôuter^ et que leur ou orthographique n'aurait jamais été diph-
thongue. Je ne le pense pas; mais c'est encore une question que je me borne à
indiquer.
5 et 6. Le phénomène signalé ici est bien connu, mais M. R. a profité de ce
qu'il lui passait sous les yeux pour faire une petite digression très-bien venue,
1 . Dax est H cd/u,dans Auc. et Nie, v. I, est une faute de lecture pour Dox que porte
le manuscrit.
RAYNAUO, Le diaiicti picard 617
parce qu'elle résout un point délicat d^ancienne prononciation. Dans des textes
picards, c'est-à-dire qui conservent intact le c devant j, ce f, quand Va qui le
suit s'est changé en français en e ou iV, est noté de trois façons distinctes :
prenons les mots aibâUam et tarum^ on les trouve écrits quofM^ kcval et cevaî^
fuur, kur ci clcr. Pour les deux premières notations^ pas de difficultés; mais la
trotsiéme? fautait lire kcvd et kkr ou ç€}tol et cm} M. R.<t par des raisonnements
excellents et décisifs, a montré que ces trois notations n'ont qu'une seule et même
valeur, soit celle de it^ Voili un fait acquis à b science'.
7. A la conservation du c dur dans ca correspond en picard, — et, d'après les
relevés de M. R., en pontier^ — la transformation du c devant ;, t (et du t devant
r H- voyelle) en ch (pr uh) au lieu du ç français <pron. U). La question que
posent â ce propos certaines rimes dans divers poèmes, et que résoudra sans
doute un jour quelque étude monographique comme celle de M. R., est celle-ci :
n'y a-t-il pas eu des régions où, traitant le c€ à la picarde, on traitait le ca i la
française? autrement dit, la prononciation chuintante du c devant i a-t-clle
nécessairement pour pendant la conservation du c dur devant a .' Quand àt%
poètes soigneux font rimer par ex. franu àtfrânca et Franct de Francia^ il faut,
semble- t-il, qu'ils aient prononcé /rjncA^ et Franche^ tandis que le pic, dit franke
et Franche j le fr* franche et France. C'est un petit problème que je recommande
aux Investigateurs tant da archives que des patois vivants du Nord^.
8. Dans les chartes du Pontieu, comme dans plusieurs autres textes picards^
les suffixes abUis ^ Mis ^ ibilis donnent les formes romanes ûuUs, mUs.
Fautnl prononcer un a ou un v, — avUt ou auks, ivtes ou iales? Les raisons
données par M. Tobler ont convaincu l'auteur de notre Etude qu*il fallait pro-
noncer avU. Je le crois aussi, mais c*esl encore un cas oii la comparaison soi-
gneuse du patois actuel pourrait être d'une grande utilité.
Je passe rapidement sur ce qui concerne fa flexion^ — où on trouve réunis les
traits connus du dialecte picard^ — pour ne m'arrêter qu'à un point, celui qui
traite de Tarlicle féminin. Dans les chartes publiées par M, R.^ cet article n*a pas
de cas, il est te au singulier et la au pluriel. Dans les chartes d'Aire cl dans
beaucoup d^autres textes picards, il a, comme on sait, deux cas au singulier^ li
et kf le pluriel étant toujours privé de cas. D'accord avec Burguy^ — dont il
ne combat l'opinion que sur des points de détail,— M. R. regarde la forme
 deux cas comme plus ancienne, la forme oii ils ont disparu comme plus
récente. Je crois que c*cst une erreur, et je la relève pour avoir l'occasion de
dire un mot de cette singulière constitution de l'article féminin dans les dialectes
picards. Ce qui est commun à toute la langue d'oil^ fondé sur le latin, et par
conséquent primitif, c'est de n'avoir pas de as pour Tarticle féminin, — pas
latin, I pu
I. Il faut faire quelques réserves cour qu^ qui, quand il provient de qu
gaider une valeur particulière ; il s'agît \d de tfa répondant à ca latin.
a. M. R, cite encore ici le patois. Il auiait pu remarquer que des noms de lieux
prononcés encore aujourd'hui par k sont souvent écrits au moyen âge par f .
). La solution que M. Joret a donnée de cette difficulté (Du C« p^ ^7^^9) oc me paraît
pas admissible, bien qu'il ait évidemment raison de lire dans les deux cas ch. Ces rimes
se trouvent dans des textes qui paraissent d'ailleurri picards.
4. Remarquons que les chines du Pontieu ne donnent nulle part, excepté somts
stroma, les formes en -•mer de la i" pcrs. pL, regardées généralement comme picardes
(Raynaud, p. m).
6ï8 COMPTES-RENDUS
plus d^ai1lettrs que poor aucun féminîti (au moins de la première déchnjison).
(Iljla et {il)kim) ne pouvaient en effet donner que la ; ilht fut abandonné et
remplacé par iilas^ comme rosae par rosds^ et cela à l'époque qu'on peut encore
appeler du lalin vulgaire. On avait donc /«i, ias. Lus s'alîaiblil de bonne heure
en Us ; la au contraire, dans tous les dialectes sauf le groupe du Nord-£st, ne
se changea potnt en U, pas plus que ma ta sa ne devinrent me U $€, Si là éuil
devenu k^ cette forme se serait confondue avec celle qu'avait prise (par affai-
blissement de h) le cas régime du masculin. C'est ce qui arriva au picard, [lest
fort probable que quand le picard (j'emploie le mot dans un sens très-vague) a
changé la en k^ il n'avait point encore affaibli lo en /«, et conservait ainsi les
deux genres distincts. Mais plus tard ils se confondirent, et on eut ainsi lirois^k
roi, — le roinCf k roinc : c'est la forme des chartes du Pontieu. Le masculin et
le féminin coïncidant ainsi au cas* régime, ranalogiei aux tendances si multiples
et si puissantes, les fit coïncider aussi au cas-sujet^ et on dit li rok^ k roi^ —
li roine, k roitit. Le pîuricl seul que je sache ne fut pas atteint par cette révolu-
tion; on continua  dire ks roints^ sans distinction de cas. Mais fa preuve que
le point de départ de tout ce mouvement est purement phonétique^ c'est qu'au
changement de la en /; correspond celui de ma ta sa en mi u se. Il ne faut pas
objecter à cet ordre chronologique que plusieurs chartes d'Aire, par exemple, où
on trouve /i, k sont antérieures à celles du Pontïeu, qui ne donnent pas de cas a
Tarticle féminin : il est clair qu'il se mêle â la qu^tion chronologique unequcs-
tion géographique; une évolution qui s'accomplit ici en deux siècles peutsefaire
1 côté en une génération; la phonétique historique ne pose que des jalons logi*
ques, autour desquels devront s'orienter les lignes onduleuses et brisées suivies
par les phénomènes dans le temps et dans Tespace. Cest ainsi qu'on trouve dès
le XIÏI* siècle del^ at au féminin, — dernier terme de rassimilation, — Undîs
que de k^ a k subsistent jusqu'à nos jours dans des noms comme Dikptcru,
Deknit^ etc, — L'explication donnée jusqu'à présent des formes picardes de
''article est tout autre : c'est, dit-on, une assimilation du féminin au masculin.
Rien ne me paraît moins vraisemblable; la confusion âts deux genres, dans
l'article qui sert si souvent à les distinguer, est un désavantage pour le dialecte
picard ; qu'on s'y soit résigné en subissant les lois de la phonétique et les solli-
citations de l'analogie, je le conçois, mais qu'on Tatt cherchée, c'est inadmissible,
— Une troisième explication pourrait être proposée, et est sans doute vraie non
pour îe picard, — oà l'existence de me u se â côté de k éclaire tout ce déve-
loppement, — mais pour des textes de provenance diverse (j'en connais de bour*
guignons, de normands^ etcj, oà on trouve à l'art, féminin li au cas-sujet, ta
au cas-régime (le pluriel restant toujours sans cas). C'est un hh certain* qo'i
partir d'une époque encore à fixer, on essaya de donner des cas à tous les mots
féminins terminés par une consonne (raison) ou une voyelle accentuée \bonti) :
pour leur procurer un nominatif, on prit Vs caractéristique du cas-sujet dans le
plus grand nombre des mots masculins, et on eut la raisons^ la honUs, Mais cet
article invariable jurait avec ce substantif variable : on employa le même pro-
t. Certain 4 mes yeux; M. Tabler explique tes choses différemment, mais ie aoit
toujours que les textes me donnent raison.
RAVNAUO, U dialecte picard 619
cédé pour (^article, c'est-à-dire qu'on modela le nomrnattf féminin $ttr le nomîna*
tif masculin, et on eut li aux deux genres^ Ce qui montre bien ridenlilé du
phénomène^ c'est que dans l'article pas plus que dans }e nom, le plund ne fut
soumis à la même tentative. — Pour revenir au picard, >l est clair que /( sans
cas, qui est h forme moderne, est en ce sens plus récent que ti, k; mais /î, U
avaient été précédés de k sans cas, qui lui-même provenait de /j, et n'en pro-
venait pas depuis une époque octrémement ancienne^ puisqu*£uia/ii et le Frâg'
ment de Vaknciennes ne connaissent encore que îa.
le terminerai ce compte-rendu par quelques observations de détail. Les cadres
phonétiques établis par Tauteur manquent souvent de rigueur. Ainsi, p, ^&,
noui lisons que i provient^ * comme en français, de € bref accentué», exemple:
du de duem; i\ aurait fallu dire que ce changement n'a lieu que dans certaines
conditions, — P.* 61, Vi de ks^iuieus est attribué à ia gutturale; c*esl une
erreur : ^u n'est pas une gutturale simple, la labiale qui suit le f n'a pas cessé
de se faire sentir, quak a donné régulièrement quel et non quul; ks^jaieuî â côté
de jmrnuus dans nos chartes, de mortieus ostteas luus etc. dans plusieurs textes>
appartient â un groupe excentrique dont je ne saurais expliquer la déviation. —
Tout ce qui concerne u, <u^ o, ouest exposé assez confusément ; Tauteur aurait
certainement beaucoup gagné en clarté et en précision, s'il avait pris pour point
de départ le latin et non le picard. — P, 66 1 faz doit se prononcer fm
{1=1 i mouillé, plus s) 1 ; cette définition du z n'est pas moins étrange que l'as-
sertion SUT faz (pron, fats) n'est erronée; seulement faz est une forme française :
le picard dit fach. — P, 68^ dans canlamènt^ demouraissentj M. R, pense que la
diphlhongue ai est < produite par un a accentué suivi d'une s dure •, et tl
regarde ce fait comme spécial au dialecte qu'il étudie. Mais ces formes se trou-
vent partout; elles proviennent du type latin canta{v)issent^ comme chantai de
eanta{v)i; et par quel phénomène t une double x sonnant dure >, comme dit plus
foin M. R., produirait-elle un i devant elle? i Ce changement peut seul nous
expliquer les formes Nichohy, Nicolai La forme Ntcolais a d'abord existé au
cas-sujet où se trouve \'s dure (voyons : est-ce une i double ou une j dure?) néces*
saire au changement de a en ai. * Tout cela est aussi vague qu'inutile. Ntcolaiu
est un mot savant, venu en France au X* siècle environ, et dont les formesn'ont
rien à faire avec la phonétique populaire; peut-être en Picardie a-til été inlro-
duit sous la forme /Vifo/à/j par adoucissement 6t Nicoldui, — P. 71, l'auteur se
demande si Bautiste ne devait pas se prononcer Bavtiste, A ce mot correspondent
les formes bien connues hautesmey hautisur, etc.; Talfaiblissemeot de p tn
^ V u n'a rien de surprenant. — P. 75, l'auteur soutient que uu dans hatUieus
Pontuu^ etc,^ n*est qu'une notation de iû; puis il ajoute : i Bientôt la notation
iû (ta) disparaîtra, remplacée complètement par t^, qui ne tardera pas i sonner
comme elle fait aujourd'hui. ■ Qui ne voit que la prononciation actuelle de
Pontiiu empêche précisément de croire que quand on s'est mis à écrire Pontuu
IU lieu de l'ancien Pontiu on n'ait voulu que représenter la même prononcia-
L Ceit U même tendance qui a pu influcT en picard sur la substituiion de // U ï U
uns cas. L'application de la déclinaison aux mots fémininï de la daisc indiquée d-desiui
tax en effet de règle dans le picard du fin' siècle, — et dans le pontîcr: voy, Raynaud, p,
104, où il est dit ï tort que ta forme sutn fît ■ fautive »; cf. U iUte deï noms propres.
620 COMPTES-RENDUS
tion? Mais dit M. R., on lit dans la même charte Milûus et Mikiau, Cela
prouve simplement que le scribe hésitait entre deux manières d'écrire. Il cite lui-
même en d'autres cas plusieurs exemples analogues, où la même charte ofire â la
fois l'orthographe archaïque et l'orthographe conforme à la prononciation. —
P. 8$, rangeant, — avec raison, — cosc sous ca et non sous co, il fallait égale-
ment y mettre coisir de kausjan, — P. 98, M. R. met par distraction cognoistre
parmi les mots c où Vn est double en latin >. — P. 1 1 3 . c Les parfaits [des conju-
gaisons autres que la première] se rencontrent dans nos chartes sous deux
formes, — l'une en i, — l'autre en si, plus usitée. Déjà au milieu du XIII* siècle
la contraction a eu lieu de esi en ei pour le parfait, mais l'imparfait du subjonctif
est intact, t Je ne sais ce que veut dire cette phrase, ni de quelle personne du
parfait l'auteur entend parler. S'il croit, en opposant bani (parf. ind.) â banesist
(impf. subj.), qu'on a dit d'abord banesi^ puis banis (qu'il senible donner pour la
forme normale, et qui ne se trouve naturellement pas dans ses chartes), puis bani^
il tombe dans une erreur très-grave et d'autant plus inexcusable qu'elle a été
signalée il y a longtemps. Au reste, ce paragraphe sur les parfaits laisse beau-
coup à désirer ; l'auteur, en général exact, semble avoir égaré ici une partie de
ses notes ; au moins plusieurs parfaits qui se trouvent dans les chartes ne sont-
ils pas relevés. — P. 1 14, un lapsus calami fait dire à l'auteur que • la finale
unt du parfait a été traitée comme brève. > Je suppose qu'il a voulu dire Ve de
la terminaison erunt des 3** per. plur. du parfait. £)e pareilles négligences ne
sont pas rares dans l'opuscule de M. Raynaud; il écrit avec trop de rapidité et
ne se demande pas ensuite avec assez d'attention s'il a bien rendu sa pensée; il
doit s'astreindre à ce point de vue, pour ses publications futures, â une révision
sévère. — Sur les formes comme croisterunty ruhevera, M. R. remarque avec
raison que c la présence de cet e n'est pas un fait dialectal • (voy. Darmesteter,
Romaniûy V, 149); mais alors pourquoi le classer comme tel dans le tableau
comparatif du français et du dialecte pontier qui termine le travail ?
En résumé, le mémoire de M. R. est bien exécuté et apporte des résultats
intéressants. Je me plais à le considérer comme un double point de départ^ d'un
côté pour les travaux subséquents du jeune auteur, de l'autre pour les études
analogues entreprises par ses successeurs à l'Ëcole des chartes.
G. P.
Vocabulaire ft*ançai8-mentonai8, par James-Bruyn Andrews. Nice,
impr. Niçoise, 1877. In* 12, 174 p.
Lorsqu'en 1848 Honnorat publia un vocabulaire français-provençal contenant
sur deux colonnes les mots français et leurs correspondants provençaux, sans
donner d'explications sur l'emploi des mots dans chacune de ces deux langues,
il avait surtout pour but de faire une sorte d'index à son vaste dictionnaire
provençal-français, et, comme il le disait dans sa préface, il pouvait d'autant
mieux se dispenser de définir le sens des mots, que les définitions nécessaires se
trouvaient dans le dictionnaire provençal-français, auquel il était aisé de recourir.
M. Andrews, de qui nous annoncions naguère un Essai de grammaire du dialute
ANDREWS, Vocabulaire français-mentonais 621
mfrtfo/ïtf/f *, vient de publier un vocabulaire français-menlonais qui ressemble
au vocabulaire d'Honnorat en ce sens que les mots ne sont accompagnés d'aucune
définition, absolument comme si les mots français et les mots mentonais con-
cordaient exactement dans toutes leurs acceptions. Toutefois Honnor^tl est, pour
le provençal, bien supérieur. Car, outre qu'avec son vocabulaire on peut, une fois
trouvé le correspondant provençal d'un mot français, se référer au dictionnaire
provençal-français, le vocabulaire lui-même est en maint cas incomparablement
plus riche que celui de M, Andrews, Dans le vocabulaire français-mentonais
vous trouvez que « chardon » se dît en menlonais cardo, et • chou » caure,
et c'est tout pour ces deux mots; mais Honnorat nous donne les équivalents
provençaux de < chardon bénit, chardon crépu, chardon à cent tètes, chardon
aux ânes*,., chou vert, chou cabus, chou-fleur, chou-rave, etc. 1 Pour toutes
CCS espèces de chardons ou de choux le provençal a des termes spéciaux; le
mentonais aussi, j'imagine, seulement M. A. ne les donne pas.
Li oùj par exception, M. A. place deux termes mentonais en regard d'un
mot français, on désirerait que la nuance qui dislingue ces deux termes fût au
moins indiquée. Ainsi abattre est traduit par « fyte in terra, geta in terra, n
le me figure un étranger, ou encore une étrangère, s' exerçant à parler le men-
tonais, le vocabulaire de M, Andrews à la main, et prenant de confiance la
première des deux locutions indiquées. Ne sera-t-il pas en droit de se plaindre
de ce que son guide lui enseigne un langage peu t respectable • ?
J'ajoute que l'idée de publier un diclionnarre français-patois, quand le diction-
naire patois-français n'existe pas, me paraît très- peu heureuse. On n'a guère
besoin d'apprendre A parler ou â écrire le patois mentonais, et c'est à cet objet
seulement que pourrait servir le travail de M. Andrews, s'il était convenable-
ment fait, c'est-à-dire si les acceptions précises des mots y étaient déterminées.
Mais il importe à la philologie romane de connaître le vocabulaire mentonais,
et cette connaissance ne peut être donnée d'une façon commode que dans un
dictionnaire où les mots mentonais figurent en premier. Le procédé inverse
a l'inconvénient d'introduire dans le dictionnaire une quantité de mots parfai»
lement inconnus au patois : je citerai dans quelques pages de la lettre A seule-
ment les mots algïbu^ ambassade, ambassadeur^ ambulance^ ammoniaque^ amnistii^
amovible^ anackonu, anarchie^ anatomu ; et par contre, l'auteur, préoccupé avant
tout de trouver des équivalents patois à tous les mots de la langue française» est
exposé i négliger une quantité de termes, et des plus intéressants, qui sont
réellement propres au patois et n'ont pas d'équivalents dans notre langue.
Il faut donc souhaiter que M. Andrews se remette bientôt à l'œuvre pour
composer un voabulaire mentonaisfrançaîs, soigneusement expurgé des termes
modernes d'art ou de science qui naturellement ne peuvent qu'être empruntés
au français ou à l'italien, mais qui soit l'inventaire aussi complet que possible
des termes véritablement populaires.
P. M.
1. Voy. Romania, rv, 491.
622 GOMPTKSHIBNDISS
■tsdes htotoriqaes et pldlologlciiiaB sur la rime firauifAlae.
Essai sur Thistoire de la rime, principalement depuis le XV* siècle jusqu'à
nos jours, par Tabbé Léon BELLANQEa, professeur a Tlnstitution Saint-Louis
(Saumur). Paris, Mulot, 1876, in-8% xxvi-302-26 p.
Il ne faut pas chercher dans la thèse de docteur ès-lettres de M. l'abbé Bd*
langer tout ce que le titre ferait espérer d'y trouver. D'abord, la restriction
contenue dans les mots f principalement depuis le XV* siècle jusqu'à nos jours t
n'aurait pas dû être faite ; l'auteur s'abstient à peu près complètement de parler
de l'origine de la rime et de son histoire au moyen-âge. Il ne commence réelle-
ment qu'à la fin du XV« siècle et s'arrête avant la fin du XVIII*, sauf de bien
rares exceptions. Ce qui est le plus surprenant, c'est que dans cet ■ Essai s«r
l'histoire de la rime en France >, il n'est presque pas question de l'histoire de
la rime. M. B. nous donne des détails très-sommaires sur les rimes puériles et
compliquées de l'école de Molinet, cite quelques curieux exemples des tours de
force ineptes où elle se complaisait, puis, après le chapitre consacré aux c Jeux
poétiques, étudie dans trois chapitres c les Vers mesurés », c les Vers blancs •
et c la Poésie en prose >, c'est-à-dire les trois formes poétiques d'où la rime
est absente. C'est la premârc partie^ qui compte 136 pages. La seconde, qui
remplit le reste du volume, est employée à prouver que le XVI* et le XVIH s.
rimaient pour l'oreille et non pour l'œil, et, pour y arriver, à établir la pronon-
ciation de certaines voyelles et consonnes depuis la Renaissance jusqu'à la
Révolution. C'est là un travail fort bien conçu, et, comme on le verra, assez
bien exécuté; mais cette étude est bien loin de constituer une histoire de la
rime. La question si importante de la règle sur l'entrelacement des rimes mas-
culines et féminines est, il est vrai, judicieusement traitée, mais elle n'est abordée
qu'incidemment, au milieu du chapitre sur < les consonnes finales ». Il est clair
qu'elle devait avoir une place à part, et que les exceptions qu'elle a reçues
devaient être notées. Les divers groupements des rimes, qui constituent i' les
laisses monorimes; 2* les rimes plates; y les strophes; 4» les vers libres, devaient
former la matière d'un livre spécial, tandis qu'il n'en est pas dit un seul mot.
Même omission complète pour une partie encore plus essentielle de l'histoire de
la rime : les exigences des divers temps à l'égard de ce qu'on appelle la con-
sonne d'appui, M. B. traite des voyelles qui portent la rime et des consonnes
qui suivent ces voyelles; il ne parle pas des consonnes qui les précèdent, et
pourtant on sait qu'elles ont été l'objet d'un débat où sont mêlés les noms de
. Malherbe, Voltaire, Alfred de Musset et autres, et qui est tranché par l'école
contemporaine en faveur de la rime riche. En parlant de la rime pour l'œil,
M. B. prouve bien que l'époque classique ne l'admettait pas contrairement à
l'oreille, mais il ne précise pas dans quelles limites elle l'exigeait en sus de la
rime pour l'oreille, et comment elle altérait l'orthographe usuelle pour satisfaire
à cette exigence. En somme, ce livre, qui mérite d'ailleurs de sérieux encourage-
ments, qui présente une réelle utilité, et qui atteste chez l'auteur une lecture
étendue et une intelligence ouverte, a le caractère d'un écrit apologétique plutôt
que d'une étude historique. Ce caractère est singulièrement accusé dans la
c conclusion », dont voici les dernières lignes : c Nous nous flattons que les
BBLLANGER, Etudes SUT la urne 62\
tnnemn de la Rime qui ont lu ce travail, deviendront plus pnideati et, qu'avant
de diriger contre elle une nouvelle attaque, ils iront consulter les ouvrages si
nombreux â Taide desquels une main, même aussi faible que ta nôtre, peut la
défendre et la venger » On n'aurait qu'à substituer t la Religion » â t la Rime »
pour retrouver celte phrase entière dans maint ouvrage d'une tout autre nature.
Cette tournure d'esprit a influé sur la manière dont l'auteur a conçu et rempli
son plan; c'est pour cela qu'il s'»l cru obligé de combattre si énergîquement
les trois hérésies des vers mesurès^^ des vers blancs et de la prose poétique, et
qu'il a réfuté pied à pied, d'ailleurs avec succès^ toutes tes objections de M. Qui-
cherat à la bonne qualité acousùifut des rimes des XVP et XVII« siècles.
La première partie est surtout littéraire. Elle est amusante, agréablement
écrite et contient beaucoup de petits faits curieux et ptn connus. M, l^abbé Bel-
langer a eu la patience de lire Molinet et Crétin, et il en a extrait des citations
en prose et en vers vraiment réjouissantes. Que f Rabelais se gausse de Marot
et berne Crétin », comme le dit une rubrique du chapitre I, c'est ce qui me
paraît assez douteux. Les c [eux de rimes • n'ont pas tous cessé avec fa Renais-
sance; l'école moderne s'en est permis d'autres encore que la rime en écho.
M. B. cite deux vers de Crétin qui riment d'un bout à l'autre {Tournoy intour
tû fûUt ouhncuyéanu Tournoyé est tour s'ûjjolk oultrc qui dance)y • les plus rtmés
assurément qui jamais aient été écrits eu français i : un habile versificateur
contemporain, M. Marc Monnier, en a £ïit de plus réussis, et de douze syllabes
encore, par exemple ceux-ci, bien connus :
Call, amant de la reine, alla (tour magnanime !)
Gilammeni de rArène à la Tour Magne, à Ntme.
L'histoire des vers mesurés pouvait être plus complète et plus approfondie
(bien qu'à vrai dire elle n'ait place dans une histoire de la rime qu'au même
titre que luctre dans Tétymologie de fucus) ^ mais elle contient des pages fort
intéressantes, notamment tout ce qui est dit sur l'Académie de poésie et
de musique de Baîfet Courville. Le chapitre sur les vers blancs est au contraire
assez insuffisant; l'auteur cite les Incas: il n aurait pas dû oublier que le
Siciiten, de Molière, est en grande partie écrh dans le même système; il aurait
dû donner des échantillons des vers ■ eumolpiques t de Fabre d'Olivet; en6n
il aurait facilement trouvé d'autres auteurs qui ont essayé de ce système. Ici
ou dans le chapitre précédent, il aurait dû surtout mentionner les intéressantes
tentatives faites pour acclimater chez nous l'imitation des mètres classiques par
substitution de Taccent à la quantité, comme le pratiquent les Allemands et
d'autres peuples ; il aurait dû expliquer pourquoi les vers blancs, qui sont
admis en anglais et en italien, n'ont jamais pu réussir en France, etc. Le cha-
pitre sur Lamotte et la poésie en prose est écrit gaiement, et M. Tabbé
Betlanger n'hésite pas à se ranger sous le drapeau de Voltaire.
La seconde partie est purement philologique : nous en avons déjà indiqué le
sujet. L'auteur n'a pas voulu étudier le rapport de la prononciation et de la
rime plus anciennement que le XVI* siècle, parce qu'il n'a pas trouvé de méthode
propre à le guider sûrement dans le chaos des siècles antérieun. La méthode
que l'ai appliquée dans lAUxis et ailleurs lui parait inintelligible, incertaine et
624 COMPTES-RENDUS
surtout entachée d*une f>étition de principe flagrante, il ne comprend f*élude de
h prononciation qu'à Taîde des trailcs spéciaux ou des essais d*orlhographc
phonétique; or ces deux genres de documents manquent avant la Renaissance»
Mais ce qui l'a beaucoup surpris, c'est que partout où mes recherches, qu'il
regarde comme faîtes a priori^ et les siennes, faites a posUriori, se sont rencon-
trées^ les résultats ont coïncidé, t Plus d'une fois, dit-il (p. iji), le résulUl
de nos recherches concorde avec les conclusions de l'école dont nous ne pou-
vons comprendre la méthode...,» Ce n'est pas sans étonnemcnt que nous avons
vu (p. 296) M. G. Paris, à î'aîde d'une méthode que nous ne pouvons com-
prend re^ trouver des faits de prononciation qu*un grand nombre de documents
authentiques rendent pour nous d'une vérité rigoureuse. « Il est clair qu^en
réfléchissant à cette étrange rencontre, M, B. en arrivera à se rendre compte
de la méthode en question. Mais il aurait dû voir dès à présent que je n^ai pas
eu recours uniquement à Tétude des assonances et des rimes pour rechercher la
prononciation des anciennes voyelles. Diez, que je n'ai fait là comme aillcars
que suivre et imiter, avait déjà mis en œuvre toutes les ressources dont nous
disposons : transcriptions en langues étrangères^ documents grammaticaux pos-
térieurs, prononciation actuelle de la langue littéraire ou des patois, divergences
orthographiques, comparaison des idiomes apparentés, et surtout ce que j'appelle
l'induction phonétique, c'est-â-dire la détermination conjecturale, mats soumise
à ccrtaine.«î lois, des étapes par lesquelles un son latin a dû passer pour arriver
i un son français moderne. Je n*ai pas cru d'ailleurs^ non plus que mon mattre,
qu'on pût arriver partout à la certitude^ et surtout je n*ai pas cru que j*y
fusse arrivé ; bien des points, dans les résultats que j'ai présentés au public il y
a cinq ans, sont déjà modifiés ou ébranlés par les études d'autres savants; il en
est d'autres sur lesquels j'ai moi-même changé d^opinion. Les études du genre
de celles-là n'atteignent guère qu^une vraisemblance plus ou moins grande :
M. B. leur a rendu un vrai service en confirmant en beaucoup de cas, par des
témoignages formels, ce qui avait été établi par des raisonnements. Il est clair
que le calcul le mieux lait sur 1 existence d'un corps céleste invisible ne vaut pas
comme sûreté la vue de ce corps dans une lunette. Mais comme il y a des tspAott
ou les instruments ne pénètrent pas, il est bon de chercher à les explorer avec
les moyens que nous avons à notre portée.
Je n'ai guère d'objections graves A faire aux études de M. B. sur la pronon-
ciation aux XVI" et XV!!" siècles. Il détruit complètement, à l'aide de tcjcics
formels, l'accusation de rimer pour rœil portée contre notre poésie classique^
et en se livrant à ce travail utile et intéressant, il éclaircit nombre de points de
rancienne prononciation. Ses 150 pages pourront servir beaucoup au public qui
s*inléresse à ces questions, en attendant le grand ouvrage que termine M, Tharot •
sur la prononciation française à b même époque, ouvrage où tous les matérijux
seront utilisés et disposés de main de maître, et après lequel il n'y aura sans
doute plus à revenir sur ce sujet. M. B. a un jugement sain, une exposition
claire ; if a dépouillé un grand nombre d'ouvrages sur la matière, et s'il ne ta
I. Notons que M. B. aurait dû consulter l'article publié par M. Thurot sur l4 ^fo«a«-
dation des tomonms finates en 18^, article qu*it n'a pas ignoré, puisqu'il est dié par
Dicï.
BELLANGER, Etudes SUT la rime 625
pas toujours au fond des questions, au moins ne les obscurcit-il pas par de vaines
hypothèses. Je ne suis en réel désaccord avec lui que sur un point : la pronon-
ciation de 1'^ féminin, qu'il regarde à mon avis comme étant devenue semblable
à la nôtre beaucoup plus tôt que je ne le pense; en outre il ne distingue pas les
cas où, même aujourd'hui, cet e se prononce encore {contre, faste, etc.) de ceux
où il est réellement muet ; enfin il écrit qu'aujourd'hui, • dans la déclamation,
mer n'a qu'une syllabe et mire en a deux (p. 201), i ce qui me paraît absolu-
ment inexact. Sur beaucoup d'autres points, où je n'avais pas dépouillé aussi
abondamment que M. B. les grammairiens et orthographistes des XVI* et
XVII« siècles, j'ai trouvé à m'instruire dans son livre, et je crois que beaucoup
de lecteurs seront dans le même cas.
M. B. termine par de bons conseils aux poètes modernes : • La prononcia-
tion sur laquelle notre versification s'appuie étant mobile, il faut que notre versi-
fication marche avec elle, autrement elle tombera comme un édifice que les
fondements ne soutiennent plus, i On ne saurait mieux dire; mais ces avis ont
peu de chance d'être écoutés. Notre versification, qui, comme je l'ai dit ailleurs,
repose sur la prononciation du XVI<^ siècle, s'est pétrifiée à ce moment ; aujour-
d'hui elle est devenue absolument routinière, et chaque jour, en perfectionnant
certaines de ses qualités, elle exagère quelques-uns de ses défauts. Nos poètes
se servent du vieil instrument sans s'apercevoir qu'ils continuent à toucher plus
d'une corde qui ne sonne plus et se privent d'accords qu'ils pourraient sans peine
obtenir. Ils sont trop timorés et surtout trop peu instruits pour essayer de
remettre l'instrument à neuf : ils craindraient de le briser ; les plus habiles
eux-mêmes s'écrient :
D'antres ont fait la lyre, et je snbis leur loi.
Ils ne se décideront que quand la lyre sera devenue tout-à-fait muette sous
leurs doigts, ou qu'un instrument nouveau, accordé au ton populaire par une
main hardie et savante, les forcera à sortir de leur rêve et à rendre à la langue
française une versification vivante, harmonieuse et libre.
G. P.
Romaniûy VI J^0
PÉRIODIQUES.
I. — Revue des langues romanes, 2« série, t. IV; n* 7 (15 juillet). —
P. I, Alart, Documents divers appartenant aux dialectes du midi de la France; sept
documents compris entre les années 1361 et 1423, parmi lesquels trois lettres
missives. — P. 13, 1. 7, pour daires je lirais deures; plus bas ma be m'est obscur:
ambe? — P- 14, Montel et Lambert, Chants popul. du Languedoc (suite).
— N* 8 (15 août). — P. 57, Vaschalde, Une inscription en langue d'oc du
XV* siècle, à Largentûre (Ardèche) ; ^e compose de ces seuls mots : c Tan M. iiii.
Ixxxx. e le .vij. d'octobre hieu Pierre Guamier de colens ay donat aquesta
chadiere al convente que.... i L'hypothèse exprimée p. 60 que a dans la des-
truction du monastère de Largentière durent disparaître, perdus pour toujours,
des documents de la plus haute importance pour l'histoire de la langue d'oc t
est assez peu probable. Les bibliothèques de couvents, surtout dans cette région
de la France, contenaient rarement des mss. en langue vulgaire. — P. 62,
Noulet, Histoire littéraire des patois du midi de la France (fin). — Bibliographie :
Clédat, le mystère provençal de Sainte- Agnhs] examen du ms. et de P édition de
M. Bartsch (art. de M. Chabaneau qui contient diverses observations utiles sur
le texte du mystère).
— N' 9 (1 5 septembre). — Alart, Etudes historiques sur (Quelques particularités
de la langue catalane : i*" diphthongaison de la seconde personne du pluriel des
verbes; alis, etis, devenant au, eu)\ 2* de la formation des diphthongues du^ eu,
2u, ou en catalan; y exemples de là formation de la diphthongue au dérivant de
ats^ as^ az ; 4* formation de la diphthongue eu dérivant de etz, eds, ez; y forma-
tion de la diphthongue iu dérivée de its, is, iz ; 6* formation de la diphthongue
ou dérivant de ots, os; 7* exemples des secondes personnes du plur. catalan
formées en diphthongues; travail précieux par les exemples, empruntés à des
textes datés, qu'a réunis M. Alart. — Bibliographie : P. 149, Magen etTholin,
Archives municipales d*Agen (C. Ch. ; appréciation conforme à celle que j'ai exprimée
dans la Revue critique du 2 juin dernier). — P. 1 51, Lj reine Esther, publié par
E. Sabatier.(M. Ch. cite de ce mystère quatre vers qui sont traduits de Racine.
Il faut probablement voir là une addition du rabbin Jacob qui a remanié cette
pièce; cf. Romania, VI, 301). P. M.
II. — Zeitschrift fur romanische Philologie, I, 2-3. P. 16 j, Vietor,
rOrigine de la légende de Virgile (cherche à démontrer contre M.Comparetti que
les légendes sur Virgile magicien sont d'origine littéraire, et non populaire et
PÉRIODIQUES 6lJ
spécUiemetit napolitaine). — P. 179, Th, Bragi^ 0 canoûnmo poriugutz àa
VâUcartâ (suite et ûn\. — P. 191, A. Stimming, La syntaxt di Commtnes^ pre-
mière partie (étude qui paraît faite avec beaucoup de soinh — P, 222, A. Pax
y Mclîa, Liko dtalraia y una Ptùfuxû 4t Evangthsta. [Ce traité de fauconnerie»
composé à la fin du XV** siècle par un chevalier de S. Jean (qui n'est connu
jusqu'ici que par son sumoni d* « Evangelista t^est ici publié pour la première
fois d'après deux manuscrits de la bibliothèque particulière du roi d'Espagne
et de la Bibliothèque nationale de Madrid. M. Paz a joint à son éd/tion un petit
glossaire et quelques notes. Ayant l'intention de revenir prochainement sur ce
curieux traité cl sur U prophétie qui raccompagne, nous n'en dirons pas plus
pour aujourd'hui. Nous devons toutefois dire qu'on imprime en ce moment à
Madrid, sous la direction de M. Gutierrez de la V^ega, une Bibiioihtca verutoru
qui doit comprendre le livre d'Evangelia. Cette même Bihttoîhica donnera
aussi dans un de ses premiers volumes l'ouvrage de Juan Manuel sur fâchasse,
que M. Paz se déclare prêt â mettre sous presse. — M. F.J, — P, 247, La
prim Theophilas^ p. p. A. Schelcr (celte pièce aurait pJutôi dû recevoir le titre
de Une proiérc nostre dftfmf,que lui donne l'un des deux mss. utilisés par M,Sch,;
elle est si peu attribuée à Théophile qu'eik le mentionne ; 9, i chai, t. char. 2
empechu L en pcchii; 10, 2 di c€st, L d*icist; 2^,4 sûceUj I. sa ctU; 78,1 iatssé.
{, ton laine avec le ms. de Turin; 102, 1 ety L eî; lo^, 2 sar, l. jur; les deux
mss. sont de la même famille, car ils ont des fautes évidentes en commun, p,ex.
un vers de trop à la str. to, une strophe passée après 69, la leçon de 38,4 (I, par
amours surrnqui ''j, etc., ce qui fait que le texte n'est pas assuré; la ponctuation
laisse â désirer). — P. 259, U Ps(ado*Tarpin dit poitevin, publié d'aprh Us mts
par Th. Auracher (copie diplomatique de l'un des mss. de la traduction sainton-
geaise — |e l'ai pour ma part toujours appelée ainsi — de Turpin, avec les
variantes de Taulrc, Les deux mss. sont visiblement des copies, l'une et l'autre
assez fidèle et peu intelligente, d'un original perdu; l'objection tirée par M. A
de la coïncidence des fins de ligne entre A et B est lout â fait imaginaire; cette
coïncidence se produit bitn plus souvent entre la fin des lignes de A et celle des
lignes du texte imprimé; le signe que l'éditeur imprime! est sûrement 5, et n'eiit
mis par erreur pour / que dans lassez^ une fois; les remarques de M, A* sont
judicieuses : seruunu }2j, 1; n'est pas pour sauimès^ mais pour servitumes *).
MèLANtiES, I. Histoire littéraire^ L P, ^^7 M^W^ Encore une fois Marte de Com^
piégne et V Evangile aux femmes (excellente dissertation à propos de la publication
récente de M. Constans; peut-être toutes les conclusions n'en sont-elJes pas
assurées, — et il y a certainement à ajouter des matériaux à la critique de cette
satire si souvent remaniée et interpolée; — mais une chose reste maintenant
bien établie, c'est que Marie de France n'a rien â faire avec YEvangiU aux
femmes, M. Mail qui. on le sait, s'occupe depuis longtemps d'une édition des
fables de Marie^ termine sa notice en disant qu'il est arrivé i la conviction, —
contraire â son travail antérieur sur Marie, — que le Guillaume auquel elle a
dédié ses fables n'est pas Guillaume de Dampierre, comte de Flandres, mort en
I. Le fraement de chanson publié k U 6n d'après un ms. de Munich, et sttlvi de»j
mou Ricaraus ra, a bien Talr d'être Richard CGcur de Lion.
628 PÉRIODIQUES
1 2 5 1 . li y a longtemps que je suis de cet avis, et que je ne doute pas qu'il ne faille
reporter les œuvres de la célèbre poétesse â la fin du XII* siècle). — 2. P. 357.
Weber, Sur Us légendes des Vies des Pires (supplément au mémoire de l'auteur ;
voy. Rom,^ V, 494). — 3. P. 365, Kôhler, Sur les DodiciConti morali d'Ano-
nimo Senese publiés par Zambrini (tous, sauf un, se laissent ramener à des contes
dévots français dont ils sont traduits). — II. Bibliographie, P. 375, Monaci, //
Ubro Reale (ce chansonnier, sans doute le plus ancien dont nous ayons connais-
sance, paraît perdu; Colucci en avait dressé la table, que M. M. a retrouvée et
publiée). — III. Manuscrits, 1. P. 381, Rajna, Intorno a due canzoni gemelle
di materia cavalleresca (se rattache à la notice de M. Wesselo&ky sur une chanson
dePucci, mxiht ^M Chevalier à VEspéc^ voy. Rom, VI, 303; M. R. a trouvé une
autre chanson qui n'est qu'une variante de celle-ci, et qu'il croit aussi de Pucci).
— 2. P. 387. E. Stengel, Etudes sur les chansonniers provençaux^ I : Le recueil
de Copenhague [Le chansonnier de Copenhague a fait autrefois partie de la riche
collection de l'intendant Foucault, dont la Bibliothèque nationale a recueilli
d'assez nombreuses épaves (voy. Delisle, Cabinet des mss.^ I, 378). Il ne forme
qu'une très-petite partie d'un ms. qui contient en outre la Mort d* Arthur de
Gautier Map. Les pièces qu'il renferme sont au nombre de douze, qui toutes se
retrouvent ailleurs, et ordinairement dans un grand nombre de mss. Il y aura,
pour l'établissement du texte de ces pièces, bien peu de profit à tirer de ce petit
chansonnier, que M. St. a imprimé in extenso d'après une copie exécutée avec
le plus grand soin par M. Thor Sundby. Une longue note jointe par M. St. à
sa publication contient un grand nombre de rectifications à la Table des
troubadours, qui termine le Grundriss de M. Bartsch. — P. M.]. — IV. Cri-
tique des textes, i. P. 397. Fôrster, Swr la traduction des Synonymes d'Isidore
(corrections très-pIausibles au texte publié par M. Bonnardot, Rom. V, 269).
— 2. P. 402, Mussafia, Sur le Brut de Munich y p. p. Hofmann et Vollmœller
(voy. Rom. VI, 318; critique détaillée et assez sévère, notamment de l'intro-
duction ; plusieurs observations de M. M. sont d'un grand intérêt). — Etymolo-
gies.i.P. 414, RÔnsch^ Etymologies romanes : caldaria (déjà dans la Vulgate),
calciata (de calciare, « fouler » et non c garnir de chaux », comme le veut Diez ;
cette étymologie est déjà dans Littré), camdot (rapporté au grec jitiXcutiq, dont
il ne vient pas plus que de camelus)^ dtner (nouvelle étymologie : decscinare;
voy. ci-dessous), malade {malc habitus; M. R. ne sait pas que cette étymologie a
déjà été donnée, Rom. III, 377), ncâ/nûre (ramené à une racine hébraïque, mais
l'arabe est plus probable), zappa sape (le lat. sappa n'est point une découverte :
Littré le cite d'après plusieurs textes), accertello et cetrero (rapportés à acceptor
plutôt qu'à accipiter)^ calpeslare {pistarc n*est pas inconnu au latin, comme le dit
Diez), rezza (déjà en lat. vulgaire on disait retia au sing. fém.), zorra (rattaché
au grec i|;iopa?), roum. gut (guttur), esp. centeno^ pg. ccntelo = seigle (le seigle
était déjà appelé centesimum par les Romains). — 2. P. 421. Caix, Voci nate
dalla fusione di due temi (liste curieuse de mots appartenant à cette variété d'éty-
mologies populaires; on pourrait contester pour plus d'un l'explication de M. C;
ainsi pantuiser, — qui, à côté de son sens d' « être essoufflé », a dès le moyen-âge
dans les dialectes du Midi celui de « rêver», — doit signifier proprement c avoir
le cauchemar », et se rattache, avec tous ses congénères, à phantasiare; le fr.
PéRtODlC^ES 629
pântots ou partiâis est donc phantamcusU — J. P. 428, Suchicfi Etymohgies
françaisu : chaetcs ckcUs (raltachè à piA vclUs; cl, l'il. cavelU^ Rom, II, 528,
mais il y a bien des objections), dtner (celle fois c*est discinare^ de dïscus; les
deux ètymologits de la Ztsckr, sont mauvaises, comme je le montrerai
dans un prochain article), es pieu es pur tspid apieii apiei tspU (distinction
de toutes ces formes ramenées â leur origine respective), fleiinr (rattaché avec
raison i Tanc. fr, jiaûr = flatcrtm)^ gale = bombance (du moy, nécrL »'<ï/r),
gUrcs, ore, anmi fie premier mol, qui signifie trgo, serait de ha rr, cf. jour de
diurnam^ jtht^e de die hodi (mais je le tire de jam hodu)^ — are serait ha horûj
mais voy, Rom. VI^ jSt, (^explication plus plausible de M. Cornu', — anuit
serait ha nocte^ mais ad noctem suffit, en sorte que ces trois preuves à l'appui du
fém. ha manquent de force), herht (de héraut^ ce qui est bien peu probable),
orprh {de oripelarguî et non de ossifragus pour osstfragaf)^ scn jpeui bien venir
à la fois de secretus et du prov. sen = screnus^ et. Rom. IH, ço(), tnf (au sens
de tente serait distinct de nef ^^ * poulre>, et se rattacherait à l'agls trSf^ qui^
désignant dans Beowuif la tente affectée au culte païen, ne peut venir du français.
Mais 5! trjbs avait pri<i en latin vulgaire déjà le sens de « tente », le mol a pu
passer aux Anglo- Saxons avec la chose. Il est bien difficile de séparer les deux
tref^ surtout en considérant les dérivés atraver^ t planter sa tente >, destraver,
• lever les tentes, décamper ». M. S. objecte que si tréf venait de trabs, ce mot
désignerait une baraque plutôt qu'une tente. Je me représente le trcj comme
différent du pavillon — papilionem^ en ce que ie Iref était une tente formée de
toile étendue sur une poutre horizontale supportée par des montants obliques,
et le pavillon une tente circulaire ou conique. Notez encore que le prov, irap ne
pourrait venir de Tangl. trëf^ mais comment s'expliquent les deux formes pro-
vençales irap = f tente » et trati = • poutre •?).
0>MrTEs-RKNDLs, P. 454,Guastalïa, Ctf/ifi popolan di Mtdica (article intéressant
de M- Liebrechl sur ce curieux recueil) — Carolina Michaelis, StuJien zur
romanischen Wortschapfnng iVollmÔlIer; éloge mérité), — Dematlio, Morfohgta
Ualiana (Buchhollz-, simple abrégé ift Diez), — Sbarbi, El Refrantro gênerai
espafiol (Morel-Fatio ; ouvrage qui pourrait être mieux fait cl plus utile). —
Braga, Antohgta portagueza (Storck; article très- compétent). — La Chanson
de Roland^ p. p. KOlbing (M, Suchier, qut avait aussi copte le ms. de Ventse,
relevé quelques très-légères divergences}. — Montaiglon et Rothschild, Poésies
françaises du XV* et XVh 1., t. X et XI (Ulbrich; quelques bonnes remarques^
— Neumann, Die germanischen Elemenie in der franz, Spraehe jl (Behaghel; arUdc
trop indulgent; ce que M. B. dit de mon opinion sur l'étymologte de galop est
exact ; je le développerai prochainement), — Schëer, Exposé des lois (fut régissent
la transformation française des mois latins (Knauer). — Beaufcan, Dictionnaire de
la langue française abrigi du dtcttonnaire de Uttri (Sachs^ — Romania, n* ai.
Il e$t rendu compte des articles suivants, i , (Meyer^ Notice sur an ms, hurgiu-
gnm (Stengel 1 observations peu importantes*, aucune des fautes relevées ct^
1 . Ore et ores l'explîqueratcnt par ad horam et ad horas, liCKlis qut ka hora ne peut
rendre compte que d'une de ces formes.
1. Aio^i, pour justifier la ptiblicjtton d'une des pièces de ce mi.« j'ai dit {p. j^j que
cette pièce ne se trouvait pas daru nos mss, de Pans. iJdcssus M. St. me fait ta leçon
6^0 PÉRIODIQUES
dessus, p. 600 ss., par Fauteur n'a été vue]. 2 et 3. Notes de MM. Lemcke et
Kôhler sur les articles de MM. Mila y Fontanais, Chenaux et Cornu. 4. Meyer,
Marcabrun; M. Suchier accepte les conclusions de ce travail. 5. M.Tobler défend
ses étymologies contre la c boucherie i que j'en ai faite p. 129-133 ; il oppose
surtout â mes raisonnements son scepticisme : je lui rends la pareille; réservons
la question pour un temps où nous aurons l'un ou l'autre des arguments
nouveaux. Je m'étonne seulement que mon savant ami s'obstine à tirer nanlic de
navigium et se refuse (avec M. Boucherie) à reconnaître arltc ma]Umatica dans
artimaire : le mot savant passé dans le peuple s'est altéré, moins gravement que
necromantyia qui est devenu ingremance. 6. Note approbative de M. Tobler sur
les corrections de M. Chabaneau aux Glossaires provençaux). — Columna lui
Traian (dépouillé fait par M. Schuchardt du dernier volume de ce recueil inté-
ressant publié par M. Hajdeu ; j'y note Tétymologie dtfartat^ non psLS foede-
ratas comme le croyait Diez, mzxs frate[r], et plusieurs renseignements sur la
littérature populaire). — Englische Studien, I, i (article intéressant de M. Sten-
gel, où il adresse â M. Kôlbing à peu près les mêmes critiques qui lui ont
été faites ici, VI, 153.5). G. P.
III. — Revue historique de l'ancienne langue française, juin-septem-
bre. — Les cahiers de juin, juillet, août, contiennent une grammaire de la
langue d'oïl, signée C. Hippeau, au-dessous de toute critique, et une disserta-
tion sans valeur de M. H. Moisy, sur la prétendue c influence du dialecte nor-
mand dans les transformations de la langue française, i — Un sermon en vers
du XIII« siècle est publié (assez mal) d'après un ms. de Rouen dans les n<>' de
mai, juin et juillet. — A dater de la livraison de mai la Revue poursuit la
réimpression de la Gente poitevin* rie y recueil bien connu, mais qu'on ne sera pas
fâché d'avoir sous la main.
IV. — Archives des missions scientifiques et littéraires. 30 série,
t. III, 2® livraison. — P. 544-605, M. de Tourtoulon et 0. Bringuier, Rapport
sur la limite géographique de la langue d*oc et de la langue d*oil. On y trouve les
résultats d'une exploration accomplie sous les auspices du ministère de l'instruc-
tion publique et que nous avons annoncée dans la Romania^ t. III, p. 508. La
mort de M. Bringuier, qui ne s'était fait connaître jusque là que comme poète,
mais qui, dans les derniers temps de sa vie, avait manifesté un grand zèle pour
les .études linguistiques, a interrompu pour un temps les recherches dont les
premiers résultats sont contenus dans ce rapport. Nous espérons et nous avons
tout lieu de croire que le temps d'arrêt ne sera pas de longue durée, et que M. de
Tourtoulon pourra continuer et mener à bonne fin l'exploration si bien com-
mencée. J'ai eu l'occasion d'exprimer ici (Romaniâ IV, 294-6, et V, 505) l'idée
qu'en général et en théorie les dialectes d'une même langue n'ont pas de limites
et réclame en faveur des savants « de la province ». Il est clair que si la pièce en
question s'était trouvée, à ma connaissance, dans un autre ms. que le ms. du Musée
britannique, je l'aurais dit. J'ai considéré cette pièce comme unique. Mais comme je ne
connais pas toutes les bibliothèques de la France et de l'étranger, j'ai dû me borner à dire
(et encore avec réserve) qu'elle ne se trouvait pas dans nos mss. de Paris. — P. M.
PÉRtODlQUES 6)1
nellfmenl percepiibies ; qu*ils ne couvrent pas un espace de icrram clairement
circonscrit^ que dans le cas (qui est celui des langues romanes) où plusieurs
dialectes ayant une même origine existent les uns à côté des autres, Tœuvre du
philologue ne consiste pas à déterminer les caractères de chacun d'eux, mais A
grouper cerlains caractères linguistiques de façon à constituer un dialecte avec
chaque groupe de caractères. En d'autres termes, les dialectes n'existent pas
dans la nature â l'état définii mais nous les constituons à notre guise pour la
commodité de nos études. Telle est la théorie; nous verrons tout à l'heure par
quelles circonstances elle peut être modifiée en fart; comment )i où anciennement
il n'existait pas de limKes précises entre deux dialectes ou deux groupes de
dialectes, il peut se faire qu'il en existe actuellement. Si on veut bien se placer
pour un instant au point de vue théorique que |e viens d'indiquer, on
croira peut*èire que dans mon opinion, la recherche entreprise par MM. de
Tourtoulon et Bringuier ne pouvait produire que des résultats vagues el incer-
tains, puisque cette recherche a pour but de déterminer une limite qui, selon
mot^ est en général vague et incertaine. Ce serait dépasser ma pensée. Je me
que pour aucun dialecte ou groupe de dialectes on puisse trouver une séné de
caractères existant simultanément en un espace déterminé et ne dépassant pas
cet espace. En qiielquVndroit qu'on place les limites, il y aura toujours des
caractères qui resteront en deçà et d'autres qui iront au deli. Mais, si on
choisit un petit nombre de caractères, on pourra déterminer sur le terrain les
points jusqu'où ces caractères se manifestent, et la constatation de ces points
est en soi très-intéressante. Que l'on affirme ensuite que la ligne gui passe par
ces points est la limite ou le lieu de jonction de deux groupes de dialectes^ c'est
une afl^aire d'appréciation qui n'a qu'une importance secondaire. Ce qui est un
résultat important c'est d'avoir établi la limite géographique d*un certain nombre
de caractères linguistiques. Et c'est ce qu'ont fait MM. de Tourtoulon el Brin-
guicr. Ils ont choisi dans la langue d'oc quelques caractères — six en tout —
les meilleurs qu'ils ont pu trouver, et ont cherché jusqu'où ils s'étendaient
dans la direction du nord. Voici les trois premiers de ces caractères :
j« la persistance après l'accent de certaines voyelles (surtout de l'a) sous
des formes plus ou moins variées, mais d'une façon en tout cas plus
solide qu'en langue d'oui; 2* l'existence de diphthongues que j'appellerai inten-
sives*, c'est-à-dire où l'effort de la voix se porte sur la première partie de la
diphthongue (en provençal âa^ êa^ ia^ etc*) caractère qui ne vaudrait rien si on
comparait l'ancienne langue d'oui (qui avait aussi de ces diphthongues) avec
l'ancienne langue d*oc, mais qui est valable dès que l'on compare t^état moderne
des deux langues^ } i*^ 1^ persistance de la consonne médiate dans sudà ou sasa
(sudûrt)^ etc. Il y aurait quelques objections à faire, moins au choix de ces
caractères qu'aux conclusions que MM. de T. et B. en tirent quant à la carac-
téristique générale de la langue d'oui et de la langue d'oc. Ainsi il y a beaucoup
d^inexactitude et de confusion dans ce résumé : « La lanpe d'oïl tend i con>
». Je repousse l'cxprcsiion a diphthongues fortes et faibUs **, c}uî ne veut rien dire.
2. MW. de T, el B, annonccnl, p. n3,ootetl'i«tcïitioii <ic traiter dans un autre iravaj,
m de l'ancienne limite et de ses vinations 1» et de donner à ce propos « une caracièrii-^
tique applicable >ux anciennes langues n. Pmcutomt ptittum ùput akat *
632 PÉRIODIQUES
ff tracter et à assourdir les radicaux latins^ en supprimant ou en transformant
« en une voyelle muette, toujours la même, les voyelles post-toniques ; en laissant
< tomber la consonne médiane; en réduisant des diphthongues en voyelles;
< en affaiblissant en général la sonorité des voyelles latines. De cet ensemble
ff d'opérations résulte comme une décoloration du latin qui rend indispensable
ff Pusage du pronom pour distinguer entre elles les personnes des verbes i
(p. 557). La conclusion est surtout bien inattendue. Mais cela est un peu en
dehors de l'objet même du rapport. MM. de T. et B., constatant les points où
ces caractères cessent d'être sensibles, ont fait passer leur ligne de démarcation
à travers les départements de la Gironde (tout à fait au nord, Blaye restant dans
la langue d'oui), de la Dordogne (extrémité occidentale), de la Charente (Mont-
moreau, Angoulême, Rufiec restant dans la langue d'oui), de la Haute-Vienne
et delà Creuse (Bellac, Haute- Vienne, et Gueret, Creuse, étant à peu près sur
la limite des deux langues, Bellac en dedans et Gueret en dehors ou plutôt dans
une contrée où se parle un langage mélangé) ^
Le mérite des constatations de MM. de T. et B. est d'avoir été faites avec
tout le soin possible. Ils peuvent s'être trompés çà et là, car il est plus difficile
qu'on ne pense, même à une oreille exercée, de saisir nettement certains sons ;
leur rapport fera, nous l'espérons, surgir des travaux locaux qui pourront com-
pléter ou rectifier leurs assertions, mais à tout le moins, en étudiant sur le vif,
ils ont su se placer dans les meilleures conditions possibles pour obtenir des
résultats exacts, éloge qu'on ne saurait accorder à la plupart des travaux
antérieurs qui touchent plus ou moins le même sujet, et qu'il faut notamment
refuser à la célèbre collection de traductions de la parabole de l'enfant prodigue
formée sous les auspices du ministre de l'intérieur au commencement de ce
siècle. L'idée de cette collection était certainement très-remarquable, eu égard
au temps où elle a été conçue ; mais les auteurs des traductions, mal préparés,
pour la plupart, à la besogne qu'on leur demandait, et ayant chacun son système
de notation, ont produit des textes qui bien souvent ne peuvent que conduire à
des conclusions erronées. MM. de T. et B. le prouvent (p. ^49) d'une façon
évidente pour un cas particulier qui est loin d'être unique.
Sur la ligne qu'ils ont parcourue, les auteurs de ce rapport se sont trouvés en
présence de deux faits très-notables. En certains lieux, notamment dans la
Gironde, la limite des deux langues s'établit facilement, sans hésitation : au sud
de la ligne tracée règne le gascon (langue d'oc), au nord, c'est le français plus
ou moins correct ou quelque variété du patois saintongeais (langue d'oui). Ailleurs,
entre Conflens et Ruffec, puis dans le nord de la Haute-Vienne, se parle un
patois qu'on peut véritablement appeler mixte, c Les pays que nous venons de
parcourir », disent MM. de T. et B. en entrant sur le territoire de la Dordogne,
« nous ont montré souvent les deux langues juxtaposées et cependant distinctes :
« sur le territoire de Puymangou nous les trouvons fondues en un seul idiome
« où les éléments d'oc et les éléments d'oïl 2 se combinent dans des proportions
1 . 11 a été fait de ce rapport un tirage à part auquel est jointe une carte au 1/320,000°
où la limite est marquée, mais la délimitation est donnée dans le rapport même avec
assez de précision pour qu'on puisse la reporter sur n'importe quelle carte, pourvu que
l'échelle en soit suffisante.
2. Me plaçant à un point de vue un peu puriste, peut-être, j'avoue que je n'aime pas
PÉRIODIQUES 6^)
t telles qu'une classification semble d'abord impossible ■ (p, 57^). Le même
fait se représente d'une façon plus sensible peut-être pour te c sous-dialecte
marchois 1 qui commence à la Rochette (Charente, cai] t. de La Rochefoucauld),
• dans lequel l'expression d oïl a le plus souvent son équivalent d'oc, et par
« conséquent il y a U entrecroisement de deux idiomes, et non combinaison
( d'éléments empruntés i deux sources différentes pour constituer une langue *
^86)* Un habitant du pays disait qui Mortrouxeti Linard (Creuse) « chaque
^i individu compose son patois à sa manière, d'un mélange d'éléments du nord et
< du midi 1 (p. ^90- L'exbtence de cet idiome mixte et sans fixité s^explique
naturellement par des rapports plus fréquents qu'ailleurs entre deux populations
ayant eu antérieurement chacune son dialecte. Je suis convaincu que l'usage d'un
tel idiome ne remonte pas à une époque bien ancienne. J*ignorc si « ce sont des
c laits de ce genre qui ont donné naissance à l'hypothèse de la fusion graduelle
« des langues • (p. 578) ; je ne savais pas que cette hypothèse eût été proposée
pour aucun idiome roman, mais ce qui est certain c'est que ce sont là des (airs
accidentels, si fréquents puissent-ils étrc^qui ne peuvent fournir aucun argument
ni pour ni contre Topinion que j'exprimais au commencement de cet article sur
l'impossibilité de trouver, dans les cas normaux, des limites naturelles à un
dialecte. Cette même opinion résiste également bien i l'argument qu'on pourrait
tirer de ce que, en certaines parties du pays parcouru par MM. de Tourtoulon
et Bringuier, nolammcnt dans la Gironde, deux idiomes suffisamment distincts
se rejoignent sans se confondre, bien qu'il y ait quelques cas d'influence réci-
proque. C*est que très-certainement il y a eu dans ces contrées une forte immi*
gration de familles venues de pays situés plus au nord, notamment de Saintongc.
Le fait est dans plusieurs cas attesté historiquement. C'est ainsi que s'est formée
Tenclave saintongeaise de la GabacherU qui date du XVI" siècle ^, et d'autres
immigrations ont eu lieu dans la même région à une époque plus récente^. Telle
est la circonstance qui peut modifier ta théorie que ('exposais au début de ce
compte-rendu, et faire qu'il existe maintenant une limite assez précise, là où
jadis on l'aurait vainement cherchée. Ce qui prouve bien que la juxtaposition de
la langue d'oc et de la langue d'oui qui existe actuellement dans le nord de la
Gironde ne représente pas un état normal, résultant du libre développement du
latin, c'est qu*clle n'est pas de date ancienne. Il est certain en effet quVu moyen*
Âge la langue d'oc s*étendait assez loin au nord de la Gironde et se confondait
avec la langue d'oil à peu près entre Barbezieux et la Charente.
On voit que l'exploration à laquelle se sont livrés MM. de T. et B. a révélé
des faits qui n'intéressent pas moins Thistoire que la linguistique, et qui peuvent
devenir le point de départ d'études aussi nouvelles que fécondes. Aussi souhai-
lons-nous le prompt achèvement de ces recherches, P. M.
beaucoup cette façon abrégée de désigner ta tangue d*oc et la langui d*oî1.
i. Voy. Fr. Michel, Hitt. dit raca maudites, X, lAi-%, Rf^^t des languis mmants^
V1lj)$: cf. pour les limites de cette enclave, le rapport de MM. Tourtouion et Orin-
guier, pp. Ï67 et J76 a. J.
1. Fr. Michel, ouvr ctcé^ 1^ M4^$t cf* le Rapport de MM. T. et B. p. 171, sur ta
commune de Monitbc. Le fait inverie s*est présenté aussi, mais 0lus rarement « puîsqu^on
a pu constater l'existence d^une enclave limousine en Satntonge (voy t'adicle de M. Bou^
chérie, Rev. des t rom,, 1 < mai 1876, et cf. Romaftia, \\ 407).
6^4 PÉRIODIQUES
V. — MéLusiNB, n'* 7-18. — Nous signalerons surtout dans a recueil,
toujours fort intéressant et varié, Moitié-dc-caq^ conte messin ; phisienrs contes
amîénois recueillis par M. Camoy ; des légendes foréziennes dnesâ M. V. Smith;
des superstitions comtoises recueillies par M. Bonnet; la discussion entre
MM. Brueyre et Cosquin sur l'origine des contes populaires européens; les
notes comparatives de M. R. Kœhler sur différents contes bretons communi-
qués par M. Luzel ; plusieurs belles chansons populaires, etc. Nous espérons
que le succès que mérite l'entreprise de MM. Rolland et Gaidoz ne lui fera pas
défaut et lui permettra de continuer; nous ne saurions engager trop vivement
nos lecteurs à lui apporter leur secours.
VI. — Revue CRITIQUE, juillet-septembre. — 126. Schultze, DU germa-
nischm Eléments der franzœsischen Spracke (A. Darmesteter). — 165. E. Rolland,
Fauru populcire de la France (A. Darmesteter). — 182. La chanson de Roland,
p. p. Kœlbing (A. Darmesteter). — 183. Luchaire, De lingua aquHanica (Julien
Vinson).
VII. — L1TERARISCHE8 Centra^blatt, juillet-septembre. — N* 52,
Hoffmann und Vollmœller, Der Mûnchener Brut (art. favorable de M. Fœrster,
qui reconnaît que enquetume est bien inquietudinem, comme M. Boucherie Pavait
fait remarquer dans un article sur le Chevalier as deus espées).
VIII. — Jenaer Literaturzbituno, juillet-septembre. — N* j8. Zeitsckrift
fur romamsche Philologie^ I CE. Stengel ajoute quelques remarques â ses obser-
vations sur la liste des poésies provençales de Bartsch) ; Gisi, der Troubadour
Guilhcm Anelier von Toulouse (M. Suchier croit à l'identité de l'auteur de la
chronique rimée de la guerre de Navarre et du troubadour dont M. G. a publié
les quatre chansons).
CHRONIQUE.
Les étudiants en philologie romane trauveroat cette année à Paris douze
leçons par semaine, directement relatives à leurs études : quatre au collège de
France { P. Meyer : Histoire de la PoU'u narratïvt dans U midi de la France ^
ExpUcdiwn de textes; G, Paris : Histoire de la Hîdrature française au X/V** sikk,
Explication de textes)^ — quatre à TÉcole des Haules-Études (i»"* année :
G. Paris, Exercices pratiques; A. Darmesteter : Etynwlogie et pkonitiqae des
langues romanes ; — 2' année : G. Paris, Etudes critiques sur les différentes
versions de Tristan ; A. Darmesteter : Flexion et formation des mots [dans les
tangues romanes} ^ — deux à i'École des chartes (P, Meyer ; Bas-latin ^ vieux
français et vieux provençal), — et deux à la Faculté des lettres (A. Darmesteter :
Histoire de la poésie épique ^ Explication des plus anciens textes français),
— Notre collaborateur M, J. Cornu vient d'être nommé professeur de langues
et littératures romanes à TUniversité de Prague.
— M. P. Meyer a sous presse, pour paraître dans le prochain numéro de la
Bibliothèque de fÉcole des chartes (t. XXXVIII, 6* livraison) Ja relation proven-
çale du siège de Damiette (1219) dont il a publié un extrait dans son Recueil
d'anciens textes, partie provençale, n^ 34. Ce texte sera accompagné d*un commen-
taire historique pour lequel a été mis à profit h relation latine de c Joannes de
Tulbia I (Musée Britannique^ Harl. 108) qui jusqu'à ce jour n'avait été ni
utilisée ni même signalée.
— Nous trouvons dans le n- 28 j de VAcademj, page 540, col, 1, l'annonce
que t Mr John Schmid » se propose d'éditer a the thirleenlh - cenlury frcnch
m s. treatise Lumere as lais (sic), by Pecham. Us ms. are H^rleian 4^90^ Royal
16. E. IX and Bodleian 399. » Nous craignons que M, John (ou Johann) Schmidl
tt*aJt pas suffisamment exploré les bibliothèques de ta Grande-Bretagne ; car â
notre connaissance il s*y trouve non pas trois, mais au moins neuf mss. de l'ou-
vrage de Pierre de Peckham, pour Tappcler de son vrai nom,
— Livres nouveaux :
Trois contes populaires recueillis à Lectourc par M. lean-François Blaok.
Bordeaux, Lefcbvre, in~8*, 76 p. — Spécimen d'un grand recueil dont
nous aurons à reparler.
Der Troubadour Guillem Aneîier von Toulouse. Vier provenzaitsche Gedichte.
herausgegeben und erlaûtert von Martin Gi$l Solothurn, m-4*, ^9 p.
U Bastars de Builhn (faisant suite au Baudouin de Stharc)^ poème du
XIV* siècle, publié pour la première fois par Aug. ScUELEn. Bruxelles,
Closson, in-8% xxxrîi-j40 p.
Les Patois de la Basse- Auvergne, leur grammaire et leur (ittéralure, par Henry
DûNiOL, Montpellier, in^% '>4 P* (Publications spéciales de la Société
pour l'étude des langues romanes).
Bibliographie de la Chanson de Roland, par Joseph Badquisii^ Heilbronn,
Henningcr, in-8*, 24 p.
6^6 CHRONIQUE
Der betonte Vocalismus einiger altostfranzOsischer Sprachdenkmxler, und die
Assonanzen der Chanson des Loherains, verglichen von D' August. Fleck.
Marburg, Elwert, in-8', 62 p. — Une édition abrégée de ce mémoire
avait paru comme thèse (voy. Rom, VI, 317).
Giuseppina Vigo Pennisi. Lettera al D' G. Pitre e Chiarimenti sulla Rivista
critica del D' Salomone Marino per la Raccolta amplissiroa di Canti
popolari Siciliani di L. Vigo. Palermo, Lao, in-8% 60 p. — La belle-
fille de M. L. Vigo le défend contre les critiques adressées â son grand
recueil de chants populaires siciliens, et marque dans ceux de MM. Pitre,
Salomone Marino et Avolio, un certain nombre de chants publiés anté-
rieurement par M. Vigo.
Aigar et Maurin. Fragments d'une chanson de geste provençale inconnue,
publiés d'après un manuscrit récemment découvert à Gand par Aug.
Sgheler. Bruxelles, Olivier, in-8«, 63 p. — Nous reviendrons longue-
ment sur cette importante publication.
Zwei Fragmente des mittelniederlaendischen Romans der Lorreinen. Mitgetheilt
von Prof. D' Hermann Fischer, in-4' (p. 769-87 de la Fcstschrift zur
vierten Sâcalar-Fcicr der Eberhard-Karls-Universitât zu Tàbingen, dargebracht
von der kôn. ôff. Bibliothek zu Stuttgart. Stuttgart, Aue). — Deux frag-
ments de plus à joindre aux neuf que Ton connaissait déjà de cet immense
et singulier poème des Lorreinen ; il est remarquable que neuf au moins de
ces fragments ont sûrement, d'après M. Fischer, fait partie du même
manuscrit.
Deux rédactions diverses de la Légende de Sainte Marguerite en vers français^
publiées par M. Auguste Sgheler. Anvers, Plasky (Extrait des
Mémoires de l'Académie archéologique de Belgique)^ in-8", 87 p. — L'une
de ces rédactions est celle qui se trouve dans tant de mss., et qui a déjà
été publiée trois fois (M. Sch. en donne un texte amélioré), l'autre est
publiée d'après le ms. de la B. N. fr. 1952 5. Notons, sur cette rédaction,
que le mot eint, au v. 306, qui embarrasse M. Sch., doit se lire curt, et
en rime aturt pour atint. Il faut rapprocher de verge cillant^ v. 1302, qui
ne se trouve pas seulement là, le mot cillante signifiant cravache, baguette
(écrit cillance dzns Perceval, éd. Potvin, v. 2382). Ces mots étant toujours
écrits par un c n'ont sans doute rien à faire avec secare, seculare.
Partalopa Saga^ fôr fôrsta gangen utgifven af Oscar Klockhoff. Upsala,
Udquist, in-8% xxii-45 p. — Nous avons parlé ailleurs des études
de M. KÔlbing sur la Partalopa Saga (Ro/77., VI, 146); le texte
publié par M. Klockhoff aidera à les comprendre et à les contrôler.
M. Klockhoff signale une rédaction, d'ailleurs fort rajeunie, de ceWesaga^
qui aurait conservé quelques traits plus anciens que la vulgate.
J. Ducan Craig. Miéjour, or provençal legend, life, language and literature in
the land of the Felibre. London, Nisbct and Co., in-8®, vii-496 p. —
Sans valeur.
Le Participe passé en vieux français, par J. Bonnard (Dissertation de docteur
de Zurich), Lausanne, Bridel, in-8', 79 p. — Nous reviendrons sur cette
intéressante dissertation.
ERRATA.
M. Milà y Fontanals nous communique Verrata qui suit pour son article
intitulé De la Poesia popular galUga (ci-dessus, p. 47 et suiv.) :
P. 48, nota 1, creenta, /. cuenta. P. 51, lînea 6, salto, /. salgo. P. $3 1. 9,
os portiîios, /. as portiaas. P. S3 '• 3^^ figucral figuercido, /. figuciral figuei-
redo. P. 57 n® 7 verso 1, Mota, /. Moza. P. 58 n» 17 v. i, che /. te, n® 18
V. 2, po, /. por. P. $9 n» 52 V. 4, Perdei, I. Perdin, n« 41 v. 4, Ma,/. Mais.
P. 60 n* 4$ V. 3, Non, /. Nin, n« 52 V. 4, demai, /. demas. P. 61 n® 56 v. 4,
che, /. te, n» 60 V. 2, tifia, /. tena, n» 67 v. 1, che, /. te, n* 70 v. 3, deu,
/. dcz. P. 62 n» 71 V. 2, cullir, /. coller, n* 73 v. 2, mans, /. man, n® 75 v. 2,
ferrer, /. ferver, n» 76 v. 4, Amai, /. Amais, n» 77 v. 2, majusto, /. magusto,
n«79, Meis, /. Mais, n® 83 I. 3, Quera, /. Queira. P. 63 n« 91 v. i, nègre,
/. negra, n» 92 /. 4, qui, /. que, n*> 95 v. 3, pro, /. por, n» 98 v. 4, genre,
/. gente, n' 100 v. 3, outo, /. oito. P. 64 n' 103 v, 4, Pera, /. Pesa, n* 106
V. i,che, /. te, n» 107 v. 1, Ungeiro, /. tangueiro, v. 2, Deixelo, /. Deixa-lo,
n» 109 V. 3, primiero, /. primeiro, n» 1 1 1 v. 2, breAas, /. braiias, n® 1 14 v. 2,
mazarrocas, /. mazarocâs, v. 5,ferrinas, /. ferreiias. P. 65 col. 1 1. 8, Tira,
/. Tiza.Col. 2,1.7, acude,/.sacude,n* 1 15 v. 4, mon,/, meu. P. 66, n<> 123 v.i,
d*o, /. d'à, n* 126 v. 4, cais, /. cayas, n* 128 v. 2, vén, /. vîn. P. 67 n' 129
V. 5, emprestarvos, /. emprestarch'o; v. 6, desprendes, /. deprendes. P. 68
n* 1 33 ^ù V. I , Indou, /. Indo; v. 10, co', /. co'a; v. 12, Chamache, /. Chamate.
P. 69 L 8, veraisme, /. verasme, n* 134 v. 2, guerra, /. terra, v. 4, terra,
/. guerra, v. 1 6, por, /. pra. P.70 n» 1 3 5 bis v. 6, aguardade, /. agardade. P. 7 1 ,
n* 137 V. 8, conto, /. conta. P. 72 v. 8, dras, /. dias, n* 139, Quo, /. Que,
n» 140 V. 6, serve, /. serves. P. 75 col. 2 v. 2, feira, /. feita, n* 146, v. 9,
10, 12 et 13, ron, ron, etc., /. rou, rou, etc., n* 147 v. 1 1, au /. us. Nota de
la P. 74, 1. 16, carica, /. caricia. — Hay ademas faltas ortagraficas, algun
castellanismo, alguna n por u, y varias n puestas en lugar de h.
— P. 497, V. 32, j'ai eu tort de corriger c/dc^/iVr en c^/icWi^r: le mot c/tfc^/ûr
est bien connu ; voy. Roquefort et Du Gange. Il se trouve encore au XV*
siècle, par exemple dans le Dit de Poissy de Christine de Pisan {Bibl. de VÊc.
des chartes^ 4, III, 548).
La feuille 3 2 itait tirée lorsque j'ai reconnu que le fragment sur les femmes
publié p. 501-3 était un extrait du poème de Robert de Blois qui, dans lems.
B. L. fr. 283 de l'Arsenal, est intitulé c Tonnour as dames >. Notre fragment
s'y lit au fol. 295. Il se lit encore à la p. 491 du ms. Bibl. nat. fr. 24301 (anc.
Sorbonne 1422) qui contient VHonneur aux dames joint à plusieurs autres poèmes
qui, les uns et les autres, paraissent être de Robert de Blois. V Histoire litté-
raire pCXIIl, 745), qui n'a pas connu le ms. de l'Arsenal, a donné à cet
ensemble de poèmes le titre de c Roman de Beaudous •, qui est celui de l'un
d'eux. — Entre les pièces en faveur des femmes, j'aurais dû mentionner le
t dit des dames > de Jehan, publié par M. Mussafia dans sa notice d'un ms.
français de Pavie, cf. Romania^ I, 246. P. M.
TABLE DES MATIÈRES
Piges
p. Mbybr. Notice sur un ms. bourguignon, suivie de pièces inédites (cf. aux
Corrections) . . . . i
M. MiLA Y FoNTANALS. De la Pocsia popular gallega (cf. à VErrata) .... 47
Proverbes patois de la Gruyère, recueillis par J. Chenaux et suivis de comparai-
sons et rapprochements par J. Cornu 76
A. Wbsselofsky. Le Dit de l'empereur Constant 162
Fr. d'Ovidio. DeUe vod italiane che raddoppiano una consonante prima délia
vocale accentata (cf. aux Mélanges) 199
Contes populaires lorrains, recueillis par E. CosQuiN 212,529
L. H AVBT. La prononciation de i^ en français . . pi
La vie Saint Jehan Bouche d'or^ p. p. k. W/EBtK 328
P. Mbyer. Traités catalans de grammaire et de poétique 341
P. Rajna. La Novella boccaccesca del Saladino edi messer Torello )$9
J. Cornu. Phonologie de Bagnard I69
V. Smith. La Chanson de Barbe-Bleue, dite Romance de dotilde 428
P. Mbybr. Mélanges de poésie française (cf. à l*£rrâfâ) 481
A. Morbl-Fatio. Le Roman de Blaquema de Raimon Lull 504
MÉLANGES
Ccrcalmon, Car v«/fn/r fl for </w (p. Rajna) 11 j
Marcabrun (P. M.) 119
Français r = <f (G. P. ; cf. ci-dessous) 129
Un signe d'interrogation dans un patois français (Ch. Joret; cf. ci-dessous). . . 1 jj
Emploi du pronom possessif à la place de l'adjectif démonstratif en normand
(Ch. Joret) 134
Les noms propres latins en itta et les diminutifs romans en ett (J. Cornu). . . 247
Tanit:=ztenehat à^T\s \t& StrmtiiXs [i. Com\x) 248
La Badia di Niort (P. Rajna) 249
Déclinaison de l'article maintenue jusqu'à ce jour dans le Valais (J . Cornu) . . 2 j j
Français r pour </ (L. Havet) 254
Un nuovocodice di chansons de geste del cido di Guglielmo (P. Rajna) ... 2J7
Du passage d'j 2 à r et d'r à jz dans le nord de la langue d'oc (A. Thomas) . . 261
Termes de pêche : jarret^ hougueire (J. Banquier) 266
Une ballade hippique (G. P.) 271
Colubra en roman (L. Havet) 43 j
Soucy^ solside, somsir{G, P.) 4)6
La ville de Pui dans Afj/ncr (G. P.) 437
Ti, signe d'interrogation (G. P.) 438
Ti interrogatif en provençal moderne (C. Chabaneau) 442
Du traitement des labiales /?, b, v, / dans le roumain populaire (A. Lambrior). . 443
Métathèse de ts en st et de dz en zd (J. Cornu) 447
Un extrait du Roman delà Rose (P. M.) 449
TABLE DES MATIÈRES 6^9
Pruekes (G. P.) 5M
Deux Jeux-partis inédits d'Adam de la Halle (G. Raynaud). $90
Le redoublement des consonnes en iulien dans la syllabe protonique (H. Schu-
chardt) 593
Charrie (Ch. Joret) • . . . . 595
Un débat chanté (V. Smith) 596
Un fragment de complainte du Juif- Errant (V. Smith) 598
CORRECTIONS
Sur les glossaires provençaux de Hugues Faidit (C. Chabaneau) 136
Sur le Donat proensal (J. Bauquier) 450
Dialogus anime conquerentis et rationis consolantis (Fr. Bonnardot) .... 141
Fragment d'un conte catalan (A. Mussafia) 143
Sur lems. bourguignon Addit. 15606 (P. M.) 600
COMPTES-RENDUS
Agiib(leMartyrt de sainte)y^. ^, SkKDOX} {P. Vi.) 295
ANDREWS, Vocabulaire du patois mentonais (P. M.) 620
AUBBRTiN, Histoire de la langue et de la littérature française au moyen-âge (O.P.). 454
Bbllangbr, Études sur la rime française 622
Carmina inedita medii aevi^ éd. Hagbn (L. Havet) 273
Darmrstiter, De Floovante (G. P.) 605
EosTRŒM, voy. Passion (la) du Christ.
Esther {La reine), tragédie provençale, p. p. Sabatibr (P. M.) )oo
Flbchia, Intomo ad una peculiarità di flessione verbale in alcuni dialetti lom-
bardi (G. P.) 502
GtoRGiAN. Essai sur le vocalisme roumain (G. P.) 147
Hacen, voy. Carmina inedita medii aevi.
JoLY, La Fosse du Soucy (G. P. Cf. aux Mélanges) 148
Kœlbing, Beitnege zur Geschichte der romantischen Poésie (G. P.) 146
KoscHwiTz, Ueberlieferung und Sprache des Voyage de Charlemagne (G. P.) . . 146
Lega (Bacchi dblla), Bibliografia boccaccesca ; Bibliografia dei vocabolari ne'
dialetti iuliani (P. M.) 149
MussAFiA, Die caulanische Version der Sieben weisen Meister (G. P.). . . . 297
Passion (La) du Christ, poème provençal, p. p. Edstrœm (P. M.) 613
Raynaud, Étude sur le dialecte du Ponthieu au XIII* siècle (G. P.] 614
RtfviLLOUT, Étude sur la Vie de saint Guillaume (G. P.) ....... . 467
Sabatier, voy. Esther.
Sardou, voy. Agnès.
Rolland, Devinettes ou énigmes populaires de la France i $0
SucHiER, Ueber die Vie de seint Auban (G. P.) 144
PÉRIODIQUES
Academia (La), 1876, n« 10 |o8
Archiv fiir das Studium der neueren Sprachen, LII-LVI 304
Archives des Missions, 3, III, 2 6)o
Beitrxge zur Geschichte der deutschen Sprache und Litteratur, III 307
Bibliothèque de l'École des chartes, XXXVII, 5-6 J07
Boletin de la Sociedad de amigot del pais de Valencia, 1875 ^09
Bulletin de la Société des anciens textes français, 1876 155
— — 1877 }o6
640 TABLE DES MATIÈRES
Englische Studien, I, i 1$)
Germaniaj XXI 306
Historischc Zeitschrift, XXXVII, 1 478
lUlia, III }o8
Jahrbuch fur romanische und englische Literatur, XV, 3-4 1 5 j
Jenaer Literaturzeitung, juillet-décembre 1876 157
— — janvier-mars 1S77 509
— — avril-juillet 1877 478
— — juillet-octobre 1877 634
Uterarisches Centralblatt, juillet-décembre 1876 J)7
— — janvier-mars 1877 509
— ~ avril-juin 1877 478
— — juillet-septembre 1877 6j4
Mélusine, 1-6 508
— 7-16 6jj
Mémoires de la Société de linguistique de Paris, III, 2 307
Il Propugnatore, IV joj
Revue Critique, juillet-décembre 1876 i)7
— janvier-mars 1877 509
— avril-juin 1877 478
— juillet-septembre 1877 6)4
Revue de linguistique et de philologie comparée, 1876-77 478
Revue des langues romanes^ 2* sér., t. II, 10- II ni
— — t. Il, 12, t. III, 1-4 joj
— - — 5-6 472
— — — 7-8 626
Revue des Sociétés savantes, vr série, I M II M^
Revue historique de l'ancienne langue française, janvier-mars 1877 . . . . 305
— — avril-juin .... 477
— — juillet-septembre .... 6}j
Rivista di filologia romanza, 11^ 3-4 30^
Romanische Studicn, VIII 305
— «X 47C^
Zeitschrift fiir deutsches Alterthum, N. F. IX jo6
Zeitschrift fur deutsche Philologie, VIII 507
Zeitschrift fur œsterrcichische Gymnasien, 1877 309
Zeitschrift fur romanische Philologie, I, i 472
— — I, 2-3 . 626
Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung, N. F. III, 4 1J5
CHRONIQUE
Janvier 158
Avril 310
Juillet 479
Octobre 63$
Errata 637
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Roirou.