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Full text of "Romania"

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ROMANIA 


ROMANIA 

RECUEIL    TRIMESTRIEL 

CONSACRÉ   A    l'étude 

DES    LANGUES   ET   DES   LITTÉRATURES    ROMANES 

PUBLIÉ  PAR 

Paul  MEYER    ^    Gaston  PARIS 


Pur  remenbrer  des  ancessurs 
Les  diz  et  les  faiz  et  les  murs. 
Waci. 


6*   ANNÉE    —   1877 


PARIS 
F.  VIEWEG,    LIBRAIRE-ÉDITEUR 

67,   RUE  RICHELIEU 


UBRARY  OF  THE 
LELAHD  STANFORD  à,:.  !    VER8ITY. 

NOV  5    1900 


NOTICE 

SUR 

UN     MS.    BOURGUIGNON 

(musée  britannique  addit.  1 5606) 
SUIVIE     DE     PIÈCES     INÉDITES 


Parchemin,  161  iF.;  o",2$$  sur  o*,i85;  commertcemcnt  du  XlV*  siècle *;  acquis 
par  le  Musée  le  8  novembre  1845  de  th.  Rodd,  libraire  qui  a  beaucoup  acheté 
ponr  cet  établissement,  et  provenant  de  Motteley,  de  Paris.  Le  libraire  Mot- 
tdey,  qui  était  en  même  temps  amateur  de  livres,  a  fait  plusieurs  ventes.  L'une 
d'elles,  la  dernière,  eut  lieu  en  1845,  mais  le  2  décembre,  selon  l'indication  du 
catalogue  de  vente  (Paris,  Cuillebert),  et  naturellement,  notre  ms.,  acquis 
d'un  intermédiaire  par  le  Musée  dès  le  8  novembre  de  cette  même  année,  n'y 
figure  pas.  Il  faut  donc  croire  qu'il  a  été  acheté  de  gré  à  gré. 

Voici  maintenant  ce  que  ce  volume  nous  apprend  sur  sa  propre  histoire. 
Vers  le  commencement  du  XIV*  siècle  il  était  en  Bourgogne,  où  il  parait  avoir 
été  exécuté,  à  en  juger  par  les  formes  du  langage.  En  effet,  il  y  a  sur  le  verso 
du  feuillet  5  de  la  pagination  la  plus  récente  quelques  notes  écrites,  paratt-il, 
à  cette  époque,  et  dont  j'ai  déchiffré  ce  qui  suit.  D'abord  ces  mots  d'une  écri- 
ture très-fine  :  Henris  (?)  Fourriers  de  Semur,  Puis,  au-dessous,  d'une  autre 
écriture  :  Ces  livres  est  (ici  un  nom  gratté).  Qui  l'anblera  as  forches  penduz  sera. 
Je  n'ai  aucun  moyen  de  déterminer  si  dans  la  première  inscription  il  s'agit  de 
Semur  en  Auxois  (Côte-d'Or)  ou  de  Semur  en  Brionnais  (Saône^t-Loire).  Du 
reste,  ces  deux  lieux  ne  sont  pas  fort  éloignés  l'un  de  l'autre.  Plus  tard  le  ms. 
appartint  à  Fauchet,  comme  le  prouve  cette  note  placée  en  tête  du  fol.  actuelle- 
ment numéroté  160,  mais  qui  était  autrefois  le  premier  :  paraphrase  des  pseaulmes. 
Cest  a  moj  Claude  Fauchet.  Çà  et  là  sur  les  marges  (ff.  3  s,  127,  133),  quelques 
roots  de  l'écriture  bien  connue  du  savant  président.  Voilà  donc  un  livre  à  signaler 
à  celui  qui  s'imposera  la  tâche  difficile  de  reconstituer  la  bibliothèque  de 
Fauchet.  Je  ne  crois  pas  qu'aucune  citation  de  notre  ms.  ait  été  faite  dans  le 
célèbre  Ruuàl  de  Forigine  de  la  langue  et  poésie  françoise^  mais  on  sait  que  cet 


I .  Saint  Louis  (2  5  août)  figure  au  calendrier  qui  commence  ce  volume. 
Jiomania^  VI  l 


2  P.  MEYER 

ouvrage  ne  donne  qu'une  idée  bien  incomplète  des  lectures  faites  par  son  auteur  ^ 
Le  ms.  add.  i$6o6  se  compose  en  réalité  de  161  ff.  comme  je  Tai  dit  plus 
haut.  Néanmoins  la  pagination  qu'il  a  reçue  à  son  entrée  au  Musée  lui  en  donne 
162,  parce  qu'elle  comprend  un  premier  feuillet  tout  moderne  (peut-être  de  la 
main  de  Motteley)  où  se  lisent  quelques  renseignements  sur  le  contenu  du  ms. 
Mais  il  y  a  en  outre  une  autre  pagination,  faite  au  XV"  siècle  ce  me  semble, 
et  souvent  enlevée  par  le  couteau  du  relieur,  qui  commence  à  iv,  correspon- 
dant au  fol.  2  de  la  nouvelle  pagination,  et  conserve  jusqu'à  la  fin  sur  cette 
dernière  l'avance  de  deux  unités.  Il  y  a  donc  au  commencement  une  lacune  de 
trois  feuillets.  Ces  trois  feuillets  se  retrouvent  à  la  fin  du  volume.  Ils  sont  main- 
tenant numérotés  160  à  162,  mais  ils  l'étaient  autrefois  j,  ij  et  iij.  Les  anciens 
chif&es  se  lisent  encore  sur  les  deux  premiers.  C'est  sur  le  fol.  j  (=  160),  ai-je 
dit,  que  se  trouve  l'autographe  de  Fauchet.  Nous  verrons  plus  loin  ce  que 
contiennent  ces  feuillets,  et  pourquoi  on  les  a  rejetés  à  la  fin  du  volume. 

Je  vais  maintenant  donner  une  table  très-sommaire  des  ouvrages  ou  opuscules 
renfermés  dans  le  ms.  add.  1 5606,  soulignant  les  titres  empruntés  aux  rubri- 
ques du  ms. 

I.  Le  calendrier. 
II.  De  David  H  prophuie.  —  Vers. 

III.  Paraphrase  du  psaume  Eructavit  (ps.  XLIV).  —  Vers. 

IV.  Traité  de  la  messe.  —  Prose. 

V.  La  Conception  de  Wace. 

VI.  Des  poignes  d'enfer.  —  Vers. 

VII.  Prière  intitulée  :  Salut  dou  sanc  et  dou  cors  Jehus  Christ.  —  Vers. 

VIII.  De  Nostre  Dame,  prière.  —  Vers. 

IX,  De  Jhesu  Crist^  deux  prières.  —  Vers. 
X.  Sermon.  —  Vers. 
XI.  Prière.  —  Vers. 
XII.  Psaumes  de  la  Pénitence.  —  Vers. 

XIII.  La  Bible  du  seigneur  de  Berzy. 

XIV.  Des  besulotes,  connu  sous  le  titre  de  •  Dit  de  l'Unicome  •.  —  Vers. 

XV.  Des  Aj.  chevaliers.  Sera  publié  plus  loin.  —  Vers. 

XVI.  Caton,  traduction  d'Adam  de  Suel. 

XVII.  Ansoignemans  de  Doctrine.  Le  c  Doctrinal  Sauvage  t.  —  Vers. 
XVIII.  Pour  chatoier  les  orguilloz.  Sorte  d'enseignement  moral  qui  sera  publié 

plus  loin. 

XIX.  Les  Quinze  Signes.  —  Vers. 

XX.  De  la  Plure-chante.  —  Vers. 

XXI.  Vie  de  saint  Denis.  —  Prose. 

XXII.  Le  dit  de  Guillaume  d'Angleterre.  —  Vers. 

XXIII.  Li  livres  de  sapience.  —  Prose. 

XXIV.  Le  Cloître  spirituel.  —  Prose. 


1 .  La  Bibliothèque  nationale  possède  une  vingtaine  de  mss.  ayant  appartenu 
au  président  Fauchet  ;  voy.  L.  Delisle,  le  CaUnet  des  mss.  de  la  Bibl.  nat.  II, 
36J-4. 


NOTICE   SUR   UN    MS.    BOURGUIGNON  } 

Reprenons  uiainlenant  tous  ces  articles  un  i  un.  Je  n'ai  pas  Tintention 
^épuiser  en  une  fois  le  ms,  :  mon  but  est  pour  le  présent  de  faire  connaître 
eatictement  les  ouvrages  ou  opuscules  qu'il  renferme,  et  de  publier  deux  d'entre 
6UI.  D'autres  seront  étudiés  en  une  prochaine  occasion  avec  des  développe- 
ments qui  ne  sauraient  trouver  place  dans  ce  mémoire* 

)*ai  rcprodurt,  autant  que  les  ressources  de  notre  imprimerie  le  permettaient, 
tes  abréviations  dont  la  solution  présente  quelque  doute,  ainsi  9  pour  con  ou 
fom,  p  qui  peut  être  pa,  par^  por^  etc» 


L  —  Calendbier. 

li  serait  désirable  que  Ton  publiât  une  collection  d'anciens  calendriers  appar- 
teaaot  i  des  temps  et  i  des  lieux  aussi  variés  que  possible.  On  arriverait  sans 
doute  ainsi  â  constater  des  particularités,  principalement  dans  le  choix  des 
saints,  propres  à  chaque  province,  à  chaque  diocèse  peut-être,  et  de  la  sorte  on 
aurait  un  élément  précieux  pour  déterminer  l'origine  des  rass-  qui  contiennent 
un  calendrier ^  Le  seul  ouvrage  de  moi  connu  (il  y  en  a  d'autres  indubitable« 
ment)  ot  se  trouvent  reproduits  d'après  des  mss.  un  certain  nombre  d'anciens 
oltoânen,  &i  k  Medti  4tvi  Kalcndarium'^  de  Hampson*  L'un  dVntre  eux  (I, 
461-71)  est  en  français.  Il  est  tiré  du  ms.  Harléien  27;,  fin  du  XIII^  siècle,  qui 
profientf  paralt-il^  de  Tégltse  de  Ludlow  (Shropshire).  Il  dilfére  beaucoup  du 
iidtre.  J*ai  fait  en  diverses  collections  de  mss.  quelques  recherches  dans  l'espoir 
de  découvrir  un  calendrier  analogue  à  celui  qu'on  va  lire,  mais  sans  succès* 

Dans  la  publication  qui  suit,  j'ai  cru  pouvoir  sans  inconvénient  remplacer 
les  indications  anciennes  de  quantièmes  par  la  simple  numérotation  des  jours 
de  chaque  mois.  Ainsi,  en  regard  de  V Apparition  (Epiphanie),  je  place  un  6, 
aoi  lieu  que  le  ms.  porte  /  (lettre  domin.)  viij  ti.  J'ai  omis  les  quantièmes  des 
jours  pour  lesquels  il  n'y  a  rien  de  marqué.  Cela  économise  un  grand 
oombire  de  lignes. 

Dans  le  texte  du  ms.  i)  y  a  des  mots  en  rouge  et  d'autres  en  noir,  les  uns  et 
k$  autres  de  la  même  main,  selon  toute  apparence.  Les  premiers  sont  ici  repro- 
duits en  italiques^  les  seconds  en  simple  romain.  En  outre  il  y  a  quelques 
addhioQS  d*anc  fine  écriture  qui  ne  semble  pas  de  beaucoup  postérieure  à  celle 
du  reste  du  ms.  Ces  additions  sont  imprimées  en  petit  texte- 

Les  jours  égyptiens  sont  ceux  qu'on  trouve  marqués  dans  presque  tous  les 
calendriers  du  moyen4ge.  Voyez  à  ce  propos  le  mémoire  de  M.  J.  Loiseleur, 
inlilulé  :  Lts  joars  igyptknSj  leurs  yariations  dans  ks  calendriers  da  moyen^dge 
iMim.  di  la  Sac,  des  Antiq.  de  France,  U  XXXIIl,  187J)  ^. 


I*  M.  H.Bradshaw,  le  bibliothécaire  de  TUniversité  de  Cambridge,  a  com- 
oieocé  une  collection  de  ce  genre.  Fuisse-Nl  un  jour  la  publier  I 

2.  Le  litre  complet,  gui  est  fort  long,  a  été  donné  ci-dessus,  III,  206, 
}.  J'aî  publié  en  1S66  dans   le  Jarhach  f.  romamscke  Literatur  (Vil,  49-50 
quatre  listes  de  jours  périlleux  d'après  des  mss.  de  Paris,  de  Londres  et  de 
Glasgow.  Depuis  j'en  ai  trouvé  beaucoup  d'autres  qu'il  serait  trop  long  d'énu- 
oiérer  ici. 


p.  MEYER 


Qn  remarquera  que  quelques-uns  des  noms  des  saints  ont  la  forme  du  génitif 
latin  (Proti^  ii  sept.;  Marci,  7  oct.;  GalU,  16  oct.).  Ils  ont  donc  été  trans- 
portés sans  traduction,  de  quelque  calendrier  latin  dans  le  nôtre. 


li  Une 


Jor  eg. 


Janvex   hai   .xxxj.    jour  j 
.XXX.  jours. 

I  Liansneaf. 

6  Lificions. 
13  Saint  Hilaire. 

15  Saint  Mort. 

16  Sain  Marceal. 

17  Saint  Anthoine. 

20  S.  Flavien.  5.  Sobachien, 

21  Santé  Annès. 

22  Sain  Vincent. 

2$  Saint  PouL  D.  eg. 

26  Saint  Policarpe. 

27  Sain  Jehan  Boiche  d'or. 

28  Sainte  Annès 


Feyrex  hai  .xxviij. 
xxix. 

1  Sainte  Brite. 

2  Li  chandelouse. 
}  Sain  Blaive. 

4 

5  Sainte  Agate. 
14  Saint  Velantin. 
22  Sain  Père. 
24  Sain  Mathias. 

Mars  hai  .xxxj.  jor^ 
jors, 
I  Saint  Aubin. 
21  Sain  Benoit. 


jors  y  li  Une 


D.eg. 


li  Une  .XXX. 


D.eg. 


2  5  Li  marsoinche  > , 
27  Li  résurrections. 
28 


D.eg. 


Avris  hai  .xxx.  yor,  H  Une  .xxôc. 
jors. 

4  Saint  Ambroise. 

6  Sain  Venebar. 

10  D.  eg. 

12  Heufamie. 
14  Sain  Valerien. 
20  D.  eg. 

2j  Sain  George. 

27  Sain  Mar  amngelistes. 

28  Sain  Vitour. 

Mai  hai  .xxxj.  jour  et  li  Une  .xxx. 
jours. 

I  Sain  Jacq.  et  5.  Felipe. 

3  Sainte  crois. 

6  SainJehans. 

9  Sain  Nicholas. 
10  Sain  Gordien. 
12  Sain  Paneras. 
20  Sain  Bandere  '. 
25  Saint  Urbain. 
28  Sain  Germain. 


D.eg. 


d.eg. 


Jehuns  ai  .xxx.  jors  et  li  lene  .xxix. 
jors. 
I  Sain  Nicomede. 


Janvier.  15,  Saint  Maur.  —  21  et  28,  Sainte  Agnès,  dont  la  lête  est  le 
plus  ordinairement  placée  au  21  ;  voy.  les  Bollandistes,  Janv.  II,  807  a. 

Février.   1 ,  Sancta  Brigida. 

Mars.  2^,  L'Annonciation.  L'Art  de  vér.  les  dates  (éd.  in-8*,  II,  23),  cite 
Marzachc.  Cf.  Hampson,  II,  Mar  sues. 

AvRa.  6,  S.  Wincbaudus.  dont  la  fête  tombe  en  effet  ce  jour.  Boll.,  Avril, 


II,  $72.  —  12,  Sainte Euph^mie.  Boll.,  Avril,  II,  81 
Mai.  20,  Plutôt  Baudere,  s'il   s'agit  de  S.  '^ 


Mai,  V,  194. 


BauddiuSf  de  Ntmes,  Boll.* 


NOTICE 

SUR 

UN 

MS.    BOURGUIGNON 

5 

2  Sain  Marcelin. 

1 1  Sain  Tiburce. 

6  Sain  Claudien. 

1 3  Saint  Ipolite. 

9  Sain  Fclcden. 

14  Vigile. 

10 

D. 

«^• 

1 5  Nostre  Dame  me-^st. 

Il  Sain  Barnabe. 

18  Saint  Agapie. 

1 3  Sain  Reneber. 

20  Sain  Feleber. 

i6  Sain  Forgehu  (?). 

D. 

«^• 

22  Sain  Siphorie. 

i8  Sain  Marcelin. 

24  Sain  BorteUmier. 

19  Sain  Gervais. 

25  Sain  Lohis.  Sain  Genise 

23  Vigile. 

28  Saint  Augustin. 

24  S.  Jehan  batitre. 

29  Sain  Jehan. 

25  Saint  Eloi. 

26  Sain  Jehan. 

28  Vigile. 

29  Saint  prey  sain  Pou. 

Septembres  ai  .xxx.  jors  et 
.XXX.  jors. 
I  Sain  Ladre. 

li  Une 

2  Sain  Juste. 

Junios  ai  .xxxj.  jours  et  li  Une  .: 

KXX. 

î 

D.  eg. 

jours. 

4  Sain  Marcel. 

I  Sain  Thibaut. 

5  Sain  Ferru. 

2  Sain  Marcenée. 

8  Nostre  Dame. 

4  Sain  Martin. 

9  Sain  Gorgone. 

1 1  Sain  Benoit. 

1 1  Sain  Prothi. 

1} 

D. 

«^. 

14  Sainte  crois. 

18  Saint  Amou. 

17  Sain  Lamber. 

20  Sainte  Marguerite. 

20  Vigile,  li  cartant. 

22  Li  Madelene. 

d. 

^g- 

2 1  Sain  Mathier. 

D.  eg. 

25  Sain  Jacq.  S.  Clitofe'. 

22  SainMoris. 

28  Sain  Nazaire. 

24  Saint  Andoiche. 

30  Gcrmani,  epî. 

2  5  Sain  Vandelin. 

27  Sain  Florantin, 

Ost  ai  .xxxj.  jour  etli  Une.  xwc.  jors. 

29  Sain  Michié. 

I  Sainipre. 

D. 

^g- 

3  Saint  Estiene. 

Octovrez  ai  .xxxj.  jour  et 

li  Une 

5  Sain  Domenique. 

.xxix.  jours. 

6  Sain  Ci. 

I  Sain  Romier. 

9  Vigile. 

2  Sain  Ligier. 

10  Sain  Loirans. 

6  Sainte  Foi. 

Juin.  13,  Ragnebertus,  Bol!.,  Juin,  II.  694.  —  16.  S.  Fcrrcolus  (?)  Boll., 
Juin,  III,  7. 

Juillet.  2,  C'est  ainsi  que  j'ai  lu  :  peut-être  MartinU}  C'est  S.  Martinianus, 
Boll.,  Juillet,  I,  300. 

Août.  G,  Saint  Sixte,  pape?  —  20.  S.  Philibert.  —  22.  S.  Syraphorien.  — ■ 
2$.  S.  Genesitts. —  Septembre.  20.  Les  Quatre  Temps.  —  Octobre.  1,  S.  Rémi, 
maintenant,  en  prov.  San  Roumii.  —  7.^.  Marc.  —  16.  S.  Gall. 


6 

p.  MEYER 

7  Sain  Marci. 

25  Sainte  Catherine. 

9  Sain  Denise. 

27  5<2//z  Maxime, 

1 1  Sain  Suplis. 

28 

D,  eg. 

1 3  Sain  Girart. 

29  Vigile. 

1 5  Sain  Lienart. 

30  Samr  Andrier, 

1 6  Sain  Gallî 

1  V       kJCUlt   VJCIAIJa 

1 8  5a//2  Luc  avangelitres. 

Delors  ai  .xxx/.  your  et  H  lene  .xxix. 

19  Saint  Aquilin. 

yor5. 

22 

D.  ^g. 

I  Saint  Eloi. 

2  5  Sain  Crepien. 

6  S«m  Nicholas. 

27  Vigile. 

7 

D,  eg. 

28  Sain  Simon  et  Jude. 

/ 

8  iVortrf  Dame. 

3 1  Vigile  de  Toz  Sainz. 

1 3  Sainte  Luce. 

21  5m/z  Thomas, 

Novembres  ai  .xxx.  jors 

€t  //  lene 

22 

D.  eg. 

.XXX.  jors. 

24  Vigile. 

I  Li  Touz  Sains. 

25  Nativité  de  Deu. 

2  Des  trespacez. 

26  Saint  Estienne. 

5 

D.  eg. 

27  Sain  Jehan, 

8  Li  .iiij.  caronez. 

28  L/  inoscent. 

9  Sain  Théodore. 

29  5âm  Thomas. 

1 1  Sain  Martim. 

30  Li  jour  riloux. 

1 3  5a//z  Breceom. 

31  Sain  Sauvestre, 

I  4  Saint  Madou. 

16  Saint  Euchere. 

Après  la  sainte  Agathe 

lene  prime 

20  Saint  Ysidore. 

querons 

22  Sainte  Cécile. 

Lou  semadi  après  li  voille  des  Bran-- 

23  Sain  Climant. 

dons. 

Novembre.  8,  Les  Quatre  Couronnés  (Claude,  Castor,  Symphorien,  Nicos- 
trate).  —  13,  Saint  Bnce  (Brictio). 

Décembre.  Delors,  On  a  beaucoup  disserté  sur  Torigine  de  ce  nom.  M.  de 
Wailly  a  cité,  à  Tappui  de  Topinion  qui  explique  deloir  (c'est  la  forme  la  plus 
fréquente)  par  de  Voir,  une  charte  dont  il  lit  les  derniers  mots  :  au  mois  de  Voir 
dns  (vo^.  Annuaire  de  la  Soc.  de  Vhist.  de  France,  1852,  p.  33-4).  M.  Bourg ue- 
loL  qui  a  réuni  un  très-grand  nombre  d'exemples  du  mot  en  question  (Bibl.  de 
VEc.  des  Ch.  6,  III,  75),  a  contesté  cette  explication  en  se  fondant  sur  ce  que 
tous  les  textes  connus  (sauf  celui  cité  par  M.  de  Wailly)  portaient  mois  de  de 
deloir^  et  non  mois  deloir.  Il  ne  sera  donc  pas  inutile  de  citer  un  exemple  qui 
vient  confirmer  Topinion  défendue  par  M.  de  Wailly.  Dans  une  chronique 
d'outremer,  on  lit  à  Tannée  125^  :  c  Après,  u  mois  del  ter  morut  pape  Inno- 
c  cent  •  {Hist.  occid.  des  Croisades,  II,  442).  Un  autre  ms.  porte  mois  de  Viver, 
leçon  fautive,  mais  qui  pourtant  confirme  la  bonne.  Il  n'y  a  pas  de  doute  sur  le 
sens,  puisque  le  pape  Innocent  IV  mourut  en  effet  le  7  décembre.  —  Toutes 
mes  recherches  pour  trouver  ce  que  c'étaient  que  les  <  jours  riloux  •  ont'  été 
vaines. 


If.  —  Poème  axlégorique 

LE  6IÉ0E  DE  JJIBUSALBM  PAR  NaBUCHODONOSOB  ET  NaBUZAIUIAN. 


Ce  poémei  qui  est  précédé  de  la  rubrique  assez  peu  appropriée  De  Davtd  H 
ftophuti,  est  en  somme  un  combat  des  vices  et  des  vertus,  sujet  bien  souvent 
traité  au  moyen-Âge.  C'est  donc  une  sorte  de  débat^  mais  qui  ofTre  ceci  en 
particulier  qu'il  est  coulé  dans  le  moule  d'une  allégorie  d'ailleurs  bien  connue. 
iémsalcni,  c'est  Tâme  du  chrétien  ;  Babylone  représente  Tenfer;  et  ainsi  le  récit 
du  siège  de  Jérusalem  par  Nabuzardan  (Rois,  IV^  xxvj  représente  le  siège  de 
rime  pir  le  diable.  Il  y  a  aussi  des  traits  empruntés  à  fa  description  de  laJéru* 
silein  céleste  de  TApocalypse  (ch.  xxt).  On  n'ignore  pas  que  ces  allégories  ont 
été  courantes  au  moyen-Âge.  Il  suivra  de  rappeler  ici  les  deux  poèmes  en  dialecte 
vérooais  dt  Jcrusaicm  cœîesli  et  de  Bûbylonc  m/ernali^  publiés  successivement  par 
Ozanam  *  et  par  M.  Ad.  Mussafia».  Il  y  a  dans  les  œuvres  de  saint  Bernard 
DO  scnnon  •  de  duodecim  portis  Jérusalem  •  (Migne,  CLXXXIV,  1 1 17),  et  un 
autre  analogue  dans  celles  de  saint  Brunon  (M igné,  CLXV,  89).  Notre  poème 
est  tout  à  fait  indépendant  de  ces  écrits  ;  et  j'ajouterai  même  qu'il  m'a  semblé, 
à  en  juger  par  une  rapide  lecture,  avoir  le  caractère  d'une  composition  origi* 
oaJe  fondée  sur  des  lieux  communs  de  théologie.  Son  principal  intérêt  réside 
dans  sa  date^  qui  est  précise  et  ancienne  :  l'auteur  nous  dit  en  terminant  qu'il 
ï'est  rois  â  l'œuvre  en  1 1 80.  Je  ne  me  rappelle  pas  avoir  îamats  rencontré  un 
autre  ms.  de  cet  ouvrage. 


De  David  II  prophecie,  (/.  6  î) 
Or  m'antendez  ,j,  pou,  signor, 
Ne  me  tenez  p  memeor 
D€  ce  que  je  vos  veul  9ter  : 
E>e  Jherusalem  la  cité, 
Oek  beauté,  de  la  richace, 
De  la  bonté,  de  la  autece 
Des  murs  de  pierre  preciose, 
Dont  la  cité  est  tote  close, 
De  la  mervoiiouse  clarté 
Qui  anlumine  la  cité, 
Et  des  portes  et  des  antrées 
De(s)chieres  pierres  aomées» 
Et  dou  precios  pavement 
Qui  totc  la  cité  porpreni, 
Des  tors  de  la  cité  nobile, 
Et  des  citiens  de  la  vile 


Qui  a  Dell  chantent  los  et  g;races 
ç  les  rues  et  ç  les  places. 
Que  vos  faroie  je  lonc  plait  ? 
C'est  la  vérité  entresait. 
De  la  cité  nus  ne  pet  dire 
Ne  l'estoire  ne  la  matière  ; 
Meas  vaut  assez  que  je  ne  di, 
De  certain  lou  vous  afi  [sic]. 
Car  an  tôt  ce  selonc  la  letre 
Ne  devez  pas  vostre  sen  motre, 
Car  c'est  dit  por  allégorie. 
Et  autre  chose  senefie 
Cesie  Jherusalem  terrestre  : 
Ne  sai  commani  poist  cel  estrc 
De  la  Jherusalem  céleste  [b\ 
Dont  hont  profecié  li  prophète» 
Tout  ne  çquant  nos  dit  de  Tune 


i.  Oocumms  ùiidUs  pour  servir  à  rhiitoin  iutérmrt  de  Htalit^  Paris,  i8jo; 
DOtice,  p.  1 18*^4;  texte,  p.  291- j  11. 

a.  Pièces  A  et  B  des  Moimmtnu  di  diaUcti  itâHani,  Vienne.  1864  (Comptes- 
rendus  de  l'Académie  de  Vienne,  t.  XL VI). 

) .  FoL  iij  de  l'ancienne  pagination. 


^^v                                                          ^1 

^^1             Prophétie  ont  de  chascune, 

De  fi  savons  sebnc  Testoire                      V 

^^M             Si  corn  cesniojgne  l'escriture, 

Ceste  desirucion  fut  voire.                          1 

^^H             Geste  cité,  ceste  Agure, 

Li  pueptes  ot  Deu  corrodé  ;                        1 

^^B             Signer,  quanque  ce  senefie 

Si  lor  avint  de  lor  pechié.                       ^M 

^^H             Je  n^ai  pas  lout  sans  que  v9  die, 

La  prise  de  ceste  cité                             ^M 

^^M             Mas  nonpquani  tant  vos  an  dî, 

Vos  veul  traire  a  moralité;                           ■ 

^^B             Seloncce  que  Deu  servons  ci, 

Hoez,  selonc  Pallegorie,                              1 

^^H             Chascun,  di,  des  bon(e)sheûrez, 

Que  ceste  prise  senefie.                              J 

^^m             Ne  di  pas  chascun  des  dâpnez  : 

Ce  devez  vos  tuit  savor  bien                  ^H 

^^H             La  n'avront  ja  li  félon  partj 

Que  l'arme  a  chascun  crestien^               ^| 

^^B             Car  Babiloinne  iert  d'autre  part, 

Ou  est  de  pais  la  vision,                        ^H 

^^H             La  cité  de  confusion 

Est  citez  Deu  et  mansion  \                     ^H 

^^H             Ou  il  avront  lor  mansion, 

De  ceaus  sera,  laissus  es  ceaus,             ^H 

^^H             Avec  Sathan  qu'il  hont  servi, 

Jherusalem  ceîestiaus.                           ^H 

^^M             Côme  si  home  et  si  ami  : 

De  Babiloine  est  rois  et  sire                  ^H 

^^H             C'est  leu  de  peine  et  de  martirej 

Deables,  lai  tient  son  âpire  ;                 ^H 

^^M             De  plaint  de  plor,  de  duel  et  dire. 

CVst  an  anfer,  ou  ti  félon                      ^H 

^^B             Decestuj  laîs  la  mencion, 

Seront  a  grant  confusion.                      ^H 

^^H             Car  il  n'i  a  se  torment  non; 

Icil  nos  essaut  nuit  et  jor  ;                     ^H 

^^H             Et  dira  de  Jherusalem 

Il  n'ot  onques  pais  ne  sejor.                  ^H 

^^m            Ce  que  j'en  croi  et  que  j*en  sen. 

Chascun  de  nos  essaut  et  tante              ^^Ê 

De  ce  mal  ou  plus  met  s^enteme,          ^^Ê 

^^M             Bon  trove  an  Pestoire  ancîene 

De  la  cité  Deu  deiuaîne  ^                       ^H 

^^H              La  Jherusalem  terriene 

Vot  avor  li  félons  lou  reyne.                   ^H 

^^M             Li  rois  de  Babiloinne  assist, 

Antor  ai  ses  engins  dreciez,       (i)        ^H 

^^H              Et  tant  sit  devant  qull  la  prist  ; 

Se  prendre  la  pet  mSt  en  liez.             ^H 

^^B              Arst  et  destruit  la  Deu  maison, 

De  ses  angins,  de  sa  boidie                   ^H 

^^H             Lou  cecle  (?j,  temple  Salemon. 

Vos  9tera  une  partie  ;                            ^H 

^^M             Tôt  âporta  Targent  et  Tor  : 

Et  ^  ce  les  vos  veul  9ter                       ^H 

^^H              Ce  fut  Nabugordonosor  (sic),      [c] 

Que  vos  les  puissez  eschiver.                 ^H 

^^M             Grant  mal  6t  a  Jherusalem, 

De  toz  mal  est  orguei  reine                  ^H 

^^H              A  icest  tens  Nabradanz  ^  : 

Et  9mancemens  et  racine.                     ^| 

^^H              Les  oz  conduist  des  chevaliers, 

Ele  ai  .vij.  vices  principauz                  ^H 

^^H              Et  fut  maitres  confanoers  (sic); 

Qui  9duent  les  autres  mauz.                   ^H 

^^M             Princes  queurs  fut  de  la  coîsîne  ^  ; 

Ses  premiers  dux  et  vaine  glore...        ^H 

^^H             Au  roi  fit  la  cité  encline. 

H 

^^^^K             u  Corr.  Nûhuiatàan;  cf.  IV,  Rois, 

XXV,  Setsuiv.                                               ^H 

^^^^^m            2,  Nibuzardan  est  tou|ours  qualifié 

dans  la  Bible  de  t  pnnceps  militiae  •  ou         ^H 

^^^^H        «  exercitus  »,  ou  de  t  magîster  militum.  »  Plus  foin,  foL  9  ^,  le  même  person-         ^H 

^^^^^B         nage  est  qualifié  de  «  princes  de^  queurs  i^=  queux}  et  des  meingiers.»  Ainsi  en-         ^^M 

^^^^^^         core,  dans  la  rubrique  du  Sermon  foyeux  de  la  vu  de  iainî  Ongnon  (A.  de  Montât-         ^^| 

^^H                gloQ,  Potsiis  françûtsci  des  XV"  a  XVh 
^^H               de  *  maistre  cuisinier   »,  et    U   mi 

iûdes,  J,   284),  Nabuzardan  est  qualihé         ^H 

^me  facétie  se   retrouve  dans  Rabelais,         ^H 

^^^              IV,  XXXIX. 

^^H 

^^^^^^            ;.  Su,  corr.  [de]  Deu  demainc  ^ 

^^J 

lîSo 


Ce  poème,  qui  a  environ 
fol.  XII)  : 

Por  ce  donra  Dex  l'enté 
De  Jherusalem  la  cité 
Non  ceos  qui  bien  çmencerom^ 
Mas  ctos  qui  en  bien  fineroni. 
C'est  la  clarté  qui  enlumine^ 
Nos  dit  Tescriture  divine  : 
N'est  de  lune  ne  de  soleil, 
Ains  nuls  hôs  ne  vit  son  paroil  ; 
Totes  autres  clartez  sormonte, 
A  sa  beauté  nule  ne  monte  ; 
De  lui  veoir  est  li  loiers 
Que  Dex  donra  ses  chivalîers 
Iqui  au  pmenabïe  jor 
De  la  clarté  nostre  Seignor. 


NOTICE  SUR   UN    MS.    BOURGUIGNON  9 

vers,  se  termine  ainsi  (fol.  17,  anc.  pigin. 


Onques  ne  cesse  ne  ne  fine, 
Toz  t^s  la  cité  enlumine. 
Ele  ai  non  vision  de  pais, 
Dex  nos  hi  moînt  et  clars  et  lais  ! 
Seignor,  ver  moi  ne  vos  poisi  mie, 
Se  je  ai  blasmé  lor  folie  : 
Si  s'amandent,  si  feront  bien, 
Plus  feront  lor  prou  que  îou  mien. 

Mil  ans  ot  et  .c.  [et]  boitante 
Cant  a  travaiilier  mit  s'entente 
ïcil  qui  ceste  estoire  fit 
De  la  naissance  Jhesu  Crist, 


ilL  —  Paraphrase  du  psaume  shuctàVIT, 

Cet  ouvrage,  composé  poyr  Marie  deFrance,  comtesse  de  Champagne  de  1164 
à  1 198^,  nous  a  été  conservé  en  un  nombre  de  copies  relativement  considérable. 
Voici  la  liste  de  celles  que  je  connais  : 
Paris,  Bibl.  nal.  fr,  902,  fol.  1  ^9  ;  incomplet;  ros.  exécuté  en  Angleterre. 

—  —       —  1536,  fol.  248;  le  prologue  (14  vers)  est  omis* 

—  —       —  1747,  foi,  8s  ;  ms.  exécuté  dans  le  midi  de  la  France* 

—  ^        ^  2094,  foi,  J72. 

—  —       —  20046  (anc*  S.  G,  fr.  1985),  fol.  57. 
—        —  24429  (anc.  La  ValL  41),  foL  117, 

—  —       —  25532  {anc.  N.*D.  195),  fot.  268-  le  prologue  est  omis, 

—  Anenal  h.  L,  fr.  283,  fol.  69  v^ 
Madrid,  Bibl.  nat.,  F  149». 

Vienne,  Bibl.  palat^  343^1  fol.  1. 
Inc.  (fol.  18,  anc.  pagin,  fol.  tx)  : 

Une  chanson  que  David  fist^ 
Que  Nostre  Sire  ou  cuer  li  mist 


I.  Voy,  d*Arbois  de  Jubainville.  Histoire  des  comtes  de  Champagne^  IV,  642* 
^^  M.  Martin  a  pensé  (Le  Bcsant  ie  Dieu,  p,  xu)  que  la  *  dame  de  Champa- 
gne t  du  V.  ^  pourrait  être  Blanche  ae  Navarre,  femme  de  Thibaut  IIJ* 
M.  Martin,  qui  se  serait  épargné  cette  erreur  en  consultant  le  livre  de  M.  d'Ar- 
bots  de  Jubamville^  ou  simplement  le  catalogue  des  rtiss.  français  de  la  Bibl. 
nat.,  n'  002^  n'a  pas  fait  attention  que  la  <  dame  de  Champagne  »  en  question 
e$l  qualifiée  un  peu  plus  loin  de  «  suer  le  roi  de  France  •,  ce  qui  ne  peut 
s'appliquer  qu'à  Marie,  sœur  de  Phtlippe^Auguste. 

a.  Je  donnerai  prochainement  la  notice  de  cet  important  ms. 


10  p.  MEYER 


Dira  (=  dirai)  ma  dame  de  Champaigne. 
Celui  cui  Damedex  enseigne 
En  espère  de  toz  ses  biens.... 


IV.  ~  Traité  de  la  messe. 

Inc.  (fol.  55,  anc.  pagin.  fol  xxxvij)  : 

C'est  ici  l'antrée  de  la  mosse  :  quant  l'an  doit  oïr  la  messe  ne  les 
ordenances  qui(l)  afierent  a  faire.  Premièrement  au  pmancemant  de  la 
mosse  l'on  doit  restraindre  les  sans  an  lui,  que  l'an  ne  doit  panser  ne 
regarder  a  chose  que  soit  ohie  ne  vehue... 

Je  n'ai  pas  pris  la  peine  de  rechercher  d'où  ce  traité  était  traduit.  Je  me 
borne  à  remarquer  qu'il  se  retrouve  encore  dans  le  ms.  Barrois  305,  chez  le 
comte  d'Ashburnham  ;  cf.  Delisle,  Bibl.  de  PEc.  des  ch.^  6,  II,  251. 


V.  —  Wacb,  la  Conception  de  Notre-Dame. 

Inc.  (fol.  37,  anc.  pagin.  fol.  xxxix)  : 

Ou  non  Deu  qui  nos  doint  sa  grâce, 
Oez  que  nos  dist  maistre  Gace, 
En  quel  tans,  9mant  et  f  coi, 
Au  tans  Guillaume  lou  bon  roi, 
Fu  pmancié  et  estaubli 
De  ceste  estoire  que  je  di 
Que  la  feste  fu  célébrée 
Que  9cehue  et  engendrée 
An  ma  dame  Sainte  Marie... 
Fin  : 

Que  il  parsoniers  nos  en  fiaice 
f  sa  pidié  et  ^  sa  grâce. 
Que  por  l'arme  Sainte  Marie 
Pater  noster  chascuns  en  die. 

Autres  mss.  de  cet  ouvrage  bien  connu  : 

Paris,  Bibl.  nat.  fr.  818,  fol.  4. 
_        —       —  I  ^04,  fol.  417.  Copie  moderne  d'un  ms.  qui  paraît  perdu. 

—  -        —  ,527. 

—  —       —  24429  (anc.  La  Vall.  41), fol.  73. 

—  —        —  25532  (anc.  N.-D.  195),  fol.  J20. 


NOTICE   SUR    UN    MB.    BOURGUIGNON  1  I 

—  —       lat,  $002,  fol.  1 17  8'  (ce  ii*est  qu'un  fragment  de  la  fin). 

—  —       Ms.  Nobict  de  la  Clayette,  p.  141. 
Tours,  917,  fol.  6  k 

Cambridge,  Saint  John  Coïl,  B  9,  fol,  1 , 

On  sait  que  cet  ouvrage  a  été  publié  deox  fois  :  d'abord  par  MM.  Mancel  et 
TrIbiitieQ  *,  d'après  le  ms.  25512,  puis  par  M.  Luzarche  d'après  le  ms.  de 
Tours*.  Le  ms.  2^}2  présente  un  début  tout  particulier^  conçu  en  fort  mau- 
rais  vers  dont  Wacc  ne  saurait  aucunement  être  responsable.  Voici  les  neuf 
premiers  vers  de  cette  leçon  :  au  neuvième  la  leçon  du  ms.  2^532  se  raccorde 
18  telle  de  Wace. 

Se  aucuns  est  cui  Dieu  ait  chier, 

Sa  porele  [sic,  pour  perole)  et  son  mesiier, 

Viegne  olr  que  je  dirai 

Ja  d'un  seul  mot  n'i  raeniira[i]. 

Maistre  Guaces,  uns  clers  sachant, 

Nos  espont  et  dit  en  romanz. 

En  quel  tans,  comment  et  par  cui 

Fut  commencié  et  establi 

Que  la  fesie  fust  célébrée... 


VI.  —  Descente  de  saint  Paul  en  Enfeb. 

Je  ne  m'étendrai  pas  sur  ce  poëme^  ayant  intention  de  Tétudier^  avec 
d'autres  sur  le  même  sujet,  dans  un  mémoire  sur  les  légendes  pieuses  dans  la 
Uttératurc  française,  dont  je  rassemble  les  matériaux  depuis  bien  des  années. 
Je  me  bornerai  à  dire  qui!  est  fondé  sur  un  apocryphe  dont  nous  possédons 
deux  rédactions  latines.  Celles-ci  dérivent  d'un  texte  grec  que  nous  n'avons  pas 
(ou  du  moins  qui  n'a  pas  été  publié,  que  je  sache),  mais  qui  devait  être  de 
fon  près  apparenté  i  l"Aicoxdt^ut{^i;  tou  àt^oy  àiîû(rr6><w  ria^ou  publiée  par 
Tischendorf,  et  de  laquelle  on  a  aussi  une  traduction  syriaque. 

Cette  légende,  dont  la  popularité  est  attestée  par  la  variété  même  des  rédactions 
qu'on  en  possède,  a  une  importance  considérable  pour  l'histoire  des  croyances 
religieuses  au  moyen-âge.  Bien  que  le  fait  de  la  descente  de  saint  Paul  en  enfer 
ei  l'écrit  qui  la  raconte  aient  été  également  repoussés  par  TEglise,  néanmoins 
i  n'est  pas  douteux  que  ce  même  écrit  est  la  source  principale  des  idées  qu'on 
s'est  faites  des  tourments  réservés  aux  damnés. 

Je  connais  en  français  cinq  rédactions  rimées  de  cette  légende.  De  la  rédaction 
en  quatrains  que  renferme  le  ms.  1 5606  je  ne  puis  indiquer  que  deux  autres  mss.: 


i,  UUabhsammt  de  ta  flU  de  la  conception  de  NoUre-Damc,  dite  fit e  aux  Nor» 
mûnds,  par  Wa<^,  publié  par  Mancel  et  Trebutien.  Caen,  1842,  in-U'. 

2.  La  Vit  de  ta  vierge  Mam^  de  maître  Wage   (p,  p.  V.  Luzarche),   Tours^ 


12 


P.  MEYBR 


Paris,  Bibl.  nat.,  fr.  24429  <anc.  La  ValL  41)^  Fol  13  j.  (i4) 
—       —        —  24432  (anc.  N.-D.  J98),  fol,  91  c  (fî), 

La  particularité  de  noire  texte,  c'est  qu'à  un  certain  endroit,  au  quatrain 
XXI,  les  vers  octosy  lia  biques  à  rimes  plates  viennent  remplacer  les  quatrains 
alexandrins.  Toutefois  ceux-ci  reparaissent  après  une  courte  interruption 
et  se  poursuivent  jusqu'à  la  fin.  On  connaît  dans  l'ancienne  littérature  française 
quelques  poèmes  où  le  mètre  change  ainsi  sans  raison  apparente.  Oe  ce  nombre 
sont  les  Enuigncmtnu  Tràor  (B.  N.  fr.  1^408  ;  cf.  HisL  /i«,,  XXOI,  60),  le 
Parknoptus  et  deux  anciennes  traductions  de  la  Bible  T. 

Le  texte  a  été  écrit  à  longues  lignes^  aitn  d'économiser  Tespace,  les  pages 
étant  trop  étroites  pour  admettre  deux  colonnes  d'alexandrins,  tandis  qu'une 
scyle  colonne  eût  laissé  un  espace  blanc.  En  voici  le  commeficement  et  la  fin 
avec  les  variantes  des  deux  mss.  pour  les  80  premiers  vers  : 

Des  poignes  d' enfer. 

L  Beau  soigner  et  vos  dames,  faites  queFon  vos  ohie,  (fol.  81  a) 
Que  Dex  doint  a  vos  armes  de  paradiz  la  joiel 
Si  je  sa  aoctin  bien  que  je  dire  ne  doîe, 

4  A  vos  ne  toiche  mie  quex  poicherres  que  soie. 

IL  J'a  apris  a  escole,  sou  sa  por  escritare  ; 

De  Deu  heit  la  parole  cîlz  qui  de  Deu  n'ai  cure. 
Mez  ciz  qui  de  Deu  est  et  qyi  aime  droiture 
8  Mont  hi  a  bu  cuer  preu  si  antant  a  mesure. 

III,  Or  escouiez  signor  qui  Damedeu  amez, 
Que  les  poines  d'enfer  et  les  delors  dotez, 
Je  vos  ferai  antandre,  se  hoir  lou  voulez, 

1 2  Comam  pechierres  hons  est  an  anfer  penez. 

IV,  Des  grans  poignes  d'anfer  vos  dira  je  partie, 
A  garant  rescriture,  si  n  an  mantira  mie, 
COmant  pecherres  h5s  les  dessert  an  sa  vie, 

1 6  Qui  Deu  ne  vei  amer,  ains  maint  an  foie  vie.  (t) 

V,  Soignour,  desus  cet  arc(?)  est  .j.  cieh  9passez, 
De  lune  et  de  solot  et  dVstoiles  formez, 

Por  cui  trestoz  li  mons  est  hui  anlu minez. 
20  Soz  celui  est  .j,  autre  qui  est  Dex  apalez. 

VL  An  après  est  li  ciez  ou  est  la  maetez 

I.  Sur  lesquelles  voy.  Stengel,  Mitthahngcn  aus  franzastschm  Hândschrifun 
d.  Turmcr  Umv.  BMothck,  p,  18,  note. 

I  -8  La  deux  premters  coupUts  manqutnl  dans  B  C. 

14  fi  C  Par  g.  d'  —  16  C  en  félonie,  B  et  il  maint  en  folie, 

1 7  B  C  cel  air,  —  1 8  fî  C  d*e»  listes.  —  20  B  C  Deseur  ccl  en  a  a.  {C  Dcsour 
cel  a  .j,)  q.  e.  ciel  a.  —  2 1  C  Après  est  li  tiers  ciels;  B  est  li  sièges  et  la  grant  m. 


^^^^^^V                     NOTICE                              BOURGUIGNON                                 |;                        ^H 

^^^^p        Ou  lî  fiz  Deu  pmaim  qui  de  virge  fut  nez,                                                 ^| 

^^^^^          Qui  f  les  pecheors  fut  an  h  croix  penez,                                                    ^H 

^^m         24  Que  deaubles  avoit  irestoz  anprisonez.                                                       ^H 

^^^^^  VII,  Ainz  ne  fu  hQs  mortez  qui  toi  îce  veist,                                               ^^^H 

^^^^K         Fors  Tapostre  sain  Pou  qui  lot  lou  mont  oïst.                                      ^^^H 

^^^^^         Cil  vit  jusque  au  lier  ciel^  la  ou  est  Jhesu  Crizt,                                    ^^^^1 

^^M          28  Por  sain  Michié  l'arcange  que  Jhesus  li  tramist.                                      ^^^| 

^^M      VIU,  Icele  grant  autoce  que  glore  est  appalée,                                                    ^H 

^^^^K        Por  cuer  de  crestien  ne  pest  estre  pansée,                                                 ^H 

^^^^V        Por  lotre  de  nui  cler  ne  pet  estre  provée;                                                    ^H 

^^V         ^2  Benoîte  sera  l'arme  que  laissus  en  tomée,                                                ^H 

^^m        IX*  ïcele  grant  autauce  vit  sains  Pau  resplandir  ;                                              ^H 

^^^^^         Ne  lou  pet  reconter  quant  il  n'ost  lou  lesir^                                                 ^H 

^^^^H         Que  nostre  Sire  Dex  ne  li  vot  consantir  ;                                                    ^H 

^^^^    )6  Ne  11  bOs  n'est  pas  dignes  qui  doive  ce  oir.                           (c)                    ^H 

^^H          X.  Soîgnors,  or  vos  dira  ce  que  vos  hai  promis  :                                              ^H 

^^^L               Con  grant  sont  li  tormant  ou  delorous  pahis,                                                ^H 

^^^^H         La  ou  cil  pecheor  seront  ansamble  mis»                                                      ^H 

^^^^^    40  Qui  ne  veulent  amer  ne  Dé  ne  ses  amis.                                                     ^H 

^^H        XI.  Sains  Pou  fut  an  anfer  aincoiz  que  il  transist,                                             ^^Ê 

^^B               Quar  sains  Michié  l'arcange  Pi  mena  et  conduist.                                          ^^Ê 

^^M               Dex  vot  que  il  cogneust  les  poignes  et  veïst                                               ^H 

^^B         44  D'enfer,  et  de  mal  fere  {>  ce  chateist.                                                        ^H 

^H^        Xn.  Or  orrez  ja  parler  de  l'anfemat  delor,                                                  ^^^H 

^^m               A  garant  a[n]  traons  sain  Pou  nostre  doctor                                        ^^^H 

^^M               Gommant  sont  tormanté  li  mavais  poicheor^                                         ^^^H 

^^m         4S  Que  por  la  vainne  gloire  bissent  lor  creator.                                         ^^^H 

^^Ê       XIIL  An  l'abime  d'anfer  bai  J,  barbre  planté                                                   ^H 

^^^^^        Dont  li  seges  desor  sont  charbon  âbrasé  ;                                                  ^H 

^^^^^^        Les  brainches  sont  de  feu.  li  rain  sont  anflamé,                                           ^H 

H            25   B  cest  estre;  C  qui  ces  jîj.  ciex.  ^  16  C  qyi  Tamor  Diex  conquist,                      ^H 

H        B  que  Damcidieu  conquist.                                                                                                     ^^M 

H            29  fi  C  ûfouunt  La  ou  sainte  Marie  est  roînne  clamée.                                                       ^^M 

H             10  B  C  par  bouche  de  bon  clerc  (fi  cuer)  ;  B  dite  ne  racontéei  C  ne  pucl                      ^^M 

H        estre  escoutèe.                                                                                                                  ^H 

H            3  $  fi  ^  fors  le  6lz  Dieu  melsmes  qui  por  lui  (C  nos]  vost  morir.                                      ^H 

H            19  C  en  flambe  m.                                                                                                           ^^M 

H            44  fi  ^  Tant  en  poons  savoir  corn  saint  Pois  nous  en  dist,                                                ^^Ê 

^^^      49  fi  C  A  rentrée.  —  jo  B  li  cimes^  C  les  branches  Uk), —  p-3  bis  B  Les                      ^^M 

^^H  cimes  sont  de  flambes  et  h  rain  borjonné  |  Le  brandon  plus  ardant  que  n'est  feu                     ^^M 

^^V  embrasé  ;  C  Et  de  boutons  de  fer  estre  tous  boutonés  |  De  boutons  plus  ardans                     ^H 

B       qoe  nus  feus  embrasés.                                                                                                   ^H 

^^^H 

^^^^^^^^^^^1 

^^^1                                                                        n^^^^H 

Des  broiches  sont  li  raîn  antor  anvironné.                        ^^^^^^^M 

^^^^H           $2  bis  Plus  ardam  et  plus  âpre  que  charbons  aluroé                   ^^^^^^H 

^^^H 

Illuc  vit  sain  Pou  poicheors  cniciez                                         ^^^^1 

^^^^M 

Les  .j.  pandre  por  mains,  les  autres  por  les  piez,                 (d)           1 

^^^^M 

Por  les  brainches  desus  anbroichiez^  anfichiez,                                      1 

^^m 

Les  autres  por  les  dois  panduz  por  lor  péchiez.                                   1 

^^^1 

Sains  Pou  hai  regardé  par  la  senestre  part,                                     ^J 

^^^^m 

Si  vit  une  fomoise  de  feu  qui  tos  tans  art  ;                                     ^H 

^^^H 

La  flame  por  .vij.  leus  les  devise  et  départ.                                    ^H 

^^^^^H                6o  Or  prions  Damedeu,  lou  roi,  que  nos  an  gart                                 ^| 

^^^^H 

De  prisom  au  deauble,  et  nos  trahe  a  sa  part.                                 ^H 

^^^F 

Soigneurs,  an  l'apre  (corr,  la)  fomoise  habitent  .vij,  delors;           ^H 

^^^^L 

.vij.  diable  Tatisem  :  c'est  lor  maistre  labours;                              ^H 

^^^^M 

Et  .vij.  fiâmes  an  issent  de  diverses  coloyrs  ;                                  ^H 

^^H 

De  chascune  des  Hames  issent  .j.  grans  ardouz.                              ^H 

^^^B 

Anviron  la  fornoîse  hai  .vij.  cruex  tormant                                     ^H 

^^^^M 

Ou  pecheors  sont  mis,  mortel  cruciaumant.                                      ^H 

^^^^M 

.vij.  deauble  les  gardent  au  trainchani  feremant,                            ^H 

^^H 

Quant  ont  Tarme  saisie,  si  la  geteni  dedans.                                   ^H 

^^^1 

Set  plaies  les  apele(nt)  la  divine  escriture  :                               ^^^1 

^^^^M 

La  premere  est  de  noix  et  destroinant  froidure,                         ^^^| 

^^^M 

La  tierce  est  de  feu  et  de  mervoilouse  ardure,                          ^^^H 

^^^1 

La  quane  est  de  sanc  angousoz  sens  mesure.                            ^^^| 

^^^H 

La  quinte  des  .vij.  plaies  et  do  crual  sarpem,                                ^H 

^^^^M 

Et  la  siste  de  foudres  et  d'avenimemant  ;                                       ^^Ê 

^^^^M 

La  septainne  de  paors  et  d'epaontemant  :                                 ^^^| 

^^H 

Or  vos  an  gart  Dex  qui  fit  !ou  forraemant  !                               ^^^B 

^^^H 

Quant  icil  *vij.  deauble  hont  une  arme  saisie,                                 ^H 

^^^H 

Por  ices  .vij.  tormans  chascuns  a  soi  la  guie  :                                ^^Ê 

^^^^^u 

Li  .j.  la  lance  a  Tautre,  ja  ne  sera  guerpie  ;                                   ^H 

^^^^p 

De  queque  part  qu'ele  aile  deauble  l'ont  saisie.                               ^H 

^^^F 

Lor  vient  a  la  chaitive  .j.  delorouz  essaut                                     ^H 

^^H 

Qui  por  ses  grans  péchiez  sofrera  si  grant  mal                               ^H 

^^^1            6o 

manque  inataretUmtnt)  àB  C.                                                                             1 

^^^^^1             6a  B  De  ch.  des  branches  en  i.  Juj.  a.,  C  De  ch.  des  .vij.  en  i.  .vij.  chalors.              1 
^^^^^1             66  fi  Ou  p.   reçoivent,  C  As  p.  revient*  —  70  B  ajoutt  a  vers  qui  parait              | 

^^^^^H          ttàussâift 

,  bun  ûu'il  donne  au  quatrain  tm  vers  de  trop  :  La  seconde  est  de  glace             1 

^^^^^H          et  de  tranchant                                                                                                         ^J 

^^^^^B             7^-6  nmtni  m  ens  dans  B,  et  par  suiu  variâmes  considirahta,                               ^^Ê 

^^^^P                                NOTICE 

MS.                                                   tj       ^^^^^H 

^^m          Eft  anfer  hai  une  rœ  maie 

De  la  puor  qui  de  ti  ist.                     ^^^H 

^^H    S4  Que  ou  tonnant  plungeetavole. 

Tuit  cil  qui  murent  an  pechié            ^^^H 

^^M          De  quoi  feuz  d'ânfer  dedesoz 

1 1 2  Sunt  a  cele  roe  ataichié,  [mans                  ^H 

^^B          Les  Us  f  les  orgoillors ,  les  glos  » 

Et  plurent  por  les  [grans]  tor-                  ^H 

^^V          Q^ui  an  celé  roe  sont  mis. 

De  totes  manières  dedans.                       ^^H 

■          B8  La  roe  briemanl  vos  devis, 

Itcil  [sic]  qui  ont  tel  guer[re]don                   ^H 

^^^          Si  9me  sain  Pou  nos  reconte 

1 16  Por  ce  qu'il  orent  a  bandon                      ^H 

^^P          Qui  sait  que  celé  roe  monte  : 

Les  biens  dou  monde,  et  il  mo-                 ^H 

H               Mont  est  pesans  et  an  voîsouse ^ 

[rirent,                  ^H 

■          92  El  grans  et  griez  et  perilose 

Que  Deu  ne  povres  ne  con-                 ^H 

■^           A  ces  qui  tormanté  seront 

[nurent;                 ^H 

^^ft          Et  7  droite  déserte  ironL 

Et  selonc  ce  que  mespris  hont,                 ^H 

^^^          Tote  est  9passée  por  art  [art. 

120  Plus  et  mains  tormanté  i  sont.                  ^^Ê 

H          96  Et  de  lotes  [parsP]  trainche  et 

Mm  hi  a  tormanz  sanz  mesure,                  ^H 

^^^          Ansint  escorche  et  art  et  cuit 

Mervotlleest9mamnOzildure^                  ^^Ê 

^^M          Qanque  elle  atant  et  aççut.  {h) 

Mais  oncor  hont  il  une  poinne                  ^^Ê 

^^M           .ii).  goules  ai  soz  celé  roe  ; 

1 24  Que  plus  les  grive  et  plus  les                 ^H 

^^B    100  An  ces  goules  s'enbat  et  noe 

[poinne                 ^H 

^^m          Et  parmi  eas  sa  voie  tome. 

Que  totes  ces  choses  ne  font  :                 ^H 

Ce  est  li  duel,  qui  toz  les  font,                 ^| 
De  ce  qu'i  voient  paradis                         ^H 

^^^          Mot  est  chascune  grans  et  lée  : 

■         104  An  l'une  ai  glace  et  jalée 

128  Et  la  grant  joie  ou  cil  sont  mis                 ^H 

^^K           Si  froide,  si  cruel,  si  pesme 

Qui  an  cest  monde  Deu  ser-                 ^H 

^^m          Que  nul  mostre  n'i  pet  esme  ; 

[virent,                 ^H 

^^H            Et  a[n]  l'autre  ai  métaux  boil- 

Par  coi  la  joie  desservirent,  (c)                 ^H 

^^H    108  El  la  tierce  si  mau  oians  [lanz. 

Je  vos  ai  conté  briement                         ^^Ê 

^^H           Que  tote  la  roe  an  salit 

n2  La  dolor  et  lou  dànement.                      ^H 

^^H                Ne  vos  anuit  il  mie  mes  paroles  oir.                                                         ^H 

^^^^^         N'i  a  celui  de  vos  ne  9vigne  morir,                                                           ^H 

^^^^r         La  boiche  et  lou  pataix  et  la  langue  porrir;                                              ^| 

^^V        I  )6  Richece  ne  beauté  ne  vos  | 

porra  garir.                                                      ^H 

^^^^^K          Don  ne  veistes  vos  morir  vos  ansessous                                                   ^H 

^^^^H          Li  quel  vos  hont  laissié  et  terres  et  lionours  P                                            ^H 

^^^^^P         Ne  savez  ou  il  sont,  s'ont  mestier  de  secors.                                            ^^M 

^^^^^    140  Dex  gan  nos  et  vos  des  anfemaus  deloursî                                               ^H 

^^^^^         Tuit  an  irons  après,  ja  nan  ert  trestomé  ;                                                 ^| 

^^^^H          Mot  por  pet  estre  liés  qui 

maint  en  cherité.                                                ^H 

^^^^1          Qui  main  an  cherité  il  maint  an  Damedé,                                                   ^H 

^^^^^   144  Et  Dex  est  an  celui  qui  maint  an  cherité.                                                 ^H 

H              8)  Con.  art  desozp  —  89  D'Ut  à  la  fin  du  moraau  en  octosyltûbtqua  i^.  1  }i)                   ^^^| 

H          lu  nrs  sont  krits  tn  colonne.  —  102 

Vers  omis.  —  lo6  mostre,  pour  mètre?  ou                  ^^M 

H          inostre[r)?  U  nn  est  trop  court. 

|6  p.  MBYER 

Or  prions  Damedé  qui  an  la  crois  fiit  mis^ 
Premeremant  f  nos  et  puis  f  ses  {corr.  nos)  amis^ 
Que  il  oit  merci  des  mors  et  aussimant  des  vis, 
148  Que  an  anferne  soient  mauvaisemant  assis. 

Sain  Pou  et  saint  Michiez  sont  an  anfer  antre  : 
Si  hont  de  devant  hos  .j.  tonnant  esgardé  ; 
Sain  Pou  s'en  arestist  quant  il  l'out  avisé, 
152  De  la  poor  qu'i  ot  reclama  Damedé  :  {d) 

<(  Marci,  béas  sire  Pères  qui*  mains  en  trinité! 
((  Garde  m'arme  et  mon  cors  de  ceste  tempesté.  » 
Sain  Michié  [se]  regarde,  lou  vit  espaonté  ; 
156  De  la  maim  lou  soigna,  si  l'a  aseguré. 

Li  tonnant  don  saint  Pou  ot  la  paor  si  grant 
Vos  sai  je  bien  conter  ;  lui  an  trais  a  garant  : 
Ce  est  une  grant  roe  de  nor  feu  tôt  ardant  : 
160  Mil  toises  hai  de  lonc  et  de  large  autretant. 

La  roe  est  de  [noir]  feu  menuemant  tomant, 
Estanceles  an  volent  menuemant  sailant, 
Roiges,  indes  et  noires^  mont  aspremant  cuianz. 
164  De  la  roenor  porroit  ardor  uns  aymant. 

C'est  [la]  f  re  plus  dure  qui  pet  estre  trovée, 
La  pierre  d'aymant  est  f  ce  apalée  ; 
Mas  s'ere  ou  feu  d'anfer  ja  n'i  avroit  durée  ; 
168  L'arme  qui  la  ira  mOt  est  malaûrée. 

Fin  (fol.  187  d)  : 

Quant  saint  Michié  li  anges  hot  saint  Pou  tôt  mostré, 
An  .j.  petit  momant  l'a  ou  soi  {corr.  ciel)  tranporté  : 
Paradis  li  mostra,  lou  règne  Damedé, 
Ou  li  bon  seront  mis  a  grant  bienaûrté. 

Soignour,  de  paradis  ne  vos  sai  reconter  : 

[Car]  tant  ert  grans  la  joie  com  Dex  voudra  doner 

A  ces  cou  (=  qui  /')  serviront  et  lou  voudront  amer. 

Or  prions  Damedeu  qui  tôt  pet  govemer 

Tel  chose  nos  lai  dire  por  quoi  puissaTs  monter 

Laissus  an  celé  joie  qui  tôt  tans  doit  durer! 

A  la  place  des  vers  octosyllabiques  ci-dessus  rapportés,  il  y  a  dans  les  deux 
autres  mss.  neuf  quatrains  qui  sont  sans  rapport  aucun  avec  Tinterpolation  du 
ms.  de  Londres. 


NOTICE   SUR  UN   MS.    BOURGUIGNON  I7 

VII.  —  Salut  dou  sang  et  dou  cors  Jhesu  Crist, 

Pressiours  sanc,  saintimes  cors, 
Qui  an  la  crois  fut  f  nos  mors, 
Et  pendi  ton  fil  Jhesu  Criz 
Qui  iou  monde  forma  et  fit, 
Qui  fiit  mors  et  occiz  por  moi, 
Et  f  touz  pecheors,  bien  iou  croi  ; 
f  nos  vos  ferit  de  la  lance 
Longin,  c'est  ma  fine  créance... 

Cette  pièce  se  termine  au  fol.  88  c  par  ces  vers  : 

Cant  vos  tenrez  vos  jugement 
De  tout  Iou  mont  9munement 
Avec  vos  mère  nostre  Dame, 
Que  vos  aez  de  mon  cors  m'arme.  Amen. 

VIII.  —  De  Nostre  Dame. 

Ave  sainte  Marie,  digne  de  grant  amour, 
Gloriose  pucele,  fonteigne  de  doçour, 
Rose  tôt  tans  novele,  li  lis  de  douce  odour, 
Estoile  San  décors,  soloiz  sanz  tenebrour, 
Mère  de  miséricorde,  Jhesu  Iou  creator 
Qui  premiers  li  vouastes  cheasté  et  amor, 
Sans  exa  de  famé  ne  de  nQs  ancessor... 

Cest  une  prière  composée  de  quarante-cinq  vers  distribués  en  deux  tirades, 
Tune  en  our^  l'autre  en  ez. 

Suit  (fol.  89  tf)  : 

IX,  —  De  Jhesu  Crist. 

Ave  Jhesu  beau  sire,  li  sov[e]rains  puissans, 
Voie  es  a  desvoié,  salus,  veras  amans  ; 
Bienahûrez  (est)  li  cors  qu'a  toi  est  atandans  ; 
Crans  guer[re]don  donnés  au  cors  humilians. 
La  sainte  Madelene  esploitai  saigemant  ; 
Ains  ne  laisçai  f  home  a  ces  siegle  vivant, 
Ains  s'abaissa  vers  vos  très  par  desos  .j.  banc. 

Cette  tirade  monorime  est  suivie  d'une  auti-e  en  ier,  dont  les  deux  premiers 
vers  (fol.  90  a)  sont  : 

Ave,  Jhesu  beau  sire,  qui  tôt  peuz  justisier 
Qui  (  ta  grant  pidié  daignas  mort  essaier. . . 

w  2 


l8  p.  METER 

X.  —  SnMOR. 
Exhortation  à  résister  aux  tentatioas ,  lac  : 

Damedex  nostre  pères  oirm  mont  saigement  (f .  90  c) 

En  nostre  premenin»  si  tos  dira  9ment. 
Quant  loa  premeraîn  home  deauble  anvahi, 
Ç  angim  loa  trahit»  si  corn  (vos)  avés  ohi. 
Por  ce  vot  Dex  an  terre  que  .j.  saige  home  eûst 
Que  il  pust  lou  deauble  anginier  et  seûst  ; 
Mats  nule  créature  ne  lou  pet  bien  faire 
Fors  Dex  tant  soulemant  de  ceste  ovre  poffaire. 
Geste  besoigne  anprist  nos  père  Jhesu  Cris  : 
Ce  fil  li  bons  f  cui  deauble  fut  sopris... 
Fin  (fDl  96  c)  : 

Or  vos  hai  ansegnié  bêlement  et  apris 

9ment  devés  respondre  contre  vos  enemis 

Qui  tôt  adès  vos  gaitent^  et  f  vos  decevor 

Se  metent  a  grant  painne  et  au  main  et  au  soir. 

S'a  ce  que  dit  vos  ai  volez  bien  garde  prendre, 

Nuns  d'aux  ne  vos  poura  legierement  sosprendre. 

Or  prions  tuit  a  Deu  qui  sofri  paission  (d) 

Qu'i  nos  voille  garder  de  tel  temptacion. 

Amen. 

XI.  —  PwèRB. 

Dex  qui  feis  9me  veras  père 
De  ta  fille  ta  sainte  mère, 
Quant  f  pidié  de  nos  venis 
Prendre  de  char  humanité, 
Sens  déguerpir  ta  delté... 
Fin  (fol  97  a)  : 

Douce  mère,  virge  bénigne 
Qui  de  porter  Deu  futez  digne. 
Sans  comimpre  virginité, 
Voie,  secors  au  desvoiés, 
Vostre  chier  fil  f  nos  proies... 

XII.  —  Les  Psaumes  de  la  Pénitence. 

Précédés  (fol.  97  b)  de  cette  rubrique  [:  Toriuz  ces  foillot,  si  trovcnz  les 
Mj,  salmes  an  romani  mât  bien.  Cette  version  des  psaumes  de  la  Pénitence  se 


NOTICE  SUR   UN   MS.    BOURGUIGNON  I9 

racootre  dans  une  infinité  de  mss.  du  xiii*  au  xyi<>  siècle.  Elle  est  particuliè- 
rement fréquente  dans  les  livres  d'heures.  Inc.  : 

Dex,  an  tun  jugement  ne  in'arguer  pas,  sire...  (f.  97  c) 

XIII.  —  La  Birlb  de  Huûue  de  Berzi. 

Pièce  connue,  depuis  Tédition  de  Méon^,  sous  le  titre  de  Bible  au  seigneur 
de  Berzc,  que  lui  donne  le  m$.  B.  N.  837.  Elle  se  rencontre  dans  quatre  mss., 
outre  celui  du  Musée  : 
Paris,  Bibl.  nat.,  fr.  378,  fol.  3. 

—      —       —    837,  fol.  261.  —  Texte  de  Méon. 
Bruxelles,  Bibl.  des  dncs  de  Bourgogne,  941 1-26. 
Turin,  Bibl.  roy.,  L.  V.  32,  fol.  174,  —  Scheler,  Notice,  etc.,  p.  89. 

Voy.  sur  ce  petit  poème  V Histoire  littéraire,  XVIII,  816-21. 

Par  faire  Parme  saine  (f.  100  t) 

Ciz  qui  plus  voit  plus  doit  savor, 
Que  por  oïr  et  por  veoir 
Set  l'on  ceu  que  l'on  ne  savroit. 
Qui  toz  jors  an  .j.  liu  seroit 
Seichoiz  que  gueres  n'apanroit. 
Tant  ai  aie,  tant  sui  venu, 
Que  j'a  lou  siegle  conneû 
Qui  ne  vaut  riens  a  maintenir, 
Fors  por  l'arme  dou  cors  morir... 
Fin  (fol.  107  c)  : 

Beal  sire  Dex^  rois  poetis, 

Ansint  corn  je  vos  ai  requis, 

An  bien  faire  si  me  tenez, 

Ne  ja  ne  vos  an  repantez 

De  moi  adracier  a  bien  faire. 

Car  qui  9mance  bien  a  fiaire 

SO  doit  tenir  jusque  a  la  some.  (d) 

Sire  qui  çdonas  a  l'Ome 

Ses  péchiez  quant  il  se  repant 

De  bon  cuer  et  veraiement, 

Fai  moi,  sire,  tout  aussimant 

f  ton  digne  9mandement.  Amen. 

XIV.  —  De  l'Unicornb. 
Aax  sept  mss.  de  ce  dit  qui  ont  été  indiqués  ici  même,  I,  207^,  il  faut  ajouter: 

1.  BarhazanMéon,  Fabliaux,  II,  394.  La  rubrique  de  fir.  378  est  <  la  Bible 
Hngoe  de  Berzi.  •  Probablement  Berzi-le-Sec,  Aisne. 

2.  La  leçon  du  ms.  2162,  indiquée  dans  la  Romania,  L  L,  a  été  publiée  sous 


20  P.  MEYER 

Paris,  Bibl.  nat.,  fr.  2094,  fol.  218. 

—    Arsenal,  B.  L.  fr.  283,  fol.  cliiij. 

_         -.        —         288,  fol.  77  V- 
Turin,  Bibl.  roy.,  fr.  36  (L.  II,  14),  fol.  $83. 

Des  bestelotes,  moralité. 
Mot  par  est  fox  ciz  qui  antant, 
Qui  lou  bien  voit  et  lou  mal  prant. 
Premiex  devroit  a  bien  antandre, 
Et  puis  a  trestoz  faire  antandre, 
Au9  bon  mo(n)t,  se  l'on  l'i  laisse... 

XV.  —  Des  deux  Chevauers. 
Sera  publié  à  la  suite  de  cette  notice. 

XVI.  —  Caton,  traduit  par  jAdam  de  Suel. 

Il  existe,  à  ma  connaissance,  sept  anciennes  traductions  françaises  en  vers  des 
distiques  de  Denis  Caton  :  celles  d'Hélie  de  Winchester,  d'Everard,  d'Adam 
de  Suel,  de  Jehan  du  Chastelet,  de  Lefèvre,  et  deux  anonymes.  La  plus  répandue 
a  été  celle  d'Adam  de  Suel,  dont  je  connais  treize  exemplaires,  y  compris  le 
ms.  1 5606.  Aux  sept  mss.  (six  de  la  Bibl.  nat.  et  un  du  Musée  britannique) 
qui  ont  été  indiqués  dans  la  Romania^  I,  209,  il  faut  ajouter  : 
Dijon,  298^,  fol.  cix. 

Tours,  927,  fol.  185.  —  Romania,  II,  93. 
Berne,  354,  fol.  117. 

Bruxelles,  Bibl.  des  ducs  de  Bourg.,  941 1-26. 
Madrid,  Bibl.  nat.,  F  149,  fol.  49. 

Seignor,  ains  que  je  vos  9mant  (fol.  1 1 3) 

Espondre  Caton  an  romant, 

Vos  veul  devisier  la  santance 

Don  nostre  maistre  sont  an  tance, 

Quar  li  on  dient  et  (=  a)  délivre 

Que  cilz  Catons  qui  fit  ces  livre... 

XVII.  —  Le  Doctrinal  Sauvage. 

On  peut  voir  sur  cet  ouvrage  bien  connu  VH'utoire  Uttiraire^  XXIII,  238-41. 
Je  regrette  que  Fauteur  de  cet  article  n'ait  pas  donné  les  raisons  qui  Pont 
conduit  à  supposer  qu'il  y  eût  i  dans  ce  recueil  fort  confus  des  passages  de 
c  plusieurs  mains  différentes  ».  Je  ne  trouve,  quant  à  moi,  aucune  trace  de  la 
diversité  qu'a  cru  reconnaître  M.  Le  Clerc  :  je  pense  que  le  Doctrinal  est  d'un 

ce  titre  :  Le  dit  de  FUnicorne  et  del  Serpent^  en  vieux  picard...,  par  M.  F. 
{lisez  J.)  WoLLBNBBRQ.  Berlin,  Calvary,  une  1/2  feuille  gr.  in-8«  (extrait  d'un 
programme  universitaire  publié  en  1862). 


NOTICE  SUR    UN    MS*    BOURGUIGNON  21 

tÊtar,  et  d'un  auteur  â  qui  on  peut  avec  probabilité  attribuer  d'autres  écrits 
raDafiqaables  à  plus  d'un  titre.  Ce  n'est  pas  le  moment  de  traiter  ici  cette 
ipicslion,  et  je  me  borne  à  donner  la  liste  des  mss.  du  Doctrinal  qui  sont 
panrenus  a  ma  connaissance.  Dans  cette  liste,  j^ai  pris  soin  d'indiquer^  autant 
qiK  me  l'ont  permis  les  moyens  que  j'ai  eus  de  me  renseigner,  les  premiers  vers 
de  càaque  texte,  précaution  nécessaire,  parce  que,  par  suite  de  transposition 
ou  d'omission,  les  diverses  leçons  du  Doctrinal  présentent  trois  commencements 
diUbtnls.  11  y  a  ta  une  première  indication  pour  le  classement  de  ces  leçons. 
Parts,  BibL  nat.^fr*  8^4,  fol,  i,  —  Certes  bone  chose  est  de  bon  tntmdtmcnt. 

—  —       —     837,  fol,  JJ4,  —  Or  escoute:  seignour  que  Diex  vûus  benàc. 

—  Texte  de  Jubinal,  Noav,  rec.^  II,  i$o. 

—  —      —     '248J   (anc.  SuppL  fr.   iip),  fol.  u^  — Certes  bonne 

chose  est  de  bon  enseignement. 

—  —      —     Ï9M2    (^"c.  S.  G.  tr  1239),  fol.    lOK  —  Certes  bone 

chose  est  de  bon  entendement, 

—  _      ^    25408  (anc,  N--D.  27 ^  biSjioL  aj.  — Certes  boenc  chose 

est  II  boen  entendement, 

—  —      —    ISA^^  (^"c.  N.-D.   272),  foï,  195,  — Signour  or  escouîis 

ke  Diex  vous  beneïe, 

—  —     ^    2J547  (anc-  St-Victor  624),  fol,  2.  —  Commence  par  un 

couplet  qui  paraît  propre  à  ce  ms.,  mais  qui  est  taché 
au  point  qu'on  ne  peut  plus  en  lire  que  quelques  mots. 
*—      Ms,  Noblet  de  la  Clayette,  p.    1  j  s .  —  Certes  bone  chose  est  de  bon 
entendement. 

—  Arsenal,  B.  L.  fr  283,  fol.  ccdj  K 

Epioal,  189^  Voy.  Balletin  de  laSocieti  des  anciens  textes  français,  J^?^»  P*  7S'^' 

—  Seigneurs  or  escoutez  que  Dieu  vous  benye. 

Lfoii,  Palais  S,  Pierre,  28  (Cal.  Delandine,  n»  983),  —  Seigneurs  or  entendis 
que  Deu  vous  benye. 

Met!,  toç.  Voy.  Clercx,  Câtal,  des  mss,  relatifs  à  t'Hist.  de  Metz  tt  de  la  Lor- 
raine {1856),  p,  83,—  Seigneurs  or  escouteis  que  Dieu 
vous  benoye. 

ReDoes,  147.  Voy,  Mailla,  Description  des  mss,  de  Rennes  (1837),  p,   120. 

Bruxelles*  Bibl*  des  ducs  de  Bourg.,  941 1-26,  fol  93  y*».  —  Certes  bontcose  est,.. 

—  —      —     '0459  •  remaniement  exécuté  en  (444  par  Jean  de  Sta- 

velot  ;  cf.  Scheler;  Notice  sur  deux  mss,  de  Titrin^  p.  73. 

—  A  moy  entendus  mes  amis. 

—  —      —     '  0  S  7  ^  —  Glorieux  Diix  qui  me  fus  ^. 


1 ,  I)  ne  m'est  pas  possible  de  donner  le  début  de  îa  leçon  contenue  dans  ce 
ms.,  une  décision  bien  peu  justifiable,  je  n'hésite  pas  à  k  dire,  ayant  autorisé 
le  prêt  i  l'étranger  de  ce  ms.  qui  est  d'un  prix  infini,  et  par  son  ancienneté,  et 
par  le  grand  nombre  d'ouvrages,  dont  plusieurs  uniques,  qu'il  contient. 

2,  J'emprunte  les  incipa  des  mss.  de  Bruxelles  au  Catalogue  des  mss.  de  la 
Bi^.  foy.  des  dues  de  Bourgogne^  t.  I.  Le  Doctrinal  de  sapience  contenu  dans  le 
*•  i©3^,  et  que  mentionne  M,  Slengel,  Durmart,  p.  460,  paraît  être  un 
omirigr  différent  de  notre  Doctrinal. 


22  P.  MEYER 

Londres,  Musée  brit.,  Harl.  978,  fol.  124.  —  Oez  stigmrs  entendez  que  Deu 
vus  btnde, 

—  —      —    4333,  fol.  105  ^.  —  Sïgnor  or  escoutis  que  Dex  vos  btnole, 

—  —         Egerton  745,  fol.  207  b,  —  Seigneurs  or  escoutis  que  Diex 

vous  beneîe, 

Oxford,  Bodleienne,  Digby  86,  fol.  177.  —  S'il  estoit  uns  frauncs  homme  ki  me 

vottsist  entendre,  Stengel,  Notice  du  ms.  Digby,  p.  69. 

—      Jésus  Coll.  29,  fol.  20 1 .  —  Si  ceofust  un  riche  heome  ki  me  vousist  entendre. 

Berne,  113,  fol.  202;  copie  à  la  Bibl.  nat.,  Moreau   1727.   —  Certes  bone 

cose  est  de  bon  entendement. 
Turin,  fr.  134  (L.  V.  32),  fol.  62.  Scheler,  Notice^  p.  73  <. 

A  ces  mss  il  faut  ajouter  l'ancienne  édition  (vers  l'an  1 500)  mentionnée  par 
M.  V.  Le  Clerc,  Hist.  M.,  XXIII,  240. 
La  leçon  du  ms.  add.  1 5606  commence  ainsi  : 

Anseignemans  de  Doctrine.  (f.  118  b) 

Soignor,  or  escoutez,  que  Dex  vos  benohie  ! 
S'orrez  bons  mos  noveas  qui  sont  sanz  vilenie^ 
Ceu  est  de  doctrinau  qui  ansoigne  et  chastie 
Lou  siegle,  qui  se  gart  d'orguer  et  de  folie. 

Certes  bone  chose  est  de  bon  antandemant... 
Fin  (fol.  122  b)  : 

Cest  doctrinau  doit  on  apanre  et  retenir, 

De  bons  ansoignemans  ne  puet  nuls  maux  venir. 

Qui  bien  les  retienra  Dex  l'an  doint  bien  joir.  Amen. 

XVIII.  —  Pour  chatoier  les  orguiUoz. 
Pièce  que  je  crois  inédite,  et  qui  sera  publiée  à  la  fin  de  cette  notice. 

XIX.  —  Les  quinze  signes  de  la  fin  du  monde. 

Le  jugement  dernier  et  la  description  des  quinze  signes  qui  doivent  le  précéder 
sont  l'un  des  lieux  communs  de  la  poésie  du  moyen-âge.  On  peut  voir  sur  les 
origines  de  cette  croyance  et  sur  la  littérature  qui  en  est  sortie  un  mémoire  de 
Mlle  Caroline  Michaelis  dans  VArchiv  fur  d.  Studium  d.  neueren  Sprachen,  XLVI, 
33-60.  Le  petit  poème  que  nous  avons  ici  a  eu  le  plus  grand  succès,  tant  en 
France,  où  il  a  été  composé,  qu'en  Angleterre  où  il  a  été  souvent  copié.  Mais 
tous  les  exemplaires  ne  sont  pas  également  complets.  Plusieurs  commencent  à 
ces  vers  qui  manquent  dans  notre  ms.  par  suite  d'une  omission,  mais  que  j'ai 
rétablis  en  note  : 

Se  ne  vous  cuidoie  anoier 

Ou  destorber  d'aucun  mestier  •. 

1.  M.  Scheler,  qui  disserte  sur  les  différences  des  leçons  de  Bruxelles  et  de 
Turin,  a  malheureusement  négligé  de  citer  le  commencement  de  chacune  d'elles. 

2 .  Une  preuve  évidente  de  la  grande  popularité  de  cette  pièce  est  que  ces 


NOTICE  SUR    UN   MS.    BOURCUIGNOK  2| 

D'»tres  plus  loin  eocore  <v.  49  du  ms.  1  $606)  : 

Qut  or  veut  oïr  la  mervoille 

Envers  quJ  rien  ne  s'aparoille  ^  ; 
èartc  (ju'i  s'en  'tenir  aux  indications  des  catalogues,  on  pourrait  prendre 
pOttrdes  poèmes  différents  ce  qui  n*est  qu*un  seul  et  même  poème  plus  ou  moins 
cocnpiet  Aussi  ai- je  soin,  dans  la  liste  qui  suit,  d'indiquer  entre  parenthèses  le 
rtn  par  lequel  débute  chaque  exemplaire  : 
Piris,  BibK  nal*  fr  834»  fol.  126.  —  Oez  trestoits  commummtnu 

—  —      —    837,  fol*  112,  —  Otz  trestait  communtmtnt; 

—  —      —     M^î*  ^^^'  3J"  —  ^^  ^^^  comv/ument, 

—  —      —    2094,  ^oL  194.  —  Oc2  tresîuit  commummafit* 

—  —      -*     2  ï 68,  fol,   1 86,  —  Se  ne  voi  caidaisit  a/mur. 

—  —      —     '2483   (anc  Suppl.  fr.    1JJ2),  foK    142.  —  Se  ne  vous 

caida^sc  ennuier. 

—  —     »9ï  $2  (anc.  S.  G.  fr.  1239),  fol.  24  V.  —  Se  m  vos  qm- 
dassc  annuier. 

—  —    20040  (anc.  S.  G.  fr,  1659)  fol  105,  —  OUs  trtstuk  com- 
munément. 

—  —    2JS4S  (anc.  N,-D.   274  bis)^  fol.    104.  —  Oiez  signor, 
tûmmufiûlment. 

J,  B.  L.  fr,  288,  loL  97  r",  col.  3.  —  Je  donne  en  note  le  début  qui 
est  particulier^. 


ux  vers  ont  été  reproduits  sans  changement  dans  un  poème  sur  f^histoire  de 
C.  et  de  la  vengeance  tirée  de  sa  mort  par  Vespasien  : 
Se  ne  vos  cuîdoie  anoicr 
Ou  deslorbe[rJ  d*aucun  meslier, 
De  la  vengancbe  vous  diroie 
Que  fist  li  rois  Vespaziens... 
fr    ;6|  dans  Stengel,  Mitthulungcn  am  franzcts,  hândsckr.  d.  fumer 
'  '^hek  0874^  p,   22\,  —  L'emprunt  ne  s'est  pas  borné  à  ces  deux 

tcrs ,  toute  la   partie   précédente   du    prologue   paraît  avoir  été    transcrite, 
autant  qu'on  peut  en   juger  d*après  les  extraits  cités  par  M.  Stengeî  qui,  ne 
" [Tétant  pas  aperçu  de  cette  imitation^  ne  nous  a  pas  donné  les  moyens  de  Ëiire 
'ne  comparaison  complète. 

I .  Encore  deux  vers  devenus  populaires.  Dans  la  traduction  de  TEvangile  de 
Nicodéme  par  André  de  Couiances  : 

En  Jérusalem  tel  merveille 
Qu'a  nulc  rien  ne  s'apareille, 

(Musée  brit.,  add.  10289,  foL  80  f). 
Dans  le  Fcrgus  de  Guillaume  : 

Ferguv  esgarde  la  mervetle 
A  cul  nule  ne  s'aparelle. 

(Edit.  Martin    1872    Itj,  9^0), 
I  début  du  Bouchir  d'Ahkviile  (Barbazan-Méon,  Fsblunix^  ÏV>  i)  : 
Seignor  oies  une  merveille 
Conques  n'olstes  sa  pareille, 
.Or  entendez  .j.  trouvement  Court  encontre  le  firmament, 

?ui  ore  est  fet  nouvellemenl  Li  planettes  ne  sont  pas  lent, 

ei  que  nous  n'avons  pas  evus,  La  nature  des  clemens, 

Confailemcnl  Zodiacus  Et  la  seducion  des  vens, 


24  P-  MEYER 

Lyon,Bibl.  delà  ville,  584  (Cat.  Ddandioe,n«64S)*.  QuioreviautoîrlamervoilU: 
Tours,  927,  à  la  suite  du  mystère  d'Adam,  éd.  Luzarche,  p.  69.  —  Oiez, 

sàgnor,  communément, 
Londres,  Lambeth,  522,  fol.  150.  —  Se  jeo  nevusquidassc  emmjer. 
Oxford,  Corpus  Chr.  36,  fol.  46.  —  Se  ne  vos  cremisse  cnaer. 
Cambridge,  Univ.  lib.  Gg.  I,  1 ,  fol.  111  b.  —  Oiez  tuz  communalment. 

—  Caius  Coll.  435,  p.  139.  —  Se  gc  ne  vos  cuidaisse  enuier^. 

—  S.  John  Coll.  B.  9,  fol.  lij  b,  —  S'il  ne  vous  devoit  esnuier. 
Berne,  3  ^,  fol.  60.  —  Se  ne  vos  cremisse  cnuier. 

Des  XV  signez  aez  memore.  (fol.  1 24) 
Oez  trestuit  9munemant  Tant  f  est  pleins  d'iniquité 


DQ  nostre  sires  nos  reprant  : 
De  ceu  que  tote  créature, 

4  Chascune  scions  sa  nature, 

Requenoit  meauz  son  creatour 

Que  hOs  ne  fait;  s'a  grant 

[deiour. 

Mas  hOs  de  lui  servir.se  foint, 

8  De  quoi  nostre  Sires  se  plaint 
Qui  nos  ama  tant  bonnemant, 
De  canque  ai  soz  ioufinnemant 
r^os  bai  donné  la  soignerie, 

12  Etchascunsdenoslouguerrie: 
Muez  bestes,  ors  et  lions, 
Oiseaus,  serpans,  de  mer  poi- 
[sons, 
Ciel  et  terre,  souloi  et  lune  ; 

16  Et  des  estoilles  n'i  ai  nule 
Qui  ne  face  ceu  qu'ele  doit. 
Et  bons  que  fait  qui  tôt  ceu 
[voit  ? 


20  Qu'i  n'ai  de  lui  nule  pidé. 
Plus  velontiers  ouroit  9tcr 
9mant  Rolans  ala  joter 
A  Olivier  son  çpaignon 

24  Qu'i  ne  feroit  la  paission 
Que  Dex  sofirita  grant  aan 
f  lou  poichié  d'Aive  et  d'Adâ. 
pquoisumesnosorgoilous  ?  (b) 

28  Hé  !  las,  chaiti,  ja  morrons  nos! 
Ou  est  qui  f  nos  bien  ferai 
Cant  l'arme  dou  cors  partira? 
Certes,  nostre  ami  ploreront  : 

32  C'esttozlibiensqu'inosfaront. 
Ha  eciant  nos  ocdons, 
Nos  qui  Damedeu  guerraons. 
Mot  an  aront  grief  jugemant 

)6  Après  ces  siegle  trespassant  ; 
Car  cant  ses  siegles  fenira, 
Nostre  Sires  signe  ferai, 
Ceu  nos  recQte  Jeremies, 


Ou  destourber  d'aucun  mestier 
Des  .XV.  signes  vous  deisse. 


?ue  ja  mentir  ne  vous  queîsse, 
bute  la  pure  vérité. . . 


Car  li  uns  est  en  Orient 

Et  li  autres  en  Occident, 

Et  li  autres  vers  mienuit. 

Pour  Dieu,  seingneurs,  ne  vous 

Ne  vous  doutasse  a  anuier  [anuit. 

1 .  Ce  ms.  contient  aussi  (ff.  1  à  8)  la  Passion  dont  j'ai  cité  précédemment 
(Romania^  V,  473)  les  premiers  vers  d'après  un  ms.  de  Tr.  C.  C.  Le  même 
ouvrage  se  trouve  encore  dans  les  mss.  B.  L.  fr.  288  (fol.  18  v«)  de  l'Arsenal, 
3^50  (fol.  1 12|  de  Vienne,  et  enfin  a  été  intercalé  dans  les  textes  des  XV  signes 
tel  que  l'offre  le  ms.  20040. 

2.  Voy.  sur  ce  ms.  Romania,  IV,  385. 

14  Le  ms.  omet  ici  deux  vers  ainsi  conçus  dans  le  ms.  de  Tours  : 

Font  quanque  il  deivent  sans  tristor 

Et  gracient  tuit  lor  creator. 
38  //  y  a  ici  une  omission,  causée  probablement  par  un  bourdon ^  que  je  répare 


^^^V                               NOTICE   SUR   UN 

MS.    BOURGUIGNON                                 Z$                 ^^H 

^H    40  Jerobabel  et  Hisaîes, 

^6  Qui  tant  doit  estre  redotée  :                ^^H 

^m         De  Babiloîgne  Daniel, 

Dou  cié  chorra  plue  sanglante  :             ^^H 

^H         Et  si  Taforme  Ezechîer, 

Ne  cuidiés  pas  que  je  vos  mante  :            ^^^Ê 

^P         Aaron,  Amon  et  Moisès^ 

[(foL  I24V<')           ^^H 

j          44  Tuit  11  autre  çpheie  après. 

Tote  chose  an  ert  colorée  ;                ^^^| 

^^          .).  pou  devant  lou  jugemant 

60  Mot  aurat  i  âpre  jornée.                      ^^H 

^^        Tuit  li  félon  seront  dolant. 

Li  nfant  qui  a  naistre  seront                ^^^| 

^V        De^  montrera  sa  poeté 

Dedans  les  vantres  crieront  :               ^^^M 

^M     4S  Ou  siegle  de  sa  maeté. 

«  Marci)  rois  Dex  omnipotans,            ^^^| 

64  ic  |)  ceu  ne  queresaint  ja  naistre            ^^^f 

^H        Qui  or  vet  hoir  merevoilles 

<t  Que  naisquesaint  a  ce  iour^              ^^^| 

^H        Anvers  cui  riens  ne  s'aparoîlle^ 

t(  Quetote  riens  soufre  delour.  ))            ^^^| 

^^         Drcceoit  son  chief ,  si  m  e  re gart  : 

^^^1 

[          }2  Je  li  dira  bien  de  quel  part 

Li  primex  jors  sera  itaus,                   ^^H 

^K        Viendra  la  grant  mesavanture 

68  Mas  li  secuns  sera  plus  maus,              ^^H 

^H        Qui  passera  tote  nature  - 

Car  dou  ciel  charront  les  es-              ^^M 

[toilles                ^^M 

^H        Or  escoutez  de  la  jornée 

Ceu  en  une  grant  merevoilles . . .              ^^H 

^^       Li  popuUnté  de  ce  petit  poème  s'est  étendue  [usqu'ati  midi  de  la  France.  Le              ^^^| 

^         os.  Bibl.  naL  fr.  1745  (fol.  cxxj  v"et 

suiv.)  en  contient  une  version  provençale              ^^^H 

do0t  toid  le  début.  Je  place  à  droite  des  chiffres  de  renvoi  au  texte  précédent.               ^^H 

Ar  escolas  so  que  teu  diray. 

No  so  cell  home  ta  fello,                             |^^^| 

Que  lotz  escrigz  Irobal  ho  ay 

1 2  Si  vas  Dieus  ha  sa  entencio                         ^^^| 

£ls  libris  de  antiquitatz 

Ni  .j,  pauc  mi  vol  escotar^                          ^^^| 

1          4  Que  son  escrigz  de  veritatz^ 

Que  nol  convenga  a  plorar.                        ^^^^Ê 

Si  co  J'escrig  san  Jeronimes 

Cantz  a quest  secgie  fenira         [3]             ^^^^^ 

Cant  ell  parletz  dels  «xv*  signes. 

16  Nostre  Senher  signes  fara  ;                        ^^^^M 

Al  jorn  de  la  fi  d'aqueslz  mon, 

So  nos  recomta  JeremiaSi                           ^^^H 

8  Can  tous  cauzas  pcriran, 

Zorobabel  et  Ysayas,                                  ^^^^| 

Para  Dieus  pcr  sa  gran  benananssa 

E  si  0  ferma  Ezechiel                           ^^^^^H 

En  .XV.  jorns  tais  demostranssa 

20  E  la  propheta  Daniel,                           ^^^^^^| 

fapài  h  ms,  Sjy  : 

^^^1 

Quant  icest  siècle  fenira 

Que  toutes  choses  fineront?  ^^^H 
tva  soz  ciel  homme  si  félon,                       ^^^H 

Et  Diex  aus  bons  joie  donra. 

Se  vers  Dieu  a  s'entencion                          ^^^H 

Se  ne  vos  cuidoie  anoîer 

Et  ,}.  pou  me  veut  escouter,                        ^^^H 

Ou  dcstorbcr  d'aucun  mesticr, 

Que  ne  t'estueceja  plorer  ;                         ^^^H 

Des  .XV.  signes  vos  deisse^ 

Quar,  quant  li  siècles  fenira  ^^^H 
Nostre  Sires  signes  fera  ;                             ^^^H 

Ainz  que  remuer  m'en  queïsse, 

Toute  la  pure  vérité. 

Par  .XV.  jors  voudra  moustrer                     ^^^H 

Seignor  vendroil  il  vos  a  gré 

Signes  qui  lont  a  redouter.                           ^^^H 

A  olr  la  fin  de  cest  mont, 

Ce  nous  raconte  Geremies.                         ^^^H 

64*^  Corr,  queresainS)  naisquesains. 

^^1 

2  Dans  totz  escrigz,  comme  aux  vers  suivants  dans  antiquitatz,  veritatz,  d  tnîkurs              ^^^H 

eacori,  on  umarqucra  (jac  k  copiste  met  à  la  fin  des  mots  un  1  ^u/  n'est  justifié  par               ^^^H 

fiai.  Cut  p.-î.  un  umpU  ornement  JUcnture.                                                                   ^^^H 

26 


Nathan  »  Amon  e  Moyzcns, 
Motz  d'autras  prophetas  après. 
Um  pauc  enan  lo  jutjamcn, 
Caîil  li  malvays  ceran  doten, 
Mostrara  Dleus  sa  magestatz 
Et  en  terra  sa  pozestalz. 


Qui  vol  auzir  las  meravilhas    [49] 
28  Vas  cuy  res  no  si  aparelha, 

Endregz  son  cor  .j.  pauc  m'esgartz, 
Et  leu  diray  li  daus  cal  partz 
Venra  la  grans  deszaventura 
J2  Que  passa ra  tota  mesura* 

Ar  entendes  de  la(s)  joniada(s)[ssl 
Que  tan  deu  esser  redobtada(s)  ; 
Non  cujes  pas  <|ue  leu  vos  menta  : 
36  De  cel  cayra  plueia  sancnenta, 


MEYER 

Tola  la  terra  o'er  coltada, 
Motz  y  aura  aspra  rozada* 
Los  efans  que  natz  no  ceran 

40  Dedin  los  ventres  cridaran 
Ab  clara  vos  motz  autamen 
Merce  a  Dieus  omciipoten  ; 
E  diren  ho  totz  en  ayssi  ; 

44  «  Reys  glorios,  Senher  merci  I 
«  Nos  volgram  mays  esser  tnen» 
*  Que  car  (tart?)  venrem  a  naysse- 
[mcn, 
€  En  aquel  temps  ni  en  aquell  jorn 

48  «  Que  totas  res  sulîriran  dolor;  ■ 
Ar  tornaray  a  ma  razo^ 
Et  escotas  lug  mo  sermo. 


Lo  premier  jorn  cera  motz  fers.. 


XX.  —  La  Pleube-chante, 

V Histoire  Unèrairt^  XXIIÎ,  253,  n*a  consacré  qtie  cinq  lignes  à  cette  pièce 
qui  se  recommande  non  moins  par  le  mérite  de  la  forme  que  par  Tintérét  du 
fond.  Elle  a  du  reste  été  publiée  deux  fois.  D'abord  en  1834  par  H.  Monîn^^ 
puis  en  1839  par  Jubinal,  dans  les  mîts  et  àtaircissemmts  de  son  édîllon  de 
Rutebeuf  (i»"«  édition,  I,  398;  2*  édition,  ÏIl,  9Ï-9).  Elle  a  été  très-souvent 
copiée.  Voici  une  liste,  probablement  incomplète,  des  mss,  où  elle  se  rencontre  : 
Paris,  BibL  nat.  fr.  837,  fol.  335  (texte  de  Jubinal). 

—  —      —     12483  lanc.  S,  fr.  1132),  fol.  210. 

—  —      —     19152  (anc.  S.  G.  fr.  1239),  foU  10}. 

—  —      —     25408  (anc,  N,-D.  273  bis),  fol.  109. 

—  Arsenal,  B.  L,  fr.  28},  fol.  ceci. 
Lyon  (Texte  de  Monin). 
Bruxelles,  94n«26,  foL  78  v*». 

Londres,  Musée  brit.,  Harl.  4333,  foK  101    —  Cf.  Romania^  1,  208. 
Ashburnham  place,  Barrois  305;  cf.  DtMt,  Bibi.dtVEc.da Chants j 6 ^l\^2\i, 
Turin,  fr*  134  (ou  L.  V.  32^,  fol.  58.  Cf.  Scheler,  NoUct^  etc.,  p.  75. 

De  la  plure-ckante,  hesîoire.  (fol.  1 27  a) 

De  celui  aut  soignor  qui  an  la  crois  fut  mis 
Lou  jor  dou  grani  divanre,  si  corn  Pestoire  dit, 
Saint  ciz  benoît  e  a  bone  fim  pris 
Qui  .].  pou  entendra  des  biens  que  j?a  apris. 

Mot  vaut  nieuz  plore-chante  que  ne  fait  chante-plore  ; 
Cil  qui  s'anvoise  et  chante  e  an  pechié  demoire 


I .  La  PkuH'çkanie,  prûst  (sic)  motaît  d  rdigmse  en  romm  du  Xilh  sikU, 
Lyon,  1854,  16  p,  in-8». 


NOTÏCE   SUR    UN    MS.    BOURGUÎCNON  27 

Prorcra  (sic)  an  anfer*  ja  n*ert  qui  lou  secoircj 
Antre  les  Satanas  qui  sont  nor  9me  moure. 

£t  de  la  plore-chante  savez  que  senefie?*.* 

XXÎ.  —  Vie  de  sAiNT  Denis. 

Traduction  de  la  vie  latine  qui  se  rencontre  dans  une  infinité  de  mss.,  et  qu'il 
ae  httt  pas  confondre  avec  celle  qu^on  attribue  â  Fortunat,  et  qu*ont  publiée  les 
BoUindtstes  (9  oct.)>  —  Inc.  (fol.  ip  4)  : 

Des  apostres  qui  anoncitnî  la  loi  nostre  Signour  Jhesu  Crlt, 

Après  la  preciouse  mort  que  nostres  Sires,  verax  Dieu  et  verax  hons, 
¥001  sofrir  an  la  sainte  veraie  croiz  j>  lou  salut  dou  monde,  et  après  sa 
resnrrection  et  sa  gloriouse  ascension,  qui  monta  es  sains  ciels,  et  siet  a 
bdestre  de  son  père,..,. 

La  mênie  version  se  rencontre  en  plusieurs  mss.,  notamnient  BîbL  nat.  fr. 
6^,  fol,  I  ;  1040,  foi.  14s  ;  Troyes,  19^. 

XXII.  —  Le  Dit  dk  Gollaume  d'Awolbterbe. 
CesUle  pocme  que  M.  Fr.  Michel  a  publié  en  1840  dans  le  t.  IIÏ  de  ses 
CAfO/rifucî  anglo-normandes,  d'après  le  ms.  B.  N.  fr*  24452   (anc.  N.-D.  198). 
le  ne  connais  pas  un  troisième  exemplaire  de  cette  pièce.  —  Inc*  (foL  140}  : 

Por  recorder  ,j.  dit  sui  ci  endroit  venuz. 
Oex  gan  touz  ceoz  et  celles  dont  serai  entenduz  ! 
De  .j.  roil  (sic)  voz  veuz  parler  de  qui  fut  mainienuz 
4  Li  pahîs  de  Ingleterre  ;  or  est  s'arme  laissuz. 

En  la  joe  des  cielz  ou  tuit  porrons  aler 
La  fome  9  lou  roi  d5  je  vos  veul  parler, 
L^Escriture  tesmoinne  car  qui  vet  aut  monter 
8  U  ne  doit  pas  grani  fais  desuz  son  col  porter  ; 

El  c'est  escrit  que  richez  qui  ne  vet  dire  îiin 
N'antrerai  en  la  gloire  dou  Dex  maint  et  li  suen,.. 

XXI II.  —  Le  livre  de  Sapienge. 

Compilalion  de  maximes  bibliques  évidemment  traduite  de  quelque  auteur 
ecclésiastique  d»  bas  temps.  ^  Inc.  (fol.  i\2  a)  : 

Li  livres  de  sapience. 
Li  çmâncemanz  de  sapience  est  la  paors  de  Deu.  Et  dit  Salemons  li 
faiges  r  A  ces  qui  dotent  Deu  riens  ne  lor  faut,  ne  a  ces  qui  Tainment 
an  vérité.  Et  David  dit  :  Nostre  sires  [d)  Dex  fera  la  veîomé  a  ces  qui 


XXiï.  — Var,  du  ms.  24412   —  6  Se  faison  com.  —  7  que  qui  v.  —  9  c'un 
f,  —  10  ou  D.  —  jo  N'enterroit. 


38  p.    MEYER 

lou  doteront  ;  et  lor  prières  orra  et  les  fera  saus.  Et  sain  Jehans  dit  H 
apostres  :  Qui  dotera  Deu,  mont  ferai  biem.  De  ceu  dit  .j,  saigez  :  Se 
tu  doutes  Deu  si  te  doteront  totes  choses  qui  te  verront... 

XXIV.  —  Ci  ^menci  U  sûlmons  de  Chisire  espintuel^  qui  doit  estre  en 
chascum  arme,  et  vient  en  moralité  au  doistre  maîtritL  (fol.  156  c) 

La  sainte  arme  qui  (rorr.  cui)  force  d'amotir  fait  languir  li  fait  dire  la 
bonté  de  son  ami  et  de  son  espouz,  quar  n'est  pas  merevoille  cui  agui* 
Ions  point  se  il  saut.  Si  se  vante  la  damoisele  de  son  ami  qui  la  raenere 
ou  déduit  ou  ceiier  au  vin*.. 

Il  me  semble  qu'il  y  a  une  lacune,  dont  je  ne  puis  mesurer  l'étendue,  après  le 
feuillet  1 56  qui  termine  un  cahier.  Voici  les  derniers  mots  de  ce  feuiïlet  et  les 
premiers  du  suivant  : 

FoL  10...  Cis  doistre  doit  estre  poinsde  quarriaux  de  ,vij,  colors  : 
li  première  est  pidiez  des  amis  charnez  qui  Deu  servent  ;  li  segons  es 
despiz  don  monde  ;  li  tiers  est  despiz  des  choses  lëporez. 

FoL  1 57.  C'est  de  la  necteé  de  Jhesu  Crist,  de  vioîete  de  umilité,  de 
roses  de  pacience... 


Le  ms.  se  termine,  ainsi  qu'il  a  été  dit  ci-dcssos  (p.  3),  par  trois  feuillets 
maintenant  numérotés  de  i6o  à  162,  mais  qui  autrefois  étaient  placés  au  com- 
mencement du  volume.  Les  deux  premiers  portent  encore  les  n"  j  et  ij  ;  quant 
au  troisième,  qui  devait  porter  le  n^  iij,  il  a  été  rogné  d'un  peu  près,  et  le 
chiffre  a  disparu.  Ces  trois  feuillets  étaient  autrefois  dans  le  corps  du  ms.  Ks 
ont  été  coupés  (probablement  à  cause  de  quelque  faute  de  copie)  et  remplacés, 
de  la  même  main,  par  de  nouveaux  feuillets,  véritables  canons  <|u'on  a  insérés  à 
leurs  places  respcclivcs.  Le  folio  léo  commence  par  ces  vers  Conques  Dix 
namû  ypocritc  \  Ja  n'avra  s*amor  ne  su  grâce...  qui  sont  aussi  les  premiers  du 
foL  }o.  De  même  le  foL  161  a  cédé  sa  place  au  fol.  i\.  Quant  au  troisième,  le 
fol.  162,  je  n'ai  pas  trouvé  à  quel  leuillet  il  correspondait.  On  voit  que  l*usage 
de  certains  bibliophiles,  qui  font  relier  à  la  fin  du  volume  les  feuillets  remplacés 
par  des  cartons,  ne  date  pas  d'hier. 

Je  vais  maintenant  extraire  du  ms.  addit.  i  j6o6  deux  pièces  que  je  crois 
inconnues.  Viendront  ensuite  quelques  observations  sur  la  langue  du  ms. 

Les  deux  Chevaliers, 

Ces  deux  chevaliers  étaient  deux  frères  dont  ta  vie  était  bien  différente. 
L'aîné,  tout  en  dévotion,  ne  songeait  qu'à  faire  pénitence  et  k  assurer  son  salut 
par  des  bonnes  œuvres  et  des  actes  de  piété.  Le  plus  jeune  au  contraire  menait 
une  vie  élégante  et  somptueuse.  Il  se  peignait  quatre  fois  le  jour,  nous  dit  le 
poète  ;  il  passait  son  temps  aux  tournois  et  aux  fêtes.  Il  y  avait  acquis  un  grand 
renom,  et  selon  l'expression    proverbiale  de  Tauietir  «   d'armes  avoit  passé 


NOTICE  SUR    UN  WS*    BOURGUIGNON  2C^ 

Gitrviui  «  ^  Un  jour  il  tint  une  cour  et  y  invita  son  frère.  Celui-ci  y  vinl>  mais 
ataïue  faisait  un  singulier  contraste  avec  celle  des  autres  invités.  Tandis  que 
ccui-ci    étaient    tout    au    plaisir,    lui  songeait   aux   joies   du    paradis  »   et 
penoone  ne  le  vit  rire.  On  s'en  étonne  :  son  jeune  frère,  perdant  patience,  veut 
fe contraindre  i  paraître  joyeux,  et  n'y  parvenant  pas,  le  défie.  L'aîné  rentre  en 
I  son  chiteau  et  se  met  en  défense,  prévoyant  bien  qu'iï  allait  être  attaqué.  Il  le 
fut  eo  eJFet  dès  le  lendemain.   Désireux  d'éviter  une  inutile  effusion  de  sang^ 
l>bé  propose  au  cadet  de  vider  leur  querelle  par  un  combat  singulier.  Celui-ci 
lecepte^  et,  contre  toute  attente,  est  mis  hors  de  combat  et  obligé  de  rendre 
100  épée.  Le  vainqueur  emmène  son  prisonnier  dans  son  château^  le  fait  désha- 
bOer,  et  ordonne  à  deux  chevaliers  de  lui  appuyer  leurs  épées  contre  le  corps 
lit  point  que  le  sang  coule.  —  «  Ris  donc  maintenant!  b  lui  dit-il.  Mais  celui-ci 
n'en  a  guère  envie.  —  i  Moi  non  plus,  ■  reprend  le  frère  aîné,  «  je  n'ai  point  envie 
I  de  rire  lorsque  je  songe  aux  peines  de  l'enfen  »  Puis  il  tui  pardonne,  et 
désormais  ils  vécurent  en  bonne  intelligence,  le  cadet  consacrant,  lui  aussi,  sa 
vie  i  la  pénitence.  De  longues  années  après  ces  événements,  le  frère  aîné  se  sen- 
tant mourir,  recommanda  à  sa  femme  de  lui  faire  ouvrir  le  cœur  quand  il  serait 
mort.  Elle  le  fit^  et  on  y  trouva  Timage  d'un  crucifix. 

Je  ne  connais  aucun  autre  texte,  aucune  autre  rédaction  de  ce  pieux  récit.  Il 
y  a  dans  le  ms.  Bibl.  nat.  fr.  24432  (anc.  N.-D.  198)»  fol.  ciw^'-cvi),  un  petit 
poème  eo  quatrains  intitulé  U  Dit  des  Âj,  CkevatUrs,  mais  qui  n'a  aucun  rapport 
avec  cdut  dont  le  texte  suit. 


Dou  pechié  d^ orgueil  laissier, 

(fol.  Mob)  [ïiaire, 

Frainche  geni  douce  et  debo- 
.j.  pou  vos  veuz  prier  défaire 
Pais  por  o'ir  raison  certene, 
Jhesu  Cris  qui  vit  et  qui  règne 
901  let  sires,  com  rois,  9me  Dex, 
Li  nostre  père  droiturex, 
Rois  dou  ciel  et  [rois]  des  ar- 
[canges, 
Rois  des  apostres  et  des  anges, 
Rois  desus  toie  créature, 
PÎ2  de  [la]  Virgenate  et  pure, 
ta  saintirae  pucele  monde, 
1 2  Li  grans  sires  de  tôt  lou  monde 
Q[  sus  toie  rien  ai  puissance, 
Vos  gart  de  tort  et  d'acusance, 
Et  d'an9brier  et  de  contraire. 


1 6  Et  nos  doint  a  si  bon  chié  traire 
C'a  tex  0  vres  puissains  amordre 
Qui  soaint  a  rahôplir  Tordre 
Laissus  an  la  gloire  celestre, 

20  Por  devers  la  partie  destre 
Dou  roi  quipasn'ainme  boidie. 
Signor,  ne  cuidez  que  je  die 
Chïfles  ne  gas  d'avau  la  vile, 

24  Ains  vos  di  selonc  Tavangile 
Qui  dit  an  fine  vérité 
Que  hôs  qui  vient  an  charité  (c) 
Qu'i  vient  an  Deu  et  Dex  an  lui, 

28  Dex  est  loz  jors  avec  celui 
Qui  vil  et  se  tient  natemant 
An  bonne  foi  onestemanl, 
Anstnc  com  li  lois  lou  9mande. 

3  2  Mas  necuidez  que  je  vos  mante 
A  devisier  la  ^mandise, 


I.  Cf.  par  tx.  R,  Vaqueiras  : 

Vencut  agr'a  sobricr 

D'aventura  Galvanh.     {Ux  rom.,  1,  365), 
J6-7  vient,  Ciyrr   mamt;  cf,  I  Jom.  iv»  16, 


JO  p.    WEYER 

La  loi,  les  porns,  de  sainte 
[Eglise  : 
A  pièce  achivé  ne  l*avroie, 

0  Ou  estre  puet  que  ne  savroie. 
Ç  ceu  ne  m'an  veis  anuemot[r  ]e, 
Mas  je  vos  veis  an  romant 
,j.  essample  beal  a  oïr    [motre 

40  Dun  tuit  iciz  porrom  joïr 
Qui  hi  panseront  de  fin  cuer, 
Car  toz  mal  an  métrons  defuer, 
Orguel,  avarice  et  anvie  ; 

44  Mont  an  amanderont  lor  vie 
Et  vers  Deu  et  versnostre  Dame  ; 
Prou  hi  avre[z]  a  corse  arme; 
Nos  an[a]vonsbientuit  métier* 

48  Or  oez  que  je  veus  traitier, 
Et  de  quoi  vos  fais  mancion. 
D'une  ante  esirent  dui  ciun  : 
L'ante,  ceu  fut  *j.  cbivaliers, 

p  Mas  ne  seré  ja  âparliers 
De  dire  quex  bons  il  estoît, 
Mas  c'a  bien  faire  s'afaitoit. 
Sa  moilîers  hot  de  li  jj.  fîz 

{6  Deas  valos,  saiges  et  soitiz  ; 
Ceu  furent  li  ciun  de  Pante.  (d) 
Norri  furent  an  lor  jovante 
[A]  aise  et  furent  chier  an.ij,, 

60  A  tant  que  .j.  jors  fu  avenuz 
Que  chivaliers  an  fit  It  paires  ; 
Puis  morit  :  ausi  fit  li  maire 
3medui  furent  mis  an  terre. 

64  Li  frère  partirent  an  erre 
Hastivement  lor  heritaige 
An  pais  ;  de  ceu  firent  que  saige. 
Cha9s  d'aux  ot  .j.belchateal, 

68  Bien  séant,  fort  et  riche  et  bel. 
Parti  sont  :  or  lor  çvient  fomes  ; 
Adonc  esposerent  Jj.  dames. 
Noces  hi  ot  grans  et  plenteres  ; 

72  Gens  hi  ot  de  maintes  meneres 

Qui  grani  joie  et  [grant]  feste 

[firent, 


Que  cani  les  noces  départirent 
Chasçs  fi^eres  an  sa  maison 

76  Se  demora  longe  saison. 
Li  ainez  fut  prouz  et  jantis, 
A  Deu  servir  est  antantis. 
An  jehuner  et  an  voillier 

80  Voloit  lou  sien  cors  trevailier, 
An  bien  et  an  armone  faire  ; 
Et  chas9  jor  vetoit  la  ère 
p  Tamor  Deu  nostre  Signor 

84  Mot  voiontex,  et  san  grinor 
Ne  pet  îïGs  h5s  sofïrir  sans 
Sa  fome  li  façoit  gfon  [mon. 
Qui  tote  sa  vie  savoii  [(/.  1  n .) 

88  Et  mm  grant  pidié  an  avoit. 
Formant  Paraoit  et  lenoit  chier, 
Riens  ne  li  sait  que  reprouchier. 
Ses  sires  mot  la  tenoit  chiere, 

92  Que  mot  avoit  bone  menere* 
3dui  meneent  (m5t)  bone  vie. 
Mas  de  lot  ceu  n'ai  nulz  anvie 
Lî  firaire(s)  au  signor  qui  estoit 

96  â  son  chatel  ou  s^afaitoit 
Et  pignoit  Jiij,  foîz  lou  jor; 
N*ere  mie  adès  a  sejor, 
Ains  aloit  sans  deîaement, 
100  Quant  savoit  -j-  tomoiemant, 
Tomeoit  an  estrange  terre, 
Pris  de  chevalerie  querre. 
Tant  fil  par  sa  chevalerie 
104  Qu'  il  hot  [an]  sa  baichelerie 
D'armes,  et  grans  pris  et  grans 
[los 
Plus  c'onques  n'ot  li  quens  de 
[Los, 
Ne  ciz  de  Bar  ne  cîz  de  Noi, 
]  08  Ciz  de  Blois  ne  ciz  de  Sain  Poî. 
Mot  hot  grant  pris  et  grant 
[renon, 
9  ne  parloit  se  de  lui  non 
Près  et  loint  an  estrange  terre, 
(Pris  de  chevalerie  querre) 


I 
I 


10 1  Corr.  tornoier?  —    \\\  U  v€rs  qui  sait  n*€st  sans  àoatt  qut  la  réftàiîion 


I 
■ 


^^^^P                               NOTtCB  SUR   UN   MS,   BOURGUICKON                                  )l                ^^^| 

■         1  11  An  tom[oj]eraeTit  et  an  guerre. 

Ne  fut  hôsqui  lou  vehit  rire*               ^^^| 

^^m          D^irmes  avoit  passé  Gauvain^ 

Formant  s'an  merevoilent  tuît  :            ^^^H 

^H          Maini  chivaliersprit  de  sa  main 

152 

Au  signor  li  dient  plus  d'uît:              ^^^H 

^H          Et  maint  an  ferit  sus  l'escu* 

«  Sire,  »  font  il  ^<  [il]  nos  est  vis            ^^^H 

^^    î\i  ,],  jor  hot  .j*  tomoi  voincu» 

ic  Quen'estmiebien  vostreamis           J^^H 

■               Lou  pris  hot  deces qui  hi  furent . 

<t  Vostre  frères,  car  il  li  pause           ^^^^| 

^^L         Camcomoéhont.sis'esmurent, 

156 

n  De  ceste  gent  qui  ci  s'anvoise;           ^^^^H 

^V          11  et  sa  gent,  por  revenir  [{b) 

<c  N'est  home  qui  hui  lou  viet            ^^^H 

W         liQ  An  son  pahîs,  qu^i  vet  tenir 

^^^1 

^H          Gram  con  de  joe,  qu*i  savolt 

0  Demandez  p  quoi  ceu  est,            ^^^| 

^H         Que  lou  pris  dou  tomoi  avoit. 

»        ^^^M 

^H         An  son  pabîs  est  revenuz  ; 

Li  chevaliers  01  la  novele,                 ^^^H 

^V    124  Anez  i  fut  et  chier  tenuz  ; 

160  Tôt  maintenantson  frère  apale:            ^^^^| 

W              Son  frère  mande  que  il  vainne 

a  Frère,  J>  fait  il  <^  qu'avez  hahu  P            ^^^H 

^K          Asacort,  que  pas  ne  remainne  ; 

(c  Avez  [vos]  vostre  sanc  bahu  i           ^^^H 

^^T          £t  11  predons  pleins  de  pidié, 

«c  Estes  vos  inés  de  mon  bien  ?            ^^^H 

■         118  Quj  vers  Deu  hai  tex  amitié 

164 

—  Frère,))  fait  il  <(  nenî,  de  rien,            ^^^H 

^^m          Qu'îne  panse  a  nule  autre  chose, 

—  Dites  moi  donc|)  quexraison            ^^^| 

^^ft          1(1)  vint  :  or  oez  la  porglose  : 

a  Vos  ne  faites  an  ma  maison            ^^^H 

^^K^    A  la  cort  ot  maint  gentil  home, 

a  Joe  ausi  com  cil  autre  funt  ?           ^^^H 

^^Ft|i  N'an  porroie  dire  la  some  : 

i6a 

a  Vos  sospirez  de  cuer  |)font,            ^^^^| 

^H          Dames  hi  ot  et  damoîseles 

(T  Hui  ne  getastes  .j.  souns  :             ^^^H 

^H         Admées,  nobles  et  baies,  [joie  : 

((  Ceu  est  ^  ceu  que  je  haï  lo(s)           ^^^H 

^V         Après    maingier    commançai 

I^H 

f         1  {6  N[cn]i  ot  dame  (dame)  qui  soit 

u  D'armes  plus  que  vos;  bien             ^^^| 

^H                                              [coe, 

[lou  sai,             ^^H 

^H          Ains  chantient  por  contancion 

172 

«  Duel  an  avez.  —  Frere^  nen                  ^H 

^H          Mainsmosdediverses  chansons 

[aii 

^^F          ciz  chivalier  espingnent  tuit, 

c(  Honques  n^an  hos  ne  duel 

f        140  Tex  joie  mènent  ei  tex  bruit 

[ne  ire. 

^K         Qu'il  n'est  nuls  hOs,  si  les  oïst, 

—  Riez  do!  ja  vos covient  rire; 

^^B         An  cuî  li  cuers  ne  resjoist. 

«  Riez  !  car  rire  vos  covient. 

^H          Mas  U  bons  frères  au  signor 

176 

—  Non  fera,  car  il  ne  m*â  liêt, 

^^    144  Pansoît  a  la  joie  grinor, 

a  Ne  si  ne  suie  ne  autremant. 

1               A  la  joie  de  paradis 

—  Ries  !  car  je  lou  vos  gmant, 

^^L          Qui  est  et  qui  sera  toz  dis. 

«  Ou  jaserois  toz  detrainchiez. 

^H         Ne  li  chaloit  de  lor  paroles. 

180 

—  Frère,  »  fait  il,   «  de  fi 

^H  148  De  lor  dis  ne  de  lor  caroles. 

saichiez     (d\ 

^^1          f  riens  que  vit  ne  ohit  dire   (c) 

n  Que  p  ceu  puis  perdre  la  teste, 

^^  Jéoithrt  iii  y.  ro2.  On  ptut  supposer  qui 
^^A  pàg€  éan$  le  ms.   sur  uquel  le  nôtre  a  iti 

Ci  vers  èialt  écrit  en  renvoi  ûu  bas  de  U 

copié,  et  que  notre  copiste  t'a  transcrit. 

^^M  ^^^^  ^  ^^  ''ritu  place,  dans  U  UxU^  pals  une 

seconde  fois  par  erreur  à  la  plact 

W        dm  tmtoi.  —  \\jMs.  hôs. 

j 

^^^1 

p.    MEYER 

^^^1 

in  Ne  rira  [ne]  nH  fera  feste, 

Si  s*an  va  la  lance  baissie          ^M 

«  Ceu  saichiez  vos  bien  tôt 

Tant  qti^il  vint  a  la  chevauchie.  ^M 

[de  fi. 

Son  frère  apale  d'une  part  :      H 

^H     18^ 

\  —  Non  ?  »  fait  il,  a  et  je  vos 

220 

>  «  Frère,  »  fait  il  «  se  Dex  vos        ' 

[deffi  : 

[gart. 

u  Se  vos  ocîerra  de  ma  main 

(c  Dites  moi  qu'avez  an  pansé  ? 

«Ains  que  part  lijors  de  demain, 

<f  Avez  por  vostre  cuer  pansé  ? 

«  Cui  qu'i  poil  ne  cui  qu'i  soit 

te  Volez  me  vos  d©  faire  guerre  ? 

[bel, 

224 

—  Oïl,  et  getter  mort  a  terre, 

^^H      18S 

«  Se  vos  trtiîz  an  vostre  chatel. 

<c  Car  lou  corros  et  l'acoison      J 

<i  Alez  vos  an!  »  Et  ciz  s'an 

u  Vos  des  hier  à  ma  maison*  ^    ^Ê 

[tome, 

Li  predGs  taniost  li  responi  :        ' 

Qu'a  la  feste  plus  ne  sejorne, 

228 

<c  Frère,  |>  Deu  qui  fit  lou  mont, 

Ains  monte  et  puis  se  met  an 

«  Il  m'est  avis  et  si  me  samble 

^^H      192 

Et  ciz  démenèrent  la  joe  [voe. 

n  Se  mes  gens  et  les  vos  as- 

Tant  que  ceu  vint  a  Faserir, 

[sanble 

Et  il  s*an  vint  por  soî  garir 

«  Se  9batent,  ceu  sera  maus. 

An  son  chatel  ;  il  dest  sa  fome 

JP 

«  Moi  et  vos  9batons  por  aus. 

^^^H 

Son  estre  ;  lor  plora  la  dame , 

((  ç  tel  covant  que  se  je  suis 

Des  .ij.  eauz  9mance  a  larmer. 

«  Voincuz,  vos  auroissanzanui 

La  nuit  font  lor  portes  fermer, 

ti  Ma  terre  et  tôt  mon  aritaige  ; 

Et  quant  ceu  vint  a  Tandemaîn 

2î6 

((  La  teste  an  prenez  an  otaige. 

^^^H 

Li  chevaliers  leva  bien  main  ; 

a  Et  se  vos  estes  f  mon  cors 

Sa  gent  ai  fait  d'armes  garnir, 

if  Voi  ncu  z ,  j  e  vos  an  ma  nra  1  ors 

Ne  vet  9  l'an  puisse  eschamir* 

«  a  prison  dedls  mon  chatel  ; 

Son  cors  fit  armer  et  sa  teste, 

240 

«  Se  vos  ocierra si  m*esi  bel.  »     ^ 

^^H       204 

Car  il  crient  lou  fou  de  la  feste; 

Ciz  qui  cuidoit  valor  Rolant        H 

Et  puis  ai  fait  matre  la  sale 

Vit  son  frère  maigre  et  crolant,     H 

Sus .  j ,  granî  destrierde  Casiale, 

[(*)  ■ 

Et  si  fit  lou  cheval  quovrir  ; 

Bienancuidamaingiertieu  .iiij. 

^^H 

Après  fit  les  portes  ovrir. 

244 

Ocirre  lou  cuide  et  abâtre.         ^d 

Devant  lui  garde  an  la  châ- 

Maintenant  li  ai  dit  por  ire  :      H 

[painne, 

«(  Je  l'ostroi,  »  fait  il,  san  plus 

Si  hai  veu  mainte  ansoigne, 

[dire,    ^ 

Maint  panunceal  et  maint  escu  ; 

Lor  s'antrevenent  li  valsa  ul  ;      H 

[(f,    113) 

248  Chas9  lait  core  lou  cheval,         | 

^^^H 

Lor  sot  bien  que  la  guerre  fu. 

Anduiorenttrainchanzespiez;     H 

Dit  a  ses  gens  que  [il]  saut 

Desus  tes  escuz  vomecîez          H 

[soient, 

S'antreferent  ^  tex  vortu           ^Ê 

Et  que  {>  chose  que  il  voient 

2J2 

Que  ti  .j.  hai  l'autre  abatu         ^M 

Ne  se  movaint  jusque  il  re- 

Jus  dou  cheval  âmé  la  prée.       V 

[veinne. 

Au  plus  june  mie  n'agrée,          H 

^^^H          216  Lor  s'3  part,  de  sa  main  se 

pceuque  d'armes  otgrantpris:     H 

[soigne  t 

256 

ç  la  raîne  ai  son  cheval  pris,       H 

^^^^HfP                                  SUR   UN   1 

!^S.    BOURGUIGNON                                  |J                      ^^^| 

^V       Et  puis  avoit  trait  nu  lou  branc 

An  apale  .ii}.  chevaliers^                       ^^^| 

^^       Vers  lou  bon  predi5me  au  cuer 

Ardiz  [et]  coraigeuz  et  fiers  :                ^^^M 

I            Sou  va  ferir  p  tel  air    [franc. 

ti  Or  tost  !  »>  fait  il  <(  prenez                ^^^| 

■        jéo  Sus  l*esai  qu'i  an  fit  cheïr 

[mon  frère                 ^^^| 

^H          l  grant  chantel  âmé  lou  pré. 

296  tr  Une  grant  paor  et  amere             ^^^^^1 

^H        il  Vû5n*avez  pas  fait  a  mon  gré,  i> 

«  Li  laites,  car  je  lou  çmant»          ^l^^^l 

^H        Fait  li  predons,    «  |>  saint 

«  Et  si  vos  dira  bien  9mant  :              ^^^^1 

^V                                       [Martin, 

u  Desarmez  lou,  a  une  espée                '^^^1 

■        J64  iMas  vos  aurois  ja  .j.  tatin.  » 

foo  et  Taigne  chascuns  longue  et  lée,                ^^^| 

■            Lor  lou  fiert  sus  lou  chapeler 

«  Et  desoz  chascune  memale                 ^^^| 

1            Dou  eaume^  si  que  clianceler 

ce  Li  anpointiez  sus  la  forcele               ^^^H 

1            Lou  fit  :  tant  estoit  eslordiz. 

((  Une  espée  et  por  darrier              ^^^| 

^K  368  Tant  duremant  fut  estordiz 

^^H 

^H        Qu'i  ne  soi  a  dire  ho  ne  non. 

^04  <(  Nen'i  ait  jane  ,j.  ne  autre  (ci)               ^^^| 

^H        Autre  foiz  lou  fiert  II  predon, 

*t  Ne  face  sanblant  de  Tocierre.               ^^^M 

^V        Et  ciz  cheït  toz  estandu» 

c(  Poignez  cant  vos  lou  m'or-              ^^^| 

I       271  A  son  frère  ai  lou  branc  randu  ; 

[roiz  dire              ^^^H 

^H        Mardcrie,  et  li  predons  saut,  {c) 

c(  .).  pou,  si  que  voe  son  sanc              ^^^H 

^H        Se  dit  :  a  Vos  an  vanroîz  an  aut, 

^ûS  0  Coler  tôt  contraval  son  flanc  ;               ^^^| 

W            «  An  prison,  tôt  a  ma  marci, 

((Masnem'ociéspas  mon  frère  :               ^^^H 

1       ij6  *i  El  si  vos  desarmés  ici 

cr  Andouz  nos  porta  une  mère,               ^^^H 

K            *r  La  leste,  car  plus  ne  vos 

i<  Et  J.  paires  nos  angendra.               ^^^H 

^H                                     [quier.  » 

3 1 2  ((  Mas  je  suis  ciz  qui  lou  vsdra              ^^^H 

^H        —  Frère,  n  fait  il  «  mot  ve- 

<(  Sa  felor,  car  trop  fou  lou              ^^^^1 

^H                                      [lontier.  » 

[truis.               ^^^B 

^^         |]  se  desarme,  et  li  predons 

«Predommeanfera,sejepuî$.»               ^^^| 

^^180  Apalede  l*ost  .j*  garceon 

Ausinc  9  li  predons  lou  dit,                   ^^^| 

^B       Qui  lor  ai  randu  lou  destrier 

^16  Cil  lou  firent  sanz  contredit  :               ^^^| 

^H       Que  il  monte  por  les  estriers. 

Desarmé  Pont  et  desvetu.                    ^^^B 

^f       Au  garceon  diienjt  quilaîletost 

A  pures  braes  irestot  nu  ;                    ^^^H 

W      2S4  La  novele  conter  an  l'ost, 

Chas9  tient  une  espée  grant ,                  ^^^H 

^^        Que  pais  est,  et  chascuns  s'an 

j20  Li  .j.  au  destre  bras  l'en  prant              ^^^| 

^m                                          [aile. 

Et  II  autres  ^  lou  senestre  ;                  ^^^H 

^H        Que  dz  lor  ai  conté  sanz  fâile 

Or  ai  il  bien  trové  son  maîstre»              ^^^| 

^H        eu  de  L'ost  oient  la  novele  : 

Car  desoz  chascune  memale                ^^^^| 

^Ki88  N'i  ot  celui  cui  ne  fust  baie  : 

P4  Li  apoljient  une  alemale                      ^^^| 

^H        Tuit  se  départent,  si  S'an  vont. 

Trainchant,  agùe  e  afilée  ;                   ^^^^1 

^^        El  U  frère  ou  chastel  amont 

Por  darrier  fu  la  tierce  espée              ^^^| 

^^         Sont  venu  mot  ativemant  ; 

Droit  idroit  ou  les  autres  sont.              ^^^| 

1      392  El  lî  aTnez  soutivemant 

p8  Li  predons  lor  escrie  adont,                ^^^^| 

^^h    20^  a  m  pour  tXf  comme  aussi  au  v, 
^^^Monf  tm,  U  Uudra?  —  126  Je  m 

^68.  —  }09  Corr.  Mas  quep  —  312  lou                ^^^^1 

vois  pas  bien  de  quille  main  était  tenue  cette               ^^^^1 

W      Zfaîfâmc  ij^. 

^^^m 

^^m               Romàniê,  Vi 

^^M 

^^^r 

P.  MEYER 

^^^ 

Si  9  por  ire,  fieremam  : 

((  Ne  nub  tans  ne  nule  saison. 

(c  Poignez!   car   je  lou   vos 

Î64 

«  Or  raïés  an  vostre  maison, 

[9mant.  » 

<t  Car  je  ne  vos  ocierra  pas, 

Cil  lou  poigneni,  et  il  iressaut  ; 

a  Mas  de  mau  faire  soi[e]z  las. 

^^^H 

Li  sanc  |>  mé  les  pbes  saut, 

m 

Comraval  li  desccni  et  raie 

u  Pansez  an  bien  dès  ore  mais, 

A  lerre  de  chascune  plaie. 

08 

«  Ansinc  avrons   moi   a  vos 

Cil  sent  la  detor,  si   frémit 

Ciz  li  otroe  qu'i  sera  [pais.  » 

[(f*  ïij) 

Predons,  gimais  mau  ne  ferai. 

^^p 

Ses  frères  lou  voit,  se  li  dit  : 

Il  dit  vor,  car  puis  predons  fu  : 

«  Ri,  frère,  ri!  o[r]  ri,  o[r]ri! 

Î72 

Puis  ne  porta  lance  n*escu, 

—  Non  fera  :   j'a  lou   cuer 

Ains  mena  puis  vie  d'ermite 

[marri. 

Por  amor  dou  saint  Esperiie, 

Et  li  predons  qui  hot  esté       fl 
An  sainte  vie  maint  esté, 

«  9mant  rira  ne  3  quex  guise 

^^^^       )40 

il  Qui  voit  ne  qui  sant  sonjuise  ? 

J76 

Kt  De  paor  hai  lou  cuer  marri 

Et  maint  i ver  et  maint  termine > 

V  Ne  ja  n'aian  nule  marci, 

Sait  de  fi  (que)  sa  vie  define  : 

<f  Ains  atan  la  mort  arestaul  ; 

Déclinant  va,  nepetplus  vivre. 

^^H. 

«  Et  cop  d'espée  me  font  raaul 

î8o 

A  sa  fome  dit  a  délivre  :  [doi. 

«  Don  ciz  chivaiier  me  font 

a  Dame,  je  muer,  foi  que  vos 

[guerre. 

«  Fariez  vos  or  riens  f»  moi?  » 

it  Si  voi  mon  sanc  chéîra  terre. 

La  bonne  dame  li  respont  : 

«  Tex  duel  ai  que  je  ne  puis  dire. 

384 

«  N'est  riens  c'om  puisse  faire 

^^^1 

ti  De  joe  faire  ne  de  rire. 

[ou  moni 

—  Non?  frère,  dites  vosde  voir? 

«  Que  f  vostre  amor  ne  feisse* 

—  Oïl.  —  Don  povez  [vos] 

[Manqae  un  vers] 

[savoir 

—  Feriez  ore,  chiere  dame? 

(t  Que  ausi  com  vos  estes  ore 

?88 

—  Oïl,  sire,    saichiez,  por 

^^^K    352 

u  Ere  je  lor  e  plys  ancore 

[m'arme. 

a  Destroiz,  car  plus  erent  poi- 

—  Don  vos  pri  cant  je  sera  mors 

[gnanz 

«  Que  vos  facezovrir  mon  cors; 

«  Et  angoissoz  et  detrainchanz 

«  S'an  faites  fors  traire  lou  cuer, 

a  Les  espées  don  je  sanioie 

Î92 

t^  Saichoiz  que  vos  hi  avroiz 

^H 

(t  La  detor,  don  pansis  estoie  ; 

[buer. 

«  Car  je  pansoie  a  la  delor 

te  Tant  soulemem  faites  ç  moi 

«  D'anfer  qui  me  tôt  b  quelor. 

«  Lou  cuer  faitez  fandre })  mi: 

«  Car  lejc  paor  me  fait  anfers 

u  Si  vorroiz  qu'il  avradedanz.  n 

^^r  }6o 

ce  Qui  n'aisusmoi  neosneners 

396 

La  mors  li  fut  antre  les  danz  : 

«  Ne  frémisse  cant  m'e[n]  sou- 

Cant  ot  ceu  dit  morir  l*estyi. 

[vient, 

El  la  dame,  si  9me  il  dut,  (c) 

«  Si  que  de  joie  ne  me  tient, 

Fit  vitemant,  sanz  sejomer. 

^^^H                  }4}  It/^it  Mtiuirt  a  estai.  —  U7-8  Ces  daa  nrs  tt  lient  mal.  Le  second  est 

^^a 

U  dtbui  â  mt  phrase  dont  U  fin  mam 

^mrait. 

^^^^^Ê 

NOTICE  SUB    UN   MS.    BOURGUIGNON 


M 


400  Louconan  tex  guise atorner  : 

Ûvrir  ;  s'an  fit  traire  lou  cuer  ; 

El  cant  11  cuers  an  fut  mis 

Ifuer(s), 

Fandrc  lou  fit,  saichoiz  de  fi  : 

404  Dedanz  trova  .j.  crucefi, 
(D|ou  cuer  nioïmes  ;  saichez 
[don 
Bons  qui  panse  an  Deu  an  pfon^ 
Veraement,  de  cuer  antier, 

408  Deauble  nou  panst  anginier  ; 
Mas  ne  croit  Deu  ne  son  povor. 
Et  Dex  ne  se  fait  pas  veor 
A  cha9,  ne  il  n'est  mie  tans, 

4ti  Mas  dou  deable  ai  bon  desfans 
H5s  qui  sert  nostre  creatour, 
Car  avec  lui  et  tôt  antour 
Sont  li  messaige  Jhesu  Crit^ 

416  Si  9  nos  trovons  an  escrit. 
Qui  or  lou  porroit  tant  amer 
Qui  pohit  son  cuer  antaumer 
Tant  que  li  fiz  Deu  hi  antrat 
410  Et  que  sesautex  i  orat(?), 
Boer  seroit[ciz]  nez  de  &a  mère, 


Et  buer  angendrezdeson  père 
Hé!  Dex!  il  ne  remaint  c'an  nos, 

424  Carausi[bien],cesaichiezvos, 
Venroit  Dex  f  nos  consoilier. 
S'aprenez  poi  lui  a  voilier 
Voiliez  9me  por  iceluî 

428  Qui  ses  services  abeli  [(d) 
Tamqu*i  l*avoit  escrit  ou  cuer, 
Ne  unques  n'an  hexit  defuer, 
Ain  s  vequit  et  usa  sa  vie 

4Î2  An  charité  sanznuie  anvie* 
Hé!  Dex!  quide  son  digne  cors 
Fisi  charité,  et  prit  la  mort 
De  mort  an  crois  |»  nos  secorre 

4j6  De  nos  poichiez,  et  vout  res- 
Sa  proie  qui  est  aculie,  [corre 
Cil  nos  destort  de  Tasailie 
Dou  deablcj  qu*i  ne  nos  fece 

440  Dommaige  et  ne  nos  anlace  ; 
Et  ma  dame  sainte  Marie 
Vers  lui  nos  an  soit  an  ahie^ 
Sains  Pou,  s.  Pères  et  s.  Jehans 

444  Hespondainttuit:  Amen, amen. 
Si  faut  des  Âj,  chevaliers. 


Enseignement  moral. 

Cette  pièce  est  écrite  en  sixains  de  vers  octosyllabiqucs  rimant  par  aab  aah, 
ne  qui  a  été  fort  employée  jusqu'à  la  Renaissance.  C'est   notamment  celle 
des  fables  du  xm*  siècle  publiées  en    1834,  d'après  un  ms.  de  Chartres,  par 
Gratct-Dup{cssis  *,  et  des  Tlnlbns  de  Mariage  {fin  du  xv  siècle  ou  commence- 
ment du  xvi*K  réimprimées  par  M»  de  Montaiglon  dans  ses  Poisies  françomt^ 
I,  17.  Tel  est  aussi  le  type  du  sixain  donné  dans  ÏAn  de  rhàorique^  également 
réimprimé  par  M.  de  Montaiglon  (III,  121)  3,  Quant  au  fonds  il  se  compose  de 
Llieux  communs  de  morale.  On  ne  trouve  dans  ces  strophes  guère  de  ces  traits 
'  preds  qui  donnent  à  certains  dits  relatiis  aux  états  du  monde  un  réel   intérêt 
pour  rhisloire  des  mœurs.  Néanmoins,  comme  ce  petit  poème  ne  se  trouve  pas^ 
^  i  ou  connaissance  du  moinSi  dans  nos  mss.  de  Paris,  j'ai  cru  utile  de  te 
publier. 


409  Vers  corrompu f  —  428  Corr.  Gui.  —  4)4  Corr.  l'amors.  —  456  et  vout? 
—  437  esl^  corr.  crt? 

I.  On  en  trouvera  une  dans  mon  Rauâld'amuns  textes j  partie  française,  n''  ja, 
a.  C'était  aussi  une  des  formes  du  sixain  dans  la  poésie  provençale.  En  fran- 
çais b  forme  qui  a  prévalu  est  aab  ccb. 


|6  p.  MEYER 

Pot  chaîùkf  In  orgueiltot, 

(fol    122  è) 

Por  orguîllors  hiimilier 
Vos  veul  ,j.  9te  desploer 
Que  j*a  a  pris  nova  le  ment, 
DD  maini  se  porront  chatoier 
Quant  il  rouront  pronuncier, 
6  S'il  hont  sant  ne  antandemant. 


On  doit  bien  oïr  e  antandre 
p  ansoignier  et  p  aprandre 
Bon  9te  et  bon  dit  ausimant, 
Ceoz  don  on  pet  exsple  panre 
Et  de  folie  soi  reprandre 
1 2  Et  contenir  plus  saigemant. 

Qui  saigement  se  vet  tenir 
Ces  oionde  li  covient  air 
Et  vivre  9  pais  et  oblemem. 
Vos  vaez  sovent  avenir 
Que  Dex  ne  vet  orguel  sofrir 
|8  Qui  dure  au  sieglelongemant. 

Mais  l'amors  dou  monde  noB 
[tient 
Si  que  de  Deu  ne  nos  sovient, 
Ains  Pavons  dou  tout  oblié, 
Si(!)  nos  pail  il  et  nos  sotient 
Et  nos  donne  ceu  qui  covient. 
24  {Manqui  an  yen) 

Il  nos  daùi  bien  sovenir      (c) 
Que  Dex  vot  a  onte  morir 
Por  nostre  vie  restorer, 
Et  an  ces  monde  vot  venir 
Et  humblement  soi  maintenir 
30  p  nos  aidier  a  ceu  covrer. 

Qui  plus  ai  richesce  e  anour, 
Si  doute  moins  nostre  Signour^ 


,  Et  ait  armone  et  charité  ; 
Mas .  j ,  pou  fait  sanblant  d'amor 
Liriche(s)  au  pauvre  e  au  menor 
jé  Tant  que  il  l*a  deserité. 


It  n*î  hai  leauté  ne  foi, 
Ne  point  de  bien  ne  point  de  loi , 
Foi  ne  justise  ne  droiture, 
Ceu  font  li  maistre  de  la  loi, 
Li  prince,  li  conte  et  ti  roi. 
42  11  ne  lor  chaut  don  motre  cure, 


Ou  monde  ai  tant  de  convoitise 
Que  nusïi'ai  riens  qui  lisofise» 
Ja  tant,  saicbeois^  n'avra 
[d'avor. 
La  chars  nos  resaut  e  atise 
Qui  nos  destroint  et  nos  justise, 
48  p  acQplir  tôt  son  volor. 

Ahine,  luxure  e  anvie, 
Orguel,  paroce  et  gloteniei 
Hont  si  conquesté  ces  pahis 
Qu'î  n'i  remant  chatelerie 
Ne  bore  ne  vile  ne  abaie  [avis. 
j4  Qu'il  ne  proignent,  ce  m'est 

Si  religios  hont  abis 
Si  hont  il  autant  de  delis  {d) 
Et  plus  que  n- ont  li  seculere  ; 
Por  néant  se  cavrent,  ce  cuit. 
Car  on  sait  bien  il  i  sonttuit  : 
60  1 1  hont  changié  règle  a  menere. 

Orguel,  rapine  et  troicherie 
Portent  au  moîgnes  compai- 
[gnie, 
Au  grans  abés  e  au  prelas  ; 
Humiliiez  s'an  est  fuie 
M6t  corrocie  et  mot  marrie 


9  Bon,  mi>  ban.  —  20-3  Cf.  as  nrs  du  ffolmc  di  Boécc 
Quar  no  nos  merabra  pcr  cui  vivri  esperam, 
Qui  nos  soste  tan  quan  per  terra  annatn, 
E  qui  nos  pais,  que  no  rourem  de  fam. 


^V                                     NOTICE   SUR   UN    MS.    BOURGUIGNON                                 ^7           ^^^^^^^H 

^H    66  Qui  n'aîme  mie  tex  soulax. 

Sanz  reco vrier  et  sans  confon  ;               ^^^| 

Tex  va  a  maul  qui  recovra,                  ^^^| 

^H        Trop  duremant  est  esbaie 

Tex  s'avance  qui  ne  poura                  ^^^| 

^H        Car  chivaliers  ne  ralment  mie» 

102  Tout  acûplir  devant  sa  mort,               ^^^| 

^H        AinslisontduremantcontTâlre  ; 

^^^1 

^H        Ceu  fait  la  chars,  nostre  enemie , 

Ces  mondes  n^est  que  ruse  et              ^^^H 

^H         Qui  onques  ne  fit  bonne  anvaie, 

^^M 

^^     7i  NcricnsquiaDieudahutpîaire. 

H  n'i  ai  riens  qui  soit  esteauble,               ^^^| 

Tojors  se  cheange  et  se  remue  ;                ^^^| 

^H        Hé  !  chetis  mondes  soufraitous 

Mais  l'autre  siegle  est  delitable                ^^^| 

^H        Eidecevans  eangoisouz,[chié, 

Ou  est  la  joie  pordurauble                     ^^^f 

^H        Ploins  de  soufraite  et  de  poî- 

108  Qui  ne  se  cheange  ne  remue.               ^^^| 

^H        Mondes  cruex  e  orguillos, 

^^^Ê 

^V        Nos  ne  vivrons  que  .j.  jor  ou 

Qui  bien  panserot  an  sa  vie,                ^^^| 

■        78  Mar nos hi sûmes aloichîé!  [  ij,; 

Il  ne  devroit  avoir  anvie  [ciers.               ^^^| 

D'estre  orguillos  ne  boban-               ^^^| 

^H        Ces  mondes  nos  est  essanple- 

Or  panse  bien,  si  t'umilie,                     ^^^| 

■                                           [re(s) 

Et  tu  verras,  n'an  doter  mie,               ^^^H 

^H        Que  nos  devons  nos  cuers  re- 
^H                                           [traire 
^H        D'amer  ii  et  de  maire  cure, 

1 14  Que  tu  ce  dois  petit  prisier.                  ^^^H 

Que  vaut  orguezP  que  vaut               ^^^| 

^H        Car  il  i  ait  trop  a  refaire .  [gaire 

^^^1 

^1        Kuns  [hom]  ni  pet  demorer 

Que  vaut  bobans?  que  vaut               ^^^| 

^H  84  Qui  n'ait  poinne  et  maie  avan- 

^^^1 

^H                                            [ture. 

Qui  a  néant  doit  reparier  ?                    ^^^| 

^B        Ou  monde  ai  tant  de  mauvaitié, 

N  '1  demorra  contes  ne  rois,  [b]                ^^^M 

^H        Hui es  sains,  (et)  demain  desai- 

Arcevauques,  clors  ne  borgeos               ^^^| 

■ 

1 20  Que  tôt  ne  convainne  morir.                 ^^^H 

^H        Li  plus  sains  ai  grant  meladie, 

^^^Ê 

■                                                         U^^12^) 

Las  !  tant  hi  ai  de  desconfort                ^^^H 

^H        Ou  mort  ou  pris  ou  mehainié, 

Que  nuns  ne  sait  de  quele  mort,               ^^^H 

^^        Ou  |>l  câqu'i  ai  gaaigné 

Quant  ne  çmaht  il  doit  fenir.                ^^^H 

L       90  A  .j.  cou,  an  tote  sa  vie. 

Ja  nul  ni  avra  qui  an  port                   ^^^H 

^H        Fortune  fait  maint  home  riche. 

Ne  blou  ne  bife  n'estalfort,                   ^^^H 

^H        Et  mat  si  aut  et  sî  Tanfiche 

1 26  Fors  c'un  suaire  a  Tanfmir.                  ^^^H 

^H        Que  il  ne  prise  nule  gent  ; 
^H        Mas  an  pou  d'oire  lou  deffiche, 
^^         El  vire  .j.  tour  et  lou  refiche 

Avers  ert  lor  droiz  aritaîges,                 ^^^| 

Mar  ant  beal  cors  et  bel  visai-               ^^^| 

& 96  An  povreté  e  an  néant. 

Detotehumaignecreature[ges:                ^^^H 

^^^H    7                r 

Ja  nul  ni  avra  avantaige,                       ^^^H 

^H       Teic  est  sainsqui  demain  morra, 

Tant  hoit  esté  de  aut  |>aige,                   ^^^^Ê 

^m       Tex  rit  et  joue  qui  plor(e)ra 

132  Qui  ne  devainne  porreture.                   ^^^| 

^^1    108  Cùn.  ne  ne  mûc.  —  117  reparier 

revertir^                                                 ^^^^^ 

^8  p.  MEYER 

Certcz,  fous  est  a  desmesure       1 68 
Cors,  qui  n'aut  que  fiens  e  or- 
[dure 
Et  formez  de  si  vil  matere, 
Quant  p  néant  se  deffigure, 
Et  sait  qu'il  est  a  avanture 

1  ^8  D'estre  demain  mis  an  la  bere. 

174 
Japor  la  mort  ne  seroitquite  : 
Il  convient  que  Parme  s'esquiie 
An  purcatoire  tôt  ainceois, 
Ou  tant  ai  poigne  et  maie  luite 
Qui  ne  porroit  estre  descrite 

144  Ne  an  latin  ne  an  franceois. 

r8o 
Cil  qui  avrom  confession 
Et  de  très  grant  devocion 
Fin  et  loiau  repantemant, 
Cil  recivront  purgacion. 
Nus  n'avra  ja  remission 
i  jo  S'il  ne  Pachete  dureraani. 

Li  desconfès  mort  an  pechié        186 
Neraatrontja,saichoizjoupié, 
Ne  nH  avront  espurgemant, 
Ainceoiz  vanront  trestuît  soilié 
An  la  cort  Deu  estre  jugié 
1 56  Cant  il  tanra  son  parlemant. 

Li  userîer  hi  randront  9te 
Et  dou  chetau  et  de  la  monte,      icj2 
Apertemant,  devant  la  cort. 
N'i  demorra  ne  roi  ne  çte 
Qui  trop  n*i  ait  deior  et  ontc, 
162  Et  qui  ne  soit  tenuz  bien  court. 

Apoutoles  et  cheardenaus,  ,  ^g 

Chiez  et  fontaine  de  tos  maus, 
jï  orguel  et  por  soignerie, 
Qui  riche  sont  d'auirui  chetaus, 
Por  atantiques  et  por  seaus 


Et  por  apertes  simonies  ; 

CildeGrant-monteideCiteaus, 
Praires  tampliers  et  Opitaus 
An  cui  cheritcz  est  perie, 
Qui  font  au  segte  lor  aveaus 
p  faux  jtigemans  desleaus. 
Don  toz  li  mons  se  plaint  et 


I 


[crie^  ■ 


Fauz  medisans  et  janglaous, 
Badeauz,  bailis  et  termaous, 
Qui  tant  de  mau  ont  pchacié, 
Homecides  et  traitour, 
Et  puis  après  ci  robaour 
Wi  receront  pas  oblié,       (d) 

Li  plaidior  et  li  arbitres, 
Qui  honi  juré  sus  les  reliques 
Qu'i  ne  seront  ou  nul  a  tort  ; 
Prevosdecliateaus  et  de  viles^ 
Qui  font  de  troiches  et  de 
[guiUes 
Faux  jtigemans  et  faux  racon  ; 


I 


I 


Tesmoins  pjures  et  orliers, 
Foiz-maiïtie[s]  et  bordeïiers, 
Ptoins  de  vice  et  de  luxure^ 
Faux  chaajaors  et  faux  dra- 

[piers, 
Il  receront  oti  ior  soumiers       fl 
Tuii  chcargié  de  fauces  me-  " 

[sures, 
Li  plaidior  reïigious 
Qui  sont  g[l]outon  e  anvious 
El  hont  anvie  d^autrui  bien 

(Deux  vers  omis). 
Que  ne  fut  onques  nu!e  rien. 

Cil  qui  ont  vescu  sobremant ,    fl 

Sanz  avor  Tautrui  malemant 

An  leaté  e  an  amour,  h 


l}4,  Cort  n*esl?  —  i  ji  Corr   N*l 

plicrs. 


—  167  Ms.  arantiqucs,  —  170  Ms,  tram 


NOTICE   SUR   UN 

El  boni  heû  de  povres  gent 

Pidié  et  donnent  îargemant 

104  P  ^niour  Dé  nostre  soignour  ; 

CiJ  an  iront  la  voie  ciere, 
Ad  congié  Deu  e  a  sa  mère, 
Anfiadiz,  droit,  sanidoutance. 
Ou  il  avroni  joe  et  lumere» 
Avec  Jhesu  Crii  nostre  paire 


MS,    BOURGUIGNON  J^ 

2 1  o  Qui  nos  fit  toz  a  sa  sanblance  ; 

Qui  nos  anvûit  humilité, 
Pais  e  amour  et  cherité 
Et  an  la  fin  tex  repantance 
Que  nos  voiains  la  Trinité 
Laissus  (es  ciez)  an  une  deité 
2 1 6  Ouiln'aitpointdedescordance. 
Amen. 


I 


OBSERVATIONS  GRAMMATICALES 

SUR  LA  UNGUE  OU  MS.  ADDIT.   1  j6o6. 

~Ôn  a  VU  au  début  de  cette  notice  que  le  ms.  addit,  i  s  606  avait 
appirtenu^  dès  le  commencement  dû  xiv=  siècle,  à  un  habitant  de 
Scmof,  d'oi^  la  présomption  légitime  qu'il  a  dû  être  exécuté  dans  cette 
fille  ou  aux  environs.  Mais  il  y  a  deux  Semur,  Tun  dans  la  Côte-d'Or 
(Semur  en  Auxois),  l'autre  tout  au  sud  du  département  de  Saône-ei-Loire 
(Semur  en  Brionnois),  séparés  par  rintervalle  de  plus  d'un  degré.  Si  on 
srt-ail  des  documents  en  langue  vulgaire  écrits  dans  l'une  et  Tautre  de 
ces  deux  villes  au  temps  de  Philippe  le  Bel,  il  serait  probablement 
poiiîble  d'y  reconnaître  des  particularités  de  langage  à  l'aide  desquelles 
ti  patrie  de  notre  ms.  pourrait  être  déterminée.  Mais  je  ne  connais  pas 
iPsndens  textes  romans  de  Semur  en  Brionnois  ;  et  pour  l*autre  Semur, 
les  seules  pièces  qui  me  soient  accessibles,  celles  qu'a  publiées  M.  Gar- 
nier  dans  ses  Chartes  de  commanes  et  affranchissements  en  Bourgogne  ", 
jettent  peu  de  jour  sur  la  question  qui  nous  occupe,  car  la  plus  ancienne, 
qui  est  de  1 262  (n**  189),  nous  étant  parvenue  à  travers  deux  ou  trois 
copies^  n'offre  pas  un  texte  suffisamment  assuré,  et  les  autres  ou  bien 
sont  trop  récentes,  ou  émanent  de  la  chancellerie  des  ducs  de  Bour- 
gogne. Mon  impression  est  que  la  probabilité  est  en  faveur  de  Semur 
(C6te-d'0r)  ;  j'imagine  qu'à  Semur  (Sa6ne-et-Loire)  Pidiome  se  ressen- 
tirait davantage  du  voisinage  des  pays  de  langue  d^oc. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  n'y  a  pas  de  doute  que  notre  ms.  a  été  exécuté  en 
Bourgogne,  qu'il  offre  un  spécimen  précieux  du  dialecte  bourguignon, 
dom  on  a  beaucoup  parlé,  que  personne,  jusqu'ici,  n'a  étudié.  On  sait 
que  Fallot  divisait  le  domaine  de  la  langue  d'oui  entre  trois  dialectes  : 


40  P.  MEYER 

le  bourgatgnon,  le  picard  et  le  normand,  Burguy  et  même  Diez  oni 
admis  cette  division.  Pour  Fauteur  de  la  Grammaire  des  langues  romanes 
(tradua.  !,  114),  le  dialecte  de  rilenie-France  est  une  subdivision  du 
bourguignon.  Une  erreur  d'un  autre  genre  a  contribué  à  fausser  les 
idées  à  Pendroil  du  bourguignon.  C'est  qu'on  a  admis,  depuis  Fallot  » 
(sans  qu'il  y  eût  pour  cela  Tombre  d'une  raison)»  que  tes  anciennes 
traductions  des  sermons  de  saint  Bernard  et  de  divers  ouvrages  de  saint 
Grégoire  étaient  en  dialecte  de  la  Bourgogne,  de  sorte  qu'on  attribuait 
à  ce  dialecte  des  caractères  qui  ne  lui  conviennent  aucunement,  et  qu'on 
se  dispensait  de  rechercher  ceux  qui  lui  sont  propres.  J'avais,  depuis 
longtemps,  reconnu  que  les  textes  prétendus  bourguignons,  mis  au  jour 
par  Le  Roux  de  Lincy,  différaient  très-sensiblement,  quant  à  la  langue, 
des  chartes  de  la  Bourgogne,  lorsque  Tétude  de  poésies  liégeoises^  sur 
lesquelles  j'avais  à  faire  un  rapport  au  Comité  des  travaux  historiques, 
me  conduisit  à  croire  que  les  traductions  de  saint  Bernard  et  de  saint 
Grégoire  appartenaient  plutôt  aux  pays  wallons  qu'aux  bourguignons  '. 
Les  personnes  qui  prendront  la  peine  de  comparer  ces  textes  avec  le 
ms.  I  $606  verront  que  la  langue  des  premiers  diffère  très-notablement 
de  celle  du  second.  L'étude  de  notre  ras.  ne  peut  donc  manquer  de 
révéler  des  faits  linguistiques  nouveaux.  Je  me  bomerai,  dans  les 
remarques  qui  suivent,  à  noter  les  points  par  lesquels  la  langue  de  ce 
ms.  diffère  de  celle  de  rile*de-France.  Je  prends  surtout  mes  exemples 
dans  les  deux  pièces  ci-dessus  publiées  {ies  deux  Chevalun  et  VEnseigne- 
ment  moral],  principalement  dans  le  premier,  désignant  le  second  par  B; 
les  renvois  (et  c'est  le  plus  grand  nombre)  qui  ne  sont  accompagnés 
d'aucune  indication  autre  que  le  n°  du  vers,  se  rapportent  aux  Deux 
Chevaliers.  Je  ferai  usage,  comme  terme  de  comparaison,  des  chartes  de 
Bourgogne  publiées  par  M.  Gamier,  avec  réserve  cependant,  sachant 
que  ces  textes  sont  loin  d'être  publiés  avec  toute  l'exactilude  désirable?. 

VOYELLIiS. 

1.  —  Le  h,  a  devient  at.  Ce  fait,  constant  en  lorrain,  n'est  ici  que 
fréquent,  ai  {habet)  94,    128,  començal  ijj,  etc.  L'inconséquence  de 


I 


ï.  Voy.  Le  Roux  de  Lincy,  U$  Quatre  iivm  des  rots,  p»  cxxvt, 

a.  Voy.  Remania,  III,  4J2* 

)<  M.  d'Arbois  de  Jubainville^  dans  la  Revue  critique  (1868,  art.  171), 
M.  Bourqueloi,  Revue  des  SocHtés  savantes  (4*  série,  X,  47 z)  y  ont  constaté  de 
nombreuses  fautes  de  lecture.  —  J*aurai  aussi  fréquemment  occasion  de  citer  lej 
po<.nne  de  Floovant^  dont  Tunique  copie  connue  présente  avec  notre  ms.  dej 
nombreux  points  de  ressemblance.  Toutefots  je  ne  vais  pas  jusqu'à  dire  qu'il  y 
ait  identité,  les  deux  textes  ayant  chacun  tcurs  particularités,  et  je  pense  que  le 
ms.  de  FioQvant  appartient  â  une  région  un  peu  plu^  septentrionale  que  le  ms. 
add    I (606. 


I 


KOTtCE  SUR    UN   MS,    BOURGUIGNON  4T 

b  copie  doit,  en  ce  cas  comme  en  d*autres,  être  expliquée  par  une 
de  ndson  :  d'abord  par  le  peu  de  soins  du  copiste,  qui,  ainsi  que 
jp  de  ses  pareils,  n'avait  pas  de  système  orthographique  arrêté  ; 
ûte  par  ce  fait  que  les  textes  qu'il  copiait  n'ont  pas  été  originaire- 
l  composés  en  bourguignon,  de  sorte  qu'il  a  conservé  dans  sa  copie 

ucoup  des  formes  originales.  —  On  trouve  aussi,  comme  en  lorrain, 
|ir  pour  a  (foL  1 1  ;,  ci-dessus  p,  20),  et  vice-versa  (cf,  ci-après  n«  5), 

1.  —  Devant  I  ce  même  a  devient  au^  comme  dans  une  infinité  de 
documents  bourguignons,  vosgiens  et  lorrains,  notamment  dans  Floo- 
vant  :  arestaul^  maul,  ^4^-4. 

j,  —  d,  précédé  d'un  /  et  déjà  affaibli  en  e,  a  été  absorbé  par  la  seinî- 
oyelle  iy]  que  produit  cette  consonne^  d^où  gimais  570»  en  passant  par 
itmais^  giemais.  Jemais  est  la  forme  ordinaire  dans  Floovant  ;  mais  on 
trouve  aussi  jimais,  par  ex.  vi  1550. 

4-  —  Le  groupe  latin  dtr,  au  lieu  de  se  réduire  à  ér  selon  Pusage  général 
du  français^  devient  air  comme  en  provençal  :  paire^  maire  61-2,  B  209, 
fmn  95,  B  ryo. 

5.  —  En  français,  IV  et  Vi  en  position  du  latin  aboutissent  égale* 
ment  à  i  {e  ouvert),  hèU  de  bdla^  messe  de  missaK  Ici  cet  è  a  pour 
correspondant  un  a  devant  l  dans  les  paroxytons  :  baies  1 54,  apaU  160, 
219,  jd/f  (sellel,  Casîale  (Castiïie,  anciennement  CasteHe]  205-6,  memaie, 
ëtmali  (lame)  Pî-4,  cavrmi  (couvrent)  6  28,  de  même  devant  t  :  naîe 
(octtet  10,  29,  maîre  20c,  B  81,  mat  (met)  B  92.  La  même  mutation 
est  de  règle  dans  Floovant,  surtout  devant  /,  voy.  les  assonances  en  è-e 
aui  pages  28,  54,  61  de  l'édition,  quelquefois  devant  t  :  regrate 
V,  jt9.  —  a  pour  est  p.  24  v,  6  ;  pour  et  [la  conjonction)  299,  568.  — 


i.  Non  pas  dès  tes  plus  anciens  textes  de  notre  langue.  Il  y  a  eu  en  français 
yoe  période  où  Vc  venant  de  i  en  position  ne  sonnait  pas  comme  ïe  venant  de  e 
en  position,  et  conscquemmenl  faisait  rime  â  part  :  ce  qii*on  voit  dans  la  tirade 
121  de  Rolant  (éd.  Mùllerj,  où  toutes  les  assonances  correspondent  â  un  i  lat, 
en  pûs.  (jrcfvfj^a^,  mase^  etcj,  sauf  une,  TaUte  (Tolède)  qui  est  un  mot 
étranger.  Aucune  des  assonances  de  cette  tirade  ne  reparaît  dans  les  autres 
tirades  en  i-e  de  Rofant  qui  sont  fort  nombreuses,  et  où  les  mots  assenants 
unissent  t  en  position  et  ai.  C'est  de  même  qu'en  provençal  i  en  position 
donoe  d^  nmes  en  e  esinlt^  tandis  qu'c  en  posttion  devient  c  lare  (voy.  dans 
Kogues  Faidit,  p,  81  b^\es  rimes  en  ela  lare  et  ela  cstrat).  En  provençal  la 
disUoclion  s'est  maintenue  d'autant  mieux  que  les  rimes  en  e  eslreit  se  trouvaient 
augmentées  des  nmes  venant  de  é  latin  (lesquelles  en  français  sont  en  à  ou  oi); 
en  français  au  contraire,  à  part  Rolant^  les  assonances  en  ^  ou  bien  ne  contien- 
nent pas  é*t  lalms  en  position,  ou  les  mélangent  avec  les  e  latins  en  position. 


Voir  pour  ces  faits  Bœhmer,  Romarnschc  StaJicn,  \,  ^99  (cf.  Romania^  IV,  ac^^^- 
joo),  et  Darmesteter,  Revue  criùqut^  }^l\i  'l*  267.  i'ai  vainement  cherciié  à 
retrouver  quelque  chose  de  celte  dislinclion  dans  le  traitement  que  notre  ms. 


bourguignon  fait  subir  à  ^  et  à  f  en  position  :  !a  confusion  paraît  complète  entre 
les  deux  sons  originairement  distincts,  et  la  variété  du  traitemenl  ne  paraît 
dépendre  que  de  la  nature  de  la  consonne  qui  suit. 


42  P*  MEYER 

De  m^e  avant  la  tonique  :  apalezp.  12  v.  lo,  marci  342^  matrant 
B  1^2.  —  Cf.  Bonnardot^  RGmania,  V,  ^19. 

6.  —  En  d'autres  cas  assez  variés,  Vi  français  est  représenté  dans 
notre  ms,  par  0  :  valos  (vallets)  j6,  dors  (clerc)  119,  motre  (mettre) 
37-8,  loîre  (lettre)  p.  1  j  v.  jj,  /om^  (femme)  69,  86,  paroce  B  50, 
monf  (messe)  p.  10  (fol.  jj  du  ms.).  Il  y  a  des  exemples  semblables 
dans  Floovant  :  frochi  (fraîche)  v*  620,  prouoce  (prouesse)  v.  2070, 
redroce  v.  854,  reçot  v.  298  (cf,  recet  v.  jojl,  Mâumoî  (Mahommet) 
V.  414,  479,  mot  (î«  personne  singulier  prés,  de  mettre)  269.  Cette 
mutation  est  ordinaire  dans  PEst.  Ainsi  S.  Vcrolus,  patron  de  Châiilion- 
sur-Seine,  a  changé  son  nom  en  S.  Vorle.  —  Il  y  avait  une  certaine 
hésitation,  sinon  dans  la  prononciation,  du  moins  dans  la  notation, 
car  nous  avons  ci-dessus,  p.  7,  col.  i,  richace^  aatece^  et  p.  13  v.  29 
autoce,  V,  îj  autauce,  et  on  vient  de  voir  qu'on  rencontre  aussi  bien 
maire  que  motre. 

e,  i,  en  position  1  passent  aussi  à  0  avant  la  tonique  :  voriu  i^i^vorne- 
Ciéz  (vernissé)  2j8,  moïmes  41  j,  chorra  (fut.  de  cheoir)  p»  2j  v,  57 
(mais  charront  v.  69),  vorrez  Î9î-  —  Comp.  îorreenl  (anc,  fr.  terroient, 
tiendraient)  dans  la  charte  de  Bèze  (Gamier,  I,  541)  ;  sorgens  (sergents) 
en  I  }86  (Gamier,  U,  287^,  et  dans  Floovant  moïmes  v.  476,  ^90,  pordu 
v.  lyo, parmi  v.  ^00, pordonnez  v.  470,  formeîex'v.  ^48,  eschavoUe  v,  jo2. 

7.  —  é  fr.,  en  hiatus,  avant  la  tonique,  devient  volontiers  a  :  bahu 
(anc.  fr.  heii,  bû),  hahu  [eâ]  161-2,  daiit  (=  âeûsî)  B  i^^  dahuî  B  72. 

—  Dans  la  charte  de  Bèze  je  lis  haiiest  •  (=  edst^  le  sens  n'est  pas  dou- 
teux), le  mot  que  rédiieur  (I^  540)  lit  hayest.  Citons  encore  reçau  dans 
une  lettre  du  duc  de  Bourgogne  Eudes  IV  (Garnier,  II,  368),  et  dans 
Floovant,  vaerv.  (27. 

8.  —  ë  lat.  tonique  suivi  d'«,  mais  non  en  position,  devient  oi  (non  ei 
comme  en  français]  :  plains  \2j^  B  78,    189,  paignts  (peines)  p,   12. 

—  De  même  e  avant  la  tonique  (dès  lors  la  quantité  n'importe  plus) 
dans  soignoT  p.  1 2  v.  1 ,  forme  qui  est  ordinaire  dans  Floovant. 

i  lat.  et  fr.  devient  e  [è  ou  è?]  dans  des  [dtxï]  226,  dest  (dixit)  195, 

9.  —  ô  tonique  du  latin,  après  avoir  probablement  passé  par  uf,  se 
montre  réduit  à  e  dans  pet  (anc.  fr.  piut)  8$,  yet  (anc.  fr.  met]  120. 

Avant  la  tonique  0  s'affaiblit  en  e  :  predons  1 29,  felor  3  ï  j,  delor  33$, 
357,  quetor  (anc.  fr*  cahr)  358;  fait  dont  on  a  ailleurs  bien  des 
exemples  :  serar,  seloil  (soleil),  henorer^  etc.  —  Menoie  est  constant  dans 
la  charte  de  Bèze  (Gamier,  I,  540-1).  —  0  s'aflFaiblit  en  a  dans  caronez 


I.  Je  ne  vois  pas  bien  quelle  est  la  valeur  de  IV  dans  ce  mot,  non  plus  du 
reste  qur  dans  octErrc  305,  oÙErra  365,  etc.  Cf.  poicl  fpolî)  Floovant  v.  463, 
disufrc  (désire)  v.  507,  melmt  iheaume)  909,  etc.,  fuest,  Gamier,  I,  488. 


I 
I 

I 


NOTICE   SUR   UN    MS.    BOURGUIGNON  4) 

(oooroimés}^  au  calendrier,  8  nov.,  sans  doute  après  avoir  passé  par 
fBf/Oiï«,  farroe  qui  se  trouve  dans  Floovant,  v.  $8. 

10.  —  tï  tonique  lat. ,  suivi  d'un  /î,  s'affaiblit  en  e  [et]  dans  Une  (lune) , 
eiemple  unique  que  nous  offire  d'une  façon  constante  le  calendrier  de 
ooire  m$,  —  On  pour  un,  p.  20  (fol.  1 1  j). 

11.  —  Les  groupes  latins  en,  m^  suivis  d'une  consonne,  sont  arrivés 
pidoeSemeRt  en  français  au  son  an.  Cette  mutation  a  eu  lieu  ptus 
tit  dans  TEst  que  dans  le  reste  des  pays  de  langue  d*oil  *,  Ici  elle  est 
coosiaiite,  an  (lat.  in)  2$,  26,  etc. 

ij.^ — ^Maislorsquecouj  vient  après  les  groupes  latins  e/i;  r/i,  oumême 

Af  TeSeï  de  la  position  est  annulé,  et  le  son  i  s'introduit  dans  an, 

.  goebe  qoe  soh  son  origine.  Ainsi  : /ra^/ic/if  (franche)  1,  maingter  zj^i, 

ihrmnch€s  p.  1  j  v.  ^if  detrainchiez  (anc.  fr.  deîranchiez)  179,  voincu  1 16| 

2J4,  2  j8,  —  La  charte  de  Bèze  nous  offre  à  plusieurs  reprises  Loingres 

(Langres)y  franchises  (Gamier,   I,   H^"0-   ^^  même  venoingcs  (ven- 

),  finoingier^  estroinges   (étranges)  en   ijSy,  dans  un  arrêt  du 

ducal  de  Bourgogne  (Gamier,  I,  287),  conîroindriens  (ibid.^  Il, 

^1)));  Uainche  dans  Floovani  v.  62,  troinchier  v.  1  Ht  422^ 

I),  —  Cet  efîet  du  c  se  manifeste^  en  dehors  des  groupes  formés 

avec  II,  dans  les  groupes  ecc^  occ,  ucc,  qui  deviennent  oich,  oie,  selon  la 

,  fojellequi  suit  :  poicherres  p.  12  v.  4^poicheorp,  1  j  v.  47,  p,  14  V.  j?. 

le,  calend,  27  janv.,  p.   15  v.    155,  toichi  p.   12  v,  4,  îroichu, 

\B  185. 

14.  —  La  diphthongue  française  ai  se  réduit  à  4,  comme  en  Lor- 
:  fifû  (ferai,  à  la  i'*  pers.)  1761  rira  (rirai)  182,  ocima  185, 
(braies)  ^18,  plati  (plaies)  352,  veraemenî  407»  —  a/  est  remplacé 
dans  irr^  52,  exemple  qui  parait  isolé, 
t).  ^ —  La  diphthongue  française  ci  se  réduit  de  même  à  0  :  valor 
'241»  pOTfOfy  viOT  409-10,  joe  121,  167,  192,  voe  191,  vor  (voir, 
V0Bii4  ^71,  otTOi  (anc.  fr.  ofro/f)  ^69,  borgtoi  B  IÎ9,  despher  B  2.  — 
De  mèrac  dans  la  chane  de  Bèze,  eynços^mc.  fr.  ainçois  (Gamier,  1,  $41). 
On  trouve  aussi  hors  à  côté  de  hoirs  dans  une  charte  de  Rouvres  (cant.  de 
Genlts,  arr.  de  Dijon),  de  1557  (Gamier,  1,  489).— Cf,  Romania.V,  P4. 
Notons  au  dans  pause  (anc.  fr.  poise]  i  $  $ ,  où  au  répond  à  un  ^  long 
du  latin. 

oi  se  réduit  à  e  dans  mentent  93  ;  on  pourrait  donc  au  v.  1 12  restituer 
non  torn[oi]emenî,  leçon  du  v,  100,  mais  tornleymtni^  ou  tom[o]ement  (cf, 
maoéy*   Il 8)».  Les  imparfaits  et  conditionnels  en  -eent^  au  lieu  de 


1.  Voy.  mon  mérooirc  sur  en  et  an  toniques,  dans  les  Mémoires  de  la  Société 
de  ItQgQistique  de  Paris,  t.  I  ;  cf.  Romania,  II,  248. 

2.  Théonqufment,  il  faudrait  en  français  réserver  U  diphthongue  pour  U 
tonique,  conjuguant     torrwi^  tornoia^  tornoU,  torncms^  iormtz,  iormiait,  mais 


44  P.  WEYER 

-oient,  soni  très-fréquents  dans  la  charte  de  Bèze  :  aveent,  fereent,  regar- 
dereent,  mostrereent,  torreent  (tiendraient),  sereent,  etc.,  mais  cependant 
disounîy  trovoient. 

oi  s*affaîblit  enfin  en  t,  dans  chantient  (chantaient)  137,  anoncient,  fol. 
i?o,  ci-dessus,  p,  27.  Une  charte  de  Rouvres  (cant,  de  Genlis,  arr.  de 
Dijon),  1357»  nous  offre  de  même  pourrimt  (Gamier,  I,  489),  ferient 
{Ibid.,  490I  ;  dans  un  acte  de  1234  relatif  à  Semtir-en-Auxois,  mais 
émanant  du  duc  de  Bourgogne  Eudes  iV,  je  relève  haumnty  pounent 
(Gamier,  11,  ]6<)). 

16.  —  La  finale  ïatine  <£i/i,  eus,  est  ordinairement  traitée  en  français 
comme  une  diphthongue,  Vu  persistant  et  Ve  devenant  te.  Mais  dans 
notre  ms.  Vu  disparait  et  est  remplacé  par  un  rqui,  selon  toute  appa- 
rence, n'était  pas  prononcé  avec  le  son  qui  lui  était  propre,  mais  servait 
à  allonger  la  syllabe  :  Bortekmier  [Banhohmdus]  y  calendrier,  24  août, 
Mdîhier  {Maîîkdus)^  21  sept,  Andrier^  jo  nov,,  petit  être  mentionné  ici  à 
cause  de  la  forme  prov.  Andrm,  Andrieu^  qui  indique  un  type  Andréas. 
—  En  1262,  il  y  avait  à  Semur-en-Auxois  un  prieur  appelé  Hetyier 
{Herv£u$]t  voy.  Garnier 
prov.  feu,  fieu)  99,  1^9 
allonger  la  syllabe,  c'est  l'emploi  qui  en  est  fait  en  d*autres  cas  où  le 
son  r  n'est  guère  admissible  :  Roumier  {Remigius]^  5  cet.,  ijaeurs  p.  8, 
note  2,  pressiours  (précieux)  p.  17,  orguilion  (orgueilleux)  fi  i  ;  et  dans 
Floovant  1  bur  (buste,  anc.  t.  buc^  bu]  v.  21 8»  armen  tarmé]  v.  437 


i 


ut  à  Semur-en-Auxois  un  prieur  appelé  Hervitr 
r,   I,  364.  De  même  dans  Floovant  ^ers  [fivus^  ■ 
p»  1 48  '.  Ce  qui  me  fait  croire  que  IV  ne  sert  qu'à 


CONSONNES. 


 


17»  —  Le  t  finaî  roman,  venant  après  une  consonne,  tombe  assez 
régulièrement  lorsque  le  mot  suivant  commence  par  une  consonne  :  Sain 
Marceaî,  Sairt  Vincent,  Sain  Jehan ^  mais  Saint  Hilaire,  Saint  Aubin.  Le 
calendrier  publié  cî-dessus  p.  4*6  fournit  à  cet  égard  des  exemples 
à  foison.  Citons  encore  cw  p,  18  (fol.  97),  etc.,  Reneber  {Ragnebertus) 
calend.  15  juin,  Feleber  (Philibertus]  20  juin,  Lamber  17  sept.,  don 
ou  dom  (=  dont)  qui  est  des  plus  fréquents,  ces  p*  24  v.  ^-7,  B  26,iM 


en  fait  je  ne  trouve  pas  de  texte  ob  cette  règle,  si  constante  en  des  cas  ana- 
logues (par  exemple  pour  17  dans  je  titn^  nous  tenons),  soit  régulièrement 
observée. 

i.  En  français,  la  même  mutation  s'observe  quelquefois.  Les  Chcniticr  men- 
tionnés à  h  rime  par  Rutebeuf  dans  sa  complainte  d'Outremer  (2"  édîtion  de 
Jubinal,  L  n^),  ne  sont  point  autres  que  les  Canclni  ou  Chmcliea  de  maint 
autre  texte,  et  dans  ce  nom,  -icr  comme  -lu  ou  -icu^  répond  à  une  finale  en 
-rfuj  comme  je  le  montrerai  en  une  autre  occasion.  Dans  le  français  Angm 
PottierSt  estmr  (prov.  Anjeus,  Peitcus^  ^tnup)^  -ter  correspond  sinon  à -^la, 
moins  â  des  formes  analogues  ;  cf.  Ramantû,  V,  jSo: 


NOTICE  SUR  UN   MS.   BOURCUIGKON  4$ 

—  Floovant  :  furiTurcs)  4}o,  tin  (tint)  172^  môntan  4$),  don  presqu^à 
chaque  page, 

18.  —  /  finale  tombe  fréquemment  :  Michié  p.  1  j  v.  28,  cii  p.  25 
f.  57,  et  surtout  après  i  :  ci  (pour  ai)  B  179^  qu*i  (pour  (ju^il] 
constamment.  Le  copiste,  qui  ne  prononçait  pas  celte  /,  Fécrit  où  elle  n'a 
point  affaire  :  (7  (a=  y)  i  jo,  p.  1 5  v.  22,  sil  (-=  lat.  sic]  ?22  roil  p.  27 
(W.  Ï40),  vdlsad  247.  —  Dans  Floovant  aussi  l*/est  souvent  omise  :  quH 
ijj,286,  h6. 

19.  —  Après  0  nous  voyons  IH  se  vocaliser  en  u  dans  Pou^  calendrier, 
1 29  juin  ',  ouen  /,  dans  Poi  108.  Pour  ce  dernier  cas,  comp.  dans  Floo- 

nmv,   104»  loj^  mantai  {mantellam),  ckatais  (châteaux)  728. 

20.  —  /,  dans  le  corps  du  mol,  devient  n  dans  nuns  8 ç  et  94  (où  le  • 
«copiste  a  écrit  par  erreur  nûlz,  mettant  en  trop  soit  Va,  soit  1'/.  Nuns 

(jm/^of)  se  trouve  dans  une  charte  du  seigneur  de  Tilchastel  (Garnier, 
11^417),  et  aussi  dam  Floovant-  —  Mont,  qui  est  très-fréquent  ici  et  se 
rencontre  assez  souvent  en  d'autres  textes»  est  de  la  même  façon  formé 
demutmm. 

21.  —  n  final  (roman)  est  parfois  remplacé  par  m  :  maim  p.  16 
Y.  1 56,  angim  fol,  98  c  [p.  18),  biem  p.  28  L  2.  —  Très-fréquent  dans 
Floovant  :  Floovam  16^,  Joceram  81 8,  (desrubam)  1300,  Maupmm  618, 
Tapfrgam  1 304.  Les  exemples  seraient  encore  plus  nombreux  dans  Tun 
et  l'autre  texte,  si  on  n'était  naturellement  porté  à  transcrire  par  n 
rabrévîdtion  marquée  parle  îiîulus.  Cf  Romanta^  V,  527. 

22.  —  c  spirant  est  figuré  par  ce  dans  dreceoit  p.  25  v.  ji,  garceon 
28 j  ;  ainceois  B  141  ;  franceois  B  144,  cf.  saicheois  B  4St  cheange 
B   tO)-8,    cheardenaus    B    l6^  Le   même    usage   se   montre  assez 

uemment  dans  les  chartes  bourguignonnes. 
2J.  — s  devant  une  consonne  tombe  ordinairement  :  métiers  47, 
tkâ^s  67,  41  r,  vetoit  82»  acimées  1 34,  chate!  188,  Batiîre czknû.  24  juin, 
Ciiîofe  (Christophle)  25  juillet,  etc.  —  Nostre  et  vostre  sont,  autant  qu^il 
me  souvient,  toujours  écrits  en  abrégé,  et  peut-être  eût-il  mieux  valu 
liranscrire  Tabréviation  par  notre  et  votre,  —  Dans  Floovant  aussi  maiiîé 
Y,  j|,  maité  v*  91  [cf.  ci-dessus  maetezp.  12  v.  21),  ckrMUî  (châteaux), 
croîtrai  v.  99,  etc. 

24.  —  s  final  tombe  aussi  dans  ver  p-  9  col  2,  tier  p.  1  ^  v,  27,  or 
}J2,  tim  24;  san  p.  17  \{o\.  88),  244,  ûu  p.  18  (foL  97),  B  62-}. 

25,  —  Notre  ms.  fait  un  fréquent  usage  de  i7i  initiale,  non  pas  seule- 
ment aux  divers  temps  du  verbe  avoir ^  où  cet  emploi  pourrait  être 

.  expliqué  par  une  recherche  étymologique  (peu  vraisemblable,  il  faut  le  dire, 
de  la  part  de  notre  copiste),  mais  en  des  mots  où  Fétymologie  est  hors 


» .  Cela  n'est  pas  constant  :  il  y  a  Poai  au  2  ^  janvier. 


46  p.  MEYERy   NOTICS   SUR   UK   US.    BOURGUIGNON 

de  question  :  Hmfamie,  calend.  12  avril,  hexii{exiyit)  450,  hoir  p.  ti 
V*  II,  harke  p.  1 3  v.  49,  ht  {ibi}  192,  etc.  —  Le  même  fait  s'observe 
dans  les  chartes  bourguignonnes»  dans  Floovant,  et  dans  le  Clrart  de 
Roussillon  (bourguignon)  de  ijjé,  publié  par  M.  Mîgnard. 

FLEXION. 

Je  me  bornerai  à  un  très-petit  nombre  de  remarques. 

L'article  il  est  parfois  employé  avec  des  mots  féminins  :  li  lois  }  i,  U 
mûire  62. 

La  déclinaison  est  médiocremeni  observée,  ce  qui,  de  la  pan  d'un 
copiste  assez  ignorant  et  vivant  au  commencement  du  xiv*  siècle,  n'a  rien 
que  de  fort  naturel 

Dans  la  conjugaison  on  remarque^  en  des  verbes  de  classes  différentes, 
des  parfaits  en  1  :  moriî  62  imourut),  morirenî  (en  rime  avec  connurent) 
p.  ij  V,  ti7,  arestist  (arrêta)  p.  16  v.  151.  Floovant  nous  offre  de 
même  îrovit  v.  5,  —  On  trouve  aussi  dans  un  ms.  bourguignon  de  la 
Bibl.  nat.  (lequel  toutefois  n'est  pas  de  la  même  partie  de  la  Bourgogne 
que  le  ms.  Add,  ï  5606)  :  apparit  (dans  mon  Choix  if anciens  textes,  panie 
française  25,  46),  morit  (ibid,  99),  cognuit,  en  rime  avec  adait  libid,  87). 

Menere  p.  28  (fol.  1 56),  si  la  forme  est  sûre,  est  un  exemple  du  pré- 
térit dérivé  du  plus-que-parfait  latin,  forme  qui  a  subsisté  jusqu'à  nos 
jours  dans  certains  patois  de  la  Franche-Comté  ;  voir  ce  que  je  dis  sur 
ce  point  dans  la  Revue  des  Sociétés  savantes^  4''  série,  IV  (1866),  1^2. 

La  finale  française -oni  de  la  première  personne  du  pluriel  est  souvent — 
en  -ains  :  puissains  (puissions)  ry,  wiains  B  214,  f 

De  même  la  ^-  pers.  du  pîur,  :  soaint  (soient)  18,  moMint  2ij, 
respondainî  444.  Ces  exemples,  aussi  bien  de  la  1  ■*  pers,  que  de  la  j*, 
appartiennent  tous  au  subj.  —  De  même  dans  Floovant  v«  1 52  perdesant 
(perdissent).  —  On  sait  qy'on  a  en  lorrain  pour  le  présent  de  Pindicaiif, 
i*'  personne  du  sing.,  de  nombreux  exemples  où  artf  remplace  le  ent  ^ 
du  français  (voy.  Romank^  II,  2j^,  note  4), 


Paul  Mever. 


DE 


LA  POESIA  POPULAR  GALLEGA' 


BQ9Csndo  enta paesîa gallega  ejemplos  de  una  forma  especialde  versi- 
ficâdon,  hemos  ido  recogîenda  algunas  composiciones  populares  de 
varrâs  clases  que  no  juzgamos  indignas  de  ser  colecdonadas.  No  todas 
emplesn  la  forma  local  de  ta  lengua  gatlego-portuguesa  :  como  suele 
iUDcder  en  semejames  casos,  algunas  osan  en  todo  6  en  parte  de  la 
kngua  nacional . 

Los  herederos  del  nombre,  y  hasia  cîerto  punto  descendientes  de  los 
aniiguos  CallalcoSy  conservan  tradiciones  de  fisonomia  céltica,  queindica 
M.,  taies  como  la  creencia  en  las  aimas  errâmes  y  en  la  muerte  prùxîma 
comufiicada  por  el  aspecto  de  un  difunto,  etc.  Acaso  entre  ellas  pueda 
comarse  la  particular  aficion  al  instrumento  mûsîco  que  la  lengua 
castellana  désigna  con  el  nombre  del  mismo  puebïo  (gaita  gallega)  ; 
mas  por  lo  que  toca  à  la  poesfa  poptilar  cantada  no  haîlamos  por  nuestra 
parte  huella  segura  de  tradicion  primitiva,  Y  si  bien  esta  poesfa  ofirece 
algun  género  especial  6  caracterisiico,  el  que  esta  ahora  mas  en  boga  le 
es  comun  con  otras  provincîas  de  Espafia,  donde,  no  menos  que  en 
Portugal  y  en  Galicia,  sîgue  todavia  dando  nuevos  reionos.  Por  él 
comcntaremos  nuestro  esiudio. 

COPLAS.  Aunque  en  Galicia  se  da  este  nombre  (su  forma  castiza  es 
eùproi}  à  toda  poesfa  popular,  Himanse  asf  especialmente,  como  tam- 


V 


I.  M.=:D.  MaQuel  Murguia  en  su  erudita  Hisîork  de  Galicia^  Lugo.  1866, 
I,  n%  sSj^  ^77  ss. —  M*,  =  Noticias  y  poesias  que  nos  ha  communicado ef  mismo 
^Murgtîîa- —  S.  =  Poesias  que  nos  na  comunicado  D  Juan  A.  Saco  Arce,  ^^[^t 
ireotajosamente  conocido  por  su  Gramdtka  de  la  Ungua galkga. —  T.=tNoticias 
poesias  <  hemos  debido  suprimir  no  pocas)  que  nos  dictô  el  joven  gallcgo 
,  Tiboada,  —  C  :=:Caniara  galttgos  (copias  populares  aue  les  sirvcn  de  leroa) 
de  D.  Rosalia  Castro  de  Murguia.  —  G.-=  uermond  y  Hcllerich  Aptrçu  de  l'hin, 
dis  langues  neoiat,  m  Espagne.  —  B,  y  F*  =  Los  maestros  de  mustca  Barbieri  y 
Piquer.  ^Crcenios  ineditas  las  poesias  senaîadas  con  M*,  S.  T.  B.  P  y  X  (estas  de 
vanp  origen).  —  Al  Catedratico  de  nuestra  facyltad  de  ciencias,  a.  la  vez^que 
bibliofilo,  D.  J.  R.  Luanco  debîmos  el  conoctmenio  de  la  obra  de  Murguia  y 
algunas  poesias  se  mi -populares* 


48  MÎLA  Y  FONTANALS 

bien  en  Castilla,  las  cuartetas  sueltas,  de  versos  generalraenteoctos^labos  » 
libres  los  impares  y  asonanlados  6  aconsonantados  el  segundo  y  el  cuano. 
De  este  género  bablaba  ya  el  P .  Sarmiemo  à  mediados  del  sigio  pasado 
en  sus  MemoriaSf  557,  98  :  «  .*.  en  Portugal  es  tan  natural  la  poesfa  de 
que  se  habfa,  que  cada  pastor  es  poeta  y  cada  moza  de  câmaro  poétisa* 
Esto  que  es  comun  en  toda  Espana  es  mas  particular  en  Portugal  y 
Galicia...  Ademas  de  esto,  en  Galicia  las  mujeres  no  son  s6!o  poétisas, 
sino  lambien  mûsicas  naturales...  En  la  mayor  parte  de  las  copias  hablan 
las  mujeres  con  los  hombres.  »  Aun  en  el  dia,  segun  M.,  «  no  hay  acto 
de  la  vida  vulgar  que  no  tenga  sus  copias  ;  las  mugeres  prmcipalmente 
parecen  haber  inventado  este  medio  de  dar  û  conocer  sus  sentimentos.  1» 
T.  nos  dijo  que  copias  las  compone  todo  el  mundo^  hasta  los  labradores, 
i  diferencia  de  los  versos  (poesfas  que  presumen  de  artisticas)  «  que 
quieren  mas  inteligencia.  n 

Las  copias  abrazan  todo  género  de  asuntos  y  no  consienten  una  clasi- 
fication  rigurosa  ;  las  distribuimos  aproximativamente  en  religiosas, 
reflexdvas,  locales  (las  que  se  refieren  â  un  hecho  hjstérico»  6  una 
costumbre  6  preocupacion  del  pafs),  melancôlicas,  amatorias  y  satfricas 
à  joviales,  dejando  para  el  fin  las  que  presentan  un  cardcter  mas  inde- 
ciso,  las  dobles  y  las  de  versos  no  octosilabos. 

Entre  las  copias  castellanas  y  portuguesas  que  se  han  coleccionado, 
no  todas,  à  nuestro  ver,  pueden  ser  Uamadas  poes/a  popular  :  algunas 
no  son  poesia  y  otras  no  son  realmente  populares.  No  todas  las  gallegas 
que  publicamos  6  reproducimos  merecen  eï  primer  nombre,  pero  todas 
6  casi  todas  pueden  ser  hijas  de  una  înspiracion  popular  genuina.  Las 
hay  muy  bellas,  algunas  de  una  simplîcidad  de  todo  punto  primitiva  ;  la 
2î  nos  parece  sublime, 

Ademas  del  nombre  gênerai  de  copias  se  emplean  otros ,  entre  elbs 
el  antiguo  de  canîiga.  Las  copias  satiricas  se  llaman  tambien,  segun  T., 
tiradiiias  para  escarnir  6  simplemente  tiradillas. 

Es  comun  la  denominacion  de  A-la-lai,  derivada  del  estribillo  que 
acompana  â  menudo  i  las  copias.  El  uso  de  este  estribillo  fue  recordado 
por  el  fecundo  versificador  Zemadas,  cura  de  Fruime  (f  1777),  muy 
buen  galiego,  pero  por  lo  visto  poco  aficionado  i  las  cosîumbres  popu- 
lares  : 

Porqué  de  sus  talalâs 

En  el  estribillo  eterno 

Parece  que  uqos  bataaes 

A  coros  estoy  oycndo^- 


I 


)pu- 

à 


1 .  No  creemos  rnoportuno  recordar  que  tiuestra  métrica  creenta  en  los  versos 
una  silaba  mas  aue  U  francesa. 

2.  Zemadas»  kc¥,  de  Esp,,  n»  111. 


LA   POESfA   POPULAR  CALLECA  49 

Pot  e!  contrario  en  nuesiros  dias  C.  que  esti  dotada  de  un  vivo  sen- 
dmiento  de  ta  poesfa  popular,  llama  à  este  estribillo 
O  dolce^..  h.,  lûlû 
Que  lengua  de  amores  fala  * . 

Al  enviamos  cl  n"  i  $  B»  le  dl6  el  nombre  gênerai  de  muneira  y  el 
pirticular  de  alborada^  lo  cual  significa  que  se  canta  con  miisica  de 
nuniifû,  y  que  se  destina  à  ser  caniado  i  la  hora  del  alba. 

Hay  copias  que  se  Uaman  de  Nadal,  de  AninovOt  y  de  Reys,  u  Cân- 

'  tinUs,  nos  dice  M%  los  mozos  de  lasaideas  para  sacar  dinero  à  cosa  que 

b  valga  :  cada  dia  son  peores  y  menos  fieles  à  la  lengua  del  pafs.  » 

SegQQ  T,,  son  lodavia  popuiares  en  algunas  ciudades  y  se  dice  comun- 

^Qente  :  «  Vamos  à  caniar  6s  reys.  »   En  los  n^*  70  y  1 36  se  halla  esta 

expresion. 

Tercetos.  La  poesia  gallega  tiene  una  clase  de  estancias  que  suele 
acompanarse  con  el  pandero.  Es  la  de  lercetos  de  versos  octosilabos, 
casi  siempre  libre  el  segundo  y  asonantados  à  aconsonantados  el  primero 
j  d  icrcero.  Puede  considerarse  como  una  cuarteta  en  que  los  dos 
prizneros  versos  se  han  concentrado  en  uno,  el  cual  i  lo  menos  forma 
Ihsinis  veces  sentido  separado  y  à  menudo  se  compone  de  una  frase 
vocatîva.  Esta  forma  que  no  observamos  en  las  demas  poesfas  popuiares 
de  Espana  ni  en  la  de  Portugal  »,  recuerda  naiuralmente  el  temario 
câtico  :  pcro  se  ha  de  noiar  que  este  era  monorimo, 

RuADAS.  Fôrmase  à  veces  una  série  de  estos  terceios  para  acompanar 

d  baile  llamado  ma  6  ruada  ^  Segun  T.  este  baile  se  llama  lambien  en 

r  algunos  lugares  faliada  y  suele  danzarse  en  una  plaza  6  era  :  un  hombre 

rauita  y  toca  el  pandero,  mientras  los  demas  hombres  y  las  mujeres 

fcantan  j  baitan,  terminando  con  un  sonido  agudo  y  prolongado, llamado 

El  cjemplo  de  ruada  que  da  M.  y  que  hemos  creido  oportuno  repro- 


1,  Atesligua  tambien  este  uso  una  «  Letrîlla  (impresa)  de  los  Ubndores 
^le^os  à  los  regios  desposorios  de  S.  M.  (Fernando  VU  con  Maria  Cribiina, 
1^34)  en  Us  fuadones  ae  la  M.  N.  y  M.  L.  ciudad  de  Santiago  con  su  acos- 
tnrobrado  Atâ^  laia^  iaia^  laU.  —  Ah^  tala^  iala^  ta  /   V»   umbien    nticstro 

2.  Hay  alguna  danza  catalana  y  ietrillas  castellanas  en  que  el  tema  es  un 
lerceto  gcneralmcnle  con  las  TÏmuabb  (como  nuestro  n**  i  12),  —  Los  stornelHf 
(}  sçmn  ttalianos  ofrecen  mucha  semejanza  con  los  tercetos  ^allegos^  con  la 
notable  diferencia  de  que  los  versos  son  endecasilabos,  si  bien  à  menudo  cl 
pnmero  se  reduce  à  la  invocation  del  nombre  de  una  flor,  v.  g.  Fier  di  limotu. 

I .  En  unes  villancicos  cantados  en  e)  Naammio  dd  Hoipital  de  Santiago 
leemos  :  «  Hoxe  é  gran  festa,  meninas,  —  Hoxe  é  dia  deruar...  »  ;  t  Vamonos 
Ma  pra  aldea  —  Pois  aqui  n'é  bon  ruar...  t 

4,  E^lc  gnlo  recuerda  naiuralmente  como  notâmos  ya  en  nuestros  Trov,  en 
Eîp,  y  ha  ootado  por  su  parte  M.  lo  de  a  pubem  Barbara  ntiiic  patriis  u/a/t?^* 
Um  carmins  linguis  etc.  *  oe  Silio,  pero  no  por  esto  creemosque  baya  derivacion. 

Homaniâ^  VI  4 


io  MI  LA   Y    FONTANALS 

dudr  es  tina  composîcion  notable  en  su  genero  y  suraamente  anîraadâ^ 
caraaerisiica.  De  su  coniexto  se  deduce  que  debid  ejecutarse  en  un  lugar 
cerrado,  acaso  un  hiierto  6  patio.  T.  nos  ûlclô  el  coraienzo  de  otra  que 
no  parece  de  igual  métro  : 

Aqui  mozaS)  aqui  mozas, 
Aqui  tadas,  aqui  todas, 
Al  rededor  d'o  pandeiro 

Ldele,  Idele  lelelele 

Uh  !  Uh  I 

Muiï EïRAS.  Esta  es  la  forma  castellana  de  la  palabra  gallega  muhintira^ 
derivada  de  muhino  (molino)  y  que  significa  motmem  K  Mas  bien  que  un 
género  poético  désigna  una  clase  de  aires  ô  melodias  que  acompanan 
una  danza  de  igual  nombre.  Todo,  nos  dijo  T.,  se  puede  cantar  como 
rnamra  6  como  fandango.  Hay,  sin  embargo,  im  métro  que  corresponde 
i  estas  melodfas,  cuyo  caracter  esencial,  segun  ha  observado  M.,  es  la 
division  de  los  versos  en  hemisiiquîos.  Mas  el  tipo  perfecto  de  esta  clase 
de  versificacion  existe  cuando  los  versos  son  endecasilabos,  deacemoen 
la  primera,  cuarta  y  séptima  silabas,  que  es  lo  que  alguna  vez  ha  sido 
Uamado  endccasiiaho  de  gaita  gallega  2,  fl 

Este  métro,  ya  en  su  forma  mis  libre  é  îrregular,  ya  en  su  forma 
perfecta,  no  es  exclusiva,  pero  si  muy  caractensiica  del  pueblogallegoy 
se  acomoda  al  instumento  musical  favorito  de  este  pueblo.  Entre  los 
re francs  colleccionados  por  S.  en  su  Cramdtua  hay  un  ndmero  bastante 
crecidû  en  versos  de  muneira  : 

i  Aïegria,  alegrote, 

Que  anda  0  rabo      d'o  porco  n-o  pote. 
2  Compra  n-a  casa      e  vende  n-a  feira. 
I  Escuddro  mancebo^ 

Déitate  tarde      levàntate  cedo* 
4  Fillos  criados      traballos  dobrados. 
j      Gracias  â  Dios  que  cocemos 

Scte  pctadas      e  nove  debcmos  >. 
6  Gracias  a  Dios      y-às  nosas  labores, 
As  nosas  barngas      parecen  tam  bores. 

1.  Hay  6  hubo  un  baile  llamada  modtha  portuguesû.  No  es  de  créer  que 
medie  relacioTi  entre  esta  palabra  y  la  mahmeira. 

1,  En  un  art  inserto  en  la  Rcvista  hisîùnca  îaûna  H,  \%i  ss.  (V.  Romania^ 
187),  p,  ^08)  t  Del  decasilabo  y  endecasilabo  anapèsticos  i»  (denominaclon 
que  usamos  en  eï  misnio  senlido  en  que  se  habla  de  irocaicos  y  jdmbicos  neo- 
lalinos)  iratamos  de  esta  cspecic  de  versos  y  del  dodecasîlabo  que  se  combina 
venlajosamenle,  ya  con  el  decasilabo,  va  con  el  endecasilabo  aoapéslicos. 

3.  T.  que  nos  diclô  como  muàetras  los  1,  j  y  8  dccia  en  este  verso  :  t  Calorce 
panes  e  quiace  debemos.  »  En  el  segunao  verso  del  8  decia  :  «  Cuncas  y 
pratos  babés  de  ruxir.  » 


LA   POESfA   POPULAR   CALLEGA  Jl 

7  Honte  Sf  ntado      non  faî  bon  mandado. 

8  Martes  d'antroîdo      cando  has  de  vir? 
Casquînas  d'ovos       (casi)  habés  de  ruiir. 

9  Marzo  marzola      lorbon  é  rayola  *. 

10  QucTi  vende  é  mente      a  boisa  11'  o  sente. 

1 1  Salto  d'un  souto      e  mélome  en  oulro. 

12  Ti  que  me  levas      y*eu  que  m'ajydo, 
Vamo  los  dos      à  cabo  d'o  mundo* 

Por  uTios  versos  de  Zemadas  (que  nos  ha  comunicado  S.)  vemos  que 
en  c)  sigio  pasado  ya  se  consideraba  como  aire  antiguo  el  métro  de  la 
rouncira  *  : 

Minuei  al  airt  antiguo. 
Si  en  Compostela      la  noble  y  leal 
Hoy  cine  Carlos      su  regjo  laurel 
Lo  hace  en  lugar      de  Jacob  celestial, 
Porque  se  sepa      que  un  rey,  como  es  él, 
Debe  à  Santiago      el  împerio  espanol  etc,  ^. 

Aunque  la  répétition  de  palabras  y  frases  es  distintivo  comun  de  la 

poesfa  popular,  se  observa  de  un  modo  especîal  en  la  mayor  parte  de 

marUiras,  cuya  conslruccion  ofrece  una  semejanza  notable  con  las  can- 

de  fndole  popular  que  llevan  en  el  Cancionuro  del  Vaticano  el 

l^fioQibre  de  aniiguos  trovadores  poriugueses  4. 

La  inspiracîon  de  las  murieiras  es  bien  poco  elevada;  pero  por  razon 
\  la  iroportancia  relativa  del  género  no  hemos  sido  escrupulosos  en  la 
rdeccion  de  ejemplos. 


1.  Esei  refran  comun  a  muchas  lenpas  contra  la  inconstancia  del  Marzo, 
^£stos  refranes  suelen  contcner  derivados  depresivos  del  nombre  del  mismo  mes  : 

72ola,  manan  este  y  otro  gallego  ;  mûnadas  otro  caste! fano  \  marsol  y  marseja 
catalanes  ;  marsegia  uno  m  en  ton  es. 

2.  t  Carta-cuenta  6  razon  en  suma  de  las  festivas  gozosas  demoslraciones  con 
qcc  la  M.  N.  y  M.  E.  ciudad  de  Santiago  celebrô  la  solemne  aclamacion  de 

.  R.  y  S.  D.  Carlos  III  (17J9).  » 

}*  Los  modernos  poetas  gallegos  no  han  fîjado  la  atencion,  segun  parece,  en 

jlrf  endecasïlabo  anapestico  y  cuando  tratan  de  imitar  las  murieiras  usan  del  deca- 

nlabo  ya  interciso  (54.  j),  ya  anapéslico  (muy  comun  en  la  poesia  castellena). 

*ste  es  el  métro  de  una  que  pasa  indebidamenie  por  munara  popular  y  que  consta 

t  varias  cslancias  :  «  Una  noite  n-a  eira  d'o  Irigo,  etc.  1. 

4.  Compârense^.  porexemplo  nuestros  n''*  it  j-iao  con  la  ya  famosa  cantiga 

dû  amigo  del  rey  Diniz  :  Ay  frores  !   ay  frores  do  verde  pyno  !  ^  Se  sabedes 

Lnoras  do  meo  amico,..  Ay  frores!  ay  frores  do  verde  ramo!  —  Se  sabedes 

oral  do  meo  amaao  •.  Monaci  Canti  ant.  pori.  n"  1 ,  V.  lambien  11,  III,  V,  VI, 

Ifîll,  y  olrascn  cl  Cancionànnho  de  Varnti^gen.  Fuera  de  Galicia  ballamos  con 

_  i  conslruccion  en  Aslurias  :  •  Ay  Juana,  cuerpo  garndo,  etc.  «Quadrado 

iiciufiiùs  y  Bdlizai  de  Es  pana  ^  Aslurias  y  Léon,  p.   237)  cuyos  versos  son 

Basi  lodos  endecasîlabos  anapésticos  y  cl  conocido  •  Canlan  de  Oliveros  é  can- 

an  de  Boldao  •,  que  se  lee  en  un  aocumenlo  apôcrifo  inserto  en  las  Cran- 

dtzai  4i  Avila  del  P.  Ariz. 


52  MÎLA  Y  FONTANALS 

Mayos,  La  personificacion  del  mes  de  las  fîores  que  en  otros  pu^ 
de  Espaiia  y  en  afguno  del  S.  de  Francîa  era  una  Maya^  en  Galicia  es 
un  Maya,  Segun  T.  los  nifios  hacen  una  choza  de  rétama  y  dentro  se 
coloca  uno  que  es  el  que  canta  ;  otros  van  al  rededor  y  siguen  el  canto 
goîpeando el  suelo  con  estacas.  <t  Los  Mayos,  nos  dire  M',  van  decayendo. 
En  mi  ninez,  y  no  soy  muy  viejo^  los  he  visto  en  esta  poblacion  que  es 
la  que  guardaba  mejor  taies  iradidones.  Un  miichacho,  cubîerto  de 
hinojo  de  pies  â  la  cabeza,  y  coronado  de  rosas,  era  el  Mayo.  Este  can- 
taba  las  copias  que  otros  muchachos  iban  acompaiîando  con  el  siguiente 

esiribillo  :  ^^ 

Cantaret  o  mayo  ^| 

E  mais  ben  cantado.  ^* 

Romances.  Si  juzgamos  por  las  muestras  que  hemos  reunido  no 
abundan  en  Galicia;  mas  no  por  esto  admitimosque  haya  en  este  puebto 
una  repugnancia  innata  hacia  un  género  tan  naturai  y  difundîdo.  Acaso 
se  introdujeron  à  se  compusieron  en  Galicia  en  mener  numéro  que  en 
Portugal  y  en  Asturias  ;  pero  basta  para  explîcar  la  aaual  car  est  fa  la 
decadencia  del  espiritu  tradicional  y  la  mayor  aficion  i  otros  géneros 
mis  enlazados  con  la  miisica  y  la  danza.  Igual  escasez  se  nota  (juzgando 
por  lo  que  se  ha  publicado),  no  tan  solo  en  Aragon  y  en  Valencia,  sino 
tambien  en  Castilla  y  Andalucia,  que  lan  fecundas  fueron  en  romances. 

Publicamos  dos  religiosos,  dos  novetescos^  uno  de  costumbres,  dos 
que  se  pueden  llamar  humoristicos  y  uno  de  carâcter  raenos  popular. 
Tenemos  ademas  notîcia  de  bs  siguientes. 

Coelho  ha  publicado  {Romama^  187$,  p.  270),  â  mas  de  uno  que  cor- 
responde â  nuestro  no  i  $4  otro  de  A  Morte  de  Xesus  :  fl 
Juebes  santo,  juebes  santo      très  dias  an  tes  de  Pascoa...  ^^ 

T.  nos  dicté  estos  versos  que  pareceo  principio  de  romance  (castel 

lano)  : 

Santa  Catalîna      nija  de  iiti  rey  moro 
Matôta  su  padre      coti  (yna)  espada  de  oro^. 

M.  publicd  notables  fragmentos  del  romance  de  Santa  ïrena  que  did 
ya  a  conocer  Almeida-Garret,  aunque  no  en  su  Romanceiro  y  de  que 
Th.  Braga*  Rom.  geral^  p.  i2j,  ha  dado  versiones  de  Santarem  (Iria  a 
fidalga).  de  Covilhà  (Santa  Iria),  del  Minho  [Santa  Helena)  y  Cane,  do 
archtp,  açoriano^  p.  ^64,  otra  que  lleva  tambien  el  nombre  de  Santa  Iria. 

I .  Sabido  es  que  el  asunto  de  Santa  Catalina  es  favonto  de  la  poesu  popubr. 
V,,  por  qemplo,  Smith,  Romania,  ïSy^,  p.  440.  En  Cataluna  se  conserva  un 
romance  vulgar  castellano  del  mismo  asunto  queempieza  :  <  Ahiarribaen  estos 
mundos  Hay  tierras  muy  rcgaladas.  * 

2*  Al  citar  las  coleccioncs  de  este  autor,  mas  fielcs  y  copiosas  gue  la  de 
Almcida-Garret,  debemos  advertir  que  esiamos  muy  distantes  de  admitir  cjertas 
ideas  que  con  cspecial  inslslencia  en  cllas  se  exponen. 


I 


LA   POESfA    POPULAR   GALLEGA  ^J 

De  Sanu  Irena  que  se  dice  haber  dado  nombre  à  Santarem  hablan  anti- 
gDût  breviariûs  lusitanos  (V.  Esp,  sagr,  XIV,  201  ss.).  Aunque  en  la 
vcrson  gallega  se  conserva  mâ&  fielmente  el  nombre  de  la  Santa,  el 
nMnance  es  indudablemente  de  origen  portugues.  La  version  de  M. 
eiapieza  : 

Estando  coscïido      n-a  miôa  almohada...  * 

El  mismo  M.  trae  una  version  abreviada  de  la  que  Braga,  Rom.  gérai, 
p,  146.  Arch,  açor.  p.  jya.  Mania  Xàcara  â^o  Cégo  : 

Abrecn  os  portmos      âbreme  o  postigo. 

Es  un  raptOy  pero  al  rêvés  de  otras  muchas  canciones  del  mismo 
istmto,  contra  la  voluntad  de  la  robada.  Esta  alcanza  la  libertad  en  las 
Tersbnes  portuguesas;  la  gallega  termina  con  ta  exclamacîon  : 

Adios  mina  casa  !       adios  mina  terra 
Adios  mifla  nay  1      Ay  meu  beu  que  este  boo  pasar  era  î 

T,nasdia6  algunos  versos  estropeados de  la  Pastorinha  (Pastoriîia)  ^t 
Brakga,  Rom.  geml,  p.  17),  Arch.  açor.,  p.  573  : 

Linda  pastorifia       tî  que  fas  aquï 

N-este  monte  rose      de  tanto  pehgro  ; 

Te  advierto,  oifia      si  quieres  venir  conmigo,  etc. 

Este  romance  que  por  su  comienzo  parece  ha  de  ser  una  serrana  al 
cstîlo  antiguoj  versa  sobre  el  répugnante  argumento  de  un  recien  vcnido 
que  hace  una  apuesta  contra  la  virtud  de  su  hermana. 

Fizialmente  M*  nos  ha  remitido  los  siguientes  versos  de  un  romance 
de  costumbres,  ûnicos  que  recuerda,  à  pesar  de  haberlo  visto  impreso  : 

Ëlas  eran  très  comadres      é  de  un  barrio  todas  très, 
Fiieron  una  comida      para  ir  a  san  Andres. 
Una  puso  trinta  ovos,       otra  puso  vint'e  seis... 

Mientras  estan  comiendo  llegan  los  maridos  y  las  apalean  ^ . 

Advcrtiremos  que  los  gallegos  revindican  !a  propriedad  del  famoso 
romance  6  cantar  :  0  figueralfiguereido,  fundândose  en  algun  resabio  no 
portugues  del  lenguaje  (ntnas  6  ninas,  ihorando,  homhre,  ccrca)^  en  que  si 
il  hecho  fuese  histôrko  debiera  haber  acontecido  en  Galicîa  y  no  en  Por- 


t .  En  la  version  de  Covîlhâ  Iria  perdona  à  sy  matador  ;  en  las  demas^  înclusa 
\i  gailegaf  se  le  alribuye  un  JeEiguaee  meios  propio  de  una  santa. 

a*  La  aciual  ortografia  gallega,  a  eiemplo  de  la  castellana,  emplea  n  y  II  en 
[Itigarde  nhy  th,  usadas  por  Jos  provenzalcs  y  conservadas  por  los  portugueses. 
La  ^  de  anha  y  sas  compuestos  indica  pequefla  aspiracton  para  separar  la  a  de 
la  a  V.  Saco  Gramaûcà^  p.  26.  T.  pronunciabacasi  imgû. 

|.    En  CaïaJufïa  hay   un  romance   de    igual    asunto   auoque   de  diferenie 
âsûnaote  : 

Las  ninas  son  al  fom      a  coure  cocas  finas 

Qu'en  volen  fè*  un  dinâ      quels  seus  marits  no  \\\  siguin 

(Jjtibett,  curtei,  curtci  de  Ij  m.il.i  gclosia),  etc. 


54  M]LA   Y    FONTANALS 

tugal,  pobtado  entonces  de  moros,  y  en  que  el  solar  de  les  Figueroas  se 
halta  en  Galicia  y  bien  lejos  delmediodia  '. 

Cantarcillos.  No  hemos  logrado  ninguna  oracion  infantil  que  se  nos 
dice,  y  lo  supondriamos  aunque  no  se  nos  dîjese,  que  exisien  en  Galicia; 
pero  si  algunos  cantarcillos  de  olra  clase.  Los  n'*^  i  >9  y  14*^  ofrecen  una 
versificacion  muy  libre  como  es  comun  en  esta  clase  de  obrillas^  que  se 
recilan,  sin  embargo,  con  un  movîmento  ritmico  muy  decidido.  M.  da 
otro  ejemplo  de  métro  muy  uniforme  : 

Pico  pico,  mazarico 

Quen  che  dou  tamano  bico  ?  etc.  ^. 

£nsalmos.  Damos  très  muestras  de  este  género,  ^  veces  poco  acce- 
sible. 

DtALOGOS.  Aunque  patrimonio  de  personas  del  pueblo  y  â  menudo  de 
campesinos^  este  género  es  mas  bien  vulgar  que  verdaderamente  popular, 

tf  En  las  bodas  de  los  campesinos,  nos  dice  M\  suele  presentarse  una 
gran  bolla  0  torta  de  pan  que  se  destina  como  premio  al  que  mejor  y  tnàs 
copias  cante,  improvisadas  unas^  otras  de  las  que  ya  andan  entre  la 
gente  del  campo.  Boda  en  que  no  hay  rcgueifa  (asi  se  llaman  estas 
tortas)  f  es  de  las  raas  pobres  y  de  ellas  se  burla  la  musa  popular  (V.  d 
n"  19I.  ))  Las  copias  improvisadas  en  las  bodas,  que  reciben  tambien  el 
nombre  de  regueifas,  consisten  à  menudoen  un  dialogo  0  desafio,  cuyos 
contendientes  suelen  ser  un  mozo  y  una  moza.  Estas  improvisaciones 
tienen  poco  valor  literario  y  «  todo  se  cifra  en  la  gracia  y  la  facilidad  de 
la  improvisacion.  ))  Como  suele  suceder  en  casos  an;ilogos  los  versos 
son  prosaîcos,  pero  la  costumbre  es  poética.  fl 

En  el  ejemplo  que  publicamos  puede  observarse  la  frecuente  repelicîon 
del  liltimo  verso  de  una  copia  como  primero  de   la  del  adversario  : 
costumbre  muy  adecuada  à  la  improvisacion  y  que,  segun  M.,  se  observa 
tambien  en  las  luchas  poéticas  de  las  cantadeiras^  las  cuales,  por  lo  ^ 
visto,  son  diferentesde  las  regueifas  6  copias  cantadas  en  las  bodas  4.    ^ 


t .  Estas  monts  aduce  0.  Teodosio  Vesteiro  q\ie  esta  publicando  una  CâUria 
de  galUgos  ilusttci,  —  Obsérvese  que  el  cantar  tiene  una  construccion  si- 
métrica  que  recuerda  la  que  hemos  notido  en  cantares  portugueses  y  gallegos  : 
pero  esto  no  puede  ilustramos  acercadel  lugar  ni  de  la  época  de  la  composicion. 

2.  Este  canlarciltu  se  halla  tambien,  anque  menos  extenso,  en  Arch.  açor,^ 
p.  t8o;  en  Caslîîla  dicen  tambien  les  nifios  :  Pito,  pito,  colorîto.  Donde  viencs 
tan  bonito  ? 

j.  t  Lopcz  Tamarîd  en  su  Compindio  de  alganos  vocabhs  arâbigos^  etc.  dice 
que  regaifa  es  voz  arabe  que  significa  torta.  »  M,   —  Engelmann  Closs,  de 
mots  es  p.  il  port,  dèmès  de  l'arabe  ponc  :   ■  Regm/a,  urabe  Ragmjûy  que  P.  de. 
Alcald  Ira  du  ce  por  horonaxo  de  guevos,  oblada  y  torta.  »  I 

4.  M.  llama  Rfgueifa  a  nue&tro  n*  145,  pero  nos  dice  que  suele  darse  à 
semcjanlcs  composicîones  el  nombre  de  romance  îi  falla  de  otro  mejor.  —  El 
mismo  nos  informa  de  que  los  aldeanos  de  Gaticia  tienen  tambien  sus  represen- 
taciones  dramiticas,  en  parte  habladas,  en  parte  mîmicas. 


LA  POESfA  POPULAR  GALLEGA  f^ 

ViLLAKCicos.  Estas  composiciones,  det  genero  lîrico  (no  hablamos  de 
iott  romances  nairaiivos  referentes  al  mîsmo  asunto; ,  lan  recomendables 
par  sa  objeto  y  que  tan  poéticas  costumbres  recuerdan,  son  casi  siempre 
«mi-populares,  es  decir,  debidas  a  leirados  que  se  esfuerzan  en  habïar 
d  lenguâje  del  pueblo  ^  Asi  no  es  verdaderamenle  popular,  à  pesar  de 
to  aspectû  rdstico,  el  Viilanceie  peh  Natal  pubiicado  por  Vamhagen 
Trams^  p,  )6o%  nJ  lo  sonj  a  pesar  de  su  sencillez  y  gracia^  los  dos 
fomâncnios  que  damos  por  maestra,  excepte  la  estancia  final  del  primero 
qot  es  un  simple  canto  de  cuna  K 

Si  hubiescmos  de  créer  à  Terreros,  Pakogmfia  e^pamla^  la  mdsica 
popular  de  Galîcia  (no  menos  que  de  Portugal)  tendrîa  lejana  ascen- 
dencia,  pues  se  hallaria  «  su  aire  y  gusto  n  en  las  Cantigas  de  Alfonso. , 
Comosea,  las melodias  publicadas  por  M.  y  olras  recogidas  por  P.  ofrecen 
un  sabor  particuiar,  dîstinto  del  de  las  del  medbdia  de  Espafia.  Algunas» 
segun  cl  tnismo  P.,  se  asemejan  â  las  de  las  montanas  de  Santander; 
una  de  elias  es  cuasî  îgual  a  otra  catalana.  La  de  las  Regueifas  consiste 
en  una  cantilena  muy  poco  variada  y  adecuada  a  la  improvîsacion, 
Conodda  es  en  toda  Espaiia  la  animada  nmtuira  cou  que  se  canta  e^ 
n*  1 16  y  suponemos  tambien  los  1 14  et  11  ^ .  La  que  nos  cant6  T.  como 
aplicableà  toda  especie  de  versos,  aun  à  los  octosilabos,  es  asaz  insi- 
gnificante^.  El  canto  de  rua  que  publica  M,  liene  mucha  viveza  y,  como 
las  mtimras^  la  primera  sUaba  fuertemente  acentuada. 

M.  habla  con  natural  entusiasmo  de  las  melodias  gallegas  y  aîgunas, 
en  efecto,  son  muy  bellas.  Este  senlimiento  es  comun  à  cuantos  esiu- 
idian  los  cantos  populares  con  disposîciones  estéticas.  Aunque  en  estos 
cantos  son  en  cierta  manera  indivisibles  la  letra  y  la  melodia,  la  primera 
no  siempre  ofrece  cuanto  se  desea  y  à  veces  ofrece  lo  que  no  se  quisiera; 
al  paso  que  la  melodfa  nos  da  un  conjunto  perfecto  en  su  clase,  sin 
clémente  alguno  que  desagrade. 


1 ,  Tambien  puede  componcr  poesia  scmi-popular  un  poêla  îlelrado ,  înfîtiido 
por  inodclos  no  popuUres  :  cslo  es  comun  en  Italîa, 

2.  Cuisî  tûdo  los  versos  de  este  villancete  son  endecasîlabos  anapésticos,  6 
.bien  de  12,  0  bien  de  6^  ô  }  sibbas  (quebrados  de  12),  es  decir  que  tienen  d 
knovimiento  de  muhara, 

j .  Un  nliancko-mancira  catalan  :  «  Que  li  darem  an-al  noy  de  la  marc  1»  ha 
de  provenir,  en  opinion  nuestra,  de  un  original  gallego.  Su  musica  es  muy 
i  il  de  «  Tanto  bailé  >  ;  pero  vcmos  que  en  Galicia  solo  conocen  su 

jue  suclen  decir  en  casteflano  :  Tantaratan  que  los  higos  (6  tas  uvas) 
V  [1  vrrucs  Taniarantan  que  ya  madoraran).  El  villancico  6  d  lo  menos  el 
cstribillo  es  tambien  conocido  en  Ca&tilîa. 

4,  Esbaslantc  parecida  al  motivo  dtlRokrto  :  «  Oh  fortune,  à  ton  caprice  »>, 
_^  éspojado  de  su  encrgia.  Se  asemejaria  mas  si  se  niodificase  este  motivo   para 
^aplicarlo  a  endecasilabos  anapesticos,  como  el  siguiente  :  ^^  Oh  ma  fortune  que 
iOïi  Ion  caprice,,,  » 


56  MILA   Y   FONTANALS 

La  variedad  de  instrumentos  de  miisica  usadosen  Galicia  atestigua  ia 
aficion  à  este  arte.  C.  describe  el  efecto  de  alguno  de  ellos  : 

Redoble  das  castaîletas, 
Xas-carris-cas  das  conchinas  * , 
Xurre  xurre  das  pandeiras, 
Tambor  do  tamborilero, 
Gaitifia,  gaita  gallega, 
Xa  non  m'  alegras  dicendo  : 
Muhineira,  muhiileira. 

Hay  ademas  las  fermas  ('sonajas)  y  la  flauta  y  la  sanfona  (viella)  que 
en  algunos  cases  se  unen  à  ia  gaita  para  acompanar  el  baile  Ilamado 
muneira  >. 

Si  este  es  el  que  conocemos  y  que  suele  representarse  en  la  escena 
con  el  nombre  de  gallegada,  es  una  danza  decorosa,  aunque  muy  alegre  y 
animada  y  à  la  cual  se  da  cierto  caràcter  cômico.  No  la  describe  con 
este  liltimo  caràcter  M.  que  habla  del  «  vivo  movimiento  del  galan  »  y 
de  «  la  modestia  y  pudurosa  parsimonia  de  las  mujeres.  » 

Recordando  estos  usos,  el  traje  provincial  que,  al  parecer^  no  ha  sido 
aun  sustituido  por  la  fea  uniformidad  modema,  las  dos  especies  poéticas 
caracteristicas  del  terceto  y  de  la  muneira,  la  indole  de  varias  melodias, 
el  contenido  de  algunas  copias  y  las  tradiciones  y  costumbres  que  se  han 
conservado,  puede  decirse  que  Galicia  posée  unapoesfa  nacional.  Aunque 
sabemos  cuan  aventurado  es  atribuir  este  titulo  à  composiciones  que 
expresan  sentimientos  comunes  à  todos  los  pueblos  y  que  pueden  haber 
nacido  en  un  pais  extrano  ^  el  conjunto  de  las  obras  poéticas  que  cono- 
cemos corresponde  à  la  idea  que  generalmente  se  tiene  del  pueblo 
gallego  :  algo  muelle,  pero  apacible  y  bondadoso,  sin  que  deje  de  ofrecer^ 
acaso  màs  de  lo  que  se  creyera,  propensiones  satfricas. 

COPLAS  4. 

I  C.  2  S. 

Nosa  seîiora  d'à  Barca  Mina  Virxen  d'Aguas  Santas 

Ten  0  tellado  de  pedra  ;  Ten  as  culleres  n-a  fonte 

Ben  0  pudera  ter  d'ouro  Para  beber  os  romeiros 

MifSa  Virxe  si  quixera.  Que  vên  cansados  d'o  monte. 

1 .  Conchas  naturales,  sin  duda  modelo  de  las  castafïetas,  liamadas  tambien 
en  gallego  (como  en  catalan)  castanolas. 

2.  A  veces  debe  de  acompaflarla  el  tamboril,  conforme  indica  el  estribillo  : 
c  Tantarantan.  » 

3 .  Por  su  vecindad  y  parentesco  con  Portugal  y  por  la  estancia  de  muchos 
de  ellos  en  Madrid  y  Andalucia  los  galleços  han  tomado  naturalmente  poesias  de 
estos  paises,  pero  esto  no  significa  que  a  su  vez  no  hayan  podido  comunicarlas. 

4.  Indicamos  con  letra  cursiva  à  bastardilla  lo  que  nos  ha  parecido  exdusivamente 
castellano  en  alcunas  poesias  en  que  domina  el  gallego,  y  lo  que  es  gallego  en  las  prin- 
cipalmente  castellanas  ;  senalando  las  ultimas  por  la  abreviatura  (Cast.). 


LA   PO ES  f A    POPULAR   GALLEGA 


&j  Santa  Margarida, 
Mlfta  Marprida  Santa, 
Teades  a  casan-o  monte 
Docide  0  paiarino  canla. 

4  T. 
NoQ  cintés  cantigas  *  locas 
Porque  é  muito  pecado  ; 
CiDlâ  [boas]  cantiguinas 
A  Cmto  Cnicificado. 

5  S. 
Aaqoe  tocan  as  campanas 
Nom  tocan  polios  ()ue  morren; 
TodJi  po-Ios  que  cstan  vivos 
Para  que  d 'des  s'acorden. 

6SÎ. 
O  secrcto  d'o  teu  pcîto 
Non  cocrtcs  d  t«u  ami  go  ; 
A  itnisti  logo  s'acaba 
Y-él  chc  sirvc  àt  test i go. 

7  s. 
Mou  boQtU  Q-o  mundo 
Non  hâbîa  de  oacer. 
Porque  fai  com'  a  mazâ  : 
Todû-(a  quercn  corner. 

8  T. 
Vamos  indo,  vamos  tndo 
Para  scrvicio  d'o  rcy; 


Os  ricos  quedan  n*a  terra 
E  y-eu  ^  que  so  pobrc  irey, 

9  M*- 

A  Virxen  de  Cerca  vaisc^ 
O  cabildo  vay  con  cla  ; 
Panadcirinas  d*a  praza 
Vinde  a  dcspedirvos  d'eU. 

10  T  s. 
O  portugues  rcbctudo, 
Criado  de  mala  ley, 
Que  che  costaba  en  decir 
Velay  vên  o  noso  rcy  ? 

11  M. 
Uns  corren  para  Castilla, 
Outros  corren  para  Cais, 
E  solo  Dîos  é  quen  sabe 
En  donde  a  forluna  esta. 

A  Ca&tilla  van  os  homes^ 
A  Castllla  por  ganar; 
Castitia  queda  n-a  terra 
Para  quen  quer  traballar. 

En  Alba  hay  boas  mozas, 
En  Campafio  a  fror  d'elas, 
En  Leres  o  refaixallo, 
En  San  Vecenle  son  bêlas. 


I.  U»  gallegos  que  tienen  una  tîntura  de  lengua  casteUana  suelen  convenir  la  gutural 
saave  en  asplrada  ;  asi  se  cuenta  de  unos  que  quenan  ocultar  su  naturaleaca  y  que  la 
dekCHbrteron^  respoodîendo  à  un  ;quiciv  vive?  Unjaroi  en  ver  de  Ungaros,  T.  dccta 
ueiDenee  cantija^  pdijrû^  etc.,  por  cantiga,  pdi^rOy  etc.  —  En  cuanto  i  la  acen- 
iT»  hacia  llana  y  no  esdrujula  la  palabra  cjnfigd.  y  aunque  se  nos  dice  que  hay 
M  que  dîccn  càntiga^  sera  por  mfluencia  enidita  rcciente,  pues  crccmos  con 
Vî^ti  {Rc9.  de  Arth.)  que  si  el  pueblo  hubiese  redbido  ta  vos  cântica  la  hubicra  con- 
iraido. 

1.  •  El  sccreto  de  tu  pccho  -^  No  se  lo  des  a  un  amtgo,  —  Que  si  la  amistad  que- 
brarc  —  Te  ha  de  servir  de  testigo  ».  Fcroan  Caballero,  Cuentos  y  poestas  populara, 
p.  ao8.  Variantes  en  E,  Lafuente  Alcantara,  Cane.  popuL  II.  Copiât,  p.  H,  nota,  y  otra 
ouiy  parecida  en  la  mis  ma  pagina 

g    EstJ7  antcs  de  vocal  ea  muchas  vcccs  simplcmentc  cufonica. 

4,  Se  refiere  a  U  translarion  de  b  imagen  de  la  Virgen  de  Cerca  a  San  Agt*stîn  dônde 
tetues  ha  cclebrado  sus  funcioncs  religiosas  el  Conccjo  de  Santiago,  M, 

$  Se  rtûere^  segun  parece,  à  la  separacion  de  Portugal  Es  singular  que,  segun  T*, 
9t  cmia  en  son  de  fanaango  portugues. 

6,  En  CasriJU  se  canta  :  *  A  las  indias  van  ïos  hombres  —  A  las  Indias  por  ganar  — 
Las  tntfiai  aquî  las  nenen  —  Si  quisieran  trabajar.  » 

7.  Segun  T.  loi  cuatro  pueblo*  que  se  nombran  pertenecen  a  un  raismo  concejo*  —  El 
tCAS  te  presia  a  variantes,  Asi  en  Asiurias  hallamos  la  copia  citada  por  Jovellanos  : 
•  Cn  Cingas  hay  bonts  moces  —  En  Aviks  U  Hor  d'elles  —  En  Luanco  mjclguci  curades 

—  Y  en  Xiion  paraxismeres.  »  Algo  semejante  en  Andalucia  :  «  A  Roma  se  va  por  bulas 

—  Por  ubaco  a  Gibraltar,  etc*  Fernan,  p.  1-^6.   V.  lambten  Lafuente,  p*  401  y  41^  : 
En  Cabanda  vcndcn  codos  En  Akorisa  puchcros^  etc. 


5» 

14  T. 
Pontevedra  é  boa  villa 
Da  de  beber  à  quen  pasa  ; 
A  Fonte  de  Ferreria, 
San  Bartolomé  â  prasa. 

Vcxo  à  Vigo,  vexo  â  Vigo 
Tamen  vexo  à  Compostela; 
Vexo  0  Ponte  de  San  Payo 
Camifio  de  roifia  terra. 

i6C. 
Castellanos  de  Castilla, 
Tratade  ben  os  gallegos  ; 
Cando  van,  van  como  rosas, 
Cando  vên,  vên  como  negros. 

17  T. 
Si  che  vas  à  San  Benito 
Non  vayas  6  de  Paredes, 
Que  tamen  San  Benito  hay 
N-ese  convento  de  Leres. 

i8M. 
Os  soldados  vanse,  vanse, 
Vanse  po  Cudeiro  arriba  ; 
As  rapacifias  d'Orense 
Choran  que  cortan  a  vida. 

19  M«. 
A  regueifa  esta  n-a  mesa, 
Feita  de  pan  de  centeo  ; 
A  muhiiio  qu'a  moheu 
Non  tiiia  capa  nin  veo. 

20  T. 
Fuliada  d'esta  noche 
Mafiana  sera  sonada  ; 
Qu'ela  sea  o  que  non  sea, 
Sempre  sera  fùliada. 


MILA  Y  FONTANALS 


21  M  2. 

Cando  o  rio  fosse  enriba 
E  os  carballos  deren  uvas, 
Han  de  ser  homes  de  ben 
Os  homes  de  barbas  nibias. 

22  T(Cast.)3. 
Vàlgame  Dios  como  canta 
La  serenita  del  mar, 
Que  los  navios  dan  vuelta 
Para  la  sentir  cantar. 
23  S. 
Quen  me  dera  dar  un  ay 
Que  s'oira  alâ  enriba, 
Que  dixera  roiiia  nay 
i  Aquela  é  mifia  filla.  • 

24  M  (Cast.)*. 
Yo  quisiera  tener  madré 
Aunque  fiiese  de  una  sUva^ 
Que  aunque  la  silva  picase 
Siempre  era  la  madré  taiia. 

2sM«. 
Non  me  prendas,  silva  ver  de, 
Que  n'estou  n-a  mifia  terra; 
Nunca  silva  me  picou, 
Que  non  me  vingase  d'ela. 

26  M». 
Arriméme  à  un  pino  verde 
Por  ver  si  me  consolaba  ; 
0  pino  como  era  verde, 
De  verme  chorar  choraba. 

27  T  7. 
Alto  pino,  alto  pino 
Qu'ô  ceo  chegou  a  rama  ; 
Non  me  derrames  0  pino 
Que  me  derramas  a  aima. 


1.  Var.  X.  «  Vexo  vigo,  vexo  Cangas,  —  Tamen  vexo  RedondeU.  »  Asi  debedecir 
segunM*. 

2.  En  Caulufia  es  el  pelo  rojo  el  de  mala  fama  :  a  Home  roig  y  gos  pelut  Primé 
mort  que  conegut.  » 

3.  c  A  Sereia  quando  canta  —  Canta  no  pégo  do  mar  ;  —  Tanto  navio  se  perde  —  Oh 
que  tao  dolcc  cantar!  »  Arch,  Açor.^  p.  j. 

4.  Aunque  el  lenguage  es  castellano  seda  a  la  palabra  j/Yvâ  el  sentido  gallego  dezarza. 
—  Ai  quem  me  dera  ter  mae  —  Inda  que  fosse  una  silva  —  Inda  que  ella  me  arra- 
nhasse  —  Sempre  eu  era  sua  filla  »  Braga  Cane.  pop. y  p.  106. 

5.  «  Silva  verde  nao  me  prendas  —  Olha  que  nao  me  seguras...  »;  c  Una  silva  me 
prendeu...  »;  «  A  silva  que  me  prendeu...  »;  «  Ha  silvas  que  dan  amores...  »  Braga 
C.  p.,  44  y  45.  Se  ve  que  esta  palabra  se  toma  en  sentido  metafôrico. 

6.  Version  castellana  casi  literal  en  Lafuente,  p.  283. 

7.  Variante  de  los  dos  ultiraos  versos  M*  :  «  Debaixo  d'o  alto  pino  —  Tina  mcu  amor 
a  cama.  » 


^^^^^^^^^^■^ 

POPULAR   GALLEGA 

^^^H 

^v 

ÎS  CM  3. 

^^^M 

^^■Soîdades  danme  os  campos, 

Qu'a  ruia  que  vïudou 

^^M 

^^v  Ai  îriftas,  as  veDdimîadas 

Xurou  de  non  ser  casada* 

^^Ê 

H        Y  os  paiarinos  cantando 

Nin  pousar  en  ramo  verde, 

^H 

1        N-as  Urdes  é  madrugadas. 

Nin  beber  d'augua  crara. 

^^Ê 

H                             29  G.-C. 

j6M*. 

^^M 

H        Airroos,  airidos,  aires, 

Na  aima  se  me  clavou 

^^^H 

H^   Atrifios  d'à  mina  lerra  ; 

A  rais  d'o  teu  querere  ; 

^^^H 

^^B  Airi&os,  airinos^  aires 

Mentras  n-o  mundo  vivere 

^^H 

^^V  Ainilûs,  levatme  a  ela. 

Outro  amor  non  hey  de  terc. 

^H 

M                           jo  C-S* 

37  MS. 

^H 

H        Adios  nos,  adios  fontes 

Adios  non^  si  non  m'o  digas 

^^Ê 

H        Adioi  regatos  pequenos, 

Qu*è  che  palabra  muy  triste  ; 

^H 

^^v  Adtos  vista  ^  d*os  meus  oDos, 

Entre  dos  que  ben  se  quercn 

^^1 

^^B'  Non  sei  cando  nos  veremos. 

Costa  caro  despedirse. 

^H 

r               31  c. 

î8M. 

^H 

■        Hora^  mcu  meni5o,  hora 

Si  ti  me  tiberas  ley 

^^1 

H        Quen  vos  ha  de  dar  a  teta, 

En  che  libéra  carino  ; 

^^Ê 

H        Si  tua  nay  vai  à  mubino 

Escribirache  unba  cafta 

^^Ê 

H        £  teu  pay  à  lena  seca  ? 

N-as  a  las  d'un  paxari^o  ^. 

^H 

■                               i^T, 

39  S  ^ 

^H 

H        A  subt-b  é  à  baixâ-la 

Anqtie  me  vou,  non  me  vou, 

^H 

^^H  A  oosta  de  Carracedo, 

Anquc  me  vou,  non  nroîvldo  ; 

^H 

^^f  A  sobî-la  é  à  baiiii-la 

Anque  me  marcho  c*o  corpo 

^^1 

H        Perdd  a  data  d'o  pelo. 

Non  me  marcho  c'o  sentido* 

^H 

■                                H  S. 

40  C. 

^^Ê 

■        Agora  que  m'eu  hei  d'tr 

Mais  0  que  ben  quixo  un  dta 

^^^H 

H        As  pednnas  choraran  : 

Se  à  querer  tén  aficion 

^^^H 

H        Chorai,  pedrinas.  anotte 

Sempre  lie  queda  una  mdgoa 

^^M 

H        Que  me  vou  po-ia  manan. 

Dentro  d'o  seu  corazon. 

^^Ê 

■                                 H  S. 

41  M. 

^H 

■        SaJvaterra  non  Un  augua, 

Augua  d*o  Pilarde  Cruna, 

^^Ê 

H        Se  non  ten  eu  ira  darei; 

Augua  d'o  lindo  beber, 

^^Ê 

H        Co'a  augua  d'os  meus  oNos 

Quen  amores  tên  6  louxe 

^^Ê 

H        Salvalerra  regard . 

Ma  lie  valera  non  ter. 

H 

^^H      j.  Los  portugueses  tietien  la  palabra 

sâudada  (sùkdâdes  cast.;  anyoransa^ 

ûnyora-                      ^^| 

^^^ft  «Cif  junto  con  anyçrar  y  anyoraru  c»t. 

,  endertos  casos  regret  h.  y  daidtrium  lat).  De                        ^^M 

^^^Keti  piiUbra  han  usa  do  y  abusado  los  | 
^^^MMoiâade  se  halU  va  en  cl  rey  Denii. 
^^^V     a.  Vit.  S.  **  fonte  n.  Acsio  dijo  u  lu 

pocui  ponugueses  modernos.  La  forma  gallega                        ^^| 

^^^1 

tme  1». 

^^H 

^^H     }.  Var.  M.  «  A  ruia,..  de  y-augua. 

»> 

^^H 

^^H     4.  EJta  t  et  paragogica  IV.  Sjco,  Gramaîica,  p,  20  y  11)  y  exigida  por  la 
^^0  por  ooo  rcsulun  ires  consonantes  seguidos,  ^  (t  Hajta  el  aima  me  ha  Uegado  - 

musica  :                         ^^H 

^^1 

■        de  h»  quercr,  —   Si  no  es  verdad  lo 

que  digo  —   Mata  puhalà  me  den,  » 

Lafaente*                       ^^| 

■         p    141.  — M.  da  esta  copia  y  la  siguiente  como  muestras  de  Ala-las. 

^^H 

H             $.-*'""'""?  digas  adios,  —  que  > 

es  una  palabra  triste  ;  —  Coraxoncs  que 

se  aman                        ^^| 

H         —  ^                    iespcdirsc.  0  Lafuente 

.  p   689. 
de  otras  poesias  populares. 

^^H 

H             6-                    la  las  aves  mertsageras 

^^H 

■            7*  m  Aiisque  me  voy»  no  me  voy,  — 
H^^  at  V07  de  palabra  —  Mo  me  voy  ac  p> 

Aunque  me  voy,  tio  me  ausento  ^-  — 

■  Aunque                          ^^H 

en^amiento.  »  Lafuenie,  p,  jSS. 

M 

6o 


MILA  Y   PONTANALS 


42C.-M<. 

Cantan  os  galos  pr'o  dia, 
Erguete,  mcu  ben,  é  vaite; 
l  Como  m'hei  d'ir,  queridifta, 
Como  m'hei  d'ir  e  deixarte. 

4JT. 
Canti,  mininas,  canti 
Si  po-lo  voso  gusto  é; 
Todas  as  herbiRas  chdran 
Donde  vos  ponés  os  pes. 

44  T^ 
As  estrdias  menudiRas 
Traen  o  tempo  composto  ; 
Contigo,  mina  miniRa 
Nunca   logrei   ningun   gusto  (gosto? 

4$  S».  gozo?) 

Ehi  tfts  0  meu  corazon, 
As  chaves  par'o  abrir  ; 
Non  eu  tengo  mais  que  darche, 
Ni  ti  mais  que  me  pedir. 

46  C. 
Ahi  tés  0  meu  corazon, 

Si  0  queres  matar  ben  podes  ; 
Pero  como  estas  ti  dentro 
Tamen  si  0  matas  moires. 

47  T. 

O  meu  amor  qu'ha  de  ser 
Quedou  de  vtr  aqui  oxe  ; 
Se  ha  de  vtr  inda  non  tarde 
Que  ten  0  camiRo  lonxe. 

48  T. 
Adios,  miRa  miniRa, 

A  chorar  mullei  un  pano  ; 
Non  pensei  que  namorar 
Costase  tanto  traballo. 


49  TV 
Eu  tirei  una  laranxa 
De  Martin  à  Portonovo  ; 
Dentro  d'aquela  laranxa 
Iba  o  meu  corazon  todo. 

$0  T. 
Adios,  miRa  miniRa, 
Adios,  meu  si  e  meu  non, 
Regalo  de  miRa  vida, 
Prenda  d'o  meu  corazon. 

SI  C\ 
Si  0  mar  tibera  barandas 
Forate  ver  6  Brasil  ; 
Mais  o  mar  non  ten  barandas, 
Amor  meu,  por  dond'  hei  d'ir? 

52  P  (Cast.)». 
A  tu  puerta  estamos  cuatro 
Todos  cuatro  te  queremos  ; 
Mira,  niRa,  en  cual  cscollcs 
Los  demai  caricaremos, 

SîT. 
A  perdiz  anda  n-o  monte 
O  perdigon  n-o  collado, 
A  perdiz  anda  dicendo  : 
•  Ven  acâ,  meu  namorado.  » 

54  T. 
Debaixo  de  Tescaleira 
D'o  senor  Gobemador 
Hay  unha  parra  con  uvas 
Quen  sera  0  vendimiador  ? 

55  M. 
Falando  c'unha  meniRa 
Esmortecido  quedei  ; 
Acoleime  n-a  sua  casa 
E  co'a  meniRa  casei. 


1.  Nicomedes  Pastor  Diaz  pubiicô  ya  esta  copia  en  su  noveU  Una  cita.  Como  obn 
literaria  es  en  miniatura  una  alba  del  género  provenzal,  pero  preferimos  acordamos  de  la 
despedida  de  Julieta  y  Romeo. 

2.  «  AS  estrelhas  pequeninas  —  Facem  0  céo  bem  composto  —  Asim  sao  os  signaes 
pretos  —  Menina,  nesse  teu  rosto  ».  Braga,  C.  p.,  p,  79. 

).  Ehi  y  Ahi  de  la  siguiente  copia  son  una  variedad  dialectal;  v.  Saco,  Gramatica^ 
p.  23a.  —  «  Nao  tenho  mais  que  te  dar  —  Nem  tu  mais  que  me  pedir  —  Dar-te-hei 
meu  coraçao  —  E  a  chave  para  0  abrir.  »  Braga,  C.  /».,  p.  90. 

4.  «  Toma,  nina,  esu  naranja  —  Te  la  doy  porque  te  quicro  —  No  la  parus  con 
cuchillo  —  Que  va  mi  corazon  dcniro.  •  Lafiiente,  p.  108. 

(.  Casi  literal  en  Braga,  C.  p.,  138.  Sin  dudt  alguna  de  origen  portugues. 

6.  «  A  tu  puerta  estamos  cuatro,  >-  Todos  cuatro  te  queremos,  —  Escoge  tu  de  los 
cuatro  —  y  la  dcmas  buscaremos  n  Frman,  p.  296.  —  SegunM*.  la  palabra  caricaremos 
no  es  gallega  ;  acaso  dijo  carrexaremos. 


LA   POESU    POPULAR   GALLEGA 


Msito  quero  a  San  Francisco 
Forqac  leva  unha  coron  a  ; 
llsiia  mab  che  quero  a  ti 
rporqne  che  chanus  Ramona. 

O  anillo  que  li  me  deches 
j  Era  de  vidro,  c  crcbou  ; 

Tao  maU  guia  ti  levés 
^Gmo  o  anillo  levou. 

Qucn  tên  os  fillos  pequenos 

Nitoca  deixa  de  cantar  ; 
I  Qwtn  tén  seu  amor  n*a  guerra 
\  No&ca  deixa  de  chorar. 

Pèuie  (Peiu?)  o  cabcllo,  minifta, 
E  non  seas  pigriseira. 
Que  o  cabello  è  a  gala 
D'iinba  tnioliU  solteira. 

60  a 
Non  hay  cantiga  n*o  mundo 
Q«e  non  tina  seu  refran  ; 
Ntinca  ninguen  faga  conta 
SenoQ  d'o  quo  tènn-a  man, 

61  S. 
Sînrir  6  rey,  queridiria, 
Sinrir  ô  rey,   gran  regalo  ! 
Sirvir  ô  rey,  qucndiâa, 
Nia  û*i  pe  nin  d*i  cabalo, 

61  T, 
En  a'amoreî  d'un  soldado 
Porunpan  de  municioa; 
0  pan  xa  se  va  acabando, 
Non  quero  soldado,  non. 

6}  X, 
Mamixîfia,  tu  refaîxo 
Por  vida  de  San  Pîrtfto, 


Non  h  botes  amarillo, 
Bota/o  colora dino. 

64  C. 
Con  esta  niif\a  gaitina 
As  nenas  hei  d'eaganar , 
Non  sean  elas  lolinas, 
Non  vengan  ô  m  eu  cantar. 

65  M. 

0  canto  d'o  gallegujflo 

Ë  canto  que  nunca  acaba, 
Qu'empeza  con  talalila 
Y  acaba  con  talalala. 

66  S. 
Manquina  d'à  fortieira 
Tua  nai  onte  coceu  ; 
Dame  un  aoaco  de  bola 
Po'la  nai  que  le  pareu. 

67  S*. 
Todos  me  dtn  que  che  deiie 
Que  m'has  de  dar  mala  vida  ; 

1  Onde  iras,  boi,  que  non  ares 
Sinon  â  corladuria  ? 

68  S. 

A  muller  d'o  mcu  hirman 
Châmame  cara  lavada; 
Pasa  a  y-augua  po-la  porta, 
Lâvate,  mif^a  conada. 

69  S. 
Se  non  foran  as  vixigas^ 
SeBor  San  Bartolomé, 
Se  non  foran  as  vixigas 
Que  bunitifla  era  eu  ! 

70  T*. 
A  tua  porta^  miniFia, 
Vouche  a  cantar  os  Reis  : 
0  carabel  itn  deu  Tollas^ 
E  a  rosa  dezascis. 


I,  «  Mucho  quiero  a  San  Francisco  —  Porquc  ticnc  cincô  Ibgas-  —  Muchû  mas  it 
quîero  I  ti,  —  Porque  Francisca  ïe  Hamas.  »  Fernan,  p,  2 $2.  La  mtsma  y  otras  pare- 
ddis  en  l^fuente^  p.  ni. 

1.  ti  o  anel  que  tu  me  deste  —  Era  de  vïdro  e  quebrou  —  O  amor  que  tu  me  titihas 
-^  Era  pouco  e  acabou.  Braga,  C.  p  ,  P»  Mi-  Con  e1  finil  de  esta  copia  ponuguesa 
tkse»  lemejanu  la  dos  prîmeros  versos  Je  una  de  Lafuente,  p.  3 11  «  El  amor  que  te  tenîa 
En  poeo  y  se  me  fué, . .  n 

|,  m  Quero  tiver  fiLhos  pequenos  —  Por  força  ha  de  cantar;  —  Quantos  veces  as 
maei  caotam —  Con  vontade  de  chorar^i*  Braga^  C.  p.^  i  J4- 

4,  •  Adonde  iras,  bucy»  qui  no  ares  r  »  ei  refran  castellano.  «  Onde  iras,  boi  que  non 
ares  ?  A  cortaduria.  ■»  Saco^  Cramaticd,  p,  37$. 

j*  «  O  cravo  tem  vinte  folhas  —  A  rosa  tem  vinte  uma  ^  Mas  0  cravo  anda  em 
demanda  —  Por  a  rosa  ter  mas  uma.  »  Qraga,  C.  p*^  p*  6). 


62 

71  T. 
Botey  as  redes  6  mar 
Para  cullir  unha  boga  ; 
Cullin  a  cabeza  d'unha 
Para  dar  â  mifia  sogra. 

72  T<. 
Velay  vên  0  touro  bravo, 
Velay  vên  po-lo  tcrreiro; 
O  aire  levoule  a  capa 

E  0  vendabal  0  sorabreiro. 

7îT. 
Toma,  cego,  a  limosna 
E  no  me  tomes  a  mans. 
Perdone^  mifia  sefiora, 
Pensei  que  todo  era  pan. 

74  T. 
Noite  boa,  noite  boa 
Pa  ser  noite  diferente 
Douroe  0  meu  pay  una  tunda, 
Levei-n-a  caladamente. 

7$  T. 
Mifia  sogra  morreu  onte, 
Dcixoume  o  pote  à  ferrer; 
Déixame  comer  0  caldo 
Que  tamen  hei  de  morrer. 

76  T. 
Indo  para  Santiago 
Doy  [unha]  volta  6  capote  ; 
Acordome  mifia  sogra, 
Amai  as  popas  à  pote. 
77  T. 
Non  as  quero,  non  as  quero 
Castafias  d'o  teu  majusto  ; 
Lévoas  n-a  faltriqueira 
Para  comer  â  meu  gusto. 

78  T  2. 
O  meu  birman  esta  en  Cades 
E  mandoume  unha  navalla 
E  0  letreiro  que  decia  : 
•  Se  queres  comer  trabalia.  » 

79  T. 
Bota  lefia  n-este  lu  me 
—  É  verde  e  non  quere  arder. 


MILA  Y   FONTANALS 


A  muller  de  ruin  home 
Meis  Ile  valera  morrer. 

80  F. 
Eu  me  casei  por  un  afio 
Para  ver  a  vida  qu'era  ; 
0  afio  vai  acabando, 
Solterifia  quen  me  dera  1 

81  T. 
Unha  vella  è  un  candil 
Son  dos  demofios  n-a  casa, 
La  vella  rifie  que  rifie 

0  candil  queima  a  grasa. 

82  M. 
Agora  xa  non  se  usa 
Pedir  a  filla  6  seu  pay  ; 

Se  non  entrar  po-la  porta  : 
Eh  meu  sogro,  como  v^i  ? 

83  T. 
Esta  noite  ha  de  chover 
Que  leva  cerco  a  luna  ; 
Quera  Dios  non  chovan  palos 
En  las  costillas  d'alguna. 

8s  T. 
Unha  vella  é  mais  ben  vella, 
Mais  vella  qu'o  meu  chapeu, 
Tratàronlle  casamento, 
Lcvou  as  manos  6  ceu. 

86  T. 
As  minifias  de  Parada 
Non  tén  nada  n-as  orellas  ; 
Cando  vèn  0  dia  santo 
Ponen  cagadas  d'ovellas. 
87(Cast.)  T. 
Madré,  vengo  de  Madril 
De  ver  un  rico  fandango  ; 
A  la  porta  de  TAudencia 
Alli  lo  quedan  bailando. 

88  T. 
A  mifia  moller  morreu, 
Enterrei-n-a  n-o  palleiro  ; 
Deixeille  un  brazo  fora 
Para  tocar  0  pandeiro. 


1 .  T.  sospechaba  que  esta  copia  era  portuguesa  y  pronunciaba  en  ella  las  0  como  u,  lo 
cual  hizo  rarisimas  veces  en  las  otras. 

2.  «  Mi  marido  fiié  â  las  Indias  ^  Y  me  trajo  una  navaja  —  Con  un  letrero  que 
dice  :  —  Si  quieres  comer  trabaja.  »  Feman,  p.  354.  Lafiiente,  p.  ^70, 


LA  POESfA 

89  T. 
San  Antonio  e  mais  a  coixa 
Iban  por  un  carreirifio, 

E  a  coixa  iba  dicendo  : 
Dame  un  netiîio  de  viîio. 

90  T. 
Non  quero  home  pequeno, 
Que  a  mina  ha  de  valer 
Que  me  parece  n-a  casa 

A  basoira  de  barrer. 

91  S. 
En  ben  vin  a  morte  nègre 
Comendo  un  racimo  d'uvas  ; 
Vaite  d'aqui,  morte  negra 
Desamparo  d'as  viudas. 

92  T<. 
Se  ouYer  algun  valenton 
Qu'en  la  calle  s'atrevese, 
Xa  pode  traer  consigo 
O  cura  qui  0  confese. 

9jT(Cast.)». 
Dama  qu'estas  â  la  sala 
(hu  non  sales  à  fora. 
Se  bas  de  salir  6  non, 
Mandalo  decir  en  copia. 

94  T. 
Nos  d'acà  é  vos  d'alà 
Somos  tantos  coma  vos  ; 
Nos  comemos  0  carnero 
E  os  comos  son  para  vos. 

95  S  a. 
Nos  d'aca  é  vos  d'alâ 
Somos  tantos  coma  vos  ; 
Temo-lo  rio  pro  medio 
Murrifias  sode-los  vos. 

96  T. 
Xa  non  podo  cantar  mais 
Que  se  m'acaba  a  gracia  ; 
Esta  poquifia  que  tefio 

A  levo  pra  mifia  casa. 
Xa  non  podo  cantar  mais 
Que  se  m'acaba  a  £ala 


POPULAR  GALLEGA 

Que  augua  de  fonteirina 
Fai  a  fala  [mui]  privada. 

97  T. 
Este  pandeiro  que  toco 
Ë  de  pelleixo  d'ovella  ; 
Inda  onte  comei  herba 
E  oxe  toca  que  rabea. 
Este  pandeiro  que  toco, 
Este  que  teîio  n-a  man 
Este  pandeiro  que  toco 
É  de  pelleixo  de  can. 

98  T. 
Mina  nay  doume  unha  tunda 
Co'aro  d'unha  pineira, 
Mina  nay,  tena  vergonza 
Que  vên  a  genre  de  feira. 
Miîîa  nay  doume  unha  tunda 
Co'aro  d'unha  camisa, 
Mifia  nay,  tefia  vergonza 
Que  vên  a  gente  de  misa. 

99  T  (Cast.). 
Si  te  vas  â  los  Madriles 
Ten  cuidado  con  los  gatos  ; 
Mira  que  cojen  la  carne 
Antes  de  ponerla  al  plato. 
Si  te  vas  à  los  Madriles 
Repara  en  un  caminino 
Que  hay  un  can  como  un  demoho 
Ficado  en  un  barraquiho. 

100  T. 
Oxe  luns,  mafiana  martes 
Corta  feira  logo  vên  ; 
De  mafiana  en  outo  dias 
E  a  semana  que  ven. 
Cando  ha  de  ser  domingo, 
Dpmingo  cando  ha  de  ser, 
Cando  ha  de  ser  domingo, 
Miniîia,  para  te  vêr. 

101  G^ 
Por  amor  de  voso  galo 
Traidora,  mala  vecina, 
Por  amor  de  voso  galo 


6} 


j.  Esu  copia  parece  mas  propia  de  andaluces  que  de  gallegos,  cuyo  defecto  no  es  la 
£ni£uToiieria . 

2.  Esta  copia  tiene  respuesta  que  no  recordô  T. 

).  Esta  copia  y  la  anterior,  aunque  nos  han  Uegado  de  tan  diverso  origen,  se  ve  que 
se  corresponnen. 

4.  Los  cruditos  editores  de  esU  copia  suponen,  no  sabemos  si  con  bastante  funda- 
mento,  que  alude  al  olvido  de  la  lengua  gallega  y  dominio  de  la  castellana. 


64 

Perdei  a  inifia  galifia. 

Per  amor  de  vosa  lengoa, 

(Malo  rayo  ve  la  (vo-la)  fenda) 

Por  amor  de  vosa  lengoa 

Perdei  a  mifia  facenda. 

102  C. 
Corao  chove  raenudino, 
Como  menudifto  chove, 
Como  chove  roenudino, 
Po-la  banda  de  Laifio, 
Po-la  banda  de  Lestrobe. 

103  M. 
Pobres  vaquifias  mifias, 
S'o  meu  cuidado 
Como  pesa  n-a  y-alma 
Pera  n-o  carro. 

104  T. 
Si  vas  a  Santiago 


MILA   Y   FONTANALS 


Cômprarae  un  Saotiaguifto 
Non  m'o  compres  grande, 
Compram'o  pequenifto. 

105  C. 
San  Antonio  bendito  . 
Dademe  un  home 
Anque  me  mate, 
Anque  mWolle. 

106  C. 
Sempre  malla  que  che  malla, 
Enchendo  a  cunca, 

E  qu'é  0  démo  traballa, 
Acabarà  tarde  0  nunca. 

107  X. 
Morre  0  tangeiro 
Deixelo  morrer 
Qu'outro  tangeiro  novo 
Ha  de  nacer. 


Tercetos. 


108  C. 
Campanas  de  Bastabales, 
Cando  vos  oyo  tocar 
Morrome  de  soledadcs, 

109  M  ^ 
Estrellita  d'o  luceiro, 
Quen  tèn  amores  non  dorme 
Se  non  0  sono  primiero. 

110  T. 
Rabo  de  sardina  crua^ 
Tanto  se  me  da  por  ti, 
Como  po-los  cans  de  rua. 


m  M. 
Elas  de  Laiflo  son, 
CoUen  0  junco  n-as  brefias, 
Van  à  vender  ô  Padron. 

112C». 
Anque  che  son  d'à  montafia 
Anque  che  son  montafiesa, 
Anque  che  son  non  me  pesa. 

ujT. 
Ladran  os  cans,  gente  ven, 
Son  os  de  noite  pasada 
Quedano  de  vir  e  vèn. 


RUÂDA. 


114M3. 
VeAa  0  pandeiro  à  ruar 
Qu'estas  son  as  mazarrocas 
Qu'hoxe  teno  de  fiar. 

0  pandeiro  toca  ben. 
As  ferrinas  fanllc  0  son  ; 
Vivan  os  qu'amores  tèn  i 


Vivan  as  mozas  gallegas, 
Vivan  as  bonitas  mozas 
Y  os  galans  d'à  nosa  terra. 

Mociiias  à  bailar  todas  ; 
Mocifios,  arriba,  arriba  ! 
Ti  tamen,  meu  Furabolos. 


1 .  A  ribeira  cuando  corrc  —  No  mcio  faz  a  zoada  ;  —  Quem  tcm   amores  nom  dorme 
—  0  somno  da  madrugada.  Arch.  açor.y  p.  71. 

2.  Che  (te)  se  usa  a  menudo  sin  necesidad  gramatical  y  como  formula  de  benevolencia. 
V.  Saco,  Gramatica^  p.  16$. 

).  Es  decir  :  00  es  hora  todavia  de  dar  el  grito  6  atruxo. 


66  MILA  Y   FONTANALS 

E  n-0  camino      topou  unha  filla  ; 
Toda  vestida      de  seda  labrada 
Porque  era  filla      de  Manga  rachada. 

120  G.  M<. 
Isca  d'ahi      galina  maldita, 
Isca  d'ahi      non  me  mate-ia  pita  ; 
Isca  d'ahi      gaiifla  ladrona, 
Isca  d'ahi      pra  cas  de  tua  dona. 

121  C. 

As  de  cantar      que  ch*ci  de  dar  zonchos. 
As  de  cantar      que  ch'ei  de  dar  moitos. 

122  T. 
Pepa,  Répéta      caminsa  lavada  (?) 
Foy  a  muhino      larabé-Ia  forcada. 

125  T. 
Birbirinchin      d'o  beira  d'o  mar 
Dille  a  teu  pay      que  non  podes  andar. 
Larilari,  laralari,  lari. 
124.  G. 
Tantarantan      por  onde  van  a  Noya, 
Tantarantan      po-la  Corredoyra. 
Tantarantan  ! 

125  T  (Cast.)>. 
Al  pasar  la  barca      me  dijo  el  barquero  : 
Moza  bonita      no  paga  dinero  ; 
Al  pasar  la  barca      me  dijo  Farruco  : 
Moza  bonita      no  paga  trabuco. 

126  T  3. 
Cabaleiro      que  vas  de  cabalo 
Malo  fogo      te  salte  n-o  rabo, 
Très  de  riba,  très  de  baixo 
Inda  cais      d'o  cabalo  abaixo. 

127  T*. 
Lagartiîlo      vai  0  foradiflo 

Que  ven  tua  nai      co  a  cunca  de  vifio, 

Lagartiflo      vai  6  portelo 

Que  ven  tua  nai      co'a  cunca  d'o  grelo. 

128  S». 

Fun  à  muhifio      d'o  meu  compadre 
Fun  po-lo  vento      vên  po-lo  aire. 


I .  Solo  el  segundo  verso  es  endecasllabo  ;  pero  los  demas  pueden  sonar  en  el  canto 
como  taies  dando  el  valor  de  dos  tiempos  à  la  ultima  silaba  del  primer  hemistiquio.  An 
se  hace  en  algun  caso  analogo  de  la  poesia  popular  caulana. 

a.  Impares  dodecasUabos. 

).  Los  dos  primeros  y  el  ultimo  decasUabos  —  Obsérvese  que  la  palabra  rabo  se 
extiende  por  irrision  à  los  hombres  en  algunos  modismos  gallegos.  V.  Saco,  Gramaticay 
220  y  221. 

4.  Impares  decasilabos,  pares  dodecasUabos  sino  se  contrae  tua. 

$ .  Esta  muneira  y  las  que  siguen  «rtâa  en  hemistiquios  de  cinco. 


LA  POESfA  POPULAR  GALLEGA  67 

129  C. 
Mifia  santifla      mifia  santasa, 
Mifia  cariAa      de  calabasa, 

Ei  d'emprestarvos      os  meus  pendentes 
Ei  d'emprestarvos      o  meu  collar, 
Ei  d'emprestarvos,      cara  bonita, 
Si  me  desprendes      a  puntear. 

130  T<. 

Eu  tefto  un  cansino  que  se  chama  José 
Que  baila  o  fandango      co'a  punta  d'o  pe^ 

Eu  teflo  un  cansino  que  se  chama  Laredo 
Que  baila  0  fandango      co'a  punta  d'o  dedo. 

Mayo 

131  T2. 
Esté  é  0  Mayo      que  Mahifio  é, 
Este  é  0  Mayo      que  anda  d'o  pé. 
0  noso  Mayo,      anque  pequenifio, 
Da  de  corner      i  Virxen  d'o  Camifio. 
Velay  0  Mayo      cargado  de  rosas 

Velay  0  Mayo      ^ue  las  trac  mas  hermosas. 

Angeles  somos      del  cielo  venimos^ 

Si  nos  dais  licencia      à  la  Reina  le  pedimos, 

Angeles  somos      del  cielo  bajamos 

Si  nos  dais  licencia      à  la  Reyna  la  cantamos. 

ROMANCES. 

•      132T.  (Cast.)3. 
Caminando  va  José,      camioando  va  Maria, 
Caminan  para  Belen      [para  llegar  con  el  dia]. 
Cuando  llegan  a  Belen      toda  la  gente  dormia. 
Abre  las  puertas,  portero,      portero  de  porteria, 
Abre  las  puertas,  portero,      à  José,  amais  à  Maria. 
—  Estas  puertas  no  se  abren      en  cuanto  no  viene  el  dia. 
Cuando  fué  la  média  noche      la  Virgen  parida  sia  (sic). 
Con  su  nino  en  los  brazos      lloraba  cuanto  podia  ; 
Echo  raano  a  los  cabellos      a  un  lienzo  que  ténia 
Lo  puso  en  très  pedazos      y  al  nino  (le)  envolviô  Maria, 
Vienen  ângeles  del  cielo,      ricos  pafiuelos  traian. 
[Los]  unos  eran  de  lana  (lino  ?)      otros  de  la  lana  fia, 
Luego  volvieron  a  ir      cantando  el  Ave  Maria. 


1.  Dodecasilabos. 

2.  Endecasilabos  casi  todos  de  acento  en  la  septima  \  menos  el  ultimo  y  antepenultimo 
que  sdn  dodecasUabos. 

3.  Coeiho  l.  c.  publicô  la  version  gallega  de  este  romance,  mas  compléta  al  prindpio, 
mas  tnmcada  al  fin. 


68  MILA  Y   FONTANALS 

133  T.  (Cast.). 
Era  la  hija  de  un  rey  moro      que  otra  hija  no  ténia, 
Rezaba  cinco  rosarios      todos  cinco  era  en  un  dia. 
Uno  [era]  por  la  maflana      y  [otros]  dos  al  mediodia 
Y  dos  en  [la]  média  noche      cuando  su  padre  dormia. 
Cuando  rezaba  el  rosario      vino  la  Virgen  Maria  : 
^Que  haces  aqui,  [mi]  devota,      que  haces,  devota  mia? 

—  Estoy  rezando  el  rosario      que  ofrecérvolo  (sic)  queria. 

—  Si  [tu]  quisieres  ser  monja      [ser  monja  de  monjeria], 
O  quieres  subir  al  cielo      con  tan  buena  compaiiia? 

—  [Que]  yo  no  quiero  ser  monja,      (ni)  tampoco  de  monjeria, 
(^e  quiero  subir  al  cielo      con  tan  buena  compaAia. 

133  M«*. 
Indou  DoAa  Silvela      por  un  corredor  arriba, 
Tocando  n-unha  vigûela      n-a  calle  d-a  Figuria. 
[Acordou  seu  pae  da  cama      con  0  estrondo  que  fazia  : 
(^e  tendes,  Dona  Silvana      que  tendes,  a  vida  minha  ?] 

—  O  Rey  tina  ahi  très  fillas,      casadinas  con  familia, 
Eu  por  ser  a  mais  bonita      aqui  me  hallo  rendida. 

—  (^ue  che  farei,  miiia  filla,      si  pra  ti  no  hay  compaftia  ? 

—  Esté  calado,  meu  pay,      qu'eu  remedio  lie  pondria  : 
Chame  0  Conde  d'Algalia      casadifio  con  familia 

Que  matara  y-a  Condesa      por  casar  co'  sua  filla. 
[E  manda  chamar  0  Conde      d'à  sua  parte  e  da  filla]. 
Chamache  0  Rey  de  palacio      no  sey  que  che  quereria. 

—  (^e  manda  a  su  maxestâ?      que  manda  a  ma  seAoria? 

—  Que  matares  a  Condesa      por  casar  con  miAa  filla. 

—  Porque  a  hei  de  matar,  triste,      s'en  motivo  ningun  tifla  ? 

—  Presentarasm'  a  cabeza      n-esta  dourada  vacia; 
E  se  non  m'a  presentaras      arrebatareiche  a  vida. 
Tomou  0  Conde  d'Algalia      mais  triste  que  d'à  leyria  (?) 
Cerrou  portas  é  ventanas      cousa  que  nunca  facia, 

E  mandou  cubri-la  mesa      figurando  que  comia, 
As  bagoas  que  d'él  caian      por  tod'  a  mesa  corrian. 
Baixouse  doî^a  Condesa      â  preguntarle  que  tifta  : 
(^e  ten  0  Conde  d'Algalia?      porque  chora,  mina  almifia? 

—  Mandoume  0  Rey  de  palacio      que  che  vos  quitar'  a  vida 
E  que  si  non  che  quitaba      qu'el  me  quitaria  a  miAa. 
(^érem'o  Rey  de  palacio      pra  casar  con  sua  filla. 
Presentareille  a  cabeza      n'esa  maldita  vacia. 

—  Non  chore  0  Conde  d'Algalia      qu'eu  remedio  lie  pondria. 
Manda  vir  un  cirujano      que  m'abra  unha  sangria 


I.  Almeida,  II,  44,  conde  Janno;  Braga,  Rom.  geraly  p.  68;  conde  Alberto  (Porto), 
p.  71  ;  conde  Alves  (Beira  Baixa);  Arch,  açor.,  p.  259,  conde  Jano.  No  dudamos  de  ^ue 
todas  estas  versiones  (como  tambien  la  catalana)  provienen  del  conde  Alarcos  de  Riano. 
La  tradicion  popular  ha  eliminado  algunas  frases  de  caracter  juglaresco,  pero,  conforme 
notô  Puymaigre  con  respeao  â  la  version  arreglada  por  Almeida,  ha  olvidado  pormenores 
interesantes.  Llenamos  algunos  vados  de  la  version  gallegi  con  versos  de  la  de  Porto, 
conservando  en  ellos  la  ortografia  portuguesa. 


POPULAR    GALLEGA 

vaisem  acabando  a  vida, 
d'esta  sala  pra  coucifia 
con  quen  eu  m^adivertia  : 
tod'  esta  mina  casifia. 
[que  0  quero  pentearl  * 

e  dareille  de  maman 
d'esté  telle  d'amargura 


LA  POES(a 

Que  pouquinîno  e  pouco 

Déixame  dar  unha  volta 

Despedinne  d*os  criados 

Déixame  tamen  pasear 

Dame  o  fillo  mats  vello 

Traem  'acà  esoutro  mais  novo 

[Mama,  mama,  meu  menîfio] 

Forque  ma  H  an  d'estas  horas      veraîsme  n-a  sepultura. 

Estattdo  o  neno  mamando      xa  començoii  de  faiar^; 

Toda  a  gcnle  po-la  calle      xa  s'empez'a  alborotar. 

Toc'a  campana  en  palacio      non  sei  Cà  la  aberia 

Que  morreu  Doria  Silvela      d'unha  morte  rcpetitina. 

[Morreu  a  fiUa  do  rey      pela  soberba  que  linha  :] 

Descasar  a  ben  casados      cousa  que  Dios  non  quena. 


69 


1 

'  Xeneroso  capitan 
L  Qm  vè)  a  esta  guerra 

Pra  quinur  os  soldados 

E  leva-los  i  terra  ^ 

Cesto  leva  quîntados 
[Trinta  vobntarios  foron. 
lD*os  quintados 
fîh  muy  triste  vay  d  guerra, 

—  Porquc  vas  triste,  soldado, 
Porque  le  vas  triste  a  eJa  ? 

—  EUi  ooQ  vou  por  pal  nîn  mai 
Nio  cormancifios  que  tena, 
Vou  por  unha  dama  é  doncella 
Que  levo  medo  que  me  morra. 

—  Selc  anos  te  dou  d*ausalto, 
}ut  te  volvas  por'  onda  ela  ; 

cabo  d'os  sete  anos, 
2iie  te  botes  â  guerra. 
r<—  Volta,  meu  cabale,  volta, 
Volta  antes  que  se  morra. 


Chegando  â  ver  a  capilla 
De  Rodomi 

0  cabalo  se  m'espanla; 
Eu  tamen  m'espulinei, 
Oin  unha  voz  que  decîa  : 
Non  lenas  medo,  cabâllero, 
Non  me  teî^as  medo  a  min, 
Que  son  a  dama  e  doncella 
Que  algun  tempo  te  servin. 

—  Se  es  a  dama  e  doncella 
Que  algun  tempo  me  scrvïches, 

1  Porque  no  me  falas  i  min  ? 
Se  es  ti  a  dama  é  doncella 
Que  algun  tempo  me  serviches 
^  Porque  non  bicas  a  min? 

—  Os  labios  con  que  te  bicaba 
N*a  terra  xa  os  metin. 
Abur,  caballero,  abur, 

No  podo  estar  mais  eiqui, 
Porque  os  infernos  cstan 


I.  La  venion  gillega  decia  unicamente  et  Peioarei-n-o^  n 

1.  Seguo  Cî  de  ver,  «n  esta  version»  asi  como  en  la  del  Arch.  Açor.^  por  otra  parte 
r  iliiffida«  te  halla,  aunque  incompteto  en  la  nuestra,  el  pormenor  del  niiîo  de  ceta 

,  que  bubiera  podido  creerse  iniercalacton  de  Almeiaa* 

j.  La  vem6catioa  coi  tan  rcvuclia  que   no  hcmos  podido  cscribir  este  romance  on 
i  Urgas   —  En  la  poesia  popular  de  la  peninsula  hallamos  cuatro  temas,  mas  0 
1  fidiclooados,  cxpuestos  en  romances  asonantados  en  f  :  r  La  adultéra  sorpren- 
2'  La  adultéra  que  recibe  à  su  esposo  creyendo  nue  ti  su  complice;  ^*  un  caballero 
anuncia  la  muerte  de  su  esposa  6  de  su  dama  ;  4'  ta  dama   6  eiposa  que 
al  u  ie  cî  scpulcro.  El  r  en  Duran  n'  1419»  1461:  el  i*  aislado  y 

I  *r  ':  catalan  (creemos  haocr  visto  un  canio  italiano  del  mismo  ssuoto 

■yiittCy,    ,    ,    „,..adofn  cl  drama  Rdaar  despues  delà  muerte  de  Cuevara  apîieado 
s écCattro;  d  2',  y  j  4MabreriadQ  el  segundo)  en  Almeida,  II,  ri;,  Bernai  Francez  ; 
ptâi,  p,  }4,  tJemal  Francez  ;  Arch.  açor.,  p.  ioa  ss  »  Bernai  y  Pedro  Françiolo. 
iiPOMQOin  que  ^bticamûs  c^  formada  del  4"  tema  anadido  à  una  parte  del  romance 
i  £9  Soliâda  0  (^intûdû    conocido  tambîen  en  Portugal  y  Catabiîa» 


70  MILA   Y   FONTANALS 

Agardando  xa  por  min.  Gantas  mais  misas  me  tengas, 

—  Se  t'agardan  os  infernos  Mas  tormentos  son  pra  min. 
Venderei  o  meu  cabalo                           0  dia  da  mina  morte 

E  terei  misas  por  ti.  Mal  dia  che  foi  por  min, 

—  Non  vendas  o  teu  cabalo,  Por  olvidarme  de  Dios 
Nen  tenas  misas  por  min  E  por  membrarme  de  ti. 
Gantas  mas  misas  me  tefias.  Si  te  casas,  meu  soldado, 
Mai  penas  son  para  min.  Gâsate  en  Valladoli  ; 

—  Se  por  ti  aguarda  o  inferno  A  primeira  filla  que  teflas 
Venderei  as  miftas  rentas  Poneraslle  com'â  min, 

E  terei  misas  por  ti.  Pra  que  cando  chames,  sepeas 

—  Non  vendas  as  tuas  rentas,  Acordarte  ti  de  min. 
Nin  teflas  misas  por  min 

En  xunguin  os  meus  boicinos  fun  co'iles  a  arada 
E  n-o  medio  de  camiflo  esqueceumea  aguillada. 
E  voiviume  a  mifla  porta      topei  a  porta  cerrada 

—  Abrem'a  porta,  muller      abrem'a  porta,  malvada. 

—  i  Gomo  ch'ei  d'abrir  a  porta      s'estou  facendo  a  colada? 

—  ^  De  quen  é  aquel  gato  roxo      qu'esta  debaixo  d'à  cama  ? 

—  E  un  gato  d'un  viciflo      que  veu  pr'onda  a  nosa  gâta. 

—  Traem'  aca  a  mifla  escopeta      a  ver  si  podo  tirarle. 

—  Non  fagas  eso,  marido,      non  m'avergonçes  a  cara 

in^M-. 
Levantéme  po-Io  lunes      à  lunes  po-la  mafiana 
E  collin  os  mens  boitios      e  leveinos  a  labrar; 
Gheguei  6  campo  con  eles,      esquenceusem  a  aguillada, 
Vol  vin  a  casa  por  ela      topei  a  porta  cerrada. 
Abreme  a  porta,  muller,      que.  m'esquenceu  a  aguillada 

—  Aguardade  mais  un  pouco      porqu'  estou  moi  ocupada. 
Senteime  n-unha  pedrifia      fortuna  non  m'aparaba. 

Quien  te  me  diera,  marido ^      tendido  en  aquella  sala  2, 
Con  las  piernas  amarillas^       la  cara  desfiguraday 
Yyo  vestida  de  luto,      llorando  de  mala  gana^ 

Y  los  vecinos  que  digan      •  ahi  llora  la  cautivada  ^  » 

Y  los  curas  a  la  puerta      diciendo  c  que  saïga,  saïga.  > 

136  S*. 
Elas  eran  once  damas,      todas  amigas  d'o  Xuez 
Pegou  0  tângano-mângano  '  n-elas      non  quedaron  senon  dez. 

1.  Aunque  abundan  los  romances  del  mismo  asunto  y  alguno  con  el  mismo  asonante, 
ninguno  recordamos  directamente  enlazado  con  el  présente.  Suprimimos  por  mas  indeco- 
rosos  algunos  versos  de  la  segunda  version  que  por  otra  parte  recibimos  incompleta. 

2.  Estos  versos  en  que  la  adultéra  expresa  tan  bellos  sentimientos^  en  buen  castellano 
y  muy  bien  construidos,  acaso  sean  obra  de  un  poeta  malicioso  y  no  enteramente  lego. 

j.  Acaso  equivalga  al  captiu  0  caitiu,  pr.  y  chitif,  fr.,  en  sentido  de  àesgraciado,  pero 
es  probable  que  cl  que  compuso  estos  versos  puso  cuitada. 

4 .  Esta  poesia,  de  un  caracter  muy  popular,  se  fîmda  en  un  juego  de  numéros  como 
otras  del  mismo  género. 

5.  S.  crée  estas  palabras  formadas  ad  libitum. 


LA    POESfA    POPULAR    CALLEGA 

D'aquclas  dez  que  quedaron      foron  st  xugar  û  probe  * , 
Pegou  0  tàngatio-tnangano  n>elas      non  quedaron  senon  nove. 
D'esias  nove  que  quedaron       deron  en  corner  bizcoiio, 
Pegou  0  tàngano-mangano  n-elas      non  quedaron  senon  oito. 
D^estas  oito  que  quedaron      deron  en  ir  à  San  Veccnle, 
Pegou  o  tangano-raângano  n-elas       non  quedaron  senon  sele, 
D'^tai  sete  que  quedaron      deron  en  cantar  os  Reis, 
PegOQ  0  tànganO'm;itigano  n>eias      non  quedaron  senon  seîs. 
D  .iquelas  seis  que  quedaron      deron  en  beber  vino  tinto 
Pegou  0  tangano-mangano  n-elas      non  quedaron  senon  dnco. 
D'cstas  cinco  que  quedaron      deron  en  coraer  n-un  pralo 
P^ou  0  tângano-màngano  n-elas      non  quedaron  senon  calro, 
D'cstas  catro  que  quedaron      deron  en  ir  a  San  Andrés 
Pegou  0  tangano-mangano  n-elas      non  quedaron  senon  1res. 
D*aquelas  1res  que  quedaron       deron  en  corner  n-as  uvas, 
Pegou  0  tângano-mangano  n-elas      non  quedaron  senon  duas. 
D'estas  duas  que  quedaron      deron  en  andar  à  tuna, 
Pegou  0  tangano-mangano  n-elas      e  non  qucdou  senon  unha, 

'37  S^. 
EsUndo  0  Siftor  don  Galo      en  silla  d'ouro  scntado, 
Poftendo  médias  deseda      y*o  seu  zapato  picado, 
Mandâronlle  cartas  novas      se  querîa  ser  casado 
Cùnha  gatifia  morena      d'unha  pintina  n^o  rabo. 
O  gato  co'a  alegria      rubiuse  logo  à  un  tellado. 
Unha  pulga  deuil*  un  couce      é  caiu  o  galo  embaixo 
Partindo  calro  coslelas      e  a  melade  d'o  espinazo. 
Mandou  logo  chamar  curas      pra  dar  conto  do  robado. 
Sete  varas  de  cboriio,       outro  tanto  d'adubado 
Unha  xerri^a  d'aceile      pra  facer  millor  guisado, 

138  M*  (Cast.|3. 
Copia  de  Pepa  Rosa  cuando  se  iba  a  embarcar  su  marido. 
Puente  y  las  Burgas^  adîos,      y  la  Virgen  del  Cesi 
Sacra  Virgen  del  Carmelo      todas  me  asistan  a  mi  1 
Burgas  Irescas  y  calientes       calle  oscura  y  nada  mas 
(îonvento  de  San  (sic)  Domingo      no  vuelvo  à  verte  jamas  I 
Conventû  de  San  Francisco,      convento  de  les  garbosos, 
Adios  el  Padre  Guardian      con  todos  los  religiosos. 


I .  I«o  ubemos  que  dase  de  juego  es  este. 

1.  Femajï  Caballcro  publicô  y  Wotf  reproduce  Span.  VolUUedtry  uûà  version  castel- 
latia  et  este  romance.  Una  mujcr  de  Menargues  (pueblo  catalan  frontcriio  de  Aragon) 
OQ»  liïjo  haberlo  jprendîdo  de  los  gallegos  que  pasaban  por  alli. 

j.  Este  romance  vulgar,  pero  que  recuerda  los  aniiguos  artisticos  de  trovadores,  fuc^ 
îgun  crée  fundadamentc  M.,  compuesto cuando  la  marcha  dclbatallon  provincial  de  Orensc, 

una  de  Us  campa n as  extrangeras  emprendidas  en  tiempo  de  Carlos  [11.  Por  supuesto 
_oe  cî  Jutùr  del  romance  no  me  et  que  se  supone  su  héroe,  sino  un  poeta  del  pueblo. 
Wos  dkc  el  mismo  M*  que  lo  cantan  los  ciegos  de  U  tierra  de  Orense  (ciudad  en  ^ue  se 
tutkn  todlas  los  tugares  en  él  mencionados)  causando  cierto  enternecimlento  en  el  auditono. 
to  considéra  como  muestra  del  castellano  hablado  por  los  gallegos  Uetrados.  La  copia 
gur  noî  remitiô  no  era  complcta  y  adcmas  suprimiraos  no  pocos  versos,  para  abreviar. 


72  MILA  Y   FONTANALS 

Una  vez  os  digo  adios      hasta  el  dia  judicial, 
Que  aquel  dia  scrk  visto      aquel  dia  y  nada  màs. 
Adios,  nobles  caballeros      y  otros  de  mi  igualdad, 
Tenientes  y  coroneles      que  hay  en  esu  ciudad. 

Yo  te  encargo,  Pepa  Rosa,      que  no  te  vuelvas  casar, 
Pero  quedas  muy  pimposa      no  te  podras  resguardar 
Non  ponderan  quince  dras      en  el  pesar  se  acabar. 
Nin  vendran  [los]  cuatro  meses      sin  volverte  a  prodamar. 
Toma,  hija,  estos  diez  doblones      para  tu  te  reroediar 
Que  si  tu  madré  se  casa      maldito  los  quiere  dar  (sic). 

—  Adios,  mi  padre  querido,      esto  si  que  es  de  llorar 
Que  no  alcanzaré  licencia      de  poderlo  ir  à  abrazar. 

Yo  te  encargo,  Pepa  Rosa,      que  no  te  vuelvas  casar  etc. 

—  Valgate  Dios,  mi  marido,      esto  si  que  es  de  llorar; 
No  me  dejas  ningun  pré      para  yo  me  remediar, 

Que  de  las  tristes  viudas      todos  suelen  murmurar 
Y  las  piedras  del  camino      tras  de  ellas  son  à  tirar. 

Adios,  campe  del  Posio      donde  ejercicio  tomaba, 
Adios  la  calle  oscura      donde  à  muchos  convidaba. 

Adios  puente  temerosâ,      adomo  de  la  ciudad, 

Donde  pasan  los  comercios      que  vienen  de  terra  y  mar 

Santo  Cristo  milagroso,      Virgen  de  la  Trinidad 
Me  liberté  y  me  defenda      de  terra  de  mowrindad, 

Cantargillos 

n9M<. 
Jogo  d'os  pelouros. 

Xastrc,  Ay  petc,  pcte, 

O  démo  t'arrastre,  Vay  pr'o  burato 

Quo  chova,  que  neve  Coida  d'os  teus  fillos 

O  démo  te  levé.  Qu'esUn  langreando. 

140  S. 

Jogo  d'à  roda. 

Ande  a  roda,  Non  me  serve 

Ande  a  roda  Non  te  quero 

Qu'eu  quero  Soilo  a  ti 

Qu'eu  quero  Soilo  a  ti 

Xa  casar.  Hei  de  qucrer 


I .  Corresponde  al  juego  que  llaman  en  Castilla  A  las  j'uegas  con  la  siguiente  letra  : 
«  La  coja  —  manoja  —  que  pasa  por  el  rto  —  y  nunca  se  moja.  =  Paso  el  puente  — 
reludente  —  del  color  de  la  agoardiente.  —  Paso  esU  —  tambien  esta  —  paso  el  conde 
y  la  coodesa.  »  M*. 


LA   POESfA 


Estaodo  a  mora 
N-o  seu  lugar 

Ven  a  mosca  * 

Pr'a  picar. 
A  mosca  n-a  mora 
A  mora  n-a  silva 
A  silva  n-o  chao, 
O  chao  como  é  duro 
De  todo  ten  man. 

Estando  a  mosca 
N-o  sea  lugar 

Ven  a  pha 

FVa  pillar. 
A  pita  n-a  mosca 
A  mosca  n-a  mora  etc. 

Estando  a  pha 
N-o  seu  lugar 

Ven  0  zorro 

Pr'a  pillar 
O  zorro  n-a  pita 
A  pita  n-a  mosca  etc. 

Estando  o  zorro 
N-o  sen  lugar 


Nube  lugra 
Dios  te  esûenda, 
Nuhc  rubia 
Dios  te  destruja  ; 
Nube  blanca, 
Dios  te  esparzû. 
Très  Apostoles  santos 
Iban  por  un  camifio 
C'o  meu  seflor  Xesucristo 
Atoparon. 


POPULAR  GALLBGA 

,41  s^. 


73 


Ven  0  can 

Pt'o  pillar. 
O  can  n-o  zorro 
O  zorro  n-a  pita,  etc. 

Estendo  0  can 
N-o  sen  lugar 

Ven  0  lobo 

Pr^o  pillar. 
O  lobo  n-o  can 
O  can  n-o  zorro  etc. 

Estando  0  lobo 
N-o  seu  lugar 

Ven  0  pau 

Pr'a  lie  pegar. 
O  pau  n-o  lobo, 
O  lobo  n-o  can, 
O  can  n-o  zorro, 
O  zorro  n-a  pita, 
A  pita  n-a  mosca, 
A  mosca  n-a  mora, 
A  mora  n-a  silva, 
A  silva  n-o  chao, 
O  chao  como  e  duro, 
De  todo  ten  man. 

Ensalmos 

142  M*  a. 

0  meus  santos,  pra  d'ond'ides  ? 
•  —  Imos  pr*o  Monte  Olivar 

—  Que  ides  catar 

—  Erbas  é  (de  ?)  un  aflo 
Pra  curar  fistoia, 
Chagas,  feridas. 

—  D'aqui  vos  volverés, 
Prometimento  me  hrés 
Qu'ouro  nen  prata  non  tomares. 
Tomaréi  a  sa!  de  mar 


1.  Es  mu  poesia  que  podemos  Ilamar  continua,  por  el  estilo  de  ciertos  cuentos  rit- 
micos.  Creemos  que  faltan  al  prindpio  dos  estancias  :  c  Estando  0  chao...  Ven  a  silva.  » 
«  Esundoa  silva...  Ven  a  mora.  » 

2.  Estos  versos  supenticiosos  de  poco  valor  literario  cobran  mayor  interés  por  su  anti- 
goedad  relativa.  «Son  del  siglo  XV H,  nos  dice  M\  y  los  halle  entre  los  papeles  de  la 
Inquisidon  de  Santiago,  siendo  Director  del  Archivo  General  de  Simancas,  en  el  cual  se 
guardan.  »  Habla  tambien  de  algunos  castellanos  conservados  en  el  Archivo  General 
de  AlcaU  y  de  otros  que  remitiô  el  P.  Caravantes,  misionero  gallego  de  ultimos  de 

.  siglo  XVII,  al  Santo  Ofido. 


74 


Agua  da  fonte  perenal 

La  lidra  (cidra  ?) 
E  aceite  de  oliva. 
Con  esto  curares 

Madré,  madrona 
Volvete  0  teu  rcdor 


Estaba  San  Crimente 

En  una  pedra  sentado 
Ven  por  ahi  a  Virxc  Maria, 
Preguntando  que  estas  facendo,  San 
[Crimente. 

—  Seftora,  estou  morrendo  de  nivas 

[é  dentés. 

—  Qués  que  ch'as  bendiça,  San  Cri- 

I  mente } 

—  Si  Seiiora^  de  moi  boa  mente. 


MILA   Y   FONTANALS 

Chagas  é  feridas 
C'o  poder  de  Den 
E  d'à  Virxe  Maria. 

143  M*. 

Como  fizo  a  lanzada 
Que  deu  Longinos  à  Noso  Seiior 

144  M^ 
— -  Pois  eu  ch'as  bendigo 
Po-Io  arrecido, 
E  sol  rayente 
Por  saltador 
E  roedor 
Que  che  volvran 
O  bon  amor, 

Conto  foi  a  lanzada 
Que  deu  Longinos  à  Noso  Setior. 


Con  ikencia  de  mi  padre 
Y  de  la  sehora  tia 
Yo  qmsiera  preguntar 
Esc  giupo  a  que  venia. 


DiALOGO 


A  que  veno  eu  ch'o  direi 
Eiche  de  contar  verdad  ; 
Veflo  por  pasà-Io  tempo 
Que'e  cousa  de  mocidad. 


I .  La  copia  de  M*  no  era  compléta  y  ademas  suprimimos  versos  para  abreviar.  — 
Creemos  ^ue  no  sera  inoportuno  un  seacillo  indice  de  palabras  gallegas  de  menos  facil 
inteligenaa  :  Amais  (T.)  :  ademas.  —  Anaco  :  trozo.  =  Antroido  :  carnaval.  =  Asa- 
fiarse  :  enfadarse.  —  Atruzo  (verbo  atruxar)  :  grito  al  fin  de  las  ruas.  —  Bâ^  : 
lagrima.  —  Basoira  :  cscoba.  —  Bcira  (cast.  vera,  cat.  vora)  :  orilla,  borde.  —  Bico  : 
pico.  — >  Bicar  :  picar  y  besar.  ->  Bola  :  pan  de  maiz.  —  Burato  :  agujero.  —  Caminsa 
(tambien  camisa)  :  camisa.  —  Capa  :  muela  de  molino.  —  Carballo  :  roble.  —  Car- 
rexar  :  acarrear.  —  Coru  (de  cuarta)  feria  ^  miércoles.  —  Couce  :  coz.  —  Cullcr  (cit. 
cullera)  :  cuchara.  —  Cunca  :  taza.  —  Cruna  :  Coruna.  —  Dengue  :  abrigo  superior 
en  cl  trajc  de  las  mugeres.  —  Deitarse  :  Dormirsc.  —  Enchcrsc  a  cunca  :  cstar  a  su 
negocio.  —  Espulinarse  :  espeluznarse.  —  Esquecer  0  esquencer  :  acordar.  —  Farruco  : 
dim.  de  Francisco.  —  Ferrer  :  fogon.  —  Fiar  :  hilar.  —  Forcada  :  cucharon  sin  mango 
para  probar  la  sopa.  —  Foucina  :  hoz.  —  Fuliada  :  reunion  para  arrancar  la  paja  del 
maiz;  por  extension  ma.  segun  T.  (Saco  dériva  esu  palabra  de  fulion  y  la  define  : 
fiesta  noctuma).  —  Furat>olos  :  (agujerea-boUos)  entrometido.  —  Gando:  ganado.  — 
Gango  :  carica.  —  Grelo  :  flor  de  la  espiga  dd  nabo.  —  Chao  :  suelo.  —  Inda  :  aun. 

—  Jun^  :  uncir.  —  Lambcr  :  lamcr.  —  Lançrcar  :  morir  de  miscria.  —  Lumia  : 
calificaaon  como  de  mujer  perdida,  ladrona,  bru)a.  —  Magoa  :  herida.  —  Maçusto  : 
refresco.  —  Mazà  :  manzana.  —  Mazarroca  :  mazorca  0  hilada.  —  Menina  y  Mmina  : 
nina.  —  Nadal  (tambien  cat.)  :  Nayidad.  —  Nciino  :  cuartillo.  —  Niva  (cat.  geniva  y 
tambien  engiva)  :  encia.  —  Ontc  :  aycr.  —  Pau  :  palo.  —  Pctada  :  bollito,  —  Pc- 
louro  :  canto  rodado.  —  Pincira  :  ccdazo.  —  Pitelo  :  astilla.  —  Prestar  :  aprovcchar. 

—  Puntear  :  hacer  pamadas  (labor).  —  Quinteiro  :    corral.  —  Rabcar  :  pasarlo  mal. 

—  Rachado  :  listado.  —  Refaixallo  :  aumentativo  de  Refaixo  ?  segun  T.  :  robustez.  — 
Roso  :  aspero.  —  Rubir  :  subir  (notable  ejeraplo  del  cambio  de  j  en  r).  —  Soidadcs. 
V.  p.  $9.  —  Tolo  (dim.  tolino)  :  tonto.  —  Tizar  :  atizar.  —  Trabuco  (acaso  no  gallego) 
comipdon  de  tributo.  —  Yeo  :  el  hierro  que  su  jeta  la  capa  del  molino.  —  Zoncho  :  cas- 
tana  cocida. 


LA  POESfA  POPULAR  GALLEGA 


75 


—  Si  vès  por  pasà-lo  tempo 
Qaeridiflo,  ben  dixestes  ; 

Si  Doo  sabe-lo  camifio 
Volve  por  onde  vineches. 

—  O  camifio  ben  o  sei 
Que  ch'o  vexo  dend'aqui  ; 
Pero  tefto  de  leyar 
Unha  rosa  coma  ti. 

Si  qués  que  case  contigo 
Has  de  fîcerme  unha  casa 
Qui  ouste  dos  mil  doblonu 
Asomadita  à  la  plaza 

—  Non  me  fibles  d'unha  casa 


Que  me  das  n-o  corazon, 
Que  xa  eu  ch'a  tefio  feira 
En  Santiaguifto  de  Herbon 

Pondreite  por  taberneira 
N-a  ciudade  d'o  Santiago 

—  N-a  cuidade  d'o  Santiago 
Non  quero  ser  taberneira 
Non  me  criou  mifia  này 
Para  ser  revendedeira. 

—  A  tu  mai  é  unha  lumia 
O  teu  pai  un  nigromante  : 
A  casta  toda  ch'é  boa... 
Mala  polvora  levante. 


Alegria,  meus  amigos 
Mab  alegria  é  pracer 
E  que  viva  o  rei  d'os  ceos 
Por  sempre  enzamais,  amen. 

Rita,  encende  catro  pallas 
E  corramos  a  Belen 
Cantéffloslle  o  ron  ron  ô  neno 

G>'as  bàgoas  n-os  ollos 
Qpedon  durmidifio  : 
Durme  que  che  preste, 
Meu  inocentiSo. 

Ay  mifU  xoina, 
^'Cantos  trabalinos 
Ven  pasar  6  mundo 
Para  redimimos? 

lyises  pitelifios 
Qu'estas  ehi  facendo 


ViLLANGIGOS 

146  S. 

E  fagamos  durma  ben. 

A  ron  ron,  ron  ron,  meu  neno 
A  ron  ron,  ron  ron,  meu  amor, 
Durme  ben,  meu  queredino, 
Que  che  cante  0  ron  ron. 
Ron  ron,  ron  ron,  ron  ron,  ron. 

«47  S. 

Trai,  Pepiflo,  au  poucos 
Pra  quentà-lo  neno. 

Trai,  Pepifio,  trai 
D'ises  pîteliflos 
Pra  quentâ-io  neno 
Que  ten  moito  frio. 

Non  te  causes,  nai. 
En  facerme  os  gangos, 
Qu'eu  vin  â  este  mundo 
Pra  pasar  traballos. 


UNA 

PANERA  DE  REVI  FRIBORDZEY. 

Proverbes  patois  du  canton  de  Fribourg  et  spécialement  de  la  Gruyère^ 
recueillis  pari.  Chenaux,  et  suivis  de  comparaisons  et  rapprochements  par 
J.  Cornu. 


PROVERBES   MÉTÉOROLOGIQUES. 

Mois, 

1  En  janvier  la  ney  e  le  firey  enplyon  le  gurney. 

2  Xé  fevrey  né  fevrôte,  ma  ven  ce  làt  deblyôte. 
Xé  fevrey  né  fevrûye,  ma  aménerè  gran  brûyé. 
I  fô  ce  fevrey  faxe  xon  devey. 

j  Xé  fevrey  fevrûye,mâ  meyne  en  tsan  le  jûye ;  xè  fevrey  né  fevrûye, 
ma  meyne  mâle  jure. 

4  I  v6  mi  xû  la  curténa  dû  pt  de  ney  tye  un  ômo  xen  mandze  en 

fevrey. 

5  I  v6  ml  on  Ik  xù  lé  femey  tye  un  ôrao  xen  mandze  en  fevrey. 

6  Entre  ma  e  avri  tsanta,  cùcù,  xé  il  vi. 

7  Bîjéde  ma,  ven  (ou  ûra)  d'avri,  fan  la  rétséxé  dû  payi;  ven  {ou 

ûra)  de  ma,  bijé  d'avri  fan  la  rina  dû  payi. 

8  Ven  (pu  ûra)  de  ma,  bijé  d'avri  médzon  mê  de  blyâ  tye  làt  ié 

payi. 

9  La  verdyà  de  ma  né  v6  ren  xû  le  prâ. 

10  Verdyâ  de  mi,  bijé  d'avri  fan  la  rina  dû  payi. 

1 1  Can  i  tône  û  ml  de  ma,  fena  e  enfân  deyvon  plyorâ  {ou  trenblyâ); 

can  i  tône  û  ml  d'avri  fena  e  enfin  deyvon  xe  redzoyi  (ou  piti  e 
gran  deyvon  xe  redzoyi). 

12  Tôna  de  ma,  venta  de  blyâ;  tôna  d'avri,  rétsexé  û  payi. 

1 3  Can  on  a  yû  trè  bi  ml  d'avri,  on  a  gr6  ten  de  mûri. 

14  û  raî  d'û  la  plyôdzé  derl  lé  bû. 

Jours. 

1 5  Le  dé  vend  ro  ly  amerey  raî  creva  tye  1  jôtro  dzoi  rexenblyâ. 


PROVERBES   PRIBOURGEOIS  77 

16  Xéri  on  bî  dzok  tye  Camentrân,  xé  Pâtye  ire  lé  lendemân, 

17  A  la  Xcnté  Luxé  (i  ^  décembre)  lé  xô  d'una  pùdzé; 

A  la  Xent  Anleyno  {ij  janvier)  lé  répê  d'on  mueyno  ; 
A  la  Tsandelàja  (2  février)  lé  répê  d'un'  epâja. 

18  Can  î  ney  lé  dzoi  de  la  Xen  Xebaxtyân  (20  janvierj^  on  rcvey 

vent  e  dû  yâdzo  lé  bû  blyan. 

19  A  la  Xen  Vençén  (22  janvier]  u  tbt  dzâle  u  ter  fen. 

20  Xé  le  là  pu  veyré  d'una  monianyé  a  1-ôtra  !é  dzoà  de  la  Tsan  de- 

là) a,  i  xe  fô  recauî  xi  xenâne* 

21  A  la  Xenté  Adyeta  (5  février)  Pîwe  avô  la  tsèreyreta. 

22  A  la  Xenté  Adyeta  demi  xon  fen  demi  xa  palyeta. 
2|  A  la  Xenté  Adyeta  la  mîtyî  de  xa  isevançeta. 

24  A  la  Xen  Maiià  (24  février],  buna  fena,  djiia  te  jâ, 
2j  AlaXenDzoje/(i9  mars)^  lé  mutsôn  û  brolse^ 

26  A  la  Xen  Dzojelle  crapote/. 

27  La  plyôdzé  a  laXen  Midâ  (8  jain)^  la  plyôdzé  xî  xenâne  xen 

plyacâ. 

28  T6  Xen  (1"  novembre)  t6  Pâtye. 

29  A  la  Xen  Martén  (u  novembre)  la  vatsé  û  len;  xé  né  H  ye  pâ, 

n'end  e  pâ  ben  lyen* 
fo  ATsalandele  miixilyôn,  a  Pâtye  le  lyexôn. 

PRONOSTICS. 

31  Can  le  dzénilye  xe  pyâlyon  pè  la  lôdzé^  ly  e  xûnyo  de  plyôdzé. 
î  2  Aprî  la  dzalâyé  la  1  a  v  a  y  é, 
Aprî  la  blyantxyâ  la  niolyâ. 
3Î  Xé  la  léna  renovale  pè  la  démeïidzé,  prépara  pon  e  plyantsé. 
34  Gran  moâ,  granta  cua, 

Ij  Can  le  nyèle  van  contré  Plyanfaydn,  pren  la  leyna  e  ton  tacén; 
I  can  le  nyôle  van  contré  lé  Valey,  pren  ta  fô  e  ton  covey. 

j6  La  plyôdzé  dd  raatén  né  revire  pâ  lé  pelérén  (ou  n*enpatse  pa  la 

dzomâ  dû  pelérén). 
}7  Lé  rèdzo  dû  matén  fa  alâ  le  mulén;  lé  rôdzo  dû  dévè  lé  ne  fa 

xetxS  le  lapé. 
î8  Can  i  tône  {ou  lâne)  xii  lé  bÛ  nyù,  i  nevéçrè  xù  lé  bû  folyu, 
J9  Tan  tône  ce  plyâ. 

Tan  nyolate  ce  plyà,  tan  ly  afôrhlye  ce  x'evâie  (L*  Ruffieux). 

40  Grôxa  ûra  e  vîlyé  fena  n'an  djyemê  jûcorl  po  ren. 

PROVERBES   AGRICOLES. 

41  Pè  le  vanl  le  derbi;  pè  le  praî  le  xapî* 
A  vani  le  derbi;  a  la  combala  laxapala. 


78  CHENAUX   ET  CORNU 

42  Pè  le  combale  le  nevè  ;  pè  le  gale  le  perè. 

43  Payi  de  firomén,  payi  de  tormén. 

44  Payi  de  montanye,  payi  de  xénalye. 

45  Av6  lé  hlyon  déjô  le  pon; 
Av6  lé  bey  ren  detey; 
Avôlé  ryô  adyùla  x6; 
Av6  lé  dâ  ren  né  xâ. 

46  Djyemè  an  tardu  né  fû  vajù. 
V6  mi  tardû  tye  vajù. 

47  An  de  fen,  an  de  ren. 

An  de  plyôdzé,  an  de  fen;  an  de  ts6,  an  de  ren. 

48  Déjô  lé  grô  l'andén  Pânây  é  dû  txyertén. 

49  L'aveyna  de  fevrey  fê  trenblyâ  le  xoley. 

50  Cran  d 'a veyna  e  pey  perhî  xe  rccontron  volontyt. 

5 1  Fen  de  tsô,  fen  de  mô. 

52  I  te  fô  ben  fen  a,  xé  té  vu  ben  aryâ. 

53  Can  le  prôme  xon  mare,  tstjon  (pa  tseyjon)  xen  le  gûrlâ. 

54  Plyanta  te  tsû  a  la  plyaneyté  dû  rahlyôn  e  mey  le  a  la  plyaneyté 
dû  bacon. 

$5  Totevi  la  xej6n  ameyne  la  mex6n. 

PROVERBES   DIVERS. 

56  Le  jacùtârexon  mendro  tye  le  lâre. 

57  Xi  ce  né  di  ren  ly  afttc. 
Xi  ce  di  ren  aflte. 

58  Ly  e  on  bîl  ojî  tye  Tagaxé,  matrù  xovén  ly  énûye. 

59  Le  jaluete  rùhyé  ne  tsljon  (pu  tseyjon)  pâ  avô  la  boÀma  [ou  la 

tséménâ). 

60  Can  on  x'  âme  ben,  on  a  totevi  prû  plyeçé. 

61  Can  on  n'a  pâ  xen  c'ôn  âme,  i  fô  amâ  xen  c'ôn  a. 

62  5n  a  vûto  de  Xàt  prâ  tye  de  Pana. 

63  Ll  y  a  ben  d!  jân 0  a  l'onbro,  can  lé  xelâ  ly  e  mûxî. 

64  Vè  Tapotityêro  i  néfô  ren  letxl; 
Vè  lé  fivre  i  né  fô  ren  totxl. 

65  Ren  aprén  ce  né  côçe  [ou  ce  né  coçey). 

66  Xi  ce  n'a  pâ  n'a  tye  a  atendré. 

67  On  n'a  djyemè  jûyuunaxilyâre  xobrâ  xû  on  tey. 

68  Xen  c'on  balye  a  la  poÀrta  redexén  pè  la  boarna. 

69  Ben  robâ  né  profite  pâ. 

70  Lyen  de  xon  ben,  prt  de  xa  perda. 

71  I  betévilyâ  pâ  [ou  ren)  de  butévalye. 


PROVERBES   FRIBOUROEOIS  79 

7J  De  bcy ré  lî  y  a  pâ  tan  de  mô,  porvù  c-on  xaise  reiomâ  a  l'oçô. 
71  U  y  a  ren  de  bîçé  tan  mô  lodjyà  po  né  puyey  tsûmâ  aprî  una 

roédjyâ. 
74  Xi  ce  ly  a  di  bîçe  ly  a  dl  perde. 
7  j  On  n'c  djyemê  b  ly amâ  lye  pè  mendro  tye  xe* 

76  Xi  ce  n'a  ren  fl  de  mô  n'a  pà  pueyré  dû  bory  ô. 

77  Mê  onbrâçe,  mé  i  xen. 

78  y  ya  per  iô(  dû  brûly  o  tye  1  carte, 

79  l  né  fô  pâ  brùçà  por  ben  avanhî;  inuiîlo  d'aryâ  devân  de  maneyt. 

80  La  bùtsityé  né  xàte  pâ  lyen  dû  tron. 

81  I  f6  xefêré  emi  de  la  canalyé  :  le  brave  dzen  né  fan  ren  de  mô. 

82  Xi  ce  n'a  ren  de  Catén  n'a  ren  de  xagrén. 

8)  Xi  ce  x*emsôiéne  xen  cayon  x*enverne  xen  bac6n. 

84  Ti  le  cayén  né  xon  pâ  den  le  biiet6n* 

On  vi  pa  xé  ben  di  cayén,  ma  le  plyé  grô  xon  pà  î  btietén, 

85  I  fô  ben  cémenhî  po  ben  fumi. 

86  Xi  ce  n'e  pâ  contén,  c'alixe  vè  lé  contentyâ, 

87  Le  bon  conto  fan  le  bon  jemi. 

88  Tî  le  cùiî  de  fû  talyon  ben. 

89  on  c  plyé  gran  ten  cùixl  tye  leva. 

90  Can  on  e  den  la  dançé,  i  fô  ta  danhl 

91  I  fô  lé  dejoâdré  po  raraénâ  l'oâdré. 

92  l  né  fô  pâ  xe  deviçi  devàn  d^alâ  drémî. 

9J  Xé  lè  werde  la  démendzé,  la  démendzé  te  werderè. 

94  Xen  ce  ly  e  a  d  û  trè  iy  e  a  nyon. 

9j  Le  bon  Dyu  n'envûye  pâ  lé  tsévri  xen  lé  boxôn  po  lé  nûri. 

96  T$ac6n  por  xe,  le  bon  Dyù  por  ti. 

97  YÔ  lé  bon  Dyù  va,  î  plyâ. 

98  Lêxen  adî  féré  xi  c'enmandze  le  xérije. 

99  Toîmih'i  dzaloji. 
100  Dzalojî  pâxe  vûdeji. 

loi  On  né  di  pà  dzalyé  a  una  môdzé  ce  n^a  pâ  (ou  ren)  de  tatse. 
102  Le  dzanlye  xe  môçron,  la  vréiâ  rixie  a  isôma  {ou  la  vréiâ  xâbre 

a  tsâmaj . 
10}  Le  dzanlye  de  xti  an  fan  vivre  Tan  ce  ven. 

104  U  ya  ben  mê  tye  le  tsen  ce  dza  pon. 
10)  Tôtc brave  dzen  xe  valyon, 

106  Can  on  cènye  le  dzen,  on  lu  demande  pâ  du  yô  xon. 

107  La  dzénilyé  né  di  pâ  tsantâ  devin  té  pu« 

105  I  fô  djyemê  dzérâ  de  ren, 

109  Léxen  ôtye  po  Tavini  :  li  ya  ben  roê  de  dzoâ  derl  lé  vant 

1 10  En  xe  devéjén  on  x'entén. 


8o 


CHENAUX    ET   CORNU 


I  ï  I  Awî  de  Perdzén  on  a  d1  xûblyet  a  Xen  Ly6do. 
1 1 2  Dû  jevi  valyon  mê  tye  yon,  d'apH  lé  coçéml  de  Mûdon. 

I I  î  Can  lé  mô  ly  e  fey,  le  jevi  xon  prey, 
1 14  Xi  ce  n'a  pâ  Pexprî  a  la  tlça  devrè  l*avî  l  pi. 
1 1  {  Xi  ce  pè  xon  ben  pè  xun  exyén, 

1 16  Can  tsacôn  x*eyde  (pu  eydye)^  nyon  né  xe  creyve. 

1 17  Farna  fretsé  e  pan  îsô  n'enreiséxon  pa  l'oçô* 
Ben  de  prîçe  e  pan  tsô  n'enrétséxon  pà  Toçô. 

j  18  En  farvadzén  on  ven  fâvre* 

]  ]9  Xi  ce  xe  fâ  faya,  lé  là  lé  médze. 

120  Lî  ya  una  fen  a  tôL 

iiï  De  female  den  una  mej^Sn  i  n'en  fô  pâ  mê  tye  de  fomS  û  peyiyo. 

122  Dî  female  e  dî  tsavô  i  n'end  a  pâ  xen  defô. 

123  I  f ô  prendre  lé  len  cémén  i  ven,  le  female  cémén  xon,  e  l'erdzén 

po  xen  ce  vô. 

124  Can  fenaplyece  de  parla  (ou  devéjâ),  Penlèremén  fô  apreçâ  (ou 

prépara). 

125  Moâ  de  fena,  ya  de  tsavô,  ly  e  la  tsevancé  de  Toçô. 

1 26  Xi  ce  fâ  xen  ce  né  dey  aréve  a  xen  ce  né  vùdrey. 

1 27  Xi  ce  fâ  cémén  xon  véjén  né  fâ  ne  mô  ne  ben. 

128  Tô  té  me  fâ  tô  te  fari,  dejey  la  txîvra  a  xon  tsévri. 

129  Ben  farè,  ben  troverè. 

1^0  1  fô  c'oîi  en  faxe,  xé  n'e  pâ  a  la  réçé^  ly  e  en  aién  beyré. 

131  N'e  pâ  totevi  fl ça,  can  le  hlyètse  xônon. 

1)2  Xi  ce  ly  a  prû  filye  e  prÛ  ley  diyemè  dzûyo  né  xe  vey. 

I  î  j  !  né  fô  pâ  wltyi  l*erba  a  ta  rojâ  e  le  filye  a  la  tsandeyla. 

1 34  Le  fil  ye  e  le  tsavô  né  xàvon  pâ  (ou  né  xan  pâ)  yô  xêrè  lu  oçô. 

r  ?ç  Le  filye  de  bon  payijân,  le  raotele  de  pure  dzen,  xon  mare  devân 

dlçré  vilye. 
1 36  On  pu  pâ  Içré  en  mîmo  ten  û  foâ  e  û  mulén, 
i  }7  Xi  ce  ly  a  pueyré  dî  fôlye  né  dî  pâ  alâ  û  bû* 

Car  dit  un  autre  prov,  :  Xi  ce  va  û  bû  va  a  la  dyèra, 
1^8  Le  frè  né  pâyon  nyon. 
I  î9  Djyemê  frêle/  n'a  atrapâ  bon  bre/. 

140  Tor  fô  tsançé. 

141  N'e  ren  dlçré  fû,  x  on  lé  fâ  pâ  a  veyré. 

142  Nyon  n'e  fû  parey. 

14J  Ly  e  bon  dlçré  fû,  ma  awi  rejôn. 

144  Ti  le  fû  ly  âmon  xénâ  e  vérl  la  xinyâla  po  vanâ. 

14J  Xi  ce  balye  la  coârda  a  non  fû  entén  xénâ  mé  tye  xon  xû. 

146  1  né  fô  pâ  ataryà  le  fû. 

1 47  Xé  nire  ren  de  f  û,  né  xérey  ren  de  cure. 


PROVERBES   rWBOURGEOlS  Si 

\^  Tan  plyé  vUyo,  tan  plyé  fû. 

149  Y6  B  ya  ren  de  f u,  11  ya  ren  de  fumeyré* 

ï  jo  Le  f û  ly  e  on  bon  dyerç6n,  ma  on  crûyo  mètre. 

Lé  fii  e  11  we  xon  di  bon  dyerç6n,  roa  dl  crûyo  me}ire. 
151  Gaba  te,  nyon  né  te  gabe. 
iji  Djyemê  gran  gabâre  n^e  jû  gran  fajâre. 
If;  Dl  cû  ie  gâte  vînyon  a  mâle. 
1^  Préml  gânye  cû  x*ecoârtse* 
1  j)  Gôta  ail  gâta  xe  fâ  la  môta. 
i{6  Grâta  te  awl  te  j'onlye. 
IJ7  Grâta  me,  te  grateri. 

t}3  Vô  mi  werdâ  çû  ce  xon  grâ  tye  d'en  engrexî  dî  jôtro. 
1)9  DecÛçe  le  grA  e  lé  ryô  né  bêta  pâ  tun  oç6. 

Car  Llwe,  le  xinyâ  e  le  gran  tsémén  xon  ti  dî  crûyo  vêjén. 
t66  Ly  e  la  pùriré  di  plyé  gr6  ce  xen  lé  plyé  mô, 
l6t  Dl  grobt  nô  jend  an  tî. 
fit  Xen  ce  ven  pa  la  hlyôia  xen  va  pè  lé  tabâ, 
i6|  Xi  ce  n'emén  [ou  n'ù)  tye  una  hlyôtsé  n'enién  tye  on  xon. 

164  Can  on  parle  ûd  là,  i  x6  de  la  dzâ* 

165  Tôf  xen  ce  blyanlseiye  n*e  pâ  laçî. 

166  A  corédjl  on  lanbén  né  pè  pâ  ton  ten;   lêxé  lo  amolyi,  xé  ly 

aiDÔlye  gran  îen  n*amolyerè  pâ  po  ren. 

167  N*e  pâ  lâre  xi  ce  lare  robe. 

168  N'e  pâ  lé  tof  de  xe  leva  maîén*  i  fô  modâ  prû  viito. 

169  Xi  ce  léxe  f  éré  lêxe  burlâ  xa  mej6n, 

170  Le  lu  d'oâ  maryon  le  cû  toà. 

171  Tsô  cpi  xe  fa  la  lyéna. 

Prû  lyiie  fan  maya  (L.  Ruffieux). 
171  Fâ  cémén  té  vùdri,  ma  cémén  té  fari  ton  lyl»  té  te  cutseri. 
'7Î  î^joï*  ^^  vu  îçré  roajaley  po  lé  fedzo. 
174  On  né  pu  pâ  prendre  due  mare  û  m!mo  ni. 

On  né  trâve  djyemê  due  mare  den  lé  raîmo  ni, 
17 j  Tôle  le  marmite  ly  an  lÛ  cùvihlyo. 
76  Le  marmit6n  ly  an  adi  (ou  lotevi)  côtye  bon  Iets6n* 

Maryâdevô,  roaryâde  vô  pâ  :  mô  le  môtse,  mô  le  tavân,  mô  le 

pjâ,  ma  le  molàn,  dyablyo  l'on,  dyàblyo  TAtro, 
178  A  la  cueyté  xe  mârye ,  a  liji  xe  repén^ 

Can  on  xe  mârye  a  la  cueyté»  on  xe  repén  a  liji. 
»79  Po  xe  pendre  e  xe  maryâ  i  fô  pâ  gran  ten  lî  mujâ' 
180  On  e  plyé  vùio  maryâ  tye  ben  lodjî. 

t8i  1  f6  xe  maryâ  po  xe  fèré  a  blyamâ ;  i  fô  mûri  po  xe  fèré  a  gabà. 
iSa  Mè  on  a,  mè  on  vildrey  avey. 


82  CHENAUX    ET   CORNU 

i8^  Mè  melyà,  mè  de  dzénilye  mè  de  jâ. 

184  De  pu  xe  mehlye,  de  pu  ly  a  a  fêré. 

185  Xi  ce  ly  e  métré  xe  cûtse  yô  va. 

186  I  vô  mî  làt  médjî  tye  làt  dré. 

187  Prû  médze  e  ren  né  bey,  djyeraê  xû  né  xe  vey. 

188  La  mi  j  ère  ameyne  la  nyéjé. 

189  Mo  xû  mô  n'e  pâ  xendâ. 

190  On  m  ô  né  ven  djyemê  xolet. 

191  Can  lé  mô  i  ven,  i  trôtse. 

192  Môlavéjâ  né  vi  pâ  xen  peyne. 
19^  Fô  detôr  pofêré  on  mondo. 

194  Due  montanye  né  xe  recontron  pâ,  ma  ben  dû  jômo. 

195  On  pren  mê  de  mot  se  awî  dû  mey  tye  awî  dû  vénêgro. 

196  Xi  ce  xe  talye  lé  nâ  la  façé  xe  defa. 

197  Trè  dzoâ  de  nôçe,  lé  lendemân  ren  de  pan. 

198  Xi  ce  va  a  nôçe  va  a  côçe. 

199  Ben  nye,  ben  denyé. 

200  Mê  on  pèle  {ou  plyâme)  le  jô,  mê  i  xenton  mô. 

201  Tsatye  oji  trâve  xon  ni  b!. 

A  tsatye  ojî  xon  ni  xenblye  M. 

202  Lé  plyé  crûyo  onbro  po  la  mejôn  d'on  payijàn  ly  e  on  tsaçt. 

203  I  né  fô  pâ  xe  talyl  le  jonlye  lé  dévendro,  x'on  xe  vu  gratâ  lé 
déxando. 

204  Ly  e  pertôr  ce  11  ya  ôtye,  frô  ver  nô  ce  nô  nô  baten  ti  le  dzoâ. 

205  Djyeraê  crûyo  ovrey  n'a  jû  bun  ùti  (ou  bune  badye). 
Le  crûyo  jorey  n'an  djyemê  bune  badye. 

206  On  né  fa  tye  xen  c'on  pâ,  e  pâ  xen  c'on  va. 

207  Li  ya  ren  d'axé  pahyén  tye  lé  travô  :  ly  atén  adl  c'on  lé  faxe. 

208  Lé  pan  nure  ben  d!  xoârte  de  dzen. 

209  Aw!  le  janhyàn  on  médze  lé  pan  blyan. 

210  Médzé  dû  pan  ney,  can  t^  dzûno,  xé  té  vu  médjt  dû  pan  blyan, 
can  té  xéri  vîlyo. 

211  Ly  e  totevi  la  pançé  ce  mepe  la  dançé. 

212  Can  l'enfàn  ly  e  batxt,  le  parén  mancon  pâ. 
Can  la  filyé  ly  e  maryâyé,  le  martxyân  vlnyon. 

2 1 3  Le  parole  pâxon,  le  cû  câxon. 

214  Le  pat  se  fan  le  jeçatse. 

215  On  né  fâ  pâ  de  mendre  patse  tye  û  mohî. 

216  Xi  ce  xovén  dzûye,  médze  e  bey,  paye  totevi  ta  xen  ce  dey. 

217  Po  payî  e  mûri  ly  e  totevi  prû  vùto. 

218  Tsatye  payi,  tsatye  mûde. 

219  Xi  ce  vu  prendre  dû  pexôn  ne  di  pâ  avi  pueyré  de  xe  molyl. 


PROVERBES  FRIBOURGEOIS  8^ 

220  Ly  e  pertèr  ce  le  peyre  xon  dure. 

221  Le  peyre  nibaton  adî  î  grô  pèrewè. 

222  A  foârçé  de  iyèré  di  peyre  xù  on  tey,  en  rSxte  ad!  côtye  june  (ou  en 
zÂbreadi  côcuna). 

223  U  ya  mè  de  dzûne  pi  a  la  taneri  (ou  a  l'afitemén)  tye  de  vllye. 

224  Po  prendre  le  piti  i  né  f6  pâ  atendré  ce  xan  frè  dû  ni. 

225  Le  piti  van  adi  devè  (ou  dûvè)  lé  bâ. 

226  Piti  a  piti  (ou  ts6  pu)  Poji  fl  xon  ni, 

227  Plyan  va,  lyen  tséméne. 

228  I  né  f6  pâ  bréjl  lé  pon,  can  on  a  paxâ  llwe  (lisez  lé  hlyon). 

229  Xi  ce  6  una  pôtsé  farè  ben  on  pots6n. 
2^  Can  ly  e  bon  ly  e  prà. 

231  On  crûyo  arandzemén  v6  mi  tye  on  bon  procès;  xë  c6c6n  te 

demande  ta  rèba,  balyé  la  ley  e  ta  tsèmi}é  awey. 
2^2  Trè  procès  gânyl,  un  ômo  rinâ. 
2);  Prometré  e  tini  xon  dû. 

N'e  pâ  lé  ter  de  prometré,  i  f6  tini. 
2)4  Prû  prometré  e  pu  (ou  ren)  tini,  ly  e  le  fû  e  le  cure  entretini. 
2)5  Promexa  fi  dévala. 
2)6  Xi  ce  ven  pûro  ven  crûyo. 
2)7  Xen  ce  ven  pè  lé  raçi  x'en  va  pè  la  fôrtsé. 
2)8  Xen  ce  ven  de  rapéna  i  x'en  va  de  ruvéna. 
2)9  Can  le  rate  xon  xûle;  la  fama  (ou  faréna)  v6  ren  mé. 

240  La  rej6n  ly  e  buna  per  ter. 

241  Ren  xé,  ren  lé. 

242  Y6  H  ya  ren,  nyon  li  xe  ten. 

24)  Awî  ren  on  n'a  ren. 

244  Xen  ce  ven  dû  ren  on  lé  pren  po  ren. 

245  Xicé  rep6n  ly  ap6n. 

246  Ben  xovén  on  xenplyo  revi  v6  m!  tye  dû  bon  jevi. 
Ben  xovén  on  bon  revi  fa  mê  d'efé  tye  on  bun  evi. 

J47  Revi  de  janhyàn,  revi  de  tûcàn;  revi  de  dzûne  dzen,  revi  de  ren. 

248  Tàt  rexère  e  tbt  reçrén,  ibt  retrâve  a  xon  bején. 

249  Le  rémaxe  nâve  ecâvon  totevi  ben. 

250  Xi  ce  xarey  l'avini  xérey  prû  rétso. 

251  Ly  e  la  mendra  ry a  dû  tsé  ce  créjéne  lé  mé. 
La  mendra  rya  dû  tsé  fâ  lé  mé  de  ya. 

252  Atan  xi  ce  ten  ce  xi  ce  ly  ecoàrtse. 

25)  Dû  ten,  di  female  e  dû  goememén  né  x'en  fô  pâ  mehiyâ,  pùxcé  (ou 
dùcé)  on  n'avance  ren. 

254  on  are  totevi  mé  de  téra  tye  de  ya. 


84  CHENAUX    ET   CORNU 

255  Can  tôt  ûdrè  ben,  nô  II  xérén  pâ  mè;  ly  e  dyûxtamén  (ou  portàn) 
ad6n  ce  il  fart  bon. 

256  Can  n  y  a  po  trè^  li  ya  po  catro. 

257  Lé  tren  médze  lé  ben. 

258  Can  on  a  fl  trenta,  i  f6  féré  trentyôn. 

259  Bon  tridze,  bon  devén. 

260  Trû  ly  e  trù. 

261  Lé  trû  pâxe  mejéra.  Comp.  :  Can  la  mejéra  ly  e  plyeyna,  i  tàme. 

262  Lé  trù  ameyne  lé  trù  pu. 

263  Ly  e  le  tsa  ce  brijon  tète  le  cétale. 

264  Por  prendre  le  rate  le  tsa  trèjon  lu  gan. 

265  I  fô  nû  tsahyâ  por  en  nùri  yon. 

266  Ben  tsante  e  ben  dançe  fa  mihi  ce  pu  tsevançe. 

267  Ben  tsantâ  e  ben  danhi  né  grâvon  pâ  d'avanht. 

268  A  tsavô  balyi  on  né  demande  pâ  xé  ly  e  fran. 
A  tsavô  balyî  on  né  weyte  pâ  le  den. 

269  On  né  talye  pâ  lé  pi  a  non  tsavô  lé  prémi  yâdzo  ce  x'axupe. 

270  Le  tsen  xen  cùa  n'an  pâ  pueyré  de  moçrâ  lé  cù. 

271  Can  tôt  ûdrè  ben,  farè  bon  d'içré  tsèrotôn;  can  ben  tserdzerôn 

trù,  ily  ûdrè  adî  ben. 

272  I  né  fô  pâ  ùrdi  mê  tye  c'on  pu  trama. 

27?  On  van  de  pùdze  vô  mi  werdâ  c'una  filyé  a  maryâ. 

274  Ven  ce  dzâle^  bijé  ce  dedzâle,  fena  ce  pu  parle,  xon  trè  tsûje 

galyâ  rare. 

275  Ven  xù  laçî  poârte  profi  ;  laçî  xû  ven  poârte  vénén, 

276  Mi  vô  içré  rûdji  de  verména  tye  de  x'engrexî  de  rapèna. 

277  Tsatye  vélâdzo,  tsatye  lengâdzo. 

278  Frotâde  le  bote  a  non  vélàn  :  i  dérè  ce  vô  le  li  burlâde  (ou  le  I!  yt 

burlâye). 

279  Xi  ce  mode  cémén  vî  revén  cémén  modzôn. 

280  Fâ  bi  vini  vilyo,  ma  fa  mô  llçré. 

281  Fûdrey  vini  vîlyo  devân  tye  de  vini  dzûno. 

282  A  ten  û  ta  la  vrétâ  ven  adî  a  dzoà. 

283  û  pûro  lé  xa. 

284  On  né  xô  dû  xa  ce  xen  ce  lîya. 

285  Tsatye  peyna  méréte  xalêro. 

286  Vô  mi  xalyi  firô  du  la  rùva  tye  dû  lé  fon. 

287  Di  xarvente  de  prlçe,  di  tsavô  de  môney,  ce  le  bon  Dyû  nô  pre- 

jervey. 

288  I  vùdrey  mi  xavey  tye  d'avey. 

289  On  né  xâ  ne  ce  va  ne  ce  ven. 

290  A  ten  U  ta  tôt  xe  xâ. 


PROVERBES  FRIBOURGEOtS 

191  Xi  ce  né  xâ  ren  n'àblye  ren, 

192  Xi  ce  x'en  xen  x'enprén. 

m  Xi  ce  xe  xen  ben  n'a  pueyré  de  ren. 

îj4  Lî  ja  pa  de  xen  ce  valyon  lé  bon  Dyû. 

^\  Ij  e  trû  ta  de  bétâ  de  la  xô^  can  la  tsè  xen  dza  ma, 

196  I  n'c  ren  de  xobrà  ta,  porvù  ce  né  falye  pâ  retornâ, 

297  Xi  ce  conte  xù  la  xupa  di  j6tro  va  xovén  drémi  xen  marendâ. 

198  1  né fô  pâ  xûtâ  dû  prâ  a  la  tsèreyré. 

Le  txivre  e  le  tsevreyre  xâton  dû  prâ  a  la  isèreyré. 
299  Crtyé  ya  e  buna  mo  djyemè  xon  jû  d'acoâ. 
;oo  Xé  la  yé  tséjcy,  ti  le  jojl  xérân  prey. 


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COMPARAISONS  ET  RAPPROCHEMENTS. 


Les  rravaux  de  Bridel,  peu  nombreux  du  reste,  sont  tout  ce  qu'il  y  a 
d'imporunt  sur  les  proverbes  de  la  Suisse  romande.  Ce  sont  les  Instruc-- 
àons pour  mon  fils  Purre^Louis^  p.  127-1  0  du  Conservateur  suisse^  ou 
ffinruiei  hilyétiennes,  Lausanne  1874  (tome  VI)',  et  les  Proverbes  en 
patois  vaudois  ou  roman  dans  le  même  ouvrage,  i8jo,  p.  429-4^6*. 
Attssi  un  nouveau  recueil  plus  riche  et  mieux  ordonné  sera-t-il  bien  reçu 
de  tous  ceux  qui  aiment  la  littérature  populaire. 

H  y  a  environ  un  quart  de  siècle  que  son  auteur  s'occupe  de  réunir 
\n  proverbes  fribourgeois  et  surtout  gruériens.  Il  en  a  publié  quelques- 
uns  dans  le  Journal  de  Fribourg  de  1860^  dans  la  Feuille  d'avis  de  la 
Cfëyire  de  1870,  dans  l'appendice  du  Glossaire  de  Bridel  et  dans 
le»  NouyelUs  itrennes  fribourgeoises  de  1 866,  1 869-1 87  5  -  ^^s  publications 
ionaiit  à  peine  du  pays  où  elles  voient  le  jour,  un  recueil  général  est 
des  plus  désirables. 

Les  trois  cents  proverbes  contenus  dans  cet  article  sont  répartis  en 
Froftrbrs  météorologiques  par  ordre  chronologique,  en  Pronostics,  Pro- 
nrbis  agricoles  et  Proverbes  divers,  par  ordre  alphabétique,  basé  non  sur 
le  premier  mot,  mais  sur  le  mot  principal  imprimé  en  caractères  espacés. 

Le  système  orthographique  est,  à  peu  de  différences  près  introduites 
pour  le  rendre  encore  plus  simple,  le  même  que  dans  les  Chants  et 
Cùtàis  fopulair€S  de  la  Gruyère ^  publiés  dans  la  Romania  de  1875. 


t .  RmteU  de  Co^hZ,  p*  18 5*1 95    et  Nouvelles  itnnnes  fribourgeoises  187J, 
p.  95-100. 

j.  Reeuiil  de  Coadàz,  p.  1 40- 1 4  ^ . 


86  CHENAUX  ET  CORNU 

Voici  les  recueils  que  j'ai  consultés  et  que  je  cite  selon  Tordre  que  j*ai 
suivi  dans  les  comparaisons  et  rapprochements  : 

Le  doyen  Bridel.  Glossaire  du  patois  de  la  Suisse  romande  avec  un 
appendice  contenant  une  série  de  traductions  de  la  parabole  de  l'Enfant  pro- 
digue,  quelques  morceaux  patois  en  vers  et  en  prose  et  une  collection  de  pro- 
verbes (p.  530-544),  le  tout  recueilli  et  annoté  par  L.  Favrat.  Lausanne, 
1 866  (Mémoires  et  documents  publiés  par  la  Société  d'histoire  de  la 
Suisse  romande.  Tome  XXI). 

L'abbé  G.  Pont.  Origines  du  patois  de  la  Tarentaise,  Paris,  1872. 

Le  D'  Perron.  Proverbes  de  la  Franche-Comté.  Besançon  et  Paris,  1 876. 

Le  Roux  DE  LiNCY.  Le  livre  des  proverbes  français.  Seconde  édition. 
Paris,  1859.  2  vol. 

Armanaprouvençauy  1857,  1859-1865,  1867-1873. 

Adelphe  Espagne.  Proverbes  et  dictons  populaires  recueillis  à  Aspiran 
{arrondissement  de  Lodève).  Revue  des  langues  romanes^  1873,  p.  600-653. 

Le  pasteur  Fesquet.  Proverbes  et  dictons  populaires  recueillis  à  Colo- 
gnac  {arrondissement  du  Vigan,  Gard),  Même  revue,  1874,  p.  103-134. 

César  Oudin.  Refranes  0  proverbios  Espanoles  traduzidos  en  lengua 
Françesa,  Con  cartas  en  refranes  de  Blasco  de  Garay.  Troisième  édition. 
A  Bruxelles  1634. 

Theophilo  Braga.  Cancioneiro  popukr  (p.  182-196]  :  Aphorismas 
poéticos  da  lavoura),  Coimbra,  1867. 

Orlando  Pescetti.  Proverbi  italiani.  Raccolti  e  ridotti  sotto  à  certi  capi 
e  luoghi  communi  per  ordine  d'alfabeto.  In  Vinetia,  16 1 1 . 

P.  Alessandro  da  Crecchio  francescano.  Scelta  di  proverbi  morali  ita- 
liani  offerta  à  saggi  estimatori  del  senno  antico.  i>  ediz.  romana.  Roma, 
1863. 

Eduard  Boehmer.  Churwàlsche  Sprichworter.  RomanischeStudien.  Heft 
VII.  1876,  p.  157-209  '. 

Rev.  G.  SwAiNSON.  A  Handbook  of  wheather  FolkAore,  Edinburgh  and 
London,  1873.  ^n-j5^ 


proverbes  météorologiques. 

I  Gomp.  Perron,  p.  4  :  v  Janvier  so  et  bé  remplit  cave  et  soulé  », 
((  Quand  sec  est  le  mois  de  janvier,  ne  doit  se  plaindre  le  fermier  », 
p.   5  :  «  Poussière   en  janvier,   abondance  au  grenier  »,  «  Janvier 


I.  Ce  recueil  permettant  par  sa  bonne  disposition  des  renvois  faciles,  je  me 
suis  dispensé  Je  citer  in  extenso  les  proverbes  à  rapprocher.  R.  signifie 
Rheinisch  et  E.  Engadinisch. 


PROVERBES   FRrBOURGEOÏS  87 

d'esu  chiche  fait  le  paysan  riche  »>,  et  p,  6  :  «  Janvier  ei  février 
comblent  ou  vident  le  grenier.  »  De  même  en  Italie  :  «  Il  gran  freddo 
dt  gennaia  empie  il  granaio  »  Prov,  mor.  540,  «  Gran  fred  de  Genar 
Timpieniss  elgranar  »  Swainson.  Handbook  ofWeather  Fùlk-iort^  p.  19. 
Comp.  encore  Prov,  mor.  1 162  :  c<  Gennaio  polveraîo  empie  il  granaio.  » 
2  "  Si  février  ne  donne  pas  du  froid,  mars  vient  qui  gâte  tout,  n  Le 
Rév.  C.  Swainson  cite  sans  indication  de  provenance  ce  dicton  :  <f  Si 
fivricr  ne  févroie,  mas  vient  qui  le  garotte  »,  p,  42,  Le  Glossaire  de 
Bridel*  p.  $îi ,  donne  les  mêmes  dictons,  le  second  en  patois  de  Valan- 
çn  :  «Sefévïi  ne  févreye,  mar  vin  que  debreye  ».  Comp.  sur  le  mois  de 
mars  le  dicton  de  Valangin  :  a  Si  mar  ne  marmotte,  avri  fâ  la  poiie  » 
Ghss.âe  Bridel,  p.  532.  Le  Roux  de  Lincy,  I,  99  :  Si  febvner  ne 
&ia  des  siennes,  mars  lui  livre  camp  et  guerre  fière.  »  A  Menton  l'on 
dit  :  *  Se  Febraro  non  febregia,  Mars  marsegia  *v  Rom.  187s,  p.  49?. 
On  exprime  fréquemment  la  même  idée  par  :  «c  II  faut  que  février  fasse 

I  son  devoir,  jj  Perron,  p.  4  :  «  Il  faut  que  Thiver  se  fasse.  «  L'it,  dit 

I  fiareilleinenl  :  *  Se  febbraio  non  febbreggia,  marzo  campeggia  »  Prov. 
or,,  9?o.  Bœhmer,  p*  207,  4. 
j  <K  Si  février  donne  du  froid,  mars  mène  paître  les  oies;  si  février  ne 

'donne  pas  du  froid,  mars  amène  de  mauvais  vents,  n  VArm.  prouv,  de 
1857  cite  un  dicton  différant  peu  de  la  seconde  partie  de  celui-ci  :  «  Se 

I  fevrié  noun  febrejo,  loutl  li  mes  de  Pan  aorejo.  >» 

4  u  11  vaut  mieux  voir  en  février  deux  pieds  de  neige  sur  le  tas  de 
ftimicr  qu'un  homme  en  manches  de  chemise.  » 

j  a  II  vaut  mieux  voir  un  loup  sur  le  fumier  qu'un  homme  en  manches 
de  chemise  en  février.  »  Perron,  p.   5  :  «  Vaut  meu  voûre  in  loup 

I  enraigie  q'en  houme  en  ch'mise  au  mois  d- [anvie.  »  Le  Glossaire  de 
Eridel,  p.  J32»  cite  le  même  dicton  en  patois  de  Valangin  :  tt  Atant 
vodré  vai  on  ludsu  on  fémi,qu^en  homme  detchepouénâ  u  mai  d*  févrL  1* 

6  Glossaire  de  Bridel,  p.  $^2  :  «  Ëttre  mar  et  avri,  tchantei  coucou, 
s*  t*aî  vu.  }>  Perron,  p.  20  :  «  Entre  mars  et  aivri,  chante,  coucou,  si 
t'c  vi.  »  Arm.  proav,  1857  :  «  En  abriéu  canto  lou  couguou»  s'es 
néq»,  Cl  Ri¥,  des  kng,  rom,,  187^,  p.  374  :  «  En  abriu  canto  lou 
coucut,  se  viu.  n 

7  Rîse  de  mars,  vent  d*avril,  font  la  richesse  du  pays;  vent  de  mars, 
bise  d*avril»  font  la  ruine  du  pays,  Le  Glossaire  de  Bridel,  p.  s  ?  i ,  donne 
U  première  moitié  de  ce  même  dicton* 

8  «  Vent  de  mars,  bise  d'avril,  dévorent  plus  de  blé  que  tout  le 
pays.  i> 

9  tt  La  verdure  de  mars  ne  vaut  rien  pour  les  prés.  »> 

10  «  Verdure  de  mars,  bise  d'avril,  font  la  ruine  du  pays.  » 

11  Glossaire  de  Bridel,  p.  çî'-  ^^  ^^^^  ^^  ^^"^y  ^^^  ^^^^  dictons 


88  CHENAUX   ET  CORNU 

fort  semblables,  I,  no:  «Quand  il  tonne  en  mars,  le  bonhomme 
dit:  Hélas!  Quand  il  tonne  en  avril,  le  bonhomme  se  réjouit»;  et 
p.  1 J4  :  «  En  mars  quand  il  tonne,  chacun  s'en  étonne;  en  avril  s'il 
tonne,  c'est  nouvelle  bonne.  «  Voir  aussi  Swainson,  p.  80.  On  trouvera 
dans  le  livre  de  M.  Swainson,  p.  56-57,  des  proverbes  contradictoires 
sur  le  pronostic  à  tirer  du  tonnerre  de  mars, 

1 2  a  Tonnerre  de  mars,  venie  de  blé  isigne  de  misère,  le  blé  sera 
cher);  tonnerre  d'avril,  richesse  au  pays,  »  Le  Roux  de  Lincy  a  le  même 
dicton,  !,  92  :  «  Quand  il  tonne  en  avril,  il  faut  apprêter  son  baril  ï*; 
comp.  Perron,  p.  6  :  «  Quand  é  toune  en  fevré,  faut  pouthiâ  lâ  brousse 
au  sou  lé,  îï  et  p.  7  :  «  Toi  n  ne  en  m  eu,  poiiche  là  friià  a  tzeu  ;  loinne 
en  aivri  poitche  lâ  fritâ  a  paigni.  » 

î  j  «  Quand  on  a  vu  trois  beaux  mois  d'avril,  il  est  bien  temps  de 
mourir  »;  c'est-à-dire  qu'on  doit  être  vieux,  parce  qu'il  est  extrêmement 
rare  que  le  mois  d'avril  soit  beau.  Comp.  Perron,  p.  8  :  «  Jamais  mois 
d'avril  ne  fut  si  beau  qu'il  n'y  eût  de  la  neige  à  plein  chapeau,  » 
wtl'aipairue  du  mois  d'aivri  n'entre  pas  dans  lou  bari  »,  te  Jaimà  bour- 
geon d'aivri  o'o  aivu  ne  bê  jû  ne  bé  ri.  » 

14  Glossaire  de  Bridel,  p.  çp*  (^  Au  mois  d'août  la  pluie  derrière  le 
bois  fij  c'est-à-dire  qu'elle  est  toujours  prêle  à  arriver.  Comp.  Perron, 
p.  9  :  ce  Le  mois  d'août  trompée  les  fous  ;  il  n'a  jamais  fait  grandir  le 
Doubs.  I» 

I  ^  Glossaire  de  Bridel,  p.  552.  Perron,  p,  16  :  «  Le  vendredi  aimerait 
mieux  crever  qu'aux  autres  jours  ressembler.  »  Le  Roux  de  Lincy,  I, 
155,  a  la  même  superstition  relative  au  vendredi  :  «  Vendredi  de  la 
semaine  est  le  plus  beau  ou  le  plus  laîd.  » 

16  «  Ce  serait  un  beau  jour  que  celui  de  Carnaval,  si  Pâques  était  le 
lendemain.  » 

!  7  Nous  trouvons  ce  même  dicton  en  France  :  <<  A  la  saincte  Luce  le 
jour  croit  le  saut  d'une  puce  h  Le  Roux  de  Lincy,  1,  124;  en  Pro- 
vence :  «  Per  Santa  Lucia  tous  jours  creissou  dau  saut  d'una  pucia  » 
Ad.  Espagne  dans  la  Rev,  des  iang.  rom,,  1873,  p,  618  (xxxvi),  et  avec 
une  variante  :  «  A  santo  Lùcio  li  jour  aumenton  d'un  saut  de  clusso  » 
Arm.  prouv.,  1857;  en  Espagne:  a  Santa  Lucia  mengua  la  noche  y 
cresce  el  dia  »  Oudin,  Refr,  esp.,  p.  2^5;  en  Portugal  :  v  Dia  de  Santa 
Luzîa  cresce  un  palmo  0  dia  » ,  et  r<  Dia  de  Santa  Luzia  mingûa  a  noite 
e  cresce  0  dia»  Theoph.  Braga,  Cane,  pop.^  p.  182-5;  el  en  Italie: 
((  Da  S.  Lucia  a  Natal  e  allongato  il  di  un  passo  dî  gai  »,  «  Da  S.  Lucia  a 
Natal  cresce  il  dî  un  passo  di  can  »  Ori.  Pesceiti»  p,  217^,  et  t^  Per  San 
Barnabà  (1 1  giugtïo)  il  più  lungo  dell'  esta;  per  Santa  Lucia  il  più  corto 
di  che  cisia  a  Prov,  mot.,  8jo.  Le  Roux  de  Lincy,  I,  1 18  :  «  A  la  saint 
Antoine  les  jours  croissent  le  repas  d'un  moine  »,  «  A  la  Chandeleur  les 


PROVERBES   FRIBOURCEOIS  89 

jours  croissent  la  durée  du  repas  d^une  épouse;  »  I,  96  :  «  A  ta  fêle  de 
h  Chandeleur  les  jours  croissent  de  plus  d'une  heure,  n 

iS  tt  Quand  il  neige  le  jour  de  ta  saint  Sebastien»  on  revoit  vingt-deux 
fois  le  bois  blanc  (de  neige).  »  En  fr.  :  «  A  la  saint  Sebastien,  Thiver 
reprend  ou  se  casse  les  dents  »  Swainson,  p,  ji» 

«9  Le  Roux  de  Lincy,  î,  129  :  «  A  la  saint  Vincent  tout  dégèle  ou 
tout  fend.  »  «  A  la  saint  Vincent  Thyver  se  reprend  :  tout  gèle  ou  tout 
fend  ou  se  rompt  la  dent,  »  A.  Espagne,  Reu.  des  iang,  rom.,  187$, 
p,  6ti  (viiil  :  t<  Per  sani  Vincent  Ion  frech  cousent  »,  et  Arm.  prouv,, 
i8j7  :  «  Persan  Vincèn  li  glaceiroun  perdon  II  dent  0  It  recoubron  per 
bniems.  » 

10  «  Si  le  loup  peut  voir  d'une  montagne  à  Tautre  le  jour  de  la  Chan- 
deleur, il  se  faut  recacher  six  semaines,  »  Comp,  Perron,  p.  n  : 
«  Quand  Tours  met  ce  jour-là  sa  patte  à  la  fenêtre,  il  la  retire  pour 
(quarante  jours  n,  c  Ai  lai  chandelouset  laivou  lou  sereillo  beilleret  se 
senangna  aipré  lai  pousse  passeret  »,  u  Quand  las  bos  chantant  ou 
que  las  miale  fioutant  aivant  lai  Notre-Daime,  é  se  recaichant  ché 
seœene  de  temps.  0 

11  «A  la  sainte  Agathe  l'eau  descend  le  petit  chemin  (le  dégel  com- 
mence].)» 

22  c  A  la  sainte  Agathe,  à  moitié  son  foin,  à  moitié  sa  paille  (la 
moitié  de  Thivemage  du  bétail  est  passée).  »  Perron,  p.  $7  :  «c  Ai  lai 
SaÎM-Ogothc  moitié  de  ton  foin  et  de  tai  peilloie  »,  «  Pour  le  deux 
février  il  faut  avoir  moitié  de  son  fourrage  au  grenier,  »  Comp.  en  ît.  : 
«  Mezzo  gennaioj  mezzo  pane  e  mezzo  pagliaîo  »  Prov.  mor,,  680. 
2|  K  A  la  sainte  Agathe  la  moitié  de  la  récolte  est  employée*  n 
24  (<  A  la  saint  Mathias,  bonne  femme,  laisse  sortir  tes  abeilles.  » 
2$  <r  A  la  saint  Joseph,  le  bout  de  la  chandelle  dans  le  baquet.  >>  Dès 
le  19  mars  le  cordonnier  ne  travaille  plus  de  nuit;  si  on  allume  sa  chan- 
delle, il  Téieim  dans  Teau  du  baquet  dont  il  se  sert  pour  ramollir  le 
cuir,  » 

26  «  A  la  saint  Joseph  les  petits  crapauds  (commencent  à  sortir)*  » 

27  4(  La  pluie  à  la  saint  Médard,  ta  pluie  six  semaines  sans  disconti* 
nucr.  »  Comp.  dans  Le  Roux  de  Lincy^  ï,  r26,  un  dicton  semblable  : 
•  Sll  pleut  le  jour  saint  Médard,  il  pleuvra  quarante  jours  plus  tard»,  et 
iÊn&  \ts  Orig.  du  patois  de  la  Tarentaise,  par  l'abbé  G.  Pont,  p.  78: 
K  Se  plé  lo  dzor  de  sein  Médar,  i  plé  karanta  dzor  pé  tar.  »  Voir  aussi 
VArm,  prouv,  de  185^  :  «  Quand  plôu  per  sant  Médard,  de  la  recordo 
emporto  un  quart,  »  ou  «  pîôu  quarante  jour  pu  tard.  »  Celui  que  cite 
Ad.  Espagne,  Rev.  des  Iang.  rom.,  187?,  p.  615  (xxiv)  :  <f  Quand  pl6u 
per  sant  Médard  las  rendas  diminuon  d'un  quart  »,  aussi  «  quarania 
jours  dura  lou  bard  »  est  plus  différent.  Comp.  Perron,  p.   14  :  «  S'il 


90  CHENAUX   ET  CORNU 

pleut  le  jour  de  saint  Médard,  le  tiers  des  biens  est  au  hasard,.,.,  il 
pleuvra  quarante  jours  plus  tard;  à  moins  que  la  Saint-Bamabé  ne 
vienne  à  lui  couper  le  nez,  n 

28  ((Le  temps  sera  à  Pâques  comme  à  la  Toussaint  » 

29  «  A  la  Saint-Martin,  la  vache  au  lien  (à  la  crèche)  :  si  elle  n'y  est 
pas,  elle  n'en  est  pas  bien  loin.  » 

^o  Glossaire  dt  Bridel,  p.  550.  Ce  dicton  appartient  à  tout  le  domaine 
roman,  à  la  France  :  «  A  Noël  au  balcon,  à  Pâques  au  tison  »,  «  A  Noël 
les  moucherons,  à  Pâques  les  glaçons  >>,  «  A  Noël  souvent  moucherons 
et  à  Pasques  sont  les  glaçons  »  Le  Royx  de  Uncy,  1,  1 12;  à  la  Pro- 
vence :  «  Que  per  Noué  se  soureîha,  per  Pascas  crèma  sa  legna  « 
Ad.  Espagne,  Rev.  des  lang,  rom*,  1875,  p,  609  (l),  ou  «  Qu'a  Nadal 
se  sourelha  a  Pascas  crèma  sa  legna  ï>  Rtv.  des  lang.  rom,,  1873, 
p,  592,  ou  bien  aussi  :  <t  Nouvè*  u  jo,  Pasco  au  fio,  Nouvè*  u  fio, 
Pasco  au  jo  «  Arm,  primv.y  1857;  à  TEspagne  :  «  La  de  Navidad  al  sol, 
la  Ooridaal  lîzon  »  Oudîn,  Refr.  esp.^  p.  102,  et  u  Por  Navidad  sol  y 
por  Pasqua  carbon  >*  Ibid,,  p.  191  ;  au  Portugal  :  a  Por  Natal  ao  jogo, 
pela  paschoa  ao  fogo  »  Braga,  Cane,  pop.j  p,  190,  et  «  0  Natal  ao 
soalhar  e  a  paschoa  ao  lar  »  p,  183;  et  à  Pltalie  :  «  Da  Natal  al 
giuoco,  Da  Pasqua  al  fuoco  »  Orl.  Pescetti,  p,  217^,  «  Natale  al  sole, 
Pasqua  al  tizzone  n  Prov.  mor.j  751,  Corap,  encore  :  «  Décembre 
agghiacciato  non  dev' essere  disprezxato  n  Prov.  mor.,  ^12.  Bœhmer, 
p.  208,  16,  Comp,  Perron,  p.  10  :  <<  Noël  herbeux,  Pâques  neigeux. 
Noël  herbeuxi  Pâques  teigneux,  n 

PRONOSTICS. 

5 1   «  Quand  les  poules  se  pouillent  à  la  remise,  c*esi  signe  de  pluie,  n 

ji  «  Après  la  gelée  la  lavée  (la  pluiel  »  Perron,  p.  2^.  —  «  Après  la 
gelée  blanche  la  mouillée  (la  pluie),  »  Le  Roux  de  Lincy,  I,  99  : 
«  Blanche  gelée  est  de  pluie  messagière.  » 

^  î  «  Si  la  lune  renouvelle  le  dimanche,  prépare  pont  et  planche  (c'est 
signe  de  pluie).  » 

J4  «  Long  museau,  longue  queue,  >ï  Perron,  p.  ?  :  «  Té  nâ»  té 
coue  )K  C*est-à-dire  que  si  l'hiver  commence  vite,  il  finît  tard.  Le  Gtos- 
sâire  de  Bridel,  p.  ;;i,  donne  ce  dicton  sous  une  forme  plus  claire  : 
Kt  Can  rivé  a  on  Ion  bè,  1  a  asebén  na  londzécùa.  )s  Perron,  p.  î  :  u  Quand 
l'hiver  a  une  longue  tête,  il  a  une  longue  queue.  » 

j  {  «  Quand  les  brouillards  vont  contre  Planfayon  (que  le  vent  d'ouest 
règne,  amenant  ordinairement  la  pluie),  prends  ton  alêne  et  ton  îacon; 
quand  les  brouillards  vont  contre  le  Valais  (que  la  bise,  vent  du  nord-est, 
règne,  amenant  ordinairement  le  beau  tempsK  prends  ta  faux  et  ta 


PROVERBES   FRïBOURCEOtS  fl 

pterre  à  aiguiser.  »  On  veut  dire  par  là  qu'il  faut  dans  ie  premier  cas 
travailler  à  la  maison,  rapiécer  ses  habits,  ses  souliers  ou  les  harnais;  ei 
dans  le  second  cas  faucher  ses  foins  ou  ses  blés  sans  crainte  de  la  pluie. 
Voir  dans  le  Glossaire  de  Bridel,  p.  5^0,  deux  dictons  semblables,  Tun 
vaudois  :  «  Se  le  nyèle  van  d'amôn,  pren  l'aulyé  e  lu  lacin,  se  le  nyôle 
van  d'avô  pren  lu  covay  e  la  fô  »,  l'autre  de  Valangin  :  «  Quand  la 
mole  est  dsu  Tchumont»  prêt  Teûlhe  et  poui  le  tacon  ;  quand  é  Test  dsu 
le  Van-né,  prêt  la  fortche  et  le  raté.  » 

^b  Chss,  de  Bridel,  p,  ^i.  »  Plôdze  du  matin  arrèthe  pâ  b  pèle- 
rin n  Pabbé  G.  Pont,  Orig.  du  patois  de  la  Tarent^  p.  82.  Perron, 
p.  iç  :  «  La  pluie  du  matin  n'arrête  pas  le  pèlerin  »»,  u  Pluie  du  matin 
n'est  pas  journée.  j>  Corap.  en  itaL  :  «  Rossa  la  sera,  bianco  il  mat- 
tino,  è  la  giornata  del  pellegrino  »  Prov,  mor.,  839* 

Î7  u  Le  rouge  du  matin  (le  ciel  rougi  par  le  soleil  levant)  fait  aller 
les  moulins  (amène  la  pluie)  ;  le  rouge  du  soir  (le  ciel  rougi  par  le  soleil 
couchant)  fait  sécher  les  plantes  ^  (amène  la  sécheresse) .  »  Ce  dicton 
mentionné  déjà  dans  TEvangile^de  S.  Mathieu,  XVI,  v.  2-3  :  Facto 
vespere  dicilis  :  a  Serenum  erit,  rubicundum  est  enim  cœlum;  et  mane  : 
Hôdie  tempestas,  rutilât  enim  triste  cœlum  jj,  est  commun  à  la  France, 
Perron,  p.  24  :  if  Rougeu  du  maitin  fan  virie  las  melin.  Las  rougeu  du 
SOUCI  fan  soichie  las  touets  »,  «  Arc-enniiel  du  matin,  pluie  sans  fin; 
arc-en-ciel  du  soir,  il  faut  voir  w,  «  L'arc-en-ciel  du  souet  rassue  las 
gouillets.  M  «  Rouge  vesprée  et  blanc  matin  est  la  joie  au  pèlerin  » 
(xv*  siècle)  Le  Roux  de  Lincy,  L  1  m,  et  «  De  rouge  matinée  lede 
vesprée  »  II,  475;  à  la  Provence  qui  en  a  plusieurs  versions  :  «  Rou- 
jéirola  de  la  sera,  bel  tems  espéra  )>,  «  Rougéirota  dau  mati  ploja 
en  cami  »  Ad.  Espagne,  Rev,  dis  lang.  rom,,  îSyj,  p.  618  (xxxvm  et 
xxxviii),  0  Rouge  de  séro,  bel  tens  espéro  »,  *»  Rouge  de  sero,  blanc 
dèu  matin,  es  lou  journau  dôu  pèlerin  ^),  «  Rouge  de  matin  escoumpisso 
lou  camin  »  Ibid.  en  note;  à  l'Espagne  :  «  Aurora  ruvia,  0  viento  o 
lluvia  »  Oudîn,  Rej.  esp,,  p.  52  ;  et  à  l'Italie  :  <<  Il  rossorde  la  serabuon 
tempo  mena  »,  «  Il  rossor  de  la  mattina  fa  rieropire  la  piscolina  »  OrL 
Pcscctti,  p,  igjfc.  Bœhmer,  p.  209,  13, 

|8  Glossaire  àt  Bridel,  p.  $31  :  »  Quand  it  tonne  sur  le  bois  nu 
(dépouillé  de  ses  feuilles) ,  il  neigera  sur  le  bois  feuille,  d 

19  Glossaire  de  Bridel, p.  jji  :  «Tant  teunnequ*et  pieu  »  [Valangin], 
Le  Roux  de  Lincy,  I,  i^  :  «  Tant  tonne  qu'il  pleust  »  du  xv«  siècle. 
Orl.  Pescetii,  p.  144  i?  :  «  Tanto  luona  che  piove^  a  p.  90  b  :  «  E  non 
tuooa  mai,  che  non  piova  n\  et  p.  223  ^  :  «  Quando  hà  ben  tonato  e 
tooato,  è  forza  che  piova.  »  --  «  Quand  le  ciel  est  assez  couvert,  il  pleut  ; 


Par  (api  on  entend  dans  la  Gruyère  le  rumex  ûlpinus,  patience  des  Alpes. 


92  CHENAUX   KT  CORNU 

quand  les  nuages  ont  assez  couvert  les  sommets,  ils  se  dissipent  enfin.  »> 

40  *(  Gros  vent  et  vieille  femme  n'ont  jamais  couru  pour  rien,  w  11  y  a 
deux  variantes  de  ce  proverbe  dans  !e  Glossaire  de  Bridel,  p.  jîS  : 
«  Vllyè  fena  e  gran  vè/i  né  coriran  jamê  po  rèn  »  du  canton  de  Vaud,  et 
«  L'oûre  et  le  vilhè  dget  ne  corret  pas  por  ret  ?>  de  Valangin.  Perron, 
p,  25  :  «  Grand  vent,  grande  pluie  »  ;  et  p.  26  :  <r  Jaimâ  gram  vent  ni 
veille  fanne  n'ont  couru  pou  ran.  >»  Le  proverbe  français  :  «  Besoin  fait 
vieille  trotter»,  dont  Le  Roux  de  Lincy,  I,  486,  donne  un  exemple  du 
xrji*  siècle,  est  le  même,  mais  moins  complet.  Il  en  est  de  même  du  pro- 
verbe provençal  cité  par  Fesquet,  Rev,  des  lang,  rom,,  1874»  p,  12  j  : 
(c  Besoun  fo  la  vielho  irouià  e  lous  gambèts  sauta,  n 

PROVERBES  AGRICOLES. 

41  tf  Par  les  roches,  les  sapelois  ;  dans  les  prairies^  les  grands  sapins,  n 
i<  Sur  les  sommets,  les  sapelots;  dans  la  petite  vallée»  le  grand  sapin,  n 

42  «  Dans  les  petits  vallons,  les  amas  de  neige  ;  dans  les  gorges,  les 
amas  de  pierres,  » 

4î  cf  Pays  de  froment,  pays  de  tourment.  » 

44  a  Pays  de  montagnes,  pays  de  clochettes,  n 

45  «  En  bas  la  rivière,  dessous  le  pont;  en  bas  le  petit  ruisseau^  pas  de 
maison;  en  bas  le  courant,  adieu  le  sel;  en  bas  le  torrent,  rien  ne  sait,  n 


46  a  Jamais  année  tardive  ne  fut  improductive  »  Glossaire  de  Bridel, 
p.  JJ2.  «  Année  tardive  ne  fut  jamais  oisive  »  >»  Perron,  p.  j.  Comp. 
le  proverbe  espagnol  :  «  Mas  vale  ano  tardio  que  vazio  n  Oudin,  Refr, 
csp.,  p.  122,  et  le  proverbe  portugais  :  «  Melhor  é  o  anno  tardio  que 
vasio  »  Braga,  Cane,  pop.^  p.  184. 

47  Gloss,  de  Bridel,  p.  nj-  <^  An  de  foin,  an  de  rien.  ))  Comp. 
Perron,  p.  2  :  Anna  de  van,  annâ  de  ran,  » 

i(  Année  de  pluie,  année  de  foin;  année  chaude,  année  de  vin.  )t 

48  i(  Sous  le  gros  andain,  Pannée  de  disette,  »  Comp.  Perron,  p*  i  : 
«  Année  pluvieuse,  année  chancreuse.  n 

49  <(  L'avoine  semée  au  mois  de  février  [est  si  pesante  qu'elle]  fait 
trembler  le  plancher  supérieur  des  granges,  w  Glossaire  de  Bridel,  p.  ^^6: 
«  Aveine  de  fevri  fà  pieyi  V  soli  >»  Valangin).  Le  Roux  de  Lincy,  p.  99, 
a  un  diaon  tout  pareil  :  «  Belle  avoine  de  février  donne  espérance  au 


I.  Les  formes  semblables  de  ce  dicton  en  roman  çruérin,  en  franc-comtois, 
en  espagnol  et  en  portugais,  me  paraissent  appuyer  solidement  Tétymologie  d'oisif 
proposée  par  Thomseo,  Romanta,  1875,  p.  262.  Comp.  encore  vouûisâ,  Gioss, 
de  Bridel  s.  v.,  et  p,  jj2. 


PROVERBES   FRI BOURGEOIS  9^ 

9  Perron,  p,  44  :  «  L^avoine  de  février  remplit  le  grenier;  Ma 
ù  trop  iâ*  )> 

jo  <(  Grains  d*avoine  et  pois  percés  se  rencontrent  volontiers.  » 

51  «  Foin  de  montagne  inaccessible  au  béiaîi,  foin  de  peine*  » 

52  tt  11  te  faut  bien  faner,  si  m  veux  avoir  beaucoup  de  lait.  » 

5î  «  Quand  les  prunes  sont  mûres,  elles  tombent  d'elles-mêmes*  » 
Le  Glossaire  de  Brideli  p.  jj},  a  ce  même  proverbe  une  fois  avec  des 
traiiintes  sans  importance  et  l'autre  fois  avec  une  comparaison  mal 
achevée  :  «  Can  le  prdme  san  ben  maure  ;  yé  tsizon  sen  le  grulâ;  le  fêiye 
San  tôt  de  mémo,  can  1  an  lôta  de  maryâ.  )>  Comp.  les  proverbes  italiens: 
<f  Quando  la  pera  è  matura,  convien  ch*  ella  caggia  n  Orl.  Pescetti, 
p.  176^,  «  Quando  la  pera  è  maiura,  se  ne  casca  senza  tortura  n  Prov. 
mai,^  53.  Bœhmer,  R,  82. 

J4  «t  Plante  tes  choux  sous  la  constellation  du  fumier  et  cuis-les  sous 
celle  du  lard,  i)  On  veut  indiquer  par  là  qu'il  faut  beaucoup  d^engrais 
pour  faire  croître  les  choux  et  beaucoup  de  graisse  pour  les  cuire.  Peut- 
être  a-t-on  voulu  par  ces  constellations  d'un  nouveau  genre  tourner  en 
ridicule  ceux  qui  prêtent  foi  aux  influences  des  astres.  Comp.  le  fr.  : 
te  Ce  n*est  pas  le  tout  que  des  choux,  il  faut  encore  de  la  graisse  »  Le 
Houx  de  Lincyi  16$. 

S  f  Perron,  p.  4  :  «  La  saison  amène  la  moisson.  »  Le  Roux  de 
Lincy,  H,  294  :  «  En  temps,  lieu  et  saison,  le  donner  et  moisson  »;  Car- 
ias en  refr.  de  Blasco  de  Garay,  p*  10  ;  u  Cada  cosa  en  su  tiempo,  y 
Oâbos  en  adviento  n  ;  en  it.  plus  simplement  :  a  Ogni  cosa  hà  la  sua 
sta^one»  OrL  Pescetti,  p.  141. 

PROVERBES  DIVERS. 

$6  «  Le  zaxotsâre  né  vâlyan  pâ  mê  tye  le  lâre.  n  (Jorat)  w  Les  écou- 
teurs sont  moindres  que  les  voleurs.  »  Comp.  ClossaiTeàt  Bridel,  p.  j  }8, 
Perron,  p.  76,  et  Boehraer,  R,  (  1 5. 

57  «  Qui  ne  dit  rien  consent.  »  Boehmer,  fî.  65. 

58  Glossaire  de  Bridel,  p.  554.  «  C'est  un  bel  oiseau  que  la  pie, 
mais  quand  on  la  voit  trop  souvent,  elle  ennuie.  »  Perron,  p.  ix  et  73  : 
9  Ço  in  belouséque  Taiguaisse,  mais  quand  on  l'ai  prou  vu,  on  s'en 
seule,  n 

^9  «  Les  alouettes  rôties  ne  tombent  pas  dans  la  cheminée.  »  Comp. 
Le  Roux  de  Lincy,  1,  1^9:  a  Les  allouettes  luy  tomberont  toutes  rôties 
dans  la  bouche,  d 

60  «  Quand  on  s^airae  bien,  on  a  toujours  assez  de  place  (dans  la 
maison),  d 

61  «  Q^ui  ne  peut  comme  il  veut,  veuille  comme  il  peut  jï  Le  Roux 


94  CHENAUX   ET   CORKU 

de  Lincy,  II,  199.  De  même  en  îtaiien  :  «  Chî  non  puô  quel  che  vole, 
voglîa  quel  che  pu6  »  OrL  Pescetti,  p.  241 ,  et  a  Chi  non  puô  far  conie 
vuolc  facda  corne  pu6  »,  p.  92. 

62  «  On  a  vite  de  tout  assez  sauf  de  l'honneur:  n 

6?  «  Quand  le  soleil  est  couché,  il  y  a  bien  des  bêles  à  Tombre  n  Le 
Roux  de  Lincy,  I,  i  J2,  En  provençal  :  «  Quand  lou  soulèu  es  coucha, 
i  a  forço  bèsti  à  l'oumbro  w  Arm.  prouv,^  i86r,  p.  lO}. 

64  «  Chez  rapothicaire  il  ne  faot  rien  lécher  ;  chez  le  forgeron  it  ne 
faut  rien  toucher.  r>  Comp.  dans  le  recueil  d'OrI,  Pescetti,  p.  42b 
{=  Ptov,  mor.f  74)  :  «  Al  fabro  non  toccare;  al  maliscalco  non 
t'accostare;  alto  speziale  non  assaggiare  n;  p.  1966  :  «  Non  toccar  i 
ferri  de  bottega  n  ;  et  p.  22}i»  :  «  Non  trescar  co*  ferri  de  bottega*  » 

65  (c  On  n'apprend  rien  sans  qu'il  en  coûte  d^  ou  ce  On  apprend  à  ses 
dépens*  » 

66  t«  Celui  qui  n*a  pas  n*a  qu'à  attendre.  »  Le  proverbe  cité  par  Le 
Roux  de  Lincy,  f ,  1 54,  a  un  sens  différent,  Comp,  Bœhmer,  R.  242* 

67  i(  On  n*a  jamais  vu  un  couvreur  rester  sur  un  toiL  w 

68  <f  Ce  que  l'on  donne  à  la  porte  redescend  par  !a  cheminée»,  c'est- 
à-dire  l'aumône  n'appauvrit  pas.  Comp.  Prop.  mor,,  22:  «  Ail'  uorao 
timosimero  Dio  è  tesoriero  n^  et  566  :  «  La  limosina  mantiene  la  casa.  j> 

69  (f  Bien  volé  ne  profite  pas.  »  Ad,  Espagne,  Rev,  des  îang.  lom,^ 
187Î,  p.  627-8,  a  le  même  proverbe  !  «  Be  raubâ  se  flouris,  jamais  noun 
es  granà  «,  et  <t  Be  raubat  a  pas  jamais  protisperai,»  Les  Prov.  mor.  ont 
trois  versions  de  ce  proverbe,  880  :  u  Roba  rubata  a  cona  durata  »; 
681  :  <(  Mal  guadagnato,  maie  speso  »»  et  «  La  roba  di  maie  acquisto 
se  la  pona  il  vento,  />  Bœhmer,  ft,  182,  2ç?,  254,  255,  256.  Comp. 
encore  272,  27^.  E.  29-48, 

70  Glossaire  de  Bridel,  p.  540.  «  Loin  de  son  bien,  près  de  sa 
perte.  » 

7!  «  Pas  de  badinages  avec  les  gens  susceptibles,  w 

72  Glossaire  de  Bridel,  p.  ^  ^6.    c  A  boire  il  n^  ^  pas  tant  de  mal, 

pourvu  qu'on  sache  retourner  chez  soi.  w  Comp.  Bœhmer,  E,  87. 
7:^  it  II  n'y  a  pas  d'animal  si  mal  logé  qui  ne  puisse  se  reposer  après 

avoir  mangé.  » 

74  «  Qui  a  du  bétail  a  des  pertes.  » 

75  «  On  n'est  jamais  blâmé  qye  par  moindre  que  soi,  » 

76  «  Celui  qui  n'a  pas  fait  de  mal  n'a  pas  peur  du  bourreau,  n  En  ît,  : 
<c  Chi  delitto  non  ha  dmor  non  sente  w  Prov.  mor.^  127;  v  Cammina 
dritîo  e  non  aver  paura  »  Prov.  mor.,  1 56,  et  (f  Maie  non  fare,  e  paura 
non  avère  »»  Prov.  mor,,  676.  Bœhmer,  E.  4v 

77,  «  Plus  on  remue,  plus  il  y  a  d'odeur,  j»  De  même  en  provençal  : 
cr  Au-mai  va  boulegas,  ati-mai  sente  »  Arm.  proav,^  1868,  p.  109,  et  en 


PROVERBES   FRIBOURGEOIS  ÇÇ 

italien  :  «  Chi  casca  nel  fango,  quanto  più  vi  si  dîmena,  tanta  più 
tlnibmu  »  Orl.  Pescetti,  p.  176. 

78  n  (1  y  a  partout  de  ta  trichene  excepté  au  jeu  de  cartes.  1» 

79  a  II  ne  faut  rien  brusquer  pour  bien  avancer;  inutile  de  traire 
avam  d^avotr  manié  |le  pis  de  la  vache).  »  Corap.  Bœhmer,  R,  ^9,  97. 
E.  209, 

80  «  L'éclat  de  bois  ne  saute  pas  loin  du  tronc.  »  Comp.  dans  le 
recueil  d'Orl.  Pescetti^  p.  208  :  «  Ogni  pianta  serba  delîa  sua  radiée  i>, 
H  11  ramo  al  tronco  s'assomiglia  »,  if  La  tacca  somîglia  ail'  arbore  *>, 
«  La  scheggia  vien  dal  legno*  )>  Bœhmer,  R.  166,  178. 

8i  (I  II  ^ut  se  faire  ami  de  la  canaille  :  les  braves  gens  ne  font  pas  de 
mal.  >»  Comp*  le  proverbe  français  :  «  De  gens  de  bien  ne  vient  que 
bîeiiJ»  Le  Roux  de  Lincy,  II,  aSi.  L%  dit  :  n  Usa  col  buono,  e  sta 
ben  col  catiivo  »  Prov.  mot.,  994. 

82  if  Celui  qui  n^a  pas  de  Cadn  (d'amourettes)  n'a  pas  de  chagrins,  r* 
Comp.  Perron,  p.  74  :  «  Pour  vivre  heureux,  pas  d'amourettes,  pas  de 
procès  et  pas  de  dettes.  » 

8|  ic  Celui  qui  passe  Tété  sans  garder  de  cochon^  passe  Phiver  sans 
lard.  i> 

84  u  Glossaire  de  Bridel,  p.  H5-  «Tous  les  cochons  ne  sont  pas  dans 
les  éubles*  » 

85  «  Bien  commencé  demi  avancé  »  Le  Roux  de  Lincy,  II,  248* 
<»  Chose  bien  commencée  est  à  demi  achevée  »  Il  271.  «  Pèr  bèn  fini» 
Êiu  bèn  commença  o  Arm.  prouv.^  1868,  p,  io8.  «  Chi  ben  comincia 
ha  la  meta  dell'  opra  ))  OrL  Pescetti,  p.  jo  (=  Prov,  mor,^  199,  avec  la 
varianie  t-  allaf,  Bœhmer,  K.  15,  16. 

86  «  Que  celui  qui  n'est  pas  content  aille  chez  celui  qui  le  conten- 
tera. »  Comp.  Bœhmer,  R.  ^10. 

87  «  Les  bons  comptes  font  les  bons  amis  ^*  Le  Roux  de  Lincy,  H, 
12).  En  it.  :  <f  Patti  chiari,  amici  cari  »,  ou  aussi  a  Conti  corti  amicizia 
lunga  »  Proi^^  mor,,  8?o.  Comp.  Bœhmer,  R,  288. 

88  oc  Tous  les  couteaux  de  fou  coupent  bien,  n 

89  II  y  a  dans  Le  Roux  de  Lincy,  li,  560,  ce  prov.  :  «  On  est  plus 
enterre  qu'en  prez  »  qui  n'offre  guère  de  sens;  peut-être  faut-il  lire 
qa^en  pin,  ce  qui  équivaudrait  au  proverbe  gruérin  jP.  M.). 

90  <c  Quand  on  est  dans  la  danse,  il  faut  la  danser,  n  En  italien  : 
Cl  Poi  ch'  io  son  intrato  in  danza,  bisogna  ch'  io  balli  »  OrL  Pescetti, 
p.  161^,  et  «  Chi  non  sa  ballare,  non  si  meita  alballo»  Prov,  mor.,  i  58. 

91  tt  II  faut  le  désordre  pour  ramener  Tordre.  »  Comp,  Perron,  p. 
7)  :  <  La  misère  met  ordre.  » 

91  tt  C'est  folie  se  dépouiller  avant  d'aller  coucher  »  Le  Roux  de 
lincy,  II,  262,  En  prov,  :  «  Fau  jamais  se  desabiha  avans  de  se  raetre 


if  Si  tu  gardes  te  dimanche ,  le 
a  Qui  est  à  touz,  si  est  à  ntilz  » 
Le  bon  Dieu  n'envoie  pas  le  che- 


96  CHENAUX  ET  CORNU 

au  lié  )>  Arm.  prouv.,  1863,  p.  44;  car,  dit  un  autre  proverbe  qui  en 
semble  être  le  commentaire  :  (<  Qui  te  sien  donne  avant  mourir  bien  tost 
s'appresie  à  moult  souffrir  »  Le  Roux  de  Lincy,  11^  389,  395,  «  Que 
bailo  soun  ben  davans  mouri  merito  de  pâli  »  Fesquei,  Rev,  des  long, 
rom.y  p.  133.  Et  en  esp.  :  «  Quien  da  lo  suyo  antes  de  morir  apareje  se 
a  bien  sufrir  n  Oudio,  Refr,  esp.,  p.  216,  et  it  Quien  da  lo  suyo  antes  de 
su  rauerte  merece  que  le  den  con  un  maço  en  la  frente  »  Carias  en 
refranes  de  Blasco  de  Garay,  p.  91. 
9Î  Glossaire  de  Bridel^  p.  532- 
dimanche  te  gardera.  » 

94  Le  Roux  de  Lîncy,  lit  )90  - 
(xv"  siècle), 

95  Cfoi^aire  de  Bridel,  p>  535.   « 
vreau  sans  le  buisson  pour  te  nourrir,  j> 

96  «  Chacun  pour  soi  et  Dieu  pour  tous  n  Le  Roux  de  Lincy,  1^  19, 
et  n,  267.  Bœhmer,  £.  252, 

97  u  Où  Dtex  veut  se  pleut  »  du  xiii*  siècle,  «  Là  où  Dieu  veult  il 
pleut  I»  du  xv**  siècle.  Le  Roux  de  Lincy,  I,  21,  Comp.  encore  H, 
477*  *î  Souïeio  e  plôu  coume  Dieu  v6u  n  Arm.  prouv.^  1872,  p.  99. 
et  Quando  Dios  quiere,  con  todos  vientos  llueve  »  Oudin,  Refr,  esp.^ 
p.  199,  «  Quando  Dîo  vuole,  a  ogni  vemo  piove  »  Orl.  Pescetti,  p.  ijfr. 

98  «  Laissons  toujours  faire  celui  qui  met  la  queue  aux  cerises.  » 

99  «  Envye  en  tout  art  est  en  vie  »  Le  Roux  de  Lincy,  H,  296.  En 
italien  :  a  L'astio  è  frà  gli  artefici  n,  et  «l'invidia  fu  sempre  maritata  frà 
gli  artefici  1»  OrL  Pescetti,  p.  127»  On  connaît  les  vers  d'Hésiode  dans 
les  Trapaux  et  les  Jours  : 

CtqXoÎ  h  Te  Ysf'cova  Y^ftwv 

dç  a^evov  oirajîovra. 

100  a  Jalousie  passe  sorcellerie.  » 

loi  Glossaire  de  Bridelj  p.  $^4.  «  On  n'appelle  pas  tachetée  une 

génisse  qui  n*a  point  de  taches.  » 

102  «  Les  mensonges  se  montrent,  la  vérité  reste  à  Tombre.  i> 

io|  «  Les  mensonges  de  cette  année  font  vivre  Tannée  prochaîne,  » 

Proverbe  des  ouvriers  qui,  après  avoir  promis  de  faire  l*ouvrage  dans  un 

temps  indiqué^  ne  le  font  que  plus  lard. 

104  Glossaire  de  Bridel,  p.  559.  «  Les  chiens  ne  sont  pas  seuls  à 
aboyer,  » 

105  tt  Toutes  les  braves  gens  se  valent.  » 

106  a  Quand  on  connaît  les  gens,  on  ne  leur  demande  pas  d'où  ils 
viennent.  » 


PROVERBES   FRIB0URGE01S  97 

107  Glossain  de  Bridel,  p.  554.  «  La  poule  ne  doit  pas  chanter 
devmt  le  coq  x  prov.  fr.  En  prov.  :  a  Jamai  davans  lou  gau  galîno  dèu 
ciBta  »  Arm.  pToav.,  1862,  p.  70,  ou  «  Aqui  ount*  es  lou  gau  fau  pas 
que  ta  galina  cante  >  Rtv.  des  lang.  rom.^  187;,  p.  $84,  ou  aussi 
«  Ai!  que  vai  mau,  quand  la  galîna  fai  lou  gau  »,  p.  58 ^  L'espagnol 
s'exprime  autrement  :  ^  Con  mal  esta  el  buso,  quando  la  barba  no  anda 
de  suso  >  Oudin,  Rifr.  esp,,  p.  48;  mais  Fit.  dit  pareillement:  «  In  casa 
non  ci  è  pace,  quando  gallina  canta  e  gallo  tace  1»  Prov,  mor.^  549. 
Ecehmer,  £.  257. 

io8  €  Il  ne  faut  jamais  jurer  de  rien.  » 

109  «  Laissons  quelque  chose  pour  Pavenir^  il  reste  encore  bien  des 
joiirs  derrière  la  montagne.  « 

HO  *  En  s'expliquam  on  se  comprend,  » 

Mil  Avec  deTargent  on  a  des  sifflets  à  Saint-Claude  »,  c'est-à-dire 
ofl  peut  acheter  des  sifflets  à  la  foire  de  la  ville  de  Saint-Claude  en 
France,  où  Ton  vendait  autrefois  beaucoup  de  jouets  d*enfants.  En 
csp.  :  a  Por  dinero  bayla  el  perro  »  Oudin,  Rejr,  esp,y  p,  190,  et  «  Quien 
dineros  tiene  alcança  lo  que  quiere  »,  p.  218,  Carias  en  refr.  de  Blasco 
de  Gau^aj,  p.  69. 

112  <  Deux  avis  valent  mieux  qu'un  »,  ou  «  Deux  sûretés  valent 
rakiiz  qu'une  j»  est  un  proverbe  bien  usité  en  français  ;  cependant  Mou- 
don,  petite  ville  du  canton  de  Vaud,  n'est  pas  ici  pour  la  rime,  ainsi  qu*on 
serait  tenté  de  le  penser.  Dans  les  franchises  de  cette  ville  de  laSj,  qui 
fur^t  celles  d*un  grand  nombre  d'autres  lieux,  et  entre  autres  de 
Gruyères,  on  lit  les  articles  suivants  : 

£9  Si  quis  voluent  aliquem  a  regiquina  repellere,  dicens  ipsum  esse  litigato> 
ffsn  vel  litis  partîcipem,  débet  hoc  probare  per  duos  iesies. 

24  ,.,  si  ultra  mensuram  vulneratus  extimare  vellet  opéras  sive  expensas, 
domious  vel  qui  loco  domini  interfuerit  débet  taxare  et  admensurare  predicta^ 
habitis  secum  daobus  probis  hominibus  de  Meldutio. 

4}  Maccllario  credendum  est  de  cxpositione  carnium  per  suum  juramenttim 
OiiD  uao  sequente  idem  jurando... 

61  111e  qui  déportât  pagam  tabernarii  invito  tabernario  et  conlradicente  et 
poneote  bannum  tabernc,  tenetur  domino  in  sexaginta  solidis,  si  probatur  per 
ioM  testes. 

62  ...  si  vadiatus  negat  debitum  et  vadians  potest  id  ipsum  probare  per 
duos  testes,  non  débet  bannum  domino,  (Voy,  les  Chartes  communaks  du  pays 
di  Vaud  dans  le  tome  XXVII  des  Mémoires  et  documents  publiés  par  la  Société 
d'histoire  de  la  Suisse  romande.) 


ï\}  *i  Quand  la  chose  est  faite,  li  consaus  en  est  pris  »  du  xwV  s.» 
Le  Roux  de  Lîncy,  11,  J76.  En  italien  :  »  Domandar  consiglio  dopô  il 
fotto  »  OrL  Pescetti,  p.  190,  et  ^  Dopo  il  fattoognuno  è  savio  n  Prov. 
komânia^  Yl  7 


98  CHENAUX    ET   CORNU 

mor.,  îJ7.  Dans  le  Jorat  (Vaud),  on  a  une  comparaison  proverbiale  du 
même  sens  :  «  L  e  comèn  ia  grayla  apil  vénendzé.  »  Comp.  Bœhmer, 
R.  299. 

tr4  »  Celui  qui  n'a  pas  Tesprlt  à  la  tête  devra  l'avoir  aux  pieds  (sera 
obligé  de  faire  du  chemin  pour  réparer  ses  sottises).  *>  L'italien  dit: 
«  Chi  non  ha  cuore  habbia  gambe  n  OrL  Pesceiii,  141^,  ei«  Chi  ha  poca 
memoria  deve  averbuone  gambe  »  Prov.  mor.^  248. 

n  5  <i  Qui  perd  le  bien  perd  le  sens  »  Le  Roux  de  Lincy,  II,  401 .  De 
même  en  italien  :  ^  Chî  perde  ta  robba  perde  il  consiglio  »>  OrL  Pescetti, 
p.  180. 

1 16  Glossaire  de  Bridel,  p.  5  56,  «  Quand  chacun  s'aide,  personne  ne 
se  tue  »  Perron,  p.  80» 

j  17  Glossaire  de  Bridel,  p.  n?-  «  Farine  fraîche  ou  bien  de  prêtre 
et  pain  chaud  n'enrichissent  pas  la  maison,  »  «  Bein  d'église  n'enriisai 
pâ  »,  Tabbé  G.  Pont,  Orig,  dti  patois  de  la  Tareniaisc,  p.  76.  Perron, 
p.  çî  :  »t  Jeune  femme  et  pain  chaud  sont  des  ruine-ouiau  »,  u  Jeune 
femme,  bois  vert  ei  pain  tendre  font  bientôt  maison  à  vendre.  »  Comp. 
les  différentes  versions  du  même  proverbe  citées  par  Ad.  Espagne,  Rev, 
des  lang,  rom.,  1875,  p.  627  (lxxiii)  :  a  Se  députa  ou  de  campana 
jamais  noun  flouris  ni  noun  grana  d  ,  «  Ben  de  campano  ni  flouris  ni 
grano  *,  <»  Argent  de  fremo  e  soun  de  campano  noun  flouris  ni  grano,  » 
Ibidem^  p.  652  xui^  :  «  Bos  verd,  fenno  jouino,  escoubo  novo,  pan 
caud,  arouînoun  l'oustau  »^  «  Bos  verd  e  pan  caud  fan  la  rouino  d'un 
oustau  i>,  ti  Pan  fresc,  proun  fiho  e  bouesc  verd  metoun  i'oustau  eu  en 
désert  i>,  «  Boues  vert  e  pa  cald  destruison  Poustal.  »> 

1 1 8  «  En  forgeant  devient  on  febre  «  (xv<^  siècle)  Le  Rouy  de  Lincy, 
n,  1 30,  et  a  En  forgeant  on  devient  forgeron  ^^.  «  Atressi  cum  per  far- 
guar  I  Es  hom  fabres  per  razo,  |  Es  hom  laires  per  emblar,  |  e  tracher 
per  tracio  (P,  Cardinal  Mahn,  Ged.  758).  L'espagnol  dit  :  «  El  usar 
saca  ofhctâl  »  Oudin,  Refr,  esp.,  p.  80.  Comp,  Bœhmer,  R*  30. 

119  Ce  proverbe  appartient  à  tout  le  domaine  roman  ;  en  fr.  :  «  Qui 
se  fait  brebis  le  loup  le  ravit  »  Le  Roux  de  Lincy,  1,  15^,  «  Qui  se  fait 
bête  le  loup  le  mange  »,  p»  148;  en  prov*  :  «  Fasès-vous  fedo,  loup 
vous  manjara  »»  Arm.  prouv,^  1864,  p.  24.  a  Que  feda  se  fai,  lou  loup 
la  manja  »  Rev,  des  iang,  rom.^  1875,  p.  po;  en  iial.  :  <*  Chi  pecora 
si  fà,  il  lupo  se  la  mangta  ?>  Ûrl.  Pescettî^  p.  172.  L'italien  dit  aussi  : 
«  Chi  Colomba  se  fà,  îl  falcon  se  la  mangia  »  OrL  Pesceiti,  p.  172. 
Outre  ces  deux  proverbes  il  y  en  a  encore  un  autre  exprimant  la  même 
vérité.  Prov.  :  «  Fasès  vous  mèu  bèn  dous,  mousco  vous  manjaran  » 
Arm,  prouv.y  1860,  p.  7^.  De  même  en  espagnol  :  «  Hazed  os  miel,  y 
comer  os  han  moscas  v  Oudin,  Refr\  esp.^  p*  9}. 

120  «t  II  y  a  une  fin  à  tout.  » 


PROVERBES  FR1  BOURGEOIS  99 

111  *  Des  femmes  dans  une  maison  il  n'en  faut  pas  plus  que  de  poêles 
dans  une  chambre,  i* 

112  c  H  n'y  a  femme,  cheval»  ne  vache,  qui  n*aît  toujours  quelque 
tadie  »  Le  Roux  de  Lincy,  1,  p.  226.  De  même  en  espagnol  :  «  Ni 
noter  sîn  tacha,  ni  mula  sin  raça  »  Oudin,  Refr.  esp,,  p.  147,  et  (t  Quien 
qoisiere  mula  sin  tacha  que  se  este  sin  ella  p  Cartas  en  refranes  de  Blasco 
de  Garay,  p,  94;  et  en  portugais  :  *  Quen  qyercavallos  sem  tacha  sem 
eDe$  se  acha  »  Braga,  Cane,  pop.,  p.  187. 

12;  «  I  fâ  preindre  lo  tein  kemein  À  vein,  lous  omo  kemein  i  son* 
l'ardzetn  pc  ceîn  kâ  va  «  Pabbé  G.  Pont,  Origines  du  patois  de  la  Taren- 
iâisif  p.  81.  «  Il  faut  prendre  le  temps  comme  il  vient,  les  gens  pour  ce 
ciu'iis  sont  loua  les  femmes  pour  ce  qu'elles  sont.  i>  Perron, p* 66), et l'ar- 
getii  pour  ce  quil  vaut  *  Le  Roux  de  Lincy,  I,  i^j.  Bœlimer,  R.  160. 
Comp.  les  proverbes  moins  complets  :  «  L*en  doit  prendre  le  temps 
comme  Dieu  l'envoyé  r^  Le  Roux  de  Lincy,  H,  5  0,  et  «  fl  faut  laisser 
le  inonde  comme  il  est  i>  II,  310.  De  même  dans  les  Origines  du  patois 
dt  U  Tannîaise^  p.  78  :  a  Fâ  laiché  alla  16  mondo  kemein  à  vÂ.  n 

114  Glossaire  de  Bridel>  p.  n^  -  ^  Canfene  bôison  (cessent)  de  parla 
Pemèremè/2  fô  apretâ,  » 

125  G/onairf  de  Bridel,  p.  534  :  *  Mort  de  femme,  vie  de  cheval, 
t'est  la  prospérité  de  la  maison.  » 

126  Glossaire  de  Bridel,  p*  541.  «  Qui  fait  ce  qu'il  ne  doit  il  lui 
advient  ce  qu'il  ne  voudroit  »►  du  xv«  siècle,  Le  Roux  de  Lincy,  II,  592. 
Comp.  aussi  ÏI,  ^98.  De  même  en  italien  :  a  Chi  fà  quel  che  non  deve, 
gli  intervicn  quel  chc  non  crede  »,  «  Chi  vuol  far  quel  che  non  puote 
^  iznervien  quel  che  non  vuole  n  OrK  Pescetti,  p.  92.  Bœhmer,  R,  38, 
E.  Î9. 

1 27  «  Celui  qui  fait  comme  son  voisin  ne  fait  ni  mau  ni  bin.  i>  Perron^ 

p.  78. 

128  <t  Comme  tu  me  fais»  je  te  ferai,  disait  la  chèvre  à  son  chevreau.  » 
Coiop.  Le  Roux  de  Lincy,  II,  ^7?  :  «  Pour  ce  te  fais  que  tu  me  refaces. 
L'une  bonté  l'autre  requiert  »,  et  le  proverbe  francnzomtois  et  prov,  : 
«  Que  tè  fA,  fâ  li,  quement  dit  Fousé  i>  Perron,  p.  78,  «  L'alauseto  dis: 
que  ti  fo,  fai-li,  ?»  ou  bien  :  «  Que  te  fo  fa-li,  que  te  guinho,  guinho-li  1» 
Fesquei,  Rev.  deslang.  rom.,  1874,  p.  129,  et  la  note  de  la  même  page. 
L^espAgnol  dit  :  «  Quai  hizîeres,  tal  avras  n  Cartas  en  refranes  de  Blase 
de  Garay,  p.  12.  Un  autre  proverbe  de  la  Suisse  romande  du  même 
sens  est:  «  Cèca  porcôca  «,  «  noix  pour  noix  d  Ghssaîre  de  Bride! , 

129  Glossaire  de  Brideî,  p.  541.  «  Qui  bien  fera  bien  trovera  ou 
avéra  »  est  un  proverbe  du  xiir  siècle.  Le  Roux  de  Lincy,  II,  584  et 
481;  prov.  :  «  Qu  bèn  fara  ben  irouvara  i>  Arm,  prouv.,  1868,  p.   !o8; 


100  CHENAUX    ET   CORNU 

italien  :  «  Chi  ben  farà  ou  fa,  ben  havrà  »  OrL  Pescetti,  p.  8ï*  Prùv. 
mor,,  192,  «  Fa  bene  il  beri  che  faî,  e  bene  tu  n'avrai  »  Prov.  mor,^ 
410,  <t  A  chi  fa  bene,  Iddio  manda  bene  »  Ptqv,  mor,,  k  Une  autre 
forme  du  même  proverbe  est  :  «  Qui  mal  fera  mai  trouvera  «  Le  Roux 
de  Lincy,  II,  395.  «  Tô  fâ,  lô  vin  »,  c'est-à-dire  à  qui  fait  tort,  tort 
arrive.  Perron,  p.  74.  «  A  chi  mal  fà  mal  va  »  OrL  Pescetti,  p.  177^, 
«  Chi  fa  maie»  aspetti  mate  »  Prov.  mor.^  19,  En  prov.  nous  avons  les 
deux  proverbes  réunis  :  et  Que  ben  farà  ben  troubarà  ;  que  mau  farà 
mau  traubarà  «  Ad.  Espagne,  Revue  des  langues  rom.j  1875,  p.  604, 
Bœhmer,  ft.  4.  £.  120. 

1  jo  tt  II  faut  qu'on  en  fasse  (des  sottises),  si  ce  nVsi  pas  à  la  crèche 
c'est  en  allant  à  Pabreuvoir.  « 

[31  «  Il  n'est  pas  toujours  feste  n  Le  Roux  de  Lincy,  II,  3 1 5,  ou  «  Il 
n*est  pas  tous  les  jours  festes  n  I,  29^  a  quand  les  cloches  sonnent.  1» 
Comp.  Bœhmer,  R.  169. 

152  Ghisaire  de  Bridel,  p.  ^40.  «  Celui  qui  a  beaucoup  de  filles  et 
de  maisons,  jamais  plaisir  ne  se  voit.  »  Perron,  p.  91  :  "  Les  filles  et  les 
chevaux  sont  des  ruine-outeau  ?»,  a  Qui  n*a  que  des  filles  pour  des  gendres 
sera  à  toutes  heures  en  grand  esclandre  »  Le  Roux  de  Lincy,  I,  234, 

i|î  De  même  en  français  :  «  Toille,  femme  layde  ny  belle  prendre 
ne  doibt  iL  dois)  à  la  chandelle  *>  Le  Roux  de  Lincy,  U^  426;  en 
esp^ignol  :  «c  La  mujer  y  la  tela  no  lascatas  {lisez  catad)a  bs  candelas  > 
Oudin,  Refr.  esp.^  p.  1 1 1 ,  et  en  italien  :  «  Ne  donna  ne  tela  non  pigliar 
a  lume  di  candela  »  Orl.  Pescetti,  p.  15  et  38^,  parce  que,  selon  le 
proverbe  français  :  «  A  la  chandelle  la  chèvre  semble  demoiselle  *  Le 
Roux  de  Lincy,  1,  164,  et  selon  le  proverbe  espagnol  :  «  De  noche  a  la 
vêla  la  burra  parece  donzella  «  Oudin,  Refr,  esp,^  p*  63. 

ij4  Ghisaire  de  Bridel,  p.  S  3  3-4'  *^  ^^^  filles  et  les  chevaux  ne 
savent  pas  où  sera  leur  demeure.  »  1  Les  femmes  et  les  chevaux  ne 
savent  pas  leur  rétro  »  Perron,  p.  9}. 

1 3  5  «  Les  filles  dt^  bons  (riches)  paysans  trouvent  de  suite  des  maris, 
et  les  pauvres  gens  sont  obligés  de  vendre  ou  de  manger  leur  fromage 
avant  qu'il  soit  vieux,  i» 

1 36  «  On  ne  peut  pas  être  en  même  temps  au  four  et  au  moulin.  » 
Comp.  :  «  On  poué  pâ  trecaudà  éallâ  à  la  pretheauchon  »  l'abbé  G,  Pont, 
Or/^,  du  patois  de  la  Tarenîaise^  p.  74,  «  Non  si  puô  attender  alla  casa 
c  ai  campi  »  OrL  Pescetti,  p.  1  i8i^a  Non  si  puô  esser  in  un  medesirao 
tempo  in  Francia  e  in  Lorabardia  »  OrL  Pescetti,  p.  119. 

137  «  îl  ne  faut  pas  aller  au  bois  qui  craint  les  feuilles  »  Le  Roux  de 
Lincy,  1,  60, 

I  }8  «  Les  frais  ne  payent  personne.  ■ 

1 19  «  Jamais  trop  gourmet  n'a  eu  bonne  sauce,  n 


PROVERBES    FRIBOURGEOIS  101 

140  «  Chaque  fou  a  sa  chance.  »  Un  proverbe  it.  dit  :  «  La  fortuna 
^Dioaiutai  pazzi  ed  i  fanciulli  n  Orl.  Fescetti,  p.  24^^  et  74;  un 
lutrc  :  «  Pazzi  e  pîccirilli  Dio  l'ajuta  »  Prov.  mor.,  814. 

141  Corap.  «  Fol  semble  sage,  quand  il  se  tait  »  Le  Roux  de  Lincy, 
ï»  2]%^  «  Folie  gardé(c)  vaut  deux  fois  dite  »  II,  476,  «  Por  ce  est 
B  fox  qu'il  face  la  folie  ?»  I  24;  ;  et  le  proverbe  esp.  :  a  El  bovosi 
Cicallado,  por  sesudo  es  reputado  »  Oudin,  Refr,  esp.,  p,  71, 

142  Glossaln  dt  Bridel.  p,  537,  «  Chacun  a  sa  marotte.  ï> 
I4*t  «  C'est  bon  d'être  fou,  mais  modérément,  p 

144  ■  Tous  les  fous  aiment  sonner  les  cloches  et  tourner  la  manivelle 
pour  vanner.  » 

145  «  Celui  qui  donne  la  corde  d'une  cloche  à  un  fou  entend  sonner 
plus  qu'il  ne  veut  f 

146  «  Il  ne  faut  pas  agacer  les  fous,  n 

147  «  S'il  n*y  avait  pas  de  fous,  il  n'y  aurait  pas  de  folles.  » 
Î48  «  D'autant  plus  vieux,  d'autant  plus  foy.  t> 

149  «  Y  a  pâ  de  foua  sein  femire  ^  Tabbé  G*  Pont,  Origines  du  patois 
d£  k  Tatenîaise,  p.  76.  «  Il  n'est  jamais  feu  sans  fumée  »  Le  Roux  de 
Lmcy,  1, 70,  «  Où  n'y  a  feu  n'y  a  fumée  »,  1,71.  De  même  en  proven- 
çal :  «  To  pas  fioc  en  coumbo  qu'entoucon  noun  ressoundio  p  Fesquet, 
Rof,  des  iang,  rom.,  p.  128  (xcu).  Comp.  aussi  la  note  :  «  Tant  pregoni 
non  se  fa  lou  fuec  que  lou  fun  non  saille  y>,  ^  N'ey  pas  jamais  ta 
pregoun  lou  houec  que  lou  hum  noyn  sortie  r>  (Béarn).  L'espagnol 
dit  :  «  Donde  fuego  se  hace  humo  sale  n  Oudin»  Refr*  esp,^  p.  68. 

150  Comp.  Le  Roux  de  Lincy,  H,  no  ;  «  Argent  est  un  bon  servi- 
tcQr  et  un  mauvais  maître.  » 

I  ji  *i  Vante-toi.  puisque  personne  ne  te  vante,  n  Un  autre  proverbe 
de  la  Suisse  romande  est  :  «  N'a  pâ  fôta  de  braga  ce  se  brage  e  mimu  » 
Gtessairc  de  Bridel,  p,  5J7. 

1 52  De  même  en  français  :  u  Grand  vanteur,  petit  faiseur  j»  Le  Roux 
de  Lincy,  11,  505,  «  De  grans  vanteurs petits  faiseurs  »  H,  282,  *  Cora- 
oaanément  un  grand  diseur  se  trouve  enfin  petit  faiseur  i»  11,  127.  Le 
provençal  et  l'espagnol  expriment  la  même  vérité  par  le  proverbe:  «  Jamai 
cal  miaulaire  fugué  bon  cassaire  »  Arm,  proup.,  ï86o,  p.  89,  «  Gato 
maullador  nunca  buen  caçador  >>  Carias  in  rejranes  de  Blasco  de  Garay, 
p.  16.  Comp.  encore  Texpr.  prov.  :  «  Mê  de  braga  tye  de  fê  »  Ghssaire 
de  Bridel,  p.  5^7,  Bœhmer,  R.  98,  ;ii7.  £.  18,  19. 

I I  >  *  Quelquefois  les  plaisanteries  deviennent  sérieuses.  » 

154  «  Qui  gagne  d'abord  se  ruine  ensuite.  »  En  italien  :  «  Chi  vince 
da  prima  perde  da  sezzo  »  OrL  Pescettî,  p.  \o^  b,  çi  ^  Chi  vince  da 
prima»  maie  indovina  n  OrL  Pescetti,  p.  jo6. 

I  j  j  Giossaiie  de  Bridel,  p.  5)}.  «  Goutte  après  goutte  se  fait  le  fro- 


102  CHENAUX    ET   CORNU 

mage.  »  Bœhmer,  R.  jo.  Comp.  les  proverbes  français  :  «  Gomie  à 
goutte  on  remplit  la  cuve  »  Le  Roux  de  Lincy»  I,  66;  prov.  ;  «  Gouio 
à  gouto  si  vyejo  la  bouto  «  Arm.  prouv.,  1868,  p.  108;  et  esp.  :  «  Gota 
à  gota  la  mar  se  apoca  »,  «  Grano  no  hinche  harnero,  mas  ayuda  a  su 
companero  »,  «  Grano  a  grano  hinche  la  galHna  el  papo  »  Oudin,  Refr, 
esp.j  p.  90.  Comp.  encore  Glossaire  de  Bridel,  p.  j  J5  :  «  Se  tôte  gôte 
cresan,  tôle  gôte  decresan.  » 

1 56  «  Gratte-loi  avec  tes  ongles*  » 

t$7  Glossaire  de  Bridel,  p.  541.  «  Gratte-moi,  je  te  gratterai  », 
c*est-à-dire  :  «  Loue-moi,  je  te  louerai.  » 

158  «  Il  vaut  mieux  garder  ceux  qui  sont  gras  que  d'en  engraisser 
d'autres  i>  (en  parlant  des  gouvernements) . 

1^9  Ghssaîrc  de  Bridel,  p,  5  jj  et  558.  En  esp.  :  «  A  par  de  rio  ni 
corapres  vina,  ni  olivar,  ni  caserio  »  Oudin,  Refr,  esp.^  p,  27,  a  Nihagas 
hueria  en  sombrio,  ni  edifiques  cabe  rio  ?>  p.  r  ^7,  «  Ni  pesca  cabo  rio, 
ni  vina  cabo  camino  1»  p.  146,  En  italien  :  «  Ne  mulo,  ne  raulino,  ne 
fiume  0  fomo  per  vicino  »  OrL  Pescetii,  p,  i-^b.  Car,  dit  un  autre  pro- 
verbe :  «  Un  grand  seigneur,  un  grand  clocher  et  une  grande  rivière 
sont  trois  mauvais  voisins  »  Le  Roux  de  Lincy,  II,  101;  prov.  :  «  Se- 
gnour,  ribiero  e  camin,  fan  très  marrit  vesin  »  Arm.  prouv.,  1862, 
p.  1 04,  «  Segnour,  ribiero  e  grands  camins  soni  tous  très  de  calious 
vezins  ^  Alph.  Roque-Ferrier,  Rev.  des  lang.  rom.,  1874,  p.  507. 

160  (t  Les  fautes  des  grands  sont  les  plus  scandaleuses,  d 

161  «  Des  bourgeons  nous  en  avons  tous  »,  c'est-à-dire  chacun  a  ses 
défauts. 

1 62  «  Ce  qui  est  venu  de  la  flûte  s'en  va  au  taborin.  «  <t  Ce  qui  vient 
de  la  flûte  retourne  au  tambour  »  Le  Roux  de  Lincy,  11,  [03.  «  Ce 
qui  vient  de  pille-pille  s^en  retourne  en  guille-guille  »  Perron,  p.  172. 
Comp.  Bœhmer,  R,  i^-j. 

165  «  Kan  on  eimein  ke  na  cloise,  on  n'eintein  k'on  son  »  l'abbé 
G,  Pont,  Orig,  du  patois  de  la  Tarentaise^  p.  j^;  en  français:  «  Qui 
n'entend  qu'une  cloche  n*entend  qu'un  son  »>,  proverbe  dont  on  n'a  pas 
d'exemples  anciens,  Le  Roux  de  Lincy,  L  8;  de  même  en  provençal  : 
«  Quau  n*enlènd  qu'uno  campano  n'entend  qu'un  son  »,  ou  «  Qu  n'ausc 
qu'uno  campano  n'ause  qu'un  son  **  Arm,  pfoav.^  1864,  P-  y^t^t  1868, 
p.  107;  et  en  italien  ;  «  Bisogna  sentir  ambedue  le  campane  innanzi  che 
si  dîa  la  senienza  »  OrL  Pescetiî,  p.  107^,  et  :  «  Non  giudicare  se  senti 
una  campana  senza  Takra  w  Prov.  mor,^  758, 

164  «  Quand  on  parle  du  loup,  il  sort  de  la  foréL  »»  Le  proverbe 
savoyard  est  :  a  Kan  on  parle  du  laou,  al  arive  î  baou  i>  l'abbé  G.  Pont, 
Orig,  du  patois  de  la  Tarentaise,  p.  78,  et  le  proverbe  français  :  «  Quand 
on  parle  du  loup,  on  en  voit  la  queue  >  Le  Roux  de  Lincy,  1,  182. 


PROVERBES    FRIBOURCEOÏS  10} 

165  La  ferme  de  ce  proverbe  doit  appartenir  en  propre  à  la  Gruyère, 
oir  le  français  dit  :  «  Ce  n'est  pas  tout  or  ce  qui  reluist,  ni  farine  ce  qui 
blanchîst  »  Le  Roux  de  Lîncy,  I,  8i,  «  Tout  ce  qui  reluit  n'est  pas 
d'or  »  Perron»  p.  70;  le  prov.  :  »  Tout  ço  que  luse  n'es  pas  d'or  ^> 
Arm,  prouK  1868,  p.  107;  l'esp.  :  «  Todo  lo  blanco  no  es  farina  v 
Oiidin,  Rifr.  esp,^  p.  254,  «  Nô  es  todo  oro  lo  que  reluze  y>  Oudin 
Rgfr.  ap,^  p.  162,  ou  bien  aussi  :  «  No  es  oro  todo  lo  que  reluze  ni 
harina  loque  blanquea  »  Carias  en  refranes  de  Blasco  de  Garay,  p.  24; 
et  lltalien  :  •<  Oro  tuuo  non  è  quel  che  risplende  «  Orl,  Pescelli,  p.  i  {, 
et  •  Dov'è  Toro  luce;  ma  non  è  tutt'  oro  quel  che  luce  r>  Prov.  mor.^ 
|2i.  Bœhiner,  R,  11.  E.  189. 

166  tt  A  corriger  un  lambin  ne  perd  pas  ton  temps;  laisse-le 
amouiUer,  s'il  amouille  longtemps,  il  n'amoutilera  '  pas  pour  rien*  n 

167  Glossaire  de  Bridel,  p.  $37.  «  N*est  pas  voleur  celui  qui  vole  le 
volctir*  »  Comp,  Le  Roux  de  Lincy,  11,  J07  :  «  Il  est  bien  larron  qui 
défobe  un  larron,  « 

r68  En  français  on  trouve  ce  même  proverbe  dès  le  xiii'*  siècle  : 
M  Au  matin  lever  ne  gist  mie  tous  ti  esplois,  ^>  a  Ce  n'est  paâ  le  tout  de 
te  icvcr  malin  »,  ou  «  c'est  peu  de  se  lever  matin,  il  faut  encore  arriver 
â  l'heure  1  Le  Roux  de  Lincy,  11,  2 p  et  1,  loi ,  «  Ce  n'est  pas  tout  de 
courir,  il  faut  partir  à  temps  »  U^  2^8,  ou  «  C'est  peu  que  de  courir,  il 
faut  partir  à  point  »  La  Fontaine»  fable  du  Lièvre  et  de  ta  Tortue.  Plus 
brièvement:  a  C'est  tout  de  partir  à  l'heure  »  Le  Roux  de  Lincy,  1, 101. 

169  <r  Celui  qui  laisse  faire  laisse  brûler  sa  maison.  » 

170  •  Les  louis  d'or  font  marier  les  gens  difformes.  »  Perron*  p.  çç  : 
«  Terre  marie  merde  et  l'argent  peutes  gens*  »> 

171  Glossaire  de  Bridel,  p.  ç^^  <<  Epi  par  épi  on  fait  ia  glane.  »  — 
«  En  portant  assez  de  charges  de  foin,  on  parvient  à  faire  une  meule,  w 

171  «  Kemein  on  fâ  sa  cutse  on  se  cutse  >»  l'abbé  G.  Pont,  Origines 
éipâîùis  de  la  Tarcntaise,  p.  77.  En  fr.  :  «  Comme  on  fait  son  lit  on  se 
couche  »  Le  Roux  de  Lincy,  II,  172.  Comp.  encore  M,  ^95  : 
•  Qui  mal  fait  son  lict  mal  couche  et  gist  »  G*  Meurier  [xvi*  siècle),  et 
en  esp.  :  «  Quien  mala  cama  haze  en  eîfa  se  yaze  »  Oudin,  Refr,  esp., 
p*  207.  Bœhmer,  /î.  86. 

17^  «  Personne  ne  veut  être  boucher  pour  ïe  foie.  »> 

174  «  On  ne  peut  pas  prendre  deux  mères  au  même  nid.  » 

175  «  Il  n'y  a  pas  de  si  petit  poutot  qui  ne  trouve  son  convéquiol  » 
Perron»  p.  66.  «  A  chaque  pot  son  couvercle  «  Le  Roux  de  Lincy,  II, 
214.  a  11  n'y  a  si  méchant  pot  qui  ne  trouve  son  couvercle  »  II,  21 5,  De 


1    AmcmlUr,  terme  technîaue.  c'est  assouplir  le  pis  de   la  vache  pour  la 
tratrc.  Voir  Littré^  s.  v.,  qui  aonne  une  autre  signification  de  ce  verbe. 


104  CHENAUX    ET   CORNU 

même  en  esp.  :  n  No  3y  olla  tan  fea  que  no  halle  su  cobertura  n  Oudin, 
Réf.  esp.,  p.  160. 

ijb  «  Les  marmitons  ont  toujours  quelques  bons  morceaux,  d 

177  <ï  Mariez-vous,  ne  vous  mariez  pas,  mauvaises  les  mouches, 
mauvais  les  taons,  mauvais  les  poux,  mauvaise  la  teigne,  diable  l'un, 
diable  l^aiitre,  »  Perron,  p.  56  :  «t  Marie-toi,  ne  te  marie  pas,  pour  sûr 
tu  t'en  repentiras.  » 

178  Glossaire  de  Bridel,  p»  çjy.  «  Qui  en  haste  se  marie  à  loisir  se 
repent  »  Le  Roux  de  Lincy,  II,  390»  «  Celui  qui  trop  t6t  se  marie  peut 
bien  dire  au  bon  temps  adieu  »>  II,  S9,  «  Qui  mal  se  marie  tost  se  mar- 
rie j)  I!  Î9Ç.  Un  autre  proverbe  de  la  Suisse  romande,  d*un  sens  plus 
général  dit  :  «  Sè/i  c^on  a  fê  a  la  cuaité  on  s'en  repèrr  a  lézi  «  Glossaire 
de  Bridel,  p.  5  $7.  De  même  en  esp,  :  i<  Quien  de  presto  se  détermina 
de  espacîo  se  arrepiente  »  Cartas  en  refranes  de  Blasco  de  Garay,  p.  i  j. 

179  (f  Pour  se  pendre  et  se  marier  il  ne  faut  pas  y  penser  longtemps.  » 

180  «  On  est  plus  tôt  marié  que  bien  logé  »  Perron,  p.  56.  Aussi, 
dit  le  proverbe  français  :  <t  Avant  de  te  marier  aye  maison  pour  habiter  )> 
Le  Roux  de  Lincy,  II,  244. 

181  «  Il  faut  se  marier  pour  se  faire  blâmer;  il  faut  mourir  pour  se 
faire  louer.  »  Comp.  le  proverbe  prov*  ;  «  Cau  naisse  pèr  èstre  poulit, 
si  maridà  pèr  èstre  riche  e  mouri  pèr  èstre  brave  )ï  Fesquet,  Rev,  des 
lang.  rom.,  p.  120  (xl). 

182  En  esp,  ;  «  Quien  mas  tiene  mas  quiere  »  Oudin,  Refr.  esp., 

p,  aji. 

i8:j  Glossaire  de  Bridel,  p.  5  54,  «  Plus  il  y  a,  mieux  c'est  ;  plus  il  y 
a  de  poules,  plus  il  y  a  d'œufs.  » 

1 84  Le  proverbe  français  est  :  «  Qui  de  tout  se  tait  de  tout  a  pais  >> 
qu'on  rencontre  dès  le  xni*  siècle,  Le  Roux  de  Lincy,  11,  588.  De 
même  en  prov.  :  «  Que  de  res  noun  se  mescla  de  tout  a  repaus  » 
Ad.  Espagne,  Riv.  des  iang.  rom.,  1875,  p.  629  (Lxxxvi),  ou  «  Qui  biou 
en  pax  dorm  en  repaus  »  Alph,  Roque-Ferrier,  Rev,  des  Iang.  rom.^ 
1874,  p.  ]i0i;  et  en  italien  :  <«  Chi  fà  i  fatti  suoi  non  s'imbratta  le 
mani  n  Ori.  Pescetti,  p.  866  et  i  ç8i?,  et  «  Non  mischiarti  in  molti  affari, 
se  vuoi  schivar  de'  giomi  amari  ^î  Proy.  mor.^  744. 

185  «  Celui  qui  est  maître  se  couche  où  il  veut.  » 

r86  K  U  vaut  mieux  tout  manger  que  tout  dire.  i>  Bœhmer,  £.  ïoi. 
187  «  Qui  mange  beaucoup   et   rien   ne  boit  ne   se   voit  jamais 
rassasié.  » 

r  88  <c  La  misère  amène  le  noise.  »> 

189  «  Mal  sur  mal  n'est  pas  santé  ou  ayse  n  Le  Roux  de  Lîncy,  I, 
262  et  27c,  II,  Î4Î, 

190  et  191  C/o«<wr^  de  Bridel,  p.   nî*  ^^  proverbe  se  rencontre 


PROVERBES   FRIBOURCEOIS  10  S 

dans  tout  le  domaine  roman  ;  en  France  :  «  Un  malheur  ne  vient  jamais 
seul  B  Le  Roux  de  Lincy,  tl,  4|l,  ou  «  Quand  une  fortune  vient  ne 
vient  seule  >  (xv«  siècle)  Le  Roux  de  Lincy,  II,  ^78;  en  Provence: 
«  Lou  oiau  ven  à  quintau  e  s'en  vai  à  tarnau  1»  Rev.  da  lang,  ram.f 
187^,  p.  6îi-  Comp.  aussi  l'énigme,  p.  }o6;  en  Espagne  :  «  Mal  sobre 
B»l  y  piedra  por  cabeça!  »  Oudin.  Refr,  esp.^  p.  12$,  «  Bien  vengas 
mal,  si  vienes  solo  n  Oudin,  Refr.  tsp^^  p^  ?6,  Carias  tn  nfranes  (f^Blasco 
de  Garay,  p.  90,  s  El  mal  entra  àbraçadas  y  sale  à  pulgaradas  »  Oudin, 
R^r.  €sp,^  p.  72  ;  en  Italie  :  «  Le  non  vengon  mai  sole,  »  «  Le  disgrazie 
SOQ  come  le  ciregie,  una  tira  l'altra  n  Ori.  Pescetti,  p.  i\b^  «  Ogni  mal 
Yuoi  giunta  jj  p.  114,  «  Il  maie  viene  a  carri,  e  va  via  a  oncle  9  p.  i  ^4. 
Bœhmer,  B,  255,  Comp.  avec  191  l'inverse  dans  Perron,  p,  6{  :  «  Là 
où  le  bien  vient,  il  torche  ». 

191  a  Mal  âdvisé  ne  fut  jamais  sans  peine  v  (xvi«  siècle)  Le  Roux 
de  Lincy,  H,  Î42.  «  Mal  avisé  n'est  pas  sans  peine  y>  Perron,  p.  70. 
1  Mau  avisa  a  toujours  depeno»»  Rev.destang.  rom*^  i^7h  P-  60  1^0- 

19)  «  Il  faut  de  toute  sorte  de  gens  pour  faire  un  monde  »  Perron, 
p.  41. 

194  Ce  proverbe  est  de  tout  le  domaine  roman;  de  la  France  : 
<  Deux  hommes  se  rencontrent  bien,  mais  deux  montagnes  point  n 
Le  Roux  de  Lincy,  I,  79,  ou  sans  rime  :  <i  Les  hommes  se  rencontrent 
et  les  montagnes  non  »  I^  2)3;  de  la  Provence  :  <  Bèn  se  rescontron 
dos  montagno,  quand  se  rescontron  dous  gibous  »  Arm.  prouv.,  1S67, 
p,  87;  de  TEspagne  :  t  Topanse  tos  hombres  y  no  los  montes  »  Oudin, 
Rcfr.  isp,,  p.  255  ;  et  de  IMtalîe:  «  Si  riscontran  glî  huominî  e  non  le 
montagne  »,  «  Dice  it  proverbio  ch'à  irovar  si  vanno  glihuominî  spesso, 
c  imontifermi  stanno»  (Ariosio)  Orl  Pescetti,  p,  2  j 2.  Il  y  a  deux  autres 
versions  du  même  proverbe  dans  les  Prov.  mor. ,  490  :  «  I  monti  non  si 
raâirontano,  ma  gli  uomini  si  rincontrano^  t>  «  I  monti  fermi  stanno,  eg!i 
uomini  a  riveder  si  vanno.  »»  Bœhmerj  R.  122.  £,  17J, 

19$  «  On  prein  pe  mé  de  mut&e  avoué  de  raie  k*avoué  de  vcnegre  » 
l'abbé  G*  Pont,  Origines  du  patois  de  la  Tarentaise^  p.  78  ;  en  français  de 
même  :  *  On  prend  plus  de  mouches  avec  du  miel  qu'avec  du  vinaigre  » 
Le  Roux  de  Lincy,  I,  186. 

1 96  Le  Roux  de  Lincy  a  plusieurs  variantes  anciennes  de  ce  même 
proverbe  :  t  Qui  son  nés  coupe  sa  face  désonoure  »  11,  469,  ou  «  eniedist 
sa  face  »  II,  482,  ou  «  il  déserte  son  vis  »  H,  498.  Le  prov.  moderne 
est  :  «  Qui  coupe  son  nez  défigure  son  visage  »  II,  587.  De  même  en 
iulicn  :  ■  Chi  si  laglia  il  naso,  s'insanguina  la  bocca  »  QrL  Pesceiti, 
p.  t|}6.  Bœhmer,  8.  268. 

t97  *  Trois  jours  de  noce,  le  lendemain  pas  de  pain,  t 

198  «  Celui  qui  va  à  la  noce  va  à  la  dépense.  » 


Iô6  CHENAUX    ET    CORNU 

199  «  Qui  bien  lie  bien  deslie  »  Le  Roux  de  Lincy»  II,  384;  prov.  : 
«  Qui  ben  lia  ben  desli  »  iMarcabrun),  Bartsch,  Chresî.  prov^y  p.  60, 
10;  esp.  :  tt  Mira  que  aies  que  desates  »  Oudin,  Refr.  csp.^  p.  129, 
«  Quien  bien  ata  bien  desata  1»  Carias  en  refrants  de  Blasco  de  Garay, 
p*  29;  italien  :  t<  Chi  ben  serra  ben  âpre  »  Orl.  Pescetli,  p.  39. 
Bœhmer,  E.  30, 

200  <x  Plus  on  pile  Pail  plus  il  sent  mauvais.  » 

20J  tt  A  chacun  oiseau  son  md  semble  beau  «  Le  Roux  de  Lincy,  1, 
188  et  II,  472,  proverbe  dont  on  a  des  exemples  dès  le  xiii^  siècle.  De 
même  en  prov.  :  «  Cada  aussel  troba  soun  nis  bel  »  Ad.  Espagne^  Rev, 
des  lang,  rom,,  1873,  p.  60 y,  et  en  it.  :  «  Ad  ogni  uccello  suo  nido  è  (ou 
pare)  bello  i*  Orl.  Pescetti,  p.  170.  Prov.  mor,,  25.  Comp.  encore  ; 
<  Ogni  volpe  porta  amore  alla  sua  tana  1»  Proy,  mor,,  784.  Bœhmer, 
R.  2.E.  6. 

202  «  L'ombre  la  plus  mauvaise  pour  la  maison  d'un  paysan,  c'est  un 
château.  » 

20$  ^  Il  ne  faut  pas  se  couper  les  ongles  le  vendredi,  si  l'on  se  veut 
gratter  le  samedi*  » 

204  «  Il  y  a  panoui  quelque  chose  (du  désaccord)  excepté  chez  nous 
oil  nous  nous  battons  tous  tes  jours.  i> 

20^  Glossaire  de  Bridel,  p.  ^41,  *<  Maveîs  ovriers  ne  trovera  ja  bon 
cstil  1»  (xïn'=  siècle)  Le  Roux  de  Lincy,  II,  143.  L*it.  dit  pareillement  : 
«  Cattivo  lavoratore  a  ogni  ferro  pon  cagione  n  OrL  Pescetti,  p.  i8çt. 

206  Comp.  les  proverbes  français  :  «  Chacun  fait  ce  qu'il  peut  »  Le 
Roux  de  Lincy,  IL  267,  et  «  Outre  pouvoir  noient  »  (xiiï«^  siècle)  II, 
36$  ;  l'esp.  :  ce  Quien  quando  puede  no  qitiere,  quandoquiere  nopuede  ^, 
et  IHt.  :  a  Chi  non  fa  quando  pu5  non  puà  far  ou  non  fâ  quando  vuole  n 
Orl.  Pescetti,  p.  92^,  157,  16 r,  «  Chi  non  vuole  quando  puô,  non  puô 
quando  vuole  »  Prov.  mor,,  259,  «  Fa  come  puoi,  non  corne  vuoi  » 
Prov.  mor.^  404,  «  Chi  fa  a  potere,  fa  a  dovere  »  Prov.  mor.^  i  ^6. 

207  «  Il  n'y  a  rien  d'aussi  patient  que  le  travail,  il  attend  toujours 
qu'on  le  fasse.  » 

208  ce  Le  pain  nourrit  bien  des  sortes  de  gens,  w  Comp,  l'italien  : 
a  0  povero  pane,  da  chi  se'  tu  mangiato!  n  OrL  Pescetti,  p.  6^b. 

209  «  Avec  les  vieillards  on  mange  le  pain  blanc.  »  Consolation 
donnée  aux  filles  qui  épousent  des  vieillards.  Comp.  le  proverbe  ital.  : 
a  Beata  colei,  che  di  vecchîo  pazzo  slnnamora  »»  Orl.  Pescetti,  p   ijb. 

210  «  Mange  du  pain  noir  quand  tu  es  jeune»  si  tu  veux  manger  du 
pain  blanc  quand  tu  seras  vieux.  )>  Comp.  Le  Roux  de  Lincy,  II,  it  1  ; 
«  Manger  son  pain  blanc  le  premier,  d  et  les  proverbes  italiens  :  t<  Chi 
va  a  caval  da  giovane,  va  a  piedi  da  vecchio  »  Orl  Pescetti,  p.  230/7, 
«  Chi  travaglia  in  gioventù,  nposain  vecchiaia  »  Prav.  mor,y  240.  Comp. 


PROVERBES    FRIBOURGEOIS  '-^^i  ^qj 

aussi  dans  le  Glossaire  de  Bridel,  p.  ^41,  le  proverbe  de  Valangin  ; 
«  Dîouveunn  cavati  vilh  piotôn  «,  ei  Bœhmer,  R,  89,  250. 

3  î  I  t«  Les  pansards  font  marcher  les  penseurs  )>  ;  prov.  qui  diffère  de 
cdoique  die  l'abbé  G.  Pont,  Origines  du  patois  de  la  Tarentaise,  p.  75  : 
V.  Après  la  panihe  vin  la  danlhe  »,  et  du  proverbe  français  :  «  De  la  panse 
vient  la  dance  »  Le  Roux  de  Lmcy»  II,  76, 

212  Comp.  le  proverbe  prov.  :  «  Bateja  fa,  peirin  se  presenion  n 
Arm.  prouv,,  1861,  p.  30.  Un  autre  proverbe  dit  :  «  Quand  notre  fille 
est  mariée  nous  trouvons  trop  de  gendres  »  Le  Roux  de  Lincy»  K  2J4; 
de  même  en  esp.:  tt  Ahijacasadasalennosyemos)>Oudin,Ke/f.«p.,p.  9. 

2 1  î  «  Les  faits  se  montreront  et  les  ditz  passeront  »  Le  Roux  de 
lincy,  11,  }^i.  Comp.  Titalien  :  «  Le  parole  son  femîne,  e  i  faiti  son 
masdu  i>  Orl.  Peschetti,  p.  169. 

214  o  Les  contrats  lient.  »  On  disait  en  ancien  français  :  tt  Conve- 
nances (conventions)  vainquent  loi  »  Le  Roux  de  Lincy^  H,  277.  Cf. 
P.  Meyer,  Happons  au  ministre,  p.  174. 

21  î  Glossaire  de  Bridel,  p.  559.  «  Les  moindres  marchés  qu'on  fait 
sont  ceux  qu'on  fait  à  réglise  (en  se  manant),  »  Comp.  un  autre  prov.  : 
«  !  v6  de  gr6  ml  xe  burlâ  a  Poçô  tye  û  mohi.  » 

216  «  L'homme  qui  moult  boit  tard  paye  ce  qu'il  doibt  ^>  Le  Roux  de 
Lincy,  1,  2^5,  «  Qui  trop  boist  tard  paye  ce  qu'il  boit  (/.  doilj  »  II,  408. 

2 1 7  «  C'est  toujours  assez  tôt  de  payer  ses  dettes  et  de  mourir,  » 

218  Français  :  u  Autant  de  villes  autant  de  guises  n  Le  Roux  de 
lincy,  II,  18;,  «  Tant  de  gens^  tant  de  guises  ))  II,  418;  esp.  :  «  En 
cada  tierra  su  uso  «  Oudin,  Refr.  esp.^  p.  82  ;  îtal.  :  «  Tanti  paesi  tanle 
osanze  n  Orl.  Pescetti,  p,  229,  et  «  Tal  paese  tal  usanza  n  p.  241. 
Bœhmer,  R.  294* 

219  Glossaire  àt  Bridel,  p.  540  :  a  Can  on  vau  dau  pes6n,  se  fô 
molyi  c  si  c'a  fôia  de  fû  ce  lo  tsertsay.  »  Prov.  «  Quau  noun  s'arrisco 
noun  pren  peis  »  Arm.  prouv.^  1867,  p.  82;  esp.  «  Sin  mojarse  el 
pescador  nunca  toma  muy  gran  pez  n  Dialogo  entre  el  amor  y  un  cavaliero 
fiejo  à  la  suite  des  lettres  de  Blasco  de  Garay,  ou  aussi  :  «  Quîen  no  se 
osa  aventurar,  no  passa  la  mar  )),  et  «  Quien  no  se  aventura,  no  anda  a 
carallo  ni  a  mula  )>  Oudin,  Refr.  esp.,  p.  211;  italien  :  «  Non  si  puô 
haver  de*  pesci  senza  immollarsi  >*  Orl.  Pescetti,  p.  ^ob,  et  a  Achi  nulla 
tcnta^  nulla  riesce  »  Prov.  mor,^  21*  Comp.  Bœhmer,  R.  514. 

130  Prov.  (t  Li  roucas  soun  dur  pertout  n  Arm,  proav.^  1868,  p.  108. 
221  «  Les  pierres  rouient  loujours  vers  les  gros  tas  de  pierres,  w  u  La 
pierre  va  toujours  au  murger  '  »  Perron,  p.  65, 


u  Murzcr,  i3î  de  pierres  élevé  entre  les  héritages  et  où  chacmi  jette  ou  porte 
celles  qu'il  ôte  de  son  champ  ou  de  sa  vigne  (Perron). 


I08  GHEN4.UX   ET   CORNU 

222  «  A  force  de  jeter  des  pierres  sur  un  toit,  il  en  reste  toujours 
quelques-unes.  )> 

22^  a  1[  y  a  plus  de  jeunes  peaux  â  la  tannerie  que  de  vieilles,  n 
Comparaison  expressive  donî  on  se  sert  pour  montrer  qu'il  meurt  plus 
de  personnes  dans  la  jeunesse  que  dans  la  vieillesse*  Le  h.  dit  :  «  Il  va 
plus  au  marché  peaux  d*agneaulx  que  de  vieilles  brebis  »  Le  Roux  de 
Lîncy,  I,  I  j8,  et  Tit.  :  «  Più  capretti  e  agnelli  vanno  id  beccheria  che 
pécore  e  becchi  n,  «  Cosi  presto  muojon  le  pécore  ^ovani  corne  te 
vecchîe  »,  «  Non  hà  più  caria  Tagnello  che  la  pecora  »  OrL  Pescetti, 
p.  \4^k 

224  Glossaire  de  Bridel,  p.  515  *  <<  Po  prè/îdre  lu  ni,  né  îà  pâ 
atè/idre  ce  le  zozl  seyan  via.  «  C*est-à-dire,  pour  prendre  les  petits 
(oiseaux)  il  ne  faut  pas  attendre  qu'ils  soient  hors  du  nid. 

225  a  Le  petit  [le  pauvre)  a  toujours  la  courte  paille.  » 

226  Patois  savoyard  :  u  A  tsa  paou  Taougé  fâ  son  ni  »>  l'abbé 
G.  Pont,  Origines  da  paims  de  la  Tarenlalse,  p.  82  ;  en  franc.  :  «  Petit  à 
petit  Poiseau  fait  son  nid  »  Le  Roux  de  Lincy,  1,  189;  en  esp.  :  «  Poco 
à  poco  hila  la  vieja  eî  copo  n  Oudin,  Refr.  esp.^p.  1 89  ;  en  il,  :  «  A  passo 
si  va  â  Roma  »  Prov,  mor.j  72. 

227  Glossaire dt  Bridel,  p.  5  j8.  En  français  :  «  Qui  va  doucement  va 
scurement  »  Le  Roux  de  Lincy,  II,  409;  en  italien  :  «  Chi  va  pian  va 
San  »,  «  Pian  pian  si  va  lontano  »,  «  A  penna  a  penna  si  pela  un' 
ocha;  a  passo  a  passo  si  fa  de  gran  cammino  «  OrL  Pescetti,  p.  99^; 
(c  Chi  va  piano,  va  sano;  e  chi  va  sano,  va  lontano  n  Prov.  mor,  189. 
Bœhmer,  R,  jjS,  E,  68. 

228  (t  II  ne  faut  pas  briser  le  pont,  quand  on  a  passé  la  rivière.  »> 

229  <<  Celui  qui  fait  une  grande  cuillère  en  fera  bien  une  petite,  )>  En 
français  :  «i  Qui  fait  un  fer  cent  en  sçaii  faire  >>  Le  Roux  de  Lincy,  11, 
392,  i<  Celui  qui  fait  bien  un  panier  fait  bien  une  charpigne  (cor- 
beille) »  Perron»  p.  7?  j  en  italien  ;  «  Chi  fà  il  carro  lo  sa  disfare» 
OrL  Pescetti,  p.  1 17. 

2J0  Perron,  p.  138  :  «  Quand  To  bin,  To  prou  n.  «  Quand  c'est 
assez,  c'est  assez.  y>  Comp.  Bœhmer,  £.15. 

2^1  Patois  savoyard  :  «  On  mauvais  arrandzemein  va  miu*qu'on  bon 
procès  i>  l'abbé  G.  Pont,  Origines  da  patois  de  la  Tartnîaisi^  p,  7}; 
français  :  c<  Un  mauvais  arrangement  vaut  mieux  que  le  meilleur  procès  » 
Le  Roux  de  Lincy,  M,  146;  esp.  :  «  Mas  vale  mala  avenencîa que  buena 
seniencia  «  Oudin,  Refr^  e$p*,  p,  121,  Bœhmer,  R,  147  ei  Nachtrag, 
p.  187.  E,  179;  aussi»  ajoute  le  proverbe  gruérin  :  «  Si  quelqu'un  te 
demande  ton  habit,  donne-le-lui  et  de  plus  ta  chemise  iplulôt  que  d'en- 
tamer un  procès).  »  Comp.  Perron,  p.  74  :  «  Celui  qui  gagne  un  procès 
revient  en  chemise,  ei  celui  qui  le  perd  revient  loui  nu  \  »  et  en  it.  : 


PROVERBES    FRIBOURGEOIS  IO9 

Didue  già  litîgami  ecco  il  ritratto;  Tuno  in  camîda,  e  Taliro  nudo 
jfino  nProv,  mot.,  559. 

ip  «Trois  procès  gagnés  un  homme  ruiné.  »  Prov.  mor.^  6jo: 
«L'uomo  che  lîtiga  sempre  perde.  » 

3JJ  De  même  en  patois  savoyard  :  «  Promettre  et  leni  son  due  », 
«Promettre  va  dza  bin,  mai  leni  é  co  miu  ^  Tabbé  G.  Pont,  Origines  du 
fâtois  de  la  Tarentaise,  p.  8a,  «  Dire  et  faire  son  doué  ^  p.  75  ;  et  en 
t.:  t  Ce  sont  deux,  promettre  et  tenir  »  Le  Roux  de  Lincy,  U,  260» 
•  Promettre  et  tenir  sont  deux  1*  II,  576,  «  Promettre  est  facile^  mais 
*  efectuer  difficile  ■  II,  376*  Bœhmer,  R.  370. 

2î4  «  Beaucoup  promettre  et  rien  tenir  est  pour  vrais  fols  entretenir  1^ 
Le  Roux  de  Lincy  «  H,  246,  «  De  foie  promesse  se  fak  fox  tous  liez  » 
(xnr  siècle)  I,  238,  «  De  bel  proraès  est  li  fol  en  joy  »  Jl,  474, 
«  Douces  promesses  fols  lient  »  II,  290,  «  Promettre  sans  donner  est  à 
fol  contenter  »  II,  ^76,  «  Promesse  saunz  doner  est  au  fol  confon  •  1!, 
480.  Le  proverbe  espagnol  est  plus  général  :  u  Buenas  palabras  y  ruynes 
hechos  enganan  sabios  y  locos  i>  Oudin,  Refr.  esp.^  p.  39.  L*italien  est 
comme  le  gruérin  et  le  français  :  «t  Prometter  non  è  per  dare,  ma  per 
matii  conientare  »  Orl.  Pescetti^  P-  9Î  i  aussi  :  «  A  pazzi  e  a  fanciulli 
non  si  vuol  prometter  nulla  »  Orl.  Pescetii,  p.  17  ^b.  Un  autre  proverbe 
pareil  est  :  «  Gli  huomîni  si  legano  per  le  parole  e  i  biioi  per  le  corna  », 
ou  aussi  u  Le  funi  legano  i  buoi  e  le  parole  gli  huomini  »  Orl.  Pescetti, 
p.  169. 

2î 5  Espagnol  :  «  Quien  fia  0  promete  en  deuda  se  mete  n  Oudîn, 
Refr.  eip,,  p.  227;  ital.  :  «  Ogni  promessa  è  debito  n  Prov.  moi,,  787» 
«  Cosâ  promessa  è  mezzo  débita  «  Orl.  Pescetii,  p.  66t,  ou  «  Il  pro- 
mener è  la  vigilia  del  dare  n  p.  20 ^b. 

ijé  Glossaire  de  Bridel,  p.  $  37.  «  Qui  devient  pauvre  devient  mauvais.» 

1 J7  w  Ce  qui  vient  par  le  râteau  s'en  va  par  la  fourche.  )i 

2)8  Glossaire  dt  Bridel,  p.  S}9.  0  Ce  qui  vient  par  la  rapine  s'en  va 
par  U  mine.  » 

139  Perron,  p.  73  :  «  Quand  las  gouris  sont  trop  gras,  é  cassant  îout 
soAt  »;  le  prov.  dit  :  «^  A  ase  sadou,  lou  blad  i'  es  de  pesoio  n  Arm. 
prouv^y  1857,  p.  64,  ou  cr  Quand  lei  pouerc  soun  sadou,  lei  cereio  soun 
amaro  «  Arm.  prouv.^  1868,  p.  107;  Tesp.  :  t<  Al  hombre  harto  las 
cerezas  le  amargan  n  Oudin,  Refr.  esp.^p,  17;  l*it.  :  «  Colombo  pasciuto 
ciregia  amara  n  Od,  Pescetti,  p.  r97£'* 

240  Glossaire  de  Bridel,  p.  5  37.  «  En  toute  saison  duit  raison  »  Le 
Roux  de  Lincy,  II,  294.  L*italîen  exprime  la  même  vérité  par  :  a  Ogni 
cosa  vuol  misura  i>,  ou  «  Tutte  le  cose  voglion  peso  e  misura  »  OrL 
Pescetti^  p,  146^^,  et  plus  conformément  ay  prov.  gruérin  :  «  Ogni  cosa 
ruol  la  sua  ragione  »  Pro¥.  mor,,  738. 


I 10  CHENAUX  ET  CORNU 

241  «  Rien  ici  rien  là  »;  Pesp.  dit  :  «  Quien  ruyn  es  en  sa  villa  niyn 
es  en  Se  villa  >»  Cartas  en  nf runes  de  Blasco  de  Garay,  p.  27, 

242  «  Où  il  n'y  a  rien  personne  ne  demeure.  » 

24  î  «  On  beîlle  rien  pe  rien  )>  Tabbé  Pont,  Origines  du  patois  de  la 
Tarenîaise^  p.  75.  «  On  n'a  rien  pour  rien  ri  Le  Roux  de  Lincy,  II,  ^61, 
«f  Rien  pour  rien  »  II,  415,  «  De  rien  rien  »  II,  286.  Bœhmer,  R,  221, 
;68. 

244  «  Qui  rien  n'a  rien  n'est  prisé  (xv*  siècle)  Le  Roux  de  Lincy^ 
II,  404,  <(  Vis  est  tenu  partout  qui  riens  n'a  »  (xiii*  siècle)  II,  4^5,  De 
même  l'italien  :  a  Povertà  fà  l'huomo  vile,»  ou  «  Povertà  fà  viltà  »  Orl. 
Pescetti,  p.  1 87, 

24^  C/o5sa/r«  de  Bridel,  p.  540.  «  Qui  répond  envenime  la  chicane.» 
Comp.  l'esp.  :  «  A  cartas  cartas  y  a  palabras  palabras  i-  Oudin^  Refr, 
esp.f  p.  4;  et  rit  :  «  Le  parole  son  corne  le  ciregie,  ch'  una  tira  l'altra  » 
Ori.  Pescetti,  p.  169. 

246  «  Bien  souvent  un  simple  proverbe  vaut  mieux  que  deux  bons 
avis.  » 

247  u  Proverbes  de  vieillards,  proverbes  de  radotleurs;  proverbes  de 
jeunes  gens,  proverbes  de  rien,  » 

248  «t  Tout  garde  et  tout  conserve  tout  retrouve  à  son  besoin,  » 
Comp.  le  prov.  it,  *  «  Chî  ben  ripone  ben  irova  »  Ori.  Pescetti,  p.  86^ 
(^  ProY,  mor,^  276,  avec  une  variante), 

249  Provençal  :  «t  Escoubo  novo  fai  bèu  sèu  »  Àrm.  prouv.^  1864, 
p.  8$;  it.  :  <k  Spazzatura  nuova  spazza  ben  la  casa  n  Orl.  Pescetti, 
p.  2^1,  Comp.  Perron,  p.  71  :  «  Toutes  les  servantes  font  balai  neuf,  • 
Bœhmer,  R,  276.  E.  224. 

2$o  *t  Qui  connaîtrait  l'avenir  serait  assez  riche.  « 

2 5 1  Glossaire  de  Bridel,  p,  s^2  :  «  L  e  la  mendré  rùva  dau  tser  ce 
crène  lu  mê.  *  Le  Roux  de  Lincy  donne  trois  versions  de  ce  même  pro- 
verbe :  «  Du  char  la  plus  meschante  roue  est  celle  qui  crie  toujours  o 
(xvi*  siècle)  II,  161  ;  «  La  pire  roe  de  la  charrette  fait  greignor  noyseï» 
(xiH*  siècle)  II,  477;  a  C'est  la  pire  roue  comme  est  très  seur  qui  fait 
plus  de  bruit  et  rumeur  »*  II,  26^  Perron,  p-  7Ç  :  <*  Moins  la  roue 
(d'un  char)  est  graissée,  plus  elle  crie.  »  L- italien  dit  de  même  :  «  La 
piil  trista  ruota  del  carro  è  sempre  quella  che  cigola  »  Orl.  Pescetti, 
p.  2Î7,  ou  aussi  :  «  La  peggior  ruota  è  quella  che  cigola  »  Prov.  mor.^ 

252  Pareillement  en  français  :  «  Autant  fait  celui  qui  tient  le  pied 
que  celui  qui  escorche  »  Le  Roux  de  Lincy,  II,  244,  ou  «  Car  qui 
escorche  et  pié  tient  par  une  voie  se  contient  »  I,  [75  ;  en  provençal  : 
«  Amant  fai  aquéu  que  tèn  coume  aquéu  qu'escourtego  »  Arm,  prouv., 
1867,  P'  ^7»  ^^  ^n  ÎL  :  i<  Tanto  mérita  chi  tien  quanto  chi scortica^  )>  ou 


PROVERBES  FRI BOURGEOIS  I  1 1 

bien  »  Tanto  è  chi  ruba  quanto  chi  tien  il  sacco  «  Orl.  Pescetti^p.  165. 
Bflêhmer,  E.  2^4. 

3{î  €  Du  temps,  des  femmes,  du  gouvernement,  ne  nous  en  mêlons 
pas«  puisqu'on  n'avance  rien.  »  De  même  en  italien  :  «  Ne  dj  tempo  ne  di 
Signom  non  ti  dar  malinconia  »  Orl.  Pescetli,  p.  225.  Bœhmer,/Ï.  569. 
£  201. 

i{4  Provençal  *  «  Avèn  toujourmai  debènque  de  vîdo  »  Am.prouv., 
1864,  p.  87. 

255  *  Quand  loutira  bien  (sur  cette  terre),  nous  n'y  serons  plus; 
c'est  pourtant  alors  qu'il  y  ferait  bon.  i-  Comp.  271. 

256  Perron,  p.  80  :  «  Quand  il  y  en  a  pour  trois,  il  y  en  a  pour 
quatre,  i 

2 57  Glossaire  de  Bridel,  p,  ^40,  «  Le  train  mange  le  bien.  »  Comp. 
Perron,  p,  41  :  «  Le  train  mange  le  train  «,  «  Charroi  gagné  charroi 
dépensé.  » 

2f8  a  Quand  on  a  fait  trente,  il  faut  faire  trente  et  un  (terminer  la 
chose  commencée).  »  Comp,  l'it.  :  tt  chi  fè  sei  fê  sette  »  Orl,  Pescetti,' 
p.  92. 

159  «  En  fréquentant  les  bons,  on  devient  bon,  » 

260  *  Trop  est  trop  »  Le  Roux  de  Lincy,  II,  429.  Litalien  dit  de 
même:  «  Ognitroppo  è  troppo  »  OrL  Pcscetîi,  p.  147e.  Prop.  mor,, 

78î- 

261  Comp.  les  proverbes  italiens  :  «  Ogni  troppo  sta  per  nuocere  », 
■  Ogni  troppo  versa  »,  «  Ogni  soverchio  porta  colpa  »  Orl.  Pescettî, 
p.  147^,  «  Il  soverchio  rompe  îl  coverchîo  n  Pwv,  mor,,  486,  et  «  Chi 
troppo  la  tira,  la  spezza  »,  »  Il  troppo  storpia  i»  Proi'.  mor.,  129. 
Bœfamer,  R.  1)4,  190.  £.  8^. 

262  Comp,  le  proverbe  français  :  «  Le  trop  et  le  trop  peu  rompt  la 
fcste  et  le  jeu  »  Le  Roux  de  Lincy,  II,  J?2,  et  les  deux  prov.  italiens  : 

•  Il  molto  e  1  poco  rompe  lo  giuoco  »  OrL  Pescettij  p.  59,  et  «  Tanto  è 
}|  troppo  quanto  il  troppo  poco  i>  p.  i6^b.  Aussi  :  «  11  troppo  guasta, 
ed  il  poco  non  basta  »  Prov.  mor,^  557.  Bœhmer,  E.  236. 

26)  «  Ce  sont  les  chats  qui  brisent  toutes  les  écuelles,  t> 

264  «  Pour  prendre  les  souris  les  chats  tirent  leurs  gants.  1 

26$  «  Il  faut  neuf  chasseurs  pour  en  nourrir  un»  »  Perron,  p.  4i  : 

•  Chaissou.t,  pauchoux,  haibits  dreilloux  p,  «  Pauchoux,  pouiltoux; 
chaissoux,  dreilloux  j^^  <£  Il  faut  sept  chasseurs  pour  en  laisser  mourir  un 
de  Éaim  1,  «  La  chasse  amène  la  besace  «,  te  Qui  %'a  à  la  chasse  perd  sa 
place.  »  Comp.  te  proverbe  provençal  :  «  Jamais  cassaire  a  nourri  soun 
poire  »  Arm,pTouv.,  1872,  p.  29;  les  proverbes  espagnols  :  r  A  puerta 
de  caçidor  nunca  gran  muladar  »  Oudin,  Refr.  esp.,  p.  27.  et  «  Tal 
dexa  et  caçador  la  casa  como  la  caça  la  cama  ^  Oudin,  Refr.  esp,, 


J I 2  CHENAUX    ET  CORNU 

p.  250,  et  le  proverbe  italien:  «  Chi  vuol  farc  figli  poverelli,  li  faccia 
cacciatori,  e  acctiiappa  uccelli  »  Prov,  mor.^  271. 

266  Glossaire  de  Bridel,  p.  5  97.  «  Qui  bien  chante  et  qui  bien  danse 
fait  un  métier  qui  peu  avance  »  Le  Roux  de  Lîncy,  H,  7J. 

267  Glossaire  de  Bridel,  p.  5^7.  «  Bien  chanter  et  bien  danser  n'em- 
pêchent pas  d'avancer,  u 

268  On  a  des  exemples  de  ce  proverbe  en  français  dès  le  xiii*  siècle  : 
a  A  cheval  donné  ne  luy  regarde  en  la  bouche  »,  «  Cheval  donné  ne 
doit-on  en  dens  regarder  »  Le  Roux  de  Lincy^  I,  160,  «  A  chevell  doné 
sa  dent  n'estagardé  i>  IJ,  472,  L'espagnol  et  l'italien  disent  de  même  : 
a  A  cavallo  dado  no  le  miren  el  dienie  »  Oudin,  Refr.  esp.y  p.  5,  «  A 
caval  donato  non  guardar  [ou  non  si  guarda)  in  bocca,  n  Orl.  Pescettî, 
p.  %{b.  Prov.  moT,^  1 1,  Comp.  Bœhmer,  R.  257.  E,  7. 

269  tf  On  ne  coupe  pas  le  pied  à  un  cheval  la  première  fois  qu*il 
bronche.  » 

270  «  Les  chiens  sans  queue  n*ont  pas  peur  de  montrer  le  derrière  » 
Car,  dit  un  proverbe  italien  r  «  Chi  disprezza  Tonestà  dimosira  che  non 
Fha  n  Proy.  mor,^  207. 

271  «  Quand  toyt  ira  bien,  il  fera  bon  être  cîiarretier;  quand  même 
on  chargera  trop,  tout  ira  toujours  bien.  » 

272  «  Il  ne  faut  pas  ourdir  plus  qu'on  ne  peut  tramer.  *>  Cf  Fla- 
menca^ V.  106S  :  «  Assatz  ordis,  c'ora  que  tesca.  » 

17;  Comp.  les  proverbes  français  et  espagnols  :  a  Fox  est  ds  qui 
famé  veut  gaitier  #  (xnT  siècle!  Le  Roux  de  Lincy,  1,  23  j,  «  Qui  a 
femme  à  garder  n*a  pasjolirnée  assurée  »  1,  229,  «  Filles  soties  à  marier 
sont  bien  pénibles  à  garder  «  I,  iHi  ^  ^'^^^  "^  fâcheux  troupeau  à 
garder  que  de  sottes  filles  â  marier  1»  H,  26$,  «  Qui  a  des  filles  est 
toujours  berger  »  I,  234.  Perron,  p*  9?  :  »  Celui  qui  a  une  fille  à  garder 
de  nun  ne  doit  causer.  »  L'espagnol  dit  tout  pareillement  :  «  Nina  y 
vina,  y  peral  y  havar  malos  son  de  guardar  »  Oudin^  Refr.  esp.,  p.  147. 
Comp,  rit.  :  «  Figlîe,  vigne  e  giardini,  guardale  dai  vicini  «  Prov.  mor,, 

274  Glossaindt  Bridel,  p.  $?8,  avec  une  variante  sans  importance, 
«  Vent  qui  gèle,  bise  qui  dégèle,  femme  qui  peu  parie,  sont  trois  choses 
des  plus  rares.  »  Comp.  Perron,  p.  3  :  «  Vent  qui  gèle,  bise  qui  dégèle 
et  femme  qui  parle  latin  ne  causent  qu*ennui  et  chagrin.  1» 

17^  tt  Vin  sur  lait  c'est  souhait,  lait  sur  vin  c^est  venin  »  Le  Roux 
de  Lincy,  II,  221,  ou  <t  Lait  sur  vin  c'est  venin  ;  vin  sur  lait  c'est  sou- 
hait ))  II,  199.  «  Le  vin  sur  le  lait  rend  le  cœur  gai  ;  le  lait  sur  le  vin 
rend  le  cœur  chagrin  t  Perron,  p,  82,  De  même  en  provençal  :  w  Vin 
sus  h  et  restaura;  la  sus  vin  est  un  vérin  »  Arm,  prouv,,  1872,  p.  ^7, 
et  en  espagnol  :  «  Dixo  la  lèche  al  vino  :  Bien  seas  venido  amigo  » 


PROVERBES   FRIBOURGEOIS  11] 

Ondnty  Riff.  esp.^  p.  65,  et  «<  La  lèche  con  el  vino  torna  se  venino  » 
p.  104. 

276  «  Mieux  vaut  être  rongé  de  vermine  que  de  s'engraisser  de 
rapine,  » 

277  a  Chaque  village,  chaque  langage,  n 

278  <t  Graissez  les  bottes  d*un  vilain,  il  dira  qu'on  les  lui  brûle  »,  «  De 
vîldin  jamais  bon  faict  )>,  «  Faites  bien  le  vilain  et  il  vous  fera  mal  n 
(xiir  siècle)  Le  Roux  de  Lincy,  11,  105.  Gabriel  Meurier  (xvi«  siècle) 
rite  encore  :  «  Dépends  le  pendant,  il  le  pendra;  oigne  ie  vilain,  il  te 
poindra  »  Ibidem.  On  a  dès  le  xin''  siècle  :  u  Oignez  vilain,  il  vous 
poindra;  poignez  vilain,  il  vous  oindra  »  Le  Roux  de  Lincy,  II,  106» 
Cûmp.  Revue  critique,  1H70,  II.  405,  L'italien  dit  de  même  :  «  Chi  slm- 
pregna  di  villan,  tutto  Tanno  gli  duoi  la  pancia  »,  et  «  Chi  fà  servizîo 
al  vilUn,  si  spuîa  in  man  )>  OrL  Pesceiii,  p.  2  jy  b. 

179  4  Celui  qui  part  veau  revient  jeune  bœuf  »,  c'est-ànlire  :  les  sots 
ferment  mieux  de  rester  chez  eux,  car  ils  ne  reviendront  pas  plus  sages. 
De  même  les  proverbes  italiens  :  a  Andar  bestia,  e  tornar  bestia,  »  et 
<t  Andar  vitello  e  tomar  bue  »  OrL  Pescetti,  p.  11^. 

280  <c  La  vieillesse  est  une  belle  chose,  mais  elle  est  pénible  à  sup- 
poner*  • 

28 1  a  11  fiaudrait  devenir  vieux  avant  de  devenir  jeune.  » 
281  «Tôt  ou  tard  la  vérité  se  découvre.»  Comp.  290, 

28;  «  Au  pauvre  le  sac.  «  Comp,  le  proverbe  italien  :  «  Al  villano  la 
zappa  in  mano  «  Prov.  mor.^  64. 

2^4  ti  On  tire  du  sa  ke  cein  ke  lai  e  »  l'abbé  G,  Pont,  Origines  du 
fâlais de  iàTanntaisc,  p.  81.  *  On  ne  tire  du  sac  que  ce  qu*il  y  a.  » 
Comp.  Glossaire  de  Bndel,  p.  5  ^^  :  ^k  On  né  pau  salyi  de  la  famâ 
btyantsé  d'on  sa  de  tserbcîn.  » 

28^  «  Tsake  peina  mouerte  salaire  n  Tabbé  G.  Pont,  Origines  du 
fÊtùis  de  la  Tarcntalsej  p.  80.  En  français  :  «  Toute  peine  mérite 
salaire.  « 

28e  «  Il  est  plus  facile  de  sortir  du  bord  que  du  fond.  r> 

287  a  Des  servantes  de  prêtres,  des  chevaux  de  meuniers,  que  le  bon 
Dieu  nous  préserve.  » 

288  L'espagnol  dit  de  même  :  «  Mas  vale  saber  que  aver  »  Oudin, 
Refr,  isp.y  p.  120,  Cartas  en  refranes  de  Blasco  de  Garay,  p.  84. 

389  Le  proverbe  français  est  :  <«  On  ne  scet  qui  meurt  ne  qui  vit  u 
Le  Roux  de  Lincy,  II,  ^62, 

290  L'espagnol  dit  :  «  El  tiempo  aclara  las  cosas  »  Carîas  en  refranes 
de  Blasco  de  Garay,  p.  22,  et  Titalien  :  •*  Ogni  cosa  al  tin  si  scuopre  » 
Orl.  Pe$c€tti,  p.  20  J,  et  «  Il  tempo  scuopre  ogni  cosa»  p.  22  2è.Bœhmer, 
H.  216*  \S2. 

kamaniat  Yt  8 


I 14  CHENAUX    ET  CORNU 

291  Glossaire  de  Bridel,  p.  ^ 41  :  «  Si  ce  né  sa  rèn  ne  pau  rè/i  depè- 
drc*  V  «  Qui  ne  sait  rien  n'oublie  rien,  w 

292  «  Qiii  se  sent  coupable  s'enflamme  »  c'est-à-dire  se  ftche, 
29  j  a  Qui  se  sent  innocent  n'a  peur  de  rien*  » 

294  tf  II  n'y  a  pas  de  saints  qui  valent  le  bon  Dieu.  » 

295  «  Quand  !a  viande  est  gâtée,  il  est  trop  tard  d'y  mettre  du 
sel,  T> 

296  «  Ce  n^est  rien  de  rester  tard,  pourvu  qu'il  ne  faiîle  pas  retourner 
pour  achever  sa  besogne.  i> 

297  Le  Roux  de  Lincy  donne  quatre  versions  de  ce  proverbe  répandu 
au-delà  des  Alpes  et  des  Pyrénées  :  «  A  tart  manjue  qui  à  autrui  escuele 
s'atent  »,  ou  «  A  tart  prent  qui  à  autrui  s'atent  »  (xiii'^  siècle)  II,  19$, 
a  Qui  s'attend  à  l'escuelle  d'auirui  a  souvent  mauvais  diner  n  1!,  196, 
ou  «  Qui  sur  Pescuelle  d'autrui  s'asseure,  quand  il  pense  manger  il 
jeusne  »  I,  ?  2  ;  espagnol  :  «  Quien  à  mano  agena  espéra  ma!  yanta  y  peor 
cena  »  Oudin,  Refr,  esp,,  p.  231;  italien  :  «  Chi  per  altrui  man  s'im- 
bocca  tardi  si  satolla  »  OrL  Pescetti,  p.  2r9fr.  Prov,  mot,,  2^1, 

298  Glossaire  de  Bridel,  p.  5)^.  u  ïl  ne  faut  pas  sauter  du  pré  au 
chemin,  n  —  «  Les  chèvres  et  les  chevrières  sautent  du  pré  au  chemin,  o 

299  Glossaire  dç  Bridel,  p.  541.  Espagnol  1  Quien  en  mal  anda  en 
mal  acaba  »  dnias  en  nfranes  de  Blasco  de  Garay,  p.  22;  italien  :  «  Chî 
mal  vive,  mal  muore  »  Prov,  mor,^  256,  «  Chi  ben  vive  ben  muore  » 
OrL  Pescettij  p.  149&  ;  car«  Quai  vita  tal  fme  »  Prov,  mor.^  256* 
Bœhmer,  R.  24 r, 

300  <t  Si  le  ciel  tombait,  il  y  aurait  bien  des  bêtes  à  Tombre,  ou  bien 
des  alouettes  de  prises  ^  Le  Roox  de  Lincy,  l,  97^  «  Si  les  nues  cheoit, 
les  aloes  sont  toutes  prises  »  (xv^  siècle).  Comp.  Rabelais,  liv.  IV,  ch.  16  : 
«  Toutes  fois  on  dict  que  les  alouètes  grandement  redoutent  la  ruynedes 
cieuU,  car  les  cieolx  tombant  toutes  seroyent  prises  »  Le  Roux  de  Lincy» 
Ii  I J9.  En  provençal  :  «  Si  lou  ciel  toymbavo,  fouarso  ousséou  serien 
près  a  la  leco  »  Alph.  Roque-Ferrier, /^£V*  des  lang,  rom.^  *S74,  p.  }02, 
qui  cite  le  proverbe  latin  :  v  Si  cœlum  caderet,  multae  caperentur 
alandae.  »  italien  :  a  S'el  del  rovinasse^  si  piglierebbon  di  molti 
uccelli  »  Orl.  Pescetti,  p*  184.  Comp.  le  proverbe  du  Jorat  (Vaud)  : 
«  Se  nlre  on  se  e  on  ma,  on  béteray  on  tsevô  àhn  una  botôlye,  i»  et 
ceux  de  la  Franche-Comté  :  «  Avec  un  si  on  mettrait  un  cheval  dans 
une  bouteille,  »  et  u  Si  toutes  les  bêtes  étaient  attachées,  les  liens 
seraient  trop  chers  »  Perron,  p.  in- 


MÉLANGES. 


I. 

SPIGOLATURE  PROVENZALI. 

I.  —  Cercalmon,  Car  vei  fenir  a  tôt  dia. 

In  un  suo  articolo  intomo  a  Cercalmon',  il  Mahn,  discorrendo  délia 
tenzone  Car  vei  fenir  a  tôt  dia,  dice  che  ce  il  Conte  de  Poitou  menzionato 
ndia  nostra  poesia,  che  deve  ricompensare  Cercamon,  è  di  sicuro  il  noto 
primo  trovatore,  di  cui  Cercamon  ben  era  tuttavia  contemporaneo.  >> 

Non  so  se  il  dotto  autore  scriverebbe  ora  di  nuovo  queste  parole;  so 
bene  che  non  le  avrebbe  scritte  mai,  per  poco  che  si  fosse  data  la  briga 
dî  esaminare  la  storia.  Perché  esse  reggano,  occorre  una  piccola  modifi- 
cazione;  bi^ogna  aggiungere  un  non  :  di  sicuro  il  Conte  di  Poitou  qui 
menzionato  non  è  Guglielmo  IX. 

Non  d  vuol  molto  a  provarlo.  La  lieta  prospettiva  che  si  mette 
irnianzi  colle  parole  lo  coms  de  Peitieus  ve^  è  poi  ripresentata  due  volte 
ancora  sotto  altre  forme  :  Cran  be  vos  venra  de  Fransa,  \  Si  atendre  lo 
voUu.,.  Maistre^  conte  novel  \  Aurem  nos  a  Pantacosta.  In  tutti  e  tre  i  luoghi, 
io  dico,  si  deve  alludere  ad  una  cosa  stessa;  almeno,  per  scindere  in 
tresperanze  ciô  che  secondo  l'interpretazione  spontanea  appare  corne  una 
spemizaL  soia,  occorrebbero  ragioni  ben  gravi.  E  ragioni,  ne  gravi,  ne 
Kevi,  non  ne  esistono  punto;  anzi,  le  circostanze  che  emanano  dalla  ten- 
zone, presa  nel  suo  senso  più  naturale,  trovano  una  corrispondenza  cosl 
esatta  nella  storia  del  tempo^  da  permetterci  perfino  di  determinare,  non 
solo  in  che  anno,  ma  perfino  in  quai  mese,  sia  stata  composta  questa 
poesîa. 

Si  comind  dal  mettere  senz'  altro  in  disparte  Guglielmo  IX.  Suppo- 

1.  Der  Troubadour  Cercamon^  nel  Jahrh,  /.  roman.  Liter,^  I,  83. 


||6  MÉLANGES 

niamo  pure  ch*  cgli,  quaiido  Cercalmon  e  Guglielmirio  vennero  tra  di 
loro  a  tenzone,  fosse  in  Francia,  dove  infatii  andô  più  volte.  Cîô  baste- 
rebbe  per  renderci  ragione  alla  meglio  délie  due  prime  allusioni  :  ma  e 
che  faremmo  délia  lerzaP  Cercalmon,  come  si  accennerà  poî,  era  già  in 
età  provetta,  Cuglieimo  IX  succedetie  al  padre  nella  coniea  essendo  ^o- 
vinetto  quindicenne,  Fanno  1086,  Se  si  allttdesse  a  questo  conte,  Cer- 
calmon verrebbe  dunque  ad  essere,  e  dî  molto,  il  irovaiore  più  aniico 
di  cui  noi  s'  abbia  ricordo ,  la  sioria  positiva  délia  lîrica  cortigiana  pro- 
venzale  si  spingerebbe  ad  un  tempo,  al  quale  fmo  ad  ora  s*era  creduio 
di  poler  giungere  solo  per  via  d*ipoiesi.  Troppa  grazia,  perché  sia  lecito 
accettarla  ad  occhichiusi!  Apriamoli,  e  vedremo  subito  svanire  ilsogno. 
Non  puô  essere  fiorito  nel  secolo  xi  il  poeta  che  noi  sappiamo  essere 
stato  maestro  a  quel  Marcabruno  \  che  vivevae  componeva  tyttavia  nel 
1180». 

Neppure  Gugltelmo  X,  figliuolo  ed  erede  del  IX,  rîesce  ad  appagarci. 
Scompajono  le  difficollà  cronologiche  :  resta  inesplicato  il  Cran  be  vos 
vtnra  de  Fransa.  Si  vuol  nondimeno  lener  in  serbo  questo  personaggio 
per  un  caso  di  nécessita  ?  Si  tenga  pure  :  dal  canto  mio  non  credo  di 
arnschiar  nulla,  assicurando  che  non  si  sentira  più  il  bisogno  di  andarlo 
a  ripescare. 

Infatli ,  non  s'ha  che  a  badare  ai  casi  awenuii  alla  morte  di  GugUeimo  X, 
per  acquistare  la  certezza  più  pîena  che  nella  tenzone  in  discorso  si 
aliude  al  successore  di  questo  principe.  Mi  si  permetta  di  riferire  come 
le  cose  andasseroj  dietro  la  scorta  dei  cronistî,  e  tra  gli  altri  di  Sugieri, 
che  ohre  ad  essere  stato  spettatore  autorevolissimo,  ebbe  anche  parte 
aîtiva  inqueifaîti. 

Nei  primi  mesi  deli*  anno  tr^y  Guglielmo  X  ebbe  desiderio  d'jin- 
prendere  un  pellegrinaggio  a  S.  Jacopo  di  Compostella.  Egli  non  aveva 
figli  maschi  r  bensi  due  femmine,  Eleonora  e  Petronelïa*  Prima  di  par- 
tire,  dubitando  del  ritorno,  consegnô  in  un  testamenio  le  sue  ultime 
volontà,  per  assicurare  la  sorte  délie  lîgliuole,  che,  in  grazia  del  sesso, 
correvano  grandissimo  pericolo  d-essere  spogliate  :  «  Filias  meas  Régis 
domini  mei  proteciioni  relinquo,  Leonoram  collocandam  cum  domino 
Ludovico  Régis  filio,  si  baronibus  meis  placuerit,  cui  Aquîtaniam  et  Pic- 
taviam  relinquo,  Petronellae  vero  filiae  roeae,  possessiones  meas  et 
castêlla  quae  in  Burgundia,  ut  proies  Gerardi  ducis  Burgundise,  possi- 
deo,  » 


1.  V.  la  biografia  provenzale  di  Marcabninoi  Diez,  Lcben  u.  Werke  dtr  TVôuK» 
p,  42;  Suchicr,  Dtr  Trouhahar  Marcahm  :  Jâhrtuch,  XIV,  142* 

2.  Diez,  Uben  u.  Wtrkc  d.  Troab,,  p.  51.  [C'est  une  erreur  qui  va  être 
immédiatement  corrigée.  Voir  l'article  suivant.  —  P.  M.] 

3.  Bouquet,  XIJ,  409. 


CERCALMON  1 1 7 

Guglielmo  parti,  e  non  rivide  più  i  suoi  dominii;  chè  il  Venerdi  Santo» 
vale  a  dire  U  9  di  Aprile,  egli  spirava  nel  santuario  stesso  di  Compo- 
steUa,  tnentre  si  leggeva  il  Passio  «.  Recata  nel  Poitou  la  trista  nuova,  si 
mandarono  subito  messaggi  a  Luigi  il  Grosso,  significandogli  le  disposi- 
nota  testamemarie  del  defunto.  Il  re  non  si  fece  pregare  :  Eleonora  por- 
lava  una  dote  che  equivaleva  oraraai  al  regno  di  Francia;  la  parte 
mag^ore  délie  provincie  del  mezzogiorno  veniva  con  queste  nozze  a 
riunîrsi  strettamente  alla  corona ;  un  dominio  quasi  nominale  da  secoli,  si 
trasfonnava  in  possesso  pieno  e  immediaio.  Cosi  Luigi,  per  beneficio 
délia  fortuna,  poieva  meitere  il  colmo  a  queir  edi6cioj  a  cui  aveva  con- 
sacrato  la  vita  intera  :  i'autontà  regia  era  infine  ripristinata  in  tutto  il 
suo  splendore* 

Orbene,  stabilité  le  nozze  tra  Eleonora  e  l'erede  del  irono  —  Luigi 
ancor  esso  —  si  pensô  ail*  esecuzione.  La  solennité  deï  fatto,  il  bisogno 
di  accaparrarsi  il  rispetto  dei  nuovi  suddiii,  richiedevano  magnificenza 
d'apparato.  Una  scorta  agguerrita  e  numerosa  era  inoltre  necessaria  per 
hr  valere  Tautoriià  del  testamento  e  vincere  le  resistenze  che  si  sareb- 
bero  poiute  inconirare.  Fra  coloro  che  accompagnarono  Luigi  per  con- 
figliario  e  guidarlo,  fii  pure  Sugieri'.  Si  parti  nel  Giugno;  il  i*di 
Luglio  si  gîunse  a  Limoges?,  e  vi  s"i  ebbero  accoglienze  solenni.  Quindi 
û  prosegul  il  viaggio.  Le  nozze  furono  celebrate  a  Bordeaux,  dove 
anche furono  prestaii  gli  omaggi4.  Maecco  che,  mentreduravanotuttavia 
le  (este,  giunsero  nuove  a  Luigi  che  il  padre  era  morto  s .  Che  fare  in 
cosî  grave  frangente?  Luigi  raccolse  i  suoi  consiglieri,  ed  essi,  tutti 
d*accordo,  gli  suggerirono  di  ritomare  promameme  in  Francia,  affinchè 
per  il  meno  non  si  perdesse  il  più**.  A  Goffredo,  vescovo  di  Chartres,  fu 
commessa  intanio  la  cura  délia  nuova  sposa  e  l'ufficio  di  provvedere  ad 
ogni  bisogno  che  potesse  nascere.  Ci6  fatto,  Luigi  si  affreiiô  a  panire,  ed 
andè  a  prender  possesso  del  regno. 

Ora  imendiamo  pienamente,  che  signifohi  il  bene  che  deve  venir  di 
Francia  ed  il  nuovo  conte  che  si  aspetta.  Pur  troppo  furono  speranze 
fallacj,  e  Cercalmon,  che  vedeva  tutto  di  color  cupo,  aveva  ben  più 
ragione  dell'  awersario,  che  lo  voieva  persuadere  a  star  di  buon  anirao. 


2.  W,,  62. 

\.  !d,^  j^%\.  Erra  il  compiïatore  dell'  Indice,  dicendo  il  30  Giugno,  Non  badô 
che  nel  lesto  di  Goffredo  Vosiensc  c*è  un  doppîo  do  m  a  ni  :  in  crastinum  ;  dit 
nasûna, 

4.  W.,84, 

V.  Luigi  il  Grosso  moriil  i^diAgosto.  Ce  lo  attesta  Sugîeri  (Bouquet^  XII,  6^), 
Contro  una  laie  autoriti  non  pu 6  aver  forza  Orderico  vitale,  che  pone  cotesta 
morte  Irc  giorni  più  tardi  (Ib.^  yGjj-Cf,  d'Arboisde  Jubainville,  Hist.  daComm 
dfChampagm,  II,  j;i . 

6.  U.,  84. 


MÉLANGES 

Sî  credeva  che  Luîgi  sarebbe  rimasto  nei  nuovî  stati  :  la  subita  morte  del 
padre  mandô  a  vuoto  ogni  cosa,  e  per  lunghi  e  lunghi  annî  Limoges  fu 
privata  dello  splendore  di  una  corte,  Bisognerà  aspettareil  1 169,  perché 
di  nuovo  risorga  con  Riccardo  Cuor  di  Leone  Famica  grandezza.  E 
allora  leniamoci  pur  sicuri  che  il  povero  Cercalmon  non  potrà  più  godere 
délia  generosità  del  nuovo  principe. 

E  adesso  caviamo  il  costniiio  dalla  nosira  esposizione.  Si  iratia  di 
fissare  una  data.  Latenzone  di  Cercalmon  e  Guilhalmidevedunqueporsî 
tra  la  morte  di  Gugîielmo  X  e  la  venuta  di  Luigi.  Ma  abbiamo  qualcosa 
di  piû  :  il  nuovo  conte  è  aspeiiato  per  la  Pentecosie.  Che  giungesse  poi 
qualche  poco  più  tardi,  non  vuol  dir  nuUa  per  noi  :  la  poesia  è  senza 
dtibbio  anteriore  al  50  di  Maggio,  nel  quai  giorno,  Panne  1 1  }7,  cadeva 
quella  solennità.  9  Aprile  e  50  Maggio  :  ecco  limiti  abbastanza  angusti  : 
eppure  si  possono  ristringere  maggiormente,  Bisogna  dar  tempo  alla 
notizia  délia  morte  avvenuta  in  Galizia  di  giungere  in  Poitou,  ai  sudditi 
del  defunto  di  deliberare,  ai  messi  di  andare  a  Luigi  il  Grosso,  di  trat- 
lenersi,  di  ritornare  colle  nuove  dell'  adesione  sua  e  del  tempo  fissato  per 
le  nozze.  O  forse  i  messi  non  erano  ancora  ritornati  e  l'insediamento  a 
Pentecoste  è  un'  ipotesi  di  Guglielmino?  Se  anche  ci6  fosse,  dal  9  di 
Aprile  non  cesseremmo  percïô  di  doverci  portare  verso  la  fine  del 
mese.  Questo  da  un  lato.  DalP  akro  è  da  osservare  che  délia  Pentecoste 
si  parla  come  di  un  tempo,  vicino  sî,  ma  eon  imminente.  Perô  eccoci 
sicuri  che  la  tenzone  ebbe  luogo  tra  il  declinare  delP  Aprile  e  il  prin« 
cipio  del  Maggio. 

Abbiamo  cosî  guadagnato  un  punlo  fisso  per  la  vita  di  Cercalmon. 
Questo  puniû  non  basta,  se  non  possiam  dire  in  pari  tempo  quale  fosse 
allora  presso  a  poco  la  sua  età.  Una  frase  di  Guilhalmi  schiarisce  an- 
che questo  dubbio  :  Maistre,  egli  dice,  josca  k  brosîa  |  Vos  paras  al  test 
novei  tt  Maestro,  fmo  ai  capelli  voi  apparite  con  îîuovo  capo.  »  Cer- 
calmon si  duole  délia  sua  miseria;  nessuno  lo  soccorre,  nessuno  dona  più. 
0  come?  dice  TaUro.  Ma  se  vi  vedo  messo  a  nuovo  fi  no  nei  capelli  !  — 
Manifestamente  il  povero  irovatore  incanutisce  '.  Egli  non  è  dunque  più 
gîovane.  Diamogli  dai  quaranta  ai  cinquant'  anni  :  saremo  nel  vero, 
0  ce  ne  scostererao  dî  ben  poco. 

Sîcchè  Cercalmon  dovrà  esser  nato  suîla  fine  del  secolo  xi  ;  Tetà  sua 
pîù  florida  cadra  ail'  incirca  tra  il  1 1 20  ed  il  n  ?  ç ,  ossia,  coïncidera  cogli 
ullimi  anni  di  Gugîielmo  ii  trovatore  e  colla  signoria  del  figlio.  Poichè  il 
venir  meno  délia  stirpe  dei  conti  di  Poitou  lo  lascia  cosl  avvilito»  saremo 
indoiti  a  credere  ch'  egli  avesse  da  tempo  riposte  in  essi  le  sue  speranze. 


I ,  (Cette  interprétation  est  un  peu  forcée.  Je  dois  ajouter  que  les  deux  vers 
...joscû  la  brosu  \  Vos  partis  al  lest  novel^  sont  pour  moi  fort  obscurs. —  P.  M.J 


MARCABRUN  11^ 

Spegoendûsi  cûtesta  schîatta,  egli^  che  ha  pur  girato  tanta  parte  di 
BModo  • ,  non  volge  gli  occhi  altrove  ;  crede  non  gli  resti  altro,  che  man- 
date il  canlo  del  cigno.  E  cosi  noi  veniamo  ad  intendere  sempre  meglio 
quai  parte  considerevolissima  abbianoavuto  i  conti  dî  Poitou,  sïgnoriad 
iin  tempo  del  terrîtorîo  Lîmosino,  nell'  affmamento  délia  nuova  poesia, 
la  quale  da  un'  umile  condizione  si  soUeva  alla  dignîtà  dell'ane.  Con  lei 
e  per  lei  si  sollevano  anche  i  suoi  cultori;  i  giullari  pongono  studio  net 
trmân,  ed  acquislano  per  tal  modo  anche  un  nuovo  nome.  Cercalmon  è 
appimto  uno  di  costoro;  anch'  egli,  grazie  alla  poesia^  nonostanie 
rumile  condizione,  ebbe  favore  di  principi,  e  soUecilô  —  forse  non  invano 
—  !a  benevolenza  di  donne  genliti. 

P.  Rajna. 


MARCABRUN. 

L'excellente  dissertation  qu'on  vient  de  lire  m'a  donné  Tidée  de  publier 
quelques  recherches  qui  ont  pour  résultat  de  fixer  plus  exactement  qu*on 
ne  Ta  fait  jusqu*à  ce  jour  les  limites  de  la  carrière  poétique  en  même 
temps  que  de  la  vie  de  Marcabrun.  On  sait  que  ce  troubadour  vécut 
pendant  un  certain  temps  avec  Cercamon^,  celui-îà  même  dont  M.  Rajna 
ncot  de  dater  avec  précision  !a  poésie  la  plus  importante*  M.  Diez  a  le 
méritei  ici  comme  pour  beaucoup  d'autres  troubabours,  d*avoir  été  le 
premier  à  composer  avec  critique  la  biographie  du  personnage,  et  à 
bire  sortir  quelques  dates,  au  moins  approximatives^  des  allusions  histo- 
riques contenues  dans  quelques-unes  de  ses  pièces  K  On  ne  saurait 


1 .  E  urqixct  tôt  îo  mon  lai  on  poc  anar, 

2.  C'est  ce  que  nous  apprend  l'une  des  deux  notices  (la  seule  qui  ait  de  la 
valeur)  que  nous  possédons  sur  ce  poète  :  «  Marcabrus  si  fo  gitatz  a  la  porta 

•  d'un  ne  home,  ni  anc  no  saup  hom  qui  [el]  fo  ni  d'on.  En  Aluric5  de!  Vilar  fetz 
f  lo  noirir.  Apres,  estel  tan  ao  un  trobador  que   avia   nom  Ccrcamon  qu'el 

•  coiDensset  alrobar,  et  adoncs  el  avia  noiXïPmptrdut^  mas  d'aqui  enan  ac  nom 

•  Marcabrun.  Et  en  aquel  temps  non  apellava  hom  cansson^  mas  tôt  quant  hom 

•  cantava  eron  nrs,  Efo  moût  cridatz  et  ausitz  pel  mon  e  doplatzper  sa  lenga^ 

•  car  eî  fo  tant  maldizens  que  a  la  fin  lo  desfeiron  li  castellan  de  uuian  de  cui 
t  avia  dich  moût  gran  mal  »  (Vatican  ^2î2,  fol.  27).  — Cette  biographie  a  été 
publiée  par  Rochegude  et  par  Ray nou a rd  diaprés  le  ms.  Saibante,  maintenant 
^ré^  mais  qui  n'est  certainement  rien  autre  qu*une  copie  du  ms.  ^2)2  du 
Vatican;  vov.  ce  nue  je  dis  à  ce  sujet,  Revue  critique,  1867.  I!,  91»  —  (1  est 
assez  probable  que  le  biographe  de  Marcabrun  est  aussi  celui  ae  P.  d'Auvergne, 
car  ta  notion  que  ven  elait  le  nom  commun  de  toute  espèce  de  chanl,  se 
retrouve  dans  la  vie  de  P.  d'Auvergne  presque  dans  les  nièmes  termes  que 
éêm  odle  de  Marcabrun. 

|.  Ub€n  und  Wcrke  4tr  Troubadours^  1829,  p.  42-$!. 


Î30  MÉLANGES 

adresser  le  même  éloge  à  Tarticle  de  V Histoire  Uîîéraire  où  Emeric  David 
a  placé  notre  troubadour  dans  le  xin*=  siècle,  sans  faire  le  moindre  effort 
pour  dater  aucune  de  ses  poésies»  sans  se  douter  que  le  sujet  eût  été  étudié 
avant  lui'.  Tout  récemment  M.  Suchîer,  mettant  à  profit  les  publications 
de  MM.  Mahn,  Grûlzmacher,  Milâ  y  Fomanals,  qui  ont  rendu  facilement 
accessibles  la  plupart  des  poésies  de  Marcabrun,  et  s'étant  d^ailleurs 
procuré  copie  de  presque  tous  les  textes  encore  inédits,  a  publié  sur  cet 
ancien  troubadour  des  recherches  qui  se  recommandent  par  la  précision 
des  indications  bibliographiqtîes,  et  par  la  circonspection  avec  laquelle 
sont  abordées,  on  piutôt  réservées,  les  véritables  difficultés.  Ce  travail 
n'est  pas  à  proprement  parler  une  dissertation  :  c*est  plutôt  une  série  de 
notes  mises  bout  à  bout,  et  dans  lesquelles  on  peut  trouver  d'utiles  re- 
marques, moins  toutefois  sur  Marcabrun  iui-même  que  sur  d'autres  per- 
sonnagesdont  M.  Suchier  a  jugé  à  propos  de  nous  entretenir  incidemment. 
Ainsi  M.  Suchier  ^  soutient  contre  M.  Siimming,  le  dernier  éditeur  de 
Jaufre  Rudel  (qui  ne  fait  d'ailleurs  que  développer  Pidée  émise  par  Fon- 
cemagne  et  Paulmy  et  reprise  par  Diezj ,  que  la  comtesse  de  Tripoli, 
pour  l'amour  de  qui  Jaufre  Rudel  fit  le  voyage  d'outre-mer,  doit  être 
identifiée,  non  pas  avec  Mélissende,  fille  de  Raimon  I  S  comte  de  Tri- 
poli, mais  avec  Odierne,  femme  de  ce  comte  et  mère  de  Mélissende, 
Cette  opinion,  qui  est  la  mienne,  et  qui  pourrait  être  appuyée  d'autres 
arguments  que  ceux  qu'a  invoqués  M.  Suchier,  conduit  à  placer  le  voyage 
de  J.  Rudel  et  sa  mort,  non  plus,  comme  dans  Tautre  hypothèse,  après 
ii6i,  mais  vers  11474. 

Revenons  à  Marcabrun,  Entre  les  quarante  pièces  ou  environ  qu'on 
possède  de  lui,  sept  ou  huit  seulement  contiennent  des  allusions  histori- 
ques. Deux  {Pax  in  nomine  Domini  et  Emperaire  per  mi  mezeis)  ont  été 
placées  à  1146  ou  1 147,  date  qui,  j'en  dirai  tout  à  Theure  les  raisons, 


ï.  Hist.  Unir,  de  la  Frmce,  XX,  5)9-46. 

2.  L.  (.,  p.  126-9. 

?.  Raimon  IL  selon  Du  Cang«  {Familles  d^outre-mer,  481)  qui  fait  de  Raimon 
de  Saint-Gilles  le  premier  comte  de  Tripoli. 

4.  Ce  n'est  pas  toutefois  que  tout  soit  à  approuver  d«ins  la  discussion  k  laquelle 
se  livre  M,  Suchier,  et  par  exemple  il  est  impossible  de  ne  pas  relever  la  singu- 
lière tpéprise  dans  laquelle  il  est  tombé  en  rapportant  (p.  1 28)  la  mort  de  Raimon 
de  Tripoli  au  27  juin  i(^2,  faisant,  bien  gralujtement,  un  mérite  à  M.  Stim- 
ming  d'avoir  mis  a  l'année  \  1  ^2  cet  événement,  qui, dit-il,  est  placé  *  vers  Tan 
1 1 52  •  par  Du  Cange  (Familles  d^oum^mtr,  p.  482!  cl  en  1 149  par  D,  Vaissèle, 
M,  Sucnier^  qui  ne  parait  pas  très-famih'er  avec  rhistoire  des  croisades,  s'est 
visiblement  embrouillé  dans  ses  notes.  Il  a  confondu  Raimon  de  fnpoliy  tué  vers 
Il  ^2,  sans  qu*il  soit  possible  de  préciser  davantage  (Du  Cange,  p.  482;  Vaissète, 
éd.  orîg,,  llj  4J4;  éd.  Privât,  111,  760)  avec  Raimon  à'Anûockc,  tué  le  27  juin 
HA9  (Du  Cange,  p.  189,  Vaissèle,  éd.  ori^.,  Il,  454;  éd.  Privai,  III,  7^^),  el 
de  la  confusion  de  ces  deux  dates  il  a  forme  ce  t  27  juin  \ï\i  b  qui  ne  repond 
â  rien. 


MARCABRUN  I 2 I 

devrait  être  un  peu  reculée;  mais  Ferreur,  si  elle  existe,  est  sans  grande 
[Conséquence,  Dans  une  troisième  {A  la  fontana  det  vergier)  se  trouve  une 
aDusion  précise  à  ta  croisade  de  Louis  VU,  ce  qui  date  la  pièce  de  1 147. 
Enfin^  tous  les  critiques,  à  la  suite  de  Diez,  s^accordent  à  placer  la  com- 
position A*Aiiiaîz  de  chan  corn  enanz  se  meilîura  en  1 180  au  plus  tôt* 

J'espère  montrer  que  cette  dernière  pièce  est  au  contraire  l*une  des 
f^^phts  anciennes  que  nous  ayons  de  Marcabrun,  et  qu'entre  celles  dont  on 
peut  fixer  la  date,  aucune  n*est  plus  récente  que  A  la  fontana^  qui  est  de 
1147,  ou  environ. 

L'objet  principal  de  ma  dissenation  est  donc  Aajatz  de  chan^  mais 
d'abord,  pour  préparer  le  terrain,  j'examinerai  quelques  autres  vers.  Et 
'  «n  premier  lieu  celui  dont  voici  la  traduction  K 

I.  Pêx  in  nominc  Domini  !  Marcabnin  a  fait  les  paroles  et  Tair.  Oiez  ce  qu'il 
dît  !  comment)  par  sa  bonté,  le  seigneur  du  ciel  nous  a  fait  près  de  nous  un 
lavoir  tel  qu'il  n*y  en  cul  jamais,  sinon  oulrc-mcr,  là-bas  vers  [la  vall^  de] 
Josaphat,  et  c'est  en  faveur  de  celui  qui  est  près  d'ici  que  je  vous  exhorte. 

H.  Soir  et  matin  nous  devrions^  si  nous  étions  sages,  nous  laver,  \t  vous 
rassure;  chacun  a  le  moyen  de  s'y  laver;  chacun^  tandis  qu'il  est  sain  et  sauf, 
deirrait  aller  au  lavoir  qui  est  pour  nous  un  vrai  remède.  Car,  si  avant  [de 
nous  être  purifiés]  nous  allons  à  la  mort,  notre  demeure,  au  lieu  d'être  là-haut, 
sera  en  bas. 

I]L  Mais  avarice  et  manque  de  foi  tiennent  Jeunesse  séparée  de  son  compagnon 
(la  libéralité-).  Ah  !  quelle  douleur,  que  le  plus  grand  nombre  vole  là  où  on  ne 
gBgne  que  l'enfer  !  Si  nous  ne  courons  au  lavoir  avant  que  nous  ayons  la  bouche 
et  les  yeux  clos^  il  n'y  a  si  orgueilleux  qui,  au  jour  de  sa  mort,  ne  trouve  plus 
fort  que  lui. 

IV,  Le  Seigneur  qui  sait  tout  ce  qui  est,  tout  ce  qui  sera  et  tout  ce  qui  a  été, 
nous  y  a  promis  (au  lavoir)  honneur  par  la  parole  d'un  empereur.  Et  Téclal 
de  ceux  qui  se  rendront  au  lavoir,  savez-vous  quel  il  sera?  plus  grand  que  celui 
de  réloile  qui  guide  les  navires,  à  condition  que  nous  vengions  Dieu  du  tort  qui 
ktt  est  fait  ici,  el  là-bas  vers  Damas  ^. 


I*  Voir  le  texte  dans  mon  Chatx  £  anciens  textes,  partie  provençale,  n^  10, 
a*  Cette  interprétation  n'est  pas  donnée   au  hasard  :  nous  voyons  en  effet 
4tni  la  pièce  Dirai  ws  m  mon  latin,  que  Joun  avait  pour  frère  Donar  : 

Desvrat  a  son  camt 
Jovcns  que  torn'  a  déclic 
E  Douars,  ^u*cra  sos  fraire 
Va  s'en  fugen  a  lapi. 
Cane  dans  Costans  Teng^naire 
loi  ni  jovens  non  jauzi. 

C'est  ainsi  que  dans  le  Roman  de  Ham,  par  Sarrazin,  Dona  est  le  fils  de  Cour- 
tmuc  (èàil,  di  la  Soc,  de  t*Hist,  de  France,  p.  aaj). 

{,  On  sait  que  le  principal  effort  de  la  seconde  croisade  a  été  dirigé  contre  le 
snltaii  de  Damas. 


tl2 


MÉLANGES 


V.  De  la  lignée  de  Caïti*  le  premier  homme  mauvais,  il  y  a  ici  '  tant  de  gens, 
desquels  aucun  ne  porte  honneur  â  Dieu.  Nous  verrons  qui  rairaera  de  cœur, 
car,  par  la  vertu  du  lavoir,  Jésus  sera  avec  nous,  étant  chassés  les  garçons  *  qui 
croient  aux  augures  et  aux  sorts  ^. 

VL  El  \ts  débauchés  corne-vin,  presse-dîner,  souffle-feu,   croope-à-tcrre*, 

resteront  dans ^.  Dieu  veut  épurer  i  son  lavoir  les  hardis  et  les  doux,  tandis 

(jue  ceuX'hV  garderont  les  logîs,  et  trouveront  un  fort  adversaire;  c'est  pourquoi 
je  les  chasse  honteusement. 

VIL  En  Espagne,  de  ce  côté,  le  marquis  [R.  Bérenger  IV]  et  ceux  du 
Temple  Salomon  souffrent  le  poids  et  le  fardeau  de  la  fureur  des  Sarrazins  i  et 
Jeunesse  recueille  mauvaise  louange;  et  îe  blâme,  à  cause  de  ce  lavoir,  tombera 
sur  les  plus  puissants  seigneurs,  rompus,  faillis^  indifférents  à  ta  joie  et  à  Taction, 

VIIK  Le^  Français  sont  dégénérés  s'ils  disent  non  à  la  cause  de  Dieu;  je  les 


1 .  En  Gascogne,  ou  du  moins  dans  le  midi  de  h  France» 

2.  Au  sens  méprisant  comme  en  ancien  français.  Je  crois  quttor/taiz  bs  garsos 
ûtras  est  une  construction  absolue,  ce  qui  justifie  l'emploi  du  cas  régime;  ou  on 
pourrait  encore  taire  de  tùrnûiz  un  impératif.  Cf.  Eis  Sûnasis  toffiar  atras,  dans 
Emptrairc  per  mi  macis. 

3.  Les  augures  tirés  du  vol  des  oiseaux,  les  sorts  obtenus  en  ouvrant!  Tavcn- 
ture  certains  livres.  Sur  les  augures,  voy.  Du  Gange,  AlbaruUus;  Diez,  Lebcn  «. 
Werke  der  Trouh,^  p.  22;  Du  Méril,  Etudes  sur  quclqius  points  d' archéologie  et 
d'kist.  îiitir.,  p,  120,  note  5  ;  sur  les  sorts,  Du  Gange,  SorUs  virgihânjE,  Marca» 
brun  était  ennemi  de  ces  superstitions.  Dans  sa  pièce  à  Audnc,  il  tourne  en  ridî* 
cule  ce  personnage  qui  croyait  à  Taugure  tiré  du  vol  des  hobereaux. 

4.  !1  y  a  ici  (v.  46-48)  plusieurs  mots  composés,  locutions  populaires  dont 
l'emploi  est  tout  à  fait  dans  la  manière  de  Marcabrun,etqui  méritent  une  note. 
Cor/w-vi  veut  dire  «  celui  qui  corne  le  vin  >,  corna  étant  originairement  un 
impératif,  mais  le  composé  étant  employé  comme  si  corna  était  la  j*  pers.  sing. 
près,  ind.  Ce  même  nom  se  rencontre  à  la  fin  du  xi«  siècle  dans  la  pièce  148011 
Cartul,  de  S,  Victor  (Willelmus  Cofmxvim)^  et  un  peu  plus  tard,  dans  le  Cart* 
de  S.  Gyprien  lez  Poitiers,  n^  ?62.  Archiva  du  Poitou^  111.  Cette  expression 
ne  vient  donc  pas,  comme  M,  Milâ  y  Fontanaîs  l'a  supposé  (TVov.  en  Esp. 
P*  7^  n-  9He  l'usage  de  servir  le  vin  dans  des  cornes.  —  Coita-disnât  est 
celui  qui  presse,  qui  nâte  le  dîner.  —  Buffa-tiio  est  celui  qui  souffle  le  feu;  cf. 
ÇâiiC'iison^  relevé  par  M.  Darmesteter,  Formation  des  mois  composés,  p.  182; 
luffa-fuic  est  encore  employé  par  Marcabrun  comme  terme  injurieux  dans  Difd 
vos  smcs  duptûtisa  (fr.  80,  fol.  17s ^ï),  et  bufar  b /oc  cl  carbo  est  à  ses  yeux  une 
occupation  méprisable  (Mahn,  Grii.,  n*  724,  7),  A  la  catégorie  de  ces  souffle- 
feu,  ou  garçons  de  cuisine,  appartiennent  encore  ces  gmrbaut  que  Marcabrun 
poursuit  sans  cesse  de  ses  invectives  et  à  qui  certains  seigneurs  confiaient  impru- 
demment leurs  femmes  1  E  tenon  guirbaun  ah  tizos  \\  Cm  las  comandjn  a  gardar 
(Mahn,  Ccd.,  n»  609,  4)»  —  Crup  en  cami  est  probablement  le  synonyme  aacro- 
pitZj  qui  se  tient  habituellement  accroupi,  par  suite,  vil,  méprisable»  terme  très- 
fréquent  chez  Marcabrun,  C'est  vraisemblablement  au  même  setis  qu'est  men- 
tionné {Dirai  vos  sems  dubtansa^  80,  fol.  l'j^d)  Selh  aai  crup  en  Pcscum. 

5,  J'aime  mieux  ne  pas  essayer  de  traduire  in:  el  fotpjdor  (v.  49)  ;  la  variante 
en  fera  pudor  n'est  sans  doute  qu'une  grossière  correction  du  copiste,  qui  sert 
cependant  à  assurer  la  finale  -ptdof  el  l'y  du  commencement-  Toutefois,  comme 
Vf  et  ['s  se  ressemblent  fort,  on  pourrait  risquer  sospidor  Csospitoriam  formé  sur 
sospesl)  au  sens  de  lieu  de  refuge,  endroit  où  on  se  repose.  Ou  encore  ne 
pourrait-on  dériver  sospidor  de  suspicere,  une  cachette  d  où  on  pourrait  examiner 
les  arrivants  .ï*  Ce  sens  serait  en  rapport  avec  le  v.  J2,  £  cd  gaitaran  hs  ostdus. 
Tout  cela  est  plus  que  douteux. 


MARCABRUK  I 2 l 

û  nb  en  demeure  [de  venir  ici]V.  Antioche^  prix  et  valeur,  ici  Guyenne  et  Poi* 
lem,  sont  dans  les  larmes.  Seigneur  Dieu,  en  ton  lavoir,  donne  repos  à  t'âme  du 
coate,  et  ici  que  le  Seigneur  qui  ressuscita  protège  !e  Poitou  et  Niort  ! 

M.  Mili%  €l  M.  Suchier  après  lui ,  affirnnent  sans  hésitation  que  le 
Wffs  dii  LxYâdor  a  été  composé  en  vue  de  Texpédition  qui  eut  pour 
fétultai  la  prise  d'Almeria,  c'est-à-dire  vers  1 146  ou  1 147.  Je  ne  crois 
pas  cette  date  très-assurée,  Alphonse  VI  II,  roi  de  Castille  et  de  Léon, 
porUmt  le  titre  d'empereur  depuis  j  1  ^  5  »  a  été  plus  d'une  fois  en  guerre 
contre  les  Sarrazins,  et  bien  que  rexpédition  d'Almeria  ait  été  la  plus 
brillante,  il  n'y  a  aucune  preuve  que  la  pièce  de  Marcabrun  ait  été  faite 
à  ce  moment.  La  dernière  strophe  me  semble  indiquer  une  date  un  peu 
plus  ancienne.  Pourquoi  la  Guyenne  et  le  Poitou  sont-ils  dans  les  larmes? 
Quel  est  ce  comte  pour  Tâme  de  qui  Marcabrun  invoque  la  miséricorde 
divine?  Ni  M.  Mili  ni  M.  Suchter  ne  paraissent  y  avoir  songé.  Le  seul 
comte  de  Poitou,  en  même  temps  duc  de  Guyenne»  qui  soit  mort  vers  ce 
temps-ïà  est  Guillaume  VIII  (ou  X  comme  duc  de  Guyenne),  décédé  le 
9  ami  î  ny,  et  je  suis  par  conséquent  porté  à  croire  que  le  vers  dd 
Livûdon\*esX  pas  de  beaucoup  postérieur  à  cet  événement.  Je  ne  m'explique 
pttt  très-bien  la  mention  d'Antioche  dans  ce  couplet  î.  Peut-être  le  poète 
s'cst-il  rappelé  que  le  prince  d'Antioche  était  le  frère  cadet  de  Guil- 
laume VI IL  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  sûr  que  Marcabrun  regrettait  le 
eonaie  de  Poitou,  et  Ton  peut  par  suite  conjecturer  qu'il  avait  fréquenté 
sa  cour.  Ce  qui  résulte  encore  de  la  dernière  strophe  de  la  pièce  Alprim 
tomensde  iHvcrnail: 

En  Castella  e  vas  Portegau, 
On  anc  non  fo  trames  salutz, 

E  Dieus  los  sau  I 
E  vas  Barcdona  atretau, 
Puois  lo  Peitavis  m  es  faillitz, 
Serai  mai  eu  m  Artus  perdutz. 

le  cite  ce  couplet  d'après  la  leçon  du  Vatic,  5252.  Les  trois  autres 
m$s.  (tous  trois  de  la  même  famille),  qui  contiennent  la  même  pièce,  ne 
font  pas  mention  du  comte  de  Poitiers,  et  terminent  ainsi  la  pièce  ; 

En  Castella  et  en  Portegal 
Non  trametrai  autras  salutz 
Mas  :  Dieus  los  sal  1 


1.  (la*tusûi  corn  «,  dans  toutes  les  éditions^  y  compris  la  mienne,  înais  je 
tfaduis  comme  s'il  y  avait  Qattts  (;=  Quels)  ai  cornes,  ce  qui  est  à  peine  une 
cnrectJOQ. 

2.  TfO¥aJorts  en  EspaHù,  p.  79. 

j*  Le  sens  adopte  par  M.  Mil  a  ne  me  satisfait  pas  beaucoup* 


124  MÉLANGES 

Et  en  Barseïona  atretal, 
E  neis  h  vaior  sontperduz. 

En  Gascoigna,  sai  ves  Orsaul, 
Me  dizo  qu'en  creis  us  petitz 
On  Irobarez  s'îeti  suî  perdulz. 

Comme  on  voit,  le  vers  relatif  au  Pehaviz  été  tout  simplement  omis, 
ei  le  vers  Serai  mai  cum  Arïus  perdutz  a  été  remplacé,  ainsi  que  M.  Su- 
chier  Pa  déjà  remarqué,  par  un  pur  remplissage.  Cette  leçon  a  pourtant 
le  mérite  de  nous  avoir  conservé  l'envoi  qui  contient,  indépendamment 
de  Gascoigna,  un  nom  de  lieu  facile  à  déterminer,  la  vallée  d*Os$au  ' . 

Ces  vers,  dans  lesquels  le  troubadour  dit  que  le  Poitevin,  assurément 
son  protecteur,  M  manque,  sont  postérieurs,  et  sans  doute  d'assez  peu,  à 
la  mort  du  comte.  H  semble,  autant  que  les  leçons  divergentes  que  j'ai 
citées  permettent  d'en  juger,  qu'Usaient  été  composés  au  nord  des  Pyré- 
nées; rauteur  se  proposait  d'aller  en  Espagne,  mais  il  parait  qu'il  n'y 
était  pas  encore.  La  pièce  Al  prim  comcns  serait  donc  un  peu  antérieure 
à  Fax  in  nomine  Dominij  selon  toute  apparence  composé  au-delà  des 
Pyrénées. 

C'est  en  Espagne  aussi^  et  probablement  à  la  cour  de  l'empereur 
Alphonse,  qu'a  été  fait  Emperaire  pcr  mi  mtuis  *,  dont  je  vais  traduire  les 
deux  derniers  couplets  : 

Si  les  fleuves  n'étaient  si  gros,  les  Almoravides  seraknl  en  mauvaise  passe  : 
nous  pourrions  leur  en  donner  garantie.  S*ils  attendent  le  retour  de  la  chaleur  et 
la  venue  du  seigneur  de  Castitle^  nous  les  ferons  maigrir  de  Cordoue* 

Puisque  France,  Poitou  et  Berry  obéissent  i  un  seul  seigneur,  qu'il  vienne 
ici  (ce  seigneur)  faire  à  Dieu  le  service  de  son  fief,  car  )e  ne  sais  pourquoi  vît 
le  prince  qui  ne  va  pas  faire  à  Dieu  !e  service  de  son  fief  î 

La  période  pendant  laquelle  îa  France  et  le  Poitou  ont  obéi  à  un 
même  seigneur  est  celle  de  l'union  de  Louis  VU  et  d'Eléonore  (iin^ 
1152),  et  comme  les  derniers  vers  indiquent  clairement  que  Louis  VU 
ne  s'était  pas  encore  croisé,  la  pièce  ne  peut  être  postérieure  au  com- 
mencement de  Tannée  1 147;  mais  elle  peut  être  antédeure  de  plusieurs 
années,  puisque  rien  n*oblige  de  croire  qu'elle  ait  été  composée  au 
moment  de  Texpédition  d'Almeria. 

Voilà  donc  trois  pièces  postérieures,  de  bien  pey  d'annéfes,  selon  toute 
apparence,  à  1 1^7,  et  on  en  pourrait  ajouter  une  quatrième  [Emperaire 
per  ¥ostr€  preîz  J)  qui  est  adressée  à  l'empereur  Alphonse.  Voici  maintenant 


1,  Voy.  Romania.U^  4J2. 

2.  Raynouard,  Choix^  IV,  ijo;  Milâ  y  Fontanals,  7>ov.  en  Esp,  p  81. 

j.  Elle  ne  se  trouve  que  dans  le  ms.  de  Modëne,  et  (es  quatre  premiers  vers 


MARCA8RUM  12^ 

une  pièce  qui  me  parall  composée  du  vivant  du  comte  Guillaume  VI!  I, 
c'cst-4-dire  avant  mi-  Dans  ce  vers,  Marcabrun,  exprimant  une  idée 
qui  est  l'un  des  lieux  communs  de  sa  poésie,  dit  :  «  Prix  est  descendu 
ti  âe  haut  en  bas,  et  tombé  dans  les  balayures  ;  les  pères  et  les  fils  ne  se 
9  ressemblent  guère,  car  je  ne  trouve  personne,  sinon  en  Poitou  qui 
•  s*y  =  à  Prix)  attache.  »> 

Pretz  es  vengutz  d'amon  (d)avau 

E  cazegutz  en  Tescobilh  ; 

Crcu  parejaran  mai  egau  ^ 

Paire  ni  filh, 
Qu'ieu  non  trucp  un,  eiseti  Peitau, 

Ques'i  atili^ 

M.  Suchîer  est  poné  à  croire  qu'il  s'agit  de  Richard  de  Poitiers,  plus 
tard  Richard  Cœur^îe-Lion,  roi  d'Angleterre»  mais  cette  opinion  est  la 
conséquence  naturelle  de  l'explication  jusqu'à  présent  admise  de  la  pièce 
Àujatz  dt  chant  corn  tnans  se  meUlard.  Je  vais  donc  essayer  de  prouver 
que  ce  chant  n'a  pas  été  mis  à  sa  vraie  date. 

La  pièce  Aujatz  de  chann  est  une  sorte  de  lamentation,  comme  Marca- 
brun en  a  fait  plusieurs,  sur  la  décadence  de  Prouesse  et  de  Valeur,  de 
toutes  les  qualités  qui  aux  yeux  d*un  troubadour  constituaient  la  per- 
fection. !i  est  inutile  de  la  traduire  (d'autant  que  le  sens  de  plusieurs 
vers  n^est  pas  clair  pour  moi)  :  il  suffira  de  rapporter  les  passages  où  se 
trouvent  des  allusions  historiques  : 

Je  ne  vois  guère  (dit  Marcabrun f  maintenir  droit  ni  raison,  quand  par  richesse 
BU  garçon  est  empereur. 


en  ont  été  publiés  dans  VHùt.  titUr.  XX^  541.  Sachant  quelle  avait  été  copiée 

Pour  Sunte-Paîaye,  je  me  proposais  de  la  publier  d'après  les  copies  déposées  à 
Arsenal;  mais,  m'étanl  fait  remettre  le  voK  qui  contient  les  extraits  du  ms,  de 
Modéne  <B.  L.  fr.  ^^^  t.  Vit,  j'ai  constaté  que  le  feuillet  contenant  la  pièce  de 
Marcabrun  avait  été  coupé  au  canif.  Cette  mutilation  n'est  pas  la  seule  dont  ait 
fu  à  souifrif  ce  volume.  J'ai  cru  utile  de  dresser  et  de  publier  la  liste  des  feuillets 
enlevés»  y  joignant  la  concordance  avec  la  description  du  ms.  de  Modène  duc  â 
M.  Mussana.  La  voici 


fol,  ji,  Fornitrs  ptr  mos.,. 

foU  43,  N'Alkrt  eu  sut.,,, 

fol.  4a,  A  l'honor  Dita,„, 

fol.  \è,  Emptrain..,. 

fol.  68,  Bai  grans  avolisa,, 

fol.  jéy  Cabra  juglar,.., 

fol,  85,  Amies  Marchabrati. 


(Mussafia,  n**  474), 
(Mussafia,  n**  524), 
(Mussafia,  n»  jai). 
Mussatta,  n<>  6s i|. 
(Mussafia,  n"  719). 
(Mussalîa,  rfi  74')* 
(Mussafia,  n*'  760), 
(Mussafia^  n*  76*). 


fol.  87,   Tôt  a  estrun.... 

1.  D'après  B,  N.  fr.  749  (Mahn,  Gcd.  n*  798),  D'autres  niss.  ont  une  le^on 
assez  différente,  mais  où  est  conservée  la  mention  du  Poitou. 

2.  Raynouard,  C/rou,  IV,  J03;  la  leçon  du  ms.  du  Vatican  est  imprimée 
dans  VAnhiv  de  Kerrig,  U,  29.  Je  fais  aussi  usage  du  ms.  fr.  1749,  qui  seul  a 
les  deux  derniers  couplets. 


1 26  MÉLANGES 

Dreig  ni  razon  noi,  vei  maintener  gaire  ' 
Quan  per  aver  es  us  gartz  emperaire. 

Voici  maintenant  la  fin,  qui  est  à  citer  en  entier  : 

Coms  de  Peitieus  vostre  pretz  aineillura 
E  d'en  Anfos  de  sai,  si  gaireil  dura, 
Car  Avignon  e  Proensa  e  Belcaire 
Te  meils  per  seu  no  fes  Tolzan  sos  paire. 

S'aquest  n' Anfos  fai  contenensa  pura, 
Ni  envas  mi  fai  sembian  de  frachura, 
Sai  vas  Léo  en  sai  un  debonaire, 
Franc  de  razo,  cortes  e  lare  donaire. 

De  malvestat  los  gart  sant'  Escriptura, 
Que  no  lor  fassa  cafloquet  ni  peintura. 
Cel  qu'es  e  fo  ngum  rtx  e  salvaire 
La  sospeiso  del  rei  n'  Anfos  m'esclaire  ! 

Comte  de  Poitiers,  votre  valeur  s'améliore,  comme  aussi  celle  d'Alphonse, 
pour  peu  qu'elle  persiste,  car  il  tient  mieux  Avignon,  Provence  et  Beaucaire, 
que  son  père  ne  faisait  le  Toulousain. 

Si  cet  Alphonse  se  contente  de  me  faire  bonne  mine  (?),  et  se  montre  chiche 
â  mon  égard,  j'en  sais  un,  vers  Léon,  qui  est  de  bonne  race,  franc,  courtois  et 
large  dans  ses  dons. 

Puisse  la  sainte  Ecriture  les  garder  de  mauvaiseté, 3.  Veuille  celui 

qui  est  et  qui  fut  roi  et  sauveur  des.  rois,  dissiper  l'inquiétude  que  j'ai  à  l'endroit 
du  roi  d'Aragon  ! 

Voici  comment  M.  Diez,  dont  l'opinion  a  été  adoptée  par  M.  Suchier, 
explique  ces  allusions  :  «  Le  comte  de  Poitiers  est  sûrement  Richard 
«d'Angleterre,  et  le  second  Alphonse  II  d'Aragon,  qui,  depuis  1167, 
<c  gouvernait  la  Provence.  Son  père,  Raimon-Bérenger  IV,  comte  de 
«  Barcelone,  avait  sans  succès  fait  la  guerre  au  comte  de  Toulouse....  Un 
<c  passage  de  cette  même  pièce  rend  plus  que  vraisemblable  que  Marca- 
<c  brun  avait  atteint  un  âge  assez  avancé  ;  c'est  quand  il  s'irrite  de  ce  qu'un 
a  enfant  [ein  Knabe)  soit  empereur  à  cause  de  ses  richesses.  Nous  ne 
«  croyons  pas  qu'il  puisse  être  question  d'un  autre  que  de  l'empereur  de 
«c  Constantinople,  Alexis  II,  qui,  en  1 180,  monta  sur  le  trône  dans  sa 
€  treizième  année  »  (Leben  u,  Werke  der  Troubad.  p.  51). 

Tous  les  faits  exposés  par  M.  Diez  sont  vrais,  mais  je  ne  crois  pas 
qu'aucun  d'eux  ait  le  moindre  rapport  avec  la  pièce  de  Marcabrun. 


î .  La  leçon  (inédite)  du  ms.  fr.  1 749  est  différente  pour  ce  vers  :  Prctz  ni 
valor  ne  veztm  tenir  gain. 

2.  Je  n'entends  pas  le  vers  que  je  remplace  par  des  points,  et  l'explication 
donnée  par  M.  Milà,  p.  104,  note,  n'est  pas  admissible,  puisqu'elle  conserve  le 
texte,  où  il  y  a  au  moins  une  faute,  celle  de  l'hémistiche. 


MARCABRUN  I27 

Une  première  remarque  est  qu'^j  priori  il  n*est  pas  très-naturel  de  faire 
vivre  jusqu'au  delà  de  1 180  un  poète  de  qui,  pour  le  reste,  les  dernières 
œavres  à  peu  près  datées  se  rapportent  à  Tan  1 147.  L'invraisemblance 
s*aocroh  si  on  considère  que  Marcabrun  n'est  pas  mort  de  vieillesse , 
fxittqoe,  au  témoignage  de  sa  vie,  il  périt  de  mort  violente.  Enfin,  si 
Mircabrun  a  vécu  jusqu'au  temps  de  Richard  Cœur-de-Lion,  comment 
expliquer  que  sa  biographie  soit  si  brève  et  si  pauvre,  tandis  que  pour 
les  poètes  de  ce  temps  nous  avons  des  notices  assez  riches  en  faits  ? 
Notons  que  Marcabrun  n'est  pas  un  poète  de  peu  d'importance,  et  qu'il 
1  été  tenu  longtemps  en  grande  réputation,  comme  le  montrent  d'assez 
nombreuses  mentions  de  son  nom  dans  la  littérature  de  la  fin  du  xn»  et 
du  xnr  siècle». 

Maintenant  j'en  viens  à  l'examen  des  faits*  Ft  d'abord,  le  vers  Qaan 
fird¥€r  es  as  gartz  empcraire.  Je  crois  que  M.  Diez  se  méprend  lorsqu'il 
traduit  gtirtz  par  a  enfant  t>  ou  «  jeune  garçon  »  {Knabe),  En  effet,  gan 
est  id  une  expression  méprisante  comme  dans  le  cinquième  couplet  de 
Pax  m  nomint  Domini,  traduit  ci-dessus,  comme  dans  tant  de  textes 
provençaux  ou  français  du  moyen-âge,  comme  garcio  dans  les  docu- 
ments latins  du  même  temps.  Le  sens  nettement  injurieux  de  ce  mot  est 
encore  accusé  par  le  contexte  :  Quanper  aver..,  «  quand  pour  richesse,..  j> 
U  n'en  faut  pas  davantage  pour  mettre  Alexis  II  hors  de  cause;  outre 
qu'il  est  douteux  qu'un  troubadour  ayant  passé  sa  vie  en  Gascogne  et  en 
Espagne  se  soit  jamais  beaucoup  intéressé  à  la  succession  des  empereurs 
d^Orient-  L'empereur  espagnol  Alphonse  devant  être  supposé  à  l'abri  de 
toute  injure  de  la  part  de  notre  troubadour,  qui  fut  son  protégé,  Tallu- 
sion  ne  peut  se  rapporter  qu'à  un  empereur  d'Allemagne  dont  l'éleaion 
ah  été  l'objet  de  contestations*  Cette  circonstance  ne  s'étant  pas  pré- 
semée pour  Frédéric  Barberousse,  qui  succéda  sans  débat  aucun  à  son 
oncie  Conrad  111,  nous  n-avons  plus  à  choisir  qu'entre  Conrad  111  (ir  ?8) 
et  Lothaire  It  (1127)1  l'un  et  l'autre  élus  avec  l'appui  de  la  cour  de 
Rome,  Comme  dans  sa  pièce  Lo  nrs  comens  quart  vei  del  faii^  Marcabrun 
accuse  Rome  de  vénalité  : 

Puois  avers  fai  Roma  venau, 

{Arck.  xxxm,  jî^K) 

nous  ne  devons  pas  être  surpris  si  notre  poète  a  soupçonné  que  l'ar- 
gent avait  joué  un  certain  rôle  dans  une  élection  à  laquelle  le  Saint-Siège 
avait  contribué.  Reste  l'expression  as  gartz  qui,  appliquée  à  un  empereur 
d'Allemagne,  est,  j'en  conviens,  un  peu  dure.  Mais  Marcabrun  avait  un 
caractère  violent  et  porté  aux  extrêmes.  Ses  poésies  en  donnent  la 


I.  Ces  témoignages  ont  été  énumérés  dans  Flamtnca^  p«  xxvn  et  421 


128  MÉLANGES 

preuve,  et  si  des  seigneurs  peu  patients  le  firent  tuer,  ce  n'est  pas  appa- 
remment pour  leur  avoir  dit  des  douceurs. 

Mais  qui  était  cet  empereur,  Loihaire  ou  Conrad  ?  Cela  dépendra  des 
solutions  que  nous  adopterons  pour  les  autres  personnages  de  la  pièce* 

Le  comte  de  Poitiers,  selon  Diez,  serait  Richard  d'Angleterre.  Sans 
doute,  si  on  suppose  que  le  «  garçon  »  qui  est  devenu  empereur  est 
Alexis  II,  mais  cette  hypothèse  écartée  i!  devient  infiniment  plus  probable 
d ^admettre  quil  s'agit  du  même  comte  de  Poitiers  que  nous  avons  va 
regretté  par  Marcabryn,  à  savoir  Guillaume  VIII,  mort  en  1 1 37*  A  partir 
de  ce  moment,  jusqu'au  divorce  de  Louis  Vil  et  d'Eléonore,  le  Poitou 
est  uni  à  îa  France  »  de  sorte  que  le  premier  comte  de  Poitiers  que  Von 
rencontre  après  Guillaume  VIII  est  Richard  que  nous  venons  d'écarter. 
Guillaume  V1!I  adopté,  Conrad  III  est  éliminé,  puîsqull  n'a  été  élu  qu'un 
an  après  la  mort  de  Guillaume  VllI,  et  par  conséquent  le  «  garçon  » 
devenu  empereur  doit  être  Lothaire  M. 

Passons  à  Alphonse  qui  tient  mieux  Avignon,  Provence  et  Beaucaire 
que  son  père  ne  tenait  le  Toulousain.  Est-ce  Alphonse  H  d'Aragon 
comme  le  prétend  M,  Diez?  C'est  impossible  :  non  pas  seulement  parce 
que  l'époque  où  régnait  ce  prince  ne  concorde  pas  avec  les  résultats  que 
nous  venons  d'obtenir,  mais  encore  parce  que  l'hypothèse  de  M.  Diez, 
prise  en  elle-même,  soulève  diverses  objections  dont  ni  ce  savant  ni 
M.  Suchier  ne  se  sont  avisés,  L'Alphonse  à  déterminer  doit  être  seigneur 
d'Avignon,  de  Provence  et  de  Beaucaire,  et  fils  d'un  seigneur  de  Toulouse. 
Or  jamais  Alphonse  d*Aragon  n'a  occupé  Beaucaire,  qui  par  le  traité 
de  11  2ç  a  été,  comme  toute  la  rive  droite  du  Rhône,  attribué  au  comte 
de  Toulouse.  Puis,  jamais  Raimon-Bérenger  IV,  le  père  d'Alphonse  n,n*a 
occupé  le  Toulousain.  Qu'il  ait  fait  ou  non  la  guerre  au  comte  de  Tou- 
louse, îl  importe  peu  :  le  texte  dit  que  le  père  de  l'Alphonse  en  question 
tenait  le  Toulousain. 

Les  conditions  indiquées  sont  au  contraire  parfaitement  remplies  par 
Alphonse-Jourdain,  comte  de  Toulouse  de  1112  à  1148.  Il  possédait 
Beaucaire,  comme  aussi,  aux  termes  du  traité  de  1125,  Avignon  en 
partie,  et  le  marquisat  de  Provence'.  Son  père,  Raimon  de  Saint- 
GilleSj  qui  passa  en  Orient  les  huit  dernièies  années  de  sa  vie  (1096  à 
1105),  parait  s'être  tout  à  fait  désintéressé  dugouvememenlde  sa  terre, 
de  sorte  que  Toulouse  put  être  impunément  occupée  pendant  plusieurs 


1 .  Si  on  objectait  que  dans  le  texte  îl  y  a  §  Proensa  t»,  et  que  par  là  il 
faut  entendre,  non  le  marquisat  de  Provence  seulement  (c'cst-à-djre  la  partie 
située  au  nord  de  la  Durancei,  mais  la  Provence  entière,  je  répondrais  que  la 
«  Proensa  *,  sans  restriction,  est  aussi  comptée  dans  le  poème  de  la  Croisade 
albigeoise  (v.  5227)  au  nombre  des  terres  de  Raimon  VI,  encore  qu'il  n'en  eût, 
tout  de  même  que  son  grand-père  Alphonse-Jourdain^  qu'une  partie. 


FRANÇAIS  R  =  P  I  29 

années  par  le  comte  de  Poitiers  Guillaume  VU,  celui  qui  fut  troubadour. 
En  voilà  assez  pour  rendre  raison  des  paroles  du  poète. 

«  Si  cet  Alphonse  se  montre  chtche  à  mon  égard ^  i»  dit  Marcabrun,  «  [*en 
sais  im  du  côté  de  Léon  qui  est  counois  et  généreux.  »  —  Il  me  semble  que 
h  phrase  est  construite  de  telle  façon  que  le  personnage  auquel  il  est  fait 
altiBSion  en  second  lieu  doit,  comme  le  premier,  s'appeler  Alphonse  (S*a- 
fttesl  f^Anfos.,.  Sai  vas  Léo  en  saî  an...).  S'il  en  est  ainsi,  nous  n'avons 
pas  à  hésiter  sur  notre  choix  :  ce  généreux  prince  n*est  autre  qu'Alphonse 
de  Castille  et  de  Léon,  celui  que  nous  avons  vu  si  clairement  désigné 
dans  plusieurs  des  pièces  de  Marcabrun.  C'est  à  celui4à  par  conséquent, 
d  non  pas  à  Alphonse  II  d'Aragon^  que  se  rapporte  le  dernier  vers  de  la 
pièce. 

En  résumé,  les  quatre  personnages  désignés  dans  cette  pièce  sont  le 
comte  de  Poitiers  Guillaume  Vlll,  l'empereur  Lothaire  II,  le  comte  de 
Toulouse  Alphonse-Jourdain,  le  roi  de  Castille  et  de  Léon  Alphonse  VIIÏ. 
Guillaume  VIII  étant  mort  en  f  H7  J^  ^^^^  4^^  ^^  P^^^^  ^^^^  antérieure  à 
cette  date;  de  plus,  comme  Alphonse  de  Léon  n*y  reçoit  que  le  titre  de 
roi,  on  peut  croire  qu'il  n'avait  pas  encore  pris  le  litre  d'empereur.  Par 
conséquent  Aujatz  de  chant  corn  enans  se  meiUura  est  probablement  anté* 
rieur  à  1155.  Et  c'est  ainsi  que  cette  pièce,  bien  loin  d'être  Toeuvre  de 
b  vieillesse  de  Marcabrun,  est  au  contraire  la  plus  ancienne  parmi  celles 
de  ses  poésies  qu'on  peut  dater;  les  plus  récentes  étant  jusqu'à  présent 
A  lAJonUna  de!  vergier,  où  il  est  fait  une  allusion  précise  à  la  croisade 
de  Louis  VU^  et  Cortciamens  ml  comensar  qui  est  adressé 

A  Jaufre  Rudel  oltra  mar, 
et  par  conséquent  doit  être  aussi  rapporté  à  Pannée  1 147,  ou  environ. 

P.  M. 


III. 


FRANÇAIS  R  =  D, 


Nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié  rexcellent  article  dans  lequel  M.  Tobler 
a  démontré  que  mirt  vient  de  medicu{m)  et  grammairt  de  grammatUa 
jvoy,  Romania^  U,  241-244).  J'accepte  pleinement  sa  double  découverte, 
cl  je  ne  diffère  avec  lui  que  sur  un  point,  qui  fait  l'objet  de  la  présente 
note.  II  s'agit  de  savoir  comment  on  a  passé  de  medicu  à  mire.  M.  T, 
pense  que,  si  Ton  trouve  dans  les  formes  mirie  mire  mitre  un  r  à  la  place 
du  d  disparu,  il  faut  le  regarder  «  non  comme  issu  du  d,  mais  comme 
intercalé,  parce  qu'il  apparaU  aussi  à  la  place  de  consonnes  dont  le 
changement  en  r  est  d'ailleurs  inconnu.  En  effet,  nous  trouvons  non- 


IJO  MÉLANGES 

seulement  remire  pour  remedium^  omecire  pour  homuidiumf  Ailyre  pour 
îîlydius.,.  mais  aussi  navire^  que  j*aime  mieux  considérer  comme  forme 
secondaire  de  navie  (pr,  navei,  nayigi^  esp.  nayio)^  dérivé  certainement 
de  navigiuniy  que  comme  provenant  d'une  forme  nouvelle  nayiîium  ;  de 
plus  artimaire  ou  arîumaire,  forme  secondaire  d'arîimagef  dérivé  incon- 
testablement d'arfffîï   magicam^  enfin  grammaire  de   grammaticum  (et 
grammafkam).  C'est  ainsi  qu'à  côté  de  mf>  pour  medicam  se  place  la 
forme  m/r/e^  etc.  >»  Dans  un  article  tout  récent  de  la  Zàtschrijt  de  Kuhn 
[voy.  ci-dessousj  p.  ï  5  j)  Je  savant  philologue  est  revenu  sur  cène  question 
et  l'a  résolue  de  méme^  à  propos  du  root  vrilit^  que  M.Bugge  a  rattaché 
[Romania^  III,  i6o)à  vmcu/tf.  («  Rien  n'oblige,  dit  M.  Tobler,  à  admettre 
ici  après  le  v  initial  une  épenthèse  de  IV  dont  il  n'y  a  peut-être  pas 
I  d'autres  exemples  ;  en  revanche  rien  n'empêche  de  penser  que  l'hiatus 
'  qui  se  produisit  après  la  chute  du  t  ait  été  détruit  ici  de  la  même  manière 
que  j'ai  admise  dans  la /^om^^îni^  pour  mire^  rtmire,  navire^  gramnidire^ 
et  que  Bugge  (ftom.,  IV,  ^62)  admet  aussi  pour  hure.  J'ajouterai  les 
exemples  suivants  :  daumaireâe  dalmatka^  Diah  Greg.»  2j6,  8;  convinr 
(il  faut  lire  ainsi  au  lîeu  de  conjurer)  de  con-vitare^  Troie  24609  \  firie^ 
Ch*  Roi.  1278,  à  côté  de^«î,  fire  dtficatam;  esbariit  (  :  guarisf)  dans 
G.  de  Coinsy  659,  428,  esbane  (  :  mane]  Ib.  iGj^  25^  et  48J,   ^7, 
esharis  (  :  esmaris]  j6,  410,  46^  â'esbaïr  ;  garigna  Baud.  Seb.  Xlî,  172 
(il  est  vrai  que  Boca  propose  d'écrire  gaïngna);  soron  Mont  S.  Mich. 
I  !o8s,  seront  Jeh.  de  Joumi   505,   915  de  secmdum  ;  le  mot  dévorer 
'  «  maudire  »,  qu'il  faut  naturellement  séparer  de  dévorer  «  manger  » 
(Littré  les  confond),  et  qui  vient  de  devotare  (on  ne  trouve  pas,  que  je 
sache,  en  anc.  fr.  la  forme  devoér)  ;  afiree  —  afice  qu'il  faut  lire,  suivant 
moi»  au  lieu  d^aîiree  dans  Gautier  de  Coinsy  565,  $75  ce  n*avint  onques 
Que  fusî  perdue  n'adirée  Riens  qui  a  toi  fusî  atiree  ;  ta  locution  a  estuin 
(  :  déduire)  du  Roman  de  la  Rose  4073  est  sûrement  a  estuide  ;  de  même 
dans  l'autre  mot  estuire,  qui  se  trouve  avec  le  sens  d'  «  étui  »  dans 
Barbazan-Méon,  IV,  247,  251,  r  pourrait  bien  être  inséré,  ou  ne  serait- 
ce  pas  une  forme  féminine  parallèle  à  atuif  Voknterif^  d*où  provient» 
dans  Phil.  de  Thaon  Best.  600,  l'adverbe  de  six  syllabes  votenterivement, 
et  qui  est  plus  fréquent  sous  la  forme  voicntnf,  montre  également  IV  qui 
ne  se  trouve  pas  dans  volenteif  (abrégé  en  yoUnti))  ;  je  ne  me  rappelle 
pas  avoir  vu  plenterîf  à  côté  de  plenteïf,  mais  il  faut  joindre  à  cette  liste 
le  fr.  mod.  plantureux,  anc.  plenturos  et  aussi  pknîeuros,  Amad.  6764, 
dont  J'r  a  remplacé  le  v  disparu  de  pîeniivos  pour  pknkïvos  (pour  l'«,  cf. 
fr.  mod.  machuref)  *..,  Dans  Alexis  62  b  tous  les  mss.  appellent  Acaries 

I.  M,  T*  montre  ici  en  quelques  lignes  que  Pane,  fr.  pUntor^  invoqué  par 
M.  Littré,  n*a  jamais  été  rencontré,  et  que  le  pr.  pletidor  n*esl  qu'une  faute  de 
lecture  pour  ptcn  dor. 


i 


FRANÇAIS  R  =  D  \  ]l 

l'empereur  romain  Arcadius,  et  tl  me  semble  risqué  de  remettre  le  d  iaiin 
à  la  place  de  i'r  :  cet  r^  d'après  ce  qu'on  vient  de  voir,  est  justifié  sans 
^'3  soit  besoin  de  recourir  à  !a  confusion  supposée  avec  saint  Acaire, 
Enfin  rappelons  le  fr.  mod.  sareau  ;  certainement  de  Pane,  fr,  seii  on 
peut  tirer  sans  intermédiaire  un  dérivé  seil-r-d  ;  la  difficulté  est  que  seitr 

I  côté  de  seà  se  trouve  déjà  dans  l'ancienne  langue  ;  la  forme  prise  par 
le  dérivé  aurait-elle  influé  sur  celle  du  primitif?  Ou  bien  Vr  remplace-t- 

II  des  consonnes  tombées  même  à  la  fin  des  mots?  C'est  sûrement  le  cas 
dans  leur,  lQr=  la  ou,  qu'on  rencontre  dans  plusieurs  textes  des  provinces 
du  Nord  'voy.  Gœli.  Gel.  Anz.,  1874,  p.  1046)..,  Je  pense  encore  que 
k  mot  car^  qui  se  rencontre  souvent  dans  Baud.  Seb.  à  la  place  du 
pronom  relatif  que  et  de  la  conjonction  que  (si  je  ne  me  trompe,  seule- 
ment devant  des  voyelles),  est  identique  à  (fue;  ce  n'est  sûrement  pas  le 
Car  issu  de  quart  :  Or  ûiés  l'aventute  car  il  H  avenra,  IV,  540  ;  Tanî  ala 
par  la  ville  car  il  vint  a  un  four ^  VII,  G26,  et  très-souvent.  » 

Les  exemples  allégués  par  M.  Tobler  doivent  être  sensiblement  res- 
treints- L'étymologie  de  hure,  proposée  par  M.  Bugge,  toute  séduisante 
qu'elle  soit,  est  loin  d*être  certaine.  Conjurer,  dans  le  roman  de  Troie, 
petit  (on  bien  rester.  Esbarir,  forme  que  je  ne  connais,  aussi  bien  que 
M.  T,,  que  par  Gautier  de  Coinci,  ne  me  paraît  pas  pouvoir  venir 
û'isbdîr  ;  le  sens  ne  convient  pas  partout  ;  ainsi  dans  ce  passage  : 
Hotin  mf  est  si  esbarie  Par  pou  qu*ek  n^afonde  et  noie^  $21,198:  je  le 
traduirais  plutôt  par  <«  ébranler  ».  Pour  gimgna  il  faut  lire  gaingna, 
le  ne  crois  pas  à  la  distinction  établie  entre  les  deux  dévorer:  M.  T. 
'  hl-iiièroe  la  rend  peu  vraisemblable  en  remarquant  que  devoir  n'existe 
||MB  en  ancien  français;  la  transition  du  sens  n*est  pas  impossible, 
stirtout  si  on  considère  qu'il  s'agit  là  d'un  mot  à  moitié  savant:  on  peut 
trouver  un  intermédiaire  dans  le  sens  de  «  faire  périr,  tuer  n,  donné 
aussi  à  dtvonr  (Jubinal,  Contes,  l,  8^)*  Afirer  pour  atirer  dans  G.  de 
Ccnnci  est  une  conjecture  un  peu  bien  hardie.  Voknterif  dérive  évidem- 
ment de  voluntarius  ;  d.  maladif,  tardif ,  pr.  asprieu,  etc.  Quant  à  planta- 
ffipt,  je  Texplique  par  plenteivuros,  adj,  d'un  subst.  pknîeivare,  tiré  de 
\flimeif;  dans  le  Dolopathos^  v.  2770,  on  trouve  plantiverose  comme 
r  fanante  à  planteurose.  J'exclus  tous  les  exemples  plus  ou  moins  douteux 
qui  présentent  une  r  finale,  parce  qu'en  tout  cas  ils  appartiennent  à  un 
autre  genre. 

Restent  donc  les  mots  mire  remire  homedre  Allyre  navire  anumaire 
grammaire  daumatre  Jirie  soton  estuire.  Retranchons  soron  {soronc  au 
xtv*  siècle,  dans  Littré,  s.  v,  selon),  qui  est  une  variante  de  sdon  et 
où  I'r  est  par  conséquent  issue  d'une  /  intérieure.  On  voit  tout  de 
suite  que  tous  les  mots  dont  Tétymologie  est  sûre  présentent  dans  leur 
type  latin  «ne  voyelle  accentuée  suivie  d'une  dentale,  d'un  ï  et  d'une 


1)2  MÉLANGES 

(  voyelle  finale:  médi(c)um^  rtmtdiam^  homiddmm^  [Uydium, grammaii{c)a, 
I  datmati{c]a,  studium^.  Il  faut  y  joindre  Cire,  forme  fréquente  en  anc.  fr. 
de  Atgidiiis  *,  et  enyire  [invirie  dans  Phil.  de  Thaon  :  Meyer,  Recueil, 
p.  287).  Trois  mots  feraient  exception,  diaprés  M.  T.,  et  présenteraient 
une  gutturale  en  place  de  la  dentale.  Le  premier,  navire^  provient  incon- 
testablement de  tidvilium,  fréquent  en  bas-latin  ;  le  v.  fr.  a  souvent  la 
forme  navilie;  je  ne  citerai  que  RoL  2627  l^  côté  de  navirit  2642)  ;  plus 
tard  navik,  p.  ex.  Viol  799.  —  Fine  est  plus  compliqué,  mais  n*est 
pas  plus  douteux.  Le  mot  essentiellement  populaire  Jîcdfiim  a  eu,  comme 
on  sait,  en  roman,  des  destinées  fort  diverses,  ou  plutôt  a  subi  des 
dégradations  successives  :  le  roum.  ^cai^  le  sarde  jî^cfu,  le  vén.  figà  ont 
seuls  conservé  Taccentuation  latine  ;  [*it.  fégaîOy  le  pg.  figado  (esp. 
higado]  nous  montrent  un  déplacement  d'accent  ;  ce  déplacement  amène 
naturellement  l'affaiblissement  de  Va,  que  nous  trouvons  dans  le  figida 
des  glosses  de  Cassel,  et  àans  k  fégheî  bolonais;  une  fois  cette  forme 
admise,  elle  se  transforma,  par  analogie  avec  les  nombreux  mots  sem- 
blables, Qnfidicam  :  de  là  le  piém.  fidlch,  le  bergam.  fidech^  le  lombard 
fidegh  ;  de  là  aussi  le  prov.  fetgt  \s\i\s%t  fedge]^  qui  ne  peut  venir  de 
ficaîum^  et  la  triple  forme  française  fie^  feie  (Joie)  et  firie  qui  est  à  fidicum 
ce  que  mirie  est  à  médicam.  —  Reste  artumaire  ou  artimaire^  qui 
viendrait  a  incontestablement  »  de  aritm  magicam.  Je  le  conteste 
cependant ,  et  je  ie  tire  de  arît  mathematica ,  qui  aurait  donné  régu- 
lièrement ûTÙmatimaire  ou  armatimatre  ;  on  ne  s'étonnera  pas ,  dans 
un  mot  savant  passé  dans  le  peuple,  de  cette  syncope  qui  ne  manque 
pas  d'ailleurs  d'analogies.  Artimaire  et  daumaire  viennent  ainsi  confirmer 
la  brillante  explication  de  grammaire  que  nous  devons  à  M,  Tobler.  La 
forme  artimage  représente  d'une  autre  façon  le  suffixe  dîica. 

Reste  à  savoir  comment  la  dentale  des  mots  en  question  s'est  changée 
I  en  r.  A  mon  avis,  elle  a  passé  par  I.  L7  devant  i  atone  en  hiatus  a  donné 
très-fréquemment  r  en  ancien  français  :  citons  concire  tvatigirt  nobirt 
mire  apostoire^  plus  navire  qui  vient  d*être  cité,  et  les  noms  propres 
comme  Basire  Mabire  Aataire  :  la  forme  plus  ancienne  de  ces  mots  est 
concilie  evangilie  nobilie  milie  apostôlit  navilie  Basilie  Mabilie  Euldlie,  Les 
mots  que  nous  étudions  ont  dû  avoir  pour  première  forme  :  mïdie  remidie 
homecidie  Aliidie  artimâdic  gramddie  daimàdu  fidic  esîùdie  envldie  J,  puis 
milie  remilie  hùmicilie  Allilie  artimàlie  gramdlie  dalmdlie  fille  estùlie  envilie, 
puis  mine  remirie  komecirie  Altirie  arîimdrie  gramdrie  dalminefme  utùrie 
envirie^  et  enfin  mire  remire  homectre  Allyre  artimaire  grammaire  daumatre 

1 .  On  sait  oue  M.  AscoH  a  démontré  que  le  suffixe  -aticO'  est  devenu  -adith 
avant  de  prcnûrc  la  forme  -aggio  en  it.,  *ûge  en  français, 

2,  Et  aussi,  si  Ton  veut^  A{r)caric  de  Arcddmm, 

)   Cette  forme  existe  dansîc  Psautier  d'Oxford,  CXVIII,  1J9. 


UN   SIGNE   d'interrogation    EN    NORMAND  135 

ifiré)  istuin  (invire).  La  plupart  ne  nous  ont  été  conservés  que  sous  une 
de  leurs  formes  ;  celle  en  /  manque  à  tous.  Cependant  elle  se  rencontre, 
et  elle  a  subsisté  jusqu'à  nos  jours,  pour  un  mot  que  j'ai  laissé  en  dehors  : 
AiguUiis  a  donné,  en  passant  par  Gidie  (Gide  s'est  conservé  comme  nom 
propre),  Giiu^RoL  \  592),  d'où  Gtle  Gilles,  et  Gire^  forme  fréquente  (en 
prov.  aussi  Gili  et  Glri)^  et  conservée  dans  plusieurs  noms  de  lieux.  Je 
crois  pouvoir  aussi  retrouver  la  forme  en  /  d'artimaire  dans  Roianî  :  Par 
éortotial  i'i  conduit  Jupiter  (v,  1 392!  i  il  est  facile  de  corriger  arûmâlte,  en 
softe  qu'avec  animage,  qui  représente  artimddit,  on  aurait,  pour  ce  mot 
aussi,  la  série  complète. 

La  cause  de  l'altération  du  d  (primitif  ou  secondaire)  dans  tous  ces  1 
mots  est  évidemment  Tinfluence  exercée  par  le  yod  voisin,  bien  que  ie| 
chasgement  direct  de  ^  en  /  ne  soit  peut-être  pas  sans  exemples  en 
français.  Mais  je  ne  sais  's'il  faut  faire  remonter  à  la  période  romane 
une  tendance  du  d  à  s'altérer  dans  cette  situation.  Quelques  exemples 
Udîns  —  comme  salvàrtc  —  ne  prouvent  rien,  et  je  ne  pense  pas  qu'on 
puisse  rapprocher  du  phénomène  français  celui  que  présente  l'espagnol 
dans  des  formes  comme  julgo ^mielga  [medica]  et  les  suffixes  en  -atgo 
^adgOf  azgo\  Ml  faut  cependant  noter  en  castillan  homecillo,  qui  répond 
visiblement  à  la  forme  homtdlk  que  j'ai  supposée  entre  homecidie  et 
homicirie  ;  quant  à  Gil,  le  nom  de  ce  saint  provençal  a  dû  être  emprunté 
au  lieu  de  son  culte. 

VrilU,  pour  en  revenir  à  ce  mot ,  vient  donc  de  rr7/e  avec  une  r  simple- 
ment épenthétique  comme  dans  breuilUs^f  fronde^  gouffn,  chanvret  Tii. 
frustâgfw,  et  un  assez  grand  nombre  d'autres  mots  romans. 

G.   P. 


IV. 


ON  SIGNE  D'INTERROGATION    DANS  UN    PATOIS    FRANÇAIS, 

L'i  final  tombe  en  général  à  la  fin  des  mois  dans  le  normand  actuel  i 
par  suite  il  suivi  d^une  consonne  ou  placé  après  le  verbe  a  été  réduit  à  i; 
ainsi  ;  i  viindra,  nindra-t-il  Or  le  normand  négligeant  en  général  les 
liaisons  i  la  fin  des  mots,  du  moins  après  î^  on  a  fini  par  ne  plus  savoir 
quelle  était  la  valeur  du  t  de  viindra-t-i,  lequel  a  continué  exceptionnel- 
lement à  se  faire  sentir,  et  ti  a  été  considéré  comme  représentant,  au 


u  Sur  ces  formes  et  d'autres  analogues^  voy,  les  savantes  recherches  de 
H"»*  C.  de  Vasconcellos,  Studicn  :ur  rom.  Wortschœpfmg^  p«  2j\-\\. 
♦    a,  BnuiUts^  entrailles  de  poisson.  C'est  le  pluriel  d'un  mot  fém.  bruetlU,  qui 
se  rtnamlre  dans  des  textes  du  XIV*  siècle,  et  oui  n*csl  autre  que  le  mot  butÙc, 
•  entrailles,  •  expliqué  ici  dernièrement  (Rom,  V,  382). 


I  34  MÉLANGES 

lieu  de  i  seulement,  le  pronom  de  la  troisième  personne.  Mais  la  langue 
ne  s'en  est  pas  tenue  là,  et  après  avoir  perdu  le  sentiment  de  la  valeur 
étymologique  de  //,  elle  a  oublié  quelle  était  la  valeur  personnelle  véri- 
table de  cette  particule,  pour  n'y  voir  qu'un  signe  d'interrogation  qu'on 
pouvait  employer  indifféremment  à  la  première  comme  à  la  troisième 
personne  ;  c'est  ainsi,  —  sans  doute  par  analogie  avec  les  expressions 
comme  ton  père  ira-t-i?  ton  frère  Vém^-t-i?  où  le  sujet  est  un  substantif 
et  par  conséquent  de  la  troisième  personne,  —  qu'on  a  dit  à  la  pre- 
mière :  firé-tif  f  l'ém^-tii  locutions  dans  lesquelles /i  joue  exclusivement 
le  rôle  de  particule  interrogative. 

D'après  cela  le  présent  de  l'indicatif  du  verbe  aie  se  conjugue  ainsi 
interrogativement  en  normand  : 

/'  vèe  ou/'  vouie-tii  j'alôn-ti? 

vâ'tuf  aioUi 

va-tif  vôn-ti? 

Parmi  ces  formes  il  faut  remarquer,  outre  l'emploi  assez  général  dans 
les  patois  du  singulier  je  comme  pluriel,  la  contraction,  à  la  seconde 
personne  pluriel,  du  pronom  vous  avec  la  terminaison  verbale  «,  con- 
traction qui  a  déterminé  la  chute  du  v  initial  de  ce  pronom  < . 

Charles  Jorbt. 


EMPLOI  DU  PRONOM  POSSESSIF  A  LA  PLACE  DE  L'ADJECTIF 
DÉMONSTRATIF  EN  NORMAND. 

Un  des  phénomènes  grammaticaux  les  plus  curieux  que  présente  le 
patois  normand  est  l'emploi  du  pronom  possessif  à  la  place  de  l'adjectif 
démonstratif  celui.  Quand  cet  adjectif  a-t-il  disparu?  Il  n'est  guère  facile 
de  le  savoir  en  l'absence  de  documents  vraiment  populaires  des  trois 
derniers  siècles.  Pourquoi  a-t-il  disparu  ?  Il  est  tout  aussi  difficile  de  le 
dire,  puisque  si  celui  devait  presque  nécessairement  se  transformer,  par 
suite  de  la  répugnance  du  patois  moderne  pour  la  diphthongue  u/,  il 
pouvait  subsister  sous  la  forme  celieu  ou  mieux  celi  [s^li]. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  parler  populaire  a  complètement  rejeté  ce/ui,  crfk, 
ceux,  et  il  se  sert  à  la  place  de  /'  siin,  la  siéne^  lé  siin{s).  Par  exemple  : 
L'  siin  qui  V  di  n'  n'a  manti. 
La  siéne  qui  V  vé  a  d*  bouôu-z  Us. 
Lésiïns  qui  V  vodrdn  viindrôn  V  qu'ri. 

I.  Le  phénomène  que  signale  ici  M.  Joret  n'est  pas  propre  au  normand  ;  il  se 
retrouve  en  français,  et  jeréludierai  incessamment  dans  la  Romanla.  —G.  P. 


l'adjectif  démonstratif  en  normand  135 

De  même,  au  lieu  de  celui  de,  on  dit  /'  siin  de  ou  mieux  à.  Ainsi  : 

Ch'  is  P  siin  à  son  père. 
Il  me  semble  qu'on  peut  voir  dans  ce  dernier  exemple  le  point  de 
départ  de  l'emploi  de  /'  siin  pour  celui  ;  on  a  dû  passer  sans  peine,  en 
effet,  de  l'expression  ch'  es  /'  siin  =  c'est  celui  qu'il  possède,  où  /'  siin 
désigne  la  possession  entière  et  complète,  à  l'expression  c/t'  es  l  siin  à 
son  pire  =  c'est  celui  que  possède  son  père,  où  /'  siin  ne  désigne  plus 
la  possession  que  d'une  manière  pléonastique  ;  mais  précisément  à  cause 
de  cela  cette  idée  accessoire  'de  possession  attachée  à  l'origine  à  /'  siin  a 
dû  finir  par  s'effacer,  puisqu'elle  était  suffisamment  exprimée  par  les 
mots  à  son  pire^  et  /'  siin  n'a  plus  été  considéré  que  comme  un  pronom 
représentant  le  substantif  en  dehors  de  toute  idée  de  possession  ;  dès 
lors  il  pouvait  figurer  dans  des  phrases  où  cette  idée  ne  se  rencontre  plus 
et  par  suite  se  substituer  au  démonstratif. 

Charles  Joret. 


CORRECTIONS. 


SUR  LES  GLOSSAIRES  PROVENÇAUX  DE  HUGUES  FAIDIT. 

MM.  Gaston  Paris,  Tobler  et  Paul  Meyer  ont  successivement  proposé 
ici  (I,  234,  II,  537  et  ) 47)  diverses  corrections^  pour  la  plupart  excel- 
lentes, au  texte  imprimé  de  ces  grammaires.  J'ai  glané  après  eux 
quelques  menues  observations  qu'il  ne  sera  peut-être  pas  sans  utilité  de 
recueillir.  Plusieurs^  dans  le  nombre,  se  rapportent  à  des  passages  déjà 
examinés  par  ces  savants,  mais  sur  lesquels  mon  opinion  diffère  de  la 
leur. 

30  a.  «  Derengar  —  de  série  militem  exire.  »  La  correction  militum 
proposée  par  M.  Gaston  Paris  me  semble  inutile,  militem  étant  ici  régu- 
lièrement à  l'accusatif.  Cf.  36  a,  «  espelir  —  avem  de  ovo  exire.  » 

30e.  «  Escracar  —  iussiendo  spiritum  emittere.  »  Corr.  sputum. 

33  a.  a  Sosteirar  —  sepelire,  »  Corr.  sosterrar. 

33^.  «  Suar,  souar  —  sudare.  »  Il  aurait  fallu,  je  pense,  imprimer 
sovar.  Le  v  se  sera  ici  introduit,  après  la  chute  du  d,  comme  dans  auvir, 
lauvar^  etc.  Vo  dans  cette  forme  a  lieu  de  surprendre,  car  Vu  latin 
devient  en  provençal  u,  et  non  0  estreit.  Peut-être  faudrait-il  corriger 
suvar. 

3  3  fr.  «  Trepar  —  manibus  ludere.  »  On  peut  sans  hésitation,  ce  me 
semble,  corriger  pedibus. 

40a,  «  Caf  —  impar  vox  indignantis.  »  Cette  ligne  et  la  suivante 
paraissent  avoir  été  interverties.  Je  mettrais  «  Baf  —  vox  indignantis  » 
en  tête.  Impar  s'expliquerait  ensuite  parfaitement. 

40e.  a  Pals  —  pallium.  »  Corr.  palum, 

42a.  «  Brams  —  clavis  {sic).  »  Corr.  clames.  Il  y  avait  peut-être 
clams  (la  forme  provençale  pour  la  latine)  dans  le  ms.  d'où  dérive  celui 
que  reproduit  l'édition. 

42  a.  «  Tams  —  par.  »  On  peut,  je  pense,  adopter  la  correction  Cams 


SUR    LES   GLOSSAIRES   DE    HUGUES   FAIDIT  I  ?7 

;=rCèdmi,  à  laquelle  M.  Tobler  a  songé,  mais  quHl  a  hésité  à  proposer* 
Le  traducteur  aura  ici  employé  par^  comme  il  se  sert  ailleurs  de  sic  ou 
de  idinif  pour  ne  pas  répéter  le  nom  propre. 

42  â.  «  Calms — piankits  sive  htrba,  «  Lisez  sine.  Chaumes  (aussi  char- 
mes) est,  en  plusieurs  pays  de  bngue  d*oc  et  de  langue  d'oil,  le  nom  des 
terres  mcultes.  C'est  ainsi  qu'on  appelle  à  Angoulême  et  Chaumes  de 
Crage^  »  un  plateau  aride  et  rocailleux  auquel  conviendrait  on  ne  peut 
BBCiix  la  définition  du  Donat. 

4^  a.  •  Tancs  —  pannum,  Ugnum  amîum.  »  Outre  les  significations 
relevées  par  M.  Tobler  dans  Rochegude,  îanc  a  aujourd'hui  et  avait  cer- 
tainecnent  aussi  autrefois  celle  de  heurt  Ion  en  a  précisément  un  exemple 
dans  le  passage  des  Leys  d^amors  (F,  a  16,  ligne  6),  auquel  renvoie 
M.  Tobler).  C'est  peut-être  cette  signification  que  iiaduisait  le  mot 
MXfod  s'est  substitué  sous  la  plume  du  copiste  le  pannum  de  notre 
teite. 

4ia.  9  Flars  —  Ittmen  magnum,  d  Comme  flars  se  trouve  ailleurs 
{Fkmenca,  7492),  on  ne  peut  songer  à  corriger /an  (phare).  Est-ce  le 
même  mot  que  ce  dernier,  avec  /  épenthélique  ? 

44a*  «  Fatz  —  favas\  »  Corr.  fa[t]uas. 

44-a.  a  Blâus  —  bludas ))  A  lividus,  correction  de  M,  Tobler,  je 

préférerais  blandas  (qui  est  dans  Ducange)  comme  plus  près  du  ms.  La 
sîgnificaiion  fondamentale  de  blaus  parait  d^ailleurs  être  fiavus, 

44b,  u  Pahz  —  pacem  veî  stulîus.  »»  Pour  sîultas  (itaL  pazzo)  il  n'y  a 
pas  de  difficulté,  mais  pacem  n'est  pas  possible.  Dans  tous  les  mots  de 
cette  liste,  h  représente  un  /  palatal  provenant  de  c  ou  d*i  et  associé  à 
une  dentale.  On  remarquera  de  plus  que  les  substantifs,  dans  noire  dic- 
tionnaire, sont  partout  ailleurs  traduits  par  le  nominatif  latin.  Je  pense 
d'après  tout  cela  que  pacem  est  ici  une  faute  de  copiste  pour  pactum. 

45^,  s  Abas  —  abbas.  n  Ce  mot,  l'a  final  y  étant  atone,  n'a  pu  être 
introduit  ici  que  par  une  erreur  de  copiste.  On  peut,  je  pense,  corriger 
sans  hésitation  «  Albas  —  atbus  ». 

45&,  a  Fleis  —  fit  contenîus,  «  M.  Tobler  suppose  que  fleis  est  un 
subjonctif  et,  en  conséquence,  corrige  sit^.  Ne  serait-il  pas  préférable  d*y 


I*  Cf-  la  Crâu  de  la  Provence  et,  dans  le  Donal,  43  6  t  craucs  —  îtenlis  », 
64 ^,  t  crauca  —  ttrra  sUrilis  »,  comme  a  justement  corrigé  M*  Gaston  Paris. 

2.  L*opinion  de  M,  Tobler  est  partagée  par  M.  Mussafia  rVoy.  Die  caiala- 
nUche  mttrische  Version  dtr  Sukn  Wàsot  Masur^  au  glossaire),  qui  cite  à  l'appui 
un  exemple  provençal  (de  Folquet  de  Lunel]  et  deux  exemples  catalans.  Mais 
le  fltis  de  Folquct  de  Lutiet,  qu'il  faut  certainement  rattacher  k  fleis sar^  identi- 
que au  fltxar  catalan  (et  non  à  Jhchir,  comme  Fa  fait  Raynouard  par   méprisCy^ 


ne  paraît  pas  être  le  même  que  \t  fleis  du  Donat.  En  effet,  ce  dernier  figure  parmi 
les  rimes  en  m  iarg^  tandis  que  \t  fleis  de  Foiquet  est  éttoiif  puisqu'il  rime  ave 
ejs^  ny$  elcrtys,  tous  mots  rangés,  dans  le  DonM,  sous  la  rubrique  eis  tsimt. 


Iî8  CORRECTIONS 

voir  le  parfait  de  fléchir,  employé  neutralement  et  dans  une  signification 
métaphorique  et  morale,  ce  qui  expliquerait  la  traduction? 

45^.  «  Leis  —  kctus.  »  Peut-être  cette  traduction,  contrairement  à 
ce  que  croit  M.  Tobler,  n*esi-elle  pas  à  rejeter.  A  côté  du  parfait  *l€xi, 
que  suppose  nécessairement  ilt.  lessi^  a  pu  exister  un  participe  Vexw, 
qui  serait  la  source  de  notre  kis. 

^6b,  H  Sems  —  semis  vd  manias,  n  Corr.  minuas. 

47  a.  «  Crens  —  barha.  »> 

«  Bens  — '  )  .       .        ... 
a  Lens  —  I         ^^"^^^  '^       " 

Juxta  lahia^  transporté  mal  à  propos  après  /efui,  a  sa  place  nécessaire 
après  barba.  Quant  à  letus^  qu'il  faut  évidemment  corriger /^/rliii^  on  doit 
l'attribuer  exclusivement  à  lens,  Bens  restera  ainsi  sans  traduction.  Mais 
ce  mot  est  ici  inadmissible.  U  faut  donc  ou  te  rejeter  ou  le  corriger 
«  vens  »,  en  ajoutant  venîus  pour  le  traduire'» 

484.  <t  Saumatiers  —  cusios  saumarii  1»,  Saumaîier  existe  encore,  à 
côté  de  saumarier.  Il  ne  faut  donc  pas  hésiter  à  conserver  ici  cette 
forme. 

48 1.  «  Teliers  —  illud  (fuod  in  iela  îexiiur,  »  Corr.  in  quo  tela. 

486.  «  Sorbiers  —  Sorbarius  vcl  corbeliarius,  »  SorbdlanuSy  proposé 
par  m;  Tobïer,  ferait,  ce  me  semble,  une  répétition  oiseuse,  le  pense 
qu'il  faut  rattacher  corbdîarius  à  cornus  par  'cormdlarius.  Le  cormier  et 
le  sorbier  ne  sont,  comme  on  sait,  que  le  même  arbre  à  des  degrés  diffé- 
rents de  culture.  Pour  la  substitution  de  i?  à  m,  cf.  debremba  qui  est,  en 
languedocien  moderne,  l'inverse  de  remembrar  et  encore  berma  =  mermar 
(même  dialecte) . 

49(1.  Verps  —  lupus,  »  Je  soupçonne  que  lapas  devait  être  suivi  d'une 
épithète  dont  le  traducteur,  ne  pouvant  la  découvrir  dans  le  latin,  a  bissé 
la  place  vide,  et  que  verps  signifie  hup-garou.  Ce  qui  me  le  fait  supposer, 
c'est  que  le  nom  de  cet  animal  fantastique  est  en  limousin  Le-beroa^  mot 
composé  dont  le  second  élément  (le  premier  n'est  autre  que  lapas,  for- 
tement altéré)  a  avec  notre  verps  une  parenté  visible. 

49^.  «  Aderms  —  inhabiîahikm  facis.  r>  Adermir  {acrmir)  existe  à  côté 
de  adtrmar.  La  correction  de  M.  Tobler  est  donc  inutile. 

49e.  «  Aertz —  inhsrei.  »>  Je  crois  qu'ici  encore  M.  Tobler  corrige  à 
tort*  Aertz  peut  être  une  forme  de  ^<^  personne  du  singulier  aussi  légitime 
que  dertz  qui  précède  presque  immédiatement,  car  iz=^ztl  z  —  d.  C'est 
ainsi  qu'on  trouve  quelquefois  notz  pour  nodam,  nutz^  pour  nudum,  molz 


i.  Cf.  dans  Flamenca,  v.  5^97,  mil  bts  =;  mil  vm.  On  trouvera  aussi  bms 
lui-même,  pour  vens,  d;»ns  la  paraphrase  à^^Litanus  publiée  par  M.  Tabbé  Licu- 
taud  {Un  troubadour  ùptlsm)^  v.  259. 

2.   Le  provençal  tnoderoe  dit  nus  el  de  même  nïi  imdixm).    —  D'autres 


SUR   LES  GLOSSAIRES   DE    HUGUES   FAIDIT  I  }9 

poar  modam  (Flamenca,  6250,  7j6t)^  formes  qu'il  serait  imprudent  de 
corriger. 

fia.  V  Fenis  —  dibiUs.  »  Glose  confirmée  par  un  passage  d'un  texte 
publié  depuis  les  remarques  de  M,  Tobler.  Voy.  le  Bulletin  de  la  Société 
dês  ënciens  Textes^  I,6i  :  *  E  fonc  tan  cayti^us  e  tan  dessemblatz  e  lar 
ftms  que  a/ic  nos  poc  sofrir.  »  C'est  donc  l'idée  d*exténuéti  non,  comme 
le  suppose  M.  Tobler,  celle  û'efléminé  que  traduit  ce  mot.  Mais  d'où 
vient-il  ?  D'après  sa  place  dans  le  dictionnaire,  il  devrait  correspondre 
à  un  type  latin  en  înus  ou  is{s)us.  Mais  c'est  peut-être  tout  simplement 
fe  participe  passé  de /emr,  pris  au  sens  où  nous  l'employons  souvent 
encore,  et  introduit  ici  sous  cette  forme,  soit  par  erreur,  soit  plutôt  par 
TeSet  d'une  licence  déjà  généralement  admise-  Cf.  Croisade  albigeoise, 
V.  64ÎÇ  : 

Qoc  las  mortz  els  Jtms  metau  els  monimens. 

îitf.  *<  Gandilz  —  desiinans  (?)  ûmore,  n  M,  G.  Paris  a  proposé 
âidinans  d'après  ?6A  :  «  gandir  declinarecum  fuga,  n  On  pourrait  aussi 
penser  à  festtnans. 

^}a*  «  Solorius  —  solitanus,  »  Il  n'y  a  pas  lieu  à  correction  pour 
cette  glose.  Le  témoignage  assuré  que  réclame  M.  Tobler  en  faveur  de 
idcrius  est  fourni  par  Peire  Vidal  (Btm  pac  d*ivern  e  d^estia)  : 
Ma  do  m  n'a  pretz  soloriu 
Denan  mil  combatedors. 

U.  Bansch  traduit  ce  mot  pzr  sonnenktar\  maïs  c'est  là  une  interpréta- 
tion purement  arbitraire. 

jjfr,  «  Zocs  —  pes  ligneus  propîer  ludam  n  (ils.  lutum  avec  M.  G,  Pa- 
ris). La  place  de  ce  mot  devrait  être  parmi  les  rimes  en  ocs  large, 
comme  l'a  justement  remarqué  M.  G.  Paris.  H  peut  se  faire  cependant 
qu'il  n*y  ait  pas  eu  ici  de  confusion  dans  le  ms.  En  effet  on  prononce 
aujourd'hui  soac  en  plusieurs  lieux,  par  exemple  dans  la  partie  centrale 
du  département  de  la  Dordogne.  Mais  au  nord  du  même  département 
Vu  reste  pur.  au  moins  dans  la  forme  masculine  (soc)  y  car  au  féminin  il 
s'altère,  sans  pourtant  passer  à  Von.  Il  devient  seulement  u  :  sucho  1  sabot), 
d*où  siichier  (sabotier). 

$4iZ.  <  Bols  —  equs  nimis  piilsans.  n  H  faut^  je  pense,  corriger  pois, 
substantif  de />o/xar  (=î  valde  anhelare,  jib).  Le  traducteur  aura  mis 
i^m,  etc.,  au  lieu  de  morbus  equi,  etc.  (maladie  d'un  cheval  poussiff. 

j  5  fr.  Œ  Tors  —  pars  » ,  La  place  de  tors  est  bien  parmi  les  ors  largs, 
comme  le  prouve  la  prononciation  moderne,  qui  est  îros  et  non  irous. 
Cf*  le  moderne  morchù^=*myscapo\xr  myxa.  De  ces  exemples  on  peut 


exeraolcs  de  z  =  J,  après  r,  sont  Rican  et  Bernariy  au  cas  oblique,  qu'on  peut 
foir  dans  le  Raml  de  M.  Mcycr,  p,  16^ 


140  .      CORRECTIONS 

conclure  que  Vu  latin  provenant  de  y  n'avait  exactement  ni  la  même 
qualité  ni  le  même  son  que  Va  indigène.  Pareillement,  quand  y  passait  à 
Pi,  cet  /  devait  être  plus  larg  que  Vi  latin  d'origine.  Témoin  geis  {gypsum) 
qui  figure  (4$^)  parmi  les  rimes  larges,  tandis  que  tels,  feisj  peis^  cm^ 
ils  sont  rangés  parmi  les  étroites. 

56^»,  «  Bortz  —  hdûs.  n 

Œ  Bortz  —  manuum  sonos,  » 
Peut-être  manuum  doit-il  être  transporté  de  la  seconde  ligne  à  la  première. 
Voy.  dans  Raynouard  (il,  iitb)  un  passage  d'Amaut  Daniel  où  bortz  est 
associé  ktreps  (danse).  Dans  ce  cas  lofïuj,  resté  seul,  pourrait  être  corrigé 
en  spuriuSf  qui  en  diffère  moins  que  les  deux  autres  roots,  de  significa- 
tion pareille,  auxquels  a  pensé  M,  Tobler. 

57  i».  «  Cotz  —  permutaîio,  t*  Je  corrigerais  volontiers p^rruia/io  (notre 
traducteur  s'est  permis  de  pires  barbarismes),  considérant  coti  comme  le 
substantif  du  verbe  œîar  qui  manque  à  Raynouard  et  à  Rochegude, 
mais  dont  on  peut  voir  un  exemple  au  v.  7882  de  Flamencas 

jSfr.  «  Grutz  —  farrum.  »  Farrum  est  ici  pour  far  ^ gruau,  qui  est  le 
sens  de  grutz.  Ce  mot  existe  encore,  tout  au  moins  en  Languedoc,  où  on 
Rapplique  spécialement  au  gruau  de  mais. 

j9a-  <i-  L*iis  —  unus^,  ?>  M.  Tobler  propose  de  corriger /u^;  mais  ce 
mot  se  trouve  quelques  lignes  plus  bas.  Lucius^  indiqué  par  M.  Meyer, 
aurait  donné  luîz.  On  pourrait  ici  corriger  juSj  et  à  la  page  77,  ligne 
avant-dernière,  de  Raimon  Vidah,  soit  également  jui»  soit  fus. 


I.  Seloii  une  remarcjue  de  M.  Tobler,  dont  j'ai  connaissance  par  une  note  de 
la  publicalton  déjà  citée  de  M.  Mussafia  (p.  ï6,  note  3),  j'avais  pensé  d'abord 
à  tirer  notre  cotz  de  cotir^  verbe  dont  il  y  a  un  exemple  au  t.  II,  p.  218,  dfô 
Uys  d'amors,  et  auquel  je  croyais  pouvoir  rapporter  aussi  le  coton  ae  Flamenca, 
Mais  ce  cotir  paraît  n'être  que  quaUrt^  refait  sur  pcrcutir,  etc.  Vo  par  consé- 
quent v  doit  être  étroit,  tandis  qu'il  est  large  dans  notre  cotz  comme  dans  le 
coton  ae  Flamenca. 

[Voici,  en  regard  l'une  de  Taulre^   les  deux  leçons,   1**  de  l'édition 


de 
N. 


M.  Guessard,  qui  reproduit  lems.  XLI^^i  de  la  Laurentienne;  2*  du  ms.  B 
lat,  7)}4  (foL  j6  v<^)  qui  passe  pour  être  la  copie  de  ce  dernier  ms.  : 
Editjon  Ms.  7^4 

in  m  fn  us  dits 

Lus    dies  tune  Lus    Lumen 

Pus    untis  Lus    unus 

Us  unus 
On  est  donc  conduit  à  supposer  que  la  bonne  leçon  était  :  In  u^:  Lus.  tumcn  ; 
—  lus^  dies  lune;  —  l'us  unus,  —  Je  sais  bJen  que  le  correspondant  régulier  de 
iucem  est  /ulr,  et  oue  par  conséquent  ma  conjecture  se  heurte  à  Tobjeclion  déjà 
opposée  par  M.  Cnabaneau  i  tucius;  mais  il  est  certain  que  las,  de  Iucem,  a  de 
bonne  heure  été  admis  par  certains  troubadours.  Ainsi  dans  une  pièce  de  Guil- 
lem  Rainols  d'Apt,  —  que  M.  Bartsch  auribuc  à  tort  A  Bertrand  de  Born^ 
Crundrlis^  table  des  troubadours,  So.  6y  —  on  trouve  lus  iGtâ.  d,  Troub,  n**  ?  1  î^ 
4)  en  rime  avec  us,  reclus,  etc.  Celle  pièce  a  été  composée  vers  1216.  —  P.M,] 
j,  M.  Tobler  propose  de  changer  f«,  qui  se  lit  au  même  endroit,  en  ros, 


TEXTE    LORRAIN    DU    XIl^   SIÈCLE  14I 

6^fl,  (f  Estelha.  ....))  La  traduction  doit  être  frangit.  Cl  l'espa- 
gnol tstreihar, 

G^b.  «  Esca  —  iUud  cum  qao  i^nis  accenditur  vel  esca  cara  cani.  »  On 
pourrait  proposer  «  . —  ve/esca  —  caro  cani  »,  supposant  que  le  second 
esca  est  provençal  comme  le  premier,  ce  qui  du  reste  ne  serait  pas  indis- 
pensable pour  justifier  la  correction. 

6<^b,  u  Iscla.  .,.,>»  La  traduction  est  sans  doute  insala.  Cf.  le 
provençal  moderne  isdo.  De  là  la  forme  islha  qu'on  trouve  quelquefois. 

6^b.  a  Osa  —  [audet].  »«  Cela  n'est  pas  possible*  Il  aurait  fallu,  très- 
probablement,  répéter  simplement  osa  (fn  hetise),  qui  est  aussi  un  mot 
de  la  basse  latinité.  C'est,  je  pense,  parce  que  ce  moi  et  les  trois  autres, 
placés  sous  la  même  rubrique,  avaient  en  latin  la  même  forme  qu'en 
provençal  que  le  copiste,  ou  peut-être  l'auteur  lui-même,  s'est  dispensé 
de  les  traduire. 

Camille  Chabakeau. 


IL 


DIALOGUS  ANIME  CONQUERENTIS  ET  RATIONIS 

CONSOLANTIS. 

(Supplément  à  l'article  publié  ci-dessus,  V,  269- jj 2*) 

Sur  la  traduction  de  ce  texte  en  dialecte  lorrain  du  xii«  siècle, 
M.  Mussafia  nous  adresse  quelques  observations  critiques,  portant  sur 
la  lecture  ou  le  sens  de  certains  mots  douteux.  Ces  observations  sont 
reproduites  dans  les  lignes  ci-dessous,  la  plupart  en  entier^  avec  quel- 
ques détails  de  discussion  quand  il  y  a  lieu.  J'y  joins  une  correction 
proposée  par  M .  Boucherie  d'après  une  théorie  qui  lui  est  personnelle  et 
que  ce  n*est  pas  le  lieu  de  discuter  incidemment. 

Ces  remarques  judicieuses  témoignent  de  Taitention  avec  laquelle 
MM.  M.  et  B.  ont  examiné  ce  texte  parfois  difficile  ;  nous  les  en  remer- 
cions et  comptons  mettre  quelques-unes  de  leurs  critiques  à  profit  dans 
la  prochaine  publication  d'un  texte  patois  du  xv*  siècle,  tiré  d'un  autre 
manuscrit  de  la  bibliothèque  d'Epinal, 

m  10.  Nuns  ni  mi  donent  deffendeme  flv«  (nuîlus  adminiculum  subtri- 
buit) ,  avec  è  forse  auee  ==  aiue  colP  e  superfetaneo  ;  io  avrei  stampato  : 
ni  mi  donent  defendème[nL.,]  aact,  oppure  d.  e  auet. 

jugeant  impossible  l'admission  de  ce  mot  parmi  ceux  qui  ont  s  fixe  à  ta  finale. 
Mais  les  uys  d'amors  conErraent  ici,  loin  de  le  contredire,  le  témoignage  de 
Raimon  Vidal  Voy,  t.  H,  p.  180, 


141  CORRECTIONS 

IV  6.  Li loir  tt  Us  donnes poîlent  forces  as  lois  ipremia  et  dona  Icgibus  vires 
tulerum)  ;  htrè  per  certo  hier  =  loyer,  esaiia  traduzione  di  premia.  — 
Observation  juste,  en  vertu  de  laquelle  il  faut  supprimer  ce  qui  est  dit 
sur  loir  au  bas  de  la  page  527,  orthographier  loir  et  ajouter  ce  mot 
ainsi  écrit  à  la  liste  de  ceux  qui  réduisent  la  diphthongue  ié  en  /  (voy, 
les  exemples  réunis  page  325). 

IV  1 5.  Nule  chose  n^est  esquise,  nule  aut[re]  verteî  nen  est  chachie  nen 
atrové[i]  (Nichi!  exploratum  est,  nichîl  palefaclum  est,  nichil  investiga- 
tum  est,  nichil  repertum  est).  La  traduzione  segue  cosî  fidelraente  l'ori- 
ginale, che  si  puô  dubitare  di  autlje]  vtrîet,  Sarei  tentato  di  vedere  nelP 
autverîet  del  codice  qualche  cosa  che  comsponde  al  patefaclam  est  ;  cfr. 
XXVH  62.  —  Le  passage  auquel  renvoie  M,  Mussafia  est  tel  :  A  mat 
sait  aiaverés  tes  pardons,  où  sait  ûiuverés  (=  fr.  soit  ouvtn\  répond  au 
latin  pateaî.  Mais  d'une  part  il  semble  difficile  de  voir  quelque  ressem- 
blance formate  entre  aiuvetés  ou  plutôt  ajuueres  du  ms.  et  autuertet.  Et 
d'autre  part  la  syntaxe  s^oppose,  non  moins  que  la  grammaire,  à  ce  qu*il 
y  ail  en  cet  endroit  autre  chose  qu*un  substantif  féminin  donnant  le  sujet 
et  réglant  Paccord  du  verbe  et  du  participe  est  chachie  nen  aîrovée.  Si 
Ton  admet  vertct  comme  lecture  de  la  dernière  partie  du  groupe  de 
lettres  autuertet^  la  correction  proposée  aat[re]  vertet  offre  un  sens  irès- 
plaiisible  et  très-clair. 

VU  2,  Il  y  a  ici  dans  la  traduction  une  lacune  qui  m*a  induit  en 
erreur  à  propos  d*une  correction  au  manuscrit.  Les  deux  phrases  du 
texte  latin  :  Omnes.,.  ut  leprosam  tangere  honent,  Jacet  caro  astricta  feno^ 
jaceï  pressa  catenis^  jacet  ligata  vincalisy  jacet  vincta  compedibas^  sont  ren- 
dues en  français  par  ce  peu  de  mots  :  Tui  me  enhorrisent  cumme  lipros  de 
liens  et  de  boes.  Dans  l'hypothèse  que  la  lacune  portait  sur  la  phrase 
tout  entière,  Jacet...  compedibus,  liens  ^  été  corrigé  tn  fiens  (=  latin 
fimuSf  cp.  français  u  fiente  »)  et  rattaché,  ainsi  que  boes,  à  lipros  de  la 
phrase  précédente.  M.  Mussafia  remarque  avec  raison  que  liens  est  la 
bonne  leçon,  traduisant  vinculss  comme  boes  (—  v.  fr  buies)  répond  à 
compedibus.  La  lacune  dans  la  traduction  est  donc  moins  considérable 
que  je  ne  Tavais  supposé  :  elle  ne  porte  que  sur  la  première  partie  de  la 
phrase,  de  jacet  à  ligata, 

XXVII  ^2.  Nota  noblamanî  ==  npmbr,;d\iro  esempio  di  /  =  r  e  d*om- 
missione  délia  nasale*  —  Noblamant  =  nombramant,  notation  individuelle 
du  lorrain  nombralemant,  lequel  répond  au  français  nombrablement,  La 
nasale  est  tombée  d'autant  plus  facilement  dans  la  première  syllabe  que 
la  lettre  initiale  est  déjà  n.  Les  nombreux  exemples  cités  à  la  page  ^27 
[auxquels  il  convient  d'ajouter  eî  =  en,  IV  2»  XXVIl  36)  témoignent 
que  n  n'avait  pas  encore  pris  d'une  façon  définitive  la  valeur  nasale. 
Cette  modification  du  son  primitif  a  été  certainement  moins  générale  et 


FRAGMENT  D  UN  CONTE  CATALAN  [4? 

profonde  dans  les  dialectes  orientaux  que  dans  le  français  propre- 

Bt  diL  C'est  ainsi  que  les  chartes  de  Metz  présentent,  au  xiir  siècle, 

Mes  noms  propres  Martin^  Colin^  Jacquemin^  Htiwin  Htiin,  etc.,  écrits  au 

VM^Martu^  Colis^  Jacquemls,  Rwis^  eic;  qu'au  xiv«  siècle  elles  offrent 

pdcs  mots  comme  ublance  (cp.  ensebte  du  n  Dialogue  »y  Vtl,  9)^  des 

futurs  tels  que  varrai  vaurat,  terrai  tarrai  =  français  nenârai  tiendrai 

De  même  le  patois  bourguignon  dit  parre  éparre  pour  u  prendre  ap- 

I  pre&dre  »,  tarre  *  tendre  «,  îarré  y  tiendras,  tiendra  ».  —  Sur  la  fluidité 

de  la  nasale,  voy.  Romaniay  II,  158-9. 

XXIX  8.  Gûrdi  de  îo  fai  et  naîc  et  niant  corrumpue  (serva  rectam 
,  lideni  ;  tene  sinceram  fidemj.  In  de  îo  deve  celarsi  la  traduzione  di  rec- 
r;  se  no,  non  ci  sarebbe  et  dinanzi  nate,  —  J'avais  déjà  indiqué  par 
ttne  note  que  ce  passage  est  corrompu» 

XXXI  2.  Porte  pale  viare  et  sac  cors,  famellos  et  aies  soif^  telle  est  la 
leçon  du  ms.  traduisant  ces  phrases  latines  •  PalUda  ora  gere^  aridum 
tùrptu  porta ,  esuri  et  siti.  Sur  quoi  M,  Mussafia  remarque  :  Par  mi  certo 
dic  fra  cors  e  famellos  manchi  una  parola,  forse  soies, 

XXXII  ir-12.  Corriger,  d'après  M.  Mussafia,  te  cuisses  en  fecuisses  = 
t*t$€uisu$,  subj,  de  eschuir  «  esquiver,  éviter  »,  en  traduction  de  cavcas. 

Une  autre  correction  plausible,  indiquée  par  M.  A.  Boucherie,  est  la 
modification  de  emUsgis^  Xlll  9,  en  emkrgeSj  ce  qu'on  peut  faire,  vu  le 
manque  de  signification  précise  du  iiiulus  qui  se  trouve  au-dessus  de  le 
dans  em  Uges  du  ms.  Ce  serait  alors  un  composé  de  in  et  du  comparatif 
neutre  largius,  soit*  inlargiare,  d*où  emlergier,  sens  qui  coïncide  parfaite- 
ment avec  celui  de  dUatare  de  Toriginal  latîn  [Revae  des  langues  romanes^ 
1876,  p.  2761. 

François  Bonn  a  root. 

IIL 

FRAGMENT  D'UN  CONTE  CATALAN, 
(Supplément  à  Tarticle  publié  ci-dessus,  p.  4$j-6jJ 

8,  Non  potrebbe  il  traduttore  non  aver  ben  compreso  jusîtse  e  tra- 
dotto  ensegna? 

24.  Laguiar  m  pare  buona  lezione,  identico  al  lagmar  del  primo 
oempio  recato  dal  Raynouard,  tolto  dalle  Leys  d'amor.  Pare  che  abbia 
3  significato  di  t<  indugiare,  perder  tempo,  »  Non  ho  a  mano  il  fr,  per 
controntare  ' . 


1,  [L'original  français  porte  : 

Brièraent  vos  iert  l'histoire  dite, 
Car  je  n'ai  cure  de  délai.  ] 


144  CORRECTIONS 

44.  Tota  0  iof. 

64.  FUI, 

146.  Infant.  » 

i$3.  AmiCj 

16$.  Perché  credere  che  il  traduttore  non  capi  ?  Tradusse  bene  soi 
quart  in  si  quart.  L'essere  scritte  queste  due  voci  insieme  nuUa  riieva. 
Anche  i  traduttori  italiani,  voltando  dal  francese,  usavano  se  quarto,  se 
quinte. 

189.  Daçit  vos  vos. 

217.  Daquella  in  una  paroia. 

219.  Lo  moch  f  Non  lii  Se  veramente  /o  ^  è  forma  da  notarsi,  e  fa 
riscontro  a  las  dativo. 

254.  Se  la  spiegazione  em  pinet  col  mezzo  di  poenitet  me  vuol  dire  che 
anche  il  verbo  catal.  è  usato  quai  iropersonale,  direi  di  no  ;  penedir  dà 
anche  alla  prima  persona  penet  pinet. 

287.  Auchs  va  benissimo.  È  il  sostantivo  verbale  di  aucar  ahucar 
(cf.  286):  «  vide  i  cani  e  udi  le  grida.  »  Cosa  vorrebbe  infatti  dire 
«  udi  gli  uccelli  ?  »  '. 

A.  MUSSAFIA. 


1.  [Il  y  a  bien  lo  dans  le  ms.  —  A.  M.-F.] 

2.  [J'accepte  toutes  ces  corrections  et  remercie  vivement  le  savant  professeur 
de  Vienne  d  avoir  bien  voulu  me  lire  avec  autant  d'attention.  —  A.  M.-F.] 


COMPTES-RENDUS. 


f  Ueber  die  Matbaeus  Paris  zugeschriebene  Vie  de  seint  Auban, 

nm  Hermann  Suchier.  Halle,  Nieraeyer,  1876,  in-8*>,  vj-ûo  p. 

A  propos  de  ia  Vu  desmt  Auhan^  publiée  par  M,  Atkmson  (voy.  Romama  V, 
)S4)y  dont  il  voulait  d'abord  écrire  une  simple  récensîon,  M.  Suchier  s'est  vu 
ieoè  i  étudier  la  métrique  anglo-normande,  objet ^  comme  on  a  pu  le  voir 
^^m  mon  article  sur  cette  publication,  des  bizarres  conjectures  de  l'éditeur. 
M«  S.  DC  s'en  est  pas  tenu  à  la  formule  générale  d'après  laquelle  les  auteurs 
mglo-oormands  aunient  eu  l'intention  de  composer  des  vers  réguliers  suivant  le 
aodèlc  des  vers  français  qu'ils  connaissaient,  mais  n'auraient  pu  y  réussir,  d'une 
part  parce  qu'ils  ne  possédaient  pas  suffisamment  les  régies  de  ces  vers  qu'ils 
voulaient  reproduire,  d'autre  p^irt,  parce  qu'ils  ne  prononçaient  pas  le  fr;inçais 
comme  les  Français.  Il  a  voulu  pousser  plus  loin  la  précision  des  recherches ^ 
et  abordant,  comme  il  le  dit,  un  terrain  vierge,  il  a  essayé  de  déterminer  tes 
règles  de  versification  qu'ont  suivies  les  poètes  anglo-normands,  et  subsidiaire- 
nent  les  modifications  phonétiques  que  subissait  en  Angleterre  la  langue  fran- 
çaise* L'auteur  avoue  lui-même  qu'il  ne  disposait  pas  de  matériaux  assez  nom- 
breux  pour  donner  à  toutes  ses  assertions  une  base  suffisamment  large  et  solide  j 
ciaîs  les  faits^  bien  classés  et  appréciés  sainement  en  général^  qu'il  a  rassemblés , 
sont  acquis  et  forment  une  importante  contribution  à  cette  histoire  de  la  langue 
française  en  Angleterre,  qui  est  aujourd'hui  un  des  ^rsLnàstiauierata  delà  science, 
et  pour  laquelle  il  existe  encore  si  peu  de  travaux  préparatoires.  Discuter  cha- 
csne  des  opinions  de  M.  Suchier  demanderait  un  long  travail  ;  je  me  bornerai  à 
itrt  que  je  ne  partage  pas  toutes  ses  idées^  surtout  sur  h  versification  ;  ainsi 
I0ui  les  vers  cités  page  32  me  paraissent^  à  vue  de  pays,  devoir  et  pouvoir 
trè*-lacijement   être   corrigés.  Je  suis  porté  aussi,    en  admettanl    même    ses 
tues  générales  sur  les  divers  rhythmes  anglo-normands,  à  croire  à  de  fréquentes 
irrégularités,  et  à  voir  par  exemple  dans  des  poèmes  comme  Gilote  et  Johant  (et 
taol  d*autres)  de  simples  tâtonnements  vers  une  forme  rhythmîque  à  peine  en- 
trevue, plutôt  qu'une  imitation  de  la  versification  germanique  (d'autre  part  j'ac- 
corderais  i  l'accentuation  saxonne  une  inlluence  plus  ancienne  que  ne  le  pense 
raoleur,  p.  39:  6n^  d'où  0/,  de  ovûk^  ne  s'explique  pas  autrement).  —  P.  J, 
}é  ne  vois  pas  de  raison  bien  sûre  pour  regarder  comme  anglo-normande  la  belle 
ûupuu  du  corps  a  de  l'àme,  publiée  par  Wright,  et  qui,  comme  on  sait,  a  été 
décalquée  en  espagnol  au  xiii*  siècle.  —  M  S.  a  reconnu,  p.  35,  que  le  poème 
Or  trient  U  Uns  était  l'œuvre  d'un  Français  ;  mais  il  ne  va  pas  assez  loin  en 
dsuat  •  qu'il  semble  exagérer  les  fautes  de  langage  anglo-normandes;  1  c'est 
aoe  grosse  parodie,  qu'il  ne  fallait  pas  citer  et  employer  ici.  —  On  est  fort  sur- 
pris de  voir  M.  S   placer  encore  (p,  4P  Jean  de  Garlande  au  xr  siècle. 

G.  P. 
HomtiRta.YJ  10 


146 


COMPTES-RENDUS 


Ueberlitafenini^  and  Spr&che  der  Chaason  du  Voyage  de  Char- 
lemagne  à  Jérasalem  et  à  Constanûnople.  Eine  kritische  Uottf- 
suchung  von  D'"  Ed.  Koscuwitz*  Heilbrona,  Hcnninger,  1876,  in-go^ 
vni"92  p. 

J'ai  parlé  de  la  remarquable  étude  sur  le  Voyage  de  ChûThmagiu^  publiée  par 
M.  Koschwitz  dans  les  Romanische  Studien  {Romama^  IV,  joj).  L*auteur 
Ta  reprise  à  d'autres  points  de  vue  dans  ce  nouvel  ouvrage»  qui  se  divise 
en  deux  parties.  La  première  ajoute  au  rapprochement  déjà  institué  entre  les 
diverses  versions  françaises  et  étrangères  la  comparaison  de  la  version  galloise, 
dont  M,  K.  s'est  procuré  une  copie,  et  qu'il  est,  paraît-il,  en  étal  d'utiliser  par 
lui-même.  —  La  seconde  partie,  de  beaucoup  ta  plus  lon^e^  s'occupe  de  la 
langue  du  poème.  C'est  un  travail  excellent»  très-complet  dans  sa  sobriété,  et 
qui^  comme  toutes  tes  études  du  même  genre»  aboutit  à  des  résultats  d'un  inté* 
rét  général  pour  la  connaissance  de  l'ancien  français.  M«  K.  est  arrivé  sur  plu* 
sieurs  points  â  préciser,  à  compléter,  à  rectifier  ce  qui  avait  été  dit  avant  lui. 
Je  ne  partage  pas  toujours  son  avis»  mais  il  est  toujours  assez  bien  motivé  pour 
qu'on  doive  en  tenir  compte.  J'aurai  bientôt  t^occasion  de  reprendre  toutes  les 
questions  traitées  en  ces  derniers  temps  par  MM.  Mail»  Boehmer,  Koschwitz, 
Scholle  et  d'autres  encore.  Je  me  borne  pour  le  moment  à  recommander  le  tra*j 
vail  de  M.  K.  â  tous  ceux  qui  s'occupent  de  philologie  française. 

G.  P. 


r 

1 


BeitraBge  sar  Terglelchendeii  Geschlchte  der  romantisehen 
Poésie  uDd  Prosa  des  SCittelalters,  unter  besonderer  Berîxcksich* 
tigung  der  englischen  und  nordischen  Lîtteratur,  von  D''  Ëugeo  KfCLCTNG. 
Breslau,  Koebner,  1876,  in-8«*,  qûatre-2$6  p.  1 

M.  Kœlbing  a  réuni  dans  ce  volume  six  études  fort  intéressantes^  et  doiit^ 
chacune  apporte  un  véritable  enrichissement  â  la  littérature  comparée,  i.  Sur  tes 
versions  anglaises  de  la  légende  de  Théophile  (voy,  ci-dessous,  p.  isj),  —  2.  Sur 
la  version  anglaise  de  la  légende  de  S.  Grégoire  y  dans  son  rapport  avec  U  pcimt 
français  et  rmitaùon  de  Hartmann  d*Aue;  c'est  une  utile  addition  aux  études  déjà 
faites  sur  ce  sujet»  et  qui  vont  prochainement  Être  résumées  par  M.  Ai  Weber 
dans  l'édition  critique  du  Grégoire  français  qull  prépare,  —  y.  Sur  les  versims 
anglaïus  du  Partonopeas.  Un  fragment  anglais»  récemment  découvert»  permet  â 
M.  K.  de  présenter  avec  plus  d'assurance  sa  thèse  déjà  fort  vraisemblable  de 
l'existence  d'un  poème  français  sur  Partonopeus  antérieur  i  celui  qui  nous  est 
parvenu  (cf.  Remania,  IV,  148).  —4.  La  saga  noroise  i^'Elis  ok  Rosamunda  H  sa 
source.  Une  comparaison  minutieuse  de  la  version  Scandinave  d*£/«  de  Sainte 
Gile  avec  le  poème  français  amène  M.  K.  à  l'opinion  que  la  saga  représente  une 
forme  plus  ancienne  de  la  chanson,  notamment  en  ce  qui  touche  le  dénouement 
tout'à-fait  diffèrent  dans  les  deux  récits.  A  cette  occasion»  l'auteur  rétracte  les 
opinions  qu'il  avait  précédemment  exprimées,  se  faisant  l'écho  de  M.  Brynjûlfsson, 
sur  la  source  et  la  valeur  des  poèmes  de  ce  genre.  Il  va  peut-être  maintenant 
trop  loin  dans  un  sens  opposé  â  sa  première  erreur  (cf.  Romania^  lU  }y7),ti^ 
en  tout  cas^  des  phrases  comme  celle-ct  font  sourire  :  «  Nous  autres  Allemands, 
nous  avons  tout  paniculièremenl  U  droit  d*itn  fiers  {stoh)  de  ce  que  nos  poètes 


i 


GÉORCiAN,  Essai  sur  te  vocalisme  roumain  147 

d&DOyeo4ge  n^ont  pas  trouvé  un  uui  des  produits  de  cette  poésie  digne  de  pasnr 
im  Itar  kngtie  (p.  154)-»  Voilà  un  orgueif  fort  innocent;  mais  avec  beaucoup 
degfoim  de  ce  genre,  on  ne  ferait  pas  une  littérature  bien  nchel  M.K.  rend  de 
gnads  services  en  analysant  les  sagûs  au  profit  des  romanistes;  mais  crolt-il 
^  tous  comprennent  l'islandais?  Il  devrait  bien  traduire  ses  citations.  —  ). 
tuiom  Us  plus  anciens  rimtir  islandais.  Ce  travail,  le  plus  long  du  volume, 
eid*UD  intérêt  plus  spécial,  bien  que  M.  K.  montre  que  ces  rimur  ont  sou- 
mttdela  valeur  pour  la  critique  des  originaux  étrangers  dont  ils  sont  issus.  — 
k  Skûujhaîabatkr^  ancien  poème  islandais  du  cycle  de  Renart^  publié  avec  des 
PHMrqties,  Le  récit  mis  en  vers  par  le  poète  islandais  paraît  être  de  son  inven- 
tion; mis  i)  atteste  sans  doute  une  certaine  diiïusion  dans  les  pays  Scandinaves 
de  a  cycle  de  récils  qu'on  a  appelé  <  l'épopée  animale.  • 


sur  le  vocalisme  roumain ,   précédé  d'une  étude  historique  et 
critique  sur  le  roiiniain,  par  C.-D,  Gèorujan.  Bucarest,  Gœbl,  ^^7^»  in-8*, 

V Etude  hisiortque  et  critique  sur  te  roumain  annoncée  par  le  litre  de  cette  bro- 

àmtn'i  pas  encore  paru  ;  c*est  la  seconde  partie  seule  qtii  a  été  imprimée  et 

présentée  par  Tauteur,  comme  thèse  de  doctorat^  à   la  Faculté  de  philosophie 

deleiprig»  M.  Gèorgian  est  un  de  ces  jeunes  Roumains,  si  dignes  de  nos  sym- 

ptiîîiies,  qui  veulent  taire  profiter  rhistoire  et  la  philulogie  nationales  des  progrès 

Kcmpiis  dans  d'autres  pays  par  la  science.  Il  est  venu  étudier  à  Paris  et  en 

AiJemagïïef  et  son  ouvrage  de  début  montre  qu'il  est  au  courant  des  derniers 

\nuui  accomplis  dans  le  domaine  de  la  phiJobgie  roumaine.  Il  faut  surtout  lui 

savoir  gré  d'avoir  voulu  donner  à  ses  recherches  une  base  historique,  qui,  |us- 

iqo'i  présent,  a  trop  fait  défaut  aux  études  de  ce  genre;  ainsi  il  a  dépouillé fruc- 

aeuseroent  des  livres  imprimés  en  roumain  avant  notre  siècle  (surtout  des  livres 

ri^eox),  et  I)  en  donne  une  liste  utile;  il  a  trop  souvent  négligé  de  nous  taire 

litre  et  de  se  demander  quel  dialecte  exact  est  représenté  par  ces  livres.  Sur 

fttïcafisme  roumain,  M.  G.  a  des  idées  très-personnelles,  qu'il  présente  avec  trop 

uraiice,  mais  qui  ne  laissent  pas  d'être  intéressantes  et  parfois  très-justes, 

ilheureusement  elles  manquent  absolument  de  précision  et  de  clarté^  et  ce 

déàut,  contre  lequel  le  jeune  auteur  aurait  en  tout  état  de  cause  à  se  mettre  en 

e,  a  été  aggravé  d'une  manière  bien  fâcheuse  par  la  forme  qu'il  a  choisie.  Il 

i  regrettable  qu'il  n'ait  pas  fait  revoir  son  ouvrage  par  quelqu'un  de  ses  amis 

inçah  au  point  de  vue  de  la  langue;  tl  est  on  ne  peut  plus  rebutant  et  souvent 

jble  de  suivre  sa  pensée,  déjà  assez  flottante,  à  travers  des  phrases  mal 

DÎleSj  mal  coupées,  composées  de  mots  qui  ne  sont  pas  français  ou  ne  sont 

;  pris  dans  le  sens  français.  Qu*on  joigne  â  cela  un  déluge  de  fautes  d'i m pres- 

fioQ  tel  qu'il  ne  s'en  est  jamais  vu,  et  on  comprendra  qu'il  est  à  craindre  que 

K^  une  ne  soit  mise  de  côté  par  maint  lecteur  sans  plus  ample  examen.  Ce 

Ip  c.  Il  n'est  personne  qui  ne  puisse  s'instruire  dans  le  travail  de  M.  G.^ 

!  sans  accepter  ses  idées,  et  nous  avons  jusqu'ici  si  peu  de  renseignements 

tcii  sur  te  roumain,  qu'il  ne  faut  pas  rejeter  un  secours  réel,  parce  quil  est 

Rialadrortetnent  présenté.  Espérons  que  M,  G.^  averti  par  la  critique,  s'astreindra 


148  COMPTES-RENDUS 

une  autre  fois  à  donner  à  son  exposition  plus  de  clarté»  à  ses  déductions  plus  de 
rigueur^  et  surtout  plus  de  correction  à  son  langage.  It  y  a  dans  son  essai  plus 
d'un  bon  endroit^  qui  promet  à  la  philologie  romane  un  utile  auxiliaire, 

G,  P. 


La  Fosae  du  Souey,  étude  philologique,  par  A.  Joly.  Paris,  Vieweg,  1876, 

in-8^  16  p. 

On  désigne  sous  le  nom  de  Fosse  âa  Soucy,  et  plus  anciennement  de  Soucy 
tout  court,  un  endroit  où  la  rivière  d'Aure,  réunie  à  la  Drôme,  se  perd  dans  les 
sables  d'une  colline,  près  de  Bayeux,  à  trois  kilomètres  de  ta  mer.  Que  veut 
dire  ce  nomi^  M.  Joly  écarte  avec  raison  le  rapprochement  avec  diverses  loca- 
lités appelées  Soucy  (forme  mérovingienne  Sauciacus^  qui  représente  Sahc-  et 
non  pas  Sait£~^  plus  le  suf&ie  gaulois  -iac  latinisé  en  lacus,  et  non  un  adjectif 
latin  en  iacas  devant  lequel  il  faudrait  sous-entendre  campus).  Les  formes  an- 
ciennes (XV"*  siècle)  du  mot  lui  donnent  pour  finale  une  5,  Soussis.  M.  L  rap- 
proche avec  beaucoup  de  vraisemblance  ce  mot  du  mot  saisis ^  qui  se  trouve 
dans  le  roman  de  Thiks  (où  il  relève  les  variantes  des  trois  manuscrits)»  et  dans 
la  Chronique  des  ducs  de  Normandie^  et  qui  signifie  clairement  «  abîme,  gouffre.  1 
Mais  quelle  est  Tétymologie  du  mot  soîsis?  M*  L  la  trouve  dans  un  dérivé  de 
soisus^  sois  part,  de  sohen^  qui  a  en  effet  existé  et  s'est  conservé  dans  absous, 
Solven  voudrait  dire  «  rompre,  »  ce  qui  fait  quelque  difficulté,  parce  qu'en 
roman  il  n'a  jamais  que  le  sens  de  «  payer  •  ou  «  résoudre.  *  Il  faut  d'ailleurs 
considérer  que  ta  seule  charte  du  XIII^  siècle  où  on  parle  du  Soacy  fappelle 
sorsiZf  et  que  l'acte  le  plus  ancien  ensyite(  1405),  s'il  porte  au  dos  sousst:,  a  àâtis 
le  contexte  soursiz.  Que  IV  de  sorsiz  soit  devenue  l,  il  n'y  a  là  rien  de  très-cton- 
nant.  Je  serais  tenté  de  rapprocher  sorsiz  ^  qui  serait  ta  forme  primitive  de  sotstz^ 
de  sorbere.  Sortir  se  disait  pour  engloutir  (voy.  Roquefort;  de  m,  asorbir^ 
p,  ex.  AUxis^  6ïc  va^^.  Sorbcrc  a  pu  avoir  pour  participe  sorpsus^  et  peut-être 
cette  forme  expliquerait-elle,  avec  le  mol  français,  le  correspondant  provençal» 
que  M.  J,  n'a  pas  cité,  somsis  pour  sorpsis^  sompsis.  Somsis  est  dans  Boéa, 
f.  18a  :  E  pois  met  Varma  m  effern  el  somsis»  Diez  {Altrom,  Sprachd.  65) 
remarque  sur  ce  mot  :  t  Raynouard  le  traduit  par  profond  (Abgrund*)^  el  cfFec* 
tivement  ce  sens  doit  lui  appartenir,  puisqu'il  existe  À  cÔté  un  verbe  somsir^ 
abîmer,  parf.  j*  pers.  sumpsi  Lex.  rom,  1  52 ^b,  part,  somsig  Ferabr.  v.  2o»6^... 
Somstr  s'est-il  formé  de  subcidtre  (couper  par  dcssouSj  défoncer?)  comme 
somrire  de  sabndcrcf  Ce  qui  y  contredit,  c'est  que  la  flexion  est  autre  que  celle 
d^aume  [occidtn)  et  circoncire.  ■  Plus  tard,  Diez  {Et.  Wb.  II  c  sumsir)  t 
donné  une   autre   étymologie,   tirant   ce   mot   de   summersas,    d'où   simrsire 

t .  Diez  traduit  ici  le  prov.  et  non  U  version  de  Riynouard,  tn  supprimant  avec  sa  oonci» 
sion  habituelle  le  redressement  exprés  de  U  petite  erreur  de  celui-ci,  qui  prend  somsis  pQur 
un  idiectif.  M,  Bartscbf  dans  te  glossaire  de  sa  Chreitomathie  provtnçaU^  a  reproduit  par 
diitraciion  ce  qu*Ll  Usait  dans  Diez  :  «  Somsis,  profond,  Abgru/td  ;  »  mais  ces  deux  mots  ne 
sont  pas  synonymes,  et  le  second  seul  est  bon. 

1  Ce  n'est  pas  tout  à  fait  sûr.  Le  ms.  pone  :  Tuh  foran  ja  peritz  e  comfig  e  negatz  ; 
BekJcer  a  corrigé  somsig  en  s'appuyant  sur  Boicty  où  il  Ut  somsig  au  lieu  de  somsis.  J'avoue 
que  je  ne  m'explique  pas  cette  forme  somsig  au  participe.  Le  vers  français  correspondant 
(aooo)  est  :  Tout  fuissent /a  aoiit  ptri  et  affondré,  P.  ê.  le  pr.  avait-il  p.  descomfig  tnJ 


bacchi,  Bibliografit  149 

*lni(r)ftr.  Cette  étymotogie  pourrait  aussi  bien  que  celle  que  j^ai  proposée 
convenir  lu  français  ;  elle  présente  une  contraction  qoî  me  paraît  douteuse. 
Remarquons  que  te  prov.  a  une  forme  sossk^  citée  par  Die£^  qui  se  rencontre 
loot  i  fait  avec  le  fr.  soasnz.  —  Le  verbe  fr.  iousir^  cité  par  M.  J,,  doit 
i\m  le  même  sens  que  fe  pr.  mmstr^  c'est-à-dire  «  s*abîmer,  s'engloutir,  »  Le 
seul  passage  où  il  se  trouve  iChron.  d.  d.  de  N,^  v.  25145)  aytorise  cette  inter- 
prétation aussi  bien  que  celle  d*  «  éclater,  se  fendre,  »  adoptée  par  M.  JoJy. 

Ênrésumé,  M.  J.  a  établi  la  signification  primitive  du  nom  de  lieu  Soycjf,  devenu 
Foisedu  Soucy  depuis  qu  on  n'en  comprend  plus  le  sens  ;  il  à  ejtpliqué  les  vieux 
roots  solsiz  et  sohir.  Quant  â  leur  étymologie,  celle  qu'il  propose  ne  paraît  pas 
probable,  tant  à  cause  du  sens  qu'à  cause  du  mot  provençal,  qu'on  ne  peut 
gttère  séparer  du  mol  français.  Celle  de  Diez  et  la  mienne  peuvent  convenir  aux 
inu  mots  ;  ni  l'une  ni  Tautre  n'est  évidente. 

G.  P. 


Série  delle  edizionl  délie  opère  dl  Giovanni  Bocoaccl,  latine,  vu!- 
gifï,  Iradotte  e  transformate*  —  Bologna,  Romagnoli,  in-8*,  162  pages. — 
(Le  titre  imprimé  sur  la  couverture  est  ainsi  conçu  :  Bihliografia  Boccacesca,) 

BUiUoçraila  del  vocabolarl  né*  dialetti  Halianl  raccoltt  e  posseduti 
da  Caetano  Romagnoli,  compiîala  da  Alberto  B\(:ghï  bellk  Lega.  Bologna, 
Romagnoli,  in -8%  96  p. 

La  Bihliogrâfiû  Boccacescû  est,  tout  de  même  que  Touvrage  publié  par  M,  Pa- 
pantî  dont  nous  rendions  compte  dans  notre  précédente  livraison,  un  hommage 
ffodu  à  Boccace,  â  l'occasion  du  centenaire  célébré  le  21  décembre  187  j.  Je  ne 
lab  si  la  nécessité  de  faire  paraître  ce  livre  à  jour  fixe  a  forcé  l'auteur,  M.  A. 
Bacchi  délia  Lega*,  à  rédiger  avec  précipitation  un  travail  qui  se  prétait  moins 
qu'aucun  autre  à  l'improvisation,  mais  on  ne  saurait  accorder  que  cette  biblio- 
graphie soit  exécutée  avec  le  soin  et  la  méthode  indispensables  en  pareille  ma- 
tière. L*autcur  s'excuse  dans  sa  préface  sur  ce  que  son  travail  est  la  première 
bibliographie  de  Boccace  qui  ait  été  pubEtée  ;  assertion  qui  n'est  pas  rigoureu- 
«etoent  exacte.  Car  les  répertoires  de  bibliographie  générale  (Brunet,  Grosse,  etc.) 
fbûmîssaient  un  premier  fond  très-considérable  ;  et  M.  Bacchi  sait  bien  que  dans 
le  plus  grand  nombre  des  cas  il  n'a  fait  autre  chose  que  reproduire  les  descrip- 
tions de  SCS  devanciers,  principalement  de  Graesse,  qui  lui-même  avait  copié 
Brunet.  Cette  façon  de  procéder  a  divers  inconvénients.  Outre  qu'on  s'expose  à 
reproduire  d'anciennes  erreurs,  il  est  impossible  de  ramener  à  un  système  uni- 
forme des  descriptions  prises  de  seconde  main.  Puis,  bien  souvent^  ces  descrip- 
tions coroporlent  des  signes  qui  manquaient  à  l'imprimerie  de  M.  Romagnoli,  et 
Tauieur  a  eu  le  tort  de  ne  pas  reconnaître  qu'il  vaut  mieux  à  coup  sûr  dévelop- 
per les  abréviations  que  d'écrire  par  ex.  MUI.IK4,  pour  matitrum. 

Nous  avons  en  France  d'excellents  modèles  de  bibliographies  spéciales.  Je 
citerai  notamment  la  Bihiiograpktc  tornèimnc  de  M.  E.  Picot.  Si  on  compare 
pour  la  méthode  générale  cet  ouvrage  à  la  Béllografia  Boccausca^  on  découvre 
dans  celte  dernière  une  quantité  d'imperfections,  tant  dans  la  description  ùts 
éditions  que  dans  leur  classement.  Amsi  le  système  qui  consiste  à  remplacer  le 

«  Soo  nom  paraK  au  bjs  de  Ta  vert  tsse  ment 


n 


I  ÇO  COMPTES-RENDUS 

titre  de  Tédîtion  par  lo  sUsso  ou  ta  stessa  est  absolument  inadmissible  dans  unef 
bibliographie  spéciale.  C'est  se  faire  la  tâche  Irop  facile.  Puis  il  faudrait  que  les 
traductions  fussent  groupées  par  langue,  chaque  groupe  ayant  son  titre  spécial. 

II  faudrait  surtout  que  Fauteur  eût  quelque  connaissance  des  langues  étrangères^ 
évitât  les  fautes  d'orthographe  dans  les  titres,  et  n'intercalât  pas,  comme  cela  a 
lieu  p.  7j>  une  traduction  danoise  entre  deux  traductions  anglaises,  11  faudrait 
enfin  que  chaque  article  fût  pourvu  d'un  numéro,  et  que  l'ouvrage  fût  suivi  d'une 
table  avec  renvoi  à  ces  numéros.  Ces  remarques  nous  dispensent  d'entrer  plus 
avant  dans  la  critique  d*on  travail  qui  est  à  refaire  sur  de  nouvelles  bases. 

Le  second  ouvrage  de  M.  Bacchi  était  d'une  exécution  plus  facile.  C^est  un 
catalogue  d'une  colieclion  mise  en  vente,  et,  par  conséquent,  la  partie  la  plus 
épineuse  do  travail,  â  savoir  la  recherche  des  ouvrages,  se  trouvait  toute  faite,  U 
n'y  avait  qu'à  mettre  ensemble  les  vocabulaires  de  chaque  dialecte,  et  â  les 
classer  dans  chaque  groupe  selon  Tordre  alphabétique  àt&  noms  d'auteurs.  Ces 
vocabulaires  étant  presque  tous  très-modernes,  la  description  n'en  présentait  ^^ 
aucune  difficulté.  M.  Bacchi  me  paraît  avoir  convenablement  accompli  sa  tâche,  ^M 
et  son  petit  répertoire  est  bon  â  garder.  Mais  i$  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  la 
collection  qu'il  a  décrite  est  fort  incomplète,  et  que  par  exemple  on  n'y  voit 
pas  figurer  les  anciens  glossaires  que  M.  Mussafia  a  mis  à  profit  dans  soti  Bei- 
trag  zur  Kandc  der  Noràiialîamchcn  MandarUn  (187^), 

En  même  temps  que  ces  deux  opuscules,  nous  avons  reçu  de  M*  Romignoli 
un  autre  répertoire  bibliographique,  la  Bibliografia  stûtutaria  c  slorica  italiûna , 
compilala  da  L*  M^jsîîonî,   Bologna,  1876,  vol,  I,  xxiv-jô^  p.  ^  Ce  travail, 
qui  n'est  pas  de  la  compétence  de  la  Romania^  nous  a  paru  tr^bten  fait. 

P.  M. 


DéTinettes   ou   Enigmes 

réimpression  d'un  recueil  de 


populaires  de  la  France,  suivies  di 

77  indovinelli,  publié  à  Trévise  en  1628,  par 
Eugène  Rolland,  avec  une  préface  par  Gaston  Paris.  Paris,  Vieweg,  1877, 
in- 12,  XVI- 178  p. 

Le  titre  de  ce  joli  petit  volume  dit  assez  ce  qu*il  contient  et  le  recommande 
suffisamment  aux  amateurs  de  littérature  populaire.  Les  commentaires  de  M.  Rol- 
land aux  textes  qu'il  a  recueillis,  soit  dans  des  livres,  soit  dans  la  bouche  du 
peuple,  attestent  de  son  érudition  dans  ces  matières.  On  pourrait  lui  reprocher 
d'avoir  admis  quelques  énigmes  qui  ne  sont  pas  vraiment  populaires,  mais  il  faut 
reconnaître  que  la  ligne  de  démarcation  est  bien  difficile  à  tracer.  Dans  la  pré- 
face, M.  G,  Paris  s'est  attaché  â  montrer  l'intérêt  de  ces  études,  le  nombre  et 
la  délicatesse  des  questions  qu'elles  soulèvent.  Aux  rapprochements  qu'il  fait  à 
propos  de  l'énigme  71  (sur  les  poissons),  il  faudrait  ajouter  que  le  commence- 
ment de  l'énigme  russe  se  trouve  dans  Symposius  (o"  1 1)  : 

Est  domus  m  terris,  clara  quae  voce  résultat; 

Ipsa  domus  resonat,  taciius  sed  non  sonai  hospes; 

Ambo  tamen  currunt,  hospes  simul  et  domus  una. 
Elle  reparaît  dans  la  Dispuîaùo  Pippmi  cum  Albino  (voy.  Zauchrift  fur  deutsckes 
Aliathum,  N.  F.   II,   $45).  Le  même  texte  contient  une  variante  de  rénigme 
d'Homère  fRolland,  o*  80),  qui  n'est  mentionnée  non  plus  ni  dans  le  livre,  ni 
dans  la  préface. 


4 


PÉRIODIQUES- 


t  L4NQUSS  HOMANBS^  2'  série>  t.  JI,  Fi'  19  (i  S  octobrc).  P,  [69- 
88,  Moniel  et  Lam bert^  C/^/tU  populaires  du  Languedoc  {suîXe), —  BibVïogri' 
^hn  ;  Mam  de  Comptègne  diaprés  /'Évangile  aux  femmes^  par  M.  Constans 
(A.  B»);  Us  folies  du  sieur  Usage,  édition  Auberl  des  Mesnils  (A.  Roque-Fer- 
fier),  article  Irès-défavorable.  —  Périodiques.  Sous  cette  rubrique,  M,  Bou- 
dicfie  rend  compte  des  deux  premières  publications  de  la  Société  des  anciens 
teites  français. 

—  N«  il  (jj  Dovcmbrc).  P,  22 j,  Milà  y  Fontanalsj  Nous  sur  trois  manus- 
aîù.  Le  premier,  et  de  beaucoup  le  plus  Important  de  ces  mss.,  est  un  chan- 
xnkr  provençal  appartenant  à  un  professeur  de  l'Université  de  Saragosse. 
Ce  chansonnier^  dont  les  premiers  feuillets  manquent,  a  été  exécuté  en  Cata- 
logne^  probablement  au  XV«  siècle,  ou  tout  à  fait  à  la  fiti  du  XIV*  ;  du  moins 
c^cstce  qye  divers  indices  me  font  sypposer^  M.  Milà  ayant  négligé  de  nous  ren- 
seigner sur  la  date  et  sur  l'apparence  extérieure  de  ce  recueil.  En  revanche  il 
cft  a  dresse  une  table  qui  est  utile  et  intéressante,  encore  bien  qu'il  eÙt  été  pos- 
sible d'adopter  une  disposition  typographique  plus  commode.  Il  y  a  dans  cette 
table  un  assez  grand  nombre  de  petites  erreurs  qui  paraissent  en  général  être 
du  ^utes  d'impression.  Le  ms,  se  divise  en  trois  parties  dont  la  première  con- 
une  longue  suite  de  pièces  de  Serveri  de  Girone  :  la  plupart  ne  se  trou- 
mA  nulle  part  ailleurs,  La  seconde  partie  est  occupée  par  des  pièces  de  Tépo- 
^  que  classique ,   dont  on  connaît   des  copies  nombreuses ,    et   probablement 
meilleures.  On  y  trouve  aussi  quelques-unes  des  anciennes  biographies  de  trou- 
badours. Enfin,  la  troisième  partie  comprend  quelques  poètes  de  l'École  de 
Toulouse  (milieu  du  XIV  s.  environ)  qui,  pour  la  plupart,  n'ont  jusqu'à  présent 
été  signalés  nulle  autre  part<  —  Le  deuxième  ms,  étudié  par  M,  Mi!â  est  un  roman 
atalan  en  prose^,  jusqu'ici  inconnu  »  qui  a  pour  sujet  les  prouesses  de  Curial 
(ne  pas  confondre  avec  l'ouvrage  d'Alain  Chartter  qui  porte  le  même  nom)  et  ses 
amours  avec  dame  Guelfa.  M.  Mjlà  publie  le  début  et  ta  Un  de  ce  roman^  com- 
iDOiiicatJon  utile^  mais  où  la  ponctuation  laisse  bien  à  désirer.  Le  ms.  est  con- 
serré  à  la  bibliothèque  nationale  de  Madrid ^  comme  aussi  celui  du  troisième 
ouvrage  signalé  par  M.  Milà,  qui  est  une  ancienne  traduction  béarnaise  de  la 
[kiciptina  dericalis.  Selon  M*  Milà,  ce  dernier  m%,  appartiendrait  à  la  deuxième 


I,  Nous  devotti  nous  excuser  de  l'irrégularité  qu'on  aura  remarquée  dans  le  compte- 
roMlii  dei  Pirxodiqua^  et  que  ce  dernier  numéro  ne  fait  pas  encore  cesser;  nous  repren- 
ârrai  dans  le  prochain  tout  notre  arriéré. 


IÇ2  PÉRIODIQUES 

moitié  du  XIV»  siècle.  Je  le  crois  plutôt  du  XV'  ;  c'est  Tépoquc  que  je  lui  avais 
assignée  lorsque  j'eus  occasion  de  le  voir  à  Madrid,  et  les  extraits  transcrits  par 
M.  Milà  révèlent  un  fait  intéressant  qui  est  en  accord  avec  cette  attribution  : 
c'est  que  la  traduction  béarnaise  est  faite  non  pas  sur  le  latin,  mais  sur  la  ver- 
sion française  du  commencement  du  XV*  siècle  qu'a  publiée  l'abbé  Labouderie. 
La  comparaison  des  trois  textes  le  montre  surabondamment  : 

Texte  latin f  p.'  28.  —  Fuit  quidam  sapiens  vcrsificator  cgregius,  sed  cgcnus  et  men- 
dicus,  semper  de  paupertate  sua  amicis  conquerens,  de  qua  etiam  versus  composait, 
talem  sensum  exprimentes  :  «  Tu  qui  partiris,  monstra  car  pars  mea  mihi  desit;  culpan- 
dus  non  es,  sed  die  mihi  quem  culpabo,  nam  si  constellatio  mea  est  mihi  dura,  a  te  quo- 
que  id  factum  esse  indubitabile  est  ;  sed  inter  me  et  ipsam  tu  orator  et  judex  es.  » 

Trad.  franc.  Trad.  biam. 

Il  fut  jadis  un  moult  sage  versifieur,  mais  Et  fut  un  sabi  bersificayre,  mas  paubre  era 

povreestoitetbesoingneux^et  se  complaiguoit  e  nesseiros,  et  se  complanha  tout  jour  a  sons 

adès  a  ses  amis  de  sa  povreté,  et  en  fist  vers  amiz  de  paubreut,  e  ne  fit  sertans  vers  qui 

qui  avoient  tele  sentence  :  «  Tu  qui  pars,  dy  aben  tau  sentence  :  t  Tu  qui  partes,  digues 

moy  pourquoy  ma  part  y  fault.  Tu  ne  fais  perquez  ma  part  y  faut*.  A  tu  no  fey  punt  a 

mie  a  blasmer  de  ce,  mais  dy  moy  qui  je  en  blaymar  d'asso,  mai  digues  me  a  qui  io  ne 

blasmeray,  car  se  ma  destinée  est  a  moi  dure,  blaymerey,  car  sy  ma  destinée  e  ma  fortune 

non  pourquant  certaine  chose  est  que  tu  me  es  a  my  dures,  creyes  que  certane  cause  es 

fais  ceste  durté;  mais  tu  es  advocat  et  juge  que  tu  no  me  feys  punt^   aquesta  durtat; 

entre  moy  et  ma  destinée.  »  mas  tu  es  avocat  et  jutge  entre  myn  e  ma 

fortune.  » 

—  P.  241,  Alart,  Documents  sur  la  langue  catalane  des  anciens  comtés  de  Rous- 
sillon  et  de  Cerdagne  (suite).  —  P.  254-7,  A.  Roque-Ferrier,  De  la  double  forme 
de  ^article  et  des  pronoms  en  langue  d*oc.  Supplément  au  mémoire  publié  anté- 
rieurement sur  le  même  sujet  dans  la  Revue ^  voy.  Romania^  V,  406.  —  Biblio- 
graphie :  Darmesteter,  Traité  de  la  formation  des  mots  composés  dans  la  langue 
française  ;  Meunier,  Les  composés  qui  contiennent  un  verbe  à  un  mode  personnel  ; 
compte-rendu  par  M.  Boucherie,  qui  émet^  p.  272,  à  propos  des  accusatifs  en 
-ain  et  -on  {Aude-Audain^  Pierre-Pierron)  une  opinion  singulièrement  arriérée ^ 
M.  Quicherat  a  indiqué,  il  y  a  dix  ans,  dans  son  traité  de  la  formation  française 
des  anciens  noms  de  lieu  (p.  62-3,  cf.  Revue  critique,  1869,  II,  348)  l'origine  de  ces 
formes.  —  Périodiques  :  Compte-rendu  de  la  Romania,  n*  1 9.  Entre  les  corrections 
que  M.  Chabaneau  propose  à  la  charte  du  pays  de  Soûle  publiée  ci-dessus,  p.  371-2, 
par  M.  Bémont  et  moi,  j'accepte  volontiers  celle  de  la  ligne  25:1  Qui  anc  ab  lor 
fes  nuille  maie  carte,  »  et  aussi  l'explication  de  pogge,  forme  féminine  de  podium 
ayant  le  sens  de  «  terre  en  friche.  »  Mais  traduire  nasse  (I.  28)  par  «  nièce  », 
c'est  tomber  dans  une  de  ces  erreurs  auxquelles  se  prêtent  si  facilement  nos  anciens 
textes  du  Midi.  Je  n'ai  pas  expliqué  ce  mot  parce  qu'il  Ta  été,  et  très-suffi- 
samment, par  Du  Gange,  au  mot  njijd  ;  c'est  une  pêcherie.  On  en  a  une  infinité 
d'exemples.  Dans  le  compte-rendu  de  ce  même  numéro  de  la  Romania,  M .  Bou- 
cherie trouve  a  tout  à  fait  extraordinaire  »  que  j'aie  dit  que  le  langage  des  habi- 
tants de  Courlisols  n'est  qu'un  patois  champenois.  Il  n'y  a  d'extraordinaire  ici 

1 .  Dans  la  Revue^  on  lit  yfant, 

2.  Le  traduaeur  béamab,  qui  ne  comprenait  pas  la  phrase  française,  a  cru  bien  faire  en 
ajoutant  une  négation. 


PÉRIODIQUES  I  5  \ 

l  Téiannement  de  M.  B,»  qui  serait  certainement  bien  embarrassé  s'tt  lui  fallait 
Mioirce  qu*i!  appelle  la  colonie  ou  l'agglomération  de  Courtisols.  S'il  avait  eu 
cûttit4i&since  éts.  textes  en  patois  de  Gourtisols  qu'a  publiés  M.  Tarbé  dans  ses 
Mervàei  lur  thutotn  des  patois  it  Champagne  (I,  i  j  5-7),  il  n'eût  pas  été  d'un 
ifitiiitre  que  le  mien,  P.  M* 

II.    JlMBÔUCn     FUR     BOir^NlSCHE   U^n   ENOLISCHB     LlTBRATUR,    XV,    },     — 

R  267,  H^clin,  Rahcnha  sur  Us  patois  romans  4u  canton  de'  Fribourg  (nous 
parlerons  prochainement  une  critique  spéciale  de  M.  Cornu  sur  ce  travail)*  — 
P.  )»i,  Wittc^  Formation  du  plmil  du  substantif  dans  l'anglo-saxon  de  la  dernitre 
ftwit.  —  P.  169,  Albers,  Sur  /f  Faust  de  Marlowc,  —  P.  J93,  Lùcking,  Sur 
(iwitiihu  de  Sainte  Eulalu  (observations  qui  ont  perdu  leur  intérêt  depuis  la 
pubiicition  du  fac-similé  héliographique  de  ce  texte  \  ainsi  il  faut  lire  v.  26  oram 
e!  non  <>finï,  et  v,  21  A  czo  (=;  ^a),  ce  qui  met  fin  aux  longues  discussions  sur 
aaniK  —  P.  ^97,  Compte-rendu,  par  M.  Liebrecht,  de  l'admirable  recueil  de 
cwites  sialiens  de  Pitre. 

XV,  4,  P,  407,  Hœfeiin,  Rechercha  (suite  et  fin).  —  P.  445,  Fragment  de  la 
chanson  de  Havis,  p.  p.  Schadel  (m  vers,  sur  un  feuillet  de  parchemin  con- 
smféi  la  bibliothèque  de  Darmstadt)*  —  P.  450,  Liebrecht,  zum  Decamerotti 
(carirux  rapprochement  entre  une  partie  de  la  ^«  nouvelle  du  second  jour  cl  un 
«atc  bouddhique  récemment  publié  par  M.  Schiefner).  —  P.  452-497,  Biblio- 
graphie. Ce  fascicule  est  le  dernier  du  Jahrbuch.  Le  r''  avril  prochain  paraîtra 
i  k  librairie  Lippcrt,  i  Halle,  la  première  livraison  de  la  Zeitschrift  fur  romanische 
Pkihhgie. 

m.  ËNOLtscHE  ÔTUûtEN,  herausgegebcu  von  D''  Eugen  Koelbino,  Heil- 
hmn, —  T,  I,  liv,  I,  1877.  —  Le  Jahrbuch  f,  roman,  a.  englisthe  Uttraîur^ 
dont  nous  avons  annoncé,  dans  la  chronique  du  dernier  numéro,  la  cessation, 
Umx  une  part  raisonnable  â  la  philologie  anglaise^  qui  en  outre  était  accueillie 
diRiles  revues  spécialement  consacrées  aux  langues  et  littératures  germaniques 
C9  géfléral.  Voici  qu'un  savant,  connu  déjà  par  d'intéressants  travaux  de  littéra- 
ire comparée ,  M.  Kœibing^  vient  de  fonder  pour  les  études  anglaises  un  re- 
cueil qui,  sans  s'astreindre  à  une  périodicité  régulière,  paraîtra  par  cahiers  de 
dit  i  quinze  feuilles-  Les  articles  pourront  être  écrits  en  allemand ^  en  anglais 
ou  en  français.  Pour  que  celte  clause  fût  mise  en  pratique  dès  le  premier  numéro, 
l'on  des  compatriotes  et  des  collaborateurs  de  M.  Kœlbing  a  écrit  en  anglais 
quelques  pages  {p.  181-6)  qui  ne  sont  malheureusement  pas  exemptes  de  fautes 
d'impression  et  même  de  grammaire.  A  part  ce  court  article  (qui  a  pour  objet  le 
*«*«  d'une  pièce  de  Ben  Jonson),  à  part  quelques  notes  de  M.  F.  Liebrecht 
"""des  superstitions  populaires,  le  cahier  tout  entier  a  été  rédigé  par  M,  Kœl- 
**'ng.  Ne  pouvant  mentionner  ici  que  ce  qui  se  rattache  aux  études  romanes, 
•OUs  laissons  de  côté  la  collation  du  ms,  de  VOrmulum,  qui  forme  le  premier 
Jftick  P.  vG ^  Die  jùngtre  tngîïscht  Fassung  d.  Theophtlussagc ^  suppïé- 
■ttt  1  un  précédent  travail  de  M.  ÎCœlbing  sur  les  rédactions  anglaises 
^^  légende  de  Théophile*,  Les  deux  versions  ici  publiées  en  regard  Tune  de 


».  L  K^bing.  Btîtr^gt  zur  Verglàchenden  GtschkhU  d.  mmantischen  Poaie  u,  Pmsa 
^UîtttlaHen.  .  Brcslau,  1*76;  p.  1-41. 


^^^^B           t{4                                                       PERIODIQUES                                                                       ^H 

^^H              l'autre  sont  précédées  d'une  introduction  où  M.  K.  fait  voir  que  le  ThiùpkiU        ^| 

^^^1               en  vers  français  du  ms.  Musée  br. 

,  Bib! 

.  roy.  20  B  XIV  est  traduit  d'un  texte             1 

^^H               latin  qui  se  trouve  dans  un  ms.  cottofîieu.  — P.  57,  Zwd  muuhngliicht  Burkà-             1 

^^H                tmgm  d.  Sage  von  S.  Patrik's  Purgatorium.  M.  Kœlbiog  connaît  de  cette  légende              | 

^^^1               quatre  versions  françaises  en  vers 

et  trois  anglaises,  qu*il  compare  longuement              ■ 

^^H                \^  unes  aux  autres,  sans  arriver 

à  déterminer  leurs  rapports  ;  et  finalement  il              1 

^^^H                publie  l'un  des  textes  anglais.  L'exposé 

de  M.  K,  est  ici,   comme  en  d'autres              1 

^^^^^^         cas,  pénible  et  compliqué.  L'auteur  ne 

possède  pas  assez  l'art  de  bien  diviser         ^J 

^^^^^B        un  sujets  et  de  donner  du  relief  aux  points  importants.  M,  K.  ne  parait  pas        ^^| 

^^^^^        avoir  connu  la  vie  de  saint  Patrice  du 

ms.  Ee,  6.  i  r  de  TUniversité  de  Caro«        ^^Ê 

^^M                 bridge.  En  voici  le  début  et  la  ^n  : 

1 

^^■^                 En  honurance  Jhesu  Crist         <p. 

tj) 

Si  eu  m  jo  Tay  escrist  tnivé                                1 

^^^L                Ke  tiït  le  mund  furma  e  fist^ 

Vus  voil  dire  la  vérité,                              ^J 

^^^1                Un'  aventure  voil  cunter 

Ne  i  a  de  ren  n'y  menti  ray^                         ^^M 

^^^^^           Dunt  plusurs  se  porrunt  amender, 

Sulunc  t'escrist  ke  truvé  ay.                      ^H 

^^^^^L           Ki  cest  escrit  vouldront  oïr 

■ 

^^^^^1          £  en  lur  quers  bien  retenir. 

En  Yrlaunde  esteit  jadys                            ^H 

^^^^^H          Le  oïr  ne  vaut  une  chastanie 

Un  ho  m  ky  ert  de  grant  pris  :                     ^H 

^^^^^H          îCi  del  retenir  ne  se  penie. 

Sen  Patriz  esteit  sun  dreil  nun.                  ^H 

^^^^^1         Eynz  vaut  mieuz  de  tut  lessyr 

Mult  ert  de  grant  religiun,                         ^^M 

^^^^^1         Ke  otr  e  tost  ublier. 

En  Deu  servir  s'entente  mist                     ^^M 

^^^^^H         SeignurSf  pur  ceo  le  vus  ay  dîst 

Ki  pur  lui  meinl  miracle  iist  ;                     ^^M 

^^^^^1         Ke  vus  ky  orez  cest  escrist, 

Taunt  cum  il  ert  en  ceste  vie                     ^^Ê 

^^^^H         Si  bien  i  ad  sil  retenez, 

Anviz  pur  luy  dunat  aye.                             ^^M 

^^^^^B         E  si  n'i  ad  si  l'amendez  ; 

En  icej  tens  cens  de  la  terre                       ^H 

^^^r              Ceo  voil  a  tuz  iceus  requere 

Vers  Damnedeu  leneyent  guerre,                ^H 

^^^^^_          Ki  meuz  de  moi  le  saverunt  faire. 

Kar  bien  faire  ne  voleint,                            ^H 

^^^^^H         De  ceo  oe  voil  jo  plus  par  1er j 

Si  repleni  de  mal  esteint;                           ^H 

^^^^^1          A  mun  purpos  voit  repeîrer; 

Seyn  Patriz  en  out  grant  dolur.      (b)        ^ 

^^^^^^^^1            Qcu  vus  doint  bon  achèvement  1 

^^^^^          Ore  oyez  le  commencement  ; 

^^^H 

Fin 

u                                               (p^  Î7) 

^^^^H         Or  vus  tiastez,  bel  duz  amis, 

Le  chevaler  tant  se  pena. 

^^^^^H          Kar  quant  le  servise  est  (/,  ert]  chanté 

E  si  hastivement  munta,                              ^^M 

^^^^H          Le  priur  et  tut  le  clergé 

Ke  meimes  Ture  sus  vencit                        ^^Ê 

^^^^^H         A  grant  procession  vendrunt, 

Ke  la  porte  u verte  esteit  ;                           ^^M 

^^^^H         E  la  porte 

Et  quant  le  priur  l'a  veû,                           ^^M 

^^^^H         E  s[e)  i)  vus  ne  trovent  pas, 

A  mult  grant  joie  Tad  receu,                       ^^M 

^^^^H          II  qutderunt  ignés  [le]  pas 

Od  sei  el  mus  ter  le  mena                           ^H 

^^^^^H          Ke  [vus]  seez  a  mort  liveré^ 

U  autre  quinze  jurs  juna,                            ^^M 

^^^^^H          Si  eu  m  les  autres  unt  esté^ 

E  demura  en  oreisuns,                                ^H 

^^^^H          E  meîntenant  arere  irrunt, 

En  junes,  en  afflictions.                                ^H 

^^^^^^          La  porte  après  eus  fermerunt. 

£  tuz  iceus  ke  cest  oyrent                          ^H 

^^^^^          Quant  le  chevaler  ceo  entent 

A  Dampnedeu  grâces  rendirent.                  ^^Ê 

^^^^^B          II  se  haste  mult  durement. 

Quant  tut  le  terme  fu  passé,                       ^^Ê 

^^^^H         La  beneîcun  li  unt  dune, 

Kar  la  quinzenie  aveit  [une»                       ^^M 

^^^^H         E  il  s'en  est  avant  aie. 

Le  chevaler  ad  la  croiz  prise,                    ^^Ê 

-^ L M 

PÉRIODIQUES  I  5  $ 

f  A  Deo  servir  ad  s'entente  mise  :  £  Dampnedeu  l'a  recuilli 

Por  son  servise  mcuz  parfere  La  sus  en  par[a]îs  cclestre, 

Lf  seiflt  Sepucre  alat  requere,  U  îl  ad  fel  as  sous  bel  estre. 

E  quant  il  h  d'iloc  venu  Ore  nus  doint  Deu  par  sa  merci 

Abit  àt  rooyne  ad  receû*  Ke  nus  le  façum  allresi.  Amm. 
Tuf  lun  purpens  ad  tut  esté 

De  servir  Deu  en  honesleté  (sic)  ExpUài  Ubir  dt  CcnidlQ  Paradiu  ter- 

Dekes  sa  aime  dcl  cors  départi  ;  nstris. 

Ce  poème  a  1790  ven.  Pour  la  bibliographie  du  sujet,  M  K,  aurait  pcut- 
Itrc  trouvé  quelque  utile  renseignement  dans  «  U  voyage  du  Pays  dt  Saini-^ 

•  Pâtm^  réimpression  textuelle,  augmentée  d'une  notice  blibliographique,  par 

•  pHitouHESTs  Junior.  Genève,  Gay,  1867  •;  cf.  le  compte-rendu  de 
U.  Caidoz,  R€VU£  critique,  1869,  art.  7^.  A  la  p,  60,  M,  K,  cite  le  début  de 
li  version  contenue  dans  le  ms,  Harleien  27 j  ;  les  trois  derniers  vers  cités  sont 
âiosî  conçus  :  Jesu  refais,  m  Pos  dcsdirc  \  De  latin  la  dti  uaen  \  E  par  tms 
m  rûmâni  fm.  Ma  copie  porte:  Je  su..,  estrere  \  K  par,,}  —  P*  111-^9, 
Zar  IkkrlkfeTung  und  Quelle  des  mitleiingilschen  Gedichte  :  Lykaas  Disconus. 
Dans  cet  artjcie^  M.  K.  donne,  par  comparaison  à  Tédition  de  Ritsoiii 
les  variantes  d'un  ms.  de  Naples  déjà  signalé  autrefois  dans  les  Rdtquiae 
mttifàMàt  MM.  Th.  Wright  et  J.-O.  Halliwell  (il,  60,  y  entremêlant,  sans 
(«■iicoup  d*ordre,  des  remarques  sur  le  rapport  du  poème  anglais  avec  le  Bii 
tncofinu^  publié  (et  bien  mal  publié!)  en  1860  par  M.  Hippeau,  et  avec  [tW'tga- 
lois  de  Wirnt  de  Gravenbcrg.  P.  M. 

fV.  Bulletin  de  l\  Socièxé  des  ancien»  textes  français,  1876,  — 
?•  }7,  Assemblée  générale  du  8  juin  1876;  discours  du  président;  rapports  du 
secrétaire  et  du  trésorier.—  P.  64.1  j 2.  Fr.  Bonnardol,  Notice  du  manasaîî  189 
^f  U  hihttoîhèquf  d'Epmal^  contenant  des  mélanges  latins  et  français  en  prose  et  en 
Kfs.  L'extrême  variété  des  pièces  contenues  dans  ce  curieux  volume  explique 
retendue  de  la  notice,  qui  donne  de  nombreux  extraits,  intéressants  par  la  singu* 
bnté  de  la  langue. 

V.  ZErrsc?niFT  fùq  vergleichetcdb  6pRACiiF0B8CHtJNQ  ;  N.  ?,f  in,  4. 
—  P.  414-42J,  Ad.  ToHLER,  Etymologies  françaises.  On  connaît  Térudition,  la 
nètbode  et  la  pénétration  ingénteuse  du  savant  professeur  de  Berlin  ;  aussi  ses 
travaux  sont-Ils  toujours  instructifs  et  intéressants,  même  quand  on  n'admet  pas 
ses  conclusions,  t.  Vrille.  A  propos  de  Tétymologie  viticufaj  démontrée  icr  (ïll» 
i6o)  par  M.  Bugge,  M.  T.  remarque  qu*il  ne  connaît  du  mot  qu'un  exemple  en 
aRcka  français^  qui  malheureusement  donne  déjà  vifU  et  non  veille  ;  je  lui  signale 
U  forme  désirée  dans  un  passage  fort  curieux  du  Martyre  de  saint  BaccîU^  com- 
posé par  Gieffroy  de  Paxis  en  ijt)  (Jubinal,  Contes ,  etc.,  U  ^$l  au  v.  9, 
Iheifmlia  (p.  mervulles)  et  veilUs^  au  v.  17  veillettes  p.  viellett£s,  et  au  v.  29 


I .  Soit  dit  en  passant,  U  même  version  se  trouve  dans  le  ms.  fr.  1198  de  la  BibL  nat., 
k  OQ  II!    J'en  suy  requis  n€  ros{e)  dédire  \  ùe  latin  ie  doy  tstraire  |  8t  pour  les  lays  en 
l^ggÊânt  fiirt  (fol.  )o). 


4 


Ïj6  PÉRIODIQUES 

yàlUs  pour  vUlUs)  ;  ce  passage  a  en  outre  l'avantage  d'éd ai rcir  complètement  le 
sens  de  celui  qu'a  cité  M.  Tobler.  il  rattache  à  ce  mot  des  remarques  sur  tV 
intercalée  dont  j'ai  conleilé  les  résultats  plus  haut  (p.  129),  —  2.  Rouette, 
Dans  cette  note  excellente,  M.  T.,  après  avoir  montré  que  rouc«£  est  un  doublet 
de  nom  {rdorta)  et  non  un  dérivé  de  roue^  donne  un  certain  nombre  d'exemples 
de  cette  interversion  de  co  en  oe,  c'est-à-dire  qu'il  explique  par  une  tendance 
générale  des  formes  jusqu'ici  énîgmatiques.  Une  note  contient  sur  les  emprunts 
faits  par  l'auteur  des  MtracUs  de  N.*D,  de  Chartres  à  Gautier  de  Coinci,  une 
observation  exacte.  —  3,  Javelot.  M,  T.  rattache  ce  mol  à  glatHt  par  l'inter- 
médiaire d'une  forme  glavelol.  La  chute  d'une  /  â  cette  place  est  peu  probable; 
mais^  si  elle  avait  eu  lieu^  le^  n'aurait  pu  se  changer  en  /\  car  ce  changement 
est  antérieur  à  Tépoque  où  on  peut  placer  la  chute  de  17  dans  glaveht  (notons 
qntgîûive  au  sens  de  lance  n'est  pas,  à  ma  connaissance  du  moins,  antérieur  au 
xni«  siècle).  M.  T,  compare  ckmlU  de  dmcula  ;  je  pense  qu'il  reconnaîtra  que 
ce  mot  vient,  comme  je  l'ai  dit  ici  {V,  382),  de  capituia.  — 4.  Piètre.  Cette  note 
démontre  que  pihre  est  bien  pedestris^  en  apportant  des  exemples  en  v,  fr.  de 
peestre  au  sens  du  latin.  Il  faut  y  joindre  peatre  dans  un  passage  corrompu  et 
que  je  n*aî  pas  compris  en  le  citant  dans  AUxiSy  p.  214»  —  j,  AfoUr,  Ce 
verbe,  dans  le  sens  de  •  endommager,  blesser,  »  ne  doit  pas  être  séparé  du 
même  verbe  au  sens  de  «  rendre  fou ,  n  et  a  la  même  origine  :  c'est  ce  qu'éta- 
blit fort  bien  M.  Tobler,  —  6.  Esiuci.  Cet  article,  le  plus  ingénieux  de  tous, 
n'est  pas  le  plus  convaincant.  M.  T.  pense  que  estueî  est  une  altération  de  est 
ves  :=:  est  opus^  OÙ  OR  3  d'abord^  prenant  cette  locution  pour  une  i^  personne, 
changé  s  en  f,  puis  d*où  on  a  tiré  tout  un  verbe.  Il  n'y  aurait  lieu  de  discuter 
celte  étymologie,  appuyée  de  toutes  sortes  de  raisonnements,  qu>n  en  propos 
sant  une  autre,  et  c'est  ce  que  je  suis  hors  d*élat  de  faire.  —  En  terminant, 
M.  T.  explique  oil,  non  plus  par  hoc  iUud,  mais  par  hoc  i!k.  Cette  réponse 
aurait  été  originairement  restreinte  aux  cas  oh  il  s'agissait  de  la  ^*  personoe, 
sujet  du  verbe  sous-entendu  ;  les  autres  personnes  entraient  dans  des  locutions 
semblables.  Exemples  :  Vendras  tu?  —  0  je  fd'où  plus  tard  éU^  ce  qui  paraît 
un  peu  dur  ;  d'ailleurs  ne  faudrait-il  pas  o  gU?\.  Ai  je  tort?  —  0  tu.  Viendra  il  f 
—  0  U  ;  et  de  m.  o  /lOi,  o  vos,  0  il  servait  également  pour  le  pluriel.  Nenil 
s'expliquerait  de  même  par  nen  it.  Se  non  l  vero,  è  bin  irovato. 

Q    P. 


VL  Revue  des  socïètk.h  savantes,  6*  série^  l.  H,  septembre  à  décembre 
j  87  s .  —  P.  42 1  -4,  Plainte  adressée  au  duc  de  Lancastre  contre  un  juge  de  la  cour 
de  Gascogne,  vers  1587,  document  gascon  communiqué  par  M.  Marchegay,  et 
curieux  à  différents  égards.  Malheureusement  on  y  peut  reconnaître  un  assez 
grand  nombre  de  fautes  de  lecture  dont  plusieurs  à  la  vérité  se  laissent  aisément 
corriger  (proaussâs^  ï.proanssds:  —  rouhos^  \.  ronhos^  etc.) 

T,  IH,  mai'itiin  1876.  —  P,  429-49,  P,  Meyer.  Rapport  sur  des  communi- 
cations de  MM.  Blanc,  Charvet,  Eyglier,  de  Flcury,  Gomart,  Luzcl,  Mireur  et 
Tartière.  Entre  ces  communications,  les  seules  qui  se  rattachent  aux  études  ro- 
manes sont  celles  de  M.  Blanc,  qui  consistent  en  deux  textes  provençaux  (de  Vence) 
d'un  intérêt  assez  ordinaire,  et  celle  de  M,  Mireur  qui  est  importante.  C'est  le 


PÉRIODIQUES  Î57 

reievé  de  toutes  les  notions  que  les  archives  coinmynales  de  Draguignan  fournis* 
;  SDf  des  représentations  de  mystères  en  cette  vîlle.  La  plus  ancienne  de  ces 
lions  est  de  1437,  la  seconde  en  date  est  de  i  ^p\  la  plus  récente  de 
1670.  A  Taide  de  ce  document  et  de  plusieurs  autres^  M,  Meyer  a  dressé  une 
;  de  tous  les  mystères  provençaux  que  Ton  possède  ^  ou  dont  l'existence  est 
atée  par  des  mentions  relatives  à  leur  représentation.  Leur  nombre  total 
||'*élèvei  21  ou  22  ;  mais  il  est  certain  que  plusieurs  de  ces  mystères  ont  été  joués 
I  français. 

Vn.  Revcb  CRmocB,  juillet-décembre. —  Art.  152.  Ayer,  Grammaire  corn- 
parét  di  la  langtu  frdttçaiu  (art,  important  de  M.  Darmesteter).  —  156.  An- 
ÛTtsen,  âkr  dèuUchc  Volksetymohgie  (H.  Gaidoz;  plusieurs  remarques  concer- 
nent la  langue  française).  —  171.  Bougeault,  Htitoin  des  lilUralum  étrangères. 
—  18;.  Palmer,  Carnet  d^an  chasseur  d'itymoîogits  {à  propos  de  l'anglais,  Tau- 
teiar  traite  souvent  de  mots  romans).  —  186.  Rime  di  Petrarca..^  p.  da  Carducci 
{ouvrage  hors  ligne,  qui  fait  vivement  désirer  la  suite).  —  Méray,  La  Vie  au 
Um^$  ils  Trounres,  —  240.  Wissmann,  Etudes  sur  k  poème  de  King  Horn.  — 
141.  Imberios  et  Margarona^  p.  p.  Meyer  (E.  Legrand). 

VIlï.  LiTEBAfliscHEs  Centrale LATT,  juillet-décembre.  —  37.  Y  seint  greal,,, 
i«d.  by  Williams,  III  (texte  gallois;  le  v.  IV  contiendra  le  Charkmagnt  gallois). 
38.  Imberios  a  Margarona.,,  hgg.  von  Meyer,  —  40.  Li  diahgt  Grégoire  U 
i^...  hgg.  von  Fœrster  (important  article  de  M,  Tobler), 

IX-  Jknaer  literaturzeitunGt  juillet-décembre,  —  j  5 ,  La  mort  du  roi  Gor- 
tond,,,  p.p*  Scheler  (art.   de  M.  Fœrster  à  joindre  à  celui  de  la  Romania  V^ 

■  177  ;  la  remarque  la  plus  intéressante  concerne  le  mot  tambre,  et  non  cambre, 
dont  la  forme  et  le  sens  sont  établis).  —  48.  Neumann,  die  germanischtn  Ele- 
mente  in  der  prov.  und,  franz.  Sprachc^  I;  SchuUze,  die  germ.  Eîemente  der  franz. 
Sproihi  (le  second  de  ces  écrits,  d'après  M.  Siengel,  est  une  pure  aberration  ;  le 

I  premier  est  foin  d*étre  satisfaisant,  Nous  partageons  cette  opinion  el  nous  enga- 
geons Pauteur  à  ne  pas  donner  suite  à  son  entreprise  avant  de  s^'être  mieux  mis 
en  état  de  la  conduire  à  bonne  fin.)  —  49.  C.  Michaelîs  de  Vasconcellos,  StU' 
ditn  îar  romanischen  Wortschûtpfung  {E,  Stengel  ;  nous  donnerons  un  article  étendu 
fur  cet  ouvrage  important)  ;  Meyer,  das  Leben  des  Trobadors  Gaucelm  Faidit 
(E»  Stengel  ;  article  sévère).  —  50.  Carmina  cUmorum  (article  de  M.  Wein- 
luulïsur  cette  petite  publication  anonyme  et  fort  mauvaise). 


I/U  y  en  a  six,  dont  dnq  sont  entlen,  le  sixième  est  le  fragment  sur  lequel  voy.  Romania^ 
.*%%  If  2.  On  connali  aussi  un  fragment  de  mystère  [r.ayorquin. 


CHRONIQUE. 


Nous  communiquons  à  nos  lecteurs  le  document  suivant,  daté  de  Berlin, 
i"  février  1877  : 

•  La  mort  de  Frédéric  Diez,  arrivée  le  29  mai  1876,  a  fait  naître,  dans  le 
cercle  de  ses  élèves  et  de  ses  admirateurs,  la  pensée  de  rattacher  à  son  nom 
glorieux  une  fondation  destinée  à  faire  progresser  la  science,  créée  par  lui,  de 
la  philologie  romane,  à  encourager  de  nouveaux  adeptes  à  marcher  dans  la  voie 
ouverte  par  le  maître,  de  façon  à  entretenir  dans  les  générations  futures  l'esprit 
qui  a  dirigé  ses  travaux,  et  en  même  temps  à  rafraîchir  perpétuellement  le  sou- 
venir de  son  mérite  inoubliable. 

c  Les  soussignés,  qui  ont  pris  l'initiative  de  cette 
FONDATION  DIEZ, 
adressent  leur  invitation  non-seulement  à  tous  ceux  qui,  directement  ou 
indirectement,  ont  été  disciples  du  maître,  quelle  que  soit  leur  patrie,  car  ils  ne 
sont  pas  les  seuls  à  jouir  du  fruit  de  son  activité^  s'ils  en  ont  profité  plus  que 
les  autres.  Ils  adressent  avec  confiance  leur  demande  de  participation  à  tous 
ceux  qui  ont  à  cœur  en  général  le  progrès  et  l'honneur  de  la  science,  tant  aux 
Romans,  dont  Diez  le  premier  a  fait  comprendre  les  langues  dans  leurs  vrais 
rapports  entre  elles  et  dans  leur  développement  individuel^  qu'à  ses  compatriotes, 
au  milieu  desquels  il  a,  pendant  de  longues  années,  travaillé  avec  tant  de  fruit,  au 
nom  desquels  il  ajoute  une  gloire  scientifique  que  bien  peu  peuvent  égaler,  et  dont 
les  écoles  lui  doivent,  pour  une  branche  importante  de  l'enseignement,  la  possi- 
bilité d'un  progrès  que  les  générations  prochaines  pourront  seules  apprécier  dans 
toute  sa  portée. 

c  Les  contributions  qui  nous  seront  adressées  seront  employées  à  encourager  le 
travail  scientifique  dans  le  domaine  des  études  romanes,  mais  nous  ne  pouvons 
dire  encore  quel  sera  le  mode  précis  auquel  on  s'arrêtera.  On  songerait  parti- 
culièrement à  appliquer  les  intérêts  du  capital  qu'on  espère  réunir  à  récompenser, 
à  des  périodes  qui  seraient  à  déterminer,  des  travaux  éminents  relatifs  à  ces 
études,  sans  avoir  égard  à  la  nationalité  des  auteurs,  et  en  admettant  au  juge- 
ment, si  on  trouve  la  chose  possible,  des  personnes  compétentes  des  divers  pays. 
En  second  lieu,  on  pourrait  penser  à  la  création  de  prix  pour  les  meilleures 
réponses  à  des  questions  posées  ;  peut-être  aussi  à  la  création  d'une  bourse  à 
cette  Université  où  Diez  a  enseigné  pendant  cinquante  ans.  Il  y  a  lieu  d'espérer 
qu'après  la  clôture  préalable  de  la  souscription,  qui  aura  lieu  le  30  décembre 
1877,  on  pourra  arrêter  des  statuts  de  concert  avec  une  des  plus  grandes  insti- 


CHRONIQUE  1Î9 

tutions  sdentiiiqiies  de  rAIIemagne^  qui  se  chargerait  d'administrer  la  fonda- 
tion. Jusque-là,  les  membres  soussignés  du  comité  se  dècîarent  prêts  à  recevoir 
les  fonds,  dont  la  réception  sera  annoncée  publiquement  plus  tard.  Les  sommes 
envoyées  seront,  pour  le  moment,  déposées  dans  la  maison  Mendeissohn  et  C,  à 
Berlîiij  qui  s'est  déclarée  disposée  à  tenir  provisoirement  la  caisse  du  comité,  et 
à  ïaquelle  les  comités  qui  se  formeraient  à  Tetra nger  peuvent  envoyer  directe- 
ment leurs  contributions. 

*  Le  comité  aurait  volontiers  invité  des  personnes  qui  partagent  les  sentiments 
de  ses  membres  pour  le  maître  décédé,  mais  qui  demeurent  à  une  grande  dis- 
tance de  Berlin,  à  joindre  leurs  signatures  à  celles  qui  se  trouvent  au  bas  de 
cette  invitation  ;  il  s'en  est  abstenu,  pour  ne  pas  rendre  trop  difficiles  les  démar- 
ches communes  qui!  faudra  faire  par  la  suite.  Mais  il  sera  profondément  recon- 
naissant aux  personnes  qui  ailleurs^  notamment  â  l'étranger,  aideront  Fentreprise 
en  faisant  connaître  )e  plan  de  la  fondation,  en  provoquant  des  souscriptions,  et 
en  les  iransmeilanl  au  comité.  Dé|à  les  professeurs  G,  J.  Ascoli  â  Milan, 
K.  BAnTstiH  à  Heidelberg,  N.  Delius  à  Bonn,  A.  Mussapia  à  Vienne, 
G.  Paris  i  Paris,  ont  accepté  de  s'associer  de  cette  manière  aux  eiforts  du 

comité  de  Berlin. 

«  U  iQïïixU  pour  la  fondation  Dicz  : 

Cons*  BoNiTZ  (Berlin)  Prof.  GnccnEa  (Breslau) 

Prof.  Mahk  (Berlin)  Prof.  Mommses  (Berlin| 

Prof,  von  Sybbl  (Berlin)  Prof.  Touleh  (Berlin) 

Prof.  Ebert  (Leipzig)  Prof.  Hebîiio  (Berlin) 

Prof,  M^TZNER  (Berlin)  Prof*  Mûllenhoff  (Berlin) 

Prof.  SuGHiER  (Halle)  Prof.  Zupitza  (Berlin).  » 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  l'œuvre  entreprise  par  le  comité  de  Berlin 
a  toute  noire  sympathie.  Nous  serions  heureux  que  la  France  contribuât  pour  une 
large  part  à  encourager  des  études  auxquelles  elle  doit  tant|et  à  rendre  honneur 
au  maître  vénéré  qui  a  été,  chez  nous  aussi,  Tinitiateur  du  mouvement  philolo- 
gique actuel.  Nous  engageons  donc  nos  lecteurs  à  contribuer,  autant  qu'ils  le 
pourront,  à  donner  de  la  publicité  à  l'appel  du  comité  Diez.Nous  accueillerons 
aussi  avec  plaisir  les  suggestions  qu'on  pourrait  nous  adresser  relativement  au 
meilleur  emploi  à  faire  des  fonds  recueillis.  Le  comité  n'ayant  pas  encore  de 
vues  absolument  arrêtées  à  ce  sujet,  il  nous  semblerait  bon  que  les  diverses  opi- 
nions qui  peuvent  se  former  se  produisissent  en  public, 

—  M.  Schuchardl,  précédemment  professeur  de  philologie  romane  à  Halle, 
vient  d*étre  nomméen  la  même  qualité  à  l'Université  de  Graz  (Styrie), 

—  M.  Arsène  Darmesteter  soutiendra  prochainement  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Paris  deux  thèses  pour  !e  doctorat,  Tune  en  français,  sur  les  rasourcts  que 
possède  la  langue  française,  actuelle  pour  la  action  de  mots  nouveaux^  l'autre  en 
latin,  sur  les  diverses  rèdûcims  de  Floovâni, 

—  On  parle  de  fonder  à  îa  Faculté  des  lettres  de  Montpellier  une  chaire  de 
langue  et  liltératuie  française  du  moyen-âge. 


] ,  L'Académie  de  Ber lia. 


l6o  CHRONIQUE 

—  M.  Meyer  a  trouvé  à  la  Bibliothèque  nationale  deux  mss.  des  sermons 
français  de  Maurice  de  Sully  qui  avaient  échappé  à  ses  premières  recherches.  Il 
est  persuadé  qu'on  en  rencontrerait  d'autres  dans  des  bibliothèques  insuffisam- 
ment explorées,  et  prie  les  lecteurs  de  la  Romania  qui  en  connaîtraient  de  vou- 
loir bien  les  lui  signaler. 

—  On  vient  de  trouver  à  la  Bodleienne,  dans  une  vieille  reliure,  deux  teuillets 
contenant  en  tout  1 20  vers  du  ms.  du  poème  de  la  croisade  que  nous  avons  fait 
connaître  dans  le  premier  article  de  notre  tome  cinquième.  Ce  ms.  est  français 
(non  pas  anglo-normand,  comme  les  deux  que  nous  avons  fait  connaître)  et  du 
milieu  environ  du  XIII"  siècle.  Nous  publierons  très-prochainement  ces  1 20  vers 
et  le  fac-similé  photographique  de  Tune  des  pages  retrouvées. 

—  Nous  avons  le  plaisir  d'annoncer  à  nos  lecteurs  que  la  Rivista  di  filologia 
romanza^  dont  nous  leur  avions  annoncé  la  cessation,  va  au  contraire  continuer 
à  paraître,  et  dans  de  meilleures  conditions,  avec  Tappui  de  TUniversité  de 
Rome. 

—  Il  paraît  depuis  le  5  janvier,  à  la  librairie  Viaut  (42,  rue  Saint- André-des- 
Arts),  une  publication  périodique,  intitulée  :  Mêlusine,  revat  de  mythologie,  lit- 
térature populaire^  traditions  et  usages^  dirigée  par  MM,  H,  Gaidoz  et  E.  Rolland 
(paraît  deux  fois  par  mois,  in-4<*,  16  pages;  prix  :  France,  15  fr.;  Etran- 
ger, 16  fr.).  A  partir  de  notre  prochain  numéro,  nous  rendrons  compte  de 
chaque  fascicule  de  Mélusine;  nous  ne  pouvons  aujourd'hui  que  recommander 
vivement  à  nos  lecteurs  une  publication  aussi  intéressante,  que  nous  avons  appe- 
lée de  nos  vœux  (voy:  Romania,  1875,  p.  159),  et  qui  est  dirigée  par  deux 
savants  aussi  compétents  que  zélés. 

—  En  même  temps  que  Mélusine  poussait  son  premier  cri  de  ce  côté  des  Alpes, 
paraissait  sur  l'autre  versant,  chez  Loescher  (Torino-Roma-Firenze),  le  premier 
numéro  de  la  Rivista  di  letteratura  popolare,  diretta  da  Fr.  Sabatini.  Nous  comp- 
tons aussi  rendre  compte  de  la  Rivista.  Nous  avouerons  que  le  Proemio  du 
directeur  nous  a  paru  contenir  des  idées  bien  vagues,  et  qui  risqueraient  fort,  si 
on  les  précisait,  d'être  décidément  fausses.  Nous  avons  été  aussi  surpris  de  voir 
énumérer,  parmi  ceux  qui  ont  inauguré  les  études  auxquelles  la  Rivista  est  con- 
sacrée, c  Gil  Christ  nella  Scozia  (s'agit-il  de  l'orientaliste  Gilchrist?),  »  et 
f  Grimm  in  Danimarca  (!).  »»  Mais  si  l'éditeur  ne  semble  pas  avoir  une  prépara- 
tion très-solide,  il  a  de  bons  collaborateurs,  comme  le  montre  déjà  le  premier 
numéro  de  la  Rivista,  et  nous  espérons  que  son  entreprise  sera  soutenue  par  le 
public. 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


LE 


DIT    DE  L^EMPEREUR  COUSTANT. 


Le  petit  poème  qu'on  va  lire  se  trouve  dans  le  ms.  de  la  Bibliothèque 
royale  de  Copenhague  fr.  n^  lv  (anc.  fonds  royal  n*  2061).  C'est  un 
manuscrit  in-4*,  sur  vélin,  composé  de  161  feuillets  à  deux  colonnes  de 
)6  lignes  chacune,  et  contenant,  d'après  le  catalogue  d'Abrahams  ',  les 
ouvrages  suivants  : 

1.  P»  I  i*-i  J9  v«  :  Roman  de  la  Rose. 

2.  F*  149  v«-i  54  P>  :  Li  dis  de  Vempereour  Constant, 
}.  P  1 54  ro-i  54  vo  :  Poésie  amoureuse. 

Début  :  A  vous,  singnour,  qui  des  boins  iestes  : 
Ouwrés  les  ieus,  dreciés  les  testes. 

Fin  :  Et  qui  ore  voira  canter 
Par  courtoisie  une  canchon 
Bien  desiervira  le  pardon. 
Explicit, 

4.  Fo  1 54  v«-i6i  v»  :  Chi  commenche  de  Vevesque  de  droit. 

Début  :  Catons  li  sages  en  son  livre 

Moult  pourfitant  doctrine  livre. 

Fin  :  Se  me  pensai  que  li  contéres 
Estoit  voir  disans  u  mentéres, 
Et  si  me  voloit  abourder  ; 
Si  Talai  moût  fort  conjurer 
Se  il  me  disoit  voir  ou  non, 
Car  je  n'ai  pas  intention 
Que  proprement  peuist  avenir. 

I.  Description  des  mss.  français  de  la  Bibliotktquc  royale  de  Copenhague.  Co- 
penhague, 1844. 

Roménùâ^  VI  *  n 


l62  A.    WESSELOFSKY 

Enfin  quant  vint  au  départir 
Me  connut  que  songiet  Tavoit 
Brisebare^  et  [dont]  songiet  soit. 
Saciés  que  plus  avant  n'en  sai  : 
Par  tant  le  rent  que  Tacatai. 

La  notice  d'Abrahams  tomba  sous  mes  yeux  comme  je  venais  d'impri- 
mer (Russiche  Reviu^  IV,  p.  181-202)  sur  la  légende  qui  fait  l'objet  du 
Dit  une  étude  que  l'on  trouvera  plus  loin,  augmentée  et  refondue.  Je 
reconnus  tout  de  suite,  aux  extraits  donnés  dans  le  catalogue,  que  c'était 
une  version  poétique  du  conte  de  l'Empereur  Coustant^  publié  par 
MM.  Moland  et  d'Héricault.  Par  la  gracieuse  entremise  de  M.  le  prof. 
Smith,  M.  Thor  Sundby  eut  la  bonté  d'en  prendre  pour  moi  une 
copie  :  j'offre  ici  tous  mes  remerciements  à  l'éminent  savant  qui 
m'a  permis  d'être  à  sa  place  l'éditeur  de  ce  poème  ;  il  est  inutile  de 
dire  que  sa  copie  était  faite,  non- seulement  avec  exactitude,  mais  avec 
l'intelligence  que  peut  seule  donner  une  connaissance  approfondie  de 
l'ancien  français.  Je  préparai  cette  copie  pour  l'impression,  et  M.  G. 
Paris  a  pris  la  peine  delà  revoir  et  d'en  corriger  les  épreuves.  Différents 
traits  qu'il  est  inutile  de  signaler  par  le  menu  rendent  l'attribution  de 
ce  petit  poème  à  un  auteur  picard  extrêmement  vraisemblable. 


LI  DIS  DE  L'EMPEREOUR  COUSTANT. 

Enyviertamps,quantlifrois  dure,  20  As  oevres  Fortunne  pensis, 
Que  desgatee  a  li  froidure  Comment  11  plus  poissant  del  mont, 

lerbes  et  flours,  qui  ont  esté  Qui  par  leur  droit  anciestre  amont 

Par  le  viertu  dou  temps  d'esté  Furent  sur  se  roe  monté, 

5  Em  praieries  et  en  cans  ;  Ont  esté  de  li  desmonté 

Et  que  ces  oisiaus  de  lor  cans  2  5  Et  gieté  en  la  boe  jus 
Tapir  a  li  yviers  destrains,  (Moult  par  est  desghissés  ses  jus), 

Et  li  pluiseurs  perent  d'estrains  Et  aucun  de  moût  petit  pris 

Cambres,  sales  en  lieus  de  joins,  A  elle  si  en  grasce  pris 

10  Ne  nuls  n'est  a  painnes  si  goins  Telle  fois  et  si  haut  Teslieve 

Qu'en  esté,  si  liés  ne  si  gais;  jo  Que  en  son  sa  roe  le  lieve 
•  Par  ces  bos  corneilles  et  gais  Et  Ti  tient  tant  qu'il  est  en  vie; 

Ot  on  braire  et  criier  de  fain  ;  Aucunne  fois  ra  elle  envie 

Et  qu'en  lor  sason  sont  li  fain.  D'aucun  que  sour  sa  roe  met, 

1 5  Car  li  paisant  en  repaissent  Que  de  celle  honour  le  démet 

Lor  biestes,  qui  mie  ne  paissent  3  5  Tout  jus  ou  en  estât  moien  : 
L'ierbe  en  camp  ne  en  cemin  née  ;  N'i  convient  prieur  ne  moien. 

En  cel  tamps  en  ma  cemminee  Dont  me  prist  talent  d'un  dit  fere 

M'iere  pour  le  froidure  assis  D'un  enfant  de  moult  bas  afaire 

10  Si  manque  —  29  f.  est  que  s.  —   jo  rocc  —  ji-p  inUnertis  —  33  Daucuns  — 
34  Qui 


^^^^^                                  LE   OIT   DE    l'empereur   COUSTAKT                                 ib^                ^^^| 

^^F           Que  Foriunne  €slever  vout  si 

Dis  norkes  li  fist  avoir,                            ^^^1 

W            40  Que  elle  le  fist  sans  nul  si 

Flainnes  de  bien  et  de  savoir,                        ^^Ê 

^^H             ^^^  ^  son  S3  roe  monter. 

8^ 

Famés  as  contes,  as  marcis                            ^^Ê 

^^H           Tous  rois  de  sen  tamps  sourmonter. 

Les  plus  poissans  de  sen  pays  :                       ^H 

^^B           Et  pour  çou  mes  engiens  s*aoevre 

Moult  lor  proia  del  bien  garder.                     ^^M 

^^f            De  la  matere  mettre  a  oevre, 

A  un  castiel  le  fisi  porter                               ^H 

W            4^  El  ma  volenlés  moult  agricsse. 

Qui  estoit  el  cief  de  sa  tierre                           ^H 

90 

Si  fort  que  il  ne  cremoit  guerre.                       ^^M 

^^K            1)  cl  jadis  un  roi  eu  Griesse 

Li  rois  qui  moult  fist  a  loer                             ^^M 

^^H            Qui  Floriicos  fu  appiellés. 

Vieunt  a  Bisscnce  séjourner                            ^H 

^^H            Mouli  fu  poissans  et  redoutés^ 

Qui  loinc  de  cel  castiel  estoit.                        ^H 

^^^            Riccs  cl  très  larges  donneres. 

Une  nuit  en  son  lit  gisoiC,                               ^H 

K             50  De  Bisencefu  empereres. 

% 

Moutt  anguisseos  et  moult  pensîs                    ^H 

^^^            Une  femme  ot  de  grant  valour, 

Pour  sa  femme  Tempereys;                            ^H 

^^H            Qui  fu  fille  Impereour 

Ten  rement  se  prist  a  plorer                          ^H 

^^M           Augustus,  qui  tint  Rommenie 

Et  doucement  a  regreter  :                              ^H 

^^F            Et  le  roiaume  dltaiie 

c  Ahi  ]  dame  sage  et  courtoise,                      ^H 

■              j  5  Qui  Lombardie  est  appiellee. 

100 

Queme  de  vostre  mort  me  poise  !                   ^^M 

^^H             De  Augustus  tieunt  la  contrée  : 

Vo  valours  et  vo  courtoisie,                           ^H 

^^m            De  se  fille  tout  l'iretige 

Vo  biauté,  li  haute  lîngnîe                              ^H 

^^M            Avoec  se  fille  a  mariage 

De  quoi  vous  estrés  descendue,                       ^H 

^^P            Donna  Flonen  au  corps  gent. 

M  ont  toute  ma  joie  tolue                               ^H 

m            60  Moult  s'entra  m  erent  loi  au  ment, 

roj 

Et  en  grant  douleur  embatut.                         ^H 

^^^              Moul  démenèrent  bonne  vie 

A  f  dame,  que  sont  devenut                            ^H 

^^H            Et  par  moult  loial  compaingnie 

Li  grant  délit  et  li  solas                                ^H 

^^^            Furent  un  poi  de  tamps  ensanle. 

Que  j'avoie  de  vous,  eias  !                         ^^^H 

M                  Mes  ensi  avinl,  ce  me  sanle, 

Tout  me  font  muer  en  tourment  :               ^^^^| 

H             65  Que  d*enfaïîl  morut  la  royne 

MO 

Adiès  me  sonl  el  coer  présent»  »                  ^^| 

■  ^             Qui  moût  estoit  de  bonté  finnc; 

Ensi  fu  grant  part  de  la  nuit.                         ^H 

^^K            Li  rois  si  grant  doel  en  mena 

Un  poi  devant  le  mienuit                                 ^H 

^^V           Conques  puis  famé  n'espousa  : 

Li  rois  de  son  lit  se  leva,                              ^H 

V                  Donc  Ta  m  oit  il  b  ien  d  ^a  m  ou  r  te  n  d  re 

Son  cambrelent  en  apiella ,                              ^H 

1             70  Que  ains  puis  ne  vû\ilt  famé  prendre; 

"S 

Par  devant  lui  le  fist  venir,                             ^H 

1                  Sanlans  fu  a  la  tourtertelle  : 

Si  se  fist  caucier  et  vieslir.                             ^H 

^^H             Tout  son  vivant  pïora  s'ancielle. 

Hors  de  sa  cambre  s'en  issi                           ^H 

^^H            Li  enfes  qui  li  demoura, 

Et  jus  del  palais  descendi  :                            ^H 

^^^             De  quoi  la  dame  trespassa, 

Par  les  rues  prist  a  aler                                 ^H 

K            7\  Ce  estoit  une  damoisietle 

120 

Pour  lui  un  petit  oublier.                              ^H 

^^^           Sour  toutes  créatures  bielle  r 

Une  famé  oy  qui  cnoit                                    ^H 

^^H            Sebelinne  fu  appiellee 

Moult  haut,  car  d'enfant  travail-                  ^H 

^^H            Et  Sebiîe  en  droit  nom  nommée. 

■ 

^^B            Sa  mère  si  bien  resanfoit 

Li  rois  regarda  amont  Tiestre,                       ^H 

^^M       80  Que  sa  propre  façon  sanloil  : 

Son  mari  vit  a  la  fenieslre,                             ^H 

^^H            Li  rois  pour  çou  trop  miex  Tama, 

125 

Qui  es  estoilles  regardoit                               ^H 

^^P            A  boinnes  gardes  le  kierka; 

Et  a  Dieu  doucement  prioit                            ^H 

1               40  Quelle  li  f.  s.  nul  si  —  m  fille  —  ji 

femme  —  (6  De  le  fille  —  70  Quant  a.  —                   ^B 

^^^      7J  Ceistoit —  110  font 

^  j 

^             164                                                 A-   WESSELOFSKY                                                            ^^ 

^^^^H                  Qu'elle  ne  peitsi  ajestr. 

Li  rois,  si  qu'il  n'en  ot  pité  :           ^H 

^^^^^H                   Le  roi  ne  vint  pas  a  plaisir^ 

Tantost  a  un  rasoir  saisi,                 ^^M 

^^^^^H                  Car  de  sa  famé  li  souvînt 

Des  le  boudinne  le  fendi                   ^H 

^^^^^K^^      1  jo  Et  pour  çou  plus  au  coer  l'en  tint. 

175  Amont  duskes  a  la  forcielie.             ^^M 

^^^^^^^ft            Le  cambrelent  a  apiellé 

Ou  corps  de  le  creaturielle                 ^ 

^^^^^^^^H            Et  puis  apriès     a  parlé 

Vaut  Floriiens  se  main  bouler, 

^^^^^^^H            De  J'ord  vilain  puant  félon 

Car  le  coer  en  voloil  osier. 

^                Qyi  a  Dieu  a  fait  s'orîson 

Li  cambrelens  H  dist  ensi  : 

^^^^^H           1 3 }  Que  sa  dame  ne  puist  agire  : 

180  €  A  !  biau  sire,  pour  Dieu  mierd  ! 

^^^^^Ê                  11  a  desiervt  grant  martire. 

Mors  est,  assés  en  avés  fait. 

^^^^^ft                   Mais  peu  apriès  çou  demoura 

Bailliés  le  moi  tout  entresait  : 

^^^^^B                  Que  cieus  dévotement  pria 

Dedens  ie  mer  Tirai  jeter,  • 

^^^^^P                   A  Dieu  que  sa  femme  agesist; 

Li  rois  li  fist  acreanter. 

^^^^^1           140  El  Dieu  droit  en  celle  eure  fat 

18)  Cieus  atout  Tenfant  descendi            ^H 

^^^^H                  La  dame  d'un  6J  délivrer 

Du  palais  et  puis  s*em  parti             ^H 

^^^^^^                  Dont  chi  apriès  orés  parler. 

Et  de  la  cillé  est  issus:                         1 

^^^^^^1                Cieus  astronomiiens  estoît  ; 

De  pilé  fu  tous  esmeus.                   ^^1 

^^^^^^^H             0  lui       sien  ami  avoit 

Sour  la  mer  une  abie  avoît               ^^M 

^^^^^^r         14)  A  cui  t!  dist  ces  naots  ensi  : 

1 90  Qui  par  raençon  se  censoit               ^H 

^^^^^H                   i  Or  saciés,  »  fait  il,  v  tout  de  fi 

Cascun  an  a  Tempereour,                 ^H 

^^^^^H                  Que  mes  enfes^  qui  chi  est  nés, 

Car  tout  cil  de  Griesse  a  cel  jour            1 

^^^^H                  De  Grîesse  sera  couronnés, 

Paiien  et  mescreant  esloient;                   1 

^^^^^H                   Empereres  de  ceste  ville, 

Et  pour  çou  au  roi  se  censoient              1 

^^^^^B           i  ^0  Rois  del  roiaume  de  Sesille, 

19  j  Li  moine  de  celle  abeye,                   ^J 

^^^^^^^                 D^  Romme  emperere  sera, 

U  elle  fusl  lues  escillie.                     ^H 

^^^^^^^^^           Nuls  destourner  ne  i'em  pora 

Li  cambrelens  qui  Tenfant  porte 

^^^^^K^^          Pour  destrainte  ne  pour  pooir, 

Sour  un  fumier  devant  le  porte 

^                   Car  a  famé  en  avéra  Poir 

De  Tabeiie  Ta  gieté 

^^^^1             M$  QH^  ^^I^  ^^^  ^^  ^^^  Floriien.  » 

200  Tout  sanglent  et  envolepé 

^^^^H                     Li  rois  ces  mos  entendi  bien, 

D'un  vermeil  couvertour  de  soiej 

^^^^^L                   Car  li  preudons  qui  çou  disoît 

Puis  se  mist  tantost  a  le  voie, 

^^^^^1                  Si  grant  joie  en  son  coer  avoit 

Si  a  a  sen  singneur  nonciel 

^^^^^H                  Qu'il  ne  se  sot  garde  donner 

Que  il  avoît  Tenfant  noiiet. 

^^^^^H           i6d  Que  nuls  te  peust  escuuter. 

20^  Li  rois  Ten  crut^  qui  moult  Tama, 

^^^^^H                  Li  rois  Toy,  moult  Tem  pesa  : 

Li  portiers  bien  main  se  leva, 

^^^^^H                  II  ftst  tant  et  tant  pourcaça. 

Le  porte  de  Tabie  ouvri, 

^^^^^H                  Ains  que  uit  jour  fuissent  passé, 

L'enfant  sour  le  fumier  oy 

^^^^^H                  Corn  a  le  vateion  emblé 

Qui  anguisseusement  criott 

^^^^H           j6^  a  le  mere^  et  a  lui  bailliet 

2J0  Pour  le  marlire  qu'il  sentoii  : 

^^^^^H                  Qui  le  coer  en  ot  forment  liet. 

Li  portiers  lantosl  y  couru. 

^^^^^H                 Dedens  sa  cambre  le  porta, 

Et  quant  il  a  Tenlant  veu 

^^^^^H                  Sen  cambrelent  0  lui  mena  : 

Si  vilainnement  atourné, 

^^^^^H                  Andoi  Tenfant  desvoleperent, 

Il  en  ol  au  coer  grant  pttè  : 

^^^^H            (70  Mais  onques  si  biei  n'esgarderenL 

21 5  Entre  ses  dous  bras  Temkierka, 

^^^^^H                 Mais  le  coer  ot  d'ire  enflamè 

Par  devant  Tabbé  Temporla. 

^^^^^H                127   Que  elle  —  1)3  I>e  lor  v.   —    1 

M   U   second   a  manaue.  —  140  drois  — 

^^^^^H           14;  astronomijes  —  148  ghes^es  —  ni  qui!  en  0.  --  176  crcaturelle  —  184  acreater             | 

^^^^H           —  19}  mabcream  ~  196  fu  —  107  Ubeye 

r^/.  V.  U9.                                                           J 

^^^^^^^                         LC   OIT   DE   l'empereur   COUSTANT                               165             ^^^| 

^^^V       «  Sire,  i  dtst  il,   •  vofiés  mer- 

Qu'il  sont  ens  et  palais  monté  :             ^^^H 

^^m                                              [veilles 

L'empereour  ont  salué.                          ^^^| 

^^m             km  ne  veîstes  lor  pareilles.  » 

Floriiens  qui  moult  fu  courtois               ^^^H 

^^M             A  tint  ti  3  moustré  l'enfant. 

Assist  l'abbé  les  lui  au  dois                   ^^^H 

^H        110  U  abbes  ea  ot  pîté  grant  : 

26s 

Et  le  fist  delés  lui  mangîer.                    ^^^H 

^^1             11  a  fait  un  mire  venir 

Coustant  sîervi  de  sen  mestîer               ^^^^^ 

^^M            Savoir  s^on  le  poroit  garir  ; 

Par  devant  Tabbé  sen  sipour  :             ^^^H 

^^H             Cieus  dist  que  bien  le  garîroitj 

Forment  pleut  a  Tempereour.               ^^^H 

^^Ê             Qui  bien  son  teuter  Ten  donroit  : 

A  Tabbê  demanda  errant  :                     ^^^^| 

^H        n<^  Dous  cens  besans  a  demandés, 

270 

«  Qui  vous  donna  cel  biel  enfant?  »          ^^^^| 

^^m             Mais  tant  est  leur  markiés  aies 

Cieus  qui  garde  ne  s'en  donna               ^^^^| 

^^Ê             Qa'il  en  dut  cent  besans  avoir. 

Tout  le  voir  tdotost  l'en  conta,              ^^^^| 

^^M            W  Sst  dûu  garir  son  pooîr  : 

Comment  li  portiers  Tôt  trouvé             ^^^^| 

^H            Et  II  chars  qui  fu  joveneet  tendre 

Devant  le  porte  envolepé                        ^^^H 

^H        ijQ  Se  prist  volentiers  a  reprendre, 

i7V 

D'une  vermeille  kieute  pointe  ;               ^^^H 

^^1            Si  qu'en  poi  d'eure  fu  garls. 

La  vérité  si  l'entracointe                        ^^^^Ê 

^^H            Lî  abbes  en  fu  esjoys  : 

Que  Floriyens  sait  tout  de  voir              ^^^^| 

^^H            En  sains  tons  le  fist  baptîsier; 

C^e  c'est  cieus  qui  devoit  avoir             ^^^H 

^^Ê            11  ineismes  le  vaut  sâcîer. 

Sa  6lle  et  tout  son  hiretage,                  ^^^H 

^^M       2J5  Et  pour  çou  qu'il  ot  cousté  tant 

280  Dont  dolans  est  en  son  corage.              ^^^^| 

^H            U  missent  H  a  non  Coustant. 

N  Abbes,  »   dist  il,  a  donnés  le          ^^^^| 

^^M            Baillier  ti  fîst  boinne  nourîce 

^^^H 

^^H            Qui  ne  fu  ne  folle  ne  nice; 

Mou!  est  dingnes  pour  servir  roi;           ^^^| 

^^M            Plus  monteplioit  en  un  mois 

Et  se  par  vo  votenté  l'ai                         ^^^^H 

^H      240  K'uns  autres  ne  fesist  en  trois; 

Le  treu  dis  ans  quiterai.  d                      ^^^H 

^^B            Et  quant  il  ot  entendement, 

28  s 

Il  ne  li  osa  escondire,                            ^^^^| 

^H            Lî  abbes,  qui  Tamoit  forment, 

Mais  mouk  en  ot  el  doel  et  yre;            ^^^H 

^H            Li  a  £iit  boin  mestre  livrer 

Il  prist  a  Tempereur  congiet,                 ^^^^M 

^^M           Pour  lui  a  prendre  et  doctrinner 

Em  plorant  a  Coustant  laisiet.              ^^^^| 

^^m      i^\  O^iestre^  de  parler  et  de  lettre; 

Li  enfes  plora  tenrement                       ^^^^| 

^H            Et  quant  il  se  seut  entremettre, 

290 

Qui  son  singnour  amoit  forment.           ^^^^| 

^H            II  le  fist  devant  lui  trencîer 

Trois  jours  fu  Coustans  a  séjour           ^^^H 

^H           Et  avoecques  lui  cevaucier; 

A  Bisence  0  l'empereour                        ^^^H 

^H            De  très  rices  dras  )e  viestolt. 

Roi  Floriien,  qui  li  attre                        ^^^H 

^H     350  Car  moût  grant  honneurs  li  estoit 

La  besongne  de  sen  martire  ;                 ^^^H 

^^M            Quant  uns  si  nobles  damoisiaus, 

29^ 

Nequedent  envis  le  faisoit,                     ^^^^H 

^H           Si  gens,  si  courtois  et  si  biaus, 

Car  li  enfes  moult  lui  piaf  soit,               ^^^H 

^H            Siervoit  a  table  devant  lui  ; 

Maïs  il  savoit  tout  de  ciertaia                ^^^H 

^^M           Mais  par  tamps  en  ara  anui. 

Que  c'estoît  li  £eus  d'un  vilain,              ^^^^| 

^H     ^)i  Li  abbes  ot  d'un  grant  afaire 

Et  pour  çou  l'empereur  sanloit,              ^^^H 

^H           Far  devant  Tempereour  a  faire  : 

300 

Se  sa  fille  espousee  avoit,                        ^^^^ 

^^m           n  monta  sour  son  palefroi, 

Qu^clie  en  seroit  deshonneree                 ^^^H 

^^M           Coustant  mena  avoeques  soi. 

Et  sa  couronne  avilene^.                         ^^^| 

^V           Dedens  Bisence  s'en  entrèrent 

«  Coustantj  i  dist  il,  «  d'un  mien          ^^^^| 

^H     160  Et  par  les  rues  tant  alerent 

^^^H 

^^         ÎJ6  Le  —  17J  portier  —  176  tr  dans  cntracointe  €Si  peu  lisible  —  290  tsingnourc  —           ^^^^| 

1             î^î  Rois  florijcns 

1 

i66 

Vous  estuet  un  tnesage  faire 

30s  A  cel  castiel  (se  li  nomma 
Et  le  voie  li  ensengna)  : 
Men  prouvost  me  saluerés, 
Et  ces  lettres  vous  li  donrés, 
Et  li  dites  qu'il  ne  laist  mie 

3 10  Sour  corps,  sour  membres  et  sour 

[vie 
Çou  ne  face  que  je  li  mande 
Parcest  escriptchi  et  commande.  » 
Coustans  dist  que  bien  li  dira  : 
Il  prist  congiet  et  si  monta. 

3 1 5  Douze  journées  y  avoit, 
Mais  il  erra  a  tel  exploit 
Qu'il  vint  en  dis  jours  au  castiel 
K'a  merveilles  vit  fort  et  biel  ; 
Mais  s'il  seust  çou  que  il  porte. 

320  II  n'entrast  ja  dedens  le  porte. 
II  a  encontre  un  garçon 
Qu'il  vit  descendre  d'un  dougnon  ; 
Dou  prouvost  li  a  demandé, 
Et  il  li  dist  en  vérité 

32s  Qu'il  estoit  assis  au  disner. 
Pour  çou  n'i  volt  Coustans  aler 
Devant  çou  c'om  eust  mengiet. 
Dalés  le  porte  ot  un  vergiet; 
Coustans  en  cel  vergiet  entra, 

330  Son  ceval  apriès  lui  saca; 
Desous  une  ente  s'est  couciés. 
Car  il  estoit  moult  traveilliés, 
Et  la  s'endormi  desous  l'ente. 
Il  devoit  bien  songier  a  ente  : 

3  3  5  Plus  y  dormi  que  dusc'a  nonne. 
La  fille  au  roi  qui  moult  fu  bonne, 
Très  noble  et  sage  damoisielle, 
Avoecques  li  mainte  pucielle, 
Nobles  et  bien  emparentees, 

340  Sont  dedens  le  vergiet  entrées  : 
Constant  desous  l'ente  trouvèrent  ; 
A  grant  merveille  regardèrent 
Sa  façon,  sa  coulour  rosine, 
Sen  biel  corps,  sa  gente  poitrine  ; 

343  Entr'eiles  assés  en  parlèrent 
Et  de  biauté  moult  le  loerent. 
Meut  plot  a  le  fille  le  roy, 


WESSELOFSKY 

Et  secreement  dist  a  soi  : 

c  E  !  Dieus,  com  très  riœ  trésor 

3  50  Mieus  ameroie  que  très  or 
Le  visse  o  moi  par  mariage, 
Que  tout  le  mont  en  yretage. 
Rien  n'i  a  oubliyé  Nature.  ■ 
Tant  qu'elle  vit  a  sa  çainture 

3  5  5  Une  aumousnière  de  rice  oevre  ; 
La  pucielle  le  prist,  se  l'uevre  : 
Le  lettre  sem  père  y  trouva, 
Tantost  le  saiel  em  brisa  : 
Ensi  le  vaut  Dieu  consentir 

360  Qui  ne  voloit  mie  souffrir 

Que  ses  boins  siergans  fùst  ocis, 
Dont  puissedi  vint  grans  pourfis. 
Sebelinne  lisi  la  lettre, 
Qui  bien  s'en  savoit  entremettre  : 

365  Le  mort  Coustant  y  a  trouvée, 
De  dolour  fu  toute  esplouree  : 
Car  ses  pères  li  rois  mandoit 
Au  prouvost  que  lues  qu'il  tenroit 
Coustant,  qu'il  le  fesist  morir 

370  Secreement,  et  que  oir 

On  n'en  seuist  jamais  nouvielle. 
Forment  desplut  a  la  pucielle; 
Une  damoisielle  appiella, 
Celi  en  qui  plus  se  fia: 

373  •  Diex!  •   dist  eie  a  li,  <  quel 
[damage, 
Quant  ou  venir  de  son  eage 
Convient  morir  ce  damoisiel  ! 
Ains  a  nul  jour  ne  vie  si  biel. 
Ciertes  pas  ne  le  soufferai, 

380  Ains  se  je  puis  exploiterai 
Que  je  l'averai  a  mari. 
Car  onques  mes  homme  ne  vi 
Qui  tant  peust  a  men  coer  plaire. 
A  I  douce  amie  deboinnaire, 

385  Conseilliés  m'ent,  se  m'ensavésl  » 
Et  elle  li  dist  :  c  Vous  avés 
Dou  vuit  parcemin  saielet 
Que  vos  pères  vous  a  donet 
Pluiseurs  escrocs  grant  pieça  ; 

390  Et  pour  çou  le  vous  saiela 
Que  vos  lettres  en  fesissiés 


)09  dist       310  membre  —  313  Constant  —  316  il  manque  —  326  cousunt  — 
gent  —  }7i  On  ne  s.  —  37J  ele  manque 


344 


^^^^^^^^                           LE    DÎT   DE    l'empereur   COUSTANT                                167              ^^^^| 

^^^H            S'aucun  besoing  en  eussiés. 

Et  si  monta  ens  el  palais                               ^^H 

^^^f            Prendés  ent  une,  si  metës 

U  li  prouves  tenoît  ses  plais.                         ^^H 

^^^^             Çou  dont  cils  enfes  soit  sauvés.  » 

Par  devant  l\  s'agenoullâ  :                            ^^H 

^^^      395  Sebelinne  s'en  esjoi: 

440 

Très  hautement  le  salua                                 ^^H 

^^K            €  Douce  amie,  *  dis!  elle  a  lï, 

De  par  le  rice  empereour.                             ^^H 

^^^H             i  Aies  pruekes  le  parkemin  !  » 

Quant  li  prouves  de  sen  srgnour                    ^^H 

^^^H            Et  celle  se  mist  au  kemiii. 

Oy  le  damoîsel  parler,                                    ^^H 

^^^^            Et  si  est  moult  tosl  retournée 

Tantost  le  courut  acoler,                                ^^H 

^M           400  A  tout  Tcscroe  saicléc, 

445 

Car  son  singnour  amoit  forment,                   ^^H 

^^^H              Encre  et  pane  avueques  porta, 

Et  li  dist  :  «  Doos  amis,  comment                 ^^H 

^^^H            A  Sebelinne  tout  bailla. 

Le  fait  mesire  et  ses   barnages?  »                  ^^H 

^^^H            Et  celle  s'asist  .1  escrire 

Et  li  valès  qut  moult  fu  sages                        ^^H 

^^^V            Et  ensi  commença  à  dire^ 

Courtoisement  li  respondi  :                            ^^^| 

^V           40  )  Com  celle  qui  moult  ot  science  : 

4S0 

«  Bien,  beau  stre,  le  Dieu  mierci  ;                  ^^| 

^^^^            •  Jou,  empererc  de  Bisence, 

Par  moi  cest  escript  vous  envoie                   ^^H 

^^^H            De  Griesse  et  de  Sesille  rois, 

Et   forment  vous   commande   et                ^^H 

^^^H            Qui  sousienere  sui  des  drois, 

^H 

^^^H            A  vous,  mes  fiables  prouvos, 

Que  faciès  ce  que  dedens  a.  i                       ^^H 

^^^^      410  Mant  et  commanc  que  aussitos 

Tantost  le  lettre  li  bailla.                               ^^M 

^m^             Que  cts  lettres  avrès  oiies, 

4n 

Li  prouvos  la  lettre  lisi  ;                                ^^H 

^^^K            Que  de)  messagier,  quî  baîlltes 

Quant  le  commandement  oy                           ^^H 

^^^B            A  vous  les  avra  de  par  moi, 

Si  fort,  moult  s'en  esmerveilla  ;                      ^^H 

^^^H              Faciès  autant  dou  corps  de  soi 

Le  damoisiel  moult  regarda  :                         ^^H 

^^^^      415  Que  de  moi  meismes  fériés, 

Riens  n'i  vit  qui  H  messesist,                         ^^H 

^M                   Et  que  tantost  vous  ti  faciès 

460 

En  son  secré  meismes  dist  :                            ^^H 

^^^H              Sebille  ma  allé  espouser; 

c  Bien  sanle  de  grans  gens  extrais,                  ^^H 

^^^f             Et  se  çou  volés  refuser 

Et  a  çou  aquier  je  me  pais                            ^^H 

^^1                  Ne  men  commandement  despire, 

Que  mon  signeur  tieng  a  si  sage                    ^^H 

^^^^      420  De  vilain  et  cruel  martire 

Qu'il  n'euist  ja  par  ce  mesage                       ^^H 

^^^B            Vo  corps  martiriyer  feroie, 

4^5 

Fait  ce  commandement  a  moi                         ^^H 

^^^B             Si  tos  que  trouver  vous  poroie  : 

Se  il  ne  seuist  bien  pour  quoi.  •                     ^^H 

^^^P             Car  je  me  tienc  de  çou  pour  6s 

Lors  a  Sebelinne  mandée.                              ^^H 

^^^^            Que  venir  em  poet  grans  pourfis 

Elle  est  ens  illueques  entrée»                          ^^H 

^M           42)  A  vous  et  as  sougis  del  renne  ; 

Avoecques  li  grant  compaingnie                      ^^^| 

^^^L             Et  aprîès  men  deciet  y  tienne.  » 

470 

De  pucielles  de  sa  maisnie;                           ^^^| 

^^^H            Quant  tout  son  voloir  mis  y  a, 

De  rice  atour  fu  acesmee,                              ^^^| 

^^^H            Le  lettre  sagement  ploia 

D'oneur  et  de  biauté  parée.                            ^^H 

^^^r            Et  le  mist  dedans  l'aumousniere. 

Tout  cil  dou  pabis  sus  salirent                     ^^^| 

^m           4}o  Bietlement  se  traisent  arrière, 

Si  tos  que  la  pucielle  virent ,                          ^^H 

^^^_              Dedens  lor  cambres  repairierent, 

475 

Li  prouvos  ala  contre  li                                 ^^H 

^^^H            Coustant  desous  Tente  laissierent. 

Et  doucement  li  dist  ensi  :                            ^^H 

^^^H            El  quant  il  ot  assés  dormi 

«  Ma  damoisieîle,  cieus  variés,                       ^^H 

^^^H            II  s'esveïlla,  moult  s'esbaht 

Qui  tant  par  est  courtois  et  nés,                    ^^H 

^^^^      4J  5  Quant  il  vit  le  soleil  si  bas  : 

Mesagiers  est  a  mon  signeur                           ^^^| 

^M                   Del  vergiet  issl  tout  le  pas 

480 

Vo  père  et  nostre  empereeur.  i                     ^^H 

^^^^         401  auuec—  404  Et  si  c.  —  41  r  aues 

--  41Î 

Le  vous  es  aura  —  aîk  As  vous  ^                  ^^H 

^^^H      4M  lo^  —  4Î9  si  —  441  empereur   —  447  mestres   —    459  maissestst  —  461  meai-                   ^^H 

^^^H      gneur  ^  464  b  —  468  illuec 

1 

i68 


A.   WESSELOPSKY 


Quant  Sebelinoe  l'enteodi. 
Son  afaire  moalt  bien  couvri, 
Constant  par  le  blance  main  prist^ 
Moult  le  bienvegna  et  li  dist  : 

48  s  c  Biaus  ciers  sires,  que  fait  mes 

[pères, 
Qui  de  Bissence  est  eropereres?  » 
Quant  Coustans  oy  que  c'estoit 
La  fille  au  roi  que  tant  prisoit, 
Moult  s'i  prist  a  humelyier, 

490  Et  si  se  vaut  agenouillier, 
Mais  celle  en  ses  bras  le  retint. 
Li  prouvos  a  Sebille  vint, 
D'unne  part  le  traist  a  conseil 
Et  li  dist  :  «  Forment  m'esmerveil 

495  D'an  mant  que  mes  sires  m'a  fait.  » 
Lors  li  a  tout  contet  le  fait 
De  le  lettre  qu'elle  escrisi. 
Sebelinne  moût  s'esbahi 
Par  sanlant  et  fist  Tesmarie 

500  Et  li  dist  :  c  Or  ne  faites  mie 
La  cose  de  vous  seulement, 
Mais  par  le  conseil  de  le  gent 
A  mon  père  l'empereour, 
Des  haus  hommes  anciennour, 

505  Et  par  lor  conseil  en  ouvrés  : 
Mandés  les  et  se  leur  monstres; 
Car  s'aucunne  cose  y  queoit 
Qui  desplaisans  men  père  soit, 
La  coupe  si  en  averiés 

510  Se  de  vo  conseil  le  faisiés.  » 
Li  prouvos  s'i  est  acordés, 
Lors  a  les  haus  hommes  mandés  ; 
Il  y  vinrent  a  rice  atour, 
Et  quant  il  furent  en  la  tour 

$1)  Devant  le  prouvost  descendu. 
Il  lor  a  Tescript  despondu 
Et  le  cruel  commandement. 
Par  le  commun  assentement 
Fu  li  mariages  gréés  ; 

\'iO  Coustans  ne  fu  pas  appiellés 
De  cel  autre  ne  de  celui, 
Ains  coururent  tantost  a  lui 
Tout  li  plus  gros  qui  la  estoient, 
Si  le  congoent  et  fiestoient 


)2)  Et  li  font  aussi  grant  honneur 
Que  nel  fesissent  lor  singnour. 
Coustans  s'esmerveilla  forment, 
Et  nonponrquant  moût  sagement 
S'en  maintient  et  biel  s'en  acointe. 

S 30  Le  fille  au  roi,  qui  moult  fu  ceinte^ 
Sebille  li  font  espouser, 
Et  font  par  les  rues  crier 
Pour  le  fieste  plus  essaucier 
C'om  n'i  ouvrast  de  nul  mestier 

53  5  Tant  ke  uit  jour  fuissent  passé; 

Et  s'ont  le  bamage  mandé 
A  dis  Hues  tout  en  tous  sens. 
L'endemain  y  vint  tant  de  gens 
C'om  n'i  pooit  osteus  trouver  ; 
S 40  Cascuns  s'i  penoit  de  fiester 
Pour  l'empereur  a  gré  siervir 
Que  il  dévoient  moult  cremir. 
Cil  et  celles  qui  la  estoient 
Constant  a  merveilles  looient 

54  S  De  sens,  de  biauté,  de  maintiens. 

A  Bissence  fu  Flonyens 
Qui  de  Constant  moult  desiroit 
Savoir,  se  li  prouvos  l'avoit 
Par  son  commandement  occis. 

5  50  Au  quint  jour  qu'il  s'en  fu  partis 
Fist  sen  afaire  apareillier 
Et  ne  finna  de  cevaucier  ; 
Si  est  droit  au  castel  venus, 
S'oy  qu'il  estoit  es  meus 

5  $  )  De  toutes  les  menestraudies 
Et  de  toutes  les  mélodies 
Qu'il  convenoit  a  faire  joie. 
Un  varlet  vit  en  mi  sa  voie 
Li  rois  et  se  li  demanda 

560  Pour  quoi  laiens  si  grant  joie  a. 
Cieus  lidist;  c  Sire,  le  pour  quoi 
Devés  vous  bien  savoir,  je  croi  : 
C'est  pour  les  noeces  de  Constant, 
Le  biel,  le  courtois,  l'avenant, 

565  Qui  prise  a  Sebille  vo  fille, 
Pour  çou  s'esjoist  si  la  ville; 
Car  a  vo  prouvost  le  mandastes 
Par  vos  lettres  et  commandastes 
Que  on  li  fesist  espouser  ; 


41^7  quf  r  Mtoit  —  488  r.  coustant  pr.  —  jo8  despl.  a  m.  —  $26  nul  —  J28  moût 


LE    DIT   DE    l'EMPEREUH   COUSTANT 


169 


Î7Ô  Et  îl  ne  l'osa  refuser 

Que  fais  n*en  fust  li  mariages,  t 
Et  diit  ii  rois  :  a  II  fist  que  sages 
Quant  il  fist  no  commandement.  j> 
Puis  disi  en  lui  secrcement  : 

i7^  f  Fols  est  qui  ce  voet  deslourner 
Que  Dieus  a  volut  ordener: 
James  painoe  n'i  meteraî, 
Mes  tous  jours  a  oir  fe  tenrai.  » 
Il  cevauca  dusk'as  degrés; 

(80  El  palais  est  li  cris  aies 
Que  Pcniperere  fu  venus: 
Cescuns  est  contre  lui  venus. 
Quant  Sebelinne  l'oy  dire, 
Esprise  fu  de  doel  et  d*ire, 

)%^  Car  de  çou  forment  s'esmari 
Corn  ne  !i  tolist  son  mari. 
El  nompourquant  contre  lui  vinrent 
Andoi,  cl  main  a  main  se  tinrent  : 
Pir  devant  lui  s'agenouillierent 

590  Et  hautement  le  bienvegnierenl; 
Et  quant  il  vit  les  deux  enfans 
Devant  lui  main  a  main  tenans^ 
Plains  de  grascieuse  bîauté, 
Pris  fu  d*amour  et  de  pité  : 

)9)  Ens  es  bouces  les  a  baisiés 

El  se  mtst  ses  mains  sour  lor  ciés  ; 
De  tout  le  sien  les  raviesti. 
Sebelinne  moult  s'esjoy  : 
Or  a  elle  tout  son  voloir. 

éûû  U  rois  ûsi  de  Coustant  sen  oir' 


Bien  le  siervi  a  gré  Couslans. 
Mes  puis  ne  veski  que  dous  ans 
Li  rois  apriés  cest  mariage  : 
Coustans  satssi  tout  Tiretage, 

605  A  empereur  fu  receus; 

De  ses  hommes  fu  cier  tenus. 
Si  tos  com  il  fu  couronnés 
Fu  de  li  fi  abbes  mandés 
Qui  le  nouri  et  aleva  : 

610  Par  sen  conseil  toudis  ouvra. 
A  ce  1  tans  mescreant  estoient 
Tout  cil  qui  en  Griesse  manoient^ 
Mes  par  le  conseil  a  Tabé 
Mist  partout  le  crcstienté, 

61 5  Tout  le  peuple  fist  baptisîer; 
Mainte  capielle  et  maint  moustier 
Y  fist  faire  et  mainte  abeye, 
Dieu  ama  moult  toute  sa  vie. 
Tout  cil  de  Bissence  la  bielle 

620  I  receurenl  la  loi  nouvielle, 
Et  pour  cette  nouvielleté 
Ont  Bissence  sen  nom  mué  : 
Le  nom  leur  singneur  li  donnèrent, 
Le  roi  Coustant,  que  moult  ame- 
Lrent  : 

62}  Pour  ce  que  si  nobles  estoit 
Et  que  nobles  oevres  faisoit, 
L'appielloienl  Coustant  le  noble  : 
Et  pour  çou  ol  Coustantinnoble 
Li  cyté  de  Bissence  a  nom^ 

630  Qui  encore  est  de  grant  regnon. 


ExplicH  de  i*tmptrtoar  Coustant  de  CoustantinnobU 


Le  moyen  âge  a  entouré  le  nom  de  Constantin  îe  Grand  d'une  cou- 
ronne de  légendes,  formant  un  cycle  à  part  qu*il  serait  intéressant  d'étu- 
dier. Le  conte  et  la  légende  se  sont  surtout  attachés  à  certains  épisodes 
de  sa  biographie,  plus  ou  moins  historiques,  qui  ont  tout  particulièrement 
fiit  travailler  rimaginatlan  populaire.  C'est  ainsi  que  se  sont  produits  les 
récits  sur  son  enfance,  sur  son  baptême  par  le  pape  Sylvestre,  sur  Tinfi- 
délité  de  son  épouse,  sur  la  fondation  de  Constantinople,  etc.  Dans  la 


(7 a  uge—  f87  Et  manque  —  611  maiscreant  —  610  1  manqat  —  6j)  Li. 


A-    WESSELOFSKY 

mémoire  des  peuples  de  i^Occident  ce  monarque  est  resté  le  type  d*un 
empereur  puissant  ;  le  souvenir  de  ses  richesses  s'est  conservé  dans  la 
formule  traditionnelle  «  l'or  Constantin  »,  le  pendant  du  «  trésor 
Salemon.  n 

Dans  Tesquîsse  qui  suit  je  me  borne  à  étudier  les  légendes  qui  ont 
rapport  à  son  enfance.  Elles  se  sont  conservées  dans  trois  rédactions  diffé- 
rentes, ayant  toutes  à  leur  base  la  même  tradition. 

La  première  de  ces  rédactions  se  trouve  dans  deux  versions  françaises 
du  x\m  siècle,  Pune  en  prose,  Tautre  en  vers,  celle  que  je  publie  ici  pour 
la  première  fois.  Dans  Pune  et  dans  l'autre  le  nom  du  héros  principal  est 
Coustant;  il  s'entend  que  c'est  Constantin  le  Grand,  puisque  le  nom  de 
Coustant  y  est  mis  en  rapport  avec  la  dénomination  de  Consunlinople. 
C'est  ainsi  que  le  texte  en  vers  nous  dit  que  l'empereur  Coustant  était 
aimé  de  tous,  et 

Pour  ce  que  si  nobles  estoit 
El  que  nobles  oevres  faisoit 
L'appîelloient  Coustant  k  noblt^ 
El  pour  cou  01  Coustant innobie 
Li  cytés  de  Bissence  a  non. 

Le  récit  en  prose  cherche  à  concilier  les  données  légendaires  avec 
celles  de  l*histoire,  la  tradition  de  Coustant,  qui  aurait  donné  son  nom  à 
Byzance,  avec  les  droits  que  l'histoire  attribue  à  Constantin.  C'est 
ce  qui  explique,  selon  moi,  les  dernières  lignes  de  la  version  en  prose  ; 
«  Et  engendra  II  enpereres  Coustans  en  sa  famé  un  oir  masïe  ki  ot  a 
non  Coustentins,  ki  fu  puis  molt  preudom.  Et  si  fu  puis  la  cités  apielée 
Coustantinoble,  pour  son  père  Coustant  ki  tant  cousta,  ki  devant  avoit 
esté  apielée  Bisanche.  b  On  trouvera  plus  loin  un  autre  exemple  de  cette 
confusion  des  noms  de  Constant  et  de  Constantin.  Quant  au  contenu  des 
récits  français  sur  Tenfance  de  Constantin,  on  peut  à  juste  titre  le  qua- 
lifier de  légendaire. 

La  seconde  rédaction  nous  est  fournie  par  deux  textes  :  Pun,  en  latin, 
se  trouve  dans  la  chronique  de  Jacques  d'Acqui,  annaliste  italien  du  xiir'-*  s.  ; 
l'autre,  en  italien,  dans  le  Dittamondo  de  Fazio  degli  Uberti  (x!v«  s,). 
Le  résumé  sommaire  de  la  légende,  que  nous  a  conservé  ce  dernier,  ne 
permet  pas  de  décider  s'il  a  utilisé  le  récit  de  la  chronique,  ou  si^  comme 
le  chroniqueur,  il  a  puisé  à  une  source  plus  ancienne.  Quoi  qu'il  en  soit, 
les  deux  versions  ont  un  caractère  commun  :  le  thème  légendaire  de  là 
rédaction  française  leur  sert  de  base,  mais  il  y  a  eu  introduction  d'une 
nouvelle  circonstance  épisodique  et  l'on  y  remarque  surtout  la  tendance 
à  mettre  les  données  légendaires  d*accord  avec  les  noms  et  les  faits  de 
rhistoire. 

Comme  troisième  rédaction  je  n*ai  sous  la  main  qu'un  récit  serbe  : 


LE  DIT  DE  L'EMPEREUR  COUSTANT  I71 

l'silération  du  ihème  primitif  y  provient  non  de  rinfîuence  des  rémî- 
attccoocs  historiques,  mais  d'une  confusion  avec  un  autre  cycle,  égale- 
nent  légendaire. 

Pto»  loin  nous  apprécierons  le  contenu  de  ces  légendes  concernant 
renonce  de  Constantin.  Mais  dès  ce  moment  quelques  considérations  géné- 
rales ne  seront  pas  hors  de  place.  Le  récit  de  l'enfance  était  déjà  répandu 
dans  l'Europe  occidentale  au  xni^  siècle,  dans  deux  versions  différentes* 
Si  Tone  d'elles  a  eu  le  temps  de  se  modifier  sur  le  sol  européen  (j^ai  en  vue 
la  rédaction  de  Jacques  d'Acqui  et  du  Dùiamondû],  il  est  facile  de  conclure 
de  ce  fait  que  la  légende  primitive  y  est  arrivée  à  une  époque  plus 
reCttléCt  —  et  probablement  de  Byzance.  Le  récit  serbe  en  donne  la 
preuve  :  vu  rinfîuence  considérable  de  la  littérature  byzantine  sur  celles 
des  peuples  jougoslaves»  cette  voie  de  transmission  nous  paraît  plus  pro- 
bable que  rhypothèse  contraire,  d'après  laquelle  les  Serbes  auraient 
puisé  leur  récit  à  une  source  européenne. 


I. 


I.  Les  récits  français.  —  La  nouvelle  en  vieux  français  '  nous  parle 
d*im  empereur  du  nom  de  Muselin,  régnant  à  Bysance  et  versé  dans 
rastrologîe.  Un  soir,  par  un  beau  clair  de  lune,  Pempereur  cheminant 
parles  rues  de  Constaniinople  en  compagnie  d'un  de  ses  chevaliers,  ils 
Tinrent  k  passer  devant  une  maison  où  gémissait  une  chrétienne  en 
couches.  Ils  entendent  son  mari  sur  le  soHer  prier  Dieu  d'accorder  à 
53  femme  une  heureuse  délivrance,  et  bientôt  après  le  conjurer  de 
ne  pas  lui  venir  en  aide.  L*empereur  indigné  somme  cet  homme 
de  loi  donner  l'explication  de  son  étrange  conduite*  Le  mari  lui  déclare 
qu'il  est  astrologue.  «  J'ai  lu,  >»  lui  dit-il^  u  dans  les  étoiles  que  si 
reniant  venait  au  monde  à  une  certaine  heure,  il  serait  malheureux  et 
mourrait  d'une  mort  violente;  que,  né  à  une  autre  heure,  il  serait  au 
contraire  favorisé  de  la  fortune.  >»  Ainsi  s'expliquait  la  prière  contradic- 
taire  qui  avait  surpris  l'empereur.  Le  père  affirmait  que  Dieu  avait 
exaucé  sa  prière  et  que  son  fils  était  venu  au  monde  à  une  heure  pro- 
pice :  il  épouserait,  continuait-il,  la  fille  de  l'empereur  de  Byzance  et 
dmeodrait  lui-même  empereur,  —  Muselin  révoque  en  doute  la  pro- 
phétie., mais  Tastroiogue  lui  affirme  qu'il  doit  en  être  exactement  comme 
il  Ta  4l,  Alors  l'empereur  se  propose  de  rendre  absolument  impossible 
Pacoonptissement  de  la  prédiction  :  il  fait  enlever  l'enfant  par  un  de 


d  d'Héricauit,  Noanlks  fronçésu    en  prose   4a   Xllh  sikU^ 


172  A.    WESSEtOFSKY 

ses  chevaliers,  quil  charge  de  lui  ouvrir  le  ventre;  il  veut  lui  arracher  ie 
cœur  de  sa  propre  main  ;  le  chevalier  l'en  empêche  et  promet  au  souverain 
de  jeter  à  b  mer  Tenfanlj  qu'on  croyait  mort;  mais,  saisi  de  compassion, 
il  l'expose  sur  un  fumier  devant  un  couvent.  L'enfant  est  trouvé  par 
l'abbé,  qui  le  confie  aux  soins  d'un  médecin;  celui-ci  demande  cent  be- 
sants  d*or  pour  le  soigner,  mais  il  doit  se  contenter  de  quatre-NÎngts. 
De  là  le  nom  donné  à  Tenfant  :  Cousîanî^  «  pour  cou  kHl  sanbloit  k'il 
coustoit  trop  au  garir,  «  L'enfant  guéri ^  Pabbé  le  met  à  l'école  où  il  fait 
des  progrès  étonnants.  Devenu  un  beau  garçon  de  quinze  ans,  il  tombe 
par  hasard  sous  les  yeux  de  l'empereur  qui  était  venu  voir  l'abbé.  Le 
monarque  apprend  Thistoire  de  Tenfant  trouvé,  et  le  demande  aux 
moines.  Ils  le  lui  accordent  volontiers;  alors  l'empereur  cherche  ua  nou- 
veau moyen  de  se  débarrasser  de  ce  îraand  qui  doit  épouser  sa  fille.  Il 
renvoie  à  son  châtelain  de  Byzance  avec  une  lettre  qui  enjoint  de  tuer 
sans  délai  le  porteur.  Or  la  lettre  tombe  entre  les  mains  de  la  princesse 
qui  s'épreîid  du  beau  jeune  homme  et,  le  voyant  endormi  de  lassitude, 
lui  enlève  ta  lettre,  à  laquelle  elle  en  substitue  une  autre  écrite  de  sa 
main  :  celle-ci  contenait  Tordre  au  châtelain  de  fiancer  le  nouvel  arrivé 
avec  la  fille  de  Tempereur,  ce  qui  eut  lieu  immédiatement.  Lorsque 
Muselin  arrive  après  la  noce,  il  reconnaît  que  contre  les  décrets  de  la 
providence  il  n'y  a  rien  à  faire.  A  sa  mort  lui  succède  sur  le  trône  son 
gendre  Coustant,  qui  eut  pour  fils  Coustantin  ;  mais  Byzance  se  nomma 
Coustantinople  «  pour  son  père  Coustant  qui  tant  cousta.  ?» 

Les  faits  essentiels  du  Dit  en  vers  de  l'empereur  Coustant  sont  idcn- 
tiques  à  ceux  de  la  nouvelle  en  prose  :  il  n*y  a  de  changé  que  les 
noms  des  personnages.  Florien,  empereur  païen  de  Grèce  et  de 
Byzance,  y  est  l'époux  de  la  fille  d'Auguste,  souverain  de  la  Romanie  et 
du  royaume  d^Italie  qui  porte  le  nom  de  Lombardie.  La  femme  de 
Florien  meun  en  couches,  lui  laissant  une  fille  nommée  Sébile  ou  Sebe- 
line  : 

77  Scbelinne  fut  apiellèe 

Et  Se  bille  m  droit  non  nommée. 

L'empereur  est  inconsolable.  Une  nuit,  tourmemé  par  ses  tristes 
pensées,  il  va  rôder  par  la  ville  avec  son  cambuknî.  Le  récit  qui  suit 
reproduit  toutes  les  circonstances  de  la  nouvelle  en  prose  :  gémissements 
d'une  femme  en  mal  d^enfant,  prière  contradictoire  du  mari  qui  est 
«  astronomiens  ))  ;  au  moment  où  l*enfant  vient  au  monde»  le  père  prédît 
à  son  ami,  qui  est  à  côté  de  lui,  ce  qui  attend  le  nouveau-né  :  il  sera 
empereur  de  Byzance  et  de  Rome  et  roi  de  Sicile,  et  épousera  la  fille  de 
Florien.  L'empereur,  qui  a  entendu  la  conversation,  fait  enlever  l'en- 
fant, etc.  ^  Quelques  détails  de  peu  d'importance  constituent  seuls  la 
différence  entre  la  version  en  prose  et  celle  en  vers  :  le  médecin  à  qui 


LE  Dît  de  l^empereur  coustant  175 

s'adresse  l'abbé  réclame  une  rémunération  de  200  besams  d'or  et  se 
contente  de  100,  ce  qui  explique  le  nom  donné  à  Tenfant  : 

2J5  Et  poor  CDU  qu'il  ot  coustè  tant 
Li  missent  il  à  non  Coustant. 

L'cn&nt,  venu  à  Byzance  avecTabbé,  est  reconnu  par  Tempereur  qui 
Tobticnt  à  force  de  prières  et  l'envoie  dans  un  «  casdel  n  à  son  a  prou- 
wn  n  avec  la  lettre  dont  nous  savons  le  contenu.  Coustant,  qui  arrive 
àl*heure  du  dîner,  s'endort  dans  un  «  vergiet  «,  où  vient  à  passer  Sebe- 
but.  Alors  a  lieu  la  substitution  de  la  lettre,  et  le  récit  se  termine  par  le 
mariage  de  Sebeline  et  de  Coustant,  que  l'empereur  est  forcé  d'accepter 
Cûotme  un  fait  accompli.  Deux  ans  plus  tard,  Florien  meurt  et  Coustant 
lui  succède  sur  le  trône.  Quant  à  Constantin,  fils  de  ce  dernier,  il  n'en 
est  pas  fait  mention. 

Les  rapports  précis  du  récit  en  prose  et  de  celui  en  vers  nous  sem- 
blent difficiles  à  déterminer.  Malgré  la  ressemblance  parfaite  de  leur 
comenu,  chacun  des  récits  le  développe  à  sa  façon,  ce  qui  n'exclut  pas 
leur  dépendance  réciproque.  On  y  trouve  des  traits  d'une  conformité 
presque  littérale  :  voy.  la  nouvelle  en  prose,  p.  50  :  «  Li  empcreres,  ki 
fil  sages,  lor  fist  molt  grant  joie  et  mist  les  II  mains  sour  lor  U  liesUs^  et 
les  i  tint  grant  pieche,  et  c'est  la  manière  de  la  beneiçon  as  paiîens  >»  ; 
dans  le  Dit  v.  $96  il  y  a  :  Et  se  mist  ses  mains  sour  lor  dés.  —  Sebeline 
admire  Coustant  «  ki  se  dormoit  et  estoit  vermaus  comme  rose  »  ;  elle 
dit  à  son  amie  :  v  Bielle  compagne^  a  ilichi  rice  trésor  !  a  (nouv.  en  prose, 
p.  Il):  dans  le  Dit  v»  ^42-?  :  «  A  grant  merveille  regardèrent  Sa 
Éiçon,  sa  coulour  rosine  »  ;  v.  549  :  u  E  Dieus,  com  très  rice  trésor!  »  eic. 
—  La  différence  de  nom  entre  Muselin  et  Florien  et  les  noms  nouveaux 
de  Sebeline  et  d'Augustus  soulèvent  la  question  de  savoir  lequel  des 
deux  conteurs  a  pu  modifier  le  texte  de  Pautre. 

2.  Récits  italiens.  —  La  légende  rapportée  par  Jacques  d'Acqui  et 
reproduite  dans  le  Dtttamondo  3l  pour  base  la  même  tradition  que  les 
textes  français  que  nous  venons  d'analyser,  mais  elle  a  dû  se  prêter  à 
un  rapprochement  avec  les  faits  historiques  qui  n^est  pas  des  plus 
adroits.  Dans  le  conte  original,  l'empereur,  désirant  déioumer  l'accom- 
plissement de  la  prophétie,  persécute  de  toutes  les  manières  son  gendre 
prédestiné,  et  le  charge  d'une  lettre  qui  contient  un  arrêt  de  mort;  à 
cette  lettre  en  est  substituée  une  autre,  et  ce  qui  devait  arriver  arrive  :  la 
fille  de  Tempereur  épouse  l'homme  que  déleste  son  père.  —  U  s'agissait 
de  concilier  cette  donnée  avec  les  faits  historiques.  L'histoire  a  connais- 
sance des  hostilités  de  Galère  et  de  Constantin,  fils  du  coempereur 
Constance  Chlore.  Dans  le  conte,  le  gendre  prédestiné  est  de  naissance 
obscure,  un  enfant  trouvé  :  Constantin  était  le  lils  illégitime  de  Constance 


174  *•    WESSELOFSKY 

et  de  sa  concubine  Hélène,  qui  ne  devint  que  par  la  suite  son  épouse 
légitime  '  ;  Torigine  princière  de  cette  dernière  appartient  à  une  légende 
postérieure  ;  celle  qui  concerne  sa  provenance  de  Trêves  est  déjà  répandue 
au  Dt*  siècle*  —  Dans  le  récit  de  Jacques  d'Acqui  Constantin  n'est 
d'abord  pas  reconnu  par  son  père.  —  On  voit  que  la  légende  et  Thistoire 
présentaient  certains  points  de  repère,  des  coïncidences  qui  ont  été  mises 
à  profit,  bien  que  d'une  manière  incomplète  :  Pinimitié  de  Galère  contre 
Constantin  n'est  pas  relevée  dans  le  récit  de  J,  d'Acqui,  et  il  y  manque  le 
motif  de  ceiteinîmitié  iraditionnelle  :  la  prophétie  du  mariage*  Néanmoins 
lorsque  vers  la  fin  du  récit  Constantin  épouse  la  fille  de  Galère,  je 
n'hésite  pas  à  reconnaître  dans  ce  fait  un  trait  de  la  légende  primitive. 
En  effet,  ce  mariage  n^est  pas  historique  ;  d^un  autre  côté  il  nous  est 
raconté  avec  des  détails  typiques,  dans  lesquels  on  ne  peut  s^empécher 
de  voir  l'altération  d*un  épisode  identique  du  conte  de  l'enfant  trouvé. 
Des  marchands,  frappés  de  la  ressemblance  de  Constantin  avec  l'empe- 
reur Constance,  mais  ne  se  doutant  pas  qu'il  est  réellement  son  fils, 
veulent  profiter  de  cette  ressemblance   :   ils  emmènent   l'enfant  chez 
Galère,  munis  d'une  lettre  soi-disant  de  Constance,  dans  laquelle  celui» 
ci  prie  Galère  de  fiancer  sa  fille  avec  celui  qui  est  censé  être  le  fils  de 
Constance*  Il  n^y  a  donc  point,  comme  dans  l'ancienne  légende,  une 
substitution  de  lettre,  mais  il  y  a  substitution  fictive  de  personne,  ce 
qui  amène,  comme  dans  le  conte,  un  heureux  dénouement.  Il  est  difficile 
de  se  représenter  ce  qui  a  pu  donner  lieu  à  cette  modification  ;  il  est  clair» 
en  tout  cas,  que  dès  que  des  personnages  nouveaux  —  les  marchanda 
—  ont  été  introduits  dans  le  conte  et  que  c'est  à  eux  qu'a  été  attribuée 
ridée  de  la  lettre  mensongère,  il  en  est  résulté  infailliblement  des  modi- 
fications subséquentes  :  le  fait  de  la  prophétie  et  des  pièges  tendus  par 
Pempereur  n^ont  point  trouvé  place  dans  la  nouvelle  transformation 
quasi-historique  du  récit  original. 
Voici  le  texte  de  Jacques  d'Acqui  *  : 

Stcut  scribîttir  în  cronica  Treverensi,  quidam  rex  fuit  habens  filiam,  nomtne 
Helenam  ;  et  mortua  matre,  stal  Helena  in  cura  suac  nutricjs.  Cul  puellae  in 
Visio  beat!  apostolt  Petrus  et  Paulus  appartierunt,  monentes  eam  quod  statim 
eu  m  sua  rmtrice  in  forma  peregrine  vadat  Romam,  quia  de  ea  Deus  disposutt 
suam  voluntatem.  Venit  Hélène  prcdicta  visio  secundo  et  tertio*  Tune  cum 
nutrice  sua  de  domo  recedît;  vadunt  Romam  ;  in  Roma  obviant  imperatori 
Constantio.  Helena  putcra  placet  sibi,  illam  cognovît  et  annulum  pro  jocale 


t .  Voy.  les  témoignages  de  Zosime,  d*Orose  et  de  saint  Jérôme  dans  Massmann, 
Katstrchfomk  ïll,  S^^ô-j;  Manso,  Ubm  Constûntins  d,  Grûssen,  ?•  appendice; 
Burckhardty  Du  Ztti  Consiantm  des  Grosscn^  p.  549,  note  2. 

2.  Chfomcon  ïmaginis  Mundi  (éd.  Gustave  Avogadro)  dans  tes  Hisiortûc 
patriat  Monumenta  cdua  jus  su  ngis  Cûroti  Alkrti.  Scriptorum  t.  II!  (Aug.  Tau- 
rin. 1848),  p.  1590»92. 


LE   DIT   DE    l'empereur   COUSTANT 


ns 


eidem  dedil,  in  quo  eral  figura  iniperaloris  cum  scnplura  tali  :  anullus  impera- 
toris  Constantii.  împerator  vero  ab  ea  recedens,  remansit  Helena  pueîla  gra- 
vida;  quae  se  vidcns  gravidam  fore,  habitai  in  Roma  mm  sua  nulrice.  Venit 
kmpus  partus  et  peperit  filium  masculum  in  figura  sîmiiitudinis  imperaloris 
Constanlii,  quem  ex  nomine  palris  Constantinum  dcnominavit.  Crevii  puer  et 
ad  scolas  Judaeorum  et  GrecoruTn  vadil.  Vadit  et  revertilur  et  semp«r  transit 
per  viam  qnorundam  mercatorum  de  Tuscia,  qui  videntes  puerum  pulcrumet  in 
similitudine  impeiatoris  Constanlii,  calide  cogitant  de  puero  isto  maximum 
îucrum  habere.  Tune  enim  erat  maxima  discordîa  de  tmperio  inter  Romanos  et 
Grccos.  Dicebat  enim  rex  Byzanlii  quod  monarchiam  tiabebat  lolius  orientis 
et  occidenlîs,  et  Romani  etiam  dicebant  habere  eamdam  monarchiam.  Isti  vero 
supradicti  mercatores  naves  multas  parantes,  cum  magno  honore  et  littens 
^Isis  bulla  romana  roboratis,  Bisantium  navigto  pervenerunt,  et  ad  imperato- 
ruDi  Bisanti  euntes  htteras  eidem  présentant  in  hec  verba  :  «  Valerio  Grecorum 
ei  Bisanlii  imperatori  ConstaotiusRomanorum  imperator  pacem  bonam.  Consi- 
derans  cursum  lemporis  et  etiam  dampnum  corporum  et  animarum  et  divinum 
judicium  futurom  super  delinquentes,  adeo  disposu»  tecum  pacem  habere  de 
discordia,  qui  est  inter  nos  propter  nomen  imperandi^  et  peto  quod  hec  pax 
firmelur  a  te  bono  animo  et  corde  perfecto,  ut  filiam  tua  m  conjungas  matrimo- 
ntaliter  cum  filb  meo  Constantino^  quem  ad  te  mitto  cum  fidelibus  meis  latori- 
bus  litterarum  presentibus.  Vale  semper  pacifiée-  »  Recepta  littera  imperatoris 
Constatitii  Romanorum  ab  imperatore  Valerio  Grecorum  gaudiu m  non  modicum 
factum  est  (et)  per  totam  Bizantium  civilatem  ;  et  de  concilio  procerum  civitatis 
et  imperii  statim  data  est  filia  imperatoris  Valerii  Constantino,  quem  credebant 
fiîium  imperatoris  Constantii  romani.  Omnia  sunt  para  ta.  In  recessu  dédit 
imperatrix  fi  lie  în  cingulo  lapides  prelîosos  insertos  immensi  valoris,  Naves 
omnes  ascenduot,  thesaurum  maximum  super  naves  ponunt,  Constantinum  cum 
sponsa  sua  deducunt;  versus  Romam  ostendunt  velle  navigare  et  viam  ordina- 
tores  facti  accipiunt  in  contrarium  :  quandam  insulam  vacuam  in  nocleascendunt, 
Constantinum  et  suam  sponsam  super  insulam  ponunt.  In  nocte  média  omnes 
ilïi  fecti  ordinatores  navem  ascendentes  pueros  vacuos  cum  aliquali  cibo  super 
insulam  in  lecto  dormîenîes  sub  uno  pukhro  papilionc  dimisserunt.  In  crastino 
enifn  quedam  navis  romana  inde  transtens^  Oeo  volente,  illos  ambo  de  insula 
éleva  vil,  scilicet  Constantinum  et  sponsam  suam,  et  illos  usque  Romam  dedu- 
xit.  Dum  autem  perveniunl  ad  urbem,  vadit  Constanlinus  cum  sua  sponsa  ad 
vicum  ubi  sua  mater  manebat,  et  malrem  et  nutricem  matris  tristes  et  vivas  (?) 
inveniens,  illis  sua  presentia  gaudium  renovavit,  Omnia  jam  predicla  Constan- 
linus narravit.  Ad  quem  mater  :  Ergo  hec  tua  socia  est  filia  imperatoris  Gre- 
corum.? Tune  dixit  Helena  sponsae  Constantini  :  Non  tristeris  fitia,  quia  non  es 
decepla  :  hic  enim  Constantmus,  maritus  tuus,  filius  meus  est  vere  imperaloris 
Constantii  romani,  et  ego  sum  filia  Flavii  régis  Alamanie  de  Treveris.,.  Hoc 
facto  puelIa,  uxor  Constantini»  dat  Hélène  soceri  sue  omnes  lapides  pretiosos, 
quos  in  cingulo  insertos  occulte  de  Grecia  porlatos  apud  se  habebat.  Quos 
(tatim  Hekna  vendidit  et  ex  eis  maximum  thesaurum  suscepîl.  Suscepto 
thesauro  vadit  stare  magnifice  in  opposito  palatii  in  Roma,  ubi  imperator  Cons- 
lantius  morabatur;  ibi  enim  Helena,  facîens  magnificenlias  suas,  tempore 
congruo  cum  filio  suo  Constantino  se  honorifice  presentavit  coram  Conslanlîo 
iropcratore,  et  quiquid  jam  dictum  est  Constantio  imperatori  apparuit,  osten- 


176  A.    WESSELOFSKY 

tiens  eldcm  anulîum  quem  âb  trnperalore  susccperat  quando  illam  primo  carna- 
litcr  cognovit,  Quis  imperator  exauditis  valde  est  gavisus,  et  cognila  veritatc 
de  matriniDnio  filii  suî  Constancîi  et  dite  tmperatoris  Greconim,  statim  pacem 
firmavit^  et  Helenam  matrem  Constantin)  în  uxorem  accipiens,  Constantinuni 
legîptimavit.  Qui  imperator  Constantius  antiquus  moriens,  filius  suus...  in 
imperium  succès  s  it,  et  in  Greciam  transiens,  regnum  Bizantii  dilatando  et 
m  uns  maximîs  decorando  Constantinopolîm  a  suo  nomine  dcnominavit^  que 
usque  hodie  sic  vocatur.  « 

La  rédaction  de  la  légende  de  Constantin,  telle  qu'elle  nous  a  été 
conservée  par  Jacques  d'Acqui,  était  connue  de  l'auteur  du  Dittamondo^ 
1.  II,  ch.  XL  Les  éditions  de  1474  et  de  Montï  présentent  dans  le  teicle 
des  altérations  qu'il  serait  facile  de  corriger  à  l'aide  de  la  chronique 
latine»  si  les  manuscrits  du  Dittamondo  n'offraient  une  leçon  satisfaisante. 
Voici  le  texte  de  Monti  : 

Cloelio  re  padre  di  Elena  fue^ 
La  quai  giovine  tnferma  a  Roma  venne, 
Divota  a  Cnsto  quanto  si  pu6  piue. 

Libéra  e  sana  quai  fu  mai  divenne, 
Onde  per  sua  beltà  Costanzo  allora 
Vago  dî  Ici  pi£j  di  seco  la  tenne. 

Un  anel  d'or  le  donô  in  sua  dimora, 
Che  più  non  voile,  c  poscia  un  fanciul  fecc 
Si  mile  al  padre  c  bellissimo  ancora. 

Costui  avendo  tre  anni  con  diece, 
I  i  Ptr  mar  andando^  fu  menato  a  un  rè, 
Che  allor  regnava  tra  le  genti  grece. 

Tanto  fu  data  a  mercadanti  fè, 
Che'l  rè  la  6glia  sua  gli  diede  a  sposa, 
Ma  qui  non  dico  il  modo,  ne  il  perché* 

16  Rubogti  poi  tornando  d'ogni  cosa^ 

17  E  soti  li  tascià  corn  piacqui  a  Dio; 
Rimase  lor  la  ricca  veste  ascosa. 

Tornando  a  me  Costanzo  il  signor  roio 
20  EUna  5 posa  impératrice  fco^ 

Poscia  che'l  ver  cou  l'ancUo  scoprio  * , 

Notons  que  chez  Fazio  degli  Uberti  le  beau-père  de  Constantin  est 
simplement  qualifié  de  «  rè  »  ;  il  le  distingue  de  Galère^  sur  lequel  il  ne 
dit  que  ce  peu  de  mots  : 

1.  h  donne  les  variantes  des  manuscrits  que  j^ai  consultés  :  Ms.  de  la  bibL 
nat  de  Paris,  Ital,  n"»  81 ,  f.  60  recto,  =  vers  1 1  :  Anganno  fu  per  mar  me* 
naîo  a  un  ri;  Ms,  de  Venise,  Marc.  cL  IX,  c.  XI  :  Angtgno  per  mare  fa  menato 
a  un  rh  Jacques  d  Acqui  :  calidc  cogilûtil.  —  Vv.  16- 17  :  ms.  de  Paris  :  Ru- 
bûrlï  poi,  tornando,  d  ogni  cosa  —  Latmrli  soli,  e  come  piacgue  a  Dio  ;  ms. 
Marc.  id.  —  V*  20:  ms  Par.  :  sposa  c'mpcratriccj  ms.  Marc;  sposa  e 
imperatice;  Jacques  d'Acqu)  :  Hclenam...  in  uxorem  accipiens. 


LE   DIT   DE    l'empereur  COUSTANT  I77 

Poco  Gaferio  mi  fu  buono  0  reo, 
E  per6  poco  di  lui  ti  ragiono 
Chè  'n  due  anni  dir  posso  che'l  perdeo. 

Poscia  Co$tan2o^  ch'  assai  mi  fu  buono, 
Pass6  in  poneniCf  e  delle  opère  sue 
Ancor  pensa ndo  contenta  ne  sono, 

iprès  quoi  vient  Pépisodc  sus-raentionné.  —  Je  serais  porté  à  supposer 
qoe  Fado  degli  Uberti  avait  sous  les  yeux  un  texte  de  la  légende 
senbLable  au  récit  de  Jacques  d'Acqui  ;  la  dlstinaion  de  Galère  et  du 
souveran  anonyme,  beau-père  de  Constantin,  serait  son  œuvre  person- 
nelle :  une  concession  de  plus  à  la  vérité  historique. 

I .  Lipndt  serbe  « .  —  Selon  la  légende  serbe  Constantinople  n'aurait 
pQS  été  bâtie  de  main  d'homme,  elle  aurait  apparu  d'elle-même.  Un 
empereur,  qui  a  trouvé  à  la  chasse  une  tête  de  mon,  fait  marcher  son 
cheval  dessus.  Alors  la  tète  lui  dit  :  «  Pourquoi  me  foules-tu  ^  je  puis 
encore  te  nuire  quoique  morte.  »  L'empereur  descendit  de  cheval  et 
emporta  le  crâne  chez  lui;  il  le  brûla  et  réduisit  en  poudre  les  restes, 
qu'il  enveloppa  dans  un  papier  et  serra  dans  un  coffre*  Là-dessus  il  se 
mh  en  voyage.  Sa  fille,  déjà  adulte,  prit  les  clefs  du  coffre,  l'ouvrit, 
trouva  le  papier,  mouilla  son  doigt  sur  sa  langue,  le  trempa  dans  la 
poudre,  le  lécha  et  remit  le  papier  après  l'avoir  soigneusement  replié.  Là- 
dessus  elle  devint  enceinte,  et  le  souverain  reconnut  que  la  faute  en  était 
à  il  tète  de  mort.  Quoique  encore  vierge,  elle  mit  au  monde  un  garçon. 
Or  il  arriva  qu'un  jour  l'empereur  prit  dans  ses  bras  le  petit  enfant,  qui 
lui  saisit  la  barbe.  Curieux  de  savoir  si  l'enfant  avait  fait  cela  exprès  ou 
par  ignorance,  l'empereur  fit  remplir  un  bassin  de  charbons  ardents,  et 
on  autre  de  ducats.  L'enfant  porta  aussitôt  la  main  sur  l'or  ».  Alors  le 
monarque  craignit  que  la  menace  de  la  tète  ne  s'accomplît-  Lorsque  le 
garçon  fut  devenu  jeune  homme,  Tempereur  l'envoya  dans  le  vaste 
monde  :  «  Tu  ne  te  reposeras,  r>  lui  dit-il,  a  qu'à  un  endroit  où  tu  trou- 
veras deux  maux  aux  prises  l'un  avec  l'autre.  »  Le  jeune  homme  erra 
par  le  monde  et  arriva  sur  l'emplacement  de  Constantinople,  où  il  trouva 
une  épine  autour  de  laquelle  s'enroulait  un  serpent^  de  sorte  qu'ils  se 
piquaient  l'un  l'autre.  «  Voilà  mes  deux  maux,  »  s'écria  le  jeune  homme, 
et  b-dessus  il  s'éloigna  de  l'arbuste  en  faisant  un  circuit  ;  puis,  quand  il 
eut  marché  quelque  temps,  il  fit  halte  en  vue  de  l'épine  et  se  dit  : 
m  Voilà  où  il  faut  que  je  m'arrête.  »  A  ces  mots  il  se  retourna  pour 


I.  Karadzi^,  Dicttonnain  de  la  langue  urbt^  2«  éd,  s.  v.  Csrigrad:  Hortna^rri 
Àrchif  JttT  Geschichu,  Siatutik^  Uurattir  und  Kunst.  Wien,  182^,  16*  année^ 
ft.  100.  p.  66^,  dans  Massmann,  Katsercronik  lU,  p.  870-K 

I.  Mis&mann  rappelle  à  cette  occasion  le  récit  biblique  de  Tépreuve  de  Moîse 
(sfam. 


kùmamat  Yl 


12 


178  A.    WESSELOFSKY 

regarder  en  arrière,  ei  il  vit  que,  depuis  I*arbuste  jusqu'à  l'endroit  où  il 
était  arrivé,  une  muraille  s'était  élevée  sur  ses  pas;  sll  n'avait  pas  pro- 
noncé ces  paroles  en  s'arrêiant,  le  mur  serait  arrivé  jusqu'à  l^épine. 
Le  peuple  ajoute  qu'à  Constaïitinople  l'espace  que  le  jeune  homme  avait 
encore  à  franchir  pour  revenir  à  Farbuste  est  resté  sans  muraille.  Plus 
tard  le  îeune  homme  devient  empereur  de  Consiaminople  après  avoir 
détrôné  son  aïeul. 

Que  dans  le  jeune  homme  de  la  légende  serbe  il  faille  sûrement  voir 
Constantin^  c'est  ce  dont  témoignent  les  rapports  qu'on  établit  entre  lui 
et  la  fondation  de  Constanttnople.  —  Nous  lâcherons  de  déterminer  les 
rapports  qu'il  y  a  entre  cette  légende  et  le  Dit  de  Constantin,  tel  qu'il 
s'est  conservé  dans  les  versions  françaises. 

Sous  l'impression  de  la  prophétie,  l'empereur  veut  détourner  le  ma- 
riage de  sa  fille,  qui  néanmoins  s'accomplit.  Dans  les  contes  populaires 
que  nous  reproduisons  plus  loin  pour  servir  de  terme  de  comparaison 
avec  les  légendes  françaises,  le  jeune  homme,  persécuté  par  le  père  de 
l'épouse  qui  lui  est  prédestinée,  se  marie  malgré  tous  les  obstacles,  et 
ordinairement  le  persécuteur  succombe.  Ce  traît  s'est  conservé  dans  la 
légende  serbe  :  le  vieil  empereur  est  forcé  de  céder  son  pouvoir  à  un 
personnage  qu'il  a  persécuté  et  qu'il  exile.  Si  ce  personnage  n'est 
pas  son  gendre  mais  son  petit-fils,  cette  modification  pourrait  s'expli- 
quer, comme  en  général  toutes  les  différences  de  la  légende  serbe 
d'avec  le  conte  de  Constantin,  par  l'introduction  d'un  nouvel  élément 
épique  :  la  naissance  miraculeuse  du  héros  prédestiné.  Des  contes  et  des 
mythes  antiques  nous  parlent  de  femmes  fécondées  par  un  fruit  qu*elles 
ont  mangé,  par  3e  l'eau  dans  laquelle  on  a  trempé  une  fleur  magique,  etc.  ; 
dans  la  tradition  serbe  le  même  r51e  est  dévolu  à  la  poudre  de  la  tête 
de  mort.  Celle-ci  y  remplit  deux  fonctions  :  c'est  d'elle  qu'émane  la  pré- 
diction ',  c'est  elle  aussi  qui  joue  le  rôle  du  gendre  fatal  de  la  légende 
de  Constantin,  ou  plutôt  elle  le  partage  avec  l'homme  né  de  sa  cendre, 
c'est-à-dire,  avec  ïe  petit-fils  de  l'empereur. 

Mais  il  est  peut-être  plus  aisé  d'exptîquer  les  rapports  qui  existent 
entre  la  légende  serbe  et  les  récits  français  de  Constantin,  non  pas  par 
l'adjonction  d'un  épisode  accessoire,  mais  par  la  simple  substitu- 
tion d'un  récit  à  un  autre,  avec  conservation  des  mêmes  protago- 


I 


^.  Le  crâne  prophétiaue  rappelle  moins  le  récit  du  chroniqueur  russe  (la  mort 
d*Olcg)  et  de  VOrvaroJits-saga,  que  l'épisode  suivant  de  la  byiine  de  Vassili 
Bouslaéviich  :  Au  haut  d*une  montaçne  Vassili  rencontre  un  crâne  humain 
desséché  ;  tl  le  pousse  du  pied  pour  I  écarter.  Alors  la  tète  de  mort  lui  dit  : 
«  Sache  que  j'ai  été  le  crâne  d'un  chrétien,  *  et  elle  lui  prédit  qu'un  jour  lui 
aussi  sera  foulé  aux  pieds  et  roulera  comme  elle.  La  prophétie  s'accomplit  : 
Vassilî,  voulant  sauter  par  dessus  une  pierre,  tombe  et  se  lue  sur  place. 
Voy.  aussi  le  crâoe  prophétisant  dans  la  légende  de  saint  Macaire. 


LE    DIT   DE    l'empereur   COUSTAKT  179 

éÊKU  Lldéc  dommamc  de  la  légende  de  Constantin  Tenfant  trouvé, 
t'ai  cdk  de  la  faulilé,  de  h  nécessité  du  destin;  la  même  idée  a 
imat  Heu  à  plusieurs  autres  récits  épiques,  formant  un  cycle  particu- 
Bir.  Par  analogie  un  rédt  de  ce  genre  se  serait  substitué  à  celui  que  la 
tEidhîoft  rattachait  ordinairement  au  nom  de  Constantin.  C*est  ainsi  que 
X  ttraii  formée  la  légende  serbe,  qui  a  un  pendant  dans  la  nouvelle 
HDvinte  du  Tutinameh  turc  ', 

Dans  l*Yeraen  vivait  un  marchand  du  nom  de  Djev^^ehr-Schinâs,  qui 
iviil  une  fiile  unique.  Se  promenant  une  fois  dans  les  champs,  îl  heurta 
pr  hasard  du  pied  un  crâne  humain,  sur  lequel  se  trouvaient  ces  mots  : 
•  Quand  cette  tête  était  encore  vivante,  elle  a  causé  la  mort  de  quatre- 
îïDgts  hommes,  et  longtemps  après  son  trépas  elle  doit  encore  faire  périr 
<ju«re-vingts  hommes.  »  Djewehr-Schinâs  emporte  le  crâne  à  !a  maison, 
le  pile  et  en  serre  les  restes  dans  une  cassette  qu'il  cache  dans  un  coffre, 
—  En  l'absence  de  Djewehr'Schînâs,  sa  fille  en  agit  avec  la  poudre  du 
crâne  exactement  comme  la  princesse  de  la  légende  serbe,  et  devient 
aussi  enceinte.  On  donne  à  son  fils  le  nom  d*lbn-el-Ghaib,  le  fils  du 
fflystére.  Celui-ci  étonne  par  les  manifestations  précoces  de  sa  sagesse, 
t&Bl  autant  que  l'enfant  merveilleux  de  la  légende  serbe. 

La  coniinuation  de  la  nouvelle  du  Tuûnameh  diffère  de  la  légende  ;  si, 
ir6anmoin$,  j^appelle  Paiteniion  sur  cenains  détails  du  récit  turc,  c^est  â 
cause  de  quelques  points  de  vue  généraux  qui  en  dérivent. 

Quelque  temps  s'écoule  et  il  arrive  dans  l'Yemen  des  marchands  de 
pierres  précieuses;  Djewehr-Schinâs  en  achète  quelques-unes;  mais  le 
I  sage  Ibn-el-Ghaib  en  prend  aussitôt  deux  qu'il  met  de  côté»  les  recon- 
naissant comme  fausses.  Djewehr-Schinâs,  qui  s'en  rapporte  à  Tenfam 
m  100$  points,  rend  aussitôt  les  pierres  aux  marchands,  qui  ne  savaient 
1»  cux-mèroes  que  parmi  leurs  pierres  précieuses  il  y  en  eût  de  fausses; 
[  convaincus  que  l'enfant  a  raison,  ils  supplient  Djewehr-Schinâs 
-de  le  leur  céder,  lui  promettant  en  retour  tout  ce  qu'il  exigera,  D*abord 
le  vidlard  ne  s*y  prête  pas,  mais  le  garçon  le  prie  lui-même  de  lui  per- 
seore  de  se  joindre  aux  marchands.  »  Je  serai  leur  compagnon  de 
fijage,  •  lui  dit-il;  «  je  verrai  le  monde.  Si  tu  as  connaissance  de  mon 
irigne  nystériettse,  les  autres,  qui  l'ignorent,  me  percent  de  leurs  rail* 
'  *  i  d  me  traitent  de  fils  sans  père.  Laisse-moi  partir,  nous  serons 
dempts  des  plaisanteries,  des  railleries,  a  Le  garçon  pan  avec  les 
i  pour  le  Semàk,  leur  patrie,  où  il  dévoile  l'infidélité  de  la 
\  da  fisir  Kâmbin, 


MHci,  nlers.  t.  G.  Rosen,  II,  p.  8^  sqq.  :  Gtsckicke  won  dtm  Schidtl 
\  MÈlztg  MtMstkm  dos  Ukn  ralonn.  —  Wickcrhaoïer^  Du  Ptfftf- 
p.  2o6  sqq.  :  £^r  TodttnuhâdtL 


|80  A.    WESSELOFSKY 

Ce  récit  est  le  remaniement  d'un  conte  analogue  qu'on  trouve  dans 
le  Tuiinameh  persan  et  dans  la  }■'  nuit  du  Çukasaptati  indien.  Benfey  a 
indiqué  le$  rapports  qui  existent  entre  celui-ci  et  un  épisode  du  roman  de 
Merlin  ^  :  le  devin  Pushpahasa,  qui  sait  ce  que  valent  les  protestations 
d'innocence  d'une  femme  infidèle,  éclate  de  rire  en  les  entendant;  c'est 
comme  Merlin  qui,  dans  une  situation  identique,  explique  son  rire 
étrange  précisément  de  la  même  manière.  Si,  comme  le  pense  Ben- 
fey*, la  version  turque  a  considérablement  altéré  le  canevas  primitif 
du  Çukasaptaîtt  j'indiquerai,  de  mon  c6té,  un  trait  qui  unit  plus  intime- 
ment cette  version  à  la  légende  de  Merlin  :  Ibn-el-Ghaib  et  Merlin  sont 
nés  Tun  et  l'autre  dans  des  circonstances  extraordinaires,  comme  le 
jeune  homme  de  la  légende  serbe  :  ils  n'ont  pas  de  père  reconnu  ;  ces 
trois  enfants  sont  des  devins^  comme  l'£ractes  du  roman  de  Gautier 
d'Arras. 

Eracles,  dans  la  première  partie  du  roman,  offre  encore  une  analogie 
remarquable  avec  Ibn-el-Ghaib,  Il  vient  aussi  au  monde  au  milieu  de 
circonstances  mystérieuses,  dont  le  récit  en  style  pieusement  chaste  aura 
remplacé  les  détails  plus  primitifs  et  plus  crus  du  conte.  De  même  que 
Ibn-el-Gaib  prie  son  grand-père  de  le  céder  aux  marchands,  Eracles 
s'adresse  à  sa  mère,  la  priant  de  le  vendre.  Tous  deux  ont  le  don  de 
divination  et  le  manifestent  de  la  même  manière  :  tous  deux  se  connais- 
sent en  pierres  précieuses  et  en  femmes  ;  en  outre  Eracles  possède  encore 
le  don  d'apprécier  les  chevaux.  En  choisissant  une  épouse  pour  |-empe- 
reur,  il  démêle  aussi  les  pensées  intimes  de  la  femme  à  travers  le  voile 
de  son  extérieur,  et  il  se  met  à  rire,  tout  comme  Merlin  et  Pu&hpa- 

hasa  : 

Eracles  fait  une  risée 
De  çoti  k'îl  a  pensé  tel  rage, 
K'il  voit  bien  leus  tout  son  corage  (v.  2262  ss.)  ; 

Eracles  en  prent  à  sousrire  (v.  2287)  j 

c*esl  encore  lui  qui  dénonce  à  son  époux  Tinfidélité  de  l'impératrice  Ata- 
nais, 

l!  serait  difficile  de  douter  de  l'origine  byzantine  de  ce  roman  ;  les 
légendes  grecques  du. a  sage  vieillard  »,  nouvellement  publiées  ^  accrois- 


1.  Oriittt  tmd  Otcidtni  I,  2,  p.  ^44  sqq.;  voy*  ibid.  la  notice  de  Lîebrecht, 
p.  341  sqq. 

2.  U  c  p.  34J. 

}.V  Gidel,  HistoiH  de  Ptocholion,  dans  Tânnuaire  de  rAssociatron  pour 
rencouragemcnt  des  études  grecques  en  France,  6«  année  (1872)  :  Mémoires  et 
Notices,  p.  55  sqq.  —  Legrand,  dans  la  Cûîkcfton  da  monuments  pour  servir  à 
l'àudc  de  (a  tangue  nh-heUèniqûi,  \^  série,  n*  19;  id.  ibid.,  nouvelle  série, 
n*  I  :  Recueil  des  chansons  populaires  grecques  :  Histoire  du  sage  vieiilard^ 
p*  2J7  sqq.  —  Wagner,  Carmtna  greca  medii  aevi^  p,  277-J03,  —  Voy.  aussi 


LE    OIT   DE    l'empereur   COUSTANT  i8i 

kiem  encore  la  probabilité  de  celte  hypothèse.  Il  convient  peul-èlrc  de 

[ "rechercher  une  source  pareille  pourja  légende  serbe  sur  b  fondation  de 

I  Consuntinople  et  pour  le  cycle  plus  étendu  où  elle  s'est  introduite  d'une 

t  façon  particulière  :  le  cycle  de  Constantin  renfani  trouvé.  Au-delà  de 

Porigmal  byzantin  se  présentent  des  légendes  orientales  qui  engagent  à 

poumiivre  plus  loin  les  éludes  comparatives.   Le  paragraphe  suivant 

a  donnera  un  premier  échantillon. 


IL 


Us  légendes  de  Constantin,  ou  plutôt  les  ramifications  d'une  seule 
iéf/ssiàty  dont  nous  venons  de  donner  l'analyse,  rentrent  dans  le  cycle 
de  ces  récits  fatalistes,  dont  le  rameau  le  plus  connu  est  la  légende  ira- 
Lgkjoede  Judas  ».  On  y  voit  partout  cette  idée  fondamentale  que  nul  ne 
ait  échapper  à  son  sort.  A  un  enfant  né  dans  une  hutte,  de  parents 
obscurs  {â  quoi  la  légende  serb^  substitue  la  donnée  d'une  naissance 
B)*5iérieuse,  et  la  chronique  latine  celle  d'une  naissance  illégitime),  un 
venir  brillant  est  réservé  :  il  deviendra  riche  et  aura  une  riche  épouse  : 
iJ  deviendra  même  empereur,  souvent  au  préjudice  d'autres,  qui  mettent 
tout  en  œuvre  pour  empêcher  le  son  de  se  réaliser  :  l'enfant  ou  le  jeune 
homme  est  persécuté,  voué  plusieurs  fois  à  la  mort,  mais  il  échappe 
ujours;  et  comme  tout  doit  lui  réussir,  ses  adversaires  ou  lui  cèdent 
*^oa  disparaissent  par  la  mort^.  De  même  que  dans  le  récit  serbe  c'est 
Constantin  qui  détrône  son  grand-père ,  de  même  dans  un  conte  alba- 
nais il  est  prédit  à  un  roi  qu'un  de  ses  petits-fils  le  tuera.  Alors  le  sou- 
verain fait  jeter  à  fa  mer  et  noyer  tous  les  enfants  mâles  que  mettent  au 
monde  ses  deux  filles.  Mais  le  troisième  garçon  qui  avait  été  jeté  à  la 


D'Ancona,  Le  Fonti  dtlNonïïmo  (Romama,  L  III ,  p.  164-p,  notes  à  la  î*  nou- 
velle. 

1.  Voy  A.  D'Ancona,  La  Uggenda  di  Vtrgogna.,.  t  la  kggtnda  di  Giuda 
[Suita  Ji  cariosiîâ  Utkrarlc  n**  î9)  p.  86  sqq. 

2,  Nous  avons  k  pendant  de  la  légende  de  répoux  prédestiné  dans  celle  de 
la  fiancée  du  destin.  Elle  se  retrouve  dans  la  version  en  prose  ( pobjvâisUhinâ) 
de  la  bytine  de  Sviatogor  (Rybnicof,  1 ,  n*  8,  note  aux  pp.  59-41  ).  —  Sviatogor 
rencontre  un  forgeron  battant  deux  cheveux  fins  sur  une  enclume.  *  QuVst*cc 
atic  tu  forges  îi?  »  lui  demande  le  bogatyr.  «  Je  forge  le  sort  des  époux  pré- 
(wstiDés  l'un  à  l'autre.  »  Sviatogor  est  curieux  de  savoir  quelle  femme  lui 
écherra,  et  le  forgi^ron  lui  fait  savoir  que  sa  future  habite  la  capitale  d'un 
royaume  au  bord  de  la  mer,  et  qu'if  y  a  déjà  trente  ans  g u 'elle  y  gît  dans  la 
pourriture.  Sviatoeor  part  pour  la  tuer  :  suivant  les  indications  données  il 
trouve  une  fille  quil  frappe  de  son  épée;  puis  il  s'éloigne.  Mais  le  coups  d'èpée 
c'avait  Uïi  que  fendre  une  croûte  semblable  à  de  fécorce  de  sapin,  qui  recoti- 
V-   *  '  5  de  la  jeune  fille,  et  elle  en  sort  éblouissante  de  beauté.  Le  bruit 

Sviatogor  l'ayant  épousée  sans  la  reconnaître,  lui  demande  quelle 
cii  .1  ^jLdifiCc  qu'elle  a  sur  le  sein;  il  apprend  ce  qui  en  est  et  torce  lui  est 
d'avouer  qu'il  n'y  a  pas  moyen  d^échapper  â  son  sort. 


|82  A.    WESSELOFSKÏ 

mer  n'est  pas  noyé,  les  flots  Payant  rejeté  sur  la  plage  où  le  trouvent 
des  bergers  qtii  l'élèveni.  Devenu  un  vigoureux  jeune  homme,  il  délivre 
la  fille  de  Tempereur  d'un  monstre  auquel  elle  était  exposée,  et  îl  obtient 
sa  main  en  récompense  ;  mais  pendant  la  noce  il  tue  par  mégarde  son 
aïeul,  dont  il  devient  le  successeurs 

Les  contes  dont  je  donne  plus  loin  l*ana!yse  ont  plus  d'affinité  avec 
le  dît  de  Constantin.  Je  ferai  observer  préalablement  qu'ils  contiennent 
tous  en  commun  fa  donnée  de  la  lettre,  sous  la  forme  qu'elle  a  revêtue 
dans  la  nouvelle  française,  «  la  lettre  d^Urie*  i>  Le  récit  serbe  n'en  fait 
pas  mention;  ne  s^y  serait-elle  pas  e^acée  ?Chez  J.  d*Acqui  nous  Pavons 
vue  jouer  un  rôle  important  ;  il  est  vrai  que  l'emploi  qu'on  en  fait  est 
autre,  mais  les  contes  suivants  font  naître  la  conviction  que  c'est  là  une 
modification  ultérieure  et  que  la  «  lettre  d'Urie  )>  est  la  conception  la 
plus  ancienne. 

Dans  un  conte  sicilien  ',  un  roi  s'égare  à  la  chasse  par  un  orage  mêlé 
d'une  piuie  torrentielle;  il  passe  la  nuit  dans  une  maison  isolée  et  y 
entend  le  vieux  propriétaire  s'entretenir  avec  les  étoiles.  Interrogé  par 
le  roi|  le  vieillard  lui  apprend  ce  que  les  astres  lui  ont  révélé  :  sa  femme 
a  mis  au  monde  un  garçon,  et  la  reine  une  fille,  et  ce  fils  épousera  la 
fille  du  roi*  Rentré  à  la  maison ,  le  roi  constate  que  la  première  partie 
de  la  prédiction  s'est  accomplie  ;  alors  il  se  fait  apporter  tous  les  garçons 
nés  le  même  jour  que  sa  fille.  On  lui  en  apporte  un  seul  qui,  sur  son 
ordre,  doit  être  tué,  et  dont  la  langue  doit  lui  être  présentée  comme 
preuve  de  cette  mort;  mais  les  serviteurs  ont  pitié  de  l'enfant,  qu'ils 
exposent  dans  la  forêt,  tout  en  montrant  à  leur  maître  la  langue  d*un 
chien  et  la  chemise  de  Tenfant  tachée  de  sang  de  chien.  Sur  ces  entre- 
faites le  petit  est  trouvé  par  un  marchand  ismaélite  nommé  Giuraentu, 
qui  l'adopte.  Devenu  un  grand  jeune  homme,  il  va  commercer  en  Espa- 
gne, où  la  fille  du  roi  s'éprend  de  lui,  Questionné  par  le  roi,  il  lui  répond 
qu'il  est  le  fils  de  Giumentu  et  qu*il  épouserait  volontiers  la  princesse,  si 
ses  parents  le  lui  permettaient*  «  Retourne  donc  chez  toi  et  reviens 
directement,  »  lui  dit  le  roi.  Le  jeune  homme  se  met  en  route,  mais  ses 
parents  adoptifs  lui  interdisent  leur  maison  dès  qu'ils  apprennent  son 
plan  de  mariage;  à  cette  occasion  il  apprend  pour  la  première  fois  son 
histoire  et  comme  quoi  il  n'a  ni  père  ni  mère«  Il  s'éloigne  inconsolable, 
et  voilà  que  dans  une  forêt  silencieuse,  pendant  qu'il  est  assis  sous  un 
arbre,  se  lamentant  sur  la  rigueur  du  son,  lui  apparaît  un  vieillard  qui 
se  donne  pour  son  père,  Pemmène  en  Espagne  sur  son  cheval  et  le  con- 


K  Hahn,  Grkckischc  and  albammchc  Màrcktn,  II,  98  :  Paseus. 
î.  Pitré^  Fiabe,  novtlU,  raaonlt  td  altrc  tradiziom  popolan  siciliam  t.  II,  n"  C 
Lu  mtnanti  smaUiîu  Cmmtntu. 


LE   DIT   DE    l'empereur   COUSTANT  fSj 

duît  au  palais  du  roi,  à  qui  il  se  fait  reconnaître  :  (t  Je  suis,  lui  dii-il^ 
celui  qui  t^a^  dans  le  temps>  prédit  l'avenir  de  ta  fille,  j»  Le  roi  veut  le 
cbasser,  mais  le  vieillard  lui  apparaît  sous  des  traits  imposants  :  c'est  un 
empereur  qui  parfois  erre  dans  le  monde,  lisant  Pavenir  dans  les  astres* 
Alors  le  roi|  n'ayant  plus  rien  à  objecter,  fiance  sa  fille  au  fils  de  l'enipe- 
rcur. 

Rédigée  de  la  sorte,  cette  légende  se  montre  défigurée  sous  plusieurs 
rapports  :  il  y  manque  la  lettre  classique  d'Urie,  laquelle  s*est  préservée 
dans  le  livre  populaire  italien  de  Flonndo  t  Chiarastella  ' .  Je  connais  ce 
fifre  par  l'extrait  de  Teza  *,  Galisse»  roi  d'Espagne,  rencontre  à  Rome 
BB  villageois  qui  lit  dans  les  étoiles  l'avenir  de  son  fils  :  Penfant  portera 
1EII  jour  la  couronne  d'Espagne.  Le  roi  fait  enlever  renfant  Florindo  et, 
aoyam  l'avoir  mis  à  mort,  il  l'abandonne  dans  une  forêt.  Florindo  est 
recueilli  et  élevé  par  Tosco  ;  quand  on  lui  apprend  qu*on  ne  sait  pas  de 
qoi  il  est  le  fils,  il  va  au  loin  errer  dans  le  monde,  à  la  recherche  de  son 
père,  et  arrive  à  Saragosse  où,  dans  un  jardin,  il  voit  Chiarastella^  la 
fille  du  roi;  celle-ci  le  prend  à  son  service  en  qualité  d'écuyer.  Galisse 
prend  du  goût  pour  lui  et  veut  l'avoir  à  sa  cour,  tandis  que  Chiarastella 
c$t  invitée  à  aller  faire  une  visite  au  frère  de  Galisse,  le  roi  du  Portugal. 
Florindo,  qui  en  est  chagriné,  déplore  son  malheureux  sort;  le  roi  ayant 
reconnu  le  jeune  homme  et  craignant  raccomplissement  delà  prédiction, 
renvoie  chez  son  frère  avec  une  lettre  où  il  recommande  de  tuer  le  por- 
teiu*.  Arrivé  en  Portugal,  Flonndo  y  retrouve  sa  bien-aimée,  qui,  se 
doutant  de  la  trahison,  se  fait  montrer  la  lettre,  à  laquelle  elle  en  substitue 
une  autre,  où  elle  écrit  l'ordre  de  la  fiancer  au  jeune  homme.  Vient  le 
jour  de  la  noce  et  en  même  temps  l'annonce  de  la  mon  de  Galisse^  après 
quoi  Chiarastella  et  Florindo  entrent  en  possession  du  trône  d'Espagne. 

Passons  maintenant  â\ix  métamorphoses  que  notre  légende  a  subies 
chez  d'autres  peuples,  et  voyons  d'abord  la  version  allemande  î  :  Une 


I*  Histona  de  Florindo  et  Chiaraudla.  Venelia,  Giov.  Andr.  Valvassore  detto 
Guadaçnmo,  iS^U  in -4^.  V,  Passano,  /  Novdlari  iutiam  in  verso,  pp.  ^7-59, 
et  Pitre  1,  c,  note  au  n"  C,  qui  renvoie  3tn  n°  VI  de  la  collection  de  De  Gu- 
beniatiî  (Novellinc  di  S.  Stefano  :  ii  rè  di  Spûgna),  qu'à  mon  grand  regret  je 
n*jï  pu  consulter.  Voy.  Vittorio  imbndim,  La noveUaj a  ponntina  {Llvorm^  Vigo, 
1^77^  n*  XXXI V  ;  twrindo  c  Chura  Stella,  Les  héros  du  conte  florentin  portant 
les  Boms  de  Florindo  et  Chiarastella,  j'en  conclus  que  nous  n*avons  iâ  qu*un 
nfaamento  du  livre  populaire.  [Il  en  est  de  même  du  conte  recueilli  par  M,  de 
Goberoatis;  il  n'est  donc  pas  h  regretter  que  notre  savant  collaborateur  ne  Tait 
pss  connu.  —  G.  P  J 

2.  E.  Teza,  i  m  capelli  del  nonno  Saîutto  p.  ^9-40.  Voy.  aussi  A.  Wcfacr, 
Utkf  tme  Episode  im  Mimini'Bhardta,  dans  les  Monaisberichte  d.  kœn.  preuss. 
Acad   d.  Wtss.  1869,  p.  580-^81  (d'après  une  communication  de  R.  Kœhler). 

:.  Gebr,  Grimm,  iùnder  tind  Hmsmarchtn  L  n*»  29  :  Dtr  Ttukl  mit  dcn  drei 
pHdum  Haaren.  —  Cf.  Bœhle,  Mânhm  fur  du  Jagend  n*^  8  ;  Meier,  Deutsche 
yotksmirchin  aus  Schwûben  a«  79. 


184  A.    WESSELOFSKÏ 

pauvre  femme  avait  mis  au  monde  un  ^Is,  auquel  il  fut  prédit  que  dans 
sa  quatorzième  année  il  épouserait  la  fille  du  roi;  le  monarque,  ayant  eu 
connaissance  de  la  prophétie,  en  ressentit  un  vif  déplaisir;  il  se  rendit 
chez  les  parents  de  IVnfant  et,  feignant  de  la  cordialité  :  «  Bonnes  gens, 
leur  dii-il,  vous  êtes  bien  pauvres,  et  votre  enfant  doit  vous  être  â 
charge;  confiez-le-moi,  j'en  prendrai  soin.  »  Après  bien  des  hésitations 
les  parents  s'entendirent  avec  le  souverain,  et  lui  livrèrent  Tenfani 
moyennant  une  forte  somme  d'argent.  Alors  le  roi  mit  le  petit  dans  une 
caisse  et  le  jeta  dans  une  eau  profonde  ;  mais  la  caisse  ne  coula  pas  à 
fond,  elle  fut  portée  jusqu'à  un  moulin,  à  deux  lieues  de  la  capitale,  et 
repêchée  par  le  meunier  qui  recueillît  Penfani  et  Padopta.  Un  jour,  par 
un  temps  d'orage,  le  roi  s*était  abrité  dans  le  moulin.  En  voyant  l'enfant 
il  demanda  au  meunier  si  cMtait  son  fils  ;  puis  quand  il  découvrit  que 
c'était  l'enfant  fatal,  il  chercha  un  nouveau  moyen  de  le  faire  périr  :  il 
pria  le  meunier  de  lui  permettre  d'envoyer  le  fils  adoptifporter  une  lettre 
à  la  reine.  Cette  lettre  était  conçue  en  ces  termes  :  «  Dès  que  ce  garçon 
sera  arrivé,  qu'il  soit  immédiatement  tué  et  enterré.  »  L'enfant  se  mît 
en  roule  et  le  soir  il  descendit  dans  une  maison  de  brigands;  là,  pendant 
son  sommeil,  les  brigands  bi  prirent  la  lettre;  l'ayant  tue,  ils  eurent  pitié 
du  jeune  garçon.  Suit  la  substitution  d'une  lettre  avec  le  contenu  que 
nous  savons;  l'enfant  trouvé  épouse  la  princesse,  et  le  roi  arrive  trop 
tard  pour  prévenir  le  mariage.  ^M 

Le  conte  norvégien  '  dans  Asbjœrnsen  offre  beaucoup  de  conformité  ^\ 
avec  le  conte  allemand  :  l'enfant  trouvé  y  est  fils  d'un  meunier;  les 
astrologues  prédisent  qu'il  épousera  la  fille  du  riche  Pcer  Krœmmer. 
D'abord  il  est  jeté  à  la  rivière  dans  une  caisse,  puis  on  l'envoie  à  la  mon 
avec  une  lettre  perfide,  à  taquelîe  des  brigands  touchés  de  pitié  en 
substituent  une  autre. 

Dans  une  légende  danoise  dans  Grundtvig*,  le  nom  du  riche  est 
Ribber-Krœmmer  :  il  demande  à  de  pauvres  gens  un  abri  pour  la  nuit; 
mais  il  n'y  a  pas  de  place  dans  leur  cabane  parce  que  l*h6tesse  est  en 
couches,  Riber-Krœmmer  couche  dans  rétable.  C'était  du  temps  où 
Jésus-Christ  et  Pierre  l'apÔtre  parcouraient  la  terre  ;  celte  nuil4à  ils 
s-abritent  dans  une  grange,  toui  près  de  Tendroit  où  était  Ribber- 
Krœmmer,  qui  entend  leur  conversation.  L'apôtre  demande  quel  sort 
est  réservé  au  nouveau-né  ;  le  Seigneur  répond  qu*il  épousera  la  fille  du 
riche,  A  l'aube,  Ribber-Krœmmer  enlève  Tenfant  de  ta  cabane  et  le  jette 
à  l'eau  dans  une  corbeille.  L'enfant  est  sauvé  par  un  pêcheur  qui  l'élève; 


ï.  Asbjœrnsen  og  Moc,  Norske  Folkunnty,  2"  éd.,  n"   \y  Rige  Pur  Kntm- 
mir;  voy.  la  traduction  allemande  de  Bresemann  (Berlin,  1847),  L  29. 
2.  Grundtvig,  GamU  danskc  Mindcr  1^  n'  21  ^  ;  Ribkr'Krœmmtr. 


M 


LE    DIT   DE    l'empereur   COUSTANT  iSç 

puds  3  est  reconnu  par  Ribber-Krœmmer  qui  l'envoie  porter  une  lettre  à 
sa  femme  et  à  &a  fille.  La  lettre  contient  Tordre  de  mettre  à  mort  le 
porteur.  Chemin  faisant  le  jeune  homme  entre  dans  une  église  où  Jésus- 
Christ  et  Pierre  Tapôtre  lui  demandent  la  lettre,  la  déchirent  et  lui  en 
remettent  une  autre,  où  ordre  est  donné  de  fiancer  immédiatement  le 
messager  à  la  fille  de  Ribber-Krœmmer.  —  Plus  loin  la  légende  se  déve- 
loppe de  la  façon  commune  à  tous  les  récits  de  ce  cycle. 

Une  autre  rédaction  du  conte  danois  (Grundivig,  L  c,  n^  214  :  Rige 
Ptr  Mœller)  nous  présente  la  même  légende  plus  riche  en  développements. 
L'hôtellerie  du  riche  Pierre  Mœller  est  ordinairement  pleine  de  gens 
assis  sur  les  bancs  tout  le  long  des  murs.  Un  sotr  bien  tard,  oCt  il  y  avait 
abondance  de  visiteurs,  il  arrive  un  étranger  qui  s'assied  sur  un  des 
bancs.  Bientôt  après  un  pauvre  couple,  mari  et  femme,  demande  à  passer 
la  nuit  :  la  femme  était  enceinte  et  pouvait  enfanter  d'un  moment  à 
l'autre.  «  Je  puis  vous  faire  asseoir  sur  un  banc,  »  leur  répond  l'hôte, 
<  je  n'ai  pas  d'autre  place,  n  Quand  vint  le  temps  de  mettre  au  monde 
et  que  la  femme  ne  put  plus  y  tenir,  l'hôte  la  fit  entrer  dans  le  four,  où 
elle  mit  au  monde  un  fils.  Cependant  dans  Thôtellerie  tout  le  monde 
l'entretenait  de  cette  pauvre  femme  en  couches,  et  l'inconnu  arrivé  peu 
auparavant  prédit  que,  quand  Tenfant  serait  devenu  un  homme,  il 
épouserait  la  fille  unique  du  riche  Pierre  Mœller.  «  Il  n'en  sera  rien,  n 
se  dit  l'hôte,  et  quand,  quelques  jours  plus  tard,  le  pauvre  couple  va  se 
mettre  en  route ^  il  leur  propose  de  garder  l'enfant.  <t  Vous  êtes  pauvres, 
vous  avez  même  peine  à  vous  sustenter,  et  chez  moi  îl  sera  fort  bien,  je 
le  traiterai  comme  mon  propre  fils.  )i  Ils  acceptent  l'offre  et  se  mettent 
en  route.  Alors  Pierre  Mœller  prend  l'enfant,  lui  crève  les  yeux  et 
l'expose  dans  un  épais  fourré.  Quelque  temps  après  vient  à  passer  près 
de  cet  endroit  un  riche  suivi  d'un  pauvre.  Le  pauvre  demande  au  riche  : 
«  Quest-<:e  que  ces  cris  qui  partent  de  la  forêt  ?  Ce  sont  probable- 
ment les  corbeaux  qui  se  sont  abattus  sur  le  corps  d'une  bête 
morte,  »  répond  le  riche  tout  en  continuant  son  chemin.  Mais  le  pauvre, 
voulant  savoir  ce  qui  en  était,  attache  ses  chevaux  et  pénètre  dans  la 
forêt.  Il  trouve  l'enfant  qu'il  emporte  en  l'enveloppant  de  ses  haillons. 
Sa  femme  n'ayant  point  d'enfant,  les  pauvres  gens  adoptèrent  l'enfant 
trouvé.  La  seule  chose  qui  les  affligeait,  c'est  qu'il  était  privé  de  la  vue. 
Quand  il  fut  en  âge,  il  était  hors  d'état  de  faire  paître  les  oies,  parce 
qu'il  les  écrasait  en  marchant  dessus.  Il  fallut  prendre  une  petite  fille 
pour  les  mener  brouter^  et  le  garçon  marchait  à  côté  d'elle.  Un  jour 
un  inconnu  s'approcha  d'eux;  il  passa  la  main  sur  les  yeux  de  l'aveugle, 
qui  y  vit  clair.  —  Cependant  Pierre  Mœller  avait  depuis  longtemps 
entendu  parler  de  cet  aveugle  qu'on  avait  trouvé,  et  il  devina  que  c'était 
l'enfant  dont  il  avait  voulu  se  défaire.  I)  alla  Uouver  le  pauvre  couple, 


|86  A-   WESSELOFSKY 

il  leur  dit  qu'en  entreprenam  un  voyage  au  loin  il  avaii  oublié  de 
donner  à  sa  femme  une  commission,  et  il  leur  demanda  s'ils  ne  consen- 
tiraient pas  à  envoyer  leur  enfant  porter  une  lettre.  Dans  la  lettre  il 
enjoignait  à  sa  femme  de  retenir  le  porteur,  de  faire  chauffer  le  four  et 
de  Ty  faire  brûler.  Le  garçon  se  met  en  route  ;  un  homme  le  rencontre, 
qui  lui  demande  où  il  va  et  se  fait  montrer  la  lettre.  Quand  il  en  a  pris 
connaissance,  il  la  rend  au  jeune  homme  et  lui  indique  le  chemin  de  chez 
Pierre  Moeller.  L'enfant  va  trouver  la  femme  de  Mœller  et  lui  remet  la 
lettre,  où  il  lui  était  commandé  de  bien  recevoir  le  garçon,  de  le  vêtir  et 
de  le  choyer  comme  son  propre  fils.  Quelque  temps  après»  Pierre  Mœller 
revient  à  la  maison,  et  y  trouve  l'enfant  plein  de  vie.  Il  demande  une 
explication  à  sa  femme  ;  celle-ci  lui  montre  sa  propre  lettre  dont  elle  a 
suivi  exactement  les  recommandations.  Alors  Pierre  Mœller  médite  un 
autre  projet  de  se  défaire  du  jeune  homme  :  il  lui  impose  des  travaux 
pénibles.  Ce  n^est  qu'après  leur  réussite  que  la  légende  parle  du  ma- 
riage de  Tenfant  trouvé  avec  la  fille  de  Pierre  Mœller,  celui-ci  périssant 
misérablement, 

Dans  le  conte  finnois  d'Antoine  Puuhara  ' ,  deux  sages  qui  passent  la 
nuit  dans  une  chaumière  prédisent  le  sort  d'un  enfant  qui  vient  de  naitre. 
Dans  cette  même  chaumière  était  descendu  un  riche  marchand  de  peaujc 
de  renard  ;  pendant  que  l'hôtesse  est  en  couches,  il  entend  le  plus  jeune 
des  deux  sages  dire  à  l'autre  :  «f  Sois  secourable  à  cette  femme  pendant 
ses  souffrances.  Cela  fait  peine  de  l'entendre  gémir.  «  A  quoi  le  plus  âgé 
des  deux  réplique  :  «  Il  n'est  pas  encore  temps,  ))  Puis  il  se  retourne 
sur  sa  couche.  Lorsque  le  plus  jeune  réitère  sa  demande,  Tatitre  répond  : 
a  Maintenant  j-ai  fait  ce  qui  était  en  mon  pouvoir.  i^  Il  dit,  et  le  nouveau- 
né  était  déjà  entre  les  bras  de  l'accouchée.  Le  plus  âgé  des  sages  prédit 
que  !e  nouveau-né  héritera  du  riche  marchand.  Le  lendemain  ce  dernier 
se  rend  chez  le  propriétaire  de  la  chaumière  et  le  prie  de  lui  donner  son 
fils  à  élever.  Le  père  y  consent.  Parti  avec  l'enfani,  le  marchand  l'expose 
dans  une  forêt  sur  les  branches  d'un  arbre:  un  bûcheron  le  trouve  et  le 
recueille;  il  est  reconnu  dans  son  nouveau  logis  par  le  riche  marchand, 
qui  lui  prépare  une  nouvelle  épreuve  :  il  Tenvoie  porter  à  sa  famille  une 
lettre  où  il  enjoint  de  le  pendre  à  un  bouleau.  Des  écoliers  en  promenade 
le  rencontrent  endormi,  et  à  la  perfide  lettre  ils  en  substituent  une  autre, 
qui  amène  immédiatement  les  fiançailles  du  jeune  homme  avec  la  fille 
du  riche-,  celui-ci  arrive  trop  tard  pour  y  mettre  obstacle. 

Dans  un  conte  hongrois^,  Jésus-Christ  et  Tapètre  Pierre  entrent  chez 


1.  Ermaii,   Archiv  fur  dU  wmmKhajlikhs  Kundc   Russlands.  XVI  Jahrg., 
p.  iî 6-247. 

2,  Sticr,  Ungarische  Voiksmârchen  n*  17:  Des  armcn  Mannes  Sohn  und  dU 
Kau/niiwnnochUr, 


LE   DIT    DE    l'empereur   COUSTANT  J  87 

un  gard€*forestier  dont  la  femme  vient  d'accoucher.  Le  père  de  Tenfant, 
qui  prend  le  Sauveur  pour  un  prêtre,  lui  demande  sa  bénédiction  :  le 
Christ  lui  annonce  que,  quand  son  fils  sera  devenu  homme,  il  épousera 
la  fille  d'un  riche  marchand  qui  se  trouve  justement  là  dans  leur  chau- 
mière. Le  marchand  sindigne  à  la  pensée  que  sa  fille  sera  fiancée  à  un 
homme  de  basse  condition  ;  mais  le  Christ  lui  répète  qu'il  en  doit  être 
snsi.  —  Il  n'est  pas  dit  dans  le  conte  qu'on  ait  exposé  l'enfant  dans  la 
forêt,  ni  qu'on  l'ait  jeté  à  l'eau,  —  Devenu  homme  et  ayant  appris  la  pro- 
phétie qui  le  concerne,  le  fils  du  foresûer  va  à  la  recherche  de  sa  fian- 
cée; il  rencontre  dans  une  hûiellerie  le  riche  marchand  qui,  aux  réponses 
du  jeune  homme,  reconnaît  en  lui  son  gendre  prédestiné.  Aussitôt  il  se 
présente  à  lui  comme  son  futur  beau-^père  et  il  lui  promet  de  lui  donner 
une  lettre  pour  sa  femme,  afin  qu'elle  l'unisse  sans  retard  avec  sa  fille. 
liais  la  lettre  contenait  tout  autre  chose  :  elle  recommandait  de  battre 
le  porteur  et  de  le  chasser  de  îa  maison.  En  chemin  le  jeune  homme 
s'endort,  des  écoliers  font  une  substitution  de  lettre,  et  le  conte  se 
termine  par  les  fiançailles. 

Un  conte  tchèque  ■  parle  d'un  roi  qui  s'est  égaré  à  la  chasse  et  en  est 
réduit  à  passer  la  nuit  chez  un  charbonnier^  dont  la  femme  vient  de 
mettre  au  monde  un  garçon.  Le  roi,  qui  ne  dort  pas,  voit  apparaître  à 
minuit  trois  vieilles  femmes  blanches;  elles  tiennent  en  main  des  lumières 
et  s'approchent  de  l'enfant  pour  lui  prédire  son  sort.  La  dernière  lui 
prédit  qu'il  épousera  la  fille  du  roi.  Celui-ci  se  fait  céder  le  garçon,  à 
quoi  le  charbonnier  se  prête  d'autant  plus  volontiers  que  sa  femme  vient 
de  mourir  en  couches.  L'enfant  est  jeté  à  la  rivière  dans  une  corbeille, 
Cl  il  est  sauvé  par  un  pêcheur  qui  se  charge  de  l'élever  ;  puis  il  est 
reconnu  par  le  roi,  et  il  va  porter  à  la  reine  une  lettre  où  il  est  enjoint  de 
le  mettre  à  mort  ;  une  vieille  femme  y  substitue  une  lettre  qui  est  cause 
des  fiançailles  du  jeune  homme  avec  la  princesse. 

Dans  un  récit  croate  ^  un  comte  dit  à  un  paysan,  depuis  longtemps  à 
son  service,  que  s'il  leur  naît  à  chacun  d'eux  un  enfant,  à  l'un  un  garçon, 
À  Tautre  une  fille,  ils  les  marieront.  La  paysanne  met  au  monde  un  fils, 
qui  est  élevé  dans  la  maison  du  comte,  et  celui-ci  devient  père  d'une 
fille.  Un  jour,  le  comte  irrité  contre  le  paysan  fait  exposer  son  fils  dans 
la  forêt.  Le  garçon  y  est  retrouvé  par  un  aubergiste  qui  l'élève;  il  est 
découvert  par  le  comte  qui  Fenvoie  porter  une  lettre  à  la  comtesse.  Suit 
la  substitution  de  lettre  par  des  écoliers  errants,  et  puis  viennent  les 


1.  Erben,  Sto  proîtonarodntch  pohàdck,  V  Praze  iSéj,  p.    1-7;  Waldau, 
Bôhm.  Marchai,  p.  s 27, 

2.  y^\\^Ht^^NarQdni  pripQujtdU,  U  Varazdinu,  i8jB,  10.,  pp.  1  $7-162. 


l88  A.    WESSELOFSKY 

On  voit  que  ta  rédaction  croate,  qui  omet  la  prophétie,  a  p^rdu 
quelque  peu  le  caractère  fataliste  du  cycle.  Dans  le  conte  serbe ^ 
récemment  publié  par  M.  Jagic  ",  ce  caractère  est  assez  évident. 
En  voici  ^analyse.  Un  voyageur  passe  la  nuit  dans  une  maison  oh  il  naît 
un  garçon  ;  deux  anges  y  prédisent  que  le  bonheur  du  nouveau-né  est 
entre  les  mains  du  voyageur;  alors  celui-ci  achète  Tenfant  aux  parents 
et  le  délaisse  dans  une  forêt  sur  les  branches  d'un  arbre.  Le  petit  esi 
trouvé  et  élevé  par  un  berger  ;  on  le  nomme  «  l'enfant  trouvé.  ?>  Plu- 
sieurs années  après,  le  même  voyageur,  passant  devant  Phabitation  des 
bergers,  entend  prononcer  le  nom  étrange  de  l'enfant,  et  après  s'être 
renseigné  sur  son  compte  il  Tacheté  aux  gens  qui  sont  chargés  de  rele- 
ver. Désirant  s'en  défaire,  il  lui  remet  une  lettre  qui  recommande  de  tuer 
le  porteur.  Chemin  faisant  le  messager  rencontre  un  jeune  moine  qui 
échange  la  lettre,  etc.  Lorsque  le  voyageur  est  de  retour  chez  lui, 
tt  l*enfant  trouvé  »  est  déjà  fiancé  à  sa  fille.  Cependant  le  beau-père 
continue  à  tendre  des  pièges  à  son  gendre.  Un  soir  il  le  charge  d'aller 
puiser  de  Teau,  et  il  ordonne  aux  domestiques  de  précipiter  dans  le 
puits  le  premier  qui  s*y  rendra  dans  la  soirée.  Mais  la  belle-mère  et  la 
femme  retiennent  le  jeune  homme,  qui  n'y  arrive  qu'à  minuit.  Sur  ces 
entrefaites,  le  beau-père,  qui  a  voulu  se  convaincre  qu'on  a  exécuté  ses 
ordres,  arrive  au  puits  le  premier,  et  c'est  lui  qu'on  y  jette. 

Dans  un  conte  polonais  '  le  riche  mais  avare  Zlotolub  se  réfugie  pen- 
dant l'orage  dans  la  cabane  d'un  pauvre  à  Tagonîe,  dont  la  femme  est  en 
couches  et  dont  les  cinq  enfants  meurent  de  faim.  Sortant  de  ta  chau- 
mière Zlotolub  exprime  les  impressions  que  cette  scène  a  faites  sur  lui, 
«  Pourquoi,  se  dit-il,  ces  gens-là  se  marient-ils  ?  Voilà  cinq  enfants  affa- 
més, déguenillés,  et  un  sixième  va  leur  naître  pour  subir  le  même  sort  !  » 
—  Il  faut  savoir  que  pendant  ses  voyages  Zlotolub  a  appris  le  langage 
des  oiseaux,  et  voici  ce  qu'il  leur  entend  dire  :  un  moineau  criaille  à  un 
autre  que  le  maître  de  la  cabane  est  mon  et  que  sa  femme  est  accou- 
chée d'un  fits  qui  épousera  la  fdle  du  riche  marchand.  Zlotolub  prend  le 
noy  veau-né  et  le  jette  en  chemin  dans  le  creux  d'un  tilleul;  une  femme  le 
trouve  et  l'élève  comme  son  fils.  —  Plus  loin  le  conte,  tout  en  reprodui- 
sant les  données  connues,  y  ajoute  quelques  détails  nouveaux.  A  l'âge  de 
sept  ans  <(  l'enfant  trouvé  «  (tel  est  le  nom  donné  au  petit)  sauve  la  vie  à 
Zlotolub,  qui  pendant  son  sommeil  va  être  mordu  par  un  serpent  veni- 
meux. Dans  un  entretien  le  marchand  apprend  que  celui  auquel  il  doit 


1.  Archiv  fur  slâwisckc  Philologie  I,  2j  Aas  dcm  sûdslawiscken  Mârcfunschaiz^ 
p.  288,  n'  14;  Wer  wûs  tkui,  jlks  fur  suh.  Je  n'ai  pu  voir  le  livre  de  Barine- 
Gould,  HouschoU-stoncs,  cl  notamment  son  n»  6,  auquel  renvoie  une  note  de 
R»  Kœhicr  au  n*  14  de  la  collection  de  Jagit. 

2.  Glinski^  Bajârz  poiski  t.  III,  p,  19^-215, 


LE    DIT   DE    l'empereur   COUSTANT  1 89 

la  vie  esi  l'enfant  trouvé  qui  lui  est  si  adieux;  il  s'en  empare  de  nouveau 
Cl  le  jette  à  la  rivière.  Un  meunier  le  retire  de  Peau,  et  un  moine,  qui 
pissait  la  nuit  au  moulin,  l'emmène  au  couvent.  Une  seconde  fois  l'enfant 
sauve  son  ennemi  de  la  fureur  des  loups  ;  une  conversation  s'en  suit,  et 
Zlotolub,  qui  reconnaît  le  garçon,  le  frappe  de  son  couteau  et  s'enfuit  à 
raventure»  Cependant  la  femme  et  la  fille  du  marchand  trouvent  sur  la 
roule  le  pauvre  blessé,  remportent  et  prennent  soin  de  lui.  Il  y  a  déjà 
huit  ans  que  l'enfant  est  chez  elles^  et  cependant  Zlotolub  n'est  pas 
encore  revenu;  sa  famille  ne  sait  ce  qui  lui  est  arrivé.  Un  beau  jour  on 
engage  le  jeune  homme,  que  tout  le  monde  a  piîs  en  affection,  à  aller  à 
Ja  recherche  de  Zlotolub.  Il  réussit  à  retrouver  le  chef  de  famille,  auquel 
il  sauve  la  vie  pour  la  troisième  fois,  en  le  tirant  des  flammes.  Le  mar- 
chand le  reconnaît,  il  se  nomme  et  apprend  qu'il  y  a  déjà  longtemps  que 
l'enfant  trouvé  est  de  la  famille.  Le  jeune  homme  veut  aussitôt  rentrer  à 
b  maison,  car  il  lui  tarde  d'annoncer  l'heureux  résultat  de  ses  recher- 
ches; mais  Zlotolub  le  retient  et  envoie  à  sa  famille  un  jeune  compagnon 
de  voyage,  porteur  d'une  lettre  à  sa  femme,  à  qui  il  recommande  de  le 
fiancera  sa  fille  sans  plus  larder.  Il  espérait  ainsi  faire  échouer  la  pro- 
phétie des  oiseaux  au  sujet  de  son  futur  gendre.  En  route  le  messager 
est  assailli  par  des  brigands  qui  le  lient  à  un  arbre;  la  lettre,  qu'il  a 
laissée  tomber,  est  ramassée  par  l'enfant  trouvé  qui  la  remet  à  la  femme 
de  Zlotolub  ;  celle-ci  a  soin  d'exécuter  Tordre  de  son  mari,  Zlotolub 
arrive  lorsque  la  cérémonie  est  déjà  célébrée,  mais  il  conçoit  de  nouveaux 
projets  :  il  enjoint  à  deux  de  ses  confidents  de  creuser  une  fosse  sur  la 
route  et  d'y  enterrer  le  premier  venu  qui  y  tomberait,  fût-ce  un  parent 
ou  lui-même  en  personne.  Le  lendemain  malin  ii  charge  l'enfant  trouvé 
d'une  commission  qui  doit  le  faire  lomber  dans  le  piège.  En  chemin  le 
jeune  homme  s'attarde  à  sauver  des  mains  des  brigands  une  femme  qui 
se  trouve  être  sa  mère.  Zlotolub,  qui  était  sorti  pour  s'assurer  de  la 
mort  de  l'enfant  trouvé,  tombe  lui-même  dans  la  fosse,  et  on  l'y  enterre. 
Dans  les  contes  russes  '  qui  appartiennent  à  notre  cycle,  les  princi* 
paux  personnages  ont  des  noms  constants  :  ce  sont  a  le  riche  Marco  » 
et  «  Basile  l'infortuné  »  (celui-ci  se  nomme  parfois  André  ou  Jean). 
Marco  est  un  marchand  fort  riche  qui  a  en  haine  les  mendiants  et  qui 
lance  ses  chiens  sur  ceux  qui  s'approchent  de  ses  fenêtres.  Viennent  un 
jour  deux  petits  vieillards  aux  cheveux  blancs;  Marco  veut  les  faire 
chasser^  mais  sa  fille  de  cinq  ans,  u  la  belle  Anastasîe  » ,  le  supplie  de 
leur  donner  un  asile,  ne  fût-ce  que  dans  retable.  Or,  ces  vieillards 
n'étaient  ni  plus  ni  moins  que  Jésus-Christ  et  un  de  ses  saints  [parfois  c'est 


I.  Afanasjef,  Contes  poputairts  rusus^  nouv.  éd.,  III,  n.    t7j  a  et  b;  voir 
une  troisième  rédaction  t.  IV,  p.  426-429. 


Î90  A.    WESSÉIOFSKY 

le  Christ  seul  qui  parait,  ou  bien  c'est  un  ange  du  ciel).  Vers  l'heure  des 
matines  le  cierge  s*allume  lui-même  devant  les  saintes  images  ;  les  vieillards 
se  lèvent,  tirent  de  leurs  sacs  des  vêtements  sacerdotaux  et  se  mettent  à 
officier.  Anastasie,  qui  voit  tout  cela  de  sa  soupente,  voit  aussi  arriver 
un  ange  qui  s^adresse  à  un  des  vieillards  :  «  Seigneur,  lui  dit-il,  dans 
tel  et  tel  village,  à  tel  et  tel  paysan  il  est  né  un  fils;  comment  veux-tu 
qu'on  le  nomme  et  quelle  part  de  bonheur  doit  lui  échoir  ?  *  A  cela  le 
Seigneur  répond  :  a  Son  nom  sera  Basile,  son  surnom  Tlnforiuné,  et 
par  compensation  il  aura  la  fortune  du  riche  Marco.  »  Le  lendemain,  les 
vieillards  partis,  Anastasie  raconte  à  son  père  tout  ce  qu'elle  a  vu  et 
entendu.  Dans  la  crainte  de  voir  ta  prédiction  se  réaliser,  le  père  fait 
atteler  sa  voiture  et  se  rend  au  village  dont  on  a  parlé.  Là  il  apprend 
que  le  plus  pauvre  des  paysans  vient  d'avoir  un  fils  qui  a  reçu  le  nom  de 
Basile,  mais  qui  n*est  pas  encore  baptisé,  parce  que  personne  ne  veut 
être  le  compère  d'un  pauvre  Alors  Marco  offre  d'être  parrain  et  propose 
au  père  une  somme  d'argent  pour  qu'il  lui  donne  son  fils  à  élever. 
tf  J'en  ferai  un  homme,  )>  lui  dit-il.  Après  bien  des  hésitations  le  pauvre 
y  consent;  Maico  prend  Tenfant  et,  en  route,  il  le  fait  jeter  dans  un 
ravin  ;  c'était  en  hiver.  —  Le  surlendemain  des  marchands  passent  par 
ce  chemin;  ils  sont  porteurs  d'une  somme  de  douze  mille  roubles  qu'ils 
doivent  au  riche  Marco.  Arrivés  au  ravin,  ils  entendent  les  cris  d'un 
enfant  et  ils  envoient  leur  commis  savoir  ce  que  c'est.  Le  commis  descend 
dans  le  ravin  et  il  y  voit  une  verte  pelouse,  au  milieu  de  laquelle  est  assis 
un  enfant  qui  joue  avec  des  fleurs.  Les  voyageurs  le  prennent  avec  eux 
et  ils  arrivent  chez  le  riche  Marco,  qui  reconnaît  aussitôt  son  filleul.  Il 
propose  aux  marchands  de  les  tenir  quittes  de  toutes  leurs  dettes  s'ils 
lui  donnent  l'enfant.  Ils  y  consentent  et  se  remettent  en  route.  —  Un 
soir,  Marco  prend  l'enfant,  le  met  dans  un  baril  et  le  jette  à  l'eau.  Le  baril 
est  jeté  aux  pieds  des  murs  d'un  couvent  où  Ton  reçoit  l'enfant  :  il  y  passe 
seize  années  et  apprend  à  lire  et  à  écrire,  Marco  le  revoit  et,  contre  une 
forte  somme  d'argent,  le  marchand  le  reprend  à  l'abbé  et  aux  frères,  leur 
disant  qu'il  veut  en  faire  son  premier  commis.  Suit  l'épisode  de  la  perfide 
lettre;  Marco  y  écrit  à  sa  femme  :  «  Aussitôt  la  lettre  reçue,  va  à  la 
savonnerie  avec  le  porteur  de  ce  message  et  précipite-le  dans  une  chau- 
dière bouillante.  «  Chemin  faisant,  Basile  rencontre  un  vieillard,  qui  lui 
demande  où  il  va  et  ce  que  c'est  que  la  lettre  qu'il  porte.  Il  en  rompt  le 
sceau  et  la  donne  à  lire  à  Basile.  Celui*<i,  les  larmes  aux  yeux,  se  de- 
mande :  «  Qu^ai-je  pu  faire  à  cet  homme  pour  qu'il  m'envoie  au  trépas  ?  ^ 
Le  vieillard  alors  lui  dit  :  «  Ne  t'attriste  pas;  le  bon  Dieu  ne  t'aban- 
donnera point.  »  —  Et  il  souffle  sur  la  lettre  qui  se  recacbète;  mais  il 
y  avait  écrit  dedans  :  «  Ma  femme,  dès  que  tu  auras  reçu  celle  lettre^ 
marie  Anastasie  avec  le  messager.  »  Ce  qui  a  lieu  en  effet. 


LE  DIT   DE   L*EMPEREUR   COUSTAKT  ^  t^l 

Un  mnxt  petit-ruisien  s  tout  en  conservant  le  nom  de  Marco  le  riche, 
offre  urt  exemple  intéressant  des  altérations  que  subissent  souvent  les 
traits  essentiels  d'une  légende  dans  la  transmission  orale.  —  Le  riche 
Marco  s'est  arrêté  sous  les  fenêtres  d'une  chaumière,  et  c'est  là  qu'il 
désire  passer  la  nuit;  îl  entend  un  enfant  pleurer  d'une  voix  «  angé- 
lique.  »  w  Vous  avez  là  un  méchant  marmot,  »  dit-il  aux  gens  de  la 
chaumière,  «  51  ne  fait  que  pleurer  toute  la  nuit;  vendez-le-moi.  »  On  le 
lui  donne^  et  il  le  jette  au  miliey  de  la  forêt,  dans  un  las  de  neige.  —  On 
Toit  que  dans  cette  version  de  la  légende,  l'action  du  marchand  n'est  pas 
motivée  :  on  a  oublié  la  prophétie.  —  Une  colonne  d'air  chaud  descend 
du  ciel  sur  l'enfant  et  une  douce  atmosphère  l'enveloppe  dans  la  neige, 
de  sorte  que  l'enfant  ne  souffre  pas  du  froid.  Non  loin  de  là  un  paysan 
avait  fait  ses  meulesde  foin;  en  allant  chercher  du  foin,  îl  aperçoit  une 
clarté  extraordinaire,  et,  s'en  approchant,  il  trouve  l'enfant  dans  son 
nimbe  et  le  recueille  chez  lui.  —  Quelque  temps  après,  Marco  s'arrètant 
près  de  la  maison  du  paysan  entend  de  nouveau  l'enfant  pleyrer  de  sa 
voix  angélique.  De  nouveau  il  Tacheté,  l'enferme  dans  un  van  et  le 
jcne  à  Teau.  Des  moines  le  repêchent  et  Télèvent  dans  leur  couvent. 
Troisième  apparition  de  Marco,  qu'attire  la  voix  angélique  de  l'enfant  qui 
chante.  Marco  Pachèie  pour  la  troisième  fois,  et  îl  l'envoie  remettre  à  sa 
femme  une  lettre  où  ordre  est  donné  de  mettre  à  mon  le  porteur.  Ce- 
pendant, grâce  à  une  intervention  divine,  Pordre  contenu  dans  la  lettre 
se  transforme  en  celui  de  marier  aussitôt  !e  porteur  avec  la  fille  du  riche. 
Après  la  noce  le  jeune  homme  se  met  en  route  et  chemine,  chemine... 
Siiil  le  récit  des  travaux  pénibles  qu'il  accomplit.  D'ordinaire^  dans  les 
contes  européens  de  ce  cycle,  c'est  le  beau-père  de  l'enfant  trouvé  qui  les 
lui  impose,  dans  Hntention  de  faire  périr  son  futur  gendre.  Dans  la 
version  petite *russienne  cette  circonstance  manque;  le  jeune  homme  part 
de  son  propre  gré  et  ce  n'est  qu'à  la  fin  du  conte  que  nous  voyons  se 
dessiner  le  rapport  de  cet  épisode  avec  l'ensemble. 

Mentionnons  encore,  pour  terminer,  un  conte  albanais  ».  Il  avait  été 
prédit  à  un  riche  marchand  que  le  fils  cadet  d'un  certain  pauvre  lui  dé- 
penserait toute  sa  fortune.  Le  marchand  prie  le  pauvre  de  lui  céder  son 
enfant  et  le  lance  à  la  rivière.  Les  flots  rejettent  l'enfant  sur  le  rivage, 
et  un  berger  le  recueille  et  l'élève.  Quand  il  a  atteint  l'âge  de  quinze  ans, 
le  marchand  arrive  chez  le  berger  et  y  remarque  le  beau  jeune  homme, 
il  le  reconnaît  et  apprend  du  père  adoptif  qu'il  y  a  déjà  quinze  ans  que  le 
fcime  homme  est  dans  la  maison.  —  Suit  le  message  et  la  lettre  contenant 


I.  Dragomanor»  Traditions  d  conus  popalaires  de  ta  Pmc*Russii^  p.  )29-jj2: 
Vtnjànî  à  ta  voix  anglliqm  d  Marco  te  riche. 
a.  Hahn,  1.  c.  I,  n*  20. 


Î52  A'   WESSELOPSKY 

Pordre  de  tuer  le  porteur.  Chemin  faisant  le  jeune  homme  rencomre  un^ 
saint,  qui  se  fait  montrer  la  lettre  et  en  substitue  une  autre.  Rentré  chez 
lui»  le  marchand  revoit  Penfant  trouvé  déjà  fiancé  à  sa  fille.  Alors  il 
écrit  au  garde  de  ses  vignes  une  autre  lettre,  où  il  lui  enjoint  de  tuer 
tout  homme  qui,  à  une  cenaine  heure,  entrera  dans  la  vigne;  puis  il 
y  envoie  son  gendre,  sous  prétexte  d*en  rapporter  des  raisins.  Le  gendre 
part  aussitôt,  maïs  il  arrive  avant  l'heure  indiquée;  i!  cueille  autant  de 
raisins  qu'il  lui  en  faut,  puis  il  rentre  chez  lui  par  un  autre  chemin.  Le 
marchand  va  voir  si  sa  commission  est  faite,  et  le  gardien  le  tue.  Ainsi 
Fenfant  trouvé  entre  en  possession  de  la  fortune  de  son  beau-père,  et  il 
sait  bien  la  dépenser, 

La  dernière  perfidie  du  marchand  albanais,  qui  n'atteint  pas  son  but, 
de  même  que  les  pièges  dressés  par  Zlotolub  et  le  voyageur  du  récit 
serbe,  se  sont  introduits  dans  notre  légende  par  analogie  :  ils  proviennent 
d'une  autre  légende  fataliste  assez  répandue,  fondée  sur  l'adage  :  Ne  creuse 
pas  une  fosse  à  ton  prochain,  tu  pourrais  bien  y  tomber  toi-même  ' .  Lsl 
ballade  bien  connue  de  Schiller  nous  autorise  à  nommer  cette  variante 
de  la  tradition  fataliste  :  «  Légende  de  Fridolin  »  ou  le  «  Message  à  la 
forge  »  {Der  Gang  nach  dem  Eisenhammer] .  Ce  n*est  pas  ici  le  lieu  de 
nous  étendre  sur  le  caractère  particulier  de  ce  cycle  légendaire  *  et  sur 
ses  rapports  avec  celui  qui  nous  intéresse  en  ce  moment.  Je  me  borne 
à  mentionner  l'écho  que  cette  tradition  a  trouvé  dans  un  sermon  allemand 
du  XV*  siècle  »  ainsi  que  dans  d'anciens  prologues  russes,  où  elle  se  re- 
trouve sous  la  date  du  i8  avril,  comme  un  emprunt  au  ^îatTepixiv  4-  Ce 
dernier  indice  témoigne  en  faveur  d'une  origine  byzantine  s ,  et  je  le  prends 
d'autant  plus  en  considération  qu'il  faudra,  selon  toute  probabilité,  faire 
découler  de  la  même  source  le  dit  de  Constantin,  —  Voici  Je  récit  du 
TcaTEfitxiv  :  Pendant  une  famine  un  père  avait  vendu  son  fils  à  un  sei- 
gneur; en  se  séparant  de  son  enfant,  il  lui  avait  enjoint  de  ne  jamais 
passer  devant  une  église  pendant  le  service  divin  sans  y  entrer  et  y  rester 
jusqu'à  la  fin  de  Toffice.  Le  jeune  homme  observa  strictement  les  recom- 
mandations de  son  père,  Un  jour  qu'il  avait  remarqué  que  la  femme  de 
son  maître  était  en  liaison  criminelle  avec  un  serviteur,  il  n*en  dit  rien 
à  personne  et  se  borna  à  prier  Dieu  de  leur  pardonner  leur  péché.  Mais 
la  maîtresse,  craignant  le  scandale,  devint  furieuse  contre  celui  qui  Tavait 


K  Weber  L  e.  p.  25*6, 

2,  Voy.  la  note  de  M,  G.  Pans  à  propos  de  U  version  catalane  publiée  par 
M.  Morcl-Fatio  [Romania^  V,  454), 

j.  Germama,  ïu,  5  ;  Fr.  Pfciffer,  PndïgtmirUm^  "M  *»  P-  4î7*440- 

4.  Buslaef,  Esquisses  kisloriqucsy  l,  p*  448-449  :  Monuments  de  t  ancienne  Uui^ 
rature  russe,  1,  p.  81-8?  {Légende  du  serf  dévot,  deux  variantes}. 

5.  C'est  aussi  Tavis  de  M,  Gaston  Paris,  I.  L 


LE  Dît  de  l'empereur  C0U5TANT  19J 

jurprise,  ei  elle  le  calomnia  auprès  de  son  mari,  lui  persuadant  que  ce 
jeune  homme  avait  l'intention  de  le  tuer.  Alors  le  seigneur  résolut  de  lui 
faire  subir  le  dernier  supplice,  et  il  convint  avec  t*  i'éparque  n  que  celui-ci 
tuerait  l'homme  qui  se  présenterait  à  îui  porteur  d'un  suaire  fsG'jciptov  = 
sadûriam,  oubrousu).  Le  jeune  homme  fut  envoyé,  mais  en  chemin  il  entra 

ns  une  église  où  il  s'attarda  ;  pendant  ce  temps  on  fil  périr  à  sa  place 
i  vrai  coupable,  celui  qui  avait  déshonoré  le  seigneur  et  son  épouse  * . 

la  plupart  des  légendes  que  nous  avons  mentionnées  (sauf  les  légendes 
albanaise,  italienne,  polonaise  et  serbe]  font  suivre  le  récit  que  nous 
connaissons  par  un  autre,  qui  leur  est  commun  à  toutes  :  le  beau-pére, 
<]ui  n'a  pas  eu  le  temps  de  prévenir  le  mariage  fatal,  impose  à  son 
gendre  toute  sorte  de  travaux  pénibles,  l'exposant  ainsi  à  de  grands  pé- 
rik;  mais  le  jeune  homme  en  sort  sain  et  sauf,  et  c*esi  le  beau-père  qui 
:  par  en  pàtir.  Cet  épisode,  provenant  d'un  autre  cycle,  qui  a  pour 
iijet  les  «  travaux  pénibles  )>  ou  les  f<  missions  périlleuses  )>,  se  serait 
adjoint  à  notre  légende  en  Europe,  et  à  une  époque  assez  reculée,  puis- 
que les  versions  russe,  petite-russienne,  tchèque,  croate,  allemande, 
hongroise,  finnoise,  danoise  et  norvégienne  sont  également  complétées 
par  le  récit  des  travaux  pénibles,  qui  s*y  rattache  de  différentes  manières  : 
on  le  trouve  ordinairement  vers  la  fin  du  conte,  après  le  mariage  de 
Tenfant  trouvé;  il  n'y  a  que  la  légende  danoise  de  Grandtvig,  n"  214, 
qui  le  mette  avant,  et  nous  avons  vu  que  le  conte  petit-russien  n'a 
pas  réussi  à  le  lier  intimement  à  l'ensemble  de  Taciion.  L*épisode  des 
<f  travaux  pénibles  »,  ainsi  que  celui  de  «  Fridolin  »,  sont  donc  dans 
notre  légende  d'une  introduction  relativement  récente,  n'en  sont  pas  des 
traits  originaux  et  essentiels  ;  c'est  ce  que  prouvent  d'un  côté  le  récit  de 
Constantin,  que  nous  avons  analysé;  de  l'autre,  un  conte  qui  se  lie  au 
nom  de  l'empereur  Conrad,  et  qui  s*est  conservé  chez  Godefroi  de  Vi- 
lerbe  ',  dans  les  Gesta  Romanorum  1,  ainsi  que  dans  quelques  autres 
monuments.  Voici  le  texte  de  Godefroi  : 

Conradus  imperator  secundus  oulli  violatori  pacts  parcebat.  Unde  cornes 
npoldus  vioUtor  pacts  ttmens  occidi  ab  imperatore,  fugit  in  sîlvam  remotissi- 
am^  ibique  cum  uxore  sua  solus  in  tugurio  latiUbaL  Contigit  imperatorem  ex 
natione  soa  fortuito  casu  illuc  divertisse,  et  ca  nocte  pepent  comitïssa  mas- 
iluin,  Quo  vagiente,  vos  de  celo  ail  :  O  imperator,  infans  iste  erit  libi  gêner 
beres.    Mac    voce    tertia    vice   audila^,    surgit    imperator   diluculo^   et 


1.  Cette  légende  présente  des  points  de  conformité  avec  celle  de  rorphelin 
Kmed,  qui  se  trouve  dans  Tintroductton  au   roman   arabe  des  Sept  vtzirs, 

Wcber  I.  c,  p.  45*6  et  Scott,  TaUs^  anecdotes  and  UiUrs,  transiûud  from 
\tahiû3i  Anà  Ptnmn^  p.  ^j 

2.  Ed-  Pistonus,  p.  53  j  ;  Pertz,  Scripiores^  XXII,  p,  243, 
|.  Ed.  Oe^îerlcy,  n**  20  et  les  notes, 

4»  Cf.  Gtstj  Rom.  I.  c.  :  il  £odem  nocte  mulier  filtum  pepent  etC^^ar  vocem 


Homaniû^  VI 


U 


194  A.    WESSELOFSKY 

jnventis  duobus  suis  famulis^  dixit  :  Ite  et  occidite  illum  infantem  et  cor  ipsius 
representate  michi.  Qui  euntes  accipiunt  infantem,  set  misertl  ipsius,  non 
occidunt,  sed  super  arborcm  ponont,  atquerelinquunt.  Regiaulem  représentant 
cor  leporis  pro  corde  infantis.  Rex  autem  eos  remuneraviù  Transiens  poslea 
inde  dux  quidam ^  invenit  et  déportât  infantem  et  adoptât  etim  in  fitium.  Impe- 
rator  longe  post  in  domo  ducîs  videt  puerum  et  habet  suspectum,  ne  sit  il  le 
tjuem  precepit  ocddi»  et  assumtt  eum  quasi  pro  cliente,  et  precepit  ut  ad 
reginam  luteras  suas  poitet,  in  quitus  praecipiebat  regîne,  ut  visis  litteris 
faciat  eum  occidi.  Puer  aulenn  rem  ignorans  pergît  et  in  domo  sacerdotis  * 
hospitatur^  qui  ei  dormîenti  litterassubripuit  etaperuit,  et  visa  ibi  morte  pueri^ 
alias  litteras  scnpsit  in  hune  modum  :  Cum  videris  hune  puerum,  regina, 
stattm  da  et  filiam  nostram  in  uxorem,  sicut  diligis  vitam  tuam.  Et  istas  litteras 
reposuit  in  marsupium  pueri.  Puer  nescius  abiît^  et  ita  ilia  regb  statim  tradita 
est  ei  ^, 

J'ai  fait  observer  plus  liaut  que  ce  n'est  guère  que  superfidellemenl  que 
cette  tradition  est  mise  en  rapport  avec  Conrad;  les  Gesta  Romanomm 
allemands  substituent  à  ce  nom  ceux  de  Hannibal,  Hambribaî,  Hanibu- 
bal  >.  Ces  oscillations  impliqueraient,  peut-être,  qu'un  nom  plus  ancien, 
le  nom  primitif,  se  serait  perdu. 

En  abordant  les  versions  orientales  de  notre  légende»  je  m'arrêterai 
avant  tout  à  un  conte  ossète  *.  Il  y  avait  une  fois  un  prophète  fort  pieux 
qui  n'avait  pas  d*enfants.  Cet  homme,  qui  pénétrait  le  sens  caché  de  la 
parole  divine,  avait  appris  par  une  de  ses  lectures  qu'il  lui  naîtrait  une 
fille,  que  Dieu  ferait  échoir  en  partage  au  fils  d'un  coussak  (esclave  ou 
serf  du  princeu  Désirant  prévenir  l'accomplissement  de  cette  prophétie, 
il  pria  le  prince  de  lui  céder  la  femme  du  coussatt  avant  la  naissance  de 
l'enfant  :  il  emmène  cette  femme  enceinte  dans  les  champs  et  l'évenire 
d^un  coup  de  sabre;  puis  il  la  laisse  morte  sur  place.  «  Et,  comme 
c'était  œuvre  divine,  l'enfant  sortit  du  ventre  de  sa  mère  et  rampa  jus- 
qu'à ses  mamelles,  dont  il  se  mit  à  sucer  le  lait»  »  Un  prince,  qui  n'avait 
pas  d'enfants,  se  trouvant  à  la  chasse,  aperçoit  le  petit,  le  fait  porter 
dans  sa  maison,  Pélève  et  en  fait  son  filsadoptif.  «  Il  faut  que  je  lise  mon 
livre  »,  se  dit  un  jour  le  prophète,  et  il  lut  que  l'enfant  était  en  vie. 
Alors  il  se  rend  chez  le  prince  et  lui  dit  qu'il  a  absolument  besoin  d'en- 
voyer une  lettre  au  sujet  d'une  affaire  fort  importante,  et  que  le  seul  à 


audivit  dicentem  :  Acctpe,  accipe,  acctpe. 

dde 


_  ^_.  ,  ^  ^  Et  sectinda  vice  audivit  vocem 

dicentem  ad  îpstim  :  Redde.  reade,  redde  ..  Et  ecce  tertia  vice  audivit  vocem 
dicentem  sîbi  :  Fuge,  fuge,  fiige^  Conrade  !  hic  puer  prtmogenitus  gêner  tuus 
erit. 

1 .  Gestâ  Rom,  :  in  auandam  ecclesiam, 

2,  Dans  la  suite  il  devient  lui-même  empereur,  sous  le  nom  de  Henri  Ul, 
j.  Graesse,  Gâta  Rom.^  Il,  198;  Massmann.  Kaiserckromk^  111,  io^^-<}G. 

4.  V.  Coikcùon  de  renseignements  sur  les  hûbitanls  du  Caueast^  v.  If  :  Djante- 
mir  Schanajef,  Contes  populaires  ossèlcSj  p.  6-7  :  Le  prophète  aimant  Dieu. 


LE    DIT    DE    l'eMPEREUH   COUSTANT  !95 

qui  il  puisse  confier  ce  message  est  le  fils  du  prince.  Le  jeune  homme 
part  avec  une  lettre  où  ordre  esi  donné  de  ne  pas  le  laisser  sortir  vivant. 
Il  était  encore  nuit  lorsqu*il  arriva  à  la  niaison  du  prophète.  Epuisé  de 
fatigue,  il  s'endormit  sur  le  seuil,  et  pendant  son  sommeil  la  lettre  lui 
glissa  de  dessous  l'aisselle.  Sur  l'aube,  la  fille  du  prophète  aperçut  le 
beau  garçon,  dont  elle  s*amouracha.  C'était  oeuvre  de  Dieu  :  elle  ra- 
masse la  lettre  et,  Payant  lue,  elle  la  déchire;  puis  elle  se  hâte  d'en 
écrire  une  autre  selon  son  cœur  et  la  glisse  dans  la  poche  du  jeune 
homme.  Ce  fut  avec  ce  message  qu'il  se  présenta  à  la  femme  du  prophète. 
Celle-ci  était  tout  heureuse  de  voir  arriver  un  gendre.  Puis,  ainsi  que  la 
jeune  fille  Tavait  recommandé  dans  la  lettre,  on  lui  prépara  tout  ce  qu'il 
lui  fallait  pour  son  trousseau  et  on  la  bissa  partir  avec  le  jeune  homme. 
Quand  ils  se  présentèrent  au  prophète,  celui-ci  s'écria  tout  stupéfait  : 
O  seul  vrai  Dieu,  nen  ne  se  fait  donc  sans  ta  volonté! 

Les  autres  variantes  orientales  parvenues  à  notre  connaissance»  l'in- 
dienne et  Tarabe  i  celle-ci  déjà  mentionnée  par  Crimm  ) ,  ont  déjà  ajouté 
à  leur  thème  primitif  la  légende  de  Fridolin,  Tel  est  le  conte  indien  », 
qui  fait  naître  à  Sudhârmika,  roi  de  Kerala>  un  fils  portant  le  signe  du 
bonheur,  six  orteils  au  pied  gauche.  Après  le  décès  des  parents,  la  nour- 
rice de  Tenfanl  le  porta  à  la  ville  de  Kuntala.  Là,  dans  le  palais  du  mi- 
nistre Dîirishtabuddhi,  l'enfant  se  fait  remarquer  des  sages,  qui,  frappés 
de  son  extérieur  et  de  ses  manières,  conseillent  au  ministre  de  lui  accor- 
der une  attention  particulière,  vu  que,  à  en  juger  d'après  certains  indices, 
le  destin  lui  réservait  la  royauté.  Cette  prophétie  déplut  au  ministre,  qui 
résolut  de  faire  périr  !e  nourrisson.  Mais  les  hommes  chargés  de  la  sinistre 
mission  eurent  pitié  de  l'enfant,  et  ils  se  bornèrent  à  lui  couper  son 
sixième  orteil,  pour  le  montrer  au  roi  comme  preuve  de  l'exécution  de 
ses  ordres.  Ils  exposèrent  Tenfant  dans  une  forêt,  et  il  y  fut  recueilli  par 
le  prince  des  Kulinda.  —  Puis  le  récit  parle  de  l'éducation,  des  progrès 
rapides  et  des  exploits  guerriers  de  Penfant  trouvé,  auquel  on  donne  le 
nom  de  Candrahàsa,  souriant  comme  la  lune;  le  prince  des  Kulinda 
l'adopte.  Un  jour,  Dhrishtabuddi,  en  audience  che?.  le  prince,  reconnaît 
en  Candrahâsa  le  garçon  sujet  de  la  fatale  prophétie.  Il  s'alarme  à  cette 
découverte,  et, -craignant  pour  la  mort  de  ses  deux  fils,  il  écrit  à  son  fils 
Madana,  soi-disant  au  sujet  d'importantes  affaires  d'état,  mais  en  réalité 
il  lui  donne  l'ordre  d'empoisonner  le  porteur.  Pour  que  le  message  arrive 
au  plus  vite,  on  en  charge  ïe  jeune  Candrahâsa,  Près  de  la  ville  des 
Kuntala  il  s'endort  sous  un  manguier  et  là  Vishayâ  le  remarque  :  c'est  la 
fille  du  ministre.  Elle  s'éprend  de  l'enfant  trouvé.  Voyant  une  lettre  sortir 
de  la  poche  du  jeune  homme,  elle  la  prend,  la  décacheté  et  est  saisie 


i.  Weber  1.  c,  p.  14-25. 


196  A.    WESSELOFSKY 

d'épouvante  en  apprenant  la  cruelle  mission;  mais,  revenant  aussitôt  àj 
elle,  elle  substitue  dans  la  lettre  aux  mots  :  Donne-!ui  du  pobon^ 
ceux-ci  :  Donne-lm  Vishayâ  len  mariagel  ;  elle  recachète  la  lettre,  et,M 
rayant  remise  dans  la  poche  de  Candrahàsa^  elle  rentre  à  la  maison.  Sui^^ 
le  mariage  de  Candrahàsa  avec  Vishayâ,  puis  la  colère  du  ministre,  qui, 
rentré  chez  lui,  résout  de  faire  périr  son  gendre  par  tous  les  moyens.  Il 
soudoie  un  homme  pour  le  tuer  près  d'un  temple  non  loin  de  la  ville,  ei 
envoie  Candrahàsa  dans  le  temple  y  porïer  une  offrande  de  fleurs.  Mais, 
chemin  faisant,  celui-ci  est  mandé  auprès  du  roi,  qui  lui  transmet  le  gou- 
vernement, tandis  que  Madana,  le  fils  dy  ministre,  qui  s'est  chargé  de 
l'offrande,  est  mis  à  mort.  A  celle  nouvelle,  le  père  se  tue  lui-même. 

Dans  un  conte  arabe^  chez  Galland  '  et  Cardonne  *,  nous  voyons  un*^ 
père  persécuter  son  fils,  et  cette  persécution  est  motivée  d'une  façon  û^Ê 
particuhère  que  nous  y  reconnaîtrions  un  trait  nouveau,  si  nous  n'avions 
pas  ce  même  détail  dans  un  conte  indien,  connu  probablement  déjà  au 
v^  siècle  1.  —  Le  marchand  Kebal  (chez  Cardonne  c'est  MohallekU  qui 
appréhende  le  ressentiment  de  sa  despotique  mais  riche  épouse,  tue  sa 
concubine,  belle  esclave  qu*il  a  achetée  dans  un  de  ses  voyages.  Il  vou- 
drait aussi  faire  périr  le  fils  qu'elle  lui  a  donné  (dans  le  récit  de  Cardonne 
ce  fils  n'est  pas  nommé,  dans  celui  de  Galland  il  se  nomme  ICebal),  mais 
il  n'arrive  pas  à  ses  fins  :  il  expose  l'enfant  dans  un  lieu  désert  où  le 
trouve  un  berger,  qui  se  charge  de  l'élever;  puis  il  le  jette  à  la  mer  dans 
un  sac  de  cuir,  et  l'enfant  est  sauvé  par  un  pêcheur  qui  l'élève.  Ensuite 
le  père  envoie  son  fils  porter  une  lettre,  dans  laquelle  il  est  dit  de  tuer  le 
porteur;  celte  lettre  tombe  entre  les  mains  de  la  fille  du  marchand;  elle 
y  substitue  une  autre  et  devient  ainsi  Tépouse  du  jeune  homme.  Kebal, 
qui  a  juré  la  perte  de  son  fils,  fait  encore  une  dernière  tentative  :  il 
donne  ordre  à  ses  gens  de  massacrer  l'homme  qui  descendra  vers  une 
certaine  heure  son  escalier,  cet  homme  étant  son  ennemi  secret.  A  l'heure 
indiquée,  il  envoie  son  gendre  par  cet  escalier;  mais  la  fille  du  marchand, 
pressentant  un  malheur,  retient  son  mari,  et  pendant  ce  temps  Kebal  est 
haché  par  ses  propres  gens,  au  moment  où  il  descend  lui-même  Tes-^ 
caïier^  pour  s'assurer  que  son  ordre  est  exécuté.  H 

Une  étude  attentive  des  versions  occidentales  de  notre  conte  donnerait 
peut-être  lieu  de  les  classer  en  groupes,  suivant  les  différences  les  plus 
saillantes  du  récit.  C'est  ainsi  que  dans  certains  contes,  c'est  le  riche  qui 
arrive  chez  le  pauvre^  dans  d'autres  c'esi  le  pauvre  qui  demande  un  gîte, 


K  Nouvel U  iuUc  dti  mitU  et  me  nuits,  contes  arabes,  II,  172-183 .  CruauU  de 
MohâUek. 
2.  Mélanges  de  litiiratnn  orientale^  II,  69-82 
j.  Webcr  I.  c,  p*  42-44. 


LE    DIT   DE    l'empereur    COUSTANT  I97 

etc.;  l'épisode  de  la  lettre  substituée  se  prêterait  aussi  à  une  espèce  de 
classemeni,  qui  pourrait  servir  à  préciser  les  limites  géographiques  de  la 
propagation  de  tel  ou  tel  groupe  légendaire.  Dans  Pa perçu  qui  suit, 
nous  nous  bornerons  à  une  comparaison  sommaire  des  rédactions 
orientales  et  occidentales,  qui  nous  amène  approximativement  aux  con- 
clusions suivantes  : 

1 .  Le  Dit  de  Constantin  (surtout  dans  la  rédaction  française)  el  la  tra- 
dition de  Conrad,  de  même  que  le  conte  ossète  présentent  la  forme 
la  plus  ancienne  de  la  légende,  dépourvue  encore  de  tout  détail  secon- 
daire. Voici  leur  formule  :  prophétie  -h  lettre  d'Urie  ». 

2.  Les  contes  orientaux  (à  l'exception  du  conte  ossète),  de  même  que 
le  conte  polonais,  serbe  et  albanais,  se  sont  complétés  par  la  légende  de 
Fridolin,  qui  y  joue  un  rôle  épisodique*  Leur  formule  serait  donc  :  pro- 
phétie 4-  lettre  d'Urie  A-  légende  de  Fridolin. 

5 .  La  plupart  des  légendes  européennes  ont  pris  un  développement 
ultérieur  :  elles  sont  complétées  vers  la  fin  par  un  détail  puisé  à  un  cycle 
hétérogène»  celui  des  travaux  pénibles.  Cette  adjonction,  qui  ne  se  re- 
trouve pas  dans  les  rédactions  orientales,  se  serait  faite  en  Europe. 

4.  Si  les  traditions  mentionnées  sous  le  n°  i  ontpénétréen  Europe  comme 
une  importation  de  l'Orient,  le  nom  de  Constantin,  se  rencontrant  dans 
des  variantes  et  des  relations  très-divergentes,  témoigne  en  faveur  d*un 
intermédiaire  byzantin.  Ne  serait-il  pas  présumable  que  dans  le  récit  des 
Ccsta  Romanorum  nous  avons  affaire  à  !a  légende  même  de  Constantin, 
où  on  n'aurait  fait  que  substituer  des  noms  nouveaux  et  plus  connus  aux 
anciens  tombés  en  oubli  ?  Une  telle  subsiituiion  est  loin  d'être  rare;  il 
est  intéressant  de  noter  qu'elle  a  eu  lieu  une  autre  fois  au  détriment  des 
noms  de  Constant  ou  Constantin.  Je  veux  parler  de  la  «  Vaticinaiio 
Sibyllae.  »  Dans  ce  texte  singulier  >  où  on  prédit  les  destinées  de  Pempîre 
d'Orient,  le  nom  du  dernier  empereur  est  Constant:  u  Et  tune  exsurget 
rex  nomine  et  animo  Constans.  »  Il  faut  probablement  entendre 
Constantin,  d'accord  avec  la  tradition  byzantine  selon  laquelle,  de  même 
que  Constantin  a  été  le  fondateur  de  Byzance,  le  dernier  souverain  de 
la  cité  se  nommera  aussi  Constantin.  Il  régnera  122  am  :  a  Et  ipsius 
regnum  122  annis  termînabitur.  »  C'est  là  un  détail  qui  n'est  pas  dénué 
d'intérêt,  parce  qu'il  peut  servir  à  expliquer  Tétrange  indication  d'une 
pièce  en  provençal,  de  Bertran  de  Paris  de  Rouergue  :  comme  quoi  l'em- 
pereur aurait  mis  j  20  ans  à  bâtir  Constantinople  : 
Cen  vint  ans  ûbnt  c'anc  als  no  fe  2. 


T*On  trouve  aussi  une  «  lettre  d'Uric  »   dans   le    conte   courde   des  Trois 
Frères  dans  Lerch,  Forschungcn  ukr  du  Kunim»  p.  4**  suiv. 

a.    Bartsch,   DtnkmiiUr  âtr  provcnialiichen  Ltterûtur,  p.  8^  suiv.;  v.  p   87, 

V.    Jl. 


198  A.   WESSELOPSKY 

Cette  prophétie  a  passé  littéralement  dans  le  traité  De  Vita  AniechrisH^ 
publié  sous  le  nom  d'Adson,  avec  cette  seule  différence  que  le  nom  de 
l'empereur  n'y  est  indiqué  que  par  son  initiale  :  Cujus  nomen  erit  C.  — 
Ce  C.  fut  interprété  depuis  comme  Charlemagne,  et,  par  suite,  le  traité 
même  attribué  à  Alcuin  ;  c'est  ainsi  que  l'on  eut  une  nouvelle  donnée 
pour  la  légende  de  Charlemagne,  empereur  «  revenant  ». 

En  terminant,  je  ferai  observer  que,  de  même  que  la  légende  allemande 
fait  s'égarer  l'empereur  Conrad  à  la  chasse,  c'est  par  une  aventure  de 
chasse  que  commence  la  légende  serbe,  pour  finir,  comme  le  récit  de 
Jacques  d'Acqui,  par  la  fondation  de  Constantinople,  qui  fait  pendant  à 
celle  du  couvent  de  Hirschau  par  Henri  IIP. 

Alexandre  Wesselofsky. 


I.  Grimm,  Deutsche  Sagen^  2'  éd.,  n*  486,  p.  162.  Voy.  Simrock,  Deutsche 
Màrchen  (Stuttg.  1864),  n*  72  :  c'est,  en  substance,  le  récit  de  Godefroi,  il  n'y 
manque  que  les  noms  historiques.  Un  roi  qui  n'est  pas  nommé  s'égare  à  la 
chasse  du  cerf  {Hirschjagd),  ce  qui  s'harmonise  parfaitement  avec  la  fondation  du 
couvent  de  Hirschau  mentionnée  dans  le  conte  de  Grimm. 


DELLE  VOCI   ITALIANE 

CHE  RADDOPPIANO  UNA  CONSONANTE  PRÏMA  DELLA  VOCALE 

AGCENTATA. 


È  un  fatto  ovvio  nella  storia  delta  lingua  italiana,  corne  la  consonante 
scempia  che  succède  alla  vocale  accentata  soglia  raddoppiarsi  ;  al  modo 
che  si  vede  in  acqua  da  âqua,  leggo  da  lego,  legge  da  lêge[m],  figgerc  da 
flgtrt,  piîtima  da  epithëma,  macchina  da  machina  (donde  anche, 
învece,  mddna],  femmina  da  fêmina,  e  simili.  Quesîo  fatlo  si  puô  ira- 
dtirre  in  altri  lerminicosi,  che,  quando  la  vocale  acceniata  èlunga,  essa 
s'abbrevii,  e  la  lunghezzasya  passi  alla  consonante  successiva  [Iggem , 
l^ggf),  e  quando  è  brève,  s^allunghi  la  successiva  consonante  per  assi- 
'  curare  cosi la brevità  délia  vocale  (âqua,  âcqmj,  Giacchè  (si  badij.seè 
vero  che  la  quantité  latina,  corne  taie,  è  andata  perduta  fieir  itaîiano, 
non  è  men  vero  perè  che  anche  în  italiano  la  vocale  accentata  ha  attual- 
mente  una  certa  differenza  quantitativa  ;  poichè,  si  pronunzia  con  una 
cerîa  lijnghezza  se  ha  dopo  di  se  una  consonante  scempia  \piâno^=p  l  an  u  s, 
mâno  =  mânus) ,  e  con  maggior  rapidità  se  le  succède  una  consonante 
doppia  o  un  gruppo  di  consonanti  (càldo  -^  càlji)dus, /F/^to  = 
fîb  {uj  la).  Onde  bensi  puè  dire  chci  pronunzîando  âqua  corne  âcqua^ 
non  si  sia  fatto  che  impedirle  di  diventare  aqua  (corne  mâno).  Su  questo 
fenomeno,  del  raddoppiamento  délia  consonante  successiva  alla  vocale 
accentata,  si  potrà  recar  forse  maggior  luce  raccogUendo  e  confrontando 
tuite  le  voci  ov*  esso  ha  liiogo;  ma  è  già,  come  dicevo,  m  fatto  ovvio 
ed  abbastanza  esemplificato  e  dichiarato  '. 

Se  non  che,  anche  prima  délia  vocale  accentata  avviene  non  di  rado  che 
una  consonante  si  raddoppii  :  il  s  ep  e  li  re  latino  è  per  noi  upcîiircy  ed  anzj 
stppttiifiy  sceleratus  è  scditraîo,  rhetorica  èanche  rettorica,  oitrechè 
reîorica,  e  cosi  via.  Or  cotali  raddoppiamenii  sono  stati  avvertiti  appena. 


\,  Vedasi  Dibï^,  Grammaiik  dir  romanischtn  Sprachcn  ;  vol,   I,  CraïUtto  délia 
Prosadia,  —  Schucu^adt,  nella  Romama,  Hï,  14. 


200  F.    d'OVIDIO 

Il  DiEZ  stesso  non  fa  che  accenname  alcuni  esempj  in  promiscuità  coi 
raddoppiamenti  posteriori  all'accento  >  ;  ne  altri^  ch'iosappia,  ne  ha  fatto 
soggetto  di  più  spéciale  ricerca.  Non  mi  è  parso  dunque  inutile  raccogliere 
tutte  le  voci  che  presentano  il  raddoppiamento  in  questione,  ed  indagare 
le  ragioni  che  in  ciascuna  di  esse  possano  averlo  determinato. 

Ma,  prima  di  trascrivere  e  dichiarare  le  voci  cosiffatte,  gioverà  ch'  io 
significhi  quali  norme  io  abbia  tenute  nello  spogliare  il  vocabolario  délia 
lingua  italiana. 

Anzitutto,  non  ho  fotto  alcun  caso  di  quelle  parole,  che  presenterebbero 
bensl,  prese  isolatamente,  il  raddoppiamento  in  sillaba  protonica^  corne 
tollerare  pertolerare,  serrare  per  serare,  lecceto  per  ilicetum,  colle- 
rico  per  choie ricu s,  ma  che  devono  la  lor  doppia  consonante  sempli- 
cémente  ail'  influsso  délie  parole  a  loro  strettamente  affini,  fomite  délia 
normale  geminazione  postonica,  quali  sono  îollero  da  tolero,  serro  da 
sero,  leccio  dailiceus,  collera  da  choléra'.  E  tanto  meno  mi  son 
curato  di  quelle  parole  che,  sebbendi  radicale  latino,  pur  non  continuano 
direttamente  alcuna  voce  latina  ;  bensi  si  derivarono,  mediante  qualche 
suffisso,  da  qualche  voce  latina  già  venuta  alla  forma  italiana;  com'è  il 
caso,  poniamo,  di  armgginire,  il  quale  si  derivô  da  rùggine,  quando 
questo  s'era  già  cosi  ridotto,  da  aeriigine[m]  che  era  origina- 
riamente  ^ 

In  secondo  luogo,  non  ho  preso  in  considerazione  quelle  voci  che  già 
in  latino  oscillavano  tra  la  consonante  scempia  e  la  doppia,  com'è  il  caso 
di  solenne  (e  -//-),  di  pugilato  (e  -//-),  Brettagna  (lat.  Britannia,magià 
Britto),  di  betonica  (e-«-),  e  di  alcuni  derivali  di  nomi  dal  suffisso  in 
-êla  4,  come  candelara  candeliere  [e  -//-).  Non  so  risolvermi  a  collocar 
qui  anche  mercenario-mercennajo.  In  qualche  vocabolario  latino  ^  si  trova, 
a  proposito  dimercenarius,  avvertilo  che  forse  sarebbe  più  retto 


1.  V.  Gramm.  d.  r.  Spr.;  vol.  I,  il  capitolo  sulle  Consonanti  italiam^  e  pro- 
priamente  il  paragrafo  sulla  Geminazione, 

2.  Il  CoUra  (morbus)  è  la  stessa  parola,  j^oXépa  (v6<jo;,  come  chi  dicesse  'la 
biliosa'),  rivenutaci  come  parola  tecnica  medica,  e  con  accenlo  greco.  Il  quale 
accento  sarebbe  utile  gli  fosse  mantenuto,  assieme  al  génère  maschile,  per 
maggior  distinzione  da  collera,  quando  pur  non  fosse,  com*è,  deU'uso  più 
cornu  ne  (cfr.  Giusti  :  Nina,  risolvitij  Non  far  l[ausUra....  Vicne  il  choléra). 

3 .  È  notevole  l'analogia  che  occorre  tra  le  vicende  délia  consonante  secondo 
ch'è  prima  o  dopo  Taccento  e  le  vicende  della  vocale  secondo  ch'è  atona  od 
accentata.  Come  si  ha  soleva  (=solébat),  di  contro  a  suole  (=:sôletj,  cosi 
si  ha  lefriliimo  (=  legi  timus)di  contro  a /rgg£(=  lége|m]).  Ma  d'altra  parte, 
come  SI  ha  suonare  (=  sonare)  per  influsso  di  suono^  cosi  si  ha  toWerdre  per 
influsso  di  tôWero.  E  finalmente,  come  da  pkde  (non  più  pedefm])  si  derivô 
pxtdinOy  cosi  darwggm^  (non  più  aerûgine[m])  si  derivô  arru^ginire. 

4.  Almeno,se  han  ragionequeilessicograficheaccettanoloquella,  querella, 
dopo  loquela,  querela. 

j.  V.  Klotz,  Lateinisches  Wôrterbuch. 


RADDOPPIAMENTl    PROTON ICÎ  20 1 

itiereennarius=^*mercsd(elnariu5;  ma^  quandopur  quesia  forma 
con  -nn-,  invece  che  teoricamente  ricostniita,  fosse  reale  e  documentata, 
ftstercbbe  sempre  dubbio^  se  il  nostro  mercennajo  fosse  il  pertinace  con- 
ràuâiore  dcHa  forma  latina  in  questione,  o  non  piiittosto  un  postumo  e 
casuale  riiorno  de!  semplice  mcrcenario  alla  n  geminata. 

In  lerzo  luogo,  ho  irasandato,  corne  ognuno  intende,  quelle  voci,  ove 
b  consonante  doppia  non  è  che  il  risuliato  délia  assimilazione  di  due 
CORsonanii  che  erano  o  divenlarono  atligue.  Questo  è  il  caso  di  addome 
=abdomen,4ï/irt€gd2ion^=abnegatione[mj,<ïn/ïfg^rf  (sommergere) 
&*adnecar  e,  accâtiare  =  *adcaptare,  e  di  lytti  gli  aUrineocomposti 
H  àAid)e  co'n\,  corne  arredo  e  corredo  (circa  -redo,  vedi  Diez^  Etymolo- 
^^P  g^diis  [Vôrterhudi  der  romanachen  Sprachen^  H,  Î44'»  addobhare  (germ. 
m  -4tthban^,  asiannare,  ecc. ,  formaii  sull*analogia  dei  composii  iradizionaii. 
I  E  van  pur  qui  ascritti,  senza  paHar  di  matîino  —  mat[ultinu  m ,  anche 
I  tiffi— civ[i]iate[m],  Mfa^//a  — 'batvalia  anche  per  inRusso  d/ 
I  kttrreK  mj/T/M/(i='manvaria,^^ffffflic=^*janvarius,  burraKCL^* bor- 
^^_  jaia  =: ^or«435f û  (cfr.  burrina  —  borina^  bolina;  e  ^oppa;— ^ofii^i  , 
^^P  ufitûno  :==  arabo  z  a*  f  a  r  à  n ,  assassina  =  arabo  h  a  s  c  i  s  c  i  n^  caffè  —  arabo 
qah  vah,  E  qui  spetterà  pure  camminare,  il  quai  verbo,  secondo  I'Ascolï, 
non  é  ahro  che  \amb-inare  da  '  caraba  \^=gamba)f  analogo  interamenie 
iped^nart  \  Forse  con  gli  altri  esempj  di  doppia  consonante  risultante 
da  ncsso  assimilato  potrebbe  qui  imbrancarsi  anche  il  Mupo  mannaro\ 
qoasisignificasseMupusmanuarius'  (— manv-i,  'il  lupo  checammina 
ton  le  mani,  che  ha  mani  per  piedi  anteriori';  giacchè,  almeno  secondo 
una  versione  assai  comune  délia  credenza  popolare,  Finfelice  uomo,  pur 
comportandosi  corne  lupo,  non  cessa  d^avere  gli  organi  umani.  Ma  è  più 
probabileche  d^altro  nonsi  traiti,  se  non  d*tin  Mupus  *humanarius, 
(cfr.  XuxivOpt*)-5;),  cîoè  Mupo  umano';  cosicchè  avrô  ad  attribyirlo  alla 
enegoria  D,  a;  per  cagione,  s'iniende,  délia  forma  toscana,  chê  a  Roma 
{manaro)  e  nel  Mezzodi  (menaro)  troviamo  la  consonante  scempia.  Fi- 
jiâlmente,  il  verbo  difeitivo  arrogcre,  che  se  fosse  vera  la  infelice  deri- 
Vazione  del  Dëuus,  da  ad-augëre^  ci  darebbe  un  esempio  di  -r-  (da 
-d-)  in  'TT-<t  non  è  che  arrogare  con  alierala  conjugazione  (v.  Diez, 
ûramm.  d,  r.  S,,  lî,  izG.edEtym,  W.,  II,  ^  ;  ecfr.  il  râgiîo  délia lingua 


In  quarto  luogo,  ho  omesso  quelle  voci  ove  il  raddoppiamento  non  è 

i  che  apparente  graiicamente.  P.  es.  griltanda  pare  aver  geminato  I'  /  di 

ff^irldnda  ;  ma  siccome  questa  si  pronunzia  in  reahà  ghirlïanda  \y.  Vescovi, 

ne!  Vocûb.  deWuso  toscano  del  Fanfani^  P-  775;  ^  Schuchardt,  nella 


\.  Per  lo  -mh*  io*/nm-  vedaiî  Diez,  Gramm,  d.  r,S.\  vol.  [,  Consonanù  latine, 
\  propria mente  b^  In  fine. 


202  F,    d'oVIDIO 

Romania^iU^  16-17),  anziin  aître  epochesi  sarcbbescritta  proprioccsi, 
senza  tanti  scrupoli  (v,  Rajna,  /  Cantari  ai  Cardaino  ecc,  Botogna,  Ro- 
raagnoH,  1873  ;  p.  LXV-VI),  cosi  la  metatesi  grillanda  non  ha  fatlo  che 
smascherare  meglb  la  doppia.  Per  la  stessa  ragione  ho  omesso  pure 
mammalucco  (fr.  mamduqué),  che  è  Farabo  mamluk,  che  noi  pranun- 
zieremmo  naturalmenie  mûmm-kkk. 

In  quinto  luogo,  non  ho  qui  teîiyto  conto  di  quei  raddoppiamentî,  corne 
^ppoi»  accanîo^  dappoi,  comecchè,  comecchtssm,   sopratiuîto,   e  simili  : 
raddoppiamentî  che  appariscono  quando  si  faccian  conglomeramenti  di 
due  parole j  di  cui  la  prima  abbia,  come  appunto  Phanno  e,  a,  da^  comt^ 
sopra,  ecc,  il  potere  di  raddoppiare,  anche  qyando  le  parole  si  scrivano 
separatamenie,  la  consonante  iniziale  délia  paroia  seguente  (p,  es.  e  iu, 
pronimzia  £/fù),  Questi  raddoppiamenii,  che  aliri  chiama  '  siniattici*,  efl 
che,  a  scanso  d'ogni  più  lontano  equivoco,  10  inclinerei  a  chiaraar  ^pa*^ 
raiattici*,  sono  statî  già  illustrât!  da  a!tri  '  e  da  me  stesso  ^  altrove;c 
sebbene  merkino  forse  ancora  studj  e  dichiarazioniulieriori^iuttavia  non 
hanno  in  venta  nîenie  a  che  fare  col  soggetto  onde  qui  vogliamo  trattare, 
ed  aï  quale  oramai  senz*  aliro  ci  volgîamo;  dopo  avère  perô  ancora 
avvenito,  che  del  raddoppiamento  di  z,  come  di  quello  che  pare  facile  e 
spontaneo  a  questo  singolare  suono^  risul  tante  del  reste  quasi  sempre  da  ^ 
nesso  di  consonanii  assimilato,  non  cioccuperemopunto,  f 

1  raddoppiamenti  di  consonante  in  siltaba  protonica  pajon  déterminât! 
da  molteplici  condizioni,  sicchè  h  verremo  enumerando  distribuili   in  _ 
altrettame  catégorie.  Délie  quali  la  prima  H 

A)  è  una  categoria  sui  generis,  alquarito  distinta  da  tutte  le  altre,  e 
taie  che  non  esige  una  enumerazione  compiuta,  ma  s'accontenta  di  una 
mera  esemplificazione.  Comprende  essa  quelle  vocî  in  cui  una  consonante 
è  rinforzata  da  una  consonante  continua  |;\  l^  r)  che  immediaiamenie  le 
succéda  :  par  che  essa  comunichi  alla  consonante  précédente,  che  di  soliio 
è  b,  d^  una  parte  délia  sua  forza  durativa.  Questo  è  il  caso  di  ahbittra 
(arcaismo  per  abjura  ;  lat.  a  b  j  u  r  a  r  e) ,  abbuUo  (=  a  b  j  e  c  t  u  s) ,  obbietio, 
obbUzione,  subbietto,  aMfl«/r/^(= adjacente  [m]),  addieîiivo  (=adjcc- 
tivus]';  di  obbli^fao,  obblio;  à\  abbnyan  (— *ab-ripare),  Abbruzzo 


1 


i.  V.  Rajna,  ne!  Propugnûton^  vol.  V  ;  e  Schugharot,  nella  Romania,  lU 
i-jo. 

2.  Propugnatore,  vol.  V. 

}.  Dovrcmmo  atinoverare  qui  ancKe  b  forma  comunc  Mac€ÂmtHi.  l\  nome 
onginario  tu  Maî-chlanlio^  cioè  Mah-chiodo  (vedi  il  vocabolarjo  sotto  ^chiûvcUo* 
=  clavulus  con  suffisse  mutalo),  dello  identico  significato^  ouîndi,  che  Mal- 
agutû^  ed  analogo  a  Maîaspina,  MaUbrancke  (assai  più  antico  di  Dante)j  A/j/a- 
nimû^  Mahtzzi^  Malagridû^  ecc.  Si  sarcbbe  aspettata  rassimilazionc  (M/  m  kkj)^ 
ma  SI  ebbe  itivece  la  soppressione  deir  l^  cioè  MâchtùvcUo  {vedi  il  Sonetto  suo  a 
Giuliano  de'  Medicî  :  <  Ma  perché  un  po'  del  pover  Machiavello  Vostra  Magai- 


RADDOPPIAMENTl    PROTONICI  20) 

(Aprutiufn).  Giova  perô  avvertire^  e  che  questc  vod,  iranne  la 

penoltitTia,  hanno  anche  la  forma  con  consonante  scempia  (cfr.  pùblico^ 
ecc.).  c  che  la  forma  con  la  doppia  la  devono  forse  in  parte  pure  alla 
Uloenza  analogica  deile  parole  come  âbbaîîere,  addum,  suppone^  opporre, 
ekt  contengono  un  prefisso  o  ïdentîco  o  rassomîglîanie.  La  seconda 
dssse 

B)  è  di  quelle  parole  sdrucciole,  che  raddoppiano  la  consonante  che 

ipretede  immediatamente  la  vocale  accentaïa.  Pare  che  1"  accento  abbia  in 

sdrucciola  una  maggior  forza  che  in  parossitona,  epperciô  la  voce, 

preparandosi  alla  pronunciazione  di  un  tal  accento  più  energico,  dia  alla 

Leonsonante  stessa  che  lo  précède  una  energia  maggiore,  Appartengono 

'l  quesia  classe*  :  accUiia  idxr^S(i),  accoliio  (iKdXoudoç,  acolûthus, 

)iid,  Orig.  7,  12,  29),  assintoto  (-i-;  dloîi|jixrwToç)^  ammtnnicolo  (-mî/i-; 

imtniculum)^  Bamhillonia  (Babilonià)^,    bassiliœ  {-s-;  ^îtçiXixov), 

siiica  <-S'\  una  délie  vene  del  braccio),  bottdrica  ^bottarga, -/-,  ùk 
Ts^t/i,  buccoiica  (-c-  ;  b u  c  0 1  i  c  a  ) ,  caîîoHco  (c  a t  h  0 1  i  c  u  s,  xAÔoXixd;)  ' ) , 
ammtdia  (comœdia)^  effimero  {i<^i'^\klpoç) ,  faccimolo  (-c-;  ^malia*; 
ficinora?)^!  gianniiztro  (-^-),  immagine  (-m-),  ippocriîo  (-p-;  hyp5- 
Cf  il  a  ) ,  mtccanica  (-c-  ;  piyjtv  w^J,  melUloîo  (•/-  ;  m  e  li  1  ^  t  u  s ,  |uX{Xo)Toç)  , 
mmtUagint  \-dU-,  -cil-;  mucilage  e  muccilago),  pettegolo  {-a,  puti- 
culus?,  cfr.  puîio  -d,  dial,  pi/lW?),  remrka  (-r-;  rhetorica)^  soffistico 
(f-i,  turribolo  (-r-;  thuril3ulura),  Pittagora  (-i-;  Pylhagoras), 
Fkmminia  (-m-  ;  F 1  a  m  i  n  i  u  s) ,  Polloma  (-/-)  » 

Su  alcune  di  questc  parole  si  puô  legittimamente  sospettare  che  abbian 


kenzj  si  raccordi  »  )  e  Machiavel  H;  o  forse  si  ebbe  il  plurale  Ma*chiavelti^  donde 
siriconiè  il  singolare  Machiavcîh,  Comungue,  la  tendenza  che  si  ha  a  pronun- 
mrt  e  scriver  Mûcchmdti,  nasce  dal  solito  influsso  raddoppialivo  dd  /  sulla 
consonante  antécédente^  ed  è  ajutata  anche  dalla  inopportuna  analogia  de!  nome 

t.  Quando  noto  la  parola  senz'altro,  vuol  dire  che  essa  non  Ka  che  la  forma 
con  la  consonante  doppia  ;  quando  aggiungo  în  parentcsi  '*t*\  p.  es.,  vuol  dire 
che  sussiste  sioricam ente  anche  la  forma  con  consonante  scempia.  Ma  quale  délie 
due  &ia  più  usata  attuaimente^  facendosi  qui  una  tuera  queslione  fonologicaj  non 
accenno  e  non  cerco.  Ometto  anche  di  notare  i  denvati  1  nolato,  p.  es.,  immâ- 
guii,  lascio  slare  immaginare^  immaginoso^  ecc.  ecc» 
a.  Vedi  Rajna,  i,  cit. 

j<  Scherzose  formâzioni  analogiche,  allusiye  a  questi  due  uitimi  yocaboti, 
no  la  bttccohca  pcr  *  la  aueslion  della  bocca,  del  mangiare*,  e  accatlolica  {mtr€ 
n  pcr  ^âccaito  \mtr  d')  [cfr,  il  PonT.\,  nel  Fraa  Ztntvcr  :  f  Che  fin  che  lu  el 
itteva  ta  cattoUga^  Leva  franch  l'inleress  de  la  bùccokga  t  J.  Forse  a  ribadire 
b  scherzQsa  allusione  che  è  in  accattolica  poirebbe  aver  contribuito  rn  piccola 
parte  i)  pensar  che  si  fecc  agti  ordini  monaslici  cattoîici  ûé  mendicanti.  Ad  ogni 
modo,  altri  scherzi  analoghi  si  hanno,  p.  es.^  in  Sasioma  per  'paese  sassoso', 
MouonA  pcr  J  luogo  pieno  di  mosche',  'candele  di  ccra  di  Stgovia'  per*candelc 
di  s«o' ,  e  via  via.  Ognuno,  già,  ricorda  i  roariti  di  Cornovagliû  dci  poemi 
civaUerescbi. 
4.  Ma  pare  s'abbia  ânchtfacdùmulo. 


204  ^*    D'OVÏDIO 

influilo  parole  aventi  con  esse  qualche  accideniale  anabgia  fonica  nelia 
prima  sillaba.  Per  esempio,  accidia^  assintoîo  possono  facilmente  essere 
staie  imbrancate  tra  le  parole  corne  accendere^  assomigliare,  comenenii  il 
prefisso  a  {d)  ;  e  in  accoliîo  si  poiè  persino  sentira  un  accolto.  In  imma- 
gine,  immaginare,  si  potè  vedere  quasi  un  composto  di  in'\  del  che 
sarebbe  opportuna  conferma  il  senilrsi  in  alcune  parlaie  iialiane  me  in" 
magino  (Ascoli).  La  terza  categoria 

C)  è  di  quelle  parole,  le  quaiî»  avendodue  o  piCi  sîllabe  prima  dî quella 
ove  cade  Taccento  principale,  vengono  sponianeamente  ad  avère  un  altro 
âccento«  minore,  sulla  sillaba  iniziale;  il  quai  minore  accemoè  naturate 
che  produca  anch'  esso,  benchè  di  certo  con  minor  costanza  ed  efficacia 
che  non  faccia  Taccento  principale,  il  raddoppiamento  délia  successîva 
consonante.  Ad  esempio.la  forma  stratiagemma  per  straia gemma  =^^U i 
lêgêma  =  aTpaTfj^iQ;;,*)  è  in  soslanza  sîr âtta- gemma ^  quasi  corne  viva 
ménie^  liéve'ménîey  ccosî  via,  Le  alire  voci  che  spetiano  a  questa  catego- 
ria sono  :  abhecedario  (  a  b  c  c  e  d  a  r  i  u  m  ),  accademla  [-c-  -academia^ 
più  lardi  -emïa,  \Kx%lr^*^,l\^),  Aîkmagna  (-/-;  Alemania  e-nnia) 
allifante  td  tllionfante  {^^eUfante;  commlsTovi  anche^  nella  forma  elUonf 
e  lionf'^  indebîtamente  il  nome  del  'ïeone'l,  alUmbicco  (sp.  oiambique' 
arabo  aUanbîq),  appostotico  {-p-\,  AppoHonia  (-p-),  avvoltojo   (-v-}i^ 
babbUonia\{-b-}^  bailacôcora  (dialetlale  toscano  per  *albicocca';  v,  CaixjH 
Sâggîo  sulla  storia  délia  lingua  e  deï  diakni  itatiani,  p,  1^7),  Catîerinâ 
(-N;  vMicoç),  cemmamdla  (e  cemanella,  ciarameih,  aniichi  francesismi, 
ésichalumelle=  pîccola  calamus  ,  doccolatte  (spagn*  chocolaté^  dal  mes! 
cano  c  h  oc  o  11  aï  11 ,  coccodrilh  -  *co  codri  lus.crocodîlus,  xpT/.ilvX':: 
coccoveggia  (napol.  cuauvaja;  dacuciibareUcommafièi/^  ida  comedo] 
ceppicone  fstorpiaiura  popolana  di  * occipit-^ne ;  v.  Caix,  op.  cit.,  p.  J7, 
141),  ttiernale  (arc),  tffemtrïâe  fephemeris,  ^r^'^t^U),  facctlUna  (-f-), 
Ferragosto  1  Feriae  Augusii),  fummosterno  (specie  d'erba,  da  fumus 
terrae,  [cfr.  fummo=fumo]),   maîtemaîko  (-f-;    maihemaiicus;, 
missirizzi  (-5-),  oppenione  (-p'-),  patlafrino  ^-l-;  paraveredus),  pdli- 
grino  (-r-;  peregrinus),  pappagallo  (d'incerta  origine,  v.  Diez,  Eîy- 
motog.  Worterh.y  !,  ?o^  ;  ma  tuite  lealtre  lingue,  romanzeenon  romanze 
hanno  un  solo  p)^  ptUicano  (pélican us,  pelecanus,   rSkîxrnz) 
Haffaele  [Raphaël)»  rtbbkone  le  ribeconey  accrescilivo di  ribéca^  dair arabo 
rabâb;  v.  Diez,  £r  K^.,  r\  5481,  RuJ'jftj^/ïj/io  i  Rufinianus,  nomeloc; 
Flechui,  scelUraio  (sceleratus  ,  seccomora  {^  skomoro,  sycomoruil, 
sepptlîire  {-p-;  sepelirel,  suppellettile  (supellex),  soddisfare  (-i-; 


i .  Invece, daAIamania,  -nniai  venne  Atlamagrta,  donde  la  lorm^  aferetica 
Lamagna^  e,  prcso  il  La  per  articolo,  la  Magna;  a  nbadir  qiiest'ullîma  forma 
contribucndo  i)  correr  che  si  fcce  col  pensiero  airaggcltivo  magna^  che  dovè 
parer  bcn  convcnicnlc  alla  famosa  t  vagtna  genlium  •- 


RADD0PPIAMENT1    PROTONICl  JOf 

fitiibcere),    mimaglio   -mala  (-/- ;   TtÔupuïXGîi ,   Zauaria    {-c-; 
Zacbarias).  Attanasio  (-î-;  Athanasius). 

Anche  per  moite  di  queste  parole  non  è  illegittimo  il  sospeUo  che 
aèbiano  ricevuio,  se  non  laspinta,  almen  fa  conferma,  al  raddoppiamento, 
dai  ricordar  che  esse  fecero  inconsapevolmente  altre  parole,  omofone  ad 

esscnelle  sillabe  iniziali,  e  lalora  non  alTatto  incongrue  nel  significato. 

Alçuiïe,  corne  accadmia,  avvotiojo,  soddisfare,  arieggîavano  i  composti 
I  prefîsso  a(d),  su(b)  ;  pellicano  ricordd  forse  la  'bianca  pelle \  secco- 
tcro  il  sicco,  pappâgâUû  il  pappan^  Ferragosto  il  ferro,  ceppicone  il  ceppo, 

l«d  quarta  categoria 

0*  è  di  parole  parossitone,  délie  quali  non  è  facile  assegnare  an motivo 

:lie  le  abbia  indotte  a  raddoppiar  la  consonanie  précédente  ail'  accento* 

tMe  abbiamo,  ad  ogni  modo,  un  doppio  lipo.  Aicune  presenterebbero, 
luando  il  raddoppiamento  non  ci  fosse,  il  tipo  monotono  di  una  série  di 

cillabe  composte  di  consonante  più  vocale  (e  Tiniziale  py6  esser  sola 

vocale'  corne  "a-lu^me  {allume),  *  ca-po-nt  [cappone]  ;  e  in  queste  il  rad- 
^•cjoppiamemo  potrebb'  esser  venuto  da  tendenza  dissimîlativa.  Le  altre  ci 
ïresenterebbero  dopo  V  accento  una  doppia  consonante  o  un  nesso  di 

czonsonanti,  corne  'so-la-zzo  [sollazzoj,  'Ve-le^-îri  (VetUîrî),  e  in  queste 

potrebbe  il  raddoppiamento  esser  nato  da  tendenza  ad  assimilare  i!  peso 

cîelle  consonanti  precedenti  con  quelle  délie  susseguenti   alFaccenio. 

Comunque  si  debba  pensare  di  questo  non  facile  punio,  ecco  intamo  le 

due  spanizioni  accennate  : 

â\  :aUoda-dold  (a laud a ), /'a//oro  (ilia-laur us), a//um£  (alum en), 

féellkù  (umbilîcus),  bubbone {^tO'j^è^i] y  honace  [saAe]  i*r*iarabobûraq), 
èottega  (apolhêca),  cammino  (-m-;  caraînus,  xi^Atvûç),  cappone 
{capo  -Onis,  Kixuiv),  Fiitont  {=Piîone;  Python),  fitione  [barba 
maestra  délia  pianta]  lîuiiv?  da  cui  perô  forse  '  fitto,  donde  l'accres- 
citivo  ^tro/i^ ?  e  insinuatavisi  poi,  ad  ogni  modo,  V  idea  di  ^fitto  nel 
tuûlo'?),  graffito  (graphium,  graphisP  e  poi,  ad  ognî  modo,  in- 
sinuatavisi r  idea  del  *graffio'l,  mammone  (voce  orientale  ;  ma  in  tutte  le 
altre  lingue  ha  un  sol  m;  greco  aniico  (Ai^js-ti,  medio  e  moderno  ;i.3tïiJLoî; 
in  alcuni  nostn  dialetti  mendionali  maimoneit  mannaro  (vedi  sopra)j 
miltom  h/-^  melo  -onis),  miccino  [da  mica  f],parâssita  Iparasîtus, 
trifi^tTs;!,  pelrosdlino  tpetroselînura,  ::sTpoaiXtvov|,  scrutîino  HH  c 
i^uimno  {=scrutmOt  nnarc)^  scaffale  {medio-alto*ted.  schafc;  dîalett» 
nostro  merid.  scafaU),  tappeto  (tapetum),  zinnale  (-n-;  *sinalis)^ 
Banoîommio  {-m-,  Bariholomaeus,  Niccola  {-c-j  e^(fC(?W  (-c-  [onde 
par continuarsi  parallelamente  e  un  Nr/.: Aiç italo-dorico ,  e  Nicolâus^^ 
ÎStxîXaoç]*  Tolommeo  {-m-]  Ptolemaeus),  Tommaso  (-m-).  Non  so 
$e  allogar  qui  vassopy  che  è  certo  '  il  luogo  dei  vasi  '  ;  forse  con  un  in- 
completo  suffisso  -cjo  per  -tojo. 


206  F.    d'oVIDÏO 

b)iûUigro  {alàcre-)  allocco  (ulucus),  allùdio  (latine  medioevale 
alodîum;  e  le  altre  lingue  neolaiine  hanno  un  -/-,  fuorchè  il  francese 
dice  allia] t  baccdlo  (a  me  pare  potersi  derivare  da  bacillum,  baston- 
cello),  cammello  (-m-  ;  c  a  m  ê  1  u  s  ) ,  Cammilh  (-m-  ;  C  a  m  i  I  !  u  s  ) ,  dammascù 
|e  domascOj  con  a  in  o  per  contaito  di  m;  Damascus)^  gaîhppa 
(z^groppa,  V,  DiEz,  Et.  W.^  I,224),gjmmurra  (caroùrus  f),mannocdnù 
(-n-;  cfir,  manipolo)^  napptlio  (-/»-),  ommttto  (-m-;  omittou  ottarda 
(avî[s]-iarda),  pannocchia  fpanicula),  pennecchio  (peniculusi  e 
pennello,  pappardo  [papaver,,  PoUacco  (-/-),  soUazzo  (solatium),  sofâsma 
(sojisma,  aé^iapt^i),  ^^ggtlio  (sigillum),  ucctllo  (*avi cello-),  ViUetri 
(Velîtrae),  Lancillotto  (-/-), 

Che  anche  in  talune  di  queste  vocî  vt  sîano  stati  influssi  dt  false  ana- 
logie, non  v'  è  dubbio.  Senzastare  ad  aîmanaccare  su  tutte  quelle  in  cui 
una  tal  cosa  si  puô  presumere»  ci  basti  toccare  di  sollazzo  e  saggelb,  ove 
facilmente  s*  è  immaginato  un  composte  del  prefisso  sub-*  Su  cammino 
:=camînus  certo  influl,  indebitameme,  cammino  (îter), 

Quaiîto  poi  a  oîtarda  e  uccelhj  non  parrebbe  che  lo  sparir  del  dîttongo 
au  (per  av[i]=ravi-)  sia  afifatto  innocenie  del  raddoppiamento  délia 
consonanie  che  gli  succedeva  ;  tanto  più  se  si  consideri  corne,  quando  U 
dittongo  resta,  resii  pur  scempia  la  consoname  {angello^  e  méridionale 
aucielio).  Se  non  che,  di  una  assimilazione  corne  quella  di  dttà  (  *ci  vt  a  te), 
non  è  a  parlare,  non  avendosi  qui  attarda  ne  acctllo.  Ammenochè  non  si 
supponesse  che  'avtarda,  *avcello  passassero  in  *ovfarrfa,  * ùvcelh 
(con  a  in  o,  pel  contattodi  f),  donde  ottarda,  ucctllo  fper  occ-). 

E  qui  convîen  che  si  tocchi  di  alcuni  verbi,  di  cui  le  sîngole  voci, 
isolatamente  prese,  dovrebbero  la  loro  doppia  consonante  a  ragîoni 
diverse,  cosîcchèii  verbo  complessivamente  considerato  non  si  saaquale 
délie  catégorie  fin  qui  poste  ascriverlo*  L'infinito  garreggiare  (-H,  e  g^r- 
Ttggiava  {-T-  e  simili,  entrerebbero  nella  categoria  C,  corne  stràîîagémma 
ecc.  Invece  {h)  ganeggio  (-r-K  (egli)  garreggia  (-r-)  e  simili,  entrereb- 
bero nella  categoria  D,  b,  comc  cammello  ecc.  E  fimlmtnie  garréggiano 
(-r-i  entrerebbe  nella  categoria  B,  corne  cattolko  ecc. 

Dicasi  lo  siesso  di  eccheggiare  (-c-)  ;  e  pressappoco  lo  stesso  di  sagginare 
(sa  gin  o;),  di  proccurare  \'C-)y  proffilare  (-/-),  prowcdere  (-y-).  Di  proffe-- 
rire  (-/-)  non  si  pud  dir  neanche  quesio,  giacchè  ha  addiriitura  alcunc 
voci  ove  la  doppia  viene  ad  essere  postonica,  corne  pràffero  ^  E  forse 
puô  stare  che  sia  proffiro  la  causa  di  proffcnre,  e  quest'ultimo  la  causa  di 
tutij  i  raddoppiamenti  che  han  luogo  dopo  il  prefisso  pro-.  I  quali  perè, 
donde  che  sian  nati,  non  intendo  perché  non  si  estendano  anche  a  pr(h 
pone,  procéderez  proteggere^  proftîtare  e  simili. 

I*  Lo  stesso  si  ha  a  dir  di  quel  brulto  immigre  (-m-)*  In  cui  per6  inilul 
Tcrroneo  suppostodi  yn  prefisso  in-. 


I 

I 
I 


RADDOPPIAMENTl  PROTONICI  207 

Hé  t  mifiori  incertezze  dàn  luogo  varj  composti  dai  prefissi  ah-  e  ai- 

conie  âbhominan  (-fr-),  abborrire  (-fr-),  abbondare  (-/?-),  adâiran  ['d~), 

ûdiofTûti  (-4-),  adâornart  (-J-)  ;  ai  quali  uniremo  obhedlre  {-b-)  e  abbidire 

lohedire)  K   Se  queste  forme  sien  dovute  ail'  analogia  dei  rooiti  verbi 

tinciantî  per  d-  a-,  corne  abbellin,  opporre;  ovvero  ail'  essersi  trovate 

[e  vod  verbali  nelle  condizioni  délie  voci  délie  varie  catégorie  da 

noi  enamerate,  corne  per  es.  abémino  corne  cathélicus,  ôbedlre 

corne  pèlicinus,  e  qmndi   aver  raddoppiato  esse  {ahhàmino^  ébbe- 

£iiî{   ed  essersi  trascinale  cosî  appresso  lutte  le  alire  voci  ;  se  a  ano 

di  questi  niotivi,  dico,  o  a  tutti  e  due  insieme,  o  ad  akrî  ancora^  deb- 

basi  la  geminazione  che  si  osserva  in  cotali  verbi,  io  non  ho  modo  di 

risolvere  ;e,inverità,  ho  più  desiderio  che  speranza,  che  altri  possa  darne 

t¥ia  dichiarazione  appieno  soddisfacente. 

Ne  S"  è  finita  coi  prefissi,  che  pajono  esser  dawero,  in  qiiesîa  faccenda, 
i^  pietra  deilo  scandolo.  Il  prefisso  in-  dà  luogo  a  forme  or  con  -n-  riso- 
lutamente  scerapia,  corne  inorridire;  or  con  risoluta  geminazione  dt  n^ 
Corne  innamorare  ;  or  finalmente  osciïlanti  tra  le  due,  corne  imndart 
1— flfl-'i,  mnalzare  {-n-).  In  italiano  in  e  non  son  le  sole  parole,  si  puôdire, 
elle  abbîanO;  senza  essere  interamente  atone  corne  gli  articoli,  serbata 
l^con&onante  finale;  ma,  stante  la  tendenza  irresistîbile  delPorgano  to- 

Escano  a  ridurre  ad  uscita  vocalica  anche  le  voci  desmenti  in  consonante, 
Seminando  la  consonante  finale  e  aggiungendovi  un  e  ',  in  e  non  si 
tidusscro  spesso  a  inné,  nonne^  persin  nella  scrittura  K  Onde  non  riesce 
difficile  intendere  Vinn-amoran^  inn-alzare,  im-abissare  e  via  via,  che 
sarebbero  dovuti  air  abitudine  fatta  dall^ orecchîo  toscano  ail'  inné  per  in, 
K  forse  l'essere  piùi  o  men  carica  di  consonanti  la  parte  verbale  de! 
cofQposto  dûvè  contribuire  a  determinare  la  scelta  ira  -ïn  e  tnn-  (corne 
ti  vede  appunto  in  inn-a-mo-ra-re,  da  un  lato,  ed  in  in~orr-i-di-rt 
daU'altro. 
A  false  analogie  son  proprio  dovute  disstnuna  [-S'\  dysenteria^ 
ît*CCTtEpCa),AnuWaj  (dysuria,  5uŒ0up{a),  râccamare  [ricaman;  verbo 
arabo  raqama), /^imma/in/!^  (-''i"»  romanzina),  rammarican  {'xt" 
amarîcare),  ammtndart  [emmââte]^  arringo-are  (credutodaiî-f'*''"'^*!''^» 
memre  non  è  che  aringo^  fr.  harangue,  dal  germanîco  kring,  oggi  ring 
'circolo\  in  cui  fu  posta  ^  tra  /i  e  r  per  eufonia  ;  cfr.  pitocco  —  Trcwx^s)» 


1 ,  Quanlo  âd  annaffiarc^  esso  è  inaffian  con  prefisso  scambiato.  Ed  annaspart^ 
che  potrcbbe  aver  la  identica  spiegazîone^  polrebbe  perè,  stante  la  frcqaenza 
delU  forma  naspQ  par  aspo^  ïn  mom  dialetlî,  essere  semplicemciîle  un  derivato  di 
ROêpOt  corne  annasau  di  naso, 

2p  Qui  bus  è  letto  dai  Toscan!  ^utbusst,  dixit  dissitu.  E  altre  provincie 
diaktuli  fanno  su  per  gîù  lo  stesso;  i  Calabresi  dicono  qmbussu^  dkchisitù, 

|,  V,  Rajna^  l.  cit. 


208  F.    O'OVIDIO 

subbisso  {-b-;  fatto  sopra  abisso,  creduio  composto  del  prefisso  a^  mentre 
ê  àfuîffcç,  abyssus).  E  qui  va  anche  ascritto  il  sussuno,  iche  da  moitié 
contre  tutte  le  consueiudini  toscane  vecchie  e  nuove,  si  scrive  per 
susurrOi  sùsurro),  ed  è  da  raandare  a  spasso,  assieme  con  slassera  ed 
altre  cose  simili,  E  qui  pure,  giacchè  si  parla  di  false  analogie,  citcremo 
emanceppare  per  emanclpare,  vedutivisi  dentro  *i  ceppi', 

E)  saràun'ahra  categoria  di  voci  forestière,  le  quali  assumono  facilmente 
la  consonante  doppia,  per  ciô  che  non  riconneitendosi  ad  altre  voci 
italiane   restano  esposte   più   délie  altre  a    trasformazioni  arbitrarie._ 
Avremo  baccalà  (Diez,  Et,  W,,  U,  242),  caccâo  (spagn.,  portogh.  francJ 
CiJCiJO,  messicano  kakahuatl),  caccivacca  (-c- ;  voce  portogh.),  dettaglii 
{détail),  gicchirc  (franc,  jéijuir,  aniico-alto-tedesco  Jehan;  Diez,  Et.  W, 
\j  20 5I,  gettajone  (presso  gliscriitori  lalinigithj^^i/iiieffo  (sp^gn.  ginUe)^ 
Gbibclîino,  tacch^  {DiEZ^  Et.  W,,  1,  259),  mattahtaggio  (-f-;  maîehtage]^ 
ofoU/ïa  (— provenzale,  da  oc,  che  sogliamo  pronunziare  occ.;,  paUttà 
(paletot j,  passagaglio  -ailo  (spagn.  pasagaiki,  pottaggio  (j)oîage\,  qmddità 
(lat-  scolast.  quiditas»  da  quid,  che  suolsi  pronunziarc  quidd),  taffettà 
(pers.  talfteh),  tonncUata  (-n- ;  spzgn.  tondadà),  trace heggiarc   DiEZp] 
Et,  W,,  II,  242). 

Notiamo  finalmente  parecchie  voci  che  restano  dubbie,  stante  la  eti-  ' 
mologta  o  incerta  od  affatto  oscura.  Sono  :  aggina^  ammannite  (-n-  ;  da 
manoî  D1É2,  Et,  W,,  11,  ï  52,  vi  ripugna),  arlccchino,  abhaino,  acceggia^ 
baccâlare  (-C-),  battifoUe,  bdletta,  bifléra,  hilién,  cammeo,  facchino  \\\  il 
dizionario  di  Bellini  e  Tommaseo,  che  su  questa  voce  riferiscono  alcune 
congetmre),  ferrajuolo  (-r-),  gabbano  (DiEz,  Et,  W.,  I,  109,  i9;)tS 
gabbaneila  (-K),  gabbeo^  galkria,  gallont  (cfr,  gal-ante^  gala;  Diez,  f"'»^ 
W,^  Il  195;  e  vi  fy  uno,  non  ricordo  più  chi,  che  mise  avanti  retimo  ala 
per  'nastro*;,  gallirko,  garretta  (*r-;i,  gattabaja,  ginnaremo,  guarguattagio^  l 
marroae^  marruffini,  maîîajonCy  mattarozza  (-f-)^  mattonc^  nuUina  idal 
Maîines,  corne  dicono  ?l,  mailaghera,  pappoleggio  (-p*),  parrofjia  i-r-),  sag- 
gina.scoffonc,  scuffina,  sdonnino^  sessitura,  sevecchime,  solleccola,  solluchero} 
(salivicula?  CMx^op,  cil. ,  p.  ç^}),stibbillare  i,4-i  esobiUare  (sibilare?" 
0  da  subula,  corne  alcyni  dicono?),  tafferugtio,  tattiimcUa,  tellina,  tin- 
nudcuto,  îottavillâ,  zaccagna,  zaccaraUy  zecconato,  zeppoUno. 

Finiia  la  enumerazione  e  disiribtazioîie  deile  voci,  ci  resta  ancora  una 
parte  importaniissima  délia  nostra  ricerca  :  quali  sieno  le  consonanti  che 
più  voleniieri  soggiacciano  al  raddoppiamento.  Ripercorrendo  le  nosire 
liste  lescluse,  s*intende,  la  categoria  A,  e  queste  ultime  voci  incene),  ci      , 
troviamo  talora  avanti  a  dubbj  penosii  non  sapendoci  risolvere  a  indu-  S 


I .  La  propen&ione  del  loscano  pel  'tt-  l'ebbe  già  avvertita,  con  la  sua  soliu 
perspicacia^  il  Fleciiu  {Archim  glottohgko  Uûltano,  vol,  11^  pag.  p%). 


RADDOPPIAMENTI    PROTON ÏC!  2O9 

dot  0  ad  csdudere  quelle  voci,  ove  il  raddoppiamenio,  più  che  a  ragionî 
looetiche,  le  quali  del  resto  non  devono  aver  quasi  mai  laciuto  intera- 
ménte>  è  dovuto  a  influsso  di  parole^  affmî  di  suono  e  di  significatOt  cui 
«se  ricordavano.  Comunque,  fatla  la  statistica  con  la  maggior  discrezione 
possibile,  irovîamo,  che  a  tuite  va  innanzî,  per  facilita  a  raddoppiarsi, 
b  /»  che  si  raddoppia  ben  ventotio  volte.  Le  vien  subito  dopo  il  t'\  che 
si  raddoppia  ventuna  voila.  Sussegue  la  m,  con  venti  esempj.  Il  c 
gonurale  si  raddoppia  sedicî  volte.  Dodici  volte  il  p  ;  dodici  la  n  ;  nove 
û/,cd  altrettanle  il  h  ;  oito  la  s,  ed  alirettante  il  c  palatale  ;  sette  volte 
iar;ednque  il  d.  Infimi  sono  il  ^  palatale  e  il  v,  che  han  due  soli 
csempjognuno,  Di  g  gutturale  non  ho  neanche  un  esempio. 

D'indagare  le  ragioni  di  questo  dî verso  ^  quasi  direi,  coefficiente  di 
genrinabilità  dei  varj  suoni,  non  ho  ora  il  tempo  ne  la  maniera.  Corne 
neanche  mi  sento  in  grado  di  risolvere»  se  i  motivi  da  noi  sopra  accennati 
per  le  singole  catégorie  sieno  stati  essi  la  prima  spinta  al  raddop- 
pismento,  e  la  consonante.  gîà  in  se  disposta  a  raddoppiarsi^  abbia 
sol  approffittato  délia  buona  occasione  per  farlo  ;  ovvero  se  sia  stata  la 
consonante  la  prima  a  far  premure,  dirô  cosl,  pel  suo  raddoppiamenio, 
e  i  motivi  suddetli  abbiano  solo  determinata  la  concessione  del  raddop- 
piimcnto  niedesirao  ;  se  insomma  caîohco,  p.  es»,  lo  abbian  fatto  camtkù 
f»ù  per  rafîorzare  1*  accenio  e  dar  maggior  corpo  alla  paroi  a  che  per 
sfegare  la  veileità  raddoppiaiiva  de!  I,  o  viceversa,  înclinerei^  in  verità, 
^  primo  supposto  ;  benchè  forse  per  qualche  singola  voce,  o  forse  per 
(jimitutta  la  categoria  D,  sî  possa  anche  prefenre  il  secondo. 

Altra  quesîione  non  lieve  è  quelta  che  concerne  l'età  dei  nostri  raddop- 
pijmenti,  délia  quale  crediamo  non  poiersi,  almen  per  ora^  dir  aliro  se 
ûQn  che  essa  vada  risoluta  in  modo  spéciale  per  ogni  singola  voce.  Nella 
sckiera  di  parole  che  si  son  passaie  in  rassegna  ve  ii*ha  di  quelle  in  cuî 
il nddoppiamento  ê  récente,  corne  ve  navra  ceriamenie  di  quelle  vête- 
ï*nc,  che  assunsero  la  doppia  consonante  persin  dai  tempi  anieriori  alla 
fonnazione  délie  varie  lingue  neolatine.  Già  sul  principio  di  questo  scritto 
^Hïno  notate  alcune  parole,  corne  pugilat  us  ecc,  che  accanto  alla 
fenna  con  consonante  scempia  aveano  già  nei  latino  classico  la  forma  con 
^  doppia,  E  si  pu6  qui  aggiungere  che  puranco  di  quelle  norme  che 
«vcfliarono  generali  in  questa  o  queîla  lingua  neolatina,  o  proprio  ca- 
f^tteristiche  di  qualcuna  di  esse,  i  primi  accenni  si  trovano  nel  launodei 


1.  Dei  ventî  e  un  caso  di  -t-  raddoppiato,  otto  sono  di  'th~  (cMtolico^  AHa- 
^itù^  Pittagorâ,  Cattcnnaj  matUmatua^  tiUtmâgîio,  botuga^  Fntone)^  c  dei  sedici 
dif  gutturale  tre  sono  di  ch  [matamca^  achcggmn^  Zaccam).  Ma  ciè  non  nolo^ 
Je  non  j)€r  ossen'are  msieme  che  errerebbe  di  moïto  chi,  in  quesli  undici  casi^ 
ienc«c  il  raddoppiamento  per  una  irasformazione  o  corapensazione  délia  primi- 
tiva  ispi-razione. 


2  10  F.    D'OVÏDIO 

mîgliori  tempi.  Nei  qualï^  per  esempio»  s^ebbe  offa  accamo  a  ôfelïa 
(oggî  ofella  c  offella) ,  che  sembra  accennare  di  già  alla  tendenza  al  rad- 
doppiamento  detla  consonante  postonica  '.  E  di  tapetum  (Ti:rv;ç)J 
benchè  in  lalino  non  s'abbia  mai  altro  che  con  -p-,  pure  è  legininio  so- 
spetlare  che  in  eià  ancora  antica  volgesse  a  -pp-,  losiochè  accanto 
alPItaliano  tappeto  troviatno  il  francese  tapiSf  e  non  tavis^  corne  in  massima 
s'aspeiterebbe  che  fosse  se  venisse  da  tapeîum,  e  il  tedesco  teppich.  Ma 
ceno  receniissimo  è  beUico  ed  acheggiare  e  simili.  La  nosira  rao 
quindi,  mette  assieme  i  portaii  di  età  storiche  diversissirae, 

E  corne  V  intento  storico  è,  s' è  già  detto,  quello  a  coi  abbiamo  mirS 
qui  noi  dovremmo  fimre,  senza  guardar  punto  aila  qoesuone  praiica 
ortografica.  Ma  non  possiamo  rassegnarci  a  dipartirci  dal  nostro  soggetto 
senza  trarne  almeno  un  criterio  générale,  un  i7:t|jLj6'.:v  quasi  direi.  La 
quantità  non  scarsa  di  questi  raddoppiamenti  protonici  ci  deve,  mi  pare, 
rendere  non  troppo  restii  ad  accoglierli  nell'uso  ortografico,  Dove  la 
forma  con  consonante  doppia  ha  interamente  soppiantata  quella  con  la 
scempia,  non  v'èneanche  quesiione  dafare,  e  nessuno,  io  credo,  pensera 
a  scrjvere  ahdola,  sceieraîo,  solazio,  alegro^  hoUga  e  simili.  Dove  la 
forma  con  consonante  doppia,  quantunque  comparsa,  in  ctnt  epoche  e 
in  certe  provincie,  nella  letteraiura,  non  è  riuscita  a  farsi  strada,  ed  è 
morta,  o,  lutt'  al  più,  è  rimasta  circoscritta  a  poche  o  a  moite  parlate 
toscane,  sarebbe  un' affettazione,  letterariao  popolaresca,  secondo  i  casi, 
il  rimetterla  ora  in  campo,  in  luogo  di  quella  ch'  è  più  usata  e  più  eti- 
mologica  :  una  taie  affeitazioue  commetterebbe  chi  scrivesse  maUemaUca^ 
proccurar^e  simili.  Ma  dove  tra  le  due  forme  ha  luogo  ancora  un  ceno 
contrasto^  quivi  puô  av^e  anche  un  certo  campo  il  gusto,  e  sin  il  ca- 
priccio,  iadivîduale.  L*  essere  colui  che  scrive  un  erudito,  a  cui  stia 
sempre  innanzi  alla  mente  il  tipo  etimologico,  od  uno  vago  dt  seguire 
quanto  sappia  di  più  récente  e  di  più  popolare;  V  essere  egli  nativo 
d'una  provincia  italiana  ove  le  parlate  locali  spesseggino  di  doppie^  o 
dove  invece  le  scempie  tengano  il  campo  ;  V  avère  iravata  V  una  forma 
0  P  altra  in  libri  prediletti  o  avversi  ;  il  volere  spingere  la  concisione  fino 
a  risparmiar  le  letîere  o  la  facondia  fino  ad  abbondare  di  quelle  ;  tuttc 


I.  Corne  si  tfovano  anche  gîâ  certi  scempiamenti  ;  p,  es.,  caualis  da 
canna.  Ea  questo  propositO|  raccoglieremo  qualche  esempio  di  scempiamento 
italtano  ;  senza  (oerô  volerne  fare  oggftto  di  rîcerca  e  di  dicniarazione.  Ciiiamo  : 
&bûi€  {'bh')^  comiûio  (-w^*),  comanJoy  comune^  comcnto,  -tario  l-mm-l,  cmabra 
(cinnabaris,  xivydt(5«piç),  canochiak  {-nn}^  isa^erart,  EmanueU  (-mm-),  gra- 
mati(a\-mm-\f  paraUsse  (-//-;  TïapdJXaÇic),  parosismo  {-ss- ;  TtapoÇvciiô;  ),  sca' 
monta  (scammonêaT<rxau.(uiiv&La),  ufizio  ('ff-)>  Cfr.  makto  (maie  aptus;  ma 
prcso  per  participio  di  malan^  ammalare,  verbî  denominatïvi  dî  mûU  ;  cfr.  invece 
maiatiïû)^  hruHco  {ûà  '  b[rJullico  da  bull  i  o  ?  Caix,  op,  cit.,  p.  io2),camot/o, 
/Tddco  fpracticusFulgcnt.  Mytb.  2,  i  ;  iTpaxTw6«  ;  a  sccropiare  il  *ff-  con- 
tribul  \'nr\n\ogi3i  dl  fanaticOf  companatkoj  maUmatico  c  simili). 


RADDOPPIAMENTI    PROTONICI  211 

queste  e  simili  altre  cose  sogliono  determinare  colui  che  scrive  a  scapric- 
ôni  a  prediligere  piuttosto  1'  una  che  V  altra  forma  ;  predilezione,  del 
rato,  cbe  spesso  è  affatto  momentanea  e  mutabile.  Tunavia,  io  crederei 
dteottcriterio  giusto  avesse  ad  esser  questo.  Quanto  aile  parole  che 
entmo  più  nel  linguaggio  dotto,  preferirei  la  forma  più  etimologica  ; 
(Sreilapoesia  bucolica,  per  esempio,  e  direi,  scrivendo  di  matematica, 
^ûàntoti;  perché  queste  son  parole  tecniche  che  restano  nel  dominio 
fipochi,  i  quali  facilmente  possono  convenire  di  attenersi  alla  forma  più 
etimologica  emenosformata.  Ma  direisempre  cattoUco^  meccanica,  perché 
Posocomane  è  questo,  e  scrivendo  altrimenti  si  va  incontro  alla  mara- 
viglia  di  molti  e  al  sorriso  di  parecchi,  senza  che  metta  conto  di  suscitar 
({odla  0  di  sfidar  questo. 

Franccsco  d'Ovidio. 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS 

RECUEILLIS  DANS  UN  VILLAGE  DU  BARROIS 

A   MONTIERS-SUR-SAULX  (mEUSE) 

(Suite). 


XII. 
LE  PRINCE  ET  SON  CHEVAL. 

Il  était  une  fois  un  roi  qui  avait  un  fils.  Un  jour,  il  lui  dît  : 
«  Mon  fils,  je  pars  en  voyage  pour  une  quinzaine..  Voici  toutes  les  clefs 
du  château,  mais  vous  n'entrerez  pas  dans  telle  chambre.  —  Non,  mon 
père,  »  répondit  le  prince.  Dès  que  son  père  eut  le  dos  tourné,  il  courut 
droit  à  la  chambre  et  y  trouva  une  belle  fontaine  d'or;  il  y  trempa  le 
doigt;  aussitôt  son  doigt  fut  tout  doré.  Il  essaya  d'enlever  l'or,  mais  il 
eut  beau  frotter,  rien  n'y  fit  ;  il  se  mit  un  linge  au  doigt. 

Le  soir  même,  le  roi  revint.  «  Eh  bien  !  mon  fils,  avez-vous  été  dans 
la  chambre?  —  Non,  mon  père.  —  Qu'avez-vous  donc  au  doigt .^  — 
Rien,  mon  père.  —  Mon  fils,  vous  avez  quelque  chose.  —  C'est  que  je 
me  suis  coupé  le  doigt  en  taillant  la  soupe  à  nos  domestiques.  — 
Montrez-moi  votre  doigt.  »  Il  fallut  bien  obéir.  «  A  qui  me  fierai-je,  » 
dit  le  roi,  «  si  je  ne  puis  me  fier  à  mon  fils  f  »  Puis  il  lui  dit  :  «  Je  vais 
repartir  en  voyage  pour  quinze  jours.  Tenez,  voici  toutes  mes  clefs,  mais 
n'entrez  pas  dans  la  chambre  où  je  vous  ai  défendu  d'entrer.  —  Non, 
mon  père  ;  soyez  tranquille.  » 

A  peine  son  père  fut-il  parti  que  le  prince  courut  à  la  fontaine  d'or; 
il  y  plongea  ses  habits  et  sa  tête  ;  aussitôt  ses  habits  furent  tout  dorés  et 
ses  cheveux  aussi.  Puis  il  entra  dans  l'écurie,  où  il  y  avait  deux  che- 
vaux, Moreau  et  Bayard.  «  Moreau,  »  dit  le  prince,  «  combien  fais-tu 
de  lieues  d'un  pas  ?  —  Dix-huit.  —  Et  toi,  Bayard  ^  —  Moi,  je  n'en  fiais 
que  quinze,  mais  j'ai  plus  d'esprit  que  Moreau.  Vous  ferez  bien  de  me 
prendre.  »  Le  prince  monta  sur  Bayard  et  partit  en  toute  hâte. 


CONTES    POPULAIRES    LORRAINS  ÎÏJ 

Le  soif  même,  le  rot  revint  au  château.  Ne  voyant  pas  son  fils,  il 
courut  à  Pécurie.  a  Où  est  Bayard  ?  »  dit-il  à  Moreau*  —  «  Il  est  parti 
ivec  votre  fils.  »  Le  roi  prit  Moreau  et  se  mit  à  la  poursuite  du 
prince. 

Au  bout  de  quelque  temps,  Bayard  dit  au  jeune  homme  :  «  Ah  ! 
prince,  nous  sommes  perdus  1  je  sens  derrière  nous  !e  souffle  de  Moreau, 
Tenez,  voici  une  éponge  ;  jetez-la  derrière  vous  le  plus  haut  et  le  plus 
loin  que  vous  pourrez.  «  Le  pnnce  fit  ce  que  \m  disait  son  cheval,  et, 
iTendroitoù  tomba  Téponge,  il  s'éleva  aussitôt  une  grande  forêt.  Le 
foi  hîDcWt  la  forêt  avec  Moreau.  «  Ah!  prince,  «  dit  Bayard,  «  nous 
tînmes  perdus!  je  sens  derrière  nous  le  souffle  de  Moreay,  Tenez, 
»ûid  une  étrille;  jetez4â  derrière  vous  le  plus  haut  et  le  plus  loin  que 
vous  pourrez,  »i  Le  prince  jeta  Tétrille,  et  aussitôt  il  se  trouva  une 
grande  rivière  entre  eux  et  le  roi.  Le  roi  passa  la  rivière  avec  Moreau. 
<' Ah! prince,  i>  dit  Bayard,  «  nous  sommes  perdus!  je  sens  derrière 
nous  le  souffle  de  Moreau.  Tenez,  voici  une  pierre;  jetez-la  derrière 
ym  le  plus  haut  et  le  plus  loin  que  vous  pourrez.  »  Le  prince  jeta  la 
pierre»  et  il  se  dressa  derrière  eux  une  grande  montagne  de  rasoirs.  Le 
n>i  voulut  la  franchir,  mais  Moreau  se  coupait  les  pieds;  quand  ils  furent 
^à  moitié  de  la  montagne,  il  leur  fallut  rebrousser  chemin. 

Cependant  le  prince  rencontra  un  jeune  garçon,  qui  venait  de  quitter 
rotee  Cl  retournait  au  pays,  «  Mon  ami,  »  lui  diî-il,  «  veux-tu 
édianger  tes  habits  contre  les  miens  ?  —  Oh  !  »  répondit  le  jeune  gar- 
çon, u  vous  voulez  vous  moquer  de  moi,  n  H  lui  donna  pourtant  ses 
Mu;  le  prince  les  mit,  puis  il  acheta  une  vessie  et  s'en  couvrit  la  tète. 
Ainsi  équipé,  iî  se  rendit  au  château  du  roi  du  pays,  et  demanda  si  Ton 
iïait  besoin  d'un  marmiton  :  on  lui  répondit  qu'oui.  Comme  il  gardait 
toujours  la  vessie  sur  sa  tête  et  ne  laissait  jamais  voir  ses  cheveux,  tout 
|lcnionde  au  château  le  nommait  le  Petit  Teigneux. 

OTi  le  roi  avait  trois  filles  qu'il  voulait  marier  :  chacune  des  princesses 
devait  désigner  celui  qu*elle  choisirait  en  lui  jetant  une  pomme  d*or»  Les 
*^ipeurs  de  la  cour  vinrent  donc  à  la  file  se  présenter  devant  elles,  et 
^<ieux  aînées  jetèrent  leurs  pommes  d'or,  Tune  à  un  bossu,  l'autre  à  un 
tortu.  Le  Petit  Teigneux  s'était  glissé  au  milieu  des  seigneurs;  ce  fut  à 
iiîi  que  la  plus  jeune  des  princesses  jeta  sa  pomme  :  elle  Pavait  vu 
<'étnêier  sa  chevelure  d'or,  et  elle  savait  à  quoi  s'en  tenir  sur  son  compte, 
l-crûi  fut  bien  fâché  du  choix  de  ses  filles  :  ^  Un  tortu,  un  bossu,  un 
teigneux,  d  s'écria-t-il,  «  voilà  de  beaux  gendres  !  « 

Quelque  temps  après,  il  tomba  malade.  Pour  le  guérir,  il  fallait  trois 
pots  d'eau  de  la  reine  d'Hongrie  :  le  tortu  et  le  bossu  se  mirent  en  roule 
pour  les  aller  chercher.  Le  prince  dit  à  sa  femme  :  *<  Va  demander  à  ton 
P*re  si  je  puis  aussi  me  mettre  en  campagne*  *> 


114  E>  COSQUIH 

u  Bonjour,  mon  cher  père.  —  Bonjour,  madame  la  Teigneuse. 
Le  Teigneux  demande  s'il  peut  se  mettre  en  campagne.  —  A  son  aise. 
Qu'il  prenne  le  cheval  àtrois  jambes,  qu'ilparte  et  qu'il  ne  revienne  plus.  >* 

Elle  retourna  trouver  son  mari.  «  Eh  bien  !  qu'est-ce  qu'a  dit  ton 
père  ?  —  Mon  ami,  il  vous  dit  de  prendre  le  cheval  à  trois  jambes  et  de 
partir,  »  Elle  n'ajouta  pas  que  le  roi  souhaitait  de  ne  pas  le  voir  reve- 
nir. Le  prince  monta  donc  sur  le  vieux  cheval  et  se  rendit  au  bois  où  il 
avait  laissé  Bayard,  Il  trouva  auprès  de  Bayard  les  trois  pots  d'eau  de 
la  reine  d'Hongrie;  il  les  prit  et  remonta  sur  le  cheval  à  trois  jambes. 
En  passant  près  d'une  auberge,  il  y  aperçut  ses  deux  beaux-frères  qui 
étaient  à  rire  et  à  boire,  u  Eh  bien  !  »  leur  dit-il,  «  vous  n'êtes  pas  allés 
chercher  Teau  de  la  reine  d'Hongrie?  —  Oh!  n  répondirent-ils,  «  à 
quoi  bon?  Est-ce  que  tu  l'aurais  trouvée? —  Ouï.  —  Veux-tu  nous 
vendre  les  trois  pots?—  Vous  ks  aurez,  si  vous  voulez  que  je  vous 
donne  cent  coups  d'alêne  dans  le  derrière.  —  Bien  volontiers.  »> 

Le  tortu  et  le  bossu  allèrent  porter  au  roi  les  trois  pots  d'eau  de  la 
reine  d'Hongrie.  «  Vous  n'avez  pas  vu  le  Teigneux?  *>  leur  demanda  le 
roi.  —  «  Non  vraiment,  sire,  »  répondirent-ils.  «  En  voilà  un  beau  que 
votre  Teigneux  !  »  M 

Quelque  temps  après,  il  y  eut  une  guerre.  Le  prince  dit  à  sa  femme? 
«  Va  demander  à  ton  père  si  je  puis  me  mettre  en  campagne.  » 

«  Bonjour,  mon  cher  père.  —  Bonjour,  madame  la  Teigneuse.  —  Le 
Teigneux  demande  s'il  peut  se  mettre  en  campagne.  —  A  son  aise.  Qu'il 
prenne  le  cheval  à  trois  jambes,  qu'il  parte  et  qu'il  ne  revienne  plus,  o 

Elle  retourna  trouver  son  mari,  a  Eh  bien!  qu'est-ce  qu'a  dit  ton 
père  ?  —  Mon  ami,  il  vous  dit  de  prendre  le  cheva!  à  trois  jambes  et  de 
partir.  »  Elle  n'ajouta  pas  que  le  roi  souhaitait  de  ne  pas  le  voir  revenir. 
Le  prince  se  rendit  au  bois  sur  le  cheval  à  trois  jambes.  Arrivé  là,  il  mit  ses 
habits  dorés,  monta  sur  Bayard  et  s'en  fut  combattre  les  ennemis  11 
remporta  la  victoire.  Or,  c'était  contre  le  roi  son  père  qu'il  avait  livré 
bataille. 

Le  tortu  et  le  bossu,  qui  avaient  regardé  de  loin  le  combat,  retour- 
nèrent auprès  du  roi  et  lui  dirent  :  «  Ah  !  sire»  si  vous  aviez  vu  le  vaillant 
homme  qui  a  gagné  la  bataille!  —  Héîas!  »  dit  le  roi,  «  si  fVvais encore 

ma  plus  jeune  fille,  je  ta  lui  donnerais  bien  volontiers  I Mais  avez- 

vous  vu  le  Teigneux? —  Non  vraiment,  sire,  »  répondirent-ils.  m  En 
voilà  un  beau  que  votre  Teigneux  !  n 

Survint  une  nouvelle  guerre.  Le  prince  envoya  sa  femme  demander 
pour  lui  au  roi  la  permission  de  se  mettre  en  campagne.  Puis,  s'étani 
rendu  au  bois  sur  le  cheval  à  trois  jambes,  il  mît  ses  habits  dorés, 
monta  sur  Bayard,  et  partit  pour  la  guerre,  encore  plus  beau  que  la 
première  fois.  Il  gagna  la  bataille,  et  le  tortu  et  le  bossu,  qui  regardaient 


à 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  21  J 

de  Ictni  disaient  :  «  Ah  !  le  bel  homme  I  le  vaillant  homme  !  —  Ah  ! 
m,  Il  dirent'ils  au  roi^  u  si  vous  aviez  vu  le  vaillant  homme  qui  a  gagné 
labaîaîllc!  —  Hélas!  i>  dit  le  roi,  a  que  n'ai-je  encore  ma  plus  jeune 
fille!  je  la  lui  donnerais  bien  volontiers Mais  avez-vous  vu  le  Tei- 
gneux?—  Non  vraiment,  sire*  En  %'oilà  un  beau  que  votre  Teigneux!  » 
U  fallait  encore  deux  pots  d*eau  de  la  reine  d'Hongrie  pour  achever 
il  guérison  du  roi.  Le  prince  fit  demander  au  roi  la  permission  de  se 
mettre  en  campagne»  et  s'en  alla  au  bois  sur  le  cheval  à  trois  jambes.  Il 
trouva  les  deux  pots  près  de  Bayard  ;   il  les  prit»  puis  il  repartit.  En 
'  passant  devant  une  auberge,  il  y  vit  ses  deux  beaux-frères  qui  étaient  à 
rire  et  à  boire.  «  Eh  bien!  «  leur  dit-il,  w  vous  n'allez  pas  chercher  l'eau 
de  la  reine  d'Hongrie P  —  Non,  »  répondirent-ils;   «  à  quoi   bon?  En 
aiï-tu  par  hasard  ?  —  Oui,  j'en  rapporte  deux  pots.  —  Veux-tu  nous 
'es vendre?  —  Je  veux  bien  vous  les  céder,  si  vous  me  donnez  vos 
pommes  d'or,  —  Qu'à  cela  ne  tienne!  les  voilà,  » 

Le  prince  prit  les  pommes  d'or,  et  ses  beaux-frères  allèrent  porter  au 

_  roi  l'eau  de  la  reine  d'Hongrie,   ^t  Avez-vous  vu  le   Teigneux  ?  leur 

<lemanda  le  roi.  —  Non  vraiment,  sire,  »  répondirent-ils.  *c  En  voilà  un 

l^u  que  votre  Teigneux  !  )> 

Bientôt  après,  le  roi  eut  de  nouveau  à  soutenir  une  guerre.  Le  prince 

F^c  rendit  au  bois,  comme  les  fois  précédentes,  sur  le  cheval  à  trois  jambes. 

Arrivé  là,  il  mit  ses  habits  dorés,  avec  lesquels  il  avait  encore  meilleur 

^^iir  qu'auparavant,  monta  sur  Bayard  et  partit.  11  gagna  encore  la  bataille. 

De  il  s'en  retournait  au  galop^  le  roi,  qui  cette  fois  assistait  au 

it,  lui  cassa  sa  lance  dans  la  cuisse  afm  de  pouvoir  le  reconnaître 

fcUrd, 

Oe  retour  dans  te  bois,  Bayard  dit  à  son  maître  :  «  Prince,  je  suis 
pnrrce  aussi  bien  que  vous  :  je  devais  rendre  cinq  services  à  un  prince, 
^'oulez-vous  partir  avec  moi?  Mais  maintenant  où  est  mon  royaume»  où 
^îtout  ce  que  je  possédais  t  }^  Le  prince  le  laissa  partir  seul,  ei  revint  au 
^ûàîeau  sur  le  cheval  à  trois  jambes, 

^  roi  fit  publier  partout  que  celui  qui  avait  gagné  la  bataille  recevrait 
""^  grande  récompense.  Beaucoup  de  gens  se  présentèrent  au  château 
^pf^s  s'être  cassé  une  lance  dans  la  cuisse;  mais  on  n'avait  pas  de  peine 
*  reconnaître  que  ce  n'était  pas  la  lance  du  roi, 

Cependant  le  prince  était  arrivé  chez  lui,  et  sa  femme  avait  envoyé 
chercher  un  médecin  pour  retirer  la  lance.  Le  roi  vit  entrer  le  médecin; 
^ûffit^jç  celui-ci  restait  longtemps,  il  entra  lui-même  et  reconnut  sa 
*>wœ  ;ilne  savait  comment  expliquer  la  chose.  Le  prince  lui  dit  :  n  C'est 
***'  qui  ai  tout  fait.  La  première  fois,  j'ai  trouvé  les  trois  pots  d'eau  de 
**  ^'^ine  d'Hongrie  près  de  mon  cheval  :  je  les  ai  cédés  à  mes  beaux- 
trèr^s  moyennant  cent  coups  d'alêne  que  je  leur  ai  donnés  dans  le  der- 


2|6  E.  COSQUIN 

rière.  La  seconde  fois,  ils  m'ont  donné  leurs  pommes  d'or  pour  avoir 
les  deux  autres  pots.  » 

Le  roi  fit  alors  venir  le  tortu  et  le  bossu  :  «  Eh  bien!  »  leur  dit-il, 
«  où  sont  vos  pommes  d'or?  —  Nous  ne  les  avons  plus.  »  On  leur 
donna  à  chacun  un  coup  de  pied  et  on  les  mit  à  la  porte.  On  fit  la  paix 
avec  le  père  du  prince,  et  tout  le  monde  fut  heureux. 

Notre  conte  correspond  au  n*  136  de  la  collection  Grimm,  qui  est  moins 
complet.  Voir  les  remarques  de  G.  Grimm  sur  ce  conte  et  aussi  celles  publiées 
par  M.  R.  Kœhler  en  1867  sur  un  conte  italien  (Jahrbuch  fur  romanischt  und 
cnglische  Uteratur,  t.  VIII,  p.  253)  et  en  1870  sur  plusieurs  contes  siciliens  de  la 
collection  Gonzenbach  (n^*  26^  61  et  67),  dans  lesquels  nous  retrouvons^  eo  les 
complétant  les  uns  par  les  autres,  les  divers  éléments  de  notre  conte  lorrain. 

Nous  insisterons  sur  certains  rapprochements  déjà  indiqués  dans  ces  remarques 
et  nous  en  ajouterons  de  nouveaux. 

L'introduction  de  notre  conte  lorrain  se  retrouve,  plus  ou  moins  ressemblante, 
dans  différents  contes  européens.  A  ceux  que  M.  Kœhler  a  analysés  dans 
ses  remarques  sur  le  conte  italien,  nous  pouvons  en  ajouter  d'autres,  très-voi- 
sins aussi  du  nôtre  pour  l'ensemble  du  récit  :  un  conte  du  Tyrol  italien  (Schnel- 
1er,  n®  20),  deux  contes  du  •  pays  des  Saxons  »  en  Transylvanie  (Haltrich, 
Deutsche  Volksmarchen  dus  dem  Sachsenlande  in  Siebenbûrgen,  1856,  n*'  11  et  15), 
et  un  conte  flamand  (Deulin,  Contes  du  roïCambrinus^  3»  éd.,  1874;  voir,  p.  151, 
le  conte  intitulé  Caillou  qui  biques!,..).  Mentionnons  encore  un  conte  catalan 
du  Rondallaye  publié  par  M.  Maspons  y  Labros  (3"  série,  1875,  p.  21)  et 
le  conte  breton  de  Koadalan^  recueilli  par  M.  F.-M.  Luzel  {Revue  celtiquey 
n*  I,  1870),  lesquels,  dans  le  cours  du  récit,  s'écartent  de  notre  conte. 

En  Orient,  nous  avons  d'abord  à  citer  un  épisode  d'un  poëme  des  Kirghîzde  la 
Sibérie  méridionale  (RadlofF,  Probcn  der  VolksUteratur  der  tûrkischen  Stamme  Sud- 
SibirienSf  t.  III,  1870,  p.  261).  Kosy  Kœrpœsch,  parti  à  la  recherche  de  sa 
fiancée,  arrive  auprès  d'une  *  fontaine  d'or  »  ;  il  y  trempe  sa  chevelure,  qui 
devient  toute  dorée.  Une  vieille  femme  qui  lui  apprend  où  est  Bajan,  sa  fiancée, 
lui  conseille  de  se  déguiser  en  teigneux.  II  arrive  pendant  la  nuit  à  la  yourte  de 
Bajan  et  se  couche  par  terre.  La  jeune  fille,  s'étant  réveillée,  voit  la  yourte 
tout  éclairée.  Ce  sont  les  cheveux  de  Kusy  qui  sont  sortis  de  dessous  sa  coiflfiire 
et  qui  brillent.  Elle  reconnaît  que  Kosy  est  là. 

Mais  ce  qui  se  rapproche  d'une  façon  bien  plus  frappante  de  l'introduction  de 
notre  conte  lorrain,  c'est  un  conte  qui  a  été  recueilli  dans  l'Ile  de  Zanzibar, 
chez  les  Swahili,  population  issue  d'un  mélange  de  nègres  et  d'Arabes  (Swahili 
Taies,  wilh  an  english  translation,  by  Edward  Steere.  London,  1870,  p.' 381). 
En  voici  le  résumé  : 

Un  sultan  n'a  point  d'enfants.  Un  jour,  il  se  présente  devant  lui  un  démon 
sous  forme  humaine,  qui  lui  offre  de  lui  en  faire  avoir,  â  condition  que  sur 
deux,  le  sultan  lui  en  donnera  un.  Le  sultan  accepte  la  proposition;  sa  femme 
mange  une  certaine  substance  que  le  démon  a  apportée  et  elle  a  trois  enfants. 
Quand  ces  enfants  sont  devenus  grands,  le  démon  en  prend  un  et  l'emmène  dans 
sa  maison.  —  Au  bout  de  quelque  temps,  il  donne  au  jeune  garçon  toutes  ses 


CONTES    POPULAIRES    LORRArNS  llj 

clefs  et  part  paur  un  mois  en  voyage.  Un  jour,  le  jeune  garçon  ouvre  la  porte 
d'une  chambre  :  il  votl  de  l'or  fondu;  il  y  met  le  doigt  et  le  retire  tout  doré, 
II  a  beau  le  trotter»  Tor  ne  s*en  va  pas  ;  alors  il  enveloppe  son  doigt  dans  un 
chifîon  de  linge.  Le  démon  »  étant  revenu,  lui  demande  :  *  Qu'avez- vous  au 
doigt?  »  —  «  Je  me  suis  coupé,  »  dit  le  jeune  garçon.  Pendant  une  autre 
absence  du  démon,  le  jeune  garçon  ouvre  toytes  les  chambres.  Il  trouve  dans 
les  cinq  premières  des  os  de  divers  animaux^  dans  la  sixième  des  crânes  humains^ 
dans  la  septième  un  cheval  vivant.  «  0  fils  d'Adam  1  *  lui  dit  le  cheval,  «  d'où 
ircnez-vous?  •  El  il  lui  explique  que  (e  démon  ne  fait  autre  chose  que  de 
dévorer  des  hommes  et  toutes  sortes  d'animaux.  Il  donne  au  jeune  garçon  ïe 
mojtn  de  le  faire  périr.  Le  jeune  garçon  suit  ces  conseils,  et,  débarrassés  du 
démon,  le  cheval  et  lui  vont  s'établir  dans  une  ville,  bâtissent  une  maison,  et  le 
jeune  homme  épouse  la  fille  du  sultan  du  pays. 

Ce  n'est  pas  seulement  l'introduction  de  notre  conte  lorrain,  c'est  presque 
tout  l'ensemble  du  récit  que  nous  retrouvons  dans  le  Cambodge  (Bastian,  die 
Vdlkcr  dci  asiitckm  Asuns,  t,  IV,  1868,  p.  J50),  En  voici  le  résumé  d'après 
I analyse  fort  écourtéc  de  M.  Bastian  : 

Après  diverses  aventures,  Chao  Gnoh,  enfant  extraordinaire,  est  recueilli  par 
la  reine  des  Yakhs  (sorte  d'ogres  ou  de  mauvais  génies),  laquelle  Tadopte  pour 
fils.  Elle  le  laisse  libre  de  se  promener  à  son  gré  dans  les  jardins  du  palais; 
mais  il  ne  doit  pas  s'approcher  de  l'étang  d*argenl  ni  de  l'étang  d'or.  Poussé 
par  la  cunosilé,  Chao  Gnoh  va  voir  Tétang  d'or,  y  plonge  le  doîgt,  et,  ne  pou* 
vanl  enlever  l'or  dont  son  doigt  est  resté  couvert,  il  se  voit  obligé  de  le  bander 
e!  de  dire  a  la  reine  qu'il  s'est  blessé.  Puis  il  visite  les  cuisines  du  palais  et  y 
trouve  des  monceaux  d'ossements  et  aussi  une  paire  de  pantoufles  merveilleuses 
«îec  lesquelles  on  peut  voyager  dans  i'air,  un  bonnet  qui  donne  l'apparence 
d'un  sauvage  {sic)  et  une  baguette  magique»  Il  prend  ces  ob|ets  et  s'élève  en 
l'air  par  la  vertu  des  pantoufles.  Comme  il  se  repose  sur  un  arbre»  îa  reine  des 
Yakhs  l'aperçoit  et  lui  crie  de  revenir;  mais  il  ne  Técoule  pas.  Alors  elle  met 
par  écrit  toute  sa  science  magique,  appelle  autour  d'elle  tous  les  animaux  et 
meurt  de  chagrin.  Son  fils  adoptif,  étant  venu  aux  funérailles,  lit  les  formules  que 
la  reine  a  écrites  et  les  apprend  par  cœur.  Puis,  prenant  son  vol,  il  arrive  dans 
un  pays  où  justement  un  roi  célébrait  les  noces  de  ses  filles,  à  l'exception  de  la 
plos  jeune  qui  ne  trouvait  personne  à  son  goût.  Le  roi  fait  venir  tous  les  jeunes 
gens  de  son  royaume,  mais  aucun  ne  plaît  à  h  princesse,  puis  tous  les  hommes 
d*jge,  mais  sans  plus  de  résultat.  Alors  il  demande  s'il  est  encore  resté  quel- 
qu'un. On  lui  répond  qu'il  n'y  a  plus  que  le  sauvage  (Chao  Gnoh)  qui  joue  là- 
biS  avec  les  enfants  de  la  campagne.  Quand  la  princesse  entend  parler  de  Chao 
Gooh,  elle  se  déclare  aussitôt  disposée  à  l'épouser,  malgré  le  mécontentement 
de  son  père,  qui  la  bannit  avec  son  mari  dans  un  désert,  (^elque  temps 
après,  le  roi  exprime  le  désir  d'avoir  du  poisson  et  envoie  ses  gendres  lui  en 
chercher;  mats  ceux-ci  ne  peuvent  en  trouver,  car  Chao  Gnoh,  grâce  à  son  art 
magique,  a  rassemblé  tous  ks  poissons  autour  de  lui  après  avoir  lui-mêmechangé 
de  forme.  Enfm,  après  bien  des  supplications  de  la  part  de  ses  beaux^frères,  il 
consent  à  leur  en  céder,  mais  seulement  à  condition  quVil  leur  coupera  le  bout 
du  nez.  Ensuite  le  roi  a  envie  de  gibier;  mais  ses  gendres  ont  beau  chasser  : 


ai8  E.  COSQUIN 

ChaoGnoh  a  rassemblé  autour  de  lui  tous  les  animaux  de  la  forêt,  et  il  oe  leur  en 
cède  que  contre  le  bout  d'une  de  leurs  oreilles.  Mais  bientôt,  poussés  par  les 
génies  qui  sont  indignés  de  voir  mépriser  leur  ami  (Chao  Gnoh),  des  ennemis 
fondent  en  grand  nombre  sur  le  pays  du  roi,  et  ses  gendres  sont  battus.  Comme 
le  roi  demande  s'il  ne  reste  plus  personne,  on  lui  parle  de  Chao  Gnoh,  et 
celui-ci,  muni  par  les  génies  d'armes  magiques  et  d'un  cheval  ailé,  a  bientôt 
fait  de  mettre  l'ennemi  en  déroute.  A  son  retour,  le  roi,  rempli  de  joie,  le  fait 
monter  sur  son  trône. 

Dans  ce  conte  de  l'extrême  Orient,  comme  dans  notre  conte  lorrain,  se 
trouvent  i  la  fois  l'épisode  des  objets  cédés  par  le  héros  à  ses  beaux-frères  et 
celui  de  la  victoire  remportée  par  lui,  épisodes  qui,  dans  un  grand  nombre  de 
contes  européens  de  ce  type,  ne  sont  pas  réunis  dans  le  même  récit.  11  ne  sera 
peut-être  pas  sans  intérêt  de  nous  arrêter  un  instant  sur  le  premier  de  ces  deux 
épisodes. 

Dans  un  conte  sicilien  (Gonzenbach,  n*  61),  Peppe  cède  à  ses  frères  les 
oiseaux  qu'il  a  tués,  i  la  condition  qu'il  leur  imprimera  sur  l'épaule  une  tache 
noire.  Dans  un  conte  grec  moderne  (Hahn,  II,  p.  198)^  le  héros  ne  donne 
i  ses  beaux-frères  une  fiole  du  lait  de  biche  qui  doit  rendre  la  vue  au  roi 
qu'après  qu'ils  se  sont  laissé  marquer  au  derrière  (sio  du  sabot  de  son  cheval. 
Dans  un  romance  espagnol  cité  par  M.  Kœhler,  Juan  remet  successivement  à 
ses  frères  l'eau  merveilleuse,  le  lait  de  lionne  et  les  étendards  pris  sur  l'ennemi, 
en  échange  de  quoi  ses  frères  lui  donnent  les  poires  qu'ils  ont  reçues  du  roi 
(dans  le  conte  du  Tyroi  italien  mentionné  plus  haut,  le  prétendu  «  teigneux  » 
cède  à  ses  beaux-frères  une  fiole  de  sang  de  dragon  contre  les  •  boules  d'or  • 
—  dans  un  autre  conte  du  même  pays,  contre  les  c  pomrfies  d'or  ■  —  qu'ils 
ont  reçues  des  princesses);  puis  ils  se  laissent  couper  une  oreille  et  enfin 
marquer  au  fer  rouge  d'un  signe  de  servitude  sur  l'épaule  gauche.  Dans  un  conte 
russe,  également  cité  par  M.  Kœhler,  c'est  contre  un  petit  doigt  du  pied,  puis 
de  la  main,  et  contre  une  lanière  sanglante  taillée  dans  leur  dos  que  les  beaux- 
li*ères  du  héros  reçoivent  de  lui  trois  animaux  merveilleux  qu'ils  étaient  allés 
chercher. 

Ces  conditions  du  conte  russe  se  retrouvent  identiquement  dans  un  poème  des 
Tartares  de  Sibérie,  très-voisin  de  notre  conte  et  dont  voici  l'analyse  (Radloff, 
t.  II,  1868,  p.  607  etsuiv.)  : 

Sudati  Mxrgxn,  trahi  par  sa  femme  qui  veut  le  faire  tuer,  abandonne  son 
pays.  Près  de  mourir  de  faim  dans  une  forêt,  il  dit  à  un  ours  qu'il  rencontre  de 
le  dévorer,  l /ours  a  peur  de  lui  et  s'enfuit.  Sudaei  Maergan  le  rattrape,  le  saisit 
et  \t  Uncc  par  terre  :  la  peau  lui  reste  dans  la  main.  Il  s'en  revêt  et  arrive  dans 
m  )MY3i  où  il  elfraie  les  gens.  Il  entre  dans  une  maison,  dit  qu'il  est  un  homme 
("1  sli^iUAmif  Ji  une  jeune  fille  pourquoi  il  y  a  tant  de  monde  rassemblé.  Elle 
u*jK»ml  \\w  \'\\\  le  mariage  de  ses  deux  sœurs..  Son  père,  un  prince,  veut  lui 
\à\\9  ^^^^M^'(  \^\^  certain  individu  ;  elle  refuse.  Le  père  se  fâche  :  c  Alors  »,  dit-il 
VM  w  iMs^ivMiitt  «  veux-tu  prendre  l'ours  que  voilà?  >  La  jeune  fille  répond 
s|U  s\\^\  l-^lk  W  prend  en  effet  pour  mari,  et  ils  vont  se  loger  dans  une  vieille 
^vuMv».  i*w  |i»wr,  les  beaux-frères  de  Sudaei  Maergaen  reçoivent  du  prince 
h^^(UlK^^  U'^ller  veiller  sur  certaine  jument,  dont  le  poulain  disparait  chaque 


CONTES    POPULAIRES    LORRAINS  219 

innèt,  La  femme  du  prétendu  ours  a  entendu,  et  elle  va  rapporter  la  chose 
à  fOn  mari.  Sudsi  Msrgacn  lui  dît  d'aller  demander  pour  lui  un  cheval  au 
prince.  Celui-ci  lui  donne  un  mauvais  cheval  et  voilà  Sudaci  Maergxn  en  cam- 
pagne; mais  en  chemin  il  lui  arrive  un  autre  cheval,  celui  avec  lequel  il  s'était 
enfaidcson  pays,  et  ce  cheval  lui  apporte  tout  un  magnifique  équipement.  Il 
trouve  près  de  la  prairie  où  est  la   jument    ses   beaux-frères   endormis  sur 
kun  chevaux.  Quand  la  |umenl  a  mis  bas  son  poulain,  Sudaeî  Maergacn  voit  un 
énorme  oiseau  fondre  dessus  et  l'enlever.  Il  bande  son  arc  et  abatl'ojseau.  Pour 
ifoïr  cet  oiseau,  ses  beaux-frères,  qui  ne  le  reconnaissent  pas,  lui  donnent  sur 
a  demande  une  phalange  de  leur  petit  dotgt.  Quelque  temps  après,  fe  prince 
éi  i  ses  deux  gendres  d'aller  tuer  un  tigre  qui  lui  mange  son   peuple.  C'est 
encore  Sud«i  Marrgaen  qui  le  tue,  et  il  le  cède  à  ses  beaux^rères  à  condition  de 
kiÈT  Uilltr  des  lanières  dans  le  dos.  Après  diverses  aventures,  il  dévoile  devant 
^  pfiaot  la  conduite  de  ses  beaux-frères. 

L'épisode  de  la  bataille  est,  dans  plusieurs  contes  européens,  remplacé  par 
i'éptsode  d*un  tournoi  où  le  héros  remporte  le  prix  (par  exemple,  dans  le  conte 
<lo  Tyrol  italien  cité  plus  haut». 

Toute  celte  partie  de  notre  conte  se  retrouve  dans  une  légende  du  moyen  âge^ 
^*c  de  Robert  le  Diable   GûrKi/rgiifAf  Gdthrtc  Anztigtn^   1869,    p.  ^76  scq.). 
Robert   le  Diable,  pour  expier  ses  péchés,  se  fait  passer  pour  muet  et  pour 
ttiioi    et  vit  méprisé  de  tous  à  la  cour  de  l'empereur  de  Rome.  Celui-ci  a  un 
iwiéchaJ  quj  a  demandé  en  vain  ta  main  de  sa  fille.  Pour  se  venger  de  ce  refus, 
**   ^coéchal   vient  assiéger  ta   vilie  avec   une  armée  de  Sarrasins.  L'empereur 
^rche  contre  lui.  Robert,  qu'on  a  laissé  au  château,  tfouvedans  le  jardin,  près 
*'Wae   lontjme,  un  cheval  blanc  avec  une  armure  blanche  complète;  en  même 
l^mps   une  voix  du  ciel  lui  dit  d'aller  au  secours  de  l'empereur.  Il  part,  rem- 
porte  la  victoire  et  disparaît  pour  aller  reprendre  au  château  son  rôle  de  fou. 
^^Jt  lois  encore  il  gagne  la  bataille;  la  dernière,  l'empereur»  voyant  le  chevalier 
^ocotïnti  s'éloigner  i  toute  bride^  lance  une  pique  pour  tuer  son  cheval,    mais 
"    "^    manque  et  atteint   Robert   à  la  jambe.  Celui-ci  s'échappe  néanmoins, 
^portant  dans  sa  blessure  la  pointe  de  la  pique.  11  la  cache  dans  le  jardin  et 
•jM^iSe  sa  blessure  avec  de  l'herbe  et  de  la  mousse,  La  princesse  l'aperçoit  de  sa 
,      ^''«i  comme  elle  Ta  déjà  vu  précédemment  revêtir  son  armure  et  monter  à 
wiev^l  -    mais,  comme  elle  est  muette,  elle  ne  peut  rien  dire.  L'empereur  fait 
pi^blier  que  celui  qui  lui  présentera  la  pointe  de  la  pique  et  lui  montrera  ta  bles- 
^^^^  faite  par  lui  à  Tinconnu,  aura  sa  fille  en  mariage.  Le  sénéchal  parvient  à 
^^^*^pcr  l'empereur  et  déjà  il  est  à  Tautel  avec  la  princesse,  quand  celle-ci,  par 
^^   oiir^cle,  recouvre  la  parole  et  dévoile  tout.  Robert  veut  continuer  à  faire 
.nttsensé,  mais  un  ermite,  qui  a  eu  une  révélation  à  son  sujet,  lui  dit  que  sa 
F^njietîce  est  terminée,  et  Robert  épouî^e  la  princesse, 

^-*s  contes  que  nous  venons  de  résumer  ne  nous  présentent  pas  l'épisode  de 

^  f>Oursuite  à  laquelle  échappe  le  prhice  en  lançant  derrière  lui  divers  objets 

^*^ïques.   Cet  épisode  existe  dans  les  contes  tyrolien,  catalan  et  breton  men- 

^nnej  plus  haut;  il  figure  également  dans  d'autres  contes  analogues  au  nôtre: 

^^us  yn  conte  autrichien  (Vcrnaleken,  n*  8),  dans  un  conte  norwégten  (Asbiœm- 

J4»  I"  voL  de  ta  trad.  allemande)  et  dans  deux  contes  lapons,  dont  Tun 


ien. 


220  E.  COSQUm 

ressemble  fort  au  nôtre  (voir  la  Revue  Girmaniâ,  innét  1870,  n*'  6  et  7  des 
contes  lapons  traduits  par  M,  Liebrccht;  ces  deux  derniers,  à  partir  de  cet 
cndroii^  passent  dans  un  autre  groupe  de  contes).  Nous  le  retrouvons  aussi  dans 
un  grand  nombre  de  contes  différents  de  notre  conte  lorrain  pour  l'ensemble  du 
récit.  Ainsi  M.  Kœhîer  cite  des  contes  écossais,  irlandais^  allemands,  hongrois, 
polonais  {Orimt  and  Occident^  t  II,  1862,  p.  107,  [ii  et  suiv.).  Nous  pouvons 
encore  mentionner,  en  Europe,  un  conle  catalan  (Rondallayre,  1»*  série,  1871, 
p.  46),  un  conte  sicilien  (Gonzenbach,  u'^C^)^  un  conte  italien  recueilli  à  Rome 
(Miss  Busk,  The  Folk-Ion  of  Rome,  1874,  p.  8),  un  conle  roumain  deTransylvanie 
(Revue  VAti^land,  année  1856,  p.  21 2 1),  un  conte  allemand  du  même  pays 
(Haitrich,  n®  57),  un  conte  des  Tsiganes  de  la  Bukovine  (Mémoires  de  T Aca- 
démie de  Vienne,  t.  23  (1874)  p,  327),  un  conte  grec  moderne  (Hahn,  n*>  i>, 
un  conte  iriandais  (P.  Kennedy,  Tkc  Finùdt  Storits  of  ircland^UMm,  187^, 
p.  6i)j  un  conte  islandais  (Arnason^  trad.  anglaise,  2<^  série,  p.  $21}^  un  conte 
finnois  (Gattingische  Cckkrk  Anzàgen^  1862,  p.  1228)»  un  conte  russe  (Gubcr- 
natiSf  Zooîogical  Mythology^  II,  p.  6o\  ;  en  dehors  de  TEurope,  mais  dans  les 
limites  de  l'empire  russe,  un  conte  samoyède  {Gœtùfigisckc  Gdthnc  An:agcn,  hc, 
cit,]  et  un  conte  kirghiz  de  la  Sibérie  méridionale,  recueilli  par  M.  Radioff  dans 
son  ouvrage  déjà  plusieurs  fois  cité  (t,  III;  p.  383). 

Dans  l'extrême  Orient,  nous  pouvons  rapprocher  de  ce  même  épisode  de  notre 
conle  le  passage  suivant  d'un  livre  siamois  {Asiatu  Restanhcs,  L  XX,  Cal- 
cutta, 1836,  p.  347).  Un  jeune  homme,  nommé  Rot,  s'enfuit  du  palais  d'une 
yak  (sorte  d'ogresse),  en  emportant  divers  ingrédients  magiques.  Poursuivi 
par  la  yak,  au  moment  oà  iJ  va  être  atteint,  il  }ette  derrière  lui  tin  de  ces  ingré- 
dients :  aussitôt  il  se  dresse  d'innombrables  bâtons  pointus  qui  arrêtent  ta  pour* 
suite  de  la  yak.  Celle-ci  les  fait  disparaître  par  la  vertu  d'une  autre  substance 
magique,  et  déjà  elle  est  tout  prés  du  jeune  homme,  quand  celui-ci,  au 
moyen  d'un  nouvel  ingrédient,  met  entre  elle  et  lui  une  haute  montagne,  La 
yak  la  fait  également  disparaître.  Alors  Rot  fait  s'étendre  derrière  lui  une 
grande  mer,  et  la  yak,  qui  se  trouve  au  bout  de  son  grtmijire,  est  obligée  de 
battre  en  retraite. 

C*est  de  l'Inde  que  les  Siamois  ont  reçu  toute  leur  littérature  avec  le  boud- 
dhisme. On  peut  donc  en  conclure  que  ce  llème  de  la  poursuite  vient  de  l'Inde. 
Nous  en  avons,  du  reste,  la  preuve  directe.  Nous  le  retrouvons  en  efel  dans  un 
conte  populaire  actuel  du  Dekkan  et  dans  un  des  récits  de  la  grande  collection 
formée  par  Somadeva  de  Cachemir  au  xi"  siècle  de  notre  ère,  ta  Katkâ-SarU- 
Sdgara  (l' t  Océan  des  Histoires  *). 

Dans  le  conte  populaire  indien  (Miss  Frère,  Old  Dtctan  Days^  2*édit.  1870, 
p.  61^  6j),  un  jeune  homme,  poursuivi  par  un  Rakiha  femelle  (sorte  de  mauvais 
génie,  de  démon),  à  qui  il  a  dérobé  divers  objets  magiques,  met  successive- 
ment entre  elle  et  lui,  par  la  vertu  de  ces  objets,  une  grande  rivière,  puis  une 
hable  montagne,  et  enfin  un  grand  feu  qui  consume  ta  forêt  à  travers  laquelle 
elle  passe  et  la  fait  périr. 

Dans  le  conte  sanscrit  de  Somadeva  (Voir  l'analyse  du  7'  livre  dans  les 
Comptes-rendus  de  l'Académie  de  Leipzig,  1861,  p.  203  seq,),  —  conte  qui 
ressemble    beaucoup   à  un  autre  de  nos  contes  lorrains,  CkatU  BianckCy  que 


1 


I 


I 


1 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  221 

v|B0s  donnerons  plus  tard,  ~~  le  héros,  Çrmgabhuya,  pour  échapper  à  h  pour- 
I8ft€  d'un  RJkshasa^  jette  successivement  derrière  lui  divers  ob|cls  que  lui  a 
donnés  sa  fiancée,  6lle  d'un  autre  Râkshasa  :  de  ta  terre^  de  Teau^  des  épines  et 
du  feu,  et  il  se  trouve  entre  lui  et  le  Râkshasa  d'abord  une  montagne^  puis  un 
large  fleuve,  puis  une  forêt  qui  enfin  prend  feu,  et  le  Râkshasa  renonce  à  le 
pounuivre. 


XIIL 


LES  TROCS  DE  JEAN-BAPTISTE. 


Il  était  une  fois  un  homme  et  sa  femme,  Jean-Baptiste  et  Marguerite. 
«  iean- Baptiste,  »  dit  un  jour  Marguerite,  «  pourquoi  ne  faites-vous 
pas  comme  notre  voisin  ?  il  troque  sans  cesse  et  gagne  ainsi  beaucoup 
d  argent.  —  Mais,  »  dit  Jean-Baptiste,  (f  si  je  venais  à  perdre,  vous  me 
chercheriez  querelle.  —  Non,  non,  •*  répondit  Marguerite,  «  on  sait 
bien  qu*on  ne  peut  pas  toujours  gagner.  Nous  avons  une  vache,  vous 
n'avez  qu*à  Palier  vendre,  n 

Voilà  Jean-Baptiste  parti  avec  la  vache.  Chemin  faisant,  il  rencontra 
un  homme  qui  conduisait  une  bique.  «  Où  vas-tu,  Jean-Baptiste  ?  —  Je 
vais  vendre  ma  vache  pour  avoir  une  bique.  —  Ne  va  pas  si  loin,  en 
^oîci  une.  i>  Jean-Baptiste  troqua  sa  vache  contre  la  bique  et  continua 
son  chemin. 

A  quelque  dislance  de  là,,  il  rencontra  un  autre  homme  qui  avait  une 
<^c  dans  sa  hotte.  <*  Où  vas-tu,  Jean-Baptiste?  —  Je  vais  vendre  ma 
bique  pour  avoir  une  oie.  —  Ne  va  pas  si  loin,*  en  voici  une.  ^i  Ils 
échangèrent  leurs  bêtes,  puis  Jean^Baptiste  se  remit  en  route. 

*'  rencontra  encore  un  homme  qui  tenait  un  coq.  «  Où  vas-tu,  Jean- 
^^ptiste  r  —  Je  vais  vendre  mon  oie  pour  avoir  un  coq.  —  Ce  n'est  pas 
ja  peine  d'aller  plus  loin,  en  voici  un.  »  Jean-Baptiste  donna  son  oie  et 
prit  le  coq. 

Eu  entrant  dans  la  ville,  il  vit  une  femme  qui  ramassait  du  crottin 

tfans  la  rue.  «  Ma  bonne  femme,  )i  lui  dit-il,  «  gagnez- vous  beaucoup  à 

ce  métier-là?  —  Mais  oui,  assez,  »  dit-elle. —  ((  Voudrez-vous  me  céder 

^^  crottin  en  échange  de  mon  coq?  —  Volontiers,  «  dit  la  femme.  Jean- 

l"^Ptiste  lui  donna  son  coq,  emporta  son  crottin  et  se  rendit  sur  le  champ 

"^  foire;  il  y  trouva  son  voisin.  «  Eh  bien  !  Jean-Baptiste^  fais-tu  des 

atfaires.^  —  Oh  !  je  ne  ferai  pas  grand*chose  aujourd'hui.  J*ai  changé  ma 

^che  contre  une  bique.  —  Que  tu  es  nigaud!  mais  que  va  dire  Margue- 

^5^  *   —  Marguerite  ne  dira  rien.  Ce  n*est  pas  tout  :  j'ai  changé  ma 

«^Ue  contre  une  oie.  —  Oh  !  que  dira  Marguerite  r  —  Marguerite  ne 

dira  rien.  Ce  n'est  pas  encore  tout  :  j'ai  changé  mon  oie  contre  un  coq, 

^  ^^  coq,  je  Pai  donné  pour  un  crottin.  —  Le  sot  marché  que  tu  as  fait 


122  E.  COSQUIN 

là  1  Marguerite  va  te  quereller.  —  Bah  !  Marguerite  ne  dira  rien.  — 
Parions  deux  cents  francs  :  si  elle  te  cherche  dispute»  tu  paieras  les  deux 
cents  francs;  sinon,  c'est  moi  qui  te  les  paierai.  »  Jean-Baptiste  accepta 
et  ils  reprirent  ensemble  le  chemin  de  leur  village. 

i(  Eh  bien!  Jean-Baptiste,  »  dit  Marguerite,  »<  avez-vous  fait  affaire? 
—  Je  n'ai  pas  fait  grand Vhose  :  j*ai  changé  ma  vache  contre  une  bique, 
^  Tant  mieux.  Nous  n'avions  pas  assez  de  fourrage  pour  nourrir  une 
vache  ;  nous  en  aurons  assez  pour  une  bique,  et  nous  aurons  toujours  du 
lait,  —  Ce  n'est  pas  tout.  J'ai  changé  ma  bique  contre  une  oie.  —  Tant 
mieux  encore.  Nous  aurons  de  la  plume  pour  faire  un  lit,  —  Ce  n'est 
pas  tout,  J*ai  changé  l'oie  contre  un  coq.  —  C'est  fort  bien  fait;  nous 
aurons  toujours  de  la  plume.  —  Mais  ce  n'est  pas  encore  tout.  J'ai 
changé  le  coq  contre  un  crottin.  —  Voilà  qui  est  au  mieux.  Nous  met- 
trons le  crottin  au  plus  bel  endroit  de  notre  jardin,  et  il  y  poussera  de 
quoi  faire  un  beau  bouquet*  »> 

Le  voisin,  qui  avait  tout  entendu,  fut  bien  obligé  de  donner  les  deux 
cents  francs. 

Ce  conte  se  rapproche  beaucoup  du  conte  tyrolien  h  Gagiure  (Zingerle,  lîj 
p.  I J2),  dans  lequel  Jean  troque  successivement  sa  vache  contre  une  chèvre,  la 
chèvre  contre  une  oie  et  Toie  contre  une  crotte  de  poule  qu'on  lut  donne  comme 
une  chose  merveilleuse.  Ainsi  que  dans  notre  conte,  la  femme  de  Jean  se  montre 
enchantée  de  tout  ce  qu'a  fait  son  mari  et  Jean  gagne  les  cent  florins  de  ta 
gageure. 

En  Norwégc,  on  raconte  aussi  la  mime  histoirc(Absjœrnscn,  trad.  ail.  i^voi, 
n*»  i8)»  Gudbrand  troque  sa  vache  contre  un  cheval,  le  cheval  contre  un  cochon 
gras,  le  cochon  contre  une  chèvre^  la  chèvre  contre  une  oie>  l'oie  contre  un  coq, 
et  en  dernier  lieu,  comme  il  a  faimj  le  coq  contre  onc  petite  pièce  de  monnaie^ 
le  tout  à  la  grande  satisfaction  de  sa  femme. 

Dans  un  conte  russe  (Gubernaiis,  Zoologkai  Mythohgj^  I,  p.  176),  le  dénoue- 
ment est  beaucoup  moins  édifiant.  Après  avoir  troqué  de  l'or  contre  un  cheval, 
le  cheval  contre  une  vache,  ta  vache  contre  une  brebis,  la  brebis  contre  un 
cochon  de  lait,  le  cochon  de  lait  contre  une  oie,  l'oie  contre  un  canard,  et 
enfin  le  canard  contre  un  bâton  avec  lequel  il  voit  des  enfants  jouer,  le  paysan 
rentre  chez  lui,  où  sa  femme  lui  prend  le  bâton  des  mains  et  lui  en  donne  dru  { 
et  ferme  sur  les  épaules. 

Dans  un  conte  anglais  j  Halliwel  t,  Popuîar  Rhymcs  and  Ntirsery  TûUs  ,  1 849^  p.  26) , 
t  M.  Vinaigre  »,  qui  se  trouve  en  possession  de  quarante  guinées,  les  emploie  à 
acheter  une  vache  à  la  foire.  En  revenant,  il  rencontre  un  joueur  de  cornemuse; 
pensant  que  c'est  un  excellent  métier,  il  échange  sa  vache  contre  la  cornemuse. 
Son  essai  d'en  jouer  ne  réussit  pas  i  il  a  grand  froid  aux  doigts:  il  échange  la  cor> 
nemuse  contre  une  paire  de  gants  bien  chauds  qu'il  troque  eux-mêmes  ensuite, 
étant  fatigué,  contre  un  gros  bâton.  11  entend  un  perroquet  perché  sur  un  arbre 
qui  se  moque  de  lui  et  de  ses  échanges.  De  fureur,  il  lui  lance  le  bâton,  qui 
reste  dans  l'arbre.  Quand  il  rentre  chez  lui,  il  est  battu  par  sa  femme. 


I 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  22 1 

Rappelons  en^n  le  conle  allemand  n*  83  de  Grimm.  Jean  s'en  retourne  dans 
son  village  après  avoir  reçy  de  son  maître,  pour  sept  années  de  fidèle  service^ 
un  morceau  d'or  gros  comme  sa  tête.  Fatigué  de  porter  celte  charge,  il  est 
enchanté  de  la  troquer  contre  un  cheval  Le  cheval  le  jeilc  par  terre  ;  Jean  se 
trouve  très-heureux  de  le  troquer  contre  une  vache,  la  vache  contre  un  cochon 
de  lait,  le  cochonde  lait  contre  une  oie  et  l'oie  contre  une  vieille  meule  à  aiguiser, 
avec  laquelle  un  rémouleur  lui  a  dit  qu'il  fera  fortune,  Jean,  ayant  soif,  veut 
boire  â  une  fontaine  :  en  se  baissant  il  heurte  sa  meule,  qui  tombe  au  fond  de 
l'eau.  Ainsi  débarrassé  de  tout  fardeau,  Jean  continue  joyeusement  sa  route  pour 
aller  retrouver  sa  mère. 

Dans  la  Siniaim  des  Famitics  (année  1867,  p,  72),  M,  André  Le  Pas  a  publié 
un  conte  belge  du  même  genre,  fortement  moralisé.  Le  pauvre  Jean  a  reçu  de 
saint  Pierre  une  robe  d'or;  il  se  laisse  entraîner  par  le  diable,  qui  se  présente  â 
lui  successivement  sous  la  forme  de  divers  personnages,  i  une  suite  d'échanges 
qui  finalement  ne  lui  laissent  entre  les  mains  qu'un  caillou.  Mais,  en  récompense 
d'un  bon  mouvement  qui  Ta  empêché  de  jeter  le  caillou  i  la  tête  de  méchantes 
gens,  un  ange  lui  rend  la  robe  d*or. 


XIV. 
LE  FILS  DU  DIABLE. 


Un  jour,  tin  homme  riche  s*en  allait  à  la  foire.  Il  rencontra  sur  son 
chemin  un  beau  monsieur,  qui  n'était  autre  que  îe  diable.  ((  Vous  devez 
avoir  du  chagrin  ?  »  lui  dit  le  diable,  —  <f  Pourquoi  ?  »>  répondit 
l'homme»  «  îi'ai-je  pas  tout  ce  quil  me  faut? —  Sans  doute;  mais  si 
vous  aviez  des  enfants,  vous  seriez  bien  plus  heureux.  —  C*esi  vrai,  ?> 
dit  rhomme.  —  k  Eh  bien  !  »  reprit  le  diable,  ♦<  dans  neuf  mois,  jour 
pour  jour,  vous  aurez  deux  enfants,  si  vous  promettez  de  m'en  donner 
un,  —  Je  le  promets,  «  dit  l'homme. 

Au  bout  de  neuf  mois,  jour  pour  jour,  sa  femme  accoucha  de  deux 
garçons.  Bientôt  après,  le  diable  vint  en  prendre  un,  qu'il  emmena  chez 
lui  et  qu'il  éleva  comme  son  fils.  Le  petit  garçon  devint  grand  et  fort  : 
à  treize  ans,  il  avait  de  ta  barbe  comme  un  sapeur. 

Le  diable  avait  des  filatures.  Il  dit  un  jour  à  son  fils  :  «  Je  vais  sortir; 
pendant  ce  temps  tu  surveilleras  les  fileuses,  et  tu  auras  soin  de  les  faire 
bien  travailler.  —  Oui,  mon  père,  i>  Tout  en  surveillant  les  fileuses,  le 
jeune  garçon  voulut  se  faire  la  barbe.  Tandis  qu'il  y  était  occupé,  il 
aperçut  dans  son  miroir  une  des  femmes  qui  lui  faisait  des  grimaces  par 
derrière.  Il  lui  allongea  une  laloche  :  les  vingt-cinq  femmes  qui  filaient 
furent  tuées  du  coup. 

Bientôt  le  diable  rentra  chez  lui,  a  Qix  sont  les  femmes?  »  demanda- 
t-il,  tf  ont-elles  bien  travaillé?  —  Elles  sont  toutes  couchées;  allez-y 


nche 


124  e.  COSQUIN 

voir,  »  Le  diable  voulut  les  réveiller;  voyant  qu'elles  étaient  mortes 
fit  des  reproches  à  son  fils.  t(  Une  autre  fois,  »  lui  dit-il,  »  ne  t'avise 
de  recommencer.  -  Non,  mon  père»  je  ne  le  ferai  plus.  » 

Le  diable  alla  chercher  vingt-cinq  femmes  pour  remplacer  celles 
avaient  été  tuées,  puis  il  dit  à  son  fils  :  «  Je  vais  sonir  ;  veille  à  ce  que 
les  fileuses  ne  perdent  pas  leur  temps.  —  Oui,  mon  père.  «  Pendant 
Tabsence  du  diable,  le  jeune  garçon  eut  à  se  plaindre  d*unedes  fileuses; 
il  lui  donna  un  soufflet,  et  les  vingt-cinq  femmes  tombèrent  mortes* 

Étant  allé  ensuite  se  promener  au  jardin,  il  vit  une  belle  dame  blanche 
qui  rappela  et  lui  dit  :  «  Mon  ami,  tu  es  dans  une  mauvaise  maison 
Quoî-^  n  s*écria  le  jeune  garçon,  «  la  maison  de  mon  père  est  une  m 
vaise  maison  !  —  Tu  n'es  pas  chez  ton  père,  »  dit  la  dame  blanche,  « 
es  chez  le  diable.  Ton  père  est  un  homme  riche  qui  demeure  loin  d'ici 
Un  jour  qu'il  allait  à  la  foire,  le  diable  se  trouva  sur  son  chemin  et  lui 
qui!  devait  avoir  du  chagrin.  Ton  père  lui  ayant  répondu  qu'il  n'av; 
pas  sujet  d'en  avoir,  le  diable  reprit  :  w  Si  vous  aviez  des  enfants,  vi 
seriez  plus  heureux.  Eh  bien  !  dans  neuf  mois,  jour  pour  jour,  vi 
aurez  deux  enfants  si  vous  consentez  à  m'en  donner  un.  Ton  père 
consentit,  et  c'est  toi  que  le  diable  est  venu  prendre.  Maintenant,  mon 
ami,  tâche  de  sortir  d4cî  le  plus  tôt  que  tu  pourras.  Mais  d'abord  va 
voir  sous  Toreiller  du  diable  :  tu  y  trouveras  une  vieille  culotte  noire; 
emporte-la.  Plus  tu  en  tireras  d'argent,  plus  il  y  en  aura.  f>  Le  jeune 
garçon  dit  à  la  dame  qu'il  suivrait  son  conseil  et  rentra  au  logis. 

Le  diable,  à  son  retour,  fut  bien  en  colère  en  voyant  encore  toutes 
les  femmes  tuées.  *»  La  première  fois  qu'il  l'arrivera  d'en  faire  autant,  « 
dit-il  au  jeune  homme,  «  je  te  mettrai  à  ta  porte.  >»  L'autre  ne  deman- 
dait que  cela;  aussi^  quand  le  diable  l'eut  chargé  de  nouveau  de  sur- 
veiller ses  fileuses,  il  les  tua  toutes  d*un  revers  de  main.  Cette  fois,  le 
diable  le  chassa. 

Le  jeune  garçon,  qui  n'avait  pas  oublié  la  culotte  noire,  se  rendit 
tout  droit  chez  ses  parents.  D*abord  on  ne  le  reconnut  pas;  bientôt 
pourtant,  comme  il  ressemblait  un  peu  à  son  frère,  on  voulut  bien  le 
recevoir  comme  enfant  de  la  maison  ;  mais  son  père  n'était  nullement 
satisfait  de  voir  chez  lui  un  pareil  gaillard. 

Bien  que  les  parents  du  jeune  homme  fussent  riches,  ils  allaient  eux- 
mêmes  à  la  charrue;  son  frère  l'emmena  donc  un  jour  avec  lui  aui 
champs.  Comme  ils  étaient  à  labourer,  un  des  chevaux  fit  un  écart. 
a  Donne  un  coup  de  fouet  à  ce  cheval,  n  cria  le  frère.  Le  jeune  gan 
donna  un  tel  coup  de  fouet  que  le  cheval  se  trouva  coupé  en  deux.  Le 
frère  courut  à  la  maison  raconter  Taventure  à  son  père,  «  Que  veux- 
tu?»  dit  celui-ci,  «  laisse-le  tranquille  :  il  serait  capable  de  nous  tuer 
tous.  »»  Cependant,  le  jeune  garçon  revint  à  la  maison  avec  la  charme 


CONTES    POPULAIRES   LORRAINS  22$ 

sur  ses  épaules  et  une  moitié  de  cheval  dans  chaque  poche;  il  avait 
labouré  tout  le  champ  avec  le  manche  de  son  fouet.  «  Mon  père,  »  dii- 
il,  «  j'ai  coupé  le  cheval  en  deux  d'un  coup  de  fouet.  —  Cela  n*est  rien, 
mon  fils;  nous  en  achèterons  un  autre.  >» 

Quelque  temps  après,  c'était  la  fête  au  village  voisin;  le  frère  du  jeune 
garçon  lui  demanda  s'il  voulait  y  aller  avec  lui;  il  y  consentit»  Son  frère 
marchait  devant  avec  sa  prétendue  ;  l'autre  les  suivait.  Ils  arrivèrent  à 
l'endroit  où  Ton  dansait.  Pendant  que  le  jeune  homme  regardait  sans 
mot  dire,  un  des  danseurs  s'avisa  de  lui  passer  la  jambe  par  plaisanterie, 
<f  Prends  garde,  »  lui  dit  le  frère  du  jeune  homme,  «  tu  ne  sais  pas  qu*il 
pourrait  le  luer  d'une  chiquenaude.  —  Je  me  moque  bien  de  ton  frère  et 
de  toi,  »  dit  Tautre,  et  il  recommença  la  ptaisanterie.  Le  jeune  garçon 
dit  alors  à  son  frère  et  à  la  jeune  fille  de  se  mettre  à  l'écart  auprès  des 
joueurs  de  violon,  puis  il  donna  au  plaisant  un  tel  coup,  que  tous  les 
danseurs  tombèrent  roides  morts.  Son  frère  s'enfuit,  laissant  là  sa  pré- 
tendue. Le  jeune  garçon  la  reconduisit  chez  ses  parents;  arrivé  à  la 
porte,  il  lui  dit  :  «  C'est  ici  que  vous  demeurez?  —  Oui,  »i  répondit  la 
jeune  fille.  —  «  Eh  bien  !  rentrez.  -»»  Il  la  quitta  et  s'en  retourna  chez 
lui. 

Son  frère  avait  déjà  raconté  au  logis  ce  qui  s'était  passé.  «  Les  gen- 
darmes vont  venir,  n  disait-il;  «  notre  famille  va  être  déshonorée.  >»  Le 
jeune  homme,  étant  rentré  à  la  maison,  barricada  toutes  les  portes  et  dit 
à  ses  parents  :  «  Si  les  gendarmes  viennent  me  chercher,  vous  direz  que 
je  n'y  suis  pas.  d  En  effet,  vers  une  heure  du  matin,  arrivèrent  vingt- 
cinq  gendarmes;  on  leur  ouvrit  la  porte  de  la  giange  et  ils  y  entrèrent 
tous.  En  les  voyant,  le  jeune  garçon  prit  une  fourche  et  en  porta  un 
coup  à  celui  qui  marchait  en  tête  :  vingt-quatre  gendarmes  tombèrent 
sur  le  carreau.  Le  vingt-cinquième  se  sauva  et  courut  avertir  la  justice. 
Cependant  Paffaire  en  resta  là. 

Le  lendemain,  on  publia  à  son  de  caisse  par  tout  le  village  que  ceux 
qui  voudraient  s'enrôler  auraient  bonne  récompense.  Le  jeune  homme 
dit  alors  à  ses  parents  :  c  J'ai  envie  de  m 'enrôler.  —  Mon  fils,  »>  répon- 
dit le  père,  «  nous  sommes  assez  riches  pour  te  nourrir;  tu  n'as  pas 
besoin  de  cela,  —  Mon  père,  n  dit  le  jeune  homme,  «  je  vois  bien  que  je 
ne  vous  causerai  que  du  désagrément  ;  il  vaut  mieux  que  je  quitte  la 
maison,  n  ïl  partit  donc  et  se  rendit  au  régiment. 

Un  jour,  le  colonel  lui  donna,  à  lui  et  à  deux  autres  soldats^  un  bon 
pour  aller  chercher  de  la  viande  :  ils  devaient  en  rapporter  quinze  livres 
chacun.  Ils  allèrent  chez  le  boucher,  qui  leur  livra  la  viande.  ^  Com- 
ment !  »  dit  le  jeune  garçon,  a  voilà  tout  ce  qu'on  nous  donne  !  mais  je 
mangerais  bien  cela  à  moi  tout  seul.  Allons,  tuez-moi  trois  bœufs.  — 
Mon  ami,  )>  répondit  le  boucher,  «  pour  cela  il  faut  de  l'argent.  »  Le 
Romania^  Vi  1 } 


226  E.  COSQUIN 

jeune  homme  mit  alors  la  main  dans  la  poche  de  la  culotte  noire, 
comme  il  ne  savait  pas  compter,  il  jeta  sur  la  table  de  Targeiïtà  pletnei'] 
poignées.  Le  boucher  ramassa  Targent  et  tua  trois  bœufs,  a  Mainte- 
nam,  »  dit  le  jeune  garçon  à  ses  camarades,  «  nous  allons  en  rapponer 
chacun  un*  n  En  Tentendant  parler  ainsi,  les  deux  soldats  se  regar- 
dèrent.  <(  Si  cela  vous  gêne,  »  dit-il,  «  je  n'ai  pas  besoin  de  vous.  «^ 
Il  demanda  une  corde  au  boucher,  attacha  les  trois  bœufs  ensemble  effl 
les  chargea  sur  ses  épaules.  Dans  les  rues,  chacun  s'arrêtait  pour  le  voir 
passer  et  restait  ébahi.  Le  colonel,  lui  aussi,  ne  put  en  croire  ses  yeux. 
Le  lendemain,  il  l'envoya  au  vin  ;  le  jeune  homme  en  apporta  trois  ton- 
neaux attachés  sur  son  dos  avec  une  corde. 

Tout  cela  ne  plaisait  guère  au  colonel  ;  il  aurait  bien  voulu  se  débar- 
rasser d'un  tel  soldat.  Pour  le  dégoûter  du  service,  il  l'envoya  au  milieu 
des  champs  garder  une  pièce  de  canon  que  trente  chevaux  n'auraient 
pu  traîner,  et  lui  ordonna  de  rester  en  faction  pendant  toute  la  nuit.  Le 
jeune  homme,  trouvant  le  temps  long,  se  coucha  par  terre  et  s'endormit.^ 
Au  bout  d'une  heure,  s'étant  réveillé,  il  prit  la  pièce  de  canon  et  la  porta  i 
dans  la  cour  du  colonel  ;  quand  il  la  posa  par  terre,  le  pavé  fut  enfoncé. 
Puis  il  se  mit  à  crier  :  «  Mon  colonel,  voici  votre  pièce  de  canon  ;  maiti^ 
tenant  vous  ne  craindrez  plus  qu'on  vous  la  prenne.  j> 

Le  jeune  homme  s'était  engagé  pour  huit  ans;  comme  il  était  novice 
en  toutes  choses,  il  croyait  n'être  engagé  que  pour  huit  jours.  Au  bout 
des  huit  jours,  il  se  rendit  près  du  colonel  et  lui  demanda  si  son  temps 
était  fmi.  a  Oui,  mon  ami,  *>  dit  le  colonel,  «  votre  temps  est  fini.  ») 

Jl  quitta  donc  le  régiment  et  alla  se  présenter  chez  un  laboureur.  La 
femme  seule  était  à  la  maison;  il  lui  demanda  si  l^on  avait  besoin  d'un 
domestique.  «  Mon  mari,  »  dit-elle,  «  est  justement  sorti  pour  en  cher- 
cher un;  attendez  qu'il  rentre.  j>  Le  laboureur  revint  quelque  temps 
après  sans  avoir  trouvé  de  domestique,  et  le  jeune  homme  s'offrit  à  le 
servir  :  iî  ne  demandait  pas  d- argent,  mais  seulement  sa  charge  de  blé 
à  la  fin  de  l'année.  Le  laboureur  et  sa  femme  se  consultèrent  :  «  Sans 
doute,  I»  se  dirent-ils,  «  le  garçon  est  gros  et  grand,  mais  avec  quinze 
boisseaux  il  en  aura  sa  charge.  »  Le  marché  conclu,  le  laboureur  lui 
montra  ses  champs  et  lui  dit  d*aller  labourer.  La  charrue  était  attelée  de 
deux  méchants  petits  chevaux  :  le  jeune  homme,  craignant  de  les  couper 
en  deux  au  moindre  coup  de  fouet,  déposa  son  habit  par  terre,  coycha(fl 
les  deux  chevaux  dessus  et  se  mit  à  labourer  tout  seuL  La  femme  du 
laboureur  l'aperçut  de  sa  fenèïre.  «  Regarde,  ï)  dit-elle  à  son  mari,  «  le 
nouveau  domestique  qui  laboure  tout  seuL  Jamais  nous  ne  pourrons  lefl 
payer;  tout  notre  blé  y  passera.  Comment  donc  faire  pour  nous  eo 
débarrasser  ?  »  Quand  !e  garçon  eut  finit  son  labourage,  il  revint  à  U 
maison  avec  un  cheval  dans  chaque  poche.  Le  laboureur  et  sa  femme 


^ 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  I27 

lui  firent  belle  mine,  <<  Pourquoi  n'êtes-vous  pas  venu  dîner  ?  n  lui  direni- 
îls.  —  «  J*ai  voulu  finir  mon  ouvrage,  «  répondit  le  garçon  ;  *'  tous  vos 
champs  sont  labourés.  —  Oh  !  bien,  n  dit  le  laboureur,  v  vous  vous 
reposerez  le  resle  de  la  journée.  »  Le  jeune  homme  se  mit  à  table  ;  il 
aurait  bien  mangé  tout  ce  qui  était  servi,  mais  il  lui  fallut  rester  sur  sa 
faim. 

Le  lendemain,  le  laboureur,  qui  voulait  le  perdre,  l'envoya  moudre 
dans  cenain  moulin  d'où  jamais  personne  n^était  revenu.  Le  garçon 
partit  en  sifflant.  Etant  entré  dans  le  moulin,  il  vit  douze  diables,  qui 
s'enfuirent  à  son  approche.  «  Bon  !  n  dit-il,  c<  voilà  que  je  vais  être 
obligé  de  moudre  tout  seul.  »  Il  appela  les  diables,  mais  plus  il  les  appe- 
laiti  plus  vile  ils  s'enfuyaient.  Il  se  mit  donc  à  moudre  son  grain  et, 
quand  il  eut  fini,  il  renvoya  â  la  maison  un  cheval  qu'il  avait  emmené 
avec  lui.  En  voyant  le  cheval  revenir  seul,  la  femme  du  laboureur  eut  un 
moment  de  joie,  car  elle  crut  que  le  domestique  ne  reparaîtrait  plus. 
Mais  bientôt  il  revint,  amenant  avec  lui  le  moulin  et  le  ruisseau  jusqu'au- 
près de  la  maison  de  son  maître.  <*  Maintenant,  »  dit-il,  «  ce  sera  plus 
commode;  je  n^aurai  plus  besoin  d*a!ler  si  loin  pour  moudre,  —  Mon 
Dieu!  0  disaient  le  laboureur  et  sa  femme,  «  que  vous  êtes  fort  !  )>  Ils 
faisaient  semblant  d'être  contents,  mais  au  fond  ils  ne  Tétaient  guère. 

Un  autre  jour,  le  laboureur  dit  au  jeune  homme  :  fc  J'ai  besoin  de 
pierres;  va  m*en  chercher  dans  la  carrière  là-bas.  »  Le  garçon  prit  des 
pinces  et  des  ouiils  à  tailler  la  pierre  et  descendit  dans  la  carrière,  qui 
avait  bien  cent  pieds  de  profondeur  :  personne  n'osait  s'y  aventurer  à 
cause  des  blocs  de  pierre  qui  se  détachaient  à  chaque  instant.  Il  se  mit  à 
tirer  d'énormes  quartiers  de  roche,  qu'il  lançait  ensuite  par-dessus  sa 
tête,  et  qui  allaient  bien  loin  tomber  sur  les  maisons  et  enfoncer  les 
toits.  Le  laboureur  accourut  bientôt  en  criant  :  *<  Assez  !  assez  !  prends 
donc  garde!  lu  écrases  les  maisons  avec  les  pierres  que  tu  jettes.  — 
Bah  !  I»  dit  le  garçon,  «  avec  ces  petits  cailloute  ?  » 

Le  laboureur,  ne  sachant  plus  que  faire,  l'envoya  porter  une  lettre  à 
un  sien  frère,  qui  était  geôlier  d'une  prison,  et  lui  dit  d  attendre  ta 
réponse.  Le  geôlier,  après  avoir  lu  îa  lettre,  fit  enchaîner  le  jeune  homme 
et  l'enferma  dans  un  cachot.  Le  jeune  homme  se  laissa  faire,  croyant  que 
telle  était  !a  coutume,  et  que  c'était  en  cet  endroit  qu'on  attendait  les 
réponses.  M  finit  pourtant  par  trouver  le  temps  long;  il  brisa  ses  chaînes 
en  étendant  les  bras  et  les  jambes,  et  donna  dans  la  pone  un  coup  de 
pied  qui  la  fit  voter  sur  le  toit.  Puis  il  alla  trouver  le  geôlier.  <•  Eh  bien  !  v) 
lui  dit-il,  a  la  réponse?  —  C'est  juste,  »  répondit  le  geôlier,  u  je  l'avais 
oubliée.  Attendez  un  moment,  «  H  écrivit  à  son  frère  de  se  débarrasser 
du  garçon  comme  il  pourrait,  mais  que,  pour  lui,  il  ne  s'en  chargeait 
pas.  Le  jeune  homme  mit  la  lettre  dans  sa  poche  et  partit;  puis,  se  ravi- 


2  2%  E.  COSQUIN 

sant,  il  emporta  la  prison  avec  le  geWier,  et  la  déposa  près  de  la  maisorx 
du  laboureur,  «i  A  présent,  ^  dit-il  à  son  maître,  «  il  vous  sera  bien 
facile  de  voir  votre  frère.  Mais,  n  ajouta-t-il,  a  est-ce  que  mon  année 
n*est  pas  finie?—  Justement,  elle  vient  de  finir,  w  répondit  le  labou — 
rcur.    —    Eh  bien!   donnez-moi  ma  charge  de  blé.  «  A  ces  mois,  les 
pauvres  gens  se  mirent  à  pleurer  et  à  se  lamenter,  tt  Jamais,  »  disaient— 
jls,  V  nous  ne  pourrons  trouver  assez  de  grain,  quand  même  nous  pren- 
drions tout  ce  qu'il  y  en  a  dans  le  village.  i>  Le  jeune  garçon  feignit 
d'abord  de  vouloir  exiger  son  salaire,  mais  enfin  il  leur  dit  qu'il  ne  vou- 
lait pas  leur  faire  de  peine,  et  même  il  leur  donna  de  Targeni  qui!  lira 
de  la  culotte  noire. 

En  sortant  de  chez  le  laboureur,  il  marcha  droit  devant  lui,  si  bien 
qy'il  arriva  sur  le  bord  de  la  mer;  il  s'embarqua  sur  le  premier  vaisseau 
quil  trouva.  Mais  un  des  gens  du  vaisseau,  sachant  qu'il  avait  une 
culotte  dont  les  poches  étaient  toujours  remplies  d'argent,  lui  coupa  la 
gorge  pendant  son  sommeil  et  s^mpara  de  la  culotte.  —  Je  Taî  encore 
vu,  ce  matin  «  qui  se  promenait  avec  cette  vieille  culotte  noire. 

L* ensemble  de  notre  conte  a  une  grande  analogie  avec  le  conte  hessoîs  le 
Jtune  Géant  (Grimm,  n*  90),  avec  un  conte  norwégicn  (Taies  ùf  thc  Fjdd,  trad» 
d'Asbjœrnsen  par  G.  W,  Dasent.  Londres,  1874,  p,  48),  un  conte  du  -  pays 
des  Saxons  •  en  Transylvanie  tKaltrich  n*^  16)  et  un  conte  tchèque  de  Bohème 
(Waldau,  Bcthmisches  Mitrchenbuch,  i8éo,  p  288).  Nous  aurons  occasion  de 
revenir  sur  ces  contes  qui  présentent  divers  traits  frappants  de  ressemblance 
avec  deux  autres  de  nos  contes  lorrains,  voisins  de  celui-ci,  Benèdtciiè  et  U 
Laboureur  et  son  Vaiet. 

Comparez  aussi  un  conte  roumain  de  Transylvanie,  publié  en  18)6  dans  la 
revue  VAusknd  (p.  692)  :  Juon  a  été  allaité  pendant  douze  ans  et  il  est  devenii' 
d'une  force  extraordinaire.  Il  entre  au  service  d'un  laboureur  et  ne  demande 
pour  gages  que  le  droit  de  donner  â  son  maître  un  soufflet  au  bout  de  Tannée* 
t  C'est  bon  t,  pense  le  maUrc,  t  |e  saurai  bien  me  débarrasser  de  toi  avant  ce 
moment  là.  i>  Il  envoie  Juon  labourer  avec  les  autres  valets,  iuon  leur  dit  de  se 
reposer  et  laboure  le  champ  à  lui  seuL  Le  laboureur  s'effraie.  Il  envoie  Juon 
moudre  dans  le  moulin  du  diable,  d'où  jamais  personne  n'est  revenu  vivant. 
Juon  moud  tranquillement  son  grain  et  revient  sans  le  moindre  maL  Alors  te 
laboureur  lui  dit  de  curer  un  puits  et,  quand  tl  y  est  descendu,  il  lait  jeter  dins 
le  puits  de  grosses  pierres  et  enfin  une  meule  de  moulin.  Juon  fait  un  petit  eiforl 
et  sort  du  puits  avec  la  meule  sur  la  tète  en  guise  de  chapeau  (ce  détail  se 
retrouve  dans  noire  conte  lorrain  Bénédicité},  Alors,  d'un  revers  de  main  it  étend  ■ 
le  laboureur  raide  mort,  lui  coupe  la  tête  et  s'en  va  ailleurs*  I 

Nous  avons  résumé  dans  les  remarques  sur  notre  n*  1 ,  Jean  de  l'Ours ^  l'en* 
semble  d*un  conte  avare  du  Caucase  et  d'un  conte  des  Kariaines  de  Birmanie, 
Ces  contes  renferment  Tun  et  l'autre  un  épisode  qui  se  rapproche  de  notre  Fiîs  du 
Diable^  et  surtout  des  deux  contes  lorrains  mentionnés  plus  haut.  Le  voici: 

Dans  le  conte  avare^   Oreille^^Ours^  doué  d'une  force  prodigieuse,  entre 


I 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  «9 

comme  valet  au  service  d'un  roi.  Celuî-ci  se  disposait  à  envoyer  cent  hommes 
couper  du  bots,  Oreifle-d'Ours  s'offre  à  rapporter  du  bois  en  suffisance,  si  on 
lui  donne  à  manger  ce  qu'on  dvait  préparé  pour  les  cent  hommes.  Il  rapporte 
d'un  coup  cent  arbres  et  rentre  ainsi  dans  la  ville,  éventrant  le  mur  de  fun, 
renversant  la  maison  de  Tau  Ire»  Le  roi^  effrayé,  songea  s'en  débarrasser.  Il  ren- 
voie successivement  faire  des  réclamations  de  sa  part  à  une  kart  (sorte  d 'ogresse | 
et  à  un  dragon.  Orcillc-d*Ours  lui  ramène  la  kart  et  le  dragon  eux-mêmes.  Enfin 
le  roi  le  fait  attaquer  par  toute  une  armée  qui  le  crible  de  flèches;  mais  les 
flèches  ne  font  pas  sur  Oreille-d'Ours  plus  d'effet  que  des  puces  (nous  retrouve- 
rons aussi  ce  détail  dans  notre  conte  BincâkiU).  Oreilk-d'Ours,  se  voyant 
ainsi  attaqué,  déchire  en  quatre  une  jument  que  le  roi  lui  avait  donnée  à  garder  ; 
il  lance  le  premier  quartier,  et,  du  coup,  il  étend  mille  hommes  par  terre;  il 
recommence  jusqu'à  ce  qu'il  ait  anéanti  Tarmée  du  roi. 

Dans  le  conte  kariaine^  les  gens  deviennent  envieux  de  Ta-ywa  et  de  sa  force, 
et  ils  cherchent  à  le  faire  périr.  Ils  font  rouler  sur  lui  une  grosse  pierre  sous 
prétexte  de  la  lui  donner  pour  bâtir  une  maison  i  sa  mère,  puis  un  gros  arbre 
qu'ils  disent  être  pour  lui  faire  du  feu  ;  enfin  ils  renvoient  chercher  un  tigre  dont 
il  devra  faire  une  offrande  pieuse  pour  la  guérir  de  la  fièvre.  Peine  inutile. 
Ta-ywa  se  tire  de  tout  sain  et  sauf.  Un  jour  une  jeune  fille  qu'il  aime  lui  apprend 
(a  méchanceté  des  gens.  «-S'il  en  est  ainsi,  »  dit-il,  <  si  on  ne  m'aime  pas,  je 
m'en  vais.  ■ 

Relevons,  pour  terminer^  dans  les  collections  de  contes  populaires  étrangers 
quelques  ressemblances  de  détail. 

L'introduction  de  notre  conte  se  rapproche  de  celle  d'un  conte  grec  moderne 
de  rîle  de  Syra  (Hahn,  n'  68),  Un  démon  déguisé  se  présente  â  un  roi  et  lui 
promet  qu'il  aura  plusieurs  enfants  s'il  consent  â  lui  donner  l'aîné.  Etle  est 
encore  plus  voisine  de  celle  d'un  conte  italien  de  Vénélic  (n"  13  de  la  collection 
Wîdter  et  Wolf  publiée  en  1 866  dans  fe  Jahrhch  fur  romanischt  und  cnglischt 
LÀltratur) .  Un  prtnce  sans  enfants  désire  tant  en  avoir  qu'il  en  accepterait  du 
diable  lui-même.  Un  étranger  paraît  et  lui  dit  :  •  Promettez-moi  de  me  donner 
unenlant,  et  moi  ]e  vous  promets  que  dans  un  an  vous  en  aurez  deux.  •  Rappe- 
lons aussi  le  commencement  du  conte  swahili  de  l'île  de  Zanzibar,  analysé  dans 
les  remarques  de  notre  n*  12. 

Dans  un  conte  slave  de  Moravie  (Wenzig,  Wcsthnischer  Marchmichat: ,p.6j), 
te  diable  s'offre  à  battre  tout  le  gratn  d'un  laboureur  qui  lui  promet  pour 
salaire  sa  charge  de  blé.  Le  diable  emporte  tout  le   blé. 

Enfm,  dans  le  conte  tchèque  indiqué  plus  haut,  Nesyta,  jeune  homme  mer- 
veilleusement fort,  entre  au  service  du  diable.  Il  délivre  une  pauvre  âme  qui 
s'envole  sous  la  forme  d'une  colomte  blanche  après  lui  avoir  dit  de  demander 
au  diable  pour  salaire  un  vieil  habit  qu'il  verra  pendu  â  un  clou  :  les  poches  de 
cet  habit  sont  tou|ours  remplies  d'or  et  d'argent.  C'est  là,  comme  on  voit,  k 
pendant  de  Tepisodc  de  la  culotte  noire  que  la  dame  blanche  dit  au  héros  du 
conte  lorrain  de  dérober  au  diable, 


2)0  E.  COSQUIN 

XV. 

LES  DONS  DES  TROIS  ANIMAUX. 

Il  était  une  fois  trois  cordonniers,  qui  allaient  de  village  en  village. 
Passant  un  jour  dans  une  forêt,  ils  virent  trois  chemins  devant  eux;  le 
plus  jeune  prit  le  chemin  du  milieu,  et  ses  compagnons  ceui  de  droite 
et  de  gauche. 

Au  bout  de  quelque  temps,  celui  qui  avait  pris  le  chemin  du  milieu 
rencontra  un  lion,  un  aigle  et  une  fourmi,  qui  se  disputaient  un  àne 
mort.  Le  jeune  homme  fit  trois  parts  de  l'âne  et  en  donna  une  à  chacun 
des  animaux,  puis  il  continua  sa  route. 

Quand  il  se  fiit  éloigné,  le  lion  dit  aux  deux  autres  :  a  Nous  avons  été 
bien  malhonnêtes  de  n'avoir  pas  remercié  cet  homme  qui  nous  a  fait  si 
bien  nos  parts;  nous  devrions  lui  faire  chacun  un  don.  »  Et  il  se  mit  à 
courir  après  lui  pour  le  rejoindre. 

Le  jeune  cordonnier  fuyait  à  toutes  jambes,. car  il  croyait  que  le  lion 
était  en  colère  et  qu'il  voulait  le  dévorer.  Lorsque  le  lion  l'eut  rattrapé, 
il  lui  dit  :  «  Puisque  tu  nous  as  si  bien  servis,  voici  un  poil  de  ma 
barbe  :  quand  tu  le  tiendras  dans  ta  main,  tu  pourras  te  changer  en 
lion.  »  L'aigle  vint  ensuite  et  lui  dit  :  «  Voici  une  de  mes  plumes  :  quand 
tu  la  tiendras  dans  ta  main,  tu  pourras  te  changer  en  aigle.  »  La  fourmi 
étant  arrivée,  Taigle  et  le  lion  lui  dirent  :  «  Et  toi,  que  vas-tu  donner  à 
ce  jeune  homme?  —  Je  n'en  sais  rien,  »  répondit-elle.  —  Tu  as  six 
pattes,  »  dit  le  lion,  «  tandis  que  moi  je  n'en  ai  que  quatre;  donne-lui 
en  une,  il  t'en  restera  encore  cinq.  )>  La  fourmi  donna  donc  une  de  ses 
pattes  au  cordonnier  en  lui  disant  :  v  Quand  tu  tiendras  cette  patte  dans 
ta  main,  tu  pourras  te  changer  en  fourmi.  » 

A  l'instant  même  le  jeune  homme  se  changea  en  aigle  pour  éprouver 
si  les  trois  animaux  avaient  dit  vrai.  Il  arriva  vers  le  soir  dans  un  village 
et  entra  dans  la  cabane  d'un  berger  pour  y  passer  la  nuit.  Le  berger  lui 
dit  :  «  Il  y  a  près  d'ici,  dans  un  château,  une  princesse  gardée  par  une 
bête  à  sept  têtes  et  par  un  géant.  Si  vous  pouvez  la  délivrer,  le  roi  son 
père  vous  la  donnera  en  mariage.  Mais  il  faut  que  vous  sachiez  qu'il  a 
déjà  envoyé  des  armées  pour  tuer  la  bête  et  qu'elles  ont  toutes  été 
détruites.  » 

Le  lendemain  matin,  le  jeune  homme  se  dirigea  vers  le  château. 
Quand  il  fut  auprès,  il  se  changea  en  fourmi  et  monta  contre  le  mur. 
Une  fenêtre  était  entr'ouverte  ;  il  entra  dans  la  chambre  après  avoir 
repris  sa  première  forme  et  trouva  la  princesse.  «  Que  venez-vous  faire 
ici,  mon  ami  ?  »  lui  dit-elle.  «  Comment  avez-vous  fait  pour  pénétrer 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  Z^ï 

dans  ce  château  ?  »  Le  jeune  homme  répondit  qu'il  venait  pour  la  déli- 
vrer. «  Méfiez-vous,  n  dit  îa  princesse,  «  vous  ne  réussirez  pas.  Beau- 
coup d'autres  ont  déjà  tenté  Paventure;  ils  ont  coupé  jusqu'à  six  tètes  à 
b  bête,  mais  jamais  ils  n*om  pu  abattre  la  dernière.  Plus  on  lui  en 
coupe,  plus  elle  devient  terrible,  et  si  on  ne  parvient  à  lui  couper  la 
Êepiiènîe,  les  autres  repoussent.  » 

Le  jeune  homme  ne  se  laissa  pas  intimider;  il  alla  se  promener  dans 
le  jardin,  et  bientôt  il  se  trouva  en  face  de  la  bête  à  sept  lètcs,  qui  lui 
dit  :  ii  Que  viens-tu  faire  ici,  petit  ver  de  terre  ?  lu  es  sorti  de  terre  et 
tu  retourneras  en  terre,  —  Je  viens  pour  te  combattre.  »  La  béte  lui 
donna  une  épée,  et  le  jeune  homme  se  changea  en  lion.  La  bête  faisait 
de  grands  sauts  pour  le  fatiguer;  cependant,  au  bout  de  deux  heures,  il 
lui  coupa  une  tête,  (f  Tu  dois  être  fatigué,  »  Im  dit  alors  la  bêle,  «  moi 
aussi  ;  remettons  !a  partie  à  demain.  » 

Le  jeune  homme  alla  dire  à  la  princesse  qu'il  avait  déjà  coupé  une 
tête;  elle  en  fut  bien  contente.  Le  lendemain  il  retourna  au  jardin  et  la 
bête  lui  dit  :  (<  Que  viens-tu  faire  ici,  petit  ver  de  terre  ?  tu  es  sorti  de 
terre  et  tu  retourneras  en  terre.  —  Je  viens  pour  te  combattre.  «  La  bête 
lui  donna  encore  une  épée  et,  au  bout  de  qyatre  heures  de  combat,  le 
jeune  homme  lui  coupa  encore  deux  têtes.  Puis  il  alla  dire  à  la  princesse 
qu'il  y  en  avait  déjà  trois  de  coupées,  u  Tâche  de  les  couper  toutes,  n 
lui  dit  la  princesse,  tf  Si  tu  ne  parviens  à  abattre  la  septième,  tu  périras.  » 

Le  jour  suivant,  il  redescendit  au  jardin.  «  Que  viens-tu  faire  ici,  petit 
ver  de  terre?  tu  es  sorti  de  terre  et  tu  retourneras  en  terre.  —  Je  viens 
pour  te  combattre.  »  Au  bout  de  huit  heures  de  combat,  il  coupa  trois 
têtes  à  la  bête  et  courut  en  informer  la  princesse,  <f  Tâche  de  lui  couper 
la  dernière,  n  lui  dit-eîle,  «  puis  fends  cette  tête  avec  précaution^  et  îu 
y  trouveras  trois  œufs.  Tu  iras  ensuite  ouvrir  la  porte  du  géant  et  tu  lui 
jetteras  un  des  œufs  au  visage,  —  aussitôt  il  tombera  malade;  tu  lui  en 
jetteras  un  autre,  et  il  tombera  mort.  Tu  lanceras  le  dernier  contre  un 
mur,  et  il  en  sortira  un  beau  carrosse,  attelé  de  quatre  chevaux,  avec 
trois  laquais  :  tu  te  trouveras  auprès  de  moi  dans  ce  carrosse,  mais  avec 
d'autres  habits  que  ceux  que  tu  pones  en  ce  moment,  n 

Le  jeune  homme  retourna  dans  le  jardin.  «  Que  viens-tu  faire  icl^ 
petit  ver  de  terre?  tu  es  sorti  de  terre  et  tu  retourneras  en  terre.  —  Je 
viens  pour  te  combattre.  »>  lis  combattirent  pendant  dix  heures  :  la  béte 
devenait  de  plus  en  plus  terrible  ;  enfin  le  jeune  homme  lui  coupa  la 
septième  téie.  il  la  fendit  en  deux  et  y  trouva  trois  œufs,  comme  Tavaît 
dit  la  princesse  ;  puis  il  alla  frapper  à  la  porte  du  géant.  »  Que  viens-tu 
faire  ici,  poussière  de  mes  mains,  ombre  de  mes  moustaches  ^  «  lui  dit 
le  géant.  Le  jeune  homme,  sans  lui  répondre,  lui  jeta  un  des  œufs  au 
visage,  et  le  géant  tomba  malade;  il  lui  en  jeta  un  second,  et  le  géant 


2^2 

tomba  mort.  U  lança  le  troisième  contre  un  mur,  et  aussitôt  parut 
beau  carrosse,  attelé  de  quatre  chevaux,  avec  trois  laquais.  La  princi 
était  dans  le  carrosse  et  le  cordonnier  s'y  trouva  près  d'elle;  clic  * 
donna  un  mouchoir  dont  les  quatre  coins  étaient  brodés  d'or. 

Toute  la  ville  sut  bientôt  que  la  princesse  était  délivrée.  Or  il  y  av. 
là  un  jeune  homme  qui  aimait  la  princesse  et  qui  avait  essayé  de  tuer  J 
bêle  à  sept  tètes.  Quand  la  princesse  et  le  cordonnier  s'erobarquèrer» 
pour  se  rendre  chez  le  roi  (car  il  fallait  passer  la  mer),  ce  jeune  homm 
parut  avec  eux. 

Un  jour,  pendant  la  traversée,  il  dit  au  cordonnier  :  »  Regarde  don* 
dans  Teau  le  beau  poisson  que  voilà,  n  Le  cordonnier  s'étant  penché- 
pour  voir,  Tautre  le  jeta  dans  la  mer,  où  il  fut  avalé  vivant  par  une 
baleine.  Le  jeune  homme  dit  ensuite  à  la  princesse  :  «  Si  tu  ne  dis  pas 
que  c'est  moi  qui  t'ai  délivrée,  je  te  tuerai.  »  La  jeune  fille  promit  de 
faire  ce  qu'il  exigeait  d'elle.  En  arrivant  chez  le  roi  son  père,  elle  lui  dit 
que  c'était  le  jeune  homme  qui  l'avait  délivrée,  et  l'on  décida  que  la  noce 
se  ferait  dans  trois  jours. 

Cependant  il  y  avait  sur  un  pont  un  mendiant  qui  jouait  du  violon. 
Les  baleines  aiment  beaucoup  la  musique  ;  celle  qui  avait  avalé  le  cor- 
donnier s'approcha  pour  entendre.  Le  mendiant  lui  dit  :  wSi  tu  veux  me 
montrer  la  tète  du  cordonnier,  je  jouerai  pendant  un  quart  d'heure.  — 
Je  le  veux  bien,  /»  répondit  la  baleine.  Au  bout  d'un  quart  d'heure  il 
s'arrêta.  «  Tu  as  déjà  fini  ?  —  Oui,  mais  si  lu  veux  me  le  montrer  jus- 
qu'aux cuisses,  je  jouerai  pendant  une  demi-heure.  —  Je  ne  demande 
pas  mieux.  »  Au  bout  de  la  demi-heure,  il  s'arrêta.  (<  Tu  as  déjà  fini? — 
Oui,  mais  si  tu  veux  me  le  montrer  jusqu'aux  genoux,  je  jouerai  pen- 
dant trois  quarts  d'heure.  —  Je  le  veux  bien.  »  Au  bout  des  trois  quarts 
d'heure  :  «  Tu  as  déjà  fini  f  —  Oui,  j'ai  fini;  il  parait  que  tu  ne  trouves 
pas  le  temps  long.  Si  tu  veux  me  montrer  le  cordonnier  depuis  la  tête 
jusqu'aux  pieds,  je  jouerai  pendant  une  heure.  —  Volontiers,  »  dit  la 
baleine-  Et  elle  le  montra  tout  entier  au  mendiant.  Aussitôt  le  cordon- 
nier se  changea  en  aigle  et  s'envoia.  Le  mendiant  s*enfuit  au  plus  vite, 
et  il  fil  bien,  car  au  même  instant  la  baleine,  furieuse  de  voir  le  cor- 
donnier lui  échapper,  donna  un  coup  de  queue  qui  renversa  le  pont. 

Le  jour  fixé  pour  les  noces  de  ta  princesse,  on  devait  habiller  de  neuf 
tous  les  mendiants  et  leur  donner  à  boire  et  à  manger.  Le  cordonnier 
vint  au  palais  avec  ses  habits  froissés  et  tout  mouillés;  il  s'assit  près  du 
feu  pour  se  sécher  et  tira  de  sa  poche  le  mouchoir  aux  quatre  coins 
brodés  d'or,  que  lut  avait  donné  la  princesse.  Une  servante  le  vit  et 
courut  dire  à  sa  maîtresse  :  (f  Je  viens  de  voir  un  mendiant  qui  a  un 
mouchoir  aux  quatre  coins  brodés  d'or  :  ce  mouchoir  doit  vous  appar- 
tenir. »  La  princesse  voulut  voir  le  mendiant  et  reconnut  son  mouchoir; 


I 


I 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  2;? 

elle  dit  alors  à  son  père  que  ce  mendiant  était  le  jeune  homme  qui  avait 
tué  ta  bête  à  sept  tètes. 

Le  roi  alla  trouver  celui  qui  devait  épouser  sa  fille  et  lui  dit  :  <t  Eh 
bien!  mon  gendre,  voulez-vous  venir  voir  si  tout  est  prêt  pour  le  feu 
d'artifice?—  Volontiers,  »  répondit  le  jeune  homme.  Quand  ils  furent 
dans  la  chambre  où  se  trouvaient  les  artifices,  le  roi  y  mit  le  feu  et  le 
jeune  homme  fyt  étouffé, 

La  princesse  se  maria,  comme  on  l'avait  décidéj  le  troisième  jour  ; 
mais  ce  fut  avec  le  cordonnier. 


Ce  conte  a  été  apporté  à  Montiers-sur-Saulx  par  un  jeune  homme  qui  Tavail 
appris  au  régiment,  comme  le  n"*  j. 

Les  trois  thèmes  dont  se  compose  notre  conte,  —  partage  fait  par  le  héros 
entre  plusieurs  animaux  et  dons  qui  lui  sont  faits  par  eux,  délivrance  d'une  prin- 
cesse, prisonnière  d'un  géant  ou  d'un  autre  être  maîfaisant,  et  enfiii  délivrance 
du  héros  lui-même  retenu  captif  au  fond  des  eaux,  —  ces  trois  thèipcs,  â  notre 
connaissance,  ne  se  rencontrent  pas  d'ordinaire  combinés  dans  un  même  récit 
{ris  le  sont  dans  le  n**  zj  des  Novellm  di  S,  Sufano,  déjà  citées,  de  M.  deGuber- 
natis).  En  revanche,  dans  les  collections  déjà  publiées,  ils  se  trouvent  plusieurs 
fois  isolément  ou  groupés  par  deux. 

Ainsi,  dans  un  conte  grec  moderne  d'Epire  (Hahn,  n*  ^),  même  service  rendu 
par  le  prince  aux  animaui,  même  don  à  lui  fait  par  ces  animaux,  qui  sont  aussi 
un  lion,  un  aigle  et  une  fourmi.  Moyen  analogue  employé  par  la- princesse,  sa 
femme,  pour  le  délivrer,  après  qu'il  a  été  avalé  par  un  drakos  f sorte  d^ogre), 
habitant  au  fond  d'une  fontaine  (elle  fait  voir  au  drakos  des  pommes  qu'elle  lui 
donnera  s'il  lui  monire  son  mari). 

Dans  un  conte  allemand  iWolf, Deutsche  Hausmarcken,  i8p,  p.  8a  seq.),  se 
retrouve  le  partage.  Vers  la  fin  du  récit,  le  héros  pénètre  sous  la  forme  d'une 
abeille  dans  le  château  où  la  princesse  sa  femme  est  enfermée,  et  celle-ci  trouve 
moyen  de  se  faire  dire  par  le  géant  comment  on  peut  le  tuer  (nous  verrons  ce 
trait  dans  un  autre  de  nos  contes  lorrains).  C'est  aussi  sous  la  foimed'unlion  que 
le  héros  combat  contre  un  dragon.^  Dans  un  autre  conte  de  la  même  collection 
(p.  377 >,  le  héros  a  été  entraîné  au  fond  d'un  étang  par  un  petit  homme  gris  à 
qui  son  père  l'a  promis  avant  sa  naissance;  il  est  délivré  par  un  magicien  qui  se 
le  fait  montrer  à  mi-corps,  puis  tout  entier,  par  le  nain,  d'abord  pour  une 
montre,  ensuite  pour  un  miroir.  Dès  que  le  héros  se  voit  hors  de  Teau,  il  se 
change  en  oiseau  et  s'envole,  (Dans  le  conte  italien  de  M.  de  Gubernatis  men- 
tionné plus  haut»  c'est  d'abord  une  boule  de  cristal,  puis  une  boule  d'argent, 
enfin  une  boule  d'or  que  la  femme  du  héros  donne  au  sorcier  qui  retient  son 
mari  sous  terre.) 

Comparez  encore,  pour  cette  troisième  partie  de  notre  conte  Je  n"  i8i  de  Grimm, 
conte  de  la  Lusace,  intitulé  rOndinc  de  l'Etang,  un  conte  du  Haut-Palatinat 
(Schœnwerth, -4uj  dir  Obtrpfah^  11,  219),  un  conte  flamand  (Deuîin,  Contes 
du  rot  CambmuSf  p.  92  seq.),  un  conte  écossais  (Campbell,  n*  4,  variante). 
Dans  ce  dernier  conte,  pour  se  faire  montrer  son  mari  par  Tondine,  la  prin- 


2î4  E.  cosqyiN 

cesse  joue  de  la  Karpe  sur  fe  rivage  de  la  mer^  comme  dans  notre  conte  le 

mendiant  joue  du  violoii. 

Dans  un  conte  breton  IF.-M.  Luzcl,  ^' rapport,  p.  56)  où  figure  aussi  le  par- 
tage, un  ancien  prétendant  de  la  princesse,  femme  du  héros,  jette  celui-ci  à  la 
mer  du  haut  d'une  falaise.  Une  sirène  le  prend  et  l'emporte  dans  sa  grotte.  Un 
jour  elle  consent  à  l'élever  sur  la  paume  de  sa  main  au-dessus  des  flots.  Aus- 
sitôt il  souhaite  de  devenir  épervier  et  s'envole  auprès  de  sa  femme  qui,  le 
croyant  mort,  allait  se  marier  avec  le  prince  qui  Tavait  jeté  à  la  mer.  -^  Dans 
un  conte  allemand  de  la  collection  Prœhle  {Kindtr-and  VoUcsmàerckcn^  '^ÎJt 
n"  6>,  c*esl  pendant  une  traversée,  comme  dans  notre  conte,  que  le  héros  est 
jeté  à  la  mer  par  un  rival. 

Venons  aux  deux  autres  thèmes  qui  composent  notre  conte.  Nous  retrouvons 
encore  le  partage  dans  un  conte  tyrolien  ^Zingerle,  H,  n*  1).  Grâce  aux  dons  que 
lui  ont  fait  le  lion,  la  fourmi  et  la  cigogne^  le  héros  parvient  i  délivrer  une 
princesse  gardée  par  un  dragon.  —  Comparez  aussi  le  conte  de  Prœhle,  deux 
contes  italiens  de  la  collection  Comparetlî  (187^),  n**  52  et  j^,  et  un  conte 
norwégien  {Tates  of  îhe  Fjdd^  trad.  d'Absjœrsen,  p,  22?). 

Dans  un  conte  sicilien  de  la  collection  Pilrè  (t.  II,  p.  2\\)^  Beppino  partage 
un  âne  mort  entre  une  fourmi,  un  aigle  et  un  lion.  Pour  pénétrer  dans  le  palais 
où  sa  femme  est  tenue  emprisonnée  par  un  magicien^  il  se  change  en  aigle  et  en 
fourmi.  Il  combat  un  lion,  fe  tue,  Touvre  :  il  en  sort  deux  colombes.  Beppino 
les  saisit,  en  tire  deux  œufs  et  les  brise  sur  le  front  du  magicien,  qui  meurt,  — 
Comparez  un  autre  conte  sicilien  (n*  6  de  la  collection  Gonzenbach)  :  Joseph, 
changé  en  lion,  combat  un  dragon.  Quand  il  l'a  tué,  il  faut  qu'il  ouvre  la 
septième  tête,  d*où  sortira  un  corbeau  qui  a  un  œuf  dans  le  corps.  Cet  oeuf,  il 
faut  le  jeter  au  front  du  géant  qui  garde  la  princesse,  femme  de  Joseph,  pour  le 
faire  périr. 

Dans  ces  deux  contes^-  ainsi  que  dans  le  nôtre,  Tidée  première  s*est  obscurcie. 
Elle  se  retrouve  sous  sa  forme  complète  dans  un  grand  nombre  des  contes  de  ce 
type.  Ainsi,  dans  un  conte  lapon,  intitulé  h  Géante  donî  ta  m  était  tâchée  dans 
un  aaf  (Gitmmta,  année  1870),  une  femme  qui  a  été  enlevée  par  un  géant,  lui 
demande  où  est  sa  vie.  Il  finit  par  le  lui  dire  :  d^ns  une  île  au  milieu  de  la  mer 
il  y  a  un  tonneau; dans  ce  tonneau,  une  brebis;  dans  la  brebis,  une  poule; dans 
la  poule,  un  ttu)\  et  dans  l'œuf,  sa  vie.  Grâce  .1  Taide  de  plusieurs  animaux^  le 
fïls de  la  femme  retenue  prisonnière  (dans  la  plupart  des  contes  de  ce  type,  c*cst 
son  prétendant  ou  son  mari)  parvient  à  s  *e  m  parer  de  l'œuf  el  fait  ainsi  mourir 
le  géant. 

Comparez  un  conte  écossais  (Campbell,  n*  i)  et  divers  autres  contes,  norwégien, 
allemand,  russe,  cités  par  M,  ReinholdKœhler  à  propos  de  ce  conte  dans  la  revue 
Oruntund  Ocàd£nt{i.  M,  p.  101).  Nous  y  ajouterons  plusieurs  contes  bretons  (Le 
Corps  sans  âme,  n*»  j  de  la  collection  de  contes  bretons  publiée  à  Brest  en  1870 
sous  le  titre  de  U  Conteur  breton,  par  MM.  A.  Troude  et  G.  Milin  ;  U  Corps  sans 
dmty  dans  le  1**  rapport  de  M.  Luxel,  p.  112;  cf.  s*  rapport,  p.  \}^^  divers 
contes  italiens  (Ou bernatis,  Zoohgtcat  Mythology,  t.ïl,  p,  5 14,— Comparetti»  n"  J2 
et  55),  un  conte  russe  (ibid.,  II,  p,  n^  ^^  î9S)i  tin  conte  lithuanien  (Contes 
des  paysans  et  des  pdins  slaves,  trad,  par  M,  AL  Chodzko,  p.  21 8),  un  conte  du 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  2^5 

*ftp  des  Suons  •  en  Transylvanie (Haltricb,  n«  ^}),  deux  contes  islandais 
lAniiSdit,  trad.  anglaise,  2"  série^  p.  40  et  ^\%),  etc. 

En  Onenl,  nous  pouvons  rapprocher  de  celle  partie  de  notre  conte  un  conte 
les  Tjrtam  de  la  Sibérie  méridionale  (tribu  des  Barabines)^  recueilli  par 
M,  Râdioffdans  le  4*  vol.  de$t$Proben  dcr  VolkthUraiur  dtr  tùrkischen  Shrmme 
Sâd'Sàmiu  (Saint-Pétersbourg,  1873,  p.  88).  Dans  ce  conte,  une  femme  qui 
a  àétntevée  par  Tasch-Kan  feint  de  consentir  à  l'épouser  et  lui  demande  où  se 
Inwie  son  âme,  «  Je  vais  te  dire,  »  répond  Tasch-Kan»  *  oh  est  mon  âme. 
Sous  sepï  grands  peupliers  il  y  a  une  fontaine  d'or;  il  y  vient  boire  sept  m<ira/j 
&orte  de  ceris),  parmi  lesquels  it  y  en  a  un  dont  le  ventre  traîne  à  terre;  dans  ce 
ttril  il  y  a  une  cassette  d'orj  dans  cette  cassette  d'or,  une  cassette  d'argent; 
61B  \i  cassette  d'argent  sept  cailles;  Tune  a  la  tète  d'or  et  le  reste  du  corps 
«Pargent  Celte  caille,  c'est  ma  vraie  Ime,  *  Le  beau-frère  de  la  femme  a  tout 
cilendy.  11  peut  ainsi  la  délivrer. 

Ûam  un  conte  arabe  {Htstoiu  de  Siif-Almoutouk  tt  de  iaFilU  du  Roi  des  GénUs^ 
^*ini  partie  de  certains  manuscrits  des  MiiU  et  une  iVui/jj,  un  génie  finit  par 
art  à  une  jeune  title  qu'il  a  enlevée  où  est  son  âme.  Son  âme  est  dans  un  pas- 
^^ft^  qui  est  en'crmé  dans  une  petite  boîte;  celle  boîte  se  trouve  dans  sept 
'^tres;  celles-ci,  dans  sept  caisses  ;  les  caisses,  dans  un  bloc  de  marbre  au  fond 
^^^  m. 
^n  livre  siamois  {Bastian,  du  Vœlktr  des  Œstlkhm  AslenSf  t.  IV,  1868,  p.  Î40) 
jp^otitcque  Thoïsakan,  roi  de  Ceylan,  pouvait,  grâce  à  son  art  magique,  faire 
son  Ime  de  son  corps  et  l'enfermer  dans  une  boîte  qu'iî  laissait  dans  sa 
I  pendant  qu'il  allait  en  guerre,  ce  qui  le  rendait  invulnérable.  Au  moment 
^co«bâtlrc  le  héros  Rama,  il  confie  la  boîte  à  un  ermite,  et  Rama  voit  avec 
^■•tifinent  que  ses  flèches  atteignent  Thossakan  sans  lui  faire  de  blessures, 
'utioiuiiaOt  1^  compagnon  de  Rama,  qui  se  doute  de  ta  chose,  consulte  un  devin, 
*9*ae|  découvre,  par  Tinspection  des  astres,  où  se  trouve  l'âme  de  Thossakan; 
'"«lotiman  prend  la  forme  de  ce  dernier  et  se  rend  auprès  de  l'ermite,  à  qui  il 
"o^ïlîande  son  ime.  A  peine  a-til  la  boîte,  qu'il  s'élève  en  Tair  en  la  pressant  si 
^^    entre  ses  mains  qu'il  Tccrase,  et  Thossakan  meurt* 

*-^ajK  un  livre  hindoustani  (Garcin  de  Tassy,  Histoire  de  la  LiUératun  hindoute 
''■^tiDiii/dni/,  L  II.  p,  ^^7),  un  prince  f  éventre  avec  son  poignard  un  poisson 
****    letquel  un  div  (espèce d'ogre)  avait  cache  son  âme*. 

^-*ifin,  dans  un  conte  populaire  actuel  de  l'Inde  recuetlir  par  miss  M,  Frère 

(0C«^    i)wwfl  DaySf  a*  éd.,  Londres,  1870,  p,  13),  une  princesse,  retenue  pri- 

•^"^^mèrc  par  un  magicien  qui  veut  l'épouser,  obtient  de  lui  par  de  belles  paroles 

^^  ^l    fui  dise  s'il  est  ou  non  immortel.  «  Je  ne  suis   pas  comme  les  autres,  • 

'^'^"*1«.  i  Loin,   bien   loin  d'ici,   il  y  a  une  contrée  sauvage  couverte  d'épais 

^^'^h.  Au  milieu  de  ces  fourrés  s'élève  un  cercle  de  palmiers,  et,  au  centre  de 

*^^*rcle,  se  trouvenl  six  jarres  pleines  d'eau,  placées  Tune  sur  l'autre  :  sous  U 

stti^jïie  est  une  petite  cage,  qui  contient  un  petit  perroquet  vert^  et,  si  le  per- 

tOC|Uet  est  lue,  je  dois  mourir.  Mats  il  n'est  pas  possible  que  personne  prenne 

jlBUb  ce  perroquet  ;  car,  par  mes  ordres,  des  niill»ers  de  génies  entourent  les 

çAnîeri  et  tuent  tous  ceux  qui  en  approchent.  » 

Dans  le  fameux  conte  égyptien  des  Deux  Frire»,  qui  remonte  au  moins  au 


2?6  E.  COSQUIN 

xV  siècle  avant  notre  ère  et  qui  a  été  traduit  d'abord  par  M.  de  Rouge  [Rcvat 
archiologi(iut,  9*  anrïée,  18^2,  2*  partie^  P-  î^j  seq.)  et  ensuite  par  M.  Maspero 
{RfYUi  da  Cours  tiUéraircSf  t.  Vil,  1871,  p.  780),  Bâlàû  dépose  son  cœur  sur  la 
fleur  d'un  cèdre.  Il  révèle  ce  secret  à  sa  femme,  qui  le  trahit.  On  coupe  le  cèdre: 
le  cceur  tombe  par  terre  et  Bàtàû  meurt. 

XVL 

LA  FILLE  DU  MEUNIER. 

Un  jour,  uFi  meunier  et  sa  femme  étaient  ailés  à  la  noce.  Leur  1 
restée  seule  au  moulin,  alla  chercher  sa  cousine  pour  venir  coucher  avec 
elle.  Pendant  £|u^efles  disaient  leurs  prières,  la  cousine  aperçut  deux 
hommes  sous  le  lit.  «Tiens!  »  pensa-t-elle,  «  ma  cousine  vient  me 
chercher  pour  coucher  avec  elle,  et  il  y  a  quelqu'un  sous  son  Ht.  *>  Puis 
elle  dit  tout  haut  :  «  Ma  cousine,  je  vais  aller  mettre  ma  chemise»  que 
j'ai  oubliée  chez  nous.  —  Je  peux  bien  vous  en  prêter  une  des  miennes. 

—  Merci,  ma  cousine;  je  n'aime  pas  à  mettre  les  chemises  des  autrcs. 

—  Revenez  donc  bientôt.  —  Oui,  ma  cousine.  >v  fl 
La  fille  du  meunier  l'attendit  longtemps.  Enfin,  ne  la  voyant  pas 

revenir,  elïe  se  décida  à  se  coucher.  Tout  à  coup  les  deux  voleurs  sor- 
tirent de  dessous  le  lit  en  criant  :  «  La  bourse  ou  la  vie!  —  Nous 
n'avons  point  d'argent,  )>  dit  la  jeune  fille,  a  mais  nous  avons  du  grain  : 
prenez-en  autant  que  vous  voudrez.  »  Us  montèrent  au  grenier.  Comme 
il  n'y  avait  pas  de  cordes  aux  sacs,  la  jeune  fille  leur  dît  d'aller  au  jar- 
din chercher  de  l'osier  pour  les  lier,  et  quand  ils  furent  sonis,  elle  ferma 
la  porte. 

Les  voleurs  avaient  une  main  de  gloire  « ,  mais  la  jeune  fille  ayant  eu 
soin  de  pousser  le  verrou,  ils  ne  purent  rentrer,  w  Ouvrez-nous,  x> 
lui  crièrent-ils.  —  Passez- moi  d'abord  voire  main  de  gloire  par  la  cha* 
lière.  »  L'un  des  voleurs  la  passa,  et,  tandis  qu'il  avait  la  main  sous  la 
porte,  la  jeune  fille  la  lui  coupa  d'un  coup  de  hache.  Aussitôt  les  deuj^g 
compagnons  prirent  la  fuite,  ^M 

Au  point  du  jour,  on  entendît  le  violon  :  c'étaient  les  gens  de  ta  noce 
qui  revenaient.  Le  meunier  et  sa  femme  étant  rentrés  au  logis,  la  jeune^ 
fille  ne  leur  dit  nen  de  ce  qui  lui  était  arrivé.  ^M 

Quelque  temps  après,  le  voleur  dont  ta  main  avait  été  coupée  se  pré- 
senta pour  demander  la  jeune  fille  en  mariage.  Il  s'était  fait  faire  une 
main  de  bois,  qu'il  avait  soin  de  tenir  toujours  gantée;  il  se  disait  le  fils 
de  M,  Bertrand,  homme  considéré  dans  le  pays  :  aussi  les  parents  de  la 
jeune  fille  furent-ils  très-flattés  de  sa  demande. 


Voir  les  remarques  pour  l'ex  pli  cation  du  mol  main  de  ghin. 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  2^7 

Le  voleur  dit  un  jour  à  la  jeune  fille  :  «  Venez  donc  voir  mon  beau 
château  au  coin  du  petit  bois,  —  J'irai  ce  soir,  n  répondit-elle,  mais  elle 
resta  à  la  maison.  Quand  le  voleur  revint^  il  lui  dit  :  «  Vous  n'êtes  pas 
venue  au  château  ;  vous  m'avez  manqué  de  parole,  —  Que  voulez- 
vous?  yy  répondit-elle,  a  je  n'ai  pu  y  aller;  j'irai  demain,..  Mais  pourquoi 
portez-vous  toujours  un  gant  ?  —  C'est  que  je  me  suis  fait  mal  à  la 
main,  »  dit  le  voleur. 

Le  lendemain,  la  jeune  fille  monta  en  voilure  avec  un  cocher  et  un 
laquais*  Au  coin  du  petit  bois,  elle  vit  une  maison  d'un  aspect  misérable* 
<i  Voilà,  »  dit-elle,  (t  une  triste  maison.  Restez  ici,  mon  cocher,  mon 
laquais;  je  vais  voir  ce  que  c'est.  »  Elle  alla  donc  seule  vers  la 
maison  et  aperçut  en  y  entrant  sa  cousine,  que  le  voleur  égorgeait. 
a  Pour  Dieu!  pour  Dieuî  »  criait-elle,  «  laissez-moi  la  vie!  jamais  je 
ne  dirai  à  ma  cousine  qui  vous  êtes,  —  Non,  non!  qu'elle  vienne,  et  elle 
en  verra  bien  d'autres  !  n  La  fille  du  meunier,  qui  était  entrée  sans  être 
remarquée,  se  hâta  de  sortir  en  emponant  le  bras  de  sa  cousine  que  le 
voleur  venait  de  couper.  Il  y  avait  sous  la  table  une  trentaine  de  gens 
ivres,  mais  personne  ne  la  vit. 

a  Mon  cocher,  mon  laquais,  »  dit  la  jeune  fille,  v  fuyons  d'ici  ;  c'est 
un  repaire  de  voleurs.  »>  De  retour  au  moulin,  elle  raconta  ce  qu'elle 
avait  vu.  Comme  le  prétendu  devait  venir  le  soir  même,  on  appela  les 
gendarmes,  on  les  habilla  en  bourgeois  et  on  les  fit  passer  pour  des  amis 
de  !a  maison. 

En  arrivant,  le  voleur  dit  à  la  jeune  fille:  «  Vousm*avez  encore  manqué 
de  parole;  vous  n'êtes  pas  venue  voir  mon  château.  —  C'est  que  j'ai  eu 
aulre  chose  à  faire,  »  répondit-elle-  Vers  la  fin  du  repas,  le  voleur  lui 
dit  :  «  Entre  la  poire  et  la  pomme,  il  est  d'usage  que  chacun  conte  son 
histoire  :  mademoiselle,  contez-nous  donc  quelque  chose.  —  Je  ne  sais 
rien,  n  dit-elle,  <^  contez  vous-même.  —  Mademûiselle,  à  vous  l'honneur 
de  commencer.  —  Eh  bien  !  je  vais  raconter  un  rêve  que  j'ai  fait.  Tous 
songes  sont  mensonges  ;  mon  bon  ami,  vous  ne  vous  en  fâcherez  pas.  — 
Non,  mademoiselle.  j> 

a  Je  rêvais  donc  que  vous  m'aviez  invitée  à  venir  voir  votre  château. 
J^étais  partie  en  voiture  avec  mon  cocher  et  mon  laquais.  Au  coin  du 
petit  bois,  je  vis  une  maison  d'un  aspea  misérable.  Je  dis  alors  à  mon 
cocher  et  à  mon  laquais  de  m'aiiendre,  et  j'entrai  seule  dans  la  maison. 
J'aperçus  mon  bon  ami  qui  tuait  ma  cousine.  Tous  songes  sont  men- 
songes; mon  bon  ami,  ne  vous  en  fâchez  pas.  —  Non,  mademoiselle.  — 
Pour  Dieu!  pour  Dieu!  »  criait-elle,  «  laissez-moi  la  vie!  jamais  je  ne 
dirai  à  ma  cousine  qui  vous  êtes.  —  Non,  non,  qu'elle  vienne  et  elle  en 
verra  bien  d'autres!  »  Je  ramassai  le  bras  de  ma  cousine  que  mon  bon  ami 
venait  de  couper,  et  je  m'enfuis.  Messieurs,  voici  le  bras  de  ma  cousine.  *> 


2)8  B.  COSQUIN 

Les  gendarmes  saisirent  le  voleur,  et  on  le  mit  à  mort,  ainsi  que  toute 
sa  bande. 

L'introduction  de  notre  conte  est  presque  celle  d'un  conte  lithuanien  de  la 
collection  Schleicher  (p.  9).  Douze  voleurs  se  glissent  Tun  après  l'autre  dans 
une  maison  par  un  trou  qu'ils  ont  creusé  sous  le  mur.  Mais,  à  mesure  qu'ils 
passent,  la  fille  de  la  maison  leur  abat  la  tète.  Le  dernier  des  voleurs  se  doute 
du  sort  qui  l'attend  :  il  retire  brusquement  la  tète,  mais  non  sans  que  la  jeune 
fille  en  ait  coupé  la  moitié.  Il  se  la  fait  refaire  en  bois  (!)  et  se  présente  comme 
prétendant  à  la  main  de  la  jeune  fille. 

Nous  trouvons  aussi  une  introduction  fort  ressemblante  à  celle  de  notre  conte 
dans  un  conte  tyrolien  (Zingerle,  I,  n»  22)  et  dans  un  conte  italien  (Comparetti, 
n'  1).  Comparez  encore  l'introduction  d'un  conte  sicilien  (Gonzenbach,  n*  10). 

A  partir  de  l'endroit  où  le  voleur  se  présente  comme  prétendant,  notre  ooote 
se  rapproche  d'un  autre  conte  lithuanien  {ibid.,  p.  22)  et  surtout  d'un  conte 
anglais  (Halliwell,  Popular  Rhymes  and  Nursery  Talcs,  p.  47),  d'un  conte  norvé- 
gien (Talcs  ofthc  Fjcld,  trad.  d'Absjœrnsen,  p.  2ji),  d'un  conte  des  Tsiganes 
de  la  Bohème  et  de  la  Hongrie  (C.  R.  de  l'Acad.  de  Vienne,  classe  historico- 
philologique,  1872,  p.  93,  et  1869,  p.  i$8)  et  du  conte  hessois  n»  40  de  la 
collection  Grimm,  h  Brigand  fiancé  (voir  les  remarques  de  G.  Grimm  sur  ce 
n*  40). 

Un  conte  allemand  (Schambach  et  Mûller,  Nicdersachsischc  Sagcn  and  Métrchen^ 
1855,  no  23,  p.  307),  dont  l'introduction  est  à  peu  près  identique  à  celle  da 
conte  lithuanien  résumé  plus  haut,  présente  tout  l'ensemble  de  notre  conte 
lorrain. 

La  main  de  gloire  qu'ont  les  voleurs  dans  notre  conte  est  un  objet  magique. 
D'après  M.  F.  Liebrecht  {Heidclbcrgcr  Jahrbûchtr^  1868,  p.  86),  elle  est  formée  de 
la  main  desséchée  d'un  voleur  pendu,  dans  laquelle  on  place  une  chandelle  faite 
de  graisse  humaine,  etc.  La  vertu  de  ce  talisman,  c'est  de  priver  de  leurs  mou- 
vements les  personnes  qui  se  trouvent  dans  le  voisinage  ou  de  les  plonger  dans 
un  profond  sommeil*.  M.  Liebrecht  croit  que  le  mot  main  de  gloire  {mande  glore^ 
mandegore)  vient  du  mot  mandragore.  —  Dans  le  conte  sicilien  n*»  1 0  mentionné 
plus  haut,  le  voleur  qui  s'est  introduit  dans  le  palais  pour  se  venger  de  la  reine, 
met  sur  Poreiller  du  roi  un  certain  papier  magique  qui  endort  le  roi  d'un 
sommeil  d'où  rien  ne  peut  le  tirer.  (Comparez  la  fin  du  conte  sicilien  n^  23.) 

Nous  avons  entendu  raconter  à  Montiers-sur-Saulx  une  variante  commen- 
çant comme  la  Fille  du  Meunier  et  qui  se  rapprochait  ensuite  du  conte  sicilien 
n*  10.  Dans  l'un  et  dans  l'autre,  le  brigand  épouse  la  jeune  fille  ;  puis  il  l'en- 
mène  dans  un  endroit  solitaire,  l'attache  à  un  arbre  et  l'accable  de  coups. 
Dans  le  conte  sicilien,  pendant  qu'il  est  allé  chercher  ses  compagnons  pour 
achever  sa  victime,  passent  un  paysan  et  sa  femme  qui  conduisent  au  marché 
une  charge  de  sacs  de  coton.  Ils  mettent  la  jeune  fille  dans  un  de  ces  sacs  et 
elle  échappe  ainsi  au  brigand,  après  divers  incidents.  Dans  la  variante  lorraine, 

I.  Voir  à  ce  sujet  une  curieuse  citation  des  anciennes  coutumes  delà  ville  de 
Bordeaux,  dans  le  Magasin  pittoresque,  t.  XXXIV  (1866),  p.  37. 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  239 

dont  malhcurcusemetit  nous  ne  nous  rappefons  la  fin  que  confusément,  ce  doit 
Hm  dani  on  ballot  que  la  jeune  fille  échappe,  —  Comparez^  parmi   les  contes 

fljentîonnès  plus  haut,  le  conte  lithuanien  (Schleicher,   p.  io>  et  le  conte  alle- 

Qtjnci  de  la  collection  Schambach  et  Mûlfery  p.  p9. 


XVÎI, 

L'OISEAU   DE  VÉRITÉ. 

Il  était  une  fois  un  roi  et  une  reine.  Le  roi  partit  pour  la  guerre, 
latssam  sa  femme  enceinte. 

La  mère  du  roi,  qui  n'aimait  pas  sa  belle-iîlle,  ne  savait  qu'inventer 
pour  lui  faire  du  mal.  Pendant  Tabsence  du  roi,  la  reine  mit  au  monde 
deux  eijfants,  un  garçon  et  une  fille;  aussitôt  la  vieille  reine  écrivit  au 
roi  que  sa  femme  était  accouchée  d'un  chien  et  d  un  chat.  [[  répondit 
qu'il  fallait  mettre  le  chien  et  le  chat  dans  une  boîte  et  jeter  ta  boite  à 
la  mer.  On  enferma  les  deux  enfants  dans  une  boite,  que  Ton  jeta  à  la 
mer. 

Peu  de  temps  après,  un  marchand  et  sa  femme,  qui  parcouraient  le 

pajs  pour  vendre  leurs  marchandises,  vinrent  à  passer  par  là  ;  ils  aper- 

ptrem  U  boite  qui  floilail  sur  Teau.  «  Oh  !  la  belle  boke  !  »   dit  la 

femme;  u  je  voudrais  bien  savoir  ce  qu*il  y  a  dedans  :  ce  doit  être 

queU}ue  chose  de  précieux.  »  Le  marchand  retira  de  Teau  la  boite  et  la 

àonn2  à  sa  femme.  Celle-ci  n'osait  presque  y  loucher;  elle  finit  pourtant 

PM"  rouvrir  et  y  trouva  un  beau  petit  garçon  et  une  belle  petite  fille.  Le 

iBVchand  et  sa  femme  les  recueillirent  et  les  élevèrent  avec  deux  enfants 

^QHIs  avaient.  Chaque  jour  le  petit  garçon  se  trouvait  avoir  cinquante 

^cus,  et  chaque  jour  aussi  sa  sœur  avait  une  étoile  d'or  sur  la  poitrine. 

Un  jour  que  le  petit  garçon  était  à  l'école  avec  le  fils  du  marchand»  il 

^^*  dit  :  i(  Mon  frère,  j*ai  oublié  mon  pain;  donne-m*en  un  peu  du  tien, 

^  Tu  n*es  pas  mon  frère,  »  répondit  Tautre  enfant,  <c  tu  n*es  qu'un 

ï^^ard  :  on  t'a  trouvé  dans  une  boite  sur  la  mer,  on  ne  sait  d'où  m 

^*CTis.  jî  Le  pauvre  petit  fut  bien  affligé,  «  Puisque  je  ne  suis  pas  ton 

*f^re»  »  dit-il,  «  je  veux  chercher  mon  père.  »  Il  fit  connaître  son  inten- 

tït>H  à  ses  parents  adoptifs;  ceux-ci,  qui  Taimaient  beaucoup,  peut-être 

aussi  un  peu  à  cause  des  cinquante  écus,  firent  tous  leurs  efforts  pour  le 

retenir,  mais  ce  fut  en  vain.  Le  jeune  garçon  prit  sa  sœur  par  la  main 

d  lui  dit  :  i*  Ma  sœur,  allons-nous-en   chercher  notre  père,  »   Et  ils 

partirent  ensemble. 

Us  arrivèrent  bientôt  devant  un  grand  château;  ils  y  entrèrent  et 
tetnandèrent  si  l*on  n'avait  pas  besoin  d'une  relaveuse  de  vaisselle  et 
tfua  valet  d'écurie.  Ce  château  était  justement  celui  de  leur  père.  La 


2 


I 


240  E.  COSQUIN 

mère  du  roi  ne  les  reconnut  pas;  on  eût  dit  pourtant  qu'elle  se  doutait 
de  quelque  chose;  elle  les  regarda  de  travers  en  disant  :  «  Voilà  de 
beaux  serviteurs  !  qu'on  les  mette  à  la  pone*  »  On  ne  laissa  pas  de  les 
prendre;  ils  faisaient  assez  bien  leur  service»  mais  la  vieille  reine  répé- 
tait sans  cesse  :  «  Ces  enfants  ne  sont  propres  à  rien  ;  renvoyons-les 

Elle  dit  un  jour  au  roi  :  u  Le  petit  s'est  vanté  d'aller  chercher  l'ej 
qui  danse.  »  Le  roi  ht  aussitôt  appeler  l'enfant,  u  Ecoute»  n  lui  dh^ 
«  j'ai  à  te  parler.  —  Sire,  que  voulez-vous?  —  Tu  t'es  vanté  d'alli 
chercher  l'eau  qui  danse*  —  Moi,  sire  I   comment  ferais-je  pour  alli 
chercher  l'eau  qui  danse  ?  je  ne  sais  pas  même  où  se  trouve  cette  eau, 
—  Que  tu  t'en  sois  vanté  ou  non,  si  je  ne  l'ai  pas  demain  à  midi,  v^m 
seras  brûlé  vif.  —  A  la  garde  de  Dieu  1  »  dit  l'enfant,  et  il  partit.  ^| 

Sur  son  chemin  il  rencontra  une  vieille  fée,  qui  !ui  dit  :  w  Où  vas-tu, 
fils  de  roi  ?  —  Je  ne  suis  pas  fils  de  roi  ;  je  ne  sais  qui  je  suis.  La  mère 
du  roi  invente  cent  choses  pour  me  perdre  :  elle  veut  que  j'aille  chercher 
Teau  qui  danse;  je  ne  sais  pas  seulement  ce  que  cela  veut  dire.  —  Que 
me  donneras-tu  ?  »  dit  la  fée,  w  si  je  te  viens  en  aide  ?  —  J'ai  cin- 
quante écus,  je  vous  les  donnerai  bien  volontiers,  —  C'est  bien.  Tu  iras 
dans  un  vert  bocage;  tu  trouveras  de  l'eau  qui  danse  et  de  Peau  qui  ne 
danse  pas;  tu  prendras  dans  un  flacon  de  Peau  qui  danse,  et  tu  partiras 
bien  vite.  i>  Le  jeune  garçon  trouva  l'eau  demandée  et  la  rapporta  au 
roi.  «  Danse-t-elle  ?  ?»  dit  le  roi,  —  «  le  l'ai  vue  danser,  je  ne  sais 
si  elle  dansera.  —  Si  elle  dansait,  elle  dansera  toujours.  Qu'on  la 
mette  en  place.  » 

Le  lendemain,  la  vieille  reine  dît  au  roi  r  «  Le  petit  s'est  vanté  d'aller 
chercher  la  rose  qui  chante,  »  Le  roi  fit  appeler  l'enfant  et  lui  dît  : 
*t  Tu  t'es  vanté  d'aller  chercher  la  rose  qui  chante,  —  Moî^  sire! 
comment  ferais-je  pour  aller  chercher  cette  rose  qui  chante  ?  jamais  je 
n'en  ai  entendu  parler,  —  Que  tu  l'en  sois  vanté  ou  non,  si  je  ne  l'ai 
pas  demain  à  midi^  tu  seras  brûlé  vit  n 

L'enfant  se  mit  en  route  et  rencontra  encore  la  fée.  «  Où  vas-tu,  fils 
de  roi  ?  —  Je  ne  suis  pas  fils  de  roi,  je  ne  sais  qui  je  suis.  Le  roi  veut 
que  je  lui  rapporte  la  rose  qui  chante  et  je  ne  sais  où  la  trouver.  —  Que 
me  donneras-tu  si  je  te  viens  en  aide  ?  —  Ce  que  je  vous  ai  donné  la 
première  fois,  cinquante  écus.  —  C'est  bien.  Tu  iras  dans  un  beau 
jardin;  tu  y  verras  des  roses  qui  chantent  et  des  roses  qui  ne  chantent 
pas  ;  tu  cueilleras  bien  vite  une  rose  qui  chante  et  tu  reviendras  aussitôt, 
sans  t'amuser  en  chemin.  :»>  Le  jeune  garçon  suivit  les  conseils  de  la 
fée  et  rapporta  la  rose  au  roi.  <t  La  rose  ne  chante  pas,  »  dit  la  vieille 
reine.  —  n  Nous  verrons  plus  tard,  «  répondit  le  roi. 

Quelque  temps  après,  la  vieille  reine  dit  au  roi  :  «  La  petite  s'est 
vantée  d'aller  chercher  l'oiseau  de  vérité*  >>  Le  roi  fit  appeler  l'enfant  ei 


COKTES   POPULAIRES   LORRAINS  24J 

lui  dit  :  *(  To  l'es  vantée  d'aller  chercher  l*oiseau  de  vérité.  —  Non, 
sire,  je  ne  m'en  suis  pas  vantée  ;  où  donc  l'irais-je  chercher  cet  oiseau  de 
vérité  ?  —  Que  tu  t^en  sois  vantée  ou  non,  si  je  ne  l'ai  pas  demain  à 
raidi,  tu  seras  brûlée  vive.  » 

La  jeune  fille  s'en  alla  donc;  elle  rencontra  ayssi  la  fée  sur  son  chemin, 
c«  Où  vas-tu,  fille  de  roi  ^  —  Je  ne  suis  pas  fille  de  roi  ;  je  suis  une  pauvre 
relaveuse  de  vaisselle.  La  mère  du  roi  veut  nous  perdre;  elle  m'envoie 
chercher  l'oiseau  de  vérité,  et  je  ne  sais  où  le  trouver.  —  Que  me  don- 
neras-tu si  je  te  viens  en  aide  ?  —  Je  vous  donnerai  une  étoile  d'or;  si  ce 
n'est  pas  assez,  je  vous  en  donnerai  deux,  —  Eh  bien  !  fais  tout  ce  que 
je  vais  te  dire.  Tu  iras  à  minuit  dans  un  vert  bocage  ;  to  y  verras  beau- 
coup d'oiseaux  ;  tous  diront  :  Cesî  moi  !  un  seul  dira  :  Ce  n'est  pas  moi  ! 
C^est  celui-là  que  tu  prendras,  et  tu  partiras  bien  vite  ',  sinon^  tu  seras 
changée  en  pierre  de  seL  » 

Quand  la  jeune  fille  entra  dans  le  bocage,  tous  les  oiseaux  se  mirent  à 
crier  ;  «  C'est  moi  !  c'est  moi  !  n  Un  seul  disait  :  «  Ce  n'est  pas  moi  !  » 
Mais  ta  jeune  filte  oublia  les  recommandations  de  la  fée,  et  elle  fut  chan- 
gée en  pierre  de  sel. 

Son  frère,  ne  la  voyant  pas  revenir  au  château,  demanda  la  permis- 
sion d'aier  à  sa  recherche.  Il  rencontra  de  nouveau  la  vieille  fée»  «  Où 
vas-tu,  fils  de  roi  P  —  Je  ne  suis  pas  fils  de  roi,  je  ne  sais  qui  je  suis. 
Ma  sœur  est  partie  pour  chercher  l'oiseau  de  vérité,  et  elle  n'est  pas 
revenue.  —  Tu  retrouveras  ta  sœur  avec  l'oiseau,  ù  dit  la  fée,  «  Que 
me  donneras-tu  si  je  te  viens  en  aide  ?  —  Cinquante  écus,  comme 
toujours.  —  Eh  bien  !  à  minuit  tu  iras  dans  un  vert  bocage  ;  mais  ne 
fais  pas  comme  ta  sœur  :  elle  n'a  pas  écouté  mes  avis  et  elle  a  été  changée 
en  pierre  de  sel  Tu  verras  beaucoup  d'oiseaux  qui  diront  tous  :  Ccst 
moi  !  tu  prendras  bien  vite  celui  qui  dira  :  Ce  n^est  pas  moi  f  tu  lui  feras 
becqueter  la  tête  de  ta  sœur,  et  elle  reviendra  à  la  vie.  i* 

Le  jeune  garçon  fit  ce  que  lui  avait  dit  la  fée  :  il  prit  l'oiseau,  lui  fit 
becqueter  la  tête  de  sa  sœur,  qui  revint  à  la  vie,  et  ils  retournèrent 
ensemble  au  château.  On  mit  l'oiseau  de  vérité  dans  une  cage,  l'eau  qui 
danse  et  la  rose  qui  chaule  sur  un  buffet. 

Cependant  il  venait  beaucoup  de  monde  pour  voir  ces  belles  choses. 
Le  roi  dit  :  «  Il  faut  faire  un  grand  festin  et  y  inviter  nos  amis.  Nous 
nous  assurerons  si  les  enfants  ont  vraiment  rapporté  ce  que  je  leur  ai 
demandé,  »  Il  vint  donc  beaucoup  de  grands  seigneurs,  La  vieille  reine 
grommelait .  «  Voilà  de  belles  merveilles  que  cette  eau,  et  cette  rose,  et 
cet  oiseau  de  vérité.  —  Patience,  ^i  dit  le  roi,  «  on  va  voir  ce  qu'ils 
savent  faire,  »  Pendant  le  festin,  l'eau  se  mit  à  danser  et  la  rose  à 
chanter,  mais  l'oiseau  de  vérité  ne  disait  root.  «  Eh  bien  i  a  lui  dit  le  roi, 
«  fais  donc  ce  que  tu  sais  faire.  —  Si  je  parle,  »  répondit  l'oiseau,  «  je 

Romania,  VI  1 6 


24^  E.   COSqiilN 

rendrai  bien  honteux  certaines  gens  de  la  compagnie.  —  Parle  loujourv 
dit  le  roi.  —  a  N'esl-il  pas  vrai,  ?>  dit  l'ois^u,  <i  qu'un  jour  où  voiti' 
étiez  à  la  guerre,  voire  mère  vous  écrivit  que  la  reine  était  accouchée  d'un 
chien  et  d'un  chai  f  N'est-il  pas  vrai  que  vous  avez  commandé  de  les 
jeter  à  la  mer  ?  *  Et  comme  le  roi  faisait  mine  de  se  fâcher,  Toiseau  reprit  : 
tt  Ce  que  je  dis  est  la  vérité ,  la  pure  vérité.  Eh  bien  î  ce  chien  et  ce  chat, 
les  voici;  ce  sont  vos  enfants,  votre  fils  et  votre  fille.  » 

Le  roi,  furieux  d'avoir  été  trompé,  fit  jeter  la  vieille  reine  dans  de 
rhuile  bouillanie.  Depuis  lors,  il  vécut  heureux  et  il  réussit  toujours 
dans  ses  entreprises,  grâce  à  Toiseau  de  vérité.  ■ 


Voir  dans  la  collection  Grimm  les  remarques  de  Guillaume  Grimm  sur  le 
conte  allemarid  n^  96  et  celles  de  M,  Reinhold  Kœhler  sur  le  conte  sicilienne  |^_ 
de  h  collection  Gonzenbach.  ^M 

Aux  contes  de  ce  type  mentîoiiDés  dans  ces  remarques  il  f^iut  ajouter  un  conte 
islandais  (Arnason,  kckndic  Ugcnds,  translated  fey  Powell  and  Magnusson,  Uj 
p.  427},  un  conte  breton  de  même  titre  que  noire  conte  lorrain  (le  Conteur  brp^M 
ton^  par  A,  Troudç  cl  G,  Milin.  Brest  1870)1  plusieurs  contes  siciliens  ln<»  l^^^ 
de  la  grande  collection  de  M.  Pitre,  qui  donne  lanalyse  de  contes  itali^s  ana^ 
logues  recueillis  en  Toscane,  en  Piémont,  dans  te  Milanais,  dans  la  Vénétie)  ; 
deux  contes  italiens  (n<**  6  et  |o  de  la  collection  Comparelti,  1875);  dcui 
contes  catalans  du  RonJailayre  (i"""  partie,  1871,  p.  63  et  Î07)  ;  un  conteniise 
(Gubernatis,  Zoohgicai  Myihoiogy,  11^  p.  17), 

On  remarquera  que,  dans  le  conte  breton,  Fotseau  de  vérité,  «  jttsqu^i  ce 
qu'il  soit  priS)  est  Toiseau  du  mensonge.  »  Il  en  est  de  même  dans  notre  conte 
lorrain. 

Un  trait  particulier  de  ce  conte  lorrain,  c'est  que,  pour  perdre  les  enfants, 
la  vieille  reine  les  accuse  de  s'être  vantés  de  pouvoir  mener  à  bonne  fin  telle  ou 
telle  entreprise  périlleuse.  C'est  là  un  thème  fort  connu  et  qu'on  a  déjà  ren- 
contré dans  notre  collection  ivoir  le  conte  n'  j ,  U  Roi  cTAnglnern  et  son  Fi7- 
ifu/),  mais  que  nous  n'avons  jamais  vu,  croyons-nous,  entrer  comme  élément 
dans  les  contes  de  ce  type.  Le  plus  souvent^  dans  ces  contes,  la  belle-mère  ou 
les  sœurs  de  ta  reine,  cherchent,  elles-mêmes  ou  par  des  émissaires,  à  éveiller 
chez  les  enfants  (qui,  là,  ne  sont  pas  au  service  du  roi  leur  père)  le  désir  de 
posséder  les  objets  merveilleux,  et  à  les  pousser  ainsi  à  leur  perte. 

Ao  miheu  du  xvr  siècle,  en  Italie,  Slraparola  insérait  parmi  ses  nouvelles 
un  conte  analogue  (n*  j  des  contes  extraits  de  Slraparola  et  traduits  en  alle- 
mand par  Vaientin  Schmidt.  Berlin,  1817),  qui  a  été  imité  par  M™"^  d'Aulnoy 
sous  le  titre  de  La  Prinasu  Bdk-ÊtoiU,  ^| 

Un  roman  du  moyen- âge,  imprimé  en  1499  et  analysé  dans  les  Mélangea  ftrl^B 
d'un€  grande  Bibiwthkque  (t.  F.,  p.  4  seq.),  V Histoire  du  Chcvûîiir  m  Cjgnt, 
présente,  dans  son  introduction,  un  grand  rapport  avec  les  contes  que  nous 
étudions.  Une  reine  met  à  la  fois  au  monde  six  fils  et  une  iille.  Ils  étaient 
tous  d'une  beauté  parfaite  et  portaient  en  naissant  chacun  une  chaîne  d'or  au 
cou.  La  sage-femme,  par  ordre  de  la  reine-mère,  dit  que  la  reine  est  accouchée 


CONTES    POPULAIRES   LORRAINS  24J 

<lf  sept  petits  chiens*  Un  écuycr  de  la  vieille  reine,  chargé  par  elle  défaire  périr 
lu  enfems,  en  a  pitié  et  les  dépose  près  d'un  erinilage.  Ils  sont  élevés  par 
remite.  Quand  ils  ont  environ  sept  ans,  un  chasseur  les  voit  dans  la  forêt  et 
parle  d'eux  à  la  vieille  reine  qui^  comprenaal  ce  qu'ils  sont,  envoie  le  chasseur 
poor  b  tuer.  Celui-ci  se  contente  de  leurenlever,  à  cinq  garçons  et  à  la  petite 
fille  qu'il  trouve,  leurs  colliers  d'or,  et  les  enfants  sont  changés  en  cygnes,  etc. 

D'autres  romans  du  moyen4ge  reproduisent  ce  trait  d'une  reine  accusée 
(Tifoir  mis  au  monde  des  petits  chiens  (op.  cit.  l.  H,  p.  189,  t.  O,  p.  15 1). 
Duisuij  conte  siamois  {Asiatic  Rcseankes,  Calcutta,  i8j6,  t.  XX,  p.  348),  la 
ieoBC  d'un  roi  est  accusée  par  une  rivale  d'être  accouchée  d'un  morceau  de 
Ms.  Ce  détail  se  retrouve  dans  le  conte  arabe  bien  connu  des  Mitk  et  une  Nuiîs^ 
kl  Dtta  sœars  jalousa  dt  Imr  cadttît.  Ce  conte  arabe  se  rapproche  de  tous  les 
réciu  indiqués  cj-dessus^  ainsi  qu'un  conte  avare  du  Caucase,  traduit  par 
M.  Schicfner,  dont  voici  le  résumé  {Mim.  âe  tAc  des  scunm  dt  Saint-Pitershourg^ 
raèrici,  XIX,  1875,  n'  12), 

Trois  sœurs,  cardeuses  de  laine,  s*enlretjenneni  un  soir  ensemble,  et  chacune 
d'elles  dit  aux  autres  ce  qu'elle  ferait  si  ie  roi  la  prenait  pour  femme.  Le  roi 
eotegd  leur  conversation  :  il  épouse  Tainée,  puis  la  seconde,  qui  ne  peuvent 
lerur  leur  engagement,  enfin  la  troisième.  Celle-ci  a  dit  qu'elle  donnerait  au  roi 
<n  &I1  aux  dents  de  perles  et  une  ^Ue  aux  cheveux  d'or.  Pendant  que  'le  roi 
ot  i  la  guerre,  elle  met  au  monde,  en  effet,  un  ûts  aux  dents  de  perles  et  une 
&IBX  cheveux  d'or.  Ses  deux  sœurs,  jalooses,  font  jeter  les  enlants  dans  une 
for^de  montagnes  et  envoient  dire  au  roi  que  sa  femme  est  accouchée  d'un 
duen  et  d'un  chat.  Le  roi  ordonne  de  noyer  le  chien  et  le  chat  et  d'exposer 
I3  nère,  1  la  porte  du  palais,  aux  insultes  des  passants. 

Cependant  les  deux  enfants  sont  nourris  par  une  biche,  qtii  les  conduit,  deve- 
HttgTîods^  dans  un  château  inhabité,  où  ils  vivent  ensemble.  Un  jour  que  la 
l«Be  Elle  se  baignait  dans  un  ruisseau  voisin  du  château,  un  de  ses  cheveux 
^^f  est  entraîné  par  le  courant  jusque  dans  la  ville  du  roi.  Une  veuve  le  montre 
auï  temmes  du  roi.  Celles-ci  comprennent  que  les  enfants  sont  encore  vivants, 
Sio  envoient  la  veuve  pour  chercher  à  les  perdre.  La  veuve  remonte  le  ruisseau, 
^ve  la  jeune  fitle  seule  et  lui  parle  du  pommier  qui  parle,  qui  bat  des  mains 
lîtf)  et  qui  danse.  La  jeune  fille  meurt  d'envie  d'avoir  une  branche  de  ce  pom- 
nier  et  son  frère  va  la  lut  chercher  au  milieu  des  plus  grands  dangers,  auxquels 
i'  échappe,  La  veuve  vient  ensuite  parler  à  la  jeune  fille  de  la  belle  Jesensoul- 
^^  :  si  son  frère  Tépousait,  cela  ferait  pour  elle  la  plus  agréable  compagnie.  Le 
l^w  homme,  apprenant  le  désir  de  sa  sœur  de  lui  voir  épouser  la  belle  Jesen- 
soûlchar,  se  met  aussitôt  en  campagne.  Un  vieillard  à  longue  barbe  qu'il  ren- 
^tre  usïs  sur  le  bord  du  chemin  le  détourne  de  son  entreprise  :  la  belle 
'"^'ûionlchar  habite  un  chlteau  d'argent  tout  entouré  d'eau;  il  faut  l'appeler 
^^  Ibis,  et,  si  elle  ne  répond  pas,  on  est  changé  en  pierre.  Le  rivage  est  couvert 
•*  ovaliers  ainsi  pétrifiés*  Le  jeune  homme  persiste,  et  il  lui  arrive  ce  qui  est 
^^^i  aux  autres.  Ne  le  voyant  pas  revenir,  sa  sœur  s'en  va  à  sa  recherche, 
ï-"*  rencontre  le  même  vieillard,  qui  lui  dit  que,  si  Jesensoukhar  ne  répond  pas 
^  première  et  la  seconde  fois,  il  faut  lui  crier  :  «  Es-tu  vraiment  plus  belle  que 
^\iytc  mes  cheveux  d'or,  que  tu  es  si  fière?  1  La  jeune  fille  suit  ce  conseil  et 


244  ^*  cosQum 

Jesensoiilchar  se  montre  :  aussitôt  tous  tes  cavaliers  changés  en  pierre  revien<^ 
nent  h  la  vie.  Le  jeune  homme  épouse  Jesensoukhar  et  Temmène  dans  son  cbâ^ 
teau,  ainsi  que  le  bon  vieillard.  C'est  ce  vieillard  qtii^  à  Toccasion  d'une 
faite  sfu  roi  par  les  jeunes  gens,  révèle  le  mystère  de  leur  naissance. 


XVHK 


PEUIL  ET  PUNCE, 


POU  ET  PUCE. 


Ain  joûi  Peuil  et  Putice  vlèrent 
aller  glaner.  Qua  i  feureni  pa  lo 
chas,  lo  vMà  que  veîrent  ine  grousse 
niâiequev^nôt.  Peuil  deil  à  Punce  : 
tt  I  va  pîeuvé,  faoui  n'a  r'nallen 
Mé,  j*areuil  bée  rae  hâter  :  je  ne 
marche  mé  '  veite,  j'  sVeuil  toûjou 
mouillie;  j'm'a  vira  tout  bellotema^. 
Té,  r'va-t*a  atout  perlé  ?  ;  t^ais  do 
grandes  jambes,  t'erriverais  chienô 
a  va  lé  pieu  je,  et  lierais  lo  gaillées^ 
a  m/attada.  >> 

Punce  se  mot  a  route,  saouta, 
saouta.  Elle  feut  bitoÛ  à  !a  mâson. 
Ellerellumé  l'feuil^  elle  apprôié  lo 
gaillées  et  elle  lo  moié  cueire  da 
Pchaoudron.  Ma  via  qu'a  !o  remia, 
elle  cheusé  ^  d*dâ  et  s'y  nia. 

Ain  peuou  aprée,  Peuil  ratre  : 
«  Ah  !  qu'j*â  frô  !  qu'jâ  frô  î  j*seml 
tout  mouillie.  Punce ,  vérousque 
île  ?  Vinâ  m  baillée  do  gaillées;  j'io 
mingerâ  a  m'rachaoufîa,  »  Ma  Tavô 
bée  crier  :  Punce  ne  rapondôme, 
I  s'moté  à  la  chorcher,  et  vola 
qu'elle  n'atôtome  tout  là,  i  peurné 
ine  cûyie  e  i  tiré  ine  assietiaïe  de 
gaillées.  Ma  v*là  qu'à  lé  proumère 
cûriaie ,  î  croque   Punce.  «  Ahl 


Un  jour,  Pou  et  Puce  voulurent 
aller  glaner.  Quand  ils  furent  par 
les  champs^  les  voità  qui  virent  une 
grosse  nuée  qui  venait.  Pou  dit  à 
Puce  :  u  îl  va  pleuvoir,  il  faut 
tious  en  retourner.  Moi,  j'aurais 
beau  me  hâter  :  je  ne  marche  pas 
vite»  je  serai  toujours  mouillé;  je 
m'en  irai  tout  doucement.  ToiJ 
retourne-t-en  toute  seule,  tu  as  d? 
grandes  jambes»  tu  arriveras  chez 
nous  avant  la  pluie,  et  tu  feras  les 
gaillées  ^  en  m'aitendant,  p 

Puce  se  mit  en  route,  sautant, 
sautant.  Elle  fut  bientôt  à  la  maison. 
Elle  ralluma  le  feu,  elle  apprêta  les 
gaillées,  et  eïle  les  mit  cuire  dans 
le  chaudron.  Mais  voilà  qu'en  les 
remuant,  elle  tomba  dedans  et  s'y 
noya. 

Un  peu  après,  Pou  rentre  ' 
«  Ah  !  que  î'aî  froid  !  que  j'ai  froid  ■ 
je  suis  tout  mouillé.  Puce,  où  est- 
ce  que  tu  es  ?  Viens  me  donner  des 
gaillées;  je  les  mangerai  en  me 
réchaufTant.  »  Mais  il  avait  beau 
crier.  Puce  ne  répondait  pas.  Il 
se  mit  à  la  chercher,  et  voyant 
qu'elle  n'était  pas  là,  il  prit  une. 
cuiller  et  il  tira  une  assiettée  de 
gaillées.   Mais  voilà  qu'à  la  pre-~ 


K  Afif,  en  vieux  français.  ^  2.  BdïoUmenl^  bellement,  doucement. 

|.  On  dit  :  à  part  soi.  —  4.  Mets  du  pays,  fait  de  pâte  cuite  dans  du  lait. 

5 .  Chut^  du  verbe  choir. 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS                                      245         ^^^^^^J 

quée  malheur  !  Punce  o  croquaïe  ! 

mîère   cuillerée,   il  croque  Puce.                    ^^| 

Qu'o  ce  qtie  j'vâ  féire  ?  Je  nVeste 

«  Ah  !  quel  malheur  !  Puce  est  cro-                   ^^| 

mé  tout  cd,  j*  m*a  va.  » 

quée  ?  Qu'est-ce  que  je  vais  faire  P                   ^^| 

Je  lie  reste  pas  ici,  je  m'en  vais.  ?>                    ^^| 

Qua  i  km  da  lé  rue,  i  parte  pa 

Quand  il  fut  dans  la  rue,  il  partit                   ^^| 

V  Val-Deyé  ',  I  passé  d'va  ain  vou- 

par   le    Val- Derrière '.    M    passa                    ^^| 

lût;    1'  voulût  l\  deit  :  «  Qu*û  ce 

devant  un  volet  :  le  volet  lui  dit  :                    ^^| 

que  t'aîs  don,  Peuil  ?  « 

(c    Qu>st-ce    que    tu    as    donc,                   ^^| 

)i                                                           ^H 

—  (c  Punce  0  croquaïe.  » 

—  (C  Puce  est  croquée.  »                             ^^| 

—  «  Eh  bé  !  raé,  j'm'a  va  char- 

— a  Ëh  bien!  moi,  jem^envais              ^^^H 

rie  ^  1) 

»                                   ^^^H 

Qua  i  feut  dVa  chie  Ppère  Vau- 

Quand  il  ftit  devant  chez  le  père                 ^^H 

din  î,  Pcouchot  lî  deit  :   <i  Qu'o  ce 

Vaudîn  ^^  le  coq  lui  dit  :  «  Qu'est-                    ^^| 

que  t'ais  don,  Peuil  ?  » 

ce  que  tu  as  doec,  Pou  P  />                               ^^| 

—  li  Punce  0  croquaïe, 

—  tt  Puce  est  croquée»                                ^^| 

«  Voulût  charrie,  » 

a  Volet  bat.  ))                                             ^^1 

—  «  Eh  bé!  mé,  j'm'a  va  chan- 

— a  Eh  bien  !  moi,  je  m'en  vais                   ^^| 

ter.  » 

chanter.  ^                                                     ^H 

Ir*toumépad*véechie  Loriche-», 

Il  retourna  par  devant  chez  Lo-                   ^H 

rfourmouaie  îî  deit  :  «  Qu*o  ce  que 

riche*;  le  fumier  lui  dit  :  «  Qu'est-                    ^^| 

l'ais  don,  Peuil  ?  ^i 

ce  que  tu  as  donc,  Pou  ?  »                                ^^| 

—  <i  Punce  0  croquaïe, 

—  <(  Puce  est  croquée.                               ^^Ê 

'I  Vouloî  charrie, 

oi  Volet  bat.                                             ^^^^Ê 

«  Couchoi  chante,  » 

«  Coq  chante.  »                                       ^^^H 

—  <r  Eh  bé!  mé,  jVa  va  dan- 

— «  Eh  bien  !  moi,  je  m'en  vais                  ^^M 

ser.  >} 

danser.  »                                                        ^H 

Ain  peuou  pu  Ion,  TaiÔt  à  coûté 

Un  peu  plus  loin,  il  était  à  côté                    ^^Ê 

d'ia  mâson  d%eussieu  Sourdai  s 

de  la  maison  de  M.  Sourdal  ^    qui                     ^^Ê 

que  fatôt  d'rouéille.   Y  av6t  ine 

faisait  de  1  huile.    Il  y  avait  une                    ^^M 

femme  que  sortôt  avo  deuou  bom- 

femme  qui  sortait  avec  deux  cru-                    ^^M 

rottes  ^.    La  femme  il  deit  :  «  Qu'o 

ches.  La  femme  lui  dit  :  «  Qu'est-                    ^^M 

ce  que  fais  don,  Peuil  ?» 

ce  que  tu  as  donc,  Pou  P  n                                ^^M 

—  it  Punce  0  croquaïe, 

—  «  Puce  est  croquée,                                 ^H 

«  Voulût  charrie, 

<(  Volet  bat,                                                   ^H 

«  Couchot  chante, 

<t  Coq  chante,                                               ^^Ê 

«  Fourmouaie  danse.  » 

«  Fumier  danse.  »                                       ^^M 

} .  Le  Vâl'Demèrt.  C'est  dans  cette  rue  de  Montiers  qu'est  née,  à  la  fin  du                    ^^H 

siècle  dernier,  celle  dont  nous  tenons  ce  conle.                                                                   ^^^H 

a.  Charrier,  c'est-à-dire  traîner  en  grinçant^  battre.                                                       ^^^^| 

} .  Le  père  de  notre  conteuse* 

^^^^^H 

4.  Un  homme  du  village. 

^^^^H 

\ .  Encore  une  personne  du  village. 

^^^^^^H 

é.  Comparez  butrt,  biirctu. 

^ 

246 


E.  COSQUIN 


—  a  Eh  bien  !  moi,  je  m*cn  vais 
casser  mes  deux  cruches.  » 

Encore  pins  loin,  il  se  trouva 
près  du  Grand-Four  '.  Tout  jusie- 
loent,  le  père  Quentin  ^  le  chauffait 
pour  enfourner  le  pain,  ei  il  remuait 
le  bois  qui  brûlait  avec  son  fourgon. 
Le  père  Quentin  lui  dit  :  «  Qu'est- 
ce  que  tu  as  donc,  Pou  ?  n 

—  ti  Puce  est  croquée, 
«  Volet  bat, 
«  Coq  chante^ 
«  Fumîer  danse, 
t<  La  femme  a  cassé  ses  deux 

cruches,  n  1 

—  a  Eh  bien  !  moi,  je  m*en  vais' 
te  fourrer  mon  fourgon  au  c...  » 


—  «  Eh  bé  !  mé,  j*m'a  va  casser 
mo  deuou  boulrottes.  » 

Ainco  pu  Ion ,  i  s 'trouvé  pré 
deuou  Grand-Four  ',  Tout  jeuste- 
ma,  l'père  Quentin  *  TchaoufTôt 
pou  afFoumer  Tpain,  et  i  r'miôt 
l'boû  que  brûlot  avo  sïeurgon. 
L'père  Quentin  lî  deit  :  ^  Qu'o  ce 
que  t*ais  don,  Peuil  ?  » 

—  V  Punce  0  croquaie, 
«  Voulût  charrie, 
«  Couchot  chante, 
«  Fourmouaïe  danse, 
«  La  femme  é  cassé  so  deuou 

bouïrottes.  » 

—  «  Eh  bé  !  mé,  j'm'a  va 
t'fourrer  m*feurgon  aou  cû.  »» 

Comparez  dans  le  recueil  des  frères  Grîmm  le  conte  hessois  de  même  titre 
(n«  30)»  M.  deHahn  a  trouvé  à  Smyrne  un  conte  grec  moderne  analogue  inti- 
tulé Grain  de  Poivre  (n®  56)  :  on  y  voit  figurer  un  petit  garçon  appelé  Grain 
de  Poivre  à  cause  de  sa  petitesse  et  qui  tombe  dans  tin  chaudron  bouillant,  le 
vieux  cl  la  vieille  qui  l'élèvent  chez  eux^  une  colombe,  un  pommier,  une  fon- 
taine, la  servante  de  la  reine,  ta  reine  et  le  roi,  A  la  fin,  le  roi,  affligé  de  ce 
qu'il  vient  d'entendre,  jette  sa  couronne  par  terre  et  dit  à  son  peuple  :  i  Le 
cher  petit  Grain  de  Poivre  est  mort  ;  le  vieux  et  la  vieille  se  désolent  ;  h 
colombe  s'est  arraché  les  plumes  ;  le  pommier  a  secoué  toutes  ses  pommes  ;  U 
fontaine  a  laissé  couler  toute  son  eau;  la  servante  a  cassé  sa  cruche;  la  reine^ 
s'est  rompu  le  bras,  et  moi,  votre  roi,  j'ai  jeté  ma  couronne  par  terre.  Le  che^| 
petit  Grain  de  Poivre  est  mort,  n  ^* 

Dans  un  conte  norvégien  du  même  genre,  d'Asbjcernsen,  traduit  récemment 
en  anglais  par  M.  Dâscnl  {Talcs  of  ihc  Fjeidy  p.  30),  les  personnages  sont  :  un 
coq,  qui  se  noie  dans  un  tonneau  de  bière  que  sa  poule  vient  de  brasser;  ta 
poule,  un  moulin  â  bras,  une  chaise,  une  porte,  un  poêle,  une  hacher  un  trem- 
ble,  des  oiseaux,  un  bonhomme  et  une  bonne  femme.  Pour  terminer,  fa  bonne 
Femme  jette  sa  soupe  contre  le  mur. 

M.  Pitre  a  trouvé  en  Sicile  trois  contes  de  ce  type  <(n"  154) 

Mentionnons  enfin  un  conte  probablement  français  :  Mouche  des  hois  est  morti 
(Magasin  pittoresque,  t.  ^7  (1869),  p.  82). 

lî  est  curieux  de  voir  comme  Tidée  générale  de  ce  conte  s'est  localisée  à  Mon- 
tiers-sur-Sâu!x,  On  pourrait  suivre  Pml  â  travers  les  rues  du  village  et  s*arrôtcr 
avec  lui  devant  telle  ou  telle  maison,  jusqu'au  Grand-Four^  le  four  banal,  sup- 
primé à  l'époque  de  la  Révolution. 

(a  suivre,)  Emmanuel  Cos(^in 


i.  Le  four  banal.  —  2.  Le  foumier  du  four  banal  avant  1789- 


MÉLANGES. 


I. 

LES  NOMS  PROPRES   LATINS   EN   -ITTUS-ITTA 

ET  LES  DIMINUTIFS  ROMANS  EN  -ETT-. 

Sdon  Diez  1,  qai  suit  l'opinion  de  Pott,  la  terminaison  diminutive  -ETT- 

^  serait  pas  d'origine  latine,  mais  d'origine  allemande;  cependant  le  fait 

V^*dk  appartient  à  tout  le  domaine  roman  hormis  au  valaque  engage 

^  supposer  une  base  -ITTUS  -ITT A  dans  le  latin  populaire,  plutôt  que 

^^    recourir  à  une  autre  langue  pour  en  rendre  raison.   Mais  il  y  a 

**  plos  qu'une  hypothèse,  il  y  a  certitude.  Des  noms  propres  de  femmes 


««que 

Attitta 

Galliîîa 

* 
Pollitta 

Bonitta 

Julitta 

Pussitta 

Caritta 

Livitta 

Senecitta 

Fmtta 

Lucitta 

Suavitta 

Frunitta 

Nonnitta 

Vilitta 

^^■^  été  recueillis  par  Otto  Jahn»  et  par  Josef  Klein ^  qui  les  rapproche 
'^^c  ndson  de  ceux  en  -etta  et  -ita  si  nombreux  en  italien  et  en  espagnol. 
^^«s  féminins  tirés  d'inscriptions  et  de  manuscrits  vient  s'ajouter  Sua- 
''***ti5,  dté  par  Jahn,  Hermès^  III,  p.  191.  Le  suffixe  que  présentent  ces 
™^^ï3$  est  certainement  le  même  que  celui  qu'on  rencontre  si  fréquem- 
™^^^3t  dans  les  noms  propres  romans,  d'où  il  a  passé  aux  substantifs  et 
«^  adjectifs. 

J.  Cornu. 

>  -  Grammatik  der  romomchcn  Sprachcn,  II,  371-373;  trad.,  II,  343. 
^.  HameSf  III,  p.  190-191 


3  •  Kosenamen  au/  ITT  A  y  Rhcinischcs  Muscum  fur  Philologie^  N.   F.  Bd 
^^^76),  p.  297-300. 


3» 


24S 


MÉLANGES 


TANIT  =  TENEBAT  DANS  LES  SERMENTS. 

C'est  à  tort  qu'on  a  voulu,  dans  le  serment  des  soldats  de  Charles 
le  Chauve,  corriger  les  mots  hs  îanit  pour  se  débarrasser  d*une  forme 
qu'on  ne  pouvait  pas  expliquer'.  En  effet,  si  la  raison  que  j'ai  donnée 
dans  la  Romania  (1875,  p.  454-457)  pour  prouver  que  Vi  de  dift^  est 
bien  à  sa  place  est  bonne  et  valable,  elle  le  sera  aussi  pour  établir  que 
taniî  est  l'équivalent  de  îenebaî. 

Quant  à  l'a  de  la  première  syllabe,  il  n'offre  pas  de  difficultés,  vu 
Ilncenitude   des   atones    dans  les  Serments  et  vu  les  exemples  très- 
nombreux  où  Va  répond  à  e  ou  i.  On  rencontre  en  ancien  français, 
Saint-Alexis,    ms.  L  ankmes  74a  122  d  animas,   anxme   82  e   ai^ima; 
Voyage  de  Saint-Brandan  publié  par  Suchier  dans  les  Romanische  Siadien, 
tkmez^^yrmKTE,  mkneuni  n^  ^minarunt,  manmmc  Ï462;  Strmo  de 
sapientia  à  la  suite  des  Dialogues  Grégoire  lo  pape,  senior  p.  284/41 
285/1/4/14  SENiOREM,  sxniorie  p.  285/12/14/24  *seniorîa,  ;a/«>  284/7  m 
gelaTa,  plknieremenîiS^/^i^Anemisp.  i^oj i  j 2/1^  Amendetr  p.  z^G/zSj ^y^  1 
Sermons  de  Saini  Bernard  JAlenies  p.  531,  Knemins  p.  553  et  $57,  En 
provençal,  la  Croisade  contre  les  Albigeois  a  kvô^iics  episcopus,  ben/air  m 
^727    BENEDiCERE,    befiAzic   8541,   btnhzet  6620,   henkzit  7048,   icnl^ 
Dknis  7112  Sanctum  Dionysium,  ttiMuics  9054  miMicos,  trkut  J767 
TRiBUTUM.  On  trouve  de  même  en  italien,  Fioreîù  di  S,  Francesco^  édi- 
tion de  Vérone  1822,  celkbro  p.  1 5  !  ^  cerebrum,  inconîknenîe  à  côté  de 
inconîenentt^  immanikntnîc  à  côté  de  immantencnte  et  immantinente^  trkbuto 
A  ces  exemples  on  peut  ajouter  ceux  que  cite  Ascoli,  Saggi  ladini  75  et 
81Î. 

Tanit  est  un  imparfait  :  c'est  un  temps  permis  par  la  syntaxe,  et  pour 
la  forme  il  est  aussi  bien  justifié  que  siî,  qui,  à  moins  d'être  un  latinisme , 
ne  saurait  avoir  pour  base  que  *siaty  demandé  par  l'ensemble  des  langues 
romanes,  et  qu^il  serait  mal  à  propos  de  séparer  de  seie  soie,  seies  soies. 


I 


^ 


f.  V.  Romanuif  '^74»  P-  Î7'  ^ott^  et  Jahrhck  fur  ron 
Sprachc  und  Litefatur ,  \\]t^  p,  584-^8^,  cl  XV,  p.  87-88. 


romanhche  und  engltsc 


àifi  (disî,  p.  4J7,  est  une  faute  d'impression)  n'est  du  reste  pas 
laire  qu*elfe  me  le  paraissait  d'abord  â  cause  de  la  combinaison  Ji^ 


2,  La  forme 

aussi  extraordinai.-  ^ .,  ^. „„.._,„_„,„  ^.^ 

non  pas  qu^on  la  rencontre  ailleurs,  mais  on  trouve  encore  dans  quelques  anciens;^! 
textes  la  combinaison  Js  qui  se  réduit  plus  tard  constamment  à  i.  La  vie  dt^M 
saint  Alexis,  le  Psautier  d'Oxford,  la  Chanson  de  Roland,  le  Voyage  de  saint 
Brandan  publié  par  Suchier  dans  les  Romaniscke  Stadien  cl  les  quatre  livres  des 
Rois  en  fournissent  nombre  d'exemples. 

î .  Ceux  que  donne  Diez,  Altromantschc  Sprûchâmkmak^  sont  sans  valeur  i 
l'exception  de  tsmtr^  Livre  da  Rais^  p.  17,  comme  Suchier  et  Croeber  Tont 
dc|à  remarqué  avec  raison. 


Tanit  daks  les  serments  249 

^Cm^  sisrif  soit  était  le  latin  siî,  il  ne  pourrait  garder  son  f.  Il  y  a,  il  est 
î,  sasîtndreiet  dans  la  cantilène  de  sainte  Eulalîe  et  dans  le  fragment 
"de     Vâlenciennes  savdet  Bartsch,  Chrest.  p.  5/17,  astrdet  p.   5/18/^  (, 
/irr«rt  ^/ji,  mer/rd^f  7/1 5,  avec  le  maintien  de  Ve^a  après  Pacceni; 
nt^us  pouvons-nous  leur  accorder  de  l'importance  pour  le  texte  des  Ser- 
ments? Quant   à   los   Diez   Ta  expliqué  suffisamment,    Alîromanische 

J.  Cornu. 


SPIGOLATURE   PROVENZALL 

n  '.  —  La  Badia  di  Niort. 

I  btografi  di  Guglieimo  IX,  conte  di  Poitiers,  sogliono  narrare  una 
»C!andalosa  storiella,  la  quale  desta  non  poco  interesse  anche  in  chi  si 
ocreupa  délia  storia  dei  costumi.  In  lialîa  ne  diffuse  la  cognizione  il 
l>ticn  Galvani^,  del  quale  non  importa  ripeiere  !e  parole,  eco  quai  sono 
del  Ginguené^  e  del  Miliot<.  La  noiizia  del  Ginguené  mérita  invece 
proprio  di  essere  riferita  :  «  On  conserve  encore  à  Niort  la  tradition 
<i*i-in  trait  de  libeninage  unique  peut-être  dans  son  genre.  Guillaume  y 
^^ait  fait  bâtir,  pour  son  usage,  une  maison  de  débauche^  en  forme  de 
Couvent,  divisée  en  cellules»  gouvernée  par  une  abbesse,  ou  prieure,  et 
^^  toutes  les  sortes  de  prostitution  étaient  soumises^  comme  le  sont  les 
^^crcices  monastiques,  à  des  pratiques  régulières,  »> 

Una  tradizione  di  questo  génère  conservaia  per  sette  inieri  secoîi, 
irebbe  davvero  un  bel  caso.  Se  non  che  essa  è  puramente  e  sempli- 
^^mcnie  un  sognodello  scrittore,  il  quale,  con  una  leggerezza  inescusabiïe 

'  c  dico  poco  —,    frantende  e  travisa  ciô  che  leggeva  nel  Millot. 

Qtiesii,  alla  sua  volta,  ave  va  avuto  V  infelice  idea  di  mutilare  e  di  voler 

^^porrc   la   noiizia  originaria,   forniia  da  un  cronista  contemporaneo, 

^^lendo   parlare  di    CugHelmo  di   Malmesbury,  già  prima  citaio  da 

Parecchii  tra  gli  allri,   per  disteso  dall'  Alt€ser^a^  fin  dalla  meià  del 

^ccnto,  Riportiamo  noi  pure  qui  subito  il  passo  del  monaco  inglese, 

^*ca  fonte  di  tutto  quanto  fu  detto  in  proposîto.  Do  il  testo  quale  sta 

^tlo  nella  Raccolta  di  Dom  Bouquet  (XIH,  19)  : 


r.  V.  VI,  M 5. 

1.  Fïûft  dï  Storia  letterariû 

'^^.Pag'  77 
nrc  /il 


cavaliercsca  dtll*  Occitmm.  Milano,  Turat), 


),  Htstcirc  lUtifûirt  de  ta  Franct,  XIII,  45. 
4.  Hiiioirt  litUrâin  des  Troubadours^  I,  j, 
\   Rit.  Aijmiûn  ,  L  X,  c.  13,  T.  Il,  p.  49^ 


1^0  MÊLANGBS 

«  Oenique  apud  castellum  quoddam  Ivor  habitacula  quxddixi  quasi 
monasieriola  construens,  Abbatiam  pellicum  ibi  se  positunim  delîrabat  : 
noncupatim  illam  et  illam,  quaecumque  famosioris  prostibuli  esset,  Abba* 
tissam  vel  Priorem,  caeleras  vero  officiales  instituturuin  cantitans.  » 

Dove  si  dice  Ipor,  Teditore  annota  doversi  correggere  Niort;  c  Nio 
aveva  letto  infatti,  o  almeno  stampato  anche  l'Alteserra.  Si  la  coirezione 
vada  esente  da  ogni  dubbio,  non  ardisco  decidere.  B 

Orbene  :  adesso  che  abbiamo  da%^anti  la  notizia  nella  sua  pricnhiva^ 
iniegrità,  rivolgiarao  a  noi  stessi  una  demanda.  È  dessa  credibile  ?  — 
Un'  ombra  di  dubbio  se  la  permise  di  già  il  Miliot  :  «  Un  tel  projet,  s*d 
fut  réel^  prouveroit  bien  »,  etc.  '.  E  l'ombra  si  dilata  presso  il  Diez. 
Neppur  egli  impugna  propriamente  il  fatto  :  lo  dichiara  peraltro  non 
troppo  conciliabile  collo  spirito  reïigioso  del  tempo  =. 

Quanto  a  me,  non  mi  fermo  al  dubbio  :  arrivo  alla  negazione.  Fosse 
pur  Guglielmo  potente  quanto  si  vuole,  quanto  si  vuole  libertino,  credere 
ch*  egli  giungesse  a  formare  il  disegno  di  una  regola  di  mereirici  e  a 
dargli,  se  non  altro,  un  principîo  di  esecuzione,  è  proprio  troppo* —  Ma 
e  Pautorità  del  cronista  ?  Vorremo  dunqiie  accusar  costui  d'aver  inventato 
di  planta?  —  Nient'  affatto.  Guardiamogli  bene  in  faccia,  e  Pauiorîtà 
sua  andrà  salva,  senza  che  occorra  per  ciô  dare  uno  schiaffo  alla  ragionc. 

Non  so  intendere  perché  non  si  sia  mai  fatto  bene  attenztone  a  queUa 
parola  cantitans.  Lo  stesso  Diez  la  traduce  con  un'  espressione  affatto 
generica  :  habe  ausgesagt,  Eppure,  secondo  me,  essa  ci  porge  spontanea- 
mente  la  chiave  delP  enimma.  il  Conte  cantitaî  di  voler  nominare  qucsta 
e  queila  donna  badessa  o  priora  del  suo  strano  monastera.  Ciô  significa, 
a  mio  vedere,  ch'  egli  manifesiava  le  sue  intenzioni  in  una  poesia,  in  un 
vers,  llbuon  monaco,  che  aveva,  e  non  a  torto^  un*  opinionc  assai  trista 
dei  costumi  suoi,  credette  dicesse  da  senne*  Non  peccô  di  mata  fede;  al 
conirario!  Fu  solo  di  una  buona  fede  un  pochîno  eccessiva  !  Se  a  costui 
fosse  venuta  alla  mano,  o  alla  memoria  l'altra  poesia  di  Guglieimo,  En 
Alvernhe,  part  Lemoù,  oramai  sarebbe  stato  uomo  da  pigliar  sul  serio 
anche  le  prodezze  délia  penuîtima  sirofa.  Che  procedesse  con  sincerità, 
lo  mostra,  e  la  parola  citaia,  e  il  non  avère,  ben  altrimenti  dal  Gin- 
guené,  trasformato  in  fatti  ciô  che  il  suo  testo  non  gli  poteva  dare  che 
corne  disegni  :  u  Abbatiam  pellicum..,  se  positurum  delirabat,  «  Egli 
inganna  :  ma  soîtanto  perché  ha  cominciaio  dall'  ingannare  se  medesimo. 

Mi  piace  di  camminare  con  molta  cautela,  e  perè  sottopongo  a  riprova 
l'ipotesi.  La  dimentico  dunque  un  momento,  e  nemmeno  penso  pîù  ail* 


1 .  Loc.  cit. 

2.  Lckn  und  Wcrkc  d.  Troub.,  s  -  *  ^^  engltsche  Geschichtschrcibcr  erz^hlt 
unseinen  Zug  von  ihm»  der  sicli  mit  der  Religiosit;et  der  Zeit  Icium  in  Einklang 
bringcn  Jaessl,  f 


LA    BADIA    Dl    NIORT  2JÎ 

mcrcà'bilità  inirinseca  délia  cosa  narrata,  per  esaminare  sotto  on  altro 
aspetto  le  parole  del  cronista.  Non  s'imende  proprio  corne  mai  il  Mal- 
(nesburiense,  che  sa  tanti  particolari  di  questa  bella  faccenda,  non  dica 
fillaba  deir  esito.  Eppure  scriveva  dopo  ta  morte  del  Conte.  In  che 
asodo,  a  faiti  compiuti,  la  notizia  gli  era  gianta  cosi  circostanziata  per 
un  verso,  cosi  monca  per  Taltro  ?  —  Vedo  :  avrà  avuio  tmîcamente 
sûtto  gli  occhi  l'editto  con  cui  il  dissoluto  fondatore  creava  le  titolari 
deUe  lïuove  dignità  da  lui  istituitel  Certo  la  supposizione  spiegherebbe 
1  maravigtia  anche  quei  futuri,  posituranif  instàuturunif  che,  riflettendo 
bcnc,  menono  pur  essi  quaîche  spina  nel  cervello.  Peccaio  che  cotesio 
editlo  sia  ancor  più  difficile  a  digerire  délie  famose  bolle  di  Papa  Inno- 
cenxo,  colle  loro  funicelle  e  col  piombo  1 

Pertanto,  prese  corne  notizia  storica,  le  parole  del  cronista  sono  un 
gineprajo  di  difficolià.  —  E  se  si  considerano  corne  riflesso  di  un  vers? 

—  U  poeta  bandisce  ch'  egli  ha  stabilito  d'istituire  una  badia  di  femmine, 
generose  deî  loro  favori.  Già  vanno  sorgendo  gli  edifîcî  in  vicinanza  d^un 
soo  Cdstello.  Egli  chiama  Maria^  chiama  Maddalena.  Ai  loro  menti  ben 
a  addicono  i  massimi  onori  :  Tuna  sarà  dunque  badessa,  Paîtra  priora. 
Alïrc  —  e  le  vien  nominando  —  saranno  suore  nella  degna  brigala. 

—  O  io  ni*inganno,  o  non  si  saprebbe  immaginare  un'  ordiiura  che 
iDCglio  rispondesse  al  carattere  délia  musa  di  Guglielmo,  quale  ci  si 
rivela  nelle  altre  poésie.  Si  pensi  più  specialmente  al  vers  già  citato.  En 
Ahtrnhe,  part  Lemoii.  Quasi  arriverei  a  dire  che  anche  la  struttura  délia 
stroEa  doveva  essere  somigliante  :  un  tessuto  di  quademarii  e  di  otto> 


Qui  sento  il  btsogno  dî  chiarire^  se  pure  è  possibile,  un  punto  alquanto 
bujo.  Ciô  che  il  Conte  di  Poitiers  sta  edificando,  non  è  un  unico  fabbri- 
cato,  bensi  habitacula  qmedam^  quasi  monasîemla,  Confesso  dresser  poco 
doito  in  fatto  di  fraterie;  ma  certo,  tra  gii  ordini  femminiîi  allora 
esistenti,  non  ne  conosco  alcuno  che  possa  in  ciô  aver  servito  di  modello 
a  Guglielmo.  E  intanto,  se,  quanîo  aile  forme,  la  nuova  badia  non  è 
riflesso  délia  reaità,  lidea  del  poeta  perde  gran  parte  del  suo  sale.  Che 
dunque  pensare  ?  —  Un'  ipotesi  sembra  conciliar  lutto  cosi  bene,  che 
non  sû  rattenermi  dal  riguardarla  come  probabile.  Si  non  c*erano  mo- 
nache,  c'era  bensi  una  regola  di  frati,  la  quale,  non  solo  ammeteva,  ma 
richiedeva  il  modo  d'abitare  che  risulta  dalle  parole  del  Cronista.  Tutti 
oonoscono  i  Ceriosini,  et  non  occorre  di  sicuro  ch'  io  sciupi  tempo  a 
descrivcre  un  loro  convento.  Ma  forse  non  tutti  ricordano  che  quest' 
ûrdine  nacque  alla  6ne  del  secolo  xi.  Pu  nel  IÛS4  che  Bruno  sa  ritrasse, 
con  sei  compagnie  nelle  montagne  presso  Grenoble.  Dopo  sei  anni  egli 
partiva  di  colà^  lasciando  in  suo  luogo  un  successore,  e  se  ne  andava  a 
bndare  un  secondo  monastero  neïla  Calabria,  dove  morl  nel  noi .  L'isti- 


2^2  MÉLANGES 

tuzioîie  era  dunque  recemissima,  allorchè  dovette  esser  composta  la 
noslra  poesîa,  S'aggîunga  che  era  cosa  francese,  se  mi  si  permeiie  di 
usare  il  vocabolo  in  un  senso  un  poco  anacronistico.  Che  avesse  attratto 
anche  l'attenzione  di  Guglielmo,  non  si  puô  a  meno  di  supporlo. 
Orbene  :  Bruno  aveva  istituîto  un  ordine  maschile  :  il  Conte  si  dà  Paria 
di  volerio  estendere  ail'  allro  sesso,  complelando,  in  certo  modo,  Topera 
del  fondaiore^  I  Certosini  avevano  la  regola  più  ausiera  tra  quame  se  ne 
fossero  ancor  viste  :  appunto  per  ciô  tomava  di  modellare  su  dî  loro  la 
badia  bordeliesca.  Quanto  più  vivo  il  conirapposto,  lamo  roaggiore 
refficacia.  Temevama  che  mancasse  il  sa!e  :  ecconeinvece  in  abbondanza, 
e  del  vero  sal  mgrum.  Si  potrebbe  esser  tentati  di  cercare  nelP  ipotesi 
anche  un  appigiio  per  determinare  con  esatiezza  il  tempo  délia  coropo- 
sizione.  Non  ne  trovo  alcuno  che  abbia  aimeno  una  certa  consistenza; 
qiianii  pajono  ofîrîrmisi,  sono  debolissime  radici,  le  quali  si  schiantano, 
se  appenamiprovo  ad  aggrapparmici.  Bisogna  aver  ben  présente  al  pen- 
siero  che  la  parodia  délia  viia  raonasiica  è  per  Pautore  un  mezza,  e  non 
il  vero  suo  oggetto. 

L'oggeito  vero,  la  pane  sostanziale,  consiste  in  quella  série  dî  norai» 
ira  cui  si  ripartîvano  gli  uffici  del  monastero.  Di  ciô  non  saprei  dubiiare. 
Dubiterè  invece,  e  non  poco,  che  le  elette  di  Guglielmo  fossero  femmine 
da  conio,  corne  parrebbe  dire,  e  dovette  credere  il  cronista.  L*analogia 
di  materia  coU*  En  Alvernhe,  m'inclina  ad  immaginarle  piuttosto  donne 
mariiate  e  di  condizione  onorevole,  quali  sono  appunto  la  molher  d'En 
Cari  e  d^En  Btrnart.  E  forse  quesie  due  eroine  deila  poesia  consen^ta 
apparivano  anche  nella  perdma.  Ma  qui  è  opporlima  una  riserva.  Non 
oserei  afFermare  che  il  poeia  si  servisse  dei  nomi  veri  \  un  ardimento 
cosiffatto  sarebbe  forse  stato  rischioso  anche  per  un  pari  suo,  E  nem- 
meno  escluderei  senz'  akro  la  possibilità  che  i  suoî  personaggî  fossero  in 
parte  invenzioni  spiritose.  Purchè  gli  ascoltaiori  credessero  alla  loro 
realtâ,  e  guardandosi  attorno,  fantasticassero  identificazioni  più  o  meno 
probabili,  l'eiïetto  era  ottenuto,  era  raggiunto  lo  scopo. 

E  quai  era  cotesto  scopo  ?  —  Se  non  m'inganno,  salira  e  riso  ad  ujï 
tempo«  Duro  peraltro  faiica  a  immaginare  il  mio  poeta  vindice  disinte- 
ressaio  délia  morale  ofFesa*  Forse  Guglielmo  aveva  vendette  da  com- 
piere»  sdegni  da  sfogare,  contro  beltà  restie  a  lui,  e,  a  suo  credere, 
non  rigide  uguatmeme  con  tutti.  Checchè  sia  di  ciô»  il  tuono  da  lui 
assunto  doveva  esser  burlesco.  Solo  scherzando»  un  Don  Giovanni  suo 
pari  pote  va  permettersi  di  esporre  alla  beriîna  la  scoslumaiezza  altrui. 

Ma  queste  sono  semphci  congeiture,  abbastanza  superflue,  se  si  vuole. 


1 .  Le  Certosine  Icgittimc  fiirono  istituite  assai  più  tardi,  al  tempo  di  Guido,| 
qurnlo  générale  dcll'  ordine  di  S.  Bruno. 


DÉCLINAISON    DE   lVrTICLE    DANS   LE    VALAIS  25? 

Lo  schelelro  délia  composizione  perduia  ci  sta  davanti  nelle  parole  dcl 
cronisia;  lo  spirito  che  vi  doveva  scorrer  per  entre,  è  certo  quello 
stesso  che  vive  e  si  agita  nelle  alue  poésie  di  Guglielmo.  Ognuno 
dunque  soffii  di  nijovo  nella  vecchia  creta  Panima  che  n*è  fuggita,  rivesta 
di  polpe  le  ossa,  ed  operi  egli  mcdesimo  la  risurrezione.  Quanio  a  fan- 
tastni,  non  ci  comentiamo  mai  pienâmente  che  dei  noslri  proprii.  Cosi  è, 
e  cosî  dev'  essere. 

Prima  di  finire,  rimetto  un  momento  il  piede  su  lerreno  più  sodo  per 
aggiungere  una  piccola  osservazione.  La  storiella  délia  badia  non  è  pro- 
babilmenie  il  solo  iratlo  biografico  di  Guglieimo  dovuto  semplicemenie 
ai  suoi  versi.  Chi  raetla  a  risconiro  quamo  si  afferma  nella  vita  pro- 
venzaïe,  che  il  Conte  tt  anet  lonc  temps  per  lo  mon  per  enganar  las 
domnas,  »  colP  avventura  riferita  nel  tante  volte  citato  En  Alvernbc, 
dovrà,  per  lo  meno.aprir  ratiimoalsospetto,  che  su  quesia  poesîaealtre 
del  medesimo  stampo  si  fondi  lutta  rasserzione.  Un  lerribile  seduttore, 
Guglieimo  era  senza  dtibbio;  ma  dal  conoscerlo  taie,  air  îmmaginarselo 
un  seduttore  errante,  che  corresse  anni  ed  anni  il  monde  per  mera 
smania  di  trofei  femminih,  ci  corre  assai.  Qui»  checchè  si  dica,  sentiamo 
di  essere  nel  mondo  délie  finzioni  poettche.  Badine  dunque  i  poeti  a  non 
dire  di  se  in  versi,  ciô  che  poi  non  vorrebbero  ripetuto  e  credmo  in  prosa. 
O  piuttesto  —  sarà  più  giusto  —  badine  i  signori  critici  a  disdnguere  i 
deminii  délia  fantasia  da  quelli  délia  reakâ,  e  a  vagliare  con  diligenza 
meticolosa  le  netizie  lore  trasmesse  da  chi  non  era  in  grade  di  sceverare 
lui  stesso  la  pula  dal  grano. 

Pio  Rajna. 

IV. 
DÉCLINAISON   DE  L'ARTICLE 

MAINTENUE  JUSQIJ^A   CE  JOUR   DANS  LE  VALAIS. 


Qu'il  y  ait  au  monde  un  coin  de  terre  parlant  une  langue  romane 
où  l'on  continue  à  distinguer  par  la  désinence  dans  l'article  le  nominatif 
de  l'accusatif,  voilà  un  archaïsme  fait  pour  nous  étonner  et  difficile  à 
croire  sans  preuves.  Mais  les  preuves,  je  les  ai.  Je  les  lire  des  traduc- 
tions de  la  Parabole  de  V enfant  prodigue  en  patois  des  vallées  d'Anniviers 
et  d'Hérens  (Valais) ^  Glossaire  de  Bridel,  p.  4^t-4î4,  traductions  qui 
présentent  d'ailleurs  tant  de  phénomènes  intéressants  qu'elles  font  vive- 
ment désirer  une  étude  approfondie  sur  ces  deux  dialectes, 

Saint-Luc  (Val  d'Anniviers). 
Nominatif, 
1 2.  LÉ  pîoii  zouvenno  a  détt  à  chon  part- 


2  54  MÉLANGBS 

1 2.  LÉ  pare  lau  j  a  partagia  chon  hinn. 

1 3.  LÉ  plou  zouvenno  féss  ramacha  ton. 
22.  LÉ  pAre  adéttà  chau  chervitiau. 

Accusatif, 
1 8  et  2 1 .  N  petzchia  contre  lo  paradett. 
Comp.  encore  : 

20.  chou  pare  lo  Va  iouk...  é  lo  Va  bijia. 
22.  couvrik'LO, 
2 }.  amena  oun  vé gras^  é  touA-LO. 

Evoléna  (vallée  d'Hérens). 
Nominatif. 
1 2.  Li  plou  zoveno  dé  dau  ditti  à  chon  parre. 

1 2.  Li  parre  lau  j  a  faiti  lo  partazo  de  chon  bin. 

13.  Li  Jiss  Li  plou  zoveno...  èth  alla  loin  ein  oun  pahik  ethrange. 
22.  Li  parre  ditti  à  chon  chervitau. 

2  5 .  Quan  Li  primié  défiss  qu'ire  pi  le  zan  ej  ouk  tornd  pré  de  la  michjon, 
i  a  avouik  lo  train  de  dansse. 

27.  Li  valetti  li  a  refondouk  :  Vouthri  frâri  e  tornd  et  li  vouthri  parre  i'a 
bauchia  lo  vé  grâ. 

28.  LI  parre  e  chaillek. 

3 1 .  LI  parre  loui  a  refondouk. 

Accusatif. 
18.  /  me  faut  parti  po  alla  trovA  lo  parre. 
1 8  et  2 1 .  io  e  petschia  contre  lo  chiel. 

22.  Couësche~vo  de  me  porta  lo  plou  biauperpouin  et  mette-iodmounfiss. 

23.  Amena  topari  foura  lo  vé  engraschiaet  bauche4o. 
25  et  27.  Voir  ci-dessus  au  nominatif. 

32./  fallek  faire  lo  festin, 

A  Evoléna  on  parait  même  distinguer  au  pluriel  le  nominatif  de  l'accu- 
satif. Celui-ci  est  lé  : 

15.  l'a  cogna  den  cha  michjon  de  la  campagni  po  alla  vouardâ  lé  caïon; 
Celui-là  LI  : 

16.  i  Voure  ithâ  prau  countain  de  mingié  de  raschine  que  mingevon  li 
poissi. 

J.  Cornu. 


FRANÇAIS  R  POUR  D. 

M.  G.  Paris  (Romaniay  1877,  P-  '^9  ^s.)  revient  après  M.  Tobler 
sur  les  mots  français  qui  présentent  une  r  issue  d'un  d  latin  :  il  montre 
que  les  seuls  exemples  authentiques  sont  mire='medi{c)um^  remire  = 


FRANÇAIS  r  POUR  d  t^^ 

nmàum,  homuire^^homicidium,  Allyre^  Illydiumy  grammaire;^  gram- 
iMh{m ,  àmmmu  =  daimati[c]a ,   tHuirt  =  sîudmm ,   Gin  —  Aegidium , 
*miT€=^inYidiam^  ' fire  =  {idi[c]um  pour  ficaiam  (piém.  fidich),  arti- 
mtrt  =  arîem  maîhimaXi\Cam.   Dans  toutes  ces  formes  IV  représente  un 
ilatîn,  ùMUïï  d  roman  issu  de  r  latin,  qui  à  l'époque  de  la  transforma- 
lion  était  suivi  d'un  /  suivi  lui-même  d'une  autre  voyelle  ;  les  épels  mirie^ 
pu^  tnvinc  montrent  que  IV,  quoique  née  du  voisinage  de  1'/,  ne  repré- 
_ieiile  que  ic  d  seul;  Vi  s'est  maintenu  un  certain  temps  après  la  nais- 
'  de  Vr;  si  plus  tard  il  est  tombée  c'est  en  vertu  d'un  phénomène 
endant  du  premier. 
M.  P*  cite  d'autres  formes  où  une  r  française  remplace  dans  les  mêmes 
conditions  non  un  d,  mais  une  /  :  navire  — navUîum^  concire  =  €ondlium, 
ngirc  =  iuangelium ,    mire  =  milia,  Aulaire  =  Eiilatia ,  et  de  même 
^mbin,  Basire^  Mabire,  Vi  s'est  maintenu  aussi  après  la  naissance  de  IV, 
car  on  a  navine.  M.  P,  remarque  que  le  nom  Aegidiam  a  donné  non- 
seulement  Cire,  mais  aussi  Giiie  :  il  en  conclut  que  les  autres  mots  où  r 
provient  d'un  d  ont  aussi  passé  par  une  forme  qui  en  avait  fait /.On  aurait 
eu  successivement  di^  i/,  ri,  r.  Le  degré  artimaiiif  intermédiaire  entre 
anem  maîhtmaîkam  et  artimarie,  serait  caché  dans  une  leçon  animal  du 
Rùldnt.  Le  français  homecihe  serait  encore  représenté  dans  le  castillan 
komeciUo* 

Cette  théorie  est  séduisante  par  bien  des  côtés,  mais  je  ne  puis  m'em- 
pècher  d'y  voir  de  grandes  difficultés,  La  conjecture  sur  artimal  est  d'au- 
Uni  plus  sujette  à  caution  que  dans  le  passage  où  cette  forme  se  trouve 
elle  est  immédiatement  suivie  d'une  i,  dont  VI  de  la  forme  corrompue 
peut  fort  bien  provenir.  Le  castillan  homedilo  et  le  français  hypothétique 
*homi€ilie  ne  remontent  pas  à  une  source  populaire  commune,  carie 
mot  firançais,  ayant  conservé  la  protonique,  ne  peut  pas  être  populaire; 
si  le  mol  castillan  a  été  emprunté  à  la  langue  française,  il  est  assez 
naturel  que  le  suffixe  hUo  se  soit  substitué  à  une  finale  étrange  comme 
-idi€  ou  -trie.  Enfin  Aegidias  n'est  pas  très-probant*  De  ce  qu'un  nom  de 
saint,  de  bonne  heure  populaire  dans  un  très-vaste  territoire,  a  donné 
dans  les  divers  lieux  des  formes  dialectales  diverses,  on  ne  peut  pas  con- 
clure qu'un  mot  savant  comme  esîuire^  homecire,  remire  ait  passé  succes- 
sivement^ en  un  même  lieu,  par  des  phases  où  ces  variétés  dialectales  se 
retrouvent'.  Enfin,  a  priori^  il  est  peu  croyable  qu'un  mot  comme 
mtdkuSf  dont  on  a  conservé  tant  de  représentations  romanes,  ait  passé 


u  Ce  n'côt  pas  Cirle  qui  est  mis  pour  Gilii^  mais  au  contraire  Gilii  qut  est 
pour  Giric.  C*cst  un  provençalisme.  Dans  des  comptes  en  provençal  dépouilla 
par  M.  P,  Meyer  {Komiifiw,  1876,  p.  ^89)  ackiia  donne  non-seulement  g/^jfja» 

Îhmsa^  glUra,  etc.,  mais  zusti  jUyka  et  gukyû.  C'est  très-iuslement  que 
l  G,  Paris  explique  le  castillan  Gil  par  un  emprunt  au  provençal. 


256  MÉLANGES 

par  la  forme  *mili€  sans  qu'il  reste  de  cette  forme  la  moindre  trace;  ci 
1  invraisemblance  augmente  quand  on  considère  combien  nous  avons 
d'exemples  de  17  dans  les  mots  où  elle  a  réellement  existé,  comme 
naviliCy  aposîoiie,  MabiU  et  Mabilk^  Cilles,  évangde, 

La  solution  de  la  difficulté  doit  être  cherchée,  si  je  ne  me  trompe, 
dans  une  remarque  chronologique.  Le  changement  de  ^  en  r  s'esi  cer- 
tainement opéré  assez  tard.  Il  est  postérieur  au  changement  du  f  en  <i 
dans  grammaùca^  âalmatica,  fcaium,  mathemaùca.  Jl  est  postérieur  à  la 
chute  du  c  dans  ces  mots  et  dans  medicas.  Il  est  postérieur  à  ta  chute  des 
protoniques,  car  il  se  manifeste  dans  le  mot  savant  homtdn  qui  a  été 
formé  postérieurement  à  cette  chute.  Il  est  postérieur  à  la  chute  de^^ 
épitonîques  finales,  puisqu'on  a  un  e  dans  mire,  remire,  estuire  (cf.  ''''^^| 
médium j  moi—  modiam]  :  cette  observation  nous  fait  voir  en  outre  que 
remire  eiesiairè,  lorsqu'ils  se  sont  formés,  étaient  des  mots  savants.  On 
peut  donc  supposer  que  la  naissance  de  IV  n'est  pas  antérieure  à  la 
période  carolingienne, 

Or^  pendant  cette  période,  peut-être  même  avant,  k  d  on  t  placé 
entre  voye!les  avait  pris  le  son  du  l  grec  moderne,  du  th  anglais  de 
oîher,  du  d  espagnol  moderne  tel  quil  s'est  conservé  dans  certains  dia- 
lectes. De  là  les  épels  adiadha,  cadlmna^  Ludher^  Lodimuigs  dans  les 
serments  de  842,  avec  dh  pour  t  ou  ti,  comme  u  consonne  pour  p  on  b 
dans  auant  saair.  De  là  bien  plus  lard  les  épels  tels  que  empcretfmr— 
imperaîorem,  loîhet=lâudd{^  etc.,  dans  le  ms.  L  de  V Alexis  (G.  Paris, 
Alexis,  P^  9Î  s.)  et  dans  d'autres  textes  intluencés  par  l'écriture  saxonne 
(Ibid.,  p.  95).  Par  conséquent,  dans  les  mots  tels  que  mirie  =  medi{c\uftt, 
le  groupe  ri  ne  vient  de  di  que  par  Tiniermédiaire  de  0/.  On  a  eu  succes- 
sivement '  midie^  *  m/SiV,  m  trie,  mire. 

Entre  '  miîie  et  mirie  il  est  inutile  de  chercher  des  intermédiaires.  La 
consonne  à  occlusion  incomplète  0  est  formée  tout  comme  la  consonne  à 
occlusion  incomplète  z  par  la  pointe  de  la  langue,  et  tend  comme  elle 
à  s*échanger  avec  Tr  linguale*  M.  Joret  {Mém.  de  la  Soc,  de  Ung.^  III, 
p.  161)  a  signalé  dans  le  patois  du  canton  de  Seignelai  les  prononcia- 
tions mèle^  pèle  pour  mère^  père,  A  Jersey  IV  médiale  a  trois  prononcia- 
tions suivant  les  paroisses,  r  linguale  non  vibrée  (comme  IV  des  Anglais)  ^^ 
z  et  B  :  ainsi  le  mot  heureux  se  prononce  heureux,  heuzeux  et  ÀeuSeuxjH 
Comme  !e  rhotacisme  du  z  a  lieu  dans  les  deux  sens  (ainsi  chaise  de 
cathedra  et  Jcru  de  Jesu^  Joret,  p,  161I,  il  est  vraisemblable  que  l  a  pu 
se  changer  en  r  aussi  bien  que  r  en  l.  ^H 

On  peut  donc  formuler  ainsi  la  loi  phonétique  qui  a  réglé  la  formatioït^ 
des  mots  comme  mire  :  ^  A  une  certaine  époque,  postérieure  au  change- 
ment de  r  et  J  en  S,  à  la  chute  du  c  épitonique  médial^  à  la  chuie  des 
voyelles  protoniques  et  des  épitoniques  fmaleSi  et  à  la  création  d'un 


^^^a 


UN    CODICE    DEL    CICLO    Dl    GUCLIELMO  257 

ceruîn  nombre  de  mots  savants,  le  groupe  consonantique  ^i,  partout  où 
la  langue  française  le  possédait  alors,  a  élé  remplacé  par  un  autre  groupe 
consonantîque  ri,  issu  directement  du  rhotacisme  de  la  consonne  3  au 
mua  d'un  i  consonne,  u 

L.    H  A  VET. 


UN  NUOVO  CODJCE 

di  chansons  de  geste  de!  cicSo  di  Guglielmo. 


1  manoscritti  contenentî  tutta  una  série  di  chansons  de  geste  del  ciclo  di 
Cuglielmo,  le  marquis  au  court  nez^  non  sono  davvero  cosl  copiosi,  che 
i'abbattersi  in  uno,  ignorato  fino  a  qui,  non  sia  da  riguardare  corne  una 
buona  fortuna,  degna  di  essere  comunicata  ai  compagni  di  studio. 
Eccomi  dunque  a  intraiienere  un  pochino  i  leiiori  delïa  Romanla  di  un 
bel  codice,  che,  grazie  alla  cortesia  del  nobile  proprietario,  ebbi  di 
récente  Topportunità  di  esaminare  in  una  délie  più  insigni  biblioteche 
private  che  sieno  e  in  Italia  e  fuori,  la  Trivulziana  f . 

Non  mi  dilungherè  in  descnzionî-  Il  codice  è  merabranaceo,  scritto,  a 
quamo  pare^  nella  seconda  meta  del  secolo  xin.  Consia  adesso  di  229 
cane,  una  délie  quali,  ira  la  207^  e  la  208*,  fusaltataper  isbagito  da  chi 
appose  amicamente  i  numeriprogressîvî.  Altrecinque,  che  erano  segnate 
ït  Wi  781  90,  17S,  furono  sîrappale  da  qualche  vandalo  dei  secoli 
icorai,  per  avidità  delle  miniature  —  non  iroppo  pregevoli  del  resto  — 
che  omavano  il  principio  delle  singole  chansons.  Non  so  quai  buona 
Stella  abbia  preservato  i  fogtl  22,  38,  141,  191,  che  offrivano  pure  il 
iDedesimo  allettamento.  Ogni  facciata  si  divide  in  due  colonne  ;  e  cias- 
cuna  di  quesie  pona  40  versi.  Solo  nei  quaitro  primi  fogli  (2-5)  le 
colonne  hanno  un  verso  di  meno,  vale  a  dire  ^9.  In  totale  veniamo  ad 
vere  una  somma  di  quasi  36500  versî. 

Ecco  la  série  delle  chansons  comenute  nel  codice.  Indico  distintamente 

il  numéro  dei  versi  conservati  e  dei  perduti.  Questi  ultimi,  s'intende, 

ilcolo  per  approssimazione.  Se  non  che,  mercè  V  impronta  lasciata 

tic  miniature,  Perrore  che  posso  commeitere  è  solitamente  mînimo  :  di 
uno  verso  0  due,  c  non  più.  Dove,  per  cause  speciaH,  rimane  maggior 
incertezza,  aggiungo  un  punto  interrogativo. 

L  (^  2a-22aj  Enfances  Guillaume,  mancanti  del  principio.  ji8j  v. 
^  140? 


K  È  darc  un'  eccellenle  noiizia  il  far  sapere  che,  dei  manoscrilti  di  questa 
prçziosa  raccolta,  un  uomo  egregio,  il  conte  Giulio  Porro,  sta  preparando  un 
Qtalogo,  che  vedrà  probabilmente  la  iuce  in  un  tempo  non  tontano. 


Hûmûfiid^  VI 


17 


258  MÉLANGES 

II.  (f^  22â- }8a)  Counmnement  Looys.  259}  v. 

III.  (f»  }8tf-47^)  Charroi  de  Nîmes.  1464  v. 

IV.  |f»  47^-58^)  Priu  (COrange^  mutila  in  fine,  v.  1825  +  44. 

V.  (f^  èùd'-j-jb)  Enfances  Vivien^  mancanti  del  principio  e  délia  fine. 
2880  V.  +  217. 

VI.  (f»  79^-89^)  Covenans  Vivien^  mutilo  in  principio  ed  in  fine. 
1760  V.  4-  154. 

VII.  ((^91^-1424)  Bataille  d'AleschanSj  mancante  del  principio. 
8164  V.  +  '*• 

VIII.  {f>  142a' 167b)  Bataille  Loqmfer,  mutila  in  fine.  41^6  v. 
+  120? 

IX.  (^  1694-1914)  Moniage  Renoarty  mutilo  in  principio.  J584  v. 
+  16? 

X.  (f*  i^ia-i^io)  Moniage  Guilkume,  6866  v. 

Ë  cosa  meritevole  di  nota,  che  questa  série  non  combina  precisamente 
con  quella  di  nessuno  tra  i  codici  enumerati  dal  Gautier  ^  Non  ci  trovan 
luogo  le  chansons  più  recenti;  in  particolare  il  Foulques  de  Candie^ 
ammesso  invece  nel  codice  774  (già  7186?)  délia  Nazionale  di  Parigi, 
che  del  resto  combinerebbe  col  trivulziano.  L'omissione  accresce  pregio 
d'antichità  al  manoscritto,  od  agli  esemplari  da  cui  esso  dériva. 

A  titolo  di  saggio,  trascrivo  le  prime  tirades  del  Couronnement  Looys. 

I.  (f*  22  a)  Oez  seignor  que  diex  uos  soit  edant 

Le  gloriex  par  son  comandemant 

Plest  uos  oir  d*une  estoire  vaillant 

Bone  et  cortoise  gentil  et  auenant 
5.  .j.  nain  iuglierres  nesai  por  quoi  seuant 

.j.  mot  adiré  ius  que  len  li  cornant 

De  looys  ne  1ère  ne  uos  chant 

Et  de  guill.  au  cort  nés  le  uaillant 

Qui  tant  soffri  sus  sarrazine  gent 
10.  De  meilior  home  ne  cuit  que  nus  uos  chant 
Seignor  baron  pleret  uos  dun  essemple 

Dune  chancon  bien  fête  et  auenante 

Quant  diex  eslut  nouante  et  .x.  reaumes 

Tôt  le  meilior  toma  en  douce  france 
15.  Lemainne  roi  ot  anon^  chaliemainne 

Cil  aleua  volentiers  douce  france 

Diex  ne  Hst  terre  qni  enuers  li  napende 

Il  aiaprendre  bauiere  et  alemeingne 

Et  normendie  et  aniou  et  breteingne 
20.  Et  lombardie  et  nauarre  et  touquane 

1.  Epop.  franc. ^  III,  23. 

2.  0  col  titulus. 


UH   CODICE    DEL   CICLO    DI    GUGLIELMÛ  2J9 

Rois  qui  de  france  porte  coronne  dor 

Preudon  doit  estre  et  vailbot  de  son  cors 

Et  silest  bon  qui  îi  face  nul  tort 

Nedoit  guérir  tia  plain  tiabos 
2\.  Desl  qui  lel  recréant  ou  mort 

Sainsi  nu  fet  dont  pert  france  son  los 

Ce  dit  lestoire  coron  nez  est  a  tort 
Quant  lachapele  fu  beneoite  aes 

Et  li  mous  tiers  fu  dédiez  et  fes 
30.  Cort  iot  bone  tele  ne  verrez  mes 

.xiiij,  conte  gardèrent  le  pales 

Por  laioutice  lapoore  gent  iuet 

Nus  neseclainîme  qui  très  bon  droit  nen  et 

Lors  fist  len  droit  mes  or  nufel  len  mes 
3  5 .  A  cortoisie  lont  tome  limauues 

Par  sans^  loiens  remainrent  ti  droit  plet 

Diex  est  preudon  qui  nos  gouerne  et  pest 

Si  conquérons  anfer  qui  est  punes 

Lesmauues  princes  dont  ne  sordrons  mes 
40,       Leior  iot  bien  .xviij.  euesques,  etc. 

L*inîeresse  del  codice  è  accresciuîo  dalle  sue  particolari  vicende, 
Scritto  e  minialo,  per  quanlo  a  me  pare,  nella  Francia,  passô  da  gran 
tempo  le  Alpi;  e  non  le  Alpî  soltanto.  Ce  ne  dà  la  prova  una  nota^  sul 
verso  deiP  ultimo  foglio.  «  Regilliose  {sic)  ac  honeste  domine  franche  ha- 
batisse  monasterii  hordinis  sancie  clare  de  raguse  detur  libenter,  »>  A 
Ragusa  ed  in  un  monasiero  di  donne!  Noievole  anche  quella  raccoman- 
dazione  di  concedere  senza  difficoltà  il  libro.  A  chi?  Aile  monache?  Non 
è  improbabile,  dato  che  sapessero  leggere.  Certo  le  chansons  contenute 
nel  volume,  Tiiltima  soprattutto,  potevan  dirsi  una  fettura  moko  edîfi- 
cante.  Comunque  sia,  ecco  un  indizio  da  aggîungere  agit  altri  mille, 
per  convincersi  quanto  fosse  ampiamenîe  diffusa  la  conosenza  délia 
lingua  d'oïi.  Ma  corne  mai  il  lîbro  era  capiiato  in  fondo  alla  Dalmazia  ? 
Forse  portato  dalla  stessa  madonna  Franca  o  dai  suoi  parenii  ?  Per  verilà 
il  nome  mi  fa  quasi  nascere  la  tentazione  di  credere  costei  francese,  o 
di  nascita,  0  di  schiaita.  Ma  anche  senza  quesia  ipotesi,  il  faîto  si  spiega 
colla  massima  agevolezza.  Ragusa  era  soggetta  al  leone  di  S.  Marco, 
e  pote  va  dirsi  una  colonia  di  Venezia»  Ora,  è  ben  noto  che  la  regione 
veneta  era  diventata  oramaî  una  seconda  palria  per  la  letteratura 
epica  francese,  e  perù  anche  per  i  codici,  che  ne  conlenevano  i  docu- 
menti. 

L'esame  délia  scriitora  permetterebbe   soltanto    di  assegnare  alla 


t,  L.  faas. 


260  MÉLANGES 

dîmora  del  codice  sulle  rive  dabiate  una  data  approssimativa.  S 'ha  uà 
bel  fare  :  la  paleografia,  specialmenie  per  certi  luoghi  e  certi  secoli,  deve 
comentarsî  di  segnare  confmi  assai  larghi.  Ma  qui,  per  buona  sorte,  non 
siamo  ridotti  a  mendicar  Ittce  incerta.  La  siessa  mano  che  segnô  il  nome 
di  raadonna  Franca,  pose  li  accanto  un*  altra  nota  :  «  Joanes  superantio 

dei  graiia  veneçie  daîmatie  atque  crouaçie  dux  et  dimidie »  Seguono 

alcune  altre  parole,  semicancellate.  Poichè  non  ce  ne  viene  alcun  luroe 
maggîore,  tralascio  di  nportare  anche  quai  tanto  che  ne  ho  decifrato. 
Senz'  altro  afTannarci,  eccoci  a  cavallo.  Se  abbiamo  doge  Giovanni 
Soranzo,  vuoî  dire  che  ci  iroviamo  fra  il  i  ^  giugno  1312,  e  l'ultimo  di 
dicembre  del  1 528.  Una  data  di  antichità  davvero  assai  rispettabile. 

Par  da  supporre  che  coiesio  nome  non  sia  staio  messo  11  senza  una 
qualche  occasione  spéciale.  Forse  era  giunta  allora  la  notizia  délia  nuova 
elezione.  Questa  è,  a  mio  credere,  Pipoiesi  più  verosimîte*  Tuttavia  lo 
stimoîo  potè  anche  venire  da  qualche  aîtra  circosianza.  È  da  tenere  a^ 
calcolo  che  ïï  Soranzo  ebbe  a  darsi  non  poco  pensiero  délia  Dalmaziajfl 
Egli  ridusse  air  obbedienza  le  ciltà  di  Zara,  Spalatro,  Traù,  Sebenico, 
che  s'erano  ribellaie',  l  particolari  dei  fatti  non  ci  sono  noii  abbastanza^ 
per  fondarsi  sopra  induzioni  ben  determinaie. 

Poteva  sembrare  che  il  convento  di  santa  Chiara  avesse  a  nmanei 
ben  a  lungo  un  asilo  tranquillo  per  il  nianoscntto.  Niente  afîatto.  Dio 
per  quali  vicende,  aile  prime  peregrinazioni  ne  lennero  dietro  altre. 
Quando  precisamente,  non  si  piiô  dire  ;  faito  sta  che  al  principio  del 
secolo  XV,  0  fors*  anche  alla  fine  delxiv,— quii  criterii  paleografici  diven- 
tano  unica  scorta  —  il  volume  era  gtà  a  Milano.  £  il  proprietario  di  allora 
affermava  il  suo  diritto,  scrivendo  in  fine,  sulla  faccia  interna  délia  rile- 
gatura  :  «  ïste  liber  est  nicholy  de  vicomercaio  porte  nove  parochie 
Sancti  protaxi}  ad  monachos  Mediolanj^  n  Ho  cercato  inutiimente  un 
Nicola  negîi  alberi  geneaiogici  della  famiglia  Vimercati,  che  la  Trivul- 
ziana  possiede.  Bensi  nelle  memorie  della  famiglia  stessa,  raccolie  da 
Carlo  Ulderico  Galluccio  e  manoscriite  nella  medesima  biblioteca,  è  ricor- 
data  una  carta  del  i4î4t  in  cui  si  fa  menzione  di  tre  nobilî  firatelli, 
Giovanni,  Lancilotto  e  Corradino?  a  de  capitaneis  de  Vicomercato  natos 
nobilis  vin  Domini  Nicolai.  »  Non  so  dire  se  costui  sia  il  medesimo 
Nicola  Vimercato  in  casa  del  quale,  a  Rîcengo,  tenendo  la  signoria  Gian 
Galeazzo»  si  rappattumarono  l'anno   1^9^  i  Guelfi  ed  i  Ghibellini  di 


saV 


I 


(,  V,  la  Cronaca  di  Andréa  Dandolo;  Muratori,  R,  ÎL  Sa,  XII,  411. 

2.  La  parola  Mcdiolanj  è  scritta  colla  solita  abbreviatura, 

3.  Probabilmente  quello  stesso  che  fu  segretario  del  duca  Filippo  Mana^  e 
che  n*ebbe  in  ncompensa  molti  privilegî,  conie  risulta  da  una  carta  del  14^5, 
V.  Teitoni,  Ttatro  Araldico^  VllI,  appendice. 


DU    PASSAGE    D*SZ  A   R    ET   d'R   A  S  Z  26 1 

Crcma'.  Ê  possibiJe  l-jdentificazione  deî  due,  e  quella  di  entrambi,  o 
deU'uno  di  essi,  coirantico  possessore  de!  codice^  Ma  più  che  di  pos*i- 
bilità  non  vorrei  cerio  parlare,  nonosianie  che  i  tempi  pajano  combinani 
assai  bene,  e  che  il  siienzio  délie  généalogie  faccia  supporre  poco  fré- 
quente tra  i  Vimercati  il  nome  di  Nicole.  Da  quesia  famîglia  il  mano- 
scritîo  non  usci  probabilraente  che  per  passare  —  forse  insieme  coi  docu- 
tneniï  c  le  memorie  ricordaie  or  ora  —  nella  nobile  casa  dei  Marchesi 
Trivulzîo.  Potè  cosi  restarsenc  in  pace  sui  suolo  lombardo,  ed  eviiare 
le  nuovc  peregrinazioni  —  se  non  peggîo  —  che  gli  sarebbero  toccate, 
»e  avesse  mutato  la  dimora  di  un  privato  ciitadino  colla  sontuosità  del 
Cistello  e  délia  libreria  Viscontea  di  Pavia. 

P.  Rajna. 

Vli. 
DU    PASSAGE    D*S    Z    A    R,    ET    D'R    A   S  Z 

DANS   LE   NORD   DE    LA   LANGUE    D*OC. 

Le  passage  d'sz  ^  r  et  réciproquement  dVà  sz  au  xiv<:  siècle,  dans 
ttoe  certaine  partie  de  la  langue  d*oc,  a  été  surabondamment  établi  par 
M.  Meyer  dans  les  trois  articles  qu'il  lui  a  consacrés î.  En  donner  de 
nouveaux  exemples  serait  donc  assez  inutile,  s'ils  se  bornaient  à  con- 
firmer un  fait  désormais  indubitable,  sans  apporter  aucun  élément  nou- 
veau à  ia  question.  Tel  n'est  pas  le  cas  de  ceux  qu'un  heureux  hasard 
noms  a  fait  rencontrer,  dans  des  études  qui  du  reste  n'avaient  rien  de 
commun  avec  la  philologie,  et  c'est  ce  qui  nous  engage  à  les  publier.  Ils 
concernent  en  effet  une  région  où  ce  phénomène  n'avait  pas  encore  été 
lignalé^  et  de  plus  ils  ont  Tavantage  d'apporter  avec  eux  des  dates 
précises.  Ces  exemples  sont  pris  dans  la  nomenclature  géographique  de 
^Auvergne,  du  Limousin  et  delà  Marche,  provinces  qui  forment, comme 
(Kï  sait,  la  limite  septentrionale  de  la  langue  d'oc.  Jls  nous  ont  été 
fournis  exclusivement  ^  par  de  précieuses  assiettes  d'impôts  du  xv«  siècle 
réunies  par  Gaignières  et  conservées  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  natio- 


I.  Fino,  Annali  dï  Crema,  L  ;*  (I,  127  nella  ristampa  fat  ta  a  Creina  nel 

3.  Un  «rGeorginus  de  Vîcomercato  1»,  cheabitava  appuoto  nella  parrocchia  di 
S.  Protasio  «  ad  monachos  »  si  vede  apparire  tra  )  novecento  Je!  consiglio, 
ttetii  Tanno  1388,  in  un  documento  publicato  dal  Caivi,  Patriziaio  Mibncse, 
p.  J84.  Forse  era  il  padre,  certo  poi  un  parente,  del  Nicol6  noslro. 

j.  Romania.  IV,  184-194.  i^S'^l  ^'  488-90. 

4-  Nous  pourrions  encore  citer  en  dehors  de  cette  source  et  pour  une  région 
nu  peu  dinérenle  :  Chtfûssimoni  (Loire)  ;  au  xrri*  et  au  xiv"  siècle  :  Ckasâl- 
Smont  (Aug,  Bernard,  Cariui  de  Savigny,  p.  91s  et  956);  en  1492  :  Châras- 
ijùnùfit  {lirid.,  p.  9^4». 


202  MÉLANGES 

nale  sous   les   numéros   25898   (Basse- Auvergne),   IJ901    (Marchc^,^ 
2)902  (Haut»Limousin)f  et  2^90;  ( Bas-Limousin  1  du  fonds  français,  dfl 
n'esi  pas  inutile  de  faire  remarquer  que  ces  assiettes  d Impôts,  comme*^ 
tous  les  documents  administratifs  d*un  intérêt  général  à  la  même  époque 
et  dans  les  mêmes  pays,  sont  rédigées  en  français;  mais  évidemment  les 
noms  de  lieux  y  ont  été  reproduits  sous  leur  forme  courante,  ^  sauf  en 
ce  qui  concerne  les  terminaisons  féminines,  —  et  les  phénomènes  pho- 
nétiques qu'ils  nous  présentent  sont  bien  le  fait  du  provençal  vulgaire  de 
cette  région  au  xv*  siècle. 

Nous  allons  donner  d'abord  le  tableau  complet'  des  cas  où  nous 
avons  remarqué  le  changement  à*sz  en  r  et  dV  en  j  z;  puis  nous  résu- 
merons brièvement  les  conclusions  que  ï'on  en  peut  tirer.  Pour  plus  de 
commodité  nous  désignons  par  A,  B,  C,  D  les  manuscrits  25898,  25901 , 
23902  et  25903  dont  nous  avons  parlé  plos  haut.  Comme  ce  sont  des 
recueils  sans  pagination  de  pièces  rangées  chronologiquement,  les  dates 
sont  les  seuls  renvois,  quoique  peu  précis ^  que  nous  puissions  indi- 
quer. 

I.  —  Changement  &sz  en  r 

Formes  en  sz, 
Àuthezal  (Puy-de-Dôme)  :  Oliata- 

mm  {Cartukire  de  Sauxlllanges^ 

p.  196);  ÀuUzdîA  1438,  1440, 

1441  ;  Autheizat  A  1467;  Àliezat 

A  1478. 
Azeraî  (Haute-Loire)  :  Azarac  1 286 

(Baluze,  MisceL,  éd.  Mansi,  J^ 

297);  Azerat  A  1445»  1478. 
Berbezit  (Haute -Loire)    :    Berbezi 

141  j  (Titres  de  ta  mais,  de  Boar- 

bon^  n*»  5005);  Btîbtzy  A  144J, 

1480. 
Bitlnois  »  (Allier), 


à 


Formes  en  r, 
AiUyraî  X  1445;  Auteyrat  A  1479^ 
1468. 


d 


Areraî  A   1440,    1468;  Areyrat  A 
1459;  Arera  A  1467;  Arezat  Aj 
1458,  1441. 

Berbery  A  1438^  1440,  14411 14$; 
1467,  1468,  1478. 


BilUrez    A    1459^    1467,    1468, 


1 .  Il  semble  au  premier  abord  qu'il  faille  ajouter  à  cette  liste  S.  Illidias  : 
S.  Alyre  (Puy-de-DÔme);  mais  jI  n'en  est  rien.  La  formation  lilidms  ^  Atyn 
appartient  à  une  série  de  mots,  récemment  étudiés  par  MM.  Tobler,  Parts  et- 
Havet,  où  IV  apparaît  de  bonne  heure  à  la  place  du  a.  Ce  qui  prouve  bien  que 
ce  n'est  pas  là  un  phénomène  contemporain  de  celui  que  nous  étudions^  et  qu'il 
ne  faut  pas  y  voir  le  changement  de  ^Z  en  r  puis  de  ;  en  r,  c'est  que  dès  le 
XIV"  siècle  on  trouve  constamment  ^4////,  Alitt  et  jamais  Alizi,  Ahu  dans  les 
nombreux  exemples  que  nous  avons  de  ce  mot  (4  exemples  en  iî^6,  iîjj  : 
Bibl  nat.,  Franc.  22295,  pièces  2  et  10;  Frûnc.  24051,(01,  1  et  4;  i8exemplcs 
pour  le  XV*  siècle  :  A  pasum). 

2.  Quoique  nom  ne  connaissions  pas  la  forme  tatine  de  ce  mot,  ce  ne  peut 
être  évmemment  aue  Tadjectif  Biiiacensts^  dérivé  de  Bxïïy  {BiHêcum)  qui  est  aifis 
le  voisinage.  Les  habitanis  de  Dilly  s*appellent  aussi  BilUzoïs. 


Cemt  (Hame-Loirc)  :  Saraxago^ 
980  {Canal,  de  Bnoudef  p.  27)  ^ 
Cimsa  A  !4î8,  1440,  1441; 
CitezatK  144^  ;  CereysaiAi^&o. 

Châmkzon  (Haute-Loire)  :  Chamk- 
don,  x\*  s,  {CariuL  de  SauxUL, 
p,  482);  Chambaoa  A  144^, 
r48o, 

Mmirat^  I Haute-Loire)  :  Maccria- 
am  756  {CartaL  de  Brioude, 
p.  47);  Mazerac  1287  (Baluze, 
MiiceL,  I,  joo);  Mazelraty  Ma- 
uyraîA  1445,  1468,  1478. 

Moiompizâ  (Cantal)  :  Molirtum  Pi- 
umi  825  (  Deribier  du  Chalelet, 
/>id.  stât,  du  Cantal,  IV,  jy6); 
Mokmpizy  A  144$,  1459;  Afo- 
Umpezy  A  1467,  1468,  1478. 

Hozewtles  (Haute-Loire)  :  Noza- 
mlas  971  {CartuL  de  Brioude^ 
p.  267 1;  Nozeyrolles  A  1440, 
144Î,  1459,  1467,  1468,  1478. 
^PtTftut^  (Corrèze)  :  Perpezacwx*^. 
(Labbe,  BibL  nova^  11^  $99); 
Perpezat  D  1424,  t4î8,  14Ç4 
et  suiv. 
[fffpizat  (Pay-de-Dômel  A  14^8, 
I44J,  1459,  1467,  1468,  1478. 

Pijzat  (Dordogne,  canton  de  La 
Nouaille)  ;  Peysacum  1 408  (  de 
Gourgucs,  Dicî.  îopogr.  de  la 
D0rdogn^]\  Peysat,  Ptyzat  C 
1424,  I4Î5,  I4U,  1454- 
iSrrw^fliiia/i  (Puy-de-Dôme)  :  Char- 
mtntazos  t}j7  (Bibl  nat.  Lat. 
177 14»   f*   xni);    Sermenîazoax 


A  R  ET  D*R  A  SZ  263 

1481^  IÇ27;  Bilherez  A  1478, 
1480^  1482* 

Cerreyrat  A  1459,  1467,  1468; 
Cercirat  A  1478. 


Ckamberon  A  14^8,  1440,  1441; 
ChambcTTon  A  1459,  1 467  ; 
Chamheyron  A  1468,  1478» 

MareratA  1438,  1440,1441,  14^9, 
14671  1468. 


Mokmpery  A  1438,  1441;  Molem- 
pyry  A  1440, 


Noreyrolles  A    1457,  1441  ;  Nore- 
zolles  A  1438. 


PerpercUD  1440,  1443,  1446. 


Perperat  A  1440,  1441. 

PeyratC  1438,  1441,  1442,1447, 
1448. 


SememarouxA  1441^  1468. 


1.  Nous  réunissons  sous  un  même  titre  les  mentions  simultanées  dt  Maiârat^ 
krouzc  ci  de  Mazcirat^hmpinhac^   car   les  documents  donnent  toujours  une 
éne  forme  en  r  ou  en  2  à  ces  deux  localités,  saul  en  1468  où  Ton  trouve 
^  Umrât  pour  la  première  et  Mazdrat  pour  h  seconde. 

a.  Nous  réunissons  sous  ce  litre  Pcrpczaî-U-blanc  cl  Ptrpuat-U-nûir. 


264 

MÉLANGES 

A    i4?8,    1440,    1445. 

»     >459» 

1467,  1478. 

Vezezoux  (Haute-Loire)  : 

Ecclesia     Vereroux  A 

1438,  1 

Vesedonensis ,   Villa   de 

Vesezon        reyroux  A 

Ï4J9, 

II 14  {Cart.  de  SauxiL, 

p.  496, 

497);   Vezesoux  A  1445 

;  Veze- 

zouxA  1478.^ 

2.  - 

-  Changement  dV  en  5Z. 

Formes  en  r  : 
Aubeyrai^  A    1438,    1441,    144J, 

1459,  1467,  1468,  1478. 
Auteyrac  (Haute-Loire)  :  Alteriacum 

925  {Cart.  de  Brioude,  p.  129); 

Auteyrat  A  passim. 
Azeirat  (v.  supra). 
Chénérailles  (Creuse)  :  Chanaleillas 

1267   (Bibl.  nat.  Lat.    171 16, 

p.  59 j);  Chanereilles  B  1451. 

Dompierre  (Haute- Vienne)  :  Dom- 
/?er^,  Dompierre  C  passim. 

Lauriere  (Haute-Vienne)  :  Laureira 
1222  (C/tr.  de  Saint-Martial,  p. 
par  Duplès-Agier,  p.  m)  ;  Lou- 
riereC  1424,  1454,  1456. 

Lignareix  (Corrèze)  :  Linares,  Ly- 
nayreis  D  passim. 

NozeroUes  (v.  ^upra). 

Vallilias  969  {CartuL  de  Brioude, 
p.  107);  VareillesA  1438,  1441, 
1459,  1467,  1468,  1480,  1481, 
1482. 

Vergheratk  1438;  Vergeratk  1441  ; 
Vergheirat  h  1459,  1467,  1468, 
1478,  1480,  1481,  1482. 


440, 144»  ;*'^- 
1467, 1468. 


Formes  en  5z: 
Aubazat  (Haute-Loire)  ;  Aubezat  A 

1440;  Albazat  A  1480. 
Autezat  A  1438,  1441. 


Arezat  A  1438,  1441. 
ChanezailUs  143 1   (Arch.  nat.,  KK 

648,  pièce  127),    1441    (Bibl. 

nat.  Franc.   21423,    f»  9  r«); 

Chanezeilles  B  1440. 
Dampeize  C  1424. 

Loz<>r^  C  1435,  1438,1441,1442, 
1447,  1448. 


Linazes  D  1424. 

Norezolles  A  1438. 
Kaze/Ww^rLimandres  (Hte-Loire)  : 

Vazeilles  A  1440,   144s,   1478, 

1527. 

Vergezat   (  Haute-Loire  )   A    1 44  5 , 
1 527  ;  Verghezat  A  1440. 


1.  Cf.  Albairac  (Hérault);  Jean  d*Aubayrat,  1394  (77fr«  f/«  Bourb.^  n*>  3954, 
à  Perratum). 

2.  Cet  exemple  vient  infirmer  Tétymologie  de  VaniUts  proposée  par  M.  Meyer 
(Romania^  IV,  1Q2)  :  BasiUa.  VareilUs  dérive  très-régulièrement  de  Vallilias 
{=  Valliculas  :  cf.  supra  Canaliculas=  ChénérailUs)  \  et  si  tous  les  départements 
avaient  des  dictionnaires  topographiques,  on  retrouverait  sans  doute  partout  la 
même  forme  primitive.  Ainsi  pour  les  cas  que  nous  avons  pu  vérifier,  Varcillts 
(Saône-et-Loire)  est  au  xi«  siècle  Valilias  (Cart.  de  Savigny^  p.  1052);  VareilUs 
(Creuse)  est  en  1477  Valeilhcs  (Bibl.  nat.,  Franc.  21423,  f*  4$  v«).  Quant  à  la 


DV    PASSAGE    îy'SZ    k    R    ET    D'R    A    SZ  2^\ 

Oa  remarquera  que  le  passage  dV  à  it  ne  paraît  pas  toui  à  fait  aussi 
fréquent  que  celui  dVxx  à  r;  mais  comme  d'ailleurs  ces  deux  faits  sont 
Weinment  le  résultat  d'une  même  cause,  à  savoir  la  confusion  entre 
b  sons  r  et  s  z;  il  n'y  a  pas  lieu  de  les  étudier  séparément. 

Les  exemples  réunis  ci-dessus  nous  montrent  donc  que  ce  phénomène 
î*esi  produit  à  la  fois  au  xv  siècle  dans  l'Auvergne,  le  Limousin  et  la 
Marclic.  Toutefois^  dans  ces  deux  derniers  pays,  il  semble  s'être  mani- 
iesiéavec  beaucoup  moins  de  force  et  pendant  un  temps  beaucoup  moins 
long  que  dans  le  premier'.  De  plus  les  exemples  que  Ton  y  en  trouve 
m\  un  peu  isolés  et  aucun  lien  topograpîiiqiie  bien  étroit  ne  parait  les 
rattacher  les  uns  aux  autres.  Dans  l'Auvergne,  au  contraire,  sauf  un  cas 
Mi  [Bûietois] ,  la  confusion  entre  r  et  s  2  semble  avoir  été  restreinte  à 
la  partie  méridionale  de  l'ancien  Bas-Pays  (sud  du  Puy-de-Dôme  et  nord- 
(Rttstde  la  Haute-Loire),  En  effet,  dans  les  nombreux  documents  rela- 
tif à  la  Haute-Auvergne  que  nous  avons  parcourus  %  nous  n'avons 
découvert  aucun  exemple  du  même  fait. 

Ce  groupe  de  la  Basse -Auvergne,  qui  nous  fournit  à  lui  seul 
1 1  exemples  du  passage  ô's  zà  r,  se  prête  particulièrement  à  une  étude 
chronologique.  Malheureusement  nous  ne  pouvons  remonter  à  rorigine 
du  phénomène  puisque  le  plus  ancien  document  que  nous  ayons  (1458) 
nous  offre  déjà  7  cas  où  rz  a  passé  à  r.  Du  moins  pour  les  années  sui- 
vantes peut-on  dresser  une  véritable  statistique  philologique  qui  ne 
nunque  pas  d'intérêt  : 

En  1440,  SZ  persiste  dans  4  cas,  passe  à  r  dans  7; 


'441. 



2 

'445. 



lo 

'4J9. 



4 

'467, 

— 

s 

1468, 

— 

4 

1478, 



8 

1480, 

— 

i  i 

1  voit  qu'après  une  lutte  assez  longue,  s  z  reprend  définitivement  le 
«fessus  vers  1480  pour  se  maintenir  jusqu'à  nos  jours.  En  effet  le  carac- 
^t  de  ce  phénomène  est  ici  tel  que  M.  Meyer  Tavait  constaté  pour  le 


I  forme  VaztilUs^  d'ailleurs  beaucoup  plus  rare,  elle  se  rattache,  comme  on  voit, 

1  *  Nous  n'avons  remarqué  aucune  trace  d^un  fait  semblable  dans  les  textes 
I  hmoanm  du  xv' siècle,  d'aHleurs  peu  considérables,  que  nous  avons  pu  consulter 
r(Ley marie  :  Umousm  h^tor{qu€^  p.  24-51  H403);  192-1*-)^  (i4oti-«424),  404-5 
||Ii4i6k  410-414  {1436). 

a.  Le  viP  2^897  du  fonds  français  de  la  Bibl.  nal.  renferme  pour  la  Haute- 
[Auvergne  des  assiettes  d'impôts  de  142,  4142^  (426^  1430,  14^2,  H47»  '47^ 
M«4. 


266  MELANGES 

Languedoc  proprement  dit  '  :  il  est  essentiellement  temporaire  et  n'a  I 
presque  pas  laissé  de  traces  de  son  existence.  Dans  trois  cas  seule- 
ment (et  encore  un  seul  est-il  hors  de  doute,  les  formes  anciennes  man- 
quant pour  les  deux  autres)  le  changement  dV  en  sz  a  été  consacré 
par  Tusage  :  Aubazat,  Vazeilles^  Vergezût.  De  ce  fait  on  peut  con- 
clure assez  vraisemblablement  que  la  confusion  entre  r  et  ^z  a  dû  se 
produire  dans  le. nord  de  la  langue  d'oc  sensiblement  plus  tard  que  dans 
la  région  étudiée  par  M.  Meyer,  c'est-à-dire,  seïon  toute  apparence, 
dans  les  premières  années  du  xv*"  siècle.  Si  en  effet  on  la  faisait  com- 
mencer au  milieu  du  xiv*  siècle,  comme  il  est  certain  qu'elle  durerait 
encore  jusque  vers  la  fm  du  xv«,  il  serait  surprenant  qu'ayant  vécu  si 
longtemps  elle  eût  laissé  si  peu  de  uaces  durables. 

A,  Thomas. 

VllL 
TERMES  DE  PÈCHE  :  JARRET,  BOUGUIÈRE. 


JARRET. 

(Sparus  smaris,  Linn.,  Smaris  vulgariSt  Cuv.) 
M     Litîré  a  rangé  sous  la  rubrique  de  jarret  (en  latin  poples)' 
ii  poisson  du  genre  des  spares  n,  également  appelé  jarret^.  Ce  sont  pour-    h 
tant  deux  mots  différents,  entre  lesquels  il  n^y  a  qu'une  simple  coïnd-fl 
dence  d'homophonie.  L'étymologie  du  premier  étant  connue,  il  ne  reste ^ 
plus  qu'à  chercher  celle  du    second.  Qui  voudrait  en  effet  accepter 
l'aventureuse   hypothèse  de   Carpentier?  <<  Hesychio  tipaç  est  piscis 
genus,  unde  dictus  videiur  jarreîus.  n  Je  n'ai  pas  rencontré  d'exemple 
dans  l'ancienne  langue,  ce  qui  n'est  pas  étonnant,  ce  poisson  qui  vil 
dans  la  Méditerranée  n'étant  un  comestible  ni  de  luxe  ni  de  grande 
utilité.  En  revanche  il  s'en  rencontre  un  dans  la  Vida  de  S   Honorât  par 
Ramon  Feraui  (éd.  Sardou,  p.  176,  col.  i,  in  fine)  : 

Can  rendemao  li  pescador 
Tireron  la  rei  contra  lor. 
Non  troban  bugiia  ni  geriîd. 


:que^ 


T.  Un  autre  caractère  commun  qu*il  est  à  peine  besoin  de  relever,  c'est 
dans  notre  région  comme  plus  ao  sud,  la  confusion  se  produit  entre  tes  sons'^; 
et  r  sans  distinction  de  provenance,  que  d'une  part  Ti  soit  primitive  [Molmum 
Piiimi  :=  MoUmperyjj  que  le  2  vienne  d'un  c  spirant  {Maceriacum  =^  Mûnrat)  ou 
d'un  ii  {Chûmbcdon  thambtron)^  que  de  raulrc  IV  soit  primitive  ou  vienne  d'une  / 
(Canalicufas  =r  CkanczeUUs). 

2.  M,  Lillré  a  sans  doute  trouvé  ce  mol  dans  Legoaranl  :  cf.  sub  voc.  minc^ 
où  jarct  est  écrit  avec  une  seule  r,  faute  typographique  sans  doute  comme 
picard  au  lieu  de  picarel;  M.  Littré  a  oublié  ae  donner  la  facile  étymologie  de 
mené  {mae/u^  H^ativn,  \^wk)  et  de  mtndoU  Cmaemdak)  :  Honnorat  tirait  le 
vença)  mendota,  mounJotû,  amendùula,  emmdouh  de  mcndosus. 


lARRET,  BOUGUIÊHE  267 

Le  ms.  de  la  B.  N.,  n**  r  Î509,  ponegarUct,  Raynouard,  qui  a  connu 
ce  passage,  traduit  (111,  ^Sj)  jaHlet  par  jarieL  On  chercherait  sans  doute 
inuiilenient  jadet  dans  les  dictionnaires  français.  Du  reste,  jamî  lui- 
flêsie  manque  dans  Napoléon  Landais,  Bescherelle  et  Poitevin;  il  est 
éfaieroent  oublié  par  le  Thresor  de  la  tangue  francoyse  1606,  Fureiiêre, 
Ménage,  Richclet,  le  dictionnaire  de  Trévoux,  l'Encyclopédie*,  etc* 
Cotgrave  a  «  Jarre,  the  name  of  a  cod  ded,  d 

Bcllon  nous  apprend  que  le  «  smaris  seu  cerm  quem  girulum  vocani  » 
p&rtaii  à  Venise  le  nom  de  giroh  et  à  Marseille  celui  de  giarei^.  D'après 
Rondelet,  il  était  appelé  certes  à  Naples,  gnm  à  Marseille,  girolt  et 
pmdi  à  Venise,  garon  à  Antibes>.  Aujourd'hui,  suivant  Honnorat,  on  le 
wmmt  en  Provence  :  gerla^,  gerfe  à  Nice^;  gerre,  jarre ^  jarret  dans 
Ici  Bouches-du- Rhône*', 

Le  sparm  smansi  a  été  connu  de  Pline  le  naturaliste  sous  le  nom  de 
gflT£f  et  sans  doute  aussi  de  ^erricula,  M.  Littré,  dans  sa  traduction  de 
Pline  XXXIl,  5?,  $),  n'a  point  pressenti  ou  admis  cette  identification  : 
il  traduit  donc  littéralement  par  gerricuie  et  gcrris,  M.  Lebaigue  {Dict 


1^  On  y  trouve  garltt  avec  renvoi  à  carrdet.  De  même  dans  Honnorat  garlUi 
^tûffdtt.  Il  n'y  a  pas  à  tenir  compte  de  ces  former  pour  trouver  Tétymologie 
que  nous  cherchons,  le  canda  étant  bien  différent  du  s  parus  smaris. 

I,  Pétri  Bellonii  Ccnomani  De  AqaatUtbas,..  Parisîis,  MDLIll,  p.  226, 
12$, 

j.  Gultelmi  Rondeletii  Libri  de  pisdbas  marinis,,,  Lugdtini,  MDLini,  p.  140. 
Us  deux  premiers  mots  ont  une  terminaison  latine,  les  deux  suivants  sont  au 
pluriel.  Cette  synonymie  a  été  reproduite  par  Lacépède^  sans  indication  d'ori- 
gine {Œtnns  iiu  comte  dt  Ladptdc.  Nouv.  éd.  par  Desmarcts.  Hist.  nul,  des  pois- 
ms,  IV.  Paris,  iS^o,  p.  454,  note  j). 

4,  Dans  Achard  gcrlo.  Il  le  tire  de  je  ne  sais  quel  celtique  gerî  =  petit. 

{,  C'csi  aussi  ce  que  dit  le  D*  Risso  :  Ichthyohgu  de  Nice.  Paris,  Schœll, 
1S10,  in-S^,  p.  238.  Cest  là,  sans  doute,  qu*Honnorat  a  trouvé  ce  renseigne- 
ment. 

4.  A  ces  formes  on  serait  tenté  d'ajouter  encore  celle  de  :  «  Jarkt,  s.  m.  vl. 
/«f//cf,  =  Jjrietj  poisson.  <♦  Il  est  vrai  qu*Honnorat  n'a  pas  reconnu  ce  poisson 
puisqu'il  n'en  donne  pas  le  nom  scientifique,  mais  évidemment  larUt  n'est  qu'une 
lorroe  un  peu  différente  des  précédentes,  —  Toutefois  nous  ne  l'admettons  pas 
comme  contemporaine,  elle  n'est  qu'ancienne.  La  rédaction  d'Honnorat  peut 
laire  illusion  et  donner  à  penser  qu'il  a  trouvé  jarUt  chez  le  peuple  et  dans 
lcv),[=  vieux  langage],  /4r//<:r  chez  Raynouard.  H  n'en  est  nenJarUt  comme  jariUt 
^rtenl  tous  deux  du  Lexique  Roman.  On  ne  saurait  être  trop  circonspect  à 
l'égard  d'Honnorat.  Cest  A  lui,  par  exemple,  que  Diez  {Etym.  ïVtfrt.,  I,  249) 
a  emprunté  ta  forme  prétendue  moderne  akch,  due  originairement  à  une  faute  de 
Raynouard  ^i'abeck,  pour  Ubcch^  dans  le  Ux.  rom.^  II,  12). 

7.  Outre  les  noms  déjà  vus,  ksparus  smaris  porte  encore  chez  Honnorat  ceux 
it  fataeiei,  gavaroun  (Risso,  Ichth.y  p.  2it),gavarûn  =  sjmut  m^m^ge rie  encore 
leiiiie)^  ptcareL  Ce  dernier  qualificatif  est  usité  en  français,  et  il  était,  au  dire  de 
Rondelet  |p.  140K  employé  en  Espagne  et  dans  la  Narbonnaisc;  il  convient  d'en 
rapprocher  celui  de  ipif^^iro  dont  on  se  servait  à  Rome  (Bellon^  p,  228).  Garoa^ 
lur  les  côtes  de  la  Méditerranée  désignerait  le  spams  smans  c'après  Littré  cl 
Lejgoarant  :  garûu  n'est  sans  doute  qu  une  mauvaise  lecture  du  garùn  de  Ron- 
iielet  (voir  ci-dessusl. 


268 


WËLANGES 


lat.-fr.)  traduit  aussi  ou  plutôt  transcrit  gerres  par  gerriî.  Facciolati 
Freond  ne  donnent  de  version  personnelle;  ils  citent,  sans  soulever' 
d'objection,  un  ancien  glossaire  :  «  gerres  [mmhç.  i>  Cette  interpréta- 
tion c6toie  le  sens,  La  mendole  {Spariu  maena  Lin.,  Spams  mendola 
Lac,  Mdcna  vulgaris  Cuv.j  est  apparentée  de  fort  près  au  spams  smaris^^ 
et  à  Toulon  par  exemple  yne  variété  de  la  mendole  serait  appelée /arre/ '*  B 
La  confusion  pourrait  avoir  encore  été  faite  ailleurs.  Ainsi  Honnoral 
donne  pfc<ir<r/ comme  synonyme  à  mendola;  il  agit  de  même  à  l'article 
gerlc  1**^.  Gerte^  qui  manque  dans  Littré,  est  donné  par  Landais  comme 
synonyme  de  spare  mendole^  et  par  Beschereile  comme  l'équivalent  niçois 
de  'c  mendole,  gros  poisson  du  genre  picarel  >y,  ce  qui  est  contradictoire, 
outre  que  Risso  affirme  que  le  gerîe  est  le  nom  nicéen  du  spams  smaris. 
Lacépède  lui-même,  qui  avait  justement  reproduit  comme  synonymes  du 
sparus  Smart  s  le  gerres  de  Pline,  le  cerres  napolitain,  les  gerruU  et  les 
giroli  de  Venise,  n*a  pas  su  que  gerU  était  le  même  moi,  et  il  le  donne 
malencontreusement  (p.  1 58;  comme  synonyme  de  mendole. 

Toutes  ces  contradictions  ne  doivent  pas  nous  tromper.  Le  peuple  est 
parfois  embarrassé  pour  donner  un  nom  à  toutes  les  variétés  végétales  ou 
animales.  H  pourra  donc  lui  arriver  de  les  englober  sous  une  appellation 
unique.  Ce  n'est  pas  ici  le  cas.  Bellon,  Rondelet  et  Risso  ont  étudié  sur 
les  lieux;  eux-mêmes  n'ont  nullement  confondu  ta  smarls  {giaret  Bellon, 
gerre  Rondelet,  gerk  Risso)  et  la  maena  [mendola  à  Marseille,  Bellon, 
p.  22  j  ;  Rondelet,  p.  i\S]  amendodo  à  Nice,  Risso,  p,  2  ?9  ,  et  le  peuple 
faisait  aussi  la  distinction,  ainsi  qu'il  est  prouvé  par  les  noms  vulgaires 
que  rapportent  ces  savants  r.  Par  conséquent  \t  gerres  de  Pline,  c'est-à- 
dire  notre  gtrre,  gcrle,  etc.,  n'aurait  pas  dû  être  traduit  par  jxattvt^ 
=  maena  ^  mendole.  Gerres  ei  maena  se  distinguent  entre  eux  comme 
chez  les  Grecs  u\t,xp\q  et  ^xaiviç  : 

ît«i  ffpt.gtp{8ÊÇ  xal  pXéwo^  loi  cxapoi  àpj^éxspot  tt 

1 .  Honnorat  au  mot  jarret.  Je  regrette  de  n'avoir  pas  retrouvé  h  source  où  a 
puisé  le  lexicographe  provençaL 

2.  Je  me  détie  d'autant  plus  de  Texactitude  de  cette  traduction  de  gerte  t^par 
mtndoU  qu'elle  est  empruntée  par  Honnorat  â  Garcin,  textuellement,  y  compris 
la  faute  de  piscard  au  lieu  de  picard,  ce  qui  prouve  peu  d'attention.  Une  ligne 
plus  bas  gerU  2*  est  traduit  par  sparc  smans, 

5,  11  y  a  plusieurs  espèces  de  smarh  et  de  maxdoîcs;  nous  ne  parlons  que  de 
ta  distinction  du  genre,  ce  qui  est  déjà  suffisant.  Et  même  la  variété  synony- 
mique  des  smaris  et  des  mendoles  permettrait  de  supposer  que  les  pêcheurs 
connaissent  quelques  espèces.  Pour  la  détermination  scientifique  voir  Cuvier  et 
Valenciennes  :  Hisloin  mlardlt  des  poisions^  VUiSjo^,  p.  287*^20*  Ces  auteurs 
ne  considèrent  pas  la  smaris  et  la  mendole  comme  des  sparoiaes,  ils  en  font  une 
famille  â  part  :  celle  des  ménides. 

4.  Nous  choisissons  cet  exemple  d'Oppien  (1, 108)  parce  qu'on  y  trouve  réunis 


JARRET,  BOUCUIÉRE  269 

Pour  en  revenir  à  l'étytnologie  de  jarret^  nous  aurons  : 

CSRRES,  GIRRES'  *CERRULUS 

genre,  —  jarre  gerle,  —  *jarle 

giaret,  jarret  gerllet,  —  garllet,  jarlet^ 

BOUCUlèRE. 

Dans  l'exemple  de  Ramon  Feraut  cité  plus  haut  on  a  vu  figurer  le 
bogue  (Sparus  boops^  Linn.,  Boops  vulgaris^  Cuv.).  Quoique  ce  poisson 
m  bien  connue  M.  Litiré  l'a  oublié.  Du  reste  dans  sa  traduction 
de  Pline  ixjLXii,  çj,  ^l  il  avait  eu  des  doutes  sur  ce  mot,  et  plus  méticu- 
leux que  le  u  Thresor  de  ia  langue  françoyse  »,  Furetière,  Ménage, 
l'Encyclopédie^  etc.,  il  préférait  user  d*un  latinisme  :  boca. 

Ce  poisson  était  nommé  chez  les  Grecs  ^oaÇ,  ^6in?,  3*iÇou  ^û^^  et 


h  Tjiapk  ^=  gcrres  =  gerre,  la  jwiivi;  —  maena  ==  mendole  et  ïe  bogue  dont  îl 
«ra  queîvlion  plus  loin.  Les  trois  genres  de  poissons  sont  voisins  l'un  de  l'autre  : 
«  faaes  non  omnibus  una,  nec  diversa  tamen  1»,  mais  ils  conservent  leur  indivi- 
dualité, et  c'est  dans  ce  sens  qu'il  convient  d'entendre  Athénée  lédilion  Meîneke, 
Leipzig,  Tcubner,  18^8,  inni,  H,  p.  68.  Z  315I:  STri^Jmwitoç  Ôà  Iv  «suxtpw 
\>lîA(urv  €|jyotd  f7î<ïiv  elvat  t^  (AatvJSi  fim^tx  xai  crjAapfÔatç  %xX.  Afislote  ne  les  con- 
lond  pi&:  au  livre  Vlîl,  jo,  il  parle  de  la  smans  et  de  la  mainis,  au  livre  IX,  2, 
il  Clic  le  ^>f .  Le  romaïque  ne  paraît  pas  avoir  fusionné  ces  sens,  puisqu'il  a  con- 
servé ces  trois  noms  pour  les  trois  genres  :  <7\tapiàaL  ou  ^apÉSa  ((orme  dé)à 
connue  par  Bellon),  —  yLaiw\àl\.,  —  ^dira  ou  PoOttoi.  —  On  n'adoptera  donc  pas 
Pinlcrprélalion  de  Henri  Estienoei  au  mot  fr^api^,  "*  aliqui  m^enidas  esse  putant,* 

1.  L'édition  de  Pline  par  J,  Sillig  (V,  i8$i,  p.  y)  donne  girns^  —  celle  de* 
Ludw  Jâhn  flV,  18^9,  p.  ^ii)  girrcs  avec  la  majorité  des  mss,  Cuvier  cl 
Vâlenciennes  ont  employé  le  mot  de  girrcs  dans  un  sens  tout  nouveau.  Ils 
désignent  sous  ce  nom  un  genre  inconnu  à  la  Méditerranée  (p.  536-65). 

2,  Colgravc,  *  tant  sa  curiosité  a  été  grande  et  exacte  à  lire  toute  sorte  de 
livres,  vieux  et  nouveaux,  cl  de  tous  nos  dialectes  1»,  n'a  omis  aucune  des  formes 
que  nous  avons  rencontrées  dans  Rondelet  et  Bellon.  C'est  évidemment  chez  le 
premier  qu'il  a  trouvé  gcrte,  picard  et  garon^  chez  le  second  qu'il  a  pris  le 
•  marseillois  1  giant^  celle  klie  infiâïk  de  la  prononciation  provençale.  Voilà 
donc  te  lecteur  amoureux  du  contrôle  averti  que  les  noms  de  poissons  donnés  par 
Colgrave  devront  dorénavant  être  recherchés  dans  Ekl Ion  cl  Rondelet,  Rondibilis , 
comme  dit  Rabelais  (Pantagruel,  III,  31)- 

j.  Élevé  i  la  taille  du  thon  dans  Du  Gange  au  mot  bogua^  le  bogue  a  trouvé 
son  lit  de  Procusle  au  mot  boca^  où  il  est  précipité  au  rang  de  «  ptsdculus  ».  A 
moins  d*avoir  lu  les  Libâ  de  piscibus  marinis^  il  est  difficile  de  savoir  que  la  cita- 
lion  ainsi  indiquée  par  les  Bénédictins  :  Tract.  Je  piscibus  cap.  65  a  Coâ.  rcg. 
68^8.  C.  Box  vel  boca  Fiuiio,  etc.,  est  tirée  de  Rondelet;  même  remarque  pour 
l'arlicle  gcnulus. 

Bellon  (p.  230)  nous  apprend  que  ce  poisson  était  appelé  bo^a  à  Marseille  et 
i  Rome,  De  son  côté  Rondelet  écrit  (p,  1 57):  «  Venetiis  boobaj  in  reliqua  Ilalia, 
Liguria,  Gailia  Narbonêsi^  Htspania  bogue  nommatur.i  Dans  Colgrave  '-  boofuetl 
kgue;  dans  Nicot  :  bo^ue.  Risso  khth.,  p.  242  :  bugo  à  Nice.  Achard,  Garcm  : 
hogo 

4.  tlvojid<rôr,  ?A  irapà  t^v  fio^Vj  dit  Athénée  (Z  287,  éd.  cit.,  Il,  21  ),  explica- 
tion fournie  aussi  par  les  scholies  d*Oppien  fl,  1  ro). 

La  traduction  rapportée  par  H,  Eslienne  •"^tixa;  esse  tâç  Xsvjtojitttvi^af,  maenas 


i^"^ 


270  MÉLANGES 

chez  les  Romains  boca^  bocas  (?)  et  box*.  Cette  première  désignation 
conservée  dans  les  langues  romanes  s*est  perdue  dans  le  romaique.  Mais 
ce  poisson  a  été  aussi  appelé  pdio-)*  Cuvier  et  Valenciennes  ont  élevé  des 
doutes  à  ce  sujet  (/oc.  cit.  p.  262)  :  a  Quant  au  nom  de  ^zu>^  que  lui 
affecte  Rondelet  et  que  Linnaeus  lui  a  conservé,  on  ne  voit  ni  d*où  il 
est  tiré,  ni  pourquoi  il  conviendrait  à  un  poisson  dont  les  yeux  n'ont 
point  une  grandeur  excessive*,  w  Que  cette  qualification  convienne  peu, 
c'est  possible.  Le  bogue  n'a  pas  des  yeux  de  bœuf,  mais  il  n'est  pas  davan- 
tage remarquable  par  sa  voix  :  ce  serait  une  supposition  oiseuse  que  de 
croire  pour  ce  motif  que  le  nom  de  bogue  venu  jusqu'à  nous  ait  changi 
de  sens  enroule.  Il  n*esi  pas  moins  arbitraire  de  méconnaître  le  pcw} 
Il  importe  du  reste  de  le  remarquer,  Rondelet  n*est  pas  l'inventeur  de 
ce  nom  de  p6tD»^.  Athénée  (Z  287,  p,  21  de  l'édition  précitée)  dit  en 
effet  :  'Apt^rcospaviriç  0'  b  UuÇavTioç  iutxù^<;  ^-rj^W  fjfjiaç  Aé^ttv  xbv  l/%v 
001X1,  5 £37  ^6(ù^%  lizii  [Aiitpbç  jTrapX*»>v  ji-rffltXouç  (Ltu^ç  q^tt.  Eîij  «v  ouvj 
h  piti)'^,  P^bç  cçQaXîi-ou;  i^^v.  Précisément  cette  forme,  dont  on  ne 
rencontre  que  ce  seul  exemple,  est  la  seule  qui  ait  survécu  dans  le 
romaïque  où  elle  s'est  transformée  en  pdirat  ou  go^icaî  =  bogue 


le 

e 

n 


candidiores,  quos  vulgo  girros  s,  girrulos  vacant  »^  demande  à  être  discutée.  Gtr* 
fus  et  ginutui,  mots  dont  on  ne  connaît  pas  la  date,  répondent  au  talin  clas- 
sique gtrres,  gcrncuh,  ils  doivent  donc  être  écartés,  puisqu'ils  désignent  le  sparus 
smans  tpicarel,  jarret,  etc.).  —  Quanta  >£vxotw»vÎ4T  je  ne  sais  trop  qu'en  dire. 
Chassang  et  Alexandre  le  traduisent  par  o  anchois  blanc  x,  Rondelet  \p,  140)  ne 
fait  pas  difficulté  de  Tidenlifier  au  sparus  smans.  Aristote  n'en  parle  pas,  et 
d*après  Athénée  ce  serait  un  autre  nom  du  bogue:  KaXo'jviai  5è  tivî-ç  tuiÏ  Xeviu>- 
liaiviÔEs  d;  £vtoi  fjûaxa;  rjvo[AiCo\j«Ti  utX.  Ce  qui  ne  laisse  pas  de  jeter  quelque 
doute  sur  cette  traduction  de  îruxopAivt;  par  ^«1,  c'est  que  d'après  Aristote 
{HisL  des  anirn.^  VIll^  30)  la  |j,(xivU.  comme  le  <ni*pt;,  est  blanche  en  hiver  et 
noire  en  été  :  xai  éx  Xtuxoriptirv  rràXw  h  t^  Hç^ti  xa^iffTotvrai  xaî  y^vovro»  jiiXavj^, 
et  c'est  aussi  ce  que  répète  Pline  (IX^  8i^ed  Jahn-Mayhoff,  11,  p.  1  j2)*  «  Mutant 
colurem  candidum  maenae  et  fîunt  aestale  nigriores.  »  D'où  cette  supposition  pos- 
sible que  XsvxûïiaivK  désignerait  le  iiaivl;  d'hiver. 

1 .  Freund  et  Lebaigue  prétendent  à  tort  que  le  hca  est  un  poisson  de  mer 
încooRU.  C'est  de  hca  et  non  de  tocas  que  dérivent  les  formes  romanes  énumé- 
fées  par  Diez  {Etym,  Wœrt,,  I,  172).  La  majorité  des  mss,  de  Pline  (éd.  Jahn, 
IV,  p.  jiO  donne  hoia,  \  bocha,  1  fockaj  1  box.  La  forme  bocâs  est  peut-être 
fautive,  elle  e^t  employée  par  Festus  :  t  Bocas  genus  piscis  a  boando,  id  est 
vocem  emittendo,  appelUtur.  »  Quant  à  boarc  lui-même,  t  boare  id  est  clamare 
a  graeco  descendit,  *  —  Isidore  de  Séville  (0;?.  aîq.  ind.  Bon,  Vukanû  Bruginsi$. 
Basileae  [1)77]^  XII,  6^  col.  297)  :  «1  Boccai  dicunt  etiam  boves  marinos,  quasi 
boa  cas.  »  Isidore  commence  son  é  numération  des  poissons  par  les  monstres 
marins  :  «  balenac,  cete,  equi  marini^  boccae,  ccrulei^  delphinesj  porci  marini,  • 
etc.,  à  peu  près  comme  Pline  dans  son  IX*  livre.  Je  suis  donc  persuadé  qu'il 
parle  non  pas  du  boca  =  bogue,  mais  des  •  viiulî  marini  quos  vocanl  phocûs  ■ 
(Pline,  IX,  J9,éd.  Jahn-Mayhoff,  II»  1875, p.  117),  A  qui  connaît  la  réputation 
du  phoque^  cette  explication  paraîtra  soutenable. 

2.  Cette  objection  a  été  reproduite  par  Valeaciennes  dans  le  Dictionnaire  de 
d'Orbijîny, 

},  Cf.  le  bûoba  vénitien  cité  plus  haut.  La  traduction  allemande  habituelle  est 


ONE    BALUDK   HIPPIQUE  27 1 

Nous  arrivons  à  bougaière.  C'est  un  «  filet  très-délié  »>,  disent  Poi- 
tevin et  Littré,  —  «  employé  en  Provence  »>,  ajoutent  Landais  et  Bes- 
cljerclle.  Buguiera,  dit  Honorât,  <*  grand  filet  horizontal,  dont  on  se 
sert  dans  les  environs  de  Nice,  et  qu'on  jette  le  soir  à  la  mer,  d'où  on 
le  retire  le  matin,  et  dans  lequel  on  prend  les  gades-sey,  les  caraux,  les 
trachures.  »  C'est  aussi  ce  qu^avait  écrit  le  docteur  Risso',  Le  même 
auteur  ajoute  plus  loin  (p.  259):  «  [On  pêche]  le  smaris,  la  mendole, 
les  bogues,  l'élevé,  le  passeroni,  le  marron  à  la  hughkre.  n 

Le  sens  étymologique  de  bouguière,  filet  peu  ou  prou  ((  délié  >>,  est 
donc  «  filet  à  prendre  les  bogues  »  ^  Et  telle  est  la  signification  de  hogara 
en  italien,  de  boguera  en  espagnol  et  de  hogmiro  en  portugais. 

J.  Bauqjjier. 

IX. 

UNE  BALLADE  HIPPIQUE, 

La  Bibliothèque  de  Pavie  contient  sous  la  cote  CXXXl.  A.  ï6  un 
petit  manuscrit  du  commencement  du  xvr^^  siècle,  qui,  après  un  court 
traité  de  musique  (début  :  în  prïncipio  septem  sunt  Uiere  musicales^  videlim 
1  b,  c*,  elc.'i  renferme  un  certain  nombre  de  chansons  françaises  et 
italiennes,  avec  la  musique,  généralement  peu  intéressantes.  J'y  ai  copié 
la  ballade  suivante;  elle  est  curieuse  mais  très-gravement  altérée,  et 
très-probablement  tronquée.  On  voit  que  les  chevaux  chantés  par  la 
poésie  du  moyen-âge  conservaient  leur  gloire  à  côté  des  coursiers  illustrés 
par  les  poètes  de  rantiquité  qu'on  venait  de  remettre  en  honneur.  Je  ne 
sais  à  qui  appartenait  le  Montagne  qu'elle  célèbre.  Je  donne  cette  pièce 
avec  les  corrections  que  j'ai  pu  y  introduire  ;  il  est  clair  qu'elle  en  appelle 
encore  mainte  autre.  Parmi  les  chevaux  mentionnés,  les  uns  seront 
reconnus  de  tous  les  lecteurs,  les  autres  me  sont  aussi  inconnus  qu'à  eux. 

Vous  qui  parlés  du  gentil  Buciphal, 
De  Galatée  qui  tant  eut  de  regnon 
Au  temps  qu'Estor  i  esloit  a  chival, 


(khsinûsch  ou  Ocksenaagc.  Dîez  a  sans  doute  tort  de  traduire  par  Murhrassen, 

ï.  ickîhjotûgicj  etc.,  p.  xvij  :  t  La  Bughkro  :  cVsl  un  grand  fitet  qu'on  jette 

le  soir  à   là.  mer,  de  manière  à  le  faire  plonger  horizontalement.  On  le  laisse 

IMrte  la  nuit  dans  le  même  lieu,  et  le  matin  on  vient  le  soulever,  pour  surprendre 

ainsi  les  poissons  voyageurs^  tels  que  les  gades-sey^  les  carauîc,  trachures,  etc.  • 

a.  Cuvier  et  Valenciennes  (loc.  cit  p.  26^  :  «  Les  pêcheurs  emploient  à  cette 

Êhe  des  filets  particuliers,  qu'ils  nomment  bughura^  et  croient  la  rendre  pîus 
rcuse  eti  suspendant  à  leur  navire  de  petites  figures  de  bogues,  ciselées  en 
Ulgent.  • 

i  L'initUie  manque  —  2-j  Ces  dtux  vtn  iont  inUrvtrns —  a  Dcsgalele,.*  ha  de 
r.  —  ^  t.  destor  qui  e. 


2^2  MÉLANGES 

C'on  dit  celui  de  Mezense  le  bon, 
S  De  qui  Virgille  loua  sy  fort  le  nom 
Pour  ce  qu'il  voult  o  le  bon  duc  morir 
Et  ne  digna  le  servage  souffrir 
D'estranges  mains,  n'estre  soubz  leur  ensegne, 
Parler  n'en  faut  ne  plus  en  enquérir^ 
10  Fors  seullement  du  bon  courcier  Montagne. 

*    Se  Broyefort  en  maint  estour  real 
Le  fit  si  bien  qu'il  eut  bruit  a  seyson, 
Et  Pirion  le  rosin  Marcial 
Et  rous  Baiart  qui  fu  au  filz  Hemon, 

1 5  Legier,  Vignoses,  Caldor  et  Calon, 
Et  Grimande  qui  tant  souloit  courir, 
Que  Maugis  heut  quant  il  vint  secourir 
Au  bon  Regnault  encontre  Charlemagne, 
Les  feis  de  ceulx  ne  faut  plus  soustenir 

20  Fors  seullement  du  bon  courcier  Montagne. 

Pour  prince  aiant  vouloir  de  conquérir 
Ne  sey  courcier  n'aultre  gennet  d'Espaigne, 
S'en  presse  veult  soy  bouter  ou  yssyr, 
24  Fors  seullement  le  bon  courcier  Montagne. 

G. 


6  Pour  ce  qu'il  vouloit  en  le  bon  dut  —  8  Destre  m  —  9  Parler  nensant, 
ne  e.  —  1 1  et  m.  estât  r.  —  17  Qui  mangis...  vient  —  21   Pour  ce  pr.  - 
2j  Sempresser  v. 


COMPTES-RENDUS. 


GinnlKLa  medll  aeiil  maximam  partem  inedita  —  Ex  bibliothecis  helueticis 
collccU  cdrdit  Hermannus  Hagcnus.  Beroae.  Apud  Georgium  Frobenium  el 
soc.  ïidciu:lxxvil  (xix-256  p.  pelit  in-8\  Environ  1^0  pièces  disposées 
sous  ij6  numéros.  Huit  représentations  de  dessins  acrostiches,  îndex  des 
noms  propres»  index  des  commencements  des  pièces,  classement  des  pièces 
MF  su  tels.  Liste  des  mss,  employés,  dont  te  plus  grand  nombre  est  du 
X*  siècle  :  29  de  Berne,  i  de  Genève,  2  d'EinsicdeIn,  j  de  Leyde).  — Prix  : 

M.  Hagen,  de  Heidelberg,  professeur  à  Berne  depuis  une  douzaine  d'années, 
est  connu  des  philologues  par  un  certain  nombre  de  travaux  estimables  raînsi 
ses  Anuiiola  hdnùca  qui  forment  un  voltime  de  supplément  dans  la  collection 
ICeil  des  grammairiens  latins,  ses  biographies  de  Pierre  Daniel  el  de  Bongars, 
ion  catalogue  des  mss.  de  Berne*)  :  il  publie  aujourd'hui  une  collection  de 
poéiics  latines  du  moyen-âge.  Celle  collecliort  comprend  des  hytnnes  liturgiques, 
des  pièces  historiques  ou  légendaires,  des  poèmes  moraux^  des  traités  en  vers 
sur  les  mathématiques,  la  musique,  les  jeux.  Ce  nouveau  volume  est  très-inté- 
rcsisant,  et  fait  souhaiter  la  publication  des  autres  poésies  du  moyen-ilge,  conte- 
ma  dans  tes  mss.  de  Berne,  et  que  le  même  éditeur  se  réserve  de  donner  au 
public.  —  La  grande  majorité  des  pièces  que  M-  Hagea  a  groupées  dans  ce 
recttctl  sont  antérieures  au  Xn«  siècle. 

Comme  le  titre  l'indique^  elles  ne  sont  pas  toutes  inédites  :  te)  est  le  cas  de 
beaucoup  des  hymnes  liturgiques;  pour  celles^!  le  dépouillement  des  mss.  de 
Berne  reste  plein  dNntèrêl,  parce  qu*il  fait  voir  comment  les  textes  actuels,  dont 
h  forme  a  été  consacrée  par  lusage  de  f  Église,  avaient  été  remaniés  et  corrigés 
lu  point  de  vue  de  la  versification  et  de  la  prosodie^.  Pour  d'autres  réimpres- 
iiOQS  M.  Hagen  se  justice  par  un  motif  qui  est  tout  à  fait  légitime,  à  savoir  te 


1,  Une  série  d*énîgmes  en  sixains,  tirées  des  mss»  de  Berne,  a  été  fournie 
par  M.  H*  à  raothologie  de  M.  Riesc.  Je  ne  connais  pas  son  travail  intitulé 
Amikt  and  mitutalterltcnc  Raîhsdyocsu  (Bienne  1869), 

2,  Parmi  des  exemples  innombrables,  j'en  citerai   seulement  un  où  le  renia- 
^        m  est  manifeste  :  c'est  la  première  strophe  de  la  pièce  xxiii  (de  Sédulius^» 

oà,  en  remplaçant  le  dimèlre  tambique  fautif  Ho%lu  Htrodts  impu  par  Cruditts 
Htrodis  dcum^  on  a  détruit  la  disposition  abécédaire.  Hërodts  ae  ce  même 
etcnple  montre  que,  si  l'on  pouvait  ramener  toutes  les  hymnes  chrétiennes  à 
loir  K>rme  primitive,  on  trouverait  à  glaner  çà  et  li  quelques  particulantés  de 
prosodie  non  encore  inscrites  dans  le  Thaaurus  de  M.  Quicherat. 

18 


Romank^  Vt 


274  COMPTES-RENDUS 

désir  de  ne  pas  interrompre  arbitrairement  des  séries  de  pièces  contenues  dans 
un  même  manuscrit,  et  de  respecter  les  points  de  repère  de  l'histoire  des  lettres. 
Or  ne  peut  qu'approuver  un  tel  scrupule,  mais  à  la  condition  que  d'autres 
scrupules  s'y  joignent.  Quand  une  pièce  de  Fortunat  figure  au  recueil  général 
des  œuvres  du  poète,  il  est  naturel  de  ne  point  la  réimprimer  sans  dire  le  fait 
au  lecteur,  et  il  n'est  point  inutiîe  de  collalionner  le  texte  déjà  connu.  Pour 
avoir  négligé  cette  précaution,  M,  Hagçn  s'est  trouvé  admettre  dans  une  seule 
et  même  lecture,  au  vers  1 5  de  la  pièce  lii^  un  non-sens,  une  faute  dequanlilé. 
€l  une  monslruosilé  paléographiqoe.  Le  contexte  indiquait  surabondamment 
quil  était  question  du  patriarche  In^,  il  fallait  une  syllabe  longue  devant  obtit  *, 
enfin  le  ms.  donnait  sedh  par  un  d  et  une  h  \  le  texte  de  l'éditeur  présente  ta  con- 
jonction W«  Si  M.  H. ^  qui  a  cm  devoir  copier  sa  pièce xxji  surle  ms.  deBerne45$^ 
parce  qu'en  principe  il  ne  faut  pas  interrompre  la  série  du  ms,  4^^^  avait  en 
outre  pris  ta  peine  de  chercher  cette  pièce  dans  Du  Mèri!  {Poésies  populaires 
tatiiies  ûntèrkiins  au  X!h  sùck^  p,  142),  il  eût  vu  que  la  pièce  xxjii,  tirée  aussi 
du  m%,  de  Berne  45^,  en  est  la  continuation;  au  ïieu  d'avertir  en  note  que  xxn 
est  hym/ms  abcccdanus  a  itiltra  A  asqut  ad  Q,  il  eût  pu  noter  que  les  pièces  xxn 
et  xxir»  ne  forment  à  elles  deux  que  le  commencement  d'une  hymne  abécédaire 
dont  la  fm  (depuis  O  jusqu'à  Z)  manque  dans  le  ms.  de  Berne  et  est  donnée 
par  Du  Méril  comme  par  ses  devanciers.  Du  Méril  {Poésies  inédites  du  moyenâgc^ 
p.  386)  aurait  pu  tui  fournir  aussi  une  version  de  la  pièce  Lin,  sur  Phîstoire  de 
Joseph,  avec  i  mquânie-dmx  strophes  au  lieu  de  vingt j  bien  que  cette  version  soit 
tirée  d'un  ms.  où  la  fin  manque.  Du  Méril  encore  lui  eût  donné  pour  liv  les 
variantes  d*un  ms.  de  Paris  (Poés.  ant.  au  X// j.,  p.  241),  pour  lxi  vingt-cinq 
strophes  au  ïieu  de  trois  ijbtd.^  p.  ijj)^  pour  lx  les  variantes  d'un  ms.  de 
Paris  et  quelques-unes  de  celtes  d'un  m$.  de  OtTmonX  {Poésies  populains  latines 
du  moyen  âge,  p.  297)  *. 

U  est  d'autant  plus  fâcheux  que  M.  Hagen  n^ait  pas  songé  à  consulter  les 
ouvrages  de  Du  Mérîl,  qu'il  y  ayrail  trouvé  non-seulement  des  notes  d 'explication 
Irès-èrudïles  et  très-utiles,  mais  encore  ce  que  lui-même  ne  possédait  qu'à  un 
degré  insuffisant,  ta  connaissance  et  le  souci  de  la  versification, 

I .  Il  y  a  longues  années  que  le  vers  en  question  figure  dans  le  Thésaurus  poiti» 
eus  Itngua  launa  de  M,  L.  Quicherat  pour  établir  la  quantité  de  Stth.  J'aurai 
souvent  dans  la  suite  à  tirer  parti  de  l'ouvrage  de  M.  Quicherat  (i*'  édition, 
1875),  qui  est  le  seul  répertoire  de  la  prosodie  latine  qu^n  philologue  puisse 
consulter  utilement.  CVst  d'après  M.  Qn^cherat  que  je  cite  plus  lom  nombre  de 
passages  des  f>oétes  antiques. 

1.  Du  Méril,  Poés.  pop,  tat.  du  m,  a,^  p,  321  note  a,  cite  l'épiiaphe  de 
Rollon  en  entier  d'après  la  pierre  :  M.  H.  au  n**  cxxxvi,  rv  en  reproauil  la 
première  moitié  d'après  un  manuscrit,  —  La  pièce  XXVI ïl  est  celle  dont  Du 
Méril,  d'après  Sinner,  cite  un  fragment  dans  ses  Poésies  populaires  iaîmes  anté' 
rieutes  au  Xih  siècle^  p.  249  n.  1 .  La  pièce  v,  sur  l'arrivée  à  Rome  de  l'cni' 
pereur  «Lothaire  :  voir  E.  D[uemmlejr,  Histonsche  lattchnft  de  Sybel,  1877, 
2^  p,  34^  ss.)  rappelle  léchant  sur  l'arrivée  de  Louis  le  Débonnaire  i  Orléans, 
que  Du  Méril  ctle  au  même  endroit.  —  Voir  d'autres  indications  d'éditions  an- 
térieures dans  l'article  de  M.  Duemmler.  Un  compte  rendu ^  de  M.  A.  R[iese],  a 
paru  dans  le  Uttranschcs  Ctnlrâlhlûtt^  1877,  p.  jio,  A  propos  de  Tallusion 
a  César  (cviii  59),  relevée  par  M.  Riesc,  voir  P.  Meyer,  Le  roman  de  Flamenca, 
p.  2S4  n*  i . 


Car  mina  médit  acui,  p.  p.  hagen  27  j 

M*  Hagen  en  effet,  soii  par  négligence,  soit  par  scepticisme,  soit  faute  de 

pféparâUon  spéciale,  n'a  tenu  presque  aucun  compte  de  h  versification  et  s*cst 

aliisi  privé  d^un  des  plus  sûrs  entre  les  instruments  de  la  critique.  Dans  les 

mnuscrits  foisonnaient  tes  Fautes  de  quanlité,  les  vers  trop  longs  ou  trop  courts^ 

^Ics  mterversions»  les  rimes  inexactes  :  toutes  ces  fautes  indistinctement,  qu*elles 

nnssent  de  l'ignorance  des  auteurs  ou  des  lapsus  des  copistes,  ont  été  repro- 

par  rédilcur  à  peu  près  sans  aucune  tentative  de  correction.  Son  premier 

pourtant  eût  d&  être  de  scander  chaque  pièce,  de  s'interroger  sur  chaque 

difficulté,  de  chercher  des  distinctions  entre  les  auteurs,  les  époques,  les  scribes, 

rk$  genres  poétiques,  les  rhythmes,  de  cataloguer  les  simples  licences,  les  mala- 

les  fautes  formelles,  les  corruptions^  de  faire  partout  un  dosage  exact 

i  éléments  de  barbarie.  S*il  eût  pris  celte  peine  il   eût  bien  vite  reconnu  que 

vers  n'ont  jamais  été  de  la  prose,  même  aux  temps  mérovingiens,  à  plus  forte 

raison  après  Charlemagne  ;  il  eût  fini  par  s'apercevoir  que   la  versification  du 

XII*"  siècle  était  aussi   correcte  que  celle  de  Prudence  ou  d'Ausone,  et  qu'elle 

offrait  à  la  critique  autant  de  ressources  que  la  versification  la  plus  raffinée  du 

IV'  siècle. 

Les  fautes  tout  à  fait  grossières,  parmi  celles  qu'on  a  le  droîl  d'attribuer  aux 
poètes  eux-mêmes  et  que  par  conséquent  l'éditeur  doit  respecter,  sont  réparties 
dans  le  recueil  de  M.  Hagen  entre  un  nombre  restreint  de  pièces,  dont  la  plupart 
optent  parmi  les  plus  anciennes.  Ainsi  dans  les  deux  courts  acrostiches  à 
dfrtd  du  ms*  de  Berne  671  [le  texte  d'ailleurs  en  est  manifestement  corrompu), 
1  trouve  rhiatus  formastt  hakns  ix  5,  le  spondée  s'tmitl  ix  4,  le  dactyle  Grat'me 
%  î  ;  dans  fa  pièce  de  Taion,  du  ms.  de  Berne  611,  l'hiatus  contra  honmda  à  h 
cÉsofe  xj  9,  les  mesures  amantes  j,  impOs  9,  ad  regin[m]  cacii  10,  pnierula  7^ 
jfi{j>)p!kta^  9;  dans  les  acrostiches  intolérables  du  ms*  de  Berne  2J2,  pens  hx 
%^  dêin  Ixix  26  et  Ixx  24,  noxâ  ablatif  Ixx  n,  dmens  Ixxj  ij,  c6gito  Ixxj 
r8  et  22,  honbratqut  Ixxiij  19,  rëpidus  Ixxij  6,  diâbli  Ixxiij  28,  Pitkco 
{Pythîô')  Ixxiv  20,  et  l'hiatus  entre  m  finale  et  h  initiale  Ixxv  24;  dans 
Tacrostiche  également  intolérable  du  ms,  de  Genève  22,  càsam  21,  sèucras  26; 
dins  la  pièce  Ixxix  efflàgitamui  81,  uôaebas  101,  uapërabâl  loj,  fiât  St,  ada- 
manfms  ji,  panifgyrkus  {y  long)  16^  strmëque  61  et  110;  dans  la  pièce  Ixxxijj 
Ut»s  i6,  fUgcrt  infinitil  ^7,  et,  dans  Ixxxj,  firàs  subjonctif  7,  sans  compter  les 
IliaUis  à  la  césure  dans  Ixxxj  2  et  Ixxxij  70;  dans  les  pièces  didactiques  du 
ns,  de  Berne  558,  torcûlaria  xiv  jo^  îana  =  Icaena  xiîj  49,  àtnum  xiv  70, 
i\kûre  et  lUra  xv  $  et  toj,  xvj  m 2,  xviij  1 12,  xix  11,  inbàbitabiUs  xix  29^ 
rhcuiâ  xvj  6,  .,.6^ue  xix  ^;  ;  dans  des  pièces  sapphiques  du  haut  moyen  âge, 
par  compromis  entre  la  versification  ordinaire  et  la  versification  rhythmique, 
remploi  d* une  longue  à  la  seconde  syllabe  (Cuifts  deuotum  xxxvj  9,  Qui  dèbtt  v 
j,  NoKj  aturnam  et  Nobis  ut  xlvj  j  et  7)  ou  à  la  sixième  ou  à  la  neuvième 
pf^àbt  (Prauidas  castos  gencris  hûmâm  \  M,  £  ^f  ai  bus  Maurus  sèdulus  minister 
Uïvj  21,  Totius  mundi  mâ^hinam  gubermt  xxx]  19,  Hodit  laeîus  segrtgastï 
immdo  xxxvj  6,  Sic  dd  iussis  îibtn  pânndo  xxxvj   27,   rallongement  facultatif 


t.  Cf.  sûpikantis  dans  Gautier  de  Châtillon,  Akxandr.  1^280.  Déjà  iiip/fx, 
au  temps  de  Constantin,  dans  Oplatianus  Porphyrius  (xiv  11  et  2$  L.  Mueller). 


2j6  COMPTES-RENDUS 

d'une  finale  (v  2?  et  28,  xxiv  20,  xxiij  passim^  stxîtvj  passim,  xlij  pâssim^ 
xlvj  passim,  xlvij  passim^  xlix  2),  l'admission  de  Tbiatus  (xxxvj  2,  j,  ^j  9, 
i}t  13^  33)1  ^^"^  compter  puëri  xxxvj  9  et  22,  segregastî  xxxvj  6,  uaitâque  et 
mufâ^ufau  nominatif  xlvij  18  et  26,  Hodu  xxxj  j,  mé/as  v  2;  dans  de»  qua- 
trains en  dimètres  iambitjucs,  également  du  haut  moyen  âge,  cl  très- probable- 
ment aussi  sous  l'influence  de  la  versification  rhythmique,  des  hiatus  jxxxv  12, 
xxxvîij  12,  xxxîx  1  et  12,  Ixij  t^^  Ixv  4)^  des  allongements  facultatifs  de 
finales  (xxxv  9,  ixij  8),  blandimcnta  xl  6,  martyribus  par  y  long  xxxvii)  9, 
màiris  xxv  9,  èam  (?)  accusatif  Ixij  )6,  rtmôuens  xxxix  8;  dans  des  vers  à%dé'' 
pîades,  complets  ou  tronqués  d'une  syllabe^  des  allongements  de  finales  Cxliij 
passim^  xvij  29),  ou  des  abrègements  {Sprmtn  pcnitus  tcqut  ucuû  sant  xliij  7). 
Dans  des  sixains  d'adonîques  rhythmiques  (pièce  1]  où  mclU  et  carnis  1^7,  62) 
sont  des  nominatifs,  où  utrmis  (69!  est  mis  pour  ucrmïbus,  et  probablement  (jo) 
îgnis  (um  fions  pour  Hymnis  (cf.  xlviij  4)  cum  flonbus  ^  on  a  glorja  104^  ph^ 
tonus  86,  exHtis  (?)  75  j  dans  la  pièce  rhythmique  sur  la  mort  d'Héric,  duc  de 
Frioul  riiv)  on  a  Jamci/i  trisyllabe  au  vers  5,  et  inversement  Aquilna  penta- 
syllabe  au  vers  7.  Des  adverbes  en  i,  lires  d'adjecliis  de  la  seconde  déclinaison, 
ont  la  finale  brève  (probablement  par  confusion  avec  les  adverbes  comme  sûtpë^ 
facdf^  maît^  bcrtt*)^  dans  plusieurs  des  pièces  barbares  déjà  citées  :  nciexj^^ 
proutde  Ixxxj  6,  umce\?)  Ixix  28,  perfide ^  ualdë^  pie  Ixx  |»  6,  17,  congrue 
Ixxv  2\ymtà^hx\\  29,  maxime  Ixxix  75,  lûm  xvj  jj.  On  rencontre  isolé- 
ment les  prosodies  fautives /ti?W  (hier)  cvij  65,  mmiida  cxxx  16,  mùbilis^  cxxxj 
|o,  roboratit  cxxxv  iv'4,  Iuliana  cxxvj  12.  Dans  les  vers  hexamètres  ou  éiégia- 
qucs  (si  l'on  fait  abstraction  de  Texemple  déjà  cité  formaiû  habcns)^  l'hiatus  est 
permis  à  la  césure  du  troisième  pied  (xj  9,  Uxxj  2,  Ixxxij  70,  cxxxv|  iv-j» 
ou  du  quatrième  pied  (devant  une  A,  p.  i2|  note)^  en  vertu  d'une  tolérance 
dont  il  y  a  des  exemples  dans  Virgile  et  qu'admettaient  certains  grammairiens 
(Thurot»  Extrait  dt  divers  mss.  iaùns  pour  servir  à  l* histoire  des  doctrines  gramma- 
ttcûks  au  moyen- Jge^  Notices  et  extraits,  t,  22,  2'  partie,  p.  448)  ;  une  fois  on 
trouve  hors  de  la  césure  le  plus  excusable  des  hiatus,  celui  qui  a  lieu  entre 
une  m  finale  et  une  h  initiale  ( Ixxv  24).  La  licence  de  l'hiatus  était  donc 
contenue  dans  des  limites  étroites  :  les  versificateurs  étaient  moins  enclins  i 
admettre  l'hiatus  qu'à  risquer  les  élisions  les  plus  dures,  comme  celle  de  uu 
Ixxij  2j. 

La  nomenclature  des  fautes  attribuabîes  aux  poètes  n'est  pas  encore  complète; 
mais  il  est  temps  de  faire  remarquer  que  plusieurs  de  celles  qui  viennent  d'être 
cataloguées,  et  toutes  celles  qui  seront  citées  maintenant,  sont  lojn  d'être  impar- 
donnables. Les  formes  r^pkius,  âtnum,  tvbrare,  hka^  mntris  sont  nées  d  une 
inli*rprètation  trop  large  de  la  régie  des  syllabes  communes  (cf.  Thurot,  p,  421)  : 
on  doit  excuser  au  même  titre  skrcta  xxi  j;  segregasti  xxxvj  6^theàtrum  cvij  ^\^ 
îHtûnieûl  cxiij  t  ),  rèpks  cv  41,  ainsi  que  onâger  (xiij  60)  qui  très-probablement 


1.  Lj  strophe  parait  désigner  le  dimanche  des  Rameaux,  et  In  tmpas  uiri 
signifie  sans  a  ou  te  m  tempore  ucris.  —  Le  mot  acceptor  au  v.  \\  signifie  tiaceps  : 
il  a  été  pris  à  contresens  par  le  scribe,  qui  a  mis  en  titre  VEnsvji  de  acci- 

2.  On  a  signalé  immàbUis  déjà  dans  Ennodius, 


Camina  medii  aem^  p.  p.  hacek  277 

j  pour  origine  (e  onâgros  de  Virgile  •  ;  rhcisîa  et  înhabitabUes  s'eJïpIiqueTîl  par 
l'incerUtude  qui  existait  pour  un  homme  du  haut   moyen  âge  à  l'égard  de  la 
séparation  des   mots.   La   scansion  puèri  tient  à   un   phénomène  familier  aux 
romantstes  :  à  l'époque  où  l'accent  latin  changea  de  nature  et  devint  un  ictus, 
ÎJ   abandonna    toute   voyelle  antépénultième  suivie  d*une  autre  voyelle,  et  se 
Ifansponasur  la  voyelle  pénultième;  c'est  ainsi  que  fiUcul  vient  de  fiHôium  et 
1  de  filiolum^  paroi  de  panttcm^  et  le  vieux  français  moUlitr  àt  muliènm.  De  là 
'muliên  vc  16  et  le  2,  comme  dans  les  exemples  cités  par  M.  Quicherat,  comme 
dans  le  vers  660  de  VOrtstis  tragoediaf  comme  dans  plusieurs  vers  deDracontius 
(De  Ouhn,  p.    m);  voir  les  Extraits  de    M,  Thurot,   p.   4^2.    De    fausses 
analogies,  comme  celles  de  fkn^  des   adjectifs  en  Anus  et  *âfiuSj  des  supins 
en  -Hunif    des   secondes   personnes  en    -ts  ont    donné   naissance  aux    fautes 
/Itfl,  adsmantms  (cf.  Thurot,   p.  428)  platânus  (cl.  balâms^  Thurot,    ibid<), 
laitiis,  pir%s  :  de  même  4iëi^  stâttirus,    iûgum  ont  amené  par   analogie   rèi 
.(de  ru}  lixxvj  7,  stntutus    Ixxvi)  z  et  siâtim  {immédiatement)  cxiv  5,  iitgis 
I  (Sédufius  ap.   Quicherat)   et   lugacr   iv  27  et  cxxxj    10;    suifuan   a  amené 
\tusp%twn€  cxiv  8  2,  M\ana  peut  se  défendre  par  les  immunités  particulières  aux 
noms  propres  :  à  plus  forte  raison  on  ne  sera  pas  scandalisé  de  Exsûperm  vijc 
108,  de  Mauricius  vijc  62  et  122,  de  Anicius  (a  long)  Ixxiv  9.  de  Patriàus  (?») 
Ixv  jr,  et  on  ne  verra  qu'une  pure  variété  de  prosodie  dans  Agauno  (a  bref,  jii 
diphthongue)  vijc  14.  On  ne  sera  pas  plus  surpris  de  voir   un   poète   du   haut 
ïïioyen-ige  se  tromper  sur  la  mesure  de  M^pTvp,   TniGtoç  ou  |ii>o;  qu'on   ne  le 
scfait  de  voir  un  versificateur  contemporain  estropier  un  nom  sanskrit  ou  arabe  : 
on  s'étonnera  plutôt  de  b  correction  relative  des  mots  transcrits  du  grec.  Les 
Carmtnû  en  fournissent  un  grand  nombre  qui  ont  un  article  dans  le  Tfusûurus  de 
M.  Quicherat.  et  dont  par  conséquent  on  connaît  le  traitement  dans  la  langue 
des  poètes  classiques  et  des  premiers  poètes  chrétiens;  or,  en  dehors  de  platânus, 
(Je  maitynhs  par  >  long,  de  Pithto  et  de  méios,  les  seules  variétés  de  prosodie 
que  ces  mois  présentent  dans  M.  Hagen  et  que  M.  Quicherat  n'ait  pas  catalo- 
guées sont  sôphus  vi]  2j,  sôphia  iv  20  et  Ixiv  20*,  pmëgyncas  par^  longixxix 
16,  epiuiia  Ixxxvij  2  et  6,  pâpam  ij  ),  amen  vij   36,  Zàbuhn  xlv  12,  puis  une 
forme  qui  *st  de  Sédulius  (Hërodcs  xxiij  i^  de  même  Ixiij  1)  et  une  forme  (Stê* 
phanus  Ixjv  j)  que  Draconlius  avait  employée  {Satisjactio   i7t)^';  enfin  trois 


I .  Si  étrange  que  cela  puisse  être,  il  semble  que  l'analogie  de  pàtriSj  combinée 
avec  celle  de  mïitcr  et  de  frâtcr^  ait  fait  de  même  écrire  pâter  à  Draconlius 
(î,  J2  De  Duhn). 

!♦  Le  poète  a  dû  écrire  suspiaone,  comme  porte  le  ras.,  et  non  suspiùonc, 

j.  Si  au  lieu  àepatricior  on  lisait  Patricia  os, 

4.  Atissi  s6phus  x^]  86,  sopHU  hxx%  jj  et  41,  et,  avec  le  respect  de  Taccent 
grec  observé  aussi  par  Prudence  et  Fortunat  (v.  Quicherat),  sophta  iv  4  et  27, 

It  6,  LXXY  20,  LXXIX  76,    hXXX  2g.  CXXIX  2. 

ï.  La  pièce  xxxn  est  d'une  versification  trop  peu  sûre  pour  qu*on  soit  tenu 
d*admettre  Atht-nac  et  diadèma  aux  v.  9*10  :  encore  duJ^ma  s'expliquerailil  par 
Il  conservation  de  l'accent  grec.  Voici  des  quantiléi  dont  plusieurs  sont  fautives 
xu  point  de  vue  de  la  science  linguistique  moderne,  mais  sur  lesquelles  les  ver- 
sificateurs du  moyen-âge  n'avaient  pratiquement  aucun  moyen  de  se  renseigner  : 
M  \ix  ï6,  sacrmandi  xlvii  i^,  ihmnrMs  cxxix  6,  gazôphylâcium  xiv  jy,  mônus 
HÏ3CV  9,  »o,  hMïolia  lxxxvii  6,  côluri  xvîu  51,  Mâmttrum  xvi  86^  diâtonicus 


278  COMPTES-RENDUS 

formes  plus  correctes  <|ue  celles  qu*ont  employées  Fortunat,  Juvcncus  et  Paulin 
de  Noie,  â  savoir  Grêgmus  =  Vçr\y6^iQ<i  Ixvj  3,  Zèbedûtus  =  Ze^.  cv  45,  Sata» 
nan  de  Saiâv  Ixjx  j  j»  Partout  ailleurs,  qu'elles  soient  fautives  ou  qu'elles  soient 
légitimes,  les  variétés  de  prosodie  des  Carmina  reposent  sur  la  tradition  des  bons 
poètes  chrétiens.  Si  des  erreurs  ont  été  commises  dans  ta  transcription  du  grec, 
elles  sont  donc  d'ordinaire  imputables  aux  versificateurs  des  bas  temps  <fe 
l'empire^  non  à  ceux  do  moyen  âge  proprement  dit.  Gëometrka  xix  j  est  fondé 
sur  tin  précédent  de  Juvénal  ;  une  foule  d'autres  formes  sont  fondées  sur  des 
précédents  de  Lactance,  de  Juvencus^  d'Ausone,  de  Prudence,  de  Paulin  de 
Noie,  de  Sidoine,  d'Avii,  de  Sédulius,  d'Ennodius,  de  Fortunat,  d'Arator. 
Ainsi  Pilatus  cvij  88  (Laclance)^  tcUâgvnus  etc.  Ixxxij  11,  Ixxxiv  7  et  ïj 
(Ausone),  lizâniû  xiv  25  (Prudence,  Fortunat),  herëmitû  ijc  2\  (etëmus  Prud.  cl 
Avil,  pour  conserver  l'accent  de  ipr.twç;  cf.  Thurot,  p.  450),  idùlam  vijc 
18  (Prud.,  Sédulius,  Fort.),  pour  conserver  Taccent  de  Eîfiw>ov  ),  paractUus 
XXV  ti,xlv  22,  Iv  72,  Ix  94,  Ixv  26  (Prud.;  pour  conserver  l'accent  de 
na^àtXy^xoç  ^)j  Sabâvth  j  2  (Prud.),  Gabtiel  xxij  iSjXlvj  9(Prud..  PauIin),Swn0n 
vij  39  (PrudJ,  hac  Ixxij  55  disyllabe  fPrud.,  etc.)  âiiêtûja  \\  24  (Paulin), 
diàbli  Ixxiij  28  ididboius  Paulin,  cL  zâbuîus  Riese,  Anthohgiû,  204,  7  et 
Alcuin  I.  11|  p.  281,  Migne^),  phisis  Ixxx  14  et  22  (physicus  de  même  dans 
Sidoine  et  Ennodius)^  phihîogia  Ixxx  40  et  46  {pkilosophus  Sid.  ^),  butyrum  iijc 
29  (Sid.,  Fortunat*),  ThàUs  xvij  io  (Sid*),  Abd  par  a  long  Ixxij  28  (Avil)» 
prùtophstus  Ixxxviij  j  {Avit,  Fortunat),  SdmàrUûmis  cv  25  (Sédulius),  Mari4 
xxi|  4,  xxiv  4,  xlvj  17^  Ixx  13  et  14,  je  10  (Sédulius^  Fortunat,  Arator,  à  cause 
de  l'accent  de  MapiaJ,  tcclësiâ^  xvj  1 J4,  Ixvj  2  fEnnodius,  Fortunat),  monûith 
rium  cxjcxj  15  (FortJ,  triâdis  etc.  xvj  21,  çr,  ^9,  73,  74,  98,  99,  160,  l^t, 
162,  Ï79,  i8ï,  199  (Fortj,yti*/i//i  Ixxvj  »6  (Fort.  :  Quicherat  s,  v,  AnnaU 
Aron  disyllabe  Ixxij  13  (Fortunat?)  HuraiUltm  et  Hurosôlyma  avec /^if  comptant 
pour  une  longue<^  Iv  )6  et  ^  (v.  Quicherat),  hsiph  trisyllabe  ixix  16  (Juvencus, 
Pai}lin),  Bhantits  ou  Mhannti  lij  }8,  Ixij  9  et  20,  Ixv  1  \  (cf.  Quicherat),  luas 


Lxxxvu  10^  (cf.  diâbolus)^  dlaUssaron  xvi  120^  Trôgus  Lxxxvnl  20»  24,  ^5 
61,  Senônia  lxkvïi  j8,  Mûssiàccnsis  Lxvt  2,  Gënouëfa  cxxxiv  t,  Tô^io  ï  25,  ij 
!,  25,  vfi  10,  J4^  SëfrUus  m  i,  LeQii/rUus  (co  diphlbongye)  vin  4,  Gâufrùas 
ne  I,  Fréite  ix  j,  Oio  (0  initial  bref)  lxvi  16,  Ardvini  ou  Arànim  lxvi  20, 
SkrAf/muj  Lxvï  21,  >îrf<ï/é»mu5  (iî  initial  long)  LX VI  2a,  Bi^ao  lxxix  j,  fî^tAW 
Lxxri  29,  BwrMjnà  xxxiv  7,  Consianûmpolitam  cxxx  noie. 

I.  M.  H,  imprime  toujours  pârackîus  par  un  t,  contre  l'autorité  constante 
des  mss.  C'est  panulttus  qui  est  la  bonne  orthographe  :  elle  repose  sur  l'iden- 
tité de  son  à  laguelle  étaient  arrivées  au  temps  des  poètes  chrétiens  les  deux 
voyelles  è  et  î.  On  a  de  même  Poiychtns  ==  Potyclétus  {  =  IIoXiiît^fiToç)  dans 
Prudence,  Agâpkus  =  ^AyàiniTo;  Thurot  428,  Pour  l'équivalence  de  1  et  «  cf, 
en  sens  inverse  dans  le  livre  de  M,  H*  Burdêgak  iiïc  îo  note.  Pour  Tabrége* 
ment  des  longues  épiloniques  cf.  anuphima  (Aldbelm,  cl,  Thmot  428),  et  aussi 


2.  Plus  correctement  znbulas,  Hagen  cxxxiv  6. 

3.  Cf,  phihsophWf  Gautier  de  Châtillon  AUxandr.  1,  20, 

4.  Cf.  bëtismus  =  poi>h|iii;.  Vital  de  Blois  Aului  1 2 1  Osann. 

5.  Aussi  ecclêîia  Hagen  xxxiv  2,  xxxvri  5. 

6.  Cf.  Gautier  de  Châtiflon,  Alexandr,  l,  421  et  541, 


Carmina  medii  aeui^  p.  p.  hagen  279 

disyUtbe  ou  Jtsus,  initial  xlj  1,  xliv  i^  Ixiv   1^  Irv  22^  Ixxij  note»  après  une 

pvojrelle  Ixxiij  et  probablement  Ixiv  1 5,  Jésus  Ixxij  5^  Usas  trisyllabe  Ixx  26  (voir 

^djQs  M.  Quicherat  les  divers  traitements  du  motL  Sur  la  tradition  des  derniers 
siédes  de  l'einpire,  en  mèine  temps  que  sur  renseignement  forinel  des  grammai- 
riens du    moyen  âge^   reposaient  aussi  certaines  variétés  de  prosodie  qu'on 

admettait  pour  des  mots  purement  latins  :  ainsi  irigintà  etc.  xvj  j  ^  et  80,  xviij 
ly^  posicà  cv\\  54  (Quicherat;  cl.  Thurol,  p.  437).  ViVtûj,  qui  se  rencontre 
trois  fois  (iv  27,  v  )3^  Iv  27)^  a  son  analogue  dans  te  senectûs  de  Dracontius 
{Sitnfactiû  224)  *  :  cette  scansion  vient  peut-être  de  quelque  règle  maJ  for- 
mulée^ destinée  primitiYcmeîvt  aux  nominatifs  singuliers  comme  bonysti  manus^. 

iCe  ne  sont  pas  des  tautes  que  sïuius  (ixxj  20)  qui  se  trouve  dans  Horace,  que 
rwi'd  <%u\  ^9)  qui  se  trouve  dans  Perse  (cf.  Thurot,  p.  454),  que  côtWe  Mxxvij 
2)  qui  paraitt  autorisé  par  Piaule,  Térence  el  Catulle,  que  hnic  (xviij  78  et  lii| 
17)  qui  se  trouve  dans  Stace,  que  et  (Ixxx  9,  cxix  ),  xviij  16)  qui  se  trouve 
dans  Ovide  {Haîiait.  ;4),  que  eut  (xxxiv  1 1,  xlviij  1 1,  à  côté  de  eut  monosyllabe 
giv)  ^0,  txjv  i6,  Ixxj  })f  dont  on  a  deux  exemples,  sans  compter  les  exemples 

j  de  M  (v.  Quicherat)  ;  que  àèinceps  (vi|c  \  39)  qui  est  dans  Prudence  et  que 
îostific  le  d?hmc  de  Virgile  ;  enfin  Lusitani  xjx  41  est  autorisé  tant  bien  que  mal 
par  Prudence,  pramàricatio  vijc  29  et  Sjxônica  Ixxiv  50  par  Forlunat,  Picta- 
uttnsii  iijc  |i  par  Fortunal  et  par  les  grammairiens  du  moyen  âge  (Thurot, 
p.  4I),  cf.  Andegàui^  p.  428)*  Ainsi  donc  les  lautes  personnelles  des  versifica- 
teurs de  M.  Hagen  se  réduisent  à  un  nombre  peu  considérable. 

Les  licences  de  métrique^  tout  comme  les  licences  de  prosodie,  reposaient  sur 
des  traditions  antiques.  Par  exemple,  il  était  admis  au  moyen-âge  qu'une  finale 
brèïe  compte  pour  une  longue,  dans  rhexamélre,  à  la  césure  du  troisième  pied  ; 
les  exemples  de  cet  allongement  par  la  césure  fourmillent  dans  le  recueil  de 
M.  Hagen.  Le  moyen  âge  n'avait  fait  que  régulariser  (voir  les  textes  des  grara- 
mainens,  Thurot,  p.  448)  l*exception  admise  par  Virgile  dans  quelques  vers  tels 
qoe  Non  U  nulUûs  txintni  numlms  iraç.  Parfois  l'allongement  porte  sur  la  césure 
du  second  pied(Hagen  xj  10,  Ivj  9,  n,  Ivjj  a,  Ixxiv  j  inHU  Ixxvj  to,  cxxjx  1 1, 
eldans  un  vers  élégîaque  iv  2)  ou  sur  la  césure  du  quatrième  pied  (H.  xj  1, 
Uvj  ij,  ixix  4,  Ixx  17,  Ixxij  îi  7,  29,  Ixxiij  20,  23,  Ixxiv  29 Jxxxvj  7,  17,  31, 
JJ,  Iwvij  «9>  :  or  Virgile  avait  écrit  Pingue  supi^r  okam  infmdens  ardtmibus  txûs 
et  Dûfitj  Jthinc  auro  gramâ  salo^ue  eUphanto.  Dans  le  recueil  de  M,  Hagen  on 
tfotivc  même  des  finales  allongées  en  dehors  de  la  c^ure,  c'est-à-dire  dans  le 
temps  faible;  mais  il  n'y  a  de  cette  liberté  que  quatre  exemples,  qui  tous  portent 
sirr  des  monosyllabes  :  nêc  Uxx  45*  /^  cv  34  et  40,  côr  cxxxv  iii-2  ^* 

En  dehors  des  vers  daclyliques  les  finales  brèves  sont  fréquemment  allongées; 
dans  le  recueil  de  M,  H.,  comme  on  Ta  déjà  vu,  le  fait  se  présente  pour  la 
ilfophc  sapphique,  pour  le  vers  asctépiade  complet  ou  tronqué,  pour  le  dimèlre 


i.  Cf,  scraitûs  dans  Gautier  de  Châtillon,  AUxandr.  10,  296. 

2.  Le  mcrcës  de  Dracontius  16^  ^6  De  Duhn;  viendrait  d'une  confusion  avec 
les  mots  en  As. 

j.  Comparez  es  dans  un  dimètre  iambique  (lxii  7).  —  De  même  jâL  dans 
Vital  de  Blois,  ÂuluUria  645. —  Alcuin  avait  commencé  un  hexamètre  par  AM 
âpis  (correction  de  Jafîé  pour  Me  lapis ^  Einbarti  vita  Caroli  magni  ^,  p.  S), 


280  COMPTES-RENDUS 

iarobique.  C'est  une  licence  excessive  si  Ton  veut,  mais  en  tout  cas  cette  licence 
est  particulière  au  haut  moyen  âge.  Aucune  des  pièces  qui  la  présentent  n'est  fournie 
par  un  ms.  postérieur  au  X*  siècle  ;  on  n*aurait  aucun  droit  de  l'admettre  dans 
une  pièce  du  XII«  siècle  par  exemple,  et  je  doute  fort  qu'elle  fût  encore  pratiquée 
aux». 

L'o  final  est  commun  partout  excepté  dans  la  terminaison  du  datif  et  de  Tablatif 
(Thurot  438);  il  n'y  a  donc  rien  d'étonnant  à  ce  qu'on  rencontre  presque  à 
chaque  vers  passiôy  amô^  amandô^  amantô^  ergo,  (juandà^  porrô  Ixx  20  (cf.  Qui- 
cherat),  ilicô  cvij  16  (cf.  Quicherat),  denuô  cvij  71,  ,,.6que^  scrmôque;  en  sens 
inverse  on  a  duddecim  xvj  102  et  108,  comme  dans  Lactance  duôdecies.  —  Il  est 
partout  admis  dans  les  poèmes  des  mss.  bernois,  et  il  l'a  été  pendant  tout  le 
moyen  âge,  qu'une  brève  reste  brève  devant  les  groupes  initiaux  se,  st,  sp  (on 
avait  dans  Horace  saepë  stylum  et  praemiâ  scribae),  et  de  mèmedeyant  sf  ou  sph 
(xviij  8),  sm  (xiij  8),  z  (xvj  82,  xix  27),  pt  ou  phth  (Ixxxvij  1).  C'est  tout  à  fait 
une  exception  que  effoderè  scro[bes]  xiv  24  ;  cette  exception  aussi  s'appuyait  sur 
des  précédents  comme  dans  Virgile  telâ  scandite.  —  Dès  l'antiquité  il  a  été  admis 
qu'une  voyelle  brève  suivie  d'une  consonne  finale  pouvait,  devant  une  h  initiale, 
former  une  syllabe  longue  (Diomède,  p.  430,  18;  Donat,  Ars  p.  369,  5  et  Ser- 
vins  p.  424,  I  s  et  Sergius  p.  479,  2  ;  Pompejus  p.  116,  n  ;  Victorinus  p.  28, 
3,  etc.  :  éd.  Keil;  cf.  De  Duhn  ad  Dracontium  p.  1 1 1).  Il  est  tout  naturel  de 
trouver  cette  règle  appliquée  dans  nombre  de  passages  :  j  13,  xv  73  et  1 18, 
xvj  185,  xvij  66,  xviij  103,  xxiij  i,xxix  8,  xxxj  13  et  14,  xliij  11,  xlvij  ),  Ij 
33  et  37,  Ixij  8,  27  et  48,  Ixiij  4  et  10,  Ixxj  29,  Ixxv  12  et  18,  Ixxvij  10,  Ixzx 
1  S)  Ixxxij  92. 

En  résumé,  les  vers  du  recueil  Hagen,  comme  tous  les  vers  du  moyen  âge, 
sont  soumis  à  des  règles  plus  ou  moins  rigoureuses  selon  les  époques,  mais  enfin 
ils  sont  soumis  à  des  règles.  Aussi  un  grand  nombre  de  corruptions  dues  au 
copiste  se  révèlent  d'elles-mêmes  à  tout  lecteur  qui  lit  assez  lentement  pour 
sentir  l'harmonie  du  rhythme  :  et  bien  souvent,  dès  qu'on  est  averti  par  l'oreille 
de  la  faute,  la  correction  est  facile  et  certaine.  Ainsi  viij  7  pedi  (qui  d'ailleurs 
est  peu  intelligible)  aurait  1'^  bref  :  il  faut  pclagi  per  marmora.  —  viij  17,  dd 
limina  :  il  faut  un  mot  tel  que  ostia.  —  xj  4  :  Florea  cuncta  gerit  [et]  prata 
uircntia  gcstat.  —  xvj  44,  le  vers  veut  ipse^  et  non  le  génitif  barbare  ipsae,  — 
xviij  67,  circumcunt  ne  fait  un  choriambe  qu'à  la  condition  d'être  écrit  en  un 
seul  mot.  —  XX j  10,  Claustra  pudoris  permanent  :  1.  (?)  Claustrum...  permanet; 
au  vers  13  1.  procedit  au  lieu  de  procedcns.  —  xxv  1 1,  atrae  :  1.  atra;  12,  reso^ 
luit,  1.  résolue.  —  xxvj  39,  et  est  de  trop.  —  xxvij  19,  captiuatd  :  il  faut  sans 
doute  captiua  est.  —  xlvij  10  ss.,  uluit  est  impossible; d'ailleurs  ce  mot  ne  donne 
aucun  sens.  Il  faut  bibit.  —  xlix  6  s.  (vers  sapphiques),  M.  H.  change  pellat 
langorem  en  pellat  languorcm^  alors  que  le  mètre  Indique /?^//rt/<i/igor^/n;  il  garde 
à  la  fin  du  vers  pietatëm  patns^  qui  est  vide  de  sens,  au  lieu  de  corriger  pietate. 
—  Ivj  I,  qui  quaeris  uitam  honestam  :  lire  qui  uitam  quaeris  honestam.  — 
Ixv  5,  Regina  sicut  auium  ne  fait  pas  un  dimètre  iambique  :  il  faut  alitum.  — 
Ixvl  10  :  E  propriis  finibus  ne  peut  commencer  un  hexamètre  :  heureusement  la 
correction  est  facile.  C/tn5/t  au  v.  19  est  si  peu  vraisemblable,  qu'il  faut  ou 
admettre  une  corruption  du  texte,  ou  supposer  que  le  poète  avait  fait  de  ChrisCi- 


Cdmina  medH  aem^  p»  p*  hagen  281 

m'misur  un  composé.  — S'me  (txxxviij  26)  ne  peul  former  un  demi-pied  :  corriger 
uu.  —  La  pièce  vijc  se  compose  de  219  hexamètres  léonins^  où  ta  rime  porte 
sur  deux  syllabes  :  cette  circonstance  rend  nécessaires  les  corrections  no /<:i  [i  j), 
mttis  fî6),  audtns  (176);  au  v.  21 3^  pour  rimer  avec  sodaUm^  on  peut  être 
tenté  de  substituer  taUm  â  simitcm.  Au  v.  10^  VdU  se  scruari  est  inadmissible; 
il  faut  probablement  lire  au  vers  104^  comme  M.  H.  J'indique  ennote, Q/i^nj.., 
fractam,,.  lakfactam  à  Taccusatif,  et  ensuite  VcUnfuc.  Au  v,  i^ç  le  mètre  veut 
Fftna{^ui].  —  ijc  20  :  la  correction  de  illc  en  illi  est  indispensable.  —  ic  9  : 
U  rrroe  montre  qu'il  faut  changer  non  pas  malum  en  malo^  mais  asmutam  en 
àiiutto.  M.  H.  paraît  avoir  compris  que  les  pécheurs  tirent  du  crime  leur  pied 
chargé  de  hontes  :  mais  ce  serait  là  une  locution  bigarre,  et,  ce  qui  tranche  le 
doute,  pratgraui  talum  est  un  solécisme.  Évidemment  un  vers  s*est  perdu  entre 
8  et  9,  —  c  9  s.,  lire  Vt..,  fiât,.,  esta  uohcrnm  VtL,.  fiât  |ul]  £sca  naîûnium 
{m%,  fiût  escat),  —  ciij  19,  passerutt  uoluptarent^  1.  aolitarmt.  P.  174  n.,  v.  a, 
bien  que  fer?  ait  été  employé  par  Ausone,  il  faut  garder  fore,  et  la  rime  indique 
de  changer  noiîa  en  noUl  ;  fadopte  les  deux  corrections  de  M.  H,  et  le  ponctue  : 
Si  bonus  ista  legit/gaudet,  quia  (luac  (ms.  ^ui)  legit  egtt  ;  Si  malus*,  inde  dolet, 
qm[a]  sil  malus;  cl  fore  noiet.  —  civ  6,  naris  et  non  narts^  pour  la  rime.  — 
cvij  s\,  la  rime  veut  regub  paîrum  (et  non  primum),  —  cviij  76,  Tune  iaudis 
ittuhs  csl  trop  court  :  ii  faut  Tuae,  —  cxj  8,  Vt  nui(a  j«£disparilitategra««îï: 
lire  disparitau,  —  cxij  8,  Et /dus  tadcm  udU  orare  suos  :  I.  uorarc,  —  cxxxj  29  : 
Qmsquu  [ad]  atttrnum  mauuit  consccndtrî  rcgnum,  —  cxxxij  10  :  Ibit  [et]  ad 
itetiun  nuâà  pu&tia  tuum.  —  cxxxiij  19,  Post  hûtc  :  ôter  hacc, 

M.  Hagen  n*a  effectué  aucune  de  ces  corrections,  pour  la  plupart  assez  évi- 
dentes; en  outre,  plus  d*une  fois,  it  a  ajouté  aux  fautes  des  mss.  des  fautes  nou- 
frites.  Ainsi  dans  fa  pièce  xv,  au  vers  6,  il  faut  deux  iambes  de  suite  et  Tufi  a 
ulumque  minsa  :  M.  H.  propose  sUum<fut  cmaua.  Au  vers  29  il  faut  un  mol 
inapestique,  le  ms.  a  abia^  que  M.  H.,  en  note,  avoue  pouvoir  être  conservé  : 
dans  le  texte  il  jmprime  ahials>  Dans  xvj  67  et  Ix  95  il  signale  des  lacunes, 
mats  il  dispose  tellement  les  mots  subsistants  que,  de  quelque  façon  qu'on  essayât 
de  remplir  les  vides,  le  vers  ne  pourrait  se  scander.  Dans  xxx  \\,  la  lecture 
t^rtgu  de  ta  seconde  main  et  de  M.  Hagen  semble  moins  incorrecte  que  le  tgngi 
de  la  première  main  (encore  cela  n'est-il  pas  parlaitement  sûr,  voirGelL  14,  5); 
mais  du  moins  fgr^gi.  qui  a  Taccent  sur  ta  seconde  (GelL  ij^  26  ^  2^,  2; 
Prtsdan*  7,  18,  p.  302,  »6  Hertxi  fait  le  vers,  et  cgregk  ne  le  fait  pas.  Dans 
tiirtj,  ji,  le  ms.  donne  Utras^  qui  ne  se  comprend  pas;  on  voit  seulement  qu'il 
faudrait  un  mot  iambique  :  M,  Hagen  imprime  tûciris  (qui  ne  se  comprend  pas 
mieux  que  tdraî).  Dans  Ixvj  ],  par  exception,  M,  Hagen  corrige  le  ms.;  il  suit 
Senebier,  qui  à  laudc  avait  substitué  laudes  :  par  malheur  il  fallait  garder  la 
forme  taadt^  dont  ta  finale  est  allongée  par  la  césure  comme  au  v,  8  celle  de 
snhdanU.  P  ï22,  note,  en  déchiffrant  un  texte  formé  par  acrostiche,  M.  H.  lit 
au  commencement  d'un  hexamètre  crud  sancta,  alors  que  la  disposition  de 
racrostiche  permet  de  lire  sancta  cruct.  Dans  la  pièce  Ixxix  il  propose  de  lire  au 
commencement  d'un  hexamètre  indicans  (v.  69),  et,  à  la  fin  d'un  hexamètre 
(V.  71}  il  préfère  à  la  leçon  renidts  (qui  d'ailleurs  est  bonne  pour  le  sens)  la  va- 
riante rtmtes^  Dans  Ixxxiij  2,  vers  léonin  qui  finit  par  gliscas,  il  choisit  non  la 


jSj  comptes*rkndus 

bontie  leçon  qui  place  à  rhémistiche  discjs,  mais  une  variante  qui  y  place  Itct&r^ 
Dans  lîotxiv^  à  la  fin  du  dernier  vers  élégiaque,  il  remplace  mtnttqat  mctqut^ 
uaU^  qui  n'a  ni  rhythme  nt  sens,  par  mente  aoaqui  uak,  qui  ne  donne  pas  plus 
Tun  que  l'autre*  Dans  viic  $4^  vers  hexamètre  dont  les  premières  syllabes  ont 
été  coupées,  il  donne  le  choix  entre  les  restitutions  [In  cac]âc  et  \ln  fijdt.  Au  v. 
10%  où  pratlia  d*ailleurs  convient  parfaitement,  il  propose*  praemia  vtl  pretîa  i^ 
comme  si  ces  deux  mois  avaient  la  même  mesure.  Dans  vie  52,  ïc  commence^ 
ment  d'hexamètre  Paulaùm  correpc  stûtum  lui  déplaît^i  et  il  écrit  Contpcpautûtmi 
itatum^  ce  qui  fait  d'un  coup  deux  fautes  de  quantité.  Dans  vc  tj^  il  préfère 
pour  finir  un  dactyle,  pûra  à  pcU.  Dans  ivc  32,  où  il  faut  rimer  avec  labortm^ 
il  propose  de  remplacer  memortm  par  m&mofan&\  dans  ciij  2)«oà  ii  faut  rime 
richement  avec  memkana,  étremplic^r  plana  par  plcna,  —  iic  9  ss.,  sint  U  Dta 
omnia  curât,  Cumquc  sui  iuris  sint  iusti  cum  pcrituris,  Pracmta  cum  perns  lustù 
moderatar  habenis.  Il  y  a  deux  mss«>  dont  l'un  porte  la  leçon  authentique  sa 
iuris  (c*cst-à*dire  ms  luns^  m  tius  manu}  et  l'autre  ms,  donne  sin€  taris  :  M,  Hj 
écrit  sine  curis,  ce  qui  fournit  une  faute  de  quantité  sans  donner  de  sens  plau- 
sible. Dans  cvij  71  il  corrige  0  quant  Est  graac  nephas  en  0  quam  Est  graue^ 
quam  nefas  :  il  était  facile  d'écarter  la  faute  en  insérant  non  pas  quam^  mais 
qnamque.  Au  vers  100  il  y  a  tedor^  pencqui  miser  miscrc  dor  (pœnae  dor^  |c  suis 
livré  au  châtiment)  :  M.  H.  a  imprimé  paenequc  miser  misert  tdor,  c'est-à-dire, 
sans  doute,  les  verges  me  dévorent  presque^  tWor  paene.  Dans  cix  J2,  on  est 
étonné  de  voir  rimer  Carnoiis  avec  mutntutis  ;  or  le  ms.  a  uumtis.  Camiius^ 
mot  bas-latin  qui  figure  dans  certains  glossaires,  équivaut  à  canus  ou  smex  (c'est 
le  français  £/rr nu)  ;  Ciir/iaf/i  au  contraire  n'a  ici  aucun  sens, 

M.  Hagen^  n'ayant  point  scandé  d'une  façon  continue  les  vers  qu*il  impri- 
mait» n'a  pu  songer  à  donner  l'index  des  mètres  et  rhythmes  employés.  VoiclH 
cet  index  :  ^1 

Hexamètres:  ix,  1,  x},  Ixvî,  Ixvij,  liix,  Ixx,  Ixxj,  Ixxtj,  Ixxiij,  ixxjv,  Ixjcv^ 
Ixxvj,  Ixxviji  Ixxx^  Ixxxvj,  Ixxxix^  vic^cxxiv,  cxxxf»cxxxv4,cxxxvJ7*^Hexani, 
léonins  :   Ixxix  partlm,    Ixxxiij,    Ixxxv,    Ixxxvij,    Ixxxviij,  ixc,    viic»  vc,  ivc 
iiic,  iic,  ic^  c^  cy,  cïj^  d\],  civ^  cv,  cvj^  cvij,  cxxvij,  cxxviij,  cxxix,  cxxxv  1,  2^ 
7,  8,  cxxxvj  6,  8,  *—  Distiques  semblables  à  ceux  de  Caion  *,  Ivij, 

Distiques  :  ij,  iij,  iv,  liî,  Ivj,  Ixviij,  Ixxviiï,  Ixxxj,  Ixxxij,  Ixxxiv,  cXj  cxj^  cxijj 
cxiij,  cxiv,  cxv,  cxv|\  cxvij,  cxviij,  cxtx,  cxx,  cxxj^  cxxij,  cxxv,  cxxvj,  cxxxij/ 
cxxxv  j,  5j  6,  cxxxvj  2,  j,  5;  —  en   vers  léonins  :  cxxx  ;  —  avec  similitude  du 
premier  hémistiche  de  l'hexamètre  et  du  second  hémistiche  de  Télégiaque  :  vij, 
viij. —  Hexamètres  et  élégiaques  mêlés  :  vj,  cxxxv|  4. 

Trimètres  iambiques  :  xvf. 

Asclépiades  à  deux  choriambes  :  xiv;  —  •   asclepiadeo  métro  »  -w-  -w 
uy-  Ixxvj  adnoi.  —  Hcn décasyllabes  :  xix.  — Vers  adoniques  :  Ixxvj  aJnot. 

Vers vy  --  uv  -.  :  xvij; — vers  —  yu--;xiij;  —  vers  vu-y-  u--  :  xv. 

Strophes  de  trois  trochaïques  septénaires  :  Ij,  tv;— strophes  de  quatre  dimè- 


u  M*  H.  na  pas  mis  en  relief  la  disposition  en  strophes  de  deux  hexamètres, 
Ci.  la  suscriplion  (de  seconde  main^cATONis  dans  le  ms.  A.  —  Je  pense  que  le 
)•  distique  doit  venir  avant  le  4*,  comme  dans  la  copie  écrite  par  DanieL 


Carmlna  m$du  aeuif  p.  p.  hagen  28^ 

Cm  la  m  biques  :  xt\^  xxtj-xxiîj,  xxv,  xxix^  xxxtv,  xxxv^  xxxvij,  xxxvîlj,  xxxjx^ 
xi,  xlj,  xliv,  lix,  Ixrj,  Ixij  biî,  Ixiij,  Ixiv,  Ixv; — strophes  sa pphiques  :  j,  v,  xviij, 
xjifVj  Xïxi,  xxxiij,  xxxvj,  xlij,  xJvj,  xlvij,  xîviij,  xlix,  cxxxiv: — ^  strophes  al- 
caîques  ;  xîj;  —  strophes  ascfépîades  (sur  le  type  Scrikiis  Vario  d'Horace);  xliij. 
VEitfiintUTiON  RHYTHMicfUB»  —  Quatrains  lambiques  :  dimètres  xx,  xxvj, 
tnntètres  xxx,  Trimètres  en  strophes  de  cinq  vers  :  Jiv,  Strophes  pseodosapphi- 
ques  (^  tninétres  iambiques  et  un  adoniqucï  :  Ix.  Strophes  de  deux  adoniques 
^llittèrés  (voir  à  la  p.  290)  :  viijc  ;  de  six  adoniques  alliltérès  :  I.  —  Trochaïques 
septénaires  en  tercets  :  xxviij,  x)v;  en  quatrains  :  \n\,  Dimètres  trochaïques»  en 
quatrains  avec  refrains  :  Iviij,  lxj. 

Octosyllabes  irrègulicrs  :  xxvlj,  xxxij;  —  strophes  formées  de  courts  vers 
rimes  disposés  diversement  :  cviij.  cix  *. 

Strophes  monorimes,  formées  de  trois  vers  rhylhmiqucs  (dont  chacun  contient 
un  hémistiche  de  trois  trochées  et  demi  et  un  hémistiche  de  trois  trochées),  avec 
un  quatrième  vers  qui  est  métrique  :  cxxxiij  ^. 

Acrostiches, — Initiala  :  v  (Humi.vnjYS),  ix  cl  x  lielfbbd).  Dessins  compliqués 
écrits  eo  rouge  dans  les  mss.,  reproduits  ^  en  caractères  gras  par  M.  Hagen 
p.  21^  ss.  :  Ixix-lxxvj.  —  Pièces  el  fragments  abécédaires,  c'esl-à-dtre  dont  les 
strophes  commencent  successivement  par  les  diverses  lettres  de  Talphabet  :  xxif- 
uiij(abci>£PG,  hiln),  XXV  (pGH^  avec  une  strophe  indifférente),  Ix  (de  a  à  z,  y 
*  compris  k,  avec  une  strophe  indîiîérente),  lxj  (auc)  ;  en  outre  l  (strophes  de  six 
idoniques  rhythmiques,  Tinitiale  revenant  dans  tous  les  vers  de  la  même  strophe; 
manquent  k,  y  et  /.);  M-  Hagen  aurait  dû  laisser  dans  le  texte  même  l'abrévia- 
tion de  Chrislus  (Xpus)  quand  elle  fournit  à  Tacrosliche  la  lettre  X. 

L*étude  des  diverses  pièces,  faite  au  point  de  vue  de  la  versification,  suggère 
des  conjectures  plus  ou  moins  plausibles  sur  l'histoire  du  texte  de  ces  pièces. 
M.  H.  suppose  que  la  pièce  Ixi]  est  formée  de  deux  hymnes  distinctes  :  en  la 
scandant  on  trouve  à  Tappui  de  cette  opinion  un  argument.  £n  effet  la  première 


t.  M.  H.  n*a  pas  fait  ressortir  typographiqueinent  la  disposition  des  strophes 
en  couples,  cvni  est  compose  de  cmq  couples  de  strophes;  cïx  d'une  strophe 
isolée,  mais  dont  les  deux  moitiés  sont  égales,  el  de  deux  couples.  Le  nombre 
d«  syllabes  n'est  pas  toujours  rigoureusement  le  même  dans  les  vers  qui  se  cor- 
respondent :  voircviH  2[-;t,  40-49,  v^^4»  ^^^  4^'S7* 

1.  Le  vers  métrique  est  ordinairemeni  un  hexamètre,  parfois  c'est  un  élégia- 

que  l\zt.  La  bizarrerie  de  cette  composition  de  strophe  s'explique  par  ce  fait, 

qtie  quelques-uns  des  vers  métriques  ainsi  accouplés  aux  vers  rhythmiques  sont 

tirés  d*Ovidc.  Une  pièce  toute  pareille,  où  presque  tous  les  vers  métriques  sont 

lires  des  poètes  anciens,  a  été  publiée  par  M,  Wright,  the  Lutin  pocms  commoniy 

«tlntuted  to  WalttT  Mapcs,  p.  1 52^  puis  par  Du  Méril,  Poés,  pop.  îat,  du  m.  a.^ 

p.  I  u.  Voir  en  outre  les  pièces  données  par  M.  Wright,  p.  1 J9,  i6j,  229,  et 

Jpar  Du  Ménl,  p.  275,  —  On  notera  que  le  v,  14  a  une  s]rllaDe  de  trop.  Ces 

liuatrains  sont  mtéressants  pour  l'histoire  des  éludes  littéraires  au  moyen  âge. 

fis  concernent  la  vie  el  les  ouvrages  d'Ovide. 

j  *  Ces  pièces,  évidemment  écrites  en  carréj  ont  été  reproduites  en  rectangle, 

fOt  qui  déforme  les  dessins*  Celte  déformation  est  surtout  fâcheuse  pour  la 

Ipièce  Lxxiu,  où  l'acrostiche  dessine  la   coupe  d'une  église  (p.   219K  —  Ces 

'compositions  bizarres  sont  imitées  de  Publilius  Optatianus  Porphyrius,  poète 

du  temps  de  Constantin, 


284  COMPTES-RENDUS 

partie  admet  Thiatus  (15)  Undis  que  la  seconde  admet  Télision  (18  et  3 1)  ^  La 
pièce  Ixxxj  'épitaphe  de  Wifordus)  présente  cette  particularité  que  les  vers  insi- 
gnifiants y  sont  léonins  (i,  2,  4,  6,  7,  8)  tandis  que  la  rime  manqve  dans  les 
vers  qui  donnent  des  détails  précis  (s^  9^  10,  11,  12)  et  dans  un  vers  où  le 
subjonctif /srtfi  aurait  Va  bref  (v.  3).  Cela  peut  faire  conjecturer  qu'on  a  approprié 
pour  Wifordus  une  épitaphe  léonine  composée  pour  un  autre  >.  —  Dans  la  cri- 
tique de  l'épitaphe  de  Tabbé  Jean  (pièce  ciij)  il  n'y  a  que  deux  vers  non  léonins 
sur  vingt-cinq  :  ils  sont  sans  doute  transcrits  textuellement  de  Tépitaphe  criti- 
quée. —  La  pièce  cxxix,  formée  de  treize  vers  dont  onze  sont  léonins,  doit  être 
séparée  des  deux  vers  terminaux  qu'y  ajoute  le  ms.  de  Berne.  Ces  deux  vers 
n'ont  aucun  rapport  au  sujet;  ils  sont  léonins  aussi,  mais  la  rime  y  porte  sur 
deux  syllabes  et  non  comme  dans  tout  le  reste  de  la  pièce  sur  une  seule.  Ce  sont 
des  sentences  de  morale  religieuse  comme  celles  qu'on  trouve  si  souvent,  dans 
les  manuscrits,  isolées  ou  plaquées  au  hasard.  —  Une  observation  analogue  doit 
être  faite  sur  la  pièce  cxxxij.  Celle-ci  n'est  pas  léonine  :  les  deux  derniers  vers 
sont  des  léonins  à  rime  riche  qui  se  trouvent  isolément  dans  un  ms.  de  Munich. 
Or  ces  deux  vers  ne  font  que  répéter  la  pensée  contenue  dans  les  deux  vers 
précédents,  et  forment  avec  eux  une  redondance  que  la  forme  dialoguée  du 
morceau  rend  intolérable.  M.  H.  admet  un  changement  de  personnage,  mais 
cette  hypothèse  soutient  mal  l'examen.  —  Les  divergences  qui  existent  entre 
la  leçon  du  ms,  de  Munich  et  celle  du  ms.  de  Berne  peuvent  donner  à  penser 
que  dans  ce  dernier  l'addition  du  distique  vient  d'une  citation  foite  de  mémoire^. 
L'éditeur  ne  s'est  pas  toujours  efforcé  autant  qu'il  serait  souhaitable  de  com- 
prendre les  textes  techniques,  et  sa  ponctuation  laisse  souvent  à  désirer.  Pour 
être  bref  je  me  contenterai  d'indiquer  quelques  rectifications,  xvj  74  ss.,  „Jutr-  . 
nitur.  In  se  raiertcns  hoc  modo  ^ui  (le  nombre  $)  dicitur  :  Namquc  ipse,  per  «, 
ceUros  uel  impares,  Ductas,  repraesentare  se  dinoscitur.  Cinq  multiplié  par  lui-même 
ou  par  un  autre  nombre  impair,  donne  un  produit  où  les  unités  sont  au  nombre 
de  cinq.  Ductus  signifie  encore  multiplié  au  vers  179.  —  xvj  104  ss.,  Medii,  duos 
quos  (les  nombres  6  et  12)  inter,  octo  cum  nouem  Sunt;  unus  ex  his  (le  nombre  9) 
mox  per  ipsum  terminum  Superatur  a  duodecim^  quo  sex  tegit  (12 — 9  =  9 — 6).  Con- 
fertur  octo  lege  nec  non  musica^  Nam  parte  tali  uincit  illum  pracminens,  Qua  parte 
stx  hic  uincit..,  (\o — 8=: 8  —  6  :  pracminens  est  le  nombre  10,  cf.  127 et  188).  — 
xvi  I  s8  ss.,  Perjectus  inde  surgit  octonariuSy  Cybus  uocatus  ipse  primus  omnium, 
Crescens  diade  :  motione  primula  Tétras  diade  duplicata  prouenit  ;  Diade  mota  gignit 
,\t9nurium.  Perfutus  et  y  tegit  (?)  quod  hune,  senarius,  Cybi  quod  omnis  sunt  tôt 
^mitiitdM,  —  Ixxxvj  19.  Il  faut  lire  quod  au  lieu  de  (fuid  et  mettre  une  simple 
virgttW  4près  orbis.  Le  sens  de  ce  vers  et  du  suivant,  traduit  en  notre  langage, 
c'<»t  ^ue  le  rjivon  du  cercle  est  égal  au  côté  de  l'hexagone  régulier  inscrit.  — 
1.4  l^l^>^  Kxwij  énumère  les  intervalles  musicaux  de  quinte,  quarte,  octave. 


\    U  w\  j^  nfn  Ji  tirer  du  v.  ^4,  qui  est  corrompu. 

*  No^oïix  ^u<»  stxtis  in  nonis  ne  peut  désigner  le  jour  des  nones.  —  Cette 
Us^t  V  ^  ^-^vt  îit^ressante  parce  qu'il  est  rare  de  voir  ces  sortes  de  formules  écrites 
^^  Us^Vx  K^tirv  et  garanties  par  le  mètre. 

i    v'\^l  wtt  cvtmple  frappant  d'interpolation  ayant  pour  source  un  «  passage 


Carmina  medii  aeui,  p.p.  hagen  28  c 

douzième,  quinzième,  et  les  rapports  numériques  (rapports  de  longueurs  de 
Cordes)  qui  correspondent  à  ces  intervalles,  à  savoir  a/j,  î/4,  1/2,  i/j,  1/4. 
Les  vers  relatifs  aux  intervalles  de  douzième  et  de  quinzième  doivent  être  lus  et 
ponctués  ainsi  :  Addita  diplasiae  (et  non  tnpUûat)  triplam  format  diapente^ 
ConsUns  Ur  quinis  post  ^uas  tst  quadrupla  phthongis,  —  M.  H*  donne  p.  xvij 
une  explication  fort  ingénieuse  de  Vénigme  cxxxv,  vji,  mais  j'avoue  que  te  pre- 
mier vers  m'embarrasse  beaucoup.  Je  ne  vois  pas  comment  on  peut  désigner  le 
Vukurnc  par  celte  proposition  :  Est  domus  in  terris,  std  uiuU  semptr  in  undis;  je 
ne  comprends  ni  comment  un  fleuve  (ou  un  venll  vit  dans  Teau,  ni  comment  il 
peut  èlrc  appelé  une  maison,  une  demeure  ',  Le  premier  hémistiche  pourrait  à  la 
ngueur  s'expliquer  par  une  imitation  maladroite  de  la  jolie  énigme  de  Sympho- 
stiis  sur  le  fleuve  et  le  poisson  2  (Est  domus  in  terris  y  clara  quâe  uoa  résultât,  îpsâ 
domus  nsonatf  tacitus  scd  non  sonai  hospcs,  Ambo  tamcn  currunt^  hospes  simuî  et 
domus  a/u);  mais  que  faire  du  second  hémistiche? —  La  pièce  Ixxxv  donne  la 
recette  d'un  tour  bien  connu.  Etant  donnés  1 5  pions  blancs  et  1 5  pions  noirs, 
00  les  dispose  de  telle  façon  que,  si  on  compte  r^  fois  de  1  â  9  et  que  chaque 
fois  on  supprime  le  9^,  les  1  ^  noirs  soient  tous  sacrifiés  alors  que  les  i  ^  blancs 
restent  au  complet.  D'après  le  titre,  Sors  emusdam  de  XV  Christimis  totidcmi^ui 
fudatis^  les  deux  couleurs  représentent  des  chrétiens  et  des  juifs.  Chez  nous  les 
enfants  exécutent  le  tour  avec  des  cartes,  soit  en  faisant  des  deux  couleurs  les 
Blancs  et  les  Nègres,  auquel  cas  ils  sacrifient  tes  cartes  noires,  soit  en  en  faisant 
les  Français  et  les  Anglais,  auquel  cas  ils  sacrifient  les  rouges;  pour  retenir  la 
disposition  des  couleurs  on  se  sert  des  voyelles  du  vers  mnémonique  Populeam 
nr^ûm  mater  regina  jertbat^  chaque  voyelle  exprimant  le  nombre  que  son  rang 
indique,  a  1,  c  a,  i  3^  0  4,  li  \.  Cette  disposition  des  couleurs  est  résumée  dans 
le  ms.  de  Berne  par  un  distique,  qui  suit  la  pièce  principale  écrite  en  hexamè- 
tres léonins,  M,  Hagen  n'a  pas  remarqué  que  les  indications  de  cette  pièce  sont 
en  désaccord  avec  le  distique,  que  le  titre,  où  le  ms.  donne  par  erreur  le  chiffre 
XX  au  lieu  de  XV.  est  par  là  en  contradiction  tant  avec  le  distique  qu'avec  la 
pièce,  que  le  vers  4  a  une  syllabe  de  trop  et  que  la  rime  de  rhémistiche  y 


i,  [Lire  sans  doute  au  v,    1  Est  dcus  pour  Est  domus.  Cf.  sur  rénigme  du 
poisson  Romama  vi  (1877)  p.  1^0.  —  G.  P. J 

2.  On  me  fait  remarquer  fustemenl  que  cette  énigme  pourrait  désigner  non  le 
fleuve  et  (e  poisson,  mais  récatlle  de  la  tortue:  et  que  même,  dans  celte  hypo- 
thèse, elle  s  expliquerait  mieux.  Toutefois  les  sujets  des  énigmes  avoisinantes, 
Texistence  d*une  autre  énigme  sur  !a  tortue,  et  surtout  Texplication  que  four- 
nissent le  ms.  de  Saumaise  (VIl^-Vlll*  s.)  et  V Histoire  d' Apollonius  dt  Tyr^  obli- 
-^nl  de  s'en  tenir  i  l'interprétation  reçue.  —  Post-scriptum .  le  dois  à  M,  Ém» 
hatelam  la  copie  d'une  énigme  sur  le  Vutturne,  fournie  par  tin  ms.  du  Vatican 

(Reg.  ijsu  f*  131  V*)  uniquement  rempli  de  poésies  de  Baudri  de  Bourgueil 
¥oir  L.  Delisle,  Romama  1,  1S72,  p.  46): 

V(u  nouem  constat  tnsitlaba  pars  elemends  : 

Cttius  si  quando  dcmatur  sillaba  prima, 

Quod  remanct  miles  quondam  pugnauit  în  artnis  ; 

Si  mcdtum  toUas,  fadetit  remanentia  pUg^m  ; 

Demis  postremam  (/.-mum),  uolucrem  duo  cetera  signant  ; 

Toium  iung^iur,  (îiiuium  signare  uideiur. 

Nec  uoces  id  aguni  :  sed  uocum  significata 

Bec  tôt  uultumuSf  per  partes,  posse  uidetur» 


286  COMPTES-REWDOS 

manque.  Il  a  donc  tran^rit  dans  son  texte,  sans  les  corriger,  fes  fautes  du  ms. 
de  Berne  :  le  lecteur  n'csl  pas  peu  surpris  de  voir  qu*en  même  temps,  dans  ses 
notes  critiques,  il  cite  sans  en  tirer  parti  des  variantes  excellentes  empruntées  à 
Tanthologie  de  M.  Riese.  ^Ê 

rajoute»  sans  m'aslreîndre  â  un  ordre  rigoureux,  des  observations  diverses^ 
relatives  à  des  pièces  diverses. 

La  pièce  lxxtk  est  attribuée  par  M.  H.  à  Alcuîn  parce  que  dans  le  ms.  elle 
est  précédée  de  deux  pièces  d'Afcuin,  Mais  ces  deux  pièces,  comme  en  général 
les  poésies  d'Alcuin,  sont  d'une  versification  facile  et  agréable*  tandis  que  ta 
pièce  Lxxrx  est  aussi  gauche  et  aussi  barbare  qu'elle  est  ennuyeuse.  Il  semble 
que  l'auteur  s'y  soit  pris  à  deux  lois  pour  la  fabriquer,  ou  qu'il  l*ait  fabriquée  avec 
des  fragments  hétérogènes.  Ainsi  la  tirade  «•6  est  léonine  fia  rime  manque  au 
vers  ^,  mais  ce  vers^  où  Tindicatif  îenct  inséré  entre  rtxcrit  tlûgai  faitsolècisme^ 
a  dû  Être  inséré  après  coup);  une  autre  tirade  léonine,  irès-longue,  va  du  vers 
62  au  vers  9^  (le  v.  89  a  dû  être  inséré  après  coup,  et  au  v.  95  il  est  facile  de 
placer  à  Thémistiche  yîio5  qui  rime  avec  amicos),  mats  la  tirade  finale  ne  contient 
que  j  vers  léonins  sur  22.  Le  vers  tj,  léonin,  est  isolé  au  milieu  d'une  série 
de  vers  dont  la  plupart  ne  le  sont  pas  :  or  ce  vers,  oîi  nosîro  cothurno  est  dit 
ndiculcnjent  ^ùur  nostra  îyra  ou  toute  expression  analogue^  semble  calqué  mala- 
droitement sur  un  vers  delà  grande  tirade  léonine,  le  v.  64,  où  sophocko  cothurno^ 
copié  de  Virgile,  offre  un  sens  j>ré&entable.  —  Il  y  aurait  fort  â  faire  pour 
rendre  cette  pièce  lisible  :  voici  quelques  indications.  Au  v.  8  garder  pauntam. 
Vers  8  ss.  :  Ntmpt  ttio  canos  semas  in  pecîore  gtstas.  Et  manibus  Uhros;  et  cultos 
stnnnt  campoi  On  gcris  (ms.  Uris)  nd  mente  refers,  u(,  pUnus  adoris  (ms.  odo- 
ris}  Fragtferi^  spinisquc  canns,  sis  cuimus  optmus,  Quo  (c.-à-d.  teteo)  granum 
supm  condaris  in  horrea  câtli f  l\  stmh\t  qu'il  faille  intervertir  15-17  et  18-21 
(dans  r9  lire  spermate  au  lieu  de  spcrmalû).  26  ss.  :  ponctuer  Omnthus  es  facttu^ 
iubet  ut  plus  omma  Chrisîas  Esse,  manet  msUtim  sut  quo  constanUr  in  acimm 
Omne  quod  es!;  licet  etc.  La  rime  indiquerait  de  garder  au  v.  37  magmficum^  de 
changer  au  v.  jj  pio  en  piiy  de  lire  au  v.  6G  m  y  stenarchisi^  mysteriankes  ;\û  ms. 
a  misltri  anhesi,  leçon  dont  l'î  final  devait  à  Torigine  être  superposé  â  Ve),  Au 
v.  45,  au  lieu  de  quantum  décor  assc^  ïire  tanium  décorasse.  Mettre  un  point  après 
sagaci(^j)^  deux  points  après  corporis  (jo);  menus  sanimus  (49}  doit  être  lu  non 
pas  mentis  si  animus^  mais  mentis^  animas^  avec  allongement  par  la  césure.  Au 
v«  66  corriger  si  en  sit.  Aux  v.  80  s,  ponctuer  iapiUo  Cingi  qm  petimus,  »  F\at 
hoc  »  simui  ijfjàgiiamus ,  Aux  v.  83  s.  mtllTt  post...  tuum  entre  deux  virgules^ 
au  v<  91  mettre  une  virgule  avant  decus,  aux  v.  99  s.  ponctuer  quia,  noHscam  ^ 
prûestns...  frauéem,  utrbis,  aux  v,  112  ss.  lire  Et  pauptrîmis  ponens  complasculê^Ê 
uerbis,  împenâi,.,  frustror  uthimenti^  Actermm  cupio  îaetus,.. 

La  pièce  Ixxvij  a  été  publiée  d'après  un  ms.  de  Parts  dans  un  ouvrage  que 
M.  H.  n'a  pu  voir  avant  de  donner  son  édition,  De  rimt  des  sciences  dans 


1.  Le  vers  2  de  la  pièce  lxkviu  est  presque  identique  â  un  vers  d'une  autre 
pièce  d'Alcuin  (Migne,  t.  H,  p.  74^,  lxvi  10 J  —  Post-scriptum.  M.  DïimmJer 
dit  {Histôr.  ztschr.)  avoir  montré  dans  le  Neucs  arckivf.  altère  diutsche  geschichts- 
kunde^  II,  p,  222,  que  les  pièces  Ixxix  et  Ixxx  datent  i  peu  près  de  Tan  987, 
Le  destinataire  de  Ixxix  serait  Constantin  de  Fïeury, 


€armina  mtdd  aeuiy  p«  p.  hagen  287 

Fàtnàae  dt  ta  monarehu  françoisi  sous  Chartemagne  ;  dissertation.,*  pat  M,  l^Akbt 
Bauf.,.y  Paris^  '734)  in- 16,  98  p,  suivies  d'un  feuillet  non  paginé  qui  con- 
nt  la  pièce  d'Alcuin  (la  dissertation  en  question  a  été  reproduite  dans  la  col- 
élection  Leber  des  dissertations  relatives  à  l'histoire  de  France,  t.  14,  mais  sans 
t  pièce  d'Alcuin),  Le  Beuf  note  sur  le  premier  vers  :  «  Dans  un  Manuscrit  de 
iint  Germain  des  Prez,  Num,  $24.  les  dix  premiers  vers  se  trouvent  dans  ta 
pmaire  de  Ssjaragde,  intitulés  :  Versus  cajasdam.  Le  premier  est  ainsi  :  Est 
nûu  sayiit  scnpuîus..,  Scriputus  vaut  mieux  que  Scrupulus  du  Ms.  de  la  Biblio- 
ItHéqoe  Royale  [U  Beuf  désigne  lui-même  te  Regias  5^04,  (fui  en  riahté  porte  aussi 
scripulus].  Il  semble  que  ce  soit  un  nom  propre,  et  peut-être  celui  dcCrispulus 
renversé  pour  faire  le  vers.  »  C'est  dans  le  ms,  de  Saint-Germain  que  Le  Beuf 
a  puisé  ses  suppléments  aux  lacunes  du  Regius,  y,  6  sxvi,  v.  8  nigro.  Voici  la 
IcûlUtion  des  deux  mss.  de  Le  Beuf  (je  mets  en  italiques  les  abréviations  résolues^: 
B.  jY.  ms,  tat.  8674  (ancienne  cote  ^04)  /"  no)^  :  versus  alcuini  ad  siamit- 
tiKLtin  9EifNEN$^[â  C1U1TATIS  EpisiopUM,  I  scfipulus  {stc,  et  non  scrupulus)  — 
î  ks  om,  —  i  ter  comme  Lugd,  —  4  competa^6  saeui  om,  —  8  nigro  om,  — 
çéiiSic  mtAiacra  -  14  nette  —  16  s^ieua —  18  satient  —  bachis —  at  mulloni 

—  22  laudîs  — 14  samuhel  —  secla^ — Sait  sans  (itre^  et  séparée  seulement  par  un  r 
la pâce  Uxviij*  :  2  aquae  om. —  7  librum  felicibus  —  1 1  tuusou  tuas?  —  Suii  : 
Monocolos  dtcilUT  cantus  unlmen/bris  (sur  divers  termes  de  musique)^. 

B,  N.  ms.  laL  13029  (S.  G  635,  oiim  524),  /"  12  r",  addition  en  marge  : 
VERS*  cvi*iJAm    i  ditione    —  j  bis  om,  —  j   ter  etiam  (que  om),  —  4  cadit 

—  coropeta  —  5  n,  q.  certc  est  —  6  sdeui  —  9  bis  à  24  om,  —  Au  vers  9 
bis  la  leçon  mihi  doit  être  substituée  au  mata  du  ms,  de  Leyde. 

Les  exécrables  acrostiches  txx-lxxiv  sont  attribués  par  le  ms.  à  iobbph  adbas 
9carrv5  et  la  pièce  Ixxij  est  suivie  d'une  tirade  dont  voici  le  dernier  vers  : 
Tuque  mémento  mei^  dicor  qui  nomme  hseph.  Or  la  pièce  Ixxiv  (dans  le  dessin 
acrostiche,  de  sorte  que  la  iecture  et  l'orthographe  même  sont  certaines)  atteste 
que  l'auteur  se  nomme  Puplius  Albinus,  Très- probablement  les  deux  dénomina- 


K  Comparer  à  cette  pièce  le  n*  X  des  supposuim  dans  le  Martial  de  Schnei- 
dewin. 

2.  Lt  ms,  contient j  comme  t'mdiijue  te  catalogue^  un  commentaire  sur  Martianus 
Capttia,  puis  te  livre  de  Fnscien  ù  Symmaqut  sur  les  nombres  :  ce  dernier  s'arrête 
à  as  ma/j,  Vnde  tncipil  nomc^  exutraq.  parte  circQscriplO  IMI  ud  etil  sic  CM* 
(Hertz y  t.  Il,  p.  407,  26),  Smt^  sans  séparaiion^  une  série  de  gloses  sur  des  noms 
grus,  depuis  le  f'*  109  V*,  Nicticora  ooctis  pupilla»  Anastron,  side  sidere..... 
jusqu'au  f'*  110  v*>j  Balneû  dictû  apotubalineon  .La  côsolatione  u^l  recreatione 
Mimi,  So\ei  enl  mestîs  et  infirmis  mederi,  Orestes  filius  îuit  agamenonis  régis. 
Qui  postquâ  reuersus  est.  cQ  pâtre  suo  a  bello  troiano.  euenit  ut  matrem  suâ 
occiJerd.  Post  cuius  necê  statî  furuil.  Tandêq.  insereurrsus.  scripsittragoediam 
de  suis  erroribus.  et  bello  maxime  troiano.  dicta  auttm  tragoedia.  uti  ab  hirco. 
qui  gr<iralragos  àiàtur  £(dabatur  bellorû  scrijjtonbus  m  praemm.  wd  a  uilibus 
munuscults.  quae  graece  tragemata  uocantur.  buivent^  toujours  sans  séparation^ 
des  vers  détachés  de  i'Apotheosts  de  Prudence,  dont  void  les  numéros  d*aprè5  l'édi- 
tion de  Parme  de  1788  :  194,  19^,  196,  197  (cîoacînae  auttiphone),  jo8  (cQ), 
ji$  (géalôgus  avec  une  sorte  a  accent  et  un  trait  courbe  que  }e  suppose Itre  des  signes 
il  qaantiU),  479  ifusqaâ  frigentibus  inclusivement^  avec  un  blanc  d*une  dizaine  de 
ieitres  à  la  fin  de  la  //g/jf),  A  la  li^nc^  vei\slt8  ai.cl'iwi.  etc>  —  On  notera  la 
plmsante  doctrine  qui  fait  d*  Or  este  ïui-mime  l*  auteur  de  TOrestis  tragoedia. 


288  COMPTES-RENDUS 

tions  sont  exactes  :  loscph  est  le  nom  réel  et  Puplm  Âlbinus  le  nom  littéraire 
d'un  même  personnage.  Comme  Alcuin  aussi  avait  pour  nom  littéraire  Alhtnut  * 
(cf.  Ixxvîj  2;)^  je  SUIS  bien  tenté  de  croire  que  la  mention  alcvinvs  Ann^s  en 
tête  de  la  pièce  Ixix  vient  d'une  confusion,  et  que  cette  pièce  comme  les  sui- 
vantes est  de  Joseph.  Elle  n'est  pas  moins  exécrable  h  tous  les  points  de  vue, 
elle  présente  le  même  système  de  dessins  acrostiches,  elle  a  en  commun  avec 
elles  la  quantité  barbare  dem  et  les  formes  barbares  lasus  pour  hsas  et  ylidrus 
pour  chtiidrus. 

L'orthographe  de  ces  acrostiches  est  à  noter.  Us  offrent  de  nombreux 
exemples  de  s  pour  si  ou  ss  pour  s  : 

Ussus  Ixix  I,  Ixx  acrost.f  Ixxj  26,  Ixxij  5  {Usus  txxiij  7),  —  iush  \xt  6  (iussa 
Ixxv  nok}  —  profusso  Ixxij  22  —  missit  Ixxij  27  —  impraesa  (=:  imprasa)  Ixxitj 
1}  (cf.  conpossuit  dans  les  titres  de  Ixix  et  txx,  à  côté  de  conposuit  dans  le  titre 
de  Ixxvl  Ces  exemples  ont  ceci  d'intéressant,  quMs  viennent  de  l'auteur  lui. 
même  et  non  d'un  scribe;  en  effet,  dans  toutes  les  pièces  en  question,  le  nombre 
des  lettres  est  rigoureusement  réglé  par  l'acrostiche.  L'auteur  écrivait  thnumphat 
Ixix  9,  ydrum  Ixx  2^  ammoia  (p,  amotâ)  Ixx  8,  ascuitet  Ixx  14,  pâlata  Ixxj  îo, 
aititroms  Ixxij  \  {sktlkrono  Ixxiij  7),  prumia  Ixxiij  26,  aspa  Ixxiij  ;6,  PupHtu 
Ixxiv  acrost,^  Carias  (mais  Càrolus  dans  la  pièce  Ixxv^  signée  de  Teudulfe). 

Les  vers  34*^7  de  la  pièce  viic,  qui  a  pour  sujet  la  légende  de  la  légion  thé- 
baine,  ont  été  mutilés  par  le  relieur  du  ms.,  dont  le  couteau  en  a  fait  dispa- 
raître les  premières  syllabes.  On  peut,  pour  faire  comprendre  la  suite  des  idées, 
restituer  le  passage  à  peu  près  de  la  façon  suivante.  J'emprunte  quelques  sup- 
pléments à  M.  Hagen. 

Huntius  haec  récitât,      sed  grex  plus  Impb  uicat, 

Quod  rex  hortatur      contemnens  quodque  mînatur, 

[!mpaui\Û€  fortb,       uacuus  formîdine  mortis, 
Ij  [Cattlca  (cf.  169)1  terrenli      praeponens  gaudîa  pents. 

[F««j^]  ut  a^ictus      déclinât  uiuere  uictus  {uirtus  ms.), 

\praemia]  morte  brcui      meriiurus  perpetis  cui  : 

f«i  Nunc,  ûît,  I  iîle  status  '^      mat,  efficiat  cmcùtus  : 

\hlox  paît \fit^  talis      quid  agat  furôr  imperialis; 
40  [Vi  Xp]%^  murus      non  est  aliqua  ruiturus; 

\Caelum]  dent  igitur,      Uquldo  nobts  aperiiur, 

[Omn//|  daemonicuSf      quod  Christo  non  sit  amicus; 

IChriitum]  diligimus:      quod  spernlt,  a  mare  nequimus^ 

[Àtque  /ie/]as  remur,      si  templ.i  deum  ueneremur 
4$  [Ausimusu't  sacrum      fidei  uîoLare  lauacnmi. 

l&acra  quijàtm  fugîmus^      tamen  ad  tua  lusia  uenimus, 

[tasta  D\ù  ^  dantes^      nec^  rez^  tibi  danda  negantes^ 


1,  Post'fcriptaw ,  Alcuin  a  même  porté  le  double  nom  Publius  Albinus^  Jaffé, 
Monummîa  alcuiniana  p  902.  Cette  remarque  est  de  M.  Dû  m  m  1er.  D'après  le 
même  savant,  Joseph  est  un  élève  d'Alcuin, 

2.  Cet  édit,  cette  proscription??  Cf,  Terlullien,  De  spectacuHs  init,  :  quis 
status  fidei,  quae  ratio  ueritatis,  quod  pracccptum  disciplinae* 

j .  C*est-à'dife  Chinti. 

4.  C'est-à-dire  Dw,  Le  ms.  a  tc,  dont  le  jambage  înilial  doit  être  un  reste 
du  d. 


^ 


Carmina  medii  aeuiy  p.  p.  hacen  289 

[Hcn  uolumus\  Recti      (scclus  est),  sed  corporc  plecû  : 

[¥tiio  îûm]  tiobîs      opus  est,  quam  passio  no  bis.  i> 
jo  \Miiis  u\t  iîU  rcfen,      rcx  ïnm  talîbus  efferl  : 

|f  tion  tgo  /n^lndatum      légale  sinain  uiobtum^ 

\Nic  sine  uijndicta      tramirc  meos  mea  dicta  : 

[Praemia  digna]  ferent,      ausls  quod  ta)ibus  hercnt; 

[Nosani]  iussa  dari,      sacra  non  debere  negari; 
1 1  \$i  ne]q\nt  hortaïus,      compesca!  eos  crudatus. 

[Ntc  fdjmcn  est  totuni      punire  gregem  mihi  uotum  : 

{qu/j|  ucIU  hos  temere      pariterque  uiros  abolere  ?  * 

Sorte  placet  numeri      uel  perdere  uci  xniscreri  : 

Itt,  rcsematû      aUîs  decimos  péri  ma  ris, 
60  Vt  nece  paucorum      labet  improbltas  altonim,  1» 

Chacune  des  trois  pièces  vc,  ivc,  cv  est  donnée  par  les  trois  mss,  de  Berne 
702,  710  el  434,  que  M.  H.  désigne  par  les  lettres  ABC  (A  et  B  sont  des  xi" 
el  xiï*  siècles,  C  du  xV)  :  il  est  regrettable  que  M,  H.,  qui  dans  sa  préface 
prsh  attacher  une  juste  importance  â  Thistoire  des  mss.,  n'ait  pas  saisi  cette 
occasion  de  tenter  un  classement  généalogique.  Bien  que  les  trois  pièces  réunies 
ne  fassent  guère  plus  de  cent  vers^  les  variantes  fournissent  les  éléments  d'un 
classement  très-vraisemblable.  C  n*a  en  commun  avec  A  ou  avec  B  aucune  faute 
manifeste;  au  contraire  A  et  B  ont  en  commun,  à  l'exclusion  de  C,  la  faute 
fJM  ou  pera  pour  pde  (vc  17),  la  faute  quod  pour  qucm  (vc  1 1),  la  faute  rapiat 
pour  rapUt  (ivc  16I,  la  faute  scd  pour  ud  {ivc  7),  ïa  faute  impune  pour  sine  fine 
(cv  17  et  18),  l'omission  du  vers  Dmicùs  cedts  animumque  tuam  maie  ledts^. 
M.  Hagen,  induit  en  erreur  sans  doute  par  l'ancienneté  plus  grande  de  A  et  de 
B,  et  par  l'incorrection  extrême  de  C,  a  admis  dans  son  texte  toutes  ces  fautes 
de  AB  sans  en  excepter  une.  Ce  n'en  sont  pas  moins  des  fautes,  et,  jusqu'à 
démonstration  contraire,  elles  établissent  que  AB,  par  opposition  à  C,  constitue 
une  famille;  que  par  conséquent  AC  prime  B  et  BC  prime  A.  De  là  cette  con- 
séquence, que  dans  vc  12  il  faut  lire,  èwgc  BC^  îoîtit  et  non  tolUns,  danscv  26, 
avec  BC  encore,  ChrisU  Dei  uerhum,  qui  despicis  omnc  supcrbam  (et  non  avec  A, 
isu  iupirbum,  c'est*à*direT6  tiva  elvai  {^TtEpiqçawsv,  locution  barbare  que  M,  H.  a 
adoptée);  que  dans  cv  24,  il  faut /àf  hacnat  ista  cicatnx  {htrMt  B,  hai^M  C; 
cf,/ac  d</ au  V.  40)  et  non  fac  fiât  piaga  cicatnx  qui  est  une  correction  du 
copiste  de  A.  Le  classement  montre  encore  que  dans  les  vers  cv  r7-aj,  qu'A 
sail  donne  correctement,  tes  perturbations  de  B  et  celles  de  C  sont  indépen- 
dantes les  unes  des  autres;  cela  n*est  d'ailleurs  nullement  invraisemblable,  ces 
perturbations  étant  amenées  de  part  et  d'autre  par  b  quasi-identité  des  vers 
16  cl  iH.  —  Au  V.  18  il  faut  At  {at  B,  d  C>;  le  ast  de  A  a  été  inventé  pour 
^ire  une  longue  devant  la  leçon  fautive  \mpunt. 

La  fin  de  la  pièce  civ  est  corrompue.  Les  vers  mal  bâtis  21-23,  qui  font 
double  emploi  avec  17-18,  ont  sans  doute  été  remplacés  par  ceux-ci,  puis,  par 
areur,  reproduits  tout  en  queue.  Le  réviseur  qui  a  fait  17*  18  ne  tenait  pas  â 


K  Je  ne  sais  si  le  point  dlnterrogation  est  dans  le  ms.  :  cela  est  de  (quelque 
Importance  pour  la  restitution. 

2.  ïvc  12  bis\  ce  vers,  qui  s'enchâsse  très-bien  dans  le  contexte,  ne  ressemble 
nullement  aux  interpolations  de  C^  telles  que  ivc  1 1  ka  ou  cv  4  bis. 

Stomania^  VI  1$ 


290  COMPTES-RENDUS 

rimer  aussi  richement  que  le  premier  auteur,  et  il  a  fait  rimer  concubitus  avec 

uniu*.  Je  lirais,  en  effectuant  diverses  corrections  : 

14  Est  tamen  ipsorum     distantia  supplidonun, 

1 5  Quae  sic  pensantur,      ut  crimina  perpetiantur 

16  Poenas  maiores      maiora,  minora  minores  : 

(21)  (Ergo  [ms.  0]  scdus  foedum,      quasi  si  caper  appetat  hotdum 

(22)  Cum  capra  non  duit,      [tantus]  dolororbis  ûâhacsity 
(2))  Vt  minor  est  nuUo,      punitur  non  minus  uUo). 

17  Ergo  concubitus      quem  sexus  perficit  unus, 

18  Cttlpa  minor  nulla,      punitur  non  minus  ulla; 

19  Vnde  timens  ^  penas,      sceleri  non  laxet  habenas 

20  Qui  non  lazauit,      retrahat  qui  foeda  patrauit. 

L*abseQce  de  tout  titre  et  de  toute  explication  fait  de  la  pièce  viiic  une 
énigme  bien  propre  à  exercer  la  patience  du  lecteur.  J'avais  renoncé  à  y  rien 
comprendre,  quand  la  solution  m'a  été  fournie  par  mon  frère  Julien.  Les  dix- 
neuf  lignes  qu'offre  le  ms.  donnent,  pour  chaque  année  du  cycle  de  dix-neuf  ans^ 
la  correspondance  entre  le  terme  paschal  et  le  régulier  de  cette  année.  L'ordre 
est  celui  des  années  du  cycle;  le  terme  paschal  est  désigné  par  les  locutions 
mmac  aprilU^  octonae  kalendae,  etc.  ;  le  régulier  est  ensuite  exprimé  dans  le  texte 
en  toutes  lettres,  et  à  côté  en  chiffres  ;  dans  le  détail  tout  concorde  parfaitement 
avec  la  grande  Table  chronologique  contenue  au  i  "  volume  de  VArt  de  vérifier  les 
dates*  —  Chaque  vers  se  compose  de  deux  adoniques  rhythmiques  très-barbares 
entre  les  initiales  desquels  il  y  a  allittération  ;  voici  un  essai  de  restitution  (très- 
approximative)  : 

None  aprilis      No[u£]runt  quinos,  V 

Octo(/ie)  kalende      Assim  depromunt,  I 

Idus  aprilis      Etiam  sexis,  VI 

None  quaterne      Na[mlque  dipondjo,  IIII 

$  Item  undene      Ambiunt  quinos,  V 

Qdatuor  idus      Capiunt  ternos.  III 

Terne  kalende      Titulant  senos,  VI 

Quatuor  déni      Cubant  in  quadris,  IIII 

Scpten^  idus      Scptenoj  l^gunt  ',  VII 

10  Sene  kalende      Sorciunt  ternos,  III 

Déni  septeni      Donant  [et]  assim,  I 

Pridie  nonaj  *      Porro  quaternoj  5,  IIII 

Nouene  notant(ur)      Namque  septenos,  VII 

Pridie  idus      Panditur  quinis,  V 

IS  [Ipse]  kâltnde  {aprilis)      Exprimunt  unum»^,  I 

Dvodene  namque      Docte  quaternoj  ^,  IIII 


1.  NiHi^  avons  un  autre  vestige  de  ses  remaniements  au  v.  10,  où  le  premie 
MtiitvtK'hr,  Qui  rime  avec  coluhrisy  devait  dans  la  composition  originale  êtr 
UH«HH^  |VAT  l^nfrà  ;  le  réviseur,  ne  trouvant  pas  au  mot  assez  de  propriété,  ; 
»W>^»^  w«  K^^wisliche  avec  tristis. 


10,  où  le  premier 
'^-   originale  être 

«^^ii^.ux  |^«  ^«.^««•i* .  .-  • ,  —  -w r —  — ~~  "^  propriété,  a 

»W>^»^  w«  hi^wisliche  avec  tristis. 
*.  vS»  f»v^t<c  ms,  tamen  spcnas. 
K   H\  !tf|^tiw»  idus  septem  aeligunt. 
4    Vv   n\yMrums 


hv  Vv   m«^um  fV|M^imunt.  —  7.  Ms.  quaternis. 


Carmina  medii  aeui^  p.  p.  hagen  291 

SPerîem  qatntam      SPeramns  dTObas,  Il 

QVarfe  ^  kalende     Qyinque  comcjnnt,  V 

Quindene  tribus      Constant  >  adq>tis.  III 

Voici  encore  quelques  corrections  de  détail  : 

T  1 3  :  Taetrû  ceu  nabes  radios  corasci  Solis  inuadit^  Boreasqnt  spirans  Verberat 
nobis  tenebrosam  amictum,  Emicat  et  sol:  Haud  secas...  (ms.  cum,  nabes).  —  xiij 
10,  at  ànfft.,.,  lit  instaurant.,.,  ut  texatur...,  ut  mordet...^  uernant..,, ornât..,: 
la  grammaire  veut  un  indicatif.  Le  vers  n'admettant  pas  texitur^  il  faut  lire 
nexâtar;  d'ailleurs,  pour  le  sens,  nexare  est  ici  préférable  à  texere.  —  xvj  69  : 
lMand]o  attribattts  iungitar  quinarius^  [El\ementa  rnnndus  quod  subit  post  quattuor. 
[Hic  (ou  h)  co\agulatus  etc.  —  xvj  90  :  Quis  esse  per/ectam  [nega  senarium],  La 
perfection  du  nombre  6  est  exprimée  au  vers  16 j.  —  xvj  143  s.  :  Sic  paruulis 
im  nim[u  din]te[s  septimo]  Surgunt,  et  hi  mutantur  orbe  septimo.  -*  viic  1 26  s.  : 
Aspera  nonne  pad  dabia  sub  sorte  parati  Régi  paremus  plagasqae  nuemque  time- 
mas  ?  Il  iiut  paremus  f  plagasnc.  —  ciij  7  :  Vngens  et  pungens  et  màibus  aspera 
ÎMHgens  :  M.  H.  a  cru  devoir  changer  ungens  en  urgens.  Mais  le  versificateur 
jone  id  snr  angere  et  pungere  comme  dans  le  proverbe  oignez  vilain  il  vous 
poindra;  il  ne  faut  donc  pas  hésiter  à  garder  la  lecture  du  ms.'.  Au  v.  14  ensis 
indique  qu'il  s'agit  d'une  date  de  mort,  et  non,  comme  le  dit  la  note,  d'une 
date  de  naissance;  je  compléterais  donc  la  lacune  en  lisant  Quod  febrius  mensis 
fwk  hmc  f[uasi  mortij/cr  01515  (ou  \eiï]fer).  —  viic  102  s.,  il  faut  ponctuer  : 
Cam  sex  cenums  {600),  geminisque  nouem  (18),  duodenis  Quattuor  (jfi)  occisis; 
total,  666  soldats  massacrés  lorsqu'on  décime  pour  la  première  fois  la  légion 
thébaine.  En  effet  la  légion  en  comprenait  100.3.2+  2000.3  +  10.3  +9.4  = 
6666  (vers  7  s.).  Il  en  reste  donc  6000  :  la  seconde  fois  on  en  tue  600  (vers 
136  :  dtto  sustinuae  trcccnti).  Il  résulte  de  là  que  Sorte  in  sex  acta  au  v.  137 
n'a  pas  de  sens  :  peut-être  &ut-il  lire  Sorte  in  se  exacta;  reliqua  nu  parte  subacta, 
CmuSy  etc.  —  cxxxiij  2,  actoris  et  ciitiu,  auctor  iste  Riese  :  plutôt  auctor  is  et  cuias. 

—  Il  suffira  d'indiquer  très-brièvement  les  corrections  suivantes,  parmi 
lesquelles  plusieurs  portent  sur  de  simples  faïutes  d'impression,  ij  7,  O  filio, 
I.  Ofpào. — vij  10,  populi,  I.  populis.  —  xiiJ39,fn>/i5^  I.  mtens. — xiv 4 3,0111/(715, 1. 
wmferis  {cf.  xv  72  snperat^  ivc  26  inuatur).  —  xvj  1 2 1 ,  quaterno.  —  xix  29, 
1\mn  temœ]  inhabitabiles.  —  xxj  9,  tumescit.  —  xxiv  20,  trinus  et  tmiu,  I.  unas. 

—  XXX  Si  ^^  ^^  ^"^'t  ^^  ^^  Hagen,  1.  hac  die.  —  xxxvj  10,  prostas,  I. 
ffêesua.  —  xxxviij  8,  ignosce.  —  xlij  13,  cunctis,  1.  cancù;  16,  crimine,  1.  cri- 
wÔMâ;  17,  kora,  1.  ora.  —  xliij  23,  quoque.  —  I  1 3,  contectis  plumis,  1.  contectas; 
26,  exstinctus  sole,  I.  exstincto;  subens,  1.  rubens;  29,  plumis ,  I.  plumas  0)\  37, 
iffi.  I.  i/rse;  43,  /fîc  [in]uolata{})\  55,  [per]plaudunt  Q)  \  64,  garder  liqacns; 
1 10, triumphis^  1.  triomphes  et  non  triumphus;  119  s.,  Xpus  sepulckro,  Xpus 
resurgit.  —  liv  2,  redundantiû.  —  Iv  27,  Vertis,  I.  Virtns  (?>;  41,  Nos,  I.  Hos; 
(0,  Tollat,  1.  TolUt;  59,  beatorum,  I.  beatarum.  —  Ivj  2,  atquc\  5,  garder  beads\ 
9,  detraxà;  20,  sordidulam,  \.  sordidulum.  —  Ivij  5,  praecauc,  nunc  (ms.  itnii, 

1 .  Ms.  quateme. 

2.  Ms.  constant  tribus. 

}.  Cf.  Baldo  dans  Du  Méril,  Poésies  inédites  du  m.  a.  p.  2^0  I.  i  (  :  /ji£b5 
MUR  punguat  sua  uerba,  for'msecus  ungunt. 


292  COMPTES-RENDUS 

non)  ftliXi  nt  u^  àtim  ncscis  (var.  mms)  li  audcs  (var»  audis)  etc.;  au  v.  8  lire 
avec  le  manuscrit  de  Daniel  mortaîa,  —  Iîc  9,  mûn\s] — h\\  1 2 ,  atquus  ;  24,  eius,  — 
Ixiij  j,  quic^uid,  —  hix  6,  ouc,  I»  on;  îi6,  fm  de  la  première  noie,  or^i,  L 
orbis.  —  Ixx  9,  «w,  I.  sid;  a6,  u/fprw^  «dïw  iîforum,  I.  u/lor  tt^/wfuj  ilidrum  (cf. 
y/iWrwIxix,  32)-— Ixxij  jî,  muriin  es  inferm^  U  maras es  infanis;  P. m,»,,  /♦  j, 
/Joj  f*ïm/ïr  —  Ixxv  2 1 ,  orc/f/ifj  âique,  —  Ixxviij  7,  wlfff,  qmque  {Ugis\  librum 
(on  pourrait  aussi  lire  kgcs;  ici  ^mj^u^  vaut  qmsqmsiPA)G,  n.,  L  2,  proluL-^ 
Ixxij  2î,  mimcroSj  l,  numcras;  au  v,  4j  garder  ^m  {=:  ^aièui);  7^,  /um/,  1, 
pr obahkmtni  fturis;  86,  %««,  1.  Alque;  86,  M.,.  A^^«/if,  L  Hic...  kabd;  9^,1 
Hqc  facto  mss.i  Hoc  fato  Hagen,  I*  Hoc  f^f/a.  —  Ixxxiv  44,  comocai  ms.,  ran- 
probal?  Hagcn^  U  conlocaL  —  Ixxxviij  4,  ajcufium  et  non  excUium;  1 1,  ffm- 
pofa  et  îîon  umpon;  la  rime  indique  de  lire  aduenîu  (11),  assoàatus  (20),  excclsls 
(2î),  —  viic  7»  uidbiis;  ji^  hinc  :  Mr.  —  viic  11 9,  je  ne  puis  comprendre 
pourquoi  M,  H.  change  sokcia  (que  le  ms.  d'ailleurs  écrit  correctement  par  un 
c)cnsolûlio;  180  s.,  L  Hanc  gladtus  (ms.  gladiis)  stramij  cibus  htinc  opulens 
satiamt,  Vitigenam  (Hagen  Niîtg,)  rorem  bibk  hatCj  uomit  Ula  cruorm;  197  s., 
Quôd  (el  fton  Quid^  scil.  corpus  efctum)  me  tantomm  comkem  probat  esse  mro.um^ 
Vci  (et  non  Vt)  fuga^  etc»  —  vie  2^,  Inde  et  non  Vnde;  un  point  après  manen\ 
5  5,  pcrdiffiàkm  en  un  seul  mot,  40,  inathit  (préférable  pour  le  sens  â  inninït^  cl 
dont  muai  n'est  qu'une  orthographe  incorrecte).  —  vie  48  ss-  Je  proposerais, 
quoique  avec  doute^  la  lecture  suivante  :  reram,  Hcc  fieri  qutmqaam  fagitiuus 
passe  bcatum  hJtcat  ipse  dohr(fugkîmSj  c.-â-d.  qui  se  transporte  avec  l'homme), 
qm  dtjugkntibus  extaL  Nunc  etc.  (ms>  quîd  de  jugknilbas  cxiaî\t\  ^5  s.,  Sed  non 
ut  uaUant  lûnguorts  pcrdtre  causas  :  Qui  doht  aut  metakj  paUt  kunc  non  esse 
bcâtam  (ms.  ne  nakant^  qui  metuit  ;  cf.  58  His  dokî  aut  mctuUj.  —  iic  24^  ut  pou 
grandtm^  et  non  ut  puto.  Ces  mots  se  rapportent  à  cdpam,  —  ciij,  changer  sk 
en  si  au  v.  21  et  écrire  au  v.  aj  si  pro  membrana.  —  cvij  68,  ptr  iniqua  en 
deujt  mots;  99,  graais.  —  cviij  52,  jîj,  Un  fit.  —  cxij  12,  fenas,  lire  fums. 
Aux  V,  28  et  ?6  corriger  nota  y  noîum  en  tiolaj  uoîum  (et  non  mtum),  et  dans 
cxvij  18  Urtindicai  (non  iadicat  qui  n'est  nullement  «  scnsoi  aptîus)»  ;  cxvlj  14, 
bono.  —  cxviij  9,  partes j  I.  artes^  Ce  serait  à  vérifier  sur  l'inscription  originale, 
qui  sans  doute  existe  encore.  —  cxxiij  j,  £f,  lire/lL  —  cxxxii)  5,  ms.  qmdem, 
H,  quidam^  plutôt  pridcm.  —  cxxxiv  j6,  conïscue,  —  Corrections  de  ponctua- 
lion  :  iv,  un  point  après  10  et  non  après  la;  2j,  la  virgule  après  supcrhi.  — 
vij  ji,  la  virgule  avant  uobis;  4J,  ôter  les  deux  points  après  aue^  mettre  un 
point^virgule  après  leiius.  De  même  viij  21.  —  xvj  0,  un  point-virgule  après 
danl  miik.  —  xxxij  lo,  ôter  la  virgule  après  dïadema.  — ^1  2  ss.,  Ad  astra  tendit 
Âita  subHmis;  Aspergtns  etc.  —  lij  ^9,  ponctuer  plus  fortement  après  uterqtu, 
—  Ixij  I,  ôter  la  virgule  après  Rex,  —  Ixiv  j,  la  virgule  avant  nistbus.  — 
liviij  2,  praeciara  entre  virgules.  —  Ixxiv  i  s,  ponctuer  tu  pater,  0  palme  decus^ 
et  etc.  —  Ixxvij,  un  point  après  le  v,  m,  deux  points  après  le  v.  14,  une  vîrg, 
après  le  v,  20;  au  v.  24  un  point  et  virgule  après  sedtas.  —  Ixxvlij,  au  v.  1 1 
deux  points  après  dtsce  ;  au  v.  1  j  une  virgule  après  iuuems.  —  Ixxx  9,  la  virg. 
avant  d\  1  j,  boutim  uma,,.  Ulud  :  Cens;  un  point  après  22  el  une  virg.  après 
2);  un  point  après  3 1^  une  virgule  après  J4  ;  et  un  point  d'interrogation  après 
40.  —  Ixxxi)  48,  Ôter  la  virgule  avant  quac.  —  Ixxïiij»  des  virgules  avant 


I 


Carmina  medii  aeui,  p.  p.  hagen  293 

jNMCfo  et  après  re/ûto.  —  Ixxxix  6,  deux  points  après  des.  —  viic  152,  une 
nrgule  après  W  ;  201,  ôter  la  virgule  qui  suit  amocnam  et  la  mettre  avant 
nçàcm,  — vie  11  ss.,  odium^  timor  —  mentes;  Quattuor  —  omnis,  Vix,  —  iic 
22  s.,  une  virgule  après  aimis^  une  autre  après  aqua.  —  cj  12,  une  virg.  après 
assimiles,  —  cv,  une  virgule  après  45,  deux  points  après  47.  —  cvij  7-8,  un 
point  d'exclamation  après  i/iânia^  un  point  après  tenuisset]  32,  la  virgule  après 
peias  et  non  avant;  un  point-virgule  après  55  ;  une  virgule  après  95  ;  ôter  la 
virgule  après  102.  —  cviij,  ôter  les  virgules  après  16,  20,  38,  et  dans  18;  en 
mettre  après  19,  55  ;  un  point-virgule  après  17.  —  cxj  19,  pas  de  virg.  après 
res,  —  cxij  23,  virgule  après /ro/u/ikj.  —  cxiv  6,  une  simple  virgule  après  arte. 
avij  5,  la  virg.  après  similis.  —  cix  9-10,  ôter  toute  ponctuation  après  mumis^ 
et  mettre  un  point  après /ocu5.  —  cxx,  un  point  après  4.  —  cxxvj  15,  ôter  la 
virgule  avant  ut  (qui  n'est  pas  corrélatif  à  ita).  —  cxxvij  14,  un  point  après  14. 
—  cxxviij,  ôter  la  virgule  après  6.  —  cxxix,  ponctuer  fortement  après  9.  — 
czxxvj  iv-2,  une  virgule  après  forîis. 

Au  point  de  vue  de  la  lexicographie  j'ai  noté  au  courant  de  la  lecture  les 
formes  suivantes,  remarquables  tantôt  pour  le  sens  et  tantôt  pour  la  forme  (je 
laisse  de  côté  la  plupart  des  noms  propres,  dont  M.  Hagen  a  donné  un  index)  : 

senior  (seigneur)  vij  2, 

?  mwe  X  4, 

?  taltan  x  5  (1.  talentum?)^ 

rulks  Ixvj  8,  Philôgëus  Ixvj  8,  ?tëripes  Ixvj  9, 

Sirenae  (confusion  produite  par  l'ace.  Sirenas)  xiij  $  3 , 

faa  (fécondée  par)  xiij  62, 

arastes  féroin.  xiij  74^ 

moriae  ss  perkre  lij  ^2, 

harcd  xiv  11, 

gauisus  ob  quod  xxiv  1 1 , 

triamphare  actif  xxxvij  24, 

cothurnus  Ixix  23,  Ixxviij  14,  64, 

uûssàia  Ixxj  9, 

ntncolus  Ixxiv  29, 

rutilis  Ixxv  note 

scfipûlus  Ixxvij  I , 

sinscalcus  Ixxvij  2,  Ifuttclarius  Ixxvij  2, 

lûuander  Ixxvij  3  ter^ 

focarius  Ixxvij  3  ter, 

caminaior  Ixxvij  23, 

progenics  (ancêtres)  Ixxix  4, 

phillàra  Ixxix  30, 

sintagma  Ixxix  41  (la  pièce  Ixxix  fourmille  de  mots  grecs  :  Sûvrayijwt  serait-il 
le  titre  d'un  ouvrage  du  destinataire  Constantin?), 

cosmi  triquadri  Ixxix  74, 

desma  Ixxix  77, 

psaimûtio  Ixxix  90, 

ciphal  =  xeçaXiTv  Ixxx  48, 


294  COMPTES-RENDUS 

taphus  =  Tà^  Ixxx)  8, 

puUlis  Ixxxj  9, 

miles ^  chevalier  (romain)  cxxxiij  lo, 

trianglus  Ixxxvj  7,  liuellus  Ixxxvi  14, 

^uadratorium  Ixxxvj  titre, 

^fltof  (âme)  viic  74,  92,  93,  ivc  18,  lux  (œil)  viic  76, 

nulli  (génitiO  viic  167, 

de  ficubus  (=»  ficus)  iiic  7,  de  fratre  (==  a  fr.)  cxxx  1 1 , 

homo  (=  mûritus)  iiic  16.  /î/w  (=  puella)  ciij  20, 

^uo</  (s3  car)  iiic  21. 

Deip'utas  (pitié)  iic  7, 

/e^rûu  m^^û  ciij  14, 

quœ  ruscio  viic  186, 

quo  pro  ciij  9, 

qualiter  (=  quomodo)  cvij  12, 

remaruri  cvij  14, 

ûlba,  frocum,  capellus  (vêtements)  cvij  13,  16,  17, 

amodo  (et  non  a/  mo^o  ;  c'est  un  adv.  fréquent  au  moyen  âge)  cvij  41, 

merci  (c'est  le  mot  français)  cvij  76, 

ddio  (je  hais)  cvij  8$, 

consepelisse  cxvij  16, 

uelle  suo  cxxiv  2,  /7055e  tuum  cxxvj  6, 

Dan$  la  pièce  Ixxxij  et  la  suivante  il  y  a  lieu  de  relever  les  noms  donnés  aux 
pièces  du  jeu  d'échecs.  Dans  Ixxxij  on  a,  outre  le  roi  et  la  reine,  toute  une 
hiérarchie  féodale,  des  comités  (les  fous),  des  équités  (les  cavaliers)  et  aux  fron- 
tières de  l'échiquier  des  marchiones  (les  tours)  :  voir  les  v.  37,  39,  42  (v.  41  s. 
Extremos  retinet  fines  ^  inuectus  uterque  Bigis^  s  eu  rochus,  marchio  siue  magis  :  le 
rochus,  ou  plutôt  le  marquis).  —  xiij  75,  dans  un  vers  qui  au  dire  de  l'éditeur 
esifere  totus  putredine  deletus^  il  est  hardi  de  lire  colubres.  Mysteriarchus\xxix66 
est  un  autre  barbarisme.  —  Ixxvij  21,  Multo^  qui  est  imprimé  par  une  grande 
M  et  qui  figure  dans  l'index  des  noms  propres,  n'est  ni  un  homme  ni  un  être 
mythologique,  et  n'a  aucun  droit  à  la  majuscule.  Ce  mot  désigne  le  ueruex  du 
V.  18  :  c'est  tout  bonnement  le  mot  français  mouton.  Voir  Diez,  Warterbuch^  au 
mot  montone.  M.  H.  a  fait  aussi  un  nom  propre  de  hcrcmita  iic  21.  —  cv  15, 
M.  H.,  trompé  par  tôt  du  v.  14,  change  quod  en  quot.  Mais  il  faut  garder  quod 
(=  ut)  qui  est  un  romanisme  :  in  tôt,  quod  despero,  en  tant  de  choses,  que  je 
désespère  ^ . 

Au  point  de  vue  de  l'orthographe,  en  outre  des  formes  qui  ont  déjà  été 
relevées,  les  mss.  dépouillés  par  M.  Hagen  présentent  quelques  formes  â  noter  : 
salpUmustt  salplamus  (pour  psalL)  xxvj  28  et  33,  ignos  (pour  hymnos;  cf.  1  ^0?) 
xlviij  4,  grax  et  gragem  {a  pour  e)  vii  32,  0,  filex  =^  filix  xiv  ly,  dans  I  44 
l'auteur  avait  dû  écrire  hangeli  pour  angeli.  L'emploi  de  l'y  est  très-rare,  et  je 
crois  qu'au  moins  dans  les  cas  où  1'/  que  les  mss.  lui  substituent  forme  une  rime 

I.  Sur  l'emploi  de  quod  voir  Osann,  Vitaiis  Blesensis  Amphitr.  196;  cf.  dans 
le  même  poème  341  sic  quod  dicor  =.sic  ut  dicar^  et  ajouter  I  exemple  i4ii/u/.  195. 


Le  Martyre  de  sainte  Agnh,  p,  p,  sardou  29c 

fwe  Tm\s  M,  H.  aurait  dû  le  conserver  :  ainsi  chdh  Ixxix  62.  La  même  obser* 
fition  s'applique  aux  rimes  entre  c  =  ae  (ou  c  =oOct  e  ordinaire  '.  Dans  viic 
114  la  nmc  suppose  Torthographe  magestri.  —  Frax  cvij  81  est  ponrfraus  et  doit 
«  prononcer  comme  frauî;  c'est  ainsi  que  dans  les  textes  français  tkeuax  vaut 
diaaus.  M.  H.  avertit  (cxxxiij  2)  que  actor  qu'il  laisse  dans  le  texte  vaut aurfor  : 
la  même  remarque  n*eût  pas  été  superflue  cxxvj  5.  —  Au  point  de  vue  de  la 
prODOnciatton,  il  y  a  lieu  de  relever  les  rimes  ficum^  ùtiquum  iiic  4;  precor^ 
m^r  lie  26  ;  ae^uurn,  muum  ic  1  \\  mm  ^ua^  saliunca  ic  19;  ainsi  que  la  rime 
/sof,  projedty  tecit,  m  stî  cxxxiij  28. 

Au  point  de  vue  de  l'histoire,  on  pourrait  faire  sur  le  livre  de  M.  Hagen 
beaucoup  de  notes  intéressantes.  Je  souhaite  qu*une  personne  corn pétenie  entre- 
prenne cette  tâche. 

Il  est  temps  de  conclure  par  une  appréciation  d^ensemble.  L'édition  des  Car- 
mka  e3t  utile  et  soulève  mille  problèmes  curieux;  M.  Hagen  a  rendu  service  à 
b  science  en  opérant  le  dépouillement  des  mss,  de  Berne^  et  ci  et  (â  il  s'est 
acquitté  du  devoir  d'éclaircir  son  texte.  Mais  on  ne  peut  méconnaître  que  le 
travail  a  été  fait  trop  vite,  que  les  éditions  antérieures  n'ont  pas  été  collationnées, 
que  le  sens  n'a  pas  été  étudié  d'assez  près  et  que  la  ponctuation  a  été  mise 
souvent  au  hasard,  que  le  choix  entre  les  variantes  a  été  fah  sans  méthode^  que 
plusieurs  des  corrections  qui  ont  été  proposées  violent  des  règles  élémentaires; 
qa*enfin,  chose  presque  incroyable^  ('éditeur  semble  n'avoir  pas  eu  conscience 
des  différences  qui  distinguent  un  texte  en  vers  d'un  texte  en  prose.  De  telles 
néjçligences  feraient  sans  doute  grand  tort,  dans  Testime  de  M,  Hagen,  â  un 
phHologue  non  allemand  :  c'est  du  moins  ce  que  peut  faire  présumer  l'aigreur 
d'une  certaine  antithèse  établie  par  lui,  assez  hors  de  propos,  entre  une  qyalilé 
germanique  et  un  défaut  danois^.  Mats  mêler  tes  questions  de  falouste  nationale 
aux  questions  de  science  est  un  travers  où  ne  tomberont  pas  les  lecteurs  fran* 
çais  :  à  coup  sûr  ils  reconnaîtront  avec  une  cordialité  complète  le  soin  que 
M.  Hagen  apportera  à  ses  éditions  futures.  Il  leur  suffira  que  sa  prochaine  pu- 
blication de  poésies  du  moyen- âge  atteste  une  connaissance  sérieuse  de  la  versi- 
fication, acquise  soit  â  Técole  de  la  science  allemande,  soit  à  l'école  de 
M.  Thurot  et  de  M.  Quichcrat. 

L.  HiLVBT. 

Le  Martyre  de  sainte  Agnès,  mystère  en  vieille  langue  provençale.  Texte 
revu  sur  l'unique  manuscrit  original,  accompagné  d'une  traduction  littérale 
en  regard  et  de  nombreuses  notes,  par  M.  A.-L.  Sardou.  Paris^  Champion, 
[1877].  In-S^,  xvi-i  12  p.  (Publication  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et 
arts  des  Alpes-MarîtimesK 

Le  mystère  de  sainte  Agnès  a  été  découvert  à  Rome  et  publié  en  1 869  par 


4.  Sroaragdus  scande  trùchei  Iv  2,  tout  comme  Virgile  avait  scandé  chorëûs  ; 
it  le  ms.  porte  trocka.  Ici  encore  il  est  pour  le  moins  superflu  de  rétablir  un  a 
devant  It. 

i.  La  qualité  germanique  est  la  force,  le  défaut  danois  est  l'insolence  fje  ne 
puis  dire  pourquoi  Damtût  tmoknlm  a  une  majuscule  et  m  gymana  une  mr- 
ntscule).  Je  ne  sats  au  juste  à  qui  s'adresse  la  phrase  en  question  (p.  vj)  :  si 
c'est  de  M.  Madvig  qu  il  s'agit,  il  mérilail  Thonncur  d'être  nommé. 


296  COMPTES-RENDUS 

M,  Bartsch»  Celle  édition,  malgré  quelques  imperfections,  est  sans  contredit 
Tune  des  meilleures  qu'ait  publiées  ce  savant.  Le  travail  de  M,  Sardou  ne 
diffère  pas  assez  de  celui  de  son  devancier  pour  qu'il  y  ait  lieu  d'en  rendre 
un  compte  détaillé.  Le  motif  qui  a  poussé  l'éditeur  de  la  Vie  de  saint  Honorât  à 
donner  une  fois  de  plus  la  mesure  de  ses  connaissances  en  provençal,  c'est  que 
K  rédition  donnée  par  M.  Bartsch,  avec  sa  longue  introduction  et  ses  nom- 
breuses notes  en  allemand,  n'a  pu  profiter  qu'aux  personnes  familiarisées  avec  la 
langue  de  Gœthe  ■  ;  motif  dont  la  portée  nous  échappe  ;  car  la  t  longue  intro- 
duction et  les  nombreuses  notes  »  du  premier  éditeur  contiennent  une  foule  de 
notions  utiles  qu'on  chercherait  vainement  dans  l'introduction  et  dans  les  notes 
du  second,  de  sorte  que  les  personnes  qui  ignorent  «  la  langue  de  Gœthe  •  ne  sont 
guère  plus  que  par  le  passé  en  état  de  profiter  des  recherches  de  M.  Bartsch. 

La  nouvelle  édition  se  recommande,  en  apparence  du  moins,  par  un  mérite 
plus  sérieux:  celui  d*une  nouvelle  révision  du  ms.  de  Rome.  Cette  révision  pou- 
vait être  fructueuse.  L'un  de  mes  anciens  élèves,  M.  Clédat,  qui  en  187^  appar- 
tenati  â  Técole  de  Rome,  a  collationné,  et  non  sans  utilité,  le  ms.  de  SainU 
Agnh,  Mais  le  même  travail,  fait  par  M,  Sardou,  ne  me  parait  pas  avoir 
produit  de  résultats  bien  importants.  Il  y  a  par  exemple,  aux  folios  70  et  71 
do  ms.  plusieurs  morceaux  ajoutés  après  coup,  soit  par  le  copiste,  soit,  plus 
probablement,  par  Tauteur  lui-même.  Ces  fragments  ont  été  intercalés  par 
M.  Bartsch  (p.  7  à  10)  hors  de  leur  place,  et  embarrassent  visiblement  le  dia- 
logue. M.  S.  les  a  rejetés  en  appendice,  ne  sachant  qu'en  faire,  et  a  conservé 
diverses  fautes  de  lecture  commises  par  M.  Bartsch.  Cependant  l'examen  du  ms. 
a  révélé  i  M.  Clédat  l'endroit  du  texte  où  ces  additions  doivent  prendre  place*. 

M.  S.  s'est  mis  au  travail  sans  soupçonner  que  depuis  I  édition  de  M.  Bartsch^ 
personne  se  fût  occupé  de  Sainte  Agnh.  Il  en  résulte  qu'il  a  manqué  l'occasion 
de  vérifier  sur  le  ms.  des  conjectures  proposées  par  divers  érudils,  et  parmi 
lesquelles  plusieurs  sont  certaines.  Ainsi  il  y  a  (Bartsch,  1.  520,  Sardou,  p.  ji) 
un  vers  lu  par  le  premier  éditeur  :  El  hosc  dur  dcua  mi  al  pûîasih  amfos,  et  par 
lui  corrigé  d'une  façon  arbitraire  autant  qu'invraisemblable*  M.  Sardou  a  lu 
comme  M,  Bartsch  (sauf  dena  au  lieu  de  dnia)  et  adopté  sa  correction.  Mais, 
dès  (869^,  j'avais  proposé  la  bonne  lecture  :  El  bosc  dardtna  (d'Ardatâ)  fustâl 
palaiks  Amfos,  qui  a  été  adoptée  par  M.  Bartsch  lui-même •''.  Depuis,  j'ai  su  par 
M»  Cfédal  que  ma  conjecture  était  réellement  la  leçon  du  ms. 

M.  S,  n'a,  heureusement,  pas  trop  touché  au  texte  de  M.  Bartsch,  qu'il  eût 
été  assurément  fort  en  peine  d'améliorer.  Toutefois  il  a  proposé  çà  et  ta  quel- 
ques modifications  qui  sont  loin  d'être  toujours  heureuses.  Je  citerai  par  ex. 
celle  du  v.  82  :  As  en  Sinprom^  e  vos  dlgas.  M.  S.  pense  que  le  vers  a  une 
syllabe  de  trop,  et  propose  la  suppression  de  vos,  M.  S,  ne  se  rend  évidemment 
pas  compte  de  l'accentuation  de  StnpronL 

Les  onze  pages  de  V  «  Introduction  1*  sont  consacrées  à  des  matières  fort 
étrangères  à  Sainte  Agnh.  Ainsi  M,  S.  s'y  livre  à  des  attaques  aussi  dénuées  de 

t.  Le  travail  fort  instructif  de  M.  Clédat  vient  de  paraître  dans  la  Bibliothèque  des 
Écoles  françaises  d*Athéncs  et  de  Rome. 

2.  Hevui  critique,  1869,  11,  18$. 

i,  GrundrisSy  p.  6.  Au  lieu  de  palaihs  Am/os^  M,  B.  i  proposé  patais  ausor,  ce  qui 
rétablit  la  rime  avec  le  second  vers. 


Die  Siihen  weisen  Meister,  hgg.  von  mussafia  297 

bon  sens  qoe  d*à  propos  contre  ma  traduction  de  Flamenca^  me  reprochant 
cbri  table  ment  d'avoir  omis  dans  cette  traduction  des  pages  entières  parce  que 
je  n'étais  pas  en  état  de  les  comprendre.  Si  donc  M.  Guessard  a  joint  aux  chan* 
sons  de  geste  qu'il  a  publiées,  non  une  traduction,  mais  un  sommaire»  c*est 
qu'il  était  incapable  de  traduire  les  textes  qu'il  éditait.  Au  lieu  de  me  chercher 
tinc  querelle  d'allemand  ao  sujet  d'un  ouvrage  publié  en  186^,  M.  S,  eût  mieux 
fart  de  prendre  â  partie  quelque  travail  plus  récent,  par  exemple  le  rapport  que 
l'ai  fait  l'an  dernier  au  Comité  des  travaux  historiques  sur  son  édilion  de  la 
Vk  de  sâini  Honorais  —  M.  S.^  qui  tient  absolument  à  n'être  d'accord  avec 
moi  sur  aucun  point,  me  blâme  encore  d'imprimer  :  <  Quel  reis  Esclaus  nit  reis 
d'Ongna  »  ;  il  préfère  écrire  avec  Raynouard  :  «  Quel  reis  Esclaus  ni'L,.  »  et 
fuit  de  là  pour  dire  que  je  suis  «  de  l'école  allemande  ».  Le  plus  aîkmmâ 
des  deux  n'est  pas  celui  qu'on  pense.  Le  système  de  Raynouard  n'avait  plus 
goèfe,  à  ma  connaissance,  qu'un  adhérent,  M.  le  D»-  Mahn;  maintenant  tl  en 
aun  deux.  Quant  au  système  que  je  suis,  c'est  celui  que  M,  Guessard  exposait 
(en  grand  détail,  et  sans  se  faire  faute  de  démontrer  Terreur  de  Raynouardï  à 
l'École  des  chartes,  devant  des  auditeurs  au  nombre  desquels  se  trouvait,  si  j'ai 
bonne  mémoire,  M,  Sardou  lui-même  (18^7-8). 

A  la  suite  du  texte  est  jointe  la  copie,  avec  transcription  en  notation  mo* 
deme  par  M.  l'abbé  Maillard^  de  plusieurs  morceaux  de  musique  que  contient  le 
nrystère.  C'est  peut*étre  II  tout  ce  qu'il  y  a  de  bon  dans  l'édition- 

P.  M. 

Die  catalanîsche  metrischa  Terslon  der  sieben  'Weisen  MeSater, 

Von  Adolf  Mi'ss^AFiA.  Wten,  Gerold,  1876,  in-4«,  8j   p.   (Extrait  des  Ml- 
mmci  de  P Académie  de  Vienne^  t.  XXV). 

On  connaissait  depuis  longtemps,  par  divers  renseignements  qu  a  rappelés 
M.  Mussafia,  Pexistence  k  Carpenlras  d'une  version  catalane  du  Roman  des 
Sept  Sages.  M.  Mussafia,  auquel  on  doit  déjà  de  si  importants  travaux  sur 
diverses  versions  de  cet  ouvrage  célèbre,  pria  il  y  a  quelques  années  M,  Fccrster, 
qui  parcourait  alors  les  bibliothèques  de  France  en  quéle  de  manuscrits  inédits, 
de  lui  copier  ce  texte.  J'allai  de  mon  côté  à  Carpentras,  en  décembre  187J, 
pour  prendre  non  une  copie,  mais  une  analyse  du  roman  catalan  en  vue  du 
cours  que  je  faisais  alors  au  Collège  de  France,  et  ayant  appris  juste  à  temps 
le  pro)et  qu'avait  mon  savant  ami  de  publier  le  texte  mème^  je  pus  collationner 
pour  lui  quelques  passages  qu'il  m'indiqua.  Je  retrouve  en  outre  dans  mes  notes 
un  certain  nombre  de  passages  transcrits  textuellement,  et  grâce  auxquels  je  puis 
apprécier  ta  copie  de  M.  Fcerster.  Cette  copie  est  lort  bonne,  comme  on  devait 
l'attendre  d'un  paléographe  aussi  exercé:  mais  il  faut  ajouter  qu'il  a  eu  à  la  faire 
un  mente  particulier,  car  le  manuscrit  est  extrêmement  difficile  ou  du  moins 
offre  sur  certains  points  des  difficultés  partkulièreSi  notamment  en  ce  qui  con- 
cerne la  distinction  de  ts  et  a,  de  c  et  r,  et  certaines  abréviations.  Je  trouve 
entre  mes  notes  et  les  passages  correspondants  du  texte  imprimé  un  certain 
nombre  de  différences,  en  général  peu  importantes,  et  où  je  suis  d'autant  moins 
idr  d'avoir  raison  que  j'ai  travaillé  très-vite  et  que  je  n'ai  pas  copié  les  vers  en 
«îueslioii  avec  l'attention  qu'on  apporte  à  une  copie  qui  doit  être  imprimée.  Je 


298 


COMPTES^RENDUS 

;  de  CCS  divergences,  qui  peuvent  avoir  de  Tintérétp  V* 


signale  quelques-unes  de  ces  aivergences,  qui  peuvent  avoir  de  I  intérêt,  V*  17, 
Btnciils^  el  de  môme  v*  3 1 ,  Enalls  (=  EnciUs)  ;  iJ  faut  sûrement  lire  Binàll^i^ 
EnciiUs;  la  double  i  est  surmontée  d'une  barre  qui  indique  une  abréviation;  on 
trouve  de  même  Untuls  et  d'autres  mots.  —  V.  22,  j'ai  lu  Car  vcg  que  conqutst 
i  avcts  au  lieu  de  prest  0  j.  —  V.  24,  |'ai  lu  gazardonats (voy,  la  noie).  — V.  jo. 
(ftustia  pour  if at  ûj,  —  V.  123,  qualcon  {qualqueU  —  V.  126,  molis  gtns 
{mollis  gents).  —  V.  2 1  j,  le  ms.  a  cortcsa  en  un  seul  mot;  ne  pourrait-on  garder 
ce  diminutif  au  lieu  d'adopter  la  correction  proposée  en  note?  —  V,  $94,  j*ai 
lu  pauc,  mais  il  est  certain  que  le  ms.  se  prÔle  aussi  à  la  leçon  petit.  —  V.  1095^ 
j'ai  lu  laquas,  et  souvent  que  où  Timprimé  porte  qat,  —  V.  1 359,  prêts  (pncs). 

—  V.  2218,  j'ai  lu  siâknar  pour  scaionar\  c'est  cerlainemenl  la  bonne  leçon;  et 
il  est  probable  que  tstohn,  cité  dans  la  note,  doit  être  corrigé  cnatâtan.  Le  sens 
de  ces  mots  est  i  étançonner  (cf.  le  roman  français  des  Sept  Sages,  éd.  Leroui 
de  Lincy,  p.  ^3),  étançon  »  ;  pour  l'étymologie,  cL  Litlré»  au   mot  Etalon  2, 

—  V.  2404,  le  ms.  porte  bien  Canl  ho^  mais  il  faut  corriger  Catho,  —  V.  2892, 
tant  i  j'ai  marqué  dans  mes  notes  que  le  ms,  pourrait  permettre  de  lire  eani^  qui 
est  meilleur  pour  le  sens.  —  V.  1946,  fiyk  {filû].  —  V*  3045,  si&  (jw)  ;  voy, 
sur  ce  vers  la  remarque  de  la  p.  32.  —  V,  3188,  simi  {estorl).  —  On  parle  de 
réimprimer  le  poème  catalan,  pour  la  SocUté  des  langaes  romanes^  diaprés  l'édi- 
tion de  M.  Mussafia;  il  sera  bon  de  collationner  soigneusement  le  texte  sur  le 
manuscrit  :  la  connaissance  et  l'étude  de  rcnsemble  permettra  de  lire  sûrement 
plus  d'un  passage  douteux.  Il  serait  â  propos  d'ailleurs,  dans  une  réimpression, 
d'introduire  dans  le  texte  les  excellentes  corrections  que  M.  Mussafia  s'est  borné 
à  indiquer  en  note,  et  à  rejeter  en  note  les  leçons  fautives  du  manuscrit*  Ce  ma- 
nuscrit est  déplorablement  corrompu,  et  la  lecture  du  poème,  dans  Tétat  où  il 
nous  est  arrivé,  ne  peut  se  faire  avec  le  moindre  agrément. 

Outre  cette  restitution  perpétuelle,  M.  M.  a  loint  â  son  texte  une  introduction 
grammaticale,  des  notes  explicatives  et  un  glossaire  des  mots  difficiles^  qui  sont 
assez  nombreux.  Il  est  superflu  de  recommander  aux  philologues  la  lecture  de 
ces  pages  ;  tout  le  monde  connaît  la  science^  la  critique  et  la  pénétration  de 
M.  Mussafia.  De  tous  les  disciples  de  Diez,  c'est  celui  qui  a  le  plus  largement 
compris  la  tradition  du  maître.  Il  est  également  chez  lui  dans  chacune  des  pro- 
vinces du  domaine  roman;  il  n'en  est  pas  une  oh  il  n'ait  fait^  non-seulement 
d'utiles  applications  de  la  meilleure  méthode,  mais  d'importantes  conquêtes. 
C'est  la  première  fois  qu'il  s'occupe  de  l'ancien  idiome  catalan^  et  il  n'a  pas 
traité  ce  sujet  sans  en  avoir  éclairé  plusieurs  faces  ^  Quant  au  commentaire 
que  pouvait  demander  le  texte  i\u  point  de  vue  de  l'histoire  littéraire,  M.  M. 
ne  l'a  pas  donné  celle  fois.  Ce  n'est  pas  que  ces  recherches  lui  soient  moins  fami- 
lières que  les  études  purement  grammaticales  :  j*ai  déjà  rappelé  ses  travaux 
antérieurs  sur  les  différentes  versions  des  Sept  Sages,  Mais  il  réserve  ce  travail 
pour  un  mémoire  spécial.  A  vrai  dire,  je  ne  vois  pas  bien  avec  quoi  il  le  remplira, 
à  moins  qu'à  propos  du  texte  catalan  il  n'entreprenne  une  étude  générale  sur 
les  rédactions  occidentales  des  Sept  Sages.  Le  texte  catalan  n'a  pas  pour  celle 
étude  un   intérêt  particulier  ;  il  est  facile  en  effet  de  reconnaître  qu'il  dérive  de 


t.  Voy.  siïT  ce  iravail  les  intéressantes  remarqua  de  M.  Chabancau  dans  ta  Ratte  its 
langues  romanes  de  décembre  1876. 


Du  Si^tn  mdmm  Ifàsfcr^  bgg.  von  msam  299 

Il  ftiactÎM  traçiise  psbiièe  pv  LerMi  de  liiicy  d  qiK  fC  dèsâgae  par  L*.  D 
éHl  nêne  es  démer  directaoeol,  or  il  ne  s'en  éioîgiK  q«e  fofi  peit,  et  «oatti 
ks  BodiicatKNis  qtt'd  a  apportées  à  son  origtiui  s'erpliqiient  par  devui  ca»es  : 
le  djsr  dTabréeer  (et  fii  eièt  (a  rédactîoa  catiiaae  est  relatnrcsoit  Itvt  co«te> 
ft  li  dèiir  de  ndeu  oMSlifcr.  11  serait  trop  loag  de  DOiitrer  ki  par  le  mvm 
rapplkaiioo  de  oes  deox  teodaoces  :  je  œ  pcose  pas  qn^oa  pnifie  soofer  à  attii- 
boer  a  ce  poème,  d'ailieon  asser  médiocre,  une  ûrigme  iodépeDdinte  de  L*. 

il  est  on  seul  point  oh  U  rédaction  catalane  se  sépare  de  L,  non  pour  ibréjgcr 
00  pour  notrvcr,  nais  an  contraire  pour  aJ longer  sans  motif.  Elie  ajoute  à  t'histove 
d^HJppocrate  {MedicsLs\,  qm  tna  son  œireQ  par  jalousie  et  s'en  repentit  lorsque, 
devenn  malade,  Une  1>ot  plus  pour  le  soigner,  un  épisode  mconns  aux  autres  version» 
des  Stfi  Saga.  Hippocrate,  dit  le  poème,  aTart  une  femme  qu*il  aimait  et  dont 
il  se  croyait  aimé.  Un  jour  tons  deux  à  leur  ienètre  regardaient  un  troupeau  de 
porcs,  parmi  lesquels  était  une  truie  ^,  t  L'homme  qui  mangeniit  de  ta  chair  de 
cette  truie^  dit  Hippocrate,  serait  perdu  sans  remède.  —  Quoi^  sans  remède^ 
^  la  femme.  Vous  me  fait^  trembler.  —  Il  n'y  en  aurait  qu'un^  reprit  le  sage 
fàpuiai,  ce  serait  de  boire  du  bouillon  *  ;  mais  si  on  n'avait  pas  de  bouilion,  on 
mourrait  sans  faute.  •  On  devine  la  suite:  l'épouse  perfide  fait  tuer  la  truie  et  en 
sert  la  chair  à  son  mari;  en  même  temps  elle  fait  briser  la  marmite  et  jeter  le  bouil- 
lon. Hippocrate,  dés  qu'il  a  goôté  cette  chair,  changedecouleur;  quand  il  apprend 
qu'il  ne  pourra  pas  avoir  de  boujllon,  il  sait  qu'il  est  perdu  et  à  qui  il  le  dort. 
Cependant  il  dissimule.,  et  Peignant  de  discuter  avec  sa  femme  ckèru  les  condi- 
tions de  leurs  testaments  respectifs,  il  la  fait  asseoir  près  de  lui  sur  une  pierre 
glacée,  dont  le  froid  lui  entre  dans  le  corps  et  la  tue  même  avant  lui.  Ainsi  il 
meurt  vengé.  Cette  histoire  se  retrouve,  beaucoup  mieui  motivée,  dans  le 
roman  du  Saint  Graal  (voy.  P.  Paris,  ics  Romans  de  U  Tâbk-Rondc^  I,  p.  266  ssj; 
il  ne  paraît  pas  cependant  que  ce  soit  là  que  Tait  prise  le  poète  catalan  :  car  le 
dénouement  est  un  peu  différent.  Dans  ie  roman  français  Htppocrate  dit  au  roi 
son  beau-père,  qui  voudrait  te  guérir,  que  le  seul  remède  serait  une  lame  de 
marbre  qu'une  femme  aurait  réchauffée  en  s'y  étecidanl  noe«  el  c'est  ainsi  qu'il 
arrive  â  taire  périr  sa  femme.  Les  deux  récits  ont  une  source  commune,  qui 
bien  probablement  est  originairement  byzantine.  Il  faut  remarquer  que  le  roman 
français  raconte  les  aventures  d'Hippocrate  à  propos  de  t  l'Ile  d'Ipocras  »,  où 
se  trouveraient  encore  les  ruines  de  son  palais.  Or  il  est  certain  que  beaucoup 
de  traditions  s'étaient  de  bonne  heure  attachées  au  nom  d*Hippocrale  dans  Hle  de 
Cos,  sa  patrie  (aujourd'hui  l^ngo)  :  elles  y  étaient  très-vivantes  au  moyen-lge  et 


t.  Sur  cette  désignation  et  lur  fa  classification  des  rédactions  françaises  en  prote  du 
roman  de»  Sept  Saga,  ie  renvoie  à  la  préface  de  mon  édition  de  dem  de  ces  rédictkmi, 
qui  paraîtra  incessamment. 

a.  On  pourrait  être  tenté  de  prendre  pour  une  trace  d'une  forme  bien  plus  ancienne  la 
iubstitution,  ddtns  Avis^  d*un  perroquet  à  ta  pie  du  roman  français.  Mais  cette  tubfti- 
tntion  était  suggérée  par  le  talent  du  perroquet  pour  la  parole  :  elle  s'est  faite  égale- 
ment, et  d'une  façon  tout  indépendante,  d:ïn%  le  poème  anglais  publié  par  M»  Wright, 
qui  dérive  d'une  autre  rédaction  française  en  prose  (Aj. 

^  Le  V.  102  j  dit  truya\  mais  on  voit  par  le  v.  1026  qu'il  s'agit  d'une  truie  ipéciatc. 
C'étîit  une  truie  en  ckûUar,  comme  nous  l'apprend  le  icxtc  que  je  vais  rapprocner  du 
catalan. 

4.  Il  faut  comprendre  le  bouillon  de  la  chair  de  la  truie. 


ÎOO  COMPTES-RENDUS 

elfes  y  subsistent  encore  *.  L'auteur  du  roman  catalan 3  a  été  induit  par  le  seul 

nom  du  héros  à  ajouter  cette  aventure  à  celle  qu'il  venait  de  raconter  sur  Hippo* 

crate^. 

Un  passage  curieux  des  Uys  â*AmoTS  contient  un  résumé  du  Roman  des 
Stpi  Sûges  qui  a  sans  doute  pour  base  un  texte  provençal  :  c  Tôt  le  romans dcls 
vij.  sa  vis  procezish  aperpauc  per  aquesla  figura  *  :  quar  can  le  lilhs  del  empc- 
rador  fo  jutiatz  a  penjar  per  Femperador  son  payre,  cascus  dels  .vii.  savis  lo 
dislrîguec  un  jorn  que  no  fos  pendutst  ab  un  ysshemplc  que  li  dizia  cascus  per 
esta  forma  :  Si  pendes  aquest  élan,  ayssi  ten  prengua  coroa  al  borgues  de  son 
bon  lebrier;  e  pueys  venia  l'altres  e  dizia  :  Si  to  filhs  fas  penjar,  ayssi  ten 
prendra  cum  fe  ad  aytal  baro  de  son  austor*'.  La  emperayritz  quar  volia  mal  a 
son  filhastre  fil  h  del  enperayre,  cant  era  la  nueg  am  1 1  marit,  deffazia  tôt  can 
li  savi  havian  fag  e  dig  de  jorn  am  d*autres  ysshemplcs  quel  fazia  et  aduzla  a 
son  prepauzamen,  pel  contrari  d'aquels  dels  philozophes,  perque  Tefans  fos 
pendutz.  Enpero  Dleus  finalmen  lo  gardée  si  que  Tefans  romas  coma  denan^  e 
ela  fo  despessada*.  »  Ce  sommaire,  évidemment  fait  de  mémoire,  oc  nous 
apprend  rien  sur  les  parlîcularilés  qui  pouvaient  distinguer  le  texte  d'où  il  pro- 
vient. Rien  n'empêche  qu'on  n*y  reconnaisse  notre  poème  catalan'  :  l'écart  des 
deux  dialectes,  au  XVI"  siècle,  n'était  pas  assez  grand  pour  que  ce  poème  offrît 
quelque  dtflicylté  i  des  lecteurs  toulousains^, 

G.  P. 

I#a  reine  Esther,  tragédie  provençale.  Reproduction  de  l'édition  unique  de 
1771,  avec  introduction  et  notes,  par  Ernest  Sabatier.  Nîmes,  André 
Catélan,  1877.  Pcl.  in-8*,  XLi-83  p. 

La  pièce  dont  on  vient  de  lire  le  titre  est  restée  inconnue  à  tous  les  biblio- 
graphes. Elle  paraît  n'avoir  eu  qu'une  seule  édition,  dont  on  ne  connaît  qu'un 
exemplaire^  celui  qui  a  servi  à  (a  réimpression  faite  par  les  soins  de  M.  Sabatier. 
Cet  exemplaire  unique,  qui  appartient  â  fa  bibliothèque  municipale  de  Car- 
pentras,  a  perdu  son  titre;  on  Ta  rétabli  à  la  main  d'après  un  exemplaire  qui, 
paraît-il,  ne  se  retrouve  plus.  Le  titre  restitué  est  ainsi  conçu  :  «  La  Reine 
Esther^  iragediou  m  \fcrs  et  en  cinq  actes,  a  la  knguou  vulgari^  coumf>ousâdott  û  la 
manière  del  Juifs  dt  Cârpentras,  A  la  Haye,  chez  les  Associés.  »  La  date  de  la 
publicatioa,  et  aussi  tout  ce  qu^on  sait  de  la  composition  de  cette  pièce,  est 


I.  Voy-  Dunlop-Liebrccht,  p,  175,  481, 

1.  Ou  peut-être  li  source  ou  il  a  puisé. 

).  On  trouve  une  allusion  à  cette  histoire  dans  un  texte  catalan  et  aussi  dans  un  texte 
français,  qu^on  peut  lire  tous  deux  dans  Comparctti,  Virgiî.  11^  107. 

4.  Il  s'agit  de  la  figure  que  les  auteurs  appellent  paradigma^  d*après  la  rhétorique 
îatine,  c'ejt-à-dire  «  exemple,  »  et  dont  lej»  prédicateurs,  disent  ils,  font  ^rand  usage. 

$.  Àustor  doit  être  une  faute  pour  auiel^  et  Tallusion  se  rapporte  ainsi  au  conte  Avis. 

6.  Leys  d'Amors^  t.  HI,  p.  190* 

7.  Je  n*atiache  aucune  importance  à  la  circonstance  que  rimpératrice  est  daptssada 
ici  et  brûlée  dam  le  poème  catalan.  Nous  avons  affaire  à  un  résumé  fait  de  méïnoire, 
par  conséquent  peu  exact,  et  d'ailleurs  tous  les  textes  s'accordent  à  la  faire  brûler. 

8.  Cet  article  était  imprimé  quand  j'ai  lu  dans  la  Revue  des  langues  romanes  fi"  sér., 
ilî,  10})  ta  note  supplémentaire  de  M.  Chabaneau  où  il  cite  aussi  le  passade  àa  Uyi 
d*Àmors*  U  ne  regarde  pas  avistùr  comme  un  Upsas  calami;  je  ne  pourrais  j  voir  en 
totti  cas  qu^un  lapsus  memoriae. 


La  Reine  Esihêr,  p.  p.  sa&atier  ^oi 

fottrtii  par  an  avis  au  lecteur  imprimé  à  U  fin  du  volume,  où  on  lit  que  la  tra- 
gédie d'Esthcr  a  été  composée  •  par  Tiïltjstre  rabia  Marbuchke  Astruc  de  la 
vOtede  Hsle,  perfectionnée  el  augmentée  par  le  Irès-digne  rabin  Jagob  de  Llnel, 
de  ta  ville  de  Carpentras.  *  La  date  est  ainsi  indiquée  :  «  Ce  1 5  Tevet,  an  de 
la  création  du  monde  U3S  *t  ^^  ^u^  correspond,  nous  dit  M.  Sabatier,  au  18 
dèœrobrc  1774. 

M.  S.  a  réuni  dans  sa  préface  (p,  xxx  et  suiv.)  quelques  renseignements  sur 
ces  detix  rabbins  desquels  le  premier  vivait  vers  la  fin  du  xvir  siècle.  Il  est  du 
reste  impossible  de  déterminer  en  quoi  ont  consisté  les  perfectionnements  et  les 
augmentations  apportés  par  le  second  i  l'œuvre  de  son  devancier.  M.  S.  sup- 
pose avec  toute  probabilité  que  le  litre  pompeux  de  9  Tragédie  de  la  reine 
Esther  1  et  la  division  en  cinq  actes  appartiennent  au  réviseur,  f  La  pièce  », 
nous  dit  M,  S  ,  f  était  primitivement  connue  sous  le  nom  de  lou  Jo  ât  Haman  » 
(p.  xxiciv).  Si  ce  n'est  là  qu'une  conjecture,  elle  est  du  moins  irès-vraisemblabïe. 
La  •  Tragédie  d'Eslher  »,  en  effet,  est  entièrement  construite  dans  la  donnée 
des  jeujc  dramatiques  du  moyen  âge.  C'est  un  mystère,  tout  comme  le  Ludus 
Sâncli  Jûcobi  ou  le  mystère  de  sainte  Agnès.  Cette  circonstance  nous  permet  de 
rendre  compte  ici  d'une  composition  qui  par  sa  date  sort  un  peu  des  hmhes 
chronologiques  dans  lesquelles  la  Romanla  se  renferme  habituellement. 

La  Tragédie  d'Esther,  ou  Jeu  de  Haman  (si  ce  titre,  que  je  préférerais,  a 

quelque  authenticité)  offre  à  divers  points  de  vue  un  vif  intérêt.  Il  est  curieux 

de  voir  le  mystère  du  moyen  âge  fleurir  encore  au  xvn*  siècle.  Des  témoignages 

récemment  rais  au  jour^  conduisaient  à  la  même  conclusion,  mais  avec  une  bien 

moindre  certitude»  car  plusieurs  de  ces  témoignages,   bien  que  tirés  d'archives 

du  midi   de  ia  France^  se  rapportent  très-vraisemblablement  à  des   mystères 

français.  D^autre  part,  on  savait  bien   que  les  Juifs  avaient  composé,  jusqu'à 

une  époque   assez  récente,  des   chants  religieux  en  provençal,  et  M.  S.  en 

avait  donné  la  preuve^,  mais  on  ne  pouvait  guère  soupçonner  qu'ils  avaient 

emprunté  aux  catholiques  le  drame  religieux.  Enfin,   la  pièce  elle-même^  comme 

texte  de  langue,  mérite  d*être  étudiée.  Quant  au  mérite  littéraire,  il  est  nul  :  ce 

drame  est  aussi  pauvre  de  style  que  d'idées;  il  est  écrit  en  un  patois  abominable, 

oJi  les  mots  français  abondent^,   et  où  les  vers  faux  sont  tellement  nombreux 

qu*il  est  difficile  d'en  faire  peser  toute  la  responsabilité  sur  le  premier  éditeur. 

M.  S.»  à  qui  il  faut  d'abord  savoir  gré  d'avoir  rendu  accessible  un  document 
aussi  rare,  a  joint  à  son  édition  une  intéressante  préface,  où  on  remarquera  de 
précieux  renseignements  sur  ia  condition  des  Juifs  de  Carpentras  pendant  le 
XVII*  et  le  xvnr  siècle.   Il  a  aussi  joint  à  son  texte  des  notes  assez  nombreuses 

1.  Dans  la  Rcfue  du  Sodités  savantes^  voy.  ct-dessm,  p.  1J6-7. 

1.  Voy.  Romania,  Itl,  49g. 

}.  Voici,  à  titre  d'échantilEon,  quelques  vers  (p.  27}  : 

Garou,  garou^  lou  rey  vaou  averti  loutare. 

O  ciel  !  lou  oitouyabk  récit  ! 

Moun  sang  dans  mes  venes  se  glace. 

Lou  rey  es  dounc  a  la  merci 

De  dous  cruels  remplis  d'oudace. 

Faou  au'avcrtigue  J'aqucs  pas 

Nosie  bon  rey  et  vénérable 

Per  évita  un  meichant  trépas 

Que  ly  preparoun  dous  misérables* 


;02  COMPTES-RENDUS 

et  en  général  utiles.  Toutefois,  l'édition  n'est  pas  de  tous  points  satisfaisante:  it 
s'en  faut  même  de  beaucoup.  L'usage  de  ce  texte  eût  été  pJus  aisé  si  t'éditenr 
avait  pris  la  peine  de  numéroter  les  vers.  Un  court  glossaire  n'eût  pas  été 
sans  utilité.  L^emploi  de  l'apostrophe  n'est  pas  toujours  Irès-régulier,  ainsi, 
dans  une  indication  scénique  qui  se  reproduit  plusieurs  fois  (et  qui  est  en  fran- 
çais),  pourquoi  imprimer  en  sunalkni?  en  s'en  aîlani  eût  été  plus  clair.  I]  ne 
peut  y  avoir  aucune  raison  pour  imprimer,  p*  14,  L'aiUnoar  d'aùu  chapitre  (la 
teneur  du  chapitre).  Pourquoi  lit-on  presqu'à  chaque  page  /}•,  Tj,  quand  le 
sens  exige  /y,  ia^  Page  20,  aneou  doit  être  lu  an  cou,  Alors  même  que  ces 
fautes  existeraient  dans  l'édition  originale,  il  n*y  aurait  lieu  de  les  reproduire  que 
dans  une  édition  ayant  le  caractère  d'un  fac-similé,  ce  qui  n'est  point  le  cas  de 
la  publication  de  M.  Sabatier.  Les  accents  aussi  sont  employés  avec  peu  de 
conséquence.  Le  commentaire  enfin  laisse  sans  explication  maint  passage  diffi- 
cile, et  peut-être  corrompu. 

En  somme,  la  publication  de  M.  Sabatier  pourrait  être  mctlleare;  toutefois 
elle  sera  bien  accueillie  de  ceux  qui  s'intéressent  à  la  littérature  provençale. 

P,  M. 

G.  Flech!a.  Intorao  ad  una  peculiarità.  di  flesBione  verbale  lu 
alcnni  dtaletU  lombardi,  Roma,  1876,  in-4'^,  7  P-  *• 

Diez  a  admis  (trad.  fr.  Il,  121)  avec  Biondelli,  que  les  i**  pers.  plur.  qu'on 
trouve  en  milanais,  en  bergamasque,  etc,  comme  um  poria^  am  porta^  noter  am 
porta  (=:  portûmus)^  se  composaient  du  thème  verbal,  plus  de  la  caractéristique 
m  préfixée  au  lieu  d'être  suffixée.  Ce  serait  là  une  bizarrerie  sans  exemple,  non- 
seulement  en  roman,  mais  en  indo-européen.  M.  Flechia  la  fait  disparaître,  en 
montrant  que  dans  ces  formes  um,  am  est  un  reste  ûshomo.  On  a  d*abord  dit  :  on 
porte  pourrtouj  portons ^  puis,  comme  on  ne  trouvait  plus  assez  marquée  l'expression 
de  ta  i^  pers.  du  plur*,  on  a  rétabli  le  pronom  :  c'est  comme  si  on  disait  en  français 
nous  on  porte.  C'est  une  singularité  d  un  autre  genre,  mais  elle  n'a  rien  d'inexpli- 
cable^  et  elle  a  son  pendant  exact  dans  l'usage  toscan,  qui  dit  not  si  prûnza  pour 
nous  Jtnons,  si  prania  étant  l'équivalent  de  on  dint.  M.  FL  montre  quelque  chose 
d'analogue  dans  les  langues  celtiques,  et  j'ajouterai  que  dans  plusieurs  patois  du 
centre  et  de  Touest  de  fa  France^  on  a  remplacé  nous  :  t  06  aller- vous  ?  — 
On  va  à  Angers  »,  etc*  Il  paraît  même  s'être  produit  la  confusion  inverse  % 
celle  des  dialectes  italiens,  c'est-à-dire  que  on  s'est  fait  suivre  de  la  première 
personne  du  plurieL  Une  chanson  populaire,  —  dont  je  ne  connais  pas  d'ailleurs 
la  provenance,  —  dit  :  »  La  belle,  si  nous  étions  dedans  sur  au  bois^  0ns  i 
mangerions  fort  bien  des  noix,  0ns  i  mangerions  à  notre  loisir,  »  Remarquez 
dans  le  premier  vers  la  forme  française  nous.  La  consonne  finale  de  mangerions  ne 
se  prononçant  pas,  on  pourrait  y  voir  aussi  bien  mangeriont,  ?«  pers.  du  ptur, 
ce  qui  serait  une  manière  de  faire  rentrer  dans  fa  locution  l'idée  de  pluriel,  mais 
non  celle  de  personne.  —  La  perspicacité  de  M.  Flechia  a  débarrassé  la  gram- 
maire romane  d'une  anomalie  que  les  meilleurs  philolopes  n'avaient  pas  su 
expliquer.  G.  P. 


I.  Extrait  du  t.  III,  a*  série,  da  Atti  iilla  nâlt  Aecadtmk  iti  LinceL 


PÉRIODIQUES. 


I,  —  Bévue  oes  langues  bomanes,  2«  série,  t.  II,  n"  12  h  5  décembre  1876). 

L282-J02,  Montel  cl  Lambert,  Chûnts  populaire  du  Languedoc  (suite).  — 
liographïc  t  Mussafia,  DU  CûiâkniKhc  Vinwn  da  iiekn  wciscn  MeisUr  {C.  Cha- 
haneati^  utiles  observations).  Les  foins  du  suur  Lcsagt,  édition  Aubert  des 
Mesnils  (A,  Roqîîe-Ferrier,  2**  artj.  E.  Rolland,  Faune  populaire  de  ta  France 
(A,  BJ.  —  Périodiques. 

—  T  m,  n"  I  (1^  janvier  1877),  P.  1,  Mîlâ  y  Fonlanals,  Anciennes  énigmes 
lêtalanes;  elles  sont  tirées  d'un  chansonnier  catalan  du  xv«  siècle^  oà  elles  ont 
été  insérées  après  coup,  probablement  au  xvt^*  siècle.  —  P.  9,  Alart,  Trais 
formules  de  conjuration  en  catalan  (1397^  tirées  d'un  registre  de  notaire.  La 
troisième  de  ces  formules  est  semblable  à  l'ensalmû  galicien  que  M.  Mili  a  publié 
dao&  le  dernier  numéro  de  ta  Romania^  sous  le  n°  J42  (p.  7^}.  M.  Alart,  qui 
f*est  aperçu  de  cette  coîntidence,  nous  informe  qu'en  un  endroit,  illisible  dans 
l'original,  où  il  avait  cru  pouvoir  lire  ou  restituer  ■  al  puig  de  Sant  Jehan  »  on 
peut  aussi  bien  lire  »  al  puig  de  mont  Olivan  •,  en  s'aidant  de  h  prière  gali- 
cienne qui  porte  monte  Otivar.  —  P.  I5'j6^  Chabaneau^  Grammaire  Imousint^ 
additions  et  corrections.  —  Bibliographie  :  Vaschalde,  Anthologie  paioise  du 
VWfdù  (A.  R.^F-). 

—  N**  2^4  (ij  février-  i^  avril).  P.  ^7,  Noulet,  Histoire  littéraire  des  patois 
éa  Midi;  appendice  bibliographique  (suite).  —  P.  73-87,  Montel  et  Lambert, 
Chéuas  populaires  da  Languedoc  (suite).  —  Bibliographie  :  P,  Meyer,  Recueil 
é'êntiiiu  textes,  2'  livraison  (A.  B.j.  —  Périodiques.  Dans  le  compte-rendu  du 
t*  XVI  des  Mémoires  de  TAcadémie  de  Clermont-Ferrand,  est  rapportée  une 
inscription  tumulaire  de  1 270,011  on  lit,  à  la  suite  du  nom,  les  cinq  vers  suivants  : 
Tu  que  la  vas  ta  boca  clauza  |  Guarda  est  cors  quaisi  repauza  \  Tais  co  tu  test  t  ieu 
u  ftâ  \  E  tu  seras  tais  co  teu  sut,  |  Di  pater  noster  e  no  fenui  ^ .  La  même  idée  a  été 
souvent  exprimée^  notamment  dans  la  vieille  inscription  citée  par  Du  Gange  au 
mot  essere  :  Cod  estis  fui,  et  quod  sum  csserc  abêtis,  P.  M. 

IL  RiviSTA  Di  FiLOLOdu  ROMANZA,  voL  II,  fasc,  5-4,  —  P,  129,  Brags^ 
Sotn  a  poesia  popular  da  Galiza  (contient  des  vues  bien  hasardées).  — ^  P.  144, 
Spchier,  Tavola  del  canzoniere  provtnzaie  di  Chelienham.  —  P.  19 j.  Ferraro, 
Saggi  di  canti  popolari  raccolti  a  Pontûlagoscuro.  —  P.  221,  Wesselofslcy,  Un 
c^ptjolo  di  Antonio  Pucci  (traite  le  même  sujet  que  la  première  partie  du  Cheva^ 
tiu  a  t*apée\  l'auteur  compare  en  outre  un  conte  russe).  —  P,    175  et  228. 

j«  Pour  la  locution  e  no  t*enui^  cf.  Gir.  de  Rouss.y  ms.  d'Oxford  v.  10:  •  U  tançons 
est  moU  bone,  t  no[u]s  anuL  n 


^^Ê 


J04  PÉRIODIQUES 

Caix,  Stadj  tûmologki  (proposilïoos  étymologiques  pour  les  mois  hggan  ^ 
a.  fr.    /fl/er,  girf,   sgomeniatc,    strapazzare^    beitola,  gaoao,    loja,  npentaglia,t 
arbuscdlo,  agio,  assHtarCj  caniimphra).—  CompUs-nndus,  Phiodiqaùs  el  NoûzitA 
—  Nous  n*avons  pas  encore  de  nouvelles  décisives  sur  le  sort  de  ce  recueil, 
dont  la  disparition  attristerait  tous  les  romanistes. 

IIL  Archiv  fur  oas  Stubium  der  neubsen  Spiuchen*.  —  LH\  p,  177- 
240,  Scholle,  La  prononaation  d  la  chaude  l' s d*ûprh  its  charta  dt  JomvilU  (bon 
travail J.   —  P.  281-^92^  Mabn,  Sur  Lt  poéïu  épique  des  Provençaux  (n^apporte 
pas  de  faits  ni  d*argumenls  nouveaux).  —  P.  293*524,  Hoffmann,  Us  drames  de 
Melîe,  —  P.  592-402,  Lœffler,  Sur  la  conjugaison  française  (moderne).  —  P, 
405-41 4)  Gaspary,  Litadc  du  dialecte  napolitain  (intéressant).  —  Nous  relevons , 
parmi  les  Miiaiigts  un  article  de  M.  Wiltstock  (p.  447-4^7)  sur  les  mois  françâisX 
dam  le  potmt  des  Niklungen,  et  une  note  de  M.  Sachse  (p.  4^9)  sur  le  nom  dci 
Roland, 

LUI,  p.  i-i6,  Grûnwald,  ùber  die  ktluschen  Elemente  im  franzœsischen  (insigni- 1 
fiant).  —  P.  17,  Brinkmann,  Grammatische  Untcrsuchungen^  \  :  knaigarde(Ji'm' 
teur  essaie  de  démontrer  que  dans  cette  locution  nt  est  une  forme  de  «/i,  semblable  1 
au  ne  prov,,  et  cherche  en  français  d'autres  exemples  de  ce  ne^eti;  son  article 
est  un  tissu  de  contre-sens),  —  P.  42^-52^  Gaspary,  ùber  eine  EigentkûmUchkeU 
des  ntapohiânischen  Diaiektes  (bonnes  remarques  concernant  l'influence  des  voyelles 
finales  sur  la  tonique;  cf.  Diez,  trad.  fr.,  Il,  5^. 

UV,  p.  155*182,  îî7-î66.  Brinkmann,  Études  de  métaphores:  l'dn£,  le 
mulet,  le  chat  (voy.  t.  XLVl  el  L).  —  P,  182-210,  Buchhollz^  Sur  la  gram- 
maire halknne  (i.  L'infinitif  présent  au  sens  passif  (p.  r88'9  noi  si).  2.  La  prèpey- 
sition  a.  \,  Le  gérondif).  —  P.  241-302^  Sachs,  Sur  l'état  actuel  des  études  rela^ 
tiyes  aux  dialectes  romans  (discours  lu,  en  partie,  à  rassemblée  des  philologues 
allemands;  l\  contient  des  renseignements  utiles,  mais  naturellement  fort  incotn-  | 
plets)*  —  Dans  les  séances  de  la  Société,  signalons  une  intéressante  communica- 
tion de  M,  Lûcking  (p,  404)  sur  U  déplacement  de  V accent  en  français.  ^ 
Mélanges:  Hardung,  l' article  partitif  en  portugais  (p.  116-118);  Eysscnhardt^ 
Gtusto  de'  Contï;  Poésie  de  Conclave  (468-475), 

LV,   p.  83-90,  Mahn,  La  langue  provençale  et  son  rapport  avec  les  autres  1 
langues  romanes  (faible).  —  P.  189-20O1  Brinkmann,  Sur  P usage  de  la  préposition  ï 
de  devant  te  nom  en  fonction  de  prédicat.  —  P.  241-296,  Kressner,  Les  bestiairts] 
du  moyen  dge  (peu  approfondi;  l'auteur  a  joint  un  Fragment  de  VElucidari  pro- 
vençal, qui,  étant  traduit  du  latin,   n'avait  ici  aucun  intérêt  particulier).  — 
P.    365-382,   Marelle,   Contes   et   chants  populaires  français.  —  P.   527-562, 
Brinkmann,  Etudes  de  métaphores  :  le  bœuf,  —  P*  407-458,  S.  Grégoire^  p.  p. 
Horstmann  (en  anglais).  —  Séances  de  la  Société;  p.  201,  Liîckîng,  Sur  Pac»  \ 
centuation  des  mots  français  (populaires)  tirés  du  grec. 


I.  Par  suite  de  diverses  circonstances,  inutiles  à  mentionner  ici,  nous  n'avons  pas 
rendu  compte  de  VArchiv  depuis  longicmpi,  La  d entière  notice,  relative  à  la  première 
moitié  du  i.  LU,  se  trouve  dan*  notre  t,  UI  (1874).  p-  V\*  Nous  donnons  auiourd'hui  le 
dépouillé  sommaire  de  quatre  volumes  et  demi,  ce  qui  nous  remet  à  peu  près  au 
courim. 


-*^-- 


PéRlOOlQUES  ÎOÇ 

LVI,  p.  H "57,  Kressnef,  NachrichUn  ùbcr  das  ahfranzctihcht  Epos 
Ajmtn  de  NarbonnCy  I  (analyse  et  extraits  d'après  le  ms,  B.  N.  24369)»  — 
P,  p-jS,  Kressner,  Eptgrammis  dti  xvr  sihU^  ùrécsd'un  ms,  de  Lausanne  {yéàh 
tcor  croit  qu'elles  sont  de  Marot,  et  i!  y  est  question  du  colloque  de  Poissyl  Elles 
sont  calvinistes,  fort  mordantes,  mais  assez  médiocres.)  —  P,  1 S  5-187,  Bunte^ 
ùbrr  nnt  Jranzôsiscke  Bcarbatung  dts  Hyginus.  Cet  ouvmgç,  dédié  à  François  1«' 
quand  il  n'était  que  duc  d'Angoulèmc,  et  composé  par  Robert  Frescher,  ■  maistre 
es  ars  et  bachelier  en  théologie,  v  est  conservé  dans  lems.  Blankenb,  237  de  la 
bibL  de  Wolfenbûttcl.  —  P.  187-221  et  281-509,  Marelle,  ConUs  et  chants 
populaires  français  (ces  articles  ont  été  tirés  à  part  ;  nous  en  parlerons  à  un 
autre  endroit^  —  P.  241-263,  Mahrenhollz,  Molihre  und  dit  rëmtsche  Komedic, 
—  P,  265-280,  Meissner,  du  btldiichm  Darstelîungen  des  Rcincke  Fucks  tm 
MittelatUr  (très-incomplet  naturellement,  mais  judicieux  et  utile,  notamment 
pour  rAngleterre).  —  P.  343-377,  Brinkmann,  £lu(/«  de  métaphores  :  ta  chhre^ 
U  mouton,  k  porc.  —  P.  391-417,  Horslmann,  Zwe\  Alexinsheder  (en  ancien 
anglais).  —  P.  41S-55.  Comptes-rendus  des  séances  de  la  Société  pour  l'étude 
des  langues  romanes.  Nous  y  remarquons  p.  420  une  note  de  M,  Kastan  sur 
le  créole,  p«  422;  une  de  M.Mahn  sur  les  mots  almanach  et  ambassadeur^  p,  423  ; 
une  de  M.  Lœschhornsur  les  origines  du  Tammgoj  iht  Shrtw),  G.  P.' 

IV.  Il  Propuonatore,  IX,  —  P.  328-562,  ïmbriani,  Sul  testo  rfe/ Candelaio 
di  CiorJano  Bruno  (suile^  —  P.  373-409,  Corazzini,  Del  contrasta  di  Ciulh 
d'Akamo  (nous  reviendrons  sur  cet  article,  ainsi  que  sur  d'autres  travaux  relatifs 
au  même  sujet,  notamment  sur  une  lettre  que  nous  a  adressée  M,  Caix,  dans 
une  notice  spéciale),  —  P.  409-424,  Storie  popoîari  in  poesia  siciliam,  pubL  da 
Salomone-Marino  (suite).  —  P.  430-468,  Razzoïm, Squarci  con alquante  varianii 
dit  la  Divina  Commedia.  —  P.  471-501,  Bibliographia. 

V.  Revue  historique  de  l'ancienne  langue  française,  ou  Revue  de  phi* 
lologie  française^  recueil  mensuel  publié  sous  la  direction  de  M.  Favre*,  janvier- 
mars,  —  Ce  singulier  recueil  contient  des  dissertations  sans  valeur^  tirées 
d'ouvrages  anciens,  sur  la  langue  française,  sur  le  latin,  sur  les  idiomes 
celtiques,  etc.,  des  versions  déjà  connues  de  la  Parabole  de  l* Enfant  prodigue  en 
divers  patois,  des  réimpressions  de  textes  déjà  publiés,  et  plutôt  gâtés  qu'amé- 
liorés par  le  nouvel  éditeur,  plus  une  reproduction  avec  additions  (mais  où  les 
renvois  sont  omis»  du  Glossaire  français  de  Du  Caoge;  cette  reproduction  com- 
prend 1 2  pages  au  bout  de  trois  mois,  ce  qui  en  relègue  rachèvement  à  une 
période  assez  longue.  Tout  cela  est  d'ailleurs  aussi  incohérent  que  possible.  Il 
est  â  désirer,  si  cette  revue  doit  continuer,  que  M.  Favre  s*adjoigne  des  colla- 
borateurs :  il  pourra  ainsi  procurer  quelques  publications  utiles;  mats  pour  sa 
ptrt  il  devrait  se  borner  à  fournir  ses  presses. 

VI.  BoMANiscHE  StudieNj  VIII.  —  Foth,  Die  Verschiebung  lateinischer  Tem- 
pùra  in  den  romanischen  Sprachen.  Cet  excellent  travail,  qui  remplit  tout  le 


t.  tibralrie  Champion,  quai  Malaquais,  m.  Prix  :  1$  fr. 
Romaniaj  VI 


20 


Î06  PÉRtODlQUES 

fascicule  (p*  24î-556du  L  II),  se  divise  en  deux  parties  :  ia  Faits  et  iaCaum* 
Nous  signalerons  surtout  te  j"  chapitre  de  la  i'"  partie  :  Formes  UmportlUi 
romanes  d'une  origine  jnsquà  prisent  incertaine.  Ce  chapitre  comprend  cinq  para- 
graphes :  t)  le  futur  conditionnel  en  espagnol^  portugais  et  roumain  iVmieuT  pense 
qu'il  provient  à  la  fois  du  futur  antérieur  et  du  parfait  du  subjonctif  latin);  — 
a)  te  parfait  provençal  moderne  (il  faut  l'expliquer  simplement  par  l'influence  de 
la  3"  personne  du  pluriel  sur  les  autres,  et  les  faits  analogues  qu'on  observe  e» 
roumain  s'expîiquenl  de  même};  —  j)  l'infinitif  employé  en  italien  à  la  place  de 
formes  personnelles  du  verbe  (M.  Canelto  a  eu  tort  de  voir  Ttmparfait  du  sub- 
jonctif dans  diverses  formes,  usitées  seulement  chez  des  poètes  et  à  la  rime,  d 
qui  oUrent  simplement  un  emploi  particulier  de  î'infimtif);  —  4)  rimparfait  du 
subjonctif  dans  le  sarde  de  Logudoru  (Il  faut  [e  rattacher  à  Timparfait  du  subjonctif 
latin)  ; — 5)  le  parfait  de  rinduatif  dans  le  sarde  de  Logudoru  (les  formes  en  -si  sont 
modernes  et  ne  proviennent  pas  du  plus-que-parfail  du  subjonctif  latin).  —  Sur 
tous  ces  points  nous  sommes  à  peu  près  d'accord  avec  Tauteur.  et  nous  sommes 
heureux  de  pouvoir  renvoyer  à  sa  démonstration  claire  et  convaincante.  La 
seconde  partie  de  son  travail,  ks  Causes,  de  nature  plus  philosophique  et  où  il 
remonte  jusqu'à  l'usage  du  latin  classique,  offrirait  plus  de  pomts  contestables; 
cependant  nous  croyons  qu'en  gros  les  vues  simples  et  ingénieuses  qu'il  expose 
sont  conformes  à  la  vérité  des  faits.  Le  mémoire  de  M.  Folli  (c*cst,  croyons- 
-nous,  son  premier  écrit)  mériterait,  par  la  clarté  de  la  forme  et  Tintérèt  du 
sujet,  d'être  traduit  dans  notre  langue.  —  La  note  de  la  p.  259  contient  une 
erreur  empruntée  à  Grimm  (dans  «  ii  fut  Ja  lire  i  il  fut  est  synonyme  de  *  il 
alla  19),  et  une  méprise  étrange,  due  sans  doute  à  une  faute  d'impression  dans  (e 
livre  où  M.  F.  a  puisé  sa  citation  :  4  dès  les  temps  où  fui  écrire  notre  chmsûn  m 
n'a  pmais  pu  être  français;  lisez /uf  écrite. 

Vil,  BULLETrN   DE  L\  SoCTÈlè    DES    ANCIENS  TEXTES,     1877,    —    P.     jS-40, 

P.  Meyer,  Notice  du  manuscrit  Canonici  MiscelL  278  de  la  bibhotkiijue  bodlètennc^ 
à  Oxford  (ce  qu'il  contient  de  plus  mtéressant  est  un  texte  bilmgue,  français  eï 
flamand). 

VIIL  Germanfa,  XXI,  I.  —  P.  18-27,  Kœhler,  Sur  la  Mâgus-Saga  (inté- 
ressantes remarques  sur  trois  épisodes  de  ce  récit;  d.Romania^W^  474  s$.).  — 
P.  67*80,  Lîebrecht,  Petites  notices  (mythologiques),  —  P.  81-8},  Kœlbîng^ 
compte- rendu  d'un  travail  fort  mal  fait  de  M.  Bieling  sur  la  Vie  de  S.  Grigoirt; 
M.  K,  publie  d'après  le  ms.  anglais  qu'a  fait  connaître  M.  B.  un  morceau  qui 
est  maintenant  imprimé  tout  au  long  dans  le  Recueil  dt  P.  Meyer. 

IV  ^  P.  î8j-S99,  Liebrecht,  Lu  gageure  des  trois  commères  (analyse  compari- 
tive  de  contes  latins,  français,  italiens  et  russes;  M.  L.  ne  mentionne  pas  celui 
de  La  Fontaine),  —  P.  399-400,  Liebrecht,  TprUj  part  {d.  Romania^  III,  jijf. 

IX.  ZeiTSCHBIFT  fur  DKUTSCHES  ALTERTHtJM,  N.  F.  IX.  —  P»  65-68, 
Waitz,  Sur  te  Concile  d'amour  (remarques  critiques,  d'après  de  nouvelles  sou rces> 


I    Les  livraisons  j  et  j  de  ce  votume,  ainsi  que  U  4*  du  précédent,  ne  nom  sont 
point  parvenues. 


PÉRIODIQUES  ^07 

sur  cette  pièce  curieuse,  publiée  par  M.  Wailz  dans  le  l.  VU  de  h  Ziitschrift 
et  rdconUot  un  concile  de  nonnes,  censément  tenu  à  Remiremont,  où  on  déli- 
bère sur  les  mérites  respectifs,  en  amour,  des  chevaliers  el  des  clercs).  —  P,  68* 
86,  Poésies  latines  de  Tépoque  carolingienne,  publiées  par  Diimmîer» 

I  X.  ZbITSCHHIFT   fur  DEUTSCHE    pRILOLOmB^  VIII    (1877),  —    P,     lOI-IOJ^ 

^HEicehlef,  La  soura  de  la  ballade  de  Bùrgcr  Lenardo  et  Blandine  (on  savait  qu'elle 
^^Bpvenait  de  Guiscardo  et  Ghismonday  première  nouvelle  de  la  quatrième  journée 
^^Ki  Dtcamtron  ;  M.  K.  montre  par  quels  intermédiaires  elle  est  arrivée  au  poète 
^aDcroand). 

'  XI.   BeITRj^OE  ZUH  GeSCHICHTE  DEB    DEPTSCHEN    SpHACHK   Uf(0    LlTERATUR, 

^IIL  — P,  504-^34,  Zarncke,  Zur  Gc^chkhu  der  Grahage  (cet  important  mémoire 
^■Kmceme  spécialement  deux  points  :  i'*  d'après  M.  2.  le  fameux  Kyot^  que 
^HiTolfrain  d'Ëschenbach  cite  comme  la  source  principale  de  son  Panivai  (cf.  Ho- 
^Hlifmtf,  IV^  j 48- 150),  n'aurait  jamais  existé;  Wolfram  n'aurait  eu  sous  les 
^^yeux  que  le  P^rcfvj/ incomplet  de  Chrestien,  et  il  l'aurait  complété  et  modifié  â 
sa  guise;  il  serait  trop  long  de  discuter  ici  cette  hypothèse  :  disons  seulement 
qu'au  premier  abord  elle  nous  semble  avoir  certaines  apparences  pour  elîe: 
il  est  au  moins  certain  que  tout  ce  qui  dans  le  Panival  s'éloigne  de  Chresiien 
I  une  physionomie  très-diférente  de  celle  du  roman  français  que  nous  con- 
oittsons;  i'  le  passage  de  Guillaume  de  Maimesbury  où  il  est  parlé  de  Joseph 
d'Arimathie  comme  étant  venu  en  Angleterre  et  ayant  été  enterré  à  Glastonbury 
serait  interpolé,  et  on  n'aurait  cherché  à  Glastonbury  la  tombe  de  ce  saint  per- 
sonnage que  longtemps  après  Guillaume  et  après  la  diffusion  des  romans  fran- 
çais. Beaucoup  d*autres  remarques  intéressantes  seraient  à  relever  dans  cette 
notice  concise  :  ainsi  Tauteur  montre  que P^«iwr(réquivalent  de  Perceval  dans  le 
Mibmogwn)  ne  peut  signifier  ni  «  le  chercheur  du  bassin  n^  ni  <  le  compagnon 
du  bassin  •,  etc.  La  dissertation  de  M.  Zarncke  marquera  en  tout  cas  une  date 
dans  l'histoire  des  études  sur  ce  sujet  si  curieux  et  si  obscur). 

Xll  MèMOlRES  DE  LA  SôCIÉTÊ  DE  UfNOUlSTlQUK  DE  pARlS,  lll,  2.  — P,  2  10* 

248.  Joret,  Le  patois  normand  du  Basin,  Nous  n*avons  ici  que  le  commencement 
de  ce  mémoire,  qui  sera  sans  doute  tiré  à  part  et  que  nous  apprécierons  mieux 
quand  il  sera  complet.  Disons  seulement  qu^îl  y  a  parfois  de  la  confusion  dans 
la  disposition  comme  dans  les  termes.  Il  va  sans  dire  d'ailleurs  que  c'est  un 
travail  méthodique  et  qui  fait  époque  dans  l'histoire  des  études  sur  le  dialecte 
normand,  études  déjà  nombreuses,  mais  jusqu'ici  assez  mat  dirigées. 


BAayi 
^^Pt)ci 


XIIL    BtBUOTHÈQUB   DE   l'EcOI-E    DES  ChaRTES^   XXXVH,    5,   —  P.    3I7, 

ynaud,  Etude  sur  le  dialecte  picard  dans  le  Ponthicu  (ce  travail  a  paru  dans  une 

hure  séparée;  nous  en  rendrons  compte  sous  cette  forme),  —  P.  445^  N&te 

(de  M,  Delislej  sur  Us  poésies  de  Richard  de  Poitiers ^  irès-intéressante  ;  on  y 

montre  que  Richard  est  auteur  de  sept  petites  pièces  de  vers  anonymes,  cl  non 

sans  valeur  historique,  publiées  récemment  par  M.  Wattenbach. 

—  XXXVII,  6,  —  P.  444-470,  L,  de  Mas-Latrie,  Guillaume  de  Mâchant  et 

^  iû  Priu  d^ Alexandrie  {U,  de  M.>L.,  à  propos  de  ce  poème  de  Machaut^  qu'il  va 


}08  PÉRlODiqUES 

publier,  étudie  ta  biographie  de  Tauteur^  mais  les  renseignements  dont  il  a  cru 
lenrichir  paraissent  devoir  Hre  rapportés  à  uîi  homonyme  de  Machaut  |voy. 
Revue  Hisîonqut,  maî  1877,  p.  21^*217);  ce  qu'il  dit  sur  le  poème  du  Voir  Dit ^ 
considéré  par  lui  comme  un  pyr  romane  comme  •  unt  Nouvelle  Héhî a  du  moyeti^| 
âge  pj  n'est  pas  soulcnable  devant  la  lecture  de  ce  singulier  poème»  où  des  évé- 
nements très-réels,  au  moins  quant  au  fond,  sont  certainement  retracés),  — 
P.  470-528^  L.  Delisle,  /Voff«  sur  vingt  manmcnts  au  Vatiiûn  (nous  relèverons 
surtout,  dans  celte  précieuse  notice,  le  curieux  morceau  d'un  Phtiippus  de 
VttnacQ^  que  M.  D.  n'identifie  pas  avec  assurance  au  célèbre  évêque  de  Mcaux; 
la  question  est  à  étudier).  —  Dans  la  Bibliographie,  signalons  l'analyse  de 
ÏEladc  hiogrâphïqat  sur  François  Villon  par  A.  Longnon  (H,  Lot),  nouvelle 
édition,  mais  singulièrement  augmentée,  de  son  article  dans  ta  Romania.  ^M 

XIV.  Mélusine,  revue  de  mythologie,  littérature  populaire,  traditions  et 
usages,  dirigée  par  MM.  H.  Gaidoz  et  E.  Rolland,  n"  1-6  rjanvier-mars).  — 
Nous  ne  pouvons  donner  ici  le  sommaire  de  ces  six  numéros,  tort  bien  remplis» 
mais  d'articles  courts  et  par  conséquent  nombreux*  Nous  signalerons  les  sui- 
vants, comme  intéressant  de  plus  près  nos  lecteurs.  1.  Baudry,  Traditions  popu- 
laires de  la  Neuvilie-Chant-d'Oisei  (Normandie):  Brueyre,  Contes  créoles  ^ suite 
au  w  2).  —  2.  Quépat,  Jean  Bout-^d' homme ^  conte  messin;  Joret,  Superstitions 
du  Bessin.  —  î*  Marion^  Prière  populaire  de  la  Nièvre;  Traditions  populaires 
de  Warloy 'Bâillon  (Somme)/ — 4.  Devic,  Le  temps  long,  conte  du  Qucrcy; 
Carnoy,  Jean  PAviséf  conte  picard;  Charencey,  Traditions  populaires  du  dépar- 
tement de  rOrne,  —  ç.  Carnoy,  Jean  f  Idiot ^  Jean  de  l'Ours^  Us  Fées  et  Us  doix^^ 
bossus j  contes  picards;  Smith,  les  Fugar.  —  é.  Rolland,  V Homme- fui  vient  d^M 
ciilj  conte  du  Vivarais.  —  Tous  les  numéros  contiennent  en  outre  des  chansons, 
prières,  jeux^  dictons,  formtilettes,  etc.,  recueillis  à  bonnes  sources  et  souvent 
accompagnés  d'images  et  de  mélodies.  Enfin  Melissint  donne  une  excellente 
bibliographie  des  publications  nouvelles  qui  intéressent  la  mythographie  et  lt_^ 
littérature  comparée  *.  H 

XV.  La  AcADEMJA,  RIVISTA   de   la  CULTURA    HISî»AN0-1»ORTU01TE8A,  latiko- 

AMERiGANA,  R*»  10,  mars.  —  P*  ijo-î^i,  Girbal^  Carlomagno  en  Gerona 
(quelques  renseignements  sur  îe  culte  rendu  il  Charletnagne  à  Gïrone,  et  repro- 
duction de  la  remarquable  statue  qui  lui  fut  élevée  au  xiy*  siècle  dans  la  cathé- 
drale de  cette  ville). 

XVL  Italîa  ^,  UL  —  Caix,  Le  débat  sur  la  langue  itaHenne,  Dans  cet  inté- 
ressant article,  M.  G.  expose  les  différents  systèmes  auxquels  a  donné  lieu,  en 
théorie  et  en  pratique,  la  constitution  d'une  langue  littéraire  commune  pour  toute 
ritalie.  Les  étrangers  trouveront  dans  ces  pages  le  moyen  de  s'orienter  facilement 
dans  un  labyrinthe  tort  embrouillé.  On  sait  quel  est  le  point  de  vue  du  savant 
auteur  lui-même  (voy.  Romania^  IV,  146);  il  s'en  faut  d'ailleurs  que  tous  ses 
compatriotes  y  soient  ralliés.  B 

I-  M.  Rcinhoîd  Kœhïer  a  consacré  dans  la  Jenatr  Literatuneitung,  1877»  R*  t6,  un  aittcte 
extrêmement  sympathique  aux  six  premiers  numéros  du  journal  de  MM.  Gaidoz  et 
Rolland. 

2.  Recudl  trimestrici  publié  par  Kf .  K.  Hillebrud,  cher  Hartung,  à  Ldpzig. 


PÉRIODIQUES  509 

XVIJ.  BoL£TiK  Dfi  LA  SoGfEDAH  de  amîgos  del  pais  de  Valencia.  —  Enero- 
|unio  (1875?).  P*  ty^^G,  Estuiito  histônco  critico  sùbr£  tos  potlas  Vaicncianos 
it  hs  sïglos  XIII,  xtv  y  xv,  por  don  Rafaël  Ferrer  y  Bignè.  Cette  énuméra- 
tion  des  poètes  valencîens^  accompagnée  de  quelques  renseignements  biogra- 
phiques et  de  la  liste  des  œuvres  de  chaque  poète^  est  utile  et  semble  assez 
campléte.  11  me  semble  que  l'auteur  doit  plus  d'un  renscîgncn:îent  à  la  Rcscnya 
diis  antkhs  patas  catalans  de  M.  Milâ  (Jochs  fïùrâts  de  1865)  qu'il  ne  cite  nulle 
part.  A,  M.-F. 

XVTIL  Revue  critique^  janvier-mars.  --  1 5,  De  Montaigbn  el  de  Rothschild, 
Poisia  françaises,  i.  XI  (G.  P.)  —  14,  Darmestcter  elHatzfeld,  Montaax  choisis 
du  XVI*  $ikU  (Ch.  Marty-Laveaux  ;  voy.  p.  1 18  une  réponse  de  MM.  D.  et  H,). 

XIX.LïTERARiscHEs  Genthalblatt,  janvier-iTiars.  —  N"*  1 .  Carducci,  Rimt  di 
Pilrarca  (Schuchardt),— 2.  Diez,  Udtf  romamschi  Worîschcepjtsng  <Schuchardt). 

—  \,  Là  dmnâ  Commtàia^  éd.  Scartazzini  (Schuchardt  ;  vraie  encyclopédie  dan- 
tesque). —  6.  Ayer,  Phonologie  de  la  langue  française:  Schcler,  La  transforma' 
ùon  française  des  mots  latins;  Meunier,  Les  composés  qui  contiennent  un. ver k  à  m 
mode  personnel:  Darmesteter,  Traité  de  la  formation  des  mots  (Schuchardt).  — 
8.  Wacc,  Roman  de  Rou,  éd.  Andresen  jSuchier). 

XX.  Jenaeh  LiTERATLinzEiTUNO,  janvier-mats.  —  j.  Grégoire  h  Pape,  Aiol 
ei  Mirabel^  hgg.  von  Fœrster  (Suchïer  ;  cet  article  contenait  sur  les  relations  de 
la  Sociiii  des  anciens  textes  avec  M,  Fcerster  des  assertions  inexactes  que  M.  S.  a 
rectifiées  dans  un  numéro  suivant),  —  4.  Kcelbing,  Beûrage  zur  Gesch,  dcr  ro^ 
mant.  Poésie;  Ueberlteferung  und  Sprache  des  Voyage  de  Charlemagne  (Suchier). 

—  8.  Kœlbmg,  Englische  Studien  (Suchier).  —  10.  Laurenlius^  Zur  Chanson  de 
Roland  (Stengel);  Kcclbing,  La  Chanson  de  Roland  (Slengel). 

XXL   ZbITSCHUJFT  pur  ŒSTERREtCHlSCHE  GvSfNASÎEN,    1877.  —  P.   I97-2I  J, 

U  chevaliers  as  deus  espces,..  hgg.  von  W.  Fœrster;  compterendu  de  M.  Mus* 
safia,  très-long  et  naturellement  très-instruclit.  J'y  relèverai  une  particularité 
d'un  intérêt  actuel  pour  les  lecteurs  de  la  Romania.  Le  poème  en  question  con- 
tient le  mot  mile  ^  mire  ^  medicum  ;  M,  M.  en  prend  occasion  pour  dire  que 
suivant  lui,  dans  tous  les  cas  oti  r  répond  en  a.  fr.  à  d  latin^  le  ^  a  passé  par  /. 
C'cSl  la  même  opinion  que  j'ai  exprimée  ici  jVl,  I29i  et  à  laquelle  M.  Havet  a 
substitué^  dans  l'article  qu'on  a  lu  plus  haut,  une  nouvelle  explication,  Mileofirt 
20  moins,  avec  GUtf  une  autre  forme  en  /.  M.  M.  renvoie  à  une  note  ancienne 
sur  ce  sujet  lau  mot  invilia  ^=  mvidia)  dans  son  glossaire  de  la  légende  de  Sainte 
Catherine  en  ancien  véronais;  il  a  en  effet  rassemblé  dans  cette  note,  que  j*aurais 
dû  citer,  plusieurs  exemples  du  changement  de  di  en  li,  dans  ces  conditions^ 
dans  de>  dialectes  de  la  Haute-Italie. 


CHRONIQUE. 


Fondation  Diez.  —  En  face  du  comité  dont  nous  avons  publié  la  dernière 
fois  te  manifeste,  il  s'en  est  formé  un  autre,  dont  nous  reproduisons  également 
la  circulaire  : 

«  Vienne,  ii  avril  1877. 

c  En  souvenir  de  Frédéric  Diez,  le  fondateur  de  la  philologie  romane,  mort 
Tannée  dernière,  on  a  l'intention  d'instituer  une 

Fondation  Diez 
qui  aura  pour  but  de  provoquer,  d'encourager  et  de  récompenser  le  travail 
dans  ce  domaine  scientifique. 

«  Il  y  a  quelque  temps,  de  Berlin,  on  a  fait  un  appel  aux  souscripteurs  pour 
cette  fondation.  Un  appel  semblable  part  aujourd'hui  de  Vienne^  et,  si  nous  ne 
nous  trompons,  la  circonstance  que  la  monarchie  austro-hongroise  réunit  des 
nationalités  si  diverses,  loin  de  nuire  au  succès  de  notre  entreprise,  le  facilitera. 
Car  la  Fondation  Diez  n'exclut  pas  seulement  de  prime  abord  la  prédominance 
d'une  nation  quelconque;  elle  est  particulièrement  destinée  à  réconcilier  et  à 
rapprocher  Romans  et  Germains.  Ceux  mêmes  qui  ne  sont  pas  en  état  de 
mesurer  complètement  la  valeur  de  la  philologie  romane  apprécieront  dans  cette 
fondation  un  beau  symbole  d'union,  qui  mérite  leur  participation  cordiale. 

«  Cette  entreprise  a  été  saluée  avec  sympathie,  aussi  bien  qu'en  Allemagne 
et  en  Autriche-Hongrie,  en  Angleterre,  en  France,  en  Italie  et  en  Roumanie. 
D'autres  pays  se  joindront  peut-être  à  ceux-là.  On  ne  pourra  penser  à  une 
organisation  définitive  de  la  fondation  qu'après  quelque  temps,  car  elle  sera 
nécessairement  déterminée  par  le  chiffre  des  souscriptions. 

c  MM.  Braumûller  (Graben)  et  Gerold  (Stefansplatz),  libraires,  ont  consenti 
à  recevoir  les  souscriptions  ;  on  peut  aussi  les  adresser  aux  soussignés  : 

D'  Fort.  Demattio,  Cons.  aul.  dr.  Fr.  chev.  de  Miklosich, 

professeur  à  l'Université  d'Innsbruck.       professeur  à  l'Université  de  Vienne. 

D'  Att.  H0RTI8,  D*  Ad.  Mussafia, 

directeur  de  la  bibl.  mun.  de  Trieste.      professeur  à  l'Université  de  Vienne. 

D'  E.  Mabtin,  D'  h.  Schuchardt, 

professeur  à  l'Université  de  Prague.  professeur  à  l'Université  de  Qraz.  » 

Cette  circulaire  avait  été  préparée  par  deux  remarquables  articles  de  M.  H. 
Schuchardt,  l'un  dans  le  supplément  de  VAllgemcinc  Zcitung  du  18  février, 
l'autre  dans  la  Gegcnwûrt  du  7  avril.  Nous  traduisons  en  grande  partie  le  premier 
de  ces  deux    articles,  qui  a  peu  de  chances  d'être   répandu  dans  les  pays 


CHRONIQUE  ;tl 

romans,  et  nous  ne  doutons  pas  que  fes  sentiments  élevés  du  savant  professeur 
de  Grax  ne  fassent  sur  nos  lecteurs  une  excellente  impression  : 

t  En  dehors  de  son  but  propre^  qui  est  elle-même,  la  science  peut  cri  avoir 
d*autres;  il  n'y  en  a  certainement  pas  de  plus  noble  que  celui-ci  :  rapprocher  et 
réconcilier  les  peuples.  La  vraie  science  est  internationale,  et  en  dépit  d'autres 
wternationales,  rouge  ou  noire^  elle  considère  ce  titre  comme  un  titre  d'honneur. 
On  comprend  que  la  grande  guerre  qui  a  troublé  tant  de  relations  ait  eu  son 
contre-coup  même  dans  le  domaine  de  la  science;  ce  que  Ton  comprend  moins, 
cat  que  la  provocation  ne  soit  pas  toujours  partie  du  côté  français.  Autant  la 
pas&ion  était  excusable  après  un  tel  désastre^  autant  la  magnanimité  était  com- 
nundée  après  une  telle  victoire.  Or  il  n'a  pas  manqué,  parmi  les  Français,  de 
uvants  dont  la  douleur  patriotique  n'a  pas  égaré  le  jugement  impartial;  et  il 
n'a  pas  manqué,  parmi  les  Allemands^  desavants  qui  ontabusé  du  prétexte  scien- 
tifique pour  des  agressions  politiques.  Si  l'on  ne  regarde  pas  la  paix  comme 
une  simple  trêve  pour  préparer  la  guerre,  il  faut  souhaiter  que  les  liens  rompus 
se  rattachent,  plus  solidement  même  qu'auparavant,  et  c'est  surtout  aux  hommes 
de  science  i  prendre  cette  tâche  à  cœur.  Ils  seraient  dignes  de  blâme  s'ils  ne 
saisissaient  pas  chaque  occasion  de  travailler  â  combattre  les  malentendus  et  les 
naovaîs  vouloirs  entre  les  peuples.  Or  on  ne  peut  en  trouver  une  plus  favorable 
que  celle  i  laquelle  sont  consacrées  les  lignes  suivantes. 

«  La  descendance  commune  des  langues  romanes  ne  5*est  jamais  efacée  de  la 
conscience  de  ceux  qui  les  partent^  mais  elle  n'est  devenue  que  tardivement  t'obfet 
d'une  étude  scientifique,  El  le  rapport  de  ces  langues  entre  elles  et  avec  le  latin 
o*i  pas  été  de  prime  abord  bien  compris  :  il  était  réservé  à  un  allemand,  au 
professeur  Fr.  Diez^  de  Bonn,  de  nous  donner  du  développement  des  langues 
romanes  dans  le  temps  et  dans  l'espace  un  tableau  exact,  clair  et  lumineux.  Il 
est  le  fondateur  de  la  linguistique  romane,  et  même,  nous  pouvons  le  dire  plus 
générakmenl,  de  la  philologie  romane,  car  la  critique  des  anciens  textes  et  Tin- 
vcstigalion  des  origines  littéraires  ne  pouvaient  se  faire  que  sur  les  bases  de  la 
linguistique  comparative.  Le  grain  qu'il  a  semé  a  mis  du  temps  à  lever;  mais 
dans  la  dizaine  d'années  qui  vient  de  s'écouler  un  a  largement  regagné  l'arriéré, 
et  surtout  grâce  à  l'active  participation  des  Romans.  Depuis  l'année  1870  Us 
ont  produit  des  travaux  beaucoup  plus  importants  que  les  Allemands  (je  laisse 
ici  de  côté  un  homme  dont  l'activité  s'étend,  avec  le  plus  grand  succès,  sur 
toutes  les  provinces  linguistiques  et  littéraires  de  ce  domaine,  parce  qu'il  enseigne 
et  écrit  en  roman  aussi  bien  qu*en  allemand  *).  Cest  surtout,  parmi  les  pays 
romans,  la  France  et  l'Italie  qui  comptent  ici  ;  nous  devons  aussi  des  contribu- 
tions précieuses  au  Portugal  et  i  la  Roumanie;  seul,  le  pays  qui  il  y  a  trois 
siècles  nous  a  donné  le  Diàlogo  de  las  kngujs  n'a  à  nous  montrer  que  des  mains 
vides  f  Grâce  â  (a  place  que  l'étude  des  langues  romanes  occupe  depuis 
longtemps  dans  nos  Universités  nous  avons  sur  les  Romans  un  certain  avantage^ 
qu'ils  commencent  d'ailleurs  à  nous  disputer;  mais  qu'est-ce  à  dire  en  regard 
de  l'avantage  immense  qu'ils  ont  sur  nous?  Les  instruments  qu'il  nous  faut  nous 


I.  Tous  nos  lecteurs  comprennent  qu'il  s*agît  de  M.  Ad.  Mussafii. 
j.  M-  Schuchardt  oublie  ici  les  travaux  de  notre  èmincnt  coïïaboraicur  M.  MHi  y  Fon- 
rtnat»,  qui,  tant  pour  la  linguistique  que  pour  la  littérature,  se  placent  au  premier  rang. 


^12  CMRONtQyE 

fabriquer  à  la  sueur  de  notre  front^  ils  les  ont  naturellement  dans   la  main,  He 
finironl-ils  pas  par  s'en  servir  avec  une  légèreté  et  une  sûreté  tout  autres  qu^ 
nous?  Ne  trouveront-ils  pas  toujours  dans  nos  travaux  de  petits  ou  de  grands 
défauts? 

«  La  politique  n'est  pas  tout-à'fait  étrangère  à  cet  accroissement  d'intérêt 
que  ta  France  et  HtaJie  apportent  à  ces  études.  Tant  que  l'unité  politique  de 
ritalie  n'était  pas  accomplie,  Tunification  linguistique  semblait  pour  les  Italiens 
le  centre  de  toute  philologie;  niiaintcnant  qu'ils  ont  atteint  le  but  désrréj  ils  sont 
arrivés  aussi  à  un  jugement  plus  calme  et  plus  libre^  et  avec  un  zèle  digne  des 
plus  grands  éloges  ils  ont  abordé  Tétude  de  ce  panicularisme  linguistique  qui 
n*a  eu  chez  aucune  nation  romane  un  dévclopperrient  aussi  riche  et  aussi  beau. 
La  France,  trahie  parle  sort  des  combats,  s'est  mise  a  estimer  doublement  les 
arts  de  !a  paix;  et  quand  deux  romanistes  parisiens,  dont  Vun  était  avec  le 
maître  de  Bonn  en  relations  particulièrement  intimes,  fondèrent  en  1872  une 
revue  pour  leur  science,  ils  prirent  comme  devise  ces  vers  d'un  vieux  poète 
français  : 

Pur  remcnbrer  dea  ancessnra 

Les  faiz  e  les  diz  e  les  iriurs, 

<  De  Paris,  le  goût  de  la  philologie  romane  s'est  propagé  dans  le  sud  de  la 
France,  et  il  y  a  rencontré  un  mouvement  littéraire  qui  lui  était  propice  de 
toutes  façons.  Les  Catalans  en  Espagne  et  les  Provençaux  en  France  sont  depuis 
longtemps  favorables  X  Tidée  de  la  décentralisation;  ils  Tonl  étendue  au  domaine 
politique,  mais  ce  n'est  que  dans  le  domaine  littéraire  qu'ils  l'ont  réalisée,  bril- 
lamment réalisée.  L'auteur  de  Mîrcio  compte  parmi  les  premiers  poètes  de 
notre  temps  :  il  s'appelfe  Mistral  Aux  fêtes  littéraires  où  fraternisaient  Cata- 
lans et  Provençaux,  étroitement  unis  par  la  langue,  a  succédé  à  Montpellier  en 
187$  une  fête  d'un  caractère  plus  général,  où  la  littérature  et  la  linguistique  distri- 
buaient leurs  prix  en  commun,  et  où,  à  côté  des  intérêts  particuliers  de  la  langue 
d*oc^  on  insistait  sur  la  communauté  intime  de  tous  les  Romans,  Il  est  bien 
possible  que  le  souvenir  des  victoires  allemandes  n'ait  pas  été  étranger  à  cette 
ardeur,  mats  il  n'a  reçu,  dans  celte  cordiale  el  joyeuse  fête,  aucune  expression 
le  moins  du  monde  haineuse,  et  on  peut  espérer  que  la  Chanson  du  Latm^  pour 
laquelle  est  ouvert  cette  année  un  concours  poétique,  ne  sera  pas  un  chant  de 
guerre^  mais  un  hymne  de  paix*  Il  ne  doit  pas  se  trouver  de  Bertrand  de  Born 
pour  enflammer  à  la  guerre  contre  la  patrie  de  celui  qui  a  tant  contribué  â  f'ire 
battre  plus  vivement  le  pouls  de  la  jeune  Roroania,  et  qui  le  premier,  par 
d'excellentes  traductions  et  de  lumineux  commentaires,  a  fait  connaître  aux 
Allemands  les  œuvres  des  vieux  troubadours.  Sous  sa  direction  Romans  et 
Allemands  se  sont  réunis  pour  un  travail  commun.  Sa  vie  s'est  écoulée  simple 
et  modeste;  Téclat  d'honneurs  publics  n'a  pas  répondu  à  ses  mérites;  cherchons 
Ji  réparer  cette  omission.  Car  c'est  maintenant  ou  jamais  qu'il  faut  veiller  k  ce 
que  la  gloire  de  la  paix  ne  s'efface  pas  trop  devant  celle  de  la  guerre, 

•  C'est  â  Rome  que  la  pensée  d'un  monument  pour  Frédéric  Diez  s'est  Uil 
jour  pour  la  première  fois;  la  direction  de  la  Rivista  dt  fihhgia  rommzû  a 
offert  cent  îm  pour  ce  but.  Mais  de  quel  genre  doit  être  ce  monument,^  Qu'on 
élève  un  monument  à  chacun  avec  ce  qui  a  été  la  matière  ou  Tobjet  de  son  tra- 


CHRONÏQUE  |1| 

fail  :  aux  héros  de  la  guerre  avec  du  brome  et  de  la  pierre  morte,  aux  héros  de 
Il  science  avec  des  matèrMux  plus  fins  cl  vivants.  Telle  a  été  aussi  la  pensée  du 

CDiDité  berlinois  qui  a  lancé  dernièrement  un  appel  pour  la  Fondation  Dicz 

Pour  le  djre  sans  réserve,  je  trouve  celte  pensée  excellente,  mais  |e  trouve 
la  forme  qu'on  lui  a  donnée  trop  élroile...  Un  monument  qui  prétend  répondre 
dignement  au  caractère  personnel  et  scientifique  de  notre  maître  doit  reposer 
é^Jement  sur  les  épaules  de  TAllemagne,  de  la  France  et  deTltalie;  les  Romans 
doivent  être,  non  point  tolérés  ou  à  Toccasion  invités,  mais  associés  à  Tœuvre 
dés  roriginc.  Espérons  que  le  plan  de  la  fondation  Diez  sera  modifié  dans  ce 
tens.  On  ne  peut  pas  dire  qu'il  soit  trop  tard  :  on  ne  saurait  décider  avant  toute 
discussion  publique  une  chose  qui  ne  peut  réussir  que  grâce  à  la  participation 
d*ttn  grand  nombre  de  personnes.  On  ne  peut  pas  dire  non  plus  que  te  plan 
proposé  soit  impraticable  :  Texécutton  en  serait  assurément  rendue  plus  difficile, 
mais  dans  la  proportion  même  où  il  augmenterait  de  valeur...  Qu'on  ne  soit 
pas  trop  timoré  ou  trop  raide;  qu'on  méleâ  la  froide  réflexion  un  peu  d'enthou- 
siasme; qu'on  gagne  les  Romans  par  une  attitude  cordiale  et  par  des  concessions 
légitimes,  et  ils  ne  se  refuseront  certainement  pas  à  se  joindre  aux  Allemands 
pour  instituer  la  fondation  Dicz,  Je  ne  vois  pas  où  elle  pourrait  avoir  son  siège 
mieux  qu'à  Rome,  et  là  des  congrès  internationaux  de  romanistes  pourraient 
facilement  s'y  rattacher.  L'Italie  offre  aux  Allemands  et  aux  Français  un  domaine 
neutre,  international^  en  même  temps  qu'un  but  favori  de  voyage;  en  Italie  les 
études  romanes  sont  rapidement  devenues  florissantes,  et  c'est  là  que  travaille 
l'homme  auquel  après  Diez,  —  nous  le  reconnaissons  sans  envie,  —  la  linguis- 
tique romane  a  le  plus  d'obligations*.  Quant  i  Rome,  le  berceau  des  langues 
romanes  et  de  la  civilisation  occidentale,  elle  offre  au  philologue  roman  mille 
attraits  cachés.  Il  étudie  dans  les  librairies  des  papes,  des  Chigi,  des  Barberini, 
les  commencements  des  littératures  romanes^  il  suit  dans  les  catacombes  les  pre* 
micrs  pas  des  langues  romanes,  il  songe  à  Sant'  Onofno  à  une  de  leurs  gloires 
les  plus  brillantes  ^,  et  il  admire  sur  les  lèvres  romaines  la  force  et  la  grice  dont 
elles  sont  susceptibles.  Enfin  Rome  appartient  non-seulement  aux  Romans,  mais 
aussi  aux  Allemands.  Non  point  certes  à  cause  du  ^  saint  empire  romain  de 
natifcn  germanique;  »  c'est  depuis  que  nous  avons  perdu  Rome  matériellement 
que  nous  l'avons  conquise  intellectuellement  :  pour  nos  poètes^  nos  artistes,  nos 
savants  elle  est  devenue  une  seconde  patrie,  et  notre  Institut  archéologique  est 
établi  sur  le  Capitole,  En  face  des  ruines  qui  ont  enseveli  tant  de  peuples,  d'em- 
pires et  d'institutions,  les  dissonances  nationales  s'éteignent  plus  aisément,  et, 
quand,  à  l'époque  où  Tamandier  fleurit,  le  tiède  zéphyr  nous  caresse  en  passant 
sur  ce  grand  sépulcre,  nous  croyons  sentir  le  souffle  du  «  printemps  universel  • 
qui  •  rajeunit  la  face  du  monde.  ■  Peut-être  sonl-ce  là  des  rêves;  cl  cependant, 
pour  être  le  centre  d'une  fondation  qui  a  pour  but  de  faire  fructifier  en  tous 
sens  le  souvenir  d'un  homme  éminent,  qui  cherche  à  augmenter,  non  pas  seule- 
ment Tactivité  de  la  science,  mais  ramilié  des  peuples^  il  me  semble  toujours  que 
Rome  est  indiquée  entre  toutes  les  villes^  qu'en  tout  cas  elle  se  présente  plus 
naturellement  que  Berlin.  » 

T.  Inutile  dénommer  M.  Ascolî. 
i,  Cesi  là  qu'est  enterré  le  Tasse, 


> 


314  CHRONIQUE 

Cet  article  a  été  accueilli  avec  sympathie  par  plusieurs  journaux 
(Augsb,  AUgcm.  Zeitung,  3  avril  ;  Neuc  Frcie  Presse^  7  mars  ;  Magazin  fir  dk 
Uuer.  des  Auslands,  7  avril),  anglais  (The  Academy^  17  mars),  italiens  (O/moitfy 
18  mars;  Gazzetta  d*Italia,  25  mars;  et  roumains  {Timpal^  2-3  mars;  CBiiind  de 
Jassiy  25  mars).  Dans  son  second  article,  M.  Schuchardt  est  revenu  sur  œ  sujet 
surtout  pour  expliquer  qu'il  n'y  avait  dans  sa  proposition  aucune  hostilité  contre 
Berlin,  et  pour  proposer  de  former  des  comités  multiples  qui  recueilleraient  des 
souscriptions  pour  une  Fondation  Dicz^  en  laissant  pour  le  moment  indétemmié 
remploi  précis  qu'on  ferait  des  fonds  recueillis,  qui,  de  Taccord  général,  doiveot 
être  consacrés,  sous  forme  de  bourse  ou  de  prix,  à  encourager  et  récompenser 
les  jeunes  gens  qui  s'occupent  de  philologie  romane  sans  distincùon  de  nationaiitc. 
C'est  conformément  à  ces  idées  que  le  Comité  de  Vienne  a  lancé  l'appel  que 
nous  avons  donné  plus  haut. 

Entre  le  Comité  de  Berlin  et  le  Comité  de  Vienne,  nous  n'avons  pas  â  nous 
prononcer.  Il  est  clair  que  les  fonds,  dans  quelque  caisse  qu'ils  aillent  provisoi- 
rement séjourner,  finiront  par  se  réunir,  et  nous  ne  doutons  pas  qu'il  ne  leur 
soit  donné,  au  bout  du  compte,  la  destination  à  la  fois  la  plus  large,  la  plus 
libérale  et  la  plus  pratique.  Nous  rappelons  que  les  souscripteurs  peuvent 
adresser  leurs  offrandes  à  M.  Gaston  Paris  (7,  rue  du  Regard,  à  Paris),  et  nous 
engageons  vivement  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  la  philologie  romane  et  qui 
comprennent  les  obligations  qu'elle  a  à  notre  cher  maître,  tous  ceux  aussi  qui 
partagent  les  généreuses  idées  de  M.  Schuchardt,  à  contribuer  au  monument 
qu'on  élève  à  l'auteur  de  la  Grammatik  der  romanischen  Sprachen^  à  celui  dont  on 
peut  dire  à  juste  titre  : 

Hinc  cui  Barbaries,  illinc  Romania  plaudit. 
Nous  publions  une  première  liste  des  souscriptions  qui  jusqu'à  présent  nous 
ont  été  adressées  : 

La  Société  philologique  de  Cambridge  .     .      270  fr. 

G.  Paris 500 

Michel  Bréal 20 

Alfred  Morel-Fatio 20 

Gabriel  Monod 40 

Arsène  Darmesteter 10 

Louis  Havet S 

A.  Barbier  de  Meynard s 

Louis  Léger S 

87s  fr. 
G.  P. 

—  L'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  propose,  pour  l'année  1879, 
le  sujet  suivant  : 

t  Rechercher  les  origines  et  les  caractères  de  la  chevalerie,  ainsi  que  les  ori- 
gines et  les  caractères  de  la  littérature  chevaleresque. 

«  Déterminer,  dans  la  chevalerie  et  dans  la  littérature  qui  en  est  l'expression, 
quelle  part  peuvent  avoir  eue  :  rTélément  celtique  (gallois,  breton  et  gaélique); 
2'  l'élément  germanique  et  Scandinave  ;  3'  le  christianisme  et  l'esprit  religieux. 


CHRONIQUE  31  { 

•  examiner  si  une  part  d'influence  doit  être  aussi  altnbuée  â  la  civilisation 
arabe  et  moresque^  aa  moins  sur  la  branche  méridionale  de  la  littérature  cheva- 


(2-   ( 

■de  I. 


•  Etudier  Tinfluence  qu'ont  exercée  ta  chevalerie  et  la  littérature  chevaleresque 
sur  les  moeurs  et  les  idées  de  la  France  et  de  l'Europe  depuis  te  Xl«  siècle 
jttsqu^à  la  dernière  période  de  la  chevalerie^  caractérisée  par  le  chevalier 
Bayard. 

•  Déterminer  les  rapports  et  les  oppositions  entre  la  morale  chevaleresque, 
telle  qu'elle  se  dégage  des  Chansons  de  geste  et  de  l*ensemble  de  cette  littérature^ 
et,  d'autre  part^  la  morale  de  TEgiiseet  Tespril  de  la  législation  féodale. 

•  Ce  prix  est  de  la  valeur  de  quinze  cents  francs, 

f  Les  mémoires  devront  être  déposés  au  secrétariat  de  Unstltut  le  j  i  dé- 
cembre 1878,  > 

—  M.  Schipper,  professeur  de  philologie  romane  à  Kcenigsberg,  ayant  été 
appelé  à  Vienne  en  qualité  de  professeur  de  langue  et  littérature  anglaise^  il  a 
été  remplace  par  M.  Vollmœller,  privat-docent  â  Strasbourg. 

—  La  Société  archéologique  de  Bèziers  vient  de  publier  la  sixième  livraison 
(!•  du  tome  H)  du  Brevian  d'amùr^  dont  Tédilion  était  restée  en  suspens  depuis 

itt  ans.  Cette  livraison  contient  les  vers  2091  j-i6j64.  A  la  différence  des 
édentes»  elle  est  entièrement  Tœuvre  de  M.  G.  Azais,  le  savant  secrétaire 
de  la  Société,  Voicî  comment  s'est  faite  cette  édition  qui,  somme  toute,  malgré 
SCS  imperfections,  fait  honneur  à  la  Société  archéologique  de  Béziers.  Le  texte 
des  cinq  premières  livraisons  a  été  établi  par  M.  P,  Meyer,  d'après  les  mss. 
BibI,  nat.  fr.  857  {A),  9219  (B),  8^8  (C),  i6oj  (D)<  ;  U  copie  du  ms.  A  avait 
été  faite  pour  la  plus  grande  partie  par  M.  Michelant.  La  notice  des  mss.  publiée 
en  1862  avec  la  première  livraison  (p.  x-xx\  est  de  M.  Meyer,  qui  a  aussi  revu 
les  épreuves  des  cinq  livraisons,  sauf  celles  des  feuilles  9  a  1 1  du  l.  L  Lorsque 
M.  Meyer  se  milâ  Tœuvre^  en  décembre  î86o,  iî  n*avait  encore  que  des  notions 
très- vagues  sur  l'art  de  faire  une  édition  critique.  Personne  ne  le  lui  avait  appris, 
ct^  â  cette  époque,  personne  en  France  n'eût  pu  le  lut  apprendre.  Aussi  crut-il, 
bien  à  tort,  pouvoir  se  dispenser  de  collationner  régulièrement  les  mss.  C  et  D  ; 
}e  premier,  parce  qu'il  était  de  tout  point  détestable;  le  second,  parce  que  ce 
texte  y  avait  subi  de  la  part  de  son  copiste  catalan  diverses  modi6cations.  Or, 
comme  M.  Mussafia  Ta  plus  tard  montré  dans  le  troisième  fascicule  de  ses  Hand- 
schfiftiuhe  Studien^^  les  deux  mss.  de  Paris  A  et  fî,  comme  l'un  des  deux  mss.  de 
U  Brbl.  imp,  de  Vienne,  appartiennent  a  une  seule  et  même  famille  qui  est  ca* 
ractérisée  par  romission  d^un  certain  nombre  de  passages.  Ces  omissions,  qui 
sont  de  celles  qu'on  appelle  en  terme  d'imprimerie  des  bourdons  ,  furent 
nnues  par  M.  Meyer,  et  corrigées  d'après  C  et  D  (à  défaut  du  bon  ms. 
Vienne  et  des  mss.  de  Londres),  dès  qu'il  lui  fut  possible  de  cofla- 
nncr  îes  épreuves  sur  les  mss,  ,  c*est-à-dire  h  partir  de  la  troisième 
atson,  publiée  au   commencement  de  Tannée    1864^;   mais   il  avait  fallu 

Parfois  on  t  fait  aussi  usagr  de  la  version  en  prose  catalane  contenue  dan«  le  ras. 

Op.  ÎU  (a»!*^*  S.  Gcrm.,  fr.  ijy)- 
1.  1S64.  Extraits  des  comptes -rend  us  des  séances  de  l'Académie  de  Vienne,  t.  XLVL 
),  A  cette  IrvratMn  est  }ointt  rincroduaion  de  M.  G.  aejîs. 


Jt6  CHRONIQUE 

lire  les  épreuves  des  deux  premières  livraisons  loin  de  Paris,  et  c*cst  ainsi  qûë" 
le  texte  de  ces  deux  livraisons  [vers  1-10695)  est  lort  intérieur  i  celui  des  trois 
livraisons  suivantes.  La  quatrième  livraison^  qui  s'arrêteau  v.  1 5797  cl  termine  le 
premier  volume,  parut  à  la  fin  de  1864,  et  la  cinquième  0"  ^^  t  H)  en  1S66. 
Celle  même  année,  M.  Meycr,  ayant  été  nommé  archiviste  aux  Archives  de 
TEmpire,  se  trouva  dans  J'impossîbililé  de  continuer  l'édition,  qui  dès  lors  resta 
interrompue.  La  livraison  qui  vient  de  paraître  a  été  préparée  par  M.  Azais  à 
Taide  d'une  copie  exécutée  pour  la  plus  grande  partie  par  M.  Michelant,  et  dont 
le  commencement  seulement  avait  été  jadis  revu  par  M.  Meyer. 

—  Nous  recevons  de  M,  Krebs  la  communication  suivante  relativement  à  un 
ms.  que  vient  d'acquérir  la  Tayior  înmution,  à  Oxford  : 

«  Ce  ms.,  in-8',  est  composé  de  62  feuillets  de  vélin  cl  orné  d'une  niajuv 
cu!e  en  or  et  couleur.  M  contient  : 

«  1^  Fol.  1-41  il,  /  Trionfi  di  Pctrarca,  commençant  par  ces  mots  :  t  InchcK 
mincia  i  irionfTi  di  messe r  Franchescho  Petrarcha... 

«  Nel  tempo  che  rinova  i  mie  sospîri.  » 
et  finissant  (foL  41J)  : 

«  Hor  che  fie  dunquc  a  rivederla  in  ciel 0.  » 

c  Ce  texte  des  Trionfi^  comparé  avec  celui  de  l'édition  la  plus  correcte 
(Padova,  1810),  olîre  plusieurs  variantes. 

i  2*  Après  }  pages  vacantes,  les  foL  43-^^  contiennent  la  biographie  de 
Dante*  écrite  par  Leonardo  Bruni  Aretino.  Cette  «  Vie  de  Dante  »  a  été  publiée 
dans  plusieurs  éditions  de  la  Divina  Cûmidia.  On  la  trouve  notamment  dans  celle 
de  Florence,  1819,  in-fol.,  t.  IV,  p.  j-ix.  Mais  \t  texte  du  ms.  est  précédé 
d  une  introduction  (1  1/2  pages),  qui  paraît  inédite^  et  offre  des  variantes  qui 
méritent  notre  attention. 

9  y  Après  une  autre  lacune  de  2  feuilles  {foL  ^7-62 tf),  une  biographie  de 
Pétrarque.  Elle  commence  par  ces  mots  :  c  Francescho  Pelrarcha,  huomo  di 
i  grande  ingegno  e  no  di  minore  virtu.naque  in  areçço  del  orlo  «,  el  finit  ainsi  : 
•  Cosiâcchi  mérita  come  acchi  non  mérita  dare  sipuo.  t 

i  Sait-on  si  cet  abrégé  d'une  biographie  ancienne  de  Pétrarque  a  déjà  ètè 
publié,^  « 

—  M.  W,  Fœrster.  qui  publiera  incessamment  les  deux  premiers  volumes 
de  son  Creslien  de  Troyes,  annonce  en  même  temps  qu'il  va  diriger,  chezHcn- 
ninger^  à  Heilbronn,  l'impression  d'une  Ahfranzômchc  BMolhekf  comprenant 
des  textes  publiés  et  inédits,  avec  introductions,  notes  et  glossaires, 

—  On  annonce  la  prochaine  apparition,  chez  Trûbner,  à  Strasbourg,  dcTédi- 
tion  de  Rtnarl^  par  M.  Martin,  depuis  longtemps  attendue  impatiemment, 

—  On  nous  adresse  naturellement  un  grand  nombre  de  livres  dont  nous  ne 
pouvons  donner  de  comptes-rendus  détaillés.  Ce  n'est  pas  la  bonne  volonté  qui 
nous  manque,  c'est  le  temps,  l'espace  et  les  forces.  Cependant  il  est  bon  que  les 
auteurs  ou  les  éditeurs  qui  veulent  bien  nous  envoyer  leurs  publications  les 
voient  au  moins  annoncées,  et  d'autre  part  c'est  rendre  service  à  nos  lecteurs 
que  de  leur  faire  connaître  même  superficiellement  les  ouvrages  relatifs  à  nos 


CHRONIQUE  517 

études  qui  passeni  sous  nos  yeux.  Nous  donneroEis  dorénavant,  à   la  fin  de  la 

chronique  de  chaque  numéro,  la  liste  des  livres  qui  nous  auront  été  adressés. 

Nous  joindrons  parfois,  mais  sans  aucune  régularité,  un  mot  d'appréciation  à 

td  ou  te[  ouvrage  ;  il  va  sans  dire  que  ni  l'insertion  dans  la  liste  ni  l'appréciation 

sommaire  n'impliquent  que  nous  renonçons  â   donner  du   livre  un   véritable 

compte-rendu.  A  partir  du  prochain  numéro  les  livres  seront  mentionnés  dans 

Tordre  ofi  nous  les  avons  reçus;  aujourd'hui  nous  relevons  au  hasard  ceux  que 

nous  trouvons  sur  noire  bureau  : 

V.  iMBRuNr,  Xn  Conti  pomiglîanesi,  con  vananti  avellinesi,  montellesi,  bagrto- 
lesi,  milanesi,  toscane,  leccesi,  ccc  ^  illustrati  da  Vittorio  Imbriani. 
Napoli,  Detken  et  Rocholl^  'S77,  in  12,  xxxij-290  p.  —  La  Noveïlaja 
fiorentina,  nella  quale  è  accolta  integramente  la  Novellaja  milanese. 
Livorno,  Vigo,  1877,  in-12,  xv-640  p.  —  Recueils  aussi  précieux  par  la 
sincérité  des  textes  que  par  ta  science  et  l'esprit  des  commentaires. 

S.-A.  GuASTALLA,  Canti  popolari  del  circondato  di  Modica.  Modica,  Luln  e 
Sccagno^  1876,  in-ii,  cxxx*i04  p.  —  Nous  n'avons  \à  que  le  premier 
volume  d'un  recueil  qui  fait  très-bonne  suite  à  ceux  que  nous  possé- 
dons déjà  de  chants  populaires  siciliens  ;  la  préface  contient  des  renseigne» 
ments  fort  intéressants. 

L.  DsLii^LE,  Inventaire  général  et  méthodique  des  manuscrits  français  de  la 
Bibliothèque  nationale.  Tome  I,  Théologie,  Paris,  Champion,  1876^  in-8", 
cIix-20,1  p.  —  Cette  importante  publication  sera  indispensable  à  toutes  les 
bibliothèques  publiques  et  à  tous  les  travailleurs  qui  s'occupent  du  moyen- 
âge,  M,  Detisie  nous  fait  espérer  qu'elle  marchera  vite.  Elle  est  précédée 
d'une  introduction  très-inslructivc  sur  l'origine  des  divers  fonds  manuscnls 
de  notre  grande  Bibliothèque. 

P.  Rajna,  Le  Fonli  dell'  Orlando  Furioso.  Firenzc,  Sansoni,  1867,  in-.8«,  xiîj 
^2  p.  —  Ouvrage  capital,  et  où  Tancienne  littérature  française  tient  natu- 
rellement une  grande  place. 

Récits  d'un  Ménesirel  de  Reims  au  XI 11*=  siècle,  publiés  pour  la  Société  de 
THistoire  de  France  par  N.  de  Wao.ly.  Paris,  Renouard,  1876,  Ixxij-îî2 
p,  —  Edition  critique,  avec  notes  et  glossaire,  du  charmant  ouvrage 
imprimé  une  première  fois  sous  le  titre  de  Chronique  de  Rains,  une  seconde 
fois  sous  celui  de  Chronique  de  Flandres. 

P.  KRuaKR,  Ueber  die  Worlstellung  in  der  franzœsischen  Prosalitteratur  des 
dreizehnten  Jahrhunderts.  Berlin,  1876,  60  p.  (Inaugural-Dissertalioti). 

L,  Cléoat,  Cours  de  littérature  du  moyen-ige  professé  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Lyon.  Leçon  d'ouverture.  Paris ^  Thorin,  1877,  in-8*',  29  p* 

A.  Fleck,  Derbetonte  Vocalismus  einiger  altostfranzoesischen  Sprachdenkmaeler, 
und  die  Assonanzen  der  Chamon  des  Loherains.  Marburg^  1877,  in-S*, 
29  p«  (Inaugural-Dissertation). 

A.  LucHAJRE,  De  lingua  Aquitanica.  Paris^  Hachette,  1877^  in-S",  65  p, 
(thèse  latine  de  doctorat).  —  Bon  travail,  où  l'auteur  parle  des  rapports 
phonétiques  du  basque  et  du  dialecte  gascon  en  homme  qui  connaît  l'un  et 
l'autre. 


}ïg  CHROHIQUE 

La  Chanson  de  Roland,  Genauer  Abdruck  der  Venftiancr  Handschrift  IV, 
besorgt  vora  E.  KreLmNU.  Heiibronn,  Henningcr:  Paris,  Vicwcg,  1S77, 
in-S*,  i7i  p.  —  Reproduction  diplomatique,  qui  sera  fort  utile  aux  savants, 
puisque  M.  Hofmann  n*a  pas  encore  publié  ceile  qu'il  a  imprimée 
depuis  longtemps. 

Dtr  Mùnchtmr  Erul^  Gottfried  von  Mortmouih  in  franzoesischcn  Vcrsen  des  XII. 
Jahrbunderts.,,  hgg.  von  K,  Hopmans*  und  K,  Vollhcblleti.  Halle^  Nie- 
meyer,  1877,  iiî-8%  lij-124  p.  —  Traduction  en  vers  de  G.  de  MonmoutK, 
indépendante  de  celle  de  Wace  et  presque  aussi  ancienne,  conservée  (incom- 
pléle)  dans  un  ms,  de  Mumcb,  publiée  avec  une  importante  iotroductioa . 
philologique.  j 

Adam,  mystère  du  X1I«  siècle,  texte  critique  accompagné  d'une  traduction  par 
L.  Palustre.  Paris,  Dumoulin,  J877,  in-8',  xij-187  p.— Beau  livre^  mais 
sans  valeur  scientifique.  Uéditeur  ne  dit  même  pas  si  pour  son  texte 
1  critique  »  \\  a  revu  le  manuscrit,  et  n'indique  pas  les  leçons  de  rèditioti 
précédente  quand  il  s'en  écarle,  ce  qu'il  fait  souvent  à  tort,  La  traduction 
montre  qu'il  est  loin  d'avoir  toujours  bien  compris,  ce  qui  était  d*aiHeun 
impossible  avec  la  teçon  qu'il  prétendait  traduire. 

Guta  Apottonii  Reg'n  7)rii  metrica  ex  codice  Gandensi  edidil  E.  DuMMLEa 
Halle,    1877,  in-4',  20  p.   {PrâsnnhcUungsprogrâmm).  — -  Edition  faîieJ 
avec  soin  (cl  c'était  fort  malaisé)  d'un  poème  (incomplet)  du  X'  siècle,] 
qu*il  ne  faut  pas  attribuer,  comme  le  faisait  Hatipt,  à  Walafrid  Strabon. 

Waqe^s  Roman  dt  Rou  et  des  ducs  de  Normandie...  hgg.  von  H.  ANnutsKN, 
I,  Heilbronn,  Henninger;  Paris,  Vieweg,  1877,  xcvi*2j8  p.  —  Nous  par- 
lerons en  détail  de  cette  importante  édition  ;  disons  tout  de  suite  qu'elle 
annule  absolument  celle  de  Piuquet.  Voyez  Tarticle  de  M.  Suchier  dans  le 
Cenlralbîattf  indiqué  ci-dessus.  j 

A.  Deloollle,  Glossaire  de  la  vallée  d^Yères,  Havre^  Brenier,  1879,  in-B*, 
XV-J44  p.  — Travail  d'amaieor.  Voy:  Rivue  ctiùque^  1877,  n"  20. 

CuHDAT  (L'abbéI,  Noëls  vellaves,  1631-1648,  publiés  par  Tabbé  Payrard.  Le 
Puy,  Freydicr^  '^7^%  xxxij-126  p.  —  Ces  Noëls,  du  second  tiers  du 
XVll*  siècle,  sont  précieux  comme  document  pour  Thistoire  du  patois  du 
Velay;  en  eux-mêmes  ils  sont  assez  gais,  mais  sans  grande  valeur. 

F.  Canalkjas,  De  la  poesia  heroîco-popular  casteflana.  Madrid,  Saiz,   1876, 

in-12,  75  p.  —  Se  rattache  au  beau  livre  de  M.  Miiâ  y   Fontanais  sur  ie 
même  sujet. 

G.  PiTRÈ,  Saggio  di  gîuochi  faticiuHeschi  siciliam.  Palermo,  Monlaina,    1877, 

in-8°,  29  p.  j 

A.  LoNGNON,  Etude  biographique  sur  François  Villon,  Paris,  Mcnu^  i^??» 
in-j2,  22Î  p,  —  L*ètude  publiée  dans  la  Romanm^  t,  II,  ne  forme  qu'une 
partie  de  ce  volume,  où  l'auteur  a  fait  connaître  des  découvertes  encore 
plus  importantes  que  les  premières, 

F.  Masïmjns  y  Labrûs,  Tradicions  del  Vallès,  ab  notas  comparativas.  Barce-  I 
lona,  1876,  in-i2-  iv,  i^o  p.  —  Plusieurs  de  ces  traditions  {notamment 


CHRONIQUE  }t9 

la  seconde,  qui  appartient  au  cycle  des  Ftmmu-Cygnes)  sont  intéressantes, 
ainsi  que  les  remarques  de  l'auteur  ;  mais  )I  raconte  dans  un  style  trop  fleuri* 

W,  ZARucan^  Oer  Graltempeh  Vorstudie  zu  einer  Au&gabe  des  jûn^ern  TîtureK 
Leipzig,  Hirzel,  1876,  in-4',  182  p, 

C  KMAUsa,  Zur  alt^anzoesischen  Lautlehre.  Leipzig,  1876,  îii-4**,  46  p.(Pro- 
gramm),  —  Observations  sur  la  langue  de  Rtckan  le  BeL 

ftioscH,  Unlersuchungeo  ûber  die  Quellen  ynd  das  Verhaellniss  der  provenza- 
lîschcn  und  der  lateinîschen  Lebcnsbeschreibung  des  hL  Honoratus.  Ber- 
lin, 1877,  in-8*,  6j  p.  (Inaugural-Dissertation )♦  —  L'auteur  pense  que  la 
vie  latine  de  S.  Honorai  est  issue  de  la  biographie  provençale  de  R^Feraut 
(cf.  Romama^  l\\  257  ss.), 

—  Noos  avons  reçu  trop  tard  pour  lui  consacrer  cette  fois  l'analyse  détaillée 
<}a'il  mérite  le  premier  numéro  de  la  Zcitschrijt  fur  romanischc  Phlhlogu,  Disons 
seulement  que  l'exécution  matérielle  en  est  fort  belle,  et  que  les  articles  sont 
aussi  intéressants  que  variés. 

—  Il  nous  reste  juste  le  temps  et  la  place  de  publier  le  document  suivant, 
reUtif  à  h  Fondation  Diez,  que  nous  venons  de  recevoir  d'Italie  : 

Appciio  agli  studiosi  italiam  conttrntntt  la  i  Fondûiiont  Dxtz,  • 
CoiTi'é  noto,  in  Allemagna  s'é  da  quakhe  tempo  introdotto  Tuso  lodevolis* 
simo  d^ODorare  grillustri  trapassati,  piuttosto  che  con  istatue  0  altri  siffatti 
moQumenti,  con  délie  c  fondazionî  1,  le  quali,  intitolate  dal  loro  nome,  giovlno 
în  qoalche  modo  al  progresso  délie  scienze  o  discipline  m  cui  queglt  si  furon 
segnalati^  o  tornino  cornu nque  in  quakhe  benefizio  delF  universale.  Taie  è,  per 
esempio,  la  <  Fondazione  Bopp  »,  istiluitasi,  alcuni  atini  sono,  per  promuoverc 
gli  studj  glottologici  in  générale. 

Ora,  da  molti  tra  i  discepoli  c  ammiratori  dell*  illustre  romanologo  Federigo 
DiEZ,  morto  il  39  maggio  delt'  anno  scorso,  si  é  sentito  il  vivo  desiderîo  d'inti- 
lotare  dal  suo  nome  uaa  fondaiionc  che  abbia  per  iscopo  di  promuovere  studj  e 
lavori  nel  campo  di  quella  titologia  romanza  della  qtiale  egli  ben  puè  cKiamarsi 
il  fondatore,  e,  incoraggiandone  il  progresse  stil  la  via  tracciata  dal  gran  Maestro^ 
giovi  cosl  ad  ampliare  e  fecondare  le  nobtli  resultanze  da  lui  conseguite  e  serbi 
a  un  tempo  ognorviva  e  présente  la  memorîa  de'  suoi  meriti  impenturi. 

Quindi  é  che  da  akuni  dei  principali  Blologi  e  romanisti  atemanni  volendosi 
mandare  ad  effctlo  qucsto  pensiero,  già  naio  pur  nelF  animo  di  parecchi  stu- 
diosi anche  fuori  dalla  Germanta  e  particolarmente  in  Italia,  s'ordinè  dapprtma 
un  Comilalo  in  Berimo,  poi  un  altro  in  Vienna^  facendosi  appello  da  entrambi  * 
a  quanti  v'hanno^  m  qualsiasi  paese^  discepoli  e  ammiratori  del  gran  romano- 
fogo  per  ristituzione  di  una 

*  FONDAZIONE  DIEZ  0 
e  invitandosi  a  prendervî  parte  anche  tutti  coloro  a  cui  in  générale  sta  a  cuore 
il  progresso  del  lavoro  scienttfico^  siano  essi  di  stirpi   latine,  le  cui  lingue  il 


r.  U  cifcolarc  del  comitato  berlinese  porta  la  data  del  i*  febbraio  1877  c  le  finnc 
dei  pTofeiïori  Booitt,  Ebcrt»  Crceber^  Herrig,  Mahn,  Maetzner,  Mommscnt  Mùllcnhoff, 
von  Syb«î,  Suchier,  Tobler,  Zupitia.  Quella  del  comiiato  vicnnese,  la  data  deil'  1 1  aprile 
1877  c  le  firme  dei  professori  Dcmattio,  Horti^,  Martin,  Miklosich^  Mussafia,  Schuchardt. 


320  CHRONIQUE 

DïBZ  insegnô  primo  a  rettamente  conoscere  nék  loro  reaproche  attenenze  e 
nella  loro  intima  natura^  siano  essi  suoi  cocinazionali^  che  p€r  opéra  dî  questo 
iiftistre  condttadino  videro  cosl  notevolmente  accresciuto  i'onore  degli  stud) 
alemanni. 

Non  s'è  ancora  definilivamenle  fermalo  il  modo  in  cui  dovrà  essere  usufrut- 
tuato  il  capitale  che  si  vuol  cosl  raccoîto  al  fine  di  promuovere  it  lavoro  scienlU 
fico  neir  âmbjta  degli  stud|  romanzi.  Ma  Tintento  principale  è  di  consegutre  on 
reddito  con  cuï  premiare,  a  delerminali  periodi,  quelle  più  merilcvoli  opère  che 
si  pubblicheraïino  nel  campo  degli  sludj  neo-latini,  e  cj6  sempre  scni*  alcuna 
distiDzione  cîrca  la  nazionaJiià  degli  scrittori,  e,  pcr  quanlo  sia  possibile,  pur 
tacendo  che  ai  giudizj  prendano  parte  de*  perili  d'ogni  paesc.  Si  vorrcbbero 
anche  assegnare  de'  premj  allé  mîgliori  Memorie  intorno  a  terni  da  proporsî. 
Chiusa  poi  la  raccolta  dei  fondi^  pel  che  è  fissato  il  |t  dicembre  del  1S77,  la 
«  Fondazione  Diez  »  sari  annessa  a  uno  dei  primarj  Islituli  scienlifici,  da  cui 
ne  dispenderà  indi  tnnsnzi  Tamniinistrazione. 

I  sottoscritti  doccnti  iuliani  di  filotûgia  neo-latina^  costituitisi  in  i  Comitato 
per  la  fondazione  Diez  •,  rivolgcndosi  ora  corne  f^nno  anch'essi  ai  loro  con- 
citladini  per  invilarli  a  concorrere  a  codesta  bel  l'opéra,  non  dubttano  punto  che 
questi  ben  sentiranno  corne  incomba  alla  primogenita  fra  le  stirpi  latine  di 
mostrare  in  quest'  occasione  la  sua  viva  gralitudine  e  la  $uâ  profonda  venera* 
zione  a  quel  glonoso  che  fondava  la  scienza  délie  lingue  romanze,  e  dicontribuir 
cosi  ad  un  tempo  alP  incremenlo  d'una  disciplina,  la  romanologia,  chcdovràfar 
parte  essenziale  délia  cullura  de'  popoli  neo-latini.  Essi  tengono  per  fcrmo  che 
gli  studiosi  ilaliani^  in  questa  nobile  gare  internazionale,  risponderanno  degna- 
mente  alla  ^ducia  espressa  negli  appelli  che  ci  vengono  d'oltralpi  e  che  gia  hanno 
trovalo  pronta  adesione  anche  in  Francia,  in  Inghil terra  ed  in  Rumenia. 

II  contributtOi  al  quale  sono  invitati  gH  studiosi  italiani,  sarâ  incassato  dal 
tibraio-editore  signor  Ermanno  Loescher  (che  ha  casa  a  Torino,  a  Roma  e  a 
Firenze),  pregalo  dai  soUoscritli  a  far  da  tesoriere.  Chiysa  la  colletla  con  la 
fine  deir  anno^  e  previa  pubbitcazione  di  un  conto  parttcolareggiato  di  quanto 
si  sarà  raccoîto  e  det  nomi  dei  sitigoli  contribuenti^  i  londi  saranno  trasmessî  al 
comilato  di  Berlino  dal  quale  è  partito  tl  primo  impulso  e  col  quale  non  pu6 
dubïtarsî  che  abbia  a  procedere  di  pîeno  accordo  anche  il  comttalo  dî  Vienna, 
corn  uni  essendo  gl'  intenti  e  diventando  perciè  corne  necessaria  anche  la  piena 
concordia  nei  mezzi.  Se  perd  qualche  offerla  o  promessa  fosse  vincolata  a  par- 
ticolari  condizioni,  non  per  questo  1  sotloscrîtli  Taccetteranno  con  minor  rico- 
noscenza. 

Milano  e  Torino,  i\  20  aprile  1877, 

Graziadio  Ascoli  (Milano),  —  Napoleone  Caix  (Firenrc),  — 
Ugû  Angeio  Canello  (Padova),  —  Francesco  D'Ovinjo 
(Napoli),  ^  Giovanni  Flechia  (Torino),  —  Arturo 
Ghaf  (Torîno),  —  Ernesto  Monaci  (Roma),  —  Pio 
RAiNA  (Milano). 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G,  Diupelcy  k  Nogeni-le-Rotro«, 


LA   PRONONCIATION    DE  lE 

EN  FRANÇAIS». 


Messieurs  les  directeurSi 

L'un  de  vous  m*a  exprimé  récemment  le  désir  de  me  voir  formuler 
par  écrit  quelques  idées  sur  la  phonétique  romane  dont  je  lui  avais  dit 
un  mot  de  vive  voix.  C'est  pour  répondre  à  ce  désir  que  je  rédige  la 
présente  noie.  Bien  qu'elle  soit  un  peu  longue,  ce  n'est  point  une 
dissertation  en  règle  :  c'est  seulement  une  esquisse  de  la  théorie  que  je 
crois  probable.  —  Il  s'agit  de  savoir  comment»  des  formes  latines  p^^^m, 
fiitâîimy  cdnem,  càrum^  on  est  arrivé  aux  formes  phonétiques  actuelles 
du  français  :  pyéf  pityé,  xyc^  xêr. 

Ici  y  représente  une  consonne,  par  opposition  à  i  qui  est  une  voyelle, 
I-a  consonne  y  est  sonore  après  une  sonore  :  vyc  ^  véniî;  après  une 
sourde  elle  est  sourde  ;  tyè  =  téneî.  Sonore,  elle  est  identique  au  jod 
allemand;  sourde,  au  ck  de  kh.  Seulement  le  jod  et  le  ch  allemands  sont 
toujours  au  commencement  ou  à  la  fin  d'une  syllabe  :  jahr^jejch-komme^ 
mai-chen  ;  au  contraire,  dans  les  mots  français  comme  vient,  tient,  pied^ 
chien^  etc. ,  la  consonne  y  est  à  riîitérieur  de  la  syllabe.  Ainsi,  tandis  que 
les  Allemands  coupent  màd-chen^  Gret-chen,  nous  coupons  main-iienneat^ 
Ë'tUnne;  de  même  ga-bion,  qaes-tion,  pré^cicux,  etc.  ;  de  même  encore 
l^u  consonne  dans  ce-lui;  Vou  consonne  dans  An-toinija-douanc,  le-foutî; 
W  dans  râteler,  Hon-fleur;  IV  dans  pa-tric,  em-pereur,  nom-brtux.  — 
Même  la  consonne  de  ie  initial  tend  à  s'enfermer  dans  l'intérieur  de  la 
syllabe  :  iî-nyàn  ==  une  hyène  y  d£-iyèbl  =  de  l'hièbîe.  Le  y  ne  peut  corn- 
mencer  la  syllabe  que  s'il  est  précédé  d'une  voyelle  :  âplwa~yéf  dwa- 
ji^  etc.  Après  un  groupe  de  deux  consonnes  le  groupe  ie  prend  le  son 
disyllabique  iyé  (Jè-vn-yé)  etlaconsonney  commence  la  syllabe;  les  très- 
rares  personnes  qui  prononcent  encore  ie  monosyllabe  disent  fèv^ryé^ 
ka-lld-ryé,  bakAyè^  môt-ryé;  de  là  dans  les  patois  fevérier,  calend'érier^ 
hûiïkéliery  sanghclier,  monteriez. 

Quant  à  la  voyelle  e  qui  suit  la  consonne  y,  elle  est  en  tout  assimilée 
par  la  prononciation  actuelle  de  Paris  à  Fe,  de  date  et  de  source 

I.  M.  Stanislas  Giivard,  à  qui  j'avais  communiqué  une  épreuve  de  cet  article, 
me  fait  remarauer  qu  il  a  exprime  des  idées  assez  voisines  des  miennes,  Journat 
asiatique t  1876,  1,  p.  444. 


Romania^  vi 


11 


322  L.   HAVET 

quelconque,  que  précède  nlmpone  quelle  autre  consonne.  Je  crois  certain 
qu'aujourd'hui,  pour  une  oreille  parisienne,  pied  rimerait  parfaitement 
avec  pâté,  mai^  aimer^  amadoués^  montre-les  ;  —  tienne  avec  mèney  peine, 
humaine;  —  hyine  avec  pine^  reine j  chaîne^  traîne  ^—chien  avec  w/7,  bain, 
plein,  îu  plains,  il  plaint,  tu  peins ,  il  peint. 

Je  ne  crois  pas  qu'aucun  dialecte  roman  traite  le  groupe  ie  d'une  autre 
façon.  Pour  ce  qui  est  de  la  consonne  y,  elle  sonne  exactement  de  même 
dans  Vhdiikn  fievole  =  ftebilis,  où  son  origine  est  consonantique,  et  dans 
ritalien^^ra  =  fera,  où  elle  est  issue  d'une  diphthongaison  de  IV.  Pour 
ce  qui  est  de  la  voyelle  e,  l'italien  admet  les  rimes  impero  ::  vera  ::  Piero, 
intesi  ::  sospesi  ::  richiesi,  era  ::  vera  ::  schiera  (Dante),  l'espagnol  admet 
les  assonances  deber  ::  jiiez  ::  sien  ::  bien  ::  enfor^aé  r:  prez  ::  curé  :: 
fué  i:  îorcer  ::  fe  ::  ser  ::  esté  :i  oireis  ::  aprender  ::  esté  ::  bien  ::  dél  :: 
rey  ::  diez  (Michaelis,  Romancero  del  Cid  I),  Ainsi  donc»  dans  le  roman 
contemporain,  le  groupe  ie  est  une  syllabe  comme  da^  ho  ou  //,  formé 
d'une  consonne  et  d^une  voyelle,  et  traité  en  conséquence  dans  les  vers, 
partout  où  la  versification  est  au  courant  de  la  langue.  Il  n*y  a  plus  en 
roman  de  diphthongue  ie. 


Il  n'en  a  point  été  toujours  ainsi.  En  ancien  français,  pendant  une 
longue  suite  de  siècles  (et  aussi^  si  j*ai  bonne  souvenance,  dans  l'espa- 
gnol du  Poème  du  Cid  par  exemplei ,  ie  est  un  élément  à  part  et  n'assone 
qu'avec  lyi-méme.  Le  plus  ancien  français  distingue  trois  e,  dont  l'un 
correspond  à  î"  ou  ï  latin,  l'autre  à  i  dans  une  syllabe  fermée,  le  iroi- 
sième  à  a  (ainsi  mette  ::=:  mïîîat,  biU:=bella,  père  =patrem  appartiennent 
à  trois  assonances  incompatiblcsl,  et  en  outre  il  distingue  de  ces  trois  e 
la  diphthongue  en/  [e  +  nasale)  et  la  diphlhongîie  ei;  avec  aucun  de  ces 
cinq  éléments  ne  peut  assoner  la  diphthongue  (>.  Cres^ti-ien==  christianum 
assone  bien  avec  chielt  —  caleî;  il  peut  assoner  s^vtcpiet,  ciel^  consei-llier, 
moiAlier;  mais  il  n'assone  pas  avec  ma-ri-er  =  maritare,  bien  qu'ici  la 
chute  du  t  ait  mis  Ve  en  contact  avec  un  /.  Dans  de  telles  circonstances 
il  est  clair  que  l'i  du  groupe  te  ne  poîivait  avoir  comme  aujourd'hui  la 
valeur  d*tine  consonne  y.  Vi  était  certainement  une  voyelle,  et  le  groupe 
ie  était  une  diphthongue  tout  comme  à  la  même  époque  ai,  au,  eu.  Et  je 
suis  porté  à  croire  que  dans  la  diphthongue  ie  la  plus  intense  des  deux 
voyelles  était  IV.  Il  est  aisé  de  prononcer  rr(^5-;M^/î,  con-séi4^ier,pai'\er^ 
txan-djier.  Au  contraire  un  /  moins  intense  que  Ve  est  au  moins  très- 
difficile  à  faire  entendre  d'une  façon  distincte  dans  des  groupes  pareils; 
un  son  aussi  fugace,  après  une  voyelle  comme  i,  une  diphthongue  comme 
ai,  une  consonne  comme  /  ou  /',  se  serait  de  très-bonne  heure  fondu 
avec  le  phonème  précédent.  L'hypothèse  de  la  prononciation  ie  rend 
d'ailleurs  bien  compte  de  la  contraaion  en  i  si  fréquente  dans  les  dia- 
lectes. Enfin  elle  fait  comprendre  comment  il  a  pu  y  avoir  si  longtemps 


DE   àe   EN    FRANÇAIS  î2^ 

La  diphthangue  ie  était  donc  une 


LA   PRONONCIATION 

un  abtme  entre  ma-n-e  et  moMi-e, 
dîphthongue  décroissante  » . 

Quel  était  le  son  de  la  seconde  voyelle  dans  la  dîphthongue  i^  ?  Là 
dessus  le  français  contemporain  ne  peut  nous  renseigner  :  dans  pied, 
iumtt  hyène^  chien  nous  avons  quatre  variétés  d'*  bien  distinctes,  à  savoir 
i  krmé,  e  ouvert  bref,  e  très-ouven  long,  e  ouvert  nasalisé.  Selon  toute 
apparence  Ve  avait  dans  la  dîphthongue  le  même  timbre  qu'il  a  gardé  en 
italien  après  le  changement  de  l'i  intense  en  une  consonne  v,  à  savoir 
le  timbre  de  notre  c  ouvert  bref  de  mettre ^  jetk,  Joseph^  tu  «,  marais.  Il 
est,  je  crois,  généralement  et  justement  admis  que  Ve  bref  latin  avait 
précisément  le  timbre  de  notre  è  ouvert  :  il  y  a  donc  moins  loin  de 
pldem  à  pUî  que  de  pidcm  à  pïiî.—  Le  son  de  la  dîphthongue,  en  ancien 
français,  était  donc  i^. 

La  dîphthongue  française  ie  a  deux  origines  principales,  à  savoir  ê 
accentué,  et  après  un  phonème  lingual  postérieur  quelconque  (i,  e,  y,  t\ 
<r,  P,  n\  Jt,  g  *)  un  a  accentué.  A  ces  deux  sources  il  faut  joindre  le 
suffixe  -arium.  Ainsi  on  a  de  ta  première  source  piet  =^  ptâcm,  vient  = 
uimt;  de  la  seconde  source  chier  =  câruniy  chiere  ^  airam^  aidier  pour 
*aid'ar  »>  adiatân^  paikr  =  pacàre,  crestiien  —  chrisîiânum^  chien  = 
cdnem  ;  de  la  troisième  source  premier  =  *primsdro  =  primârium. 

Voici  comment  je  me  figure  la  transition  pour  la  première  source,  par 
exemple  le  passage  de  pi^dem  à  pièî.  Le  latin  classique  dit  p^dèm  avec  è 
aigu  ;  le  latin  vulgaire  dit pédè  avec  è  intense  ;  sous  l'influence  de  Pintensité, 
l'ancienne  voyelle  aiguë  se  prolonge  et  devient  double  en  durée,  ce  qui 
mène  à  péèdè.  De  la  même  façon,  à  une  autre  époque,  le  classique /T^if m, 
devenu  en  latin  vulgaire /é*^^,  se  prolonge  tnféédè.  Les  deux  diphthon* 
gués  monochromes  éi  et  et*  subissent  ensuite  Tinlluence  d'une  tendance 
qui  s^est  manifestée  souvent  dans  le  langage  et  qu'on  pourrait  appeler  loi 
de  réfraction  des  voyelles  longues  :  les  deux  parties  dont  se  compose  la 
dîphthongue  prennent  chacune  une  nuance  distincte,  de  sorte  que  pedem 
aboutit  ipéèî,  pièt,  fïdem  à  féit.  Dans  pièt  on  passe  du  timbre  plus 
fermé  au  plus  ouvert,  dans  féit  du  timbre  plus  ouvert  au  plus  fermé. 

Pour  la  seconde  source,  a  précédé  d'un  phonème  lingual  postérieur^, 
les  degrés  éè  et  é^  ont  dû  aussi  précéder  le  degré  i^  ;  je  serais  d'ailleurs 
porté  à  croire  que  éè  a  été  précédé  de  a^,  de  sorte  qu'on  aurait  eu  suc- 
cessivement harum,  ka^ro,  ksJro^  kéèro,  d'où  plus  tard  kier,  chier.  Le 
son  at»  aurait  été  la  transformation  commune  de  tous  les  a  accentués  non 
placés  dans  une  syllabe  fermée;  après  un  phonème  lingual  postérieur,  à 


I.  J'ai  proposé  ce  terme  Romania,  t.  III  (1872),  p.  j2j. 

a.  Je  crois  avec  M.  Thomsen  [Mém.  dt  îa  soc.  dt  iing,^  111,  p.  106  S5*|  que 
le  trançais  3  possédé,  dans  les  mots  comme  guetter^  mer,  etc.,  des  consonnes 
mouillées,  analogues  à  celle  des  langues  slaves* 


324  ^*  HAVET 

une  date  ancienne,  le  premier  élément  a  serait  devenu  plus  lingual,  et 
se  serait  assimilé  au  second  élément  è  {kaxro  kéèro  =  cârum,  kaJtnè 
kéènt  =  cdnem  '  i  »  tandis  qu'après  un  phonème  non  lingual  la  diphihon- 
gue  B,è  aurait  persisté  plus  longtemps;  plus  tard  lesat'  subsistants  auraient 
donné  ad  puis  a/  devant  une  nasale  {maint  =  ma/id,  encore  maent  dans 
rEulaUe  ^\  ;  enfin  la  diphlhongue  at ,  en  dehors  des  mots  comme  cântm, 
cdnem  et  mànetj  se  serait  assez  longtemps  maintenue  (avant  de  se  méta- 
morphoser en  é  comme  à  Paris,  en  è  comme  en  Normandie,  en  et  comme 
en  Bourgogne)  sous  la  notation  e.  Quoi  quil  en  soit  de  ces  hypothèses, 
je  crois  très-probable  que,  dans  cârum  et  cdnem  comme  dans  pédem^  la: 
diphlhongue  it  est  issue  par  réfraction  d*une  diphthongue  monochrome  éè 
Je  n'aborderai  pas  ici  te  problème  ardu  que  soulèvent  les  mots  de  la 
troisième  source». 

L'histoire  de  1  o  latin  est  généralement  très-analogue  à  celle  de  \*e  et 
rhistoire  de  Vu  à  celle  de  VL  De  même  que  cridere  et  jldem  donnent  par 
réfraction  d'une  voyelle  monochrome  creidre  et/^Ff,  de  même  dans  l'Eu- 
lalie  belkiidrem  donne  bdkzour  et  suam  donne  soaue.  De  même  que  pêdem 
donne  péèdè  puis  par  réfraction  péèdc,  pièdè,  de  même  bônum  donne 
bèono  puis  par  réfraction  béono,  bnono.  L'italien  contemporain  dit  d'une 
part  pyédc  par  un  e  ouvert  intense,  d*autre  part  bwonè  par  un  o  ouvert 
intense. 

L'idée  de  la  réfraction  vocalique  m'a  été  suggérée  par  une  observation 
sur  la  langue  russe,  que  je  dois  à  M.  Stanislas  Guyard.  En  russe,  \*o 
accentué,  et  de  même  le  iaî*  accentué  4,  sont  des  diphthongues,  des 
voyelles  réfractées.  Dans  l'une  et  dans  l'autre  de  ces  deux  voyelles  le 
son  est  d'abord  irès-ferraé,  ensuite  très-ouvert;  et,  en  général,  la  pre- 
mière partie  de  la  voyelle  est  la  plus  intense  des  deux  i . 

Le  génitif  goda  du  mot  god,  année,  se  prononce  g(^oda;  l'infinitif 
^/jiî\  se  transporter,  se  prononce  y^è^/af;  seulement  Va  et  Vè,  dans  la  1 
seconde  partie  des  diphthongues  réfractées  russes,  sont  plus  ouverts  que  ! 
notre  o  de  botie  et  notre  e  de  tctte,  Vc  russe  vaut  de  même  yùà  <** 


4 

4 


1.  Ici  la  qui  se  lingualise  est  enfermé  entre  un  phonème  lingtial  qui  le  pré* 
cède  et  une  voyelle  linguale  qui  le  suiL  L'a  sVst  de  même  lingualise  sous  une 
double  influence  linguale  dans  les  types  càcat,  iàcet^  iàctaî  ;  et  il  y  a  été  traité 
exactement  comme  reùt  été  un  ^  latin. 

2,  Je  dois  une  partie  de  ces  combinaisons  à  M.  A.  Darmestetcr. 

j,  h£  traiteraenl  de  *c(rauii^  qui  donne  cmu^  arugia^  montre  que  le  traite- 
ment du  sulfixe  -arium  doit  être  expliqué  par  voie  phonétique^  et  non  écarté 
sous  orétexte  de  confusion  avec  le  suffixe  -crium. 

4.  Le  laC  est  la  lettre  russe  qui  a  la  forme  d'un  b  minuscule  barré. 

^.  LtitiC  contient  en  outre  une  consonne  initiale  v,  qui  après  une  consonne 
disparaît,  mais  mouille  la  consonne  précédente. 

6.  La  réfraction  vocalique,  d'après  une  observation  que  j'ai  faite  à  plusieurs 


4 


U    PRONONCIATION    DE   t€   EN    FRANÇAIS  î2Ç 

Dans  les  langues  romanes  la  seconde  partie  de  la  diphthongue  réfractée 
est  devenue  la  plus  intense.  Il  en  est  de  même  en  russe,  au  témoignage 
de  M,  Guyard,  pour  Vo  et  le  iaf  (et  aussi,  je  pense,  pour  Te:)  de  certaines 
syllabes  fermées.  Ainsi  dans  le  mot  god^  année,  «  Vo  équivaut  à  l'anglais 
wa  de  wasp  »  :  gôtt  ou  giyor  La  langue  russe  nous  oflFre  donc  le  dipho- 
nème  croissant  à  côté  de  la  diphthongue  décroissante. 

De  tous  les  dialectes  français,  celui  où  la  diphthongue  décroissante  iè 
se  changea  le  plus  tôt  en  tin  groupe  croissant  iè  ou  yè  fut  le  normand 
d'Angleterre.  Là,  très-peu  de  temps  après  la  conquête,  on  voit  Tancienne 
diphthongue  ie  rimer  sans  difficulté  avec  IV  issu  de  Va  latin  tonique  non 
influencé  dans  le  sens  lingual,  par  exemple  avec  Ve  de  amer,  ame,  amtz. 
Or,  en  Normandie,  le  son  le  plus  ordinaire  de  cet  t  est  fort  ouvert  ide  là 
dans  le  patois  de  comédie  les  formes  caraaéristiques  allais,  venais  pour 
ai/ex,  unez^  etcj,  et  il  a  dû  l'être  toujours,  sans  quoi  il  se  serait  confondu 
avec  Yc  fermé  issu  dV  long  ou  d'î  bref  latin.  Sur  le  continent  et  à  Jersey 
cm  entend  encore  cet  t  ouvert;  à  Guemesey  on  l'écrivait  au  xvr  siècle 
ii  ou  ey  et  on  le  prononce  aujourd'hui  ai.  Il  n'est  donc  pas  douteux  que 
Tanglo-normand  devait,  comme  l'italien  moderne,  prononcer  ^é  et  non  v*. 

Aujourd'hui  on  prononce  arrière  avec  un  e  ouvert  long,  au  xvir  siècle 
on  disait  arriére  avec  un  e  fermé,  et  dans  mon  hypothèse  on  avait  com- 
mencé  par  dire  arrihE  avec  un  e  ouvert  bref.  Il  est  prudent,  en  générai, 
d^admettre,  entre  le  français  de  la  chanson  de  Roland  et  le  nôtre,  plutôt 
un  grand  nombre  de  révolutions  phonétiques  qu'un  petit  nombre. 

La  diphthongue  iè  doit  être  distinguée  soigneusement  d'une  diphthon- 
gue ié  qui  est  fréquente  dans  les  patois,  mais  que  le  français  de  Paris 
contracte  d'ordinaire  en  i,  et  qui  a  pour  source  un  e  ou  un  i  combiné 
avec  un  i  secondaire.  Ainsi  dix  —  decem^  six  =  sex,  pLS  ==  peius,  pis  — 
putus,  prix=  pretium,  église  =  ecclesia,  le  suffixe  -ise  -  Htia^  lit  =  lec- 
Ittm,  dépit  =  despectum^  parfait  =  perfectum,  confit  =  confectum,  délite  ^ 
iikctût^prie  =  'precat^  lie  =  ligat,  nie  ^  necat^  nie=negat^  scie  =  secaty 
chie  —  cacatt  gtst  =^  tacet,  disme  =  décimât  engin  =-  ingenium  »,  pire  — 
puor^  sirt  —  se(ji)iory  lire  =  légère^  élire  =  eligere^  suffire  =  nifficere^ 
empire  =  imperium^  martire  ^  marîyrum,  mire  =  mcdtcam^  formes  qui 
dans  les  patois  se  retrouvent  pour  la  plupart  avec  un  diphonème  yé  à  la 
place  de  IV  parisien. 


reprises  et  dont  M.  Guyard  m'a  cocifirmé  rexactittide,  se  manifeste  en  outre 
dans  Tacuité  de  la  voix.  Le  génitif  goda  se  prononce  en  réalité  g"àd«^  avec  un 
Ion  descendant  analogue  sans  aucun  doute  au  circonflexe  antique.  Ce  ton  descen- 
dant se  fait  entendre  même  quand  la  voyelle  n'est  pas  susceptible  de  deux  variétés 
de  timbre  :  p^atx*^  plutôt  (comparez  p^txi,  étant  tombé), 
i .  De  même  nnt  =^  *u^niit^  de  uëmre^  et  par  analogie  tint. 


p6  L.  HAVET 

Dans  le  français  proprement  dit  le  diphonème  ne  se  conscrre  que 
devant  une  r  qui  fait  partie  de  la  même  syllabe  {tUrs  ^=^  tertitim^ 
nmtiir  =  ministerium,  mosîier  =  monastmum^  concierge  =  •  conser- 
uia/îi,  cierge  t=.  cereum^  vierge  =  uirginem],  et  aussi  dans  nièce  = 
*nepua^  pike  =^  pecia,  à  côté  de  épice  =:  'specia.  Le  timbre  fermé  de  IV 
a  été  modifié  dans  le  français  contemporain  partout  où  cette  voyelle  n'est 
pas  le  dernier  phonème  du  mot  ;  mais  on  l'entendait  encore  au  commen- 
cement du  xvii''  siècle.  Le  Grand  âictionatre  des  rimes  françaises ,  selon 
V ordre  alphabétique,  à  Cologne,  cb.  bc.  xxiv.  [par  De  la  Noue],  atteste 
positivement  que  nièce  et  pièce,  ayant  «  vn  é  masculin  en  lapenultîesme  », 
ne  peuvent  rimer  avec  les  mots  en  esse  bref  ou  long  (p.  26,  col.  ?);  à 
propos  des  mots  en  erge,  comme  héberge,  serge,  verge,  asperge,  il  s'exprime 
ainsi  ip.  52  coL  2}  :  «  Ceux  ci  ont  en  la  penultiesmel*E  qui  se  prononce 
comme  la  diphlhongue  ay  à  laquelle  pronontiation  il  faut  tirer  )-E  mascu- 
lin de  ia  terminaizon  suyuante  quand  on  fuy  aparie  »  ;  puis  il  énumère 
les  mots  de  la  rime  terge,  à  savoir  cierge^  concierge  et  vierge,  et  rappelle 
qu'on  peut  les  apparier  à  la  terminaison  précédente  «  en  accommodant 
ceste  cy  à  sa  pronontiation.  »>  Il  est  donc  certain  que  la  bonne  pronon- 
ciation était  alors  nièce ^  pièce j  cierge,  concierge,  vierge  '. 

If  me  reste  à  mentionner  un  dernier  phénomène.  Une  fois  Vi  de  la 
diphthongue  ie  devenu  une  consonne  y,  cette  consonne  est  devenue  malaisée 
à  prononcer  après  une  chuintante,  et  par  suite  a  été  éliminée.  Ainsi  au  Ueu 
de  chier,  chieare^ peschier,  bouchler^ porchier,  boulangier,  lingiere,  giel,  etc., 
on  dit  aujourd"  hui  xêr,  xêvr^  péxéj  taxé,  pèrxé^  balàjé^  lijér^  jèL  II  y  a 
des  romanistes  dont  Toreille  est  en  retard  de  quelques  siècles  et  qui  se 
figurent  entendre  aujourd'hui  la  différence  entre  les  assonances  en  e  et 
l'assonance  en  ie.  Je  les  prie  de  se  demander  de  bonne  foi  si  chivre  ne 
rime  pas  avec  icvre,  cher  avec  pair,  et  k  boucher  avec  je  bouchai.  La 
consonne  y  a  été  éliminée  après  un  autre  y  et  après  gn  :  kôséyé  =  con- 
seiiîier,  éparn*é  =  espargnier,  nétwayé  =  neioUer  ^.  —  Elle  se  maintient, 
je  ne  saurais  dire  pourquoi ,  entre  une  chuintante  et  IV  nasal  :  xyë  — 
chien^  jyê  —  Gien  ? .  Mais  entre  un  y  et  un  t  nasal  elle  disparaît  1  àwayi 
=  doiien. 


I 


1.  De  la  Noue  permet  de  faire  rimer  tUrs  avec  rentiers.  Il  est  certain  que  de 
bonne  heure  iè  s'est  confondu  avec  it  partout  où  il  ne  se  contractait  pas,  ou 
plutôt  que,  quand  il  ne  s'est  pas  contracté^  c'est  e^u'il  s'était  confondu  avec  ii» 

2.  Dans  les  infinitifs  comme  aidier,  guttur,  baisur^  haiisicf,  ckaucier,  tmmrier^ 
Yi  a  disparu  en  français  moderne.  Mais  les  formes  aidtr,  gueltcr,  baiser^  laisser^ 
chausser^  cm  foirer  ont  été  refaites  sur  aide^  gaetti,  etc. ,  et  non  tirées  des  formes  du 
Vîeux  français.  C'est  une  action  analogique  et  non  une  action  phonétique.  If  est 
clair  que  cmpinr  est  formé  sur  empire^  non  tire  de  cmpciner.  Hors  de  U  conju- 
gaison l'i  reste  toujours  après  l^d^  s^  z.  r  :  lavandier^  moitiiy  casur,  peaussier^ 
arrive. 

j.  /  ;V,  dans  la  prononciation  actuelle,  ne  représente  pas  le  latin  ilk  gtmn  et 


r 


LA   PRONONCIATION    DE   ic   EN    FRANÇAIS  ^2J 

En  résumé,  je  pense  que  la  source  commune  la  plus  ancienne  de  la 
diphthongue  française  est  é^;  que  de  là  est  sorti  par  réfraction  vocalique 
é^puis  i^;  qu'ensuite  la  diphthongue  décroissante  s'est  changée  en  un 
groupe  croissant^  iépuis  yé\  qu'enfin  le  groupe  ^é,  dernière  forme  com- 
mune à  tous  les  ii  du  vieux  français,  s'est  partagé,  à  la  suite  des  vicissi- 
tttdes  les  plus  complexes,  de  façon  à  donner  naissance  aux  diverses 
prononciations  yè^  yê,  yé,  yé,  et  après  certains  phonèmes  è,  èy  é^  ê. 

L.  Havet. 


Je  Y.  fr.  il  gient  :  je  est  au  pluriel  jïn  comme  pè  au  pluriel  plrC  ;  c'est  encore 
«ne  affaire  d'analogie.  Je  crois  que  M.  G.  Paris  {Romania,  IV,  1873,  p.  122  ss.) 
n'a  pas  assez  songe  à  distinguer  ce*  qui  vient  de  la  phonétique  et  ce  qui  vient  de 
l'analogie. 


LA 


VIE  DE  SAINT  JEAN  BOUCHE  D'OR. 


M.  Alessandro  d'Ancona,  le  savant  professeur  de  Pise,  a  publié  en 
1865  dans  la  Scelta  di  mriosità  kUcrane  inédite  0  rare^  la  u  Leggenda 
di  Sant  Albano  »  et  la  <<  Storia  di  San  Giovanni  Boccadoro.  7)  M.  d'A.  a 
accompagné  son  édition  d'une  savante  introduaion  où  il  passe  en  revue 
les  nombreuses  versions  de  ces  deux  légendes. 

En  parlant  des  versions  françaises,  M.  d*A.  dît  (p,  59)  :  «  In  Francia 
le  varie  versione  délia  nostra  leggenda  non  portano  mai  il  nome  del 
Boccadoro.  »  Il  y  a  cependant  un  poème  dans  le  ms.  de  l'Arsenal , 
B.  L.  fr  28},  foL  78  v%  qui  a  pour  titre  :  «  Or  dirons  de  saint  Jehan 
Bouche  d'or.  >»  Nous  ne  connaissons  point  d'autres  manuscrits  de  ce 
poème. 

Un  conte  toui-à-fait  semblable  fait  partie  du  <(  Roman  de  la  Vie  des 
pères,  n  II  a  été  publié  par  Méon,  A^.  R.  il,  129,  et  porte  leiitre  :  «  De 
la  damiselle  qui  ne  volt  encuser  son  ami  ou  de  celé  qui  mit  son  enfant 
sus  Termite*  »  Seulement  ce  n'est  pas  de  la  fille  d'un  roi  qu'il  s'agit  dam 
ce  conte:  le  père  esi  un  simple  bourgeois,  ei  le  héros  du  récit  est  un 
ermite  sans  nom.  L'hî&toire  de  Pencre  répandue  par  le  diable  et  rempla- 
cée par  de  i*or  y  est  naturellement  omise,  puisqu'il  ne  s'agit  pas  de 
Chrysostome. 

L'auteur  du  poème  de  saint  Jean  Bouche  d'or,  qui  s'appelle  Renaut 
(voy.  V,  19  et  860  du  texte  publié  ci-après),  nous  apprend  [v.  17 
ib,)  qu'il  a  trouvé  son  sujet  dans  la  a  Vita  patrum.  ^>  Je  ne  crois  pas 
qu^on  puisse  attacher  grand  prix  à  cette  assertion.  C'est  ainsi  p.  ex. 
que  Tauteur  du  conte  Dd  tumbeor  Nosîre  Dame^  publié  dans  la  Romania 
(187 s,  p.  515),  dit  aussi  avoir  puisé  dans  w  la  vie  des  anciens  pères «,  et 
M*  Fœrster,  l'éditeur  de  ce  conte,  a  vainement  cherché  son  original 
dans  ce  recueil.  Il  ressort  de  là,  nous  le  croyons,  que  les  poètes  préten- 
daient quelquefois  avoir  puisé  dans  la  Vie  des  pires ^  qui  était  sans  doute  un 


LA   VIE    DE   SAINT    JEAN    BOUCHE    d'OR  pç 

recueil  d'une  autorité  très-respectée,  uniquement  pour  donner  plus  de 
vateur  à  leurs  récits,  comme  tant  de  chroniqueurs  ei  de  romanciers 
disent  avoir  trouvé  leurs  histoires  à  Saint- Denis.  Nous  nous  abstenons 
donc  de  fonder  entre  ces  deux  contes,  sur  cette  assertion  du  poète,  un 
rapport  de  dérivation  qui  serait,  par  d'autres  raisons  encore,  difficile  à 
établir. 

Parmi  les  autres  contes  français  mentionnés  par  M.  d*Ancona  comme 
représentant  la  tradition  sur  Saint  Jean  Bouche  d*or,  il  n*y  a  qo^un 
miracle  qui  présente  réellement  de  la  ressemblance  avec  le  poème  de 
Renaut,  C'est  le  «  Miracle  de  Nostre  Dame  de  Saint  Jean  Crisothomes 
et  de  Anthure,  sa  mère,  cornent  un  roi  lui  fist  coper  le  poing  et  N,  D, 
lui  refisi  une  nouvelle  main.  »  Ce  miracle»  publié  une  première  fois  par 
M.  Cari  Wahlund  (Stockholm,  1875),  vient  de  Têtre  de  nouveau  par 
MM,  G,  Paris  et  U.  Robert,  pour  la  Société  des  anciens  textes  français  ' . 
Dans  cette  version  aussi  saint  Jean  est  accusé  à  tort  par  la  fille  d'un  roi 
de  l'avoir  rendue  grosse;  il  est  exilé  et  rappelé  comme  dans  les  contes 
précédents.  Mais  le  récit  a  reçu  deux  additions,  Thistoire  de  ta  mère  de 
saint  Jean,  Anthure,  et  un  autre  tour  joué  à  saint  Jean  par  le  diable  :  le 
diable  écrit,  en  contrefaisant  récriture  de  saint  Jean,  une  lettre  injurieuse 
pour  le  roi;  le  roi  découvre  cette  lettre,  croit  Jean  coupable  et  lui  fait 
couper  la  main  ;  Notre  Dame  lui  en  rend  une  nouvelle. 

Le  «t  Miracle  de  Nostre  Dame  de  Saint  Jehan  le  Paulu,  hermite,  etc.  » 
n'a  qu'un  trait  de  commun  avec  le  poème  de  saint  Jean  Bouche  d'or,  c*esi 
qu'un  petit  enfant  demanda  à  être  baptisé  par  Jean,  Tout  le  reste  de 
l'histoire  est  différent.  L'ermite  se  rend  réellement  coupable  de  la  faute 
qui  est  imputée  à  tort  à  saint  Jean  Bouche  d'or  ;  puis  il  tue  la  fiile  du  roi 
pour  cacher  son  crime.  C*est,  en  deux  mots,  la  même  histoire  que  celle  de 
la  <f  Leggendadi  Sant  Albano)),  publiée  par  M.  d'Ancona,  et  simplement 
renouvelée  dans  les  deux  versions  italiennes  publiées  à  h  suite  par  le 
même  savant,  et  intitulées  :  «  La  istorîa  de  San  Giovanni  Boccadoro.  » 
Il  existe  un  autre  poème  français  en  vers  octosyllabiques  dans  le  ms.  BibL 
Nat.  j  5  n»  fol-  42 1 1  intitulé  :  «  De  saint  Jehan  Paulu.  »  Voici  le  contenu 
de  ce  poème,  que  nous  croyons  inédit  :  Le  pape  Basile  a  une  vision-  il  est 
porté  par  un  ange  dans  le  purgatoire  et  voit  là  les  différents  tourments 
des  âmes  trépassées.  Basile  s'étonne  beaucoup  d'en  voir  une  qui  rit. 
Il  lui  demande  ce  qui  peut  la  rendre  aussi  joyeuse,  et  elle  répond  :  U  va 
naître  une  fille  à  Rome  qui  sera  la  mère  de  Jehan  Paulu,  et  celui-ci  me 
délivrera  d'ici  par  ses  prières.  Après  cette  vision,  Basile  va  trouver  la  fille 
dont  Tàme  a  parlé,  il  prend  soin  de  la  marier.  Elle  a  un  garçon  qu'on 
appelle  Jehan.  Jehan  prend  la  résolution  de  délivrer  Tâme  du  purgatoire 


u  Miracles  de  Nostre  Dame  par  personnages  (1876),  p.  26^309. 


ÎÎO  A.    WE8ER 

et  s'en  va  dans  ce  dessein  dans  un  désert  près  de  Toulouse.  L'histoire 
de  la  fille  du  roi  de  Toulouse,  qui  vient  ensuite,  est  iout*à-fait  la  même 
que  celle  de  la  fille  du  roi  dans  la  Leggmda  di  Sant  Albano.  Ici  aussi  est 
ajouté  le  miracle  de  l'enfant  nouveau-né  qui  apprend  à  Jean  qu^il  a 
obtenu  le  pardon  de  ses  péchés. 

Une  introduction  semblable  à  celle-là  se  trouve  dans  le  récit  alle- 
mand sur  saint  Jehan  Bouche  d'or  (cité  par  M,  d^Ancona,  p.  p|,  em- 
prunté au  «  Passionale  »,  imprimé  à  Nuremberg  en  1488.  Le  conte 
allemand  contient  deux  traits  particuliers  qui  sont  destinés  à  expliquer 
le  nom  de  Bouche  d*or.  Le  premier  ne  se  trouve  point  dans  les  ver- 
sions mentionnées  ci-dessus  :  saint  Jean  enfant  entre  dans  une  église 
et  adresse  une  prière  à  la  Vierge  ;  celle-ci  lui  dit  de  la  baiser  sur  la 
bouche  :  Jean  le  fait,  et  depuis  ce  temps  on  voit  autour  de  ses  lèvres  un 
cercle  d*or  luisant.  Le  second  trait  est  le  même  que  dans  le  poème 
français  de  saint  Jean  Bouche  d^or  :  il  se  rapporte  à  récriture  d'or  de 
saint  Jean  et  se  rencontre  encore  dans  les  deux  versions  italiennes  de  la 
«  Istoria  di  San  Giovanni  Boccadoro.  n 

Voici  maintenant  le  texte  du  poème  français  de  Saint  Jehan  Bouche 
d'or,  tel  qu'il  est  contenu  dans  le  ms.  de  l'Arsenal  B.  L.  fr.  285 
f  78  v'»  : 

Or  dirons  de  saint  Johan  bouche  d^or. 


Se  chil  qui  les  romans  ont  fais 
Des  outrages  et  des  mesfais 
Eusenl  lor  sens  apreste 
A  dire  de  divinité, 
5  Moult  eusenl  esploîtie  mieus. 
Tout  autres!  corne  li  micus 
Est  dous  vers  le  fiel  qui'sl  tant 
Si  est  plus  dignes  li  depors  [fors, 
C'oo  dit  qui  réconforte  Tarmc, 

lo  Et  plus  plaîst  Deuel  nostredame 
Et  as  bons  sainsqtiisunten  gloire. 
Bien  doit  on  tenir  en  mémoire 
Lor  vie,  et  por  as  gens  a  prendre, 
Por  chou  k'essample  i  puisent 
[prendre, 

1  $  Si  iert  leur  nons  plus  tenus  chier. 
Un  miracle  veul  comenchier 
Que  viu  pûînint  nous  raconte; 
Bien  doit  on  raconter  cest  conte, 
Si  com  nous  raconte  Remaui»: 


20  Moult  en  est  li  miracles  biaus. 

il  fu  jadis  uns  moût  haut  rots 
C'ainc  n*ama  guerres  ne  desrois. 
Mais  pais  et  droiture  cl  raison. 
Cit  rois  avoit  en  sa  maison 

2^  Un  capelain  de  sainte  vie: 
En  son  cuer  avoit  granl  envrc 
Des  Deu  besans  multeploicr, 
Si  les  voloil  si  emploier 
Qu'il  les  pcusl  al  doble  rendre. 

jo  A  chou  devroit  ch as cons  entendre 
Selonc  ce  que  on  a,  savoir  1 

Ke  droit  conte  peust  avoir,  I 

S'il  en  a  cinc  ou  dis  ou  un  : 
Car  li  don  ne  sunt  pas  conmun  ; 

)  j  Dex  les  a  livres  a  mesure, 
Rendre  les  convient  a  usure, 
Quant  covenra  au  demander;  [der,  j 
Saut  chou  que  Oex  veut  conman* 


10  dex  —  17  Dct  ,v,  besans 


^^^^^                           LA    VIE    DE   SAINT 

JEAN    BOUCHE  D*OR                              J^t                       ^^^B 

^H         A  ascon  en  doit  il  servir, 

8^  Sovent  au  capelain  parbit,                                ^^Ê 

H          40  Que  qui  ctiou  ne  veut  aconplir 

Qui  maint  bel  motli  enseingnoit:                        ^H 

^^^         Certes  mau  rechut  les  besans. 

N'i  entendoit  nule  folie.                                      ^^Ê 

^^B         Or  ores  com  11  bon  Jehans 

Diables  Ta  si  asaillie                                          ^^H 

^^H         Kl  puis  et  a  non  bouce  d'or, 

Et  pointe  d'un  agu  quarrel                               ^^M 

^^P         Mutteplia  le  Dieu  trésor, 

90  Amer  li  fist  un  damoisel,                                     ^^M 

^f         4)  Que  Diex  li  ot  mis  entre  mains. 

Et  chit  ama  la  damoisele:                                   ^^M 

^^^         On  reconte,  chou  est  dé  mains, 

Endeus  aus  espnst  Testincele.                              ^^H 

^^B         C'OD  ne  poroit  conter  le  dime 

Li  dansiaus  tant  s'i  acointa^                               ^^M 

^^V         Con  il  cremoit  le  roi  hautime  : 

Tant  vint  a  li  qu'il  l'cnpreingna  ;                  ^^^H 

H             Ja  ne  finast  de  verseiller, 

9}  Car  diables  a  porcachie                                ^^^^| 

H          \o  Ne  de  juner  oe  de  veilter. 

'  Le  fruit  qu'en  lui  a  semencie*                           ^^H 

H              A  bien  faire  iert  tous  ses  acors; 

Nel  pot  pas  covrir  lonc  termine  ;                        ^^H 

H              Dame  iert  li  ame  et  sers  li  cors^ 

Mouft  se  desmente  la  mescine;                            ^^M 

H              Moule  ert  honestes  ses  usages, 

Car   bien   savoit  qu'ele  iert  de-                        ^^M 

B              Et  tant  estoit  cortois  et  sages 

^H 

H          jj  Kc  ja  hom  n'aperceust  s'ucvre* 

j  00  Quant  diables  l'a  aperchute,                               ^H 

H              Envers  le  pule  bien  se  cuevre; 

Aproismies  s'est  joste  s'oreille,                            ^^^M 

H               Car  quant  entre  le  gent  venoit, 

De  félonie  le  conseille  :                                     ^^M 

1              Festc  Cl  leeche  demenoil  : 

€  Damoisele^  que  vaut  vo  plainte?                        ^^M 

^^m         Estre  savoit  a  cascon  fuer, 

«  Tout  entresait  estes  enchainte.                       ^H 

^^H    60  Mais  il  avoit  dedans  son  cuer 

10;  f  Quant  li  rois  le  sara,  vos  père,                        ^H 

^^H         Plante^  si  qu'il  vivoit  sans  gife 

0  Et  la  roine,  vostre  mère,                                 ^^M 

^^V         Sebnc  les  dis  de  Teuvangile. 

«  Lues  en  seres  mise  a  gehtne.                           ^^M 

H             On  quidoit  qu'il  aniast  le  monde; 

■  Or  soies  tant  cortoise  et  fine                         ^^M 

H              Le  cuer  avoit  et  net  et  monde^ 

«  Que  vostre  ami  en  dcsconbres;                       ^^M 

H          6j  Trop  par  esloit  de  nete  vie. 

net  Mms  est  que  autrui  enconbres^                      ^^M 

^^H         Diables  eo  ot  grant  envie, 

Il  Que  vos  drus  kîece  en  mortel                       ^^Ê 

^^B         Por  ta  sainte  que  il  menoit; 

^^Ê 

^^^         Nuit  et  jor  entor  lui  aloit, 

. ^^Ê 

H               Qu'il  le  cuidoît  faire  pechier; 

f  Dhes  qu'aveîs  este  sa  drue,                           ^^Ê 

1         70  En  grant  se  met  del  trebuchier, 

«  Que  vos  en  seres  bien  creue.                         ^H 

H              En  mainte  manière  Tassaut  : 

1 1 1  <  Un  oef  n^en  puet  mîe  vos  estre^                        ^^M 

H               Mes  ses  asaus  riens  ne  li  vaut. 

c  Se  vos  faites  ocire   un  près-                       ^^Ê 

H              Fois  et  créance  ert  ses  escus, 

Tant  Ta  diables  encantee   [tre,  »                        ^^Ê 

H              Qu'il  ne  pooit  estre  vericus. 

Que  moult  en  est  entai  entée,                              ^^Ê 

H         7^  Diables  en  ot  grant  engaingne  ; 

Del  prestre  mètre  a  danpnement.                  ^^^H 

H              Totautresi  conme  l'araingne 

1 20  Ne  demora  pas  longuement                           ^^^^| 

H              Devant  !e  moske  met  le  roi, 

Qu'aperchuie  s'est  la  roinne                            ^^H 

H              L'empira  et  mist  mal  au  roi 

Au  contenement  le  mescine                                 ^^U 

H              Par  une  trop  fause  querele. 

Et  au  mangier  quel  te  faîsoit  ;                            ^^U 

H         80  Li  rois  ot  une  fille  bêle 

En  tel  guise  se  demenoit,                                  ^^Ê 

1              Que  tos  \t  pultes  loe  et  prise; 

125  Chascon  jor  sanble  que  dévie:                            ^^M 

H              Moult  iert  cortoise  et  bien  aprise, 

Sa  mère  conul  bien  teil  vie,                                ^^M 

H              Ses  eures  sot  et  son  sautier, 

Si  come  feme  d'autre  fait  :                                  ^^M 

H              Volentiers  aloit  au  mostier  ; 

Entresait  seit  qu'ele  a  mesfalL                          ^^Ê 

H           41  comme  —  J5  est  —  7?  en  —  8r 

Qm  —  }oo  perchute  -^  107  mU  a  gestoe  —                        ^^M 

■        11}  quek  f. 

m 

^^K_   ^'^ 

k.    WCBER 

^^H 

^^^^^B 

Cete  a  la  face  pale  et  tainte; 

•  Oil,   beaus  1res  dous    sire ,      ' 

^^^^^B     i}o 

La  mcre  Ta  de  tant  atainte 

[chertés.  • 

K'ele  scut  la  mésaventure. 

Li  rois  la  roine  regarde  : 

^^^^r^ 

Au  roi  conta  fa  contentîre, 

170 

a  El  qui  se  donasi  de  ce  garde, 

^^^H 

Qui    moult   grant  dolor  en  de- 

f  De  si  saint  home  corn  Jehan  ? 

^^^H 

[  mai  ne; 

a  II  en  ara  honte  et  ahan  :          ^m 

^^^B 

En  une  canbre  o  soi  Ten  maioe^ 

1  Par  la  corone  que  je  port^      ^M 

^^H                 I3S 

N'i  ol  fors  la  reine  et  lui. 

«  Arives  est  a  moult  mat  port  !  ^M 

•  Fille,  fait  nos  as  grant  anui 

'7S 

i  Trop  par  est  or   cls  blasme^l 

^^^^ 

w  El  lait  repfovier  et  hontage, 

[lais,  > 

^^^Hl 

f  Qui  enchainte  ies  par  soignen- 

Li  rois  manda  en  son  palais 

^^^^H 

[tage; 

Ses  plus  haus  barons  a  droiture. 

^^^^1 

a  Chertés,  mouît  par  en  ai  grant 

Si  lor  dist  la  mésaventure:          ^^ 

^^^^H 

[honte. 

Aine  ne  se  volt  plus  atargier;     ^Ê 

^^^H 

«  Or  me  di  tosl  et  si  me  conte 

1 80  A  ses  homes  a  fait  jugier            ^| 

f  De  qui  tu  ies  ensî  honie^ 

Le  chapelain  qui  nel  savoit,        ^M 

^^^^H 

•  Jehis  le  hors,  nel  çoiile  mie, 

Et  coupes  et  pecie  n'avoit  ;        ^M 

^^^^H 

M  Dites  le  moi  sans  demorance: 

Mais  diables  qui  het  sa  vie         ^H 

^^^^1 

u  Moult  en  tert  pris  crueus  ven- 

Li  a  lot  ce  fait  par  envie.           ^| 

^^^H 

fiance 

.8, 

Et  qyant  le  virent  li  baron        ^U 

^^^B 

<t  De  celui  qui  Ta  enpreingnie.  i 

Bscrie  l'ont  come  un  larron        ^M 

Diables  qui  Ta  enseingnie 

Qui  est  repris  a  ses  desrois. 

^^^^H 

S'est  a  cel  conseil  enbatus, 

«(  Jehan,  Jehan,  >  ce  dtst  li  rois. 

^^^H 

Par  qui  mams  hom  est  abatus. 

i  Ta  chaslee  est  redoissie  ! 

^^^H 

Et  mis  a  honte  et  a  desroi. 

190 

•  Por  quoi  as  ma  filte  engroissie? 

^^H.      '^^ 

En  piorant  regarda  le  roi, 

t  Ta  talsele  est  perrilleuse  : 

^^^^■^^ 

Quiet  a  terre^  sa  face  moille. 

«  L'aighe  coie   est  plus  resoî- 

^^^^^^H 

As  pies  son  peirc  s'agenoille, 

fgneuse 

^^^^^^H 

Puis  si  le  baise  faintement, 

if  Que  n'est  la  rade,  et  plus  de- 

^^^^^^M 

Puis  li  a  dit  moult  piteument  : 

[choit: 

^^^^^Ê 

«  Merchi,  m  fait  ele«  ^  beaus  dous 

«  Car  cil  s'en  garde  qui  le  voit. 

[sire  !  • 

19s 

f  Li  prives  lerre  est  li  plus  maus. 

^^^^^^1 

"  Ne  vaut  noient:  il  t'estuet  dire 

«  Sauf  te  quidoie  et  tu  es  faus  : 

^^^^^^H 

«  Le  non  de  celui  qui  'st  mesfais, 

c  Tu  m'as  done  venin  por  basme.  t 

^^^^^^1 

»  De  qui  tu  as  rechut  le  fais 

Quant  Jehans  ot  le  vilain  blasme^ 

^^^^^^Ê 

•  Qui  si  par  est  hors  et  vilains,  » 

Il  se  seigne,  ne  set  que  dire  :       ^h 

^^^^H         i6o 

«  Sire^  Jehans  vos  capelains, 

200 

»  Poi  prisast  on  son  escondire,     ^M 

^^^^^^H 

a  C'en  quide  de  tel  netee. 

Tote  la  cours  sor  lui  resone.      ^M 

^^^^^^H 

41  M'a  tolue  ma  castee. 

Li  rois  en  jurre  sa  corone           ^M 

^^^^^^1 

«  A  premiers  le  bien  m^enseigna^ 

Qu'il  crt  demain  menés  en  Tille        ' 

^^^^^^H 

«  Et  au  darain  m'enpreigna; 

Ou  li  mers  bat  et  li  vens  hille 

^^^H 

i  De  mal  faire  est  bien  ensein- 

20s 

1  De  ta  déserte  aras  le  droit,  • 

[gîlïCS.    ■ 

Or  vos  dirai  quels  Title  estoit*  ^_ 
Uns  rochiers  ert  de  mer  enclos ;^^| 
De  bos  estoil  tos  plains  li  clos; 

^^^^^^H 

Quant  li  rois  Tôt,  si  s*est  seingnies: 

^^^^^^P 

i  Jehans?   *  dist  il,  «   dis  tu 

^^^H 

[achertes?  » 

Trop  avoit  en  la  desertine 

^^^^^^^H 

)8  par  sonseiognage  —  n  t  Qua  la  terre 

—  m8  les  fais  —    171  conme  —  171  orc 

m' 

I9i  terres 

■ 

^^ 

^^^                                    U  VÏE    DE   SAÏKT 

■ 

JEAN 

BOUCHE   D^ÛR                              )l)                     ^^^H 

1         310  Ours  et  lions  et  sauvechine^ 

«  Qu'il  te  rende  ta  false  plainte                      ^^Ê 

B              Cuivres,  dragons,  serpens  volans  : 

«  Si  que  de]  fruit  dont  es  en-                      ^^Ê 

H              Quant  ert  repris  alcuns  dolans 

[chainte                     ^^^| 

■              C*on  devoit  a  mort  traveillier, 

^SS 

«  A  nul  jor  délivre  ne  soies,                        ^^^B 

H               La  ert  menés  por  esillier, 

1  De  si  adont  que  me  revoies.  •                  ^^^^| 

■         31  {  Et  les  bestes  te  devoroient 

Li  sergant  le  mainent  atant  :                             ^^| 

^^m          A  grant  dolor,  qui  la  estoîent. 

De  totes  pars  le  vont  bâtant.                              ^^M 

^^B          En  tel  afaire,  en  tel  ahan 

N'aresterent  jusqu'à  la  rive;                               ^^| 

^^B          Dut  ti  rois  esillier  Johan 

260  De  laidengier  cascuns  estrive.                            ^^| 

^^g         Par  le  dit  a  la  damolsele. 

Aprestee  irova  la  nef:                                        ^^M 

V        aïo  Li  sains  hom  cort  a  la  capele. 

Docement  1  entre  et  soef                                   ^^M 

^^^          Si  a  tôt  maintenant  a  ers 

Li  capelains  dont  li  oil  tarment,                        ^H 

^^H         Parcemin  et  taiilie  quaiers, 

El  ti  sergant;  qui  moutt  bien  s'ar-                       ^H 

^^B         El  de  son  enke  plain  cornet , 

^H 

^^m         Ses  pennes  et  son  kenivet, 

265 

For  tes  lions  et  por  tes  ors  ^                             ^H 

^^    îai  Tôt  portera  o  lui  li  sire; 

L'aighe  trespassent  a  grant  cors                        ^H 

B^          Car  alcun  bien  voldra  escrire 

Jusqu'en  t'itle  que  vont  requerre:                         ^^M 

^^ft          En  Tille  desor  le  rivage  ; 

Le  saint  liome  metent  a  terre,                            ^^M 

^^m         Car  ne  doute  beste  sa! v âge, 

Puis  Si  se  sunt  ariere  enpaint;                            ^^M 

V              Ne  il  n'a  paor  ne  doutance 

270 

£t  li  capelains  qui  remaînt                                  ^^M 

H         2)0  Cooment  qu'il  ait  sa  sostenance; 

S'est  a  la  terre  agenoîllies^                                 ^^M 

H               Car  en  nostre  segnor  se  fie 

De  lermes  a  ses  ex  moitlies.                               ^^M 

^^^          Qui  ses  sergans  pas  ne  defie^ 

Une  sainte  orison  comence  :                               ^^M 

^^K          Mais  tos  jors  est  près  del  def^ 

«r  HeJ  vrais  Dex,  qui  al  diemence                       ^H 

^^k                                             [fendre. 

^75 

i  De  tes  manoevres  reposas,                              ^H 

^^P        Li  rois  le  conmanda  a  prendre 

tf  En  paradis  Adan  posas,                                  ^^Ê 

B        3JI  A  ses  sergans  pour  dévorer 

<  [>ont  puis  fu    mis    hors   con                       ^^M 

^^^        Car  il  ne  velt  plus  demorer; 

[mendis,                        ^^Ê 

^^B        Et  cil  i  vont  isnele  pas, 

>  For  le  fruit  que  li  desfendis;                          ^^Ê 

^^B        Si  Tamainent  plus  que  le  pas, 

i  Las  1  por  coi  aerst  il  la  pome                         ^^M 

^^P         Celui  qui  n'iert  mie  mesfais. 

280 

c  Que  cotiperé  ont  tôt  li  home                           ^^B 

^^   140  La  fille  3)  roi  ert  el  palais, 

«  Que  nature  ot  formes  et  tais  P                   ^^^B 

^^^         Si  ti  dist,  quant  ie  vit  venir  : 

f  II  meismes  en  ot  tel  fais^                             ^^^^| 

^^B        €  jce  vos  doit  bien  avenir, 

«  Qy'en  travail  fu  tant  con  fu  vis,                  ^^^B 

^^B        €  Dans  fats  prestres,  malvaîs  te- 

i  Et  puis  ens  en  tnfer  ravis,                         ^^^B 

^^M                                        [chierel  » 

28s 

«  En  ténèbres,  en  oscurte,                                ^^M 

^^"         Li  sains  hom  a  levé  sa  chiere, 

«  For  te  fruit  de  maleurtei                                 ^^Ê 

B       24)  Quant  entendu  a  la  parole; 

1  Honte  en  ot  li  ame  et  li  cors;                         ^^Ê 

^^^         Lors  a  regardée  la  foie  :       [dit  ? 

■  He  l  vrais  pères  misericors,                            ^^U 

^^B        «  Qu*est  che^  maie  feme,  qu  as 

«  Duel  ustes  de  vo  créature                                ^^M 

^^B         i  Certes^  maternent  as  mesdit. 

290 

«  Qui  estoit  en  la  vit  ctosure,                             ^^M 

^^B        <  Dex  sel  moult  bien  que  ni  ai 

t  U  tôt  aloient,  fol  et  sage;                             ^^B 

B                                                   [coupes 

•  En  terre  envoias  ton  mesage,            ^^^^^^B 

B       2)0  «  En  tel  mesfait,  dont  tu  m'en- 

«  A  celui  fu  dit  ii  salus                        ^^^^^^^^ 

B                                                 [coupes. 

a  Qui  est  voie,  vie  et  salus;                       ^^^^^| 

^^H          «    Moult   comparras  chier    ton 

29S 

f  Celé  parole  car  devint,                            ^^^^B 

^^B                                               [desroî 

«  Alnoelanaisçancevint,[cierent,                       ^^M 

^^M        M  Car  je  depri  al  sovrain  roi. 

«  Li  aogle   as  pastors  te  non-                      ^^ 

l}4                                                      A.  WEBER 

4 

•  Qui  forment  s'en  esleeciereni; 

Les  vertus  Deu  et  ses  mcrv^flS      ^ 

c  L'estoilc  fu  des  rois  veue, 

Ne  porroit  bouche  d'ome  dire. 

joo  «  Cascuns  le  vil  en  sa  venue, 

Tant  ala  par  le  bois  li  sire 

«  Cascuns  mut  seus  de  son  en- 

M5 

Qu'il  vit  un  arbre  en  un  dc$tor,^J 

[pire, 

Dont  li  erbe  estoit  drue  entor  :  ^M 

«  Et  vos  les  asanbbstes,  sire  : 

De  rain,defucilleest  bien  vestus^^ 

t  L'estoitca  vos  les  amena; 

La  est  li  prcudom  arestus, 

«  Cascuns  offrande  vos  dona. 

Et  si  li  plot  a  remanoir,             ^M 

joj  «  Casconssoloncccque  lisanble, 

Hû 

La  voldra  (aire  son  manoir.        ^M 

t  Vos  les  prcsisleslQs  cnsanble; 

Des  rains  et  de  la  foillc  aporle, 

•  Al  saint  temple  fustes  offers  ; 

Closure  i  fait,  entrée  et  porte.    ^J 

<  Lî  îusies  Simions^  vos  sers, 

Quant  ce  ot  Hait  li  Deu  amis»     ^M 

•  Vos  rechut  de  joie  aemplts  : 

Si  se  segna,  dedens  s'est  mis  :    ^M 

)io  i  Lors  fu  ses  désirs  aconplts 

n\ 

La  voldra  alcun  bien  escrîvre»    ^| 

■  Lonc  la  parole  qu'il  sa  voit, 

Mais  il  ne  set  de  coi  putst  vivre, 

•  Que  sains  espirs  dit  li  avoit  t 

Ne  de  que!  part  socors  li  viegne  ; 

«  Ains  que  la  mort  paor  te  face. 

A  Deu,  se  lui  plaist,  en  sovicgne 

t  Verras  tu  ton  Dcu  en  la  face  ; 

Par  sa  grâce,  par  sa  pitie. 

PI  •  U  le  voit  voir  a  son  talent  ; 

j6o 

La  nuit,  quant  il  fu  anuitie,       ^Ê 

■  Si  corn  jo  croi  tôt  vraiement 

Li  sains  hom  ne  s'oblia  paSp^^^f 

i  Qu'eosi  avint  icis  recors,  fcors, 

A  génois  vait  isnel  le  pas,    ^^^H 

•  Si  salves  vos  m'ame  et  mon 

Dist  conplie  dedens  sa  ceîc,^^^H 

,                                     •  El  envoies  sustance  et  vte. 

Le  jor  de  la  virge  pucele,    ^^^B 

)2o  •  Ûyables  m'a  fait  par  envie 

i6s 

Et  après  vigile  des  mors,   ^^^H 

i  Cest  duel^  qui  'st  de  mal  ense- 

Les  bons  us  ou  il  ert  amor^^^H 

fgnics.  • 

Voldra,  se  il  puet,  maintenir, 

Il  lieve  sus,  si  s'est  segnies. 

La  droite  voie  veut  tenir. 

L 'cri son  fu  en  latin  dite  : 

Se  bien  a  ore  dusc'a  ore, 

For  ce  Tai  en  romans  escrite 

370 

S'il  puet,  miex  te  fera  encore. 

32 j  Que  li  lai  le  puissent  apreodre, 

Dedans  sa  novele  maison 

Fermer  en  lor  cuer  et  entendre. 

Fu  tote  nuit  a  ortson; 

Ki  le  dira  de  bon  corage^ 

S11  dormi,  ce  fu  a  génois, 

Miex  Ten  ert  a  tôt  son  aage. 

Piech'a  qu'il  n'ol  les  ex  saoîs; 

Li  sains  hom  qu'iert  a  tort  menés, 

37i 

Matines  dist  a  l'ajornee  ; 

jîo  Ert  de  tos  biens  enlumines. 

Quant  clere  fu  la  matinée, 

Envers  le  ciel  regarde  en  haut, 

A  Deu  moult  saintement  rendi 

Hardiement  s'en  entre  el  gaut, 

Et  prime  et  tierce  et  miedi  ; 

Aine  les  bestes  ne  resoigna. 

En  son  cuer  fait  veu  et  proracsc. 

Ore  oies  con  Dex  ïi  dona 

}80 

S'armes  eust,  il  cantast  mese  ; 

j^Ç  Grant  honor  en  la  desertine. 

Epistle  et  évangile  dist. 

Li  dragon  et  la  serpentine, 

Apres  un  des  quaiers  estist. 

Li  lion  et  les  autres  bestes, 

Si  apresta  son  escntoire, 

Dont  il  i  ot  moult  de  ru  bestes, 

Comenchier  veut  un  saint  estoire 

Encontre  te  saint  home  aioienl, 

J8S 

El  non  del  poissant  roi  oelestrc. 

140  Aorerent  et  inclinoient 

l\  ne  voldra  mie  useus  cstre . 

Humblement  com  fuissent  oeilles. 

Qui  en  huiseuse  s'amotte, 

m  ta  mâH9i  -  î66  U 

^ 

^^^^r            u  VIE 

■ 

JEAN 

BOUCHE  d'or                           )|f                    ^^^H 

V            Penser  li  fait  mainte  tolie. 

430 

«  Mais  ors  et  autre  saWagine,                             ^^M 

1            Son  parceirrin  et  penne  taille 

•  Dont  tes  cors  est  en  grant  perîL                         ^^M 

H       190  D'entrer  en  la  haute  bataille, 

t  Tût  tes  cors  est  mis  en  exil  ;                            ^^Ê 

1             Oont  dyables  a  grant  envie^ 

f  Car  trop  cointes  estre  soloies.                         ^^Ê 

1             Qu'il  comence  si  sainte  vie, 

«  Se  mon  conseil  croire  voloies^                          ^^M 

■             Ou  ot  mainte  bêle  aventure. 

4>S 

*  Jo  te  racorderoîe  al  roi.  $                              ^^Ê 

m            Forroeoi  li  plaisoit  Tescriplure, 

Quant  li  sains  hom  ot  le  desroi^                           ^^M 

■       )9$  Son  fain  oblie  pour  la  joie. 

Lieva  sa  ma  in  y  sor  It  fîst  signe                           ^^Ê 

^^m        Mais  al  diable  muU  anoie  : 

De  la  crois  qui  tant  par  est  digne,                         ^^Ê 

^^P       Bien  sot,  se  la  vie  est  escrite, 

C'anemis  aprochier  ne  lose.                                ^^| 

^^^        Ou  il  ore  tant  se  délite, 

440 

Le  satenas  laidist  et  cose                                     ^^Ê 

^^^      Que  sovenies  fois  le  lira, 

Q^ue  moult  l'a  fait  ei  cuer  dolant^                         ^^Ê 

^^Bpo  Apres  cestui  altre  escrira* 

Fus  II  a  dit  par  maltalent  :                                  ^H 

^^H^      •  Jo  le  quidai  avoir  vencu. 

a  Jo  te  conmaiit,  fel  anemis^                         ^^^^Ê 

^^B       i  Mais  il  a  pris  le  haut  escu^ 

•  Par  celui  qui  'n  U  aoisfumis,                  ^^^H 

^^H       «  Dont  bien  s'est  envers  moi  co- 

445 

If  Qui  reçut  mort  et  pasion                             ^^^H 

^^P       Son  cornet  a  ti  fel  aers^  [vers,  » 

«  For  geler  lame  de  prison                                ^^M 

^^^40^  Tôt  l'encre  en  a  espandu  fors. 

1  Qui  en  enfer  estoit  en  cartre                       ^^^H 

■             Lî  saios  hom  volsist  estre  mors^ 

«  Que  mais  ne  te  puisses  enbatre                  ^^^H 

■             Quant  it  vit  son  enke  espatidu. 

•  En  cest  ille,  tant  con  g'i  ère.                      ^^^H 

^^^        f  Hcl  las,  ore  ai  jo  tôt  perdu, 

4^0 

«  Fui  t'en  de  ci,  mal  vais  leciere  !                    ^^^^1 

^^m       <  Puis  que  mes  enques  gist  par 

«  Trop  m'as  porsui  longement.  »                        ^^| 

^^                                               [terre. 

Cil  s'en  fui  isnelement,                                   ^^^^Ê 

■      410  i  Hel  las,    qui     m'a   fait  ceste 

Li  sains  hom  est  dedens  sa  celé,                    ^^^^| 

1                                                [guerre  ? 

Le  fîl  a  la  virge  pucete                                      ^^H 

1             «  Maie  cose  a  en  cest  contor«  • 

45  S 

Proie  moult  que  socors  li  face.                             ^^M 

1             Li  sains  hom  garda  tôt  entor, 

Envers  terre  cUne  sa  face,                                   ^^Ê 

H             L'anemi  vit  par  devant  lut, 

Sot  sa  main  a  mise  sa  kene,                               ^^M 

■             QH'  ^rant  joie  ot  de  son  anui  : 

En  sa  bouche  boute  sa  pêne,                               ^^M 

"      4t$  Il  en  rist  et  fait  Ne  chiere. 

Si  le  tornie  et  maine  et  tire^                               ^^M 

f  Hai!  »  fait  il,  malvais  leciere, 

460 

Et  en  après  de  cuer  sospire  :                                 ^^M 

•  Par  toi  est  abalu  mes  enkes  ! 

En  grant  torment  estoit  ses  cors,                         ^^M 

t  Quides   tu   donc  que   lu    me 

De  sa  bouce  a  retraite  fors                                  ^H 

[vcnkes?  » 

La  penne  ki  ert  atempree  :                                  ^H 

t  Oie  voir,  abatus  seras. 

De  cotor  d  or  bien  destempree                             ^^M 

420  •  Or  Rie  di  coment  escriras  ? 

465 

A  veu  lot  le  tuel  plain.                                        ^H 

«  Tôt   ton   enke  as  perdu  :  al 

Devant  ses  ex  a  Irait  sa  main,                              ^^M 

(mains 

Longemenl  Te^garda  li  prestre  :                          ^H 

«  Or  seront  huiseuses  tes  mains, 

•  He!  DeX)  quel  color  puet  ce                        ^^Ê 

«  Qui  si  se  penoient  d'ovrcr. 

fesire                         ^^Ê 

f  Or  n^aras  enke  ou  recovrcr  : 

fl  En  porroit  on  escrire  letre?  t                   ^^^^| 

4i)  •  Tu  as  perdu  veu  et  promesse, 

470 

Far  assai  (e  comence  a  mètre                      ^^^^^| 

«  Ne  jamais  ne  ca nieras  messe* 

Apres  Taulre  letre  qu'est  noire,                   ^^^^B 

•  Et  de  quel  cose  vivras  tu? 

Mais  celé  resplent,  qui  est  otre  :                         ^H 

€  En  tel  dessert  t'ai  enbatu 

Tote  l'autre  tetre  enlumine.                                 ^^Ê 

c  Ou  il  a'  a  ne  pain  ne  ferine, 

t  Hai  !  sainte  vertus  devine  1                        ^^^H 

419  it  pnmier  ne  manque.  ~  4}o  autres 

—  4)8  que  *-  444  qui  en  —  -  461  retrait                   ^^^^| 

-  47>  ore 

M 

^^^^^^^^^^^P                                                      WEBER 

^^^B 

^^^^^1                   •  Qm  bicans  escris  faire  peusse 

^1 

iio 

Et  nuit  et  jor  ses  poins  detort  :      ^J 

^^^^H                  «  Drt^    con  m'en    fust  grâce 

Tel  duel  a  a  poi  ne  s'afole.             ^H 

^^^^^B                                                                            p 

«  Lasse!  dotante  1  con  fui  fote         ' 

^^^^^1                  <^iil  il  ot  dite  sa  pensée^ 

<  Quant  i'eocopai  i'ome  saintime 

^^^^^H                  Su  SX  bouche  le  tuel  boute: 

«  Qui  si  bien  ert  de(  joi  hau- 

^^^^^H            ^  Ijt  ma  vit  piain  de  tel  goûte, 

[tisme! 

^^^^H                 Si  Me  coo  d'ttel 

S^î 

f  Car  ore  apert  sor  ma  semence. 

^^^^^B                  SoB  tÊÊÊ  Mit  e  sa  dolor 

t  Ore  en  voi  jo  bien  la  provence 

^^^^^^k             CMr,  Dex  le  sostenoit 

«  De  la  parole  qu'il  descrist 

^^^^^^^             b  st  bûecbe  Tenke  prenoît. 

<  Envers  le  saint  cors  Jesu  Chhsf  : 

^^^^V           ^1  Si  srfnt  éerenoit  ors, 

i  Quant  il  îsst  de  cest  palais, 

^^^^^B                  Bl  fMit  escopir  vol  oit  hors^ 

HO 

•  Oians  trestos^  et  clers  et  tats, 

^^^^H                   Sa  oolors  iDUOtt  a  droilure 

•  Proia  que  grose  remansise, 

^^^^^B                   Si  coq  ançois  fu  par  nature, 

t  De  ci  a  tant  quel  reveise.             ^H 

^^^^^H                   El  1  l'escrire  estoit  ors  fins. 

c  Bien  a  Dex  fait  sa  volente  :        ^H 

^^^^^H            ^^  Ains  que  venue  fust  sa  tins 

i  Quatre  ans  ai  |a  ençainte  este, 

^^^^^^                 Vit  on  l'escrit  que  tant  fu  gens, 

U5 

«  Lonc  tans  ert  mes  cors  encon> 

^^^^^^H              Moult  en  loerent  Deu  les  gens 

*  Car  il  est  piecha  devoret.  (bres; 

^^^^^^H              Tant        vesqui  et  ot  durée 

i  iel  porchaçai,  lasse!  cartive! 

^^^^^^^H              Ot  puis  a  non  bouce  Joret^  [veille. 

•  Moult  sui  dolanîequesur  vive.  • 

^^^^^F^       49^  Et  droîs  fu  pour  la  grant  mer- 

Si  grosse  estoit  a  poi  ne  crieve, 

^^^^^1                    Jehans  nuit  et  jor  se  traveille 

HO 

Toi  dis  gisoit,  onques  ne  lieve. 

^^^^^H                   De  Deu  servir  et  sa  puissance  ; 

Li  rois  en  tel  despît  l'avoit            ^^1 

^^^^^1                   Moult  est  povre  sa  sostenance  : 

(C'il  ne  Tooît  ne  te  veoit.               ^H 

^^^^^1                   Û'erbes  vivoit  et  de  racines, 

En  une  chambre  estoit  rcpuse,            1 

^^^^^H             yoo  Mais  les  douçors  qui  erent  fines, 

Enserrée  conme  recluse  ;                ^^Ê 

^^^^^1                   Ne  li  mannes,  bien  en  sui  cers, 

HS 

Ades  gist  en  un  lit  enverse;           ^H 

^^^^^1                   Qui  peut  le  puUe  ens  es  dessers 

Une  seule  feme  i  converse,             ^H 

^^^^^H                   Ne  lur  plût  miex,  quant  les  man- 

Qui  li  aporte  sa  vitaille.                 ^^M 

^^^^H 

Ensi  ïanguist,  ensi  travaille  :           ^^ 

^^^^^H                   Que  les  herbes  Jehan  faisoient  ; 

Tanta  mal,  nusnel  porroit  dire;           J 

^^^^^H            ^o\  Car  Dex  le  saveur  i  metoit, 

no 

La  mort  sor  tote  rien  désire,           ^H 

^^^^^H                   Qui  son  ami  pas  n*oblioit  : 

El  demora  en  tel  manière  :             ^^Ê 

^^^^^1                   Sovenl  le  faisoit 

Dex  acompli  bien  la  profère           ^^M 

^^^^^1                      Or  le  Uirai  de  lui 

De  son  âmi,  con  droituriers.          ^^M 

^^^^^H                  Si  dirai  de  la  fille 

Set  ans  fu  grosse  los  entiers          ^^Ê 

^^^^^r            v^^  Q.^^  ^^^  1^  ^^^^  P^^  ^^"  desroi 

$H 

Li  lasse  qui  est  en  tempeste,         ^^Ê 

^^^^^                    Que  par  lui  ot  cel  enconbrier. 

A  un  jor  d'une  haute  feste             ^^M 

^^^^^k                   Trots  jns  passèrent  tôt  entier, 

Vint  en  sa  cambre  la  roine,           ^^M 

^^^^^B                   Qu>lf  onkes  ne  pot  agesir; 

Si  araisone  la  mescine  :                  ^^M 

^^^^^1                  Vk  unie  oi  moult  grant  désir, 

9  Fille,  con  pesme  vieaves!           ^^Ê 

^^^^^B           m  A  fnat  dûlor  use  sa 

^6o 

1  Car  me  dites,  se  vous  saves ,       ^^Ê 

^^^^H                  Li  nmitaiict  ot  deservie» 

f  Se  enchainte  estes  ou  emflce.            1 

^^^^H                 Cû  %m%  borne  sus  mis  avoit 

a  Del  roi  en  aï  este  ciflw    [peskc  :         1 

^^^^^^H 

•  Sovcnt,  quant  il  de  vos  m'en-         1 

^^^^^H                4^  élK  —  tfi  Qui  —  (47  Que  —  s6i  encliaintes                                                   ^J 

■ 

LA    VÏE    DE   SAINT 

■ 

JEAN 

BOUCHE   D*OR                              ^^7                     ^H 

^^^v 

1  DaiDCf  vo  fille  porte  un  veske; 

a  Un  de  ses  os,  de  fi  sachies,                     ^H 

^r^^^^  * 

1  Quant  ii  ert  ncs^  bien  le  gardes, 

«  Délivre  estroie  sans  doutante^                   ^^| 

^^^^^ 

1  A  Taposloile  le  rendes    t 

610 

«  Tes  est  ma  fois  e  ma  créance.                    ^| 

^^^^H 

1  Si  me  rampone  e  contralie.  • 

c  Dame^  ore  aies  merci  de  moi.  »                 ^| 

^^^^H 

»  Dame,  certes  par  ma  folie 

f  Fille,  solfres  :  g'irai  al  roi                        ^^^ 

^^^H 

1  Ai  le  mal  ;  cjuaDl  je)  porchaçai, 

é  Cest  oevre  raconter  e  dire,  t                   ^^| 

^^^■$70  i 

1  C'est  à  bon  droite  se  honte  en 

La  dame  qui  Ii  cuers  sospire                       ^^| 

1  Le  col  ai  durement  chargiefai. 

615 

Est  en  plorant  al  roi  venue  ^                         ^^| 

^^K 

r  De  mon  mesfait,  de  mon  pechte, 

El  st  11  est  as  pies  cheue,                            ^^| 

^^^^^ 

1  Ca  tort  le  mis   sor   le  saint 

Devant  trestous  les  pies  Ii  baise;                 ^^| 

^^^H 

[home  : 

Ne  quidies  mie  c'al  roi  plaise  :                      ^^| 

^^^^V 

»  Il  ii*i  ot  copes,  cVsl  la  some; 

<    Levés,   »  fait  il,  t  sus,  bêle                 ^H 

■              )7f  < 

1  D'un  danzel  fu,  que  jo  amoîe; 

[amie  1  t                 '^H 

^^H 

1  Por  mon  père,  que  jou  cremoic 

620 

■  Sire,  jo  n'en  lèverai  mie,                    ^^^H 

^^B 

1  Que  ne!  fesisi  livrer  a  morl^ 

i  S'arai  un  don  que  jo  demant.  >           ^^^^^ 

^^H 

«  Johan  en  encopai  a  tort  : 

«  Dame,  jo  ferai  vo  conmant,                    ^^H 

^^B 

1  Granl  honte  en  ot  e  sans  roes- 

N  Bien  porres  vostre  plaisir  dire.  1                 ^^| 

■       fSo. 

1  Une  proiere  Toi  faire       |  faire. 

t  Sui    en   certaine,    beaus  dous                ^^| 

^^^^^ 

i  A  Dcu,  qui  bien  est  avérée, 

i                  ^^1 

^^^^H 

►  Que  je  ne  fuisse  délivrée 

62^ 

1  Oil,  dame,  coi  qu'il  megrieve.  »                 ^^| 

^^^^V 

i  De  si  qu*il  revenist  arrière. 

La  roîne  a  cest  mol  se  lieve,                      ^H 

^^H 

1  Ja  del  fruit,  bêle  mère  chiere, 

Aproismie  s'est  les  s'oreille,                         ^^| 

■       SSs  . 

1  N'ierc  délivre^  c'est  mes  sors, 

Le  fait  sa  fille  Ii  conseille,                            ^H 

1  St  arai  veu  cel  saint  cors.  * 

Son  torfait  e  sa  félonie.                               ^^H 

^v 

-a  roi  ne  01  le  raeschief  ; 

6^0 

Ensi  con  ele  Toi  gehie,                               ^^| 

^K 

^our  le  mesfait  sengna  5on  chie^ 

La  vérité  a  desco verte,                                ^^| 

^B 

[Juant  ut  le  pechie  desloial  : 

Dont  celé  a  encor  sa  déserte                        ^^| 

^H         < 

1  Fille,  por  coi  fesis  tel  mal  ^ 

Por    celui   qui  moult   Deu    cre-                 ^^| 

1  Corecie  as  Deu  e  ses  sains. 

E  de  fin  cuer  loial Tamoit:   [moit,                 ^^| 

^^B 

1  Moult  ert  preudom  Ii  chapelains 

6n 

A  tort  noma  le  capelain.                             ^^| 

^^H 

1  Ki  a  tort  fu  déshonores. 

Li  rois  a  levée  sa  main,                               ^^| 

^^1 

i  Piecha  est  mors  c  dévores  : 

Si  s'est  plus  de  cent  fois  segnies  :                   ^^| 

^^L     y9i  ' 

1  Jamais  nul  jor  ne  le  verras  ; 

i  Las!  i  lait  il,  •  con  sui  engi*                 ^H 

1  Or  di  cornent  deliverras, 

[gniesl                  ^B 

^^^^1 

>  Quant  sans  lui  ne  pues  des- 

f  Bien  sai  que  Dex  me  requerra                     ■ 

^^^^H 

[loier?  » 

640 

■  Son  serganl  e  demandera:                              [ 

^^^^H 

r  Dame,  qui  porroit  envoier 

(  A  tort  li  fis  tolir  la  vie.                             ^^Ê 

^^^^B 

Sergans  en  Tille  fiers  et  os, 

H  La  foie  a  le  mort  deservte                        ^H 

^^^600  ^ 

I  Jl  i  iroveroient  des  os 

•  Que  li  porchaca  sans  pardons.  •                 ^^| 

1^ 

1  De  ccaus  qui  tlucc  sont  ocis: 

■  Avoi  \  sire,  ce  est  mes  dons                     ^^| 

^^H 

1  Car  assez  en  i  a  on  mis  ; 

64^ 

<  De  ie  lase  dont  paroi  ci,                           ^^| 

^^f 

1  Toi  coillisseni  e  mais  e  bons  : 

<  (^e  vos  ates  de  li  merci;                         ^H 

H 

1  Se  irovcs  estoit  uns  des  suens, 

t  Se  Deu  plaist,  ne  vous  des-               ^^| 

L    ^s  < 

1  On  les  feroit  laver  ensamble^ 

[dires*  •               ^^H 

r  S)  en  bevroie,  ce  me  samble  : 

•  Dame,  •  fait  il,  «  et  vous  l'ares  ;                 ^H 

H 

1  Dt  Taighe  u  seroit  atoucies 

«  Certes  de  ce  sui  moult  dolans.  •                 ^H 

^H^  1^ 

îe  p.  —  i8o  U  ô.  —  î  87-88  intenertis 

1 

1^ 

Romania^  Yt 

^^Ê 

3j8  A. 

650  Ële  ii  prie  des  sergans 
Qui  por  les  os  en  Tile  iroi^t 
Et  a  lui  les  aporteront. 
«  Qu'en  ferez  vous,  amie  chiere  ?  » 
Ele  li  conte  la  proiere 

655  Que  li  capelains  iist  par  ire, 
(Bien  Ten  oi  Dex  nostre  sire), 
Que  jamais  ne  deliverra 
De  ci  adont  k'il  revenra  ; 
C'est  la  créance  a  la  dolente 

660  Qui  soffert  a  mainte  tourmente, 
S'on  pooit  rien  de  lui  trover 
Pour  la  caitive  délivrer, 
Ou  alcun  os  qui  de  lui  soit. 
Tout  maintenant  deliverroit  : 

66$  Se  Dex  veut,  bien  peut  avenir. 
Li  rois  a  fait  sergans  venir, 
Si  lor  dist  son  comandement. 
Cil  sont  arme  isnelement 
De  bones  armes  pour  desfendre  ; 

670  Aie  en  sont  sans  plus  atendre 
Jusc'as  nés  qui  sunt  a  la  rive. 
De  bien  faire  cascuns  estrive 
Encontre  les  bestes  salvages. 
Dont   tout  estoit    plain  li   bos- 
[cages: 

675  Moult  les  redoutent  li  sergant. 
Envers  l'ilje  s'en  vont  nagant 
Por  socorre  la  damoisele. 
Jehans  estoit  devant  sa  celé, 
Si  lavoit  herbes  et  racines, 

680  Cex  voit  venir  par  aatines, 
D'elmes,  d'aubers  apareillies: 
Moult   s'est  li    sains  hom   mer- 
[veillies, 
Quide  que  le  viegnent  destruire. 
Envers    le   ciel    ses  deus  mains 
[puire, 

685  Puis   dist  :    f    Dex  !    oies   ma 
[proiere  ! 
f  Ci  voi  venir  une  gent  fiere  : 
«  Mètre  me  volent  a  martire. 
«  Se  vostre  plaisir  i  est,  sire, 
«  Que  mais  n'i  ait  de  mon  tem- 
[  poire. 

690  t  Receves  l'ame  en  vostre  gloire  ! 


WEBER 

c  Ja  me  porront  trover  tôt  prest, 
c  Puis  que  li  vos  plaisirs  i  est 

<  Que  plus  n'i  ait  de  mon  eage.  > 
Li  capelains  vint  al  rivage 

695  Encontre  cex  qui  arri voient. 
Moult    s'esmerveillent  quant    le 
[voient  : 
Ne  seivent  con  puist  avenir. 
Jehans   dist  :    c   Bien    puissies 
[venir  ! 
«  Plaist   vous  ci    herbergier  0 
[nos.^  • 
700  c  Sire,  »  font  il,  c  qui  estes  vos, 
c  Qui  entre  ces  bestes  mânes  ?  t 
a  Segnor,  »  fait  il,    c    ci   fui 
[menés, 

<  Set  ans  a,  par  fause  acoison  : 
a  Johans  li  capelains  ai  non.  » 

705  c  Johans.^  vives  vos  donc,   biaus 
[mestre?  t 
«  Oil,  merci  al  roi  celestre, 
f  Qui  m'a  done  vie  et  peuture.  » 
Cil  li  contèrent  l'aventure 
Que  por  ses  os  furent  venu. 

7 1  o  f  Segnor,  bien  vous  est  avenu  : 

c  Totensamble  me  renmenres; 
c  Soffres  un  poi,  ja  me  rares,  t 
Il  est  corus  ses  livres  prendre, 
Puis  en  revint  sans  plus  atendre  : 

71 S  En  lor  nacele  reçut  l'ont, 
Et  a  grant  joie  s'en  revont. 
Tant  ont  de  nagier  estrive, 
Qu'il  sunt  en  lor  terre  arive. 
Moult  désirent  que  li  reis  sache 

720  Le   gaing   qu'il  ont  fait  en  lor 
[cache  : 
Onques  en  bos  n'en  terre  nueve 
Ne  fu  faite  si  bêle  trueve. 
Deus  messages  au  roi  envoient 
Qui  bien  et  bel  parler  savoient  : 

72  j  Conte  li  ont  cornent  amainent 

Le  saint  home,  dont  joie  mainent, 
Sain  et  sauf  et  plain  de  vertu. 
Quant  li  rois  ot  la  grant  vertu. 
Bâti  son  pis  en  repentance,  [gance 
730  Crient  que  Dex  n'en  prange  ven- 


663-4  C^  ^^"x  v^/'-f  ^ont  placés  dans  le  ms.  après  le  v.  6^S  —  669  armes  manque 
—  674  bosages.  —  687-8  intervertis  —  727  Le  saint  home  et  —  728  0.  de  gr. 


^^^^^^V                                  VIE 

■ 

JEAN 

BOUCHE    D*OR                              ^^Ç          ^^^H 

^^^^^B        Del  tort  qtie  al  saint  ome  fist. 

Quant  li  sains  hom  ot  la  dolor,            ^^^H 

^^^^^1        Trestote  la  citefremist, 

Pitié  ot  de  sa  mescstance.                          ^H 

^^^^H        Quant  H  cirent  b  novele; 

f  As  tu  dont  vraie  rcpentance?  t                 ^H 

^^^f             Tôt  blasmerent  fa  damoisele 

«  Ûil,  se  Jésus  me  secore  1  1                      ^| 

^^^V        715  Par  qui  fu  meus  11  desroîs. 

780 

La  rome  de  prtie  plore,                               ^H 

^^H               Encontre  va  a  pie  ïi  rois, 

A  génois  vait,  forment  li  grieve.                ^| 

^^^^H         Et  la  reine  a  grant  pite, 

Li  capelains  amont  ?'en  lieve.                     ^H 

^^^^H         A  l'entrée  de  la 

Si  li  dist  moult  piteusement                        ^^M 

^^^^^          Encontrerent  le  capelain. 

QuVfe  laist  son  doulousement.                    ^H 

^^^^^^  740  Li  bons  hom  a  levé  sa  main^ 

785 

t  Certes  ne  pu iS)  dolor  me  donte:               ^^Ê 

^^^^^B         Ses  a  beneis  et  segnies. 

«  Mon  enlant  voî  morir  a  honte,  i               ^^M 

^^^^^H         Li  rois  11  est  cheus  as  pies 

f  Se  Deu  plaist,  s'iert  reconfor-               ^^| 

^^^^H         Et  la  roine  s'agenoille 

En  une  cambre  Ta  menée,  [tee.  •               ^^M 

^^^^^^         La  face  et  li  mentons  li  mol  Ile* 

La  lasse  qui  grant  duel  demaine.               ^^M 

^^M          74S  Car  elle  plore  tenrement  : 

790 

Li  sains  hom  la  roine  enmaine:                  ^H 

^^^^H          Merci  li  proie  doucement 

L'uis  serra  après  lui  li  preslre,                  ^H 

^^^^H         Des  mais  que  fait  h  ont  a  tort 

Ne  laissa  fors  que  la  dame  estre ,                 ^H 

^^^^H         Jehans  qui  de  Deu  a  confort 

Qui  moult  erl  plaine  de  tristor,                        1 

^^^^^V          Lor  respont  a  moult  simple  face  : 

•  Dame,  or  prions  al  creator                            1 

^^V        7)0  €  Jel  vous  pardoins,  et  Deus  si 

79S 

c  Qu'il  nos  en  voit  confort  et  joie,                      1 

^^^^^^^         t  Ce  porchaça  la  pecherece  [Face. 

•  Et  ma  proiere  essauce  et  oie                  ^^Ê 

^^^^^B         •  Ki  de  moi  ert  si  menterese  : 

«  De  ce  que  jo  li  voil  requerre.  >               ^^Ê 

^^^^^B         f  Encor  dure  cîs  blasmes  lais.  ■ 

Les  deux  génois  a  mis  a  terre,                  ^^M 

^^^^^         Conduit  Ten  ont  dusc'al  palais 

S*a  conmencie  s'orison                                ^^ 

^^^^^^  755  Li  rois  a  trestot  son  empire. 

800 

Ki  moult  fu  de  sainte  raison  ;                     ^^H 

^^^^^^          La  damoisele  Toi  dire  : 

■  Biaus  sire  Dex^  puis  que  Jonas                 ^^Ê 

^^^^^H         Moult  grant  désir  a  de!  veoir^ 

•  El  ventre  del  poisson  gardas^                 ^^M 

^^^^^V         Par  lui  quide  merci  avoir 

c  Et  moi  as  ^arde  vers  les  bestcs               ^^M 

^^^r               De  la  dolor  qui  tant  est  maie. 

•  Qui  tant  par  estoient  rubesles,               ^^Ê 

^^V         760  A  porter  se  fait  en  la  sale 

80  j 

i  Si  voir  con  ceste  honor  m'as               ^^M 

^^^                 Devant  le  roi  ki  est  ses  père; 

^H 

^^^^K         Pitié  en  a  eu  sa  mère, 

•   Qui    moult    bien     doit    estre              ^^M 

^^^^0         De  honte  et  d'angoisse  noirci  : 

[retraite^               ^^M 

^               «  Beie  tlle,  cries  merci  |  vaille.  » 

i  Or  te  proi  de  ceste  es  garée                    ^^M 

^^^^^^  76  (  •  Au   saint   home    que   il   vous 

f  Que  jusques  ore  as  enserrée  :                  ^H 

^^^^H         Ses  mains  joint  celé  qui  travaille, 

•  Délivre  le  par  ta  puissance  ;                   ^^Ê 

^^^^^H         Plains  gete  dolerous  et  haus  : 

8io 

<  Rent  moi  le  fruit  de  tel  sam-               ^^Ê 

^^^^^H          t  He  !  capelains  nés  et  loiax , 

[blance             ^1 

^^^^^H         f  A  grant  tort  vous  mis  sus  la 

«  Con  il  aferist  al  termine,  *                     ^^M 

^^^^r 

Il  a  segnie  la  mescine                                ^^M 

^^^^^^  770  •  Oiant  mon  père  et  son  barnage 

Qui  en  dolor  a  mes  maint  jor  :                  ^^H 

^^^^^^          i  Je  di  que  coupes  ni  eustes 

Onques  n'i  ot  plus  de  sojor,                      ^^M 

^^^^^K         t  Et  que  mon  pechie  ne  seustes. 

81^ 

Mais  maintenant  toX  a  délivre                    ^^H 

^^^^^F         t  Sire,  merci  de  ceste  lasse 

D'un  enfant  malle  se  délivre,                     ^^Ê 

^^^V               «  Kia  tel  duel  sa  vie  passe  ;  [lor.» 

Si  forme  come  de  set  anz  ;                        ^^Ê 

^^V        77$  c  Cest  drois  que  conper  ma  fo- 

De  tes  paroles  con  d'enfans                      ^^Ê 

^^^^            79 1                                                                                                                           ^^1 

}40  LA   VIE   DE   SAINT 

Ot  le  cors  doctrine  et  sage; 

820  Onques  nul  jor  de  son  eage 
Ne  vit  plus  bêle  créature. 
Délivre  est  de  sa  porteure  : 
Saine  se  lieve  isnelenient 
La  danzele,  nul  mal  ne  sent  ; 

82$  Le  saint  home  aert  par  les  pies, 
Qui  a  terre  ert  agenoillies  : 
f  Saine  sui  et  point  ne  me  grieve.  » 
Jehans  li  capelains  se  lieve, 
Et  voit  Tenfançon  qui  parole 

830  Si  l'aplanie,  si  l'acole. 

Tantost  li  requist  cil  baptesme, 
Et  le  saint  oile  et  le  saint  cresme. 
Tantost  l'enfant  baptisa  on, 
Et  del  capelain  ot  le  nom. 

835  Deu  loent  tôt  de  cel  miracle, 
Que  Dex  a  fait,  de  cest  segnacle. 
Li  rois  Tonore  et  si  princier, 
Et  li  autres  pules  Ta  chier. 
Ses  livres  mist  a  lacapele: 

840  Quant  seue  fii  la  novele 
Que  ses  livres  tôt  d'or  escrist 
Qu'en  sa  bouche  destempre  prist, 
Par  miracle  Deu  en  loerent. 
Et  puis  Bouce  (Tor  l'apelerent  : 


JEAN   BOUCHE  D'OR 

84  s  Por  sa  sainte  conversioa 

Sains  Jehan  Bouce  d*or  a  non. 
Sa  vie  fu  nete  et  saintisme. 
Puis  plot  a  deu  le  roi  haotisaie, 
K'il  fu  ve^e  de  la  cite. 

850      De  sa  vie  vos  ai  conte; 

Et  quant  fine  fu  li  bon  mestre, 
Orison  fist  al  roi  celestre 
Que  femes  qui  enfans  portoient. 
S'a  lor  besoing  le  reclamoient, 

855  Que  Tenfes  mort  ne  receust 

Devant  qu'en  fons  baptisies  fnst, 
Et  la  mère  a  honor  vesqaist  ; 
Dex  li  dona  ce  qu'il  requist  : 
Tenir  l'en  doit  on  en  mémoire. 

860  Por  Renaut  qui  a  fait  l'estoire 
En  romans  si  cortoisement 
Deprions  Deu  omnipotent,  [fais^ 
Le  segnor  dont   tos    biens    est 
Que  il  nos  pardoinst  nos  mesfaiSy 

865  Et  otroit  droite  penitance, 

Si  con  cil  qu'est  de  tel  poissance. 
Et  quiconques  escrite  l'ait 
Foi  et  plente  de  tos  biens  ait. 
Et  si  ait  permanable  vie! 

870  Amen,  amen^  cascuns  en  die. 


Chi  fine  saint  Johan  Bouche  d'or. 


Londres,  12  février  1877. 


Alfred  Webbr». 


818  tos  —  839  mis  —  842  Et  quen  s. 
I .  Ce  texte  a  été  revu  et  collationné  sur  le  ms.  par  M.  G.  Pans. 


TRAITÉS  CATALANS 


DE    GRAMMAIRE    ET    DE    POÉTIQIIE. 


U  y  a  quatre  ans,  à  Toccasion  de  quelques  remarques  sur  le  texte  du  traité 
grammatical  de  Rainion  Vidai^  j'exprimais  Tespoir  qu'on  recouvrerait  peut-être 
un  jour  le  recueil  signalé  autrefois  par  Jaime  de  Viltanueva  en  son  Viaft  {itcra* 
rio  à  las  igUsias  de  Es  paria  ^  comme  renfermant,  entre  autres  opuscules»  les 
Rtgia  di  trobar  compuestûs  por  Ramon  {idaî  de  Bisalû^  y  expUcadas  por  hfn 
FôXâ\ 

Ce  recueil^  que  Jaime  de  Villanueva  avait  vu  dans  la  bibliothèque  des  Carmes 
déchaussés  de  Barcelone,  ne  s'est  pas  retrouvé,  et  paraît  irrévocabîement  perdu, 
mais  on  en  a  découvert  une  copie  faite  au  siècle  dernier  avec  assez  de  soin, 
semble-l-il,  sinon  avec  une  parfaite  connaissance  de  la  langue  et  du  sujet.  Cette 
copie,  ayant  fait  partie  de  la  bibliothèque  du  marquis  de  fa  Romana,  et 
conservée  jusqu'à  ces  derniers  temps  au  ministère  de  Fomente^  à  Madrid,  a 
été  récemment  transportée  à  la  Bibliothèque  nationale  de  cette  ville.  C'est  la  que 
notre  savant  collaborateur  M.  Milâ  y  Fontanals  Ta  étudiée  le  premier:  il  en  a 
donné  une  notice  et  des  extraits  dans  quatre  articles  publiés  par  la  Rmsta  de 
Arckiyos^  Blblwleats  y  Museos^  n'*  des  ^  et  20  octobre,  5  et  20  novembre  1876. 
Me  trouvant  Tan  dernier  â  Madrid,  peu  de  jours  avant  la  publication  du  pre- 
mier de  ces  articles,  j'eus  l'occasion  d'étudier  la  précieuse  copie  dont  Texistence 
m'avait  été  révélée  qtfetque  temps  auparavant  par  une  communication  person- 
nelle de  M.  Miià,  et  m'étant  convaincu  que  les  traités  contenus  dans  ce  recueil, 
sans  avoir  peut-être  toute  la  valeur  que  je  leur  avais  supposée,  offraient  cepen- 
dant un  réel  intérêt  pour  l'histoire  des  littératures  provençale  et  catalane,  le 
me  fis  faire  une  copie  de  la  plupart  d'entre  eux.  Cette  copie  a  été  exécutée  par 
M,  A.  Paz  y  Melia»  de  la  Bibliothèque  nationale  de  Madrid,  qui  s'est  acquitté 
avec  le  soin  le  plus  méritoire  de  la  tâche  quil   avait  bien  voulu  accepter. 

Le  recueil  de  Madrid,  déjà  suffisamment  décrit  par  M.  M ila  dans  les  articles 
sus-indiqués,  contient  neuf  traités^  dont  voici  l'indication  selon  Tordre  du  ms. 

r*  Mtratl  de  trobar.  Lo  autor  de  esta  obra  Joa  Joan  D£  Castellnou.  A  la  fin 
se  trouve  un  explicit  où  figure  un  autre  nom,  celui  de  §  Bercnguer  de  Noya.  » 

2.  Régies  d'en  Jukre  de  Foxa* 


i^Romania,  H,  548,  J'aurais  dû  dire  f  Jofre  de  Foxa  »,  mais  je  suivais 
Villanucva  et  Torrcs  Amat. 


142  p.  MEYER 

3.  Règles  d'en  Ramon  Vîdal. 

4.  De  doctrina  de  compendre  (lis.  compondre)  dictais. 
5*  Compcndi  de  Joan  de  Castellnou. 

6.  Doclrina  de  cort  por  Tebamayqcis  de  Pisa, 

7.  La  Doctrinal  de  trobar   fpar  Ramon  dbl  Cornet]  ûm  iû  glosa  0  corratio 
€  declaracio  sua,  autor  Juan  de  Castelnou* 

8.  Las  Flors  del  Gay  Saber  par  Guilhem  Molinieb, 

9.  Libre  de  comordanses  appellat  Diccionm,  ordenat  per  en  Jachme  March. 
De  ces  neuf  traités,  deux  seulement  à  ma  connaissance  se  trouvent  ailleurs  : 

les  Réglas  de  trobar  de  Raimon  Vidal  dont  on  connaît  depuis  longtemps  deux 
mss.  à  Florence,  et  le  Comptndï  de  L  de  Casielnou  dont  un  ms.  ancien  existe  à 
Barcelone».  Le  premier  de  ces  deux  ouvrages  mérite  d'être  réimprimé  d'après 


1.  M.  Milà  en  a  donné  le  début  dans  ses  Tromdores  en  Espana^  p.  478-9. 
Voici  ce  début,  et  de  plus  la  table  des  rubriques,  d'après  le  roème  ms.  de  Bar- 
celone (X  n.  10,  26)  : 

«  Aquest  es  lo  compendi  de  la  conaxença  dels  vicis  que  poden  esdevenircnlos 
dictais  del  gay  saber,  axi  tora  sentence  con  en  sentença.  E  ayci  es  la  premera 
partida  on  son  contenguts  e  déclarais  los  vkis  que  hom  pot  atrobar  fora 
scntensa;  lo  quai  compendi  a  leyt  Joiîan  de  Castellnou,  un  dels  .vij.  man- 
tenedors  del  consiston  deTolosa  de  la  gaya  sciencia,  al  noble  t  discret  en  Dal- 
m^u  de  Rochâberti,  fill  que  fou  del  molt  noble  en  ûalmau  de  bona  memoria, 
vezcomte  de  Rochaberti. 

c  Car  mant  hom  dupte  ouais  son  aquelles  lelres  que  muden  lur  so  cant  los  es 
ajustada  aauesta  espiracio  n^  perçu  nos  disem  que  quanta  es  pausada  après  c,  /, 
fl,  /?,  j,losiay  mudar  lor  propri  so;  e  podets  o  veser  per  aquests  versets.  Aprop 
l^c,  n,  p^  j,  muda  lur  so  con  ades  vesets  :  —  De  c  ■  cm pach-m pacha,  estrcch* 
esîrecha^  gach  e  gâcha.  —  De  /^  batath^  veylh^  fithj  e  palk,  talh,  c  metalh^  perilh 
t\  jûlha.  —  De  n  havels  gasanh-  gasanha,  endink''  cnJenha^  banh..*. 

Fin  et  table,  foL  xxxviij  v  : 

«  Rayso  per  que  los  dictayres  del  compendi  no  s'es  gardas  (ik)  û«\  {iit)  vicis 
fora  sentencia  per  lot  son  procès  e  régla, 

f  Alcu  per  ventura  se  merevella  car  nos  non  som  gardât  en  nostre  procès  deïs 
vicis  lots  qu*er'  h  ave  m  de  cl  a  rats,  e  nos  diem  quels  creem  h  a  ver  esquivais  en  las 
eximplis  que  havem  pausals  per  rims  en  Taltre  procès  que  havem  fcL  Empcro, 
sins  em  pecal  en  re,  volem  estar  a  correccio  d'omes  entendcns. 


Del  vici  appellat  replicacio, ,], 
Dels  exceptions  de  replicatio^  ij. 
De  la  segona  natura  ae  replicacio,  Jj. 
De  la  terça  manera  de  replicacio,  .ii|. 
De  les  escusations  de  replicacio^  .iij. 
Del  vici  appellat  rim  lomat,  e  de  les 

escusacions  d'aqucll,  .iij. 
Del  vici  appellat  nm  tornal,  jii|. 
Del  vici  appellat  pausa  lornada,  .liij. 
Del  vici  appellat  bordo  tornat,  jiîj. 
De  rim  faxuch  e  de  totes  ses  maneres, 

De  la  6gura  appellada  anadioplosis, 

.vitij. 
De  la   figura    appellada   epmaleusis, 

*viij. 
De  la  ligura  appellada  epizests,  .x|. 


De  la  figura  appellada  poloptotas,  .xj. 
De  la   hgura    appellada   paracinetios 

.xij. 
Del  vicf  appellat  ^re,  .xij. 

—  mot  pesan,  .xiij, 
hiat,  .xiii). 

—  metasisme^  .xiiij. 

—  collusio,  .XV. 

—  liamen  compost,  .xv. 

—  fais  ace  en,  .xvj, 

—  pedas,  .XV. 

—  contradicios,  .xviij* 

—  separacios,  .xviij* 

—  una  digressio»  .xyiiij, 

—  cstil  mudal,  *xviiij, 

—  iteracio,  .xx, 

—  foravcrtals,  .xx. 


TRAÏTÊS  CATALANS    DE   GRAMMAIRE    ET   DE    POÉTIQUE  54^ 

la  copte  de  Madrid  pour  des  raisons  que  te  ferai  connaître  tout  à  Theure  ;  quant 
au  s^ond  je  m'en  tiendrai  au  prologue  et  à  la  table  données  d*dessous  en  note. 
J'imprimerai  aussi,  non  pas  dans  Tordre  de  la  copie  de  Madrid^  mais  autant 
i|oe  possible  selon  l'ordre  chronologique,  plusieurs  des  autres  traités, 

I    —  Raimon  Vidal,  Las  Rcglas  de  trobâr. 

Mon  intention  n'est  pas  de  disserter  sur  l'ouvrage  de  R,  Vidaî  qui  est  depuis 
longtemps  estimé  â  sa  valeur,  mais  de  montrer  que  la  copie  de  Madrid  peut 
servir  à  améliorer  en  plusieurs  passages  le  texte  que  nous  possédons  de  ce  traité 
dans  la  seconde  édition  de  M.  Guessard  (t8)S).  On  en  connaissait  jusqu'à  pré- 
sent deux  niss.,  tous  deux  conservés  à  Florence,  Tun  à  la  Laurenlienne,  Tautre 
â  la  Riccardienne*.  Le  traité  est  intitulé  tas  razos  dt  iroharA^n^  le  second  de  ces 
mss,,  il  n'a  pas  de  titre  dans  le  premier.  Dans  I  édition  de  1858  le  texte  est 
cssentieUeroent  celui  du  ms.  laurentien,  Tautre  ms,  ayant  fourni  un  assez  grand 
nombre  de  variantes.  Mais  ces  variantes  ne  sont  probablement  pas  toutes  celles 
que  \t  ms.  pourrait  fournir,  et  tant  qu'on  ne  sera  pas  complètement  informé  des 
ripports  et  des  différences  des  deux  mss.,  il  sera  bien  difficile  de  porter  un  juge* 
nt  assure  sur  leur  valeur  relative.  Il  y  a  là  une  lacune  que  comblera  bientôt, 
Tcspère,  la  nouvelle  édition  des  Grammaires,  prùunçaki  qu'a  annoncée 
M,  Stengcl,  et  à  laquelle  Timpression  de  la  leçon  de  Madrid  apportera  un  élé- 
ment utile.  Si,  comme  il  y  a  apparence,  les  trois  mss,  sont  indépendants,  le 
troisième  fournira  en  bien  des  cas  le  moyen  d'opter  entre  les  leçons  différentes 
des  deux  autres. 


—  crror,  ,xxj. 

—  desonestat,  .xxj, 

Perque  ha  hom  acustumat,  de  cantar 

de  dones,  .xxj. 
Del  vici  appellat  jactança,  .xjclj. 
sobrelaus^ 

—  verbosiial, 
Diffinicions  de  trobar,  .xxvîij. 
Perque  fon  tractât  logay  saber,  .xxviii). 
De  compas,  .xxx. 

Diffinicions  de  bordo;  mostra  qu'  es 

rims,  ,xxx. 
Mostra  que  es  cobUi  ne  quants  bor- 

dos  deu  haver^  .xxx. 
Mostra  que  es  vers,  .xxxj, 
Cançons,  ,xxx], 
Sirventesch,  .xxxij. 

Finito  librosit  laus  et  gloriaChristo 
Vivat  rn  celis  Franciscus  Kubeî  noraine 


Dança^  .xxxij. 

Discorts,  .xxxiîj. 

Tensors  {sk\f  .xxxiii. 

Partiments,  .xxxiij. 

F*aslorelIa,  .xxxiiij. 

Retranxa,  ,xxxiiij. 

Pîanchs,    xxxi^iij, 

Scondiz,  .xxxîîij. 

Gels  accens  que  havem    dits   segons 
romanç,  .xxxiii). 

De  ryms  acordants.  .xxxv. 

De  ryms  senrials*  et  leials,  ,xxxv. 

De  ryms  consonants,  .xxxvj. 

De  nms  simples  leonismes,  .xxxvj. 

De  rimps  perfeig  leonismes,  .xxxvij. 

Del  s  dicta ts  no  principals  ;  d'estam- 
pida,    xxxviij. 
I  Qui  dédit  céleri  laudetur  mente  fideli  ] 
felix  i 


Le  texte  de  la  copie  de  Madrid   présente  àe%  variantes  importantes,   de  sorte 
que  ce  traité  ne  saurait  être  convenablement  publié  sans  le  secours  des  deux  mss. 

I .  Je  ne  compte  pas  !e  ms.  de  Paris  qui  n'est  qu'une  copie  de  celui  de  la  Lau- 
renttenne,  voy.  l'édition  de  M.  Guessard,  p,  Ixij. 

*Sonaiii^  C/.  Leys  d'Amors,  [,  i)4« 


Î44  P    MEYER 

En  altendant  que  la  comparaison  des  deux  m&s.  de  Florence  soit  possible^ 
|e  puis  au  morns  constater  que  le  ms.  de  Madrid  permet  d'apporter  de  très- 
notables  améliorations  au  texte  que  M,  Guessard  a  tiré  de  ces  deux  mss.  Mes 
notes  en  donnent  la  preuve;  je  me  bornerai  ici  à  viser  particulièrement  les 
notes  des  ^  8,  12  et  i|  o5  l'édition  présente  des  omissions  importantes,  pro- 
duites par  ce  qu'on  appelle  en  typographie  des  bourdons. 

Le  texte  de  Madrid  se  rapproche  souvent  de  celui  du  ms.  Riccardi,  là  où  ce 
dernier  diffère  du  ms.  laureniien,  et  en  ces  cas  il  n'y  3  pas  à  douter, selon  moi, 
que  la  leçon  du  laureniien  doit  être  re jetée.  Avant  même  de  connaître  le  ms. 
de  Madrid,  !e  Riccardi,  à  en  juger  par  les  variantes  qu'en  a  tirées  M.  Gues- 
sard, m'avait  toujours  paru  fort  digne  d'estime.  Comme  ce  n'est  pas  un  ms, 
ancien,  mais  une  copie  de  la  fin  du  xvi"  siècle  ou  du  commencement  du  xvii% 
il  n'est  point  surprenant  qu'il  s*y  rencontre  des  erreurs  de  copie,  H  y  en  a 
aussi,  et  beaucoup»  dans  le  ms.  de  Madrid,  mais  non  pas  aux  mêmes  endroits, 
et  ainsi  ces  deux  médiocres  copies  peuvent  servir  à  constituer  un  bon  texte. 

Pour  la  commodité  des  citations  et  des  noies,  l'ai  divisé  le  traité  de  Raimon 
Vidal,  tel  que  le  présente  l'édilion  de  M.  Guessard ,  en  ^o  paragraphes.  De  ces 
)o  paragraphes,  20  (17  à  j6  inclusivement)  manquent  dans  le  ms.  de  Madrid. 
Je  ne  saurais  dire  si  celte  lacune  existait  déjà  dans  le  ms.  de  Barcelone,  ou  sll 
faut  en  laisser  la  responsabilité  au  copiste  à  qui  nous  devons  le  ms.  actuellement 
conservé  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Madrid. 

Mon  but  étant  simplement  de  faire  connaître  la  copie  de  Madrid,  fit  dÛ 
m*abstenir  d*y  introduire  aucune  correction.  Çà  et  là^  pour  faciliter  la  lecture 
et  épargner  au  lecteur  la  peine  de  chercher  aux  notes  une  restitution  nécessaire» 
l'ai  rétabli  entre  f  1  un  mot  omis,  mais  les  passages  corrompus  ne  sont  pas 
corrigés,  et  je  me  suis  borné  à  les  signaler  en  noie*  Je  n*ai  rien  tenté,  ni  dans 
le  commentaire  ni  dans  le  texte,  pour  la  restitution  des  vers  cilés^  dont  ta 
leçon  est  souvent  tninlelligible  :  ce  sera  fceuvre  d'une  édition  critique,  pour 
laquelle  il  y  aura  lieu  de  mettre  à  contribution^  non  pas  seulement  le  m^.  du 
traité  de  R.  Vidais  mais  encore  ceux  des  troubadours. 

REGLES  d'en    RAMON    VIDAL 

1 .  Per  ço  com  eu  Ramon  Vidais  ay  visl  e  conegul  que  pauchz  homens 
saben  ne  han  sabuda  la  mai^eyra  del  trobar,  vull  heu  far  aquesi  libre  per 
dar  a  conexer  es  a  saber  quai  trobador  ban  meyls  irobat  ;  atressi  en 
quai  manera  deu  hom  instruir  o  menar  lo  sâber  de  trobar.  Si  eu  mi  at- 
lonch  en  causa  que  poria  dir  pus  breus,  nous  en  devetz  maraveïlar,  car 
eu  vey  e  conesch  que  man  saber  en  son  tomat  en  tenso,  car  so  tant  breu- 
menl  dit;  perque  mi  allongaray  per  tais  lochs  quis  porion  ben  leu  dir 
pus  breu.  Atressi  matex  si  y  fas  errada  e  si  y  lays,  pot  se  be  avenir  per 
oblit,  0  per  ço  car  eu  non  ay  gesausidas  totas  las  causas  qui  son  ei  mon, 
o  per  Ventura  hi  poria  fallir  per  enfalagamen  ^  de  pensar.  Perque  tols 
hom  prtms  e  subtils  mm  deu  rasonar  ^  pus  conega  la  causa  :  car  eu  crey 


I,  —  i  G,  (Guessard)  fallimcntz.  —  2  Mieux  C.  no  m'en  deu  uchaiionar* 


TRAITÉS   CATALANS    DE   GRAMMAIRE    ET   DE    POÉTIQUE  ;4S 

be  que  mam  hozn  mi  blasmara  o  dira  que  en  algun  toch  hi  degra  niays 
inetre,  que  sol  ell  lo  quart  no  sabra  far  ne  conexer,  ni  saubra  dir,  si  non 
ho  irobes  tant  be  aselmat  o  assermat  y .  Atressi  matex  vos  dich  que  home 
prira  hi  haura  que,  sitôt  s'estay  be,  coy4  sabrien  millorar  o  may  trar  o 
meire,  car  a  greu  trobaretz  nengun  sauber  tant  fort  ni  tant  primament 
dit  c*us  hom  fort  prims  no  y  pogues  millorar  e  mays  mètre,  Per  qu'es 
dix  que  negu  saber,  pus  basta  ne  be  e&tay,  negus  homs  nol  deu  tocar 
ne  moure  i . 

2.  Primerament  sapies  que  totas  gens,  chnstians,  juheus,  sarrahins, 
senyor,  emperador,  rey^princep,  dycb,  comte,  vezcomie,  comdor,  vei- 
corador,  cavalier  (G.  p.  70I,  clerch,  burgues,vila  0  home  pauch  e  gran, 
menon  '  dia  trobar  e  xantar,  en  axi  qu'en  voïon  obrar  e  qu'en  volon  en- 
tendre, o  qu'en  volon  dir,  0  qu'en  voîon  ausir,  car  a  greu  seretz,  en 
negun  foch  tan  privât  ne  tan  soK  pus  que  gen  hî  ha  pauca  0  molta,  que 
ades  non  haujatz  cantar  0  un  0  autre  o  tots  ensemps,  que  neys  li  pas- 
tor  de  la  montanya  e*  tôt  lo  maior  solaç  qu'il  han  es  de  xantar;  e  tuyi  li 
mal  e  li  be  del  mon  son  en  menbrança  e  en  memoria  mes  per  trobar  que 
per  als.  E  ja  no  trobaretz  pretz,  be  dich,  ne  mal  dich,  pus  que  trobayre 
Taya  dit  ne  mes  solamen  en  rima,  que  tots  tempz  ne  sia  en  remenbransa  ; 
e  trobars  e  xantars  egalment  son  cap  de  îoias  galfardias  ^ 

? .  En  aquest  saber  de  trobar  son  egaîment  lî  trobador  et  li  ausidor  ' 
motas  vetz  enganat .  E  diray  vos  quo  ne  per  que  ne  son  enganaî  li  ausi- 
dor qui  re  en  trobar  no  entenen  :  per  ço  que,  com  ausiran  un  bon  xan- 
tar, faran  semblan  que  fort  be  l*entendûn,  e  ja  res  non  entendran.  E  fan 
ho  perço  cor  se  cuydan  que  hom  los  tengues  per  pechs,  sidizion  que  no 
l'entendisson :  axi  enganon  fur  matex,  car  un  dels  majors  del  seyns  del 
mon  es  qui  vol  apendre  e  demaiidar  ço  que  no  sap ,  perque  assatz  deu 
haver  major  vergonya  aquell  qui  no  sap,  que  aquell  qui  demana  e  vol 
apendre  *. 

4.  Atressi,  aquells  qui  cuydon  entendre  e  res  no  eniendon,  e  per  altre 
cuydament  '  no  ho  apenrion,  romanon  malament  enganat.  Ez  eu  no  dich 
ges  que  totz  los  homenz  de!  mon  pusca  far  eu  primz  entendentz,  ne  que 
de  llurs  enugs  ne  de  ilurs  vicis  se  tornen  per  la  mia  paraula  »;  e  anch 
no  fon  tan  gran  orde  de  error.  pusca  hom  hi  pusca  parlar  e  y  sia  be  entes, 


3  o  assermat  est  mitUment  une  addition,  tt  en  mime  temps  une  correctton,  fmte 
par  an  copiste.  — ^4  G  que  i.  —  5  Ccst  à  peu  prh  la  Uçon  du  mss.  Riccardi, 

2  —  I  Suppléa  tôt  ;  G*  meton  totz  jorns  lor  etitcndimcn  en.  —  2  e  tsi  de 
trop,  —  3  Même  leçon  ^uc  le  Rtcc,,  ^m,  d'après  C édition,  omet  les  mots  son  cap, 

3,  — ^1  E  II  auzidor,  ^ui  est  nécessaire^  aussi  donné  pat  le  Rtcc.  —  2  Cm^  dts 
ligiUi  de  l'édition  manquent  ia. 

fA.  —  I  G.  per  olracujament,  —  2  Le  texte  correspondant  dt  Vidtiiontstinmtelh- 
ible.  /avais  proposé  (Romania,  II,  549)  une  correction  que  ne  confirme  pas  U  ms, 
t  Madrid. 


Î40  P.  MEYER 

que  no  trobe  qualque  hom  qui  apren  o  enten  ;  per  que  eu,  sitoi  no 
emen  que  loii  los  pusca  far  prims  ne  entendenz,  eu  si  vull  far  aquest 
libre  per  la  una  partîda. 

5.  E  sapies  que  aquest  saber  de  trobar  anch  may  no  fo  mes  ne  ajostatz 
tant  be  en  un  sol  loch,  mas  que  cascuz  so  ac  en  son  cor,  segonz  que  £0 
primz  e  entendenz  ;  ne  creatz  que  nuUs  homz  n'aya  estai  maestre  n-en  sia 
estatz  perfeyts,  car  tant  es  lo  saber  car  e  fis  que  nuHs  (G.  p.  71^  hora 
no  s'en  dona  garda,  mas  dei  lot  conexera  tolz  homz  primz  e  entendenz 
qui  be  esgail  aquest  libre.  Empero,  eu  no  dich  ges  que  sia  perfeyiz  ne 
maesire,  mas  tant  ne  dîray,  segonz  so  que  cuig,  en  aquestlibre,  queioiz 
homz  qui  be  l*eniendra  ne  haia  bon  cor  ne  soptil  en  trobar,  ne  poyra  far 
sos  cantars  ses  iota  vergonya. 

6.  Primerameni  deus  saber  que  îoiz  homs  qui  vol  entendre  en  trobar 
deii  saber  que  nenguna  parladura  no  es  tan  natural  ne  lan  dreia  a  tro- 
bar del  nostre  lengaige  com  aquella  francesa,  del  Lemosi,  e  de  totas 
aquellas  terras  qui  entorn  li  esian  0  son  lur  vesinas,  e  atressi  de  lotes 
aquelles  qui  son  entre  ellas  '  ;  e  tuyt  ly  homs  qui  en  la  terra  son  nai  e 
noyrilz  ban  la  parladura  natural  e  dreyla.  May  s  quant  us  d'els  es  eyxitz 
de  la  parladura  per  una  nma  que  altre  raosire,  0  per  alire,  can  meyls 
ho  coneix  '  cey!  qui  ha  la  parladura  reconeguda  que  null  altre.  E  aquell 
no  cuydon  ja  mal  far  com  fan  com  la  gitan  de  sa  natura,  axi  com  se  cuy- 
don  que  llur  lenga  sia.  Per  que  eu  vull  far  aquesi  libre  a  dar  a  conexer 
la  parladura  a  cey  Ils  qui  la'parlen  dreyta,  e  per  ensenyar  a  ceylls  qui  no 
Lemozi  la  sabon. 

7.  Perque  deves  saber  que  la  parladura  francesa  val  mays,  e  es  pus 
avinent  a  far  romane  e  retronxas  '  et  pastorellas;  e  aycellas  de  Lemosi 
valon  ^  mays  a  cansos,  a  servenies,  a  verses  ;  e  per  totas  las  altres  del 
nostre  lengaige,  son  ^  en  major  auctoritat  li  cantar  de  la  parladura  de 
que  de  null  altre. 

8.  E  mant  hom  ditz  que  porta  ne  pa,  ne  v^  no  son  paraulasde  Leraozi, 
per  ço  cor  se  dison  atressi  en  las  autras  terras  axi  com  en  Lemozi  :  per 
que  no  sabon  ques  dizon.  Car  totas  aquellas  paraulas  que  hom  ditz  en 
Lemozi  axi  com  en  las  autras  terras,  atressi  son  de  Lemozi   com   de 


6. — Muux  (/.:  con  aqell.i  de  Proenza  0  de  Lemosi  o  de  Saintonge  o  d'Alver- 
gna  ode  Caerci.  Per  qe  icu  vos  die  qeqanl  ieu  parlarai  dcLemosis»qeioUs  estas 
lerras  entendas  c  totas  lor  vezinas,  e  totas  cdlas  qe  son  entre  elUs.  —  1 
Corrompu  :  G.  per  una  rima  0  per  alcun  mot  qe  li  sera  meslier,  cujon  las  gtnz 
qi  non  entendon  qe  la  lur  lenga  sta  aitab^  qar  non  sabon  lur  lenga,  perqe  midi 
loconois.,. 

7,  —  1  e  retronxas  ifui  se  troavi  aussi  dans  RUc,  (retromas)  mûnqmdans  G, 
—  1  C.  mis  cella  de  L.  val.  —  j  De  mimt  Jani  Ricc.  rtmis  plus  corncUmmt^  de 
totas  las  autras  dels  noslres  Icngalges^  e  per  aisto  son;  (7.  per  toias  las  terras 
de  nostre  lengage  so. 


TRAITÉS   CATALANS    DE   GRAMMAIRE    ET    DE    POÉTIQUE  ?47 

Us  autras  terras.  Mas  aycellas  que  hom  diu  en  Lemozi  '  d'autra  guisa 
que  en  las  autras  terras  son  propriameni  de  Lemozi.  Perqu'eu  vos  dich 
que  1012  horo  qui  eîi  irobar  vulla  entendre,  deu  saber  la  parladura  dei 
LemozL  En  après  deu  saber  aquellas  ^  de  la  naiura  de  la  gramatica,  si 
fort  primament  vol  trobar  ni  entendre,  car  loia  la  parladura  de  Lemozi 
se  parU  naturalment  e  drela  per  caz  e  per  nombre  e  per  génères  e  per 
temps  e  per  personez  e  per  mous.  E  axi  poreiz  be  entendre  e  aosir  si 
me  escouiatz. 

9.  Sapies  que  totz  homs  qui  s'eniendra  '  en  gramatica  deu  saber  que 
vuit  parts  son;  e  totas  las  paraulaz  del  mon  son  de  las  unas  d'aquestas 
vuît;  ço  es  saber  :  del  nom  o  del  verb  o  del  particip  0  del  pronom  0 
del  adverbi  o  del  conjunciîu  o  de  la  proposicio  o  de  la  interjeccio. 

10.  E  ultra  toi  aço  qu'eu  t'ay  dig,  devez  saber  que  paraulas  hi  a  de 
très  guizas  :  la  una  es  ajectiva,  Pautra  substantiva,  l'auira  comuna, 
frautra)  ni  la  primera,  ni  l'autre,  sustantiu  ne  ajeciiu.  Sustaniivas  son 
aquellas  que  en  pluralitat  0  en  singularitat  mostren  persona  0  gent  >  0 
temps,  0  sostenon  o  son  sostengudas.  Ajeciivas  son  aycellas  del  nom  0 
deJ  pronom  0  del  adverbi  *  0  del  particip  ;  que  aycellas  del  verb,  ne  del 
conjunctiu  ^  ne  de  la  preposicio,  ne  de  la  interjeccio,  per  ça  cor  no  han 
pluralitat  ne  singularitat,  ne  demoslron  genre  ni  persona  ni  temps,  ni 
sostenon  ne  son  sostengudas,  potz  aquestas  appellar  neutras. 

11.  Las  paraulas  ajectivas  son  axi  corn  bos,  beyls,  bona,  kyiâj  forîz, 
vfli,  sotih,  plaren,  sobres  ',  am,  vau^  amdâuùsch,  enauîisch;  e  totas  las 
autras  del  mon  qui  demoslron  sustancia.  En  axi  corn  qui  desia  cant  a  ^ 
0  que  fay  0  que  sofre  ;  e  son  per  aço  appellades  ajectivas  car  no  les  pot 
portar  en  entendimen  si  sobre  sustancia  no  les  giia. 

12.  Las  paraulas  sustantivas  son  axi  com  boneza^  cavaliers,  cavallz, 
dona,  poma,  eu,  tu,  meuSy  seas^  fuy^  tsiar;  e  totas  las  autras  del  mon  qui 


8  —  \ .  Ct  passage  est  inmtlHgtbk  dans  G.  par  suite  d^uft  bourdon  :  car  totas 
paraobs  qe  ditz  hom  en  Lemozi  d'autras  guisas  que  en  autras  terras,  aqellas 
son  propnamenz  de  Lemozi.  On  voit  qu'entre  Lemozi  et  d'autras  22  mots  ont  ctt- 
omis,  —  2  Mauvaise  lecture  :  G*  alques. 

9.  —   I    C.  sYnlenda. 

10.  —  I  Corr.  genre  —  —  i  adverbi  a  évidemment  pris  la  place  du  verbe  ((ut 
lit  un  peu  plus  loin,  et  rkïproaatment.  —  3  G»»  ^P^^^  avoir,  comme  h  ms.  de 
Madrid^  annoncé  dans  ta  première  phrase  de  cet  alinéa  !a  distinction  des  mots  adjec- 
tijs  et  des  mots  substantifs,  confond  ensuite  as  deux  esphes  :  adjectivas  et  sublan- 
tivas  son  totas  acellas  qe  an  pbritat  et  singulanlal,  e  mostron  genre  et 
persona  e  tempo,  e  sostenon  0  son  sostengudas,  aisi  con  son  sellas  del  nom  et 
del  pronom  e  dei  particip  et  del  verb  ;  mas  cellas  de  Tadvcrbi  e  de  la  conjunctio, 

Ji.  —  i  G.  sonrenz.  —  2  C.  vau,  grasisc,  engresisc,  0  cant  a.  Au  §  i?. 
ou  Us  mimes  exemptes  reparaissent,  le  ms,  de  Madrid  a  enegresisch  au  lieu  /enan- 
tisch.  La  leçon  engresisc  de  G.  \Laurent  t  est  au  moins  douteuse.  Les  mots  e  totas 
las  a.  d.  m,  q.  d,  s.  du  ms,  de  Madrid  sont  de  trop  ui,  puisijuils  appartiennent 
à  la  définition  des  mots  substantifs ^  voy.  l'atméa  suivant. 


?48  P.   MEYER 

demostron  sustancia  visible  o  '  no  vizible;  e  han  nom  per  ço  sustantivas 
cor  demostron  sustancias  e  sostenon  las  adjectivas  ;  e  potz  ne  far  una 
rayso  complida  sens  las  adjectivas*,  axi  corn  qui  dezia  :  eu  suy  reys 
d\AragOf  eu  suy  nch  hom, 

1  j.  E  sapies  que  las  paraulas  adjectivas  son  de  très  maneyras  :  las 
unas  masculînas,  e  las  autras  femeninas,  et  las  autras  comunas.  Las 
masculinas  son  axi  corn  bas,  beyh,  e  lotas  aycellas  que  hom  ditz  en  en- 
tendimen  de  masculi,  e  no  las  pot  hom  [dir  mas]  absusiantiu  masculi, — 
Las  femenînas  son  axi  com  bonasy  beylas^  e  totas  aquellas  que  hom  ditz 
en  entendimem  femeni.  —  [C,  p.  7?]  Las  comunas  son  axi  com  fort, 
vils,  soûUy  plazenîs,  sofrcni,  am^  vau  emalautisch,  enegresisck ,  e  raoutas 
d'autres  qu'en  hi  a  d*aquesta  manera.  E  son  per  aco  apellades  comunes 
car  hom  les  pot  dtr  lam  be  ab  sustantiu  masculi  com  ab  femeni,  com  ab 
cascuns  ^  E  axi  matex  ni  ha  ires  maneras  de  sustantivas  com  d'ajec- 
tjvas, 

!4-  Las  paraulas  sustantivas  femeninas  son  heleza^  bonea,  dona^  poma, 
e  totas  cellas  que  demostron  susiancia  femenîna,  —  Las  masculinas  son 
cayaUers^  mercaders^  cavayls,  meus,  Uetis,  e  lotas  las  autras  qui  demostron 
sustancia  masculina.  —  Comunas  son  eu,  tu,  suy,  estau,  e  totas  autras 
don  se  pusca  demosîrar  axi  be  femeni  com  masculi  ;  en  axi  com  qui 
dezia  :  Verge  es  aqueil  hom,  0  verge  es  aquelîa  femna. 

1 5 .  Primeyrament  vos  parlaray  del  nom  e  de  las  paraulas  qui  son  de 
la  sua  natura,  com  las  ditz  hom  en  Lemozi.  Et  sapiatz  que  en  !o  nom  ha 
cinch  declinacionz,  e  cascuna  de  aqueiles  ha  dos  nombres  :  lo  sing:ular, 
lo  plural  ;  el  singular  parla  de  una  causa  sola  en  lo  nominatiu  e  en  tots 
los  altres  cases;  el  nominatiu  pluraL  e  totz  los  altres  cases  del  plural 
parlon  de  moutas  en  cascun  cas,  los  quais  cases  son  sis  :  ço  es  saber 
nominatiu  ',  geneiiu,  daliu,  acusaiiu,  vocatiu,  ablatiu. 

16.  Apres  ayço  devetz  saber  que  gramatica  fa  cinch  genres  :  ço  es 
saber,  mascuh,  femeni,  neutre,  cornu  et  omne.  Mas  en  romane»  totas  las 
paraulas  del  mon  sustantivas  e  ajectivas  son,  axi  com  eu  vos  ay  dig 
desus,  masculinas,  femeninas,  comunas,  e  de  llur  entendimem, de*  peiî- 
tas  en  fora  c'om  pot  abreujar  per  raho  de  neutre,  aycest  s'alongon  '. 


il.  —  t  Ce,  qui  est  visibkmtnt  fautif,  —  2  Nouveau  bourdon  dans  C.  qui  a 
omis  Us  mots  e  potz...  adjectivas, 

1^.  —  I  G.  a  subsl.  masc.  com  ab  féminin»  o  a  fcmmin  com  a  masculin  et 
com  ab  comun. 

1^,  —  I  Nouvtm  bourdon  dam  G.,  les  trente  et  un  mots  qui  précidenl,  depuis 
[nominatiu]  e  en  tots  los  altres  cases^  ont  été  omis, 

16.  —  j  G.  en,  et  commenu  une  nouvelle  phrase  à  ce  mot.  /avais  difà  rtcttfii  la 
ponctuation  (voy.  Romania,  II,  549)  et  proposé  las  au  lieu  de  en;  la  leçon  du  ms, 
de  Madrid  eonJuit  au  mime  sens  que  ma  corralion.  —  2  la  k  ms.  de  Madrid  omet 
la  valeur  de  sept  pages  de  l* édition. 


TRAITÉS   CATALANS    DE    GRAMMAIRE    ET    DE    POÉTICiLIE 


H9 


97;  [C  p.  80]  Ausit  havetz  dels  masculins;  arausdiray  dels  femenins. 
E  dich  que  en  lo  nominaiiy  e  en  lo  vocaiiu  singular  diiz  hom  cylla^  ccylla, 
ûifuata^  aItTdy  cesta;  e  en  los  autres  cases  singtilars  dits  hom  ky  ccHuy, 
ahtd,aitmy,  aquista,  ctsta^  ccstuy;  e  en  totz  les  cases  plurals  diiz  hom 
tyks,  aylas,  altras,  altruys,  aquisîas,  cestas^  ks^  mas^  sas. 

}S,  Aquestes  son  les  paraules  que  hom  ditz  toias  vegadas  en  loiz 
lochs  :  eu.  me,  te^  se^  tu,  nos^  vos  ',  les  allres  paraules  del  pronom  ço  es 
saber,  meuSt  Uus,  sens,  nostres,  vostres^  s'alongon  e  s'abreujon,  axi  com 
dels  noms  masculins.  —  Las  femeninas,  ço  es  saber  meaaj  teua,  sem, 
yesira,  nostra,  vestrdda^  nosiraàa  *^  s'alongon  e  s'abreujon  axi  com  los 
femenins  del  nom. 

39.  En  ayço  qu'eu  vos  ay  dig  podeiz  haver  entendui  com  ne  en  quai 
manera  se  menon  las  paraulas  del  nom  e  del  particip  e  del  pronom 
[G.  p.  81]  en  allongameni  e  en  abreugament;  e  en  semblaniz  vos  parla- 
ray  ara  del  adverbi^,  e  del  conjunciitj  e  de  la  preposicio  e  de  la  inierjec- 
do.  E  sapies  que  paraules  hi  ha  del  adverbi  que  hom  pot  dir  longas  e 
breus,  segonz  que  hauras  mesier,  en  axi  com  mays  0  may^  ais,  [d/],  lar- 
gamenf  largammSt  bonamens,  honamm,  examen^  examens^  dltramens,  altra- 
men  :  Airesi  diiz  hom  totes  aquelies  d^aquesta  maneyra.  E  las  autres 
paraules  del  adverbi  ^  e  totas  aquellas  del  conjunctiu  e  de  la  preposicio  e 
de  la  interjeccio,  totz  hom  prims  las  deu  ben  gardar;  car  toia  via  e  en 
totz  lochs  las  ditz  hom  de  una  guisa. 

40.  Huymais  vos  parlaray  del  verb»  En  la  primeyra  persona  del  sin- 
gubr  ditz  hom  suy^  en  îa  terça  persona  del  plural  ditz  hom  so,  axi  com 
qui  volia  dir  eu  suy  heylls^  0  aquelt  so  beyL  E  per  ço  vos  ay  parlât  d'estas 
duaz  personas  car  man  trobador  an  mesa  la  una  persona  per  [rjaltra  ', 

41.  Atressi  hi  ha  autres  paraules  de[lj  verb  en  que  li  plus  dels  tro- 
badors  han  fallit,  e  axicon  îray^  atray^  rtiray^  Ut,  retre*  mtynscre,  dtscn, 
parti,  sofri,  trahi,  vl  Per  ço  cor  en  aquestes  très  paraules  han  fallit  H 
plussor  dels  trobadors,  parlar  vos  n'ay  per  xasiîar  los  trobadors. 

42.  E  devetz  saber  que  estray^  tray,  atray,  retray,  son  de  presentz 
temps  e  del  indicatiu  e  de  la  terça  persona  del  singular.  E  deu  las 
hom  dir  axi  com  qui  dezia,  a^uell  tray  h  cavall  del  stable,  aqud  retray 
bonas  noms^  aquett  se  tray  de  ço  ifiie  havia  promcs,  aqtitli  atray  gran  bt  aïs 
seus.  —  £n  la  primera  persona  deu  hom  dir  :  eu  trach  lo  cayali  del  stable^ 


j8.— 1  Dans  G.  Us  motsàth  manquent,  a  te  commtnanunt  de  ta  phrase  laqestas... 
bcs)  tst  mal  ù  propos  rattaché  a  l'alinéa  précédent.  —  2  Vestrada  et  nostrada 
manquent ^  }c  crois  avec  raison ,  dans  G. 

40.  —  I  Aiseï  différent  et  plus  complet  dans  G.  qui  donni  toute  ta  conjugaison 
du  prisent. 


î{0  p.  MEYER 

eu  retrach  boues  noves,  eu  m*estraclt  de  ço  qutus  havia  promes,  eu  atrich 
gran  be  amasK  [G.  p.  82]  On  en  Bemat  de  Veniador  fallich,  en  ajû  que 
mes  la  terça  persona  ^r  prima  en  dos  canta[r]St  en  aquell  qui  dig  :  Er 
cant  vey  la  fulia  \  Jus  àeh  arbres  caser;  e  atressi  en  aquell  qui  dix  :  Eras 
no  vey  luzir  sokyL  Del  primer  cantar  falli  en  aquella  cobla  : 

Ja  madona  nous  maravellcs  ' 

Contra  \o  da[mj{>[natjge 

E  h  pena  qu'eu  tray, 

Axi  dix  tray,  e  degra  dir  trach.  E  en  Paître  falIic  en  aquella  cobla  que  dix: 
Ja  madorra  nos  tnaravell 
Sîl  prech  quem  do  s'amor  nim  vay 
Contra  la  fealdatz^  quem  retray. 

Perque  aço  es  mal  dit.  E  atressi  [degra]  dir  eu  tray  per  vos  gran  ma/, 
E  per  aventura  mant  hom  dira  no  pogra  dir  trac  ne  retrach^  que  la 
rima  anaba  en  ay,  E  aquell  deu  hom  respondre  que  ell  degra  cercar  pa- 
raules  en  ay  que  nofossen  biaxades  ni  falsadesen  persona  ni  en  cas.  Que 
s'estray^  aîray  ditz  hom  en  aquella  guisa  matexa, 

4î.  Atressi  matex  so  de  présent  temps  e  del  indicatiu  e  de  la  terça 
persona  e  del  singular  cre,  descre^  mcynscre  ;  e  en  la  primera  persona  ditz 
hom  crey^  descrey,  mescrey.  E  ayta  mal  estay  qui  diu  eu  cre  o  aqudl  crty 
a  la  nostra  parladura,  com  qui  desia  eu  ve,  a^jueîl  vey^  m^amia^  car  en 
la  primera  persona  ditz  hom  vey,  e  en  la  terça  ditz  hom  ve^  atressi  ditz 
bom  en  la  primera  [G.  p.  8^]  crey^  e  en  la  lerça  ditz  hom  cre\  e  atres» 
ditz  hom  de  totz  los  autres.  On  en  Guerau  de  Bomell  hi  falli  en  la  sua 
bona  canço  qui  dix  Cernante*  \  Sens  JaUimen  |  Un  xan  vatten.  en  aquella 

cobla  qui  ditz 

De  no 

M'en  vau  melea 
Per  sobiardiment 
Etï  burda 
Maiitengiida 
Qutn  tray 
Vos  tayî  âssay 
Que  a  ta  mia  fie 
Be  c«.»**, 

Aquest  crt^  que  es  de  la  terça  persona,  pausa  ell  per  la  primeyra, 
per  que  fallich  malamen.  —  Atressi  men^  blasmi  en  Peyrol  qui  dix 
Ezcnam  la  con  h  mia  fe 
Quant  vey  mon  d anges  mi  matex  non  en. 


42.  —  i  Con.  als  mieus.  —  2.  Errmr  du  copiste^  car  ce  nrs  appartieM  à  là 
citation  d'apris.  —  3  Corr.  bay  .,.  foldal. 

43-  —  I  Corr,  Gen  m'aten,  La  cuaim  qui  suit  est  loaU  corrompue.  —  2  m*m 
ou  ne? 


TRAITÉS    CATALANS    DE   GRAMMAIRE    ET    DE    POÉ-PïQilE  ^^l 

E  en  Bemat  de  Venta dom  qui  dix 

Totas  las  duplc  las  mynure. 
En  altre  loch  on  dix 

E  per  pauch  de  joy  nom  nae, 
A  luyt  aquest  cre  devon  dir  cnj  meynscrey^  recuy;  perque  luy  aquisl 
an  failli  en  aco. 

44.  [G.  p.  84]  Atressi  te  dich  que  sofriy  feri,  trahi,  vi,  noyri,  e  totaz 
aquellas  d*aquesta  natura ,  son  del  présent  temps  e  del  indicatiu,  e  de  la 
primera  persona  de!  singular;  e  en  la  lerça  persona  ditz  hom  :  prmck\ 
fefrich^  fench,  grazich,  vich.  Don  en  Fofques  fallich  qui  dix  en  la  terça 
persona  trasi,  en  aquella  canço  qui  dix  :  Aran  gens  veus,  en  abtanî  pauch 
d*afayn  en  aqoella  cobla  que  dix 

Que  aura  mays  aytan  de  bona  fe 
Canl  mays  mils  si  maiex  no  trasi 

Aquest  îrasi  es  ditz  en  la  terça  .persona  per  îrasic^  es  hom  en  la  pri- 
mera persona  ditz  îrasi  ;  e  atressi  matex  de  totz  les  autres  d'aquesta 
natara;  e  trac  vos  en  semblan  en  P.  Vidai  que  dix,  en  la  terça  persona, 
C'AIexandris  trasic..,.. 

Lo  quai  dix  be  ço  que  dir  dévia,  perque  séria  ayta  mal  dix  aquell  n 
m  home^  oauci,  0  feri  un  home,  co  qui  desia  eu  vfV/i,  o  eu  fisch^  un  home 
£  atressi  matex  faras  de  tots  los  autres  semblante  a  aquestz.  Perque 
podeu  assatz  entendre,  pus  eu  vos  ay  probat  que  aytant  bon  trobador 
hi  son  fallitz,  H  malvat  en  que  y  podon  errar,  E  qui  be  ho  volrra  enten- 
dre o  esgardar  primament,  d'aquestz  irobadors  meteys  en  irobara  mays 
de  malvadas  paraulas  qu*eu  non  ay  dicbas,  e  d^altres  mays  qy*eu  non 
sabria  dir  ne  conexer,  ne  nulls  homs  primz  per  be  conexem  que  fos,  si 
forlmeni  no  s'i  treballaba^ 

45.  Las  autras  paraylas  del  verb,  per  ço  cor  eu  no  sabria  dir  totas 
aquellas  sens  gran  alTayn,  totz  homz  prims  las  deu  gardar  be,  e  usar 
com  auzira  las  genz  parlar  d'aquellas  terras,  e  que  deman  a  aquelîs  qui 
han  la  parladura  regoneguda ,  e  que  esgar  los  bons  irobadors  com  las 
han  dichas,  car  yl  no  podon  haver  sauber  gran,  meyns  de  gran  us,  si  tôt 
sesaben  Part  '. 

46.  [G,  p.  8jj  Per  haver  maior  entendiraen,  vos  vull  dir  que  paraules 
hi  ha  don  hom  pot  far  dos  manz',  axi  com,  leyaly  cal^  eau,  vikn^ 
cascu  sino  pot  hom  dir  quant  le  leyal  canço  ^   E  axi  trobam  que  ho 

44,  —  I  Corrompu.  —  2  Corr,  ferich.  —  j  ^  fif^i  depuis  perque  podeu^ 
di^trt  unstbUment  de  G.,  C'â-d,  du  ms,  de  la  LâurcntumUj  mais  est  à  peu  prts 
idatti^ae  à  la  Uçon  du  ms.  Rkc, 

4^.  —  A  p£u  prh  idcnùam  à  Ricc.  U  texte  correspondant  dt  G.,  dtpms  e  usar 
com  auzira,  tu  tnmttlligible, 

46.  —  I  Us.  avec  G.  rimas.  —  2  Cela  n*a  aucun  sens;  lisez  awit  G.  \^i\, 


;ç2  P.   MEYER 

han  menât  li  trobador.  Mas  li  primer ,  ço  es  lakn ,  ieyal  canso,  lo  pus 
dretî*  Vilan  sinssufrens  meyis  laugeramem^. 

47.  Dit  vos  ay  en  quai  loch  del  nom  en  que  hom  ditz  mel  e  cera  ^  ; 
ereus  vull  dir  que  cani  son  verb  ditz  hom  meyhTfpeyn^,  ayso qu'en îvolia 
dîr  eu  millor  0  eu  peior, 

48.  Perque  totz  homs  prims  qui  be  vulla  trobar  e  entendre  deu  ben 
haver  esgardadas  e  regonegudas  e  privadas  las  paraulas  de  Lemozi,  e  de 
las  terras  qu'eu  vos  ay  ditas  ^  e  que  las  sapia  abreujar  e  allongar  et  va- 
reiar  e  dreyt  dir  per  tots  los  lochs  qu'eu  vosay  ditz;  e  deu  si  ben  gardar 
que  per  nenguna  rima  que  mesler  haia  no  la  meta  fora  de  sa  proprietat, 
ni  de  son  cas»  ni  de  son  genre,  ni  de  son  nombre,  ni  de  sa  pan,  ni  de 
son  nominatiu  ^  ni  de  son  temps  ni  de  sa  persona,  [ni  de  son  alonga- 
men],  ni  de  son  abreujament. 

49.  E  atressi  matex  deu  guardar,  si  vol  far  un  cantar,  0  un  romane, 
que  diga  raso  e  parladures  continuades  e  propies  e  avinents,  e  que  son 
cantar  ne  son  romane  no  sien  de  paraules  biaxadcs  ni  de  dues  parladu- 
ras,  ni  de  razos  mal  continuades  ni  mal  seguides,  E,  per  exempli,  axi 
com  en  Bemat  de  Ventadorn  dix  que  tant  amava  si  doms  que  per  re  no 
s'en  podia  partir  ne  s'en  partira.  E  en  la  quinta  cobla  ex  dix 

Als  altras  soi>  huy  mays  escazeguts  * 
Cascuoa  pot  sis  vol  a  ses  ops  cayre^, 

^0.  Et  tuyt  ceyll  qui  dizon  amich  per  enemkh  »  e  mey  per  me,  e  man- 
îentr  e  reîmir  erengcr^,  han  fallit,  can  paraulas  francesasson,  no  les  deu 
hom  mesclar  ab  les  leraozinas,  ni  aquestas  ni  negunas  altras  francesas. 
E  de  las  paraules  biaxades  dix  eu  P.  d'Alvergeu'  [G.  p.  86]  amich  per 
amicks,  e  xasû  per  xastichs^i  ez  eu  no  crey,  que  terra  sia  el  mon  hon 
hom  diga  aytals  paraulas,  mas  el  comdat  de  Fores.  E  si  be  ço  es»  per 
un  petit  de  terra  no  deu  hom  acullir  aytals  paraulas  K  Ez  eu  no  puch  dir 
ges  toias  las  paraulas  malvadas,  ne  las  rayzos,  mas  tant  ne  cuig  dir,  que 
tolz  homz  prims  quis  vulla  aprimar  en  aquesi  saber  **, 


talen,  vilan,  canson,  fin  ;  e  pot  hom  ben  dir,  quis  vol,  Itâu,  talan  vila,  chanso, 
fi.  —  }  Us,  so  li  p.  d,  —  4  G,  Vilan,  fin.  sufreti  miels  abreviamen, 

47.  — CuFUusc  jûMi  de  copiste.  G.  melhor  0  pcjor,  eraus.,  It  copiite  a  iU 
trompé  par  la  yrtmàrt  syli,  dt  melhor  et  par  era,  tt  en  a  fait  mel  e  cera.  —  î  Us, 
avec  G,  peior.  —  j  G.  aisi  con  qî. 

48.  —  1  Les  derniers  mois  sont  conformes  à  la  leçon  de  Rice,  —  i  Mieux  G.  ni 
de  son  mot. 

49.  —  Ort  conçoit  que  B  de  Vent,  a  dâ  dire  A  las ...  cscazutz.  —  2.  Lis.  traire, 
jo.  —  I  Cela  n'a  aucun  sens;  G,  amis  per  amies.  —   2  G*   e  mantenir  per 

mantener,  e  retenir  per  rctener.  —  ^  Mimt  leçon  que  dans  Rice.;  le  texte  de  C. 
à  cet  endroit  est  corrompu  et  tra^abrigc.  —4  Rici,  {etcUst,  je  pense^la  bonne  leçon): 
amru  per  amie,  castiu  per  castic.  —  5  Esi  be.,,  p3iT3iU\as  manque  dans  Ricc,  aussi 
bien  que  dans  G.  La  leçon  du  ms,  Rice.  se  termine  par  la  critique  de  quelques  vers  de 
P.  Raimon  de  Toulouse  et  de  Gaacelm  FaidÏL  —  6  Celte  phrase  mmque  dans  Rtec.; 


TRAITÉS   CATALANS   DE   GRAMMAIRE    ET   DE    POÉTrqUE 

PUzens  plasers^  tant  vos  am  eus  dezir 
Que  res  nom  pot  plazer  ses  vos  nim  platz, 
Pecar  farelz  doncs  si  m  volets  auzirj 
Pus  al  s  nom  platz,  nem  pot  abellir  ; 
i  Qu*cu  fora  richs  sim  dexasalz  sofrir 
Qu'eu  vos  prcgas  ans  c'allrem  fazes  gay. 
Bem  poriatz  storcre  de  morir 
Sol  queu  pbgues  mos  fis  prechs  retenir, 
Ë  far  sembbn  co  m'en  pogues  fauzir  ; 
10  E  sius  volgues  que  altran  volgues  may'. 


Hî 


II.  ^-  Domina  de  compontlre  dictât  s, 

Ce  petit  traité,  ou  doctrinal,  comme  on  disait  jadis,  contient  rexposé  som- 
maire, mais  très-précis,  de  seize  genres  de  poésie.  Dans  une  première  partie 
(§§  2  i  (8)  l'auteur  fait  connaître^  pour  chacun  de  ces  genres,  la  matière  qu'il 
comporte  et  !a  forme  qui  lui  est  propre  ;  puis  il  dit  un  mol  de  la  musique  qui 
lui  convient.  Dans  une  seconde  partie  (§§  19  à  53)  il  explique  le  nom  de  chacun 
de  ces  genres  :  en  d'autres  termes,  il  donne,  avec  plus  ou  moins  de  succès, 
rétymologie.  La  *  doctrine  pour  composer  ditiés  »  (ainsi  pourrait-on  traduire 
le  titre  en  ancien  français)  se  donne  comme  étant  une  dépendance  des  t  Règles 
de  trouver  1  de  Raimoo  Vidal,  à  la  suite  desquelles  elle  se  trouve  placée  dans 
le  ms.  En  efct  par  ces  mots  du  §  1  :  «  per  les  rahons  dessus  dites  quez  eu  t'ay 
mostrades  •  l'auteur  se  rattache  à  un  traité  précédent,  qui  ne  paraît  pas  être 
autre  que  celui  de  R.  Vidal  ;  et  les  mots  «  quez  eu  t'ay  mostrades  >  semblent 
indiquer  que  l'auteur  du  second  traité  est  aussi  celui  du  premier.  En  outre 
remploi  du  mot  «  règles  »  dans  le  dernier  g  (•  axi  son  complides  les  dites  r;^/<i  ») 
paraît  établir  un  rapport  avec  le  titre  du  premier  traité  «  Lasr^^/^^detrobar», 
Enfin  il  faut  reconnaître  que  les  t  Règles  pour  trouver  j«  justifient  assez  peu 
leur  titre,  et  que  ïe  court  traité  dont  le  texte  suit  en  forme  assez  naturelleraenl 
ie  complément. 

Il  y  a  donc  des  raisons  d'une  certaine  valeur  pour  attribuer  la  Doctrina  ât 
corn ponàn  dictais  à  R.  Vidal.  Cependant  je  ne  me  prononcerai  pas  à  cet  égard. 


dit  lit  amst  conçut  dans  C,  {ms.  Lmr.\  :  E  ieu  non  puesc  ges  aver  auzidas  totas 
las  paraulas  del  mon,  mas  en  se  qe  a  estât  dig  mal  per  manz  trobadors  ni  las 
malvazas  razons  ;  pero  gran  ren  en  cug  aver  dig  en  tant  per  qe  lotz  homs  prims  s'en 
poira  aprimar  en  aquesl  libre  de  irobar  e  d  entendre  0  de  dir  o  de  respondre. 
tctti  Uçon  nUst  pas  trh-corrtctt ^  ainsi  d  faudrait  jt  crois  saber  au  liiu  dt  libre; 
tiU  peut  néanmoins  servir  à  corriger  ceite  de  Madrid,  où  il  y  a  lieu  de  restituer  s'en 
poira  aprh  vulla  à  moins  de  supposrr  qia  la  fin  de  la  pkrasi  a  été  omise. 

1 .  Je  ne  sais  pas  du  tout  de  qui  peuvent  être  eu  vers  qui  me  paraissent  bien  peu 
dignes  de  Raimon  Vidal  et  même  de  tipoque  où  il  vivait.  Il  y  faut  faire  les  ratiiU' 
Uons  suivantes  :  V.  3^  Pecat  ;  —  v.  4  ni  nom  p,;  —  v.  ^  s.  denhesselz  ; 
—  V.  6,  altram  ;  —  v.  7,  estorscr;  —  v,  8,  queus  p.;  —  v.  to,  allram 
?algues. 


Romania^  Vt 


n 


354  ^'  MEYER 

imitant  la  sage  réserve  de  M.  Mii»',  qui  remarque  que  teb  des  genres  mention- 
nés par  ce  petit  traité,  par  ex.  la  gelozcsca^  semblent  dénoter  plutôt  la  fin  du 
Xin«  siècle  que  le  commencement.  Je  n'insiste  pas  sur  ce  point  parce  que  la 
gelozacd,  pour  ne  nous  avoir  été  connue  jusqu'i  présent  que  par  un  texte  des 
Uys  d'amors  (I,  350),  pourrait  cependant  avoir  été  en  usage  depuis  une  époque 
assez  ancienne.  Mais,  ce  qui  me  frappe  par  dessus  tout,  c'est  la  différence  de 
ton  et  de  manière  qui  existe  entre  la  Doctrina  et  les  Règles,  Autant  la  première 
est  méthodique  et  systématique,  autant  les  Règles  sont  libres  d'allures,  se  pré- 
sentant un  peu  au  hasard,  sans  plan  déterminé,  s'étendant,  se  développant  selon 
la  fantaisie  de  l'écrivain.  L'auteur  de  la  Dodruia  est  un  simple  maître  d'école  ; 
l'auteur  des  Règles  est  un  poète  ou,  à  tout  le  moins,  un  homme  d'imagination 
autant  que  de  sens.  Il  me  semble  que  si  Raimon  Vidal  avait  écrit  la  Doctrina^ 
il  eût  accompagné  ses  définitions  de  remarques  où  on  eût  retrouvé  le  cachet  de 
son  esprit  vif  autant  que  judicieux,  et  surtout  qu'il  les  eût  appuyées  d'exemples. 
Si  la  Doctrina  est  de  lui,  nous  pouvons  être  assurés  que  nous  n'en  avons  que  le 
résumé  ou,  si  l'on  veut,  le  squelette. 

Il  est  intéressant  de  comparer  les  définitions  de  la  Doctrina  avec  celle  des  Leys 
d*amors.  Cette  comparaison,  dans  le  détail  de  laquelle  je  ne  puis  entrer  ici,  sera 
facilitée  par  le  tableau  de  concordance  qui  suit  : 


cansOj  2,  18  ; 

Cf.  Uys 

,  I,  340; 

vers,  },  19; 

— 

1,338; 

/flyi,4,  20; 

> 

> 

sirventeschf  5,  21  ; 

— 

I.  540  ; 

retronxa,  6,22  ; 

— 

1.546; 

pastora.T,  23; 

— 

1.346; 

dança,  8,  24; 

— 

I,  )4o; 

/»/û/?r  (planh),  9,  [25]; 

— 

1,356; 

alba,  10,  26  ; 

1 

gayta,  11,  27; 

» 

estampida,  12,  28; 

• 

sompni,  13,  29; 

1 

gelozesca,  14,  3°; 

» 

discort,  1$,  31  ; 

— 

U  342; 

cobles  es  par  ses,  16,  32  ; 

1 

1» 

tenso,  17,  33 

— 

I,  344- 

Les  Leys  traitent  en  outre  du  partimen  (I,  344),  soigneusement  distingué  de 
la  tenson,  et  de  l'escondig  (I,  348).  Elles  mentionnent  sommairement  le  sompni^ 
la  gilozesca  et  Vestampida  (I,  348  et  350)  sans  les  définir,  et  donnent  des 
exemples  de  câblas  esparsas  dans  la  partie  des  rimes  (I,  174)  et  dans  celle  des 
couplets  (I,  252-4).  Quant  au  lays,  à  Valba  et  à  la  gayta,  les  Uys  n'en  parient 
point.  Ces  trois  formes  existaient  pourtant  dès  la  plus  belle  époque  de  la  poésie 
provençale  ;  les  deux  dernières  empruntées  à  la  poésie  populaire,  la  première 
empruntée  selon  toute  apparence  au  français.  Ce  qui  est  à  noter  ici,  c'est  que 
le  layjs  est  décrit  comme  un  genre  de  poésie  consacré  à  des  sujets  pieux,  ou  do 

I.  Revista  de  Archivas  y  20  octobre  1876. 


TRAITÉS    CATALANS    DE    GRAMMAIRE    ET    DE    POÉTIQUE  }^<i 

oioifis  moraux  (g  4  cl  20).  Le  lai  français  et  les  dcxix  lais  provençaux  que  nous 
possédons  *  ne  sont  nullement  dans  cette  direction  Mais  il  y  cul  des  lais  répon- 
dant â  la  description  de  la  Docînna,  celui  par  exemple  que  Raimon  Féraut  dit 
avoir  composé  sur  la  Passion  : 

Cell  que  vole  romaniar  la  vida  sant  Alban, 

Ë  los  verses  del  ky  fetz  de  la  Passion. 

Les  différences  dans  les  définitions  sont,  à  mon  avis,  assez  marquées  pour 
qui!  y  ail  lieu  de  considérer  les  deux  traités  comme  loutà  fail  indépendants  Tun 
de  l'autre  Je^rois  la  Doctnna  antérieure  aux  Uys^  et  je  ne  crois  pas  que  les 
auteurs  des  Uys  aient  connu  la  Dodnna  :  il  y  a  là  une  raison  de  plus  pour 
n'attribuer  point  à  R   Vidal  la  Docitina. 

DE  DOCTRINA  DE  COM PENDRE  ^•DICTATS, 

i .  Aço  es  manera  de  doctnna,  per  la  quai  poras  saber  e  conexer 
queescançQ,  vers,  lays,  serventesch,  retronxa,  pastora,  dança,  plant, 
alba,  gayta,  esiampida,  sompni,  gelozesca,  discort,  cobles  esparses, 
!  îenso;  per  la  quai  raho,  per  les  rahons  dessus  dites  quez  eu  fay  mos- 
irades,  poras  venir  a  perfectio  de  fer  aquesîes  sens  errada,  ses  repren- 
dimen,  corn  fer  ne  volrras. 

2.  E  primeramenl  deus  saber  que  canço  deu  parlar  d'amor  plazen- 

menl,  e  polz  mètre  en  ton  parlar  eximpli  d'altra  rayso,  e  ses  maldir  e 

ses  lauzor  de  re,  sino  d'amor.  Encara  mes,  deus  saber  que  canço  ha 

ûbs  e  deu  haver  cinch  cobles  ;  eyxamen  n'i  potz  far,  per  abeylimen  e  per 

complimen  de  raho,  sis  0  set  0  vuit  0  nou,  d'aquell  compte  que  mes  te 

placia.   E  potz  hi  far  una  tornada,  0  dues,  quai  te  vulles,  E  garda  be 

que  en  axi  corn  començaras  la  raho  en  amor,  que  en  aquella  manera 

atexa  la  fins  be  e  la  seguesques  ;  e  dona  li  so  noveyl  co  pus  beil  poras* 

^  »  Si  vols  far  vers,  deus  parlar  de  veritaiz,  de  exemples  e  de  prover- 

bis  0  de  lauror  ^  no  pas  en  semblant  d'amor;  e  que  en  axi  corn  comen- 

içaras,  ho  prosegiiesques  eu  fins,  ab  so  novell  toia  vegada.  E  aquesta  es 

îh  dîferencia  que  es  entre  canço  e  vers,  e  que  la  una  rayso  no  es  sem- 

^blant  de  l'altra.  E  cert  ayiames  cobles  se  cove  de  far  al  vers,  com  a  ta 

canço,  e  ayiantes  tornades. 

4.  Si  vols  fer  lays,  deus  parlar  de  Deu  e  de  segle,  0  de  eximpli  0  de 
proverbis  de  laurors  $e&  feyment  d'amor,  qui  sîa  axi  plazent  a  Deu  co  al 
segle;  e  deus  saber  ques  deu  far  e  dir  ab  coniriccio  tota  via,  e  ab  so 


1,  Le  Ui  Markhi  et  le  lai  nom  par  (sans  pair)  dans  le  ms.  fr.  rj6ij, 

RUBRIŒJE.  Sans  doute  pour  compondre,  composer. 

J.  —  I  Lauror  pour  lauzor  €  louange*,  k  sens  ne  paraît  pas  douteux;  cf.  plaren, 
K.  Vidal  jj  1 1.  Toutefois  f  au  §  suivant  le  mime  mot  reparaît  n*  étant  plus  préddi  tPo^ 
a^ui  pourrait  faire  penser  aux  proverbes  des  laboureurs^  proverbis  ae  lauradors. 


^6  p.  MEYER 

novetl  e  plazen,  o  de  esgleya  o  d'autra  tnanera*  E  sapies  que  y  ha  ines- 
ter ay tantes  cobles  corn  en  la  canço,  e  aytantes  lomades;  e  segueîx  la 
raho  e  la  manera  axi  com  eu  t'ay  dit. 

$.  Si  vok  far  sirventz,  deusparlar  de  fayt  d'armes  esenyaitadament  S  o 
de  lausor  de  senyor,  o  de  mal  dit  o  de  qualsque  feyts  qui  novellament 
se  tracten;  e  començaras  ton  cantar  segons  que  usaran  aquells  deU 
quais  ton  serventez  començaras;  e  per  proverbis  e  per  exemples  poretz 
hi  portar  lez  naturaleses  que  fan^  o  ço  de  que  fan  a  rependre  o  a  lausar 
aquells  dels  quais  ton  serventez  començaras,  E  sapîes  quel  polz  fer  d'ay- 
tantes  cobles  co  latin  d'aquetz  camars  que  t*  he  mostratz,  e  potz  lo  far 
en  qualque  so  le  vulles,  e  specialment  se  fa  en  so  novell,  e  maiorment 
en  ço  de  canço.  E  deus  lo  far  d*aytantes  cobles  com  sera  lo  cantar  de 
que  pendras  b  so  ;  e  potz^seguir  las  rimaz  contra  sembîantz  del  cantar 
de  que  pendras  lo  so;  airesi  lo  potz  far  en  altres  rimes. 

6.  Si  vols  far  retronKa^  sapies  que  deus  parlar  d^amor,  segons  Testa- 
ment  en  quen  seras,  sia  piazen  o  cosiros  ;  e  no  y  deus  mesclar  altra 
raho.  E  deus  saber  que  deu  haver  quatre  cobles,  e  so  novell  tota  vegada, 
E  deus  saber  que  per  ço  ha  nom  retronxa  car  lo  refray  de  cadauna  de 
ies  cobles  deu  esser  totz  us.  J 

7.  Si  vols  far  pastora,  deus  parlar  d'amor  en  aytal  semblan  com  eu  te" 
ensenyaray,  ço  es  a  saber,  si  t'  acostes  a  pastora  e  la  vols  saludar,  0 
enquerer  0  manar  0  corleiar,  0  de  quai  razo  demanar  0  dar  o  parlar 
Il  vulles*  E  potz  11  mètre  altre  nom  de  pastora,  segons  lo  bestiar  que 
guardara,  E  aquesta  manera  es  clara  assalz  d'entendre,  e  potz  ïi  fer  sîs 
0  vuît  cobles,  e  so  novell  0  so  esirayn  ya  passât. 

8.  Si  vols  far  dança,  deus  parlar  d'amor  be  e  plaseniment  en  qualque 
esiameni  ne'  sies.  E  deus  li*  fer  de  deutz  ni  cobles?  e  no  pus.  e  res- 
post,  una  o  dues  tornades,  quai  te  vuUes;  loies  vegades  so  novell  E 
potz  fer,  sit  vols,  totes  les  fins  de  les  cobles  en  refrayn  semblan.  E 
aquella  raho  de  que  la  començaras  deu  continuar,  e  be  servar  al  comen- 
çament,  al  mig  e  a  la  fi. 

9.  Si  vols  far  plant  d'amor  0  de  iristor,  deus  la  raho  conlinuar;  e  pot 
lofer  en  quai  so  te  vulles,  salvant  de  dança.  E  atressi  potz  lo  fer  day- 
tantes  cobles  con  ia[s]  dels  damunt  dits  cantars,  e  encontra  semblés*  0 
en  dessemblants;  e  no  y  deus  mesclar  altra  raho  si  no  piahien,  si  per 
compacio  no  y  ho  podies  portar.  ■ 

10.  Si  vols  fer  alba,  parla  d'amor  plazentmenl;  e  atressi  lauzar  lar 
dona  on  vas  0  de  que  la  faras;  e  bendi  l'alba  si  acabes  lo  ptazer  per  lo 


j.  —  i  Con.  d'enseoyament? 

»,  -*  I  Corr,  que?—  2  la? —  3  Carr.  dcdeniz  .iiif.  cobles? /f^  Ltf s spicifitiU 


trois  coiipi€ts, 
9.  —  I  Cûrr.  en  contrasembïants  ;  cf,  la  fin  du  ^  ^ 


TRAÏTÉS  CATALANS    DE    GRAMMAIRE    ET    DE    POÉTIQUE  Î5  7 

-  qaal  atnes'  a  ta  dona.  E  si  no  1'  acabes,  fes  Palba  blasman  la  dona  e 
l^alba  on  anaves.  E  potz  hi  fer  aytantes  cobles  com  te  vulles,  e  deus  hi 
fer  so  novell. 

n.  Si  vols  fer  gayta^  deus  parlar  d'amor  o  de  ta  dona,  desigan  (?)  e 

serablan  que  la  gayta  te  pusca  noure  o  valer  ab  ta  dona,  e  ab  lo  dia  qui 

sera  avenir ',e  deus  !a  far  on  pus  avinentmeni  pugues»  preyan  totavia  la 

>  gayta  ab  la  dona  que  t'  ajut  ;  e  pot^  hi  far  aytantes  cobles  com  te  vulles  ;  e 

deu  baver  so  novelL 

î2.  Si  vols  far  estampida,  potz  parlar  de  qualqiie  fayt  vulles»  blasman 
kolauzan  o  merceyan,  quîi  vulles;  e  deu  haver  quatre  cobles  e  respone- 
dor,  e  una  o  dues  tornades,  e  so  novelL 

I  ^ ,  Si  vols  far  sompni,  deus  parlar  d'aqueiles  coses  quit  seran  vijares 
que  haies  somiades,  vistes  o  parlades  en  durmen  ;  e  potz  hi  far  cinch  o 
sis  cobles^  e  so  novell. 

14.  Si  vols  far  gelozesca,  deus  parlar  de  gelozia,  reprenden  0  con- 
trastan  de  fayt  d'amor^  e  deu  haver  responedor^  e  quatre  cobles,  e 
una  o  dues  tornades,  e  so  noveyll  0  estrayn  ya  feyt. 

1 5»  Si  vols  far  discort,  deus  parlar  d'amor  coma  hom  qui  n^  es  désem- 
parât; c  coma  hom  qui  no  pot  haver  plaser  de  sa  dona  e  vîu  turmentatz  ; 
e  que  en  lo  cantar  Ha  hon  lo  so  deuria  muntar,  qu'il  baxes.  E  fe  lo  Con- 
tran de  toi  Taltre  cantar.  E  deu  haver  très  cobles,  e  una  0  dues  tor- 
nades e  responedor.  E  potz  mètre  un  0  dos  motz  mes  en  una  cobla  que 
en  altra,  per  ço  que  mils  sia  discordant. 

16,  Si  vols  fer  cobles  esparses  potz  les  far  en  qualso  te  vulles;  e  deus 
seguir  las  rimes  del  cant  de  que  trayras  lo  so,  E  atressi  les  potz  far  en 
altrcs  rimes;  e  deven  csser  dues  0  très  cobles,  e  una  o  dues  tornades. 

17.  Si  vols  far  tenso,  deus  la  pendre  en  algun  so  que  baia  bella  nota, 
e  potz  seguir  les  rimes  del  cantar  o  no.  E  potz  fer  quatre  0  sis  cobles  0 
vuit,  sit  vols, 

r8*  Encara  mays  te  vull  mosirar,  per  çaque  stes  pus  entendenz  en  ion 
irobar,  que  canço  es  appellada  canço  per  ço  con  es  causa  naturaîment 
pauzada  en  manera  de  cantar;  e  per  homens  autz  e  bays,  ço  es  saber 
que  a  totz  aquells  platz  pretZj  amors  e  cortesia  e  solaç,  ensenyamentz,  e 
tôt  ço  que  ella  parla. 

19.  Vers  es  appellatz  per  ço  vers  cor  parla  de  proverbis,  e  de  razonz 
naiurals,  de  eximplis  de  veriiats,  de  presemz  temps,  de  passât  e  de  esde- 
vcnidor, 

20.  Lays  es  appellat  per  ço  lays  quis  deu  far  ab  gran  contriccîo,  e  ab 
gran  movîmem  de  cor  vers  Deu  0  vers  aycetlas  causas  de  que  volrras 
parlar. 


10.  —   I  aiiiest? 

1 1  -  —  I  Les  idées  h  suivent  mal;  je  soupçonne  quelque  lacune. 


}{8  TRAITÉS  CATALANS    DE   GRAMMAIRE    ET   DE   POÉTIQUE 

21.  Serventelz  es  dit  per  ço  servenletz  per  ço  com  se  serveii  e  es 
sotsmes  a  accueil  cantar  de  qui  pren  lo  so  e  les  rimes  ;  e  per  ço  cor  deu 
parlar  de  senyors  o  de  vasails,  blasman  o  casiigan  o  lauzan  o  mostran, 
0  de  faytz  d'artnes  o  de  guerra  o  de  Deu  o  de  ordenances  o  de  novelle- 
lau. 

22*  Retronxa  es  diia  per  ço  retronxa  per  ço  cortotes  les  cobles  deven 
esser  estronçades  a  la  fi;  e  per  ço  lo  refrayn  de  la  primeyra  cobla  ser- 
veix  a  toies  les  altres  cobles. 

2^  Pastora  es  dita  per  ço  pastora  cor  pren  hom  lo  cantar  de  aquella 
persona  de  qui  hom  lo  fa  ;  e  pot  esser  dita  pastora  si  la  persona  garda 
oveylles  o  oques  '  o  porchs  o  d'alires  diverses  bestiars. 

24.  Dansa  es  dita  perço  com  naturaimeni  la  diiz  hom  dança[n]  0  bayl- 
lan,  car  deu  [aver]  so  plazent;  e  la  ditz  hom  ab  esturment,  c  plau  a  cascus 
que  la  diga  e  la  escout. 

[25.  Plant....] 

26.  Alba  es  dita  per  ço  aîba  car  pren  nom  lo  cantar  de  la  ora  a  que 
hom  lo  fa ,  e  per  ço  cor  se  deu  pus  dir  en  Talba  que  de  dia, 

27.  Gayta  es  dita  per  ço  gayta  cor  es  pus  covment  a  fer  de  nuyt  que 
de  dia,  per  que  pren  nom  de  la  hora  que  hom  la  fa. 

28.  Stampida  es  dita  per  ço  stampida  cor  pren  vigoria  en  contan  0 
en  xaman  pus  que  null  autre  cantar. 

29.  Sompni  es  appellat  per  ço  sompni  cor  îo  cantar  parla  de  ço  que 
Il  par  que  havia  vîst  de  nuyt,  0  ha  auzit  en  sompnian. 

îo.  Gelouzesca  es  dita  per  ço  geïouzesca  per  ço  cor  gelozamen  parla 
de  ço  que  dir  vol,  con!rasta[n]  ab  alguna  persona  en  son  cantar. 

ji.  Discort  es  dit  per  ço  discort  cor  parla  discordament  e  reversa,  e 
es  contrari  a  lotz  altres  cantars,  cor  gita  de  manera  ço  que  diu. 

52,  Cobles  esparsesson  dites  per  ço  cobles  esparses  cor  se  fan  espre- 
sament  en  quai  so  te  vullcs.  Empero  convesc  que  li  seguesques  hom 
manera  axi  coma  canço. 

3  ] .  Tenso  es  dita  tenso  per  ço  com  se  diu  contrastan  e  disputan  sub- 
lilmen  lo  un  ab  l'altre  de  qualque  raho  hom  vuUa  cantar. 

Î4.  E  axi  son  complides  les  dites  règles  ordenades  per  doctrina  en 
trobar,  per  la  quai  doctrina  cascus  qui  be  les  gari  e  les  veja,  si  es  sub- 
til  dVniencio,  pora  leugerament  venir  a  pcrfeccio  de  la  an  de  uobar. 


4 


i 


(A  sume.) 


Paul  Meyer. 


2j,  —    i  prov,  aucas,  desoits. 
j2.  —  I  Con,  conven. 


LA    NOVELLA    BOCCACGESCA 


DEL  SALADINO  E  Dî  MESSER  TORELLO. 


Parccchî  scritli  si  vedono  addotli  dagli  indagatori  délie  origini  del 
Decamerone  per  illusirare  la  Novella  9'  délia  x"  giomau  :  VAn'eniuroso 
CiciUano,  il  Condt  Lucanor^  e  varie  versionid'un'avveniurameravigliosa 
di  Carlo  Magno  K  Quesi'  awantura  —  un  ponentoso  ritorno,  che  préserva 
rimperatrice  dalP  aver  due  mariti  ad  un  tempo  —  non  è  che  una  deter- 
minazione  spéciale  d*un  tema  ampiameme  diffuso,  e  comune  sopraimito 
presse  le  nazioni  germaniche.  Appariengono  alla  stessa  famiglia,  nell' 
occidenie,  !a  leggenda  del  cavalière  di  Mœrungen  ^  d'Enrico  il  Leone'», 
di  Tbedel  da  Walmoden  4,  e  alire  ancora  s  ;  neir  oriente,  per  dire  îl  poco 
che  è  a  mia  cognizione,  un  caso  di  Vidushaka,  presso  Somadeva^,  e 
un*  avvenlura  d*Abulfauaris  nei  Mille  e  un  giorno  7.  Pare  che  in  servigio 
del  Decamerone  si  sîa  badato  poco  a  passare  in  rassegna  questa  numerosa 
fainiglîa;se  no,  un  esempio  del  Dialogus  Miraculomm  ûi  Cesario  {Disi, 
8s  cap.  59I,  che  da  nessuno  vedo  ciiato  al  propostio  nostro^T  avrebbe 
dî  ccrto  richiamato  Tattenzione.  Eccolo  tutto  îrîiero,  per  comodo  dei 
letton  9, 

«  In  villa  quae  dicitur  Holenbach  miles  quidam  habita  vit  nomine 
Cerardus;  huius  nepotes  adhuc  vivunt,  et  vix  aliquis  in  eadem  reperitur 
villa  quem  lateat  miraculum  quod  de  illo  dicturus  sum.  Hic  sanctom 
Thomam  Apostolum  tam  ardenter  diligebat,  tam  specialiter  prae  caeieris 


1.  V,  principalmente  Lasûau-,  DkQatUmdts  Daam.j    jy,  67,    144;  id., 
Bàtrage  :ur  Gcschischtc  âtr  kaiitn.  Nonllt,  j  7 1 . 

2.  umMM,  Dtatscht  Sagen,  n.  529. 
î-  SmtiocK,  Deutsche  Volkbùchtr^  t,  I;  Grimm,  Op.  cit.,  n.  siG, 


4,  SiiiROCK,Op.  cit.,  IX,  497. 

y  V.  SiMROCK,  Dtutschf  Mythologie^  3»  éd.,  176. 

6.  L.  111^  c.  t8  ;  t.  II,  29  nella  traduiione  del  Brockhaus. 


G.  dxxxijj;  p.  228^  nell'  éd.  del  Panth.  itttèr. 

Beosl  ta  ncorda  il  Simrock  nel  luogo  citato  délia  sua  Mitohgm. 
9,  Seguo  una  stampa  di  Colonia  del  1(91.  Ma  l'edizione  migUore  —  che  mi 
ittolé  di  non  avère  alla  mano  —  è  ccrto  rullima,  procurala  dallo  Slrangc  (Co- 
lonva,  Hebcrle,  1851). 


^6o  p*  rajna 

sanctis  honorabat,  ut  nulli  pauperl  in  illius  nomine  petenti  eleemosynam 
negaret  :  multa  praelerea  privaia  servîtia,  ut  mm  oratîones,  ieiunia  et 
missarum  celebrationes,  illî  impendereconsuevii.  Die  quadam,  Deoper- 
miitente,  omnium  bonorum  immicus  dîabolus  ante  ostium  mîlitispulsans, 
sub  forma  et  habiiu  peregrini,  in  nomine  sancîi  Thomae  hospiiium  peti- 
vit  :  que  Sïib  omni  festinatione  intromisso,  cum  esset  frigus,  et  ille  se 
algere  simularet,  Gerardus  cappam  suam  foderatam,  bonam  satis,  qua 
se  legeret  ienscubiîum,  transmisit,  Mane  vero,  cum  is,  qui  peregrinus 
videbatur,  non  appareret,  et  cappa,  quaesïta,  non  fuisset  inventa,  uxor 
marito  irata  ait  :  Saepe  ab  huiusmodi  trutianis  iilusus  estis,  et  adhuc  a 
superstitionibus  vestrisnon  cessatis.  Cui  ille  tranquilloanimo  respondit  : 
«  Noii  turbarî;  bene  reslituet  nobis  hoc  damnum  sanctus  Thomas.  » 
Haec  egît  dîabolus  ut  militem  per  damnum  cappae  ad  impatientiara 
provocaret,  et  Apostoli  dilectionera  in  eius  corde  extingueret:  sed  milili 
cessit  ad  gloriam  quod  diabolos  praeparaverat  ad  ruinam^  et  inde  ille 
aiïiplius  est  accensuS;  unde  iste  confusus  est  ac  compuncius.  Nam,  parvo 
emenso  tempore,  Gerhard  us,  limina  beati  Thomae  adiré  volens,  cum 
esset  in  procinciu  posiîus,  circulum  aureum  in  oculis  uxoris  in  duas 
partes  dividens^  easque  coram  illa  coniungens,  unam  illi  dédit  et  alteram 
sibi  reservavit,  dicens  :  «  Huic  signo  credere  debes.  Rogo  etiam  ut  quinque 
«t  annis  reditum  meum  expectes;  quibus  expletis,  nubascui  volueris.  »  Et 
promisit  ei  :  qui,  via  vadens  îongissima»  tandem,  cum  magnis  expensis 
maximisque  labortbus,  pervenit  ad  civitatem  sancti  Thomae  Apostoli;  in 
qua  a  civibus  officiosissime  est  salutatus,  et  cum  tanla  charitate  suscepitis, 
ac  si  unus  illorum  esset,  eisque  notissimus.  Gratiam  eandcm  adscribens 
beato  Apostolo,  oratorium  eius  intravit  et  oravit,  se,  uxorem,  ei 
omnia  ad  se  pertinentia  illi  commendans.  Post  haec  ,  tenmini  sui 
reminiscens,  et  in  eodem  die  quinquennium  completum  considerans, 
ingemuil» était:*  Heu»  modo  uxor  mea  viro  alteri  nubet!  ^  —  ïmpedierat 
Deus  iter  eius  propterhoc  quod  sequitur.^  Qui  cum  tristis  ctrcumspicereij 
vidit  praedîctum  daemonem  in  cappa  sua  deambulaniem  ;  et  ait  daemon  : 
tt  Cognoscis  me,  Cerharde?  —  Non,  inquit,  te  cognosco,  sed  cappam,  i> 
Respondit  ille  :  u  Ego  sum  qui  in  nomine  Apostoli  hospitium  a  te  petivi,  et 
tt  cappam  tibi  tuli»  pro  qua  et  valde  punitus  sum.  b  Et  adiecit:  «  Ego  sum 
«  diabolus,  et  praeceptum  est  mihi,  ut  antequam  homines  cubitum  vadam, 
H  in  domum  tuam  te  transferam,  eo  quod  uxor  tua  alteri  viro  nupserit,  et 
«  iam  in  nupiiis  cum  illo  sedet.  )>  Tollens  eum,  in  parte  diei  ab  India  in 
Theutoniam,  ab  ortu  solis  in  eius  occasum  transvexit,  et  circa  crepuscu* 
lum  in  curia  propria  îllum  sine  lesîone  deposuit.  Qui  domum  suam  sicut 
barbarus  inirans,  cum  uxorem  propriam  cum  sponso  suo  vidisset  come- 
dentem,  propius  accessit,  eaque  aspiciente^  partem  circuli  in  scyphum 
mittens  abscessit.  Quod  ubi  illa  vidit,  mox  extraxit,  et  partem  sibi  dimis- 


NOVELLA    BOCCACCESCA    DEL   SALADÏNO  Jî 

sam  âdiungens,  cognovit  eum  suum  esse  maritum,  statimque  exiliens  in 
amplexu  eîus  ruit,  virum  suum  Gerardum  iiliim  esse  proclamans,  sponso 
valedicens  :  quem  taraen  Gérard  us  illa  nocie,  pro  honestale^  secum  reiî- 
nuit.  » 

La  novella  boccaccesca  consta  di  due  fatti  prindpali  :  l'accoglienza  de! 
Saladino  nella  casa  del  cortesissimo  geniiïuomo  lombardo,  ed  il  porten- 
roso  ritomo,  che  impedisce  le  nuove  nozze,  Orbene  :  il  nsconiro  ofFer- 
tocî  da  Cesano  difTerisce  essenzialmente  dagli  allri,  inquantochè  ci 
somministra  il  parallelo  per  lutto  il  racconto,  non  già  solo  per  l*una  o 
Pâlira  délie  due  parti.  Questa  rispondenza  più  compléta  è  cosa  di  molio 
rilievo,  E  s'aggiungono,  a  fare  ufficîo  di  rîiicalzo,  ceni  accordi  minuti. 
Se  raesser  Torello  riceve  al  partira  un  anello  dalla  moglie,  Gherardo  ne 
dîvide  uno  colla  sua  ;  se  quesli  fissa  aile  seconde  nozze  un  termine  dî 
«  uno  anno,  un  mese  ed  un  dî,  n  dopo  che  manchino  sue  notizie,  Faltro 
ne  pone  uno  di  cinque  anni,  dalla  partenza  in  génère.  E  come  nella  casa 
del  geniiluomo  pavese  i  finii  mercatanti  sono  vestili  e  regalati  di  robe  e 
g3ubbe  ricchïssime,  in  quella  dell'  alemanno  il  non  meno  finto  pellegrino 
riceve  una  cappa  ',  daiagli,  è  vero,  solo  in  prestito,  ma  délia  quale  egli 
pensa  a  regalarsi  da  se  medesimo.  E  cotesie  robe  rappresentano  poi  la 
medesima  parte  nel  secondo  incontro  :  sono  riconosciuie,  o  in  tutto  o  a 
tnezzo,  qui  da  messer  Torello»  là  da  Gherardo.  S'  avvena  inoHre  che  il 
legame  tra  le  due  parti  del  racconto  è  sostanzialmenteil  medesimo;solo, 
ridentîtà  si  irova  dissimulata  dagli  accidenti,  diversi  presso  i  due  scrit- 
lori,  e  ben  più  complicaii,  com'è  troppo  naturale,  in  quello  di  essi  che 
mira  a  comporre  un'  opéra  d'arte.  Ma  le  ultime  scène  soprattutio  con* 
vengono  a  raeraviglia  :  il  banchetto  nuziale,  Taneilo  giitato  nella  coppa, 
il  pronio  riconoscimento  da  parte  délia  donna,  il  precipitoso  levarsi  dalla 
tavela  e  correr  nelle  braccia  del  marito,  le  esclamazioni  ^;  per  uïtimo, 
lacondotla  cortese  che  si  tiene  verso  il  nuovo  sposo.  In  verità,  non  si 
potrebbe  desiderare  un  accordo  più  pieno, 

Dei  pardcolari  qui  enumerati,  molti  trovano  corrispondenza  anche  in 
altre  versioni ';  tuni,  nonchè  riuniii  insieme»  nemmeno  sparsamente* 


1,  Bocc.  :  «  Due  paia  di  robe^  fuo  foderato  di  drappo  e  l'altro  di  vaio.  non 
mtga  citladînc  ne  da  roercatanij,  ma  da  signore,  e  Ire  giubbc  di  zendado.,.  i 
—  Ces*  :  ■  Cappam  suam  foderatam,  bonam  salis  ». 

2.  Bocc.  :  c  Uridô  :  Qucsli  è  il  mio  signore,  qucsli  veramcntc  è  messer  To- 
rello. >  —  Ces.  :  «  Virum  suum  Gcrardum  illum  esse  proclamans  •. 

5,  Per  ci  tare  qualche  esempio,  un  termine  dopo  il  qualc  la  moglie  possa 
rtmarilarsi  —  dieci  anni  ~  è  fissato  anche  da  Carlo  Magno  presso  Encnkel 
(Von  dkr  Hauen,  Gesammîah.,  Il,  6191.  Ed  un  anello,  là  dovesi  parla  dclla  par- 
tcnxa,  apparc  anche  in  questo  medesimo  testo  (v.  21);  se  non  che  non  neè  poi 
più  oueslione,  né  esso serve  puntoal  riconoscimeiito.  Al  ricoDoscimenlo  serve  bensi 
quello  di  Vidushaka,  gettato  in  un  secchîo  d'acqua^  come  il  nostro  nelb  coppa 


î62  p.    HAJNA 

Perô  uno  strctto  vîncolo  di  parenieU  ira  la  novelia  e  il  miracolo  è  da 
ammettere  di  nécessita  ;  rimane  dubbio  soltanto  il  preciso  grado  e  la 
specie. 

Ebbe  propriamente  il  Certaldese  davanti  agli  occhi  il  lesto  dei  credulo  1 
monaco  di  Heisierbach?  —  La  cosa  non  si  potrebbc  dire  invcrosimile.  H 
Diâlogus  miraculorum,  dal  tempo  délia  sua  composizione  —  si  stavascri- 
vendo  nel    1222  —  aveva  aruto   tutto  l'agio  di  diffondersi,  e  s^eraJ 
realmente  diffuse.   Non  so  davvero  se  i  manoscritti  dell'  opéra  imera] 
abbondassero  nel  trecento  in  Italia;  so  per  altro  che  una  copiosa  venaJ 
derivata  di  là,  venne  ad  arricchire  quelle  raccolte  di  eseoipi,  di  cui  fece- j 
vano  tanio  uso  i  predicalori,  ad  edificazione  e  lerrore  dei  credenti.  Per 
venire  a  qualche  caso  concreto»  in  forma  abbrevîata,  trovo  il  racconto 
che  c'interessa,  con  altri  molti  délia  stessa  provenienza,  in  un  Atphâke- 
tum  nanationum^  éï  cui  il  manoscritto  ambrosiano  eh'  io  conosco  • 
sarà  di  certo  il  solo  esemplare. 

Eppure,  a  non  voler  correr  rischi,  bisogna  dubitare.  Cià,  più 
avanti  cogli  studii,  e  più  si  vedono  imralciarsi  le  généalogie  dei  racconti 
nel  medio  evo.  Non  c*è  oramai  narrazione  di  cai  non  si  vengano  a 
conoscere  e  non  s'abbiano  a  supporre  parecchie  versioni,  spesso  cosî 
prossime  da  dare  facilissimamente  luogo  a  scambii,  Nel  nostro  caso,  il 
dubbio  è  aggravaio  da  certe  concordanze  sporadiche,  che  Cesario  non 
ci  puô  spiegare,  tra  taluno  degli  ahri  rappresentanti  germanici  ceria- 
mente  ignoti  al  Boccaccio,  e  la  novelia  italiana.   Poco  importa  senza     , 
dubbio  che  il  mezzo  anello  dei  Dialogus  sia  un  anello  intero  nell'  Enrico!^ 
il  Leone  e  nel  Cavalière  di  Mœrungen,  Ma  non  si  puô  dire  altrettanto  dellâ^ 
maniera  corne  quesio  anello  vien  trasmesso  dal  marito  alla  donna.  Nella 
leggenda  di  Enrico,  il  reduce  sconosciuto  fa  chiedere  alla  duchessa  un 
sorso  di  vino.  Ella  riempie  un  bicchiere,  e  glielo  manda.  Enrico  beve,  e^ 
deposio  poi  Tanello  nella  coppa,  fa  che  questa  sia  riportaia  alla  mogUe»^ 
Siam  già,  per  qoalche  rispeito,  più  vicini  a  messer  Giovanni  che  nel 
racconto  di  Cesario.  E  il  cavalière  di  Mœrungen  ci  faancora  avanzaredi 
un  passo.  Qui  il  pellegrino,  dopo  averbevuto  emessoPanello  nel  residuo 
dei  vino,  commette  al  coppiere  di  ripresentare  la  tazza  alla  signera,  e  di 
pregarla  da  pane  sua  che  non  isdegni  di  berci  alla  sua  volta.  Orbenc  : 
una  circosianza  dà  valore  spéciale  agli  accordi  —  non  cito  quelli  che 
sîan  cornu  ni  a  Cesario  —  con  quesi'  ultima  narrazione.  Essa  ha  contatti 
peculiari  col  miracolo  narraio  dal  monaco.  Anche  il  viaggio  dei  cavalierc^^ 
di  Mœrungen  ebbe  per  meta  la  terra  di  S.  Tomaso.  Ciô  tutto  che  viendfl 


dei  vino.  Curbso  che  nel  racconto  indiano,  corne  oel  boccaccesco,  cotesto  anello 
è  dono  délia  donna  ! 
ï.  Segnato  T  45    sup. 


NOVELLA    POCCACCESCA    DEL  SALADINO  36^ 

a  dire  ?  —  Fa  sospettare  che  il  mîracolo  in  discorso  si  narrasse  anche 
in  una  forma  ancor  più  prossima  al  racconto  boccaccesco,  di  quella  nota 
a  noi.  Questa,  anzichè  madré,  potrebb'  esser  nonna,  zia,  cugina;  le 
streite  somiglianze  provenire  da  rapporti  indireiti,  non  precisabili  coi 
niateriali  di  cui  dispongo  per  ora.  Comuttociô  s^intende  bene  che  Cesa- 
rio  rimane  sempre  il  legittimo  rappresentante  di  cotesti  suoi  ipotetici 
parent! ,  i  quali,  adesso  almeno^  —  dato  che  sîano  esistiti  dawero  —  ci 
sono  noti  solo  da  lui  e  per  lui,  in  quanio  cioè  le  loro  faUezze  siano  ad 
esso  comuni. 

Ciè  posto,  coniinuiam  pure  a  discorrere  del  racconto  di  Cesario,  corne 
di  una  vera  e  propria  fonte  délia  nostra  novella.  Non  è  la  sola;  nienie 
affatto.  Siccome  peraltro  è  quella  che  unica  et  accompagna  da  un  capo 
ail-  aliro  della  narrazione,  sia  pure  ad  una  certa  dîstanza  e  con  lempo- 
ranee  scomparse,  sembrerebbe  ragionevole  supporre  che  da  lei  si  sian 
prese  le  mosse.  Tuttavia  non  avvenne  forse  cosi.  Ceno,  ildisegno  géné- 
rale del  quadro  appar  condotto  dietro  questo  modetlo;  se  non  che  al 
quadro  stesso  messer  Giovanni  non  pensô,  a  mio  credere,  se  non  dopo 
aver  concepita  Tidea  di  taluna  delïe  cose  che  nel  modello  non  erano. 
Badiam  bene  :  siamo  alla  giornata  décima  del  Decamerone,  quella  in  cui 
«  si  ragiona  di  chi  liberalmente  ovvero  magni6camente  alcuna  cosa  opé- 
rasse i>.  Ora»  la  magnifrcenza  e  liberalilà  del  Saladino  erano  iroppofamose, 
perché  poiessero  mancare  qua  deniro.  o  Fu  in  donare  magnifico,  e  délie 
sue  magnifîcenze  se  ne  raccontano  assai^  ^>  ci  dice  il  Boccaccio  medesimo» 
Jiel  Commenta alP  InfcmOy  c.iv.v.  129'.  Periamo,  a  quel  che  mi  pare,  si 
doveile  parlire  di  qui;  indi  metter  gli  occhi  sul  miracolo,  corne  sopra  di 
una  maleria,  che,  acconciamente  foggiata,  poteva  diventare  espressione 
efficace  del  concetto  che  s'aveva  nella  mente.  Ciô,  ben  inteso,  dato  che 
la  novella  fosse  scritta  appunio  per  esser  posta  nella  nicchia  in  cui  la 
iroviamo.  Che  cosî  fosse,  qui  al  termine  dell*  opéra,  credo  assai  vero- 
simile. 

Ma,  comunque  sia,  è  indubitato  che  nelP  applicazione  del  racconto  di 
Cesario  alla  persona  del  Saladino»  consiste  la  peculiarità  délia  novella 
boccaccesca.  E  di  cotale  applicazione  par  bene  di  scorgere  il  movente. 
V'era  una  certa  inirinseca  analogia  ira  il  fatto  narrato  dal  monaco  tedesco, 
e  casi  che  si  raccontavano  del  famosissimo  soldano.  Si  rifletta  al  suo 
picchiare  in  vesti  di  romito  alla  porte  del  «  conte  Artese  n,  e  più  ancora 
alla  cortesia  che  egli  riceveva  sconosciuto  in  Ispagna  da  «  Ugo  di  Mon- 
caro  jtt,  e  che  poi  a  mille  doppii  ricambiava  in  Oriente  :  cose  queste  che 
noi  apprendiarao  da  una  nota  al  terzo  libro  deir  Aw^niarosQ  Ciciliûno  ^. 


1.  T.  I»  193^  Tieir  ediz.  Mouticr. 

2,  Il  Lami  {Novelk  Uturark,  XV,  561)  fu  il  primo  a  citar  questa  nota  per 
illustrare  le  origîni  ddla  novella  del  Ôtcamiront. 


^64  p.    RAJKA 

Di  cotesta  nota  gioverebbe  conoscere  la  fonte  :  francese,  senza  dubbîo. 

E  invero,  che  il  Saladino  viaggiasse  irasfigurato  per  il  mondo,  etâ 
tradizlone  difîiisissima-  A  noi  giova  sentire  che  cosa  dica  in  proposito  lo 
stesso  Boccaccio,  là  dove,  nel  luogo  già  citalo  del  Commenta  daniesco, 
parla,  non  più  da  novelliere,  ma  da  slorico  :  u  Fu  vago  di  vedere  e  di 
cognoscere  It  gran  Principi  del  mondo,  e  di  sapere  i  loro  costumi  :  né 
in  ciô  fu  contento  solamente  aile  relazioni  degli  uorninï  ;  ma  credesi  che, 
irasformaiosi,  gran  parte  del  mondo  personalmente  cercasse,  e  massi* 
mamente  inira'  Crisiiani,  li  quali,  per  la  Terra  Santa  da  lui  occupaia, 
gli  erano  capitali  nemici.  » 

Credesi  :  ecco  la  critîca  che  fa  capolino.  Invece  parla  délia  cosa  senza 
ombra  di  scetiicismo  il  più  antico  commentaiore  di  Dante,  Jacopo  délia 
Lana,  délie  parole  del  quale  quelle  del  Certaldese  mi  pajono  corne  un' 
eco  :  «  Questi  (it  Saladino]  fue  Soldano  di  Babilonia^  lo  quale  fue  saga- 
cissima  e  savia  persona  :  sapeva  tutte  le  lingue,  e  sapeva  molio  benc 
trasformarsi  di  sua  persona  ;  cercava  tutte  le  provincie  e  tutte  le  terre 
si  de*  Cristiam  corne  de"  Saraceni,  e  sapeva  andare  si  segretamente  che 
nuîla  sua  génie  ne  altri  lo  sapea ',  t>  E  segyila  dicendo,  comc  da  un 
astrologo  gli  fosse  detto  che  Goffredo  di  Buglione  (!)  lo  doveva  ucci- 
dere.  Voîendo  prevenire  il  fato  coU'  ammazzare  egli  Goffredo,  in  abiio 
di  pcllegrino  si  conduce  a  Parigi.  Un  abale,  incontraiolo  per  via,  lo 
rîconosce  e  lo  chiama.  Il  Saladino  nega  dapprima  il  suo  essere;  poi, 
visto  che  il  negare  non  vale,  e  avuta  promessa  di  segretezza,  manifesta 
anche  l'imemo  del  viaggio.  L*abate  va  a  contare  il  fatto  al  re,  il  quale 
manda  fuori  Goffredo  in  mezzo  alla  sua  propria  scorta.  Il  Saladino  si 
persuade  di  non  poler  eseguire  il  disegno;  vuoi  panire;  è  preso,e  muore 
poi  in  corte. 

La  iradîzione  dei  misteriosi  viaggi  del  Saladino  è  pure  uno  dei 
raolivi  su  cui  poggia  il  cinquantesimo  esempio  del  Conde  Lucanor^. 
Invece  essa  non  ha  che  vedere  colla  ventîquattresima  fra  le  Novelk  antiçke, 
poco  opportunamente  rammentata  dal  Lîebrechi  î  e  da  altri.  Là  si  iratta 
semplicemente  di  una  visita ,  poi  ricambiata ,  al  campo  cristiano  ; 
non  già  dî  una  peregrinazione  oitremare.  Bensî  questo  racconto,  che 
appaniene  in  origine  a  Carlo  Magnos  se  pure  anche  Carlo  non  l'ha 
ereditato  Dio  sa  da  chi,  serve  a  mettere  sempre  più  in  evidenza  fmo  a 
quai  segno  il  cavalleresco  soldano  avesse  assunto  natura  leggendaria. 
Senza  dubbio  farebbe  cosa  giovevole  chi  prendesse  a  sttidiare  in  un 
lavoro  spéciale  a  il  Saladino  nella  tradizione  del  Medio  Evo,  »  Pur 


f.  P.  16,  neti'  éd.  Civelli  (Milano,  186O. 

2,  Escritom  en  pros^  ânteriores  al  siglo  ATI/;  Madrid^  !86o;  p,  420. 

5.  Nclle  noie  alla  vcfMonc  del  Dutilop,  p.  ^11. 

4.  G.  P\ttis,  Htst.  p<^L  de  ChitL,  291. 


NOVELLA    BOCGACCESCA    DEL   SALADÏNO  05 

iroppo  non  tutto  quanto  si  narrava  sarà  giunio  fino  a  noi.  0  perché 
Francesco  da  BuU,  commentando  il  solito  verso  dantesco,  dopo  averci 
solleticaio  la  curiosità  col  dire  che  di  lui  tt  siconiano  moite  belle  isiorie  i>, 
ci  rimanda  con  un  ingratissîmo,  <^  ma  perché  non  le  ô  autentîche  non 
le  scrivo  1»  '  ?  Meno  maie  roitimo,  nella  fine  délia  nota  che  per  la 
roaggior  parte  ha  copiato  del  Laneo  :  n  Moite  cose  si  trovano  scritte  di 
lui  leggiâdre  e  belle,  e  amà  per  amore  ta  Reimi  di  Cipri  «  ^.  Ecco  almeno 
un  cennoi  un  cenno  che  ci  richiama  alla  mente  il  Norandinodeli'//ïn;^mo- 
rato,  ed  il  lorneo  per  Lucina,  e  che  ci  fa  pensare aile  quesiioni  délie  fonti 
bojardesche  ed  ariostesche, 

Presso  il  Boccaccio,  il  Saladino  gira  l'Europa  alP  inlento  di  osservare 
gli  apparecchi  che  si  stanno  facendo  per  la  Crociata.  Forse  che  questo 
moiivo  era  dato  dalla  tradizione  ^  —  Non  addurremo  certo  per  provarlo 
ilpasso  di  un  aliro  commentatore  di  Dante,  il  cosi  detto  AnommOt  che 
si  vede  ciiato  dal  Lami  ^  ;  chè  le  parole  di  costui  sono  evidentemente 
ricalcaie  sul  principio  délia  novella  di  messer  Giovanni.  Piuitoslo  sem- 
brerebbe  offrirci  un  indizio  il  modo  come  il  Cenaldese,  nel  commenio 
suo,  riunisce  in  un  sol  periodo  le  peregrinaKÎoni  e  la  nimicizia  coi 
Crisiiani.  Se  non  che  in  questo  accoppiamento  io  sospetto  di  do  ver 
scorgere  un  nflesso  délia  nota  del  Laneo  »  e  precisamente  dell'  aneddoio 
«iella  venuia  a  Parîgi. 

Cosi  stando  le  cose^  puô  esser  prezïo  deir  opéra  citare  un  incidente 
analogo,  che  occorre  nel  principio  degli  Aspramond  loscani  4,  e  che 
s'aveva  prima  di  certo  in  un  originaîe  francese  o  franco-italiano,  non 
rinvenuio  finora  ^ .  Agolante,  —  riasstimo  il  lesto  in  prosa  di  Andréa  da 
Barberino,  —  fermato  il  disegno  di  un  gran  passaggio  contro  la  Crisiia- 
nità,  manda  segretamente  Sobrino,  uno  dei  re  suoî  vassalli,  a  spîare  le 
forze  degli  avversarii.  Sobrino,  solo  soletto,  si  avvia,  e  cerca  Tltaha, 
rUngheria^  la  Magna,  Fiandra,  Bretlagna,  Inghilierra,  Guascognaj  Pro- 
venza;  da  ultimo,  la  Francia.  Un  anno  intero  si  irattiene  in  corte  di 
Carlo  corne  famiglio.  Quindî,  visitato  Galafro  re  di  Spagna,  ritorna 
ad  Arganoro,   dopo  esserne  siato  assenie  ben  sei  anni  e  sei  mesi* 


1.  Commtmo  di  Fr,  da  Buti  sopra  ta  D,  C,  di  D.  A.  ^  Pisa,  Nistri^  i8^8; 
1,  ijy. 

2.  LVtiimo  Commenta  dtUû  D.  C;  Pisa,  Capurro,  1827  ;  1,  ço. 

3.  NovcUi  tciitrant,  1.  cil.  I!  commenio  ddl'  Anonimo  û  ha  ora  Hillo  a 
Slampa,  per  cura  del  Fanfani  (Bologna,  Roïïiagnoli,  1866).  La  nota  su!  Saladino 
su  a  p.   123  dd  l.  L 

4.  vcramcnle,  bisogna  fare  délie  riserve  per  una  ddïe  due  versioni  rimate, 
qudia  conservalaci  dal  codice  magllabechiano  Cl,  VU,  10,  682;  chè  i  primi 
canti  mancano  in  qucslo  manoscrilto,  l'iinico  di  ctii  io  abbia  notiïia. 

\ ,  Anche  gli  Asprûmonti  dei  due  codici  di  Venczia  prendono  l'azione  a  un 
punto  assai  piii  inoltralo.  I  saracint  sono  già  padroni  délia  Calabrla, 


î66  P     RAINA 

La  venliquattresîma  novella  anîica  —  una  novelîa  doppia  —  menrio- 
nata  faori  di  luogo  per  i  viaggî,  poteva  invece  ricordarsi  ad  altro  propo- 
silo.  Non  perô  la  parte  a  cul  s'intendeva  di  alltidere  ;  bensi  !■  alira,  la 
pnma.  Messer  Torello,  prigione  presso  il  Saladino»  è  trattato  corne 
l'anonimo  <c  cavalière  francesco  ».  Enirambi  sono  sottratti  al  carcere, 
vengono  in  grazia,  sono  rivesiiti  nobilmente  e  tenuti  corne  cari  compa- 
gni  da!  cortese  signore.  Ed  entrambi,  caduii  poi  in  tristezza  per  desi- 
derio  del  ritorno,  sono  confortati,  e  tosto  rimandaii  con  ricchi  doni* 

Sicchè,  diversi  elementi  concorrono  anche  alla  formazione  detle  novclle 
boccaccesce.  Creare,  non  è  per  solilo  altra  cosa  che  comporre  genial- 
menie,  e  foggiare  di  nuovo.  E  compone  il  popolo,  compongono  gli 
uomini  dell'arte  :  questo  senza  coscienza,  per  effeîio  di  leggi  naturali; 
quelli  invece  scieniemente,  per  deliberato  proposito.  Nel  caso  nostro, 
appena  so  dybitare  che  anche  l'eplsodio  di  Carlo  Magno  >  non  fosse  noto 
al  Boccaccio,  e  non  abbia  contrïbuiio  in  qualche  maniera.  —  Noto  da  qualî 
libri  ?  —  Certo  non  dal  VVeUbnch  di  Enenkel,  ancorchè  sia  questa  la  soîa 
versione  che  ci  offra  speciali  analogie.  Vi  abbiamo  una  scena  nel  duomo 
di  Aquisgrana%  chesomigha  non  poco  alla  nostra  in  San  Pietro  in  Ciela 
dVo,  quando  sagristano,  monaci  ed  abate  si  sgomentano  alla  vista  di 
messer  Toreîlo,  Forse  il  novelliere  conobbe  Foriginale  donde  aveva 
attinio  il  rimatore  tedesco  ;  ma  teno  ponno  esservi  ben  aliri  gin  e  rigiri. 
S'avvertirà  anche  una  seconda  convenienza.  La  moglie  di  Carlo  è 
cosîretta  aîle  nuove  nozze  dai  baroni  del  regno,  corne  quella  di  messer 
Torello  dai  parenii  stioi.  Qui  per  altro  si  puô  parla re  con  più  verosimi- 
glianza  di  un  tncontro  fortuito,  prodotto  dall^  analogia  dei  dati^  che  di 
vera  parentela. 

In  Italia,  ravventura  dt  Carlo  fu  narraia  moite  volte.  Una  prima  ver- 
sione —  prima,  solo  perché  più  indietro  c'è  bujo  —  ce  la  darebbe 
Nicola  da  Padova,  Disgrazia lamente  la  seconda  parte  del  suo  poema  s'è 
perduta,  sicchè  bisogna  conientarsi  di  una  brève  allusione  nel  principio 
deti'  opéra.  Carlo  sia  per  muovere  di  Francia  coir  esercito  : 

(F**  i2<î)       Avant  qe  Caries  partisl  deu  premer  liu^ 
Por  le  conseil  de  ses  barons  plus  fiu  3, 
Fisl  demander  Anseîs  de  Pontiu  ; 
Neveu  s  toit  Gaenes,  si  com  ie  vos  escriu  ; 
A  lui  leissa  France  e  Ten  fist  bailleu  ; 
Pues  lui  voust  fere  b  mainere  Pompiu, 
Qe  rois  voust  cstre  por  son  enging  sottu. 
Vos  oirez  com  le  roi  de  Mongiu  * 

1,  V,  Pabis,  Hist,  pùii.  àt  Chm,^  }^. 

2,  Von  uer  Haoen,  Ccsammîah,^  11,  628. 
j.  Il  cod.  ha  m, 

4.  il  cod.,  monguy. 


NOVELL  A    BOCCACCESCA    DEL   SA  LAD  I  NO  l6j 

Torna  en  France  coroços  et  pcnsiu 
Por  feir  vcii|anc«  dou  treit  melesîu^ 
Qe  lui  voloit  tolir  son  reigîie  plus  ânliu, 
E  la  roine  belle  eu  m  flor  de  cm  : 
Jâ  erent  feles  la  noce  el  le  coriu  ; 
Mais  a  grant  duel  en  fu  ireit  le  reliu  '. 

Coiisoliamod  colle  redazbni  posteriori.  Una  di  esse,  quella  che  si 
contiene  oel  Vïdggio  di  Cddo  Magno  in  ispagna^  è  abbastanza  accessi- 
bile  perché  si  possa  rimandare  al  libro  chi  sia  desideroso  di  siudiarla  *. 
Del  resio,  non  ha  nulla  che  ce  la  riveli  più  strettameme  impareniàîâ 
délie  altre  coïla  novella  dei  Dtcatiurone.  Piutiosio  riassumerè,  perché 
iîiedita,  la  versione  eterodossa  dataci  dalla  Spagna  del  codice  medîceo- 
palatino  loi ,  t,  III,  sebbene  dî  analogo  col  Boccaccio  non  vi  resti  cra- 
mai più  nieme. 

Mentre  Carlo  sta  ad  assedio  a  Pampalona,  e  quando  appena  Orlando  è 
rilornaîo  d'Orienté,  giungono  da  Parigi  lettere  delF  impératrice,  Essa 
raconta  corne,  essendo  gran  coniesa  tra  Macario  e  Trasmondo  di 
Maganza  e  certi  altri  baroni,  mandasse  per  molia  génie  ^  che  fosse  in  sua 
difesa.  Ne  nacque  uno  scandalo.  Un  giorno,  a  un  desinare,  ecco  i  due 
maganzesi  venir  a  questione  col  conte  Rinieri  di  Tremogna.  Da  ciô  ona 
zu^a^  in  cui  lascîano  la  vita  trentasette  baronî.  La  parte  maganzese  ha 
la  peggio,  esce  fuori,  si  ritrae  alîe  sue  terre,  e  ritoma  poi  riiîvigorita  a 
mettere  ii  campo  a  Parigi,  pretendendo  datla  regina  la  consegna  dei 
baroni  avversarii.  —  Avuîe  queste  nuove,  Carlo  rimette  alPindomani  il 
deliberare  in  proposilo.  Ma  la  notie  Oriando  gli  consiglia  di  non  indu- 
giare.  Evocato  uno  spirito  per  mezzo  di  unlibriccino  donato  dalsoldano 
ad  Orlando  e  da  questi  ail'  imperatore,  i  due  hanno  la  piena  conferma 
délie  cose  contenute  nella  letiera,  Orlando  vorrebbe  allora  correr  egli  a 
Parigi,  a  metter  riparo;  ma  Carlo  non  glielo  permette,  e  détermina  di 
andar  egli  in  persona,  accompagnato  da  Narao,  Ansuigi,  Ottone  e  Ber- 
linghieri.  1  cinque  partono  di  celato  quella  notte  medesima,  e  cavalcano 
con  tanla  celerità,  che  compiono  il  viaggio  in  soli  dieci  giomi  ;  presiezza 
miracolosa,  lantochè  «  si  dice  per  alguno  che  Charlo  si  fè  portare  al 
diavolû...  E  chosi  si  dicie  ed  è  iscritto  per  lo  libro  délia  Ispangnia  chon- 
posto  in  rima  n.  —  Cado  entra  dunque  in  Parigi,  e  si  conduce  al  suo 
palagio,  dove,  propagatasi  la  novella,  accorre  quanta  baronia  è  nella 
terra.  Allora  Macario  e  Trasmondo  s'affrettano  a  ïevare  il  campo,  e 
ridottisi  aile  loro  terre,  mandano  a  chiedere  perdono.  Oitenutolo,  \^en- 


I .  Mi  è  giovato  rldare  questo  passo,  sebbene  già  Tabbia  stampato  nel  Propu- 
gnatorc^  iV,  j,  64, 

como. 


.  Ml  e  giovato  ridare  questo  passo,  sebDene  già  1  aDoia  stampato  nel  rropu- 
orc,  iV.  J,  64, 

.  //  yiûggio  dt  Carh  Magna  in  Ispagna  ptr  conqiiistare  il  câmmino  di  S.  C/tf- 
0,  pubbUcato  ptr  cura  di  A.  Ceruti;  Bologna,  Homagnoli,  1871  ;  11,  $7. 


)68  P.    RAJNA 

gono  a  Parigi,  e  fermata  di  presenza  la  pace,  seguono  poco  stante 
l'imperatore,  che  ritoma  con  nuove  genti  in  Ispagna. 

Ecco  l'elemento  meraviglioso  sfumato  pressocchè  deltutto.  Appena  s*è 
potuta  salvare,  grazie  aile  superstizioni  del  tempo,  un'  evocazione  di 
spiriti.  Guai  alla  poesia,  quando  cade  nelle  mani  dei  prosatori  !  Per  ristoro 
délia  scipita  narrazione  che  ho  riassunto,  metterei  qui  la  versione  della 
Spagna  in  rima  secondo  la  lezione  del  manoscritto  riccardiano,  se  non 
fosse  un  pochino  troppo  lunga.  Bastimi  dunque,  sebbene  a  malin- 
cuore,  rimandare  aile  stampe,  per  quanto  scorrette.  Che  la  composizione 
di  cotesta  Spagm  abbia  preceduto  quella  del  Decamerone,  non  si  puè  per 
adesso  ne  affermare  ne  negare.  Certo  le  probabilité  maggiori  stanno  per 
il  no.  Ma  non  vuol  dire;  esistevano  a  ogni  modo  gli  originali  sui  quali 
lavorô  il  rimatore,  e  dovevano  esser  noti  e  diflusi  da  tempo. 

A  un  ritorno  miracoloso,  simile  ai  nostri,  ed  anzi  più  spedalmente  a 
quello  del  gentiluomo  pavese,  allude  in  un  sonetto  Cerco  Angiolieri  : 

Il  fuggir  di  Min  Zeppa,  quando  sente 
II  neroico,  si  passa  ogni  volare; 
E  Pier  Faste,  che  venne  d'oltreraare 
In  una  nette  in  Siena,  fè  nîente 
A  rispetto  di  lui ^ 

In  una  notte  !  Proprio  come  messer  Torello.  Chi  sapesse  dar  notizie 
di  cotesta  enimmatica  avventura,  rischiarerebbe  forse  considerevolmente 
la  genesi  della  novella  decameroniana.  Chi  sa  che  qui  non  si  nasconda 
un  anello  tra  Cesario  e  il  novellatore  da  Certaido  ? 

P.  Rajna. 


I.   Questa  quartina   è  riportata  dal  D'Ancona  nei  suo  studio  su   Cecco 
Angiolieri;  Nuova  Antologiûj  Gennajo  1874,  p.  41. 


ONOLOGIE  D 


ÂGNARD. 


La  vallée  de  Bagnes  est  le  bras  de  l'Entremont  qui  s'ouvre  à  Saint- 
Brancher  du  c6té  du  levant.  C'est  là  que  se  réunissent  les  deux  Drances 
pour  aller  rejoindre  le  Rhône  à  Martigny  '.  Les  recherches  que  j^ai  pu 
faire  dans  Tauiomne  de  1 874  pendant  un  séjour  qui  n'a  duré  que  deux 
semaines  ne  s'étendent  pas  sur  le  langage  de  toute  la  vallée  :  elles  ont 
pour  base  celui  du  Châble  qui  est  le  village  principal  de  la  commune  de 
Bagnes.  Cette  commune,  qui  compte  une  population  d'environ4, 000  âmes, 
parle  plusieurs  dialectes  différents,  si  différents,  m'a-t-on  dit,  qu'autrefois 
les  habitants  avaient  de  la  peine  à  s'entendre  les  uns  les  autres.  Selon 
Bridel*son  langage  se  composerait  de  celtique,  de  latin  et  de  mois 
qui  appartiendraient  à  l'idiome  des  Madjares  et  des  Sarrazins.  Comme 
les  pages  suivantes  mettent  en  œuvre  presque  tous  les  mots  que  j'en  ai 
recueillis,  la  preuve  est  donnée  que  l'élément  latin  y  a  la  place  prédo- 
minante. 

Ces  recherches  suivent  le  même  ordre  et  la  même  marche  que  les  si 
remarquables  travaux  d'Ascoli  sur  les  dialectes  latins.  Les  paragraphes 
n'y  ont  pas  été  changés,  afm  qu'elles  soient  plus  faciles  à  consulter.  S'ils 
ne  suffisaient  pas,  leur  nombre  a  été  augmenté  au  moyen  de  lettres* 


^^f( 


1 ,  On  peut  consulter  sur  la  vallée  de  Bagnes  les  ouvrages  suivants  : 
ScHiNER^  Description  du  département  du  Simplon  ou  de   la  ci  devant  répu- 

uc  du  Valais.  A  Sion,  1812  (p.  498-^04). 

(ridel,  Course  à  Téboulement  du  placier  de  Gétroz  et  au  lac  de  Mauvoîsin 

fond  de  )a  vallée  de  Bagnes,  16  mai  181S, 
ËsijHEn,  TuEcusfiL  et  de  CuNRpËNTtËH,  Rapport  sur  l*état  actuel  de  la 
vallée  de  Bagnes  dans,  te  canton  du  Valais  relativement  auic  mesures  propres  à 
Va  prémunir  contre  l'effet  destructeur  du  glacier  infcneur  de  Gélroz.  Présenté  au 
haut  gouvernement  du  canton  du  Valais  par  la  commission  chargée  de  cet 
examen.  Zurich  1 82 1 . 

2.  Voy,  VuLLiEMiN,  Le  doyen  BrideL  Essai  biographique.  Lausanne,  185  j, 
h  2J0. 


Î70  J.  CORNU 

LES  SONS  DU  BAGNARD  ET  LEUR  TRANSCRIPTION. 

a)  Voyelles. 
Elles  sont  toutes  comprises  dans  le  triangle  suivant  qui  dispense  de 
longues  explications  : 

a 
5  è 

9  é  e 

u  û  i 

Les  voyelles  nasales  sont  les  mêmes  qu'en  portugais,  ce  sont  à  5  ûîë 
qui  sont  marquées  par  an  on  un  in  en^  hormis  les  cas  où  il  pourrait  y 
avoir  confusion. 

b]  Diphthongues. 

Elles  n'offrent  matière  à  aucune  remarque  d'importance  ;  cependant 
il  n'est  peut-être  pas  inutile  de  dire  que  èiï  se  prononce  de  même  que 
dans  l'allemand  Hàuser^  heute,  où  la  diphthongue  est  indiquée  imparfai- 
tement par  l'orthographe. 

Consonnes, 

Mon  orthographe  est  la  même  que  dans  les  Proverbes  de  la  Gruyère. 

c  et  g  marquent  toujours  des  sons  gutturaux. 

j  a  la  prononciation  française. 

ly  marque  /  mouillée. 

ny  marque  n  mouillée. 

r  est  interdental. 

s  se  trouve  seulement  dans  le  son  composé  ts. 

w  est  le  w  picard  et  wallon. 

X  a  le  son  du  ch  français. 

y  est  le  /  allemand. 

z  ne  se  rencontre  que  dans  dz. 

Un  son  que  je  ne  connais  jusqu'à  ce  jour  qu'au  val  de  Bagnes  et  qui 
parait  lui  être  particulier  est  celui  que  j'ai  marqué,  faute  de  mieux,  par 
hl.  Pour  le  prononcer  il  faut  redoubler  la  langue,  dont  la  pointe  s'appuie 
contre  le  haut  du  palais,  et  laisser  échapper  l'air  de  chaque  côté.  Ce 
son  n'est  pas  le  même  que  celui  que  j'ai  marqué  dans  mes  autres  travaux 
par  W/  ou  hly. 

Voyelles  toniques. 

A  long  et  A  bref. 
(C.  NiGRA,  Fonetica  del  dialetto  di  Val-Soana,  i-6). 

I    A  long  demeure  : 
alam  ^haile  adripare       SiTuk  arriver 


ni 

mzrtndèi  goûter  (à  qua- 
tre heures) 
poâ  tailler 
xapâ  allaiter 

pâre  «  père 
xâva  ihe 


PHONOLOGrE    DU    BAGNARD 

ailuminare  avunâ  éclairer j  luire        merendare 

cubare  coà  couver 

stare  etâ  rester  putare 

inairem  mâré  '  mère 

1  A  bref  se  prolonge  : 
lairo      âré  voleur  patrem 

fabru/n  fàvré  maréchaL  sapam 

jj  e  =  A  dans  grave  qui  devient  grey.  La  forme  de  ce  mot  a  été  de 
bonne  heure  déterminée  par  kve  ou  breve^  comme  Diez  Fa  fort  bien 
remarqué.  C'est  ce  que  confirme  pleinement  l'emploi  de  \cy  et  de  grey 
opposés  Tun  à  l'autre. 

ib  Le  développement  d'un  i  palatal  modifie  en  iVa  latin,  quelle  que 
soit  sa  quantité 

caveam     dzîwé  cage  examen  exin  essaim 

scaphium  etsïhlo  envier,  aquam  Iwè  eau 

scalam      eub  échcUe  canem  tsin  chien 

Dans  txyura  de  capram^  chèvre,  I*^  a  subi  la  même  modification^  mais 
la  vocalisation  de  la  labiale  t'a  obscurcie. 

Ainsi  que  nous  l*avons  vu,  la  pur  de  llnfinitif  de  la  première  conju- 
gaison se  maintient,  mais  un  /  palatal,  quelle  que  soit  son  origine, 
l'assourdit  en  è^.  Ainsi  nous  rencontrons  les  infinitifs  suivanis  .* 


it.  albergare 

abardjyé 

cogîtarc 

cudjyè  essayer 

*adrauriare 

amoeyryè  saler  ex- 

*cohortiliare 

cyrtelyé  cultiver  te 

cessivement 

jardin 

annuntiare 

anonhlé    annoncer 

danhlé  danser. 

se  laniare 

s^anyé  se  fatiguer 

*de  exianiare 

deianyé  délasser 

'ad  coUocare 

atyèutxyé  accoucher 

*deexcarricare  dtuttd\yé  décharger 

•abantiare 

avanhlé  avancer 

endrudjyé  engrais- 

Vuculare 

avulyé  piquer 

ser  du  terrain  j  y 

axuedjyè  rendre  uni 

mettre  du  fumier 

*a8securare 

axùryé  assurer 

enhlujanyé  nettoyer 

baiulare 

balyè  donner 

une  seconde  fois 

'bassare 

baxyé  abaisser 

un  tonneau  avec 

*bullicare 

bèudjyé  bouger 

de  Peau  claire 

brulyé  mugir 

*impactare 

enpatxyé  empêcher 

coagula  re 

calyé  cailler 

'inrabiare 

enradjyé  enrager 

cosûiyé  glousser  pour 

x*entriyé  s^en  tirer  ^ 

appelerles  poussins 

comprendre 

*cumînitiare 

corn  en  hlé  corn  mencer 

irrigare 

erdjyé  irriguer 

1.  Cette  forme  ne  s'emploie  <jue  comme  terme  de  mépris. 

2.  il  aurait  fallu  un  signe  indiquant  â  h  fols  la  qualité  et  l'accent  de  la 
»oyei!e. 


Î72 

J.   CORNU 

fareyé    mettre    des 

praedicare 

predjyé  parler 

fâro  1   dans   une 

*profectare 

profeytyé  profiter 

cuisine 

replicare 

repleyé     manger , 

*cbriare 

hieyryé  voir  clair 

avaler 

hluxyé  glousser 

se  retriyé  se  retirer 

laxare 

laxyé  laisser 

rinhlé  rincer 

Ittbrkare 

lueydjyé     glisser , 

Xàbuxjè  frapper 

mener    avec    un 

taleare 

talyé  couper 

traîneau 

téljétiller  le  chanvre 

^metficare 

meydjyé  soigner  un 

traalyé  travailler 

malade 

tertiare 

trehié  tresser 

^moutarc 

molyé  mouiller 

lorculare 

XToljé  presser  le  rai- 

moraxyé  répriman- 

sin 

der 

*captiare 

tsahié  chasser 

ncyjyé  dans  métré 

*claviculare 

tsilyé  cheviller 

neyjyé  o  tsénevo 

girare 

véryé  tourner 

panhieyé  se  remplir 

'vocitare  ? 

vudyé  vider 

la  panse 

weidanjan 

wanyé    semer     et 

pkirt 

pedjyé  coller 

planter 

*pkirt> 

peuyé  piocher 

xéréjyé 

sérancer 

Le  participe  passé  ne  subit  pas  cet  assourdissement,  car  laniatum  donne 
OMifi  fiitigué,  ce  qui  est  d'autant  plus  étonnant  qu'un  substantif  tel  que 
mercatum  devient  martxyé,  marché. 

4â    6  fermé  =  AV  AB  : 
clavem  hl6  clef  trabem 

4^    à  fermé  =  AT  : 
bonitatem         bontô  bonté 
veritatem  verétô  vérité 

^ablatum,         blà  blé 
pratum  prô  pré 

f^rt.  di  à  (alà)  a6  allé 
minatum  mènô  mené 

pUtatum  pttô  froment  écrasé 

retofô  se  dit  de  la 

chaleur  étouffée  et     volatum 

^07    AN  AM  : 

UnâM  Àna  làna  laine  manum  man  main 

£H\liânâiii         iz^iMkmi  gentiane,  melâna   flancs    du 

plante  et  liqueur  porc  tué 


trô  poutre  de  pont 

concentrée  comme 
dans  un  four. 

*re  +  palatum  repaô  place  où  l'on 
dépose  la  terre 
prise  au  bas  du 
champ. 

*remutatum-am  revô  fem.  rewâyé 
retiré^  reculé 
vô  volé 


î  \\NW  iVâi^f.  $.  V.  picarc  2 

V  \>v.  lî^wwww»  i87S,  p.  256-262. 


PHONOLOGIE 

DU    BAGhfAKD 

nî 

panem 

pan  pain 

tanam 

tana  tanière 

ntmum 

ran  branche  de  sapin 

lamen 

van  ou  lan  planche 

qu*on  met  dessous 

illum  -f  in  de 

-  vendemân     lende- 

un fagot  pour  k 

mane 

main 

traîner  dans  un 

sanum  -am 

xan  xâna  sain 

dévaloir 

&î   A  en  position  latine  : 

arborem 

âbro  arbre 

pastor 

pâto  frulùîT 

annum 

an  an 

Reginhart 

rènâ  rc/iar^ 

arcam 

artsé  coffre 

it,  tacca 

tatsé  c/cm  en  géné- 

alteru/n 

âtro  autre 

ral  ;  furoncle 

hdssum 

bâ  bas 

*turnassemus 

tornaxen 

commando 

comando  je  com- 

vaccam 

vatsé  vache 

rmnde 

saccum 

xa  Mc 

*diani  Martis 

démâr  mardi 

sabulam 

xabla  sable 

•diam  sabbati 

déxando  samedi 

seracularn  ' 

xaraié  serrure 

roasculum 

mâblo  mâle 

sonaculam  » 

xonalé  clochette 

passu/71 

pipas 

La  plupart  des  exemples  ci-dessus  montrent  une  tendance  à  abréger 
Va  long  et  à  maintenir  Va  bref.  Cependant  nous  voyons  âiè^  mais  ca/c  et 
canyê.  Màdo  [^  malàdo),  mâle  et  tabla  offrent  le  prolongement  de  T^, 
I  mais  xaWa  garde  sa  quantité  latine.  Ténàle  est  traité  autrement  que  xaralc 
et  xonali  qui  ont  b  même  quantité  que  murale.  Quelle  est  la  raison  de 
celte  divergence  dans  des  mots  de  même  dérivation  ?  Si  Ton  attribue  le 
prolongement  de  la  voyelle  à  rinfluence  de  la  labiale  qui  suit  ou  qui  pré- 
cède dans  des  mots  tels  que  mâdo^  mâle  et  tabla ,  pourquoi  nVt*il  pas 
ea  lieu  dans  xabla  ?  Tabla  serait-il  peut-être  un  mot  d'introduction  mo- 
-deme,  autrement  dit  d'origine  savante.  Dans  ce  cas  le  prolongemem  de 
'  Kd  serait  bien  justifié*  A  l'exception  de  malade  qui  a  un  a  bref  très-bien 
dans  son  droit,  quelle  que  soit  son  étymologie,  mais  qui  pourtant  ne  l'a 
pas  partout  —  dans  le  Jura  bernois  on  dit  malade.  —  le  français  présente 
la  même  difficulté  plus  aisée  à  soulever  qu'à  résoudre  dans  maiHe,  sable ^ 
table  et  tenailles,  tous  avec  un  a  long,  tandis  qu'il  est  bref  dans  ferraille. 
Y  a-t-il  eu  par  aventure  confusion  entre  les  suffixes  -aculam  et  -alia  ? 

ÎC    îr  ^  ATR  : 

matrem  mîré  mère 

patrem  pkê  père 

t  est  la  réduction  de  ai  dont  nous  aurons  l^occasion  de  parter  plus 
lard,  Matrem  ti  patrem  donnent,  comme  nous  l'avons  vu  plus  haut,  les 
doublets  marc  et  pure  qui  sont  des  termes  de  mépris  et  qui  désignent  le 


1 ,  Voy,  Ducangc,  s.  v. 

2.  Voy.  Ducange,  s.  v.  sonaglia  sonailla^ 


^74  ^'  CORNU 

plus  souvent  ïe  roâle  et  ta  femelle  des  animaux,  Fratrtm^   où  nulle 
distinction  n'était  nécessaire,  n*a  produit  que  ffare^  de  même  que  art  seul 
rend  laîro, 
%h    A  en  position  romane  : 


aquilam 

âlé  aigk 

*herbaticum  ' 

erbâdzo  herbe  da 

araneam 

aranyé  araignée 

prés    surtout    en 

*arboraticum 

arberâdzo  la  moitié 

automne 

du  produit  d^ un  ar- 

graneam 

grandzé  grange  à 

bre  planté  au  bord 

foin 

du  champ  d^autrui 

maie  habitu/ïï 

mâdo  malade 

à  qui  elle  appartient 

maculam 

mâle  maille 

baiulo 

halo  je  donne 

monianea 

monX3.nyè  montagne 

baranyé     scie    de 

muralia 

murale  muraille 

charpentier 

padahïé  paillasse 

coagulât 

cale  il  caille 

paleam 

paie  paille 

catulam 

canyé  lapin  femelle 

tabulam 

tabla  table 

co(n)cacula/ïï 

cocalé  coquille  d*es- 

taleo 

talo  je  coupe 

cargot 

*tenacula  = 

ténàle  tenailles 

glaciem 

dahlé  glace 

*villadcum 

veâdzo  village 

8c    U  contraction  de  ai,  =  A  + 

gutturale. 

brachium 

brt  bras 

g[\jié  graisse 

corvaceum 

corbî  corbeau 

aquam 

îwé  eau 

facere 

firé  faire 

magis 

min  plus  et  mais 

facisfacitfactum  fi 

magidem 

min  pètrissoire 

facitis 

fide 

macru/ïï 

mingro  maigre 

fragum 

fri  fratse 

*seraceum  ? 

xeri  sérac 

fraxinum 

frlno  frêne 

saxfim 

xi  rocher 

xoey  (dans  flrè  xoey,  empêcher  une  personne  de  s'ennuyer)  de  solattum^ 
modifié  en  solacium,  a  conservé  la  diphthongue  ai  dans  ey,  La  chuie  de 
VI  est  probablement  la  cause  qui  a  empêché  cette  contraction.  Dans  les 
trois  mots  suivants  nous  rencontrons  é  ay  lieu  de  !  : 
iacrimam  égréma  larme 

in  ecce  hac  enhlê  de  ce  c6îé-<i 

in  lilac  enlê  de  ce  côté-là 

Dans  ègrèma  Ve  a  été  vraisemblablement  déterminé  par  le  déplacement 
de  raccent,  Hlè  et  le  sont  souvent  enclitiques  ;  de  ià  la  divergence. 
9^  ey  eyrè  -  ARIUM  ARIAM: 

•bandariam4  bandeyrè  bannière,  drapeau 


I.  Voy.  Ducangc,  s,  v.  htrbaglum. 
j.  Voy.  Ducange^  s.  v. 
l.  Voy.  Ducange,  s.  v.  seracium, 
4.  Voy*  DucangCi  s,  v,  bandtria. 


PHONOLOGIE 

ou    BAGNARD 

Hî 

^^H 

*berlcria* 

barleyré  anneau  au- 

granarium 

gréney  grenier 

^^^^H 

quel  est  fixé  le 

*matrucularitim  maruley  margmller 

^^^1 

k 

battant  de  la  son- 

meism^y second  ber- 

^^^1 

K_ 

nette 

ger 

^^^H 

^b 

borateyré  roue  en- 

mortarium 

morley    mortier   à 

^^^1 

^K 

tourée  d^une  sorte 

piler 

^^^H 

^B 

de  crêpe  qui  sé- 

niîcariom 

Boyey  noyer 

^^^1 

^r 

pare    la    farine 

potey  ferblantier 

^^^1 

W 

d*avec  le  son 

prunarium 

prumey  prunier 

^^^H 

\   calendarium 

candrey  almanach 

tenaley  cerf-volant 

^^^1 

calyeyré  garde-robe 

caiiddatrinm 

tsandeey  chandelier 

^^^1 

1    *cuparium 

coey 

tsarateyrê  jarretière 

^^^1 

1 

cropeyrê  croupière 

carrariam 

tsareyré  chemin 

^^^1 

k 

cumahleyré  crémail- 

salariam 4 

xeyré    auge    pour 

^^^1 

■ 

lère 

donner  le  sel  aux 

^^^^1 

'^  lalponariam 

derbuneyré   taupi- 
nière 

brebis;  petit  sac 
pour  porter  le  sel 

^1 

*scalarium  » 

etseey  escalier 

sementarium  -am  xémentey  -ré  kom- 

^^^1 

•'fuinariam 

fumeyré  fumier 

me,    femme  qui 

^^^1 

'*filâriam  3 

fyeyré     sorte     de 
poutre 

vend  des  graines 

^M 

9^  Deux  mots  présentent  un  e  fermé  long  qui 

est  dû  sans  doute  à  une 

^^H 

double  influence  de  la  palatale  antérieure   et 

postérieure.  Ce  sont  : 

^^^1 

pascaarium  qu 

devient  patyê^  troisième  récolte  d' 

Lin  pré,  et  sextarium  qui 

^^^1 

donne  xètèj  setier. 

^^^1 

Il  y  a  un  £ 

accentué  comme  dans  les  infinitifs  énumérés  à  ^b  dans 

^^^1 

Jèùhlè  ^  faldarium^  manche  de  faux,  et  dans 

prémyé  =  primariamt 

^^H 

premier,  où  la  palatale  a  été  doublement  attirée. 

^^^1 

Burirè  de  'butirariam,  baratte,  doit  sa  forme  à 

^influence  des  deux  i. 

^^^1 

Mais  Iri  de  âreâm,  aire  de  la  grange 

,  offre  la  réduction  normale  de  la 

^^^H 

diphthongue  a 

f.  Corn  p.  le  français  aire. 

^^1 

10  ^  ^=^  AL  suivi  ou  non  suivi  d' 

une  consonne 

^^^1 

*spathulam 

epôla  épaule 

caballum 

tse6  cheml 

^^^^1 

aitum 

6  haut 

calda/71 

tsAda  résidu  du  sérac 

^^^1 

palum 

pô  pieu 

ou  séré 

^^^1 

talem 

tb  tel 

calceas 

tsôhie  culottes 

^^^H 

La  même  vocalisation  a  lieu  dans  les  deux  mots  suivants  où  al  provient 

^^H 

d'un  €  ouvert 

■ 

1          1.  Voy,  Dycange,  s.  v. 

1         2.  Voy.  Ducange,  s,  v. 

^^^^^M 

1         }.  Voy.  Ducange,  s.  v.  fikria. 

^^^H 

1        4.  Voy.  Ducange,  s.  v. 

j 

376  J.  CORNU 

bellum  -am        by6  bêla  beau 
novellum  -am    nov6  novela  nouveau 
1 1  àt  pour  art  =  ALT  par  dissimiladon  dans  : 
alterum  -am      àtro  -a  autre 
Comp.  àbro  de  arborem. 

1 3  plangere 

14  sanctum 

15  d/ijfê  =  ANEA 'ANYA  : 

araneam 
^montanea 

16  anî  =  ANT  non  soutenu  par  une  voyelle  dans  : 

Quadragesimam  entrantem  Cramentrân  Brandons 

et  ANT  appuyé  dans  : 

Dranciam      Dranhlé  la  Drance 
cantor  tsanto  chantre  d'église 

x-ja   anm  =  AMM  : 

flammam       hlanma  flamme 

ijb  an  =  AMP  non  soutenu  par  une  voyelle  : 

campum       tsan  champ 
Il  est  appuyé  dans  le  mot  difficile  : 

ba  >       tsanba  jambe 


plendré  plaindre 
xen  saint 

aranyé  araignée 
montanyé  montagne 


E  long  tonique. 

(Nigra, 

.  7-9-) 

1 8  ê  reproduit  Ê  devant  N  dans 

avenam 

aêna  avoine 

cœno 

hlêno  je  soupe 

pœnam 

pêna  peine 

19  20  21 

ey  (ei)  =  É  : 

habere 

avey  avoir 

*descensam 

dexeyja   le  8  sep- 

*Bemensem 

Berney-ja  Bernois-, 

tembre;  descente 

mauvais  sujet 

*stelam 

eteiya  étoile 

*betulletum 

byoey  endroit  où  il 

habetis 

ey 

croît  des  bouleaux 

mustelam 

moteiya  belette 

debere 

deey  devoir 

parietem 

parey  paroi 

debeo 

deio 

pe(n)sile2 

peiyo  chambre 

1.  Voy.  Diez,  E.  W.,  s.  v. 

2.  Voy.  Ducange,  s.  v.  pisalis. 


PHONOLOGIE   DU    BAGNARD  377 

*'plovere  ploey  pleuvoir  setam  xeiya  soie 

*potere  poey  pouvoir  secale  '  xeiya  seigle 

X^km  teiya  toile  sepem  xey  haie 

o:andelam  tsandeiya  chandelle  vero  yey  donc,  v,fr,  voir 

^%ralere  vaey  valoir 

2ib  i  se  présente  dans  deux  exemples  : 

acetum  aji  acide  pour  faire  cailler  le  petit  lait 

cœnam         hlina  souper 
^si  a  apparaît  pareillement  dans  deux  exemples  : 
foetam  faya  brebis 

metam  maya  tas  de  litière  de  sapin,  de  milite 


E  bref  tonique. 

(Nigra,  10-14). 

22  11  est  rendu  par  ey  dans  : 

Mcva  te             cyva  te                     pro  deo 

pordcy  rôdeur 

icpor-  -bafim.  leyvra  lièvre              levé 

vey  facilement. 

23  et  par  ye  {ya)  dans  : 

^l)ene                byen  bien                  pedem 

pya  pied 

jpetnm             pyerra  pierre             remedium 

remyedzo  remède 

Ce  dernier  exemple  est  peut-être  cité  à  tort,  attendu  que  la  modifica- 
^on  de  IV  aurait  aussi  sa  raison  dans  1'/  attiré. 

24  EU: 

meus      myô  mien 
<X  par  analogie  tuus       tyô  tien 

et  suus       xyô  sien, 

exemples  auxquels  il  faut  ajouter  ego  qui  fait  yç. 

25  Bene  a  deux  formes  séparées  par  la  signification.  L'une  est  bin, 
biens,  fortune,  usitée  aussi  dans  e  bin,  eh  bien,  et  axébin,  aussi,  l'autre 
est  byen  cité  plus  haut. 

E  tonique  en  position. 
(Nigra,  15-16). 

27  iSa  Position  latine  : 

lacertum-am      ajer  ajerda /^zari  dentem  dtn  dent 

bennam  hendsicaisseàmener  *diam  Mercuri  démêcro  mercredi 

le  fumier  difîerentiam  diferenhlé  diffirence 

*bravamente     bràmen  bravement  centum  hlen  cent 

comprehendere  conprendré    com-  infemum  ifè  enfer 

prendre  merendam  marenda  goàter 

I.  Voy.  Ducange,  s.  v.  sigalum. 


378                                        J.  CORNU 

mentem            men  mémoire 

vendere 

vendre  vendre 

nervum             ne  nerf 

secemerc 

xèdré  choisir 

perdîtam           perda  perte 

serpentem 

zerpén  serpent  . 

palum  ferri       pofè  levier  en  fer 

sementem 

zémén  graines 

tridentem         tren  trident 

substemere 

xotèdré    mettre  la 

calidumtempus  tsotén  été 

litière 

ventum            ven  vent 

versus 

ycr  vers 

Position  romane  : 

debitum 

deto  detu 

haereticum 

eredzo  sorcier 

feminam 

fenai  femme 

lit  29  t  +  cons  =  ES  +  cons. 

• 

bestiam             bltyé  bite 

*essere 

Itré  itre 

fenestram         fèrAXTSL  fenêtre 

pressum 

pri  fromage  frais 

estis                Ite  • 

vespam 

wlpa  guipe 

jo    ey  eyri  =  ERIUAf  ERIAAf  : 

feriam        itjxk  foire 

materiam    mateyré  peau  travaillée^ 

,  étoffes 

Ce  suffixe  est  donc  traité  tout  pareillement  à  ARIUAf  ARIAM,  où  Vi 

devenu  palatal,  avant  de  passer  à  la  syllabe  antérieure,  a  changé  Va  ene. 

Comp.  9^  et  ^h. 

31    <  =  ELLUAf: 

"^lacticellum       ahlé  lait 

rastellum 

raté   râteau  \  épine 

botellum           boê  boyau 

dorsale 

borrellum  '        bore  collier 

*tinellum 

ténê  cuveau  à  chou- 

circellum         dzardzê    bords   du 

croute,  à    viande 

tonneau 

castellum 

tsatê  château 

fumellum          fornê  fourneau 

cultellum 

tyèùlê  couteau 

misellum  -am    mejê/.  mejâ,  ladre 

vitellum 

vê  veau 

avicellum          ojé  oiseau 

Ajoutons  à  ces  diminutifs  le  mot  pellem  qui  devient  pê,  peau. 
Deux  adjectifs  qui  présentent  du  reste  dans  leur  féminin  une  irrégu- 
larité ont  élargi  Ve  en  a,  AL  a  subi  plus  tard  le  même  traitement  que 
dans  les  mots  où  Va  est  originaire.  Ce  sont  : 

bellum  -am  byo  bella  beau 

novellum  -am         novô  novella  nouveau 
Voir  10. 

32   ENS  s'est  réduit  de  bonne  heure  à  ES.  Aux  exemples  cités  19 
2021,  ajoutons  : 

prehensam  »  preyja  récolte 


I .  Voy.  Ducange,  s.  v. 
Voy.  Ducange,  s.  v.  prcsa. 


PNONÔLOetS   DU   BAGNARD 


m 

l    long 

tonique. 

W 

(Nigra, 

17-20). 

H   î  =  i 

long  : 

album  *spmum  arbepîn  aubépine 

nidum 

nin  nid 

aiidire 

aui  entendre 

*palinym 

palin  sorte  d'échalas 

•'campaninum 

canpanin  petite  do- 

prae  +  tempws  partenxia     (vatsé) 

chette 

+  iva 

vache  précoce^  cfui 

•quaerire 

céri  chercher 

met  bas  le  veau  de 

crétin  crétin 

bonne  heure 

crinem 

crin  crin 

primum  -a  m 

prin  prinma  mtnce 

cronsobrinum 

cujin  cousin 

radicem 

ri  racine 

*cohortile  ' 

eu  ni  jardin 

ripam 

ria  bord 

dicere 

dire  dire 

lardivam 

tardia  (vatsé)  vache 

donnire 

drumin  dormir 

.  qui  met  bas  au 

^engiva/71 

dzenjia  gencive 

printemps 

^'diumivam 

dzomia  journée 

*caroinum 

isémin  chemin 

mllidere 

enlindre  agacer 

venire 

venin  venir 

^pinam 

epina  épine 

*veninu/n 

vérin  venin 

£s,  fomîre 

furnin  achever 

vilem 

vi  cep 

libem^n 

ibro  libre 

sappinum 

xapin  sapin 

libram 

ivra  livre 

sarcire  ? 

xartî  faire  rentrer, 

msiù&mim 

muin  moulin 

assttjettir 

Remarque,  —  Vi  s*esi  réduit  à  y  dans  spicam  qui  devient  tpyd,  épi,  ei 
tjrîicam  qui  donne  urtyd^  ortie,  par  sa  rencontre  avec  a  qui,  en  attirant 
l'accent,  a  fait  disparaître  la  voyelle  qui  le  portail  auparavant. 

]  ç  Le  suffixe  participial  ITO  de  la  quatrième  conjugaison  subit  le 
même  traitement  que  si  Vi  était  bref  : 

ex  +  turd  +  Stum        eturdey  étourdi 
^^^^^  partitum  paney  parti 

^^^^m  I  bref  tonique. 

^^^^  (Nigra,  21-23). 

f  56   I  bref  se  maintient  dans  tatum  diem  qui  donne  toti,  si  Tétymologie 

de  ce  ncjot,  qui  signifie  <f  toujours  )>,  esi  assurée.  En  effet  une  autre  est 
aussi  naturelle  et  s'appuie  sur  le  gruérîn  totevi  =  toîam  viccm,  dont  le 
sens  est  le  même,  La  chute  du  v,  comme  on  le  verra  plus  tard,  n'offre 
aucune  difficulté  et  la  contraction  de  ai  en  i  est  dans  les  habitudes  de 
|liûire  dialecte,  ainsi  que  nous  l'avons  montré  plus  haut,  3c  Se  et  <)b.  Si 
I  cette  étymologie  est  la  vraie,  la  raison  de  la  conservation  de  Vi  est  la 
même  que  dans  picem  qui  devient  p/,  poix,  résine,  où  elle  provient  de  la 


Voy.  Ducangc^  s.  v.  corti. 


}8o  J.    CORNU 

gutturale  suivante.  Un  troisième  exemple  où  1'/  bref  a  persisté  est 
l'adverbe  via,  loin,  mais  quelle  est  la  raison  de  son  maintien  ? 
Î7  en  =  IN  et  IM  : 


m 

minus 
sine 
insimul 


en  en 

men  moins 
xen  sens 

enhlenblo  ensemble 
ne  neyré  noir 


î8 

39  nigrum  -am 

40  C'est  ey  qui  est  la  forme  normale  de  l'I  bref 
digitum  dey  doigt  fidem 
invidiam           envey  envie  piper 
librum              eyvro  livre  presbyterum 


fey  (mafey)  foi 
peyvro  poivre 
preyre  prêtre 


I  tonique  en  position. 
(Nigra,  24-25). 

41  Vi  se  maintient  dans  : 

quinque        hlin  cinq 

pinnam         pina  poutre  du  toit 

pîsto  plto  de  pîtâ  j'écrase 

et  dans  vineam  qui  donne  vinyè,  où  il  y  a  position  romane.  Ptto  con- 
serve même  sa  quantité  latine,  tandis  que  pina  et  vinyè  ont  1'/  bref. 
C'est  étonnant  que  villa,  où  les  langues  romanes  sont  unanimes  à  garder 
l'i\  appartienne  à  la  série  suivante  qui  présente  des  mots  dont  Vi  se 
modifie  en  e  fermé  ou  ouvert  selon  les  consonnes  qui  suivent. 

42  Position  latine  : 


mter 

entre  entre 

mittere 

mètre  mettre 

linguam 

enwa  langue 

patrignum  > 

parén  homme^  chef 

hirpicem 

èrxé  herse 

de  la  famille 

stringere 

etrcndre  serrer 

capistrum 

tsêtro  licol 

fimbrias 

frendze  franges 

villam 

vea  ville 

*matrignam  ' 

marena  femme 

Position  romane  : 

dominicam 

démendzé  dimanche 

ficatum  i 

fedzo  foie 

ciner  +  suff.  fém.  î 

1          hlendre  cendre 

Suffixe  ICULUAf  ICULAAf  : 

articulum 

artè  orteil 

*butticulam 

botèlé  bouteille 

1 .  Voy.  Ducange,  s.  v.  mair'ma. 

2.  Voy.  Ducangc,  s.  v.  patrinus. 

3.  Le  latin  vulgaire  semole  avoir  changé  ce  root  en  fidagum. 


PHONOLOGIE   DU   BAGNARD 


}8i 


^battuiculum 

batè  battant  de  la 

geniculum 

dzonè  genou 

sonnette 

auriculam 

orèlé  oreille 

0    long 

tonique. 

(Nigra, 

26-îo). 

46a  èii  = 

Ô: 

*colatorium  ' 

colèù    vase    ouvert 

meliorem 

melèû  meilleur 

au  fond  pour  cou- 

miratorium 

meryèû  miroir 

ler  le  lait 

motxyèû  mouchoir 

^zelosum  -am 

dzalèû  -ja  jaloux 

nodum 

nyèû  nœud 

*gaudiosum-am  dzoyèû  -ja  joyeux 

pilosum  -am 

pyèù  -ja  poilu 

scopam 

etyèùva  balai 

peduculosum 

pyoèû-ja  qui  a  des 

*scopo 

etyèùvo  je  balaie 

-am 

poux 

illonim 

èù  feur,  eux 

^captiatorem 

tsahlèû  chasseur 

ovum 

èù  œuf 

tsijyèù    cavité  qui 

horam 

èùra  heure  . 

reçoit  laprtmxèy 

dér.  ^efimbrias 

\  {rtnd]jèù  instrument 

petit  lait  qui  dé- 

pour  émietter  le 

coule  du  fromage 

lait  caillé 

co[n]suere 

tyèûdré  coudre 

flore/n 

hlèù    crème   battue 

xémotyèûinstrument 

levée  dans  la  ba- 

pour   écraser    le 

ratte 

raisin 

lavatorium 

lavyèû  lavoir 

46b  0  demeure,  mais  en  changeant  sa  quantité, 

devant  les  dentales  t 

tin: 

actionem 

axy6n  action 

pulmonem 

pormôn  poumon 

factionem 

fahWn  façon 

potionem 

puij6n  poison 

ma[n]sionem 

meyj6n  cuisine  ^ 

totum  -am 

tô  tôta  tout 

occasionem 

ocaj6n  occasion 

Il  se  maintient  aussi  dans  va  =  vos  et  dans  àra,  à  présent.  Mais  ce 
dernier  exemple  est  peu  certain,  vu  que  le  sens  ne  me  permet  pas  de  le 
considérer  purement  et  simplement  comme  un  doublet  de /iorâm  donnant 
èûra,  ainsi  que  fait  Diez  dans  TE.  W.,  mais  je  le  tiens  pour  le  latin  ad 
horatùy  dont  Pemploi  adverbial  a  facilement  fait  contracter  â  et  0  en  à. 
Un  cas  unique  maintenu  sans  doute  grâce  à  la  voyelle  suivante  est 
codam  qui  donne  caua,  queue,  car  le  maintien  de  la  diphthongue  origi- 
naire me  semblerait  encore  plus  invraisemblable. 


1 .  Voy.  Ducange,  s.  v.  colum  3 . 

2.  Le  sens  du  mot  a  pris  le  même  développement  que  o/d,  qui  signifie  cuisine 
dans  le  canton  de  Vaud. 


1*s 


J.   CORNU 


O  bret  ionique. 
(Nigra,  31-55). 

50  Le  produit  est  le  même  que  celui  de  Vo  long  : 
•aviolum  avèû  oncle  novem  nèù  neuf 
*de(oras            defèùra  dehors            novum  -am       nèû  nèùva  neuf'¥i 
dîam  Jovis        dédzèû  jeudi               probe  prèû  assez 
Uneolum           enjèù  bout  de  ficelle     rotam  rèûa  roue 
*exprobo          eprèùvo  j'essaie          cor  lyèù  cœur 
mobm              mèua  meule 

5 1  Dans  bonam  donnant  bàna^  bonne,  et  iono  qui  fait  xànOy  je  sonne, 
il  y  a  eu  prolongement  de  la  voyelle  latine. 

\i    Pourquoi  foriam  donne-t-il  foeyre,  diarrhée,  et  historiam^  istoeyrè 
histoire»  tandis  que  memoriam  devient  memuirèy  mémoire  P 
$1    ua  =  OCl}M: 


I 


)ocum 
focum 
locum 


d  jua  jeu 

h^feu 

tua  lieu 


54  et  s^ 
accordât 
apponere 


conca/n 


comua 


0  tonique  en  position, 
(Nigra,  34-^7}. 


acôrde  il  plaît 

apojiûré  ajouter,  at- 
tacher 

borna  cheminée 

contsé  bassin  de  fon- 
taine^ de  pressoir 

coma  corne 


frontem 
corb  -f  a  fém, 
pontem 
porta  m 
porto 

somntim 


fron  front 
gôrba  corbeille 
pon  pont 
pôna  porte 
porto  /e  ;?()rf* 
posta. 
xono  sommeil 


5  j  OCT  s*est  réduit  à  /  dans  le  produit  de  noctem  qui  est  nin,  nuit; 
â  —  ose  dans  bà,  bois,  de  boscam,  tandis  que  Va  est  bref  dans  cuxi, 
cuisse  =  coxjm.  La  forme  de  ces  deux  mots  est  déterminée  par  Vi 
palatal  résultant  de  la  gutturale.  C'est  ce  même  son  qui  a  rétréci  l'a  en 
ù  dans  cortuem  qui  devient  crutsè,  son.  Comp.  purîsu  ==  porticum  dans 
le  dialecte  du  Jorai  et  ma  phonétique  du  dialecte  du  pays  d'Enhaut, 
j6(î.  Rem.  Un  troisième  représentant  de  OSC  se  rencontre  dans  poey^ 
puiSi  qui  e«t  pou  que  le  latin  vulgaire  semble  avoir  transformé  en  pose. 

$6^    L'^tfet  de  la  palatale  a  singulièrement  modifié  oculum  qui  a  ^t 

^IKV.  Le  t  jippartient  proprement  à  Tarticle,  mais  l'analogie  Ta  introduit 

nu  ^i»||ulier  iVesi  une  faute  toute  semblable  à  celle  sanctionnée  dans  le 

e  de  TAcadémie,  entre  quatre^z-yeux  au  lieu  dt  entre  quatre 


à 


PHONOLOGIE   DU    BAGNARD  ^8? 

jrax-  Dans  doiia  donnant  doté  pot  de  terre  à  mettre  le  beurre,  et  fotid 
I  devenant /ofô,  feuille^  la  même  palatale  a  sauvé  la  voyelle  latine. 
J7   û  ^  OL  suivi  d'une  consonne  : 


coI!um 

cùcou 

iL  volta 

ûta  voûte 

lis  les  proparoxytons  ont  èii  : 
oiolere 

raèudre  moudre 

pollicem 

pèudzo  pouce 

$8  Longe  donne  luen,  loin,  par  l'effet  de  la  gutturale  fondue  en  pala- 
tale. Un  exemple  unique  de  an  au  lieu  de  on  est  amun  =  ad  montem^ 
en  haut. 

U  long  tonique, 
(Nigra,  J8.39), 

59  60   U  se  conserve  mais  en  changeant  sa  quantité  dans  : 
commua  -f-  a  fém,  ^      comuna  commune 
unam  una  une 

lunam  vuna  lune 

Il  la  garde  dans  yerrucam  qui  donne  varuyé^  verrue,  et  carruaim  qui 
^^t  uèràyè,  charrue,  sans  doute  par  l'effet  de  y. 

Quand  U  M  et  UN  manquent  d'appui^  ils  se  réduisent  à  0  nasal  : 
^coaguluraen     calôn  tait  caiUé  et      unum  on  un 

découpé  *remolumen      remolôn  son  te  plus 

*diam  lunae       délôn  lundi  fin 

Mais  la  persistance  du  t  dans  brç  Èr^fd^sfcrumm-am,  vilain,  m'amène 
I  croire  que  l'a  ici  s'est  trouvé  en  position  ;  ainsi  s'explique  son  change- 
nt en  0.  Le  masculin  disait  une  fois  *brut  et  le  féminin  a  été  formé 
par  l'addition  de  ta  au  lieu  de  Va  pur  et  simple.  A  côté  de  sa  conserva- 
tion ou  de  son  élargissement,  on  rencontre  son  rétrécissement  en  u 
<]ans  : 

mulâm  mua  mule  ultra  ûtre  outre,  jus(]ue 

plumam  pluma  ptame  securum  xui  sàr 

pulicem  pudzé  puce 

Ce  dernier  mot  doit  sa  forme  à  la  métaihèse  de  l'élément  palatal.  Il 
devient  û  aussi  dans  le  suffixe  participial  -utuM  : 

avoyù  entendu 
necù  né 
poxu  pu  ; 
et  dans  les  subsuntifs  verbaux  en  -aturaa#,  suffixe  qui  devient  -iilre  ou 
-yiiirè  selon  la  nature  des  consonnes  qui  le  précèdent  : 


i ,  L'on  ne  saurait  penser  à  communia  qui  aurait  donné  une  autre  forme. 


farmùtré  serrure 
montyùîré  monture^ 
mulet ^  cheval 


)S4  J.   CORKU 

aiîdyùlré    apparie-     firmaturam 
mtnt  moniaiuram 

•botonaturam    boténùlré    bouton- 
mère 

U  est  devenu  ii  sous  l'influence  de  y  dans  feîyûîré^  forme  ou  moule  à 
faire  le  fromage,  que  le  moi  latin  dont  il  dérive  soit  facîuram  ou  ftctu- 
ram.  La  première  élymologie  a  l'autorité  de  Ducange* 

Une  forme  difficile  à  expliquer,  parce  qu'elle  est  unique,  est  pye^  seu- 
lement, de  pure, 

U   bref  tonique. 
(Nigra,  40-42). 

6 1  desupra  dejèûra  dasus 

lupum  [eu  loup 

Mais,  quand  il  est  en  hiatus,  tl  devient  au  : 

duas  duos  daue,  masc,  dû  deux 

illam  tuam  a  taua  la  tienne 

illam  suam         a  xaua  k  sienne 
Pourquoi  murium  -am  fait-il   moeyro  -è,  trop  salé,  tandis  que  salem 
muriam  est  rendu  par  xarmûîré  ? 

U  tomque  en  position. 
iNïgra,  43-47). 

6}  U  se  maintient  dans  : 
acQculam  avulè  aiguiUi  *fructa  fruité  fruits 

exsuaum  -am    exué  -te  desséché  purga  médecine^ 

fiructum  Imi  fromage 

mots  qui  tous  ont  un  u  long  en  latin  ;  pugaam  en  revanche  donne 
pmn^  quoique  Pu  paraisse  être  long.  Mais  dans  Augusta  qui  devient  àta^ 
Aoste,  la  contraction  ne  permet  pas  de  dire  si  nous  avons  la  conserva- 
lion  de  l'«  bref. 

64  et  6;   Ailleurs  il  est  rendu  par  ô  : 


bullam 

bôla  boule 

*nebullam 

nyôa  nuage          m 

betullam 

byôa  bouleau 

ungulam 

onle  ongle            ^ 

columnam 

côna  colonne 

ulmum 

èrmo  ormeau 

dupîum 

d6blo  double 

? 

pôpa  pis  d'une  taie 

diurnum 

dzè  jour 

pylpa/îî 

pôrpa  viande  dure 

in  summo 

enlil6n  au  sommet 

rubeum 

rôdzo  rouge 

gurdum  -am 

gdrdo -a  raiiei^/^- 

ruptam 

rôta  route 

guttam 

gôta  goutte 

[tigue 

ndi  tuf 

ibpo'^  sombre,  noir 

gytturem 

gôtro  goUre 

[relie 

'legullam 

tyôa  tutle 

locustam 

lôta  cigale  et  saute- 

arabe  sukkar 

xècro  sucre 

Une  forme  sans  autres  exemples  esifau  de/ur/îum,  four. 


^^^^^^«                                  PHONOLOGIE    DU    BAGNARD 

^1 

H            6j  b  èù  ^  cens,  =  UL  +  cons.  : 

^H 

H         'bullico             bèudzo  je  bouge         *pulvera 

pèùdra  poudre                         ^^H 

H         Bulgarum          bèugro  homme  so-     pulvis -h  a/ém, 

péuhla  poussière                       ^^| 

H                                   îiiie                        pQÛucuhm 

pyèu  pou                                  ^^H 

H        dulcetii              dèu  dèuhlé  doux 

H 

^^^^^^                                         DïPHTHONGUES   TONÏQJJES. 

H 

^^P                                   (Nigra,  48-n)- 

^1 

■             67  OE  AE,   Plus  haut,  à  Toccasion  de  Ve  long,  nous  avons  déjà  cité                   ^^| 

H         des  exemples  cfui  présentent  ces  diphthongues,  Voici  mamtenant  réunis                   ^^| 

H         tous  ceux  que  nous  avons  rencontrés  ; 

^^M 

H         foetam               faya  kràii                  'praegTium 

pren  prémyé  por-                 ^^H 

H         caelum              hleê  ciel                        -am  ' 

^H 

H         coenam             hlina  souper                taedam 

teiya   bois  résineux                   ^^M 

H         poenam             pena  peine 

du  tronc  de  dalé                     ^^| 

H                                                                saepem 

xey  haie                                  ^^H 

^^^       68  AV,  Cette  diphthongue  est  rendue  par  ù  : 

^H 

^^H                              claudere           htûrè  dore  et  fermer                                            ^^^ 

^^^^^K                        pauperum  -am  pûro  -a  panure 

^^H 

^^^BV                       causam              tsûja  chose 

j^H 

H            Sur  le  produit  de  caudam,  codam,  qui  est  caua, 

queue,  voyez  46^.                 ^^M 

H         Fagum  que  le  latin  vulgaire  semble  avoir  transformé 

en  *fagvum,  favum                  ^^^k 

H         est  deveny  fau   {JoraîK  puis  feu,  conformément 

au   développement                   ^^H 

H         normal  de  la  diphthongue  AV  dans  le  val  de  Bagnes 

^^^^^1 

^^H                                       Voyelles  atones. 

H 

^^P                                             'Nigra.  54-B6). 

^H 

^^V       69  A  ;  maintenu  : 

^^1 

^^"    avenam              aêna  avoine                aniculum 

artè  orieil                         ^^^^H 

■         lacerium  -am      ajer  ajerda  lézard     'abantiare 

avanhlê                            ^^^^^| 

H          acetum                ajî  2 1  b                     acuculam 

avulc  aigmik                     ^^^^^k 

H         araneam             aranyé  araignée         calendarium 

cafldrey  almanach                ^^^^^k 

H         'arboraticum      arberâdzo  ^ 

^^^H 

H              èii  =  AL  +  cons,  : 

i^^^^l 

H         fèudâ                 tablier                       •catceone/n 

^^^^^^1 

H          falcariiim            fèuhlé   manche   de 

tsèiiptSn  bouchon           ^^^^^^H 

H                                      faux 

tsèùpunà  boucher         ^^^^^^| 

H         caldaria             tsèiideyré  c/iau^/er^ 

^^1 

H              1.  Voy.  Ducange. 

^M 

^Ê             I.  Voy.  %  t  =  ramalâdzo  (Jo^at^. 

^^Ê 

^^^^                  Rontûma^  Vf 

^M 

^^H 

1.    CORNU 

^H 

^^^^^L               7 1    A  s'altère  en  e  et  f  après  un  son  palatal  : 

^H 

^^^^^B 

adzelâ  acheter 

dérivé  de  csLmkm  tsenalyà     conduit        ^ 

^^^^^H 

dzénélé  poule 

d'eau  d'un  tait           ■ 

^^^^^1 

tsêna  chaîne 

cateneîîam 

tsénea    collier   de        J 

^^^^^H           caballum 

tseô  cheval 

^^Ê 

^^^^^H 

tsémin  chemin 

claviculam 

tsilé  >  cheville           ^^| 

^^^^^H              Cette  altération  est  obscurcie  dans  tsêna  et  tsiiè  qui  ont  subi  une  con-         f 

^^^^H 

■ 

^^^^H             Un  son  palatal,  quelle  que  soit  sa 

t  provenance,  modifie  Va  des  termi-         1 

^^^^^1          naisons  atones  en  è.  Par  ce  fait  la  première  déclinaison  est  partagée  en         | 

^^^^^H                           s( 

auîemeni  au  singulier. 

La  première  conj  ugaison  est  de  mèoie         | 

^^^^^1         scîndée  en  deux. 

■ 

^^^^B 

andyiiîré    apparie- 

differentiam 

âikrenUédifférenu         1 

^^^^H 

ment 

dolia 

ddié  $6  b                 ^M 

^^^^^B 

aranyé  araignée 

galliaam 

dzénélé  poule             ^^M 

^^^^^B 

artsé  coffre 

caveam 

dziwé  cage                ^^M 

^^^^^H 

avélé  abeilk 

ecclesiam 

eleyjé  église               ^^M 

^^^^^H 

avulé  aiguille 

*limaceam 

emaxé  escargot           ^^M 

^^^^H 

bandeyré  bannière 

exsucta/» 

exuéié  masc.  exué     ^^Ê 

^^^^H 

baranyè  8  b 

sec,  desséché            ^M 

^^^^^H 

barleyrè  9  a 

familiam 

fa  mêlé  famille            ^^M 

^^^^^1 

Kîyé  bête 

firmaturam 

farmuké  serrure        ^^M 

^^^^^1 

boièle  bouteille 

facîuram  ou  fie 

-  fetyùîré  $9  60          ^^M 

^^^^H 

botényulrê  bouton- 

turam 

^H 

^^^^H 

nière 

falciculam 

fèufélé  faucille           ^^M 

^^^^^1 

buriré  baratte 

foriam 

foeyré  diarrhée          ^^M 

^^^^H 

butsélê  copeau 

folia 

ià\é  feuille                  ^H 

^^^^^1 

canyé  lapin  femelle 

forlia 

fôrhlé  force                ^^M 

^^^^H 

catyeyré    garde- 

furcam 

fèrtsé  fourche            ^^M 

^^^^^H 

robe 

•firucta 

fruité  fruits                ^^M 

^^^^^1 

conéïé  quenouille 

fumariam 

fumeyré  fumée            ^^M 

^^^^^B 

comsé  54  et  56  a 

"^filariam 

fy  eyré  sorte  de  poutre     ^^Ê 

^^^^^1 

conxinhlé      con- 

graneam 

grandzé   grange  à     ^^Ê 

^^^^^H 

science 

foin                       ^^M 

^^^^H 

aopeyrê  croupière 

ahd  clocca 

hl6tsé  cloche               ^^Ê 

^^^^B 

cumahleyré     cré- 

aream 

tré  aire  de  la  grange      ^M 

^^^^H 

maillère 

aquam 

^^Ê 

^^^^^1 

cuxé  cuisse 

maculam 

mâle  maille                ^^B 

^^^^^1 

dcrbuneyré  taupi- 

raateriam 

maîeyré  peau  tra-           ■ 

^^^^^H 

nière 

vaillée;  étoffes               1 

^^^^^H 

démendzé  dimanche 

memoriam 

mcmuirc  mémoire             1 

■ 

^^^^ 

^p 

PHONOLOGIE 

DU    BAGNARD 

î87      ^^^H 

H          'Eninus  caden- 

-  metsanhlé  difficulté 

trentyûtré  chevilledu                 ^^M 

H             tiain 

excessive 

^^H 

H         muriam 

moeyré  trop  saiêt 

troga  et  iroia^ 

trûyé  truîe                               ^^H 

H          'montanea 

monizxi'^i  montagne 

tsaraieyré  jarretière                 ^^| 

H          'montaturam 

moniy  xxiT^monîuTt^ 

carrariam 

tsareyrè  chemin                        ^^H 

H 

mulet,  cheval 

carrucam 

tsèrûyé  charrue                       ^^H 

H         nigra/n 

neyré  noire 

claviculam 

tsité  cheville                            ^^H 

H          UDgylam 

onlé  ongle 

caldaria 

tsèiîdeyré  chaudière                  ^^| 

H          auriculam 

orèïé  onille 

tyèùxé  courge                          ^^H 

^H          paleam 

pale  paille 

vemicam 

varûyé  verrue                          ^^H 

H          paradam 

pareyré  pareille 

vineam 

vinyé  vigne                               ^^| 

^1           *pavorîàm 

poeyré  peur 

*seraculam 

xaralé  serrure                        ,^^^1 

^M          primariam 

prérayeré  première 

salem  muriam 

xarmùiré  saumure               H^^l 

H          ^pecia  ' 

pyehlé  pièce,  pièce 

salariam 

9  a                           ^^^^M 

H 

émargent 

sementariam 

xémenteyré  9  a                 ^^^H 

H          ranuculam 

rènôlë  grenouiiîe 

cerasea 

xéryejé                               ^^^^| 

H          il.  rocca 

wl^b  pierre 

•sonacula 

xonalé  clochette                    ^^^^M 

H          it,  tacca 

latsé  8  a 

^H 

H              7^    Va  initial  est  tombé  dans 

Cramentrân    i6 

=  Qaadragesimam                  ^^H 

H          entrantemy  à 

moins   que   Ton   aime   mieux    admettre   la    chute   du                  ^^| 

H          second  a  avec 

métathèse  de  tV.  il  est  tombé  après 

racceni  dans  *diam                 ^^H 

^1          sabhati  qui  devient  dkxando^  samedi. 

,  et  piatanum  qui  fait  plîno^  platane,                 '  ^^H 

H         Après  la  chute  du  v,  Va  final  atone  s'est  contracté  avec  Va  tonique  dans                  ^^| 

^1          bràmén  =  tmvâ  menle. 

^H 

H              74  E  latin 

est  conservé.  Il  en  esi 

[  de  même  de  celui  qyi  provient  des                  ^^| 

H          diphthongues . 

itE  et  OE  : 

^^1 

H          *se  adpraestare  x'apreslà  sapprè^ 

gentianam 

dzenhlàna  gentiane                 ^^H 

H 

ter 

ecclesiam 

eleyjé  église                          ^^H 

H          benn-  +  su§,  âim .      bendzdn  crkhi 

*intesiaitim 

entêta  entité                        ^^M 

^^ 

pour  damer  à 

'herbaticum 

erbàdzo  %  b                        ^H 

^^^L 

manger  aux  mu- 

haereticyffi 

eredzo  sorcier                       ^^H 

^^^H 

lets  hars  de  l'é- 

levare 

^^H 

^^H 

curie 

femellam 

femâ  femme\  sur-                  ^^| 

^^^    *Bemensem 

Bemey  Bernois 

tout  en  mauvaise                  ^^H 

H         crepare 

créa  percer,  crever 

^H 

H         debere 

deey  devoir 

lev-i-5ii/,  dim 

kv^lléger                             ^^B 

H         *desce[n]sam 

dexeyja  descente 

mémo  ri  am 

memiîlre  mémoire                  ^^H 

^J^    differentiam 

diferenhlé    diffé- 

*poenibilem 

peniblo  pénible                      ^^H 

■ 

rena 

praedicare 

predjyé  parler                      ^^H 

^m              I.  Voy.  Ducange. 

1 

^^             2.  Voy.  ûucange^  s.  v. 

1 

;i8ë  J.   CORNU 

re  4-  appellare      xe  rapeâ  se  rap-     re  +  eraendare     remendâ  raccom- 
peler  moder 

serpentem  xerpén  serpent 

Un  certain  nombre  de  mots  offrent  un  e  sourd  au  lieu  de  Ve  fermé.  Ce 
sont  : 

*quaerire  céri  chercher 

fienestram  fénîtra  fenêtre  tenere 

*coenare  hiénâ  souper  venire 

ropQsitam  rèpdlsitites de  choux     venenum 

fendues  en  quatre     sementem 
et  traitées  comme     cerasea 
LâL  pèiptft  Pont  par  l'influence  de  Pi  qui  suit;  hlénâ  a  son  explication 
4umftiinà^  comp.  plus  bas,  80;  xémén  a  sans  doute  sa  cause  dans  Vê. 
Ltt  ^r^fcse  n-  est  rendu  le  plus  souvent  par  rè. 

^\   E  ébrip  en  a  par  l'influence  de  la  consonne  suivante  : 
Sueri  MCteNi        amin  hier  soir  prae  +  tempus      partenxia  5 } 

xtffv^canum-am  bardjyé  bardjyéré         +  iva 


la  choucroute 
ténin  tenir 
venin  venir 
vérin  venin 
xémén  graines 
xéryejé  cerise 


^berlariam 

^deretrariu/n 

sternuere 
merendam 

mercatum 


verger 

barleyré  9  a 

barney  faux 

darey  dernier  {troi- 
sième) berger 

etamin  éternuer 

marenda  goûter  {à 
quatre  heures) 

martxyé  marché 


re  +  merced+are  remahlâ  remerc/er 
vtTmmsi  {avec  dé-  YSirména  masse  de 

placement  d'ac-      vermisseaux 

cent) 
vermaceum 


verrucam 
seracula/n 


varmm      vermis- 
seau 
varûyé  verrue 
xaralé  serrure 


Dans  dzdlèii  =  zelosuniy  Va  doit  remonter  assez  haut,   vu  qu'il  est 
commun  à  plusieurs  des  langues  néolatines. 
77    Un  cas  unique,  pour  cela  difficile  à  analyser,  esf  : 
geniculum  dzonè'  genou 

-^8   II  tombe  avant  la  syllabe  tonique  : 

vervecarium  -am       bardjyé  -rè  berger 
deretrarium  darey 

reyxyé  scier 


resecare 
^H^$  U  syllabe  accentuée  : 


apondré     ajouter, 

attacher 
atendrè  attendre 
batrc  corner  (cornu 

ruere)  ;  frapper, 

sonner 


bibere  beyré  boire 

coquere  coeyré  cuire 

comprehendere  comprendre     com- 

prendre 
dicere  dire  dire       [dents) 

illidere  enlindré  agacer  Qes 


Oo^^'^v  »Vf'*-  ^^^ 


I 


PHONOLOGIE    DU    BAGNARD 


}89 


stringere         eirendré       serrer, 

piper 

peyvro  poivre 

presser 

plangere 

plendré  plaindre 

excutere             etyèûré  battre  le  blé 

cadere 

txyeyré  tomber 

fJBicere                flré  faire 

co[n]suere 

tyèudré  coudre 

cîncr  +  as         hiendre  cendre 

vendere 

vendre  vendre 

claudere            hlûré  clore  et  fermer 

secemere 

xèdré  choisir 

légère                lire  lire 

*sequere 

xèûré  suivre 

mhtere              métré  mettre 

substemere 

xotèdré   mettre  la 

molere              raèûdré  moudre 

litière 

pulver  +  ai fém.  pèûdrsi  poudre 

•vidëre 

yèré  voir 

à  la  fin  des  mots  : 

2iccordare          acordâ  plaire 

picem 

pi  poixy  résine 

<2uinuntiare         anonhlé  annoncer 

*plovere 

ploey  pleuvoir 

^idripare            aruâ  arriver 

•poiere 

poey  pouvoir 

siudire               aui  entendre 

probe 

prèù  assez 

I-iabere               avey  avoir 

pedem 

pya  pied 

Beme[n]sem      Berney-ja  Bernois 

pure 

pye  seulement 

Isoniutem          bontô  bonté 

potionem 

puijôn  *  poison 

fcene                  byen  bien 

*radicem 

ri  racine 

C^adragesimam  Cramentràn       les 

talem 

là  tel 

entrantem          Brandons 

totam  vicem  ou 

:  toti  toujours 

<mne/n               crin  crin 

totum  diem 

^cnte/n               den  dent 

tridentem 

tren  trident 

'^diam  lunae       délôn  lundi 

trabem 

tr6  poutre  de  pont 

#idc/n                 fey  foi 

canem 

isin  chien 

*rontem              fron  front 

levé 

\tj  facilement 

"■grève  =  grave  grey  difficilement 

vitem 

vi  cep 

Ȕucem               nyuey  noix 

sepem 

xey  haie 

panem                pan  pain 

sapere 

xey  savoir 

parietem             parey  paroi 

sementem 

xémén  graines 

pclle/n                pê  peau 

En  hiatus  il  produit  le  plus  souvent  une  palatale  : 

nec  unum,  nec  unam 

nyon,  nyuna  aucun 

peduculum 

pyèu  pou 

peduculosum  -am 

pyoèù  pou 

Mais  re  +  emendare  donne  remendâ,  raccommoder, 

79  I  ne  se  maintient  que  fort  rarement  : 

difFerentiam       diferenhlé  différence 

infernum 

ifè  enfer 

filiolum              filuè  filleul 

pistare 

pîtâ  »/oa/er,  écraser 

1.  S'emploie  surtout  comme  terme  d'injure. 

2.  Comp.  Nigra,  71. 


IP 

^^ 

^^^H          Ce  dernier  aM  CM  d'iMaai  pin 

lewifAIr  qrt 

igHik  s  ^ÊmÊÔÊt 

^H       |iiiir,i.tee>bfylibeiii>iie. 

^^H           So  flfrcfaa«ekpiai«NrFe8tcii€: 

^^^H        ^iMMe          2nFq»  r«ir4flr 

'lindhn' 

iêaè)i 

^^^H        ^imkmm       csptùM  <4fiiâim 

lêréa  mréa  irair 

^^^H                             wdâtfBfliéitfJfl 

verîtatta 

vfftl6  fférâl 

^^^H        '«rittire            wnft  ownir 

▼kânam-aav 

vqn,vqàtt9mHi 

^^^F        prtmtfmm  -m   prànré  -erê  fre- 

gîrare 

veryc  lD87)wr 

^^^^L 

^^^H            et  quelqoeCirii  en  ^  ferait  - 

^^^H        fiwiiTiiiii           fenm  fumuf 

'fDÎratornun 

oûCfyéâ  MTOir 

^^^^H        sifdhMi  *«m      nieft  roejâ  hiârt 

*viUatîcuin 

veÂdzo  riDiigc 

^^^^1            Si    Devant  r  foivi  d'une  consonne  il  s'étargit  en  ^ 

,  comme  IV  dans  le          ' 

^^^H       fiAme  eu.  Voir  le     75 

^^^^1 

dzardzé  bords  di 

ï  tonneau 

^^^^1                                    firmaturam 

farmuirê  serrun 

^^^^H 

xarhl  cerder 

^^^^1            83   II  i'auourdit  en  u  devant  une  labiale  dans  adripare  qui  devient          ] 

^^^H        aruA,  arriver,  et  itbllare  qui  fait  xufc^,  siffler. 

^^^F            S)  Chute  de  Vl  ;  avant  l'accent 

^^^K         Micticellum         ahlè  kit 

lubricare 

lueydjyê  ^  h 

^^^H         ^cuminittare        comenhlê     corn- 

heri  nocîem 

amin  hier  soir 

^^^^H 

avicellym 

ojê  oiWa                  ^H 
predjyé  parler            ^H 

^^^^H         quadrageiimam    Cramenirân     les 

praedicare 

^^^^H             entranicm             Brandons 

pullicenum 

pudzin  poussin;  oi- 

^^^^1        irrigare               crdjyc  tniguer 

Sidti 

^^^^m         *foris  tempu.^      féurtén  printemps 

^^^^M            après 

^^^^H         laricerri              arjc  méUze 

forfices 

forhle    cueaux     4 

^^^^H         bibis  bibît          bct 

tondre  les  brebis 

^^^^H         butyrum            bètirro  beurre 

fraxinum 

frïno  /r^fig 

^^^H         debitum            dcto  dette 

*operaltcum 

ovrâdzo  ouvrage 

^^^H          digitum             dey  doigt 

'poenibilem 

peniblo  -a  pénible 

^^^^ft         *dîani  Jovis        dëd^-èu  jeudi 

perdilam 

perda  perte 

^^^^M         *dbiïi  Martia      dcmar  mardi 

pûllicem 

pèiidzo  poucf 

^^^^m         genitain            dteniAgentille.sagc 

pulicem 

pùdzé  puce 

^^^H         *herbitieum       erbAdr-o  j  h 

repositam 

repûta  74 

^^^^B         haereticum        ered7.o  sorcier 

calidum  -am 

t$6  t$6da  chaud 

^^^H         hirpicem            èrxc  herse 

coryl  +  a  fém 

tyèùdra  noisetier 

^^^^H        (eroinam            kn^  femme 

'volitis 

vèude  roii5  ifoulez 

^^H 

salicem 

xôdzé  iau/(: 

^^^H             1.  Voy.  DttCâRge,  s. 

m  PHONOLOGIE   DU    BAGNARD 

W  84    0  ;  il  est  rendu  par  0  : 

m       adfrontare  afrontà  attaquer 

m       boletuin  boey  sorte  de  cham- 

w  pignon  qui  croit 

P  sur  le  bois 

bontô  bonté 

coà  couler 

cocaiècoquilled'es' 
cargot 

colax6n  bélier 
coinmun+ a/^m.corauna  commune 


391 


bonitatem 
colare 

co[n]cacula/R 


<^licvila/n  conélé  quenouille 

conflaw'e  conhià  gonfler 

xe  conparà  avoir 

de  la  peine 
^colapliare         copâ  couper 
^coiTAraceum        corbi  corbeau 
^  ^cmorare     xederaorâ  i'^mwer 
^^^^^^I^re  ecoâ  balayer 

^^ï>ï"obare         eprovâ  essayer 
i^r^£;5]ijre        fori    Bas    Valais 

printemps 
^  S   Dans  les  mots  suivants  il  est  devenu  u  (ti),  dans  plus  d'un  sans 
T^^te  par  reffet  de  Vi  tonique  : 
^^"^narn  buéna    viande 

vache 


fora[s]«viare 

xe  foryâ  se  mettre 

de  côté 

*molare 

moâ  aiguiser 

mo\-{-  suff.dim. 

moeta  pièce  de  bois 

ronde  recouvrant 

la  baratte 

montanea 

montanyé     mon- 

tagne 

mortarium 

mortcy  mortier  à 

piler 

mo[n]strare 

motrà  montrer 

*potere 

poey  pouvoir 

pomarium 

pomcy  pommier 

pon-\'Suff.dim. 

.  porteta  contre-vent 

*torculare 

XToljé  presser  du  vin 

volare 

voâ  voler 

solatium 

xoey 

sonare 

xônà  sonner 

^sonaculam 

xonalé  clochette 

de 


dé 

^^^tare 

^^Injsobrinum 


*soliculum  hluè  soleil 

molinum  muin  moulin 

molin+5i//.rf/m.  munet    moulin    à 
fouler  les  pom- 
mes^  moulin  à 
foulon 
*morire  mûri  mourir 

potione/n  puijôn  poison 

*totare  ^  tyùâ  ruer,  éteindre 

'vocitare  vudyé  vider 


'^ivé  de  cacare  cayunet  petit  porc 
cudjyé  essayer 
cojin  cousin 
'^ohortiliare       curtelyé  3  b 
cohortile  curti  jardin 

^talponariam      derbuneyré  taupi- 
nière 
^ormire  drùrain  dormir 

itd,  fomire        furnin  achever 

Cette  influence  de  1'/  est  indubitable  dans  driimin.  Tyiiâ  a  sa  cause 
dans  le  y. 

87   Vo  s'est  conservé  dans  les  nominatifs  : 

pastor  pâto  fruitier 

cantor  tsanto  chantre  d'église 

sector  xeylo  faucheur 

1 .  Forts  serait  peut-être  plus  vraisemblable. 

2.  Comp.  Ascoii,  Saggi  ladini,  p.  36,  note. 


392  J.    CORNU 

Mais  dans  4rê,  de  latro,  o  est  tombé  et  TR  a  été  soutenu  par  é.  Un  cas 
unique  d'o  devenu  e  se  présente  dans  "arhoraticum  qui  donne  arberâdzo. 
Corap.  l'italien  albero. 

88   II  est  tombé  dans  : 

"adcoliocare  atyèûtxyé  accoucher 

'corrosare  '  crojâ  arracher 

De  même  que  Vu  après  ^,  Vo  est  tombé  après  c  dans  coagulare^  calyè^ 
cailler,  et  dans  l'adv.  dérivé  de  coactare  avec  le  suffixe -o^,  a  caîsôn. 

Il  y  a  eu  contraction  de  Vo  avec  u  dans  locustam  qui  devient  làta, 
cigale  et  sauterelle. 


*matrucularium  màruley  marguiller 


muralia 
urticam 


89   U;  maintenu  : 
*butyrariam       buriré  baratte 
*ftimariam  furaeyré  fumée 

*ftigire  fuyi  aller 

lubricare  lueydjyé  3  b 

Par  la  vertu  de  Vy  il  s'est  changé  en  iï  dans  : 
*assecurare         axûryé  assurer 
pullicenum  pùdzin  poussin  ;  oiseau  en  général 


murale  muraille 
urtyà  ortie 


90  Changé 

en  0  : 

*admuriare 

araoeyryè  saler  ex- 

Mocustellum 

lotê  Bruson  cigale 

cessivement 

et  sauterelle 

annuntiare 

anonhlé  annoncer 

mustelam 

moteiya  belette 

byivs^  suff.dim 

.  borxeta  bourse 

puW -k-suff.dim. 

polet  coq;  robinet 

cubare 

coâ  couver 

pulmonem 

porm6n  poumon 

*cuparium 

coey=covayVAUD 

pronuntiare 

prenonhlé  pronon- 

discurrere 

dexcori  parler 

cer 

*diumivam 

dzomîa  journée 

peduculosum 

pyoèû  pouilleux 

in+funds+are 

enfonhlâ  enfoncer 

*turnare 

tornâ  revenir 

fomatsé    cavité  du 

superare 

xobrâ   rester,    de- 

fourneau 

meurer 

fumellu/n 

fornè  fourneau 

substernere 

xotèdré   mettre    la 

*cuparium 

govey  seille 

litière 

UL  +  cons.  se  change  en  or  dans  pormôn\  un  autre  traitement  plus 
ordinaire  de  la  même  formule  offre  la  vocalisation  de  VI  : 
a[u]scultare        atyèùtâ  écouter  *multonem         mèùtôn  mouton 

*bullicare  bèûdjyé  bouger  cultellum  tyèùtè  couteau 

Le  développement  de  la  diphthongue  èû  a  sans  doute  suivi  la  marche 
suivante  :  ou  au  èii.  Si  crèiityôn^  entamure  du  pain,  qui  répond  à  crotsôn 


L'étymologie  admise  est  plus  que  douteuse. 


PHONOLOGIE    DU    BAGNARD  j9^ 

du  Jorat  (Vaud),  dérive  de  crustam,  comme  le  sens  parait  l^indiquer,  je 
ne  vois  pas  trop  comment  il  faut  Tanalyser,  Un  changement  ancien  d*a 
en  a  se  présente  dans  xatyèùrè  de  sabcuîere^  secouer,  abattre . 


Dranhlé  Drance 
^fm,dzerI6n    seillon  à 
porter  à  manger 
aux  porcs 
xarhià  cercler 


92  II  tombe  avant  Taccent  : 

coagulare  calyé  caiiler  Drantiam 

'coagulumen      cal6n  59  60  gcrul  +  iujf. 
catu  l  -f  suff.  dim .  canyon  jeu n e  lapin , 

jeune  chien 

computare  conta  compter  'circulare 

après  Taccent  : 

catulam  canyé  tapîn  femelle  'tardivum  lardi  tardif 

genitum  dzen  gentil,  sage  tempus  ten  temps 

gerulum  dzerlo  hotte  calidu/w  ls6  chaud 

'insimul  enhienblo  ensemble  co[n]siiere         tyèiidré  coudre 

*spathulam        epôla  épaule  vinum  vin  vin 

iun\um  fay  four  'seraculam         xaralé  serrure 

masculum  mMo  mâle,  homme  circulum  xathlo  cercle 

minus  men  moin  versus  yer  vers 

ungulam  on  lé  ongle  saxuw  xi  rocher 

peduculuw         pyèu  pou 

U  s'est  combiné  avec  M  de  manière  à  former  un  seui  son  dans  revô, 
rewâyè  =  remutatum  -^m  4  h. 

9}    Diphthongaes.  —  Le  traitement  de  AE  et  OE  ne  différant  en  rien 
de  celui  de  l'E,  nous  avons  donné  les  exemples  qui  fui  appartiennent  au 

n*74 

AU  ;  cette  diphthongue  n'offre  pas  moins  de  cinq  traitements.  Vu  a 

disparu  de  fort  bonne  heure  dans  auscultare  qui  a  fait  atycùtà  tiAugustam 
contracté  en  Uta.  Il  y  a  0  dans  ojè  =  anceltum  et  orèlc  —  auricutam. 
Grâce  à  Vt  tonique,  Mauritium  est  devenu  Muri^  tandis  que  la  diphthongue 
continue  à  vivre  dans  aui  de  auâire  et  dzaui  de  gaudere.  Enfin,  quant  à 
hutôn,  il  répond  à  autén  du  canton  de  Vaud.  La  gutturale  qui  ici  ne  s'est 
pas  fondue  en  palatale,  me  paraît  avoir  contribué  à  protéger  la  diphthon- 
gue. 

Consonnes  continues. 


9!f 

Subst,  vcrb .  iehi-  envêrna  haereticum 

bernare  hirpicem 

herbaticu^/         erbâdzo  8  b  hodie 


eredzo  sorcier 
èrxé  herse 
w^j^fty  aujourd'hui 


>4 

J.   CORNU 

J. 
(Nigra,  87). 

96 

J  est  rendu  par  dz  dans 

: 

*diam  Jovis 

dédzèù  jeudi 

*jarria,  joria  » 

dzèù  forit 

juven  +  a/^m. 

dzùéna  fille 

«t| 

par  dj  ou  4/)^  dans  : 

jocum 

djua  /eu 

jam 

djya  ^^/i 

*mollio 

môlo  »  je  mouille 

muralia 

murale  muraille 

paleam 
*taleo 

paie  /?â<7/e 
polén  poulain 
taloî  ye  coii;?e 

Dyuâ  a  sa  raison  dans  l'influence  de  la  gutturale  fondue  en  palaule, 
mais  djya  est  une  exception  qu'il  faut  se  contenter  de  signaler. 

J  (Y)  qui  suit  une  autre  consonne. 
(Nigra,  89-100). 

97-98  LY  se  réduit  à  /,  après  avoir  passé  par  d  interdental  : 
dolia  dèlé  71 

(iolt^  nif.iim.  dol6n  pot 
bnUSaM  bmélé  famille 

mobun  filuè  fiUeul 

Ibla  fàlè  feuille 

netioreiN  roelèù  meilleur 

Un  cis  de  d  maintenu  s'offre  dans  padahl'e  =  paleactam  8  b,  forme 
qui  a  Sâ  cause  dans  la  dissimilation. 

Nous  verrons  plus  tard,  à  l'occasion  de  1'/,  que  à  la  tête  et  dans  le 
corps  des  mots  entre  deux  voyelles  sa  conservation  est  exceptionnelle. 
Aussi  la  vraie  explication  de  formes  telles  que  lire  de  légère.  Iota  de 
locustam,  luen  de  longe  et  lueydjyé  de  lubricare,  c'est  que  dans  toutes  il  y 
a  eu  une  fois  une  /  mouillée  produite  par  la  liaison  d'une  palatale  et  de 
VI  latin.  Lota,  par  exemple,  doit  remonter  à  la  série  suivante  de 
transformations  :  dota  Hyota  Uyoosta  *loyosta, 

99  RY  :  voyez  52.  Les  exemples  sans  attraction  font  défaut. 

100  VY: 

caveam  dzîwé  cage. 

foras  viare  xe  foryâ  se  mettre  de  côté 

vi  +  suff.  dim.        yon  sentier 

loi    SY  : 
^xl^jsiow  eleyjé  église  occasionem        ocaj6n  occasion 

uKij^u'swiHfw      mcjôn  meyjôn  cui-     cerasea  xéryejé  cerise 

sine 

\>>       lV»>*t^v    s.    V. 


^B 

PHONOLOGIE 

DU    BAGNARD                                           $95                          ^H 

^V         !02a  NY 

^H 

W^      kniAlum 

anyâ  fatigue 

•recuneatum      recunyà  retiré,  re-                   ^M 

W         araneaffî 

aranyé  araignée 

^1 

'            iJneolxim 

çnyèu  bout  de  ficelle 

vineam               vinyé  vigne                             ^H 

gunyé  compliment 

^erm,  weidanjan  wanyé    semer    et                ^H 

*Jiiontanea 

TnontSinyè  montagne 

planter                               ^^Ê 

t02^ 

^1 

ttctraneum 

etraiïdzo  étranger 

grane +iu/.  ^/m .  grandzdn      petiti                ^H 

extranearium 

etrandzyé  étranger 

gr^^^€                                   ^H 

graneam 

g^ûnàzé  grange  à  foin 

lineum              indzo  linge                             ^H 

1  o  ça   DY 

: 

^H 

diumum 

dzô  jour                                                          ^^Ê 

'diurnivam 

dzornia  journée                                                  ^H 

remedium 

remyedzû  remède                                             ^H 

lo^i 

^H 

dîOlicdiu;^ 

démyé  demi 

modium            moè  muid  =  24  me-                  ^H 

'gavadiosum 

dzoyèu  joyeux 

sures  fédérales                       ^H 

"i^iciiam 

envey  envie 

raie  cana/                                ^H 

I  <z>7  TY  : 

^1 

"     ^^^«^ninitiare 

anonhié  annoncer 

^minus  caden-  metsanhié    difficulté                 ^H 

avanhlè  avancer 

tiam                  exTfJsfvf                                  ^^Ê 

comenhlécommencer 

patientiam        paxenhlè  patience                    ^H 

^?^^ci€ntiam 

conxinhlé  conscience 

pronuntiare      prènonhlé  prononcer                 ^H 

diferenhlé  différence 

irehlé  tresse                              ^^Ê 

Dranhlé  Drance 

*tertiare           trehlè  tresser                            ^^Ê 

^^^^Xianam 

dzenhîâna    gentiane 

tsahlê  chasse                            ^H 

fahidn  façon 
forhlé  force 

*capdare          tsahié  chasser                           ^H 
*capiiatoreni    tsahlèu  chasseur                        ^^Ê 

cantionem        tsanhlôn  chanson                      ^H 

^^  se  présente  dans  axyon  ^  acUonem^  action,  et  paxenblc  cité  ci-dessus.                  ^| 

J   ^*est  maintenu  dans  bitye  de  iffij/iù 
^^   attiré  dans  pf^o/ïf m  qui  donne  p 

m  et  crèuîyôn,  dim.  de  crustam.  Y  a                  ^H 

uijén  ei  so/afium  qui  a  fait  xoey.                        ^^| 

.,    t09BY: 

■ 

^*>    rabiare 
^^brias 

enradjyé  enrager 

rubeu/77              rèdzo  rouge                          ^^| 

frendze  franges 

mbe  +  suff.  dim .  rodzete graines  d^é-                  ^^| 

^^^PY: 

frendjyèù  46  a 

pine^-vinette                         ^^| 

propius 

prçtso  f^rof/i^                                                    ^H 

^^^^m 

scapliium 

etsiihlo  cuvf^r                                                    ^H 

^^BF 

ahd.  krippea^ 

réhlé  crccht                                                       ^H 

V             Une  forme 

unique  est  axyé  =  apiarium  ^.                                                                % 

^^1        K  Voy.  DieZ)  E.  W.j  $.  v.  ^r^;r/^m 

—  a.  Voy,  Ducange,  s.  v»                                          ■ 

^9^  J.    CORNU 

L. 
(Nigra,  1 01-107). 

1 1  i-i  1 2   L  simple  à  la  tête  et  dans  l'intérieur  des  mots  même  redou- 
blée ne  se  conserve  que  exceptionnellement. 

Tête  des  mots  : 
laxare  laxyé  laisser 

lupum  lèû  loup 


lev4.  suff.  dim.  levet-a  léger 
lepor  4-  a  fém.  leyvra  lièvre 


levare 

leva  lever 

londzé  longe 

Corps  des  i 

mots  : 

alam 

âla  aile 

scholam 

ecûla  école 

beUam 

bêla  belle 

pal-f  suff, dim. 

paleta  spatule 

bullam 

bêla  boule 

casai  +  suff.  dim. XssAet  emplacement 

*deexlaniare 

delanyé  délasser 

où    couchent    Us 

*diam  lunae 

délôn  lundi 

vaches    dans    les 

*zelosum  -am 

dzaléù  -ja  jaloux 

montagnes 

scutellam 

ecôUa  tasse  de  bois 

Son  sort  est  de  tomber  au  milieu 

comme  à  la  tête  des  mots. 

Au  commencement  : 

lacticellum 

ahlê  laii 

lineolum 

enyèù  bout  de  ficelle 

lacertum  -am 

ajer  ajerda  lézard 

[il]lorum 

èù  leur  et  eux 

lanam 

âna  laine 

levare,  leva  te  evâ,  eyva  te 

laniatum 

anyâ  fatigué 

Macticatam 

eytyà  petit  lait 

se  laniare 

x'anyè  se  fatiguer 

librum 

eyvro  livre 

latro 

âré  voleur 

liberum  -am 

ibro  -a  libre 

laricem 

arjé  mélèze 

lineum 

indzo  linge 

(il)lac 

élà 

libram 

ivra  livre 

lacrimam 

êgréma  larme 

illum  -am 

0  a  le  la 

Mimaceam 

emaxé  escargot 

de[il]la 

da  de  la 

linguam 

enwa  langue 

uxé^  branche    d'un 

lixivu/R  ' 

enxii  eau  de  la  lessive 

arbre  fruitier 

Dans  l'intérieur  des  mots  entre  deux  voyelles  : 

alâ  Vaud 

â  aller 

colare  3 

coâ  couler 

part,  du  V.  préc.  aô  allé 

columnam 

côna  colonne 

boletum 

boey  84 

dolentem 

dôyén  petit 

betullam 

byèa  bouleau 

de  longo 

dyon  /e  /o/2g 

betulletum 

byoey  endroit  où  il 

tô  du  yon  tout  du 

croît  des  bouleaux 

long 

calendariu/R 

candrey  almanach 

*scalarium 

etseey  escalier 

*caballam 

cavâ  jument 

scalam 

etxia  ^c//e//ér 

1.  Voy.  Forcellini  qui  a  aussi  lixivium. 

2.  Dans  la  Gruyère  loxé  ou  luxé. 

3.  Co<f  ahlè  est  c  couler  le  lait  ». 


^^V                                                      PKÛNOLOGrE 

DU    BAGNARD 

?97             ^^H 

H           femellam           femà  femme 

d^ empêcher  les  sour             ^^^^H 

H           filariam            fyeyré  poutre  d'une 

ris  de  pénétrer  dans            ^^^^M 

H                                       chambre 

la                                    ^^^^M 

B           galopa  JORAT  gaopâ  galoper 

pal  H-  suff.  dim 

,  paeta  alphabet                    ^^^^| 

H           celladum         hley  cave 

patellam 

pla                                    ^^^^1 

H           *soliculum        hluè  soieii 

pilosum  -am 

pyèu  -ja  poilu                    ^^^^| 

H           malehabitum     mâdo  miï/a£i«? 

peduculosum  pyoèù   -ja  poml-                ^^| 

H           *maxellam        maxà  molaires  extrê- 

-a  m 

imx                                     ^^H 

H           misellam           mejd  /ii«irc        [mei 

re  -^  pal  +  are  repà  prendre  la  terre                 ^^| 

H           malle  +  suff,  d,  mè  mailkt 

au  bas  d'un  champ                 ^^H 

^^^     molam             mèua  meu/é   à  ai- 

et    la    porter   au                 ^^| 

^^B                               ^iiûer  (â  faux 

sommet                                ^^H 

^^^     molare,  molo   moâ,  mèuo  aiguiser 

horotogium 

rôdzo  horloge                          ^^| 

^Ê           mol  +  sug.dim.  moeta  84 

casai + suff,  dim .  tsaet  =  tsalet                         ^^| 

^H^        maleadagialunimoeyjyii  malaisé 

candelarium 

tsandeey  chandelier                ^^H 

^^^       mul  +  5u/,  dim .  muet  mu/rf 

capellam 

tsapà  chapelle                          ^^H 

^^^      mulinui??           m\im  moulin 

casiellanum 

tsatyàn  châtelain                      ^^M 

^^^L                           munerexé  canal  qui 

catenella/Tï 

tsénea  collier  de  son-                ^^H 

^^H                               am^/7£  /Van  à  um 

nette                                   ^^M 

^^H 

*tegullam 

tyèa  tuile                                ^^M 

^^^^     mu  lin  +  su/,     m  un  et  m  ou/i/î  à  fouit  r 

vaiere 

vaey  valoir                             ^^H 

^^^           iim.                  les  pommes 

villam 

vea                                         ^^H 

^^H      mulam              mua  ma/e 

villaticum, 

veâdzo  village                         ^^H 

^^™       nebulam           nyoa  nuage 

volare 

voâ  voler                                  ^^H 

^K^       palam                pâ  pelle 

volaïu/H 

^^M 

^^H      pal+  sujr.  dtm.  paet  pterrf  «fui  re- 

•salariam 

xeyré  9  a                                 ^^| 

^^^^         masc,                couvre  la  colonne 

solalium 

^H 

^^H                             appelée  grè,  â/f/i 

■ 

^              Après  la  chute  de  H,  il  arrive  souvent  que  la  langue  remédie  au  hiatus                ^^| 

H          par  un  ï'  : 

^^1 

H           *lamen             van  van 

levé 

vey  facilement                         ^^M 

H            iaiTvam              vâra  liannet^n 

iilam  lunam 

a  vuna  la  lune                         ^^| 

H            lllumin  4  de-  vendemân     lende- 

alluminare 

avunâ  éclairer,  luire                ^^| 

^Ê^          mane                main 

■ 

^^H          La  diplithongue  ey  se  change  en  ei  et  y  détruit  le  hiatus  qui  résulte  de                ^^| 

^^^      la  suppression  de  17  dans  : 

^^1 

H            *stelam             eteiya  étoile 

lelam 

teiya  toile                              ^^H 

H           mustebm          moteiya  bdetîe 

candelam 

tsandeiya  chandelle                ^^| 

H            pe;n]sile           peiyo  chambn 

xeyla  G  ru  y. 

xciya  seigle                            ^^| 

H               Le  même  son  est  intercalé  dans  : 

■ 

H            dolenîe/7ï          dôyén  -ta  petit 

tam  levé 

tayey  un  peu                           ^^1 

■ 

H           pîlatym            peyô  bouillie 

•vitellare 

J98  i.    CORNU 

Nous  trouvons  un  changement  de  /  en  n  commun  d'ailleurs  aux  aot^^ 
langues  romanes  et  qui  a  sa  cause  dans  la  dissimilation  dans  conili^  qV^^ 
nouille,  =  coliculam. 

Le  passage  fort  connu  de  /  en  r  devant  une  autre  consonne  se 
contre  dans  les  exemples  suivants  : 

""album  spinum  arbepin  aubépine         pulmonem        pormôn  poumon 
alterum-  am     àtro-a=*artroâu/r^     pulpam  pôrpa  viande  dure 

qualemque       carc6n        carcuna     ^salem  muriam  xarmùlré  saumure 

unum-am         quelqu'un 

Un  cas  de  mouillure  de  //  commun  à  une  grande  partie  du  domaine 
roman  est  celui  que  présente  galUnam  devenu  successivement  "dziiyènè^ 
dzènélyè  (Vaud),  puis  dzénèdèy  dzénèlè. 

L  après  une  autre  consonne. 
(Nigra,  108-115). 


114  PL  : 

plana               plana  plaine 

subst.  verb,  de  tnxsaplo  fer  à  encha- 

plangere          plendré  plaindre 

'incapulare      pler 

platanum          plîno  platane 

replicare          repleyé      manger , 

*plovère          ploey  pleuvoir 

avaler 

plumam            pluma  plume 

Il  est  devenu  bl  sans  doute  par  assimilation  dans  un  exemple  connu  : 

.  duplum  -am 

dôblo  -a  double 

1 1 5  BL  initial  : 

ablatum  ? 

bl6  blé 

BL  médian  : 

*pœnibilem 

peniblo  pénible 

sabulam 

xabla  sable 

sibilare 

xùblâ  siffler 

116/z/-  FL  : 

conflare            conhlâ  gonfler 

subst.  verb.  de  xôhlo  souffle,  vent 

flammam          hlanma  flamme 

subflare 

florem              hlèii  46  a 

1 1 7  CL  initial  est  rendu  également  par  hl  : 

clarum  -am      hlà  hlâra  clair 

ahd  clocca        hlôtsé  cloche 

*clariare           hleyryé  voir  clair 

claudere          hlûré  clore  et  fermer 

clavem             hl6  clef 

hluxyé  glousser 

1 20  de  même  après  une  consonne  : 

cumahleyré  crémaillère 

ptssucu\ -^suff.  pihle/  loquet 

enhlujanyé  3  b 

dim. 

*incudinem    enhluna  enclume 

rahlâ  racler 

masculum     màhlo  mâle;  homme 

circulum           xarhlo  cercle 

misculare      mehlà  mêler 

circulare          xarhlâ  cercler 

PHONOLOGIE 

DU    BAGNARD 

^^H 

m             118  CL  se 

réduit  à  /,  après  avoir  passé  par  ly  et  d  interdental  :                    ^^^^| 

H         aquilam 

aie  aigk 

'matrucularium  maruley  margmlkr               ^^^^| 

H         apiculam 

avélé  abeiUe 

auriculam 

orèlé  oreille                         ^^^H 

H         acyculam 

avulê  '  aigmik 

ranuculam 

rénèlé  grenomlle                       ^^| 

^^K    *btmicylam 

boièlé  boutdlie 

*ienacula 

ténâlé  tenailles                           ^^M 

^^V   co[n]cacuiam 

cocâlê  coquiik  d*es- 

*tenacularium 

tenaley  cerf-volant                     ^^M 

cargoî 

'torculo 

Xràloje  presse  du  vin                  ^^H 

H         coliculam 

conèïè  quenouille 

claviculam 

tsilé  cheville                              ^^M 

H         falciculam 

ièùfélè  faudiie 

*seracylam 

xaraîé  serrure                           ^^H 

H         falcicul+  saf 

fèufélén  serpe  à  tail- 

*sonacyla 

xonalé  clochette                        ^^| 

H             dim. 

ler  la  vigne 

'sonacul  +  su§ 

.  xonal6n  petite  ch-                 ^^H 

H          maculam 

mâle  maille 

dim. 

chette                                   ^H 

■^        T'L  =  CL 

^^1 

vetula/n 

vyelê  vieille 

^^1 

B            La  mouillure  s'e&t  conservée  grâce  au  changement  en  ny  dans  ca/iyê                  ^^| 

H         lapin  femelle, 

canyàfij  jeune  lapin,  j 

leune  chien,  de  catulam.                                ^^^H 

H             Pour  le  maintien  de  la  gutturale, 

comp.  le  vaudois  gaîolyt^  chatouiller,              ^^^H 

H          =  'caîuiiare\ 

eieyjè,  église,  de  eccksiam,  doit  sans 

doute  sa  forme  à  un                 ^^H 

H         adoucissemem 

t  ancien  de  la  gutturale  assez  ordinaire  aux  mots  grecs.                       ^^H 

H             121    GL  initiât  et  dans  le  corps  des  roots  subit 

le  même  traitement                  ^H 

■          que  CL  : 

■ 

H          coagulât 

cale  il  cailU 

strangulare 

etranlà  étrangler                       ^^M 

H          *coaguIumen 

cMn  59  60 

ungula/n 

onlé  ongle                                 ^^M 

H             Un  mot  a  gardé  le  d  encore  en 

usage  dans  le  Val  d'Orsières,  c'est                  ^^| 

H         gîaciem  qui  devient  dahlè,  glace. 

■ 

^^_^       122   LY  est  fort  rare;  il  se  rencontre  dans  : 

■ 

vigilatam 

velyà  veillée 

■ 

^ 

(Nigra, 

R. 

ÏI6-Ï2I)* 

■ 

^^H        12^  Maintenu  à  la  tête  et  dans  te  corps  des  mots 

■ 

^^^     ramum 

ran  j  6  7 

'deforas 

defèùra  dehors                         ^^H 

H         radicem 

ri  racine 

merendam 

marenda    goûter   à                  ^^M 

■          ruptam 

*  ràîa  route 

quatre  heures                        ^^| 

H          laricem 

arjé  mélèze 

■ 

H             r  entre  deux  voyelles  prend  dans 

;  certains  cas  une 

!  prononciation  inter-                  ^^M 

H         dentale  qui  se 

1  rapproche  de  / ;  par 

exemple  dans  : 

^H 

faret  mèche  de  coton 

gareta  éîable  à  porc           ^^^^M 

furet  ptrçoir 

5ra                                   ^^^^1 

^^K        1 .  Le  verbe 

qui  en  est  dérivé  est  avulyt. 

1 

400  J.    CORNU 

Final  il  ne  se  conserve  que  dans  les  proparoxytons. 
Verbes  : 

acordâ  plaire 
amoeyryé  saler  ex- 
cessivement 
aui  entendre 
Mais  apponere  fait  apondré  et  facere^  firè. 
Substantif  et  adjectifs  : 
vervecarium    bardjyé  berger 

colèû  vase  à  couler 

le  lait 
darey  dernier  {troi- 
sième) berger 
gréney  grenier 
hley  cave 
lavyèù  lavoir 
*matruculariummaruley  marguiller 
meliorem  melèû  meilleur 

meryèù  miroir 
mortey    mortier    à 

piler 
né  noir 
papey  papier 
124  Métathèse  : 
dormire  drûmin  dormir 

xe  retriyé  se  retirer 
r  a  pareillement  changé  sa  place  dans  tyèiidra  =  coryl  +  a  fém. 
Il  est  tombé  avant  une  consonne  par  dissimilation  dans  : 
arbore/n  âbro  arbre  substernere        xotèdré   mettre  de 

alteru/n  âtro  autre  la  litière 

*diam  Mercuri  démêcro  mercredi 

Il  est  intercalé  sous  l'influence  de  Vr  final  dans  calendarium  qui  a  donné 
candrey  et  maintenu  à  la  fin  des  mots  dans  les  exemples  suivants  : 
lacertum  ajer  lézard  due  à  une  voûte 

*dia/n  Martis      demàr  mardi  pour  y  conserver 

tablar     table     ou  les  pommes 

planche  suspen-     versus  yer  vers 

Mais  le  plus  souvent  le  soutien  d'une  autre  consonne  n'empêche  pas 
sa  chute  : 


accordare 
*admuriare 

audire 


"^colatorium 

*deretrarium 

granarium 

cellarium 

lavatorium 


*miratorium 
mortarium 

nigrum 
papyrum 


habere 

avey  avoir 

fora[s]  ire 

fori  Bas  VALAisprin- 

temps 

y  firè. 

pararium 

parey  pareil 

pastor 

pâto  fruitier 

pascuarium 

patyè   troisième  ré- 

colte d^un  pré 

pomarium 

pomey  pommier 

primarium 

prémyé  premier 

prunarium 

prumey  prunier 

pure 

pye  seulement 

candelarium 

tsandeey  chandelier 

cantor 

tsanto  chantre  d*é- 

glise 

sector 

xeyto  faucheur 

sementarium 

xémentey      homme 

quivenddes  graines 

sextarium 

xété  setier 

•tertiare 

trehlé  tresser 

torculare 

iro\yé  presser  du  vin 

diumum 

dzô  jour 

persicum            pyè  bleu 

furnu/n 

fau  four 

sub.verb.  de suh'  xotè  litière 

mercedem 

maxin  merci 

sternere 

palu/n  ferri 

pofè  levier  en  fer 

^^^^^^^^H               PHONOLOGIE   DU 

^^M 

^^^^^^B 

^H 

^^^^^^^                   (Nigra,  1 27-1 3 1 }. 

^^^Ê 

j  27- 129   V  n'a  gardé  sa  prononciation  latine  que  dans  tfz/uY,  cage,         ^^^^^J 

=  caveam  et  wîpa^  g^épe^  —  Hspam,  Il  est  devenu 

consonne  de  semi-                ^^^H 

voyelle  qu'il  était  dans  : 

^^^M 

valere                vaey  valoir                villam 

vea                                     ^^^H 

vacivam             vajia  (vatsé)  qui  ne     venenum 

^^^H 

porîe  pas                vinum 

^^^H 

*vermaceuf77       varmin  vermisseau 

^^^1 

et  est  tombé  le  plus  souvent  sous  Tinfluence  d'un 

y                                          ^^^1 

versus                ytr  vers                     vero 

yey                                      ^^^H 

1     'vidëre              yèré  voir                   vi  +  suff,  dim. 

yon                                       ^^^H 

Dans  le  corps  des  mots  entre  deux  voyelles  il  ne  se  maintient  que  fort                ^^^| 

rarement;  son  origine  de  P  ou  de  5  ne  fait  rien  pour 

sa  conservation.  Il                ^^^H 

est  resté  dans  *ixprohare  qui  devient  eproyà,  essayer, 

et  dans  le  substan-                ^^^H 

tif  verbal  de  hibemare  (\ui  est  enverna,  hivernage,  grâce  à  l'introduction                ^^^| 

d*un  n.  Mais  sa  chute  se  présente  dans  : 

^^^1 

avenam             aêna  avoine               *plovere 

ploey  pleuvoir                      ^^^H 

adripare             aruâ  arriver                *pavoriam 

poeyrê  peur                          ^^^| 

(     "brava  mente    brâraén  bravement     presbyterum 

preyre  prêtre                      ^^^H 

'     cubare              coâ  couver                 pauperum-am 

puro  -a  pauvre                     ^^^^Ê 

'cuparium          coey=covayVAUD      ripam 

^^^H 

ciepare              creâ  p^rc^rr,  crever       *revidere 

ryèré                                    ^^^H 

debere              deey  devoir               *tardivum  -a/n 

tardi  -a  tardif                      ^^^| 

de  +  ab  +  ante  dyan  devant              travalyî  Vaud 

traalyé  travailler                   ^^^H 

*diumivam         dzornla  journée          capistrum 

tsétro  licol                           ^^^H 

,     juven  +  a/^m,  âzuenà  fille                vacivawi 

vafia   (vatsé)   qui               ^^^| 

'scopare            ecoâ  balayer 

ne  porîe  pas                      ^^^| 

1      'foris  \iare        xe  foryâ  84                sa  père 

xey                                     ^^^H 

1         P  adouci  en  v  est  devenu  voyelle  dans  capram  qui 

a  fait  îxyiira^  tandis                ^^^H 

1     qu'il  s*est  endurci  en  b  dans  deux  exemples  communs  aux  langues                ^^^| 

romanes.  C'est  dans  : 

^^^1 

,                       *vervecarium              bardjyê  berger 

^^H 

et            *corvaceum                corb!  corbeau 

^^M 

1  jo  W  germanique  : 

^^H 

aha  weidanjan    v^anyé    semer    et     aha  weinôn 

wénâ  crier,  se  dit                ^^^H 

planter 

du  porc                            ^^^H 

fl/ra  werjan        wari  guérir               afcûweigar* 

• 

wtro  guère                           ^^^H 

1.  Voy.  Dici  E.W.,  s.  v.  guari. 

^H 

^^L          Romania^  Vi 

^^H 

402                                                        J.   CORNU 

131    V  final  se  perd  : 

*diam  Jovis        dedzèù  jeudi             novem 

nèù  neuf 

ovum                 èû  œuf                  .  novum  -am 

nèû  nèixvz  neuf  "Vr 

*greve = grave  '  grey  difficilement        levé 

vey  facilement 

ciavem               hl6  def 

(Nigra,    127). 

132   Maintenu  quelle  que  soit  sa  place  : 

fumum              fau  four                   "déferas 

defëûra  dehors 

fabrum              favré  maréchal-fer-     palum  ferri 

pofè  levier  en  fer 

ranty  forgeron        *profectare 

profeytyé  profiter 

fora[s]  ire         fori  84 

FL.  voyez  116. 

s 

(Nigra,   128-13}). 

133   S  ne  garde  nulle  part  sa  prononciation  que  dans  le  corps  des 

mots  où  elle  est  impure.  Encore  les  exemples  sont- 

-ils  rares  : 

se  *adpraestare  x'aprestâ   se  pré- 

mestcai sorte  de  seau 

parer 

à  porter  à  manger 

êscabi  chaise 

aux  cochons 

historiam           istoeyré  histoire 

visto  vite 

1 34  Devant  les  voyelles  elle  s'endurcit  en  x  : 

saccum              xa  sac                      sepem 

xey    haie 

sanum  -am         xan  xâna  sain            *salariam 

xeyré  9  a 

Sarracenum        Xaradzin  sorcier         sector 

sejio  faucheur 

succutere           xatyèûré    secouer,     superare 

xobrâ  rester 

abattre                   solatium 

xoey  divertissement 

sapere               xey  savoir                 sonare 

xônâ  sonner 

1 3  5  et  devient,  mais  plus  rarement,  hl  : 

in+funds+areenfonhlâ  enfoncer         *soliculu/n 

hluè  soleil 

insimul  enhlenblo  ensemble      pulvis-f-  a  fém,  pèùhla  poussière 

in  summo         enhlôn  au  haut 

136   S  entre  deux  voyelles  s'adoucit  en  z  qui  passe  à  /.  S  initiale 
qui  devient  x  a  un  développement  tout  pareil  : 
•advisare  avéjâ  regarder  *corrosare  ^      crojâ  arracher 

*Bemens  +  a/(^m.  Btmty'jà  Bernoise     co[n]sobrinum  cujin  cousin 


1.  C'est  probablement  Ifve  qui  a  déterminé  ce  changement. 

2.  Cette  étymologie  est  douteuse. 


^r                                                  PHONOLOGIE 

DU    BAGNARD                                         40;                     ^^^^^ 

fiesupra           dejêùra  dessus 

i  jalon  Us  habits                        ^H 

*desceiisam      dexeyja  descente 

miseilum-  am   mejé  -à  ladre                             ^H 

duos  homines   dû  jàmo  deux  hom- 

prehensam  '      preyja  récolte                               ^H 

m€s 

pilosam            pyèûja  poilue                               ^H 

^zelosam           dzalèuja  jalouse 

peduculosam    pyoèuja  pouilleuse                        ^H 

*gaudiosa/7ï       dzoyèuja  joyeuse 

rosa^              Tù\di  rose                                     ^H 

Mais  X  s'est  maintenu  grâce  au  développement  de  la  palatale  dans  :                        ^H 

reyxyé  =  resecare  scier                                                             ^H 

Si  deux  s  se  suivent^  elles  se  réduisent  à  une  seule  qui  devient  x.  5  se                     ^H 

prononce  de  même  après  une  consonne  :                                                                  ^| 

^K 

foxorâ  fossoyer                                             ^H 

^^B                 *pos$utiim 

poxù  pu                                                       ^H 

^^^P                 prae  +  tempus  +  ivam 

partenxia  (vatsé)  3  ^                                      ^H 

1)7   A  la  fm  des  mots  elle  disparaît^  qu'elle  soit  double  ou  simple  :                       ^| 

bibis  bîbimus  bei  beiyen  beide 

foris  tempus    fèùrtén  printemps                         ^H 

bibitis 

fimbnas           frendze  franges                            ^H 

*Bemensem      Berney  Bernois 

i  g  ri  fy  0  griffes  du  cha  t                     ^H 

'diam  Jovis      dédzèû  jeudi 

îllas  ciner+  as  i  hlendre  les  cendres                    ^H 

'dîâOT  Mariis    démar  mardi 

minus              men  moins                                ^H 

'diain  Veneris  dévend ro  vendredi 

ma  gis              min  plus  et  mais                         ^H 

duos                dii  deux 

pressum            pri  fromage  frais                         ^H 

duas  feminas    daue  fene  2  femmes 

propius            prçtso  proche                            ^H 

*de  excarrica-  detsérdzen  nous  dé- 

*volitis  vos  ?     vèûde  vô  ?                                  ^H 

mus                      chargeons 

vos   vos  estis  v6  vuite                                      ^H 

facis  facimus    fi  fajen  fide 

vos  babetis       voey                                         ^H 

faatis 

^H 

^B       If8eti42   Chute  de  1^5  devant 

une  autre  consonne  :                                          ^H 

^^   bestiam            bityé  bète 

*pas€uarium     patyê  9  b                                  ^H 

^^    *boscu^H           bû  bois 

pe[n]sîle           peiyo  chambre                            ^H 

^H                         entetô  entêté 

'pessuculittum  pihlet  loquet                               ^H 

exiraneum        etrandzo  étranger 

pistare             pUâ  fouler^  écraser                     ^H 

fenesiram         fènîtra  fenêtre 

praestare          prêta  prêter                                ^H 

estis                ite 

presbyterum     preyre  prêtre                             ^H 

locusfam           lèta  64  et  6  ^ 

persicum           pyé  bleu                                    ^H 

masculum         màhlo  mâle^  homme 

rastellom          raté  ^1                                      ^H 

•misculare       mehlâ  mêler 

retof6  4  b                                 ^H 

mustelam         moteiya  belette 

repositam         repûta  74                                 ^H 

iDO[n]sirare     motrâ  montrer 

^casallttum       tsaet  tsalet  1 1 1  -  [  1  2                    ^H 

'nasculum        necû  né 

castellum          tsatè  château                              ^H 

hospitale          016 

capistojm         tsêtro  Ucot                                 ^^H 

pasior              pâto  fruitier 

co[n]siiere        tyèûdré  coudre                          ^H 

^^ft       t.  Voy.  Ducange  s.  v.  praa.                                                                                           ■ 

J.   CORNU 

Augustam        ûta  Aoste  sextarium        xétè  setier 

vespam  wipa  guipe  substemere     xotèdré  27  28  a 


14}  Il  n'y  a  qu'un  seul  exemple.  C'est  zelosum  -am  qui  a  fait  dzalii 
'ja^  jaloux. 

Consonnes  nasales. 

N. 

(Nigra,   134-»  38). 

144  Maintenu  au  commencement  et  dans  l'intérieur  des  mots,  il  rend 
à  la  fin  la  voyelle  nasale. 

Initial  : 
nec 
nigrum 
novem 

médian  : 
avenam 
lanam 
bonam 
bovinam 
qualemque 

unam 

final  : 
bene 
bonum 
qualemque 

unum 
crinem 
manum 

Le  suffixe  -men  ne  laisse  que  la  nasalité  à  la  voyelle  qui  le  précède. 
C'est  ainsi  que  *coagulumen  donne  calôn^  lait  caillé  et  découpé,  et  *rese- 
cumen  fait  reyxôn,  sciure. 

Un  changement  d'n  en  m  se  présente  dans  pronma,  prune,  =  pruna  et 
prumeyy  prunier,  =  prunarium.  Le  même  son  se  change  en  r  par  dissi- 
miUtion  dans  vérin,  venin,  =  venenum.  La  mouillure  de  Vn  a  lieu  sous 
l'influence  d'une  palatale  dans  : 
^bottonaturam  botènyùîré  bouton-     *nebullam         nyôa  nuage 

nière  nec  unum  -am  nyon  nyuna  aucun 

nodum  nyèù  nœud  nucem  nyuey  noix 

Cette  influence  paraît  manquer  dans  nyèiï.  C'est  une  forme  analogique 
^^  4ura  sa  cause  dans  le  produit  de  nodare. 


ne  ni 
ne  noir 

novum  -am 
nidum 

nèû  nèûva  neuf-ve 
nin  nid 

nèù  neuf 

noctem 

nin  nuit 

aèna  avoine 
àna  laine 
bôna  bonne 
huèmviandedevache 
carcuna  quelqu'une 

spinam 

plana 

ruinam 

lunam 

epina  épine 
plana  plaine 
ruena  éboulement  cau- 
sé par  un  torrent 
vuna  lune 

bin  bien,  fortune 
bon  bon 
carcôn  quelqu'un 

ma[n]sionem 
panem 
pulmonem 
*castellanum 

mején  cuisine 
pan  pain 
pormôn  poumon 
tsatyân     châtelain 

crin  crin 

vinum 

vin  vin 

man  main 

PHONOLOGIE   DU   BAGNARD 

145    NN  se  réduit  à  n  simple  : 

cannabum    tsénevo  chanvre 
vannum        van  van 

147  ndr=WR: 
apponere         apondré  attacher 
*dia/n  Veneris  dévendro  vendredi 
stringere  etrendré  serrer 
dner  +  as       hlendre  cendre 

148  NS  : 
*Berne[n]sem   Berney  -ja  Bernois 
*desce[n]sam   dexeyja  descente 
mo[n]strare     motrâ  montre 


405 


plangere 
secernere 
substernere 


pe[n]sile 

prehe[n]sam 

co[n]suere 


plendré  plaindre 
xèdré  choisir 
xotèdré  27  28  a 


peiyo  chambre 
preyja  récolte 
tyèûdré  coudre 


Cette  chute  de  Vn  qu'on  rencontre  déjà  dans  le  latin  classique  n'a  pas 
eu  lieu  dans  minus  qui  a  fait  men;  mais  les  composés  vulgaires  nous  la 
présentent.   C'est   ainsi  que  minus  cadentiam  fait  metsanhli^  difficulté 


excessive. 

149  NF  : 

infemum 

ifè  •  enfer 

1 50-1 51    NDNT  : 

médian  : 

afrontare 

afrontà  attaquer 

calendarium 

candrey  almanach 

annuntiare 

anonhlé  annoncer 

in+funds+are  enfonhlà  enfoncer 

attendere 

atendré  attendre 

merendam 

marenda  123 

bennam 

benda  27  28  a 

^montanea 

montanyé  montagne 

bonitatem 

bontô  bonté 

final  : 

ad  montem 

amûn  en  haut 

centum 

hlen  cent 

brava  mente 

brâmén  bravement 

mentem 

men  mémoire 

QuadragesimamCramentrân       les 

pontem 

pon  pont 

entrantem 

Brandons 

part,  de  iriyé 

térén  torén  tiroir 

dente/n 

den  dent 

iridentem 

tren  trident 

dolentem 

dôyén  -u  petit 

canthum 

tsan  bout 

frontem 

fron  front 

ventum 

ven  vent 

aquam  arden- 

'  garjén  eau-de-vie 

serpentem 

xerpén  serpent 

tem 

sementem 

xémén  graines 

grandem 

gran  grand 

151  NC  NG  ;  dans  l'intérieur  des 

mots  : 

bringa  cidre 

quinquaginta 

hlincanta  cinquante 

conca/n 

contsé  54  et  56  a 

londzé  longe 

strangulare 

etranlâ  étrangler 

ungulam 

onlé  o/z^/^ 

1 .  C'est  rassimilation  de  NF  en  /  qui  a  maintenu  Yi, 


406                                                         J.    CORNU 

à  la  fin  des  mots  : 

artsébân  coffre  qui     quinque 
sert  de  banc             longe 
de  longo          dyon  le  long 

M. 

(Nigra,    139-146). 

hlin  cinq 
luen  loin 

• 

1 5  3   Maintenu  à  la  tête  des  mots  : 
masculum         mâhlo  m4/e,  homme     merendam 
manum            man  main                   metam 
et  dans  leur  intérieur  : 

QuadragesimamCramentrân        les     dominicam 
entrantem       Brandons                plumam 

marenda  12; 
maya  2 1  b 

démendzé  dimanche 
pluma  plume 

^diam  Martis    démàr  mardi 

il  rend  nasale  la  tonique  de  primam  qui  devient  prinma,  mince,  et  de 

pruna^  qui  a  hit  pronma,  prune.  Voyez  144. 

154  A  la  fin  des  mots  il  donne  le  son  nasal  à  la  voyelle  : 
coagulumen     calôn  59  60  ramum  ran  5  6  7 
*deexcarrica-  detsérdzen  dichar-  reyx6n  sciure 

mus  geons  quem  ?  tyin-ta  ?  queli 

examen       *     exin  essaim  lamen  van  planche 

primum  prin  mince 

Redoublé,  il  rend  nasale  la  tonique  dans  Tintérieur  et  à  la  fin  des 
mots  : 

cranma  crème 
flammam  hlanma  flamme 

in  summo  enhlôn  au  sommet 

et  se  simplifie  purement  et  simplement  avant  l'accent  : 
commun  +  a  fém,       comuna  commune 

155  nbr  nbl  =  M'R  et  M'L  : 

insimul  enhlenblo  ensemble 

1 56  MN  M*N  se  réduisent  à  n  après  Paccent  : 

columnam  côna  colonne 

feminam  fena  femme 

somnum  xôno  sommeil 
et  avant  l'accent  à  m  : 

examinare  exemâ  essaimer 

ferainellam  femâ  femme^  souvent  en  mauvaise  part 
A  la  fin  des  mots  il  ne  reste  que  le  son  nasal  :  auctumnum  fait  èdtôn. 

i^ya  nb  np  =  UB  MP  dans  le  corps  des  mots  : 

comprehendere  conprendré  comprendre 


^1 

^P              PHONOLOGIE 

DU    BAGNARD 

^1 

^^^p 

tenple  Hmonnières 

^1 

^^^^^                gamba  ^                   isanba  jambe 

^H 

^H        A  la  fin  la  labiale  tombe  et  la  voyelle  devient  nasale  :                                          ^B 

^^1                       calidum  tempus        tsotén  été 

^^H 

^^B        M  est  intercalé  d'ancienne  date  dans  *diam  sabbati  qui  a  hit  dèxandro,                  ^H 

^^V    samedi. 

■ 

■              1 Î7^  itf  combiné  avec  a  donne  vtiw  dans  rèvà  i 

Hwày'e^  retiré,  reculé,                  ^H 

H         =^  nmataîuw 

1  -^m.  Le  même  changement  a  eu  lieu  dans  la  Gruyère,                   ^^^H 

^L 

Consonnes 
C 
(Nigra,   i 

EXPLOSIVES. 

1 

^h 

47->SJ)- 

1 

^^P        i6o  CÀ  initial  est  resté  dans  : 

■ 

M        calendarium 

candrey  almanach 

*capitanu/7i 

capétân  capitaine                     ^^| 

H          ^campanam 

canpâna  clochette 

catyeyré  garde-robe                  ^H 

1           caluhm 

canyé  lapm  femetie 

'caballam 

cavâ  jument                              ^H 

^H     Ciiiïl-hsuff.  dtm, cmyôn  92 

dèr.  de  cacare 

:  cayiSnpor^                                 ^H 

^^B         (61  fi,  plus  rarement  fx)';  =  CA 

M 

^B         Initial  : 

ifl 

^H      cattum 

tsa  chat 

catenam 

isèna  chaîne                         ^^H 

^P      'casalittum 

tsaet  1 1  i-i  12 

caballum 

tseÔ  cheval                                ^H 

B          *captiare 

tsahlé  chasser 

carrucam 

tser&yé  c/i^irrue                       ^H 

H          campu/n 

tsan  c/i^mp 

capisirum 

tsétro  /jVo/                              ^H 

^L         canna  ^ 

tsana  Fa^e  en  étain 

tsèùp6n  bouchon                       ^^Ê 

^H 

de  la  contenance 

tsécanyê  chicaner                      ^^M 

^^^^- 

d'un  pot  employé 

*carainum 

tsémin  chemin^                          ^^M 

^^^Hr 

autrefois    comme 

cannabum 

tsènevo  chanvre                        ^^Ê 

^^^^^ 

mesure 

tsijyèû  cavité  qui  re-                  ^H 

1         csndelam 

tsandeiya  chandelle 

çoit  la  prentixê  <                    ^H 

1          cantor 

ts3imo  chantre  d'église 

claviculam  ^ 

tsilé  cheville                             ^H 

H          capellam 

tsapâ  chapelle 

canem 

tsin  chien                                 ^^Ê 

■ 

isarateyré  jarretière 

tsjpai                                       ^H 

H         carrariam 

tsareyré  chemin 

tsôhle  calotte                            ^H 

^^^ 

tsargèxé  char  à  deux 

calidum  tempus  tsotén  été                                ^| 

^^fe 

roues     avec     an 

txyaua  corneille                        ^H 

^^^ 

brancard 

cadere 

txyeyré  tomber                  ^^^^1 

1         castellum 

tsatê  château 

capram 

txyùra  c/r^vr^                    ^^^^| 

H          *ca$tellanum 

tsatyân  châtelain 

^^H 

^^B        1.  Voyez  DiK^  s.  v. 

^H 

^^™^        2,  Voyez  DtrcANaE  s.  v,  cannii  4. 

^^Ê 

V             ;.  Il  semble 

que  le  mot  dit  été  transformé  en  camaîan 

^^M 

H             4«  Voy.  169 

1 

^H 

H              y  Dans  i  jif 

1  tîipa,  aller  coucher  avec 

:  des  ailes. 

^ 

408  J.   CORNU 

164  Dans  rintérieur  des  mots  ordinairement  en  compagnie  d'une 
autre  consonne  CA  devient  également  is^  comme  quand  il  est  initial  : 


arcam 

artsé  coffre 

^minus  caden- 

-  metsanhlé  171 

^adcollocare 

atyèûtxyé  accoucher 

tiam 

concam 

contsé  54  et  56  a 

•picam  » 

pétsé  pioche 

scaphium 

etsïhlo  cuvier 

*picare 

petxyé  piocher 

scalam 

etxîa  échelle 

plentxyé  plancher 

furcam 

fÔrtsé  fourche 

itaL  rocca 

rôtsé  pierre 

mercatum 

martxyé  marché 

itai  tacca 

tatsé  8  a 

motxyèû  mouchoir 

vaccam 

vatsé  vache 

l\j  atxy  au  lieu  de  ts,  quand  la  syllable  est  accentuée.  Une  exception 
se  présente  dans  bocây  manger  gloutonnement,  verbe  qui  dérive  de  bue- 
cam.  Dans  catyeyrè^  dérivé  de  cacare  au  moyen  du  suff.  -aria,  il  y 
a  un  archaïsme  phonétique. 
160  et  164  Remarque,  Dans  : 

circellum      dzardzè  bords  du  tonneau 
caveam         dziwé  cage 
*adcaptare    adzetâ  acheter 
la  gutturale  sourde  était  devenue  sonore,  quand  elle  a  pris  le  son  palatal. 
163  Entre  deux  voyelles  elle  devient  y^  qui  peut  disparaître  dans  cer- 
tains cas  en  se  combinant  avec  la  consonne  antérieure  : 
assecurare        axùryé  assurer  resecare 

buyâ  faire  la  lessive     carrucam 


reyxye  scier 
tsèrûyé  charrue 
urtyâ  ortie 
varûyé  verrue 
xeiya  seigle 
xùi  sur 


dér.  de  cacare  cayôn  porc  urticam 

spicam  epyâ  épi  verrucam 

locustam  lôta  64  et  65  secale 

nec  unum  -am  nyon  nyuna  aucun     securum 
replicare  repleyé  3  b 

Quoique  Iota  =  locustam  paraisse  fort  contracté,  il  n'y  a  pas  le 
moindre  doute  sur  son  origine.  Locustam  a  dû  devenir  successivement 
*loyusta,  'loyosta,  ^lyosta,  Uyota.  Ly  s'est  ensuite  réduit  à  d  interdental, 
puis  à  /,  conformément  à  la  phonétique  du  Bagnard. 

165    is  =  CA  atone  : 


dominica/n        démendzé  dimanche 

subst.  verb.  de 

lueydzé  traîneau 

*deexcarrica-  detsérdzen  nous  dé- 

lubricare 

mus                 chargeons 

pic  +  Sifém. 

pedzè  poix  de  cor- 
donnier 

djy  =  CA  tonique  : 

*vervecarium    bardjyé  berger 

*bullicare 

bèùdjyé  bouger 

'vervecariam    bardjyéré  bergère 

'expulicare 

epûdjyétuer  les  puces 

I.  Voyez  DucANQE. 

PHONOLOGIE   DU    BAGNARD 

409 

lubricare          lueydjyé  i  h 

picare 

pcdjyé  coller 

•mcdicare         meydjyé  ?  b 

praedicare 

predjyé  parler 

166  CO  eu  à  la  téie  des  mots. 

A  c6té  de  son  maintien  dans  : 

cubare             coà  couver 

conflare 

conhiâ  gonfier 

ca|  n'.caculam    cocale  S  b 

corba  bois  du  cMer 

'cuparium       coey=  covay  Jorat* 

cornua 

cèma  corne 

coquere           coeyré  cuire 

cogitare 

cudjyé  essayer 

cuminitiare       com^nhlè  commencer 

'scopare 

ecoà  balayer 

on  le  trouve  devenu  sonore  dans  : 

corb  -h  a  fém. 

gorba  corbeille 

*cupariym 

gOVey  SEM BRANCHER  Stilk 

<l  attaqué  par  Vi  palatal,  quand  son   développement  phonétique  Pa 
amené  à  iiji. 

Initial  : 
cor  tyèù  cœur 

coryl  +  ifém.  tyèudra  noisetier 


rf^r.i^collocarctyèutsi  lit 


cubât 


consuere 

intérieur  : 
a[u]sculiare 
*adcollocare 
excutere 


tyèùdré  coudre 

atyèiitâ  écouter 
atyèutxyé  accoucher 
etyèuré  78 


scopam 
*scopo 
succutere 


tyèiive 
lyèùxé  courge 

clyèûva  balai 
eiyèùvo  balayer 
xatyèurc  r?4 


Tye^coagulam  est  une  forme  sans  autres  exemples,  mais  qui  s'expli- 
que sans  peine. 

167   La  gutturale  s'est  vocalisée  dans  les  mots  suivants  ou  est  tombée 
purement  et  simplement  : 
jocum  djua  jeu  porcum 

dico  dicum       dyu  dion  persîcum 

Ibciwi  fua  feu  saccum 

locum  lua  lieu  *seraceum 

i68   eu  dans  les  suffixes  -ATICUM  : 
'arboraticum    arberâdzo  8  b  "^operaticum 

*berbaticum      erbâdzo  8  b  ^villaticum 

et  dans  : 

haereticum    credzo  sorcier 

Ficdtum  donnant  fedzo^  foie^  rentre  dans  la  même  série,  s'il  y  a  eu  mé- 
tathèsedcc  avec  L  Comp.  Diez,  E.  W,»  s.  v,  fégado. 

1694  hi  '  ^  CE  Cl,  au  commencement  des  mots  : 
caelu/n  hieè  ciel  ciner  -h  as        hlendre  cendre 

centum  hlcn  cent  ctWmum         hley  cave 

I  -  Un  problème  de  prononciation  que  les  Bagnards  ont  coutume  de  pré- 
senter aux  étrangers  est  :  hlin  hlcn  htmcanu  hlin  médihlw 


puèporc^  homme  sale 
pyè  bleu 
xa  sac 
xeri  sérac 

ovràdzo  ouvrage 
veàdzo  village 


m 


410 

j. 

CORNU 

coenare 

hlénà  souper 

cœnam 

hlina  souper 

quinque 

hiin  cinq 

quinquaginta 

hlincanta  dnquanU 

dans  leur  intérieur  : 

^lacticellum 

ahlè  lait 

paleaceam 

padahlé  paillasse 

artificium 

artifihlo  usine 

panhleyé  ^  b 

brahlà  brasser 

pyeUéyi 

glaciem 

dahlé  glace 

'remercedare 

remahlâ  remercier 

dulc  +  Sifim. 

dèûhié  douce 

rinhlé  rinur 

in  ecce  hac 

enhlè  de  ce  côté-ci 

tsèùhl6n  bas 

falcarium 

fëùhlé  9  b 

tsôhle  culotte 

forfices 

forhle  83 

tsôhlépyâ    chausse- 

*raedicinum 

medéhlin  médecin 

pieds 

Hl  est  remplacé  par /dans  les  deux  diminutif  defalcem^  fiiifèlèy  fau- 
cille, etfiiifèlôn,  serpe  à  tailler  la  vigne. 


1 6c)b    c  a  été  assimilé  à  s  dans  : 
cerasea  xéryejé  cerise 

'limacea/n        emaxé  escargot 
dim,  du  préc.  emaxôn  limaçon 

munerexé  1 11-112 


dér.  de  premere  prenxixé petit  lait  dé- 
coulant du  fro- 
mage qui  vient 
d'itre  pressé 


170  Entre  deux  voyelles  c  devient  /  : 
lacertu/R  -am    ajer  ajerda  lézard        vicinum  -am 
acetum  aji2i^  avicellum 

laricem  arjé  mélèze  vacivum-  am 


vejm  vejena  voistn 

ojè  oiseau 

vaji  -a  127-129 


Mais  hirpicem  a  donné  érxè  grâce  à  l'influence  du  p.  Dans  xèdrè,  de 
secernerCy  choisir,  la  gutturale  s'est  combinée  avec  s.  Xaradzin  de  Sarra- 
cenum,  sorcier,  est  une  exception  qui  se  comprend  facilement  dans  un 
mot  d'origine  étrangère.  Dans  les  proparoxytons  CE  CI  deviennent 
régulièrement  dz  : 

pollicem  pèiïdzo  pouce  pullicenu/n       pùdzinS^ 

pulicem  pùdzé  puce  salicem  xôdzé  saule 

Mais  corticem  donne  crutsè,  son,  sans  adoucissement,  parce  que  la  den- 
tale suit  une  consonne. 

171    C  se  fond  en  voyelle  dans  les  dyssyllabes  et  trissyllabes  suivants  : 
coquere 
dicere 
facere 
facis  facit 


facitis 


nuce/n 
picem 
radicem 


fide 

nyuey  noix 
pi  poix,  résine 
ri  racine 


coeyre  cuire 
dire  dire 
fîré  faire 

fi 

Les  contractions  propres  au  Bagnard  empêchent  souvent  la  voyelle  de 
paraître.  La  même  vocalisation  a  lieu  quand  le  c  est  final  :  illac  donne 
^,  là. 


frué  fromage 
fruité  fruits 
nin  nuit 

profeyiyé  profiler 
xeyto  faacheur 


PH0N0LOC1K    DU    BAGNARD  41  1 

172  CT  : 
actionem  axytfn  action  *fructym 

•unpactare        enpatxyé  empêcher       'frucla 
âuctumnum       èutén  automne  noctem 

cxsuciu/Ti  -am  exué  4ê  sec,  desséché     'profeciare 
âicr,  de  lacl-     eyiyà  petit  lait  secior 

faciuram  fetyùîré    ^9-60 

Dans  axyèn  la  gutturale  n'a  pas  pu  se  fondre  en  y,  grâce  à  la  palatale 
<le  la  syllabe  finale* 

Dans  enpatxyé  la  palatale  s'est  combinée  avec  la  dentale  qui  l'a  attirée 
û  la  syllabe  suivante.  ÈûîÔn  =  autan  du  Jorat  semble  avoir  rejeté  Télé- 
Mneni  guttural  sans  se  modifier  conformément  aux  habitudes  de  notre 
dialecte.  Cependant  le  c  a  fait  vivre  la  dîphihongue  qui  autrement  se 
serait  réduite  à  0. 


m  CR 

: 

dit.  de    crassum 

grixé  graisse 

L 

lacrimam 

egréma  larme 

1 

macrum 

mingro  maigre 

174  es 

(X): 

coxam 

cuxé  cuisse 

laxare              laxyé  laisser 

lixivum  ou 

enxii  eau  de  la  les- 

Vmaxellam^oar maxâ  molaires  ex- 

Uiivium 

sive 

maxillam           trêmes 

examen 

exin  essaim 

uxé    tn-112 

euminare 

exeraâ  essaimer 

saxum              xi  rocher 

fraxinum 

frino  frêne 

Baxyè  de  bassare  a  subi  le  même  traitement  que  s'il  présentait  la  combi- 
naison es.  Post  se  transforme  de  manière  à  faire  croire  que  le  latin 
vulgaire  prononçait  pose  ou  poss,  Frina  de  fraxinam  garde  le  reste  de  la 
gutturale  dans  Vi. 

QV. 

(Nigra,  156), 

176-177  Aquam  présente  deux  traitements  :  selon  Tun  il  devient 
îwè,  en  perdant  Pélément  guttural  ;  selon  l'autre  il  rejette  la  labiale  : 
âquam  ardentem  faiigarjén,  eao-de-vie» 

1794   La  labiale  a  disparu  dans  : 


qualemqueunumcarcôn  (juelqa'm 
*quartarionem    carterôn    mesure , 

deux  pots 
quid  ?  ce  ?  que  f 


'quaerire  céri  chercher 

Quadragesimam  Cramentrân       les 
entraniem  Brandons 

quinquaginta      hlincanu  cinquante 


La  gutturale  a  été  attaquée  dans  tyin  tyinta  ?  quel  ?  quelle  que  soit  son 
origine»  soit  qu'il  soit  le  même  que  Tiialien  chente^  soit  qu'il  vienne  de 
quem^  ce  qui  est  plus  probable  vu  les  formes  vaudoises  et  fribourgeoises. 


412  J.   CORNU 

179^^  Nous  avons  déjà  parlé  de  coeyrè  plus  haut  et  de  àlè^  produit  de 
aquilam^  à  ii8. 

Dans  hlin  et  hlincanta  la  gutturale  s'est  perdue  de  bonne  heure  et  la 
tète  du  mot  est  traitée  comme  si  elle  avait  eu  CI.  Voy.  169^. 

xèiïré  «=  *sequere  doit  vraisemblablement  être  expliqué  comme  twè. 

G. 
(Nigra,  157-162). 

181  ^z  =  GA  au  commencement  des  mots  : 

gaudere  dzaui  jouir  y  se  servir     gaudiosum       dzoyèù  joyeux 

gallinam  dzènélé  poule  gabatam  dzûtayoue 

Il  en  est  de  même  dans  le  corps  des  mots  après  une  consonne.  Dz  se 
change  en  djy  quand  la  syllable  qui  suit  porte  l'accent.  Ex.  : 
ital.  albergare  abardjyé  gôrdzé  gorge 

irrigare  erdjyé  irriguer  longam  londzé  longe 

Une  exception  s'offre  dans  purga,  médecine,  subsuntif  verbal  de 
purgare. 

182  Les  exemples  de  G  entre  deux  voyelles  me  font  défaut,  mais  il 
est  permis  d'affirmer  qu'il  se  fond  en  palatale  sonore,  comme  le  c  dans 
la  même  position.  Voyez  16;. 

183  GO  GU: 

gôrdzé  gorge 

gurdum  gôrdo  raide  de  fatigue 

gutturem  gôtro  goitre 

184  Précédé  d'une  voyelle  il  tombe  : 

*tegullam  tyôa  tuile 

Augustam  ûta  Aoste 

Dans  friy  fraise,  de  fraguttij  il  s'est  vocalisé. 

185  -GUA  :  linguam  enwa  langue 
Corap.  îwè,  176-177. 

188   GEGI  initial  : 
genitum  -am     dzen-Xa  gentil,  sage     gerul+  suff.dim.  dzerlôn  92 
gengivam         dzenjia  gencive  geniculum  dzonè  genou 

gerulum  dzerlo  hotte 

Au  lieu  de  dz  on  rencontre  djy  dans  djyerla  =  gerulam, 

GE  GI  médian  : 

imaginem  emadzé  image 

horologium         rôdzo  horloge 
1 90  La  gutturale  s'est  fondue  en  palatale  sonore  dont  le  développe- 
ment est  parfois  voilé  par  des  combinaisons  nouvelles  : 


^^^^F                                                 PKONOLOCtE    DU    BAGNARD                                         4rj 

m 

^^H        cogitare           cudjyé  issayer             longe              luen  loin 

^M 

^^H        dîgitum           dey  doigt                    magis              min  plm  et  mais 

^1 

^^H        ^fugire            fuyi  alUr                    magidem          min  pétmsoiu 

^H 

^^H        quinquaginta    hlincanta  cinquante       Heginhardum    rènà  renard 

^H 

^^m        légère              Uré  lin 

^H 

^^H            Dans  etnndrè  =  stringen  et  plendrè  =  plangere  la  gutturale  a  subi  le 

^1 

^^H        même  sort  que  le  d  euphonique  est  venu  cacher. 

^1 

^^m            191    GR  initial  et  après  une  consonne  : 

^^1 

^^B        graneam           grandie  grange  à  foin     *greve=grave  grey  diffkiitmini 

^1 

^^H        grananum        gréney  ^r^mVr              Bulgarum         héû^ohomme solidi 

^1 

^^B           Après  une  voyelle  la  gutturale  se  vocalise  : 

^1 

^^H                                     nigru/Tt  -am        né  neyré  noir  -e 

^H 

^H             192   GN  : 

^H 

^^H        maiignum         malin  rasé                   itai  matrigna  marena  femme 

^1 

^^H^  malignam         maléna  rusée               ital.  patrigno   parén  42 

^1 

^^^^^L                        manyîn^  chaudron-     pugnum           poinpoiVi^ 

^1 

^^^^H                          nier  et  hongreur       'praegnu/n-am>  pren  préinyé     67 

H 

^^^^                                       (Nigra,  16?- 170). 

■ 

^^1            19}   T  demeure  au  commencement  des  mots  : 

^1 

^^H        taeda/Ti             teiya  bois  résineux     talem               t6  tel 

^H 

^^m                                 du  tronc  de  dalé       trîdentem         tren  trident 

^H 

^^B        telam               teiya  rn^/e                    trabem             ira  poutre  de  pont 

^M 

^^H           Une  exception  se  rencontre  dans  derbénj  taupe,  et  ses  dérivés  qui  ont 

^^ 

^^H        encore  une  autre  irrégularité.  Comp.  tarpon  du  dialecte  de  Val  Soana,  54. 

^M 

^^H            194  11  continue  également  à  vivre  dans  le  corps  des  mots  après  une 

^^H 

^^H        consonne 

^^^^1 

^^H        alterum  -am        àtro  -a  autre             quinquaginta    hlincanta   cinquante 

^^^1 

^^m        a[u]scultare        atyèutâ  écouter           locustam           lôta  sauterelle  et  ci-- 

^1 

^^H        Quadragesimam  Cramentr^n       Us                              gale 

^H 

^^H            entrantes         Brandons                portam             p6rta  porte 

^H 

^^H        sTare                  etâ  rester                   vostram            vûtra  votre 

^H 

^^H            Si  t  devient  fmal,  il  cesse  de  se  prononcer  :  ainsi  altum  donne  d,  haut. 

^1 

^^M            1 9Ç    Entre  deux  voyelles  dont  l'antérieure  persiste  il  ne  peut  se  main- 

^Ê 

^^H        tenir  que  exceptionnellement  ;  mais  quand  elle  tombe^  sa  conservation 

^1 

^^H        est  assez  fréquente  : 

*^^^1 

^^B        bonitate/72         bontô  bonté                *capitanum       capètiin  capitaine 

^H 

^^H        brutam             brçta  vilaine               debitum           deto  dette 

■ 

^^H             1.  Voy.  Ducange. 

^^^^            2.  Voy.  Ducange  s.  v. 

J 

414  J-    CORNU 

gabatam  dzûta  joue  totam  tôta  toute 

repositam        repûta  74  totam  vicem     toti  toujours 

Brçta  et  tota  ont  été  sans  doute  formés  sous  Phifliience  du  masctifin 
brç  et  tô,  quand  leur  t  sonnait  encore.  Dans  pu'4a  Bas-Valais  laid,  vi- 
lam,=  putldum  -am,  il  y  a  eu  sans  doute  assimilation  des  deux  dentales 
dont  la  sourde  a  prédominé. 

1 96  II  s'adoucit  en  d  surtout  dans  les  proparoxytons  : 


arboraticum  arberâdzo  Sb 

bibitis  beyde 

cogitare  cudjyé  essayer 

*àiaim  sabbati  déxando  samedi 

ficatum  fedzo  foie 


malehabitum-am  màdo  -«  malade 
operaticum         ovrâdzo  ouvrage 
*potiti8=  potetis  pèùde 
perditam  perda  perte 

""consuturarium    tyèûdurey  tailleur 


Un  cas  sans  autres  exemples  d'adoucissement  en  d  est  ajer  -da  = 
lacertum  -am,  Comp.  le  français  lézard  et  lézarde, 

1 97  Son  sort  ordinaire  est  de  disparaître  entre  deux  voyelles  qui  se 
conservent  : 


botellum 

boè  boyau 

platanum 

plïno  » 

betullam 

byôa  bouleau 

■potere 

poey  pouvoir 

*betulletum 

byoey  1 9  20  2 1 

*remutata/n 

rewâyé  4^ 

firmaturam 

farmùîré  serrure 

catenam 

tsêna  chaîne 

fata 

ikyèfée 

*catenilla/n 

tsénea  71 

lavaturam 

lavyùîré  lavure 

vitellum 

vê  veau 

metam 

maya  2\b 

vitellare 

veyâ  vêler 

'miratorium 

meryèù  miroir 

setam 

xeiya  soie 

Il  tombe  î 

aussi  à  la  fin  des  mots  ou^  pour  mieux 

dire,   quand  il  de 

vient  final  par  la  chute  de  la  voyelle  qui  le  suit  : 

acetum 

aji  2\b 

parietem 

parey  paroi 

boletum 

boey  84 

pîlatum 

peyô  bouillie 

bonitatem 

bontô  bonté 

pistatum 

pîtô  froment  écrasé 

brutum 

brç  vilain 

pratum 

prô  pré 

*betulletum 

byoey  19  20  21 

*repalatum 

repaô  /^b 

digitum 

dey  doigt 

'remutatum 

revô  retiréy  reculé 

Mauritium 

Mûri  Maurice 

totum 

tô  tout 

*passatum 

paxô  passé 

volatum 

vô  volé\ 

198  et  à  plus  forte  raison  dans  les  mots  où  il  était  final  en  latin, 
mots  qui  comprennent  surtout  des  formes  verbales  : 
habet  a  est  e 

bibit  bei  venit  vin 

bibunt  beiyon  veniunt  vényon 

coagulât  cale 

i .  Plino  est  probablement  la  contraction  de  'plaino  *platno  'plaano. 


^p 

PHONOLOGIE 

DU    BAGNARD 

^Ê 

^^P        200    La  formule  TR  se  réduit  à 

r,  comme  nous 

;  l^avons  vu  à  Toc-                 ^H 

^f         casion  de  Va^ 

1  }C  : 

^H 

I          latro 

are  yoieur 

itaL  mâtrigna 

marénz  femme                        ^H 

H          buiyrum 

bèurro  beurre 

^matruculariu/ 

Timaruley  marguilkt                 ^^| 

H          deretrarium 

darey  laj 

patrem 

paré  et  p!re  pire                      ^H 

■          excutere 

etyèuré  battre  le  blé 

itaL  patrigno 

parén  42                                 ^H 

H          fratrem 

firâre  frère 

presbyterum 

preyre  prêtre                         ^H 

H           matrem 

mâré  tt  mire  mère 

^H 

^^         199   TT  se  réduiî  à  î  entre  des  voyelles  : 

^1 

^^^ 

attendere 

atendré  attendre                                            ^^| 

^^^^m 

baituere 

batrê  corner ^^ 

frapper^  sonner                         ^H 

^^^^P 

miuere 

métré  mettre 

^H 

^^m       Cl  tombe  à  la  fin  des  mots  : 

^1 

^H 

battuit 

ba. 

^1 

^H^  201 

habere  habetis 

arey. 

■ 

^r 

1 
(Nigra, 

3, 
171-174). 

1 

^^m         202    D  initial  : 

^^B 

^^H     dentem 

den  dent 

*diam  lunae 

déldn  lundi                                   M 

^^B     debitum 

deto  dette 

dûlia 

dèlé  i6b                                ^m 

™          20  î    D  entre  deux  voyelles  : 

^M 

audire 

aui  entendre 

peduculu/n 

pyèù  pou                                 ^H 

codam 

caua  queue 

radium 

ri  rayon  de  la  roue                  ^H 

*crudium  -a/7 

î    croey  croyé  mauvais 

radicem 

ri  racine                                 ^H 

dîmidium 

demyé  demi 

taedam 

teiya   67                                ^^M 

gaudere 

àzmi  jouir,  se  servir 

tridentem 

tren  fr/^e/if                            ^H 

*gaudîosum 

dzoyèu  joyeux 

aha  wetdanjan 

[  wanyé^i?                               ^H 

claudere 

hlûré  dore  et  fermer 

•vidéré 

yèré  vo/r                                ^H 

!l  s'est  maintenu  dans  mtdéhlin  qui  est  un  mot  dlnlroductîon  récente  '.                 ^H 

Dans  enitnàfè  de  illidere,  agacer  les  dents ^  l'introduction  de  fa  nasale  a                 ^^| 

protégé  le  a 

L  Le  maintien  du  d  est  incertain  dans  predjyè,  parler,  =^                ^H 

praedkare,  Vu4yl\  vider,  n'ayant  probablement  rien 

1  à  faire  avec  vidaum                ^^M 

viduare^  sa  forme  ne  présente  rien  d 

i'irrégulier.  Comp.  l'article  de  Schu-                 ^| 

chardt  dans  la  Romania, 

■ 

204    D  final  : 

■ 

fidem 

fey  foi 

nidum 

nîn  nid                                 ^H 

magidem 

min  pétrissoire 

pedem 

pya  pied                                 ^M 

nodum 

nyèii  nœud 

tripedem 

trèpi  trépied                          ^^Ê 

206  Ad  est  rendu  par  a. 

m 

^^V          1 .  Un  exemple  du  changement  de 
H            mhiuna^  enclume,  =  *incumnm. 

d  en  /  avec  métathèse  se  présente  dans                 ^^M 

4i6 

j. 

CORNU 

P. 
176-179). 

plana 

platanum 

pratum 

(Nigra, 
209   P  initial  : 
palam              pà  peUe 
panem             pan  pain 
parietem          parey  paroi 
pastor             pâto  fruitier 

plana  plaine 
plîno  platane 
prô  pri 

210  Entre  deux  voyelles  P  passe  à  la  labiodentale  sonore,  de  même 

devant  r  : 

apiculam 
scopam 

avélé  abeille 
etyèûva  balai 

lepor  +  afim, 
*operaticum 

.  leyvra  lièvre 
ovràdzo  ouvrage 

*cuparium 

gOVey      SEMBRAN- 

CHER  seille 

piper 
sapam 

peyvro  poivre 
xàva  sève 

Devenu  v  il  tombe  très  souvent 

: 

crepare 
desupra 
scopare 

créa  percer^  crever 
dejèûra  dessus 
ecoà  balayer 

paupenim 

ripam 

capistrum 

puro  -a  pauvre 
ria  bord 
tsètro  licol 

*cuparium        coey=covay  Jorat 

B  a  pris  la  place  de  P  dans  un  cas  unique,  dans  superare  qui  a  fait 
xobrA^  rester.  Il  ne  se  maintient  que  dans  des  mots  où  le  sentiment  de 
la  composition  n'avait  pas  disparu,  comme  dans  : 
repositam  repûta  74 

*trapassare         trapaxà  trépasser,  mourir 
tripedem  trépâ  trépied 

et  où  l'assimilation  Tempêche  de  se  modifier,  comme  dans  : 
papyrum  papey  papier 

proprium  prçpro  propre 

Capètàn  est  un  mot  d'introduction  postérieure,  ce  que  prouve  CAqui 
n'a  pas  changé. 


21  \  a  P  final  disparaît  : 

lupum 

lèù  loup 

sepem 

xey  haie  naturelle  et  artificielle 

21  ib  PP  se  réduit  à  P  simple 

: 

apponere         apondré  ajouter 

*cappellum 

tsapê  chapeau 

pèpa  pis  d^une  laie 

cippum  » 

xepa  cep 

*cappellam       tsapâ  chapelle 

2 1  ?   PT  : 

adcaptare         adzétà  acheter 

ruptam 

rôta  route 

I.  Voy.  Ducange,  s.  v.  ccppa. 


^^^^^^^^^B                                   DU                               ^^^^  417         H 
^^^                                       (Nigra,  [SchïSi).                                                 ^ 

■ 

^H 

■           214  B  îmtîal  : 

^^^^^1 

^^batluere           bairé  78                    biberé             beyré  boire 

^^H 

^^Meimam           benda^y  iSa              boiemm           boey  84 

^H 

^^     215    Emre  deux  voyelles  il  est  soumis  ay  même  sort  que  le  p.  Il 

^H 

I      devient  par  exemple  y  dans  : 

^^H 

1      babere             avey  avoir                  librum              eyvro  /i>r€ 

^^^1 

^^Ksttte.  verb,  de  envema  hmrnagt       fabrum             favré   maréckal-fer- 

^^^1 

^^V     hibernare                                                                 rant 

^H 

W       'cxprobarc       eprovâ  essayer            libram              ivra  livre 

^1 

H       *exprobo          eprèùvo                     cannabum        tsénevo  chanvre 

^1 

^L         cl  disparaît  dans  : 

^1 

^^bubricare          lueydjyé  ^b                 *nebullam        nyôa  nuage 

^1 

^^subst.  verb,  de  lueydzé  traîneau          presbyterum     preyre  prêtre 

^1 

ïubricare                                        caballum          tseô  cheval 

^^1 

Devenu  v  il  s*est  vocalisé  dans  txyiira^  de  capram^  chèvre. 

^1 

Une  irrégularité  qui  s'étend  dans  la  plus  grande  partie  du  domaine 

^1 

roman  est  le  maintien  du  h  dans  ibro,  libre.  —  Uberum. 

^1 

Après  une  consonne  b  continue  à  vivre  : 

^1 

arborem           âbro  arbre                   'tierbaticum      erbâdzo   %h 

^J 

•album  spinum  arbepin  aubépine          corb  +  âfém,  gèrba  '  corbeille 

^1 

"arboraiicum    arberàdzo  Sb 

^^1 

1          11  reste  également  dans  B'L  : 

.^1 

^^H                              *poenibilem         peniblo  pénible 

^1 

^^^^H                      sabulam              xabla  sable 

^H 

^^^^^P                      sibîlare               xiiblà  siffler 

^1 

V           216  A  la  fio  des  mots  il  tombe  : 

^1 

^^L                            probe                prèù  assez. 

^1 

^^V                             trabem                tr6  poutre  de  pont. 

^1 

217  B*T  des  proparoxytons  se  réduit  tantôt  à  ï,  tantôt  à  d  : 

^1 

debitum            deto  dette                    gabatam           dzûta  joue 

^H 

*diam  sabbati   dèxando  samedi           maie  habitum    mâdo  malade* 

^^^1 

EST  se  simplifie  en  t  : 

^^^1 

subslemere           xotèdré  mettre  la  litière. 

^^H 

Accidents  généraux. 

H 

2Ï0   Assimilation.  L'assimilation  des  voyelles  est  peu  développée.  A 

^1 

est  devenu  e  sous  Tinfluence  de  y  dans  plentxyc^  plancher.  0  s*est  rétréci 

^H 

en  u  dans  : 

I 

i.  Voy.  Ducangc,  s.  v.  corba. 

Romania,  Vt                                                                           27 

j 

^^^^^^1 

41 8                                                        J.    CORNU 

consobrinum     cujin  cousin 

curténa  tas  de  fumier 

*cohortile         curti  jardin 

*morire 

mûri  mourir 

*cohortiliare     curtelyé    jfc 

et  en  ii  dans  driimin  de  dormire. 

227  Prosthêse  de  Ve  devant  Vs 

impure  : 

scholam           ecûla  école 

sternuere 

etarnin  éternuer 

eparmà  épargner 

'stelam 

eteiya  étoile 

spinam             epina  épine 

stringere 

etrendré  serrer 

•spathulam       epôla  épaule 

scaphium 

etsihlo  cuyier 

spicam             epyà  épi 

scalam 

etxia  échelle 

èscabi  chaise 

scopam 

etyèûva  balai 

stare               età  rester 

2  ^  I    Epenthèse  de  n  dans  : 

subst.  verb,  de  hibernare 

envèrna  h 

ivernage 

lixivum  ou  lixivium 

enxû  eau  • 

de  la  lessive 

252     Epithèse  de  n  après  /.  L*i 

peut  être  étymologique  ou  résulter 

des  lois  propres  au  langage  de  Bagnes  : 

dormire           drùmin  dormir 

magis 

min  plus  et  mais 

illidere             enlindré  78 

magidem 

min  pétrissoire 

sternuere         etarnin  éternuer 

macrum 

mingro  maigre 

*fimaceum        feroin  fumier 

nidum 

nin  nid 

fraxinum          frîno  frêne 

noctem 

nin 

iîal.  fornire      fumin  achever 

platanum 

plTno  platane 

grandemmer-  gran  maxin  m^ra 

tenere 

ténin  tenir 

cedem 

venire 

venin  venir 

23$   Attraction  : 

'admuriare       amoeyryé  ^b 

cropeyré  croupière 

*assecurare      axuryé  assurer 

curaahleyré  9a 

^bandariam       bandeyré  9a 

deretrarium 

darey 

vervecarium-ambardjyé-eré  berger 

'talponariam 

derbuneyré  9J 

bletsuney  poirier 

dimidium 

demyé  demi 

borateyré  9a 

ecclesiam 

eleyjé  église 

brachium          bri  bras 

*scalarium 

elseey  escalier 

*bulyrariam      burîré  baratte 

*falcarium 

fèuhlé   69 

calendarium     candrey  almanach 

foriâm 

foeyré  diarrhée 

*quanarione/n  carterôn  179a 

*fumariam 

fumeyré  fumée 

catyeyré  9a 

*filariam 

fyeyré  9a 

*cuparium        coey=covayJoRAT 

cuparium 

govey  210 

*corvaceum      corbî  corbeau 

granarium 

gréney  grenier 

cordanyé  cordonnier 

griotey    arbre    qui 

croeyjù  vieille  lampe 

porte  les  griottes 

PHONOLOGIE 

DU    BAGNARD 

^^B 

1         cellarium 

hley  cave 

pomarium 

pomey  pommier                  ^^^H 

■          *clariare 

hlcyryé  voir  clair 

potey  ferblantier                ^^^| 

1          lÎTieum 

indzo  linge 

primarium  -am 

premyé    premyérê            ^^^| 

iîitye  /Vi 

premier                           ^^^H 

1          area/n 

irè  aire  de  la  grange 

prunarium 

prumey  prunier                      ^^M 

^^m      îstoriam 

istoeyré  histoire 

potionem 

puijôn  poison                          ^^H 

^^B     maieriam 

maieyré  îo 

remedium 

remyedzo  remcde                     ^^Ê 

■         iDa[nisionem 

raején  meyjàn  cui- 

^fr  cff tenacula  tenaley  cerf-yolant                   ^^| 

sine 

candelariom 

tsandeey  chandelier                ^H 

1          memoria/n 

memuirê  mémoire 

tsarateyré  jarretière                ^H 

mqianey  9a 

carrariam 

isareyré  chemin                       ^^M 

moeyjyâ  malaisé 

caldarja 

tsèudeyré  chaudière                ^H 

murium  -am 

moeyro  -é  trop  salé 

"consulurarium  tyèùdurey-rê/(îf7/fyr                       f 

roortarium 

money  mortier  à  piler 

-am 

^ 

murdzyêré    tas    de 

'salariam 

xeyré  942                                ^H 

pierre   au   milieu 

'sementarium 

xémentey  -ré  9a                    ^H 

des  champs 

•am 

■ 

pararium  >am 

parey-  ré  pareil 

cerasea 

xeryeiê  cerise                          ^H 

*pasctiarium 

patyê  ^b 

sextarium 

xété  setier                                ^H 

*pavoriam 

poeyrê  peur 

solaiium 

xoey  divertissement                ^^Ê 

20  Contraction  : 

■ 

alâ  Vaud 

â  aller 

•soliculum 

hluè  soleil        %                          1 

ad  îlla/n 

an  ' 

lavatonum 

lavyèù  lavoir                           ^J 

andyulré  7 1 

lavaturawï 

lavyutré  lavure                       ^H 

adripatum 

arô  arrivé 

locustam 

lôta  64  et  6$                           ^H 

'botlonalura/r 

bolényulré  71 

Mocustellum 

lotè  B  au  SON  90                      ^H 

*brava  mente 

brâmén  bravement 

maie  habitum 

màdo  malade                        ^H 

bovina/Tï 

hixénâviandc  de  vache 

'maxellam 

max»    tii-112                      ^H 

beïullam 

byôa  bouleau 

malle4-iu/.^/m.mè  maillet                              ^^| 

*betulletum 

byoey  192021 

misetlam 

meiâ  /i]i^r£                               ^H 

calendarium 

candrey  almanach 

'miratorium 

meryèu  mirotr                         ^^Ê 

*aballam 

cavâ  jument 

'meiipsimum 

mîmo  m^me                             ^^^ 

•cadalem 

c6(ai  le  dessus  de  la 

mul  +  suffJim 

.  muet  muld                             ^^M 

queue 

raulinum 

muin  moulin                             ^^| 

*colare    illum  coà   ahlê  rou/^r  k 

mulîn+5u/.^inLmunet  8^                                ^^^ 

Ï2LCtiçti\'dm 

lait 

*nebullam 

nyôa  nuiag;                              ^^H 

columnam 

côna  colonne 

nec  unum  -am 

nyon  nyuna  aucun                  ^H 

de  longo 

dyon  le  long 

palam 

pà  pelle                                  ^M 

spîcam 

epyâ  épi 

patellam 

pia  ^oc'/f  i  frire                      ^^M 

femellam 

femâ  74 

platanum 

plîno  p/âfd/ie                           ^H 

cellarium 

hley  cflw 

potere 

poey  pouvoir                          ^^Ê 

r.  4  an/eyn 

',  aller  à  la  foire  —  an  vâtra^  k  la  vôtre» 

U 

420 

J.  c 

ORNU 

*pavoriam        poeyré  peur 
presbyterum    preyre  prêtre 
dérivé  de  pWare  pjèX3Linstrumentpour 
piler  le  sel 

*castellanum 
catenam 
catenillam 
claviculam 

tsatyân  châtelain 
tséna  chaîne 
tsénea  7 1 
tsilé  cheville 

pilosum-  am 
peducûlum 
peducuiosum 
*remercedare 

pyèù  pyèùjapo//tt 
pyèû  pou 
pyoèii  pouilleux 
reroahlâ  remercier 

*claviculare 
coagulum 
tuus 
"teguUam 

tsilyè  cheviller 
tye   166 
tyô  tien 
tyôa  tuile 

re+  emendare  reroendâ     raccom- 

*totare 

tyùâ  tuer^  éteindre 

moder 

urticam 

urtyâ  ortie 

Reginhart 
*repalare 

rènâ  renard 
repâ   I1I-II2 

Augustam 
vitellum 

ûu  Aoste 
vè  veau 

*remutatum-amrévô  rewâyé  j^h 

*vitellare 

vèyâ  vêler 

radicem 

ri  racine 

volatum 

v6  volé 

radium 
horologium 
*revidere 
iridentem 

ri  rayon  de  roue 
rôdzo  horloge 
ryèré  revoir 
tren  trident 

fl/rfl.  weidanjan  wanyé  jfr 
*sapêre            xey  savoir 
*salariam         xeyré  ça 
securum           xûi  sur 

irentyuîré     cheville 
du  char 

suum 

vi-i-  suff.dim. 

xyô  sien 
,    yon  sentier 

*cappellam 

tsapâ  chapelle 

Une  contraction  qui  a  déjà  eu 

lieu  en  latin  ( 

îst  celle  de  curt/  = 

cohortile. 

TABLES    ALPHABÉTIQUES. 


a)  Résamé  phonolog^que. 


A  long  conservé  i 

â  =  Abref  2 

-i  =  ATum  sous  Pinfluence  d'un 

son  palatal  ^b 
A  EN   POSITION  latine  et  romane 

conservé  Sa 
A  atone  maintenu  69a 

-âdzo  =  -ATICUM   168 
AE  67 

âm  =  AMM  17a 

fl/I  =  AMP  17t 
-AN-ANA  5  6  7 
a/2  =  ANT  16 

anyè  =  anea  ania  i  5 
ar  atone  =  er  atone  75 
ar  H-  cons.  =  m  +  cons.  81 


assimilation  des  voyelles  219  : 
G  devient  u  dans  0...  i 

ATTRACTION   235 

au  =  [}  bref  61 

AU  maintenu  à  la  syllabe  atone  9^ 

B  initial  maintenu  2 1 4 

B  maintenu  après  une  consonne  2 1 5 

^  =  V  127-129 

b^  sa  chute,  21  $ 

BL  maintenu  1 1 5 

c  vocalisé  1 67 

c  traité  comme  s  entre  deux  vo- 
yelles 169^^ 

CA  conservé  160 

CHUTE  du  B  1 16 
—    du  D  entredeux  voyelles205 


^^"                                                     PHONOLOGIE 

DU    BAGNARD                                        42 1                          ^H 

K         CHUTE  du  D  à  la  fin  des  mots  204 

E  atone  avant  i'accent  maintenu  74                  ^H 

^^ft        —    de  Pe  avant  et  après  l'ac* 

E  EN  HIATUS  78                                                               ^H 

^H 

£,  sa  chute  avant  et  après  Taccent^                  ^H 

^^1        —    du  G  entre  deux  voyelles 

H 

^H                   184 

-edzû  ^ -ETicum  \GS                                   ^^Ê 

^H        —    de  I'h  95 

EN  +  voyelle  maintenu  1 8                             ^^| 

^H        ~    deTiB) 

en  =  ÎH  et  im  }7  et  }8                                ^^Ê 

^H        —    de  W  1 1 1-IJ2 

ENS  réduit  à  es  92.  Comp.  19  20            ^^^H 

^H        —    du  p  final  2  ]  1 

^V^l 

^^1        —    de  pR  après  l'accent  123 

EPENTHÈSEde /l  2}l                                                    ^H 

^H 

EPITHÈSE  de /I  2^2                                                       ^^ 

^H        —    de  I'r  par  dissimilation  1 24 

è  (yè)  ^  -ARE  sous  l'influence  d'un                       1 

^H        —    de  l's  à  la  fin  des  mots  1 37 

son  palatal  ^b                                            ^H 

^^^^^—    de  l's   devant   une   autre 

è  (e)  =  A  atone  avant  l'accent                  ^H 

^^^^P           consonne  1^8-142 

sous  rinfluence  d'un  son  palatal                  ^H 

^^^^^ —    du  T  197  200 

^Ê 

^H        —    de  l*u  avant  et  après  Tac- 

ê  =  A  final  sous  l'empire  d'un  son                 ^H 

^H                   cent  92 

palatal  72                                                  ^H 

^H        —    du  V  127-129  210  215 

e  =  E  atone  modifié  par  un  1  to-                  ^H 

^H        —    du  V  devant  Y  127-129 

nique  74                                                     ^H 

—    du  V  final  \  3 1 

ê  M  =^  I  Ion  g  et  ï  bref  atone  avant                  ^| 

co  co  maintenu  166 

l'accent  80                                                  ^H 

CONTRACTION  2?6 

fê  —  0  long  46a                                         ^M 

CT  172 

èii  ^  0  bref  50                                             ^^Ê 

D  maintenu  202 

m  ^  CL  dans  les  proparoxytons  57                ^^| 

D,  sa  chute  entre  deux  voyelles,  20? 

ju  — u  bref  61                                        ^^^H 

D,  sa  chute  à  la  fin  des  mots,  204 

èiî  +  cons.  =:  ULL  +  cons.  6^^                 ^^^1 

d  3=  T    dans   les  proparoxytons 

^u  =^  AL  -h  cons.  à  la  syllabe  atone             ^^^| 

196-217 

^^1 

^au  lieu  de /(/y)  121 

^u  +  cons.   =    uL  +  cons.  à  b                   ^H 

dz  {djy  dj]  =  s  96 

syllable  atone  90                                       ^H 

ir=  DY  (01)  +  voyelle  10  ça 

-ey  -eyr^  =  -ARium  -aria/h  9a                         ^H 

^  (j^jy)  ="  BY  (bi)  +  voyelle  109 

-«y  -eryrè  ^  -eriu/ti  -ERiA/n  30                        ^H 

dz—  z  14Î 

ey  ^  É  long  19  20  21a                                  ^H 

dz  —  Ck  atone  165 

ey  ^=  E  bref  22                                           ^H 

Jr^GA  i8ia  iSib 

^y  ^  iTUm  )  $                                                             ^H 

dz=^  GEG\    188 

ev=ibref4o                                            ^H 

^/y  ==  G  A  tonique  iHib 

p  1^1                                                  ^^H 

djy  ^  CA  tonique  r  6  { 

/  ^  NF 149                        ^^m 

E  KN  POSITION  27  28a 

g  initial  ^  c  1 66                                    ^^^^H 

'è  'èlè  =  suffixe  -icuLum  -icuLAm 

G  fondu  entre  deux  voyelles  190               ^^^| 

42  118 

G,  sa  chute  entre  deux  voyelles^  j  84             ^^^H 

-/  =  -ELLUm   jl 

ON                                                                              ^^H 

e  ouvert  ou  fermé  ^  i  en  pos,  42 

GO  (ou)  conservé  18}                                  ^H 

422  J.    CORNU 

GR  conservé  191 

gr  =  CR  17} 

H,  sa  chute,  9$ 

hl  =  TY  (ti)  +  voyelle  107 

hl  =  FL  116 

hl  =  CL  117  et  120 

hl=  s  n  5 

hl  +  voyelle  =  ce  ci  au  commen- 
cement des  mots  169 

r=  ilong  n 

1  EN  POSITION  maintenu  41 

I  atone  conservé  79 

I,  sa  chute,  83 

i(ï)  =  k  qui  subit  Pinfluence  d'un 
/  palatal  ^b 

i  =  E  long  2ib 

l  +  cons.  =  ES  +  cons.  zSb  29 

/,  contraction  de  ai^  8c 

-îr-  =  -ATR-  }C 

-y-W  =  -s- 1  ?6 

-y-  =-c-  170 

L  maintenu  exceptionnellement  1 11- 

112 
L,  sa  chute,  111-112 
/  =  /  mouillée  97-98  1 1 8 
/  (ly)  =  c'l  t'l  1 1 8,  =  gl  121 
LABIALES,  leur  influence  sur  i  82 
LY  conservé  122.  Comp.  ^b 
M  i$5 

m  =  N  144 

M  rend  nasale  la  tonique  153-154 
/n  =  MN  m'n  avant  Taccent  1 56 

MÉTATHÈSE  de  IV  I  24 

N  maintenue  au  commencement  et 

dans  le  corps  des  mots  1 44 
/I  =  MN  m'n  après  Paccent  1 56 
Az  =  NN  145 

N  mouillée  par  un  son  palatal  1 44 
N  rend  la  voyelle  nasale  144 
nb  z=}AB  dans  le  corps  des  mots  1 57 
nbr  nbl  =  m'r  m*l  1 5  5 
NC  NG  151 
ndr  =  n'r  147 
ndz  =  NY  (ni)  +  voyelle  loib 


np  =  MP  157 

NS  réduit  à  s  en  latin  148.  Cp.  32 

NT  et  ND   150 

/ly  =  NI  +  voyelle  102^ 
0  conservé  devant  n  et  t  46b 
o  EN  POSITION  54  et  56a 

0  =  U  EN  POSITION  64  et  65 

O  atone  avant  l'accent  maintenu  84 

0  conservé  après  l'accent  87 

0  atone  2=  u  90 

ô  fermé  =  av  ab  4a 

ô  fermé  =  -ate/w  -ATum  4b 

ô  fermé  =  al  suivi  ou  non  suivi 
d'une  consonne 

OE  67 

on  +  voyelle  =  on  +  voyelle  5 1 

on  =  UN  UM  59-60 

p  initial  maintenu  209 

p  final,  sa  chute,  201 

p=  pp  2iia 

PL  maintenu  1 14 

proparoxytons  en -CEm  168 

PROSTHÈSE  de  Ve  devant  Vs  impure 
227 

R  maintenu  123  et  126 

R,  sa  chute  après  l'accent,  123  126 

R,  sa  chute  par  dissimilation,  124 

R,  sa  métathèse,  1 24 

r=  L  1 1 1-112 

r=  n  144 

s  conservé  1 3  3 

s,  sa  chute  à  la  fin  des  mots,  1 37 

s,  sa  chute  devant  une  autre  con- 
sonne, 138-142 

T  conservé  au  commencement  des 
mots  et  après  une  consonne 
193-194 

T  maintenu  entre  deux  voyelles  1 95 

/  =  B*T  dans  les  proparoxytons  217 

T,  sa  chute,  197-200 

/  =  BST  2 1 7 

/  =  PT  2 1 3 

t  =  TT  I  99 
T'S  201 


PHONOLOGIE 

ty  =  c  suivi  d'o  ou  d'u  66 

ts  (quelquefois /x)')  =  ca  i6i  164 

ts  =  py  (pi)  +  voyelle  109 

u  long  conservé  59-60 

û  =  u  long  $9-60 

u  EN  POSITION  maintenu  63 

u^  sa  chute  avant  et  après  l'accent, 

û  =  OL  suivi  d'une  consonne  57 

û  =  AU  68 

a  —  0  modifié  par  un  i  tonique  de 

la  syllabe  suivante  85 
u  atone  maintenu  89 
"ttd  =  -ocum  5  3 
iî  =  u  long  59-60 
u  =  suffixe -UTum  59-60 
il  atone  =  u  suivi  d'un  i  tonique  89 
-iilré  =  -ATURA/n 


DU    BAGNARD  423 

v  prononcé  comme  en  latin  1 27-1 29 

V  =  p  entre  deux  voyelles  210 

V  =  B  entre  deux  voyelles  2 1 5 
V,  sa  chute,  127-129  131  210 

v,  sa  chute  entre  deux  voyelles,  2 1 5 
V,  sa  chute  devant  y,  127-129 

V  intercalé  111-112 

w  germanique  conservé  1 30 

X  =  s  au  commencement  des  mots 

X  =  cs  174 

y  provenant  d'i  3  3  Rem. 

-y-  ==  -CA  surtout  dans  les  propa- 
roxytons 163 

y  intercalé  après  la  chute  de  I'l 
I 11-112 

yè  (ya)  =  B  bref  23 

yo  =  EU  34 


b)  Formes 

â  fém.  42  54  et  56a  65^  83  84 

111-112  127-1*29 
Article  démonstratif  1 1 1  - 1 1 2 
Déclinaison,  première,  en  ^  72 
Génitifs  conservés.  Voir  au  lexique. 
Infinitifs  de  la  i  ^  conjugaison  i  et  3  ^ 

—  2*  conjug.  19  20  2ia 

—  3*  conjugaison  78 

—  4«  conjugaison  3  3 
Neutres  pluriels  devenus  des  fémi- 
nins de  la  première  562^  172 

Nominatifs  conservés  :   latro  i  , 

PASTOR, CANTOR, SECTOR  87 

Noms  composés  1 1 1  - 1 1 2 
Noms  d'arbres  en  -ARium  123 
Noms  d'arbres  féminins  83 
Noms  en  -ATE/n  4b 

—  -ATicum  168 

—  -ATORIUm  46 


—  -ATum  4^ 

—  -ATURAm  59-60 

—  -ELLum  31 

—  -ENSEm  19  20  2ia 

—  -ETUm   19  20  21*2 

—  -icuLum  -icuLAm  42  11 8 

—  -iGNum-iGNAm  192 

—  -lOLum  50 

—  -lONE/n  466 

—  -ITTUm  -ITTAm  1 1  I-l  12 

—  -ÎTum  (participe)  3  5 

—  -ivum  -iVAm  3  3 

—  ONEm  160 

—  -osum  -osA/n  46^ 

—  -UMEN   59-60  144 

—  -UTum  59-60 
Pluriel  de  la  v^  déclinaison  1 37 
Substantifs  verbaux  95  1 1  i-ii 2 


acetum  21b  69 
actionem  462^  107 
acuculam  63  69  72 


c)  Lexique. 

acuculare  3^ 
adcaptare  71  160-164 
adhoram  46b 


424  J 

admontem  58 

admuriare  3^  90 

adripare  78  82 

album  spinum  3  3 

alluminare  i 

alterum  -am  8a  1 1 

apiarium  109 

apiculam  72 

apponere  $4  et  56a 

aquawi  ^b  Se  72  176-177 

arboraticum  Sb  69  87 

aream  9^  72 

artificium  169 

assecurare  ^b  89 

auctumnum  93 

Augustam  63  93 

auriculam  42  72  93 

auscultare  90  93 

baiulare  ^b 

battuere  78 

battuiculum  42 

bellum  -am  10  31 

bene  25 

bennam  27  et  28a 

berleriam  9^  72  75 

Bemensem  19  20  21a   74  78 

bestiam  zSb  29  72  107 

beluUam  64  et  65 

betuUetum  19  20  2iâ 

boletum  84 

botellu/n  31 

bovinam  85 

brutum  -am  $9-60 

Bulgarum  6^b 

bullicare  3^  90 

butyrariam  9^  72  89 

butyrum  83 

cadere  78 
caldariam  69  72 
calendariu/n  9a  69  1 24 
calidam  10 
calidum  tempus  27-28^ 


CORNU 

candelarium  9a 

canna/n  161 

cannabum  145  161 

cantor  16  87 

capistrum  42 

capram  36  127*129    215 

captiare  36 

carrariam  9a  72 

camicam  59-60  72 

casalittu/n  138  et  142 

catulam  86  72  118 

caveam  3^72  100  127-129  160- 

164 
cellarium  169a 
cerasea  72  74 
cippum  21  la 
circellum  31  81  160-164 
claviculam  71  72 
claviculare  }b 
coagulare  32^  88  92 
coagulum  166 
codam  46^ 
coenam  21b  67 
cogitare  ^b  85 
cohortile  338$ 
coliculam  72  84  1 1 1-112 
conflare  84 
consuere  46a  78  92 
coquere  78  171 
corbis  54  et  56 
corticem  58  168 
corylus/cm.  83 
corvaceum  8c  84 
coxam  55  72 
crudium  -am  203 
cuparium  9a  90 

debitum  2  7- 2  8a  83 
déferas  50 

descensam  19  20  21a  74 
dereirarium  75  78 
diaraLunae  59-60  78 

—  Martis  8a  83 

—  Mercuri  27  28a 


PHONOLOGIE   DU    BAGNARD 


425 


—  Jovis  50  83 

—  Veneris  147 

—  sabbati  Sa  7) 
digitum  40  83 
dolia  56^  72 
dominioim  42  72 
dormire  85 
dulcem  652^ 
duplum  -am  64  68 

ecclesiam  72  74  118 
ezcutere  78 
expulicare  165 
exsuctum  -am  63  72 

facturam  59-60  72 
fagum  68 
fialcarium  96  69 
iialcicula/n  69  72 
ficatum42  168 
ficturam  59-60  72 
fimaceum  81 
fimbrias  42 

firmatura/n  59-60  72  81 
florem  46a 
foetam  21b  67 
forfices  83 
foriam  52  72 
fragum  8c  184 
fratrem  3  c 
fraxinum  8c  8  3  174 
fhictum  63 
fructa  63  72 
fumum  64  et  65 

gabatam  2 1 7 
gallinam  71  72  111-112 
geniculum  42  77 
gerulam  188 
gerulum  92 
gingivam  33 
glaciem  8^  1 2 1 
graneam  8fr  72 
granarium  ^a 


grève  =  grave  ^a  78 
gurdum  -am  64  et  65 
guttur  64  et  6  5 

haeretîcum  27-28^  74  8} 
hirpicem  42  83 
horologium  188 

illidere  33  78  20  j 
illonim  46a 
impactare  3c 
incudinem  120  203  Note 
insimul  38  92 
in  summo  64  et  65 
invidiam  40 
irrigare  36  83 

ja/n  96 

lacertum  -am  27-28^  69  196 

lacrimam  8c 

lacticeilum  31  83 

lamen  5  6  7 

se  laniare  36 

laricem  83 

larva/n  111-112 

latro  87 

lavatorium  46a 

laxare  36 

légère  97-98 

Itporem  fim.  22 

levé  3fl  22  78 

liberum  -am  2 1 5 

libnim  40 

lineolum  50 

linguam  42  185 

lixivum  lixivium  174  231 

locustam  64  et  65  88  97-98 

longe  58 

lubricare  3^  83  89  97-98 

magidem  8c 

magis  8c 

maie  habitum  Sb 

masculum  Sa  92 


426 

matrem  i  3c 
matrucularium  9a  89 
Mauritium  93 
medicare  ^b 
meiDoriam  )  2  72  84 
mentem  27-2  8a 
mercatum  ^b  75 
merendam  27-28^75 
metam  2 1  b 
meus  25 

minus  cadentiam  72 
misellum  -am  3 1 
modium  1052^ 
molere  57  78 
molliare  3 
mortarium  94  84 
murium  -am  61  72 
mustelam  19  20  2 la  90 

nebuUam  64  et  65 
nec  unum  -am  73 
nignim  -am  3972  191 
noaem  55 
nodum  46a  144 
novellum  -am  10  31 

oculum  ^6b 

paleaceam  8^  97-98 
palum  ferri  27  2&a 
papyrum  2 1 0 
pararium  -am  72 
parietem  19  20  2iâ 
pascuarium  ^b 
pastor  Sa  87 
pateilam  236 
pairem  2  3  c 
pavoriam  72 
pedem  23 

peduculum  6$fr  78  92 
pensile  19  20  21a 
perdiiam  27  28a  83 
persicum  138  142  167 
pilatura  197 


J.   CORNU 


piper  40  78 
pistare  79 
plangere  13  75 
platanum  73 
plovêre  19  20  2  u  78 
poliicem  57  83 
porcum  167 
post  55 

potêre  19  20  2 itf  7884 
potionem  J^6b  78  85  107 
praedicare  65^^203. 
praegnum  -am  67 
prehensam  32 
presbyterum  40 
pressum  iSb  29 
primum  -am  3  3 
primarium  96 
probe  50  78 
pro  deo  22  40 
pruna  144 
puiicem  $9-60  80 
pullicenum  83  89 
pulverem /(^m.  6^b  7S 
pulwïïfém.  6^b  78 
pure  59-60 
pulare  i 

Quadragesimam  entrantem  16  7378 
quaerire  33  74 
quinque  41 

ramum  5  6  7 
ranuculam  72 
remedium  23 
remutatum  4^  92 
repositam  74  83 
resecare  78  136 
rubeum  64  et  6  5 
ruptam  64  et  6  5 

sabulam  8^ 
salariam  9a  72 
salem  muriam  61  72 
salicem/em.  83 


PHONOLOGIE   DU    BAGNARD 


427 


sanctum  14 
sapam  2 

Sarracenum  170 
saxum  8c  92 
scalam  36 
scalarium  9a 
scaphium  ^b 
scopam  46a 
scutellam  iii-i'i2 
secale  19  20  2iâ 
seceraere  27-28fl  78  170 
sector87 
sccunim  59-60 
semen  27-28i2  74 
sepem  19  20  21a 
sequere  78  179 
seraceum  8c 
seraculam  86  72  75  92 
sextarium  ^b 
sibilare  82 
solatium  8c  84 
soliculum  135 
spathulam  10  92 
spicam  33  Rem, 
stare  1 

stelam  19  20  2 1^ 
stemuere  75 
substeraere  27-28^  78 
succutere  90 
superare  90  210 
suus-a  24  61 

taedam  67 


talponem  193 
tegullam  646165 
torculare  3!^  84 
totam  vicem  36  78 
totum  diem  36  78 
lotare  85 
trabem  44  78 
tridentem  27-284  78 
tuus-a  24  61 


urticam  33  Rem. 
ultra  59-60 


89 


vaavam  127-129 
venenum  33  74 
vennaceum  75 
vero  19  20  2iâ 
vemicam  59-60  72  75 
versus  27-284  97 
vervecarium  -am  127-129  16$ 
vespam  127-128 
videre  78 
villam  41 
vitellum  31 
vitem  33  78 
vocitare  36  89 

aha  weidanjan  130 

—  weigar  1 30 

—  weinôn  130 

—  werjan  130 

zelosum  46a  75  143 


J.  Cornu. 


LA     CHANSON     DE     BARBE-BLEUE 

DITE  ROMANCE  DE  CLOTILDE. 


La  chanson  dont  nous  donnons  trois  leçons,  une  du  Forez,  deux  du 
Velay,  a  été,  comme  la  PorcheronnCy  Florence,  le  Comte  Arnaud^  très- 
répandue  dans  ces  deux  pays.  Peu  de  femmes,  il  est  vrai,  aujourd'hui  la 
savent  complète,  mais  un  grand  nombre  en  redit  encore  quelque  fragment. 
Cette  chanson  dépasse  singulièrement  les  limites  de  nos  deux  petites 
provinces.  On  la  chante  en  Gévaudan,  en  Provence  ',  en  Piémont*,  dans 
le  Monferrat).  Elle  a  déjà  été  publiée  dans  la  langue  de  ces  divers  pays; 
elle  Pa  été  également  en  français,  mais  simplement  à  titre  de  traduction 
du  languedocien  4.  Presque  toujours,  on  lui  a  donné  le  nom  de  Chanson 
de  Clotilde,  et  on  a  admis  qu'elle  racontait  les  malheurs  de  Clotilde,  fille 
deCloviset  femme  d'Amalaric,  roi  des  Visigoths.  Nous  dirons  plus  loin 
pourquoi  il  nous  est  impossible  d'accepter  cette  détermination  et  cette 
attribution  historiques. 

I. 

1  *  N'en  sont  trois  frères,      n'ont  qu'une  sœur  à  marier. 

2  Elle  est  si  belle      ne  savent  pas  qui  la  donner. 

3  L'ont  pas  donnée      ni  à  un  prince  ni  à  un  baron, 

4  Ils  Tont  donnée      à  un  gentilhomme  de  Paris  *. 

1.  D.  Arbaud,  Ch.  pop.  de  Provence,  I,  83,  Roumanço  de  Clotilde. 

2.  C.  Nigra,  Canzoni  popolari  del  Piemonte^  42,  Clotilde. 

3.  C.  Nigra ^  Canz.  pop.  del  Piemonte^  38.  —  Ferraro,  Canti  popolari  Monr 
ferriniy  20,  Principes  sa  Giovanna. 

4.  Champfleury,  Ch.  pop.  des  provinces  de  France^  27  :  Languedoc,  Romance 
de  Clotilde.  Voir  dans  le  préambule  des  chansons  du  Languedoc  les  justes  remar- 
ques qui  se  rapportent  à  cette  complainte. 

5.  Marlhes.  Communication  de  MM.  J.-B.  Riocreux  et  A. -M.  Peyron. 

6.  Var.  L*ont  donnée  à  un  comte      qui  la  battait  cent  fois  le  jour, 

Sa  camiseta      était  tout  arrosée  de  sang  (Pradelles,  anc.  Gévaudan). 
Var.  Si  l'ont  donnéie      au  plus  grand  voleur  du  pays, 
L'a  tant  battueie      avec  un  bâton  de  vert  bouisson, 
Le  sang  coulade      mais  du  menton  jusqu'au  talon  (Céaux  d'Allègre, 
ancienne  Basse- Auvergne). 


LA    ROMANCE    D£    CLOTILDE  4I9 

5  Le  mar  épouscj      le  mercredi  l'a  tant  battu', 

6  L'a  tant  battue      avec  un  bâton  de  buisson  \ 

7  L*â  tant  ballue      qu'el  la  mise  tout  en  sang, 

8  •  Mon  ami  Pierre,      m'Iaisscriez-vous  pas  aller  laver? 

9  —  Vas-y,  Hélène,      prends  garde  d'y  pas  trop  rester.  • 

10  Fut  pas  *la  rivière      qu'elle  regarde  dans  le  bois, 

1 1  t  Dit'  donc,  Hélène,      que  regardez-vous  dans  le  bois  ? 

12  —  Us-bas,  dit-elle,       je  vois  venir  trois  cavaliers, 

I }  t  Semblent  mes  frères,       le  plus  petit  c'est  le  premier. 

14  —  Dit*  donc,  Hélène      où  pourrais-je  m'aller  cacher? 

1 5  —  Dans  votre  chambre,      et  moi  j'en  tirerai  la  clef. 

16  —  Bonjour,  servante  :      où  est  la  mattress'  du  château? 

17  —  Suis  pas  servante,       jen  suis  la  maîtress'  du  château. 

18  —  Dit'  donc,  Hélène,      où  a-t-eir  passe  votre  beauté? 

19  —  Hélas  !  mes  frères,       mon  mari  me  Ta  bien  oté. 

20  —  Dit'  donc,  Hélène,      votre  mari  où  a-i-il  passé? 

21  —  il  est  'I  la  chasse,      voilà  trois  jours  s'est  pas  rendu. 

22  —  N'est  pas  'la  chasse,      y  a  qu'un  moment  nous  l'avons  vu. 

23  i  Ma  sœur  Hélène,       donnez-moi  les  clefs  du  château.  1 

24  i  De  chambre  en  chambre,      l'ont  tant  cherché  qu'ils  l'ont  trouvé^. 
2j  «  Dit'  donc,  beau-frère,      qu'avez-vous  fait  à  ma  sœur? 

26  —  Elle  a  la  fièvre,       d'cinq  six  jours  n*a  rien  mangé. 

27  —  C'est  pas  la  fièvre,      c'est  les  coups  qu'  tu  lui  as  donnés. 

28  —  Dit'  donc,  Hélène,      cî'  quelle raort  faisons-nous  mourir? 

29  —  La  mort  la  plus  cruelle,      celle  qui  vous  plaira  le  mieux.  » 

30  Le  plus  grand  de  ses  frères      un  coup  d'  pistolet  lui  a  tiré, 
3  j  Le  cadet  de  ses  frères      un  coup  d'  bâton  lui  a  donné, 

32  Le  plus  jeune  de  ses  frères      t'a  pris,  l'a  porté  enterrer. 


Var.  Amb*  un  baston  pournio  (Bagnols.  Gévaudan). 
Var.  Avec  un  bâton  de  griiïon  (houx)  (Chamalières,  Velay). 
Var.  Avec  un  bâton  de  vernimorl  (?)  <Malval€lte,  Velay). 
Var.  Avec  un  bâton  de  vernifaut  (?)  ^Fraisses,  Forez). 
2.  Var.  De  chambre  en  chambre      à  la  plus  haute  ils  l'ont  trouvé  (Dunières). 
Dans  la  plupart  des  chansons,  aucun  dialogue  ne  s'établit  entre  le  mari  et  les 
frères  d'Hélène  et  entre  ceux-ci  et  leur  sœur.  Le  mari  sitôt  trouvé  est  tué.  C'est 
le  plus  jeune  trère  qui  seul  l'exécute. 

Var.  Le  plus  jeune  de  ses  frères      si  n*a  pris  les  clefs  à  son  tour, 
A  la  plus  haute  chambre      trois  coups  de  poignard  lui  a  lancé* 
A  b  plus  haute  chambre      trois  coups  de  poignard  lui  a  plongé 
(Chamalières). 

Var.  Le  plus  jeune  de  ses  frères      n'a  pris  les  clefs  à  son  côté, 
De  chambre  en  chambre,      k  la  plus  haute  n'a  monté, 
N'a  pris  son  poignard,      trois  fois  dans  son  sang  Fa  plongé  (Beausac). 

Var,  Le  plus  jeune  de  ses  frères      a  pris  les  clefs  à  son  côté, 

De  chambre  en  chambre,      de  cnambre  en  chambre  il  a  monté. 
De  chambre  en  chambre,      à  la  plus  haute  il  l'a  trouvé, 
De  son  poignard,      de  son  poignard  il  l'a  tué  (Fraisses). 


4^0  V.    SMITH 

33  c  Dit'  donc,  mes  frères,      quel  habit  prendrai-je  demain? 

34  —  Le  blanc,  le  rouge*,      sont  les  couleurs  qui  ?ont  le  mieux.  » 


II. 
VARIANTE». 

N'en  sont  trois  frères,      ont  une  sœur  à  marier. 

L'ont  mariée,      cinquante  lieues  de  ce  pays. 

Si  l'ont  donnée      au  plus  méchant  de  ce  pays, 

L'a  tant  battue      qu'el  l'a  mise  tout  en  sang, 

Le  sang  lui  coule      depuis  la  tète  jusqu'au  pied. 

c  Dis  donc,  mon  homme,      laisse-moi  donc  aller  laver. 

—  Vas-y,  Hélène,       prends  garde  d'y  pas  trop  parler,  f 
N'  fut  pas  'la  porte,      trois  cavaliers  l'on  voit  venir. 

c  Dis  donc,  Hélène,      qui  sont  donc  ces  trois  cavaliers? 

—  Sont  mes  trois  frères,      je  les  connais  à  leur  manteau, 
c  Y  en  a  un  rouge      et  l'autre  vert  et  l'autre  gris  '.  i 

—  Bonjour,  servante,      où  est  la  dame  du  château  ? 

—  Suis  pas  servante,      jen  suis  la  dame  du  château. 

—  Bonjour,  Hélène,      ho  1  seriez-vous  donc  notre  sœur  ? 
c  Bonjour,  Hélène,      où  est-c'  qu'il  est  donc  votre  mari? 

—  Il  est  'la  chasse,      à  la  chasse  des  aperdrix.  » 

Le  plus  jeune  des  frères      n'a  pris  la  clef  de  son  côté, 
De  chambre  en  chambre,      à  la  plus  haute  il  a  monté. 
De  chambre  en  chambre,      à  la  plus  haute  il  Ta  trouvé. 
N'en  sort  son  sabre*,      trois  fois  au  cœur  lui'  l'a  plongé. 
•  Dis  donc,  Hélène,      quel  habit  voulez-vous  porter  ? 

—  **  Le  vert,  le  rouge  ;      le  blanc,  le  noir  je  vais  quitter, 
c  Adieu  Champagne,      adieu  méchants  de  ce  pays  !  » 


1.  Var.  Le  blanc,  le  rouge,      c'est  les  couleurs  qui  vont  le  mieux. 

Mon  habit  noir,      c'est  la  couleur  du  pays  (Marlhes). 
Var.  Prenez  le  rouge,      celui  qui  vous  plaira  le  mieux. 

Prenez  le  rose,      c'est  la  couleur  des  amoureux  (Dunières). 
Var.  Ouel  habit  prendrai-je  aujourd'hui      pour  faire  le  deuil  de  mon  mari? 

Non  pas  le  rou^e,      mais  le  violet  garni  de  fleurs  (Beausac). 
Var.  Dit'  donc,  mes  frères,      quel  habit  prendrai-je  aujourd'hui  ? 

Non  pas  le  noir,  le  vert,  le  gris,      toujours  le  rouge  est  le  plus 
joli  (Fraisses). 

2.  Les  Beaux-Prés-Yssingeaux.  Ecrit  sous  la  dictée  de  Mariannette  Gissiou 
et  de  Philomène  Soulier. 

3.  Var.  Y  en  a  un  rouge,      un  vert,  un  tout  garni  de  fleurs. 

4.  Var.  sapre. 

5.  La  chanteuse  fait  si  peu  sentir  1'/  qu'on  ne  sait  si  on  doit  écrire  lui  l'a 
plongé  ou  lui  a  plongé^ 

6.  Sous-entendu  je  veux. 


LA    ROMANCE    DE   CLOTILDE-  4)1 

IIL 
VARIANTE» 

N'étant  trois  Frères,      n'âpnt  ()u*une  sœur  à  marier, 
La  maridèron      cKinquante  lègues  loin  d'écheu, 
Li  dounér*  un  homme,  le  plus  roétsan  d'aqué  pays. 
L'a  batlunéie      deux  ou  trois  fois  durant  le  jour, 
La  matinée      avec  un  bâton  de  vert  buisson, 
La  mé-^zouméie      avec  un  bÂton  de  vert  rosier, 
A  la  soiyséie      avec  un  bâton  de  vert  gnfon. 
ff  Disa,  moun  homme,      me  laissais  pas  alla  lava? 

—  Vas-y,  Hélène,       prends  garde  de  pas  trop  parler.  ■ 
Fut  pas  Ma  porte,      quel!'  n*aperçoit  trois  cavaliers. 
<  Sont  mes  deux  frères,      je  les  connais  â  leur  manteau, 
«  Y  en  a  vun  rouge      et  l'autre  qu'il  est  bien  vblcl, 

—  Oh  !  dis,  Hélène^      où  irai-je  donc  me  cacher  ? 

—  Là-haul  'la  chambre,      la  plus  haut'  que  vous  trouverez. 

—  Oh  !  dis,  servante,      où  est-c'  qu'il  est  la  dame  du  château  ? 

—  Suis  pas  servante,      jen  suis  la  dame  du  château. 

—  Est-il  possible*      oh  î  que  vous  soyez  notre  sœur? 
i  Oh  !  dis,  Hélène,      où  cst-c'  qu'il  a  passé  ton  mari? 

—  Il  est  Ma  chasse,  *rrappe  des  caill'  et  des  perdrix.  « 
Le  ptus  jeune  s'avance,  le  coup  de  la  mort  lui  a  donné. 
«  Oh!  dîs,  Hélène,      quel  habit  veux-tu  donc  porter? 

—  Non  pas  le  rouge      que  toute  ma  vie  je  l'ai  porté, 
«  Mais  si  fe  noir^      que  de  ma  vie  je  1'^  porté,  > 

Ce  chant  fut  publié  pour  la  première  fois,  en  1829,  dans  les  Mémoires 
delà  Société  da  antiquaires  de  France^ y  sur  une  communication  faite  par 
M.  Cayx  de  Marvéjols.  Il  est  en  patois  lozérien.  lia  pour  titre  :  Romance 
dite  de  Cloîilde.  Le  voici  : 

(  N'erount  très  fraires  {bis)      n'hant  qu'une  sor  à  marîda, 
N'crounl  très  fraires  (bis)      n'hant  qu'une  sor  à  marida. 
2  L'haut  maridado      a)  pus  méchant  d'aque)  pays. 
}  L'ha  tant  batludo      emb'  un  baston  de  bert  poumia, 

4  Lou  san  li  coula      de  ta  teste  jusques  ai  pes  : 

5  Lou  11  accampoun      dine  une  taise  d'argen  fi. 

6  •  Aco's  bilene,      aco's  lou  bin  que  tu  biouras.  » 

7  Sa  camisetto      sembl'  à  la  pel  d'un  blan  moutoun. 

8  Ni  baî  à  Taiguo      per  sa  camisetto  laba. 

9  Pendent  que  j'iero,      ni  bcï  béni  très  cabalies. 


i .  Rochè-en-Régnier.  Ecrit  sous  ta  dictée  de  Marie  Vasselon. 
2*  Var.  fût-il  possible, 
j.  VIIL  21^, 


4P  V.   SMtTH,    LA    ROMANCE   DE   CLOTILDË 

10  «  H6la  strbanto^      oh  qu'est  la  dame  du  castel? 

1 1  —  Suis  pas  sirbanto,      je  suis  h  dame  du  caslel, 

12  —  Ah  !  ma  surette,      qu'est-ce  qui  voas  a  fait  tant  de  mal  ? 
I }  —  C'est,  mon  chier  frère,      le  mari  que  m*âvez  baillé.  ■ 

14  A  donc  lou  jouine      n'i  gabppebes  lou  castel. 

1 5  De  cambro  en  cambro      jusqu'à  que  l'o  ajut  trou  bat, 

16  Qu'à  cop  d'espase      la  teste  To  ajust  coupât. 

M.  Cayx  explique  le  litre  de  Romance  de  Chtilde  par  ce  simple  rensei- 
gnement que  je  copie,  «  Cette  romance  passe  vulgairement  pour  un  récil 
des  aventures  de  Clotilde^  filîe  de  Clovis  et  femme  d- Amalaric,  roi  des 
Visigûths,  au  vi^  siècle,  massacré  par  Childebert,  frère  de  Clotilde,  en 
punition  des  mauvais  traitements  qu'il  faisait  éprouver  à  celle-ci*  »  Rien 
de  plus.  Il  ne  faut  pas  demander  à  la  chanson  même  la  justification  du 
litre  qu'on  lui  prête  :  elle  est  tout  simplement  le  récit  des  bruulités  d'un 
méchant  mari  ei  du  châtiment  que  lui  infligent  ses  beaux-frères.  Ce  mari 
ne  ressemble  pas  au  païen  Amalaric,  qui,  selon  la  légende,  pour  détourner 
sa  femme  de  la  foi  orthodoxe,  la  couvre  de  fumier  quand  elle  va  à  l'église; 
cette  femme  n*avertil  pas  ses  frères  en  leur  envoyant  par  un  messager 
secret,  comme  le  fit  Cloiilde,  un  mouchoir  teint  de  son  sang.  Ni  la  forme 
ni  le  motif  des  violences,  ni  la  circonstance  si  saisissante  qui  donne  réveil 
aux  vengeurs  ne  paraissent  dans  la  chanson.  Elle  ne  peut  s'appeler 
chanson  de  Clotilde  que  si  une  tradition  constante,  aussi  étendue  que  la 
chanson  même,  lui  impose  ce  nom.  M.  Cayx  ne  constate  la  tradition  que 
pour  une  étroite  circonscription  du  Gévaudan,  Il  est  possible  que  le 
nom  de  Clotilde  ait  été  assigné  de  son  temps  à  Théroïne  de  la  romance, 
mais  aujourd'hui,  dans  le  Gévaudan  même,  il  est  complètement  ignoré 
des  chanteuses'.  En  Velay  ou  en  Forez,  où  j'ai  recueilli  onze  variantes, 
il  n^est  venu  à  Tidée  d'aucune  chanteuse  de  décorer  cette  complainte  du 
nom  de  Clotilde  et  dVn  faire  rhistoire  d'une  royale  infortune.  Les 
chansons  provençale  et  piémontaise  n'impliquent  par  aucun  trait  carac- 
téristique une  origine  historique  définie ,  et  aucune  d'elles  ne  justifie  le 
nom  de  Clotilde  que,  sur  la  seule  indication  de  M.  Cayx,  lui  ont  attribué 
les  publications  piémontaise  et  provençale.  Il  est  prudent,  ce  me  semble, 
de  ne  donner  à  notre  chanson  d'autres  dénominations  que  celles  que 
lui  donnent  elles-mêmes  les  chanteuses.  Elles  rappellent  ou  Chanson 
d'HéUnt^  ou  Chanson  des  îroîs  frms,  ou  Chanion  de  Barbe-Bleue,  parce 
que  pour  elles  tout  méchant  mari  est  un  barbe-bleue.  Entre  ces  trois 
titres,  le  choix  est  libre. 

Victor  Smith. 


I.  Je  l'ai  vérifié  à  Praddles  et  à  Bagnols-les-Bains ;  à  Pradcllcs,  une  vieille 
m'a  dît  le  Chant  Je  Clotilde  sons  le  nom  de  Chant  de  BarkSUut\  â  Bagnols,  on 
me  l'a  transcrit  sous  le  nom  de  Chanl  des  trois  frères. 


MÉLANGES, 


COLUBRA  EN  ROMAN. 


Les  difficultés  que  présente  le  traiteraent  roman  de  coluhra  ont  été 
signalées  par  M.  A.  Darmesieter,  Romania  5,  J876,  p*  147  n.  r.  Je 
crois  qu'il  est  possible  de  les  résoudre.  Elles  portent  sur  trois  points  : 
place  de  l'accent,  traitement  de  Vu  lâtîn,  traitement  de  Vo  latin. 

Place  de  l^accent,  —  L'accent  d'acuité  latin  portait  sur  la  première 
syllabe^  l'accent  d'imensité  roman  porte  sur  ta  seconde  :  latin  C'iubraf 
français  couleuvre,  espagnol  eu /ei^r^.  La  même  alternance  s'observe  dans 
^nîegrum  entier,  p^lpetra  paupière^  f'nebraeesp.  tinleblâ,  ^îacrem  alègre.  En 
apparence  elle  se  rattache  à  l*alternance  classique  de  ciabra  tribraque  et 
de  cûiubra  amphibraque»  mais  en  réalité  les  deux  phénomènes  sont  îndé- 
pendants  l'un  de  Tautre* 

La  licence  poétique  qui  permettaît  de  faire  la  seconde  syllabe  longue 
dans  cùinbra  ne  reposait  point  sur  un  allongement  de  Vu.  Nulle  part  en 
effet  les  grammairiens  ne  disent  qu'une  voyelle  placée  dans  les  mêmes 
conditions  reçoive  le  circonflexe  ;  en  grec,  où  la  même  règle  de  prosodie 
se  retrouve,  on  ne  voit  ni  £  devenir  t^  ni  0  devenir  (*>,  D'ailleurs  les 
grammairiens  disent  unanimement  que  la  syllabe  longue  Test  positione  et 
non  naîura.  Donc  la  différence  de  prosodie  entre  c^lubra^t  coluhra  tenait 
au  groupe  de  consonnes  hr.  On  prononçait  le  groupe  dans  c^-lu-bra 
comme  dans  re-cre-a-re  et  dans  I-xXet;-t£,  c'est-à-dire  en  réunissant  les 
deux  consonnes  dans  une  même  syllabe  :  dans  co-lub-ra  au  contraire 
comme  dsLnsad-ra-sus,  neg-kc-tus,  ob-li-îus,  et  dans  èx-Askt*),  c'est-à- 
dire  en  partageant  les  deux  consonnes  entre  deux  syllabes  ;  c^-lu-^bra 
est  à  co-iub-ra  comme  iUudne  crus  est  à  illud  nec  tus.  Or  ce  partage  des 
consonnes  entre  deux  syllabes  n*est  pas  admissible  pour  les  formes 
romanes  dont  l'accent  d'intensité  ne  comcide  pas  avec  l'accent  d'acuité 


4H  MÉLANGES 

latin.  Dans  couleuvre  le  h  latin  est  traité  non  comme  le  b  latin  de  oWffia," 
qui  subsiste  dans  le  dérivé  oublier^  mais  comme  Icb  de  la-hra^  fa^a,  qui 
se  change  en  v  dans  îtpn,  fhe.  De  même  dans  paupière  le  l  latin  dispa- 
raît comme  dans  ;7a-fr^m  pire,  ui-îa  vie;  dans  entier  le  ^  latin  disparaît 
comme  dans  pi-gritia  paresse^  augustum  août  ;  dans  allègre  le  c  devient 
sonore  comme  dans  ma-crum  maigrCy  a-quila  aigle,  se~cale  seigle.  Le  trai- 
tement de  la  voyelle  intense  indique  d*ailleurs  qu*elle  termine  la  syllabe  : 
Ve  bref  de  in-te-grum  et  de  pal-pe-tra  est  traité  comme  IV  bref  de  pe-4ra 
pierre,  pe-dempiet,  et  non  comme  Ve  bref  de  sep-tem^  de  con-fec-tum^  de 
esse;  Va  àta-la-crem  est  traité  comme  Va  de  pa-trem^  spa-tha,  mare  et 
non  comme  Va  de  uac-ca,  de  quat-tuor,  de  map-pa,  de  sma-rag-dus^  de 
fac-tum  ;  enfin  l'ii  de  cotubra,  d'abord  changé  en  o  bref  comme  nous  le 
verrons  tout  à  l'heure,  est  traité  comme  Vo  bref  de  o-pera  œuvre,  no-uiim 
neuf  y  et  non  comme  Vo  bref  de  cor-nua  corne^  fol-iem  fol,  coc-sit  coist 
[Eulalie],  noc-tem  nuit.  Ainsi  donc,  dès  qu'on  regarde  les  faits  de  près, 
le  latin  poétique  co-lub-ra  et  le  roman  co-ln-bra  paraissent  bien  diffé- 
rents. 

Entre  ces  deux  prononciations  il  y  a  une  autre  différence,  c'est  que 
Cù-iu-bra  est  un  produit  naturel,  qui  a  existé  dans  le  parler  latin  des 
bas  temps  puisqu^il  en  reste  des  traces  dans  les  langues  romanes,  tandis 
que  co'luh-ra  est  un  produit  artificiel,  qui  s'est  formé  dans  la  classe  let- 
trée de  la  population  romaine  ei  n'en  est  pas  sorti.  La  versification  des 
comiques  nWmet  pas  encore  l'allongement  des  syllabes  analogues  à  la 
pénultième  de  cotubra  ou  à  la  première  de  patrem  :  cette  licence  n'appa- 
raît que  dans  la  versification  hellénisante,  par  imitation  de  la  versification 
grecque.  Les  groupes  auxquels  la  versification  latine  classique  attribue 
le  pouvoir  d*allonger  à  volonté  les  syllabes  brèves  sont  ceux  qui  existent 
dans  la  langue  grecque  et  auxquels  la  versification  grecque  attribue  le 
même  pouvoir  ;  le  groupe  toot  semblable  qu^  propre  à  la  langue  latine, 
n'y  participe  point.  D'ailleurs  le  traitement  roman  des  formes  telles  que 
lâ'bra^  pa-îrcmy  pe-tra  montre  que  jamais  la  disjonction  hellénisante  des 
deux  consonnes  n'a  pénétré  dans  le  parler  réeL  II  est  donc  plus  que 
probable  que  la  place  de  l'accent  d'intensité  dans  couleuvre^  entier ,  pan- 
pure,  allègre  et  tinicbra  n'a  rien  à  démêler  avec  le  déplacement  factice  de 
Taccent  d'acuité  dans  les  vers  latins  de  l'époque  classique.  Cette  place 
serait  la  même,  si  les  Romains  étaient  restés  attachés  à  la  versification 
du  temps  de  Plaute. 

La  naissance  d'un  accent  d'intensité  pénultième  vient  uniquement,  à 
mon  avis,  d'une  certaine  force  que  prêtent  à  la  voyelle  les  consonnes 
qui  la  suivent.  Ce  qui  a  empêché  de  syncoper  la  voyelle  pénultième  et 
de  dire  palptra^  tcnbra,  intgrum^  alcrem,  colbra^  est  ce  qui  a  empêché 
aussi  de  syncoper  Ve  ou  Vu  de  la  syllabe  finale  dans  les  troisièmes  per- 


Colabrd  en  roman  4^^ 

sonnes  verbales  et  de  dire  iegnî,  debni>  La  voyelle  pénultième  dans  les 
mots  comme  colubra,  h  voyelle  ultième  dans  les  mots  comme  tegunt^ 
subsistèrent  donc  à  cause  du  groupe  de  consonnes  qui  les  suivait  ;  plus 
ttrd  elles  reçurent  Taccent  d'intensité.  Il  y  eut  seulement  une  différence 
entre  les  deux  catégories  des  voyelles  conservées,  c'est  que  les  voyelles 
pénultièmes  comme  celle  de  colubra  reçurent  Taccent  d^intensifé  dans 
tout  le  domaine  roman,  tandis  que  les  voyelles  ullièmes  comme  celle  de 
dibint  le  reçurent  seulement  dans  certains  dialectes. 

Traitement  de  /'u  latin,  —  L^espagnoi  calebraesi  pour  '  culuebra  commt 
f rente  est  po\iT  fraente  ^=  frontem.  Si  l'on  compare  cette  forme  théorique 
'ctiluebra  et  la  forme  française  couleuvre,  on  voit  quelles  supposent  en 
latin  populaire  coîobra  comme  haebra  et  œuvre  supposent  opéra .  Vu  bref 
latin  intense  s'est  donc  changé  en  un  0  bref,  C'est  là  un  changement  dont 
il  existe  au  moins  trois  autres  exemples,  L^italien  nuor^  suppose  nora  m 
lieu  de  nurus^  Tespagnol  saimuera  suppose  moria  m  lieu  de  muria^  le 
français  eaivri  (si  Pon  compare  nocîem  nuit  et  cuneum  coin^  voir  Roma- 
nia  \\\,  1874,  p.  ^}4)  suppose  copreum  au  lieu  de  cupreum. 

Un  phénomène  exactement  parallèle  au  changement  de  H  intense  en 
d^,  c'est  le  changement  de  ï  intense  en  ?.  H  y  en  a  un  exemple  au 
moins  :  c'est  genièvre,  qui  supppose  iuneprum  au  lieu  de  iuniperum. 

Cette  énumération  d'anomalies  vocaliques  nous  permet  de  reconnaître 
aisément  l'origine  de  l'irrégularité.  Sur  les  cinq  mots  qui  ont  été  cités,  il 
y  en  a  deux  où  la  voyelle  altérée  est  suivie  d'un  r  (  salmuera  nuora] ,  el  il 
y  en  a  trois  où  la  voyeile  altérée  est  suivie  d'une  consonne  immédiate- 
ment suivie  d'un  r  (couleuvre ^  cuivre,  genièvre).  Dans  lous  cinq  la  voyelle 
altérée  termine  la  syllabe  dont  elle  fait  partie.  L'altération  a  donc  sa 
cause  dans  une  influence  du  son  r  sur  un  ù  ou  un  î  ^u/  termine  la  syllabe 
précédente. 

En  autres  termes,  le  roman  a  cédé  à  la  même  tendance  qui  produit 
en  latin  addi-ne,  cine-nis,  amaui-Ram^  Faii-Ria^  mer^-tnix,  geni-tRix, 
uertê'bRa  à  côté  de  addï-tur  et  addit^cinïs,  amauis-sem^  Falïs-cus,  merï- 
tus,  genUtory  vertï-bulum;  qui  donne  sê-Ko  pour  'sïso  à  côté  des  autres 
verbes  redoublés  comme  ststo^  bJbo,  glgno,  -rlOr^î^t  ;  qui  en  composition 
donne  naissance  à  im-pt-Ro,  ob-st^-tRtx,  con-s^-cno^  in-tc-gRum  à  c6té 
de  per-fl-ciô^  ob-sîï-ttt,  con-sUpio^  con-tUguus  ;  à  la  même  tendance 
enfin  qui  oppose /o-r^  eifô-Rem  à  fù-i  et  fu-turus^  ar-bô-RÏs  à  ar-bUs- 
fiim,  ro-bô-Ris  à  ro-bûr,  am-phô-Ra  à  am-pôî-la,  an^cô-Ra  à  i^-ïwi-pa. 

Traitement  de  Vu  latin.  —  En  français  Vo  non  intense  de  cotobra  est 
représenté  régulièrement  par  au  dans  couleuvre.  Mais  en  espagnol  on 
pourrait  s'étonner  de  voir  cet  0  devenir  u  dans  culebra. 

Ce  changement  est  loin  d'être  isolé.  U  est  dùj  selon  U  théorie  de 
M.  Schuchardt,  au  c  qui  précède  l'o.   L'influence  du  c  est  d'assimiler  à 


4}6  MÉLANGES 

un  U  laiin  les  trois  voyelles  ô,  5,  Û^  atones  ou  toniques.  Ainsi  curtir, 
corroyer,  de  côriamy  cundido^  pitance,  de  cônditam^  cumpiir  de  cômpUre, 
cuchara  de  côchkaria^  citbierto  de  côôpcrtam^  cUslr  de  cdnsuere^  cunato^ 
beau-frère,  de  cdgnaîum  (Pa  est  long  diaprés  Tanalogie  de  cdgaitum^ 
d  où  vient  accoini  et  non  '^cfuf/ïî),  caidar^  soigner,  de  cùgitan,  cuno  de 
Ciïnfum,  CEmi?rf  de  cûmu/um,  cuqmlkro^  garçon  d'un  four  banal ,  de 
côqu£Tt,  Hors  de  Tespagnol  on  a  de  même  it,  cucina  fç.  camVi^  ==  ta- 
quina^ cucchidja  aiiller  ^  côchkaria^  cuidicr  =  côgitare.  Le  latin  acâcuia 
fait  d'une  part  agocchk  et  agouilk,  d'autre  part  aguglia  aguja  aiguilU  K 

En  résumé  toutes  les  difficultés  que  semble  présenter  le  traiiemeni  de 
coluhra  sont  éclaircies  par  des  analogies.  Pour  la  place  de  Taccenl  d'in- 
lensiié  on  a  entkr^  paupière^  tiniebla,  allègre;  pour  le  traitement  de  Va 
pénultième  on  a  nuora,  saîmuera^  cume^  genièvre;  pour  le  traitement 
espagnol  de  l'o  antépénultième  on  a  les  formes  comme  cuilkr,  cuidir, 
aiguilk, 

L*  Havbt. 

n. 

SOUCY,  SOLSIDE,  SOMSIR. 

A  propos  de  l'article  qui  a  paru  ici  sur  le  mot  soucy  et  son  étyroologje 
(VI,  148),  M.Alart,  archiviste  des  Pyrénées-Orientales,  a  bien  voulu 
m 'envoyer  les  remarques  suivantes  : 

»  Je  lis  dans  un  acte  de  j  ^^4  relatif  au  ruisseau  d'arrosage  d'IUe  en 
Roussillon  :  Si  contingeret  dktum  rcdmm  vd  reckusam  dirui  per  inandatiQ- 
nibus  aquarumj  vel  plavia^  vd  etiam  per  sOLCiOES  (Dépôt  des  notaires 
d'iUe)*  Ici  les  sokides  désignent  les  «  crevasses  »  qui  se  forment  à  la 
suite  des  pluies  dans  les  terrains  meubles  dont  elles  entraînent  t'éboule- 
ment. 

u  Dans  un  capbnu  fpapier  terrier)  du  prieuré  de  Marcevol  de  1 594, 
il  y  a  une  propriété  située  à  Vilella  (village  détruit,  au  territoire  de 
Rigardà,  canton  de  Vinça,  arrond,  de  Prades),  loco  vocaîo  solcjdes  *  alias 
SoLSiRES.  Tout  ce  territoire  est  traversé  par  une  rivière  dont  les  berges 
élevées  et  composées  de  terres  meubles  sont  sujettes  à  de  fréquents 
ébouiemenis.  Ce  nom  s'applique  donc  ici  à  des  «  éboulements  i»  ou 
a  effondrements  m. 

u  Enfin  il  existe  dans  la  commune  de  Vinça,  voisine  de  Rigardà,  un 
quartier  de  vignes  situé  sur  la  rive  droite  de  la  rivière  de  Lentillâ,  Au* 


1.  Schuchardt^  Romania,^^  '^7$i  ^^i  ^«^^  renonce  à  Texplication  patracûlalâ^ 
ibid.,  j,  1874,  iio.  ^ 

2.  «  Ma  noie^  prise  il  y  a  quinze  ans,  porte  Sokaa  ;  mais  c  est  certamement 
une  erreur  de  copie.» 


Soucy,  sotstde,  somsir  4^7 

dessous  de  ce  vignoble,  et  même  sous  le  lit  de  la  rivière^  il  existe  des 
couches  de  terrain  meuble  ou  de  sable  qui  sont  entraînées  par  des  cou- 
rants souterrains,  et  il  $*y  produit  ainsi  des  cavités  intérieures,  qui^ 
presque  chaque  année  et  surtout  en  temps  de  pluie,  amènent  des  affais- 
sements considérables*  J'y  ai  vu  une  vigne  qui  en  quelques  heures  s*est 
abaissée  ou  affaissée  en  plein  de  plusieurs  mètres,  et  c'est  îa  même  cause 
qui  a  plusieurs  fois  renversé  le  poni  en  maçonnerie  construit  sur  cette 
rivière.  Tout  ce  quartier  est  ainsi  désigné  dans  les  anciens  capbreus  : 

A  les  solslres  (1417). 

Vineau  a  les  soclres  .....  vïntan  al  portelt  de  les  socires beremum  al 

portell  de  les  sucires  (1466). 

■  De  nos  jours,  et  depuis  le  xvii^  siècle,  ce  lieu  s'appelle  iessouddes.  » 

M .  Alarti  après  avoir  ainsi  établi  pour  le  mot  soicidcj  sokire  '  le  sens 
d*  tt  cffondremenl  »  le  rattache  à  sahscindtfe.  Cette  étymologie  me  paraît 
peu  probable,  puisqu'elle  n'explique  pas  Vi  (ou  r)  du  mot,  sans  parler 
d'autres  difficultés. 

D'autre  part,  P*  Meyer  me  signale  trois  exemples  de  somsiî^  participe 
de lomjir,  aux  v.  1295  {^onsis]^  ï]r9  {somsiiz)  et  }i}i  (50m jf^  de  la 
Cuene  de  Navarre.  Ce  mot  a  dans  ces  trois  passages  le  sens  de  u  englouti  >^ 
(M.  Michel  traduit  deux  fois  par  «  pendu  »,  une  fois  par  «  détruit  »). 
Somsimen,  dans  Raynouard  V,  261,  s'applique  à  rengloutissement  de 
Dâlan  et  Abiron.  Raynouard  donne  aussi  jumpiir  aabsorben>.  Il  rattache 
ces  mots  à  un  participe  sumpsus  qu'on  aurait  pu  former  de  sumere  ;  mais 
alors  il  faudrait  séparer  absolument  samsir  et  ses  dérivés  du  fr.  soUlr,  du 
catalan  solcide^  ce  qui  me  paraît  assez  peu  faisable. 

En  somme,  sorpsus  icf.  I*it.  sorso)  ayant  donné  un  dérivé  sorpsir  (d'oii 
sopsir,  sompsir  d^une  pari,  sorsir^  solsir  de  Tautre)  me  semble  encore 
pouvoir  être  présenté  comme  un  candidat  sérieux  pour  cette  étymologie  ; 
mais  je  reconnais  qu'il  ne  s'impose  pas. 

G.  P, 

ML 

LA  VILLE  DE  PUI  DANS  MAINET. 


A  propos  de  ce  vers  du  Mainet  [Romania,  V,  ^  17)  : 
Irons  a  Calafort,  a  Pui  u  a  Tudelc, 

j'ai  mis  en  note  :  «  Put  est  sans  doute  Puigcerda.  »  M.  Aiart  m'écrit  : 
«  Je  n'y  verrais  certes  aucun  inconvénient,  mais  vous  dites  (p.  îo6)  que 
ce  poème  appanient  certainement  au  xir  siècle.   L'ancienne  capitale 

1  Cette  double  forme  semble  rentrer  dans  h  série  des  mots  où  r  provient  de 
i^  ce  qui  indiquerait  un  type  latin  en  -dùim  (Meyer  suggère  soitciJuim).  Mais 
ce  phénomène  existc-t-il  en  catalan  ? 


4ï8  MÉLANGES 

de  la  Cerdagne  était  Hix,  dont  la  population  fut  transportée  sur  le  pla- 
teau, jusqu'alors  inhabité,  où  se  trouve  aujourd'hui  Puigcerda,  en  vertu 
d'une  charte  du  roi  Alphonse  d^Aragon  du  17  des  calendes  d'avril  1 177 
(mars  1 178).  La  nouvelle  fondation  ne  fut  d'ailleurs  terminée  que  quatre 
ans  après,  comme  Pindique  une  autre  charte  du  roi  Alphonse  de  juin  ou 
juillet  nS2f  et  il  en  résulte  que  Fuigcerda  n'a  guère  pu  avoir  quelque 
notoriété  parmi  les  trouvères  avant  le  xm*  siècle.  Je  n'en  connais  en  effet 
qu'une  mention  dans  une  pièce  (dux[ii°  s.  ?)  de  Guillaume  de  Berga,  qui 
du  reste  était  à  peu  près  catalan,  L^attribution  du  Pui  de  Mainet  à  Puig- 
cerda  ne  parait  donc  pas  admissible»  ei  après  tout,  comme  ce  n^est  qu^une 
simple  conjecture  de  votre  part^  je  suis  bien  convaincu  qu'il  vous  sera 
extrêmement  facile  de  la  mettre  de  côté  et  de  chercher  ce  Ptd  dans 
quelque  autre  pays.  » 

Il  m'est  assurément  très-facile  de  renoncer  à  ma  conjecture,  et  je  le 
fais  sans  résistance  ;  il  m'est  encore  facile  de  «  chercher  i)  ailleurs  le  Put 
de  Mainet  ;  mais  de  le  trouver,  c'est  une  autre  affaire.  J'aime  mieux 
proposer  une  autre  explication.  Je  lirais  volontiers  Tm  pour  Put  dans  les 
deux  vers,  87  et  92,  où  cette  ville  est  mentionnée.  Il  est  clair  que  les 
copistes  devaient  facilement  altérer  des  noms  quils  ne  connaissaient  pas. 
La  ville  de  Gon,  au  v.  92,  m'inspire  aussi  des  doutes  ;  mais  je  ne  vois 
pas  quelle  restitution  on  pourrait  proposer, 

G.  P. 

IV. 
r/,  SIGNE  D1NTERR0GATI0N. 

Dans  un  article  que  nous  avons  récemment  publié  (Vl^  i }  ;),  M.  Joret 
signale  Pexistence  en  normand  d'une  particule  qui  s'ajoute  à  tous  les 
verbes  (sauf  à  la  a*  personne)  dans  les  phrases  inierrogatives.  Cette 
particule  existe  aussi  bien  en  français^  dans  l'usage  populaire,  que  dans 
le  patois,  et  elle  est  exclamative  autant  qu'interrogative.  Une  chanson 
soi-disant  populaire  a  pour  refrain  :  Nous  avons-^ti  bUy  nous  avons-ti  ri  ! 
Une  caricature  que  j*ai  vue  il  y  a  bien  longtemps  représentait  un  écolier 
rageur  qui  s'écriait:  Oh!  les  maîtres!  je  les  at-u!  La  particule  fi  ne 
s'ajoute  pas  seulement  aux  verbes,  mais  à  un  adverbe  :  voiU-ft, 
vlà'-îi,  voilà-ti  pas  sont  d'un  usage  journalier,  et  ont  été  employés  entre 
autres  par  Molière  et  Voltaire,  comme  on  peut  le  voir  dans  Linré,  au 
mot  voilà.  M.  Littré  montre,  comme  M.  Joret,  que  dans  cette  locution 
voilà  est  traité  comme  un  verbe  (par  exemple  va-t-il)  :  c'est  un  curieux 
exemple  d'analogie  populaire. 

L  ancien  français  distinguait  la  proposition  interrogative  de  la  propo- 
sition ordinaire  en  plaçant  dans  celle-là  le  pronom  personnel  après  le 


I 


Ti,    PARTICULE    INTERROGATIVE  459 

r?crb€.  La  langue  moderne  a  gardé  ce  procédé  pour  les  2«  personnes  : 
aimn-taf  aimez-vous  f  Elle  hésite  déjà  plus  à  s'en  servir  pour  la  i'*  per- 
Ljonnc  du  pluriel,  et  dit  plus  volontiers  est-ce  que  nous  avons  î  que  avons- 
imus  ?  La  I  ^^  personne  du  singulier  ne  l'emploie  plus  guère  que  dans  le 
style  littéraire  ;  dans  la  première  conjugaison,  on  commence  même  à 
Féviter  :  aimé-je?  qui  a  remplacé  Tancien  aim  gié^  s'écrit  à  peine  et  ne  se 
dit  pas  ;  dans  les  autres  conjugaisons,  quelques  verbes  très-usités,  ai-jc, 
suiS'je,  vois'jtf  dis-je,  dois-je^  f^^s-jt,  l'ont  conservé  ;  pour  les  autres  il  est 
hors  d'usage  ou  employé  par  raillerie  :  dors-je,  cours-je?  En  place  de 
cette  tournure  élégante,  les  gens  cultivés  emploient  la  périphrase  :  est<e 
qat  />,,.,,  le  peuple  dit  :  fame-tiy  fai-ti^  je  dors-ùy  etc.  A  la  %*  personne, 
on  a  conservé  la  simple  inversion  ancienne  :  aime-î-iU  a-t-il,  vitnt-ilj 
don-iî,  et  de  même  aime-t-eliey  etc. 

L'application  aux  personnes  autres  que  la  y*  de  la  syllabe  ù  {-î-i!) 
offre  assurément  un  fait  grammatical  des  plus  remarquables.  Elleprovient 
d'une  part  de  Punion  indissoluble  créée  entre  le  verbe  et  le  pronom 
personnel  précédent  par  l'emploi  constant  de  celui-ci  (inconnu  au  moyen 
âge),  notamment  dans  les  verbes  commençant  par  une  voyelle  :  j'ai, 
j'aime,  etc.,  d'autre  part  du  besoin  de  clarté,  qu'on  a  satisfait  soit  par 
|*emploi  de  la  périphrase  «i-rf,  soit  par  la  création,  à  Taide  d'une  sorte 
de  transplantation,  de  la  particule  imerrogative  et  exclamative  ti.  Si  les 
monuments  de  la  langue  française  étaient  perdus,  et  qu'on  n'eût  pour 
tudier  l'histoire  du  latin  en  Gaule  qu'un  patois,  on  serait  fort  embar- 
sé  de  rendre  compte  de  l'origine  de  cette  particule. 
Nous  sommes»  grâce  à  l'étude  du  développement  de  la  langue^  en 
mesure  d'expliquer  parfaitement  ce  îi  singulier  :  il  provient  de  ta  5*  per- 
sonne ;  mais  cette  y  personne  elle-même  y  a-t-elleun  droit  aussi  incon- 
testable qu'il  le  semble  ?  Il  faut  distinguer.  Dans  toutes  les  5**  pers. 
du  plur.  le  t  laitn  s'est  toujours  maintenu,  ainsi  que  dans  la  ?*  pers. 
sing.  du  prés,  de  Tind,  dos  verbes  dérivés  de  verbes  latins  des  2%  ?*  et 
4'  conjugaisons,  excepté  habere  et  vadere  :  on  peut  admettre  que  dans 
i  yû-f-iY  le  t  de  vat  lou  mieux  voit)  s'est  préservé  (cf.  vat  en  ville)  ;  je 
fl'admettrais  plus  difficilement  dans  a-t-H,  parce  que  at  a  disparu  de  la 
langue  bien  plus  tôt  que  vat  ou  vait,  et  parce  que  si  on  l'admettait  pour 
a--î-il,  il  en  faudrait  dire  autant  de  tous  les  futurs  (chantera^î-il,  etc.), 
ce  qui  est  peu  probable,  comme  on  va  le  voir.  —  Dans  les  impar- 
faits, le  t  latin  s'est  conservé,  aimait-il^  etc.  ;  de  même  dans  tes  condi- 
tionnels, et  aussi  dans  les  imparfaits  du  subjonctif  :  aimif-i/,  fut-elle^ 
etc.  —  Dans  les  parfaits,  it  faut  distinguer  trois  séries  :  i"  les  parfaits 
forts  précédés  anciennement  d'un  s  :  dit,  fit,  ou  d'une  dentale  :  Hf,  ou 
appuyés  sur  une  nasale  :  vint,  tint  ;  dans  ceux-là  le  t  remonte  à  l'anti- 
quité ]  2^  les  parfaits  faibles  des  conjugaisons  autres  que  la  première  : 


440  MÉLANGES 

mourut,  partit,  flemt^  reçut,  etc.  ;  dans  ces  verbes  le  t  tombe  au  moyen- 
âge  plus  souvent  qu'il  ne  subsiste  ;  cependant  on  peut  croire  qu'il  s'est 
maintenu  dans  la  forme  inversive  ;  3"  les  parfaits  de  la  i^"  conjugaison  : 
chanta^  où  le  t  tombe  dès  le  commencement  du  xn"  siècle  :  il  s'agit  de 
savoir  s'il  faut  reconnaître  dans  le  t  de  chanta-t-il  le/  de  il  chantât  qu'on 
trouve  par  exemple  dans  la  Chanson  de  Roland,  —  La  même  question  se 
pose  pour  le  présent  de  Findicatif  de  h  1  "  conjugaison  :  doit-on  consi- 
dérer chantc-t'il  comme  représentant  chantet-il,  qui  était  certainement  la 
forme  normale  à  Tépoque  où  on  disait  :  //  chdnteîy  c'est-à-dire  au 
xi''  siècle  ?  Les  grammairiens  du  siècle  dernier  regardaient  le  /de  chante^ 
i-il,  chantera-t'il  et  chanta-î-il  comme  purement  euphonique  ;  les  gram- 
mairiens actuels  le  regardent  comme  étymologique  \  peut-on  arriver  à 
résoudre  la  question  P 

Diez  (trad.  fr.  Il»  253)  dit,  sans  essayer  de  distinguer  les  divers  cas, 
qu*il  est  difficile  de  ne  pas  reconnaître  dans  ce  î  un  débris  de  l'ancienne 
flexion,  mais  il  ajoute  une  remarque  importante  sur  laquelle  je  re- 
viendrai tout  à  rheure.  —  M.  Littré  jà  l'articie  T  AuDictionnaiTe]^  après 
avoir  expliqué  ce  qu'est  le  î  dit  euphonique,  s*exprime  ainsi  :  «  Ce  f  est 
étranger  à  l'ancienne  langue,  du  moins  quant  à  la  prononciation.  Dans 
les  très-hauts  temps,  il  s'écrivait,  mais  ne  se  prononçait  pas  le  plus 
souvent.  A  la  fm  du  xii*"  et  au  xin<^  siècle  il  ne  s'écrivait  ni  ne  se  pronon- 
çait :  les  vers  montrent  que  Ton  disait  aimt  il  en  deux  syllabes,  et  non 
comme  nous  en  trois  syllabes  aime-î-ii  Mais  la  prononciation  actuelle 
était  en  vigueur  dès  le  xvi"  siècle  au  moins  ;  car  les  grammairiens  de  ce 
siècle  nous  apprennent  que,  bien  qu*on  écrive  aimé  t7,  on  prononce 
ûimt-t-iL  »  —  M.  Bracbel,  aux  paragraphes  262  et  288  de  sa  NotivelU 
Grammaire  française  (Hachette),  M.  Marty-Laveaux  au  §  186  de  sa 
Grammaire  Instonqae,  U.  Ayer  aux  §g  257  et  275  de  sa  Grammaire 
comparée  de  la  langue  française,  repoussent  unanimement  et  sans  hésita- 
tion le  nom  d'euphonitfue  donné  à  ce  f,  et  l'expliquent  comme  un  débris 
de  î'ancienne  conjugaison  il  aimet,  etc.  On  voit  que  tandis  que  les  dis- 
ciples présentent  la  solution  comme  certaine,  les  maîtres  sont  plus  cir- 
conspects :  Diez  a  l'air  de  sentir  que  le  terrain  sur  lequel  il  s'avance  est 
glissant  ;  M.  Littré  ne  donne  même  aucune  explication  bien  nette. 

En  revanche  il  apporte  un  fait  d'une  grande  importance  dans  le  débat, 
et  qu'ont  négligé  les  philologues  qui  l'ont  suivi  :  c'est  que  ce  I,  prétendu 
étymologique,  n'existait  pas  aux  XHi*  et  xiv*  siècles.  Il  ne  suflfirait  pas 
de  dire  avec  Diez  qu'on  trouve  aima  on,  chanta  elle,  car  on  pourrait 
répondre  que,  comme  au  xvr  siècle,  la  prononciation  intercalait  le  /;  il 
fallait  signaler  le  fait  que  dans  aime  il,  chante  elle,  Ve  s'élide  et  par  consé- 
quent n'était  pas  séparé  de  la  voyelle  suivante  par  un  t  même  prononcé. 
Cette  élision  de  l'e  est-elle  générale  au  moyen  âge  ?  C'est  un  point  qui 


Ti^    PARTICULE    INTERROGATIVE  44 1 

demanderait  une  étude  spéciale.  M.  Littré  a  certainement  bien  tort  de 
dire  que,  «  dans  les  très-hauts  temps  »,  il  s'écrivait  et  ne  se  prononçait 
pas  :  c'est  un  reste  des  fausses  doctrines  de  Génin,  qu^il  condamne 
assurément  aujourd'hui,  mais  auxquelles  il  n'a  pas  sans  quelque  dom- 
mage adhéré  pendant  longtemps.  Le  i  se  prononçait  au  xi^  siècle  ;  plu- 
sieurs discussions  récentes  ont  établi  ici  même  que  dans  le  Roland  il 
commence  à  s'ébranler  j  mais  il  est  sûr  qu'on  en  trouve  .des  traces,  dans 
l'écriture  et  dans  la  prononciation,  jusque  fort  avant  dans  le  xii^  siècle.  Il 
est  probable  aussi  qu'il  faut  distinguer  les  dialectes  :  ainsi  le  t  de  mouru^ 
fUy  nndif  parait  être  tombé  de  bonne  heure  en  picard  et  s'être  main- 
tenu jusqu'à  nos  jours  dans  le  français  propre.  Mais  en  thèse  générale  ta 
remarque  de  M,  Littré  est  incontestable  :  on  prononçait  aim' i7  et  non 
aime-t'it.  On  prononçait  aussi  chantd-it  et  non  chanta-i-il,  comme  le 
prouvent  des  contractions  telles  que  dif  die  pour  dira  elle  (Chansons  da 
XV^  siècU,  p.  I })-  Au  XVI*  siècle  on  intercalait  un  f  dans  la  prononcia- 
tion, comme  l'attestent  les  grammairiens,  et  on  a  fini  par  l'écrire.  Mais 
est-il  croyable  que  ce  t  si  récent  remonte  par  dessus  quatre  siècles  au  I 
étymologique  de  chanta^  chantera!^  chantât  ?  Je  ne  le  crois  en  aucune 
façon. 

Est-ce  donc  qu'il  faut  en  revenir  au  î  «  euphonique  n  de  nos  pères  ? 
Je  ne  le  pense  pas  non  plus.  Chante  il  n'a  rien  de  choquant  pour  l'oreille, 
et  nous  disons  depuis  sept  cents  ans  j*ai  eu  sans  éprouver  le  besoin 
d'intercaler  une  i,  it  a  ea  sans  avoir  même  gardé  le  t  étymolo- 
gique. D'ailleurs  Peuphonie  est  une  tendance  réelle,  mais  qui  ne 
s'exerce  qu'à  l'aide  de  matériaux  q^i'ellc  ne  crée  pas.  La  grande  per- 
turbatrice des  lois,  ici  comme  ailleurs,  c'est  l'analogie.  On  disait: 
chanteni'Us,  chanîait-il,  chantaient-ils^  chanteront-ils,  chanterait-il ^  chan- 
teraient-^lSy  chantât-il^  chantassent-ils  ;  on  a  dit  de  mémt  chante-t-ilfChanr- 
tera-t-il,  chanta-t-iL  On  a  dit  en  outre  chante-t-il  parce  qu'on  disait 
boit-iif  dort-il^  court-iî,  est-il,  reçoit-il,  etc.  On  a  d'ailleurs  renoncé  parla 
aux  formes  contractes  fl/m'  i7,  dir^  elle,  qui  nuisaient  à  la  clarté,  et  on  a 
tendu  obscurément  vers  ce  qu'a  réalisé  plus  tard  le  parler  populaire,  la 
création  d'une  particule  interrogaiive  ti,  abstraite  de  toutes  ces  3*'  per- 
sonnes en  -f-//,  et  favorisant  à  la  fois  la  clarté  dans  Texpression  et  la 
paresse  dans  l'élocution,  puisque  grâce  à  elle  Tauditear  comprend  tout 
de  suite  le  caractère  de  la  phrase,  tandis  que  le  parleur  n'a  pas  à  se 
donner  la  peine  de  recourir,  soit  à  une  interversion  qui  dérange  le 
moule  habituel  de  son  discours  et  la  forme  constante  de  ses  mots,  soit  à 
une  annonce  périphrastique  (est-ce  que)  qui  a  l'inconvénient  de  devoir  se 
placer  avant  le  verbe  et  d'exiger  par  conséquent  un  certain  effort  de 
prévision  de  sa  part. 

Tout  ce  que  je  dis  de  l'interrogation,  il  faut  l'appliquer  à  l'exclama- 


44^  MÉLANGES 

tjon.  Voilà  â  dû  à  sa  terminaison,  analogue  à  celle  de  chanta^  chanterap 
ei  à  son  usage  particulier,  Taddition  du  ti  réservé  d'ordinaire  aux  verbes. 
Parmi  ceuxH:i,  la  2'^  personne  s'y  soustrait  généralement;  cependant  j*âj 
déjà  entendu  dire  plus  d'une  fois  :  T^as-îi  ha  f  vous  passerez-îi  par  (à  f  On 
entend  aussi,  bien  que  rarement  :  as-tu-ti  buf  viendnz-voas^ît  me  voir  f 
Jl  y  a  là  i*accumulation  maladroite  de  deux  procédés;  elle  est  certaine- 
ment éphémère,  tandis  que  l'emploi  de  lï  comme  particule  interrogative 
nécessaire  (comme  //  en  russe)  ira  certainement  en  se  généralisant  et 
finira  par  pénétrer  dans  la  langue  commune,  lentement  et  malgré  de 
longues  résistances  si  nous  conservons  une  Académie  et  un  enseigne- 
ment officiel  de  la  grammaire^  brusquement  et  sans  luttes  s'il  arrive 
qu'une  invasion  étrangère  détruise  chez  nous,  comme  elle  Ta  fait  il  y 
a  quatorze  siècles  dans  l*empire  romain,  la  culture  et  la  transmission  de 
l'usage  classique. 

En  résumé,  si  je  ne  me  suis  pas  trompé,  sur  ce  terrain  enlevé  triom- 
phalement à  Teuphonie  par  l'étymologie,  c'est  l'analogie  qui  a  le  droit 
de  poser  son  trophée.  Elle  compte  déjà,  dans  Thistoire  de  notre  gram- 
maire, plus  d*une  heureuse  revendication  de  ce  genre,  et  elle  en  a  encore 
plus  d*une  à  exercer. 

G.  P. 


Tl  INTERROGATïF  EN  PROVENÇAL  MODERNE  \ 

Les  dialectes  modernes  de  la  Provence  et  du  bas  Languedoc  aiment  à 
placer  le  mot  ti  après  toutes  les  personnes  du  verbe  dans  les  proposi- 
tions interrogatives.  Quelle  est  Torigine  de  cet  usage  et  comment  faut-il 
appliquer  ce  mot  ?  Je  vais  essayer  de  répondre  à  cette  double  question  \ 
mais  il  est  nécessaire  de  donner  auparavant  quelques  exemples  : 

Sing,  t'*  pers.  :  aurai  li  ben  lou  couer  ?  va  pourrai  ii  faire  ?  {Vâiïtih 
religieuses,  p.  197);  pouede  a  la  refusar  f  (Damase  Arbaud»  l,  p.  11); 
pourrai  ti  faire  aco?  {Armana  prouv,  187c,  p.  28). 

2"  pers.  :  sabes  fi/  (^Revue  des  L  r.,  VII,  402);  deuries  ti  pas  P 
{Àrm.  de  Lengadt  1876,  p,  29), 

^«  pers.  masc.  :  agué  ti  pôu  ?  (Saciété  des  langues  romanes,  concours  de 
1876,  p.  7?)' 

î'  pers.  fera.  ;  la  principautat  es  ti  granda  ?  (Faure,  Siège  de  Cadt- 
roussûy  édit  Rouroanille,  p.  87)  ;  fuguesse  ti  {  (Isclo  d'or^  p.  220). 
^^^^^  — -^ — ^^- — -  -   —         m 

I.  [Nous  insérons  cette  note  de  notre  savant  collaborateor,  qui  contient  des 
exemples  utiles,  bien  oue  nous  ne  partagions  pas  sa  manière  d'expliquer  le  phé- 
nomène en  question.  Il  nous  paraît  évident  que  ce  n  méridional  vient  du  français 
et  n'est  autre  que  le  ti  étudié  dans  l'article  précédent.  —  Rià.]. 


Ti   INTERROGATIF   EN    PROVENÇAL    MODERNE  44  J 

î*  pers.  neutre:  n*esi-ff  pas  aco  piiouyable  ?  (N.  Fizes,  Rime  IIJ, 
lai)  ;  U  a  ti  res  de  pus  dous  f  {Théâtre  de  Béziers,  W,  80}  ;  se  pôu  H  i 

Pluriel,  r*  pers.  i  que  pouden  fi  faire  per  vous  ?  (Vanétés  reUg,^ 
Uij  ;  auren  H  de  bona  lousella  ?  (Favre,  Cad,^  p.  j  j). 

2e  pers.  :  ses  ti  segur  ?  (Th.  de  Beziers^  II,  i  Î4)î  veules  ti  Jésus  ou 
Barraban  î  {Var,  relig,,  280)  ;  venes  ti  per  nous  cerca  ?  (Favre,   Cader. 

?"  pers*  masc,  :  meiuoou  ît  degus  a  coubar  ?  {Poésies  biterroises^  90); 
uoubarôu  ti  >  {Revue  VU,  166), 

)c  pers.  fém.  —  Je  n^aî  pas  d'exemples  ;  niais  il  est  probable  qu^on 
peut  dire  troubaréu  ti  pour  trounronî^lUs  comme  pour  trouveront-ils  ? 

On  voit  clairement  que  dans  tous  les  exemples  précédents,  ti  joue 
absolument  le  même  rôle  que  la  particule  enclitique  ne  en  latin,  et  il  y 
a  tout  iieu  de  penser  que^  dans  l'esprit  de  ceux  qui  s'en  servent,  ce  mol 
est  aujourd'hui  dénué  de  toute  signification  propre.  Mais  je  pense  qu'on 
ne  doit  pas  hésiter  à  y  reconnaître  le  pronom  ff,  datif  singulier  de  la 
2*  personne.  Ce  pronom  a  été  empbyé  souvent,  dans  l'ancienne  langue, 
d'une  manière  explétive,  particulièrement  avec  les  verbes  cuidar,  pensât 
et  semblables  '.  Grâce  à  l'habitude  qu'on  avait  prise  d'en  faire  ainsi  usage 
dans  des  cas  où  la  notion  qu'il  exprime  pouvait  ne  pas  paraître  indispen- 
sable au  sens,  on  finit  par  perdre  le  sentiment  de  sa  valeur  réelle,  qui 
est  celte  de  tibi,  et  à  liii  attribuer  celle  de  ne  que  paraissait  indiquer  sa 
position  ;  et  Pon  fut  ainsi  naturellement  conduit  à  l'employer,  non  plus 
seulement,  comme  à  l'origine,  avec  la  2'  pers,  du  singulier,  mais  avec 
toutes  les  personnes  et  à  tous  les  nombres. 

Camille  Chabaneau. 

VI. 

DU  TRAITEMENT  DES  LABIALES  P,  B,  V,  F  DANS  LE 
ROUMAIN  POPULAIRE. 

Les  labiales  p,  ^'^y\  f  présentent  en  roumain  un  curieux  phénomène 
qu'on  n'a  pas  encore  jusqu'ici  mis  en  pleine  lumière  '  :  c'est  leur  rem- 
placement dans  des  cas  déterminés  par  les  palatales  correspondantes. 


.  Voici  deux  exemples  : 

E  cujas  ti  qu'en  paradis 
Aia  hom  taient  de  man|âr? 

{Flamenca^  6091.) 
E  pensas  ti  tu  oue  sia  en  lo  mont  autra  dieu  ni  autra  rey  tant  poderos... } 
iRhtti  dlust.  sûinttj  etc.,  pubL  par  V.  Lcspy  et  P,  Raymond, 
p.  180.) 
,  Diez  en  parle  en  différents  endroits  de  sa  grammaire;  mats  d'après  lui  il  n'y 


444  MÉLANGES 

Ce  phénomène  s'observe  dans  tout  le  domaine  roumain  ;  mais  il  n'est 
pas  partout  également  développé  :  en  Moldavie,  en  Bassarabie  et  en 
Boukovine,  c'est  IMtat  normal  du  parler  populaire  et  même  de  la  con- 
versation familière  ;  on  le  trouve  sporadiquement  en  Valachie  et  en  Tran- 
sylvanie et  il  est  constant  dans  le  dialecte  macédo-roumain  Pourtant  ce 
phénomène  si  répandu,  les  grammairiens  l'ont  jusqu*ici  passé  sous 
silence.  Ne  s*en  sont-ils  pas  aperçus  ?  C'est  peu  vraisemblable.  C'est 
qu'en  Roumanie,  par  suite  d'un  singulier  préjugé,  on  trouve  peu  conve^ 
nable  de  relever  des  phénomènes  du  langage  qui  ont  pour  effet  de  modi- 
fier la  physionomie  latine  de  la  langue  nationale.  La  langue  à  tout  prix, 
de  par  les  grammairiens,  doit  rester  latine.  —  Voici  les  faits  : 

Les  labiales /ï,  by  v,  f  suivies  d'un  i  palatal  sont  remplacées  par  les 
palatales  /ci,  ^/,  gi^  hi  : 

Un,  roam.  pop* 

Herde 
hptine 
kept 
ftiatrâ 
Kedicâ 
cràkt 
dnikiû 
suskind 

éine 

coréï 

orfi 

aléisor 

her^ï 


tatin 

roum 

perdit 

pierde 

peclinem 

pieptine 

peaus 

piept 

peira 

piatrâ  1 

pedica 

piedicâ 

crêpas  (2«  p,  du  s.) 

crâpT 

canabinus 

clnipiû 

suspirare 

suspinà 

bene 

bine 

le  plut,  corvî 

corbï 

»       orbi 

orbi 

abbiciolus 

albisor 

ferves  (2*  p.  du  s,) 

fierbit 

V   vinum 


Vin 


^gtn 


a  que  îe  changement  de  /  en  h  mi  existe  dans  tout  le  domaine  roumain  (lomc  F ^ 
p.  26],  traduct.  française);  le  cnangement  des  autres  labiales  est  restreint  seule* 
ment  au  dialecte  macédo-roumaîn.  Ainsi  pour  vil  dit:  «  le  passage  de  v  initial  1  g 
(seulement  devant  c  ou  if)  est  propre  au  valaqoe  du  sud  ■  (tome  I^  p,  449);  cl 
pour  p  et  ^  :  f  on  observe  dans  le  va  laque  du  sud  des  passages  du  p  au  ch  {h) 
et  du  h  au  g/  i  (tome  II,  p,  ^4).  Quant  â  l'explication  du  phénomène^  Dicz  ne 
la  donne  nulle  part.  Toutefois,  en  parlant  du  changement  de  v  tn  g  \\  î^ 
demande  :  si  le  fait  ne  se  passe  que  devant  t  ou  i;  si  /  n'est  ici  qu'adventice,  et 
si  la  chute  du  k  fi'est  pas  amenée  par  son  intrusion  (tome  I,  p.  449,  trad.  fr). 
Nous  essaierons,  dans  cette  notice,  de  résoudre  les  questions  posées  par  Diei» 
et  cela  non-seulement  pour  v,  mais  aussi  pour  /?,  ^  et/. 

I .  Nous  représentons  par  a  le  son  que  Diez  note  ^  et  qui  est  analogue  â  Yt 
inuet  français^  et  par  î  ce  son  particulier  au  roumain,  que  Talphabct  cyrillique 
rendait  par  le  signe  ïqus  et  que  Diez  note  g.  Quant  aux  1,  û  ils  désignent  des  ï 
cl  des  u  qu'on  ne  prononce  qu'à  moitié. 

a.  Le  f  de  gin^  gcr,  etc.  se  prononce   comme  g  italien  suivi  de  «^  i  Mais 


LE  TRAITEMENT  DES  LABIALES  EN  ROUMAIN  POPULAIRE 


g^r 


44  S 


verres 

vicr 

vespa 

viaspâ 

F   fera 

fiari 

6at 

fie 

filius 

fiû 

Corainem  expliquer  cette  transformation  apparente  des  labiales  en 
palatales  ?  Remarquons  que  ce  phénomène  ne  se  produit  que  lorsque  les 
labiales,  dans  le  roumain  littéraire,  sont  suivies  d'un  i. 

Cet  ï  a  pour  origine  soit  un  i  voyelie  venant  directement  ou  non  d'un 
i  latin  :  corbt^  dibï  ;  ferres  (Jerbes  jerbis  ferbi)^  cràpi  {crêpas  crêpes 
crépis  crapï),  soit  un  e  latin.  Dans  ce  dernier  cas,  IV  '  a  donné  naissance 
à  une  diphthongue  ie  ou  à  une  diphthongue  ia  et  notre  i  est  le  premier 
élément  de  cette  diphihongue  :  pierde^  piept^  piaîrâ,  etc. 

Cet  i  disparaît  souvent  de  la  prononciation  savante.  G  race  à  l'influence 
que  le  laiin  exerce  sur  la  langue  littéraire  on  écrit  :  perde^  peatrâ  etc., 
et  on  s'efforce  de  prononcer  ces  mots  comme  ils  sont  écrits.  Quoi  qu'il 
en  soit  de  cette  prononciation,  Vi  ne  s^en  fait  pas  moins  entendre  dans 
la  bouche  des  personnes  que  le  latinisme  n'a  pas  totalement  envahies,  et 
cet  /  n'est  pas  une  voyelle  mais  une  consonne  :  pyaîràj  vye,  pyerde, 
fyu,  etc. 

Ce  caractère  de  consonne  est  si  bien  établi  que  jadis  !*écriture  cyril- 
lique le  notait  expressément.  Elle  surmontait  cet  i  de  deux  points  ;  ainsi 
Ton  trouve  souvent  :  pïarde,  pïdtrajfie  etc. 

C'est  ce  yod  palatal,  conservé  dans  la  prononciation  d'une  certaine 
classe  de  la  population  (dans  les  provinces  oi^  le  langage  populaire  est 
totalement  envahi  par  le  changement  des  labiales  dont  nous  nous  occu- 
pons) ,  ou  de  certains  endroits  d'une  province  (pour  les  provinces  où  le 
phénomène  ne  s'observe  que  sporadiqueraenti,  qui,  dans  la  bouche  des 
gens  du  peuple,  s*est  durci  au  point  de  devenir  une  véritable  consonne 
palatale,  capable  d'amener  la  chute  de  la  labiale  précédente.  Voilà  com- 

concurremment  avec  cette  prononciation  il  y  en  a  une  autre  oh  le  g  a  un  son 
identique  au  Tàtii^a  du  grec  moderne  dans  des  mois  comme  ycvoci  t^Y^aittt  ;  ainsi 
on  entend  :  y'm^  t^r ,  etc. 

I.  U  y  a  eu  en  roumain  deux  sortes  de  diphthongaison  de  \*e,  qui  se  sont 
produites  à  deux  époques  différentes  :  l'une,  celle  de  e  brd  accentué,  très- 
ancienne  et  due  aux  causes  qui  ont  amené  la  diphthongaison  de  Ve  bref  accentué 
dans  presque  tout  le  donuaine  roman;  Taulre  celle  deï'f  bref  ou  long  accentué, 
relativement  récente  et  due  à  Tinfluence  d'une  voyclk  ou  d'une  consonne  sui* 
vante. 

Dans  le  premier  cas  nous  avons  : 

Is  i<  en  dehors  de  l'influence  de  toute  voyelle  suivante,  comme  dans  l^owfôj 
përio*pier,  etc. 

Et  dans  le  second  : 

#,  ë  (i)  =^  ia  sous  rinfluence  d'un  a  ou  d'un  e  suivant,  ptUa^puttrâj  gem'giariij 
nriitm*mràc. 


44^  MÉLANGES 

ment  les  groupes  labiaux  pi^  bi^  vi,  fi^  après  être  devenus  p^i^  fc^î,  vgi, 
/Ai,  se  sont  réduits  à  Kij  gi^  gt,  ht. 

On  trouve  encore  çà  et  là  les  traces  de  cette  étape  intermédiaire  où  U 
labiale  persistait  encore  à  côté  de  Vi  devenu  consonne.  Ainsi  dans  le 
parler  populaire  de  toute  la  Moldavie  on  prononce  encore  copkii  (enfant) 
et  iupkî  (des  loups),  mots  que  la  langue  littéraire  et  le  parler  populaire 
de  certaines  autres  provinces  prononcent  copil,  litpL  De  même  on  entend 
encore  dans  les  montagnes  de  la  Moldavie  :  bgine^  phtdc^  pltrt^  etc. 
Cette  prononciation  difficile  ne  pouvait  pas  se  maintenir»  aussi  a-t-eîle 
disparu  en  général.  Mais  les  traces  d'une  telle  prononciation  nous  mon- 
trent l'existence  d'one  phase  antérieure  à  celle  d'aujourd*hui  et  nous 
prouvent  que  c'est  bien  Vï  qui  a  dégagé  la  consonne  palatale  et  non  pas, 
comme  on  dit  ordinairement,  la  labiale  qui  s'est  changée  en  palatale. 
Toutefois  on  ne  peut  pas  prétendre  que  la  labiale  n*ait  eu  aucune  in- 
fluence sur  le  durcissement  de  !'/,■  autrement  nous  aurions  eu  la  même 
palatale  dans  tous  les  cas,  tandis  que  nous  avons  pour  pi^  U;  pour  hU 
^i  ;  pour  W|  gi  et  pour  f  lu.  Cette  différence  ne  peut  être  attribuée  qu'à 
^influence  que  chaque  labiale  a  exercée  sur  b  nature  de  la  consonne 
nouvelle  :  celîe-ci  en  se  dégageant  du  yod  s'est  accommodée  à  la  labiale 
précédente,  devenant  muette  ou  spirante  si  la  labiale  était  muette  ou 
spirante,  devenant  sourde  ou  sonore  si  la  labiale  était  sourde  ou  sonore^ 
de  manière  à  former  avec  elle  un  groupe  naturel  dont  le  premier  élé* 
ment  devait  ensuite  tomber. 

L'ébranlement  a  commencé  par  la  plus  faible  des  labiales»  par  Vf,  En 
effet  dans  les  chroniques  moldaves  du  xvtr  et  du  xvui^  siècle  et  dans 
les  différents  monuments  roumains  de  la  Moldavie,  on  trouve  concur- 
remment :  hie  et  Jîe,  hiarî  et  fiier^  her  et  fier  etc.  Mais  les  premières 
formes  sont  plus  fréquentes  que  les  secondes.  On  peut  affirmer  que 
Tébranlement  des  autres  labiales  n'avait  commencé  ni  au  xvir  siècle  ni 
dans  la  première  moite  du  xv!!!-^  ;  car  si  ce  fait  avait  eu  lieu  alors,  les 
chroniqueurs,  qui  nous  donnent  Timage  fidèle  du  parler  populaire  quant 
au  changement  de  fi  en  hi^  sans  s'inquiéter  des  formes  latines,  nous 
auraient  sans  doute  donné  des  exemples  du  changement  des  autres 
labiales.  Et  si  les  chroniqueurs,  quelque  peu  lettrés,  s'en  étaient  fait 
scrupule,  les  scribes  du  xvir'  et  du  xvm*  siècle,  avec  leur  négligence 
ordinaire,  se  seraient  trahis  çà  et  là  dans  leurs  écrits.  Il  n'y  a  donc  que 
le  changement  de  fi  en  hï  qui  soit  ancien.  Quant  aux  autres  changements 
ils  n'ont  pu  commencer  que  dans  la  seconde  moitié  du  xviii*  siècle.  Ce 
n*est  d'ailleurs  que  parce  que  le  changement  de  pi  en  Ici  et  de  bi  en  ^i 
est  assez  récent  qu'on  s'explique  rexïstence  de  cette  prononciation  tran- 
sitoire que  font  entendre  encore  aujourd'hui  les  montagnards  de  la  Mol- 
davie. A.  Lambriok. 


MÉTATHÈSE   DS  tS  EH  St  447 

vn. 

METATHÈSE  DE  TS  EH  ST  ET  DE  DZ  EN  ZO, 

La  remarque  fournie  par  M.  J,  Banquier,  Romanta^  1876»  p*49i, 
sur  la  transformation  de  ts  en  st  en  patois  de  Queige  ne  touchant  qu'une 
partie  du  phénomène  signalé,  qui  n*étaJt  pas  nouveau  pour  moi,  qu*il  me 
soit  permis  de  revenir  sur  ce  sujet,  d'autant  plus  qu'il  s'y  rattache  une 
question  phonétique  et  orthographique  que  je  crois  voir  ici  tranchée 
définitivement.  Je  puise  ma  science  en  cette  matière  dans  un  hvre  dont 
on  a  dit  beaucoup  de  mal'  (dont  on  peut  pounani  tirer  d*utiles  ren- 
seignements aussi  longtemps  que  rien  de  mieux  n'aura  paru),  et  que 
M,  Joret  a  connu,  puisqu'il  le  cite  à  plusieurs  reprises  dans  le  cours  de 
son  ouvrage  sur  la  gutturale*.  Ce  livre  est  celui  de  l'abbé  G.  Pont  sur 
les  Origines  du  patois  de  la  Tarentaise,  Paris,  1872,  p.  1  ?8-i48,  oii  se 
trouve  un  important  échamillon  du  patois  de  la  vallée  de  Beaufort.  Aux 
exemples  rapportés  par  M.  Bauquier,  je  puis  ajouter  ceux  qui  suivent  : 

St  au  commencement  des  mots. 


stenef,  p.  158 

Jorat  (Vaud 

)  ÎSène                    CATENAS 

stenaîîâ  p.  140 

— 

tscneta            *  catenitta 

stacon  p.  138 

— 

tsacôn  chacun           ? 

stantâ  p.  ï^^sîanîonp 

141         ^ 

tsânîa  tsanîan  cantarb  gantant 

stolon  p.  140 

est  probablement  le  substantif 
verbal  de  tsalunâ  tsalina.  Voir 
p.  122  et  le  Glossaire  de  Bri- 
de! s.  V. 

stiép.  141.  145 

— 

uî                 (in)  CASis 

stiivrettes  p.  142 

— 

tsèvrette           'capritta 

nier  p.  14$ 

— 

txè                          CARUM 

siûvanion  p.  147 

Gruyère 

tsavantàn  qtii  signifie  hache  de 
hois  et  non  corde  comme  tra- 
duit l*auteur. 

starbounâ  p.  147 

Jorat 

tserbanà          '  ca  rbon  atus 

1 

St  dans  rîntérieur  des  mots. 

gaustep.  138 

Jorat 

gôtsè  gauche.  V.  DiezE.WJIc, 

tesiu  p.  140 

-^- 

Cf.  le  V.  Utst    it»  LECCARE 

1.  Voir  Revue  critt^fut^  1872,  I,  p.  107M08.  A  ces  reproches  bren  mérités  à 
iQOn  avis  ajoutons  une  accusation  plus  grave,  c'est  de  piller  sans  critique  et  sans 
le  citer  le  Glossaire  du  doyen  BriacL 

2.  Cependant  la  note  ae  la  page  210  ferait  croire  qu'il  a  connu  la  métathèse 
dont  il  est  question,  mais  qu'il  n'y  a  attaché  aucune  importance. 


MÉLANGES 

—         hlfotsetu 

*CLOCITTAS 

—        derotsl 

*ît.  DIROCCAÏKB 

—         enpatst 

^IMPACTARI 

—        ecortxd 

*KXCORTlCATA 

INCANTATUM 

448 

cliostettesp.  142 
dtrostia  p.  144 
einpastiip.  144 
decorstia  p.  145 
einstantAp.  145 

Exceptions. 

debotttsep.  1)8  ^âii^  débauche. 
ceintu  p.  142,  ceintu  p.  145  Jorat  senencè 
petzttiu  p.  142  —    pètyùde 

appartzin  p.  14)  —    apartin 

vetzap.  145  —    vaycè 

tzan-tza  p.  146  —    Djan-djan 

petzd  p.  147  —    petst^ 

Mais  non-seulement  u  subît  cette  métathèse,  nous  b 
aussi  dans  dz, 

Zd  au  commencement  des  mots. 


rencontrons 


zde  plusieurs  fois. 

EGO 

idodzep.  146 

EGO  EGO 

zdoyon  p.  148,  \/^o,zdoya^ 

Gruyère 

dziïyon^  dziiyt  *jocant  jocatum 

p.  141. 

zdorp.  1)9 

Jorat 

dzà                      DIURNUM 

zdap.  142,  14J,  144» 

— 

dza                JAM 

zdure  p.  144 

Gruyère 

dzure             JURAS 

zim  p.  147 

— 

GENUS) 

Zd  dans  le  corps  des  mots. 

demeinsde  p.  1)9 

Jorat 

dmendzé        dominica 

areinsdon  p.  i  J9 

— 

arendzon  arrangent 

ro5t<«  p.  140 

— 

ràdzu                   RUBEUM 

presdon  p.  140 

— 

prtdzan           praedicant 

m«<f«  p.  144,  mesdon  141 

mèdze  medzan  manducas  mandu- 
sous  Pempire      gant 
de  rinfinitif  médzî 

reinsdia  p.  141 

— 

rendit  rangé 

/o5(f/â  P-  141 

— 

lodzl  logé 

arasdia  p.  145 

— 

enradzi             'arrabiata 

1 .  Peut-être  qu'il  y  a  des  fautes  dans  cette  série,  mais  il  est  intéressant  de 
constater  que  si  au  lieu  de  ts  ne  se  rencontre  pas  dans  les  exemples  où  le  déve- 
loppement de  ts  est  récent,  ainsi  que  le  prouve  le  patois  de  la  Suisse  romande. 

2.  Cf.  encore  sta^  p.  141,  qui  est  probablement  une  faute  d'impression. 

j.  Voir  là-dessus  I  article  de  G.  Paris  dans  les  Mémoires  de  la  Société  de  lin- 
gmstitjue,  t.  I",  p.  189-192. 


449 

TOTOS  •dIURNOS 
POLLICES 


DICUNT 

Deum 
AD  Deum 


MéTATHèse   DE  tS  BN  If 

foziorp.  i46tûsdorp.  148   Gruyère     todioa 
fousdis  p.  \j^6  Jorat        paudto 

Exceptions. 

orp,  ijS,  146 

m  p.  1  ^9.  Cf.  pi.  haut  don  Gruyère     dyon 
d:i€  p.  140  —         Dhyù 

adze  p.  J44  —         adyû 

djablotin  p.  146 
djabU  p.  147  —         dyâblyo 

Ici  également  où  l'endurcissement  en  dz  n*a  pas  eu  lieu  dans  la  Suisse 
romande  nous  voyons  que  dz  ne  subit  pas  la  métathèse. 

Maintenant  comment  faot-il  rendre  compte  de  cette  métathèse,  dont 
il  roe  parait  résulter  que  ts  et  dz,  de  même  que  tx  [tch]  et  dj,  ne  sont  pas 
des  sons  simples,  comme  on  a  déjà  voulu  les  poser,  mais  bien  véritable- 
ment des  sons  composés,  auxquels  conviennent  très-bien  les  transcrip- 
tions employées  par  les  paysans?  Je  suppose  qu'on  aura  d'abord  pro- 
noncé 'stsantà  au  lieu  de  îsantâ  et  ensuite  par  dissimilation  stanîâ^  de 
même  *zdzor  au  lieu  de  dzor,  et  puis  zdor, 

J.  Cornu. 


DIABOLUM 


X. 

UN  EXTRAIT  DU  ROMAN  DE  LA  ROSE. 


l         Dans  son  précieux  Recueii  de  poésies  françoises  des  xv*  et  xvi«  sièdes^ 

i.  m,  p.  162-7,  M.  de  Montaigbn  a  donné  sous  ce  titre:  «  Le  jaloux  qui 

1      bat  sa  femme  »  la  réimpression  d'une  petite  pièce  gothique  faisant  partie 

de  la  bibliothèque  de  M.  Cigongne,  et  contenant  environ  1 50  vers,  dont 

I      les  premiers  sont  ceux-ci  : 

Lors  la  prent  aux  poings  de  venue 
Cil  qui  de  mal  talent  tressue^ 
Par  les  tresses  et  sçaiche  et  lire; 
l^es  cheveulx  lui  rontet  dessire 
Le  jaloulx  et  sur  luy  s*aourcc 
Comme  faict  un  lyon  sur  rourcc,,» 
M,  de  Montaiglon  a  remarqué  avec  raison  que  le  texte  de  cette  pièce 
est  fort  corrompu,  et  de  cette  incorrection  a  conclu  à  Texistence  d'une 
ou  de  plusieurs  éditions  antérieures,  n  II  n'y  a  que  des  réimpressions 
successives  qui  puissent  arriver  à  produire  des  phrases  aussi  inimelli- 
gibles.  » 

Ce  morceau  est  en  effet  beaucoup  plus  ancien  que  Tédition  gothique 
de  M.  Cigongne.  H  est  tiré  du  Roman  de  ta  Rose  (éd.  Fr.  Michel,  11, 
^  1 1).  ïl  serait  curieux  de  savoir  si  d'autres  extraits  du  Homoft  de  la  Rou 
ont  été  de  même  copiés  ou  imprimés  à  part. 

P.  M. 
ftomania^  VI  2^ 


ÉÊÊ 


CORRECTIONS. 


!  SUR    LE    DONAT    PROENSAL. 

■j 

Malgré  ce  qu'a  pu  «  coûter  de  soins  »  à  M.  Guessard  «  la  publication 

i  d'un  aussi  mince  volume  »  ',  malgré  les  corrections  faites  ici  même 

j  (I,  234-6;  II,  337-47;  VI,  136-41)  par  de  savants  maîtres,  il  reste 

encore  des  taches  dans  le  traité  de  Faidit  :  j'ai  essayé  d'en  enlever 

quelques-unes. 

lo-ii.  «  Dérs  —  evectus.  »  Corr.  erectus  comme  dans  «  dérs  — 
1;  erexit  »  48  a  et  22-3,  «  dértz  —  erigit  »  49^,  «  dérs  —  erectus  »  48  a. 

lo-ii.  i(  Cors  —  cursus,  socors  —  auxilium,  ors  —  ursus,  sors  — 
desurgo,  resors  —  deresurgo  »,  sont  placés  à  tort  parmi  les  mots  en  ors 
larg,  tandis  qu'à  la  p.  56  b  ils  sont  placés  parmi  les  mots  en  ors  estreit. 
Ce  passage  «était  fort  défectueux»,  de  l'aveu  de  l'éditeur,  dans  Péd.  de 
1840  ;  on  peut  croire  qu'il  l'est  encore  dans  celle  de  1858. 

lo-i  I .  «  lis  —  levis.  »  Lisez  Unis  comme  p.  52  a.  Levis  se  traduit  par 
leus  51a. 

22-23.  «  Absôls,  vols,  revois  —  absolvit,  volait^  revolvit.  »  Lisez 
volvit  ainsi  que  M.  Tobler  a  corrigé  pour  vols  $  3  b. 

28  a.  «  Assaiar  —  tractare  vel  probare.  »  Corr.  tentare.  Cfr.  «  ensahz 
—  probaiio  vel  tentes  »  44  ^,  «  assais  —  probatio  vel  probes  »  41b  ^ 
a  ensais  0  ensaies  —  probes  ^)  59  fr. 

K)  a  a  Bresar  —  ad  capiendum  aves  sonum  facere.  »  Corr.  llgnum 
figere.  Cfr.  «  brés  —  lignum  quo  aves  capiuntur  »  8-9,  «  lignum  fixum 
propter  aves  »  49^. 

«  Buscalar  —  ligna  parva  colligere  »  mieux  vaudrait  buscalhar,  Cfr. 
buscalha  62  b.  —  De  même,  30  b  empenhar  plutôt  que  empenar  (in  pignore 
mittere).  Ces  fautes  et  d'autres  du  même  genre,  que  je  ne  relèverai 
plus,  sont  le  fait  du  copiste  italien  de  notre  traité. 

a  Castiglar  —  digitum  ponere  sub  ascella  alterius  ad  provocandum 

I.  Grammûires  provençales.  Avertissement,  p.  viii. 


SUR  LE  Donat  proensal  45 1 

Itisum,  »  Risum  semblerait  meilleur,  puisque  casûglary  chastdier\  chatouil- 
ler fait  rire, 

l^  a.  i(  Escondre  —  excutere  granum.  »>  Si  la  correction  de  M.  G. 
Paris  est  bonne  {escodre^  comme  secodre)^  il  faut  de  même  corriger 
«  escodre  —  excutere  »  24-25,  Escoudre  s'employait  au  siècle  dernier 
en  cévenol  fSauvages  ;  Joseph  Séguier,  Dicl.  ms,  cévenole  la  Biblioth* 
de  Nîmes),  Il  est  usité  en  rouergai  ou  mieux  rouergas  (Vernhet  père, 
PoésUs  paîoists,  Rodez,  1877,  p.  14). 

40  a.  «  Cracs  —  sanies  naris.  w  II  semble  qu'il  faudrait  ons  [escracar 
^  cracher  jo  b] ,  puisque  «  sanies  naris  »  est  traduit  ailleurs  par  mocs  5  ^fr. 

40  b.  «  Juenals  —  jenialis  ».  Lisez  Ivtrnais  —  iemalts  :  ces  mots  sont 
placés  entre  maids  et  eiîivals, 

41  b.  «  Emalhz  —  subsecas.  »  Corr.  subseces  ou  sabsectes  («  lalhz  — 
sictis,  retalhz  —  iierum  sectes  j>  41  b). 

42  b.  c(  Cans  —  cambias.  »  Corr.  cambies. 
4Î  a.  <  Carcs  —  oneres  onus.  »  Le  mot  onus  est  inutile  |«  descarcs  — 

exonères  4^  b],  îl  fait  double  emploi  avec  le  mot  suivant  «  carcs  —  o/ïui«. 
41  b.  «  Departz  —  dividas.  >»  Corr.  dividis. 

45  b,  et  Encèxs  —  cxseqaem.  »  M.  Tobler  corrige  euiceris,  W  vaut 
mieux  exceas.  Le  copiste  aura  été  induit  en  erreur  par  les  sequeris,  per- 
scquerisy  consequeris  qui  suivent. 

46  d.  ((  Escauèlz.  n  Listz  escayèlz^  dévidoin 

46  fc.  <f  Aparélz  —  appâtas  vel  prépares,  n  Corr.  aparéîhz  —  appâtes. 
«  Télhz  —  telz,  arbor  etc.  i»  Lisez  a  Télhz^  télz  —  arbor  etc.  i> 

47  a.  «c  Préns  —  apprehendit.  »  Corr.  apprehendU. 

48  a.  if  Airs  —  procuravit*  »  Corr.  adérs  comme  dans  «  adén  — 
necessaria  dédit  n  22-î,  et  a  adérs  —  procuratus  n  4^  a  k  c6té  de 
«  adtrtz  —  procura  vel  procuratus  »>  49t. 

48  b.  tt  Esperoniers  —  qui/rd/...  15  Corr.  factt 
jo  b,  a  SoUtz  —  faunus  vel  stultus.  »  M.  G.  Paris  corrige  soîéît  ou 
foUtt;  ce  dernier  est  certainement  préférable  aussi  bien  pù\it  faunus  que 
^jour  stultas  («  tnfokùr  —  stultum  facere  n  \6a], 
^H  5 1  a.  «I  Amafils  —  parva  tuba  cum  voce  alta.  »  Quoique  les  noms 
^Brabes  aient  été  parfois  bien  défigurés,  il  semble  préférable  d^écrire 
^mutaJUs.  Sur  ce  mot  qui  manque  dans  Raynouard,  comme  plusieurs  autres 
I  du  Donat,  par  exemple  comme  laus  au  sens  d'étang  (p.  10),  voirie 
I  savant  compte-rendu  du  Dict.  de  Dozy  et  d'Engelmann  donné  par 
M.  Defrémery»  Journ,  asiat.  1869,  n"  8  (p.  n  du  tirage  à  part),  et 
P.  Meyer,  Revue  des  sociétés  savantes^  \*  série,  V,  417. 


u  Pour  d'autres  formes,  voir  Thurot,  Not.  ei  Extr.  des  Mss.^  XXIi,  ^28  ; 
pour  Tétymologie,  Flechia,  Arch.  glott.^  lï,  )2K 


452  CORRECTIONS 

52  b,  Fornitz  — formatus  vel  habens  necessaria.  »  Formate  traduit 
format  )  lâ^  et  ne  parait  pas  convenir  à  «  fomir  —  necessaria  dare  » 
36  b. 

53  ^.  c  Baudàcs —  parum  sciens  [var.  du  ms.  187  ParUienses.]  » 
La  variante  n'est  pas  en  l'honneur  des  Parisiens,  car  baudàcs  signifie 
bien  parum  sciens,  Cfr.  «  Badoc,  co^  badoquo  —  sotte,  froide,  insipide, 
badaud  »  (Cénac  Moncaut,  Dict.  gasc.  fr.).  Rapouard  donne  l'adjectif 
bauduc  (II,  201),  mais  il  le  traduit  mal  par  querelleur. 

54  â.  <c  P61z  —  pulices.  »  Ces  puces  ont  sauté  du  dictionnaire  de 
Rochegude  dans  celui  d'Honnorat.  Lisez  pultes  ou  pour  mieux  dire  puis: 
c(  poutz  —  pultes,  esca  de  farina  »  lo-i  i.  En  bas  limousin  pous  a  la 
même  signification  (Honnorat). 

56  t  en  note.  c<  Pôrtz  —  portas.  »  Corr.  portes  comme  à  la  p.  65  b 
<f  portz  —  portes.  »  Les  sept  mots  en  ortz  (larg)  de  la  p.  65  b  trouvent 
leur  place  naturelle  à  la  suite  de  estdrtz^  p.  56  ^. 

57  a.  «  Glôtz  [var.  clàtz]  — locus  cavus.  »  On  ne  trouve  en  provençal 
moderne  que  dot  :  la  variante  est  donc  préférable. 

59a.  1°  <c  Estancs  0  estanques  —  liges  »  59  â. 
2°  <c  Estancs  —  claudas  »  4)  a, 
3°  «  Tança  —  firmat  »  65  t. 
4*^  (c  Estanca  —  retinet  aquam  »  63  i». 

Le  copiste  avait  sans  doute  sous  les  yeux  les  deux  ex.  suivants  : 
((  estancs  0  estanques  —  claudas,  vel  retineas  aquam  »  ;  «  estacs  0  estaques 
—  liges  »  («  estacs  —  liges  »  40  a).  Il  a  remplacé  la  traduction  du 
premier  par  celle  du  second  et  oublié  celui-ci. 

2°,  j<».  Firmare  =  claudere  («  fermar  —  firmare  »  5  la,  «  sarrar  >  — 
firmare  hostium,  claudere  vel  firmare  »  ^^a).  Estancar  ou  tancar^  c'est 
fermer  la  porte  en  mettant  la  tanco  2,  la  barre. 

4°  Pour  Diez  et  Scheler,  estancar  (étancher,  retinere  aquam)  vient  de 
stagnare  comme  estancs  (étang)  de  stagnum^  et  ils  considèrent  tancar 
(barrer)  comme  une  mutilation  de  estancar  (étancher).  Je  suis  disposé 
aussi  à  ne  pas  séparer  tancar  3*^  de  estancar  2^  4*',  mais  je  hasarde  une 
autre  explication. 

De  l'allemand  stange  stang  stanga  (long  bâton),  le  provençal  aurait 
tiré  "estancs  tancs  (barre)  î,  —  sur  lesquels  auraient  été  formés  estancar 


1.  «  L'Infer  fai  que  durbir  et  sarar  »  (Damase  Arbaud,  Chants  pop.  Je  la 
Prov.,  I,  15). 

2.  «  Tança  la  porto  >  (Baldit,  Glanes  gévaudanaises^  p.  116).  Locution  pro- 
verbiale :  ni  porto  ni  tanco. 

].  Le  prov.  mod.  tanco  et  l'it.  stanga  =  barre.  Le  français  technique  nous 
offre  les  mots  stangue,  étangue. 


SUR  LE  Donaî  proensal  45 î 

tancar  {barrer  une  porte  ' ,  une  clôture,  faire  un  barrage  à  un  cours  d'eau, 
—  par  suite  arriter^,  arrêter  la  faim  s»  la  soif,  le  sang*). 

Les  mots  qui  avaient  ou  ont  encore  le  sens  de  barrage  de  t*eau  :  v,  fir. 
istanche,  sîanche  (Ducange  sîancarmm,  stanchia]^  prov.  estancha^  restanc^ 
restanca  (Honnorai),  sont  naturellement  arrivés  par  synecdoque  au  sens 
de  l'objet  barré,  c'est-à-dire  de  l'eau  elle-même,  de  Vétang  K 

61  a.  a  Saura  —  grisea.  »  Corr.  aureaf  («  Saurs  —  color  aureus  » 

44  ^1- 
62a.  Sadôia  deux  fois  traduit  par  saturât.  Ecrire  une  fois  :  satura . 

62  h  «  Moralha  —  quod  pendet  in  vecie.  »  En  latin  mora  (retard)  veut 
dire  aussi  objet  qui  arrête  ou  retarde  :  morae  caputi,  SiL  ItaL^  venabuli 
morac^  Crat.  Fal.  Ici  nous  avons  ^moracuk^  la  chose  qui  arrête  [la  ser- 
rure]. M.  Boehmer  (^Rom.  Stud,  201),  à  qui  je  ne  l'ai  prise  ni  empruntée, 
est  déjà  arrivé  à  cette  étymologie. 

64  b.  «  Sesca  —  arundo  secans.  »  Sesca  veut  dire  glaïeul  (G.  Azaïs, 
Closs.  bôtan,),  mais  d'après  Honnorat  c'est  le  nom  languedocien  et  gas- 
con des  typha.  Dans  le  passage  suivant  de  la  Croisade  albigeoise  (7641-}} 

De  l'una  tor  a  Tautra  ab  loacs  filetz  dobliers  ; 

Qu'en  un  vaichd  de  cucâ  que  recemblec  carmers, 

1  portan  h  viâfida  e  los  cairets  d'aciers 

la  cesca  est  un  typha  ^  c'est-à-dire  en  français  massette,  masse  d*eau  ou 
roseau  des  étangs.  Dans  l'arrond.  de  Saint-Pons,  ce  roseau  se  nomme 
bùso^  «  on  en  fait  des  nattes,  des  paillassons,  des  chaises,  etc.  »  (Mel- 
chior  Banhès,  Glossaire  botanique  langued,  fr,  laî,  de  Van.  de  Saint-Pons j 
Hérault.  Montpellier,  187J,  in-8^)  ;  il  paraît  être  connu  sous  le  nom  de 
cesco  dans  le  Gers  :  «  Cesco  =  glaïeul,  paille  avec  laquelle  on  garnit  les 
chaises  n.  «  Sesco  =  paille  à  chaise,  glaieul.  »  *. 

3.  BAUQUiER. 


1.  De  même  en  it.  stangan  =:  barrer. 

2,  Gers  (Cénac  Moncaut)  :  estanga  =  arrêter.  Pour  un  exemple  voir  Lttt, 
ffop-  de  la  Case,  415.  Nombreux  dérivés  dans  Honnorat.  En  espagnol  estancar^ 
arrêter. 

3,  Esiancar  ia  fam,  Raynouard,  V,  299. 

4.  f  Aux  Jacobins  de  Provins^  on  invoquait  SamU  Tanche  pour  arrêter  le 
sang.  »  (A.  Fourtier,  Us  dictons  de  Seine-et-Marne,  Provins,  1873,  m-8<>,  p.  ^y) 

ç.  Gers  (Cénac  Moncaut)  :  t  Estang  —  arrêt,  obstacle,  grande  étendue 
d'eau,  a 

6.  Cénac  Moncaut  ne  séparant  que  par  des  virgules  tes  traductions  sjrnony- 
miuues  ou  antonymigues,  on  ne  sait  s'il  entend  par  sesco  r  la  paille  [de  typha], 
2^  le  glaïeul  ;  mais  la  chose  n'est  nullement  impossible,  puisque  nous  savons 
d'ailleurs  que  telles  sont  les  deux  significations  différentes  de  ce  mol.  —  Avec 
les  feuilles  du  typha  Icn  prov.  saignoj  t  on  fait  des  nattes.,.,  Ton  en  couvre 
aussi  le  siège  des  chaises  communes  »  iGaridel,  Hist.  des  plantes  d'Atx^  Ah, 
*7'  î»  P*  47^»  477Ï*  A  Apt  et  aux  environs  le  lypha  se  nomme  sagno  cl  massago 
(Colignon^  Flore  à' Apt,  p.  94  des  Annales  de  la  Soc.  d^Apt^  2*  année,  1864- 
1865). 


COMPTES-RENDUS. 


Histoire  de  la  langue  et  de  la  littérature  française  an  moyen 
kge^  d'après  les  travaux  les  plus  récents,  par  M.  Charles  Aubertin^  ancien 
maître  des  conférences  de  littérature  française  à  TEcole  normale  supérieure, 
recteur  de  T Académie  de  Poitiers,  correspondant  de  l'Institut.  Paris,  Belio, 
1876,  in-80.  Tome  I»,  VIII- 582  p. 

L'important  ouvrage  que  nous  annonçons  —  un  peu  tardivement  —  marquera 
une  date  dans  l'histoire  de  la  connaissance  de  notre  ancienne  littérature.  L'au- 
teur nous  apprend  qu'il  y  a  reproduit  à  peu  près  exactement  les  conférences 
qu'il  faisait  à  l'Ecole  normale  :  on  peut  espérer  qu'elles  auront  laissé  des  traces 
profondes  dans  le  souvenir  des  jeunes  maîtres  formés  par  lui  et  qu'elles  serviront 
de  base,  dans  l'Université,  à  un  développement  sérieux  de  ces  études  si  négli- 
gées. Le  grand  public,  auquel  M.  Aubertin  s'adresse  maintenant,  n'avait  pas 
moins  besoin  que  les  futurs  professeurs  de  nos  lycées  de  l'enseignement  qui  lui 
est  offert.  Les  travaux  récents  de  la  critique  érudite  sur  nos  origines  linguisti- 
ques et  littéraires  sont  loin  d'avoir  pénétré  même  dans  le  monde  lettré:  les 
savants,  absorbés  par  l'exploitation  d'une  mine  où  chaque  jour  amène  d'impor- 
tantes découvertes,  se  sont  peu  souciés  de  la  tâche  moins  attrayante  de  mettre 
en  œuvre  et  en  lumière  les  richesses  qu'ils  tirent  du  sol.  Il  n'existe  sur  notre 
ancienne  littérature  aucun  ouvrage  d'ensemble,  et  pour  essayer  d'écrire  le  pre- 
mier, il  fallait  assurément  beaucoup  de  courage.  Peut-être,  parmi  ceux  qui  ont 
consacré  leur  vie  à  l'étude  de  celte  littérature,  aucun  n'aurait-il  osé  entreprendre 
ce  qu'exécute  M.  Aubertin  :  ils  savent  trop  les  immenses  difficultés  de  l'œuvre, 
ils  connaissent  trop  l'incertitude  de  la  plupart  des  points  de  repère,  l'obscurité 
de  la  chronologie,  les  dangers  des  conclusions  prématurées,  le  petit  nombre  des 
résultats  acquis.  Les  Allemands  eux-mêmes,  si  prompts  en  général  et  si  habiles  à 
composer  des  Pràis^  des  Manuels,  des  Tableaux  des  littératures  les  plus  diverses, 
n'ont  pas  eu  l'assurance  de  faire  pour  la  nôtre  ce  qu'ils  ont  fait  pour  celles  de 
l'Italie,  de  l'Espagne,  de  la  Provence,  de  l'Angleterre,  etc.  Depuis  la  sèche  et 
incomplète  nomenclature,  bibliographique  plutôt  que  littéraire,  qu'a  publiée 
Ideler  il  y  a  quarante  ans,  aucun  essai  du  même  genre  n'a  été  tenté. 
Qu'on  songe  seulement  d'une  part  à  tout  ce  qui  a  été  publié  depuis  quinze  ans 
sur  l'épopée,  d'autre  part  au  peu  qu'on  a  écrit  sur  la  poésie  lyrique,  et  on  verra 
les  deux  genres  d'obstacles  qui  arrêtaient  les  travailleurs  les  plus  intrépides. 
M.  Aubertin  n'a  pas  eu  autant  de  timidité,  précisément  parce  qu'il  avait  moins 
de  préparation.  Abordant,  après  des  études  tout  autres,  un  sujet  qui  la  veille 


AUBERTiN,  Histoire  de  la  littérature  française  au  moyen-àge  4  5  \ 
lui  était  presque  inconnu,  il  a  été  frappé  des  progrès  réellement  considérables 
accomplis  depuis  quelque  temps  dans  ce  domaine  ;  n'ayant  pas  essayé  par  lui- 
même  de  résoudre  quetques-uns  des  problèmes  ardus  que  présente  Tinvestigatton 
de  notre  ancienne  liliérature,  il  a  accepté  sans  difficulté  les  solutions  qu'il  trou- 
vait chez  les  autres.  Il  a  lu  avec  conscience  et  intelligence,  mais  sans  critique 
personnelle^  îes  œuvres  qu'il  a  jugées  les  meilleures,  et  après  en  avoir  extrait 
tous  les  résultats  importants^  il  les  a  coordonnés  de  son  mieux,  les  a  présentés 
sous  une  forme  claire^  agréable  et  concise,  et  a  ainsi  produit  un  livre  qui,  sans 
être  de  première  main,  offre  tous  les  caractères  d'une  habile  et  judicieuse  com- 
pilation cl  rendra  les  plus  réels  services  aux  études  auxquelles  il  est  consacré.  Il 
est  arrivé  nécessairement,  avec  une  pareille  méthode,  que  l'auteur  n'a  souvent 
qu'effleuré  la  surface  du  sujet,  quand  l'intérêt  réel  était  au  fond  \  il  est  arrivé 
qu'il  n*a  pas  exactement  interprété  les  renseignements  et  les  idées  qu'il  voulait 
résumer;  il  est  arrivé  qu'il  n'a  pas  tougours  suivi  les  meilleurs  guides  et  qu'il  a 
accordé  ï  ceux  qu'il  choisissait  une  confiance  trop  aveugle;  il  est  même  arrivé 
qu'il  a  reproduit,  sans  s'en  apercevoir,  des  théories  contradictoires  puisées  i 
différentes  sources;  mais  ces  défauts  étaient  presque  inséparables  du  plan  :  si 
Tauteur  de  ce  livre  avait  voulu  faire  œuvre  de  critique  et  d'érudit,  il  se 
serait  vite  perdu  dans  le  dédale  des  opinions  ou  dans  le  chaos  non  encore 
débrouillé  des  matériaux;  il  aurait  dû  passer  des  mois  à  résoudre  mille  petites 
questions  qui  ne  l'ont  point  embarrassé,  et  fmalement  il  aurait  écrit  quelques 
dissertations  peut-être  profitables  à  la  science,  mais  il  n'aurait  pas  fait  l'ouvrage 
que  nous  avons  sous  les  yeux^  et  c'eût  été  réellement  dommage.  Nous  dirons 
seulement  que  çà  et  là  une  attention  plus  constamment  soutenue  lui  aurait  fait 
éviter  quelques-unes  des  fautes  qu'il  a  commises;  et  surtout  nous  signalerons 
l'erreur  où  il  est  quand  i!  croit  avoir  du  sujet  qu'il  a  traité  une  connaissance 
réellement  approfondie.  Cette  connaissance,  personne  aujourd'hui  ne  peut  se 
flatter  de  la  posséder;  mais  en  tout  cas  c'est  par  de  longs  et  pénibles  travaux  de 
première  main  qu'on  peut  arriver  â  s'en  approcher.  Aussi  les  connaisseurs  ne 
peuvent-ils  lire  sans  sourire  un  peu  les  lignes  de  la  préface  ob  fauteur  dit  que 
sa  méthode  consiste  à  <  épuiser  les  questions  >,  et  où  il  espère  qu'en  sortant  de 
la  lecture  de  son  ouvrage  •  on  emportera.»,  une  connaissance  intime  et  pénè- 
Uante  de  notre  ancienne  littérature.  1  Ce  qui  est  vrai,  c'est  qu'en  général,  et 
sauf  d'assez  nombreuses  réserves,  on  en  emportera  une  idée  juste,  et  on  aura 
en  outre  la  précieuse  indication  des  livres  où  on  peut  en  puiser  une  notion  plus 
précise.  Ce  qu'il  faut  louer  sans  restriction  dans  l'œuvre  de  M.  Aubertin,  c'est 
le  soin  qu'il  a  mis  à  tire  et  à  dépouiller  tes  ouvrages  les  meilleurs  et  les  plus 
nouveaux  —  au  moins  en  français  —  sur  le  sujet.  C'est  là  un  éloge  qui  peut 
paraître  assez  mince,  tant  il  est  naturel  de  le  mériter;  mais  nous  sommes  peu 
habitués  à  rendre  ce  témoignage  aux  ouvrages  qui  paraissent  dans  notre  pays 
sur  ces  matières*  Nous  sommes  encore  plus  heureux  de  constater,  chez  un 
membre  éminent  de  cette  Université  longtemps  fermée  et  presque  hostile  à  ces 
études  si  nationales,  un  esprit  d'impartialité,  une  intelligence  du  passé,  une 
largeur  de  vues  avec  lesquels  quelques  vieux  préjugés  tenaces,  quelques 
formules  banales,  quelques  appréciations  hâtives  ne  font  que  de  rares  disparates. 
Nous  regardons  le  livre  de  M.  A.  comme  un  bon  ouvrage  et  comme  un  excellent 


4{6  COMPTES-RENDUS 

symplâme;  nous  lui  souhaitons  un  vif  et  prompt  succès;  nous  désirons  qu'il 
s*achéve  le  plus  lot  possible,  et  que  Taiitcur  puisse  en  donner  bientôt  une  édition 
nouvelle.  C'esl  surtout  en  vue  de  luf  être  utile  que  nous  signalerons  dans  ce 
premier  volume  un  certain  nombre  de  points  qui  appellent  une  révision.  Nous 
ne  relèverons  pas  toutes  les  idées  de  l'auteur  que  nous  ne  partageons  pas  abso- 
lument! pas  plus  que  nous  ne  discuterons  son  plan  général;  chacun  a  sa  manière 
de  comprendre  un  sujet  aussi  vaste  et  aussi  divers  que  celui  qu'il  a  traité;  nous 
ne  combattrons  sa  manière  de  voir  que  quand  elle  nous  paraîtra  directement 
opposée  à  la  vérité;  nous  nous  attacherons  surtout  à  indiquer  des  erreurs  de 
fait,  sur  lesquelles  tl  n'y  a  pas  à  disputer;  quant  aux  omissions,  naturellemetil 
fort  nombreuses,  aux  manques  de  proportion,  aux  appréciations  contestables^ 
nous  ne  nous  ferons  pas  un  devoir  d*en  dresser  la  liste.  Il  faudrait  pour  accora- 
pïir  celle  tâche  repenser  d'un  bout  â  Tautre  tout  le  travail  de  M.  Aubcrtin  : 
c'est  plus  qu'on  ne  peut  demander  â  un  critique.  Nous  nous  bornerons  en  général 
à  noter  les  observations  que  nous  a  immédiatement  suggérées  (a  lecture  de  ce 
volume, 

Le  premier  livre,  qui  comprend  1 16  pages,  a  pour  titre  :  Origines  et  forma- 
îion  de  la  langue  française,  Ce  n'est  pas  la  meilleure  partie  de  l'ouvrage.  M.  A, 
n*cst  tombé  dans  aucune  grave  erreur  de  doctrine ^  mais  il  a  voulu  fondre  les 
théories  de  l'école  de  Diez  avec  des  restes  de  systèmes  antérieurs  dont  il  n'y  a 
plus  rien  à  faire  aujourd'hui.  11  a  constamment  eu  sous  les  yeux,  à  c6té  des 
écrits  de  M.  Brachet,  —  dont  il  répète  d'ailleurs  trop  docilement  les  fonnules 
et  surtout  les  statistiques,  —  le  livre  d'Ampère,  qui^  même  dans  la  nouvelle 
édition,  ne  peut  guère  fournir  que  des  vues  fausses  et  des  exemples  contestables. 
Il  ne  s'est  pas  fait  de  la  transformation  du  latin  en  français  une  idée  suffisam- 
ment précise;  il  emploie  des  expressions  qui  n*ont  plus  de  sens  pour  la  phi- 
lologie moderne  :  que  veulent  dire  par  exemple  ces  mots  [p.  76)  i  1  C'est  vers 
le  XI*  siècle  que  le  sentiment  de  l'accentuation  latine  se  perd  définitivement; 
dès  lors.  îâ  ahùon  populaire  est  achevée;  il  n'entre  plus  dans  la  langue  que  des 
roots  savants  »  ?  Le  français  populaire  est  le  latin  modifié  ;  le  sentiment  de 
Taccenlualion  latine  vit  dans  l'accentuation  française  et  non  dans  rinstruclion 
des  savants.  Il  n'y  a  pas  de  création  populaire  de  racines  :  les  langues, 
depuis  que  nous  les  observons,  ne  créent  que  des  dérivés  et  des  composés,  et  le 
français  n'a  pas  cessé  d'en  produire,  —  Il  fallait  laisser  à  ViUcmain  Fidéc  ingé- 
nieuse mais  peu  exacte  que  la  déclinaison  iatine  a  péri  parce  qu'elle  c  embrouil- 
lait fa  cerv^elle  des  Gaulois,  des  Africains,  des  Espagnols,  1  et  que  c'est  *  la 
barbarie  étrangère  qui  a  brisé  cette  lyre  trop  savante  (p.  80).  >  —  De  même 
l'auteur  serait  bien  embarrassé  de  fournir  des  exemples  â  l'appui  de  celte  asser- 
tion (p.  56)  :  i  Le  génie  des  populations  gauloises,  afranchies  du  joug  romain 
et  latin,  créait  en  silence  des  formes  nouvelles,  des  habitudes  instinctives  de 
langage  où  se  révélaient  spontanément  son  humeur  et  son  originalité.  »  —  tt  se 
fait  une  idée  très-vague  de  ce  qu'est  le  latin  mérovingien,  bien  qu'il  prétende  en 
donner  une  définition  précise.  A  cette  époque,  suivant  lui,  <  le  latin  populaire, 
resté  seul,  s'élève  au  rang  de  la  langue  écrite  ;  il  passe  dans  les  actes  officiels  et 
dans  les  livres  (p.  $0),,.  Le  bas  latin,  c^est  le  latin  rustique  et  populaire  devenu 
langue  écrite  <p.  51).  *  Le  latin  populaire  devenu  langue  écrite,  c'est  du  fran- 


AUBERTrN,  Histoire  de  la  littérature  française  au  moyen-àge  4^7 
çais  ;  avant  les  Sennems  de  Strasbourg  on  n'a  voulu  écrire  que  le  latin  classi* 
<^ue  j  c'est  dans  les  fautes  commises  par  les  écrivains  ou  les  copistes  que  noui 
trouvons  les  éléments  d'une  restitution  fort  imparfaite  du  latin  vulgaire  contem- 
porain. Quant  au  mot  bat  latin,  c^est  un  terme  purement  historique  ;  il  désigne 
toutes  les  expressions,  formes  et  constructions  qui  ne  se  trouvent  pas  dans  les 
auteurs  avant  la  chute  de  Tempire  romain*  —  En  parlant  de  la  déclinaison  de 
l'ancienne  langue,  Tauteur  dit  (p.  8))  :  t  Elle  s'affaiblit  avec  le  sentiment  dr^ 
origines  de  la  langue;  et  quand  le  souvenir  du  latin  parlé  dans  les  Gaules 
f'e^aça  de  Tesprit  des  populations,  ce  reste  de  syntaxe  latine...  se  déconcerta  et 
périt.  »  Ainsi  la  déctinaison  se  maintenait  parce  qu'on  se  souvenait  qu'elle  avait 
eiisté  en  latin  ICe  sont  là  des  idées  aussi  fausses  que  surannées.  Les  Français 
du  Xîl*  siècle  parlaient  latin,  comme  le  parlent  encore  ceux  du  XI X«  ;  on  ne 
saurait  trop  le  répéter;  et  le  dialecte  latin  parlé  en  Gaule,  après  avoir  d*abord 
réduit  la  déclinaison  à  deux  nombres,  deux  genres  (pour  les  adjectifs)  et  deux 
cas,  a  fini  par  supprimer  les  deux  cas.  L'influence  en  tout  cela  du  latin  littéraire 
a  été  égale  à  zéro.  —  On  voit  clairement  qu*il  a  manque  à  l'auteur  une  notion 
nette  de  ce  qu'est  l'évolution  d'un  idiome;  il  va  de  soi  que  cette  incertitude  se 
fait  sentir  dans  toute  son  exposition,  sans  qu'il  soit  besoin  d'en  relever  tous  les 
exemples.  Je  reprends  maintenant  cette  exposition  elle-même  pour  y  noter  des 
inexactitudes  ou  des  erreurs  de  divers  genres.  —  P.  7,  note.  Pourquoi  mettre 
deux  noms  de  lieux  dans  la  liste  des  mots  gaulois  passés  en  français?  Il  faudrait 
en  noter  beaucoup  plus  ou  pas  un  seul.  —  Que  signifie  (p.  8)  la  remarque  sur 
•  les  nominatifs  singuliers  en  os  [du  gaulois],  dérivés  du  sanscrite  i  L'auteur 
semble  encore  ailleurs  croire  que  les  langues  indo-européennes  dérivent  du 
sanscrit.  —  P,  16  M.  A.  emprunte  à  des  livres  vieillis  une  citation  dont  on  a 
cent  fois  abusé  :  c'est  ValUmand  et  non  le  celtique  que  Julien  a  comparé  au 
croassement  des  corbeaux,  comme  te  ferait  encore  sans  doute  plus  d'un  Roman. 
Rien  n'est  du  reste  plus  vain  que  ces  jugements  portés  sur  Tharmonie  d'une 
langue  qu'on  ne  connaît  pas.  —  P.  17  (et  70)  l'auteur  a  l'air  d'attribuer  i 
Diez  une  opinion  qu'il  reproduit  d'après  des  écrivains  moins  autorisés,  à  savoir 
que  la  colonies  grecques  du  Midi  auraient  transmis  un  certain  nombre  d'expres- 
sions i  la  langue  doil.  —  P,  2^.  Antonmus^  Pias^  dans  les  textes  d'Ulpien  et 
du  Digeste,  désignent  Caracalla  et  non  Antonin.  ^  P.  19.  Il  s'agit,  dans  le 
passage  d'Ulpien,  de  fidéicommis  et  non  de  testaments.,  qu'on  peut  rédiger  en 
Réimporte  quelle  langue  :  la  distinction  a  son  importance  juridique  et  philologi- 
que. —  P.  }(  ss.  M.  A.  accepte  beaucoup  trop  complètement,  à  notre  avis,  les 
théories  de  M.  Fustel  de  Coulanges  sur  le  caractère  des  invasions  germaniques. 
—  P.  47.  Frédégaire  (c*est-à-dire  l'écrivain  désigné  sous  ce  nom  depuis  Freber) 
écrivait  au  Vil»  siècle  et  non  au  VI**  —  P.  49  M.  A.,  opposant  à  la  barbarie 
du  Nord  {à  l'époque  mérovingienne)  les  restes  de  culture  intellectuelle  qui  per- 
sistent dans  te  Midi,  écrit  :  t  L'influence  des  Arabes  agit  sur  l'ancienne  Nar* 
bonnaise  et  la  Sepli manie.  »  Comment?  en  quoi  ?  où  sont  les  traces  de  cette 
influence  ?  —  L'exposé  des  lois  de  la  formation  de  ta  langue  française  laisse  stn* 
gulièrement  à  désirer  sous  tous  les  rapports.  Tenons-nous-en  â  la  déclinaison  : 
le  tableau  qu'en  dresse  M.  A.  contient  les  plus  graves  erreurs  (pourquoi  la 
range-t'il  dans  la  syntaxe.^).  Il  croit  qu*on  disait  au  pluriel  nominatif  li  ftntme 


4^8  COMPTES-RENDUS 

rp.  8i)  el  ii  m^crton  <p,  8?),  qu*otî  a  dit  à  une  certaine  époque  //  fùu%  iti 
nom.  singulier  (p.  86)^  ^u'on  disait  ti  enft  (p.  8^};  tl  prend  M  et  htati  pour 
deux  os  différents  (p.  87);  ces  fautes  sont  tellement  élémentaires  qu'au  lieu  de 
les  corriger  nous  renvoyons  M*  A.  à  n'importe  quel  livre  un  peu  récent,  — Une 
erreur  plus  excusable  est  d'avoir  pris  pour  des  mots  <  picards  (p.  \q^)  %  câtnp^ 
campagne,  etc.  qui  viennent  de  l'italien.  Le  tableau  des  dialectes,  tracé  d'après 
Diez  et  Fallût,  est  naturellement  peu  exact,  mais  h  science  est  encore  fort 
arriérée  sur  ce  point.  —  L*idée  de  voir  dans  certaines  formes  des  dialectes  lom* 
bards  «un  reste  de  l'invasion  de  la  langue  française  dans  Tltalie  du  moyen 
âge  *  est  d'Ampère,  à  qui  il  ne  fallait  pas  i'emprunter  (p.  toç).  —  Conon  de 
Béthune  est  appelé  (p.  103)  •  le  comte  Quesnes  de  Béthune  •,  ce  qui  fait  trois 
inexactitudes.  —  NobUe  (p.  75)  ne  vient  pas  de  nobilis,  mais  d*un  dérivé  nobi* 
Hus^  comme  on  l'a  déjà  démontré.  —  Le  livre  I  se  termine  par  un  paragraphe 
intitulé  Naissancâ  et  formation  du  vers  français,  dans  lequel  sont  intercalées,  assez 
étrangement,  les  notices  sur  les  poèmes  de  Clermont  et  VAlcxis.  Ce  paragraphe 
manque  absolument  de  précision.  L'auteur  ne  paraît  pas  avoir  connu  notre 
Lettre  sur  ta  versification  latine  rhthmiqae,  qui  lui  aurait  fourni,  croyons-nous, 
d'utiles  points  de  repère.  —  Il  répète  encore  (p.  106)  que  le  vers  saturnien  était 
fondé  sur  Taccenl,  ce  qui  aujourd'hui  n*est  pïus  soutenable.  —  Il  prend  ï 
Ampère,  sauf  erreur  (p.  119  et  1^5),  l'impossible  étymologie  àt  laisse^  raltacHé 
à  kssus  :  laisse  est  simplement  le  substantif  verbal  de  laisser:  cf.  kis^  relais, 

La  deuxième  partie,  intitulée  Naissance  et  dhehppement  de  la  poésie  française  du 
XI'  au  XV!*  siècle^  comprend  le  reste  du  volume  et  comprendra  encore  une  bonne 
partie  du  second.  Ce  que  nous  en  avons  sous  les  yeux  est  divisé  assez  singuliè- 
rement en  deux  t  époques,  i  La  t  première  époque  »  a  pour  sous-titre  :  Li 
poésie  épique  et  ta  poésie  lyrique;  la  1  deuxième  époque  »  :  La  pdsii  dramatique, 
Cependant  l'étude  de  Tépopée  va  jusqu'au  XIV^  siècle  au  moins,  celle  des 
mystères  remonte  au  XI*.  On  ne  comprend  pas  non  plus  pourquoi  cette  réunion 
dans  un  même  livre,  dans  une  même  t  époque  1,  de  la  poésie  lyrique  et  de  la 
poésie  épique,  ou  du  moins  d'une  portion  de  celle-ci,  car  l'auteur  ne  traite 
ici  que  des  grandes  narrations  épiques,  bissant  de  côté  les  contes,  lais^ 
fables,  etc.  La  poésie  lyrique  est  arrêtée  ici  au  XÏII"  siècle,  tandis  queThistoirc 
du  théâtre  est  donnée  jusqu'au  XVI*  siècle.  Tout  cela  est  peu  rationnel  et  peu 
clair,  El  est  évident  qu'il  valait  bien  mieux  diviser  ta  poésie  simplement  en 
épique,  lyrique,  didactique  et  dramatique,  el  épuiser  successivement  chaque 
domaine.  Mais  l'histoire  littéraire  est  encore  chez  nous  si  peu  expérimentée  qu'on 
n^est  même  pas  familiarisé  avec  les  cadres  les  plus  simples.  Ainsi  peu  d'écrivains 
—  et  M*  A.  ne  semble  pas  être  du  nombre  —  donnent  au  mol  t  épique  •  son 
vrai  sens,  qui  équivaut  à  peu  près  â  t  poétiquement  narratif,  f  L'habitude  fait 
attacher  â  ce  mot  un  sens  particulièrement  relevé,  si  bien  qu*on  ne  songe  pas 
à  ranger  les  fableaux  sous  cette  rubrique  imposante.  Une  incertitude  du  même 
genre,  pour  le  dire  en  passant,  plane  sur  le  mot  d'  «  épopée.  »  Défini,  comme 
il  Ta  été  ailleurs,  «  une  narration  héroïque  fondée  sur  des  chants  nationaux 
antérieurs,  •  ce  mot  est  un  terme  de  science,  dont  l'application  n'a  rien  à  faire 
avec  resthétique.  M.  A.,  grâce  à  sa  lecture  d'ouvrages  oii  on  l'emploie  ainsi,  le 
prend  lui-même  souvent  dans  ce  sens.   Mais  fout  â  coup,  revenant  à  d'anciens 


il 


AUBERTîN,  Histoiît  ic  la  liîtérature  française  au  fiw) en-âge      4^9 

erreinenls»  songeant  peut*étrc  aui  blâmes  que  ses  concessions  lui  aiiireraient  de 
certaines  parts,  il  écrit  des  passages  qui  détonent  comme  celui-ci  (p.  201)  : 
1  Les  chansons  de  gestes^  narrations  diffuses  et  sans  génie,  où  manquent  à  ta 
fois  Tart  et  le  goût,  la  composition  et  k  style,  et  surtout  l'inspiration  créatrice, 
ne  sauraient  être  de  vraies  épopées  :  c'est  abuser  des  mots  et  méconnaître  les 
conditions  de  îa  haute  poésie  que  d'appliquer  à  des  œuvresaussi  imparfaites  des 
qualificatifs  aussi  ambitieux,  »  Cela  n'empêche  pas  fauteur  de  leur  donner  ce 
nom  plus  d'une  fois  et  de  protester  (p.  119,  270)  contre  l'oubli  où  le  XVIl*  s. 
avait  laissé  nos  antiques  épopées,  oubli  qu^ailleurs,  il  est  vrai  (p,  202)»  il  eitpti- 
que  cl  approuve  presque.  On  voit  ici  un  des  défauts,  d'ailleurs  asseï  rarement 
sensible,  de  l'ouvrage  :  il  y  a  dans  M,  A.  un  historien  très-intelligent  et  à  côté 
de  lui  un  professeur  de  rhétorique  presque  tout  â  fait  mort,  mais  qui  de  temps 
en  temps  proteste  encore  et  vient  troubler  l'exposition  impartiale  de  son  suc* 
cesseur.  Nous  espérons  qu'à  la  prochaine  édition  les  quelques  passages  où  il  à 
pris  la  parole  auront  disparu.  Ils  sont  d'ailleurs  bien  rares  à  côté  des  excellents 
morceaux  ob  l*auteur  a  montré  de  l'ancienne  France  et  de  sa  poésie  un  senti- 
ment |uste  et  pénétrant.  Tout  ce  qui  concerne  la  formation  de  Tépopéc  fran- 
çaise  est  excellemment  pensé  et  dit,  sinon  toujours  très-profond.  On  n'a  rien 
écrit  de  meilleur  sur  la  chanson  de  Roland  que  les  pages  sobres,  simples  et 
SRimées  que  lui  consacre  M.  Anbertin.  Nous  citerons  ce  qu'il  dit  |p.  184)  à 
propos  des  regrets  de  Roland  sur  ses  compagnons  morts  :  f  C'est  en  lisant  de 
tels  passages  qu'on  a  le  vif  sentiment  de  l'effet  produit  par  cette  poésie  sur  les 
contemporains  :  elle  allait  droit  à  leurs  cœurs,  et  les  remuait  en  exaltant  tout 
ensemble  les  instincts  énergiques  et  les  affections  douces.  Comme  l'antique  poésie 
grecque,  elle  pénétrait  de  son  harmonie  fortifiante,  de  son  charme  attendrissant, 
CCS  natures  généreuses,  mais  à  demi  grossières;  elle  y  développait  k  meilleur  de 
rhumanilé*-  »  Ce  qu'on  doit  surtout  reprendre  dans  le  tableau  de  la  poésie 
épique  dressé  par  M.  A,^  c^est  qu'il  est  par  trop  incomplet.  Cent  pages  environ 
dans  deux  gros  volumes  pour  cette  partie  capitale  de  notre  ancienne  littérature* 
c'est  infiniment  trop  peu.  Si  au  moins  ces  cent  pages  étalent  bien  remplies  I 
mats  elles  comprennent  bien  des  choses  absolument  inutiles.  L'auteur,  ici  et 
ailleurs,  s'est  cru  obligé  de  s'étendre  sur  l'analyse  de  recherches  érudites  dont 
un  bref  exposé  suffisait.  Suivant  d'anciennes  habitudes,  il  nous  donne  la  tra- 
duction  complète  (et  très- inexacte,  surtout  pour  le  premier)  du  chant  de  Hitde- 
brand  et  du  LudwigslUd,  qui  n*ont  rien  à  faire  avec  notre  épopée  ;  il  discute 
longuement  sur  l'ancienne  poésie  épique  des  Germains  et  nous  rebat  les  oreilles 
des  Scaldeij  qui  n'ont  jamais  existé,  comme  on  sait,  qu'en  Scandinavie;  il  parle 
longuement  d'oeuvres  latines  dont  le  rapport  avec  nos  poèmes  est  fort  éloigné; 
mais  en  revanche  il  ne  nous  donne  l'analyse  que  de  deux  chansons  de  geste, 
Roland  et  Raoul  de  Cambrai;  il  passe  rapidement  sur  les  cycles  épiques,  leurs 
origines,  leur  développement  et  leurs  relations;  il  ne  fait  que  nommer  des  œuvres 
capitales  comme  les  Laherains  ou  Guillaume  d*Orange.  Des  considérations  géné- 
rales judicieuses,  un  avant*propo$  inutilement  développé,  une  exposition  tron* 


I    Cf.  un  jugement  contraire  p.  1 7 1 ,  mi  il  est  dit  que  k  parattèle  de  1 
l'épopée  grecque  n'est  pas  supportable. 


chansons  à 


400  COMPTES-RENDUS 

quée  d'une  manière  tout  à  fait  fâcheuse  quand  elle  arrive  au  fait,  td  est  le 
caraclère  des  trois  cliapitres  consacrés  aux  chansons  de  geste.  Cette  partie  du 
livre  est,  à  notre  avis,  à  refondre  complètement.  Voici  maintenant  quelques 
observations  de  détail.  P.  121  (et  17^)^  qu^entend  au  juste  l'auteur  par  celte 
t  pauvreté  de  la  langue  t  qui  s'opposait  à  la  maniiestation  du  génie  épique  ?  Il 
vaudrait  mieux  s'abstenir  de  ces  jugements  généraux  ou  faire  voir  à  Taide 
d'exemples  ce  qu'on  veut  dire  précisément.  —  P.  122,  après  nous  avoir  peint 
la  France  féodale  comme  *  exubérante  de  jeunesse,  »  déployant  «  la  furie 
brutale  et  magnanime  de  l'humeur  guerrière^  »  menant  une  i  superbe  vie,  • 
pleine  d'ivresse  et  de  joie  (p.  110),  it  nous  représente  tout  â  coup  c  les  inies 
humiliées,  attristées,  pleines  du  désespoir  de  ces  temps  lugubres.  ■  Il  n'y  a 
peut-être  dajis  ces  deux  tableaux  qu'une  contradiction  apparente;  mais  il  fau- 
drait indiquer  laquelle  de  ces  deux  tendances  s'est  exprimée  dans  Tépopéc.  — 
F*  123,  Dire  que  Charlemagne,  dans  certains  poèmes^  est  un  «  Prusias  •  peut 
ne  pas  être  exagéré;  mais  en  faire  t  une  sorte  de  Thersite  1,  c'est  aller  au-delà 
de  toute  vérité  et  de  toute  mesure.  —  P.  1 36.  Nous  avons  déjà  dit  que  tous 
ces  détails  sur  la  poésie  allemande  étaient  inutiles;  encore  serait>il  bon  de  con^ 
naître  un  peu  ce  dont  on  veut  parler  et  de  ne  pas  renvoyer  à  •  Eckard,  p.  4  r 
(sic)  n  ou  d  Du  Méril,  Hisî.  phUmophi^ut  {sic),  pour  attester  Texistence  du 
Htliand.  —  P.  1)9.  Même  avant  rexcelleM  mémoire  de  M.  Révillout,  il  n'était 
pas  permis  d'attribuer  la  Viia  GuUUîmi  au  X«  siècle  :  on  sait  maintenant  qu'elle 
est  du  premier  quart  du  XÏI\  —  P.  m^  note.  Le  poème  de  Métcllus  de 
Tegcrnsee  (XII'  s.)  sur  Osigierou  Ogicr,  devient  t  une  élégie  du  moine  {sic)  de 
Tegernsee,  intitulée  Mèidluî^  et  composée  vers  ro6o.  »,  La  compilation  est  îci 
par  trop  négligente.  —  P;  146,  à  propos  du  mol  #  chanson  de  geste  t,  on 
lit  :  t  M*  Paulin  Paris*  a  trouvé  cette  expression  qui  est  restée.  1  II  Ta  trouvée 
dans  les  chansons  dt  geste  elles-mêmes^  ce  qu'il  fallait  dire,  et  si  elle  est 
f  restée  »,  c'est  qu'elle  est  la  seule  bonne.  —  P.  149.  •  Au  XIII'  siècle  l'ale- 
xandrin remplace  le  décasyllabe,  »  Cela  n'est  vrai  en  aucun  sens,  M.  A.  cite 
lui-même  ailleurs  le  Voyage  à  Constantinopk,  composé  en  alexandrins  au  XII'  s. 
au  moins,  et  Adenet  a  écrit  Bcuvon  de  Çomanhh  en  iécasyllabes.  —  P;  15a, 
Nous  avons  nos  raisons  pour  trouver  que  l'argumentalion  de  P.  Mcyer,  contre 
l'épopée  provençale,  n'est  pas  aussi  décisive  que  le  croit  M.  A.;  mais  on  com- 
prend qu'il  ait  admis  une  opinion  qui  n'a  pas  été  sérieusement  contredite  — 
P.  1^4.  Nous  lisons  avec  surprise  que  <  les  laisses  de  la  chanson  de  Roland  et 
de  quelques  mins  polmes  ont  pour  refrain  l'exclamation  aoï  ».  —  P.  1  ^6.  Le  bas- 
latin  trobare^  quelle  que  soit  son  étymologie,  n'a  rien  â  faire  avec  «  le  radical 
germanique  (sic)  treffen  >;  l'infinitif  ir^uKcr  n'existe  pas^  et  en  l'admettant  M.  A. 
fait  preuve  d'une  grande  ignorance  de  l'ancienne  conjugaison.  — P.  160.  M  fallait 
laisser  à  l'abbé  de  la  Rue  (que  M,  A.  a  beaucoup  trop  consulté)  les  notices  sur 
les  f  compositions  1  de  Richard  1^''  et  sur  la  généalogie  de  Philippe  de  Than, 
—  P,  160  «  Qui  ne  connaît. ♦,  les  îais  du  sire  de  Coucy  ?  »  Qui  les  connaît?  — 
P.  165.  M.  A.  donne,  sans  doute  d'après  un  autre,  mais  tout  à  fait  arbitraire- 


I.  HoQi  demanderoiu  à  l'auteur^  s'il  a  occasion  de  cher  ce  nom   à    Tavenir,   de  le 
débanasser  de  cet  accent  circonflexe  dont  il  ne  manque  jamais  de  r^lfubler 


AUBKRTIN,  Histoire  de  la  linératun  française  au  moyen-âge      461 
ment^  le  nom  du  •  Cterc  devenu  Trouvère  t  au  dit  du  Département  des  livres, 

—  P,  i6é.  La  note  sur  b  symphonu  et  la  mile  est  absolument  erronée,  La 
sympboruc  est  bien  postérieure  â  la  vielle;  celle-ci  était  un  violon,  cetIc-U  pro- 
bablement répondait  à  ce  que  nous  appelons  meik  aujourd'hui.  —  P.  168.  Une 
citation  qui  vient^  je  croîs^  de  Chariot  te  /i/i/est  attribuée  âBerfr  ans  gratis  pics* 

—  P.  172.  En  parlant  de  b  prétention  des  chansons  de  geste  i  être  histori- 
ques«  M.  A.  dit  :  «  Voilà  un  trait  bien  français,  etc.  >  Mais  il  est  commun  à 
toutes  les  épopées.  —  L'analyse  de  la  Chanson  de  Roland  contient  plusieurs 
inexactitudes  :  il  n*est  pas  dit  (p.  270  que  Marsile  n'eût  que  20,000  hommes, 
mais  que  20,000  hommes  l'entouraient  dans  son  verger;  c^est  sous  un  pin  et 
non  sous  un  if  que  Marsîte  reçoit  Ganelon  (p.  177);  en  revanche,  Olivier  pour 
voir  venir  les  païens  monte  sur  un  put  (émînence)  et  non  sur  un  pin  (p,  179)  : 
cette  dernière  faute,  ainsi  que  les  citations,  montre,  chose  singulière  !  que  M.  A., 
qui  parle  beaucoup  des  derniers  travaux  faits  sur  le  Roland^  a  suivi  pour  son 
analyse  Tédition  et  sans  doute  la  traduction  de  Génin,  P^  1S2,  L'expression 
€oup  de  Roland,  telle  qu'elle  est  employée  là,  est  un  contre-sens.  P.  185^  il  ne 
fallait  pas  omettre  !e  miracle  renouvelé  de  celui  de  Josué  qui  est  raconté  dans  le 
poème,  surtout  quand  on  insiste  plus  loin  sur  le  peu  de  merveilleux  qui  s'y 
rencontre,  P  276^  M.  A.  dit  que  le  portrait  de  Charlemagne  du  faux  Turpin 
a  été  imité  dans  beaucoup  de  chansons  de  geste;  dans  lesquelles?  P.  177. 
Il  est  tout  à  fait  faux  de  dire  que  tuer  un  ambassadeur  «  était  selon  les  règles  et 
parfaitement  conforme  au  droit  des  gens;  »  la  preuve  s'en  trouve  même  ici, 
où  ceux  qui  entourent  Marsile  l'arrêtent  dans  son  transport  contre  Ganelon.  — 
Nous  sommes  étonnés  de  lire  (p.  187)  le  jugement  suivant:  t  Par  certains 
traits  de  simplicité  sublime,  la  Chanson  de  Roland  nous  rappelle  la  poésie 
d'Homère,  et,  par  sa  rudesse,  la  polsie  d*Enmtis.  i  Rien  ne  se  ressemble 
moins  â  coup  sCtr  :  Ennius,  savant  et  philosophe,  essaie  de  pher  la  langue  encore 
ioculte  de  Rome  à  l'imitation  de  l'art  grec;  si  on  peut  le  comparer  à  quelqu'un 
de  nos  poètes,  c'est  à  Ronsard,  et  non  i  un  auteur  de  chansons  de  geste.  Les 
conjectures  qu'émet  Tauteur,  à  b  suite  de  ce  singulier  parallèle,  sur  l'influence 
possible  d'Homère  (à  travers  le  Pindarus  Thehantis  1)  sur  notre  poésie  épique, 
sont  dénuées  de  tout  fondement.  —  Dans  Tanalyse  de  Raoul  de  Cambrai^  l'au- 
teur, généralement  exact  et  habile,  n'a  pas  assez  relevé  les  beaux  traits  qui  se 
trouvent  encore  dans  b  seconde  partie,  noyés,  il  est  vrai,  dans  un  récit  banal  et 
diffus,  —  On  voit  que  ces  chapitres,  d'ailleurs  fort  estimables,  portent  en 
majnts  endroits  les  traces  d'une  rédaction  hâtive. 

Le  reproche  général  que  nous  avons  adressé  à  M.  A.  à  propos  des  chansons 
de  geste  est  encore  bien  plus  applicable  au  chapitre  suivant,  consacré  aux  romans 
de  la  Table  Ronde.  Sur  tes  54  pages  quM  contient  plus  de  2^  sont  prises  par 
des  recherches  sur  l'origine  du  cycle  breton;  quelques-unes  sont  données  à  des 
extraits  du  Tristan  en  prose,  et  c'est  à  peu  près  tout-  Chrestien  de  Troyes  est 
i  peine  nommé  ;  ses  œuvres  ne  sont  pas  analysées  ;  l'immense  influence  que  les 
romans  français  de  ce  genre  ont  exercée  à  l'étranger  est  indiquée  en  deux  mots; 
bref^  tout  l'essentiel  du  sujet  est  omis.  Quant  à  l'introduction,  faite  à  l'aide  des 
seuls  travaux  français,  elle  n'a  pas  réussi  à  édaircir  les  points  obscun  de  ce 
(ujet  encore  si  difficile  ni  même  à  concilier  les  vues  contradictoires  des  savants 


462  COMPTES-RENDUS 

qui  ont  servi  de  guides  â  Tauleur;  et  ie  lecteur,  croyons-nous,  donnerait  bîen 
volontiers  ces  pages  remplies  d' une  érudition  assez  confuse  pour  une  connaissance 
plus  précise  du  su|et,  du  caractère,  de  la  date  et  de  rhistoire  de  ces  grands 
romans  de  la  Table-Ronde,  en  vers  et  en  prose,  dont  il  a  tant  entendu  parler, 
—  Où  M.  A.  a-t-il  vu  que  les  héros  bretons  joignaient  â  une  galanterie  raffinée 
<  un  culte  exalté  pour  la  vierge  Marie  (p,  204)  »  ?  ^  D*où  lui  viennent  ses 
renseignements  sur  le  vers  celtique  de  huit  syllabes  (p.  208)?  —  Pourquoi  écrit- 
il  Marc'fi  et  non  Marc  le  nom  de  l'époux  d'Iseut,  comme  s'il  avait  sous  tes  yeux 
un  texte  breton  ? 

Le  chapitre  V,  intitulé  «  Le  cycle  de  l'antiquité  —  Fin  de  la  poésie  épique 
du  moyen-âge  »,  se  divise  en  deux  parties  qui  n'ont  entre  elles  aucun  rapport. 
La  première  ne  donne  pas  lieu  à  beaucoup  de  remarques  générales;  ici  encore 
cependant  on  peut  trouver  que  Fauteur  s'étend  trop  sur  des  origines  qui  n^ont 
pas  grand  intérêt  (voy,  notamment  p.  246  toutes  les  ciutions  qui  établissent 
qu'on  admirait  Homère  au  moyen-âge,  pour  arriver  à  conclure  qu'on  ne  le  con- 
naissait pas)^  et  passe  rapidement  sur  te  vrai  sujet.  La  distinction  et  les  rapports 
du  monde  des  clercs  et  du  monde  des  laïques,  qui  ne  sont  nulle  part  bien  exposés 
dans  le  livre  de  M.  A.,  devaient  être  étudiés  ici,  et  cette  étude  aurait  plusappris 
au  lecteur  que  les  extraits  surabondants  de  travaux  spéciaux  qu'a  donnés  Tau- 
leur  Ses  jugements  sont  d'ailleurs,  comme  d'habitude,  â  la  fois  précis  et  justes  ; 
nous  citerons  les  excellentes  remarques  que  voici  (p.  251)  :  «  Ce  qui  manque 
aux  hommes  de  ce  temps-là,  ce  n'est  pas  la  connaissance,  c'est  Tinlelligence  de 
rantiquîté.  Ils  ont  en  main  les  textes;  ils  n'ont  pas  le  sentiment  de  la  valeur  des 
chefs-d'oeuvre.  Deux  choses  se  dérobent  aux  lecteurs^  aux  imitateurs  des  nobles 

poèmes  antiques  et  leur  échappent  absolument  :  l'ime  et  le  génie  du  poète 

Si  Homère  eût  été  connu,  on  ne  l'aurait  ni  mieux  apprécié  ni  plus  habilement 
imité  que  Virgile.  »  Cependant  M.  A.  se  laisse  aller  contre  les  auteurs  de  poèmes 
imités  de  l'antique  à  des  sévérités  excessives  :  nous  doutons  qu'il  ait  lu  Benoit 
de  Sainte-More  d'un  bout  à  l'autre  avant  de  le  traiter  avec  le  mépris  fort  injuste 
qu*il  déverse  sur  lui  (p.  249]  ;  en  tout  cas  il  ne  s'est  pas  rendu  compte  de  la 
grande  influence  qu'il  a  exercée  et  par  conséquent  de  sa  place  importante  dans 
l'histoire  littéraire.  Qu^il  taxe  de  subtilités  puériles  les  enfantillages  amoureux 
de  l'Eiîcjj,  tant  admirés  des  Allemands  dans  la  traduction  de  Veldcke,  nous  y 
consentons;  mais  pourquoi  traiter  de  *  jargon  barbare  »  la  langue  excellente 
dans  laquelle  ils  sont  écrits  ?  ce  sont  là  encore  des  restes  du  vieil  homme«  —  La 
seconde  partie  du  chapitre  eU  une  sorte  de  capharnaîjm  où  l'auteur  a  entassé 
pêle-mêle  une  notice  aussi  insuffisante  qu*inexacte  sur  les  romans  d'aventure  (qui 
auraient  dû  avoir  une  place  à  part^  et  une  place  respectable),  quelques  indica- 
tions sur  la  décadence  des  chansons  de  geste,  et  une  histoire  sommaire  (encore 
trop  longue  proportionnellement)  des  études  sur  la  poésie  épique.  Tout  cda  est 
mal  digéré  et  visiblement  écrit  avec  peu  de  goût.  —  Ce  chapitre  se  fait  remar- 
quer par  le  nombre  de  fautes  de  détail  qu'on  peut  y  relever  :  nous  sommes  loifi 
de  les  signaler  toutes.  P.  240.  L'histoire  semblable  â  celle  d'Ulysse  chez 
Polyphème,  dans  k  Doh pathos^  ne  vient  certainement  pas  d'Homère;  M,  A, 
aurait  pu  le  noter  dans  la  Romanis,  —  P.  24$  la  Batailk  des  Stpl  Arts  est 
attribuée  â  Rutebeuf.  —  P.  248  &s,  les  portraits  des  héros,  dans  Benoit,  sont 


AUBERTiN,  Histoire  de  la  littérature  française  au  moyen-âge       4a  ) 

préseotès  comme  son  inventioa  personnelle.  C'est  là  qu'un  peu  d'érudition  aurait 
été  à  sa  place;  M,  A,  les  aurait  retrouvés  dans  Darès  s'il  avait  pris  ta  peine  de 
les  y  chercher;  il  aurait  vu  notamment  que  c'est  Darès  qui  a  fait  Hector  louche 
et  non  pas  •  borgne  •,  car  Benoit,  cité  par  M.  A.,  dit  :  D'ânsdous  la  idi  hirnts 
atoit;  boirnc  veut  dirt  louche^  h  latin  a  strabum*  —  Où  M.  A.  a-t-il  trouvé 
(p.  2^4)  que  Gautier  de  Châlillon  fut  chanoine  de  Tournai?  —  P*  267.  L'auteur 
semble  savoir  très-vaguement  ce  que  veut  dire  incunabU. —  Ce  qui  est  dit  sur  les 
romans  d'aventures  (p.  264  ss,|  est  par  trop  inexact  :  Amadas  est  présenté 
comme  inédit;  Tauteur  ne  sait  pas  que  Philippe  de  Reim  doit  être  appelé  Phi- 
lippe de  Rerai  et  n'est  autre  que  Philippe  de  Beaumanoir;  il  ne  cite  de  ses 
romans  que  la  Manekine^  mais  en  revanche  il  lui  attribue  Btancandin^  qu'il  paraît 
croire  inédit,  ainsi  c[u*EracU  ;  il  ne  connaît  de  Fhin  cl  Bknchefior  que  Tédilion 
allemande,  analyse  de  travers  Gmiimmc  de  PaUrme,  etc.  Encore  une  fois,  ce 
chapitre,  mal  ordonné  comme  plan,  est  exécuté  avec  une  négligence  que  nous 
devons  signaler  pour  qu'elle  ne  subsiste  pas. 

Le  chapitre  VI  a  pour  sujet  La  poésie  lyri^at  du  Midi.  A  notre  avis  il 
constitue  un  hors  d  œuvre,  et  nous  ne  l'examinerons  pas  en  détail.  L'auteur 
reconnaît  (p.  j22)  que  le  plan  de  son  ouvrage  lui  f  interdit  absolument  t  de 
traiter  l'histoire  de  la  littérature  provençale;  mais  il  ajoute  :  «  Notre  tdche  se 
borne  à  un  seul  chapitre  de  cet  ample  sujet....»  l'histoire  du  développement  de 
la  poésie  lyrique  des  troubadours.  »  Pourquoi  ce  chapitre  rentrait-il  plus  que 
le  reste  dans  le  plan  de  M.  Aubertin  ?  Il  ne  nous  le  dit  pas  ;  mais  c'est  sans  doute 
à  cause  de  Tinfluence  qu'on  a  attribuée  à  la  lyrique  provençale  sur  la  lyrique 
française.  Cette  raison  ne  justifiait  pas  un  chapitre  à  part  consacré  à  ta  première: 
il  fallait  fondre  dans  l'étude  sur  les  poètes  lyriques  de  la  langue  d'oïl  les  rensei- 
gnements nécessaires  sur  leurs  prédécesseurs  de  la  tangue  d*oc.  D'ailleurs  ce 
motif  devait  influencer  M.  A.  moins  que  tout  autre,  puisque  dans  son  ch,  Vî, 
La  poésie  lyrique  des  trouvlres^  il  s'efforce  de  diminuer  autant  que  possible  la  part 
d'influence  reconnue  jusqu'à  lui  aux  troubadours.  C*est  peut-être  la  le  seul  point, 
dans  le  livre  de  M.  A,^  sur  lequel  il  se  soit  fait  une  opinion  personnelle  et  ta 
soutienne  contre  les  maîtres  dont  il  suit  d'ordinaire  l'avis.  Ses  arguments  sont 
malheureusement  trop  généraux  pour  provoquer  une  discussion  féconde;  mais  il 
a  le  mérite  de  poser  une  question  qui  n'a  jamais  été  résolue  définitivement,  et 
qui  offrirait  à  quelque  jeune  travailleur  un  beau  champ  d'études  :  celle  des  rap- 
ports de  la  poésie  lyrique  des  trouvères  et  des  troubadours.  ^  Ce  chapitre  VI 
est  d'ailleurs  intéressant  et  bien  fait,  quoiqu'un  peu  superficiel  comme  toupurs ; 
('auteur  a  compris  l'importance  de  la  forme  et  du  rhythme  dans  Tétude  de  cette 
poésie  SI  sévèrement  réglée,  mais  il  n'a  pas  su  en  pénétrer  les  lois»  ce  qui 
d^ailleurs  eût  été  une  découverte  qu  on  ne  pouvait  s'attendre  à  trouver  dans 
un  ouvrage  comme  le  sien.  Résumé  habite  et  intelligent  de  la  notice  sur  les 
Chansonniers  de  VHsstotre  littéraire  et  de  quelques  autres  écrits,  le  chapitre  de 
M,  A.  pèche  souvent  par  omission,  rarement  par  commission.  Nous  n'avons 
que  peu  de  détails  â  signaler.  P.  J48.  Le  chiffre  de  «  quinze  romances  1  n'a 
pas  de  raison  d'être.  —  P,  560.  D'après  M,  A.,  le  Salut  d'amour  de  Ph.  de 
Beaumanoir  est  inédit  ;  on  voit  encore  ici  que  l'auteur  ne  connaît  pas  te  livre 
de  M.  Bordier  sur  Philippe  de  Beaumanoir,  sieur  de  Rémi,  où  le  Salut  est  publié 


464  COMPTES-RENDUS 

en  entier,  —  P,  565.  Le  châtelain  de  Coucy  n'était  pas  sûrement  sirt  deCoucy, 
et  P.  Meyer  a  démontré  qu'il  ^'appelait  Renaut. 

Nous  arrivons  avec  le  deuxième  \mt^  consacré  au  théâtre,  i  ta  pariiela  plus 
étudiée,  la  mieux  digérée  et  la  meilleure  du  volume  de  M.  Aubertin.Cent  pa^ 
sont  consacrées  au  théâtre  sérieux,  c'est-à-dire  à  peu  près  exclusivement  aw 
mystères,  cent  au  théâtre  comique.  L*auteur  se  montre  partout  au  courant  d«s 
derniers  travaux  faits  sur  ces  sujets  :  il  les  résume  avec  clarté,  en  tire  ce  qu'ils 
ont  de  plus  intéressant  pour  le  public,  et  porte  sur  les  oeuvres  qu'il  étudie  un 
jugement  indépendant  et  presque  toujours  remarquablement  juste.  On  peut  bteo 
lui  reprocher  encore,  pour  parler  d'abord  des  quatre  premiers  chapitres^  d'avoir 
emprunté  à  ses  sources  (qui  sont  ici  les  ouvrages  de  Magnin  et  Du  Méril)  une 
érudition  au  moins  inutile.  Est-il  bien  raisonnable,  dans  un  ouvrage  comme  le 
sien,  d'écrire  tout  un  chapitre  sur  le  théâtre  antique,  pour  nous  démontrer 
qu'il  ne  contient  en  aucune  façon  (p.  573)  le  germe  du  drame  du  moyen4ge? 
Est-il  utile  de  reproduire  de  vains  rapprochements  entre  les  mystères  futurs 
et  les  chants  funèbres  des  temps  mérovîûgiens  (p.  582)  ?  Est*il  admissible  surtout 
de  nous  énumérer  une  fastidieuse  série  de  fabrication  de  lettrés  byzantins^  d'une 
forme  plus  ou  moins  dramatique,  qui  n'ont  rien  à  faire  avec  le  théâtre  en  France 
fp,  380)  ?  L'auteur  entre  réellement  dans  son  sujet  au  chapitre  II,  où,  suivant 
les  recherches  de  MM.  Sepel  et  Gautier,  il  arrive  à  tracer  un  tableau  eiact  cl 
intéressant  des  origines  liturgiques  des  mystères.  Comment^  quand^  où  ces 
mystères  en  lalin^j  représentés  dans  les  églises  et  faisant  partie  du  culte,  sont-ils 
devenus  des  drames  français  joués  sur  les  places  par  des  laïques,  c'est  ce  que  la 
science  n'a  pas  encore  pu  nettement  établir.  M.  A.,  après  avoir  annoncé  avec 
un  peu  trop  d'assurance  (p.  42  p^  comme  il  lui  arrive  parfois,  qu'il  va  t  élucider 
ce  point  obscur,  »  ne  l'éclaircit  pas  plus  que  ses  devanciers  Jl  n'a  pas  vu  qu'entre 
le  théâtre  des  XII"  et  XIH*  siècles  et  celui  du  XV*  il  y  a  des  différences  radi- 
cales^ qui  n'ont  pas  encore  permis  de  rattacher  historiquement  Tun  à  Tautre. 
Son  jugement  sur  les  grands  mystères  de  la  dernière  époque  est  d'une  extrême 
sévérité  :  nous  ne  protesterons  pas  vivement  contre  cette  appréciation,  mais  il 
faut  avouer  que  si  elle  est  fondée  on  ne  s'explique  pas  bien  l'espace  considé- 
rable que  l'auteur  a  accordé  à  cette  litlérattire  dramatique  dans  son  livre,  où  il 
a  fait  à  l'épopée  une  place  si  étroite.  —  P.  399,  à  propos  du  drame  à' Adam ^ 
qui  est  du  Xl!«  siècle,  nous  lisons  celte  phrase  extraordinaire  :  1  Quel  est  l'au- 
teur à' Adam  ?  On  l'ignore.  Sous  Henri  VI  d'Angleterre  {ûc),  un  moine  anglais 
avait  pris  le  titre  de  âocttur  h  mjstlm  liturgKjues  (!),  mais  rien  ne  prouve 
qu^Adam  soit  de  lui.  »  Dans  quel  vieux  bouquin  M.  A,  a  t-il  pris  celte  note? 

—  P.  430,  fauteur,  après  avoir  parlé  des  quarante  Mirada  dt  Notre-Damt 
<dont  la  SocUU  des  ûncuns  textes  a  commencé  la  publication),  ajoute  :  <  Nous 
avons  encore,  du  même  temps,  un  mystère  de  la  Natmtê,  un  mystère  de  Julien  et 
Lihanias...  1»  Mais  ils  font  partie  de  ce  recueil  de  quarante  mystères.  —  M.  p., 
M.  A.  croit  avec  M.  de  la  Villemarqué  que  le  Mystère  de  Jésus  est  une  traduction 
d'un  mystère  français  plus  ancien  que  h  Passion  de  Greban  ;  il  n*a  pas  lu  l'article 
où  P,  Meyer  a  démontré  que  le  drame  breton  était  fait  sur  celui  de  Jean  Michel. 

—  P.  4JJ.  L'auteur  cite  à  propos  du  nom  des  mystères  des  passages  latins  mal 
choisis,  car  dans  la  plupart  mystenum  n'est  qu'une  mauvaise  traduction  du  fran- 


4 


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AUBERTiN,  Histoire  de  la  littérature  française  au  moyen-âge  465 
çais  m«lifr,  qui  vienl  de  ministeriam.  Le  mot  mystlres^u  sens  dramatique  remonte 
au  contraire  au  latin  mysurium  au  sens  ihéologiquc.  —  P.  4 H  ss.  L'auteur 
droet  qu'il  y  avait  pour  la  représentation  des  mystères  un  système  de  hettx 
K  ta  posés  et  un  autre  d'étages  superposés  ;  il  regarde  même  ce  dernier  comme 
us  habituel  et  c'est  celui  qu'il  décrit.  Mais  il  n'a  jamais  existé  que  dans  Tima- 
nation  des  écrivains  modernes^  comme  M.  Paulin  Pans  Ta  démontre  il  y  a 
longtemps.  —  P.  4^6.  La  comparaison  entre  Bodel  et  Rutebeuf  comme  auteurs 
amatiques  n'est  pas  juste.  Le  langage  de  Bodei  nVst  pas  •  rude  et  grossier,  t 
;  it  est  inouï  de  dire  que  son  Jeu  de  saint  Nicolas  ■  ne  nous  offre  ^ue  des  scènes 
;  taverne,  t  etc.  Les  scènes  de  ce  genre  y  tiennent,  il  est  vrai,  trop  de  place, 
mais  cette  œuvre  si  originale,  qui  méritait  une  étude  à  part^  contient  quelques- 
uns  des  passages  les  plus  héroïques  de  toute  la  littérature  dramatique  du  moyen- 
Ige.  —  P.  4^7  ss.  Revenant  aux  MiracUs  de  Nostrt  Dame,  M  A.  commet 
plusieurs  inexactitudes.  Après  avoir  dit  qu'ils  sont  du  XI V«  siècle,  il  ajoute  fort 
bizarrement  :  «  Avons-nous  quelque  mystère  authentique  du  X1V«  siècle?  Nous 
n'en  possédons  aucun  qui  soit  certainement  de  cette  époque,  p  [1  dit  que  ces 
Miracles  sont  écrits  en  i  petits  vers  irrégutiers  *;  il  doute  qu*ik  aient  été 
représentés:  tl  trouve  que  Tun  d'eux  est  surtout  ■  caractéristique  par  les 
extravagances  â* invention  dont  il  est  plein,  1  ne  sachant  pas  que  ce  miracle 
comme  les  autres  ne  tait  que  mettre  en  scène  une  légende  fort  répandue.  — 
Quelques  erreurs  sur  les  Greban  ^p,  464)  seront  facilement  rectifiées  quand 
aura  été  publiée  l'édition  du  mystère  de  la  Passion  qui  va  enfin  paraître  à  peu 
près  en  même  temps  que  cet  article. 

Les  trois  derniers  chapitres  sont  consacrés  au  théâtre  comique.  Les  prolégo> 
mènes  sont  encore  ici  un  peu  trop  étendus^  outre  que  Thistoire  des  comédies  et 
des  divertissements  analogues  chez  les  Romains  pourrait  être  plus  exacte  et  plus 
complète  :  l'auteur  n'a  pas  tait  usage  du  livre  si  précieux  d'E.  du  Méril.  En 
fèalitéj  il  n'y  a  aucun  !ien  saisissable  entre  les  bouffons  romains  et  notre  théâtre 
comique;  les  digressions  sur  la  fête  des  fous,  etc.,  sont  assez  inutiles  ou  du  moins 
tiennent  trop  de  place,  car  ces  sujets  appartiennent  â  l'histoire  sociale  bien  plus 
i}u'â  l'histoire  littéraire.  Cest  surtout  le  XV«  siècle,  comme  de  juste,  qui  fait  le 
sujet  de  l'exposition  de  M.  A.;  cependant  il  s'est  occupé  des  rares  productions 
intérieures  :  il  a  malheureusement  ignoré  l'une  des  plus  intéressantes,  la  farce 
du  Garçon  et  de  l'AvtugU^  publiée  par  P.  Meyer  dans  le  Jâhrbuch  fur  romanische 
Làlerâtur.  Son  tableau  du  théâtre  comique  du  XV'  siècle  est  bien  disposé  et  bien 
exécuté;  ses  jugements  sont,  comme  d'ordinaire,  réfléchis  et  raisonnables.  Cette 
fitrtie  de  son  livre  est  une  de  celles  qui  instruiront  et  intéresseront  le  plus  tes 
lecteurs  auxquels  il  s'adresse.  Nous  n'y  avons  relevé  que  quelques  inadvertances. 
—  P.  483.  On  sait  que  la  prétendue  tessbe  pour  la  représentation  de  la  Casmû 
est  fausse.  —  P.  484.  M.  A,  ne  connaît  pas  la  nouvelle  édition  du  Qatrotus^ 
qu'il  appelle  d'ailleurs  fort  inexactement  une  imitation  de  [Aalularui,  — P.  488, 
téanisme  pour  dtre  4  emploi  de  vers  léonins  t  est  un  mot  aussi  barbare  qu'inu- 
tile. —  P.  490  ss.  on  lit  une  dissertation  sur  Hrolsuit  (M.  A.  dit  Hroswitha) 
cl  ses  œuvres  ;  quand  donc  ces  comédies  latines  d'une  nonne  allemande  dispa- 
ratlront-elles  de  nos  histoires  de  ia  littérature  française?  —  P.  ^oj  M*  A.  fait 
d'Adam  de  la  Haie  un  *  moine  défroqué  »  ;  il  n'aurait  pu  se  marier  :  il  était 
Romama^  VI  )0 


466  COMPTES-RENDUS 

simplement  clac,  ce  qui  n'est  pas  la  même  chose;  ajoutons  qu'il  appréne  ass£z 
justement  le  Jeu  de  la  FeuiiUe,  mais  on  regrette  qu'il  n'ait  pas  reproduit  les 
lignes  charmantes  que  M.  Renan  a  écrites  sur  ce  bizarre  petit  chef-d*œijvr«.  — 
P.  5 10*1 5.  Sur  la  bazoche,  son  origine  et  son  rôle,  sur  Tétymologie  et  la  portée 
première  de  la  farce,  il  y  aurait  bien  des  réserves  à  faire;  mais  M.  A,  rÉ^ume 
les  opinions  généralement  admises.  —  P,  j2o  (et  encore  p.  $27  et  546)  M.  A. 
attribue  à  Villon  les  Repues  franches  ;  c'est  une  singulière  distraction.  —  P.  (21, 
TauLeur  dit  que  le  recueil  de  farces  trouvé  en  184s  en  Allemagne  passa  en 
Angleterre  t  et  de  lâ  revint  â  Paris  t.  11  est  malheureusement  encore  au  British 
Muséum.  —  P.  542  on  lit  que  i  (e  manuscrit  w  de  Paulin  «  n'existe  plus*  » 
Que  veut  dire  celte  expression?  il  existe  des  manuscrits  de  Patelin,  quant  à 
raulographe,  ce  n'est  pas  merveilfe  que  nous  ne  Tayons  pas,  — P.  548  ennote^ 
sur  Anselme  (c'est-à-dire  Gaucelm)  Faidit  et  sb  prétendue  comédie  de  l'Hérhie 
des  Pères  (sic),  M.  A.  a  répété  les  inventions  de  Nostradamus^  qu'il  apprécie 
ailleurs  comme  elles  le  méritent. 

Nos  critiques  auront  sûrement  montré  à  M,  Auberlin  le  cas  que  nous  faisons 
de  son  livre  et  Tinlerêl  que  nous  prenons  à  son  succès.  Il  retrace  ainsi  lut-mèmc, 
en  terminant  le  premier  volume,  le  cadre  du  second  :  0  II  nous  reste,  dit-il,  à 
étudier  le  genre  satirique,  qui  a  tenu  dans  la  littérature  du  moyen  âge  une  si 
large  place^  puis  les  variétés  du  genre  didactique.  Nous  aurons  enfin  à  conclure» 
à  rechercher  et  à  faire  voir  les  causes  nombreuses  qui  ont  arrêté  cet  essor  de 
génie,  qui  ont  fait  périr  dans  sa  fleur  celle  poésie  pleine  de  promesses;  c'est  ce 
que  nous  examinerons  en  letant  un  regard  sur  les  derniers  poètes,  Charly  d'Or- 
léans^ Villon  et  leurs  contemporains^  en  passant  en  revue  l'époque  pédantesque 
des  €  grands  rhétorîcqueurs  1  qui  prélude  gauchement  à  l'œuvre  de  la  Renais- 
sance, sans  avoir  Tenibousiasme  et  le  talent  de  la  Pléiade.  Ces  derniers  chapitres 
sur  la  poésie,  joints  à  l'histoire  complète  des  genres  en  prose,  formeront  notre 
second  volume.  »  Nous  engageons  vivement  l'auteur,  soit  à  propos  des  romans 
en  prose,  soit  à  propos  des  fableaux,  et  surtout  des  lais,  qui  sont  de  véritables 
petits  romans  d'aventure,  à  revenir  sur  cette  classe  de  narrations  poétiques,  qu'il 
a  beaucoup  trop  négligée,  et  qui  mérite  une  place  à  part  tant  par  sa  valeur 
littéraire  que  par  son  importance  pour  l'histoire  de  la  vie  sociale.  Si,  comme 
on  est  fondé  â  l'espérer,  le  second  volume  de  M.  Auberlin  répond  au  premier 
par  l'exactitude  habituelle  des  informations^  la  justesse  générale  des  vues, 
l'excellente  exposition^  fa  qualité  du  style^  il  aura  fait  un  ouvrage  vraiment  naé- 
riloire  et  digne  de  toutes  les  recommandations  de  la  critique.  Le  succès  ne 
pourra  lui  manquer ,  et  lui  permettra  bienlÂt  de  se  rendre  de  plus  en  plus  digne 
de  continuer  à  l'obtenir  *. 

G.  P. 


î .  Lès  faute*  d'impression  sont  malheureusement  très-nombreuse  dans  le  livre  de 
M.  A.  En  voici  une  petite  liste,  qui  t%î  certainement  bien  loin  d'èire  complète  P.  7  vdt&- 
nica  P.  11  et  18  Namanliûnuï  pour  Namatienus,  P-  41  et  ailleurs  FrancA  pour  Franc 
ou  Frank.  P,  60  iager  p.  juger.  P*  78  acuttu  p.  ucuîut,  p.  gj  X"  siicU  p.  Xi'.  P.  91 
Xif  siècle  p.  XtX',  Ib,  Chevalet.  P.  99  quum  p.  quam.  P,  114  Panier,  P*  140  et  au- 
teurs Tûilièftrt,  P*  199  Boâa  p.  BodeL  P.  17  j  vautours  j).  autours,  P,  i$6  Votfram, 
P.  17 j  Tyrrhiwî.  P.  181  Eberfetd,  P,  509  Corbtan  p.  Corbiac.  P.  }tj  du  pleurs  amlres, 
P.  ||6  Bonnor  p.  Bonnet  (ceci  est  pis  qu'une  faute  d'impression).   P.  \^\  M.  Baret  est 


Etude  hlstorlcpie  et  littéraire  sur  Touvrage  latin  intitulé  Tle 
de  Saint  Guillaume,  par  Ch.  Revillout,  In-4%  $2  p.  Extrait  des 
PubljcalJuns  de  la  Société  archcologique  de  Montpellier^  n'*  3)-)6.  Paris, 
Dumoulin  et  Dtdron^  1876. 

On  s'est  beaucoup  occupé,  d'abord  au  point  de  vue  historique,  puis  au  point 
de  vue  de  l^hisloire  littéraire,  de  la    Vita  GuHktmi  Gdhmmis^  écrite  par  un 
moine  du  couvent  de  Gellone  ou  S.  Guilhem  le  Désert.  On  sait  que  le  duc  de 
Toulouse  Guillaume^  l'un  des  plus  illustres  lieutenants  deCharlemagne,  se  retira 
en  S06  dans  le  vallon  désert  Geltone,  où  il  avait  peu  auparavant  établi  une  petite 
communauté  religieuse^  et  mérita  par  ses  vertus  monasliqueS;  continuées  pendant 
six  ans.  de  recevoir  le  titre  de  saint.  Ce  personnage  n'est  pas  seulement  intéressant 
en  lui'n:ème^  mais  en  ce  qu'on  a  reconnu  en  lui  le  héros  d'une  série  de  chan- 
sons de  geste  où  on  célèbre  les  exploits  de  Guillaume  à! Orange^  ou  fkkrtbract  (et 
non  Fufûbracc  comme  dit  M.  Réviîlout)  ou  aucoarî  mz.  Cette  îdenlificatton  esl- 
clle  juste?  Il  faut  distinguer.  La  critique  a  mis  hors  de  doute  la  fusion  en  un 
seul  héros  de  plusieurs  personnages  parfaitement  indépendants^  et  différents  de 
temps  et  de  lieu  :  ainsi  je  crois  avoir   établi  ici  que  Fun   de  ces  personnages  a 
été  Guillaume,  comte  de  Montreuil-sur-Mer  au  X«  siècle'.  L'un  des  principaux 
parmi  les  autres  est-il  Guillaume  de  Toulouse?  Personne  n'en  a  douté  jusqu*à 
présent,  d'autant  plus  que  la    Vita  GmiUlmi  contient  un  passage,  visiblement 
emprunté  à  la  poésie  populaire,  où  Guillaume,  comme  dans  nos  chansons,  enlève 
Orange  au  sarrazin  Thibaut;  et  réciproquement  Tune  des  rédactions  du  Monxagt 
Cuilhame  —  car  le  Guillaume  des  chansons  se  fait  moine  comme   le  Guillaume 
de  Toulouse  historique  —  parle  expressément  de  Gellone^  d'Aniane  ou  des 
déseru  de  Montpellier  comme  du  lieu  ou   finit  son  héros.   lï  y  a  donc  renvoi 
fortnel  de  Tun  des  personnages  à  l'autre.  M.  R.  oppose  à  ces  rapprochements 
un  scepticisme  peut-être  excessif.  Le  passage  de  la    Vitâ  prouve  simplement, 
dit-il,  que  les  moines  de  Gellone  ont  rattaché  i  leur  patron  ce  qu'ils  entendaient 
chanter  sur  Guillaume  d'Orange  ;   le  passage  du  Montage  prouve  que  l'auteur 
de  cette  rédaction  a  été  influencé  par  la   Vua,  Il  accorde  cependant  qu'entre 
Guillaume  d'Orange  et  Guillaume  de  Toulouse  il  y  a  quelques  points  de  contact 
réels  :  t  Trois  liens,  dont  on  ne  saurait  dissimuler  ta  force,  rallachcnl  le  Guîl- 
'  laumc  de  la  poésie  à  celui  de  l'histoire.  Le  premier  est  fourni  par  les  combats 
Fiutour  de  Narbonne  qui  remplissent  les  Enfances  du  fils  d'Aimcri,  et  semblent 
un  souvenir  altéré  de  h  grande  bataille  livrée  sur  les  bords  de  l'Orbieu,  Le 
second,  c'est  le  fait,  commun  aux  deux  Guillaume,  d'une  retraite  dans  un 
monastère.....  Mais  le  troisième  et  sans  contredit  le  plus  fort  de  ces  liens,  c'est 
le  nom  de  Guibourc,  commun  à  la  femme  du  Guillaume   des  poèmes  et  à  Tune 
des  épouses  de  Guillaume  de  Toulouse  (p.  6).   •  Si  ces  tiens  sont  solides,  les 
divergences  entre  les  deux  personnages,  pour  le  reste,  importent  peu,  parce  que, 
comme  nous  Tavons  dit,  le  Guillaume  des  poèmes  est  formé  de  plusieurs  Guil- 


'  appelé  Barrtl,  p.  ho  et  h>  BarrL  P.  liZ  U  troisième  p.  le  quatrième,  P.  471  16)9  p. 
Iin9'  1-a  plupart  des  passages  en  vieux  françaii  rcprodmti  textuellement  comienneni  des 
l^utet. 

I.  Romantij  \^  177-189. 


à 


468  COMPTES-RENDUS 

bume,  ce  que  M.  R.  oublie  trop.  La  large  part  qu'a  eue  Guitlaume  de  Tou- 
louse à  la  formation  du  Guillaume  épique  me  paraît  incontestable,  et  je  mon* 
trerai  ailleurs  que  les  poèmes  en  contiennent  d'autres  preuves  encore  que  cd)& 
que  donne  M.  Révîtlout,  et  dont  la  première  au  moins  est  très-faîble.  Les 
Enfances  GutUaamc  sont  de  pure  învenlbn;  si  le  héros  combat  tesSarrazins  auprès 
de  N^rbonne,  c'est  parce  qu^unc  fiction  relativement  récente  en  avait  fait  te  61$ 
d*Aimeri  de  Narbonne:  îe  souvenir  de  la  grande  bataille  livrée  sur  les  bords 
de  t'Ûrbteu  se  retrouverait  plus  naturellement  et  a  été  cherché  jusqu'ici  dans 
les  poèmes  sur  la  bataille  d'Aliscans.  Qu'il  nous  suffise  pour  le  mûment  d^iffir- 
mer  la  participation  de  Guillaume  de  Toulouse  â  la  constitution  du  Guillaume 
épique  :  on  comprend  dès  lors  l'intérêt  qui  s'attache  à  Tétude  critiquedesdocu* 
ments  relatifs  â  sa  vie. 

L'un  de  ces  documents  est  la  charte  de  fondation  de  Gellone,  précieuse 
surtout  parce  que  certains  personnages  que  célèbrent  les  chansons  de 
geste  y  sont  également  mentionnés.  Mais  ce  qui  arrête  dès  les  premiers  pas^ 
c'est  qu*il  existe  de  celle  charte  deux  rédactions,  prétendant  toutes  les  detix 
être  authentiques,  et  sensiblement  différentes.  L'une  de  ces  chartes  fait  de 
Gellone  une  simple  cellû^  soumise  dans  les  termes  tes  plus  exprès  à  l'autorité 
du  monastère  voisin  d'Aniane  ;  l'autre  ne  dit  pas  un  mot  d'Aniane  et  crée  à 
Gellone  un  monastère  absolument  indépendant.  Cette  question  de  la  dépendance 
de  Gellone  fut  très-discutée  entre  les  deux  couvents  aux  XI*  et  Xll*  siècles  ;  ce 
fut  â  cette  époque  que  chacun  dVux  produisit  son  titre  :  évidemment  Tun  des 
deux  est  faux,  mais  lequel?  M.  Thomassy^  il  y  a  une  quarantaine  d'années, 
écrivit  dans  la  B\bi\othïqm  de  VÊcok  des  chartes  (II,  177  ss.)  une  dissertation 
spéciale  sur  ce  sujet,  et  conclut  en  déclarant  seule  authentique  la  charte  qui 
ne  fart  pas  mention  d'Aniane  ;  M,  Gautier  dit  (Ep,  fr.  111,  61)  qu'il  se  range  â 
son  avis,  «  qu'il  a  voulu  approfondir  »,  Pour  moi,  je  suis  arrivé  depuis  long- 
temps à  une  conclusion  absolument  opposée*,  et  je  songeais  à  publier  un  mémoire 
sur  ce  sujet,  quand  fappns  que  M>  R.  préparait  un  travail  dans  la  même  vue. 
Il  était  mieux  que  moi  préparé  il  Fcnlreprendre,  et  je  !e  lui  abandonnai  volon- 
tiers. Ce  travail,  le  savant  professeur  de  Montpellier  ne  te  publie  pas  encore 
cette  fois-cr^  mais  il  nous  en  donne  un  avant-goût  et  un  résumé  suffisant.  Il  a 
eu  la  bonne  fortune  de  retrouver  les  originaux  des  deux  chartes,  que  personne 
n'avait  vus,  et  il  veut  en  publier  une  reproduction  photographique.  En  atten- 
dant, il  les  împnme  en  regard  Tun  de  l'autre,  et  fait  ressortir  les  différences 
qui  sont  toutes  en  faveur  de  la  charte  d'Aniane.  Ceïlc-ci  est  datée  du  r  s  dé- 
cembre (804)  ;  les  fabricatcurs  de  Gellone  ont  daté  la  leur  du  14,  seulement  ils 
ont  eu  rimprudence  d'ajouter  t  dimanche  (feria  prima)  »  ;  or  en  804  le  14  dé* 
cembre  était  un  samedi  et  non  un  dimanche  3.  ^  Le  sîyîe  de  la  charte  authen- 
tique a  toute  la  barbarie  qui  régnait  encore  au  commencement  du  fX«  siècle  ; 
celui  de  la  charte  fausse  a  la  correction  relative  du  XIl*.   Ainsi  de  parentes  meos 


j.  Les  arguments  de  M.  Thomassy  sont  si  vagues  qu'il  n'^  a  pas  i  les  réfuter  en 
forme,  et  que  M.  R.  ne  l'a  pas  fait.  Il  voit,  —  ce  qui  est  caractéristique  pour  les  progréa 
de  la  philologie,  ^  une  preuve  de  la  fausseté  de  l'acte  authentique  dans  le  fait  qu*il 
contient  beaucoup  de  passages  grammaticalement  fautifs,  qui  sont  corrects  dans  Tautre. 

i«  Une  faute  d'impression  —  i)  pour  14  —  obscurcit  i  cet  endroit  le  raisonnement  de 
M.  Revillout. 


RÉviLLOUT,  La  Vie  de  saint  Guillaume  469 

est  corrigé  en  d€  parmùbas  meis,  pro  nos  omnibus  suptnus  nominatos  en  pro  nobis 
0,  s.  nominâtiSf  annô  Jiii,  impcrio  tjus  en  anno  Sui,  imperii  ijus^  elc.  —  Quef- 
ques  points  ne  sont  pas  sans  intérêt  pour  l'histoire  de  U  légende.  La  charte 
authentique  parle  des  épouses  de  Guillaume,  •  uxores  meas  Witburgh  et  Cune- 
gunde  f  ;  Tordre  où  elles  sont  mentionnées  semble  indiquer  que  Guibourc  ini 
la  première  et  Cunegond  la  seconde  ;  le  rédacteur  de  la  charte  fausse,  sans 
doute  i  cause  de  la  grande  célébrité  de  Guibourc  dans  les  poèmes,  et  des  récits 
qui  la  présentent  comme  associée  à  la  vieillesse  de  Guillaume,  a  mterverti  l'ordre: 
•  et  uxorîbus  meis  Cunegunde  et  Guilburgi  >,  en  même  temps  qu'il  a  rapproché 
le  nom  de  Guibourc  de  la  forme  devenue  usuelle,  Il  a  fait  plus  :  il  a  intercalé 
parmi  les  parents  de  Guillaume  pour  Tâme  desquels  il  demande  des  prières  son 
ocveu  Bertrand,  son  compagnon  inséparable  dans  les  chansons  de  geste  :  «  et 
nepote  meo  Bertranno  »^  tandis  que  ce  personnage  est  absolument  inconnu  i 
Tacte  authentique. 

Le  gros  du  mémoire  de  M.  R.  est  consacré  non  pas  à  la  double  charte  de 
fondation,  mais  à  h  Vitâ^  qui  s*y  rattache  d'ailleurs  étroitement.  Il  montre  — 
et  fêtais  arrivé  absolument  aux  mêmes  conclusions  dans  un  cours  sur  le  cycle 
de  Guillaume  d'Orange  professé  il  y  a  cinq  ans  —  que  cette  biographie  monas- 
tique n'a  aucune  espèce  de  valeur  quelconque^  au  moins  pour  l'histoire,  et 
qu'elle  se  compose  de  trois  éléments  outre  îa  charte  de  fondation  :  1°  la  partie 
relative  à  la  vie  de  Guillaume  à  Gellone  dans  la  biographie  de  S.  Benoît  d'Aniane 
par  Ardon  ;  1*  quelques  traditions  du  monastère,  sans  valeur^  et  quelques  lieux 
communs  de  miracles;  5**  les  chansons  de  geste*  La  première  partie  tsï  le  pen- 
dant exact  de  la  fausse  charte  dont  je  viens  de  parler  :  le  récit  d 'Ardon,  bio- 
graphe contemporain  et  véridique,  est  audacieusement  falsifié,  sans  parler  des 
exagérations  emphatiques  sur  les  vertus  de  Guillaume,  pour  rompre  tout  lien 
entre  lui  et  S.  Benoit,  c'est-à-dire  entre  Gellone  et  Aniane.  Les  traditions  du 
cloître  se  bornent  à  peu  de  chose  :  je  regarde  volontiers  comme  authentique  ce 
qui  se  rapporte  au  chemin  construit  par  Guillaume.  Quelques  miracles,  et  le  don 
fait  i  Guillaume  par  Charlemagne  d'un  morceau  de  la  vraie  croix,  sont  sans 
doute  de  pure  invention.  Je  reparlerai  tout  à  l'heure  de  ce  qui  regarde  les  chan* 
sons  de  geste.  M,  R.  analyse  très-finement  les  procédés  de  composition  de 
l'auteur  de  la  Vitâ  ;  il  montre  que  parfois  il  a  altéré  Ardon  parce  qu'il  ne  le 
comprenait  pas;  d'autres  fois  parce  que  les  mœurs  monastiques  ayant  changé, 
il  ne  se  représentait  pas  exactement  ce  qu'était  un  monastère  du  temps  de 
S.  Benoit,  Il  fait  voir  ses  procédés  de  style,  communs  à  tous  les  auteurs  de 
son  temps,  et  s'il  se  montre  çà  et  là  un  peu  indulgent  pour  ses  intentions,  il 
n'en  met  pas  moins  à  jour  le  continuel  mensonge  où  il  se  complaît.  H  rattache 
ensuite  cette  œuvre,  atnsi  que  la  fausse  charte  de  Guillaume  et  deux  autres 
pièces  falsifiées  qu'il  publie  en  appendice  —  un  précepte  de  Louis  le  Pieux  et  le 
Tiiiamtntitm  Miofrait  (antidaté  et  altéré)  —  à  l'abbatiat  d'un  nommé  Guillaume, 
qui  fit  exécuter  en  ni2  le  Cartutaire  oh  se  trouvent  transcrits  tous  ces  actes, 
tl  est  certain  qu'il  y  a  entre  ces  diverses  pièces  un  grand  air  de  famille  :  M.  R. 
montre  que  ta  vie  de  S.  Benoit  par  Ardon,  si  bien  pillée  par  Tauteur  de  la 
VtU^  a  prêté  des  phrases  entières  au  prétendu  précepte  de  Louis  te  Pieux. 
D'autre  part,  la  charte  falsifiée  a  fourni  divers  traits  à  Kauteur  de  la  VïU,  ou 


470  COMPTES-RENDUS 

plus  vraisemblabkment  ces  deux  estimables  fabrlcitions  ont  le  même  auteur  ou 
sont  au  moins  sorties  du  même  milieu.  Voici  un  petit  trait  curieux,  parce  qu'il 
peut  servir  à  montrer  comment  se  créent  les  *  traditions  • .  Dans  sa  charte 
authentique,  Guillaume  parle  de  ses  sœurs  :  t  et  sorores  meas  Abbanc  et  Bu- 
tane. »  Os  formes  sont  des  représentations  latines  du  cas  régime  en  -dn  (devenu 
en  français  •(!//?),  propre  aux  noms  germaniques  de  femmes  de  la  déclinaison 
faible  :  des  formes  analogues  sont  employées  sans  cesse  dans  les  textes  de  cette 
époque,  et  ont  servi  à  M.  Quicherat,  comme  on  sait,  i  expliquer  les  noms 
français  comme  Bmâin^  Aitdm,  Le  nominatif  des  noms  des  deux  soeurs  de 
Guillaume  est  donc  Abha  et  Bcrta^  et  en  français  moderne  elles  doivent  s'ap- 
pder  Abbe  et  Berte.  L'auteur  de  Tacte  faux  n'a  rien  compris  à  cette  dédj- 
naison,  tombée  en  désuétude  depuis  qu'on  savait  un  peu  mieux  le  tattn  ;  il  a 
écrit  f  etsororibus  meis  Albana  (sic)  et  Bertana  »,  et  le  rédacteur  de  la  Vlta 
emploie  au  nominatif  les  formes  Albana  (ce  qui  n*est  pas  un  nom  germanique)  et 
BtrUma.  Ce  rédacteur  n'a  pas  compris^  pas  plus  que  l'auteur  de  la  charte 
fausse,  que  toutes  les  personnes  mentionnées  îct  par  Guillaume  étaient 
décédées,  et  il  a  profité  de  la  mention  de  ces  deux  sœurs  pour  inventer 
un  petit  roman,  d'après  lequel  elles  suivirent  Guillaume  i  Geltone,  s'y  construi- 
sirent une  humble  habitation  et  y  moururent  en  odeur  de  sainteté.  Cette  inven- 
tion fit  fortune  :  bien  que  les  chroniqueurs  du  couvent  n'aient  jamais  pu  dire 
où  logeaient  les  deux  sœurs,  on  montrait  leur  tombeau  au  XVI I**  siècle,  et  je 
Taj  vu  encore  dans  Téglise  de  Gellone.  L'auteur  d'un  livre  bizarre,  k  Vit  de 
Saint  Cuilhem^  par  un  solMn  montagnard  (Lodève,  1862),  raconte  avec  émotion 
«  la  légende  touchante  et  bénie  d'Albane  et  de  Bertaneu,  et  nous  apprend, 
entre  autres  choses,  que  1  les  mères  pieuses  donnent  souvent  à  leurs  filles  un 
de  ces  noms  bénis  comme  un  garant  de  bonheur  Ip.  80)  •.  Ainsi,  des  formes 
dues  â  ^ignorance  pénètrent  dans  Tonomastique  réelle.  Il  y  a  un  autre  exempte  de 
cette  méprise  dans  Thistoire  de  Guillaume  de  Touïouse.  Tous  les  historiens» 
M.  Gautier  et  M.  Révillout  (p.  6  etc.)  comme  les  autres,  appellent  Aidant  li 
mère  de  ce  personnage.  Or  la  charte  authentique  dit  *  genetrice  mea  Aldanê  »; 
Aidant  répond  au  fr.  Audain  :  ces  formes  d'accusatif  n'ayant  point  passé  dans 
l'usage  moderne,  il  faut  dire  Aide  (le  faussaire  naturellement  écrit  Atdana). 
L'histoire  de  ces  temps,  chez  les  écrivains  modernes,  fourmille  de  fautes  de  ce 
genre. 

Reste  à  se  demander  quelle  est  la  valeur  de  la  Vita  pour  l'histoire  poétique 
de  Guillaume.  M,  R,  n'a  pas  traité  à  fond  cette  partie  de  son  sujet.  Il  n'y 
était  pas  prut-étre  suHlsamment  préparé  :  it  n'a  pas  sur  l'âge  respectrf  et  le 
rapport  des  différents  poèmes  du  cycle  des  notions  assez  personnelles  et  assez 
précises,  et  il  n'a  pas  les  problèmes  que  soulève  ce  cycle  curieux  assez  présents! 
l'esprit.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'étudier  cette  question  en  détail  \  je  me  borne- 
rai à  dire  que  les  poèmes  qu'a  connus,  vers  t  iio^  Tauteur  de  la  Vtta  doivent, 
ou  tout  au  moins  peuvent  avoir  été  des  poèmes  en  tangue  d'oc.  On  ne  voit  pas 
bien  comment  à  cette  époque  un  moine  de  Geltone  aurait  connu  des  chansons 
françaises*  Partout  ot  son  bref  résumé  diffère  de  nos  chansons,  M.  R,  semble 
croire  qu'il  les  a  modifiées  exprés  ;  il  est  bien  plus  naturel  de  croire  que  ses 
allusions  se  rapportent  â  des  poèmes  qui  différaient  de  ceux  que  nous  avons. 


RÉviLLOUT»  La  vie  de  saint  Guillaume  471 

Je  terminerai  en  insistant  sur  un  Irait  spécial.  La  Vaa  ei  le  plus  ancien  Mo- 
niagc  sont  d'accord  pour  raconter  que  Guillaume,  avant  de  se  rendre  au  monas- 
tère, déposa  son  écu  à  Brioude  sur  l'autel  de  saint  Julien.  Le  trait  n'est  pas  histo- 
rique, puisque,  comme  le  fait  remarquer  M.  R.  (p.  ^5),  Téglise  de  saint  Julien, 
détruite  au  Vll!^  siècle,  n'était  pas  relevée  de  ses  ruines  enSo6.  *  Mais,  ajoute- 
t-il,  les  moines  du  Xll'  siècle  ignoraient  cette  circonstance  ;  ils  savaient  seule- 
ment qu'on  montrait  à  Brioude  un  bouclier  colossal  déposé  dans  le  sanctuaire 
de  S.  Julien  par  un  des  nombreux  Guillaume  qui,  dans  le  courant  du  X«  siècle, 
régnèrent  en  Aquitaine  ou  en  Auvergne  et  s'illustrèrent  aussi  par  leurs  exploits 
contre  les  païens  envahisseurs  de  la  France.  Ce  bouclier  gigantesque,  â  qui 
pouvait-il  appartenir,  sinon  à  leur  grand  fondateur?,..  A  leurs  yeux^  comme  à 
i'Ceux  du  peuple,  il  ne  pouvait  y  avoir  qu'un  seul  Guillaume,..  C'est  ainsi  que 
Je  bouclier  que  l'on  conservait  à  Brioude  devint,  dans  les  chansons  de  geste  et 
dans  la  biographie  monastique,  le  bouclier  de  Guillaume  de  Gellone  (p.  iS'S^)-' 
Je  ne  sais  où  M.  R.  a  trouvé  que  le  bouclier  conservé  â  Brioude  fôt  colossal  V 
Ce  qui  est  sûr,  c'est  qu'à  l'église  Saint-Julien  de  Brioude  on  montrait  Técu  d'un 
comte  Guillaume;  et  il  n'est  pas  moins  assure  que  ce  Guillaume  u'était  ni  Guil- 
laume d'Orange  ni  Guillaume  de  Gellone,  mais  bien  Guillaume  1",  dit  U  Puux^ 
duc  d'Aquitaine  et  comte  d'Auvergne,  mort  en  910»  qui  s'occupa  beaucoup  de 
l'église  Saint-Julien  de  Brioude,  la  restaura,  la  dota  magnifiquement  et  voulut 
y  être  enterré.  11  est  probable  que  dès  le  XI*  siècle,  à  Brioude  même,  on  ne 
distinguait  plus  bien  les  deux  Guillaume,  et  que  l'attributton  identique  de  la 
chanson  du  Montage  et  de  la  Vita  a  pour  source  les  assertions  des  chanoines  qui 
i  Brioude  muniraient  ce  trophée  aux  pèlerins.  11  y  aurait  sur  ces  divers  points 
à  écrire  une  petite  dissertation  dont  j'ai  à  peu  près  réuni  les  matériaux. 

En  résumé,  le  mémoire  de  M.  Révillout  est  une  oeuvre  d'excellente  critique  histo- 
rique et  littéraire,  11  réhabilite  la  charte  authentique  de  la  fondation  de  Gellone,  si 
injustement  méconnue^  expose  le  petit  groupe  de  falsifications  auxquelles  les 
moines  de  S»  Guilhem  se  sont  livrés  dans  le  commencement  du  Xll"  siècle,  et 
tcmct  à  sa  véritable  place,  qui  est  fort  peu  honorable,  la  Vita  GudUimif  beau- 
coup trop  appréciée.  Nous  voudrions  que  l'exemple  du  savant  professeur  de 
Montpellier  engageât  d'autres  écrivains  à  débrouiller  ainsi^  notamment  en  ce 
qui  concerne  le  midi,  les  points  de  contact,  si  obscurs  mais  si  importants,  qui 

existent  entre  l'histoire  et  l'ancienne  épopée  française  ^. 

G.  P, 


t.  tl  résulte  seulement  du  texte,  où  on  dit  que  les  visiteurs  peuvent  [uger  par  ce 
bouclier  quei  a  été  Guillaume,  qu'il  était  uti  peu  plus  grand  que  les  écus  usités  au 
xit*  siècle.  Et  encore!  Le  moine  de  S.  Guilhem  n'avait  san^  doute  pas  été  i  Brioude  : 
il  pii\ù  au  hasard  ou  d*aprèa  de  vagues  récits . 

3.  P.  î9,  uiia  perraro  textus  tegmine  ne  veut  pju  dire  <*  couvert  d'un  seul  vêtement 
et  encore  très- rarement  •,  mais  «  couvert  d'un  seul  vêtement  très  mitice.  »  —  P.  60  la 
Vita  était  desiinéc  1  être  lue  et  non  chantée.  —  P.  jo,  le  ms.  de  Guillaume  tPOrangt 
Cûuiervé  à  S,  Guilhem  et  vu  par   Catel  n'est  pas  perdu  ;  il  existe  à  Paris  À  la   Biblio- 

I  fhéque  nationale  :  voy.  komania^  t.  Il,  p.  j^r  —  Les  textes  latini  imprimés  par  M.  R- 

I  kÎHent  i  désirer  comme  correction  et  comme  reproduction. 


PÉRIODIQUES. 


I.  Rbvub  DB8  LANQUEs  ROMANES,  2*  série,  t.  III,  fi»  5  (i  5  mai).  —  p.  17), 
Alart,  Documents  sur  la  langue  catalane  (suite  et  fin).  —  P.  178,  Lettres  à  Crh- 
goire  sur  les  patois  de  France  (suite).  —  Bibliographie  :  Récits  d* histoire  sainU  en 
BiarnaiSy  traduits  et  publiés  par  MM.  Lespy  et  Raymond  <C.  Chabaneau  :  c'est 
moins  un  compte-rendu  qu'une  suite  d'observations  sur  le  texte  ;  nous  rendrons 
compte  prochainement  de  cette  publication).  —  P.  216,  Périodiques. 

—  N<»  6  (i)  juin).  P.  225,  Milà  y  Fontanals,  Mélanges  de  langue  catalam; 
observations  détachées  sur  divers  points  de  la  prononciation  ou  de  la  flexion  du 
catalan.  M.  Milà  présente  une  explication,  qui  me  paraît  bien  douteuse, du  mot 
son  qui  aide  â  former  un  si  grand  nombre  de  noms  de  lieux  (principalement  de 
maisons  isolées,  d'écarts)  dans  les  iies  de  Mayorque  et  de  Minorque  ;  ainsi  Son 
Ramont,  Son  Nebots,  SonSardina.  Selon  M.  Milà  son  serait  pour  so  d*en^  c.-à- 
d.  c  ce  [qui  est}  de...  1  P.  229,  en  note,  M.  Milà  exprime  cette  idée  que  le 
vers  inintelligible  de  Marcabrun  (voy.  ci-dessus  p.  126  n.  2)  :  Que  no  lor  fassâ 
cafloquet  ni  peintura^  c  peut  être  un  vers  à  césure  épique  ».  Il  faudrait  d'abord 
établir  que  Marcabrun  admettait  la  césure  dite  épique,  ce  qui,  je  crois,  serait 
difficile.  —  P.  230,  Lettres  à  Grégoire  sur  les  patois  de  France  (suite).  Ces  lettres, 
où  les  études  linguistiques  trouvent  toujours  peu  à  glaner,  continuent  d'autre 
part  à  être  fort  intéressantes  pour  l'histoire  de  l'ancien  régime.  On  y  voit 
notamment  par  maint  témoignage  combien  peu  le  clergé  se  souciait  de  répandre 
rinstruction  parmi  les  paysans  et  de  cultiver  leur  intelligence.  —  Bibliographie  : 
Le  livre  des  Manières,  par  Etienne  de  Fougères,  p.  p.  F.  Talbert(A.  Boucherie; 
l'édition  de  M.  Talbert  est  bien  mauvaise;  on  y  voit  à  chaque  page  la  preuve 
d'une  grande  inexpérience  des  travaux  de  la  critique,  et  M.  Boucherie  pourrait 
encore,  ce  me  semble,  publier  celle  qu'il  avait  préparée  du  même  texte).  Li  che- 
valiers as  deux  espées,  hgg.  von  W.  Fœrster  (A.  B.).  —  P.  269.  M.  Chabaneau 
maintient  l'explication  de  nassa  par  «  nièce  ■  (Charte  du  pays  de  Soûle,  Roma- 
nia^  t.V),  rejetant  l'interprétation  de  f  pêcherie»,  que  je  persiste  à  croire  la  plus 
probable.  P.  M. 

II.  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie,  herausgegeben  von  D'  Gustav 
Groeber,  protessor  ander  Universitaet  Halle*.  La  nouvelle  revue  qui  vient  de 
remplacer  le  Jahrbuch  s'annonce  de  la  manière  la  plus  favorable  :  presque  tous 


I.  Halle,  Lippert.  Prix  de  l'abonnement  pour  la  France  :  20  fr. 


PÉRIODIQUES  47^ 

fes  romanistes  connus  de  T Allemagne  ont  collaboré  au  preinjer  fascicule,  qui 
contient  des  articles  aussi  variés  qy 'importants.  La  grammaire  et  l'histoire  iitté- 
rairt  y  sont  également  représentées  ;  on  y  trouve  des  textes  inédits  et  des 
comptes- rendus  d'une  grande  valeur  ;  epfin^  sauf  le  roumain^  tous  les  idiomes 
romans  y  sont  l'objet  de  quelque  notice  :  c'est  d'ailleurs  le  français  qui  occupe 
la  plus  grande  place. 

I,  r.  —  P.  1»  Tobler,  Milanga  de  grammaiu  française  :  i)  emploi  du  pro* 
nom  personnel  avec  un  adverbe  ;  emploi  de  ne  pour  noi  dans  les  phrases  de  ce 
genre  (ne  tu)  et  dans  d'autres  {ne  mU^  ne  gatres);  2]  emploi  particulier  de  de  en 
ancien  Français  (Povre  cose  est  de  mortel  yie}^  qui  a  laissé  des  traces  dans  la 
langue  moderne  {//  est  doux  de  vivre ^  pour  ce  (fut  est  de  lui)  ;  emploi  analogue  de 
fU£  de;  j)  Périphrase  d'un  verbe  ï  un  temps  hni  par  l'infinitif  avec  faire  :  Tout 
son  es(u  ti  fait  jus  noingnier  =  lui  reoingnt  ;  M»  T.  maintient  son  explication  de 
Faites  moi  esiouter^  que  j'ai  combattue  ici  (V^  409)  ;  il  ne  m^a  pas  convaincu,  et 
je  n'admets  même  qu'avec  réserve  la  première  partie  de  sa  thèse  ;  je  reviendrai 
sur  ce  point  ailleurs  :  4)  propositions  alternatives  dont  le  second  membre  com- 
mence par  ou  {Serai  je  deïmis  ou  je  serai  ochis?)  ou  par  si;  ^)  emploi  de  Timpé- 
ratîf  où  on  attendrait  le  subjonctif  {Je  te  requitr  quUn  gutrtedon  Wun  de  as  cierges 
me  fai  don)  tl,  dans  le  même  cas,  de  Tinfinitif  avec  ne,  qui  sert  d*rmpéfatif 
négatif  (...  Dolcement  te  voil  prier  Qui  de  toi  ço  riens  n'obtier);  6)  emploi  de 
cors^  persone,  char^  ckitf^  membres ^  joyenîe,  non  avec  le  nom  au  génitif  ou  le  pro- 
nom possessif  comme  simples  périphrases  du  nom;  7)  participes  présents  actifs 
au  sens  passif  {argent  comptant) ^  avec  une  riche  liste  d*cxemples*  Dans  toutes  ces 
remarques,  le  savant  philologue  ne  se  borne  pas  à  constater  Fusage  à  l'aide  de 
nombreuses  citations  ;  il  cherche  toujours  à  Texpliquer  logiquement  et  histori- 
quement ;  c'est  ce  qui  donne  une  haute  valeur  à  ces  mélanges  de  grammaire, 
dont  la  forme  est  extrêmement  concise.  —  P,  26,  SychoWe,  L* épisode  de  Bûligant, 
ittterpoU  dans  la  Chanson  de  Roland  ;  Tauteur  cherche  â  prouver  par  l'étude  de 
la  langue  que  le  grand  épisode  où  est  racontée  la  défaite  de  Baliganl,  dans  la 
Chanson  de  Rohnd,  est  d'une  autre  main  que  le  reste  du  poème  ;  toutes  ses 
raisons  ne  sont  pas  frappantes^  il  s'en  faut,  mais  leur  ensemble  constitue  une 
probabilité  assez  forte,  surtout,  il  faut  le  dire,  parce  qu'elle  est  corroborée 
d'arguments  d'un  autre  ordre.  ^  P,  4*,  Braga,  0  cancioneiro  porîuguei  da  Vati- 
cana  e  suas  relaçâes  com  outros  cancioneiros  dos  seculos  XI!I  et  XIV  :  ce  titre  dit 
suffisamment  le  sujet  et  l'intérêt  de  cet  article;  M.  Braga  prépare  une  édition 
critique  du  grand  chansonnier  que  M.  Monaci  vient  de  reproduire  diplomatique- 
ment. —  [P,  j8j  Bartsch,  Zwei  proveniaîische  lais.  Ce  sont  les  lais  t  Markiol  • 
et  t  Non  pari>,  conservés  dans  le  mss.  Bibl,  nat.  fr.  844  et  1261  f.  Le  premier 
appartient  à  la  poésie  amoureuse,  le  second  contient  l'expression  des  sentiments 
d'un  chevalier  partant  pour  la  croisade.  L'un  et  l'autre  présentent  de  nom- 
breuses difficultés.  Les  deux  copistes  français  rl'un  d'eux  était  d*Arras)  qui 
nous  les  ont  transmis  avaient  sans  doute  sous  les  yeux  un  texte  déjà  peu  correct, 
qu'ils  n'étaient  guère  en  état  de  comprendre  et  qu'ils  ont  corrompu  à  qui  mieux 
mieux.  M,  B.  a  placé  en  regard  du  texte  combiné  des  deux  mss.  un  essai  de 
restitution  qui  est  peu  réussi.  Il  s'y  trouve  beaucoup  de  corrections  qui  ne 
conduisent  â  aucun  sens  probable.  Je  m'empresse  d'ajouter  que  M.  B.   n'a  pu 


474  PÉRIODIQUES 

donner  b  dernière  main  à  son  Iravail.  Une  note  de  la  p.  160  nous  appreod 
que,  gravement  malade,  i)  n'a  pu  revoir  les  épreuves  de  son  mémoire*  Aui 
deux  [dis  provençaux  M.  B.  a  joint  un  lai  français,  imité  du  lai  •  Markiol  *,  que 
lui  a  fourni  le  ms.  de  Noailles  (1261^)  :  la  rubrique  en  est  ainsi  conçue: 
f  Uns  lais  de  Nostre  Dame  contre  le  lai  Markioi  ».  Malheureusement  M.  B,  n'a 
pas  su  que  le  même  lai  se  retrouvait  dans  le  ms.  fr.  219;  qui  fournit,  outre  UQ 
bon  nombre  douilles  variantes,  des  phrases  entières  qui  sont  omises  dans  le 
chansonnier  de  Noailles.  L'édition  de  M.  B.  est  donc  non  avenue.  M.  B.  a 
placé  en  lète  de  sa  publication  quelques  pages  sur  les  lais  oîi  je  ne  trouve  rien 
qui  ne  soit  déjà  connu,  mais  qui  ne  contiennent  pas  tout  ce  qu'on  pourrait  dire 
sur  ce  sujet,  A  la  p*  58  c'est  certainement  à  tort  que  les  vers  Cdlam 
pîatz  mais  que  chansos  \  Vofta  m  lais  de  Bretanha  sont  attribues  à  Foiquel  de 
Marseille.  Il  est  vrai  que  la  pièce  d*où  ils  sont  tirés  a  été  publiée  sous  le  nom 
de  ce  troubadour  par  Raynouard  *.  Mais  il  est  tellement  évident  qu'elle  n'a  rien 
du  style  ni  des  idées  de  F.  de  Marseille,  qu'il  eût  été  à  propos  de  vérifier  sur 
quoi  se  fondait  l'attribution  adoptée  par  Raynouard.  Or^  vèriGcation  faite,  il  se 
trouve  que  celle  chanson  n'existe  que  dans  uîi  seul  ms.  (Vatican  3206,  iol.  26), 
où  elle  est  suivie  de  îa  pièce  Pots  fin*  amor  me  torna  en  akgritr  que  le  mène 
ms.  donne  également  à  Folquet  :  bien  i  tort,  car  la  pièce  Poh  fin  anwr  se 
trouve  dans  dix  mss.  entre  lesquels  six  ['attribuent  à  Gauceran  de  Saiot- 
Didier,  trois  k  Guillem  de  Saint-Didier,  le  ms.  jio6  demeurant  la  seule  autorité 
en  faveur  de  Folquet.  11  est  donc  très  probable  que  la  pièce  qui  dans  le  ms, 
précède  Pois  fin*  amors  est  aussi  de  Guillem  ou  de  Gauceran  de  Saint-Didier. 
En  tout  cas  c'est  par  erreur  que  le  copiste  les  a  mises  Tune  et  l'autre  sous 
le  nom  de  Folquet,  et  cette  erreur  s'explique  d*autant  plus  facilement  que  les 
pièces  qui  précèdent  immédiatement  dans  le  ms.  5206  sont  en  effet  de  Folquet* 
le  copiste  a  oublié  de  changer  la  rubrique.  A  propos  d'un  passage  du  lai 
Markiol  M.  B.  a  réuni  (p.  72-3)  plusieurs  textes  sur  «  b  bou  (le  bœuf)  Berta- 
lat  ».  Il  y  a  là  une  allusion  qui  reste  inexpliquée.  En  terminant  je  dois  faire 
remarquer  que  M.  B.  n'est  pas  le  premier,  comme  il  le  laisse  croire,  qui  ait 
signalé  les  lais  Markiol  et  Non  par.  Ils  étaient  déjà  fort  connus  des  érudits  qui 
se  sont  occupés  de  Tancienne  poésie  lyrique  française  et  provençale.  Je  les  ai 
mentionnés  dans  Flamenca^  p.  279.  Dès  lors  j'en  avais  pris  copie  et  tenté  la 
restitution.  Je  dois  confesser  que  mon  travail  laisse  en  général  à  désirer  dans 
les  passages  qui  ont  aussi  embarrassé  M.  Bartsch.  G'est  pourquoi  je  l'ai  gardé 
dans  mes  cartons.  —  P.  79,  Fœrster,  Caiatûmschts  StrcUgedickl  zwiscken  En 
Bucimà  suncm  Pfcrd,  Pièce  de  343  vers  tirée  du  ms.  de  Carpentras  d*après 
lequel  M.  Mussafia  a  publié  le  roman  des  Sept  Sages,  C'est  un  dialogue  très- 
vif  et  plein  de  traits  curieux  entre  un  chenapan  appelé  Bue  et  son  cheval  qui 
Texhorte  â  s'amender.  li  se  termine  par  le  testament  burlesque  de  Bue.  On  sait 
qu'il  existe  plusieurs  pièce?  analogues  ;  M.  F.  en  rappelle  quelques-unes»  sans 
toutefois  entrer  dans  l'examen  des  rapports  qui  peuvent  les  unir.  Il  reste  en 
outre  à  rechercher  dans  quelle  partie  de  ta  Catalogne  elle  peut  avoir  été  com* 
posée.  Je  relève  en  passant  la  mention  de  Sabadell  (v,  134),  petite  ville  située  à 


PÉRIODIQUES  47  J 

yne  vingtaine  de  kilomètres  âu  N.  0.  de  Barcelone.  Le  mi.  est  fort  incorrect  ; 
an  le  Mvait  déjà  par  les  notes  de  M.  Mussafia  sur  les  Sept  S^ges*  M.  P.  s'est 
appliqué  à  le  bien  transcrire  el  â  proposer  en  note  des  corrections  qui  en  géné- 
ral sont  acceptables.  Mais  il  reste  encore  bien  des  passages  désespérés.  Dans  la 
citation  relative  au  Tisiamentum  osini^  p.  88,  il  faut  lire  984  plutôt  que  92$. 
—  P.  M.l 

P.  88*  Mélanges,  I.  Hhtoirt  dts  mœurs.  1,  Superstitions  portugaises;  2,  la 
Mutharinga^  danse  portugaise  (Liebrecht).  II.  Histoire  littéraire,  r.  Sur  Marie  dt 
France  (Liebrecht;  rapproche  le  lai  des  Detix  Amants  d'une  légende  pcnane).  2, 
La  source  au  Sermo  de  Sapienlia,  publié  par  M.  Fœrster  à  la  suite  des  Dialogues 
de  Grégaire  (Suchier  ;  cette  source  est  l'Elucidarius  d'Honoire  d'Autun).  5,  Sur 
// Chevalier  as  deus  espées  (  Fœrster  :  Tépisode  du  roi  Ris,  qui  se  faisait  un 
manteau  des  barbes  de  ses  ennemis  vaincus,  se  retrouve  ailleurs).  4.  Siw  Richard 
le  bial  (Fœrster  :  deux  vers  de  ce  poème,  qu'on  a  aussi  relevés  dans  Blancandin^ 
se  retrouvent  dans  Rertart).  III.  Bibliographie.  1.  Le  ms.  du  Vatic.  n'  3207 
(Stengel  :  rèvbion  des  notices  de  BartscK  et  Grùzmacher).  2,  Lakrmto  amoroso 
(Vollmœller  :  description  de  ce  rarissime  recueil  de  romances,  que  M,  V.  se 
propose  de  réimprimer).  IV.  Textes  inédits.  1 .  Règles  de  santé  en  ancien  français 
( Fœrster  ;  ms.  Ars.  B,  L.  Fr.  28 î).  2.  Fragment  d'une  chanson  d'amour  m  anckn 
français  (Fœrster;  ms.  de  Tours  136;  trois  jolis  quatrains  monorimes,  du 
Xin*  siècle,  inconnus  d'ailleurs).  V.  Corrections,  t.  Sur  Brun  de  la  Montaigne 
(Mussafia;  observations  critiques  sur  le  texte,  la  préface  et  le  glossaire),  2,  Rois, 
1,  xxt  (Fœrster  :  correction  évidente).  VL  Grammaire,  i.  Détermination  de 
tipoqm  de  la  chuti  de  e  et  de  '}  après  l'accent  dans  le  roman  du  nord-ouesl  (Stengel: 
Vi  serait  tombé  avant  IV,  l'un  avant,  Tautre  après  Tassibilation  des  gutturales; 
mais  la  démonstration  est  loin  d'être  convaincante).  2.  Lo,  li  —  il  i  en  ancien 
italun  (Crœber  ;  remarques  fort  intéressantes  sur  l'emploi  de  ces  formes  en 
ancien  italien  et  sur  l'origine  probable  de  i7,  (). 

P.  III,  Comptes^rendus.  Slûnkel ^VerhaUniss  der  Sprache  der  Lex  romana  Uti- 
mnsis  tur  schulgerechten  Litiniut  in  Bezug  auf  Nominalfltxtonund  Anwtndung  der 
Casus  (cet  ouvrage  a  obtenu  de  l'Académie  de  Berlin,  qui  en  avait  proposé  le 
sujet,  un  prix  fort  considérable  ;  M.  Schuchardl  pense  qu'il  ne  le  mérïtail  pas 
et  que  le  sujet  même  était  malheureusement  choisi;  Tarticle  en  lui-même  con- 
tient beaucoup  d'observations  utiles  sur  le  bas-latin).  —  Rajna,  le  Fonti  âelV 
Orlando  Furioso  iCanello).  —  Braunfels,  Kritischer  Versuch  ùber  Amadis  von 
Gallien  fM.  Lemcke  pense  que  l'auteur  s'égare  en  niant  l'existence  d'un  Amadis 
portugais,  bien  que  V Amadis  que  nous  possédons  doive  sans  doute  être  regardé 
comme  espagnol  ;  ni  l'auteur  ni  la  critique  ne  mentionnent  le  récent  livre  de 
M.  Braga  sur  ce  sujet).  —  Publications  de  la  Société  des  anciens  textes  français 
(Lemcke).  —  Matthes,  De  roman  der  Lorreinen  (article  instructif  de  M.  Stengd). 
—  Wace's  Roman  de  Rou  hgg,  von  Andresen  (long  article  de  M*  Fœrster,  peut- 
être  un  peu  sévère,  bien  que  les  observations  soient  généralement  justes;  le  cri- 
tique éclaircit,  avec  une  grande  richesse  d'exemples,  plusieurs  points  de  lexico- 
graphie et  de  grammaire*  Au  v.  3910,  Ne  li  est  mie  avis  quil  seil  altz  chacur  Ne 
qu'il  ûenge  a  traisîre  ne  leus  ne  leuner^  M.  F.  lit  tracter  pour  traxstre  («  émenda- 
tioQ  sûre  •,  dit-il)»  el  propose  leitmitr  ne  Imier  au  second  hémistiche;  lisez  : 


476  PÉRIODIQUES 

Nt  que  d  îiengt  a  iristre  ne  sens  ne  lévrier),  —  Laurenlius,  Zur  Kritik  dcr  Chanson 

de  Roland  (Scholle  ;  travail  qui  a  surtout  le  mérite  de  poser  certains  problèmes) 

!IL  RoMàNiscHE  Studien  (II)  9.  —  p. 537-670.  Grœber,  Die  Luétrsêmm- 
hngtn  étr  Troubadours,  Ce  long  mémoire  a  pour  objet  l*étude  des  chansonniers 
(Complets  ou  simples  fragments)  des  troubadours^  que  l'auteur  passe  successive* 
ment  en  revue,  recherchant  d*après  quelles  sources  ris  ont  été  composés  ou 
compilés»  s'attachant  à  établir  les  rapports  qu'ils  ont  les  uns  avec  les  autres. 
Il  ne  peut  pas  être  question  de  rendre  compte  ici,  dans  la  partie  consacrée  aux 
Périodiques,  d'un  travail  aussi  étendu  et  traitant  de  matières  aussi  épineuses. 
La  moindre  discussion  en  ces  matières  exige  un  déploiement  considérable  de 
preuves,  par  conséquent  beaucoup  plus  de  temps  et  d'espace  que  }e  n*en  puis 
consacrer  actuellement  â  Touvrage  de  M.  Grœber.  Je  me  borne  à  résumer  mon 
opinion  en  disant  :  qu'il  y  a  dans  cet  ouvrage  une  masse  énorme  de  recherches 
exécutées  avec  soin  et  conscience  ;  que  toutefois  les  résultais  obtenus  ne  sont 
nullement  en  rapport  avec  l'efTort  accompli.  M.  G.,  qui  s'exprime  sur  ces  résul- 
tais  avec  une  juste  modestie,  n'est  probablement  pas  éloigné  de  partager  cette 
opinion.  Je  mVmpresse  d'ajouter  qu'en  général  le  peu  de  valeur  ou  l'incertitude 
des  résultats  obtenus  ne  doit  pas  être  imputé  à  l'insuffisance  de  Tauteur,  mats  i 
l'insulfisance  des  é/éments  sur  lesquels  nous  opérons  *.  Après  bien  des  années 
d^étudcs  et  d'essais  sur  îe  sujet  même  qu'a  traité  M.  G.,  je  me  suis  confirmé  de 
plus  en  plus  dans  l'opinion  que  j'exprimais  en  1868  à  l'occasion  du  chansonnier 
de  Mazaugues  :  ■  La  plupart  des  recueils  des  troubadours  que  nous  possédons 
ne  sont  pas  les  premiers  qu'on  ait  faits,  mais  ils  ont  été  compilés  à  Taide  de 
recueils  antérieurs.  Aucun  ou  presqu'aucun  ne  peut  être  dit  complètement  ori- 
ginal. Presque  tous  contiennent  une  ou  plusieurs  pièces  répétées  deux  fois, 
chaque  fois  sous  un  nom  différent^  ce  qui  indique  manifestement  une  double  ori- 
gine, médiate  sinon  immédiate.  Les  leçons  indiquent  aussi  les  affinités  fes  plus 
variées.  ïl  y  a  donc  dans  la  dérivation  de  nos  recueils  de  troubadours  un  enche- 
vêtrement tel  qu'il  est  impossible,  comme  on  peut  le  faire  jusqu'à  un  certain 
point  pour  les  chansonniers  Irançais^  de  les  grouper  par  familles*.  »  Le  très-Ion^, 
et  en  plusieurs  parties  très-mériloire  travail  de  M.  G  est  la  confirmation  de  ces 
vues  peu  encourageantes.  Je  dois  dire  encore  que  le  plan  suivi  par  M.  G.  ne  me 
paraît  pas  le  meilleur  qu'on  pût  adopter.  —  Il  y  a^  à  la  fin  de  ce  numéro,  an 
appendice  contenant  un  article  intitulé  •  Monsieur  Paul  Meyer  »  pour  faire 
pendant  au  t  Monsieur  Gaston  Pans  »  du  n"  7.  M,  Bœhmer,  me  prenant  à 
particH,  répond  aux  observations  qu'on  a  pu  lire  ici  même,  t.  V,  p.  Ç03-4.  La 
réponse  est  molle  et  ne  va  pas  au  fait,  La  question  est  de  savoir  si  G*  Paris  a 
donné  quelque  prétexte  à  Timpulation  de  malveillance  systématique  queM.  Bceh^ 


\.  Il  faut  dire  toutcfais  que  M.  G.  a  bitîn  souvetii  manqué  des  renseignements  néces- 
saires. Par  exemple,  U  est  loin  de  connaître  suffis.immeni  les  mss.  de  Paris,  Il  est  donc 
possible,  en  pluiieurs  cas,  d*arriver  à  des  résultats  plus  exacts  et  ptus  sûrs  que  ceux 
auxQuels  il  s  est  arrêté.  C'est  ce  qu'on  reconnaîtra  sans  doute,  si  je  puis  trouver  le  tcmp» 
d^acnever  quelques  recherches  depuis  longtemps  commencées  sur  certains  chansonniers. 

1.  ftûjf ports  au  ministrt^  p.  t6K 


pÉaiooiQUES  477 

mer  lait  peser  sur  M.  J'ai  prouvé  jusqu'à  l'évidence  que  cette  imputation  n'a 
aucun  fondement,  même  apparent.  M,  B,  n'est  pas  convaincu  par  mes  preuves; 
je  m'y  attendais  :  l'évidence  même  est  impuissante  à  détruire  ce  qu'on  appelle 
one  idée  fixe.  Le  temps  et  la  tranquillité  sont  les  seuls  remèdes.  Pour  fe  reste 
aussi  M,  B.  court  les  champs.  Il  trouve  que  le  proverbe  béarnais  dont  j*ai  fait 
usage  manque  d'urbanité.  W  n'a  pas  tort  :  mais  ce  n'est  pas  à  lui  que  je  l'ai 
appliqué,  a  A  tel  couteau  telle  gaine  ■  ;  soit  dit  sans  diminuer  en  rien  le  mérite 
scientifique  de  M.  le  professeur  Forster^  successeur  de  Die2  (à  Bonn). 
M»  B.  découvre  que  je  sais  mal  l'allemand,  et  le  prouve  en  montrant 
que  i'at  traduit  t  so  dass  «  par  t  afin  que  »^  quand  tl  fallait  t  de  sorte  que  ■. 
La  preuve  n'est  peut-être  pas  très-forte  ;  toutefois,  je  ne  chicane  point  : 
j'avoue  ma  faiblesse  en  allemand,  et  je  n'ai  jamais  cherché  à  la  dissimuler, 
M.  B.  le  sait  bien.  Mais  c'est  là  une  circonstance  assez  étrangère  au  débat. 
Ce  que  )e  retiens^  non  sans  un  certain  plaisir,  de  l'article  que  M.  B.  me  fait 
l'honneur  de  me  consacrer,  c'est  que  Téditeur  des  Romamschc  Studien  attend 
avec  impatience  Tar rivée  de  son  exemplaire  de  la  Romania  ;  et  lorsque  le  numéro 
est  en  retard,  ce  qui  malheureusement  est  fréquent,  M.  B.  trouve  le  temps 
long.  Nous  le  comprenons  et  nous  en  sommes  flattés  non  moins  que  pcin^. 
Mais,  comme  dit  le  proverbe,  t  Mieux  vaut  bonne  attente  que  mauvaise  hite  ». 
Si  nous  faisions  un  recuefi  dépourvu  de  bibliographie  et  conçu  selon  un  plan 
aussi  simple  que  les  Romanhcht  Staditn^  nous  parviendrions  probablement  à 
paraître  à  jour  fixe.  Et  pourtant  les  Romamschc  Sludien  ne  prétendent  même  pas 
à  une  périodicité  régulière  :  Thty  nho  iîvc  in  giass  koasts  skouU  not  throw 
nom.  P.  M. 


IV.  Revue  historique  de  l'anctennb  langue  française,  avril-juin.  — 
Nous  ne  pouvons  nous  astreindre  à  faire  le  dépouillement  suivi  de  ce  bizarre 
recueil  ;  la  plupart  des  articles  sont  trop  dénués  d'intérêt.  Nous  relevons  seule- 
ment  dans  le  n-^  d'avril  (p.  107  ss.)  une  série  de  Questions  étymohgitiuts,  par 
M.  H.  Moisy,  qui  attestent  chez  l'auteur  de  l'intelligence  et  de  la  lecture,  mais 
une  absence  complète  de  méthode.  1*  Masser;  M.  M.  le  tire  âemussan^  qui  n'a 
pas  ce  sens,  sans  voir  que  le  v.  fr.  mucier,  le  pic.  muchtr^  postulent  dans  le 
mot  latin  un  c  ou  un  ù.  —  2.  Vmeau;  l'auteur  pourrait  bien  avoir  raison  de 
voir  dans  ce  mot  un  équivalent  (nrse-iau)  de  aquanus.  —  3.  Ragréer  :  M,  M. 
le  rattache  avec  raison  à  fane,  fr.  agnur  ou  agréer^  de  ta  famille  de  gràr  et 
û'âgrts.  —  4.  M.  M.  explique  très-bien,  contre  Liltré,  Tancien  verbe  isscmer^ 
qui  signifie  •  dégraisser,  maigrir  »  et  vient  de  ex  et  sûgmiin)^  d'oà  le  v.  fr. 
sâln^  fr.  sûm  [doux).  —  5»  Frm  est  mal  à  propos  rapproché  d'un  prétendu 
V.  fr.  fnis^  -  ciselé,  travaillé  en  relief,  relevé  en  bosse,  •  qui  n'est  autre  que 
notre  )rm  moderne  dans  l'exemple  cité.  —  6,  L'étymologie  proposée  pour 
foagadi,  foucade  est  inadmissible  pour  des  raisons  qu'il  serait  trop  long  de  don- 
ner ici.^ —  7.  M.  M.  veut  rattacher  repair cr  à  reperire,  tandis  qu*en  réalité  repire 
lui-même,  qu'on  tire  de  repcrire^  est  le  substantif  verbal  de  npalrtr  =:  repatriare. 
—  8.  Tout  le  monde  sait  que  endher  vient  de  desver;  pour  celui-ci  M.  M. 
reprend  sans  le  savoir  une  étymologie  surannée,  qui  l'identifie  à  dtsnur  :  la 
forme  des  deux  mots  est  absolument  distincte.  '—  9.  Quenotu  n*a  rien  d  faire 


47^  PÉRlODIQyES 

avec  chiiM^  pour  cent  raisons,  et  entre  antres  parce  que  ce  mot  n'est  que  ie 
diminntif  dn  t.  fr.  qnenni^  c  dent  >,  comme  le  montrent  les  exemples  de  Littré, 
anzqnds  on  pourrait  en  ajouter  beaucoup  d'autres.  —  lo.  Littré  rattache 
solur  an  b.  I.  solarium  ;  on  peut  admettre  que  cdui-d  est  identique  an  bt.  saië- 
nom  qui  a  le  sens  de  c  terrasse  ».  G.  P. 

V.  Revue  de  LUfouisnouE  et  de  philologie  gompaaéb,  recudl  triaies- 
triel  publié  par  M.  Girard  de  Rialle,  avec  le  concours  de  MM.  Emile  Picot  et 
Julien  Vinson  (Paris,  Maisonneuve).  —  Avril  et  octobre  1876,  janvier  1877  : 
Le  Héricber,  Principes  Je  philologie  et  philologues  contemporains  ;  appréciation 
des  travaux  de  MM.  Littré,  Du  Méril,  Nisard,  etc.  ;  quelques  remarques  utiles 
mêlées  à  beaucoup  de  fantaisies  et  de  lieux  communs. 

VL  HigToniMHE  l^ETTSCHRiFT,  XXXVII,  I.  —  P.  77-96,  W.  Bemhardi, 
éer  Dino-Streit  ;  analyse  et  critique  des  ouvrages  pour  et  contre  l'authenticité 
de  Dino  Compagni;  M.  B.  conclut  que  c  nous  pouvons  tranquillement  considérer 
l'historien  Dino  Compagni  comme  bien  et  dûment  enterré.  > 

VII.  Revue  critique,  avril-juin  1877.  —  69.  De  quelques  mots  slaves  passés 
en  français  (ajoutez  la  note  de  la  p.  310  sur  heiduque;  l'auteur  de  cette  brochure 
est  M.  Bauquier).  —  88.  Longnon,  Etude  sur  Villon  (G.  P.).  —  99.  Magen  et 
ThoWn^  Archives  municipales d'Agen(P,  M.;  observations  philologiques).  —  105. 
Kœlbing,  Etudes  de  littérature  compara;  Etudes  anglaises  (Arthur  Chuquet).  — 
122.  Settegast,  Benoit  de  Sainte-More  (A.  Darmesteter). 

VIII.  L1TBRARI8CHE8  Cbntralblatt,  avril-juin.  —  16.  Koschwitz,  Die 
Chanson  du  voyage  de  Charlemagne  (W.F.).  —  22.  Rajna,  le  Fonti delV  Orlando 

(S st).  —  24.  Darmesteter  et  Hatzfeld,  Morceaux  choisis  du  XVh  sikle  (W.  F.; 

grand  éloge). 

IX.  Jenaer  Literaturzeituno,  avril-juin.  —  18.  Hall,  On  tnglish  adju- 
tives  in  -able  (I.  Zupitza  ;  art.  favorable)  ;  — Tourtoulon  et  Bringuier,  E/uJ^  sur 
la  limite  de  la  langue  d*oc  et  de  la  langue  d'oil  (E.  Stengel  ;  favorable). 


CHRONIQUE. 


Notrecottaborateuf  M.  Arsène  Darmesteter,  après  avoir  soutenu  â  la  Sor- 
bonne  les  deux  thèses  dont  nous  avons  donné  te  titre  (VI >  M^)»  a  été  nommé 
maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  Lettres.  Il  ne  commencera  qu'à  la  ren- 
trée  à  faire  âe$  conférences  régulières, 

—  Dans  sa  séance  du  6  juillet,  l'Académie  des  inscriptions  a  nommé  M.  G. 
Paris  membre-adjoint  de  ta  commission  de  VHistoirt  littéraire  de  ta  France^  qui 
se  compose  de  MM.  Haureau,  Paulin  Pans,  Liltré  et  Renan, 

^  L'Académie  française  a  décerné  pour  la  première  fois  le  prix  de  philologie 
française  à  M.  Ad*  Régnier^  pour  la  direction  de  la  belle  collection  des  Grands 
Ecrivains  dt  ta  France ^  publiée  â  la  librairie  Hachette, 

—  Dans  sa  séance  du  20  juillet,  TAcadémie  des  inscriptions  a  modifié  ainsi 
fe  programme  du  prix  Brunet  :  it  Faire  la  bibliographie  méthodique  des  produc* 
tïons  de  la  poésie  française  antérieures  au  règne  de  Charles  VIII  qui  sont  impri- 
mées, et  indiquer  autant  que  possible  les  mss.  d'après  lesquels  elles  Tont  été.  i 

—  Lj  Sociiié  dts  anciens  textes  français  a  tenu  sa  séance  publique  annuelle  le 
jevdi  2  r  juin.  L'assemblée  a  décerné  â  M.  Paulin  Paris  le  litre  de  président 
honoraire.  Elle  a  nommé  M.  Michelant  président,  MM,  Thurot  et  de  Montai- 
glon  vice*présidents.  Le  discours  du  président  sortant,  les  rapports  du  secré- 
taire et  du  trésorier  seront  publiés  dans  le  Butletin. 

—  M.  Littré  a  terminé  un  supplément  à  son  grand  Diciionnairt  qui  ne  com- 
prendra pas  moins  de  80  feuilles.  Les  premières  livraisons  sont  en  vente.  On 
ne  lira  pas  sans  émotion  la  préface  où  rillustre  auteur  raconte  comment  la 
mort  a  failli  rempéchcr  de  mettre  la  dernière  maîn  à  son  œuvre,  et  prend  congé 
de  cette  œuvre  et  du  public.  Nous  sommes  heureux  d'annoncer  aux  lecteurs 
de  la  Romama  que  la  sanlé  de  M.  Littré  s*est  quelque  peu  rat!ermie  et  que  la 
science  peut  espérer  de  le  conserver  longtemps  encore.  Le  Supplément  enrichit 
le  Dtcttonnaire  d*un  grand  nombre  de  mots  cl  d'exemples  nouveaux,  et  montre 
avec  quel  soin  l'auteur  s'est  tenu  au  courant  de  tous  les  travaux  faits  en  ces 
derniers  temps  dans  le  domaine  de  Tétymologie  française. 

—  M,  Pigeonneau  a  soutenu,  dans  le  mois  de  juin,  devant  la  Faculté  des 
lettres,  one  thèse  sur  le  Cycle  de  la  Croisade. 

—  M.  Tabbé  Bellangcr  a  soutenu,  le  mercredi  1 1  juillet,  à  là  Faculté  des 
Lettres  de  Paris^  une  thèse  latine  sur  Gautier  de  ChdtUîon  et  une  thèse  française 
sur  la  Rime, 

—  Nous  avons  reçu  les  ouvrages  suivants  : 

Le  Uvre  dts  manilns,  par  Etienne  de  Fougères^  évéque  de  Rennes  (»  168-1178), 
publié  pour  la  première  fois  par  F.  Talbert.  Paris,  Thorin,  1B77,  in-4*. 
—  Texte  autographié  de  ce  curieux  poème,  que  M.  Boucherie  avait 
annoncé  depuis  longtemps  Tinlcntion  de  publier.  M.  Talbert  en  prépare 
une  édition  définitive,  qui  nous  donnera  l'occasion  d'y  revenir. 

Rispettr  del  secolo  XV  ;  Sermintese  storico  di  Antonio  Pucci  (iJ4^ii  ^^^^' 
canti  popolari  Siciliani;  Canzonc  di  Guido  Guinicelli.  —  Quatre  char- 
mantes petites  publications  per  notu  de  M.  A,  d*Ancona 


480  CHRONIQUE 

H  Magico  prodigiûSQ^  comedia  famosa  de  Don  Pedro  Calderon  de  la  Barca..., 
publiée  par  A.  Morel-Fatio.  Heilbronn,  Henninger;  Paris,  Vieweg;  Ma- 
drid, Murillot  1877^  in- 12^  lxxvi-256  p,  —  Outre  que  celle  édilion  a  pour 
base  un  manuscril  autographe  de  Calderon,  conservé  dans  la  bibliothèque 
du  duc  d'Osuna,  elle  offre  le  premier  exemple  d*une  édilion  critique  d'une 
comédie  espagnole.  L'introduction  conlient  des  vues  d'un  grand  intérêt 
sur  le  vieux  théâtre  castillan  ;  on  y  remarquera,  entre  autres  précieux  ren- 
seignementSi  l'étude  sommaire,  mais  très-neuve,  sur  la  versification.  Les 
notes  expliquent  certaines  allusions  ou  donnent  des  rapprochements  avec 
d'autres  œuvres  de  Calderon. 

Franzashcht  Volk$i\dtr^  zusammengeslclll  von  Morii  Haupt,  and  aus  seiticm 
Nachlass  herausgegeben*  Leipzig,  Hirzel,  1877,  P^^*  in-J2.  —  Voy,  Rn, 
crit.y  2j  juin  1877. 

MariengeUU  — franzœsisch  portugicsîsch  provenzalisch  —  Halle,  Lipperl,  1877, 
in-8%  57  p.  —  Cette  élégante  plaquette  est  due  à  M.  Suchicr  ;  elle  con- 
tient une  prière  à  la  Vierge,  du  XIII'  siècle^  déjà  publiée;  une  autre  en 
portugais  et  une  autre  en  provençal  :  les  deux  premières  pièces  sont  tirées 
de  mss.  possédés  par  des  particuliers p  en  Allemagne,  et  dont  M.  S.  donne 
une  description  soigneuse. 

Deik  sacre  rapprcscntaziom  popokri  in  Sidita^  da  Giuseppe  PiTftè.  Palermo, 
1876,  gr,  in-8<*,  91  p,  —Extrait  de  VArchivo  storko  sidHano  ;  travail  fait 
con  âmore. 

Emile  LauhouEi  Mémoire  sur  le  poète  Arnaud  Daubasse,  Sa  vie.  Ses  œuvres. 
Toulouse,  187Î,  in- 18,  80  p.  —  Notice  intéressante  sur  ce  remarquable 
poète  languedocien  (  1 660- 1 720I. 

Sprachîtchts  aus  mmanlschtn  Voiksmarchcn,  von  Dr.  Johann  Urban  J.vbnik. 
Wien,  1877,  in-8',  jj  p.  —  Opuscule  très- intéressant,  contenant,  outre 
des  remarques  judicieuses  sur  les  rapports  de  la  langue  littéraire  et  de  la 
langue  populaire  en  Roumanie,  une  liste  de  locutions  populaires  extraites 
de  cornes  roumains^  quelques  remarques  linguistiques  rattachées  à  ta  gram- 
maire de  Diez,  et  une  bibliographie  précieuse  des  contes  populaires  rou* 
mains  publiés  jusqu'ici. 

DU  aiUshn  Jranîûtsischen  MundarUn  Eine  sprachgcschichtllche  Untersuchung 
von  Gustav  Llgkinq.  Berlin,  Weidmann,  in-8%  266  p.  —  Cet  ouvrage, 
consacrée  l'étude  critique  des  plus  anciens  monuments  de  notre  langue, 
mérite  un  examen  approfondi.  Disons  seulement  qu'il  paraît  fait  avec  beau- 
coup de  soin  et  de  méthode. 

Rtcutil  général  n  compld  desFabltaux  des  XÎU^  tt  XIV*  sildu^  imprimés  ou  iné- 
dits, publiés  d'après  les  manuscrits  par  MM.  Anatole  de  Montaiglon  et 
Gaston  Raynaud,  T.  II.  Paris,  librairie  des  bibliophiles,  1877.  —  Ce 
tome  II,  qui  s*est  fait  beaucoup  attendre^  sera,  nous  assure-t-oo,  très-pro- 
chainement suivi  du  tome  IIL  Celui-ci  contient  plusieurs  textes  inédits,  et 
des  notes  et  variantes  pour  ce  volume  et  le  précédent* 

—  M,  Scbuchardt  nous  prie  de  dire  que  s'il  n*a  pas  mentionné,  ï  propos  de 
l'Espagne,  les  remarquables  travaux  de  M.  Mili  y  Fontanals^  c'est  qu'il  ratta- 
chait la  Catalogne^  ptrie  de  féminent  romaniste,  au  groupe  de  la  langue  d'oc. 


Lipropriétaire-gérant:  F.  VÎEWEG. 


Imprimerie  Couverneurj  G»  DiupcJey  i  Nogcnt-lc-Rotroy. 


MÉLANGES  DE  POÉSIE  FRANÇAISE, 


I. 

FRAGMENTS  D'UNE  RÉDACTION  DE  GARIN  LE  LORRAIN 

EN   ALEXANDRINS. 

Les  fragments  des  Lorrains,  principalement  de  Girbcrt,  ont  foisonné  avec  tant 
d'abondance  en  ces  dernières  années ,  qu'un  fragment  de  plus  de  la  même  geste 
serait  une  denrée  trop  commune  pour  être  offerte  à  nos  lecteurs,  s'il  ne  se  recom- 
mandait par  quelque  circonstance  particulière. 

La  circonstance  particulière  est,  dans  le  cas  présent,  que  le  fragment  dont  on 
trouvera  le  texte  plus  loin  est  en  alexandrins.  Il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  çâ 
et  là,  dans  les  Lorrains,  comme  en  d'autres  poèmes  décasyllabiques,  des  alexan- 
drins isolés,  voire  même  des  tirades  entières  dont  un  copiste  s'est  avisé  d'allonger 
les  vers,  mais  ici  nous  avons  à  faire  à  deux  morceaux,  l'un  de  77,  l'autre  de 
76  vers,  séparés  par  une  lacune  d'environ  80  vers*,  soit  d'un  feuillet,  de  telle 
sorte  qu'il  est  permis  de  supposer  que  le  poème  entier  de  Garin  le  Lorrain ^  au- 
quel ont  appartenu  ces  fragments,  était  en  alexandrins. 

Ces  fragments  ne  nous  sont  pas  parvenus  en  original.  Nous  n'en  avons  plus 
qu'une  copie  faite  au  siècle  dernier,  qui  forme  le  44'  article  d'un  recueil  de 
mélanges  ayant  appartenu  au  président  Bouhier,  et  maintenant  conservé  à  la 
bibliothèque  de  Troyes  sous  le  n*  68$.  D'après  le  catalogue  (qui  forme  comme 
on  sait  le  second  volume  du  Catalogue  général  des  mss.  des  bibliothèques  des 
départements)  la  plupart  des  extraits  ou  copies  dont  se  compose  le  ms.  685  sont 
de  la  main  d'un  avocat  de  Dijon  appelé  Louis  Mailley  (ou  Maillé?).  En  tête  de 
sa  copie  de  nos  deux  fragments  on  lit  ces  mots  :  •  Fragmens  d'un  viel  roman, 
tirés  d'un  ms.  de  Mons'  le  conseillier  de  La  Mare.  »  Il  s'agit  de  Philibert  de  La 
Mare,  conseiller  au  parlement  de  Bourgogne,  dont  la  précieuse  collection  fut 
acquise  en  partie  pour  la  Bibliothèque  du  Roi  en  1719,  le  reste  étant  arrivé  à 
la  même  bibliothèque,  en  1 790 ,  après  avoir  passé  par  les  mains  du  marquis  de 
Paulmy  et  par  le  Cabinet  des  chartes'.  Je  doute  fort  qu'on  retrouve  à  la 

1.  Exactement  80  vers,  d'après  le  ms.  4988. 

2.  Voy.  L.  Delisle,  Cabinet  des  manuscrits^  I,  )6i-4. 

Romania,  VI  3  I 


482  p.  MEYER 

Bibliothèque  nationale  les  feuillets  originaux  :  s'ils  faisaient,  comme  je  le  suppose, 
office  de  feuillets  de  garde,  ils  ont  dû  disparaître  dans  quelque  changement  de 
reliure.  Ce  devait  être  des  feuillets  de  garde,  car  on  ne  peut  supposer  que 
l'homme  studieux  à  qui  nous  devons  la  copie  de  ces  deux  morceaux  les  ait  tirés 
d'un  ms.  complet  :  il  n'aurait  pas,  assurément,  choisi  deux  passages  qui  ne  se 
suivent  pas  et  qui  commencent  l'un  et  l'autre  au  milieu  d'une  phrase.  L'étendue 
de  chaque  morceau  (77  et  76  vers)  donne  à  croire  que  le  ms.  était  de  petit  ix- 
mat  et  à  une  seule  colonne  par  page.  Il  se  pourrait  cependant  aussi  que  le  ms. 
eût  été  à  deux  colonnes,  mais  que  les  deux  feuillets  s'étant  trouvés  collés  sur 
les  plats  d'un  volume,  on  n'ait  transcrit  de  chacun  d'eux  que  la  partie  qui  se 
présentait  à  la  vue  ;  toutefois  le  fait  qu'il  manque  entre  nos  deux  fragments  à  peu 
près  autant  que  ce  que  renferme  chacun  d'eux,  donne  â  croire  que  les  feuillets 
contenaient  réellement  80  vers*,  soit  deux  colonnes,  une  par  page. 

Le  rédacteur  du  catalogue,  Harmand^  le  ci-devant  bibliothécaire  de  Troyes, 
dit  que  nos  deux  morceaux  semblent  appartenir  à  une  autre  branche  de  la 
grande  épopée  des  Lorrains  que  le  roman  de  Garin  publié  par  M.  Paulin  Parts 
(p.  289).  C'est  une  erreur,  et  plusieurs  des  vers  qu'il  cite  se  retrouvent,  sous  la 
forme  originale,  c'est-à-dire  en  décasyllabes,  dans  l'édition  de  M.  Paris.  Ce  qui 
a  pu  causer  cette  erreur,  c'est  que  le  premier  de  nos  deux  feuillets  se  rattache, 
non  pas  à  la  rédaction  la  plus  ancienne,  celle  qu'a  suivie  en  général  M.  Paris, 
mais  à  une  rédaction  remaniée  que  nous  a  conservée  le  ms.  de  la  Bibl.  nat. 
fonds  français  4988 ^  J'ai  donc  transcrit  d'après  ce  ms.,  comme  terme  de  com- 
paraison, tout  ce  qui  correspond  à  notre  premier  feuillet,  marquant,  â  droite, 
de  dix  en  dix  vers,  la  concordance  avec  le  texte  alexandrin.  Pour  que  la  suite 
des  idées  fût  plus  intelligible,  j'ai  copié  tout  le  commencement  de  la  tirade,  qui 
manque  dans  le  fragment  de  Troyes.  C'est  seulement  au  v.  55  que  ce  fragment 
se  raccorde  avec  la  leçon  la  plus  fréquente  de  Garin  (édit.  P.  Paris,  I,  73). 

Fr.  4988,  fol.  4  a  : 

Nostre  empereres  fist  ses  briés  saieler. 

Il  fait  mander  quan  k'il  peut  aiïner  : 

.Ix.  mil  en  a  bien  amassé[s]. 

Les  os  s'esmeuvent  :  or  penst  Dieus  del  guier! 

De  S.  Denis  fait  Vensaigne  porter 

Li  dus  Carins  J  ki  tant  fait  a  loer  : 

N'ot  tel  baron  dusc'a  la  Rouge  Mer. 

Et  Beg.  fait  Vost  rengier  et  sierer; 


1.  Le  premier  de  nos  fragments  n*a  que  77  vers,  et  le  second  76.  Mais  dans  le  pre- 
mier il  y  a  certainement  un  vers  passé,  et  il  y  en  a  deux  dans  le  second,  comme  on  le 
verra  aux  notes. 

2.  Voy.  ce  que  M.  Bonnardot  dit  de  ce  ms.,  Romania^  III,  233.  M.  Bonnardot  le 
groupe  avec  quelques  autres  ms.  en  une  même  famille.  Je  dois  dire  toutefois  que  je  n'ai 
trouvé  la  leçon  correspondante  au  texte  du  premier  de  nos  deux  fragments  alexandrins  que 
dans  le  seul  ms.  4988. 

3.  Corr.  Le  duc  Garin.  A  la  rigueur  on  peut  admettre  que  fait  (au  vers  pricident)  soit 
une  sorte  d'auxiliaire^  comme  l'anglais  doe$,  mais  cf.  plus  bas  [v.  28)  :  A  Fromondin 
font  l'ensaigne  porter. 


MÉLANGES   DE   POÉSIE   FRANÇAISE  48^ 

//  ri  a  baron  tn  fost  nel  doit  amer. 

A  Soissons  yinrent,  si  corn  j'oï  conter; 

Aval  le  pré  se  keurent  adouber, 

La  mssiés  le  vitaik  amener  y 

De  maintes  pars  chevaliers  aûntr. 

De  Soissons  partent  ^uant  il  dut  ajourner; 

Dusi^a  Bruiieres  ne  vorent  arester; 

lUeuk  a  fait  li  roys  sa  gent  armer; 

Beg.  et  Car.  en  font  avant  aler. 

Quille,  aveuk  et  Fromont  le  séné, 

Atout  .XX.™  chevaliers  adoubé[s]; 

Desci  en  Post  ne  se  sont  aresté. 

La  veïssiés  maint  chevalier  verser; 

Beg.  en  donnent  le  los  li  baceler 

De  bien  ferir  et  de  lance  porter. 

Leur  escief  font  partir  et  deviser  y 

Beg,  donna  le  sien  y  ki  moût  fut  ber,  [i] 

Vers  Flandres  tournent  pour  le  terre  gaster. 

Et  Flamenc  vinrent  au  roy  merchi  crier  : 

«  Hé!  gentieus  roys  y  aiiés  de  nous  pité , 

«  Que  [/le]  nous  faites  nostre  terre  gaster!  » 

Mais  aine  ne  porent  au  roy  merchi  trouver. 

Devant  le  roy  en  sont  venu  ester. 

Beg.  li  dus^  qui  moût  fist  a  lœr. 

Et  dist  au  roy  :  «  Tout  çou  laiiés  ester! 

«  Qui  merchi  crie  il  le  doit  bien  trouver  : 

«  Dieus  le  çmande  ki  tout  a  a  sauver,  » 

Dont  dient  tout  :  «  Ychils  estera  ber,  [lo] 

ti  Et  s'il  est  saiges  il  peut  assés  donnera  » 

La  trieve  donnent  et  si  font  paisfremer, 

Adont  parolle  Garins  li  gentieus  ber  : 

<c  Sire,  »  fait  il,  «  a  vous  me  veul  clamer  : 

i(  Roys  Anseys  nu  veut  deshireter; 

€  Ma  terre  tient  ke  deuisse  garder. 

«  Nel  deûssiés  souffrir  ne  endurer: 

c  A  vous  en  doit  li  drois  fiés  retourner, 

«  En  toutes  cours  garandir  le  devés. 

—  Faites  le  bien^  sire,  »  che  dist  Hardrés.       (b) 

«  Pour  coi  fériés  vo  gent  arier  tourner f  [20] 

«  Alons  a  Mis  dont  j'oi{e)  Garin  parler. 


1.  Il  faudrait  dorer;  ef.  la  leçon  de  Troyes. 


484  P-  MEYER 

«  Qaant  i  serons  faites  le  roy  mander 

«  Qu'il  laisî  vo  terre^  n'i  ait  soing  d'arester; 

«  Et  s'il  nelfait,  mais  n'en  voiras  tourner  y 

«  Si  aras  fait  tout  jus  la  tour  verser.  » 

Et  dist  li  rois  :  «  Si  corn  vous  pmandés.  » 

A  itarit  font  les  grans  os  arouter, 

A  Fromondin  font  l'ensaigne  porter; 

Moût  en  sont  lié  chil  legier  baceler. 

Ensanble  en  vont,  cui  qu'en  doie  peser,  [}o] 

A  Mis  en  vinrent  droit  a  .;.  ajourner; 

Dont  fissent  très  et  pavillons  lever; 

Lor  mesaigiers  font  en  la  vile  entrer 

Parler  au  roy,  l^il  le  cuident  trouver. 

En  la  vile  entrent  li  mesaige  Pépin 

Parler  au  roy  se  le  pevent  véir. 

Parla  premiers  Hardrés  au  poilflouri  : 

«  Nostre  empereres,  »  fait  il,  «  m'envoie  chi; 

«  Des  fiés  le  roi  estes  a  tort  saisi  : 

«  Par  moi  vous  mande,  ke  vous  veés  ychi,  [40] 

«  Que  li  rendes  sa  terre  et  son  paiis. 

—  fen  parlerai  >,  sire,  »  dist  Anseys. 

—  Vous  ferés  bien,  sire,  »  Hardrés  a  dit, 
«  Car  bien  sachiés  qu'en  poroit  estre  pis.  » 
Anseys  fait  la  gent  a  lui  venir  : 

«  Consilliés  moi,  signeur  baron,  »  fait  il, 
«  Bien  sai  ke  tieng  a  tort  le  fief  Pépin, 
«  Et  si  nel  puis  contre  lui  garentir. 
«  K'en  loés  vous,  franc  chevalier  gentil? 

—  Rendes  H,  sire,  pour  Dm  ki  ne  menti;  [50] 
(c  Si  ert  a  pais  li  terre  et  li  paiis.  » 

A  ces  paroles  ont  fait  Garin  venir. 
Si  li  rendi  quan  k'il  y  dut  tenir. 
Quant  çou  ot  fait  n'en  demoura  enki, 
Ançois  s'en  va  arier  en  son  paiis. 
Chi  vous  lairons  .j.  poi  del  roy  Pépin, 
Si  vous  dirons  del  riche  roy  Tieri  : 
Moriane  ot  et  Val-parfonde  ausi. 
Li  .iiij.  roy  sont  en  sa  terre  mis. 
Toute  li  gastent  sa  terre  et  son  paiis; 

1 .  Corr.  J'en  penserai. 


MÉLANGES   DE   POÉSIE   FRANÇAISE  485 

//  prent  consel  comment  pora  garir.  [66] 

Ses  mesaigiers  envoia  a  Pépin, 

Joffroy,  Gautier  et  çte  Baûdaïn; 

De  Val-par fonde  se  sont  en  France  mis; 

Aine  ne  finerent  si  vinrent  a  Clugny; 

Illeuk  demandent  nouveles  de  Pépin  ;  (c) 

On  leufensaigne  a  Lengres,  la  fort  cit, 

La  tient  sa  court,  aine  hons  si  grant  ne  vit  :  [70] 

Beg.  y  est  et  ses  frères  Garins, 

HardréSy  Fromons,  Guillaumes  li  marchis. 

Es  les  mesaiges  ki  vinrent  a  Pépin. 

Premiers  parla  Joffrois  li  fieus  Gaudin^ 

Que  bien  Poïrent  Mansiel  et  Angevin, 

Et  Loherenc,  Baivier  et  Poitevin. 

Chieus  Damedieu  ki  de  faige  fist  vin 

Quant  sist  as  noces  de  5.  Archedeclin.., 

Voici  maintenant  le  premier  fragment  de  Troyes  où  je  restitue  en  italiques 
quelques  mots  laissés  en  blanc  dans  la  copie. 

Bègue  dona  le  sien,  moult  en  fist  a  loer. 

Vers  Flandres  s'en  tomerent  por  le  règne  gaster  ; 

Flamens  vienent  encontre  por  la  merci  crier, 

Mais  onques  ne  le  porent  envers  le  roi  trover. 
5  Corne  Beg.  le  voit  le  sens  cuide  derver, 

Devant  le  roi  de  France  s'en  est  venus  ester  : 

c  Sire,  »  dist  il  al  roi,  «  tôt  ço  laissiés  ester; 

«  Li  hom  ki  merci  crie  bien  doit  merci  trover  : 

«  Jh.  le  comanda  qui  tôt  a  a  garder.  » 
10  Dont  dient  par  la  sale  :  (c  Cis  estera  moult  ber; 

«  S'est  sage  chevaliers  moult  puet  longes  durer,  n 

Les  trêves  ont  données,  si  font  le  pais  jurer. 

<(  Sire,  »  ço  dist  Garins,  (c  or  me  vieng  jo  clamer 

a  Del  fort  roi  Anseis,  moi  velt  desireter, 
15  «  Ki  me  toit  ma  contrée  que  deûsse  garder. 

«  Certes,  nel  deussiés  sofrir  ne  endurer, 

<c  Que  li  fiés  doit  a  vos  venir  et  retomer  : 

«  Si  deussiés  par  tôt  vostre  droit  délivrer.  » 

—  Faisons  le  bien,  beau  sire,  ço  dist  li  mes  Hardrés. 
20  «  Por  coi  fériés  vous  gens  ariere  retomer? 

«  Alons  nos  en  a  Mex  dont  j'oi  Garin  clamer. 

«  Quant  nous  serons  devant,  faisons  le  roi  mander 

«  Que  nos  laist  vostre  terre;  n'a  droit  en  l'arester  ; 


486  p.  MEYER 

«  Que,  s'il  nel  fût  ensi,  ne  vos  en  tomcr^ 
2  5  «  De  ci  que  vos  ares  les  tors  fait  cravanter. 

—  Jo  l'otroi,  »  dist  li  rois^  «  foi  quç  vos  doi  porter.  » 
Atant  fisent  les  o$  guencir  et  retosnêri 

Fromondin  font  l'ensegne  baillier  et  délivrer; 
Forment  s'en  entreroetent  dl  riche  baceler, 
30  Et  chevalcent  ensemble,  cui  qu'en  doient  penser. 
Devant  Mex  sont  venu  droit  a  un  ajomer; 
Fisent  très  et  alcubes  et  pavellons  lever; 
Les  messages  ont  fait  dedans  la  ville  entrer 
Por  parler  al  baron^  qu'il  le  cuident  trover. 

)  5  La  [de]dens  est  entré  li  message  Pépin,  (v*) 

En  la  sale  ont  trové  le  fort  roi  Anseis. 

Premiers  parla  Hardrés  cui  on  i  ot  tramis  : 

«  L'emperere  de  France,  sire,  m'envoie  ci; 

((  Del  fief  l'empereor  estes  a  tort  saisis  : 
40  «  Il  vous  mande  par  moi,  par  verte  le  vos  di, 

<c  Que  tost  li  délivrés  sa  terre  et  son  pais. 

—  J'en  prenderai  consel,  »  dist  li  rois  Anseïs. 

—  Sire,  vous  ferés  bien,  »  li  cuens  Hardrés  a  dit, 
<  Car  bien  saciés  de  voir  qu'il  porroit  estre  pis.  » 

4j  Anseis  fait  sa  gent  par  devant  lui  venir  : 

«  Segnor,  conseillés  moi,  franc  chevalier  gentil  : 

«  Jo  sai  que  tieng  a  tort  la  terre  al  roi  Pépin, 

«  Et  si  ne  le  puis  mie  contre  lui  garantir  ; 

«  Que  me  loés,  baron,  par  le  cors  saint  Martin? 
50  —  Se  li  rendes,  »  font  il,  «  frans  chevaliers  gentis  : 

i<  Por  tant  si  iert  a  pais  la  terre  et  li  pais.  » 

A  iceste  parolle  ont  fait  Garin  venir; 

Ne  sejornerent  gaires,  ains  se  toment  d'iqui  : 

Cascuns  a  pris  congié,  si  vai[t]  en  son  pais. 
5  5  Or  lairomes  del  roi  qui  France  dut  tenir. 

Et  dirons  anuit  mais  del  riche  roi  Teri, 

Gel  qui  tint  Moriane  et  Val-profonde  aussi. 

Li  .iiij.  roi  félon  se  sont  ensemble  mis, 

Il  li  gastent  sa  terre,  son  règne  et  son  pais  ; 
60  Li  rois  a  pris  conseil  cornent  pora  garir. 

Ses  messages  envoie  en  France  al  roi  Pépin 

Qu'il  li  viegne  secorre  par  Deu  et  par  merci, 

<2  On  voit  par  le  texte  en  dicasyllabiques  qu*un  vers  a  été  omis  après  celui-ci.  Cf» 
ci-dessus^  p.  482,  n.  1. 


MÉLANGES    DE    POÉSrE   FRANÇAISE 

El  por  cresticîiié  que  il  doit  maintenir. 

Ses  messages  atome  et  si  les  a  eslis, 
6j  Joifrois  et  Berenger  et  li  cuens  Harduins; 

De  Val-profonde  en  voie  vers  France  se  sont  mis 

Onques  ne  trestomerent  si  vinrent  a  Cluigni  ; 

La  demandent  nouvelles  de  nosire  roi  Pépin  ; 

A  Lengres  lor  enseignent  qui  n'est  pas  loing  d'iqui, 
70  Et  li  rois  tint  sa  cort,  aine  si  rice  ne  vit, 

Que  ja  i  fu  dus  Beges  et  ses  frères  Garins, 

El  Hardrés  et  From.,  Guili.  ïe  marcis. 

Venu  sont  li  message  devant  le  roi  Pépin  ; 

Premiers  paria  Goifrois,  cil  qui  fu  niés  Gaudin, 
75  Si  que  bien  Tont  oï  Mansel  et  Angevin, 

Lohereni  et  Breton,  Norman  et  Poitevin  : 

«  Cil  Dameldex  de  gloire  qui  de  Paigue  fist  vin.  » 


487 


Pour  le  second  fragmwït  la  divergence  que  je  sipabis  toot  à  l'heure  entre  le 
ms.  49S8  et  les  autres  mss.  consultés  par  moi,  n*existc  plus,  et  par  conséquent 
l'édition  de  M,  P.  Paris  donne  un  élément  de  comparaison  suffisant.  Le  texte 
de  notre  fragmciu  correspond  aux  pages  79,  vers  3,  à  83  vers  8  du  l*  1  de  cette 
édition. 

«  Lassus  en  cel  palais  parler  al  roi  Pépin, 

«  Savoir  s'en  autre  point  seroit  ft  consel  mis 
«  De  secorre  le  roi  qyi  pros  est  et  gentis. 
il  Nos  somes  jovencel,  porchaçons  nostre  pris» 
ç  <c  El  se  li  rois  nous  faut  mandomes  nos  amis, 
te  S-alons  chevalerie  querre  en  autre  païs. 

—  Dehaît  ait  qui  le  vie!  sire,  »  dist  Fromondins. 
Enprès  se  sont  levé  li  conte  de  haut  pris. 
De  ci  que  al  palais  ne  prisent  onques  fin  ; 

10  Contremom  en  montèrent  et  Beg.  et  Carins, 
Entre  lui  et  Guill,  et  le  pro  Fromondin. 
Les  messages  encontrent,  tienent  les  ciés  enclins 
Et  ploreni  seurement  des  biaus  ieus  de  lor  vis 
Corne  Beg,  les  voit,  très  grande  pitiés  Fen  prist. 

1 5  «  Estes  vos  chevaliers  »^  tî  Loherains  a  dit? 
Que  cil  ont  respondu  :  a  Si  m'ait  Dex,  oïl; 
M  Jo  ai  a  non  Jofres  et  si  sui  niés  Gaudîn. 

—  Par  mon  cief,  ^  ço  dist  Beg. ,  «  vos  estes  mes  cosins. 

—  Sire,  n  Joifrois  respond,  u  forment  venimes  a  Pépin. 


67  J^ai  th  O.  oc  ne  iresracrent, 

7  vie,  ctfrr,  vèc,  —  16  Que,  corr.  Et.  —  j?  Corr.  Jofrois.  —  19  Ms,  4988  foL  i  4  '. 
Sire  i»f  fait  U,  «  nous  sommes  si  souspris. 


488  P.  MEYER 

20  «  Mais  il  nous  en  est,  sire,  del  tôt  en  tôt  falis. 

—  Or  retomés  ariere,  baron  i»,  ce  dist  Garins. 
c(  Se  Deus  plaist  et  S.  Pierre,  il  n'ira  mie  ainsi  : 
tf  S'il  ensi  vous  faloit  nous  seriemes  boni.  » 

Et  li  messagier  dient  :  «  Sire,  vostre  merci.  » 
25  Ariere  sont  venu  devant  le  roi  Pépin. 

Moût  est  li  dus  Garins  sor  le  palais  montés, 

Avuec  lui  les  messages  que  il  a  retomés; 

Decoste  lui  fii  Beges  dont  il  est  moult  amés, 

Et  Fromont  et  Guill.  lor  compaignon  juré. 
30  Garins  parla  premiers  qui  bien  fii  escotés  : 

«  Sire  drois  empereur,  envers  moi  entendes. 

«  Une  cose  avés  faite  dont  moût  estes  blasmés  : 

a  Vous  deûssiés  premiers  a  vos  barons  parler; 

«  Ne  deûssiés  pas  croire  les  viels  chenus  barbés 
3  5  «  Ki  aiment  le  sejor  et  le  grant  reposer, 

«  Et  le  soir,  al  choucier,  le  vin  et  le  claré. 

«  Ja  par  itel  consel  en  pris  ne  monterés 

—  Sire,  vous  dites  mal,  »  ce  dist  li  cuens  Hardrés; 
«  La  terre  est  essillie  et  li  règne  gastés 

40  a  Par  Girart  le  franc  duc  qu'est  de  Rossilon  nés, 
«  Par  cui  furent  maint  home  mort  et  desireté. 
«  Tels  se  fait  de  la  guerre  frés  et  abandoné 
a  Se  Pépins  l'emperere  estoit  ore(s)  arotés, 
a  Ja  n'i  mettroit  de!  sien  .ij.  d.  moneés. 

45.  —  Sire,  »  ce  dist  Garins,  a  jo  cuit  que  vous  gabés  : 
<c  Ains  ne  sera  .ij.  ans  acomplis  ne  passés 
«^  Jo  mettrai  avuec  moi  .x.^  homes  armés; 
a  Ains  costera  mil  mars,  ains  que  past  li  estes, 
a  Que  Tieris  n'ait  secors  li  bons  rois  coronés 

50  —  Père,  »  ce  dist  Fromt.  [et]  «  car  vous  reposés, 
«  Mainte  parole  as  dite  dont  vous  estes  blasmés. 
a  Laissiés  ester  la  cort,  que  mestier  n'i  avés  : 
a  Nos  remanrons  cui  avés  engenrés, 
a  Et  li  rois  est  meschins,  sel  servirons  assés 

5  5  a  Bien  le  poromes  faire,  je  et  mes  parentés. 

—  Baron,  »  ço  dist  li  rois,  «  trop  en  avés  parlé; 
a  Vos  tornés  tôt  l'afaire  sor  le  conte  Hardré. 

Li  .iiij.  roy  gastent  nostre  paiis. 

Pour  le  secours  venimes  a  Pépin. 
Il  y  a  donc  deux  vers  d'omis,  omission  dont  on  peut  rendre  raponsable  le  copiste  moderne. 
—  26  Moût,  lis.  Dont  ?  —  n  ^^^^  conservé  sans  changement. 


MÉLANGES    DE    POÉSIE    FRANÇAISE 

«  Jo  irai  al  secors  dès  que  vos  le  volés. 

^  Sire,  1»  dist  li  dus  Beges,  t  que  faire  le  devés. 

—  Sire  drois  emperere,  i»  ce  disi  li  dus  Garins, 
«  Se  vous  soufrés  itani  que  conquis  soil  TierriSy 
«  Li  règnes  est  perdus  et  gastés  li  pais  ; 

•ï  Onques  ne  acoimastes  plus  félons  anemis  : 
«  11  gasteront  la  terre  et  prendront  le  pais; 
65  «  Saciés,  toie  Borgoigne  ien  de  la  guerre  pis, 

—  Vassal,  laissiés  ester!  »  li  emperere  a  dit, 
[I  en  jure  Jhesus  et  li  cors  S.  Denis 

Que  il  nel  lairoit  raie,  qui  li  îoldroit  Paris, 
Que  nel  voise  secore  quant  ensi  en  est  pris, 

70  —  Sire,  îï  ço  dist  dus  Beges,  «  la  vostre  gent  merci, 
<  Ensi  devés  vous  faire,  emperere  gentis. 
«  Et  vous  segnor  François,  Mansel  et  Angevin, 
«  Ja  avés  vos  oi  que  l*emperere  a  dit  : 
i  Aies  ent  en  vos  terres  por  vos  armes  guarnir 

75  4<  Droit  a  la  Pentecoste  que  vos  soies  id, 
€  A  Lions  la  cité  u  II  conciles  est  pris.  » 


489 


ÎL 

LE  POÈME  DE  LA  CROISADE  IMITE  DE  BAUDRl  DE  BOURGUEIL, 

FRAGMENT  NOUVELLEMENT  DÉCOUVERT. 

Lorsque,  il  y  a  environ  deuï  ans*,  je  dissertais  sur  la  chanson  de  la  première 
croisade  composée  principalement  d'après  VHistoria  Hitrosolymitana  de  Baudri, 
rèvêque  de  Dôle^  je  disais  que  l'auteur  de  ce  poème  était,  «  sinon  un  Français 
ou  un  Normand  du  continent,  au  moins  un  Normand  d'Angleterre  ayant  con- 
servé le  bon  usage  de  la  langue,  les  fautes  nombreuses  que  nous  rencontrons 
dans  les  deux  mss.  de  son  œuvre  devant^  selon  toute  probabil  lié,  être  portées 
au  compte  des  copistes.  » 

Un  heureux  hasard  est  venu  confirmer  mon  opinion.  Nous  avons  maintenant 
la  preuve  que  le  poème  dont  je  ne  connaissais  que  deux  mss.  exécutés  en  Angle- 
terre, est  l'œuvre  d'un  Français  du  continent.  Il  y  a  quelques  mois,  M.  W.-H. 
Turner«  qui  achève  actuellement  le  catalogue  des  chartes  de  la  Bodléienne^, 
trouva,  dans  la  reliure  d'un  livre  acheté  à  Londres,  deux  feuillets  manuscrits  d'un 
poème  français.  Grâce  â  Tobligeance  de  mon  ami  M.  Neubauer,  sous-bibliothé- 
caire de  ta  Bodleienne,  ces  feuillets  me  furent  communiqués,  et  j'y  reconnus 
deux  fragments  du  poème  imité  de  Baudri.  J  ai  fait  reproduire  en  héliogravure 


I    Kùmanîa^  V,  1  n  suiv, 

2,  Ce  catalogue  est  sous  preue  et  sera  prodiaîoeoieni  publié. 


490  p.  MEYER 

un  côté  de  Tun  d'eux,  et  tout  lecteur  ayant  quelques  connaissaBces  en  paléogra- 
phie reconnaîtra  que  1  écriture  de  ce  fragment  est  française,  et  qu'elle  appartient 
au  milieu  du  XIII*  siècle. 

Le  premier  de  ces  feuillets  coïncide  avec  le  premier  des  morceaux  que  j'ai 
publiés  Tan  dernier,  d'après  les  mss.  d'Oxford  et  de  Spalding.  Les  chifto  placés 
entre  [  ]  à  droite  du  texte  faciliteront  la  comparaison  avec  ce  morceau.  On 
remarquera  qu'en  général  le  texte  du  fragment  est  supérieur  à  celui  des  mss. 
entiers.  C'est  ce  que  je  fais  ressortir  dans  les  notes  ^. 

Ces  précieux  fragments  ont  été  donnés  à  la  Ekxlléienne.  On  les  a  fixés  dans 
la  reliure  du  ms.  Hatton  77  qui  est  le  plus  ancien  des  deux  mss.  du  poème 
de  la  croisade. 

M 


—  Voire,  dist  l'emj .,  «  ne  m'en  puis  esclaîrier.  » 

Puis  a  fait  Menuiax  Godefroi  acointier 
5  Qu'il  lait  Costantinoble  et  s'aut  fors  herbergier. 

Car  la  gens  ne  li  sires  ne  Vi  ont  gaires  chier. 

Quant  Godefrois  Toi,  sa  gent  a  fait  logier  [54$] 

Auques  lôig  (sic)  de  la  vile  dalés  .j.  grant  vergier 

Qui  fil  Pempereor,  mervîllous  et  plenier; 
10  Et  i  coroit  une  aiguë  qui  menoit  grant  teropier. 

Assez  i  fussent  bien  p^  lor  cors  aaisier 

Se  ne  fussent  li  Griu  qui  les  vont  abaier.  [5  jo] 

A  .j.  soir  i  alerent  f  lor  fort  en9brier, 

Car  cil  qui  l'ost  dévoient  la  nuit  eschergaitier 
1 5  En  ont  .vij.  detrenchiez  qui  gisent  el  gravier. 

Bien  le  sot  Pemp  ains  qu'il  s'alast  couchier  : 

Se  il  en  est  maris  nus  n'en  doit  mervillier.  [555] 

Au  matinnet  a  Paube,  quant  il  dut  esclairier, 

Manda  p'  Godefroi  le  nobile  guerrier. 

20  Li  bons  dus  God.  a  la  |)ole  oie 

Q  (sic)  Alexis  le  manda,  que  Jhesus  maleïe  ! 

Toz  les  millors  manda  de  sa  grant  baronnie,  [560] 

Bien  les  fist  conreer,  ce  fu  grans  cortoisie; 

Puis  montent  es  destriers  qui  vinrent  de  Hongrie. 

2  5  Dui  et  dui  sont  entré  ç  la  porte  Goulie  : 
Merveilles  les  esgardent  celé  gens  Grifonnie, 
Et  dit  li  .j.  a  l'autre  :  «  Veés  quel  baronnie!  [565] 

I .  Je  reproduis,  dans  la  transcription  de  ces  fragments,  celles  des  abréviations  qui 
peuvent  donner  lieu  à  doute.  Je  restitue  en  italiques  quelques  mois  ou  lettres  qui  man- 
quent actuellement  par  suite  de  déchirures. 

I  Dans  le  premier  fragment,  les  deux  premiers  vers  de  chaque  page  ont  été  coupés.  — 
4  Menuiax,  6.  Sp.  eneveis  qui  n'a  pas  de  sens.  —  17  Ce  vers  est  faux  dans  0.  et  Sp, 


MÉLANGES   DE   POtSIE   FRANÇAISE  491 

«  Et  9  samble  preudom  li  sires  qui  les  guie! 
«  Mit  fait  nostrc  cmf .  Alexis  grant  folie 
30  «  Qiiant  il  nés  foit  passer  outre  la  ROmenie, 


[570] 


L'empereor  troverent  qui  fist  chîere  marie, 

Et  fil  en  .j.  encloistre  lés  une  praerie  ; 
35  Sor  .ij.  pailes  seoit  qui  furent  de  Hongrie, 

Lés  lui  hx  Murgalez  qui  fii  dus  de  Hongrie 

Et  ses  oncles  de  père  a  la  barbe  florie,  [57)3 

Et  fr/en  .c.  duc  et  9te  de  maisnie  escharie 

Furent  environ  lui  et  ne  s'esturent  mie. 
40  Li  dus  ala  avant  a  la  chiere  hardie, 

L'empereor  salue  de  Deu  le  iil  Marie. 

Alexis  li  respont  :  «  Et  il  V9  beneïe!  [580] 

«  Mais  je  ne  salu  pas  la  vostre  9paignie 

«  Qui  ont  mes  homes  mors  et  ma  terre  gastie. 
45  c€  Toute  ceste  contrée  en  est  vers  ox  marie. 

«  Si  V9  consillerai  sans  nesune  boisdie 

«  Que  passissiez  le  Bras  le  matin  0  navie;  [585] 

«  Je  vos  ferai  avoir  bonne  marcheandie, 

«  Si  que  vostre  os  en  iert  bien  ç  tôt  replenie; 
50  «  Et  v9  me  juerrés,  ques  avés  en  baillie, 

«  A  bien  garder  ma  terre,  mes  m'bres  et  ma  vie. 

—  Volentiers,  »  dist  li  dus,  «  Dex  v9  en  prest  aïe!       [590] 
«  Mes  seùrté  m  en  faites  que  n'i  ait  trecherie. 

—  Et  je  ensi  l'otroi,  »  Alexis  li  escrie. 
5  5  Les  s.  font  aporter  a  .j.  vesque  Ysale  : 

Ambedui  ont  juré  et  ont  lor  foi  plevie; 
Quant  sont  entrebaisié  si  fu  la  départie,  [595] 

Et  li  dus  retoma  a  sa  herbergerie; 
A  toz  ses  9paignons  a  sa  voie  bastie 
60  Que  demain  passeront  quant  l'aube  iert  esclarcie. 

Entre  ce  feuillet  et  l'autre  il  y  a,  selon  le  ms.  d'Oxford,  si  j'ai  bien  compté, 
une  lacune  de  237  vers,  soit  quatre  de  nos  feuillets.  Comme  ce  second  fragment 
appartient  à  une  partie  du  poème  que  je  n'ai  pas  publiée  dans  ma  dissertation^  je 


36  mgalez,  avec  une  abréviation  dont  le  sens  n'est  pas  tris-sûr,  La  leçon  d'O.  et  de. 
Sp.  est  corrompue.  —  37  0.  Sp.  Et  si  onqucs  despuis  (!!)  —  39  0.  Sp.  et  ne  se  sistrent, 
qui  semble  préférable.  —  $  1  La  fin  de  ce  vers  n'est  pas  une  cheville,  c'est  la  formule  des 
actes  de  fidélité,  principalement  dans  le  Midi  :  non  ti  decebrai  de  ta  vida  ne  de  ta  membra 
que  a  tuo  corpore  juncta  sunt,  Recueil  d'anciens  textes^  partie  provençale^  a*  42  ;  cf. 
Vaûsètit  II»  pr»  cxxi,  cxzvi,  cuui,  etc. 


492  P.    MEYER 

vais,  pour  rendre  plus  facile  rintelligence  du  morceau ,  transcrire  d'après  le  ms. 
d'Oxford  le  début  de  la  tirade,  le  faisant  imprimer  en  italiques.  Je  ne  donne 
qu'exceptionnellement,  dans  les  notes,  les  variantes  du  ms.  d'Oxford,  qui  en 
général  sont  sans  valeur. 

Dans  ce  morceau  le  poète  traite  sa  matière  avec  une  grande  liberté,  prêtant 
â  ses  personnages  des  discours  dont  on  trouve  à  peine  Tidée  dans  le  texte  latin. 
Ainsi  les  paroles  mises  dans  la  bouche  de  Boëmond  (v.  12-7)  paraissent  avoir 
pour  origine  ces  mots  de  Baudri  :  a  Francis  prxtendere  se  juramentum  nulli  nisi 
a  Deo  debere,  cujus  milites  erant  in  via^  »  La  résistance  de  Raimon  de  Saint- 
Gilles,  lorsqu'on  le  prie  de  prêter  serment  à  l'empereur,  est  indiquée  par  Baudri: 
€  Comes  autem  S.  i^gidii  plus  aliis  renitebatur.  »  Mais  je  ne  vois  pas  que  le 
message  envoyé  â  Alexis  par  c  deux  prudhommes,  Alexandre  et  Renier  •,  se  ren- 
contre dans  aucun  récit  latin. 

Godefrei  de  Boillon  od  le  grand  hardement, 

Qui  en  Romanie  ot  esté  [mult]  lungement, 

Fu  retornez  ariere,  Deu  li  soit  en  présent! 

Por  endroit  la  vitaille  dont  (//)  ot  eschar sèment 

Mais  quant  de  Buiamon  aprist  Vaveinementy 

Tel  joie  en  out  le  duc  que  {tres^tut  s'en  esprent; 

Et  quant  il  s' entrevirent  ^  ce  sachiez  voirement 

Plus  [grant]  joie  se  firent  qu'assez  ne  funt  parent.         {?•  22) 

Le  jor  vint  li  evesques  et  le  conte  ensement, 

Dan  Reimond  de  Saint  Gile  od  le  grant  escient; 

Huit  jor  furent  ensemble  por  atendre  lor  gent. 

Alexis  Vemperere  cui  tote  Grèce  apent 

Par  ses  corpals  ^  lor  manda  parlement, 

Et  que  fussent  si  home  par  tel  devisement 

Que  le  marchié  eussent  [tôt]  plentivosement, 

Et  après  les  siwist  od  son  cfforcement. 

Mais  tut  ont  respondu  qu'il  nelf[e]ront  naient, 

Ne  ja  sur  Damedeu  n'avront  avoement. 

Car  por  lui  sunt  (tut)  meii  et  soen  sont  (tut)  quitement. 

Quant  Alexis  l'di,  qui  Deus  doinst  manement! 

Si  lor  ad  [il]  veé  marchié  et  passement. 

Tuit  li  baron  de  l'ost  en  fuht  assemblement, 

Saveir  coment  il  le  front  3  et  corn  faitierement 

Si  poront  contenir  endroit  4  Varestement. 

Dan  Raimon  de  Saint  Gile  parla  premièrement  : 

«  Seignors,  ge  vos  dirai  le  mien  entendement  : 


1  Bongars,  9^/46;  Histor.  occid.  des  croisades,  IV  (non  encore  achevé),  ij  c. 

2  Bauarif  91/^  '  «  Misit  autem  ad  hoc  quendam  suum  corpalatium  »;  voy.  Du  Cange, 
cura  palatii,  sous  cura  7.-3  Corr.  S.  corne  le  feront.  —  4  Ms.  Si  porent  c.  dendroit. 


MÉLANGES   DE   POÉSIE   FRANÇAISE  493 

a  Cist  Griffon  sun[t]  félon  et  plain  d^utragement, 
«  Et  se  mainent  vers  Deu  et  vers  nos  malementy 
<K  Et  nos  avons  ici  merveillus  (a)jostement. 

Voici  le  texte  du  second  fragment  : 

«  Et  n9  avons  ici  mervillous  jostement  : 

«  S'Alexis  l  emp.  ne  fait  nostre  talent, 

«  Je  lo  bien  et  9seil  que  tôt  9munement 

«  Asaillons  sa  cité  qui  vers  n9  prent  9tent. 
5  0  Grijois  sont  plain  d'engien  et  de  decevement, 

«  Mais  coart  et  lanier  sont,  sans  deffendexnent  : 

a  Plus  valent  .xx.  des  nos  que  ne  font  des  lor  .c.  ; 

a  Sempres  les  arons  pris,  f  le  mien  escient, 

«  Puis  ferons  de  la  terre  nostre  9xnandement. 
10  a  Or  en  dites  v9  autre  ce  que  chascuns  en  sent, 

«  Car  je  v9  en  ait  dit  le  mien  9seillement. 

—  p  Deu!  »  dist  Buiemons,  «  ci  a  mal  loement. 

«  N9  somes  ci  venu  pr  Deu  tôt  purement, 

«  Et  p^  paiens  destruire,  se  il  le  m  9sent, 
1 5  a  Et  del  tomer  arrière  n'i  a  p^pensement. 

«  Pr  ce  n9  vient  miex  faire  son  asegurement, 

«  Que  ja  des  crestiens  faceon  ociement.  » 

Trestuit  l'ont  otrié  fors  Raîmon  seulement. 

[A]u  dit  dant  Buiemon  se  tiennent  li  paumier, 
20  Fors  Ralroon  de  S.  Gile  qui  nei  volt  otrier. 
Il  ont  pris  .ij.  preudomes,  Alissandre  et  Renier, 
Et  furent  Longuebart  et  ml't  bon  latimier  : 
Alexis  les  envoient  lor  9seil  ensaignier; 
Avuec  ox  nen  alerent  fors  que  dui  escuier. 
25  L'empereor  troverent  séant  en  .j.  vergier, 
9sillant  a  ses  hommes  desoz  .j.  olivier; 
Il  sont  aie  avant,  s'ont  parlé(r)  au  portier, 
Qui  dist  l'empereor  :  «  La  fors  sont  messagier.  > 
L'emp.  respont  :  «  Faites  les  aprochier.  » 
)o  Dont  sont  avant  venu  li  cortois  messagier, 

Alexi  saluèrent  9me  roi  droiturier  :  (k°) 

«  Biax  sire,  enten  a  moi;  ne  te  chaut  anuier. 

1 1  Ce  yen  y  assez  peu  utile,  manque  dans  0.  —  3)  H  y  a  de  plus  dans  0  :  Cil  i  sont 
aie  chascun  sur  son  destrier  ||  Que  od  els...  —  2S  De  plus  dans  0  :  Qui  volent  od  lui 
de  son  preu  conseilUer.  ~  )o  0.  Cil  sont  aie  avant  lor  parole  noncier.  —  )  2  0.  a  nos 
ne  te  doit. 


494  **•  WÉYER 

«  Très  Mcn  as  tu  oï,  Wcn  a  .j.  an  entier, 

«  Que  li  bons  apost.,  Urbains  que  Dex  a  cfaier, 

j  5  «  i4  fait  as  crestiens  banir  et  preechier 
a  Que  tuit  cil  qui  p'  Deu  se  volroient  oroîsîer 
a  Et  aler  sor  paiens  9querre  et  desraisnier 
«  Icele  sainte  terre  ou  Dex  volt  travillier 
«  Et  ou  soufri  son  cors  batre  et  crucefier, 

40  a  Seroient  tuit  assox  de  Deu  le  justicier. 
«  P'  ce  ont  il  guerpi  et  entant  et  raoillier, 
«  Et  sOmes  ci  venu  p'  nos  cors  travillier, 
«  Et  p'  la  passion  nostre  Signor  vengier; 
a  Mais  tu,  que  le  pues  faire  et  qui  n9  dois  aidîer, 

45  «  Cui  il  tolent  plus  terre  9  ne  poroit  proisîer, 
«  Ne  sai  f  quel  9seil  n9  en  viex  eslongier; 
«  Que  a  nostre  passage  ne  n9  fai  en9brier, 
«  Mais  vien  ensamble  0  n9  p'  la  loi  essaucier, 
«  Et  p'  les  Sarr.  destruire  et  guerroier; 

50  «  0  la  force  de  n9  les  poroies  chacier 
tt  De  toute  RQmenie  que  tu  as  a  traitier. 
«  N9  et  la  nostre  gens  i  irons  tôt  premier, 
«  Et  ferons  la  bataille  au  fer  et  a  Tacier  : 
«  iV'  an  i  avra  cité,  tant  soit  a  mur  doublier 

5  5  «  Ne  vile  ne  chastel,  tant  soit  en  haut  rochier, 
«  Ne  tant  soit  haut  levée  sor  mur  ne  sor  terrier, 
a  Que  n9  ne  la  prenons  et  façons  trebuchier. 
«  Toie  sera  la  terre  quant  ve/zras  au  derrier, 
«  Et  encor  en  avras  le  Damedeu  loier 

60  «  Se  loialment  te  mainnes  vers  n9  et  sans  trechier. 


III. 

PROLOGUE   EN   VERS  FRANÇAIS   D^UNE   HISTOIRE   PERDUE   DE 
PHILIPPE-AUGUSTE. 

Le  ms.  du  Musée  Britannique  coté  AdJit.  21212,  et  acquis  du  libraire  E.  Tross 
le  12  janvier  i8$6,  est  un  volume  de  format  oblong,  en  parchemin,  ayant 
25$  mill.  de  hauteur  et  145  de  largeur.  II  contient,  à  partir  du  cinquième 
feuillet,  la  Philippide  de  Guillaume  Breton.  Dans  la  marge  supérieure  du  même 

59  0.  Et  ou  loffri  por  nos  son  biau  cors  a  plaicr.  —  46  Un  vers  a  Hi  oublié  aprh 
celui-ci;  le  wici  d'après  0  :  Et  por  ce  venimes  ça  et  te  volom  prôlcr.  —  5(*^  qui  ail 
unt  haut  terrier  |  Ne  tant  soit  ...  sor  si  haut  rochier. 


I 


I 
I 


MÉLANGES   DE    POÉSIE    FRANÇAISE  49^ 

feuillet,  uine  main  de  la  fin  du  XVï*  siècle  a  tracé  d^one  écriture  qui  ne  m'est 
pas  inconnue,  mats  que  je  ne  puis  réussir  h  identifier*,  ces  mots  :  G^sta  phUipi 
Ri  gis  /rancis  qm  Jlormt  anno  D,  1 181.  Le  feuillet  1  contient  une  notice,  écrite 
en  ce  siècle^  sur  le  ms.  Les  feuillets  2  et  3  contiennent  un  fragment  d'un  censier 
français  du  XI V°  siècle  V  Sur  le  feuillet  4  ont  été  écrits  au  XIII"  siècle  les  1 18 
vers  français  dont  on  trouvera  le  texte  plus  loin'. 

Ces  vers  sont  le  prologue  d'un  ouvrage  que  nous  n'avons  point.  L*autcur 
commence  par  déclarer,  dans  une  phrase  longue  et  embarrassée,  que  si  celui  qui 
fit  une  entreprise  devant  laquelle  tout  autre  qu'un  homme  de  haut  courage 
aurait  reculé,  que  si  celui-là  avait  vécu,  si  la  mort  ne  nous  Pavait  ravi  â  Mont- 
pensier,  aucun  roi  de  France  depuis  le  temps  de  Charlemagne^  sauf  Philippe 
son  père,  ne  se  fût  illustré  par  un  aussi  puissant  effort.  Il  s'agit  donc  de 
Louis  VIIL  De  Téloge  du  fils  Tauteur  passe  à  celui  du  père,  et  après  avoir 
rappelé  la  prise  d*Acre,  il  annonce  Fintenlion  de  raconter  la  vie  de  Philippe- 
Auguste,  d'après  les  chroniques  de  Saint-Denis  (v,  69  et  suiv,).  C'est  à  la 
requête  de  son  seigneur  •  de  Flagi  »,  de  qui  il  se  dit  Tobligé,  qu'il  a  entrepris 
de  traiter  ce  sujet.  Mais,  comme  il  est  bien  difficile  de  composer  en  vers  sans 
introduire  dans  le  récit,  en  vue  de  la  rim#,  des  paroles  inutiles,  des  mensonges 
selon  Texprcssion  sévère  dont  il  se  sert  (v.  lOjK  il  a  résolu  de  conter  en  prose 
■  comme  le  livre  de  Lancelot,  où  il  n'y  a  de  rime  un  seul  mot,  *  Enfin  il  ter- 
mine par  un  appel  à  Tauditoire,  invitant  ceux  qui  ont  envie  d'entendre  la  vie  de 
Philippe-Auguste  â  ne  pas  s'éloigner,  et  il  annonce  qu'il  parlera  aussi  de 
Louis  VI IL 

L'idée  que  les  entraves  de  la  versification  nuisent  à  la  précision  et  â  l'exac- 
titude est  assez  simple  pour  s'être  présentée  aux  écrivains  de  tous  tes  temps, 
maison  a  dû  surtout  songer  à  Texprimer  â  une  époque  où  il  était  encore  habi- 
tuel de  rimer  totis  les  ouvrages  destinés  à  l'amusement  ou  à  l'instruction  des 
laïques.  Notre  auteur  s'excuse  visiblement  de  n'avoir  pas  écrit  en  vers  la  vie  du 
roi  Philippe.  C'est  ainsi  qu'au  commencement  du  Xlli*  siècle  le  comte  Renaut 
de  Boulogne,  ayant  désiré  que  la  chronique  de  Turpin  lui  fût  traduite  en  prose, 
le  traducteur  jugeait  opportun  de  faire  connaître  le  motif  d'une  préférence  si 
peu  conforme  au  goût  régnant.  Et  ce  motif  était  précisément  celui  qu'invoque 
notre  historien  de  Philippe- Auguste  :  •  Et  por  ce  que  rime  se  veit  afaitier  de 
«  moz  conqueilliz  hors  de  l'estoire,  vout  li  quens  que  cist  livres  fust  sanz  rime*.  » 
Le  prologue  en  vers  est  une  dernière  concession  faite  au  goût  des  auditeurs  : 
on  leur  contera  en  prose  l'histoire  de  Philippe-Auguste  et  de  son  fits^  mais  on 
les  invite  en  vers  à  l'écouler. 


1 ,  Eîie  ressemble  un  peu  à  celle  de  P.  Pithou  qui  a  publié  le  premier  la  Philippide, 
mais  b  ressemblance  ne  va  pas  jusqu'à  ridentité- 

2.  On  Ut  à  U  An  :  a  ...  les  quiex  cens  Mons.  Huben  Riboule  soign"*  d'Acé  et  de  la 
Châpclie  GastineL..  1»  Assé  U  Riboul  est  un  village  du  cinton  de  Beaumoni-sur-Sartlie 
(Sarthe). 

\,  Les  feuillets  1  et  i  sont  évidemment  de  simples  feuillets  de  garde,  mais  le  qua- 
trième, bien  que  ne  faisant  pas  partie  du  premier  cahier  (lequel  se  compose  dci 
feuillets  (à  u)^  y  a  pourtint  été  rattaché  depuis  le  xiv*  siècle  an  moins,  puisqu'il  y  a 
V*  de  ce  feuillet  4^  d'une  écriture  de  ce  temps,  un  sommaire  de  ta  Philippide»  bous  ce 
:  «  In  hac  nagina  continetur  in  grosso  materia  totius  hujus  Ubelli  i». 
G.  Paris,  Ji  Psiitdo^TttrpmQ^  p»  j6. 


49^  F.  MEYER 

La  chronique  elle-même,  dont  nous  avons  le  prologue^  ne  nous  est  pas  par- 
venue. Peul-élre  faui-il  h  reconnaître  dans  un  ouvrage  duquel  deux  mss., 
actuellement  perdus,  sont  indiqués  aînst  qu'il  suit  dans  un  des  cataJogyes  de  ta 
Bibitolhèque  de  Charles  V  *  : 

997  bis.  Le  lî\rre  du  roi  Philippe  le  Conquérant  rimé. 

997  ter.  Le  romans  du  roi  Philippe  le  Conquerani,  les  Macabéts,  Pamphîlet  et  la  rpistres 
Scnequc,  parde  en  rime  et  partie  en  prose,  en  lettre  de  note. 

A  la  vérité,  ces  deux  ouvrages  sont  donnés  comme  »  rimes  »,  au  moins  le 
premier,  car  il  peut  y  avoir  doute  pour  le  second.  Mais  étaient-ils  rrmés  d'un 
bout  à  l'autre?  L'auletir  du  catalogue  n*aura-l-il  pas  étendu  à  tout  Touvrage  ce 
qui  n'était  vrai  que  du  prologue?  En  tout  cas  un  «  romans  »  de  Philippe  le 
Conquérant,  en  vers,  nous  est  inconnu. 

C^esl  à  la  requête  de  son  bon  séi[^neur<t  de  Flagi  n*  que  l'auteur  inconnu  de 
ce  prologue  a  entrepris  de  traiter  en  français  de   l'histoire  de  Philippe^Auguste 
(vv.  74  ss,).  Quel  était  ce  personnage  de  qui  nous  n'avons  ici  que  le  surnom  ? 
On  peut,  si  je  ne  m*abuse,  le  déterminer  sans  faire  une  part  trop  grande  à  la 
conjecture.  Nous  devons  tout  d'abord  supposer  qu'il  avait  vécu  sous  Philippe- 
Auguste  et  sous  Louis  VIII  et  que  ce  fut  peu  d'années  après  la  mort  de  ce  der- 
nier que  l'idée  lui  vint  de  se  faire  écrire  en  français  les  faits  de  ces  deux  rois, 
Gile  de  Flagi,  sur  qui  nous  avons  des  témoignages  depuis    1203  jusqu'à  Hj6, 
qtiï  avait,  dès  le  temps  de  Philippe- Auguste,  rempli  la  lonclion  de  châtelain  de 
Sens,  me  paraît  d'autant  mieux  satisfaire  aux  conditions  cherchées  que  je  ne 
voîs  en  ce  temps  aucun  autre  fief  du  nom  de   Flagi.   Le  village  d'où  Gile  tirait 
son  nom  est  situé  dans  l'arrondissement  de  Fontainebleau,  canton  de  Lorrez-Ie- 
Bocage. 

En  120;  (n,  s.)  Philippe- Auguste  confirma  la  cession  que  Gile  de  Flagi  avait 
faite  à  Tabbé  de  Saint-Germain-des-Prés  de  ses  droits  sur  ravouerie  et  le  lignage 
d'Esmans^. 

En  121  $,  1230  et  i2p  Gile  de  Flagi,  quali&é,  à  la  première  de  ces  dates, 
de  châtelain  de  Sens,  prend  part  à  des  actes  dont  il  est  inutile  de  rapporter  ici 
l'analyse,  parce  qu'on  la  trouvera  dans  le  Trésor  giniahgique  de  dora  Villevieillc, 
actuellement  en  cours  de  publication".  Ces  trois  actes  concernent,  comme  celui 
de  1205,  Saint-Germain-des-Prés. 

Dans  un  compte  des  dépenses  de  saint  Louis  pendant  l'année  n}^,  «  Gilo  de 
Flagiaco  »  figure  pour  un  don  de  quatre  livres  *. 

Enfin,  en  1236,  nous  rencontrons  une  dernière  mention  de  notre  personnage 
dans  une  charte  de  l'archevêque  de  Sens  relative  à  îa  fondation  d'une  chapelle 
t  in  herbergagio  Gilonis  de  Flagiaco,  militis,  sito  apud  Bellam  Fontanam  *  » , 

Voici  maintenant  les  vers  qui  nous  permettent  d'accorder  à  Gile  de  Flagi 


f .  Je  dois  cette  indication  è  Tobligeance  de  M.  L.  Deliste  ;  les  numéros  sont  ceux  que 
portent  ces  articles  dans  l'édition  des  catalogues  de  la  bibliothèque  de  Charles  V  qui  fera 
partie  du  t.  Itl  du  Cabinet  des  manuscrits  de  ta  Bibththlqut  nationaU, 

2.  Dellsle,  CataL  des  Actes  de  Ph.~Aug,,  n*  749. 

3.  BibL  nat.,  cabinet  des  titres,  n*  lae. 

4.  Historiens  de  France,  XXI^  iji  D» 

i.  De  Marrîer,  Historia  regalu  monasterii  5.  Mdrtlni  û  câmpiSy  p.  }2i. 


^^^^^^^^^^^^ANGES    DE   POÉSIE                                                          497              ^^^^| 

^^^1^^^^^         es  protecteurs  des  lettres.  D'après  quelctues  îndiceSi  tels                 ^^^| 

1^^    *'                      de  m  pour  tn,  h 

copie  parait  avoir  été  faite  en  Cham-                ^^H 

Hl                 il  fîst  tant(e)  haute 

Lisant  por  voir  por  Jhesu  Ctît               ^^M 

■                           [àprise  1/4) 

Qui  est  vûie^  vertez  &  vie,                   ^^^^ 

^^                nuls  huemn'eùst  éprise 

}6  Guerpi  sa  roiz  par  qu'il  sa  vie               ^^M 

^^^^^S  fust  de  très  haut  coraige 

&  son  vivre  de  chascun  jor                   ^^H 

^^^^Hpris  de  grant  vassetaige 

Chaçoit  a  paine  &  a  labor  ;                   ^^H 

^^^Hs  eûst  plus  duré  ou  règne, 

&  cist  guerpirent  lor  enor                    ^^H 

^^Hie  cuit  pas  que  dès  Charte- 

40  Por  amor  de  nostre  Segnor,                 ^^H 

^^^F                                [maigne 

France  la  grant,  la  dolce  terre,               ^^M 

^^F  Dom  il  est  si  granz  deparlance^ 

&  esmurent  9tanz  &  guerre                  ^^| 

^Ve  Né[s]  fu   rois  ne   régna  en 

As  Sarrazins,  as  mescreanz                   ^^H 

V                                  [France, 

44  Que  l'an  tenoit  a  recreanz,                   ^^M 

H      si  9  il  sont  venu  a  tere, 

As  Sarrazins  d'outre  la  mer,                ^^H 

■       Fors  le  roi  Ph.  son  père, 

&  a  cels  que  Fan  sielt  nomer               ^^H 

Qui  tant  feist  de  granz  efîorz 

Popelicanz  et  Aubijoîs,                         ^^M 

Il  Com  il  feïst,  ne  fust  ta  raorz, 

48  Que  la  vigors  de  ces  dois  rois               ^^^ 

Qui  ne  doute  9te  ne  roi, 

Qui  tant  sont  dolz  a  reman-               ^^M 

H       Ne  home  rtul,  qui  par  desrot 

[toivre^              ^^M 

^       Le  nos  toli  a  MQpancier. 

An  fist  a  mainz  santir  êc  boivre               ^^M 

16  Se  resons  fust,  a  Deu  tancier 

L'amer  bevraige  de  la  mort                  ^^H 

Deussom,  por  ce  que  si  tost 

J2  Infernal,  ou  il  sans  confort                   ^^^ 

Le  nos  toli,  &  de  son  ost 

Seront   toz  jors   sans    deti-               ^^M 

Ou  ciel  lassus  fist  9paignon, 

[vrance.               ^^H 

20  Quar  tant  soffrî  a  Avignon 

Doubuen  roi  Ph.  de  France                 ^^^ 

Por  son  saint  nô  &  por  sa  foi 

Set  i^an  bien  qu'il  par  le  palacre               ^^M 

De  niai,  de  paine,quege  croi 

;6  De  mer  passa  &  vint  a  Acre  [b)               ^^M 

Sans  doute  quil  an  ceste  vie 

Que  li  Sarrazin  nos  avoient                   ^^M 

24  A  la  corone  desservie  [frirent 

Tolue  a  force  &  la  tenoîentp                ^^M 

Des  martirs  qui  por  Deu  sof- 

Mes   li  buens  rois   par  son               ^^H 

Les  granz  tormenz  &  deguer- 

[grant  san,               ^H 

[pirent 

60  Ph.,  qui  maint  grant  ahan                   ^^M 

Cesiraonde  &ce  qu'il  i  avoient, 

An  sotfri  &  mainz  granz  escharz               ^^^ 

^     28  9me  cil  qui  rien  ni  amoient 

Que  li  esmut  li  rois  Richarz                  ^^^ 

ta        Qui  fust  contre  le  Deu  servise. 

Ainz  qu'il  eust  la  mer  passée,               ^^M 

H       A  lor  meniere  ik  a  lor  guise 

64  Par  vigor  Pot  tost  ramenée                  ^^H 

H       Le  fist  il,  &  li  rois  ses  pères. 

An  la  garde  des  Crestiens                    ^^M 

B}2  Li  chanceliers  dou  ciel,  sainz 

&  retolue  as  paiens,                            ^^| 

B                                        [Pères. 

Si  9  vos  orroiz  a  délivre                     ^^H 

H       si  9  nos  trûvom  an  escrit, 

68  9ter  ci  amprès  an  cest  livre,               ^^M 

|2  mi.  Li  cbccl's  —  4a  dois  —  dtux 

^M 

H            Romania,  Vt 

^1 

49^  P.  MEYER 

Si  9  le  truis  [tôt]  a  devise 
An  l'estoire  de  Saint  Denise, 
Ou  j'a  ceste  matière  prise 

72  Qu'an  françois  tretier  ai  âprise       96 
A  la  requeste  mon  segnor 
De  Flagi,  qui  m'a  grant  enor 
Fête  et  mainz  [bons]  servises 
[fez. 

76  Dou  buen  roi  Ph.  les  fez  100 

&  les  batailles  &  les  guerres 
Que  il  fist  par  diverses  terres 
Orroiz  9ter  an  ceste  estoire. 

80  Bien  doit  sa  vie  estre  â  mi-      104 
[morie 
&  sa  valors  &  sa  largece 
A  cels  qui  béent  a  proece, 
&  ses  sanz  &  sa  porveance.        108 

84  An  point  mist  le  règne   de 
[France 
&  an  force  &  an  pooir 
Qui  avant  soloit  poi  valoir. 
&  se  ne  cuidasse  mesprandre 

88  Vers   mon    segnor,    ja    ce 
[aprandre 
A  tretier  n'escrire  n'osasse  ; 
Mes  chose  nule  ne  me  lasse 
Que  il  me  vuelle  comander, 

92  Ainçois  me  cuit  ml't  amander 
Se  ge  puis  fere  son  plesir, 


112 


ii6 


Mes  trop  redot  a  anvaîr 
Ceste  œvre  ;  mes,  vaille  que 

[vaille, 
Ausi  9  par  ci  le  me  taille, 
M'en  irai  outre  par  la  Ictre 
Sans  riens  oster  &  sans  riens 

[mètre. 
Issi  vos  an  feré  le  conte 
Non  pas  rimé,  qui  an  droit  9te, 
Si  9  li  livres  Lancelot 
Ou  il  n'a  de  rime  un  seul  mot, 
Por  mielz  dire  la  vérité 
&  por  tretier  sans  fauseté  ; 
Quar  anviz  puet  estre  rimée 
Estoire  ou  n'ait  ajostée 
Mançonge  por  fere  la  rime. 
Ne  quier  fere  or  plus  longue 
[lime 
An  rimoier,  mes  qui  anvie 
Ne  talant  avra  de  la  vie 
Oïr  Ph.  le  buen  roi  (c) 

Ne  s'esloigne  pas  ioign  de 
[moi, 
Ainçois  s'en  aprochebien  près, 
Quar  il  i  orra  ci  amprès 
Parler  de  son  fil  Looïs, 
Le  roi  qui  tant  fu  postels 
Dom  nos  sommes  tuit  irascu 
De  ce  que  si  poi  a  vescu. 


96  Locution  qui  pour  n*être  pas  rare  n'en  est  pas  moins  obscure.  C.  Paris  m'en  signale 
deux  exemples  : 

Bons  avocas.... 

Ne  quiert  apiaus  ne  fausses  lois, 

Ains  suit  decretales  et  lois 

Ainsi  corn  par  mi  le  me  taille. 

{Jubinaly  Contes,  1,  289.) 
Et  dans  le  Jeu  Adam  {id,  Coussemaker^  p,  299)  : 

Par  foi  !  tu  dis  a  devinaille 

Ainsi  corn  par  chi  le  me  taille. 

En  voici  un  troisilme^  tiré  de  la  Desputizon  du  Croisié  et  dou  descroisié  : 
Ausi  com  par  ci  le  me  taille, 
Guides  foïr  d'enfer  la  flame 
Et  acroire  et  mètre  a  la  taille 
Et  faire  de  la  char  ta  dame. 

{Rutebeuf,  r«  éd.,  I,  133;  2»  éd.,  I,  ij8.) 

100  Ms.  Nos.  —  106  n*ait,  corr.  nen  ait  ou  ne  soit? 


MÉLANGES   DE   POÉSIE   FRANÇAISE 


499 


IV. 
Plaidoyer  en  faveur  des  femmes. 

Dire  du  bien,  et  surtout  4îre  du  m^l  des  femmes^  a  été  pour  le  moyen  âge, 
comme  pour  Tantiquîté,  un  des  lieux  communs  de  b  littérature.  Impuissants  à 
saisir  les  aspects  variés  d'un  sujet,  incapables  d'une  appréciation  indépendante 
et  nuancée,  les  écrivains  du  moyen  âge  qui  ont  traité  ce  lieu  commun  ont  pris 
décidément  parti  pour  l'une  des  deux  opinions  opposées,  et  leurs  compositions 
sont  ou  des  invectives  ou  des  panégyriques. 

L'invective  semble  avoir  la  priorité  dans  Tordre  chronologique.  Non  qu'en  fait 

I  att  de  bien  solides  raisons  pour  considérer  les  poésies  oCi  la  femme  est  atta- 
quée comme  plus  anciennes  que  celles  où  elle  est  louée;  mais  ces  dernières  se 
présentent  avec  le  caractère  de  plaidoyers^  de  défenses  :  ce  sont  des  réponses 
qui  supposent  non-seulement  l'existence,  mais  encore  la  fréquence  de  Tattaque. 

A  ne  prendre  que  les  poésies  françaises  consacrées  au  bïâme  ou  à  Téloge  des 
feinines  qui  ont  été  publiées,  laissant  de  côté  les  pièces  inédites  et  les  textes 
nombreux  où  le  même  sujet  est  traité  incidemment,  on  peut  citer  : 

i"  Comn*  : 

Le  «  blastange  des  famés  »,  BibI,  naL  fr,  8^7  fol.  240,  Jubinal,  Jongkan  et 

Trouvères^  p.  75.  Inc. 

Cil  îires  qui  forma  le  monde. 

La  comparaison  de  la  pie  et  de  ta  femme,  en  couplets  totds.  Musée  bnt.  Hart. 

22} j  fol.  112;  Jubinalj  Nouveau  ncmi  de  contes,  II,  326.  Inc. 

Femmes  a  la  pie« 

«  Lî  epystle  des  femes  i^  BibI.  nat.  tr.    iSH»  ^^^'  S^4)  ^ubînal,  Jongi  et 

TfOtf»'.,  p.  ai,  en  couplets  de  12  vers  octosyllabiques.  înc. 

Femes  sont  de  diverse  vie. 

•  L'cvangile  as  famés  •,  de  Jeban  Durpatn,  BtbL  nat.  fr»  8j7  fol.  201, 

15^5  fof.    519,  i^9î   fol,  99,  Dijon   298.   Jubinal,  Jongl,  et  Trouv,^  p.  26; 

récemment  réédité  par  M.  Constans*.  Le  début,  qui  varie  selon  les  inss<,  est 

dans  i^S)  - 

Quiconques  veit  mener  pure  et  silntlsme  vie. 

c  Le  blasme  des  famés  •  dont  je  connais  cinq  rédactions,  i*  Laurentienne  XLII^ 

plut,  XLIJoL  8},  sous  ce  titre  :  i  Incipît  tractatus  de  bonitate  et  malitîamulie- 

rum  t\  190  vers,  quoique  incomplet  de  la  fin;  P.  Heyse,  Romanuche 'médita^ 

p.  63.  —  2^  Ms.  de  Westminster  abbey  sous  ce  titre  :  •  Le  dit  de  la  condition 

des  femmes,  «  complet  en    126  vers;  Balietin  de  lu  Soc.  des  anc*  textes  frâtiçaù, 

1875^   p.   27  et  J4.  —  j*»  Musée  brit.  Harl.    225J  fol.   m;   sans  titre, 

complet  en  96  vers;  Jubinal,  Noov,  ru.  II,  jjo;  Th.  Wright,  Reli^ui^t  anti- 

qua^  II,  22 u  —  4^  BibI.  nat.  fr.  159;   fol.    i^^^  1  le  blasme  des  famés  i, 

76  vers.  —  5*  BibL  nat.  fr.  857  fol.    192,  •  le  blasme  des  famés  i»,  94  vers; 


I .  L*ordre  que  j^  stiis  dam  cette  énumèration  est  Tordre  alphabétiaue  déduit  du 
I  premier  vers  de  cette  pièce.  Il  n'y  a  aucun  fond  à  faire  sur  tes  titres  donnés  par  les  mit. 
I  ioit  en  rubrique,  soit  en  explicii. 

I     2.  Bif//dm  de  là  SocM  kùtoriqutéi  CompUgne,  t.  LU  (If^rie  di  CompOgat  d'aprii 
i  iÉïaRgUe  atix  femmes ) . 


500  p.  MEYER 

Jubinal,  JongL  et  TVouv.  79^  —  Tous  ces  textes  commencent,  à  quelques 
variantes  près,  par  ces  deux  vers  que  je  donne  d'après  le  ms.  Harleien  : 
Qui  femme  prent  a  compagnie 
Veiez  s'il  fait  sen  ou  folye. 

2*  Pour  : 

«  Le  bien  des  fomes  •,  Bibl.  nat.  fir.  837  fol.  193  ;  Jubinal,  JongL  et  Troia,, 
p.  83.  Se  trouve  aussi  dans  le  ms.  Harl.  4333  ;  cf.  Romania,  I,  209.  Inc. 
Qui  que  des  famés  vous  mesdie. 

Le  dit  des  femmes,  Musée  brit.,  Harl.  2253  fol.  no;  Jubinal,  Nouf,  rec,^  II, 
334;  Th.  Wright,  Reliqma  antiqua^  II,  218.  Quelques  uns  des  vers  de  ce 
petit  poème  sont  reproduits  dans  un  traité  de  courtoisie  que  renferme  le  ms. 
de  la  Bodleienne  Selden  supra  74.  Inc. 

Seignours  et  dames,  ore  escotez. 

A  ces  deux  pièces  il  faut  ajouter  celle  dont  le  texte  suit,  et  qui  nous  a  été 
conservée  par  le  ms.  du  Musée  Britannique,  Cotton ,  Cleopatra  A,  8.  Elle  est 
évidemment  incomplète  de  la  fin.  Ce  que  nous  en  possédons  a  été  écrit  vers  le 
milieu  du  Xin«  siècle  sur  un  feuillet  de  garde  qui,  dans  son  état  actuel,  ayant 
été  quelque  peu  rogné  vers  le  haut,  mesure  170  mill.  sur  100.  Ce  feuillet  de' 
garde,  maintenant  numéroté  82,  n'est  mentionné  dans  aucun  des  deux  cata- 
logues du  fonds  Cottonien. 

Une  particularité  paléographique  que  présente  ce  morceau ,  et  qui  n'est  pas 
indigne  d'être  notée,  c'est  l'emploi  des  chiffres  arabes  (voy.  vers  19  et  107).  Il 
y  a  du  reste  de  la  même  écriture,  sur  l'autre  partie  de  la  même  feuille  (fol.  83}, 
des  notes  en  français  relatives  au  comput,  et  contenant  aussi  des  chiffres  arabes. 

Une  autre  pièce  sur  le  même  sujet  se  rencontre  dans  deux  mss.  de  Cam- 
bridge. Elle  est  précédée  dans  l'un  d'eux  de  cette  rubrique  :  t  Ci  comence  du 
bounté  des  femmes.  »  II  n'y  a  aucun  doute  qu'elle  a  été  composée  en  Angle- 
terre. Je  la  réserverai  donc  pour  une  autre  occasion,  ne  voulant  faire  entrer 
que  des  morceaux  purement  français  dans  le  petit  recueil  de  mélanges  que  j'ai 
l'honneur  de  présenter  actuellement  aux  lecteurs  de  la  Romania. 

Ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  haut,  tous  ces  plaidoyers  pour  ou  contre  les  femmes 
reproduisent  sans  cesse  un  nombre  assez  limité  d'arguments.  Contre,  outre 
toutes  sortes  de  défauts  qui  sont  bien  près  d'épuiser  la  liste  des  péchés  capitaux, 
on  invoque  la  faute  d'Eve.  Pour^  on  ne  manque  pas  de  faire  valoir  l'idée  à 
laquelle  un  vers  célèbre  de  J.-B.  Legouvé  a  donné  chez  nous  une  forme  pour 
ainsi  dire  consacrée  : 

Tombe  aux  pieds  de  ce  sexe... 

Elle  avait  déjà  été  exprimée,  en  bien  mauvais  hexamètres,  par  l'auteur  d'un 
poëme  qui,  du  xni«  siècle  au  xv,  a  eu  la  plus  grande  vogue,  le  Facctus  : 
Rusticus  est  vere  qui  turpia  de  muliere 
Dicit,  nam  vere  sumus  omnes  de  muliere  -. 

et  nous  la  retrouvons  dans  le  petit  poème  ci-après  publié,  vv.  13-8. 

1.  Il  faut  ajouter  un  court  extrait  (26  vers)  copié  dans  le  ms.  Digby  86  ;  voy.  la  notice 
de  M.  Stengel,  p.  38. 

2.  Lt  Facetus  a  été  longtemps  attribué  à  J.  de  Garlande,  attribution  que  conteste 
M.  Hauréau  dans  son  récent  mémoire  sur  les  œuvres  de  ce  fécond  auteur  (Notices  et 
extraits  des  mss, y  t  XXVII,  1'  partie).  Selon  la  glose  d'un  ms.   cité  par  M.   Hauréau 


MÉLANGES   DE   POÉSIE   FRANÇAISE  ÇOI 

On  iavoquiit  encore  dans  le  même  sens  des  arguments  théologiques.  Le  ms. 
Gg.  1.1.  de  rUniversité  de  Cambridge  donne  (fol.  392  c)  le  r^umé  suivant  dès- 
motifs  pour  lesquels  la  femme  pouvait  être  préférée  à  l'homme  : 

Mulîer  prefertur  vîro,  scilicet  : 

MaUria  :  Quia  Adam  faaus  de  limo  terre,  Eva  de  Costa  Ade, 
LocQ  :  Quia  Adam  factus  extra  paradîsum,  Eva  in  paradîso. 
In  concepùone  :  Quia  mulier  concepit  Deum,  quod  honno  non  potuit, 
Apparicione  :  Quia  Chrisîus  primo  appaniit  mulieri  post  resurrec- 
tionecn^  scilicet  Magdalene. 

Exdlîacione  :  Quia  mulier  exaltaia  est  super  choros  angelorum^  sci- 
licet beaia  Maria, 

Je  ne  sais  d'où  a  été  tiré  ce  sommaire  :  je  me  boriic  à  remarquer  que  les 
arguments  tirés  du  lieu  où  furent  respectivement  formés  Adam  et  Eve  et  de  la 
conception  de  Jésus  par  la  Vierge  se  retrouvent  dans  notre  petit  poème, 
w*  So  et  suivants.  I)  est  probable  qu'on  y  trouverait  encore  quelqu'un  des 
autres  arguments  énumérés  dans  le  latin ^  si  le  poème  n'était  incomplet. 


Tout  a  premiers  v^,... 
Que  SI  vilain  ne  si  estout 
Ne  soiiés  que  nus  de  v9  die 

4  De  dame  lait  ne  vilome. 
Moul  s^enpire,  moût  se  houîiisi 
Li  houn  qui  vilounie  en  dist. 
Qui  as  dames  honor  ne  porte , 
8  La  soie  honors  doit  iestre  m  or- 
Or  esgardés,  vilaine  jent,  [te. 
Que  Dius  vous  het  apieite- 
[ment, 
Vous  qui  dites  de  nule  dame, 

12  N'a  tort  n'a  droit,  visse  ne 

[blasme. 

Li  premier  hosiel  que  eûstes 

Furent  lor  ventre  u  v9  jeùstes^ 

El  car  et  sanc  d^eles  presistes  : 

1 6  9raent  est  ce  dont  que  v9  dites^ 


N'a  gas  n^a  ciertes,  mal  ne  lait 
De  ce  dont  v9  lestes  estrait  ? 
Eles  v9  ont  tant  9paré, 

20  Tant  soufieri  et  tant  enduré 
P'  vous  si  neiement  nourir, 
Souef  garder  et  congoïr, 
Que ,  se  nul  bien  i  pensissiés, 

24  Que  aorer  les  deùssiés. 
Tout  li  ossiel  soient  houni 
Qui  suelent  kunciier  lor  ni. 
Certes,  se  je  Tosasce  dire» 

28  Je  juge  que  v9  iestes  pire 

Que  ne  sont  bies[ies]  en  pas- 

[ture 

En  qui  n'araisson  ne  droiture. 

Et  si  saciés  bien  sans  doutance 

5  2  Que  Dius  en  preni  si  griés  ven- 
[gance 


(p.    19),^  les  deux  vers  ci-dessus  rapportés  ne  se  trouveraient  pas  dans  tous  les  mu. 
Je  les  ai  trouvé»  dans  ceui  que  j'ai  consuttéi  et  dans  les  imprimés. 

I  La  fin  du  ytrs  a  été  enlevée  par  U  couteau  du  relieur.  —  i  Ce  mot  étant  engagé  àam 
lu  reliure^  comme  du  reste  la  première  lettre  de  chacun  des  2}  premiers  nrs^  n* est  pas  très- 
sûr,  —  7-8  Ces  vers  sont  évidemment  une  citation:  cf.  «  le  bien  des  f^mcs  »»  Jubinal, 
Joagteurs,  p.  S6  :  Quar  si  comme  U  sages  dise,  |  M'est  pas  sages  qui  en  mesdit  r  [  Qui 
aus  famés  honor  ne  porte,  |  La  seuc  honor  doit  estre  morte.  —  îî-6  Pnrv  bien  connu 
qui  est  cité  au  mime  propos  par  k  poème  de  Cambtidge,  —  19  Cf,  Chrétien  de  Troyu^ 
Perceval  {dans  mon  Recueil  d'dncieas  textes^  t8,  174-6  Sachiez  bien...  j  Que  Gâtons 
sont  tuit  par  nature  {  Plus  fol  que  best^  en  pasture. 


^^^^H               $02                                                              MEYER 

^^^ 

^^^^H                  Que  nus  ne  lor  est  anemis 

El  largues  qui  seut  icsire  es-         1 

^^^^H                  Qui  aîns  la  mort  ne  soit  honîs. 

[can.          1 

^^^^^1                  Lor  anemts  est  cil  sans  doute 

Maint[e]  joie  en  est  démenée,          1 

^^^^H             16  Qui  d'eles  mesdire  ne  doute. 

68  Et  mainte  guère  racordée  ;             | 

^^^^^1                  Et  nous  resavons  bien  trestuit 

Mains  vilains  rudes  et  despiers 

^^^^H                  Que  joie,  solas  ne  déduit 

Devient  pour  les  dames  apiers. 

^^^^^1                  N'avons  entirement  sans  eles. 

Eles  font  maint  dolant  joieus, 

^^^^^1            40  Tant  sont  lor  acointances  bêles 

72 

Et  refraîgneni  main[l]  orgei- 

^^^^H                   Que  nous  avons  pie  mPt  grant 

[leus. 

^^^^^H                  Quant  eles  nos  font  bîao  san- 

Saciés  que  Dius  ml't  les  a  ma 

^^^H                                                  [blant. 

Quant  estabïi  et  coumanda 

^^^^H                  Mes  unes  jens  desloisont  la 

Que  nous  fuissons  en  lor  dan- 

^^^^H             44  Qui  des  dames  qure  nen  ont, 

[gicr 

^^^^H                  Ains  he[e]ni  ces  p'  ce  lui. 

7^ 

De  les  amer  et  des  prissier; 

^^^^^B                   J  e  pli  Diu  qu *il  lor  doinst  anui  ; 

C'en  est  la  fins  c'en  est  ta 

^^^^H                  Parsa  viertut)  par  sa  poissance 

[soumc. 

^^^^H             48  Priegne  d'eles  si  grtef  ven- 

Et  Dius  les  aime  plus  que  Pome; 

^^^H 

Et  par  .j.  manières  poés, 

^^^^H                  Qu^il  deviegnent  tuit  si  con- 

80  Ce  prover  :  quar  fais  et  formés         | 

^^^^^1                  Sibestorné,  si  contrefait  [trait, 

Fu  li  hom  defors  Paradis;              1 

^^^^^H                  Que  li  uns  n'et  de  Pautre  qure 

Et  quant  il  fu  la  dedens  mis,          1 

^^^^H             5  2  Quant  il  oevrent  contre  nature 

Nostre  Sire  dormir  le  fisi                1 

^^^^H                 (Vers  enlevé  à  ta  riHure)     (b) 

84 

Et  en  dormant  del  cors  li  prist         1 

^^^^H                  S'il  n'est  del  mestier  desloial, 

La  coste  dont  feme  forma.        ^J 

^^^^^B                   Ne  ]a  mms  hom  mal  n'en  diroit 

Or  esgardés  s'il  li  moustra        ^H 

^^^^H             )  6  Se  lour  vîsce  ne  les  Itaoit. 

Plus  grant  amour  que  Pome 

^^^^H                   Dîus  me  puist  vif  et  mon  honir 

[lors 

^^^^H                   Si  ja  p'  çou  les  voel  haïr. 

88 

Quant  il  fourma  Poume  defors? 

^^^^^B                  Quar  je  voi  tout  apiertemeni 

^^^^H             60  Qued'elestousiîbiensdescent. 

Apriès,quant  Dieu  vintaplassir 

^^^^^H                  Pour  dames  donne  Pen  ma[i  |nt 

Qu'il  vouip'' nous  hom  devenir^ 

^^^^H 

Sans  oevre  d*oume,  purement, 

^^^^H                  Et  9trueve  mainte  cançoitn  ; 

92 

Nasqui  de  feme,  voirement. 

^^^^H                   Maint  foi  en  sont  devenut  sage, 

S'auquns  demande  coument 

^^^^H             64  Maint  bas  hom  montet  en  pa- 

[pot 

^^^B 

lestre,  je  di  :  si  corn  Dius  vot. 

^^^^^B                  Hardis    en    devient     mains 

N'en  sai  moustrer  autre  pro- 

^^^^H 

[vance, 

^^^^^H                49  Corr.  celé  por  celuL  —  n  ^'^  /ff/r^J 

soulignées  font  fort  douteusa,  te  mr,  étant          | 

^^^^^H              troué  et  taché  â  cet  endroit.  —  61  nu.  mât. 

—  62 

ti  y  a  dans  le  bien  des   famés,  nij.           m 

^^^^^^H              Harleien,  deux  vers  aattlogues  qui  manquent 

dans  l'édition  de  Jubînai  :  Fanme  fait  feire           | 

^^^^^^H             Doviax  sons  |  Et  dire  sonci  et  chinçoos. 

■ 

^^^^^H                 6{  et  saiv.  Cf.  le  bien  des   fjmes  {Jubinal^  Jongleun,  p.  8(>  :  Firo«  ti  csi  de  tel           ■ 

^^^^^B             oatnre  |  Qu'ele  fait  les  coan  hardis,  [  Et 

eiveilUer  les  endormis.  |  Moût  est  fiaine  de           ■ 

^^^^^B             grant  pooir,  |  Car  par  famé,  ]'e[IJ  sai  de  voir 

,  1  Ocvienent  large  li  a  ver.  —  87  Corr,  qu'a*           1 

MÉLANGES  DE   POÉSIE 

96  Mais  bien  sai  tés  fii  sa  pois- 

[sance^ 

Et  nus  loiaus  de  çou  ne  doute. 

Mais  s'auquns  mescreans  m'as- 

[coute,      116 
Apiertement  se  traie  avant, 
100  Et  je  mousterai  par  sanblant 
Que  Dius  de  la  Virge  naquist. 
Jadis  quant  li  pulles  enquist 
De  qui  lignée  cil  naistroit 
104  Qui  le  monde  salver  devroit,      120 
A  Moise[n]t  fu  coumandé 
De  par  Diu  que  li  .12.  ainsné 
Des  .12.  lignées  pressisent 
108  Cascuns  une  verge,  et  meïs-      124 

[sent 
{Deux  vers  enlevés  à  la  reliure.) 
De  celés  qui  raverdiroit 
1 1 2  Sans  planter  et  fruit  porteroit. 


FRANÇAISE  50) 

/cil  a  qui  verge  ce  fust 
Fust    ciertains    que    naistre 
[deùst 
De  son  lignage  li  Salveres 
Qui  est  apielés  fius  et  pères. 
La  verge  q'Aaron  i  mist 
Savons  nous  bien  qu'ele  fors 
[mist 
Aielles  et  flours  et  nois  no- 
[vieles. 
Or  di,  desloiaus,  9ment  eles 
Porent  en  la  verghe  venir? 
Coument  pot  la  verge  florir 
Sans  ce  que  tiere  n'atouça 
Et  que  nature  n'i  ovra  ? 
Et  je  dira  coument  ce  fii 
Que  la  Verge  fruit  conceû.... 
{Le  reste  manque.) 

Paul  Mbyer. 


i\i  et  subf,  La  première  lettre  de  chaque  vers  a  iti  coupée  à  la  reliure. 


LE    ROMAN    DE   BLAQUERNA. 

NOTICE  D'UN  MANUSCRIT  DU  XIV*  SIÈCLE. 


Le  célèbre  roman  de  Ramon  LuU,  connu  depuis  le  xvi^  siècle  sous  le 
titre  de  Blanquerna^^  qui  tracte  de  cinch  estaments  de  persones  :  de  matri- 
monif  de  religio,  de  prelatura,  de  apostoUcal  senyoria  (la  quai  es  en  b  pare 
sanct  y  en  los  cardenals)  y  del  estât  de  vida  hermitana  contemplativa,  occupe 
une  place  considérable  parmi  les  œuvres  morales  du  Docteur  Illuminé  et 
mériterait,  à  divers  égards,  un  examen  détaillé  que  nous  ne  pouvons  pas 
lui  consacrer  ici  '.  Sans  doute  au  point  de  vue  de  l'histoire  de  la  philo- 
sophie et  de  la  théologie  lulienne,  rien  ne  porte  à  faire  de  cette  apologie 
de  la  contemplation  dans  la  solitude  une  étude  à  part,  et  à  l'isoler  d'au- 


I .  La  forme  Blanqutrna^  consacrée  depuis  Tédition  de  Valence  de  1 5  2 1 ,  semble 
due  à  une  faute  de  copiste.  Le  manuscrit  de  M.  Piot  et  le  texte  latin  du 
cantique  dialogué  De  amich  y  de  amaty  qui  fait  partie  du  cinquième  livre  du 
roman,  s'accordent  à  écrire  Blaqucrna^  et  l'on  ne  saurait  admettreque  les  scribes 
de  ces  deux  versions  aient  omis  partout  le  signe  d'abréviation  de  l'/i.  M.  A.  Helffe- 
rich  {Raymund  Lull  und  die  Anfânge  dcr  catalonischcn  Litcratur^  Berlin,  1858, 
p.  1(4)  admet  l'authenticité  de  la  forme  Blanquerna^  dont  il  fait  un  dérivé  de 


Valence.  «  Blanch,  ros,  fresch,  colorât  e  dispost  era  Blanauerna  e  molt  bell 
era  de  veure  »,  dit  le  texte  de  1 521  (f<>  xi  v»,  col.  2),  et  l'éditeur  a  ajouté  en 
marge,  pour  la  prompta  memoria  dels  IcctorSy  la  note  suivante  :  c  Expossicio  del 
nom  de  Blanquerna.  »  Je  m'en  tiendrai  donc,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  à  la 
forme  sans  n  autorisée  par  le  manuscrit  du  xiV  siècle.  —  M.  P.  Meyer  me  rap- 
pelle que  le  palais  de  Blaquerna  à  Constantinople  {Palatîum  Blachernarum  :  il  y 
avait  aussi  des  thermes,  une  église,  un  mur  et  une  porte  du  même  nom,  voy. 
Du  Gange,  Constantinopolis  christiana)  est  maintes  fois  mentionné  dans  les 
historiens  occidentaux  des  Croisades.  Lull  aurait-il  tiré  de  U  le  nom  de  son 
ermite  ? 

2.  Une  analyse  sommaire  de  notre  roman  a  été  donnée  par  M.  A.  Helfîerich 
dans  l'ouvrage  cité  plus  haut,  p.  114  a  122.  Il  en  a  été  parlé  aussi  dans  l'intro- 
duction des  Obras  rimadas  de  Ramon  LuU  par  D.  Gerônimo  Rossellô,  Palma, 
i8j9,  et  dans  la  Biblioteca  de  escritorcs  baleares  de  D.  Joaquin  Marîa  Bover, 
Palma,  1860,  s.  v.  Lull  (Ramon). 


^ 


LE    ROMAN    DE    BLAQtJERNA  JOJ 

1res  ouvrages  du  même  auteur  qui  Texpliqueni  oti  la  complètent.  Mais 
le  roman  de  Blaquerna  est  intéressant  à  plus  d*un  titre  :  on  y  trouve 
notaromeni  Texposé  des  théories  de  Lull  sur  Téducation  physique  et 
intellectuelle,  qui  me  paraissent  dignes  d'attention  et  dénotent  un  grand 
sens  pratique  ' ,  la  peinture  des  mœurs  de  la  haute  bourgeoisie  catalane 
du  xiu'  siècle,  atteinte  de  tous  les  vices  que  procurent  le  bien-être  et 
la  richesse,  enfin  la  description  de  la  vie  des  couvents,  pleine  de  traits 
pris  sur  le  vif  et  d'autant  plus  à  considérer  qu'elle  est  l'œuvre  d'un 
membre  fervent  du  clergé  régulier.  Il  y  aurait  en  somme  à  tirer  de  ce 
gros  livre,  sur  la  dviïisation  des  pays  catalans  au  moyen-âge,  un  nombre 
considérable  de  renseignements  de  très-bon  aloi. 

Quant  aux  romanistes  il  n*est  pas  étonnant  qu'ils  aient  si  longtemps 
abandonné  i'ermite  Blaquerna  aux  charmes  de  ses  contemplations»  car 
l'édition  modernisée  du  roman  de  Lull  ne  pouvait  en  aucune  façon  leur 
servir  de  texte  de  langue  pour  étudier  le  catalan  du  xin*  siècle,  et  les 
manuscrits  anciens  passaient  jusqu'ici  pour  détruits  ou  perdus.  C'est 
donc  pour  nous  yne  véritable  bonne  fortune  que  de  pouvoir  signaler  aux 
lecteurs  de  cette  revue  un  fragment  considérable  de  la  version  originale 
de  Blaquerna,  qui  nous  a  été  conservé  dans  un  manuscrit,  fort  correct  et 
d'une  très-bonne  époque,  appartenant  à  la  riche  bibliothèque  de  M.  E. 
Piot.  Cet  érudit  distingué,  autant  que  zélé  et  heureux  collectionneur,  est 
du  nombre,  trop  restreint  encore,  de  ces  amis  des  lettres  qui  savent 
tirer  parti  de  leurs  trouvailles,  et  ne  mettent  pas  leur  gloire  à  dissimuler^ 
sans  aucun  profit  pour  ta  science  «  les  trésors  que  leur  zèle  intelligent  a 
su  mettre  à  l'abri  de  toutes  chances  de  destruction.  En  permettant  à 
l'auteur  du  présent  travail  d'étudier  à  loisir  ce  précieux  joyau  de  sa 
coUeaîon,  M.  Piot  a  rendu  à  nos  études  un  véritable  service,  dont  je 
suis  heureux  de  pouvoir  le  remercier  publiquement. 

Le  manuscrit  que  je  me  propose  de  faire  connaître  aux  amateurs  d'an- 
cienne littérature  catalane  est  un  petit  in-folio  écrit  tout  entier  à  deux 


g 


Il  y  aurait  beaucoup  de  faits  intéressants  à  relever  dans  ces  pages  de  péda* 
'ogîe,  où  une  chose  entre  autres  m'a  frappé  :  c'est  ûue  LuU  ne  conseitle  pas  à 
Ja  mère  de  nourrir  elle-même  son  enfant.  Il  parle  de  la  nourrice,  qu'il  veut  saine 
et  de  bonne  vie,  comme  d'un  objet  absolument  indispensable,  PJus  loin  le  phi- 
losophe défend  à  la  maman  de  trop  bien  garnir  le  panier  de  son  fiis  pour  s'en 
aller  à  l'école.  Le  passage  est  assez  curieux  :  i  Un  dia  scsdevcngue  que  Aloma 
dona  a  son  âll  Blanquerna,  ans  que  anas  a  la  escola^  de  mati  a  almorsar  carn 
rostida,  e  desputx  li  dona  hun  6ao  ûue  menjas  en  la  scola  si  \ï  venia  sabor  de 
menjar.  Quant  Evast  son  pare  ho  $^i>c^  repres  en  gran  manera  a  Aloma  e  dixlî 
que  al  s  in&nts  no  deu  hom  donar  a  almorzar  de  mati  sino  pa  tant  solament,  per 
que  no  se  avesen  a  esser  guolos  ni  llepols,  e  perque  no  perden  la  sabor  de 
menjar  en  taula,  quant  es  ora  de  dinar.  Car  per  menjar  pa  a  soles,  los  fadrfns 
noy  troben  tal  sabor  que  costrenguen  i  natura  ses  operacions  per  molt  menjar, 
y  ae  pa,  que  hom  nols  ne  deu  donar,  si  ja  ells  no  demanen,  • 


506  A.    VOREL-FATIO 

colonnes,  sur  vélin,  dans  la  première  moitié  do  xiv«  siècle.  Dm 
littéraire  de  cette  date  et  de  cette  condition  matérielie  est  une  cfaoœ 
extrêmement  rare  en  Catalogne  et,  je  dirai  même,  dans  toute  l'Espagne. 
L'usage  était  à  cette  époque  dans  la  Péninsule  d'écrire  sur  papier,  et  k 
parchemin  ou  le  vélin  n'était  employé  dans  les  manuscrits  de  ce  genre 
qu'à  titre  tout  à  feit  auxiliaire  K  Quant  à  la  date  de  l'écriture  je  crois  bien 
ne  pas  me  tromper  :  peut-être  même  serait-il  possible  de  l'attrftuer  an 
premier  tiers  du  xiv«  siècle. 

Voici  maintenant  la  description  détaillée  de  ce  qui  nous  reste  de 
cet  ancien  exemplaire;  je  dis,  de  ce  qui  nous  reste,  car  le  manuscrit  de 
M.  Piot  est  malheureusement  incomplet  d'un  certam  nombre  de  feuillets 
au  commencement  et  présente  quelques  lacunes  dans  l'intérieur.  Dans 
son  état  actuel  le  volume  compte  107  feuillets.  Le  f^  1,  chiffiré  xxviiu 
dans  l'ancienne  pagination,  commence  par  les  mots  :  c  La  quai 
sabor  e  color  es  la  cams  del  espos  nostre  »,  qui  correspondent,  dans 
l'édition  imprimée  à  Valence  en  1 52 1 ,  au  livre  II,  partie  I,  chap.  xxxvii, 
f^  XXIX  vo,  col.  I,  ligne  8.  L'étendue  de  la  lacune  du  commencement 
doit  être  exactement  désignée  par  l'ancienne  pagination,  car  dans  tous 
les  rapprochements  que  j'ai  faits  entre  le  manuscrit  et  l'édition,  j'ai 
toujours  constaté  que  les  feuillets  de  l'imprimé  couvrent  assez  exacte- 
ment les  feuillets  de  notre  exemplaire  manuscrit.  Les  lacunes  de  l'inté- 
rieur sont  de  trois  feuillets,  qui  ont  été  enlevés  entre  les  feuillets  actuels 
47  et  48,  48  et  49,  56  et  57.  Le  f>  47  v©  finit  :  «  En  aquella  plassa  » 
(=  éd.  de  Valence,  f>  lxxvii,  col.  2)  et  le  48®  commence  :  «  E  disseron 
que  aquel  home  era  gran  iogador  »  (=  éd.,  f*  lxxviii,  col.  2);  le 
f»  48  v^  se  termine  par  la  rubrique  du  livre  IV  (=  éd.,  f*  lxxix,  col.  2) 
et  le  49«  commence  :  «  lauesque  demandât  de  lemperador  e  reconta  al 
ioglar  son  estaraent  »  (=  éd.,  f"  lxxx  v^,  col.  i);  enfin  le  f*  56  v**nous 
conduit  jusqu'aux  mots  :  «  Aquel  cauallier  uenc  en  aquela  ciutat  aramir 
cors  per  cors  tôt  home  que  »  (=éd.,  f  lxxxviii,  col.  2)  et  le  57* 
reprend  :  «  E  cridaua  per  la  uilla  que  el  daria  aquel  palafre  »  (éd., 
f*  Lxxxix,  col.  2). 

Le  texte  du  roman  a  été  bien  traité  par  le  scribe  de  notre  manuscrit, 
et  la  plume  du  réviseur  contemporain  chargé  de  revoir  son  travail  n'a 
laissé  que  peu  de  traces  sur  les  marges  ou  dans  le  corps  du  texte.  Vers 
la  fin  de  l'ouvrage  cependant,  à  la  place  qu'occupe  dans  le  livre  cin- 
quième le  dialogue  De  Vami  et  de  Vaimé,  les  annotations  marginales 
abondent  singulièrement;  elles  commencent  au  haut  du  f*  74  par  cet  avis 


I .  Le  cas  qui  se  présente  le  plus  souvent,  dans  les  pays  catalans  au  moins, 
me  paraît  être  Vcncartemmt  des  cahiers  de  papier  dans  une  couverture  de  par- 
chemin qui  constitue  ainsi  le  premier  et  le  dernier  feuillet  de  chaque  cahier. 


LE   ROMAN    DE   BLAQUEBNA  507 

au  lecteur  :  ce  Multuin  oportet  haberi  aliquod  exemptar  antiquum  »,  et  se 
poursuivent  jusqu'à  la  fin  du  petit  traité.  Ces  annotations  ne  sont  pas 
du  premier  réviseur,  mais  d'un  lecteur  du  xvr  siècle,  qui  s*est  proposé 
de  combler  certaines  lacunes  du  manuscrit  en  copiant  en  marge  le  texte 
latin  ■  ou  vulgaire  des  articles  du  dialogue  omis  par  le  scribe.  U  est  à 
remarquer  que  les  additions  en  langue  vulgaire  diffèrent  sensiblement  de 
la  version  imprimée  à  Valence* 

La  provenance  du  manuscrit  de  M.  Piot  m*est  inconnue;  mais  voici 
quelques  indications  qui  pourraient  peut-être  fournir  des  points  de  repaire 
aux  érudiis  catalans  mieux  placés  que  moi  pour  en  reconstituer  l'histoire. 
Au  verso  du  dernier  feuillet,  coL  2,  je  lis  :  cr  Aquesi  es  lo  libre  qui  es 
den  Bnt  (Bernât)  Gàu(Guerau  ?),  e  sera  mentra  deus  ho  vulla*.  » 

Sur  une  des  gardes  de  la  fin  j'ai  déchiffré  :«...£  hunado,  quien  le 
perdîo  venga  cercarlo  hon  de...  llara  como.  En  la  villa  de  Ybeça(Ibiza) 
a  veinie  de  março.  —  Conosco  yo  Sancho  de...  ynosa  te  hurte  de  una 
parocha  por  mandamiento  de  Hernando  de  Lor...  »  Enfin,  dans  l'espace 
blanc  de  la  seconde  colonne  du  f"  58,  on  lit  :  a  En  la  villa  de  Médina» 
Jeronimo  »  ;  au  verso  on  trouve  une  mauvaise  figure  de  saint,  une  tête 
et  un  cou  d'oiseau ^  le  tout  dessiné  à  la  plume.  La  reliure  en  parchemin 
est  insignifiante, 

La  popularité  du  roman  de  Bia^uerna  ne  s'éteignit  pas  avec  le  moyen- 
âge  dans  les  pays  de  langue  catalane.  Sans  doute  cette  apologie  de  la 
vie  contemplative  ne  devait  trouver  qu'un  faible  écho  dans  la  société  du 
XVI*  siècle,  peu  disposée  à  sacrifier  à  la  vida  htrmiîana  les  quatre  pre- 
miers états  que  LuU  nous  décrit  comme  une  sorte  de  purgatoire  terrestre; 
mais  la  réputation  immense  du  grand  docteur  suffisait  à  recommander  la 
lecture  du  livre,  même  aux  plus  mondains  :  seulement  il  devenait  indis^ 
pensable  d'en  rajeunir  la  forme,  qui  commençait  à  ne  plus  être  com- 
prise. C'est  ce  que  fit,  en  1521,  Moism  Joan  Bonlabij  ?,  catala^  naîural  de 
Rocaforî  de  Qaerdt^  mesîre  en  arts  y  prevere,  sous  les  auspices  de  Mossen 
Gregori  Genovan,  chanoine  de  la  cathédrale  de  Majorque  4,  pour  le 
compte  de  l'imprimeur  valencieOj  Johan  Joffre  K 


I .  Nous  parierons  plus  bas  de  ce  texte 
3,  Cette  note  est  d  une  main  du  xv*  si( 


latin. 


siècle;  les  autres  paraissent  toutes  du 

XVI*. 

) .  Dans  U  suscripiion  du  second  prologue  de  Tédition  ce  prêtre  se  nomme 
Johanncî  Bonlabij  Tarrâconensts^  c'est-à-dire  originaire  du  diocèse  de  Tarragone^ 
dont  faisait  et  lait  encore  partie  le  bourg  de  Rocafort  de  Queralt.  Je  n'ai  pu 
trouver  aucun  renseignement  biographique  sur  cet  éditeur  de  Blaquerna. 

4.  Villanueva  parle  à  diverses  reprises  de  ce  chanoine,  voy.  le  V'mge  Uttrario 
à  las  iglatjs  de  tipana,  t.  XX,  p.  116  et  XXJ,  p.  9^,  94  et  140.  Voyez  aussi 
la  notice  que  lui  a  consacrée  Bover,  BtblïoUca  de  turkoàs  baUara^  s.  v, 

^.  La  Bibliothèque  nationale  possède  un  exemplaire  (coté  D  (697)  de  ce 
livre  très-rare  et  qui  se  compose  au  point  de  vue  du   texte  de  trois  parties  : 


508  A.    MOREL-FATIO 

Examinons  d'un  peu  près  cette  édition  et  voyons  s'il  est  possible  de 
déterminer  les  rapports  qui  l'unissent  au  texte  original. 

L'imprimé  de  Valence  se  présente  comme  une  traduction  en  valenden 
(traduit  y  corregit  ara  novament  dels  primers  originals  y  estampât  en  lUngaa 
valenciana).  Cette  expression  traduit,  qui  pourrait  donner  lieu  à  une  mé- 
prise, est  expliquée  par  Johan  Boniabij  dans  son  Epistolaproemial  à  Gre- 
gori  Genovart.  Voici  ses  paroles  : 

«  Die  que  entre  molts  altres  libres  que  ha  composts  (R.  Lull)  y  arts  particu- 
lars  en  diverses  sciencies  debax  de  la  universal  y  gênerai  a  totes,  la  quai  li  fon 
revelada  (corn  ell  diu)  per  nostre  S.  deu,  ne  ha  fets  très,  en  los  quais  ymita 
specialment  a  Salamo  en  los  dits  libres^,  y  demostra  y  proseguex  plenament  en 
ells  lo  intent  de  aquell.  Los  quais  son  la  doctrina  puéril  maior,  laquai  feu  a  son 
fin,  y  aquest  Blanquerna  cornu  a  tots  los  estais  depersonesenlosseus.v.  libres, 
lo  quai  ara  novament  ses  traduit^  corregit  y  stampat  en  lengua  valenciana  a  despeses 
de  V.  R.  (segons  me  pregua  ne  prengues  yo  lo  carrech,  conexentme  aifectat  a 
la  sciencia  de  aquell,  onque  noy  sia  docte  ni  menys  llimat  en  dita  lengua,  com  sia 
a  mi  peregrina  y  strangera)  y  lo  libre  de  amich  y  de  amat,  lo  quai  es  part  esscn- 
cial  del  .v.  libre  en  dita  obra.  i» 

Et  plus  loin  : 

c  Révèrent  S.,  puys  lo  Blanquerna  es  ia  estampât  y  correcte  al  manar  de 
V.  R.,  haonque  no  ab  tant  rich  stil  de  paraules  com  requir  la  maiestat  de  la 
sentencia  que  tracta  (maiorment  en  lo  .v.  libre),  lo  quai  per  servarla  ensemps 
ab  alguna  gravitât  antigua  y  dolça  memoria  de  aquell  bon  temps  //  havtm  Jet 
retenir  acordadament  alguns  vocables  de  la  lengua  llemosina  primera  que  mal  no 
parexen,  etc.  » 

De  ces  deux  passages  qu'on  vient  de  lire  il  y  a  deux  conclusions  à 
tirer.  La  première,  c'est  que  l'expression  traduit  peut  s'appliquer  fort 
bien  au  rifacimento  en  valencien  moderne  de  l'ancienne  version  catalane, 
puisque  le  catalan  Joan  Boniabij  parle  du  dialecte  de  Valence  comme 
d'une  langue  qui  ne  lui  est  pas  familière  {peregrina),  qui  lui  est  même 
étrangère  :  il  va  jusque  là.  La  seconde,  c'est  que  ce  traducteur  a  eu  cer- 
tainement sous  les  yeux  l'ancien  texte  vulgaire.  Où  aurait-il  pris  ces 
bons  vieux  mots  de  la  langue  limousine  première,  si  ce  n'est  dans  un 
manuscrit  semblable  à  celui  qui  nous  a  été  conservé  ^  Notez  qu'il  n'a  pas 
puisé  ces  archaïsmes  dans  d'autres  sources  ;  il  dit  expressément  qu'il 
a  conservé  au  livre  quelque  chose  de  la  saveur  du  vieux  style  :  c'est 
donc  qu'il  suivait  à  la  lettre  le  Blaquerna  catalan,  n'en  modifiant  la  langue 

r  des  8  feuillets  préliminaires  consacrés  au  prologue  de  Blaquerna,  au  prologue 
en  latin  du  Libre  de  Gracions  y  contcm placions  del  cntenimcnt  en  Dca  et  à  la  table 
des  deux  ouvrages;  2*  des  140  feuillets  du  livre  de  Blaquerna,  achevé  d'imprimer 
le  ]o  mai  1  $21  ;  ^^  des  11  feuillets  (cxli-cli)  du  Libre  de  Gracions,  etc.,  achevé 
d'imprimer  le  1 2  juillet  de  la  même  année. 
1 .  Les  Proverbes,  l'Ecclésiaste  et  le  Cantique. 


LE    ROMAN    DE   BUQUEKKA  509 

et  les  tournures  qu'autant  que  le  lui  permettait  sa  médiocre  pratique  du 
dialecte  valencien.  Et  puis  de  quelle  langue  aurait-il  traduit  f  Du  latin  î 
Il  faudrait  donc  admettre  Texisience  au  xvi'-  siècle  d'une  traduction  latine 
de  Blû^uerna,  car  il  parait  évident  que  ce  roman  avec  ses  détails  de 
mœurs  et  sa  couleur  locale  a  été  rédigé  originairement  en  catalan.  A  être 
coulé  dans  le  moule  uniforme  et  usé  de  la  langue  savante,  ce  tableau 
des  cinq  états  du  monde  aurait  perdu  une  bonne  partie  de  son  intérêt  et 
de  son  charme  naïf  ' . 

Au  reste  les  érudits  et  les  bibliographes  qui  se  sont  occupés  de  Bîa- 
querna  ne  paraissent  pas  avoir  connu  de  texte  latin,  ils  se  réfèrent  tous 
à  Tédition  de  Valence*.  On  possède,  il  est  vrai,  une  version  latine  du 
Libre  de  amie  e  de  amat,  qui  est  un  fragment  du  Bkqutrna,  mais  l'ou- 
vrage entier,  à  notre  connaissance  du  moins,  ne  paraît  en  aucun  temps 
avoir  tenté  la  plume  d*un  traducteur. 

Le  Blancjuerna  de  1521  peut  donc  passer,  jusqu'à  preuve  du  contraire, 
comme  un  simple  remaniement  en  langue  moderne  du  texte  originaire- 
ment écrit  en  ancien  catalan» 

Il  est  temps  d'en  venir  à  la  version  latine  de  ce  dialogue  du  cinquième 
livre  de  Blaqutrna,  dont  il  a  été  question  à  plusieurs  reprises*  Dans  l'édi- 
tion de  1 52 1  ce  dialogue  occupe  les  folios  cvi  à  cxix,  et  il  y  est  précédé 
d'une  introduction  où  Tauteur  nous  apprend  qu'un  ermite  de  Rome  vint 
un  jour  prier  Blaquerna  de  lui  composer  un  «  llibre  que  fos  de  vida  her- 
mitana  e  que  ab  aquel  llibre  adoctrinas  e  sabes  tenir  en  contemplacio  y 
en  devocio  als  altres  hermilans.  ^  Blaquerna,  après  avoir  réfléchi  et 
priéj  se  décida  à  répondre  à  la  demande  de  cet  ermite  en  rédigeant  un 
«  llibre  de  amich  y  de  araat  :  lo  quai  amich  fos  feî  y  dévot  crislia  e  lo 
amat  fos  Deu.  j»  Le  plan  de  ce  petit  traité  lui  fut  suggéré,  nous  dit~il, 
par  le  souvenir  d'une  pratique  religieuse  du  pays  des  Mores.  Le  passage 
est  assez  curieux  pour  être  rapporté  : 


1 .  D.  Gerôntmo  Rosseli6,  qui  prépare  depuis  longtemps  une  bibliographie  des 
œuvres  de  Lull,  dit  sans  la  moindre  hésitation  :  t  Es  et  Blanqu^rna  en  su  con- 
junte  un  vasto  poema  que  (scribiâ  Lulio  en  prosa  Umosina,  etc.  •  ;  v6y.  les  Obras 
rtmadas  de  Ramon  Lutlf  p.  5$* 

2.  Voyez  entre  autres  le  catalogue  des  œuvres  de  Lull  imprimé  par 
Nicolas  Antonio  dans  sa  Bibliotheca  hisparu  vdus.  seconde  éd.,  t,  II,  p.  \}o.  Ce 
bibliographe,  après  avoir  transcrit  le  titre  de  Tédilion  de  1^21,  a  joute  en  parlant 
de  BonlaDij  :  *  Qui  forsan  inlerpretatus  ipse  librum  fuit  ex  latino  *,  ce  qui  ne 
nous  avance  pas  beaucoup.  —  Il  esiiste  i  t'Escurial,  sous  la  cote  &-1I-K  une 
bibliographie  lutienne  composée  à  la  fin  du  xvi<^  siècle  parle  D'Arias  de  Loyola* 
M.  hfelnerich^  qui  en  a  pris  une  copie  (voy.  Le.  p,  75)  ne  paraît  pas  y 
avoir  trouvé  d'indication  relative  à  une  version  latine  de  notre  roman,  car  en  ce 
cas  il  n'aurait  pas  manqué  de  le  dire.  —  J'ajoute  que  la  Btblioncit  Nâcioml  de 
Madrid  possède  (du  moins  possédait)  une  Memona  de  Us  okas  de  Rjmon 
Util  que  Ikgaron  à  noticia  dcl  Doctor  Dimâs  (sous  la  cote  Q_^  î9J.  Ce  mémoire 
ne  paraît  pas  avoir  été  utilisé  jusqu'ici. 


JIO  A.    MOREL-FATÎO 

Mentres  que  Blanquerna  consîderava  en  esta  manera,  ell  recorda  oom  una 
vegada^  quant  ell  era  papa  ^  li  reconta  un  moroque  los  tnoros  han  atgunes  per- 
sones  religioses  entre  ells,  los  quais  son  molt  estimais  entre  los  altres>  y  estot 
an  nom  suJfies  o  morabichs,  e  aquells  han  paraules  de  amor  y  exemples  abre* 
viats,  losquals  donen  al  home  gran  devocio,  e  son  paraules  que  han  mester 
exposîcio^  e  per  la  exposicio  puja  lo  enteniment  mes  ait  en  sa  contemplacio, 
per  lo  quai  pujarnent  multiplica  y  puja  la  voluntal  en  gran  devocio. 

Lull  divisa  ce  livre  en  trois  cent  soixante-six  exemples^  un  exemplei 
selon  VArt  de  contemplation,  pour  chaque  jour  de  l'année. 

Ce  petit  cantique  dialogué^  qui  forme  un  tout  à  lui  seul,  pouvait  être 
détaché,  sans  rien  perdre  de  son  intérêt,  du  grand  roman  moral  dans  le 
cadre  duquel  il  est  du  reste  assez  mal  placé.  Il  se  prêtait  aussi  fort  bien 
à  être  traduit  en  latin.  Il  est  possible  que  la  traduction  dont  nous  allons 
parler,  et  qui  fut  imprimée  pour  la  première  fois  à  Paris  en  1505,  soit 
l'œuvre  de  Lull  lui-même*.  L'éditeur,  qui  ne  fut  autre  que  le  célèbre 
érudit  et  traducteur  de  la  Bible,  Jacques  Lefèvre  d'Etaples,  ne  nous  dit 
rien  à  cet  égard,  il  nous  apprend  seulement  qu'un  exemplaire  dudit  livre 
(qu'il  nomme  Libdlam  Bla^aerne  de  amore  divino)  lui  fut  remis  par  un  reli- 
gieux de  la  congrégation  de  Sainte  Justine  ei  qu'il  le  copia  à  Padoue 
l'année  du  jubilé  de  i  ^ooK 


u  Allusion  à  un  passage  du  livre  IV  (Dd  estât  dt  apostolkal  stnyôm)^ 
f-  xcvii,  que  voici  :  «  Envers  la  Barberia  fon  m  mtssatger  del  cardetia!  (le car- 
dinal Domine  fiiti  umgemte  Jesu  Chnsîe}^  to  quai  troba  molts  gaîiadors  y  alfamiins 
qui  predîcaven  als  moros  lo  alcora  e  les  benaventnrances  de  llur  parais.  E  ab 
tant  dévotes  paraules  los  predicaven  que  quasi  quants  los  scoltaven  ptoraven. 
Molt  se  maraveîla  lo  misatger  de  la  devocio  que  aquelles  gents  havicn  en 
aquelles  paraules,  corn  allo  quels  predicaven  fos  gran  error,  e  troba  que  per 
la  bella  manera  y  devota  que  tenien  en  predicar  y  eu  plorar,  e  perquels  recon- 
taven  la  vida  de  molts  homens  qui  per  devocio  monen,  per  ço  ploraven  les 
cents.  Encara  troba  un  îlibre  del  amich  y  del  amat,  on  era  recontat  corn  (os 
homens  dévots  feyencançons  de  deu  y  de  amor,  ecom  per  amor  dedeu  llexavcn 
los  délits  del  mon  y  an^ven  per  lo  mon  sostenint  pobrea  y  molts  altrcs  tre- 
balls.  » 

2.  On  pourrait  admettre  aussi  que  ces  aphonsmes  religieux  ont  été  original^ 
rement  écrits  en  lalin  et  que  Lull  les  traduisit  plus  tard  en  langue  vulgaire  an 
moment  de  les  faire  entrer  dans  le  Btaqucrna. 

j.  tf  Clausi  quasî  sigillo  quodam  amatorio  Contemplationum  volumen  (les 
deux  livres  des  Cûtnemplattons  de  Lull  qui  occupent  les  85  premiers  feuillets  du 
livre  imprimé  à  Paris  en  150^  par  Jehan  Petit)  libcllo  Blaquerne  de  amore 
divîno^  quem  în  peregrinatione  iubilei,  anno  quingentesimo supra  millesimum  dei 
humani  salutisque  hominum,  escripsi  Patavi.  Communicaverat  enim  michi  unus 
ex  illa  sancta  et  admirabili  per  universam  Italiam  monastice  observationis  coq- 
gregatione  Justine  virgmis  a  Prosdocimo  apostolorum  discipulo  Dec  dicata.  a 
—  Bru  net  cite  une  autre  édition  de  notre  texte,  inûiulét  Lher  meditationam  totius 
anni^  aiias  de  amtco  et  âmalo.  Rothomagi,  i6p,  in-8»,  avec  des  notes*  —  Il 
existe  (ou  existait)  à  la  Biblioteca  Nactonal  de  Madrid  une  version  castillane 
manuscrite  (ras.  B  lo^,  p.  102)  ;  peut-être  la  même  que  celle  qui  fut  imprimée 
en  1749  et  au  sujet  de  laquelle  je  puis  donner  quelques  renseignements, 
grâce  à  Tobligeance  de  D.  Marceîino  Menendci  Pelayo  de  Santandcr  et  D.  José 


LE   ROMAN    OK    BLA(^ERNA  ^  I  t 

La  publication  de  cette  édition  latine  a  fort  bien  pu  ne  pas  être  connue 
de  l'éditeur  catalan  Jean  Bonlabij.  Rien  ne  prouve  en  tout  cas  qu'il  s'en 
soit  servi.  Sa  version  du  Libre  de  amie  t  de  amaî  est,  il  est  vrai,  souvent 
plus  rapprochée  du  texte  latin  que  de  la  version  catalane  manuscrite, 
mais  nous  avons  déjà  vu  plus  haut  que  celte  partie  précisément  du  ma- 
nuscrit de  M .  Piot  a  été  moins  bien  traitée  que  les  autres  par  le  scribe, 
à  tel  point  qu*un  lecteur  du  xvk  siècle  jugea  convenable  d'en  réparer  de 
son  mieux  les  lacunes  et  les  incorrections  par  le  rapprochement  d'autres 
copies.  Le  manuscrit  catalan  dont  rédiieur  de  (521  s'est  servi  pouvait 
être  plus  correct  et  plus  complet  que  le  nôtre  :  mieux  vaut  s'arrêter  à 
cette  hypothèse  que  d'admettre,  sans  preuve,  une  source  latine  pour 
une  petite  partie  d'une  œuvre  considérable,  qui  présente  dans  son  en- 
semble tous  les  caractères  d'un  simple  rajeunissement. 

f!  ne  me  reste  plus  qu'à  laisser  la  parole  au  grand  docteur.  Les  extraits 
qui  suivent  donneront,  je  pense,  une  idée  de  son  roman  à  ceux  de  nos 
lecteurs  qui  n*ont  pas  encore  eu  l'occasion  de  lire  la  rarissime  édition  de 
Valence,  et  mettront  en  lumière  les  nombreuses  et  considérables  variantes 
de  langue  et  de  style  qui  séparent  le  texte  original  de  la  version  remaniée 
au  xvt'  siècle.  J'ai  accompagné  les  passages  du  Libre  de  amie  e  de  amat 
de  ta  version  latine  de  1 50 5^  pour  permettre  à  chacun  de  contrôler  les 
observations  qui  ont  été  présentées  plus  haut  sur  la  nature  du  travail  de 
Jean  Bonlabij* 


Ramoti  de  Luanco  de  Barcelone.  En  voici  le  titre  :  Blanquernamatstro  de  h  ptrjucian 
(hr\stiana  en  îos  cstadoi  de  matnmomo^  religion^  prelacia^  apostélico  senorio  y  yidj 
enmiiica.  Compaesto  en  Icnguû  lemosina  par  et  duminado  doctor^  Màrùr  invictissimo 
de  Jesu^-Christo  y  Maestro  universal  en  todûs  Arles  y  Ciencias  B,  Raymundo  Luho. 
Impreso  en  Valtncia,  Âno  de  152t.  Trûducxdo  fteimcnte  ûkora  de  et  vaUnctano  \  de 
un  andguo  Manuscrite  Lemosino  en  Ungua  Castellana.  Con  iuenaa,  Ano  MDCCXÙX. 
En  MaihfCii.  En  ta  oficina  de  ta  Viada  Frau  im pressera  de  la  Real  Audiencia. 
L*emploi  d'uo  vieux  ms.  catalan  est  spécifié  dans  les  Avisos  al  ledor^  qui  occu- 
pent les  pp,  17  à  22  :  <  Advierto  ftnalmenle  (dit  le  traducteur  anonyme)  que, 
en  cuanto  à  la  fidclidad  de  esta  traduccton,  se  ha  procurado  fuese  la  màs 
puntual  ;  por  lo  que,  i  mas  del  exemplar  valencîano,  nos  hemos  valido  de  un 
antiguo  manuscrito  lemosino  que  se  conserva  ai  Mallorcû  en  la  libreria  del  Real 
Conventû  de  N.  P.  S.  Francisco  de  Assis  de  îos  PP.  Menores  de  la  Obstrvancia^ 
que  nos  hadado  bastante  luz  para  explicar  aigu  nos  passajes  que  nos  parecieron 
algo  obscuros  en  cl  exemplar  valeneiano  *.  Les  éruaits  catalans  savent-ils  si  ce 
DIS.  existe  encore  et,  en  ce  cas,  où  il  se  trouve? 


JU 


A.    MOREL-FATIO 


MAjojscfirr  Piot,  f"  4  c  v®. 


Editton  bb  Valekce,  I  $2 I . 


De  fortkudo,  L. 

En  la  forcst  per  on  anaua  Bla- 
querna  auia.  î.  caslcl  mot  fort^  lo 
quâl  era  dun  catiallier;  !o  quai  per  la 
forsa  del  castel^  e  car  era  forlz  de  per- 
5oiia  e  sabja  mot  de  faitz  darmas^  era 
mot  ergollos  e  fazia  molas  de  en  m  ri  as 
a  tûtz  aquels  que  eslauan  entoro  sa 
cncontrada.  I.  iorn  sesdeuenc  quel 
cauallier  loti  sols  en  son  cauall,  garnit 
daquelas  armas  que  auia  acostumadas 
a  porta r,  fes  assaut  en  j,  castel!  que 
era  duna  don  a  que  auia  mot  bcla  fil  la. 
Auentura  fo  que  lo  cauallier  atrobet 
la  donzella  foras  las  portas  dcl  caste! I 
ab  dautras  donzelas,  e  près  aquella, 
en  lo  col  de  son  cauall  la  pauzet,  a 
forsa  délia  donzella  e  de  tolas  las 
autras^  e  mtretsen  ab  ella  en  lo  gran 
boscatge*  Gran  fo  lo  crit  e  lencausa- 
ment  que  fon  laîtz  al  caoallier  per  so 
que  ti  tolguesson  ladonzela.  Ûementre 
que  lo  cauallier  lanportaua^  la  don- 
zella ploraua  e  cridaiia  motfortment» 
et  j\  escudier  que  seguia  lo  cauallier^ 
acosseguet  lo  cauallier  e  combatetse  ab 
el,  e  lo  cauallier  naffret  et  enderro- 
quet  lescudier,  et  aucisllî  son  caual, 
e  tent  sa  uia  ab  la  donzella  uers  son 
castell. 

Segon  que  auentura  menaua  Bla- 
qoerna  per  j,  luoc  e  per  autre  per  la 
forestj  esdeuencse  que  lo  cauallier  e 
Blaquerna  sencontreron.  La  donzella 
ploraua  e  crîdaua^  e  preguet  Bla- 
querna que  lî  aiudes,  Mas  Blaquerna 
consideret  que  sos  poders  corporal 
era  freuols  contra  lo  poder  del  caual- 
lier, e  per  aîso  pcnsct  com  aiudes  a  la 
donzela  ab  fortitudo-caritat  que  son 
fofsas  espirituals,  e  per  aiso  dix  al 
cauallier  aquest  exemple. 


Ca,  IVÎL  De  Jortalea  y  deh  tffuUs 
gratis  qiu  obra  tnumps  ab  la  cari  ta  t^ 
pruàmm  y  k$  ahrts  virfuU  contra, 
malmsiai^  tngan  y  malicia  y  las 
aiires  vkis  ab  dos  kits  atmpies. 

En  h  forest  per  on  anaua  Blan- 
querna  ha  uia  un  castell  molt  fort^ 
lo  quai  era  de  un  caua lier  molt  sforçat  ; 
lo  quai  caualler  per  la  forlalesa  del 
castell^  y  perqueera  ell  fort  de  pcrsoîwi 
y  sabla  moll  de  fet  de  armes,  era  moU 
superbios,  e  perço  feya  moites  injurie* 
y  violencies  a  tots  aquelfs  qui  estaueQ 
en  les  sues  encontrades  y  veynal.  Un 
jorn  sesdeuengue  quel  caualler,  guar- 
nil  y  ben  aparellat  en  son  cauall,  toi 
sol,  saltejâ  un  castell^  lo  quai  era  de 
una  don  a  viuda^  la  quai  ténia  uoa 
filla  molt  bella.  Ventura  fon  quel 
caualler  troba  la  donzella  fora  de  la 
porta  del  castell  ques  deportaua  ab 
altres  donzelles,  y  près  ell  aquella  y 
posala  en  lo  coll  del  seu  cauall,  a  força 
y  desgrat  délia  y  de  les  altres  don- 
zelles,  e  portalasen  y  entrasen  en  lo 
gran  boscatge.  Grans  foren  los  crits  y 
gran  lonch  lo  encalç  que  Ton  fet  al 
caualler  per  los  del  castell ,  perlai  que 
li  lleuassen  la  donzella.  Mentres  quel 
caualler  senportaua  la  donzella  y  ella 
ploraua  e  cridaua  molt  fortment,  un 
scuder  qui  encaiçaua  al  caualler,  ateo- 
guc  lo  caualler  y  combatcs  ab  ell. 
Mas  lo  caualler  feri  e  nafra  al  escuder, 
y  derrocal  en  terra,  y  matali  lo  cauall, 
y  tengue  son  cami  ab  la  donzella 
cnuers  son  castel  L 

Acas  se  sdeuengue  (segons  que  Ven- 
tura seguia  a  Blanquerna  per  lo 
boscatge  de  un  Hoc  h  en  altre)  que  lo 
caualler  ab  la  donzella  y  Blanquerna 
se  encontraren^  y  la  donzella  ploratia 


LE   ROMAN    DE 

Segon  que  es  recontat,  sesdeuenc 
que  .i.  home  mot  saui  en  fizolophia 
et  en  theologia  et  en  autras  sciencias 
ac  deuocio  danar  prezicar  als  Sarrazis 
ueritat  de  la  sancta  fe  catholica,  per 
tal  que  destruxes  la  error  dels  Sarrazis 
e  que  lo  nom  de  dieu  y  fos  azoratz  e 
benezitz,  segons  que  es  enfre  nos. 
Lo  saint  home  anet  en  terra  de  Sar- 
razis, e  prezicaua  e  demostraua 
ueritat  de  nostra  ley,  e  destruzia  la 
ley  de  Mafumet  aitant  cant  podia. 
Fama  fo  per  tota  aquella  terra  de  so 
que  el  fazia.  Lo  rei  sarrazi  fetz  far 
mandament  a  aquel  saint  crestia  que 
ixis  de  tota  sa  terra,  car,  se  non  o 
fazia,  el  séria  llieuratz  a  mort.  Lo 
saint  home  non  obezi  al  mandament 
corporal,  car  caritat  e  forsa  eron  en 
son  coratge,  que  li  fazion  menisprezar 
la  mort  corporal.  Mot  fo  lo  rei  endi- 
gnatz  contra  el,  e  fes  lo  uenir  denant 
si,  et  dixli  aquestas  paraulas  : 

c  0  fol  crestia,  que  as  menisprezat 
mon  mandament  e  la  forsa  de  ma 
seinhoria,  e  no  uezes  tu  que  y  eu  ai 
tant  de  poder  que  puesc  tu  turmentar 
e  ilieurar  a  mort?  On  es  lo  tieu 
poder,  per  lo  quai  as  menisprezada 
ma  forsa  e  ma  seinhoria  ?  —  Seynher, 
dix  lo  crestia,  ueritatz  es  quel  uostre 
poder  corporal  pot  uenser  e  sbbrar  lo 
mieu  cors,  mas  la  forsa  de  mon  co- 
ratge  non  pot  esser  uensuda  per  la 
forsa  del  uostre  coratge  ni  per  la  forsa 
que  es  en  totz  los  coratges  dels  homes 
de  uostra  terra.  E  car  forsa  de  co- 
ratge es  plus  nobla  e  maior  que  forsa 
corporal,  per  aiso  caritat  que  es  en 
mo  coratge  ama  tan  fortment  la  forsa 
de  mon  coratge  que  fa  menisprezar  la 
forsa  corporal  que  uos  auetz  en  uostra 
persona  et  en  uostre  règne  ;  e  per  aiso 
la  forsa  e  la  caritat  de  mon  coratge  uos 
te  apparellat  corn  se  combata  ab  totz 
los  poders  de  uostra  arma  e  de  totas 
las  armas  que  son  en  uostre  seinho- 
ratgue.  • 

Romania^  VI 


BLAQUERNA  5  I  J 

y  cridaua,  fent  gran  dol,  y  prega, 
quant  veuaBlanquerna,  que  li  ajudas. 
Mas  Blanquerna  considéra  quel  seu 
poder  corporal  era  flach  contra  lo 
poder  del  caualler,  y  perço  dellibera 
que  ajudas  a  la  donzella  ab  fortalesa 
y  ab  caritat,  lesquals  son  forces  spe- 
rituals  de  la  anima;  e  perço  dix  al 
caualler  est  exemple. 

Segons  ques  reconta,  sesdeuengue 
que  un  home  molt  saui  en  philosofia  y 
en  theologia  y  en  altres  sciencies  hague 
deuocio  de  anar  a  preicar  als  Moros 
la  veritat  de  la  sancta  fe  catholica, 
pertal  que  destrois  llur  error  e  quel 
nom  de  deu  fos  adorât  y  beneyt  entre 
ells,  segons  que  es  entre  nosaltres.  Lo 
sanct  home  sen  ana  a  terra  de  Moros, 
hon  prehicaua  e  amostraua  la  veritat 
de  la  nostra  sancta  fe  y  destrohya  en 
quent  podia  la  secta  de  Mahomet. 
Fama  fon  per  tota  aquella  terra  del 
que  ell  dey  a  y  feya.  Y  lo  rey  moro 
feu  fer  manament  ad  aquell  sanct  home 
christia  que  ell  ixques  de  tota  sa  terra, 
e  si  nou  volia  fer,  lo  menaçaren  que 
ell  séria  lliurat  a  mort.  Lo  sanct  home 
no  obéi  al  manament  corporal  del  rey 
moro,  perque  caritat  y  fortalea  eren 
en  son  cor.  Quant  lo  rey  0  sabe  fon 
molt  indignât  contra  ell,  y  feulo(s) 
venir  dauant,  y  dixli  estes  paraules  : 

(c  0  foll  cristia,  qui  has  menyspreat 
lo  meu  manament  y  la  força  de  ma 
senyoria,  no  veus  tu  que  yo  he  tant 
poder  quet  puch  matar  0  fer  penar  en 
diuersos  turments  ?  Hon  es  lo  poder 
que  tu  tens,  per  lo  quai  has  menys- 
preada  ma  força  y  lo  meu  manament? 
—  «  Senyor  (respos  lo  sanct  home 
christia),  veritat  es  quel  vostre  poder 
corporal  pot  vençre  y  sobrar  lo  poder 
del  meu  cor,  mas  la  fortalea  del  meu  cor 
no  pot  esser  vençuda  per  la  vostra 
força  ni  per  tota  la  força  de  tots  los 
homens  qui  son  en  vostra  terra,  per- 
que la  força  del  cor  es  major  y  mes 
noble  que  no  es  la  fortalea  corporal. 


514  A 

Mot  fo  lo  reis  marauillatz  de  las 
paraulas  que  auzia,  e  demandaua  al 
crestia  qui  era  occasio  de  son  coratge, 
per  la  quai  el  arramia  totas  las  forsas 
e  totas  las  caritatz  que  eron  en  las 
armas  dels  homes  de  sa  terra. 

c  Seinher,  dix  lo  crestia,  tant  es 
gran  cauza  la  encarnacio  del  fill  de 
dieu  e  la  passio  que  sostenc  per  saluar 
nosautres,  e  tant  es  fortz  causa  ueri- 
tat  contra  falcetat,  que  per  aiso  soi  ab 
tanta  de  caritat  e  de  fortitudo  en  mon 
coratge,  que  en  tota  uostra  terra  ni 
enfre  totz  ios  homes  que  uos  auetz, 
non  es  car[i]tatz-fortitudo  que  pogues 
per  razos  contrastar  a  la  mia  ;  et  aiso 
es  per  so  quar  totz  uosautres  etz  en 
error  e  non  auetz  deuocio  en  la  encar- 
nacio e  passio  de  nostre  seinhor  dieu 
iesu  christ.  • 

Lo  rei  sarrazi  fo  mot  iratz  contra 
lo  crestia,  e  fetz  mandament  per  tota 
sa  terra  que  uengessan  totz  Ios  plus 
sauis  homes  et  aqueisquemaiss  ague- 
sson  de  caritat,  e  que  uenguesson  al 
crestia  la  fortitudo-caritat  de  son 
coratge,  e  pueissas  que  son  cors  fezess- 
on  a  mala  mort  morir.  Tug  foron 
aiustat  contra  lo  crestia  ;  e  lo  crestia 
les  uenquet  els  sobret  totz  de  forsa 
spiritual  e  de  caritat,  e  dix  al  rei 
que  eniuria  faria  al  cors,  si!  tolia  al 
arma,  que  a  maior  uertut  en  forsa- 
caritat  que  totas  las  armas  dels  sieus 
homes,  et  eniuria  faria  al  arma,  si  no 
la  gazardonaua  de  sos  mérites. 

Cant  Blaquerna  ac  dig  al  cauallier 
lexemple  damunt  dig,  el  fes  al  cauallier 
aquesta  demanda.  «  Seinher,  dix  Bla- 
querna, quai  uos  es  semblant  que  sia 
plus  fortz  e  plus  noble  de  poder,  o 
la  forsa  de  coratge  que  uens  e  apo- 
dera  tantz.daltres  coratges,  o  la  forsa 
corporal  quel  rei  sarrazi  auia  maior  quel 
crestia  ?  »  Lo  cauallier  respos  e  dix  : 
«  Aquella  forsa  de  coratge  es  la  mellor 
forsa  que  sia  en  home.  •  —  «  Seinher, 
dix  Blaquerna,  aitant  quant  la  torsa  es 


MOREL-FATIO 

E  perço  la  caritat  que  es  «n  mon  cor 
ama  tant  fortment  la  fortalesa  de  moi 
cor,  quem  fa  roenysprear  la  força  co^ 
poral  del  manament  vostre  que  voi 
haueu  en  vostra  persona  y  en  tôt 
vostre  règne  :  y  perço  la  força  y  la  cari- 
tat del  meu  cor  estan  aparellades  de 
conbatres  ab  tots  Ios  poders  de  la 
vostre  anima  y  de  (otes  les  animes  que 
son  en  vostra  senyoria  tota.  » 

Molt  se  marauella  lo  rey  de  les  pa- 
raules  que  deya  lo  cristia,  y  demaoali 
quina  cosa  era  la  tortalea  gran  de!  seu 
cor,  que  axi  acometia  a  totes  les  forces 
y  caritats  de  les  animes  que  eren  en  sa 
terra. 

«  Senyor  (respos  lo  cristia),  tantes 
gran  cosa  la  encarnacio  del  fill  deden 
y  la  passio  que  sostengue  per  nosaltres, 
y  tant  es  fort  cosa  la  veritat  contra  la 
falsia,  que  perço  so  yo  ab  tanta  cari- 
tat y  ab  tanta  fortalesa  en  mon  cor, 
que  vos  ni  tots  Ios  homens  de  vostra 
terra  tota  no  porien  contrastar  a  la 
mia  fortalea  ;  perço  que  tots  vosaltres 
sou  en  error  y  no  haueu  fe  ni  deuocio 
en  la  encarnacio  ni  en  la  passio  de 
monsenyor  deu  Jesu  Christ.  • 

Lo  rey  more  fon  molt  yrat  contra 
lo  cristia,  y  feu  manament  que  ven- 
guesen  tots  Ios  mes  sauis  y  doctes 
homens  de  sa  terra  y  tots  Ios  qui  mes 
caritat  haguessen,  y  que  vençescen  al 
cristia  la  gran  fortalea  y  caritat  de 
son  cor  que  ténia,  e  après  que  fessen 
son  cos  morir  a  mala  mort.  Tots  foren 
aplegats  contra  lo  cristia  ;  mas  lo 
cristia  Ios  sobra  a  tots  yls  vençe  de 
força  speritual  y  de  caritat,  e  dix  al 
rey  que  injuria  faria  al  cor,  sil  lleuaua 
de  la  anima,  que  ha  major  virtut  en 
fortalea  y  en  caritat  que  totes  les 
animes  y  de  ell  y  de  tots  Ios  Moros 
de  sa  terra,  e  injuria  faria  a  la  anima 
si  no  la  apremiaua  de  sos  merits. 

Quant  Blanquerna  hague  recontat  al 
caualler  aquest  exemple,  eli  li  feu  esta 
demanda.  «  Senyor  (dix  Blanquerna), 


LE    ROMAN    DE 

maior  e  plus  nobla,  daitant  deu  miis 
esser  amada  per  caritat.  Be  \xeitit  qos 
que  la  mia  forsa  corporal  ni  la  forsa 
de  la  donzela  que  uos  porta tz  non  an 
forsa  contra  la  forsa  de  uostre  caual 
e  de  uosiras  armas  c  de  uostra  per- 
sona.  E  per  aiso  ueiatz  on  a  mais  de 
forsa,  0  en  uostre  coratge  o  en  uostre 
caoall  e  armas  e  persona  ;  car  si 
uoslre  coratge  es  plus  fortz  contra 
maluestat  et  inîurta  e  luxuria  que 
uo5lra  persona  ni  uostras  armas  ni 
uostre  cauaill,  uos  retornareti  la  don* 
lella  ai  luoc  on  laueiz  preza^  e  non 
enclinarctz  uostre  coratge  a  maluestat 
ni  a  falliment.  Ënaisi  com  dieus  a 
donada  forsa  al  uostre  cors,  auretx 
per  uerttit  de  dieu  torsa  en  uostre  * 
coratge,  per  lo  quai  auretz  cariiat  a 
totz  bos  (aigs  on  sia  leialtat  e  cortezia, 
enscjnhamcnt  et  hu militât,  t 

Mot  considère!  lo  caual  lier  en  las 
paraulas  que  dizia  Blaquerna,  e  no 
uolc  que  mal  enseinhament  ni  uilama 
ueoces  ni  sobres  son  coratge,  ab  lo 
qtial  auia  uensut  e  sobrat  motas 
uegitadas  moutz  caual liers  en  assautz 
et  en  batallas,  et  per  aiso  lo  cauallicr 
dix  a  Blaquerna  aquestas  paraulas  : 
t  Ane  no  fui  uencuiz  ni  sobratz  per 
nuyt  3  home,  on  se  leu  non  obezia  a 
QOstras  paraulas^  uiltat  e  uilania 
uencerîa  mon  coratge,  lo  quai  coratge 

4  mi  mot  amable,  car  per  sa  forsa 
estatz  sobriers  totz  temps  a  mos 
iDcrotxs.  Non  es  uencutz  mos  coratges 
per  Ui  uostras  paraulas»  ans  uens  e 
apodera  en  mi  la  maluestat  e  la 
uilania  que  i  solia  esser  Veus  la  don- 
zela, prec  uo%  que  la  retornelz  al 
castel  de  sa  maire.  Y  eu  ai  natfrat  a 
mort  J.  escudier  del  castel  e  per  aiso 
segu rament  non  poiria  retornar  la 
donzella  en  aquellas  encontradas.  •  Et 
ab  aquestas  paraulas  lo  cauallier  se 


BUQUERNA  {  I  $ 

quai  vos  sembla  que  sla  mes  fort  y 
mes  noble  en  si,  o  la  força  del  cor 
del  cristia  que  apodera  y  vençe  tants 
a  lires  cors  y  forces  de  homens,  o  ta 
força  corporal  quel  rey  moro  hauia 
major  quel  cristia?  *  Lo  caualler 
respos  y  dix  que  !a  fortalea  del  cor  es 
major  força  y  la  mes  noble  que  en  lo 
home  puga  esser.  c  Senyor  (dix  Elan- 
querna),  tant  quant  la  força  es  major 
y  mes  noble^  tant  deu  esser  mes 
amada  per  caritat.  Be  veeu  vos  que  ta 
força  corporal  en  mr,  nj  en  la  donzella 
que  vos  portao^  no  es  lanta  que 
puixa  esser  contra  la  força  de 
vostre  cauall  y  de  vostres  armes  y 
de  vostra  persona.  Y  perço  mirau 
hon  ha  mes  força,  o  en  vostre  cor,  o 
en  vostre  cauall  y  armes  y  persona.  E 
si  en  vostre  cor  ha  mes  força  contra 
maluestat^  injuria  y  lluxuria  que  no 
ha  en  lo  vostre  cauall  ni  en  vostres 
armes  y  persona,  certes  vos  tornareu 
la  donzella^  que  portau  per  força,  al 
Iloch  de  on  la  haueu  presa,  e  no  iucti- 
nareu  vostre  cor  a  maluestat  ni  a 
dejfatliment.  Perque  axi  com  deu  ha 
donat  força  al  vostre  cos,  axî  haureu 
per  virtut  de  deu  fortalesa  y  noble 
cor,  per  lo  quai  haureu  caritat  a  tots 
bons  fets  hon  baja  Uealtat,  cortesia, 
bona  criança  e  h u militât. 

Molt  considéra  lo  caualler  en  les 
paraules  que  deya  Blanquerna,  y  no 
volpe  que  ma  la  criança,  descortesia 
ni  vilanta  per  elt  lossen  entantexaiça- 
des  quel  vencessen  ni  sobrassen  son 
cor,  ab  lo  quat  etl  hauia  vençut  y 
sobrat  moites  vegades  a  molts  ca- 
uallers  en  caualcades  y  en  batalles,  e 
perço  dix  lo  caualler  a  Blanquerna 
estes  paraules  :  «  May  no  fuy  vençut 
ni  sobrepujat  per  ningun  home.  Mas 
si  yo  no  obeia  a  vostres  paraules, 
mala  crian;a,  villat  y  vîlania  vençerien 


5l6  A.    MOREL-FATIO 

parti  amigablament  de  la  donzela  e     al   meu  cor,  lo  quai  es  a  mi  molt 


de  Blaquerna. 


De  temptacio.  LI. 

Mot  desplac  a  Blaquerna  car  auia 
a  ixir  de  son  cami  per  acompai- 
nhar  la  donzella  que  lo  cauallier  li  auia 
comandada;  mas  caritat-fortitudo  lo 
fezeron  anar  ab  la  donzella  ues  las 
partidas  del  castel.  Dementre  que  Bla- 
querna anaua  ab  la  donzella,  Bla- 
querna senti  temptar  son  coratge  de 
carnal  delieg  per  la  gran  beleza  de  la 
donzella  e  per  la  soletat  en  la  quai 
era  ab  ella  en  lo  boscatge.  Mas  encon- 
tenent  que  Blaquerna  senti  la  temptacio, 
remembret  la  metguia  2  per  la  quai  hom 
mortificaua  tota  temptacio.  so  es  asa- 
ber  dieu  e  la  sua  passio  e  la  celestial 
gloria  e  las  infernals  penas  ;  e  gitet 
se  ad  oracio  e  demandet  aiuda  a  las 
.vii.  uertutz  queeron  en  sa  compainh- 
ia,  e  remembret  la  uilltat  e  lentaca- 
ment  que  es  en  la  obra  de  luxuria,  e 
deziret  auer  la  nobla  obra  que  es  en 
las  uertutz  com  saiudon  contrais  uicis. 
Motas  uegadas  ac  Blaquerna  temptacio 
de  luxuria,  dementre  que  anaua  ab  la 
donzella,  et  encontenent  se  donaua  ad 
oracion,  segon  que  damont  es  dih  e 
mortificaua  la  temptacio. 
Per  esperit  maligne  sesdeuenc  que 


amable,  car  per  sa  força  so  estât  tos- 
tcmps  soberch  a  mos  enemichs.  Y  an 
per  vostres  paraules  venç  y  apoder  eo 
mi  maluestat  y  a  vilania^  lesqnals  hi 
solien  estar.  Veus  aci  la  donzella, 
prech  vos  que  la  torneu  vos  al  castdl 
de  on  yo  la  he  presa  a  sa  mare.  Yo 
he  ferit  y  malnatrat  un  scader  del 
castel  I,  e  perço  segurament  noy  poria 
ja  tomar,  onquels  portas  la  donzella. 
Ab  aquestes  paraules  Blanquema  y  la 
donzella  se  partiren  del  cauallcr  molt 
agradablement. 

Ca,  LVlll,  De  temptacio  y  del  modo 
singular  com  pot  hom  euadir  y  scapar 
ad  aquella  qualsmol  que  sia  per 
exemple  de  Blanquerna. 

Molt  desplague  a  Blanquerna  quant 
hague  a  exir  de  son  cami  per 
acompanyar  la  donzella  quel  caualler 
li  hauia  acomanada  ;  mas  caritat  y  for- 
talesa  lo  feren  anar  ab  la  donzella 
enuers  les  partides  del  seu  castell. 
Mentres  que  Blanquerna  anaua  ab  la 
donzella,  ell  se  senti  temptat  en  son 
cor  de  carnall  délit  per  la  bellea  y 
gentilea  de  la  donzella  y  per  la  soledat 
en  la  quai  era  ab  ella  en  lo  boscatge. 
Mas  encontinent  quant  Blanquema 
senti  la  temptacio,  tantost  se  recorda 
de  la  medecina  ab  la  quai  mortifica 
hom  tota  temptacio,  y  es  a  saber 
recordar  a  deu  y  a  la  sua  sancta  passio 
y  la  celestial  gloria  y  les  pênes  infer- 
nals ;  y  posas  en  oracio  e  demana  aju- 
tori  a  les  set  virtuts  que  eren  en  sa 
companya,  e  recordas  de  la  viltat  y 
de  la  sutziedat  que  es  en  là  obra  de 
lluxuria,  y  desija  hauer  la  noble  obra 
que  es  en  les  virtuts,  com  se  ajuden 
ensemps  contra  los  vicis  e  purifiquen 
la  anima  de  aquells.   Moites  vegades 


1 .  Ce  membre  de  phrase  est  corrompu.  Cp.  le  passage  correspondant  du  ms. 

2.  Lu  de  ce  mot  a  été  exponctué  par  le  reviseur. 


t 


LE    ROMAN    DE 


\n  donzella  âc  temptacio  de  peccar  ab 
61a<)Ufma,  e  quar  non  auia  la  ma- 
aieira  de  Blaquerna  contra  temptacio, 
dix  aquestas  paraulas  :  ■  Senhcr,  dix 
la  donzella,  en  uostre  podcr  son,  c 
uo5tras  paraulas  man  desllieurada  de 
[as  mas  del  cauallier,  autre  gazardo 
nous  puesc  tar  mas  daitant  que  uos 
podetz  pleuir  de  ma  persona  a  lot 
uostre  placer.  *  Blaquerna  senti  en  si 
multtplicarlalemptacio  perlas  paraulas 
d€  la  don/ella  que  duia,  e  retornet 
remembrar  dieu  e  las  uertutz,  segon 
que  auia  acostumal. 

D^meutre  que  Blaquerna  conside- 
raua  en  fortitudo  et  en  nobfeza  Je 
coratgc,  per  llum  e  per  la  cspiracio 
de  la  diuinalsauiesca  remembret  et  entes 
conjdieusdesEanîparet*  moiz  peccadors, 
per  so  que  fossan  occazio  com  homes 
iustz  ne  pogucsson  multipîicar  lor^ 
uertutz,  e  per  aiso  Blaquerna  aper- 
ceup  que  dczamparada  era  la  donztftia 
de  la  gracia  de  dieu^  per  so  que  Bla- 
querna nagues  maior  occazio  e  com  ne 
fos  plus  fortz  contra  temptacio  e 
luxuria,  per  tal  que  per  maior  fortitudo 
agues  maior  mérite;  e  per  aiso  Bla- 
querna sagenoilet  et  oret  e  bcnezt 
dieu  que  ti  donaua  tantasde  manieiras 
per  la  [s]  quais  pogues  moût  exalsar 
sas  uertutz^  Dementre  que  Blaquerna 
adoraua  e  bcnezia  dieu,  per  diuinal 
uertut  uenc  en  uolontat  a  Blaquerna 
com  adoctrmes  la  donzella  contra  temp- 
tacio totas  tas  ueguadas  que  (os  temp- 
tada  de  luxuria  o  dautre  peccat. 

t  Donzella,  dix  Blaquerna,  natura 
es  de  entendement  que  fa  mot  amar  o 
àirar  so  que  es  mot  membrat^  e  per 
aiso  totas  las  ueguadas  que  hom  a 
temptacio  de  far  alcun  peccat,  deu  hom 
mot  membrar  la  uittat  et  la  lageza  del 
peccai.  Car  aitanl  com  tiom  mais  mem- 
bra  en  aquesta  manicira,  daiUnt  len- 


BLAQUERNA  |I7 

hague  Blanquerna  temptacio  de  llu' 
xuria,  mentresqueanaua  ab  la  donzella, 
mas  daua  tantost  tôt  son  enteniment  a 
oracio,  segons  que  dit  es,  e  axi  mor- 
tificaua  la  temptacio  àé  sperit  mali- 
gne. 

Axi  mateix,  persucjestio  del  dimoni, 
ta  donzella  en  semblant  manera  h.igue 
en  son  cor  aquelta  mateixa  temptacio 
que  pecas  ab  Blanquerna,  y  perque 
no  ténia  la  manera  de  Blanquerna  la 
donzella  contra  temptacio,  dixii  estes 
paraules.  «  Senyor  en  vostre  poderso, 
y  les  vostres  paraules  mehan  dclliura- 
da  de  les  mans  det  caualler,  altre 
guardo  yo  nous  puch  dar  ni  al 
re  puch  1er  per  vos,  sino  queus  podeu 
pletiîr  de  ma  persona  a  tôt  vostre 
plaer.  »  Blanquerna  senti  en  si  multi- 
plicar  la  temptacio  per  les  paraules 
que  la  donzella  li  deya^  y  retornas  a 
recordar  a  deu  c  a  les  virtuts,  segons 
que  hauia  acostumat. 

Menlres  que  Blanquerna  axi  consi- 
deraua  en  la  vtrtut  de  fortalea  y  noblea 
de  coragc,  per  llum  de  gracia  y  per 
spiracio  de  la  diuinal  sauie^^a  ell 
recorda  y  cntengue  com  deu  desem- 
para ua  a  molls  peccadors  aigu  nés 
voltes  pertal  que  fossen  occasio  als 
homens  justs  qup  no  errassen,  mas 
que  poguessen  multiplicar  llurs  virtuls 
E  perço  Blanquerna  entengue  que 
dese  m  parada  era  la  donzella  de  la 
gracia  de  deu,  perque  ell  tingucs 
ma|or  occasio  de  esser  mes  tort  contra 
temptacio  y  luxuria,  pertal  que  per 
major  lortalesa  agues  major  ment.  Y 
per  esta  uusa  Blanquerna  se  agenoHa 
tantost  en  terra  e  benehi  y  lloa  a  Deu, 
qui  li  daua  tantes  maneres,  per 
tesquals  pogues  exalçar  ses  vîrtuts. 
Meotres  que  Blanquerna  axi  adoraua 
y  bcneia  a  deu,  per  la  diuinal  virtut 
il  vengue  en  voluntat  com  adoctrinas 


1.  Révision  :*deszampaniua. 

2.  Révision  :  los. 


5l8  A.    MOREL 

tendementplusfortment  fa  a  la  uolontat 
dezamar  lo  peccat.  Aulra  manieira  y  a 
de  mortificar  temptacio,  so  es  asaber 
que  hom  remembre  dieu  e  sa  boneza, 
grandeza,  poder,  sauieza,  amor,  per- 
feccio,  iusticia,  ni  com  a  faita  gran  amor 
a  home,  ni  com  li  te  gran  gloria  apa- 
rellada,  ni  con  es  gran  cauza  usar  de 
fe,  esperansa,  caritat,  iusticia,  pru- 
dencia,  fortitudo,  tempransa.  La  tersa 
manieira  es  en  quai  manieira  deu  hom 
ublidar  lo  peccat  e  totas  las  circuns- 
tancias  del,  cant  es  temptatz  ;  car  per 
ublidar  lo  peccat  es  mortificada  la 
uolontat  a  amar  lo  peccat,  e  per  aiso 
deu  hom  membrar  autras  causas.  Per 
aquestas  .iii.  manieiras  damunt  dichas 
pot  hom  mortificar  tota  temptacio.  • 

La  donzella  conoc  que  Blaquerna 
li  dizia  aquellas  paraulas  per  so  car 
auia  conogut  so  de  que  era  temptada, 
e  lauzaua  e  benezia  dieu  que  tanta 
de  uertut  auia  donada  a  Blaquerna 
contra  temptacio,  et  tota  hora  que  li 
uenia  temptacio  de  Blaquerna ,  uzaua 
de  la  doctrina  que  Blaquerna  li  auia 
donada,  per  la  quai  doctrina  morti- 
ficaua  la  temptacio  et  acostumaua  sa 
arma  a  uzar  de  uertutz. 

Longuament  anero  Blaquerna  e  la 
donzela  per  lo  boscatge,  e  tant  ane- 
ron  que  la  donzela  fon  enoiada  danar 
e  uolc  repauzar  sotz  .i.  arbre,  a  la 
ombra  del  quai  sadormi.  Dementre 
que  la  donzela  dormia,  Blaquerna 
estaua  en  oracio  e  contemplaua  en  la 
diuinal  benediccio 


FATIO 

a  la  donzella  contra  la  tempUcio,  tota 
ora  que  fos  temptada  de  lluxuria  o  de 
altre  qualseuol  peccat. 

«  Donzella  (dix  Blanquema),  natnra 
es  de  enteniment  que  faça  molt  amar 
0  auorrir  allô  que  es  roolt  recordat. 
E  perço  tota  vegada  que  hom  ha 
temptacio  de  fer  algun  peccat,  deu 
hom  molt  recordar  la  vilut  y  la 
sutziedat  y  lejea  del  peccat  y  lo  dan 
que  sen  seguix.  Car  tant  quant  hom 
mes  recorda  desta  manera  la  viltat  de 
la  obra,  tant  lenteniment  fa  mes 
fortment  a  la  uoluntat  auorrir  lo 
peccat.  Altra  manera  hi  ha  de  morti- 
ficar temptacio,  ço  es  a  saber  si  hom 
recorda  a  deu  y  a  sa  bondat,  granca, 
poder,  sauiesa,  justicia,  amor  y  per- 
feccio,  y  com  ha  deu  gran  amor  al 
home,  y  com  li  te  gran  gloria  [apa- 
rellada,  e  com  es  gran  cosa  usar  de  fe, 
sperança,  caritat,  justicia,  prudencia, 
fortalea,  temprança.  La  terçera  mane- 
ra es  que  hom  deu  oblidar  lo  peccat 
y  totes  ses  circunstancies  quant  dell 
es  hom  temptat  ;  perque  en  oblidar  lo 
peccat  y  ses  circunstancies  ne  es  la 
voluntat  mortificada  a  amar  lo  peccat. 
E  perço  deu  hom  recordar  altres  coses 
que  no  sien  semblants  a  les  de  que 
hom  es  temptat.  Per  estes  très  ma- 
neres  damunt  dites  pot  hom  mortifi- 
car sa  voluntat  a  peccar  y  a  esser 
vençuda  tota  temptacio.  » 

La  donzella  conegue  que  Blan- 
querna  deya  aquelles  paraules  pertal 
que  hauia  conegut  lo  peccat  de  que 
era  temptada,  y  lloa  e  benehi  a  deu, 
qui  tanta  virtut  hauia  dat  a  Blan- 
querna  contra  la  temptacio.  E  tota 
ora  que  li  venia  temptacio  de  Blan- 
querna  vsaua  de  la  doctrina  que  Blan- 
querna  li  hauia  donada,  per  la  quai 
doctrina  mortificaua  sa  temptacio  y  ha- 
bituaua  sa  anima  a  virtuts. 

Molt  gran  stona  acaminaren  Blan- 
querna  y  la  donzella  per  lo  boscatge, 
y  tant  agueren  acaminat  que  la  don- 


LE    ROMAK   DE    BUQUERNA  519 

zeila  era  cansada  de  anar  e  voigue 
reposar  dauall  un  arbre,  a  la  ombra 
del  quai  se  adormi.  Mentres  que  la 
donzella  dormia^  Blanquerna  estigue 
en  oracio  y  contemplaua  la  diuinal  be- 
nedkcio .     . 


De  pcniiendû,  LllL 

Blaquema  anaua  pcr  lo  boscatge 
remembrant  et  amant  son  creâtor  e 
son  dieu,  cantant  gloria  m  tttîsis,  dw. 

ïflientreque  anaua  enaixi,cl  airobet 
vna  carrîeîrai  per  U  quai  anet  tro  que 
fo  hora  nona,  que  alrobel  .i.  escudier 
que  uenia  per  .1.  autre  cami,  mot  plo- 
ros,  e  demoflraua  en  son  semblant 
seinhal  de  tristicia.  Blaquerna  dcman- 
det  al  escudier  per  ques  ploraua? 
Lescudier  respos  :  <  Seinlier,  y  eu  plor 
per  so  car  .i.  seinhor  ab  cui  estaua, 
lo  quai  a  nom  Narpan,  ma  tout  mon  lo* 

fer,  e  son  me  partitz  del^  per  so 
[^uar  noJ  puesc  seruir  a  sa  guiza,  car 
tant  es  enueios  e  dezordenatz  en  sas 
costumas  que  null  home  non  potsofnr 
son  mal  estatge.  t  —  t  Bels  amîxs, 
dix  Blaquema,  on  esta  aque!  seinhor 
Narpan  que  uos  dtzetz^  •  —  1  Sein* 
her,  respos  lescudier^  e)  esta  près 
daisi  en  una  abadia  ;  en  aque)  mones- 
lier  a  fag  alberc,  et  es  uengutz  en 
âquel  luoc  per  far  peniiencia,  mas  la 

nitencia  en  que  el  esta  es  semblant 
1  la  peniiencia  del  lop.  t  Blaquerna 
demandet  al  escudier  quais  fon  la  pe- 
niiencia del  lop?  *f  Seinhcr.dix  lescu- 
dier, en  À.  temps  scsdeuencquc  lo  lops 
întret  en  J.  pargue  on  au  ta  motas  (e- 
dasi  et  ausis  e  deuoret  aqucllas.  Len- 
dema  mati,  quant  to  seinhor  de  las 
fcdas  intret  en  lo  pargue  et  atrobet 
mortas  las  fedas,  ac  moût  gran  ira 
contra  lo  pastor  que  non  auia  gardât 
lo  parregue  aquella  nueg,  et  aucis  lo 
pastor.  e  cant  lac  mon,  cil  plainhia 
la  mort  del  pastor  e  de  las  fedas.  Lo 


Ctf.  LIX.  De  ptniuncia  y  dti  modo 
corn  se  degna  ftr  perqiu  no  5W  vana 
corn  la  de  Narpan^  y  de  Us  parts  que 
ûqaelîa  ha  de  tenir  per  esstr  bom  y 
fruetaosû^  segons  doctrina  y  exemple 
de  Blûnquerna, 

Blanquema  anaua  per  fo  boscatge 
recordant  y  amant  lo  seu  creador 
deu  y  senyor,  cantant  ghrut  m  excehis 
deo.  Mentres  que  ell  axi  anaua,  troba 
un  cami,  per  lo  quai  ana  fins  a  ora 
de  nona,  que  troba  un  scudcr,  lo 
quai  venia  pcr  un  allrecami,  moll  plo- 
ros,  y  demostraua  en  sa  manera  scnyal 
de  gran  tristicia.  Blanquerna  demana 
a)  scuder  perque  ploraua  ?  Lo  scuder 
respos  :  «  Senyor,  yo  plorc  perlai 
que  un  senyor  ab  qui  yo  estaua,  lo 
quai  ha  nom  Narpan^  se  rete  ma 
soldada,  que  nu  iam  vol  dar.  y  som 
partit  de  ell,  que  nol  puch  seruir  a  sa 
guisa,  perque  tant  es  copdicios  y  de- 
sordenat  en  ses  pratiques  que  ningun 
home  no  pot  comporlarlo.  »  ^  «  Belf 
amich,  dix  Blanquerna^  on  esta  eii 
senyor  Narpan,  que  vos  dieu,  ab  qui  ' 
vos  eslaueu  ?  •  —  i  Senyor,  respos  lo 
scuder,  ell  esta  aci  prop  en  una  abadia 
de  monjes,  y  en  aquell  monestir  hay 
fet  una  casa,  a)  quai  es  vengul  per  fer 
peniiencia  ;  mas  la  penitencia  que  elt 
fa  es  semblant  a  ta  penitencia  del 
llop.  *  Blanquema  demana  al  scuder 
quina  era  la  penitencia  del  llop^ 
«  Senyor,  dix  to  scuder,  diuse  que 
una  vegada  sesdeuenguc  que  un  llop 
entra  de  nit  en  un  corral  on  hauîa 
molles  ouclles  y  molts  ntoltons  y  cor- 
deros,  y  mata  y  deuora  gran  partida 


i 


520 


A.    MOREL-FATIO 


lop  que  ui  la  mort  del  pastor  et  auzi 
lo  dol  quel  pages  fazia,  ac  contricio 
de  cor,  e  dix  que  cauza  couinent  era 
que  fezes  penitencia  del  dan  que  auia 
donat  al  pages  e  de  la  occazio  en  la 
quai  era  de  la  mort  del  pastor,  et  en 
una  uinha  on  auia  motz  razims,  la 
quai  era  del  pages  al  quai  auia  mortas 
las  fedas,  el  anet  far  penitencia  [e] 
maniar  totz  iorns  dels  razims  a  tota 
sa  uoluntat.  On  en  semblant  manieira 
fa  penitencia  lo  seinhor  abqui  ai  estât 
longament,  car  el  a  estât  home  pec- 
cador  en  lo  mon  et  a  mortz  homes  et 
a  faitz  motz  peccatz,  et  es  uengutz  en 
aquest  monestier  on  mania  e  beu  e 
iatz  a  sa  uoluntat,  e  uiu  en  gran  be- 
nanansa,  de  la  quai  an  mal  exemple 
totz  los  monges  daquel  monestier  e 
moutz  dels  nan  enueia.  v  —  c  Amix, 
dix  Blaquerna,  es  uos  semblant  que  se 
ieu  anaua  al  monestier  et  estaua  .i. 
temps  ab  Narpan,  sil  poiria  conuertir 
a  bonestament  ?  »  Lescudier  respos  : 
«  Si  uos  estatz  ab  el,  a  uos  pendra 
enaixi  co  [ne]  près  al  papagay.  »  Bla- 
querna  lo  preguet  que  ill  dixes  lexem- 
ple  del  papagay.  «  Seinher,  so  dix 
lescudier,  en  una  terra  sesdeuenc  que 
doas  bogias  pauzeron  leinha  sobre  una 
luzerna,  e  cuidauonse  que  fos  fuoc, 
e  buffauon  en  la  leinha  per  so  quel 
fuoc  sescomprezes  .1.  papagay  sestaua 
en  un  arbre,  e  dizia  a  las  simias  que 
non  era  la  luzerna  fuoc,  e  las  simias 
non  escoutauon  sas^  paraulas  .1.  corp 
dizia  al  papagay  que  non  uolgues  tre- 
ballar  en  correccio  daquels  que  non 
recebon  doctrina.  Lo  papagay  dauallet 
del  arbre  e  mes-se  enfre  las  simias  per 
so  quel  auzisson.  E  la  una  daquelias 
près  et  aucis  lo  papagay.  Enaixi  pen- 
ra  a  uos,  si  uoletz  corregir  aquel  que 
non  recep  correccio,  car  en  los  sieus 
uicis  nirelz2  corromputz  contra  alcus 
bons  noirimens,  sils  auetz.  »  Blaquerna 


de  aquelles.  Laltre  dia  per  lo  mati, 
quant  lo  senyor  de  les  ouelles  entra 
en  lo  corral  y  veu  lo  gran  dan  quel 
llop  li  hauia  fet  y  la  mort  de  les 
ouelles,  hague  molt  gran  yra  contra  lo 
pastor,  qui  no  auia  guardat  aquelia  nit 
lo  corral,  y  mata  lo  pastor,  y  quant 
lague  mort,  ell  planyia  la  mort  del  pas- 
tor y  de  les  ouelles.  Lo  llop,  quant 
sabe  quel  senyor  del  bestiar  hauia 
mort  lo  pastor  per  lo  ma!  que  ell 
hauia  fet,  plangue  molt  lo  dan  y  la 
perdua  del  bon  home,  de  qui  era  lo 
bestiar,  y  majorment  la  mort  del  pastor, 
de  la  quai  ell  era  statoccasio,y  hague 
gran  contricio  en  son  cor  e  dix  que 
conuenia  en  totes  maneres  que  ell  ne 
fes  penitencia.  E  perço  ell  sen  ana  en 
una  vinya  hon  auia  molts  raims  ma- 
durs,  la  quai  era  del  senyor  de  les 
ouelles  que  ell  hauia  mort,  y  tots 
jorns  ell  menjaua,  guastaua  y  destro- 
hia  los  raims  de  la  vinya  a  tota  sa 
voluntat,  y  de  aquelia  manera  feya 
penitencia.  On  en  semblant  manera 
fa  penitencia  aquell  senyor  ab  qui  yo 
he  estât  molt  de  temps,  perque  ell  es 
estât  home  molt  peccador  en  lo  mon 
y  ha  mort  molts  homens  e  ha  fet 
molts  altres  peccats.  Y  ara  es  vengut 
a  fer  penitencia  en  aquest  monestir, 
hon  menja  e  beu  delicadament  y  dorm 
en  bon  ilit  bla  e  cubert  de  nobles 
draps,  y  viu  a  gran  délit  desapersona 
e  ab  gran  benauenturança.  Y  de  la  sua 
vida  han  molt  mal  exemple  los  monjes 
del  monestir  y  molts  de  ells  ne  han 
gran  enueja  y  desigen  que  poguesen 
axidelitosament  viure.  »  —  «  Amich, 
dix  Blanquerna,  parues  que  si  yomen 
anaua  al  monestir  y  estaua  algun  temps 
ab  ell,  sil  poria  conuertir  e  tornar  a 
bon  estament  ?  »  Lescuder  respos  : 
«  Si  vos  estau  ab  ell,  a  uos  ne  pora 
pendre  axi  corn  ne  près  al  papagay.  » 
Blanquerna  li  dix,  que  corn  ne  hauia 


I.  Ms.  las.  —  2.  Ms.  firetz  ou  siretz. 


LE    ROMAN    DE 

dit  :  •  leu  me  confizi  en  lo  conceil! 
que  la  uolp  dix  al  sengbr  ■  Lescu- 
dicr  prcgucl  a  Bbquerna  que  H  contes 
aquci  ixempic,  Blaquema  dix  :  *  Una 
Lliolp  anaua  per  j.  boscatge  cl  airobcl 
^A.  scnglar  que  esperaua  j.  leo^  ab  lo 
quai  setioltacombatre.  La  uolp  demâri' 
del  al  sengfar  que  esperaua,  e  to  sen- 
glar  H  recontet  son  coratge.  La  uolp 
éh  aJ  senglar  que  e1  non  auia  mas 
doas  dcns  ab  que  pogues  combatre  lo 
leo,  que  lo  leo  auia  motas  dens  e  mo- 
tas  onglas  contra  lo  senglar,  e  per 
aiso  era  semblant  quel  leo  agues  lo 
mellor  de  la  batalla,  Lo  leo  uenc  et 
combatetse  ab  lo  senglar  et  auck  e 
deuoret  aquel,  per  so  car  auia  seinh- 
oria  darmas  :  on  per  semblant  ma- 
nicira  icu  ai  seinhoria  darmas  contra 
Narpan^  car  ieu  combatrai  aquel  ab  ta 
aîuda  de  las  diuinals  uertutz  e  de  las 
ucrtutz  creadas,  et  cl  non  poira  comba- 
tre mi  mas  ab  uicis  tant  solamenl,  los 
quais  uicis  non  an  poder  contra  dieu 
ni  uertut/,  i 

Quant  lescudtcrac  auzit  lexemplc,  el 
se  parti  de  Blaquerna  e  tenc  son 
cami.  Blaquerna  consideret  en  lo 
pcrill  que  podia  esdeucnir  en  lo  mo- 
neslier  per  lo  mal  exemple  de  Narpan. 
que  falsament  y  fazia  penitencia,  e 
cantal -es  peransa  fezeron  lo  anar  al 
moncsiier,  on  trobet  Narpan,  de  qui* 
lescudier  hauia  parlât.  «  Amix,  dix 
Narpan,  don  uenelz,  ni  uolrialz  esiar 
j.  an  0  plus  ab  seinhor?  t  —  t  Seinh- 
er,  dix  Blaquerna,  yeu  cxi  daquesta 
sclua  e  oauc  sercan  mon  prou,  et 
cstaria  ab  seinhor  on  me  pogues  mcll- 
orar  e  que  el  per  mi  prezes  mellora- 
mcnt.  On  pueîss  uos  auetz  demandât 
de  mon  estament,  prec  uos  quem  di- 
gatz  lestamen  segon  lo  quai  uos 
staîtz  en  aquest  monestier.  >  Narpan 
espos  a  Blaquerna  :  t  Yeu  estau  en 
aquest   monestier   per  far  penitencia 


BUQUERNA  )2I 

près  al  papagay  ?  Lescuder  respos  : 

*  Que  en  una  terra  sesdeuengue  que 
dos  monetes  posauen  II  en  y  a  sobre  una 
luerna,  pensant  que  la  luerna  fos  foch, 
y  bufauen  en  la  Kenya  perço  quel  foch 
se  encengues.  E  un  papagay  estau  a  en 
un  arbre,  y  deya  a  les  monetes  que 
allô  que  alh  Itoia  no  era  foch  sino 
I luerna,  mas  les  monetes  no  escoltauen 
ses  paraules  ni  cessauen  de  buiar  en 
ta  lluerna.  E  un  corp,  que  y  sobreucn- 
gue,  dix  al  papagay  que  nos  volgues 
treballar  en  dar  correccro  als  qui  no 
la  rebien,  que  les  bogies  bestics  eren 
que  no  rebien  doctnna,  Lo  papagay 
no  sen  volgue  estar  per  lo  quel  corp 
li  deya,  ans  deualla  del  arbre  y  mes 
se  entre  les  bogies  pertal  quel  hoissen. 
E  la  una  de  aqueltes  prenguel  y  mata 
lo  papagay  Axi  ne  pendra  a  uos^  si 
voleu  corregir  y  casttgar  aquell  qui  no 
pren  correctio  ni  caslich  de  ningu.  Ans 
SOS  mais  vjcis,  si  uos  estau  ab  ell, 
faran  perdre  algunes  bones  criançcs, 
si  les  haueu.  i  Dix  llauos  Blanquerna  : 
<  Yom  confie  en  les  paraules  que  la 
rabosa  dix  a!  porch  montes,  t  Lescu^ 
der  pregua  a  Blanquerna  que  ti  contas 
aquell    exemple.     Dix     Blanquerna  : 

•  Una  rabosa  era,  la  quai  anaua  per 
lo  boscatge  y  troba  un  porch  munies 
qui  speraua  a  un  lleo,  ab  lo  quai  se 
volia  combatre.  E  la  rabosa  demana 
al  porch,  que  speraua  ?  E  lo  porch  li 
reconta  tôt  son  cor.  Lauos  ta  rabosa 
dix  que  ell  no  ténia  sino  dos  dents 
ab  que  se  conbales  ab  lo  lleo,  y  quel 
lleo  hauia  moites  dents  y  moites  vnglcs 
ab  ques  podia  ben  deffensar  dell,  per 
la  quai  cosa  li  paria  quel  leo  li  deuia 
hauer  gran  auentajeen  la  balalla.  Cont 
la  rabosa  It  hague  dit  aço,  to  lleo 
vengue  y  corn  bâtes  ab  lo  porch  montes 
e  matai  y  squateral  lot  en  quant  li 
tenia  senyoria  en  armes.  E  axi  per 
semblant  manera  he  yo  senyoria  de 


I .  Ftut'ltfc  y  a'Nl  que  dans  te  manuscnt. 


À 


522 


A.   MOREL-PATIO 


dels  peccâtz  que  yeu  ai  iàitz  en  lo 
mon,  als  quais  soi  fugitz  .1.  escudier 
ses  partitz  de  mi,  e  per  aiso  es  me 
mestier  .i.  autre  escudier.  On  si  uos 
uoletz  estar  ab  mi,  yeu  satisfarai  a 
uostre  trebaill  en  tal  manieira  que  uos 
ne  seretz  pagalz.  •  —  «  Seinhcr,  dix 
Blaquema,  si  uos  faitz  penitencia  et 
yeu  seruis  uos,  secse  que  yeu  fassa 
penitencia.  E  per  aiso  yeu  estarai  ab 
uos  .i.  an,  sotz  tal  forma  e  condicio 
que  uos  fassatz  penitencia.  »  Narpan 
e  Blaquema  se  couengron  de  lurs  en- 
prenemens,  e  Blaquema  serui  Nar- 
pan .viii.  jorns  segon  la  uolontat  de 
Narpan,  per  so  que  Narpan  lo  con- 
ceupes  damor  en  son  coratge  e  que 
mieils  lo  crezes,  et  encara  per  so  que 
Blaquema  conogues  las  costumas  de 
Narpan. 

AI  .viii.  iorn  Narpan  dix  a  Bla- 
quema que  aucizes  una  auca  daquellas 
que  ténia  en  past  e  que  la  adobes  al 
disnar.  Blaquema  intret  en  la  maizo 
on  estauon  las  aucas  ab  g[r]an  re  de 
gallinas  e  de  capos,  et  atrobet  la 
uolp  que  era  intrada  en  aquella  maiso. 
Blaquema  aucis  la  uolp  etescorguetla, 
.sal  la  coa,  e  mes  la  en  ast  :  e  quant 
Narpan  fon  a  la  laula,  Blaquema 
aportet  en  .i.  tallador  la  uolp  denanl 
Narpan.  Mot  fo  mcrauillatz  Narpan 
e  demandât  a  Blaquema  per  que  non 
aportaua  lauca  et  aportaua  la  uolp, 
la  quai  era  orribla  cauza  a  maniar  et 
a  uezer.  «  Senher,  dix  Blaquerna,  las 
aucas  ni  las  gallinas  non  an  tan  niortal 
enemic  con  es  la  uolp,  e  car  uos  amatz 
aucas  e  gallinas,  coue  que  manietz 
lur  enemic.  »  Mot  fon  iratz  Narpan 
contra  Blaquerna,  e  motas  de  uilanias 
li  dis  per  so  car  li  conseillaua  que 
manies  la  uolp  e  non  auia  aparellada 
lauca.  «  Senher,  dix  Blaquema,  en- 
aissi  con  la  uolp  es  contra  las  aucas  e 
las  gallinas,  enaissi  aucas  e  gallinas  e 
capos  e  grassas  escudelas  son  contra 
penitencia,  e  car  ieu  son  obligat  a 
uos  a  seruir  segons  forma  de  peniten- 


armes  contra  Narpan;  perque  yom 
combatte  ab  ell  ab  la  ajuda  de 
les  diuinals  virtuts  y  de  les  virtuts 
creades,  e  ell  nos  pora  conbatre  en 
mi  sino  ab  vicis  tant  solament,  los 
quais  vicis  no  han  força  ni  poder 
contra  deu  ni  contra  les  virtuts.  » 

Quant  lo  scuder  hague  hoit  aquest 
exemple,  èll  se  parti  de  Blanquerna  y 
tengue  son  cami.  Blanquerna  consi- 
deraua  lo  gran  perill  que  podia  hauer 
lo  monestir  per  lo  mal  exemple  de 
Narpan ,  lo  quai  falsament  alli  feya 
penitencia.  E  charitat  y  sperança  feren 
lo  anar  al  monestir,  on  troba  a  Nar- 
pan, del  quai  lo  scuder  li  hauia  parlât. 
«  Amich,  dixii  Narpan,  de  on  veniu.? 
Vos  vol  ri  eu  estar  per  ventura  a  seruir 
un  senyor  vn  any,  o  mes  temps?  t  — 
c  Senyor,  respos  Blanquerna,  yo  ixch 
de  aquesta  silua  y  vaig  a  cercar  mon 
profit.  Estaria  volenterdsament  ab 
senyor  que  yo  men  pogues  millorar  e 
que  ell  per  mi  prengues  alguna  millo- 
ria.  E  axi  puix  vos  aueu  demanat  de 
mon  stament,  lo  quai  yous  he  dit, 
prech  vos  quem  digau  lo  vostre,  segons 
lo  quai  vos  estau  en  aquel  monestir.  • 
Narpan  respos  a  Blanquerna  :  «  Yo 
estisch  en  aquest  monestir  per  fer  pe- 
nitencia dels  peccats  que  he  fets  en  lo 
mon,  del  quai  so  fogit.  E  un  scuder 
que  yo  ténia  es  se  partit  de  miytinch 
ne  menester  allre,  e  perço,  si  vos 
voleu  estar  ab  mi,  yous  satisfare  vostre 
treball  en  tal  manera  que  vos  ne  sereu 
pagat  y  content.  »  —  «  Senyor,  dix 
Blanquerna,  si  vos  feu  penitencia  e  yo 
estich  ab  vos  yus  serveixch,  seguirsa 
que  yo  fare  penitencia.  »  E  perço  yo 
estare  ab  vos  un  any  ab  tal  condicio 
que  laçiu  penitentia.  Narpan  y  Blan- 
querna se  conuengueren  de llurs  tractes, 
y  Blanquerna  serui  a  Narpan  huyt 
dies  segons  la  volunîat  de  Narpan, 
perlai  que  Narpan  li  concebes  amor 
en  son  cor  e  que  Blanquerna  millor 
pogues  conexer  y  saber  les  sues  cos- 
tumes. 


LE    ROMAN 
da,   si  mdniatz  la    uolp   contra    los 
deltctî  els  deltcatz  ma[n]iarsque  desi- 
ratz  maniar,  fareiz  penîtencia.  » 

Tôt  aquel  iom  passet  Narpan  que 
non  maniel  carn  e  fon  mot  irat  contra 
Blaquerna.  A  la  nueg  can  uolc  intrar 
en  son  lieg,  Bfaquerna  ac  pauT^ada  la 
cousera  de  ius  lo  m  a  ta  las  e  to  mata- 
las  de  ius  la  paillassa  e  las  flassadas 
foron  de  ius  los  llnsols.  Narpan  dis  a 
Btaquerna^  perque  non  auia  fag  lo  lieg 
segons  que  auia  acostumat  t  Blaquerna 
respos  que  aquel  lieg  era  fag  scgon 
obra  de  penîtencia,  e  que  en  auira 
manieira  no  sabna  far  lieg  de  penî- 
tencia. Narpan  era  home  perezos  c 
no  uolc  far  lo  lieg  segon  que  lo  îieg 
era  acostumat  de  far»  Narpan  esperet 
que  Blaquerna  sagenolles  el  descaîses, 
segons  que  auia  acostumat  de  far; 
mas  Blaquerna  lidrs  que  humilitat  era 
amiga  de  totz  aquels  que  faztan  pcni- 
tencia.  Aquela  nueg  iac  Narpan  en  lo 
lieg  que  auta  contrafag  Bbquema  c 
non  poc  dormir,  e  consideret  molt  en 
los  fallimens  que  auia  faitz  en  lo  mon 
et  en  las  paraulas  que  fi  auia  ditas 
Blaquerna.  A  (a  mieia  nueg,  can  los 
monges  se  leueron  a  matinas  e  Bla- 
querna auzi  lesquiila,  eï  cridet  :  Nar- 
pan !  c  dtsij  ques  Icues  a  oralio,  car 
ora  era.  Narpan  li  dis  que  non  era 
acostumat  de  leuar  aital  hora.  Bla- 
querna uolc  ques  leues  en  totas  ma- 
oieiras^  e  leuet  li  los  draps  de  sus, 
e  primetramenl  ti  donet  j.  escapolari 
qui  era  de  drap  gros  et  aspre^  lo  quai 
Narpan  portaua  sobre  sa  gonella. 
Narpan  per  so  que  ac  considérât  la 
nueg,  c  car  contriclio  se  comenset 
apropriar  a  son  coratje»  obezi  a  Bla- 
querna c  ucsti  a  sa  carn  aquel  abit 
que  era  de  pel  de  boc»  et  en  après, 
Blaquerna  li  donet  sa  gonella  que  era 
de  blanc  de  Narbona  e  pueis  donetli 
la  camiza  que  era  de  prim  drap  de  li, 
e  uesliia  sobre  sa  gonella, 

Can  Narpan  fon  teuatz  e  uestitz, 


DE    BLAQUERNA  }2] 

Narpan  dix  al  huyten  dia  a  Blan- 
querna  que  matas  una  oqua  de  aquelles 
que  ténia  en  past  e  que  la  aparellas 
pera  dinar.  Blanquerna  entra  en  lo 
corral  on  estaven  les  oques  ab  molles 
.gallines  y  capons,  c  trobay  la  rabosa 
que  era  entrada  en  lo  corral  per  men- 
jar  de  les  gallines,  Blanquerna  mata  la 
rabosa  y  scorchala  tota,  saluo  lo  cap 
y  la  coa  y  les  potes,  y  mesia  en  ast, 
y  axi  roslida^  quant  Narpan  fon  en 
taula,  aportalay  cubertamenl  en  un 
tallador  e  posalay  davant.  Corn  Narpan 
veu  la  rabosa  ,  el!  se  maravella 
molt^  e  dix  a  Blanquerna  corn  no 
havia  aparellada  la  oqua  que  li  ha  via 
manat,  y  havia  aparelîat  la  rabosa,  la 
quai  era  orrible  cosa  de  menjar  y  de 
veure.  «  Senyor,  respos  Blanquerna, 
les  oques  y  les  gallines  no  han  tant 
mortal  enemich  corn  es  la  rabosa,  e 
perque  vos  amau  molt  les  oques  y  les 
gallines,  conue  que  menjeu  to  enemich 
de  elles.  »  Molt  cnujat  fon  Narpan 
contra  Blanquerna  y  molles  vilaniesli 
dix^  perque  li  consellava  que  menjas 
de  la  rabosa  y  perque  no  Ir  havia 
aparellada  la  oqua.  c  Senyor,  dix 
Blanquerna,  axi  com  ta  rabosa  es 
contra  tes  gallines  y  les  oques,  axi  les 
oques,  gallines,  capons  y  bones  scu- 
délies  son  contra  penîtencia,  E  perque 
yo  so  obligal  de  seruiruos  segons  for- 
ma de  penîtencia,  yous  he  aparellat 
la  rabosa.,  ques  conue  ab  penîtencia, 
de  la  quai  si  vos  menjau  yus  apartau 
de  les  delicades  viandes,  vos  fareu  pe- 
nîtencia. • 

Tôt  aquel  dia  passa  Narpan  que  no 
volguc  menjar  carn  y  fon  molt  y  rat 
contra  Blanquerna.  Quant  vengueala 
nit  ques  volgue  gitar  en  to  Mit,  ell 
troba  que  Blanquerna  hauîa  posa!  la 
coçera  dauall  los  matalafs  y  sobrels 
matalafs  la  marfega  y  sobre  la  mar- 
fega  les  posts  del  Ilit  y  sobre  les  posts 
la  va  nova  y  après  de  la  vanova  la 
flaçada  y  sobre  la  tla^ada  bs  tlan^olf. 


524  A.    MOREL-FATIO 

Blaquerna  sen  anet  ab  el  a  la  gleiza      Corn  Narpan  veu  lo  Ilit  axi  fet,  ell  dix 


pei»  estar  en  contemplatio  et  en  oratio  ; 
mas  Narpan  dis  a  Blaquerna  que  mot 
gran  uergonha  auia  que  labat  els 
monges  lo  uegessen  enaissi  uestitz. 
Blaquerna  respos  que  uergonha-forti- 
tudo  sacordauan  ab  penitencia,  e  que 
dieus  auia  benauratz  aquels  que  aurian 
paciencia-humilitat  en  esser  escarnitz 
e  reprezes  per  far  obras  de  penitencia. 
Tota  ora  toron  Narpan  e  Blaquerna 
en. la  gleiza  tro  al  dia  quels  monges 
agro  uoluntat  dintrar  en  capitol  e  que  ' 
après  la  satis&tio  e  las  diciplinas 
dixessan  la  messa,  la  quai  plus  digna- 
ment  es  dita  per  la  satisfatio  del  ca- 
pitol. Can  los  monges  intreron  en  lo 
capitol  (e),  lo  seinhor  abat  demandet 
a  Narpan  per  que  anaua  tan  estranh- 
ament  uestit  ni  con  sera  leuat  tan 
mati.  Narpan  respos  que  enaissi  lauia 
uestit  son  escudier  e  que  lauia  resci- 
dat,  e  que  el  uolia  esser  daqui  en 
auant  obedient  a  Blaquerna  en  tôt 
so  que  Blaquerna  li  conselles.     .     . 


a  Blanquema,  perque  no  hauia  fet  lo 
Ilit  axi  com  solia?  E  no  li  bastaua  ja 
que  li  hauia  donat  mal  dinar  y  mal 
dia,  que  encara  li  volia  donar  mala 
nit  ?  Blanquerna  respos  que  aquell  Ilit 
era  fet  segons  penitencia  e  que  en 
altra  manera  eli  no  sabia  fer  lo  Ilit 
pera  home  qui  volgues  fer  penitencia. 
Narpan  era  home  pereos  y  no  volgue 
adobarse  lo  Ilit  ni  ferlo  com  se  acos- 
tumaua  de  fer.  Narpan  se  asegue  y 
spera  que  Blanquerna  se  agenollas  y 
quel  descalças  com  auia  acostumat  de 
fer.  Mas  Blanquerna  li  dix  que  humi- 
litat  era  amiga  de  tots  aquells  qui  fey- 
en  penitencia,  e  axi  ques  descalças 
ell  mateix.  Aquella  nit  Narpan  se  gita 
en  lo  Ilit  que  hauia  contrafet  Blan- 
querna y  noy  pogue  dormir  en  tota  la 
nit.  Molt  consideraua  Narpan  en  los 
peccats  que  hauia  fets  en  lo  mon  y  en 
les  paraules  que  li  hauia  dit  Blan- 
querna. Quant  vengue  a  ora  de  mija 
nit  quels  monjes  se  lleuauen  a  dir  ma- 
tines, Blanquerna  ohi  la  campana  e 
dix  a  Narpan  ques  Ileuas  a  matines 
per  fer  oracio  a  deu.  E  Narpan  li 
respos  que  ell  no  era  acostumat  de 
Ileuarse  a  ta!  ora  ni  hauia  veat  de 
anar  a  matines.  Mas  Blanquerna  volgue 
ques  Ileuas  en  totes  maneres  y  lleuali 
la  roba  del  Ilit  que  ténia  de  damunt. 
Lauos  Narpan  se  lleua  y  vestis.  E  pri- 
merament  li  dona  Blanquerna  un  sca- 
polari  de  drap  molt  gros  y  aspre  fet 
de  pel  de  boc,  lo  quai  Narpan  portaua 
sobre  la  gonella.  Y  Narpan  perço 
que  hague  considérât  en  la  nit,  y 
perque  comença  ja  de  auer  contriccio 
en  son  cor,  ell  obéi  a  Blanquerna,  e 
vesti  sobre  la  sua  carn  aquel  scapo- 
lari  de  sayal  :  y  après  li  dona  Blan- 
querna la  gonella^  que  era  de  blan- 
queta  de  Narbona,  y  après  li  dona  la 
camisa,  que  era  de  orlanda  prima,  e 
vestilas  sobre  la  gonella. 

Quant    Narpan    fon   Ileuat   y   axi 


L£    ROMAN   DE   BLAQUERMA  ;2( 

vestit,  Blanqucrna  sen  ana  ab  ell  a  la 
iglesia  per  star  en  contcmptado  y  en 
ordCJOf  y  dixii  que  fes  orâcio  y  pre- 
guas  a  deu  per  si  mateix  e  per  tots 
SOS  proismes,  qui  eren  peccadors  en  lo 
mon,  Mas  Narpan  li  dix  que  molt  gran 
vergonya  hatiiia  det  abat  y  dels  mon- 
ges  que  axtl  vesses  vestit,  Blanquema 
respos  :  i  Vergonya  y  fortatesa  se 
conuenen  ab  penitencia.  >  E  dixii  que 
deu  apremiaua  en  la  benauenturança 
de  parais  tots  aquells  qui  hauien  pa- 
ssiencia  y  humilitat  en  aquest  mon  y 
coin  porta  u  en  esser  scarnits  y  represos 
per  fer  obres  de  penilencia.  Tota  ora 
estigueren  Narpan  y  Blanqucrna  en  la 
iglesia  fins  al  dia  darque  les  monges 
vol i en  enirar  en  capitol  per  fer  satis- 
facio  de  ses  culpes»  perque^  après  la 
satisfacio  y  les  deciplines,  diguessen 
missa,  la  qua(  mes  dignament  es  dita 
per  la  satîstacio  del  capitoi. 

Quant  tos  inonjes  entrauen  en  lo 
capitol,  lo  abat  demana  a  Narpan  com 
anaua  tant  stranyament  vesttty  perque 
se  era  lleuat  tant  gran  mati  ?  Narpan 
respos  que  axil  hauia  vestit  lo  seu 
scuder  y  quel  hauia  tant  mati  desper- 
tat  y  fet  ileuar.  Y  que  de  alli  auanl 
ell  vol  ta  esser  obcdient  a  son  scuder 
Blanquema  en  toi  lo  que  It  aconsellas. 


II. 


Texte   latîn  ,   éd. 
150^,  fo  86. 


de      Manuscrit  Piot,  ^  102, 


Brtae  argumenîum. 

Blaquernaalteriusana- 
chorete  petkionibus  ac- 
quiescens^  ^6)  brevia 
verba  in  libellum  com- 
pegit  qucm  pretitulavit 
de  amico  et  amato.  Sunt 
cnim  hec  verba  amoris  et 
exempla  abbreviata  el  de- 
claralione  egentia^  quibus 
intellectus  ascendit  ait  lus 
aii  maîorem  devotionem. 
Et  hac  ratione  tôt  una 


Comensa  h  iibrt  àc  amie 
ad  amai. 
Blaquerna  estaua  en 
oratio  e  consideraua  la 
maneira  segon  la  quai 
contemplaua  dieu  e  sas 
uertutz,  e  cant  aura  fi- 
nida  sa  oratio  escrîuia 
so  en  que  auia  contem- 
plât dieu,  et  aisso  fazia 
lotz  ioms  e  mudaua  en 
sas  orations  tiouellas  ra- 
zos,  per  talque  de  diuer* 


Edïtioî^    oe    Valebjce» 
f*»  106. 

Cùmença  h  l'en  de  amkh 
y  de  amat.,... 
Estaua  Blan<|uerna  en 
oracio  e  consideraua  la 
manera  segons  la  quai 
contemplaua  en  deu  y  en 
ses  virtutSy  e  quant  hauia 
acabada  sa  oracio,  ^ 
criuia  allô  en  que  hauia 
contemplât,  e  aço  feyi 
tots  dies  e  mudaua  en  sa 
oracio  noues  rahons^  per- 
lai que  de  dîuerses  ma« 


,j6 

collcgil  quot  satit  dies 
in  anno ,  ot  unufnquodque 
abbreviatum  verbum  per 
diem  conlemptando  suf- 
ficcre  possit,  secundum 
artcm  contemplationum. 
Amicus  :  quilibet  fidelis 
et  dévolus  christianus. 
Amatus  :  Deus* 

1.  Jrtterrogavîtamicus 
suum  amalum  si  in  eo 
alîquid  remanserat  dih* 
gendam,  Respouditama- 
tus  quod  id  proptcr  quod 
amicî  multiplicari  potest 
amor  semper  in  cosupe- 
rêst  amandum. 

2.  Vieperquasamicus 
suum  requtnl  amalum 
su  ni  longe,  péri  eu  José  , 
considerationibui  referle 
suspinis  et  rtetibus  ac 
iliuminate  amoribus. 

?.  Mulliamatorescon- 
gregati  fuerunt  ad  aman- 
dum unum  aniatum^  qui 
ipsos  omnes  faciebal  amo- 
ribusabundare  el  quifibel 
eorum  pro  precipuo 
suum  ducebat  amatum 
cl  de  co  gralas  concipie- 
bat  cogitaliooes  ex  qui- 
bus  iucundas  senliebal 
tribulationes. 

4,  Plorabat  amicus  ac 
dicebat  :  quando  erit 
lempus  ut  in  scculo  ces- 
sent tenebre  aut  inferio- 
rum  vie^  et  aqua  aue  de 
more  descendit  itîfcrius, 
quando  erit  tempus  ut 
naturam  assumai  ascen- 
dendî  superius,  aut  inno- 
centes, qyando  erunt 
plures  quam  nocenles  ? 
Ah,  quando  gaudebitami- 
cus  quod  mori;itur  prop- 
Icr  suum  amatum,  aut 
amalus  quando  videbil 
ob  suum  amorem  lan- 
guere  amicum? 

$,Dîxit  amicus  amato: 
lu, qui  impies solemsplen' 
dore,  impie  cor  mcum 
amore.  Respondit  ama- 
lus :  sine  amoris  pleni- 
tudîne  non  essent  luis 
oculis  lacbrime  neque  in 


K.    MOREL-PATIO 

sas  maneiraF  e  de  moltas 
compozes  lo  libre  de 
amie  ad  amat;  e  que 
aquellas  m  a  ne  iras  fossen 
breus  e  que  en  brcu  de 
temps  la  anima  ne  pogues 
moltas  decorrer.  t.  en  la 
benediclio  de  dieu  Bla- 
querna  corn  en  set  lo  libre, 
lo  quai  départi  en  artans 
uerses  comadiasen  lan, 
e  cas  eu  uers  basta  a  lot 
,'u  dia  a  contemplar  dieu, 
segons  la  art  del  libre  de 
contemplacion. 

Comensem  lasmaUfo- 
ras  moral  s. 

1 .  Demandel  lamic  a 
son  amat  si  auia  en  el 
nulla  causa  remazuda  a 
amar.   El    amat    respos 

3ue  so  per  que  ta  amor 
el    amie    podia  monti* 
pficar  era  a  amar. 

2.  Las  carreiras  per 
las  quais  lamic serca  son 
amat  son  longas,  perillo* 
zas,  pobladas  de  consi- 
dérations, de  sospirs  e 
de  plors  el  entumrnadas 
damors. 

3.  Aiusteronse  tnollz 
amadors  a  amar  .1.  amat, 
quels  aondaua  tolz  da- 
mors, e  cascu  auia  per 
cabal  son  amat  e  sos 
pensamens  agradables , 
per  los  quais  senlian 
plazens  tribulacions. 

A,  Ploraua  lamic  e 
dizia  :  tro  a  quant  de 
temps  sessaran  tenebras 
en  lo  mon  per  so  que 
sesson  las  carreiras  m* 
fernafs»  ni  laiga  que  a  en 
costuma  que  decorrega 
a  en  j  us ,  q  u  ant  sera  la  ora 
que  aîa  natura  de  puiar 
a  en  sus,  nils  innocens 
cora  seran  mais  quels 
colpables  î*  Quant  segua- 
bara  lamic  que  mueira 
per  son  amat,  ni  lamal 
quant  ueira  son  amie 
languir  per  samor? 

5 .  Dis  lamic  a  lamat  : 
lu  que  umples  lo  solel  de 
resplandor,  timple  mon 


J 


nef  es  e  mollK  materies 
compongues  lo  libre  de 
amich  y  de  amal;  e 
aquelles  maneres  fossen 
breus  perlai  que  en  poch 
de  temps  ta  anima  ne 
pogues  moites  drscorrer, 
E  en  la  benediccio  de 
deu  Blanquerna  comença 
son  tlibre,  !o  quai  de- 
parti  en  lants  versoî  corn 
aies  ha  en  lany,  e  cascun 
vers  basta  pera  lot  un 
dia  a  contemplar  a  deu, 
segons  la  art  del  Ilibre 
de  contemplacio,  que  le 
seguix  après  de!  Ilibre  de 
amich  y  amat  en  lo  pre> 
sent  volum. 

K  Demana  lo  amich 
al  seu  amat  si  en  ell 
hauia  romas  ninguna 
cosa  a  amar.  Lo  amat 
respos  que  allô  penque 
lamor  del  amich  se  podia 
m  u  II  i  pli  car  restaua  tos- 
temps  per  amar. 

2.  Les  carrcres  per 
les  quais  io  amich  cerca 
al  seu  amai  son  (longues 
y  perilloses.  plenes  de 
considcracions,dcsospiri 
e  de  plors  e  yliuminades 
de  amors. 

},  Ajustarcnse  molts 
amadors  a  amar  un  amat, 
quils  abundaua  a  lots  de 
amors,  e  cada  hu  dells 
hauta  per  joya  y  cabal  a 
son  amal  y  ae  aquell 
pensaments  agradables 
concebia,  per  los  quais 
sencia  plasents  tribata- 
cions. 

4.  Ploraua  lo  amrch 
y  deya  :  quant  serai 
temps  que  cessaran  les 
ténèbres  en  !o  mon  y  les 
vies  del  infern,  pertal 
que  cessen  les  carreres 
infernais,  e  (a  aygua  que 
ha  en  costuma  de  correr 
auafl^  quant  sera  la  ora 
que  prenga  nalura  de 
pujar  amunt  ?  E  los  in- 
nocenls,  quant  seran  mes 
quels  culpables?  Ah. 
quant  se  gabara  Io  amich 


huDC  locum  venisses  ut 
posses  tuum  amatum  vi- 
dera. 

6,  Tenta  vit  a  mat  us 
suum  amicura  si  perfccle 
îpsum  amabat  cl  intcrro^ 

§avit  eum  de  quo  erat 
iffercnlia  que  est  inlcr 
prcsenliam  cl  absenUam 
amatr.  Respondtt  ami- 
cus  :  de  ignorantîa  et 
recprdatione. 

7.  Intcrrogavit  a  mat  us 
amicum  :  es  mcmor  ali- 
cuius  rei  quam  tibi  in- 
buerim  unde  me  vis 
amare?  Respondit  ami^ 
eus  :  ita,  nam  înter  ieti- 
cias  et  tribulationesquas 
michî  donas,  non  facio 
differcntiam, 

8*  Dicas,  amice,  dixit 
amatus  :  habebis  patien- 
tiam  si  luos  dupticavero 
languores  ?  Ita,  respondit 
aroicus  :  dummodû  meos 
dopiicaveris  amores. 

9.  Oixit  amatusamico 
suo  :  scis  ne  quid  sit 
amor?  Respondit  ami- 
cus  :  si  nescirem  quid  sit 
amor,  scirem  quid  est 
tribulatio,  tristicia  et  do- 

(0.  Dixerunt  amico  : 
quare  non  répondes 
amato  tuo  qui  te  Jvocat  ? 
Rcspondit  :  tam  expono 
me  gravibus  pericuhs  ut 
ad  eum  perveniam  et  iam 
itli  loquor^  etus  honores 
desiderans. 

1 1.  Âmice  desipiens  : 
quare  corpus  tuum  des- 
truis  et  pecunias  tuas 
dispensas  et  delectaiiones 
huius  seculi  relinquis  et 
spretus  inter  gentes  in- 
cedis?  Respondil  :  ut 
amati  mei  konorcm  ho- 
nores, qui  perptures  est 
non  amatu^  et  tnhono- 
ratus  quam  amatuset  ho* 
noratu*^. 


LB    ROMAN   DE   flUQUBRNA 

cor  damor.  Respos  la- 
mat  :  ses  compliment 
damor  non  foron  tos 
uuels  en  plor,  ni  tuuen* 
gut  en  est  loc  uezer  ton 
amador. 

6.  Tcmplet  lamat  son 
amie  si  amaua  perleita- 
men,  e  demanaetli  que 
era  la  diferencia  que  es 
eiïfra  presencia  et  absen- 
cia  damât.  Rcsposlamic: 
de  intiorancia  et  ubiida* 
ment. 

j.  Demanda  lamat  a! 
amie  :  as  membransa  de 
nulla  cauza  que  taia  gua- 
zardonat  per  so  car  me 
uoles  amar?  Respos  : 
hoc,  per  so  car  entra  lo*s 
irebals  cis  plazers  quem 
donas  nom fas diferencia. 

8.  Digas,  amie,  dis 
lamat,  auras  paciencia 
sit  doble  las  langors?  Hoc, 
am  quem  dobles  mas 
lauz  (siCï  amors. 

9.  Dis  lamat  al  amie  : 
sabes  enquara  que  es 
amor?  Respos  :  si  no 
saubcs  que  es  amors, 
saubera  que  es  trebail, 
tristicia  e  dolor. 

10.  Disseron  al  amie, 
per  que  non  respondes  a 
ion  amat  que  tapela  ? 
Respos  :  îam  auentur  a 
greus  périls,  per  so  que 
a  ei  peruenga  e  ia  ltparli> 
dezirans  sas  honors. 

[  1.  Amie  fol,  perque 
destrus  ta  persona  e  des- 
pendes tos  deniers  e 
iaisasdelietz  daquest  mon 
c  uas  mesprezatz  enfra 
las  gens  ?  Respos  :  per 
honrar  los  honramens  de 
mon  amat,  que  per  mats 
homes  es  dezamatz,  de- 
zonratz  que  honratz  et 
amat. 


S  37 

que  muyra  per  to  seu 
amat  ;  e  lo  amat  quant 
veura  b  seu  amich  llan- 
guir  per  ta  sua  amor  ? 

)«  Dix  lo  amich  al  seu 
amat  :  tu  qui  vmples  lo 
sol  de  resplandor,  vmple 
lo  meu  cor  de  amor, 
Respos  lo  amat  ;  sent 
compliment  de  amor  no 
serten  tos  vils  en  plor, 
ni  tu  séries  vengut  en 
aquest  lloch  per  vcure  Id 
teu  amat. 

6.  Templa  lo  amat  al 
seu  amich  sit  amaua  per- 
teiameni  e  demanali  de 
que  era  la  différencia  que 
es  entre  la  presencia  y  la 
abscncia  del  amat,  Res- 
pos lo  amich  :  aue  de 
ignorancia  e  oblîa  e  de 
coneixença  y  record. 

7.  Demana  lo  amat  al 
amich  :  has  record  de  nin- 
guna  cosa  que  yot  haja 
rctribuit  perque  tum 
vu  Iles  amar?  Respos  lo 
amich  :  si,  perque  en 
los  treballs  y  en  los 
plaers  quem  dones  no 
fas  yo  différencia. 

8.  Digues,  amich  (dit 
to  amat),hauras  pascien- 
cia  sil  doble  leslangors? 
Respos  lo  amich  :  si,  ab 
quem  dobles  mes  amors. 

9.  Dix  lo  amat  al 
amich,  sabs  encara  que 
es  amor?  Respos  lo 
amich  :  sino  sabcs  que 
es  amor,  sabria  que  es 
trebail,  trislicu  y  doïor. 

10.  Diguerènalamtch: 
perque  no  respons  a  ton 
amat  quit  crida  ?  Respos 
lo  amich  :  jam  jusmet  a 
sofrir  greus  perdis  perlai 
que  a  ell  vinga  e  ja  II 
parle,  desijantses  honors. 

1 1 .  Amich  insensaty 
perque  deslroijics  ta  per- 
sona y  despens  los  diners 
c  llexes  los  délits  de 
aquest  mon  evas  menys- 
preal  entre  les  genls .'' 
Respos  lo  amich  :  per 
honrar  les  onors  de  mon 


528  A.    MOREL-FATIO,    LE    ROMAN    DE   BLAQUERNA 


amat,  qui  per  mes  ho- 
mens  es  desamat  y  de- 
sonrat  que  aroat  y  honrat. 


Ces  extraits  ne  sont  pas  assez  étendus  pour  fournir  la  matière  d'une 
étude  philologique  qpelque  peu  complète.  Néanmoins  je  crois  devoir 
attirer  l'attention  du  lecteur  sur  le  caractère  spécial  que  présente  le 
dialecte  du  manuscrit  de  M.  Piot.  C'est  un  catalan  fortement  imprégné 
de  formes  provençales.  Ainsi  l'influence  de  la  langue  classique  se  mani- 
feste dans  la  phonétique  par  la  diphthongaison,  inconnue  au  catalan,  de 
1'^  et  de  Vô  ou  en  position  :  yeu,  mieu^  dieu]  luoc^  puesCj  nueg,  fuoc;  la 
conservation  de  la  diphthongue  au  :  cauza  ;  le  passage  du  ^médian  au  z  : 
prezicar^  azoratz,  vezer,  vezes^  obezia^  etc.;  aussi  par  Vécriîure  nh  de  l'/i 
mouillée  :  seinher,  etc.  Il  est  à  remarquer  ensuite  que  la  distinction 
du  cas  direct  et  du  cas  oblique  est  beaucoup  mieux  observée,  pour  les 
substantifs,  adjectifs  et  participes,  que  dans  les  textes  catalans  de  la 
même  époque.  Dans  la  conjugaison  on  peut  encore  noter  les  parfaits 
(3«  pers.  sing.)  en  et  :  preguet,  penset,  etc. ,  les  futurs  (i'*  pers.  sing.)en 
ai  :  satisfaraiy  estarai;  la  forme  etz  (esîis)  pour  sots. 

Faut-il  rendre  le  scribe  de  notre  manuscrit  seul  responsable  de  cette 
teinture  provençale  appliquée  à  Pœuvre  catalane  de  Lull  P  Je  le  pense, 
car  on  ne  voit  pas  pourquoi  le  docteur  de  Majorque  se  serait  servi  de  ce 
dialecte  mixte  :  son  Libre  de  maravelleSy  par  exemple,  est  écrit  dans  un 
catalan  relativement  très-pur  ' .  D'autre  part  rien  ne  prouve  que  notre 
manuscrit  ait  été  exécuté  de  ce  côté-ci  des  Pyrénées  et  en  dehors  des 
pays  de  langue  catalane  ;  divers  indices  au  contraire  portent  à  lui  attri- 
buer une  origine  transpyrénéenne.  On  pourrait  donc  admettre  que 
l'exemplaire  de  M.  Piot  a  été  copié  en  Espagne  par  un  scribe  auquel 
l'ancien  provençal  était  particulièrement  familier. 


I .  Voyez  les  extraits  publiés  par  K..  Hofmann,  Ein  Katalanisches  Thicrepos 
von  Ramon  Lull^  Mùnchen,  1872,  et  l'édition  de  l'ouvrage  complet  en  cours 
d'impression  dans  la  Bibliothtca  catalana  de  M.  Aguilô  y  Fuster. 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS 

RECUEILLIS  DANS  UN  VILLAGE  DU  BARROIS 

A   MONTIERS-SUR-SAULX  (mEUSE) 

{Suite), 


XIX. 

LE  PETIT  BOSSU. 


Il  était  une  fois  un  roi  qui  avait  trois  fils,  mais  il  n'y  avait  que  les 
deux  premiers  qu'il  traitât  comme  ses  fils  ;  le  plus  jeune  était  bossu  et 
son  père  ne  pouvait  le  soufhir  ;  sa  mère  seule  l'aimait. 

Un  jour,  le  roi  fit  appeler  l'ainé  et  lui  dit  :  «  Mon  fils,  je  voudrais 
avoir  l'eau  qui  rajeunit.  —  Mon  père,  j'irai  la  chercher.  »  Le  roi  lui 
donna  un  beau  carrosse  attelé  de  quatre  chevaux,  et  de  l'or  et  de  l'ar- 
gent tant  qu'il  en  voulut,  et  le  jeune  homme  se  mit  en  route. 

Il  avait  fait  deux  cents  lieues  de  chemin,  lorsqu'il  rencontra  un  berger 
qui  lui  dit  :  «  Prince,  mon  beau  prince,  voudrais-tu  m'aider  à  dégager 
un  de  mes  moutons  qui  est  pris  dans  un  buisson  P  —  Il  ne  fallait  pas  l'y 
laisser  aller,  »  répondit  le  prince,  «  je  n'ai  pas  de  temps  à  perdre.  »  Etant 
arrivé  à  Pékin,  il  entra  dans  une  belle  hôtellerie,  fit  dételer  ses  chevaux 
et  commanda  un  bon  diner.  Il  eut  bientôt  des  amis  et  ne  pensa  plus  à 
poursuivre  son  voyage. 

Au  bout  de  six  mois,  le  roi,  voyant  qu'il  ne  revenait  pas,  appela  son 
second  fils  et  lui  demanda  d'aller  lui  chercher  l'eau  qui  rajeunit.  Il  lui 
donna  un  beau  carrosse,  attelé  de  quatre  chevaux,  couvert  de  perles  et 
de  diamants  ;  le  jeune  homme  monta  dedans  et  partit.  Après  avoir  fait 
deux  cents  lieues,  il  rencontra  le  berger,  qui  lui  dit  :  «  Prince,  mon  beau 
prince,  voudrais-tu  m'aider  à  dégager  un  de  mes  moutons  qui  est  pris 
dans  un  buisson  ?  —  Pour  qui  me  prends^tu  ?  »  répondit  le  prince  ;  «  il  ne 
fallait  pas  l'y  laisser  aller.  »  Il  arriva  à  Pékin,  où  il  logea  dans  la  même 

Romaniû^  VI  34 


5  30  E.    COSQUIN 

hôtellerie  que  son  frère  ;  lui  aussi,  il  eut  bientôt  des  amis  et  ne  songea 
plus  à  aller  plus  loin. 

Le  roi  l'attendit  un  an,  et,  ne  le  voyant  pas  revenir,  il  se  dit  :  c  Je 
n'ai  plus  d'enfants  !  Qui  donc  aura  ma  couronne?  »  Il  ne  pensait  pas 
plus  au  petit  bossu  que  s'il  n'eût  pas  été  de  ce  monde.  Cependant  cehii- 
ci  tomba  malade.  On  fit  venir  un  médecin  ;  le  jeune  prince  lui  dit  qu'il 
était  malade  de  chagrin,  de  voir  que  son  père  ne  l'aimait  pas,  et  qo'Q 
voudrait  bien  voyager.  Le  médecin  rapporta  ces  paroles  au  roi,  qui  vint 
voir  son  fils.  «  Mon  père,  »  lui  dit  le  petit  bossu,  «  je  voudrais  aller  cher- 
cher l'eau  qui  rajeunit,  et  je  ne  ferais  pas  comme  mes  frères  :  je  la  rap- 
porterais. —  Tu  iras  si  tu  veux  »,  répondit  le  roi.  Il  lui  donna  un  vieux 
chariot  qui  n'avait  que  trois  roues,  un  vieux  cheval  qui  n'avait  que  trois 
jambes,  d'argent  fort  peu,  mais  la  reine  y  ajouta  quelque  chose,  et  voilà 
le  prince  parti. 

Après  avoir  fait  deux  cents  lieues,  il  rencontra  le  berger  qui  lui  dit  : 
<c  Prince,  mon  beau  prince^  voudrais-tu  m'aider  à  dégager  un  de  mes 
moutons  qui  est  pris  dans  un  buisson  f  —  Volontiers,  »  dit  le  prince.  Et 
il  aida  le  berger  à  dégager  son  mouton.  Quand  il  se  fut  éloigné,  le 
berger,  songeant  qu'il  ne  lui  avait  rien  donné  pour  sa  peine,  le  rappela 
et  lui  dit  :  «  Prince,  j'ai  oublié  de  vous  récompenser.  Tenez,  voici  des 
flèches  :  tout  ce  que  ces  flèches  perceront  sera  bien  percé.  Voici  un 
flageolet  :  tous  ceux  qui  l'entendront  danseront.  » 

Le  prince  poursuivit  son  chemin  et  arriva  à  Pékin.  Quand  il  passa 
devant  l'hôtellerie  où  logeaient  ses  frères,  ceux-ci,  qui  étaient  sur  le 
perron,  eurent  honte  de  lui  et  rentrèrent  dans  la  maison.  Le  pauvre  petit 
bossu  descendit  dans  une  méchante  auberge  où  il  détela  son  cheval  lui- 
même;  puis  il  prit  avec  lui  un  homme  de  peine  pour  lui  montrer  la  ville. 
En  se  promenant,  il  vit  un  homme  mort  privé  de  sépulture.  «  Pourquoi 
donc  n'enterre-t-on  pas  cet  homme  ?  »  demanda-t-il.  «  C'est  parce  qu'il 
avait  beaucoup  de  créanciers  et  qu'il  n'a  pu  les  payer.  —  En  payant 
pour  lui,  pourrait-on  le  faire  enterrer  ?  —  Oui,  certainement.  » 

Le  prince  fit  venir  les  créanciers,  paya  les  dettes  de  l'homme  mort  et 
donna  de  l'argent  pour  le  faire  enterrer;  ensuite  il  continua  son  voyage. 
Un  jour,  une  bonne  vieille  le  reçut  dans  sa  maisonnette  et  lui  donna  à 
boire  et  à  manger;  il  la  paya  généreusement,  puis  s'en  alla  plus  loin. 

Quand  il  eut  fait  encore  deux  cents  lieues,  tout  son  argent  se  trouva 
dépensé,  et  il  n'avait  plus  rien  à  manger;  son  cheval  était  encore  plus 
heureux  que  lui  :  il  pouvait  au  moins  brouter  un  peu  d'herbe  le  long  du 
chemin.  Un  renard  vint  à  passer  ;  le  prince  allait  lui  décocher  une  de 
ses  flèches,  quand  le  renard  lui  cria  :  ((  Malheureux  !  que  vas-tu  faire  ? 
tu  veux  me  tuer  !  »  Le  prince,  saisi  de  frayeur,  remit  sa  flèche  dans  le 
carquois.  Alors  le  renard  lui  donna  une  serviette  dans  laquelle  se  trouvait 


CONTES  POPULAIRES  LORRAJNS  {  )  T 

de  quoi  boire  et  manger  ei  lui  dii  :  a  Tu  cherches  l*eau  qui  rajeunit  ? 

elle  est  dans  ce  château ^  bien  loin  là-bas.  Le  château  est  gardé  par  un 
ogre,  par  des  tigres  et  par  des  lions.  Pour  y  arriver,  il  faut  passer  un 
fleuve;  sur  ce  fleuve  tu  verras  une  barque  qu'un  homme  conduit  depuis 
dix-huit  cents  ans.  Aie  soin  d'entrer  dans  la  barque  les  pieds  en  avant. 
car  si  tu  y  entrais  les  pieds  en  arrière  ■,  tu  prendrais  la  place  de  l'homme 
pour  toujours.  Arrivé  au  château,  ne  te  bisse  pas  charmer  par  la  magni- 
ficence que  tu  y  trouveras.  Tu  verras  dans  l'écurie  des  mules  ornées  de 
lames  d'or,  prends  la  plus  laide;  tu  verras  aussi  deux  oiseaux  verts, 
prends  le  plus  laid,  n 

Le  prince  eut  soin  d'entrer  dans  la  barque  les  pieds  en  avant  et  arriva 
au  chMeau;  il  allait  prendre  la  mule  et  Toiseau  quand  l'ogre  rentra. 
<(  Que  fais-tu  ici  ?  j>  lui  dit  l'ogre.  Le  prince  s'excusa,  s'humilia  devant 
lui,  lui  demanda  grâce.  L'ogre  lui  dit  :  «  Je  ne  te  mangerai  pas;  tu  es 
trop  maigre,  n  11  lui  donna  â  boire  et  a  manger,  et  le  prince  resta  au 
château,  où  il  avait  tout  à  souhait»  L'ogre  l'envoya  combattre  ses  enne- 
mis, des  bétes  comme  lui  ;  le  prince,  grâce  à  ses  flèches,  gagna  la  bataille 
et  rapporta  des  drapeaux.  Il  combaitit  cinq  ou  six  fois,  et  toujours  il  fut 
vainqueur. 

Or  il  y  avait  au  château  une  princesse  que  l'ogre  voulait  épouser, 
mais  qui  ne  voulait  pas  de  lui.  Un  jour  que  le  prince  venait  de  gagner 
une  grande  bataille,  il  eut  l'idée  de  jouer  un  air  sur  son  flageolet.  La 
princesse  était  à  table  avec  l'ogre  ;  en  entendant  le  flageolet  merveifleux, 
ils  se  mirent  à  danser  ensemble,  sans  savoir  d'abord  d'où  venait  cette 
musique.  Quand  l'ogre  vit  que  c'était  !e  prince  qui  jouait,  il  le  fit  venir  à 
table  et  lui  dit  :  «  Demande-moi  ce  que  tu  désires  :  je  te  l'accorderai.  » 
Il  pensait  bien  que  le  prince  ne  lui  demanderait  pas  son  congé.  <t  Je 
demande,  n  dit  le  prince,  «  ce  qu'il  y  a  de  plus  beau  ici,  et  la  permission 
de  faire  trois  fois  le  tour  du  château.  »  L'ogre  y  consentit.  U  y  avait 
dans  le  château  de  l'or  à  ne  savoir  où  le  mettre,  mais  le  prince  n'y 
toucha  pas  ;  il  prit  le  plus  laid  des  deux  oiseaux  verts  et  la  plus  laide 
mule,  qui  faisait  sept  lieues  d'un  pas,  sans  oublier  une  fiole  de  l'eau  qui 
rajeunît;  puis  ilflt  monter  sur  la  mule  la  princesse  qui  était  d'accord 
avec  lui.  Au  lieu  de  faire  trois  fois  le  tour  du  château,  il  ne  le  fit  que  deux 
fois  et  s'enfuit  avec  la  princesse.  L'ogre,  s'en  étant  aperçu,  courut  â 
leur  poursuite,  mais  il  ne  put  les  atteindre. 

Le  jeune  homme  rencontra  une  seconde  fois  le  renard,  qui  lui  dit  : 
«  Si  tu  vois  quelqu'un  dans  la  peine,  garde^toi  de  l'en  tirer.  »  Un  peu 
plus  loin,  il  fut  très-bien  reçu  par  la  bonne  vieille  dans  sa  maisonnette, 
enfin  il  arriva  à  Pékin  avec  la  princesse.  Sur  une  des  places  de  la  ville 

I .  C'est-à-dire  à  ncutons. 


532  E.   COSQUIN 

il  y  avait  une  potence  dressée.  «  Pour  qui  cette  potence  i  »  demanda  le 
prince.  On  lui  dit  que  c'était  pour  deux  jeunes  étrangers  qu'on  devadt 
pendre  ce  jour-là.  En  ce  moment  on  amenait  les  condamnés  ;  il  reconnut 
ses  frères.  Il  demanda  quel  était  leur  crime.  «  C'est,  »  lui  dit-on,  «  qu% 
ont  fait  des  dettes  et  qu'ils  n'ont  pu  les  payer.  »  Le  jeune  homme  réunit 
les  créanciers,  les  paya  et  délivra  ses  frères,  puis  ils  reprirent  ensemble  le 
chemin  du  royaume  de  leur  père.  Le  petit  bossu  avait  donné  à  son 
frère  aîné  la  mule,  à  l'autre  l'oiseau  vert  et  l'eau  qui  rajeunit,  il  avait 
gardé  pour  lui  la  princesse.  Ses  frères  n'étaient  pas  encore  contents;  ils 
cherchaient  ensemble  le  moyen  de  le  perdre,  et  la  princesse,  qui  voyait 
leur  jalousie,  s'en  affligeait. 

Un  jour  qu'on  passait  près  d'un  puits  qui  avait  bien  cent  pieds  de 
profondeur,  les  deux  aînés  dirent  à  leur  frère  :  «  Regarde,  quel  beau 
puits.  »  Et,  tandis  qu'il  se  penchait  pour  voir,  ils  le  poussèrent  dedans 
et  emmenèrent  la  princesse,  la  mule  et  l'oiseau.  Quand  on  arriva  au 
château,  la  princesse  était  languissante,  la  mule  et  l'oiseau  étaient  tristes. 
On  mit  la  mule  dans  une  vieille  écurie,  l'oiseau  dans  une  vieille  cage. 
L'eau  ne  put  rajeunir  le  roi  ;  on  la  mit  dans  un  coin  avec  les  vieilles 
drogues. 

Cependant  le  pauvre  prince,  au  fond  du  puits,  poussait  de  grands 
cris  ;  le  renard  accourut  et  descendit  dans  le  puits.  «  Je  t'avais  bien  dit 
de  ne  tirer  personne  de  la  peine  !  Je  vais  pourtant  t'aider  à  sortir  d'ici; 
tiens  bien  ma  queue.  »  Le  jeune  homme  fit  ce  qu'il  lui  disait,  et  le  renard 
grimpa  ;  il  allait  atteindre  le  haut,  quand  la  queue  se  rompit  et  le  jeune 
homme  retomba  au  fond  du  puits.  Le  renard  rattacha  sa  queue  en  la 
frottant  avec  de  la  graisse  et  prit  le  prince  sur  son  dos.  Une  fois  dehors, 
il  le  redressa,  et  le  jeune  homme,  débarrassé  de  sa  bosse,  devint  un 
prince  accompli. 

Il  se  rendit  au  château  du  roi  son  père  et  se  fit  annoncer  comme  grand 
médecin,  disant  qu'il  guérirait  le  roi  et  la  princesse.  Il  entra  d'abord 
dans  récurie  :  aussitôt  la  mule  reprit  son  beau  poil  et  se  mit  à  hennir  ; 
il  s'approcha  de  l'oiseau  :  celui-ci  reprit  son  beau  plumage  et  se  mit  à 
chanter.  Il  donna  à  son  père  de  l'eau  qui  rajeunit  :  le  roi  redevint  jeune 
sur-le-champ  et  sortit  du  lit  où  il  était  malade.  Rien  qu'en  voyant  le 
jeune  homme,  la  princesse  revint  à  la  santé.  Alors  le  prince  se  fit  recon- 
naître de  son  père  et  lui  apprit  ce  qui  s'était  passé  ;  puis  l'oiseau  parla  à 
son  tour  et  raconta  toute  l'histoire. 

Les  fils  aînés  du  roi  étaient  à  la  chasse.  Le  roi  fit  cacher  leur  jeune 
frère  derrière  la  porte,  et,  quand  ils  arrivèrent,  il  leur  dit  :  «  Je  viens 
d'apprendre  une  singulière  aventure  qui  s'est  passée  dans  une  ville  de 
mon  royaume  :  trois  jeunes  gens  se  promenaient  ensemble  au  bord  d'un 
lac,  deux  d'entre  eux  jetèrent  leur  compagnon  dans  ce  lac.  Rendez  un 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  ^  î  > 

jugement  de  SalomoTi  :  quel  châtiment  méritent  ces  hommes  ?  —  Us 
méritent  U  mort.  —  Malheureux  !  vous  l*avez  donc  aussi  méritée  !  Vous 
ne  serez  pas  jetés  dans  Teau,  mais  vous  serez  brûlés.  »  La  sentence  fut 
exécutée.  On  fil  ensuite  un  grand  festin^  et  le  jeune  prince  épousa  la 
princesse. 


Notre  conte  présente,  pour  rcnsembic,  mais  traité  d'une  façon  originale,  un 
thème  que  nous  appellerons,  si  l'on  veut,  à  cause  du  conte  bien  connu  de  la 
collection  Grimm  (n^  57),  le  thème  de  VOistau  (Por^  et  auquel  sont  venus  se 
joindre  divers  autres  éléments. 

Rappelons  en  quelques  mots  ce  thème  de  VOheau  d'or^  dans  sa  forme  ta  plus 
fréquente,  —  Les  trois  fils  d*un  roi  partent  successivement  â  la  recherche  d*un 
oiseau  merveilleux  que  leur  père  veut  posséder.  Les  deux  aînés  se  montrent 
peu  charitables  à  Tègard  don  renard  {ou  parfois  d'un  loup,  ou  d'un  ours)  :  ifs 
refusent  de  lui  donner  à  manger  ou  tirent  sur  lui,  malgré  ses  prières.  Arrivés 
dans  une  ville,  ils  se  laissent  retenir  dans  une  hôtellerie,  font  des  dettes  cl  sont 
mis  en  prison.  Le  plus  jeune  prince,  qui  a  été  bon  envers  te  renard,  reçoit  de 
celui-ci  l'indication  des  moyens  A  prendre  pour  s'emparer  de  t'oiseau  qui  est 
djns  le  palais  d*un  roi;  mais  il  ne  suit  pas  exactement  les  instructions  du  renard 
et  il  est  fait  prisonnier.  Il  obtiendra  sa  liberté  et  de  plus  Toiseau  s'il  procure 
au  roi  certain  cheval  merveilleux  qui  est  en  la  possession  d'un  autre  roi.  Son 
imprudence  le  fait  encore  tomber  entre  les  mains  des  gardiens  du  cheval,  cl  il 
doit  aller  chercher  pour  ce  second  roi  certaine  jeune  fille  que  le  roi  veut  épouser. 
Cette  fois  il  ne  s'écarte  pas  des  conseils  du  renard.  Il  ramène  la  jeune  fille  et  il 
a  l'adresse  de  ramener  aussi  le  cheval  et  l*oiseau.  Comme  il  s'en  retourne  ver» 
le  pays  de  son  père,  il  rencontre  ses  frères  qu'on  va  pendre  ;  il  les  délivre 
malgré  le  conseil  que  le  renard  lui  avait  donné  de  ne  pas  acheter  de  •  gibier  de 
potence.  >  (Tout  cet  épisode  n'existe  que  dans  certaines  versions^*  Pour  récom- 
pense, ses  frères  se  débarrassent  de  lui  (dans  plusieurs  versions,  ils  le  jettent 
dans  un  puîts)  et  lui  enlèvent  l'oiseau,  le  cheval  et  la  jeune  fille.  Le  renard  le 
sauve;  le  jeune  homme  revient  chez  le  roi  son  père,  et  ses  frères  sont  punis* 

Ce  thème  se  retrouve,  plus  ou  moins  complet,  dans  un  assez  grand  nombre 
de  contes  mentionnés  par  M.  R.  Kcehier  dans  les  Mimoms  dt  t'Ae,  de  Satnh 
PèUrsbouTg,  L  XIX  (187?)  a*  6,  p.  iv  seq.,  et  qui  ont  été  recueillis  en  Alle- 
magne, en  Tyrol,  en  Norwége,  en  Lithuanie,  en  Bohême,  dans  le  <  pays  saxon  t 
de  Transylvanie,  en  Bukovine,  en  Valachie,  en  Grèce.  A  cette  ènumération  nous 
ajouterons  un  conte  écossais  (Campbell,  n*46),  un  conte  irlandais  1  P.  Kennedy, 
Firuiàt  Stories  of  înland^  Dublin,  187^,  p,  47),  et  un  conte  russe  f  Ralston, 
Rasûan  Fûlk-TûUs,  p.  286). 

Le  thème  de  VOiseau  d'or  a  une  grande  affinité  avec  un  autre  thème  qui  est 
développé  dans  le  n*  97  de  Grimm  (VEau  de  h  m)  et  dans  des  contes  allemands, 
autrichiens,  tyrolien,  suédois,  écc^sais,  lithuanien,  hongrois^  sicilien^  dont 
M.  Kcehler  a  donné  rindication  (/œ.  cit.,  p.  xix)  et  auxquels  nous  joindrons 
un  conte  italien  (Comparetti,  n*  $7). 

Dans  tous  ces  conlcs,  trois  princes  vont  chercher  pour  leur  père  Teau  de  \m 


n4  ^'  cosQum 

vie  ou  un  fniit  merveilteux  qui  doit  le  guérir,  et  c'est  le  plus  jeune  qui  réassit 
dans  celte  entreprise.  Dans  plusieurs,  —  notamment  dans  des  contes  allemands, 
dans  les  contes  a  ut  ri  chiens,  le  conte  lithuanien  et  le  conte  italien,  —  les  deux 
aînés  font  des  dettes,  et  leur  frère  les  paie  et  les  empêche  d'être  pendus  (dans 
des  contes  aîlemands  et  dans  les  contes  autrichiens,  malgré  l'avis  que  lut  avait 
donné  un  ermite,  un  nain  ou  des  animaux  reconnaissants,  de  ne  pas  acheter  de 
t  gibier  de  potence  i).  Il  est  tué  par  eux  ou,  dans  un  conte  allemand,  (Ernst 
Meier,  Dmischt  Volhmmchtn  aus  Schwabtn,  Stuttgart,  i8^2,  n*  5),  jeté  dans 
un  grand  trou,  mats  ensuite  il  est  rappelé  à  la  vie  dans  des  circonstances  qu'il 
serait  trop  long  d'expliquer. 

Il  est  curieux  de  voir  comment  le  thème  de  VOnçau  d'or  s'est  modifié  dans 
notre  conte  lorrain. 

L'introduction  se  rattache  aux  contes  du  type  de  VEdu  de  la  vu.  Notons  la 
comme  lien  entre  les  contes  des  deux  types,  un  conte  allemand  du  type  de 
VOiseiiu  d'or  (Woîf,  Dmtsche  Hausmarchm,  p,  2;o),  dans  lequel  les  princes  s'en 
vont  à  la  recherche  d'un  oiseau  dont  le  chant  doit  guérir  le  roi  (Cf.  Crmim^ 
m,  P^  98). 

L'épisode  du  berger  envers  lequel  les  deux  frères  aînés  sont  impolis  et  peu 
complaisants  appartient  encore  au  thème  de  VEau  de  la  vu^  ou  du  moins  se 
retrouve  comme  idée  dans  plusieurs  contes  allemands  de  ce  type,  dans  lesquels 
les  deux  princes  répondent  grossièrement  à  un  nain  ou  à  un  vieillard  iGrimm, 
n'  97;  Simrock,  Dmischt  Mt^rclnn^  u*  47;  Meier,  ti'  VK  Comme  forme,  il  cor- 
respond â  un  passage  d'un  conte  de  M'"«  d'Aulnoy,  tout  différent  pour  le  reste, 
Bdk'Belk  ou  k  Chevalier  Fortuné  y  où  la  plus  jeune  des  filles  d'un  vieux  setgnetir 
aide  une  bergère  à  retirer  sa  brebis  d'un  fossé,  —  Dans  le  conte  allemand  de 
fa  collection  Wolf,  cité  il  y  a  un  instant,  c'est  envers  un  ours  (qui  tient  ici  U 
place  du  renard)  que  les  deux  princes  se  montrent  impolis;  ce  qui,  sur  ce  point 
encore,  rapproche  les  contes  des  deux  types.  Ordinairement,  dans  les  contes  du 
type  de  l'Oi^^u  d'or,  les  deux  frères  aînés  tirent  sur  le  renard,  et  le  plus  jeune 
seul  en  a  pitié.  Notre  conte  lorrain  présente  successivement  les  deux  épisodes; 
mais,  dans  le  second,  il  ne  met  pas  en  scène  les  frères  aînés. 

Nous  ne  nous  arrêterons  qu'un  instant  sur  les  dons  que  le  <  petit  bossu  t 
reçoit  d'abord  du  berger,  puis  du  renard.  La  serviette  dans  laquelle  il  y  a  de 
quoi  boire  et  manger  est  évidemment  une  altération  de  la  serviette  merveilleuse 
de  notre  n**  4,  Tapaiapûutau.stmGiU  qui  se  couvre  de  mets  au  commandement 
Les  flèches  qui  ne  manquent  pas  leur  but  et  le  flageolet  qui  fait  danser,  se 
retrouvent  associés  dans  un  conte  allemand  cité  par  M.  de  Hahn  dans  les 
remarques  de  ses  contes  grecs  (t.  lî,  p.  242)  et  dans  un  autre  conte  allemand 
(Grimm,  HI,  p.  192L  Comparer  la  sarbacane  et  le  violon  dun*  i  lo  de  la  collec- 
tion Grimm* 

L'épisode  de  l'homme  mort  que  le  1  petit  bossu  t  fait  enterrer  appartient 
au  thème  bien  connu  do  Mort  rtconnmsani^  que  M.  Benfcy  a  étudié  dans  son 
introduction  au  Pûtiichaîmira  (t.  I,  p,  221  et  t.  II,  p.  552),  M-  Koehler  dans 
des  revues  allemandes  {Gtrmamû^  t,  III,  p.  199  scq.  ;  Ontnt  ttnd  Ocadent,  l.  H, 
p.  522  scq),  et  M.  d'Anconadans  ta  iîomamiï  (1874,  p.  191)  à  propos  d'un  récil 
du  NovtlUno  italien,  Mais,  dans  notre  conte  lorrain,  ce  thème  est  mutilé  et  privé  de 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  S  M 

ses  développements^  à  moins  que  Ton  ne  voie  dans  le  renard  une  incarnation 
de  l'homme  mort,  qui,  comme  dans  les  contes  de  ce  type,  servirait  le  prmcc 
par  reconnaissance  et  finirait  par  se  découvrir  à  tui  en  tui  disant  adîeu  pour  la 
dernière  fois  *.  Le  conte  du  Mort  reconnaissant^  très- répandu  en  Europe^  a  été 
aussi  recueilli  en  Arménie;  il  forme  te  sujet  de  plusieurs  récits  et  poèmes  du 
moyen- Age. 

Le  batelier  qui,  depuis  des  siècles,  transporte  les  voyageurs  de  l'autre  côté 
du  fleuve  et  dont  le  prince  est  en  danger  de  prendre  la  place,  se  retrouve  dans 
le  conte  hessois  le  DiûbU  ûux  irais  cheveux  dor  (Grîmm,  n*»  29)  et  dans  diverses 
variantes  de  ce  thème.  Ainsi,  chez  les  Tchèques  de  Bohême  (Chodzko^  p,  40), 
en  Norwége  (Asb)œrnsen,  t,  1,  n«  ^  de  la  trad.  allemande),  en  Allemagne 
iMeier,  (1*75;  Prœhie,  Marchcn  fur  du  Jugend ,  Halle,  18 $4,  n'  8),  dans  le 
Tyro!  (Zingerle,  II,  p.  70), 

A  partir  de  Tendroit  du  récit  où  le  prince  arrive  chez  l'ogre,  nous  rentrons 
dans  le  thème  de  VOiscau  d'or.  La  plupart  des  éléments  de  ce  ihèmc  se  retrou- 
vent dans  notre  conte,  mais  tout  autrement  groupés.  Ainsi,  Vogrc  de  noire 
conte  résume  en  sa  personne  les  divers  rois  possesseurs  des  êtres  merveilleux 
qu*il  s'agit  d'enlever.  L'oiseau  vert  remplace  l'oiseau  d*or  ou  l'oiseau  de  feu, 
et,  quand  le  renard  dit  au  c  petit  bossu  •  de  prendre  le  plus  laid  des  deux 
oiseaux  verts  et  ensuite  la  plus  laide  mule,  c'est  là  évidemment  un  souvenir 
altéré  de  ia  recommandation  faite  au  prince,  dans  la  forme  originale  du  thème, 
de  se  garder  de  retirer  l'oiseau  d'or  de  sa  cage  de  bois  ou  de  mettre  au  cheval 
merveilleux  une  selle  d'or.  Le  cheval  merveilleux  lui-même  est  devenu  dans 
notre  conte  lorrain  fa  muk  qui  fait  sept  lieues  d'un  pas  (comparez  dans  les 
Contes  inédits  des  MiîU  et  tinc  Nuits^  traduits  par  G. -S.  Trébutien^  t.  I,  p.  299, 
la  t  mule  qui  est  un  génie  faisant  en  un  seul  jour  un  voyage  d'une  année  •). 
Enfin  la  princesse  qui  est  retenue  dans  le  château  de  Togre,  c'est  la  princesse 
aux  cheveux  d'or  du  thème  primitif.  Quant  à  Veau  qui  rajeunit^  comme  il  y  a  eu 
dans  notre  conte  lorrain  combinaison  du  thème  de  VEau  de  ta  vie  avec  celui 
de  Wiseau  d'or^  elle  devait  naturellement  figurer  en  plus  à  cet  endroit  du 
récit. 

Le  jugement  que  les  deux  frères  du  *  petit  bossu  »  rendent  sans  le  savoir 
contre  eux-mêmes  termine  aussi  plusieurs  contes  étrangers,  mais  des  contes 
différents  du  nôtre  pour  l'ensemble  du  récit.  Voir,  par  exemple,  les  contes 
allemands  n°^  1^  et  13^  de  la  collection  Grimm,  un  conte  tyrolien  (Zingerle,  II, 
p.  i5i),de«ix  contes  siciliens  (Gonzenbach,  n*»*  1 1  et  tj),  un  conte  grec  mo- 
derne (Simrock,  Deutsche  Mitrchen^  appendice,  n*  5),  etc, 

En  Orient^  nous  avons  plusieurs  rapprochements  à  faire.  —  On  y  trouvera 
sans  doute  nombre  de  détails  qui  se  rapportent  moins  à  notre  conte  lorrain, 
dans  sa  forme  actuelle,  qu'à  ses  deux  thèmes  principaux,  dans  leur  pureté^ 


1.  Ces  lignes  étaient  écrites  quand  un  conte  basaue,  faisant  partie  d'une 
collection  tout  récemment  publiée  (Wcntworth  Webster,  Basque  Ixgcnds^ 
London,  1877,  p.  182  sqj  est  venu  confirmer  notre  interprétation.  Dans  ce 
conte,  qui  se  rattache  au  thème  de  TOu^rfu  d'or^  il  est  dit  expressément  que  le 
renard  qui  3  secouru  le  prince  était  f  §  âme  *  d'un  homme  mort,  dont,  comme 
dans  notre  conte  lorrain,  le  prince  a  payé  les  dettes  pour  le  faire  enterrer. 


50  E.  COS<ilJIN 

au  thème  de  Wiscau  d'or  et  à  celui  de  VEau  di  la  vu  (à  ce  dernier  surtout); 
mais  on  n'aura  pas  de  peine  à  y  reconnaître  non-seulement  l'idée  générale 
de  notre  Puit  Bossu,  —  Texpédition  de  plusieurs  princes  qui  vont  cher- 
cher pour  (e  roi  leur  père  un  objet  merveilleux^  le  succès  du  plus  jeune  et 
la  trahison  des  aînés,  à  la  fin  punie,  —  mais  encore,  tantôt  datis  Vun^  tantôt  î 
dans  l'autre  de  ces  récils  orientaux,  plusieurs  des  traits  les  plus  caractéristiques  . 
de  notre  conte  :  ainsi,  nous  y  voyons  le  plus  jeune  prince  dédaigné  par 
son  père  et  partant  seul  en  expédition;  les  frères  aînés  faisant  des  dettes,  réduits 
à  la  misère  et  retenus  prisonniers,  puis  délivrés  par  le  jeune  prince;  celut-ci 
jeté  par  eux  dans  un  puits,  etc. 

Prenons  d'abord  la  grande  collection  de  contes,  chants  et  poèmes  des  Tar- 
tares  de  la  Sibérie  méridionale,  qui  a  été  publiée  par  M.  W.  Radioff  et  déjà 
citée  plusieurs  fois  par  nous.  Elle  contient  dans  le  volume  concernant  les 
Kirghiz,  à  côté  des  chants  et  récits  non  écrits,  quelques  poèmes  formant  dans  ( 
le  pays  une  sorte  de  littérature.  Dans  l'un  de  ces  poèmes  (t.  ITI,  1870, 
p.  5î^  seq),  trois  princes  se  mettent  en  route  ensemble  pour  aller  chercher 
certain  rossignol,  que  leur  père  a  vu  en  songe.  Arrivés  à  un  endroit  où  trois 
chemins  s'ouvrent  devant  eux,  ils  se  séparent.  Le  plus  jeune,  Hxmra,  devient 
répoux  d'une  péri  (sorte  de  fée)  et^  avec  l'aide  de  celle-ci,  il  parvient  à  prendre 
Toiseau  merveilleux.  Comme  il  s'en  retourne  vers  le  pays  de  son  père,  il  ren- 
contre dans  une  auberge  ses  deux  frères,  devenus  valets  de  cuisine  •  ;  il  paie 
leurs  dettes  et  les  emmène  avec  lui.  En  chemin,  ses  frères  lui  crèvent  les  yeux 
et  le  jettent  dans  un  puits.  Le  rossignol  qu*ils  rapportent  à  leur  père  révèle  â 
celui-ci  le  sort  de  Haemra.  Le  poème  s'arrête  court  :  on  s'attendait  à  voir 
reparaître  la  péri,  qui  avait  donné  à  Hasmra,  pour  qu*il  pût  l'appeler  en  cas  de 
danger,  une  boucle  de  ses  cheveux. 

Dans  un  conte  tartare  de  la  même  collection  (t.  ÎV,  J872,  p.  146)1  trois 
princes  partent  aussi  à  la  recherche  d'un  oiseau  merveilleux.  Le  plus  jeune  seul 
se  montre  charitable  envers  un  loup,  qui  lui  indique  où  est  Totseau  et  ce  qu^iJ 
doit  faire  pour  s*en  emparer.  Suit,  comme  dans  le  thème  de  l'Oiseau  tfor,  une 
série  d'entreprises  {enlever  des  chevaux^  une  guitare  d'or,  une  jeune  fillet, 
auxquelles  te  prince  est  condamné  pour  avoir  oublié  les  recommandations  do 
loup.  Il  manque  dans  ce  conte  tartare  la  trahison  des  frères  aines. 

Une  autre  collection,  également  citée  précédemment  dans  nos  remarques,  les 
contes  avares  du  Caucase,  traduits  en  1873  par  M,  Schiefner,  nous  fournil 
encore  un  conte  â  comparer  au  nôtre.  Si  on  laisse  de  côté  un  long  épisode 
dont  nous  aurons  occasion  de  reparler  plus  tard,  ce  conte  peut  se  résumer  très- 
brièvement.  Le  commencement  est  celui  du  poème  kirghiz  ;  seulement,  à  la 
place  du  rossignol,  il  y  a  un  1  cheval  de  mer  1.  Cest  avec  Taide  d'une  vieille 
géante,  sorte  d*ogresse,  dont  il  a  su  gagner  la  bienveillance,  que  le  plus  jeune 
prince  parvient  â  se  rendre  maître  du  cheval  et  aussi  d'une  fille  du  roi  de  la 
mer.  A  son  retour,  en  passant  dans  une  ville,  il  trouve  ses  frères  réduits  i  la 
misère  et  devenus  valets,  l'un  chez  un  boulanger,  l'autre  chez  un   boucher.  H 


r.  Dans  un  conte  du  •  pays  saxon  i  de  Transylvanie  (Haltrich,  «•  y)^  {^^ 
deux  frères  sont  également  valets  d*au berge. 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  557 

prend  âvec  lai*  mais  ceux-ci,  envieux^  s'arrangent  de  façon  â  k  faire  tomber 
as  un  puits.  Le  cheval  l'en  retire  et,  à  sa  vue,  ses  frères  prennent  la  fuite  pour 
De  plus  revenir. 

On  peut  également  citer  ici  un  conte  arabe  (MiUe  et  une  Nuits,  t,  Xî,  p.  17^, 
ie  la  trad.  allemande  dite  de  Breslau),  dans  lequel  trois  princes  partent  à  la 
cherche  d'un  oiseau  que  leur  père,  le  sultan  du  paysd'Yémen,  veut  avoir.  Le 
ilus  icune^  Atadin^  dédaigné  de  son  pére^  délivre  successivement  deux  princesses 
xposées  à  des  monstres  et^  apr^  les  avoir  épousées^  il  les  abandonne  pendant 
ur  sommeil  après  leur  avoir  écot  dans  la  main  son  nom  et  son  pays.  Enfin  il 
krrive  dans  ïa  ville  où  se  trouve  la  princesse  qui  possède  Toiseau.  Grâce  aux 
onseîfs  d'un  vieillard,  il  peut  pénétrer  dans  le  palais,  gardé  par  des  lions,  et 
Si  se  relire  en  toute  hâte  après  avoir  écrit  son  nom  et  son  pays  dans  la  main  de 
princesse  endormie.   Puis  il   reprend  le  chemin  de  la  capitale  de  son  père. 
Parvenu  non  loin  de  là^  il  rencontre  ses  frères  qui  Taccablent  de  coups  et  lui 
prennent  l'oiseau.  Mais  bientôt  arrivent  auprès  de  la  ville,  accompagnées  des 
sultans  leurs  pères  et  de  grandes  armées,  les  deux  princesses  qu'Aladin  a  déli- 
tées et  celle  dans  le  palais  de  laquelle  il  a  pénétré.  La  trahison  des  frères  aines 
découvre,  et  le  sultan  d'Yémen  cède  son  tr6ne  à  Atadin. 
Donnons  encore  l'analyse  d'un  roman  hindoustani  traduit  par  M.  Garcin  de 
Tassy  dans  la  Revm  ik  l'Orunt^  de   f  Alger  ie  et  des  colonies  (18581  l,  I,  p.  21 2Ï 
ous  ce  titre  ;  La  Doctrine  de  i'amour  ou  Taj^Uimuluk  et  Bjkawcli^  roman  Je  phi 
osophU  religieuse^  par  Nihaî  Chûnâ,  de  DelhL  Le  roi  Zaïn  Ulmuluk  a  perdu  la 
ue   Les  médecins  déclarent  que  le  seul  remède  est  la  <  rose  de  Bakawali.  > 
quatre  fils  aînés  du  roi  partent  pour  aller  chercher  cette  rose,  Un  cin- 
quième fils,  Taj-Ulmaluk,  que  son  père  a  fait  élever  dans  un  palais  éloigné,  les 
Ifencontre  et,  apprenant  d'une  personne  de  leur  suite  qui  ifs  sont  et  où  ils  vont, 
I  se  joint  à  Tescorte  comme  un  voyageur.   Arrivés   dans  une  ville,   les  quatre 
Paînés  entrent  dans  le  palais  d'une  courtisane,  nommée  Lakkha,  et  perdent  au 
jeu  par  son  habileté  déloyale  tout  leur  argent  et  leur  liberté.  Taj-Ulmtiluk 
décide  de  les  délivrer;  il  gagne  la  partie  contre  Lakkha  et  1^  rend  son  esclave. 
Il  lui  raconte  alors  son  histoire  et  apprend  que  la  rose  se  trouve  dans  te  jardin 
de  Bakawali,  fille  du  roi  des  fées.  Mais  le  soleil  lui-même  ne  saurait  pénétrer  à 
travers  la  quadruple  enceinte  de  ce  jardin.  Des  millions  de  dives  «génies»  veillent 
de  tous  côtés  ;  en  Tair,  des  fées  écartent  les  oiseaux  ;  sur  la  terre^  la  garde  est 
confiée  i  des  serpents  et  à  des  scorpions;  au-dessous  du  sol,  au  roi  des   rats 
avec  des  milliers  de  ses  sujets.  Ta j~ Ulmuluk  s'habille  en  derviche  et  se  met  en 
marche.  Bientôt  il  tombe  entre  les  mains  d*un  dive-géanl  qui  veut  d*abord  le 
manger,  puis  qui  a  pitié  de  lui  et  finit  par  le  prendre  en  amitié,  surtout  quand 
le  prince  lui  a  fait  manger  des  mets  délicieux  apprêtés  par  lui.  Ce  dive  fait  ser- 
ment de  faire  ce  que  le  prince  désirera.  Le  prince  lui  parle  de  la   rose  *,   Le 
dive  fait  venir  un  autre  dive,  lequel  envoie  le  prince  â  sa  sœur  Hammala,  chef 
des  dives  qui  gardent  la  rose.  Après  divers  incidents^  Hammala  ordonne  au  roi 
des  rats  de  creuser  un  passage  souterrain  et  de  porter  Ta/- Ulmuluk  dans  le 


I .  Pour  cet  épisode,  comparez  le  conte  italien  n*  37  de  la  collection  < 
arttii,  mentionné  plus  haut.  Le  prince  est,  là  aussi,  aidé  par  un  ogre. 


5)8  E.  COSQUIN 

jardin  de  Bakawali.  Taj-Ulmuluk  prend  la  rose,  pénètre  dans  le  châteao  de 
Bakawali  endormie  et  emporte  Tanneau  de  celle-ci.  De  retour,  il  délivre  ses 
frères,  toujours  prisonniers  de  la  courtisane,  sans  se  faire  connaître  d'eux,  et  les 
suit,  déguisé  en  fakir.  Les  entendant  se  vanter  d'avoir  la  rose,  il  a  rimpmdence 
de  leur  dire  que  c'est  lui  qui  la  possède  et  de  le  prouver  en  rendant  la  vue  i  no 
aveugle.  Ses  frères  lui  prennent  la  rose,  l'accablent  de  coups  et  retournent  chez 
leur  père,  à  qui  ils  rendent  la  vue.  —  La  suite  de  ce  roman  hindoustani  serait 
trop  longue  à  raconter  ici  en  détail.  Elle  se  rapproche  de  plusieurs  contes  du 
type  de  VEau  de  la  vie.  Bakawali,  surprise  de  la  disparition  de  sa  rose  et  de  son 
anneau,  se  met  à  la  recherche  du  ravisseur.  Elle  finit  par  le  trouver;  les  mé- 
chants frères  sont  démasqués,  et  Taj-Ulmuluk,  qui  a  été  secouru  dans  sa 
détresse  par  sa  protectrice  Hammala,  épouse  Bakawali. 

Dans  l'Inde  encore,  nous  trouvons  un  autre  récit  qu'il  convient  de  rapprocher 
de  tous  les  précédents.  C'est  un  conte  populaire  qui  a  été  recueilli  dans  le  Ben- 
gale par  M.  G.-H.  Damant,  et  publié  dans  une  revue  de  Bombay,  The  Indian 
Antiqaary  (t.  IV,  1875,  p.  54  et  suiv.).  En  voici  le  résumé  :  —  Un  roi  a  deux 
fils,  Chandra  et  Siva  Dâs,  nés  de  ses  deux  femmes,  Surân!  et  Durânî.  Il  ne  peut 
souffrir  Siva  Dâs  ni  sa  mère,  et  il  les  a  relégués  dans  une  cabane  où  ils  vivent 
d'aumônes.  Siva  Dâs  est  très-dévot  au  dieu  Siva,  et  il  en  a  reçu  un  sabre  qui 
donne  la  victoire  à  son  possesseur,  le  protège  contre  les  dangers  et  le  transporte 
où  il  le  désire.  Or,  certaine  nuit,  le  roi  fait  un  rêve  merveilleux,  auquel  il  ne 
cesse  de  penser  :  il  a  vu  endormie  une  femme  dont  la  beauté  illumine  tout  un 
palais  ;  chaque  fois  qu'elle  respire,  une  flamme  sort  de  ses  narines,  comme  une 
fleur.  II  déclare  à  son  premier  ministre  que  si  celui-ci  ne  lui  montre  pas  c  son 
rêve  1,  il  le  fera  mettre  à  mort.  Le  premier  ministre  part  aussitôt  avec  Chandra 
et  une  nombreuse  suite.  Entendant  parler  du  songe  de  son  père,  Siva  Dâs  fait 
demander  au  roi  la  permission  de  se  mettre  lui  aussi  en  campagne.  «  Qu'il  parte 
si  bon  lui  semble,  dit  le  roi;  s'il  meurt,  je  n'en  serai  pas  fâché  :  il  n'est  pas 
mon  fils.  »  Siva  Dâs  se  fait  transporter  par  son  sabre  à  la  place  où  sont  Chandra 
et  ses  compagnons,  qu'il  trouve  arrêtés  par  une  forêt.  Grâce  à  son  sabre,  Siva 
Dâs  peut  traverser  cette  forêt,  et,  arrivé  à  un  village,  il  entre  au  service  d'un 
roi  qui,  en  récompense  d'un  grand  service  rendu,  lui  donne  sa  fille  en  mariage. 
Puis  il  se  fait  transporter  dans  le  pays  des  rdkshasas  (sorte  de  mauvais  génies, 
de  démons).  Pris  par  deux  râkshasas,  il  est  apporté  par  eux  à  leur  roi  qui, 
loin  de  vouloir  le  manger,  le  prend  en  amitié  et  le  marie  à  sa  fille.  Un  jour 
Siva  Dâs  raconte  au  roi  des  râkshasas  l'histoire  du  rêve.  Le  roi  lui  dit  que  ce 
«  rêve  »  existe  et  il  le  renvoie  à  certain  ascète  qui  vit  dans  la  forêt.  L'ascète 
donne  à  Siva  Dâs  le  moyen  de  trouver  Vapsara  (danseuse  céleste)  que  son  père 
a  vue  en  songe  et  de  conquérir  sa  main  '.  L'apsara  ne  reste  que  quelque  temps 
avec  Siva  Dâs  et  lui  donne  en  le  quittant  une  flûte  qui  lui  servira  à  la  faire 
venir  auprès  de  lui  quand  il  le  voudra.  Siva  Dâs  retourne  auprès  de  son  beau- 
père  le  râkshasa,  qui  lui  fait  encore  épouser  sa  nièce;  puis  il  s'arrête  chez  le 
roi,  son  autre  beau-père,  et  se  fait  transporter  par  le  sabre,  lui  et  ses  trois 

I .  Nous  étudierons  ce  passage  en  détail  à  l'occasion  de  notre  conte  Chatte 
blanche. 


CONTES   POPULAIRES    LOHRAmS  ç^f) 

femmes^  à  Pendroit  où  sont  restés  Chandra  et  le  premier  ministre.  Sur  une 
question  de  Chandra^  il  lui  dît  qu'il  a  trouvé  le  t  rêve  a  du  roi.  CKandra  en 
conclut  que  ce  t  rêve  *  est  Tune  des  trois  femmes  que  Si  va  Dâs  a  ramenées, 
cl  il  complote  avec  le  ministre  de  tuer  Siva  Dâs  et  de  s'emparer  de  ses  femmes. 
Uq  jour,  il  invite  Siva  Dâs  à  jouer  avec  lui  aux  dés  sur  la  margcite  d'un  puits. 
Siva  Dâs,  soupçonnant  quelque  mauvais  dessein,  dit  à  ses  femmes  que,  si 
Chandra  te  précipite  dans  le  puits,  il  faudra  qu'elles  y  jettent  aussitôt  leurs 
beaux  vêtements  et  leurs  ornements.  Chandra  Payant  effectivement  poussé  dans 
le  puits,  06  le  sabre  merveilleux  Tempéche  de  périr,  elles  font  ce  que  Siva  Dâs 
leur  avait  prescrit,  et  celui-ci  prend  tous  ces  objets  avec  lui.  Quand  Chandra 
arrive  à  la  cour  de  son  père,  le  roi,  très-joyeux,  invite  d^autres  rois  à  venir  voir 
son  •  rêve  •,  et  Surânl^  la  mère  de  Chandra,  envoie  dire  à  Durant,  la  mère  de 
Siva  Dh^  de  venir  la  trouver.  Cependant  Siva  Dâs  s'est  transporté  en  secret 
dans  sa  maison,  et  il  dit  à  sa  mère  d'aller  chez  Surilnî  et  de  se  parer  des  habits 
et  des  ornements  qu'il  a  rapportés  du  pays  des  râkshasas  (ceux  que  ses  femmes 
lui  ODt  jetés  dans  le  puits)  :  personne  n'a  jamais  vu  de  ces  ornements  et  per- 
sonne ne  peut  les  imiter.  Quand  les  trois  jeunes  femmes  remarquent  les  vête* 
ments  et  les  ornements  que  porte  Surânl,  elles  se  disent  l'une  à  l'autre  que  ce 
doit  être  la  mère  de  leur  mari  *.  Pendant  ce  temps,  les  rois  se  sont  tous  réunis, 
et  Chandra  doit  leur  montrer  le  t  rêve.  »  Il  va  trouver  les  jeunes  femmes  et, 
voyant  qu'elfes  ne  savent  rien  du  rêve,  il  s'enfuit  par  une  porte  dérobée.  Les 
trois  princesses  révèlent  alors  ce  qui  s'est  passé.  Chandra  et  sa  mère  sont  bannis  ; 
Siva  Dâs  et  Durânî,  mis  à  leur  place.  Stva  Dâs  fait  venir  sa  femme  l'apsara, 
ti  le  roi  le  fait  monter  sur  son  trône. 


RJCHEDEAU. 


Il  était  une  fois  un  pauvre  homme,  appelé  Richedeau,  qui  avait  autant 
d'enfants  qu*il  y  a  de  trous  dans  un  tamis.  Il  envoya  un  jour  un  de  ses 
petits  garçons  chez  le  seigneur  du  village  pour  lui  emprunter  un  boisseau 
w  Qu'est-ce  que  ton  père  veut  faire  d*un  boisseau  ?  demanda  le  sei- 
gneur. Est-ce  pour  mesurer  vos  poux  ?  —  Monseigneur,  »  répondit  l'en- 
fant, «  il  veut  mesurer  l'argent  qu'il  vient  de  rapporter  à  ta  maison.  » 


1 .  Nous  donnons  ce  passage  assez  au  long,  —  bien  qu'il  ne  se  rapporte  pas  aux 
contes  du  type  du  nôtre,  —  à  cause  des  ressemblances  qu'il  présente  avec  notre 
conte  de  Jean  de  rOars  (n<>  1  de  cette  collection).  Dans  le  conte  indien  comme 
dans  le  conte  lorrain,  ce  sont  des  bijoux  merveilleux,  dons  de  trots  princesses^ 
qui  font  connaître  h  celles-ci,  quand  elles  les  revoient,  la  présence  non  loin  de 
11  du  héros  que  des  traîtres  avaient  abandonné  au  fond  d'un  puits.  —  Ce  trait 
n'avait  pas  encore,  que  nous  sachions,  été  trouvé  en  Orient.  (Comparez,  pour 
la  combinaison  de  ce  thème  des  bijoux  avec  celui  de  VOiseau  d*or^  le  conte  grec 
moderne  n*  ^1  de  la  collection  Hahn). 


540  E.   COSQUIN 

Bien  que  le  seigneur  n'y  crût  guère,  il  dit  à  une  servante  de  donner  le 
boisseau.  Richedeau  mesura  donc  son  argent  et  renvoya  ensuite  le 
boisseau;  comme  il  ne  l'avait  pas  bien  secoué,  on  trouva  au  fond  trois 
louis  d'or.. 

Le  seigneur,  fort  surpris,  alla  aussitôt  chez  Ricbedeau.  «  Comment  as-tu 
fait,  »  lui  demanda-t-il,  «  pour  avoir  tant  d'argent  ?  —  Monseigneur,  » 
répondit  Richedeau,  qui  ne  voulait  pas  dire  son  secret,  <c  j'ai  porté  à  la 
foire  la  peau  de  ma  vache,  et  je  l'ai  vendue  à  raison  d'un  louis  chaque 
poil.  —  Est-ce  bien  vrai,  ce  que  tu  me  dis  là  ?  —  Rien  n'est  plus  vrai,  mon- 
seigneur. —  Eh  bien  !  je  vais  faire  tuer  les  cinquante  bêtes  à  cornes  qui 
sont  dans  mon  étable,  et  j'en  retirerai  beaucoup  d'argent.  »  Le  seigneur 
fit  donc  venir  des  bouchers  qui  abattirent  tous  ses  bœufs  et  toutes  ses 
vaches;  puis  il  envoya  ses  gens  porter  les  peaux  à  la  foire  pour  les  vendre 
à  raison  d'un  louis  chaque  poil.  Mais  les  valets  eurent  beau  offrir  leur 
marchandise  ;  dès  qu'ils  faisaient  leur  prix,  chacun  leur  riait  au  nez,  et 
ils  revinrent  sans  avoir  rien  vendu. 

Le  seigneur,  furieux  de  sa  mésaventure,  courut  chez  Richedeau  pour 
décharger  sa  colère  sur  lui.  Celui-ci  l'aperçut  de  loin,  et  il  dit  à  sa 
femme  :  «  Voilà  monseigneur  qui  vient  pour  me  quereller.  Mets-toi  vite 
au  lit  et  fais  la  morte.  »  En  entrant  dans  la  cabane,  le  seigneur  remarqua 
l'air  affligé  de  Richedeau.  «  Qu'as-tu  donc?  »  lui  demanda-t-il. —  «  Ah! 
monseigneur,  ma  pauvre  femme  vient  de  trépasser  !  —  Mon  ami,  »  lui  dit 
le  seigneur,  «je  te  plains  :  c'est  un  grand  malheur.  »  Et  il  s'en  retourna 
sans  songer  aux  reproches  qu'il  voulait  faire  à  Richedeau. 

«  Voilà  qui  est  bien  pour  le  moment,  dit  alors  la  femme  de  Richedeau; 
mais  plus  tard,  quand  monseigneur  me  verra  sur  pied,  qu'aurai-je  à  lui 
dire  ?  —  Tu  lui  diras  que  je  t'ai  soufflé  dans  l'oreille,  et  que  cela  t'a 
ressuscitée.  » 

Quelque  temps  après,  le  seigneur,  passant  par  là,  vit  la  femme  de 
Richedeau  assise  devant  sa  porte.  «  Quoi,  »dii-il,  «  c'est  vous,  madame 
Richedeau  ?  je  vous  croyais  morte  et  enterrée.  —  Monseigneur,  »  répon- 
dit-elle, «  j'étais  morte  en  effet,  mais  mon  mari  m'a  soufflé  dans  l'oreille,  et 
cela  m'a  fait  revenir.  —  C'est  bon  à  savoir,  »  pensa  le  seigneur;  «il  faudra 
que  j'en  fasse  l'essai  sur  ma  femme.  »  De  retour  au  château,  il  n'eut 
rien  de  plus  pressé  que  de  tuer  sa  femme  ;  ensuite  il  lui  souffla  dans 
l'oreille  pour  la  ranimer,  mais  il  eut  beau  souffler,  la  pauvre  femme  ne 
bougea  pas. 

Le  seigneur,  au  désespoir,  fit  atteler  sur-le-champ  son  carrosse,  et 
partit  avec  plusieurs  valets  pour  se  saisir  de  Richedeau.  On  l'enchaîna  et 
on  l'enferma  dans  un  sac  que  Ton  mit  dans  le  carrosse  ;  puis  on  se  remit 
en  route  et  Ton  arriva  dans  un  pré,  au  bord  d'un  grand  trou  rempli 
d'eau.  Richedeau  fut  déposé  sur  l'herbe;  mais,  au  moment  où  on  allait  le 


CONTES    POPULAIRES   LORRAINS  {4'f 

jeter  dans  l'eau,  tes  cloches  sonnèrent  la  dernière  laisse  pour  Tenterre- 
ment  de  la  femme  du  seigneur.  Celui-ci  revint  en  toute  hâte  au  château 
avec  ses  gens,  afin  de  n'être  pas  en  retard  pour  la  cérémonie. 

Richedeau,  resté  seul  dans  son  sac  au  milieu  du  pré,  se  mit  à  dire  à 
haute  voix  :  *f  Pater,  Pater.  «  Un  berger,  l'ayant  entendu,  s^approcha 
de  lui  et  lui  demanda  :  «  Que  fais-^tu  là,  et  qu'as-tu  à  dire  Pater  ?  )» 
Richedeau  répondit  ;  «  Je  dois  rester  làndedans  jusqu'à  ce  que  je  sâche 
le  Pater»  et  je  ne  puis  en  venir  à  bout;  on  voudrait  me  faire  curé.  — 
Cela  m'iraii  bien,  à  moi,  d*ètre  curé,  >>  dit  le  berger;  «  je  sais  le  Pater 
tout  au  long.  —  Eh  bien  !  »  dit  Richedeau,  «  veux-tu  te  mettre  à  ma 
place?  —  Volontiers,  »  dit  l'autre.  Quand  Richedeau  fut  sorti  du  sac,  il 
y  enferma  le  berger  et  partit  avec  les  moutons. 

Cependant  le  berger,  dans  le  sac,  disait  et  redisait  son  Pater  sans  se 
lasser.  Après  Pemerremeni,  le  seigneur  revint  au  pré  avec  ses  gens  et 
leur  ordonna  de  prendre  le  sac  et  de  le  jeter  dans  Teau.  Le  pauvre 
berger  eut  beau  crier  :  </  Mais  je  sais  mon  Pater  tout  au  long.  »  On  ne 
fit  pas  attention  à  sgs  cris,  et  on  le  jeta  dans  le  trou. 

Richedeau  retourna  le  soir  au  village  avec  les  moutons.  Le  seigneur 
le  vil  passer.  «  Comment,  n  lui  dit-il,  «tu  n'es  pas  mort?  —  Non,  mon- 
seigneur; il  aurait  fallu  me  jeter  un  peu  plus  loin.  —  Mais,  ))dit  le  seigneur, 
«  où  donc  as-tu  trouvé  ces  moutons  ?  —  Au  fond  de  Peau,  monseigneur  ; 
à  quelques  pieds  plus  loin,  on  trouverait  mieux  encore.  Oh  !  les  beaux 
moutons  !  Si  vous  voulez»  monseigneur,  je  vous  les  ferai  voir.  » 

Le  seigneur  suivit  Richedeau,  qui  emmena  son  troupeau  avec  lui 
Quand  ils  furent  arrivés  au  bord  de  leau,  où  se  reflétait  l'image  des 
moutons  :  «  Regardez,  »  dit  Richedeau,  w  regardez,  monseigneur,  les 
beaux  moutons  que  voilà  I  >> 

Aussitôt  le  seigneur  sauta  dans  Peau  pour  les  aller  prendre,  et  il  se 
noya.  Quant  à  Richedeau,  il  devint  le  seigneur  du  village. 


Ce  conte,  variante  de  notre  u*  lo,  René  d  son  sagncur,  —  aux  remarques 
duquel  nous  renvoyons,  —  outre  qu'il  est  moins  complet,  présente  une  lacune 
qui  n'existe  pas  dans  ce  n-  lo.  Rien  n'explique  comment  le  héros,  donné  comme 
un  «  pauvre  homme  »,  se  trouve  tout  d*un  coup  en  étal  de  mesurer  Tor  au 
boisseau.  En  revanche,  la  dernière  partie  de  Richedeau  est  plus  claire  et  mieux 
conservée. 

Une  autre  variante,  que  nous  avons  également  entendue  à  Montiers-sur- 
Saulx,  a,  elle  aussi,  l'épisode  du  boisseau,  mais  elle  le  motive  bien.  Voici  les 
traits  principaux  de  cette  variante,  très-voisine  de  divers  contes  étrangers,  par 
exemple  du  conte  allemand  n'  1 5  de  la  collection  Prœhle  {M^rcknfm  dit  Jugmd. 
Haile,  i8h)  : 

Une  fillette,  qui  est  partie  de  chez  ses  parents  parce  qu'elle  ne  veut  pas 
aller  â  Técole,  s'en  va  par  le  monde  en  emportant  sous  son  bras  un  corbeau 


542  E.  COSQUIN 

qu'elle  a  attrapé.  Ayant  été  accueillie  dans  une  maison  en  Tabsence  dn  nÉttre, 
elle  regarde  par  une  fente  dans  la  chambre  voisine  de  l'endroit  où  on  fa  mise 
et  observe  ce  qui  s'y  passe.  Le  maître  étant  rentré,  il  demande  à  la  fillette  ce 
que  c'est  que  la  béte  qu'elle  tient  sous  son  bras,  c  C'est  un  devin,  »  répond- 
elle.  —  «  Comment?  un  devin  ?  —  Oui,  c'est  une  bête  qui  sait  dire  tout  ce  qai 
se  passe.  —  Est-il  à  vendre?  —  Je  vous  le  vendrai,  si  vous  vouiez;  mais  je  vais 
d'abord  vous  montrer  ce  qu'il  sait  faire,  i  Et  elle  frappe  la  tète  du  corbeao, 
qui  se  met  à  croasser.  «  Il  dit  qu'il  y  a  quelqu'un  de  caché  dans  la  chambre 
d'à  côté,  i  L'homme  entre  dans  la  chambre  et  voit  que  c'est  vrai.  Puis  la 
fillette  fait  dire  à  son  corbeau  qu'il  y  a  des  victuailles  et  du  vin  cachés  dans  le 
buffet,  c  C'est  un  devin  véritable  1  i  dit  l'homme;  c  si  cher  qu'il  soit,  je  venz 
l'acheter,  i  II  donne  à  la  fillette  beaucoup  d'argent  et  un  âne  pour  le  porter, 
et  la  fillette  s'en  va  plus  loin.  Elle  vend  bien  cher  son  âne  à  un  meunier  en  lui 
disant  que  c'est  une  c  quittance  »  :  quand  on  doit  de  l'argent,  on  n'a  besoin 
que  de  présenter  cet  âne  à  son  créancier  pour  n'avoir  plus  rien  à  payer;  de 
plus,  elle  lui  fait  croire  Cde  la  même  façon  que  René,  le  héros  de  notre  n<>  lo) 
que  l'âne  fait  de  l'or.  Puis  elle  va  trouver  sa  marraine  et  la  prie  de  lui  prêter  un 
boisseau,  t  Pourquoi  faire  ?  —  Pour  mesurer  mes  écus  d'or.  »  On  lui  prêle  le 
boisseau  et,  quand  elle  est  partie  et  qu'on  frappe  sur  le  fond  du  boisseau,  il  en 
tombe  trois  louis.  L'explication  prétendue  de  cette  fortune,  donnée  non  point 
par  la  fillette,  mais  par  son  père,  ce  qui  est  assez  bizarre,  est  la  même  qne 
dans  Richdeau  :  c'est  qu'on  a  vendu  une  vache  et  son  veau  un  sou  le  poil.  La 
fin  de  cette  variante  est  encore  celle  de  Richedeau^  mais  fort  confuse. 

Le  tr^it  des  pièces  d'or  qui  restent  au  fond  du  boisseau  se  retrouve  dans 
d'autres  contes.  Ainsi  dans  un  conte  arabe  des  Mille  et  une  Nuits  (Hist.  <PÂli- 
Baba  et  des  quarante  voleurs)^  Cassim  a  mis  de  la  poix  au  fond  du  boisseau  que 
son  frère  est  venu  lui  emprunter,  et  c'est  ainsi  qu'il  découvre  qu'Ali-Baba  a 
mesuré  de  l'or.  Dans  d'autres  contes,  c'est  à  dessein  que  les  pièces  d'or  ont  été 
laissées  dans  le  boisseau.  Ainsi,  dans  le  conte  de  Boukoutchi-Khan^  le  pendant 
du  Chat  botté  chez  les  Avares  du  Caucase,  le  renard,  qui  remplit  le  rôle  du  chat, 
va  emprunter  au  Khan  un  boisseau  pour  mesurer,  lui  dit-il,  l'argent,  puis  l'or 
de  son  maître;  et,  chaque  fois,  il  a  soin  d'enfoncer  dans  une  fente  du  boisseau 
l'unique  pièce  d'argent  ou  d'or  qu'il  possède  {Mém.  de  l\Ac,  de  St-Pétersbourg, 
t.  XIX,  1873,  "°  ^i  P-  54)-  I^  en  est  de  même  dans  le  conte  sibérien  corres- 
pondant, recueilli  chez  lesTartares  riverains  de  laTobol  (Radioff,  op.  c/r,t.  IV, 
p.  359).  Comparez  encore  un  passage  du  conte  indien  que  nous  donnerons  tout 
à  l'heure. 

Nous  nous  arrêterons  un  instant  sur  un  ou  deux  autres  détails  de  Richedeau 
qui  ne  se  trouvent  pas  non  plus  dans  le  conte  lorrain  de  même  type  déjà  publié 
(no  10). 

Dans  le  conte  allemand  n"  61  de  la  collection  Grimm,  le  paysan  dit  au  maire 
et  aux  gens  du  village  qu'il  a  vendu  trois  cents  écus  la  peau  de  sa  vache  ; 
aussitôt,  comme  le  seigneur  de  Richedeau,  tous  s'empressent  de  tuer  leurs 
vaches. 

Dans  le  conte  allemand  de  la  collection  Prœhie  que  nous  avons  mentionné 
plus  haut,  le  paysan  montre  aux  gens  l'image  des  moutons  se  reflétant  dans 


CONTES   POPUUIRES   LORRAINS  ^45 

Teau,  comme  fait  Ricbedeâu,  Dans  k  n*  61  de  Grimm,  c'est  l^image  de  nuages 
floconneux  qu^il  leur  montre,  el  il  leur  fait  croire  que  ce  sont  des  moutons. 

Une  autre  variante  de  ce  même  conte,  que  nous  avons  également  recueillie  à 
Montiers-sur^Saulx,  présente  quelques  traits  particuliers.  Nous  en  donnerons  le 
rèiumé  ;  Une  veuve  a  trois  fils,  François,  Claude  et  Jean,  Les  deux  premiers, 
l'un  marchand  de  cochons,  l'autre  marchand  de  chevaux,  sont  mariés  ;  Jean 
demeure  avec  sa  mère.  Un  jour,  Jean  dit  à  celle-ci  qu'il  veut  aller  vendre  de  la 
mélasse  pour  du  mieL  It  met  de  la  mélasse  plein  un  grand  tonneau  avec  un  peu 
de  miel  par  dessus.  Il  rencontre  ses  frères,  qui  lui  demandent  cequ*il  ai  vendre, 
et  veulent  lui  acheter  son  miel.  Jean  le  leur  fait  cent  écus  et  ne  veut  rien  en 
rabattre.  Les  autres  trouvent  que  c'est  bien  cher,  mais  ils  finissent  par  donner 
les  cent  écus.  Jean  étant  revenu  chez  sa  mère,  celle-ci  lui  demande  â  qui  il  a 
vendu  sa  mélasse;  il  répond  que  c'est  à  ses  frères.  «  Tu  n'aurais  pas  dû  les 
attraper,  •  lui  dit-elle.  François  el  Claude,  ayant  découvert  la  tromperie, 
viennent  pour  tuer  Jean.  Mais  auparavant  Jean  s'est  concerté  avec  sa  mère. 
Quand  ses  frères  arrivent,  il  la  leur  montre  étendue  dans  son  lit  et  leur  dit 
qu'elle  est  morte;  puis  it  prend  une  flûte,  lui  en  joue  dans  l'oreille,  et  elle  se 
relève,  François  et  Claude  demandent  à  Jean  combien  il  veut  vendre  la  flftte. 
<  Cent  écus.  —  Les  voilà.  >  Ensuite  Jean  met  dans  un  sac  de  la  mousse  avec 
un  peu  de  laine  par  dessus,  et  ses  frères  Tachétent  pour  de  la  laine.  Quand  ils 
rentrent  chez  eux,  leurs  femmes  les  querellent  à  cause  de  ce  sol  marché;  ils  tes 
tuent  et  essaient  en  vain  de  les  ressusciter  au  moyen  de  la  fiûlc.  Cependant, 
Jean,  passant  près  d'un  troupeau,  demande  au  berger  de  ïe  lui  prêter  :  le  berger, 
pendant  ce  temps,  ira  à  la  messe.  Et  Jean  s'en  va  avec  le  troupeau.  Ses  frères, 
qui  le  cherchaient  pour  le  tuer,  le  rencontrent  el  lui  demandent  où  il  a  eu  ce 
troupeau.  Il  les  mène  sur  le  bord  de  la  rivière  et  leur  dit  qu'il  a  sauté  dedans 
et  que  c'est  là  qu'il  a  trouvé  tes  moutons.  Aussitôt  l'un  de  ses  frères  se  jette 
dans  la  rivière,  Glou^  gioa,  gtou,  fait  l'eau,  pendant  qu'il  se  noie.  Le  second 
frère  demande  â  Jean  ce  que  dtt  l'autre.  •  Il  dit  que  tu  ailles  Taider.  >  Et  il 
se  noie  comme  le  premier.  Comme  ils  n'ont  pas  d'héritier,  c'est  Jean  qui  recueille 
leur  fortune. 

Aux  différents  contes  mentionnés  dans  les  remarques  de  notre  n*»  îo,  il  faut 
ajouter  un  conte  basque  iWentworth  Webster,  Bûs^iui  Ugtnds^  p,  154),  et, 
dans  la  littérature  du  XVI*'  siècle,  un  conte  deStraparola  <n'7  des  contes  extraits 
lie  Slraparola  et  traduits  en  allemand  par  Vaientin  Schmidt  Berlin,  1817), 
[ce  dernier  omis  par  inadvertance. 

Au  moment  oti  nous  avons  rédigé  les  remarques  de  ce  n'  10,  nous  ne  cou- 
naissions  en  Orient  que  deux  contes  des  Tartares  de  Sibérie,  qui  fussent  â  rap- 
procher des  contes  de  ce  type.  Aujourd'hui  nous  pouvons  en  citer  un  autre, 
venant  de  l'Inde  elle-même  et  qui  a  beaucoup  de  ressemblance  avec  notre  n«  10 
\  surtout.  Ce  conte,  intitulé  Le  Paysan  qui  atuapa  Us  su  hommts^  a  été  recueilli 
dans  le  Bengale  par  M.  G.-H.  Damant  et  publié  en  1874  dans  la  revue  Thi 
Indian  Antiquarj  (p.  11).  En  voici  l'analyse  : 

Un  paysan  a  un  oiseau  apprivoisé  ;  quand  il  est  à  travailler  aux  champs,  sa 

urne  attache  â  l'oiseau  une  pipe  et  tout  ce  qu*il  fâut  pour  fumer^  et  l'oiseau 
va  le  porter  â  son  maître.  Un  jour,  six  hommes  qui   passent  par  li  voient  ce 


544  £•  COSQUIN 

manège  de  Toiseau,  et  ils  offrent  au  paysan  de  le  lui  acheter  trois  cents 
roupies.  Le  marché  fait,  ils  attachent  à  Toiseau  trois  cents  autres  roupies  et 
lui  disent  de  les  porter  à  certain  endroit.  Mais  Poiseau,  naturellement,  s'en 
retourne  avec  sa  charge  à  la  maison  du  paysan.  Celui-ci  prend  l'argent  et  bk 
'avaler  à  sa  vache  une  centaine  de  roupies.  Cependant,  les  six  hommes,  s'apenx- 
vantqueToiseau  n'a  pas  fait  la  commission,  vont  trouver  le  paysan.  En  entrant  chez 
lui,  ils  voient  la  vache  en  train  de  se  débarrasser  des  roupies  :  voilà  l'oisean 
oublié,  et  les  six  hommes  donnent  au  paysan  cinq  mille  roupies  pour  avoir  cette 
merveilleuse  vache.  Ils  l'emmènent  chez  eux,  mais  la  vache  ne  donne  plus  d'or  do 
tout,  et  les  six  hommes  la  ramènent  au  paysan.  Celui-ci  les  invite  à  dtner  avant 
qu'on  ne  s'explique.  Ils  acceptent.  Pendant  le  repas,  le  paysan  prend  un  bâton,  et 
au  moment  où  sa  femme  sort  pour  aller  chercher  encoreà  manger,  il  l'en  firappe 
en  disant  :  c  Sois  changée  en  jeune  fille  et  apporte-nous  un  autre  plat.  •  A 
leur  grande  surprise,  les  six  hommes  voient^  au  lieu  de  la  femme,  une  jeune 
fille  (en  réalité  la  fille  du  paysan)  apporter  le  second  plat.  Cette  même  scène  se 
renouvelle  plusieurs  fois.  lis  achètent  le  bâton  cent  cinquante  roupies,  et  le 
paysan  leur  recommande  de  bien  battre  leurs  femmes  quand  elles  leur  apporte- 
ront à  manger  :  elles  recouvreront  ainsi  leur  première  jeunesse  et  leur  première 
beauté.  Les  six  hommes  suivent  si  bien  cette  recommandation,  qu'ils  les  assom- 
ment toutes.  Furieux,  ils  courent  à  la  maison  du  paysan  et  y  mettent  le  feu. 
Le  paysan  ramasse  une  partie  des  cendres,  en  remplit  plusieurs  sacs,  dont  il 
charge  un  buffle,  et  il  se  met  en  route  vers  Rangpour.  Chemin  faisant,  il  ren- 
contre plusieurs  hommes  qui  conduisent  à  un  banquier  de  cette  ville  des  buffles 
chargés  de  sacs  de  roupies.  Il  se  joint  à  eux,  et,  pendant  qu'ils  dorment,  il  leur 
prend  deux  sacs  de  roupies,  met  à  la  place  deux  sacs  de  cendres  et  s'enfuit.  Il 
prie  ensuite  un  des  six  hommes,  qu'il  rencontre,  de  conduire  ces  sacs  à  sa  femme  : 
auparavant  il  avait  enduit  de  gomme  le  fond  d'un  des  sacs,  de  sorte  qu'il  y  reste 
attachées  quelques  roupies,  et  l'homme  peut  ainsi  voir  quel  en  était  le  contenu. 
Il  va  aussitôt  le  dire  à  ses  camarades  et  les  six  hommes  viennent  demander  au 
paysan  comment  il  a  eu  cet  argent  ;  il  répond  que  c'est  en  vendant  les  cendres 
de  sa  maison.  Aussitôt  les  autres  brûlent  leurs  maisons  et  s'en  vont  au  bazar 
mettre  les  cendres  en  vente.  Ils  n'y  gagnent  que  des  coups.  (Comparez,  pour 
cet  épisode,  qui  manque  dans  nos  contes  lorrains,  un  trait  analogue  d'un  conte 
hessois  résumé  dans  les  remarques  du  n»  6i  de  Grimm,  t.  III,  p.  107).  Plus  furieux 
que  jamais,  ils  se  saisissent  du  paysan,  et,  après  l'avoir  mis  dans  un  sac,  pieds  et 
poings  liés,  ils  le  jettent  dans  la  rivière  Ghoradhuba,  qui  coule  auprès  de  là. 
Par  bonheur  pour  le  paysan,  le  sac,  en  s'en  allant  à  la  dérive,  s'accroche  â  un 
pieu.  Vient  à  passer  un  homme  à  cheval.  Le  paysan  lui  crie  de  vouloir  bien  le 
tirer  du  sac,  et  qu'il  lui  coupera  de  l'herbe  pour  son  cheval  sans  lui  demander 
de  salaire.  L'homme  le  tire  du  sac,  et  le  paysan  lui  propose  d'aller  promener 
son  cheval  ;  l'autre  le  lui  confie,  et  le  paysan  passe  ainsi  auprès  des  six  hommes. 
Ceux-ci,  fort  étonnés  de  le  revoir,  lui  demandent  où  il  a  trouvé  ce  cheval.  Il 
leur  répond  que  c'est  dans  la  rivière  Ghoradhuba  et  qu'il  y  en  reste  beaucoup 
d'autres  plus  beaux.  Aussitôt  ils  veulent  savoir  ce  qu'il  faut  faire  pour 
les  avoir.  Le  paysan  leur  dit  d'apporter  chacun  un  sac  avec  une  bonne  corde  et 
de  se  mettre  dedans.  La  chose  faite,  il  en  jette  un  dans  l'eau.    En  entendant  le 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  {4^ 

bouillonnement  de  Teau^  tes  autres  demandent  ce  que  c'est  :  le  paysan  répond 
que  c'est  leur  camarade  qui  prend  un  cheval.  (Comparez  dans  la  variante  ci- 
dessus  le  détail  du  ghu  ghu  de  l'eau.!  Alors  tous  demandent  à  être  jetés  vite 
dans  Teau.  Le  paysan  s'empresse  de  les  satisfaire,  et  ensuite  il  vît  tranquille  et 
heureui. 

On  le  voit,  ce  conte  indien  est  tout  â  fait  le  pendant  de  nos  contes  euro- 
péens de  ce  type.  La  fin  seule  n'est  pas  complète^  mais  nous  en  avons  une 
forme  sans  lacune  dans  un  épisode  d'un  autre  conte  ègatemeni  indien  qui  a  été 
recueilli  chez  les  SAntâU  par  le  Rév,  F.-T,  Colc  et  publié  dans  Vlndian  Anti- 
^uary  (187^,  p.  2  j8),  Gouya  s>st  associé  à  une  bande  de  voleurs.  Un  jour,  il 
se  prend  de  querelle  avec  eux;  les  voleurs  le  battent^  lui  lient  pieds  et  poings 
et  le  portent  vers  la  rivière  pour  le  noyer.  Mais,  en  chemin,  comme  ils  ont 
grand*  faim,  ils  s'en  vont  chercher  à  manger  et  déposent  Gouya  au  pied  d'un 
arbre.  Un  berger  qui  passe  par  là,  attiré  par  les  cris  de  Gouya,  lui  demande 
qui  il  est  et  pourquoi  il  crie.  Gouya  répond  :  «  Je  suis  un  fils  de  roi  et  on 
m'emporte  malgré  moi  pour  me  faire  épouser  une  fille  de  roi  que  je  n'aime  pas. 
—  Laissez-moi  me  mettre  à  votre  place,  •  dit  le  berger,  t  j'épouserai  volon- 
tiers  la  princesse.  >  Il  délivre  Gouya  et  se  laisse  mettre  à  sa  place  pieds  et 
poings  liés  Bientôt  après  reviennent  les  voleurs;  ils  prennent  le  prétendu 
Gouya  et,  en  dépit  de  ses  protestations  qu'il  n'est  pas  Gouya,  ils  le  jettent  dans 
la  rivière.  Pendant  ce  temps  Gouya  s'est  enfui,  poussant  devant  lui  les  vaches 
du  berger.  Quelques  jours  après,  les  voleurs  le  rencontrent  avec  son  troupeau 
et  lui  demandent  d'où  lui  viennent  ces  vaches.  Gouya  leur  dit  qu'il  les  a  prises 
dans  la  rivière  où  ils  l'ont  jeté.  S*tls  le  veulent,  il  les  jettera  dedans  à  leur  tour, 
et  ils  trouveront  autant  de  vaches  qu'ils  en  pourront  désirer.  La  proposition 
est  acceptée  avec  empressement;  les  voleurs  sont  garrotés  et  jetés  par  Gouya 
dans  la  rivière,  où  ils  se  noient. 

Chose  curieuse  !  les  principaux  traits  de  cet  épisode  se  préientent  dans  un 
troisième  conte  indien  sous  une  forme  non  plus  plaisante,  mais  merveilleuse.  On 
en  jugera  en  lisant  ce  fragment  d'un  conte  recueilli  dans  h  môme  région  que  le 
précédent  par  le  même  M.  Cole  {InJian  Annquûry^  '^7S>  P-  "  )-  ^^  *'o>. 
voulant  se  débarrasser  du  héros  du  conte,  nommé  Toria,  fait  organiser  une 
grande  chasse  :  Toria  doit  faire  partie  de  la  suite  et  porter  la  provision  d'ceufs 
et  d'eau.  Arrivés  auprès  d'une  caverne,  les  gens  du  roi  disent  qu'iî  s'y  est 
réfugié  un  lièvre  et  ils  forcent  Toria  à  y  pénétrer  ;  puis  ils  roulent  à  l'entrée  de 
grosses  pierres,  amassent  des  broussailles  devant  et  y  mettent  le  feu  pour 
étouffer  Toria.  Mais  cetui-ci  casse  ses  oeufs,  et  toutes  les  cendres  sont  disper- 
sées (sk);  ensuite  il  verse  son  eau  sur  la  braise,  et  le  feu  s'éteint.  Etant 
parvenu,  non  sans  peine,  â  se  glisser  hors  de  la  caverne,  il  voit,  â  son  grand 
étonnement,  que  toutes  les  cendres  sont  devenues  des  vaches  et  tout  le  bois  i 
moitié  brûlé,  des  buffles.  H  rassemble  toutes  ces  bètes  et  les  mène  chez  lui» 
Quand  le  roi  les  voit,  il  demande  à  Tona  où  il  se  les  est  procurées.  Celui-ci  lui 
dit  qu'il  les  a  trouvées  dans  la  caverne  où  on  Ta  enfermé  :  il  y  en  a  encore  bien 
d'autres;  mais,  pour  les  avoir^  i)  faut  que  te  roi  et  ses  gens  entrent  dan$  la 
caverne,  qu'on  en  bouche  l'entrée  et  qu'on  allume  du  feu  devant,  comme  on  a 
fait  pour  lui.  Le  roi  s'introduit  aussitôt  avec  ses  gens  dans  la  caverne,  après  avoir 
Homania.  vi  \  \ 


546  B.  COSQUIN 

dit  à  Toria  de  fermer  l'entrée  et  d'allumer  le  feu.  Toria  ne  se  fait  pas  prier,  et 
le  roi  et  sa  suite  périssent  étouffés. 

Un  simple  détail  de  narration.  Nous  avons  déjà  rencontré  dans  un  de  nos 
contes  (n®  4)  cette  bizarre  expression  c  autant  d'enfants  qu'il  y  a  de  trous  daas 
un  tamis  »,  et  nous  l'avons  rapprochée  d'une  expression  exactement  semblable 
d'un  conte  hongrois.  Nous  pouvons  ajouter  aujourd'hui  qu'elle  se  trouve  égale- 
ment dans  un  conte  du  c  pays  saxon  »  de  Tran^lvanie  (Haltrich,  n»  21). 


XXI. 

LA  BICHE  BLANCHE. 

Il  était  une  fois  un  roi  que  deux  jeunes  filles  aimaient.  L'une  d'dles 
était  sorcière;  ce  fut  l'autre  que  le  roi  épousa. 

Au  bout  de  quelque  temps,  la  jeune  reine  accoucha  d'un  fils.  Ce  jour- 
là  le  roi  n'était  pas  au  château  :  la  sorcière  en  profita  pour  se  glisser 
auprès  de  la  reine;  elle  la  changea  en  biche  blanche  et  prit  sa  place.  Si 
dans  trois  jours  personne  n'avait  délivré  la  reine,  elle  devait  rester 
enchantée  toute  sa  vie.  Bichaudelle  seule,  la  servante  de  la  reine,  avait 
vu  ce  qui  s'était  passé,  mais  elle  n'osa  le  dire  à  personne,  car  elle  aurait 
été,  elle  aussi,  changée  en  biche  blanche. 

Le  lendemain,  le  roi  revint  au  château.  Il  entra  dans  la  chambre  où 
était  la  sorcière,  et,  croyant  que  c'était  sa  femme,  il  lui  demanda 
comment  elle  allait.  «  Pas  trop  bien,  et  si  je  ne  mange  de  la  biche 
blanche  au  bois,  je  mourrai.  »  Le  roi  s'en  fut  à  la  chasse  et  poursuivit 
longtemps  la  biche  ;  mais  celle-ci  se  cachait  dans  les  taillis,  dans  les 
broussailles,  si  bien  qu'il  ne  put  l'atteindre. 
La  nuit,  la  vraie  reine  revint  : 

«  Bichaudelle,  ouvre-moi  ta  porte. 
—  Plaît-il,  dame  ^  —  Où  est  le  roi  ? 
Le  roi  est-il  couché  ?  —  Oui,  dame,  il  est  au  chevet, 
Qui  tient  sa  dame  par  la  main. 
~  Hélas  !  plus  que  deux  nuits,  mon  cher  fils, 
Et  si  le  roi  ton  père  ne  me  délivre. 
Je  serai  donc  toute  ma  vie  biche  blanche  au  bois.  » 
Les  serviteurs  entendirent  tout,  mais  ils  n'osèrent  rien  dire. 
Le  matin,  le  roi  vint  trouver  la  sorcière  et  lui  demanda  comojent  elle 
allait.  <(  Pas  trop  bien,  et  si  je  ne  mange  de  la  biche  blanche  au  bois,  je 
mourrai.  »  Le  roi  poursuivit  encore  la  biche,  mais  elle  se  cachait  dans 
les  taillis,  dans  les  broussailles,  et  il  ne  put  l'atteindre. 
La  nuit,  la  reine  revint  encore  : 

c(  Bichaudelle,  ouvre-moi  ta  porte. 


coHTËS  popu urnes  lorrains  ^47 

—  Pkh-il,  dame  ?  —  Où  est  le  roi  ? 
Le  roi  est-il  couché?  —  Oui,  dame,  il  est  au  chevet, 
Qui  tient  sa  dame  par  la  main. 

—  Hélas!  plus  qu'une  nuit,  mon  cher  fils. 
Et  si  le  roi  ton  père  ne  me  délivre, 
le  serai  donc  toute  ma  vie  biche  blanche  au  bois.  » 

Les  serviteurs  avaient  encore  entendu  les  paroles  de  la  reine,  et  cette 
fois  ils  les  rapportèrent  au  roi. 

Le  matin,  le  roi  vint  demander  à  la  sorcière  comment  elle  allait,  a  Pas 
trop  bien,  et  si  je  ne  mange  de  la  biche  blanche  au  bois,  je  mourrai.  » 
Le  roi  poursuivit  la  biche,  mais  il  ne  la  pressa  pas  tant  que  les  autres 
jours.  La  biche  se  cachait  dans  les  taillis,  dans  les  broussailles,  et  elle 
échappa  au  roi. 

La  nuit,  la  reine  revint;  le  roi  s'était  caché  dans  un  coin  de  la 
chambre. 

«  Bichaudelle,  ouvre-moi  ta  porte. 

—  Plaît-ii,  dame  ?  —  Oà  est  le  roi  ? 

Le  roi  est-il  couché?  —  Oui,  dame,  il  est  au  chevet, 
Qui  tient  sa  dame  par  la  main« 

—  Hélas  !  plus  que  cette  nuit,  mon  cher  fils. 
Et  si  le  roi  ton  père  ne  me  délivre, 
Je  serai  donc  toute  ma  vie  biche  blanche  au  bois.  » 

ft  Non,  ma  bien-aimée,  »  s'écria  le  roi,  »  vous  ne  le  serez  pas  plus 
longtemps.  »  Au  même  instant  le  charme  fut  rompu.  Le  roi  fit  mourir  U 
méchante  sorcière  et  vécut  heureux  avec  sa  femme. 

Ce  petit  conte  doit  être  rapproché  de  plusieurs  contes  étrangers  dans  lesquels 
il  ne  forme  qu'un  épisode  du  récit.  Celui  qui  lui  ressemble  le  plus,  à  notre 
connaissance^  est  un  coote  suédois  (Cavallîus,  p,  142  de  la  trad.  allemande)^  où 
la  mère  de  la  fausse  reine  demande  au  roi,  pour  guérir  sa  fille^  le  sang  de  la 
petite  cane,  comme  la  sorcière  demande  à  manger  de  ta  biche  blanche  ^  Dans 
ce  conte^  la  vraie  reine  revient  aussi  trois  nuits  ;  chaque  fois  elle  demande  au 
petit  chien  ce  que  fait  la  sorcière,  etc. 

Dans  un  conte  russe  (Ralston,  Russtan  Folk-TâUs^  p,  [84),  la  vraie  reine» 
changée  en  oie  sauvage  par  sa  marâtre,  qui  lui  a  substitué  une  stenDC  fille, 


I .  Ce  trait  se  rencontre  dans  des  contes  qui  difTèrent  du«  nôtre  pour  tout  le 
reste.  Ainsi,  dans  on  conte  grec  moderne,  recueilli  dans  TAsic  Mineure  (Hahn, 
n*  49),  une  jeune  fille,  fiancée  d*un  prince,  est  changée  en  un  poisson  dVjr  par 
une  négresse  qui  prend  sa  place  auprès  du  prince  Voyant  que  celui-ci  a  beau- 
coup  de  plaisir  â  regarder  le  poisson  d'or,  la  négresse  fait  la  malade  et  dit  que, 
pour  qu^elle  soit  guérie,  il  faut  qu'on  tue  îe  poisson  et  qu'on  lai  en  fasse  du 
Douilton.  De  même,  dans  une  variante  italienne,  la  négresse  demande  â  manger 
pour  se  guérir  une  tourterelle  qui  n'est  autre  que  la  vraie  fiancée  du  prince 
(Comparetti,  n<>  68). 


54^  E.  CÛSQUIN 

revient  trois  nuits  de  suite  pour  allaiter  son  enfant.  La  troisième  ibis,  il 
faudra  qu'elle  s'envole  pour  toujours  c  par  delà  les  sombres  forêts,  par  ddi 
les  hautes  montagnes.  » 

Dans  un  conte  catalan  {Rondallayre,  3^  série,  p.  149),  une  reine  a  été 
changée  en  colombe  blanche  par  une  gitana^  qui  a  pris  sa  place  auprès  du  roi  ; 
elle  vient  plusieurs  fois  sous  cette  forme  demander  au  jardinier  du  château 
comment  se  trouve  le  roi  avec  sa  c  reine  noire  »  et  ce  que  hh  son  enfant  à 
elle. 

Voyez  encore  les  deux  contes  allemands  de  la  collection  Grimm^  Petit  Frht 
et  Pet'ae  Saur  (n»  11)  et  les  Petits  hommes  de  la  forêt  (n«  1  j),  avec  les  remar- 
ques de  Guillaume  Grimm  sur  le  n^  11.  (Cf.  un  conte  islandais  de  la  collection 
Arnason,  trad.  angl.,  2«  série,  p.  443). 

On  peut  enfin  comparer,  comme  ayant  beaucoup  d'analogie  avec  le  nôtre,  le 
conte  allemand  La  Fiancée  blanche  et  la  Fiancée  noire  (Grimm,  n^  1 3  s)  et  un  conte 
lithuanien  (Chodzko,  Co/z/M  ^d5  Paysans  et  des  Pâtres  slaves,  1864,  p.  315). 
Dans  ces  deux  contes,  une  marâtre,  qui  conduit  sa  belle-fille  à  un  roi  que 
celle-ci  doit  épouser,  la  jette  dans  l'eau  en  la  transformant  en  cane  et  loi 
substitue  sa  propre  fille.  Trois  nuits  de  suite,  la  cane  vient  au  palais  du  roi  et 
(dans  Grimm)  demande  ce  que  devient  son  frère  et  ce  que  fait  le  roi,  ou  (dans 
Chodzko)  va  pleurer  sur  le  cercueil  de  son  frère.  Cf.  un  conte  islandais  (Arnason, 
op,  cit.  p.  23$)  et  deux  contes  siciliens  (Gonzenbach,  n^^  13  et  33). 

En  Orient,  nous  trouvons  dans  un  livre  siamois  un  trait  qui  n'est  pas  sans 
ressemblance  avec  un  passage  de  notre  conte  lorrain  (Asiatic  Researches,  t.  XX, 
Calcutta,  1836,  p.  345).  Une  yak  (sorte  d'ogresse  ou  de  mauvais  génie)  a  pris 
la  forme  d'une  belle  femme  et  est  devenue  l'épouse  favorite  d'un  roi.  Voulant  se 
débarrasser  des  autres  femmes  du  roi,  douze  princesses  sœurs,  elle  feint  d'être 
malade  et  dit  qu'elle  ne  pourra  guérir  que  si  on  lui  donne  les  yeux  de  douze 
personnes  nées  de  la  même  mère.  Il  n'y  a  que  les  douze  princesses  qui  se  trou- 
vent dans  ce  cas,  et  le  roi  leur  fait  arracher  les  yeux.  —  Nous  ferons  remarquer 
à  ce  propos  que,  dans  un  des  contes  islandais  mentionnés  plus  haut  (Arnason, 
p.  443),  une  troll*  prend  aussi  la  forme  d'une  belle  femme  et  se  substitue 
auprès  du  roi  à  la  vraie  reine  qu'elle  a  fait  disparaître. 


XXll. 

JEANNE  ET  BRIMBORIAU. 

Un  mendiant  passait  dans  un  village  en  demandant  son  pain;  il  frappa 
à  la  porte  d'une  maison  où  demeurait  un  homme  appelé  Brimboriau  avec 
Jeanne  sa  femme.  Jeanne,  qui  se  trouvait  seule  à  la  maison,  vint  lui 
ouvrir  :  «  (^ue  demandez-vous?  —  Un  morceau  de  pain,  s'il  vous  plaît, 

I .  Les  trolls  jouent  à  peu  près  dans  l'imagination  islandaise  le  même  rôle 
que  les  yaks  dans  l'imagination  siamoise. 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  ^49 

—  El  OÙ  allez-vous  ?  —  Je  m'en  vais  au  Paradis.  —  Oh  !  bien,  »  dit  b 
femme,  «  ne  pourriez- vous  pas  porter  une  miche  de  pain  el  des  provisions 
à  ma  sœur  qui  est  depuis  si  longtemps  en  Paradis  ?  elle  doit  manquer  de 
tout.  Si  je  pouvais  aussi  lui  envoyer  des  habits,  je  serais  bien  contente. 

—  Je  vous  rendrais  ce  service  de  tout  mon  cœur,  »  répondit  le  mendiant, 
a  mais  jamais  je  ne  pourrai  me  charger  de  tant  de  choses.  !i  me  faudrait 
au  moins  un  chevaL  —  Qu'à  cela  ne  tienne  !  »  dit  la  femme,  «  prenez 
notre  Finette;  vous  nous  ta  ramènerez  ensuite*  Combien  vous  faut-il  de 
temps  pour  faire  le  voyage  ?  —  je  serai  revenu  dans  trois  jours.  » 

Le  mendiant  prit  la  jument  et  partit,  chargé  d'habits  et  de  provisions. 
Bient6t  après,  le  mari  rentra  :  «  Où  donc  est  notre  Finette  ?  «  dit-il  — 
Ne  t'inquiète  pas,  î»  dit  la  femme;  «  tout-à-l'heure  il  est  venu  un  brave 
homme  qui  s*en  va  au  Paradis.  Je  lui  ai  prêté  Finette  pour  qu'il  porte  à 
ma  sœur  des  habits  et  des  provisions;  elle  doit  en  avoir  grand  besoin. 
Je  lui  en  ai  envoyé  pour  longtemps.  Ce  brave  homme  reviendra  dans 
trois  jours,  « 

Brimboriau  ne  fut  guère  content  ;  pourtant  il  attendit  trois  jours^  et, 
au  bout  de  ce  temps,  ne  voyant  pas  revenir  la  jument,  il  dit  à  sa  femme 
de  se  mettre  à  sa  recherche  avec  lui.  Les  voilà  donc  tous  les  deux  à 
battre  la  campagne.  En  passant  près  d*un  endroit  où  l'on  avait  enterré 
un  cheval,  Jeanne  vit  un  des  pieds  qui  sortait  de  terre.  «  Viens  vite,  » 
cria-i-elle  à  son  mari;  (*  Finette  commence  à  sortir  du  Paradis,  »>  Brim- 
boriau accourut,  et,  quand  il  vit  ce  que  c^était,  il  fut  fort  en  colère. 

Sur  ces  entrefaites,  survinrent  des  voleurs  qui  emmenèrent  Briraboriau 
et  sa  femme.  Les  pauvres  gens  trouvèrent  moyen  de  s'échapper,  et 
emportèrent  en  se  sauvant  une  porte  que  les  voleurs  avaient  enlevée 
d'une  maison.  Comme  il  se  faisait  tard,  ils  montèrent  tous  les  deux  sur 
un  arbre  pour  y  passer  la  nuit,  Brimboriau  tenant  toujours  sa  porte. 
Bientôt  après,  le  hasard  voulut  que  les  voleurs  vinssent  justement  sous 
cet  arbre  pour  compter  leur  argent.  Pendant  qu'ils  étaient  assis  tran- 
quillement, Brimboriau  laissa  tomber  la  porte  sur  eux.  Les  voleurs 
effrayés  se  mirent  à  crier  :  «  C'est  !e  bon  Dieu  qui  nous  punit  !  ^  Et  ils 
s*enfuirent  en  abandonnant  Targent.  Brimboriau  s'empressa  de  le 
ramasser,  et  dit  à  sa  femme  :  «  Ne  nous  fatiguons  plus  à  chercher 
Finette;  nous  avons  maintenant  de  quoi  la  remplacer,  i) 

Nous  avons  entendu  raconter  à  Montters-sur-Sautx  ce  ccntc  de  plusieurs 
manières.  Dans  une  de  ces  variantes^  le  mari,  en  rentrant  i  la  maison,  est  si 
fiiché  de  voir  le  cheval  partie  qu'U  décroche  la  porte  pour  la  jeter  sur  le  dos  de 
sa  femme.  Jeanne  s'enfuit,  Jean  court  après  elle,  tenant  toujours  sa  porte. 
Survient  une  troupe  de  voî(?urs;  Jean  et  Jeanne  grimpent  sur  un  arbre  avec  la 
porte  pour  n'être  pas  aperçus.  l*es  voleurs  viennent  s*asseoir  au  pied  de 
l'arbre,  etc.  —  Ici*  Tèpisode  de  la  portr  est  amené  plus  naturellement. 


5  50  E.  COSQUIN 

Dans  une  autre  version,  en  partant  à  la  recherche  du  cheTal,  rhonine,  aussi 
simple  que  sa  femme,  prend  la  clef  de  la  maison  et  dit  à  sa  femme  de  prendre 
la  porte  sur  son  des,  c  de  peur  que  les  voleurs  n'entrent.  >  Une  troisième  va- 
riante met  en  scène  un  petit  garçon  emportant  la  porte  de  la  maison,  c  ponr 
qu'elle  soit  bien  gardée.  > 

Dans  une  quatrième  variante,  apparatt  un  nouvel  élément.  Un  jour,  ob 
homme  dit  à  sa  femme  de  faire  une  soupe  maigre,  c  Pourquoi  maigre,  *  dit  la 
femme,  «  puisque  nous  avons  du  lard?  —  Le  lard,  t  répond  le  mari,  c  c'est 
pour  dorénavant  (dorénavant,  plus  tard),  i  Un  pauvre^  qui  passait,  a  entendu  la 
conversation.  Quand  l'homme  est  à  la  charrue,  il  frappe  et  dit  qu'il  est 
f  Dor'navant.  i  La  femme  s'empresse  de  lui  donner  sa  plus  belle  bande  de  lard 
et  lui  tire  du  vin.  Le  pauvre  lui  ayant  fait  croire  qu'il  revient  du  Paradis,  elle 
lui  parle  d'une  sienne  fille,  qui  est  morte,  f  Je  la  connais,  >  dit  le  pauvre; 
fl  elle  sera  bien  aise  d'avoir  ses  habits.  >  La  femme  les  lui  donne,  ainsi  qn'one 
jument  pour  porter  tout  ce  bagage.  A  son  retour  le  mari  est  bien  fâché,  etc. 

Les  différents  thèmes  qui  composent  ce  conte  lorrain  et  ses  variantes,  figu- 
rent, soit  séparés,  soit  réunis^  dans  divers  autres  contes  français  et  étrangers. 

Prenons  d'abord  le  thème  de  l'homme  qui  prétend  revenir  du  ciel.  Nous  le 
retrouvtns  dans  un  conte  français  du  Vivarais  (Mélas'me^  1877,  ^^  ^>  col.  135); 
un  conte  allemand  de  la  Souabe  (Ernst  Meier,  Deutsche  Volksmarchcn  ans 
Schwaben,  Stuttgart,  1852,  n»  20);  un  conte  suisse  (Sutermeister,  n*  23);  un 
conte  norvégien  (Asbjœmsen,  t.  I,  n»  10  de  la  trad.  ail.);  un  conte  anglais 
(Baring-Gould.  Appendice  à  la  fin  des  Notes  on  Folklore  of  the  Northern  count'us 
of  England  and  the  Borders.  By  W.  Henderson  [Londres,  1866],  n»  3);  un 
autre  conte  anglais  (Af^/iuin^,  1876,  ifi  15,  col.  352);  un  conte  valaque 
(Schott,  n°  43),  —  tous  contes  dans  lesquels  il  se  présente  isolé;  —  dans  des 
contes  de  diverses  parties  de  rAllemagne  (Grimm,  n'  104;  Meier,  p.  303; 
Prœhle,  Kinder-und  Volksmarchcn,  n°  50),  un  conte  du  Tyrol  allemand  (Zin- 
gerle,  I,  n®  14),  un  conte  des  Valaques  de  la  Moravie  (Wenzig,  Wcstslawischer 
Marchenschatz^  p.  41),  un  conte  italien  de  Rome  (miss  Busk,  The  Folk-Lore 
of  Rome,  p.  361),  un  conte  irtandais  (F.  Kennedy,  The  Fïreside  Stories  of  Ire- 
land,  p.  13),  —  où  il  est  combiné  avec  d'autres  thèmes,  souvent  (dans  Meier, 
Prœhle,  Zingerle,  Wenzig)  avec  le  thème  que  nous  examinerons  après  celui-ci. 
Dans  un  conte  russe  (Gubernatis,  Zoologïcal  Mythology,  I,  p.  200),  ce  n'est 
pas  du  ciel,  mais  de  l'enfer,  qu'un  soldat  dit  revenir,  et  il  raconte  à  la  bonne 
femme  qu'il  y  a  vu  le  fils  de  celle-ci,  forcé  de  mener  paître  les  cigognes  et 
grandement  à  court  d'argent. 

Dans  un  bon  nombre  des  contes  de  ce  type,  le  mari  ou  le  fils  de  la  femme 
qui  a  été  attrapée,  monte  à  cheval  quand  il  apprend  la  chose  (ici  le  cheval 
n'a  pas  été  donné  par  la  femme),  et  poursuit  le  voleur,  et  celui-ci  trouve 
encore  le  moyen  de  lui  escroquer  son  cheval. 

Ce  même  thème  a  été  plusieurs  fois  traité  dans  la  littérature  du  XVI«  siècle. 
M.  Sutermeister,  dans  ses  remarques  sur  le  conte  suisse  mentionné  plus  haut, 
renvoie  au  livre  du  moine  franciscain  allemand  Jean  Pauli,  Schimpf  und  Ernst, 
publié  pour  la  première  fois  en  1519  (feuille  84  de  l'édition  de  1542),  à  une 
facétie  de  Hans  Sachs,  L'Ecolier  qui  s'en  allait  en  Paradis  (3,  3,  18,  éd.  de  Nu- 


CONTES   POPUtAlHES    LORRAINS  ^  S  I 

fg),  qui  aurait  été  imitée  de  Pauli,  et  au  RùtlwagenbûihUtn  de  Joerg 
Wickram  (i  555,  p.  179  de  Téd.  de  H.  Kurz). 

La  quatrième  variante  lorraine  que  nous  avons  indiquée  offre  un  nouveau 
thème,  qui  se  présente  sous  diverses  formes  dans  les  contes  suivants  :  dans  un 
conte  français  du  Quercy  {Mélusinej  1877,  n"  4,  coL  89),  dans  des  contes  alle- 
mands ^Proehfe,  hc.  at.;  —  Mcicr,  toc.  cit.  ;  C.  et  Th.  ColsKom,  Marchtn  und 
Sagcn  I  Hanovre,  1S54,  n*  56),  des  contes  du  Tyrol  alicmand  (Zingerle,  ioc. 
cit.  Cl  II,  p.  (80,  wn  conte  du  Tyrol  italien  (.Schnellcr,  n«  56),  un  conte  du 
pays  napolitain  {Jdhrb.  fur  romanische  and  cngi,  Liuratur^  VIII,  p.  268),  un 
conte  des  Va  laques  de  la  Moravie  (Wenzig,  toc.  cu.)^  un  conte  anglais  (Halli- 
wcll,  Popuiar  Rkymcs  and  Nursery  Tatcs,  p.  |i).  Ainsi,  dans  tel  de  ces  contes 
(Zingerte,  \U  p*  18$),  un  homme  s'en  va  en  voyage  en  recommandant  i  sa 
femme  d'être  bien  économe  et  de  garder  quelque  chose  t  pour  l'avenir.  » 
Arrive  un  mendiant  qui  demande  à  la  femme  un  peu  de  lard.  «  Non,  »  dit- 
elle,  i  je  ne  puis  rien  donner;  mon  mari  est  parti  ;  il  faut  que  je  garde  tout 
pour  l'avenir,  —  Cela  se  trouve  bien»  »  dit  le  mendiant,  «  donnei-moi 
le  lard  :  c'est  moi  qui  suis  l'Avenir.  •  Et  la  femme  lui  donne  tout  le  lard. 
—  Dans  tel  autre  (le  conte  allemand  de  Colshom),  un  homme  a  mis  de 
côté  de  Pargcnt,  comme  il  dit  en  plaisantant,  *  pour  Jean  l'Hiver  1  {fur 
Hms  Winter}.  Pendant  qu'il  est  parti,  ses  enfants  demandent  aux  passants 
s'ils  s'appellent  Jean  T  Hiver.  Un  compagnon  cordonnier  répond  que  oui,  et  ils 
lui  donnent  l'argent .  Ailleurs,  la  sotte  femme  donne  l'argent  ou  les  provisions 
qui  avaient  été  mis  en  réserve  •  pour  le  long  hiver  •  (dans  le  conte  alle- 
mand de  Prœhle),  1  pour  le  temps  long  1  (dans  le  conte  du  Quercy),  t  pour 
le  bes<5in  1  (dans  le  conte  vafaque),  etc.  Dans  le  conte  allemand  de  Meier,  nous 
avons  â  peu  près  le  début  de  notre  variante  lorraine.  Un  homme  dit  i  sa  femme 
qu'elle  loi  (ait  trop  souvent  manger  du  tard  et  des  pommes  séchées  au  four  et 
qu'il  faut  garder  cela  c  pour  le  long  printemps.  »  Un  passant  qui  a  entendu  se 
donne  pour  t  le  long  printemps.  ■ 

Venons  maintenant  au  troisième  thème  principal,  Taventure  de  la  porte  et 
des  voleurs.  Il  ne  se  rencontre  pas  ordinairement  réuni  avec  tes  deux  précé- 
dents ou  Tun  d'eux.  Nous  n'avons  vu  cette  combinaison  que  dans  le  conte  du 
Quercy,  mentionné  tout  a  fheure.  Ce  thème  existe  dans  un  conte  bourguignon 
(E.  Beauvois,  Contes  popaîaïus  de  ta  Norwége^  de  ta  Ftntande  et  de  la  Bourgogne, 
p.  201);  dans  des  contes  allemands  (Grimm,  n^  59,  Kuhn  et  Schwartz, 
Norddeutscbe  Sagen^  Marchen  and  Gcbrauche.  Leipzig,  1848,  n°  13)^  dans  un 
conte  autrichien  iVernaleken,  n«  59),  dans  des  contes  du  Tyrol  allemand  |Zin* 
gerle,  I,  n^  24;  II,  p.  ^0),  dans  un  conte  du  c  pays  saxon  »  de  Transylvanie 
(Haltrich,  n-  64;  cf.  n*  62)  ;  dans  un  conte  anglais  (Halliwell,  n*  26),  des  contes 
italiens  de  Rome  (Busk,  p.  169  et  574),  d'autres  contes  italiens  {Jdhrb.  fur 
roman,  and  tngt,  Uteratur,  VIII,  p.  26;),  un  conte  catalan  (Rondatlayrc,  III^ 
p.  47),  enfin,  mais  sous  une  forme  mutilée,  dans  un  conte  sicilien  (Gonienbach, 
t.  I,  p.  251-252;  Pitre,  ti'  190,  p.  j66). 

Dans  nombre  de  ces  contes,  il  est  assez  mal  expliqué  comment  il  se  fait  qu'on 
prenne  avec  soi  celte  fameuse  porte.  Dans  les  uns  (conte  du  Quercy,  conte 
autrichien),  c'est  parce  que  la  femme  ou  te  jeune  homme  n'a  pas  compris  ce 


552  E.  COSQUIN 

que  lui  disaient  son  mari  ou  ses  frères.  Ailleurs,  c'est  parce  que  la  mère  a  dit 
aux  enfants  de  bien  faire  attention  à  la  porte  (conte  allemand  de  Kuhn  et 
Schwartz),  ou  parce  que  la  femme  se  dit  que  celui  qui  est  maître  de  la  porte 
est  maître  de  la  maison  (conte  allemand  de  Grimm),  etc. 

Quelques  contes  présentent  Tidée-mère  de  cet  épisode  sous  une  forme  légè- 
rement différente.  Dans  un  conte  grec  moderne  (Simrock,  Deutsche  Marcha, 
Appendice,  n«  2),  un  fou  est  mis  en  prison  ;  il  enlève  les  portes  et  les  charge 
sur  son  dos.  II  monte  sur  un  arbre  avec  son  fardeau,  puis  en  dormant  il  le 
laisse  tomber  sur  des  marchands  qui  s'enfuient,  et  il  prend  leurs  marchan- 
dises. Dans  d'autres  contes  grecs  modernes,  recueillis  en  Epire  (Hahn,  n«  34 
et  surtout  variante,  t.  II,  p.  2^9),  c'est  une  meule  de  moulin  que  le  héros,  fou 
également,  laisse  tomber  aussi  sur  des  marchands.  Dans  un  conte  valaque 
(Schott,  n«  23),  où  nous  retrouvons  les  voleurs,  c'est  un  moulin  à  bras.  Enfin, 
dans  un  conte  français  de  l'Amiénois  (Milusine,  1877,  rr  20,  col.  280),  un  petit 
garçon  et  sa  mère,  qui  s'en  vont  au  marché  vendre  une  peau  de  vache,  grim- 
pent sur  un  chêne  en  apercevant  des  voleurs,  et  le  petit  garçon  laisse  tomber 
sur  eux  la  peau  de  vache  pendant  qu'ils  comptent  leur  or^ 

En  Orient,  la  collection  kalmoucke  du  Siddhi-Kûr,  originaire  de  l'Inde,  nous 
fournit  le  pendant  de  ces  divers  récits.  Dans  le  conte  n*  6  (trad.  ail.  deB.  Jûlg, 
1866),  un  homme  traversant  un  steppe  trouve  sous  un  palmier  un  cheval  mort. 
Il  en  prend  la  tète  comme  provisions  de  bouche,  l'attache  à  sa  ceinture  et 
grimpe  sur  le  palmier  pour  y  dormir  en  sûreté.  Pendant  la  nuit,  arrivent  des 
démons  qui  se  mettent  à  festoyer  sous  l'arbre.  Tandis  que  l'homme  les 
regarde,  la  tète  de  cheval  se  détache  de  sa  ceinture  et  tombe  au  milieu  des 
démons,  qui  s'enfuient  sans  demander  leur  reste.  L'homme  trouve  sous  l'arbre 
une  coupe  d'or  qui  procure  à  volonté  à  boire  et  à  manger. 

Dans  un  petit  poëme  ou  conte  recueilli  par  M.  W.  RadlofT  chez  les  Tartares 
de  la  Sibérie  méridionale  (op.  cit.,  t.  I,  p.  31 1),  un  fou,  qui  est  entré  avec  ses 
deux  frères  dans  la  maison  d'un  Jaelbaegaen  (sorte  d'ogre)  à  sept  têtes,  parvient, 
après  diverses  aventures,  à  tuer  ce  Jaelbaegaen.  II  lui  coupe  une  de  ses  sept 
têtes,  une  main  et  un  pied,  et  emporte  le  tout  avec  lui.  Poursuivis  par  un  autre 
Jaelbaegaen,  qui  celui-ci  est  à  douze  tètes,  les  trois  frères  grimpent  sur  un  arbre. 
Le  Jaelbaegaen  vient  précisément  passer  la  nuit  au  pied  de  cet  arbre.  Tout  à 
coup,  le  fou  dit  à  ses  frères  qu'il  ne  peut  tenir  plus  longtemps  la  tête  dont  il 
s'est  chargé,  et,  malgré  leurs  remontrances,  il  la  laisse  tomber.  Le  Jaelbaegaen, 
fort  étonné,   s'imagine  qu'il  y  a  une  bataille  dans  le  ciel,  puisqu'il  pleut  des 

I.  II  est  assez  curieux  de  remarquer  que,  dans  notre  conte  lorrain  n»  13, 
René  et  son  seigneur^  c'est  aussi  une  peau  de  vache  qui  effraie,  quoique  d'une 
autre  façon,  les  voleurs  et  leur  fait  abandonner  tout  leur  argent.  Cette  ressem- 
blance entre  les  deux  types  de  contes  est  ^ans  doute  fortuite  ;  mais,  ce  qui  ne 
l'est  pas,  c'est  celle  qui  existe  entre  notre  n®  20,  Richcdeau,  conte  du  même 
type  Que  René,  et  un  conte  allemand  (Grimm,  III,  p.  102),  où  se  trouve  l'épi- 
sode de  la  porte  et  des  voleurs.  Dans  l'un  et  dans  l'autre,  on  emprunte  un 
boisseau  pour  mesurer  de  l'argent,  et  une  pièce  d'or  reste  attachée  au  fond  du 
boisseau.  Ajoutons  que  notre  seconde  variante  lorraine  de  Jeanne  et  Brimboriau, 
indiquée  ci-dessus^  présente  également  ce  trait  du  mesurage  de  l'or,  avec  la 
prétendue  explication  que  Ricnedeau  (n®  20)  donne  de  sa  fortune. 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  55^ 

tètes  de  Jxlbxgxns,  et,  quand  ensuite  le  fou  lâche  successivement  la  main^  puis 
le  pied  qu'il  portait,  le  Jxibxgxn  se  dit  |que  décidément  il  y  a  la  guerre  U- 
haut,  et  il  s'enfuit. 

Enfin,  dans  Tlnde  elle-même,  on  peut  citer  un  épisode  d'un  conte  recueilli 
dernièrement  chez  les  Santals  et  dont  nous  avons  déjà  fait  connaître  un  fragment 
dans  les  remarques  de  notre  n^  20. 

Gouya  et  son  frère  Kanran  (/oc.  cit,^  p.  258)  ont,  par  ruse,  fait  périr  un 
tigre.  Ils  le  dépècent;  Kanran  prend  quelques-uns  des  morceaux  les  plus  déli- 
cats, Gouya  choisit  les  entrailles.  Ils  montent  tous  les  deux  sur  un  arbre  pour 
y  être  en  sûreté  pendant  la  nuit.  Or,  il  se  trouve  qu'un  prince,  passant  par  U, 
s'arrête  avec  sa  suite  sous  l'arbre  pour  s'y  reposer.  Gouya,  qui  pendant  tout  le 
temps  a  eu  dans  les  mains  les  entrailles  du  tigre,  dit  à  son  frère  qu'il  ne  peut 
les  tenir  plus  longtemps,  et  il  les  laisse  tomber  justement  sur  le  prince,  profon- 
dément endormi.  Le  prince  se  réveille  en  sursaut,  et,  voyant  du  sang  sur  lui, 
il  s'imagine  qu'il  a  dû  lui  arriver  quelque  accident;  il  s'enfuit  comme  un  fou, 
et  ses  serviteurs,  pris  de  panique,  le  suivent,  abandonnant  tout  le  bagage,  qui 
est  pillé  par  les  deux  frères. 

Plusieurs  des  contes  européens  mentionnés  ci-dessus  en  dernier  licii  ont,  dans 
l'épisode  des  voleurs,  un  trait  qui  se  retrouve  dans  une  de  nos  variantes  lorraines 
(la  troisième).  Dans  le  conte  allemand  de  Grimm,  la  sotte  femme  a  pris  avec 
elle,  outre  la  porte,  une  cruche  de  vinaigre  et  des  pommes  séchées  au  four  (ou 
dans  une  variante,  des  raisins  secs).  Quand  elle  est  sur  l'arbre  avec  son  mari, 
elle  se  trouve  trop  chargée;  elle  jette  d'abord  ses  pommes  sèches.  •  Tiens  1  > 
disent  les  voleurs  qui  sont  au  pied  de  l'arbre,  c  les  oiseaux  fientent  !  •  Puis 
elle  verse  son  vinaigre,  et  les  voleurs  croient  que  la  rosée  commence  â  tomber. 
Enfin  elle  lâche  la  porte.  Dans  un  des  contes  tyroliens  indiqués  plus  haut  (Zin- 
gerle,  I,  n*  24),  les  trois  frères  qui  sont  sur  l'arbre  sont  si  effrayés  â  la  vue 
des  voleurs,  que  la  sueur  d'angoisse  dégoutte  de  leur  front,  et  les  voleurs 
croient  qu'il  va  pleuvoir  *.  Dans  divers  autres  contes  (conte  du  Quercy,  conte 
allemand  de  Kuhn  et  Schwartz,  conte  du  «  pays  saxon  t  de  Transylvanie,  conte 
grec  moderne,  conte  catalan),  ce  n'est  plus  de  la  sueur  qui  tombe  sur  les  voleurs, 
et  le  passage  est  assez  grossier.  Il  se  reproduit  identiquement  dans  notre  troi- 
sième variante  lorraine. 


I.  Deux  contes  appartenant  à  un  autre  thème,  celui  de  notre  n*  16,  la  Fille 
du  Meunier^  —  un  conte  du  Tyrol  allemand  (Zingerle,  I,  n*  22)  et  un  conte 
lithuanien  (Schleicher,  p.  9)  —  ont  ce  trait  ou  un  trait  analague.  Dans  l'un  et 
l'autre,  les  voleurs  qui  poursuivent  la  jeune  fille  viennent  â  passer  sous  l'arbre 
dans  les  branches  duquel  elle  s'est  réfugiée.  Dans  le  conte  tyrolien  se  trouve 
exactement  le  trait  des  gouttes  de  sueur;  dans  le  conte  lithuanien,  l'un  des 
voleurs,  en  passant  sous  l'arbre,  atteint  sans  le  savoir  la  jeune  fille  au  pied 
avec  sa  longue  pique  et  le  sang  coule.  «  Ah!  t  disent  les  voleurs,  •  il  commence 
â  pleuvoir.  1 


554 


LE  POIRIER  D'OR. 


!l  élaiiune  fois  des  gens  riches,  qui  avaieni  trois  filles.  La  mère  n'ai- 
mait pas  la  plus  jeune,  elle  l'envoyait  tous  les  jours  aux  champs  garder 
les  moutons  et  lui  donnait,  au  lieu  de  pain»  des  pierres  dans  un  sac  :  1j 
pauvre  enfant  mourait  de  faim. 

Un  jour  qu'elle  était  à  chercher  des  fraises,  elle  rencontra  un  homme 
qui  lui  dit  :  «  Que  cherches-tu,  mon  enfant?  — Je  cherche  quelque  chose 
à  manger.  —  Tiens,  »  dit  l'homme,  «  voici  une  baguette  :  tu  en  frap- 
peras le  plus  gros  de  tes  moutons,  et  tu  auras  ce  que  tu  pourras  désirer.  • 
Cela  dit,  il  disparut.  Aussitôt  fa  jeune  fitie  donna  un  coup  de  baguette 
sur  le  plus  gros  de  ses  moulons,  et  elle  vit  devant  elle  une  table  bien 
servie,  du  pain,  du  vin,  de  la  viande,  des  confitures.  Elle  mangea  de 
bon  appétit,  et  quand  elle  eut  fmi,  tout  disparut.  Comme  elle  fit  de 
même  tous  les  jours,  elle  ne  tarda  pas  à  devenir  grasse  et  bien  portante, 
si  bien  que  sa  mère  ne  savait  qu'en  penser. 

Un  jour,  la  mère  dit  à  la  seconde  de  ses  filles  d'accompagner  sa  sœur 
aux  champs,  pour  s'assurer  si  elle  mangeait.  La  jeune  fille  obéit,  mais, 
à  peine  arrivée,  elle  s*endormit.  Aussitôt  la  plus  jeune  donna  un  coup  de 
baguette  sur  le  plus  gros  de  ses  moutons  :  il  parut  une  table  bien  servie, 
et  elle  se  mit  à  manger  ;  sa  sœur  ne  s  aperçut  de  rien.  Quand  elles  furent 
de  retour  :  u  Eh  bien!  »  dit  la  mère,  «  as-tu  vu  si  elle  mangeait?  — 
Non,  ma  mère,  elle  n'a  ni  bu  ni  mangé.  —  Tu  as  peut-être  dormi  ?  — 
Oh  !  point  du  tout,  —  Ma  mère,  n  dit  alors  l'aînée,  «  j'irai  demain  avec 
elle,  et  je  verrai  ce  qu'elle  fera.  » 

Quand  elles  furent  aux  champs,  rainée  fit  semblant  de  dormir.  Alon 
la  plus  jeune  donna  un  coup  de  baguette  sur  le  mouton,  la  table  parut, 
et  elle  mangea.  Le  soir,  la  mère  dit  à  l*akée  :  «  Eh  bien!  as-tu  vu  si  elle 
mangeait  P  —  Oh  !  elle  a  mangé  beaucoup  de  bonnes  choses  !  Elle  a 
donné  un  coup  de  baguette  sur  le  plus  gros  de  nos  moutons  et  il  a  pani 
aussitôt  une  table  bien  servie,  du  pain,  du  vin,  de  la  viande,  des  confi- 
tures. »» 

La  mère  fit  semblant  d'être  malade  et  demanda  à  son  mari  de  tuer  le 
mouton.  «  Il  vaudrait  mieux  tuer  une  poule,  »  dit  le  mari,  —  «  Non, 
c'est  ie  mouton  que  je  veux  manger.  »  On  tua  le  mouton  et  la  pauvre 
enfant  se  trouva  de  nouveau  en  danger  de  mourir  de  faim.  Elle  retcmma 
au  bois  chercher  des  fraises  et  des  mûres.  Comme  elle  y  était  occupée, 
Thomme  qu^elle  avait  déjà  vu  s'approcha  décile  et  lui  dit  :  «  Que  cher- 
ches-tu, mon  enfant?  —  Je  cherche  quelque  chose  à  manger.  *  L'homme 


CONTES    POPULAIRES    LORRAINS  ^5$ 

reprit  :  «  Tu  ramasseras  tous  les  os  du  mouton,  et  lu  les  mettras  en  un 
tas,  près  de  la  maison,  n  La  jeune  fille  suivit  ce  conseil,  et,  à  la  place  où 
elle  avait  mis  les  os,  il  s^éleva  un  poirier  d*or. 

Un  jour,  pendant  qu'elle  était  aux  champs,  un  roi  vint  à  passer  près 
de  la  maison,  ei,  voyant  le  poirier,  il  déclara  quil  épouserait  celle  qui 
pourrait  lui  cueillir  une  de  ces  belles  poires,  La  mère  dit  à  ses  filles 
ainées  d'essayer.  Elles  montèrent  sur  l'arbre,  mais  quand  elles  étendaient 
la  main,  les  branches  se  redressaient»  et  elles  ne  purent  venir  à  bout  de 
cueillir  une  seule  poire.  En  ce  moment  la  plus  jeune  revenait  des  champs. 
«  Je  vais  monter  sur  l'arbre,  »  dit-elle,  —  «  A  quoi  bon  ?  >>  dit  la  mère, 
1  u  tes  sœurs  ont  déjà  essayé,  et  elles  n'ont  pu  y  réussir.  »  Pourtant  la 
jeune  fille  monta  sur  l'arbre,  et  les  branches  s'abaissèrent  pour  elle.  Le 
roi  tint  sa  promesse  :  il  prit  la  jeune  fille  pour  femme  et  l'emmena  dans 
son  château. 

Environ  un  an  après,  pendant  que  le  roi  était  à  la  guerre,  la  reine 
accoucha  de  deuK  jumeaux,  qui  avaient  chacun  une  étoile  d'or  au  front. 
Dans  le  même  temps,  une  chienne  mit  bas  deux  petits,  qui  avaient  aussi 
une  éiûile  d'or.  La  mère  du  roi,  qui  n'aimait  pas  sa  belle-fille,  écrivit  à 
son  fils  que  la  jeune  reine  était  accouchée  de  deux  chiens.  A  cette  nou- 
velle, le  roi  entra  dans  une  si  grande  colère  qu'il  envoya  l'ordre  de 
pendre  sa  femme,  ce  qui  fut  exécuté. 


VARIANTE. 


LES  CLOCHETTES  D'OR. 


[1  était  une  fois  un  roi  et  une  reine  qui  avaient  une  fille  nommée  Flo- 
rins La  reine  tomba  malade,  et,  sentant  sa  fin  approcher,  elle  recom- 
manda sur  toutes  choses  à  Fiorine  de  prendre  grand  soin  d'un  petit 
agneau  blanc  qu'elle  avait  et  de  ne  s'en  défaire  pour  rien  au  monde  : 
autrement  il  lui  arriverait  malheur.  Bientôt  après,  elle  mourut. 

Le  roi  ne  larda  pas  à  se  remarier  avec  une  reine  qui  avait  une  fille 
appelée  Truiionne.  La  nouvelle  reine  ne  pouvait  souffrir  sa  belle-fille; 
elle  l'envoyait  aux  champs  garder  les  moutons,  et  ne  lui  donnait  pour 
toute  la  journée  qu'un  méchant  morceau  de  pain  noir,  dur  comme  de  la 
pierre. 

Tous  les  matins  donc,  Fiorine  prenait  le  morceau  de  pain  et  partait 
avec  le  troupeau;  mais,  quand  personne  ne  pouvait  plus  la  voir,  elle 
appelait  le  petit  agneau  blanc,  le  frappait  avec  une  baguette  sur  l'oreille 
droite,  et  aussitôt  paraissait  une  table  bien  servie.  Après  avoir  mangé, 
elle  frappait  l'agneau  sur  l'oreille  gauche,  et  tout  disparaissait.  Sa  belle- 


556  E.  COSQUIN 

mère  s'étonnait  fort  de  la  voir  grasse  et  bien  portante.  «  Oix  peut-dk 
trouver  à  manger  ?  »  disait-elle  à  sa  fille.  —  «  J'irai  avec  elle,  >  dit  un 
jour  celle-ci,  «  et  je  verrai  ce  qu'elle  fait.  » 

Quand  elles  furent  toutes  les  deux  dans  les  champs,  Truitonne  dit  à 
Florine  :  «  Voudrais-tu  me  chercher  mes  poux  ?  —  Volontiers,  »  répon- 
dit Florine.  Truitonne  mit  sa  tète  sur  les  genoux  de  sa  sœur  et  ne  tarda 
pas  à  s'endormir.  Aussitôt  Florine  frappa  sur  l'oreille  droite  de  l'agneau  : 
une  table  bien  servie  se  dressa  près  d'elle,  et  quand  elle  n'eut  plus  faim, 
elle  frappa  l'agneau  sur  l'oreille  gauche,  et  tout  disparut. 

Le  soir  venu,  la  reine  dit  à  sa  fille  :  «  Eh  bien  !  l'as-tu  vue  manger? 
—  Non,  je  ne  l'ai  pas  vue.  —  N'aurais-tu  pas  dormi,  par  hasard  ?  — 
Oui,  ma  mère.  —  Ah  !  que  tu  es  sotte  !  Il  faut  que  j'y  aille  moi-même 
demain.  —  Non,  ma  mère,  j'y  retournerai;  j'aurai  soin  de  ne  pas 
dormir.  » 

Le  jour  suivant,  elle  demanda  encore  à  Florine  de  lui  chercher  ses 
poux,  et  fit  semblant  de  dormir.  Alors  Florine,  croyant  n'être  pas  vue, 
frappa  sur  l'oreille  droite  de  l'agneau;  elle  mangea  des  mets  qui  se 
trouvaient  sur  la  table,  et,  quand  elle  fiit  rassasiée,  elle  fit  tout  dispa- 
raître. 

De  retour  au  château,  Truitonne  dit  à  sa  mère  :  «  Je  l'ai  vue  se 
régaler  :  elle  a  frappé  sur  l'oreille  droite  du  petit  agneau  blanc,  et 
aussitôt  il  s'est  trouvé  devant  elle  une  table  couverte  de  toute  sorte  de 
bonnes  choses.  » 

La  reine  feignit  d'être  malade  et  dit  au  roi  qu'elle  mourrait,  si  elle  ne 
mangeait  du  petit  agneau  blanc.  Le  roi  ne  voulait  pas  d'abord  faire  tuer 
l'agneau,  car  il  savait  combien  Florine  y  tenait;  à  la  fin  pourtant  il  fut 
obligé  de  céder.  L'agneau  dit  alors  à  la  jeune  fille  :  «  Ma  pauvre  Flo- 
rine, puisque  votre  belle-mère  veut  à  toute  force  me  manger,  laissez-la 
faire  ;  mais  ramassez  mes  os  et  mettez-les  sur  le  poirier  :  les  branches  se 
garniront  de  jolies  clochettes  d'or  qui  carillonneront  sans  cesse  ;  si  elles 
viennent  à  se  taire,  ce  sera  signe  de  malheur.  »  Tout  arriva  comme 
l'agneau  l'avait  prédit. 

Un  jour,  pendant  que  Florine  était  aux  champs,  un  roi  vint  à  passer 
près  du  château.  Voyant  les  clochettes  d'or,  il  dit  qu*il  épouserait  celle 
qui  pourrait  lui  en  cueillir  une.  Truitonne  voulut  essayer  ;  sa  mère  la 
poussait  pour  Taider  à  monter  sur  le  poirier,  mais  plus  elle  montait,  plus 
Tarbre  s'élevait,  de  sorte  qu'elle  ne  put  même  atteindre  aux  branches. 
«  N'avez-vous  pas  une  autre  fille  ?  »  demanda  le  roi.  —  «  Nous  en  avons 
bien  une  autre,  »  répondit  la  belle -mère;  «  mais  elle  n'est  bonne  qu'à 
garder  les  moutons.  »  Le  roi  voulut  néanmoins  la  voir,  et  attendit  qu'elle 
fût  de  retour  des  champs.  Quand  elle  revint  avec  le  troupeau,  elle  s'ap- 
procha de  l'arbre  et  lui  dit  :  «  Mon  petit  poirier,  abaissez-vous  pour 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  JJJ 

moi,  que  je  cueille  vos  clochettes,  h  Elle  en  cueillit  plein  son  tablier»  et 
les  donna  au  roi.  Celui-ci  l'emmena  dans  son  château»  et  Tépousa. 

Quelque  temps  après,  Florine  tomba  malade.  Son  mari,  qui  était 
obligé  à  ce  moment  de  partir  pour  la  guerre»  pria  la  belle-mère  de  Flo- 
rine de  prendre  soin  d*elle  pendant  son  absence,  A  peine  fut-il  parti,  que 
la  belle-mère  jeta  Florine  dans  la  rivière  et  mit  Truitonne  à  sa  place. 
Aussitôt  les  clochettes  d'or  cessèrent  de  carillonner.  Le  roi  ne  les  enten- 
dant plus  (on  tes  entendait  à  deux  cents  lieues  à  la  ronde),  se  souvint 
que  sa  femme  lui  avait  dit  que  c'était  un  signe  de  malheur,  et  reprit  en 
toute  hâte  le  chemin  du  château.  En  passant  près  d'une  rivière,  il 
aperçut  une  main  qui  sortait  de  Teau  ;  il  la  saisit  et  retira  Florine  qui 
n'était  pas  encore  tout  à  fait  morte.  Il  la  ramena  au  château,  fit  pendre 
Truitonne  et  sa  mère,  et  le  vieux  roi  vint  demeurer  avec  eux. 

Dans  U  variante  Us  Chchettes  d*or^  les  noms  de  la  fille  du  roi  et  de  cette  de 
la  reine,  Florine  et  Truitonne,  sont  empruntés  kVOiuâu  bteu^  de  M"**d'Aulnoy  ; 
c*cst,  du  reste,  la  seule  chose  qui  ail  passé  de  ce  conte  dans  te  nôtre.  Une 
autre  variante,  également  de  Montiers-sur-Saulx,  a  emprunté  encore  i 
M"**  d'Aulnoy  les  noms  des  héros,  Gracuasc  et  Ptranet.  Là,  c'est  Pcrcinet, 
l'i  amoureux  »  de  Gracieuse,  qui  donne  à  celle-ci,  persécutée  par  sa  marâtre,  la 
baguette  avec  laquelle  elle  doit  frapper  l 'oreille  gauche  d*un  mouton  blanc. 
Dans  cette  variante  manque  l'épisode  de  Tarbre,  et  la  conclusion  est  directe^ 
ment  empruntée  au  conte  de  M»"^  d'Aulnoy  :  Gracieuse,  jetée  dans  un  trou  par 
ordre  de  sa  marâtre,  appelle  Percinet  à  son  secours,  et  celui-ci,  qui  est  c  un 
peu  sorcier  >,  la  fait  sortir  du  trou  par  un  souterrain  qui  aboutit  à  sa  maison« 

La  fin  du  Pùirier  d'or  donne,  sous  une  forme  mutilée,  une  partie  du  thème 
développé  dans  notre  n»  17,  VOisiau  de  Virile.  Celle  de  la  variante  Us  Clochettes 
d^or  présente  aussi,  croyons-nous,  une  altération.  Dans  des  contes  allemands 
(Grimm,  n**  1  j  cl  n*»  1 1  var.),  la  reine  est  aussi  jetée  dans  Teau  par  sa  marâtre, 
qui  lui  substitue  sa  propre  fille;  mais,  en  tombant  dans  Teau,  elle  est  changée 
en  oiseau,  et  la  suite  du  récit  se  rapproche  de  notre  n"  21,  la  Bukc  blanche^  et 
des  contes  analogues,  Notre  conte  lorrain  n'est  pas,  du  reste,  le  seul  qui 
soit  incomplet  sur  ce  point  Dans  un  conte  breton  {Mélusme^  1S77,  n"  ï8, 
col-  421  scq.)  et  dans  un  conte  basque  (W.  Webster,  Basque  UgmdSy  p.  187 
seqOt  q*^i|  l'un  c^  Tautre,  se  rattachent  à  la  fois  aux  contes  que  nous  exami* 
Qons  et  à  ta  Bkhc  blanchi^  la  reine,  jetée  dans  un  puits  ou  dans  un  précipice, 
ne  subît  non  plus  aucune  métamorphose  et,  comme  dans  tes  Ctochtttcs  d'or^  elle 
est  sauvée  d'une  manière  qui  n'a  rien  de  merveilleux. 

Au  sujet  du  passage  réaliste  de  cette  même  variante,  dans  lequel  Truitonne 
demande  à  Florine  de  lui  chercher  ses  poux,  nous  ferons  remarquer  que  c'est  \k 
^on  détail  qut  se  trouve  dans  un  grand  nombre  de  contes  populaires  aliemands, 
uèdois,  serbes,  grecs  modernes,  etc. 

Si  nous  comparons  maintenant,  pour  ce  qu'ils  ont  de  commun,  notre  conte 
lorrain  et  ses  variantes  aux  collections  déjà  publiées,  tl  nous  faut  d'abord  men* 
itonner  dans  la  cotlecttoo  Grimm  le  conte  de  la  Lusace  Simplml^  Doublail  a 


558  E.  COSQUIN 

Triplail  (n*  150).  En  dehors  d'un  conte  des  bords  du  Rhin,  Guillaume  GriniB 
ne  connaissait  pas  en  1856  de  conte  analogue. 

Nous  pouvons  rapprocher  de  nos  contes  lorrains  un  conte  bourgoigoon, 
recueilli  avec  deux  ou  trois  autres  du  même  pays  par  M.  E.  Beanvois  {Coaus 
populaires  de  la  Norwige^  de  la  Finlande  et  de  la  Bourgogne^  1862,  p.  239). 
Dans  ce  conte  intitulé  la  Petite  Annette,  c'est  par  sa  marâtre  (comme  dans  les 
Clochettes  d'or  et  dans  l'autre  variante  lorraine)  et  non  par  sa  mère  (comme  dans 
le  Poirier  d'or)  que  la  jeune  fille  est  maltraitée.  Il  en  est  ainsi,  du  reste,  dans 
presque  tous  les  contes  du  genre  du  nôtre.  C'est  la  Sainte  Vierge  qui  apparaît 
à  la  petite  Annctte  et  qui  lui  donne  un  bâton  dont  elle  doit  frapper  un  bélier 
noir,  et  aussitôt  il  se  trouve  là  une  table  servie.  C^uand  Tatnée  des  deux  filles 
de  la  marâtre  est  envoyée  aux  champs  pour  surveiller  Annette,  celle-ci  l'endort 
en  récitant  cette  formule  :  <  Endors- toi  d'un  œil,  endors-toi  de  deux  yeux,  t 
Elle  répète  les  mêmes  paroles  à  la  cadette,  à  qui  sa  mère  a  mis  un  troisième 
œil  derrière  la  tête  (sic),  de  sorte  que  cet  œil  reste  ouvert.  Comme  dans  notre 
conte,  la  marâtre  feint  d'être  malade  et  demande  à  son  mari  de  lui  tuer  le  bélier. 
Suit,  comme  dans  notre  conte  aussi,  l'épisode  de  l'arbre  qui  pousse  à  la  place 
où  a  été  enterré  le  foie  du  bélier. 

Dans  un  conte  écossais  (Campbell,  n^  43),  la  servante  que  la  marâtre  envoie 
aux  champs  avec  sa  belle-fille  pour  épier  celle-ci  a  aussi  un  troisième  œil 
derrière  la  tête,  et  cet  œil  ne  s'endort  pas.  Aussi  peut-elle  voir  une  brebis  grise 
apporter  à  manger  â  la  jeune  fille.  Après  que  la  brebis  a  été  tuée,  le  conte 
passe  dans  le  cycle  des  récits  du  genre  de  Cendrillon, 

Un  conte  dont  le  début  est  analogue  à  celui  du  nôtre  et  qui  se  rapproche 
ensuite,  comme  le  conte  écossais,  des  récits  du  genre  de  Cendrillon,  c'est  le 
conte  norwégien  de  Kari  Trastak  (Asbjœrnsen,  n»  19  du  i<'  vol.  de  la  trad. 
allemande).  La  princesse,  obligée  de  garder  les  vaches  et  mourant  de  faim,  est 
secourue  par  un  taureau,  dans  l'oreille  gauche  duquel  se  trouve  une  serviette 
qui  donne  à  boire  et  à  manger  autant  qu'on  en  désire.  Dans  un  conte  du 
«  pays  saxon  »  de  Transylvanie  (Haltrich,  n°  33),  c'est  aussi  un  taureau  qui 
file  pour  une  jeune  fille,  persécutée  par  sa  marâtre,  dont  la  fille  a  trois  yeux, 
une  énorme  quenouille  de  chanvre  qu'elle  doit  avoir  filée  pour  la  fin  de  la 
journée  < . 

1.  Ce  détail  des  c  trois  yeux  •  rattache  bien  évidemment  aux  contes 
analysés  ci-dessus  le  conte  transylvain,  et,  par  lui,  divers  contes  où  une  ma- 
râtre persécute  sa  belle-fille  non  pas  en  la  faisant  mourir  de  faim,  mais  en 
lui  imposant  une  tâche  impossible,  toujours  la  même  que  dans  le  conte  tran- 
sylvain. Ainsi,  dans  un  conte  toscan  (Gubernatis,  Novclline  di  S.  Stefano^ 
n"  1),  Nena  reçoit  de  sa  marâtre  l'ordre  d'avoir  filé  pour  le  soir  une 
demi-livre  de  laine.  Une  vieille  lui  conseille  d'aller  dire  à  la  vache  qu'elle 
mène  paître  de  lui  filer  celte  laine.  Le  lendemain,  la  marâtre  la  fait  accom- 
pagner par  sa  fille  à  elle  ;  la  vieille  dit  â  Nena  de  peigner  sa  sœur,  qui  ne  tarde 
pas  à  s'endormir  (cf.  notre  variante  les  Clochettes  d'or)^  et  la  vieille  nie  ;  le  jour 
d'après,  la  sœur  ne  s'endort  pas  et  la  jeune  fille  est  battue.  Le  conte  ensuite 
passe  dans  un  autre  cycle.  —  Dans  un  conte  romain  (Busk,  Folk-Lore  of  Rome, 
p.  31),  c'est  la  vache  elle-même  qui  propose  à  la  jeune  fille  de  faire  son 
ouvrage,  pendant  que  celle-ci  ira  lui  couper  de  l'herbe.  Ici,  comme  dans  notre 
conte  lorrain  le  mouton,  la  vache  est  tuée  par  ordre  de  la  marâtre  et,  à  partir 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  {f9 

Dans  un  conte  istandaîs,  dont  le  commencetnent  a  quelque  rapport  avec  cetui 
de  nos  contes  lorrains  (Arnason,  irad.  anglaise,  2'  série,  p.  2$^),  c*esi  la  mère 
de  Mjadveig,  maltraitée  par  la  sorcière,  sa  marâtre,  qui  lui  donne,  en  lui  appa- 
raissant pendant  son  sommeil,  une  serviette  tou)ours  remplie  de  provisions.  La 
fille  de  la  sorcière  surprend  le  secret  et  enlève  à  Mjadveig  la  serviette  mer- 
veilleuse. 

Citons  encore  deuf  contes  russes  qui  se  rapportent  pour  tout  l'ensemble  1 
nos  contes  lorrains  et  surtout  au  conte  allemand  de  Grimm«  Dans  le  premier, 
provenant  du  gouvernement  d'Arkhangel  (Ralston»  Russian  Folk-TaUs^  p,  jSjj, 
nous  rencontrons  un  trait  des  plus  curieux.  La  princesse  Marya  est  obligée  par 
sa  marâtre  de  garder  une  vache,  et  on  ne  lui  donne  qu'une  croûte  de  pain  dur. 
Mais,  I  arrivée  auit  champs,  elle  s'inclinait  devant  la  patte  droite  de  la  vache, 
et  elle  avait  à  souhait  i  boire  et  à  manger  et  de  beaux  habits.  Tout  le  long  du 
jour,  vêtue  en  grande  dame,  elle  suivait  la  vache;  le  soir  venu,  elle  s'inclinait 
de  nouveau  devant  la  patte  droite  de  la  vache,  ^tait  ses  beaux  habits  et  retour- 
nait à  ta  maison,  »  Dans  ce  conte  russe,  la  marâtre  fait  aussi  espionner  successi- 
vement sa  belle  fille  par  ses  deux  filles  à  elle,  dont  la  seconde  a  trois  yeux.  Des 
entrailles  de  la  vache,  enterrées  par  Marya  près  du  seuil  de  la  maison,  it  pousse 
un  buisson  couvert  de  baies,  sur  lequel  viennent  se  percher  des  oiseaux  qui 
chantent  de  la  plus  charmante  façon.  Seule,  Marya  peut  donner  au  prince  une 
)atte  remplie  des  baies  du  buisson  :  les  oiseaux,  qui  avaient  presque  crevé  les 
yeux  aux  filles  de  la  marâtre,  cueillent  ces  baies  pour  elle.  Le  conte  ne  se  ter- 
mine pas  au  mariage  du  prince  avec  Marya  ;  il  passe  ensuite  —  comme  notre 
variante  Us  Chchetus  d'or,  —  dans  une  nouvelle  série  d'aventures,  où  se  trouve 
développé  le  thème  que  notre  variante  ne  fait  qu'indiquer  d  une  manière  très- 
imparfaite.  Nous  avons  eu  occasion  de  résumer  cette  dernière  partie  dans  les 
remarques  de  notre  n'»  2 1  ia  Biche  biancht. 

Dans  un  autre  conte  russe  (Gubernatis,  Zoohgical  Mythohgy^  L  I,  p.  17^ 
181.  Cf.  Ralston,  p.  260),  une  jeune  fille  doit  en  une  nuit  avoir  filé,  tissé  et 
blanchi  pour  sa  marâtre  un  poids  de  cinq  livres  de  chanvre.  La  vache  qu'elle 
garde  lui  dit  d'entrer  dans  une  de  ses  oreilles  et  de  ressortir  par  l'autre  {su}^  et 
tout  sera  fait.  La  marâtre  envoie  successivement  pour  la  surveiller  ses  trois 
filles,  qui  ont  l'une  un  ceil,  Tautre  deux,  Tautre  trois,  A  l'endroit  du  jardin  otk 

de  cet  endroit,  nous  passons  à  l'histoire  de  Cendrillon.  La  c  fée  *  du  conte  de 
Perrault,  c'est  ici  une  c  balle  d'or  t,  que  la  vache  a  dit  à  la  jeune  fille  de 
recueillir  sous  son  cœur^  quand  on  Taura  tuée,  et  qui  accomplit  ses  souhaits. 
(Comparez  le  conte  sicilien  n"  p  de  la  collection  Gonzcnbach).  Du  reste, 
d'autres  contes,  portant  le  titre  de  Ctndnllon  sont  encore  à  citer  ici.  Dans  le 
CcndnUon  serbe  (Vouk,  n*»  j2),  c'est  aussi  une  vache  oui  file  pour  Cendrillon. 
La  marâtre,  quand  elle  en  est  avertie,  fait  tuer  la  vacne.  Cendrillon  recueille 
les  os  de  la  vache,  ainsi  que  celle-ci  lui  a  dit  de  le  faire,  et,  à  la  place  o2i 
elle  les  a  enterrés,  elle  trouve  tout  ce  qu'elle  peut  désirer,  Ce  qu'il  y  a  ici  de 
remarquable,  c'est  que  la  vache  n'est  autre  que  ta  mère  de  la  |cune  fille,  victime 
d'un  mauvais  sort.  —  Dans  le  Cendrillon  allemand  (Grimm,  n^  2t),  Cendrillon 
s'en  va  pleurer  près  de  la  tombe  de  sa  mère  sur  laquelle  elle  a  planté  un  arbre 
(Comparez  l'arbre  qui  pousse  à  la  place  où  l'on  a  enterré  les  os  du  mouton  ou 
de  la  vache],  et  chaque  fois  il  vient  se  percher  sur  l'arbre  un  bel  oiseau  blanc, 
—  rame  de  sa  mère  évidemment,  —  qui  lui  donne  tout  ce  qu'elle  demande. 


560  E.  COSQUIN 

la  jeune  fille  a  enterré  les  os  de  la  vache,  il  s'élève  un  pommier  à  fruits  d'or, 
dont  les  branches  d'argent  piquent  et  blessent  les  filles  de  la  marâtre,  tandis 
qu'elles  offrent  d'elles-mêmes  leurs  fruits  à  la  belle  jeune  fille,  pour  que  celle-ci 
puisse  les  présenter  au  jeune  seigneur  dont  elle  deviendra  la  femme. 

En  Orient,  nous  pouvons  rapprocher  de  tous  ces  récits  un  conte  populaire 
actuel  de  l'Inde^  recueilli  par  miss  M.  Frère  dans  son  ouvrage  déjà  mentionné 
Old  Deccan  Days  (n'»  1)  :  Les  sept  filles  d'un  roi  sont  tourmentées  par  leur 
marâtre,  qui  ne  leur  donne  presque  rien  à  manger.  Elles  vont  pleurer  sur  la 
tombe  de  leur  mère.  Un  jour,  elles  voient  pousser  sur  cette  tombe  un  oranger 
pamplemousse  ;  elles  en  mangent  chaque  jour  les  fruits  et  ne  touchent  plus  an 
pain  que  leur  donne  la  reine.  Celle-ci,  fort  surprise  de  ne  pas  les  voir  maigrir, 
dit  à  sa  fille,  à  elle,  d*aller  les  épier.  Les  princesses,  excepté  la  plus  jeune  quia 
le  plus  d'esprit,  donnent  chacune  un  de  leurs  fruits  à  leur  belle-sœur,  qui  va 
raconter  la  chose  à  sa  mère.  Alors  celle-ci  fait  la  malade  et  dit  au  roi  que,  pour 
la  guérir,  il  faut  faire  bouillir  l'arbre  dans  de  l'eau  et  lui  mettre  de  cette  eao 
sur  le  front.  Quand  l'arbre  est  coupé,  un  réservoir  près  de  la  tombe  de  la 
défunte  reine  se  remplit  d'une  espèce  de  crème  qui  sert  de  nourriture  aux  sept 
princesses.  La  marâtre,  qui  l'apprend  par  sa  fille,  fait  renverser  le  tombeau  et 
combler  le  réservoir.  De  plus,  elle  fait  la  malade  et  dit  au  roi  que  le  sang  des 
princesses  peut  seul  la  guérir.  Le  roi  n'a  pas  le  courage  de  les  tuer;  il  les 
emmène  dans  une  jungle,  et,  quand  elles  sont  endormies^  il  les  abandonne  et  tue 
un  daim  à  leur  place.  Sept  princes,  fils  d'un  roi  voisin,  qui  sont  à  la  chasse,  les 
rencontrent,  et  chacun  en  prend  une  pour  femme. 

Citons  encore,  comme  oflfrant  du  rapport  avec  notre  Poirier  d'or,  un  conte 
grec  moderne  (Hahn,  no  1).  Une  jeune  fille  nommée  Poulia,  dont  le  frère  Aste- 
rinosa  été  changé  en  agneau,  est  devenue  la  femme  d'un  prince.  La  reine-mère 
la  déteste  :  un  jour  elle  fait  jeter  Poulia  dans  un  puits  et  tuer  Tagneau.  Poulia 
parvient  à  sortir  du  puits;  elle  rassemble  les  os  de  Tagneau  et  les  enterre  au 
milieu  du  jardin.  A  cet  endroit,  il  pousse  un  grand  pommier  portant  une  pomme 
d'or  que  personne  ne  peut  cueillir  ;  mais  les  branches  s'abaissent  pour  Poulia. 

Ce  conte  grec  peut  servir  de  transition  entre  les  contes  que  nous  venons 
d'étudier  et  un  cycle  voisin,  dont  nous  voulons  simplement  dire  un  mot.  Dans 
les  contes  de  ce  cycle,  ce  n'est  plus  pour  priver  quelqu'un  de  secours  ou  même 
pour  lui  faire  de  la  peine  qu'on  tue  certain  animal  ou  qu'on  abat  certain  arbre  : 
c'est  parce  qu'on  soupçonne  ou  plutôt  qu'on  reconnaît  l'existence  sous  cette 
forme  d'une  personne  détestée,  que  l'on  poursuit  à  travers  plusieurs  transfor- 
mations successives.  Mentionnons,  brièvement,  comme  types  de  cette  sorte  de 
contes,  un  conte  grec  moderne  (Hahn,  n*  49),  mieux  conservé  que  des  contes 
analogues,  italien  et  français,  des  XVII«et  XV!!!®  siècle  [P entameront^  n*49«  — 
Grimm,  III,  p.  308);  un  conte  allemand  du  t  pays  des  Saxons  •  de  Tran- 
sylvanie (Haltrich,  n®  i);  un  conte  actuel  de  l'Inde  (miss  Frère,  op.  cit.,  n^  6), 
et  enfin  toute  la  dernière  partie  du  vieux  conte  égyptien,  traduit  sous  le  titre 
de  Roman  des  Deux- Frhres  * . 

i.  Nous  avons  étudié  dans  la  Revue  des  Questions  historiques  (octobre  1877, 
p.  S02  seq.)  les  ressemblances  surprenantes  que  ce  conte  du  X-V*  siècle  avant 
notre  ère  présente  avec  des  contes  actuels  d'Europe  et  d'Asie. 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS 


{6i 


LA  LAIDE  ET  LA  BELLE, 

Il  était  une  fois  un  roi  et  une  reine,  qui  avaient  chacun  une  fille  d'un 
premier  mariage.  La  fille  de  la  reine  était  affreuse  à  voir^  elle  avait  trois 
Lyeux,  deux  devant  et  un  derrière  ;  celle  du  roi  était  fort  belle. 

Il  se  présenta  un  jour  au  château  un  jeune  prince,  qui  voulait  épouser 
la  fille  du  roi.  La  reine  déclara  au  roi  que  sa  fille  à  elle  se  marierait  la 
première,  et  cacha  la  belle  princesse  sous  un  cuveau 

Le  prince,  ne  sachant  pas  qu'il  y  avait  deux  princesses,  partit  avec  ta 
laide  pour  aller  célébrer  les  noces  dans  son  pays.  En  les  voyant  passer, 
les  enfants  criaient  : 

<i  Hé  !  le  beau  !  il  prend  la  laide  et  il  laisse  la  belle  j 
La  belle  est  sous  le  cuveau.  * 

Le  prince,  surpris,  demanda  à  la  princesse  :  *  Que  disent-ils  doncr 
—  Ne  faites  pas  attention  à  ce  que  peuvent  dire  des  enfants,  t»  répondit- 
elle.  Mais  le  prince  réfléchit  à  ce  qu^il  venait  d'entendre;  il  retourna  au 
château  du  roi  ei  y  resta  trois  jours.  Enfin  il  découvrit  où  était  la  belle, 
ett  après  avoir  mis  la  laide  sous  le  cuveau,  il  emmena  la  belle  dans  son 
royaume,  ou  il  Tépousa. 

On  a  vu  que  le  conte  précédent  U  Poirûr  d'or  et  ses  variantes   de  M  on  tiers  • 

surSaulx  se  rapprochent  du  n*  i  jo  de  la  collection  Grimm.  Simplœil,  Doubiml 

et  Tnplail.  Le  petit  conte  que  nous  venons  de  donner  rappelle  deux  détails  du 

conte  allemand,  qui  n'existaient  pas  dans  nos   contes  lorrains  :  ta  t  laide  •  a 

trois  yeux,  comme  Triplœil,  et  U   reine  cache  ta  *    belle  t  sûus  un  cuveau, 

comme  la  mèchanle  mère  cache  Doublœi!  sous  un  tonneau. 

Dans  le  conte  serbe  de  Ccminllon  (Voulc,  n'»  ji),  cité  dans  les  remarques  de 

Dire  numéro  précèdent ,  quand  le  prince   vient  pour  essayer   la   pantoufle,   la 

clle*mèrc  cache  Cendrillon  sous  une  huche  et  dit  au  prince  qu'elle  n'a  qu'une 

rStle-,  mais  le  coq  de  la  maison  se  met  à  chanter  :  «  Kitceriki!  la  jeune  ftlle  est 

sous  la  huche  1  ■  comme  dans  notre  conte   tes  enfants  cnent  :  €   La   belle  est 

sous  le  cuveau  T  »  (Comparez  le  conte  allemand  de  Cendrillon,  n*  21  de  lacolL 

Crimm.  Les  deux  sœurs  de  Cendrillon  réussissent  à  mettre  la  pantoufle  en  se 

coupant,  l'une   l'orteil^   Tautre  le  talon*  Le  prince  les  emmène  Tune  après 

l'auire;  sur  son  passage  deux  colombes  chanlenl  :  §  Roucou,  roucou,  le  soutier 

plein  de  sang,  le  soulier  est  trop  petit;  la  vraie  fiancée  est  encore  à  ta  maî- 

on.  »  —  Ce  passage  se  retrouve  presque  identiquement  dans  te  conte  islandaii^ 

cité  dans  nos  remarques  du  Poirier  d*or\. 

Dans  le  conte  toscan  des  Novelline  di  S,  Sltjano  (n«  1),  cité  au  même  endroit," 
un  prince  vient  p©ur  épouser  la  •  belle.  »  La  mariltre  met  celle-ci  dans  un  ton* 
neau,  voulant  ensuite  y  verser  de  l'eau  bouillante^  et  le  prince  emmène  sur  son 
Romanlajv  )6 


562  E.    COSQUIN 

cheval  la  fille  de  la  marâtre,  cachée  sous  un  voile.  Un  chat  se  met  à  dire  : 
f  Miaou,  miaou,  la  belle  est  dans  le  tonneau;  la  laide  est  sur  le  cheval  du  roi.  » 
Le  prince  met  la  laide  dans  le  tonneau,  où  sa  mère  sans  le  savoir  la  fait  périr. 
—  Cf.  la  fin  de  deux  contes  italiens  des  collections  Busk  (p.  35)  et  Comparetti 
(n«3  0. 

Un  recueil  du  XV H*  siècle,  le  P entameront ,  de  Basile,  nous  offre  un  récit 
analogue.  A  la  fin  du  conte  n^  30,  une  marâtre,  Caradonia,  envoie  sa  bdle-fille 
Cecella  garder  les  cochons.  Un  riche  seigneur,  Cuosemo,  la  voit  et  va  la 
demander  en  mariage  à  Caradonia.  Celle-ci  enferme  Cecella  dans  un  tonneaa 
avec  l'intention  de  l'y  échauder,  et  elle  donne  sa  propre  fille,  Grannizia,  à  Cuo- 
semo, qui  remmène.  Furieux  d'avoir  été  trompé,  Cuosemo  retourne  chez  Cara- 
donia, qui  est  allée  à  la  forêt  chercher  du  bois  pour  faire  bouillir  Teau.  Un  chat 
noir  se  met  à  dire  :  c  Miaou,  miaou,  ta  fiancée  est  enfermée  dans  le  tonneau.  1 
Cuosemo  délivre  Cecella  et  met  Grannizia  à  sa  place.  La  vieille  échaude  sa 
propre  fille  et,  de  désespoir,  va  se  jeter  â  la  mer. 


XXV. 
LE  CORDONNIER  ET  LES  VOLEURS. 

Un  pauvre  cordonnier  allait  de  village  en  village  en  criant  :  «  Souiien 
à  refaire  !  souliers  à  refaire  !  d  Sa  condition  lui  paraissait  bien  triste^  et 
il  maugréait  sans  cesse  contre  les  riches  :  u  Ils  sont  trop  heureux,  • 
disait-il,  (c  et  moi  je  suis  trop  malheureux  !  » 

Un  jour,  en  passant  devant  une  revendeuse,  il  eut  envie  d'un  fromage 
blanc.  «  Combien  ce  fromage  ?  —  Quatre  sous.  —  Les  voilà.  »  Il  mit 
le  fromage  dans  son  sac  et  poursuivit  son  chemin.  Il  rencontra  plus  loin 
une  marchande  de  mercerie  :  «  Combien  la  pelote  de  laine  ^  —  C'est 
tant.  ))  Il  en  prit  une  et  se  remit  à  marcher  en  sifflant. 

Arrivé  au  milieu  d'un  bois,  il  vit  devant  lui  un  beau  château  ;  il  y  entra 
hardiment.  Ce  château  était  habité  par  des  voleurs.  «  Camarades,  »  leur 
dit  le  cordonnier,  v  voulez-vous  jouer  avec  moi  au  jeu  qui  vous  plaira  ^.  — 
Volontiers,  t>  répondit  le  chef  de  la  bande,  «jouons  à  lancer  une  pierre  en 
l'air.  Si  tu  jettes  plus  haut  que  moi,  le  quart  du  château  t'appartient.  « 

Le  voleur  lança  très-haut  sa  pierre.  Le  cordonnier,  lui,  tenait  dans  sa 
main  un  petit  oiseau  ;  il  le  lança  en  l'air  de  toutes  ses  forces  comme  si 
c'eût  été  une  pierre  :  l'oiseau  s'envola  et  disparut.  Les  voleurs  furent 
bien  étonnés  de  ne  pas  voir  retomber  la  pierre.  «  Tu  as  gagné,  «  dit  le 
chef  au  cordonnier,  «  le  quart  du  château  est  à  toi.  Jouons  maintenant  à 
qui  fera  sortir  le  plus  de  lait  de  ce  chêne  :  si  tu  gagnes,  tu  auras  un 
autre  quart  du  château.  » 

Le  voleur  étreignit  le  chêne  d'une  telle  force  qu'il  en  fit  sortir  du  lait. 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  ^6^ 

Le  cordonnier  s'étaii  mis  sur  Testomac  son  fromage  blanc,  il  embrassa 
l'arbre  à  son  tour,  et  l^on  vit  le  lait  couler  en  abondance.  *f  C'est  toi 
qui  as  gagné,  »  dit  le  voleur.  <t  Maintenant  jouons  la  moitié  du  château 
contre  l'autre  moitié,  à  qui  fera  le  plus  gros  fagot.  *» 

Le  voleur  monta  sur  un  chêne,  coupa  des  branches  et  en  fit  un  énorme 
fagot.  Le  cordonnier  grimpa  sur  l'arbre  après  lui,  et  se  mil  à  entourer 
toute  la  tête  de  l'arbre  avec  sa  pelote  de  laine,  <^  Que  fais-tu  là  ?  »  lui 
demandèrent  les  autres.  —  «  Je  fais  un  fegot  avec  tout  ce  chêne.  — 
Arrête,  »»  dit  le  chef  des  voleurs.  «  Ce  n'est  pas  la  peine  de  continuer  :  tu 
as  gagné,  nous  le  voyons  bien  d'avance.  » 

Us  rentrèrent  îous  ensemble  au  château,  et  Ton  conduisit  le  cordonnier 
dans  la  chambre  où  il  devait  passer  la  nuit.  En  regardant  autour  de  lui, 
le  cordonnier  vit  pendus  au  mur  un  grand  nombre  d^habits  de  toute 
espèce.  «  Hum  !  «  se  dit-il,  «  les  gens  de  ce  château  ne  seraient-ils  pas 
des  voleurs  ?  Il  faut  se  méfier*  »  Il  prit  une  vessie  remplie  de  sang  et  la 
mit  dans  le  lit  à  sa  place;  lui-même  se  cacha  sous  le  lit.  Au  milieu  de  la 
nuit,  trois  voleurs  entrèrent  dans  la  chambre»  s'approchèrent  du  lit  sans 
faire  de  bruit,  et  l'un  d'eux  y  donna  un  grand  coup  de  couteau.  *  Le 
sang  coule  !  i*  dit-îL  Le  second  tît  de  même.  «  Oh  !  »  dit  le  troisième,  «  il 
ne  doit  pas  encore  être  mort  ;  je  vais  l'achever.  »  Et  il  frappa  à  son  tour. 
Cela  fait,  les  trois  voleurs  se  retirèrent. 

Le  lendemain  matin,  les  voleurs  étaient  réunis  dans  une  des  salles  du 
château  quand  ils  virent  entrer  le  cordonnier,  «  Quoi!  »  s'écrièrent-ils, 
H  lu  n*es  pas  mon  ?  —  Vous  voyez,  j)  dit  le  cordonnier.  —  «  Ecoute,  u 
lui  dirent  les  voleurs;  «  si  tu  veux  nous  laisser  le  château,  nous  te  don- 
nerons un  sac  plein  d'or.  »  Le  cordonnier  accepta  la  proposition  et  partit 
bien  joyeux.  Mais,  pendant  qu'il  traversait  la  forêt,  d'autres  voleurs 
tombèrent  sur  lui  et  le  dépouillèrent.  «»  Ah  î  n  s'écria- t-il,  •'  que  j'étais 
sot  d'envier  le  sort  des  riches  :  ils  ont  tout  â  craindre.  Moi,  je  suis  plus 
heureux  qu'eux.  » 

De  retour  dans  son  pays,  il  trouva  une  belle  jeune  fille  qui  lui  plut  ;  il 
répousa  et  vécut  heureux. 


Ce  conte  correspond  aux  n*»  20  cl  183  de  la  collcGlîon  Grimm.  Nous  renver- 
rons aux  remarques  de  G.  Gnmm  sur  ces  deux  numéros,  ainsi  qu'aux  remarques 
de  M.  R.  Kœhler  sur  un  conte  gascon  de  la  collection  Cénac*Moncjut 
{Jûhrbuch  fur  romamchi  imd  tnglischi  Uuratar^  V,  p.  ^),  sur  des  contes  italiens 
(ibid..  Vil,  p.  16;  VIU^  p.  2$2)  et  sur  un  conte  sicilien  (Gonzenbach,  n«  41)- 

Aux  contes  cités  dans  ces  remarques,  npus  a|outerons  un  conte  hongrois 
(n*  1 1  de  la  collection  Gail-Stier.  Pesth,  18^).  un  conte  des  Tsiganes  de  la 
Bukovine  (Af/m.  de  tAc.  de  Vitnnc^  t.  2}  I1874].  p.  286),  deux  contes  suisses 
(Suterroeister,  n^  jo  cl  41),  un  conte  basque  (Wenlworlh  Webster,  Bas^at 
Ugmdt,  London,  1877,  p.   7-9.  Cf.   un  passage  d'un  autre  conte  également 


564  E.    COSQUIN 

basque,  p.  14-1 5 )>  un  conte  lapon  (dans  la  revue  Germania,  t.  15  [1870],  o«  7 
des  contes  lapons  traduits  par  M.  Liebrecht),  et,  pour  Tépisode  do  iromage 
blanc,  un  conte  sicilien  (Pitrè^  no  83). 

Notre  conte  a  beaucoup  de  rapports  avec  un  autre  de  nos  contes  lorrains 
déjà  publié,  le  Tailleur  et  le  Géant  (n»  8  de  notre  collection).  Il  n*est  même  pas 
rare  de  voir  à  des  contes  étrangers  analogues  au  conte  le  Cordonnier  et  la 
Voleurs^  une  introduction  dans  le  genre  de  celle  de  l'autre  conte  lorrain.  Parmi 
ceux  qui  n'ont  pas  cette  introduction  et  qui  se  rapprochent  par  conséquent 
davantage  du  conte  que  nous  examinons  en  ce  moment,  nous  mentionnerons  un 
conte  grec  moderne  de  Pile  de  Tinos  (Hahn,  t.  II,  p.  211),  un  conte  du  t  pays 
saxon  »  de  Transylvanie  (Haltrich,  no  27),  un  conte  italien  de  Vénétie  {Jahrb. 
fur  rom.  und  engl.  Lit,^  VII,  p.  16)^  etc. 

Le  conte  lorrain  présente  une  altération  assez  notable  du  thème  primitif  :  les 
voleurs  sont  un  souvenir  affaibli  des  géants,  drakos,  diables,  etc.,  qui  figurent 
dans  les  contes  étrangers.  D'un  autre  côté,  le  récit  a  pris  la  tournure  d'une 
leçon  morale. 

On  peut  aussi  faire  remarquer  qu'un  trait  du  thème  primitif  se  présente  ici 
sous  une  forme  particulière.  Dans  la  plupart  des  contes  de  ce  type,  c'est  en 
faisant  sortir  de  l'eau  d'une  pierre,  —  c'est-à-dire,  en  réalité,  du  petit-lait  d'un 
fromage  mou,  —  que  le  tailleur,  cordonnier,  etc.,  donne  au  géant,  drakos,  etc., 
une  haute  idée  de  sa  force.  De  son  côté,  dans  plusieurs  de  ces  contes,  le  géant 
a  d'abord  broyé  une  pierre  entre  ses  doigts  (dans  Grimm,  n»  20,  il  a  vraiment 
fait  sortir  de  l'eau  d'une  pierre  ;  mais,  sous  les  doigts  du  petit  tailleur,  il  en 
ruisselle  en  apparence  bien  davantage).  —  Dans  notre  conte  lorrain,  c'est  d'uo 
arbre  qu'il  s'agit  de  faire  sortir  du  lait^  de  la  sève.  Comparez  dans  un  conte 
gascon  (Contes  populaires  de  la  Gascogne^  par  Cénac-Moncaut,  1861,  p.  90), 
l'épisode  où  Juan  doit,  sur  l'ordre  de  son  seigneur,  lancer  une  pierre  contre  un 
arbre  de  façon  à  le  faire  «  saigner.  »  Juan  s'en  tire  en  lançant  un  œuf  contre 
l'arbre. 

Un  livre  populaire  anglais,  Jack  le  Tueur  de  géants j  dont  on  connaît  une  édi- 
tion datée  de  171 1,  présente  un  des  épisodes  de  notre  conte  lorrain.  Jack,  qui  a 
demandé  l'hospitalité  à  un  géant,  entend  pendant  la  nuit  celui-ci  se  dire  à  lui- 
même  qu'un  bon  coup  de  massue  va  le  débarrasser  de  son  hôte.  Il  met  une 
bûche  dans  le  lit  à  sa  place.  Le  lendemain,  le  géant,  qui  croit  avoir  tué  Jack, 
est  fort  étonné  de  le  voir  s'avancer  vers  lui.  «  Ah  !  c'est  vous  !  »  lui  dit-il, 
«  comment  avez-vous  dormi  ?  n'avez-vous  rien  senti  cette  nuit  ?  —  Rien,  »  dit 
Jack,  «  si  ce  n'est,  je  crois,  un  rat  qui  m'a  donné  deux  ou  trois  coups  avec  sa 
queue,  n  —  Cette  hâblerie  de  Jack  se  retrouve,  sous  des  formes  plus  ou  moins 
analogues,  dans  la  plupart  des  contes  de  ce  type  ;  elle  a  disparu  de  notre  conte 
lorrain. 

En  Orient,  un  voyageur  a  trouvé  le  pendant  de  tous  ces  contes.  Dans  un  conte 
persan  (Malcolm,  Sketches  of  Persia.  Londres,  1828,  t.  II,  p.  88),  un  homme 
d'Ispahan,  nommé  Amîn,  obligé  dans  un  voyage  de  traverser  certaine  vallée 
hantée  par  des  ghouls  (sorte  d'ogres),  prend  pour  toutes  armes  une  poignée  de 
sel  et  un  œuf.  Il  rencontre  effectivement  un  ghoul.  Sans  se  déconcerter,  il  lui 
dit  que  lui,  Amîn,  est  le  plus  fort  des  hommes  et  qu'il  voudrait  se  mesurer  avec 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  565 

lui.  Il  le  défie  d'abord  de  faire  sortir  de  l'eau  d'un  caillou.  Le  ghoul  ayant 
essayé  en  vain,  Amtn  glisse  son  œuf  dans  le  creux  de  sa  main  ;  puis,  saisissant  le 
caillou,  il  le  presse,  et  le  ghoul  stupéfait  voit  un  liquide  couler  entre  les  doigts 
du  petit  homme.  Ensuite,  par  un  procédé  du  même  genre,  Amtn  tire  du  sel 
d'une  autre  pierre.  Le  ghoul,  peu  rassuré,  se  fait  humble  et  invite  le  voyageur 
â  passer  la  nuit  dans  sa  caverne.  Amtn  le  suit.  Quand  ils  sont  arrivés  chez  le 
ghoul,  celui-ci  dit  à  son  hôte  d'aller  chercher  de  l'eau  pour  le  repas,  tandis  que 
lui-même  ira  chercher  du  bois.  Amtn,  ne  pouvant  seulement  soulever  l'énorme 
outre  du  ghoul,  s'avise  d'un  expédient;  il  se  met  à  creuser  le  sol  et  dit  au  ghoul 
qu'il  lui  fait  un  canal  pour  amener  l'eau  chez  lui,  en  souvenir  de  son  hospita- 
lité ^  c  C'est  bon,  i  dit  le  ghoul,  et  il  va  remplir  l'outre.  Après  le  souper,  il 
indique  à  Amîn  un  lit  au  fond  de  sa  caverne.  Dès  qu'Amîn  entend  le  ghoul 
ronfler,  il  quitte  son  lit  et  met  à  sa  place  des  coussins  et  des  tapis  roulés.  Sur 
ces  entrefaites,  le  ghoul  se  réveille;  il  se  lève  tout  doucement,  prend  une  massue 
et  frappe  sept  fois  de  suite  sur  ce  qu'il  croit  être  Amîn  endormi;  puis  il  va  se 
recoucher.  Amîn  regagne  lui  aussi  son  lit  et  demande  au  ghoul  ce  que  c'est  que 
cette  mouche  qui  sept  fois  de  suite  s'est  posée  sur  son  nez.  Le  ghoul,  étonné, 
effrayé,  s'enfuit,  et  Amîn  peut  s'esquiver  de  son  côté.  —  La  fin  de  ce  conte 
persan,  que  nous  laissons  de  côté,  est  identique  à  celle  de  plusieurs  des  contes 
mentionnés  plus  haut  (voir,  par  exemple,  le  conte  allemand  de  Transylvanie, 
le  conte  tsigane^  le  conte  grec  moderne  n*  2  ^  de  la  collection  Hahn)  ;  elle  n'a 
plus  de  rapport  avec  notre  conte  lorrain. 


XXVI. 
LE  SIFFLET  ENCHANTÉ. 

Il  était  une  fois  un  roi  et  ses  deux  fils.  Ce  roi  avait  un  oiseau  si  beau 
et  si  charmant,  que  jamais  on  n'avait  vu  son  pareil  ;  aussi  y  tenait-il 
beaucoup. 

Un  jour  qu'il  lui  donnait  à  manger  et  que  la  porte  était  ouverte,  l'oi- 
seau s'envola.  Le  roi  appela  ses  fils,  et  leur  dit  :  «  Celui  de  vous  deux 
qui,  d'ici  à  un  an,  retrouvera  l'oiseau,  aura  la  moitié  de  mon  royaume.  » 

Les  deux  frères  partirent  ensemble,  et,  arrivés  à  une  croisée  de  che- 
min, ils  se  séparèrent.  Bientôt  l'aîné  fit  la  rencontre  d'une  vieille  femme  : 
c'était  une  fée.  «  Où  vas-tu?  »  lui  dit-elle.  —  «Je  vais  où  bon  me  semble; 
cela  ne  te  regarde  pas.  )>  Alors  la  vieille  alla  se  mettre  sur  le  chemin  où 
passait  le  plus  jeune.  «  Où  vas-tu,  mon  bel  enfant  ?  —  Je  vais  chercher 
l'oiseau  que  mon  père  a  laissé  envoler.  —  Eh  bien  !  voici  un  sifflet.  Va 

I.  Il  y  a  ici  une  altération.  Dans  plusieurs  des  contes  mentionnés  ci-dessus, 
le  petit  homme  creuse  la  terre  autour  d'une  fontaine  et  dit  au  géant  qu'il  va  lui 
rapporter  toute  la  fontaine,  comme,  dans  notre  conte  lorrain  et  dans  d'autres, 
il  prétend  vouloir  rapporter  tout  un  arbre  ou  toute  une  forêt. 


566  E.  COSQUIN 

dans  la  forêt  des  Ardennes;  tu  donneras  un  coup  de  sifflet  et  tu  diras  : 
Je  viens  chercher  l'oiseau  de  mon  père.  Tous  les  oiseaux  répondroa: 
C'est  moi^  c'est  moi.  Un  seul  dira  :  Ce  n'est  pas  moi.  C'est  celui-là quH 
faudra  prendre.  » 

Le  prince  remercia  la  vieille,  mit  le  sifflet  dans  sa  poche  et  s'en  aUi 
dans  la  forêt  des  Ardennes.  Il  donna  un  coup  de  sifHet  et  dit:  a  Je  viens 
chercher  Toiseau  de  mon  père.  »  Tous  les  oiseaux  se  mirent  à  crier  : 
«  C'est  moi,  c'est  moi,  c'est  moi.  »  Un  seul  dit  :  <c  Ce  n'est  pas  md.  » 
Le  prince  le  saisit  et  reprit  le  chemin  du  château  de  son  père. 

Il  rencontra  bientôt  son  frère,  qui  lui  demanda  :  <r  As-tu  trouvé  l'oi- 
seau ?  —  Oui,  je  l'ai  trouvé.  —  Donne-le-moi.  —  Non.  —  Eh  bien!  je 
vais  te  tuer.  —  Tue-moi  si  tu  veux.  »  Son  frère  le  tua,  creusa  un  trou 
et  l'y  enterra;  puis  il  retourna  chez  son  père  avec  l'oiseau.  Le  roi, 
bien  content  de  ravoir  son  oiseau,  fit  préparer  un  grand  festin,  et  y 
invita  beaucoup  de  monde. 

Cependant,  le  chien  d'un  berger,  passant  dans  la  forêt,  s'était  mis  à 
gratter  à  la  place  où  le  jeune  prince  était  enterré.  Le  berger,  qui  avait 
suivi  son  chien,  aperçut  quelque  chose  à  l'endroit  où  il  grattait,  et  crut 
d'abord  voir  un  doigt  qui  sonait  de  terre  ;  il  regarda  plus  attentivement 
et  vit  que  c'était  un  sifflet;  il  le  prit  et  le  porta  à  ses  lèvres.  Le  sifflet  se 
mit  à  dire  : 

w  Siffle,  siffle,  berger, 

C'est  mon  frère  qui  m'a  tué, 

Dans  la  forêt  des  Ardennes.  « 
Le  maire  du  pays,  qui  était  le  voisin  du  berger,  entendit  parler  du  sifflet 
et  Tacheta.  Ayant  été  invité  au  festin  du  roi,  il  prit  le  sifflet  pendant 
qu'on  était  à  table  et  se  mit  à  siffler  : 

«  Siffle,  siffle,  maire. 

C'est  mon  frère  qui  m'a  tué. 

Dans  la  forêt  des  Ardennes.  » 
Le  roi  prit  le  sifflet  à  son  tour  : 

«  Siffle,  siffle,  mon  père. 

C'est  mon  frère  qui  m'a  tué. 

Dans  la  forêt  des  Ardennes, 

Pour  Toiseau  que  tu  as  laissé  envoler,  d 
Le  fils  aîné  du  roi  comprit  bien  que  c'était  de  lui  qu'il  s'agissait*  il 
voulut  s'enfuir,  mais  on  courut  après  lui,  on  le  fit  revenir  et  on  Tobligea 
de  siffler  aussi  : 

«  Siffle,  siffle,  bourreau. 

Car  c'est  toi  qui  m'as  tué, 

Dans  la  forêt  des  Ardennes.  » 
Aussitôt  le  roi  fit  brûler  son  fils  dans  un  cent  de  fagots.  Ensuite  il 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  567 

demanda  au  berger  s'il  se  rappelait  Pendroit  où  il  avait  trouvé  le  sifflet. 
Le  berger  dit  qu'il  ne  s'en  souvenait  pas  bien,  qu'il  essaierait  pounant 
de  l'y  conduire,  mais  le  chien  y  alla  tout  droit.  Dès  qu'on  eut  retiré  le 
corps,  le  jeune  homme  se  dressa  sur  ses  deux  pieds. 

Le  roi,  rempli  de  joie,  fit  préparer  un  grand  festin  en  signe  de  réjouis- 
sance, et  moi  je  suis  revenu. 

Ce  conte  correspond  au  conte  hessois  n*  28  de  la  collection  Grimm  et  surtout 
à  la  variante  également  hessoise  de  la  même  collection  (t.  III,  p.  55).  Nous  ren- 
verrons aux  remarques  de  Guillaume  Grimm  sur  ce  n*  28  et  aussi  à  celles  de 
M.  R.  ICœhler  sur  le  conte  sicilien  n^  5 1  delà  collection Gonzenbach.  A  l'occa- 
sion de  ce  conte  sicilien,  très-voisin  du  nôtre,  M.  ICœhler  mentionne  des  contes 
analogues  recueillis  dans  différentes  parties  de  l'Allemagne,  dans  le  c  pays 
saxon  »  de  Transylvanie,  dans  divers  pays  polonais,  dans  le  Tyrol  italien,  en 
Catalogne,  dans  une  autre  partie  de  l'Espagne,  et  enfin,  en  France,  dans  l'Ar- 
magnac. 

En  France,  encore,  nous  avons  à  citer  une  autre  variante,  publiée  par  la 
Semaine  des  Fûmil Us  (8"  année,  1865-1866,  p.  709),  sans  indication  de  pro- 
vince. Dans  ce  conte,  un  petit  garçon  jette  sa  sœur  dans  une  fontaine  pour 
s'emparer  d'une  rose  de  campanelle  (rose  artificielle)  que  leur  père  a  donnée  à  la 
petite.  Un  jour,  longtemps  après,  le  porcher  du  domaine  ayant  conduit  ses 
bétes  de  ce  côté,  le  verrat  se  plonge  dans  la  fontaine  et  en  sort  avec  un  doigt 
d'enfant  dans  la  gueule.  Le  doigt  se  met  à  chanter  : 

Verrat  de  chez  mon  père, 

Ramenez-moi  tant  doucement  ! 

Pour  la  rose  de  campanelle, 

Quand  j'allais  boire  à  la  fontaine, 

Mon  petit  méchant  de  frère, 

Il  m'a  poussé  le  nez  dedans  : 

Ramenez-moi  tant  doucement  ! 
Le  porcher  prend  le  doigt,  qui  chante  alors  : 

Porcher  de  chez  mon  père, 

Ramenez-moi,  etc. 
Quand  on  est  arrivé  dans  la  cour  du  domaine,  où  le  père  est  batteur  en 

grange  : 

Bonnes  gens  de  chez  mon  père,  etc. 

L'un  des  derniers  numéros  de  Mélusine  (1877,  n*  18,  p.  423)  renferme  un 
autre  conte  français  de  ce  type,  recueilli  dans  la  Loire.  Outre  ces  deux  contes 
français,  nous  ajouterons  à  la  liste  de  M.  ICœhler,  dressée  en  1870,  un  second 
conte  sicilien  (Pitre,  n»  79)  et  trois  variantes  italiennes  du  pays  napolitain 

(V.  Imbriani,  XII  Conti  pomigUanesi  Napoli,    1877,   p.  195  seq.),  où  les 

trois  fils  d'un  roi  s'en  vont  chercher  une  plume  d'un  certain  oiseau  qui  doit 
rendre  la  vue  à  leur  père.  Là,  comme  dans  plusieurs  des  contes  indiqués  ci- 
dessus,  un  berger  se  fait  une  flûte  avec  un  os  du  frère  assassiné,  et  c'est  cet  os 
qui  chante  et  révèle  le  crime.  Dans  d'autres  contes  de  ce  type,  —  par  exemple 


568       '  E.  COSQUIN 

dans  un  conte  toscan  (Gubernatis,  Novclline  di  S.  Sufano^    n'*  20)  et  dan 

autre  conte  italien  assez  altéré  (Comparetti,  n*  28),  qu'il  faut  encore  joîi 

l'un  et  Tautre  à  la  liste  de  M.  Kœhler,  —  c'est  dans  un  roseau  ou  une  2 

plante  qui  a  poussé  à  la  place  où  la  victime  a  été  enterrée,  que  le  berger  se  1 

une  flûte.  Notre  conte  lorrain  présente  en  cet  endroit  une  altération  do  U 

primitif. 

Nous  rencontrons  dans  le  conte  catalan  indiqué  plus  haut  (RondûlL 
i"  série,  p.  ^3),  le  détail,  si  peu  vraisemblable,  même  dans  un  conte  mer 
leux,  du  jeune  homme  retrouvé  vivant  quand  on  le  retire  du  trou  où  il  a 
enterré. 

Enfin  la  littérature  orientale  nous  offre  un  trait  du  même  genre,  mais  < 
nous  n'oserions  pas  affirmer  la  parenté  directe  avec  nos  contes,  dans  un  di 
chinois  intitulé  U  Plat  qui  parle  (Journal  Asiatique,  4*  série,  vol.  f  8,  p.  j 
Un  riche  voyageur  est  assassiné  par  un  aubergiste  et  sa  femme,  c  Pan  ( 
bergiste)  brûle  le  corps  de  sa  victime,  recueille  ses  cendres,  pile  ses  os,  do 
fait  d'abord  une  espèce  de  mortier,  puis  un  plat.  C'est  ce  plat  qui,  appor 
l'audience  de  Pao-Tching,  parle  et  dénonce  les  coupables,  i» 


XXVII. 
ROPIQUET. 

Il  était  une  fois  une  femme  qui  avait  du  fil  de  chanvre  à  porter 
tisserand.  Pendant  qu'elle  finissait  de  l'apprêter,  le  diable  entra  c 
elle  et  la  salua  :  «  Bonjour,  ma  bonne  femme.  —  Bonjour,  monsieur 
Si  vous  voulez,  »  dit  le  diable,  «  je  vous  tisserai  tout  votre  fil  pour  r 
mais  à  une  condition  :  c'est  que  vous  devinerez  mon  nom.  —  Volontier 
.^j-  répondit  la  femme.  «  Vous  vous  appelez  peut-être  bien  Jean  ?  —  Non, 

chère.  —  Peut-être  Claude  ?  —  Non.  —  Vous  vous  appelez  donc  Fr 
S  cois  ?  —  Non,  non,  ma  bonne  femme;  vous  n'y  arriverez   pas.   Cep 

■       Ji:  dant,  vous  savez,  si  vous  devinez,  vous  aurez  votre  toile  pour  riei 

:*/'lJ:îi  Elle  défila  tous  les  noms  qui  lui  vinrent  à  l'esprit,  mais  sans   trouvei 

jf!^'  v.i.  nom  du  diable.  «  Je  m'en  vais,  »  dit  celui-ci  ;  «  je  rapporterai  la  toiled 

^y.  il  deux  heures,  et,  si  vous  n'avez  pas  deviné,  la  toile  est  à  moi.  » 

j:  Le  diable  étant  parti,  la  femme  s'en  fut  au  bois  pour  chercher  un  fai 

Elle  s'arrêta  près  d'un  grand  chêne  et  se  mit  à  ramasser  des  branc 
mortes.  Justement  sur  ce  chêne  était  le  diable  qui  faisait  de  la  toile  et 
taquait,  taquait;  autour  de  lui  des  diablotins  qui  l'aidaient.  Tout  en  1 
vaillant,  le  diable  disait  : 

«  Tique  taque,  tique  taque, 
Je  m'appelle  Ropiquet,  Ropiquet. 

Si  la  bonne  femme  savait  mon  nom,  elle  serait  bien  aise.  » 
La  femme  leva  les  yeux  et  reconnut  son  homme.  Elle  se  hâta  d'écr 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  ^69 

sur  son  soulier  le  nom  qu'elle  venait  d'entendre,  et,  en  s'en  retournant 
au  logis»  elle  répéta  tout  le  long  du  chemin  :  «  Ropiquet,  Ropiquet.  » 
Elle  ne  fut  pas  plus  tôt  rentrée  chez  elle,  que  le  diable  arriva*  «  Voilà 
votre  toile,  »  lui  dit-il  w  Maintenant»  savez-vous  mon  nom  ?  —  Vous  vous 
appelez  Eugène  ?  —  Non,  ma  bonne  femme.  —  Emile  ?  —  Vous  n'y  êtes 
pas.  —  Vous  vous  appelez  peut-être  bien  Ro piquet  ?  — ^  Ah  '  »  cria  le 
diable,  «^  si  tu  n'avais  été  sous  l'arbre,  tu  ne  l'aurais  jamais  su,  «  Et  il 
s'enfuit  dans  la  forêt  en  poussant  des  hurlements  épouvantables  et  en 
renversant  les  arbres  sur  son  passage. 

Moi,  j'étais  sur  un  chêne  :  je  n^ai  eu  que  le  temps  de  sauter  sur  Tarbre 
voisin  et  je  suis  revenu. 


Ce  conte  correspond  au  conte  allemand  u»  5  ^  de  la  collection  Grimn™  et  au 
conte  sicilien  n*  84  de  la  collection  Gonzenbach,  M.  R,  Kœhler  a  donné  dans  ses 
remarques  sur  ce  dernier  conte  l'indication  des  contes  de  ce  genre  qui  ont  été 
recueillis  en  Allcinagne,  en  Flandre,  dans  le  Danemark»  en  Suède,  en  Islande, 
en  Angleterre,  en  Irlande,  dans  le  Tyrol  itaticn,  dans  la  Masovie  (en  Polognel, 
chez  les  Slovaques  de  Hongrie,  Nous  renverrons  également  aux  remarques  de 
G.  Grimm  sur  \ç  n°  ss  mentionné  ci-dessus,  et  nous  ajouterons  en  outre  à  la 
liste  donnée  par  M.  Kœhler.  un  conte  autrichien  (Vernaleken,  n^  ijK  un  conte 
basque  (Wenlworlh  Webster,  fîiwfue  Legtndi^  p  ^6),  un  conte  du  nord-oucsl 
de  la  France  (dans  ta  revue  Mèlastne,  1877,  "*  ^»  ^^''   '^*^)' 

Dans  la  plupart  de  ces  contes,  une  jeune  fille  que  son  père  ou  sa  mère  a  fait 
passer  pour  une  très  habile  fileuse,  doit  devenir  reine  si  elle  61e  dans  un  temps 
très-court  une  énorme  quanlilé  de  chanvre,  ou,  dans  certaines  versions,  si  elle 
réussit  â  transformer  de  la  paille  en  fil  d'or  ou  de  soie,  comme  ses  parents  ont  pré- 
tendu qu'elfe  savait  le  (aire.  Un  être  mystérieux,  souvent  un  diable,  lui  propose  de 
se  charger  de  cette  tâche.  Si  elle  devine  son  nom,  elle  n'aura  rien  à  lui  donner; 
autrement,  elle  ou,  dans  plusieurs  versions,  son  premier  enfant  lui  appartiendra 
Dans  la  plupart  de  ces  contes,  ce  n'est  pas  la  jeune  fille  qui  entend  le  diable  djre 
son  nom  ;  c'est  une  autre  personne,  qui  ensuite  le  rapporte  à  la  |cune  fille,  le 
plus  souvent  sans  savoir  Tintérèt  qu'elle  a  i  le  connatlre. 

On  voit  que,  dans  notre  conte  lorrain,  rélémcnl  tragique,  st  Ton  peut  parler 
ainsi,  —  le  danger  qui  menace  la  jeune  fille,  —  a  disparu^  Aussi  le  récit  a-t*il 
pris  une  tout  autre  couleur. 

Au  commencement  du  XVlll»  siècle,  en  170$,  M"'  Lhérilier  mscrajt  un  conte 
de  ce  genre,  Rtcdin-rudon,d^n%  son  livre  mlitufé  ta  Tour  tcnlbrtusc.  Contes  angUis. 
Dans  ce  conte,  altéré  en  plus  d'un  endroit  et  tourné  en  manière  de  roman»  la 
jeune  fille,  Rosanie,  doit,  comme  dans  certains  contes  actuels,  non  pas  devmer, 
mais  se  rappeler  le  nom  de  Thomme  habillé  de  brun  dont  elle  a  reçu  pour  trois 
mois  une  baguette  qui  lui  permet  de  soutenir  â  (a  cour  de  la  reine  sa  réputation 
peu  méritée  d'incomparable  fileuse.  Vers  la  6n  des  trois  mois,  le  prince  royal, 
qui  aime  Rosanie,  et  qui  souffre  de  la  voir  préoccupée,  s'en  va  h  la  chasse  pour 
se  distraire.  Passant  près  d'un  vieux  palais  en  ruines,  tl  y  aperçoit  plusieurs 
personnages  d'une  figure  affreuse  et  d'un  habillement  bizarre*  L'un  d*eux  fait 


570  E.  COSQUIN 

des  sauts  et  des  bonds  en  hurlant  une  chanson  dont  le  sens  est  que  si  certaite 
étourdie  avait  mis  dans  sa  cervelle  qu'il  s*appelait  Ricdin-ricdon,  elle  ne  tombe- 
rait pas  entre  ses  griffes.  En  rentrant  au  château,  le  prince  raconte  la  chose  i 
Rosanie,  qui  se  trouve  ainsi  tirée  du  danger  et  qui  épouse  le  prince. 

Il  se  raconte,  paralt-il,  en  Suède,  une  légende  qui  n'est  au  fond  que  notre 
conte.  C'est  la  légende  de  Téglise  de  Lund.  (Voir  Une  excursion  en  Suide,  par 
V.  Foumel,  dans  le  Correspondant  du  lo  déc.  1868,  p.  868).  Il  s'agit  du  géant 
Jxtten  Finn,  qui  promet  à  saint  Laurent  de  bâtir  une  église;  mais,  quand  Péglise 
sera  finie,  le  saint  devra  avoir  deviné  le  nom  du  géant;  sinon,  il  devra  lai  donner 
le  soleil  et  la  hine  ou  c  les  deux  yeux  de  sa  tète.  •  Quand  approche  le  nxnnent 
fatal,  saint  Laurent  interroge  tous  ceux  qu'il  rencontre  et  jusqu'aux  bètes  de  h 
forêt  pour  savoir  le  nom  du  géant  ;  mais  personne  ne  connaît  ce  nom.  Eain, 
passant  le  soir  dans  un  pays  qu'il  n'avait  jamais  vu,  devant  une  maison,  il 
entend  un  enfant  qui  pleure  et  sa  mère  qui  lui  dit  :  a  Tais-toi,  ton  père  Jaetten 
Finn  va  rentrer,  et,  si  tu  es  sage,  il  t'apportera  le  soleil  et  la  lune,  ou  les  deux 
yeux  de  saint  Laurent.  1 

Le  Magasin  pittoresque  a  publié  en  1869  (p.  330)  un  c  vieux  conte  touran- 
geau »,  fort  arrangé,  mais  dont  le  fond  a  de  l'analogie  avec  cette  légende  sué- 
doise. Un  paysan  doit  livrer  son  fils  à  un  démon  si  dans  trois  jours  il  n'a  pu 
deviner  le  nom  de  celui-ci.  La  mère  de  l'enfant  entend  une  voix  qui  chante 
comme  font  les  nourrices  :  c  Cher  petit  démon,  ne  pleure  pas  :  ton  père  Ra- 
pax  {sic)  va  t'amener  un  beau  petit  compagnon,  i 

Enfin,  en  Orient,  dans  la  collection  mongole  du  Siddhi-Kùr^  d'origine  indienne, 
comme  on  sait,  nous  trouvons  un  récit  dont  l'idée  a  beaucoup  de  rapports  avec 
les  contes  ci-dessus  et  particulièrement  avec  la  légende  suédoise  et  le  coote 
tourangeau  (XV«  récit).  Le  voici,  d'après  la  traduction  allemande  de  M.  B. 
Jùlg  (Inspruck,  1868)  : 

Un  prince  a  été  assassiné  par  son  compagnon  d'études  et  de  voyages;  en 
mourant  il  a  dit  un  seul  mot,  dont  personne  n'a  pu  comprendre  le  sens.  Le  roi 
son  père  rassemble  tous  les  savants,  les  devins,  les  enchanteurs  du  pays  et  les 
fait  enfermer  dans  une  tour  :  si  dans  huit  jours  ils  ne  lui  ont  pas  expliqué  le 
mot  mystérieux,  ils  seront  mis  à  mort.  La  veille  du  jour  où  expire  le  délai,  un 
des  plus  jeunes,  qui  est  parvenu  à  sortir  de  la  tour,  va  se  cacher  dans  une  forêt. 
Pendant  qu'il  est  assis  au  pied  d'un  arbre,  il  entend  des  voix  qui  viennent  du 
haut  de  cet  arbre.  C'est  un  enfant  qui  pleure  ;  en  même  temps,  son  père  et  sa 
mère  le  consolent  en  lui  disant  que  demain  le  roi  fera  mettre  à  mort  mille  savants, 
f  Et  pour  qui  seront  leur  chair  et  leur  sang,  si  ce  n'est  pour  nous  ?  »  L'enfant 
ayant  demandé  pourquoi  le  roi  les  fera  exécuter,  le  père  lui  dit  que  c'est  parce 
qu'ils  ne  peuvent  deviner  ce  que  signifie  un  certain  mot,  dont  il  lui  donne  le 
sens.  Le  jeune  savant  a  tout  entendu;  il  se  rend  auprès  du  roi,  lui  explique  le 
mot  en  question,  par  lequel  le  prince  désignait  son  assassin,  et  il  sauve  ainsi  la 
vie  à  tous  ses  confrères. 


COMTES    P0I>ULA1RES    LORRAINS 


S7' 


XXVIll 


LE  TAUREAU  D*OR. 


Il  était  une  fois  un  roi  qui  avait  pour  femme  la  plus  belle  personne  du 
monde.  Elle  ne  lui  avait  donné  qu'une  petite  fille,  fort  jolie,  dont  la 
beauté  augmentait  de  jour  en  jour.  La  princesse  était  en  âge  d*être 
mariée,  lorsque  la  reine  tomba  malade  -  se  sentant  mourir,  elle  appela 
le  roi  près  de  son  lit  et  lui  fit  jurer  de  ne  se  remarier  qu'avec  une 
femme  plus  belle  qu'elle-même.  Il  le  promît,  et,  bientôt  après,  elle 
mourut. 

Le  roi  ne  tarda  pas  à  se  lasser  d^ètre  veuf,  et  ordonna  de  chercher 
partout  une  femme  plus  belle  que  la  défunte  reine,  mais  toutes  les 
recherches  furent  inutiles.  Il  n'y  avait  que  la  fille  du  roi  qui  fût  plus  belle. 
Le  roi,  qui  avait  en  tête  de  se  remarier,  mais  qui  voulait  aussi  tenir  sa 
parole,  déclara  qui!  épouserait  sa  fille. 

A  cette  nouvelle,  la  princesse  fut  bien  désolée  et  courut  trouver  sa 
marraine,  pour  lui  demander  un  moyen  d^empécher  ce  mariage.  Sa 
marraine  lui  conseilla  de  dire  au  roi  qu'elle  désirait  avoir  avant  les  noces 
une  robe  couleur  du  soleil.  Le  roi  fit  chercher  partout,  et  l'on  finit  par 
trouver  une  robe  couleur  du  soleil,  i^uand  on  lui  apporta  cette  robe,  la 
princesse  fut  au  désespoir  :  elle  voulait  s'enfuir  du  château,  mais  sa 
marraine  lui  conseilla  d'attendre  encore  et  de  demander  au  roi  une  robe 
couleur  de  la  lune.  Le  roi  réussit  encore  à  se  procurer  une  robe  telle  que 
sa  fille  la  voulait.  Alors  la  princesse  demanda  qu'on  lui  donnât  un  taureau 
d'or. 

Le  roi  se  fît  apporter  tout  ce  qu*il  y  avait  de  bijoux  d*or  dans  le 
royaume,  bracelets,  colliers,  bagues,  pendants  d'oreilles,  et  ordonna  â 
un  orfèvre  d'en  fabriquer  un  taureau  d'or.  Pendant  que  l'orfèvre  était 
occupé  à  ce  travail,  la  princesse  vint  secrètement  le  trouver  et  obtint  de 
lui  qu'il  ferait  le  taureau  creux.  Au  jour  fixé  pour  les  noces,  elle  ouvrit 
une  petite  porte  qui  était  dissimulée  dans  le  flanc  du  taureau  et  s'enferma 
dedans  ,  quand  on  vint  pour  la  chercher,  on  ne  la  trouva  plus.  Le  roi 
mit  tous  ses  gens  en  campagne,  mais  on  ne  l'avait  vue  nulle  part.  Il 
tomba  dans  un  profond  chagrin, 

Cependant,  il  y  avait  dans  un  royaume  voisin  un  prince  qui  était 
malade  ;  il  lui  vint  aussi  la  fantaisie  de  demander  «1  ses  parents  un  taureau 
d'or.  Le  roi,  père  de  la  princesse^  ayant  entendu  parler  de  ce  désir  du 
prince,  lui  céda  son  taureau  d'or,  car  il  ne  tenait  pas  à  le  conserver.  L^ 
princesse  était  toujours  dans  sa  cachette- 
Le  prince  fit  mettre  le  taureau  d'or  dans  sa  chambre,  afin  de  Tavoir 


572  E.   COSQUIN 

toujours  devant  les  yeux.  Depuis  sa  maladie,  il  ne  voulait  plus  avoir  per- 
sonne avec  lui  et  il  mangeait  seul  ;  on  lui  apportait  ses  repas  dans  sa 
chambre.  Dès  le  premier  jour,  la  princesse  profita  d'un  moment  où  le 
prince  était  assoupi  pour  sortir  du  taureau  d'or,  et  elle  prit  un  plat, 
qu'elle  emporta  dans  sa  cachette.  Le  lendemain  et  les  jours  suivants, 
elle  fit  de  même.  Le  prince,  bien  étonné  de  voir  tous  les  jours  ses  plats 
disparaître,  changea  d'appartement  ;  mais  comme  il  avait  fait  porter  le 
taureau  dans  sa  nouvelle  chambre,  les  plats  disparaissaient  toujours. 
Enfin,  il  résolut  de  ne  plus  dormir  qu'il  n'eût  découvert  le  voleur.  Quand 
on  lui  eut  apporté  son  repas,  il  ferma  les  yeux  et  fit  semblant  de  som- 
meiller. La  princesse  aussitôt  sortit  tout  doucement  du  taureau  d'or  pour 
s'emparer  d'un  des  plats  qui  étaient  sur  la  table;  mais,  s'étant  aperçue 
que  le  prince  était  éveillé,  elle  fut  bien  effrayée;  elle  se  jeta  à  ses  pieds, 
et  lui  raconta  ses  aventures.  Le  prince  lui  dit  :  c<  Ne  craignez  rien  :  per- 
sonne ne  saura  que  vous  êtes  ici.  Désormais  je  ferai  servir  deux  plats  de 
chaque  chose,  l'un  pour  vous  et  l'autre  pour  moi.  » 

Le  prince  fut  bientôt  guéri  et  se  disposa  à  partir  pour  la  guerre. 
«  Quand  je  reviendrai,  »  dit-il  à  la  princesse,  «  je  donnerai  trois  coups  de 
baguette  sur  le  taureau  pour  vous  avertir.  » 

Pendant  l'absence  du  prince,  le  roi  son  père  voulut  montrer  le  taureau 
d'or  à  des  seigneurs  étrangers  qui  étaient  venus  le  visiter.  L'un  d'eux, 
pour  voir  si  le  taureau  était  creux,  le  frappa  de  sa  baguette  par  trois 
fois.  La  princesse,  croyant  que  c'était  le  prince  qui  était  revenu,  sortit 
aussitôt  de  sa  cachette.  Elle  eut  grand'peur  en  voyant  qu'elle  s'était 
trompée.  Le  roi,  très-surpris,  lui  fit  raconter  son  histoire,  et  lui  dit  de 
rester  au  château  aussi  longtemps  qu'elle  voudrait. 

Or,  il  y  avait  à  la  cour  une  jeune  fille  qu'on  y  élevait  pour  la  faire 
épouser  au  prince.  En  voyant  les  attentions  qu'on  avait  pour  la  princesse, 
elle  fut  prise  d'une  mortelle  jalousie.  Un  jour  qu'elles  se  promenaient 
ensemble  au  bois,  cette  jeune  fille  conduisit  la  princesse  au  bord  d'un 
grand  trou  en  lui  disant  de  regarder  au  fond,  et,  pendant  que  la  prin- 
cesse se  penchait  pour  voir,  elle  la  poussa  dedans  et  s'enfuit.  La  prin- 
cesse, qui  était  tombée  sans  se  faire  de  mal,  appela  au  secours.  Un 
charbonnier,  qui  passait  près  de  là,  accourut  à  ses  cri.s,  la  retira  du 
trou  et  la  ramena  au  château.  Justement  le  prince,  la  guerre  étant  ter- 
minée, venait  d^y  rentrer  lui-même,  et  l'on  faisait  les  préparatifs  de  ses 
noces  avec  sa  fiancée.  Un  grand  feu  de  joie  avait  été  allumé  devant  le 
château.  Le  prince  ayant  appris  ce  qui  était  arrivé,  ordonna  de  jeter 
dans  le  feu  la  méchante  fille,  puis  il  épousa  la  belle  princesse.  On  fit 
savoir  au  roi  son  père  qu'elle  était  mariée;  il  prit  bien  la  chose,  et  tout 
fut  pour  le  mieux. 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  Ç7^ 

Il  est  inutik  de  faire  remarquer  la  ressemblance  de  l'introduction  de  notre 
conte  lorrain  avec  celle  du  conte  de  Reau  d'Ant.  Nous  n'avons  pas  à  nous 
occuper  spécialement  de  ce  dernier  conte,  qui  a  été  étudié  par  Guillaume  Grimm 
dans  les  remarques  du  n*»  6^  de  la  collection  Grimm  et  par  M.  R.  Kœhter  dans 
celles  des  n«*  jS  et  2^  de  la  cotlection  Gonzenbach,  Bomons-nous  X  dire  un 
mol  de  cette  introduction,  cVsi-à-dire,  pour  préciser,  de  la  partie  du  conte  où 
I  est  parlé  du  projet  criminel  du  roi  et  des  premières  demandes  que  lui  fait  ta 
princesse  pour  en  empêcher  l'exécution  (demandes  de  vêlements  en  apparence 
impossibles  à  fabriquer).  On  la  retrouve  notamment  dans  tes  contes  suivants  ; 
un  conte  allemand  (Grimm,  n°  6^),  un  conte  lithuanien  (Schleicher,  p.  to),  un 
conte  tchèque  de  Bohème  (Waldau,  p.  ^02),  un  conte  valaque  (Schott^  n*^  ?>» 
des  contes  grecs  modernes  (Hahn,  n"  27  et  variantes),  un  conte  sicilien  (Gon- 
zenbach^  n*"  ^8)^  un  conte  italien  de  Rome  (Busk,  p.  84),  un  conte  catalan 
{Rondâtlayre^  i''^  série,  p  1 1 1)^  des  contes  basques  (Wcnthv^orlh  Webster, 
p.  16s),  un  conte  écossais  (Campbell,  n<>  14), 

  partir  de  l'endroit  011  la  princesse  demande  le  taureau  dV,  notre  conte  déve- 
loppe un  thème  qui  s'est  jusqu'à  présent  rencontré  assez  peu  fréquemment  dans 
les  collections.  Dans  le  conte  caulan  mentionné  tout  à  Theure,  la  princesse,  après 
îvoir,  sur  l'avis  de  son  confesseur,  demandé  à  son  père  une  robe  de  plumes 

Tàt  toutes  les  couleurs,  une  autre  d*écai!les  de  tous  les  poissons,  et  une  troisième 
•  faite  d'étoiles  9^  lui  demande  enfin  une  boite  d'or,  assez  grande  pour  qu'elle  y 
puisse  tenir.  Quand  elle  a  cette  boite,  elle  s'y  enferme  et  dit  à  ses  serviteurs  de 
la  porter  en  lieu  de  sûreté*  Ceux-ci,  passant  dans  un  royaume  oi!i  tout  le  monde 
est  triste  à  cause  de  la  maladie  du  fils  du  roi,  plongé  dans  une  profonde  mélan- 
colie, se  laissent  entraîner  par  l'appât  du  gain  à  vendre  la  boîte  d'or,  dont  on 
veut  taire  présent  au  prince.  La  boîte  est  mise  dans  sa  chambre.  Deux  nuits  de 
suite,  pendant  que  te  prince  est  endormi,  ia  princesse  sort  de  la  boîte  et  va  lui 
écrire  dans  la  main  {sic).  La  troisième  nuit,  le  prince  fait  semblant  de  dormir. 
11  voit  la  princesse  et  apprend  d'elle  qui  elle  esL  A  partir  de  ce  moment,  il 
cesse  d'être  triste  et  ordonne  que  désormais  on  lui  apporte  dans  sa  chambre 
double  part  de  chaque  mets.  Par  malheur,  bientôt  te  prince  est  obligé  de  partir 

I  pour  la  guerre.  Il  donne  son  anneau  à  la  princesse  et  dit  â  ses  gens  de  continuer 
porter  tous  les  jours  à  manger  dans  sa  chambre.   Les  valets^  fort  étonnés  de 

'  cet  ordre,  vont  regarder  par  le  trou  de  la  serrure  et  découvrent  la  présence  de 
la  princesse.  Ils  remportent  bien  loin  dans  la  boîte  d*or,  vendent  la  boîte  et 
jettent  fa  princesse  dans  un  trou  rempli  d'épines.  Elle  est  délivrée  par  des  ber- 
gers qui  lui  font  garder  les  cochons.  Cependant  le  prince,  de  retour,  envoie 
partout  à  la  recherche  de  la  princesse  ;  mais  c'est  peine  inutile,  et  il  retombe 
dans  sa  noire  tristesse.  Le  roi  son  père  ayant  fait  publier  partout  qu'il  donne- 

Pilait  une  grande  récompense  â  qui  rendrait  la  gaité  à  son  61s,  la  porchère  se  remi 
au  château,  montre  au  prince  Panneau  que  celui-ci  lui  a  donné  et  elle  épouse  le 
prmce. 

Un  conte  italien  recueilli  à  Rome  (mtss  Busk,  The  Fatk*Lùre  of  Rome^  p.  911 
dont  le  commencement  est  altéré,  —  le  roi,  père  de  la  princesse,  veut  simple 
ment  lui  faire  épouser  un  t  vieux  vilain  roi  »,  —  présente  également  beaucoup 
de  ressemblance  avec  notre  conte  lorrain.   La  princesse  demande  i  son  père, 


574  K-  cosQUiN 

avant  de  donner  son  consentement,  un  chandelier  d'or,  haut  de  dix  pieds  et 
plus  gros  qu'un  homme.  A  peine  Ta-t'elle  qu'elle  s'en  montre  dégoûtée,  et  elle 
dit  à  son  chambellan  de  Ten  débarrasser  :  le  prix  qu'il  en  tirera  sera  pour  lai. 
Puis  elle  s'enferme  dans  le  chandelier.  Le  chambellan  porte  le  chandelier  dans  on 
pays  étranger,  et  le  vend  au  fils  du  roi,  qui  le  fait  mettre  dans  sa  chambre.  Le 
soir,  quand  il  revient  du  théâtre  (sic)^  il  trouve  mangé  le  souper  qu'on  lui  avait 
apporté  dans  sa  chambre.  Le  lendemain,  même  chose.  La  troisième  fois,  il  se 
cache  et  surprend  la  princesse.  Depuis  ce  moment,  il  ne  sort  plus  de  sa  chambre, 
et,  quand  ses  parents  le  pressent  de  se  marier,  il  dit  qu'il  ne  veut  épouser  que 
le  chandelier  (la  candelura).  On  le  croit  fou;  mais  un  jour  la  reine,  entrant  à 
l'improviste  dans  la  chambre  de  son  fils,  voit  ouverte  la  porte  ménagée  dans  le 
chandelier  et  une  jeune  fille  à  table  avec  le  prince.  Elle  comprend  alors  ce  que 
celui-ci  voulait  dire,  et,  comme  le  roi  et  la  reine  sont  charmés  de  la  beauté  de 
la  princesse,  le  mariage  se  fait  aussitôt. 

Nous  rencontrons  encore  à  peu  près  la  même  idée  dans  un  conte  sicilien 
(Pitre,  I,  p.  388),  où  la  princesse,  que  son  père  veut  épouser,  s'enferme  avec 
des  provisions  dans  un  magnifique  meuble  de  bois  doré  qu'elle  fait  jeter  à  la  mer. 
Un  roi  recueille  le  meuble  et  le  fait  porter  dans  son  palais.  Ici,  comme  dans  le 
conte  précédent  et  dans  notre  conte  lorrain,  la  princesse  sort  trois  fois  de  sa 
cachette  pour  manger,  et  le  roi  la  surprend  et  l'épouse. 

Au  milieu  du  XVI«  siècle,  en  Italie,  Straparola  insérait  parmi  ses  nouvelles 
un  conte  de  ce  genre  (n»  6  des  contes  extraits  de  Straparola  et  traduits  en  alle- 
mand par  Valentin  Schmidt.  Berlin,  1817).  La  princesse  de  Saleme,  en  mou- 
rant, remet  son  anneau  à  son  mari  Tebaldo  et  lui  fait  promettre,  —  comme  dans 
plusieurs  des  contes  mentionnés  ci-dessus,  —  qu'il  ne  se  remariera  qu'avec  la 
femme  au  doigt  de  laquelle  ira  cet  anneau.  Or  l'anneau  ne  va  qu'au  doigt  de  la 
fille  du  prince,  Doralice,  qui,  le  trouvant  un  jour,  s'est  amusée  à  l'essayer. 
Tebaldo  veut  épouser  Doralice.  Celle-ci,  sur  le  conseil  de  sa  nourrice,  s'enferme 
dans  une  armoire  artistement  travaillée  que  la  nourrice  seule  sait  ouvrir  et  dans 
laquelle  elle  a  mis  une  liqueur  dont  quelques  gouttes  permettent  de  vivre 
longtemps  sans  autre  nourriture.  Tebaldo,  furieux  de  la  disparition  de  sa  fille, 
voit  un  jour  l'armoire  et,  comme  elle  lui  rappelle  des  souvenirs  odieux,  il  la  fait 
vendre  à  un  marchand  génois,  lequel  à  son  tour  la  vend  au  jeune  roi  d'Angle- 
terre. Ce  dernier  la  fait  mettre  dans  sa  chambre  à  coucher.  Pendant  qu'il  est  â 
la  chasse,  Doralice  sort  de  l'armoire,  met  en  ordre  la  chambre  et  l'orne  de 
fleurs  odoriférantes.  Cela  se  renouvelle  plusieurs  fois.  Le  roi  demande  à  sa  mère 
et  à  ses  sœurs  qui  lui  pare  si  bien  sa  chambre;  mais  elles  n'en  savent  pas  plus 
que  lui.  Enfin,  un  matin,  le  roi  fait  semblant  de  partir  pour  la  chasse,  et  il  se 
cache  dans  un  endroit  d'où  il  peut  voir  dans  sa  chambre  par  une  fente.  Dora- 
lice est  découverte  et  le  roi  l'épouse.  —  La  suite  du  conte  n'a  aucun  rapport 
avec  notre  conte  lorrain. 

Nous  rapprocherons  du  thème  sur  lequel  sont  construits  ces  divers  contes  un 
thème  très-voisin,  où  nous  retrouverons  un  détail  de  notre  conte  lorrain  que 
nous  n'avons  pas  jusqu'ici  rencontré.  Voici  ce  thème,  tel  que  le  présente  un 
conte  sicilien  (Pitre,  n»  37)  : 

Une  reine  a  mis  au  monde,  au  lieu  d'enfant,  un  pied  de  romarin,  si  beau  qu'il 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  575 

fait  Tadmiration  de  tous  ceux  qui  le  voient.  Un  sien  neveu,  roi  d'Espagne, 
obtient  d'emporter  ce  romarin  dans  son  pays.  Un  jour  qu'il  joue  du  flageolet  à 
côté  du  romarin,  il  en  voit  sortir  une  belle  jeune  fille,  et  il  en  est  de  même 
toutes  les  fois  qu'il  joue  de  son  flageolet.  Obligé  de  partir  pour  la  guerre,  le 
prince  dit  à  Rosamarina  (la  jeune  fille)  que,  quand  il  reviendra,  il  jouera  trois 
fois  de  suite  du  flageolet  et  qu'alors  elle  pourra  sortir  de  son  romarin  (Comparez 
dans  notre  conte  lorrain  les  trois  coups  de  baguette  sur  le  taureau  d'or).  Pen- 
dant son  absence,  les  trois  sœurs  du  prince  entrent  dans  son  appartement  et, 
trouvant  le  flageolet,  chacune  en  joue  à  son  tour.  A  la  troisième  fois,  apparaît 
Rosamarina.  Les  princesses,  s'apercevant  alors  pourquoi  leur  frère  n'aimait  plus 
à  sortir,  et  furieuses  contre  Rosamarina,  l'accablent  de  coups  et  la  laissent  à 
demi  morte.  —  Suit  un  long  épisode  où  le  jardinier  chargé  par  le  prince  de 
soigner  le  romarin  découvre  par  hasard  le  moyen  de  rompre  le  charme  qui 
tient  Rosamarina  attachée  à  son  arbuste.  11  la  guérit,  et,  à  son  retour,  le  prince 
l'épouse. 

Dans  un  des  contes  de  son  P entameront  [ifi  2),  le  Napolitain  Basile,  au 
XVII''  siècle,  a  développé  ce  même  thème,  mais  en  le  gâtant  par  sa  manière 
bouffonne  et  souvent  inconvenante. 


XXIX. 
LA  POUILLOTTE  ET  LE  COUCHERILLOT. 

Un  jour,  la  pouillotte  '  et  le  coucherillot  >  s'en  allèrent  aux  noisettes. 
En  cassant  les  noisettes  à  la  pouillotte,  le  coucherillot  avala  une  écale  ; 
il  étranglait. 

La  pouillotte  courut  à  une  fontaine  :  «  Fontaine,  donne-moi  de  ton 
eau  pour  m'abreuver,  que  j'abreuve  le  petit  coucherillot,  qui  étrangle  en 
grand  gosillot  '.  —  Tu  n'en  n'auras  pas,  si  tu  ne  vas  me  chercher  de  la 
mousse.  » 

La  pouillotte  s'en  alla  près  d'un  chêne  :  c(  Chêne,  mousse-moi,  que  je 
mousse  la  fontaine,  que  la  fontaine  m'abreuve,  que  j'abreuve  le  petit 
coucherillot,  qui  étrangle  en  grand  gosillot.  —  Tu  n'auras  rien,  si  tu  ne 
vas  me  chercher  une  bande.  » 

La  pouillotte  alla  trouver  une  dame  :  «  Madame,  bandez-moi,  que  je 
bande  le  chêne,  que  le  chêne  me  mousse,  que  je  mousse  la  fontaine,  que 
la  fontaine  m'abreuve,  que  j'abreuve  le  petit  coucherillot,  qui  étrangle 
en  grand  gosillot.  —  Tu  n'auras  rien,  si  tu  ne  vas  me  chercher  des  pan- 
toufles. » 


1 .  Petite  poule. 

2.  Petit  coq. 
j.  Petit  gosier. 


576  E.  COSQUIN 

La  pouillotte  entra  chez  le  cordonnier  :  «  Cordonnier,  pantoufle-moi, 
que  je  pantoufle  madame,  que  madame  me  bande,  que  je  bande  le  chêne, 
que  le  chêne  me  mousse,  que  je  mousse  la  fontaine,  que  la  fontaine 
m'abreuve,  que  j'abreuve  le  petit  coucherillot,  qui  étrangle  en  grand 
gosillot.  —  Tu  n'auras  rien,  si  tu  ne  vas  me  chercher  des  soies.  > 

La  pouillotte  alla  trouver  une  coche  >  :  «  Coche,  soie-moi,  que  je  soie 
le  cordonnier,  que  le  cordonnier  me  pantoufle,  que  je  pantoufle  madame, 
que  madame  me  bande,  que  je  bande  le  chêne,  que  le  chêne  me  mousse, 
que  je  mousse  la  fontaine,  que  la  fontaine  m'abreuve,  que  j'abreuve  le  petit 
coucherillot,  qui  étrangle  en  grand  gosillot.  —  Tu  n'auras  rien,  si  tu  ne 
vas  me  chercher  de  l'orge.  » 

La  pouillotte  alla  près  d'une  gerbe  :  «  Gerbe,  orge-moi,  que  j'orge  la 
coche^  que  la  coche  me  soie,  que  je  soie  le  cordonnier,  que  le  cordonnier 
me  pantoufle,  que  je  pantoufle  madame,  que  madame  me  bande,  que  je 
bande  le  chêne,  que  le  chêne  me  mousse,  que  je  mousse  la  fontaine,  que 
la  fontaine  m'abreuve,  que  j'abreuve  le  petit  coucherillot,  qui  étrangle 
en  grand  gosillot.  —  Tu  n'auras  rien,  si  tu  ne  vas  chercher  le  batteur.  » 

La  pouillotte  s'en  alla  trouver  le  batteur  :  a  Batteur,  bats  la  gerbe, 
que  la  gerbe  m'orge,  que  j'orge  la  coche,  que  la  coche  me  soie,  que  je 
soie  le  cordonnier,  que  le  cordonnier  me  pantoufle,  que  je  pantoufle 
madame,  que  madame  me  bande,  que  je  bande  le  chêne,  que  le  chêne 
me  mousse,  que  je  mousse  la  fontaine,  que  la  fontaine  m'abreuve,  que 
j'abreuve  le  petit  coucherillot,  qui  étrangle  en  grand  gosillot.  » 

Le  conte  s'arrête,  comme  on  voit,  brusquement.  Dans  la  forme  complète,  la 
poule  devait,  ainsi  que  dans  les  contes  étrangers  de  même  sujet,  finir  par  avoir 
de  l'eau,  mais  arriver  trop  tard  auprès  du  coq,  mort  et  bien  mort. 

Dans  deux  contes  allemands  (Grimm,  III,  p.  129  et  n^  80),  dans  un  conte 
norwégien  (Asbjœrnsen,  t.  I  de  la  trad.  ail.,  n*  16),  dans  un  conte  tchèque  de 
Bohême  (Waldau,  p.  341),  le  coq  et  la  poule  vont  aussi  aux  noix,  et  l'un 
d'eux,  —  dans  les  trois  premiers  contes,  la  poule,  —  étrangle  pour  avoir  voulu 
avaler  un  trop  gros  morceau.  Dans  un  conte  du  t  pays  saxon  »  de  Transylva- 
nie (Haltrich,  n^  75),  c'est  un  pois  que  la  poule  avale. 

Nous  retrouvons  dans  ces  divers  contes  à  peu  près  la  série  de  personnages 
et  d'objets  mis  en  scène.  Ainsi,  dans  le  conte  norwégien,  la  fontaine,  pour 
donner  de  son  eau,  demande  des  feuilles;  le  tilleul,  pour  donner  ses  feuilles,  un 
beau  ruban  (comparez  la  t  bande  »  de  notre  conte  lorrain)  ;  la  Vierge  Marie, 
pour  donner  le  ruban,  une  paire  de  souliers;  le  cordonnier,  des  soies;  le  san- 
glier, du  grain;  le  batteur,  du  pain;  le  boulanger,  du  bois;  le  bûcheron,  une 
hache;  le  forgeron,  du  charbon.  Le  charbonnier  donne  le  charbon,  etc.  (Ici, 
par  exception,  la  poule  revient  à  la  vie). 

Nous  nous  éloignons  déjà  de  notre  conte  lorrain  avec  un  conte  allemand  de 

I.  Une  truie. 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  577 

la  Souabe  IMeier,  n*  80).  Le  coq  et  la  poule  voyagent  ensemble.  En  sautant  un 
fossé,  le  coq  prend  si  fort  son  élan,  que  son  pbot  crève.  Ils  s'en  vont  chez  ïe 
cordonnier,  t  Cordonnier^  donne-moi  du  fil,  que  je  recouse  mon  jabot.  »  Le 
cordonnier  demande  des  soies;  la  truie^  du  lait;  la  vache^  de  l'herbe^  etc. 

Ce  conte  souabe  peut  servir  d'intermédiaire  entre  notre  conte  lorrain  et  deux 
contes,  Tun  allemand  (Simrotk,  n*^  j6),  l'autre  suisse  (Sutermcistcr,  n*  \),  06 
une  souris  a  tant  ri  en  voyant  son  compagnon  de  route,  le  chat  (ou  le  charbon  : 
ci,  Grimm,  n*  18  et  111,  p,  27)  tomber  dans  l'eau,  que  sa  t  petite  panse  1  en 
a  crevé.  Elle  va  trouver  le  cordonnier  pour  lui  demander  de  ta  recoudre  ;  le 
cordonnier  demande  des  soies,  et  ainsi  de  suite.  Comparez  un  conte  catalan»  très- 
voisin  (RondalU)ri^  t.  111,  p,  48)  et  un  conte  du  département  de  l'Ardèche 
(MUtisintj  1877,  n*  18,  coL  425).  —  Dans  d'autres  contes,  Tun  anglais  (Halli- 
well,  p.  )jK  l'autre  allemand  (Meier^  n"  80>  le  chat  a  coupé  la  queue  de  ta 
souris,  et  tl  ne  veut  ta  lui  rendre  que  si  fa  souris  va  lui  chercher  du  lait  (ou  du 
fromage).  Suit  encore  tout  un  enchaînement  de  personnages. 

Ajoutons  encore  â  la  liste  des  rapprochements  â  faire  un  coote  sicilien 
(Pitre,  n*  155),  dans  lequel  notre  thème  est  très-bizarrement  rattaché  â  un 
autre  thème  que  nous  aurons  plus  lard  occasion  d'étudier  à  propos  d'un  de  nos 
contes  lorrains,  trois  contes  italiens  du  pays  napolitain  (V.  tmbriani^  Xlf  Conti 
^migUâncsi^  P-  236  seq.)  et  un  conte  écossais  (Campbell^  n**  8). 

Enfin,  notre  thème  se  présente  sous  une  autre  forme  que  celle  de  conte. 
Ainsi,  dans  la  revue  Mélusme  (1877,  n'  6,  coL  148),  la  *  randonnée  t  suivante, 
recueillie  dans  la  Loire-fnférieure  :  *  Minette  m*a  perdu  mes  roulettes.  J'ai  dit 
i  Minette  :  Rends-moi  mes  roulettes.  Minette  m'a  dit  :  Je  ne  te  rendrai  tei 
roulettes  que  si  tu  me  donnes  croutettes.  J'ai  été  â  ma  mère  (ui  demander  crou- 
tettes.  Ma  mère  m'a  dit,  etc.  »  Et  à  la  fm  :  «  Le  chêne  m*englandc,  —  J'cn- 
glande  le  porc;..*  —  Ma  mère  m'encroûte,  —  J'encroûte  Minette,  ^  Et  Minette 
m'a  rendu  mes  roulettes.  •  Comparer  encore  dans  Miiasint  (1877,  n'  9,  col. 
218)  tine  c  randonnée  §  du  département  de  TËure,  et  dans  les  Cùntti  popu' 
tains  recmllis  en  Agamis,  de  M.  J,-F.  Bladé  iParb,  1874),  le  n'  j,  Lf  lait  de 
Madame. 

En  Orient,  nous  trouvons  notre  conte  chex  les  Ossètcs  du  Caucase  (Mélanges 
asiati^ues^  publiés  par  T  Académie  de  Saint-Pétersbourg,  t.  V  [1864-1868],  p.  99, 
ti  Bulletin  deTAcadémie,  t.  VIU,  p.  j6).  Le  pou  et  la  puce  voyagent  ensemble; 
ils  sont  obligés  de  passer  Teau.  La  puce  saute  sur  l'autre  bord,  mais  le  pou 
tombe  dans  Teau,  La  puce  s^en  va  trouver  le  cochon  et  lui  demande  une  de  ses 
soies  pour  retirer  son  compagnon.  Avant  de  donner  ta  soie,  le  cochon  veut  avoir 
des  glands.  Le  chêne  demande  que  Qûrghùi  ne  vienne  plus  souiller  le  terrain 
auprès  de  lui  (su),  Qûrghûi  veut  un  œuf.  La  poule  demande  que  la  souris  ne 
vienne  plus  ronger  son  panier;  la  souris,  que  le  chat  ne  l'atrape  plus  ;  le  chat 
veut  du  latL  La  vache  donne  le  lait  ;  le  chat  le  boit  et  ne  prend  plus  la  tourts  ; 
la  souris  ne  ronge  plus  le  panier  :  la  poule  donne  un  cnif  ;  Qûrgbdi  OiAllge  Toaii 
et  ne  souille  plus  le  terrain  auprès  du  chêne;  te  chêne  doniit  dit  gjiadi;  fc 
cochon  les  mange  et  donne  une  de  ses  soies,  et  la  puce  retire  de  Teau  um 
compagnon,  c  Aujourd'hui  ils  vivent  encore.  • 


/tomoMia^  ¥t 


il 


578  E.    COSQUIN 

XXX. 

LE  FOIE  DE  MOUTON. 

Il  était  une  fois  un  militaire  qui  revenait  de  la  guerre.  Sur  son  chemin 
il  rencontra  un  homme  qui  lui  proposa  de  faire  route  avec  lui;  le  mili- 
taire y  consentit.  Les  deux  compagnons  étant  venus  à  passer  auprès 
d'un  troupeau  de  moutons  :  «  Tiens,  »  dit  l'homme  au  militaire,  «  voici 
trois  cents  francs  ;  tu  vas  m'acheter  un  mouton  et  nous  le  ferons  cuire 
pour  notre  repas.  » 

Le  militaire  pfit  l'argent  et  alla  demander  au  berger  de  lui  vendre  un 
mouton.  ((  C'est  impossible ,  »  dit  le  l)erger,  a  le  troupeau  ne  m'ap- 
partient pas.  —  Je  te  paierai  cent  francs  pour  un  mouton,  »  dit  l'autre. 
Finalement,  le  berger  accepta  le  marché  et  le  militaire  revint  avec  la 
bête. 

«  Maintenant,  »  lui  dit  son  compagnon,  «  nous  allons  apprêter  notre 
repas.  Va  d'abord  me  chercher  de  l'eau.  »  Et  il  lui  donna  un  vase  sans 
fond.  Le  militaire  puisa  à  la  plus  prochaine  fontaine,  mais  il  ne  put 
rapporter  une  goutte  d'eau;  il  fallut  que  l'homme  7  allât  luinnême. 

Le  militaire,  pendant  l'absence  de  son  compagnon,  s'occupa  de  tare 
rôtir  le  mouton,  et,  tout  en  tournant  la  broche,  il  prit  le  foie  et  le  man- 
gea. L'homme,  de  retour,  demanda  ce  qu'était  devenu  le  foie  du 
mouton.  «  Le  mouton  n'en  avait  pas,  »  répondit  le  militaire.  «  Un 
mouton  qui  n'a  pas  de  foie!  cela  ne  s'est  jamais  vu.  —  Moi,  »  dit  le 
militaire,  «  je  l'ai  déjà  vu.  —  Combien  a  coûté  le  mouton?  »  reprit 
rhomme.  «  —  Il  a  coûté  les  trois  cents  francs  que  vous  m'avez  donnés. 
—  Tu  as  gardé  une  partie  de  l'argent,  »  dit  l'homme  ;  «  autrement  tu 
aurais  pu  rapporter  l'eau  dans  le  vase  sans  fond.  Mais  passe  pour  cette 
fois.  » 

Ils  poursuivirent  leur  route  et  entrèrent  chez  une  vieille  dame,  qui 
avait  bien  quatre-vingts  ans  et  qui  était  fort  riche.  Elle  avait  promis  la 
moitié  de  sa  fortune  à  celui  qui  pourrait  la  faire  redevenir  jeune  comme 
à  quinze  ans.  L'homme  s'offrit  à  la  rajeunir  ;  il  commença  par  la  tuer, 
puis  il  brûla  son  corps,  mit  les  cendres  dans  un  linge  et  fit  une  fois  le 
tour  du  puits.  Aussitôt  la  vieille  dame  se  retrouva  sur  pied,  pleine  de 
vie  et  de  santé,  et  jeune  comme  à  quinze  ans;  elle  paya  bien  volontiers 
le  prix  de  son  rajeunissement.  Quelque  temps  après,  l'homme  rendit 
encore  le  même  service  à  une  autre  vieille  dame,  et  reçut  la  même  récom- 
pense. 

Or  cet  homme  était  le  bon  Dieu  qui  avait  pris  la  forme  d'un  voyageur. 
Il  fit  trois  parts  de  l'argent  et  dit  au  militaire  :  «  As-tu  mangé  le  foie 


CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  579 

du  mouton  ?  —  Non,  je  ne  l'ai  pas  mangé.  —  Eh  bien  !  celui  qui  l'a 
mangé  aura  deux  de  ces  trois  parts.  —  Oh  !  alors,  »  dit  l'autre,  (c  c'est 
moi  qui  l'ai  mangé.  —  Prends  tout,  »  dit  le  bon  Dieu,  «  mais  tu  auras 
encore  besoin  de  moi.  »  Et  il  le  quitta. 

Le  militaire  continua  son  voyage  et  eut  encore  une  fois  la  chance  de 
rencontrer  une  vieille  dame  qui  voulait  aussi  rajeunir.  Il  entreprit  la 
chose  et  fit  tout  ce  qu'il  avait  vu  faire  au  bon  Dieu  :  il  tua  la  dame,  brûla 
son  corps,  mit  les  cendres  dans  un  linge  et  tourna  une  fois  autour  du 
puits;  mais  ce  fut  peine  perdue.  Il  refit  jusqu'à  six  fois  le  tour  du  puits, 
sans  plus  de  succès.  La  justice  arriva,  et  notre  homme  allait  être  conduit 
en  prison  quand,  fort  heureusement  pour  lui,  le  bon  Dieu  le  tira  d'affaire 
en  ressuscitant  la  vieille  dame.  Le  militaire  remercia  le  bon  Dieu,  et  se 
promit  bien  de  ne  plus  s'aviser  à  l'avenir  de  vouloir  rajeunir  les  gens. 

Comparez  dans  la  collection  Grimm  le  conte  autrichien  n*  8 1 ,  ainsi  que  les 
remarques  de  G.  Grimm,  qui  nous  montrent  Texistence  de  contes  de  ce  type 
dans  la  littérature  allemande,  au  milieu  du  XVl«  siècle.  Le  Novcllino  italien,  qui 
date  du  XIII«  ou  de  la  première  moitié  du  XIV*  (Romania^  ^^7 h  P*  4^^))  ^^' 
tient  aussi  une  nouvelle  analogue  à  notre  conte  lorrain.  Voyez  dans  la  Romania 
(1874,  p.  181)  l'analyse  qu'en  a  donnée  M.  d'Ancona,  et  les  remarques  dont  il 
Ta  accompagnée.  Aux  contes  mentionnés  par  Grimm  et  par  M.  d'Ancona,  et  qui 
ont  été  recueillis  dans  diverses  parties  de  l'Allemagne,  dans  la  Silésie  autrichienne, 
chez  les  Tchèques  de  Bohême,  en  Lithuanie,  en  Toscane,  nous  ajouterons  un 
conte  allemand  de  la  collection  Simrock  (n*  32),  qui  est,  pour  ainsi  dire,  iden- 
tique à  la  nouvelle  italienne,  un  conte  flamand  de  Condé-sur-l'Escaut  (Deulin, 
Contes  du  roi  CambrinuSy  p.  1 16  seq.),  et  un  conte  breton  (F. -M.  Luzel,  3*  rap- 
port; voir  le  conte  intitulé  Porpant). 

M.  d'Ancona  mentionne  encore,  après  M.  R.  Kœhler,  un  petit  poème  persan 
de  la  première  moitié  du  XIII«  siècle,  dont  la  source,  —  au  moins  la  source 
immédiate,  —  est  évidemment  chrétienne  {Zcitschrift  der  dcutschcn  morgenUn- 
dischen  Gescllschaft^  XIV,  p.  280).  Là,  c'est  un  morceau  de  pain  que  le  compa- 
gnon de  Jésus  nie  avoir  mangé  pendant  l'absence  de  celui-ci.  Jésus  lui  donne  des 
preuves  de  sa  puissance  en  le  faisant  marcher  avec  lui  sur  la  mer,  puis  en  ras- 
semblant les  os  d'un  faon  quMIs  ont  mangé  ensemble  et  en  rendant  la  vie  à 
l'animal,  et  chaque  fois  il  demande  à  son  compagnon  s'il  a  mangé  le  pain. 
L'autre  persiste  toujours  à  nier.  Mais  quand  Jésus  a  changé  en  or  trois  monti- 
cules de  terre  et  dit  que  la  troisième  part  appartiendra  à  celui  qui  a  mangé  le 
pain,  l'homme  s'empresse  de  dire  que  c'est  lui. 

Nous  avons  entendu,  k  Montiers-sur-Saulx,  faire  allusion  à  une  histoire  où, 
comme  dans  le  conte  tchèque  ci-dessus  (Wenzig,  p.  88),  saint  Pierre,  ou  plutôt 
Pierre,  qui  n'est  encore  que  disciple,  joue  vis-à-vis  de  Jésus  un  rôle  analogue 
à  celui  du  c  militaire  ».  La  même  histoire  se  trouve  en  épisode  dans  le  conte 
de  Grimm  où  le  soldat,  en  passant  une  rivière,  voit  l'eau  monter  jusqu'à  son 
cou ,  puis  jusqu'à  sa  bouche  sans  vouloir  avouer  qu'il  a  mangé  le  cceur  de 
l'agneau. 


580  E.  COSQUIN 

XXXI. 

L'HOMME  DE  FER. 

Il  était  une  fois  un  vieux  soldat,  nommé  La  Ramée,  qui  était  toujours 
ivre  et  chiquait  du  matin  au  soir.  Son  colonel  lui  ayant  un  jour  {sût  des 
remontrances,  il  tira  son  sabre,  lui  en  donna  un  coup  au  travers  du 
visage  et  le  tua.  Un  instant  après,  le  capitaine  et  le  caporal  arrivèrent 
pour  conduire  La  Ramée  à  la  salle  de  police,  lui  disant  que  le  lendemain 
il  passerait  en  conseil  de  guerre.  «  Caporal,  »  dit  La  Ramée,  <c  j'ai 
oublié  mon  sac  sur  la  table  de  ma  chambre  ;  cela  ne  m'arrive  pourtant 
jamais  :  vous  savez  que  mes  effets  sont  toujours  en  ordre.  Me  permet- 
tez-vous de  l'aller  chercher  ?  —  Va,  si  tu  veux,  »  répondit  le  caporal. 
La  Ramée  prit  son  sac,  qui  était  rempli  de  pain  et  le  jeta  dans  la  rue  ; 
puis  il  sauta  lui-même  par  la  fenêtre,  ramassa  le  sac  et  s'enfuit.  Pour  se 
mettre  en  sûreté,  il  passa  en  Angleterre. 

Un  soir  qu'il  traversait  un  bois,  il  vit  une  misérable  masure.  Comme 
il  mourait  de  faim,  il  y  entra  et  trouva  une  vieille  femme  occupée  à  teiller 
du  chanvre.  Il  lui  demanda  si  elle  pouvait  lui  donner  un  morceau  à 
manger  et  un  gite  pour  la  nuit.  La  vieille  lui  servit  une  fricassée  de 
pommes  de  terre  et  lui  montra  dans  un  coin  un  tas  de  chènevottes  où  il 
pourrait  coucher,  faute  de  lit. 

Le  lendemain  matin,  La  Ramée  allait  se  remettre  en  route,  lorsque  la 
vieille  lui  dit  :  «  Je  sais  une  chose  qui  peut  faire  ma  fortune  et  la  tienne. 
Dans  un  certain  endroit  se  trouve  un  château,  dont  je  te  dirai  le  chemin  ; 
rends-toi  à  ce  château,  entres-y  hardiment.  Dans  la  première  chambre, 
il  y  a  de  Tor  et  de  l'argent  sur  une  table  ;  dans  la  seconde,  des  lions;  dans 
la  troisième,  des  serpents;  dans  la  quatrième,  des  dragons;  dans  la  cin- 
quième, des  ours;  dans  la  sixième,  trois  léopards.  Tu  traverseras  toutes 
ces  chambres  rapidement  et  sans  t'efïrayer.  Entré  dans  la  septième 
chambre,  tu  verras  un  homme  de  fer,  assis  sur  une  enclume  de  bronze, 
et,  derrière  cet  homme  de  fer,  une  chandelle  allumée  :  marche  droit  à 
la  chandelle,  souffle-la  et  mets-la  dans  ta  poche.  Il  te  faudra  ensuite 
passer  dans  une  cour  où  se  trouve  un  corps-de-garde  ;  les  soldats  te 
regarderont,  mais  toi  ne  tourne  pas  les  yeux  de  leur  côté,  tiens-les 
toujours  fixés  à  terre.  Et  surtout  aie  bien  soin  de  faire  ce  que  je  te  dis  ; 
sinon  il  t'arrivera  malheur.  » 

La  Ramée  prit  le  chemin  que  lui  indiqua  la  vieille,  et  ne  tarda  pas  à 
arriver  au  château.  Dans  la  première  chambre  il  vit  sur  une  table  un 
monceau  d'or  et  d'argent;  dans  la  seconde,  des  lions;  dans  la  troisième. 


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CONTES  POPULAIRES  LORRAINS  j8l 

des  serpents  ;  dans  ta  quatrième,  des  dragons  ;  dans  la  cinquième,  des  ours  ; 
dans  la  sixième,  trois  léopards,  dans  la  septième  enfin,  un  homme  de  fer 
assis  sur  une  enclume  de  bronze,  et  derrière  cet  homme  de  fer,  une  chan- 
delle allumée.  La  Ramée  marcha  droit  à  la  chandelle,  la  souffla  et  la  mit 
dans  sa  poche.  Puis  il  traversa,  en  tenant  les  yeux  fixés  à  terre,  une 
grande  cour  où  se  trouvait  un  corps-de-garde.  Quand  il  fut  hors  du 
château,  il  s'avisa  d^allumer  sa  chandelle  ;  aussitôt  Thomme  de  fer,  qui 
était  serviteur  de  la  chandelle,  parut  devant  lui  et  lui  dit  :  n  Maître,  que 
voulez-vous  ?  —  Donne-moi  de  Targent,  »  répondit  La  Ramée  ;  «  il  y  a 
assez  longtemps  que  je  désire  faire  fortune.  »  L*homme  de  fer  lui  donna 
de  Targent  plein  son  sac  ei  disparut. 

Alors  La  Ramée  se  mil  en  route  pour  se  rendre  à  (a  capitale  du 
royaume.  Chemin  faisant,  il  vit  tout-à-coup  devant  lui  la  vieille  sorcière, 
qui  lui  réclama  la  chandelle.  H  dit  d'abord  qu'il  Tavait  perdue^  ensuite  il 
lui  présenta  une  chandelle  ordinaire,  «  Ce  n'est  pas  celle-là  que  je 
veux,  »>  dit-elle,  u  donne-moi  vite  celle  que  je  t'ai  envoyé  chercher,  n 
La  Ramée,  voyant  qu'elle  le  menaçait,  se  jeta  sur  elle  et  la  tua, 

Arrivé  à  la  capitale,  il  se  logea  à  l'hÔtel  des  princes,  où  il  payait  cin- 
quante francs  par  jour.  Comme  il  ne  se  refusait  rien,  au  bout  de  quelque 
temps  son  sac  se  trouva  vide,  et  tl  devait  la  dépense  de  deux  ou  trois 
journées  ;  la  maltresse  de  l*hôtel  ne  cessait  de  lui  réclamer  son  argent  et 
de  le  quereller.  La  Ramée  était  dans  le  plus  grand  embarras. 

Après  avoir  une  dernière  fois  fouillé  dans  son  sac  sans  avoir  pu  en 
tirer  un  liard,  il  mit  la  main  dans  sa  poche,  espérant  y  trouver  quelques 
pièces  de  monnaie  ;  il  en  retira  la  chandelle.  «  Imbécile  que  je  suis!  » 
s'écria-t-il,  «  comment  ai-je  pu  ne  pas  songer  à  ma  chandelle?  «  Il  s'em- 
pressa de  rallumer,  et  aussitôt  l'homme  de  fer  se  présenta  devant 
lui.  cf  Maître,  que  désirez- vous  ?  —  Comment!  u  cria  La  Ramée, 
tt  coquin,  brigand,  tu  me  laisses  ici  sans  le  sou!  —  Maître,  je  n'en  savais 
rien;  je  ne  puis  le  savoir  que  par  le  moyen  de  la  chandelle,  —  Eh  bien! 
donne-moi  de  l'argent.  i»  L'homme  de  fer  lui  en  donna  plus  encore  que 
la  première  fois.  Pendant  que  La  Ramée  était  occupé  à  compter  ses 
écus  et  à  les  empiler  sur  la  table,  la  servante  regarda  par  le  trou  de  ta 
serrure,  et  courut  dire  à  sa  maîtresse  que  c*était  un  homme  riche  et 
qu*il  ne  fallait  pas  le  traiter  comme  un  va-nu-pieds.  Aussi,  quand  il  vint 
payer,  l'hôtesse  lui  fit-elle  belle  mine. 

Deux  ou  trois  jours  après,  La  Ramée  alluma  encore  sa  chandelle  : 
Phomme  de  fer  parut.  «  Maître,  que  désirez-vous?  —  Je  désire  que  la 
princesse,  fille  du  roi  d'Angleterre,  soit  cette  nuit  dans  ma  chambre.  » 
La  chose  se  fit  comme  il  le  souhaitait  :  à  la  nuit,  la  princesse  se  trouva 
dans  la  chambre  de  l'auberge.  La  Ramée  lui  parla  de  mariage,  mais  elle 
ne  voulut  pas  seulement  l'écouter.  Elle  dut  passer  la  nuit  dans  un  coin  de 


582  E.  COSQUIN 

la  chambre,  et  le  matin  La  Ramée  ordonna  au  serviteur  de  la  chandelle 
de  la  ramener  au  château. 

'  La  princesse  avait  coutume  d'aller  tous  les  matins  embrasser  son  père. 
Le  roi  fut  bien  étonné  de  ne  pas  la  voir  venir  ce  jour-là.*  Sept  heures 
sonnèrent,  puis  huit  heures,  et  elle  ne  paraissait  toujours  pas.  Enfin  elle 
arriva.  «  Ah  !  »  dit-elle,  «  mon  père,  quelle  triste  nuit  j'ai  passée  !  »  Et 
elle  raconta  au  roi  ce  qui  lui  était  arrivé.  Le  roi,  craignant  encore 
pareille  aventure,  alla  trouver  une  fée  et  lui  demanda  conseil.  «  Nous 
avons  affaire  à  plus  fort  que  moi,  »  dit  la  fée,  «  je  ne  vois  qu'un  seul 
moyen  :  donnez  à  la  princesse  un  sac  de  son,  et  dites-lui  de  laisser 
tomber  le  son  dans  la  maison  où  elle  aura  été  transportée.  On  pourra 
ainsi  reconnaître  cette  maison.  » 

Cependant  La  Ramée  avait  changé  d'hôtel.  Un  jour,  il  alluma  la  chan- 
delle et  dit  à  l'homme  de  fer  :  «  Je  désire  que  la  princesse  vienne  cette 
nuit  dans  ma  chambre.  —  Maître,  »  dit  l'homme  de  fer,  «  nous  sommes 
trahis.  Mais  je  ferai  ce  que  vous  m'ordonnez.  »  Après  s'être  acquitté  de 
sa  commission,  il  prit  tout  le  son  qui  se  trouvait  chez  les  boulangers, 
et  le  répandit  dans  toutes  les  maisons,  de  sorte  que,  le  lendemain, 
on  ne  put  savoir  où  la  princesse  avait  passé  la  nuit. 

La  fée  conseilla  alors  au  roi  de  donner  à  sa  fille  une  vessie  remplie 
de  sang  :  la  princesse  devait  percer  cette  vessie  dans  la  maison  où  elle 
serait  transportée. 

La  Ramée  ordonna  encore  au  serviteur  de  la  chandelle  de  lui  amener 
la  princesse.  «  Maître,  »  dit  l'homme  de  fer,  «  nous  sommes  trahis  ; 
mais  je  ferai  ce  que  vous  me  commandez.  »  Il  pénétra  dans  les  écuries 
du  roi,  tua  tous  les  chevaux  de  guerre  et  tous  les  bœufs,  et  en  répandit 
le  sang  partout.  Le  matin,  toutes  les  rues,  toutes  les  maisons  étaient 
inondées  de  sang,  si  bien  que  le  roi  ne  put  rien  découvrir.  Il  alla  de 
nouveau  consulter  la  fée.  «  Vous  devriez,  »  lui  dit-elle,  «  mettre  des 
gardes  près  de  la  princesse.  )> 

Le  soir  venu,  La  Ramée  alluma  la  chandelle.  «  Maître,  »  dit  l'homme 
de  fer,  «  nous  sommes  trahis;  il  y  a  des  gardes  auprès  de  la  princesse. 
Je  ne  puis  rien  contre  eux.  »  La  Ramée  voulut  y  aller  lui-même.  Les 
gardes  le  saisirent,  l'enchaînèrent  et  le  jetèrent  dans  un  cachot  sombre 
et  humide. 

Il  était  à  pleurer  et  à  se  lamenter  près  de  la  fenêtre  grillée  de  sa  prison, 
lorsqu'il  vit  passer  dans  la  rue  un  vieux  soldat  français,  son  ancien  cama- 
rade. Il  l'appela.  «  Eh!  )>  dit  le  soldat,  «  n'es-tu  pas  La  Ramée  ?  —  Oui, 
c'est  moi.  Tu  me  rendrais  un  grand  service  en  m'allant  chercher  dans 
mon  hôtel  mon  briquet,  mon  tabac  et  ma  chandelle,  que  tu  trouveras 
sous  mon  oreiller.  »  Le  vieux  soldat  en  demanda  la  permission  au  ser- 
gent de  garde,  et  se  présenta  à  l'hôtel  de  la  part  de  La  Ramée.  «  C'est 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  5 8? 

ce  coquin  <jui  vous  envoie  ?  »  dit  l'hôtelier,  a  Prenez  ses  nippes^  et  que  je 
n'en  entende  plus  parler*  » 

Quand  La  Ramée  eut  ce  qu'il  avait  demandé,  il  battit  le  briquet  ci 
alluma  sa  chandelle.  Aussitôt  Tbomme  de  fer  parut,  et  les  chaînes  de  La 
Ramée  tombèrent.  «  Misérable,  rt  cria  La  Ramée»  «  peux-tu  bien  me 
laisser  dans  ce  cachot!  —  Maître,  «  dit  i'homme  de  fer,  «  je  n'en 
savais  rien*  Je  ne  puis  le  savoir  que  par  le  moyen  de  la  chandelle,  — 
Eh  bien  !  tire-moi  d'ici.  » 

L'homme  de  fer  fit  sonir  La  Ramée  de  son  cachot,  et  lui  donna  de 
Tor  et  de  l'argent,  tant  quil  en  voulut;  puis  La  Ramée  se  fa  transporter 
sur  une  haute  montagne  près  de  la  capitale,  et  ordonna  à  l'homme  de 
fer  d  y  établir  une  batterie  de  deux  cents  pièces  de  canon;  après  quoi^  il 
envoya  déclarer  la  guerre  au  roi  d'Angleterre. 

Le  roi  fit  marcher  cent  hommes  contre  lui.  La  Raraée  avait  pour  armée 
cinq  hommes  de  fer.  Le  combat  ne  fut  pas  long  ;  tous  les  gens  du  roi 
furent  tués,  sauf  un  tambour  qui  courut  porter  au  roi  la  nouvelle.  Alors 
La  Ramée  somma  le  roi  de  se  rendre  ;  mais  celui-ci  répondit  qu'il  ne  le 
craignait  pas  et  envoya  contre  lui  quatre  cents  hommes,  qui  furent  encore 
tués. 

Sur  ces  entrefaites,  La  Ramée  vit  passer  un  aveugle  et  sa  femme; 
cet  aveugle  avait  un  méchant  violon,  dont  il  jouait  d'une  manière 
pitoyable,  «  Bonhomme  !  »  lui  dit  La  Ramée,  <*  tu  as  un  bien  beau 
violon!  —  Ne  riez  pas  de  mon  violon,  »  répondit  l'aveugle,  v  c'est  un 
violon  qui  a  pouvoir  sur  les  vivants  et  sur  les  morts,  —  Vends-le-moi,  i> 
dit  La  Ramée.  —  «  Je  ne  le  puis,  t.  dit  l'aveugle,  »*  c'est  mon  gagne- 
pain.  —  Si  l'on  t'en  donnait  dix  mille  francs,  consentirais-tu  à  l'en 
défaire  ?  —  Bien  volontiers.  » 

La  Ramée  lui  compta  dix  mille  francs  et  prit  le  violon.  Il  envoya 
ensuite  un  padementaire  dire  au  roi  de  lui  amener  sa  fille  et  de  la  lui 
donner  en  mariage,  sinon  que  la  guerre  continuerait.  «  Il  a  pour  sol- 
dats, n  dit  le  parlementaire,  «  des  hommes  hauts  de  dix  pieds,  armés  de 
sabres  longs  de  huit  pieds.  ?•  Le  roi  chargea  le  parlementaire  de  répondre 
qu'il  viendrait  s'entendre  avec  La  Ramée.  En  effet,  il  arriva  bientôt 
avec  sa  fille. 

et  Je  vous  donne  deux  heures  pour  réfléchir,  n  dit  La  Ramée.  «  Si 
vous  ne  consentez  pas  â  ce  que  je  vous  demande,  je  bombarderai  votre 
château  et  voue  ville.  «  Le  roi  réfléchit  pendant  quelque  temps,  «  Je 
serais  disposé  à  faire  la  paix,  n  dit-il  enfin,  «  mais  voilà  bien  des  braves 
gens  de  tués.  -  Sire.  »  dît  La  Ramée,  «  riai  n'est  plus  facile  que  de 
les  ressusciter.  »  Il  prit  son  violon,  et,  au  premier  coup  d'archet,  les 
soldats  qui  étaient  étendus  par  terre  commencèrent  à  remuer,  les  uns 
chcrcham  leurs  bras,  d'autres  leurs  jambe*,  d'autiet  leur  létc. 


$84  E.  COSQUIN 

A  cette  vue^  le  roi  se  déclara  satisfait  et  consentit  au  mariage.  Comme 
il  commençait  à  se  fEÛre  vieux,  il  prit  sa  retraite,  et  La  Ramée  devint 
roi  d'Angleterre  à  sa  place.  Il  fallut  bien  alors  que  le  roi  de  France  loi 
pardonnât  sa  désertion  et  ses  autres  méfaits. 


Ce  conte  correspond  au  conte  mecklembourgeois  n*  1 16  de  la  collection  Grimm, 
La  Lumilrc  bleue.  Nous  renverrons  à  ce  conte  et  aux  remarques  de  GaîUaume 
Grimm.  Depuis  la  dernière  édition  de  ces  remarques  (1856),  il  a  été  publié  des 
contes  qui,  sur  certains  points,  se  rapprochent  davantage  de  notre  conte  lomio 
que  le  conte  mecklembourgeois  et  que  les  contes  allemands,  danois  et  hongrob, 
mentionnés  par  G.  Grimm. 

Prenons  d'abord  un  conte  allemand  recueilli  dans  le  Harz  (Ey,  Harznutr- 
chenbuch,  1862,  p.  122).  Un  vieux  soldat,  renvoyé  du  service  sans  le  sou,  bien 
qu'il  ait  bravement  servi  le  roi,  arrive  chez  un  charbonnier  au  milieu  d'une  forèL 
Le  charbonnier  et  lui  se  lient  d'amitié  et  ils  font  ménage  ensemble.  Un  jour,  le 
charbonnier  demande  au  soldat  si,  pour  leur  bonheur  à  tous  les  deux,  il  veut  se 
laisser  descendre  dans  un  puits  de  mine  où  sont  entassés  d'immenses  trésors,  et 
lui  rapporter  un  paquet  de  bougies  qui  s'y  trouve.  Le  soldat  y  consent.  Arrivé 
au  fond  du  puits,  il  voit  au  milieu  d'une  grande  salle  brillamment  éclairée  un 
homme  de  fer  assis  sur  un  trône  et,  auprès  de  lui,  trois  caisses  remplies  d'or, 
d'argent  et  de  pierreries  ;  le  paquet  de  bougies  est  au-dessus  de  la  porte.  Le 
soldat  le  prend,  puis  il  remplit  ses  poches  de  pierreries  et  se  fait  remonter  par 
le  charbonnier.  Le  lendemain,  il  trouve  celui-ci  mort.  Il  s'en  va  dans  une  grande 
ville  et  y  vit  en  grand  seigneur.  Mais  un  jour  vient  où  ses  richesses  sont  épuisées. 
Voyant  qu'il  n'a  plus  même  de  quoi  acheter  de  l'huile  pour  sa  lampe,  il  prend 
une  de  ses  bougies  et  l'allume.  Aussitôt  paraît  l'homme  de  fer.  Le  soldat  lui 
demande  un  sac  d'or  et  se  rend  dans  la  ville  du  roi  dont  il  a  été  si  mal  récom- 
pensé. 11  ordonne  à  l'homme  de  fer  de  lui  amener  pendant  la  nuit  la  princesse; 
il  fait  faire  à  celle-ci,  pour  se  venger  du  roi,  l'ouvrage  d'une  servante,  et  la 
maltraite.  Le  roi  dit  à  sa  fille  de  marquer  à  la  craie  la  porte  de  la  maison  où 
elle  sera  transportée  ;  mais  l'homme  de  fer  marque  de  la  même  manière  toutes 
les  maisons  de  la  ville.  Le  roi  dit  alors  à  la  princesse  de  cacher  son  anneau  d'or 
sous  le  lit.  On  trouve  l'anneau  et  le  soldat  est  condamné  à  être  pendu.  Pendant 
qu'il  est  en  prison,  il  réussit  à  se  faire  apporter  ses  bougies,  et,  quand  il  est  au 
pied  de  la  potence,  il  obtient  du  roi,  comme  dernière  grâce,  la  permission  d'en 
allumer  une.  Aussitôt  l'homme  de  fer  arrive,  un  gourdin  à  la  main,  et  assomme 
le  bourreau  et  les  spectateurs.  Le  roi  crie  au  soldat  de  faire  trêve  et  lui  donne 
sa  fille  en  mariage. 

Dans  un  autre  conte  allemand  (Simrock,  Deutsche  Marchen,  n»  14),  l'homme 
qui  paraît  quand  on  allume  la  bougie  se  nomme  Jean  de  fer.  C'est,  comme  dans 
notre  conte  lorrain,  une  vieille  qui  demande  au  soldat  de  lui  aller  chercher  la 
bougie  (comparez,  du  reste,  le  conie  de  Grimm);  mais,  dans  tous  ces  contes 
allemands,  c'est  toujours  dans  un  puits  qu'il  faut  descendre.  Le  moyen  qu'em- 
ploie ici  le  soldat  pour  faire  venir  la  princesse  dans  sa  chambre  est  tout  différent 
de  celui  des  autres  contes  de  ce  type.  Quand  le  soldat  est  en  prison,  il  promet 


CONTES   POPULAIRES   LORRAINS  585 

au  factionnaire  des  louis  d'or,  si  celui-ci  lui  rapporte  sa  bougie.  Une  fois  qu'il  l'a 
entre  les  mains,  il  ordonne  à  Jean  de  fer  de  démolir  la  prison  et  le  château  du 
roi.  Alors  le  roi  lui  offre  sa  fille  en  mariage. 

Dans  un  autre  conte  allemand  de  ce  type  (Prcehle,  Kinder-und  Volksmarchen, 
n*  II),  nous  retrouvons  presque  identiquement  les  moyens  auxquels  recourt  le  roi, 
dans  notre  conte  lorrain,  pour  découvrir  la  maison  oft  sa  fille  est  transportée. 
Il  fait  attacher  au-dessous  du  lit  de  la  princesse,  qui,  dans  ce  conte,  est  emportée 
avec  son  lit,  d'abord  un  sac  de  pois  mal  fermé ,  puis  un  sac  de  lentilles,  enfin 
une  vessie  pleine  de  sang.  Il  espère  pouvoir  ainsi  reconnaître  le  chemin  qu'auront 
suivi  les  ravisseurs.  Les  deux  géants,  serviteurs  du  briquet,  qui  remplace  ici  la 
chandelle,  ramassent  tous  les  pois  et  toutes  les  lentilles,  mais  ils  se  trouvent 
impuissants  devant  les  traces  de  sang.  —  Dans  le  conte  mecklembourgeois  de 
Grimm,  où  la  princesse,  d'après  le  conseil  de  son  père,  a  rempli  sa  poche  de 
pois  et  les  a  semés  le  long  du  chemin,  le  c  petit  homme  noir  >  répand  des  pois 
dans  toutes  les  rues  de  la  ville,  et  ainsi  la  précaution  de  la  princesse  devient 
inutile. 

Le  violon  merveilleux,  qui  ressuscite  les  morts,  a  son  pendant  dans  la  guitare 
du  conte  sicilien  n"  45  de  la  collection  Gonzenbach. 

Il  est  à  peine  besoin  de  le  faire  remarquer  :  le  thème  de  notre  conte  lorrain 
et  des  contes  que  nous  venons  d'examiner  n'est  autre  que  celui  qui  a  fourni  à 
l'imagination  arabe  de  si  brillants  développements  dans  le  célèbre  conte  des  Mille 
a  une  nuitSy  Aladin  et  la  Lampe  merveilleuse.  Nous  avons  encore,  du  reste,  un 
autre  rapprochement  à  faire  en  Orient.  Dans  un  conte  qui  a  été  recueilli  par 
M.  W.  Radloffchez  les  Tartares  de  la  Sibérie  méridionale,  riverains  de  la  Tobol 
{Proben  der  VolkslUeratur  der  tûrkischen  Stdtmme  Sùd-Sibiriens,  t.  IV»  St-Péters- 
bourg,  1872,  p.  275),  un  jeune  marchand,  qui  s'est  lié  d'amitié  avec  un  mollah*, 
expert  dans  la  magie,  demande  à  ce  mollah  de  lui  faire  venir  dans  sa  maison  la 
fille  du  roi.  Le  mollah  fabrique  un  homme  de  bois,  qui,  tous  les  soirs,  va  prendre 
la  princesse  et  la  porte  dans  la  maison  du  marchand.  Le  roi,  ayant  eu  connais- 
sance de  ce  qui  était  arrivé  à  sa  fille,  ordonne  à  celle-ci  d'enduire  sa  main  de 
cire,  et,  en  entrant  dans  la  maison  où  on  la  portera,  de  l'appliquer  contre  la 
porte  pour  y  faire  une  marque.  La  princesse  suit  ces  instructions.  En  voyant  la 
marque  sur  la  porte,  le  marchand  se  croit  perdu,  mais  le  mollah  lui  dit  d'aller 
mettre  de  la  cire  sur  la  porte  de  toutes  les  maisons,  et,  quand  les  soldats  envoyés 
par  le  roi  font  leur  ronde,  il  leur  est  impossible  de  distinguer  des  autres  la  maison 
du  coupable. 

On  se  rappelle,  dans  le  conte  d'Ali  Baba  des  Mille  et  une  nuits^  le  passage  où 
le  voleur  qui  a  marqué  à  la  craie,  pour  la  reconnaître,  la  porte  d'une  maison, 
se  trouve  ensuite  tout  â  fait  déconcerté  quand  il  voit  qu'on  a  marqué  de  la  même 
façon  toutes  les  portes  des  maisons  voisines. 

1.  Mollah^  c'est-à-dire  c  seigneur  i.  Dans  les  pays  musulmans  on  donne  ce 
nom  notamment  aux  personnes  distinguées  par  leur  savoir  et  leur  piété. 


586  E.  COSQUIN 

APPENDICE. 

'  Quelques  rapprochements  au  sujet  de  certains  contes  de  nos  trois  premières 
parties  nous  ayant  échappé  lors  de  la  publication  de  ces  contes,  nous  donnerons 
ici  les  principaux. 

Le  plus  important  se  rapporte  à  notre  conte  n^  j,  Lu  Deux  Soldats  de  1689. 
Nous  en  avons  fait  connaître,  dans  nos  remarques,  deux  formes  orientales,  — 
kirghize  et  arabe;  —  aujourd'hui  nous  pouvons  y  ajouter  une  forme  indienne, 
un  conte  recueilli  dans  le  Bengale  par  M.  G.-H.  Damant  {The  Indian  Antiquarj^ 
1874,  p.  9).  Voici  le  résumé  de  ce  conte  : 

c  Le  fils  d'un  roi  et  le  fils  d'un  kotwal  s'étant  liés  d'amitié^  se  mettent  i 
voyager  ensemble  en  pays  étranger.  Un  jour,  le  fils  du  kotwal  dit  au  fils  du  roi  : 
c  Vous  faites  toujours  du  bien  aux  autres;  quant  à  moi,  je  leur  fais  toujours  du 
mal.  »  Le  prince  ne  répond  rien,  et  ils  poursuivent  leur  route^  jusqu'à  ce  qu'ils 
arrivent  à  un  puits,  où  le  prince^  qui  a  grand'soif,  se  fait  descendre  par  son 
compagnon.  Celui-ci  l'y  abandonne. 

c  Pendant  la  nuit,  il  arrive  auprès  du  puits  deux  bhuts  (sortes  de  génies),  qui 
se  mettent  â  causer  ensemble.  L'un  d'eux  a  pris  possession  d'une  certaine  fille 
de  roi,  et  personne  ne  pourra  le  chasser,  si  l'on  ne  fait  telle  ou  telle  chose, 
qu'il  indique;  mais  personne  ne  connaît  ce  secret.  A  son  tour,  le  second  bbut 
dit  â  l'autre  qu'au  pied  d'un  arbre  voisin  il  y  a  cinq  pots  remplis  d'or,  sur 
lesquels  il  veille,  et  personne  ne  pourra  les  lui  enlever,  si  l'on  ne  recourt  à  td 
et  tel  moyen*. 

i  Du  fond  de  son  puits,  le  prince  a  tout  entendu,  et,  le  matin,  il  s'en  fait 
retirer  par  un  homme  qui  passe.  Précisément  cet  homme  était  envoyé  par  le 
roi,  père  de  la  princesse  possédée  par  le  bhut,  pour  annoncer  partout  qu'il 
donnerait  à  celui  qui  délivrerait  sa  fille  la  main  de  celle-ci  et  son  royaume.  Le 
prince,  profitant  des  secrets  qu'il  a  surpris,  délivre  la  princesse,  puis  s'empare 
des  pots  d'or.  Les  bhuts  s'aperçoivent  alors  que  leur  conversation  a  dû  être 
entendue  et  ils  se  promettent  de  bien  surveiller  le  puits  à  l'avenir. 

«  Quelques  jours  après,  le  fils  du  kotwal,  ayant  appris  du  prince  ce  qui  s'est 
passé,  va  se  cacher  dans  le  puits  ;  les  bhuts  l'y  trouvent,  et  ils  le  mettent  en 
pièces.  » 

On  remarquera  combien  ce  conte  indien  est  voisin  du  conte  arabe  auquel 
nous  faisions  allusion  tout  à  l'heure. 

Le  commencement  de  notre  conte  français,  —  avec  son  altération  caracté- 
ristique, que  nous  n'avions  rencontrée  nulle  part,  —  se  trouve  identiquement 
dans  un  conte  allemand  du  Harz  (Ey,  Harzmarchenbiich,  Stade,  1862,  p.  188). 
Deux  compagnons  s'en  vont  par  le  monde  et  gagnent  leur  pain  en  faisant  des 
armes.  L'un  est  bon  et  un  peu  simple;  l'autre  est  méchant  et  rusé.  Un  jour,  ce 
dernier  dit  à  l'autre  que  décidément  le  métier  ne  va  pas  ;  il  vaudrait  mieux  que 
l'un  des  deux  se  rendît  aveugle  :  l'autre  le  conduirait  et  ils  recueilleraient  beau- 

I .  Dans  la  variante  lorraine  Jacques  et  Pierre^  résumée  dans  les  remarques  de 
notre  n»  7,  le  lion  raconte  aux  autres  animaux  que  la  princesse  d'Angleterre  a 
quatre  millions  cachés  dans  un  pot. 


CONTES   POPULAIRES    LORRAINS  ^87 

coup  d'aumônes.  Le  simple  et  naïf  compagnon  se  laisse  crever  les  yeux,  etc. 

Nous  rappelons  que,  dans  une  note  vers  h  fin  de  notre  n*  19,  le  Petit  Bossu ^ 
nous  avons  attiré  l'attention  sur  un  passage  d'un  conte  indien  qui  correspond  à 
un  épisode  de  notre  n^  i ,  Jean  de  IVurs. 

Aux  deux  ou  trois  contes  que  nous  avons  rapprochés  d'une  manière  plus 
spéciale,  pour  l'ensemble,  de  noire  n'  j,  /f  Roi  d'Angleterre  et  son  FiUeut,  il  faut 
ajouter  un  conte  italien  (Comparetti,  n*  0,  où  nous  trouvons  un  trait  de  ressem- 
blance avec  notre  conte  français  qui  ne  s'était  pas  encore  présenté  à  nous.  Un 
prince  se  met  en  route  pour  aller  voir  son  oncle  le  roi  de  Portugal,  qu'il  ne 
connaît  pas»  En  chemin,  on  jeune  homme  se  joint  à  lui  et  se  fait  raconter  l'objet 
de  son  voyage.  Quand  ils  se  trouvent  dans  un  endroit  isolé,  ce  jeune  homme 
met  au  prince  un  pistolet  sur  la  gorge  et  le  force  à  consentir  à  ce  qu'il  prenne 
son  titre  et  sa  place  :  le  prince  passera  pour  son  page.  Arrivé  à  la  cour,  Tim- 
posleur  ne  tarde  pas  â  faire  charger  le  page  d'entreprises  dangereuses,  entre 
autres  de  retrouver  Granadoro,  la  reine,  qui  a  disparu.  (Ce  trait  correspond 
tout-i*fait  au  passage  de  notre  conte  où  Adolphe  doit  retrouver  la  fille  du  roi, 
qui  est  on  ne  sait  où.)  Grâce  aux  conseils  d'une  cavale,  le  page  réussit  dans  ces 
diverses  entreprises.  Pour  aller  à  la  recherche  de  la  reine,  il  se  fait  donner  un 
vaisseau,  sur  lequel  il  s'embarque  avec  la  cavale.  Pendant  la  traversée,  il 
recueille  dans  son  vaisseau  un  poisson,  une  hirondelle  et  un  papillon,  et  ensuite 
ces  animaux  fui  viennent  en  aide  quand,  avant  de  revenir  avec  lui,  Granadoro 
lui  demande  successivement  de  lui  apporter  son  anneau  qu'elle  a  jeté  au  fond  de 
la  mer^  de  lui  procurer  une  fiole  d'une  eau  qui  jaillit  au  sommet  d'une  montagne 
inaccessible  et  enfin  de  la  reconnaître  entre  ses  deux  sœurs,  toutes  semblables  k 
elle.  De  retour  à  la  cour  du  roi  son  mari»  Granadoro  ressuscite  au  moyen  de  l'eau 
le  page  que  le  prétendu  neveu  du  roi  a  tué,  et  elle  dévoile  Timposteur* 

Un  conte  serbe  (Archiv  fur  siawisihe  Philologie,  Berlin,  1876,  p.  271)  offre 
une  grande  ressemblance  pour  Tintroduction  avec  le  conte  grec  moderne  analysé 
dans  nos  remarques  sur  le  Roi  d* Angleterre  et  son  Filleul;  mais  il  y  manque  le 
serment  qui  rapproche  tant  ce  conte  grec  de  notre  conte  français.  Comparez 
encore  un  autre  conte  serbe  (ibid.y  p.  270). 

Enfin,  nous  avons  trouvé  dans  un  conte  allemand  (Prœhlc^  Mterehen  fur  du 
Jttgifid^  n*  }i)  un  début  qui  est  absolument  celui  de  notre  n*  16  La  Fille  du 
Meumer.  La  plus  jeune  fille  d'un  rot  est  restée  seule  pour  garder  la  maison  (fie), 
pendant  que  son  père  et  ses  soeurs  sont  en  voyage.  Une  jeune  bergère  doit  venir 
coucher  toutes  les  nuits  dans  sa  chambre,  afin  qu'elfe  n'ait  point  peur.  Un  soir, 
la  bergère,  avant  de  se  coucher,  aperçoit  sous  le  lit  de  la  princesse  un  homme 
tu  visage  noirci.  Elle  dit  à  la  princesse  qu'elle  a  oublié  quelque  chose  chez  elle 
cl  s'cntuit  sous  prétexte  de  l'aller  chercher.  Alors  l'homme,  qui  est  un  chef  de 
brigands,  sort  de  dessous  le  lit,  et  ordonne  à  la  princesse  de  lui  montrer  où  sont 
tous  les  trésors  du  château,  etc. 

Nous  aurions  pu  allonger  cet  appendice;  mais  les  rapprochements  que  nous 
aurions  encore  pu  faire  n'auraient  en  général  ajouté  rien  de  vraiment  nouveau  à 
nos  remarques.  Une  ou  deux  variantes,  que  nous  publierons  dans  la  suite,  nous 
fourniront  du  reste  l'occasion  de  revenir  sur  certains  détails  plus  importants. 

{a  suivre,)  Emmanuel  CosqyiN. 


MÉLANGES. 


PRUEKES. 

Le  vers  397  du  Dit  de  l'empereur  Coustant^  publié  ci-dessus  (p.  167), 
peut  paraître  obscur  à  maint  leaeur  : 

Aies  pruekes  le  parkemin. 

C'est  pour  l'expliquer^  ainsi  que  d'autres  passages  analogues,  que 
j'écris  cette  note.  On  verra  que  ce  mot  a  embarrassé  plus  d'un  éditeur 
d'anciens  textes. 

Une  locution  usuelle  en  ancien  français  est  celle  d'aller  pour  une  chose 
dans  le  sens  d'  «  aller  chercher  une  chose.  »  En  voici  trois  exemples  :  il 
serait  facile  d'en  citer  d'autres  en  grand  nombre  : 

Si  apela  la  dame  et  li  dist  qu'ele  alast  por  Aucasin  son  ami.  —  Aucasin  a 
Nicolcte,  pr.  XX. 

Amis,  aies  por  vostre  mestre.  —  Barl.  et  Jos.,  141,  14. 
Vait  por  son  fil  Asternanten.  —  Troie,  1 5388*. 

La  préposition  /7or,  jointe  au  pronom  oc,  avait  formé  l'adverbe poruec», 
signifiant  «  pour  cela  »,  et  qui,  outre  ce  sens  et  le  sens  conjonctionnel 
de  ((  pourvu 3  »,  est  souvent  employé  en  donnant  à  por  la  valeur  que  je 

1 .  Cette  locution  existe  encore  en  espagnol  :  ir  por  alguno^  ir  por  agua, 
«  aller  quérir  quelqu'un,  aller  chercher  de  l'eau.  » 

2.  Sur  poruec  dans  ce  sens,  voy.  Diez,  Et.  Wb.^  II  c,  s.  v.  avec^  Cachet. 
Burguy,  II,  318  (où  la  forme  porvec.  prise  dans  Roquefort,  est  fautive),  Renaut^ 
143,34,  etc. 

3.  Ce  sens  est  assez  fréquent;  voy.  par  ex.  le  Comte  de  Poitiers,  v.  53  :  Priuc 
au'ele  soit  de  haut  parage;  Beuve  d'Hanstone  dans  le  ms.  (anc.)  La  Val.  80, 
i<»  18  :  Preuc  au' a  Hanstone  refust  a  saveté;  Partonop.  7846;  Gilles  de  Chin,  1374 
(cité  dans  Gacnet).  —  On  ne  s'étonnera  pas,  connaissant  le  sens  un  peu  flottant 
de  diverses  conjonctions  de  ce  genre,  de  voir  la  nôtre  signifier  aussi  t  puis(que)  •  : 
Proec  (juefins  cuers  (jui  bet  a  haut  honnour  Ne  se  por  oit  de  tel  cose  des  fendre  (H.  de 
Bregi,  Vil,  30,  dans  Maetzner  ;  cf.  Keller,  Romvart,  p.  258).  Je  reconnais  ce 
mot,  estropié  par  le  copiste  et  signifiant  «  quoi(que)  »,  dans  ce  passage  de 


PRUEKES  ^89 

viens  d'indiquer,  en  sorte  que  aler  poruec  signifie  «  aller  chercher  cela, 
la  chose  dont  il  a  été  question  «.  A  côté  dt  porua^  poreuc, porec  [cf  avec)^ 
poureuc,  pomme ^  on  trouve  aussi,  comme  d^ailleurs  dans  les  autres  cas^ 
la  forme  contractée  priitc^  preac^  et  de  même  qu*à  côté  à^avuec  on  a 
avuekes,  avue^uest  à  côté  âHluec  iluikeSy  illaeques,  on  a  prackes  à  côté  de 
preuc.  Voici  quelques  exemples  de  ce  poruec  adverbe  : 

Et  quant  paroa  ala^  mut  avoit  demuré.  —  S.  Thomai^  v.  2041 . 
Rainouals  cort  portc^  si  l'a  saisi.  —  Altsc.^  7ï97* 
Jo  irai  pruec  e  lu  chi  m'atendras*  —  Aiisc^  3748, 
Jou  irai  prucc^  certes,  se  vous  volés.  —  H,  de  Bord* y  102^9. 

Or  il  est  arrivé  à  poruec^  prutc^  la  même  chose  qu'à  avuec.  On  a  perdu 
de  vue  la  valeur  de  la  seconde  partie  du  mot,  qui  en  faisait  nécessaire- 
ment un  adverbe,  et  on  en  a  fait  une  préposition,  ayant  à  peu  près  le 
sens  du  simple  par,  comme  avuec  a  pris  par  l^usage  le  sens  de  odK  C'esi 
ainsi  qu'il  se  présente  dans  le  vers  cité  au  début  de  cet  article.  —  Mais 
une  panicularité  de  prutc,  c'est  qu'on  a  si  bien  identifié  ce  mot  avec 
quérir,  dont  il  offrait  à  peu  près  le  sens  dans  la  locution  aler  pruec ^  qu'on 
construit  pruec  comme  un  infinitif  et  non  comme  une  préposition  ;  c'est- 
à-dire  qu'on  le  sépare  du  mot  qu*il  régit  et  que  souvent  ailleurs  on  l'en 
fait  précéder.  Voici  plusieurs  exemples  de  cet  usage  curieux  : 

Or  venés  pnuc  quant  vous  volés  ^ 
^^^^^  Le  porcelet  Ici  estoit  mien.  —  Meunier  d'AUti,  v.  26%. 

^^^^B  Et  11  prieus  dont  prucck  ala 

^^^^^  Renan,  —  Cour.  Rtn.^  v.  1177. 

^^^^^      Jcs  irai  pi\uc  et  si  les  avérés.  —  H,  de  Bord,^  v,  loyjS*, 
^^^^^  Or  je 

^^^^^K  Que  tu  le  me  voises  pourhuec.  —  Ren>  te  Nouy,^  IV ^  7t. 

^^^^H  Car  entre  Barat  et  Haimet 

^^^T^          l-c  vcnront  anqueniiît  poraec.  —  Bar.  et  //.,  v.  189. 
^K                   Vés,  dame  Douche  nous  vient  prutc.  —  du  Adam^  p.  84*. 
^^     Si  li  dist  que s'elc  voloit  il  l'iroit  poru,  —  Chron,  d*Ernaut,  p.  59*, 

I       Rcnart  U  Contnjait  :  Point  pour  amye  ne  la  ternit^  Prtng  qu'amy  a  pelé  iavoit 
"       (B*  =  ms.  de  Vienne,  19c). 

1 .  Le  troisième  composé  de  ce  pcnre,  senuec,  d'ailleurs  moins  usité,  se  pré- 
sente toujours  avec  son  sens  adverbial. 

2.  L'éditeur  n'a  pas  compris.  Il  imprime  :  Or  renis^  pnnc  quant  vous  wlis 

Cette  faute  se  retrouve  dans  la  nouvelle  édition. 

3 .  Le  ms,  b  porte  Jes  irai  qutrre^  ce  qui  indique  bien  le  sens  de  proie  ;  le 
copiste  de  ce  ms.,  comme  il  arrive  souvent»  a  traduit  un  mot  tombé  de  l'usage. 

4.  M.  Fr,  Michel  traduit  :  t  Dame  Douce  vient  près  de  nous.  • 
j.  Porec  ou  pnuc  est  )a  leçon  de  quatre  ms$.;  l'éditeur,  qui  lit  prenc,  a  préféré 

celle  des  deux  mss.  qui  donnent  :  il  iroit  por  lai.  Cette  leçon  est  bonne  aussi, 
mais  rédileur  a  eu  tort  de  dire  que  tous  les  autres  ms$«  •  ont  de  mauvaises 
leçons  ». 


590  MàLAKOES 

De  même  qu*aler  poruec  signifie  «  aller  chercher  »,  envoler  poruec  signi- 
fie <c  envoyer  chercher  ».  Adenet  le  Roi  a  employé  trois  fois  cette  locution 
dans  les  Enfances  Ogier  : 

Charlos  refu  tost  pourou  envolés.  1853. 

Devant  ta  tente  fist  pourou  envoyer 

Les  quatre  Turs  et  les  fist  convoyer.  4552- 

Après  la  messe  fii  pouroec  envoyés 

Li  apostoiles  et  trestous  \i  ciergiés.  7303. 

C'est-à-dire  :  «  On  envoya  chercher  Chariot,  —  le  pape;  il  fit  envoyer 

(=  il  envoya)  chercher  les  quatre  Turcs  ».  M.  Scheler  n'a  pas  compris 

ces  passages  :  «  Pouroec,  dit-il  sur  le  v.  1852,  signifie  d'habitude  pour 

cela^  dans  cette  intention;  mais  cette  signification  ne  se  prête  ni  ici,  ni 

dans  les  deux  autres  passages  où  il  paraît  encore.  Comme  je  le  trouve  les 

trois  fois  accouplé  au  verbe  envoyer  (=  mander),  j'en  conclus  que  l'auteur 

lui  attribue  la  valeur  de  par  exprès  ».  —  La  conclusion  est  hâtive  : 

comment  pour  cela  en  viendrait-il  à  signifier  «  par  exprès  ?  »  Il  n'est  pas 

plus  exact  qu'envoyer  signifie  «mander  ».  Pour  dire  «  mander  »,  Adenet 

disait  envoier  pouroec. 

O.P. 

II. 

DEUX  JEUX-PARTIS  INÉDITS  D'ADAM  DE  LA  HALLE. 

Les  deux  Jeux-partis  à' Adam  de  la  Halle  que  nous  publions  aujourd'hui 
se  trouvent  dans  le  ms.  fr.  1 109  de  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris 
(anc.  7365),  et  n'ont  pas  été  compris  par  Coussemaker  dans  les  Œuvres 
complètes  de  ce  trouvère  artésien.  Cet  oubli  est  d'autant  plus  étonnant 
que  Coussemaker  a  connu  ce  ms.,  où  il  a  puisé  des  variantes  pour  un 
grand  nombre  de  Chansons  et  pour  14  autres  Jeux-partis  que  renferme 
aussi  le  ms.  25566  (^anc.  La  Vall.  81),  qui  a  servi  de  base  à  l'édition; 
deux  des  pièces  empruntées  à  ce  même  ms.  La  Vallière  n'existent 
pas  dans  le  ms.  1 109  '  :  ce  sont  donc  18  Jeux-partis,  et  non  pas  16, 
qu'il  faut  attribuer  au  Bossu  d'Arras  (cf.  Œuvres  complètes  d'Adam  de  la 
Halle,  Introd.  xliii). 

Nous  retrouvons  dans  ces  deux  pièces  l'interlocuteur  favori  d'Adam, 
qu'il  désigne  simplement  par  Sire^  comme  déjà  dans  les  Jeux-partis  n"'  vi, 
VII,  VIII,  IX  et  x  de  l'éd.  Coussemaker  et  qui,  d'après  Coussemaker,  doit 
être  Jean  Bretel,ce  qui  paraît  d'ailleurs  fort  probable  (Fàuchel,  Œuvres, 

I.  Ces  Jeux-partis  portent  dans  Tédit.  de  Coussemaker  les  n®*  x  et  xv  : 
Adan,  amis,  je  vous  di^  une  fois  (p.  169-72)  —  Assignés  chi,  Griviler,  jugement 
(p.  193-6). 


DEUX  JEUX-PARTIS  I>'AiDAM    DE   LA   HALLE  ^91 

i6iOy  f  584  v<*,  donne  à  Jean  Bretel  le  titre  de  Sire);  à  côté  de  lui  nous 
voyons  apparaître  deux  trouvères  connus,  Audefroi  le  Bâtard  (si  c'est  bien 
lui,  comme  nous  le  pensons,  qu'il  faut  reconnaître  dans  Audefroi) ,  et  Jean 
Grieviler,  en  même  temps  qu'un  nouveau  venu,  Robillart  de  Kainsnoi,  Si 
du  reste  nous  remarquons  qu'Adam  de  la  Halle  a  toujours  pris  pour  juges 
de  ses  Jeux-partis  les  trouvères  de  son  époque,  tels  que  Audefroi  le 
Bâtard,  Grieviler,  Lambert  Ferri,  Jean  Erart,  Jean  le  Cuvelier  et  autres, 
nous  admettrons  facilement  que  ce  Robillart  de  Kainsnoiy  qui  d^amours  set 
le  mestier,  doit  être  un  poète  artésien,  renommé  pour  ses  chansons  d'amour, 
et  dont  les  œuvres,  non  plus  que  celles  de  Grieviler  Qiist.  litt.  XXIII, 
604-;),  ne  sont  parvenues  jusqu'à  nous. 


Mss.  fr. 

Sire,  assés  sage  vous  vol 

Pour  moi  consillier 
De  chou  dont  vous  vue!  proiier  : 
Se  j'aim  une  dame  en  foy. 
Quant  doi  estre  plus  jolis? 
U  quant  je  sui  si  souspris  * 

Que  s'amour  11  proi 
Et  sui  de  désir  espris, 
U  quant  je  sui  si  ois 

Ke  j'en  ai  l'otroi? 

—  Adan,  le  conse!  de  moi 

Veer  ne  vous  quier  : 
Je  vous  di,  au  mien  cuidier. 
Par  le  foy  que  je  vous  doi. 
Que  moût  doit  estre  esbaudis 
Qui  de  cuer  proie  toudis, 

Et  plus  que  li  roi 
Cil  qui  de  l'otroi  est  fis  : 
Il  i  a  ja  tant  conquis 

Qu'il  set  bien  pour  quoy. 

—  Sire,  d'amours,  que  bien  Toy, 

Ne  savés  jugier; 
Ciers  cante  adès  au  moustier 
Et  bien  sert  quant  il  a  poi 
Pour  estre  canoune  eslis  ; 
Et,  quant  il  l'est,  si  vaut  pis  : 

Pour  itant  je  croi 
Cil  qui  est  d'otroi  saisis 


I. 

1109,  fol.  }2lfr. 

Recroit,  com  hon  enrichis 

Qui  piert  l'esbanoy.  50 

—  Adan,  se  vo  dit  ne  ploi, 

Poi  faich  a  prisier; 
)      Li  prians  est  en  dangier 
Tous  jours  et  en  grant  effroy 
Pour  paour  d'estre  escondis  ;  3  ^ 

Mais  cil  qui  l'otroi  a  pris. 
Il  est  sans  anoy  : 
'^      Plus  est  liés  li  bons  garnis 
D'otroi  c'uns  prians  mendis 

N'est  :  a  che  m'apoi.  40 

—  Sire,  quant  en  un  tournoy 

Prendés  chevalier 
Pour  lui  faire  fiancier, 
Loes  le  devés  laissier  quoy 
Qu'il  est  a  fiance  mis  :  45 

Se  ma  dame  m'a  proumis 

Son  cuer,  plus  n'ai  loi 
D'estre  cantans  ne  polis. 
Pour  eskiever  les  mesdis 

Pour  mi  et  pour  soi.  50 

—  Adan,  mal  mon  sens  emploi 
En  vous  castiier  : 

On  ne  puet  fol  redrecier 
A  sens,  quant  prins  a  son  ploi  : 
Otrois  est  si  signouris,  5  5 

Qui  l'a  si  est  raemplis 


»$ 


20 


Uçons  du  ms,:  \.  —  14  doit  —  17  li  doi  —  21  que,  1'  manquent  —  30  Qui/ 
pict  —  31  ncmploi  —  53  castiier —  56  li 


592  MÉLANGES 

De  si  gent  conroi.  Qui  denier  ont  fait  laissier 

Qu'estre  ne  puet  desconfis;  Gieu,  feste,  gas  et  riboy. 

Mais  liprians  est  hounis  -  A  Robillart  de  Kainsnoi  65 

Apetitdefoy.  60      quj  d.^monrs  set  le  mestier. 
—  Empreng  signeur  Audefroi  Celui  tieng  pour  droiturier, 

Pour  nous  apaisier,  A  son  jugement  m'otroy. 

II. 
Ms.  fir.  1109,  fol.  321  c. 

Adan,  du  quel  cuidiés  vous 

Qui  vive  a  dolour  plus  grant? 

U  cil  qui  est  fins  jalons 

De  celi  qu'il  aime  tant 

Qu'il  ne  s'en  puet  départir  $ 

Et  si  Ta  a  son  plaisir, 
U  cius  qui  maint  en  dangier  et  li  prie, 
Mais  riens  n'i  prent,  et  s'est  sans  jalousie? 

—  Sire,  de  ces  amourous 

Connois  bien  le  plus  dolant  :  lo 

Saciés  que  c'est  uns  maus  dous 

De  jalousie  en  amant ,  (d) 

Si  vient  de  trop  enchierir; 

Mais  cil  qui  ne  puet  goîr 
De  sa  dame  soeffre  droite  haskie,  1 5 

Car  li  jalous  a  chou  dont  il  mendie. 

—  Adan,  povrement  rescous 
Vous  estes,  je  vous  créant; 
Jalouzie  est  uns  courons 

Pour  quoi  on  vit  en  morant  :  20 

Je  n'i  senc  nul  bien  entir  ; 

Mais  cil  qui  vit  en  désir 
Continuel  de  bien  servir  s'amie, 
Vit  bien  a  pais  en  povreté  jolie. 

—  Sire,  ja  n'ere  au  desous  25 
De  chou  que  j'ai  dit  avant  ; 

Mius  vient,  au  tesmoing  de  tous, 

Le  ventre  avoir  trop  tendant 

Pour  un  peu  de  mal  souffrir 

Que  de  famine  langhir  ;  30 

Chius  est  plus  mal  baillis  cui  fains  aigrie 
Que  ne  soit  cil  qui  de  trop  mcngier  crie. 


60  peu. 

Leçons  du  ms.  :  II.  —  23  Continueus,  bien,  s'  mûn^ue 


LE    REDOUBLEMENT   DBS  CONSONNES   EN   ITALIEN  ^93 

—  Adan,  parmi  grans  tribous 
Conquist  tout  en  mendiant 

Et  honneur  et  pris  Aious,  ^5 

Ce  set  bien  cascuns  ;  mais  quant 

Hom  a  grant  tere  a  tenir, 

Et  si  ne  s'en  set  chavir, 
Ains  vit  dolans,  il  a  pis  le  moitié 
Que  cil  qui  en  povreté  montepiie.  40 

—  Sire,  les  raisons  de  nous 
Vous  pnievent  a  recréant, 
Mais,  que  ce  ne  soit  courons, 
On  voit  le  rice,  en  waitant, 

Avoir  déduit  et  plaisir,  45 

Et  les  diseteus  kaîr 
En  desespoir  d'anui  qui  les  carie  : 
Soustenu  ai  par  chou  bien  ma  partie. 

Grieviler,  qui  sans  merir 

Sert  a  pais  de  cuer  en  tir,  )o 

En  désirant  il  a  plus  noble  vie 
Que  cil  qui  got  d'amours,  et  ne  s'i  fie. 

Gaston  Raynaud. 
III. 
LE  REDOUBLEMENT   DES  CONSONNES  EN  ITALIEN 

DANS    LES    SYLLABES    PROTONIQUES. 

M.  d'Ovidio  a  étudié  dans  la  Romania  (VI,  199  ss.),  avec  l'attention  et 
le  soin  qu'il  apporte  d'ordinaire  à  ses  travaux,  le  redoublement  des  con- 
sonnes en  italien  dans  la  syllabe  qui  précède  la  tonique  ;  mais  il  ne  parait 
pas  avoir  réussi  à  expliquer  le  phénomène.  Il  le  regarde  comme  déter- 
miné par  des  conditions  très- variées,  et  dont  plusieurs  sont  même  abso- 
lument opposées.  Comment  dans  strattagemmaj  accademia^  etc.,  le  redou- 
blement peut-il  être  dû  à  l'accent  secondaire  que  porte  la  première 
syllabe,  quand  on  le  voit  se  produire  immédiatement  avant  la  tonique 
dans  des  cas  plus  nombreux  encore,  comme  accidia,  alloda,  etc.? 
Comment  attribuer  une  influence  à  la  chute  dactylique  du  mot  dans 
accididy  accolito,  etc.,  quand  le  redoublement  a  lieu  dans  un  plus  grand 
nombre  de  mots,  comme  allegro,  alloda,  dont  la  chute  est  iamhique? 

X  5  pais  Aions.  —  Ces  vers  font  allusion  â  la  première  partie,  en  vers  déca- 
syllabiques,  de  la  chanson  dMio/  ;  ils  ont  déjà  été  cités  dans  son  édition  de 
Rutebeuf^  III,  187.  par  A.  Jubinal,  qui  voit  dans  notre  pièce  un  jeu  parti  dédié 
â  Adam  de  la  Halle.  —  49  Grieviler  n'est  pas  ici  invoqué  comme  juge;  Adam 
lui  adresse  le  jeu  parti,  en  répétant  dans  l'envoi  la  thèse  qu'il  a  soutenue  dans  le 
débat.  —  p  En  manqtu. 

HomiuUû^iy  }8 


594  MÉLANGES 

Enfin  faut-il  admettre  dans  aUegro,  alloco ^etc,  une  tendance  assimilante; 
dans  alloda^  allemo,  etc.,  une  tendance  dissimilantei  Cela  finirait  par 
revenir  à  dire  que  toutes  les  conditions  se  montrent  favorables  au  redou- 
blement; ou  en  d'autres  termes  qu'il  n'est  lié  à  aucune  condition.  Cepoi- 
dant  il  est  facile  de  reconnaître  ce  qui  est  commun  aux  divers  cas  : 

Le  redoublement  se  produit  à  la  fin  de  la  syllabe  initiale. 

Sur  les  170  à  180  formes  que  M.  d'O.  énumère  sous  les  rubriques  A, 
B,  C,  D,  E,  il  ne  s'en  trouve  qu'une  douzaine  où  la  consonne  redoublée 
ne  soit  pas  à  la  fin  de  la  syllabe  initiale  :  ammennicolo  (aussi  hi-], 
Bambillonia  (-/-),  mucellaggine  {-/-),  parassito  (•^-),  petrosellino^  Barto- 
lommeo  (-m-),  Tolommeo  (-m-),  Lancillotto  (-/-),  Ghibellino^  palettà^ 
taffeîtà^  tonnellata.  Il  faut  remarquer  que  sur  ce  nombre  sept  mots  se 
prononcent  aussi  avec  la  consonne  simple,  en  outre  que  cinq  sont  des 
noms  propres,  que  parassito  n'a  pas  une  origine  populaire,  que  petrosello 
existe  à  côté  de  petrosellino^  que  tonnellata  est  la  représentation  correcte 
de  l'esp.  tonelada  (puisque  l'esp.  tonel,  le  fir.  tonneau  serait  en  \t*tonnello), 
etc.  Bref,  ces  exceptions  ne  font  que  confirmer  la  règle.  Parmi  les  cin- 
quante mots  d'origine  douteuse  ou  tout  à  fait  inconnue'  énumérésp.208, 
il  ne  s'en  trouve  que  six  où  le  redoublement  ait  lieu  à  une  syllabe  atone 
qui  ne  soit  pas  l'initiale. 

Une  fois  la  condition  du  redoublement  établie,  il  n'est  pas  difficile  d'en 
découvrir  aussi  la  cause.  La  syllabe  initiale  se  prononce  toujours  avec  un 
certain  renforcement  dans  l'expiration,  et  sans  cela  il  ne  serait  pas  possi- 
ble de  distinguer  un  mot  de  l'autre.  C'est  ce  qui  explique  la  solidité  de 
la  consonne  initiale,  certaines  modifications  de  la  première  voyelle  atone, 
d'e  par  exemple  en  0  (Diez,  Gramm.^  I,  173  s.;  Caix,  Osservazioni  sui 
vocalismo  iîaliano,  26  s.),  et  enfin  le  redoublement  de  la  consonne  qui 
suit  cette  voyelle.  A  la  tendance  négative  qui  pousse  à  ne  pas  rejeter  la 
voyelle  atone  de  la  première  syllabe  (et  cette  tendance  est  incontestable 
malgré  quelques  formes  comme  prêt to^  trivello,  brusîolare,  sîaccio),  corres- 
pond exactement  la  tendance  positive  qui  porte  à  consolider  cette 
voyelle  en  renforçant  la  consonne.  Il  serait  désirable  de  donner  à  toutes 
ces  recherches  un  fondement  plus  profond,  qui  ne  peut  se  trouver  que 
dans  l'étude  des  dialectes  (cf.  par  ex.  le  napol.  cammisa^  demmonio, 
delluvio^  vallena,  leggitemo^  Lobberto).  Personne  ne  serait  plus  en  état  de 
le  faire  que  M.  d'Ovidio. 

Hugo  SCHUCHARDT. 

Gratz,   9  août   1877. 


1.  Il  n'aurait  pas  fallu  y  comprendre  parroffia ;  le  prov.  parrofia=parochia  est 
suffisamment  attesté. 


CHARRÉE 

IV. 

CHARRÉE, 

r  CHARRéE  :=  cendre  lessivée* 

or  Charrie,  dit  Littré,  cendre  qui  reste  sur  le  cuvier,  après  que  la 
lessive  est  coulée,  —  Etym,  Berry,  cherrée.  Ménage  le  tire  de  cinerata, 
cendrée;  la  Monnoye  du  bourguignon  carre,  cendre.  Il  est  bien  probable 
qu'en  effet  charrée  est  quelque  altération  de  cendrée.  »  il  me  semble,  au 
contraire^  que  cela  n'est  pas  du  tout  probable,  car  on  ne  voit  pas  corn* 
ment  le  c  palatal  du  radical  latin  cin  aurait  donné  en  français  la  chuin- 
tante ou  linguale  ch  K  II  est  vrai  que  cineraîa  a  donné  toute  une  série  de 
dérivéSf  dont  le  sens  est  semblable  ou  analogue  à  celui  de  charrée;  ainsi 
esp.  cernada  [=  cenradd,  cinYata),   charrée;  cat.  port,  cendrada,   id.; 
pr,  cendrada,   charrée  (Aix)  et  lessive  qu'on  fait  aux  olives  pour  leur 
enlever  leur  amertume;  fr.  cendrée,   écume  de  plomb  et  à  Tournay  mé- 
lange de  poussière  de  houille  et  de  chaux  employé  comme  ciment.  Mais 
tous  ces  vocables  viennent  régulièrement  de  cineraîa;  il  n'en  est  pas  de 
même  de  charrée^  et,  sans  parler  des  difficultés  que  présenterait  une 
pareille  dérivation,  il  serait  au  moins  surprenant  que  cineraîa  eût  donné 
à  la  fois  en  français  chûnèt  et  cendrée.  Aussi  est-ce  ailleurs  quil  faut  cher- 
cher Tétymologie  du  premier  de  ces  mots.  Charrée  a  pour  équivalent 
dans  le  patois  normand  du  Bessin  carèe,  en  picard  car{r)ie;  ceci  nous 
ramène  nécessairement  à  un  radical  car,  dont  la  première  lettre  explique 
à  la  fois  le  k  du  normand  et  du  picard  et  le  ch  du  français,  les- 
quels restent  une  énigme  avec  le  radical  cin^.  D'un  autre  c6té  la  termi- 
naison ée  ne  peut  venir  que  d'une  désinence  ata  ou  ada;  le  mot  latin 
dont  dérive  le  français  charrée  ne  peut  donc  être  que  car[r)âta  ou  car{r)ada. 
Or  ces  roots  existent  précisément  dans  le  latin  du  moyen-âge  ;  on  lit 
par  ex.  dans  une  charte  de  Charles  le  Chauve  :  i  carrada  una  ex  mo- 
diis  octo  ^)  ^  dans  une  autre  charte  de  Louis  le  Débonnaire  :  «  vini  car-^ 
ratas  20  »,  et  Du  Cange  auquel  j'emprunte  ces  citations  traduit  c^rr^t/â  et 
carratd  par  «   onus  carri,  Gallis  chareiée  vel  charrée  v  ;  ou  par  a  dolii 
vinearii  seu  alterius  liquoris  specîes  ï>.  Maintenant  comment  du  sens  de 
charretée  ou  tonneau  a-t-on  pu  passer  à  celui  de  cendre  lessivée  ?  C'est  ce 


1.  Ceci  n'a  pas  paru  une  difficulté  à  M.  Scheler,  lequel  dérive  sans  hésiter 
charrie  1  de  châru^  chcrn,  mol  patois  qui  signifie  cmàn  et  qui  paraît  venir  de 
cintrtm  par  assimilalioTi  de  n  à  r  1  ;  le  savant  lexicographe  aurait  dû  faire  con- 
naître le  t  patois  *  dans  lequel  il  a  trouvé  ce  mot, 

2.  Sans  parler  de  la  difficulté  d'eipliquer  te  double  r  de  chmU  ou  tarrèt  par 
l*/i  +  r  de  cinr. 


596  MÉLANGES 

que  l'absence  de  textes  suffisants  empêche  de  dire  ;  tout  ce  qu'on  entre- 
voit c'est  que  cette  cendre  étant  un  engrais  précieux  qu'on  recueille  avec 
soin  et  qu'on  exporte  même  d'une  province  dans  une  autre,  on  a  pu  lui 
donner  un  nom  emprunté  à  la  manière  dont  on  la  transportait. 

Faut-il  rattacher  à  la  même  origine  les  formes  provençales  chairel, 
cheirely  chairias  (Honorât)  ?  Cela  est  vraisemblable,  mais  elles  ne  sau- 
raient guère  servir  à  élucider  l'étymologie  de  charrie.  Quoi  qu'il  en  soit^ 
on  voit  que  dans  le  domaine  franco-provençal  la  cendre  lessivée  a  reçu 
une  double  dénomination  tirée  soit  de  sa  nature  première,  soit  de  l'em- 
ploi qu'on  en  fait  ou  plutôt  de  la  manière  dont  on  la  transporte  pour 
s'en  servir. 

2**  CHARRÉB  =  appât. 

Quant  à  chàrrée^  «  larve  d'insecte  qui  sert  d'appât  d,  suivant  la  défi- 
nition de  M.  Littré,  qui  donne  ce  mot  sans  en  indiquer  l'étymologie,  il 
vient  évidemment  de  carnata  (cf.  esp.  carnada,  même  sens),  avec  assi- 
milation de  /2  à  r  dans  le  français. 

Charles  Joret. 

Aix,  novembre  1876. 

V. 

UN  DÉBAT  CHANTÉ. 

Le  peuple  chante  sur  plusieurs  points  de  la  France  >  un  jeu  d'esprit 
qui  dès  le  xiii''  siècle  servit  plusieurs  fois  de  thème  aux  ingénieuses 
combinaisons  des  lettrés'.  Il  s'agit  de  la  querelle  de  l'Eau  et  du  Vin  et 
de  la  suprématie  que  tour  à  tour  revendique  Pun  ou  l'autre.  Ce  sujet, 
qui  semble  n'appartenir  qu'aux  rhéteurs,  le  peuple  le  goûte  et  le  redit 
en  plusieurs  façons.  Il  le  chante  en  des  couplets  d'une  langue  et  d'un 
rhythme  auxquels  il  n'est  pas  habitué  et  que  sa  mémoire  a  dû,  non  sans 
effort,  apprendre  sur  des  feuilles  semées  par  le  colportage. 

A  Marihes-en-Forez,  on  chante  onze  couplets  d'un  Débat  de  VEau  et 
du  Vin  qui  commence  ainsi  : 

Hélas!  que  tu  es  folle, 
Disait  le  Vin  à  l'Eau  ; 

1.  Puyniaiffre,  Chants  pop.  du  pays  messin,  191:  Hélas!  que  tu  es  folle,  etc.; 

—  Romania,  III,  qi  [Ch,  pop,  de  la  vallée  d'Ossau)^  M.  de  Puymaigre  dit  qu'on 
chante  dans  la  vallée  le  Débat  du  vin  et  de  Veau,  mais  n'indique  pas  quel  chant; 

—  Francisque  Michel,  Le  pays  basque,  356. 

2.  Edélestand  du  Méril,  Poésies  inédites  du  moyen-âge,  303,  chant  latin  ;  — > 
A.  Jubinal,  Fabliaux,  I,  29?,  311  ;  —A.  de  Montaiglon,  Recueil  de  poésies 
françoises  des  XV'  et  XVI'  siècles ,  IV,  103. 


UN    DÉBAT  CHANTÉ  597' 

Toujours  tu  cours,  tu  voles, 
Tout  le  long  d'un  ruisseau. 
De  même  qu'une  errante 
Toujours  tu  suis  la  pente; 
Du  moins  imite-moi, 
Car  l'homme  sans  mélanges 
Me  donne  des  louanges 
Mille  fois  plus  qu'à  toi. 

Une  récente  image  d'Epinal  donne  les  huit  premiers  couplets  de  ce 
débat  qui  a  eu  ou  d'autres  éditions  que  celle-ci  ou  d'autres  éditeurs  que 
Pellerin. 

Le  cordonnier  Avinain,  de  Chamalières  en  Velay,  m'a  dit  une  autre 
chanson  sur  le  même  thème. 

Dedans  Cambrioles  *  ce  beau  séjour, 

C'est  l'objet  de  mes  amours, 

Y  avait  ce  bon  vin  de  coteau 

Qui  voulait  faire  la  guerre  à  l'eau. 

«  Mais  l'Eau  par  un  coup  de  tonnerre 

Frappant  toujours  toute  la  terre, 

Moi  que  je  suis  dans  mon  cerrier 

Cent  fois  plus  fort  qu'un  cavalier.  • 

L'Eau  lui  répond  sans  s'inquiéter  : 

ff  Tu  veux  donc  bien  me  chagriner? 

Que  deviendrais-tu  ici  sans  doute 

Si  j'arrêtais  toutes  mes  sources, 

Car  s'il  manquait  mon  arrosée 

Que  deviendrais-tu  avec  ton  bois  tordu  ?  » 

La  dispute  se  poursuit  durant  quatre  couplets  et  l'Eau  finit  par  triom- 
pher. Cette  chanson,  plus  dénaturée  que  la  première,  est,  conmie  elle, 
une  de  ces  compositions  artificielles  que  nous  apporte  l'image  ou  l'aima- 
nach. 

A  cAté  de  cette  littérature  écrite,  qui  s'adresse  surtout  au  mécanisme 
de  la  mémoire,  on  trouve  assez  souvent  parallèlement  et  plus  profondé- 
ment établis  dans  la  couche  populaire  des  chants  sans  texte  arrêté  que 
le  peuple  comprend,  pétrit  et  transforme  sans  cesse  dans  un  moule  qui 
lui  est  familier. 

Tels  sont  ces  quelques  couplets  d'un  Débat  du  Vin  et  de  VEau  qui  me 
paraissent  appartenir  à  la  littérature  populaire  spontanée,  fort  éloignée 
de  cette  littérature  de  surface  que  nous  inflige  le  colportage  en  répan- 
dant dans  nos  campag;nes  des  chants  dont  la  donnée  nous  plaît,  mais  que 
défigure  un  costume  d'emprunt. 

I .  J'ignore  où  se  trouve  Cambrioles,  et  s'il  existe  ailleurs  que  dans  l'imagi- 
nation du  chanteur  une  localité  de  ce  nom. 


«59^  MÉLANGES 

1  En  me  promenant      tout  le  long  d'un  ruisseau, 
J'entendis  le  Vin  et  TEau      qui  se  disaient  contraire. 

2  Le  Vin  dit  à  la  Rivière  :      c  Mais  que  tu  es  mauvaise! 
Toute  personne  qui  boit  de  toi      est  bien  mal  à  son  aise.  > 

3  Voici  TEau  qui  lui  répond      d'une  douce  manière  : 

c  Moi  qui  nourris  la  truite      pour  la  grossir  ensuite 
Et  tous  les  petits  poissons      qui  viennent  à  ma  suite.  » 

4  Voici  le  Vin  qui  lui  répond      d'une  grosse  manière  : 

c  Moi  fais  chanter  les  hommes      quand  illes  sont  à  table 
Et  les  fais  vivre  en  riant      dans  leur  petit  ménage,  i 

5  Voici  TEau  qui  lui  répond      d'une  douce  manière  : 

«  Moi  Ton  fait  la  lessive      pour  blanchir  ta  chemise, 
L'on  me  dresse  des  moulins      pour  faire  la  farine.  > 

6  Voici  le  Vin  qui  lui  répond      d'une  grosse  manière  : 

c  Et  moi  l'on  me  renferme      dans  un  tonneau  de  chêne  ; 
Lorsqu'on  a  besoin  de  moi      l'on  me  perce  à  l'oreille.  » 

7  Voici  l'Eau  qui  lui  répond      d'une  douce  manière  : 

c  Moi  sers  au  saint  baptême,      toi  tu  n'es  pas  de  même  : 
J'admets  les  enfants  du  monde      au  saint  nom  de  l'Eglise  ^  > 

V.  Smith. 

VL 

FRAGMENT  D'UNE  COMPLAINTE  DU  JUIF-ERRANT. 

A  Marlhes  et  à  Chamalières  on  m'a  chanté  quelques  couplets  d'un 
Juif'Errant  qui  a  précédé  la  complainte  célèbre  :  Est-il  rien  sur  la  terre. . . 
Ces  couplets  d'un  rhythme  compliqué  ont  sans  doute  été  apportés  par 
des  feuilles  imprimées  dont  je  n'ai  pu  d'ailleurs  trouver  aucun  exemplaire. 
Les  voici  : 

1  Jésus  s'en  va  portant  sa  croix,  3  Dieu  ne  m'a  pas  donné  le  temps 
Au  Calvaire  s'en  est  allé.  De  dire  adieu  à  mes  parents, 
N'en  tomba  de  faiblesse,  Mes  enfants,  ni  à  ma  femme. 

Monsieur,  .  Monsieur, 

Se  vcuillant  reposer  Aussitôt  qu'il  m'a  parlé 

Devant-z-un  cordonnier.  Il  m'a  fallu  marcher. 

2  Cordonnier  m'a  rebuté.  [ment,  4  Quand  je  passe  dedans  l'eau, 
c  Oh  !  marche,  marche  prompte-  Je  n'ai  pas  besoin  de  bateau. 
Oh  !  marche  devant  ma  gloire.  Ni  de  pont,  ni  de  planche. 

Et  toi.  Monsieur, 

Tu  marcheras  sur  la  terre  Le  bon  Dieu  me  conserve 

Jusqu'au  jugement.  »  Me  faisant  marcher. 

I .  Vorey,  chanté  par  Mariannette  Dunis. 


UNE   COMPLAINTE   DU   JUtF    ERRANT  ^99 

)  Quand  je  passe  à  Montbrisonf  Monsieur^ 

La  vîtle  était  en  garnison;  Avant  que  je  retourne^ 

La  ville  est  en  discorde,  Dieu  l'aura  accordée 

Si  on  se  demande  à  quelle  discorde  ce  dernier  couplet  fait  allusion  et 
à  quelle  date  approximative  peut  remonter  la  chanson,  on  esi  lente  de 
placer  le  passage  du  Juif-Errant  à  Montbrison  au  temps  de  la  Ligue  et 
d'assigner  à  la  chanson  une  époque  un  peu  postérieure,  le  premier  tiers 
du  xvn*  siècle,  par  exemple.  Du  2  décembre  1592  aux  premiers  mois 
de  1 596,  Nemours  et  Saint*Sorlin,  appuyés  par  les  ligueurs,  occupèrent 
successivement  Monibrison  et  lui  imposèrent  la  lourde  charge  de  leur 

garnison  : 

Quand  je  passe  à  Monibrison, 
La  vîlte  était  en  garnison 

Mais  la  merveille  de  la  venue  du  Jyif-Errant  demanda  sans  doute 
quelque  temps  pour  s'accréditer,  et  la  poésie  ne  dut  s*en  emparer 
que  lorsqu'un  certain  éloignement  lui  eut  composé  une  sone  de 
vraisemblance.  Ces  apparitions  du  Juif,  témoin  de  la  mort  de 
Jésus-Christ,  furent  nombreuses  en  France  au  commencement  du 
xvn*  siècle,  et  probablement  s*y  produisirent  dès  la  fin  du  xwf.  Un 
lettré  2  écrivait  en  1610  que  dans  toute  !*Europe  il  était  question 
du  Juif-Errant.  En  1609,  on  imprimait  à  Bordeaux  une  pièce  qu'on 
donnait  pour  deux  sous  et  dans  laquelle,  avec  la  vie  du  Juif-Errant 
en  prose,  se  trouvait  une  complainte  attestant  Tapparîtion  du  voyageur 
sans  trêve  en  Champagne  ».  En  16J5  4,  un  opuscule,  imprimé  à  Paris» 
parle  de  la  visite  du  Juif-Errant  à  Fontainebleau,  à  Châlons-sur-Mamc 
et  dans  T Ile-de-France.  Il  n'est  donc  pas  inadmissible  que  notre  chanson 
forézienne  vise  je  ne  sais  quel  passage  de  ce  personnage  qui  aurait  eu 
lieu  de  r  $92  à  1  $96,  et  que  cette  chanson  elle-même  appartienne  au 
commencement  du  xvti"  siècle  ï, 

V.  Smîth. 


j ,  Chamalières,  Marianncllc  Vincent,  femme  Alibert. 

î.  Boulhrays,  cité  par  le  comte  de  Douhet,  Dictmnaire  da  Ugcnda  (Ency- 
dopédie  Migncj,  au  mol  Jaif -Errant. 

},  Champfleury,  Histotn  de  timascrie  populaire^  le  Mj-Erra/it^  J4.  La  com- 
plainte de  1609  est  reproduite  par  Nisard,  Hut  dis  livres  populaires^  I,  48},  el 
par  Tarbé,  Romanas  de  Champagne^  11,  1  (9.  Elle  n*a  point  d^aillcurx  la  naïve 
simplicité  d'un  chant  populaire.  Elle  paraît  avoir  été  composée  plutôt  pour  être 
lue  que  chantée, 

4.  ChampfleurY,  livre  précité,  79. 

\,  M-  Patiu.  de  Dôlc,  a  envoyé,  en  1857,  au  Comité  de  ta  lênp»,  une 
ancienne  complainte  imprimée  du  Juif 'Errant  \pro€ts*mktl  de  lésknu  du  4  mat). 
Il  serait  curieux  de  connaître  ce  chant  et  sa  date. 


CORRECTIONS. 


LE  MS,  BOURGUIGNON  ADDIT.  1 5606. 


Le  ms,  bourguignon  du  Musée  britannique  dont  j'ai  donné  ta  description 
et  de  copieux  extraits  dans  le  précédent  volume  de  la  Romania,  a  été 
exécuté  par  un  copiste  visiblement  peu  habile,  C'était  un  écrivain  très- 
provincial,  n'ayant  pas  été  à  bonne  école,  et  n'étant  pas  moins  étranger 
aux  beaux  usages  de  la  calligraphie  du  temps  qu'aux  formes  du  beau 
français  qui  dès  lors  prédominait  dans  la  littérature.  Nous  devons  lui 
savoir  tant  de  gré  d'avoir  écrit  tout  droit  comme  on  parlait  chez  lui, 
qu'en  vérité  nous  pouvons  bien  lui  pardonner  sa  mauvaise  écriture.  Tou- 
jours  est-il  que  dans  cette  écriture  lourde  et  gauche  certaines  lettres, 
par  exemple  le  t  et  l'r,  IV  et  l'o  ne  se  distinguent  pas  fort  nettement,  d'au- 
tant que  Tencre  est  si  pâle  que  les  traits  déliés  sont  bien  souvent  très- 
peu  perceptibles.  Par  suite  j*ai  commis  un  certain  nombre  d'erreun 
dans  les  extraits  que  j'ai  donnés  de  ce  ms.,  principalement  dans  les  pre- 
miers, alors  que  je  n'étais  pas  encore  familier  avec  la  langue  du  copiste. 
Ces  erreurs  je  les  aurais  sans  doute  corrigées  si  j'avais  eu  la  faculté  de 
collationner  les  épreuves  avec  le  ms,,  mais  tl  m'a  été  impossible  de  me 
rendre  à  Londres  au  moment  où  mon  mémoire  s'imprimait.  Je  me  pro- 
pose actuellement  de  rectifier  ici  mes  mauvaises  lectures. 

Lorsque  j'ai  commencé  à  étudier  et  à  transcrire  le  ms.  en  question,  je 
n'ai  pas  tout  d'abord  reconnu  que  certaines  abréviations  ne  pouvaient 
pas  être  interprétées  avec  certitude.  Ainsi  j'ai  ordinairement,  du  moins 
dans  mes  premiers  extraits,  transcrit  suivant  la  notation  française,  c'est- 
à-dire  par  en^  in,  on^  les  finales  t\  ï^  ô,  que  j'aurais  mieux  fait  de  repro- 
duire telles  que  les  donne  le  ms.  Je  me  suis  aperçu  tardivement  de  mon 
imprudence,  et  j'ai  écrit  (p.  44,  §  21)  :  «  «  final  roman  est  parfois  rem- 
placé par  m.,.  Très- fréquent  dans  FloovanL..  Les  exemples  seraient 
encore  plus  nombreux  dans  l'un  et  l'autre  texte,  sî  on  n'était  naturelle- 
ment porté  à  transcrire  par  n  l'abréviation  marquée  par  le  tltulus,  n  Le 
fait  est  que  j'ai  souvent  cédé  à  cette  tendance  (je  pense  que  les  éditeurs 
de  Fîoovant  en  ont  fait  autant),  et  que  même»  ce  qui  est  plus  grave,  j*aî 
en  plusieurs  cas  écrit  n  là  oii  le  ms,  porte  m.  Ainsi,  dans  le  calendrier 
[p.  4  et  suiv.i  j'ai  écrit  sain  alors  que  le  ms.  a  toujours  sah  Si  le  copiste 


LE   MS.    BOURGUIGNON    ADDIT.    1  5606  60I 

avait  écrit  ce  mot  sans  abréviation,  il  eût  assez  vraisembiablement,  sinon 
adopté^  du  moins  fréquemment  employé  la  forme  saim,  malgré  le  t  du 
latin  sanctus^  car  il  écrit  dom  pour  dont  (voy.  p*  44,  §  17).  Notons 
encore  dans  le  calendrier  Fiâvii^  Sobachiè  (janvier),  Aabl  (mars),  Vaie- 
rii  (avril),  Gordiê^  Urbàî,  Germai  (mai),  Claudiê,  Feliciê,  Marcttl^  Jehâ 
(juin),  Aagusfi  (août),  Fioranfi  (sept.),  Aquilï^  Crépi?  |oci.).  Puis,  p.  7, 
coL  2>  v,  8,  certalf  v.  16,  dd;  p.  n,  v,  jo,  dd]  p,  14,  v.  52,  rai; 
p.  15,  v.  89,  sal  (et  ailleurs  :  je  n'ai  jamais  rencontré  dam  notre  ms.  ce 
mot  en  toutes  lettres);  p.  18,  v.  14,  mat;  p.  20^  v.  4  du  Caton^  dô; 
p.  }0,  V.  40,  dû;  p.  îi,  V.  i6î  et  passim,  bii  (mais  nen  en  toutes 
lettres  au  v,  1 64);  p.  34,  v.  j  5  5 ,  dô.  Dans  tous  ces  cas  on  ne  saurait  se 
décider  entre  m  tt  n:  ainsi  il  y  a  dom  plusieurs  fois,  mais  on  trouve  don, 
par  ex.  p.  27,  v,  2  du  n^  xxii,  où  j'ai  à  tort  écrit  dont.  Toutefois,  pour 
certains  cas,  la  probabilité  est  plus  grande  d'un  côté  que  de  Tautre  :  les 
notations  an,  ien,  on,  m^  sont  très-fréquentes,  tandis  que  biem,  p.  28, 
1.  i^prisom,  p.  14,  v,  60  bis,  sont  exceptionnels.  Au  contraire  im  esta 
peu  près  constant,  et  je  dois  m 'accuser  d'avoir  écrit  dans  le  calendrier 
Vetaniin  (février),  Marcelin  Quin),  Martin  (juiilet)»  Vandelin  (septembre), 
quand  dans  tous  ces  noms  le  ms,  porte  clairement  une  m  finale.  De 
même  encore  p.  18,  dem.  L  le  ras,  porte  bicm]  p.  27  In"  xxil  nstimc- 
tiom  (quoiqu'il  y  ail  tout  à  côté  ascension],  et  à  la  ligne  d'après  som. 

J'ai  remarqué,  p.  44,  n*  17,  que  <t  le  /  final  roman,  venant  après  une 
consonne,  tombe  assez  régulièrement  lorsque  le  moi  suivant  commence 
par  une  consonne.  »  i'ai  commis  quelques  fautes  contre  cette  règle.  Dans 
le  calendrier  il  faut  lire  sai  PouU  sài  Policarpe  (janvier),  sal  pre  (juin)  ; 
puis,  p,  16,  v,  149  et  169,  sal  Michiez,  v.  1 57,  saï  Pou,  En  revanche  il 
y  a,  contrairement  à  ladite  règle,  sait  Girantt  saJtLienart  (oct.).  Il  faut, 
conformément  à  la  règle,  et  il  y  a  en  effet  dans  le  ms.,  maint  an,  p.  1 5 , 
v.  14Î. 

Voici  maintenant  le  reste  de  mes  ^rraf^  dans  Tordre  des  pages  du  mé- 
moire: 

P,  4.  Boiche^  lis.  Bolche  (janvier).  —  Jacq.,  lis.  Jasq,^  (mai)  et  de 
même  au  25  juillet.  —  Bandere,  lis.  Baudere  (mai). 

P.  5.  Marcenée,  ms.  Marteneê  (juillet),  —  Agapie,  lis.  Agapite  (août). 
—  Octovrez,  lis.  Oitovrez. 

P.  6.  Sainz^  lis.  Sains  {i  i  oct,)-  —  Nativité  de  Deu,  lis.  Nativitez  de 
Deul  (déc),  —  Riloux,  je  lis  maintenant  îihuXf  qui  pour  moi  n'est  guère 
plus  clair  >. 


1    L'f  dans  Jaiq,  ne  se  prononçait  pas  plus  que  dans  ostroi,  p.  ^a  v.  346. 

1.  Il  y  avait  en  français  un  mol  encore  conservé  dans  quelques  patois,  liiUux 
ou  teilUux  ayant  le  sens  général  de  c  rugueux  ■,  sans  doute  dérivé  de  til  ou  tai 
(tilleul),  par  allusion  i  Pécorce  de  cet  arbre.  Cotgrave  le  rend  par  •  knobby, 


602  CORMCTIONS 

P.  7.  V.  ly  antendez,  lis.  antandez.  Col.  2,  v.  8,  vom,  lis.  vos.  — 
Après  l'avam-dernier  vers,  supprimez  la  ponctuation,  et  au  dernier  rers 
lis.  tuit  au  lieu  de  tout,  plaçant  après  ce  mot,  qui  dépend  de  prophète  (an 
vers  précédent),  un  point  et  virgule. 

P.  8,.coL  I,  V.  16,  /eu,,  lis.  leiu.  —  V.  17,  placez  une  wgule  après 
plaint.  —  V.  18,  cestui,  lis.  cestu,  — V.  19,  tonnent ,  fo.  tormant,  — V. 
6  du  bas,  â,  lis.  an  (S).  —  Col.  2,  v.  13,  lis.  laissoz,  —  V.  24,  lis. 
règne.  — Av.  dem.  v.,  1.  autre. 

P.  9,  col.  I,  V.  7,  lis.  soloU.  —  V.  10,  fis.  nain.  —  V.  rj,  lis.  pme- 
nauble.  —  V.  14,  lis.  Soigner.  —  Col.  2,  v.  4,  lis.  clers.  —  Aui  deux 
derniers  vers  de  la  page,  lis.  )&,  mit  (cf.  p.  45,  n*  2})  et  Sires. 

P.  10,  V.  j,  lis.  Et  espire.  —  V.  5  du  poème  de  Wace,  le  ms.  porte 
non  pas  Fu,  mais  a,  ce  qui  du  reste  est  une  mauvaise  leçon.  —  Au  der- 
nier V.  lis.  an^  et  non  en. 

P.  1 1 , 1.  2,  ajoutez  :  Carpentras,  465. 

P.  12.  Rubrique,  lis.  anfer;  de  même  v.  10.  —  V.  17,  cet,  lis.  cest. 

P.  13,  V.  27,  lis.  Criz.  —  V.  50,  pest,  lis,  pet.  —  V.  3},  lis.  Pou. 

—  V.  37,  lis.  Soigner.  —  V.  42,  lis.  condist. 

P.  14,  V.  57,  par^  lis.  por.  —  P.  59,  te,  lis.  lez.  —  V.  68,  Hs.  hont. 

—  V.  74,  lis.  âvenimemant. 

P.  15,  V.  97,  il  y  a  plutôt  ainsinc.  —  V.  107,  lis.  an,  sans  Q.  — 
V.  1 1 1 ,  lis.  morent.  —  V.  1 1 3 ,  te,  lis.  lor.  — V.  1 3 1-2,  lis.  briemant^  ià- 
nemant. 

P.  16,  V.  152,  lis.  poour. 

P.  17.  Rubriques  des  pièces  VII  et  IX,  lis.  Crit.  — V.  8,  lis.  Longins. 

—  Pièce  VIII,  V.  4,  lis.  Estoille,  —  V.  6,  lis.  vouâtes.  —  Pièce  IX. 
Entre  les  deux  tirades  indiquées,  il  s'en  trouve  une  dont  j'ai  négligé  de 
tenir  compte.  Elle  commence  ainsi  (fol.  89  c): 

Ave  Jhesu  beau  sire,  que  Ç  nos  tut  occiz. 
Si  9  estes  il  fiz  au  roi  de  Paradiz 
Qui  de  la  sainte  Virge  an  Balean  nasquit, 
E  ^  ta  grant  douceur  an  terre  descendiz, 
Chieremant  Tachetas,  que  la  mort  i  ssofris... 

Dernier  vers  de  la  même  page,  lis.  doignas. 

P.  18.  Pièce  X,  V.  14,  a,  ms.  3.  —  Pièce  XI.  Les  vers  que  j'ai  cités 
de  cette  pièce  n'en  font  pas  voir  la  construaion.  Elle  est  en  sixains  (aab 
cet),  mais  beaucoup  de  vers  ont  été  omis  par  le  copiste.  Voici  quelques 
vers  qui  font  suite  à  ceux  que  j'ai  publiés  : 


scaly,  rough,  rugged.  »  A  la  rigueur  on  pourrait  admettre  que  le  même  mot  a 
été  employé  pour  désigner  les  froids  de  décembre,  mais  il  y  aurait  là  une  exten- 
sion de  sens  qu'on  ne  peut  guère  supposer  sans  preuve. 


LE   MS.    BOURGUIGNON    ADDIT.    I  5606  6o^ 

Senz  déguerpir  ta  déîté, 

Nos  mostras  que  chier  nos  teiiis. 

Verax  Dez  qui  por  nos  te  feîs. 
Que  forme  de  nos  preïs 
Do  toz  li  mondes  esclaira^ 
Oez  et  reçois  m*orison, 
Dex  qui  nos  fels  livroison 
A  vivre  tant  9  toi  plera 

P.  19.  Rubrique,  saine,  lis.  sauve.  —  V.  6,  lis,  iuw.  —  V.  7,  lis. 
cogneiL  —  3«  av.  dem.  v.,  lis.  veraiemant. 

P.  20,  ligne  2,  lisez  cxliiij,  au  Heu  de  cliiij.  —  V.  1,  lis.  Mdt,.. 
foz,  —  V.  5,  lis.  premexK  —  V.  s,  mo(n)t,  il  y  a  motâ.  — V.  1  du 
Caton,  lis.  Soignor. 

P.  22.  Rubrique,  lis.  Ansoignemans  de  Dotrine.  —  V.  6,  lis.  Ces. 

P.  25,  col.  2  du  texte  provençal,  en  marge,  lis.  [37]  au  lien  de  [3]. 
—  V.  60,  lis.  aura  ci  âpre.  —  V.  67,  Us.  premex. 

P.  26,  V.  57,  lis.  colrada.  —  Rubrique,  lis.  l'estoire.  —  V.  5,  meuz, 
lis.  meaz. 

P.  27^  V.  6  du  Dit  de  Guillaume,  roi,  lis.  ro<7,  comme  au  v.  ^  J'ai 
noté  ci^essus  que  dans  le  calendrier,  au  mois  de  décembre,  il  y  a  Deul 
(Dieu).  —  V.  7,  car,  lis.  quar.  —  V.  10,  dou,  ms.  dd. 

P.  28.  Rubrique,  lis.  materié  (yoj,  p.  45,  n®  18).  Je  transcris  ici  la 
fin  du  traité,  telle  qu'elle  se  trouve  au  commencement  du  fol.  1 57  : 

C'est  de  la  necteé  Jhesu  Cnst,  de  violete  de  umilité^  de  roses  de  pacience,  de 
ysope  de  9fort,  de  mirre  d'atranprance,  d'olive  de  miséricorde,  de  saffrant  de 
fervent  amour,  de  racine  de  sedre.  Li  banier  c'est  de  la  trinité,  de  paumier  c'est 
de  puissance,  et  ces  chosez  doivent  estre  9fitez  de  cure  :  c'est  de  la  douceour 
Dieu  qui  honquez  ne  faut.  Aprez  cest  maingier  et  ceste  boivre  lou  fait  dormir 
jubiiacions  et  meladie  de  cuer,  et  tôt  ansic  {sic)  muert  ceste  saincte  arme  au 
monde.  Si  l'Sportent  li  ange  au  paradiz  de  délit  an  délit,  la  ou  ele  ambrace  son 
espouz  et  son  ami,  c'est  Jhesu  Criz,  et  règne  avec  lui  sanz  lui.  La  nos  moint  li 
pères  et  li  fiz  et  li  sainz  esperiz.  Amen. 

Suivent  le  Gloria  in  excelsis,  le  Credo^  le  premier  chapitre  de  l'évan- 
gile de  saint  Jean,  qui  occupent  le  reste  du  fol.  1 57  et  le  haut  du  fol. 
1 58,  col.  1 .  Vient  ensuite  une  sorte  de  formule  de  confession  qui  com- 
mence ainsi  : 

Je  me  râ  9fes  a  la  benoite  Trinité,  lou  père,  lou  fil,  lou  saint  esperit,  preme- 
rement  en  ce  que  j'a  fait  encontre  lou  vou  que  je  avoie  pramis  a  Deu  en  ba- 

I .  Cette  finale  tx  répondant  au  latin  arm  se  retrouve  dans  /tf/iva,  fmex  (au 
calendrier),  vclontcx,  p.  30,  v.  84,  etc.  Il  y  a  là  un  petit  fait  de  phonétique 
que  j'ai  oublié  de  noter  dans  mon  mémoire. 


604  CORRECTIONS 

toime  de  renuncier  au  deable  e  a  totes  ses  ovres,  et  je  me  suis  conoentos  en 
plusors  menere  e  an  plusors  péchiez  de  boiche  et  de  iait^  si  9me  de  mes  .y. 
sens  que  je  hai  mauvaisement  governés,  et  desquex  je  ai  pechié  f  lou  9€eo- 
tement  dou  cuer.  Item  des  eahus  {sic)  des  ques  j'a  regardé  vainneroent... 

Ce  traité  se  termine  au  foi.  159  v<>  ;  à  la  suite  viennent  les  trois 
feuillets  éliminés  dont  j'ai  parlé  p.  3. 

La  description  du  ms.  étant  ainsi  complétée,  je  reprends  la  série  de 
mes  errata, 

P.  29,  V.  15,  lis.  Qui. 

P.  }o,  V.  84,  lis.  velontex.  — V.  90,  lis.  repruchUr.  — V.  94,  Us.  nuls, 

P.  31,  V.  112,  lis.  torn[oi]emanL  —  V.  154,  lis.  nostre,  — V.  177. 
Il  y  a  plutôt  ne  sine,  qu'on  pourrait  corriger  n'e[n]sinc, 

P.  32,  V.  224,  lis.  getier,  V.  243,  tieu,  lis.  tex. 

P.  33,  V.  275,  a,  ms.  3.  —  V.  282  et  286,  Que,  ms.  s.  —  V.  302, 
lis.  apointiez.  —  V.  316,  i4,  ms.  â. 

P.  34,  V.  335,  lis.  sant.  —  V.  349,  de,  ms.  dô.  — V.  352,  e,  lis.  et. 
C'est  généralement  lorsqu'une  voyelle  suit,  que  notre  ms.  note  la  copu- 
lative  par  un  simple  e,  le  contraire  de  ce  qui  a  lieu  en  provençal. 

P.  3  5,  V.  41 5,  ms.  sut.  —  V.  436,  lis.  res[c]orre^  et  suppr.  la  note. 

P.  36.  Rubrique,  lis.  orguilloz.  V.  i ,  lis.  urguillors,  —  V.  1 5-6,  lis. 
dhlemanty  sovant.  —  V.  19,  lis.  Mas.  —  V.  31,  lis.  richeou.  —  V.  39  et 
47,  lis.  juiise,  —  V.  43,  Us.  covoitise. 

P-  57»  V.  72,  lis.  Deu.  —  V.  82,  lis.  //  //.  —  V.  89,  lis.  hai.  — 
V.  99,  ms.  recoirier.  —  V.  104,  lis  estauble,  p.  1 1 3,  lis.  vorras. 

P.  38,  V.  137,  a,  ms.  5.  —  V.  145,  ms.  avroit  (mauvaise  leçon).  -— 
V.  1 84,  ms.  des  viles  (mauvaise  leçon,  ou  changez  le  de  précédent  en  des). 

P.  M. 


P.  S.  —  M.  Boucherie  a  proposé  dans  la  Revue  des  langues  romanes  du  1  ^  mai 
1877  sur  certains  passages  ae  mes  extraits  du  ms.  15606  des  conjectures  dont 
aucune  n'est  confirmée  par  le  nouvel  examen  du  ms.  auquel  je  viens  de  me  livrer. 
Voici  à  cet  égard  quelques  explications.  P.  1 5,  v.  84,  avole  n'est  pas  une  faute 
d'impression  ;  c'est  la  leçon  du  ms.  J'aurais  dû  noter  ce  fait  parmi  mes  observa- 
tions grammaticales,  entre  les  §§  2  et  3.  —  P.  25,  v.  65,  il  faudrait^  non  pas  ice 


comme  le  suggère  M.  B.,  mais  plutôt  icel  (voir  la  leçon  des  XV  signes  publiés 
par  Luzarche),  mais  je  n'avais  pas  à  faire  de  corrections  à  un  texte  que  je  n'ai 
nullement  donné  comme  correct,  mais  simplement  comme  un  échantillon  du  ms. 


P.  32,  V.  213,  la  correction  saur  est  admissible,  mais  la  leçon  du  ms.  est 
bien  sauty  comme  je  l'ai  transcrite.  —  Même  page,  v.  216,  la  correction  de  sa 
main  s'éloigne  donnerait  un  sens  différent  de  la  leçon  du  ms.  (de  sa  main  se  soi^ 
gnc),  mais  non  meilleur.  —  P.  3j,  v.  259,  c'est  précisément  parce  que  sou  est 
pour  si  lou  ou  si  le,  qu'il  faut  écrire  en  un  mot  sou  (cf.  le  prov.  sel  pour  si  /o), 
de  même  cou  pour  (jui  le,  —  P.  37,  v.  117,  revertir  convient  aussi  bien  pour  la 
forme  que  pour  le  sens.  —  Même  page,  v.  125,  estainfort,  en  un  mot,  est  une 
forme  parfaitement  établie,  voir  Du  Cange,  stanfortis,  et  pour  plus  de  détails  sur 
cette  étoffe,  Bourquelot, É/u^«  sur  les  foires  de  Champagne^  i'«  part.,  p.  227-3 1 . 


COMPTES-RENDUS. 


De  Floovante  vetustiore  ^alUco  poemate  et  de  merovingo 
cyolo  scripsit  et  adiecit  nu  ne  primum  édita  Olavianam  Flovcnli  Sagae  ver- 
sboem  et  excerpta  e  Parisiensi  codice  «  Il  Libro  de  Fioravantet  A.  Darmks- 
TETEA.  Lutetix  Parisiorutn,  apud  bibliopo(am  F,  Vieweg^  '^77»  in-S", 
vin-190  p. 

Le  sujet  que  M.  Arsètie  Darmestclcr  a  pris  pour  sa  thèse  latine  de  docteur 
ès-tellres  est  heureusement  choisi  :  le  poème  de  Fhoyant^  dont  on  ne  possède  en 
langue  d'oil  qu'une  rédaction  unique,  conservée  dans  un  seul  manuscrit  \  sou« 
lève  des  questions  fort  intéressantes  de  critique  philologique  et  littéraire.  Ces 
questions  se  groupent  d'elles-mêmes  en  trois  séries^  auxquelles  correspondent  les 
trois  Parties  du  livre  de  M.  Darmesleter.  Dans  la  première  il  recherche  en  quel 
dialecte  et  â  quelle  époque  le  poème  que  nous  avons  a  été  écrit,  et  d^ns  quel 
rapport  sa  forme  originale  doit  être  avec  celle  qui  nous  est  parvenue.  —  Dans  la 
seconde,  il  compare  à  ce  poème  différentes  rédactions  du  même  thème  en  langues 
étrangères,  et  s*efforce  de  classer  généalogiquemenl  toutes  ces  versions.  —  Enfin 
dans  la  iroisième  tl  rapproche  Floovant  de  quelques  autres  compositions  éga- 
lement relatives  à  Tépoque  mérovingienne  et  cherche  à  établir  Texistence  d'un 
cycle  mérovingien  dont  elles  constituent  les  débris.  —  J'examinerai  successive- 
ment ces  trois  parties, 

M.  D.  n'a  pas  de  peine  à  démontrer  que  le  ms.  de  Floovant  présente  un 
mélange  absolument  confus  de  (ormes  lorrames  cl  françaises,  et  à  prouver 
ensuite,  à  l'aide  des  assonances^  que  l'original  était  français^  et  que  les  formes 
lorraines  sont  dues  aux  scribes^  —  non  pas  directement  aux  deux  scribes  qui 
ont  exécuté  au  XIV*  s.  notre  ms.,  —  mais  à  un  copiste  précédent  dont  ils 
paraissent  avoir  assez  fidèiement  reproduit  Tccuvre  bizarrement  composite. 
L'étude  de  ces  mêmes  assonances  Tamène  à  croire  que  le  poème  a  été  composé 
vers  le  milieu  du  XIî*  siècle,  —  Ces  résultats  sont  en  gros  assurés  et  bien 
démontrés  ;  dans  le  détail  il  y  aurait  plus  d  une  réserve  i  faife.  L'auteur  déclare 
lui-même  qu^il  n'a  pas  suivi,  pour  des  raisons  particulières,  la  méthode  ta  plus 
strictement  scientifique;  je  ne  le  chicanerai  donc  pas  U-dessus  ;  il  sait  parfai- 
tement que  pour  déterminer  un  dialecte  de  la  langue  d'oîl^  il  liut  partir  du  latin 
et  non  du  français    Mais  bien  des  points  devraient  être  précisés.  Ainsi  p.  1  : 

1,  Ht.  de  Montpellier,  publié  par  HH.  Gotturd  et  Midkdaof  dant  It  premier  volume 
des  ÂiKUiu  pûètu  de  la  Franci* 


6o6  COMPTES-RENDUS 

c  Gallicum  a  in  ai  convertit  burg.  et  lothar.  dialectus^  t  Voilà  qui  est  bien 
absolu,  et  cependant  un  certain  nombre  à* a  paraît  être  commun  au  lorrain  et  au 
français,  f  Contra  gallicum  é  sxpenumero  ad  a  in  burg.  et  lothar.  dialecte 
redigitur^.  >  Quelle  bizarrerie  apparente  !  A  ces  assertions  vagues,  n'était- 
il  pas  possible  de  substituer  des  règles  précises?  —  Lirais ^  aimés  {annalts) 
ne  sont  pas  plus  lorrains  que  français  ;  VI  n'a  été  réintégrée  que  postérieure- 
ment dans  les  pluriels  de  ce  genre.  —  P.  lo,  M.  D.  signale  trob  exemples 
de  h  pour  la;  un  seul  est  juste  (v.  1672);  dans  les  deux  autres  cas,  v. 456 (et 
non  4$  s)  et  641,  le  devrait  être  imprimé  U\  c'est  le  pronom  féminin  et  non 
l'article  :  on  connaît  les  autres  formes  hi  et  VU.  —  L'auteur  conclut  que  la 
patrie  du  texte  est  la  région  des  Vosges  plutôt  que  la  Lorraine  septentrionale  et 
notamment  le  pays  de  Metz  :  on  voudrait  qu'il  eût  indiqué  sur  quels  textes  il 
s'appuie.  Pour  le  lorrain,  il  cite  les  publications  de  M.  Bonnardot^  qui  four- 
nissent en  effet  une  base  très-solide  ;  mais  pour  tous  les  autres  dialectes  de 
l'Est,  entre  lesquels  il  choisit  celui  des  Vosges,  il  ne  se  réfère  absohiment  qu'à 
l'article  de  P.  Meyer  dans  la  Romaniai^l,  i  ss.  :  Notict  d*un  ms.  hourgmgnen), 
—  Malgré  ces  quelques  traces  de  hâte,  les  conclusions  de  M.  D.  sont  évidem- 
ment définitives  en  ce  qui  concerne  l'appréciation  linguistique  du  ms.  de  Flocvant 
et  doivent  être  substituées  à  l'affirmation  des  éditeurs  :  c  II  est  écrit  en  dialecte 
lorrain.  >  —  La  date  assignée  au  poème  est  aussi  rendue  très-vraisemblable  par 
d'ingénieuses  raisons.  Quelques  points  de  détail  sont  critiquables.  Ainsi  cette 
phrase  :  «  Gallicus  sermo  [c.  â  d.  le  dialecte  français  propre;  il  vaudrait  mieux 
dire  francicus  ou  francensis^  puisqu'on  dit  Franck  pour  Ile-de-France]  mixta  dia- 
lectus  jure  dici  possit,  qunm  quxdam  burgundicx,  alia  picardicae,  alia  autem 
normannicx  propria  mutuata  fuerit.  t  L'auteur  l'atténue  lui-même  un  peu  plus 
bas,  mais  il  valait  mieux  ne  pas  l'écrire.  Non  qu'il  soit  faux,  à  mon  avis,  de  dire 
qu'un  phénomène  linguistique  a  pu  se  propager  d'une  région  à  une  autre,  mais 
parce  que  présenter  ainsi  le  français  comme  formé  d'emprunts  faits  à  tous  ses 
voisins  est  une  conception  des  plus  bizarres  :  n'existe-t-il  donc  pas  aussi  ancien- 
nement et  au  même  titre  qu'eux?  —  P.  23,  dans  une  strophe  en  oi  on  lit  ruou- 
vrerez  et  irez  ;  M.  D,  corrige  avec  raison  recouvreroiz  et  iroiz  ;  mais  il  oublie  qu'à 
la  p.  10  il  a  signalé  ces  formes  comme  propres  aux  dialectes  bourguignon  et 
lorrain.  —  P.  2j,  pour  expliquer  l'ancien  plur.  U  pere^  Us  pères,  il  est  permis 
de  supposer  le  lat.  vulg.  patri  au  nominatif,  mais  plus  qu'inutile  de  lui  adjoindre 
le  barbare  accusatif  patros  :  si  l'italien  semble  attester  patri,  l'espagnol  atteste 
assurément  patres. — P.  19  ss.  M.  D.  donne  une  longue  liste  de  corrections,  néces- 
sitées par  le  sens  ou  la  mesure,  au  texte  de  Floovant.  Elles  sont  généralement 
très-bonnes.  V.  13,  S«  voist  lire  Vestoire  en  France  a  Paris,  M.  D.  dans  Paris;  je 
lirais  plus  volontiers  a  Saint-Denis.  —  V.  loio,  si  Vasiet  au  diner;  l'assonance 
étant  en  ii,  M.  D.  lit  :  si  au  d.  l'asiet,  mais  la  syntaxe  s'oppose  à  cette  cons- 
truction ;  lisez  :  au  diner  si  Vasiet;  de  m.  v.  1 1 30,  Or  je  pris  substitué  à  Or  pris  je 


1.  Sur  le  mot  Ausai  {Alsace)^  M.  D.  prétend  que  le  fr.  dit  Ausa.  J'ai  toujours  trouvé 
Ausai;  il  est  vrai  <\\x* Ausai  assoneen  j  (voy.  p.  16),  mais  il  en  est  de  même  àt  jamais 
(ib.),  que  l'auteur  suspecte  à  tort,  et  de  bien  d'autres  (voy.  tir.  21).  Ausai  assonc 
d'ailleurs  en  ai  dans  une  autre  strophe  citée  par  M.  D.  lui-même  (p.  83). 

2.  M.  D.  range  ici  par  erreur  faz  :  c'est  aussi  la  forme  française. 


DARMESTETER,  Oe  Flùovanlt  607 

«st  uiadfDÎ&sible;  mais  il  n'y  a  pu  besom  de  correction^  /#  (anc.  /ou)  pouvant 
Irès-bieo  se  pas  élider  son  t  devant  une  voyelle.  —  V.  1  jp.  la  ponctuatmii  des 
èditeufs  est  fautive^  mais  celle  de  M.  D.  Test  aussi  ;  lisez  :  Tu  mt  U  iottûs,  kU, 
filU  U  roi  d^AiiSM.  —  La  correction  du  v.  1  jooest  inutile,  jamatt  pouvant  isso- 
ler  en  j  (voy.  ci-dessus,  p.  606,  n,  1),  — V,  174^  :  Vos  ren/iez  dt  Rome,  si  estes 
fmûnaz;  la  rime  étant  en  1,  ptnanaz  doit  être  corrigé  en  pererins^  forme  ancienne 
de  ptierins  (on  a  dit  aussi  peretin  par  une  autre  dissimilalion)*  —  V.  1796  :  Des 
(oatratra^  sut  (éd.  contrair(s\^  M.  D.  Des  contrmra^  btau  (sic)  stn;  lisez  plutôt  :  Di 
S£S  contmmSf  sirt.  —  Dans  le  chapitre  V  de  cette  partie»  l'auteur  cherche  à 
prouver  que  le  poème,  tel  que  nous  Tavons,  a  subi  vers  la  fin  du  XII<*  siècle  un 
remaniement  et  notamment  des  interpolations.  Il  n'y  réussit  pas.  Il  s'appuie  sur 
des  répétitions  qui  lui  semblent  inutiles,  appliquant  ainsi  au  Floovani  le  procède 
que  M.  Grœber  a  appliqué  au  Furabras:  mais  l'un  et  l'autre  ne  vorent  pas  qu'un 
fait  commun  à  un  très-grand  nombre  de  chansons  de  geste,  pour  ne  pas  dire  à 
toutes,  n'est  pas  susceptible  d'une  explication  particulière.  Ce  n*est  pas  ici  le 
lieu  de  discuter  cette  question  déjà  souvent  agitée.  Je  me  borne  i  montrer 
Taveuglement  où  une  opinion  préconçue  a  jeté  un  critique  d'ordinaire  51  judi- 
cieux (M.  Grœber  en  même  occurrence  en  a  d  ailleurs  donné  les  mêmes  marques). 
Voici  trois  vers  répétés  avec  variation  d'assonance  ;  ce  sont  des  reproches  que 
Richer  adresse  i  Floovant,  qui  hésite,  à  un  premier  combat^  devant  le  nombre 

des  ennemis  : 

I.    El  di  va,  malvais  hom,  ja  fus  tu  62  de  reï,  , 

Si  o*u  ne  vair  ne  gris,  destrier  ne  palefrci. 
Se  tu  ne  le  conquiers  a  Tespié  vianeis  *  ? 

II.    Tu  fus  chadet  de  Prince por  12  grant  malvabtié; 
Si  n'as  or  ne  argent,  pale^ei  ne  destrier. 
Se  tu  ne  le  conquiers  au  fer  et  a  Tacier  f 

De  l'un  de  ces  groupes  de  trois  vers,  M.  D.  dit  :  •  Habent  vim  et  nervos  hts 
versus  »  ;  de  l'autre  :  t  Quam  débiles  et  exiles  isti  t  •  Or  je  défie  le  lecteur  qui  ne 
sait  pas  auxquels  s'appliquent  respectivement  ces  deux  jugements  de  le  déterminer 
avec  assurance.  De  même  p.  29,  des  vers  que  l'auteur  considère  comme  inter- 
poléi  sont  qualifiés  de  cplus  que  médiocres»,  sans  qu'ils  aient  en  réalité  d'autre 
tort  que  d'en  répéter  de  précédents.  —  On  ne  saurait  être  trop  prudent  dans  les 
conclusions  de  ce  genre,  et  les  divers  arguments  de  M.  D.  ne  m'ont  pas  plus 
convaincu  que  celui  qu*il  tire  des  répétitions  épiques.  Au  reste,  la  question  n  a 
pas  grande  importance  pour  la  critique  de  FlGovant^  puisque,  d'après  M,  D. 
lui-même,  te  remanieur  a  peu  touché  i  l'original  et  s'est  â  peu  prés  borné  â 
interpoler  quelques  strophes  ou  quelques  vers. 

La  deuxième  partie  a  pour  titre  :  De  Floofantis  fshia  fârm  nrsionihs  ni 
maatiomim.  C'est  ta  plus  longue  de  l'ouvrage,  et  celle  où  l'auteur  a  montré  la 
critique  la  plus  pénétrante  et  la  plus  heureuse.  Il  étudie  d*abord  les  deux  frag- 
menU  du  Fioyait  néerlandais  publiés  par  M.  Barlsch  dans  la  Gtrmmk,  et 
montre  qu'ils  se  rapportent  h  un  poème  analogue  au  Floofant  que  nous  possé- 
dons, mais  cependant  assez  différent.  Il  conclut  que  le  ms,  que  le  versificateur 


I.  Umi^  réd.  etM.  O.  __ 
&  pour  5<  et  tsptt  poitr  ufU. 


Mf,  i  riis  pour  km^  «n  v.  a  5^  pour  Si,  ao  v«  9 


6o8  COMPTES-RENDUS 

néerlandais  a  eu  sous  les  yeux  et  le  ms.  de  Montpellier  sont  •  dtj«  divenae  pn- 
mitivî  poematîs  amissî  retractatJones.»  D'après  la  nature  des  variantes  du  texte 
néerlandais^  —  qui  consistent  surtout  en  amplifications  et  dans  ilntroduction  de 
nouveaux  personnages,  —  on  peut  très-vraisemblablement  admettre  que  le  poème 
qui  lui  a  servi  de  base  est  un  remaniement  fait  au  Xlll«  siède,  et  sans  doute 
rimé,  du  texte  même  que  nous  possédons  (non  pas  bien  entendu  d*aprés  la  mène 
récension)  ;  il  serait  ainsi  â  notre  Fhovani  à  peu  près  ce  que  le  texte  perdu  du 
Voyage  à  JérusûUm  qui  a  servi  de  base  à  la  rédaction  en  prose  est  au  ms.  unique 
de  Londres  <.  —  M.  D.  passe  ensuite  aux  imitations  italiennes.  Il  avait  à  sa  dis- 
position trois  textes  :  les  livres  I  et  il  des  Rcali  4i  Franck^  —  le  Fioratami 
découvert  et  publié  par  M.  Ra|na  (voy,  Romania^  II,  353  s&.)^  — et  un  autre 
ms.  de  FmoYanUj  récemment  acquis  par  la  Bibliothèque  nationale  (voy.  Romania, 
III,  320).  Le  livre  I  des  Reali^  la  première  partie  des  deux  autres  livres,  sont 
consacrés  non  à  Ftoravante^  mais  à  son  père  Fiovo,  M.  D,  laisse  provisoirement 
ce  premier  récit  de  côté,  et  étudie  ce  qui  concerne  Fioravante  seul.  II  fait  voir 
que  cette  partie  elle-même  contient  en  réalité  deux  récits  fort  semblables,  cousus 
assez  adroitement  l'un  au  bout  de  l'autre,  et  arrive  avec  beaucoup  de  finesse  à 
démontrer  que  le  premier  de  ces  récits  remonte  à  une  rédaction,  et  le  second  i 
une  autre  rédaction  française  de  Fhoveni  :  la  première  ressemblait  plus  au 
Floovant  conservé^  la  seconde  au  poème  qu'a  eu  sous  les  yeux  l'imitateur  néer- 
landais. —  Revenant  ensuite  à  Fiovo,  il  s'attache  à  montrer  —  ici  M.  Rajna 
Tavait  précédé  —  que  F  histoire  du  père  de  Floovent  n'est  elle-même  qu'une 
variante  de  celle  de  son  fils,  variante  dont  une  rédaction  assez  différente  dans  les 
détails,  mais  identique  au  fond,  a  également  servi  d'original  à  un  traducteur 
norvégien  du  XHl"  siècle^.  M.  D.  compare  avec  soin  la  Fîovtnî  saga  —  dont 
foriginal,  au  dire  du  traducteur  norvégien^  avait  pour  auteur  un  certain  Simon, 
qui  Taurait  composé  à  Lyon  (peut-être  faut-il  lire  Laon;,  —  et  le  Fiovo  italien, 
et  montre  après  M.  Rajna  combien  le  poème  français  que  supposent  ces  deux 
versions  ressemblait  au  Fhovani,  —  Il  examine  ensuite  le  rapport  des  trois  textes 
italiens,  leur  origine  et  leur  caractère.  Ici  l'auteur  se  sépare  de  M.  Rajna.  Le 
savant  professeur  de  Milan  avait  cru  reconnaître  dans  le  Fioraitank^  —  source 
des  livres  ï  et  II  des  Rcali^^  —  la  traduction  pure  et  simple  d'un  roman  en  prose 
française.  M.  0.  au  contraire,  adoptant  et  développant  les  arguments  que  j*ai 
donnés  ici  (II,  354SSO  contre  cette  thèse,  démontre  que  la  compilation  des  trois 
parties  en  une,  par  la  création  d'épisodes  indispensables  à  leur  cohésion,  ne  peut 
être  le  fait  que  d'un  Italien.  Il  croit  qu'il  a  existé  deux  poèmes  franco-italiens, 
Fun,  —  dérivé  du  Fiovtnt  source  de  la  Flovcnisaga^  —  relatif  au  père  de  FIoo- 
veni,  l'autre,  —  formé  à  l'aide  de  deux  rédactions  du  Flûovent  français,  mises 
bout  à  bout  (voy.  ci-dessusi,  —  consacré  à  Floovent  lui-même.  Ces   deux 


1.  Voyei  la  notice  de  M.  Koschwiu. 

j.  La  version  norvégienne  a ^  comme  on  sait,  été  mise  en  latin  en  1731  par  un  étudiant 
islandais,  J.  Olaf;  M.  D.  publie  en  appendice  cette  traduction  dont  le  ms.  est  à  Paris. 
OUf  donne  dans  sa  préface  quelques  détails  curieux  sur  Tusage  encore  vivant  en  UUode 
de  l'u^e  cette  saga  et  d'autres  à  des  auditeurs  toujours  charmés.  Il  nous  apprend  aussi  que 
Fiovtnt  était  devenu  un  prénom  usité  en  Islande. 

?.  Je  laisse  ici  de  côté^  comme  M.  D.,  les  parties  du  Fioravante  qui  racontent  des  (aîtt 
postérieurs  à  la  mort  du  personnage  qui  a  donné  son  nom  i  tout  le  livre> 


4 


DARMESTETER.  De  FloovanU  609 

poèmes  ont  â  leur  tour  été  fondus  en  un  par  un  compilateur  sans  doute  encore 
originaire  du  nord  de  l'Italie^  et  son  œuvre  a  reçu  au  moins  trois  rédactions  : 
i*  le  Fiorayanu  de  Paris,  plus  primitif  en  beaucoup  de  Iraits,  mais  qui  a  réduit 
â  un  résumé  de  quelques  pages  l'histoire  de  Fiovo;  2*»  îe  Fioravantt  de  Florence^ 
plus  complet,  mais  remanié  par  un  Toscan  et  altéré  ;  i"  un  troisième  Fiorayante^ 
qu'a  eu  sous  les  yeux  Andréa  da  Barbcrino  pour  écrire  les  Reali^  où  il  a  encore 
considérablement  modifié  et  rajeuni  son  original,  —  Je  simplifie  quelque  peu  ici 
Imposition  de  M.  D,  Ses  recherches  ingénieuses  et  tout  â  fait  convaincantes 
sont  présentées  sous  une  forme  très-claire  dans  un  tableau  qui  termine  cette 
partie  de  l'ouvrage.  Chemin  faisant,  tl  aborde  un  certain  nombre  de  questions 
secondaires  intéressantes  et  fournit  sur  plusieurs  points  des  renseignements  nou- 
veaux*. 

Il  a  cependant  laissé  de  côté  la  plus  importante  des  questions  que  soulevait 
son  étude  :  quel  est  le  rapport  précis  entre  le  poème  de  Flonnt  et  celai  de 
Floonntf  M.  D.  a  bien  un  chapitre  intitulé  :  Quid  ïnttr  Flovcnùs  (Fiovi)  fâbulam 
tt  FloQvanîn  (Ftorûvantis)  inUrsit;  mais  au  lieu  de  traiter  des  différences  de  ces  deux 
poèmes,  il  n'en  examine  en  réalité  que  les  ressemblances.  Ces  ressemblances 
sont  certainement  nombreuses,  mais  il  fallait  aussi  tenir  compte  des  divergences. 
La  plus  essentielle  à  coup  sûr  est  celle  du  début  (que  M.  D,  omet  tout  à 
fait  dans  son  exposé  de  ce  qui  est  commun  aux  deux  poèmes).  Flovent  fut  lèpre- 
mier  roi  chrétien  de  France,  d'après  les  versions  islandaise  et  italienne;  il  était 
neveu  de  Constantin  ;  ayant  tué  en  présence  de  son  oncle  un  grand  seigneur 
insolent,  il  s'enfuit^  arrive  en  France^  où  régnait  encore  le  paganisme  (mahomé- 
lismc),  défend  victorieusement  le  roi  Florent  de  France  contre  les  Saxons,  et 
finalement  épouse  la  fille  du  roi  des  Saxons,  devient  roi  de  France  après  avoir 
tué  ic  roi  Florent  qui  le  trahissait,  et  convertit  tout  son  royaume  au  christîa- 
,  nisme.  —  Floovent  (dans  le  Floovani  et  les  deux  parties  du  FioravanU)  est  fils  du 
premier  roi  chrétien  de  France  ;  ayant  coupé  la  barbe  â  un  haut  baron  qu'on  lut 
avait  donné  pour  mattre,  il  s'enfuit  pour  éviter  ta  colère  de  son  père,  défend  contre 
les  Saxons  (Sarrasins)  le  roi  d*Ausaî  ^Alsace),  et  finalement  épouse  la  fille  du  roi 
des  Saxons,  et  se  réconcilie  avec  son  père,  qu'il  a  secouru  efficacement  jde  même 
que  Flovent  secourt  son  oncle,  assiégé  dans  Rome  par  les  païens).  Assurément 
ces  deux  histoires  se  ressemblent  beaucoup  ;  mais  il  s^agit  de  savoir  laquelle  est 
la  plus  ancienne,  et  comment  il  se  fait  qu'on  ait  attribué  des  aventures  si  sem- 
blables tantôt  au  premier  roi  chritm  de  France,  tantôt  au  fils  du  premier  roi  chré- 
tiat,  M.  Rajna  ne  s'est  pas  expliqué  sur  ce  point  :  s'il  fallait  prendre  ses  paroles 
â  la  lettre,  il  attribuerait  â  Tauteur  du  Fioravante  h  distribution  des  rôles  par 
laquelle  Flovent,  primitivement  identique  â  FJoovcnl,  est  devenu  son  père".  Cette 
opinion  était  â  la  rigueur  soutcnable  pour  qui  voyait  dans  le  Fmavûnu  b  traduc* 
tton  d'un  roman  français  ^  M.  D.,  qui  a  prouvé  que  le  Fiorjvante  est  italien,  ne  peut 


des  F 


'^  i  tratt  I  la  tinfiuliére  lé^endr  de  la  translation  de  l'empire 
duÉ  »e  ffouve  dfjin*  le  Fhrarantt  de  Paris,  et,  d'après  Je$ 
......    ,-:u  k  poème  franto-vénitien  â*Ugo  d*Atvemia. 

2.  «  lo  pcniO  cHt  dclij  itorii  di  Flovent  0  Floovani  esisiesseio  almeno  dtieverjîoûi 
ôlirc  a  qoella  a  noi  pfrvenufj.  Il  no«tro  autorc  dovrcbbe  avertc  compost*?  imiemc,  scnna 
lûdarsi  sèment jrt  dil  pemlna  the  m  cotai  guisa  U  tuo  prougoiùsta  diventava  proge- 
oiiore  di  lé  wtàmmo  {Rumhi,  etc,^  p,  6j).  1» 


6lO  COMPTES-RENDUS 

la  partager.  En  effet  la  Fiovent  saga  et  le  Fiovo  franco-italien  (rendu  si  probabte 
par  M.  D.)  nous  attestent  Texistence  d'un  poème  français  où  figvrait  Fioveat 
comme  premier  roi  chrétien.  Mais  alors  se  pose  la  question  qne  M.  D.  n'a  pas 
abordée  :  comment  en  est-on  venu  à  transformer  ainsi  les  données,  soitd«  FlawA^ 
soit  du  Floovent}  Dans  le  poème  primitif,  le  héros  était-il  neveu  de  Constantin  et 
fils  de  Clovis,  premier  roi  chrétien  ou  fils  du  premier  roi  chrétien?  anivait-ii  et 
France  pour  délivrer,  conquérir  et  baptiser  le  pays,  ou  bien  en  partait-il  et  y  reve- 
nait-il à  la  fin  comme  légitime  héritier  du  trône?  Ce  sont  là  des  différences  qui  ont 
une  grande  importance,  et  il  ne  suffit  pas  pour  les  expliquer  de  dire  que  ces  deux 
histoires  sont  des  variantes  d'un  thème  primitif.  —  Or  la  réponse  n'est  pas  dou- 
teuse: c'est  l'histoire  de  Floovent  qui  est  l'original.  Pour  nous  en  conTaincre,  il 
faut  nous  reporter  à  la  troisième  partie  du  livre  de  M.  D.,  où  sont  réunis  les 
témoignages  anciens  relatifs  â  notre  héros.  Tous  en  parlent  comme  du  fils  de  Clo- 
vis,  comme  du  compagnon  de  Richer;  un  seul,  celui  de  Bertrand  de  Ronergne, 
paraît  se  rapporter  à  Flovent^;  il  n'est  que  du  milieu  du  XIII*  siècle';  il  prouve 
donc  simplement  que  le  poème  de  F  lovent  existait  à  cette  époque*.  Il  y  a  pins  : 
on  a  depuis  longtemps  rapproché  de  Floovant  le  début  des  Gtsta  Dagoberû;  on  y 
voit  le  jeune  Dagobert,  fils  de  Clotaire  II,  couper,  comme  Floovent,  la  barbe  i 
un  puissant  seigneur  et  s'enfuir  pour  éviter  la  colère  de  son  père.  La  tradition 
de  Floovent  remonte  donc  au  moins  au  X«  siècle;  rien  de  pareil  pour  ceUe  de 
F  lovent,  —  Il  résulte  de  là  que  M.  Rajna,  et  après  lui  M.  D.,  ont  fait  fausse 
route  en  regardant  F  lovent  et  Floovant  comme  deux  variantes  parallèles  du  même 
thème.  Floovant  ignore  absolument  F  lovent;  l'auteur  qui  l'a  composé  savait 
très-bien  que  le  premier  roi  chrétien  de  France  s'appelait  c  Cloovis.  »  C'est  ce 
qu'ignorait  l'auteur  de  Flovent,  qui  a  fait  une  simple  imitation  de  Floovent. 
Le  nom  du  père  de  celui-ci  ne  se  trouvait  sans  doute  pas  dans  le  texte  qu'a 
connu  l'imitateur.  Il  s'est  dit  :  t  Si  Floovent  était  le  fils  du  premier  roi  chré- 
tien, d'où  celui-ci  sortait-il  donc?  »  Et  illui  a  composé  une  histoire,  qu'il  a 
d'autant  plus  étroitement  modelée  sur  celle  de  Floovent  qu'il  comptait  sur  la 
popularité  de  celui-ci  pour  le  succès  de  son  poème.  C'est  aussi  pour  cela  qu'il 
l'a  nommé  Flovent,  presque  comme  son  fils.  On  peut  être  sûr  que  la  chanson 
débutait  et  finissait  par  des  allusions  à  Floovent  (le  traducteur  islandais,  qui  ne 
connaissait  pas  ce  dernier  poème,  les  a  naturellement  supprimées).  L'auteur  de 
Flovcnty  qui  ignorait  le  nom  de  Clovis^  avait  entendu  parler  de  Constantin  et  de 
ses  relations  avec  le  pape  Silvestre,  sujet  d'une  légende  fort  répandue.  Comme  il 
fallait  donner  une  patrie  et  une  famille  à  son  héros,  il  choisit  Rome  (croyant 


I Florisen  Que  près  premiers  de  Fransa  mandamen. 

2 .  L'allusion  de  Mainet^  qui  fait  remonter  à  Cloovi^  le  premier  roi  qui  tint  crestienti^  la 
possession  de  Joyeuse^  s'applique  fort  bien  à  Floovent,  puisaue  celui-ci,  dans  le  texte 
suivi  par  le  Fioravante,  reçoit  cette  épée  des  mains  de  sa  mère  (qui  sans  doute  la  sous- 
trait au  roi).  —  Dans  F  lovent  on  raconte  comment  Flovent  avait  reçu  cette  épée  d'un 
ermite  averti  par  le  ciel. 

3.  Une  circonstance  assez  curieuse  permettrait  de  le  faire  remonter  bien  plus  haut. 
Guillaume  de  Berneville,  Pauteur  de  la  Vie  de  Saint  Gile  aue  j'imprime  avec  M.  Bos  pour 
la  Société  des  anciens  textes ,  rend  le  nom  du  roi  Flavius  de  la  Vie  latine  par  Florent,  Il 
ne  semble  pas  que  ce  nom  ait  existé  en  dehors  du  poème  perdu  dont  il  s'agit.  Or  la  Vie 
de  Saint  Gile  est  de  la  première  moitié  du  xii*  siècle.  En  tout  cas  Floovent  fut  beaucoup 
plus  célèbre  que  son  père. 


DARMESTETER,  Di  Floovantt  6ll 

que  Constantin  y  avait  toujours  ré^né)  et  Constantin,  et  il  amena  tranquillement 
le  neveu  de  Constantin  à  la  cour  du  roi  païen  Floire  de  France^  sans  plus  se 
soucier  de  Thistoire  réelle  que  si  elle  n'avait  pas  existé.  Voilà  le  vrai  rapport  des 
deux  poèmes *.  Il  ne  faut  pas  trop  s'étonner  de  ta  grande  ressemblance  entre 
Toriginal  et  rimitation  :  d'abord  la  ressemblance  n'est  pas  si  grande  que  te 
disent  nos  deux  auteurs,  qui  ne  relèvent  que  tes  points  de  contact;  ensuite  on 
trouverait  des  cas  semblables  dans  T histoire  des  chansons  de  geste.  Il  y  a  des 
générations  de  t  Narbonnab  »  qui  répètent  plus  ou  roolos  fidèlement  tes  mêmes 
aventures,  comme  on  peut  te  voir  dans  le  livre  de  M.  Gautier.  Ici  encore,  par 
conséquent»  «  le  fils  a  engendré  le  père*». 

Dans  la  troisùme  partie  de  son  travail.  M,  D.  recherche  l'origine  et  le  carac- 
tère de  Floovan^,  et  est  amené  par  là  à  rapprocher  les  différents  poèmes  qui  se 
rapportent  à  des  rois  mérovingiens  :  Fioovani,  Fiovtnî^  Florent  a  Octûvicn*, 
Cipuis  de  Vignevaux^  Chartes  k  Chauvt*,  Mirman  et  Sigurd  U  mm.  Ces  deux 
derniers  récits  n'existent  qu'en  islandais;  M.  D.,  grâce  à  Tobiigeance  d'amis 
Scandinaves,  en  a  donné  une  utile  analyse.  Mirman  parait  imité  d'un  poème  très- 
récent,  sans  base  traditionnelle*^  ;  quant  â  Sigurd^  je  Técarterais  tout  à  fait,  te 
regardant  comme  d'invention  purement  Scandinave.  Aux  autres  il  faut  joindre, 
comme  Ta  fait  M.  D.,  les  allusions  au  mariage  de  la  fille  de  Floovent  avec  un 
roi  des  Saxons,  mariage  évidemment  raconté  dans  quelque  chanson,  et  considéré 
comme  la  cause  des  guerres  interminables  entre  les  Francs  et  les  Saxons.  -- 
Appuyé  sur  ces  poèmes,  qu'il  rapproche  de  quelques  fragments  de  chroniqueurs 
{notamment  du  fameux  passage  de  la  vie  de  saint  Faron),  M.  D.  essaie  d^élablir 
l'existence  d'une  épopée  mérovingienne.  Je  crois  qu'il  a  tout  à  fart  raison,  — 
d'ailleurs  j'ai  émis  cette  opinion  il  y  a  douze  ans,  —  et  qu'il  aura  contribué  à 
mettre  en  lumière  un  fait  important  pour  l'histoire  de  notre  épopée.  Aux  argu- 
ments qu'il  donne  on  pourrait  en  ajouter  d'autres'  ;  on  pourrait  surtout  pousser 
l'investigation  plus  loin  qu'il  ne  l'a  fait,  et  se  demander  quelle  a  été  l'origine  et  la 
portée  primitive  de  celte  épopée  formée  autour  de  Clovis»  de  Clotaire  et  de 
Dagobert.  Il  faudrait  d'abord  savoir,  —  et  je  suis  surpris  que  l'auteur  n'ait  pis 
posé  cette  question,—  si  elle  appartenait  aux  Francs  ou  aux  Romans,  si  elle  était  en 
latin  vulgaire  ou  en  théodisque.  H  y  aurait  encore  à  rechercher  comment  elle 


i.  C'est  donc  à  tort  que  MM.  Rajna  et  D.  ne  voient  dans  Ftonnî  qu'une  forme  de 
Fioorent  :  c'est  un  nom  fait  i  Timiution  du  premier, 

j.  Ainsi  la  restitution  du  poème  pTimitit,  —  source  de  Flovent  cl  de  Fhovtnt,  -* 
tentée  par  M.  D.  (p.  8j  si,)*  est  une  œuvre  vainc.  —  îl  faut  aussi  modifier  d'après  ces 
données  le  tibleau  des  différentes  rédactions. 

).  Il  commence  par  réunir  touiei  les  allusions  à  Floorent.  A  celles  qu'on  connausait  U 
ajoute  ta  mention  u'Albéric  des  Trois- Fontaines  et  un  vers  d'un  fabicau  inédit, 

4.  M.  Rajna  avait  déjà  supposé  que  ce  poème  du  xtv*  siècle  avait  fait  des  emprunts  au 
Fhvtnt  perdu;  M.  D.  Ta  mis  hors  de  doute. 

|,  Ce  personnage  absolument  fantastique,  qui  a  emprunté  son  nom  I  un  roi  carolin^ 
gien,  est  présenté  comme  un  roi  de  Hongrie,  païen,  puu  baptisé,  que  les  pairs  de  France 
prociament  roi  après  la  mort  de  Ciotaire. 

6  Sauf  peut-être  le  nom  du  héros,  qui  pourrait  bien  au  contraire  remonier  k  une  tn* 
dition  historique  et  ancienne  ;  mais  il  ne  subsisterait  dans  le  poème  que  son  nom. 

7,  Je  m'étonne  que  l'auteur  n'ait  pas  repioduît  le  passage  si  important  du  Potta  Saxo, 
maintes  fois  ciré,  à  propos  de  Louis  le  Pieux  :  n  Est  quoque  jam  notum  :  yalgaria  carmiM 
magnis  taudibus  ejus  avos  et  proavos  célébrant;  Pippinos,  Carolos,  Htttdovic^s  ti  Theo- 
dricoSf  Et  Carlomannos  Hlothariosque  canunl.  » 


6l2  COMPTES-RENDUS 

s'est  propagée,  quelle  influence  elle  a  exercée  sur  Tépopée  carolingienne,  quelle 
action  elle  en  a  subie  à  son  tour,  etc.  On  voit  que  la  question  est  loin  d'être 
épuisée,  et  elle  suffirait  certainement  encore  à  une  dissertation  spéciale.  Le 
mérite  de  M.  D.  est  surtout  d'avoir  fait  ce  raisonnement  inattaquable  :  ayant 
montré  que  les  Gesta  Dagoberti  et  le  FloevaU  nous  offrent,  l'un  la  forme  mona- 
cale, l'autre  la  forme  populaire  d'une  même  tradition  relative  â  la  jeunesse  de 
Dagobert,  il  ajoute  :  c  Sed  quomodo  Merovingx  fabulx,  sacculis  VI<>  et  VII*  natac, 
per  sexcentos  annos  per  ora  populi  vigere  potuerunt,  nisi  illas  servaret  forma 
quxdam  certa  et  ea  qux  non  mutaretur^  >  c'est-à-dire  les  poèmes  dans  lesquels 
elles  étaient  racontées  *  ? 

Je  relève  encore  dans  cette  dernière  partie  un  ou  deux  points  particuliers. 
J'ai  suggéré  à  M.  D.  une  explication  du  nom  de  Floovent  qu'il  a  adoptée. 
Suivant  moi,  Floovent  est  pour  Floovtnc^^  plus  anciennement  nécessairement 
FlodovmCy  et  Flodovenc  n'est  autre  que  Hlodovinc,  c'est-à-dire  que  le  mot  est  à 
Hlodovech  ce  que  Meroving  est  à  Mtrovtch,  On  sait  que  le  groupe  initial  Hl  dans 
les  noms  francs  est  perpétuellement  rendu  par  FI  dans  les  textes  du  VII*  siècle 
(voy.  les  exemples  réunis  dans  Fœrstemann)  :  Flodovicus,  etc.  Flodovenc  signifie 
donc  le  fils  ou  le  descendant  de  Flodovic  =zClovis.  Il  ne  s'en  suit  pas  qu'il  feiille  voir 
dans  Floovent,  avec  M.  D.,  un  synonyme  de  c  mérovingien  »,  et  dire  :  c  Inde 
patet  Merovingorum  totam  gentem  in  plebis  mente  per  fabulosam  personam 
reprxsentatam  fuisse,  Flo[d]ovinc  scilicet,  id  est  Cloovisiadem;  nihil  minim  igitur 
primi  christiani  Francorum  régis  filium  istum  Flo[d]ovinc  seu  Cloovisiadem 
habitum  esse.  Huic  autem  fabuloso  Cloovisii  filio  gesta  attribuuntur  maximi  e 
Merovingis  regibus,  Dagoberti  scilicet.  »  Je  me  représente  les  choses  autrement. 
Que  le  nom  de  Flodovinc  ait  été  porté  par  les  descendants  de  Chlodovech,  c'est 
possible  et  même  vraisemblable ^  ;  mais  le  héros  de  notre  poème  n'est  pas  un  type 
fabuleux:  c'est  Dagobert.  Il  est  probable  que  dans  la  chanson  primitive  son  nom 
était  souvent  accompagné  de  l'épithète  de  Flodovinc^;  peu  à  peu  le  prénom  a 
absorbé  le  nom,  et  il  n'est  resté  que  Floovent  :  cela  tendrait  à  faire  admettre 
comme  point  de  départ  de  tout  ce  développement  une  chanson  germanique.  — 
Dagobert,  dont  nous  avons  ici  les  Enfances,  —  sous  une  forme  étrangement 
remaniée,  —  a  certainement  été  le  plus  célèbre  des  rois  de  la  première  race. 
Faut-il  croire  cependant  avec  M.  D.  que  sa  popularité  se  soit  perpétuée  sans 
interruption  jusqu'à  nos  jours  et  survive  encore,  bien  que  sous  une  forme 
ridicule,  dans  une  chanson  bien  connue  (M.  D.  en  traduit  spirituellement  les 
deux  premiers  vers:  Rex  est  Dagobertus  Perverse  bracatas)?  Je  ne  suis  pas  de  cet 
avis.  Cette  chanson,  faite  sur  un  vieil  air  de  chasse,  est  très-moderne  ;  je  ne  la 
crois  pas  plus  ancienne  que  ce  siècle.  La  forme  seule  du  nom,  Dagobert,  aurait 

1.  M.  D.  admet  une  autre  possibilité,  c'est  qu'elles  aient  pris  la  forme  prosaïque  de 
contes,  pareils  à  nos  contes  de  fées.  Je  ne  crois  pas  cette  alternative  acceptable,  pour  des 
raisons  qu'il  serait  trop  long  de  développer  ici. 

2.  M.  D.  rapproche  loherent,  flament^  etc.  Les  exemples  ne  sont  pas  rares.  Le  ms.  de 
la  I  "^^  partie  de  la  Geste  as  Normanz  (connue  à  tort  sous  le  nom  de  Roman  de  Rou) 
donne  Hastant  pour  Hastenc  =  Hasting. 

3.  On  pourrait  aussi  bien  appeler  tous  ces  rois  les  Chlodovingiens  que  les  Miro' 
vingiens. 

4.  C'est  ainsi  que  la  chronique  saxonne  appelle  Alfred  le  Grand  Aelfred  Athu^ng,  «  fils 
d'Athulf  »,  c'est-à-dire  d'Athelwulf. 


La  Passion  du  Christ,  p.  p.  edstrœm  6\  ^ 

dû  avertir  M.  D.  :  ce  nom,  s*ij  s'était  transmis  oralement,  serait  Daibert.  Le 
nom  du  roi  Dagobert,  pris  pour  type  d'un  roi  ancien  et  ridicule  *,  figure  égale- 
ment dans  un  proverbe  comique^,  et  n'y  est  pas  plus  traditionnel.  Si  le  <  cycle 
mérovingien  »  est  vivant  <}uelque  part,  c'est  en  Islande  avec  fa  Fhnnt  saga 
et  en  Italie  avec  les  Reati  di  Franàa^. 

J'ai  adressé  au  livre  de  M.  Darmesteter  de  nombreuses  critiques;  pour  en 
apprécier  toutes  les  qualités,  il  faut  le  lire.  On  sera  îrappc  à  chaque  page, 
comme  l'ont  été  les  |uges  de  la  Sorbonne,  de  la  finesse  du  raisonnement,  de  la 
solidité  du  savoir  et  de  la  clarté  de  t'exposition.  L'auteur  a  bien  voulu  mscrire 
mon  nom  en  tète  de  son  ouvrage;  j'ai  cru  ne  pouvoir  mieux  le  remercier  quVn 
lui  montrant  que  }e  l'avais  étudié  de  près. 

G.  P. 


La  passion  du  Christ,  poème  provençal,  d'après  un  ms,  inédit  de  la 
Bibliothèque  de  Tours,  traduit  et  accompagné  d'un  exposé  grammatical,  par 
E.-L.  EosTnteM.  Thèse  pour  te  doctorat  présentée  à  la  Faculté  de  philoso- 
phie d'Upsala,  —  Gœleborg,  1877, 

En  rédigeant  en  français  une  thèse  présentée  à  une  université  de  Suède,  l'au- 
teur a  eu  pour  but  de  montrer  qu'il  était  en  état  de  manier  notre  langue^  et  ce 
but  il  Ta  parfaitement  atteint.  Nous  devons  pour  notre  part  lui  être  d'autant 
plus  reconnaissant  d'avoir  choisi  le  français,  que  le  sujet  par  lui  traité  nous 
intéresse  plus  particulièrement.  Quant  à  la  façon  dont  ce  sujet  est  traité,  il  y  a 
bien  des  réserves  à  faire.  Le  texte  provençal  édité  par  M-  Edstrœm  n'était  pas 
aussi  inconnu  qu'il  semblerait  l'avoir  été  lorsqu'on  lit  la  préface  de  l'éditeur.  Il  a 
été  l'objet  d'une  notice  dans  le  Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes  français 
(année  187^,  p.  61-71),  Dans  celte  notice  M.  E.  aurait  appris  diverses  choses 
qu'il  lui  importait  de  savoir;  d'abord  que  le  ms.  de  Tours  n'était  pas  unique, 
mais  que  trois  mss.  de  Paris  renfermaient  le  même  poème  provençal  ;  il  y  aurait 
trouvé  aussi  des  renseignements  qui  lui  ont  manqué  sur  l'original  latin  de  ce 
poème^  et  sur  les  versions  en  diverses  langues  qui  ont  été  faites  de  ce  même 
original  pendant  le  moyen-dge,  La  liste  des  ouvrages  cités  qui  termine  la  pré- 
face montre  au  reste  que  M.  E.,  et  c'est  dans  une  certaine  mesure  une  excuse^ 
n'a  eu  à  sa  disposition  qu'une  bibliothèque  bien  insuffisante.  Il  est  fâcheux 
notamment  de  ne  pouvoir  citer  la  Poisu  des  Trôuhadoun  de  Diez  que  d  après 
VHUtoin  de  Id  langui  tt  de  îâ  liulratmt  française  de  M.  Aubertin  ;  d'autant  que 
M.  Aubertin  n'est  pas  toujours  exact  en  ses  citations  :  par  ex.  lorsqu'il  mentionne 


1,  Pourquoi?  sans  doute  à  cause  de  sa  statue  ï  Notre-Dame.  Beaucoup  de  plaisanteries 
populaires,  —  naturellement  parisiennes,  —  n*ont  pas  d'autre  origine.  Cf.  La  ,XXIIl. 
manières  de  nlains  :  «  Li  vilaini  babuins  est  cil  qui  vet  drvant  Nostre  Dame  a  Paris,  et 
regarde  les  rots^  et  dist  1  Vesta  Pepin^  vesla  CharUmainnt  ;  ei  on  lui  coupe  sa  bor$t  par 
deriere,  »»  Ces  statues  avaient  répandu  les  noms  de  auclqucs  vieux  rois,  ei  leur  mine 
rébarbative  semblait  groicsc^ue,  —  Une  autre  source  de  notions  du  même  genre  étaicjit 
ks  sépultures  royales  de  Samt- Denis. 

2  M  t1  n'est  si  bonne  compagnie  qui  ne  se  quitte,  disait  le  roi  Dagobcrt  à  ses  chiens 
en  les  jetant  i  l'eau  parce  qu'ils  étaient  galeux.  * 

).Le  nom  au  moins  de  Dagoben  paraît  s'être  maintenu  dans  la  tradition  allemande,  à  en 
juger  par  rempcreur  Tacpreht  de  la  Wettchronik  d'Enenkel;  mais  son  histoire  ne  rappelle 
en  rien  celle  du  roi  de  France  (voy.  VEradias  de  Massmano,  p.  199  ss.). 


6l4  COMPTES-RENDUS 

(p.  297)  un  c  Gvibert  de  Puicibon  »  que  M.  E.  lui  a  malhenreasemeiit  em- 
prunté. 

Quant  au  texte,  il  est  évident  —  les  notes  du  bas  des  pages  en  donnent  la 
preuve  —  que  Téditeur  y  a  apporté  beaucoup  de  soin  et  de  scrupule,  mah  ses 
connaissances  en  provençal  sont  encore  bien  limitées.  Ainsi  s'expliquent  des 
lectures  telles  que  toiz  pour  totz  (v.  12),  par  pour  per  (v.  43),  reu  pour  fen 
(139),  etc.  Souvent  aussi  les  mots  sont  mal  coupés;  ainsi  il  faut  écrire  ensems 
et  non  en  sems;  à*aqiU5î  et  non  da  qutst  (v.  166),  aquï  et  non  a  qui  (v.  253), 
mr?a  et  non  vivria  (v.  373),  e  que  y  a,  et  non  e  qucya  (v.  680),  aitan^  et  non 
ai,  tan  (v.  723),  etc.  Vers  44  et  45  lui  iac  et/u  scriso  sont  évidemment  mal  lus 
et  mal  coupés.  D'autres  fois  le  vrai  sens  n'a  pas  été  saisi  et  par  suite  fa  ponctua- 
tion est  mauvaise;  ainsi  v.  68  quel  soleil ,  vens  doit  se  lire  quel  soleil  vens^  tXvens 
appartient  à  vencer,  non  à  venir  comme  M.  E.  Ta  cru.  Je  laisse  de  côté  la  cor- 
rection des  fautes  qui  se  trouvent  dans  le  ms.  :  il  y  aurait  là  tout  un  travail  à 
faire  pour  lequel  les  trois  mss.  de  Paris  devraient  être  mis  à  contribution. 

U Exposé  sommaire  des  flexions ,  qui  n'est  pas  non  plus  exempt  d'erreurs,  n'offre 
aucun  fait  qui  ne  soit  connu. 

P.  M. 

Étude  sur  le  dialecte  picard  dans  le  Ponthieu  d'après  les  chartes 
des  xiii«  et  xiv  siècles  (12 $4-1 3 3 3),  par  Gaston  Riynaud.  Paris,  Frank, 
1876,  in-8»,  123  p. 

V Étude  de  M.  Raynaud  est  la  thèse  qu'il  a  soutenue  pour  obtenir  le  titre 
d'archiviste-paléographe  ^  On  ne  peut  indiquer  aux  élèves  de  l'Ëcole  des  chartes, 
dans  le  domaine  de  la  philologie,  de  travaux  â  la  fois  plus  utiles  et  mieux  appro- 
priés à  leurs  forces  que  des  monographies  de  ce  genre.  Copier  un  certain 
nombre  de  chartes  françaises,  renfermées  dans  des  limites  bien  précises  de  temps 
et  de  lieu,  les  publier  et  les  soumettre  à  l'analyse  grammaticale,  sont  trois  opéra- 
tions dont  tout  élève  de  cette  École  doit  être  en  état  de  bien  s'acquitter.  La  seule 
vraiment  délicate  est  la  troisième,  car  la  première  ne  demande  que  de  l'atten- 
tion, et  la  seconde,  bien  qu'il  y  faille  déjà  plus  d'intelligence  et  de  méthode,  est 
rendue  facile  par  l'enseignement  et  par  les  excellents  modèles  qu'on  a  maintenant 
sous  les  yeux,  —  notamment  dans  les  publications  de  M.  de  Wailly.  C'est  aussi 
dans  les  travaux  de  cet  illustre  savant  sur  les  chartes  de  Joinville,  d'Aire  et  les 
comptes  municipaux  de  Reims  qu'ont  été  exécutés  pour  la  première  fois  des 
dépouillements  dans  le  genre  de  celui  qui  nous  occupe.  Mais  quelles  que  soient 
les  qualités  éminentes  de  ces  mémoires  de  M.  de  Wailly,  il  ne  faut  pas  oublier 
qu'ils  ont  été  écrits  pour  un  objet  spécial,  —  pour  établir  l'orthographe  de 
textes  que  l'auteur  voulait  publier,  —  et  il  y  a  d'autres  raisons  encore  de  ne 
pas  recommander  à  l'imitation  servile  la  méthode  qui  y  est  suivie.  M.  R.,  tout 
en  déclarant  qu'il  a  pris  pour  modèle  les  Observations  sur  les  chartes  d'Aire^ 
a  classé  et  qualifié  les  faits  grammaticaux  qu'il  a  observés  autrement  que  ne  l'a 
fait  M.  de  Wailly.  La  méthode  qu'il  a  suivie  est,  comme  il  le  dit,  celle  que  j'ai 

I.  Elle  a  paru  d'abord  dans  la  Bibliothèque  de  P École  des  chartes,  t.  XXX VI  et 
XXXVII. 


RAYNAUD,  U  dialicii  picard  6  j  ^ 

adoptée  dam  la  préface  de  VAkxis;  mais  je  ne  sais  si  je  li  recommanderais  aux 
auteurs  de  monographies  semblables.  Pour  moi  aussi  il  s'agissait  avant  tout  de 
déterminer  l'orthographe  du  texte  que  je  voulais  éditer,  c'est-à-dire  de  discerner 
entre  les  formes  du  manuscrit  L  celles  qui  devaient  remonter  à  l'auteur  et  celles 
qui  provenaient  de  copistes  :  les  recherches  grammaticales  n'étaient  là  qu'un 
moyen,  et  ne  devaient  pas  par  conséquent  déterminer  l'ordre  à  suivre.  Il  en  est 
autrement  dans  des  études  comme  celles  de  M.  R.;  ici  il  s'agit  de  caractériser 
grammaticalement  un  groupe  de  textes,  dont  on  connaît  d'ailleurs  l'époque  et  la 
date.  Pour  cette  besogne,  la  méthode  descendante,  —  qui  part  du  latin,  —  est 
plus  claire,  plus  simple  et  plus  sûre  que  la  méthode  ascendante^  et  c'est  celle 
que  je  voudrais  voir  appliquée  par  les  émules  qu'aura  sans  doute  M.  Raynaud. 
On  verra  dans  la  suite  de  cet  article  quelques-uns  des  inconvénients  qu'a  eus 
pour  lui  l'emploi  de  l'autre  procédé  ;  mais  ce  que  je  ne  puis  naturellement  ^ire 
sentir»  c'est  la  supériorité  qu'aurait  eue  un  travail  conduit  comme  je  l'indique 
ici»  En  prenant  successivement,  —  pour  la  phonétique  par  exemple,  —  chaque 
voyelle  latine  sous  ses  difîérents  aspects,  chaque  consonne  à  ses  différentes 
places,  on  est  bien  sûr  de  ne  laisser  échapper  aucun  fait.  Il  est  clair  d'ailleurs 
qu'il  ne  s'agit  pas,  à  propos  de  quelques  chartes,  de  refaire  toute  la  grammaire 
française,  et  qu'il  ne  faut  insister,  — comme  l'a  fait  M.  R.,  —  que  sur  les  points 
où  le  dialecte  qu'on  étudie  se  distingue  du  français  propre.  Mais  ces  points 
seront  précisément  mb  en  relief  avec  beaucoup  de  netteté  par  la  méthode  des- 
cendante. 

Le  travail  de  M»  R.  est  digne  de  tous  les  éloges.  L'auteur  y  montre  une 
réelle  connaissance  de  la  vieille  langue,  une  grande  circonspection,  et  de  la  darlé 
dans  les  idées  ;  il  est  en  outre  au  courant  des  travaux  les  plus  récents  sur  le 
sujet.  Son  étude  touche  à  plusieurs  points  importants  de  l'histoire  de  notre 
vieille  langue,  et  il  les  traite  d'une  façon  quelquefois  nouvelle.  Ses  conclusions 
sont  que  le  dialecte  picard,  —  tel  qu'il  se  parlait  dans  le  Ponùm  de  Ji^o  â 
H]^>  —  se  distingue  du  français  pur  par  un  assez  grand  nombre  de  traits. 
Laissant  de  côté  ceux  qui  sont  douteux,  insignifiants  ou  n'apparaissent  que  spo- 
radiquement dans  les  chartes,  j'indiquerai  les  suivants  pour  la  phonétique  : 


1.  ant 
int  enl 

A. 

il* 

î.  ellos 

eaus 

iaus 

î.  en 

cin 

am 

4.  ol 
j.  ca 

ou 

cha,  che,  chié 

au 

ka,  ke,  kié 

6.  ga 

7.  ce,  ci 

8.  abilis 

îa,  gc 
ce 

ables 

ga.  ghe 

che 

avles 

Revenons  sur  chacun  de  ces  points  dont  on  sent  l'importance,  puisque  nous 
avons  là  les  distinctions  essentielles  de  la  langue  des  chartes  du  Pontieu  et  de 
la   langue  d'où  est  issu  le  français  moderne.  On  comprend  que  c'est  par  des 


Je  marque  ici  an  f  pour  indiquer  qu'il  «'agit  d*4ii,  tn  suivi  d'une  consonne. 


6l6  COMPTES-RENDUS 

études  spéciales  comme  celle-ci  que  Ton  arrivera  enfin  quelque  jour  à  écrire  cette 
Grammaire  de  la  langue  d'oil  dont  nous  ne  possédons  que  le  titre. 

1 .  En  pontier,  comme  en  français,  an  et  en  (provenant  d'une  part  de  an,  d'autre 
part  de  in,  en  latin,  suivi  d'une  consonne)  se  confondent  au  XIII«  siècle.  Seule- 
ment M.  Raynaud  croit  que  la  confusion  est  inverse  dans  les  deux  dialectes  :  en 
français  6  s'est  absorbé  dans  J,  en  pontier  â  se  serait  absorbé  dans  é.  Il  s'appuie, 
outre  quelques  vraisemblances  tirées  de  ses  chartes,  sur  le  patois  moderne^  ce  qui 
est  un  très-bon  argument;  car,  qu'on  le  sache  bien,  on  ne  pourra  vraiment 
arriver  à  la  connaissance  des  dialectes  anciens  qu'à  l'aide  des  patois  actuels  ;  — 
mais  son  indication  est  bien  vague,  c  Le  son  è,  dit-il  (p.  82),  existe  encore  dans 
le  patois  moderne  >.  Dans  quels  mots?  Existe-t-il  pour  les  mots  qui  ont  an  en 
français?  Où  M.  R.  puise-t-il  la  connaissance  du  patois  moderne  du  Pontieu? 
Toutes  questions  auxquelles  il  n'est  point  fait  de  réponse  et  qui  sont  cependant 
capitales.  Je  vois  ailleurs  (p.  110),  à  propos  de  ce  patois  moderne,  un  renvoi  â 
Corblet,  et  ce  renvoi  m'inquiète  doublement,  d'abord  parce  que  le  Glossaire  ày^ 
mologiquô  de  M.  l'abbé  Corblet  est  un  ouvrage  sans  queue  ni  tète,  et  ensuite 
parce  qu'il  s'agit  dans  ce  glossaire  de  la  Picardie  propre  et  non  du  Pontieu.  La 
question  soulevée  par  M.  R.  est  des  plus  intéressantes  :  je  ne  puis  l'aborder  ici, 
mais  je  lui  demanderais  volontiers  de  compléter,  par  des  informations  prises  sur 
les  lieux,  les  renseignements  trop  imparfaits  qu'il  nous  offre. 

2.  Sur  eaus  et  iaus^  rien  à  remarquer,  si  ce  n'est  la  bizarre  disposition  par 
laquelle  M.  R.  a  traité  de  ce  dernier  suffixe  une  première  fois  sous  i  et  une 
seconde  foissou^âu;  il  sait  bien  cependant  que  Vi  de  iaus  n'est  pas  une  voyelle. 
S'il  était  parti  du  latin,  il  n'aurait  pas  eu  cet  embarras. 

3 .  Ain  pour  ein  est  remarquable  et  distingue  bien  nettement  le  pontier  du 
normand  (au  moins  de  l'ouest)  qui  dit  volontiers  ein  pour  ain,  aussi  bien  que  du 
picard  plus  oriental  qui  dit  oin. 

4.  Un  trait  fort  intéressant,  commun  au  picard  ordinaire,  est  au  pour  ou  de 
ol  :  cauper^  saus,  vauront.  M.  R.  remarque  avec  beaucoup  de  vraisemblance  que 
la  marche  suivie  a  dû  être  ol — ou — au  ;  ou  s'est  donc  changé  en  au  quand  ces 
deux  groupes  étaient  encore  de  vraies  diphthongues.  Il  faut  ajouter  que  ce  chan- 
gement ne  s'opère  que  sur  du  et  non  sur  6u  :  61  et  ul  latin  donnent  également 
ol,  mais  sous  cette  notation  uniforme  il  faut  distinguer  les  deux  sons  répondant 
aux  deux  provenances,  d'une  part  càlper^  sàls^  voiront,  —  d'autre  part  dôlce^ 
môlt^  cscôlter.  Cette  distinction  se  reflète  dans  le  picard,  qui  dit  saus^  cauper^ 
vauront^  —  mais  non  dauce^y  maut^  escauter.  Il  est  vrai  qu'on  pourrait  croire  que 
dans  douce,  moût,  escouter,  VI  a  été  non  pas  vocalisée,  mais  élidée,  en  sorte  que 
ces  mots,  notés  phonétiquement,  auraient  toujours  été  duce,  mut,  escuter^  et  non 
douce  y  môut^  escôuter^  et  que  leur  ou  orthographique  n'aurait  jamais  été  diph- 
thongue.  Je  ne  le  pense  pas;  mais  c'est  encore  une  question  que  je  me  borne  à 
indiquer. 

5  et  6.  Le  phénomène  signalé  ici  est  bien  connu,  mais  M.  R.  a  profité  de  ce 
qu'il  lui  passait  sous  les  yeux  pour  faire  une  petite  digression  très-bien  venue, 

1 .  Dax  est  H  cd/u,dans  Auc.  et  Nie,  v.  I,  est  une  faute  de  lecture  pour  Dox  que  porte 
le  manuscrit. 


RAYNAUO,  Le  diaiicti  picard  617 

parce  qu'elle  résout  un  point  délicat  d^ancienne  prononciation.  Dans  des  textes 
picards,  c'est-à-dire  qui  conservent  intact  le  c  devant  j,  ce  f,  quand  Va  qui  le 
suit  s'est  changé  en  français  en  e  ou  iV,  est  noté  de  trois  façons  distinctes  : 
prenons  les  mots  aibâUam  et  tarum^  on  les  trouve  écrits  quofM^  kcval  et  cevaî^ 
fuur,  kur ci  clcr.  Pour  les  deux  premières  notations^  pas  de  difficultés;  mais  la 
trotsiéme?  fautait  lire  kcvd  et  kkr  ou  ç€}tol  et  cm}  M.  R.<t  par  des  raisonnements 
excellents  et  décisifs,  a  montré  que  ces  trois  notations  n'ont  qu'une  seule  et  même 
valeur,  soit  celle  de  it^  Voili  un  fait  acquis  à  b  science'. 

7.  A  la  conservation  du  c  dur  dans  ca  correspond  en  picard,  —  et,  d'après  les 
relevés  de  M.  R.,  en  pontier^  —  la  transformation  du  c  devant  ;,  t  (et  du  t  devant 
r  H- voyelle)  en  ch  (pr  uh)  au  lieu  du  ç  français  <pron.  U).  La  question  que 
posent  â  ce  propos  certaines  rimes  dans  divers  poèmes,  et  que  résoudra  sans 
doute  un  jour  quelque  étude  monographique  comme  celle  de  M.  R.,  est  celle-ci  : 
n'y  a-t-il  pas  eu  des  régions  où,  traitant  le  c€  à  la  picarde,  on  traitait  le  ca  i  la 
française?  autrement  dit,  la  prononciation  chuintante  du  c  devant  i  a-t-clle 
nécessairement  pour  pendant  la  conservation  du  c  dur  devant  a .'  Quand  àt% 
poètes  soigneux  font  rimer  par  ex.  franu  àtfrânca  et  Franct  de  Francia^  il  faut, 
semble- t-il,  qu'ils  aient  prononcé /rjncA^  et  Franche^  tandis  que  le  pic,  dit  franke 
et  Franche j  le  fr*  franche  et  France.  C'est  un  petit  problème  que  je  recommande 
aux  Investigateurs  tant  da  archives  que  des  patois  vivants  du  Nord^. 

8.  Dans  les  chartes  du  Pontieu,  comme  dans  plusieurs  autres  textes  picards^ 
les  suffixes  abUis  ^  Mis  ^  ibilis  donnent  les  formes  romanes  ûuUs,  mUs. 
Fautnl  prononcer  un  a  ou  un  v,  —  avUt  ou  auks,  ivtes  ou  iales?  Les  raisons 
données  par  M.  Tobler  ont  convaincu  l'auteur  de  notre  Etude  qu*il  fallait  pro- 
noncer avU.  Je  le  crois  aussi,  mais  c*esl  encore  un  cas  oii  la  comparaison  soi- 
gneuse du  patois  actuel  pourrait  être  d'une  grande  utilité. 

Je  passe  rapidement  sur  ce  qui  concerne  fa  flexion^  —  où  on  trouve  réunis  les 
traits  connus  du  dialecte  picard^  —  pour  ne  m'arrêter  qu'à  un  point,  celui  qui 
traite  de  Tarlicle  féminin.  Dans  les  chartes  publiées  par  M,  R.^  cet  article  n*a  pas 
de  cas,  il  est  te  au  singulier  et  la  au  pluriel.  Dans  les  chartes  d'Aire  cl  dans 
beaucoup  d^autres  textes  picards,  il  a,  comme  on  sait,  deux  cas  au  singulier^  li 
et  kf  le  pluriel  étant  toujours  privé  de  cas.  D'accord  avec  Burguy^  —  dont  il 
ne  combat  l'opinion  que  sur  des  points  de  détail,—  M.  R.  regarde  la  forme 
  deux  cas  comme  plus  ancienne,  la  forme  oii  ils  ont  disparu  comme  plus 
récente.  Je  crois  que  c*cst  une  erreur,  et  je  la  relève  pour  avoir  l'occasion  de 
dire  un  mot  de  cette  singulière  constitution  de  l'article  féminin  dans  les  dialectes 
picards.  Ce  qui  est  commun  à  toute  la  langue  d'oil^  fondé  sur  le  latin,  et  par 
conséquent  primitif,  c'est  de  n'avoir  pas  de  as  pour  Tarticle  féminin,  —  pas 


latin,  I  pu 


I.  Il  faut  faire  quelques  réserves  cour  qu^  qui,  quand  il  provient  de  qu 
gaider  une  valeur  particulière  ;  il  s'agît  \d  de  tfa  répondant  à  ca  latin. 

a.  M.  R,  cite  encore  ici  le  patois.  Il  auiait  pu  remarquer  que  des  noms  de  lieux 
prononcés  encore  aujourd'hui  par  k  sont  souvent  écrits  au  moyen  âge  par  f . 

).  La  solution  que  M.  Joret  a  donnée  de  cette  difficulté  (Du  C«  p^  ^7^^9)  oc  me  paraît 
pas  admissible,  bien  qu'il  ait  évidemment  raison  de  lire  dans  les  deux  cas  ch.  Ces  rimes 
se  trouvent  dans  des  textes  qui  paraissent  d'ailleurri  picards. 

4.  Remarquons  que  les  chines  du  Pontieu  ne  donnent  nulle  part,  excepté  somts 
stroma,  les  formes  en  -•mer  de  la  i"  pcrs.  pL,  regardées  généralement  comme  picardes 
(Raynaud,  p.  m). 


6ï8  COMPTES-RENDUS 

plus  d^ai1lettrs  que  poor  aucun  féminîti  (au  moins  de  la  première  déchnjison). 
(Iljla  et  {il)kim)  ne  pouvaient  en  effet  donner  que  la  ;  ilht  fut  abandonné  et 
remplacé  par  iilas^  comme  rosae  par  rosds^  et  cela  à  l'époque  qu'on  peut  encore 
appeler  du  lalin  vulgaire.  On  avait  donc  /«i,  ias.  Lus  s'alîaiblil  de  bonne  heure 
en  Us  ;  la  au  contraire,  dans  tous  les  dialectes  sauf  le  groupe  du  Nord-£st,  ne 
se  changea  potnt  en  U,  pas  plus  que  ma  ta  sa  ne  devinrent  me  U  $€,  Si  là  éuil 
devenu  k^  cette  forme  se  serait  confondue  avec  celle  qu'avait  prise  (par  affai- 
blissement de  h)  le  cas  régime  du  masculin.  C'est  ce  qui  arriva  au  picard,  [lest 
fort  probable  que  quand  le  picard  (j'emploie  le  mot  dans  un  sens  très-vague)  a 
changé  la  en  k^  il  n'avait  point  encore  affaibli  lo  en  /«,  et  conservait  ainsi  les 
deux  genres  distincts.  Mais  plus  tard  ils  se  confondirent,  et  on  eut  ainsi  lirois^k 
roi,  —  le  roinCf  k  roinc  :  c'est  la  forme  des  chartes  du  Pontieu.  Le  masculin  et 
le  féminin  coïncidant  ainsi  au  cas* régime,  ranalogiei  aux  tendances  si  multiples 
et  si  puissantes,  les  fit  coïncider  aussi  au  cas-sujet^  et  on  dit  li  rok^  k  roi^  — 
li  roine,  k  roitit.  Le  pîuricl  seul  que  je  sache  ne  fut  pas  atteint  par  cette  révolu- 
tion; on  continua  Â  dire  ks  roints^  sans  distinction  de  cas.  Mais  fa  preuve  que 
le  point  de  départ  de  tout  ce  mouvement  est  purement  phonétique^  c'est  qu'au 
changement  de  la  en  /;  correspond  celui  de  ma  ta  sa  en  mi  u  se.  Il  ne  faut  pas 
objecter  à  cet  ordre  chronologique  que  plusieurs  chartes  d'Aire,  par  exemple,  où 
on  trouve  /i,  k  sont  antérieures  à  celles  du  Pontïeu,  qui  ne  donnent  pas  de  cas  a 
Tarticle  féminin  :  il  est  clair  qu'il  se  mêle  â  la  qu^tion  chronologique  unequcs- 
tion  géographique;  une  évolution  qui  s'accomplit  ici  en  deux  siècles  peutsefaire 
1  côté  en  une  génération;  la  phonétique  historique  ne  pose  que  des  jalons  logi* 
ques,  autour  desquels  devront  s'orienter  les  lignes  onduleuses  et  brisées  suivies 
par  les  phénomènes  dans  le  temps  et  dans  Tespace.  Cest  ainsi  qu'on  trouve  dès 
le  XIÏI*  siècle  del^  at  au  féminin,  —  dernier  terme  de  rassimilation,  —  Undîs 
que  de  k^  a  k  subsistent  jusqu'à  nos  jours  dans  des  noms  comme  Dikptcru, 
Deknit^  etc,  —  L'explication  donnée  jusqu'à  présent  des  formes  picardes  de 
''article  est  tout  autre  :  c'est,  dit-on,  une  assimilation  du  féminin  au  masculin. 
Rien  ne  me  paraît  moins  vraisemblable;  la  confusion  âts  deux  genres,  dans 
l'article  qui  sert  si  souvent  à  les  distinguer,  est  un  désavantage  pour  le  dialecte 
picard  ;  qu'on  s'y  soit  résigné  en  subissant  les  lois  de  la  phonétique  et  les  solli- 
citations de  l'analogie,  je  le  conçois,  mais  qu'on  Tatt  cherchée,  c'est  inadmissible, 
—  Une  troisième  explication  pourrait  être  proposée,  et  est  sans  doute  vraie  non 
pour  îe  picard,  —  oà  l'existence  de  me  u  se  â  côté  de  k  éclaire  tout  ce  déve- 
loppement, —  mais  pour  des  textes  de  provenance  diverse  (j'en  connais  de  bour* 
guignons,  de  normands^  etcj,  oà  on  trouve  à  l'art,  féminin  li  au  cas-sujet,  ta 
au  cas-régime  (le  pluriel  restant  toujours  sans  cas).  C'est  un  hh  certain*  qo'i 
partir  d'une  époque  encore  à  fixer,  on  essaya  de  donner  des  cas  à  tous  les  mots 
féminins  terminés  par  une  consonne  (raison)  ou  une  voyelle  accentuée  \bonti)  : 
pour  leur  procurer  un  nominatif,  on  prit  Vs  caractéristique  du  cas-sujet  dans  le 
plus  grand  nombre  des  mots  masculins,  et  on  eut  la  raisons^  la  honUs,  Mais  cet 
article  invariable  jurait  avec  ce  substantif  variable  :  on  employa  le  même  pro- 


t.  Certain  4  mes  yeux;  M.  Tabler  explique  tes  choses  différemment,  mais  ie  aoit 
toujours  que  les  textes  me  donnent  raison. 


RAVNAUO,  U  dialecte  picard  619 

cédé  pour  (^article,  c'est-à-dire  qu'on  modela  le  nomrnattf  féminin  $ttr  le  nomîna* 
tif  masculin,  et  on  eut  li  aux  deux  genres^  Ce  qui  montre  bien  ridenlilé  du 
phénomène^  c'est  que  dans  l'article  pas  plus  que  dans  }e  nom,  le  plund  ne  fut 
soumis  à  la  même  tentative.  —  Pour  revenir  au  picard,  >l  est  clair  que  /(  sans 
cas,  qui  est  h  forme  moderne,  est  en  ce  sens  plus  récent  que  ti,  k;  mais  /î,  U 
avaient  été  précédés  de  k  sans  cas,  qui  lui-même  provenait  de  /j,  et  n'en  pro- 
venait pas  depuis  une  époque  octrémement  ancienne^  puisqu*£uia/ii  et  le  Frâg' 
ment  de  Vaknciennes  ne  connaissent  encore  que  îa. 

le  terminerai  ce  compte-rendu  par  quelques  observations  de  détail.  Les  cadres 
phonétiques  établis  par  Tauteur  manquent  souvent  de  rigueur.  Ainsi,  p,  ^&, 
noui  lisons  que  i  provient^  *  comme  en  français,  de  €  bref  accentué»,  exemple: 
du  de  duem;  i\  aurait  fallu  dire  que  ce  changement  n'a  lieu  que  dans  certaines 
conditions,  —  P.*  61,  Vi  de  ks^iuieus  est  attribué  à  ia  gutturale;  c*esl  une 
erreur  :  ^u  n'est  pas  une  gutturale  simple,  la  labiale  qui  suit  le  f  n'a  pas  cessé 
de  se  faire  sentir,  quak  a  donné  régulièrement  quel  et  non  quul;  ks^jaieuî  â  côté 
de  jmrnuus  dans  nos  chartes,  de  mortieus  ostteas  luus  etc.  dans  plusieurs  textes> 
appartient  â  un  groupe  excentrique  dont  je  ne  saurais  expliquer  la  déviation.  — 
Tout  ce  qui  concerne  u,  <u^  o,  ouest  exposé  assez  confusément  ;  Tauteur  aurait 
certainement  beaucoup  gagné  en  clarté  et  en  précision,  s'il  avait  pris  pour  point 
de  départ  le  latin  et  non  le  picard.  —  P,  66  1  faz  doit  se  prononcer  fm 
{1=1  i  mouillé,  plus  s)  1  ;  cette  définition  du  z  n'est  pas  moins  étrange  que  l'as- 
sertion SUT  faz  (pron,  fats)  n'est  erronée;  seulement  faz  est  une  forme  française  : 
le  picard  dit  fach.  —  P,  68^  dans  canlamènt^  demouraissentj  M.  R,  pense  que  la 
diphlhongue  ai  est  <  produite  par  un  a  accentué  suivi  d'une  s  dure  •,  et  tl 
regarde  ce  fait  comme  spécial  au  dialecte  qu'il  étudie.  Mais  ces  formes  se  trou- 
vent partout;  elles  proviennent  du  type  latin  canta{v)issent^  comme  chantai  de 
eanta{v)i;  et  par  quel  phénomène  t  une  double  x  sonnant  dure  >,  comme  dit  plus 
foin  M.  R.,  produirait-elle  un  i  devant  elle?  i  Ce  changement  peut  seul  nous 

expliquer  les  formes  Nichohy,  Nicolai La  forme  Ntcolais  a  d'abord  existé  au 

cas-sujet  où  se  trouve  \'s  dure  (voyons  :  est-ce  une  i  double  ou  une  j  dure?)  néces* 
saire  au  changement  de  a  en  ai.  *  Tout  cela  est  aussi  vague  qu'inutile.  Ntcolaiu 
est  un  mot  savant,  venu  en  France  au  X*  siècle  environ,  et  dont  les  formesn'ont 
rien  à  faire  avec  la  phonétique  populaire;  peut-être  en  Picardie  a-til  été  inlro- 
duit  sous  la  forme /Vifo/à/j  par  adoucissement  6t  Nicoldui,  —  P.  71,  l'auteur  se 
demande  si  Bautiste  ne  devait  pas  se  prononcer  Bavtiste,  A  ce  mot  correspondent 
les  formes  bien  connues  hautesmey  hautisur,  etc.;  Talfaiblissemeot  de  p  tn 
^  V  u  n'a  rien  de  surprenant.  —  P.  75,  l'auteur  soutient  que  uu  dans  hatUieus 
Pontuu^  etc,^  n*est  qu'une  notation  de  iû;  puis  il  ajoute  :  i  Bientôt  la  notation 
iû  (ta)  disparaîtra,  remplacée  complètement  par  t^,  qui  ne  tardera  pas  i  sonner 
comme  elle  fait  aujourd'hui.  ■  Qui  ne  voit  que  la  prononciation  actuelle  de 
Pontiiu  empêche  précisément  de  croire  que  quand  on  s'est  mis  à  écrire  Pontuu 
IU  lieu  de  l'ancien  Pontiu  on  n'ait  voulu  que  représenter  la  même  prononcia- 


L  Ceit  U  même  tendance  qui  a  pu  influcT  en  picard  sur  la  substituiion  de  //  U  ï  U 
uns  cas.  L'application  de  la  déclinaison  aux  mots  fémininï  de  la  daisc  indiquée  d-desiui 
tax  en  effet  de  règle  dans  le  picard  du  fin'  siècle,  —  et  dans  le  pontîcr:  voy,  Raynaud,  p, 
104,  où  il  est  dit  ï  tort  que  ta  forme  sutn  fît  ■  fautive  »;  cf.  U  iUte  deï  noms  propres. 


620  COMPTES-RENDUS 

tion?  Mais  dit  M.  R.,  on  lit  dans  la  même  charte  Milûus  et  Mikiau,  Cela 
prouve  simplement  que  le  scribe  hésitait  entre  deux  manières  d'écrire.  Il  cite  lui- 
même  en  d'autres  cas  plusieurs  exemples  analogues,  où  la  même  charte  ofire  â  la 
fois  l'orthographe  archaïque  et  l'orthographe  conforme  à  la  prononciation.  — 
P.  8$,  rangeant,  —  avec  raison,  —  cosc  sous  ca  et  non  sous  co,  il  fallait  égale- 
ment y  mettre  coisir  de  kausjan,  —  P.  98,  M.  R.  met  par  distraction  cognoistre 
parmi  les  mots  c  où  Vn  est  double  en  latin  >.  —  P.  1 1 3 .  c  Les  parfaits  [des  conju- 
gaisons autres  que  la  première]  se  rencontrent  dans  nos  chartes  sous  deux 
formes,  —  l'une  en  i,  —  l'autre  en  si,  plus  usitée.  Déjà  au  milieu  du  XIII*  siècle 
la  contraction  a  eu  lieu  de  esi  en  ei  pour  le  parfait,  mais  l'imparfait  du  subjonctif 
est  intact,  t  Je  ne  sais  ce  que  veut  dire  cette  phrase,  ni  de  quelle  personne  du 
parfait  l'auteur  entend  parler.  S'il  croit,  en  opposant  bani  (parf.  ind.)  â  banesist 
(impf.  subj.),  qu'on  a  dit  d'abord  banesi^  puis  banis  (qu'il  senible  donner  pour  la 
forme  normale,  et  qui  ne  se  trouve  naturellement  pas  dans  ses  chartes),  puis  bani^ 
il  tombe  dans  une  erreur  très-grave  et  d'autant  plus  inexcusable  qu'elle  a  été 
signalée  il  y  a  longtemps.  Au  reste,  ce  paragraphe  sur  les  parfaits  laisse  beau- 
coup à  désirer  ;  l'auteur,  en  général  exact,  semble  avoir  égaré  ici  une  partie  de 
ses  notes  ;  au  moins  plusieurs  parfaits  qui  se  trouvent  dans  les  chartes  ne  sont- 
ils  pas  relevés.  —  P.  1 14,  un  lapsus  calami  fait  dire  à  l'auteur  que  •  la  finale 
unt  du  parfait  a  été  traitée  comme  brève.  >  Je  suppose  qu'il  a  voulu  dire  Ve  de 
la  terminaison  erunt  des  3**  per.  plur.  du  parfait.  £)e  pareilles  négligences  ne 
sont  pas  rares  dans  l'opuscule  de  M.  Raynaud;  il  écrit  avec  trop  de  rapidité  et 
ne  se  demande  pas  ensuite  avec  assez  d'attention  s'il  a  bien  rendu  sa  pensée;  il 
doit  s'astreindre  à  ce  point  de  vue,  pour  ses  publications  futures,  â  une  révision 
sévère.  —  Sur  les  formes  comme  croisterunty  ruhevera,  M.  R.  remarque  avec 
raison  que  c  la  présence  de  cet  e  n'est  pas  un  fait  dialectal  •  (voy.  Darmesteter, 
Romaniûy  V,  149);  mais  alors  pourquoi  le  classer  comme  tel  dans  le  tableau 
comparatif  du  français  et  du  dialecte  pontier  qui  termine  le  travail  ? 

En  résumé,  le  mémoire  de  M.  R.  est  bien  exécuté  et  apporte  des  résultats 
intéressants.  Je  me  plais  à  le  considérer  comme  un  double  point  de  départ^  d'un 
côté  pour  les  travaux  subséquents  du  jeune  auteur,  de  l'autre  pour  les  études 
analogues  entreprises  par  ses  successeurs  à  l'Ëcole  des  chartes. 

G.  P. 

Vocabulaire  ft*ançai8-mentonai8,  par  James-Bruyn  Andrews.  Nice, 
impr.  Niçoise,  1877.  In*  12,  174  p. 

Lorsqu'en  1848  Honnorat  publia  un  vocabulaire  français-provençal  contenant 
sur  deux  colonnes  les  mots  français  et  leurs  correspondants  provençaux,  sans 
donner  d'explications  sur  l'emploi  des  mots  dans  chacune  de  ces  deux  langues, 
il  avait  surtout  pour  but  de  faire  une  sorte  d'index  à  son  vaste  dictionnaire 
provençal-français,  et,  comme  il  le  disait  dans  sa  préface,  il  pouvait  d'autant 
mieux  se  dispenser  de  définir  le  sens  des  mots,  que  les  définitions  nécessaires  se 
trouvaient  dans  le  dictionnaire  provençal-français,  auquel  il  était  aisé  de  recourir. 
M.  Andrews,  de  qui  nous  annoncions  naguère  un  Essai  de  grammaire  du  dialute 


ANDREWS,  Vocabulaire  français-mentonais  621 

mfrtfo/ïtf/f  *,  vient  de  publier  un  vocabulaire  français-menlonais  qui  ressemble 
au  vocabulaire  d'Honnorat  en  ce  sens  que  les  mots  ne  sont  accompagnés  d'aucune 
définition,  absolument  comme  si  les  mots  français  et  les  mots  mentonais  con- 
cordaient exactement  dans  toutes  leurs  acceptions.  Toutefois  Honnor^tl  est,  pour 
le  provençal,  bien  supérieur.  Car,  outre  qu'avec  son  vocabulaire  on  peut,  une  fois 
trouvé  le  correspondant  provençal  d'un  mot  français,  se  référer  au  dictionnaire 
provençal-français,  le  vocabulaire  lui-même  est  en  maint  cas  incomparablement 
plus  riche  que  celui  de  M,  Andrews,  Dans  le  vocabulaire  français-mentonais 
vous  trouvez  que  «  chardon  »  se  dît  en  menlonais  cardo,  et  •  chou  »  caure, 
et  c'est  tout  pour  ces  deux  mots;  mais  Honnorat  nous  donne  les  équivalents 
provençaux  de  <  chardon  bénit,  chardon  crépu,  chardon  à  cent  tètes,  chardon 
aux  ânes*,.,  chou  vert,  chou  cabus,  chou-fleur,  chou-rave,  etc.  1  Pour  toutes 
CCS  espèces  de  chardons  ou  de  choux  le  provençal  a  des  termes  spéciaux;  le 
mentonais  aussi,  j'imagine,  seulement  M.  A.  ne  les  donne  pas. 

Li  oùj  par  exception,  M.  A.  place  deux  termes  mentonais  en  regard  d'un 
mot  français,  on  désirerait  que  la  nuance  qui  dislingue  ces  deux  termes  fût  au 
moins  indiquée.  Ainsi  abattre  est  traduit  par  «  fyte  in  terra,  geta  in  terra,  n 
le  me  figure  un  étranger,  ou  encore  une  étrangère,  s' exerçant  à  parler  le  men- 
tonais, le  vocabulaire  de  M,  Andrews  à  la  main,  et  prenant  de  confiance  la 
première  des  deux  locutions  indiquées.  Ne  sera-t-il  pas  en  droit  de  se  plaindre 
de  ce  que  son  guide  lui  enseigne  un  langage  peu  t  respectable  •  ? 

J'ajoute  que  l'idée  de  publier  un  diclionnarre  français-patois,  quand  le  diction- 
naire patois-français  n'existe  pas,  me  paraît  très- peu  heureuse.  On  n'a  guère 
besoin  d'apprendre  A  parler  ou  â  écrire  le  patois  mentonais,  et  c'est  à  cet  objet 
seulement  que  pourrait  servir  le  travail  de  M.  Andrews,  s'il  était  convenable- 
ment fait,  c'est-à-dire  si  les  acceptions  précises  des  mots  y  étaient  déterminées. 
Mais  il  importe  à  la  philologie  romane  de  connaître  le  vocabulaire  mentonais, 
et  cette  connaissance  ne  peut  être  donnée  d'une  façon  commode  que  dans  un 
dictionnaire  où  les  mots  mentonais  figurent  en  premier.  Le  procédé  inverse 
a  l'inconvénient  d'introduire  dans  le  dictionnaire  une  quantité  de  mots  parfai» 
lement  inconnus  au  patois  :  je  citerai  dans  quelques  pages  de  la  lettre  A  seule- 
ment les  mots  algïbu^  ambassade,  ambassadeur^  ambulance^  ammoniaque^  amnistii^ 
amovible^  anackonu,  anarchie^  anatomu  ;  et  par  contre,  l'auteur,  préoccupé  avant 
tout  de  trouver  des  équivalents  patois  à  tous  les  mots  de  la  langue  française»  est 
exposé  i  négliger  une  quantité  de  termes,  et  des  plus  intéressants,  qui  sont 
réellement  propres  au  patois  et  n'ont  pas  d'équivalents  dans  notre  langue. 

Il  faut  donc  souhaiter  que  M.  Andrews  se  remette  bientôt  à  l'œuvre  pour 

composer  un  voabulaire  mentonaisfrançaîs,  soigneusement  expurgé  des  termes 

modernes  d'art  ou  de  science  qui  naturellement  ne  peuvent  qu'être  empruntés 

au  français  ou  à  l'italien,  mais  qui  soit  l'inventaire  aussi  complet  que  possible 

des  termes  véritablement  populaires. 

P.  M. 


1.  Voy.  Romania,  rv,  491. 


622  GOMPTKSHIBNDISS 

■tsdes  htotoriqaes  et  pldlologlciiiaB  sur  la  rime  firauifAlae. 

Essai  sur  Thistoire  de  la  rime,  principalement  depuis  le  XV*  siècle  jusqu'à 
nos  jours,  par  Tabbé  Léon  BELLANQEa,  professeur  a  Tlnstitution  Saint-Louis 
(Saumur).  Paris,  Mulot,  1876,  in-8%  xxvi-302-26  p. 

Il  ne  faut  pas  chercher  dans  la  thèse  de  docteur  ès-lettres  de  M.  l'abbé  Bd* 
langer  tout  ce  que  le  titre  ferait  espérer  d'y  trouver.  D'abord,  la  restriction 
contenue  dans  les  mots  f  principalement  depuis  le  XV*  siècle  jusqu'à  nos  jours  t 
n'aurait  pas  dû  être  faite  ;  l'auteur  s'abstient  à  peu  près  complètement  de  parler 
de  l'origine  de  la  rime  et  de  son  histoire  au  moyen-âge.  Il  ne  commence  réelle- 
ment qu'à  la  fin  du  XV«  siècle  et  s'arrête  avant  la  fin  du  XVIII*,  sauf  de  bien 
rares  exceptions.  Ce  qui  est  le  plus  surprenant,  c'est  que  dans  cet  ■  Essai  s«r 
l'histoire  de  la  rime  en  France  >,  il  n'est  presque  pas  question  de  l'histoire  de 
la  rime.  M.  B.  nous  donne  des  détails  très-sommaires  sur  les  rimes  puériles  et 
compliquées  de  l'école  de  Molinet,  cite  quelques  curieux  exemples  des  tours  de 
force  ineptes  où  elle  se  complaisait,  puis,  après  le  chapitre  consacré  aux  c  Jeux 
poétiques,  étudie  dans  trois  chapitres  c  les  Vers  mesurés  »,  c  les  Vers  blancs  • 
et  c  la  Poésie  en  prose  >,  c'est-à-dire  les  trois  formes  poétiques  d'où  la  rime 
est  absente.  C'est  la  premârc  partie^  qui  compte  136  pages.  La  seconde,  qui 
remplit  le  reste  du  volume,  est  employée  à  prouver  que  le  XVI*  et  le  XVIH  s. 
rimaient  pour  l'oreille  et  non  pour  l'œil,  et,  pour  y  arriver,  à  établir  la  pronon- 
ciation de  certaines  voyelles  et  consonnes  depuis  la  Renaissance  jusqu'à  la 
Révolution.  C'est  là  un  travail  fort  bien  conçu,  et,  comme  on  le  verra,  assez 
bien  exécuté;  mais  cette  étude  est  bien  loin  de  constituer  une  histoire  de  la 
rime.  La  question  si  importante  de  la  règle  sur  l'entrelacement  des  rimes  mas- 
culines et  féminines  est,  il  est  vrai,  judicieusement  traitée,  mais  elle  n'est  abordée 
qu'incidemment,  au  milieu  du  chapitre  sur  <  les  consonnes  finales  ».  Il  est  clair 
qu'elle  devait  avoir  une  place  à  part,  et  que  les  exceptions  qu'elle  a  reçues 
devaient  être  notées.  Les  divers  groupements  des  rimes,  qui  constituent  i'  les 
laisses  monorimes;  2*  les  rimes  plates;  y  les  strophes;  4»  les  vers  libres,  devaient 
former  la  matière  d'un  livre  spécial,  tandis  qu'il  n'en  est  pas  dit  un  seul  mot. 
Même  omission  complète  pour  une  partie  encore  plus  essentielle  de  l'histoire  de 
la  rime  :  les  exigences  des  divers  temps  à  l'égard  de  ce  qu'on  appelle  la  con- 
sonne d'appui,  M.  B.  traite  des  voyelles  qui  portent  la  rime  et  des  consonnes 
qui  suivent  ces  voyelles;  il  ne  parle  pas  des  consonnes  qui  les  précèdent,  et 
pourtant  on  sait  qu'elles  ont  été  l'objet  d'un  débat  où  sont  mêlés  les  noms  de 
.  Malherbe,  Voltaire,  Alfred  de  Musset  et  autres,  et  qui  est  tranché  par  l'école 
contemporaine  en  faveur  de  la  rime  riche.  En  parlant  de  la  rime  pour  l'œil, 
M.  B.  prouve  bien  que  l'époque  classique  ne  l'admettait  pas  contrairement  à 
l'oreille,  mais  il  ne  précise  pas  dans  quelles  limites  elle  l'exigeait  en  sus  de  la 
rime  pour  l'oreille,  et  comment  elle  altérait  l'orthographe  usuelle  pour  satisfaire 
à  cette  exigence.  En  somme,  ce  livre,  qui  mérite  d'ailleurs  de  sérieux  encourage- 
ments, qui  présente  une  réelle  utilité,  et  qui  atteste  chez  l'auteur  une  lecture 
étendue  et  une  intelligence  ouverte,  a  le  caractère  d'un  écrit  apologétique  plutôt 
que  d'une  étude  historique.  Ce  caractère  est  singulièrement  accusé  dans  la 
c  conclusion  »,  dont  voici  les  dernières  lignes  :  c  Nous  nous  flattons  que  les 


BBLLANGER,  Etudes  SUT  la  urne  62\ 

tnnemn  de  la  Rime  qui  ont  lu  ce  travail,  deviendront  plus  pnideati et, qu'avant 
de  diriger  contre  elle  une  nouvelle  attaque,  ils  iront  consulter  les  ouvrages  si 
nombreux  â  Taide  desquels  une  main,  même  aussi  faible  que  ta  nôtre,  peut  la 
défendre  et  la  venger  »  On  n'aurait  qu'à  substituer  t  la  Religion  »  â  t  la  Rime  » 
pour  retrouver  celte  phrase  entière  dans  maint  ouvrage  d'une  tout  autre  nature. 
Cette  tournure  d'esprit  a  influé  sur  la  manière  dont  l'auteur  a  conçu  et  rempli 
son  plan;  c'est  pour  cela  qu'il  s'»l  cru  obligé  de  combattre  si  énergîquement 
les  trois  hérésies  des  vers  mesurès^^  des  vers  blancs  et  de  la  prose  poétique,  et 
qu'il  a  réfuté  pied  à  pied,  d'ailleurs  avec  succès^  toutes  tes  objections  de  M.  Qui- 
cherat  à  la  bonne  qualité  acousùifut  des  rimes  des  XVP  et  XVII«  siècles. 

La  première  partie  est  surtout  littéraire.  Elle  est  amusante,  agréablement 
écrite  et  contient  beaucoup  de  petits  faits  curieux  et  ptn  connus.  M,  l^abbé  Bel- 
langer  a  eu  la  patience  de  lire  Molinet  et  Crétin,  et  il  en  a  extrait  des  citations 
en  prose  et  en  vers  vraiment  réjouissantes.  Que  f  Rabelais  se  gausse  de  Marot 
et  berne  Crétin  »,  comme  le  dit  une  rubrique  du  chapitre  I,  c'est  ce  qui  me 
paraît  assez  douteux.  Les  c  [eux  de  rimes  •  n'ont  pas  tous  cessé  avec  fa  Renais- 
sance; l'école  moderne  s'en  est  permis  d'autres  encore  que  la  rime  en  écho. 
M.  B.  cite  deux  vers  de  Crétin  qui  riment  d'un  bout  à  l'autre  {Tournoy  intour 
tû  fûUt  ouhncuyéanu  Tournoyé  est  tour  s'ûjjolk  oultrc  qui  dance)y  •  les  plus  rtmés 
assurément  qui  jamais  aient  été  écrits  eu  français  i  :  un  habile  versificateur 
contemporain,  M.  Marc  Monnier,  en  a  £ïit  de  plus  réussis,  et  de  douze  syllabes 
encore,  par  exemple  ceux-ci,  bien  connus  : 

Call,  amant  de  la  reine,  alla  (tour  magnanime  !) 
Gilammeni  de  rArène  à  la  Tour  Magne,  à  Ntme. 

L'histoire  des  vers  mesurés  pouvait  être  plus  complète  et  plus  approfondie 
(bien  qu'à  vrai  dire  elle  n'ait  place  dans  une  histoire  de  la  rime  qu'au  même 
titre  que  luctre  dans  Tétymologie  de  fucus) ^  mais  elle  contient  des  pages  fort 
intéressantes,  notamment  tout  ce  qui  est  dit  sur  l'Académie  de  poésie  et 
de  musique  de  Baîfet  Courville.  Le  chapitre  sur  les  vers  blancs  est  au  contraire 
assez  insuffisant;  l'auteur  cite  les  Incas:  il  n aurait  pas  dû  oublier  que  le 
Siciiten,  de  Molière,  est  en  grande  partie  écrh  dans  le  même  système;  il  aurait 
dû  donner  des  échantillons  des  vers  ■  eumolpiques  t  de  Fabre  d'Olivet;  en6n 
il  aurait  facilement  trouvé  d'autres  auteurs  qui  ont  essayé  de  ce  système.  Ici 
ou  dans  le  chapitre  précédent,  il  aurait  dû  surtout  mentionner  les  intéressantes 
tentatives  faites  pour  acclimater  chez  nous  l'imitation  des  mètres  classiques  par 
substitution  de  Taccent  à  la  quantité,  comme  le  pratiquent  les  Allemands  et 
d'autres  peuples  ;  il  aurait  dû  expliquer  pourquoi  les  vers  blancs,  qui  sont 
admis  en  anglais  et  en  italien,  n'ont  jamais  pu  réussir  en  France,  etc.  Le  cha- 
pitre sur  Lamotte  et  la  poésie  en  prose  est  écrit  gaiement,  et  M.  Tabbé 
Betlanger  n'hésite  pas  à  se  ranger  sous  le  drapeau  de  Voltaire. 

La  seconde  partie  est  purement  philologique  :  nous  en  avons  déjà  indiqué  le 
sujet.  L'auteur  n'a  pas  voulu  étudier  le  rapport  de  la  prononciation  et  de  la 
rime  plus  anciennement  que  le  XVI*  siècle,  parce  qu'il  n'a  pas  trouvé  de  méthode 
propre  à  le  guider  sûrement  dans  le  chaos  des  siècles  antérieun.  La  méthode 
que  l'ai  appliquée  dans  lAUxis  et  ailleurs  lui  parait  inintelligible,  incertaine  et 


624  COMPTES-RENDUS 

surtout  entachée  d*une  f>étition  de  principe  flagrante,  il  ne  comprend  f*élude  de 
h  prononciation  qu'à  Taîde  des  trailcs  spéciaux  ou  des  essais  d*orlhographc 
phonétique;  or  ces  deux  genres  de  documents  manquent  avant  la  Renaissance» 
Mais  ce  qui  l'a  beaucoup  surpris,  c'est  que  partout  où  mes  recherches,  qu'il 
regarde  comme  faîtes  a  priori^  et  les  siennes,  faites  a  posUriori,  se  sont  rencon- 
trées^ les  résultats  ont  coïncidé,  t  Plus  d'une  fois,  dit-il  (p.  iji),  le  résulUl 
de  nos  recherches  concorde  avec  les  conclusions  de  l'école  dont  nous  ne  pou- 
vons comprendre  la  méthode...,»  Ce  n'est  pas  sans  étonnemcnt  que  nous  avons 
vu  (p.  296)  M.  G.  Paris,  à  î'aîde  d'une  méthode  que  nous  ne  pouvons  com- 
prend re^  trouver  des  faits  de  prononciation  qu*un  grand  nombre  de  documents 
authentiques  rendent  pour  nous  d'une  vérité  rigoureuse.  «  Il  est  clair  qu^en 
réfléchissant  à  cette  étrange  rencontre,  M,  B.  en  arrivera  à  se  rendre  compte 
de  la  méthode  en  question.  Mais  il  aurait  dû  voir  dès  à  présent  que  je  n^ai  pas 
eu  recours  uniquement  à  Tétude  des  assonances  et  des  rimes  pour  rechercher  la 
prononciation  des  anciennes  voyelles.  Diez,  que  je  n'ai  fait  là  comme  aillcars 
que  suivre  et  imiter,  avait  déjà  mis  en  œuvre  toutes  les  ressources  dont  nous 
disposons  :  transcriptions  en  langues  étrangères^  documents  grammaticaux  pos- 
térieurs, prononciation  actuelle  de  la  langue  littéraire  ou  des  patois,  divergences 
orthographiques,  comparaison  des  idiomes  apparentés,  et  surtout  ce  que  j'appelle 
l'induction  phonétique,  c'est-â-dire  la  détermination  conjecturale,  mats  soumise 
à  ccrtaine.«î  lois,  des  étapes  par  lesquelles  un  son  latin  a  dû  passer  pour  arriver 
i  un  son  français  moderne.  Je  n*ai  pas  cru  d'ailleurs^  non  plus  que  mon  mattre, 
qu'on  pût  arriver  partout  à  la  certitude^  et  surtout  je  n*ai  pas  cru  que  j*y 
fusse  arrivé  ;  bien  des  points,  dans  les  résultats  que  j'ai  présentés  au  public  il  y 
a  cinq  ans,  sont  déjà  modifiés  ou  ébranlés  par  les  études  d'autres  savants;  il  en 
est  d'autres  sur  lesquels  j'ai  moi-même  changé  d^opinion.  Les  études  du  genre 
de  celles-là  n'atteignent  guère  qu^une  vraisemblance  plus  ou  moins  grande  : 
M.  B.  leur  a  rendu  un  vrai  service  en  confirmant  en  beaucoup  de  cas,  par  des 
témoignages  formels,  ce  qui  avait  été  établi  par  des  raisonnements.  Il  est  clair 
que  le  calcul  le  mieux  lait  sur  1  existence  d'un  corps  céleste  invisible  ne  vaut  pas 
comme  sûreté  la  vue  de  ce  corps  dans  une  lunette.  Mais  comme  il  y  a  des  tspAott 
ou  les  instruments  ne  pénètrent  pas,  il  est  bon  de  chercher  à  les  explorer  avec 
les  moyens  que  nous  avons  à  notre  portée. 

Je  n'ai  guère  d'objections  graves  A  faire  aux  études  de  M.  B.  sur  la  pronon- 
ciation aux  XVI"  et  XV!!"  siècles.  Il  détruit  complètement,  à  l'aide  de  tcjcics 
formels,  l'accusation  de  rimer  pour  rœil  portée  contre  notre  poésie  classique^ 
et  en  se  livrant  à  ce  travail  utile  et  intéressant,  il  éclaircit  nombre  de  points  de 
rancienne  prononciation.  Ses  150  pages  pourront  servir  beaucoup  au  public  qui 
s*inléresse  à  ces  questions,  en  attendant  le  grand  ouvrage  que  termine  M,  Tharot  • 
sur  la  prononciation  française  à  b  même  époque,  ouvrage  où  tous  les  matérijux 
seront  utilisés  et  disposés  de  main  de  maître,  et  après  lequel  il  n'y  aura  sans 
doute  plus  à  revenir  sur  ce  sujet.  M.  B.  a  un  jugement  sain,  une  exposition 
claire  ;  if  a  dépouillé  un  grand  nombre  d'ouvrages  sur  la  matière,  et  s'il  ne  ta 


I.  Notons  que  M.  B.  aurait  dû  consulter  l'article  publié  par  M.  Thurot  sur  l4  ^fo«a«- 
dation  des  tomonms  finates  en  18^,  article  qu*it  n'a  pas  ignoré,  puisqu'il  est  dié  par 
Dicï. 


BELLANGER,  Etudes  SUT  la  rime  625 

pas  toujours  au  fond  des  questions,  au  moins  ne  les  obscurcit-il  pas  par  de  vaines 
hypothèses.  Je  ne  suis  en  réel  désaccord  avec  lui  que  sur  un  point  :  la  pronon- 
ciation de  1'^  féminin,  qu'il  regarde  à  mon  avis  comme  étant  devenue  semblable 
à  la  nôtre  beaucoup  plus  tôt  que  je  ne  le  pense;  en  outre  il  ne  distingue  pas  les 
cas  où,  même  aujourd'hui,  cet  e  se  prononce  encore  {contre,  faste,  etc.)  de  ceux 
où  il  est  réellement  muet  ;  enfin  il  écrit  qu'aujourd'hui,  •  dans  la  déclamation, 
mer  n'a  qu'une  syllabe  et  mire  en  a  deux  (p.  201),  i  ce  qui  me  paraît  absolu- 
ment inexact.  Sur  beaucoup  d'autres  points,  où  je  n'avais  pas  dépouillé  aussi 
abondamment  que  M.  B.  les  grammairiens  et  orthographistes  des  XVI*  et 
XVII«  siècles,  j'ai  trouvé  à  m'instruire  dans  son  livre,  et  je  crois  que  beaucoup 
de  lecteurs  seront  dans  le  même  cas. 

M.  B.  termine  par  de  bons  conseils  aux  poètes  modernes  :  •  La  prononcia- 
tion sur  laquelle  notre  versification  s'appuie  étant  mobile,  il  faut  que  notre  versi- 
fication marche  avec  elle,  autrement  elle  tombera  comme  un  édifice  que  les 
fondements  ne  soutiennent  plus,  i  On  ne  saurait  mieux  dire;  mais  ces  avis  ont 
peu  de  chance  d'être  écoutés.  Notre  versification,  qui,  comme  je  l'ai  dit  ailleurs, 
repose  sur  la  prononciation  du  XVI<^  siècle,  s'est  pétrifiée  à  ce  moment  ;  aujour- 
d'hui elle  est  devenue  absolument  routinière,  et  chaque  jour,  en  perfectionnant 
certaines  de  ses  qualités,  elle  exagère  quelques-uns  de  ses  défauts.  Nos  poètes 
se  servent  du  vieil  instrument  sans  s'apercevoir  qu'ils  continuent  à  toucher  plus 
d'une  corde  qui  ne  sonne  plus  et  se  privent  d'accords  qu'ils  pourraient  sans  peine 
obtenir.  Ils  sont  trop  timorés  et  surtout  trop  peu  instruits  pour  essayer  de 
remettre  l'instrument  à  neuf  :  ils  craindraient  de  le  briser  ;  les  plus  habiles 
eux-mêmes  s'écrient  : 

D'antres  ont  fait  la  lyre,  et  je  snbis  leur  loi. 

Ils  ne  se  décideront  que  quand  la  lyre  sera  devenue  tout-à-fait  muette  sous 
leurs  doigts,  ou  qu'un  instrument  nouveau,  accordé  au  ton  populaire  par  une 
main  hardie  et  savante,  les  forcera  à  sortir  de  leur  rêve  et  à  rendre  à  la  langue 
française  une  versification  vivante,  harmonieuse  et  libre. 

G.  P. 


Romaniûy  VI  J^0 


PÉRIODIQUES. 


I.  —  Revue  des  langues  romanes,  2«  série,  t.  IV;  n*  7  (15  juillet).  — 
P.  I,  Alart,  Documents  divers  appartenant  aux  dialectes  du  midi  de  la  France;  sept 
documents  compris  entre  les  années  1361  et  1423,  parmi  lesquels  trois  lettres 
missives. —  P.  13, 1.  7,  pour  daires  je  lirais  deures;  plus  bas  ma  be  m'est  obscur: 
ambe?  —  P- 14,  Montel  et  Lambert,  Chants  popul.  du  Languedoc  (suite). 

—  N*  8  (15  août).  —  P.  57,  Vaschalde,  Une  inscription  en  langue  d'oc  du 
XV*  siècle,  à  Largentûre  (Ardèche)  ;  ^e  compose  de  ces  seuls  mots  :  c  Tan  M.  iiii. 
Ixxxx.  e  le  .vij.  d'octobre  hieu  Pierre  Guamier  de  colens  ay  donat  aquesta 
chadiere  al  convente  que....  i  L'hypothèse  exprimée  p.  60  que  a  dans  la  des- 
truction du  monastère  de  Largentière  durent  disparaître,  perdus  pour  toujours, 
des  documents  de  la  plus  haute  importance  pour  l'histoire  de  la  langue  d'oc  t 
est  assez  peu  probable.  Les  bibliothèques  de  couvents,  surtout  dans  cette  région 
de  la  France,  contenaient  rarement  des  mss.  en  langue  vulgaire.  —  P.  62, 
Noulet,  Histoire  littéraire  des  patois  du  midi  de  la  France  (fin).  —  Bibliographie  : 
Clédat,  le  mystère  provençal  de  Sainte- Agnhs]  examen  du  ms.  et  de  P édition  de 
M.  Bartsch  (art.  de  M.  Chabaneau  qui  contient  diverses  observations  utiles  sur 
le  texte  du  mystère). 

—  N'  9  (1 5  septembre).  —  Alart,  Etudes  historiques  sur  (Quelques  particularités 
de  la  langue  catalane  :  i*"  diphthongaison  de  la  seconde  personne  du  pluriel  des 
verbes;  alis,  etis,  devenant  au,  eu)\  2*  de  la  formation  des  diphthongues  du^  eu, 
2u,  ou  en  catalan;  y  exemples  de  là  formation  de  la  diphthongue  au  dérivant  de 
ats^  as^  az  ;  4*  formation  de  la  diphthongue  eu  dérivant  de  etz,  eds,  ez;  y  forma- 
tion de  la  diphthongue  iu  dérivée  de  its,  is,  iz  ;  6*  formation  de  la  diphthongue 
ou  dérivant  de  ots,  os;  7*  exemples  des  secondes  personnes  du  plur.  catalan 
formées  en  diphthongues;  travail  précieux  par  les  exemples,  empruntés  à  des 
textes  datés,  qu'a  réunis  M.  Alart.  —  Bibliographie  :  P.  149,  Magen  etTholin, 
Archives  municipales  d*Agen  (C.  Ch.  ;  appréciation  conforme  à  celle  que  j'ai  exprimée 
dans  la  Revue  critique  du  2  juin  dernier).  —  P.  1 51,  Lj  reine  Esther,  publié  par 
E.  Sabatier.(M.  Ch.  cite  de  ce  mystère  quatre  vers  qui  sont  traduits  de  Racine. 
Il  faut  probablement  voir  là  une  addition  du  rabbin  Jacob  qui  a  remanié  cette 
pièce;  cf.  Romania,  VI,  301).  P.  M. 

II.  —  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie,  I,  2-3.  P.  16 j,  Vietor, 
rOrigine  de  la  légende  de  Virgile  (cherche  à  démontrer  contre  M.Comparetti  que 
les  légendes  sur  Virgile  magicien  sont  d'origine  littéraire,  et  non  populaire  et 


PÉRIODIQUES  6lJ 

spécUiemetit  napolitaine).  — P.  179,  Th,  Bragi^  0  canoûnmo  poriugutz  àa 
VâUcartâ  (suite  et  ûn\.  —  P.  191,  A.  Stimming,  La  syntaxt  di  Commtnes^  pre- 
mière partie  (étude  qui  paraît  faite  avec  beaucoup  de  soinh —  P,  222,  A.  Pax 
y  Mclîa,  Liko  dtalraia  y  una  Ptùfuxû  4t  Evangthsta.  [Ce  traité  de  fauconnerie» 
composé  à  la  fin  du  XV**  siècle  par  un  chevalier  de  S.  Jean  (qui  n'est  connu 
jusqu'ici  que  par  son  sumoni  d*  «  Evangelista  t^est  ici  publié  pour  la  première 
fois  d'après  deux  manuscrits  de  la  bibliothèque  particulière  du  roi  d'Espagne 
et  de  la  Bibliothèque  nationale  de  Madrid.  M.  Paz  a  joint  à  son  éd/tion  un  petit 
glossaire  et  quelques  notes.  Ayant  l'intention  de  revenir  prochainement  sur  ce 
curieux  traité  cl  sur  U  prophétie  qui  raccompagne,  nous  n'en  dirons  pas  plus 
pour  aujourd'hui.  Nous  devons  toutefois  dire  qu'on  imprime  en  ce  moment  à 
Madrid,  sous  la  direction  de  M.  Gutierrez  de  la  V^ega,  une  Bibiioihtca  verutoru 
qui  doit  comprendre  le  livre  d'Evangelia.  Cette  même  Bihttoîhica  donnera 
aussi  dans  un  de  ses  premiers  volumes  l'ouvrage  de  Juan  Manuel  sur  fâchasse, 
que  M.  Paz  se  déclare  prêt  â  mettre  sous  presse.  —  M.  F.J,  —  P,  247,  La 
prim  Theophilas^  p.  p.  A.  Schelcr  (celte  pièce  aurait  pJutôi  dû  recevoir  le  titre 
de  Une  proiérc  nostre  dftfmf,que  lui  donne  l'un  des  deux  mss.  utilisés  par  M,Sch,; 
elle  est  si  peu  attribuée  à  Théophile  qu'eik  le  mentionne  ;  9,  i  chai,  t.  char.  2 
empechu  L  en  pcchii;  10,  2  di  c€st,  L  d*icist;  2^,4  sûceUj  I.  sa  ctU;  78,1  iatssé. 
{,  ton  laine  avec  le  ms.  de  Turin;  102,  1  ety  L  eî;  lo^,  2  sar,  l.  jur;  les  deux 
mss.  sont  de  la  même  famille,  car  ils  ont  des  fautes  évidentes  en  commun,  p,ex. 
un  vers  de  trop  à  la  str.  to,  une  strophe  passée  après  69,  la  leçon  de  38,4  (I,  par 
amours  surrnqui  ''j,  etc.,  ce  qui  fait  que  le  texte  n'est  pas  assuré;  la  ponctuation 
laisse  â  désirer).  —  P.  259,  U  Ps(ado*Tarpin  dit  poitevin,  publié  d'aprh  Us  mts 
par  Th.  Auracher  (copie  diplomatique  de  l'un  des  mss.  de  la  traduction  sainton- 
geaise  —  |e  l'ai  pour  ma  part  toujours  appelée  ainsi  —  de  Turpin,  avec  les 
variantes  de  Taulrc,  Les  deux  mss.  sont  visiblement  des  copies,  l'une  et  l'autre 
assez  fidèle  et  peu  intelligente,  d'un  original  perdu;  l'objection  tirée  par  M.  A 
de  la  coïncidence  des  fins  de  ligne  entre  A  et  B  est  lout  â  fait  imaginaire;  cette 
coïncidence  se  produit  bitn  plus  souvent  entre  la  fin  des  lignes  de  A  et  celle  des 
lignes  du  texte  imprimé;  le  signe  que  l'éditeur  imprime!  est  sûrement  5, et  n'eiit 
mis  par  erreur  pour  /  que  dans  lassez^  une  fois;  les  remarques  de  M,  A*  sont 
judicieuses  :  seruunu  }2j,  1;  n'est  pas  pour  sauimès^  mais  pour  servitumes  *). 
MèLANtiES,  I.  Histoire  littéraire^  L  P,  ^^7  M^W^  Encore  une  fois  Marte  de  Com^ 
piégne  et  V Evangile  aux  femmes  (excellente  dissertation  à  propos  de  la  publication 
récente  de  M.  Constans;  peut-être  toutes  les  conclusions  n'en  sont-elJes  pas 
assurées, —  et  il  y  a  certainement  à  ajouter  des  matériaux  à  la  critique  de  cette 
satire  si  souvent  remaniée  et  interpolée;  —  mais  une  chose  reste  maintenant 
bien  établie,  c'est  que  Marie  de  France  n'a  rien  â  faire  avec  YEvangiU  aux 
femmes,  M.  Mail  qui.  on  le  sait,  s'occupe  depuis  longtemps  d'une  édition  des 
fables  de  Marie^  termine  sa  notice  en  disant  qu'il  est  arrivé  i  la  conviction,  — 
contraire  â  son  travail  antérieur  sur  Marie,  —  que  le  Guillaume  auquel  elle  a 
dédié  ses  fables  n'est  pas  Guillaume  de  Dampierre,  comte  de  Flandres,  mort  en 


I.  Le  fraement  de  chanson  publié  k  U  6n  d'après  un   ms.  de  Munich,  et  sttlvi  de»j 
mou  Ricaraus  ra,  a  bien  Talr  d'être  Richard  CGcur  de  Lion. 


628  PÉRIODIQUES 

1 2  5 1 .  li  y  a  longtemps  que  je  suis  de  cet  avis,  et  que  je  ne  doute  pas  qu'il  ne  faille 
reporter  les  œuvres  de  la  célèbre  poétesse  â  la  fin  du  XII*  siècle).  —  2.  P.  357. 
Weber,  Sur  Us  légendes  des  Vies  des  Pires  (supplément  au  mémoire  de  l'auteur  ; 
voy.  Rom,^  V,  494).  —  3.  P.  365,  Kôhler, Sur  les  DodiciConti  morali  d'Ano- 
nimo  Senese  publiés  par  Zambrini  (tous,  sauf  un,  se  laissent  ramener  à  des  contes 
dévots  français  dont  ils  sont  traduits).  —  II.  Bibliographie,  P.  375,  Monaci,  // 
Ubro  Reale  (ce  chansonnier,  sans  doute  le  plus  ancien  dont  nous  ayons  connais- 
sance, paraît  perdu;  Colucci  en  avait  dressé  la  table,  que  M.  M.  a  retrouvée  et 
publiée).  —  III.  Manuscrits,  1.  P.  381,  Rajna,  Intorno  a  due  canzoni  gemelle 
di  materia  cavalleresca  (se  rattache  à  la  notice  de  M.  Wesselo&ky  sur  une  chanson 
dePucci,  mxiht  ^M  Chevalier  à  VEspéc^  voy.  Rom,  VI,  303;  M.  R.  a  trouvé  une 
autre  chanson  qui  n'est  qu'une  variante  de  celle-ci,  et  qu'il  croit  aussi  de  Pucci). 

—  2.  P.  387.  E.  Stengel,  Etudes  sur  les  chansonniers  provençaux^  I  :  Le  recueil 
de  Copenhague  [Le  chansonnier  de  Copenhague  a  fait  autrefois  partie  de  la  riche 
collection  de  l'intendant  Foucault,  dont  la  Bibliothèque  nationale  a  recueilli 
d'assez  nombreuses  épaves  (voy.  Delisle,  Cabinet  des  mss.^  I,  378).  Il  ne  forme 
qu'une  très-petite  partie  d'un  ms.  qui  contient  en  outre  la  Mort  d* Arthur  de 
Gautier  Map.  Les  pièces  qu'il  renferme  sont  au  nombre  de  douze,  qui  toutes  se 
retrouvent  ailleurs,  et  ordinairement  dans  un  grand  nombre  de  mss.  Il  y  aura, 
pour  l'établissement  du  texte  de  ces  pièces,  bien  peu  de  profit  à  tirer  de  ce  petit 
chansonnier,  que  M.  St.  a  imprimé  in  extenso  d'après  une  copie  exécutée  avec 
le  plus  grand  soin  par  M.  Thor  Sundby.  Une  longue  note  jointe  par  M.  St.  à 
sa  publication  contient  un  grand  nombre  de  rectifications  à  la  Table  des 
troubadours,  qui  termine  le  Grundriss  de  M.  Bartsch.  —  P.  M.].  —  IV.  Cri- 
tique des  textes,  i.  P.  397.  Fôrster,  Swr  la  traduction  des  Synonymes  d'Isidore 
(corrections  très-pIausibles  au  texte  publié  par  M.  Bonnardot,  Rom.  V,  269). 

—  2.  P.  402,  Mussafia,  Sur  le  Brut  de  Munich  y  p.  p.  Hofmann  et  Vollmœller 
(voy.  Rom.  VI,  318;  critique  détaillée  et  assez  sévère,  notamment  de  l'intro- 
duction ;  plusieurs  observations  de  M.  M.  sont  d'un  grand  intérêt).  —  Etymolo- 
gies.i.P.  414,  RÔnsch^  Etymologies  romanes  :  caldaria  (déjà  dans  la  Vulgate), 
calciata  (de  calciare,  «  fouler  »  et  non  c  garnir  de  chaux  »,  comme  le  veut  Diez  ; 
cette  étymologie  est  déjà  dans  Littré),  camdot  (rapporté  au  grec  jitiXcutiq,  dont 
il  ne  vient  pas  plus  que  de  camelus)^  dtner  (nouvelle  étymologie  :  decscinare; 
voy.  ci-dessous),  malade  {malc  habitus;  M.  R.  ne  sait  pas  que  cette  étymologie  a 
déjà  été  donnée,  Rom.  III,  377),  ncâ/nûre  (ramené  à  une  racine  hébraïque,  mais 
l'arabe  est  plus  probable),  zappa  sape  (le  lat.  sappa  n'est  point  une  découverte  : 
Littré  le  cite  d'après  plusieurs  textes),  accertello  et  cetrero  (rapportés  à  acceptor 
plutôt  qu'à  accipiter)^  calpeslare  {pistarc  n*est  pas  inconnu  au  latin,  comme  le  dit 
Diez),  rezza  (déjà  en  lat.  vulgaire  on  disait  retia  au  sing.  fém.),  zorra  (rattaché 
au  grec  i|;iopa?),  roum.  gut  (guttur),  esp.  centeno^  pg.  ccntelo  =  seigle  (le  seigle 
était  déjà  appelé  centesimum  par  les  Romains).  —  2.  P.  421.  Caix,  Voci  nate 
dalla  fusione  di  due  temi  (liste  curieuse  de  mots  appartenant  à  cette  variété  d'éty- 
mologies  populaires;  on  pourrait  contester  pour  plus  d'un  l'explication  de  M.  C; 
ainsi  pantuiser,  —  qui,  à  côté  de  son  sens  d'  «  être  essoufflé  »,  a  dès  le  moyen-âge 
dans  les  dialectes  du  Midi  celui  de  «  rêver»,  —  doit  signifier  proprement  c  avoir 
le  cauchemar  »,  et  se  rattache,  avec  tous  ses  congénères,  à  phantasiare;  le  fr. 


PéRtODlC^ES  629 

pântots  ou  partiâis  est  donc  phantamcusU  —  J.  P.  428,  Suchicfi  Etymohgies 
françaisu  :  chaetcs  ckcUs  (raltachè  à  piA  vclUs;  cl,  l'il.  cavelU^  Rom,  II,  528, 
mais  il  y  a  bien  des  objections),  dtner  (celle  fois  c*est  discinare^  de  dïscus;  les 
deux  ètymologits  de  la  Ztsckr,  sont  mauvaises,  comme  je  le  montrerai 
dans  un  prochain  article),  es  pieu  es  pur  tspid  apieii  apiei  tspU  (distinction 
de  toutes  ces  formes  ramenées  â  leur  origine  respective),  fleiinr  (rattaché  avec 
raison  i  Tanc.  fr,  jiaûr  =  flatcrtm)^  gale  =  bombance  (du  moy,  nécrL  »'<ï/r), 
gUrcs,  ore,  anmi  fie  premier  mol,  qui  signifie  trgo,  serait  de  ha  rr,  cf.  jour  de 
diurnam^  jtht^e  de  die  hodi  (mais  je  le  tire  de  jam  hodu)^  — are  serait  ha  horûj 
mais  voy,  Rom.  VI^  jSt,  (^explication  plus  plausible  de  M.  Cornu',  —  anuit 
serait  ha  nocte^  mais  ad  noctem  suffit,  en  sorte  que  ces  trois  preuves  à  l'appui  du 
fém.  ha  manquent  de  force),  herht  (de  héraut^  ce  qui  est  bien  peu  probable), 
orprh  {de  oripelarguî  et  non  de  ossifragus  pour  osstfragaf)^  scn  jpeui  bien  venir 
à  la  fois  de  secretus  et  du  prov.  sen  =  screnus^  et.  Rom.  IH,  ço(),  tnf  (au  sens 
de  tente  serait  distinct  de  nef  ^^  *  poulre>,  et  se  rattacherait  à  l'agls  trSf^  qui^ 
désignant  dans  Beowuif  la  tente  affectée  au  culte  païen,  ne  peut  venir  du  français. 
Mais  5!  trjbs  avait  pri<i  en  latin  vulgaire  déjà  le  sens  de  «  tente  »,  le  mol  a  pu 
passer  aux  Anglo- Saxons  avec  la  chose.  Il  est  bien  difficile  de  séparer  les  deux 
tref^  surtout  en  considérant  les  dérivés  atraver^  t  planter  sa  tente  >,  destraver, 
•  lever  les  tentes,  décamper  ».  M.  S.  objecte  que  si  tréf  venait  de  trabs,  ce  mot 
désignerait  une  baraque  plutôt  qu'une  tente.  Je  me  représente  le  trcj  comme 
différent  du  pavillon  —  papilionem^  en  ce  que  ie  Iref  était  une  tente  formée  de 
toile  étendue  sur  une  poutre  horizontale  supportée  par  des  montants  obliques, 
et  le  pavillon  une  tente  circulaire  ou  conique.  Notez  encore  que  le  prov,  irap  ne 
pourrait  venir  de  Tangl.  trëf^  mais  comment  s'expliquent  les  deux  formes  pro- 
vençales irap  =  f  tente  »  et  trati  =  •  poutre  •?). 

0>MrTEs-RKNDLs,  P. 454,Guastalïa, Ctf/ifi  popolan  di  Mtdica  (article  intéressant 
de  M-  Liebrechl  sur  ce  curieux  recueil)  —  Carolina  Michaelis,  StuJien  zur 
romanischen  Wortschapfnng  iVollmÔlIer;  éloge  mérité),  —  Dematlio,  Morfohgta 
Ualiana  (Buchhollz-,  simple  abrégé  ift  Diez),  —  Sbarbi,  El  Refrantro  gênerai 
espafiol  (Morel-Fatio  ;  ouvrage  qui  pourrait  être  mieux  fait  cl  plus  utile).  — 
Braga,  Antohgta  portagueza  (Storck;  article  très- compétent).  — La  Chanson 
de  Roland^  p.  p.  KOlbing  (M,  Suchier,  qut  avait  aussi  copte  le  ms.  de  Ventse, 
relevé  quelques  très-légères  divergences}.  —  Montaiglon  et  Rothschild,  Poésies 
françaises  du  XV*  et  XVh  1.,  t.  X  et  XI  (Ulbrich;  quelques  bonnes  remarques^ 
—  Neumann,  Die germanischen  Elemenie  in  der  franz,  Spraehe jl  (Behaghel;  arUdc 
trop  indulgent;  ce  que  M.  B.  dit  de  mon  opinion  sur  l'étymologte  de  galop  est 
exact  ;  je  le  développerai  prochainement), —  Schëer,  Exposé  des  lois  (fut  régissent 
la  transformation  française  des  mois  latins  (Knauer).  —  Beaufcan,  Dictionnaire  de 
la  langue  française  abrigi  du  dtcttonnaire  de  Uttri  (Sachs^  —  Romania,  n*  ai. 
Il  e$t  rendu  compte  des  articles  suivants,  i ,  (Meyer^  Notice  sur  an  ms,  hurgiu- 
gnm  (Stengel  1  observations  peu   importantes*,  aucune  des  fautes  relevées  ct^ 


1 .  Ore  et  ores  l'explîqueratcnt  par  ad  horam  et  ad  horas,  liCKlis  qut  ka  hora  ne  peut 
rendre  compte  que  d'une  de  ces  formes. 

1.  Aio^i,  pour  justifier  la  ptiblicjtton  d'une  des  pièces  de  ce  mi.«  j'ai  dit  {p.  j^j  que 
cette  pièce  ne  se  trouvait  pas  daru  nos  mss,  de  Pans.  iJdcssus  M.  St.  me  fait  ta  leçon 


6^0  PÉRIODIQUES 

dessus,  p.  600  ss.,  par  Fauteur  n'a  été  vue].  2  et  3.  Notes  de  MM.  Lemcke  et 
Kôhler  sur  les  articles  de  MM.  Mila  y  Fontanais,  Chenaux  et  Cornu.  4.  Meyer, 
Marcabrun;  M.  Suchier  accepte  les  conclusions  de  ce  travail.  5.  M.Tobler  défend 
ses  étymologies  contre  la  c  boucherie  i  que  j'en  ai  faite  p.  129-133  ;  il  oppose 
surtout  â  mes  raisonnements  son  scepticisme  :  je  lui  rends  la  pareille;  réservons 
la  question  pour  un  temps  où  nous  aurons  l'un  ou  l'autre  des  arguments 
nouveaux.  Je  m'étonne  seulement  que  mon  savant  ami  s'obstine  à  tirer  nanlic  de 
navigium  et  se  refuse  (avec  M.  Boucherie)  à  reconnaître  arltc  ma]Umatica  dans 
artimaire  :  le  mot  savant  passé  dans  le  peuple  s'est  altéré,  moins  gravement  que 
necromantyia  qui  est  devenu  ingremance.  6.  Note  approbative  de  M.  Tobler  sur 
les  corrections  de  M.  Chabaneau  aux  Glossaires  provençaux).  —  Columna  lui 
Traian  (dépouillé  fait  par  M.  Schuchardt  du  dernier  volume  de  ce  recueil  inté- 
ressant publié  par  M.  Hajdeu  ;  j'y  note  Tétymologie  dtfartat^  non  psLS  foede- 
ratas  comme  le  croyait  Diez,  mzxs  frate[r],  et  plusieurs  renseignements  sur  la 
littérature  populaire).  —  Englische  Studien,  I,  i  (article  intéressant  de  M.  Sten- 
gel,  où  il  adresse  â  M.  Kôlbing  à  peu  près  les  mêmes  critiques  qui  lui  ont 
été  faites  ici,  VI,  153.5).  G.  P. 

III.  —  Revue  historique  de  l'ancienne  langue  française,  juin-septem- 
bre. —  Les  cahiers  de  juin,  juillet,  août,  contiennent  une  grammaire  de  la 
langue  d'oïl,  signée  C.  Hippeau,  au-dessous  de  toute  critique,  et  une  disserta- 
tion sans  valeur  de  M.  H.  Moisy,  sur  la  prétendue  c  influence  du  dialecte  nor- 
mand dans  les  transformations  de  la  langue  française,  i  —  Un  sermon  en  vers 
du  XIII«  siècle  est  publié  (assez  mal)  d'après  un  ms.  de  Rouen  dans  les  n<>'  de 
mai,  juin  et  juillet.  —  A  dater  de  la  livraison  de  mai  la  Revue  poursuit  la 
réimpression  de  la  Gente  poitevin*  rie  y  recueil  bien  connu,  mais  qu'on  ne  sera  pas 
fâché  d'avoir  sous  la  main. 

IV.  —  Archives  des  missions  scientifiques  et  littéraires.  30  série, 
t.  III,  2®  livraison.  —  P.  544-605,  M.  de  Tourtoulon  et  0.  Bringuier,  Rapport 
sur  la  limite  géographique  de  la  langue  d*oc  et  de  la  langue  d*oil.  On  y  trouve  les 
résultats  d'une  exploration  accomplie  sous  les  auspices  du  ministère  de  l'instruc- 
tion publique  et  que  nous  avons  annoncée  dans  la  Romania^  t.  III,  p.  508.  La 
mort  de  M.  Bringuier,  qui  ne  s'était  fait  connaître  jusque  là  que  comme  poète, 
mais  qui,  dans  les  derniers  temps  de  sa  vie,  avait  manifesté  un  grand  zèle  pour 
les  .études  linguistiques,  a  interrompu  pour  un  temps  les  recherches  dont  les 
premiers  résultats  sont  contenus  dans  ce  rapport.  Nous  espérons  et  nous  avons 
tout  lieu  de  croire  que  le  temps  d'arrêt  ne  sera  pas  de  longue  durée,  et  que  M.  de 
Tourtoulon  pourra  continuer  et  mener  à  bonne  fin  l'exploration  si  bien  com- 
mencée. J'ai  eu  l'occasion  d'exprimer  ici  (Romaniâ  IV,  294-6,  et  V,  505)  l'idée 
qu'en  général  et  en  théorie  les  dialectes  d'une  même  langue  n'ont  pas  de  limites 


et  réclame  en  faveur  des  savants  «  de  la  province  ».  Il  est  clair  que  si  la  pièce  en 
question  s'était  trouvée,  à  ma  connaissance,  dans  un  autre  ms.  que  le  ms.  du  Musée 
britannique,  je  l'aurais  dit.  J'ai  considéré  cette  pièce  comme  unique.  Mais  comme  je  ne 
connais  pas  toutes  les  bibliothèques  de  la  France  et  de  l'étranger,  j'ai  dû  me  borner  à  dire 
(et  encore  avec  réserve)  qu'elle  ne  se  trouvait  pas  dans  nos  mss.  de  Paris.  —  P.  M. 


PÉRtODlQUES  6)1 

nellfmenl  percepiibies  ;  qu*ils  ne  couvrent  pas  un  espace  de  icrram  clairement 
circonscrit^  que  dans  le  cas  (qui  est  celui  des  langues  romanes)  où  plusieurs 
dialectes  ayant  une  même  origine  existent  les  uns  à  côté  des  autres,  Tœuvre  du 
philologue  ne  consiste  pas  à  déterminer  les  caractères  de  chacun  d'eux,  mais  A 
grouper  cerlains  caractères  linguistiques  de  façon  à  constituer  un  dialecte  avec 
chaque  groupe  de  caractères.  En  d'autres  termes,  les  dialectes  n'existent  pas 
dans  la  nature  â  l'état  définii  mais  nous  les  constituons  à  notre  guise  pour  la 
commodité  de  nos  études.  Telle  est  la  théorie;  nous  verrons  tout  à  l'heure  par 
quelles  circonstances  elle  peut  être  modifiée  en  fart;  comment  )i  où  anciennement 
il  n'existait  pas  de  limKes  précises  entre  deux  dialectes  ou  deux  groupes  de 
dialectes,  il  peut  se  faire  qu'il  en  existe  actuellement.  Si  on  veut  bien  se  placer 
pour  un  instant  au  point  de  vue  théorique  que  |e  viens  d'indiquer,  on 
croira  peut*èire  que  dans  mon  opinion,  la  recherche  entreprise  par  MM.  de 
Tourtoulon  et  Bringuier  ne  pouvait  produire  que  des  résultats  vagues  el  incer- 
tains, puisque  cette  recherche  a  pour  but  de  déterminer  une  limite  qui,  selon 
mot^  est  en  général  vague  et  incertaine.  Ce  serait  dépasser  ma  pensée.  Je  me 
que  pour  aucun  dialecte  ou  groupe  de  dialectes  on  puisse  trouver  une  séné  de 
caractères  existant  simultanément  en  un  espace  déterminé  et  ne  dépassant  pas 
cet  espace.  En  qiielquVndroit  qu'on  place  les  limites,  il  y  aura  toujours  des 
caractères  qui  resteront  en  deçà  et  d'autres  qui  iront  au  deli.  Mais,  si  on 
choisit  un  petit  nombre  de  caractères,  on  pourra  déterminer  sur  le  terrain  les 
points  jusqu'où  ces  caractères  se  manifestent,  et  la  constatation  de  ces  points 
est  en  soi  très-intéressante.  Que  l'on  affirme  ensuite  que  la  ligne  gui  passe  par 
ces  points  est  la  limite  ou  le  lieu  de  jonction  de  deux  groupes  de  dialectes^  c'est 
une  afl^aire  d'appréciation  qui  n'a  qu'une  importance  secondaire.  Ce  qui  est  un 
résultat  important  c'est  d'avoir  établi  la  limite  géographique  d*un  certain  nombre 
de  caractères  linguistiques.  Et  c'est  ce  qu'ont  fait  MM.  de  Tourtoulon  el  Brin- 
guicr.  Ils  ont  choisi  dans  la  langue  d'oc  quelques  caractères  —  six  en  tout  — 
les  meilleurs  qu'ils  ont  pu  trouver,  et  ont  cherché  jusqu'où  ils  s'étendaient 
dans  la  direction  du  nord.  Voici  les  trois  premiers  de  ces  caractères  : 
j«  la  persistance  après  l'accent  de  certaines  voyelles  (surtout  de  l'a)  sous 
des  formes  plus  ou  moins  variées,  mais  d'une  façon  en  tout  cas  plus 
solide  qu'en  langue  d'oui;  2*  l'existence  de  diphthongues  que  j'appellerai  inten- 
sives*, c'est-à-dire  où  l'effort  de  la  voix  se  porte  sur  la  première  partie  de  la 
diphthongue  (en  provençal  âa^  êa^  ia^  etc*)  caractère  qui  ne  vaudrait  rien  si  on 
comparait  l'ancienne  langue  d'oui  (qui  avait  aussi  de  ces  diphthongues)  avec 
l'ancienne  langue  d*oc,  mais  qui  est  valable  dès  que  l'on  compare  t^état  moderne 
des  deux  langues^ }  i*^  1^  persistance  de  la  consonne  médiate  dans  sudà  ou  sasa 
(sudûrt)^  etc.  Il  y  aurait  quelques  objections  à  faire,  moins  au  choix  de  ces 
caractères  qu'aux  conclusions  que  MM.  de  T.  et  B.  en  tirent  quant  à  la  carac- 
téristique générale  de  la  langue  d'oui  et  de  la  langue  d'oc.  Ainsi  il  y  a  beaucoup 
d^inexactitude  et  de  confusion  dans  ce  résumé  :  «  La  lanpe  d'oïl  tend  i  con> 


».  Je  repousse  l'cxprcsiion  a  diphthongues  fortes  et  faibUs  **,  c}uî  ne  veut  rien  dire. 

2.  MW.  de  T,  el  B,  annonccnl,  p.  n3,ootetl'i«tcïitioii  <ic  traiter  dans  un  autre  iravaj, 
m  de  l'ancienne  limite  et  de  ses  vinations  1»  et  de  donner  à  ce  propos  «  une  caracièrii-^ 
tique  applicable  >ux  anciennes  langues  n.  Pmcutomt  ptittum  ùput  akat  * 


632  PÉRIODIQUES 

ff  tracter  et  à  assourdir  les  radicaux  latins^  en  supprimant  ou  en  transformant 
«  en  une  voyelle  muette,  toujours  la  même,  les  voyelles  post-toniques  ;  en  laissant 

<  tomber  la  consonne  médiane;  en  réduisant  des  diphthongues  en  voyelles; 

<  en  affaiblissant  en  général  la  sonorité  des  voyelles  latines.  De  cet  ensemble 
ff  d'opérations  résulte  comme  une  décoloration  du  latin  qui  rend  indispensable 
ff  Pusage  du  pronom  pour  distinguer  entre  elles  les  personnes  des  verbes  i 
(p.  557).  La  conclusion  est  surtout  bien  inattendue.  Mais  cela  est  un  peu  en 
dehors  de  l'objet  même  du  rapport.  MM.  de  T.  et  B.,  constatant  les  points  où 
ces  caractères  cessent  d'être  sensibles,  ont  fait  passer  leur  ligne  de  démarcation 
à  travers  les  départements  de  la  Gironde  (tout  à  fait  au  nord,  Blaye  restant  dans 
la  langue  d'oui), de  la  Dordogne  (extrémité  occidentale),  de  la  Charente  (Mont- 
moreau,  Angoulême,  Rufiec  restant  dans  la  langue  d'oui),  de  la  Haute-Vienne 
et  delà  Creuse  (Bellac,  Haute- Vienne,  et  Gueret,  Creuse,  étant  à  peu  près  sur 
la  limite  des  deux  langues,  Bellac  en  dedans  et  Gueret  en  dehors  ou  plutôt  dans 
une  contrée  où  se  parle  un  langage  mélangé)  ^ 

Le  mérite  des  constatations  de  MM.  de  T.  et  B.  est  d'avoir  été  faites  avec 
tout  le  soin  possible.  Ils  peuvent  s'être  trompés  çà  et  là,  car  il  est  plus  difficile 
qu'on  ne  pense,  même  à  une  oreille  exercée,  de  saisir  nettement  certains  sons  ; 
leur  rapport  fera,  nous  l'espérons,  surgir  des  travaux  locaux  qui  pourront  com- 
pléter ou  rectifier  leurs  assertions,  mais  à  tout  le  moins,  en  étudiant  sur  le  vif, 
ils  ont  su  se  placer  dans  les  meilleures  conditions  possibles  pour  obtenir  des 
résultats  exacts,  éloge  qu'on  ne  saurait  accorder  à  la  plupart  des  travaux 
antérieurs  qui  touchent  plus  ou  moins  le  même  sujet,  et  qu'il  faut  notamment 
refuser  à  la  célèbre  collection  de  traductions  de  la  parabole  de  l'enfant  prodigue 
formée  sous  les  auspices  du  ministre  de  l'intérieur  au  commencement  de  ce 
siècle.  L'idée  de  cette  collection  était  certainement  très-remarquable,  eu  égard 
au  temps  où  elle  a  été  conçue  ;  mais  les  auteurs  des  traductions,  mal  préparés, 
pour  la  plupart,  à  la  besogne  qu'on  leur  demandait,  et  ayant  chacun  son  système 
de  notation,  ont  produit  des  textes  qui  bien  souvent  ne  peuvent  que  conduire  à 
des  conclusions  erronées.  MM.  de  T.  et  B.  le  prouvent  (p.  ^49)  d'une  façon 
évidente  pour  un  cas  particulier  qui  est  loin  d'être  unique. 

Sur  la  ligne  qu'ils  ont  parcourue,  les  auteurs  de  ce  rapport  se  sont  trouvés  en 
présence  de  deux  faits  très-notables.  En  certains  lieux,  notamment  dans  la 
Gironde,  la  limite  des  deux  langues  s'établit  facilement,  sans  hésitation  :  au  sud 
de  la  ligne  tracée  règne  le  gascon  (langue  d'oc),  au  nord,  c'est  le  français  plus 
ou  moins  correct  ou  quelque  variété  du  patois  saintongeais  (langue  d'oui).  Ailleurs, 
entre  Conflens  et  Ruffec,  puis  dans  le  nord  de  la  Haute-Vienne,  se  parle  un 
patois  qu'on  peut  véritablement  appeler  mixte,  c  Les  pays  que  nous  venons  de 
parcourir  »,  disent  MM.  de  T.  et  B.  en  entrant  sur  le  territoire  de  la  Dordogne, 
«  nous  ont  montré  souvent  les  deux  langues  juxtaposées  et  cependant  distinctes  : 
«  sur  le  territoire  de  Puymangou  nous  les  trouvons  fondues  en  un  seul  idiome 
«  où  les  éléments  d'oc  et  les  éléments  d'oïl  2  se  combinent  dans  des  proportions 

1 .  11  a  été  fait  de  ce  rapport  un  tirage  à  part  auquel  est  jointe  une  carte  au  1/320,000° 
où  la  limite  est  marquée,  mais  la  délimitation  est  donnée  dans  le  rapport  même  avec 
assez  de  précision  pour  qu'on  puisse  la  reporter  sur  n'importe  quelle  carte,  pourvu  que 
l'échelle  en  soit  suffisante. 

2.  Me  plaçant  à  un  point  de  vue  un  peu  puriste,  peut-être,  j'avoue  que  je  n'aime  pas 


PÉRIODIQUES  6^) 

t  telles  qu'une  classification  semble  d'abord  impossible  ■  (p,  57^).  Le  même 
fait  se  représente  d'une  façon  plus  sensible  peut-être  pour  te  c  sous-dialecte 
marchois  1  qui  commence  à  la  Rochette  (Charente,  cai] t.  de  La  Rochefoucauld), 
•  dans  lequel  l'expression  d  oïl  a  le  plus  souvent  son  équivalent  d'oc,  et  par 
«  conséquent  il  y  a  U  entrecroisement  de  deux  idiomes,  et  non  combinaison 
(  d'éléments  empruntés  i  deux  sources  différentes  pour  constituer  une  langue  * 
^86)*  Un  habitant  du  pays  disait  qui  Mortrouxeti  Linard  (Creuse)  «  chaque 
^i  individu  compose  son  patois  à  sa  manière,  d'un  mélange  d'éléments  du  nord  et 
<  du  midi  1  (p.  ^90-  L'exbtence  de  cet  idiome  mixte  et  sans  fixité  s^explique 
naturellement  par  des  rapports  plus  fréquents  qu'ailleurs  entre  deux  populations 
ayant  eu  antérieurement  chacune  son  dialecte.  Je  suis  convaincu  que  l'usage  d'un 
tel  idiome  ne  remonte  pas  à  une  époque  bien  ancienne.  J*ignorc  si  «  ce  sont  des 
c  laits  de  ce  genre  qui  ont  donné  naissance  à  l'hypothèse  de  la  fusion  graduelle 
«  des  langues  •  (p.  578)  ;  je  ne  savais  pas  que  cette  hypothèse  eût  été  proposée 
pour  aucun  idiome  roman,  mais  ce  qui  est  certain  c'est  que  ce  sont  là  des  (airs 
accidentels,  si  fréquents  puissent-ils  étrc^qui  ne  peuvent  fournir  aucun  argument 
ni  pour  ni  contre  Topinion  que  j'exprimais  au  commencement  de  cet  article  sur 
l'impossibilité  de  trouver,  dans  les  cas  normaux,  des  limites  naturelles  à  un 
dialecte.  Cette  même  opinion  résiste  également  bien  i  l'argument  qu'on  pourrait 
tirer  de  ce  que,  en  certaines  parties  du  pays  parcouru  par  MM.  de  Tourtoulon 
et  Bringuier,  nolammcnt  dans  la  Gironde,  deux  idiomes  suffisamment  distincts 
se  rejoignent  sans  se  confondre,  bien  qu'il  y  ait  quelques  cas  d'influence  réci- 
proque. C*est  que  très-certainement  il  y  a  eu  dans  ces  contrées  une  forte  immi* 
gration  de  familles  venues  de  pays  situés  plus  au  nord,  notamment  de  Saintongc. 
Le  fait  est  dans  plusieurs  cas  attesté  historiquement.  C'est  ainsi  que  s'est  formée 
Tenclave  saintongeaise  de  la  GabacherU  qui  date  du  XVI"  siècle  ^,  et  d'autres 
immigrations  ont  eu  lieu  dans  la  même  région  à  une  époque  plus  récente^.  Telle 
est  la  circonstance  qui  peut  modifier  ta  théorie  que  ('exposais  au  début  de  ce 
compte-rendu,  et  faire  qu'il  existe  maintenant  une  limite  assez  précise,  là  où 
jadis  on  l'aurait  vainement  cherchée.  Ce  qui  prouve  bien  que  la  juxtaposition  de 
la  langue  d'oc  et  de  la  langue  d'oui  qui  existe  actuellement  dans  le  nord  de  la 
Gironde  ne  représente  pas  un  état  normal,  résultant  du  libre  développement  du 
latin,  c'est  qu*clle  n'est  pas  de  date  ancienne.  Il  est  certain  en  effet  quVu  moyen* 
Âge  la  langue  d'oc  s*étendait  assez  loin  au  nord  de  la  Gironde  et  se  confondait 
avec  la  langue  d'oil  à  peu  près  entre  Barbezieux  et  la  Charente. 

On  voit  que  l'exploration  à  laquelle  se  sont  livrés  MM.  de  T.  et  B.  a  révélé 
des  faits  qui  n'intéressent  pas  moins  Thistoire  que  la  linguistique,  et  qui  peuvent 
devenir  le  point  de  départ  d'études  aussi  nouvelles  que  fécondes.  Aussi  souhai- 
lons-nous  le  prompt  achèvement  de  ces  recherches,  P.  M. 


beaucoup  cette  façon  abrégée  de  désigner  ta  tangue  d*oc  et  la  langui  d*oî1. 

i.  Voy.  Fr.  Michel,  Hitt.  dit  raca  maudites,  X,  lAi-%,  Rf^^t  des  languis  mmants^ 
V1lj)$:  cf.  pour  les  limites  de  cette  enclave,  le  rapport  de  MM.  Tourtouion  et  Orin- 
guier,  pp.  Ï67  et  J76  a.  J. 

1.  Fr.  Michel,  ouvr  ctcé^  1^  M4^$t  cf*  le  Rapport  de  MM.  T.  et  B.  p.  171,  sur  ta 
commune  de  Monitbc.  Le  fait  inverie  s*est  présenté  aussi,  mais  0lus  rarement  «  puîsqu^on 
a  pu  constater  l'existence  d^une  enclave  limousine  en  Satntonge  (voy  t'adicle  de  M.  Bou^ 
chérie,  Rev.  des  t   rom,,  1  <  mai  1876,  et  cf.  Romaftia,  \\  407). 


6^4  PÉRIODIQUES 

V.  —  MéLusiNB,  n'*  7-18.  —  Nous  signalerons  surtout  dans  a  recueil, 
toujours  fort  intéressant  et  varié,  Moitié-dc-caq^  conte  messin  ;  phisienrs  contes 
amîénois  recueillis  par  M.  Camoy  ;  des  légendes  foréziennes dnesâ  M.  V.  Smith; 
des  superstitions  comtoises  recueillies  par  M.  Bonnet;  la  discussion  entre 
MM.  Brueyre  et  Cosquin  sur  l'origine  des  contes  populaires  européens;  les 
notes  comparatives  de  M.  R.  Kœhler  sur  différents  contes  bretons  communi- 
qués par  M.  Luzel  ;  plusieurs  belles  chansons  populaires,  etc.  Nous  espérons 
que  le  succès  que  mérite  l'entreprise  de  MM.  Rolland  et  Gaidoz  ne  lui  fera  pas 
défaut  et  lui  permettra  de  continuer;  nous  ne  saurions  engager  trop  vivement 
nos  lecteurs  à  lui  apporter  leur  secours. 

VI.  —  Revue  CRITIQUE,  juillet-septembre.  —  126.  Schultze,  DU  germa- 
nischm  Eléments  der  franzœsischen  Spracke  (A.  Darmesteter). —  165.  E.  Rolland, 
Fauru  populcire  de  la  France  (A.  Darmesteter).  —  182.  La  chanson  de  Roland, 
p.  p.  Kœlbing  (A.  Darmesteter). —  183.  Luchaire,  De  lingua  aquHanica  (Julien 
Vinson). 

VII.  —  L1TERARISCHE8  Centra^blatt,  juillet-septembre.  —  N*  52, 
Hoffmann  und  Vollmœller,  Der  Mûnchener  Brut  (art.  favorable  de  M.  Fœrster, 
qui  reconnaît  que  enquetume  est  bien  inquietudinem,  comme  M.  Boucherie  Pavait 
fait  remarquer  dans  un  article  sur  le  Chevalier  as  deus  espées). 

VIII.  —  Jenaer  Literaturzbituno,  juillet-septembre.  —  N*  j8.  Zeitsckrift 
fur  romamsche  Philologie^  I  CE.  Stengel  ajoute  quelques  remarques  â  ses  obser- 
vations sur  la  liste  des  poésies  provençales  de  Bartsch)  ;  Gisi,  der  Troubadour 
Guilhcm  Anelier  von  Toulouse  (M.  Suchier  croit  à  l'identité  de  l'auteur  de  la 
chronique  rimée  de  la  guerre  de  Navarre  et  du  troubadour  dont  M.  G.  a  publié 
les  quatre  chansons). 


CHRONIQUE. 


Les  étudiants  en  philologie  romane  trauveroat  cette  année  à  Paris  douze 

leçons  par  semaine,  directement  relatives  à  leurs  études  :  quatre  au  collège  de 
France  { P.  Meyer  :  Histoire  de  la  PoU'u  narratïvt  dans  U  midi  de  la  France ^ 
ExpUcdiwn  de  textes;  G,  Paris  :  Histoire  de  la  Hîdrature  française  au  X/V**  sikk, 
Explication  de  textes)^  —  quatre  à  TÉcole  des  Haules-Études  (i»"*  année  : 
G.  Paris,  Exercices  pratiques;  A.  Darmesteter  :  Etynwlogie  et  pkonitiqae  des 
langues  romanes  ;  —  2'  année  :  G.  Paris,  Etudes  critiques  sur  les  différentes 
versions  de  Tristan  ;  A.  Darmesteter  :  Flexion  et  formation  des  mots  [dans  les 
tangues  romanes}  ^  —  deux  à  i'École  des  chartes  (P,  Meyer  ;  Bas-latin ^  vieux 
français  et  vieux  provençal),  —  et  deux  à  la  Faculté  des  lettres  (A.  Darmesteter  : 
Histoire  de  la  poésie  épique ^  Explication  des  plus  anciens  textes  français), 

—  Notre  collaborateur  M,  J.  Cornu  vient  d'être  nommé  professeur  de  langues 
et  littératures  romanes  à  TUniversité  de  Prague. 

—  M.  P.  Meyer  a  sous  presse,  pour  paraître  dans  le  prochain  numéro  de  la 
Bibliothèque  de  fÉcole  des  chartes  (t.  XXXVIII,  6*  livraison)  Ja  relation  proven- 
çale du  siège  de  Damiette  (1219)  dont  il  a  publié  un  extrait  dans  son  Recueil 
d'anciens  textes,  partie  provençale,  n^  34.  Ce  texte  sera  accompagné  d*un  commen- 
taire historique  pour  lequel  a  été  mis  à  profit  h  relation  latine  de  c  Joannes  de 
Tulbia  I  (Musée  Britannique^  Harl.  108)  qui  jusqu'à  ce  jour  n'avait  été  ni 
utilisée  ni  même  signalée. 

—  Nous  trouvons  dans  le  n-  28 j  de  VAcademj,  page  540,  col,  1,  l'annonce 
que  t  Mr  John  Schmid  »  se  propose  d'éditer  a  the  thirleenlh  -  cenlury  frcnch 
m  s.  treatise  Lumere  as  lais  (sic),  by  Pecham.  Us  ms.  are  H^rleian  4^90^  Royal 
16.  E.  IX  and  Bodleian  399.  »  Nous  craignons  que  M,  John  (ou  Johann)  Schmidl 
tt*aJt  pas  suffisamment  exploré  les  bibliothèques  de  ta  Grande-Bretagne  ;  car  â 
notre  connaissance  il  s*y  trouve  non  pas  trois,  mais  au  moins  neuf  mss.  de  l'ou- 
vrage de  Pierre  de  Peckham,  pour  Tappcler  de  son  vrai  nom, 

—  Livres  nouveaux  : 

Trois  contes  populaires  recueillis  à  Lectourc  par  M.  lean-François  Blaok. 

Bordeaux,  Lefcbvre,  in~8*,  76  p.  —  Spécimen  d'un  grand  recueil  dont 

nous  aurons  à  reparler. 
Der  Troubadour  Guillem  Aneîier  von  Toulouse.  Vier  provenzaitsche  Gedichte. 

herausgegeben  und  erlaûtert  von  Martin  Gi$l  Solothurn,  m-4*,  ^9  p. 
U   Bastars    de   Builhn   (faisant    suite    au  Baudouin   de  Stharc)^  poème   du 

XIV*  siècle,  publié  pour  la  première  fois  par  Aug.  ScUELEn.  Bruxelles, 

Closson,  in-8%  xxxrîi-j40  p. 
Les  Patois  de  la  Basse- Auvergne,  leur  grammaire  et  leur  (ittéralure,  par  Henry 

DûNiOL,  Montpellier,  in^%  '>4  P*  (Publications  spéciales  de  la  Société 

pour  l'étude  des  langues  romanes). 
Bibliographie  de  la  Chanson  de  Roland,  par  Joseph  Badquisii^   Heilbronn, 

Henningcr,  in-8*,  24  p. 


6^6  CHRONIQUE 

Der  betonte  Vocalismus  einiger  altostfranzOsischer  Sprachdenkmxler,  und  die 
Assonanzen  der  Chanson  des  Loherains,  verglichen  von  D' August.  Fleck. 
Marburg,  Elwert,  in-8',  62  p.  —  Une  édition  abrégée  de  ce  mémoire 
avait  paru  comme  thèse  (voy.  Rom,  VI,  317). 

Giuseppina  Vigo  Pennisi.  Lettera  al  D'  G.  Pitre  e  Chiarimenti  sulla  Rivista 
critica  del  D'  Salomone  Marino  per  la  Raccolta  amplissiroa  di  Canti 
popolari  Siciliani  di  L.  Vigo.  Palermo,  Lao,  in-8%  60  p.  —  La  belle- 
fille  de  M.  L.  Vigo  le  défend  contre  les  critiques  adressées  â  son  grand 
recueil  de  chants  populaires  siciliens,  et  marque  dans  ceux  de  MM.  Pitre, 
Salomone  Marino  et  Avolio,  un  certain  nombre  de  chants  publiés  anté- 
rieurement par  M.  Vigo. 

Aigar  et  Maurin.  Fragments  d'une  chanson  de  geste  provençale  inconnue, 
publiés  d'après  un  manuscrit  récemment  découvert  à  Gand  par  Aug. 
Sgheler.  Bruxelles,  Olivier,  in-8«,  63  p.  —  Nous  reviendrons  longue- 
ment sur  cette  importante  publication. 

Zwei  Fragmente  des  mittelniederlaendischen  Romans  der  Lorreinen.  Mitgetheilt 
von  Prof.  D'  Hermann  Fischer,  in-4'  (p.  769-87  de  la  Fcstschrift  zur 
vierten  Sâcalar-Fcicr  der  Eberhard-Karls-Universitât  zu  Tàbingen,  dargebracht 
von  der  kôn.  ôff.  Bibliothek  zu  Stuttgart.  Stuttgart,  Aue).  —  Deux  frag- 
ments de  plus  à  joindre  aux  neuf  que  Ton  connaissait  déjà  de  cet  immense 
et  singulier  poème  des  Lorreinen  ;  il  est  remarquable  que  neuf  au  moins  de 
ces  fragments  ont  sûrement,  d'après  M.  Fischer,  fait  partie  du  même 
manuscrit. 

Deux  rédactions  diverses  de  la  Légende  de  Sainte  Marguerite  en  vers  français^ 

publiées par  M.  Auguste  Sgheler.   Anvers,  Plasky   (Extrait  des 

Mémoires  de  l'Académie  archéologique  de  Belgique)^  in-8",  87  p.  —  L'une 
de  ces  rédactions  est  celle  qui  se  trouve  dans  tant  de  mss.,  et  qui  a  déjà 
été  publiée  trois  fois  (M.  Sch.  en  donne  un  texte  amélioré),  l'autre  est 
publiée  d'après  le  ms.  de  la  B.  N.  fr.  1952  5.  Notons,  sur  cette  rédaction, 
que  le  mot  eint,  au  v.  306,  qui  embarrasse  M.  Sch.,  doit  se  lire  curt,  et 
en  rime  aturt  pour  atint.  Il  faut  rapprocher  de  verge  cillant^  v.  1302,  qui 
ne  se  trouve  pas  seulement  là,  le  mot  cillante  signifiant  cravache,  baguette 
(écrit  cillance  dzns  Perceval,  éd.  Potvin,  v.  2382).  Ces  mots  étant  toujours 
écrits  par  un  c  n'ont  sans  doute  rien  à  faire  avec  secare,  seculare. 

Partalopa  Saga^  fôr  fôrsta  gangen  utgifven  af  Oscar  Klockhoff.  Upsala, 
Udquist,  in-8%  xxii-45  p.  —  Nous  avons  parlé  ailleurs  des  études 
de  M.  KÔlbing  sur  la  Partalopa  Saga  (Ro/77.,  VI,  146);  le  texte 
publié  par  M.  Klockhoff  aidera  à  les  comprendre  et  à  les  contrôler. 
M.  Klockhoff  signale  une  rédaction,  d'ailleurs  fort  rajeunie,  de  ceWesaga^ 
qui  aurait  conservé  quelques  traits  plus  anciens  que  la  vulgate. 

J.  Ducan  Craig.  Miéjour,  or  provençal  legend,  life,  language  and  literature  in 
the  land  of  the  Felibre.  London,  Nisbct  and  Co.,  in-8®,  vii-496  p.  — 
Sans  valeur. 

Le  Participe  passé  en  vieux  français,  par  J.  Bonnard  (Dissertation  de  docteur 
de  Zurich),  Lausanne,  Bridel,  in-8',  79  p.  —  Nous  reviendrons  sur  cette 
intéressante  dissertation. 


ERRATA. 

M.  Milà  y  Fontanals  nous  communique  Verrata  qui  suit  pour  son  article 
intitulé  De  la  Poesia  popular  galUga  (ci-dessus,  p.  47  et  suiv.)  : 

P.  48,  nota  1,  creenta,  /.  cuenta.  P.  51,  lînea  6,  salto,  /.  salgo.  P.  $3  1.  9, 
os  portiîios,  /.  as  portiaas.  P.  S3  '•  3^^  figucral  figuercido,  /.  figuciral  figuei- 
redo.  P.  57  n®  7  verso  1,  Mota,  /.  Moza.  P.  58  n»  17  v.  i,  che  /.  te,  n®  18 
V.  2,  po,  /.  por.  P.  $9  n»  52  V.  4,  Perdei,  I.  Perdin,  n«  41  v.  4,  Ma,/.  Mais. 
P.  60  n*  4$  V.  3,  Non,  /.  Nin,  n«  52  V.  4,  demai,  /.  demas.  P.  61  n®  56  v.  4, 
che,  /.  te,  n»  60  V.  2,  tifia,  /.  tena,  n»  67  v.  1,  che,  /.  te,  n*  70  v.  3,  deu, 
/.  dcz.  P.  62  n»  71  V.  2,  cullir,  /.  coller,  n*  73  v.  2,  mans,  /.  man,  n®  75  v.  2, 
ferrer,  /.  ferver,  n»  76  v.  4,  Amai,  /.  Amais,  n»  77  v.  2,  majusto,  /.  magusto, 
n«79,  Meis,  /.  Mais,  n®  83  I.  3,  Quera,  /.  Queira.  P.  63  n«  91  v.  i,  nègre, 
/.  negra,  n»  92  /.  4,  qui,  /.  que,  n*>  95  v.  3,  pro,  /.  por,  n»  98  v.  4,  genre, 
/.  gente,  n'  100  v.  3,  outo,  /.  oito.  P.  64  n'  103  v,  4,  Pera,  /.  Pesa,  n*  106 
V.  i,che,  /.  te,  n»  107  v.  1,  Ungeiro,  /.  tangueiro,  v.  2,  Deixelo,  /.  Deixa-lo, 
n»  109  V.  3,  primiero,  /.  primeiro,  n»  1 1 1  v.  2,  breAas,  /.  braiias,  n®  1 14  v.  2, 
mazarrocas,  /.  mazarocâs,  v.  5,ferrinas,  /.  ferreiias.  P.  65  col.  1  1.  8,  Tira, 
/.  Tiza.Col.  2,1.7,  acude,/.sacude,n*  1 15  v. 4,  mon,/,  meu.  P.  66,  n<>  123  v.i, 
d*o,  /.  d'à,  n*  126  v.  4,  cais,  /.  cayas,  n*  128  v.  2,  vén,  /.  vîn.  P.  67  n'  129 
V.  5,  emprestarvos,  /.  emprestarch'o;  v.  6,  desprendes,  /.  deprendes.  P.  68 
n*  1 33  ^ù  V.  I ,  Indou,  /.  Indo;  v.  10,  co',  /.  co'a;  v.  12,  Chamache,  /.  Chamate. 
P.  69  L  8,  veraisme,  /.  verasme,  n*  134  v.  2,  guerra,  /.  terra,  v.  4,  terra, 
/.  guerra,  v.  1 6,  por,  /.  pra.  P.70  n»  1 3  5  bis  v.  6,  aguardade,  /.  agardade.  P.  7 1 , 
n*  137  V.  8,  conto,  /.  conta.  P.  72  v.  8,  dras,  /.  dias,  n*  139,  Quo,  /.  Que, 
n»  140  V.  6,  serve,  /.  serves.  P.  75  col.  2  v.  2,  feira,  /.  feita,  n*  146,  v.  9, 
10,  12  et  13,  ron,  ron,  etc.,  /.  rou,  rou,  etc.,  n*  147  v.  1 1,  au  /.  us.  Nota  de 
la  P.  74,  1.  16,  carica,  /.  caricia.  —  Hay  ademas  faltas  ortagraficas,  algun 
castellanismo,  alguna  n  por  u,  y  varias  n  puestas  en  lugar  de  h. 

—  P.  497,  V.  32,  j'ai  eu  tort  de  corriger  c/dc^/iVr  en  c^/icWi^r:  le  mot  c/tfc^/ûr 
est  bien  connu  ;  voy.  Roquefort  et  Du  Gange.  Il  se  trouve  encore  au  XV* 
siècle,  par  exemple  dans  le  Dit  de  Poissy  de  Christine  de  Pisan  {Bibl.  de  VÊc. 
des  chartes^  4,  III,  548). 

La  feuille  3  2  itait  tirée  lorsque  j'ai  reconnu  que  le  fragment  sur  les  femmes 
publié  p.  501-3  était  un  extrait  du  poème  de  Robert  de  Blois  qui,  dans  lems. 
B.  L.  fr.  283  de  l'Arsenal,  est  intitulé  c  Tonnour  as  dames  >.  Notre  fragment 
s'y  lit  au  fol.  295.  Il  se  lit  encore  à  la  p.  491  du  ms.  Bibl.  nat.  fr.  24301  (anc. 
Sorbonne  1422)  qui  contient  VHonneur  aux  dames  joint  à  plusieurs  autres  poèmes 
qui,  les  uns  et  les  autres,  paraissent  être  de  Robert  de  Blois.  V Histoire  litté- 
raire pCXIIl,  745),  qui  n'a  pas  connu  le  ms.  de  l'Arsenal,  a  donné  à  cet 
ensemble  de  poèmes  le  titre  de  c  Roman  de  Beaudous  •,  qui  est  celui  de  l'un 
d'eux.  —  Entre  les  pièces  en  faveur  des  femmes,  j'aurais  dû  mentionner  le 
t  dit  des  dames  >  de  Jehan,  publié  par  M.  Mussafia  dans  sa  notice  d'un  ms. 
français  de  Pavie,  cf.  Romania^  I,  246.  P.  M. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Piges 
p.  Mbybr.  Notice  sur  un  ms.  bourguignon,  suivie  de  pièces  inédites  (cf.  aux 

Corrections) .    .    .    .  i 

M.  MiLA  Y  FoNTANALS.  De  la  Pocsia  popular  gallega  (cf.  à  VErrata)    ....  47 
Proverbes  patois  de  la  Gruyère,  recueillis  par  J.  Chenaux  et  suivis  de  comparai- 
sons et  rapprochements  par  J.  Cornu 76 

A.  Wbsselofsky.  Le  Dit  de  l'empereur  Constant 162 

Fr.  d'Ovidio.  DeUe  vod  italiane  che  raddoppiano  una  consonante  prima  délia 

vocale  accentata  (cf.  aux  Mélanges) 199 

Contes  populaires  lorrains,  recueillis  par  E.  CosQuiN 212,529 

L.  H AVBT.  La  prononciation  de  i^  en  français .    . pi 

La  vie  Saint  Jehan  Bouche  d'or^  p.  p.  k.  W/EBtK 328 

P.  Mbyer.  Traités  catalans  de  grammaire  et  de  poétique 341 

P.  Rajna.  La  Novella  boccaccesca  del  Saladino  edi  messer  Torello )$9 

J.  Cornu.  Phonologie  de  Bagnard I69 

V.  Smith.  La  Chanson  de  Barbe-Bleue,  dite  Romance  de  dotilde 428 

P.  Mbybr.  Mélanges  de  poésie  française  (cf.  à  l*£rrâfâ) 481 

A.  Morbl-Fatio.  Le  Roman  de  Blaquema  de  Raimon  Lull 504 

MÉLANGES 

Ccrcalmon,  Car  v«/fn/r  fl  for  </w  (p.  Rajna) 11  j 

Marcabrun  (P.  M.) 119 

Français  r  =  <f  (G.  P.  ;  cf.  ci-dessous) 129 

Un  signe  d'interrogation  dans  un  patois  français  (Ch.  Joret;  cf.  ci-dessous).     .     .  1  jj 
Emploi  du  pronom  possessif  à  la   place  de  l'adjectif  démonstratif  en  normand 

(Ch.  Joret) 134 

Les  noms  propres  latins  en  itta  et  les  diminutifs  romans  en  ett  (J.  Cornu).     .    .  247 

Tanit:=ztenehat  à^T\s  \t&  StrmtiiXs  [i.  Com\x) 248 

La  Badia  di  Niort  (P.  Rajna) 249 

Déclinaison  de  l'article  maintenue  jusqu'à  ce  jour  dans  le  Valais  (J .  Cornu)    .     .  2  j  j 

Français  r  pour  </ (L.  Havet) 254 

Un  nuovocodice  di  chansons  de  geste  del  cido  di  Guglielmo  (P.  Rajna)     ...  2J7 

Du  passage  d'j  2  à  r  et  d'r  à  jz  dans  le  nord  de  la  langue  d'oc  (A.  Thomas) .    .  261 

Termes  de  pêche  :  jarret^  hougueire  (J.  Banquier) 266 

Une  ballade  hippique  (G.  P.) 271 

Colubra  en  roman  (L.  Havet) 43  j 

Soucy^  solside,  somsir{G,  P.) 4)6 

La  ville  de  Pui  dans  Afj/ncr  (G.  P.) 437 

Ti,  signe  d'interrogation  (G.  P.) 438 

Ti  interrogatif  en  provençal  moderne  (C.  Chabaneau) 442 

Du  traitement  des  labiales  /?,  b,  v,  /  dans  le  roumain  populaire  (A.  Lambrior).     .  443 

Métathèse  de  ts  en  st  et  de  dz  en  zd  (J.  Cornu) 447 

Un  extrait  du  Roman  delà  Rose  (P.  M.) 449 


TABLE   DES  MATIÈRES  6^9 

Pruekes  (G.  P.) 5M 

Deux  Jeux-partis  inédits  d'Adam  de  la  Halle  (G.  Raynaud).             $90 

Le  redoublement  des  consonnes  en  iulien  dans  la  syllabe  protonique  (H.  Schu- 

chardt) 593 

Charrie  (Ch.  Joret) •   .    .    .    .  595 

Un  débat  chanté  (V.  Smith) 596 

Un  fragment  de  complainte  du  Juif- Errant  (V.  Smith) 598 

CORRECTIONS 

Sur  les  glossaires  provençaux  de  Hugues  Faidit  (C.  Chabaneau) 136 

Sur  le  Donat  proensal  (J.  Bauquier) 450 

Dialogus  anime  conquerentis  et  rationis  consolantis  (Fr.  Bonnardot)      ....  141 

Fragment  d'un  conte  catalan  (A.  Mussafia) 143 

Sur  lems.  bourguignon  Addit.  15606  (P.  M.) 600 

COMPTES-RENDUS 

Agiib(leMartyrt  de  sainte)y^.  ^,  SkKDOX}  {P.  Vi.) 295 

ANDREWS,  Vocabulaire  du  patois  mentonais  (P.  M.) 620 

AUBBRTiN,  Histoire  de  la  langue  et  de  la  littérature  française  au  moyen-âge  (O.P.).  454 

Bbllangbr,  Études  sur  la  rime  française 622 

Carmina  inedita  medii  aevi^  éd.  Hagbn  (L.  Havet) 273 

Darmrstiter,  De  Floovante  (G.  P.) 605 

EosTRŒM,  voy.  Passion  (la)  du  Christ. 

Esther  {La  reine),  tragédie  provençale,  p.  p.  Sabatibr  (P.  M.) )oo 

Flbchia,  Intomo  ad  una  peculiarità  di  flessione  verbale  in  alcuni  dialetti  lom- 

bardi  (G.  P.) 502 

GtoRGiAN.  Essai  sur  le  vocalisme  roumain  (G.  P.) 147 

Hacen,  voy.  Carmina  inedita  medii  aevi. 

JoLY,  La  Fosse  du  Soucy  (G.  P.  Cf.  aux  Mélanges) 148 

Kœlbing,  Beitnege  zur  Geschichte  der  romantischen  Poésie  (G.  P.) 146 

KoscHwiTz,  Ueberlieferung  und  Sprache  des  Voyage  de  Charlemagne  (G.  P.)  .    .  146 
Lega  (Bacchi  dblla),  Bibliografia  boccaccesca  ;  Bibliografia  dei  vocabolari  ne' 

dialetti  iuliani  (P.  M.) 149 

MussAFiA,  Die  caulanische  Version  der  Sieben  weisen  Meister  (G.  P.).    .    .    .  297 

Passion  (La)  du  Christ,  poème  provençal,  p.  p.  Edstrœm  (P.  M.) 613 

Raynaud,  Étude  sur  le  dialecte  du  Ponthieu  au  XIII*  siècle  (G.  P.] 614 

RtfviLLOUT,  Étude  sur  la  Vie  de  saint  Guillaume  (G.  P.)    .......    .  467 

Sabatier,  voy.  Esther. 
Sardou,  voy.  Agnès. 

Rolland,  Devinettes  ou  énigmes  populaires  de  la  France i  $0 

SucHiER,  Ueber  die  Vie  de  seint  Auban  (G.  P.) 144 

PÉRIODIQUES 

Academia  (La),  1876,  n«  10 |o8 

Archiv  fiir  das  Studium  der  neueren  Sprachen,  LII-LVI 304 

Archives  des  Missions,  3,  III,  2 6)o 

Beitrxge  zur  Geschichte  der  deutschen  Sprache  und  Litteratur,  III 307 

Bibliothèque  de  l'École  des  chartes,  XXXVII,  5-6 J07 

Boletin  de  la  Sociedad  de  amigot  del  pais  de  Valencia,  1875 ^09 

Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes  français,  1876 155 

—                       —                         1877 }o6 


640  TABLE   DES  MATIÈRES 

Englische  Studien,  I,  i 1$) 

Germaniaj  XXI 306 

Historischc  Zeitschrift,  XXXVII,  1 478 

lUlia,  III }o8 

Jahrbuch  fur  romanische  und  englische  Literatur,  XV,  3-4 1 5  j 

Jenaer  Literaturzeitung,  juillet-décembre  1876 157 

—  —          janvier-mars  1S77 509 

—  —           avril-juillet  1877 478 

—  —           juillet-octobre  1877 634 

Uterarisches  Centralblatt,  juillet-décembre  1876 J)7 

—  —           janvier-mars  1877 509 

—  ~           avril-juin  1877 478 

—  —           juillet-septembre  1877 6j4 

Mélusine,  1-6 508 

—       7-16 6jj 

Mémoires  de  la  Société  de  linguistique  de  Paris,  III,  2 307 

Il  Propugnatore,  IV joj 

Revue  Critique,  juillet-décembre  1876 i)7 

—  janvier-mars  1877 509 

—  avril-juin  1877 478 

—  juillet-septembre  1877 6)4 

Revue  de  linguistique  et  de  philologie  comparée,  1876-77 478 

Revue  des  langues  romanes^  2*  sér.,  t.  II,  10- II ni 

—  —      t.  Il,  12,  t.  III,  1-4 joj 

—  -                       —      5-6 472 

—  —                       —      7-8 626 

Revue  des  Sociétés  savantes,  vr  série,  I M II M^ 

Revue  historique  de  l'ancienne  langue  française,  janvier-mars  1877  .     .    .    .  305 

—  —                       avril-juin                ....  477 

—  —                       juillet-septembre       ....  6}j 

Rivista  di  filologia  romanza,  11^  3-4 30^ 

Romanische  Studicn,  VIII 305 

—  «X 47C^ 

Zeitschrift  fiir  deutsches  Alterthum,  N.  F.  IX jo6 

Zeitschrift  fur  deutsche  Philologie,  VIII 507 

Zeitschrift  fur  œsterrcichische  Gymnasien,  1877 309 

Zeitschrift  fur  romanische  Philologie,  I,  i 472 

—  —                 I,  2-3 .  626 

Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung,  N.  F.  III,  4 1J5 

CHRONIQUE 

Janvier 158 

Avril 310 

Juillet 479 

Octobre 63$ 

Errata 637 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Roirou.