Full text of "Romania"
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ROMANI A
BOMANIA
RECUEIL TRIMESTRIEL
CONSACRÉ A l'étude
DES LANGUES ET DES LITTÉRATURES ROMANES
PUBLIÉ
PAR
Paul MEYER ^
Gaston PARIS
Pur remenbrer des anccssurs
Les diz et les faiz et les murs.
Wacb.
5« ANNÉE
— 1876
PARIS
F. VIEWEG, LIBRAIRE-ÉDITEUR
(librairie a. FRANCK)
67, RUE RICHELIEU
LIBRARY QF THF
LELAND SJAiUORD JR. Ui^ivERSlTY,
NOV 5 1900
UN
RÉCIT EN VERS FRANÇAIS
DE LA PREMIÈRE CROISADE
FONDé SUR BAUDRl DE BOURQUEtL.
La première croisade eut lieu en un temps où h poésie vulgaire était
déjà florissante dans la France du Nord comme dans celle du Midi :
die est arrivée à point pour raviver Timagination des jongleurs, et pour
fournir â leurs chants une matière aussi riche que nouvelle. Les récits
légendaires des guerres de Charlemagne contre les Sarrazins furent
rajeunis à l*aide de souvenirs de la terre d'Outrenner ; des histoires en
vers» composées pour l'usage de ceux qui n'entendaient pas le latin,
racontèrent l'aventureuse expédition de Godefroi de Bouillon.
Malheureusement ces histoires en vers, ou se sont perdues, ou ne nous
sont parvenues que sous des formes très-rajeunies. Nous ne savons rien du
poème de Grégoire de Bechada, sinon ce que nous en apprend le
témoignage du Prieur du Vigeois* Nous ignorons ce qu'était l'ancienne
chanson d'Antioche à laquelle font allusion Lambert d'Ardres ' et Guil-
laume de Tudèle (v, 29I, car les tirades en assonances que nous ont
conservées quelques mss. de la chanson de Jérusalem ^ ne semblent pas
assez anciennes pour pouvoir être attribuées avec vraisemblance à une
composition des premières années du xu"" siècle.
La chanson de Jérusalem^ œuvre dans laquelle Graindor de Douai a
remanié une, ou, plus probablement, deux chansons plus anciennes, est
le seul récit français en vers de la première croisade que Ton connaisse
]ti&qu*à présent. Je me propose dans les pages qui suivent de faire con-
naître un poème resté jusqu'à ce jour ignoré, qui a pour objet Thistoîre
1, Ed, Godefroy de U Ménilgîaisc p, jn
2. J*ai donné de ces tinides une èail
TtxieSf partie française n' ii.
ition critique dans mon Recml d'ancims
2 P. MEYER
de l'expédition de Codefroîde Bouillon, tout de même que la chanson de
Jérusalem, et qui, dans une cominuaiion conservée par un ms., poursuit
le récit jusqu'à Baudouin H. Ce poème est assurément moins important
que la chanson de Jérusalem, en ce sens que la matière en a été puisée
à des sources latines bien connues, et qu'il ne saurait conséquemmeni
prétendre à aucune originahté. Toutefois, s'il n'a pas de valeur comme
document historique, il n'est pas dénué d'intérêt comme document litté-
raire.
Le poème qui est l'objet de cette notice ne se rencontre, à ma con-
naissance, que dans deux mss. :
i" Oxford, Bodleyenne, fonds Hatton 77 ; parchemin, 27^ miilim. de
hauteur, 160 de largeur, par conséquent de format très-allongé; ^92
pages ' à 40 vers, soit 1 5680 vers environ. Il y a une lacune entre les
pages 140 et 141, Reliure ancienne formée par des ais en bois couvens
de peau; fers représentant un quadrupède fantastique pourvu d'un bec
et se mordant la queue. Ecriture du milieu ou de la seconde moitié du
xiii* siècle. Il me paraît très-probable que ce ms> a été exécuté en An-
gleterre et par un scribe normand. L'écriture n'est nullement anglaise,
et les formes propres au normand altéré, qu'on appelle communément
l 'anglo-normand^ ne sont pas très-nombreuses dans ce ms. Enfin, le
texte, sans être correct, est cependant ioin d'offrir les corruptions sans
nombre que présentent ordinairement les mss. exécutés par des copistes
anglais.
2° Spalding (Lincolnshire) Ayscough Fee Hall, appartenant à M. Mau-
rice Johnson d'Ayscough Fee Hall, mais confié présentement aux soins
du vicar de Spalding, le Rev. Ed. Moore. J'eus l'occasion de voir ce
ms. en mai et juin 1 87 1 durant mon premier séjour à Cambridge, Il se
trouvait alors à King's Collège, entre les mains de M. H. Bradshaw,
bibliothécaire de riiniversilé, qui, avec son obligeance ordinaire, me
permit d'en faire librement usage. Mais alors, occupé d'autres recherches,
je profitai peu de la permission, et remis l'examen du ras. à un temps
ultérieur. Dans la suite, mes travaux sur les historiens de la première
croisade m'ayant amené à chercher dans quelle mesure les chansons de
geste relatives à Godefroi de Bouillon étaient imitées des récits latins,
je résolus d'étudier de près le poème conservé dans les mss. d'Oxford et
de Spalding. L'exemplaire que j'avais rapidement examiné en 1871
ayant été reprendre sa place au presbytère de Spalding, c'est là que j'ai
pu Tétudier à loisir en août dernier, avec la permission de M. Moore»
I. Contrairemcfit à l'usage de la Bodteyennc, où les feuillets sont ordinaire-
ment numérotés de j en ^, le ms. Hatton 77 est paginé par pages et «on
par folios.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE )
que je prie d'agréer l'expression de ma reconnaissance pour i^aimable
hospitalité qu'il a bien voulu m'offrir pendant mon séjour à Spaldrng.
Le ms» de Spalding est un grand livre en parchemin de 380 millim.
de hauteur sur 265 de largeur, écrit à 2 col. par page et à 46 vers par
colonne. L'écriture est anglaise et de la seconde moitié du xiV siècle :
on verra iout-à-i*heure qu'il est possible de circonscrire plus exactement
l'époque où le ms. fut exécuté. Ce ms. contient :
r Le poème dont nous nous occupons, intitulé, tant à Texplicit
que dans une table écrite au r^ du 2« feuillet, de la même écriture que le
îDS, entier : Le siège (t^tf^tioche ovcsque le conqaesî de Jérusalem de Codefnd
de Boiiion ;
20 Le roman d'Eneas ;
î<> Le roman de Thèbes ;
4* Le Songe vert ;
{• L'Ordre de Chevalerie.
Les n*' 2, î et 5 sont des poèmes dont on a de nombreuses copies; le
n« 4 me paraît jusqu'à présent inconnu. J*ai copié quelques vers de cette
ennuyeuse composition : on les trouvera à l'appendice. Le poème de la
première croisade (on peut lui donner ce nom puisqu'il ne conduit pas
rhistoire, à beaucoup près, jusqu'à la seconde croisade) occupe les
feuillets là loç '. C'est un total de 19,000 vers ou un peu plus. Le ms.
d'Oxford n*a, comme je lai dit plus haut, que 1 5600 vers environ, et
contient, on le verra en son Heu, des morceaux qui manquent à Texem-
pbire de Spalding, mais par contre ce dernier a en propre, du fol. 80
au (oL 105, une continuation d'environ 4600 vers.
Voici sur Thistoire de ce ms, quelques renseignements que Je dois à
M« Bradshaw, assurément Térudit le plus versé dans la connaissance des
anciennes bibliothèques de l'Angleterre :
Cambridge, Univcrsity Library, 20 Aug. 74.
My dcar Sir,
The Frcnch manuscript which you saw in my rooms, when you were hère
before, containing three Romances and a poem called Le Songe vert, was lent
10 me somc years ago by the Rev, Edward Moorc, Vicar of Spalding in Lin-
colnshire, from the Library of Ayscough Fee Hall, an old house at Spalding
belonging to Maurice Johnson, Fsq., who isthe descendant of another Maurice
Johnson of the same place, well known during the second quarter of the eigh-
teenth century as an antiquary, and one of the founders or restorers of the
Sodety of Antiqnaries of London.
t* J'ai dû, pour établir avec précision mes références, paginer la partie du
ps^ que j'étudiais. Le volume étant fortement endommage par l'humiaité (à ce
point que les bords de certains feuillels sont en lambeaux)^ je me suis abstenu de
poitsser la pagination au delà du poème de ta croisade, ne voulant pas tourner
les feuillets sans nécessité.
p. MEYER
This manu script ts written în an English handwriling of the (aller haïf of
the XIV* century ; and this is confirmed by the coats of arms în Ihe initial
lelters. The first shieîd is that of Spencer with a smaït rtd cross for différence.
The second in that of Spencer within a hîm borda wtth bishops mitres on it.
This points withoulfail lo Henry de Spencer, the so-called crusading Bishop
of Norwich (1570-1406), who owed his bishopric lo his fighting in Italy on
behalf of Pope Adrian V, and who, after he becarae bishop, led an army înto
Beigium în 1383 on behalf of Pope Urban VL
There can be no doubt that the manuscripl was executed for this Bishop.
The volume was sent for ïately lo be relurned at once, so I allowed it to go
back without having made any examination of the text,
Yours truly,
Henry Brabshaw.
J*aborde mainienant Télude du poème de la première croisade. Mon
attention fiit attirée sur !e ras. Hatton 77 par un coyrt extrait (16 vers
en tout) fait par feu Langlois, de l'Académie des Inscriptions, alors qu?il
recueillait dans les bibliothèques anglaises, il y a 25 ans environ, des
matériaux pour la collection des Historiens occidentaux des croisades à
laquelle il a travaillé pendant plusieurs années K Cet extrait se trouvait
parmi les papiers qui me furent confiés en 1 869 lorsque je fus attaché
aux travaux de la commission des Historiens occidentaux. En mai 1 870
j'étudiai pour la première fois le ms. Hatton que j*avais négligé dans
mes précédentes explorations à Oxford, et depuis lors, jusqu'à 1875
inclusivement, il ne s'est point passé d'année sans que j'aie consacré
quelques heures à augmenter mes extraits, et de toute façon à faire plus
ample connaissance avec le poème.
Le poème contenu dans les deux mss, d'Oxford et de Spalding est un
récit de la première croisade, jusqu'à la bataille d*AscalonincIusivemem,
rédigé en forme de chanson de geste, et fondé, au moins en irès-
grande partie, sur VHistoria Hicrosolymitana ^ de Baudri, abbé de Bour-
gueil, puis évêque de DoL Si on s'en tenait à la lettre du texte, on
arriverait à une conclusion plus précise encore, c'est que le poème
aurait pour auteur Baudri lui-même :
Ore vos comencerat l'esloirc bien riméc,
Tutc faite par mètre, sanz siilabc fausée.....
1. M. Langlois a pu être averti de l'existence de ce ms. par la mention
très-brève qu^n fait le caialope de Bernard (Oxford. 1606) en ces termes :
■ 4093. 68 (le premier chiffre est le n" courant de la série oes mss. de la Bod-
leyenne dans Bernard, le second est le n<^ du fonds Hatton, qui depuis Bernard
est devenu 77) * The Siège of Jérusalem by Godfrey of Boileyn, in Frenche
Verse », inaicalion reproduite par le P. Leïong, n» 16502.
2. Le tilre varie selon les mss, : je cite celui qui a été adopté par les édi-
teurs des Historiens occidtntaux (t, IV, non encore publié).
RÉCIT 0£ LA PREMIÈRE CROISADE ^
Uns clcrs provcncci » Tad premiers latinée,
fEt*l en fist un grant livre où Baudris Ta trovée
L*arcevesque de Dol qui mull mielz Tad dilée,
El sol une le languagc en romanz trastornée
Pof ce que miels l'cDlendenl qui ne sunl leiréc*
(V, ji-a, îMû).
Mais il n^est personne connaissant et Baudri et Tétat de la poésie
française à son époque, qui ne voie les obstacles auxquels se heunerak
une telle conclusion. Et d'abord il n'y a nulle apparence qu*un lettré
aussi raffiné que Baudri ait Jamais consenti à composer en langue vul-
gaire. Non qu'il n'y ait des exemples de personnes ecclésiastiques ayant
trouvé en roman aussi bien qu*en latin : on pourrait citer l'un des plus
illustres chanceliers de TUniversiié de Paris, Philippe (f 1236) ^, et plus
anciennement, Févêque de Rennes Etienne de Fougères ff 1 1 78) J ;
mais plus on s'approche des premiers temps de la poésie française» et
moins il devient probable qu'un latiniste habile comme Pétait Baudri ait
eu l*idée d'écrire en roman. Ce qui n'est point insolite au commence-
ment du xiir siècle ou dans la seconde moitié du xii^ est invraisemblable
de la pari d'un homme qui mourut très-âgé en 1150, Ajoutons que rien
dans les nombreuses poésies latines que nous possédons de Baudri^, et
qui le font si bien connaître, ne donne à penser qu'il ait exercé ses facul-
tés poétiques en une langue autre que la latine. Puis, ne serait-il pas
singulier qu'après avoir écrit son histoire de la croisade en latin, il eût eu
l'idée de la rédiger de nouveau en vers français ? Enfm il se rencontre
dans le poème des développements fabuleux ivoy. le deuxième morceau)
qui trahissent le jougleur.
D'autre part, si on considère la langue du poème, on n'y trouvera
aucun appui pour une opinion qui le ferait remonter au premier quart
du xrr siècle- Tout donne à croire, au contraire, — et la versification,
ei le choix des roots, parmi lesquels bien peu de ces mots rares qu'on
rencontre surtout dans les anciens textes, — que le poème ne remonte
pas plus haut que la fin du xii^ siècle.
Comment donc rendre compte des vers cités ci-dessus ?
Trois hypothèses sont possibles.
l'e hypothèse. L'auteur, pour assurer le succès de son oeuvre, l'aura
j , Même leçon dans le ms. de Spalding \ rhémistiche étant trop court on
peut restituer : Uns [bons] cUri..,,onon pourrait changer pnmUrs tn prcmcraim^
z. Ou [Si] ; même leçon dans Spalding.
j. Sx Oxf. et Sp., corr. l'cnlauie ta gtnt qui nest L î
4. Voy. Romaniû^ l, 200.
ç. Connu comme poète latin ; mais M. Boucherie a récemment découvert et
se propose de publier prochainement une importante poésie française composée
pir cet évêquc.
^. Voy. la notice de M, Delisle dans ta Romaniû, t. l.
6 P. MEYER
mise sous le nom de celui qui en avait fourni les éléments. Au lieu de
dire : « J*ai traduit ce livre du latin de Baudri », il a préféré dire
u Baudri a traduit ce livre du latin »,
S'il était assuré que la continuation fournie par le seul ms, de Spal-
ding fût du même auteur que la partie contenue dans les deux mss. >
Phypothèse que je viens de formuler ne pourrait même pas être présentée.
Car à la fin du texte de Spalding on lit ces vers :
Mais cil qui ceo ad fait a si son nom celé
Ja en tote Testoire ne l'orez point nomé.
Le même auteur ne peut pas dire au commencement du poème :
ic C^est Baudri qui a fait ce livre )>, et à la fin : a Celui qui a fait celte
histoire ne s'est point nommé ». Mais je le répète, on peut douter que
la partie propre au ms. de Spalding soit du même auteur que le reste.
26 hypothèse. Le début du poème peut avoir été refait par un jongleur
qui, voyant Baudri cité plus d'une fois dans le courant de l'œuvre, aura
jugé avantageux de le présenter comme l^auteur. Il est certain que dans
les passages où Baudri intervient, nous le voyons paraître bien plutôt
comme garant de la vérité des faits rapportés que comme l'auteur du
poème. Ainsi au début du quatrième des morceaux cî-aprè$ publiés :
Barons, sdon Testorie que Baudri a dîtée,..
Et plus loin, p. r6^ du ms. :
Seignors si comm est veirs que Deus fist pluie et vent,
Et mist soleil et lune la sus el firmament,
Pur la terre alumer et pur tute la gcnt,
Est voire ceslc estoire, si 11 livres ne ment
Que l'arcevesque Baudri fisl, qui Domedé garent ' I
i ^^ hypothèse. Le texte serait altéré. Après le vers Varcevcsque de Dol
•Rimait midi P a diîée^ on pourrait supposer Tomission d'un vers où
l'auteur se serait présenté comme le traducteur du livre de Baudri. Cette
hypothèse peut parfaitement se soutenir, même en présence de Taccord
des deux mss.: ceux-ci, en eilet, ont très-souvent les mêmes fautes, d'où
on doit conclure qu'ils remontent sans beaucoup d'intermédiaires à un
ms. déjà fautif, dans lequel peut avoir existé l'omission supposée.
Le lecteur adoptera celle de ces hypothèses qui lui paraîtra la plus
vraisemblable. Mais aucune ne suffit à tout expliquer. Quel est ce «clerc
provençal n mentionné au troisième des vers rapportés plus haut ? C'est
selon toute apparence un personnage fictif, mais pourtant, si nous nous
1 . Le vers devient correct si on supprime Baadri et si on lit cm Damdex,
Cependant la nme gartnl reste suspecte. La mime idée, presque U même expres-
sion, se rencontre ci-après, premier morceau v. 241 : se lï hvres ne ment
I C^* Baudris i'arcms^ua ftst par hn uciint.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 7
repartons au prologue «)ue Baudri a mis en tète de son Hisioria H'moso-
lymitma, nous trouverons les éléments à Taide desquels ce personnage
a été imaginé.
Voici le passage de ce prologue qu'a eu sous les yeux ie traducteur,
QU, si on veut, Pimilateur français :
Non tamcii huic beatae intéresse promerui mililiae, ncque visa narravi ; sed
nescio quiscompilalor, nomine supprcsso, libefbm super hac re njmis nisticanum
ediderat ; veritatem tamen texuerat, sed propter inurbanitatem codicîs nobîlis
materia viluerat, et simpliciorcs etiam inctilia et in compta lectio confestim a se
avocabat* Accessi tgitur hoc ad studium, non manisgloria^ cupidus, non super*
.cilii tamore «nflatus; sed quod successive placeal Christ i an itali, membratiulis
lindidi curiosus.
(Hwf, accid, IV, 10 ; Bongars^ p. 85.)
Le compilatoT nescio ^m qui écrivit, sans se nommer, sur la croisade
un iihdlum m mis rusticanam, c*est l'auteur des Gesta Francorum \ Com-
loeni de ces mots le poète a-t~il fait un « clerc provençal *>, c'est ce que
je ne saurais dire. Il n'est pas impossible que Fauteur des Gesîa ait été
provençal, mais nous n*en savons rien. Le seul écrivain qui puisse être
tégitiroement qualifié de provençal est Rairaon d*AguiIers, le chapelain
de Raimon de Saint-Gilles, qui n'a rien à faire ici. Cependant le texte
n*a pas l'air corrompu à cet endroit, et je ne vois pas ce qu'on pourrait
proposer à la place de provinctL II n'est pas non plus probable que
l'auteur français ait eu sous les yeux un texte de Baudn oi^ le nescio quis
compiiatOT se soit trouvé accompagné de l'épithète provinciaiis, de sorte
que le plus vraisemblable est encore de laisser sous la responsabilité de
noire poète Tatiribution à la Provence de Fauteur des Gesta.
O'ailleurs je ne sais rien de Fauteur du poème, Je ne suis même pas
en état de déterminer avec précision sa nationalité. Ecrivait-il en France
ou en Angleterre, et dans la seconde hypothèse, était-il anglais ou nor-
mand ? On peut, je crois, tenir pour certain qu'il était, sinon
un Français ou un Normand du continent, au moins un Normand
d'Angleterre ayant conservé le bon usage de ia langue, les fautes nom-
breuses que nous rencontrons dans les deux mss. de son œuvre devant,
selon toute probabilité, être portées au compte des copistes. Quant à
i. Cet ouvrage est publié dans le t. III des Historiens occidentaux (p. 121-
Û tous le litre de Gâta Framonim et iiliorum Hierosoîymilanorum seu Tudebodus
JwrfMlwj. Les savants éditeurs du Recueit des Hisi, oecid, ont en effet admis
iropînion de Besly selon qui les Gcsta sont l'abrégé de Tudebode. Mais je
rensc au contraire avec Sybel que les Gcsta sont l'original de Tudebode, aussi
ien que de Robert le Moine, de Baudri et, dans une certaine mesure, de
ICuibert de Noj^enl. Cette question sera, d'ailleurs, traitée dans la préface du
t. ÏV, Je citerai donc dans ce travail l^ouvragc en question sous le litre de
Gtsta et non sous celui de Tudchdus abhreviatus.
8 p. MEYER
l'époque de la composition, je ne vois aucun motif pour la placer plus
haut que le temps de Philippe-Auguste.
Il ne me reste plus maintenant qu'à mettre !e îeaeur en état d'appré-
cier par lui-même ce poème jusqu'à ce jour inconnu. Les notes jointes
à chacun des extraits qui suivent ont pour objet d'en indiquer les
sources. J'ai suivi la leçon du ms. d'Oxford, la corrigeant soit à Faide
du ms, de Spalding, soit, au défaut de ce ms., par conjecture. Les notes
et les signes typographiques dont j*ai fait usage (des crochets et des ita-
liques, voy. Ci*après p. lo, note sur le v. 48) permettent toujours de
retrouver la leçon exacte du ms. de la Bodleyenne.
!♦.
Seignurs, bien est seû^ et n'est pas (ungement,
Estoient cil proisié et servi largement
Qui chantoieiïl les faiz de l'ancienc gent
( * Voici le début de la leçon de Spalding. On remarquera combien le texte
en est conforme à celui d'Oxford :
Scignors bien est seù, c n'est pas longement,
Esteint cil preisié et servie {sic) largement
Qui chanloient les faitz de l'ancienie] jent,
Sar prendre y poet l'en et sens et esperiment;
'ais ore n'ont de cure (su) : tout font autrement,
A l'avoir se sont pris tout comunalment ;
Vcncu adcoveîtise qi !oul le mond souprent;
TotJt entendent a lui, nuls ne s'en deffent ;
Remés sont li bamage, remys sont li présent ;
10 Nuls ne voet mes doner a qi rien ne li rent.
Mais por nient le font ceo ne lour vaut nient :
Tout lour estoet guerpir a tour definement
El en serront lour aimes en enferu le pulenL
A cucr vouspurpensez qi avez escient:
I j ïa n'est vie a omme qu'ele ne coffle (sic) de vent.
Purpoi perdez vos aimes : pur un seul beau nient.
Pcrnez a ceux ensample oui ancienement
Gucrpirent lour terres et lour edifiement
Pourservtr Dampnedieu le roi omnipotent,
20 Qui lour en ad aoné le pais qui resplent
Pfiis qe soleil ne lune : fous est quj ne Talent.
Por ceo vous voudrai dire en quel guise et cornent
Fu la terre conquise ou prîmeraignement
Nous fu la loi donc[e] qi lez autres dcsmenL
2$ Et vous nomcrai ceux, si Dieu le me consent,
Qi la painc soffrirent par le comandement
De Urban li apostoils qi Dteus ama grandement.
Et si Dieu plcst, le roi qi maint el firmament,
Tiel le purront oïr qi ferronl ensemcnt,
^0 Et auront lor aimes en le fin salvement.
IL
Ore vous comencerai Testorie bien riméc,
Tout fait par mètre sanz sillabe falsée,
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 9
U prendre Ton poet sen et esperiment ;
5 Mais ore n'ont de ceo cure : tut le funt auitrement,
A la voie se sunt pris trestuz communément ;
Vencu ad conveitise qui tut le round suzprent ;
Tuit entendent a lui, neguns ne s'en deffent;
Remés sunt ii barnage, remis sunt ii [présent] ;
10 Nus ne vueit mes doner a cui rien ne Ii rent.
Mais por naient le funt, ce ne lor vaut naient :
Tut lor estuet guerpir a lor definement
E en seront iur aimes en enfern le pudlent .
Au quer vos porpensez qui avez escient : (p. 2)
1 5 Ja nen est vie d'ome mes que sufQe de vent.
Porquoi perdez voz aimes? por un sul biau neent.
Pernez a cels essample qui ancienement
Guerpirent Iur teres et Iur edifiement
Por servir Damedeu le roi omnipotent,
20 Qui lor [en] ad doné le paîs qui resplent
Plus que solel ne lune : fols est qui la ne tent.
Por ceo vos voldrai dire en quel guise et coment
Fud la terre conquise ou premerainement
Nos fud la loi donée qui les autres desment ;
2 5 Et vos nomerai cels, si Deu le me consent.
Qui la paine en soffrirent par le comandement
D'Urbains Ii apostoilles qui Deus amoit granment.
Et si Deu plaist et Ii rois qui maint el firmament
Tels le porront oîr qui feront ensement
30 Et auront lor aimes en la fin salvement.
II.
Ore vos comencerai Testoire qui mult est bien rimée,
Tute faite par mètre, sanz sillabe fausée,
4 U est fort douteux, le premier mot du vers étant gratté; cf. le texte de Spalding ci-
dessous. — 5 Ici et ailleurs corr. or. — i j Vers répété d la page suivante sans autres
variantes que lor pour Iur, et puUent pour pudlent. — 18 Corr, G. les 1. t. Iur e ? —
20 Corr, avoit — 27 Sic, on pourrait corriger en s*aidant de Sp. De Urbain l'apostoille.
— jo Suppl. en après Et. — 31 Suppr., d'après Sp., qui mult est.
D'Antioche la grant come ele fu recovrée.
Et de Jérusalem la cité renomée
3 5 Oufu premierment nostre lei ordenée.
Un clers provincel Tad primes latinée.
En fist un grand liver 0 Baudris Ta tro[v]ée,
L'arcevesoue de Dol qi molt mielz Tad ditée,
Et selonc le langage en romance trestornée,
40 Por ceo ae mielz rentendent qi ne sont lettrée
Et si je oie plus ne deit estre blasmée,
Car mainte chose y ad lez (sic) bons clers obliée
Qe cil demainement ont pur veir chantée.
Manquent ensuite deux feuillets, et le texte reprend à ce vers (ci-après 41 3) :
Des qu'en Constentinoble est Ii novele alée.
10 p. MEYER
D'Antioche la grant comme ele fud recovrée,
Et de Jhenisalem la citié renomée
35 Ou fiid premièrement nostre l[o]i ordenée.
Uns clers provencel l'ad premiers latinée,
En fist un grant livre ou Baudris Ta trovée,
L'arcevesques de Dol qui mnlt mielz l'a ditée,
Et solunc le language en romanz trestornée
40 Por ce que mielz l'entendent qui ne sunt letrée
Et si ge di plus ne doi estre blasmée^
Car mainte chose i ad li bons clers obliée
Que cil demainement ont pur veire chantée
Qui Torent od lur ielz veûe et esguardée.
45 Li gentilz apostoille comence ceste alée,
Urbains li merveillus, s'aime est coninée
Devant Deu enz el ciel ou ja n'avra mellée,
Orage ne tempeste ne pluie ne gelée,
Anceis i ad chascons quanque a lui agrée.
50 II en vint prerschier en France la loée,
E en fist a Clermunt merveilluse jostée
De evesques et d'abés et d'autre gent letrée,
Et de grant baronie qui ci n'est pas nomée. (p. 3)
Iloec fud ad estrus la chose porparlée,
5 5 Dunt fiid puis nostre loi acreûe et levée.
III.
Quant li bons apostoilles qui Damedeu ot chier
Od josté son concile a Clermont el mustier,
La honte Damedeu lor comence a huchier :
• Seignurs, escutez moi, et cler et chevalier.
60 > Mult se plaint Deu de vos que ne l'alez vengier
> Des cuverz Sarazins qui por lui correcier
> Funt en Montecal varie lur bestes herbergier ;
» Et de sun veir sepulchre u il se veit cuchier,
» Unt faite crèche a boes et les i funt mangier ;
65 > Et les autres sainz lius ou il vielt repairier
» Tienent en tel viltage li eu vert pautonier
» Que huntes est de dire, mes nel poûm neier.
» Certes miilt me merveil qu^ ont fait li premier,
» Li bon conte et li duc et li autre princier.
70 » Dont il ne sont aie les Sarazins chascier.
» Mais Deus Tad fait por vos qu'il i velt eshaucier,
» Et qu'il rendra le merveillus luier
» Que nule rien qui vive ne set contrepenser.
33 Sic Oxf, et Sp.y de est de trop, ou il faudrait cl. — 36 Corr. Uns [bons] c, ou
premerains? — 37 Suppliez Si ou Et au commencement. — 40-1 Ici la rime et La gram-
maire sont en contradiction. Suppl. rien après ge, et corr. doit ? — 46 est, corr. soit. —
48 Le second ne manque. J'écris en italique les mots ou lettres qui ne sont fournis par aucun
des deux mss.; plus loin je mettrai entre crochets ce que p emprunterai au ms, de Spaiding
— 68 Corr. que fait ont ? — 72 Con. Et a cui il r.?
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE I I
» Oiez VOS que soleit Damedieu preeschier :
75 » Qui por m'amor voldra ses richeises laissier
» Et son père et sa' mère, ses enfanz et sa moillier,
» Prenge viaz la croiz, en rien n'ait il desirier,
» Et vienge ensenble od moi Jherusalem deraisnier.
» Qui issi nel f^ra mais ert sans recovrier
80 » Ne ja rien qu'il f^ra ne lui porra aidier.
> Diva ! que ferait cil s'il les en vielt jugier ?
» Que porroit il respondre ne mes merci crier?
» Ja se laissa li sires por nos crucifier
» Et tant cuvertement as Jueus traveillier,
85 » Mais tut soffri por nos oster d'encombrier
» Ou Adam nos avoit mis par conseil d'aversier. » "
Uncore dist il plus por els encoragier,
Mais il lor vit mener si grant duel et si fier
Que de la lur dœis qu'il veoit enragier
90 Comença li sainz hom tant fort a tendreiier
Qu^ il ne sonast mot por les menbres trenchier.
Mais un evesque i ot que lom nomeit Rengier,
Nez estoit de la terre al riche roi Rogier, {p. 4)
Qui le sermun Urbain voleit afiner,
95 Quant il li ont escrié : « N'en avom plus mester :
» Bien sûmes sermoné, mes faites nos croissier ;
» Si irom en noz terres por nos appareillier ;
» Trop avom nos esté a ice comencier;
» Jhesus le nos pardoinst qui tut ad a jugier ! »
IV.
100 Quant Urbains li apostoilles ot laissié son sermon,
Que il fist Clermont a la grant josteison
Ou furent assemblé cent mile homes par non;
Entre la haute gent dont i out grant fiiison,
Si les ad tuz ^isouz par sa beneïçon ;
105 Lors lur veîssiez prendre la croiz a contençon.
Mais li evesques del Pui qui fud saintismej hom,
Qui fiid tut premerains, si comm nos le trovons,
Et li bons apostoilles li otreia un don :
Qtt^ il fust en son liu por faire a^ noz pardon,
110 Et si qu^ il l'eussent a maistre et a guion.
Tant comm il fesoient ce que nos vos contons,
Eth vos un message, Engelier le gascon.
Qui lui a dit : « Biau sire, saluz et raison
> Vos mande dan Raimon et si autre baron.
1151 Sire, fai mi les croiz od bone entencion,
76 Sappr, U second eL — 77 Suppr. il. — 78 Prononça Jhersalem. — 79 ert, ms.
est. — 85 Corr. de Tenc. — 86 Corr. nos ot mis. — 89 doels, corr. dolor. — 92 ms.
DBS eveMines. — 9$ Sappr. il ou li. — 103 Corr, Estrc? — 107 Qui, corr. l? —
III Corr. Tandis? — 112 Corr» Estes vos. — iij raison est sans doute une mauvaise
Uçom.
12 P. MEYER
» Et sunt plus de .xx«. chevalier et geudon
» Qui tuz iront conquerre le temple Salomon,
» Et la sainte citié ou soffri passion
» Le fiz sainte Marie por nostre raençon. »
1 20 Quant li bons messagiers ot dite sa raison,
Urbains li apostoilles, par grant affliction,
En loa Damedeu par qui nos nos clamom ;
Puis a dit a l'evesque : a Ore avez compaignon
» Chevalier merveillos, od lui vos justerom :
125 » Vos assoudrez la gent et durrez confession,
» Et li quens portera por vos le gunfanon,
» Quant vos vos combaterez od le poeple Mahon.
Seignors, quant Tapostoille ad son sermon fine
Et il ot de la voie preeschié et parlé,
150 Plus de vint mile homes en sunt vers lui aie
. Qui toz pristrent les croiz por amor Damedé.
Puis demandent congié evesque et abé,
Si se sunt en lor terres maintenant retorné, (p. s)
Et il ont as evesques bien dit et comandé
1 5 5 Que il prengent la croiz par tute Tevesquié,
Et assoillent trestoz cels qui seront atorné
De tresioz ces péchiez dont il sunt mesalé
Envers lur creatur dès qu^ il furent né;
Et cil l'ont volentiers otroié et graé.
140 Que vos en diroie gief tant en ont sermoné
Que poi en i remaint en bure ne en citié
Que ne prenge la crois od bone volenté.
Li hermite del bois^ neîs li recluse,
Li blanc chanoine et li noir moine reulé,
145 Tut guerpissent lur encloistre, neîs li engroté,
Por aler al sepulchre qu'il ont tant désiré ;
Que ainceis que ce fust en l'autre an trespassé
Le lur ot nostre Sire par un songe songié
Qu'il fud veû en France par mult grant clarté,
1 50 Que autres! comm pluie qui chiet par grant orré
Chaeient les estoilles del ciel a grant plenté.
Ce fud signifiance, bien est puis esprové.
De grant esmovement de la crestienté.
VL
Ore vos conterons la maistre baronie
I $ $ Qui por porter la croix ont lor terre guerpie :
Li bers Huges li maines l'a as premiers saisie.
ia4 Ms, cheviUers... nos. — 12$ Suppr. et. — i j6 Corr. El trestoz ccls assoillent. —
I )9 Ml. V. et 0. — M4 Corr. Li ch. b.? — 145 Suppr. Tut, ou corr, cloistre. — 148
songié, corr. mandé? — 149 Corr. très g., ou p. m. grande?
RÉGIT DE LA PREMIÈRE CROISADE I 3
Et puis la prist Roberd li coens de Normendie^
Et li bons coens de Flandres od grand chevalerie,
Et Estiefne de Blois, qui Damedé bénie.
1 60 N'i ad cil qui ne maine od sei grant compaignie
Des meillurs chevaliers de tute sa baillie,
Estre lur chastelains qui sunt bien gent hardie.
Des barons d'Alemaigne est bien que je vos die,
Liquel se sunt croisié por la gent paiennie
165 Qui en Jherusalem mainent en hérésie:
Li bon duc Godefroi od la chiere hardie
Et ambedui si freire ont la croiz recoillie :
L'uns ot non Baudoîns, puis fud roi de Sulie,
Et li autre Eustace, chevalier sanz boisdie ;
170 L'autre riche barnage ne vos nomerai mie,
Car trop vos en durroit, espoir, la letanie.
Desi que ultre les monz se reest la novele oïe
Que Alemans et Franceis ont la croiz envaîe {p. 6)
Por aler al sepulchre ou fud ensevelie
17$ La char Nostre Seignor quand il eissi de vie.
Li plus se sunt croisié de cels de Lumbardie,
Et par tote Tuschaine la gent mult esbaudie ;
Et neîs li Romain, qui sont gent replenie,
En guerpissent lor terres et lor grant manentie.
180 Par Puille et Kalabre la ront mult esjoîe,
Et Buiamont Ta fet qui d'els ot la maistrie,
Et Thancré le hardi li iiz de Marchie,
Et maint gentil baron que li livres oblie.
Par Sessoine la grant et par Esclavonie,
185 Par la terre de Ros, de Frise et de Hungrie.
N'a citié ne chastel ou ele ne seit banie.
VIL
Barons, ceste novele ne se vieit pas celer^
Que de prendre la croiz pot hom s'aime salver.
Très bien l'ont envaï par les idles de mer
1 90 Ou Deus se vielt servir et faire reclamer.
Trestut jurent la voie et viel et bachelier (sic),
Et neîs vieilles femmes i voleient aler.
Que diroie ge plus ? ne fet tut a conter,
Car nen est celé terre que Tom sache nomer
195 Ou crestienté ait ne vougent croiz porter,
Por la sainte citié qu'il voelent délivrer
De celé paienaille qui i selt converser.
Et vos dirai cornent, pensez de l'escuter ;
Mais d'un maleûré voldrai avant parler :
182. Vers trop coàrf, ce qui peut tire imouti au copiste; mais la forme Marchie,
qui, étant en rimCy paraît devoir appartenir a Vauteur^ est mauvaise aussi, aidant pour
type le Marcbionb filius, que Baudri joint en divers endroits au nom de Tancrède. — 18^
que, ms. qui. — 199 Corr. des maleûrés? Ms. vos v.
l^. p. MKYER
200 Que danz Pieres l'ermite voleit par soi mener
Droitement al sépulcre ou Deus vielt reposer.
Quant en Costentinoble les ot conduit li ber
Mult i trova croisiez qu'aveit fet arester
Li riches empereres qui nés voleit passer.
205 Por la grant baronie qu'em cremoit correcier
Il lur fesoit avoir marchié a achater ;
Mais la gent estoit foie et maie a doctriner,
Et n'avoient pas prince quis peûst jostisier :
Si comença par force la contrée a rober,
210 Ne remanoit neïs toaille sur alter.
Mais Deu le lor fist puis malement comparer,
Que a Tempereûr se sunt venu clamer
Li home de la terre qui nés porent amer. (p. 7)
Et cil les comenda ultre le Braz passer ;
2 1 5 Et sachiez bien de voir, s*il l'osassent veer,
Por les autres barons qui iloec dévoient joster
N'en peûst nesnn sul senz grant honte eschaper.
VIIL
Quant la gent fud passée qui vint premièrement,
Assez que plus anceis le firent malement :
220 Tute mistrent la terre a grant destruiement.
Puis vindrent a Angone trestut comunement ;
Mais cel jor départirent por un marrissement
Que il firent entr'els dont puis furent dolent.
Aleman et Lumbard unt fet un covenant
225 Que il iront par els, ce dient, senglement,
Et s^ il poent faire auques guaâinement,
Entr'els le partiront senz autre ajostement.
Un Reinalt i avoit fier et de maltalent :
De lui ont fait seignor et lur guionement.
230 Et il lur dit a toz : c Estez seùrement :
> Si creire me volez et aler sagement,
» Tant vos fn'ai conquerre ruge or et blanc argent
» Que riches en serez et tut vostre parent, t
Ha 1 Deus, comm ot ci malveis sermonement !
235 II i erent venu por Deu tut purement :
Il les avoit espris par grant covoitement,
Por ce lur avint mel, selonc mien escient,
Si com oîr porrez, si li livres ne ment,
Que Baudris l'arcevesques fist par bon escient.
240 A eus en est coruz uns Grius ignelement
Qui lor a dit : « Seignurs, sachiez certeinement
» Que tuz li Sarrazin de cest apendement
f S'en sunt fiiï piecha por vostre avènement.
» N'i ad bure ne citié n'en soit fui la gent,
2)4 Corr, Haï, ou corne ci ou
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE I 5
245 » Ne mes qa^ en Gorgones, un chastel, sulement,
» Ou est la grant de tut cest tenement ;
» En treis jorz on en quatre i serez bêlement,
> Et jo irai 0 vos qui les haz voi rement ;
» Et si iront od moi chevaliers plus de cent
250 » Qui tut sunt mi ami u tut procein parent ;
> Et tut croient bien Deu le roi omnipotent.
> Nos nos metrom mult bien trestut celeement,
> Qui savom la contrée et le tresturnement
» Ou trov^rom vitaille mult plentivosement ;
255 » Et si vos i pensez alcun deceivement,
» Moi et mes compaignons pernez par serinent. »
Et il lui ont respondu : « Mult parlez loiaument ;
» Metez nos en la voie, et ce hastivement. »
IX.
Ore sunt li Aleman et li Lumbard meû,
260 Les Franceis ont par els altre chemin tenu.
Mult ont mal esploitié, dont il se sunt fondu.
Ge cuit, si Deu n'en pense et la sue vertu.
Que li uns et li autre seront en fin perdu.
Ore oez des Lumbarz comm lur est avenu :
265 II en vont a Gorgone, al chastel coneû,
Comm li Griu les menèrent ou il orent seû.
Trois jorz i demorerent, al quart i sunt venu ;
Quant les Lumbarz les voient grant joie en ont eu ;
Tuz se sunt aresté delez un bruil ramu ;
270 Puis unt dit al Griffon qu( il ont bien seû :
« Va nos en cel chastel ou sunt li mescreû,
» Et diz lor de part nos, si tôt ne Tont rendu
■ Ja seront tuit mort et maintenant confundu ;
» Et si rendre le voient, par Deu que avom quesu,
275 • Tuit se poient aler quite et absolu. »
Et li Griu respondi : « Très bien Tai entendu ;
> Tut issi sera dit, si ge aie salu. *
X.
Li Griu s'en est tornez qui ot bon drugement,
A Gorgone env'mi ainz le midi passant.
280 Des cuverz Sarazins le trova tut armant ;
Mais Hermines i ot qui en Deu sunt créant,
Et i furent od els et femmes et enfant.
Il ont le Griu veû qui les veit espiant ;
Si li ont demandé : « Diva 1 que vas querant ?
285 > Car tut s'en sunt fuî li Turc et li Comant,
f Et nos sûmes Hermines qui en Deu sûmes créant.
* Si vos nos ociez péchiez en fnrez grant. >
246. Sic, un mot a été oublié après grant. — 257 Suppr, Et ou lui. — 269 Ms. aramu.
|6 p. MEYER
Il lor a responda : « N'en i ad nul talant. >
Lores s'en est tornez, mult tost esporunant,
290 Et ad dit as paumiers : c Seûrs soiez estant,
• Fuï s*en sunt trestut li Turc et H Pensant,
» La vile poez mètre tôt a vostre talant. »
Grant joie démenèrent Lumbard et Alemant, (p, 9)
Mais onc a Damedeu ne furent merciant,
295 Por ce est grant dutance qu'il ne la lor guarant.
XI.
Quant li Griu latimer ot son respons feni,
Cil sunt aie avant, le chastel ont saisi :
Onques n'i out assaut ne deffense ne cri ;
De trestut le bien Deu l'ont trové repleni.
300 Li Hermine lur ont crié mult grant merci
Que ne lor facent mal, por Deu qui ne menti ;
Mais ce fud por naient, pas ne furent oî.
Ore vos voil conter comm il les ont servi :
Tut pristrent lor avoir, a foi que vos plevi,
305 Ainceis od lur femmes gisent li boni.
Mult en sunt durement li Hermine marri.
Un en / avoit d'els prudhom et bien hardi ;
Cil lur â dit : c Seignors, por quoi sûmes trahi?
» Si nos seûssom que fussiez nostre henemi,
3101 Tant eriom nos fort que ne fust pas issi.
f Deus nos en face droit qui de virge nasqui ! t
Atant s'est cil teû, de plus ne les guarni,
Mais quant il vint al vespre, qu^ il fud aseri,
De la vile esteissu bêlement, a tapi;
3 1 5 Tute nuit chevalcha jesqu'il vint a Baudri,
A un riche amirail qui près estoit d'ici ;
Il H ad tut en pès son conseil tut gehi.
c Sire, > dist li Hermines, « por verte le te di,
» Demain les poez tuz prendre ainz hore de midi,
320 » Car ce est une gent qui lor deu ad guerpi. »
Baudri li a respondu : « N'i ait ja plus tenti ;
• Va, tume t'en ariere jesqu'il soit esclarci.
» Demain les prendrai tut, leiaument le t'afi.
XII.
Ore oez de Baudri comment il esploita :
325 Lendemain par matin quant le soleil leva
A mandé por ses homes por quanc qu^ il en a :
Plus sunt de trente .m. ce qu'il en i osta.
Qui trestut l'ont siwi la ou il les mena.
Mais uns Grius de la terre qui entr'els habita
288 lor, ms. lui. — 293 Ms- dcmaincnt. — 302 Ms, sunt. -- joç Corr. A. od les lur
f. g. ii enemi? — 309 Ms. s. ce q. — 318 Ms, vérité. — 323 tut, corr. toz.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE
||o Uala dire a noz homes et tut lor acoinU,
Et lor ad enseigné par ou Baudris vendra.
Malt furent esmaiè quant il le lur conta :
Reinald qui fud lor maistre trois mile d'els sevra
De trestoz les mcillors ou il plus s'afia ;
)|) Chascons s'est conreé des armes que il a,
Puis issent de la vlle^ et ti Grius les guia
Jesque a un fort passage u Reinald lei quida
Desconlîre trestoz, mes rien ne lui monta^
Car Baudris oui grant gent, si les desbarcta;
140 Tuz les noz ont occis, mes Reinald eschapa
Et tn vint al chastel ou les al très laissa.
Ici les ont occis la gent que Deus n'ama,
Forment les ont destraînt car point d'iave n*i a;
Et le puis est dehors qui la vile abevra.
XIII.
J4J Scignors, n'est pas merveille s* il erent si destroit :
Bien poet estre angoissus qui par dous jorz ne boit.
Force firent merveilles, qui dire les voldreit,
Car lur sanc et lur dace /: plusors d'els beveil ;
Cil qui nel voleit faire par foi si se morreit,
^ ja Por ce lor dist Reinald qui îor sires esloit
Que il iroit as Turcs et pais porparleroît ;
Et cil l'ont olrié que faire resluveroit.
Atant se sunt eissut et dit que lui plaisoit
Et lur covenança que Deu l'en requeroit,
1)5 Et del chastel avoir tut son poeir feroit.
Quant cil dedenz oîrent la pais que il feroit,
As Turs se sunt renduz qui soient luit maleit :
Cil qui Deu renaeit nul mal pur els n^avoit.
Mais sempres tert occis qui faire nel voleit.
j6o Por ce lor avint mal, et si fud bien a dreit,
Qu*il ne cremoienl Deu ne nul ne li serveit»
XIV.
Ceo fud fait en ochoivre que ge vos ai conté,
Que Sarrazin occislrent noslre Chrestienlé.
Mult se sunt vers les allres, seignors, sevré*
)6) Bien dient li eu vert mort sunt li baptiziè
Se mes nul en trovent en bure n« en cilié.
Si cum il s'en aloueni si en unt un trové
Qui lor ad dit cornent crestïen unt ovré,
Cil qui des Alemans se furent desevré,
170 Com il ont la terre arse et le pais guasté,
El sunt al Civetol lut ensemble ajosté.
Quant li eu vert î'tnUndent ccle part sunt aie,
n
Ift atoft, m. avcroit. — 564 sevré, con, aseuré ? — 566 Ccn, Se m. en t
171 Circtot, mx. cucilur.
nul, —
l8 p. MKYER
Et troverent les noz, quant deus jorz ont erré, (p. n)
Quant dans Pieres rernite, qui fud de grant bonté,
375 A voit pieça guerpi par sa graat foieté;
Car creire ne/ voleient H fol maleûré.
Por ce en sunt od lui jusqu'à cent returné
Jesqu'en Constentiooble ou il ont sejomé,
Tant que li hait baron i furent assenblé.
)8o Remis i sunt li altre de conseil esguaré.
Ceo fud un merscresdi (sic) que Torent porparlé
Que il iroient quere a char et vin et blé,
En un val près de ci ou iJ i avoit plenté.
Mar virent, ce sachiez, icel jor ajorné,
385 Car si com il venoient et charchié et trossé
Lur sunt cil avenu qui ne croient en Dé;
Il furent de lur armes richement conreé,
Et troverent les noz qui furent desarmé.
Le plus en ont occis, le mielz est eschapé.
390 Tut droit al Cilvetot vindrent par seûrté,
Cil qui venir n'i porent sunt par ces cloz bote.
Un Galtier i avoit, pordhome et alosé,
Senz-avoir Tapeloient estrange et privé.
Car cel sornon avoit de par son parenté ;
395 Tut le tindrent a mestre et a lur avoé;
Celui ont li paien tut premier découpé.
Puis asistrent la vile u cil furent entré,
Mais ele fud bien close de murs et de fossé.
Si nés porent pas prendre le jor li deffaé,
400 Et la nuit lur sorvint qui lur toli clarté.
L'endemain per matin unt un engin levé,
Et Tont josté al mur sur roes acosté ;
Mais nostre chrestîen l'unt ars et abrasé.
Et ce fud por nient, quar tant i ont esté
405 Qu'il furent tresiuz priz et mort et afolé.
Seignors, ce fud miracles que Deu ad demostré,
Que li sainz apostoilles lor aveit sermoné
Qu'il tenissent la voie od grant humilité.
Et que rien ne preîssent sor la chrestienté,
4 lu Car Si il le feïssent Deu lei coildreit en hé.
Mais onques rien ne tindrent que lor fud devisé,
Por ce lur avint mal, bien Tont puis esprové.
XV.
Jeiqu'en Costentinoble est la novele alée (p. 12)
Que li Turc ont occis la gent chrestienée.
41 5 Mult en i ad des altres quant ele lur est contée
174 Quant, <wr. Que. — )8i que \\ corr. qu'il ? — 383 il i, corr, en ? — 590 par,
Ci^rr. por ^ -• 4n Ici Cêsst la lacune du ms. de Spalding, et les restitutions faites
d*é(^ris i-c ms, simt indiquées par des [\.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE I9
Qu'ai plus tost qMi il porent pristrent 1g retorDée ;
Mais onqucs ne lur remist ne arme ne cspée
Qoe l'emperere n*avoit |a tolue u achalée.
Car plus furent seur puis la gcnt grîffonée.
410 Deroentres que ce fud de ta gent mesalée,
Sunt venu \\ baron de diverse contrée
Droit en Costentinoblc la citté renomée.
Godefroi et si frère od lur gent aûnée
Sunt venu par Hongrie, une terre dorée,
41} Li evesque del Fui, que s'aime soit salvée 1
El Reimont de Saint Gile od la sue ajoslée
Parmi Esclavonie ont la gent amenée ;
Li coens Huge li Maines de France la loée
Et Robert le Normant ont Rome trespassèe,
4)0 £t sunt venu par Poîlle od gent desmesurée.
Cil aloerent nés a quoi ont mer passée^
Jesqu'cn Costentinoble vindrent par Jor jornée.
La saivcs Buiaroont od la raison menbrée
A un jor sa maisntée tôt ensemble apelée,
41 j Et furent trente mile de gent asseûrée,
Estre la ma nu a il le dont grand fud rassemblée.
Onques n'i ot un sul n'avoit la voie jurée,
H avolt un mantel, la pêne [enj ert ostée :
Tut le fist detrenchier au lune d'une dée {sk)i
440 N*i ot bon chevalier cui croiz n'en ail donée.
Li dux le fist por ce quant Tost serou mellée
Que des autres compaignes fust la sue sevrée,
Buiamond fud mult saive, sa gent a esgardée,
Et vit qu'ele fud mult richement conreé^;
445 Al plus bel qut il pot Ta li bers ordenée :
Thancré bailla s'enseigne qui mult bien Tad portée ;
A l'autre baron ie qui ge ne sai pas nomée
A sa menue gent baiilie et comandéc ;
Puis entrent en navie qui lor fud aprestée,
450 Et vindrent en Hungrie tôt lor veille levée;
De lor nés sunt cissu en (a terre tremce,
ICar eslordi estoicnt de la mer qu'iert iroblée;
Trois jorz et demi i oni fait demorée; {p. t j>
Et quant il orent bien lor santé recovrée,
4)5 S'unt siwi Buiamond par la plus droite estrée
Jesqu'al val d'Andernople par une dévalée.
XVL
Ore laissfrom d'icels, a si vos prlom d'al.
De dan Godefrot le duc, le nobde vassal,
416 Uî diux ms, sont d*atccrd ; ctpendjnt U faudrait Qui aL — 417 Onqucs, sic
f ^,11 «f r i H faudrait Otic. — 418 n'avoit, corr. n'ot tt suppr, ja. — 419 puis, Sff.
r lor g. — 4ÎO od^ i>. ovc tci et aiiUurt. — 417 O^/* '' 5^* CHic; pour
.L =• ^ 447 Cùrr. cui je n*ai. — 4P-J <S/>* prhiftte ces dtux ytrs dans
û*tl " Ai^ Suppr* din.
la
me ' ^ 447
ttfdt*' m^ttm^ — 4*7
20 P. METER
Qse es Oo^ta/ùxÀÀt b râe tmpazal
4^ \*»t od sa grast cospaigie dons jorz araM Noal.
L'easpcrere k reçut eo son pales roial :
A toz sa coflDpaigDCNB ad fait Ihrrer ostal.
Et lor ad 0Cro>é le mardûé comnaai :
Maïs psis hir ad esseô ■ierreil]iis batestal.
465 Et Basda a ses bornes par brief et par seial,
Qmï de lui damèrent recet ne bon ne mal.
S'il trorent pétrin n en terre on en Tal,
Gsardast qo'il Toceist, ja mar en irait il al.
Cîl [Dampnedien ea pense, le piere tspaità\
470 Qj^ al people Israd, sanz trarail et sans mal]
Ftst passer U Mer Rage senz ahre gOTemal,
Et fist le flam Jordan entrer en son chanal,
Qnant il fnd baptizié por nos oster de mal
De saint ioban Baptiste le baron natnral.
XVll.
47) L'emperere Alexis ad fait par tôt mander
Qui terre ne chastd Toidra par lui damer.
Et porra pderin fors de rile trover,
f Garde que sempres Tocie st il me rielt amer. »
La noirde ad oîe dan Godefroi li ber;
4S0 Al riche empereur Tala le dnx mustrer :
• Sire, ti home ocdent les paumiers d'ntre mer ;
• Ne sai si est par toi, mais fai les en cesser,
f Car, par icel seignur qui ge voil ahorer,
• Si jamès le repensent, chier Testœt comparer. »
485 L'emperere respont : • Oste en dune tnn penser,
» Car ce n'est pas par moi ne [je] ne! puis oster. •
Quant il l'en escundit ne l'en vieit plus reter;
A ses compaignons vint por conseil demander,
Savdr qu'il porra faire des pèlerins guarder.
490 Baudoin lui respont : < Ne te chaut plus parler ;
• Si mes [en] i moert un moi en porras blâmer. >
L'endemain [par] matin, quant le jor parut der,
A fait les escuiers al forage aler :
Plus furent de troi mile, tut léger bachelier,
495 A toz ad fait li coens lur espées porter, (p- m)
Et si les ad seûz, n'i velt plus demorer,
Ot troiz cenz [chivalers] qu^ il ot fait armer
En un val s'enbuscha, mes ge nel sai noroer.
Et sachiez bien pur veir, qui qu'en doive plorer,
500 Que si prince ne altre les voleit desturbier,
Qu^ il seront tut prest dels aidier et garder.
Orc vont li escuier, nés estuet rien duter ;
j{6a Suppr. Mais. — 466 Corr, Q. cl. de lui. — 467 Sp. Se t. — 468 Corr, feroit al;
C€ qui est la leçon de Sp. — 469-71 Oxf. Cil qui fist passer la mer Rouge... — 47*^-
Ctrt q'il I. — 484 Sp. le se pensent — 487 P, corr, s*? — 490 Sp. nefen. — 49> ^•
omet tnet Sp.i; Sp. porrez. — 496 5p. v. pas. •— 499 par, Sp. dt.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 21
AI forre sunt corru, si se voidront trosser.
Quant Pinccnard les virent tôt durent forsener :
505 Isi commf soleient les quident afoler,
Et furent bien set mile que aveit fet asenbler
Alexis Teraperere por els desbareter,
Car tant het les paumers s[e] il osast muer
Volentiers lur feïst sa terre deveer.
XVIII.
510 De la gent Alexis furent bien set miller
Pincenard et Turcople qui mult sunt bon archier.
Les escuiers assaillent ; Deu lor doinst encombrier !
Ja eussent toz morz, quant nostre chevalier
S'escrierent : t Sur els ! mort estes, pautonier ! »
$15 Quant li Grezois l'oïrent, sis estoet esmaier;
Défendre se quiderent, mes ne lur out mestier,
Car de lur compaignons virent tant trebuchier
Qu'ai fuir se sunt pris tut li plus bobancier ;
Mais il lor sunt si près ne lor poent esloignier :
520 Plus de cent en ont mort neîs li escuier.
Que en diroie ge el ? nel vos voil aloignier :
Trestuz fussent occis, quant les ad fait laissier
Baudoin qui en crient Alexis correcier,
Mais seisante en ad pris qu[e] il ad fait lier,
525 Et les ad présenté Godefrei al vis fier
Qui assez lur dona a boire et a mangier,
Et lur ad fait jurer par Deu le justisier
Que plus n'eussent mal par els nostre paumer.
Atant sunt eschapé, nés velt plus laidengier,
530 Car l'empereur quida mult très bien losengier,
Mais Alexis fud fel, et mal sout enginnier.
Icele nuit meïsmes qu^ il oî nuncier
Les voleit il ocire et faire detrenchier,
Quant il en fud tumè par un soen conseillier
53 5 O qui s'iert acointié Godefrei por luier, (p. i $)
Mennau le nome il, le fiz Suart al notier,
Cil ad dit Alexi : t Vels tu [tej esragier?
» Certes, se issi le faiz comm te oi desraignier,
1 Déshérité seras, ne te poet rien aidier,
540 • Car neis lor greinor force que est encore arier.
— Voire, • dist l'emperere, « ne me puis escharier. »
Puis ad fait eneveis Godefrei acointier
Qu'il leist Costentinoble et s'ait fors herbergier,
Car la gent ne li sire ne li ont gueres chier.
503 se, corr. le. — 504 'Sp. Pincenant ; ici et plus loin. — joj Sp. Et issi corne;
Oa^, qoidoient. — ^i^ Sp, ias t, — ( i S sis, Oxf, et Sp. sil. — ( 16 5;^. ne 1. estoit m.
— S 18 Sp, omet le second hémistiche de ce vers et U premier du suivant. — Ji9 Corr,
ncsp. e. ? — 530 Suppr, Car. — $36 Sp. le nomoit ren f. — 538 Sp, C. si usi le faz
i ge foi. — $40 Sp, C. neiez. Omission après ce vers?
^i p. HETER
.4v Qiunt Goiictw ,r«t? M mt hiX alogier
A'mt^fs Iciit: ie b w» d<4et qd grant vergier
vjuî nid rempewîr oMnre^s et picnier;
Kl ! cvwt îîw yiYt qui nenoit grant poJdrier ;
.A*W5 : iurwt biw por ter cors aaissier
\ \o Si iK ru:ss<ttt ù Grhi kt les vont abaier.
A uot «ir i juwtnt a lor fort desturbier,
Car Cîi »îtti r<^ dévoient la nnit cschelgaitier
lî^ Oftt set detreiichîez qui gisent el gravier.
Biea le sout Temperere ainz que s'alast cuchier;
V \ \ :>M en estvMl narri nul ne se doit merveillier.
Aï Kutinet a Taube, quant il dut esclarcier,
Mattia pi>r Godeiroi le noble guerroier.
XIX.
U bon$ ^iux Godefrei ad la parole oïe
Que AleJEis li manda (Jhesus le maleïe !).
\oo IV ses barvMis manda en qui il plus se fie ;
Bien les hst courtier, et fud grant cortoisie ;
|\itt montent es destriers qui vindrent par Hungrie.
DOM et dou sunt entré par la porte Golie.
A merteilk es^ardent la gent de Griffonie,
\^\ Kt dit (|il uns a Tautre : « Voiez quele baronie!
» Kt vHMnm semble prodome li sires qui les guie!
* 4yiult fait nostre eroperere Alexis grant folie
» Qu/il nés fait passer ultre la Romanie,
» Car domage seroit si tele gent iert perie. »
\70 II sunt a)ez avant jesque Sainte Sophie,
LVmpereUr troverent qui fist chiere marrie,
Kt fud en un encloistre dedenz la praerie ;
Sur dous pailes se jut qui furent d'Aumarie.
Le mugalet goce (sic) qui fud duc de Hongrie,
\7S Kt si onques despuis ot la barbe florie ; (p, 16)
Kt bien dous cent duc, conte, de maisnée establie,
Furent environ lui et ne se sistrent mie.
Le duc ala avant od la chiere hardie.
L'empereur salue del fiz sainte Marie ;
s8o Kt Alexis respont : t Et il vos beneïe,
» Mais ge ne salu pas la vostre compaignie
• Qui mes homes m'a mort et ma terre gastie;
» Tute ceste contrée s'en est vers els marrie.
» Si vos conseilleroie senz negune boisdie
\8^ » Que vos passissiez le Bras, le matin od navie.
» Ge vos ffe)rai aveir bone march[e]andie,
• Si que vostre ost en iert toz jorz bien replenie ;
i Kt vos m*en jurerez qui 'n avez la maistrie,
» A bien garder ma tere, mes membres et ma vie.
14^ M*oït| iMN^iit dans Ox(. ; Sp, loîe. — 560 Corr. mande ? — j6i ftid, Sp, fist
i«4 i\vf. Menr. les eig. ? — $68 nés, eorr, les? — 58 j Sappr, vos.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE
J90 ^ Voientiers, » dist H duc, t Deu me soit en aïe,
» Maïs seùr me refaites qu'i ni ait Iricberic,
— El gç issi l'otroi, » Alexis lui cscric.
Les sainz fait aporter a l'evesque Ysaïc,
Ainbedui Tunt juré et leiauté plevie ;
i95 Entrcbaisié se suni quant fud la départie.
U dux s'en est lornez a sa herbergeric,
A loz ses compaînons ad la voie banie
Qu'a/ demain passeront, quant l'aube est esclarcie,
Ultre le Braz Saint George en la terre guarnie.
XX.
600 L'endemaîn par matin, quant le jor esclarja,
Sunt tut ultre passé en la terre de la,
L*emperere Alexis a ses homes manda
Que bon marchié enportent chascuns qui en avra.
Et issi le firent il, muer nul ne Tosa,
605 Por ce fist Alexis qui ultre les passa
Quant Buiamond [Ir princes] et danz Reimond vendra
Et ne seront ensemble, mull meins les en criendra,
Orez de Buiamont cornent il esploita :
Il fud en Ardennoplc u [if] se sujorna,
6to Ses barons et ses gens en un plain ajosta,
Od grant humilité doucement les proia :
» Seignors, les voz merciz, qui por Deu se croisa
» Et por paiens destruire est venuz od mei ça
61 5 • Gard soi bien de rober jesque Itus en sera,
» Et ne facenl pas tort a qui riens li vendra,
» Car tut creom en Deu qui lemund salua;
t Si n'est mie raison que tort tor façom ja.
» Sachiez tut de vérité, a celui qui [[ejra
620 » Se gel puis aparceivre a furches en pendra. •
De ci sunt tut meu quant sa raison fina
Droit a une cttié ou li ber les mena,
Castoire la nom oient [la gentj qui l conversa.
Dehors se sunt tenu, onc un d'els n'i entra.
62^ Ce fud a un Noël que l'ost i sujorna,
AI plus bel quf il porenl chascons la célébra,
Gnc jorz sejorna l'ost [esqu^: il ariva
Que nus de la citié riens ne (or aporta.
Très bien les en requist Buiamon quîs guia^
6^0 Mais riens ne lor valut quar grant haine i a ;
Por tels gens les tenoient que onques Deus n'ama.
Quant li princes ce vit que pès n'i trovera
De prendre lor comande, qui faire le voldra,
n
(p^ n)
1^ Sp, m'en s. — 594 Oa^, et par !♦ — ç^ Sp, Car d. ; est Oxf. et Sp,, eort, en.
«— 604 Suppr* Ec. — 6j$ Vers replié dans 0%f, au haut de ta p. 17. — 619 Sp. q.
ferra; corr. idl q. ceo fera ? — 610 Sp. as f. — 6a | 5^. la geat qi conversent ta.
24 P- MEYER
Et n en ont pris tant que nus les en bUma ;
6| j Les Griffons et la vile qui marchlé lor voia
Eussent tuie prise quant Buiamond i'osta.
CoMMENruRE, — 92- j* On ne voit figurer dans aucun autre récit ni cet
évèque ni le rot Rogier. Le- poète a-t-il songé â Roger comte de Sicile l
112, Ce qui suit est emprunté dans une certaine mesure à Baudri» qui, seul
entre (es historiens de ta croisade, bit intervenir â ce moment le comte de
Toulouse, Mais l 'évèque de Dol ne mentionne aucunement le gascon Ençe-
lier : « Du m haec agerenlur^ ecce ex improviso afuerunt legali comitis Toïo-
■ sani, Raimundi scilicet de Sancte .^tdio, qui ipsum iturum, iamque stbi
• crucem coaptasse, papae relulerunt et in concilio tesiaii suni (Hist, occid.^
IV, i6 b; Bongars 38). • Engeîier a été simplement emprunté à Pépopce caro-
lingienne (voy. Rolûnt, V. 12^9, 1474, 2^07),
123-7* Ces vers semblent encore inspires des paroles que Baudri place dans
la bouche des messagers de Rai mon : * Si quis est Dei, |ïingatur ci {sciL Rai-
• mundo) quontam et opes suas indigentibus communtcabit, et auxilium et
i consifium suum nemini viantium denegabit. Ecce^ Deo grattas, |am Chrîstia-
I nis iturisduo ultronei processcrc viri : ecce sacerdotium et regnum, clericalis
» ordo cl laicatis, ad exercitum Dei conducendum conccrdanL Episcopus et
• cornes Moysen et Aaron nobis rcimaginanlur. 9(Hist.o£c, /./. c; Bong* 88).
14B-53. Baudri 1,7- «Anno si quidem ab incarnatione Domini .mxcv,^ pridie
I non. ApriK, feria .iv., luna ,xxv«, visus est ab innumens inspectonbus in
■ Galtiis tantus stellarum discursus ut grando, ntsi lucerent, pro densitate
> pularentur. Opinabantur etiam quidam eas cecidisse : nos taroeo de earum
» occubitu nihi temere pra?sumimus affirmare..» Quid autcm concursus iste
> pra^ipue portenderit minime diffinimus ; pra^sertim cum nobis oondum datum
» sit nosse mysterium regni Dei, Sed per parabolas et quasdam competentias
1 molui stellarum Christianilatis motum comparabant. t (Hist, occ, L /. fg).
1^6-69. Ces personnages sont mentionnés dans le même ordre par Baudri,
sauf qu'il ne commet pas la faute d'annoncer dès ce moment Tarrivée d'Etienne
de Blois, et n'en parie que beaucoup plus loin (I, 2;)^ en son Heu.
172 ss. Baudri l, %{H(st. occ., ijê) ; t Ultra montes quoque, inApuiiascilîcet,
» verbum istud pcrcrebuit et boamundum, virum admodum industrium,
0 Roberti Guischardi filium, duels Rogerii fratrem vocavit, cique Tancrcdum
» nepotem suum et Richardum de Principatu sociavit. »
206 ss. Cf. Baudri 1» 9 iHtst. occ, 18 c m : * Imperator autem intenra eis
i mercatum dari jusserat, sicut erat rectum, in civitate Gens etenim illa
» sine rege, sine duce, variis aggregata locis, indïsciplinale viventes, in rcs
i aliénas rapaciter invotabant, et plumbum, de quo ecclesiae cooperlae fuerant,
» asportabant et vendebant. »
121, «Tandem venerunt Nichomiam » {HisL occ,^ iS e). Il y at Nkkonuim
dans un ms. Àngont est une faute de lecture du rimeur.
228. Rmardum selon le ms, suivi de préférence dans l'édition de TAcadémic,
mats Rafiinaldum ou RainaUum dans la plupart des autres mss. ; le personnage
est en effet appelé Rcinaldus dans les Ge5ta^ la source principale de Baudri.
24^, Exerogorgo, dans Baudri {Eski Kaîeh), commt chez tous les historiens de
la même famille. Tout ce discours est de Tinvention du rimcur.
259-163. Ce récit de la prise d'Eski Kaieh par les chrétiens et de sa reprise
par fes Sarra/.ins contient plusieurs faits notables dont il n'y a pa3 trace ailleurs^
et qui vraisemblablement sont conlrouvés. Aucun historien ne fait mention de
la présence dts Hermines (Arméniens) dont le rôle est ici considérable (v, 281 ss.),
ni de Vi^mn Baudri iv. 315); mais en revanche ils s'expriment plus nettement
(surtout Robert le Moine) au sujet de la trahison de Reinaut. Voici le texte de
Baudri qui ne diffère des Gâta hrancorum que par des détails de style.
6}4 la* «•'^ net. — 6ïf Sp, L vcia.
I
HêCIT DE La première CROISADE 2^
Qui traosfretati, tnultis itenira ïllidtis in Christianos pâtratis (nam et domos eorum et
ecdfsias, hosttUtcr terra depr^dat^^ cremaverunt), tandem venerunt Nichooùam. lUtc,
Lumbarais, tongobardis et Alamannis a Francis separatis (Franci siquidcm ferociores et
intraaabtiiorcs erant, eiob îd, ad omne malum procliviores), pr^efeccrunt sibî genres aliae^
Frsncis remotis, i^uemdam Rainardum, et sub e|us ducatu ingrcssî suni Romanïam. UUra
aoiem Nicenam civiLatem progredientes iîincre quatuor dierum/invenerum quoddam cas-
leltum cui nomen Exerogorgo/mcertum an timoré an tndustrîa, incolis omnibus vactium ' ;
illttd igitur tntrantes causa hospiiandi, ibi demoraii sunt, qtiippe ipsum invenenint om-
nium victualium redundantia plénum. Quo Turci per exploratores suos cognito'^, haud
mora circumvallare castellum festioaverunt, Rainardus cum suis confestim casteHum cxierat,
ut Turcis venieniibus przienderet insidias. Prxvaluerunt auiem Turci, et multos ex eis
gtadio ceddenim ; si qui vero potuerunt, fuga eUipsî, in castello recepti sunt. quo undi-
que ob»esso, aquam illis confestim abstulerunt* Fons etenîm et putcus, quo castellum
tttsfieniabatur, extra erat ' ; quem utrumque viriliter drcumseptum Turconim exercitus
indestnenler observabat. Nihil taborantibus aqu? penuria durius ; nihil tulius tuta expu-
gskât locâ, ()uam intolerabtiis sitis înjuna. Coacti sunt ergo Christiani suontm sanguinem
dicere et bibere jumentorum; alii pannos in cisternas Timosas deponebant, ci si quid
hnmorii invemssent, in os suum exprimere non erubescebant, Dictum est, quod nimis
turpe est, quoniam quidam in manibus micturiebant et sorbebant. AJtî, si forte repperis-
seat lerrara humidam vet frigidam^ fodiebant; et in ipsa ve) nudi supinabantur, vel suis
appooebam pectoribus^ ut saltem sic quoquomodo refrigerarentur. Quis in lantis anxiatus
aagustiis vivcre potuit r Sustinuerunt tamen moribundi grandem hanc per octo dies incom-
moditatem, sacerdotibus qui aderant sic intérim sermocinantibus : u Sustmete, fratres ; ut
f enifli icmct vos adest Deus. Noliie itaque desperare in his etiam magnis tribulationi-
• bas^ sed efficite gnariter, ut qui ejus provocasti^ iram, vel in arto positi nunc^ ejus
■ largitkam vobis everberetis misericordiam. Proraercri poicritis in tali angustia positi
B ejus beneficium, si ad ipsius loto corde confugietis auxilium. tpse olim percuti jussit in
» désert'i Sina petram ; et fîuxerunt aqux, et biberunt patres nostri in satteTate. Adhuc
» est ejusdem poienti^ ; adhuc est ejusdem misehcordif. Si \05 modo non exaudierit^
a otipa Qostra est : si vos non respexerit^ no&tra est negligentia. Reminiscamini quoniam
m gnviter eum offendimus et irritavimus, qui in rcrum fratemarum rapacitate cl in
9 ectJesiarum desiructione inexplebititer grassati sumtis, n
X. H2C illis sacerdotes quoiîdie referebant, sed illi nullo vino compunctionis potari
poterant. Computruerant iili, tanquam jumcnta in stCTcoribus suis, ideoque de peccatis
suit, indurati carde cum Ptiaraone^ Deo saiisfacere nequaquam potueruni ; quocirca
peiierunt. Obtura verunt igitur aures suas^ aspidibus surdiorcs, contra voces incantantium
tapienter ; et iccirco rêvera opcrati sunt iniipienter. Quin dux eorum Rainardus cum
Ttircis consiUatus est, et ut eis, si posset, fratres suos proderet paaus est. Exivit itaque
cum muUis^ lingens se ad bellum procedere, et tranxfiiga fugit ad Turcos. Qui remanse-
rant, tabanestam coacti fecerunt dcditionem ; et, o miserum facînus l versi m despera-
ticMietiL, contra Deum abominabilem commiserunt apostasiam. Illi vero qui lidci su» tcs-
tsmomum perhibuerunt, vel capitalem subiere sententiam ; vel in signum positi , sagittati
smt; vel ab invicem divisi» pro vili pretio venundati sunt; vel in captiviiatcm abductî
mat: aiii in Aatiochtam, alii in Corosanum, atii in Aleph, aut ubi de th triumphantibus
et capiivantîbus captivos captivatum ire magis compbcuit.
{HiiL ocCy j8 t i 10 a; Bongars, 89 L 48 à 90 1. )7.>
j6j et suiv. Circonstances qui manquent dans les sources latines, et qui
paraissent inventées. ,
4ÛK Dans les dsta et les récits qui en soni sortis (y compris Baudri), il
n'est pas question de machines, mais it est dit que les Sarrazins entassèrent
autour du château des amas de bois ^ adunaverimi îi^nâ at cos com^urcrent cum casiro
iik$tâ IV). Les chrétiens réussirent à les incendier en temps opportun, ce qui
au reste ne les empêcha pas d'être pris.
417-9. Ccsta IV : t Audiens iroperator quod Turci sic dissipassent nostros,
• gavisos est valde, et manda vit pro eisj fecitque eos Brachîum transmearc,
t Fostquam ultra fuerunt comparavit omoia arma eorum. » Baudri ne fait pas
mculjon, non plus que notre poéme^ de cette joie assez naturelle^ mais peu
iKoeote^ de Fempereur de C. P. ; il rapporte^ comme les Gtsia^ l'achat des
1 , Remarques la tootradittion complète avec le poème.
1. Il n'est niUle part question des envoyés arméniens du teite françaii.
26 p. MEYER
armes des croisés, ajoitant ces mots^ qui correspondent assez bien au v. 419 :
t Quatenus incrmes suis mir^us nocere possent ».
420 ss. Le récit de l'arrivée des croisés est visiblement tiré de Baudrî,
L'ordre selon lequel les divers personnages sont énuniérés n*esl pas tout à fait
le même dans les GcsUt,
4j^. 30,000, sans compter la vmanuaille*», est un chiffre de pure fantaisie.
4)7 ss. Les deux tirades XVI et XVII suivent assez exactement Baudri, tes
(ksta ne faisant aucune mention de la lutte ici racontée.
492-553. Tiré de Baudri oui, du reste, se tient ici trop près des Gesiû pour
'on ait dans le cas présent la preuve que le poète a suivi Baudri plutôt
qu
les Gâta.
Gmû.
Baldaînas itaque frater Ducis hxc
judiens, mistt se in insidiis ; tandemque
invcnit cos occidentes gentem suara,
eosque invasit foni animo, ac, Deo
juvante, superavit eos ; et apprehendens
sexagînta ex eU, partem occidit, partem
duci frarri suo prxsentavit, Quod cum
audiss<t imperator, valde trato5 est ;
videns vcro Duîi înde tratum imperato-
rem, extii cum suis de burgo et hospi-
tatus est extra urbcm. Sero autem
facto, infeluc imperator jussit suis exer-
ciribus invadere Ducem cnm Christi
gente; quos Dux persequeni mvictus
cum Christi militibui, septem ex illis
ocddît, pers^uendo alios usque ad
portam civitatis.
que
Baudri.
Exivit igitur Balduinus ad suontm potec-
tionem et si posset ad insidiantium delctio-
nem: invenii autem eos inscqucntcs suos, et]
CJt improvise» incautos invasit et superavit ;
partem occidit, sexaginta quoque ex eis vivos
comprehensos fratri suo Duci impcrterrilus
prxsentavit \cj. v, 514-$)* Audiens hoc impe-
rator Alexius (Atexius enim vocabatur)^ valdc
iratus^ matum exercitui Chrirti in corde suo
indcsinenter michinabatur. Dux de imperatoris
furibunda perturbationc certuî, prjecavens in
futurum^ civitatem exivit» et ubi pritis sua fixe*
rat tentoria collocavit. Nocte superveniente,
jussu imperatoris itivasa sunt castra Ducis, et
eiercitus cjus multis laccssitûs iniuriis. Dux
iutem^ sictit erat hujusce rei sagacissimus et
pugnator acerrimus^ excubiatorcs qui tenioriis
fxcubarent pnidenier disposuerat, et unum-
quemque vigiUre sibi mandaverat : versutias
enim imperatoris non ncsciebat. Repulsi iiunl
quantocius invasores et ex illis septem peremp-
tts [cf. y. nî^t "sque ad portam civitatis
audacter dux fugavit fugiemes. [Hisi. occ,^ 22,
A b)
On voit qu'il n'est question dans le btin ni du conseiller d'Alexis fvv, 534-
41) ni de la rivière qui passait près de l'endroit où Godefroi avait établi son
camp (v. ^8), L'intervention aun conseiller dont Tinlluence aurait été achetée
par Godefroi n'est pas en soi invraisemblable. Mais si le fait n'est pas inventé,.]
où peut-il avoir été pris?
U4 ss. Le fond, c'est-à-dire l'accord intervenu entre Alexis et Godefroi,
est nistûrigue, mais le récit est ici trés-dramatisé. On reconnaît pourtant dans
les vers ^05-7 la trace de ces mots de Baudri iHiif. occ, aa b) : * Ideo sic
■ fecit imperator, ut ducem a regione illa cum suis amoverel copiis^ ne posset
• couti superveniéniium principum consiliis et ayxiliis. »
612 et suiv. Ce discours suit d'assez près celui que Baudri met dans la
bouche de Boémond. Les mots du v. 615 itstiue tius tn sera correspondent à
cette phrase : < Tempus erit cum terram hostiiem intrabimus, cum de eorum
• spoliis opimis ditabimur et Ixtabimur. > (Hiif* occ.^ 2} a.)
611 et suiv. Baudri : • Tandem perventum est Castoream^ in qua Natale
• Domini solemniter peregcrunt * (Hist, occ, 2) a.)
I . A rapprocher de l'expressiofi main mmuit^ tor laquelle vof . Du Caoge, manm
{IV, a62 «)| et G. Paria, S. AUxis, note sur loi rf.
^ RéCtT DE U PREMIÈRE
^^^^^H
^^^^^^H
^1
^^^^^^^^^fr (Oxford p, il i , Spalding. foL 4)</j
^1
^^^^H Seignors, ore ad Soudan a toz icels mandé
{p. ^^^1
^^^^H Qui de 1i ttenent tere, chasement ne fié,
^^^^B Que a U citié d'Orcages seient tuit assemblé,
^^^H
^^^^^B Ai terme qu'il lur ad par ses soiaus mandé.
^^^H
^^^^H 5 Et sachiez bien de voir quant il furent aiîné,
^^^H
^^^^H Par home qui vesquit ne par nul clerc letré
^^H
^^^^H Ne peûssent jû estre li amtrailz conté,
^^^H
^^^^H Estre la genl salvage, dont tant i ad josté
^^^H
^^^^^V Que plus d'une jornée tenoient sul li tré.
^^^H
^^^^^K 10 Damedé les cunftinde qui maint en trinité !
^^^H
^^^^^B Car durement manacent nostre CKrestienté.
^^^^H
^^^^B Ore oez quele gent sunt et dont il furent ne,
^^^1
^^^^K Si comm Ysidres dit u nos Tavom trové^
^^^H
^^^^V Qui des merveilles de Inde a [dejsur toz parlé.
^^1
^^^^V 1 $ Li rois de Bastanie, de terre désertée,
^^1
^^^^H Et ot gent 0 soi merveilluse menée;
^^^H
^^^^H James n'orrez plus laide ne plus mal faiçonée :
^^^1
^^^^P Les testes ont plus grosses d'une grant buie asnée,
^^^1
^^M leli gros et vcrmetlz plus que charbun sur cendrée,
^^^1
^^^^^ ao Et denz grandes et longes, onc tel gent ne fud née.
^^^^H
^^^^H Del col jesque as rains n'ont pas une colée ;
^^^^^H
^^^^H Les ventres ont Itiisanz corne vessie emflée ;
^^^^^1
^^^^H Del piz ne de) meoton ne set Toni devisée ;
^^^H
^^^^^ ï^s jambes ont plus grailles c*uoe hanste planée;
^^^1
^^^^^ 2J Lung[e)s sunt a merveille, plus ont d'yne bracée;
^^^H
^^^^^& Et braz comme altre gent^ mais lor main est plus lée ;
^^^1
^^^^H Et ont el destre poing une votge si ferrée
^^^1
^^^^^H Que onques ne veistes arme si bien soit acérée
^^^1
^^^^H Qu'ele mielz ne trenchast quant ele est afilée ;
^^^H
^^^^H \o la altre ferement n'avront en lor contrée;
^^^^1
^^^^K 0 ce tranche chascun quant fque] il lui agrée.
^^^1
^^^^H Vers cels n'a nule gent en bataille durée.
^^^H
^^^^H Tuz jorz vivent de char, tels est lur destinée,
^^^1
^^^^2 ' Ne ja altre viande n'iert par els adesée.
^^^H
^^^^^ l\ Mult manacent les noz, Dcu lur doinst mal entrée,
^^^1
^^^^^ Car SI Uovcr les poent mort sont sanz recovréel
^^1
^^^^H Setgnors, granz fud tî ostz que ftij Soudan manda :
^H
^^^^^K lÀ rois Helanz i vint ; une gent i mena
^^H
^^^^^^ D'entre Yndc et Bestanic o ja riens ne croîstra :
'^^1
^^^ f Soffr, il. — rî u, Sp. et, — tj $p. Bastaine. — r6 Sp. Ot ou fei une gcm. — c8 ^^^H
^^B i^. d*itne buif aotne. — lo t< stcond hémist. a hé laissé en blanc dans Sp.
^^H itns Sp : tuppr. m. — 91 que mamjutdans OmS* tt U dans Sp.
- i^Omu ^H
1!
28 p. MEYER
40 Baugarie la noment, ne ja riens n' iavra.
Iloec sunt les plusors, mais uns formiz i a,
Greinors sunt de gorpilz, cil quil set le conta ;
Jesque riens en est mors ja puis ne guarra.
Ja home de la contrée de pain ne mangera,
45 Ne nen beivra de vin, ne drap ne vestira :
D'erbc vivent tuz jors, que ja ne lur faudra ;
Et sunt plus verz de cive, qui vérité en dira.
Ne ja nul de bataille pur arme ne fuira.
Ne d*cscu ne de riens son cors ne cov[er]ra,
$0 Car un vestement font de glaiol qui creist la.
Que riens nel pot perchier, tant ne s'en pcnera;
Mais fundes criement mult, ja nus nés atendra.
Et furent bien vint mile 0 celui quis guia.
Mult manacent Franceis, que ja nus n'en vivera
$5 S[e] encontrer les poent, mes Deus les en guarra.
Pirrus d'Orcanie, de Gomorre o sunt li oliphant
Ramena une gent de merveillus semblant :
Lung sunt a desmesure, por poi ne sunt jaiant.
Les testes ont bien lunges, et unt el front devant
60 Un oil gros et r[o]ont et merveillus luisant;
Et ont becs cum ostur, mes asez sunt plus grant ;
Unques rien ne veîstes tant durement trenchant.
Si armer [se] seûssent ja rien ne cremissant.
Bien furent .xxx™. hardi et combatant
6$ Qui manascent les noz, Domedé les gravant!
S[e] encontrer les poent tuz sunt mort sanz garant.
Seignors, d'utre le Nil, d'une terre boschage,
I vindrent une gent de mult laid façonage :
Groinz et oreilles ont comme beste salvage,
70 Et soies comme pors, nel tenez a folage.
Sus ciel n a ferement qui lur feîst damage.
Mais pieres criement plus que nul oisel volage,
Et manjuent l'un l'autre quant il lur a corage.
Plus furent de vint .m., trestut d'un seignorage.
7) Damedé les confunde qui sur tuz a maistrage!
Car mult dient tuit qu[e] il nos f[e]ront damage.
Mult i vint uns princes, ce sachiez voirement,
Qui tint Lande florie, d'entre Ynde et Orient, (p, 213)
U sunt li Bangarot plus neir que n'est serpent
80 Qui gettent feu et flambe quant ire les esprent.
James gent ne verrez de lor faiçonement :
Un pié a chascon d'els, seignors, tant sulement;
4) Sic dans Us iiux mss., corr. Dès que ...garira — 4$ 5p. Ne ne b. — 47 Sp. que
c, q. vein. — $0 Ox/, v. en f. — 51 Oxf, t et ne. — j6 Sp. P. de Gonorie. — J9
el, ms, le. — 60 Corr, i merveilles 1. ? — 77 5p. M. i vient ceo sachez icil richement ;
corr, M. i V. ce s. U princes richement ?
RÉCIT DE LÀ PREMIÈRE CROISADE
Plus est lé d'une mine selonc nii[e]n escient.
De ce funt co vertu re a la pluie el al vent^
85 Car ne poent suffrir orage ne forment.
Si cil Irovenl les noz, mult ira malement ;
Riens nés pot guarir fors Deu l'omnipotent,
Car prui sunt a merveilles, mais de cor[r]e sunt lent,
Et dorment bien cinc jorz sanz nui resperement.
90 Près del soteil, un poi d'utre terre Nubie,
De la contrée sèche u nu le rien o'afie,
l vindrenl Garemant, une gent effroïe.
Ignel sunt a merveille, et est tute lor vie
El convers d'unes caves dunt lur terre [estj garnie,
95 Mielz en flejroil un sul en une pescherie
Que trente pescheors od reiz u od navie»
Igncl furent as guerres de celé seignorie^
Mais ]a borne de la terre n'en f[e]ra coardie ;
Et ont la pel tant dure et tant acouarcie
»oo Ne prisent nul cop d'arme une pome porrie.
Cil jurent Mahomet, qui sur els a maistrie,
Si Franceis les atcndent qu'il ne lor fuiront mie :
Ja nés guara H Deus qui nasqui de Marte.
Barons, ultre le flum que Ton nome Geau,
10^ Qui sort en Parais, en l'ort espirilau,
Vindrent Emofradites, une gent n*estretau :
Madles et femeles sunt de Tumblir [en] avau ;
Del faire et del suiïrrr sunt irestut comunau ;
Dès le ventre en avant sunt homes naturau,
1 10 Ne mes que la mamele senestre ont femineau,
A norrir lor enfanz, qui ja ne viveronl d'au
Jesqu[e] il ont trente anz, et sunt lur egau;
Les testes ont crestécs ensement com[e] gau,
El ont les denz plus cleres que pieres de cristau.
Il) Maldil soient il luit de Deu espiritau,
Car trop sunt deffaé [el] enguinos el mau I
Mull dient qu^as Franceis movront grant ba[tejslau ;
Ja nés en guardera lor Damedé ne eau.
Enprès Emofradites vindrent Cenopha!î|
120 Une gent merveilluse^ onques home tel ne vi :
Aboi de chien resemble br parole et lur cri^
Et si ne sont pas grant mais forment sunt hardi ;
Tute jor s'en corn bâtent, car en ce sunt norri,
29
8d Manqut dans Sp. — 87 Sp. nés porra. — 88 corir ;e, Sp. cucr. — 89 Sp. respi-
tcnem. — 94 Sp, El mîelieu. — 9i Sp. un sol peschor en lor. — 99 Sp. et itant anercie.
^- loj O1/. fuirent ; Sp. qu*il ne s'en fuient mic. — jo^ Sp. Ja ne les. — 104 Sp. Gau.
— 107 Sp. del nombnl en avau. — ïoB Sp. De f. et de s. — tu Sp. ei il s, corne lor
t, — 118 lor mantjue dans Sp, — 120 Corr. d* après Sp. Iiom; de mimt i^i, eU, — *
tai CQ^. A loi, Sp. Abaî.
^O p. HSTER
[O] ones granz serpenz d'naes certes d'id,
125 Et lor Toieot les champs qui tox jorz sboI flori ;
Ja riens n'i eiitr[erja taot ait le cors vieUi,
Ne tant i ait eogroté ne plaie ne fiebli
(Se on poi y demore, senprcs ne soit gari ; j
Cil dieot de nos Fraocets mort sont et csdianHy
1 30 Ja par oostre Seigoor ne seront goaranti ;
Mais si Den pUist al roi il n'ira mie tsâ :
Il les pnet bien deieadre car mnh snnt si ami.
De la terre de Libie, d'âne estrange régnez,
U snnt les granz serpens que ont les chicb crestez
135 [I] Tindrent une genz jamès tez ne Terrez,
N^ issi contrefaite, n'issi desfignrez :
Sanz testes naissent toz, mes très en mi le pez
Ont la bûche et les denz durement enfossez ;
Et vivent de langostes dont il i ad assez,
140 Ne ja ne bevra nus nen en iert esseez.
Daniel les apde homes sanz testes nez.
Por corfr]e set jomées ne seroit uns lassez.
Ne ja nus ne sera [ne] vestnz ne chauciez,
Que plus snnt il vduz que rooton sejomez.
14) Pels portent en bataille granz et lungs et quarrez.
Mult manascent les noz, Deu nos les guarantez I
De terre d'Ethiope vindrent Ethiopès :
Neirs sunt comme charbnn, car de charbon sunt pr^.
Onques de lor façons n'oîstes homes mes,
1 50 Car nu sunt comm boes et ont ungles et becs.
Grant sunt a desmesure et durement engrès.
Sul de lur une main avroit un home son fès ;
N'i ad cil ne preist un cheval par eslès.
Trestut jurent la loi Mahomet al pooneis
155 Que noz Franceis f[e]ront morir [toz] desconfès.
Enprès cels d'Ethiope i vindrent Nubien,
Et li paen de Egipte et II Arabîen.
Harauz de Capadoce qui fud fiz Galîen,
Ad trente mile homes qui trestut furent soen, (p. 215)
160 Et li Roges lions et 11 Vaacîen,
Et li rois Aîllrous cui sunt li Libîen.
Que diroie ge el? car tant sunt li paien.
Si Damedé n'en pense, mort sunt [li] crestîen.
Seignurs, tant en [i] vint que nuls ne[sj pot norobrer ;
124 Sp, d'une terre de qui. — 12s Sp. veem. — 127 Suppr. i. — 128 Manque
dans oif. — 129 Corr. C. de nos F. dient — 13^ Sp. qu'ont les testes c. — 144 5p.
motons soranez. — 1 50 Probablement, selon G. Pans y cornu s. come hoc. — 1 52 5p. S.
d'u. de 1. m. i. h. un f. — 154 Sp. M. U puidnes. — i($ 03^. omet [toz], Sp. mort
toz. — 160 Sp. Vabicien? — 161 Sp. airoux et U L.; — cui, Oxf. qui. — 164 Sp. t. en
y out que homme n.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE )(
165 Soz ciel n'a clerc ne lai qui les seûst conter :
Ne remaint Sarazin jusqu'à la Roge mer,
Ne jusqu'as porz de Libe u nus ne pot passer
Que [li] Soudan de Perse iloc n'ait fait joster.
Corberan les comande trestoz a chaeler ;
170 II li a dit : « Amis pensez, tost del haster,
» Pensez sur tute rien de servir et guarder
» Mon biau fiz Moadas que jo tant puis amer ;
> Car se il i morroit il m'estovreit desver.
— Sire, • dist Corberan, « rUns ne t'estoet duter ;
175 > Va t'en a Sarmacene seignier et reposer,
» Et sachiez bien de voir, si Franceis puis trover,
» Tant t*en amerrai gU dont tu porras poplcr
» L'ile de Marmoions u fait mal converser.
» Iloc les feras vivre et tut tens laborer,
180 » Et porras chascon an grant aveir conquester.
> Mais ces salvages genz fai trestoz trestorner,
» Car trop i ad des autres si ja les poez mener.
— Corberan, » dist Soudan, « mult par dites que ber;
» Auge se donc chascon la ou sont converser,
185 • Car mult fort te seroient en rieure a doctriner;
» Et si Mahon otroie que peûssez achever,
• Tant creisterai vostre fié ne me porrez blâmer. »
Lores s'en torna Soudan et comence a plorer
Por son fiz Moadas qu'il ne pot oblier.
190 Et Corberan ad fait ses busines soner.
Ce est signifiance qu'il s'en velt remuer.
Donc peûssiez voier ces granz chameilz trosser,
Muls et mules et buffles lur vitailles porter,
Et les félons paens sur les chevals monter.
195 Corberan vait premier qui bien les set guier.'
Puis ont tant chevalchié que vindrent en Vaus cler ;
N'orent mes que dez jornées solement a errer.
Iloec fait tute l'ost li paiens arester.
Car iave duze i ont, s'i fist bon sejorner. (p. 216)
200 Puis a hii les amirailz devant soi apeler
Et lor a dit : c Seignors, entendez mon penser :
• Mult [vos] voldroic tuz servir et hennorer,
• Et sor trcsinie rien vostre travail oster,
• Franceis sunt fieble gent, bien l'ai oï conter,
20 ( » Guerroier ne poent mes ne soifrir n'endurer,
» Durement sunt coars, tost les poet l'em virer ;
» Por ce voii envoier, si me volez lœr,
• Trois messages avant por els espo{a]nter,
16$ conter, Sp. nomer. — 169 Oxf. chaceler, Sp. chadcler. — 171 Oxf. et de g. —
17 j Sp. Samarccnc — 177 Sic, ajoutez pris après amerrai? — 178 Sp. Marmoins. —
181 Sp. si la. — 187 Sp. ne m'en p. — 197 Sp, fors dis jours. — 200 Suppr. a. —
205 Corr. G. m. ne p.
|1 p. MEYER
» Et les flejrai forment laidier et manascicr,
210 i Etdel riche soudan et de nos deffier,
t Car s^ il nos atendent mort sunl sanz recovrier,
• Et si nos i poûm aîtanl délivrer,
1 Ne sai por coi laissom avant noz cors pener.
> Scignors, » dist Corberan, t si vos le me loez,
J'ai transcrit ce morceau pour faire voir cjue le but de Tauteur était autant
d'étonner ses auditeurs par des récits étranges i|iie de les instruire des faits de
la croisade, L*épisode qu'on vient de lire pourrait être intitulé « des Merveilles
de rinde >. Les merveilles de l'Inde sont, comme l'on sait, Tun des lieux com-
muns de la littérature du moyen-âge^ et les metteurs en œuvre des antiques
légeodes sur Alexandre, pour oe citer qu'un exemple, n'ont pas manqué d*en
enfler leurs compositions. Ici comme toujours en ce sujet, c'est Isidore (voy.
V* 1^) qui a fourni la matière des développements de notre auteur : non pas
entièrement, toutefois, mais je ne trouve pas la source des faits peu nombreux
qui ne sont pas au moins en germe dans Isidore. Voici les passages des Etymo'
hgia dont le poète s'est inspiré.
V. 41. Y a-t-il ici un souvenir des fourmis chercheuses d'or dont il est
question dans Pline et ailleurs? Voy. Berger de Xi vrey, Traditions téralologiqucs^
p. 2J9-67, et Bergaigne, Revue critique ^ ^^74» «rt. 120.
V. 82 et suiv. Isid. XI, iii, 23 r « Sciopodum gens fertur esse in ^thiopia,
» singulis cruribus et celcritate mirabili; quos inde oxioitoSa; Graeci vocant,
• co quod per aestum in terra resupini jacentes, pedum suorum magnitudine
» adumbrantur f.
Vers 90 et sutv. Isid. XIH, xiii, lo : 1 Apud Garamanlas fontem esse aiunt
j> ita algentem die ut non bibatur, tta ardente m no de ut non langatur. i Je
doute beaucoup que ce passage soit la source à laquelle notre poète a puisé.
Vers 106 et suiv. Isid, XI, iii, 11:1.., Hermaphrodilae autem nttncupati
eo quoà eis uterque sexus appareat, 1
Vers 119 et suiv. Isid. XI» iii, ïj : « Cynocephalj appellantur eo quod
1 canfna capita habeant, quosque ipse latratus magis bestias quam homines
■ confilelur : hi m India nascuntur. t
Vers IJ4 et suiv. Isid» XI, iii, jy : « Blemmyas in Libya credunt truncos
9 sine capite nasci, et os et oculos habere in pectore ; alios sine cervicibus
1 gignij oculos babentes in humeris. »
Je ne suis pas en état de déterminer la cité t d'Orcages • au v. 3. Le même
nom de lieu figure en d'autres textes encore. Il ne m'en revient actuellement
qu'un exemple. C*est dans une des plus récentes rédactions de R&îûnt^ dans le
ms. Bourdillon (mainlenant à Châteauroux). La prière que le remanîcur met
dans la bouche de Rolant mourant, et qui correspond à peu près d la tirade
clxxviij du texte d'Oxford (édît. Th. Mùller), fait mention de Jonas
Que la balene transgloti en estant
Al port d'Orcûist, desoz la garillant,
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 3)
Soz Niniven on erent mescreant,
La le geta a une aube aparant.
(Fol. 64 du ms. ; p. 228 de mon Recueil d* anciens textes.)
Je ne sais que penser des Vaaciens du v. 160, mais au même vers le c Rouge
lion 1 est un personnage connu. Il appartient à la tradition populaire de la
croisade. C'est de cette tradition, bien ancienne comme l'on voit, qu'il est
entré dans la narration d'Albert d'Aix, où il figure au nombre des quatre grands
émirs de Yaghi Syân, (Darsianus) chargés, avec Chems ed-Daula (Sansadonias)
fils de Yaghi Syân, de la défense d'Antioche. Ces quatre émirs ont dans Albert
des noms qui indiquent à ne s'y point méprendre le travail de l'imagination
populaire: c Adorsonius, Copatrix, Roseleon, Cazcomutus • (Alb. Aq. III,
zxxvi). Roseleon (ou cette fois Rossilion) figure de nouveau dans Albert IV,
xlix , et a enfin trouvé place dans la Chanson de Jérusalem : voyez l'index de la
Chanson d'Antioche de M. P. Paris au nom Rouge-lion, Il a aussi un rôle dans
Baudouin de Sebourc, mais avec ce poème nous sommes dans le domaine de la
pins pure fiction.
TROISIÈME MORCEAU.
{Oxford y p. 250, Spaldingfol. 54 b,)
Quant nostre crestîen orent le mur fermé,
Un petitet en furent de la aseûré,
Entr'els et le chastel u sunt li deffaé;
Mab por endroit de viande sunt tut des^eré,
S Car en tute la vile n'ad tant [ne] vin ne blé
Dont il peûssent vivre un sul jor a planté;
Por ce ont fait, seignors, mainte deshonesté,
Ja en sunt li auquant malade et engroté ;
Damedé les [rejgarde par la sue bonté!
10 Si fn-a il, ce quid, mujt lur a // targié.
Un jor en sunt trestuil li crestîen josté,
Et font procession en l'onor Damedé
Par tûtes les églises qui sunt en la citié ;
Od eus ot un provoire vielz et de mult grant aé,
i3 Nostre Sire l'amot et si l'ot espiré; (p. 251)
Cil lur a dit : • Seignors, ne soiez effreé :
i Oiez que nostre Sire m'at anuit révélée ;
» Si m'aît cil maïmes a qui ge ai parlé,
» Ja n'i avra par foi nule rien contrové.
20 • Seignors, enprès matines, ainz que fust ajorné,
» Quant nos eûmes tut nostre mestier chanté,
» Et nostre compaignon s'en furent tut aie,
> Si remis al mostier qui est de la mère Dé
» Proier nostre seignor (le roi] de majesté
2 Sp. aseguré; de mime scgurté, v. aj. — 4 de, Sp. la. Suppr. por. — 10 targié,
cgrr. tarie. — i^ Sp, l'amoit ei l'avoit. — 19 Sp, p. moy. — 2} Sp. cl m.
Romania^ V 3
34
25
3o
35
40
45
5o
55
6o
65
P. MEYER
Quf il lur amenast conseil et seûrté.
Atant me vint un home de si fiere biauté
Que tut fui esbahis, quant ge l'oi avisé;
Et ot en sa compaignie un viel home barbé
Et une bêle dame qui sembloit flur d'esté.
Li sires vint avant et si m'ad demandé :
Diva! conuis tu moi? di moi la vérité.
Et ge lui respondi : Ge non, sire, a non Dé,
Puis vi environ lui une estrange clarté
Et une croiz de fust pendue a son costé.
Telc pour m'en est prise tut oi le sen troblé :
U le volsisse u non m'estoet chaîr pasmé,
Mais cil m'en releva bêlement et sué,
Puis m'a trestut de chief li sire araisoné
Si ge l'en conuîsse, et l'en dis mon pensé :
Sire, si ce est veirs que ge ai esguardé,
Par cest signe de croiz que tu m'as demostré
Voi ge que tu es cil qui as le mond salve
Et descendis en terre por prendre humanité.
— Voire, ce me dist il, mult as bien deviné :
Trente trois anz i ai od vos conversé ;
As Jueus fui vendu qui m'ont chier achaté;
Pilate fui livrée a un paen desvé ;
Idonc morrui por vos tut de ma volenté :
Voiz tu enchore la plaie en cest destre costé
Ou me feri Longis o un glaive acéré.
Al tierc jor surrexi, bien est puis esprové,
Et me poiai as ciels en ma grant deité
U ge ai appareillié le liu boneûré
A cels qui bien feront et tendront leiauté.
Mais ce n'estes vos pas que ge l'ai apresté. —
Lores li chaî as piez et ai forment ploré,
Et li criai merci de sa crestïenté :
Sire qui toz jorz maint en sainte .Trinité ,
Membre toi de tun poeple, ne/ laissier esguaré,
Car trop se sunt [cil] Turc sur nos avertué.
Ne guarder mie, sire, a nostre foleté :
Si tu ne nos aies a mort sûmes livré.
Et il me respondoit : Mult vos ai até :
Niques vos fis ge prendre, onc n'i fustes grevé
Et tote Romanie, et de long et de lé,
Et mainte grant bataille vaincte (sic) par poesté :
Ore al de^rrain estes par moi entré
Dedenz ceste forte vile, onques ne fustes veié.
(^ 2 $2)
26 Sp. vient. — 27 Sp. omet ge. — 30 Sp. devant. — ^$ Sp, m'en ot p. — 36 le,
Sp. je. — $7 5^. me. r. — 39 Sp. le conoiseic. Oxf. et ge l'en ; Sp. omet ge i*.
— 40 Oxf. t. ore v. — 41 Oxf. P. iccst. — 43 Sp, a t. — 45 Sp. vcirement c. — 48
Sp. Illoec mori.~52 Sp. Et m'en; Oxf. doité. — n qe, corr. cuir Sp. qi jeo ay ajosté.
— 60 5^. esvertué. — 63 Sp. aiéj corr. ajué? — 64 n'i, Sp. n'en. — 68 Sp. onc n'en.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 35
Mais H plusor de vos sunt vers moi malmené
70 • Et en avoient [ja] si grant orguil trossé
Ne lur menbroit de moi par cuil erent gardé;
Por ce les voil guerpir, car forment les en hé,
Et issi s'apercevront que de moi sunt sevré,
Et que lur a valu il qu'il ont oblié. —
Lores oi si grant doel, quant ge Toi escuté
Que bien quidoie de voir que Deus nos fust fine.
Barons, quant nostre Sire nos ot si maneciez,
Ne sai por coi mentisse, tut fui désespérez :
Mais la gentilz pucele et li vielz home barbez
80 • Li chaîrent as piez od grant humilitez
Et li ont dit : Biau sire, ne soiez curreciez,
Ne destruiez les bons por les maleûrez.
Sire, s'il ont forfait, si [le] lur pardonez
Car mult vos ont servi en estrange régnez.
85 1 Par els est cist païs des paens délivrez
Et ceste citié prise; ne mais la fermetez
Ou est hore Mahom serviz et hennorez,
Desore i sera mis nostre crestientez
Et nostre loi tenue et vostre cors sacrez.
90 I Sire, por vos meïsmes prenge vos en pitiez,
Oiez en lur proieres [et] si les succurez ! —
Et il lur comanda : Ore vos en levez.
Car a faire m'estœt ce que vos [re]querrez. —
Pois se toma a moi qui mult fui effreez,
93 I Et me comanda dire : Ne vos esmaï[ss]ez, (p. 253)
Car desque a quint jor vos aurai regardez. ^
Et issi com ge l'ai dit, seignurs, et vos l'oez
Sui prest que ge l[e] jure si vos le comandez ;
U faciez un grant feu et je soie enz getez^
ICO 1 U d'une de cesturs contreval tresbuchez;
Et si Deu me guarist que ne soie afolez^
N'est pob droit ne mesure que ge soie dutez.
— Par foi, • ce dient tuit, t mult grant chose en offrez :
I Le seranent nos faites, atant nos sera assez. •
io5 Lores aportent les sainz o cirges alumez,
E si jura li prestres qu'isi ert veritez ;
Puis distrent tuit li autre sur les lur leiautez
Que quant Deus nostre sire les avroit délivrez
Et lur seroit en pais remise la citiez,
1 10 Tuz iroient ensemble la ou sis cors fud nez.
Encore en a plus dît, ce sai, li plus Thancrez
71 Oj^, remenbrott. Sp, p. qi e. — 7} Suppr. Et. — 74 Sp. cco q'il. — 7J Sp. omet
gt, — 76 Suppr. bien, ou corr. quidai. Sp, qe de n. f. aie. — 86 Sp, ne ne mes ccstc f.
— 91 5^. me covient. — 96 5^. G. jusqu'au ticrz j. — 98 Suppr, ge. — 99 Sp. Ou vos
fMex wi. — 100 tresbuchez étaprb Sp.; Orj, gettcz. — 104 Sp. od unt; pour sera a>rr, ert.
)6 p. MEYER
Que tout comm il auroient quarante Francs armez,
Ne s'entorneroient il por estre découpez.
Seignors, ceste parole les a mult confortez :
* ii5 N'en i ad un tut sul ne soit confessonez
De tuz icels péchiez dont il est meserrez
A Tevesque del Pui qui fud saives letrez
Et il les en ad toz et asolz et quitez.
Quant tut iceo iiid fait, seignurs, que vos disom
120 Et li prestres ot dit la révélation,
Si i out un saint home que l'on nomeit Perron ;
Cil lor ad dit : c Barons, escutez m^ raison^
c Si m'aît Jhesus Crist qui soffri passion,
• Ne si de mes péchiez me face Deu pardon,
• Ja par moi n'orrez vos nule rien si bien non.
> Bien a un mois passé que en ma herbergeison,
• La defors ceste vile la ou nos estîom,
> Saint Andriu l'apostle me vint en avision,
• Et me dist bien de voir ceste vile avrîom.
> Et, quant Deus ce duroit que dedens serîom
• Maint mal et maint' angoisse nos i soffrinom.
» Puis me redist li sires que si nos foîssom
• A l'église saint Pierre, al nobile baron,
• Devant le maistier autel, desuz un vert perron,
> Icele sainte lance por voir i troverom
• 0 quoi Longis naffra nostre seignor Jhesum.
> Grant mestier nos avroit si nos la portîom
• En la fiere bataille, quant paen li félon
• Se voidroient combatre o nos par contençon.
> One mes a nule rien n'en fis [solj mencïon,
• Car tut tenoie a fable et a déception,
• Et cremoie qu'en fusse tenu fol et bricon ;
• Mais anuit me revint et me mist a raison
• Si ge le conuïsse, et ge li dis que non :
145 — Ge sui Andreu l'apostle, le frère saint Simon,
» Qui de celé vile osta jadis la loi Mahom
• Et en chasça Simon maga, Tenchanteor félon ;
• Crestïenté i mist par sa prédication,
• Puis la reorent paen par leur séduction^
> Et l'ont tut tens tenue jesqual tens Garsîon,
• Qu^ ore Pont perdue sans recovration.
• Et m'a il dit de voir que tut seûr seions
• Des paiens desconfire si nos nos combatom,
• Et que Deus nostre père, seignurs^ qui nos creiom
• En cinc jorz nos avra tuz mis a guarison
m \>, ne ic rctomeroit il. — 116 est, Sp, ad. — 120 la, Sp. sa. — 125 par, Sp,
por. - 117 Sp, quant nos y e. — 1^2 Sp. omet si. — 13) A, Sp. en. — 1 j9 Sp. omet
YoUtToicnt — U) Sp. Si je le conoissoie. — 146 Sp. ostai, et omet jadis. — 147 Sp.
Kl ih«v«l. -^ \ii Sp* pur, tt omet acheison. — 149 la reorent, Oxf, la lorent.
125
i3o
i35
140
i5o
i5.S
iP' 2S4)
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE Ij
• El nos délivrera del mal que nos soffrom, i
Por ce que l'om le croie s[ij ad [dilj Btiiamoti:
< Faiia porter les sainz et nos si le jurom, »
Et \\ [si] firent sempres, sî jura le prodhom;
i*>o Puis lor ad fait li evesques un mult pitus sermon^
Et lur ad comandé qu'ol granl affliction
Preïsscnt lendemain des prestres confession.
El il si firent tuit od bone entencîon ;
Por ce les délivra Deus de la genl Pharaon
»6& Qui forment les assaillent entur et d'environ;
Damcdé lur en rende en enfcm guerrdon,
U a feu plus ardant que cel que nos usom \
Freidur est vers celui, pur voir l'aficliom j
Hoc ardent li diable [et] Pilate et Neiron
170 Et li félon Jueu qui par grant trahison
Occistrcnt Jhesum Crist qui resorst Lazarom.
Et Deusl comm iloec ont dulureuse maison 1
Ci] Sire nos en guard que ja la n'en augom,
Qui mua Teave en vin par sa beneïçon !
Comparez cet épisode avec Baudri^ 1. HI; éd. Bongars, p. 1 14, 1. \o^ à p. 1 s6,
L 18; ou éd. de TAcadémie, p. 6 $-7. Le poète s'est permis comme toujours un assez
grand nombre de modifications : ainsi les deux personnages qui accompagnent
Jésus dans rapparition sont ici désignés d'une façon vague : « un vieil homme
barbé, — une bêle dame * (v. 28-9). Baudri, diaprés les Gcsia : « Aderat eliam
sanctissima sua genitrix et princeps apostolorum Petrus sanctissimus w (Bongars
iti, l. 6-7J. — La fin de l'épisode, depuis le v. 157, est de pure imagina-
tion : nen d'équivalent ne se trouve dansBaudri. Au v. 11 1 il paraît y avoir quel-
que trouble dans le texte : Baudri (Bongars n 5, 56, éd, de r^cadémie, p, 67) :
i Tancredus Hidem (uravit, et adiecil quod quamdiu secum posset haberc ,xL
militer, Iherosolimitano Jtinere nequaquam recederet. »
QUATRIÈME MORCEAU.
(Oxford, p. 327, SpaUing^ fol. 70 b.)
Seignurs, si vait de guerre qui la veit [a] mener : {p, ^27)
Les uns en estoet rire et les autres plorer.
Mais d*ice vos lairom ceste foiz a parler,
Si dirom de Tevesque del Pui danz Naïmer
5 Qui fud en Antîoche remis por sejorner.
Ha Deusl comm grant domage! qui! porreit reconter?
Car II mais lî est pris qui tut fait afmer :
Ce est U mort dotonise que Ten ne puet passer.
Tel doel demainent toz, nés poet Fen atagler.
10 Ce fud un diemenche ainz terme de dîgner
if8 &p. Cl si les vos jorron. — 164 Corr. Por ces d. — 168 Sp. par Dieu, — 171
rtsam kaorh Sp., Oxj\ resuscita — 172 Sp. Deus corne ad illoec.
'/. L ac. — < ^' ' '
10^,
9 Sic la diux mss.
j8 p. MEYER
Que [il] s*est fait enoindre et bien confessoner ;
Puis a fait les barons devant soi apeler.
Et lur ad dit : c Seignurs, ne vos puis mes durer,
» Ge me moer a estrus, Deu en pensse ahorer !
1 5 » Mais s[i] onc vos fis rien dont vos doie peser,
» Pardonez le moi tut, car ne m'en poet membrer.
» Et d*icel menu peple que vos devez guier,
» Por l'amur deu del ciel vus pri del bien garder,
• Et sor [tres]tute rien de vos bien entre amer.
20 f Et si descorde i creist, pensez de Tacorder :
» [E] Deu sera o vos si issi voliez ester. •
Enquore deïst il plus por eus asseûrer,
Mais Deus a prise l'aime, qui Ta fait dévier
Et en Sun parais a ses angles porter.
25 Ha Deus! qui donc veïst les chadaines plorer,
Et lur chevols detraire et lur barbes tirer,
Et la menue gens par ces rues crier,
Et sur [tres]tute rien sun grant sen regreter !
f Haï! gentilz evesques, tant par estiez ber!
3o f Le domage àt vos qui nos poet restorer?
• Qui nos savra jamès durement comforter!
• Vos nos paissiez toz de vostre sermoner,
• Nus ne poveit de vos desconseillez aler.
> Haï! Deus glorios, coment poez endurer!
35 • Por coi nos tolz celui qui nos deust chadeler,
f Par qui nos quidïom Jerl'm recovrer
> Et crestienté mètre et ta loi eshaucier?
> Mais tu ne nos en velz a cestefoiz ai[di]er
• Et or ce nos estoet en noz paîs torner
40 • U morir en estur; nel poùm eschiwer, {p, 328)
• Car mult avom fort gent et maie a trespasser.
• Certes, s[e] il fust droit et l'en Tosast penser,
» Et Ten trovast a qui Ten s'en peûst clamer,
» Mult en faîssiez, Sire, malement a blasmer. »
45 Et einsi les oîssiez biau seignors, dementer,
Desi que Tendemain qu'il l'ont fait enterrer
Od granz processions et od messes chanter
En Teglise saint Piere, devant le maistre auter.
Quant l'evesque del Pui tu mort et enterrez,
5o Et li merveillos doel fud alques trespassez.
S'est eissuz d'Antioche li bons coens alosez.
Danz Raimond de Seint Gile, et a ses ostz menez
Droitement a La Mare qui fud lius assaziez
Ou ot mult Sarrasins qu; il en ad gettez ;
55 Et s'i ad fait evesque qui mult fud bien letrez.
Et fud en Antioche benoît e sacrez.
1 1 Sp. qll — 24 Ojç/^. s. saint p. — îJ D'aprh Sp.; Oxf. Nos ne poet. — 35 Suppr.
le second nos} — ^9 Sp, Poroc nos estoet — 40 Sp, Ou m. nos estoet. — 45 Suppr, Et.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 39
Le discours que notre auteur prête à Tévèque du Puy mourant n'est fondé
sar aucun texte que je connaisse. Il n'y en a pas trace dans Baudri, et les quel-
ques paroles que les Gesta (p. 153) mettent dans la bouche d'Adhémar, n'ont
aucun rapport avec l'exhortation qu'on vient de lire. Elles ne sont, du reste,
ni plus ni moins vraisemblables.
CINQUIÈME MORCEAU.
(Oxford, p. 349, Spalding, fol 75 c.)
Barons, selon l'estorie que Baudri a ditée,
Pu Jerl'm assise qui de Turcs fud poplée
A un marsdi de join, [enjdroit la relevée.
Mult angoissement fud Tost de eve grevée ;
3 Poi en porent trover al mains d'une jomée,
Et celé que i trovent ère si eschaufée
Et quant ele est en l'ost a paine est adesée.
Dui de lor chevaliers de [mult] grant renomée
Sont [de] parti un jor od maisniée privée :
10 Raimonz Pilez fud Tuns, s'aime soit corunée!
Et li autre Rainolz de Taurin l'efforciée.
Dreit al chasan saint Gile ont lor voie dresciée.
Ici ont une masse de Sarazins trovée :
Bien estoient dous cenz d'icete gent folée,
i3 Qui aloient cerchant les pas de la contrée.
Mult l'ont forment li nostre, ce saciez, escriée^
Mais onc point ne se tint, ainz est sempres virée,
Car ne fud pas aprise de guerre ne usée.
Solement des adubs dont la nostre est armée
20 S'est, Deu merci, la lor tant fort espo[eJntée
Qu'il nés atendissent por nule rien née.
Ne por oc si l'ont tant nostre Franceis hastée
Que a l'ateindre en ont mort dedenz une valée
Et de lur chevals pris tute une haraschiée, .
25 Trente, ce dit li livres qui ad l'ovre contée.
Puis s'en sunt [il] torné en l'ost a la vesprée (v*)
Mult s'en sunt esjoï por la gent que ont tuée,
Et plus por les chevals dont ont fait recovrée.
Et la gent que remistrent, qui ne funt reposée,
3o Assaillirent la vile, qui fud [et] grant et lée,
[De] devers saint Estiesne u ele est efforciée
De dous peires de murs et d'une tor quarrée.
Ha Deusl comm unt bien fait, voire vertu nomée!
Car le mur detorein u estoit lor fiée
35 Unt le jor depeschié que n'e[n] remist bracée ;
I Sf, Seignof... notée — 4 Sp. Mais a. — 19 Oxf. dous adubs, Sp, des dons — 21
Sv. atenitissant... nomée — 29 Vers omis dans Sp.-^^x de, Sp, il — 34 deforein, Sp.
dicstorem (!)
40 p. MEYER
Puis a li coens Robert une cschiele aportée
De si qu'a l'autre mur u il Ta acostée
One de poier amont ne fist nus refusée,
Anceis s'entrcfoleient come gent forsenée.
40 Trois Normanz et un Brct Tont prcmerain montée,
Qui onc jusqu'as kernels ne firent reposée
U estoient li Turc, cui Deus doinst encombrée!
Les coigniées es poinz par doner grant colée.
Ha ! tant en i receivent et tant i ont donée,
4^ Et tant en velssiez chaïr jambe versée,
Que si sut quatre eschieles eûst en Tost levée
Prise fust la citié le jor sans demorée.
3. Feria tertia, octavo idus Jimii, Baudri, IV, 9 (éd. de TAcad. p. 97 c); ce qui
est contradictoire, puisque le 8 des ides de juin (6 juin) était, en 1099, "° ^^^^^
et non un mardi. II faut donc changer ou octavo en scptimo^ ou firia tertia en
feria suunda. Cette faute vient des Gesta Francorum (Hist. occid,^ III, 1 59, 1. 1).
La vraie date est le mardi 7 juin tertia feria, septimo die intrante junio, Tudeb.,
p. 102; de même Fouchicr de Chartres, I, 2j, Guill. de Tyr, VIII, j.
8-28. Épisode tiré de Baudri, IV, 10 (éd. ae l'Acad. p. 97F), qui ravait em-
prunté aux Gesta (p. 1 (9). Je ne sais ce que c'est que le chasan (?) Saint-GUt du
V. 12. Rien de semblable dans le latin.
29 et suiv. Baudri IV, 10 : « Feria secunda, constanter i.mpetierunt civîta-
• tem ; et ut putabant, rêvera tune prsevaluissent si scalas suîficienter praepa-
f rassent. Straverunt tamen murum exteriorem (cf. v. 34), et scalam unam
f erectam admoverunt ad interiorem.- Super illam autem vicissim ascendebant
» milites christiani ; et cominus praeliabantur in muro cum Sarracenis. » Rien,
ni ici ni ailleurs, sur le comte Robert (de Flandres ou de Normandie ?) qui paraît
au V. 37, non plus que sur les Normands et le Breton du v. 40.
SIXIÈME MORCEAU.
{Oxford, p, 370, Spalding, fol. 80 b,)
Seîgnors, ceste bataille que ge vos ai contée
Fud vencue en Aùst a une relevée.
Al quart jor dedevant une feste sacrée,
Asumption l'apele la gent qui sunt letrée
3 Cum< sainte Marie fud as ciels translatée,
U Dame deus lui fait quantque a lui agrée.
Icele nuit se sunt nostre gent sujornée
Jesque vint lendemain, qu'ele s'est remuée
Droit en Jérusalem la citié renomée,
10 Qui ne crient roi ne conte si nen est afamée.
La chançon est finée qui mult est bien rimée.
Si cels qui en chanteront ne font tresturnée.
Ore proiom por celui qui si bien l'a ditée
S'il i a rien dît u parole ajostée
i5 Que estre n'i deûst, que lui soit pardonée. (p. 371)
40 Sp, ont tôt premer •— 46 5;^. Et si sol.
2 Sp. en l'ott (!)
RÉCIT DB LA PREMIÈRE CROISADE
Ore dîtes tuii amen, qui l'avez cscutêe,
Que jamès par nu) home ne sera tels chantée^
4t
Baudri, IV, 22 {éd. de TAcad. p. iio f) : o Hoc autem bellum tngens factum
est .ij. idus Augusti, et Christianllas ubique Icrrârum, Ûeo gratias, exaltata
est. V — Ici paraît se terminer la chanson, juste au point où s'arrête Baudri comme
son original les Gesta,
CONTINUATION DE L'HISTOIRE DE U CROISADE (mS, DE SPALDING).
Le poème est fini, mais non pas le ms. d'Oxford . Le reste de la page 571
reste blanc, de même aussi que la page 572, mais à la page 575 com-
mence un récit emprunté à la Chanson de Jérusalem, par conséquent
tout à fait étranger à notre poème. J'en donnerai un extrait à Tappcn-
dîce. Présentement je reviens au ms, de Spaîding qui place ici une
contmuatïon dont il n'y a rien dans le texte de la Bodleyenne.
Le ms. de Spaîding n'a pas les sept derniers vers du morceau qu'on
vient de lire : La chançon est finèe^ etc.; mais aossitôi après ie vers Qtu
m crient roi ne conte... l'histoire reprend ainsi qull suit ' :
Quant la furent venu la joie fu molt grant :
Al Temple et au Sépulcre en alerenl errant,
De son gu[a]aing y myst ch esc un s de maintenant,
Et Dieu rendirent grâces ii joefrie et li ferrant;
3 Puis sont acheminé chivaler et servant,
Et dames et puceles» burgeys et march[e]ânt.
En Jenco parvindrent tôt dreit a Paves prant,
Et la matyn al fîum ainz le soleil luisant.
Mis se sont el repaire devant prime sonant ;
10 A lor cols portent paumes et espi verdeiant,
En Jerl'm vindrcnt li paumier combatant.
Ove le rci Godcfrei se myslrent li au quant,
Li autre de Taler se vont apareillant.
Quant ont pris [le] congié se repeirenl atant.
|5 Dan Robert li Frisons et Robert li Normant,
Ovec cels dont il erent el guion et puissant,
Dreit vers Costentinoble s'en alerent siglanl,
Par Puille et par Toscane se vont achemynant,
De cy q'en lor païs s'en vont csporonanl ;
ao Et quant la sont venu, a Jhesu lez cornant»
De ceus qe sont remés nos estuet dire avant.
Li bons reis Godefrcis n'ala pas somcillant,
(/. 80 h)
^^ nous n'avons plus affaire désormais qu'à un seul m^, J'mdtque^ selon l'usage,
jr des I I et les suppressions par des ( ).
j a ailUurf corr, od.
42 p. MEYER
Molt sovent endossa son hauberc jaserant, (c)
Et sovfnt corocea le poeple mescreant,
25 Et fist son conestable d'un chevalier vaillant :
Del baron Tancré, qi molt ala grevant
En dreit sei lez paiens toz jors a son vivant;
Molt sunt bien, (le) merci Dieu, le pais acquitaot. •
Buiamont d'Antioche, desqe il de fi sout
3o Que TefForz nostre Sire Jérusalem priz out,
Al conte Baudoin, a Rohés, enveout;
Par brief et par message certeignement (lui) mandout
De tôt la vérité, et qu'il s'appareillout
D'aler ent au Sépulcre, car molt le desirout.
33 C^ant Baudoîns Toi grant joye en demenout :
Achemyné se r'est al plustost q'il pout ;
A ceus bailla sa ville en cui plus se fiout.
A Buiamont manda q'a la Liche en alout,
Et illuec la tindrent o cels q'il guiout.
40 C^uant li messages vint, Buiamont conseillout
De sa citée garder a ceux que plus amout;
(^uant il l'a entendu, plus demorer n'i vout:
Chescuns de sue part a la Liche aprochout.
La troverent grant gent que Jhesum auront,
43 De Jennes et de Pis[e], qui iluec sejomout,
Car en meer por l'iver nuls mettre [ne] s'osout,
Et c'esteit en novembre que li tens refreidout.
Li evesque de Pise Danberz a eux parlout.
Et les autres barons as contes acointout.
3o Tant ont parlé ensemble qu'o eux s'acheminout,
Et ot tôt le navire le mielz 0 sei menout.
Quant [il] furent ensemble la ou Dampnedieu plout
Vint et cinc mil furent, ce dist cil qis esmout ;
Chescuns porta 0 sei de vivre quant q'il pot;
33 Mais longe fu la veie et petit lor durot,
Et la paien[e] gent rien vendre ne lor vout,
(^r petit lez ama et molt plus le[z] doutout,
Ffors li reis de César qi veer ne Tosout,
Et icelui de Triple qi ove cels trives ot.
60 C^uant li vivres lor faut chescun s'en esmaiot,
La marine et la faims [et] l'yvers lez grevout,
Et tôt le mielz peu li cols amegreout.
Li evesques Danbers sovent lez sermonout :
Del tôt sofFrir por Dieu bel lez amonestout ;
63 Et cil por qi le firent molt tost lez visitout,
Et la sainte citée devant eux lor mostroit {sic).
Chescun, quant il la vit, Jhesum regraciout.
Et de touz sez pecchiez coupable se clamout :
36 Corr. qfue] il pout, a ainsi en maint autre endroit — 39 Corr. l'atendroit?
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 4^
Ove grant devocion dedenz la ville entrout, (d)
70 La croiz et [le] Sépulcre molt humblement besout.
Chescun d'els i soffri et del soen y donout.
Li bons reis Godefreis lez contes apelout,
Besa les et joî et molt lez honorout.
Vers Beieem alerent, qar Noeus approchout.
75 La vindrent al servise si corn il avesprout :
Qi out cierge 00 chaandeie volenters Talumout,
Li junes, li chanuz, tote la nait veillout.
Le clergiez douchement y liseit et chantout.
Lendemain de la feste li poeples repairot,
80 Dedeinz Jérusalem ii poeples herbergot.
Quant furent li baron en la cité venu,
De fere patriarche ont concile tenu
Car Emauz li cortois del tôt demys se fu.
Danbert y ont eslit li joefne et li chanu ;
85 Buiamont s'en pena qi lui tint molt son dm,
Et par tôt le veiage aveit bien entendu,
Qe de tbuz ceux des niefs ert durement c[r]eû.
Et iert de grant saveir et de fier[e] vertu.
Et qe par lui sereient cristlen maintenu,
90 Et li félon paien mat et escombatu,
Vindrent a lui li mieldre et sovent et menu.
Quant orent la citée et la (sic) pais veû,
Chargierent les somiers, si se sont esmeû :
Non par la ou il vindrent, qar bien estoit seû
95 Qe des félons paiens fu la paîs vestu.
Et que lez agueteient le poeple Beizebu,
Mes devers Galilé ou fu noriz Jhesu,
Et dreit par Nazareth ou il fu conceû.
Par dejost[eJ César Baudac ont perceû ;
100 Illoec lez agueitot un paien mescreû
Qi fil reis de Damas, mais rien n'i ot perdu.
En lor pais entrèrent et del lor sont eissu;
Chescuns en sa citée a joye est receu.
Ore est dan Buiamon venu en sa citée,
io5 Molt ad bien la pâîs entor li aquité.
Par force ou par amor ad son oes atorné.
Gabrielons d'Arménie, qi proz fii et séné.
Par bref et par message lui ad sovent mandé
Q^il voleit de lui fer[e] seignor et avoé,
iio Et q'il lui baillereit sa mestre fermeté.
Ce fu dreit en juignet, quant chaut est li esté :
0 trop petit de gent i est li quens aie ;
Tant fu graindre folie, trop est asseûré.
Uns amiranz de Turs, qi tôt confonde Dé!
101 ot, corr, ont? — 102 Corr. et dd soen?
44 P- MEYER
1 13 Damisman le fèloa ove sa gent fu monté, (/. 81)
Molt près de Melentine s'enboscha a cdé.
Quant Buiamonz i vint, des Turs est escrié.
Et lui et toz sez hommes ont bien a?ironé :
Le plus ont retenu le meins est eschapé,
120 Entre les primeraignes li quens est encombré.
Quant Damisman le tint, molt fiit estreit gardé,
Tôt dreit a Melentine l'en a 0 lui mené,
Assiégea Gabriel et son règne ad gasté
Por ce qu[e] il ama nostre crestïenté.
125 De cens qui eschaperent s'en est un'retomé;
A Rohans est venu, tant a esperoné,
La prise del baron lor a dist et conté,
Un loc [a] Buiamon de sez chevox coupé,
A un Arménien le bailla en privé,
i3o Et Baudoin manda tot[e] la vérité.
Et s[e] onques Tama q'ore li fust monstre,
Et a celés ensignes qe cil li ot porté.
Quant Toi Baudoin n'[i] ad plus sejorné :
0 tant corne ot de gent s'est tost acheminé,
1 35 As barons d'Antioche ad son effors josté,
Vers Melentine veil, tôt rcngié et serré.
Quant Damisman Toî n'i ad plus sejorné,
Car d'atendre Franceis n*ert mie porpensé.
Le siège déguerpi, del fuir est hasté,
140 Le prince Buiamon enmeine en son régné.
Dolenz fu Baudoîns quant si fu eschapé :
Par treis jors Tenchauça, nen n'ia conquesté,
Ariere repaira dolenz et abosmé
Et vint en Melentine, si est dedenz entré.
145 Quant Baudoin s'en part Gabriel ad ploré^
A Jhesum le comande qi en crois fii pené^
Le chemyn vers Rohés a ses hommes guié.
Quant il est la venuz un message a trové
Qe li dist tieles noveles dont est molt effreé :
1 5o Qe morz est Godefrois li proz et li séné,
Et son régné lui ad lessé et devisé;
Et li baron lui mandent par brief ense[e]lé
Qe del moveir soit tost gami(e) et conreé.
Quinze jors ainz aost fu li reis enterré,
1 55 Et dous ans tint la terre en bone poesté ;
Ce fu doels et domages qe si poi a duré.
Quant il Tad entendu molt Tad desconforté.
Et a mandé sez homes, toz ceux de cel risné ;
Par le conseil de tous ad Baudoin feoffé
160 De trestoste s'enor, et qe lui ont juré
A porter lui amor et iei et leiauté : (b)
Il esteit son cosin, si Taveit molt amé.
Tant corn il pot de gent a li quens ajosté :
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 45
Bien douz cenz chivalers hardiz et alosé,
i65 Et set centz d'autre gent, tant furent [il] esmé;
D'armes et de chevaux furent bien acesmé ;
Tôt furent li somier de vitaille trossié.
Si tost corne il ainz pot est li quens arroté ;
Par devant Antioche a la Liche passé,
170 Et Gibel et Tortose, a Tripel est assené.
Très devant la ville a son paveilon fermé.
Environ lui sa loge, sa meisn[i]e einz el pré.
Li reis y est venuz, si ad 0 lui parlé,
Et pain et vin et meel lui ad assez doné.
175 II iert ainz son amy, si l'ad molt honuré,
Trestoz lez biaus aveirs lui ad abandoné,
El après lui a dit, et tôt de veir conté
Que Duhac de Damas qi fu reis coroné,
Guinnahadol 0 lui, un amirail desvé,
180 0 mcrveillose gent de grant mal porpènsé,
L'agueitoient devant a une estreit fossé.
Quant Baudoin Toî si ad son chief levé,
Et respondi au rei qi bien Tad escouté :
Si Dex le voet ayder il ne dote homme né. .
i85 Après y ceux paroles est de lui desevré,
Dreit a Barut parvint tôt un cherayn ferré.
Or(e) sont devant Baruth ostelé li guerrier.
D'illuec a .xv. liewes ot un petit sentier ;
La veie fu estreite et molt haut li rocher ;
190 Devers la meer lor estoet costeier (sic) y
Par iluec lez covient lendemain chevaucher.
Par matinet levèrent sergeant et esquier.
Et desqu'il comencierent cel leu [a] aprocher,
Baudoin lez fist touz armer et arengier,
193 Et il me[îjsmes sist armez sor le destrier.
Avant ad enveié des suens por espier,
Si del destreit v[er]eient nul paien desbucher,
Quant il y sont venu en avant d'un milier :
Lor saillerent devant la chemyn chalenger;
200 L'un d'eux l'ala ariere a Baudoin noncier
Qi chivauchout suef com bon gonfano[n]er ;
Quant il l'ad entendu, n'[i] ad que corocier,
Lez suens amonesta, si les prist a hettier (sic)^
Et bien les ordena si come a cel mistier,
Ce morceau suffit complètement à montrer quel est l'historien que
notre poète anonyme a suivi dès Pinstant où Baudri lui faisait défaut.
Cet historien est Fouchier de Chartres: non pas immédiatement toutefois.
188 II y a quasi milliariis (ou milliaribus) quinque dans Fouchier et les récits qui
m dépendent.
P, MEYEU
Fouchier de Chartres, sans parler des emprunts considérables qui lui ont
été faits par Orderic Vital, Guillaume de Tyr ei d'autres, a fourni presque
exclusivement la matière de deux chroniques de la Terre-Sainte : les Gesta
Francorum ihemsaîem expugnantiam^ d'un certain Barlholf, « Bartholfus,
peregrinus de Nangeio », selon Banh ', eil'H/sfori^ Hierosolymiianafaimi'
buée par le même Barth à Lisiari de Tours ^ C'est incontestablement
du premier de ces deux ouvrages que se rapproche le plus notre poème,
comme le lecteur en pourra juger dans un instant. Toutefois, il y a une
difficulté : les Gesta Francorum ihernsalem expugnanîium, composés, paraît-
il, d'après la première rédaction de Fouchier de Chartres, ne dépassent
pas Tannée 1 106, et notre poème pousse l'histoire d'après des sources
latines jusqu'à la prise de Tyr, en 1 124, sans parler d'un récit emprunié
à la tradition orale, dont il sera question plus loin* Sans doute, on peut
se tirer de cette difficulté en supposant que notre poète aura fait usage à
partir de 1 1 06, soit du texte même de Fouchier de Chartres, soit de i*abrégé
mentionné plus haut qui poae le titre de Hismia Hlerosolymîtana, Mais
cette supposition n'est guère admissible. Outre que ni Fouchierni VHisîO'
fia ne rendent pas très-bien compte de toutes les particularités du
poème, il serait assez peu vraisemblable que Tîmitateur français n'eût fait
usage de l'un ou de l'autre de ces deux textes qu'au défaut des Gtsîa
Francorum expugnanîmm Iherusakm. Pourquoi n'y a-t-il pas eu recours
tout d'abord, dès le moment où Baudri lui manquait P J'aime mieux
supposer qu'il a eu sous les yeux un abrégé de Fouchier semblable aux
Gesta^ mais conduisant Thisloire jusqu'en 1 124, ou pour exprimer autre-
ment la même idée, une édition des Gesîa continuée jusqu'en 1 124.
Voici maintenant le texte latin des Gesîa Francorum îherasatem expu-
gnantium correspondant aux 200 vers qui précèdent; les numéros des
vers placés entre parenthèses faciliteront la comparaison :
{Histor. occid, des crois. ^ IIl, çi8.)
Ubi (in castris) nocte îlla pausantes, crastina die Ihemsaîem cum gaudio
reversi sunt ; et de pra^da quam Dei dono ceperanl oblationes ad sepulcrum
Domini gloriosum, cum gratiarum actione et munera mulla oblulenint (4). Dc-
hinc flumen Jordanis adeuntes, et palmas ex more de Iherico asportantes
(10), quidam recedere, quidam rcmanere Hierosolymis in pcrpeiuum vove-
runt. Remansit ergodux Godefridus, ut pra^dtctum est, sublimatus in regem; et
retinuit secum Tancredum quem pradiccit ducem mïlitiae sux (z))*; et quam-
1, Bongars, Gcsta Dû pcr Francos, p, 561 ss,; Historiens occidtntaux des croi^
sûdes, m, 491 ss,; c[. ta préface de ce volume, p. xxxvi, et Sybel, Geschichu d^
erstcn Kreaziugs^ p. 55.
2. Bongars^ p, ^94 ss.; Hist, outd, da croisades^ 111^ ^9 ss.; cf. la préface,
p. xxxvii, et Sybel, p. s6,
}. Cet mots ifum fr^iciî àucm miUtitt sué, sont imdus dans la trad.fr. (2t) R«ï
ne peut les avoir empruntés à Fouchier, où lU ne $oni pas.
RÉCIT Ql LA PREMIÈRE CROISADE 47
plur» aJit, um clerici quam laicï, tune ibidem remanseruni, Robertus vero^
œmcs NormannÎJe, el Robertus cornes Flandriae recedcnles (15), navigio Con$^
ttotmopolim se conttikrunt ; deinde per Apuliam ad p^itnam reversi sunt. Ceten
quaque multi, Um de summis quam de minimis, quibus pUcuit patrias sedes
«visere, quidam pusillanimes et paupertate despcrantes, quidam vcro divites et
spolib hostîum locupletati, Deo gratias agentes discesserunt.
Cap, XL\
Post haec Boamundus Antiochenus (29) et Balduinus Rothasiensîs^ audientes
dvîtatcm îhcrusalem a noslris cxpugnatam et Christian^ professioni subactam,
Duntris ad se mvicem mtssis proposuerunt Iherusalem ad orationes venire. Mense
igitur no?embri,dispositis quisque rébus suis et firmiter munitis, iter arrrpicntes
convtncnini Laodiciam (jS)a. Erat quipp€ ibi Daimbertus, Pisanus episcopus,
iBultique alii Pisani et Ravennenses, qui portui Laodicioe applicuerant, et oppe^
riebantur donec mare tranquillum esset (46), ut Hierosotymam navigarent. Qui,
cum Boamundum et Balduinum per terram profisci novissent, vecluris adquisilis
Daimbertus episcopus^ cum quibusdam nautis sibi adhxrentibus, ilHs conjuncti
sunt, Erantque simul aestimati fere viginlï quinquc millia (^5), tam equitum
quam peditum. Et cum fines Sarracenorum ingrederenlur, xslimantes victus
venâlia ibi reppcrire, nichil prorsus invenerunt qui cis venderel aut daret, prae-
tcr Tripolîtanos et Catsarienses r 59-60); sed eos summo odio habebant, utpote
gealtin quae ad eorum destructionem terram ingressi erant, Unde famé et înopla,
algore et inedia scpe coniigit eos laborare; hiems enim erat. Patienter tamcn
(MBitia pro Christ i nomine susttnentes, tandem venerunt Iherusaîem; adoratoque
Oomino, et sépulcre e)us orationîbus et ceremoniis venerato, cum ingenti gaudio
Nitivîtatteni Christi celebraturi Bethléem veniont; et noctem dominica? Navîti-
tts pervigilem duxerunt (74). Deinde [herusalem regressî, cum rege Godf-
frido et clero et populo in temple Salomonis congregati, die quadam de statu
regni et cccîesta? Hierosolyraitana? tractantes, Dainibertum illum Pisanum,
annnentc Boemundo^ in patrîarcham elegerunt, et ccclesiae Stpulchri^ Emulfo
\%j\) deposito, custodem pr^efecerunt» astruentes illum Daimbcrtum exccderc, el
loti regno magnoperc profuturum, tum quia doctus et litteris apprirae eruditus
eiset, lum quia praeesse et prodesse domi cl ecclesiae jam didicisset. Eral cl
aliud que cum magis rctinuerunt : Pîsanos enim et Januenses, cum quibus ipse
Daimbertus vcnerat, m sua quasi potestate habebat, ut quicquid ipse vellet, ipsi
veilent el fâcerent iSyK Ideoquc necessarium et valdc opporlunum rcipublicac
su* duxerunt si lalem virum haberent cujus industria et sollertia civitates super
mare sitas navigio caperent\ itaquc, eo patriarcha formate, jumentis resarci-
I. Cest à ce point que commence Tabrégè de Fouchier donc la seconde partie nouj est
Hute parvenue, celui qui est attribuée Lisian de Tours, ouvrage écrit d'un style préicn-
lieux et 1 m poule, plein de développements oratoires dont II n'y a p^is trace dans le poème.
i. Datu Fouchier de Chartres [Histor. occid,^ 111, p« 36^), il est spécifié que Baudouin
rcQcontra Boémond auprès de Belmas : a cumque Gibellum tranâisscmus^ Boamundum
*• in tentoriis suis hospit^tum ante oppidum quoddam VaUnium nominamm assccuii
» tumus. «Cette mention, qui est reproduite dans la rédaction de Lisiart, manque dans celle
de Sirtholf, et conséqucmment dans le poème.
}. la motifs que fait valoir ici Bartholf en faveur du choix de Daimbcrt (motifs que
U poèint reproduit en substance» v. 8« et suiv*) ne sont point empruntés à Fouchier qui
ràcoDte inddemrnent Télection ainsi qu*il suit ; u Cum autem el nos et jumenta nosira
48 p. MEYEa
tsatiSf et stipendiis peropportune munitis^ambo dtices, Boamundus et BalduinuSi
non codera itinere quo vénérant, metuebant enîm insidias (94)*, sed juxta mare
Galileœ, per Tyberiadem et Nazareth, ubi nuntiatus est Chrislus, et per Caesa*
ream Philîppi, qu^ ad radices Liban! montis sita est, et per castnim quod Bal-
bach* (99^) nomioatur^ ubî etiam aTurcis qui habitabant Damasci iosîdiatî sunt,
sed nichil,Dei gratia, laesi, in Syria? fines pervenerunt. Ubï crgo Syriam ingressr
sunt, divisis exercitibus, Boamundus Ântiochiam, Baldumus vero Edessam, cîvi*
tatem sûam petiît (lO}).
Cap. XLL
Elapso itaque temporel dum Boamundu$ Antîochise omni prosperîtate périme-
retur, omnesque affines sucs aut vi, aut obsequenti amore sibi subjugare mie*
rctur^, conligilmense julio(io6)GabnheJeni quemdam Armenum ad eum venirej
ut se et civilatcm suam, Melitimam vocatam^ e» Iraderet atque dilioni e|us sub-
jugarct. Ad quam susdpicndam dum Boamundus cum paucis, oichil obiter
limens, proficisccretur, circumvenlus insidiis cu|usdam admiraldi Ttircorura^
Damsmanis nomine (115), imprudenter, non longe a praefaia urbe captus et
detentos est. Civitalem vero Melilimam, ob idem quia Boaniuodum intus recipere
volebant, obsidîone claudunt; ubi dum sederent, divulgatum est ab iltis qui de
captione urbis evaserant, et Batduino Edess» intimalum , quia Boamundus^
dominus et amicus ejus, in vincuHs teneretur. Ab ipso quoque Boaoïundo clam
per quemdam Arcnenum Balduino nuntiatum est, cincinno capitis sui absciso
( [ 2S), ut hoc inierstgno ei subveniret. Congregatis ergo Balduinus suis cum
Anliochenis ad eum succurrendum properabal. Quo audito, Danismanis obsi-
dione pr2t:termissa recessit, et abiit in regionem suam (1^9). Verebatur enim
cum Francis confligere nec ulterius eos ibi ausus est expectare. Balduinus
lamen, itinere dierum trium euro persequitur, sed nichil proficit {142). Rediens
autem de persecutlone, civîtatem prxdictam sibt subjecit, et facti sunt amici
ipse et GâbriheL
Cap. XUL
Et factum est mense Augusto, postquam Balduinus Edessam rediit, nuntius
ei festinus de Iherusaiem occurit^ qui nuntiavit et obitum fratris sui Godefridi
et regnum sibi haereditario jure ab eodem tratro dimissum (1^1 ). ÛbiJt enim dux
Godefridus post urbe m cap ta m Iherusaiem secundo an no, quinto decimo kalen-
das Augusti; qui dum viveret, non dux vel rex, sed servus et prolector patriae
exstitit. Quod postquam Balduinus audivit% indilate terram ilîam quam posside-
n quiète necessana altquantisper vegetatî essemus, et patriarcham io ecdesla sancti
» SepuICTi lam Dux quam céleri optimales praffecuscnt, ac\iic« dornnum Daiberlum supc-
» rius memorâtum, redintegnto stipendio et iumentls nostris oneratis... d (p, 366 e),
Lisiart (p. no c^) reproduit en substance les paroles de Fouchter.
I. Les motj «i metuebant enim iniidias, 1» rendus dam le poème v. 94. 6, manquent i
Fotichier et à Listart.
1. Batidac dans le poème, maïs une variante du tcite latin donne BaUach,
). U y a simplement dans Fouchier, p. ]68 c : 0 Doamundus igitur Amio<:hiam pri-
I» mitus advenit, ubi a suis gaudenter est susceptus. Detnceps regnum suum per itx men^
» sesobtinuit ». (t'équivalent dans Lisiart, p* îjOt « R"* w saurait rendre compte des
vers 104-6.
4. &arthQlflai$se décote ta remarque [udicieuse de Fouchier (dont la substance est repro-
duite par Lisiart p. ai f): « dolens aliquantulum de fratris morte, sed plus gaudens
de hereditate, n p. n9 ^^ ^ poète suppose chariublement (v. 1^7) que Baudouin
fut o moU dcsconfortè. 1»
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 4^
bit Batdamo cttidnm cognato suo collocans (159), Hicrosolymam petiil, assump*
iti sttrani ducentis fere militibus et septingentis pcdiiibus; iterque arripiens pcr
Antiochiam et Laodiciam et Gibellum, Eracleam cl Tortosam civitates, Tripo*
iïm Tisque pervcnrt (170); ibique ante urbem hospitatos, a rege Tripolitaao est
boRorifice susceptus (eranl enim adinvicem amici rex Tripolitanus et Balduinus),
ftnt quoquc cl vino, nccnon eisilveslri melle (174) muneri busqué donatus, inli-
outum est ei ab eodem, quod Ducach rex Damascenorum, et Gynahadoles admî-
raldas quidam, cummultitudineTurcoruni et Sarracenorum Arabumque er obîter
msidiarcntur (181)- Quare cavendum eral ne ex improviso ab eis cjrcumveni-
reottir. Quo audîtOy Balduinus hilari vultu animoque constant! respondit se
ncminem timere praeier Deum, dum lot et taies socios itineris haberet quot qua-
ksque siios extstimabat, profectusque inde venit Birîttium (186).
Cap. XUH.
Non enim longe ab urbe Biritho, sed quasi milHanbus quinque, secus mare
trames anguslissimus et inevitabilis eral (190), quem Balduinus non ignoran5|
utpote qui jam per illum transterat^ crastlna aurora illucescente^ suos fecit
armarj atque armatos încederej donec ad illum venirent tocum, prsemitlens specu*
latores qui praeviderent si quae insidiie laterent (197). El cum pervenissenl ad
loojm pracfcriptum, patuerunt însidiae, et viderunl Turcos hac jllacque cursi-
tiotes eosquc circumvenire praeparanles. Quod Gum cognovissent, conlestim
Baldnino, qui post acîes venicbat, per quemdam eorum rnnotuerunt (100). Qui,
cum audiret hostes adesse, mox suos diligenter affatus, et in Christo roboratos^
alque more soliio cohorlatos, per acies cl cohortes divises^ ad bellum corope-
tenter ordinales eduxit (204)^
Le lecteur doit être maintenant convaincu que le poète a suivi, non
point Fouchier ni son abréviaieur Lisiart, mais la rédaction de Bartholf,
Je vais présentement transcrire un court passage où sont racontés les
é\*én€nients des années 1 1 lô à r i t8, d*uiie époque par conséquent pour
laquelle la rédaction de Banholf nous fait défaut. Les remarques qui sui*
vent ont pour objet de montrer que si au fond le récit du poète repro -
duil en substance celui de Fouchier, il y a cependant entre l'un et Pamre
des différences qui rendent peu vraisemblable Thypothèse d'une dériva-
tion immédiate. Lisiart ne paraissant pas non plus être la source directe
dtt poème, on est forcément conduit à Thypothèse indiquée plus haut
ip. 45) : celle d^une rédaction de Bartholf conduisant l^hisioire jusqu'au
poiîit où s'arrête Fouchier.
D*iloec vint en Helym, une cité sacrée
Que li filz Israël ont faille] et conipassé[eJ,
Quant orent la mer rouge tote a sec trespassé[e] ;
El û [l'Jont îssi gasle de trestout bien tf0vé[e]
5 Qe de nul[ej viande n'[il ont trové denrée,
Qar la genl de la ville l'en orent lot* ostée
Qï l'en fu por le rei outre la mer passée.
Puis vint a Montréal, ove lot s'assemblée:
(/. 93)
50 P* MEYER
D'iloec en Jhrlm par sa dreit[ej jornée,
10 U il [ot] un[e] chose, beaus seignors, amendée
Dont sa aime fiist a estros, s'il la tenist, dampnée,
De sa femme q'il ot lealment esposée
Q^il ot por la contesse de Sezile lessée,
Mais puis la r'a ove sei lealment accordée,
i3 Et guerpi la contesse q'il aveit molt amée.
Puis s*a fait un chastel en meins d'une jornée
De la cité de Surs qi molt en est serrée :
Scandalion Tapelent, molt i ad fort alée ;
Puis Ta molt bien guarniz de meisn[ije adurée.
ao Desci q[ue] en Egypte ad sa veie atomée,
U il ad Pharamise [et] pris[e] et désertée
Qi esteit sor la Nyle, de toz biens asazée.
Peisons i ot, seignors, greignors d'un dorée :
One nul[e] viande ne fu plus savourée;
i5 De ces mangea li reis a sa fort destinée,
Car sa anciene plaie s'en est [donc] recrevée
C'onc ne poet garir par aïe de mirée ;
Il li ont fet encore, onc melior ne fist fée.
Puis vindrent jesq'a la par petit[el jornée :
3o Illuec morut li reis, s'aime seit coronée !
Puis li ont trait del ventre, la boel' et la corée,
Et l'ont bien(e) netié[e] et de bon vin lavée.
En un cofre le mystrent quant il l'orent salée.
Et ont en Jhrl'm le corpstaportée.
33 Moltl'i a Dampnedeus bêle chose monstrée
Dont trestot[e] sa gent fu molt esleecée, (b)
Car le jor des Palmes, une feste honurée,
Vint en monte Olivete ou ja estoit montée
La processions seinte de la gent ordenée.
40 Ha Deusl corne hautement l'aveient purchantée,
Et come la avoient grant joie démenée I
Mais quant il ont veû la ber[e] encortinée,
Si corurent la tuit, si l'ont desvolupée ;
Quant la gent le vit, por poi n'en est desvée;
45 Lors fil tote lor joye en dolor trestomée.
5. Il est dit seulement dans Fouchier (p. 432 a) et dans Lisiart (p. 573 p)
que la ville avait été évacuée par ses habitants.
9. Ici dans Fouchier (et abrésé dans Lisiart) un Ions développement sur la
couleur de la mer Rouge et sur Tes fleuves du Paradis (T. II, ch. lyii et lvui).
16-iQ. Fouchier (1. Il, ch. lxii, Lisiart^ p. 574 h). Avant d'en arriver âla ion»
dation de ce château, Fouchier et Lisiart racontent divers événements dont notre
poème ne dit rien.
21 et suiv. Fouchier (1. II, ch. lxiv; Lisiart, p. 57$ d). Les détails sur les
poissons donnés aux vers 23 et 24 manquent dans Fouchier comme dans Lisiart.
1 1 Corr, D. s'a. a e. f. ^ 28 oncore n*a pas de sens; corr. onguent, ou entrait? Les
textes latins ne sont d'aucun secours — 29 Corr. P. v. a Laris? cf. Fouchier p. 436 d. —
34 Corr. Et en Ihenisalem ont la char (?) a. — 37 Corr. Rampalmes?
RÉGÎT DE LA PREMIÈRE CROISADE Ç I
J*ai copié, et on trouvera ci-après, les deux cents derniers vers du
poème, tel qu'il est contenu dans le ms. de Spalding* Je dois avouer que
ces vers présenieni des difficultés dont je n'ai pas trouvé la solution. De
ces iQo wers les ç j premiers se rapporlenl à la prise de Tyr par les
Chrétiens. On voit d'abord Baudouin ^sans doute le deuxième roi de ce
nom] faire enterrer un certain Bralier, nom que je n'ai jamais rencontré
dans Thistoire des croisades. Puis le même Baudouin se montre aux
bbilants de Tyr, qui paraissent fort surpris de le voir, et non sans
cause^ car au moment du siège et même de la prise de Tyr (i 124), le
roi de lérusalem était prisonnier des Sarrazins'. Désespérant de pouvoir
défendre la ville, les Turcs obtiennent du roi la permission d'envoyer
demander du secours à BaUî, leur seigneur : si dans huit jours ils ne
sont pas secourus, ils se rendront. Baîet, après avoir pris l'avis de ses
conseillers» leur fait dire de ne pas compter sur lui. Ils se rendent donc
au roi qui leur permet de quitter la ville en paix. Ainsi fut prise Tyr,
dii le poète, le cinq février.
On peut dire que dans ce récit, la fable^ ou peut-être l'invention, tient
plus de place que la vérité. Le rôle qu'on fait jouer à Balet est d'autant
plus impossible que ce personnage^ Témir Balac ibn Berhami^ celui qui
tint Baudouin II en sa prison (cf. v. 189), mourut pendant le siège de
Tyr, tué dans un combat contre Joscelin*. C'est du sultan de Damas que
les assiégés purent un instant espérer du secours?. Enfin la ville se rendit
non le 5 février, mais le 7 juillet 1 124, selon Fouchier de Chartres^, le
19 juin de la même année selon Guillaume de Tyr L
Après avoir narré à sa façon la prise de Tyr, notre poète s*interrompt
(d-après v. 56 et suiv.) pour nous dire que l'histoire d'après laquelle il
a composé son poème s'arrête là, et que malgré toutes les recherches
qull a fait faire en France, il n'a rien pu trouver de plus. Autrement il
eût poursuivi le récit jusqu*à Foulque d'Anjou (1131). Comme compen-
sation il nous raconte, d'après un rapport oral qui lui avait été fait
andennement par un pèlerin revenant d*outre-mer, un épisode qu'il
place immédiatement ou peu après la prise de Tyr. C'est le récit de la
mon de Térair Balac, récit qui diffère de ceux que nous ont laissés Fou-
chier de Chartres et Guillaume de Tyr quant aux circonstances, quant au
temps et quant aux acteurs, c'est-à-dîre sur tous les points. Le témoi-
gnage de Fouchier de Chartres, écrivain contemporain et en rapport
I, It fut délivré deux mois après la reddition de Tyr: voy. Guillaume de Tyr,
L Xïlî, ch. XV, Hiiior, occid,^ J, 576,
1. Voy. Fouchier de Chartres, H«f or. ocaJ.f 111, 46^0.
|, Voy. Fouchier de Chartres, L L p, 46 5D, et Guill. de Tyr, p, 575*
4. L, L, p. 461.
5. L. /., p. 576.
52 p. MEYER
constant avec des témoins oculaires, ne laisse rien subsister du conte de
notre romancier.
Seignors, quant Baudolns et enterré Braher, (/. 104 a)
De devant le sépulcre, al porte del mostier,
Si est aie en Test, ove lui cent chevalier.
Quant li baron le virent, si Tont aie beiser,
5 Tel joie li font tout ne la siet espreisier ;
Puis est venu as Turs sa venu[ej mostrer.
Quant li cuvert le virent tout durent enrager :
De la ville tenir, ço dient, n'ont myster;
Il ont' parlé au rei q*il lor leist enveier
10 Por Balet lor seignor q'il lor vengeaidier.
Sinon prenge la ville et lor face afier
Qu'il s'en puissent aler sauf et sein et entier,
Mais seit desq'a uit jors, n'en volent plus esloigner.
Mais al duc de Venice ont un poi enuier
i5 Qui aveit sez engins, sis feseit lancier
A la tour et as paiens que voIei(en)t trébucher.
Puis ont pris li paien un isnel messagier
Q^est aie a Balet por lour busoin noncier.
[Et] quant Balet Toï, cui Diex doint encombrer !
20 Si Le]n a apelé Alebron e Noquier (?)
E dous autres paiens qi rav[e]ient niolt cher ;
Si lor ad dit : « Seignors, que volez conseiller? »
Il li ount respondu : « Par Mahom(et), le lessier,
» Car si erïon pris par ascun encombrer,
25 » U nos fusson vencu, q'avindreit de legier,
» Car sur trcstote gent sont li cristîcn fier,
» U trovereient mes Sarazin recovrier?
» Mais mande[z] lor, biau sire, par vostre latinîer
» Que vos estez malade, ne pœz chevaucher,
3o » Ffacent ceo q'il porront, n'i ad rien de Taidier. »
Le jor sont cil meû, qi volent espleitier ;
En treis jors sont a Sur, tant sont bon [de r]errer.
As paiens ont conté lesson a lour princier,
Puis sont venu al rei desur le chastaignier,
35 Et li ont dit : f Biau sire, ceo ne puet nuls veer,
» Tant est ceste ville forz, et nos tant bon guerrier
1 Q[assez puisson [nous] tant longuement travaillier,
1 Et lor socors atendre un an [tresjtout plener ;
1 Mais paiens ad çaehz qi lor font grant danger,
40 • Et honissent nos femmes, que nos deit envoier;
» Por ço pren la cité, et vous frai envoier
• Desa [jus]q'a Damas ou sont li bel vergier. »
Durement en ont fait le rei esleescer,
14 ont, corr. dut? — jj lesson, corr. le sens — 34 de sur, corr, desouz — 39 lor,
corr, nous. — 40 enuoier, corr, enuier
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE
Puis fil] a fait en l'ost maintenant denoncicr
45 Q^il n'i ait tant hardy por la teste trenchcr
Qi ost turc ne païen ne sarrazin toucher,
Car Sur li ont rendu sanz nul autre loer.
Molt en firent grant joye sergeani et esquier,
Si orent tout li autre, qi oïst aficber
3o Ne rcmeindreit païen des ci q'a la rouge mer
U Alixandre fu pur la terre cerchier-
Issi fu prise Sur, ci ne jorz [de)den2 février»
Si fust de Cristïens, mentir ne vos en quier,
Ne la preisent Turc desq'al jor de jtigier,
55 Car la mer la dot tout ne mais q[uej un sentier.
Mais ceo fîst Dampnedieu por sa IëÎ essaucier.
Cl vos fcnîst Testoire : je n'en puis plus trovcr,
Et si Taî molt par France fait querre et demander,
Car desque al rei Focun la fcîsse durer
60 Qi fu sire d* Anjou, onques ne fu tjel ber
Por sa gent maintenir ne por terre garder.
Ore larron de ço, si voldron d*el parler,
Come Bal et redut puis Baudoin encombrer ;
Nel cunt pas por estoire, jo Toi por voir conter
65 A celui qi en cel an aveit passé la mer,
Et ceo fu lune tens a, mais bien m'en puet {re)raeiiibrcr.
Molt fu iriez Balel, nuls nel poet conforter^
Del rei et de sa vile q'il ne poet garder;
Si venger ne se poet estovera s'en desver.
70 Li pautoner fu sages pur sez ovres mener,
El fu aventures pur Franceis enganer :
H prist quatre paiens, sis prist a tapiner,
Vesti lez come hermines por els défigurer,
Por espier le ni q'il voudrent afîoter.
75 En la terre des Francs vindrent por habiter.
Un jor dist Baudoin q*il s'trreit déporter
Desques vers Bclinas, et le quîda celer,
Por veer de la ville s'il la porreil cmbler.
Ne sont qe quatre vinz, mes tôt sont bachîler,
80 Q[ue] il ameine od sei, et touz les fist armer;
Bien Tôt seu un des quatre qi Tôt dit a Fesclcr,
Balet Tengigncour qi molt l'out mal penser.
Il pnst Ireis mil[e| Tur^ qar molt se volt haster,
En un val s*enbuscha u se fist bien celer.
S5 Li reis y est venuz e[ijnz terme de disner.
Quant il vit lez paiens fait Tout désespérer:
Ne fu mie merveille, qar quis vousist conter,
A un fussent bien trent, sanz parole fauscr.
Lî reis ad bien vieù nienz est det retorner ;
Sî
71 Ccrr, hermûes, ou s' agit- U d^Àrmlniens i
54 P- MEYER
90 Ses compaignons apele, sis prist a sermoner :
« Seignors hui est le jor ou nos devons amer (?)
1 Ou morir nos estoet por noz aimes sauver.
» Dex por qei morron [nos] nos face repos(e) aver
» El sein seint Abrham u fait bon converser I (d)
95 » Jeo morrai toz premers por la vei[e] mostrer. •
N'en i ot un sol [cui] molt ne feîst plorer,
Quant il Toîrent si durement dementer,
Ne fust Gofreiz li maignes qi fu né de Valder^
Qui dist as compaignons por sen covient errer :
100 f Si nos nos combatons toz nos estoet finer,
I Mais oiez un conseil que jeo vous voil loer,
» Por quei nos purron toz, ceo m'est vis, eschaper.
» Jo conois bien Balez, q'il nos voudra grever :
» Jo rirai ja ferir, ne m'en voil plus targier ;
io5 t Et si jel abatre puis, oscire ou naffrer,
» Fferez vos après mei, nos chaut a coarder :
» Ja en verras fuïr, pensez de Tescrier. •
Assez ri ont prié q'il lessie ceo ester,
Mais onques trestoz eux ne l'en porent torner.
110 II broche le destrer, si laisse ester l'ambler
Et se ferî entr'els, Deus penst del retomer !
Et vint desq'a Balet qil fait baler (sic).
Al braoun de la quise si fist son brac coler.
II est chaûz a terre, qi q'en penst de lever
1 1 5 Quant li paien le virent tost lez a fait trembler.
Al fuïr se sont pris quant le virent verser.
Bien eschapast Gofreiz, qui q'en d[e]ù[s]t peser,
Ne fust li mes Balet, q'il fait sor li torner
Plus de dous cenz [paiens] qi l'unt fait dévier.
120 Trestout le detrench[er]ent, ne remyst pece a pier (sic);
Puis sivirent lez autres, si s'en vont agrever ;
Et Franceis lez enchaucent qi ent font tant versier
Ja la meitié ne porront oscire ne tuer.
Quant danz Gofreiz [li maignes] ot Balet abato,
125 Durement se sont tôt li paien esperdu :
Al fuïr se sont pris li juefne et li chanu,
Mais ainz ont detrenché Gofrey qi [tant] mar fii.
Et (li) Franceis les enchaucent tôt a col estendu,
N'ateignent Sarazin n'aient a mort féru. -
x3o Dous molt grosses liues l'ont [ilj issi seû,
[Et] puis s'en retornerent, qar molt sont recr[e]ù
Des paiens detrencher dont trop i a eu.
Puis vindrent as herberges ou ont la nuit jeu.
Et ont Go(de)frei li maigne en un grant quir cosu
98 Corr. Val der? — 99 Sic. — loj Corr. jel p. a. — 106 nos /tourne vous, comme
en provençal nous? — i2j Corr. porrcnt.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 55
i35 Desques vint Tendemein que li jors a paru,
Q^il ont cerchié le val, n'i out Turc remansu.
Molt en est a Balet forment mesavenu,
Car quant a Tenchaucier ont li Franc entendu
Si s'enbuscha Balez en un bnissun ramu,
140 Car Go{de)freiz ne Tout pas por ver a mort féru.
Une esquiers Go(de)frei, si com(e) Deus l'ad volu, (/. 10$)
Est venuz al busson, si ad Balet veû ;
11 li ad demandé : < Di mei tost, qui es tu? t
Balez parla franceis, si li ad respondu :
14^ « Seneschal sui Balez qi vous avez vencu,
» Naffrez sui en la quise od un grant glaive agu^
» Ne me puis(se) remuer, tant ay del sanc perdu ;
» Mes si tu mei celeiez, fei que dei Belzebu,
» Riche gent i serreient et ti parent et tu. »
i3o Quant li esquiers vint al boisonet ramu
Por serchier que paien ne s'i fussent musse,
Il a Balet veû qi il a demandé
S'est amirailz ou non, di[e] la vérité.
Il li ad respondu : c N'ay pas haut parenté;
x55 • Seneschal sui Balez, molt ai ove li esté;
1 Jo lui ay molt servi et il m'ad molt doné :
» Or(e) et argent en ay, q'en tote paenité (sic)
» N'a plus riche d'aveir, tant ait rentLe] ne fié,
» Si n'est amirails riches ou de grant seignorié :
160 » Sachez, si tu celeiez ne m'eûsez trové,
» Tant te dorroie aveir et riche or(e) esmeré,
• Touz jors seras manant a trestot ton eé.
• Car si tu me ore oscis ceo sera tost alé^
• Et t'en repentiras si tu as poverté.
i65 1 Et se tu m'en mescreiz auras en seûrté :
• Je m'en irray 0 tei si or(e) te vient a gré ;
I Et si n'as enz uit jors que t'ai couvenancé,
» Si tu m'osciz, ydonc ce ert por ma fauseté. »
L'esquier l'esgarda, si l'ad bien avisé,
170 Et [si] conut bien que sis sires l'ot naffré :
Ceo fu Go(de)frei li maignes que H Turc ont tué.
S'il vesquist auques [plus] il l'eûst adubé ;
II li ad dit : f Dan Turc, del non m'avez fausé;
• Vos avez non Balez, jol say de vérité :
175 » Toz jors avez grevé nostre cristïenté,
» Et feîssiez uncore, mais tout vos iert outré. »
Puis ad traite l'espie q'il aveit al costé,
Le chief li ad trenché at cuvert mesalé ;
Puis li a dit paroles et Ta molt ramponé :
180 f Vos remaindrez ici, vostre aime auront malfé,
__ — , — _ ._
145 qi, corr, oui; de mime v. 1 52. — 1 50 ramu, corr, ramé.
56 p. MEYER
» Molt VOS ad Mahomet malement soudeé. »
Puis.s'aisist maintenant le chief ensanglanté,
Et est venu al rei, si li ad présenté,
Et li ad tout issi come il [otj fait conté.
i85 Quant li reis r[ot] 01 forment Ten ad pesé,
Q[uejil ne li aveit [tres]tot vif amené;
Et por un sol petit [que] ne Tad afolé;
Car s'il le tenist vif, mal li fust encontre :
Bien li gueredonast ceo q'il aveit pené,
190 U il se reensist Chartape la cité.
Cl fenist de Balet, poi en avon parlé,
Ore fineron Testoire que tote est de ver(i)té,
Dont sont trestout li mot en roroanz trestorné
Por ceo que mieuz l'entendent cil qi ne sont lettré.
195 E sachez bien de veir molt par sont bien rimé;
Mais cil qi ceo ad fait a si son non 'celé,
Ja en tote Testoire ne Torez point nomé.
Mais il prie a touz qe priez Dampnedé,
E la vierge Marie k'en son cors Ta porté,
200 Si n'out al conceyver ne meis un mot : « ave •,
Qe se [i]l i a rien de part sei ajosté,
Qe trestoz ses pecchiez li seient pardoné.
Amen.
Ci finist le siège d'Antioche ovesque le conqueste de Jérusalem de Godefrei de
Boilion.
Il resterait une dernière question à examiner : celle de savoir si la
continuation que nous offre le seul ms. de Spalding est du même auteur
(quel qu'il soit) que le récit qui s'arrête avec Baudri. J'ai dit plus haut
(p. 6) qu'on en pouvait douter. Mais je me garde de rien affirmer. Pour
être en état de proposer une solution autorisée à cette question, il fau-
drait avoir étudié dans leur entier les deux parties du poème, ce que je
n'ai point fait. Je me borne à dire que je n'ai rien vu qui s'opposât à ce
que les deux parties fussent du même auteur.
APPENDICE.
I. — MANUSCRIT d'oxford.
Voici le commencement et la fin du morceau ^emprunté à la chanson
de Jérusalem qui a été signalée ci-dessus, p. 41. Il occupe les pages
373 à 392 du ms. d'Oxford. Je m'abstiens de toute correction, me
bornant à donner en note le début du même morceau d'après le ms.,
B. N. fr. 795, fol. 165':
1. Ms. 795 : Or s'en vait Corbarâns tous les plains de Surie
S'emporte Brohadas fil Soldan ae Persie.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 57
Ore s'en fuit Corbcrans tuz les plains de Surie, (p. 373)
Sei tierce s'en vait fuiant del règne de Nubie,
Sin porte Moadas, filz Soudan de Persie ;
En i|estor Tavoit mort li coens de Normandie
5 Très devant Antioche a l'espée forbie.
En un grant cuir de cerf sur un mul de Hungrie
Le trosserent li roi, n'en i laissierent mie.
Par la neire montaigne ont lur veie acoillie,
Et costoient Robais, que n'i aprochent mie,
To Et passent Eufrate sanz nef et sanz navie.
Seignors, ce est une eau qui Jhesus bénie.
Qui de parais vient et surt et naist et crie :
Dont Damedeus geta Adam par sa folie.
Et quant il furent ultre en la grant praerie,
1 5 Descendu ont Tenfant desur Terbe flurie.
Et Deus comm le regrete li forz rois de Nubie!
Corberant d'Olifeme le plore et brait et crie ;
• Damisels debonaire, tant mar fud vostre vie!
• Que fra vostre mère, la gentilz, Tescavie?
20 » Quant ele le saura, nel portera la vie.
1 Li rois Soudan tis père qui nos ad en baillie
» Nos fra trestuz pendre por son filz qu'il n'a mie. »
Desur le cors se pasme, ne s'en poet tenir mie ;
Quant vint de pameisons ne poet muer n'en die
25 Mahom et Tervagant ne lur sorcerie,
Certes, ne valent mie une pome porrie;
Mult est malveis li deus qui ses homes oblie.
Por un sul petitet n'ont lur foi relenquie.
Ore furent li troi roi descendu enz el pré,
3o Desur l'eve de Eufrate, si com j'ai conté,
Une eve benoite qui Jhesus a sacré,
Et plorent lur seignor et plaint et regreté,
Son senz et sa proesce et sa grant largeté.
Desur un dromedarie ont lor seignor trossé ,
35 Ignelement s'en vont et si ont tant erré
Qu'il ont tant esploitié et tant esporuné
Qu'il le Pont d'argent ont a lur mois passé, (V)
Li bons du$ de Buillon a la chiere hardie
L'avoit mort en bataille a l'espée fourbie,
Très devant Antioche, enmi le prée {corr. praerie) ;
Ens en-.j. cuir de cerf sor un mul de Hongrie
L'orent torse li roi, ne l'i laissierent mie.
Vers le noire montaicne ont lor voie accuellie,
Et chosirent (sic) Ronais, ne Taproismierent mie^
Et passèrent Eufrate sans nef et sans navie ;
Signor, çou est une eve que Diex a benele
37 Cela tCa pas de sens. Il y a dans 79$ :
Qu'ainçois .viij. iors entiers acompli et passé
Ymrent au Pont d'argent, si sont parmi oltré.
$8 p. MEYER
Tut droit a Sannacene, al seignnril citié;
Le riche soadan lur seignor i ont trové,
40 De tute Gorgosane ot ses Tares assemblé,
Por une riche feste qu'il ont célébré
Del baron saint Johan qu'il ont mult honoré.
Al servise qu'il funt est Corberant entré ;
La dedenz Sannacene, desuz un pin ramé,
4^ A descendu l'enfant, s'a son cors desarmé ;
Plus de vint .m. li sunt encontre aie
Por oîr les noveles qu'il ont tant désiré.
Devant le rôi Soudan ont Corberant mené,
Et quant Soudan le voit, si Tad araisoné :
3o « Por coi as, biaus amis, Corberant tant demoré?
» Avez me vos 0 vos Buiamond amené,
» Godefrei de Buillon et le baron Thancré,
• Robert de Normendie et Baudoin l'alosé,
• Et Thomas de la Ferre al gumfanon levé,
55 » Et dans Hugon le maine del riche parenté,
• Et le riche bamage de la crestienté,
» Les chaenes es cois de fer enchaené?
— Nennil veir^ biau duz sire, mal nus est encontre,
9 Car tuit somes vepcu et tut desbareté,
60 • Car cum li baron furent toz assemblé
» Très devant Antioche rengié et tut armé,
» Certes si tu i fusses a trestut tun barné,
» Et tut idl 0 toi qui onques furent né,
• Et li mort desuz terre fussent resusdté,
65 • N'en reûssent il mie suffert ne enduré,
» Anceis nos ont trestoz chasciez qu'aine n'i ot trestomé,
• Qu'a merveilluse paine en sûmes eschapé,
» Moadas vostre enfant en ai mort aporté :
• Voiez le la ou il gist desuz cel pin ramé. »
Fin (cf. 795 toi. 17s 0-
Mult fu grant la bataille, bien se sunt combatu (p. 391)
Li Turc et li Persant maint cop i ot féru,
Brisiées sunt lur lances, percié sunt li escu.
Et II plusur en sunt parmi le cors féru.
5 Nostre Franceis i sunt mult fièrement soutenu :
A set cenz Sarazins lors cheefs i ont tolu ;
Mult se sunt bien armé li jofhe et li chanu.
Et Arsulans s'en fuit^ qui mult i avoit perdu,
Od lui mil Sarazin, n'ont lance ne escu ;
10 II n'en i ot un sul qui del sanc n'ait perdu.
42 On iudt fersuaié au moyen Age que Us Sarrazins cilibraient la Saint-Jean, Ainsi
dans Aye d'Avignon, v. 2236-7 :
Ce fa a une feste Saint Jehan le baron
Qoe païen gardent miez assez que ne faison.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE
Et Soudan Toï dire, irrîcz et dolenz en fu.
Devant soi les manda, et cil i sunt venu.
Fièrement les araisone, onques n'i ot salu :
• Filz a putain, garçon, Sarazin mescreû,
1 5 t Mult m'avez hui honi et malement féru,
• Et mes deus parjurez^ Mahomet et Caha
• James ne mangerai, si serez confundu. »
Sun sencschal apelc, Pharaoun de Kcrnti :
f Pren moi tes traîtres, gardez que soient pendu :
20 » Mes triwes ont enfraîntes^ mult sunt irascu. «
Puis mande Corbcrant amistié et salu ^
Et de la trahison qu'il ne la Tôt ne n'i fu ;
Prest est qu'il s'en detTende a launce [et aj escu.
Ou portera juïse a charbon et a feu.
25 Corberant vini a la terre dont il nez fu,
Sa mère et sa maîsnée ïi sunt encontre alu (sic).
Mult fud grand la joie qui la démené fu,
El Ireslut por lur seignor qu'il quidoyent avoir perdu,
Mult furent noz crestiens a grant joie receù
3o Maint beau don lur fud doné et maint cheval kernu.
Mult fud grant la richesse que lur fu donée,
Corbarant lur livra la lere tretut habandonée;
A Richard dit : « Si vols croire volet en mun dé,
f Plus vos durai terre que n*ad un appencez.
33 — Sire, t dist Richard, t eyt merci de Dé :
» Ne guerpiroie ma loi por nul aveir massé,
• Ainz irom al sepulchre ou Jhesus fud posé. »
li s'entre baisent tuit par mult grant amistié,
Si s'en vont de la terre mult joius et lié,
40 Et mercierent mult Jhesu Crist quis ad si detivté,
Corberant lur bailla conduit a salveté
Jcsqu'en ierl'm o péril sunt tuît mené.
Jhesus soit gracié qui nus ad hors geté
De la prison as Turcs, et de grant chaitiveté.
45 Amen, amen, amen, par sainte charité I
(/'•îpi)
iP> m)
A la fin du ms. a été rattaché un feuillet de parchemin, qui forme
maintenant les pages 39 j et J94 du volume. Le v" contient un r6ïe de
redevances. Au r» a été écrit, dans la seconde moitié dy xm* siècle, le
morceau qui suit :
Devant Tincamaciun* nostre Seinur Ihesu Crist ert une cyté en Grèce qu'ert
apdè[e| Elide et le genz Elidienz, si cum de Rome Romain* Près de celé cyté
1$ Li coin iirpirieur de la page est déchiré, — 22 Corr. atec 79 J ■ qu*il nel sot ne ni
h, — Il Cette tirade matuftie dans 79 (, — |) Sic, corr. A, R. a d. Si vokx c en m,
à,, (tu Si vols croire a Mahom m. d. — jj cyt, carr. des.
1. If/, lin camadiui et de mime pbix bfis.
60 p. MEYER
iert un mons. E celé mont establirent Elegens une institucion de luter et de
cumbatre. E celé institucion apelerent olympiade pur le munt ki aveit a pon
Olympus. Olympiade est espace de .iiij. anz, kar quatre anz erint (sic) acompli
en une olympiade. E quant li quatre erent passé, tos jors au quint au ert cele
batalle ; e pur ceo nomerent olympiade cele terme. Cele olympiade, espace de
quatre anz, ert cicles e comencemens de tute[s] les choses dunt il voleint (sic)
aver certein memorie par le conte des anz, si cum nos par Tincarnacion. A qua-
rante e set de olympiade prist Nabugodonosor Iherusalem, et .Ixx. anz dura cele
prise. A .c. et .liiij. anz de olympiade la prist Antiocus; ore sunt .ij. fois. —
A .c. et .Ixxviij. anz de olympiade la prist Polpeius; ore sunt .iij. fois. — A
.c. et .Ixxx. .iij. anz de olympiade la prist Casius li provoz de Rome; ore sunt
quatre fois. — A .c. et .Ixxxvj. anz régna Herode sur Ie[sj Gius. — A .ce. et
.xij. anz de olympiade et .Ixij. de l'incarnacion la prist Titus et Vaspasianus;
ore sunt .v. fois. — Ci faut li numbres de olympiade, et comence li numbres
de rincarnaciun. A .c. et .xxx. et .viij. anz la prist Helius Adrians^ et le des-
truist, et restabli en cel liu ou ele est uncore ; si Tapela de non Helie ; ore sunt
.vj. fois. — A .de. et .xviij. anz de incarnacion la prist Cosdroe li rois de
Perse ; ore sunt .vij.; et Héraclès li empereres la prist .xv. anz après et rendi
as Crestiens; ore sunt viij. — A .de. et .xxxviij. anz de rinclalmacion la priste-
rent (sic) paens; ore sunt .ix. fois. — A .c. et .1. anz après cele prise la prist
Charles li granz et Costantin rempere[re] de Costentinoble, et rendirent a
Cristiens, et il le tindrent .c.c.c.c. et .Ixj. anz; ore sunt .x.fois. — A mil anz et
.xlj. mains de i'incarnaciun la pristrent li Turch ; ore sunt .xj. fois. Et .xx. anz
après cele prise la pristerent Buemons et [R] aimons et Godefrey de Bollon, ki li
li (sic) rois en fii sanz corune porter; por ceo ke il ne la volt porter de or la ou
nostre Sire la porta d'espines, dont il est escrit en son epitafe : f Si gist le
second Judas Machabeu' »; ore sunt xij. Pus la tindrent Cristiens .Ixxx. et
.viij. anz. — A .m. et .c. et .Ixxx. et .viij. anz de Tincarnacion la prist Sala-
dins; ore sunt .xiij. foiz. — A .m. et .ce. .xliiij. anz le rendi nostre Seinur Jesu
Crist a Templers chevalers sa duce mère reyne du cel. Te Deum laudamus.
Ce petit morceau d'histoire est l'œuvre d'un très-fécond romancier
(au sens propre du mot) qui vivait au milieu du xiii^ siècle, et dont je
ferai connaître quelques jours divers ouvrages ou opuscules jusqu'à pré-
sent inédits. Qu'il me suffise pour le moment de dire que c'est le Pierre
de qui nous connaissons déjà une traduction du faux Turpin^. Le mor-
ceau qu'on vient de lire se retrouve en effet, avec une attribution cer-
taine à Pierre, dans un ms. connu sous le nom de manuscrit Noblet de
la Clayete, dont Sainte-Palaye nous a conservé une copie.
Voici le début de la leçon que fournit ce ms.:
1 . Rien de semblable dans les deux épitaphes de Godefroi qui nous sont par-
venues (Du Cange, Limages d'Outremer, ô. 8), mais on lit dans Tépitaphe de
Baudouin I, le frère et le successeur de Goaefroi :
Rex Baldevinus, Judas alter Machabeus,
(ibid., p, 10).
2. Voy. G. Paris, De Pseudo-Turpino, p. 58.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 6t
Ci commence l'Otimpiadc,
Voirs est que pîusors ont douté et sont encore en queslc de savoir quantes
kh la sainte citez de Jérusalem que Sem ïi filz Noé comença prîmes, a esté
prise. Et pour ce que biens [est] a oïr et a savoir. Ta Pieeres estrait des Cro-
wfu<x, un livre qui parle de tous les reneors qui rené onl^ de ci a ore, par les
règnes du monde.
Verriez est que lonc tans devant rincarnalion Noslre Seigneur, ert une citez
en Grèce qui est {corr. ert) apclée Elyde...
VOtimpiade se rencontre encore dans le ms. u j de Berne ', mais le
nom de Pierre y manque ♦ le passage où it aurait dû être nommé étant
si refait : « Et por ço que bon est a savoir, je le vos ferai savoir. »
II* — MANUSCRIT DE SPALDING,
Au fol. 10 S, à la suite du poème de la croisade, commence !e roman
d'Eneas :
Incipit historia de Entas.
Quant Menelaus ot Troie assise
Onques ne torna tresqu'tl i'ol prise...
Puis le roman de Thèbes :
C\ commence k s'uge de Theha :
Qui sages est nel doit celer,
Mais pur ceo deit son sen moslrer...
Lç Songe vert, qui vient ensuite, est un poème allégorique d*an peu
plus de 1 800 vers. On verra par le début, ci-après transcrit, qu*il a dû
être composé peu après la peste de 1 348. Médiocrement versé dans la
littérature du xiV siècle, je n'oserais affirmer qu'il soit jusqu'à présent
demeuré inconnu ; je me borne à dire que je ne Tai jamais rencontré nî
manuscrit ni imprimé. Haenel (coL 98^ indique à Caen unms. contenant:
« Bon Veillard, testament d*or, flos coeli, triomphe hermétique, songe
vertt dissolvant radical, » Mais étant allé à Caen, j'ai pu me convaincre
que ce ms. ne contient rien qui ait le moindre rapport avec la poésie du
moyen âge. Le texte qu'on va lire contient en grand nombre ces fautes
contre la grammaire et la mesure qu'on est accoutumé à rencontrer
dans les mss. français exécutés en Angleterre. Il a été facile dans le plus
grand nombre des cas de rétablir la bonne leçon par des suppressions
(entre parenthèses) ou des additions (entre crochets).
Ci comencc k Sûange vert.
Après long(e) temps ce que j'avoie
Pris congié de lrestout[eJ joie,
i. Vojr. Stengcl, Durmârt (Soc. littéraire de Stuttgard, t. cxvi, 1S7J), p. 4p.
62 p. MBYER
Sanz espoir d'avoir nul retour
Jamais en joie n'en baudour,
Sur toux (sic) piain d'ire tenebruze,
Par fortune male[ii|reuse
Qi m'ot rendu son faix mérite,
En l'an ' de Dieu maidite
Qe fut la grant mortalité
Qe maint cuer ad desconforté,
Affligé, plaine de tristour,
Dont maint soi > plaint, sospire et plour,
Covient faire a mainte pucele,
Si en font (grief) compIaint[e] cruele
Maint bon chevalier orphelin.
Pur la morl(e) qe mel(te) au déclin
Toutfe] lour joye et lour amour.
Apprès cel temps plain de dosour
.1. deux triste de sospiré"
Maint en Tantré d'esté*,
Droitement en temps de pascour
Qi matin de la point del jour
Me levay d'un lit ou j'estoie'
Assez poverment reposé,
Maint plaint, ploré et dolousé.
Je moy suspire tendrement.
Si me levay tout en plorant,
Et si tost com(e) fu levé sus
Et de mon habit noir vestu,
Auxi corne il m'apartenoit
Com(e) celui en qi de tout estoit
Tout[e] joliveté faill[i]e,
Auxi plain de malencolie,
M'en al ai hors de la ou er,
Et si me mys en un sentier
Droit countrcval un rivière ;
Puis si fis a Dieu ma prière
Et mes petites oreysons,
Qe par sa grâce v(er)rai pardons
Me fiist doné de mes meffais.
Si q'il li pleûst qe le fais,
L'ennuy, le paine, le dolour,
L'anguisse, le ire, le tristour
Qe me covenoit sustenir,
Me donast par son doue plaisir
En plaisance resceyver, (b)
Si qu'il ne me laist chaier
Par nul cas en désespérance,
I. Corr, en l'année. — 2. Corr. grief? — j. Corr. désespéré. — 4. Corr. En mai à
rentrée d'esté. — $ . Ltf rime indique qu'il manque un vers.
RÉCIT DE LA PREMIÈRE CROISADE 6}
Mes que la mort(e) sanz delaiance
Me voloit doner courtement,
Et qu'il m'outast du grief tonnent
Ou j[e] estoie et de Tesmai.
Atant mes orysons finay,
Si m'en alai sanz nul mot dire,
Plain d'ennuy(e), de dolour et de ire,
Tant q'en un verger(e je) m'enbati.
Lors regarday tout entour my<e},
Et le soleil relusant
Desur Terbe resplendisant,
Et rair(e) cler(e) et net et serein,
Je ne me suis pas cru obligé de lire ce poème, qui appartient à un
genre peu récréatif, et je me contente d'en rapporter ici les derniers
vers:
Et certes bien dois touz les tours
Savoir, selonc ceo qe je cuit,
Car maint[e] joye et maint deduyt,
Maint(e} esbanoy(e), (et) maint[e] douçour,
Et maint ennuy(e) et maint pour,
Et maint [e] pénible durée
Ha tes cors souvent endurée;
Et je pense bien que ensi soit
Car autrement fort chance^ s[e]rojt.
Paul Meyer.
I. Corr. Qu'autr.. chose ?
E + / EN FRANÇAIS
Plusieurs linguistes ont discuté dans ces derniers temps la question
de Porigine et du développement historique des diphthongues françaises,
principalement des diphthongues labiales. L'étude qu'on va lire a pour
) objet les diphthongues linguales ou plutôt les combinaisons d'une voyelle
linguale (e, i) avec un / parasite.
Quant aux voyelles labiales, le français moderne oi répond au lat.-
vulg. ou ancien roman o + i (anc. fr. ài] ou à au (à) + / (anc. fr. ^i),
le franc, ui répond à k + i et d + /. M. Schuchardt a montré que le
changement de o + i en ui ne peut être expliqué qu'en supposant que à
a été d^abord diphthongué en uo ou ue. Sur ce point je suis essentielle-
ment d'accord avec ce philologue, et les objections qu'on lui a faites ne
me semblent pas de nature à ébranler son hypothèse. '
Dans la classe linguale, on a parallèlement à u 6 à uoles sons i i è ie.
Lorsque ces sons se combinent avec un / parasite, é + / devient ei (=s
prov. ei)y la même diphthongué qui sort en français, dans les conditions
indiquées, immédiatement du latin vulg. é (=prov. e). Plus tard ei s'est
confondu avec oi, mais ce changement n'entre pas dans mon sujet. / +
( devient naturellement / simple ; mais ce son est aussi le résultat de ^ +
I comme ui l'est de d -+- /.
J'essayerai de montrer ces changements par une suite d'exemples |
pour ro'arrêter enfin avec plus de détails au dernier cas.
Pour les signes phonétiques, je renvoie le lecteur à un travail sur Pi
parasite et les consonnes mouillées qui paraîtra prochainement dans les
Mémoires de la Société de linguisti(]ue de Paris, J'ai essayé d'y montrer que
Vi parasite ou l'i qui forme le second élément des diphthongues tire son
origine d'une ancienne consonne palatale ou denti-palatale. Je désigne
par c ^ î f les consonnes palatales /c/r, dj, ch, j; pzr fi z f F n des
E -f I EN FRANÇAIS 65
consonnes denti-palatales ou dentales accompagnées d'un mouiliement
(comme le polonais i 2, le russe Tb), par y Vi consonne ou yot,
I. Latin vulgaire / + / devient / en français et en provençal. Le lat.
vulg. i répond :
a] régulièrement au classique I
dans une syllabe ouverte :
dicere, * digère, *diy're, dire;
dans une syllabe fermée :
dixi, V/i[f|/, {*diis) S dis;
*finlscit, *finiiis]et, finist, finit.
b) exceptionnellement j aux classiques ê, i :
fêciy *féci'fici, ^fiz.fis;
sufficere, *suffiy*re, suffire.
Dans une syllabe atone nous avons de la même manière :
tifionem, *tidz6ne, *tizon, tison;
pfënsiônenfiy *prez6ne, *prizon^ prison,
IL Latin vulgaire é + 1 devient prov. ei « estreit » ^, anc. fr. ei, oi^
fr. rood. oi.
Lat. vulg. é répond :
a) au classique ï
dans une syllabe ouverte :
picem^ *pécey *pédze, *péz, peiz, poix;
video ^ *védyo {*vé^o?], *véy\ v«, vois (pr. vei\\
dans une syllabe fermée :
strtctum (proprement strlctum], ^stréf[f]o, estreit, étroit;
cïnctum^ *céàfo, ceint ;
b) au classique ? :
dans une syllabe ouverte :
tëgem, *KyM, /«, loi;
dans une syllabe fermée :
ctêscerey *créi[l]ere^ creistre, croître ;
dirictum, *d[é]ré([f]Oy dreit^ droit;
tëctuniy *téf[f]o, teitj toit.
Dans les syllabes atones le développement est le même. Je n'ai guère
besoin d'observer qu'ici la diphthongue ei oi n'est jamais issue immédia-
tement d'un é vulgaire comme elle peut l'être dans la syllabe tonique,
1. Comp. prov. diiss, Ev. de S. Jean, Bartsch 8, 30; 9, 2 etc.
2. Le dictionnaire des rimes qui fait suite au Donat proensal cite comme des
rimes « in eis estreit » (Grammaires prov. p. p. Guessara^ 2« édit. p. 45) p. ex.
leb la, peis piscis, ceis cinxit, reis rex, creis crescit, et « m ethz estreit » (p. )o)
p. ex. drethz jus vel reclus, thez tectum parvum, estretz constrictus. •
Romania, V 5
66 V. THOMSEN
mais qu'elle doit toujours son origine au concours d'un i parasite >,
p. ex.
lidêre, *lecére, *le[d]zir, leisir, loisir,
*piscidnem, ^péï\i]ànt^ peissoriy poisson.
D'autre part cependant la diphthongue ei oi a ici une étendue plus
grande que dans les syllabes toniques, attendu qu'elle répond non-seu-
lement aux classiques ^ F + />, mais aussi régulièrement au classique
ë (ae) + ', p. ex. :
mëdietatem^ *mey'tade, meitié, moitié;
mëdianum, meien (anglais mean), moyen;
décanum, *deganOy deien (angl. dean], doyen;
sëxaginta, *seé[i]anta, seisante, soixante;
méssionem, *meé[é\one, meisson, moisson;
vïctura, *vef[f]uray veiture, voiture;
*phtorinay *pef[f\orina, peitrine, poitrine.
et parfois au class. 7, abrégé en T, p. ex. :
vlclnum, *vecino, *vezin, veisin, voisin,
III. Latin vulgaire è + /, dans les syllabes toniques, devient en prov.
ei « larg » ' ou iei, en français , ancien et moderne, régulièrement i.
Cet /, parallèle au prov. />/, ne peut tenir qu'à la diphthongaison du lat.
vulg. è en ie : la combinaison ie + / a été gardée en prov. sous la forme
de iei, tandis que le français y a substitué la voyelle simple i.
Latin vulgaire è, diphthongue en <>, répond :
a) régulièrement au classique ë (ae)
dans une syllabe ouverte :
légère, *liyere, *liey^re, lire;
mëdium, "mèdyo, *miey', mi;
mëdicum, *mèdigo, *mieye, mie (Romania II, 242-});
dëcem, dèce, *diece^, *diez, dis, diz, dix;
1 . Excepté les cas où ranalogie d'autres formes s'est fait sentir, comme |
voile-voilcr, voilUr ; toile-toilerie.
2. Du reste déjà en latin vulgaire 17 protonique, surtout dans des syllabes
ouvertes, doit avoir pris la prononciation fermée (i),
3. Des rimes c in eis larg • sont d'après \eDonat proensal (Guessard p. 4{)
p. ex. eis exit, leis lectus (lisez : legis, cf. Romania II, 341), scis sex, et • m
ethz larg » (p. ^o) p. ex. lethz lectus, methz médius, despethz dispectus, pethz
pectus, pejus, delethz delectatio. On sait que pour la plupart de ces mots les
textes offrent tantôt e, tantôt u suivant les dialectes^ p. ex. leit iug^ mei micg,
peitz pietz, de même pejer piéger pejor etc.
4. La forme dieci se trouve en effet dans Tardif, Monuments historiaues 19, 38
(de Tan 670 ou 671), peut-être le plus ancien exemple de la dipnthongue ie
mieses. c'est-à-dire mises = class. mènses.
E + I EN FRANÇAIS Gj
âitimum^ *dèimo^ *diiz'me, disme^ dîme;
prHium^ *prèdzOj * priez, pris^ prix ;
dms une syllabe fermée :
t^xere, 'îii[i\eT€^ HiePre, Hstre;
i/x, *S€i, *5iei, six;
iictm, Uèfino, *lief, lit;
pfctuSf *pif\f]os^ 'piet^Sf piz^ pis ;
victem^ *yèf[t']ef *n€t\ vit;
delictum, 'dtlèt\f]o, 'dclief, v.fr. délit (angl delif^ht);
propctum^ 'profèf[f]o, " profit f^ profit;
despccturriy *despèfiï}o, 'desptef, despit^ dépit;
b\ exceptionnellement au classique i surtout devant y (comp, Schu-
diardt Vocalismus I, 468) :
pilas, *pcyos^ *piey's, pis;
pl-ioFf *phor, *piey*re^ pire ;
(f\ exceptionnellement au classique a :
cerasia, 'cerêia \ *ctneie^ ctrise ;
jacétf *yacet ou yècet, 'giePt, gist^ giL
Le seul cas où le finançais ne présuppose pas le changement du lat.
vulg. i en te devant un i parasite dans une syllabe tonique, et où par
conséquent la forme française vienne se confondre avec celle du lat. vulg.
é + if est peut-être :
fimie, *jHa,ftire [ajigl.fair], foire.
Dans ce mot la prononciation classique ê est devenue en lat. vulg. è
icorop. vulg. glària =: class. glôrià\, comme on le voit par TitaL fiera,
prov. fieira, feira (avec « e larg », Guessard Gr. pr, p. 60].
La diphthongaison du lat. vulg* t tonique en ie^ commune, pour les
traits fondamentaux, à la plupan des langues romanes, a été modifiée de
diverse manière dans les différentes langues. En français et en provençal
comme en italien elle est essentiellement restreinte aux syllabes dès
l'origine ouvertes. Cependant elle a reçu en français (et en partie en
provençal) une extension particulière qu'on ne paraît pas retrouver ail-
leurs » ; elle est devenue régulière devant toutes les consonnes palatales
ou mouillées^ non-seulement dans des syllabes ouvertes, mais aussi dans
des syllabes traitées ailleurs comme fermées. En voici quelques exemples :
devant / mouillée ; vieil vieux, prov, velh, vielh ('re/To); mieux, anc.
fr* mitlz^ prov. melhs^ mitlhs litaL mègtio) ; devant « mouillée : Compiegne
t. Comparez Schuchardt Vot, I, 192; on peut ajouter anna dans Anecàota
^wiétt grœco'lai. éd. V. Rose II (Berlin, 1870), p. 96, 6 var., et Ascolî
Sêigi iâdm, p, 48s> wo»
2. Coinp. cependant A^coli 5â^gi W. p. 15 n. 9, et Storm dans iVorJiji
iidikrtftjor fitoL elc, I p. 168.
68 V. THOMSEN
Compendium) ; vienne y me, fr» viegne fveniati; devant i : piège \*pègga,
pedicaj ; anc. fr. miege (*m^^^o, medicus) ; siège (ital. seggio, -a) ; liège
(V^^^^o, levio- ?, comp. Dîez GrJ II, joij ; concierge Cconservîo- ?) ;
devant c (ïi) : nièce Cne[î]tia neptia) ; pièce (h. pezzo, -a, *pè[t]iiùj -a,
pëtium, -a) ; ûen^ -ce [*îèrîéOy tertius'i ».
Mais ce n'est pas seulement devant ces quatre consonnes que se pré-
sente ce phénomène : le même changement a eu lieu aussi devant y et
les consonnes mouillées ou demi-palata!es dont j'ai essayé ailleurs de
démontrer l'existence à une époque antérieure de la langue ; et, il faut
bien le remarquer, cette diphthongaison doit s*être introduite à une
époqtie où ces sons avaient encore conservé leur valeur ancienne, avant
que le y se vocalisât et que les autres consonnes se décomposassent, de
plus en plus, en des dentales pures précédées d*un i parasite. On a donc
eu anciennement non- seulement *di£ce \iicz comme en itah dieci^ rou-
manche dksch, *micy' comp. le roumanche miez, mais aussi */:>/" (leciusl
vis-à-vis de ViidJeHo^roum, teg, etc. En provençal des formes analogues
ont parfois donné naissance à des trîphthongues, p. ex. miei (Bartsch
Chrest. 2, ^ i , 8 ; 37, 4), perfieiî ; plus souvent la consonne suivante est
restée palatale, sans engendrer d'i parasite, p. ex. Ueg, profieg. Pour
te français, qui ne connaît pas cette dernière forme, on pourrait attendre
pareillement p. ex* *lieiîj contracté plus tard en lit. Cependant, dans
aucun des dialectes français, même dès les plus anciens temps, il n'y
a trace d'une triphthongue semblable. Mais cette circonstance ne
peut passer pour une preuve contre mon explication. Elle îui serait fort
contraire si Pon supposait que iectus est devenu d*abord 'leyto ou 'leito ;
car on ne saurait guère arriver de là à lit sans supposer l'intermédiait^
*tieiî. Mais si Ton accepte mon explication de l'i parasite, on peut aisé-
ment s*en passer : il suffit de supposer qu'au temps où s'est développé
Vi parasite et où p. ex. '/^f est devenu /d/7, ie -h / s'est resserré immé-
diatement en un i simple, à Porigine peut-être un peu différent de
l'i ordinaire, mais qui a fini de bonne heure par se confondre avec
celui-ci.
La diphthongaison de è en ie n^ayant lieu que dans les syllabes accen-
tuées, elle ne peut s'introduire dans les syllabes atones que par une
accommodation secondaire, comme dans miilesse^ miilir qui sont formés
sur Tâdjectif vieiL Si mon explication de Vi est juste, il doit de la même
manière être essentiellement restreint aux syllabes accentuées. C'est
1. S'il n'y a pas de diphthongaison devant ch médial (:=: c appuj^é devant 4),
c'^t que dans ce cas le changement du c ne s'est introduit qu'après U fixation
du vocalisme. — Aux mêmes conditions que T^, Va aussi se diphthongue sou-
vent en tiû fu, surtout devant / mouillée, p. ex. ftmlUt vmilU, att, prov. folka
fmika, votha vtulha, olk'S uelh-s, etc.
E ^ ï EN FRANÇAIS 69
amsi, en effet, que nous avons (par)mi mais moyen, moitié; six mais
Sùixanti ; pis mm poitrine ; si i*on a par ex. sixième, litière, l'( de ces
mots est dû à TinOuence de Vi de six, lit, La plupart des exceptions sont
même d*origine assez récente et étrangères au vieux français *. Au lieu
du moderne empiré (impejoratus], formé sous ^influence de pircy nous
avons p. ex. S. Alexis, ye, régulièrement empêtriez ims, L : ampairet],
tandis que radjeaif, s'il se trouvait îci^ aurait déjà^ sans aucun doute, la
forme pire. Le latin prho[r] donne régulièrement *priey' pri prie; mais
p, ex, pour i'infmitif, où IV est atone, on doit attendre prêter proyer, de
même que le provençal offre Pinfmiiif pr^^*ir et la i '« personne priée. Et
en effet, si nous comparons les plus anciens textes provenant du Nord
de la France, il semble que les deux séries de formes sont encore assez
bien séparées. Dans le S, Alexis ^ms. U nous rencontrons : i i sans
exception pri isubst, et i"^ pers.U priet et prient, mais aussi prcïent;
i) preiuns, mais aussi une fois prièrent (voy. Téd, de M. G. Paris p. 74);
Téditeur a écrit partout ei excepté dans la forme pri, ce qui semble un
peu arbitraire. Le Ro/ii/ir^ offre i)pri (i** pers,) 1177, 147?, ï74i ;
pnetiQxG, 226t, a^S?, 2449. 2518; prient 1857; prit (subj.) 854,
5272 ; iipreiam 5799 ; prêtez ^impér.j i iji ; prciei (partie.) 2176; mais
aussi ptiuni 5808 ; prièrent 451 ; prierat 1882. Pour le Psautier d^Oxford
fai noté î 1 prie ps. 36,6; je depri 65,1 (et p* 2 ^9) ; 2) preiams Ip, 2 5 1
V. 20if prêtez ps. 121, 6; depreiai 1 i8, 58; 141, i ; depreierunt ^^, 14;
prière 6, 9; 21, 25; 27, 2; jt, 15; 58, 16; ^9, 2; $4, i ; 60, î ;
87^2; 101, 18; ii8, 169, 170; 129, 2 (seulement 142, i prière);
deprmre 1 6, i ; 27, 8; dipreiabks 89, i ç * Je crois que ces exemples suffiront
pour montrer que, dans les formes de ce verbe, la voyelle /, provenant
de ie -f i, dès Torigine, et assez régulièrement encore dans les xi* et
m* siècles, ne se forme qu'à la syllabe accentuée, tandis quV/ est propre
aux syllabes atones, — rapport qui parait une preuve assez forte de la
justesse de mon explication. Le même rapport se démontrerait aisément
pour un certain nombre d'autres verbes, p. ex. neier ni (negare), scier si
(iÊCnTé\^ preisier pris (preiiare)^. Les exceptions à la règle, qu*on ren-
contre même dans les plus anciens textes, ne sont peut-être en partie
que des fautes de copiste. Cependant on ne peut nier que dès le
Fntre ai (= i/o -f t) et ôi il faut supposer le mètne rapport qu'entre t (=
i «, mais c'est plus difficile à démontrer en vieux franc, parce que
^Myy* L'Étn m que oi peuvent désigner des sons différents. Comp. RommalV
? n :inrÀ^ les éditions de Th. Muiler et de L. Gautier, La liste des formes
qi: 5saire de M. Gautier n'est pas tout à fait complète,
,, „, lues de ce dernier verbe qui se rencontrent dans \c Rolaftt sont,
d'âpres ic glossaire de M. Gautier : 1) pris (1" pers.) ^89; priset 6}6j prist
27J9; 2' Pfasa ^]2, »U^» '^S> i priiscrcnc 3029; prasa (part.) 1872.
70 V. THOMSÊN
xit* siècle elles n'aillent en croissant de plus en plus ', de sorte qu*ellcs
ne peuvent être expliquées que par une véritable perturbation du rapport
primitif, due sans doute essenticlîenîent à une accommodation mutuelle
des formes différemment accentuées. Le résultat en a éié que» dans la
langue moderne, la forme accentuée de la voyelle Ta emporté sur la
forme non accentuée comme elle Pa fait p* ex. dans aimer, pleurer^.
Cependant il y a des idiomes oi\» tout au contraire» c'est la forme atone
de la voyelle qui, dans ces mots-là, Ta emporté, p. ex. wallon no» nier,
soy, picard soyer scier. C'est ce qui, dans la langue littéraire, s'est opéré
pour nhare ncier noyer (comp, p. ex. prouver, louer, îndic. anc. fir.
pruefy le], tandis que p. ex. le wallon a ici justement nèi^ et c'est la
même tendance qui se manifeste dans les formes anglaises praise du
V. fr. preisier (mais price^prix], ptay du v, fr. prêter i^iprayer—preiere)^
impair du v, fr. empeirier, nay (vieilli) du v. fir, neitr^ etc.
En français moderne il n'y a plus de différence entre i primitif ly com-
pris i -h ') et notre / -= ie+i^ non plus qu'entre ut = « + i et ai == no
-f /| ei la plupan des textes anc. fr, ne semblent pas différer de la
langue actuelle. Cependant il ne serait pas inutile d'examiner si la con-
fusion de ces sons est en réalité complète et uniforme pour toute l'éten-
due de la langue française, ou s'il n'y aurait pas au moins certains dia-
lectes qui auraient conservé la différence. Je tiens pour la seconde
alternative ; mais je regrette d'être trop peu versé dans ie détail des
patois pour pouvoir fournir une démonstration complète, et je dois m'en
tenir aux grands traits.
Il semble que le phénomène en question n'appartienne essentiellement
qu'aux dialectes du nord et du centre ^français, normand et picard) ;
i« On trouve p. t%. même la i" pers. proi et nproi â côté de prokr dans une
chanson de Chreslicn de Troyes (Mafizncr Altjr, LÂcdcr XXXVIIl v. 52 =:
Bartsch CAr«f. p. 142, 37).
2, Du reste la concurrence des formes différemnient accentuées n'a peut-èlre
pas été le seul facteur pour produire ce résultat. Il y a des exemples de change-
ment de tl en i, surtout dans des syllabes atones cl dans des verbes à accent
variable, où ïi n*est qu'un simple affaiblissement de tl et n'a rien de commun
avec notre f= ic -h /. J'admets qu'une tendance semblable a pu aidera Tintro-
duction de \'t dans les syllabes atones des verbes mentionnés plus haut. F. ex,
tm\ ou plus récemment issi := acqmuc (Diez) ou plutôt = tccosi^ ic*st (Storm,
Mcm* de h S. de iing. Il 125 n. ) ; dans le Psautier etsst est peut-être un peu plus
fréquent que issi. C'est un piSénomène semblable qu'offrent les deux formes «jj/ret
issir (exire) ; on pourrait être tenté de voir ici le même rapport entre à et / que
dans prêter pn; cependant cela n'est pas confirmé par les plus anciens textes :
VAlexts et le Psautier ontpresquetoujoursff, rarement 1, et cela la plupart do temps
dans des syllabes atones. Le provençal offre aussi tssir à côté de eusir. Fr, mod.
plîtr à côté de ployer = ctass. pikarCj vulg. plegart plègo^ v, fr. pUUr pld.
Pour Ugare on semble avoir eu^ aès les anaens temps, deux formes l'une à côté
de l autre : lUr = prov. //jt, lat. vulg. Itgare^ et /ftfr (picard /4>y<r, wallon hit)
^£= Ut. vutg. iigarej ttal. iegare.
-i^
I
E 4* I EN FRANÇAIS 71
mais il D'y soutire aucune exception. Déjà les plus anciens textes apparte-
nant à ce groupe de dialectes offrent, dans les syllabes accentuées, tou-
jours L II est vrai que dans V Alexis on ne trouve jamais un i de cette pro-
venance parmi des assonances en i, et même dans k Rolant il n'y en a
guère d^exemple ^ Cela peut n'être qu'un simple jeu du hasard ; mais il
se peut aussi qu'encore au xi^ siècle il y ait eu entre les i des deux
groupes une certaine différence, quelle qu'elle ait été. Cependant, s'il en
est ainsi, û faut en tout cas que dès le xir siècle toute différence ait dis-
paru ; car dés lors des mots comme pu , mi forment des assonances
complètes avec dit, mis, comme p. ex. nuit le fait avec déduit.
Mais si nous passons aux dialectes de Test (et du midi], il semble que
nous rencontrions un développement bien différent. C'est à ces dialectes
que semblent appartenir les plus anciens échantillons de la langue d'oil
(v. G. Paris Alexis p. 41), et dans ceux-ci nous trouvons toujours pour
Ut. <f -f Ma diphthongue ei, non-seulement dans les syllabes atones»
CDais aussi dans les syllabes toniques. Eulalie offre non-seulement
puier^ puiemmî, mais aussi ranmt (les Fragm. de Valencienncs n'ont
que des exemples de syllabes atones : preirets, prétest) ; ta Passion non-
seulement neieTy nciet (pour ntiat ^^h]^ prdat etc., mais aussi mei 82 d,
mddi 78 û, ftis (peius) n^ b^ peiz (pectus) 27c, despeis [àtspexitj jja;
kS, Léger, appanenant d*après M. G. Paris (Romania I, 285-6) à la
Bourgogne, non-seulement pr«i>r, preia, mais aussi /?<:(j (peius) î2 /; en-
fin il faut ajouter /^^z (pectusj, leyre (légère/ du Fragment d'Alexandre
d*Albéric de Besançon ^^ Dans tous ces textes nous avons donc toujours
fl, même dans les syllabes accentuées, jamais /. On objectera peut-être
que c*e$t là une question de temps plutôt que de dialecte. Mais c'est ce
que je ne crois pas ; car justement pour le dialecte bourguignon on peut
poursuivre la même différence beaucoup plus tard.
Un texte où ce trait du vocalisme se présente de la manière la plus
nette, ce sont les Sermons de S. Bernard^ dont Le Roux de Lincy a publié
des morceaux à la suite de son édition des Quatre Livres des Rots, Ici
nous rencontrons assez régulièrement ei répondant au lat, vuig* £ 4- /, à
j. l-c seul serait sire aux v. 1728, 1928, 2712 (édd. de Mùllerctdc Gâîitier);
cependant nous allons voir tout de suite une autre circonstance qui semble indi-
quer que i'^ de cette forme anomale (5ur laquelle voyez Storm, Rom. III 288)
est on véritable l Csi[y]or *siy're}^ différent de celui de pire Cp^O f^ï- En tout
cas il ne faut rapporter ici ni empire v. 5994 (corn p. empirie S. Alex, de *emuï'
n^^mpiriam^ comme rirt de téra)^ ni descanfite v. 5362 qui n*est pas le lai.
4kU, mais est formé sur Tinfinilif français descanfirc. — On sait qu'encore dans
tt RoUnt les deux ut ne font pas assonance.
a. Si les Serments appartiennent à ce même groupe oriental, ce qui semble
assez probable, la forme disi ne peut guère être ^=: lat. direct (Storm^ Rom. îll
289 s«j, qui aurait dû donner dast.
V, THOMSEN
Vi des dialectes occidentaux > ; d'autre part oi répond à Vel normand,
conservé encore dans les plus anciens textes orientaux ; cependant Viiy
qui ne devait trouver place que dans les syllabes accentuées, a souvent été
étendu par i*analogie aux syllabes atones^ comme l'est Vi des dialectes
occidentaux. L'i primitif est resté intact. Nous avons doncp, ex, parmel^
enmei ; meus (medicus] p. 526, 528, 570; j>rW/w ^prié-je) 557, preist
(subj.) 567 \pTcis (pretium; 553, 568, puix 541 ; preisier 549, i'* pers.
preis ^70; tu geis (jaces) J28; esleire 57?, îa leis 569, leist 52], 558,
esteisent ç 59, leisons 5 j8, esUisons 560, Utsts 565, tsîmist j ? j, «Wf (part.)*
5 5J, 549 '/^^^^' 573 erratum) ;Jd/ iléctus) 526; dtkii (*delëctus), Mei^
tel 04, dekitmle 550, 559, 562; profdtm 547, profeitauU $42; ^azgm
(subjectus) 570. C'est ici que se rapportent aussi le pronom féminin Ui
{cestci etc.) = /t, lie des autres dialectes 'prov. Uî[s]y lUi[s], ital. lei) *
et les pronoms possessifs plur. masc. mei, <ei, set = m/, fi, W (G. Paris
Alex, p. ti6; Burguy I, 1 39 ss., prov. met, miei etc.). Cependant on
trouve parfois des formes avec r\ soit par inexactitude de l'éditeur, soh
par influence d'autres dialectes, soit par affaiblissement de <:/(comp. plus
haut p. 70 n. 2), p. ex. respii 525, priet 538, 540, prions 540, priera
<^6o\ gisant 528; isscii 528, issent jéj. Vis-à-vis de ces formes nous
trouvons d'une part, très-réguliérement dire, escrire, liieit (ligatura) 537
etc. avec /, et de même toujours sire (jamais 'seirej, ce qui semble une
preuve positive que Vi de ce mot est primitif [comparez plus haut p* 71
note 1)^; d'autre part avec oi p. ex* droit, refroidieit, moyen^ noyer
(necare) 52 1, renoyeroit (renierait) 544.
Il est vrai, cependant» que la particularité que je viens de montrer
pour les Sermons de S. Bernard ne se présente point avec la même
rigueur dans tous ks monuments littéraires âc& dialectes orientaux. Il y a
beaucoup d^autres textes qu'on rapporte , avec plus ou moins de sûreté,
au dialecte bourguignon, mais dans lesquels remploi caractéristique de
la diphthongue ci est fort inégal, comme dans les Moralités sur Job^
d'autres auxquels il semble même étranger, comme Gérard de Vtane (dans
l'édition de Fierabras par Imm, Bekker) où l'on trouve p. ex. pris (prix)
475, pri 477, piz (pectus) 482,/?/; [peius) 506 parmi des assonances en /,
I
I
I
I
1, La même diphthongue remplace aussi ^ ^ lat. tf, et parfois «, comme
singutetr p. ^\o. Comp. G. Paris Romania f, 283.
2, Ce part, ne répond pas au lat. lèdus avec è, mais est formé sur l'infinitif
français comme éltt sur élire,
3. Comp. Burguy I 128-230, MJM* D'après une correction de Hofmann,
M. G. Paris a introduit dans Akx. 9 c (v. p. 116 de Vèà.) la forme Ici.
Cependant cette correction paraît assez précaire ; la forme ki, qui serait sans
doute  sa place dans Eulalie^ ne convient guère au dialecte de VAUxis,
4. Le seul cas où û faudrait sans doute attendre 1, mais 06 n néanmoins
s'emploie d'une manière très-conséquente, sont ics formes sofftis ^4, loffm* ^9,
sojjauvct J4J, ioUcsian: 544. Je ne peux expliquer ces îormes*
E + r EN FRANÇAIS 7]
les Dmlagues de S. GrégotTc (d'après du Méril) etc. Cependant, quant aux
MûrditissurJob, Burguy {Cramm, !, p. ^14^ note 2) peut avoir raison
eo admettant qu'elles ont d'abord été écrites en dialecte bourguignon,
mais que le manuscrit qui nous en est parvenu a passé par les mains
d*iiii copiste picard^ et pour les autres textes la question de leur dialecte
mérite sans doute une révision '.
(^uoi qu'il en soit, il y a une circonstance qui n>ontre décidément que
le vocalisme des Sermons de S. Bernard réfléchit en tous cas un véritable
idiotisme ; c'est que l'idiome bourguignon a encore de nos jours conservé
ttscntiellement le même rapport que nous y avons rencontré. Ici ' je
trotive avec ei (dont j*ignore du reste la prononciation) p. ex.prri (prix),
la Ipronom fém. rép. à lui), leire (lire),p«rr (pire), pei (peius et pectus),
/fl flecius), (/fp^i (despectus), teissu (tissu); [médi (midi)] y quelquefois
ej remplace aussi é^ p. ex. peire = v. fr. père, quel (quel), ou i>, p. ex.
pnmei (premier) [vén (vient)]. D'autre part on dit p* ex, dire, écrire^ rire^
pi f^prit)* mais aussi pnV (prierl, je prie, si (six), parmi,
C'est un fait tout à fait parallèle à celui de la conservation dans l'idiome
bourguignon de ta différence entre les deux diphthongues qui se sont
ailleurs confondues en ai. Où cette dipbthongue répond à 0 (uo) + t,
nous trouvons ici un son particulier qu'on note eàu p. ex» (reùe (truie,
tfoial^ meà fmodius), aujodeii ihodie), pfu (post), ^umre (coxa), coeù
icoctuin], aeà (noctem et nocet) [veuït (octoi); raaîs où Vu est originaire,
nous trouvons en bourguignon u pour ui, p. ex. la (lui), detrurc latin
vulgaire destruyere, itai. disîruggere), relare, bru (bruit), potu (pertuis,
penûsium), iraîe i^trQcta), fru (fruit), instru^ égusè (aiguiser» acQtiare),
menmei (menuisier, minOtiarius), hassié huchier Ihuissier).
Tout ce développement ne semble pas borné à la Bourgogne propre-
ment dite ; on en retrouve des traces plus ou moins distinctes dans le
patois de Lorraine (la V6ge| tel quil a été décrit par Oberlin^, p. ex.
pQuarmê (parmi 1^ iére (lire). Ut lée lèye (lit), pré (prix), préyi (prier) ; en
wallon, p. ex. mé fém. mèie (médius), lére^ pé (peius, pectus). Ut, net
1 . Je regrette de n'avoir pu consulter des chartes bourguignonnes, qui donne*
raient évidemment ïes meilleurs renseignements. C'est d'après de telles sources que
Burguy cite p. ex. I p, 108 les formes bourguignonnes seix 6, dax to.
2. ma Borgmgfion de Gui Baràiai, Cin^aame édiaon 1758. — Mignard, His-
tûirt dt l'iàiomc bourguignon ti ât ia Ihièratute. Di)on. 1856,
j. Cet (ii est bien différent de Vca ordinaire qui se trouve p* ex. dans nta (neuf),
wa (veut), et qui remplace paHois u, comme jeasU^ pitimt. Dans le glossaire
qtii hti suite aux Noci Borguignon^p. 256,1e son de tù est défini comme resscm-
bUat à ceiui d'eu prononcé aussi vite que si c'était un monosyllabe des plus
brefs*
4. Essai sur U patois torram dis environs du comté du Ban de ta Roche. Stras-
ÏKfUtg !77S- ^ Autrement, â ce qu'il semble, dans le patois messin, comparez
M. Rolland, Rommta 11, p. 4^7 ss. Comp. aus^t tbid, 1 p. )a8 ss.
74 V. THOMSEN
(necare)^ mais skrlre (écrire) etc. ; dans les patois français de la Suisse
(voy* Haefelin, dans le Journal de KuhnXXl]^ p. ex. lyi pour *lei (Ut),
lyin (lire), m^^f, mize (média), et à ce qu'il semble au moins dans une
partie du Berry, Je n'entrerai pas dans les détails, les sources que j'ai à
ma disposition ne me permettant pas de préciser l'étendue de ce phéno-
mène dans les patois modernes. Voilà une de ces questions qui ont une
grande importance pour les dialeaes du vieux français, mais qui ne
trouveront leur solution que lorsque les patois modernes seront soumis à
une étude plus approfondie qu'ils ne l'ont été jusqu'ici.
Je croi^ avoir montré que dans les difiérents dialectes français les
continuations du latin vulgaire è (et à) suivis d'un / parasite ont été trai-
tées d'une manière différente. Quant aux formes ordinaires de ces combi-
naisons, / et aiy je n'ai pas de doute qu'il ne faille les expliquer par une
ancienne diphthongaison de è en ie, et de o en uo^ comme M. Schuchardt
Ta déjà supposé pour ce dernier cas. Cependant M. Havet a proposé
(Romania 111, p. h }i comparez IV p. 119 ss.) une autre explication du
changement de ai en u/, en supposant la série 01 oi tùt iii. Il rejette lui-
même à bon droit l'autre hypothèse qu'il indique, une prononciation
successive 0/ mi ai iii^ « parce qu'au moment où le oi issu de 0 serait
devenu ùù, ii se serait confondu avec le u>/ issu de co ». Ce sont là, en
effet, les seules alternatives possibles, si l'on ne veut pas se rendre à la
théorie de la diphthongaison de 0. Mais il y a une objection capitale
à faire : c'est qu'aucune de ces deux alternatives n*est applicable pour le
changement évidemment analogue de é -|- 1 en i. Car e ne peut changer
de série de la même manière que 0 peut devenir ô. il faudrait donc
adopter Tautre alternative de M, Havet : èi éi i[i]\ mais en ce cas la
confusion avec ei issu de Saurait été inévitable (il semble, à la vérité, qu'il
failîe admettre cette confusion pour le mot fein foire]. Pour la classe
linguale des voyelles je ne vois donc pas d'autre explication possible que
de prendre pour base la forme diphthonguée de Vè : ie -j- t ; au lieu de
former une triphthongue, cette combinaison s'est resserrée en 1 de la
manière signalée plus haut. Mais si cette explication est nécessaire pour
IV, un développement analogue devient extrêmement probable pour la
voyelle parallèle à *.
1. Sur l'histoire de ta diphthongue romane uo en français^ je ne puis
me rendre à l'avis de M. G. Paris (Alais p. 68) qui suppose le développe-
ment uo tu Oi 0, Vu roman a pris en français de très-bonne heure la prononcia-
tion û, et il doit l'avoir f^it aussi bien comme premier élément de cette diph-
thongue, que comme voyelie simple ; mais alors il est impossible d'arriver de ùù^
ûe k ùi. Ajoutez à cela qu'en général le son 0 ^ roman uo existe seulement
dans celles des langues romanes dans lesquelles u à son tour est devenu û, ce
Îui semble indiquer ou'il y a partout un certain rapport entre ces deux sons,
c suis plutôt porte i supposer que uo — soit immeaiatement par ùo, soit plutôt
J
^
E -H J EN FRANÇAIS yj
Reste l'autre groupe de formes, spécialement celles du bourguignon,
pour lesquelles Thypothèse n'est pas applicable, ou au moins ne semble
pas nécessaire, Ici il faut sans doute supposer que ei se rattache immé-
diatement au latin vulgaire è non diphthongué, de sorte que cet ti est
resté différent de éiy issu du latin vulgaire é, combinaison qui s'est
changée plus tard, par une espèce de dissîmilation, en oL Pour
b dasse des voyelles labiales, Veù du bourguignon moderne ne peut
guère s^être développé autrement que d^une ancienne diphihongue 67;
c'est ce son, écrit tantôt oi, tantôt ui, qu^il faut sans doute supposer à
l^époque des Sermons de S. Bernard (comparez la notation hollandaise ui
pour le son ôi]. Le parallélisme de ii semble donc exiger que cet ëi ait
simplement remplacé ôi avec changement deo en o devant i, phénomène
qd n'a en effet rien d'étonnant et qui se retrouve en beaucoup de
langues. Ce changement de à en ô ne comprend au reste point tout
Pûrieni. Ordinairement îl n'a pas lieu p. ex. dans les patois de la Suisse,
p. ex. moût mou modius, couisse côesse coasse coxa, de même que f^ouye
uuyt gaudium, Savouye Sabaudia. Pareillement le wallon, dont le voca-
lisme a du reste subi beaucoup de perturbations, semble parfois conserver
0 devant / \pi se prononce comme Tespagnol ne] p. ex. moie muid, ploive
pluie [foie feuille; ouit aujourd'hui). Ce n'est sans doute pas par hasard
que le seul exemple v. franc, de ôi en assonance avec à se trouve dans
US** Eulalte, écrite justement dans le pays wallon (G, Paris S. Alexis
p. 411 ; cet ôi n'est assurément pas un phénomène de temps, mais de
dialecte. Dans le fragment de Valenciennes il. ^i) nous trouvons la
forme ai ihodiei, qu'il faut sans doute de même lire 01,
Copenhague, mai 1875.
Vilh* Thomsen.
par les intermédiaires ue lic — est devenu rî^ (c'est ce que peut désigner déià
la notation uo de la 5* Eaialic et du 5. Uga); de là est sorti plus lard là'
moderne (en certains patois iô, p. ex. lorrain [Oberlin] kimr cœur, nieuv neuf,
ricar roue» pictit peut; messin [Rolland, Romamn llj bti hotui^ nièf neuf , fie hon^
nâ)i roue). Du reste, le développement ne doit pas avoir été parfaitement égal
pour tous les dialectes, et la signification des différentes notations du vieux
français change sans doute non-seulement suivant fe temps, mais aussi suivant
ia dialectes. Quant à la simplification de ia triphthongue qui naîtrait de la com-
binaison de uo avec un t parasite, elle peut aussi bien sortir du degré ùë -j- t,
qtie ^- ■ • ^ Mais quel a été le développement ultérieur, et comment cette corn-
b» prononcée encore à l'époque de VAUxis et du Rohnty c*est ce qui
est e à préciser. Du reste, dans le patois normand moderne on a
{4\r daCy p. 265) p. ex. tcheu. coctum, khcure coquere, ichm, ukicr
«vl; .,, . ..-.s£^ khiesst coxa, formes gui semblent indiquer qu'ici encore
au|Ourd'hui les deux ai sont séparés l'un de rautrc.
LA NOUVELLE ITALIENNE
DU PRÊTRE JEAN ET DE L'EMPEREUR FRÉDÉRIC
ET UN RÉCIT ISLANDAIS.
Dans le livre de Konrad Gislason intitulé : Fire og fyrretyve for m stor
Ded forhen uirykie Prœver af oldnordisk Sprog og Literatur (Copenhague,
1860), on trouve, p. 416-18, un récit tiré d'un manuscrit du xiv^ siècle,
qui a une grande ressemblance avec une des nouvelles du recueil italien
connu sous le nom de // Novellino ou de Le ciento NovelU antiche >, celle
qui met en scène le prêtre Jean et l'empereur Frédéric. Peut-être cette
ressemblance a-t-elle déjà été remarquée par d'autres, mais je ne sache
pas que jusqu'à présent on l'ait signalée.
Voici une traduction fidèle du récit islandais.
Un homme du Danemark eut la fantaisie de quitter son pays, et de
voyager pour son plaisir, en allant toujours vers le Sud. Il alla de pays
en pays, tant qu'enfin il vint en Inde. Arrivé là, il traversa villes et
villages et se trouva enfin dans une cité importante. Il logea chez unh6te
qui se trouvait être un des échevins de la ville. Il entra en conversation
avec son hôte. Celui-ci dit au Danois : « De quel pays es-tu ?» Il dit
qu'il était Danois. L'hôte dit : « Tu dois pouvoir me raconter bien des
choses intéressantes sur ion pays. » Il répondit : « Je ne trouve à en
dire rien qui mérite d'être rapporté. » L'hôte dit : « Y a-t-il des pierres
précieuses dans votre pays ? » Le Danois répondit : « Je n'en ai pas
connaissance. » L'hôte dit : i* Je vais te donner trois pierres précieuses
que tu donneras à votre roi. » Il prit alors trois petites pierres et les
donna au Danois. Au bout de quelque temps celui-ci se remit en route et
revint en Danemark; il se présenta au roi et le salua. Celui-ci le reçut
avec bienveillance et l'interrogea sur ses voyages et sur le point le plus
éloigné qu'il avait atteint. Il dit au roi toute la vérité. Le roi dit :
(c Puisque tu as été en Inde, tu dois nous avoir rapporté quelques rares
joyaux. — Ce que j'ai rapporté est peu de chose, » répondit^l; il montra
I. Voy. sur ce recueil la belle étude d'A. d'Ancona dans cette revue, II, 385-
422 et III, 164-174.
LA NOUVELLE DU PRÊTRE JEAN 77
tes pierres et les tendit au roi. Celui-ci les prit^ et dit : «r Je ne vois pas
que ces pierres soient des joyaux^ et on ne doit pas s'attendre» me
lemble-i-il, à ce que je donne de mon bien pour ces pierres, puisque je
n'en connais pas la valeur; mais je les garderai, car je pense que celui
qui me les envoie me demandera quelque chose en échange. )> Et au
bout de quelque temps, il arriva un jour, comme le roi était à tabte^
qu'un homme inconnu entra dans la salle et s^approcha du roi ; il salua
le roi ei lui dit r « Sire, vous a-t-on remis des pierres envoyées pour
vous de l*Inde ? a Le roi répondit aftirmaiivemeni. L'étranger demanda :
« Voulez-vous récompenser celui qui vous les a envoyées ? — Je ne
sais pas w, répondit le roi, « jusqu'à quel point elles méritent une
récompense, car je ne vois pas ce que j'en peux faire, n L'étranger
répliqua : « Montrez-les-moi. )) Le roi les fit apporter. CJuand l'homme
eut reçu les pierres, il les mit dans sa main et dit au roi : <t Ces pierres,
sire, vous semblent sans valeur; mais avec votre permission je vais
vous instruire de leur nature. » Là-dessus il prit une des pierres, Téleva
en Tair. et dit : *( Voici la nature de celte pierre. Si vous prenez un
poids d'or égal au sien et que vous la mettiez avec l*or, celui<î 8*accroit
si bien qu'il se double rapidement, et tant que la pierre reste là, il va
toujours doublant. » Le roi à ces mots devint silencieux et dit (en lui-
même] : <i C^est vraiment un joyau de roi. >> L'étranger prit la seconde
pierre et dit : « La nature de cette pierre est telle que si vous êtes dans
un combat, même sans armes, et que vous la portiez sur vous, vous ne
recevrez pas une blessure, w Le roi se tut, regrettant d'avoir laissé cette
pierre quitter ses mains. L'autre prit la troisième pierre, la leva devant
le roi, et dit : « La nature de cette pierre est telle que moi, qui la liens,
je suis maintenant ici et je serai dans un moment en Inde, n Là- dessus,
toutes les pones fermées, il disparut et on ne Ta plus revu. Je ne puis
dire quel était ce roi ; j'ai entendu assurer à quelques-uns que c'était
Waldemar le vieux, parce qu'il avait des joyaux rares qui venaient de
rinde; mais je ne puis le dire avec certitude.
Comparez avec ce récit la nouvelle italienne, dont voici le texte ' :
DeUa Ticca ambascemla (juaiefece h Presto Giovanni al nobite Imperadore
Federigo*
Presto Giovanni nobilissîmo signore îndiâno mandoe ricca e nobîle
ambasceria al nobile e poiente Imperadore Federigo, a cotui che vera-
mente fu specchio del mondo in parlare et in costumi, et am6 molto
diUcato parlare, et istudiô in dare savi risposi. La forma e la intenzîone
di quella ambasceria fu solo in due cose, per volere al postuito provare
^ r. C'est la deuxième du texte Gualteruzxi, la première dti texte Borghini.
Yojti sur ces deux textes d'Ancona» Le. II, 3S} ss.
78 fl. KŒHLER
se lo ^mperadore fosse savio in parlare et in opère. Mandolli per H detti
ainbascîadori tre piètre nobiiissime e disse loro : « Ûonatele allô 'rope-
radore, e diteii dalla pane mia che vi dîca quale è la migliore cosa del
mondo, e le sue parole e risposte serbereie, et avviserete la corte sua
e costumi di quella^ e quelio che inverrete^ raccontarete a me sanza
niuna mancanza. )» Furoalb 'mperadore dove erano mandali perlo loro
signore : satutaronlo, siccome si convenîa , per la pane délia sua
Maesiade, e per la pane dello loro sopra scritto signore donaronli le
sopra dette piètre. Quelli le prese, e non domandôdi loro vinude : fecele
riporre, e lodolle molto di grande bellexza. Li ambasciadori fecero la
demanda loro, e videro li costumi e la corte. Poi dopo pochi giomi
addomandaro coraroiato. Lo 'mperadore diede loro risposia e disse :
H Ditemi al signor vostro^ che la miglior cosa di questo mondo si è
mtsura '. » Andaro, e rinunzîaro e raccontaro ci6 ch' aveano veduto et
udito, lodando molto la corte dello 'mperadore omata di belh&siini
costumi, e 'l modo de* suoi cavalieri. Il Presto Giovanni, udendo ciô che
raccontaro li suoi ambasciadori, lodô lo 'mperadore, e disse che era
molto savio in parola^ ma non in fatto, acciocchè non avea domandato
délia vinii di cosi care piètre. Himandô li ambasciadori, et offerseli, si
li piacesse, che '1 farebbe siniscalco detla sua cône. E feceli contare le
sue ricchezze e le diverse ingenerazioni de' sudditi suoi e il modo del
suo paese. Dopo non gran tempo» pensando il Presto Giovanni, che le
piètre ch' avea donato ailo 'mperadore avevano perduia loro vinude,
dappoi che non erano per lo 'mperadore conosciute, lolse uno suo
carissimo lapidaro, e mandollo celatamenie alla corte dello 'mperadore,
e disse ; « Al postutio metti lo ^ngegno tuo che tu quelle piètre mi rechi ;
per niun tesororimanga. » Lo lapidaro si mosse guernito di molle piètre
di gran bellezza, e cominciè presso alla cône a legare sue piètre. Li
baroni a cavalieri veniano a vedere di suo mesiiero. L' uomo era molto
savio : quando vedeva alcuno ch* avesse luogo in corte, non vendeva^
ma donava; e donô anella moite; tanto che la Iode di lui andô dinanzi
allô 'mperadore. Lo quale mandô per lui, e raostrolli le sue piètre.
Lodolle, ma non di gran vertude, Domandô se avesse più care piètre.
Allora lo *mperadore fece venire le tre care piètre preziose ch' elli desi-
derava di vedere. Allora il lapidaro si rallegrô» e prese l'una pielra, e
miselasi in mano, e disse cosi : «Quesla pielra, messere, vaîe la migliore
t , Giovanni Picrolt» {U Ctnto Novtlle ûntkht iltastrate ad uso àtlk scuole, Mi-
lano, i86cï, p, jj) rappelle les vers de Fra Jacopone : Ogni cosa chcfai Aggia
ttmpo t mtsara (cl. Nannucci, Manuak dîtla Uncruîara dci primo lecofo^ 2' cd.|
1, 408). La ressemblance est plus frappante avec ces vers 0 un poème allcmana
(Mcisur Attswtrt. Hgg. von W. Holland und A. Kciler, Stuttgart, 1850, p. ^7) :
^..Gioubt mtr Oai du mazi das ksu ist AlUnthaiben in dirre Jntt. Voy. encore
J» Zingerle, DU daiuchm Sprichwœrkr im Mttulalur^ P- ^*
1
LA NOUVELLE DU PRÊTRE JEAN 79
cinà che voi avete. «* Poi presel'alira^c disse : «fQuesta, messere, vale la
migUor provincia che voi aveic, )j E poi prese la terza, c disse ; « Mes-
icre, questa vale più che tutto lo 'raperio»; estrinse il pugno cou le sopra
scrjue piètre. La vertude dell* iina il cel6, che nol potero vedere, e
diicese giù per le gradora, e tomô al suo signore Pre&lo Giovanni, e
presentoUi le piètre con grande aitegrezza. »
Je vois dans Tislandais une altération du récit original, et dans l'italien,
au contraire, le récit original même oy une forme très-voisine- L'histoire,
telle que nous la présente la nouvelle italienne, est pleine de sens, bien
motivée dans toutes ses parties^ conséquente, claire et complète : le
prince indien veut éprouver la sagesse célèbre de l'empereur occidental ;
c'est pour cela qu'il lui envoie les merveilleuses pierres; mais l'épreuve
r»ç tourne pas à Thonneur de l'empereur, qui, satisfait de la beauté
extérieure des pierres, ne songe pas à s'informer de leur vertu interne;
c'est donc à bon droit, et par sa faute, qu'il perd plus tard les pierres
qu'il n'a pas su apprécier. Dans le récit islandais la signification de la
fiouvelie italienne est etfacée : ce n'est pas la faute du roi si la « nature n
des pierres lui est inconnue, et il a conscience de cette ignorance à laquelle
il ne peut rien ; il les perd donc sans qu'il y ait de sa faute; à moins qu'on
ne veuille le trouver coupable d^avoir remis les pierres à un étranger.
On ne comprend pas non plus du tout, dans le récit islandais, pourquoi
l'Indien envoie ces précieuses pierres au roi de Danemark; on ne voit
pas davantage si l'étranger qui les lui reprend est ce même Indien ou
non.
En ce qui concerne la nouvelle italienne, j'ai encore à faire les remar-
ques suivantes. On sait qu'il existe une prétendue lettre du prêtre Jean à
l'empereur grec Emmanuel (i 14^-80), dans laquelle il décrit en détail
les pays et les peuples qui lui sont soumis'. Cette lettre fut de très-
bonne heure mise en rapport avec l'empereur Frédéric Barberousse,
contemporain d'Emmanuel, Un manuscrit de la lettre, qui est attribué
au xn* siècle, commence ainsi : Incipit epistola JohannU régis Indiae Ema~
niuli régi Graecomm missa et ab ipso Frlderico imperaton direcîa^. Albéric
de Trois-Fontaines rapporte dans sa chronique, à l'année 1 165 : £x hoc
1. Crtte lettre a été publiée l'année dernière, pour la première fois dans m
tctte critique, par Friedrich Zarncke, à Leipzig, dans un écrit universitaire qui
a pour titre : Ex ordinis philosophoram mandato renantiantur pkilosojhtat dociorcs
a Êrimm Ubualium mûgistn indt a dit pnmo mcnsis novtmbris a,M u CGC ÙCXUl
u^t ad ditm alùmum mcnsts oclobriia. M D CGC LXXÎV aealL Pratmmàtsl Fri"
dirkt ZarncU A, t. duam comnientatio « de epistola^ quac sub mminc prtsbyttri
hkûima fatar » palrio sermonc conscripia, Lîpsiâe, typrs A, Edelmanni, typogr.
Klà., in-4\
2. Zarncke, 1. c, p. (. Vov. aussi les rubriques presque pareilles de deux
■iBUKrits postérieurs (2ârnckej p. 8, n« 22, et p, 13, n*" ^9).
8o R. KŒHLER
kmfon JiMium prtsbyUr^ ladorum nx, literas suas muUa admiroÈixm
fkms ai Hvtrsos reges christianitatis misitj speciaUter aatm Mtmmâi
CofUUHtinopolàuio et Romanorum imperatori Friderico,
La lettre est adressée à Frédéric seul dans la traduction française
publiée par A. Jubinal [Œuvres complètes de Rutebauf, Il,454ss.)» d'après
un manuscrit du xm* siècle, dans la traduction italienne qui se troore
dans un manuscrit de Vienne du xv^ siècle s dans une imitation poétique
allemande \ et peut-être dans trois manuscrits latins '.
La circonsunce que la nouvelle italienne raconte une ambassade du
prêtre Jean à l'empereur Frédéric, ferait déjà supposer une relation de
notre histoire avec cette lettre qu'on a de bonne heure, comme nous
venons de le voir, supposée écrite à Frédéric. Un passage de la nouvelle
change cette vraisemblance en certitude, en montrant que l'auteur a
connu la lettre, soit dans l'original latin, soit dans une traduction. On
lit en effet dans l'italien : Rimandà H ambasciadoriy et offersdiy se li
piacisse, che '/ farebbe siniscalco délia sua corte; et c'est évidemment
une allusion aux paroles qui se trouvent au commencement de la lettre
du prêtre Jean (§ 7 de l'édition de Zarncke) : « Quodsiaddominationem
nostram venire volueris, majorem domus nostrae^ te constituemus. » Ce
passage est rendu ainsi dans la version italiennes : E si vujvolUssij vemre
m k imtn terre, molto ne piazareve, Imperador, che nuj si vefaremmo grande
S4<Mco [1. Senechalco] de la nostra corte et de le nostre Urre apresso de la
imtriliiiiinitadet et dans la traduction française dont il a été parlé plus
haut : JCI sHl vos plaisoit a venir en nostre tierre, bien soiiés vous venus, et
nos Vi>us ferons senescal de nostre court. Quant à ce qui suit dans la nou-
YtUe italienne : E feceli contare le sue ricchezze e le diverse ingenerazioni
\^ Ci /arncke, p. 20. Mon ami Adolf Wolf, à Vienne, qui vient de mourir,
AYAll bim voulu me donner quelques renseignements sur cette traduction ita-
\\tmts Kllf commence ainsi : Prête cagne per la gratta de dio. Re soura gli altri
Rf \K\ un bUnc) Ftdtricho Imper adore de roma. Soluté et amore^ ce qui coïncide
l^r««^Uf littéralrment avec l'ancienne traduction française, dans Jubinal : Prestres
AÀiMjk. JSN /ti grass: de Dieu rois entre les rois crestiens, mande salut et amistiis
^ fW»! rmptitour de Roume,
I. /«rnctfi i. c.,p. 30. Voyez aussi sur cette version Uhland. Schriften zur
iki^\k¥ikh d<i Ihthtung undSage^ I, 495 ss.; J. Grimm, Kleinere Schriften^ III, 1 1
tl A4 »«.; il. Voigt dans Sybel, Historische Zeitschrift, XXVI, 157. Dans cette
>^>r>KMi U Ifttrf est accompagnée d*un récit, d'après lequel le prêtre Jean envoie
^ r^wi^rrur» rn même temps que sa lettre, divers objets merveilleux, entre
Atttrfn AUMki une nierre qui rend invisible, mais en faisant connaître clairement
l«^v% v«rtU!( prv>digicuses. D'après Uhland, p. 497, ce récit serait aussi une
4lt^*uti\Mï vie U nouvelle italienne.
r /^rwAe, I. c.p. ii, n* 40 et 42, p. 13, n- 55; cf. encore p. 17 s.
4. Il Uut ctrtJiinement lire ainsi, et non majorem et digniorem domus nostrae,
\\\\t i^M-tfHt les manuscrits.
\ iAmuuuwiqué par Ad. Wolf.
LA KOUVELLE DU PRÊTRS JEAM 8t
' suddni suoi € il modo dcl suo paese, ce n'est autre chose qu'un résumé
bref, mais exact, de toute la lettre du prêtre Jean*
il résulte clairement de ce qui précède qu*en faisant adresser la lettre
dn prêtre Jean à l'empereur Frédéric, on entendait Frédéric r* ou Bar-
beroussep le contemporain d'Emmanuel. Mais notre nouvelliste italien
songe-t-il aussi au premier Frédéric ? Je n^oserais pas le décider », parce
que je ne vois pas auquel des deux Frédéric se rapportent plusnaturellc-
mcni ces expressions : il nobile e potente imperadore Federigo, colui dit
tmaminufa spccchio del mondo in parlare et in costami^ et amà molto dili-
mm parlare, et isludiô in dare savi risposti Un éditeur déjà cité du
^Utiino, G, Pierotii, remarque sur ce passage : « Che il gentile impe-
radore si dilettasse di arguie ris poste, ne fa fede Dante net Convito, ove
racconta che domandato che fosse gentilezza, rispose che era aniica
ricchezza e bei costumi. » D*après cela il s'agirait de Frédéric 11*, Au
contraire une remarque que j*aï faite parle peut-être pour Frédéric K^
De même que dans la nouvelle on dit de l'empereur « che veramente fu
sptuhlù del mondo in parlare et in costurai », de même Johannes Adel-
phus, dans le prologue de son Barbarossa^^ p. H h, dit de Barberousse :
■ Der bilJich soi) geachtet werden fur ein tautern claren weîtspiegel
allen fursten und herren, usz dem zu erkùnden und erlernen ein rum-
feich lobiich régiment furen (lequel doit être à bon droit regardé comme
on miroir du monde pour tous les princes et seigneurs, par lequel ils peu-
vent apprendre à avoir un gouvernement glorieux) , etc, » Peut-être la
rencontre du Novellino et d'Adelphus dans la désignation de miroir
du monde ne signifie-t-elle rien : Tun et 1 autre pourraient l'avoir rencon-
trée indépendamment et l'avoir appliquée arbitrairement l'un à Fré-
déric II, l'autre à son grand-père; mais il est possible aussi que
Tépilhète de miroir du monde ait été anciennement attachée à Frédéric 1 :
dans ce cas ce serait à lui, naturellement, que se rapporterait le rédt du
Hofellino,
Reinhold Kœhler.
Weiroar.
1. Plusieurs nouvelles, dans le Novtllino^ parlent de V Imperadore Federigo^
màh sans aucune spécification.
2, Osnte, à l'endroit dont il s'agit {Convito, IV, j) parle dt Federtgo di Soûve,
alùmo imperadore de' Romiim.
^. « Barbarossa. Ein warhafFtigebeschreibungdes îebens and dergeschichten
Kcisef Fridcrichs des crsten, gênant Barbarossa. ï> Strasbourg, i 520, m-fol.
komêma, V
CONTES POPULAIRES LORRAINS
RECUEILLIS DANS UN VILLAGE DU BARROIS
A MONTIERS-SUR-SAULX (MEUSE).
Cette collection de contes populaires présente ce caractère partîcylier
que» pour la former , nous avons puisé dans la tradition orale d*un seul
village : les quatre-^vingts contes environ dont elle se compose viennent
tous de cette même source* On voit quelle richesse a conservée, en
France comme ailleurs, malgré k^ envahissements du livre, celte litté-
rature populaire non écrite sur laquelle les frères Grimm ont les pre-
miers attiré Inattention des esprits curieux.
C'est en 1 866 et en 1 867 que ces contes ont été recueillis par mes
sœurs et moi à Montiers-sur-Saulx, village de Lorraine ou, si Ton veut
plus de précision, du Barrois, actuellement chef-lieu de canton du dépar-
tement de la Meuse, et situé à quelques centaines de pas de l'ancienne
frontière de Champagne. Nous devons la plus grande partie de notre
collection au zèle intelligent et à la mémoire prodigieuse d'une jeune
fille du pays, morte aujourd'hui, qui s'est chargée de rechercher par
tout le village les contes des veillées et nous les a ensuite transmis avec
une rigoureuse fidélité.
De bons juges ont parfois exprimé le regret de trouver dans certaines
collections de contes populaires un style apprêté, des développements et
des enjolivements qui trahissent le littérateur. Nous espérons qu'on ne
nous adressera pas cette critique; nous avons du moins tout fait pour ne
pas nous y exposer, et, si notre collection a un mérite, c'est, ce nous
semble, de reproduire avec simplicité et aussi exaciemeni que possible
les récits que nous avons entendus.
A la suite de chacun de nos contes nous indiquerons les ressemblances
qu'il peut présenter avec tels ou tels réciu faisant panie de quelqu'un
i
CONTES POPULAIRES LORRAINS 8j
fûm nombreux recueils de contes populaires déjà publiés à l'étranger.
Pour ne point allonger démesurément ces remarques, nous supposerons
connu tout ce que contiennent les remarques formant le troisième volume
de ta collection des frères Grimm et celles que M. Reinhoid Ktehler a
publiées en 1866 et 1867 sur des contes italiens dans le Jahrbuch fur
fomanUche and englische Literatur eit en 1870, sur les deux volumes de
contes siciliens recueillis et traduits en allemand par M'^* Laura Gonzen-
bach. Nous insisterons particulièrement sur !es ressemblances parfois si
frappantes qui existent entre nos contes iorrains ou autres contes euro-
péens et les contes orientaux. Notre collection fournira ainsi un docu-
ment de plus à rhistoire des migrations des ficiions indiennes à travers
le monde, histoire qui a été tracée de main de maître par M, Théodore
Benfey, le célèbre orientaliste de Gœttîngue, et que nous avons essayé
naguère' d*exposer d'après les écrits de ce savant.
JEAN DE L'OURS,
Il était une fois un bûcheron et une bûcheronne. Un jour que celle-ci
[allait poner la soupe à son mari, elle se trouva retenue par une branche
[lu milieu du bois. Pendant qu'elle cherchait à se dégager, un ours se
isuf elle et remporta dans son antre. Quelque temps après, la femme,
l<iui était enceinte^ accoucha d'un dis moitié ours et moitié homme : on
|l^appelâ Jean de TOurs.
>L\»irs prit soin de la mère et de l*enfani : i! leur apportait tous les
Eà manger; il allait chercher pour eux des pommes et d^auires fruits
^aovages et tout ce qu'il pouvait trouver qui fût à leur convenance.
Quand l'enfant eut quatre ans, sa mère lui dit d'essayer de lever la
pierre qui fermait la grotte où l'ours les tenait enfermés, mais Penfant
Quêtait pas encore assez fort. Lorsqu'il eut sept ans, sa mère lui dit:
Il L'ours n'est pas ton père* Tâche de lever la pierre, pour que nous
ions nous enfuir. — Je la lèverai, >» répondit l'enfant* Le lende-
matin^ pendant que Tours était partie î) leva en effet la pierre
jet sVnfuit avec sa mère. Ils arrivèrent à minuit chez le bûcheron,
b mère frappa à la porte, tt Ouvre, ** cria-t-elle, « c'est moi, la femme. )»
Léman ^e releva et vint ouvrir: il fut dans une grande surprise de
revoir sa femme qu'il croyait morte. Elle lui dit : « Il m'est arrivé une
I. Voir Us Contes populaires emopàns et leur origine dans le Correspondant du
84 E. COSQUIN
terrible aventure : j'ai été enlevée par un ours. Voici l'enfant que je por-
tais alors. ))
On envoya le petit garçon à l'école; il était très-méchant et d'une
force exiraordinaire : un jour, li donna à l'un de ses camarades un tel
coup de poing que tous les écoliers furent lancés à l'autre bout du banc.
Le maître d'école lui ayant fait des reproches, Jean le jeta par la fenêtre.
Après cet exploit, il fut renvoyé de récole» et son père lui dit : « Il est
temps d'aller faire ton tour d'apprentissage. »
Jean, qui avait alors quinze ans^ entra chez un forgeron, mais il faisait
de mauvaise besogne : au bout de trois jours il demanda son compte et
se rendit chez un autre forgeron. Il y était depuis trois semaines et
commençait à se faire au méiier, quand Tidée lui vint de partir. M entra
chez un troisième forgeron; il y devint très-habiîe, et son maitre faisait
grand cas de lui.
Un jour, Jean de TOurs demanda au forgeron du fer pour se forger
une canne. « Prends ce qu'il te faut, n lui dit son maitre, Jean prit tout
le fer qui se trouvait dans la boutique et se fit une canne qui pesait cinq
cents livres, tf 11 me faudrait encore du fer, j> dit-il, « pour mettre un
anneau à ma canne. » — Prends tout ce que tu en trouveras dans la
maison, » lui dit son maître; mais il n'y en avait plus.
Jean de TOurs dit alors adieu au forgeron et partit avec sa canne. Sur
son chemin il rencontra Jean de la Meule qui jouait au palet avec une
meule de moulin, « Oh! oh! »> dît Jean de TOurs, tf tu es plus fort
que moi, Veux-tu venir avec moi? — Volontiers, » répondit Jean de la
Meule, Un peu plus loin, ils virent un autre jeune homme qui soutenait
une montagne; il se nommait Appuie-Montagne. « Que fais-tu là? » lui
demanda Jean de l'Ours. — « Je soutiens celte montagne : sans moi elle
s'écroulerait. — Voyons, » dit Jean de l'Ours, « ôte-loi un peu. »
L'autre ne se fut pas plus t6t retiré^ que la montagne s'écroula. « Tu es
plus fort que moi, » lui dit Jean de TOurs, « Veux-to venir avec moi?
— Je le veux bien, » Arrivés dans un bois, ils rencontrèrent encore un
jeune homme qui tordait un chêne pour lier ses fagots : on l'appelait
Tord-Chêne, u Camarade, » lui dit Jean de TOurs, a veux-tu venir avec
moi ? — Volontiers, « répondit Tord-Chêne.
Après avoir marché deux jours et deux nuits à travers le bois, les
quatre compagnons aperçurent un beau château; ils y entrèrent, et,
ayant trouvé dans une des salles une table magnifiquement servie, ils s'y
assirent et mangèrent de bon appétit. Ifs tirèrent ensuite au sort à qui
resterait au château, tandis que les autres iraient à la chasse: celui-là
devait sonner une cloche pour donner à ses compagnons le signal du
dîner.
Jean de la Meule resta le premier pour garder le logis. Il allait irem-
ta^ÊÊÊÊÊm
É
CONTES POPULAIRES LORRAINS 85
per la soupe, quand tout à coup il vit entrer un géant, ce Que fai$-tu ici,
drôle? w lui dit le géant. En même temps, il terrassa Jean de la Meule
et partit, Jean de la Meule, tout meurtri, n*eut pas la force de sonner la
cloche.
Cependant ses compagnons, trouvant le temps long, revinrent au châ-
teau* « Qii'est-il donc arrivé? » deraandèrent-ils à Jean de la Meule. —
« J'ai été un peu malade : je crois que c'est la fumée de la cuisine qui
m'a incommodé. — N^est-ce que cela? » dit Jean de l'Ours, « le ma!
n'est pas grand. »
Le lendemain, ce fut Appuie-Montagne qui resta au château. Au mo-
ment où il allait sonner la cloche, le géant parut une seconde fois.
*' Que fais-tu ici, drôle ? >» dit-il à Appuie-Montagne, et en même temps
il le renversa par terre. Les autres n'entendant pas le signal du dîner,
se décidèrent à revenir. Arrivés au château, ils demandèrent à Appuie-
Montagne pourquoi la soupe n'était pas prête. « C'est, n répondii-il,
« que la cuisine me rend malade. — N'est-ce que cela ? » dit Jean de
l'Ours, « le mal n'est pas grand, )i
Tord-Chéne resta le jour suivant au château. Le géant arriva comme
il allait tremper la soupe. « Que fais-tu ici, drôle? « dit-il à Tord-Chêne,
et, rayant terrassé, il s'en alla. Jean de l'Ours, étant revenu avec ses
compagnons, dit à Tord-Chêne: <f Pourquoi n'as-tu pas sonné? — C'est,»
répondit l'autre, « parce que la fumée m'a fait mal. — N'est-ce que
cela? » dit Jean de TOurs, « demain ce sera mon tour. )>
Le jour suivant, au moment où Jean de POurs allait sonner, le géant
arriva. « Que fais-tu ici* drôle? » dit-il au jeune homme, et il allait se
jcier sur lui, mais Jean de l'Ours ne lui en laissa pas le temps ; il saisit
sa canne et fendit en deux le géant. Quand ses camarades rentrèrent
au château, il leur reprocha de lui avoir caché leur aventure. « Je
devrais vous faire mourir, n dit-il, « mais je vous pardonne. »
Jean de l'Ours se mit ensuite à visiter le château. Comme il frappait
le plancher avec sa canne, le plancher sonna le creux : il voulut en
savoir la cause et découvrit un grand trou. Ses compagnons accoururent.
On fit descendre d'abord Jean de la Meule à l'aide d'une corde; il tenait
â la main une clochette. « Quand je sonnerai, a dit-il, « vous me remon-
terez. » Pendant qu'on le descendait, il entendit au-dessous de lui des
hurlements épouvantables; arrivé à moitié chemin, il cria qu'on le fit
rcroomer, qu'il allait mourir. Appuie-Montagne descendit ensuite ; effrayé,
lui aussi^ des hurlements qu'il entendait, il sonna bientôt pour qu'on
le remontât. Tord-Chêne fit de même.
Jean de l'Ours alors descendit avec sa canne. Il arriva en bas sans
avoir rien entendu et vit venir à lui une fée. « Tu n'as donc pas peur du
géant? » lui dit-elle. — u Je l'ai tué, » répondit Jean de TOurs. — « Tu
86 E. cosQurN
as bien fait, m dit la fée, u Maintenant tu vois ce château : il y a
diables dans deux chambres, onze dans la première et douze dans la
seconde; dans une autre chambre tu trouveras trois belles princesses qui
sont sœurs, d Jean de TOurs entra dans le château, qui était bien plus
beau que celui d'en haut : il y avait de magnifiques jardins, des arbres
chargés de fruits dorés, des prairies émaillées de mille fleurs brillantes.
Arrivé à l'une des chambres, Jean de l'Ours frappa deux ou trois fois
avec sa canne sur la grille qui la fermait, et la fit voler en mille pièces ;
puis il donna un coup de canne à chacun des petits diables et les tua
tous. La grille de Tautre chambre était pîus solide; Jean finit pourtant
par la briser et tua onze diables. Le douzième lui demandait grâce et le
priait de le laisser aller. « Tu mourras comme les autres, » lui dit Jean
de rOurs, et il le tua.
Il entra ensuite dans la chambre des princesses. La plus jeune^ qui
était aussi la plus belle, lui fit présent d'une petite boule ornée de perles,
de diamants et d'émeraudes. Jean de TOurs revint avec elle à Fendroit
où il était descendu^ donna le signal et fit rcmonier la princesse, que
Jean de la Meule se hâta de prendre pour lui. Jean de l*Ours alla cher-
cher la seconde princesse, qui lui donna aussi une petite boule ornée de
perleSf d*émeraudes et de diamants. On la remonta comme la première
et Appuie-Montagne se l'adjugea. Jean de POurs retourna près de ta
troisième princesse; il en reçut le même cadeau^ et la fit remonter comme
ses sœurs : Tord-Chêne la prit pour lui. Jean de l'Ours voulut alors
remonter lui-même ; mais ses compagnons coupèrent la corde : il retomba
et se cassa la jambe. Heureusement il avait un pot d'onguent que lui
avait donné la fée : il s^en frotta le genou et il n'y parut plus.
Il était à se demander ce qu'il avait à faire, quand la fée se présenta
encore à lui et lui dit : a Si tu veux sortir d'ici, prends ce sentier qui
conduit au château d'en haut; mais ne regarde pas la petite lumière qui
sera derrière toi, autrement la lumière s'éteindrait et tu ne verrais plus
ton chemin, »
Jean de l'Ours suivit le conseil de la fée. Parvenu en haut, il vit ses
camarades qui faisaient leurs paquets pour partir avec les princesses.
« Hors d'ici, coquins! >i cria-t-il, « ou je vous tue. C'est moi qui ai
vaincu le géant, je suis le maUre ici. n Et il les chassa. Les princesses
auraient voulu l'emmener chez le roi leur père, mais il refusa, a Peut-
être un jour, « leur dit-il, « passerai-je dans votre pays : alors je vien-
drai vous voir. A II mît les trois boules dans sa poche et laissa partir
les princesses, qui, une fois de retour chez leur père, ne pensèrent
plus à lui.
Jean de l'Ours se remit à voyager et arriva dans le pays du roi, père
des trois princesses. Il entra comme compagnon chez un forgeron;
É
CONTES POPULAIRES LORRAINS 87
fMune il était très-habile, la forge fut bientôt en grand renom.
«'Le roi fit un jour appeler le forgeron et lui dit : a II faut me faire
trois petites boules dont voici le modèle. Je fournirai tout et je te don-
nerai un million pour la peine; mais si dans tel temps les boules ne
sont pas prêles, tu mourras. j> Le forgeron raconta h chose à Jean de
rOurs, qui lui répondit qui! en faisait son affaire.
Cependant le terme approchait, et Jean de TOurs n'avait pas encore
tra>'aillé; il était à table avec son maîire. « Les boules ne seront pas
prêtes, » disait le forgeron. — « Maître, allez encore tirer un broc, »
Pendant que le forgeron était à la cave, Jean de l'Ours frappa sur l'en*
clume, puis tira de sa poche les boules que lui avaient données les prin-
cesses : la besogne était faite.
Le forgeron courut porter les boules au roi. « Sont-elles bien comme
Yous les vouliez? » lui dit-il — « Elles sont plus belles encore, >j répon-
dit le roi. il fit compter au forgeron le million promis, et alla montrer
les boules à ses filles. Celles-ci se dirent Tune à Tautre : « Ce sont les
boules que nous avons données au jeune homme qui nous a délivrées, n
Elles en avertirent leur père, qui envoya aussitôt de sts gardes pour aller
chercher Jean de l'Ours; mais il ne voulut pas se déranger. Le roi envoya
d'autres gardes, et lui fit dire que, s'il ne venait pas, il le ferait mourir.
Alors Jean de l'Ours se décida.
Le roi le salua, et après force compliments, force remerciements, il
lui dit de choisir pour femme celle de ses trois filles qui lui plairait le
plïB. Jean de l'Ours prit la plus jeune, qui était aussi la plus belle. On fit
les noces trois mois durant. Quant aux compagnons de Jean de POurs^
ils furent brûlés dans un cent de fagots.
Notre conle correspond au n- i66 de Gnmm^ Jean k Fort. Voyez les remarques
de Guilbame Gnmtn sur ce conte suisse. On trouvera un grand nombre de rap-
prochements curieux dans les remarques dont M. Rdnhold Kœhler a accompagné
un conte italien de Vênétie {hhrhuck fur romanisckc und tnghsthe littmur^
tnnkt 1S66, p. 2\) et plusieurs contes siciliens de la collection Gonzenbach
Notts nous bornerons ici à compléter ces remarqucs.
Le commencement de notre conte lorrain est presque identique à celui d'un
conte du Tyrol italien de même titre, Gtmn dall' Urs (Schncller, Marchm ans
Waischtiroî^ p. 189). L'enlèvement de la femme par Tours, les efforts de Pcn-
fetil pour soulever la pierre (la « montagne, • dit le conte tyrolien), ses méfaits
1 rècole^, tout s'y retrouve. Dans un autre conte, également du Tyrol italien
40. 114), le héros, comme notre Jean de TOurs, demande à son maître le for-
ftnm ïa permission de se forger une canne et y emploie tout le fer qu'il y a
AiBi l'atelier.
I
88 E. COSQUIN
Dans un conte russe dont rintroduclion est citée par M. de Gubcmatis (l. 11^
p. 1Ï7) dans sa Zoohgical Mytkohgy^ — livre curieux pour ses citations de
contes russes, mais de la valcnr la plus contestable au point de vue scientifique,
— le héros Ivanko Mtdmdko (Jean fils de TOurs) est le fils d'un ours et d'une
femme que celui-ci a enlevée. Ivanko est homme de la tête à la ceinture, el de
la ceinture aux pieds îl est ours (notre Jean de FOurs est, lui aussi, * moitié
homme et moitié ours •). Celle tniraduction ne figure que dans un petit nombre
de contes connus, par exemple dans le conte serbe n* i de la collection Vouk
Stephanowitch Karadjich, corile dont la plus grande partie n*a rien de commun
avec le nôtre; dans un conte allemand du gratid-duché d'Oldenbourg (cottection
Slrackerjan, li, J26), où le héros s'appelle Ham Bitr (Jean TOurs); dans un
conte hanovrien (Colshorn, n" \\ où son nom est Putr Buir (Pierre FOurs);
dans un conte catalan du Rofidaiîayre publié par M. Maspons yLabros(I,n*» 1),
où nous retrouvons t Jean de FOurs, •
Outre les contes indiqués par M, H. Kœhler dans les remarques mentionnées
plus haut, il faut rapprocher du nôtre les contes suivants:
D'abord un conte russe, analysé par M. Ralston dans ses Rusmn Folk-lûUs
(London, iSyj), p» 144-146. Quatre * héros, ■ qui parcourent le monde de com*
pagnie, entrent un jour dans une chaumière inhabitèeau milieu d'une épaisse forêt.
L'un d'eux reste pour préparer le repas, tandis que les autres vont à la chasse.
Tout à coup arrive une Baba Yaga (sorte de sorcière ou d'être malfaisant) qui
le bat et lui coupe dans le dos une lanière sanglante. Même aventure arrive
aux deux suivants. Mais le plus jeune, Ivan, roue de coups fa Baba Yaga et
lui coupe trois lanières dans le dos. Elle parvient à s'échapper et disparaît sous
une pierre. Ivan se fait descendre dans le trou et retrouve la Baba Yaga qu*il
réussit k tuer, grâce aux avis des enfants de celle-ci, trois belles jeunes filles.
Il les fait remonter par ses compagnons, qui l'abandonnent au fond du trou»
Il parvient à en sortir et tue les traîtres.
M. Ralston (p. 7O donne la traduction d'un autre conte russe du même
genre. Le héros est le plus jeune de trois princes. Voulant poursuivre un monstre
qui ravage le parc du roi, il se fait descendre dans le monde inférieur, où tt
trouve successivement dans trois palais, l'un de cuivre, l'autre d'argent et leJ
troisième d'or^ trois princesses, sœurs du monstre. La plus ieune lui enseigne i
le moyea de tuer celui-ci. Quand le prince est au moment de les faire remonter^
les princesses, magiciennes^ changent leurs châteaux en œufs et !es donnent au
prince. Suit la trahison des deux frères et la délivrance du jeune prince qu'un
aigle ramène dans le monde supérieur l' comme dans un conte lorrain, k Cûnneis
ctnq cents Imts^ que nous donnerons plus tard). L^s princesses, arrivées â la cour
du roi, déclarent qu'elles ne se marieront que si elles ont des habits pareils i
ceux qu'elles portaient dans Fi autre monde. > Le jeune prince, qui est entré
comme ouvrier chez un tailleur, souhaite que ses trois œufs redeviennent des
palais, et y prend les robes des princesses, qu'il leur envoie par son maître. Il fait
U même chose chez un cordonnier, etc. De cette façon les princesses connais*
sent l'arrivée de leur libérateur.
Nous trouvons dans la Zoologicat Mythohgy de M. de Gubcrnatis (t. lï,
p. 187) un conte toscan, et dans le cinquième rapport de M. F. -M. Luzel sur
CONTES POPULAIRES LORRAINS 89
UAe inisstoii eo Basse-Bretagne*, p. 10, un conte breton du même genre que ce
conte russe.
Mentionnons encore un conte irlandais, U$ Trois CQuronms (Kennedy, Ugin*
dâfj Fictions of îhi Irish CsUs. London, 1866, p* 4J).
Enfin on a recueilli dans rOricnt plusieurs contes dérivés de la même source,
source indienne évidemment. Nous croyons qu'\ï ne sera pas sans intérêt de
donner une analyse de ces contes orientaux.
\\ existe sur le versant septentrional du Caucase une peuplade d^origine mon-
gole, musulmane de religion, et qui porte le nom d'Avares, que portaient les
tribus de même race exterminées jadis par Charlemagne, M. Ant. Schiefner a
publié récemment, d'après des manuscrits, plusieurs contes en langue avare
auxquels il a joint une traduction allemande et des remarques fort intéressantes
dues à M. Reinhold Kœhler'. Le second conte de cette collection présente une
grtade ressemblance avec notre Jean de TOurs. Qu'on en juge :
La fille d'un roi est enlevée par un ours qui en fait sa femme. Elle met au
monde un fils, qui a des oreilles d'ours. L'enfant grandit d'une façon merveil-
leqic ft devient d'une force extraordinaire. Un jour que l'ours est sorti, il se
fait raconter par sa mère toute son histoire. L'ours survenant, il le précipite
dans un ravin oh l'ours se tue; puis il dit à sa mère de retourner dans son
pays ei s*en va d'un autre côté.
Oreille-d'Ours entre au service d'un roi qui, effrayé de sa force, cherche à se
débarrasser de lui en le chargeant d'entreprises très-périlleuses (toute celle par-
tie du conte avare ressemble à un conte lorrain que nous publierons plus loin,
kFili dû diable). Après s'être tiré de tous ces dangers, il s'en va droit devant
loi et rencontre un homme qui porte sur ses bras deux platanes arrachés avec
Irors racines. « Qui es-tu, ami, homme de force? » lui dit Oreilîe-d*Ours. —
» Quelle force puis-je avoir? » répond l'autre, « Un homme fort c'est, à ce qu'on
dit, Oreille-d'Ours, quia traîné la Kart (un certain être malfaisant) devant le roi- »
Oreille-d'Ours se fait connaître et l'autre se met en route avec lui. Ils rencon-
trent ^ assis au milieu du chemin, un homme qui faisait tourner un moulin sur
$es genoux. Après avoir échangé avec Oreille-d'Ours à peu près les mêmes
paroles que le premier, cet homme se joint aussi à lui.
Les trois amis s'établissent dans un endroit qu'ils trouvent convenable
et vivent de leur chasse. Les deux compagnons d'Oreille-d'Ours sont successi-
vement, pendant qu'ils apprêtent le repas » garrottés par un petit homme à longue
barbe qui arrive chevauchant sur un lièvre boiteux et qui mange toute la viande.
Mais Oreilled'Ours empoigne le petit homme et lui emprisonne la barbe dans
la fente d'un platane. Le nain s'étant échappé traînant le platane après lui, les
conpagtions suivent ses traces et parviennent à une ouverture, sur le bord de
{ai|0tile le platane a été jeté. Oreille-d'Ours s'y fait descendre, [I trouve dans
it palais une princesse que le nain a enlevée et tue le nain. Comme dans les
coiktes analysés précédemment, il est trahi par ses compagnons, qui enlèvent la
i. Publié dans les Anhmt des missions scitnù^qtics a litUrainSy t, I^ j« série.
2. Mimoires de l' Académie des uimces dt Sâint^Pitersbourg^ }* série, L XÏX,
' -j: -:r^^' Vient ensuite Tépisode d'une
^ .. . .: :-j^:z i neuf têtes à qui l'on était
, - * : 1 :: -5 retrouverons encore cet épi-
~ -. J-eiJe-d'Ours est ramené dans le
-:;-r:. :-2î »' a sauvé les petits menacés
--.j*. .. :. trouve ses deux compagnons
:. V..Ï !fs deux par terre d'un revers de
. . re -'J père de celle-ci et l'épouse.
- .,- ixtrème Orient, les Kariaines, qui
. ,- r.T'jgnes du Pégu et de la Birmanie,
— _• : \"c.:è de ceux que nous venons d'étu-
.v-ire sa mère, Ta-ywa est né aussi
--•-.;:: ît devient très-fort. S'étant fabriqué
:-.. i:i soleil viennent à l'eau, les menace
- - .t . ire plus grand. Le soleil envoie contre
.- ...1 .Jnce des rayons brûlants pour le faire
.•^>Tàr.d. Les gens deviennent envieux de sa
ri ..' - comme dans le conte avare et comme
.;--.':cns=. Voyant qu'on ne l'aime pas, il
--jontre Longucs-Jambcs « qui a dans ses
-- .v..:e six pays. » Ta-ywa lui raconte pour-
. - .. iit qu'il s'est trouvé dans le même cas :
^,. ..-i-es, on ne m'aimait pas. fi Et il se joint
. . ..::?5 personnages extraordinaires, Lo/i/rj.j8rdj,
- T^;. en détinitive, avec Ta-ywa que Longs-Bras
, ; TC-j un personnage nommé Shie-oo, les trois
^^ -i-s,"*' vide. K La place où Ta-ywa s'assit était
V .' ;jne tille qui était cachée dans une fente du
■ --^ * Croyant que c'était un insecte qui l'avait
. •;*:.- et découvrit la jeune fille. Celle-ci leur dit :
. -r r: i-:«-vous venus ici? Le grand aigle a mangé
^ ..v^-s il nîes sœurs. Mes parents ont eu pitié de moi
. v."^> "-> venus ici? Le grand aigle va vous dévorer. »
:-• <:î l'a-ywa parvient à tuer l'aigle. Puis il plante
;: !4:ssi* dans la maison de l'aigle Longues-Jambes
- . •\'N s? flétrissent, mets-toi vile à ma recherche. »
- '-rTcr.l leur route et arrivent à une autre maison
. . .--« une jeune fille et où Ta-ywa tue des tigres,
• ;*:;* encore des plantes herbacées et, laissant derrière
.^.^,--\înd.ilions qu'il a faites à Longues-Jambes^ il se
, • .-.ir.s une troisième maison où se cache encore une
^ ... .^^^:i jjros serpents qu'il doit combattre. Il en tue
Ay.jUi: Society of Bengal, t. XXXIV (1865^. seconde
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^\
d««, mais le troisième l'avale. Aussitôt les plantes se flétrissent : Longuts*
limks el Longs-Bras accourent â son aide, tuent k serpent et rendent la vie â
Ta-fwa*
Comme ce conte kariaine est tiré d'un recueil peu connu en Europe, nous
ivoos cru devoir donner une analyse assez étendue, même pour les passages
qtit s'éloignent de noire conte lorrain. Nous publierons plus tard un autre conte
de Monliers-sur-Saulx, intitulé La Canne dt cinq cents Imts^ qui offre plus de
ressemblance que Jtan de IVars avec la fin du récit kariaine. Dans ce conte, !e
héros, )cune homme d*une force prodigieuse et qui a pour compagnons, comme
Jean de TOurs et comme Ta-ywa, des personnages extraordinaires, délivre
successivement trois princesses gardées, comme dans le conte kariaine, dans
trois endroits différents par divers monstres.
11 faut encore citer un conte kalmouk, faisant partie de la collection de contes
imitulée St4dhi-Kùr (t le Mort doué du sîddhi, » c'est-à-dire d*une vertu ma-
giqocjj cûlleaion dont M, Théodore Benfey a montré Torigine indienne, el quî
est îmtlée du livre sanscrit la Vetàlûpûntchjvtnçaù {• les Vingt-cinq Htsloircs
d'un tetéU, i sorte de démon qui entre dans le corps des morts). Nous donne-
rons une courte analyse de ce conte kalmouk (traduction B. Jûlg, Leipzig,
1^66, n' i).
Le héros, Massang, a un corps d'homme et une tète de bœuf. Arrivant dans
une forêt, il y trouve au pied d'un arbre un homme tout noir, qui est né de la
forêt; il le prend pour compagnon. Plus loin, dans une prairie, il rencontre un
homme vert, qui est né du gazon, el plus loin encore, près d'un monlicule de
cristal, un homme blanc, né du cristal: il les emmène aussi tous les deux avec
lui Les quatre compagnons s'établissent dans une maison isolée; chaque jour
Ifoii d*cntre eux vont à la chasse, le quatrième garde le logis. Un jour Thomme
Dcir, cti préparant le repas, voit arriver une petite vieille qui lui demande â
goûter de son beurre et de sa viande; il y consent, mais à peine a-t-elle mangé
un morceau, que le beurre et la viande disparaissent, et la vieille aussi. L'homme
noir, bien ennuyé, s'avise d'un expédient : il imprime sur le sol, tout autour de
la maison, des traces de pieds de chevaux, et dit à ses compagnons, à leur
retour, qu'une grande troupe d'hommes est venue et qu'ils Tonl battu et lui
ont volé son beurre et sa viande. Les jours suivants, la même aventure arrive à
Thomme vert, puis à Thomme blanc. Cest alors le tour de Mas&ang de rester
seul; mais tl se méfie de la vieille, combat contre elle et la met en sang.
Quand ses compagnons sont de retour, il leur fait des reproches et leur en-
joint de se mettre avec lui â la poursuite de ta vieille. En suivant les traces
du sang, ils arrivent à une crevasse de rochers et aperçoivent au fond d'un
grand trou le cadavre de la vieilte et d'immenses trésors. Massang se fait des-
cendre dans le gouffre au moyen d'une corde, puis fait remonter tous les trésors
par ses compagnons. Mais ceuxci l'abandonnent dans ce trou. Massang croit
lion qu'if ne lui reste plus qu'à mourir. Cependant, en cherchant quelque
chose i manger, il trouve trois noyaux de cerises. M les plante en disant : « Si
letttis vraiment Massang, qu'à mon réveil ces trois noyaux soient devenus de
^K grands arbres, • Il s'étend parterre, en se servant comme d'oreiller du cadavre
^H deli vaille, et s'endort. Plusieurs années s'écoulent : il dort toujours. Quand
I
92 E< COSCiUlN
il se réveille, les cerisiers sont devenus grands, et il peut, en y grimpant, sortir
du trou. 1) retrouve ses compagnons, auxquels il fait grâce; puis, continuant
sa route, il monte dans le ciel, où, avec son arc de fer, il défend les dieux contre
les attaques des mauvais génies.
Enfin, dans la grande collection sanscrite de Somadeva, la Kâlkà-Sark»
Sàgâra («l'Océan des Histoires»), nous pouvons signaler quelques traits qui
ont du rapport avec plusieurs points de notre conte lorrain. Dans deux récits
de cette collection (t. I, p. no-uj, et t. Il, p. 17 j de la traduction alle-
mande de Brockhaus), le Kéros donne la chasse à un sanglier énorme, qui se
réfugie dans une caverne» Le héros l*y poursuit et se trouve dans un autre
monde, où il rencontre une belle jeune fille qui lui explique tout. Dans le pre*
mier récit, la jeune fille a pour père un rakskasa (mauvais génie) qui n'est vul-
nérable que dans la paume de sa main droite. C'était loi qui était changé en
sanglier. Sa fille apprend â Chandasena comment it pourra le tuir. Dans le
second récit, ia jeune fille est une princesse retenue captive par un démon* Elle
dit à Saktideva que le démon vient justement de mourir d'une flèche qu'un hardi
archer lui a lancée. Saktideva lui apprend quil est cet archer et l'épouse.
II.
LE MILITAIRE AVISÉ.
I
Il était une fois un militaire qui revenait du service. Passant un jour
devant un château, il frappa pour demander à boire, car il avait grand'
soif. Un lion vint lui ouvrir : dans ce temps-là les lions faisaient Toffice
de domestiques. Le maître et la maîtresse du château étaient sortis. Le
militaire pria le lion de lui donner un verre d'eau. << Militaire, n répon-
dit le lion, c( je ne te donnerai pas de Teau; tu boiras du vin avec moi.»
L'autre ne se le fit pas dire deux fois. Ils burent ensemble quelques bou*
teilles, puis le lion dit au militaire : « Militaire, veux-tu jouer avec moi
une partie de piquet ? je sais que les militaires jouent à ce jeu quand Us
n*ont rien à faire. — Lion, très-volontiers. »
lis jouèrent sept ou huit parties. Le lion, qui perdait toujours, était
furieux. Il laissa tomber à dessein une carte et demanda au militaire de
la lui ramasser; mais celui-ci, voyant bien que le lion n'attendait que le
moment où il se baisserait pour se jeter sur lui, ne bougea pas et lui dit :
c< Je ne suis pas ton domestique, lu peux la ramasser toi-même. Cepen-
dant, comme je m'aperçois que tu es un peu en colère, nous allons jouer
à un autre jeu. Apporte-moi une poulie, une corde et une planche. » Le
lion alla chercher tout ce qu*il demandait i le militaire fil une balançoire
et y monta te premier. A peine s^était-il balancé quelques instants^ que
le lion lui cria r « Descends, militaire, descends donc, c*est mon tour.
— Pas encore, lion, n dit Tauire, « tu as le temps d'y être* » Enfin le
É
CONTES POPULMRES LORRAINS 9^
mitiuire sa décida à descendre; il aida le lion à monter sur là balançoire
ec lui dit : « Lion, comme tu ne connais pas ce jeu, je crains que tu ne
tombes et que tu ne te casses les reins. Je vais l'attacher par les pattes. »
Il rattacha en effet, et, du premier coup, il le lança au plafond. « Ah!
militaire, militaire, descends-moi, » criait le lion, et j*en ai assez. — Je
te descendrai quand je repasserai par ici, n répondit le militaire, et il
sortit du château.
Le lion poussait des cris affreux qu'on entendait de trois lieues. Les
maîtres du château, qui étaient au bois, se hâtèrent de revenir. Après
avoir cherché partout, ils finirent par découvrir le lion suspendu en Pair
sur la balançoire, k Eh! lion, » lui dirent^ils, « que fais-tu là? —
Ahl ne m'en parlez pas! c*est un méchant petit crapaud de militaire
sfâ m'a mis où vous voyez. — Si nous te descendons, que lui feras-
tu? — Je courrai après lui, et si je Taitrape, je le tue et je le
mange « »
Cependant le militaire continuait à marcher ; il rencontra un loup qui
fendait du bois. « Loup, « lui dit-il, <i ce n'est pas ainsi qu'on s'y prend.
Donne-moi ton merlin, et puis mets ta patte dans la fente pour servir de
coin. « Le loup n'eut pas plutôt mis sa patte dans la fente, que le mili-
taire retira le merlin, et la patte se trouva prise. « Militaire, militaire,
dégage-moi donc la patte. — C'est bon, 71 dit Tautre, « ce sera pour
quand je repasserai par ici. n
Le Hon« qui était à la poursuite du militaire, accourut aux hurlements
dttloQp. « Qu'as-tu donc, loup? » lui dit-il. — « Ahl ne m*en parle
pas! c'est un méchant petit crapaud de militaire qui m'a pris la patte
dans cette fente. — Si je te délivre, que lui feras-tu? — Je cour-
ni avec toi après lui; nous le tuerons et nous le mangerons* » Le
lion dégagea la patte du loup et ils coururent ensemble après le militaire.
Mais celui-ci avait déjà gagné du terrain; il avait fait rencontre d'un
renard qui était au pied d'un arbre, le nez en l'air, « Ehl renard, î> lui
dit-il, « que regardes-tu là-haut? — Je regarde ces cerises de bois, —
Si tu veux, » dit le militaire, a je vais t 'aider à monter sur l'arbre. )>
En disant ces mots, il prit un bâton bien aiguisé, l'enfonça dans le corps
du renard, puis l'ayant élevé à six pieds de terre, il ficha le bâton sur
l'arbre et laissa le renard embroché, «( Ah! militaire, militaire, descends-
moi donc, n criait le renard, — u Quand je repasserai, » dit le militaire-
« Les cerises auront le temps de mûrir d'ici-là. »
Le renard poussait des cris lamentables, qui attirèrent de son c6té le
lion et le loup. « Que fais-tu là, renard ? /> lui dirent*ils. — « Ah î ne m'en
parlez pasl c'est un méchant petit crapaud de militaire qui m'a joué ce
tour, — Si nous te délivrons, que lui feras-tu ? — Je courrai avec vous
après lui; nous le tuerons et nous le mangerons. »
94 E« G0SQUlf4
Le militaire, -lyant continué sa route, rencontra une jeune fille, « Ma-
demoîseiîe, » lui dit-il, (t il y a derrière nous trois bêtes féroces qui vont
nous dévorer : voulez-vous suivre mon conseil? faisons une balançoire. »
La jeune fille y consentit, et le jeu était en train quand le lion, qui était
en avance sur ses compagnons^ arriva, a Quoi? f> dit-il, « encore le
même jeu! sauvons-nous, » Ensuite le militaire se mit à fendre du bois.
Le loup, étant survenu, s*écria : « C'est donc toujours la même chose!»
£t il détala. Ainsi Al le renard.
Le militaire ramena la jeune fille chez ses parents, qui furent bien
joyeux d'apprendre qu*elle avait échappé à un si grand périL Us firent
mille remerciements au militaire et tui donnèrent leur fille en mariage.
Compare?, le n" 8 de la collection Grimni r Un joueur de violon, passant dans
une fbrét, se met i jouer de son instrument pour voir s'il lui viendra un com-
pagnon. Arrive un loup, qui demande à apprendre le violon : le musicien lui
dit de mettre les pattes dans la fente d'un vieil arbre , et^ quand les pattes se
trouvent prises, il le laisse là. Il traite un renard et un lièvre à peu près de la
même façon. Cependant, le loup^ à force de se débattre^ est parvenu i se dé-
gager ; il délivre le renard et le lièvre, et tous les trois se mettent à la pour-
suite du musicien. Mais les sons du violon ont attiré près de celui-ci un bû-
cheron armé de sa hache, et les animaux n'osent pas Taltaqucr»
Notre conte forme, ce nous semble ^ un tout plus complet. Le dénouement do
Militaire aytsé^ qui manque dans le conte allemand que nous venons d'analyser,
a beaucoup d'analogie avec celyi d'un autre conte, également allemand (Grimm,
n' I r4). Voici ce passage : Un tailleur a serré dans un étau les pattes d'un
ours qui veut apprendre le violon L'ours, délivré par des ennemis du tailleur^
se met à sa poui^uiie^ alors le tailleur, qui se trouve en ce moment en voiture,
sort brusquement les jambes par la portière, et, les écartant et resserrant
comme les branches d'un étau : i Veux -tu rentrer ià- dedans? » crie-t^ll i
l*ours. Celui-ci s'enfuit épouvanté.
On peut encore comparer dans les contes allemands de la collection Wolf
(Gœttingue, tS^i) la fin du conte page 40a.
riL
LE ROI D'ANGLETERRE ET SON FILLEUL,
I
Il était une fois un roi d'Angleterre qui aimait la chasse à la fol^.
Trouvant qu'il n^y avait pas assez de gibier dans son pays, il pasia en
France où le gibier ne manquait pas.
Un jour qu'il était en chasse, il vil un bel oiseau d une espèce qu'il ne
connaissait pasj il s'approcha tout doucement pour le prendre, mais au
moment oii il mettait la main dessus, Toiseau s'envola, et, sautant d'arbre
I
CONTES POPULAIRES LORRAINS ÇJ
en arbre, il alla se percher dans le jardin d'une hôtellerie. Le roi entra
dans l'hôtellerie pour l'y poursuivre, mais il perdît sa peine : l'oiseau lui
échappa encore et disparut.
Après toute une journée passée à battre les bois et la plaine, le roi
arriva le soir dans un hameau, où il dut passer la nuit. Il alla frapper à
la porte de la cabane d'un pauvre homme, qui raccueillit de son mieux,
et lui dit que sa femme venait d'accoucher d'un petit garçon ; mais ils
n'avaient point de parrain, parce qu'ils étaient pauvres. Le roi, à leur
prière» voulut bien être parrain de l*enfant, auquel il donna le nom d'Eu-
gène. Avant de prendre congés il tira de son portefeuille un écrit cacheté
qu*il remit aux parents, en leur disant de le donner à leur fils quand
celui-ci aurait dix-sept ans accomplis.
Lorsque Tenfant eut six ans, if dit à son père : w Mon père, vous me
parlez souvent de ma marraine ; pourquoi ne me parlez*vous pas de mon
parrain? — Mon enfant, » répondit le père, w ton parrain est un
grand seigneur : c*cst le roi d'Angleterre. Il m'a laissé un écrit ca-
cheté que je dois te remettre quand tu auras dix-sept ans accomplis. »
Cependant le jeune garçon allait à l'école : une somme d'argent avait
été déposée pour lui chez le maître d'école sans qu'on sût d'où elle venait.
Enfin arriva le jour où Eugène eut ses dix-sept ans, ïl se leva de
bon malin et dit à son père : « it faut que j'aille trouver mon parrain, n
le père lui donna un cheval et trente-six tiards, et le jeune homme
lui dît adieu; mais, avant de se mettre en route, il alla voir sa mar-
raine, qui était un peu sorcière. « Mon ami, ?> lui dit-elle, « si tu ren-
contres un lortu ou un bossu, il faudra rebrousser chemin. »
Le jeune homme lui promît de suivre son avis et partit» A quelque
distance du hameau, iS rencontra un tortu et tourna bride. Le jour sui-
vam, il rencontra un bossu et revint encore sur ses pas. << Demain, »
pensait-il, « je serai peut-être plus heureux. » Mais le lendemain encore,
un autre bossu se trouva sur son chemin : c'était un de ses camarades
d'école nommé Adolphe, « Cette fois, » se dît Eugène, « je ne m'en
retournerai plus. )>
tf Où vas-tu ? w lui demanda le bossu, — « Je m'en vais voir mon par-
rain, le roi d'Angleterre. — Veux-tu que j'aille avec loi? — Je le veux
bien, n
Ils firent roule ensemble, et, le soir venu, ils entrèrent dans une
auberge. Eugène dit au garçon d'écurie qu'il partirait à quatre heures
du malin ; mais le bossu alla ensuite donner l'ordre de tenir le cheval
prêt pour trois heures, et, trois heures sonnant, il prit le cheval et s'en-
fuit.
Ei^ène fut fort étonné de ne plus trouver son cheval. t< 0£i donc est
icheval? ^ demanda-t-il au garçon d'écurie. — <c Votre compagnon, »
96 E» COSQUIN
répondit le garçon, w est venu de votre part dire de le tenir prêt pour
trois heures. Il y a une heure qu'il est parti, »
Eugène se mit aussitôt à ta poursuite du bossu et il le rejoignit dans
une forêt auprès d'une croix. Le bossu s'arrêta et dit à Eugène en le
menaçant : « Si tu tiens à la vie, jure devant cette croix de ne dire à
personne que tu es le filleul du roi» si ce n'est trois jours après ta mort.»
Eugène jura^ puis ils continuèrent leur voyage et arrivèrent au palais du
roi d'Angleterre*
Le roi, croyant que le bossu était son filleul, le reçut à bras ouverts.
Il accueillit aussi très-bien son compagnon, « Quel est ce jeune horame?»
demanda-t-il au bossu. — << Mon parrain, c'est un camarade d'école
que j'ai amené avec moi. — Tu as bien fait, n dit le roi. Puis il
ajouta : « Mon enfant, je ne pourrai pas tenir ma promesse. Tu sais que
je me suis engagé autrefois à te donner ma fille, quand tu serais en
âge de te marier; mais elle m'a été enlevée. Depuis onze ans que je la
fais chercher par terre et par mer, je n'ai pu encore parvenir à ta retrou-
ver. >»
Cependant les deux jeunes gens étaient logés dans le palais. Tous les
seigneurs et toutes les dames de la cour aimaient Eugène, qu'ils ne con-
naissaient que sous le nom d'Adolphe : c'était un jeune homme bien fait
et plein d'esprit; mais tout le monde détestait le bossu. Le roi seul* qui
le croyait toujours son filleul^ avait de i'affeciion pour lui, mais il témoi-
gnait aussi beaucoup d'amitié à son compagnon, ce dont le bossu était
jaloux.
Un jour, celui-ci vint trouver le roi et lui dit : « Mon parrain, Adolphe
s'est vanté d'aller prendre la mule du géant. » Le roi fil venir Adolphe :
« Eugène m'a dit que tu t es vanté d'aller prendre la muie du géant,
— Moi, sire ï comment m'en serais-je vanté? je ne saurais seuiemem
où la trouver, cette mule. — N'importe! si tu ne me l'amènes pas,
tu seras brûlé dans un cent de fagots. >»
Adolphe prit quelques provisions et partit bien triste. Après avoir mar-
ché quelque temps, il rencontra une vieille qui lui demanda un peu de
son pain, « Prenez tout si vous voulez, n dit Adolphe; <t je ne saurais
manger, — Tu es triste, mon ami, » dit la vieille; « je sais ce qui te
cause ton chagrin : il faut que tu ailles prendre la mule du géant. £h
bien! le géant demeure de Tautre côté de la mer; il a un merle dont le
chant se fait entendre d'un rivage à l'autre. Dès que tu entendras le
merle chanter, tu passeras Teau, mais pas avant. Une fois en présence
du géant, parle-lui hardiment. »
Le jeune homme fut bientôt arrivé au bord de la mer, mais le merle
ne chantait pas. Il attendit que le chant de l'oiseau se fit entendre, et il
passa la mer. Le géant ne tarda pas à paraître devant lui et lui dit :
CONTES POPULÂ(RES LORRAINS 97
« Que vîcns-tu faire ici, ombre de mes moustaches, poussière de mes
mains? — Je viens chercher ta muîe, — Qu'en veux-tu faire? —
— Que t'importe ? donne-la-moi, — Eh bien ! le te la donne, mais à b
condition que tu me la rendras un jour, )> Adolphe prit la mule, qui fai
sait cent lieues d*un pas, et retourna au palais.
Le roi fut irès-content de le revoir et lui promit de ne plus lui faire de
[peine. Mais bientôt le bossu» qui avait entendu parler du merle du géant,
vint dire au roi : u Mon parrain, Adolphe s'est vanté d'aller chercher le
merle du géant qui chante si bien et qu*on entend de si loin. )> Le roi fit
I venir Adolphe : « Eugène m*a dît que tu l'es vanté d'aller chercher le
merle du géant. — Moi, sire? je ne m'en suis point vanté, et comment
' ferais-je pour le prendre? — N'importe! si tu ne me le rapportes pas,
tu seras brûlé dans un cent de fagots* »
Adolphe se rendit de nouveau sur le bord de !a mer. Dès qu'il enten-
dit le merle chanter, il passa l'eau et s'empara de l'oiseau, w Que viens-
lu faire ici, » lui dit le géant, « ombre de mes moustaches, poussière
tlç mes mains? — Je viens chercher ton merle. — Qu'en veux-tu
faire? — Que t'importe? laisse-le-moi. — Eh bien! je te le donne,
mais à la condition que tu me le rendras un jour. » Quand Adolphe
fut de retour au palais du roi, toutes les dames de la cour furent ravies
d'entendre le merle chanter, et le roi promit au jeune homme de ne plus
le tourmenter*
Quelque temps après, le bossu dit au roi : « Le géant a un falot qui
éclaire tout le pays à cent lieues à la ronde; Adolphe s'est vanté de
prendre ce falot et de l'apporter ici. » Le roi fit venir Adolphe : « Eu-
gène m'a dit que tu t'es vanté d'aller prendre le falot du géant. —
Moi, sire? comment le pourrais-je faire? — N'imponel si tu ne me
rapportes pas ce falot, tu seras brûlé dans un cent de fagots. »
Adolphe s'éloigna et fut bientôt sur le bord de la mer. Le merle n'était
plus là pour l'avertir du moment où il pourrait passer l'eau; il tenta
cependant l*4venture, et, étant parvenu sur l'autre bord, il alla droit au
géant, it Que vîen$*tu faire ici, » lui dit le géant, «ombre de mes mous-
taches, poussière de mes mains? ^ — Je viens prendre ton falot. —
Qu'en veux-tu faire? — Que t'importe? donne-le-moî» — Eh bienl
je te le donne, mais à la condition que tu me le rendras un jour. )y Le
jeune homme remercia le géant et s'en retourna. Quand il fut arrivé à
qoelque distance du palais du roi, il attendit la nuit, et alors il s'avança
en tenant haut le falot, dont tout le pays fut éclairé. Le roi, rempli de
joie, promit encore une fois à Adolphe de ne plus lui faire de peine.
Un bon bout de temps se passa sans qu'Adolphe eût à subir de nou-
velles avanies; enfin le bossu dit au roi ; u Adolphe s*est vanté de savoir
oii est votre fille et de pouvoir vous la rendre. » Le roi fit venir Adolphe:
Rûmênia^ V 7
98 E. COSQUIN
(c Eugène m'a dit que tu t*es vanté de savoir où est ma fiîle et de pou-
voir me la rendre. — Ah! sire, vous Vavt?. fait chercher partout, par
terre et par mer, sans avoir pu la retrouver. Comment voulez-vous que
moi, pauvre étranger, je puisse en venir à bout? — N'importe! si tu ne
me la ramènes pas, tu seras brûlé dans un cent de fagots, i^
Adolphe s'en alla bien chagrin. La vieille qu'il avait déjà rencontrée
se trouva encore sur son chemin ; elle lui dit : <t Le roi veut que tu lui
ramènes sa fille. Retourne chez le géant, i> Adolphe passa donc encore la
mer et, arrivé chez le géant, il lui demanda s'il savait où était la tille du
roi. <t Oui, je le sais, » répondit le géant; (( elle est dans le château de
la reine aux pieds d'argent; mais pour la délivrer il y a beaucoup à faire.
Il faut d'abord que tu ailles redemander au roi ma mule^ mon merle et
mon falot. Ensuite tu feras construire un vaisseau long de trois cents
toises, large d^auiant et haut de cent cinquante toises; il faut qu'il y ait
dans ce vaisseau une chambre, et dans la chambre un métier de tisse-
rand. Mais, sur toutes choses, il ne doit entrer dans ce bâtiment ni fer,
ni acier : le roi fera comme il pourra. »
Adolphe alla rapporter au roi les paroles du géant. On fit aussitôt
venir des ouvriers et on leur commanda de construire un vaisseau long
de trois cents toises, large d'autant et haut de cent cinquante toises;
dans ce vaisseau il devait y avoir une chambre et dans la chambre un
métier de tisserand, le tout sans fer ni acier. En quarante-huit heures
le bâtiment fut terminé; mais le bossu avait donné de l'argent à un ouvrier
pour quil y mit une broche de fer.
Adolphe amena le bâtiment au géant. « Il est entré du fer dans ton
bâtiment, » dit le géant. — *< Non, î) répondit Adolphe, a il n'y en a
pas. — Il y a du fer en cet endroit, w dit le géant, a Ramène au
roi le vaisseau; qu'il fasse venir un ouvrier avec un marteau et nn
ciseau, et l'on verra si je dis vrai. » Dès que l'ouvrier eut appuyé son
ciseau à l'endroit indiqué, et qu'il eut donné dessus un coup de marteau,
le ciseau se cassa. On relira la broche de fer, et le géant, quand Adolphe
fut de retour avec le vaisseau, ne trouva plus rien à redire*
« Maintenant, n dit-il, <* il faut qu'il y ait dans ce vaisseau trois cents
miches de pain, trois cents livres de viande, trois cents sacs de millet,
trois cents livres de lin, et de plus qu'il s'y trouve trois cents filles
vierges, » Le roi fit chercher dans la ville de Londres et dans les envi-
rons les trois cents filles demandées; quand on les eut trouvées, on les
embarqua dans le vaisseau, on y mil aussi fe pain, la viande et le reste,
et Adolphe retourna chez le géant. Celui-ci donna un coup d'épaule, et
le navire fiit porté à plus de deux cents lieues en mer, Adolphe était au
gouvernail; sous le pont les trois cents filles filaient et le géant tissait.
Tout à coup on aperçut au loin une grosse montagne toute noire.
É
CONTES POPULAIRES LORRAINS 99
cAbl n dit Adolphe^ (t nous allons arriver I ^ Non, ï> dit le géant.
Cest le royaume des poissons. Pour qu'ils te laissent passer, tu diras
que tu es un prince de France qui voyage. »
• Que viens-tu faire ici ? w demandèrent les poissons au jeune homme.
— « Je suis un prince de France qui voyage. — Prince ou non, tu ne
passeras pas. » Alors Adolphe leur jeta des miettes de pain ; tous les
poissons y coururent à la fois et le laissèrent passer. Il n'était pas encore
bien loin quand le roi des poissons dit à son peuple : « Nous avons été
bien malhonnêtes de n'avoir pas remercié ce prince qui nous a secourus
dans notre détresse. Courez après lui et faites-le retourner. j> Les pois-
sons ayant ramené le jeune homme, le roi lui dit : k Tenez, voici une de
BiÊï arêtes. Quand vous aurez besoin d'aide, vous me retrouverez, rooi
et mon royaume. »
it EJi bicnl w demanda le géant, « que t'a donné le roi des poissons.^
~ ri m'a donné une de ses arêtes : mais que ferai-je de cette arête ?
— MetS'ta dans ta poche ; tu auras -occasion de t'en servir, »
On aperçut bientôt une autre montagne plus noire encore que la pre-
mière, u N'allons-nous pas abordera » demanda Je jeune homme. —
• Non, I) répondit le géant. (( C'est le royaume des fourmis. » Les four-
mis avaient le sac au dos et faisaient l'exercice ; elles crièrent à Adolphe :
<' ^ue viens-tu faire ici ? — Je suis un prince de France qui voyage,
~ Prince ou non, tu ne passeras pas. >^ Adolphe leur jeta du millet : les
fourmis se mirent à manger te grain et laissèrent passer le jeune homme.
« Nous avons été bien malhonnêtes, » dit alors le roi des fourmis, « de
n'avoir pas remercié ce prince. Courez le rappeler. j> Quand Adolphe
fat ret*enu près de lui, le roi des fourmis lui dit : « Prince, nous étions
I deptûs s€pt ans dans la détresse ; vous nous en avez tirés pour quelque
I len^. TêneZi voici une de mes pattes : quand vous aurez besoin d'aide^
tous me retrouverez, moi et mon royaume. •>
• Que t-a donné le roi des fourmis ^, » demanda le géant. — « Il m*a
donné une de %t% pattes ; mais que ferai-je d'une patte de fourmi ? —
Mets-la dans ta poche : tu auras occasion de t'en servir, n
Quelque temps après, parut m loin une montagne plus grosse et plus
noire encore que les deux premières. ^ Allons-nous enfin prendre terre? n
iietnanda Adolphe. — ^ Non, » dit le géant. « C'est le royaume des
rats. })
« Que viens-tu faire ici ? » crièrent les rats. — « Je suis un prince de
flrwice qui voyage. — Prince ou non, tu ne passeras pas. » Adolphe
leur jeta du pain, et les rats le laissèrent passer. « Nous avons été bien
malhonnêtes» n dit le roi à^ rats, « de n'avoir pas remercié ce prince.
Counezk rappeler /» Et» le jeune homme étant retourné sur ses pas:
i' Nous vous remercions beaucoup, » lui dit le roi, a de nous avoir
100 E» cosQym
secourus dans notre misère» Tenez, void nn poil de ma moustache:
quand vous aurez besoin d'aide, vous me reirouverez, moi et mon
royaume. )»
ce Êh bien! » demanda le géant, « que t'a donné le roi des rats? —
Il m'a donné un poil de sa mousuche; que ferai-je de cela? — Mets-
le dans ta poche : tu auras occasion de t*en servir. «
Le vaisseau continua sa route et arriva en vue d'une autre grosse
montagne. « N'est-ce point là que nous devons nous arrêter? ))
demanda le jeune homme. — « Non, » dit !e géant. « C'est le royaume
des corbeaux, «
<c Que vîens-tu faire ici ? » dirent les corbeaux, — <t Je suis un prince
de France qui voyage. — Prince ou non, tu ne passeras pas. « Adolphe
leur jeta de la viande, et les corbeaux le laissèrent passer, a Nous
avons été bien malhonnêtes, » dit le roi des corbeaux, « de n'avoir
pas remercié ce bon prince. Courez après lui et faites-le retourner, »
Le jeune homme fut donc ramené devant le roi, qui lui dit : (c Vous
nous avez rendu un grand service et nous vous en remercions* Tenez,
voici une de mes plumes ; quand vous aurez besoin d'aide, vous me
retrouverez, moi et mon royaume. )>
te Que t'a donné le roi des corbeaux? )> demanda le géant. — u II m'a
donné une de ses plumes ; mais que ferai-je de cette plume f —
Mets-la dans ta poche : tu auras occasion de t'en servir. »
Au bout de quelque temps, Adolphe aperçut une montagne qui était
encore plus grosse et plus noire que toutes les autres, a Cette fois, ^> dit-
il, <c nous allons arriver. — Non, » dit le géant, tf C'est le royaume des
géants, j>
t< Que viens-tu faire ici ? » crièrent les géants. — « Je suis un prince
de France qui voyage. — Prince ou non, tune passeras pas. a Adolphe
leur jeta de grosses boules de pain; les géants, les ayant ramassées,
se mirent â manger et le laissèrent passer. « Nous avons été bien mal-
honnêtes, » dit le roi des géants, « de n'avoir pas remercié ce prince.
Courez le rappeler. » Et, le jeune homme de retour, le roi lui dît:
« Nous vous remercions de nous avoir secourus; nous étions sur le point
de nous dévorer les uns les autres. Tenez, voici un poil de ma barbe :
quand vous aurez besoin d'aide^ vous me retrouverez, moi et mon
royaume. — Avec ceux-ci, w se dit Adolphe, te je gagnerai plus qu'avec
les autres, car ils sont grands et forts. )>
c< Eh bien! w demanda le géant, « quel a donné le roi des géants?
— Il m*a donné un poil de sa barbe; qu'en ferai-je? — Mets-le dans
ta poche: tu auras occasion de t'en servir. )»
« Maintenant, « continua le géant, « le premier pays que nous décou-
vrirons sera celui de la reine aux pieds d'argent. Tu iras droit au châ-
CONTES POPaLAlRES LORRAINS JOJ
teau; la porte en est gardée par la princesse, fiile du roi d'Angleterre,
changée en lionne qui jette du feu par les yeux^ par les naseaux et par
Il gueule» 11 y a trente-six chambres dans le château : tu entreras d*abord
dans la chambre de gauche, puis dans celle de droite, et ainsi de suite* n
Arrivé dans le pays de la reine aux pieds d*argent, Adolphe se rendit
lucàâtcau. Quand il en franchît le seuil, la lionne, loin de lui faire du
mal, se mit à lui lécher les mains : elle pressentait qu'il serait son libéra-
teur Le jeune homme passa d*une chambre dans l'autre suivant les
recoramandalions du géant, et pénétra enfin dans la dernière chambre
où «e trouvait la reine aux pieds d -argent.
« Que viens-tu faire ici ? »> lui dit la vieille reine. — 1< Je viens chercher
bprincesse. ^ — Tu mériterais d'être changé toi aussi en béie, en punition
de ton audace. Sache que pour délivrer la princesse il y a beaucoup à
Édre, El d'abord je veux trois cents livres de lin, filées par trois cents
(iUes vierges, n Adolphe lui apporta les trois cents livres de lin et lui pré-
senta les trois cents filles qui les avaient filées : « C'est bien, » dit la
fcîne, « Maintenant tu vois cette grosse montagne : îl faut Taplanir et
faire à la place un beau jardin, orné de Heurs et planté d'arbres qui
portent des fruits déjà gros; et tout cela en quarante-huit heures. »
Adolphe alla demander conseil au géant. Celui-ci appela le royaume
fa géants, le royaume des fourmis, le royaume des rats et le royaume
fe corbeaux. En quatre ou cinq tours de main les géants eurent aplani
h montagne, dont ils jetèrent les débris dans la mer. Puis les fourmis et
les rais se mirent à fouiller et à préparer la terre; les corbeaux allèrent
cÈercher au loin dans les jardins les fleurs et les arbres, et tout fut ter-
miné avant le temps fixé par la reine. Adolphe alla dire à la vieille
<fc venir voir le jardin; elle ne put rien trouver à reprendre, cepen-
dant elle grondait entre ses dents, n Ce n'est pas tout, n dit-elle au
jeune homme, « il me faut de Teau qui ressuscite et de l'eau qui fait
tQûurir« /»
Adolphe eut encore recours au géant, mais cette fois le géant ne put
rien lui conseiller " il n'en savait pas si long que la vieille reine. « Les
corbeaux, n dit-il, « nous apprendront peut-être quelque chose. » On
battit la générale parmi les corbeaux; ils se rassemblèrent ^ mais aucun
d'eux ne put donner de réponse. On s'aperçut alors qu'il manquait à
Tappel deux vieux soldats, La Chique et La Ramée : on les fit venir. La
Ramée, qui était ivre, déclara qu'il ne savait pas où était l'eau» mais que
peu lui importait. On le mit en prison* La Chique arriva ensuite, plus
ihrrc encore; on lui demanda où se trouvait l'eau; il répondit qu'il le
«avait bien, mais qu*il fallait d^abord lirer de prison son camarade.
Adolphe le fit délivrer; puis il donna cinquante francs à La Chique pour
> boire à sa santé^ et La Chique le conduisit dans un souterrain : à l'une
102 E. COSQUIN
des extrémités coulait Peau qui ressuscite, à 1 autre Fcau qui fait mourir,
La Chique recommanda que Ton mît des factionnaires à l'entrée du sou-
terrain, parce que la vieille reine devait envoyer des colombes pour bri-
ser les fioles dans lesquelles on prendrait Peau, Les colombes arrivèrent
en effet, mais les corbeaux, qui étaient plus forts qu'elles, les empê-
chèrent d'approcher. Le géant dit alors ati jeune homme : « Tu présen-
teras d*abord à la reine l'eau qui ressuscite, et tu lui diras de rendre à
la princesse sa première forme ; cela fait, tu ietteras au visage de la
vieille Peau qui fait mourir, et elle mourra, o
Quand Adolphe fut de retour, la vieille reine lui dit : « M'as-tu rap-
porté Peau qui ressuscite et Peau qui fait mourir ? — Oui, >^ répondit
Adolphe, «r Voici Peau qui ressuscite. — C'est bien. Maintenant, où
est l'eau qui fait mourir? — Rendez d*abord à la princesse sa première
forme, et je vous donnerai Peau qui fait mourir, >>
La reine fit ce quil demandait, et la lionne redevint une belle jeune
fille, parée de perles ei de diamants, qui se jeta au cou d'Adolphe en le
remerciant de Pavoir délivrée. « A présent, n dit la vieille reine, a donne-
moi Peau qui fait mourir. » Adolphe la lui jeta au visage et elle tomba
morte. Ensuite le jeune homme reprit avec la princesse le chemin du
royaume d'Angleterre et dépêcha au roi un courrier pour lui annoncer
leur arrivée-
La joie fut grande au palais. Toutes les dames de la cour vinrent au
devant de la princesse pour la complimenter : elle les embrassa Pune
après Pauire. Le bossu, qui se trouvait là, s'étant aussi approché pour
Pembrasser : u Retire-loi, » lui dît-elle. « Que tu es laid! »
Le soir, pendant le souper, le roi dit à ta princesse: « Ma filie, je t'ai
promise en mariage à mon filleul : je pense que tu ne voudras pas me
faire manquer à ma parole. — Mon père, j» répondit la princesse, «^ lais-
sez-moi encore huit jours pour faire mes dévotions. » Le roi y con-
sentit.
Au bout des huit jours, U princesse dit au roi qu'elle avait laissé tom-
ber dans la mer un anneau qui lui venait de la reine aux pieds d'argent,
et qu'avant tout elle voulait le ravoir. Le bossu, jaloux de la préférence
que la princesse montrait pour Adolphe, alla dire au roi : « Mon parrain,
Adolphe s'est vanté de pouvoir retirer de la mer Panneau de la princesse. «
Le roi fit aussitôt appeler Adolphe : « Eugène m'a dit que tu t'es vanté
de pouvoir retirer de la mer Panneau de la princesse. — Non, sire, je
ne m'en suis pas vanté; d'ailleurs, je ne le saurais faire. — N'im-
porte! si tu ne me rapportes pas cet anneau, tu seras brûlé dans un cent
de fagots* »
Adolphe s'éloigna bien triste et se rendit chez le géant, auquel il con-
fia ses peines. c< Je m'étais dit que je ne ferais plus rien pour toi, n dit
i
I
I
CONTES POPULAIRES LORRAINS lû|
Pourtant je ne veux pas te laisser dans Tembarras. Je vais
les poissons, w
On battit ta générale parmi les poissons; ils arrivèrent en foule, mais
luctin d'eux ne savait où était Tanneau. On s'aperçut alors qu*il man-
quait à Fâppel deux vieux soldats, La Chique et La Ramée; on tes fit
mur* La Ramée, qui était ivre, déclara qu'il ne savait où était l*anncau,
insis que peu lui importait ; on le mit en prison. La Chique arriva ensuite,
encore plus ivre; il dit qu'il avait la bague dans son sac, mais qu'il fal-
bit d'abord tirer La Ramée de prison, Quand son camarade fut en llbené,
U Chique remit la bague au jeune homme. Adolphe lui donna cent
francs pour boire à sa santé et courut porter la bague au roi*
tf Je pense, ma fille, » dit alors le roi, « que tu dois éire contente ; tu
le marieras demain. — Je ne suis pas encore décidée, » répondit la prin-
cesse; « je voudrais auparavant que l'on transportât ici le château de
ta reine aux pieds d'argent. t> On fit aussitôt préparer les fondations,
et le bossu, de plus en plus jaloux d'Adolphe^ alla dire au roi : ce Mon
ptfrain, Adolphe a dit qu'il savait le moyen de transporter ici le château
et la reine aux pieds d'argent sans aucune égratignure, pas même une
égraugnure d'épingle* » Le roi fit appeler Adolphe : et Eugène m'a dit
que îu t'es vanté de pouvoir transporter ici le château de la reine aux
pieds d'argent sans aucune égratignure, pas même une égratignure
(Fépngle. — Non^ sire, je ne m^en suis pas vanté. D'ailleurs corn-
ment le pourrais-je faire? — N'importe! Si tu ne le fais pas, tu seras
brûlé dans un cent de fagots, n
Adolphe, bien désolé, alla de nouveau trouver le géant, qui lui dit :
« Demande d'abord au roi de te faire construire un grand vaisseau, n
Le vaisseau construit. Adolphe s'y embarqua avec le géant. Celui-ci
ippeia le royaume des fourmis, le royaume des rats et le royaume des
gfamts. Les fourmis et les rats détachèrent le château de ses fondations;
quatre géants le soulevèrent et Tallèrent poner sur le navire; puis on
«ppeb le royaume des poissons pour soutenir le navire.
Tout le monde à la cour du roi d'Angleterre fut enchanté de voir
Adolphe de retour, et le château fut posé sur les fondations préparées
m-à-vîs du palais du roi. Le roi dit alors à sa fille : « Maintenant fes-
père que tu vas épouser Eugène. — Mon père, » répondit la princesse,
" accordez-moi quelque temps encore; je ne suis pas décidée,»
Comme la princesse ne cachait pas au bossu qu'elle ne pouvait le souf-
frir, la jalousie de celui-ci contre Adolphe ne faisait que croître. Un jour,
il dit au jeune homme : u Allons faire ensemble une partie de chasse
dans le bois des Cerfs. — Volontiers, j> répondit Adolphe. Quand le
bossu fut dans la forêt avec Adolphe, îi lui tira un coup de fusil par
104 ^' COSQUIN
derrière et l'étendit mort sur la place ; puis il creusa un trou et l'y
enterra.
Le roi, ne voyant pas revenir Adolphe, demanda au bossu ce qu'il
était devenu. « Je n'en sais rien, » dit le bossu, « il sera parti pour cou-
rir le monde; il se lassait sans doute d'être bien ici. » La princesse était
au désespoir, mais elle n'en montra rien à son père et lui demanda la
permission d'aller chasser dans le bois des Cerfs. Le roi, de crainte
d'accident, voulait la faire accompagner par quarante piqueurs à cheval,
mais elle le pria de l'y laisser aller seule.
En arrivant dans la forêt, elle aperçut des corbeaux qui voltigeaient
autour d'un trou; elle s'approcha, et, reconnaissant le pauvre Adolphe
que les corbeaux avaient déjà à moitié dévoré, elle se mit à pleurer
et à gémir. Enfin elle s'avisa qu'elle avait sur elle un flacon de l'eau
qui ressuscite ; elle en frotta le cadavre, et le jeune homme se releva
plein de vie et de santé.
Or c'était le troisième jour après sa mort.
La princesse revint au château avec Adolphe ; elle le cacha dans une
de ses chambres, et alla trouver le roi. « Mon père, » lui dit-elle,
« seriez-vous bien aise de voir Adolphe ? — Ma fille, » répondit le roi,
« que me dis-tu là.'* Adolphe est parti pour aller au bout du monde: il
ne peut être sitôt de retour. — Eh bien! » reprit la princesse, « fiaites
fermer toutes les portes du palais, mettez-y des factionnaires, et sui-
vez-moi. »
Le roi étant entré dans l'appartement de la princesse, celle-ci fit
paraître devant lui le jeune homme, qui lui dit: « Sire, Adolphe n'est
pas mon nom; je suis Eugène, votre filleul. » Puis, tirant de son sein la
lettre que le roi avait remise à ses parents, il la présenta au roi en lui
disant : « Reconnaissez-vous cet écrit ? » Quand le roi eut appris ce qui
s'était passé, il fit brûler le bossu dans un cent de fagots, et Eugène
épousa la princesse.
Moi, j'étais de faction à la porte de la princesse; je m'y suis ennuyé,
et je suis parti.
Nous tenons ce conte d'un jeune homme de Montiers qui l'a entendu ra-
conter au régiment.
Le conte étranger qui, à notre connaissance, s'en rapproche le plus est un
conte grec moderne, recueilli en Épire par M. de Hahn (n« 37 de sa collection
de contes grecs et albanais, publiée à Leipzig en 1864I. En voici le résumé :
Un roi est obligé, pendant la grossesse de sa femme, de s'éloigner de son
royaume. Il recommande à la reine, si elle met au monde un fils, de le lui
envoyer quand il aura seize ans accomplis, mais de se garder de prendre pour
conducteur un homme sans barbe (dans les contes grecs et dans les contes
serbes les hommes sans barbe sont représentés comme étant artificieux et mé-
CONTES POPULAIRES LORRAINS lOJ
^dfiMs)* Lors<|tie le moment est venu d'envoyer le jeune garçon à son père, la
rejwe, s*élattt rendue sur la place du marché pour louer un cheval et son con*
ilticteur, ne peut trouver d'autre conducteur qu'un homme sans barbe. Le len-
demain cl le surlendemain, elle n'est pas plus heureuse. Elle se décide alors,
sur les instances de son ftls, à le laisser partir avec un homme sans barbe. Pen-
dant le voyage, le jeune garçon, pressé par une soif ardente, se fait descendre
dans une citerne par son compagnon. Celiiici lui déclare alors qu'il Taban-
donncra dans cette citerne, si le prince ne s'engage par serment à lui céder son
titre et ses droits, et à ne point révéler le secret jusqu'à ce qu'il soit mort et
ressuscité des morts. Le pacte est conclu, et Timposteur, qui s'est revêtu des
habits du prince, est accueilli par le roi comme son fils. Pour se débarrasser du
prmce, il le Tait jeter en proie à un dragon aveugle^ auquel il fallait de temps en
temps une victime; mais le jeune homme, instruit par un vieux cheval, son con-
fiderrt^ rend la vue au dragon, qui, par reconnaissance, lui apprend la langue
des animaux en l'avalant et le rendant quelques instants après i la lumière.
Ensuite, quand il est obligé d'aller à la recherche de la jeune fille aux cheveux
d*or. <jue l'homme sans barbe veut épouser, le prince, toujours d'après les con-
srilidu vieux cheval, se montre secourable^ d'abord envers des fourmis qui ne
peuvent traverser un ruisseau, puis envers des abeilles, dont un ours dévore le
onel^ enfin envers de jeunes corbeaux qui vont être déchirés par un serpent.
GrJce i l'aide de ses obligés, le prince vient â bout des ttkhes qui lui sont
««posées: les fourmis trient pour lui un tas énorme de blé, de millet et d*3utrcs
^lincs confondues ensemble; les abeilles lui font reconnaître la |eune fille aux
cheveux d'or au milieu d'un grand nombre de femmes voilées; enfin les corbeaux
^li apportent une fiole d'eau de la vie. La )eune fiile, amenée à la cour du roi,
ÎJÎtfon mauvais visage â l'homme sans barbe, qui, pour se venger, tue le
pntice à la chasse. Elle exige que le cadavre lui soit apporté, et lui rend la vie
lu niO)en de l'eau merveilleuse. Le prince alors^ dégagé de son serment, puis-
que est ressuscité des morts, démasque l'imposteur et le fait périr.
CHoflî encore un conte breton, moins complet, donné par M. F. -M. Luzel
dm son cinquième rapport sur une mission en Basse-Bretagne, déjà mentionné
pir nous. Dans ce conte, intitulé la Princau de Tronkoimnt^ un roi qui a bien
TDulu être le parrain du vingt'sixième enfant d'un charbonnier, dit â ce dernier
de fui emroyer l'enfant â Paris quand il aura dix-huit ans. Le moment arrivé, le
fniie Louis se met en route sur un vieux cheval. Comme il passe auprès d'une
tenUine, un prétendu camarade d'école lui dit de mettre pied à terre pour boire,
eî, Louis l*ayant fait malgré Tavis que lui avait donné une bonne vieille, l'autre
V jette dans la fontaine, lui enlève le signe de reconnaissance que Louis devait
ffltmtrerau roi et s'enfuit sur le vieux cheval. Louis l'ayant rattrapé, ils entrent
^semble chez le roi qui fait bon accueil à son prétendu filleul et admet Louis
6ns }e chiteau comme valet d'écurie. Bientôt, à l'instigation du faux filleul,
Uuîs est envoyé en des expéditions irès-pénlleuses. Il doit notamment amener
iu roi la princesse de Tronkolaine. Cette partie du conle breton présente une
grande ressemblance avec le nôtre. Nous y retrouvons le bâtiment chargé de
promions dont le jeune homme régale les fourmis, les éperviers et les lions par
Ici râpâmes desquels il passe ; les tâches imposées par la prmcesse : démêler
106 E, COSQUIH
un grand Us de grains mélangés^ abattre une atlée de grands arbres^ aplanir
une moDtagne, — Uches dans lesquelles le jeune homme est aidé par les ani*
manx ses obligés [dans d'autres versions du conte breton, il faut apporlo* le
palais de h princesse devant celui du roi et aller quérir de Teau de b mort et
de l'eau de la vie)< Arrivée chez îe roi, la princesse de Tronkoiaine dit de jeter
dans un four te faux filleul^ comme étant un démonj et la chose faite, elle épouse
Louis,
On peut encore comparer^ dans le premier rapport de M. Luzel (Archiva damis^
sions scifittifiquis et Hittrûira, i"" série, t. VU, 187 1 , i" livraison, p, iRi), le conte
breton de Trigont-j-Baris et dans la grande collection de cootes sicUiens de
M, Pitre, publiée en 187^, le conte n" 34, U Ckc¥al enchanté.
Dans un grand nombre de contes étrangers, le héros, le plus souvent à T ins-
tigation d'un ennemij reçoit comme « Adolphe^ * l'ordre d'aller chercher des
objets précteuK appartenant à un géant ou à un autre personnage redoutable ;
mais — à la différence de notre conte, — c'est par ruse qu'il y réussit. M. R.
Kœhler indique un grand nombre de contes de ce genre dans ses remarques sur
le conte avare n* j de h collection Schiefner^ déjà mentionnée.
Disons un mot de ce « falot du géant, ■ qui éclaire à cent lieu es à la ronde.
Dans un conte suédois (collection Cavallius, p. 46 de la trad« allemande), le
héros parvient à voler à un géant une lampe qui éclaire comme la pîeine lune;
dans un conte islandais (collection Arnason, trad. anglaise, a« série, p, 540»
342) figure un objet d'or qui éclaire toute une campagne, et que le héros
dérobe à des îroUs (sorte de géants); dans un conte sicilien (collection GonMn-
bach, n^ 30), un ogre possède un sabre qui répand une lueur merveilleuse, etCi
Dans notre conte, on rassemble les corbeaux pour savoir où se trouve Teau
<jui ressuscite et Teau qui fait mourir, et un seul d'entre eux, celui qui n'avait
pas répondu à Tappel, peut donaer des renseignements k cet égard. Dans deux
contes grecs modernes d'Epire (collection Hahn, n'* 15 et 25), on rassemble
aussi tous les oiseaux pour leur demander où est une certaine ville, et le seul
qui le sache est précisément celui qui n*esl pas venu à l'assemblée. Il en est de
même dans un conte suédois (Cavalfius, p. 186), dans un conte avare (collection
Schiefner^ n*» 4), etc. Dans la mythologie grecque {ApoUodon Bibliothua^ 1,9,
1 2), Melampus ayant assemblé les oiseaux et leur ayant demandé un remède
pour Iphiclus, le èls de son maître, il n'y a qu'un vautour qui puisse le lui indi-
quer.
Enfin, en Orient, il faut rapprocher de notre conte français, pour l'ensemble,
un conte qui a été recueilli par M. Radloffdans une tribu tarlare de la Sibérie
méridionale (Prokn ici VolkdUtraiur da Târkischen Siammc Sud-Sibiriau^ guam-
mtlt und ùbcrsctzt von Dr. W, Radio^, 4* volume. Saint-Pétersbourg, 1872,
p. 373). Le héros, pauvre orphelin, est entré au service d'un prince comme
vilel d'écurie. Les autres valets, jaloux de lut parce que son cheval a meilleure
mine que les leurs, vont dire au prince que le nouveau valet s*est vanté de con-
naître la fille du roi des Péris. Aussitôt le prince ordonne à Torphelin de la
lui amener. Le jeune homme s'en va pleurer auprès de son cheval qui lui donne
le moyen d'enlever la Péri. Celle-ci, arrivée chez le prince, refuse de Tépouser
s'il oe lui rapporte son anneau qui est chez le • jeune homme qui fait mar-
I
CONTES POPULAIRES LORRAINS I07
cher le soleil. » L'orphelin, chargé de cette entreprise, en vient â bout (tout
cet épisode du conte tartare offre une grande ressemblance avec le conte alle-
mand n* 29 de la collection Grimm, les Trois cheveux d'or du diable, et avec les
autres contes européens de même type). Une fois en possession de son anneau,
la jeune fille déclare qu'elle n'épousera le prince que s'il lui amène certain cheval.
C'est encore l'orphelin qui Tamène. Alors la jeune fille dit de faire chauffer de
l'eau dans une grande chaudière. Elle épousera le prince si celui-ci nage dedans.
Le prince fait d'abord entrer dans la chaudière l'orphelin, que son cheval pré-
serve de tout mal. II s'y hasarde alors lui-même et meurt. L'orphelin épouse la
. fille du roi des Péris (comparez pour cette fin le conte valaque n^ 17 de la col-
lection Schott).
Notre conte français et les contes ci-dessus analysés se rattachent au groupe
de récits que l'on peut désigner sous ce titre la Jeune Fille aux cheveux d*or et
^m de la mort et de la vie. Nous avons étudié rapidement ce groupe dans notre
travail sur les Contes populaires européens et leur origine (Correspondant du 2 (juin
187J) et MM. R. Kœhler et Liebrecht ont traité ce même sujet d'une manière
plus approfondie dans la revue la Germania (années 1866 et 1867). Nous aurons,
^ reste, occasion de revenir là-dessus à propos d'un autre conte lorrain de
notre collection intitulé la Belle aux cheveux d'or,
[A suivre.) Emmanuel CosqyiN.
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:..-.RE FRANÇAISE
• •. :• apparaissent dans la poésie
5::r.»/ins. Dans la Chanson de
: : irraraitre à son imagination
.: :.'e Roland ne vaincra plus.
^.-; je celle façon ; on le retrouve
:.\.:-cire par une sorie d assimi-
..'jvent nommée dans les poèmes
. j.::razins. C'est à Falerme que
^-5.:r. du Moniale Guillaume que
.5: enfermé pendant sept ans par
; .i> vents ont jeté sur les côtes Je
-. ;,j Contres .scientifique de F\iicrmc.
. .■:^:;* 'jnv ccinmiinication orale d<.»nt
•. ..:; Sinli.i'h. Je le reproduis ici
;: T..> : ce résumé, écrit à Paierm».*
,\ '.iwjni de> erreurs: c'est j^nncipa-
. !i' rr::ii;.":!ine. Je n'ji p.i'. chtTch»''
. jifî.'.ineîr.rnl tr<-s-nombrei:scs »ji:'««:i
•. -:u di-nrier !i •^ preuves à rappiii df
r ;:.:j»'\.;!t N. ('.et .irîivie duil ^.irJtr
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î-r. lî'îtN -.-l n; h::':iveiilanî>, i.t de nv.
àc 'AWA ^<v'-'.r a I\tiormc et do nuT'.
LA SICILE DANS LA LITTÉRATURE FRANÇAISE IO9
Sicile au retour de la Terre-Sainie : peut-être ce poème inédit con-
ticm-il quelques détails curieux sur la ville. Une autre de ces men-
tions est jniéressante, c'est celle de Ficrabrai, Nous y apprenons que
Fîcrabras possède Alexandrie, Babyîone (le Caire), eic*,
El des tors de Palerne se fait scignour clamer.
Il semble donc qu'avant les constructions normandes, Palerme se fit
déjà remarquer par ses hautes tours.
Cette mention et d^autres (par exemple dans F/o© w/rt) sont postérieures
à l'époque où la Sicile avait été délivrée par les Normands. La poésie
épique vit de formules traditionnelles. Mais en même temps elle se renou-
velle sans cesse, tant que Tactivité poétique d'un peuple n'est pas épui-
sée, sous ^impulsion des grands événements, Les Normands, qui appor-
taient avec eux l'habitude de célébrer par des chansons de geste les
exploits guerriers, ne durent pas négliger de chanter leurs merveilleux
succès en Italie et en Sicile, celte épopée toute faite à laquelle en vérité
peu de fictions peuvent s^égaler. Ce qu'on oserait presque affirmerai priori^
divers indices le confirment. Plus d'un passage des chroniques normandes,
à bon droit suspect à l'historien, a une allure vraiment épique* Quelques
traits pourraient même avoir une origine Scandinave , et jetteraient ainsi
du jour sur la formation de l'épopée normanno-sîcilienne, où s^étaient
fondus, comme il arrive d'ordinaire, des éléments antérieurs.
La part prise par les Normands de Fouille et de Sicile à la première
croisade ne méritait pas moins dlnspirer Tépopée, Dans les chansons de
geste purement françaises du cycle des Croisades on trouve plus d'un
trait qui doit provenir de chants spécialement normands : telle est Tépî-
thète donnée à Tangré (Tancredii de « fils à la sacam, n fils de la femme
savante, de la magicienne, épiïhèie mal expliquée dans les poèmes eux-
mêmes. L'auteur du Llgurinus, qui écrivait vers 1187 son poème en
l*honneur de Frédéric Barberousse, y résume un autre poème de lui, le
Sûiy marias, où il avait chanté la première croisade. On remarque dans
ce résumé, sur les Normands de ^Italie méridionale, de curieuses
légendes, qui paraissent bien provenir de la tradition \rumor, fama^ dit
le poètei , et qu'il a peut-être même puisées dans une chanson de geste
française, c'est-à-dire normande. On y retrouve en effet un trait fréquent
dans ces poèmes, surtout dans ceux du cycle de Guillaume d*Orange, —
où les Normands ont eu certainement une grande part, — celui d'un
père enlevant à son fils son héritage légitime et le chargeant en échange
de se conquérir un patrimoine sur les infidèles. Enfin nous verrons plus
tard qu'au xiii^ siècle encore Robert Gurscan , Boémond et Tangré
avaient conservé en Sicile une popularité que la tradition ne suffit pas à
donner, et qui remonte presque toujours à une poésie populaire contem-
poraine des faits qu'elle chante.
^^rrtceax des habitudes
• ^deiationale française déjà.
^J^ffi dianter Charlemagne
M ÉLAN G ^'^litfilMmgi; fls localisèrent
Ils racontèrent que
B, avaient passé par la
j As montagnes qui avaient
p^di xn* siècle] dit dans son
I.
LA SICILE DANS LA LI
DU MOV
La première fois que la Sicile -
française, c'est comme appartenur
Roland, quand Charlemagne dése*^
les peuples ennemis qui vont l'a
parmi ceux qu'il énumère figurt>
E cil d'Affrik. '
^^^««
Rolindus;
dnœs.
dans la toponomastique
Car déjà le nom de Pakrme t
ainsi écrit pendant tout le ni
lation à Salerne. Plus tard, /'
comme le séjour de puis^; '
Guillaume d'Orange, d'à'
connaissait déjà Pautcui
Sinagot, et délivré pai
1. Me trouvant, au ni
j'ai fait à la Section liT
le résumé a été publia* '
avec quelques supprc
sans l'aide d'aucun 1
lement pour les h^-
à le compléter et j
pourra y relever,
certaines assertion'
son caractère de r-
notes prises hâliv.
elle se produisait,
j'ai trouvé utile ■:
de la France, a-
neuf et intércss.
et des rccherci
Tesquisse à pc»
bon souvenir
rappeler à ni>*.
voyage autou!
qd fut apporté et localisé
Jgi On connaît le passage de
^^ m* siècle les gens du pays,
— croyaient Arthur enfermé
^i%ait pas le seul personnage
^^e demeure des Cyclopes.
I^ljndre celui-là, fut-il apporté
p^'^^ljQçaise. Il est certain du moins
^^^ ^^tt qui en 1287 termina celte
^^ie sDCcès, ne l'a pas prise, comme
î^^^gle trouveur français Beneoit de
■Bounment qu'est dû le gracieux
^ \ travers Guido délie Colonne,
). Mais le poème de Beneoit a été
^'^^7jtatm. même au xiii* siècle, arriver
~ D^iU^" Guido avait longtemps
^3 avait pu y connaître un manus-
^ ^ pas bornés à répéter les poèmes
* 3i ks ont continués et développés, et
de flcste du cycle de Guillaume pour-
^gn celte Ue. C'est le cas pour la plus
jjftraiify que plusieurs critiques n'hési-
'^^"^iiW- C^* chanson est inséparable d'un
,J^^ ' poème à part, Loquifer. Or non-seule-
4g^^^ -jr Raînouart, est de Sicile, mais un
^^^5 Jue Jendeus de Brie, l'auteur du poème,
Jetait la Sicile. Une autre preuve de la
rtClLE DANS U LITTÉRATURE FRANÇAISE I J 1
, ce cycle dans llle normande, c'est le poème (inédit)
ni^tn que du xtii* siècle. Une grande partie de Paction se
Ifcme, c'est-à-dire à Messine ; et noys trouvons pour cer-
\ûe lieux de ces étymoïogies naïves qui semblent bien être le
! rate nouvelle qui vient s'établir dans un pays qu'elle veut à U
Btrir et comprendre. Messine s'appelle ainsi parce qu'elle a été
^ m temps de la moisson [messis) ; le Far {Phare ou détroit de
Woh son nom à Peau dont il est plein et comblé (y. fr. fars]^ etc.
héros du poème sont généalogiquement rattachés à Robert
ïftt à Boémont et à Tangré. Le poème de Renier a peut-être été
poiéen Sicile pendant la courte dominalion de Charles d'Anjou; il
ue â sa manière Tongine des Guelfes et des Gibelins, et la haine
1 montre contre ces derniers indique bien qu'il a été écrit sous Tem-
^des passions du moment.
Voilà ce qu'on peut dire de la poésie épique des Normands en Sicile.
Sur tçur poésie lyrique, nous n'avons que des témoignages qui ont déjà
(réunis ailleurs, ie remarquerai seulement que ces témoignages, ainsi
la présence de mots purement français dans le célèbre Débat de
1II0 d'Alcamo, rendent vraisemblable rinfluence de cette poésie
lyrique sur la plus ancienne poésie sicilienne, c'est^*dire italienne.
Cest h un point qui demanderait une élude à part.
lusqu'à présent nous avons étudié la littérature française en Sicile, Il
nous reste à nous occuper de la Sicile dans la littérature française. Nous
(rsiierons plus rapidement celte seconde partie. La Sicile figure dans la
littérature française soit comme l'objet de récits authentiques, soit comme
b icène d'aventures imaginaires. Les textes du premier genre, relatifs
engéaéral au passage des Croisés, sont en petit nombre, si on défalque
les chroniques latines. Je n'en citerai qu'un, c'est la curieuse chronique
d'Ajnbroise, qui accompagnait Richard Cœur-de-Lion, et dont le poème,
omscnré jusqu'ici, sous le nom dlttnerarium Rtcardi^ dans «ne version
latine, vient d'être retrouvé au Vatican ci sera incessamment publié.
Ambn&ise, homme de peu, jongleur peut-être de son métier, raconte
I naïveroent ce qu'il voit. Il nous peint sous des couleurs peu aimables les
' bbîianu de Messine ; d'un côté les Longobards (ïtaliensi, qui ne peuvent
pardonner aux Français de les avoir conquis autrefois, d'autre part les
\Gnf0ns (Grecsj, et les autres « gens extraites de sarrazins » qui font
Lj^èlerins tous les ennuis possibles. « Ils nous apportaient^ » dit-il,
doigts aux yeux », geste injurieux encore usité en Sicile; « ils
«MB appelaient chiens, .... » et surtout ils n'aimaient pas voir les pèle-
rins causer de trop près avec leurs femmes. Ambroise ne dit pas que les
Fmçais De fussent sous ce rapport quelque peu aventureux, mais il
ajoute :
112 MÉLANGES
Mais tels \t fit pour eus grever
Qui n'i deignast rien achever.
Ce trait ne peint-il pas au vif la légèreté françaisej en même temps
que les conséquences qu'elle eut peignent la susceptibilité sicilienne ? et
ne trouvons-nous pas là comme une explication, antidatée d*un siècle,
de la sinistre journée des Vêpres ? A Messine, on le sait, les choses
allèrent cette fois moins mal : on se battit, mais on s^apaisa ; Richard,
pour dompter la population grecque, construisit îe célèbre château de
Mategriffon, dont les ruines existent encore, et Ambroise nous représente
comme plus paisible et plus agréable la dernière partie du séjour des
pèlerins en Sicile.
Les poèmes français dont la scène est en Sicile entièrement ou en
partie n*ont d'ordinaire pris à Tile que des noms, C*est le cas pour Athis
et Prophilias [xne siècle), où figure îe roi de Sicile Bilas; pour Guillaume
de Paltmt (xiii" siècle), où un vieux conte celtique a été, de loin, localisé
en Sicile ; pour le dit du Magnificat et les poèmes anglais Imais traduits
du français) de King Robert of Sicily^ où la belle légende de Pempereur
orgueilleux et châtié par le Tout-Puissant est attribuée, non plus^ comme
dans le Talmud» à Salomon, ou, comme dans les Gâta Romanorum, à
Jovinien, mais au roi Robert de Palerme. C'est aussi le cas pour le Doh-
pathoSj si important pour Pétude du passage des contes orientaux en
Europe, composé à la fin du xiT siècle par le moine lorrain Jean de Haute-
Seille. Racontant Thistoire célèbre des Sept Sages, Jean a fait de son
héros un roi de Sicile ; mais ce n'est pas ia connaissance personnelle
du pays qui lui a diaé ce choix : il sait que Païerme en est la capitale,
mais il y place aussi Mantoue, et ignore que la Sicile est une île.
Je n'en dirai pas autant du curieux poème de Florian et FloreU. Il y
a là des traits d'une provenance réellement sicilienne. Le héros, fils du
roi de Palerne, est élevé par la fée Morgain dans son séjour merveilleux
de Mongibcl. Plus tard, avec Taide d'Arthur, il délivre sa mère, assiégée
dans Monréal, et après avoir entassé exploits sur exploits, est trans-
porté par Morgain dans son palais enchanté ; dans le Mongibel, encore
aujourd'hui, il goÛie avec sa mie Florete une félicité sans mélanges. Ce
poème n'a pas été composé en Sicile : il y a trop peu de connaissance
directe du pays; mais d'autre part les noms qui s'y trouvent, et sunout
la mention du Mongibeî comme du séjour d'êtres surnaturels, indiquent
une origine locale. Cette hypothèse se confirme quand on se souvient
que la /ala Morgana est resiée populaire dans Tile et a donné son nom au
curieux mirage qu'on observe surtout â Messine, Nous avons sans doute
ici une vieille légende celtique, portée en Sicile par les Normands et
localisée par eux comme tant d'autres, puis revenue en France, et traitée
de nouveau par un poète qui l'a dépouilïée de presque toute sa couleur locale.
G. P.
II.
DIÀ DANS GIRART DE ROSSILLON.
RECTlFtCATlON AU DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE DE DIE2.
Dia DANS Girart de Rossilhn 1 1 j
Ces quelques indications, tout insuffisantes qu'elles soient, peuvent
donner une idée de rintérét que présenterait le sujet de cette étude, s*il
était traité avec le temps et le soin nécessaires. C'est une tâche que je
me réserve d'accomplir quelque jour, et ce n'est que par cette promesse
que je puis me faire pardonner d'oser présenter aujourd'hui un essai
^-aussî informe que celui-ci.
f M. ûiez a introduit dans la seconde édition de son Etymologlsches
W(mtrhuch der wmanischen Sprachen [h M, c), et reproduit dans la troi-
Iti^flie un article ainsi conçu :
w OU anc, fn, dia prov., Tun et l'autre dans Gir. de Ross, seulement:
ï» Ja no sera mos sira ni ku seus dia, v\ 2368 (éd. Hoffmann) ; dans la
J» rédaction française (!!) du ms. de la Bodleyenne : id ne sera mos seindrc
« ne eu siens die^ Mahn, Ged, II, 95, Au contraire dans le ms- Harleyen :
« Jane sera mis sires jor de ma vie (éd. Michel p. 2891 : le mot a été
* évité. Le sens de « homme au service d'un autre, vassal n résulte
"du contexte. Serviteur, olvÀTttÇ^ est en gothique thius ; angl. sax.
» theiy^ theéva ; anc. h. ail. en dérivation et en composition, thio^ theo,
» deo, C*€st seulement sur la forme de Tanc. h. ail. qui commence par
•» une douce [d) qu'on peut fonder le mot provençal^ car*.. ». Il est inu-
tile de pousser plus laÎTi la citation; les motifs que M, Diez fait valoir
^^ pour expliquer comment die peut dériver d'un mot germanique signifiant
^m « serviteur n ou « vassal » ne peuvent avoir aucune espèce de valeur,
^m puisque dia n*a pas du tout ce sens dans le passage en question. L'erreur
|H <Jans laquelle est tombé Téminent auteur du Dictionnaire étymologique des
%a« romanes est tellement évidente qu'on peut s'étonner qu'elle n'ait
pas été rectifiée dans la troisième édition de ce diciionnaire. Et non-
Iïçuîcment elle ne Ta pas été, mais encore les critiques qui ont rendu
compte de cette troisième édition ne paraissent pas l'avoir aperçue,
puisque M. Diez revient encore une fois à cette étrange interprétation
îtiiâ par « vassal » dans son récent opuscule, Romanische Wortsclwp-
Dia, dans le passage cité de Girart de Roussillonf signifie, comme par-
tout ailleurs, jour, et rien de plus* Le vers entier, Ja no sera mos sire ni
«a uusdia, veut dire : « Jamais aucun jour i! ne sera mon seigneur ni
L ■ mot sien i= son homme). »
■ P. M.
^H Romania^ V 8
COMPTES-RENDUS.
La chanson de Roland^ texte critique, traduction et commentaire, gram-
maire et çlosssùre^ par Léon Gautieb, professeur à l'École des chartes.
Edition classique. Tours, Marne, mdccglxxv^ in-12, cart. lx-662 p. —
Prix : 5 fr.
Nous avons peine à suivre les éditions du Roland que doone coitp ivr coup
M. Léon Gautier. Voici la cinquième (pour les trois premières, voy, Rf-
mania, I, p. iij; II, p. 97); la quatrième, parue fort peu de temps aupvfi-
vant, est épuisée : elle offre d'ailleurs peu d'intérêt, ne contenant qu'une partie
de ce qui se trouve dans l'édition classique. Celle-ci au contraire mériterait un
examen attentif : non-seulement elle résume les derniers progrès de l'auteur dans
la connaissance du sujet, mais elle essaie, pour la première fois, de répandre
dans le public scolaire le goût et Tintelligence de notre vieille épopée. H y a
dans cette initiative un mérite dont Tavenir permettra sans doutt d'apprécier
rétendue. — Pressé par la demande des acheteurs, M. Gautier n'a pu fBOOie
cette fois-ci amener son édition au point de perfection où il serait trèa-capaUe
de la mettre. Elle est certainement en progrès sur les précédentes» mais U sui-
vante pourra et devra être en grand progrès sur elle. C'est ^insi que les cor-
rections indiquées ici, et que M. G. approuve en principe, sont loin d'avoir
toutes passé dans son texte, où subsistent des leçons que l'éditeur, â coup sûr,
ne défendrait pas s'il les soumettait à une révision réfléchie. Cette révision n'a
pas non plus assez profondément atteint le glossaire, qui a l'inconvénient grave
de reproduire â peu près celui de la première édition, et de s'appliquer par li
assez mal à celle-ci, où l'éditeur, avec toute raison, s'est bien plus écarté du
manuscrit d'Oxford. La grammaire laisse aussi voir trop de traces de prédpi*
tation, et la < Rhythmique • est encore plus critiquable. Le paragraphe aar
l'élision, notamment, est à refaire d'un bout à l'autre. — 1^ temps ne manque
pour soumettre cette édition â l'examen critique qu'elle appellerait, et je regrette
d'être obligé, en la signalant à nos lecteurs, d'en indiquer surtout les imper-
fections. Mais l'adhésion s'exprime en deux mots, et la critique est nécessaire-
ment plus détaillée : la place qu'occupent l'une et l'autre sur le papier ne répond
pas à celle qu'elles doivent tenir dans l'appréciation générale. Tout le monde
sait ce que la Chanson Je Roland doit à M. Gautier : cette édition est un
nouveau titre à la reconnaissance du public, et celui-ci, en l'achetant rapidement,
mettra bientôt l'auteur â même de lui en fournir une encore meilleure.
G. P.
1. Le cartonnage imprimé porte m dccc lxx\i.
ADEKET, Œuures^ p, p* SCHELER
IIS
Les Enfances Ogier^ par Adenès li Rois^ publié pour ta première fois et
annoté par M. Aug. Scheler. Bruxeltcs, Closson, Muquardl, 1874, in-8%
XX'jZj p.
LI Romans de Berte ans g^rans pies, par Adenèâ u Hors, publié
avec notes et variantes par M. Aug. Scheler . Bruxelles^ Closson, Muquardt,
1874, m-8% xi'jgo p.
BneTes de Gommarchis, par âbenès lj Bois^ chanson de geste publiée
pour la première lois et annotée par M. Aug* Scheler. Bruxelles, Closson,
1874, in-8% xvi-iSy p.
Adcnet le Roi* peut se vanter d'avoir eu entre les rimeurs ses contemporains
une fortune particulière. Son chef-d'œuvre^ Bcrtc^ a eu l'honneur d'ouvrir, il y a
quarante^troisans, la série des impressions de nos vieilles chansons de geste. Parmi
SCS autres ouvrages, le C/^m^ti^ offre assez d'intérêt pou rqu*on puisse croire que
même sans Tintervention de l'Académie de Belgique ii aurait été mis au jour.
Mais c*est assurément à sa qualité de Brabançon que Tauteur des Enfances Ogkr
et àeBtuvon dt Comarchis- doit la publication de ces deux poèmes. La commis-
lion d'hjsioire de PAcadémie de Belgique a conçu le plan, aussi intelligent que
patriotique, de publier les œuvres des écrivains du moyen-âge nés dans les pro-
vinces qui forment aujourd'hui la Belgique. C'est à cette résolution que nous
devons, outre le Froissarl et le Chastellaîn de M. Kervynde Lettenhove*, VArt
é*êmom$ publié par M. Peiit^ les œuvres de Baudouin et Jean dcCondé, les dits
de Watnquel de Cou vin et les poésies de Froissart, publiés par M. Scheler, et
enân le CUomadis de M. van Hasselt et les trois volumes que nous annonçons
aujourd'hui. Espérons que l'Académie belge ne s'arrêtera pas là et nous don-
sera encore plus d'un volume. La littérature française a jadis été féconde dans
le Hatoaut., la Flandre et le Brabant ; et qyand bien même la Belgique s'anne*
serait sans preuves absolument concluantes tel ou tel auteur jusqu'à présent
wam pairie, nous ne lui en ferions pas un grand reproche, puisque cette natura-
Itsation plus ou moins régulière vaudrait à cet auteur d^èlre imprimé plus tôt et
au sioins aussi bien qu'il pourrait l'être en France* En effet l'Académie de
Belgique a le bonheur d'avoir à sa disposition, dans la personne de M. Scheler,
m éditeur â la fois zélé, infatigable et excellent : heureuse^ — et rare, — cir-
constance dont a déjà profité et dont profitera encore notre chère littérature du
no^eiï-Age.
On peut cependant reprocher aux publications de M. Scheler de ne pas
répondre encore absolument aux rigoureuses exigences de )a critique, tant en
ce qnî touche les leçons qu'en ce qui concerne ta méthode suivie pour l'impres*
I. U^ Schder^ qui sait fort bien que telle est la forme normale à donner à ce nom,
■sittbent cependant la forme A dénis comme a trop invétérée ^k La philologie française
ai as&ez jeune pour pouvoir modifier au besoin ses habitudes, et je n'Iièsitc pas à
écTÎn, comme je l'ai déii fait ïouvent, Admet. Il faut dire de même Conon de Béthune,
fUfi|)pe HiMtsktt, Aimott de Varenne, Jakemon Sakcsep^ etc.
3. Btufw et non Beunj ; voy. la note précédente.
), k propoîde ce Ftoissart^ qui ne peut souiertir la comparaison avec celui de M. Luce,
t ii|pKakrons le précieux Glossaire que M. Scheler y a jolm. W est piquant de voir
" r de ce glosuire, pour trouver un sens possïblc ou une forme correcte, obligé
l d'aller prendre dans Tédition rivale une leçon meilleure que celle de Pédition
ptm )ft|tid)e il fait son travail.
1X6
COMPTES-RENDUS
sion. Pour le premier point, les quatre manuscrits â'Ogitr, les six manuscrits
de Bmt^ n'ont été ni classés ni même complètement collationnés : l'éditeur
s'est borné à « prendre pour base » le manuscrit qui îui a semblé le meilleur et
â indiquer les variantes importantes de ceux qu'iî a consultés en outre. Cette
manière de faire a peu d'inconvénients, on doit le reconnaître^ pour les œuvres
auxquelles M. Sch. Ta appliquée: les manuscrits d'Adenet sont â peu près de
son temps, ils n'offrent que bien peu de différences, et l'éditeur a su presque
toujours s*âider des variantes de manière à fournir au lecteur la bonne leçon.
Aussi n'est-ce que pour le principe que je présente cette observation, convaincu
que M, Scheler, dans des circonstances différentes^ s'astreindrait à ta rigueur
des procédés seuls vraiment scientifiques.
L'autre remarque que j'ai à faire est à la fois plus minutieuse et plus grave
Elle concerne l'emploi des signes diacritiques. Je ne suis pas pour ma part de
ceux qui les proscrivent absolument, et j'exposerai quelque jour mes raisons à ce
sujet. Mais il faut en faire un emploi réfléchi» conséquent, conforme aux résuU
tats de (a philologie et renfermé dans certaines limites. Ces différentes conditions
ne sont pas toujours remplies par M. Scheler. On peut penser différemment sur
remploi des accents : je les regarde comme ne devant avoir qu'une valeur abso-
lument phonétique, et par conséquent je les réserve à IV (bissant de côté la
question d'o, ou, u). M. Sch. écrit 4, ïà^ où, pour distinguer le sens ; il veut
aussi maintenant (Beuvcs, p. i68) écrire h de ai tes et es de eta (pourquoi
pas l'inverse ?j. Mais où s'arrêter dans cette voiei* pourquoi distinguer
certains homophones à l'exclusion des autres? La confusion de que con*
jonction et de ^lu pronom, de li, h article et de /*, k pronom^ de se conjonc-
tion et de s( pronom, est bien plus gênante que celles que M. Sch. signale, et
il ne fait rien pour les distinguer. Et pourquoi ne pas aller plus loin? pourquoi
laisser sans distinction le mot père, qu'il vienne de patrm, parât ou parcût;
le mot vcur, qu'il réponde à vra ou i vidcam ; le mol pris^ suivant qu'il
répond à prctmm^ praio, pnnsus^ ' pnnsi^ et ainsi de suite ? En réalité on suit
sans y penser une habitude qui provient de l'orthographe moderne. Mais enfin je
conviens que ce point de vue est nouveau, et que M. Sch, n'a fait que se con-
former à l'usage reçu sans objections jusqu'ici* — 11 n'en est pas de même de
l'emploi de Taccent aigu. Je crois avoir démontré dans l'Alexis que tout e pro*
venant d'^i latin est aux Xll» et XUl* siècles i^U ionique, e féminin à l'atone. Je ne
pense pas que M. Sch. conteste cette loi : pourquoi donc alors écrit-il trou-
vèrent {BC. lyi)^ shent (BC. i-jii), Irb {pass.)^ au lieu de trouvértni, shent,
iris^ Pourquoi écrit-il ^ l'inverse poules (BC, j 541) au lieu àcpouth^ Et pour*
quoi, tandis qu'il écrit irouvtnnt et autres, laisse-t-il père, manière t\ tous les mots
semblables dépourvus d'accents? Pourquoi lis h côté de tris? L'emploi du
tréma n*cst pas sujet aux mêmes erreurs, mais ici encore M. Sch. suit les erre-
ments anciens sans faire preuve de réflexion personnelle. Pourquoi marquer la
diérèse par un tréma devant i, u {mchmt, 6i)^ par un accent devant e (desjéi^
nh), et par rien du tout devant a [diable) ou une diphthongue (v«Mr).' Simple-
incni parce que la typographie moderne et Tusage des préc^ents éditeurs noui
ont habitués à cette routine. C'est pour la même raison que les mois qui
aujourd'hui encore font la diérèse ne reçoivent aucun signe : muer par exemple
AOENET, ŒuvreSf p. p. SCHELER | ly
i mtâ, etc. ]] est clair que l'ancienne Ungue doit être traitée d*après
~m arganisme à elle, et qu'il n'est pas rationnel de la considérer, au moins en
tant qu'éditeur^ au point de vue de la langue et de l'orthographe modernes.
Ces critiques s*ad ressent^ à vrai dire^ à presque tous les éditeurs français de
textes du moyen-Âge, — les Allemands se rendent d'ordinaire la chose plus
lacrle en s*abstenant de toute accentuation, ce qui est au moins conséquent, —
actant <ju*i M* Scheler, Mais je les lui adresse particulièrement parce que
j'aurais attendu de lui non-seulement plus de logique, mais des lumières nou-
velles sur ces points obscurs. — Je n'ai plus maintenant qu*à faire l'éloge de ses
textes : son nom a d'ailleurs aujourd'hui une autorité qui les recommande assez.
Ce que ses éditions ont de particulièrement précieux^ ce sont les notes. M* Sche-
ler est ttn profond connaisseur de l'ancien français, surtout de la langue poé-
tique des XIII" et XIV" siècles. Il sème dans tous ses commentaires, avec beau-
coup d'observations purement explicatives destinées au lecteur ordinaire, des
remarques iexicographiques, étymologiques, giammaticales, qui sont toujours
iftrtru Clives et souvent très -importantes pour les philologues, Je noterai en géné-
ral rintérèl particulier de celles qui concernent le sens des mots et la syntaxe,
âtnx ordres de recherches un peu négligés depuis quelque temps au profit de la
phonétique et de la formation des mots, et qui constituent cependant une part
considéra bie, et non la mojns t>elle^ de la connaissance de la langue.
le vais examiner avec quelque détail, sous le bénéfice de ces observations
ginérates, la dernière des publications de M* Schcler, Bcuvon de Comarchh; elle
se recommande i ce choix, d'abord parce qu'elle est la plus récente^ ensuite
parce qu'elle contient un glossaire qui se réfère aux deux autres et même au
CUûmadh.
La Préfaci^ comme celles des autres volumes, est fort courte. Pour ta partie
littéraire du sujet, M. Sch. se borne à renvoyer à VHhtoin littérmre. Un auteur a
toujours le droit de limiter sa triche comme il Tentend, pourvu qu'il l'exécute
bien. Je me demande seulement s'il n'aurait pas été profitable à Tédition de
comparer le poème d'Adenet à la chanson plus .mcienne (encore inédite) dont il
n'est qu*un ri/ûcimento*. M, Sch. a fait quelques rapprochements de ce genre
poor les Enfances OgUr, dont l'original est publié ; ils auraient été ici, je crois,
plus faciles et plus frappants, et ils auraient eu^ sans parler de leur intérêt litté-
raire, une certaine valeur pour le texte.
Batvon de Comarchu n'est qu'un fragment, soit qu*Adenet ne l'ait pas achevé
(ce qui est peu probable), soit que le peu de succès qu*il obtint ait empêché de
le copier jusqu'au bout dans le seul manuscrit qui nous Tait conservé. Cette
dernière circonstance fait qu'il n'y avait pas lieu ici d'appliquer les règles de la
critique des textes : le rôle de t'éditeur se bornait à reproduire intelligemment le
aunascril. C'est ce qu'a fait M. Sch. avec un entier succès. Je n*aj à proposer
qu'un bien petit nombre d'observations, et de peu de portée. V. 40^ il faut lire
mprisj et le sens est : • Bien que j'aie entrepris ce poème avec un système de
rime très-difficile i/ort) t ; il s'agit en effet de la servitude que le poète s'est
f. Cette comparaison vient d'être faite dans une dissenition allemande quî n*e$t pas
encore jOTivéc entre mes mains (voy. Romanta^ IV^ p. su)-
Il8 COIfPTESHlBNÛUS
imposée, mais en s'y soustrayant plus souvent encore que dans 0Mr, de fiûre
suivre chaque rime masculine de la rime féminine correspondante. — V. 70
Pacolà; M. Sch. écrit ainsi sous Tinfluence de V accolade moderne; mais il fut
la colii, c'est-à-dire le soufflet qui faisait partie intégrante de Vââotéement d'oa
chevalier. — V. 336 Trop connoistra bien gieu st celui sambU antrmgne t \,
ce lux; antroingne signifie plutôt « farce » que t caprice, fontaisie ». — V. 665
H, 1. ri. — V. 900 tendus, I. tendu (cf. Romania IV, 286). — V. 1025 j*ai
peine à admettre /('; je lirais//. — V. 1102 Uamirans saille sus; M. Sch.
s'étonne à bon droit de cette forme ; les verbes suivants étant an parfait, fe
n'hésite pas à lire sailli. — V. 1 174 pié, 1. pic. — V. 1956 normans, j'écrirais
Normans, — V. 1961 l'explication donnée en note par M. Sch. est inadmis-
sible : il faut simplement intervertir le nom de Qaldras et celui de Gerarî (I.
Gerars), — V. 2^6()feroie, je lis iroie; cf. v. 370^ — V. 2669 l'explication de
M. Sch. ne satisfait pas et surtout ne convient pas au vers suivant ; 1. un pour
uns et supprimez la virgule à la fin du vers. ^ V. 3253 aj. une virgule après
avespris, — V. 3310 joiaus, faute d'impression sans doute pour joians. —
V. 3419 l'explication de l'éditeur n'est pas bonne, car on ne peut employer
dans ce sens comme après tant ; je lis Comme, tout en avouant que l'expressioo
homme de lascheté pour lâche est assez bizarre ; aparenter veut dire t tenir pour
parent, admettre dans sa famille* •. — V. 36^8 pria ne donne pas un bon
sens ; je lis pris a.
Les Notes contiennent, comme je l'ai déjà indiqué, la partie la plus intéres-
sante et la plus personnelle du travail de M. Scheler. Je signalerai les notes sur
l'expression vez la,., ou (v. 220), sur le sujet logique des verbes impersonnels
mis au régime (v. 279, mais je doute de l'application de cette règle an v. 825 ;
cf. Romania, IV, 28$), sur le moi fremier (v. 634), sur les différentes locutions
qui renforcent la négation (v. 875), sur le mot rin (v. 2360), qui est certaine-
ment à effacer de la langue et à remplacer par riu comme Ta déjà remarqué
M. Tobler {Gcett. Gel. Anz., 1874, p. 1044), sur le mot roi (v. 2971) qui vient
assurément de rota, sur gaignart (v. 3529), bien que je n'admette pas l'étymo-
logie de Diez (cagne) acceptée par M. Scheler. Une ou deux fois je me trouve
différer d'avis avec l'éditeur. V. 37 les deux explications proposées pour /lire
essaie sont très-douteuses, mais je n'en ai pas d'autres à donner. — V. loi il est
inutile d'attribuer ici le sens neutre d' « équivaloir > au verbe comparer; il suffit-
de faire d'Ermengarl le sujet de compère. — Le v. 472 n'est pas bien interprété.
Les Français se sont enfermés dans la tour de Barbastre; les Sarrazins furieux
s'avancent pour leur donner l'assaut : Vers lagrant tour se traient, moult fu chûs-
cuns iriis Pour l'amiraut qui est occis et detrenchiés ; Mainte fenestre i fu et mains
huis cncharchiés, Maint cscu, mainte targe tnbracier veîssiis, Maint martel et moud
pic de fer bien afaitiès ; A Vaprochier des murs i fu mains durs lanciis, Mainte sajeU
traite, mains quarriaus descochiès ; Cil dedens se desfendent, etc. Il est clair que
toutes ces actions sont attribuées aux assiégeants ; cependant M. Sch. remarque :
« Encharchier a diverses acceptions : recommander, confier (c'est, paraît-il, celle
I . Je vois ce vers cité, bien lu et bien interprété, dans le Dictionnaire de Sainte-Palaye
(au mot aparenter).
ADENET» Œuvres, p, pv SCHELER ÎÎÇ
de nctn passage), puis prendre sur soi une d^âin^, s'eil charger* * Cette expli»
cation rapporterait le v, 1 178 aux assiégés. Mais le rapprochement de passages
tnaloguci cités par Cachet montre qu'il s'agit de portes et de fenêtres (c'est-
à4m de volets en bois, qui formaient d'ordinaire la seule clôture des fenêtres)
que les assiégeants prenaient et portaient au-dessus de leurs tètes pour éviter
eu cêiUeus H Us purns d Us picx ûgmstis que leur lançaient les assiégés ; enchar-
tkùf a donc ici son sens propre, — V. 265 a ; ni dans ce \trs {Se il vicnmt m
hâÊtu pUnti dt ul chûdj I, a pUntl ttl chatl)^ ni dans celui de Râotil de Cûmkai
{Il fait maim f$tt â vieil (I. melf) chûel^ chad ne répond à *capiultu5, mais
bien à càUUus^ ChatL qui signifie primitivement » jeune chien i», puis par une
extension divergente du sens, * )cune animal » en général et t chien » en parti-
colier^ se prend souvent métaphoriquement et entre dans beaucoup de locutions
proverbiales. — Au v. 5467 il ne me paraît pas nécessaire de donner au noot
trchkrc un sens autre que son sens ordinaire. -*• V. 3891 Ne vûrruma pus atn
fti m fiôstft contrit El ne dmssitm atn km a celé millk; M. Sch. remarque :
• Le sens réclame SV pour Fi; il se peut que l'erreur soit duc à ma propre
inattention •, Il n'y a pas d'erreur ; cette tournure est très- habituelle en ancien
français ; nous dînons encore : k Je ne voudrais pas être roi et ne plus la voir, •
•• Les Notes sont suivies d'une Liste des personnages mis en sdnc ou mentionnis,
sllente innovation de M. Scheler a, que Ton doit recommander désormais â
; eeui qui publieront des chansons de geste. On dressera quelque jour un
onomastique de notre ancienne épopée, dont if est bon de commencer â
tKueiîlir les matériaux. Je voudrais seulement qu'on joignît les noms de lieux
jox noms de personnes. C'est à peu près la seule contribution de M. Sch. à la
partie littéraire de son sujet. J'y relève une ou deux vétilles. Bernais de Brebant
est une simple faute pour Btrnan ; de même Ernaut de Biânlandc doit être corrigé
m ai Gironde.
Le Ghssain qui termine ie volume contient w la table alphabétique des termes
les plus intéressants au point de vue de la lexicographie qui ont fait l'objet des
notes placées a la suite des trois ouvrages d'Adenès. » L'idée est excellente,
mais la notion de termes tnlèressmls est bien vague, et â mon avis Tauteur Ta
^rm dans un sens beaucoup trop étroit. Le choix qu'il a fait est tellement
parcimonieux que le lecteur est obligé de parcourir après lui les notes de ses
trois volumes et y trouve largement à glaner* M. Sch. a péché par excès de
ttiodestie, et son glossaire est loin de donner une idée de ce que contient son
triple commentaire, en même temps que de rendre les services dont il aurait été
«Bceptible* En revanche, il y a compris beaucoup de mots empruntes au Cleo-
maià, suppléant ainsi en quelque mesure à l'absence d'un index dans l'édition de
Van Hasseil, — Tout petit qu'il est, ce glossaire est précieux ; i! contient an
Certain nombre d'additions et de rectifications aux notes, et concourt à mériter
«v savant et laborieux éditeur la reconnaissance et l'estime de tous ceux qui
s'occupent de l'ancienne langue française,
a p.
t. Pourquoi M. Sch., qui a également muni O^rer d'une liste semblable,
privé BtrU f
en a-t'il
1 20 COMPTES-RENDUS
Î4es Roumains lîe la Maeédoliie, par E. PrcoT. PariSj Lefoux, t%j\,
gr. in-8% 48 p.V
Le but de Tauleur a été de combmer tous les renseignements dignes de foi
qu*on peut tirer des travaux dont les Roumains de la rive droite du Danube
ont été robjet. Ces travaux sont nombreux, mais méritent rarement une entière
confiance- Entre les écrits des auteurs roumains, M. Picot lait surtout usage
de ceux de Roza (1808), de M. Boliniineanu (1865) et de M, Mergeritu («874-
187s). Parmi les voyageurs étrangers, Leake (1814 et lëj^) et feu Lcjcan
(1861) sont les plus exacts. M, Hcuzey (1860) donne peu de renseignements
valables ; le travail de M. Fr. Lenormand sur les Pjlr^i vaîaquci dt la Gûu
(j 86 s) est fait de seconde main^ et un article de M, Emile Bumouf (Rot. des
d(ux Mondes, 1870) paraît être tout à fait nul. M. Picot manifeste avec raison
son étonnement de ce qu'aucun des élèves de notre école d'Athènes n'ait dirigé
son attention vers ce rameau valaque encore si peu connu. On jugera de ce qui
reste â faire dans cette branche de Tethnographie, si on considère que pour le
chiffre de la population les évaluations varient de 80^000 ( Pouqueville) à
1,^00,000 (Manuel de géographie imprimé à Bucarest en 1875I. L*incertitudc
n'est pas moindre quant i la distribution géographique de ces Roumains.
Répandus sur les deux versants du Pinde, en Èpire, en Thessalic, en Macé-
doine, entourés de populations grecques et albanaises, c'est avec peine, et au
prix de luttes incessantes contre l'influence du clergé grec, qu*ils obtiennent des
écoles de leur langue, et certains de leurs villages sont déjà grécisés, M. Picot
fait preuve dans tout son exposé d'une grande prudence : il se garde bien de
tirer des conclusions précises des données contradictoires auxquelles on en est
présentement réduit, et établit avec critique la valeur des diverses informations
qu'il nous communique. Il donne une utile bibliographie des écrits qui con-
cernent les Roumains de la Macédoine. On remarquera aussi au commencement
de son travail des renseignements précis sur les Roumains de l'istrie.
Romua elemek a magyar oyelvnes, par Antoine Edelspjlcr^r,
Budapest, 187J, 34 p, in-8«,
L*auleur de cette courte notice s'est proposé de rechercher les éléments
roumains contenus dans la langue magyare. Nous disons roamam et non pas
romans : il n'a pas eu pour but, en effet, de dresser un inventaire de tous tes
mots d'origine latine ou italienne incorporés dans son vocabulaire maternel ;
il se borne â nous donner une liste patiemment et soigneusement dressée des
mots qui selon lui ont été importés dans le hongrois par suite de la fréquen-
tation des Vataques et de leur voisinage^ dans les limites mtnes du royaume
cl au-delâ des frontières.
11 arrive, sans compter les noms de famille, à un total de 124 roots, dont il
retranche aussitôt 14, comme étant des locutions d'origine magyare ou slave
qui sont revenues à leur point de départ après avoir traversé le roumain. —
En effet, il y a eu action réciproque : le roumain renferme beaucoup d*éîémcnts
slaves et magyars; pour le slave, rien n'est plus connu, et quant aux mots
nugyars introduits dans Tidiome national des Vaîaques, Jemey et M. Roeslcr
I
EDELSPACHER, Rumun ctcmek a magyar nyelvmn 1 2 1
fcs ont constatés. — Restent 1 10 mots, dont au moins 60, au plus 85, seraient
d'une origine purement et directement roumaine.
C'est là un inventaire intéressant, cl qui le serait plus encore si M. Edcls-
pacher, qui fait suivre son travail d*une complète bibliographie du sujet, avait
Dfllenient indiqué dans sa conclusion quels sont parmi ces 1 10 mots ceux qui
sont purement roumains, ceux qui sont douteux, ceux dont la première origine
eîl iilavc. Il ferait peut-être bien aussi de porter son attention sur une question
délicalc, celle des limites qui séparent la provenance latine de ta provenance
roumaine et du critérium qui permet de les distinguer. Cest ainsi^ par exemple,
que les mots îak et mur signifiant « îac » et <f mur*, comme en français,
soulèvent celte question : sont-ils vaguement latins^ sont-ils précisément rou-
mains ? Il ne suffît pas de faire observer que les Valaques disent hk et mur :
nous le disons aussi, et cela ne prouve assurément pas que ces deux mois
œagyars (?) soient d'origine française,
Ces deux mots magyars ? Voilà encore une question : sont-ils devenus des
mots magyars? Jamais je ne les ai entendu employer^ on dit toujours tô et/d/. Ce
seraient plutôt des provincialismes limités à un côté du pays, SchtitUur est-il
vraiment un mot français, parce qu'on l'emploie eu Lorraine et parce que
M, Uttré ïe recueille â ce titre ? placer ions*nous schlituar dans une analyse des
iUmmts gtrmûmquts de la langue française? Et encore je prends ta comme
tirmc de comparaison un mot qui chez, nous n'a pas de synonyme et dont
l'einploï peut être nécessaire dans un ouvrage de géographie économique, tandis
<jiie mur et i&k ont leurs synonymes magyars constamment employés.
Je oe fais que poser des points d'interrogation pour attirer l'attention de
H. B. s'il continue ces travaux si utiles h tous les points de vue. Je me per-
mettrai d'exprimer encore un désir : c'est qu'après une liste alphabétique cons-
ciracieuse telle que la sienne, il groupe les mots énumérés comme l'a fait par
exemple M. Miklosich : agricatlmt^ commacc^ mots désignant ta parente, gouva^
aemenf, etc. Cette classification est indispensable lorsqu'on veut arriver à des
cosctusions historiques sur la marche de la civilisation ou sur les migrations
des peuples*
M, E. aboutit i une importante conclusion de celle dernière catégorie. Une
(jnestion mystérieuse, débattue avec la passion qui s'attache dans l'Europe
oneolâlc à toute discussion ethnographique, est celle-ci ; les Roumains d'au-
pard'hui, les Moldo-Valaques, sont-ils les descendants des colons romains de
Trajan, sans interruption dans l'occupation du sol; ou sont-ils venus Thabiter
seulement au treizième siècle? M. Rœsler a soutenu avec beaucoup de force
cette dernière solution. M. E, la déclare confirmée par ce fait que les mots
roumains mcorporés dans la langue magyare actuelle ne se trouvent point dans
les anciens textes magyars. Toutefois, les textes magyars vraiment trls-anâtm
{cerne du quinzième stède, par exemple, ne prouveraient rien ici) sont trop peu
nombreux et trop courts et ('inventaire dont nous venons de parler est trop
rtsireint pour qu'on puisse légitimement aboutir, dans l'état de ta question,
lune conclusion histonque, — Je serai heureux si j'ai pu encourager M, Edets-
Dichi>r î contmuer et i compléter ses mléressantcs recherches.
Edouard Sayuu^.
PÉRIODIQUES.
I. — Revue des t.vNauBS bomanês, Vlïf, octobre 1875. — Cette livraison,
étant munie d'une table, forme un tome i elle toute seule. Je dois faire rem.ir-
quer à ce propos que la grosseur des volumes de la Revue devient fort irrégulière.
Le t. V (janvier-avril 1874), en deux livraisons, a J28 pages; le t. VI ( juillet-
octobre 1874), en deux livraisons également^ a 648 pages; le t. VII (janvicr-
avril-juillet 1875), en une livraison, a 476 pages; le t. Vlll enfin dont nous
allons parler n*a que 264 pages, II n'y a pas !Jeu de se plaindre, en ce sens que
la quantité de matière fournie par la Revue dépasse notablemeit les promesses
du prospectus, mais il y aurait évidemment avantage à ce que la matière fût,
sll est possîbîe, plus également distribuée. — P* i^ Ch, Révilîout, De h date
possible du Roman de Flamenca, L'une des idées les plus ingénieuses que nous
offre ce roman est le stratagème par lequel Flamenca et Guillaume de Nevers
parviennent i communiquer ensemble, malgré la surveillance d*un mari jaloux.
Guillaume, qui exerce â réglise les fondions de clerc, profite du moment où îl
présente la paix à Flamenca pour échanger avec elle un mot ou deux. C'est unique-
ment les dimanches et fêtes que cedialogue d'une concision plusque télégraphique
peut avoir lieu. Comme l'auteur indique avec précision les jours oîi Flamenca
et Guillaume échangent ainsi quelques rapides paroles, on conçoit qu'il soit
possible, par Tobservation des fêtes mobiles, de déterminer une année en
laquelle se rencontre la succession de jours fériés marqués par le poème. C'est
une opération que j'ai essayée à part moi, lorsque je traduisais Flamtncâ^ et
j*étais arrivé forcément à ce résultat que ta série spécifiée par le poème ne peut
s'appliquer qu'à l'année comprise entre la Pâque de 1234 cl la Pâque de 1255.
Tel est aussi le résultat obtenu par M. Révilîout, et il n'y a pas moyen d'aboutir
à une autre année. Mais une difficulté m'avait arrêté et, par suite, détourné de
publier ïe résultat de mes recherches, de telle sorte que c'est par des motife
d'un tout autre ordre que je suis arrivé à placer la composition de Flamenca à
une époque qui se trouve comprendre l'année 1234, entre 1220 et 1250. La
difficulté qui m^avait amené à révoquer en doute Texactitude des indications du
poète, est celle-ci. Le poète place (v, <, 1 54) la Saint-Jean le samedi qui suit la
Saint-Barnabe : comme la Saint^ean est fêtée le 24 juin et la Saint-Bamabé le
11^ il me parut évident que l'auteur s'était trompé dans son calcul» et je renon-
çai à tinr aucun indice chronologique de la série des fêtes Icîle qu'elle ressort
de son poème. Mais M. Révilîout a habilement résolu la difficulté en montrant
que, selon le texte même du poème, le 1 \ juin coïncidait avec la Pentecôte
(v. $086), que Tuiage en pareil cas (c'est là ce dont je ne m'étais f>as avisé)
PÉRIODIQUES 123
Bt cfe renvoyer la moindre des deux fêles (ici fa Saint- Barnabe) au premier
pur libre; ce jour a dû être le dimartche suivant, 18 juin, et par conséquent le
foar de ia Saint-Jean, 24 juin, est en effet, comme dit le poète, un samedi. IJ
e$t impossible d'attribuer au hasard la coïncidence parfaite qui est dés lors
éttblte etitre ['année 12)4-^ et celle que le poète nous décrit. Et s'il a choisi
cette année 1214-5 f'^ ^^"'*^ ^" ^^'ï* *^^^'^ ^^ ^^ rencontre la succession indi-
q«ée par le poème) » c>sl probablement qu*i) composait cette année même ou
pe» après. Telle est la conclusion que M, Révillout proposa avec réserve, et
<(iii me paraît d'autant plus acceptable qu*elle est en accord avec l'ensemble des
àwftées du roman V — P. 19, Alart, Etudfs sur qucï^ues mots nouveaux d'une
thant landaise de 1268 ou 1269. Les remarques de M. A. confirment en général
Ott précisent les explications que j'ai données dans la Romania soit par mes
propres recherches (ci-dessus III, 442), soit à l'aide de communications bien-
ifttMintes (ci-dessus IV, 462*4 2). Je doute que cmm soit le même mol que
feîMiuM catalan. — P. 51, Chabaneau, Notes critiques sur quelques textes
fmençaux. Bhndin de Cor nouai îles. Remarques linguistiques et correclions au
tcïte. J'aurais à mon tour beaucoup à dire sor le même sujet, mais il ne faut
pas que le comptc-rendii de la Revue des langues romanes dégénère en une revue
lie mes propres publications. — P. 48, Alart. Documents sur la langue catalane.
Ordonnances, criées, etc. du commencement du XlV*' siècle. Ces documents
hmtnl un ensemble intéressant pour rhistoire du catalan et pour celle du
Rûussiilon, mais, distribués comme ils le sont entre tant de numéros de la
A^ûf, et par suite dépourvus d'index, ils sont bien difficiles à consulter. S*i]
n'était pis possible d*en faire un volume â part, en dehors de la Revue ^ il eût
p<tit-êtrc mieux valu leur consacrer un numéro entier. Alors on aurait pu
wméroter non-seulement les pièces, mais encore les articles de chacune d*elles^
et rédiger un glossaire pourvu de renvois précis. P. 49, M. Aîart exagère
visiblement en disant que tde tout temps Va final féminin catalan n'a été qu'une
itfraïiçaîs. » Je ne conçois pas pourquoi M. A. imprime» à la façon deRaynouard,
7,/M7i, quel: la suppression a lieu non pas avant, mais après 1'/. — P. yr,
A. Gizier, Littres â Crégoure sur les patois de France (suite). Collection fort inté-
fïBante,non pas seulement à cause des faits, souvent médiocrement observés ou
(xprimés* qu'elle contient, mais à cause des notions qu'elle fournit sur l'état
intellectuel et moral des populations rurales au temps de la Révolution^ sur
Iwr i pécorisme •, pour employer l'expression d'un correspondant gascon. Ce
nènje correspondant a eu l'idée, assez malheureuse, de rapprocher le patois du
Gers de l'anglais. Puisqu'on jugeait à propos d'imprimer celte élucobration, il
eût été utile de soumettre l'épreuve à une personne sachant f anglais, afin d*éviter
às\ fautes de lecture aussi grosses que celles^! : cougts Ictfugh)^ bîec ding
(Mutgif amacou (a maçon)^ ptayen (player), an wctoden^ shoe-maken {a woodm
ék-mâktr), weaven (weanr). — P. 1 14^ Richard , Las noças de Jauselou Roubt,
conédie dauphinoise composée vers i$i6 et publiée par M. Ch« Révtllout. —
t. M, Bartich, Jahrb. /. rom. Lit vil, 189, pUcc la composition du poème vers la fin
il tw* tièele, mais les argumenis qu'il invoque n'ont pas la portée qu'il leur aunbue.
a. Ce dernier article n*avait pas encore paru quana M. Alart a rédigé ses observa-
^
1 24 PÉRIODIQUES
P. tj9, Utirts tt pelms inédites de VabU Niric^ publiées par M. S» Léotaixi.
Passe encore pour les poésies, mais les fetires, écrites de 1817 à 182 j> n'onl
aucun intérêt* — P. [59, Chabaneau, Qrûmmain limousine (suite), — P. 2Jt>
et sujv., diverses poésies modernes. — P. 227, Bibliographie : Bartsch,
Chnswmaîkk provtnçak^ y édition, art* de M.Chabaneau; ce compte-rendu, plein
de remarques judicieuses, tant sur le texte que sur le glossaire de cette chres-
tomathié, est sensiblement plus sévère que celui qu'ion a pu lire dans la Roma-
nia^ IV, ijo. Occasionnellement M. Ch. donne dans une note (p. 238) quelques
exemples, tirés de Matfre Ermengaut, du passage à' s en r, et dV en 1; cf*
Romama^ IV^ 467*. — Rtchars h biaus^ hgg. wa D' W. FcEBSTEn, compte-
rendu par M. Boucherie; cf. RomaniayW, 478.
P, S, Nous venons de recevoir, et nous mentionnons ici, comme appendice
à la Rcvuc^ le volume intitulé : U concours phihtogiquc et littlmn de rannit
1875. Montpellier et Paris, 1875, in-8' de 182 p. Ce volume renferme le
compte-rendu des séances tenues par la Société àti langues romanes à Tocca*
sion de ce concours, les rapports des commissaires, et des extraits des pièces
couronnées. Voy. sur ce concours, Remania IV, lou P. M.
n. Jahrduch fur romanische Literatub, XIV, 4. — P. j8s, Mebes,
Die Nasafitat im Allfranzôsischen; cet article contient quelques remarques inté-
ressantes^ mais aussi des erreurs^ et manque en plusieurs points de précision et
de clarté. — Knaucr, Battage zur Kmntniss dcr franiôsischcn Sprachc des A7F.
hhrhunderis (fin). Enfin! — Comptes- rend us. P^i^znii^ Dante sttondo la trûdizi&nt
e i novelîatçri {article de M. Kœhlerj plein de compléments intéressatits ; je persiste
à croire que rhistoriette d'Adelgis dans la chronique de Novalèse est une
variante très-allérée de la répartie attribuée à Hrrcan : des deux parts on trouve
un prince étranger, assis à un bout de la table, et devant lequel on entasse
des os rongés; le sens attribué à Taventure a été totalement changé, mais
CCS coïncidences fondaroentales ne peuvent père être fortuites) ; U Livre des
mestiers^ dialogues français-flamands.,, p, p. H. Michelant (art. de M. Scheïer,
où se trouvent beaucoup de rectifications et de remarques précieuses).— P. 442-
482, Bibliographie de Tannée 187J.
ÎIL — BlBUOTHÈOtlE DE l'ÉcOLS DES CHARTES, XXXVI (1875), \. — La
bibliographie contient ua article de notre ami regretté, Léopold Pannîer,
sur les livres de MM. Joret (du C dans les langues romanes) et Darmesteter
{Traité de la formation des mots composés dans la langue française),
IV. — ZEiTScmuFT POU oEtnfiCHEs Alterthtîm, N. F., VII^ 2. — p. 1 I J,
II), nOy Petites pièces en vers latins de Tépoque carolingienne, publiées et
commentées par M. Dûmmler, — P. 119, Uenfant de neige ] trois versions en
vers latins (une quatrième p. 240) de ce conte si répandu au moyen-âge, pu-
bliées pour la première fois par M. Wattcnbach, — P. 1 59, Fragment d'un
poème inconnu, p. p. Steinmcyer. Ce poème semble bien être traduit du frao-
I . A cette page de li Romania^ ligne avint-dernière, on cite Ramengant^ c^cst une
simple £iute d'troprestioa. J'ai de bonnes raisons pour ne pat ignorer le tiom du poète
blterroii.
i
PÉRIODIQUES 12^
çus ; répisode cootenu dans ce fragment rappelfe vivement, comme Ta remar-
qué r éditeur, Apollonius de Tyr (el Jour dam de Blayi). ~ Parmi les comptes-
rtndtts, nous signalerons celui de M. Martin, sur un livre de M. Schmîd,
Hartmann von Aue^ oii se trouve la remarque suivante, qui est fort juste : « On
art que les Orientaux appellent tous les Européens de l'Occident Francs; cette
désignation était déjà usitée aux premiers siècles du moyen-Âge^ comme le
montrent les passages cités par Du Gange : Liuthprand, notamment, dit, dans
îoo récit de son ambassade à Nicépbore : Ex Francis ^ ijuo nomme, tam Latmos
fuam Teutones comprekcndit, îudum habuit.., îl résulte de ces passages, soit dit
fo passant, que l'opinion commune sur Torigine de celte dénomination est
erronée. Franc, dit Littré, est U nom que la Orientaux depuis Us Croisades
éênnint aux Occidentaux à cause du grand raie que les Français jouèrent dans ces
apUàions, Ce sont les Byzantins ^ tes premiers, et sans doute dès Tépoquc caro-
lingienne, qui ont adopté le nom de Francs pour désigner les Occidentaux, et
qui l'ont transmis aux autres peuples de l'Orient. » Il serait facile d'apporter de
DOinbreui exemples â t'appui de celte assertion,
V,— NuovA ANTOLoatA, nov. 1875. — N. Caix, Cmîîo d'Âlcamo c gH imita'
tort delU romanze e pastorelle provenzah c francesi. Le titre de ce mémoire de
46 pages en indique assez l'objet. L'auteur veut prouver, contrairement à
M, d'Ancona, que le Conlrasto de Ciullo d'Alcamo n'est pas une œuvre popu-
laire, qui reproduit ta forme nationale en Sicile du chant amibèt^ mais (ainsi que
dautres compositions analogues) une imitation des pastourelles provençales et
b'ançaises. Les rapprochements auxquels 11 se livre à ce propos sont fort inté-
ressants; mais ses conclusions paraissent excessives. L'influence de la poésie
lyrique française sur Ciullo» comme sur les poètes sicih'ens de la cour de Fré-
déric II, paratt incontestable (les mots français qu'on trouve dans le Contrasta
contribuent à rallesler, bien qu'ils puissent provenir simplement de Tusage du
français, st répandu alors en Sicile), mais il y a entre sa pièce et les pastourelles
qoe nous connaissons des différences de ton et de forme qui semblent bien
montrer qu'elle n*en dérive pas directement. M, C, a signalé lui-même Fabsence
de rinlroduction narrative, qui ne manque jamais dans nos pastourelles. J'ajoute
^oe je oe suis pas convaincu par ses arguments du haut rang social qu^il attribue
i Ciullo : or tout le piquant des pastourelles repose sur le contraste entre
rhumble condition de fa bergère et le rang élevé de celui qui la courtise plus ou
moins heureusement et qui fait lui-même, au point de vue de ta classe à laquelle
il appartient, le récit de son aventure. Ici, rien de pareil : tout indique que les
deux mtcrlocu leurs sont égaux, et tous deux de condition moyenne. Ajoutons
ijoe plusieurs {it% rapprochements signalés par M, C, et dans le nombre quelques*
nos des plus frappants, concernent des traits qui se retrouvent dans la poésie popu-
lïirc cl spontanée de toutes les nations, et que nos pastourelles elles-mêmes avaient
•apnmtés à celle de la France. On a donc ici, à ce qu'il semble, comme Ta
fnsé M. d'Ancona, une composition qui se relie i l'ancien ne poésie populaire
liàiieDDe, mais, — faut-il ajouter avec M« Caix, — qui a fortement subi l'in-
intpce étrangère. Même ainsi restreint, ce résultat est d'un grand intérêt, cl il
ixA savoir gré au savant critique qui l'a dégage. C. P.
U6 PlÎBIQDlQUBS
VI. BULLBTIN DE hk SOGIÉTt BBS ANGIBM8 TBXTI8 FRANÇAIS, 1875, 11*' 3 et
4. -^ P. 37-43, Procès-verbanx des séances du Conseil d'adramistratk» (jnn*
octobre 1875). —P. 44, G. PzTis,Noticedums, de laBibMhk^ àt Di'fm^n* 298 *.
Ms.daté de 1 362, contenant un grand nombre de poésies du XHI' etdu KIY^siède,
et quelques textes en prose. Quelques-unes de ces pièces paraissent n'avoir pas
encore été signalées. — P. so-82, P. Meyer, Notice du ms. fî. N.fr. 254151
contenant divers ouvrages en provençal. Ce ms., autrefois Gaignièrcs 41» crt
à peu prés daté de 1373. II contient i« un texte en prose de la Destncthit
de Jérusalem; a* la plainte de Notre-Dame (en vers); 3« les Sept joies de N.^.
(en vers); 4* V Enfant sage (prose); 50 l'histoire d'un moine qui, trompé par le
diable, se crucifia; 6« Ave Maria (en vers); j^ un fragment d'une imitation en
vers de l'Evangile de l'enfance. Les n»* I, V, VI et VII n'ont été rencontrés
jusqu'à présent dans auctin autre ms. Le n* VII est d'une versification très*
grossière où abondent les assonances. •— P. 83-4. Une chanson populaire (eo
français) tirée du ms. B. N. lat. 3445.
VII.~ Revue Critique, octobre-décembre 1 87 5 . — 195. Chants et contes popa^
laires italiens^ p. p. Comparetti et d'Ancona(Th. de Puymaigre). — 199. Marty-
Laveaux, Cours historique de langue française (A. Darmcsteter). — 205. Aycr,
Phonologie de la langue française ; Scheler, Exposé des lois qui régissent la transfor'
mation française des mots latins (A. Darmesteter). — 218. Kœnig, Etude sur
l* authenticité des poésies de Clotilde de Surville.
VIII. — L1TBRÀBI8CHES (}bntralblatt, octobre^iécembre. — N* 41, Caix,
Osservazioni sul voealismo italiano. — 43, Hegel, Die Ckfonxk des DinoCompagm.
— 49, Bartsch, Chrestomathie de l'ancien français.
IX. — ^ Jenaer LiTERATURZEiruNQ, octobre-décembrc. — N<> 40, Koschwitz,
Ueber die Chanson du voyage de Charlemagne à Jérusalem.
CHRONIQUE.
Dans sa séance du 19 décembre 1875, l'Assemblée des professeurs du Collège
de France a proposé en première ligne, pour occuper la chaire de langues et
littératures du Midi de l'Europe, M. Paul Meyer, et en seconde ligne M. Emile
Chasies. — Les mêmes présentations ont été faites par l'Académie des Inscrip-
tions et Belles-Lettres dans sa séance du 2 1 janvier 1 876.
«- La pétition que nous avons reproduite l'année dernière (IV, p. 302), deman-
dant réublissement de chaires de langue et littérature romane dans ptuakun
Facultés du Midi de la France, a été l'objet âl'Assembléenationalc d'an rapport
favorable; mais il n'a pas encore été pris de décision à cet égard.
CHRONtQUB 117
— CiMX dt nos iecieurs qui s'occupent spécialement de rancienne poésie
frioc^isc se souvieiment sans doute d'un intéressant article de Brakelmann, paru
dans k t* XI du JaMuch fâr romamsche Uteratur et mlitulé * Verïorcne
Handschriften. * Il montrait que MM. P. Paris et P. M eyer s'étaient trompés eo
Identifiant le ms. B. N. fr. 845 avec le chansonnier CUircmbayt, que citent
souvent Siînte-Palaye et Cangé ; cf. Ro/minia l^ioi . Le chansonnier Claîrembaut
devait être considéré comme perdu, — \\ vient d'être retrouvé dans !a possession
d'UQ» dame à laquelle il venait de son père, mort fort âgé il y a déjà longtemps,
L*un des directeurs de la Romania^éUni lié avec la famille de cette dame, fut prié
d'exammer un manuscrit qu'on lui remit. Il reconnut facilement^ d'abord â
rînspfction du titre écrit sur la couverture en parchemin, puis à bien d'autres
détails qu'il est maintenant inutile d'énumèrer^ qu'il avait aHaire au chansonnier
CUirembaut, Tous les livres et papiers de Ciairembaut ayant été transportés,
lors delà Révolution^ à la Bibliothèque Nationale avec tous ceux de l'Ordre du
Saint-Esprit, ce manuscrit devrait être à la B. N.; il figure en effet dans Tin-
ventaire des papiers de Clairembaut tels que les reçut l'Ordre du Saint-Esprit,
Il est probable qu'il s'égara, par un accident quelconque, lors du transport de
en pipiars à la Bibliothèque. — Le Cabinet des manuscrits est entre en arran-
fment avec les propriétaires actuels^ et nous avons la satisfaction d'annoncer
qae le chansonnier Clairembaut va reprendre sa place dans notre grand âèpài
litlératrei à càté des manuscrits de même famille qui en font déjà partie,
— Les quatre volumes attribués par îe Conseil de la Sociéti des Anciens Textes
i reiercice 1S75 sont tressa vâncés. Le second Bulletin aura paru quand nos
lecteurs liront ces lignes^ ils en trouveront d'ailleurs plus haut la notice. Parmi
b publications dont le Conseil a récemment agréé le projet, nous citerons : Brun
de la Mçntdgne, roman d'aventure en lormede chanson de gestç (M. P. ^leye^)J le
roman de rEscoujh (M. Michelant); ia Vu de Saint Gi//f^ texte fort intéressant du
3UI* sjccle (MM. Bos et Pans); Aqain (M* Longnon); Deux pèlermages en Terft^
SamU au XI V^ siick (MM. Bonnardot et Longnon); la traduction française (XIll'
sj du TrMc de Fauconnerie de Frédéric II (M. Michelant). On a en projet, pour
krt prochainement commencés, le Recueil général des Farces, le Recueil général des
Unm dt rémission^ h Rutuil des Miracles (dramatiques) de Notre Dame^ etc.
— Nous avons reçu de la librairie Hennin g à Heilbronn le prospectus d'une
édition à'Aiol par M, Wcndelin Fterster, Le rédacteur de ce prospectus a
cherché â allécher le public par une appréciation des mérites du poème, notam-
mott de ses côtés comiques et aventureux, qui semble avoir été écrite pour un
rouan nouveau plutôt que pour une chanson de geste en vieux français ; en
mèffle temps il recommande son texte aux <i commençants « comme un excellent
ftfft d'exercice, idée qui ne serait sûrement venue à l'esprit d'aucune autre per-
lOBne* M. Focrster est sans doute étranger à la composition de ce bonmunt^mm
à Bt d^autant plus fAchcux qu'il en ait laissé précéder sa publication que l'édition
eilMoéiDe est une des entreprises les moins utiles qu'on pût attendre de lui,
M. Foerster, quand il a cherché un libraire pour publier Aiol^ savait en effet
fMffaâtement que l'impression de ce poème était commencée à Paris, par les
\ de MM* Normand et Raynaud, pour ta SiKtétédes Anciens Tmes, M. Fœrster
1 28 CHRONiqiJE
a les mains pleines de copies d'anciens manuscrits : il aurait jugé Tédition de
tout autre texte plus opportune s'il n'avait voulu jouer oc qu'il a sans doute
pris pour un bon tour à la Sociàé parisienne. On peut se demander si ce tour
n'est pas de ceux qui, comme on le disait autrefois, * retournent à leur maître. •
Nos lecteurs penseront en effet quc> dans Télat actuel des choses, en présence
d'une littérature qui^ comme le déplore Tauteur du prospectus en question, est
pour une bonne moitié inédite, il est bien inutile de publier deux fois en mémt
Umps le même texte; il est surtout puéril de le faire exprès pour vexer ceux qu'on
regarde comme des concurrents, comme s'il pouvait être question de concur-
rence en pareille matière. Contrarier, par suite d'un dépit tout personnel et pea
justifié^ une entreprise qui a droit à tous Ifs encouragements et à tous les appuis,
c'est faire un acte qu'on ne peut excuser que si on en sourit. Quand M. Fœrsler
a demandé à quelques membres de h Société si elle voudrait publier sa copie d*/tii}/|
il lui a étérépondu qu'il s'y prenait trop tard, la copie de MM. Normand et Kaynaud
ayant été acceptée et envoyée à l'impression. On a d'ailleurs engagé l'éditeur de
Rulhjrt k Bel h présenter à la SoaéU quelque autre projet ; on aurait notamment été
disposé à admettre son édition de Chrétien de Troyes. M. Fœrster a vu de la mal
veillanceli où il y avait au contraire une bonne volonté complète, et il s'est hâté
d'imprimer sa copie pour devancer l'édition française. Afin d'en être plus sûr, il a
mis dans une première livraison le texte tout seul^ réservant pour plus tard les
noles^ le glossaire cl l'introduction. Cette livraison, au moment où nous écri-
vons ces lignes ( i j janvier), vient d'arriver à Paris ; ainsi le susceptible philo-
logue a atteint son but. Nous croyons qu'en réfléchissant de sang-froid it
regrettera lui-même cette espièglerie. — Pour donner â son édition une valeur
particulière, M. Fœrster a joint à Ami le petit poème à' Elu de Saint-GUU, La
Socièii publiera aussi cette chanson, mais à part. — En ce moment, dix feuilles
de l'édition de la Société sont tirées ; les leuilles n et 1 2 vont l'être. UAht sera
attribué à l'exercice 1876 : les éditeurs français n'ont pas essayé de lutter de
vitesse avec M. Fœrster^ dont ils n'ont connu d'ailleurs qu'assez lard la con-
currence; leur édition n*y perdra peut-être rien.
— MM. Fredrik Wulff et Gustaf Cederschiôld préparent une édition de la'
Mëttuîs Saga, d'après tous les mss*, avec traduction et introduction littérairCi
La Môttuls Sûgû est une traduction norvégienne du conte français bien connu
du Mantei maataillié.
RECTIFICATION.
Dans un feuillet joint â la plupart des exemplaires de la brochure dont noui
avons rendu compte ci-dessus, ÎV, 492, M. Favre a cru pouvoir affirmer que
M, P. Meyer s'était fait inscrire au nombre des souscripteurs au Glossaire de
Saintc-Palaye. C'est tout récemment et par une circonstance fortuite que
M. Meyer a eu connaissance de ce feuillet ^ui ne tui a pas été adressé. Autrement
il n'eût point attendu jusqu'à maintenant pour déclarer que l'assertion de
M, Favre est entièrement fausse.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
iroprimeric Gouverneur, G. Daupeley à Nogenl-le-Botrou,
LES
TRADUCTIONS HÉBRAÏQUES
DE VIMAGE DU MONDE.
M. V. Le Clerc dans son article très-détaillé > sur les mss. et les édir
tions du «Livre de Clergie ou l'Image du monde», en. vers et en
prose, en français et en d'autres langues, ne mentionne pas les traduc-
tions de cet ouvrage faites par les Juifs. Pourtant nous en possédons une
en hébreu dont il existe deux rédactions qui diffèrent Pune de l'autre,
sinon entièrement, du moins en quelques parties^ et nous en avons une
seconde en judéo-allemand, espèce d'allemand du moyen âge conservé
dans les ghettos comme c'est le cas pour l'espagnol parmi les Juifs
de la Turquie. Déjà M. Zunz, le fondateur des recherches critiques sur
h littérature hébraïque du moyen-âge, mentionne la traduction hébraïque
dans son savant mémoire sur la géographie chez les Juifs, qui forme un
appendice à lar traduction anglaise de la relation du voyage du fameux
Boijamin de Tudèle^. M. Zunz fait justement observer que la traduction
a été faite sur un texte français. D'autre part, un savant bibliographe,
M. Steinschneider, nous a fait connaître 3 la traduction judéo-allemande,
laquelle, comme nous le verrons plus loin, prétend être faite sur l'arabe.
Ce dernier mentionne de plus un ms. de la traduction hébraïque :
nous en connaissons un second. Avant de nous occuper de ces dernières,
nous donnerons une description succincte des deux rédactions imprimées,
qu'on ne rencontre pas dans toutes les bibliothèques. Bien que la rédac-
tion judéo-allemande ait été imprimée avant le texte hébreu, nous
devons donner la précédence à celui-ci, l'autre n'en étant que l'abrégé.
1. Histoire littéraire^ tome XXIII ^ p. 296. sqq.
2. The itinerary of Rabhi Benjamin of fudela etc., 1841, vol. II, p. 264.
3. Cûtalogus Iibr. hebr. in Bibl. BodUiana^ col. 1683.
Romania, V 9
t^O A. NEU8AUER
La iradyciion hébraïque fut imprimée pour la première fois ' à Amster-
dam en ^49î a.m, ;= 175? a. d. avec le titre ûî>i5n V^c *ibd « livre
de Torobre du monde w. On l'attribue sur le tiîre au rabbin Matlhatyah
fils de Sàlomon aïKpbij nom qu'on ne trouve dans aucun des deux
mss. que nous avons pu consulter. Voici d'ailleurs la traduction de
Tavant' propos du traducteur, qui ne nous a fait connaître ni son nom ni
le texte sur lequel il a fait son travail, L*auteur dit : « J*ai cherché et
» j*ai trouvé ce livre qui renferme les règles' des sciences avec les figures
n géométriques ? et qui fut composé par un des savants chrétiens *. Ce
ï) livre est la clef de toute intelligence, puisqu'on y explique comment le
n monde est distribué^ et qu'on y parle du continent, des îles et des
» mers ; en un mot de tout ce qui se trouve au-dessous de la planète
j» qui tourne ï. Voyant cette apparition, Je me suis écrié : 0 Dieuî
» pourquoi le fils de Tesclave ^ possède-t-il les habitations de Tinielli-
» gence, tandis que le fiis de la maîtresse est assis solitaire et silencieux??
» Cependant la volonté de Dieu sera accomplie, car ce n^esl pas à cause
« de ma grande intelligence que j^ai osé entreprendre celte traduction,
» mais parce que je comprends la langue de Toriginat, ainsi que celle
» dans laquelle je traduis, ft
L'ouvrage est divisé, comme presque toutes les rédactions, en trois
parties renfermant en tout 69 chapitres : la première partie en a 14,
la seconde 57, et la troisième 18, Nous verrons à la suite comment la
2^ partie, qui d^ordinaire n'a que 19 chapitres, en a ici ?7. Nous
désignerons cette édition par la lettre A.
Passons maintenant à la description des mss. qui renferment la tra-
duction hébraïque. Le premier qui se rapproche le plus de l'édition se
trouve dans la bibliothèque de M. Gunzburg, à Paris, n» 287. Nous le
désignons parla lettre G. L^auteur^ ou plutôt le traducteur, ^'appelle
ici David, fils de Moise ■^r^son ou '^an^^on^; le titre du livre est,
dans Tavant-propos, n^iai et à la fin : cbi?in npbi « image du
monde ». L'index donne la division suivante : trois parties renfer-
mant en tout 55 chapitres avec ji figures, savoir : la première
partie 14 chap., la seconde 19 avec 9 figures, la troisième 22
I
I
I
I
t. H en existe une réimpression faite en Pologne que nous n'avons pu voir.
2, Selon le ms. G qui lit ^î3*iE«
j. Ms. G. D"»n-ini2m.
4. LitléraleiTtent : da savants des naiions.
j. L'édition porte u h planète du jour ».
é. Cette expression est ordinairement employée pour les Arabes, et fait allusion
à Haçar, la mère d'Ismaèl.
7. Lamentations III, 2H.
8. Ce mot cache probablement la traduction d'un nom de ville, chose assez
fréquente cheî les Juifs provençaux (voir Hist. iitUr., etc., tome XX VII).
TRADUCTIONS HÉBRAÏQUES DE iJImagC du Mondt I J I
avec autant de figures. Dans le corps même du livre la seconde panie
en a ^j, et la troisième partie commence avec le 36^ chap. et finit par
k^)^ La différence entre cette énumération et celle qu'on verra dans
'autre ms. vient de ce que dans le deuxième chapitre de la seconde
partie les subdivisions sont marquées comme des chapitres séparés*
Nous devons ajouter que ce ms. n'est pas en bon état : un grand
mhtt de feuilles sont déchirées^ et le copiste y a ajouté delà confusion
par son ignorance. Inutile de dire que les mots étrangers, c.-à-d» les
siots français^ y sont plus ou moins estropiés» défaut dont les deux
lutrcs rédactions ne sont nullement exemptes.
En6n le ms. d'Oxford (Bodleyenne) marqué Oppenheim 579 a aussi
un double titre : dans Tavani-propos ' •^—xn rir^s u Image de la
terre ;?, et dans la souscription o^t? n^aîjx « image du monde ».
Il est divisé selon riniroduction en ^j chapitres avec 28 figures, savoir
Impartie : 14, II* : 19, et Hh : 20 chapitres. Ce ms. a quelques
I ligures. Il sera désigné par la lettre 0.
Arrivons maintenant à la rédaction sur laquelle nous croyons fondée
latraduaion hébraïque au moins telle qu^on la trouve dans ce dernier
l^'est la rédaction en prose imprimée à Paris sans date ; elle porte
^thfe : V L*image du monde contenant en soy tout le mode mis en
« trois parties. C*est assauoir Asie, Alïnque et Europe. Auec les pays :
» prouinces et citez : et les merueilleuses et diuersites créatures qui sont
a dedans, contenant en soy troys parties. Comme il appert cy après en
* la table de ce présent liure. » La figure ronde sur le titre représente
la terre avec le ciel voùié entouré des quatre éléments. Au bas de la
page on Ut : « Imprime a Paris ». Le volume est de format in-40 et
contient 28 feuilles (sans pagination), les pages étant à deux colonnes.
Celte édition se termine par les mots suivants : << Finis. Cy fine Lymage
• du monde nouuellement imprime audit lieu. » Au verso du premier
MIet commence Tindex : « Sêsuit le liure de clergie appelle Lymage
j^ du inonde, j» Nous allons reproduire ici cet index pour deux raisons :
1* pour pouvoir donner la concordance des chapitres de ce texte avec
ceux des traductions hébraïques ; 2*^ parce que les éditions de l^lmage
du Monde sont assez rares (M. Le Clerc n'en a pas vu, et celle dont
nous nous servons n'a pas même été connue de Brunet^), D'ailleurs
ctne citation ne fait pas double emploi jusqu^à présent, M. V. Le Clerc
ayant négligé de donner les titres des chapitres dans sa notice de VHis-
Il ne diffère point essentiellement de celui des autres rédactions ; il est
produit dans noire catalogue n* 1 269.
Voy. Manmt du Ltbrmn^ ç^ ^^^ vol. III, p. 1118; l'édition dont nous
! la description se trouve à Oxford dans la collection Douce M. M. 48;.
}p A. NEUBAUER
toire littéraire * . Voici le commencement de l'index : « Le presêt Imre
dit Lymage du Monde coniieni en tout cinquante et cinq chapitres et
quinze figures et est diuise en troys parties, n Suit Ténuméralion des
chapitres, ainsi conçue :
« La première partie cOtieni xuii chapitres et vu figures sans compter
le prologue »,
** Le premier chapitre est de la puissance de Dieu i» ; correspond au
premier chapitre de toutes les trois rédactions hébraïques, avec la diffé-
rence que A traduit oinn n-'b^n « but de Thomme ï>, 0, nseTJvi '•ûts
chapitre de la confession ? et G ^n bx ^i^bt •^ixpa « sur les buts de
merveilles du Dieu vivant »>.
u Le IL pourqy Dieu feist le mSde n = i^ ch. de A 0 et G.
« Le tiers pourquoy dieu fist Ihomme a sa sembiance » ~ y ch* de A
OetG.
<f Le quart pourquoy dieu ne tisi Ihôme tel quil ne peux pécher » =
4« de A 0 et G.
v Le quint cQmant les sept ars furent trouvez et de leurs ordres et
affaires » = j^ de A 0 et G.
a Le VL des trois manières de gens que les philosophes mirent au
monde et aussi cOmant clergie vint en France )> = 6"^ de A 0 et G très-
abrégé; la dernière partie manque tout-à-faii. Le contenu du texte fran-
çais est conforme à celui qu^a donné M* Le Clerc.
« Le VIL de ia manière des vn. arts » = 6*' de A 0 et G,
cï Le Vlll. de nature comment elle oeuvre et que cest » ^ 7< de A
0 et G.
«.Le IX. de la forme du firmament n ^ g" de A 0 et G.
« Le X. comment les quatre éléments sont assis » = io« de A Oet G.
*< Le XL cDmenl la terre se tient droit au milieu du monde ? « ^ 1 1
de Au et G.
« Le XIL comment la terre est rOde j) =: ii* de A 0 et G.
« Le XI IL commet et pourquoy Dieu fist le monde tout rond n :=
15' de A OetG.
« Le XIIIL comment le firmament court îsnellemèt et du ciel dessus les
sept planettes n = «4" de A 0 et G
<• La secôde partie contient xix chapitres et huyt figures.
tt Le pmier chapitre est cOmenl la terre est divisée en un. parties et
en quelles pars est habitée » = r de A 0 et G.
« Le IL est la mape mode de A^ie et paradis terrestre de yude de la
r. Loc, cit. p. J04.
2, En hébreu HSian inî>i3.
j. A a ici une note additlonnetle contenant une explication sttr le sujet en
question par le savant Nicolas.
I
TRADLfCTIONS HÉBRAÏQUES DE Clmâge du Moftde I J^
diversité des gês des besies des c5trees et des pierres et de Azie le
minour, des gês et des poissons des arbres de turc w — 2* de O et G
divisé en douze subdivisions, dont la dernière est relative aux arbres ; ^
i à 1 ï de 0 {2 à I j de G dans le corps du livre),
« Le IlL dEurope et de ses regiOs » = j*^ de 0 et G, 12* de A.
«« Le quatriesme est dAfrique et de ses contrées n = 4* de 0 et G,
t)«de A,
« Le quint est de isles et de leurs choses « ^ ^« de 0 et G, 14*' de A,
«' Le Vl. des choses dEurope et dAffrique des bestes des oyseaulx qui
jsom» =6«deO et G, 1 5» à ly^'de A.
tf Le septième des vertus daucunes choses communes » = 7 - de 0 et
C^ 18^ de A.
i Le huytiesme que cest enfer et ou il est séant ?> ^ 8« de 0 et G,
lyet 20* de A.
tf Le IX. pourquoy eau doulce deuient chaude et salée en enuenimee
som îï = 9« et 10" de 0 et G, 22* de A.
«• Le X. la ou la mape m5de finîst » = 1 r de 0 et G, 2 1« de A.
»« Le XL est de diuerses fontaines en plusieurs lieux )> ^^ it* de 0
« G, 2î* de A.
K Le XIL coma la terre croie et fet » = 1 2" de O et G, 24" de A.
«Le Xïïl. comment la mer deuient salée » ^ ij* de 0 et G,,
ij'deA.
t Le XilIK de Tair et de sa nature n = 14" de O et G, lô*" de A.
* Le XV. comment nues gelées neges et autres tempeste par tonnoirre
adiâicm » = 1 5* de 0 et G, 27*^ à 30* de A.
<» Le XVL comment les vens naissEï » = 16" de 0 et G., 51* de A.
« Le XVIL du feu et des estoiles qui semble courre et du dragon que
c«!t»= 17*= de 0 et G, 3 2* et 33* de A.
^ Le XVI H. du pur air et cSmant les sept planettes y sOt assises » =
iS'deO et G, 54'' de A.
♦< Le XIX. des estoilles et de la côcordâce du tour du firmamèt » =
19* de 0 Cl G, ]y* de A.
35 de G traite de l'opacité de la lune et des mois lunaires et solaires;
J6 des noms des sept jours selon les planètes.
« La tierce partie côtient xx chapitres et douze figures.
«• Le premier chapitre comment il est iour et nuyt et pourquoy on ne
voit le soleil de nuyct et les estoilles de iour n =^ 1 de 0 G et A.
t' L^secod commet la lue reçoit diuersemêt lumière du souîeil » ^
2* [les suscriptions manquent pour tes deuxchap. dans 0) de 0, G et A.
«Le tiers comment esclipse de lune aduient » == 3* de O et G.
i*deA.
1^4 A- NEUBAUER
« Le quart commÇt aduîçt éclipse de soleil » = 4« de O et G,
}" de A.
V Le cinquiesme de lesclipse du soleil qui aduît a la mort de Nostre
Seigneur Jesucrist. » Ce chapitre manque chez les traducteurs juifis.
« Le VI. de la vertu du ciel. Et des estoiles » = 5» de O et G,
4« de A.
« Le septiesme pourquoy on mesure le monde » = 6« de O et G,
5« de A.
a Le VIII. du roy Ptolemeus et des autres philosophes » •= 7* de O
et G, 6*^ de A.
« Le neufiiiesme commet on sauua les clergies par le déluge i»=r g«et
9«deOetG, 7* de A.
(c Le dixiesme des merueilles que Virgile fist par astronomie » = io«
de 0 et G, 8° de A.
i< Le unziesme pourquoy monnoye fut establie » = 1 1« de 0 et G,
9« de A.
« Le dousiesme des philosophes qui allaoient aux champs pour
apprendre » = 1 2° de 0 et G, lo* de A.
« Le treziesme du philosophe et de la responce de Platon » = 15* de
0 etc., II» de A.
« Le XII II. c5bien la terre a de iQg enuirO et de lez et despes panoy»
= 14 de 0 et G, 12 de A.
« Le XV. combien le soleil côtient de hault chacun endnnt soy » =
1 j* de 0 et G, 1 3» de A.
« Le XVI. delà grâdeur et de la haultesse des estoilles et de leur
ymage » = i6« de 0 et G, 14» de A.
« Le XVII. du nObre des estoilles » 17* de 0 et G, 1 5» de A.
<( Le XVIII. de la grandeur du firmament et du ciel qui est dessus »
= 18" deO et G, i6« de A'.
« Le XIX. du ciel cristien et de ciel impérial » = 19» de 0, 18* de
G, et i7«de A».
« Le XX. du celestiel paradis et de son estre » = 20® (ms. 10) dcO,
19M OG., i8"deA.
Pour compléter les indications bibliographiques de notre édition fran-
çaise, nous ajouterons que le prologue (page 2 verso) est suivi d'une
image représentant le Christ comme créateur de tous les êtres.
Malgré les différences de l'arrangement des chapitres que nous venons
de voir dans les trois rédactions, elles émanent certainement d'une seule
1. En hébreu de O et A [0. '<:D'':Dtt5n] "j^ "p anic t la grandeur du pa-
radis céleste.
2. En hébreu de 0 rh^'n^ri '<»0'! nxinh '<a©a.
3. Ne se trouve pas dans l'index de G; dans le corps c'est le 19» chap.
TRADUCTIONS HÉBRAÏQUES DE h'ïmagt du MOTldl \ ^5
et même source ; les variantes soni l'œuvre des copistes. Le style est le
même et ii n'y a que des chapitres plus ou moins développés, selon le
caprice des copistes '. La date de la composition est dans les trois rédac*
tions de l'année 1 24^. La plupart des mots qui donnent la traduction en
langue vulgaire sont français {plus ou moins estropiés) \ dans la rédaction
imprimée f le copiste en a changé quelques-^uns en expressions latines
Voici des exemples d'une grande partie de ces mots d'après le ms. 0 :
L 7 arv»Q^a = Grammaire (rédition a «p'^îsTaHi^i = Grammalica),
Les noms des bêtes, ainsi que les noms des pays et des villes^ cités dans
ïî» j j à 5 , sont trop estropiés pour pouvoir les citer comme argument
pour notre thèse. IL 2 lasTai'^st — aimant (l'éd. a :î:^iï<TO ~ Magnet) ; le
m. cite ici le livre Lapidaire {*^'''v^tb), H, 10 en parlant des eaux ther-
males, les mss.^ ainsi que Véd., ont, outre Tibériade (qu'on ne trouve
pas dansPéd. française), Aix-la-Chapelle (hVbp^ y*^^h ; Téd. française a
« ais et plomiers q est en Lorraîe ^ ». II, 11 p'^^i ir» = feu grégeois'.
Les noms des jours de la semaine, qui se trouvent seulement dans Tédi-
lion imprinnée (llj :j6 1 sont en français. III, 11 pour le passage français :
« et fut dicte monnoye pour ce qlle maine le monde » on iil en hébreu
dans le ras. 0 .naruncir te ^G. nn^^iat^) nH'i''rï< tr^ *)v^bs ificsisn at^p^^
Ajoutons encore que la traduction n'est nullement littérale comme celles
b<fu sont dues aux Juifs de Provence, mais qu*elle est remaniée et adap-
tée au génie rabbinique, elle est écrite dans une langue un peu moins
pure que celle des fables composées par Berakyah, et qui rappelle plutôt
celle de TYsopel hébreu^.
Après avoir décrit les différentes rédactions, il nous reste à traiter de
I*époque vers laquelle la traduction semble avoir été faite et du nom du
traduaeur. La traduction d^un ouvrage français ne peut être rapportée
qu'à une époque où les Juifs étaient maîtres de cette langue, par consé-
quent avant l'expulsion des Juifs de la France par Philippe le Bel i vers la
lin du XIII* siècle au plus tard]; on ne peut en effet supposer un Juif érudit
îjant appris le français à l'étranger : ce serait un fait unique. D'ailleurs
^
i. On trouve dans Tune et Tautrc rédactions d'autres sentences a gadiqu es,
q«i $e rapportent au sujet traité dans le chapitre. Seul le ms. d*Oxford cite
plusieurs lois Maîmonide (quelquefois seulement avec l'expression de « le juste
i maître •), une lois (III, i) îc hvre Çoarath hd-tuç d*Abraham Iben Ezer (sic,
(rauletiT en est Abraham fils de Hiyi) et une autrefois le livre Àlqothl (livre astro*
[iiomique par Jacob, fils de Samson (rabbin français), composé en 4885 A. M.
[^ H2| A D. Un fragment de ce dernier ouvrage se trouve en ms, à Oxford,
|VoinK)tre catalogue n' 692, 7.
1. La Lorraine est assez souvent citée dans notre rédaction française.
f. Le mot Archu^ cité par M. Zunz (L c.) à Tâppui, représente le nom du
f^osophe Archas écrit eo hébreu vp^st.
4. Voy* le savant article de M. Steinschncidcr dans le Mrbuch de Lemcke.
136 A. NEUBAUER
un Juif qui aurait traduit l'Image du Monde un siècle seulement après
la composition de cet ouvrage n'aurait pas donné la date de la composi-
tion sans ajouter un mot sur la date de sa traduction. Il ne faut donc pas la
reculer plus loin que la fm du xiir siècle. Or M. Paulin Paris nous a fait
connaître un certain Juif Hagins comme ayant traduit les livres astrolo-
giques d'Abraham Im Ezra, en 1 273 , dans la maison de Bâte à Malines <.
Ce nom est probablement, comme M. Graetz le suppose^, identique
avec le nom hébreu Hayyim ; le nom de Hagin se rencontre assez sou-
vent dans des documents anglais du xiii» siècle 3. Il est assez curieux que
huit ans plus tard, en 1281, nous trouvions un Juif du même nom en
faveur à la cour d'Angleterre, et nommé sur les instances de la reine
Aliénor grand-rabbin de Londres. Voici le document concernant cette
nomination, daté année IX Edouard 1,15 mai ^ :
Rex justiciariis, vicecomitibus, ballivis et omnibus ministris et iidelibus suis,
ac Judeis suis Anglie, salutem. Sciatis quod, ad instantiam karissime consortis
nostre Alionore Régine Anglie, et par assensum communitatis Judeonim predic-
torum, volumus et concedimus, pro nobis et heredibus nostris, quod Haginus,
filius Deulacres^', Judeus Londoni, habeat et teneat tota vita sua officium
presbiteralus Judeorum eorundem libère, quiète, intègre, cum omnibus pertinen-
tiis, libcrtatibus, et liberis consuetudinibus ad Ipsum presbiteratum pertinentibus,
sicut Haginus, filius magistri Mosei, quondam, Judei, Londoni defunctus, vel
alius ante ipsum, officium illud prius tenuit...
Sans nier l'influence que l'argent donné à la cour pouvait avoir eue
dans cette nomination de Haginus (nous verrons par les autres documents
que nous allons publier que Haginus était en effet riche), nous devons
insister sur certains mérites littéraires d'un homme nommé par assenti-
ment de la communauté grand-rabbin de Londres. Voici deux documents
tirés d'un Cartulaire conservé à Oxford ^ concernant Hagin fils de Deu-
letre, qui nous semble être identique avec Haginus le grand-rabbin.
I.
Quiela clamalio Hagini " Judei facta Priori et Convenlui Sanctc Frideswide
de terris et tenementis que quondam fuerunt Johannis Halegod.
1. Hist, littér. tome XXI, p. 499 pass.
2. Geschichtc dcr Judcn^ t. VII, p. 210.
3. Voir ci-après
4. Rymer, Fœdcra^ etc. Londres 1816, vol. I, pars II, p. $511.
5. Rymer (répété par M. Graetz 1. c.) écrit ucnlacrcs^ l'original a la bonne
leçon Deulacrcs ; ce nom est écrit DeuUcrcssc (Macray, dans The ChronicUs of
Carfax^ Oxford 1873, p. 3S) et Deulccrd^ ce qui est la traduction du mot
hébreu Gcdalyahou. On trouve ce nom latinisé Dcus-ci^m-crcscat {Acta Sanctorum^
Ocl, VIII, p. S76).
6. Cartul. S. Fridcswidac (ms. de Christ Church Coll., Oxford, n^* 340) p. 384.
7. Ms. Hat.
TRADUCTIONS HÉBRAÏQUES DE L^ Image dit Monât i 57
Hjginus filius Dculetre * Judeus recipit per sUrrum suum quod quietavit^ per-
I liooivit, rcmisit, et pro se et pro heredibus suis et assignatis in perpeluum omnino
j quielujii clamavit Johanni de Leukenore Priori Sancte Frideswide Oxon. clcjusdem
I loci convcntui cl eorura successonbus et assignatis, lotum jus demandere (5tc) da-
m'tuin.Gatumniam. obligationem^ querelani et actiones^ que tinquam habuit velhabere
I potflit super quascumque terras et tenementa cum omnibus pertinentiis suis,
qojs terras et que tenementa idem Prior et conventus habuerunl et tenuerunt
l d»c confectionis istius slarri, que terre et tenementa aliquo tempore fuerunt
EJoHannis Halegod tn villa Oxon. vel alibi ; ita quod predictus Haginus seu
Eljeredcs^ vcl assignati sui seu aliquis pro se vel per se, nichtl cxigere vel vendi-
I arc seu quoquo modo calumniare possint versus predictos Priorem et Con-
vcntum vcl eorum successorcs vel assîgnatos,occasioneterrarumet tenementorum
[prtdktonim cam pertinentiis suîs^ ratione alicu[us debili, in quo predictus
iohannes Haiegod vel aliquis antecessonim suorum unquani tenebatur Cressio
I Wio magistri Mossei patris ipsius Hagini^ vel îpsi Hagino vel altcui antecessorum
; vel hercduni suorum per carlam chirographariam obligaljonem tallium seu
aliquo alîo modo a creatione seculi^ usque ad tlnem. El si aliquis Judcus vcl
Judea, Chnstiaîius vcl Christiana, aliquid exigere, vcl calumniare possit versus
prtdictos Priorem et Conventum seu eorum successorcs vel assignâtes occa-
I .îionf prediclaru m terrarum et tenementorum cum pertinentiis suis pro aliquo
débite, in quo predictus Johannes Haiegod vel antecessores sui unquam predicto
Cressio vel predicto Hagino vel antecessoribus vel heredibus suis idem Hagrnus
rt heredcs et assignati sui tenentur ipsos inde acquietare, warantizare et dcfen-
4cre m perpetuura contra quoscunque calomniantes. Actum die Martis proxima
pûsl festum Sancii Andrée anno regni régis Edwardî decimo (7 dec» 17821.
IL
Starrtim Hagini filii Deuletre Judei recognitum est et irrotulalum infra Starra
de Icrmino Sancti Michaelis anno regnî régis Edwardi fiîiî Régis Henrici \\\
«cipiciitc X", ad scaccarium Judeorum coram H. Hauteyn et H. de Ludhara,
tunt justiciariis ad custodiam Judeorum assignatis. Et sequitur brève domini
î^îgtt vicccomiti Oïon. dire du m et ab eo ballivis ville Oxon. super materia
praedicta, in hacc verba :
). de Thedmers vicecomes Oxon. ballivis ville Oxon. salutem. Mandalum
imm Régis m hec verba suscepimus* « Edwardus, Dei gralia^ etc. viceco-
» mili Oxon. salutem. Quia Haginus filius Deuletre Judeus qui dicitur Cok
• Hag)*n in curia nostra coram juslicianis nostns ad custodiam Judeorum assi-
• gnatis recognovit per starrum suum quod quietavit et reniisit Priori Sancte
• Ffidcswide Oxon, et eorum successonbus omnta débita cl actioncs et deman-
» dâs quascumque in quibus ci tenebatur occasione terrarum et tenementorum,
• que Icncl, que fuerunt Johannis Haiegod de Oxon., libi precipimus quod
• ddcm Pnori demandam, quam eisfacit occasione terrarum seu tenementorum,
** M faudrait plutôt DeuUcrc; ce ms. est en général assez incorrectement
[krki i\ ne but donc pas être étonné d'y trouver les noms propres estropiés.
1. Dans ic cartul, habcnd\
1^8 A. NEUBAUER
■ quac fuerunt Johannis Hilegod, et que idem Prior tcnuil ante festum Sanclt
• Michaelis nu ne proxîmo preterito pacifiée haberc permittas. Et districlionem
« si quam ei feceris vel si quîd ab eo ceperis *occasione predtcta eidem sine
• dilatione délibéra ac restituas. # Teste H. Hatiten apud Westmonastenum
XV die Aprilis anno regni régis nostri dedmo (1283)',
Nous croyons donc que Hagin, le traducteur des ouvrages d'Ibn Ezra,
est identique avec Haginus Deulecres ou Deulecret le grand-rabbin, et
que c'est aussi lui qui est le traducteur de Tlmage du Monde, iraduaion
qui aurait fait sa réputation littéraire parmi ses coreligionnaires â
Londres*. Ce qui vient à ï'appni de notre hypothèse, c'est le nom de
Matthatyah Delacrat auquel on attribue dans l'édition d'Amsterdam la
traduction de Flmage du monde. Ce rabbin, qui est d*origine polonaise
et qui vivait en 1 5 5 o en Italie, ne savait cerlainemeni pas le français ;
en outre, à cette époque où le livre géographique d*Abraham Farissol
composé à Ferrare en 1 524! était suffisamment connu^ un traducteur de
limage du monde aurait ajouté des notes tirées du livre de Farissol
concernant les dernières découvertes géographiques. Ajoutons encore que
Matthatyah ne mentionne pas cette traduction dans ses autres ouvrages, .
el que les seuls Juifs qui connaissent )a traduction hébraïque de l'Image
du monde avant son impression, Joseph Safomon del Medîgo de Candie
{'l 16911 î, et le traducteur anonyme de cet ouvrage en judéo-allemand,
le mentionnent comme un livre anonyme.
Il nous semble que le ms, sur lequel l'édition d'Amsterdam fut faîte
avait le nom de traducteur a^^-^pbn (Delcret! [^^ s^^^n], et comme le rabbin
Matthatyah était le seul connu sous ce nom de famille ^, on n'hésitait pas
à la lui attribuer. Quanta David fils de Moïse désigné dans le ms, G.
comme le traducteur, il nous semble être le copiste, ce nom étant toui-
à-fait inconnu dans la littérature juive.
Pour compléter notre notice il nous reste à décrire la traduction ou
plutôt Tâbrégé de l'Image du monde en judéo-allemand, imprimé à Ans-
bach (?") en l'année 5479 a. m, = 1719 a» d. avec le titre de « livre de
la connaissance du monde » tbi:? n5*'*T*< *ibd.
Le traducteur s^exprime ainsi : a Le livre (sur lequel il a fait sa traduc-
» tion) se trouvait en ms. seulement, et fut traduit de l'arabe en hébreu
1. Un Haginus h Evtsk est mentionné sur un reçu de Kent daté XIIL
Edouard L (Record office, Jew Rolî Kanc. \\ Edw. L)
2. Les Juifs à Londres étaient à celte époque pour h pbpart d'origine fran-
çaise, comme on te voit par leurs noms ; Bmtncdiose, Btnefry, Bonamy etc. (Tite
Ckfomclis of Car fax, p, 57) ; voir aussi l'article Moisi de Londta dans VHtiïùin
Imirauc, tome XX Vil, p. 484.
j. Voyez Geiger, MiiÔ Ho/naim, p. 88, note 1 14.
4. On trouve le nom de famille Ibn Gcdalyah dans le XV* siècle*
TRADUCTIONS HÉBRAÏQUES DE L^Imagô du MOfldô I 59
» par un Juif espagnol (*n^&b) il y a plus de deux siècles >. Le langage
» étant trop difficile à comprendre, il l'a traduit en langue vulgaire pour
» que tout le monde puisse comprendre les choses merveilleuses que
» Dieu a créées. » Bien que divisée en paragraphes séparés, cette tra-
duction n'est pas, à proprement parler^ divisée en chapitres. L'ordre en
diffère de toutes les rédactions connues. En voici la concordance d'après
l'édition imprimée : § i = III, 6, 7 avec beaucoup de variantes; 2 =
ni, 8, 9 (on y lit n«Bta pour n&(*iat») ; 3 = III, 10 et I, 6; 4 = I, 7
(abrégé); 5 = 11, 2, 3 ; 6 = II, 4 à 10; 7 = II, 10 ; 8 = II, 1 1 ;
9= II, 14, 15 avec des variantes; 10 = II, ï6 (plus développé) ; 1 1
= H, 12, 13, 17 (plus étendu), 14= II, 2^ ; 15 = I, 10; 16 = II,
24; 17 = 1, îm; 18 = 11,25.
A l'intérieur de la reliure de l'édition française se trouve l'indication
d^ine édition anglaise autre que celle de Caxton mentionnée par M. Le
Clerc ; elle a été découpée d'un catalogue de vente et collée probable-
ment par Douce. En voici le texte : « The Myrrour end Dyscrypcyon
» of theWorlde, with many Meruaylles, and the .vu. Scyences, as Gra-
» mayre, Rethorike with the Arte of memorye, Logyke, Géométrie
» etc. etc. (black letter with many curions woodcuts etc. etc. very rare
» 12 I. 12 s.). Folio, Emprynted by me, Laurence Andrewe, dwel-
» lynge in flete streie, at thee sygne ctf the goldê crosse by flete brydge
1). »
Ad. Neubauer.
I. Cette date approximative suffirait à écarter le rabbin Matthatyah. Voyez
M. Zunz, Benjamin of Tudcla II, p. 274, n* 75.
PHONÉTIQUE FRANÇAISE.
LA PROTONIQUE NON INITIALE, NON EN POSITION.
Dans une étude qui fit faire un grand pas à la théorie des voyelles
atones dans les langues romanes*, parce qu'elle abordait pour la pre-
mière fois le problème de la protonique, M. Brachet éublit en 1866 les
deux lois suivantes : i<> La protonique' non initiale, non en position,
tombe en français quand elle est brève; 2^^ elle se maintient quand elle
est longue. Deux ans après, dans son Dictionnaire étymolog^jue, l'auteur
reprit et compléta son travail. Il dressa d'une part ià l'article accointer)
une liste fort étendue de mots dans lesquels est tombée la protonique
brève à, ?, F, d, û, et de l'autre (à l'article aider] une courte liste des
mots dans lesquels la protonique longue est tombée par exception >. La
première loi , appuyée sur un nombre considérable d'exemples , et la
seconde, combattue seulement par quelques exceptions qui semblaient
pouvoir être négligées^ furent admises toutes deux sans discussion.
Toutefois, en 1872, M. J. Storm, dans un mémoire rempli d'observa-
tions fines et neuves sur les atones ^, mit en doute la valeur de la seconde
loi : « Ce n'est pas, dit-il, la longueur qui a sauvé les voyelles, c'est
plutôt, dans la plupart des cas, le souvenir des primitifs où ces mêmes
voyelles sont accentuées : en outre, la commodité de la prononciation :
stnùment fait penser à sentir et ne pouvait devenir "senfmeni senment;
de même avarice et non ^avrice^ de avare^ etc. Plusieurs mots dont l'ori-
gine n*est plus sentie en roman font exception à la règle de M. Brachet,
comme il le reconnaît lui-même, ainsi vergogne de verecundia. » M. Storm
ôuit fondé dans son doute ; il avait raison de soutenir que dans un cer-
I Lhi t^ii J(s voyflies latines atones dans let langues romanes, dans le Jahrbuch
':;> .\\».'«j/*.vsAc LiU'iatur, VU, p. 301 et suiv.
'. V • Ot;.*lfiwnt hé face, page lxxxi.
i ^i.'Mj/y^\ sui Us voyelles atones du latin, des dialectes italiques et de V italien,
M;uK'.ivA Jv* li Sv»ci^tc de linguistique de Paris, II, p. 81 et suiv.
U PROTONIQUE EN FRANÇAIS 141
mn nombre de cas les lois posées par M. Brachet ne peuvent rendre
raison des faits ; seulement l'explication qu'il proposait était elle-même
insuffisante*
Il faut aller plus loin. En effet, la liste des exemples apportés à l'appui
de la théorie doit être diminuée ; celle des exceptions doit être considé-
rablement augmentée. Dés lors, les lois établies ne peuvent plus être
maintenues, et il faut en trouver d'autres qui rendent raison de tous les
faits, et de ceux qui paraissent démonirer et de ceux qui combattent
ces lois. C'est ce que montre un rapide examen des deux listes. Voyons
d'abord les exemples donnés pour prouver la chute de la protonique
brève.
Pour Va, aucun ne convient : ébâîre au xvr siècle est aUbastre • ;
iHfuyriiiU est un dérivé français de bouvier et vient d'une forme bouve-
rmih ; denrée dérive de même de denier et est pour denerée î. Le dernier
exemple est sevrer; or sevrer vient non de separare, mais de seperare^.
Bien plus.de nombreux exemples contredisent la règle. En voici quel-
ques-uns : chalemel de calâmcUumy d'où plus lard ckalumel chatumeau;
thtnevls de canâbisium ; cheneviere de canâbaria ; parets de paradisum
(plus tard parem parvis] ; etc., etc.
Pour l'f/ quelques exemples sont inexacts ; ainsi bercail^ non de verve-
Cflk, mais de vervHalium; berger^ non de vervecariam^ mais de vervecarium.
De plus pour Vt comme poiîr Vâ^ la règle est contredite par des mots
comme souverain de 'supcranumj (en]sevelir de sepcUre^ etc.
De même pour 17. Effaçons arracher et racine qui reposent, non sur
tTâdïcdre^ radkinay mais sur tradicare^ raiicina ; dortoir qui vient de
icrmUoriam et non de dormïîorium; meunier qui a pour origine mo/ï/iiinum
et non molïnarium, comme son presque homonyme saunier vient, non
de saUnariam, mais de sarinariuin K En revanche opposons carrefour de
quadrifurcum, demoiselle de domimceiia^ senefie de signïficaî^ etc., où la
protonique brève est représentée par e, oi. Comment encore expliquer le
maintien de ï dans sainteé (sanctitatem), neteé^ chasteé et les formes
analogues f
_^%, • Il me nomma le gif et l*ûWjjfr£» (Palissy, éd. Cap, p. 23 3). La contrac-
tioo lie âUbastn en ûlbûsin était dé|à commencée au siècle précédent. Le gto&saire
de Lille (éd. Scheler} donne aibaslrt (p. jy a).
~^a. Bouner donne les diminulifs *bouvenm! bouvreuil^ huvcron ou bouvron, et
qui ont la même signification: «le p^ii bouvier». Ct. G. Paris^ dans les
MimQÎrcs de la Société He linguistique de Pans, ï, p. 264,
5. C'est une loi propre au vieux français de We tomber Ve entre n ct r :
NK/41 4onrai dorrm, mènerai menrai mer rai,
[4, Cf. plus bas, p. 145.
i* A l'article mder, M. Brachet cite plus exactement saunier parmi les mots
()ui font tomber la protonique longue.
142 A. DARMESTETER
Pour Oj parmi les exemples produits, il en est un qui est cité à tort|
c'est petrôselinumf en vieux français pcresil ou peresin ' »
La liste de û bref contient des mots où Vu est long : ceintrer de cinc-
tUraUj pétrir de pistârire »,
Reportons-nous maintenant à l'article aidera, La persistance de la
voyelle atone, dit M. Brachet, ne souffre qu'un très-petit nombre d'ex-
ceptions, dont les unes s'expliquent par la date récente de la contraction;
les autres par ce fait que dans le latin vulgaire l*atone longue était déjà
tombée. M. Brachet cite comme appartenant au latin populaire des
formes telles que cosinus^ costuma, matinutn^ âisnarc, dmosna^ vcrcandia.
Mais ces formes, pourquoi et comment ont-elles été tirées des formes
antérieures cortso^rmum, *consuetuma,matuttnum, decanare (?), eleemosyna,
verecundia i
Ni dans l'article du Jahrbuch^ ni dans le Dictionnaire ^ on ne trouve la
liste des mots à protonîque longue, ayant conservé cette voyelle» La
seconde loi de M. Brachet est fondée, dans le Dictionnaire, sur le mot
cimetière de cœmêteTium, lequel est d'origine savante, et sur ornement de
ornïïmentum; dans le Jahrbuchy sur le mot pèlerin de peregrinum^ dont le
second e est bref*. Les exemples posant la loi sont douteux; ceux qui
rinfixment, de Taveu même de l'auteur^ sont bien constatés etappanien-
nent à la langue populaire, et encore ils ne forment qu'une faible partie
des exceptions réelles. Car, comme nous l^avons vu lout-à-Pheure,
dans un certain nombre de mots la chute de la protonîque longue est
expliquée par la brièveté supposée de la voyelle, et d'un autre c6té
beaucoup d'autres exceptions sont oubliées, par exemple parçon de pani-
tionenîj mangier de mandUcare, maisnil de mansiomle, raisnîerd^ ratiOnan^
couture de consUtura, etc., etc. Il faut conclure de ces observations que
le maintien ou la chute de la voyelle ne dépend pas de sa longueur ou
I
I
1. Picrrtùli {Livre du bon Jehan^ 2}o, dans Littré). Pensin dans le Ghssaite
de Douai (Remarques sur le patois, suivies du Vocabulaire la tin -français de
Guillaume Brilon, car E. A. E., Douai, i8p). On trouve déjà p£rsil^ patin
dans lesglossGsdu dtctionnaire de J. de Garlandc {Jahibuch^ i^'^Si P- ?7^}-
2. 'Canûiirc également cité, étant tiré de canûtus^ doit avoir la protonique
longue. D'aiîlcurs, comme me le fait remarquer M. Paris, ce mot ne peut donner
chancir^ qui vient sans doute de canus par l'addition du suffixe cir; cf. noir et
noir-dr.
j. Nous ne parlons pas ici des dérivés français placés â tort parmi les mots
du latin populaire. Toutes ces listes comme aussi celles qui sont données dans le
Jûhrbmh contiennent un certain nombre de ces faux exemples^ qui sont saas
valeur : dénombra qui vient non de dinmmrait mais de nombre; ttrntaa non de
*cir<tncllum, mais de arm, hommùgt non de */iowi>w(jVum, mit^àt homme; prina-
pauti^ non ^t^principahtûHm^xud^x^àt principal; iviché^ non de cptHopmum^ miis
dcAV-îuf; marbré, non àc niannonttum, mais de marbre, etc., etc. Rapporter ces
mots A des types latins^ c'est méconnaître la force de création du français.
4. Voir plus Iws, p. 147, n. i.
LA PROTONiqUE EN FRANÇAIS 14^
de sa brièveté. Car qu'est-ce qu'une loi qui vient se heurter contre tant
d'exceptions formelles ?
Nous allûDS essayer d'établir que le sort de la protonique en irançais <
repose non sur la quantité, mais sur la qualité de la voyelle, non sur sa
darét, mais sur son timbre ^^ tout comme pour Tatone finale; que
r*ccent tonique divise le mot en deux moitiés, et que les voyelles finales
de ces deux moitiés sont soumises à des lois de même nature.
L'atone fmale est soumise aux trois lois suivantes > :
i ^ a bref ou long se maintient.
2** e, I, 0, u brefs ou longs tombent.
.j« Après un groupe de consonnes demandant une voyelle d'appui ^
lês voyelles qui seraient lorpbées sont représentées par un e féminin,
que cet c soit un atfaiblissement de la voyelle, ou, ce qui est plus vrai-
semblable j qu'il en vienne prendre la place après sa chute. Ve se
maintient même après la réduction du groupe qui a amené sa présence.
Ces trois lois régissent la protonique.
Notre démonstration sera faîte si nous établissons : i ** que â bref se
maintient aussi bien que â long ; 2" que f , F, 0, u se maintiennent sous
l'influence d'un groupe de consonnes ; \^ que ?, I, 5^ U tombent^ excepté
quand ils sont protégés par un groupe de consonnes.
L — A.
A bref ou long, non initial, non en position, reste généralement sous
forme dV.
4 bref : adàmdntem — *âdemdnt *açmânt aimant mmant^,
al^bdstrum — akbastre et plus tard atbastre \ .
1. Nous ne nous occupons que de la protonique non inîtiale, non en position,
lelle qu'on la trouve dans siur^minUim ; nous laissons de côté la protonique ini-
iialt \Ub6rtm) et la proionique noîï initiale, mais en position ijuyQRcillum), quj
>ônt soumises à d'autres lois. Voir p. 164.
2. M. J. Storm (/. c, p, 9^) posait déjà ce principe que (es atones italiennes
ftncoiïtreni on fonds de résistance à laccent qui varie selon feur qualité.
ÎMlefois il n'a pas poussé ce principe dans toutes ses conséquences et ne l'a
pis appliqué au trançais.
|. Voir Zupitza : Die nordwtstromanischtn Auslautgesetze, dans le hkrbach,
4. Pir suite d'une conlusion entre la première partie du grec àSafiévra et de
Il préposition 5iâ, le mot s'est altéré soit en diamanUm d*où diamantc^ diaman^
dimenl^ elc^ soit en adimantcm d'oîi le prov. adiman aziman atiman, et par la
ditile de aj^ considéré à tort comme une préposition, Tespagnol et le portugais
imirt. Le fr. se rattache directement à addmàfitem, La forme aicmanl qui se ren-
coBtre I côté de almûnt tpar ex., God, de Bouillon, 14456) est une modification
esphonioue de aemant par intercalation d'un yodj comme aimant est une modifi-
cation d un autre genre , par changement de £ en i.
^ Voir plus hautj p. 141, n. 1.
144 A. DARMESTETER
Atàmdnni — Aleman, Allkmànni est plus urité que Ali-
manni; dest la forme officielle; elle se rencontre dans
les écrivains latins aussi bien que dans les inscriptions et
les médailles < .
ascdilônia — eschelogne eschaloigne (Livre des Métiers
J54; glosses du Dictionnaire de J. de Garlande, Jahrbuch
1865, p. J72], escalone (Rom. d'Alexandre 41 j.; Jean de
Gariande, ibid., p. 571), eschdongne (Glossaire de Lille,
42 a), esc^ongne (Panser glossar, éd. Hoffmann, 262,
384, 449); — échalotte est une altération postérieure de
échalogne ».
calàméllum — chalajnel chdtmel chaRmel chabmd cAâ/u-
meau; prov. carsimeh.
canlbària^ — chénevière, et, avec changement de sufiSxcs,
chénevb chénevotte.
Cat^ldunis — Chadalons Chaulons Châlons.
in^micum^ forme du latin populaire pour inimicums — entmi,
prov. emmic ^.
orfaninum — orftnim.
parMisum — partais partis pàrtvis et plus tard parvis (on
trouve zm%\ parais).
pergkminum^ et latin populaire percMinum — parchemin.
prirrikvera — primtvoire^.
Les autres exemples à nous connus de à protonique sont scarâbdus,
compàrdre et sepàrdre 9.
1. Alamanni, Alamannia dans Claudien, Cons. Stilich. III, 17; IV Cons. Honor,
^4p; Delaudibus Stilich. I, 234; Aurelien Victor, Epitome, II, 47. Pour les oié-
aailles, voir Cohen, Médailles impériales , VI, p. 191, n»* 29 et jo. Cf. le Notitia
Dignitatum, index du tome I, AlamannuSy Alamanni.
2. Dans échalone, réduction de cschalogne, one a été considéré comme le
suffixe d'un radical échal et ensuite échange contre un autre suffixe : khal-one
:= échal-otte,
3 . Le V. fr. chalmel^ chaumel, et le pr. calmelh dérivent de chalme chaume^
calme., dérivés de càlamus.
4. Et non cannahdria, o\x Va de ca étant en position devant un aurait été con-
servé. Canabària est aussi usité que cannabària.
5. Cf. A. Darmesleter, Noms composés, p. 7^ et suiv., et p. 321.
6. Vinimi de la Cantilène de Sainte-Éulalie est sans doute déjà un mot
savant refait sur le latin. La Cantilène a d'autres mots savants : clément, mgi-
mtet,
7. On pourrait dire qu'ici Vc est dû au groupe rf qui précède.
8. Primevoire n'est pas un composé français, car ver n'a pas changé de forme
dans la vieille langue et de plus a gardé le sens de printemps. Le sens de prime-
voire (première fleur du printemps) et la forme de ce mot nous reportent néces-
sairement à un composé du latin populaire primavcra, -rue, latin classique primum
ver, première fleur du printemps; cf. ver novum, nouvelle fleur du printemps.
9. Nous ne citons pas par avëredum palefroi parce que le second «n'est pas un
LA PROTONIQUE EN FRANÇAIS 14^
Scûtabacus n'est pas l'original A'tscarboi^ lequel dérive d^escharbe =
tcdrabus = G%xpaîoq,
La conjugaison normale de comparer en v. fr, est pour les formes
accentuées sur le radical compère, compères y compère , compétent^ — que je
CQmp€rc, etc. ; pour les formes accentuées sur la terminaison : comparons
ou camperons^ comparez ou camperez , comparer ou compercr^ etc. '. Ces
formes s'expliquent par le composé latin comparare^ décomposé en ses
deux éléments cém et pardrc. De là les formes ayant a : comparons,
comparer , etc., et les formes ayant e : {je] compère, {ils) comperenî, etc.
Ensuite, par une réaction de ces dernières sur le reste de la conjugaison,
on \oit nahre les formes analogiques : comperer comperons comperrai, etc*
A côté de ces formes on trouve plus rarement comprer qui dérive du latin
populaire comperare^ lequel est à comparare ce que imperare est à 'iVi-
^arare et ce que Ueperare est à separare,
Scperare en efet, comme comperarc^ appartient au latin populaire *.
Toutefois le v, fr, severaU severalemeat peut être rapporté à Padjectif
latin stpar, separis, d'où *separalis.
A long. Le maintien de a long ne fait pas Tombre d'un doute. Les
exemples sont inutiles. Signalons seulement les contractions de donerai
mfittai denerée en donral dorrai^ menrai merrai, denrée dont nous avons
pirié plus haut.
La seule exception à la loi du maintien de l'a est donnée par merveille
km^biUa; merveille parait déjà dans l'Alexis. Il esta remarquer que la
langue d'oll se sépare ici de toutes les autres langues romanes ; aurait-
elk dit miribilid sous Tinfluence de mirïficus î ?
protcnique immédiate. D'ailleurs paranrtdum est un coTTiposé qui a été décom-
pwc eu ses deux éléments : para devenu pan^ pah et venJum devenu vredum
H hjllarCj bryHart^ briller), puis frdam jmd froi Le changement de v en /.
fFDcjibtc que pour le v iDilial, montre bien que v^re^/wm a été considéré comme
M «KJt séparé.
1. Jusqu'à quel point toutePoîs peut*on se Her aux leçons des éditions împri*
""te } Souvent les m&s. représentent la syllabe cr ou ar de ce mot par une sigle.
Comment résoudre l'abréviation?
i. Voir Schuchardt, VoUl. I, 19^ ; Storm, /. c, p. 100.
j. Les noms propres présentent des singularités. Va (quelle en est la quan-
tité r) S€ maintient dans Acqaaiina Yveline^ Alâmons Alamoni^ Aravardum Alivardy
Limmum Umerjy, Nugarciam (Nucâretum?) Notroj (aujourd'hui Nortoy),
SHêMctim SdUnay 1 aujourd'hui Sunay)^ Tncassinum Troksiriy etc. Mais il tombe
diflj Cimaracum Cambray, Curaciacum Charci, Gcvcrannam Javron (on ne trouve
gïTUiîs ChmuCf Jav(fon)^ ulannativa GtandèUf Silvancdis S(niis^ Tanuncnsis Tirnois :
Uff/irajf s'eiplique: au IX*^ siècle on écrivait Camaacum^ et il y a là une
Actite évidente de câmcra^ chambre; les autres noms sont pour moi jusqu'ici
weiplicables, toutefois il est possible que la forme primitive àt Sihanectis soit
Sthmtclis el quil y ait eu une confusion avec siiva. Le Notilia Dignttatam donne
Sihtintais : ïa plus ancienne forme romane m'est signalée par M. Flammermont
diDS les Monuments historiques de Tardif (p. ^j), c'est le dérivé Selncctinse
Romiinidy V 10
146 A, DARMESTETBR
Ve issu de J ou rî tombe généralement, à une époque postérieure,
après une liquide ou une voyelle; a : alhastrc pams; 1 : serment dernier
vraiment^ etc,
II. E, h 0, U brefs.
Nous ne donnons pas d'exemples de la chute de ces voyelles ; nous
renvoyons aux listes dressées par M. Brachet, listes qui présentent plu-
sieurs exemples douteux ou faux ', mais qui toutefois sont assez riches
pour établir cette chute avec certitude ^^ Nous voulons examiner les
exceptions dont M. Brachet n*a pas tenu compte» et qui se ramènent en
général à la troisième loi delà chute des finales. Toutefois, avant d*en-
treprendre cet examen, il est nécessaire de constater que les exigences
de l'euphonie ne sont pas les mêmes dans Timérieur et à la fin d'un mot,
et que tel groupe de consonnes l'males ne demande pas après lui dV
féminin comme voyelle d'appui, qui, placé avant ta tonique, réclame
absolument cet c féminin. Que |-on compare sunctum, saint à sancûtdtemf
sainttded saintçé; il est évident que la présence de Ve féminin est dû
dans ce dernier mot non-seulement au groupe net qui précède la proto-
nique, maïs encore au i qui la suit K
qui se trouve dans une charte de 770. — Les noms qui précèdent sont anté-
rieurs â Tan 8^0; ien dois la liste â Tobligeance de M. Lungnon ainsi que
d'autres listes aue j ai mises plus loin 4 profit.
I , Il faut d*aDord retrancher de ces listes les mots qtir sont de purs dérivés
français^ voir pitis haut. p« 142 n. 3. Il faut ensuite supprimer les mots dont
la quantité est donnée faussement : racine de radKinâ et non radicina^ etc. et
enfin ceux qui en vieux français avaient un £ féminin, comme pcrresiL Nous
retrouverons plus loin ces deux dernières catégories de inots.
a. Ajoutons toutefois ici deux exemples pitié et moitié. PietnUm^ par réduction
de rhiatus au moyen d'un yod intercalé, est devenu ûiyëtàtm d'où piytat pitû
(je dois celle explication à M. Louis HavetJ, de même que imdtttatem donne
mcdtyetàUf nuJiytût^ màytat, mdtù^mouU, Toutefois ce dernier mot peut s'expli-
quer encore par la série mediëtaUj mcdyi^tntj mtydtat, matU, moitié. — A cAté de
puU on trouve les formes pild et ptà^ pèc. Ptteé sera expliqué plus loin; quant
à piii, piCf que Ton rencontre dans te mirack de Saint- Eioi (pages J9 j, 71 è et
77^^ voir le Jahrbuch^ 1869, p. 262), cette forme est étrange; je ne puis guère
y voir qu'un dérivé de Tadiectif p« (dans œuvres pin).
j. Un peu différents sont les faits que présentent les mois comme markrin,
chamkricre, etc., où Ve ne peut représenter une protonique latine. MûrUrin est
un adoucissement de marbnn^ dérivé français du français mûrhrt, A la (in du
mot, la langue n'admettant pas de proparoxytons, était contrainte d'accepter le
groupe rbr \ma:hn); à rititerieur du mot c'étail autre chose, et morbria pou-
vait devenir markrm. De même le latin càmcrana a dû passer par une forme
camrandf chamhtikn (trisyllabique) d'où par adoucissement chixmïcrihi (et plus
tard (hambri-àn). Dans ces mois et les analogues, rîntercalation de IV est un fait
fjoslérieur, propre au français ; celte voyelle ne représente aucun élément élymo-
ogique. Il n'en est pas de même dans Texemple de mnicè = sanclitatcm.
Toutefois ces deux orores de faits présentent de grands rapports et on ne peut
guère les séparer; au fond ils reposent sur le même principe. Il n'est pas sûr
que \'c de tarrecin soit un affaiblissement de Ta de /afrocmmm; ce peut être un i
LA PROTONïQUE EN FRANÇAIS I47
Voîcî maintenant des exemples de Taction des groupes.
Protomque e : intégrinum — iniegrin enterin.
pertgrinum — pciegrin lit. pdlegrino] pe\erin.
Dans ces deux mots les goupes nt-gr, r-gr ont sauvé la protonîque ' .
wplioniquc mlcrcalé, dés l'époque romane, aussitôt après la chute de ïo, pour
f^ntr le groupe ir*c; le fait serait tout à fait analogue alors à celui âçmarmin^
bdalc seole a itérerait.
î, M. Brachet dans le Jakrbuch cite pcngrimis comme exemple du maintien
tleli long^ i lurt j car IV, bref par nature, ne s'allonge pas devant gr. Le latin
populaire )gnorJÎl la quantité cta hbiium qui n'était qu une licence à l'usage des
poet«3i clasirques. Ceux-ci scandaient piUr-an^ allongeant la syllabe gai, mais
ftoa )a voyelle à ; le peuple disait pn-uem. M. Havet m*assure que ni Plaute ni
TéfMoe ne scAndent pat-rm {et les mots analogues), mais pa-înm, D'ailleurs la
position. Si elle modifie la nature de la syllabe, laisse jntacte la voyelle qui
çirtie sa qtiJtTlrté el par suite son timbre spécial : scx (cf. le gret ï\ ) se pro-
fKiocait %h ; ièx (cf. lt*gcm) se prononçait lix ; cf. desphium devenant dapxt
et duêttum devenant drou. Si la voyelle conserve son timbre devant deux
fflucttts, à plus forte raison devant deux consonnes dont la seconde est r. En
iiil, on na pas d\xcmpk dhint vûyelU brève par nalun^ ûllongèe en roman devant
nia (ùniûnm smvk dt f. M, G. Paris dans son Accent iatm (p. ^9), M. Scheler
te son Exposl des lots i^ui régissant la transformation jrançaiu des mots latins
' ' piX tonnerre toniiotrt de tànilru ; le mot latin presque exclusivement
:■ ia Vulgate est tontirimm ; arbin de arbiter^ il faut partir de arbi-
: detir^brum^ tatùre vient de larâirurn qui a donné l'espagnohdWfO,
taratre (cf. latro laire)^ le v.fr. iarèrt encore existant dans les patois,
- •. -..jiuite en tariltrc. Ahurem, d'où alcgre, s'est confondu avec acrem
dont i) a reçu Paccenluation. Entier vient bien de tnlegrum^ mais Yc n'a pas
it- iIÎAno. ^^r le groupe gn il y a eu là simple déplacement d'accent de m sur
tenir le suffixe. Même déplacement d'accent, même conservation de
titvt à ins paupilrc de palpébra (conservé plus fidèlement dans le
^iprrduPs. d'Oxf.,X, j) ou suivant M. Àscoli {Studj critici, parte II) de
^(p^lra qu'indique Varron. On peut citer encore couleuvre^ mais colubra présente
îant d'anomalies qu'on ne peut rien conclure de ce mot, Cotûbir â Vu bref^
Buis noo toiubrù, -brnm qui cfiez les poètes ont presque toujours Vu long, d'où
■^l'oB tsl en droit d'affirmer une prononciation générale colîtbra^ -brum. dont
j/i^rf *hmm est une licence due a l'analogie de colûber. D'un autre côté, le
w-/. prov. colobrc ^bra^ esp. aïkiffa (âe calmbra) mdiquenl un type
et même càlSbra -brum. 11 semble qu'il faille admettre Texistence
-bram qui, par une singulière métathese de voyelles, serait devenu,
Ht Faccenl primitif, cMbra-brunK Enfin citons encore ténèbre de
- j riijis tintbre est savant; il vient du latin de la liturgie, comme le prouve
Li forme f^rifkor qui dérive de l'oifice du soir: primà^ secundA tenebrarum (G. Paris,
' ' '-' p, 42), Le Psautier du Bnttsh Muséum {Codex Couonianas Nero,
Kr. Michel, Ps, d'Oxfordj p. 18), traduit cette ligne de la Vulgaïe
« A> M, I j) » Et posuit tencbras laitoulum suum p par « E posât tenebras sa
'^ortiille ». Le mot latin est tout bonnement reproduit. C'est un exemple
-r^ f^oHCoup d'autres de mots dus aux clercs ou au latin de la liturgie, et
; primwi temps dt lu langue dans le parler populaire. Tels sont
'f^ titre, ordre j tpitn^ dtacrt, etc.; si ces mots étaient populaires ,
c*è-é I tarent par tradition orale au latin parlé en Gaule au IV' siècle,
à irn us ihanf ou chcvi^ [avec / mouillée), seil (cf, sullcàt situta)^ orne
iWH liaiilrurs existe en v. fr. au sens de rang, ligne, et dans les patois att
lem de jiHon, de U orniire), ivatte^ diaîgttc (ou quelque chose d'analogue). Ces
«^ ont cùnscfvé l'accent Ulln parce qu'ils ont pénétré dans ta langue avant le
I
[48 A. DARMESTETER
"siipérJnum — sovtrain à côté de sovrain <
'bibéràûcum — bevtrage à c6lé de bevrage*
opérdre — overer à côté de ovrtTî
s€péUre «- sevelir^
'paup^rhum — povcrin î.
Ici nous trouvons raction combinée des groupes v-r, M devant li
voyelle accentuée. La forme primitive et normale est ovrcr^ bevragi,
soyrain, sevlir, pQvtin ; mais la langue a senti le besoin d^adoucir ces
formes ; ce n'a été qu'une tendance, et non une transformation absolue ;
voilà pourquoi Tintercalation de IV féminin n*a lieu en somme que spora-
diquement. De même les futurs en vrai {avraiy savrai^ devrai] sont h ^
règle; les formes postérieures en verai l'exception 6. I
XH'' siècle, époque où se perd le sentiment de Taccent btin et français. Dans
capitulum, chapitre^ ça devient cha parce qu'on sentait encore la parenté de cha
(prononcé sans doute kha ou peut-être encore kcha) avec Cê : c est ainsi que le
mot savant canddabrum devient chanddûhrt dans l'Alexis. II faut donc disiin-
ffuer soigTieusement des mots vraiment populaires, ceux qm sont entres par le
atin des clercs ou le latin liturgique dans la langue, et qui àh tors se sou-
mettent aux lois phonétiques générales de b langue. Pour en revenir à (éntkrc,
s*il venait directement du latin populaire, en admettant Taccentuation knékrû et
même icn'ibrd^ il serait devenu knuvn (cL /(brtnt fuvn) ou icnoivn (cf. bîhtfc
bfà*rc [= ifcb'u] boivrej. L'espagnol tmicbla, au XI V» siècle tmiebra (Berceo, Sdft |
Mtllm, 212, 2) rentre dans (a série des mots comme chapitre.
i. Fille stJi Dieu le sovram père (Rose, J840).
Car pleust au souvrain roi (Bartsch, Rom. tt Pastour.y p. 49).
Moût amoit Dieu sotivraincmm (Tobler, Amcl^ Si).
Liqueuls d*euls doux est lor sires souvfjins (Amb, J 1 20).
He Dex, fait-il, biaus pères souverains (Id, jo8o).
Dont est ferme par droit sus amour souvcramt (Le dit des Darnes^ 24)
Ou sont-ils, Vierge souveraine ? (Villon, Ballade des dames de jadis),
2. Ains de! beveragc ne bui (Crestien de Troyes, dans Msetzncr, /t/(/r, Ueder,
xxxviii, 28, p. 64)» La mesure demande de lire beverage et non bevrage;
Ve de ve n'est donc pas orthographique. Le texte publié par Wackcr-
nagel dans ses Altfraniceslsche Ueder porte (p. 44) : Onkes del bovraige
ne bui,
3. Tut ad oes uv^rif {Ph, de Thaûn, Bestiaire, éd. Wright, 83). Vers de
7 syllabes.
Por qui Deus a plus overi (Chronique des ducs de Norm. ]tl| p. 50^,
vers IJ07); vers de huit syllabes.
Ouveraigne dans Palsgrave, 20,
4. La forme sevehr est ia seule usitée; sevHr ne se rencontre pas.
5. Si lui *n remaint, si T rent as poverins (Alexis, 20, ej.
Nos somes ci -iii. conte povmn (Girbert de Metz, aans Bcehmer, Romaa.
SW., I, 512). Povtrm peut èlre un dérivé français de pone, comme
marbtrin Test de marbre.
6. Et vos nevcus tos quites ra:veres (Aliscans, i^jo),
Voslre amour avérai (Barslch, Rom, tt Pasteur., p. 1^1),
Tenez, biaus fieus, vous Vaveres (Tobler, Anut, 145).
No(s|tre grant guerre avencns afinei (Girberl de Metz, ibid,, î, p. 44),
Vers tôt le mont les deyeries tenir (Id., tbid., p. 457, v. 26).
Faut-il attribuer à l'action des groupes (tout comme dans cfuimb(ricr£ mûr-
J
LA PROTONIQUE EN FRANÇAIS J49
Il faut encore citer, comme exemples du maintien de la protonique
Mtrpknar, maleïr, qui sont des mots de formation savante ', alevain
qui présente un fait particulier*, oliphant de ïlephdnicm, mot bizarre
qui ne semble pas être d'origine populaire, empcrere qui est une véritable
anomalie. On ne peut guère admettre dans ce dernier mot l'action d'un
gnMJpe m/Kr, car temperare donne lemptcr et non tempérer; il est vrai
qoe 11 métathèse tremper semble indiquer une difficulté de prononciation
qui rendrait compte de Ve de emp-e^-rere ; toutefois le groupe mpr est
nonnal en vieux français. Y aurait-il dans empcrere une influence savante
du iiu"e mperaîor remis en honneur par Charlemagne et ses successeurs?
hoionique ï : ûgmficat
cerûficat
magnificat
mulfipUcat
(juadrifurcum
qmidfUiôncm
matrtcukrium
dommcella domnicella
Paîriciacum
asperitatem
sanctMatan
<t k même castxtâiem
*nitidltdtim
— sentfie
— {a]certefie
^ magnefie >
— montçplie moutepîlc
— carrefour
— careilhn
— marreglier 4
— dameiseile
— Pcrrecy
— asperté, aspr^té
— saintedé (Pr. d'Oxf. xcii, 7)
— chast^é
— neteé
^)ou bien â l'action analogique du futur de la première conjogajson les
tortnes telles que framdcrat {P. d'Oxford, XXVllI, j), knûslcrat (id., ibid.,
•0), fnndtrai (Huon de Bordeaux, 2j9ï, binera (Barlsch, Rom. d Pastour.^
^149), nndtrQitnt (Joinville, éd. de Wailly, LXII, jiS), mtltrons (id., ibid.,
CXll, 00), etc., etc.? Vraisemblablement il faut distinguer suivant tes mots.
Ce formes exceptionnelles se poursuivent jusqu'au XVl*-* siècle, et Ronsard
iJmi îon An poétique recommande de les éviter.
KOkéin aurait donné ob-auditc ovoir; cf. le prov. ahûuzir: benedicreei rttakdi^re,
«w laction du latin liturgique, ont conserve intact le premier terme kne. Les
tewes populaires d'ailleurs sont bcndin et malJm. Ces trois mots ayant été
introdttits avant le XI*' siècle, le d média! a pu ensuite disparaître.
a. Aiofûin vient de allMimm^ et appartient à la famille de aîlcvare^ v. fr,
^^f»cr^ composé dans lequel Uvart a été traité comme s'il était simple : a -tevir
^of plus haut, p. (44, n. 5). Le maintien de IV dans al-fvcr a déterminé
). Les composés en "*jîc^îre :=Jï^f, se décomposent en leurs deux éléments
''-' ^^^""--nT chacun l'accent ; voili pourquoi *ficâr£ garde son /, Le traitement
omme *fi£are semble toutefois indiquer qu*on a affaire à des mois
nt.^ et ce qui vient h Tappuî de cette manière de voir, ce sont
nement populaires algta^ froûgicr =^ ad t fie an ^ fructiftcare ^
, . 1 protonique immédiate dt kàre tombe régulièrement. Même
ieote pour monlipiïcr.
4* Dani maimaïaTium = matndarium marrtgiitr^ le maintien de V% est rendu
imttire par le groupe précédent tr et c'est la seconde protontque u qui
ttifflbe.
— zLrzizJ Roland, 907), etc.
. rî v-r rr.^ntifs : saintcé, cliastcc; les
. -—rr? . et remontent certainement à
-. .. ^. 'stidus, etc., ne s'étaient pas
• .-. - sjtlîxe était encore vivant sous
s r-re côté, des mots tels que boni-'
.. -. :?: . devait se dégager plus tard,
--. . r-: a développé des mots comme
- . .i-\. on voit tantôt paraître un c
■ J-. :-and l'adjectif radical est ter-
. -:.- j::e ou plusieurs consonnes qui,
.. •..;-:: ^n groupe peu harmonieux [fais,
Enfin dans certains mots, Vc
- .;-:r-e savante pureté, sciircti, à côté
I .. v • . .:', cmpeechier qu'on rapporte à
i . r.z i-tre forme prcchUr^ qui est direc-
I .... .T. •:/tT à côté de vcngier . Qiiant
-.i.:.::iArc ? Quoique le changement
.. n'en parait pas moins formel dans
evrlication des diverses formes de
;•:.., mois qu'on rencontre A co\(i d'j
■ .' .;.î"^ : " I-ors donn li empercres Bau-
. jf N:que * [VilldurJ.. cxxvi,i. « Qiiant
_• 'S. ;iool. - Kl le meilleur castcl de
:.; . ' IV l;i J^rjleur qu'Ole a cl de la
..' . î'U'.i. 11 faut voir dans ces mi^U non
■ •;■ v: jiiON de date relativement récente.
.; ; de ce mot. jpns le VU- Sièrlc, on
..-^::..■•.■ qui devient rc£;uIierement</»cA/t-,
■-.";' telle que iJjiL ou cJùi), le second
^ i" VIî' sircle, le chan^'cmenl de ce ci en
;• ..■•..;•;.;■■; Kiskiinuni chiisciin, ijvcicmnm
■ y.: tait .:::ch-c>si. tr,inc-Uui tumch-ise.
. :.. d.'uMel d'à à l'anal^^gii' dt-s fnrnii'N
^!:■•ve i\p!:catii':i pour r.:-.*. lontf.' :cc
••■■: par ..•...■'!.•.'. d'après le p.iralii-li«;i>:c
;. \ "ineN ■ .'.; .'..'■•: preesc'-iLT v <.::;•.'..■
■. .■»*i. \^-..-NN-. l/.x qu'on r- nconirc
. -.■■ î s.ii'i. p'i4'vrifar'!nj-it .".1 chK)^»'-
•• ;':e à . ■'.■.:) vi'.i: .i aM;-::]! i.i p.ilatalv.
• ■•: «"1 in':n!- t'-tiips d nis l'-s lîivers'-s
\; ..■ ^\(».:a l.i rmti' ; de telle p.J^ci li.iiisdc
: v .;cra'an:i;i:c .e . p.jî.iIj! ^a, i... i: ,f
LA PROTONIQUE EN FRANÇAIS r^l
mfkbier : impaiechier^ empéedner, empeschier, empegier reste insuffisante :
mpûichier empegier rtmonitni à *tmpactiart empedicare^ mais empeectiiert
Proionique ô et û. Je ne vois à citer que petràsélinum ^ percsil ' , et
tJirtùrdia qui donne torîrelU ^ d'oix plus tard par adoucissement tontreïic ».
U convient maintenant de rappeler l'action exercée par les consonnes
mouillées n i sur les proioniques qui les précèdent : humUiare umçîicr^
Afmontm Angrwn, \dmpinionem champignon , acùleonem aguilhn^ pf^pl-
llènem pavillon (de là les suffixes illon ignon^ qu'on trouve dans chambrillon,
mtâxm^ échannUon^ maquignon ^ lumignon ^^ etc.).
ni. E, /, 0, U longs,
La chute de la protonîque longue est aussi réelle que celle de la brève;
et n'a pas été reconnue jusqu'ici parce que dans un grand nombre de
mots elle est contrariée par diverses causes qui agissent spécialement sur
bmols dérivés et sur les formes de la conjugaison* Dans coUôcàrc col-
tkier, Vô étant une protonique brève tombe comme il tombe dans c<î//ofd/
cokk où il est atone finale. Bonum a i 'accent sur o et devient bon ; dans
kmtâtemj Vo, tout en perdant Taccenl tonique, reçoit un accent second :
hôni-tilkm et Vi de boni comme Vc de tàtem tombe. Ici le jeu des lois
phonétiques est simple. H n'en est pas de même pour certains mots à
proionique longue ; la voyelle atone dans quelques formes, ou dans les
fidicaux de ces mots peut/ecevoir Pacceni; 'rahûnàre *rafiànaî^ ajûîJrc
ajiUij doi^rôsum doléremj amUâbilem amicum. De là des actions
fiverses d'analogie qui viennent troubler l'harmonie de la loi phonétique.
A ceb s'ajoutent encore des changements de suffixes qui jusqu'ici n ont
cbnge en français en ê cl le groupe {c)ti + une voyelle, reformé alors, subit
^plœicnt ce changement.
I. Voir plus haut, p. 142. n. i. Cf. latr^mmm îûrrmn^ latroUrre. — Nous ne
GtORS pas ICI le mot iwparJum parce que Vo n'y est pas réellement une proto-
>i<|iie Ce mot a revêtu des formes variées en frarï<;ais : luparl (Crest. deTroyes,
Clipf. au lyon. 178 ; Doon de Mayencc, 16^7 ; Durmart le Galois, 1279; etc.) j
^«fljitfrf (Durmart 7024); Uupart (Kûbnd, 755, im, 2 <^j^2) ; k part [Roland ^
/w); tupart (Huon de Bordeaux, ^9^; Chans. d'Antîoche, VîJÎ, 98^), Uparî
rt/itftfff sont deux affaiblissements différents de Uupart doux hcupatt est une
ferme diph thon guée. On se trouve donc en présence de deux formes lupan et
^«^ff dans lesquelles le maintien du ^j ne peut s'expliauer que parce que par^
^tfiî est traité comme un mot à part. Lco étant traite comme simple a donné
^tièrfmcni soit /«, soit luu Uu (d'où plus tard devenu atooe lu, U)^ tout
corfime Utu'fjï) a donné DU ou Ditu Dtu,
Ore vivrai en guise de tortrelc (Alexk, ?o d).
Si r'avoit aillors grans escoles
De roieliaus et torUroks \Rosc, 65 j).
Plus simple...
Que torUrcU ne coulons (Id. 8jsa).
4^ Voir lur ce mut Scheler. dans h Romarna, IV, p. 460.
152 A. DARMESTETER
pas été reconnus. Il résulte de ces diverses causes que dans beaucoup
de mots la protonique longue paraît s'être conservée ; mais il ne &ut
pas être dupe de ces apparences, et quelque nombreuses qu'elles soient,
donner comme des exceptions à une loi les applications d'autres lois.
lo La protonique longue tombe. 2® Préservée par un groupe de con-
sonnes, elle reste sous la forme d'un e féminin. }" Elle est conservée
dans certains mots sous l'influence de mots de même forme lorsque la
protonique des premiers' se trouve être la voyelle accentuée des seconds.
4® Dans d'autres mots elle parah conservée sous forme d'e féminin,
quoique, en réalité, par suite d'une substitution de suffixes, cet e repré-
sente normalement un a étymologique. Tels sont les faits que nous allons
maintenant établir.
i« E, I, O, U longs tombent,
ë : Audéndcum > (Audnay Aunay] Aulnay
AutElidcum Orly
Aurtlidnis Orliens
bksphèmdre blasmer >
consvttàdlnem costume
et^môsyna almosne
er^mita ermite ^
inquiêtùdinem enquitume
Laiinidcum Lagny
quiêtdre quitter^
Sey^rinum Seurln Surin [Vocab. Hagiol.)
Sevériacum Civray
vertcundia vergogne
verv^cdrium bergier
1 . La plupart des noms géographiques que nous donnons dans ces listes nous
ont été fournis par M. Longnon. Ils sont empruntés à des documents antérieurs
à Tan 8)o. Quand la forme moderne s*écarte beaucoup de la forme primitive,
nous donnons les intermédiaires entre parenthèses. La quantité de Audènacum
est indiquée par celle de Audèna, nom de rivière dont on ne peut pas séparer
Audènacum.
2. On peut hésiter toutefois pour blasmer qui peut dériver de blasme = blas-
phéma = ^d(T9T)(Aov : cette dérivation expliquerait l'absence de formes blasfà-
met = blasphémai. Le Roland a déjà un subjonctif blasme = blasphèmet (vers
1 546).
3 . Il n'est pas évident que de érëmus (provençal erms) on doive conclure à
erëmita ; car érëmus doit sa quantité à l'accentuation du grec ipr,[u^ ( =r érèmus) ;
ce fait ne se produit pas pour èpr^iiiTric oui doit donner régulièrement erèmUa.
Erëmus est fréquent dans les poètes cfirétiens, spécialement dans Prudence
CIV« siècle) ; erëmita ne.se trouve qu'une fois au VI" siècle, dans Fortunat {Vita
Sancti Martini f III, 628).
4. Quièlàre présente un développement phonétique analogue à celui de piëtâ-
tem (cf. plus haut, p. 146, n. 2) : quiHâre quijètàre quijtare quitter. — Smt enqui-
tume, voir le Jahrbuch, 1869, p. 255, et 1870, p. 145.
^^^^^^^^^^^^" LA PROTONIQUE KN FRANÇAIS ^^^^Ï^^^^^^^^B
^m vtrvêcalium
bercail ^^|
Hp VÉryéciie
^H
1 vidèrJbeo
Vfir^z/, verrai ^^H
1 et de même tous les futurs des verbes ère : ^^|
1 caièrdbet
c/r^/ra chaidra ^^H
^^^^ deb^ràbeo
^^^
^^^K *cadçrdbeo
chtdrai cherrai ^^m
^M *fall€rdbet, etc.
falra faldra ^ , etc. ^^H
f i: Camxsidcum (î/)
Chûinsy (aujourd'hui Citangy] ^^^Ê
1 dormltorium
^^H
1 iradicdre
arachierei de même esrachier etragitr mragier ^^H
^H motînarium
molnier mounier meunier > ^^H
^H parmtôntm
parçon ^^|
^B radicina
^^H
^H saûndrium
sahier saunier et de même sallnan sauner ^^H
^P Ktcmdffitî
(*Kéfro//if K^/om;) Vdaine ^^H
[ ywîrifc^o
Ff/iraf vendrai W^/i^râi ^^H
^H et de même :
^^H
^^ audirdbeo
odrai orrai ^^H
f fugîrdbeo^ etc.
(/fierai fuyraij fuirai (dissyllabique) , etc . ^^H
1 5: tfttc/anViïr
^^H
1 *barQndticum
barnage et de même barnê ^^H
1 coniùhrinum cosûbrinum
^^^1
^^ Comnidrias
Coignieres ^^|
^H *grandi6rare
(in)graignier ^^H
^^^H masi6ndîa
maysnada maisniée ^^^^H
^^^V masi^nile
maysniie maimi ^^^^H
^V Mediùldnum
MtiUanî, Melanty Miian ^^H
^H mtHôrdre
(ajmieldrer ^^^M
^H *min^nrt
^^H
^H 'pijJirdrc
{emVpirier ^^H
^H raùàndbiUm
raysnable raunabk ^^H
^H 1. Plmai, tairai, recmaij etc. peuvent venir de piathako.tachako^ncipi^ra- ^^^1
^H ^, etc., parce qu'à côté des
formes ;?/jccV^ (plaisir), (iicc« (laisir), ^rmpëre ^^^M
^H (recevoir) y etc., on trouve les
formes *phcëri (plaire)^ *;AaVf (taire), rutpëre ^^^|
^H irecoivre),
^^^^M
^H i. Molimtf, qu'on rencontre en v.fr. et qui existe encore comme nom propre, ^^^|
^^H at un dérivé de mo/m. ^^^^
^^^^M
^^B 1. Mot des idiomes du nord-ouest : cusdnn (ladin), cosin (fr. etprov.). Cosnn^ ^^^H
^^M réauclion de cosbnrtf donne aisdnn ou cofj^f comme mtscrunt, fccfruni donnent ^^^1
^^B miiirmî fi sir m ou mrjr/t^ /rif^r.
Il ne serait pâs étonnant qu'on rencontrât une ^^^H
^H forme cortn (qui ne serait pas cosm rhutacisé) analogue à minnt ftrenL ^^^1
^H 4. Dénvé primitif du la t. populaire fo^pmo, classique cjr^ô/iiam (italien collo- ^^^1
^H gnâ). Le mot est mérovingien.
1
154 A. DARMBSTBTÈR
ramndre a-raisnier «
Sotondcum Sonnay »
^taxlinâria taisniere )
tetonéum (tcXwvcTov) *tenoléo tenliu tonliu tonlieû
ViMridcum Vitry
a : ajutdre aidier
cinctUrdre ceinîrer
consUtura costure couture
culmrdre [a)coltrer {ac)coutrer^
mamtinum matin
paMridre {pastriare paistrar) , em-, dé-paUtrier, -pétrer $
pistûrire pestrir
pro-mûtvdre (em)prunter ^
Stadxïnénsem (Stadnése) Estenois
*venmrdre [a]v€ntren
VedUnétta Besné «
La loi de la chute de la protonique longue, suffisamment établie par
les exemples précédents, trouve son application la plus intéressante et
en même temps sa confirmation la plus éclatante dans les formes de la
conjugaison du vieux français. Soit le verbe ajûtdre; le présent, d'après
la théorie, doit être
ajûto ai\ï ajûtdmus aidons
ajùtas aiûes ajûtdtis aidiez
ajûtat aiûe ajùtant aiûent
Or la théorie est ici pleinement confirmée par les faits. On n'a qu'à
jeter un coup d'oeil sur les index réunissant les formes diverses de ce
1 . Latin classique ratiocinari ; cf. sermonare pour sermocinari dans Auln-Gelle
XVII, 2.
2. La quantité est donnée par le mot Solôna^ fréquent dans la géographie de
la Gaule.
3. Comparez *tax6ncm taisson.
4. Si retymologie de ce mot est costure {ad'COs{û)t(û)rdre), c'est un exemple
également convenable de la chute de Vu proionique.
5. Il faut partir de pasturiare et non pasturare, comme le prouve également
l'italien spastojare.
6. L'étymologie est mise hors de doute par les formes que cite Dicz dans
son Dictionnaire. Il faut toutefois admettre que dans le laim populaire Vu de
'tuare était tombé comme il était tombé dans battalia, quûttor « battualia, quat-
tuor.
7. Tout aventra quanqu'il conta {Miracle de St-Eloi, i\\ b). Voir le Jahrbuch^
1869, p. 247.
8. La filière est Vidûnéttum Vednct Benêt Besné ou Vcdnet Vesnet Besné, — La
quantité de la protonique dans ce vc\o\tl àdiTi% Stadânensis est donnée par ce fait
que Stadnnensis et Vidnnetta sont des dérivés de *Stadanuni et *Vidûnum où l'on
reconnaît sans hésitation le mot bien connu dûnum.
LA PROTONIQUE EN FRANÇAIS l))
verbe ' pour se convaincre que les personnes où le radical est accentué,
c,^*d. les trois personnes du singulier et la ^" personne du pluriel de
rindicatif et du subjonaif, et la 2^ personne du singulier de Pimpératif,
gardent la voyelle longue, que ïes personnes où la terminaison reçoit
l'accent font tomber cette voyelle longue devenue protonique*
Dans une note récemment publiée, M* Cornu établissait dans làRoma-
niâ la conjugaison de parler ^, d'après le seul examen des faits. Cette
conjugaison s'explique maintenant régulièrement par la chute de la pro-
tonique longue o =^ au =^ av iparuyldre]. On voit en même temps que
cette conjugaison n^est plus isolée et qu'il faut y rattacher aidkr et les
verbes que nous avons précédemment cités* Ainsi parraisone^ nous arais-
nonsi ; je manjue, nous manjons^; fempasture, no\ts cmpaistrons ^ ; il
aventra^, Quiëîare a dti à Torigine donner /> (juet, ïn quêtes^ U qaeU, ils
1. Voir par exemple Tindex de Roland dans t'édit. de M, Gautier ; Tindex de
Duimarl U Gallois dans Tédil. de M. Stengel. A une page de distance je lis dans
Tobler, Anid : aiam (386), aidUr (427). — Disons, en passant, que ce verbe
présente des formes secondaires assez difficiles à expliquer, aie, aient ^ etc. qui
Correspondent à celles de ûiuc^ aiucnt,
2, komdniây 187s, p. 4J7.
j. Voir des exemples des formes au radical accentué et cootenant To ij arrai-
wnt)àzm Roland -^^^6; Benoit -;(:> 14, 84^1, «Up; Rinârd^l,p. 250; etc., etc.,
et des formes contractées (araisnier) dans Binoit 845 1 , 10 ^ 50, 1 1 683 , 1 3 {94, etc. ,
Mûri de Gann p. 74, Raoul de Cambrai, p. 45 ; Gormont d hambari^ dans Ph.
Moaiktt, Ht XXX ; Oatm dt Trojis, Chevûlier au lyon : 1782, etc. ; Amh d
AmiUs 264OJ Jourdain dt Blaim^ 2619, etc. ; Benoît de Sle-More, R. dt Troie ^
S 20^ etc.; Hoffmann, Panser Glossar^ 314; etc., etc. Toutefois l'action ana-
;iûuc des formes pleines avec 0 sur les formes contractées sans 0 et de celles-ci
»r les premières, en même temps que l'influence du mot raison duquel on tirait
naturellement un dérivé raisonner ont amené la double conjugaison araisnier^
farmnc (Chev, au lyon, 6103 ; Trisîran, ^}U ; Amis^ 2171 ; Durmart 1)59,
2ÎJ2. J268; cf. 9240, 1842, 3778, etc-); et j araisone araisoner (Durmart Î413,
to^jo, 12408^ UM^i '4^75i Amis y 324, Paristr Glossar 125, etc., etd.
4. Vorci la conjugaison demfl^grtirdans Joînville: manjtu, mangiez^ mânjucnt^ majy
joit, mangtenSf nujnfierfut, manjue (Im^ér,), mangiens (subi.), mangitr^ mangti tvoir
ilfidex de M. de Waillyi. On s'attendrait toutefois à 1/ mandm^ nous manjons.
Mais vraisemblablement il y a eu d'abord influence des formes avec / sur les
autres : de là manjue manjons ; plus tard manjons ^ mangier ont encore agi sur
mafue pour le changer en mange.
^. Depuis longtemps on avait reconnu Texistence des formes empasture ^
mpiiu^ Diez fait de empêtrer une contraction de empêturer (Et. W,, I, pastofa);
E. du Méril, dans son Dictionnaire normand ^ rattache justement le normand
mpaturer au verbe impHrer ; Burguy (III, s. v. paistre) enregistre des formes
comme empatsturer, tmpeisturer^ empesturer^ *> d'où, par rejet de l'u. empestrer, *
C» savants n^ont pas vu que les formes qui ont le radical accentué seules ont
Tû : • Ses cevaus cmpaslure * (Aiol, ^46): non les autres : « Fussent il assez
mpàstrit » (Chr. des D. de N.. Il, 2^94^ Des deux formes empàsiurt, empats-
trom fa langue commune a étendu la seconde à toute la conjugaison : j'empêtre:
le dialecte normand la première : cm pâturer.
C\ Sur le présent il aventnrc et sur le substantif aventure, la langue refit la
oooîtig^ison de aventiinr^ si bien que Li conju^aiîon primitive disparut <*ans
Uificf d'auu-cs traces que Texemple, jusqu'ici unique, du Miracle de 5aint*Eloi,
' l 56 A. DARMESTETER
quacni, comme 'con-fedo a donné con-rei , -reies, -rm^ -nient;
mais en même temps cjuitons, quiîiet, quitter ^ etc. Et si les plus anciens
textes ne nous offrent pas d*exemples réels de celte double conjugaison
restaurée par induction, il faut admettre que l'analogie s'exerçant de
bonne heure sur ces formes si opposées, les a ramenées soit à je quiîê^
tu quitcs^ il quiU, nous quiîons, soit à je quei^ nous qucons^ queer {ci
con-rar] formes dont nous trouvons la trace dans te composé aquecr
El quant chil l'ont oî, si se sont û^ud (Doon de Mayence 479 s).
La théorie nous amène également à admettre des formes comme 3
acouîurty il empejore [impejârat], il araïe (cradicûî), il empromue [im-pra^
mutuat)^ etc. Peut-être les irouvera-t-on ; peut-être faut- il admettre que
des conjugaisons aussi complexes n-étaient pas à l'origine complètes. Si
des verbes inchoatifs comme pestrir il pesirit = pisî(û)rire pisî{n)risdt^
amenrir il ammrit = ad-min{d]rir€ âd-min{ô]risciî sont devenus réguliers,
parce que la longue U était ?ou/owr5 protonique, dans les verbes oh ce fait
ne se produisait pas, la langue a pu dès l'origine abandonner les formes
pleines : il acoutun, iî empejore, il araïCy il empromue, etc., pour ne con-
server que les formes coniraaées qui étaient dominantes jccoufrer, empeirier^
arachier. emprunter, etc. , quitte plus lard à refaire par voie d'analogie la
conjugaison entière sur ces formes". Un pareil procédé est conforme aux
lois du langage. Quoi qu'il en soit, il ressort des observations qui pré-
cèdent que la théorie de la conjugaison dans notre vieille langue doit
être reprise et étudiée au point de vue que nous venons d'indiquer.
2" De même que la protonique brève, la longue sous l'action d'uii
groupe est représentée par un e féminin.
L'action des groupes est sensible dans laUodmum larrecin 1, nuXTltùra
nodïtdure (Raschi) \ nutrlûônem non^on, su^piciânem sosp^on*. Dans
Mais cet exemple suffit pour reconstituer cette conjugaison primitive, qu'il n'est
pas téméraire d'étendre à accoutrer, ctminr, malgré l'absence d'exemples tels
que ûccûatmCy amturc.
i. Ajoutons l'action analogique des substantifs sur les verbes dérivés
2. Voir plus haut, p. î ji, n. i* Quelle est la quantité de Va dans Petrùcérit;
Picreguys dans la langue doîl, Pmgiimx dans la langue d'oc? Vo est long dans
Pttrômlta PtmndU.
l , Nournîun est savant ; de même pourriture. Entred porrdure en mes os,
dit le traducteur de la prière d'Habacuc (dans le Ps, d*Oxf., éd. Michel) pour
rendre la Vulgate : IngraUmur puiredo m ossibus mci$ (Abac, 111, 16), Il en est
de môme de tous les mots en itutc; cf, d ailleurs plus bas, p. 163,
4» LV de norrcçon est dû évidemment au groupe précédent tr ; mais n'y a l-il
pas i tenir compte du ti qui suit? Les terminaisons ttoncm tiare présentent des
iCrbscurités dilficiles à dissiper. Pourquoi 'acûttarf *m\nûùarc etc., donnent-ili'
l^uwwr, mmuiiicr, etc., *triciontm UûdMuSncm, hoiçon irûïsonf De même hmm \
un iérivé Atïmej'Cfï ; mais f/^rt, tcu, mjûnt^ etc., kml tltrçon^ kuçon^ tnfan^on
sms voyelle intercalée. Trmon csl spécialement curieux ; il semble que ce mol
ail subi l'inftucnce de trahir de tradm^ comme aussi traUn de ira4hùf (lequel a
de plus irrégutiérement conservé le i latine Tout cela csl peu clair. Les noms
I
4
I II
il
Si
n \
ïl 1
LA PROTONIQUE EN FKANÇAtS ï ^y
ces trois mots le groupe précède la protonique ; dans les suivants il la
suit et se montre sous la forme d*un n ou d*un l, dont nous avons étudié
plus haut i'intluence sur la protonique brève : caUmàntm chûcgnon chai-
gnon chignon f Sablniacum Savigny Sevigné, Flaviniacum Flavigny. Les
noms propres de lieux fournissent un nombre assez considérable de
formes de ce genre. Les noms suivants, que me communique M. Lon-
gnon et dans lesquels la quantité de la protonique est inconnue, peuvent
être ajoutés soit aux noms qui précèdent^ soit à ceux que nous avons
cités p. 151. Us sont, sous leur forme latine, antérieurs à Pan noo :
Cipiliactim Chevilly^ LuziUacum Luziilé, Ceviniacum Chevigné, Romiliacum
Romitly^ Buriniacum Burigny, Juvimacam, Juvigny, AcuHa-Curûs Agmk^
Court (aujourd'hui Aguikourî] • .
$** Nous arrivons aux exceptions *, commençant par Pexamen des futurs
en irai = irû-hâbeo. Nous avons vu plus haut comment debndbco, audî-
fâhto donnent régulièrement devrai^ odrai orrai. Pourquoi yî/iJrtftfo ne
donne^t-il pdts finr ai findr ai t II faut considérer à part les inchoatifs-
Les inchoaiifs doivent le maintien de Vi de l'infinitif, dans les formes
du futur et du conditionnel où il est atone, à l'aaîon analogique de Pi
qui parait à toutes Us personnes de tous les autres temps. On disait fJoris^
Horissoic^ fioriSj florisse^ etc* On ne pouvait dire sous peine de rompre
l'harmonie de la conjugaison fiorrai. Ceci est conforme aux principes qui
ont dirigé le français dans sa refonte de la conjugaison latine.
Parmi les verbes non inchoatifs, les uns laissent tomber régulièrement
H : oir, odrai t>rrai ; venir ^ vendrai viendrai^ etc.; les autres le conser-
vent : mentir mentirai; sortir sortirai y etc. Cette différence tient à la
propres présentent les mêmes obscurités. Aguciacum donne Aieuisy^ Loco^iagum
\l0codiumm) Ligugé^ Domitidcam Domesy, mais Codkkcum Coacy^ Panticiacum
PwiSât^ Vmdtciûcum Vansat (?>.
(. Toutefois il y a des exceptions : Turiiidcum Tourly, Cruciniacum Crugny^
Bovintacum Bogny^ Litmtacurn Lagny^ Nobdiacum NcrnÙy, Amiliacum Amblts,
Cûfmtmum Chamblj {mais aussi ChemtUc dans T Anjou). — On peut saisir Tin-
lltecncc des groupes dans Andtgavum Andgavum^ opposé à Anddavum Anddoi^
AnJttiaum AnJdy^ Vindonessa Vcndencssc, VandaUnum Vandiiein : le groupe mt
suivi (Tune muette g se réduit à n/ ; le même groupe nd suivi d'une liquide /
ou n n*admet pas cette réduction ; preuve de plus du rôle que |oue la consonne
qui sépare la protonique de la tonique. Voir plus haut, p. 146*
2. Nous laissons de côté les formes savantes : canddabrc {thanâdabn dans
AlîXii^ I \G<i)y chanddcurj amdicrc^ motivimcnl^ îenitudi, impôt tuna\ argument ^ etc.
Eitrummi vient de mstrununtum par le latin populaire istrumcntum dans lequel
h a été considéré comme l'i prosthélîque de Vs impurum^ de sorte que la
syllabe stru est initiale. Dans sosptrcr [sozpircr), envur (mvilarc) et quelques
autres, le composé latin est décomposé et les particules în et sos (sublus) et
les radicaux sont traités comme mots simples. CrUr et toutes les autres
formes romanes nous reportent non à ^uîrîttirc, mais à critare. Chemina est un
dérivé primitif d'un simple dumin que son homonyme chtmin (via) a fait dispa-
tàllrt. Le kcminada du glossaire de Casse! ne contredit pas cette affirmation.
I 58 A. DARMESTETER
nature de la consonne ou des consonnes qui précèdent Pc : ki non
retrouvons la loi des groupes.
Les verbes en ir^ latin ire, qui font tomber l'f au futur, présentent des
formes correspondantes à celles des verbes en oir^ ir^ latin ?rr, qui font
tomber IV au même temps.
1 dire : sedere^ *cadire, vidire, potêre *podtre ; inânitif français -deir,
futur nirai -rrai
dire : audirey *hatire hadire ; infin. fr. -dir^ futur -drai -rrai (orrai
harrai;
2 lire : caïire^ valire, *volëre, dolëre, solêre, *faUire; infin. -Aoir^ Alir;
fut. -/wi, 'Idrai, -tidrai
tire : satire ibuUire ' ; infin. -//>, -///>; fiit. -/m/, 4draij -udrai.
3 rûre : nuuiire*, tenëre; infin. -noir^ -nir; fut. -nrai -ndrù
nire : venir e; infin. -/z/r, fut. -nrai -ndrai
4 fëre : parère ; infin. -roir; fut. rrai
rire : ferire, *morire, ^gwarire; infin. rir; hit, rrai^
5 tire : jatire^; infin. gésir, fiit. *jaisrai gerrai
cire, gire : exire * escire, infin. issir, fut. israi, istrai; fugire^ infin. fiûr;
fut. fuirai (=ifùyrai) J
Il n'existe pas de verbes en ire correspondant aux verbes en pire^ bëre,
vire : *sapëre, debëre, movëre, pluvëre, *sîuvêre (estovoir).
Jusqu'ici la parité est complète; le traitement de 7 est identique à celui
de c. La parité cesse dans les verbes mentir, sentir, partir, sortir, servir^
dormir, vestir, offrir souffrir {offerlre], ovrir covrir, mots dans lesquels la
terminaison latine rire est précédée des groupes nt, rt, rv, rra, st, fr, vr.
M entrai, sentrai, partrai, sortrai, servrai, dormrai, offrrai^ ovrrai étaient
trop durs ; si nt-c se réduit à ne dans monticellum monceau, rt-^ à rc dans
particella parcelle, rm-t à rt dans dormitorium dortoir, il n'en est pas de
même pour les groupes nt-r, rt-r, rv-r, rm-r, st-r, fr-r, vr-r où la troi-
sième consonne est une liquide, qui n'entraîne pas, comme le ferait une
muette, la chute de la consonne précédente. L'euphonie a donc exigé le
maintien d'une voyelle intermédiaire, tout comme dans suspicionem sospe-
çon, nutritionem norreçon, et cette voyelle qui primitivement a dû être un
e, est redevenue / sous l'influence de Tinfinitif. La langue de nos
1 . Je ne connais pas d'exemples en ancien français du futur de bouillir.
2. Manere z toutefois donné un infinitif maindre d'où peut être sorti le futur.
3. Il se peut que pour la série rêrc rire, la chute de Vt et de Vi au futur soit
due à la présence des deux r ; cf. comparer, comparerai comparrai, etc.
4. Quoique les verbes rapprochés dans ce n» 5 ne traitent pas de la même
manière les groupes de consonnes, ils s'accordent à faire tomber 1'^ et l't, et
cela suffit pour légitimer notre rapprochement.
y. Fugire donne régulièrement /«-/> ; de leur côté (je) fui (en une syllabe) de
f^ê^o» il<^) fuirai (en deux syllabes) de fag{i)rdbeo sont tout aussi réguliers.
LA PROTONIQirB EN FRANÇAIS | J9
Jours a le sentiment très-net de la parenté du futur avec llnfinîlif ' ;
^ plus forte raison la langue primitive. Voilà comment il se fait que de
Ma foule des verbes en ire, un petit nombre seulement a pu se soumettre
^ U loi de la chute de la protonique longue i.
Les futurs en irai représentent la double influence des groupes et de
M ^analogie. Dans les diverses exceptions que nous allons examiner,
M 'analogie seule agit. Dans les substantifs ou adjectifs tels que amiable ^
^^knie ftUnte felmesse^ charbonnier^ doloros, amoras, vertuos^ langoros^
te, la protonique a dû sa conservation à Taction de la tonique de
r/ni, fihn, charbon ^ dolor, etc. Non pas que doloros par exemple
loive être considéré comme un dérivé de création française ; car tl
!-5i invraisemblable de faire de ce mot non la transformation du latin
^Milorosus, mais une formation nouvelle, originale, tirée de dolor, Les
^lioses se sont passées autrement. A l^époque du latin populaire où
La protonique brève ou longue, avant de tomber, s'était réduite au son
<ie« féminin, à l'époque oii Ton disait doUréso pour dolôrôsum^ ïe& popu-
lations romanes, reconnaissant la parenté de ce mot avec dolôre (= dolô-
rem\ Pont soustrait à laction des lois phonétiques qui en devaient faire
dolros doldros, C*est ce qui explique pourquoi dans les formes dérivées de
ce genre on voit le plus souvent un e féminin doleros, ameros, langueros^
felinit, etc. La langue pouvait à chaque instant rapprocher les dérivés
des simples ; elle les sentait et par suite les maintenait parents.
Même action dans les verbes dérivés de noms ou d*adjectifs : coroner^
(ievintr, deviser , inchaener ^ honorer honerer^ jeûner juncr^y marier ^ men-
iifr4, moneer^ oblier^^ etc La présence des simples comme corone, devin,
iwf, devise, chaeine^ honor, jeun jun^ mari, nundis^ moneie, obli^ etc.,
a^s$ait» dés l'époque latine, et à tous les moments de l'existence de ces
Tnois, pour protéger la proîonique. A celte action s'ajoutait d'ailleurs
».0n entend souvent dans le peuple : je trouverai^ je changérm^ par suite
i'inciction de l'intmilif en er sur le futur.
3. Le recueil des Inscriptions de TAl^éric de M. L. Renier porte au n* 5974
If nora /fo/iôfiïiuj, Honoratai. M. Lolijs Havet, oui a collationné le texte de
cette rnscripiion sur Toriginal déposé au Louvre, m assure ^u'il faut lire Ho.ne-
^' u, Ctii un eiîeTnpIe à ajouter aux trois exemples cités par
îismuSj II, Z14) d'après des inscriptions italiennes* Si IV de ces
'- n L-it pji iong, on peut rattacher honos-oris à onus-ms^ en vieux latin
^ ^-hon'-ni (L. Havet)* Cf, les deux significations du mot Irançais charge.
^1 rme hon?.rân rendrait compte des formes italiennes, espagnoles, provençales
■■H, honur^ hondtât ; toutefois elle ne peut valoir pour le français honorer ou
''^'Ji^^^T qui repose sur honôràre.
\. De f€Jumtm on a tiré par chute de la première syllabe /un, par chute du /
ŒiÉdul i>û/i ; de njéme pour jmur, itûiui
4, Mtndut n*est pas même un dérivé de nundicare^ conservé sous l'influence
^mtnJis^ de mtndtcus. Mtndur dérive de mcndts par Tintermédiaire du suffixe
^ft. ■ ^fe nu2 suions cunduiz a mendcicr » lit-on dans le HoUnd (v. 46).
), Dans obiicr a pu se faire sentir encore l'action du groupe bL
l6o A. DARMESTBTER
celle des formes verbales ayant l'accent sur le radical verbal, je coraac^
je divinty je devise^ etc.*. Que l'on compare memSria mémoire et memâ"
rare membrer à coréna corone et coronare coroner^ on reconnaîtra l'in-
fluence puissante de l'analogie qui maintient parents corone et son dérivé
verbal, mais refuse d'agir sur meméria et memôrdre parce que radical
et dérivé sont déjà quelque peu éloignés l'un de l'autre, que mémoire ne
rappelle pas directement memerer qui peut devenir memrer membrer*.
4® M. Storm avait reconnu cette influence des mots simples sur leurs
dérivés, comme aussi l'action des groupes ; mais il l'a appuyée sur des
exemples inexacts : avarice^ mot savant, et sentiment (ou plut6t sentement)
qui présente une autre particularité qu'il nous £aut maintenant étudier.
La protonique latine ê, 7, parait se maintenir sous fonne d'e féminin
dans des mots tels que sentement ^ parlement^ tenement^ etc., mots qui
semblent appartenir à la première formation de la langue et remonter
à des dérivés du latin vulgaire senfimentum, parûmentum^ tendmentum^ etc.
Ici on est dupe des apparences, et l'on ne tient pas compte d'une actkm
générale qui a modifié la dérivation française. Les suffixes mentamf
torem, tura, ticius, -iilis, se sont attachés dans la période française dès
l'époque primitive, au thème du gérondif ou du participe présent. Or au
participe présent et au gérondif, la première conjugaison a exercé une
action si forte sur les autres conjugaisons qu'elle leur a donné ses formes
propres : chant-ant de cant-antem ; de même floriss-ûnt^ partninî^ vend-
ant. Il en a été de même pour les formes dérivées en ment, or^ ure^ à,
"ble ; c'est-à-dire que les suffixes amentum, atorem, aiura, aticius, abilis^
à l'époque sans doute où ils étaient affaiblis en ement, edor, ediz, edure.
Me (ou en quelque autre forme plus ou moins archaïque), se sont géné-
ralisés, et sont devenus les types de suffixes pouvant s'adapter à toutes
. les conjugaisons.
Suffixe ment : noisement (Raschi) , esjoissement (Psautier d'Oxford ,
p. 2J\\), frémissement (id., p. 248), desfendement (Aliscans, 1238, 5757)?
rajonissement (id. 5709), conoissemant (Amis, 1299), mescroiement (id.
1 } 1 8) et tous les dérivés populaires en issement, nous reportent incon-
testablement à un type amentum, PavJmentum, vestJmentum, et les ana->
1 . Pourquoi la langue se décide-t-eile à conserver la protonique dans tels
mots {coroner, honorer etc.) alors qu'elle la fait tomber dans tels autres qui se
présentent dans les mêmes conditions, ce semble (raisnier^ à côté de ratson) ?
Cette question dans Tétat actuel nous paraît insoluble ; c'est un problème de
psychologie du langage. Comment arriver à pénétrer dans les conceptions les
plus délicates d'un idiome comme le latin populaire, que la science ne recons-
truit qu'à force d'inductions ?
2. D'ailleurs la différence de signification (memorare tendant à prendre un
sens impersonnel) et les formes comme mimoraty qui ne peut donner que membre^
ont aidé â la divergence des deux mots.
LA PRÛTONIQUE EN FRANÇAIS t6t
logises font donc devenus dans le latin populaire quelque chose comme
pmHÊmtatum vestamentum ou plutôt comme pavamntQ vestementa. C'est ce
^M conGnne encore la forme paver qui a été tirée du substantif'. De là
^ suffixe ement qu'on retrouve dans garnement^ mamment^ hardement
« autres mots d'origine non latine ',
^^ Suffutc orem. Que Ton compare les mots liems et ravissieres ou doneors
^Bl pTtncors dans les vers suivants :
^^m Parfois si g*estoie ore tUrres
^^^^ Ou traislres ou ravissUres (Rose, 1517-8)*
^^^^^v Dons donnent loz âs doneors
^^^^K Et empirent les pnaeors (Ibid., 8278-79)^
^B^oti saisira sur-le-champ le vrai caractère des suf6x^. LUnu est làtro ;
^K^ànsmru est *raptsc-dîùr, de 'rapisc-antem, Doneors tlpreneors supposent
^Ktousdeux donedors et prenedors^ c.-à-d. donatores de donanîem tVprena-
^Hlora [*prendatores] de ^prtnanUm [prtndantem]. De même pour les formes
comme conoissiere conolsseor, faisiere [==: 'faciator) faiseor^ et les dérivés
populaires en isstur^ qui s'appuient sur les formes en issant^^ isc-anum^^
Suffixe erra. Raschi dans ses glosses a les mots batedurCy premedare qui
lïe peuvent s'expliquer que par le suffixe aîura {baUamra, premaîura),
étendu à ces verbes d'après Panalogie qu'on reconnaît dans bâtant ^
kamem pour batuentem^ premant ^ premanttm pour prementem. Le
inm français vestcûre (Amis, 1978) remonte également à vcstcdure
nmara et vient confirmer l'origine de vestement. Même origine encore
pour les dérivés populaires en Usure (Isseure issadura) = isc-atura d'après
Suffixe fdtts. Les dérivés batcdiz (Raschi), abaieïzyfereh^çic. ne peuvent
égaiement être rapportés à des types bâttutidust fcriticius ; il faut y voir
«ac extension analogique du suffixe affdiis que contiennent piorcïi, sonetz^
Ciéit, lofaZf tornciz^ etc.
Suffixe ahilis* Même extension dans les exemples comme credablc
(Psautier d'Oxford, xcu, 7) d'où croyable, qui tranche nettement avec
le latin crédibilisa metabte (Ruteb., dans Littré) et les adjectifs populaires
GiusdbU : aparissable^ de aparisc-anîem.
Ces diverses formes montrent la puissante action exercée par la déri-
vation de la première conjugaison sur celle des autres conjugaisons.
A part un certain nombre de dérivés en um, or^ icius^ etc., tirés de
1. Peut-être est-ce 11 qu'il faut chercher rexplicalion de Ycmpdcmtnz (cmpe*
dbentum, 'empedamentutn) de la Cantilène de Ste*£uhiie. Toutefois l'absence
tfun mol roman motdur ^ impedantcm rend cette explication douteuse. D'ail-
kun on ne peut guère séparer ce mot des diverses formes, si obscures encore,
kmpcehitr (voir plus haut, p. 150).
2. Ce que nous disons de or doit évidemment s'appliquer à oir ^ edoir^ ato-
nam.
HtMânié^ V
11
JÔà A. DARMÊSTETER
supins OU particîpes forts laiins qui vivaient comme adjectifs ou comme
substantifs dès le latin populaire, et qui ont pu prolonger leur existence
à travers Tépoque romane et même jusqu'à nos jours, sans recevoir
Tatteinte de ces vastes actions analogiques % la plupart des verbes de la
seconde et de la troisième conjugaison ont vu leurs dérivés se soumettre
à ces formes de suffixes qu'a fourmes !â première conjugaison. De
la sorte, pour en revenir à l'objet même de notre étude, Ve qui renferme
ces suffixes ne représente ni un ^, ni un / brefs ou longs primitifs, mais
un â >.
Résumons ce chapitre 111 : ?, ï, ô, â tombent; protégés par un groupe
ils sont généralement représentés par e féminin. Cette loi phonétique est
contrariée par Faction analogique des mots simples sur les mots dérivés,
et l'action analogique des dérivés de la première conjugaison sur ceux des
deux autres.
IV. De la protonique faisant hiatus avec la tonique.
On a pu voir par plusieurs des exemples cités dans cette étude que la
prolonique faisant hiatus avec la tonique n'est pas soumise aux lois pré-
cédemment établies ; celles-ci n'atteignent en effet la protonique que
quand elle est séparée de la tonique par quelque consonne. On n'a
qu'à comparer cana-baria, boni-îâîem^ pere-grlnum, conso-brinum, etc., à
Avcnt-ôncm, Aureti-dnis, papdi-énem^ etc. Ce fait n'a rien d*étonnant ; le
contact des deux voyelles suffit à protéger la première, qui, quelque
forme qu'elle prenne ensuiie, laisse toujours des traces visibles de son
existence.
Tantôt elle mouille Vn ou IV qui la précède et forme avec ces con-
sonnes un groupe n, /, devant lequel la voyelle précédente — la seule
vraie protonique — se maintient, généralement sous forme d'i : ÂvtniO'
ncm Avignon, papUionem pavillon, etc., ou elle palatalise le ^ et le / pour
les changer en f , ii : 'ericioncm hériçonj 'minutiare mcnuimr^ etc. Tantôt
elle parait rester purement et simplement: Aarelianis Oriiens^ chrisîmum
crestien. Ce dernier cas mérite examen* Le vieux français dit Orliiens^
crestiien ; Diez explique ces formes par intercalations du yod qui adoucit
l'hiatus : Orli-ens = Orli-yens ; crati-m = cresti-yen. Cette explication
nous paraît juste ; comparez en effet le vieux français obli-cFf mari-er
(plus anciennement ohlidcrj mander] devenant dans la prononciation mo-
I. k'iml escriiurt^ monmt^ jûîùs^ etc., et même pàntarc (de *pinctum
tum d* a prés pin^en), fcmtn (rfe *picùcm « ficticius, diaprés fingcn).
p\c-
2. Les participes en tdai eût ta comme conçu pareû oit la protonique e est
nservée, sont dus â ranalogie des nombreux participes dissyllabiques : bcû^
lii^ crtù^ dcûj tii, g(ûf Uù^ ptû, pUà^ seù^ teiit v#«, où Vc est dans ta syllabe
conservée
initiale.
LA PROTONIQUE EN FRANC AÏS !6?
dcrne àubtà-ytr, man-yer. Toutefois l'explication de Dtez doit être serrée
de plus près. Il est difficile de ne pas admettre que le latin populaire
disait cfiittmo^ Aureliano^ changeant Vî bref atone en t* De cresuan,
Aureltan AurUan sortent, par adoucissement de Phjatus, cresteyan^ Aar-
teyan. Dans cette terminaison eyan^ Va suit son évolution naturelle ae^ ee^
puis, au lieu de se réduire à c comme dans les cas ordinaires {pûrem
pari pair p€er p$r)^ tt devient k sous Tinfluence du yod précédent : Or--
leiieni crtsteuertf d*où par réduction de et à i : Orliiens crestikn. Même
explication pour anciien qui toutefois vient non de Tadjectif "anîeanum
qoi aurait donné seulement â/ip-iVn (cf. capùan chaç-ltr] mais, à l'aide du
si^ffixe ianiLSy de l^adverbe *anHi% à l'époque oh il devenait antjs^ ainz.
Cette explication rend compte également des cas d'hiatus où la protonique
est initiale. Viaiicum donne vtadgî veiage. Dans ce mot on ne peut
voir une influence de veie = via, car il se trouve déjà sous cette forme
vàagi dans le Roland (660). L'influence de vde n'agît que plus tard pour
niainieûir au mot sa forme et l'amener ensuite à voyage, au lieu de le
réduire réguUèrement à mge. C'est vraisemblablement par l'intermédiaire
de la diphibongue ei que les mots comme Èeônem ont passé à iion. Com-
parez les formes populaires actuelles Leion {Léon)^ agrmhk.
CONCLUSION.
Résumons notre étude.
La protonique, quand elle n'est ni en position ni en hiatus, est sou-
mise aux lois suivantes i \^ a bref ou long reste^ ou plus généralement
s'aflaiblit en e féminin.
a* i, i, 0^ u brefs ou longs tombent, à moins qu'ils ne soient protégés
par un groupe de consonnes qui les précèdent ou les suivent.
î* Ces lois phonétiques sont contrariées par deux sortes d*actions
anaJogiques, l'influence exercée par la forme des mots simples sur celle
des dérivés, l'influence exercée par la dérivation de la coniugaison ta
plus usuelle sur la dérivation des autres conjugaisons.
Si nous ne tenons pas compte des exceptions indiquées par la troi-
nème loi, et qui sont dues à des causes tout à fait particulièreSi tes lois
de b protonique se ramènent â la suivante :
l-*accent tonique divise le mot en deux moitiés et la finale de la
première moitié est soumise à des lois de même nature que celle de la
seconde.
Or, b raison de cette loi est apparente. La presque totalité des mots
iiue nous venons d'examiner a deux syllabes avant la tonique : boni-
tatim, Cdna-bdriar conso-brinarrij et la première de ces deux syllabes a
ttn accent second : béni-, câna-, cônso-, tandis que la seconde est atone.
STE. :c r:cT€ dans une situation
► 1 Trrr: i /jcceni principal. De là
Bcaédiate et finale. De là
■TrrTie ventre, sapôrem, etc. ,
.^ -^ ^ ^ srav: pas d'une syllabe anté-
^ ._^ Ts. r - J=s e maintien de la protonique
. -^ -n rarï- rjsî i'atone finale en position ;
_ ^-îsc ,^y'.:jr donnera jouvenceau ; cd/Zo-
.. ._-: .rars^ jrbreissel arbroissel «.
-;« .-^ jg:'*!! pas d'appliquer aux langues
^ l'^js .r=2rttser. Elles doivent évidemment
^.^ ^-^-s^zwàrcfons spéciales. Puisque le sort
Tis: -». : A «r de la finale correspondante,
^^., -^^.-3SRr;:Jûeniiqueen français, en italien,
^ « ^ of II finale ne sont pas les mêmes
_ .^ sji* r-cTons-nous, de retrouver sous
^^ 3^ ji 3K;dpe que nous avons essayé
Arsène Darmesteter.
,^^ vr.:rM d'ailleurs — dans lesquels Tac-
-.., 7 iL'ô tîTiri'iàtcm aspreté^ adificdre aigier,
*" ^.r r. îSetc, présentent des obscurités ;
T'afr::. >?::? ic le croire, sur la syllabe initiale :
^ -^^ <fir.i«i l'indiquer les formes françaises,
1 *. r-îC2« àc l'accentuation binaire : aspcri.
- «* ;? jccte sur la valeur de Texemple ascàlô-
'" --^ .> *îfu «îi! devenu escalônia (comme dans
■' .V^r * tjilc a été prise pour IV prosthétique
W "à^"* mitiale. Cf. p. 1 57, n. 2. — Il faut
-■"^ "^\.-" >».•«; l'ancienne langue disait non Or-
\^ '•'. R^' ^"^- ^^7^» ^' ^ ^irt. io8)i ce
XS.
^ sort du cadre de cette étude.
MÉLANGES ÉTYMOLOGIQUES.
ALBOROTAR CSf.,
port, alvorotar, troubler, agiter; esp» alborotane^ se révolter, aWoroto,
agîtatioTi» révolte. Il y a en latin ruîuba^ perturbatio : Nunc samus in ruîiibay
V'arron dans Nonîtis. On le trouve dans Vanicek à Tappendice qui con-
tient les mots obscurs ; il est probablement à rapprocher de ruîabalam,
pelle ou cuiller à remuerj cf. rutrïm, « instrument qui tenait à la fois de
U bêche et de ta pelle, et servait à gratter, à creuser et à remuer la
terre, à mêler différentes substances » (Rich, D/cf. dcianûquilés romdtnes)^
d'où le diminutif mtellunif râcloire ou radoire, La métathèse de rutuha à
*buruta est violente, mais l'espagnol et le portugais présentent des
transpositions aussi fortes, voy. Rom. Il, 87, 89; Diez, Gram., I, 295,
le ne décide pas si alborozOj transport de joie, est de la même origine;
du moins il n^est pas identique^ puisqu^il présente un sens sensiblement
différent» mais non assez éloigné pour exclure une dérivation* D'après
Dory la forme avorozo (/'o^ma i^d Cid^v. i6^8| démontre que <2/ n'est
pas Tarticle arabe; il faut probablement y voir le lat, ad; plus tard on
a inséré l. Pareillement de ruîtiba on aura formé ad-mUtba ou probablç-
meni d'abord le verbe ad-rutubare^ 'arrotobary d où sans trop de difficulté
on pouvait faire ^aborotar^ de là alborouir.
ASEAR, esp.,
nenoyer, parer, « adornar, componer alguna cosa con curiosidad y
impieza ^ ; dieo propreté, délicatesse, élégance; port, asseiar, asseio.
Ce verbe rappelle l*ital asscttarc ajuster, arranger, parer, placer à table,
pirov. asilar eiassieta^ arrangement, fr. assiette, place des commensaux.
DicE voudrait tirer assctîare de assectarcy mais alors la forme provençale
fierait asseita^ cf. dreit, direcius, peitz, pectus, etc. Il faut expliquer
aniOûri de 'asseditarCy proprement asseoir, placer à table, de là ranger,
arraiiger, ajuster, parer, ital. asscUatuziOj paré avec affectation. Il ne
l66 U STORM
faut pas oublier que assettarsi peut signifier simplement s'asseoir^ « ada-
giarsi, sedcrsi, mettersi a sedere », comme assetto « vale anche sede »,
Fanfanî. En sicilien assittarisi^ s'asseoir: assittata davanti la porta^ Bibi.
dittt Trad. pop. di Sic. V, 87 et pasiim.
L'emploi de l'csp. astar touche de près à celui de l'italien asunan.
Dans Gil Blas trad. p. îsla, on trouve r Como era tùMm bien pancida^
ASEADA iproprene et bien mise), livre I, chap. ç, Emptcé à cuidar dd
ASso de mi persùna^ ibid. livre IV, ch. 1. Il est difficile d'identifier atear
au mot italien ; on s'attendrait à asetar ou tout au moins à asedar. Mais
on pounaii expliquer asear d'un latin asstdare qui a pu être compris
comme causatif de sedere non-seulement au figuré, mais aussi au sens
propre. M. Bugge me Éait observer que cette explication peut être ap-
puyée par le roumain aiez, -d/. -a(, asseoir, mettre en place, en ordre,
disposer, établir, composer, fixer, etc., lequel verbe ne saurait être que
asudart.
AStR esp.-port.y
V. csp» ûiir, saisir, Diez tire ce mot de apiscor, mais je ne m^explique
pas comment alors la forme espagnole du mot n*est pas devenue
ât($cer, abecer: d'autre pan* cette étymologie ne rend compte ni de
Tancien t ni de Vs moderne. La transition de apiscor à *apsco serait
contraire aux lois de l'accentuation latine et espagnole; et puis \ipscQ
deviendrait tout au plus *azco, *a$co, non asgù [aigo, donné par Ùkz,
(JMm., Il f, 182, en est la forme ancienne). Autant que je sache, le g
paragogique des présents espagnols ne vient jamais d'un c [sca] latin,
mais toujours d'un / ou e « palatal >», soit que celui-ci se trouve en latin
ou qu'il soit ajouté par l'analogie. Ainsi salgo, salio, valgo, valeo; v. esp,
firgamo$, fcriamus; nngo, venio, îengo, teneo; par analogiepongo, *poneo,
comme l'a très-bien montré Bœhmer, Jahrbuch, X, 178; de même aigo
audio, CMgo, •cadco, traigo, *traheo; enfin yazgo, jaceo (à côté de yaga^
'jaco, formé comme hago, *fiico)* Mais Bœhmer tire à tort et sans preuve
suffisante asgo dtadcio, ibid. i8j. — Ensuite le sens matériel de saisir
fait à peu près défaut au mot latin apisci, qui est plutôt poursuivre,
atteindre, gagner, obtenir, — Enfin il esi difficile de séparer w, v, esp,
a:ir du prov. sazn, fr. saisir^ ital sagire^ saisir quelqu'un de quelque
chose, le mettre en possession (comme dans la phrase : le mort saisit U
m/}. L'usage et la construction sont les mêmes : on dit asirse de una casa
comme on dit se Sûistr de (fuel^ue chose; asido ^^ comme saisi de; desasint
Jt comme se dessaisir de. Il s'agit donc d'expliquer l'aphérèse de s, H
mf ttmble probible qu'on a commencé par dts-sazirse; comme de bonne
h$utt \â gémination des consonnes ne se faisait plus sentir, on n^a entendu
i|lé« 4lHueri dts^str, de ta s'est formé le nouveau primitif aiir, asir. Je
MÉLANGES ÉTYMOLOGIQUES 167
ne sais quel âge a cet ^ de z^ et s'il doit être expliqué par asstinitation :
I iosir de saur. Par contre, dans le changement de sam^ sasir en âsir la
disîimilaiion des deux s (ou bien de s et z) entre peut-être pour quelque
! part, comme me le fait observer M. Bugge,
Ce mot appartient à ceux qu'on a pris à la nomenclature du droit ger-
Lmanique, Il est vrai que le mot espagnol, surtout à cause de son présent,
II Pair d'être d'origine latine \ mais on sait combien de verbes romans en
pr rienneni du germanique, généralement de thèmes verbaux en /-, inf.
U/dn; or une fois qu'on avait formé asir^ le présent asgo n'est guère plus
*àrange que salgo de salir. Précisément parce qu'en espagnol il y a peu
de ces verbes germaniques en ir et que les verbes en ir n'admettent pas
la forme inchoativej il était naturel de leur faire suivre l'analogie des
verbes venant du latin. Reste à déterminer l'éiymologie de sazir.
D'un côté il est difficile de séparer lit. sagire de staggire (saisir, user
de main-mise), comme le fait observer Schder qui propose les étymolo-
gies b. 1. stagiam fslaticurai, et pour le sens de prendre, l'itaL staggh
'obsidaticuml . Mais ce dernier perdrait difficilement son o, vu que la
' forme française de staggio est otage, et que le français est en général peu
tnclin aux aphérèses. Pour staggire Diez propose le v.h.a. stâtigôriy sistere,
iôlidare, dénominatif de stâtig, ail. mod. st^ictig, stetig, ou bien stîitian,
Hâian, dénom. de stâît, stable, constant, ail. mod. stet. Pour moi,
j'opterais pour le dernier, ou mieux encore pour un verbe stadjan con-
j serve en norois sous la forme staija, stabilire, sistere, statuere, dénom.
jitttadr^ thème stadi^ locus. Quant à staggiria^ saisie, séquestre, sagina,
possession, fr. sdisirte, prise de possession, leur forme n'exclut pas une
j provenance germanique, cf. lemodénais/uc/im4, bourde, du v*h.a* fûgina
14 côté de lugiRi mensonge; v.fr* guastine, désert, de 'guastir^ gastir^
d'une racine qu'on a généralement crue germanique (M. Buggeen doute;
'en tout cas le dérivé est roman, non latin'[. Les suffixes germaniques tn{a)y
tn[i\ se confondaient avec le latin Ina dans raïna, fodïna, etc. ; comp.
encore le prov. aisina. On sait que les suffixes germaniques se romani-
sent souvent en prenant l'accent, comme gastei de wàstelf etc., Diez,
Qram. Il, 286.
BANASTA esp , cai., prov, mod.,
U, fir. banasiet grande corbeille, banne ou hotte. « S'il vient de bertna, ce
' qiiin*^st guère douteux, ast doit être abrégé de aster [astro\^ un suffixe
' ASt élânt inconnu : aussi le mot est-il en v. fr, banastn, en piém.
de même»»; Diez 1, benna. La chute de r n'est point rare: c'est le contre-
pied de l'épenîhése si fréquente en roman. D'abord l'esp. unasta est pour
cùnasîra lequel vient non de cantsirum comme dit Diez, Gram. 11», 590^
wm du b. L unastra = gr* îdvjt<npa* C'est sur canasta comme le mot
lis i, STORM
plef fréq/ÊOH, tp^z été calqué kaoêskt, Enstiiie 3 j a l'csp. madram de
madrâttrA, orquista de orqaestra^ port, ramàt tûHpo^ îtal. et vénit. trâito
de trêSÊT^^ enfin lltal. calail0 à cdté de câlssliv. Dans la plupart de ces
cai 3 y a ea dissunOatioii* C'est le phéaonièiie comraîre qui a lieu dans
figisirû^ fegestuni, dans Tesp. rUtTA ^ Tital. resU^ Tesp. ristre = port*
rutt, csp, lastrtz= fr. /oife, et d'autres qu'énuroèrc Mlle Michaelis,
JahTbuch^ XIII, 216; j^aioute encore lit, bdlûuîtrû, balaustium, it.
giùstrari, giostra à c6té de giustart^ giusta, tosc. aiiustra, Jocusu (marma) ;
déjà en latin aplaariy à^^x^rcov, Sdiuchardt, Kdt* ni, 87.
BUFARD,
d'un blanc terne, Lhtré. Le mot français ne parait qu'au xiv"" siècle, le
bas lat. blaffarduSy « nom d*une monnaie qui paraît répondre à un blanc »,
au xiH% néerL Haffaart, blaffert, « Kœllnische Mùnze, die vier albus
betrxgt n Kraroer; norvégien du xvu* siècle hverken blaffert citer hvid^
ni sou ni maille Ichez Petter Dass;. Dieztire ce mot d'un v,h.a. hjrpothé-
tique *bUih-jaTO : en fait, le mol ne paraît que dans le m.h.a. comme
bleich^vart c^est-à-dlre à une époque où l'influence germanique ne se
faisait guère plus sentir. Blafûrd semble être pour 'blamrdou ^blduard^
bleuâtre, cf. le prov, blau^ fém. bld¥a. Ou reste blafard ne parait pas
être très-ancien en français, et il se peut qu'il ait été emprunté à quelque
dialecte du midi. C'est précisément en provençal que le thème blau, btav^
est le plus productif. Quant au sens on peut comparer d'abord le prov.
U \itih me son îornaî îug blav, les yeux me sont devenus tout livides;
vfr Que la char enfu bloe, Berte XXXIII (Littré, Raynouard). Ensuite
on peut remarquer que Pitalien dit sbiadito, d*une couleur mate ou
effacée : un quadro [riîratto] assai sbiadïto, comme je Tai entendu souvent
et vu p, ex. dans le joumal La Rijorma du 29 septembre 1869; le labbra
appena tinte d*un roseo sbiadito (Manzoni, Promessi Sposi, \j* éd.,
p, 140I, cf* sbiadire <f dicesi de* colori che divengono smorli, e corne
dilavatii che perdono la loro vivacità ^t Fanfani. On dit aussi Madûto^
dont le sens primitif est expliqué moins bien par Fanfani comme a Colon
VERDE moltô chiaro^ verde pistiio » Voc, dcUa Ling. ItaL et Borghmi^ II,
482, corrigé ibid, ÏI, 569, par Gargiolli qui prouve que le sbiadato était
une nuance bleue : << Nel trattato su Tarte délia seta... sono registrati
i panni de' vari colori e gli sbiadati sono posti tra i turchîni e i cilestri;
appunto perché lo sbîadato faceva pane délia scala degli Alessandrini^
vale a dire de' colori d'oricello, che sono propriamente i violetîL » Ct
aussi tf biavo e sbiâvatû turchino chiaro n, Fanfani; hiavo est usité surtout
dans les dialectes du nord comme le vénitien. Pour d dsni&sbiadito^ etc.
cf. cinodoj clavus, padiglionef pavillon, etc. Pour le sens on peut com-
parer btimCf si M. Bugge a raison de le tirer du norois biami^ blàman.
MÉLANGES éTYMOLOGI<yjES 169
Rom. lUy t4jj 146. Quant au passage de v en /, cf, toutefois de
toutesmes, totesyeieSy h. schijare, esquiver, etc., Rom, III, 160, 161.
BOSCO, BOIS; dusca; bossolo.
Grimm a tenté en vain de montrer l'origine allemande de ce moi en
nipposant un ancien 'bmvisc de bùan, bâtir ; Btisch n'a jamais en allemand
le sens de bois de construction. Le mot se présente d'abord en m. h. a.
sous la forme bosche évidemment empruntée au roman ; puis on trouve
biisc^ btuch ; Pangl. bash ne paraît qu'après llnvasion normande. Lemotne se
trouve en norois que dans tes dialectes modernes, norv, buskdy néo-island,
buskiy dan. Busk^ ctc. On ne saurait séparer bois de É^umo/ique tout !e monde
s'accorde à dériver de buis y buxus. L'allemand Busch, l'anglais buih ont
précisément le sens de buisson, M. L. Havet a montré que ce n'est que
par un développement exceptionnel qu'est née la diphthongue ui au lieu
àçoi dskns huis ^p^tok bonis {Romani a, III, ju, cf, ^28, po), et que
d'autre part l'espagnol hosquc et non bues^jue prouve un 0 fermé du latin
Tulgaire. Le buis a toujours joué un rôle important dans l'Europe mé-
ridionale : c'est pourquoi on a pu donner le nom spécial de cet arbuste
à tout le genre, comme au rebours on a donné le nom générique à l'espèce
la plus notable^ cf. le grec SpQç, chêne, orig. arbre, sanskr. daru^ bois,
espèce de pin, lit. derva, pin résineux, voy. Curtius, Griech, Eiym.,
n" 27 5 ; peut-être en roman àlbaroy alhrro^ ûubrdit, peuplier noir !
cependant Texplication de albulnst^ à préférer, voy. Diez, Bîym. Wb.^
\\û. Du sens d'arbuste on a passé à celui de collection d'arbustes,
bocage, bois. En outre en considérant la matière, comme on a de tout
temps employé l'excellent bois du buis pour une infinité d'outils et
d'objets, on a passé ici également de l'espèce au genre. Chez les Romains
huxus^ bîixum s'employait pour toutes les choses faites de ce bois, comme
tes sabots, les flûtes, les peignes et les tablettes. En bas latin on emploie
de même buxus et boxus, dans la langue vulgaire vivante bàxo (0 fermé).
Pour le sens de bois il s'est détaché une forme buscus^ boscus^ raétathèse
comme l'it. lasco (laxus). En italien bôxo est devenu bàsso au lieu de
Wwo, cf. crèsia^ crusta, nozze, nuptiae. En prov. hoïs^ buis, bosc, bois,
hyssadûf forêt, bois, boisson^ buisson. En français la forme bosco a peut-
être eu moins d'étendue qu'ailleurs ; bois vient plus régulièrement de box
que de base, comme boiste, botîe de boxida (puxïda;^ et oissor de oxàr
IttiOfem). Du thème ^oic on ^boscage, boschageâéjk auxii*^ siècle, boschet
^ au xiii= : si cela n'était, on serait tenté de voir dans ces mots des emprunts
faits au provençal ou à l'italien. En français *hoisson est devenu buisson
comme cdgitare est devenu caidier ^ . Comme il faut avec M. Havet expli-
K M. L. Havet^ Rom, Ui, 530, lait remonter â dans ce mot it un ù latin
m^^
170 I. STORM
quer le fr. cuidier par le cuidar hispaiio-provençai, on peut mm ezpUqoer
buisson par IHtalien busàone. On peut consuter id un :agni«icBt ea
rétrécissement sporadique de l'atone initiale comme dans fusU^ h. facilt,
de *fbcilem, it. facile ; 6 devient d'abord ou, et celui-d en français a;
quelquefois le français va plus loin que Mtalien^ cf. bum^ ÎL borino,
butin, bottino; le v. esp. boril est devenu en esp. mod. bardj oonmie en
tant d'autres cas Vo protonique du v. esp. est devenu u, coomie anc esp.
«o««r, esp. mod. muger; anc. esp. atordir, esp. mod. âtaréir^ etc.
Pour ce qui est de (usai, bûche, le u radical pourrait faire penser à un
*bUsii€4 latin, surtout si l'on admettait en même temps l'éq^moiogie bràUr
de *bUstulare sur laquelle je reviendrai plus bas. Mais d'une part Pane,
fr, buisse (=£ *^ttXii) et le verbe embuissier, embnscher =s lit. imhoscnre
rattachent bûche à bosco, boxa; d'autre part on a tt à cAté de on dans
buter (it. bumre) «= bouter (it. dibottarêy.
Quant à l'it. bossolo, bussola d'où le fr. boussole et Pesp. brûjula,
M. Caix« S/ttJ. etim., U le dérive de piocûia, boite, cf. trèipo/o de irj^ûfe.
Cette dérivation ne difière pas radicalement de celle de Diez, puisque
Tj;t^ vient de 7J^« et que dans le bas lat. bwdda, boxida^ on sentait
encore buxus, boxo. Du reste bossolo signifie aussi buis, « lo stesso que
twss^ tt (Fanfani); dans ce sens du moins il ne peut être que le dimi*
nutif de bosco, buxus. Il faudrait donc, pour maintenir l'étjmologie de
M. Caix, assigner aux deux sens de bossolo une origine dîffârente, ce qui
nVst pas sans difficulté.
BRAVO.
Aucune des étymologies proposées par Diez pour ce mot ne me parait
&Ati;Uaisante. Ménage, Origini délia lingua italiana, dit : « Altri lo cavano
iU tM'us, primitivo di rabidus, » Je m'en tiens au mot exisunt rabidus
\\\\\ me semble offrir une origine légitime et pour la forme et pour le
seuH. Hahidus est devenu d*abord *brabidus par prothèse de> devant r),
phénomène qui n*est pas des plus fréquents, mais qui a lieu précisément
vbns des mots qui peignent le tumulte, le bruit, le cri de la passion,
ivnuuc huite, huit, braire (je ne vais pas aussi loin que M. Bœhmer,
UhibuKh, X, 194). Diez lui-même se demande s'il y a une connexion
^\\\\t hau et brMre. De *brabidus, d'abord le v. it. brdido « uomo lesto,
brilo» \isiH>. K voce usata fino da tempi antichissimi di Guittone, ed è
i,«.>;:M'i\ ce OUI nVsl pas admissible. Les formes romanes cuidar, cuidier prou-
\v\\\ unii .lu plus un cufiitjre bas latin, qui du reste n*a pas encore été cite que
!«• ^.^^tu^ll. Sihuohardt, KoA., III, 211.
I. M lUi^^f me communique une dérivation nouvelle : f Vu la relation du
Mil'. ,\ irlui lit' hsnK \c trouve plus probable de tirer busca non de ^buxa mais
»U* '^H^^4, p<mr la formation voy. Diez, Gram. II. » J'adopte cette étymologie
pour bUihi, iiui^ bmsse ne s'accommode que de buxa.
MÉLANGES ÉTYWOLOCIQUBS 171
pur vjvi tuttora in qualche parte del contado aretina n Fanfani ; de là
braio qui conserve le sens primitif : bue brada, taureau sauvage ; d'autre
pari 'brabidus est devenu *bravio^ it. hravo^ cf. it. rancïo rancldus,
loobù turbidus, en esp. bravio cL rocio, rosudus (selon Dicz, Gram.^
lîi, v6j. pour 'bravivo comme vacio], et bravo comme en iiaL : cabatlo
bîiivOf cheval sauvage, non dressé, los indios bravos^ les Indiens
sauvages, Pajeken, Cram, d, span, Sprache^ p. }8, maru bravas
CaballerO; Cuenîos, p, 17, en ancien ital, unde brave (Diez)* Les acceptions
modernes de bravo sont connues. En provençal cavaili braidiu « cheval
fougueux, alerte, n aussi a braillard, hennissant », vient de braidir,
braire, brailler, en v. fr, braidif {mémt sens), voy. Diez, Wœrurb,, lie.
On voit que le sens roman le plus ancien est u enragé, farouche, 0
comme Ta déjà montré Diez. L'origine que j'ai indiquée donne lieu à des
rapprochements directs : avec unde brave^ mares bravas cf. rabidum Pelo-
rum (Lucain), râbles caiiqae marisque (Virgile)* Avec bue brado, cabalh
ktfw, cf. rabidi canes (Lucrèce), tabidi Icônes (Horace).
On conçoit facilement comment au moyen-âge Tidéc de v farouche,
martial, vaillant^ « prend la place de toutes les belles et bonnes qualités.
On peut comparer l*emploi semblable de fier dans le langage familier, et
i^ galant, vaillant et paré, comme braye fam, = paré avec soin. Ce mot
est devenu d'usage populaire dans les langues germaniques dans le sens
de vaillant, honnête, paré, etc., en anglais p, e. she was brave in ribbons
(Dickens, Chrisîmas Caroly éd, Tauchnîiz, p. 42). Dans les langues Scan-
dinaves on dit tous les jours braVy brâ pour *< honnête » (adj .) et « bien »
adv.|, danois et norv. Hvoriedes lever De? Taky bra. « Comment vous
ponez-vousi^ Bien, je vous remercie »; en suédois de même bra. En
kûv Mand, un brave, honnête homme, chez nos paysans « un homme
riche », comme honesîtis en bas latin, voy. Rœnsch, Itala a. Vutgata^
M. Ba£hmer,J dhrbuch, X, 197, dérive brave delà racine fru dans
i^utum, étymologie trop aventurée pour être discutée ici.
BREGaR, BRIGA,
pr. cal. brcgar, fr. broyer. Broyer [le chanvre] se dit en allemand [Hanf]
Jncfnn, et c'est là Tétymologie évidente du mot roman, en bas ail breken^
. break, goth. brikan^ rompre. La ténue et Vi radical sont maintenus
le lomb. brica, miette, prov. briga; verbe csbrigdy émietter, briser,
voy, Diez, Jï, 2;9. Cf. it. septenir. brega, bûche, i£»r^^dr, déchirer, etc.
Mttitaâaj Beitr. $7 (Ascoli, cité ibid,]. Que briga, brega, tumulte, que-
relle, âfferc, fr* brigue, ait la même origine, c'est moins sûr. Diez ratta-
chait autrefois ces mots au goth. brakjaj combat : maintenant il se con-
tente de déterminer la racine brîk et n'en décide plus la provenance, it-
172 J. STORM
tenterai de réhabiliter l'origine germanique. Le goth, brikan signifie aussi
lutter, SÔXeiv; de ce verbe dérive kakja, ttûiXt], conluctaiio» Brigfl.
dérive non pas de brakja^ mais du thème du verbe brikan^ dont on a
formé d'abord bngare^bregare, rompre, faire du bruit, se quereller ; corap,
pour le sens le lat. fragor, bruit, Atfrangmj rompre, Tangl /wtw, bruit,
V. fr. nols€y bruit, querelle. En cat. bregar^ broyer, quereller; anc, cal*
bruar^ diminuer : est-ce le même mot avec la ténue conservée ? Corop.
pour le sens v. fr. souffraiîe, alL Abbrtich ieldeny souffrir diminution. Le
fr. brigue répond surtout pour le sens au norois èr^Â:, instance ou intrigue,
notamment pour le bien d'autrui, brcka, tâcher d'obtenir ce à quoi on n*a
pas de droit. L'italien bnga s'emploie surtout dans le sens de a ennui,
querelle, affaire difficile », ainsi : Avan che di qutsto vi dan brîca td
impaccia^ Nannucci, Manuale I, ^4:1, sanza brïga^* nom vivente, ibid. I,
440; k/g<arc, briguer : brigan cotai lussara, \h'\d, I, 458, cf. brigare,
wingegnarsi d'ottenere checchessia per mezzo di raggiriedi cabale » Fan-
fani ; dans les dialectes italiens surtout anciens, brigare, bregare^ bregar
peut signifier simplement « bazzkare, frequeritare, )> voy. Mussafia,
RonL II, 110, cf. it. bfigata^ réunion, Mussafia, Beitr.^ 37 (cf. avoir
affaire à).
Dans presque tous les mots de cette famille on voit un g pour le k
germanique, comme dans braguer (voy. plus bas), it. FedmgOj etc. La
voyelle gothique i comme dans le v. fr. frtque = goth. frtks, dans les
autres langues germaniqnes/r^^, frech, voy. Diez Ik; cf. tirer = goih,
tdiran = teran. On pourrait aussi citer tricher, v. frv trecher, h, treccarc,
d'après Diez du bas ail, trekken^ faire un trait. Mais ici j'incline au latin
tmari repoussé par Diez. Ce maître dit, iî est vrai, que la dérivation de
trlcari est inadmissible à cause de IV qui se présente dans le radical à c6ié
de i. Mais dans l'article précédent de son dictionnaire, il admet sans
scrupule Pît. tribbia^ esp. trilh de frZfcu^a^ toutefois sans marquer la quan-
tité qui pourtant n*est pas douteuse, cf. Virg. Ceorg, I, 164:
Tribulaqaef traheaeque et iniquo pondère rastri.
Cf. fréddo de fr'tgidus^ dont j'ai parlé à propos de l'opinion de M. AscoU
dans la Tidskriftfor Filotogi og Pddagogiky N. R. ï, 170; tict de llicem,
Trlcari est devenu 'triccàrej h. tnccare, comme glûîus est devenu •g/«f-
tïis, h. ghiotto, Diezl, et comme cûpa est devenu cuppa, Jt. coppa^ Diez,
ibid. Comp. encore bieco de oblJquus, Diez Ua,
De brikan le germanique forme le subst. brak, fragor, de là brakdn^
faire du bruit, broyer (le chanvre^ en norois brakay patois norv. mod.
braka, kj^d S faire du bruit, faire étalage. Avec Diez j'en vois le réflexe
i. Proprement de brâkôn qui vient du subst. fém. ^/'ôiS:, tandis que braka vient
du neutre brak, comme me le fait observer M. Buggc.
■
MÉLANGES ÉTYWOLOClCilJES 175
dans le V. fr. tragufr, mener vie joyeuse, bragard, galant, prov, mod.
bfâfiâf faire étalage, parade, angl. tû kag, braggart, voy. Mùller, Etym.
Warîcrh. d, engL Sprachc] adj. norm. brague, vif, emporté, proprement
« qui fait du bruit », en pic. brake^ avec la ténue ou sourde conservée.
BR1NCAR esp., port. y
sauter, danser, folâtrer, jouer, brinco^ saut : nos pusimos de un brinco en
ç4sa dei Ucenciado , Git Bks trad. p. Isla, d'un saut, o Peut-être du ger-
manique blinkan, micare ? » Diez. Selon moi ce mot est identique à
l'italien springare^ trépigner, v. fir. espringucr, danser en trépignant,
D*âbord brincar est pour *esbrincar ctymmt pasmo pour *eipasmo^ cL port.
Unifue pour estanqut^ cat. tancar^ étancher : on aura pris es pour le pré-
fixe ^= lât. ex. Ensuite '«^nVi^ar est pour 'esprincar, comme esp*-port.
fsgrimir pour escrlmir. Enfin * esprincar est pour *espnngar comme tsirin-
qiii est pour cstringuc, cf. V\i, stringUj Diez J, et comme l'esp, estanque
répond au fr* étang, grâce à Phésitation entre fortes et douces assez fré-
quente dans le contact des explosives avec des nasales.
BRUCIARE, BRUSTOLARE.
En ancien ital. brusciarc. Selon Muratori brasctare de perastare^ et brusto-
hrij bràler de perusîulare, Diez fait observer que bjustoïau est formé
comme ustoldre. Ut. astulare, pr. asdar^ anc, esp. uskr^ « de sorte que
les formes commençant par b ont Pair d'en être nées par extension. »
W, Bœhmer, Jahrbuch f. rom. u. engL Lit. X, 195, fait venir bruciare de
'bnutare == *bustdre^ en comparant îe lyonnais baddy brûler. J'avais
pensé à une étymologie semblable que je me permets d'exposer ici. Comme
de ustus on a faituj/u/tïr^, ainsi de combusins on aura formé *€ombusîulare,
de !à, par une aphérèse à laquelle a contribué Pinfluence de bustum »,
*hustidare. D'autre part comme de angùsias angûsîiare, it. angosciâre^
ainsi de combûstas *(com]bastiare. Ces deux roots *bustulare et ^bustiare
sont devenus bnutulare et brusûare comme lecat, brusca, bûche, de buscûf
Pesp. brùjula de Pît. bùssola, etc., épenthèse à laquelle a contribué
puissamment Pinfluence du germanique brunst {*hrUsî}, incendie *, de
hrinnan^ brmnen, brûler. Enfin *brustiare a donné régulièrement l'italien
hmsdare, *Brusîare sans i ne pourrait pas donner brusdare : si ne devient
se que devant /, surtout i « palatal ». Le seul exemple de Diez, Gram,
t. Cette influence serait corroborée par le grisoa bist^ buste, si ce mot est
rallaché avec raison par Ascolt, Arch, I, jj, à busîum : i La indentiti di busto
col bustum, lat,, è nqgata a torto dal Diez. » Mais je ne m'explique pas ledévc-
toppement du sens.
î. Cf. le vén. bronza^ braise, t peut-être l'ail, i^runst 1 Diez, 1, 89, voy.
Mussafia^ Bear, ^y^ hâ dérivation de pruna est à préférer, soit prunia (Ascoïi),
soit peut-être pTunida, cf. hronzo *brunitius, Diez^ Gram, !, 503.
176 J- STORM
Gluck, Celtische namen bel Cûtsar^ p. 28. parle d'un cumba gaulois
qu'il croit retrouver dans le gallois cwmm et qu'il compare à xu|jL0t;,
comme me le fait observer M. Bugge. il serait intéressant de savoir;
quelle est Tautorité de ce cimba. Chambers, Exercises on Etymalogy^ 1
Etymological Dictionary, p, 589, en dérive Wycambe et Comffton.
CORTINA.
D'après Dtez de chors, et signifie en b. L petite cour ou enclos, mur
entre deux bastions, rideau suspendu devant Tautel, *( au fond identique
au classique cortina^ chose ronde. » En effet, toutes les acceptions de
cortina renferment Tidée de rondeur : 1 . vase circulaire, 2* couvercle rond,
j, autel ou trépied rond, 4, voûte ou plafond rond (Freund, Rich). Mais
c'est précisément pour cela qu'il faut séparer ce cortina de chors cl le
rapprocher du grec ^^-^^'iz^ rond, Je ne trouve pas ce rapprochement!
dans Curtîus, mais bien dans Fick, p. 441 '. — il faut donc séparer le^
mot latin du mot roman, tant qu'on ne pourra pas retrouver Tidée de^
rondeur dans le cortina du moyen-âge.
CUTIK,
esp.
<i Golpear una cosa con otra, ant. poner en competencia; combatir,
competir n Dicc. de fa Acad, Diez le tire de competere moyennant une
syncope « forte, mais non sans exemple. » Pourquoi pas du radical dcj
recutêre, concaîere ? Il est vrai que l'espagnol a sacudir de succutere, et kr
V. port, precudir dtpercutere : on s^attendrait donc à cudir et non à cutiA
(encore moins à quaier, quadir, le primitif latin étant inconnu au roman).
Mais d'autre part l'espagnol nous présente des formes savantes comme
pcrcntidor, concutriz, et même repercaîir, H n*est donc pas déraisonnable
de supposer qu'on a pu construire ou conclure un primitif cutir, forme
savante quoique non btine; cf. aussi le prov. percutir^ heurter. En vfr,,
dans la Vie de St. Léger, i^b^ le ms. offre : Et a gîadies percutant, ce
que M. Gaston Paris, Rom, 1,511, change en Et a glavies persécutant,
parce que a percaîere n'a donné de verbe dans aucune langue romane;
à Pépoque du Saint Léger^ le participe du verbe hypothétique percadre
eût d'ailleurs été percodant. » Mais on trouve une forme française de ce
verbe aussi dans le fragment de Valenciennes : si rogavit deas ad un
verme que percussist cet edre. Si la forme percutant ne peut se maintenir
dans le vers du Saint Léger à cause du rhythme, le copiste s'y est peut*
suivants : Cumbû, locus iinus navis, Isidore, Orig. XIX, 2, 1 . Cumba, tûcii$
[imus] navis, gloss. Piacid* éd. peuerling XXII, k ■ S. Bugge.
I. Selon M. Bugge. il faudrait plutôt s^attendre à *cunma, cf. curous. C'est
pourquoi il préfère I explication cortina de 'covmm, et rombrîen covonust
(ourtut^ forme comme angtna^ fodltm, ruina.
MÉLANGES ÉTYMOLOGIQUES I77
èirc trompé précisément parce qu'il connaissait ce mot-là. On pourrait
peut-être aussi combler la lacune d'autre manière» p. e. Et a gtavies lo
ptrcutant, c'est-à-dire lo règne (22f\. Il me semble qu'un mot comme
frapper convient mieux à glavies eî fait pendant à ardanî : c'est le terme
spécial qu'il faut ici plutôt que l'expression générale persécutant. Seule-
ment et percuianî et percussist et l'int percutir qu'on peut supposer
ju'il se trouve en provençal, sont des formes demi-savantes.
jmtsqu
DISNARE.
^^Pour expliquer le bas lat. [se] dUnare, le plus simple est de le rattacher
U^^y^tscinare calqué sur [se) âisjljMart, déjeuner. *Disc£nare est devenu
nbord dhdnan, La première phase romane a été *discenar€ ou *discinar€,
iormequî serait régulière en italien; la seconde *diisenarc, conforme au
taîc du roman du N* 0. (italien du nord et franco-provençal) comme
ta devient ici pcsst^ pes, poisson; la troisième disnar reste en pro-
vençal et italien du nord; la quatrième dlsner, forme française. L'italien
littéraire semble avoir adopté la forme septentrionale, loscanisée en
âisinarij desinarc, s'il ne Ta pas empruntée au provençal ou au français
comme je l'ai supposé ailleurs 'Mèm. de la Soc. de /m^., Il, ï2i, note).
J'explique maintenant Ve dans desinare par les formes des verbes où il
^êX accentué : on a dit desinare à cause de désino, comme destare de
^fcitare (1. c, iji; à cause de désto, H est vrai que c devient
quelquefois s italien dans les formes syncopées, mais c'est presque
iijours par le contact d^une ou plusieurs dentales suivantes ; avant
syncope c devient se == s entre deux voyelles comme toujours
toscan et roman : dieci à Florence eî à Rome, prononcé diesel
di), puis ia syncope opérée^ la pression des deniales fait changer i
i : comme fasîeilo vient de {asceUillo, fisteik de fiscitelia^ mcstare '
miscitare [\, c. iji)» et destare de disnitare^ ainsi amiciiàte
vient amistà (esp, amistad, v, fr* amisîieî]^ ciaccepîôre astâre^ cf. Dîez»
H t. Cancilo, /ï(v, di filof. rom. î, 17 : e Miscita si dice comunemcnte a Firenze
^luogo ovc si tncscono 0 mrnestre 0 vini od ohi : ed è un sostantivo partici-
piale da 'niixita per mtxta^ da miidrt^ che in ital. dîventô mlsctrc. Dal supino
ttam trasse origine tl frcquenUlivo ital. mtitarc; menlre mixttum hsàb traccia
se nel vencziano € lombardo messcdar^ e ndl' anlico ïtaL maadarc^ manda n •
lis d'abord i latin persiste généralement en italien devant s ^^ Xj cf, dhsl^
Ki« nss\, vixij^ïfo, fixus^ hmva^ lixivia, nssa, rixa (rma, rare, maintenant
Dsitè, peut-être d'origine dfalectaîen Mtsio pour mrjro chez Guitlone et Ristoro
ail, «/!'♦ Km, déc. 1874, p. 77) sont des îormcs arélines. Puis se dans
\itla et l'ancien macuiarc indique plutôt un se latin qu'un x. ftUssidan et
"^ Ve (Fanfani) sont des formes lombardisântes et ne se trouvent, si je ne me
^e, que chez des auteurs de couleur septentrionale (de l'écoïe bolonaise?).
fjfJrf vient donc de misatarc. Aussi Ascoli, Arch, I, 44, lire-t-il avec raison
I foumanche mûsthadar^ frioulan mcsscda, de mtscttan.
Homania^ V
12
178 J. STORM
Gram, lî, 255, 54^» ^^ ^^^ris, Accent, p. 49, note. Le seul moyen
d'expliquer destnare comme forme toscane indigène, ce serait par Tactioii
de Vn dans la forme syncopée ; mais alors il faudrait supposer les phases^
1, deccnau ou discenare, 2. dis'nare, ]. disinare, i(;ii/7<3r^, c'est-à-dire que
le toscan ferait une syncope pour la défaire aussitôt après^ procédé peu
naturel Or ta forme disnare n'est pas du tout prouvée pour le toscan ^
même dainare n*est pas usité dans les dialectes de Pkalien propre [centra
et méridional) où Ton dit pranzare, praazo, comme je Tai montré \Mém!]
de la Soc. de ling.^ îf » 1 î 1). Quant à l^analogie que semble offrir pi/^^/ia]
de post'Cenhm, il ne faut pas s'y tromper. Le régulier serait />u^ci^rta, cf.]
Juscelh de fustkdh; même en milanais on dit puscènna ou posclnna (Che-l
rubinij. Je suppose que pixs/^no comme desinare sont venus de quelque
dialecte du nord, peut-être de l'émilien.
Quant au sens, il est vrai que dis-ctnart constitue un contre-sens, mais
il s'explique d'abord par i^imitation de dis-jejunare, et ensuite par letl
changements apportés dans les autres noms des repas. Tandis que les|
Italiens retenaient pfiirtzo et ccna, les Français^ qui avaient perdu pam/iam.
le remplacèrent par un terme moyen entre disjcjunare et cenan, savoîij]
discenare, Disccnare et recenan furent différenciés en disner et rainer,
iovmt digmr tsi ï dhner commt maisgniée^ maignéc à maisnlée, etc, ell
ne renvoie pas à dignari. On disait se dhnaTj se disner^ comme on disai^
se dtsjemer, esp. daayunârse. — Il est peut-être plus sûr de supposer
qu'on a dit d'abord *de-cenare; ensuite après avoir oublié le vrai sens de!
ccnare^ on a changé "decenare en 'disccnare sous l'influence de disjejunar^g]
et comme dearmare, defnire^ etc, devient en ital. disarmare, disfinire^
esp. desamar, etc., Diez, Gram,^ lU, 424.
ENCENAGAR, eSp.,
souiller, salir, usité proprement et au figuré, p. e. Un kombre encena- 1
GADO en îodos hs viàos (Gii Bias trad. p. Isla, livre ÏV, ch, }), Ce rooli
vient évidemment de *incoenicare, comme trûfagar^ trJfago = îtal,
trafficare, trdffico. Esp, cenagoso, fangeux, marécageux, vient de 'co«/ïtcoi«i
formé comme famicosus ; cenagal, bourbier^ de *coenicale, formé comme
Tesp, arenal, Diez, GramJU, 528, Diez dît au mot /m/agÉar quïl n'y a paij
de suffixe ag en espagnol. Mais cette forme existe du moins coraroej
modification de ic ou plutôt de eg comme dans dbrego : c*est ainsi qué|
l'espagnol présente reldmpago à côté du cat, Mmpeg, et dlaga du latin
aiïca, etc. Matériellement on trouve le même suffixe dans halagar, Ct
mot, V. esp. falagar.afakgar, caL afattgar^ vient peut-être de *affldticari
qui est devenu d'abord 'aftagar comme sosegar de subsedicare (voy, plus'
bas), ensuite ajalagar comme fiiibote de jlihote. On pourrait peut-être
tirer de la même racine le fr. flatter. Pour ce mol Scheler ^gnale le lai.
MÉLANGES ÉTYMOLOGIQUES t79
flatan « augere vel amplum reddere n Closs. Plac, ; mais suivant
M. Buggc FtATARE esi probablement une faute pour elatare. Pour
la forme je préférerais yatitare, puisque flatare aurait probablement
donné 'fl^ytr^ Jléer^ cf. délayer^ dilatare, agréer, aggraiare. Je suppose
qu'on a dit afjUre, flatitan^ afflaîkare^ d-abord dans le sens de flatter les
sens par un souffle léger en agitant Téventaïl, cfr. v. fr. fUvelle, flatterie,
de flabdlum; de U d*une part << flatter de la main, »> passer doucement
la main par-dessus quelque chose, d'autre part, flatter la vaniié de
quelqu'un, — Une forme pareille semble se présenter dans empalagarf
dégoûter, mais je ne sais pas en déterminer Porigine. Je propose avec
bésîtation *impaiâticarty dénominatif d'un adjectif 'impalaticas qui a pu
avoir le sens de Sanglais mpaiaiahle (qui flatte peu le palais). Le verbe
anglais /7«i//, rendre insipide, devenir insipide^ n'est qu'un écho lointain
et douteux, dont je ne sais pas la provenance,
lODER, esp.,
cwe^ V. esp. hoitr {Lozana Andaluza, p. 199); de futuerc, ce qui est
corroboré par le port, foder, identique au prov. fotre, etc. Le / du mot
espagnol est un reste ou un produit de Tâncienne aspiration qu'on entend
encore dans le midi de l'Espagne, d'où p, ex. ce proverbe des Mata-
guenoî :
Quien no diga Hachuj Higo, y Higuera,
No es de mi îurra.
Ce h aspiré andalous et grenadin, qui répond toujours à un / latin,
s'exprime en castillan par un /. Ainsi dans Santa Ana, Cuentos y
Romances ÀndaluciS^ 2"^" éd. Madrid 1869, on trouve yo jûblo (hablo)
p. 22^ jaciendo (haciendo), p. 25, etc. C'est à cause de celte aspiration
que les Castillans disent par plaisanterie Jândalo pour el liabla andalaza.
Celte prononciation se trouve aussi chez les paysans de Puerto-Rico.
Paieken dans son excellente Grammatik der spanischen Sprache^ 2" éd.
Brème 1868, dit p. 160 : 0 C'est parmi les paysans dits Jibaros^ de llte
de Puerto^Rico, lesquels sont des descendants pur sang des premiers
conquérants du pays, que l'ancien espagnol s'est probablement maintenu
le plus longtemps. Chez eux je trouvais d'usage journalier des mots
comme ansl, agora ^ qui ont vieilli partout ailleurs^ et le h des mots
kambri, hemhra, hablar, [//om^re], etc., aussi fortement aspiré que
dans rallemand hahcn^ Hand^ Hand. *> L'exemple hombre est probable-
ment erroné. Le son irrégulier/ provient donc d'un léger déguisement
«{it'on a donné au mot obscène, en imitant la prononciation andalouse.
LLÉMENA, Cat.
Diez, î, Itndint, dit : « le cat. llmcna est étrange : si c'est une meta-
l8o J. STORM
thèse à^Uenema llendemat le m ne peut être autre chose que la termi-
naison de l'accusatif. » Llémena s'explique bieri plus naiurellemeni de la
manière suivante. Lêndinem, *iènâina, *Undena est devenu d^abord
*/^ff«/ï<j, /i pour /îJ latin étant régulier en catalan, comp, nap. lènmne^
sic. iénnini. Ensuite 'Untna devient *iémma par dissimilaiion. La forme
régulière serait ^lekna, mais comme / se trouve dans la syllabe précé-
dente, n devient ici /h, comme dans venimeux, venenSsus, esp. légamo,
anc. UganOy tiliginem,
MARIPOSA, esp.,
papillon. Ce mot tant de fois discuté vient tout simplement de Mana
posa V Marie pose-toi, » comme le portugais pousâlousa « [Marie]
assieds*toi sur la pierre (sépulcrale), j) Dans le norvégien, un coiéoptère,
la coccinelle, s'appelle Marja Marjaflyfiy^ « Marie, Marie, vole, vole, »♦
La coccinelle s'appelle en français btte à la Vierge {bête à Dieu, à bon
Dieu, à Martin j^ en anglais Udy bird, en danois Marihane, « poule à la
Vierge. » Quant au sens de posa, on peut comparer le proverbe : Bi$n
sabc la rosa cft qiiè mam posa. Mari pour Maria dans le premier membre
d'un mot composé comme Maritornes^ Marlsancha ^Don Quijolei, Mari*
pérez (Trueba, Cid], Mariroâtigiuz {Lozamx andaluza, p. 29), Mari-sabi-
dilla (CaballerOj Ckmenciâ], On sait combien de noms d'histoire natu-
relle, surtout d'objets petits et mignons, sont formés du nom de la
Vierge. A d'autres de trouver la tradition ou superstition spéciale sur
laquelle repose le nom espagnol du papillon,
P. S. — La formule complète qu'on prononce en Norvège en voyant
la coccinelle c'est : Marja Marja jly [om] fty ! idager detgodt Vm^ imofgtn
bltr det oiïdt Vtir; idag cr det ondt Veir, imorgen bllr det godt Vtif î
« Marie, Marie, vole» vole ! aujourd'hui il fera beau temps, demain il
fera mauvais temps; aujourd'hui tl fera mauvais temps, demain il fera
beau temps *>, et suivant les mots qu'on se trouve prononcer au moment
où l'insecte s'envole, on augure bien ou mal du temps qu'il fera
le lendemain. Il est possible que le nom espagnol du papillon se
fonde également sur quelque tradition relative au temps. Tajoulc
que dans plusieurs provinces de la Norvège, le papillon a pré*
cisément le nom qu'a la coccinelle en danois, savoir Manhœnc^ poule à
la vierge, dans un patois Marihane, coq à la Vierge. — Voy, du reste
Mannhardt, Germaniscla MytheHy p. 24^ ss., où se trouvent une foule
de noms de la coccinelle rattachés à celui de la Vierge Marie* H
donne aussi beaucoup de variantes du refrain adressé à la coccinelle,
presque littéralement le même dans tous les pays germaniques ; tr chez
les Slaves et les Romans, ces chansons semblent manquer «, dil-îl^
p, 248. C'est à M. Bugge que je suis redevable de cette dtation.
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MÉLANGES ÉTYMOLOCJQlfES
MELINDRE, CSp-, port.
r8i
hCiçfto género de frutilla de sarten hecha con miel y harina, muy
ada y gustosa; ciena especie de pasia hecha de azûcar» harina, y
^os; la afectada y demasiada delicadeza en las acciones 6 el modo »
Nous avons évidemment ici un dérivé de mel; peut-être melïtïnus
HMTiv:^, miellé, mêlé avec du miel. Mais meirttutus, mielleux, nous
nit une origine plus régulière, n et r comme dans afmendrj, amygdâla ,
J par rinfluence de / à peu prés comme dans cabilde pour 'cabidUt capi-
tulum ; ou bien de meltitaîus d'abord 'meliide^ de là 'melinde^ mdindre,
MOZALVETE» esp.
^Blanc-bec, surtout faisant Télégant, aussi motalhcUy momîbiUo^ motai"
èito. La dernière partie vient probablement de albo, cf. vino kiuMLO. Le
^premier membre de la composition semble être non pas le moro ordinaire
(mousse, garçon), mais moio =. ital muso^ museau, de morsus, comp.
t'arag. mueso, morsure. L*Acad, regarde mozâtveie comme un simple
diminutif de moto, mais sans expliquer la terminaison.
POLÉORO, PULÉORO, it.,
e^, port, potTO, v. fr. poltrt, poultre, bas lat. puUitrus, poledms; diaprés
Ascolt, Arch. 1, i8, de pullUrus^ sic, pudifitru, ladin de Surselva putiédr
avec voyelle tertiaire ie^i: è=^éi=ï d'après Ascoli, r> = ^ = ? d*après
Schuchardt {ché par Ascoli, L c). Diez dit que les ressources du latin
lu du roman ne suffisent pour expliquer le suffixe edrus ou etrus et pro-
pose comme étymologie un TMÙdî^io'/ hypothétique pour T:ti)At3icv, ou
bien ce dernier avec épenihèse de r propre au roman. Cependant rt se
pourrait que notre mot fût de formation latine. On trouve en latin le mot
ponettii i' sus quae semel peperit >i, Aulu-Gelle XVI H, 6. Si *pulkîrus
n'a pas existé de toute antiquité, on a pu le former sur le modèle de
fOîcttfû*^ peut-être d'abord *puUdra^ pouliche, ^^ b* l. puledra, fulihha,
Cl. Cass*, lad. de Surselva pnlkdra (Schuch, Lautwandely î8); de là
P^lletrui, poulain ; Freund donne porcîîra, mais rien ne prouve cette
«juantiié; le mot rentre dans la catégorie de penïiro qui a donné en ital.
pftï^froàcôté depcTï^-fro, voy, Diez, Gram. h, $o;, plutôt que dans celle
d^fonfrni^ prov. tonédre^ Diez» ibid. Le latin favorise le vieil e atone
devant tr comme devant r, et penetro (mais penitus], mereîrlx (mais
^ffifus], gmetrix plus fréquent que gtnctor^ prov, gtntdris, Diez, Gram.^
11*, HL Ce 'pulUtrus avec f fermé, bref, atone, pouvait aussi prendre
une forme classique ^putlïtrus comme tonïîru. D'autre part, Vê de 'pulté-
*. Si porcctra n'est pas un cochon tout petit, c'est au moins une truie jeune.
J, STORW
îrus pouvait, par effet de la position, devenir irrégulièremem ouvert, puis
prendre Taccent et devenir ie en roman» comme teaïbrat devient régu-
lièrement en esp. tinkhias.
RAFALE.
(( Coup de vent de terre à rapproche des montagnes. Il se dit aussi,
sur terre, de coups de vent violents, imprévus^ et de peu de durée,
Etym. Mot qu'on peut concevoir comme formé de re et affaler; cepen-
dant, diaprés Richelet, on a dit aussi rajlais » Littré. On ne saurait
séparer rafale de Tesp. rdfaga^ coup de vent, lequel est identique à Tii.
ràffica l'même sens), cf. Tesp. îrdfago = l'it. tràffao. En français la forme
du mot a pu être modifiée par l'influence du verbe affaler. Quant à l*on-
gine de râfficd, on peut la trouver dans le verbe raffare^ de rallemand
raffen, rafler, voy. Diez, Wb, 1. — La forme française est contraire aux
lois de l'accent, et M. Bugge y voit avec raison le mot espagnol iniro-
duil et changé. Déjà Honnoral lire rafale de l'espagnol rdfagu,
REDOR, V. esp., port,|
pourtour, esp. mod, airededor, port, ao redûfy autour. M. A. Morcl-
Fatio, Rom., iV, 59» explique très-bien rededor de de-udor^ mais en
repoussant justement Tétymologie donnée par Diez frotulus)^ il se
demande : ^ d où vient-il? » Je propose de le tirer d'un latin 'rotatorium^
devenu d*abord 'rodador formé comme lavador, mirador, obrador, etc.,
puis *rodor par syncope, et, pour éviter la dureté des deuxo» enfin redar
comme rcdondo, rotundus, reloj, horologium. Si l'on parvient à trouver
ti^dcdor déjà en v. esp., on pourra y voir le produit direct de rotaîoriam
lequel serait à redor comme mediodia est à Fane, meydia^ et memskr à
Pane, mesîer, A défaut de cela, il est plus sûr d'expliquer rededor comme
le fait M. Morel-Fatio. — Redor est donc de la même racine que rodcar,
entourer (talus).
RIVELLINO, it,,
d*où esp. nbclUa, fr. ravelin, v. fr* reyelirit Roquefort. Diez se demande
d'où peut venir le mot italien lui-même. Riveilina est probablement pour
ri-vallino; on a peui-êlre formé d'abord un verbe ^re-vailaret jeter un
nouveau rempart, de là *rmillo, d*où le diminutif. Du reste re se joint
quelquefois à des substantifs comme ripiano, second plan, cf. Okz, Gram.
Jlv, 4J0. *Rivailino est devenu rivcUino par éîymologie populaire, comme
s^il venait de rivdLij riva, bord.
SERENO, esp.,
prov, strif fir. serân, nap. serena, rosée du soir, esp. serm^t garde
MÉLANGES éTYMOLOGIQj.lES * ïS^
nuit. Dîcz se demande comment le suffixe en, si rare en roman, pourrait
s'expliquer, et si peut-être un français serein pour serain (serânus) aurait
passé par emprunt d'abord en provençal, puis en espagnol. Selon moi
nous avons ici le lat. S€r7nits, dont le sens a été changé par une étymo-
logie populaire, parce qu'on y a vu, et très-naturellement, un dérivé de
sera. C'est ainsi que l'instinct populaire a dérivé Vesp, forense, forain, it.
forese, paysan, de /or^j conservé en roman, tandis que le lat, fortnsk
vient à^ forum perdu en roman.
SORTI RE.
Dans le sens de cxfr^, d'après Ménage et Frisch de *siirrecùrej dériva-
tion approuvée par Diez et Littré ; cependant le dernier admet comme
possible aussi que sortir soit tin doublet de sourdre (surgere), v. fr. et
portugais surdir. H est vrai qu'on trouve parfois après les liquides comme
après les nasales une certaine hésitation entre forte et douce, ainsi d'une
pan marcotte, mergus, parcamin parchemin, pergam^num, Diez, Gram. H,
267, V. fr. estortre ou esioertre^ *étordre^ Chans. de Roi 59^, esp. norte
-= it,-fr. nord, drcen arger (agger), arciîla, argilla» — d'autre pan esp*
mûrga, amurca, v. esp. huer go, orcus, ît. spdda = speiîa, spâldo = vén.
spailo, Baldasdrre, Balthasar, etc. Toutefois estorire, le seul véritable
analogue français du cas en question, n'est qu'un phénomène sporadique
qui a fini par disparaître, A part l'hésitation de quelques cas que je viens
de constater, la vraie tendance du roman est de changer la forte en
douce, comme celle du haut allemand de changer la douce en forte :
sardir de sortir serait plus nature! que le contraire. Cette provenance
plus régulière, on l'obtient en modifiant légèrement l'étymologie de Diez.
Sartir est formé, non de surrectus^ mais de l'ancien sortiis : « ^urregit et
sortus antiqui ponebanl pro surrexit et ejus partiel pio, quasi sit surrectus^
quibus L, Livius [Andronicus] fréquenter usus est » Festus 297, éd.
Wuller, cité par Schuchardt , V^oL H, 1 78. Schuchardt compare avec raison
l'italien sorio. Ainsi le participe vulgaire sorîus, sortols], a coexisté de
lout temps avec stirrecius. Ct aussi Titalien insorto^ insurgé. Il est vrai
que sortir e en italien est considéré par plusieurs comme gallicisme, le
vrai mot étant nsdre\ cependant sorîire se trouve déjà chez Fra Guittone.
Tandis qu'en français sortir l'a emporté sur issir^ c'est en italien usure
qtiî a été préféré à sortire. Il est vrai aussi qu'en prov. et v, fr. le parti-
cipe passé est sots et non sort, mais que sort ait existé aussi, du moins
antérieurement, cela ne souffre point de doute, puisque larrffiui tv sortus
existent en latin et en italien La transition du sens de « surgere » à
celui de cr exire *> ne fait pas de difficulté. Une analogie parfaite nous
e$i offerte par l'espagnol salir, sortir, vis-à-vis de l'ital. satire , monter,
184 J. STORM
tandis que le français saillir (sauter en avant) est le terme moyen entre
le sens espagnol et celui du latin salirc (sauter) .
M, Rœnsch, Jahrbuch, XÎV, 175, dérive iorf/re de exôrtus. Je ne mé-
connais pas ce que cette étymologie a d'ingénieux, mais je crois la mienne
plus simple et tirée d'un élément plus populaire.
M. Bœhmer, Jalirbuch, X, 200, explique sorîtr de 'sivoritu.
sosECAR, esp.
Calmer, tranquilliser, sosiego, calme, eic, Diez propose avec hésitation
sos-igitar comme d'un latin siih-ac^uare, aplanir doucement- Cette
étymolûgie me parait trop recherchée quant au sens. Quand on pense
que la signification de sosegar est identique à celle du latin s^dare, on est
induit à chercher Tétymologie dans un latin mbieàicau ou plutôt subsèdi-
care qui a pu être le causalif de substâere dans le sens conservé par l'an-
glais subside f se rasseoir, baisser, se calmer. La forme espagnole serait
tout à fait analogue à vengar de vendicare, comp- aussi le prov. fasligar
ât fastidicare ^ Diez, Qram. 11^ 398, Si l'on songe à juzgar de judicare^
on croirait possible une forme sosezgtir; mais si une forme pareille eût
existé, elle aurait probablement été changée tout de suite par dissimilaUon
(en soitgiur) à cause des deux s qui précèdent. — Je vois que Cabrera
tire sosegar directement de sabsidcre^ ce qui est inadmissible.
SOURNOIS,
prov. soTrif sombre, obscur, v. fr* sorne, crépuscule. Diez a pensé
d'abord au kymr. swrndchj gronder, grommeler, mais cette étyraologie
n*esi pas satisfaisante pour le sens. Puis en rapprochant le piém. saturno,
sarde saturnu, esp. et Horemin saiurnino, etc., ^ sournois» il dérive ces
formes de taciturnas, origine pour lui évidente. Scheler, tout en pensant
à une contraction de sourdinois, ajoute : a Les formes italiennes citées,
avec le terme saturn^ ne viendraient-elles pas de Saturnus, ce dieu ayant
été considéré comme causant Thumeur sombre et la tristesse ? Le prov,
sorn, le v.fr. iorne, se prêtent également à cette étymologie. ») Je crois que
c'est là la vraie étymologie, seulement je dirais : de Saturnus, comme
représentant la planète d'influence funeste, et opposé à Jupiter, d'où
joml, comme me fait observer M, Bugge. Il serait impossible d'expliquer
avec Diez le tlorentin saîarnino de taciturnus ou îaciturnlnus. Je suis
confirmé dans celle opinion par l'anglais saturnine^ sombre, morne, ce
qui en français du xvr siècle se disait saturnien 1 Littré]. Le v. fr. sarnt
est pour *sddorne, *soorne à peu près comme rogner, y, fr. rooigniTj pr.
redonhar de rotundiare : toutes ces contractions ne s'accomplissent pas
à une seule et même époque ; quelques mots offrent de bonne heure
une forme qu'on dirait moderne. Comme en prov, la chute de f est rare»
MÉLANGES ÉTYMOLOCÏQUES î$i
peut que sorn ait été emprunté à la langue d*oil où le primitif de
,«our/ioLs, à savoir *sorn£ adj. a dû exister. L'italien susornione, générale-
TTient abrégé en sornione, personne sournoise, c« chi tenga in se i suoi
P^nsieri ne si lasci intendere »>, vient probablement de 1-anc. It. suscf"
niarc, murmurer, qui doit être un proche parent de sustirrare, bien que
1^ ne me rende pas bien compte de Vn, Si belle que soit l'explication de
Oiex du mot sorna qui en argot espagnol signifie la nuit, par iadtarna,
We oflfre de trop grandes difficultés phonétiques pour pouvoir être
acceptée. Ce sorna de la Ger mania ^ et le v, fr* sorne, crépuscule, rap-
pellent la sorgm^tn argot parisien = la nuit, employé par Victor Hugo
<ians Les Misérables. Il est vrai qull n^y a pas de passage régulier de n
* gt mais les argots sont un peu « hors la Loi »> : ils s'altèrent de jour
en jour peur continuer d'être incompréhensibles, et peuvent admettre
des corruptions extraordinaires.
TERTULIA, esp.
Club, réunion, petite réunion d'amis, soirée. Ce mot manque dans
Cabrera, Monlau, Diez. Tertùlia est peut-être pour Uersttdia et celui-ci
P^^ï* 'irasîulia^ aîlié ou emprunté à Tital. îrastulh, passe*temps, entretien
'^€î, Ua)f et changé comme Tesp. (erliz =z Tital. tTâikcio. S est tombé
entre deux consonnes à peu près comme dans fr. bifteck (ang. beef-sUak))
^^ poltro (ail. bolster).
Tosco, esp.» port.
*' Rude, grossier, se dit des choses et des personnes ; dVigine inconnue.
^* Pebrer l'emploie aussi en bonne part, appelant une troupe de guerriers
U^\^Unia eTOSCA» str, 97 »* Diez Mb. Je propose de tirer losco de
làrtico^ Uhyrsïcus, dérivé de îhyrsus, vulg. tursus, torse, esp. îrozOj etc.
égayant le sens de « tronqué, obtus, »> de là «grossier. » Pour la forme,
^oico viendrait de tôrsico comme Pital. pcsca de pérsica^ syncope semblable
Scelle de Tesp. masco de mdstko. On aurait pu s'attendre à tozgo ou
*wgo comme rasgo, aricsgo, cf. aibérchigo, tésigo; mais îôrslcOf vulg.
meco est devenu d'abord 'tosseco^ comme arsus *os5o d*où oso; et cet
"^ protégé Cf comme Va protégé ss de sî dans masco; d'ailleurs il y a
peut-être eu différenciation de tâsiga, toxicum. Quant à la formation de
^otre mot, Dîez dit, il est vrai, que le suffixe ïcus n'admet pas de nou-
velles formations d'adjectif excepté des gentilia ti foresticus , pr. fonsgue;
P^^rtant on a p, e. en espagnol cénifko, central; on peut objecter que
test peut-être là one formation récente et savante. Mais en italien, il y
^P^ e. cappônka et le v. it« culko; puis on a des exemples indubitables
^^ substantifs dont plusieurs som à Torigine des adjectifs, comme lit.
(otiC4^ couenne, pr. auca, it. oca oie, de aoka. Enfin it faut tenir compte
t. Influencé par morgue? S. Bugge.
|86 J* STORM
des nombreuses formations en êgo, légo qui n*est que la forme populaire de
ïcus romanisée par l'accenluaiîon, ainsi que écca en italien. Il faut donc
dire que ïcus est un suffixe productif en roman, qu'ordinairement il
prend la forme accentyée éco, égo^ mais qu'il y a quelques restes de la
phase antérieure. En Espagne^ surtout, cette désinence a été favorisée
dès ies premiers temps : c'est ce que prouvent les noms latins Majorîca^
M'morïca (aujourd'hui Matlorca = Mayorca et Menorca) cités par Schu-
chardt, Vok. H, 279 n.^ où il est prouvé que ce suffixe est encore plus
fréquent dans le latin africain. On peut ^mter Salmantica devenu aujour-
d'hui Salamanca\ pour Simancas on trouve Septimanca dans l'itinéraire
d*Amonin incité par Cabrera), mais la forme primitive a dû être *Septi~
manicd formé de septimanus, — L*esp. îoiho, grossier, rustre, s. pièce
de bois ronde, gaule, semble être une forme parallèle, en v. esp. iozo,
Cl tocho, lonto, fatuo, 2 como en nmaïado por nmachado » Sanchez;
îozo est plutôt la forme primitive; il rappelle l'arag* îozo^ adj., rabougri,
nain, toza^ bout, tronc, toiar, frapper des cornes, heurter, u de titnms,
broyé, » Diez; c'est plutôt le sens de (^ obtus, tronqué, » qu'il fallait :
il faudrait donc recourir à obîumus^ mais il est plus simple d'expliquer
tous ces mots de thyrsus, torso, comme Diez lui-même explique l'ital,
tosoy pr. los, V, fr, tosd, garçon^ originairement <f petit bout, tronçon. »
A tocfiûj îozo il faut encore comparer Pesp. tosa, poutre équarrie, qui
rappelle le sens de tocho cité plus haut. A Tarag. tozar il faut comparer
le castillan retozar, lascivire, folâtrer, <t saîtar, brincar, jugnetear de
alegria » ; retozo « el salto 6 brinco que da el animal cuando esta
alegre >» ; sens bien éloigné de celui de retimsus. — Diez se demande si
/ocAo est identique à TitaK Wzio, trapu, morceau. îl est plus sûr de
séparer les deux mots, tant qu'on ne connaît pas avec certitude Pétymo-
logiedu mot italien.
TRINCHETTO, it.,
esp* îrinquîte, cal, îriqatîy ir. trinquet, mât de misaine des bâtiments
gréés en voiles triangulaires. « Mûller cite le l. ïriquetrus « Schelcr.
J'avais pensé à la même étymologie avant de consulter Scheler. Trique-
tms, triangulaire, a donné d'abord triqudo, tnketîo, par dissimilation,
ensuite trinkeitô^ par nasalisation, phénomène fréquent devant les guttu-
rales, cf, esp. hincar — it- Jiccare.
L'esp. înnqaeîc ne vient pas de trinca, irinité» ni celui-ci de trinitaSt
mais on a pris trinketto, trinkete pour un diminutif dont on a construit un
nouveau primitif Urinco^ trinca, proprement un triangle, puis un assem-
blage de trois choses'.
I, Selon M. Buggc plutôt de 'tr'inka [formé comme unicus de urnisL ce qui
Cit pcui-êtrc plus probable, puisque le sens de triangle n*esl pas démontré
pour trmcâ.
MÉLANGES ÉTYMOLOGIQUES
187
VASTAGO.
^^ Rejeton, pousse d'un arbre, u d'origine incertaine » Diez* Peut-être
du goth. yahstus, croissance. On sait quil y a beaucoup de dérivés en ago
(proparox.) de formation récente. Il y a beaucoup d'exemples de suffixes
romans attachés à des racines germaniques : wambais, borino, giulivo,
gmime. Enfin v du goth. v = w comme dans mguido, Diez Ub,
VILUPPO, VILUPPARE,
«« Forme ancienne j'o/upparc, v. esp. volopar, v. fr. l'o/f/ïÈr, envelopper;
fi rapproché que semble yolutan, il est gramraaiicalement impossible de
identifier avec ce mot. » Cependant il semble matérielîement impossible
de séparer ces deux mots, du moins quant à la racine; le sens est presque
identique; quant à la forme il n'y a que p qui fasse difficulté. Je propose
sous toutes les réserves Thypothèse suivante. Voluppan dérive non
directement de volûlare, mais de *voluîuare formé comme fluctwzre^
iiestuare, flatuare (prov. flaatar], Volutarc et *volutaare seraient des formes
parallèles, à peu près comme aciarias et actmnus\ seulement actariiis
est plus jeune, volutarc plus ancien que la forme parallèle. Ce volutuare
est devenu voluppare par une transition sporadique qui se trouve dans
fipilA de pitmia, Diez I ; transition analogue â celle de da (dv) en b dans
hts^ Mium. Ud^mpipita on peut voir une espèce d'assimilation : la Iran-
silion irrégulière en p a été aidée par le p précédent* Peut-être v dans
'vQhtiiàn a-t-il pu exercer une influence semblable ?
Celte transition aurait-elle des analogies? M, Schneller en donne
beaucoup d'exemples ^ mais aucun ne me satisfait.
VIRARE.
Diez rejetant létymologie de gyrare propose le lat. viria^ bracelet, d'où
V. fr. vin, it. viera, anneau. Je ne conteste point cette dérivation du
substantif roman, mais pour le verbe je propose le fat. vibrare comme
étymologie principale, peut-être influencée par vlna. Le sens est un peu
changé, mais la transition de Tidée ne laisse pas d'être naturelle. Vibrarc
hâîtam est i*' agiter la lance, 2** ta lancer. Or vibrer, brandir une lance
est le plus souvent la faire tournoyer ou virer. Cf. angl. s^ving, brandir,
swinga ship^ faire tourner un navire. Or le virement n'est qu'un tour
pardel, comparez les expressions tourner et virer ^ tournevirer^ d'où le
substantif iournevirt. Pour ce qui est de la forme, vtrare est venu de
vibrare^ comme Tiial, lira de iibta. Forme différenciée vimbrart^ forer,
Hom, in, 1 50.
l88 J. STORM
ZARANDA, esp.,
port, ciranday crible, tamis, sas; c Pétymol. est encore à trouver i> Diez
11^. Je crois y voir un latin cernenàdj comp. cribrum de la même radne.
On aura dit d'abord cernenda, se. grana^ comme on dit encore en esp.
moUenda, du grain à moudre; ensuite on l'aura dit de i'instramem em-
ployé, à peu près comme on dit en ital. filanda, du lieu où r<Hi file. Le
premier n est tombé par dissimilation ; e devant n est devenu a comme
dans resplandeccTy milmandro de milimendrum, cf. Alicante = Lucentum..
A pour e devant r est connu. Zarandar, zarandear^ secouer, comme le
prov. mod. barounta, — On dit encore en esp. cerner cribler.
Joh. Storm.
Christiania, juin-septembre 1875.
VOCABULAIRE
DU PATOIS DU PAYS MESSIN
COMPLÉMFNT.
J'ai publié dans le tome II de la Romania le Vocabulaire du patois de
Rémilly (pays messin). J'ai eu depuis l'occasion de le compléter et aussi
de recueillir quelques renseignements sur le patois de Woippy (près
Metz) et sur celui de Landroff (près Faulquemont). Le petit travail qui
suit contient le résultat de mes nouvelles recherches '.
On y trouvera :
i^ L'exposition des différences principales qui distinguent le parler de
Woippy et le parler de Landroff de celui de Rémilly >.
2*" Un vocabulaire comprenant les mots de Rémilly omis dans ma
première liste, et un cenain nombre de motl usités à Woippy ou à Lan-
droff.
j^ Des spécimens de conjugaison.
Je reproduis ici, avec quelques modifications nécessitées par une étude
plus minutieuse des faits de phonétique, la clef de l'orthographe que j'ai
adoptée.
VOYELLES.
a est une voyelle brève dont le son est intermédiaire entre ^ et o fran-
çais.
fl est une voyelle dont le son est intermédiaire entre a et ^ ou ^ fran-
çais. C'est Va du persan moderne tel qu'il se prononce dans
1. M. Nicolas Butin, de Rémilly; MM. Auguste, Félix et Emile Gandar, de
Flocourt, ont bien voulu m'aider pour ce oui concerne le patois de Rémilly et
des environs immédiats. Tout ce qui est relatif au patois de Landroff m'a été
communiqué par M. Eugène Pougnet, de Landroff.
2. Les villages qui, à ma connaissance, parlent le même patois qu'à Rémilly
(en pat. Rhmli) sont : Béchy (Bihi), Luppy [Upi), Flocourt (Fiôco), Aubecourt
(ôéca), Adaincourt {Adtco), Vittoncourt (Vitôco)^ Voimhaut {Uèmhé), Chanville
{Hhàyèl\ Ancerville {àsrivïV), Lemud (Vmà), Sorbey (Sarbc), Dain-en-Saulnois
190 E. ROLLAND
pédar (père], dah (dix), man (je, moi), dans les désinences parti-
cipiales "ta, -ddy etc. Je dois cette observation à M. Stanislas -
Guyardi.
J'ajouterai que cet à me semble être celui que l'on entend dans
le bêlement des moutons (qu'on pourrait très-bien rendre par bà
ou ma) ; mais le son en est moins prolongé.
é se prononce comme en français dans les mots liiy cidi, bAè^blé.
è se prononce comme e français dans les mots cerf, tel, sujet j sujette,
bec, renne.
i se prononce comme en français. Ce son se rencontre rarement.
é se prononce, même quand il est final, comme e français dans chemin,
demain, besoin, je, me, te, se.
i a la même valeur qu'en français.
0 se prononce comme dans les mots français croquer ^ police.
u=zou français.
ii^:^ u firançais. En patois messin, il est généralement long.
7, 0 es t, ô français.
U est la longue de s (= ou).
ô se prononce comme eu français dans peu, ceux, ijuiue, mcrfeux.
à,î,d = an, in^ on.
â représente â long firançais. Il est connu à Woippy et à Landroff,
mais pas à Rémilly^.
SEMI-VOYELLES.
Devant une voyelle, les lettres i et u ont la valeur de semi-voyelles;
/ == j allemand et u = h^ anglais.
DIPHTHONGUES.
ou dans cette diphthongue Vu se perçoit à peine.
au cette diphthongue se prononce comme en provençal.
èy^ se prononce comme ay' dans les mots français paye, rayon.
ay et ày* se prononcent comme ay dans Bayonne (sauf la valeur de Va).
oy* se prononce comme oy^ dans goyave, boyard.
[l mouillée n'existe pas dans le patois de Rémilly, par conséquent les
syllabes ail, aill, oil, oill, uil, uill, èil, èill, etc., qui se trouvent
dans la première partie de mon travail [Romania 1873) doivent
être remplacées par ay, oy, uy, èy, etc.)
1 . Voir sur la pronondation de cet a en persan Polak, Persien, Dos Land
und seine Bewohner, Leipzig 1865, t. I, p. viij.
2. C'est par erreur que j'ai dans mon premier travail donné â comme appar-
tenant au pat. de Rémilly.
VOCABULAIRE DU PATOIS MESSIN
JÇ»!
CONSONNES.
I cAj ^f i* h '• '"« ^> py ^r *'i >i 2^ ont la même valeur qu'en français.
a partout la valeur de k,
a parîout la valeur gutturale de gu français,
est toujours aspirée.
f est une h très-aspirée, se prononçant comme le hha arabe. On Tob-
tient en essayant de prononcer deux h consécutives ; hh très-
aspirée se distingue très-bien de h simplement aspirée quand elle
est initiale. Au contraire quand h ou hh se trouvent entre deux
voyelles, après une consonne, ou à la fin des mots, il est difficile
de savoir auquel des deux sons aspirés on a affaire. La règle que
je me suis imposée d'écrire hh après une consonne ou â la ïm
d'un mot, et h entre deux voyelles ne répond à rien d*absolu *.
n ^=: gn, comme en espagnoi.
représente une résonnance nasale, correspondant à Tanusvâra sans-
crit, résonnance analogue à celle que font entendre les méridio-
naux dans aman, les Anglais dans muîîoti.
2 partout la valeur de ç, ss,
ABRÉVIATIONS.
m. — masculin.
L = féminin,
plur. = pluriel.
prov. = proverbialement, proverbe,
L. = Landroff,
W. -= Woippy.
R. — Rémilîy.
r>ans le vocabulaire, tout mot non suivi de W. ou de L. appartient au
Patois de R-
Différenca tntre le patois de Woippy et ctiui de Rémilly,
VOYELLES.
a de R. n'existe pas à W, Partout où l'on trouve <i à R., on trouve o
^ >JV. Ex. :
R. W. Franc,
av* oy' oui
afâ ojà enfant
I . Je crois, en orthographiant ainsi, rendre assez exactement la prononciation
yibitudlc de Taspirée h. Toutefois cette dernière varie selon les mots et selon
W ifidividas qui parlent.
192
B. ROLLAND
R.
W.
Franc.
ba
bo
crapaud
chaaaf
chouof
chouette
graP
groV
grêle
^atô
s*oto
c'était
fa
Vo
il est
oui
ouè
avoir
s'épayë
s'époye
S de R. n'existe pas à W. Il est remplacé par l'a
long français.
R.
W.
Franc.
àtriy'
âtrèy'
cimetière
èmày'
imây'
aimée
âdié
Mé
aider
brSf
bràf
pleurer
chà
châ
viande
bâsil' .
baser
fille
cttàl
cuàl
caille
j'à
Ta
j'ai
ï de R. est représenté à W. par «, i et i. Ex. :
lo è se trouve dans les deux patois
R.
•W.
Franc.
bréhh
bréch
brosse
cric
crée
cruche
cïmé
cïmé
2** é est représenté par è.
écumer
R.
W.
Franc.
fi
n
fils
fiy'
nr
fille •
àtér
àtèr
entre
b'érà
bèrâ
bélier
bëyàr
bèyâr
verrat
/fié
d*fiè
3° é est représenté par é.
dehors
R.
W.
Franc.
bozrë
bozré
barbouiller
chîjï
chîjé
changer
brîjé
brîjé
hameçon
ré
Vé
il a
Les infinitif et les participes passés terminés en c
à R. sont tous ter-
minés en ^ à W.
CONSONNES.
hh ou /i de R.
est régulièrement représeniéeà W.
par ch. Ex. :
VOCABULAIRE DU PATOIS MESSIN 19^
R. W. Franc.
hhûr chûr suivre ou sAr
hhala cholo noix
hho chô sourd
hhUih chich six
hhddiir^ chôâ'èf ortie
gihô gichô ^ garçon
con'hhii con*chû connu
céhh uch* cuisse
conahh conoch connaître
cohh côck court
jdhh fôch four
Exception. — Quand hh (ou h] de R. tient la place du son z, elle est
représentée par y à W.
R. W. Franc.
irithô èrtejô artison^ mite
cifhin' ciïjèn' cuisine
demhhal demjol servante
pciïhà fcûjà nous cuisons
ïriôhô môjô maison
dihh dij dix
àhié njié aisé
Autre exception. — On trouve encore / de W. = ^ de R. dans les
mots:
R. W. Franc.
dàhh dixj dur
miihh mùj mur
Différences entre le patois de Landroffet celui de Rémilly.
VOYELLES.
d de R. est généralement représenté à L. par 2 (= <) long française
Exemples:
R.
L.
Franc.
bâsèP
bâsèV
fille
èmây'
émây'
aimée
piàhi
plShi
phûsir
rà
y'a
j'ai
jëfà
je fa
je fois
gravie
grlvis'
écrevisse.
è de R. est souvent représenté par ^ à L. Ex. :
R.
L.
Franc.
alôdrèP
érôdrél
hirondelle
Momania, V
13
194
R.
micérdi
pètëré
uèré
E. ROLLAND
L.
émi
léf
mécfédi
pétiïré
uéré
Franc,
ami
elle
mercredi
pàtureau
taureau
ë de R. est tantôt conservé à L., tantôt représenté par / ou par 9. Ei
R. W.
r'ép'é r'épsé
smf sévir'
m'éy te më, té
fie fié
béyâr biyâr
énô inô
trëcaf iricat*
ciûa cina
réséné résine
liéf liôf
séc soc
créy* crôf
étéy' étoy*
é qui termine presque tous les infinitifs et les participes passés à
est remplacé à L. soit par é, soit par /. Ex.
R. L.
framé framé
trévé trové
haué haué
cayé cayi
càyé câni
bèyé bèyi
fôché fôchi
chîjé chïji
0 de R. est souvent représenté par a à L
R. L.
cozi" cuzi-
poy puf
soti suti
cor cur
ovri uvri
û de R. est souvent représenté par ô à L.
R. L. Franc.
cûn côn corne
Franc,
roter
civière
moi, toi
dehors
verrat
oignon
jarretière
petit coin
souper une seconde i
lièvre
sucre
craie
outil
Franc,
fermer, fermé
trouver, trouvé
piocher, pioché
secouer, secoué
loucher, louché
donner, donné
ftcher, ftché
changer, changé
Franc,
cousin
poule
à la maison
courir
ouvrir
^^^^^ VOCABULAIRE DU
PATOiS MESSIN ^^^^^^^^^H
^Ê
L.
Franc. ^^H
■
pô
^H
^B fûn
Un
tige (de pomme de terre) ^^H
^B
hâté
^^H
^B
flôch
horloge ^^H
^B
rdt'é
^^M
^^^filr
for
fort ^^^H
CONSONNES,
^^^1
f / de R, est souvent remplacé à L.
par cA, à la fin d'un mot. ^^^
^H R.
L.
^^H
^m
rtôck
horloge ^^H
^B iii<;n^*
méfjécfi
f
^^1
^H mèriéj
mériéch
mariage ^^H
^P moff/'
mmtàch
culture mélangée ^^H
/ précédé d'une consonne s*est maintenu à L. tandis qu'à R. il s*est ^^H
changé en L Ex.
^^^B
R,
L.
^^H
te )f^K
flôn
conte ^^H
^K
pliir
pleuvoir ^^^|
^V
fl'ûta
^^H
^H z''^^'
plâhi
^^H
■
bla
blet ^H
^■^ ^ioc
Moc
^^B
p
VOCABULAÏRE.
B
»
âchiché,
âchècM'e mettre en sac. ^^H
^i'auf débraillé, mal vêtu.
àchës^né
chauler (le blé). ^H
^tfarjt disjoint, qui a des fentes.
âcocomiô àsan' {éV\ être bien en- ^^H
^^^g*ni' embarrasser.
semble, faire bande à pan, être ^^B
^i^ihh r, récipient quelconque* A
compé
tes et compagnons. ^^B
f^lénois, près W. âbah^
panier
âcrMtU entrelacé. ^^|
irèa-profond.
àcntôi' f
^^H
j ^^^rlodc éperdu, effarouché
, qui ne
àcTohié ,
àcnbie enmèler idu fil, ^^H
sait plus ce qu'ii fait.
etc.)
^^^^Ê
^^r^Uù, ûbrauo embarrassé.
âcuàhié (s'I s'accroupir, se baisser. ^^^^H
"^^^asu qui ne vient pas à maturité
ûciiniï entasser, presser fortement, ^^^^|
^ (sediidubléK
serrer
fortement (de la pâte, de ^^H
1 ^f^k difforme des jambes.
la terre, etc.) ^^H
^cfe* a Ci jusqu'à ce que.
âfèmt affamer^ être affamé. ^^H
Lfr*'
On dit prov. / vo mu far i but ^^^Ê
^.
■
^^^^^ ^^^^ ^
^^^^^^ r^pè ce d^ân^ aimé du$^ = il
âiddè [et] avoir mal aux reins,
^^^^^H vaut mieux faire un bon repas
avoir une courbature, avoir un
^^^^H que d'en faire deux où Ton ne
tour de reins.
^^^^^P mange pas
âht' t., éclair, foudre ; à W. àluf.
^ âférnâhîc pressé, empressé, qui
âliinc maniaque, qui a des lubies,
^^^^^^ veut faire son ouvrage trop vite.
à moitié fou; à W. âliiné.
^^^H A W. âfèrnâjié.
àm* defèhh f., menu bois que Ton
^^^^^ âfctné, âfeîme envenimer, empirer
met au milieu d*un fagot. *
^^^B (par exemple un mal).
âmenuatày^ f., se dit d'une fille qui
^^^H âgô m., graisse pour les voitures.
a été gâtée, choyée par ses pa-
^^^B âgôgrié invétéré, empiré (en par-
rents.
^^^H lant d'un mal).
âmi au milieu.
^^H âhâb'é enjamber, faire de grands
amlèf f., omelette ; à W. èmlet\
^^M
âmohic amorcer, enjôler. ^^
âmohiti m., enjôleur. ^^M
^^^M àhâic embarrassé, embourbé (se dit
^^^1 d'une voiture qui ne peut plus
ânarmâ entièrement.
^^^1 avancer). A W. âhoté.
ânohh m. , individu dont on ne peut
^^H àhèfû f., semaine dy blé.
se débarrasser, importun.
^^^H àkèrhél'c effaroucher, disputer.
ânovrc qui a du travail à faire , qui
^^^H âhcric ahuri.
est occupé.
^^^H âkévlé qui a les cheveux ébourriifés.
âpaum m., épouvamail; à W.
^^^B ahlwc ourler. A W. ochné.
dpoiîtd.
^^^M âhhtn m., imbécile, maladroit.
âpélé enflammer, faire fiambcr; à
^^^B ahiô m., noyau. L. A W. on dit :
W, àpélé.
^^^H
âpôlè qui a l*épaule démise.
^^H àkôché flanquer une pile à quel-
âpoyc chargé de fruits (se dit des
^^^H qu'un ^ le rosser. W,
arbres ; se dit aussi d'un pré bien
^^^1 àjalé geler (verbe transitif.
garni d'herbe .
^^^B âjé communiquer la contagion à
âprcm maintenant, à cette heure*
^^^H quelqu'un (verbe transitif) .
L. W.
^^^1 âjhîe qui a des crampes dans les
âpuéz^ f., gaude, herbe dont on se
^^H jambes (se dit des cochons).
sert pour durcir la toile d'un lit
^^M alcofl, alcôve. R., W.
de manière à ce que ta plume ne
^^1 aU-giès* f., alun; à W. olhgièi\
passe pas à travers.
^^^M aîivaf f., chose de peu dimpor-
àr dôjo m., aurore ; à W. âr dâja.
^^^1 tance, niaiserie.
arâ ! allons î en avant ! mol usité à
^^^1 almcfi' f., lame de couteau. A
Château-Salins.
^^^^^^ Sanry, près R., on dît armèn\
arma m., poitrail du cheval.
^^^^^1 A R. on dit prov. quand un in-
armonèc f., almanach ; à W. èrmo^
^^^^1 dividu a fait un mauvais marché.
nec, f.
^^^1 un échange désavantageux : iV
ârode enrouler, entortiller, entre-
^^^H chije suçoté po en* almèâ' — il a
lacer.
^^H changé son couteau pour une
âsif, âsJv' f., gencive ; à W. âsJv\
^^^^^ lame de couteau.
âsoy^ m., imbécile, étourdi.
^^^^ VOCABULAIRE 01
PATOrS MESSIN J97 ^^M
ifoarec, ito me, avec moi. Mot
bat ôz m* même sens. ^^|
usité à Hcmy,
hâté m., grabat, mauvais lit; à W. ^^|
im' f , commencemem (d'un ré-
^H
cit).
bâuâ m., garde champêtre. L. ^^H
âtripe embarrassé, entravé. Se dît
bauaf {., roquet, petit chien qui ^^H
d*un cheval pris dans ses traits.
n'est bon qu'à aboyer. ^^H
itrimolé empêtré, entremêlé. W.
baya m., ulcère, bouton à la tête, ^^B
âtnpoyc entortillé, emmêlé.
On dit prov, i se rdras' corn i pii ^^H
ûîune assourdir, ennuyer par du
su i bayô d'un individu qui fait ^^H
bruit» des paroles ; à W. âtiiné.
le ^H
qui a perdu la tête (pour avoir
bécày' Cén'} un peu, une petite part, ^^M
buf.
une miette. ^^H
àtiW t, prétexte, mensonge*
bccré m., pointe du soulier; à W. ^^M
^M
B
bêchîé m., vaisselle, armoire oi^ ^^H
hûbré m., gamin ; à W. bobré.
l'on met la vaisselle ; à W. béch- ^^^Ê
hâc m,, banc. R. W.
té^ récipient quelconque, ^^H
kcduém,, têtard de grenouille : à
bèdèl' t, cheville de fer qui règle ^^H
W. bricAué.
une charrue. ^^H
b^^iy'f.» belette» L.; à W. boeoi
bedén* f , oseille sauvage. ^^H
huit limer : se dit d'une cloche qu'on
bidii peut-être. ^^H
sonne seule d'une manière con-
bèg*nof f., cuiller en bois pour ^^H
tinue, par ex. pour un incendie;
faire les confitures. W. ^^H
à W. bocé.
béhèn' f., attache pour les vaches. ^^H
tac/ boiter. L.
héhhli tousser; i béfuV il tousse ; à ^^H
hiciâ m.» bûcheron ; à W. hociu.
W. bèhôîé, tousser. ^^H
fcnoîîr* f., chambre avec de grandes
hclas* f. , coup, bosse à la tête. On ^^H
cheminées pour fumer le lard.
dit aussi bolas\ ^^H
bâdriâyt^ bande, troupe 'degens.
hémlr so se gâter (se dit du bois|. ^^^|
eic.].
bèrboze barbouiller ; à L. barbàzé. ^^H
hffâ m,, bègue.
bergaV \én] f., un brin, une miette, ^^H
*«gw bégayer ; à W. bogU,
un ^^1
Hk9 \ô] au grand air, en plein
bergay' m brëgày' (frti une miette, ^^M
vent; Nhh a d bàh^, la porte
un peu, un tantinet. ^^H
est au grand ouverte.
bërio m., selon les uns un petit co- ^^H
bàhùr" f., place où deux miches de
chon, selon d^autres un petit ^^H
pain se sont trouvées en contaa
bélier, ou un petit taureau. ^^H
dans le four ; à W. bajiir\
On ma assuré aussi que c'était ^^H
hârit taper, frapper, remuer conti-
un quelconque de ces trois ani- ^^|
nuellement se dit particulière-
maux quand il était petit et ché- ^^H
ment d'un cheval 1.
^M
tatô diàll exclamation signifiant :
bàlàsé Ué mato sô a) le bit caillé ^^H
va le promener î allons, bon !
n'est pas pris (ce qui arrive quand ^^H
patatra 1 etc.
îl fait très-chaud ou très-froid , ^^H
^^^H ^^^^^
^^^1 berlat' t, petite cloche, montre,
bich m . , berceau . W . ^^^|
^^^H horloge qui ne va pas; à W.
bichi baiser, embrasser. L. ^^H
^^^H
bichié bercer. W. '^^^
^^^H bcrié m M tamis pour la farme.
biosii m. , lieu oii l'on fait mûrir les
^^^H bèrténc gronder, grommeler.
fruits. W. M
^^^B berirtf î., bretelle.
bîrt.hïètc. R. L. I
^^^1 bértrèl' f., partie du cochon où Ton
biuraf t^ pluche, saleté qui s at- 1
^^^H a coupé le jambûn. R. W.
tache aux vêtements. ■
^^^H bertiir* {., huche au pain, coifre où
hlà bona m. , fille, femme. L. 1
^^^H l'on met la farine, le son, etc.
hlày' {dé] i. plur,, de la bouillie. ■
^^^H bef i, , écorce repliée en deux au
btcy' bleu. ■
^^^H moyen de chevilles de bois, dont
blof f., blouse. Ce mot est employé
^^^H se servent en guise de panier
à Vigy. Retonféy, etc.
^^^H les enfants pour aller chercher
bô Die m., tourniquet d'une voiture
^^^H les fraises*
de foin lainsi appelé parce quil
^^^H bètà grifir m., pie grièche, oiseau.
forme une croix). R. W.
^^^H bitis' f., petit lait de beurre ; à L.
bdd'été m. , fil de la Vierge, filandre,
^^V^
b&dé 0r m. , clématite àt^ haies. L.
^^^K Bctmi Barthélémy, prénom.
bùliihim,, genêt, plante.
^^H bètûr' r, bout du fléau. R, W.
boc ro., bouton à la lèvre.
^^^^H bévîiy f., écurie des bœufs.
hoc \fàr lé) bouder; m. à m, faire
^^^^B bénô m., grange aux dîmes. Ancien
les boucs.
^^^H terme dont on a conservé le sou-
bdcé viser, espionner, jeter un coup
^^^H
d'œil. ■
^^^H béyà ou b'éyâf m., mot injurieux
boclt^l, bouche. R. W. ■
^^^H employé par euphémisme au lieu
boche frapper. W. ■
^^^H du mot bcyar — verrat ; au lieu
bochô m., pone du four; à W. 1
^^^H d'être une injure, c'est presque
bdcho, m. f
^^^H un terme d'amitié.
bacsen f., espèce de salsifis sau-
^^^H h'éyi bouilli {part, passé).
vage dont on mange la raci ne crue .
^^^H b'tz^ ou bï'zdu f.| instrument en fer,
bocuP f,, espèce de longue poutre
^^^^^H contourné, assez long, qui $er~
au bout de laquelle il y a un
^^^^^1 vait autrefois de clef pour fermer
seau. Cet assemblage placé près
^ ou ouvrir les portes extérieure-
d'un puits sert à tirer de l'eau;
^^^H
pour cela on fait basculer la
^^^H bèiuaic faire petite besogne.
poutre. La veille du jour de Pan,
^^^H bituatriy^ f., chose de peu de va-
au coup de minuit, on y suspend
^^^H leur; objet sans importance;
des rubans et des œufs. Le gar-
^^^H travail de peu d'importance.
çon qui est arrivé le premier
^^^V biàchrèy' f., blanchisserie.
pour cette opération est sûr de ■
^^^H bk i bùc tète bêche, en sens in-
se marier dans l'année. 1
^^H
bodé (l'a é) tu en as menti. H. W. 1
^^^H bicbostc qui est tète bêche, en sens
bodnur' f., tuyau servant à faire le 1
^^^H inverse. W.
boudin. 1
^1
^^F VOCABULAmE DU
PATOtS MESSIN 19C^ ^^^^
L bodré masc. plur., lait tourné.
brèzat' t, petite braise. ^^^|
^H bMlo m,, bûcheron. Mot usité à
bnzié toucher à tout, faire te tâtil- ^^H
^ Norroy.
ion, faire du mauvais ouvragei ^^^H
bêlat^ f., baleine (de parapluie, de
s'occuper à des bêtises. ^^^|
crinoline).
bribu m., gueux, vagabond. On dit ^^H
bûtén' f. * hydrophile ou dytisque ,
prov,v/e chhu, vie brilm, ^^^M
insecte aquatique.
brihit m., instrument à une lame ^^^|
bolic se dépêcher.
pour rompre le chanvre; à L. ^^H
bôlu qui a les yeux chassieux ; au
^^^1
féminin bolUz\
briji rompre le chanvre avec la ^^^|
bosa m. , paquet de chanvre de re-
^^H
but que ion met sur la que-
hwhiô ou brébiâ m., bouton (à la ^^H
nouille.
6gure, à la peau). ^^^|
hii ni., étui du feucheun W,
brocha Ifàr h) se dit du mâle de ^^^|
^f., borne. R,W.
Foie qui fait le beau près de sa ^^^|
H hof à brîm., gâteau percé.
^B htitu qui a des boulons sur le corps.
femelle et par extension se dit ^^^|
des hommes et des femmes qui ^^^H
mk tn,, boutoir, instrument qui
font des manières. ^^^H
tert à ferrer les chevaux.
brôcht tremper un instant un linge ^^^|
bùfl, ampoule. W.
dans Teau et le retirer aussitôt. ^^^|
tejrfl m., bâillement.
brôdne bourdonner. ^^^|
%i>* f., cri, hurlement.
brua m., lataar à peine cuit (Voyez ^^^|
%£ crier, jeter des cris, hurler.
au mot làmar). ^^H
On dit d'un individu qui crie
brua m., boue. Ce mot n'est em- ^^^Ê
fort : 1 bdf corn m* èviii de pèda
ployé que dans le prov. agricole ^^^|
so batd.
^^^1
bSyè bâiller.
Bïéôpusa, ^^H
bdyu m., bâillon.
Auén 6 brua, ^^^H
brac r* instrument à deux lames
ce qui veut dire qu'on doit semef ^^^Ê
pour rompre le chanvre L. ; à
le blé dans un terrain meuble et ^^H
W. broy' t
sec, et l'avoine dans une terre ^^^|
brââôm,, repas de réjouissance à
bien humide. ^^^|
l'occasion d'un baptême.
bmâdén* f., quelque chose de mal ^^^|
bràyûV f. , ouverture du pantalon ;
accommodé^ de mauvais à man- ^^^|
volet des pantalons de l'ancien
R. W. ^^H
temps; à W; brayof f.
bnie presque brûlé. ^^^|
kèiif hhhh' m., chahô de devant
brusa m., os percé qu'on fait tour- ^^^|
d'une voiture (voy, le mol chahô].
ner avec bruit au moyen d'une ^^^|
krihum,^ gourmand.
double ficelle L. ; à W. briiyom. ^^H
brd* m,, odeur de brûlé. R. W.
briisie, brus* ne, brûsiaîé verbe em- ^^^|
hriicrnc toucher à tout, faire le ta-
ployé pour indiquer qu'il tombe ^^^|
tillon, s'occuper à des bêtises, à
une pluie fine. ^^^^
des riens.
budràf f., tâche que Ton se donne ^^^|
brété gêné.
d remplir ; bout d'ouvrage. ^^^|
^^^P 200 ROLLAKD ^^|
^^1 hué bon W.
Catich* Nicolas^ prénon. On dit 1
^^H buèya m., buveur W. ; à L. buéviL
aussi Lilich\ 1
^^^1 buhô cDm brusque, emponé.
calomé soldat de cavalerie. ^^J
^^^H bai m., buis, arbuste.
Caior Nicolas, prénom. ^^Ê
^^H but' t, feu de la Saint-Jean. On
cani loucher L. ^^|
^^^^^^ croit qu'un charbon ramassé
càpîis* f., poursuite, chasse. vH
^^^^^B dans ce feu et jeté dans un champ
câpasii poursuivre quelqu'un ; don-
^^^^^" d'oignonslesfaitdevenirénormes.
ner la chasse à quelqu'un.
^^^[^ bUlc s'écrouler, s'ébouler. On dit
cas' mïzé ro., gâteau fait avec des
^^^^^B d'une vache dont la matrice sort
quaniers de pomme. Selon d'au-
^^^P
très personnes, espèce de gâteau,
^^^V burach* L, bouchon de chiffons en
biscuit.
^^^H tiretaine qu'on allume pour faire
cam m., étui où l'on met la pierre
^^^H périr les abeilles dont on veut
à aiguiser la faux.
^^^1 prendre le mîe!«
ce ma. Je ne connais ces mots que
^^^B buri! buri! cris pour appeler les
dans le proverbe suivant : « u
^^H
lé bié dcmuèr ô châ^ léz auln* n*
^^^1 biis^ [le haày a â) se dit quand la
â pcy' ce ma »>, c. à d. si les blés
^^^^^^ lessive commence à sécher dans
restent aux champs, les avoines
^^^^^p le cuveau ; c'est alors le moment
nUn peuvent mais. Quand une tille
^^^^^^ d'y remettre de l'eau.
aînée ne se marie pas, cela ne
^^^H biiic m,^ mur circulaire qui entoure
doit pas empêcher la cadette de
^^H un puits*
se marier.
ccmras* f., écumoire.
^^^^H C {= K panout).
unie m., gâteau des rois, gâteau à
^^^^^ ai quand.
quatre coins.
^^^H ca encore ; à W. co.
cénié mettre dans un coin.
^^^H câbô ro., cambouis.
céniôP 1 1 rose trémière. flH
^^H càbé m,, mauvais produit. Ce mot
censé m., espèce de selle dont ^ff
^^^H sert d'injure.
se servait autrefois.
^^^H càhô m.j écuelle de bois.
c'épé cracher, W.
^^^1 câbrey* f., nuage qui annonce le
cèpèl f., sommet d'un arbre, d'un
^^^H beau temps. Un nuage qui an-
édifice.
^^^1 nonce ie mauvais temps s'appelle
ccpot* f-, crachat, salive, W.
^^^H le mô câbrey* f. (mots usités à
cèpsat' f., petite tète de chou, chou
^^H ^ Bacouni.
mal venu.
^^H Câcié caqueter r$e dit des poules
cëriaté prendre par petites cuille-
^^^H qui veulent pondrei.
rées ; à W. cerioté.
^^H caclijô coquelicot, L.; à W. coclijd.
cèsoV f., pot pour mettre le lait
^^H calihlès* L, éclat de rire.
après qu'il est passé, W.
^^^H caiboti- m., panier d'osier ou boite
cêvat" f. , petit cuveau de lessive à
^^H en carton à l'usage des coutu-
deux anses.
^^H
ccvcy'L, litière ; à W. cmy' f.
^^^^ caliV ti calotte, bonnet sans visière.
cevey' [i tè hôs) ou è le hdt) précipi-
^^^^^ VOCABULAIRE DU PATOIS MESSIN 2or ^^^
^1 Tatntnem, à la hâte, vite et mal.
servant à faire le boudin : mor- ^^H
dvu donner la litière ; ceviélé p'hhé
ceau de lard r6ti ; à W. dwuâé ^^^M
donner la litière aux cochons.
chè hcrâ m,, chouette, hibou. W ^^^|
ûy^baf r, quelque chose qui n*est
chècha m., petit sac. ^^|
ni solide ni liquide, fromage
chcchie chuchoter, ^^H
blanc*
chèfsèn^ f,, corde pour conduire ^^H
clyi)f'f,, clef de porte.
paitre les animaux; à W. cour- ^^H
tiyiy* t, cuiller; à L. ciyi L
roie pour attacher les chevaux à ^^H
ûyYi m., coin non nettoyé.
la mangeoire, ^^^|
cmsii remuer vigoureusement ; à
chcl f,, soif; mot usité à Hemy. ^^H
W. àzàm faire marcher, faire
chcmhaV t, chemise. ^^^^H
aller
chcmi- ai Si Jac m., voie lactée. ^^^^H
cnàto f aaivité.
chènc pleurer, pleurnicher; à Metz ^^^^H
cim chasser, pousser.
on dit: chigner {chifié). ^^^M
éâ \i) m,, un imbécile, un hans.
chèrây' t^ charretée, voiture ^^^1
ckàhcs^ m., synagogue.
^^^1
àacï exclamation pour indiquer
chcsâ gourmand, friand. On dit ^^H
qu'on s'est brûlé les doigts; à
j^rov. Châ bon' afà, ca Pa sô, i ^^H
W. choc !
n'a m chèsâ, c.-à-d. Jean est bon ^^H
thacé (101 se brûler (les doigts, etc.).
enfant, quand il est repu il n'est ^^H
châdol* i,, chandelle. Au plur.Ja
pas gourmand, ^^^|
fêle de ia Chandeleur. R. W.
chèy 'ri m . , céleri . ^^H
chafâ! ou 5a/ô/ mot d'enfants jouant
chiauti m . , cloutier . ^^|
à la cachette qui prévient celui
chic f., boule de pierre ou de terre ^^H
qui cherche que l'on est caché.
cuite dont tes enfants se servent ^^^|
àûgnnô m., individu difficile pour
pour ^^^1
la nourriture.
chici {se] secondaire ibîen ou malk ^^^1
chakô m., bois qui recouvre les
L. ; i s'é mô chici, il s'est mal ^^^B
eisieux, servant à maintenir les
conduit ; chicé-v, conduisez-vous ^^^|
clefe ou les bras d'une voiture.
^^H
Chala Charles, prénom.
c/r/r/'f., échelle, W. ^H
édiat t, fricassée de viande ha-
chô m.^ chou. On dit prov. sa cno ^^H
chée.
po joî\ c.'à'd. c'est chou pour ^^^|
chatàf f,, espèce de galette. L,
chou, c'est Ja même chose; joi* ^^^|
chant' m-, ossuaire, charnier; à
â aussi le sens de chou. ^^H
L. chanL
chô ; chof sourd ; sourde, W. ^^H
ckponié (so) se battre, se querel-
chôce su to ràvayix renchérir, exa- ^^^|
ler. W.
^^H
thûpoai' m-, cage en bois où Ton
chUn t, ortie, W. ^^H
met engraisser les volailles.
chôdrat* f,, marmite en fer blanc ^^^|
chaujâm,, pommier sauvage. C'est
dont on se sert pour porter à ^^H
probablement le mot sauvageon.
manger aux travailleurs des ^^H
chauo ou citaac loger, contenir.
^^H
chauô ra, plut., résidu du saindoux
chôfié souffler, W. ^^M
^^^^H^HI ^^^^^^1
^^^H cholthh m., appareil adapté à un
cQJié écosser des fèves, W* ^^Ê
^^^H tuyau de poêle pour faire cuire
cdha gitet. ^^Ê
^^H des pommes de terre.
côhh bande de lard. "^^|
^^H chôf sèri f*j chauve-souris, W.
cahie écorcher. ^H
^^H choué laver^ essuyer, W.
côlnt tourner autour du pot, iaifl^
^^H chUô m., essaim.
biner, s'amuser à des bagatelles.
^^H chu! exclamation pour indiquer
coltr m,, espèce de gilet ou de
^^H qu'on a froid. H. W. Se dit sur-
veste.
^^^1 tout quand on touche avec b
colii m., linge servant à passer le
^^H main quelque chose de si froid
lait que Ton vient de traire. R.W*
^^H qu'on est obligé de la retirer.
corn os a s effectivement, en effet,
^^H chvddrè m,, trépied pour meure le
c'est comme ça, comme de juste.
^^H tonneau à lessive.
comàs^ f., commencement, L.
^^H cfwôdr't m,, ce qui supporte les
cornu {so) se loger, se serrer, se
^^^B poutres d'une toiture.
caser.
^^H ciaclii m., clocher.
comiiz'f., affront.
^^H ciçJy L plur.» débris de vaisselle
coniy' f., blague, farce, moquerie.
^^H cassée, débris de poterie ; à W.
cônld qui a la consistance de la
^^M
corne ou du cuir.
^^H dimsû ou cémsit m. , régulateur
conioli,, cornouille, fiiiit.
^^H d'une charrue.
copél^ f., sommet ;'d*un arbre, etc.i
^^^1 ciipô m., crachat.
copia ât rmîT m., réceptacle de
^^H cièvof f., espèce de chaîne dont on
rhuile des anciennes lampes à
^^H se sert pour la charrue, W.
crémaillère.
^^H ciri / âri ! C' est par ces cris qu'on
côpâ m. y reste de bois brûlé, tison
^^H appelle les canards.
qui a déjà brûlé ; à W, cupô m.
^^H dôbosie éclabousser, L. ; à W. ciô-
coré; cordy^ bien portant; bien
^^H
partante.
^^H cnèp^ t plur.f boulettes de ferine,
cdrirst cïïrics flexible, actif, agile.
^^H de lait et d'œufs cuites dans
conô m., lait caillé cuit.
^^1
cariô m., ancienne bourse qui ser-
^^H cocat f. , casserolle.
vait de ceinture.
^^H cocaC f., rapporteuse, cancanière.
corndr qui n'entre pas facilement
^^B côccl f . . espèce de gâteau que font
ise dît d^une cheville ou de dous
^^H les
qui ne sont pas droits i.
^^H cocrô m., mite de la farine et du
cdra, côréy' m., terre forte, terre
^^H
argileuse, terre du sous-sol.
^^H côcsô m., imbécile.
coron' r, sommet d*un arbre, W.
^^^1 codcl (l'c itii è mt) il a été sous ma
coron' de Si Banar f., arc*en-ciel
^^^^^ coupe» sous ma direction, à mon
corponat' f., cime d'un arbre, etc.).
^^^1
côsiu m., conseilleur. On dit prov.
^^^^1 cotPli tordre une corde» une ficelle.
s n' a m U côsiu lé pm, ce ne
^^^^^ codô m., brassée de chanvre raffiné
sont pas les conseilleurs qui sont
^^^^H préparée pour la quenouille.
les payeurs.
i
. . 1
^^^^^^^^^ VOCABULAIRE DU
PATOrS MKS5ÏN 20?
cot\itf Si) cela n'y fait rieti, c'est
autrement dans la chambre où
égal, c'est indifférent. Ne con-
se tenait une veillée. En perce-
naissani pas Torigine de cette
vant celte odeur les femmes
locution, je ne sais comment
croyaient que leurs vêtements
Orthographier, Doit-on écrire
étaient brûlés par leur cova
m-$iccV en un seul mot r
ichaufferetie? ; à W. ccmiw.
mm,, coude, W.; à R. et à L.
crés {h) le creux ^d'un arbre par
iat
exempiei.
mr suivre de près, ne pas perdre
crmr f,, corps malingre; i n'é cHe
de vue.
cntur ou s*na ^in' crctur « il
(ùtri m,, coude.
n'a que la peau et les os; à W.
m L, queue» W.
enter.
md m., paquet de chiffons au bout
cri' cale dentelé.
d'une perche qui sert à retirer la
crkhâ ou cnpà qui a des nœuds ou
braise du four
des crampes dans les jambes
conas* i., constellation. Probable-
par suite du manque d'exercice
ment celle qu'on appelle en fran-
ise dit principalement des co-
çais le Poulailler.
chons que Ton ne son pasi.
cotnis (1 nicj un œuf gâté, pourri ;
cripà m., volaille qui a des crampes
à W. covis (i nie).
dans les pattes, malade des
mar m.» pièce de bois servant à
pattes.
charger d'autres grosses pièces.
Crisîô Christophe, prénom.
côziima presque, L.
crobé m., pièce de bois d*une roue.
aafay* f., coquille, écaille^ coque ;
crôcé attendre longtemps, faire le
à W, crâfoy\
pied de grue ; à W. crocé.
crakn),^ bourbier, fondrière, en-
CTôcc glousser^ se dit des dindons; ^^H
droit humide où l'on enfonce ; à
à W, cmé. ^^H
L. cnlii.
cros mcfiéy* f.^ échine du cochon, ^^H
ciâmèlf,, meurtrissure, blessure.
échine, L. W. ^^M
Udf f., crotte^ crête, croûte.
cîoyô ou grôyd m., petit champ, ^^H
crâtc dsii ou aàcé dsù ne plus vou-
sillon de peu d ^étendue. ^^H
loir d'une chose, en avoir assez,
criidk m., grand voite blanc que ^^H
renoncer à quelque chose ; à W,
les veuves en signe de deuil ^^H
crâté dsii.
ponent par-dessus leurs vête- ^^H
irità i'â y M reculé, j*ai renoncé.
ments et qui forme capuchon, ^^H
crûyèy f., crevasse.
Elles le portent pendant six se- ^^H
crMlat* t, espèce de petite prune
maines après la mort du mari, ^^H
noire.
seulement le dimanche pour aller ^^H
^ihu écraser ; croquer, avaler avec
à la messe; à W. ciirchè m.; les ^^H
bruit.
femmes le portent pendant trente ^^H
cfcmzii m. On appelait autrefois
jours le dimanche pour aller à la ^^^|
ainsi un paquet de chiffons en
^^H
tirelaine qu'on allumait et qu'on
cfiihaf L, alphabet ; â W. cru^oC ^^^k
fourrait par dessous la porte ou
C'si- m., coussin ; à W. cai- . ^^H
^^H 104 ^^
^^H cû à^chh m., fruit de l'églantier;
dâ d*€hh m., chiendent, R. L.
^^H à L. signifie nè^e.
dà d'ïy' m., dent œillère; à W.
^^H cuàie \so\ se tapir^ se baisser, s'ac-
cyMâ m.
^^H croupir.
dàdin* {N ivu en') il a reçu une
^^H ctiarai' f , champ large mais très-
réprimande, il a eu un savon.
^^H
dagôn mauvais lard, lard tout en 1
^^H màîic bavarder, faire des groupes
couenne; couenne, R. L.
^^H pour causer, faire des cuàray\
' ddgrihh d'accord, n'importe, soit, '
^^H cmm* f , bavardage, cancan, W.;
cela m*est égal (peut-être faut-il .
^^H à R. £uàray\
orthographier d'agnhhl).
^^H cùbasie qui est en sens inverse, tête
dàjï m., danger, L.
^H
daniô m., étourdissement, vertige.
^^H càboyot' i,, culbute, W.
dâyc tarder. 1
^^H cabale culbuter, L.
^'tr^aye se ditde Pépi qui sort de
^^H coder t, culture, W.
la tige, ,
^^H ciidhof espèce de chausson aux
d'ca^é écosser (des fèves, etc.), L.
^^^H pommes, L.
dchàt descendre, L. ; à W, dkhât.
^^M cuél f., écuelle, R L. W.
dci'sô m., éclaboussure.
^^H came aplatir.
dcrâchii m., peigne à décrasser,
^^H cuèti m., quart, quartier.
démêloir, R. W.
^^H caètrô m., quarteron (mesureU
debïriené [sà\ ou d'ébfttné \io\ se
^^H di^é: m.» couvercle; à W. ciiiché.
démener ; à W. so dèbiirténé.
^^H
dèbactnï débusquer, faire sortir
^^H cûhùr ou ciihèr {,, dépôt qui se
d*une cachette.
^^H forme au fond de la marmite
dibètzalc déguerpir, vider la place.
^^H quand le beurre cuit.
débourser.
^^H cuji [se] se tenir tranquille, se taire.
dcbiâuîë (rè ètii bit] il a été bien
^^1 L.; à W. so cajiL
surpris, bien désillusionné.
^^H cM f., couenne, W.
debiscdyè qui est défait, qui a mal
^^H car m., noisetier.
aux cheveux, qui a la figure fati-
^^H ciiiàbôi \far le), faire la culbute, L.
guée à la suite d'une ribotte.
^^H cUz coudre, R, W.
débrotc détruire, abîmer; à W.
^^H câza m., ce que l'on coud ; ouvrage
dèbrôlé.
^^H que l*on est en train de coudre.
decahhic déplumé.
dcchagn-nc qui a des traces de coups
^^^H
de griffes ; griffé.
^^^^^ dû. Cette préposition marque le
déci'sië éclabousser.
^^H point de départ, da toU = de
dccofu empêcher une poule de cou-
^^H là, j'à uyi âa tose ^ j^ai entendu
ver ou de continuer à couver.
^^^1 depuis
dkrak (io) sortir du marais, de la
^^H dâ m., frelon, W.
bourbe.
^^^V dâ w,, dent. Le mot est masculin
Dcdiô Didier, prénom.
^^H en patois comme en vieux fran-
dedj^t ce depuis que.
^^H
dèim (auo po î*) avoir en suffisance
j
^1
^^^^ VOCABULAIRE DU
PATOIS MESSlN 20^ ^^^^|
pour soi, avoir pour son entre-
dérvi-^d'èrvà (aie) aller çà et là, ^^H
tien.
venir. ^^H
é^ojië dépouiller quelqu'un (par
dcserié rongé par les souris. ^^H
ex. lui gagner son argent au
déîîdu éteint, L. ^^H
jeu).
dëtrèhie défricher. ^^H
digray' f., escalier ; à W. digrây'
dètrèp {bel) f , bon débarras. ^^H
itgrïlé (so) se démener, W ; à L.
déniyé déranger quelqu'un de son ^^H
se dgrolé.
ouvrage^ mettre en retard quel- ^^^|
*- àtgnmit (jto) tomber en poussière.
qu'un, ^ire traioer en îongueur; ^^H
àigrimont (soi se griffer.
à W. dctnyé empêcher de tra- ^^H
Hgrimoné qui a la figureen sang,W.
vaiiler, mettre en retard. ^^H
dïgroboye {sû\ se débarrasser.
dcva à côté, auprès ; deva liï ^ à ^^H
^K dihdbié chasser, empêcher de rêve-
côté de lui. On dit aussi de /ir, L. ^^H
^v
dévà avant. Je su ériv€ dévâ H = je ^^H
W dèhaié (so) se débarrasser d'un obs-
suis arrivé avant lui. Dévâî ihô ^^H
^H tacle, se tirer d'une difficulté;
avant-h ier . ^^H
^f en parlant d'une voilure, sorur
dëyéhié mangé des vers. ^^H
de l'ornière.
dt'vni dé ck âdrô venir de quelque ^^^|
dthèi i^a en bel) c*est un bon dé-
^^^^H
barras.
dèvozic tutoyer ; à W. dèvozU, ^^M
dihlrpoy'c mettre en charpie, en
dëvudd m., dévidoir. ^^H
lambeaux, déchirer.
dczuru qui ne sait plus l'heure. ^^H
dihhtendy f,, épouvante.
d^hôpoye déchirer, mettre en bm- ^^^|
dëhipic mettre en morceaux.
^^^1
dthipiu m., individu qui use, qui
di du (artictel , L. ^^H
déchire ses vêtemems.
dià m., iris, plante. ^^H
dëliiye mettre le bois en bûches.
Didôch Claude, prénom. ^^^|
dchoiU étrangler.
dlo à gauche (en s'adressant à un ^^^|
dejcdnè couper le menu bois, la
^^^1
broussaille.
diôriu glorieux, 6er. ^^H
dèm f., lanterne à trois faces.
dir dire ; je djô, nous disons, L. ; ^^H
dïmâgoye débraillé, qui a ses effets
à W. je djâ, nous disons. ^^H
en lambeaux.
dlicèf [au m. et au f.l agile, K. W. ^^H
deman demeurer ; à W, dcmoré.
dob m., iiard, monnaie de peu de ^^H
dimafL, libellule.
^^H
dmaaië [so] s'abîmer, se détruire,
dôbô (et lo) ou dàbô (et h) être le ^^H
tomber en ruines.
jouet, le dindon de la farce, la ^^^|
dmi sèrjâ m., espèce de poire
dupe \kV/. étlo dâhvL. ^^H
^H icorrupûon du mot MessireJeanj.
dobofc \Vân a] il en est rempli, ^^^|
^~ dipitie enlaidir.
taché. ^^^1
1 dtpmrtnc grogner.
dôdô ancien caraco de femme ^^H
1 dtpônïné [so] se démener.
dolaf L plur., maladie de foie des ^^H
^^ dtpusîây^ f., volée de coups ide
moutons causée par de petits ^^H
^B bâton, etc.), rossée.
^^^1
^^H 2q6 ROLLAND ^"^
^^H dôkf ty choucas, oiseau.
rencontre dans la rue ; arrêter
^^^1 domthh domestique ladjectifu
quelqu*un dans la rue pour lui
^^H dota craint; part, passé du verbe
causer. Le verbe égak est transi- |
^^H
tif.
^^H drïju vis-à-vis, à côté ; à W. drojû .
cgûy' f,, aiguille, W. ; à L. éguy\
^^H drcYô Via par ci par là, à droite et
ehhtotii m., embarras, gêne, obs-
^^H à gauche, çà et là.
tacle.
^^^H droya m., qui est à moitié gras, qui
chi m., essieu ; à W, èchi.
^^H commence à engraisser ; au fémi*
chietn m., banc pour s'asseoir,
^^^H Tiin» droyaî' ; à W. drôyo m, et
siège, à W. csictu.
^^H
èiioyt' mal habillé ; à W. ihoyé.
^^H dsâgonâ, dsâgolâ ensanglanté.
èlédi étourdi, assommé ^ ^H
^^H Diidné Dieudonnéf prénom.
èpayQ m*, appui; à W. cpoyo m.
^^H duhiô m., durillon.
mvaf à souhait, très-bien, juste,
^^H ^um ouvrir, ouvert, L. ; à W,
suffisamment, plus qu*il n*en faut.
^^^1
Peut-être faut-il onhographier r
^^H duya m., endroit resté non labouré
rèvat' ?
^^H par suite de maladresse.
hozu m., arrosoir.
^^H duziem deuxième. R., L.. W.
Ersàsiô f., fête de l'Ascension.
^^^1 dzo dessous jadvj.
Prov. agricole : ca î pi'é lo jo de
PErsàm ~- U bie déclin' jûsc' e
^^^B
il' mohô ; c.-à-d, quand il pleut
^ ébà (tnh an] tenir en arrêt, obser-
le jour de l'Ascension , les blés
^^H ver^ guetter.
déclinent jwsqu'à la moisson.
^^H ébasic (s') è cèci'c s'adresser à
èscali- m., ancienne pièce de la
^^H quelqu'un.
valeur de sept sous et demi.
^^H éc aigre, R. L.
C'était autrefois le prix d'une
^^H èchèvat* f.^ écheveau de fil.
messe dans le pays messin.
^^H èchîé pbhé dà l^sk acheter de con-
csdm \s') s'esquiver; à W. fh-
^^H fiance, acheter chat en poche.
clivé.
^^H èchtomcce (s), s^aftliger.
Hdà aliéranti qui donne soif.
^^H àolé attacher la vigne aux échalas
htac m.| finesse dans l'esprit, in-
^^^^ avec de la paille, W.
telligence.
^^^H ccUl L, école. R. W. ; à L. àoL
htrcjàV f., accident, événement.
^^^^H écnrô m, écureuil, L.
ètac m., étau, R, ; à W. ctoc. ^^
^^^V èdrasu adroit.
éiièné, écurie, éclairer. ^H
^^H ifoni épuisé^ qui n'a plus de sang
étôp f., écurie. ^H
^^H dans les veines, qui n*a plus que
éttij étranger, L, ^^H
^^H le souffle.
èvaltoru étourdi.
^^H ^gàgic, gâgic répandre, ébruiter les
éyiô, éra avec, L, ; à Vigny et autres
^^H
lieux èvié.
^^H égale faire accueil à quelqu'un, lui
hozic ne pas tutoyer quelqu'un.
^^H faire fête, le flatter ; adresser de
dire « vous » à quelqu'un.
^^H^ bonnes paroles à quelqu^un qu^on
t V d'ègiès m., cor aux pieds.
■
^^^^^^^^^^^B I
. . 1
^^^r VOCABULAIRE DU
PATOtS MESSIN 307 ^^H
ifûl^ cornent, à son aise.
jiat* f , confiance. ^^|
èyô(t [bèyè} donner en location un
^^c/i'm..fiel W. ^^1
animal en s'en réservant la moi-
fthaf f., eau amère qui vient dans ^^H
tié comme paiement. On dit
la bouche. ^^H
aussi ; bèy'é èyat^ bèyè è ôrf, bèyé
fuhh acide, aigre, ^^H
è aâd.
fxôm,, quolibet, mot piquant, lardon. ^^H
È
fi^s* eut ô sla f., bouse de vache, ^^H
terme de plaisanterie. ^^H
JUô m,, petit morceau de bois
fié m m., fil retors imot employé ^^H
fendu.
à Thimonviliei ; à W. fé rtu. ^^H
lâfâ François^ prénom.
fléflà m,, celui qui flcfcl* ; voy^ ^^H
J^àfè id.
fltflt. ^H
yai' f., boucle de cheveux recou-
fl'éfle parler très-vite, bredouiller. ^^H
vrant le haut de roreille.
Fhp Philippe, prénom. ^^H
Jkhé planter des échalas dans la
flou f., conte, histoire^ L. ^^H
vigne, W.
fùchné fâcher. ^^M
/ihaf t, maillot d'un enfant; à
fohâs' f., vigueur, santé. ^^H
W. fèdwt\
/o//.ir* f., fourchette; perce-oreille, ^^H
F fthh à moitié sec, sec et mauvais,
^^H
^B qui a mauvais goût^ farineux.
folilî f., ciseaux pour tondre les ^^H
^ fade;àW./rt/L
moutons. ^^H
fricAôm.,brind'herbe,tiged'herbe.
fôhh îô chlr f. , ciseaux pour tondre ^^H
/*iU'f., fileuse.
les chaises, chose qui n'existe ^^H
jiRô m., dent dune fourche.
pas. Envoyer quelqu'un de mai- ^^H
firéy' f., trou que fait un cochon
son en maison chercher \2fohh tô ^^H
dans un champ; champ mai-
chlr est une farce semblable à ^^H
propre ; ouvrage mal fait.
celle du poisson d'avril. ^^H
firfoyà m., individu qui parle trop
fohiipèru, forckù p<ru m., espèce ^^H
vite, qui bredouille ; individu qui
de maladie que Ton guérit par ^^H
est trop pressé dans son ouvrage.
des formules cabalistiques. ^^H
féria ra,, gâcheux; mauvais ou-
folnàhh f., sottise, folie. ^^H
vrier; au (ém.faiàt\
fônaf t, petite fourche. ^^H
fifk fouiller ; faire du mauvais tra-
forlr f., tournaille de champ, bout ^^H
vail.
de champ qu'on est obligé de ^^^|
fi^df t, trou du cochon dans les
cultiver d'une certaine manière ^^^|
champs*
parce que la charrue ne peut pas ^^H
iitnàhh m., zèle, empressement,
^^H
précipitation.
fràdof L, guenille. ^^H
fln'naf f., petite pioche.
Jrahi' m., scorie. ^^^|
ihaf f., fève des marais, fèverolle.
frayô m., écorchure aux fesses ^^H
jivàV f„ véronique beccabunga,
causée par le frottement, par la ^^H
plante.
marche ; à W. froyô, ^^H
Jîm.,fiL
jrigié farfouiller, se servir du frègiô, ^^H
k m., nœud (de ruban, etc.).
^^M
^^^^^H
^^H 208 ^^
^^^1 f^ig^ô m, y fourgon pour attiser le
ganofià m., gourmand, grand man-
^^H feu, pour retourner les fagots
geur.
^^H dans le four, W.
gas' [gTQi] f.,goîire.
^^^1 fr'émiur f,, fourmilière.
gay*s f., chèvre; chevalet à scier
^^^1 fr'csnc se dit d'une béte qui ne reste
le bois.
^^^H pas en repos, d'un cheval inquiet
gthô [fd] m., trachée artère.
^^H * qui souffle.
^i*r/i^je s'amuser, faire de la dé-
^^^L frésnûr t ^ résidus de paille , de bois ,
pense.
^^H
gefmaf f., coureuse, fille qui fré-
^^^1 fntim., garde-champêtre, L. R.
quente les garçons.
^^^H frihu m., aiguisoir des cordonniers,
gefté m,, étui à épingles; à W.
^^H des bouchers.
gèy*îé.
^^^1 frijalé scutpter.
giatUf dîatu humide. ^^Ê
gi-chla m., guichet, R. L. ^BB
^^H fris' (de fè chàj t, de la viande
^^^B
gin t, bouloir, perche à battre
^^^1 frisîur f,, petit restant, poussière.
l'eau.
^^^1 objet dont il ne reste qu'une
g0 difficile pour la nourriture.
^^H poussière.
friand.
^^^H fromrô m, , fumier, L. ; à W. fomrô.
gibdaî\ giodinif f . , narcisse, plante.
^^^m frovic avoir peur.
Giîên* Marguerite, prénom.
^^^B friîlhhô {auo îé] avoir les frissons.
Giîôii.
^^^H fuérUz f,, mercuriale, plante.
0yé glisser sur la glace. Mot usité
^^^H fiifi îrô m., bousier, insecte.
à Metz.
^^^1 fiind m., bout du groin du cochon.
glisi à cén glisser accroupi sur les
^^^H /ili' que cela soit ; soit ; d'accord,
talons, L.
^^H
gdchi gaucher.
gôdrô m., goudron.
^^H G (=GU partout).
gôdrô, bona è gddrô m., ancien
^^H gàbardé plaisanter, rire.
bonnet de femmes.
^^H gâboyàt' f. , coureuse, fdie de mau-
gogà m., individu endiablé, d^allure
^^^1
très-décidée, mauvais sujet.
^^^B gâboye aller de côté et d'autre.
gorje ou gohit m., embouchure
^^^B secouer, ballotter.
d'une rivière, d'un ruisseau.
^^^B gàchuye gâter.
gôrmaf f. , cordon des bonnets de
^^^1 gadà m., timbale en fer blanc avec
femme qui s'attache sous le
^^^1 une
menton. — Glande que les mou-
^^^1 gaj* r, fille (mot usité à Marangel.
tons ont sous le cou.
^^^1 g^^* f^ grande perche^ gaule.
gosa m,, coin qui sert à élargir un
^^^1 galaf m . , gourmand .
sac.
^^^H galich r, vieux soulier, vieille
gùV [de le] f., du saindoux. ^_
^^^H chaussure.
goV {è no) dans l'obscurité. W^Ê
^^^B galic donner des coups de gaule,
gôyu m., individu mal mis ; mauva^^
^^^1
ouvrier ; rôdeur, maraudeur. 1
^^H^ gatmirô m„ gamin, polisson.
grâ îâ époque du carnaval 1
^^^^^HP^ VOCABULAIRE Dl
J PATOIS MESSIN 209 ^^^|
gîà \k] OU lo grà vala m., le pre-
plumes ou des herbes. ^^H
1 micr valet de ferme.
hadrèy^ f., fatigue. ^^H
^ràhu grincer (se dit d'tine porte.
hailh auo dô) avoir du mal. ^^H
' d'une voilure qui criei.
haie raconter, dire. ' ^^^H
grauye retourner lun tison, etc.);
hdlii m., espèce de .grenier^ R. L. ^^H
1 déboucher (une bouteille).
hûlao Lorsque les garçons et les ^^H
irauyôf gToyô m., morceau de bois
filles se trouvent réunis dans les ^^H
d'une certaine grandeur pour
champs pour un travail agricole ^^H
remuer le bois dans le four.
quelconque, ils se divertissent ^^H
fâ}' f. raie dans les cheveux.
quelquefois de la manière sui- ^^H
fi é'iè jàb [lo] m., Tos de la jambe.
vame : ils saisissent brusquement ^^H
^nhhlâ m., cochon en graisse.
Tun d'entre eux désigné d'avance, ^^H
gnnak frissonner.
par les pieds et par la tête , le ^^H
irèviV L^ cravate.
lèvent en Pair, et tandis qu*il se ^^H
gri-fL, griffe.
débat, toute la bande passe par- ^^H
1 gri-^fne griffer.
dessous. C'est ce qui s'appelle ^^H
gri-fnès* f., égratignure, coup de
haluo quelqu'un. Les garçons ont ^^H
griffe.
l'habitude de haluo les filles, et ^^H
j ffîgjini dé dâ grincer des dents.
les fdles les garçons quand elles ^^H
^fj" f , grange.
sont en nombre. ^^^|
pipa m , petiie montée, petite côte
hàmâf f., se dit d'une femme qui ^^H
ji monter.
se plaint toujours. ^^M
gripc grimper.
karhuU [so] se disputer. ^^H
iâpld m^f grimpereau, oiseau.
haric vexer, tourmenter, provo- ^^H
gripoyây* \J€îé è It'] jeter à la volée.
^^H
g^^ m., écuelle en bois, W.
harof f., rosse, mauvais cheval, L. ^^H
fff^là'^grôlàf grondeur, grondeuse.
harla, fierîà m., retardataire, cuki- ^^H
iromblr f. , pomme de terre, L. ; à
vateur qui est toujours en retard ^^H
Bacourt, truf; à Plénois, grdiîr;
pour ses récoltes. ^^^H
à Saiiiny gôbJr,
haué m^ grosse pioche. ^^H
gûrt f., espèce de plante qu^on
hâf dnè Mrôu f., Qèche de la ^^Ê
niange en salade.
charrue. ^^H
Sftrim., grande pierre ronde.
hayaf f, chariot flamand , meuble ^^H
, $iiri£ {lo; se rouler dans un pré, se
monté sur des roues destiné à ^^H
coucher sur Therbe ; se vautrer.
apprendre à marcher aux enfants. ^^H
pnès' f., trace laissée sur Therbe
hazi qui branle» qui boche^qui bal- ^^H
quand on s'est roulé ou couché
^^H
dessus
haiic agiter, secouer, remuer. ^^M
hc [pé] par ici. ^^H
H (^ H aspirée).
hè m,, pas, enjambée, L. ^^H
hat, lien.
hidlé \i nie] m., un œuf sans co- ^^H
hiu {auo dô\ avoir du maL
^^H
A*ic m., pioche à deux dents.
hèhitr {â) en mauvais état, négligé. ^^H
hâdiaf f., petit balai fait avec des
fhjrô m. , boUe où l'on loge le pain. ^^H
Romania, V
2tO
E. ROLLAND
hcla m., mulet.
bèlay' ï., bousculade.
kelc bousculer.
lièlot^ f., coiffure des femmes. Mot
ushé à Châté Saint-Germain,
licme avertir quelqu'un secrètement
au moyen de l'inierjeciion htm !
hm !
hinàhh m,, tapage.
hinày* f,, hennissement,
hené hennir,
hènè m., linge qui sert à presser
les fromages.
hipé arpenter, mesurer au pas, faire
un pas.
hèrcde qui est toujours en retard
pour son ouvrage , mauvais
ouvrier.
hèrèn, htrcn f,, dispute.
hèrpctè faire du mauvais ouvrage,
travailler avec un mauvais outil
ou avec mauvaise volonté,
lîèrpi^c herser.
hcrsii f-, paille que l'on coupe pour
donner à manger aux bestiaux.
WrUj hèrUz monstrueux, mons-
trueuse.
Val t cô hèru, voilà un coup
magnifique, extraordinaire.
héîèn* f., haine, entêtement.
hétii m., pièce de ferd^une voiture.
hivày* f., brassée \de bois, exe,],
hty* ! hry^t ou hoy J hoy ! cris pour
faire avancer les vaches.
hiy* [en*] f., un instant, un clin
d'œil, un moment.
héya ! héya ! héyabà ' cris pour
appeler les brebis.
hine réprimander, gourmander; à
W, hiné,
hô (Jàrlo) faire le glorieux, le hau-
tain.
hô piàtï m, plantain,
hd va m., asthme.
I
I
fMm (/ n^ pit pii) il ne peut plus
se mouvoir, il est malade, mal à
son aise.
tionèy* f.. vieille harde, vieux vêle-
ment, guenille.
liopa m,, poignée (de foin, etc.).
hop'é {so) se formaliser, se fâcher,
kôsi, hosic exciter (par ex. un chien
contre quelqu'un) à L. ; à W, M
hasié, à R. hi-sït, ■
hof davà ou kokm davà mot adressé
à un cheval à ta charrue pour le
faire tourner à droite. L.
houle piocher. W.
hôyà m., personne qu'on est tou-
jours obligé d'appeler, qui se
fait attendre.
hûiày* f, hurlement-
hûlc grogner, hurler, crier. Oa dit
prov. 5* n'a m le vhh ce h ai lé
pu ce hèy^ h pu d*idsé c. -à-d. ce
n'est pas la vache qui beugle le
plus qui donne le plus de lait.
hiis' f., bouderie, fâcherie, mau-
vaise mine.
HH = H très-aspirée.
hhabû m., tour à filer.
khal f., ampoule, tumeur.
hhalaf f., petite échelle de voiture.
hhabti m., noyer, arbre.
lihdli m., haleine; à W. choit,
hhalmà m., trèfle ou luzerne qu'on
donne en vert aux bestiaux.
hhainè respirer, flairer,
hhaiuat' f., copeau fait avec le
rabot; à W. choluot*,
hhây* priin- m., homme qui, sous
prétexte d'acheter, goûte à tout
et n'achète pas.
hhàycy* (l'a mu) se dit d'une femme
qui a perdu sa fraîcheur de jeune
fille par suite du mariage.
hhikt* t , ensemble des poutres du
^P VOCABULAIRE Dl
PATOIS MESSIN 2ft ^^^M
plafond servant chez les paysans
^^M
à suspendre le lard, le jambon,
i un (article indéterminé) devant ^^H
ctc
une consonne ; on dit m' devant ^^H
hhèmém.y entame, trou commencé
une voyelle. Ex. i tù^ un tour^ ^^H
^r ex. dans un tas de foin).
//z' om, un homme. ^^^|
hkin f., éclat de bois (dans la
i*c, i-g m., ongle. ^^H
main) ; épine (dans le pied, etc.) ;
i-giat f., griiïe des oiseaux. ^^H
â W. cliin.
^^^H
hhmây' f., échine.
^^^H
hhtnê donner des éclats (se dit du
jàbuié chanceler, vaciller sur ses ^^H
1 bois dont des morceaux se déta-
jambes. ^^H
chent].
jâhuîë enjamber (mot usité à Villers- ^^H
hhèp f., courroie qui attache le
aux-Oies). ^^H
manche et le bout du fléau ; à
jac {de U] bonne foi, honnêteté, i ^^M
W. chcp.
à é de le jac à U = on peut ^^H
hhipi échapper.
avoir confiance en lui. (Exprès- ^^H
hhipiâ m., ciseau de charpentier ;
sion usitée à Soigne] * ^^^
à W. chèpio.
jacc tarder, rester en place. ^^H
hhabùr T, ramassis de petit bois,
Jâca Jacques, prénom. ^^H
de petites choses combustibles
[ûla m., petit jd^ c-àni. petit pot. ^^H
que l'on prend à poignée.
Voyez au mot je, ^^H
hkèn (sa) se tromper.
jano/ri giroflée ; à L. jirôfté. ^^H
hhcriis* f., déchirure.
jaya, jayuz joyeux, joyeuse. ^^H
hh*nô m. , boite où l'on met égoutter
jazé m., gésier. ^^H
les fromages; à W. chnô.
jhblr f., fenêtre du grenier par ^^M
hho m., planche de rebut; première
laquelle on rentre les denrées. ^^|
planche d'un arbre qu'on scie en
jcrnlr f., poulailler^ L. ^^H
long.
fit juste (adv.j, cape jtt couper ^^H
fihdba m,, banc à secouer le bit*.
^^H
hho m,, paille pour lier.
jèvé m., javelle. ^^H
hhôdc émécher (un tonneau).
jèyà {fàj de) jeter des cris^ faire ^^H
hhodé m., tartre en général.
des héias. ^^H
hhddmâ m., action d'émécher un
ji-gèt f., chose de peu de valeur. ^^H
tonneau.
/ô m., pot en terre cuite avec anse ^^H
làôn ou hlion f.^ graisse de porc
et goulot dont on se servait ^^H
avant qu-elle soit cuite pour faire
autrefois pour porter à boire ^^H
le saindoux \lè go/'|.
dans les champs. On buvait à ^^H
hhôîH regarder de côté, guetter,
même au goulot. ^^H
observer, espionner.
jôdi' m., coq-dinde. ^^H
hiwpu m., individu mal habillé, mi-
jôbic badiner, ^^^^H
sérable» individu taré.
jdg^naf î,, espèce de champignon ^^^^H
khorie chatouiller.
entièrement jaune. ^^^^H
hhot* {puer d'q f. poire de certeau.
Jôha Georges, prénom. ^^H
hhmm, banc à lessiver.
jr^y* f., érable champêtre. L. ^^H
^^^^1 212 ^^^^
^^^H juif ras* f « , bonnet de nuit de femme.
linèî f. plur. Maladie particulière
aux volailles.
^^^H
Unit {mat dé) è i phhé passer dans
^^H kbém.,Ahé.
le nez d'un cochon un fil de fer
^^^^r lâbUz f., femme malpropre.
pour Tempêcher de fouiller dans
^^^H tacha m. friandise, chose à lécher
une écurie. ^
^^^^H {lachi). On dit prov. jèma chct*
litiàf t , ponée de cochons. H
^^^H c^c chèsô — n'( buî lachô^ c.-à-
lô {de) à la longue. On dit prov. ^
^^^H d. qu'une chatte qui a des petits
piat chchh pez de lô, petite charge 1
^^^^H leur laisse tout ce qu'il y a de bon.
pèse à la longue. ^À
^^^^H làdur î,, injure grossière.
lôb m., ombre. So mat 5 lôb, se ^M
^^^^B làhh m., lierre terrestre, plante.
mettre à Pombre. H
^^^^H lahh de chcr'ôii f,. bande déterre
lochîic {in' a m] il n'est pas à son ^
^^^^H retournée par le versoir de la
aise, il n'est pas bien portant, J
^^^^B
lôji" lambin, lent. ^M
^^^^B khh dé pi {., tranche de pain qu'on
lôju f., longueur. R. L. ^M
^^^^H met dans la soupe.
lônà m., sournois, qui regarde de H
^^^^B lànas' f., instrument en fer pour
côté. ■
^^^^B retirer les seaux tombés dans les
lot, ici lourd, lourde. ^Ê
^^^^H
iôzèn* f.j bois qui relie deux essieux ]
^^^^H lard' m., lard. On dit d'un homme
ensemble. ^À
^^^^H insatiable : torto ii côvii jiisc è
lu tui. L. H
^^^^H côhh de lard!
lûr f., purin. On dit aussi Mu ^|
^^^^M las' (masculin et féminin), las,
Imè, lisie m., huissier. ^^^^M
^^^H
lié m., espèce d^herbe. ^^^H
^^^^H Idiuàr m,, confiture épaisse de
^^^M
^^^^H campagne faite avec des prunes,
^^H
^^^^1 des poires, etc., raisiné, mar-
macarô m., tubercule de la gesse ]
^^^^H
tubéreuse. L. ^J
^^^^H le sii ceux qui, L.
mâch f., trou d'eau, mare. W. ^^^B
^^^^H Ucsis Alexis, prénom.
maciô m., flocon de laine. ^^^|
^^^^H lemchâ m., mèche de lampe.
Madlich Madeleine, prénom. '^^^|
^^^^H Imîr f.f lampe.
madu f., amadou. ^^^|
^^^^H lés' {i p'é\ un sale individu, un être
mahmf f., mercerie. ^^i
^^^^1 dégoûtant, insatiable.
muhlr f., terrain non bâti dans un
^^^H lèf l, petit pont en planches.
village, chènevière entourée de
^^^^H liyô Léon, prénom.
fascines. ^d
^^^H ihlté, Vhhè de fi m., rouleau de fil,
mdhu, mdhè m., flaque d'eau, H
^^^^1 pelote de fit.
mare. ^|
^^^H M bai se dit d'un cheval de cette
màhûV f., femme mal mise^ mal ^|
^^^^H couleur).
faite^ méchante. H
^^^^B ii-c m., lin, plante.
malàf f . , pain fait d'un mélange de ^
^^^^1 iinàs' {mat () ne rien laisser, faire
blé, de seigle, d'orge, etc, J
^^^^1
i
^ VOCABULAIRE OU PATOIS MESSIN 21? ^^^|
mûièdm maladif.
je le ntni- ^è te Sî JâJ'à ^^H
malt' malày* pèle-mèJe (adverbe).
^^1
mimich f-, grand'mère, L. ; à W.
Ce qui veut dire qu'à la Saint- ^^^M
màmi.
Michel on ne maâd plus, qu'à ^^^|
màpuol ro. , individu qui fait le fan-
la Saint-Remi, on le regrette, et ^^^|
faron, l'entendu.
qu'à la Saint-Jean^ on recom- ^^^^
mat àjni (so\ se mettre à genoux.
mence à mèrandé. ^^^H
rail de ba f., menthe de crapaud,
mcrgoy' f,^ femme laide, difforme, ^^^H
menthe de ruisseau.
bavarde. (Injure.) ^^^|
math m,, morceau de bois qui sert
M mon' Marion, prénom. ^^^|
à tendre les pièges appelés sau-
mcriijich f., décor, ornement. ^^^|
terelles ou rejets.
mis* f.t tas de bois qu'on met ^^^|
màtridâ m., làtuàr cuit à moitié.
devant les maisons. ^^H
Voyez au mol laimr.
mesa m., recoin, cachette. ^^H
mchê (aao) aimer mieux; on dit
mèsèl f., tas de bois que Ton met ^^^|
prov, l-c mchc po so grô — ce
devant les maisons. ^^^H
po so nalâ^ c.-à-d, il aime mieux
mesie [so] se coucher. ^^^^
(dépenser! pour manger que
mésié {ji li an d) je lui en ai dit ^^^H
pour danser.
(des sottises) ; je ]*ai grondé, je ^^^|
mi point de départ au jeu, limite
l'ai secoué d'importance. ^^^H
qu'on ne peut dépasser quand on
On dit dans le même sens : je ^^^|
joue.
/( an a mësccyé. ^^^|
méc maigre. R, L,
méy' {maî ô vit) mettre au rebut. ^^H
mcchaf f., ce qui reste de pâte
méya m., bois qui sert à décrotter ^^^M
quand Ton cuit au four; on fait
une charrue, ^^^H
une petite miche que l'on cuit
mczale broyer, abîmer, exterminer. ^^^|
telle quelle pour les enfants.
mezare trouver le temps long. ^^^H
médit suppurer.
meziir f. , toute espèce de corbeille. ^^^|
mehîm,^ chancre, ulcère.
mia m.f boulie. ^^^H
mehhniât* qui se plaint, qui se
miau (Jram îè) tais-toi, ferme ta ^^^|
lamente toujours (se dit d'une
^^^1
femméi.
mïck m., manche d'outil. ^^^H
mm* f, , manche d'une charrue.
mkhaf f,, manche d'habit. ^^^H
mefUchm., ménage. L.
miî\lo] le mien. Au fém. le mil h ^^^H
menhî m-, menuisier; à L. monhi.
^^^1
mtmafi.t œillet, plante.
mîj* pt m. carabe doré (P). ^^H
minie m. , rétameur ambulant ,
Mina Dominique^ prénom. ^^^|
Minic, Nie, id. ^^^|
mcniô m,, manche d'outil.
Minor id. ^^^H
menaa, mlnuaf petit, petite ; mince.
miôi' miel (mot usité à Suisse ^^^Ê
mèràd' f., goûter que l*on fait à
^^H
quatre heures; on dit : t le Si
mitèn f., manche de fléau. ^^^H
Michel (29 sept.), le mèrâd môV
mizlên^f., bure, tiretaine. ^^^Ê
dsiit, è U SlR€mi{\^'oct)âvôri-
mjï m., mélange de crème, de ^^^H
^^^H 214 ^^f
^^^H fromage et d*Œuf$ pour faire de
nâfé m., inseae noir (le carab^J
^^^H
JI^H
^^^H m'nof f., monnaie. R. L.
nâhâs' f, , panies génitales dfl^
^^^H mochu m. , morveux ; / vô mit iehu
juments et des vaches.
^^^H Vafâ mochu et dH raye h né.
nam n'est-ce pas? (quand on tutoie
^^H
la personne à iaquelle on parlei ;
^^^H mochu m., mouchoir; à L. mudm.
R. L. — mo à R. et à L. =
^^^M modrigaf l , boisson pour les porcs .
n'est-ce pas, quand on ne la
^^^H mohic [so] se dit des chevaux quî
tutoie pas.
^^^H chasseni les mouches avec leurs
Nand Anne, prénom.
^^^H
nâîèy' f,, lentille. — Germe d*un
^^^H mokm m., époussetoîr en crin pour
œuf.
^^^H les chevaux.
natië nettoyer.
^^^H mol m., moelle.
natiûr f., ce qui provient d-un net-
^^^H moia m. , mou (de veau, d'agneau,
toyage.
^H
Naué Noël, fête. On dit prov, :
^^^H modaf r , coureuse, petite fille qui
f Natié ô tard
^^^H fréquente les garçons.
è PiU su U côpo dj^H
^^^H mônàrn m. , farceur^ individu endta-
C.-à-d. que si Ton se ticnr^^*
^^^H blé, enragé ; qui a un aîr décidé.
Noël sur le pas de la porte (s'il
^^^H moni' m,, femme sans souci, qui
fait beau), à Pâques on se tiendra
^^^1 se laisse aller, grosse femme
sur les tisons (il fera mauvais). _
^^^H
nayU f,, nielle, plante, L. ■
^^^H môniu délicat, difBcile pour la nour-
naiô m., morve. L, ■
^^^H
nehh f. , rondelle s'appllquant à la 1
^^^H mosie {ij un monsieur, un hère, un
bobine d'un tour à filer 1
^^^H personnage.
nirctï., narine. ^^Ê
^^^H m^té desséché, fané (en parlant des
nèviïy' f., colza» navette, ^^|
^^^H
m dé truâî m., grumeau de farine
^^^H motlaf (rlr è le) rire en dessous.
insuffisamment pétrie qui se
^^^H motras* f., ferme, métairie.
trouve dans le pain.
^^^H mdyc panser (quelqu^un).
niîrUz (., femme malpropre.
^^^H moine murmurer.
nô nos 'pronom possessif i. L.
^^^H muiifMf. «culture mélangée (d'orge
nôch f., neige.
^^^1 et d'avoine par ex.)-
nohid m., barbouilléj noir comme
^^^H mûr Lj fruit de la ronce.
un charbonnier.
^^^H murât* f, pâte composée de farine
noji nager. L.
^^^H délayée pour faire des crêpes.
niiày* f., grand ouragan. ^^
^^^H mutrày* f. taupinière.
nue m., nc&ud. L. ^^H
^^^H màye mugir.
niihâtt m., noisetier. ^^W
^^^^^^ muzà m., paresseux.
nuri nourrir. On dit prov. 5' ff' a (
m le cé'f ce nur !*dhiÔ, ce n'est
^^^^
pas la cage qui nourrit l'oiseau
^^^■^ nàfé m . , enfer
! l'habit ne fait pas le moine).
■
.... 1
^^^^ VOCABULAIRE Dl
J PATOrS ^^^^^^^^^^^H
mzâ sti (i nH e) il n y a personne
pahô m., échelon. ^^^|
à la maison.
pàhh t yàhh tranquille, content, ^^H
^^^1
0
pal m., chambre d'honneur chez ^^^|
àm.,zxU
les paysans, la belle chambre; ^^H
0È% ô jidi- , au jardin; ô mèti- ,
^^M
au malin. R, L.
paie pelé, chauve. ^^H
ohlaf r^ femme imbécile.
païuhh f., pelure, écorce. ^^H
obrépi-c aubépine (mol usité à
pj/^t m., grand-père. ^^^|
Villers-aux-Oiesi ; à W. obrtpèn'
Pàpuè François^ prénom. ^^H
féro.
patchi m., aubépine, arbuste. ^^^Ê
Wi- ra. onde. L.
pâtcufi.f espèce de crêpe faite sur ^^^|
^^' t, coccinelle. W.
le ^^^1
Wkh i., cheville en fer traversant
pat'c le tàf à Flocourt, près R., le ^^H
l'essieu pour empêcher la roue
jour de la fête les pâtureaux des ^^^|
de tomber.
villages voisins viennent faire ^^^|
Mira \conahhV\ savoir s'y prendre.
claquer leurs fouets devant les ^^^|
connaître les ficelles.
maisons pendant le repas; on ^^^|
Wi- [y chose ou personne ennu-
leur donne de la tarte. C'est ce ^^^|
yeuse.
qu'on appelle paie le tàt. ^^^H
Mù m., petit oiseau; enfant en
patras' f . , espèce de saule qui casse ^^^|
bas âge.
facilement. ^^^^|
êhto â'bon'tiovH rapporteur, bavard.
paîriyc pétiller^ crépiter, claquer (se ^^H
Uas'L, sottise, bêtise, baliverne,
dit d^un fûueti. ^^H
sornette, manie, lubie.
paut avoir peur. ^^H
mûàs* \mo è\ avoir quelque chose
pdui m., rustre^ paysan. ^^H
en grande abondance, à ne plus
paaiô m. , papillon. ^^^Ê
savoir quoi en faire.
payai^ f., barre en bois servant à ^^^|
cm; rf., panier en paille dans lequel
tenir en équilibre le timon d'une ^^^B
on conserve les œufs frais.
^^^1
ô$ô m., oison, petite oie.
p^A/if., abcès. ^H
>
pchhU rassasié. ^^^|
pèhhU m. , mélange d'avoine et ^^^|
pa dt sri m., troglodyte, oiseau.
^^H
pâdihh L, partie d'un arbre fruitier
pchô, pahô f., portion, ^^^H
qui se uouve au dessus du jardin
pêl f., poêle à frire. On dit d'une ^^^|
du voisin et dont ce dernier pro-
personne qui tourne beaucoup : ^^^1
fite; àW. pàdich.
i ton' corn in' ènô dà en" pcl, il ^^^f
pàdur f., croix suspendue à une
tourne comme un oignon dans ^^^|
chaîne ou à un cordon que les
la poêle. ^^^1
femmes portent au cou, en guise
pcmkf f., le jaune de Tœuf. ^^H
d'oniement.
pèn de la m., chardon à foulon. ^^H
pafkli' m., panade très-épaisse;
pénir sevrer. R. L. ^^H
au figuré, femme saie.
p^piô m . , pépin . ^^^|
^^^^ 276 ^^^^^1
^^^^ pèixdi pis nàfè jeu d*enfams.
piok beaucoup travailler. ^^fl
^^^H pcrié presser avec les doigts.
pi-sô (m. pi) onglée. H
^^^^^ pcniy* f., purée.
p'itta ! piùa ! c'est par ces cris qu'on ■
^^^ pcrii m,, colle de farine dont se ser-
appelle les poulets. ^Ê
^^^B vent les cordonniers, les tisse-
pniric dégoutter, suppurer. ^A^|
^^^H rands, etc.
plèf è repèse f., fer à repasser. ^^H
^^m pès* Lj pièce, morceau.
plûr pleuvoir. L. ^^^|
^H pcf fîi., fringale.
P'fû m., pot au feu. L. ^^H
^^^^ pitié y pèîné piétiner, trépigner, ma r-
polûd collant, gluant. ^^^|
^^^H cher à petits pas.
pohiô m.» petit cochon de lait. ^^H
^^^^ pit'nat' f. paienôtre. On dit d^un
Pôl Paul, prénom. ^^H
^^H chat qui ronronne qu'il dit ses
poît m., poulain; bavure qui se H
^H piî'nat\
forme entre deux miches de pain H
^H pcyé écaler des noix^ des noisettes,
mal cuites. H
^H
pôliô m,, dîmeur; celui qui était H
^^^^ pha m., balance appelée romaine.
chargé de lever la dîme, H
^^^P phè m., écosse de fève, W.
potîr f. , petite entrée d'un poulailler H
^H pi! pi! pi! cris pour appeler les
destinée aux poules et qui se H
^^^H dindons.
ferme avec une trappe. H
^^H pidrd i., toupie.
Pôm {lé\ (au plur.) le dimanche des H
^H piëhli t^ perche.
Rameaux. On dit prov. frod* H
^H picl f,, espèce d'insecte aquatique.
Pôm^ chbd* Pac\ c.-à-d. s'il fait H
^^H pi^l f'i attache qu'on entoritlle
froid le jour des Rameaux, il ■
^^^^^ autour de Pécheveau pour que
fera chaud à Piiques. H
^^^B les brins ne se brouiltent pas.
pômi' m., espèce de sapin dont on H
^^m piïm f., plume.
se sert particulièrement pour H
^H pi^t le gnv plumer la grive. Se dit
faire des rameaux pour la fête. fl
^^l^ du repas que font les batteurs en
poraî' r, porreau, légume. ^^H
^^^H grange à trois heures du matin.
porjetc i mûhh crépir un mur. ^^^^|
^^^^V picmc le grâ gnv plumer ïa grande
porpclur f., petite vérole. ^^H
^^r grive. Se dit du repas que foM
posé f.» petit pont. ^^^|
^^^H les domestiques la veille de
pôslb, pûslb possible. ^^H
^^^Ê
p0mm.,poi. ^^1
^^Ê picmô m., lit de plumes.
pmày' f., terre ramassée sous les B
^^H pihh f., pêche, fruit; à L* pékh.
souliers. H
^^M pila m.i pilon.
potchèl f., fruit de Paubépine. H
^H pi'gîc pincher, criailler (se dit des
poîré m., laid visage, figure gri- H
^^ oiseaux).
maçante. H
^M pi'giô m., mal aux doigts (causé
pdtnnh' \dir sé^ dire ses patenôtres. H
^^^^ par le froid, etc.).
(Se dit du chat qui ronronne.) H
^^^K pi' Rio m., ardillon d'une boucle.
poyYi m. , cavité qui se trouve sous H
^^Ê pinâbul L, topinambour, plante.
la nuque. H
^H pinach f , éplnard.
precalé avenir. [que. H
^^^^1 pion f., pivoine.
prèma ce vu que, attendu que, parce H
4
VOCABULAIRE Dl
PATOIS MESSIN 217 ^^H
ffiiK parquer des moutons.
sans fondement. Mauvaise excuse. ^^^|
fnti pétrir, manier la pâte.
râjayé réjouir. ^^^|
fTOfitm.^ pourpier, plante.
raid m., coquet > vif, vaillant, fier, ^^^|
frmt pourvoir (à quelque chose) .
gaillard. Au fém. raiât\ ^^^M
fû m,, pou.
ratu asthmatique, poussif. ^^^|
fil m., semence d'une plante aqua-
raminé réfléchir, chercher à se rap- ^^^Ê
tique qui s'attache aux vête-
^^^M
ments.
ràpidrc réparer un bas. ^^^^
putkihf f., pincée de sable, etc.
ràpoyc qui a repris des forces, qui ^^^H
p\Uraft^ poire sauvage.
est rétabli (se dit de quelqu'un ^^^|
/TûiV f.» peine.
qui était malade). ^^^H
pupà, pupàr m., prunelle de l'oeil.
rà$da m . , lancerot , oiseau de proie . ^^^^|
pusd m., poussière.
rauô m., le plus gros morceau de ^^^^
pùsiau; pùsic travailler minutieuse-
bois d'un fagot. ^^^|
mem, chercher avec beaucoup
fhô m. , grappe de raisin dépouillée ^^^|
de soin.
de ses graines. Rebut de n'im- ^^^H
pàsna ! pusna ! cris pour appeler les
porte quoi. R. W. ^^^|
poulets (usités à Oron, Lucy).
rhoié rebrousser, retourner, river ^^H
paya {i\ un pauvre, un misérable,
^^^1
un glorieux sans le sou.
rchljd^ f. changement. ^^^Ê
■
rèbèhh revèche, acariâtre, maus* ^^H
■ R
^^^H
râ m., rayon d*une roue.
nbty'{à] en morceaux, cassé^ dé- ^^^|
Tâbiu f., air de feu, flambée de feu,
^^^1
^ef^et d*une clarté.
rebdd reprendre quelqu'un dans ^^^H
ràhû m., pomme de Rambour,
une conversation, lui donner ta ^^^^
H pomme estimée des paysans. On
^^H
^1 dit prov. s* n'a m tjàr é pia
rëbrèze rattacher deux morceaux de ^^H
pohiô de mijc dé râbô, è mai ci
fer avec du cuivre. ^^^|
n' si" pari, C.-à-d. ce n'est pas
réch m., crible; à L. rkh, ^^H
aux cochons à manger des ram-
rèchè m., repas que font les veil- ^^^|
bours à moins qu'ils ne soient
leuses à la fin de Fhiver. ^^^^
pourris.
nchéric contrefaire, singer, imiter ^^^H
râds*potam., rapporteur, personne
les gestes ou les grimaces de ^^H
qui ébruite les nouvelles.
quelqu'un. ^^^|
râ€cza m., cancanier, rapporteur.
rkhevi achever, W.; je rkhef, ^^^M
' Tûctzic rapporter ce qu'on dit.
j^achève;/f rèchèvâ^ nous ache- ^^^|
îâcm interpeller, appeler.
vons; 1 rèchcf, ils achèvent. ^^^|
râdiiy' f., rayon de soleil.
r'écodè, Tcodï raccommoder, récon- ^^^|
râdûr (ïa en bèi'\ c'est un beau
ciiter. ^ Mettre au courant, ^^H
produit. (Se dit par ironie.)
renseigner. ^^^|
r^g'^y^p ràgit râler, respirer avec
muta* f., couture. Marque sur le ^^^|
effort, être court de respiration.
corps ou sur la figure causée par ^^H
ràhhnâi* i. , raisonnement sans suite,
une blessure* ^^H
^^^^ ROLLAND ^^1
^^^ rcdoyè replier, répliquer.
rèpehi^ rp^hi manger 'se dit dei^^H
^^^B rifîècsiô f., réflexion. — Répara-
chevaux). H
^^^K tien à une toiture. Le prov.
npione étamer. ,^^H
^^^H suivant contienl le mot avec les
nptone répéter toujours la mèmei^^H
^^^H deux sens :
chose, rengainer. ^M
^^^H é ¥Ïéf jâf i é viiéy* mdhô,
réphnur f . , débris de ce qui a été H
^^^H / fô to lé jo dé rfflècsiô.
étamé. M
^^^H C.-à-d. aux \neilles gens et aux
repsé roter, L. ^^H
^^^H vieilles maisons, il faut tous les
TCpsôdnf (fém. pïur.) paroles insi^^^H
^^^H jours des réflexions (réparations
gnifiantes. ^^H
^^^^ de toiture) .
TcsdTsim.y reprise dans une cou-^^H
^^^^ regéy* mézé iè] tant qu'on a voulu,
^^H
^^^K jusqu'à plus soif, jusque par
rcsor recevoir. L. ^^^Ê
^^^V dessus la tête.
rèsu tranquille, corrigé. ^^H
^V ugiché retenir, rattraper.
rrf f., souris. ^^H
^H r'égoboyè remettre à sa place,
rt7/-/om' m., réplique. ^B
^H arranger de nouveau.
Tctlày' f., ce qu'on donne en une H
^H rtgràs'L, rallonge.
fois aux chevaux au râtelier; H
^H ngrâsic rallonger, ragrandir.
rangée de grosses dents. V
^H rcgroboyc \so] se refaire, réparer
Hîôye, rétaye ca't'c rembarrer H
^H ses forces.
quelqu'un, rabattre le caquet à ■
^H rehkhe le mena y \ Au sortir de
quelqu'un. 1
^H l'église la mère du marié ou à
rèmie chargé de fruits (se dit des ■
^^^^^ son défaut une proche parente
arbres). ,^^fl
^^^H attend, sur le seuil de la maison
rcyarjc aller dans les jardins après ^^H
^^^H où se fait la noce, la mariée et
la cuetUeoe des fruits ., pour V
^^^H lui remet selon sa fortune une
ramasser ceux qu'on a oubliés, ^Ê
^^^H pièce d'or ou d'argent. C'est ce
nvarjc repasser la herse sur les H
^^^H qui s'appelle nhkhè le m(riày\
champs semés. H
^^^H (Usage encore en vigueur à Re-
rtTôiirt^/ f., objet de peu d'impor- B
^^^H tonféy.)
tance. ■
^^^^ rëjtile résonner, retentir.
r^y m., rouille. H
^H rr/f passer au crible; à L, richi.
reyc ronger, ruminer la pâture (se ^^H
^H rcjii r t , criblure.
dit des animaux). t^^H
^H rclâci d'sii ne plus vouloir quelque
réyt rouiiler. ^^H
^H chose, laisser là d'ouvrage, etc. i ,
rèyôté m., gâteau du jour des rois ^H
^H être dégoûté de quelque chose.
dans lequel est la fève. rf^H
^^L^ nmistacé réparer à la hâte, rafisto-
riày^ f., ensemble du chanvre quf^^H
^^m
a été roui. H
^^^^ rcnàcic répéter souvent, rabâcher.
rie è rac tout juste. ^^^M
^H rcnô m., trognon.
m faire rouir le chanvre. ^^H
^H fcnotié nettoyer la vigne. W.
rièt* f , , versoir d'une charrue. ^^^H
^H repà m., renvoi, rot.
rffvam., vaurien. ^^H
^^^ répay* f., renvoi, rot
rima m . , gâteau salé, i^^H
J
vocABuume di
) PATOIS MESSIN 219 ^^^|
rié\h'së{îém, pJur.) dimanche qui
rtronô masc. plur., sons fins. ^^^|
soit le dimanche de la fête ou le
riidiye couler fortement, couler à ^^H
jour d'une noce. Ce dimanche-
torrents; l^ou riidiye z= Peau ^^^H
U on recommence la fêle.
coule à torrents, ^^^H
rmaf vomir.
mêlât' t, ruelle. ^^H
mdni' m., romarin.
ruèynàm., tardon, animal dômes- ^^^H
f'fldf m., renard.
tique qui nait longtemps après ^^^^
fna {jûT U\ vomir.
Tépoque habituelle, par ex. en ^^^|
rgtfff., nielle.
^^^1
Tùboyé grêlé, marqué de la petite
rui d'elle m», ornière, trace de ^^^|
vérole.
roues d'une voiture. ^^^H
n^hoyu raboteux.
r2£â m., petit ruisseau. ^^^|
fôdii ronfler.
râsô m., verrat. ^^H
fOJHdri,^ rougeole.
ruîâ m., espèce de verdière, oi- ^^H
rômu* t., rengaine, chose qye tout
^^^1
^B le monde répète ; radotage.
rùte (se dit habituellement des ^^^|
^H rtrur \à} maigre, qui ne profite pas.
porcs^ grogner. ^^^|
^H Se dit par ex. d'un cochon qui
ni- dépôt qui se forme au fond de ^^^|
^^ n'engraisse pas.
la marmite; gratin. ^^^|
^^ rôù m., coureur de filles.
^^^1
^H f1taf«, rue. R. L.
S (partout = Ç ^^H
^V Tda m., espèce de roseau dont on
sacaî\ sccai^ f. , racine d'arbre. ^^H
^^ se sert pour calfeutrer les lon-
sàfoyû m., gras double. ^^^|
W neaux.
salbrê {l'e èîû mô] il a été mal reçu, ^^^|
1 roMi chercher partout, fouiller.
mal servi, mal régalé. ^^^|
1 Tôya m., rouleau de bois servant à
samos^ (., lisière d'une étoffe, le ^^^|
■ écraser les gazons.
bord d'une toile de tisserand. ^^^H
^^ r^ya ô pm m. ou rôyat d pém f.,
Siine {so\ se signer, faire le signe de ^^^H
^H pâtisserie composée d'une pomme
^^H
" cuite entourée de pâte.
î3p m , sable. L. ^^^M
rô>flv' accouchée ipart. passé).
satmèf f., chose invraisemblable, ^^^|
rôyc rouler.
superstition. ^^^|
rdyé nenoyer (une écurie).
sata \rc èVd i) il a reçu une répri- ^^^|
rôyc i fofih tirer la braise du four
mande, un savon. ^^^|
pour mettre le pain.
sâyé goûter. W. ^^H
rdyum., rôdailleur, vagabond.
séj sn son (pronom possessif mascu- ^^^H
rcfuécà m., épinoche, poisson.
^^1
f'sfnô m., souper nocturne.
se sa (pronom possessif féminin). L. ^^^|
r*(é m., râtelier. On dit prov. Ca i
sèciô m., groupe, ensemble, tas. ^^^|
^^L n'i c pu rit a né léz an' so hêt t=-
Kco^r abimer quelque chose, gâcher ^^^|
^H quand il n'y a plus rien au rate-
ouvrage. ^^^H
^H lier les ânes se battent.
stkf f., petit siège en bois sur ^^H
^^ nope reboucher.
lequel on s'assied pour traire les ^^^|
^ rtid masc. pi. , sons (résidus de blé) ,
^^^1
-^^^^^^^^^1
^^H 2 20 E, ROLLAND ^'H
^^H selhi m . , cerisier.
sdfî t, cigogne (mot employé à
^^^■^
Lucy).
^^^^H sémjii m., médecin. R. L.
sorvor apercevoir. Sorvii^ aperçu.
^^^^1 sèscnaft^ ortie blanche (dont on
sôsé ceci.
^^^^^ $uce les fleurs).
sôiet (s'a le) c'est celui-là, L,
^^H
sôtà m., fagot, pierre ou palissade
^^H s'ésâô m., grillon « Personne ma-
qui barre les chemins dans une
^^H lingre.
chènevière. Les hommes peuvent
^^H sivû su ; part, passé du verbe sauo^
passer par dessus, en enjambant.
^^H
Le bétail est arrêté par cet
^^H sèyê m., seille servant à traire les
obstacle. ,
^^H
sôtû (Je bchh hày' do h). Cette
^^H s'éyô m., petit siyé. On dit aussi
phrase signifie que le plus faible
^^V c/i séyaf f.
doit toujours céder au plus fort.
V ^ siéy' f, suie.
Le sens primitif était que la chè-
^^^ siey^ r, soie de cochon.
nevière qui devait un passage à
^^H sii ilo] le sien : au fém. le sti, la
enjamber pour les piétons ne
^^H
pouvait être enclose que par une
^^H slnàtàr f. , signature.
haie basse. Donc toute haie basse
^^^1 sine signer.
supposait / sdîii.
^^H siom, si 5 m sensible, qui affecte de
spiidir. Ce mot a un sens assex
^^H la sensibilité.
vague et assez difficile à définir.
^^H Sisis François, prénom.
Quand on dit pod f= pourquoi)
^H sitlè (s'a le) c'est celle-là. L.
et quand on répond spiidir, cela
^^H sival f. , ciboule, plante.
signifie, je crois, parce que.
^^H sla gcfri [lo\ !e beau soleil d'hiver.
srhé m., cervelle.
^^H On dit quand il fait un beau
sii ci {lé) ceux qui.
^^H soleil en hiver et quand il fait
subrhd m. , à compte que Ton prend
^^H froid en même temps : s^alo sla
sur un repas quand on a trop '
^^H gey'ri — c\àjal le mo y- il — C'est
faim pour attendre.
^^H le beau soleil d'hiver qui gèle
sudàr m. , soldat d'infanterie ,
^^H les mal vêtus.
soldat.
^^H sii (masc. plur.) instrument pour
surcrui* f., choucroute; à L. ùr-
^^H raffiner le chanvre.
crut.
^^H sô f., saule, arbre.
T
^^H SQch m,, soc de charrue. L.
îabore battre, frapper à coups re-
^^H socric, Siicrie plaindre quelqu'un.
doublés.
^^H som f., blé en sac prêt à la mou-
tac m., amas (de foin, de blé, etc.)
^^H
tâcie mettre des planchettes pour
^^H somô m., mauvais bots de chêne.
comprimer une blessure, pour
^^^1 sëmii stupéfait.
resserrer un membre fracturé.
^^H mi- m-, espèce d'horloge ancienne
tacmcrchô m., traquet, oiseau.
^^^^H dont la caisse ressemble à un
tâdïr^ f., barre qui maintient les
^^^^1 sont- [boite au sel).
échelles d'une voilure.
^^r VOCABULAIRE DU
PATOIS MESSIN 121 ^^^|
W tâgéHé (so) se disputer, n'être pas
îiautt m. y cloutier, ^^H
^K d^accord.
îk îac mèrchd m,, taupin^ insecte. ^^^M
^H tâhhtonc parler obscurément^ mentir
^^H
^H en bredouillant , parler d'une ma-
îiïpdy^ dé chvd (erC) f., un nombre ^^^|
^H nière confuse.
quelconque de chevaux ou de ^^^|
^H Ulboic pousser, harceler, exciter,
vaches tenus en corde. ^^^H
^H persuader à force d'imporlu-
îièrté f., clarté. ^^H
^W nités.
tict' d'à f., gousse d'ail. ^^H
V tanï Uo) s*étendrc.
til (h) te tien, au fém. li tit, U ^^H
^H tàpïîj iâplt redresser les gerbes
^^^1
^^P mouillées pour les faire sécher.
îincr m., tonnerre; à L. tinôr. ^^^H
■ îaTÔ m., devant de la maison, de
tior clore, fermer ; je tiô, je ferme ; ^^^|
^^m la porte où Pon se tient quand
je tiéyâ, nous fermons, i tidy' ils ^^H
^f îl fait beau. Seuil de la poae.
^^^1
■ tSLîlc téter.
fia! tiaî ùu! péiià ! cris pour ^^^H
^^ iif è t'dl 1, grand souci, personne
appeler les cochons. ^^^^
^H lente qui ne dit rien.
îô m,, établi d'un marchand forain. ^^^^|
^^ tauô ra.; laon, insecte.
f^ m., taudis. ^^^|
1 tfc f., plaque de cheminée.
îô {éî ica su) être encore sur pied. ^^^|
1 tihaf f., espèce de cich faite avec
miom., linge entonillé; brassée ^^H
^^m ies coins de la paie rabattue sur
[de foin, etc.); torchon de ^^^|
^^P la mûrat.
^^^1
^^ uhi m. , amas (de foin, de blé, etc.).
{è7^rf., crépine, toile qui enveloppe ^^^|
■ Ténich Etienne, prénom.
la panne du cochon. ^^^|
1 tir tenir debout^ se tenir debout.
tôln m., têtu, sournois, imbécile ^^^|
^^ je té je tiens debout, je tiyâ nous
(injure), ^^^|
^H tenons debout, je tèyoj je tenais
îonaV f., marteau en bois dont se ^^^|
^H debout.
servent les femmes pour battre ^^^|
* tirkîc dorloter.
U codô dé chèn. (Voy. au mot ^^^M
terni étemuer. L.
^^^1
tfî' f,, toux. On dit, en plaisantant.
tonaV espèce de juron (peut-être ^^H
â quelqu*iin qyi a un gros rhume :
pour tonnerre l). ^^^M
VéUtcs'mcrlu^t'l'irich' c'è
tôniày* f., rossée. ^^^|
Il mû.
tdnié, tânu battre, rosser, malme- ^^H
têt' d*ôinô f,, espèce de scabieuse.
ner, taquiner. ^^^|
Tèién* Etienne, prénom.
topa m., œillet de poète ^^^|
îtja m., tilleul.
topaf f,, étoupe de lin. ^^^|
îtyt détacher le filament du chanvre
tope étouffer (verbe neutre], ^^^|
avec la main.
topé in' ohh fermer une porte avec ^^H
ûyo d^chèn m., tîge de chanvre dé-
^^^1
pouillée de ses filaments.
tara m., tour à filen ^^H
fî d^vèn m.» raisin dont le jus d'un
Tdtkh Anne, prénom. ^^^|
rouge vif sert à donner de la
îdtic manier, tâtonner. ^^^H
couleur au vin.
iozlè tondre (une haie). ^^^Ê
^H ^^^
^H trâhiaf ï., tremblement, frisson.
gerbes symétriquement disposées H
^H trepi!rsc mouillé jusqu'aux os.
dans un sillon. ^^M
^^^ tramuè m, , culture mélangée d Vge
tricués' \t singulier) > tenailles. ^^M
^^^H et d'avoine.
trihaf f , eau dans laquelle on a S
^^^~ trlt' i., écheveau. L.
savonné le linge, eau qui a passé ^^H
^V îraiu m,, entonnoir. L.
à travers la lessive. ^^H
^H tray* f,, trèfle des prés» petit trèfle.
trihic passer la main (sur le poilH^f
^H irébia, twhta m., tourbillon.
d'un chien^ etc.). ^^H
^H trèfhhu m., che\ille en fer servant
tri' sic seringuer^ partir en jet. ^^H
^^^H à relier la lôzên' à l'avant-train
îrizalc retentir, résonner. ^^M
^^^^P de la
ira m., excrément. ^^H
^^Ê îrclih [à] en friche.
tro iVcuchô m., trombe, violent^^^f
^H irejtm.j endroit où Ton engrange
orage; à W. îrô d'cochô, ^^|
^H les denrées.
irô de jac m., gomme des arbres^^^^f
^H trmay* (fém. plur.) gerbes étalées
fruitiers. ^^H
^^Ê sur le sol d'une grange pour être
trô de Hch m., bouse de vache. ^^H
^^^g battues.
trochc taller (se dit du ble ^^|
^^F^ trèmùr f,, caisse où Ton jette le
trôhu chercher. ^^H
^H grain pour le moudre ou pour le
îrdpoyc aller çà et là, 0ner. ^^|
^H vanner.
îrâpaé m., embarras quelconque. L, ^^|
^H irénc m,, corde de cuir tressé qui
troui^ trosàf plaintif; plaintive; ^^B
^H pend ay manche du fouet.
dolent, dolente. 1
^H trénià m., traînard, paresseux.
trosie se plaindre. ^^M
^^^^ trèpiûr f., menu bois qui reste d'un
(Tôutr f., femme sale. ^^m
^^^H fagot, qu^oa met dans un autre.
truàdrèy' f., paresse. B
^^^
tru-cauây f., femme cancanière, H
^K^ tnpic piétiner, trépigner. On dit à
rapporteuse. H
^^^B un paresseux qui se lève tard :
îrfiU, îrïïelc nettoyer à la pelle. H
^^^^1 te r' trèpdré m su lé cùpô, c.-à-d.
f tôlàhh, d'mlàhh partout. On dit H
^^^H tu ne marcheras pas sur les cra-
prov, ce chèci" hâdlès* àévà ché H
^^^H pauds parce que tu verras assez
if, i fré hé dUdlàhiL Que chacun S
^^^V cl^ii' pour ne pas les écraser.
balaye devant chez lui, ce sera H
^^m trèsâ m. , redevance en nature;
propre partout. — Autre pro- H
^H (terme ancien).
verbe : le grèfih a bon* d'tôtdhh, ■
^^^ trèsâ \pâr /t môd^ li se faire de la
jusc'è dà h tph la graisse est ■
^^^K bile, du chagrin pour ce qui
bonne panout même dans la ■
^^^r
soupe. m
^m trèiril l , crécerelle ; à L. trétéi
tU-^hr m., repas de fête que i*on fl
^H tnye étriller.
fait à la 6n des travaux de la H
^^^^ trtyèy' f., petite écurie fermée
moisson, de la fenaison, etc. H
^^^K jusqu'à une certaine hauteur
tut tous, toutes; i $q tut* ioU ils 1
^^^^ pour les cochons et les moutons.
sont tous là, ^^Ê
^H rrc2<^ m,^ un des tas de la tralîr.
^^M
^H trèith f., l'ensemble des tas de
■
^^^^^^P VOCABULAlHfi DU
PATOIS MESStN ^^^|
^^^^K U = Ou partout.
vircïié mangé des vers^ piqué des ^^H
^^Bfll'f., personne paresseuse.
^^^H
mhiâ qui branle, qui hoche, qui
viyuè m,, table d^un cordonnier, ^^^|
ballotte. On dit d'un vêtement
d'un ^^^1
trop large : to rcha le a tra
vlàti volontiers. ^^^|
aèhiâ.
vlâîru m., qui montre de la corn- ^^^|
B^«*f., veine» anère.
plaisance, de ta bonne volonté. ^^^|
ainâr m., bouton à la paupière
vô vos (pronom possessif). L. ^^^H
appelé Compère Loriot. On dît
vôfxeuf. L. ^^^1
aux enfaiîU qui font des incon-
souple. ^^^H
gruités au milieu des chemins.
volât' f., clayon, éclisse. ^^^|
qu'il leur viendra un aènàr dans
voltra m., hanneton. ^^^|
l'œil.
vôt' f., espèce de pâtisserie. ^^H
nirbroci' m., vilebrequin.
V(izna (j) un Valemin. Le i''di> ^^^|
mcayc m., sellier, bourrelier.
manche de carême, le dernier ^^^H
mém,^ pièce d'une charrue.
marié de l'année réunit les gar- ^^H
uiUarlf U, saleté. L.
çons du village que tous ensem- ^^^|
urcie jeter des cris (se dit des
ble parcourent en s'arrêtant ^^^^
porcs)*
devant la fenêtre où il y a des ^^^^
aihh m., gui.
tilles. Le dernier marié s'arrête ^^^^
iïf ^ tta Us, hUs ! interjection qu'on
et dit : j'y donne, j'y donne; les ^^^|
adresse aux chiens pour les
garçons répondent : à qui? à ^^^H
chasser.
qui ? — m ul à tint telle — et il ^^^H
V
ajoute <c l'aura-t'il », l^s garçons ^^^|
yij* f.j pervenche.
répondent : oui, ouï, et alors ^^H
vâld dH'ohh m., clavette servant à
tout le monde de crier hèrô ! ^^^M
maintenir le verrou fermé.
^^H
valhhâ bien portant.
Si la fille n'accepte pas elle ^^^|
vàrpan' L, nuage bianc qui, quand
son avec un torchon de paille ^^^^
il est tourné au nord, annonce
auquel elle met le feu. Le di- ^^H
le beau temps, et à l'est, la pluie.
manche suivant les vôzna (les ^^^^
yâthit, vâtri' m., tablier.
amoureux désignés] qui ne sont ^^^H
pâtô m., vanne pour retenir Teau.
pas brûlés, se rendent chez leurs ^^^|
védcfomrô m,, quantité de fumier
rôznaî- qui leur ont préparé des ^^^|
qu'on prend en une fois avec
pâtisseries appelées puo dé phhL ^^^M
une fourche après l'avoir roulé.
Le j^ dimanche, les garçons ^^^^
yéU «'écrouler, s'ébouler.
portent un cadeau à leurs vôznat*, ^^^H
YtUnïsô m., limaçon.
v^naf f., Valentine. (Voyez, ci- ^^H
vttmu venimeux, vénéneux.
^^H
¥€nâ tosc viens ici. Cette façon de
vuy' (ai en route, en voyage. L. ^^H
^H rendre la i*" pers. de l'impératif
v'zèy\ fzèj^ f .^ vessie. ^^^|
^H n'est employée que pour le verbe
^^H
^B
zag'né fouetter. ^^^^
t
zdbc battre, rosser quelqu'un. ^^^|
224 E. ROLLAND
CONJUGAISON.
(rémilly.)
Verbe auxiliaire aué (avoir).
Indîc. prés.
pèrâ
i'à
v'èrô, v'iref
fé
Vèrô
Vï
Conditionnel présent.
fèvàrfà
fèrô.fèftf
v'hb, v'o
Vèrô, Vèr'éf
V5
Vèrô, Vèrïf
Imparfait.
fèri-
yivô, j'èvëy'
v'èri-
Vivo, fèv'éf
«ri-
rhô, Vhïf
Subjonctif présent et imparfait.
i'èvi-
céj'èvès'
v'èvh
ce Vèvès'
l'èvh
ci Vèvès"
Futur présent.
céj'èvhs'
fera
ce v'èvhs'
fèré
et Vèvhs'
Pèr'é
Verbe auxiliaire it (être).
Ind. prés.
j'é srâ
je sii
vï srô
fa
i srô
Va
Conditionnel présent.
i' ^^à
je srô
v'atô^ v'atëy'
té srô
isô
i srô
Imparfait.
je sri"
j'atoj'atéy'
ve sri"
Vatô, faiéy'
i srh
Vatô, Vatéy'
Subjonctif présent et imparfait
fati"
ce f sô, et i'atès'
v'ati"
ce V sô, ce Vatès'
Vati-
c' isôyCéVatès'
Futur présent.
cëf si-, ce j'ati-ï
je srà
ce v' si", ce v'ati-s.
té sré
c'i si", ce Vati-^s
i sré
VOCABULAIRE dU PATOIS
\ MESSÎN 225
Verbe mîjë (manger).
Indicat. prés.
Conditionnel présent.
j'é mîj-
je mîj-rô
té mîj--
të mîj'Tô
* 1 mîj"
i mîj'Tô
je mîj-â
je mîj'îC
vt mîj-o
ve mîj-rh
i mîj-
i mîj'-ri-
Imparfait.
Impératif.
je mîj'-o
mîj = mange
te mîj-ë
mîj'à mangeons
i mîj-ô
rnîj'd mangez
je mîj'i"
Impératif négatif.
vë mîj'i"
ne
mïj'ér më ne niange pas
i mîjA"
ne
mîj'àr ment mangeons pas
Futur présent.
ne
mîj'ôr më ne mangez pas
je mîj'Tà
Subjonctif présent et imparfait.
të mîj-ré
ce /' mîj-is'
i mîj'-rë
ce f mîj-^s
je mîj-rà
c' / mîj-ès
vë mîj-rô
ce j' mîj'i^s
i mîj-rô
ce v' mîJH-s
c' / mîj'hs.
Sur ce verbe mîj-ë, or
1 peut conjuguer 1"
le plus grand nombre des
ircrbcs dont Tinfinitif est en ë, ex. :
charch-ë
bach'ë
bau'ë
fiàr-ë
résan-ë etc
•
2* Un grand nombre de verbes dont l'infinitif en e est précédé d'un
, ex. :
huy-c
râvay-ë
s^ànay-ë
géy-ë
trôy-ë etc.
■
30 Un grand nombre de verbes dont l'infinitif est en iè, ex. :
ruàt-ië
so cuh-ië
bih-ië
bacès'ië
hi-s-ië
tës-ië
Romania^ V
«5
2l6 E. ROLLAND
4^ Un certain nombre de verbes dont l'infinitif est en i, ou î-, ex. :
m'ér-i :• ' .
drém-i"
VUH
50 Un certain nombre de verbes comnie
cor
cm
Verbe àrnè (éreinter).
Ind. prés.
'f âfèn'
i* àrtnrfd
V afin'
etc.
V àrën'^
Impératif.
j* âm^â
àrln'
V* ârn-o
ârn-â
V ârire
àrn-d
Imparfait.
Impératif négatif.
f ârn-o
/?' àren-ir m'é
etc.
rC âren-âr m
Futur présent.
n' ârin^-ôr më
j' Sfén-rà
Subjonetif.
etc.
cëj'ârn-is'
etc.
Sur le verbe ârne conjuguez les verbes terminés en ne précédés d'une
consonne, comme
àfohhne
séné
On conjugue d'une façon analogue des verbes comme trèplé piétiner
{j'é trèp'élf je piétine, j'é tripla^
•nous piétinons) ; àtfé^ entrer [fàtïr^ j'entre,
j'àtrà, nous entrons) ; biauféj
, cligner des yeux (j'é biauxf^ je cligne, je
biauîà^ nous clignons).
Les verbes comme tfévé font aux premières personnes du singulier du
présent de l'indicatif, j'é tr'éf.
té tr'éf, i tréf(crévëj crever, ye cféf, etc.).
Verbe Më (aider).
Indic. prés.
Imparfait.
j'àdiy'
Sing. j'adi'ô
fàdif
etc.
ràdif
Plur. fadi'i*
i'àdi'à
etc.
v'àdi-ô
Futur présent.
Vàdf
j'adiy'-rày etc.
VOCABULAim^ OU PATOIS MESSIN 237
Con(&ionnel présent.
n^adi*àr m'é
j'àdiy'-rô^ etc.
n'àdi-^ôr m'é
Impératif.
Subjonctif présent et imp.
àdiy'
Sing. ci j'àdi'ii
etc.
etc.
Impératif négatif.
Plur. céj'àdi'hs'
n'idi'^mé
etc.
Sur ce verbe conjuguez r un certain nombre de verbes en S comme
Mit nettoyer.
20 Les verbes en iy'é.
Remarque. Quelques verbes
comme cacie, gàgil font au singulier du
présent de l'indicatif : je cacèy\
, je gàgèy\ mais au pluriel jï caciâ, j'é
gàgiâ.
Verbe àtir (choisir).
Ind. prés.
Conditionnel présent.
i'àli
j'an-ro^
Vàli
etc.
Pâli
Impératif.
pàlih'à
âli
v'àlih-o
etc.
l'àlihh
Impératif négatif.
|inparfaix«
n'âlihr^r mi
pilih'd
n^âlih-âr m'é
etc.
rCàlih'ôr me
Futur.
Subjonctif présent et imp.
j'àli-râ
Sing. u j'âlih-èSy etc.
etc.
Plur. çë j'àlih'h s y QIC,
Sur ce verbe conjuguez certains verbes dont l'infinitif est en i cbmme
fiéri.
Le verbe dîr (dire) se conjugue ainsi : Prés. ind. j'é di^ etc., j'é d^hhâ.
Imp.. jidéhô, etc. Futur y> dira, etc. Subj. ce jéd'éhis'y etc.
Verbe buér (boire).
Indic. prés. Futur.
je buo je hué'fà
tï buo etc.
/ buo Conditionnel présent.
j'é bov^à je hié-fo
vt bov-ô Impératif,
i buo-n buo
Imparfait. bov-à
Sing. jï bovô boy-o
etc. Impératif négatif.
Plur. je bovi" né boihér mé
n8
E
. ROLLAND
né bov-'àr mé
Subjonctif préscM^étihip.
ce je bov^*
né bov'ôr mé
etc.
Verbe cher (tomber).
ïndic. prés.
Conditionnel présent.
je cht
je chor-o
té chï
1
Impératif.
i ché
chï
je chèy^â
chiy-â
vë chèy-o
chiy-ô
i ché-n
Impératif négatif.
Imparfait..
né chèy-ér mé
je chèy-^ô
etc.
etc.
Subjonctif.
î'utur présent.
ce je chiy'-ès'
je chô-rà
etc.
Verbe
par (prendre).
Ind. prés.
Conditionnel.
je prâ
je pâ-ro
té prâ
Impératif.
i prâ
prâ
je prén-â •
prën-â
vë prén-ô
prén-ô
i prâ-n
Impératif négatif.
Imparfait.
né prënrér më
je prën-o
etc.
etc.
Subjonctif présent et imp.
Futur.
ce je prén-ès'
je pâ-rà
etc.
etc.
Verbe
crôr (croire).
Ind. prés.
Imparfait.
je crô
je criy'-ô
të crô
etc.
i cro
Futur.
je crèy^'â
je crô-rà
vë crèf'ô
etc.
i crëHi
VOCABULAIRE DU PATOIS MESSIN 229
Verbe conahh (connaître).
Indicatif présent. vë conhh^ô
j'é cona i conahh
të cona Imparfait.
i cona j'é conhh-6
i'èconhh'à etc.
Verbe maf (mettre).
jï ma y'é mat-o
té ma i maV
i fna Imparfait.
je mat'à je mat-o
Etc.
Eugène Rolland.
MÉLANGES.
1.
JOCA CLERICORUM,
Le ms. 0 245 de la bibliothèque de Trinity Collège, Cambridge, con-
tient un grand nombre de petites pièces latines plus ou moins intéres-
santes, les unes connues, les autres inédites. J'en tire quelques énigmes
et charades réunies (p. 12-13) ^^"^ ^^ ^^^ • ^^< comencent devinailUs a
meinte gent mervaUle, L'explication a été souvent ajoutée en marge et est
d'ailleurs facile à trouver. Je les ai notées fort en courant et dans un
ordre qui n'est pas, je crois, celui du ms. ; je n'en ai d'ailleurs recueilli
qu'une partie ' .
DAPES.
Ori quinque placent ; si quatuor^ aère pendent ;
Si tria, pars hominis ; si duo, duice sonant.
CORNIX.
Est avis in nemore nigro vestita colore ;
Si caput abstuleris, res erit alba nimis.
NUX.
Ligneus est lectus, nullo tamen arbore sectus ;
Solvere qui poterit solvat, et ejus erit.
L'auteur de quelques-unes de ces pièces était d'une ville qu'il appelle
Cemel dans plusieurs morceaux ; il donne son propre nom dans l'énigme
suivante :
Qui legis hos versus auctoris queso memor sis.
Littera prima necat, micat altéra, tertia cecat,
Quarta resolvit, quinta revolvit, sexta coheret :
Si conjungantur que dicor nomine fantur.
Cette devinette est conçue dans un système que je n'ai pas vu employé
I . On y trouve aussi la charade sur Saturnus, dont on peut voir le texte et
l'explication dans P. Meyer, Documents.
JOCA CLERICORUM IJi
ailleurs. Cela veut dire qu'il faut prendre la prmière lettre de necat, la
U(ond€ de micat^ et ainsi de suite ; on obtient ainsi Nicole de Cemel^
nom de notre auteur. Le glossateur n'a pas saisi, car il a ici omis Tex-
plication'. Ce Nicole était, comme il l'avoue lui-même dans une énigme
autrement bâtie, d*un tempérament amoureux :
AMO, OMA.
Prima Iriangula sît, tripedem propone rotunde,
El convcfte : scies quis sit mihi morbus et unde.
Ce nom d'Oma ne m*esi pas connu ; mais la personne qui le portait
n*a pas seule été aimée de Nicole. En voici la preuve :
!MALOT».
Si vertas totam res est quam diUgo solam.
W AL1Z.
B Prima triangtila^ longa subambula, curta sequatur,
B Greca sit uîtima : talis in intima cordis amatur.
B ISABEIL.
B Si vertas Bachique caput linemque SibittCt
B Advertas pro qua patior suspiria mille.
Je ne sais sll faut attribuer au même d*autres balivernes du même
genre qu'on lit à d'autres endroits du ms. Ainsi, p. 3 :
Ar- cupit esse -tifcï -ander de plaribus Alex-.
P. Il : Phi nota fetoris, lippui gravis omnibus horis;
Sit /'/», sit lippus seraper procul ergo Philippus.
Celle-ci (p. ?) est assez curieuse en ce qu'elle nous fournit un spéci-
men antique d'un genre encore en faveur auprès de nos écoliers :
Mantica mentilur janua vestcr cquus,
c'csi-à-dîre évidemment : MaUmenl porte vonn chevaL
D'autres pièces sont inintelligibles. Parmi celles qui ne contiennent
pas des énigmes, je relève celle-ci :
(P. 36$). In barba longa si sît sapientia magna,
Credimus hiis diclis hyrcum remanere magistnim.
Ces deux vers sont un lieu-commun de la philosophie cléricale du moyen
âge ; on les retrouve en français au début da fabliau de Coqualgne (Bar-
bazan-Méon, 11^ p. lyj):
Une chose poez savoir
Qu'en gratit barbe n'a pas savoir ;
Se li barbé le sens seusscnt,
Bouc et chievres molt en eussent,
t. Je ne me souviens plus si celte explication est donnée pour les noms
propres suivants ; elle ne I est pas en tout cas pour le dernier*
2. Forme contracte de Maahi^ diminutif familier de Mahitlt; on trouve aussi
Maalei.
2 32 MÉLANGES
Ce qui est plus remarquable, c'est qu'une épigramme attribuée à
Lucien reproduit le même raisonnement (éd. Teubner, 1861 ^ t Illy
p. 468) :
El TA Tpsf etv 7C(0Y(i>va Soxci (toçCov iceptiroietv,
Kal Tpàfoc eOttcoyov eûaroXéc ^i IIVdTWV.
Y a-t-il là une simple coïncidence ? Je crois plutôt à une transmission,
par l'intermédiaire des écoles : c'est aux philosophes barbus dont s'est
aussi moqué Julien que cette plaisanterie s'applique le mieux : au moyen
âge elle n'avait pas grande raison de se produire.
Deux ou trois petits contes en vers se remarquent dans notre manus-
crit. L'un, intitulé Versus de mola piperis (p. 16), est bien connu ; Paotre
est une des formes de V Enfant déneige^ en deux vers, récemment publiées
par M. Wattenbach (voy. Rom. V, 124) :
De nive conceptum quem mater adultéra fingit
Sponsus eum vendens liquefactum sole refingit (p. 13);
le troisième (p. 17), intitulé Versus de mure et murilego, est, je pense,
inédit :
Caseolum quidam servandum misit in archam :
Mus veniens forât hanc, intrat, comedit, satur exit.
Vir ne mus rediens évadât ponit in archam
Muvilegum :vorat hic id quod mus ante reliquit.
Sic vastant muiti quod debent jure tueri.
G. P.
II.
SUR QUELQUES PRONOMS PROVENÇAUX.
NOTES SUPPLÉMENTAIRES.
De nouvelles recherches ou, plus exactement, de nouvelles ren-
contres me permettent de faire quelques utiles additions à plusieurs des
Notes sur les pronoms provençaux publiées dans le dernier numéro de la
Romania,
10 Oc. Cette forme, dont l'origine (lat. hoc) ne peut, ce me semble,
faire l'objet d'un doute, et dont je n'avais vu d'exemples que dans les
œuvres d'un poëte de nos jours, se rencontre plusieurs fois dans les
poésies gasconnes de d'Astros < (xyii"^ siècle) . Elle y suit toujours le
verbe, quelquefois affaiblie en og. Devant le verbe c'est ac (ag), qui n'en
est, je l'ai dit, qu'un renforcement que l'on trouve toujours». Ex. :
1 . Poésies gasconnes y recueillies et publiées par F. T. sur les manuscrits les plus
authentiques. Paris, 1867-9. 2 vol. in-8*.
2. Même emploi respectif, comme je Tai déjà noté, à Montauban et ailleurs,
de bo et de ba, et, dans quelques parties de la Provence, de vo et de va.
SUR QUELOyES PRONOMS PROVENÇAUX IJ?
<^ Boulets qu*4g digo? j» — « 0, digats-oc i> (T. Il, p. 202). Lorsque
oc, dam ces poésies, suit immédiatement une voyelle^ ce qui est le cas
le moins fréquent, ou il se contracte avec celte voyelle et alors l*o
disparaît (Ex. ; houtag en cent (I, 1421; ptr hec entene (I, 170); per
diâu (1, 1S5), ou bien un g (non un b ni un v) s'introduit pour éviter
Iliiatus. Ex, : per bouta goc en obro {\, 222); ptr da goc a 'mené (1, j8).
Cf, deguens, irès*fréquent dans le même texte, pour dehcns [=^dedens)
qu'offrent d'autres variétés du dialecte gascon, et pugom {=^prehouii
i= pTofandum), que possèdent aussi d'autres dialectes'.
2** Ou. Cette forme, ai-je dit, est très-répandue en Languedoc. Elle
y était déjà en usage, au moins dans la contrée de Béziers, dès la fin
du xn\* s. ou le commencement du xiv*. C'est ce qu'on peut induire
avec certitude des exemples ci-après où le pronom 0, suivant un /,
est traité comme l'était souvent dès lors ou peu après, dans la même
contrée^ Vo des mots tels que passio^ devenu passiu et pasiieu^.
Qu'uei non es vius ifuiti fo îer
{TrouMonrs de Biziers, p. 104.)
Equar non es quiu dtfenda
Niu castic los mais penden.
{Ibid,, p. ÏÎ7.)
E no troba qum aprenda.
(Ibid., p. 157.)
Ces trois derniers exemples sont de Matfre Ermengaud, ainsi que le
suivant, tiré du Breviari d'amor (Mahn» Gedichîc, I, 180, l jj et qui
est le seul que j'aie rencontré de ce nouveau déguisement de notre
pronom :
Nosson pas veray aymador,
Quar slm fosson, volgran suffrir...
j*» Vo, L'examen des leçons rejetées par M. Barisch au bas des pages
de sa Chrestomaihie provençale m'a fait découvrir deux exemples de
cette forme dans {^Évangile de l'Enfance^ ouvrage dont le ms. est anté-
rieur d'environ 120 ans à celui du Ludus Sancti Jacobin qui m'avait
fourni le plus ancien de ceux que j'avais rapportés. Ce sont les sui-
vants :
Sapjas que ieu vau fort doptan
Que v'aga fag aquel effant.
(Chreslomathie prov.^, 386, 2^-6.)
Dis Joseph : * Senher, que dizes? »
— < Scnhcr, vo le dirent addes. *
jlbid., 387, 7^.)
I * Cf. encore le limousin agaf = fr. haïr iRevut dts kngua romanes ^ [V, 78).
2. Voy. là-dessus Paul Meyer, Guillaume de la Barre, p, j;, et, pour la
prononciation (ou) de Vo de passio^ le mémoire du même auteur sur I 0 pro-
vençal {Mimoifcs de fa SocUie de Unguisti^uej 1 , 145-161).
3J4 MELANGES
M. Barisch a changé dans le premier cas vaga tn hâga^ dans le se-
cond vô, qu*il avait lu no^ en nos. Voir là-dessus la Revue des langues r<H
maneSf yui^ 2^^,
4** Vou, Cette forme, que je n'avais remarquée qu'en Auvergne,
existe dans le Vivarais et le Dauphiné. Voy, Revue des langms romanes^
VI[, 2pi VIII, i\ù-i^^S passim.
5* Vey be. Ces formes ont cours aussi dans le Rouergue. J'en ai rap-
proché se = îo, dont j'ai donné un exemple du xv* siècle. Le suivant,
que j'ai trouvé depuis, est du xiv\
Quar se* diso lî artîsta ^
Que la terra loi la vîsta. ^^H
iBrevîari d*âmor, v* J 620-1. J*^^!
6** Aux exemples anciens que j'ai rapportés de son ou sïeu pour for,
il faut joindre les suivants, tirés, le dernier du Poème de Sâinî-Trophime,
tous les autres du Brevian d'amor, ouvrages composés dans des pro-
vinces qui font aujourdhui, et qui ont dû évidemment faire de tout
temps, un pareil usage du pronom possessif.
Qiiez alcunas vetz a mon may
Son effan no fan se mezets.
{Breviari, V, 784*^*)
(md., 3258-9.)
iltid., 9445.)
Ulfid^t 18296-7.)
Cant eran mort, les metian sos parens.
{Saint'Trophime^ dans la Chrcst, prov. j8]-i4.)
C. Chabanëau.
P. S. — Je trouve un exemple ancien de oc [hoc] dans la chronique
biterroise de Mascaro, p* 143 : ef feron hoc; et deux de ag, forme qui
1. [Cet exemple est fort douteux : M. Mussafia a fait remarquer qu'à cet en-
droit tes mss. ae Vienne portent l'un ja, Tautre son (faute qui a so oour point
de départ). Voy. les Comptes rendus de rAcadémie de V^ienne, XLvl, p. 429,
— R M.J
2, Un ms. donne la variante en ïor joven.
Que part tota re amo Dieu
E si cum se lo prueime suu.
E totz aticcls naturalmen
Noiris sos pois e son joven *.
Eïon vezetz que sos bcfachors,
Sos senhors e 50J noiridors
Conoîsson li cavaf elh ca.
Ans puesco be vieure del sUu,
E sovcn pecco atressi
Emblan lo frug de so vttu
1
I
SOR OyELQOES PRONOMS PROVENÇAUX 2^J
n'avait été encore * je crois, relevée que dans des chartes, dans un
lexie littéraire du xiv« siècle, la Vie de S* Marguerite, publiée récemment
par M. Noulei (voy. Romania^ IV, 48^^ Ce sont les suivants :
V. 6[ Si no &g es (NoaUt aguesl ma drudan fare.
V. 91 A lor scnhor ag an (Noula agan) contât*.
Le même texte offre encore a (v. 562 : m'a fana far), forme qui se
trouve aussi, au moins une fois (vos a mostre), dans les Joyas del gay
sâhtî, p. 252.
— Se (î=s to] se lit deux fois dans la Chanson de la Croisade albigeoise^
ir, rot 9 [se cug), où M. Meyer conserve cette forme, et v, 8249 (per
j^qu'o entendatz] où il la change en so^. Je croîs qu*i! n'y a aucune
témérité à conclure de ces deux exemples, comme de celui, relaté plus
laut, que j'ai tiré du Breviari d'amor^ que la forme se, aujourd'hui sî
répandue, était déjà en usage à l'époque où le ms, de la Croisade et
celui du Breviari d'amor suivi par Tédition de ce poème ont été exécutés.
C. a
b
1. [Ces deux exemples de la Vie de S, Margamte mè semblent contesUbks,
Ce n*est pas que }e conteste la poxsibilîlé de la forme ag ou a dans ce texte,
puisque je l'y ai signalée le premier, ci-dessus IV» 487, mais je doute qu*elle
5it à prendre place dans les deux vers cités par M. Chabaneau. J*ai proposé
iRomanta IV^ 485) de corriger le premier ainsi, le v. 6t: Si no es ma drudan
Jau {pom farai), et |e mainHens ma correction : celle de M. Ch. donne au vers
iioe syllabe de trop : à la vérilé^^ il n'est pas impossible de prononcer ntng
pour no àgy mais si on lit la phrase entière, ou seulement les deux vers 60
et6ij on verra au'un pronom n'est pas nécessaire. Voici ces deux vers : Si
"itrgts a molhtcr taure | Si no es (= si elle n'est pas [vierge]) ma tiradan fare,
— ^ Quant au vers ^\^ A lor senhor ag an comtat ne rime pas avec le vers suivant^
qui se termine par gazanhar : û faut donc adopter au moins une partie de ma
correction et lire : ag van comiâr. Mais puisque agan doit nécessairemcnl être
corrigé, ag devient fort inceriain, et 0 van comtar^ que j'ai proposé. n*est point
inadmissible. Le poème fait en effet usage de la forme 0^ la plus fréquente de
beaucoup j comme on sait ; ainsi v. 224 que 0 ^oîz far. — P» M.]
2. [C est à dessein : le v. 1019 est de Guillaume de Tudela, dont la langue
est incorrecte cl imprégnée de français. Chez cet auteur, se peut être une
(onnc française pour ce. Au v. 8249, qui appartient au poète toulousain, se
Cït très* probable ment une forme introduite par le copiste, ou peut-être tout
simpieraenl une faute, — P. M.]
COMPTES-RENDUS.
Romaolsche ^Vortschœpfang, von Friedrich Diez* Bonn, Weber, iSyjjJ
in-8*, vj-98 p.
On retrouve dans rayant -propos de ce petit livre la discrétion et
modestie avec lesquelles l'illustre auteur a toujours parlé de ses travaux. Quanti
i l'opuscule en I ut-même, il est attrayant et instructif* 11 ne contient rien de^
nouveau^ si l'on entend par là des faits inconnus ou des lois non encore établies^
mais ce qu'il rassemble est rajeuni par le rapprochement même el le point de
vue de l'auteur. Qu'est devenu entre les mains des Romans l'héritage de li
langue latine? en quoi l'ont- ils accru, transformé, laisse perdre? C'est ce qufi|
M. Diex recherche, en se limitant aux substantifs concrets^ â ceux qui servent i
nommer les choses les pîus nécessaires à fa vk. Il compare lui-même son îovctpJ
taire à ces glossaires du moyen-âge, appelés Nominulia^ où les mots étaient rangéii
par classes. Voici la iiste de ces classes : Ùuu, Seigneur ; — Univtrs^ SaiiontA
Heurts f Phénomènes natureh; — Sarjaa du sot: — Homme; — Corps de t'hommeu
— Âme de fhomme ; — Aga ; — Parmlè, Familk ; — Animaux (Mammifirts^ à
Oiseaux, Amphibies, Poissons j insecUs): — Plantes (Arbres, Fruits, Fleurs); ^\
Minéraux ; — Jardinage ; — Agriculture ; — Navigation : — Guerre, Comkût ;
Armée, Guerrier ; — Armure du guerrier; -^ Armure du ckcval: — Mélurs ; — Ar\
et Science; — Ville; — Eglise; — Maison; — Intérieur; — Mobilier; — Vitement^
Nourriture ci Boisson; -^ Ustensiles de table. Pour chacune de ces catégories,.]
Tauteur ênumère d'abord les mots latins qui servent à rexprimer, puis il indiquai
ceux qui se sont perdus en roman, ceux qui se sont conservés, ceux qui onli
changé de sens, et les mots étrangers qui sont venus réparer les pertes ou^
combler les lacunes du vocabulaire latin. Ce travail, M. Diez Tavait déjà fait eai
partie dans la Grammaire des lanpes romanes ; il le reprend ici avec plus dti
détail et de liberté. L'intérêt historique et philosophique de semblables recherche»^
est évident; l'auteur met finement en relief l'intérêt pu rement grammatical qu'elles i
peuvent avoir : la comparaison des diverses langues se fait d'elle-même dansJ
l'esprit et se dessine avec précision par la juxtaposition des représenunts que |
le mot latin a trouvés dans chacune d'elles»
Quelques légères inadvertances ont échappé çà et là à la révision des épreuves,
et les travaux récents n'ont pas toujours été mis à profit. Mais qui aurait te
courage de faire des critiques de détail à un homme qui depuis cinquante ans n'a
cessé d'enrichir et de faire marcher la science qu*il a fondée, el qui, à Tige de
quatre-vingts ans, sait encore apporter à Tétude h fraîcheur d'esprit, la finesse
de pensée et l'élégante concision d'expressioo qu'on admire dans plusieurs
passages de ce petit livre? Tous !es philologues romans, élèves de M. Diez, le
remercieront de ce nouveau cadeau^ fleur d'arrière-saison, qu'ils n'espéraienl
plus guère, éclose sur Tarbre puissant â l'ombre duquel ils travaillent.
G. P.
R, FÉRAUT, Vida de sont Honorât
H7
La Vida de sant Honorât, légende en vers provençaux par Raymond
Fkbaut, troubadour niçois du Xi If" siècle, publiée pour )a première fois en
son entier par les soins et aux frais de la Société des lettres, sciences et arts
des Alpes -Maritimes, avec de nombreuses notes explicatives, par M. A-L.
8\flDou, Nice, imp. Caisson et Migiîon, s. d. [1875]. — ln-8", xx-214 p.
La fie de saint Honorai, composée par Raimon Féraui, prieur de la Roque-
Estéron, à la requête deGaucelm, abbé de Lérins, pour Marie de Hongrie, femme
de Charles II, comte de Provence, occupe tin rang fort honorable entre les der-
niers écrits de h lillérature provençale : les récits dont elle se compose ne sont
poînt dépourvus d*art ; la versification offre une variété dont on n'a pas d'autre
exemple; la langue, qui n'affecte aucune prétention savante, qui reste populaire^
toui en étant habilement maniée, offre peu de difficultés, et réserve nombre de
petites découvertes au philologue qui cherche à se renseigner sur Pélat du pro-
vetîçal dans la basse Provence aux environs de l'an i joo. On ne peut donc
qti 'approuver la société savante des Alpes-Maritimes, et particulièrement
ft^ . Sardou, d'avoir songé à mettre au jour \xn ouvrage qui a pour le départcr
wienl des Alpes-Marilimes un intérêt tout spécial. Mais il faut regretter que
l'édition n'ait pas été dirigée par un philologue suffisamment préparé â sa tiche.
Ce défaut de préparation était déjà trop sensible dans la notice du poème de
R . Fcraut que M. Sardou a publiée en i8j8 ou 1859', mais il Test bien plus
encore dans une édition oii Ton s'attend naturellement à rencontrer un travail
«Complet et méthodique sur Fouvrage édité.
le ne pourrais, sous peine de reproduire des observations que j'ai déjà formu-
ailleurs ', entreprendre ici Texamen de cette édition. Je me bornerai à résu-
er en quelques lignes les critiques qui peuvent lui être adressées. Le texte,
1* ^bord, n*a point été établi sur une base suffisante. M. Sardou n'a mis A con-
"îbution que trois mss. : celui de Raynouard, maintenant en la possession de
^^Ctjpssard, et deux des trois mss. de la Bibliothèque nationale; et encore
*a-l-il guère fait usage de ces deux derniers que pour compléter le ms. Ray-
*^Ouard qui a perdu ses derniers feuillets. Or nous connaissons de la vie de
^^^itit Honorai jusqu'à neuf mss,, sans parler d'une traduction catalane'. Des
^Circonstances fortuites, et non pas un examen comparatif de ces mss., ont
^^terminé le choix de l'éditeur. En outre, M, S. paraît n'avoir pas toujours
>ien lu SCS mss., d'où un certain nombre de leçons fautives, parfois même inin-
telligibles. Enfin, les notes fort nombreuses qui accompagnent le texte, — notes
t'ès-èlémentaires, rédigées en vue d'un public n'ayant du provençal qu'une con-
' ''JAissance bien superficielle, — contiennent souvent des explications erronées *.
Voilà potir le texte et pour son commentaire. Quant à la préface, je n*en puis
1^ dire, sinon que M. S. ne paraît pas soupçonner l'existence de divers travaux
^ui ont été faits dans ces d\K dernières années sur des sujets qui touchent de
i* La Vida de Sant Honorât,., analyse et morceaux choisis, par A.-L. Sardou. Piris,
iinatt €1 Dciobry, vi-j8 p. gr, in-8' (s. d.).
1, Voy. mon rapport sur la publication de M. Sardou dans le dernier cahier piru de
Il ktfuc des Sociitts savantes^ 6' série, t. Il, p. i6*6î.
^. Voj, Rev, dts Soc. sav. t* /. p, jy note 1.
4. i'ai donné dans l'article précité des échantillons, qu'il serait aisé de multiplier, de
(Cl divers genres de fautes.
a)8 , .1.. ,-• COIIPTES-RENDUS
prés à R, Féraut. Il ignore tes recherches de G. Pariç sur les récits empruntes
à rèpopée carolingienne qui occupent une assez grande place dans la Vie de
saint Honorat\ Il ne connaît pas davantage les études qui ont démontré k peu
de valeur des assertions de Jean de Nostre-Dame a, et il n*hésite pas â recueillir
chez cet auteur si peu véridîque b plupart des faits de la vie de R. Féraut,
Entre les questions dont se sont occupées les personnes qui ont écrit, avant
M- Sardou, sur R. Féraut, Tune des plus intéressantes est celle des sources de
la Vie rédigée en forme poétique par ce religieux. Dès le début du poème. Tau*
leur nous fait savoir, en des termes qu'il ne faut petit-étre pas prendre au pied
de la lettre, qu'il existait une biographie latine de son héros :
La vida s'atiobet en un temple jadis ;
De Roma l'aportci uns mongcs de lx:ri*.
De lay si trays 11 gesta, d'una anitgua scriptural
Rcn non i trobares mays de veritat pura.
Cette gisldj celte histoire qui fut tirée deîa Vie en écriture ancienne apportée
de Rome par un moine de Lérins (pourquoi « apportée de Rome » ?) étaîl
assurément en latin. Au début du quatrième livre, où sont contés les miracles
opérés par Tintercession d' Honorât après sa mort, R. Féraut dît : l^esloria n
gnus 1 E h lutins ts hnus^ Thisloire est pénible (sans doute longue, et par suite
pénible â raconter) et le latin est bref, ce qui est une évidente allusion à la Vie
latine que le poète avait sous les yeux \ A la fin de ce même livre <p, 188), Féraut
remarque que le saint a fait bien d'autres miracles que ceux qu'on trouve en
écrit : £ mot mays tn fa le grazitz \ Que non n'anm trobat cscnck, 11 est inutile
de démontrer plus longuement ce que personne ne songe à contester ; tenons
pour établi que Féraut a mis à contribution une vie latine. Mais quelle est cette
vie? Est-ce celle que les Botlandistes mentionnent (^cfd SS,, 16 janvier) comme
imprimée à Paris en 1 p 1 et qui leur a paru Irop fabuleuse pour mériter de
figurer, même en extrait, dans leur vaste recueil? Cette question n'a pu jusqu'id
être résolue définitivement. La vie latine de saint Honorât est un livre tellement
rare que G. Paris n*a pu en voir aucun exemplaire, et a dû se contenter d*une
traduction en provençal du XV!^ siècle dont le ms. se trouve à Lyon ♦.
1. Histoire poétique de Charlemagne p. 88, 291, etc.
2. Voy, mon mémoire sur les Derniers Troubûdours 4* ta Fwfemt {ïS7i),et Romaaia
11, 142.
54 Car M. Sardoii est certainement dans Terreur lorsqu'il traduit en note (p. IJI) :
f k Uitins es breus par « et mon sévoir est bref ».
4. Bibliothèque cfe U ville n" tioi (n* 1121 du catalogue Dclandinc). G. Paris n^l
même eu (voy. Htsi poit. de Charlcm. p. 88) que la copie des rubriques de cette tra-
duction, de lorte qu^il n*a pu étudier comparativement les deux textes. Du reste cette
traduction n'est pas complète. Une note du père Papebroch^ daiic de janvier i68j et
écrite sur un feuillet de garde^ indique qu'elle contieni iculemcnt les deux premiers
livres de l'édition latine, et encore abrégés en maint endroit- Le traducteur provençal a
njouté un prologue de ^ (açon, qui commence ainsi : u A la glorio et lausor de U
» sanctissimo et individuo Trînitat^ $i acomensso la vido et iigendo dai sacratissime e
» glorios cvesque et confesser de Jésus Crist monsur Sanct Honorât, permicroment
m fundador et aoat de la saaado insulo de terios, filh dai reî de Omgrio et evesque de
0 Arte... n En void les dernières lignes : « Affin que ca&cun puesque emtendre aqucsto
j^ sanao vido^ l'on l'a volgudo tra&slatar de Utim tm vtilgar, la quai vido comten très
i> pctis libres : lo permier parlo que fe$ lo sanct cve^que Sanct Honorât essent em sum
n evcsquat, et lo scgunt que fes davant que fosso evcsque ; lo ters que miracle» a Ëich
» après sa mort. Volent nos parlar dai premier, preguem Dieu que nos spire et nos
» donc sa gratto. Amen, w
R. FÉRAUT, Vida de sani Honorai 2\^
yi\ été plus heureux : M. F. Denis, conservateuradministratetir de la Bibljo*
thè^jue Sainte-Geneviève, a bien voulu, avec son obligeance nccoututnée, me
pfèlcf le seul exemplaire acluellement connu de ce précieux petit livre, celui
que possédait feu A. Denis, ancien député du Var, et d'après lequel des extraits
de 11 vie latine ont été publiés tant par le possesseur du livre * que par diverses
personnes â qui il Pavait libéralement communiqué.
J'ai donc pu instituer une comparaison détaillée entre le latin et le provençal^
mais cette opération n*a pas produit des résultats tout i fait sûrs, La Vie
Utioe et le poème sont dans un rapport très-inttme : la marche du récit est la
mêroe de part et d'autre» les chapitres se correspondent en général assez exac-
tement; et cependant il n'est guère possible d'admettre que la Vie latine que
Dûus possédons soit l'original suivi par R. Féraut. En effet, ce dernier offre
pour ainsi dire à chaque page des détails qui manquent au latin; et ces détails,
qui consistent en indications toutes locales, ne sont pas de ceux qu'imaginerait
un traducteur cherchant à amplifier sa matière. Je ne vois place ici que pour
deux hypothèses : ou bien ia Vie latine imprimée est faite sur ie provençal
(auquel cas elle n'aurait pour nous aucune valeur, et il nous faudrait chercher
ailleurs le récit mis à contribution par R, Féraut)^ ou bien cet imprimé n'est
que Tabrégé d'une Vie plus ample que Féraut aurait eue à sa disposition. Cette
seconde hypothèse me paraît jusqu'à présent la plus vraisemblable. En effet,
sans tenir compte pour le moment de quelques menues différences entre les deux
textes qui s'expliquent mieux ainsi, je ne puis m'empêcher de croire que si
l'auteur anonyme s'était contenté de mettre en latin sous une forme abrégée te
texte provençal de Féraut, il n'eût pas manqué de mentionner une circonstance
aussi importante dans le prologue où il indique, comme sources de son ouvrage,
tes écrits de saint Hilaire, de saint Césaire, de saint Eucher.
Quoi qu'il en soit, je crois devoir donner ici une description détaillée et des
extraits de ce livre infiniment rare, peut-être unique. Les Bollandistes ont connu
de ta Vie latine une édition imprimée par J, Petit en i ^m ; celle que j'ai sous
les yeux a clé imprimée en 1 50Ï à Venise par Luc- Antoine de Junte, V^oici ce
qu'on lit au dernier feuillet, qui n'existe plus en original dans l'exemplaire de
M, Denis, mais a été refait à la pîume, assez grossièrement du reste, et à une
époque déjà ancienne, tout de même que le premier feuillet*. Je ne cherche
point à reproduire la ponctuation ni les abréviations de l'onginal : ces dernières
seraient difficiles à figurer avec notre typographie moderne :
Dulds Hononte per secula cuncte béate,
Dirige servorum mentes et vota tuorum.
Impressum Venetiis auaore Deo ad laudem îpsîui et monaitid ordinîi decus, qui
tilihis ab initie, ipsa scilicet Chris ti predicatione, et deinceps per omnia tempora, ftmdi-
tofibus ac reparatoribus cLaruit floruitque. Cura autem et impensii Nobitis viri Luce
I. A. Denis, Promeaûdes pittoresques à Hyirts, 2" cdirion, rSjj, p. ji2.
1. l*e feuillet 8 aussi, qui manque â l'eiemplaire, a été remplacé p^r une copie faite
ligne pour ligne et qui reproduit les abréviations, mais sans viser à imiter la forme
de» caractères. L'écriture me parait indiquer que ces réj^arations ont été exécutée* dans
la première moitié du siècle dernier. Il faut donc qu'il ait existé abrs un exemplaire com-
plet d'apréi lequel on a pu copier ce qui manque à celui de M, Denis.
a40 .*r<t«iP<ï^COMPTBS-ltEKDUS
AntQiûî de Giunti Plorcntuiif ane et solerti ingento magistri 'Jobamis de SpSri, jriio
gr3tie sdlutaris miliesimo quingence^imo pnmo, pridk Kai. AugtiÂti. ,
Le format est in-8% el le caractère est gothique. Bandini ne memtonac pas
notre Vie de S. Honorât parmi les livres de Luca Antonio d\ Giunta qu'il énu-
mére au commencement du deuxième volume de ses Juntarum typographiat Annata
(1791, 8**), mais il décrit un ouvrage dont l'explictt est presque semblable.
C'est une Vie de saint Benoît accompagnée de divers autres opuscules, qui fut
absoluta Vcnttiis feticibus ûuspiais D. Martyr ts Cforgîi, me non Monackortim
Cotnobix ipsius mictissimi Chnsîi Militis nomine digne addicati, cura et mpmsis m-
iniis viri Luae Antonii de Giufitâ Fionnim^ Arît et solerti ingenio Magistri Joanniî
de Spirâ ; imno salutts Domimcae MCCCCC, Idibtts AprUis, 4*». — La Bibliothèque
nationale possède (H, réserve; un exemplaire de ce volume, et j'ai pu constater
c(ue le caractère en était identique à celui de la Vie de Saint Honorât. — L'édi-
tion de la Vie de S. Honorât est peu soignée : les fautes typographiques y abon-
dent. Il y a 95 feuillets numérotés qui se répartissent en ti cahiers sîg:nés de A
à M* Le cahier C est paginé 17, 20, 19, 22, 21, 24, 25, 26; (e cahier D reprend
correctement au feuillet 25. Le frontispice (refait dansTcxcmplairedeM* Denis)
présente au recto l'avertissement qui suit :
Lectori satutcm.
Habes hoc insigni novoqu? opusculo, lector optîme, quod aUi quïdem tîbi coâ'tces per-
pauci dabunt ; jucundiiatis videLicei fructu&que plenissimam lectlonem^ que nimîrum et
hystorie grata varietas, et celestis in ea doctrine digmtas prestat. Est in ipsa quod secu<^
larU et JalcuSf quod retigiosus quUque^ quod dericus monachuâquc desiderent, Ergo, qms*
quises, ne spemas^ sed stve acclpias, relinque sue (liseï sWe reltnquas ?}^ honora quod
respîds. Est enim raagni Honorati vîta, qui inter nobiles primus, inter raouachos sura-
mm, inter sacros antistite» digniisimus extitit. Emc modo quod parvi comiit : magni
interest. Lege, ei lia sim felbt quomodo opimonem quam facio vincei res ip&a, Vale.
L'ouvrage est divisé en trois livres ayant pour objet : i ' l'histoire du saint
avant qy'ii fût évêquc d'Arles ; 2° son histoire pendant son épiscopat ; y le
récit des miracles accomplis par son intercession après sa mort. Le début du
prologue (fûL i) fera connaître la disposition de l'œuvre ;
PTOlogUS.
lacfpit prologus in vita $ancti Honorati confe&soiis.
Quîa gloriosi ChrLsti confessoris Honorati, olim monasterii Lyrineniis abbatis ac poit^
mûdum ArdatensiA episcopi gcsta a divcrsis auctoribus exarata reperimiu m diventii
volumtnibus dispersa, ea hmc înde coUigere et sub unius libelli compendio redigere cura-
vimus, pluribus ex industria pretermi^^i»^ ne prokixitate materie icgentii imcUectum gra*
varemus. quod siquidem opus tripartimmT id est tribus Ubris comprehensum, pcr titulot
vet rubricasi disponert tibuit, ut sludiosus inspector quod de predaris cjus actibus cupit
citius ac fadlius invenire possit. tn qua mmirum compilatîone dicta vd scripta dartssi-
morum potitificum, sanctorum videHcet Kylarii^ Ce&arii, Eucherli et Maximi, secuti sumus,
qui de sancti vin admîrandis \îrtutibus credibiUa .nimis testimonîa prcbueruni. Et in
prima huju« opuscuU nostri parte, quid ante epiacopatum vir beatus egerit ; qualiterVero
iti epïsœpatu vixerit^ in secunda ; tertia quoque quibus post obitum miraculis claruerit.
seu quomodo t\\is monastcrium quod Lynnensc nuncupatur, pro ejus oratiODibus oreverit,
ut meliuj potuimus^ auctore Dommo, dcîcripslmus.....
La disposition des matières est la même (ou bien peu s'en faut) dans le tatin
et dans te poème provençaL Comme j^ Tai dit plus haut, les chapitres se cor-
I
I
I
R. FÉRAUT^ Vida de îont Honorât ^t
idast isiez eiuctement de l'un à l'autre texte. Ils sont répartis dans le
•^roftoçal en quatre livres, quî correspondent aux trois livres du latin selon que
le tableau sommaire qui suit le montrera.
I latin. provençal
livre I = ch, I à 38.
— n = ch. 19 à Si (fin du L II et I. 01 %
— m ^ ch, 82 â 118 (K IV).
Je réclame d^avance Tindulgence du lecteur pour h comparaison longue et
itunutieuse que j'ai dû établir entre tes deux textes afin de me former une opinion
' leur relation. Si Tun de ces textes n'était pour ainsi dire inaccessible^ je
' bomerats à donner les résultats de mon étude; mais précisément parce que
> résultats ne sont pas de tout point assurés^ et que d'autre part il n'est pas
possible de les contrôler sans faire usage de la Vie latine, je ne crois pas pouvoir
me dispenser de faire connaître avec quelque détail les différences comme les
ressemblances des deux documents rapprochés.
Je commence par transcrire les rubriques du livre I, y joignant (en chiffres
XTïmaiiis) la concordance avec les chapitres de la Vie provençale :
indpîunt capitula Ubri primL Et primo :
I De pâfentibui sancti Honorati et facta eis revetatione l et tl
i De ettts ortu atque infantia.. . • . . , IL
) De panperc Chmtiano elemosynam peteme. . , . U:
4 De matris sue dîs&uasione a Chriati fide. Il
f De reveUtîoae facta sancto Caprasio et sociis fjus, , . , , Il
6 De cervo invento et apparitione sancti Caprasii. ........ itl
7 Qujliicr cervus sanrtum Honoratiim dircxit î« . ,* Ul
5 De dolore patm et matris obitu proptcr converiionem filii IV, V, VI
^ De dissuaiione (sic) patris a fidc christiana , , . . VU
1 0 De pcrseverantia fiUi in proposito fidei, et de Germano ejtu fratre. . . vu, IX
* 1 Qualiier ^pparuerii ei Dominus Jcsus Christus IX
« ï De ciaritate cdesti et conversione Germani et virtutibus amborum. . . X
X 3 De proposito fratrum e patria fugicndi, et de eorum baptismale ac nominum ' muta-
lioœ.
• 4 De coQversatîooe eorum ♦ post baptismum.
jji î De eorum navigatione, et miraculo facto in maris lurbaii pacificationc >. XV
16 De advcntu sancti Honorati et sociorum ejus ad montem qui Argeniarikis
dicitur, et obitu jancti Macrobii XVI
17 Qyajîler appamit ibi eis Christus, et de eorum adveniu ad ForôjaHum, . XXIU
|I8 De airattone AnoUm « paralytid fratris episcopt ForojuUensis , . . . XXIV
II9 De miraculonim multitudine, et sanctontm fiigj^ et lupa candîda dingente. XX IV
' )o oe electione sancti Leoncii socii beaii Honorati *. XXV
I. Dans l'édition de M. Sardou Ja numérotation des chapitres se poursuit en une seule
lérie: livre I = ch. 1-20; l. il = ch. il à 6ï ; L Ul = ch, fii à 8t ; I. IV = ch,
i. Pour ce chap. il y en a deux dans le texte, Tun et Tautre numérotés vi) (fol. 6 v
« toi. 7). îlï ont pour rubriques : Quaiikr ctnus inâmttas contra naturum suâm domtS'
tlcuiïî Si txhibuit. — QudtiUr ctjyus sanctum Honoratam datent.
j. La table omet ac nommum^ que îc rétablis d'après ta rubrique du icxlc.
4. Dans le texte ff. 11 r") : De coavertîone sancti Honorati et Venancii e/us fratris,,.
5. Dans te texte {L 12 v») in maris turbatione et uacificationt.
6. ànôlini manque l la table, mais se retrouve à la rubrique placée en tête du chapitre.
7. Mieux à la rubrique du texte : Dt e, 5. L. ad epiicopatum Forûjtttiensem,
Remania^ V 16
142 CaMPTES--RSNDUS
21 Deelectioii« ^aiicti Magondi. , « ^ « « . . XXV]
Il De insuU Lirinensi et ingrcssu sanoi Honorâii in eim. ... XXVUt
z{ De iflterfectione serpenium et fuga draconb et maris elevatione. XXIX
14 Testimonia sanctorum Hylarii ci Euchcrii *,
aj Testimoaia sanctorum Cesaril et Maitimi de insuta Lyrinensh
26 De cûovcrsatione -' sancti Honorati et rcgiminc Lyrinen*ii monasteriL * XXXV II
17 Tesiimonia sanctorum Euchcrii et Hylarii et Saiviani de monasterio tyrineosi,
28 De sancto Lupo monacho Lyrinensi^ et postea Treccnsi episcopo*.
29 De aqua duld miratuJOÂe obtenta XXXVltl
}o De multiplicîbus viriutîbus «ancti Honorati, et speciallteT de eju^ mumûcentii.
31 De converslone sancti Hylarii, sancti Honorati discipuli*
)2 De sermone sancti Hylarii habiio ad populum in die annivcrsaria sancti Honorati *.
La naïssance d'Andronic (qui fut plus tard saint Honorai), sa rencontre
avec un mendiant qui lui demande raum6ne au nom de Jésus-Christ le roi de
Paradis, la conversatiûn que le jeune homme eut ensuite à ce propos avec sa
mère Helenborc^ sont racontées avec les mêmes détails dans les deux textes, avec
plus de développemenls toutefois et non sans un certain talent poétique par
Féraut, Le seul trait de quelque importance (et encore n'en a-t-il pas beaucoup)
qui me paraisse propre à l'une des deux rédactions, est la mention par Féraut
(ch. II, p» 7) de persécutions exercées contre !es chrétiens par ordre du roi de
Hongrie père d'Andronic. Môme accord dans le récit de la rencontre du jeune
homme avec saint Capraîs qui devait le convertir (Vie latine, ch. \ et soiv.).
Je ne vois rîen d*ititéressant à noter dans les chapitres qui suivent, sinon que
tes lamentations (qualiBées de lai^ p. j6) du roi de Hongrie sur la mort de sa
femme, sont un développement poétique propre à R* Féraut. — Dans le ch. 9
du latin comme dans îe ch. VU du prov. le roi de Hongrie gourmande son (ils
au sujet de son inclination au christianisme^ mais Féraut seul fait intervenir
dans le discours du roi les noms de personnages sarrazins empruntés i Tépopèe
carolingienne^ Aygolant et Marsille (p. 18 et 20); seul aussi il nomme (Rose-
monde) la fille de l'empereur de Rome que le roi de Hongrie veut faire épouser
â son fils. — Il n'y a rien dans le latin qui corresponde au ch. VIII du prov,
Ayzi fay duasar los Siinti U rey Andrm dt la fortst. — Les deux textes s'ac-
cordent pleinement dans le récit de la conversion miraculeuse de Girman, frère
d'Andronic (latin ch. 12, prov. ch* X> ; mais immédiatement après une diiîé-
rence sensible se manifeste. Selon R. Féraut (ch, XI), Andrioc, le roi de Hon-
grie, envoie ses deux fils à l'empereur de Constânlinople, les plaçant sous la
conduite d'un noble personnage appelé Homn dd LrujtîL Ils entrent en Romanie
(rempire de Constantinopie) et parviennent â h cité d'Héraclée {HeurocU^ éd.
SardoUi p> 26 b), Là, sur le bord de la mer^ ils rencontrent saint Caprais et ses
deux compagnons (ch, 12) avec lesquels ils s*embarquent de nuit (ch, ij). Ces
circonstances manquent dans le latin :
Cap, i). — Inito itaque consilio et quodamodo [sic) paisi honoris sui persécution cm,
parentes »c patriim occulte fugieado deserere, regnum mundi et omnem ornatum scculi
I
I
I . La rubrique du leite ajouce : di insala LyrmtnsL
ï. Comtriione à la table des chapitreji*
), Là rubrique du texte aiouie h Francia.
4, La rubrique du lente ajoute : ti ttstimonia sancti Ctiûrih
R. FÉRAUT, Vida de sant Honorât 24 j
coBtentoere et ad peregrina et incognîta locj transire decreverunt. Obmîtto insercre
isterim Icctioitl qiuntU quibusve macbiDamentis obvtus pater tiittttur eoi a proposito
fWahetc, qiiibusque obsiaculus (sic) cepti kinerii eïfcctum iïitercipefe, quanias eis diffi-
I «ttlutes, quam varU impedimenta omnis simul patria parentes et affines, cognafi pariter
' m Doci paraverint ; uf bene eorum quiltbet cum prûpheta dkcre potai$set : « Amici mci
et proiimi mci adversuiA me appropinquaverunt et tteterunt. » Et alio in loco :
A Laqueum parueruni {stc^ l. parav-) pedibus meis, ut inctirvarent atiimam meam.» Que
«nDia, dîvina virtute roborati« hi duo }uvene$ a Oeo preelecti forti animo superaverunt,
Ttmc primum quidam {slc^ l. quidem) patri carnali vi^î sunt rctiiti^ cum Dei summi
«niUcni patcrniute censeri. Tandem exeuntes de terra, de domo et de cognaiiotie sua,
tanquam vcri Abrahc filii sponic deserenies regnum et imperium, Deo duce, ad sanaum
venerunt Caprastum^ quem tanquam ordinatorem in Domino atque custodem sue
. eJegeruDt
R. Féraut nous représente (ch, j j) les fugitifs naviguant sur la mer de Morée
andis que Horion, leur gouverneur, se désole el veut se tuer de désespoir.
Tout ceh manque dans le latin, aussi bien que les lamentations du roi d'Hongrie
[R. Féraut, ch. 14), et la tentation que les deux enfants éprouvent d'abandon-
les saints et de retourner en Hongrie (R. Féraut ch, 15), I) n*est guère
rratsemblable que tous ces événements aient été entièrement imaginés par le
été provençal : d'où la conclusion annoncée ci-dessus^ qu'il a eu sous les yeux
an texte latin plus étendu que celui qui nous est parvenu. Et cette supposition
acquiert une grande probabilité, quand on lit au début du chap. 16 du latin
€:cs lignes d'où il semble résulter que l'écrivain latin abrégeait l'histoire r
Scd quoniam brevttas arnica noscitur esse memorie, et nonnumquam narrationis lon-
iiiidine audientium corda gravari conspicimus» plurima, tam de vita et conversaiioric
icrandi Caprasii quam ciiam beati Venantii ' eximii Christi confessons ob\iu, aliasque
[««ariai et prolixjs hystorias ex Industria pretereo, quîa ad mérita beati pacris Honorât!
f Jiiius ezpUcaada festino,
La visite des deux jeunes gens à saint Macrobe^ au mont de TArgentière,
drïïère peu de Tun à l'autre texte (ch. 16). On peut noter que la mention du
passage du col de hBrascha ne se rencontre que chez K, Féraut (Sardou p. 33).
iiBmédiitefnent après ce chapitre, le provençal place l'épisode de Chariemagne
pnsoDnier chez les Sarrazins, récit sur lequel on peut voir les recherches de
G. Parts 1.
Le même récit se trouve dans le texte latin, mais non pas à la même place.
Le voici tel qu'on te lit au ch. 50 du iivre III ;
De Karolo magno imperatore.
Kafftttii etiam magnus llle Franconim et Romanorum imperator, fidei pervigil ortho^
dooie et Christi ecclesie defensor, bcatum Hono- {fot. 78 v*) -ratum olim monasterii
Ljrriiietui» abbatem, ac saoctos ejus comités vel successores ferventi colcbat devotionii
afectu, nec immerito. Nam prout alibi scriptum repcrimtis, ipse idem magnus Karolus^
iDerttis beati Honorati d« Barbarorum manibui legitur ereptus. Hoc qualiier factum fuerii,
« his que sequuntur constabit, Dum quodam temporc Karolus apud Barbares habcretur
j. Venanîius est le nom que le frère d'Honorat, d*abord appelé Girmânus (àim le
prov. Girmam), reçut au baptême; voy. R. Féraut ch. XV, èd, Sardou p. jz»
3. Le texte provençal de cet épisode de Saint Honorât {= édition Sardou, L 1 chi
ïtVll-X!X) a été publié d'après le ms. B. N. fr, 149^4 par G. Parw, Hist, poét, àt
CkarUm^ p. 49e $00.
244 COMPTES-RENDUS
capHvui, in obprobrium cîiristiane rcltgionis hune mM alïligebant injuriis, variis contu-
meliîs Uccssabani (sic). Erat autem principi eorum ucica fiîia, d super omncm mundi
gtoriam chara, Que^ Deî permutante judicio, quadam die arrepta a diabolo^ mcredibni
petic crudatu vexabatur. Quod rcx audieiu, diro amantudinis jaculo sauciatua, medicos
invitât^ saptentes consuîit» omnia remediorum gênera adhiberî procurât. Sed nihil otnnino
profufriittt. Ciun autcm rcx cernerct ftliam suara nalla mcdîdnalii artis periua poue
sanari, exorciiatores advocat, phliones ci incantatores adducit. Qui juiia nephandi sut
rîtus abusum opcrames, et diebus quamplurimis vanis sacrificiis et sacrilegis invocatîo-
nlbus insistantes, nullum penhus inianienti juvencuic potuerunt subdium [L substd-)
adhibere. Scd qunato {sic) plus his insudabani, tamo puella acrius torquebatur, Qua de re
pâier e|u5 nima replebatur dotoris amaritudine. Cui aliquando pro fitie stie anguitiA
lachrymanti astiiit beatui Honoratus sub ha-(/. 79)'bttu pcregrini, arabicia vestibus induti,
dixiique illi Quid vis tu mihi dare, et ego fiUam tuam sânabo. Cui rex : Poterisne
ci salutcm prestare ? Respondit Honoratus : Potero utique, si condignam mihi redderc
volueris pro re lanta merredeni. Ait autem rex : Pete a me quicquid libucrît : tan-
tuni perfice quod promittis. Et juravit itii. Accessit îtaque Honoratus ad tocutn ubi
furens pueUa vinculis ferrers tenebatur alligata, et benediccns aquam^ ex ea muticrem
aspersit; et ab ipsa malignus confestim spiritus abscessit. Que pristine restituta
sanitatif postmodum sacre fidei suscepit initia, et usque ad cathoUca pervenirc meruit
salutaria saaamenta. Pater vero ejus immense repletus gaudio, pro 6lre sue adeptj
sospitate, apud Honoratum, quem hominem putabat peregrinum^ instabat ut celerius edi-
- ceret quid mercedis pro tanto exhibito beneficio habere desideraret. Cui Honoratus :
Volo ut Karolus captivus habeat liberam quocunque voluerit abeundi libertatem. Quod
rex Hbenlcr annuens, et quod pctierat pro gaudio sanitatis filie, parvum quid c$$e judicans»
Karolum cum pluribui aliis concaptivis liberum dimisit. Quibus iode ercptis^ qui pritts
sub specie peregrini eis loquebaïur Honoratus disparuit. Karolus autem erga sancium Dd
confessorem Honoratum majon cepit devotionc fervere, ejusque auxitium in agendU
imptûrate. Cujus suffragântibus meritis ad imperium sublima tus, et Ecdesle ribertatcs a^
debitum siatum reduxit, et inimicos cathoUce fidei fideliter pugnando superavit. quorum
non îmmemor Karolus, donationem Pipini quam supra memoravimus {ûu ch, pricèdttst)
non solum contirmavit, sed omnia que infra ilios designatos confines crant, absquc uUa
retentione Lyrinenaî monasterio perpétue possidenda donavit.
Le texte latin n'a rien qut corresponde au chap. 22 du provençal (luttes de
Charlemagne contre les Sarrazins, auprès d'Arles); l'histoire de ta neige noïrt
<éd, Sardou ch* 23) manque également. Le miracle d'Annolin, rendu à la santé
par l'attouchement de saint Honorât, est raconté à peu près de même de part et
d*«utre; de même aussi la relratie des saints qui fuient Frèjus et le concours de
peupte qu'attirait la renommée des guérisons miraculeuses accomplies par saint
Honorai. Toulelois, ici encore le latin est moins précis, moins îocal que le
poème : Ar s'en van va Levant ît cor sani per la ALvliia, dit R. Fera ut (p. 50)
là où nous lisons dans le latin : * ad montent nemorosum eidem civitati vicinum
a parte orientait fugierunt » (ch* 19). Le nom de la vallée d'ob sort une
source, Balma de Birtulnncu, manque au latin. La phya d'Agaas^ du provençal,
maintenant Agay\ plage entre Naplouse et Sainl-Raphael, est dans le latin un
lieu I qui Agathon dicitur ». — Le ch. 26 de R. Féraut (élection deS. Magons
à Vienne) nous otfre au moins un détail qui manque au latin : c'est que les fidèles
de Vienne s'en remirent au sacristain du choix de leur pasteur : El iâgmtjn
u son manlcnm comproma | Que lui donis evaqm qmïquù mais lui pîûgucs (p* i i)*
I
I
I
t« « Du celtique agait, guet », selon M. Sardou, ètymologie peu vraisemblable.
R. FÉRAUT, Vida de sant Honorai 24 c
— Le chap. 27 de R, Féraut est consacré à la mort de S^Vénans et auxlamca-
Utions de ses compagnons. Le latin n*a rien de correspondant. Au ch. 22 seu*
lement (étabUssenient de saint Honorât dans l'Me de Lérins), racontant Tappa-
rition de S. Vénans à son frère, l'hagiographe nous dit : « El subito beatus
Veîwntius, germanus ejus, qui nupcr âb hac Itict substractus ctîkas jam adkrat
matisioncs^ cum magno splendore appaniit, » — Le récit de l'entrée du saint
dans l'île diffère absolument d'un texte à Tautrc, Tandis que dans le latin Hono*
rat s*y rend de son propre mouvement : «humane conversation! s impatiens, et a
mundo sequestrari, vel objectu freti concupiscens illuc ingreditur » (ch* 22);
tians le provençal au contraire, nous voyons Honorai enlevé par des brigands et
déf>osé â Lêrins où, disent-ils, ils en feront fête aux serpents : A ks urpmz dt
Tiih diion ^utn faran festâ (p. ^6), Le récit lalin est plus conforme aux paroles
de saint Hilaire dont il est évidemment inspiré : v Vacantem ilaque insulam ob
> nimieLatem squalloris^ et inaccessam venenatorum animalium metu Alpino haud
» fûoge jugo subdilam petit Verum iîU humana connrsûûoms impatum^ d
t (irmmcidi a mundo ni objecta freti concupiscens^ illud corde et ore gestabat,
• nunc sibî, nunc suis proferens : Super aspidem et basiliscum ambulabis..,' »
Là fin du récit est la même dans les deux textes : Honorai, réconforté par
l'apparition de S. Venans et de S. Caprais, fait périr les serpents par le seul
ligne de la croix, et la mer sortant de son lit vient purger Tîle de leurs cadavres
sous les yeux d'Honorat qui s*est réfugié au haut d'un palmier. Ce sont là des
merveilles dont S. Hilaire n*est plus responsable. Le poëme â son tour ajoute
cette circonstance que les misérables qui avaient transporté le saint homme
dans Ttle^ se convertissent à ta vue du miracle, et se font ermites eux aussi.
Les deux chap. 24 et 2^ du latin, qui consistent en extraits de saint Hilaire,
<le saint Eucher^ etc, continués au ch. 27, sont naturellement sans correspon-
dants en provençaU.
Ici R. Féraut interrompt le récit de la vie du saint par l'introduction de ma-
tières épisc^diques, Au ch. }o nous voyons Charlemagne accompagné d'Eslout de
Ungres^, de Gondebeuf de Frise, de Rainaut de Beaulande et d'autres barons»
assiéger sans succès Narbonne^ lorsque saint Magons (dont ^arrivée n'est guère
molivéc) vient s'entretenir avec lui de saint Honorât ei de ses compagnons, ^i
l'assure que s'il a foi en l'intercession du saint, il prendra la ville dès !e lende-
main ; ce qui a lieu en effet, un tremblement de terre venant fort a propos ren-
verser les murailles de la ville*. Au cÎï. 31 Magons^ porteur d*u ne lettre de
Charlemagne, se rend auprès de saint Honorât. Chemin faisant il guérit miracu-
leusement Mayme (Maximus) de Riez. Il trouve, non sans quelque peine, saint
Honorât à Ttle de Lérins et lui remet la lettre dont la teneur occupe le ch. 32.
Tout cet épisode manque dans la vie latine. Je n'y trouve pas davantage la
^lUtière du ch. 33 qui raconte comment les saints de Lérins envoyèrent quérir
n mont Cassin un exemplaire de la règle de saint Benoît ; et pourtant ce fait
I. Dt fita S, Honorati strmo, S Mi dans les BolU, 16 )3nv ^ ou Mlgne, L^ la^»
a. Césonf, pour saint Hilîirc le pîisagc relatif à rentrée du saint dans Hle, dont on
ieot de lire quelques lignes, cl pour saint Eucher, un court extrait du traité Dt laudc
tnmi (g 41} : c Equidcm tunctis hererni locts.,» » Migne, L, 710.
3, De Lundns selon B. Féraut, ou du moins selon le ms. suivi par M. Sardou.
4, Cl G- Parii, Hist. poêt. de C.harîem., p, 2t8.
246 COMPTES-RENDUS
est bien de ceux que les hagiographes se plaisent à recueillir. Avec le ch.
nous retombons dans la légende carolingienne : c'est Ttirpin qui. de la pari de
Charlemagne, vient faire â l'abbaye de Lérins m don très-considérable ;
Trastot lo drech del rey c iota manentia
Si corn va y lî rivîeîra que part a m Lombardla
E passa per los Alps de Pueymoni a en sus
Tro a la font de Durenza, e deysscnt a en jus^
E si mescU am lo Rose lay desotz Avignon,
De toi aquesi domaine tro !a mar environ
Vol far don Penperayrcs a la santa abadia.
C'est la Provence entière qui est ainsi concédée aux religieux de Lérins. [f y
a Ytr^ h fin de la Vie latine (). lll ch. 29) Textratt d*une donation semblable^
attribuée cette fois^ non pas à Charlemagne, mais à Pépin le Bref* Voici le
texte de ce document, dont un récent historien de Lérins * ne paraît pas avoir
reconnu Tinsigne fausseté :
Previlegium seu âonath Piptni Francorum- rcgis dt tota patria Provincitf facta monasitrio
lyrinmsL
Post tllam patratam a Vuandalis monasterii Lyrinensi^ eversionein, et sanctonim oiar-
tyrum preciosî sanguinijc eff^sionem, tllustris Pipinus rex Francorum Romanorumque
pâtTÎciuSf insistente viro Dei Eleutherio, per pragmaticam sanxionem, eidem monasterio
Sûtemnem fedt donationem de quitita parte totius ducatus, ex subschptione eiiam Stephanî
junioris Romani pontificij^ qui cum rege conveuerat in loco qui dicitur Carisiacus. Et
ultra hcc [sic) metas cidem monasterio donatas limitavii, infra hos affines : videlicet trans-
alpine Provincic, sicut incîpit a primo latere longum mare Circei montis fine extendente
se Provimia^ usque in ca&tetio Sistarico^ dividente via regia Sancti Pétri usque in fontem
Dure que prorupit de monte Genevo ; et exinde, ducente AlpiDorum montium decessu,
in montem Agelli maritimi, cum omnibus suburbania aique viculis et terrorii^ [sk^ t.
terril-) eju5, montants ac marltimis insuiis, littoribus atque portubus seu civitatibu», cas-
fellis, opptdis ac viculis, i^ecnon pensionibus, censibus, pischatoriis, salinis, pascualibus,
herbaticis, sîlvis atque glandaretis. Que omnia, ut supra diximus, rex ipse sanxîvit ta
usus dicti Lyrinensis cenobii et monachorum inibi degentium perpctuo debere converti.
Plus d'une fois, dans le cours de ces recherches, j'ai été tenté de ne voir dans
la Vie latine qu'une imitation du poème provençal ; mais ici il est de toute évi*
d6nce que c'est bien Féraut qui est l'imitateur. Dans la Vie latine, Télrange
notice qu'on vient de lire ne se présente point isolée : elle se relie â un pri-
vilège do pape Etienne II qui en est la confirmation (l Ili, ch* 28)^ j elle est
1. M. Tabbé AUici, qui dans son Hiitoîre du monasîln de Lirîns (1S62) I, çi? (cf.
p, 41 î) a imprimé le même document, y joignant en regard un texte à peu près identique
qui est transcrit au fol 1 ^0 v" du cartuiaire de Lérm-!, Ce texte, que M. de Fia mare,
archiviste des Alpes-Maritimes, a eu Tobligeancc de vérifier pour moi sur l'original^ est,
comme le reste ciu manuscrit, d'une écriture du xii' s.; il est précédé de cette rubrique :
Hoc tnvetitum (st inttr prmltgia Rûmanorum Ponîificum^ et ne diffère de la pièce ci*après
rapportée que par le préambule et par la fin que voici : m *.... glandaretis. Sed quod
I* cadem provincia de regaiibus Beati Pétri esse dinoscitur, prcmctus papa pensionem
» constituii in ordinaiione abbatis codicem quatuor evangeliorum auro argenloque déco-
M ratum. Cujus loci abbas a Romanis pontificibus consecratur cum dalmattca et sandaliîs,
» inierventu ejusdem impcratoris Pipini. Quod monasterium habet privilégia sue tuictonîs
I» a Romanis pontiûcibus, ab ipso Stephano tuniorc, et {nom gratté, nmplaié au Mièdt
« dernier par Adriano) et Leone terdo. "
2. La transition de la confinnation pontificale au privilège royal est établie par ces
derniers mots du ch. 18 : « Sed quoniam Plpini régis incidit occasio, ordinem donattocûi
l
I
I
R, FÉRAUT» Vida de sdnl Honorât 247
sttifie du chapitre reialif à Charlemagne prisonnier des Sarrazins et délivré
par iainl Honorai^ qui a été rapporté plus haut ; elle est plus précise, plus
complète <}ue le récit de Péraut. Elle ne petit pas avoir été rédigée
daprés les vers provençaux que j'ai Iranscrîts tout à l'heure, tandis que
Tinversc est fort admissible. Féraul, plein de la lecture des chansons de geste
du cycle carolingien, a jeté Pepîn par dessus bord pour allnbucr à Charlemagne,
non plus, comme dans le latin, une confirmation cl un accroisscmeni de prîviJégCj
mats te privilège fui-méme. Et, soit dit en passant^ il y a dans le chapitre dont
nous nous occupons actuellement un vers qui montre combien Féraut était nourri
de nos chansons de geste françaises. C'est celui-ci que l'auteur place dans la
bouche de Turpin : SeynorSj saîuda vos KarlUs maincs li bitrs^ dont le second
hémistiche est tout français.
Aux ch. 35 et î6 Féraut raconte un voyage à Lérins du pape saint Eugène,
<t fait connaître les indulgences accordées à ceux ^^ui accompliront le même pèîe-
lîtiage. Même récit dans la Vie latine 1. llï, ch. jk Mais Féraut développe son
original cl y ajoute : il se complaît à énumérer les étapes accomplies par le pon-
iétx il nous montre saint Honorât et ses compagnons venant au*devant de leur
auguste visiteur (p. 70), et n'éprouve, comme on voit, aucun embarras à mettre
son héros en rapport avec un pape qui vivait au milieu du XII* siècle»
Avec le ch. jy de Féraut, qui correspond au 1, I ch. 26 du latin, nous repre-
nons k cours de la vie du saint. Les chap, 27 et 28, le premier peu narratif, le
second étranger à l'histoire de S, Honorât, ne sont pas représentés dans le pro-
irençal; mais le miracle rapporté au ch. 29 a naturellement été recueilli et fidèle-
^ joent narré par Féraut (ch. 38). — Il y a encore ici trois chapitres Tatîns (les
trois derniers du livre I) qui manquent en provençal.
Avec le ch. J9 de F'éraut commence la matière du second livre de ta Vie
latine. Désormais^ je ne m'arrêterai plus dans cette comparaison qu*aux points
T^ritablement saillants. L'apparition de Vivien d'Aliscamps {Veiians... Qa'tn
Aiitùsmpr mortz is p. 75) que Féraut a introduite en ce chapitre, répond â ces
simples mots du latin : (L H, ch. 1) : < divina extitit admonitionecompulsus. »
— Aux ch. 44 cl 45 Féraud raconte comment les héréiiques d'Arles appelèrent
i (cnr secours Girart de Vienne pour expulser de la ville S. Honorai leur arche*
vêqne* Mais peu de temps après, Louis [le pieuxî rassemble une armée où figu-
rent Garin duc de Lorraine, le comte Engelier etBcrenger, comte de Bretagne.
Il marche contre Girart de Vienne, le défait et le met en fuite, lui enlevant ses
enfants et tout son équipage. Ce récit n'a aucun rapport avec le Gùûrtdi Vienm
deBertran de Bar-sur-Aube, ni avec l'ancienne chanson de geste dont la matière
nous a été conservée par la première branche de la Karbmûgnus^Saga^. Les
seub points communs sont le nom de Girart de Vienne et le fait d'une ïutte
entre ce personnage et le roi de France ; les circonstances de la lutte étant du
reste entièrement différenles. Le nom de Girart a été introduit ici (tout de même
que Garin (e Lorrain, eicj par Féraut^ car le personnage en question est appelé
dans le latin Prévalus (pour Pnvatas) :
ipiiiu, et qucinadmodum a Karolo qus fiUo non tantum coofirroata fucrit sed ctîam am-
pUiti, coa&equenter subjungamus. t^
1. Voy. G. Psris^ Hisi, poiî. de CharUm.p, |i{, et cf, BibLàel^Êc. àtsch*, i V, 100.
248 COMPTES-RENDUS
Nam die eodctn, «nno laroen rcvolufo quo bçatus Honoratus fuer^t ab Areîate expulsus,
rrevatus, Vienncnsis printeps^ licct per prius multis fflix divitiw, pluribusque victoifis
auctus, inha adversus eum hostili congressione, oovissime aim omni exercitu siiû
contrittts, miserabiHKrmtenit(ll, 9).
On voit que Féraut employait avec asser peu de discrétion ses souvenirs de
répopée carolingienne^ et que Ton risquerait singulièrement de se fourvoyer à
chercher dans son poème la trace de chansons de geste perdues,
La suite du chap. 9, les chap. 10, n et u du texte latin concordent exac-
tement avec les chap. 48 à H ^^ provençal. Mais poor les chap. suivants ^ le
poème lïe marche plus parallèlement au latin. En effet, les chap. ^5 à 60, qui
terminent le deuxième livre de Féraut, corrÊspondent respectivement aux cha-
pitres 31 à 37 du 2* livre de la Vie latine :
35, Qualiier sanaus Honoratus apparuit monichis Lyrînensîbus m cumi igneo, dsqjue
obitum 5unm denunciavii (= Féraut ch. n)*
14* Quomodo Dominus Jésus Christus sancto Hooorato aparuir, et diem sui obitus
predixic (= Féraut ch. j6).
H • De instructione, sancti Hylarii et Nazarii abbatls, et prophetia destructionis monas-
leni Lyrinensis. (= Féraut jy, j8).
j6* De transitu sancti Honorati (^ Féraut J9),
37. Qualiier îpsa die sui transttus apparuit tnonacbis Lyrinensibus (= Féraut 60).
Mais je ne rencontre rien dans le latin qui corresponde au ch« 61, le dernier
du second livre, dont voici la rubrique : Ayzi du com s^nl Naians en Jâna
poriûr lo cors ât sant Honorât in t'isla^ t dû mirack d'Aliscamps,
Le livre [II de R. Féraut (ch. 62-81) est tout entier consacré aux miracles
du saint, pendant son épiscopat. Les mêmes miracles sont racontés dans le
livre II de la Vie latine, cb. 1 J*^i>
Le livre III du latit}, contenant les miracles accomplis par le saint après sa
mort, correspond au 1. IV de R. Féraud. La suite des miracles est identique
pour les 1 1 premiers chap. (= 82 à 92 du provençal). Mais à partir de «
point l'ordre n'est plus tout à fait le même dans îcs deux textes i
II. Oe fîliû Reybaudi in mare submerso et a sancto Konorato ad insulam Lyrînensem
vivo déportât© (= Féraut 95),
I), D€ sancto Amando et muliere Montanina pro commisso adulterïo iamtre projecta,
sed per beatum Honoratum salvata (= 100).
14. De Hugone sub saxorum ruina per viginti dies conservaio (= 99).
If. De muliere leprosa per sanctum Honoratum sanitati resthuta (^ toi)*
ï6. De quodam Syffredo pttibulo adjudicato, sed mirabiliter Uberaio(= loj).
17. De tribus pueris jugulatis^ poïtea vite restituiù (= Jo6)*
18. De nautis ex maris pcrkulo préservatif (= 109),
19- Deobitu sancti Amandi, et de Tbcodoro in mari mortuo et resusciiaio (=110).
îO* De sancto Porcario, et de Cîbeliiia a Icpra curata (= in).
21. Oe epïscopo cui sanctus Honoratus apparuit,
hendit (= 116),
22* De monacho Rabano qui sanctum Petrum et sanciuin
monachonim Lyrinensium ingredientcs pluries vidit (^ 1 17),
a| De Richo monacho Lyrinensi et barbiionsore, cui Dominus appirens, pfo pecunîa
latenter ocuUata, ipsum increpavit (^ 1 18).
Le chap. 14 du latin : Dt mûrùrio sancti Pùrcanï abbâûs Lyrinmsii et somrum
I
I
et de quodam peccato eum rcprc^
Honorât um in refectorio
B. FÉRAUTj Vida de sanî Honorai 149
npt^(' eomm^mor^fiOp contient quelques phrases, vagues et oratoires, sur saint
Popcaire. On sait qu'aux quatre livres de sa vfe de S. Honorât, R. Féraot j
ifouté tin cinquième livre dont le sujet est la vie de saint Porcaire. — Viennent
ensuite des chapitres^ qui interrompent sans raison le récit des miracles, et qui
concernent Thistoire du monastère de Lérins bien plutôt que la vie de S. Hono-
rai, En voici les rubriques :
if . De privilegiis beati Gregorîi pape monasteno Lyrînensl concessU,
jô, Epistola sanct! Gregorii pape ad sanctum Chononem abbatem monasterii LyrinensisL
— Inc, Revcrcndiisimo viro in Christo amaniissimo fratrî ei commmîstro Chononi»
ibbati GaUiarum monasterii Lyhnemis» episcopus Gregorius, &ervus servorum Dei...
27. Item alÎJ episîota. — Inc, Si vcra est propositio qua dicitur : omnc quod compo-
sitiim est...
18, Pfivikgium Stephani pape sccundi monajierîo Lyrinensi colla itim.
19, Previlegium seu donatio Pipint.. {voy. ci-dessus p* a46)>
jo. De Karolo magno imperatore [ci- dessus p. 14}).
|i* œ generalibus mdulgcntiis Lyrinense monasterium viiitantibus ab Eugenio papa
CoocessU (wjr. ci-dessus p. 147).
Tous les actes rapportés dans ces chapitres sont autant de faux, Fuis les
miracles recommencent :
ji. De mtraculis propter indulgentias factis, et primo de naso multerts absciso et pcr
smctimi Honoratum Integrato (= Féraut 95).
13. De juvene nomine Cajtellano^ capto a Sarracenls in insula Lyrinensî, deinde a
beaio Honorato tempore îndulgentiarum reportato (= 94).
14. De qulnquaginta tnbus peregrinis venientibus de Ptsis ad predicas indutgeniias de
rnaan Barbaroruni mirabiliter crept»s» et de conversione ipsorum Barbarorum, ei de
adventu ducis illius regionis ad insulam Lyrinensem (= 97)*
ÎJ. De mortuo soscitato» et palmi propier indulgemias ddem donata (= 96)*.
|6« De viginti septem nobilibus ad indulgenttas venientibus captts a Barbaris, et post-
modum a sancto Honorato liberatis (— loi)
17. De Iatrombu5 divtnitus excecatis, quia peregrinos venientes ad indulgentias spolia-
fcranï (^ 10$).
)8. De feneratore ceco pertactum palme propter ladutgentias date iHamlnato (=104).
J9. De dttabui muticribus supra mare ambulantibus (= 107).
40. De folio rami palme quod invcntum est ultra modnm ponderosum {^ \o%).
41, De quodam Deodato qui peregrinos ad indulgeniias venientes gratis portabai,
cuitts anima ad celos visa est scander e (^ lit).
4a* DeBadano, qui cum barcha sua peregrinos gratis transibati quem sanctus Hono-
ratus de manu Sarracenonim liberavit (— m),
4). Miraculum mulieris que mintstrabat Lyrinensibus peregrints, qujun sanctus Hono-
ranu ab obligatione creditonim absolvit {= 1 1 4)*
44. De miraculo cujusdam cujus mtnus arult, quia per reliqnîas monasterii nomen
lynnensis jurans pcrjuravit (:= 115).
L'hagiographc termine le récit de ce miracle par ces mois qui Itiî servent de
transition pour revenir â l'exposé des privilèges accordés au monastère de
Lérins :
t. On connaît une lettre de S. Grégoire à l'abbé Conon {S. Gregoriï Epl$l.« 1. XI,
«piit* la), mais elle n'a aucun rapport avec le faux ridicule de la vie de S. Honorât.
i* Le personnage qui est appelé Arnaut dans le prov, est « Amandus nomine « dans
(elitin.
2{0 COMPTES-RENDUS
Multa alia patrati mincula etiam temporibus nû^tris audivimuS) quorum tanra Poil
|ividentia ut cuncto audietite ti admirante populo publice predicarentur m ecclesta, pr^t
I îlos qui pres<;ntes fuimiis, auribus nostris audivtmus. Sed ea intérim pneterire maluîmui,
ad i\ia apoïtolicorum pontifïcum munera explicanda citius veniamus.
Suivent enfin c\nq chap, qui contiennent deux bu lies de Calixte II, une
Id'Honorius Ifl, également fausses*, et enfin, au ch, 49 et dernier, un pompeux
Kioge de rîle sainte deLérins.
La vie provençale se termine (ch. 119) par le récit d'un miracle qui n'est pas
aconté dans le latin. Nous ne devons pas nous en étonner^ car Féraut donne
entendre que ce miracle raconté n'avait pas été écrit en latin. Voici comment
I entame le récit :
Complit aj los miracles grans
Que (t& le glorios corsantz.
E mot mays en fes le graiitz
Que non n'avem trobat e&crich»
E ganren en fay caitcun dii
Per lo mon et cq Tabadia
A cels c'umîlmentz e de fe
Oc bon cor 11 queron mcrce^
Qu'ieu en ssy novas veriadieras»
L\ gentils dona de Cipieras,.«
Suit le récit du miracle. A la fin du chapitre, Féraut nous fait savoir qu'il
était chapelain de celte dame de Cipières. Il me semble qu'il y a là une preuve
assez forte que l'auteur de la Vie latine n'a pas fait usage du poème provençal.
La conclusion â laquelle je suis amené est celle que fài exprimée plus haut :
â savoir que la Vie latine et R. Féraut ont Tune et l'autre puisé â une source
commune, â une compilation de l'histoire des miracles de saint Honorât dans
rjaqucitc beaucoup de pièces fausses ont été utilisées, soit qu'elles aitnl été fabri-
I iquées par le pieux hagiographe, soit qu'il les ail trouvées dans les archives de
J'abbaye. Cette conclusion admise, il devient sans intérêt de rechercher i quel
moment la vie imprimée a été rédigée. Qu'elle l'ait été l'année de sa publication
ï k Venise, ou longtemps avant, peu nous importe : ce que nous avons à déter-
miner, c'est répoque où fut composée la vie dont Tédition imprimée n'est qu'un
abrégé.
i, I! suffira de rapporter ta plus courte de ce* pièces (ch. 46) : « Caltitus episcopuî,
» servus tcrvorum Dci, omnibus cpiscopis sivc abbaiibus, monachia atque ciericis» ainc-
» tisque comittibus et totius militie oplimaiibus , seu Claromootensi comitisse^ omnique
V populo chhstiano, salutem et apostolicam bénédiction em, Lyrinense monaitcrium»
ti quod est juris beati Pétri, audivimus multoliens vastationc Sarricenorum dcsiructum.
» Unde hûrtamur dilectionem vesirâm ut ctdcm toco adiutoriuat faciatii, Porro, &â ^uts
w eî secundum posse iuum adjutorium fcccrit, mentîi béate Virginis Marie matris Dei et
n» apostolonini Pétri et Pauli, omniumque sanctorum et martyrum qui in supradîcfa
n requiescunt insula quingentorum, omnipotentii Dei grati^m et nosiram benediciiooem
w consequi raercantur^ atque lertiam partem penitentie peccatorum que confessi fucrint eii
» condonamus. Data deomo quinio kalcndas januarii, anno nostn poniificatus secundo, »
i-a seconde bulle de Calixte H (ch. 47J est datée du 4 des nones de ianvier, indici.
XIV (i janvier tut)- ^1 ^^ notable qu'il existe sous la même date une autre buUe de
ce pape, égaleinent relative k Lérins, M. Robcn, qui l'avait considérée comme authen-
tique (vay, Çalixie U; Huit sur Us actts dut ^pt^ Piri», 1874^ n* \^t)y inctine main-
tenant i fa regarder aussi comme fausse.
I
MorsY, Noms- de fmtîk mrmands 2 s t
Cette époque peut, je croiSj être circonscrite assez cxactemetil, La Vie latine
perdue, étant la source du poème de S. Honorât, doit avoir été composée
«vint 1)00, date a laquelle R. Féraut achevait son œuvre^. Quant à la
Iteiîtt fupérieure^ elle peut être établie à Taide des actes faux que contient
llmprimé de Venise. Il me paraît en effet peu probable que ces actes aient été
JBtrodails dans la Vie latine au moment de T impression, en 1501, qu'ils n'aient
pu £iit partie de h Vie perdue. Or^ parmi ces documents apocryphes %ure
une prétendue btille d'Honorius Ht qui accorde une indulgence à quiconque
$é|ournera troii mois à Lérins, On ne peut guère supposer que cette bulle ait
été faite du vivant même d'Honorius : il était plus sûr et tout aussi efficace
d'attribuer la pièce fabriquée à un pape décédé depuis quelque temps dé]i«
Honorius étant mort en 1227, c'est entre cette date et [300 qull conviendrait,
i mon xn^j de placer la composition de Totivrage perdu dont rimpriroéde Venise
paraît n'être que l'abrégé.
II est vraisemblable que des personnes plus versées que moi dans la diploma-
tique réussiraient à déterminer avec cne certaine approximation l'époque oh. les
fjiusses cfiarles de la Vie latine ont été fabriquées ; mais cette recherche, qui
peut être intéressante en elle-même, s'écarterait du but que je me suis proposé,
qui est simplement l'étude des rapports de la Vie latine avec le poème provençal.
P. M.
Noms de fkmltle normands étudiés dans leurs rapports avec ta vieille
langue et spécialement avec le dialecte normand ancien et moderne, par Hcnrt
Moïsv, membre de la Société des antiquaires de Normandie, et de la Société
de Imguisilque* Pans, Vieweg, «875, un vol. in*8% p. xxiv-449.
Dresser des listes aussi complètes que possible des noms d'une province,
ffiettre à pari ceux qui se retrouvent dans d'autres régions de la France, pour
ne conserver qne ceux qui appartiennent en propre â cette province; dans
ceux-ci distinguer encore les noms qui ne sont locaux que par leur forme
pitoise, de manière à arriver au fonds véritablement et essentiellement indigène;
ceci fait, étudier l'origine, la formation, l'histoire de ces noms, montrer comment
ils se fâttichcnt aux institutions, aux mœurs, aux habitudes locales; tels sont,
pODf les tracer rapidement, quelques-uns des nombreux travaux auxquels petit
donner lieu l'onomastique d'une province.
Tel n'a pas clé le but de M. M* dans son étude des noms normands. ît a
relevé ces noms dans des recueils d'adresses, dans des tables d actes publiéSp
dans des listes électorales, tous cjfclusivement normands ; mais, il te rcconnaîl
lui-même, • il n'est pas douteux que beaucoup d'entre eux se rencontrent dans
toute la France et particulièrement dans les contrées a voisinant la Normandie, »
Ces listes, d'ailleurs trop étendues d'un cÔlé, ne le sont pas assez de Taulrc.
L'auteur n*a pas recueilli tous les noms de famille normands susceptibles d'of-
frir quelque intérêt philologique. Il sVst contenté de citer un nombre assess
considérable de noms portés par des habitanls de la Normandie, et quand
rerplîcalion en était obscure, d'en demander l'étymologie au patois ou au vieux
. Voir tes derniers vers de la vie de S, Porcaîre, éd, Sardoa^ p. loS.
252 COMPTES-RENDUS
français. Acceptons Touvrage tel que 1 auteur nous ï'ofFre ; nous aurions mau-
vaise grâce à lui demander plus qu'il n*a voulu nous donner.
Le commentaire dont M. M. fait suivre les noms renferme des exemples et
des discussions étymologiques. Les exemples, empruntés aux textes du patois, du
bas-latin et du vieux français* forment la plus solide partie du livre; on a là
réunis sous la main des matériaux assez abondants qui ont leur valeur, ie signa*
lerai surtout le Cariulaire de révêché de Lisietix dont M. M. donne d'importants
extraits, spécialement dans la préface de son livre, et qui présente beaucoup
de formes intéressantes pour la philologie et pour Fonomastiquc. Cette partie
est faite avec soin et conscience, et suppose des recherches méritoires. Le
partie étymologiqne est très-faible. Malgré de louables efforts, Tauteur n'est pas
arrivé à se mettre au courant de Thistoire de la vieille langue ; ce qui l'a con-
duit à des élymologies plus que téméraires. On en a relevé ailleurs un certain
nombre». Je me contenterai^ entre de nombreux autres exemples, d*en citer
deux qui me paraissent typiques : • Coxroy, troupe de soldats, ordre, rang, —
Du latin congnx^ qui fait partie de la même compagnie, de la même troupe. —
Par la chute régulière du g, comme dans inttgtû qui adonné entière; pmgnnta
pèlerin; magisUr maistre, etc., ce radical a formé comtXy d'où fOffr«, qui,
comme nous allons le voir, est la forme normande du mot (p. 76 et 77), »
Suivent deux exemples de comoi {Parkn, de BL, v. 2167 et Dit de Narc,
V. 200) et deux de conrei {Bmoiî^ v. m ^4 ; Jorà, Fantôme, v. 1917). L^auteur
ne voit pas que ce conroi est le substantif verbal du verbe ccnreir^ conreder
• mettre en ordre> disposer, préparer p, qui reste encore dans le mot technique
corroyer {de Tacier, des cuirs), — Page 201 : « Hue, œuf. — Le nom Hue>
très-répandu en Normandie, se rencontre fréquemment dans les vieilles chro-
niques de cette province. Hue, Huez, Huien, Huon, Huge, Hugue» Hugon,
Hugun, Hugo, etc., reproduisent en réalité un même nom sous des formes
différentes, i Quelle idée d'aller rattacher au latin ovum ce nom d'origine ger-
manique!
M. M. termine la préface de son livre par les lignes suivantes : c Nous nous
estimerions très-heureux si nous étions parvenu à attirer, sur ce sujets l'atten*
tion des personnes compétentes, et à provoquer de leur part une étude plus
complète des questions que nous ^vons soulevées, t Nous ne pouvons que nous
associer à celte conclusion.
A. DauRmesteteh.
Enfermes popolaires en langue d^oc, publiées par Alph. Bûques-Peii*
niER. Montpellier, imprimene centrale du Midi, 1876, in-8*, xxiij-25 p.
Ce petit recueil a déji paru dans h Revue des langues romanes (voy. iîom, JV);
mais, comme le dit Tédileur dans son avant-propos, cVst en réalité, grâce aux
additions, une édition nouvelle. Elle mérite un bon accueil, tant par les pièces
qui y sont soigneusement publiées et suffisamment expliquées, que par Tintroduc-
tion littéraire, dont la sobriété ne cache pas l'érudition. Nous pensons que les
recherches de M. Roques-Ferricr n'ont encore atteint que la surface du sol
ROQUES-FERRiER^ Énigmcs populdires 2 5 )
populaire, et qu'en les poursuivant il a toute chance de découvrir des filons
plus profonds et plus précieux. Aussi regardons-nous surtout ce recueil comme
une pierre d'attente ; il aura le grand mérite d'indiquer â bien des gens qui ne
s'en doutent pas l'intérêt que peuvent présenter des collections de ce genre, et
par lâ même d'en provoquer de nouvelles. L'éditeur a soulevé la curieuse ques-
tion des rapports des énigmes des différents peuples latins (il laisse de côté celles
des peuples germaniques) : pour la résoudre il faut avant tout multiplier les
recueils originaux; M. R. F. en annonce plusieurs qui vont prochainement
paraître. Quant au sien, nous ne doutons pas qu'il n'ait bientôt besoin d'être
réédité : il y aurait alors avantage à numéroter les objets que désignent les
daignas (le ciel, le soleil, etc.), ou au moins à en placer les noms en vedette,
de façon à permettre de s'y retrouver sans peine et d'intercaler aisément les
additions.
PÉRIODIQUES.
I. JjLffaBucH FUR BOMANiscHE Llteratur, XV, I. ^ P. I, Matthes, Du
OxforUr Rcnâuskandschrift^ ms, Hatton 42 Boàt. 59, und ihrc Btdmtttng fur du
Rcnaussagc ; continuation des recherches de l'auteur sur les manuscrits anglais
du Rcnaut (voy. Romania IV, 471); il communique notamment un long morceau
d'une version différente des autres conservée à Oxford. Cette version n'est d'aii-
Jeurs« autant qu^on en peut juger^ dans sa partie originale, qu'une fiction tout
individuelle, mise en vers au XIJl' siècle par quelqu'un qui, ne possédant pas le
poème entier, s'est avisé de le compléter à Taide de son imagination. On ne
trouve dans son œuvre aucun trait Iradiiionnel, et elle est restée parfaitement
inconnue : aussi ne surs-^je pas disposé à croire avec M. M. qu'elle ait eu de
rinfluencesuf h poésie épique italienne, — P. 3?, Meyer, Romûmschc Wctrtcr
m Kypnschcn Mitulgneckiich ; relevé de mots empruntés à ritalien ou au fran-
çais. — P. i7, C, Michaelis, Nachtrage und BcnchUgangtn zudenetymohgischm
Venuchen^ concernant les mots guadana^ mogigato, couirc^ carcaj et targuais, —
P. 6^, Scholle, die a-, ai*^ an-, en Assonanzm in dcr Chanson de Roland ; travail
Irès-approfondi, ÎM avec méthode et intelligence, à joindre à celui de M, Bœh*
mer (voy, Romank IV, joo) et à discuter en même temps. — P. 82^ Grceber^
dU Eidt \on Stnnsburg ; cet article, daté de juin 1874, paraît déjà un peu
arriéré; dik pour d(b€i ne peut se comparer au difi défendu ici par i. Cornu ;
non to suon iint pour non lostanh est peu vraisemblable ; it y a pourtant quelques
bonnes remarques. — P, 90, Suchier^ BmthUgmg zu Bartsck's Vazeichntss dtr
Troubadour-Gcdtchu ; montre que dans cette liste plusieurs numéros font double
emploi. — P. 92, Bœddcker, Engtischc Utda and Bailadm (suite). — P. rjo,
compte-rendu de Riller, Rtthmks sur te patois deGcnm{voy. Romama IV, 1 54).
— Périodiques. Le dépouillé de la Romama est fait d'habitude dans le Jahrbuch
avec négligence; ici encore on m'attribue, dans notre i ^'fascicule, deux articles^
signés tous deux, l'un de mon père et Tautre de P. Meyer, G. P.
II, Il PftopuGKATORB, VIII, 5. -^ Depuis le fascicule 4-5 du tome Vî (année
1873 ; voy. Romama II ^ ^o;), ce recueil, par suite d'un malentendu, ne nous
était pas parvenu. Nous remettons à ta prochaine livraison, faute de place, le
compte-rendu sommaire des années 1874 et 187^, après quoi nous reprendrons
le dépouillement régulier *.
IIL NuovE Effemeridi Siciliane, h$c. VII, janvier-février. — CtX excel-
lent recueil se publie depuis le commencement de l'année dernière sous ta
direction de MM. V. di Giovanni, G, Pilrè, S. Salomone-Marino. Dans le
premier volume nous signalerons un remarquable article de M. Pilré sur le
Débat de Ciullo d'Akamo, à l'occasion de la publication de M. d^Ancona,
I
I
I
I
I
I
I. Dans chacun des tomes VII et VHl,
manque.
U livrabon qui devitl porter le n* f nous
FÉRIODIQUES 2\$
et une note de M. Sabmone-Marino sur une upnsmiûûon sacra à Borgetto
(faubourg de Palerme) il y a une vingtaine d'années. — Le présent vofuiue
s'ouvre par un article de M. di Giovanni, Salia siabiliià dct Volgan sicilmno àal
stcoto Xlï ai prcscnU, qui contient plusieurs taits très-intéressantS| mars aussi
des idées fort contestables ou un peu vagues. H serait bien à désirer que tous
les anciens monuments du dialecte sicilien fussent recueillis et mis au jour,
iusque-fâ il est impossible de se prononcer sur plusieurs des points abordés dans
cette étude.
IV. BeEICHT DER KŒN1QL.ICHSN SvECHSISCHEN GSSELLSCItAFT D£R WlSSENS-
caArrEN. Philologisch-historische Classe^ Sitzung am 27 nov.1875.— M.Zarncke
a communiqué à cette séance une Vie de saint Georges en latin, tirée d'un
m%, de Sainl-Gall du IX* siècle, et différente de celle qu'il |vait déjà publiée
(voy. Rommia ]\% i ^). Il montre que ces deux légendes sont deux traductions
bdtpcndantes d*un texte grec, aujourd'hui perdu ; celle de Sainl-Gall paraît
plus fidèle.
V. Journal des Savants^ janvier et février. Premier et deuxième articles
de M. Littré sur le roman de TroU publié par M. Joly. Dans le premier, on
remarquera surtout les arguments ajoutés par le critique à ceux de Tédileur
pour établir Tidentilé de Beneoit de Sainte-More avec fauteur de la Chronique
kî ducs de Normandie. Dans le second article^ M, Littré commence Texamen
d^une série de passages qu'il explique ou corrige. Les remarques de T illustre
Mvant sont toujours intéressantes, mais il faut «observer que Tédition de M, Joly,
dont le grand défaut est de ne pas reposer sur la comparaison et la classification
des manuscrits, appelle une critique d*un autre genre : avant de rechercher
qoel rensédc on peut apporter par conjecture à un vers défiguré dans l'édition,
il (aul s*enquérïr de la leçon des mss., si rarement communiquée par l'éditeur.
C'est ce qu'avait marqué L. Pannicr dans son remarquable article sur la pubîi*
Cation de M. Joîy {Rcv. criL 1875 I, p, 247-256), que M. Littré ne paraît pas
avoir connu.
VL Revue ciiitique, janvier-mars 1876. — 6. Moisy, Noms de familk nor-
mnds (F. Baudry)* — u. Zarnclce , De ngt David fiîio Johannis presbitm ; qui
primas prcsbyter Jokamts vocatus sit.
VIL LiTEHâîiiscHÊS Cbîstralblatt, janvier-mars. ^ N* i , (tf Dtme de Phi-
imUj p. p. Breymann. — 5, Demattio^ Fonologta itûliana. — 7, Wiïïiams, y
lewt Gftai, — II, Gelmetti, la Ungaa parhta di Firenze t la Ungoa kturam
d'italu; il Canzomerc portoghese delta Vatcana^ messo a stampa da Monaci. —
u, Riller, ta Noms dt famille; Os Lusiadas^ hgg. von Reinhardstceiiner.
VIIL Ienaer LiTEnATURZEïTUNO, — J9. Scheffer-Boichorst, die Chrontk des
Dino Compagni. — 123. La Vida de sant Honorât^ p* p. Sardou (important
article de M. Tobler).
CHRONIQUE.
Par décret en date du 28 janvier 1876, M. Paul Meyer a été nommé profes-
seur de langues et littératures du midi de l'Europe au Collège de France.
— On vient de fonder en Italie trois chaires de philologie romane, i Naples,
â Rome et à Padouc. On a nommé comme professeurs M* d'Ovidio à Naples,
M. Monaci à Rome, et comme chargé de cours à Padouc M. CaneJlo, Nous
félicitons Tïtalie de celle intelligente initiative, dont le mérite revient à M, Bon-
ghi, et nous souhaitons aux nouveaux professeurs des élèves nombreux et stu-
dieux. Chez nous, il n'existe toujours pas une seule chaire de philologie romane,
et c'est parfaitement logique. Pourquoi instituer des cours d'une science qui ne
mène à aucun examen et ne facilite rentrée d'aucune carrière? Les élèves feraient
naturellement défaut, si les professeurs se trouvaient. Au Collège de France et 1
l'Ecole des hautes éttides on peut enseigner ce qu'on veut, et par îà l'élude
scientifique des langues et des littératures romanes pénètre dans le haut ensei-
gnement; mais les auditeurs des cours qui leur sont consacrés sont pour la plu-
part des étrangers, et il ne peut en être autrement. Les certificats qu'ils
demandent, et qui leur sont utiles dans leur pays, à quoi pourraient*ils servir
â des étudiants français ? Ni pour enseigner la langue française ou les langues
étrangères dans les lycées et les collèges, ni pour enseigner dans les facultés
la littérature française ou les littératures étrangères on n'a besoin de les avoir
étudiées historiquement. A TEcoIe des charte seulement on fait de ta philo*
logie française et provençale sérieusement, parce qu'elle est nécessaire à Texa*
men de fin d'année. Aussi ne demandons-nous pas qu'on fonde des chaires en
l'air pour ainsi dire, qui ajouteraient à nos Facultés des lettres, dans la meil-
leure hypothèse, un ornement purement superflu. C'est sur les examens, à la
fois sur leur caractère et sur leur utilité, que doit porter aujourd'hui toute
réforme sérieuse de renseignement supérieur. C'est pourtant ce dont jusqu'î
présent on s'est le moins occupé.
— Parmi les nombreux prix que décerne l'Académie française, on annonce
qu'un prix de philologie française va enfin trouver place. Nous donnerons des
détails sur ce sujet dès que nous en aurons de précis. On sait qu'aux termes de
la fondation, la langue française est formellement exclue du concours pour le
prix de linguistique fondé par Volney et décerné par rinstitot,
— La SociiU des Anciens textes va probablement entreprendre la publication
des Œuvres complètes d'Eustache Deschamps, Elle espère en faire autant pour
celles de Christine de Pisan et d'Alain Chartier. Elle a décidé Timpression^
entre autres ouvrages, du recueil complet des Mirùcies dt Notre Dame dramatisés
dont MM, Francisque Michel, Frère, E» du Méril, Keller,Wahtundi, ont publié
des échantillons ; cette publication est confiée à MM. G. Paris et Ulysse
Robert.
— Le Journai da Sa>ants contiendra incessamment un fragment i'Ogier (t
Danois (deuxième partie), découvert et publié par M, de Longpérîer.
Le propnétain-gérani; F. VÏEWEG.
Imprimerie Gotivemeur, G. Daupdey à Nogcnt-lc-Rotrou
I
1
DE
L1NFLUENCE DES TROUBADOURS
SUR LA POÉSIE DES PEUPLES ROMANS *-
Lei langues de i*Eiirûpe méridionale, c'est-à-dire celles du midi de la
France, de TEspagne (y compris le Portugal; et de Pllalie ont un rap-
port intime, qui consiste dans l*unité de leur origine, et qui se manifeste
par des caractères communs. En y ajoutant le français et les dialectes qui
%y rsxiBchtnif enfin le roumain , on a Tensemble des langues appelées
romanes, dont on peut dire qu'elles sont le latin vulgaire des Romains,
modifié selon des conditions de temps et de lieu. La langue, par cela
^^elle est la propriété du peuple entier qui la parle, subit peu l'action
des individus : elle vît d'une vie en quelque sorte végétative, dont le
cours ne peut guère être interrompu que par quelque grand événement
<{ui viendrait à supprimer le peuple qui s'en sert, ouïe mêler dans de fortes
proportions avec un peuple parlant un idiome différent. El c'est ainsi
(jue b langue conserve, même après des milliers d'années (notre expé-
rience ne dépasse pas ^ooo ans), les principaux au moins de ses carac-
tères originaux.
Il en est tout autrement de la littérature. Sa marche est beaucoup
moins régulière. Etant la création d'un petit nombre de personnes, elle
est accessible à toutes sortes d'influences. EllesubitPimpulsion de chaque
nouveau courant d'idées. Il peut arriver qu'un écrivain ait assez de
puissance pour lui tracer une nouvelle voie. Dans l'Europe moderne, les
littératures ont si bien réagi les unes sur les autres qu'aucune n'offre plus
un caractère véritablement national. Elles sont toutes plus ou moins cos-
mopolites. On conçoit donc qu'on ne peut pas établir un parallélisme
!• Cçt aitkle reproduit la plus grande partie de la leçon d'ouverture du
Wun des langues et litlératures du midi de I Europe^ faite le jeudi 27 avril au
Coltége de France. Nous .ivons seulement faisse de cÔlé le préambule, qui
n'tvart qu'un intérêt de circonstance.
2$B p. HEYER
parfait entre le groupement des langues et celui des littératures. Force
est de reconnaître que le lien qui unit les innombrables dialectes des pays
romans, est beaucoup moins sensible dans les littératures des mêmes
pays. Ce lien existe cependant. Il faut le chercher dans l'influence exer-
cée par les premières écloses d'entre ces littératures sur leurs cadettes.
Quelles sont ces aînées des littératures modernes ? Vous le savez, mes-
sieurs, ce sont les nôtres, celles du nord et du midi de la France ac-
tuelle. Voyons d'abord comment elles sont nées, puis nous verrons en
quelle façon elles ont aidé à la naissance de leurs jeunes sœurs.
Plaçons-nous aux premiers temps du rooyen-âge. L'invasion barbare^
et d'autres causes que nous étudierons dans nos prochains entretiens, ont
amené dans tout le monde romain un rapide affaiblissement des études,
La noblesse romaine, en général lettrée, est ruinée et disparait ; les
écoles se ferment ; celles qui subsistent ou se fondent sont dans la dépen-
dance des monastères : les clercs seuls, et parfois quelques grands per-
sonnages, reçoivent une instruction limitée. Or, dès celte époque, par le
simple effet du temps, et sans que l'établissement des Barbares dans
Fempire y ait en rien contribué, l'écart entre le latin littéraire qu'on écrit
et le latin vulgaire qu'on parle est assez grand pour qu'on ne puisse en-
tendre, et à plus forte raison écrire le premier sans l'avoir étudié» Par
suite la grande masse de la population, non-seulement les serfe, mais
même la majeure partie des hommes libres, se trouve réduite à la pos-
session de l'idiome vulgaire qui n'est rien de plus qu'un moyen de com-
munication orale, de conversation, et ignore toute la production intel-
lectuelle tant du présent ice qui n'est pas une grande pêne) que du passé.
La civilisation ancienne, dans ce qu'elle a de plus élevé, est donc abolie
pour le plus grand nombre.
La réforme des études poursuivie avec un zèle admirable par Charie-
magne ne change rien à cet état de choses. Outre que celte réforme ne
produit pas ses heureux effets dans tous les pays romans, elle reste essentiel-
lement ecclésiastique et latine, le but de l'empereur ayant été d'élever le
niveau de l'instruction chez les clercs, qui du reste n'avaient jamais manqué
entièrement des moyens de s'instruire* Désormais le latin est définiti-
vement passé à l'étal de langue savante.
Mais l'empire que le latin exerce sur tout le domaine littéraire, pri-
vant ainsi la masse des illettrés de toute jouissance de l'esprit, ne tarde
pas à être entamé. Dès l'époque carolingienne, nous voyons se produire
sur divers points de la Gaule des compositions en langue vulgaire
qui correspondent aux besoins intellectuels, du reste fort limités, des
populations. Au commencement du ïX' siècle, l'Eglise recommande
aux prêtres de prêcher en roman ou en allemand, selon l'auditoire.
A la fm du même siècle et pendant le suivant apparaissent des poésies
I
I
I
I
I
L'tNFLUENCE DES TROUBADOURS I59
religieuses, faîtes pour être chantées par les fidèles^ ou pour leur être
récitées. Au même temps, des témoignages précis nous font connaître
Taistence de chants historiques, désignés en latin par le terme assez
TSgQe de amîiUns, de chansons (on pourrait déjà dire de chansons de
geste) composées sur des événements qui avaient vivement frappé
l'imagination populaire, de chants satiriques qui sont ce qu'on appellera
plus tard en provençal des esîribùts ou des sirventès. En somme, au
xt< siècle, vers ïe temps de la conquête de FAngieterre parles Normands,
la France du Nord possède toute une littérature épique, et un peu plus
tard, mais toujours avant la croisade de 109$^ la France du Midi a ses
troubadours.
Nous nous avancerions beaucoup si nous affirmions que ces composi-
tioDs de genres variés n'ont pas eu leurs analogues dans le reste des
pajs romans. En Espagne et en Italie, sans doute, au x*' siècle comme
aa xin% et comme actuellement, les jeunes gens ont chanté leurs amours,
les guerriers ont aimé à entendre le récit de leurs exploits, les jaloux et les
méchants ont été chansonnés, le clergé a voulu que le peuple ignorant
du latin reçût un enseignement religieux et prit quelque part aux céré-
monies du culte* Mais, de toute cette littérature hypothétique rien ne
nous est resté, et vraisemblablement rien n'a été écrit.
Pourquoi en a-t-il été autrement en France ? quelle condition particu-
lière a pu assurer chez nous plus tôt qu- ailleurs la naissance et le déve-
teppement de la poésie ?
Cette condition particulière, je crois qu'il faut la chercher dans la
protection accordée par les seigneurs à la poésie, et dans la part que
certains y ont prise. La poésie, qui n'a besoin pour naître du secours de
personne, ne peut se soutenir ni se perfectionner sans un appui qui,
lelon Téiat de la civilisation, lui est donné par le peuple en général ou
seulement par les classes supérieures de la société. Elle est par suite
atnenée à se proportionner au goût de ceux qui lui font accueil. Au
moyen-àge notamment, et surtout dans les premiers temps, elle est, en
une grande mesure, dans la dépendance de son auditoire ; car elle n*a
pas encore de lecteurs : le poète chante ou récite ^çs vers, et se trouve
par conséquent en contact immédiat avec son public. Plus tard, lors-
qu'elle se sera fortifiée, elle agira à son tour sur les sentiments et les
tendances de certaines classes au moins, sinon de la masse du peuple,
mm à Torigine, elle ne peut que subir Tintluence de ceux qui l*encou-
ragent.
C*est parce qu'en France la poésie a été de bonne heure encouragée
qu'elle s'est développée là plus tôt qii*ailieurs ; c'est parce qu*elle a
rencontré des milieux difîérents au Nord et au Midi, que nous avons eu
au moyen-âge deux grandes littératures, la française et la provençale*
26o
p. MEYER
bien
Le point de départ de Pune et de Tautre est le même, et il est
humble. Des témoignages plus d'une fois recueillis, et qui se suivent
depuis la fin de l'empire romain jusque bien avant dans le moyen-âge,
nous font connaître l'existence d'une classe d'individus désignés sous les
noms antiques de scurfs, thymdici, histriones, enfin dt jocalatores , amu-
seurs publics qui, par des divertissements variés où les tours d'acrobates
tenaient autant de place que la musique et le chant, égayent les oisife
sur les places publiques et dans les villas. Ils se multiplient à mesure que
le goût s^abaisse; on les voit même avant la fin de l*empire, prendre dans
les maisons des grands la place qu'occupaient tes rhéteurs, faisant ainsi
succéder la vulgarité au mauvais goût. Ils traversent sans disparaître
les misères des temps mérovingiens et carolingiens. Nous les retrouvons
au XI* siècle florissant par toute la Gaule, mais particulièrement au sud.
En Aquitaine, notamment, ks seigneurs se plaisent à s'entourer de ces
personnages d'abord méprisés, et peut-être méprisables, mais qui s'élè*
vent à proportion des encouragements qu'ils reçoivent. On fut surpris,
scandalisé même, dans la France du Nord, lorsqu'à la suite du mariage
du roi Robert avec Constance, fille de Guillaume J'', comte d'Arles, on
vit se répandre par les pays situés au nord de la Loire des hommes du
Midi au costume excentrique, aux façons légères, ayant toute l'apparence
de jongleursi et l'étant probablement en effet. C'est que dans la France
proprement dite, dans les pays dits de langue d*oui, les jongleurs, tout
en servant à Tamusement de tous, des grands comme de la foule, res-
taient dans une condition infime : en Aquitaine ils étaient devenus poètes
de cour. Us le devinrent à ce point, ils exercèrent une telle action sur
leurs protecteurs, qu'on vit ceux-ci participera l'œuvre des jongleurs en
ce qu^elle avait de plus élevé, et composer eux-mêmes. Les deux plus
anciens troubadours dont nous ayons conservé les noms, et en partie les
œuvres^ sont deux seigneurs : Guillaume, comte de Poitiers et duc
d'Aquitaine, et Eble, vicomte de Ventadour. Le jour où le duc d'Aqui-
taine qui, en i ici, conduisait plus de cent mille hommes à la croisade,
se prit à exprimer ses pensées en vers romans, la poésie des troubadours
fut fondée.
Cette différence que, dès les premiers temps, nous apercevons dans
Taccueil fait aux jongleurs, d'une part au Nord, de l'autre au Mtdii cor-
respond à une diversité très*-sensible dans le caractère des populations.
Au Nord on est belliqueux. Les seigneurs s'efforcent de s'établir à liire
définitif dans des terres qui ne leur ont été concédées qu'à titre précaire.
Leurs rapports de vassalité, encore mal définis, sont l'occasion de luttes
sans cesse renouvelées. On s'accoutume â une vie agitée et dure qui
exclut la mollesse et aussi la politesse des mœurs, Au Midi on est plut
pacifique. Plus éloignés du siège de l'empire qui est à Paris ou à LaoO|
4
l'influence des troubadours 261
lei anciens fonctionnaires carolingiens se sont de bonne heure et sans
trop d'opposition approprié leurs bénéfices» Ils y vivent tranquillement
et largement. Ils ont des ioisirs et recherchent tout ce qui peut les char-
mer. A la vérité, ils ont, au vuf et au ix* siècle » à lutter contre les
Arabes, mais dès lors ils sont défendus plutôt qu'ils se défendent eux-
mêmes. C'est aux guerriers du Nord, aux armées de Charles Martel et
de Charlemagne que revient l'honneur des plus grands coups. Aussi,
lorsqu'un entraînement universel autant qu'irréfléchi jeta les forces de
[•Occident chrétien contre TOrient musulman, la différence de caractère
entre les populations du Midi et celles du Nord, accidentellement réu-
nies pour une œuvre commune, se manifesta d*une façon éclatante. Mal-
gré rincontestable vaillance d'un certain nombre de leurs chefs, les Pro-
vençaux (sous ce nom on désignait tous les habitants de la Gaule méri-
dionale) paraissent dans l'ensemble plus industrieux que les Francs
{Francij Francigens)^ mais moins soucieux de la gloire des armes. On a
iouveni cité le portrait que le chroniqueur Raoul de Caen a tracé des
CToisés provençaux : « Les Francs^ dit-il, ont le regard hautain, i*esprit
• fier, la main prompte aux armes, toujours prête à dépenser, lente à
B amasser. Les Provençaux formaient contraste avec eux par les mœurs,
i par l'esprit, par la manière de se vêtir et de se nourrir : ils savaient
• ménager leur nourriture, scruter partout pour la trouver, supporter
> le travail j mais, à vrai dire, ils étaient peu belliqueux. Par leur in*
M dustrie, au temps de la famine, ils rendirent plus de services que
» d*autres plus prompts au combat. A défaut de pain, ils vivaient de
ji racines, de cosses même ; armés d*un fer, iïs fouillaient la terre pour
» y trouver leur subsistance; d*où le dicton que les enfants chantent
» encore : Les Francs à la bataille, les Provençaux aux vivres ! «
Le contraste n'est pas moins frappant dans la littérature. Les Français
aiment les expéditions aventureuses, les beaux coups d'épée, et voilà
pourquoi ils ont une épopée : les Provençaux se soucient peu d^entendre
conter des prouesses pour lesquelles ils n'ont pas de goût, et voilà pour-
quoi ils n*ont pas d'épopée.
lis n'ont pas d'épopée, mais ils ont créé une poésie lyrique qui, de
proche en proche, a gagné tout le monde latin, faisant sentir son influence
jusque dans les pays germaniques. Là est le lien qui unit les littératures
romanes, et principalement, comme on le verra plus foin, celles du Midi
de l'Europe.
L'accueil fait aux jongleurs par les classesélevéesa donné à la poésie le
champ dont elle avait besoin. Il fallait la vie des cours, les fêtes et les
loisirs élégants, pour faire naître et entretenir ces longues amours qui,
avec leurs ahematives de joie et de chagrins, ont donné lieu à tant de
chansons. Il fallait qu'entre l'objet de ces amours et le poète il y eût
2^2 P. MEYER
toute la distance qui séparait un pauvre vassal de la femme ou de la
parente d'un seigneur, pour que la poésie amoureuse prit tout d'abord
ce caractère réservé et respectueux qu'elle a acquis pour la première fois
chez les chanteurs provençaux, et qu'elle a conservé depuis, même en
des cas où la cause qui avait commandé ce respect et cette réserve
n^existait plus» Il fallait enfm un auditoire attentif et déjà préparé, pour
apprécier ces délicatesses de pensée, cette forme parfois admirable,
presque toujours recherchée, qui caractérise la poésie lyrique des Pro-
vençaux.
Les conditions de la poésie s'étant ainsi élargies ei élevées, on voit
apparaître, pour désigner Pan de composer, une expression nouvelle qui
peint bien Tessor de la pensée : c'est le verbe trobar, trouver, composer,
et son substantif, trobatre, celui qui trouve, qui crée, ou, selon le terme
antique repris par les modernes, le poète. Et réellement, depuis Tanti-
quité, aucun effort aussi grand n'avait été fait vers la poésie la plus
haute, celle qui concentre sa puissance dans la description du sentiment
intime.
Nous ne sommes pas placés dans de bonnes conditions pour apprécier
ta poésie des troubadours. Sans doute, nous admirons chez la plupart
d'entre eux Téléganie construction des strophes, et Taisance avec
laquelle la pensée se développe au milieu des entraves d'une versification
compliquée ; mais la poésie italienne et notre poésie classique nous ont
accoutumés à ce genre de perfection, et nous ne songeons pas assez que
c'est la poésie provençale qui, la première depuis l'antiquité, a réalisé,
pour ainsi dire de prime abord, cet accord parfait de l'idée et de l'cx*
pression. La pensée aussi, dans les chansons d'amour, qui sont la partie
la plus originale de la poésie provençale, nous semble plutôt raffinée que
profonde, plutôt gracieuse que passionnée, et en somme n'éveille pas en
nous assez de sensations nouvelles. C'est que nous avons trop de lecture :
trop d'idées empruntées aux littératures les plus diverses se mêlent dans
noire esprit. Nous ne pouvons pas facilement nous abstraire de cette
abondance un peu confuse que nous devons à notre éducation» Sans le
savoir, nous faisons poner à la poésie des troubadours la peine de son
succès et de sa célébrité : nous oublions que si beaucoup de ses idées et
dt ses formes nous produisent l'impression de lieux communs, c'est elle
qui b première les a trouvées et mises en circulation.
A cet égard nous sommes bien mieux placés pour apprécier i*épopée
qui n'a pour ainsi dire rien fait passer ni de sa forme ni de ses idées
dans nos littératures modernes^ et dont par suite nous goûtons pleine-
ment ÏA fraîcheur et roriginalité.
A»iurément les contemporains étaient mieux que nous en état de jouir
di> U nouvelle poésie, ils savourèrent avec passion cette vie intellectuelle
I
I
à
l'influence des troubadours 26}
i s'ouvrait à eux, et bientôt, il n'y eut si petite cour seigneuriale qui
fût, au moins pour quelque temps, un centre poétique. Les trouba-
dours passaient volontiers de l'une à l'autre, et la différence des dialectes
Ti'étaii pas telle que les compositions nées en Limousin ne pusseni être
entendues en Provence, ou réciproquement. Bien plus, Tart de trobar
se propageant rapidement, se fit sentir en des pays voisins. Des Lom-
bards, des Catalans, voulurent aussi trouver^ et à défaut de leur idiome
propre, quils n'eurent pas tout d'abord l'idée d'employer, ils emprun-
tèrent la langue de leurs maîtres. De sorte qti*on voit figurer sur les
listes des troubadours les rois d'Aragon Alphonse 11 et Pierre lU, les
Italiens Bertolomeu Zorgi, Lanfranc Cigala, Sordel de Manioue, Dante de
ajano, et bien d'autres étrangers.
L^âge d'or de la poésie des troubadours ne fut pas long : il dura un
siècle environ, des premières années du xii^ siècle à la croisade aibi-
loise ; mais ce fui pour le midi de la France une époque d'un éclat et
ne prospérité incomparables. Le pays est riche : il suffit, même impar-
faitement cultivé, aux besoins d'une- population probablement égale à
celle de nos jours. Le commerce y est plus développé qu'en aucune partie
de l'Europe, Il est assez également réparti tout le long de la côte médi-
lerranéenne : Narbonne, Montpellier (par le port de Lattes! , Aiguës-
Mortes^ sont encore en communication avec la mer. Une bourgeoisie
puissante s'est formée dans la plupart des villes et en dirige Tadminis-
tration sous Tautorité très-débonnaire des seigneurs. Le pouvoir muni-
cipal, dont la transmission est minutieusement réglée, n'y est pas aux
mains de certaines familles, de factions, comme dans les cités italiennes,
et par suite les guerres intestines sont rares* Les guerres entre seigneurs
sont moins fréquentes que dans le Nord : les hommes répugnent au ser-
vice d'ost et de chevauchée, et en plusieurs lieux l'ont racheté ou fait
réduire à des limites si étroites qu'il est devenu presque illusoire,
y reste , la vie municipale est tellement puissante et maintenue
ec une telle énergie, que la cité est proprement la patrie de ses
abitants: le suzerain peut donc changer parle hasard des succes-
sions, par usurpation même, sans que la condition des citoyens en soit
sensiblement affectée. Les seigneurs sont surtout puissants par leurs
grandes richesses. La libéralité est en quelque sorte de tradition chez
X, A la première croisade, Raimon de Saint-Gille, comte de Tou-
ise, suffit à des dépenses énormes qu'il s'impose dans Tintérêt général
4Îe l'armée. La splendeur de certaines fêtes, sur lesquelles nous avons
des témoignages dignes de foi, étonne l'imagination. A défaut d'une
issance très-réelle , les seigneurs du Midi conservent du moins un
and prestige qui, dans les circonstances difficiles, comme au moment
la guerre albigeoise, ieur assure l'entier concours de leurs vassaux.
sic
sei
254 P- MEYER
Les troubadours contribuent dans une grande mesure à l'éclat des
cours et applaudissent à tout ce qui peut l'accroître, Jl se peut qu*iin
certain relâcbemem dans les mœurs ait accompagné cet essor du luxe
et de la poésie : on ne voit rien pourtant qui rappelle le dévergondage
criminel dont les grandes époques de l*art et de la littérature, par
exemple le xvi« siècle italien, ont donné parfois le spectacle. On se
contente de n*ètre pas austère»
Le frottement des diverses classes de la société, les nécessités du
commerce, par dessus tout ce sens pratique qui se dévoile chez les
méridionaux dès la première croisade, ont fait naître un esprit de tolé-
rance en matière de religion, qu'on ne trouverait probablement au mênjc
degré en aucune partie du monde chrétien. Les juifs vivent en paix,
jouissant d'une protection qui, d'ailleurs, ne leur a pas été accordée
gratuitement. Leurs établissements de Béziers et de Narbonne sont
prospères. Des hérétiques de diverses sectes, les Cathares d'abord, puis
les Vaudoisou Pauvres de Lyon, profitant de cette tolérance, sont venus
s'établir dans l'Albigeois et dans le Toulousain , espérant y vivre tran-
quilles. Ce sont des hérétiques austères, les Pauvres de Lyon sunoui.
Aussi font-ils presque tous leurs prosélytes dans les populations rurales
qui ne participent pas à la vie agitée et brillante des cités et des cours.
Comme ÎIs ne gênent personne , ils sont tolérés panout, même par le
clergé local, au grand déplaisir de la cour de Rome. Ainsi* peu à peu,
la liberté de conscience s'établit, en dehors du droit, par la seule puis-
sance de l'usage.
En somme, le xii* siècle nous présente» au Midi, un état de civili-
sation qui nous parak assez avancé^ en ce sens du moins qu'il a beau-
coup de points communs avec le nôtre. Si ces conditions persistent , le
pays semble destiné à une prospérité sans limites. Des changements
politiques s*y produiront. Le système féodal y disparaîtra comme
ailleurs, mais probablement sans secousse ; et si Jamais contrée parait
devoir être à l'abri des guerres religieuses qui feront le malheur du xvi*
siècle, c'est bien celle-là.
Une agression brutale ^'nt, au commencement du xiir siècle, anéantir
cts espérances. En 1109, les croisés, partis du nord-ouest et du nord-
est, se dirigent sur deux lignes vers le comté de Toulouse, brûlant les
villes qui résistent, expulsant des populations entières et les réduisant à
chercher un refuge soit dans les montagnes, soit au sud des Pyrénées.
Les cités du Midi n'étaient pas organisées pour une défense prolongée.
Elles ne résistent pas mieux en 1 209 à l'invasion française que cent cin-
quante ans plus tard à la chevauchée du prince de Galles. Aussi, lorsque
le comte Raimon, d'abord pacifique spectateur de sa spoliation, se fut
décidé à la résistance, il n'obtint que d'éphémères succès, et ne fit, en
I
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I
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l'influence des troubadours 265
prolongeant l*agome des provinces méridionales, que consommer leur
ruine. Plus tard, saint Louis essaya, et c'est V\in de ses plus beaux
litres de gloire, de réparer les désastres dans lesquels son père, Louis Vill,
s'était si gravement engagé ; les propriétaires dépouiliés furent, autant
que possible, rétablis dans leurs possessions, et le pays fut en un certain
sens pacifié. Mais les cours seigneuriales appauvries ne retrouvèrent
plus leur splendeur d'autrefois ; la plupart des troubadours émigrèrent
en Aragon, en Casiille, en Italie, et la poésie provençale y jeta un
dernier éclat, tandis qu'elle s'éteignait lentement dans les pays où elle
^tait née. Pourtant , toutes les parties de la littérature ne furent pas
égalemcm atteintes. Certains genres persistèrent . sans beaucoup de
gloire toutefois, pendant plus d'un siècle, li restait toujours un public
pour des nouvelles, pour des légendes pieuses, pour des romans parfois
imit^ du français , mais le grand art de la poésie lyrique avait disparu
dès la fin du xiir siècle. On le vit bien lorsqu'en 1^5 quelques Toulou-
sains eurent Tidée de fonder, sous le titre de Consistoire de la gaie
science, une sorte d'Académie destinée à faire refleurir ta poésie des
troubadours en instituant des récompenses (églantines, soucis, etc.] pour
les meilleures compositions. Nous possédons le recueil des pièces cou-
ronnées par cette Académie (qui fonctionne encore maintenant sous le
nom d'Académie des jeux floraux 1 , et nous pouvons reconnahre que
rien n'est plus éloigné de la véritable poésie des troubadours, et même
de toute poésie. Cependant , tel était encore le prestige qu'excitait ce
seul nom de troubadours, que l'institution toulousaine fut imitée à Bar-
celone, et là, rencontrant des conditions plus favorables que dans le
midi de la France, elle prospéra et devint le point de départ d'un mou-
vement littéraire important qui, avec Ausias March, acquit au xv" siècle
une valeur tout à fait originale, et dont l'influence se fit sentir en Castille
et même en Portugal.
C'est ainsi que la poésie catalane se rattache à la poésie provençale ,
dont elle a recueilli les derniers fruits. De nos jours, le lien s'est renoué,
Cl nous avons vu toute une renaissance poétique se manifester en Cata-
logne sous l'influence des troubadours modernes de fa Provence, et
surtout du premier d'entre eux, Frédéric Mistral
Lorsque le Consistoire toulousain fut fondé pour la restauration de la
poésie des troubadours, celle-ci revivait en quelque sorte hors de sa
patrie sous des formes nouvelles. Nous l'avons vue de bonne heure
adoptée et cultivée par des étrangers. Un honneur plus grand, surtout
plus durable, l'attendait. Dans la France du Nord, en Sicile à la cour
du jeune Frédéric II, en Toscane^ en Galice à la cour du roi Denis,
on composa â la manière provençale. A ce point que, si même les
œuvres des troubadours ne nous avaient pas été conservées, un air de
266 P* MKYER
famille résultant de la forme des strophes, de certains tours de pensée,
de certaines locutions en quelque sorte consacrées» nous ferait deviner
rorîgine commune d'une grande partie de la poésie lyrique du moyen âge;
tout ainsi que dans tes langues romanes, tels caractères communs dont le
latin littéraire ne rend pas compte, ne se peuvent expliquer que par la
supposition qu'ils existaient déjà dans le latin vulgaire.
[| ne faut pas s exagérer le mérite de ces imitations. A vrai dire, elles
sont d'autant plus faibles qu'elles se tiennent plus près âe^ originaux.
Mais il en est souvent ainsi. Ce que les imiiateurs s*approprient le plus
facilement, c'est une certaine phraséologie, un certain nombre de lieux
communs qui ne sont que l'enveloppe de la poésie. Aussi , n'est-ce pas
pour leur valeur propre que nous faisons cas des compositions des
poètes siciliens ou galiciens, mais simplement parce qu'elles relient la
littérature de l'Italie et du Portugal avec celle des Provençaux,
Le mérite des Provençaux est d'avoir introduit dans le monde roman
l'idée d'une poésie élevée par la pensée, distinguée par la forme, capable
de satisfaire les esprits supérieurs, et cependant s'exprimant non en latin,
mais en langue vulgaire. Pour concevoir le mérite de cette idée , il faut
se représenter l'ascendant que conservait le latin littéraire, la ténacité avec
laquelle il se maintenait en possession de toute littérature élevée, l'obsti*
nation^ en un mot, qu'il mettait â se faire passer pour langue vivante ,
alors qu'il était mort depuis des siècles. Les troubadours ont prouvé
pratiquement ce que Dante a démontré logiquement après eux dans le
Convito et le de Vulgari eloquio^ la dignité de la langue vulgaire.
Quand Pidée eut fait son chemin, la voie se trouva ouverte à toute une
poésie qui ne savait par où entrer dans le monde, qui n'attendait qu'un
exemple pour s'épanouir à son tour en pleine lumière. La France du
Nord fut la première à suivre l'exemple de la Provence : non qu*elle ne
possédât depuis longtemps, sans parler de sa grande épopée, une poésie
sirophique, par conséquent chantée, d*une grande valeur, si nous en
jugeons par les spécimens assez nombreux qui nous en sont parvenus ;
mais c'était une poésie essentiellement populaire, ayant peu de chances
d'exercer jamais aucune influence sur la formation d'une Hitéralure, et
destinée, selon toute apparence, à disparaître dans Poubli. Il en fut
autrement dès qu'on eut commencé en France idès la fin du xu* siècle) à
composer dans la manière des troubadours. Pour goûter les nouvelles
formes de la poésie, on ne dédaigna pas les anciennes; on les cultiva et
on les perfectionna , de sorte que la poésie lyrique française est formée
de deux courants , l'un proprement national , l'autre d'origine méridio-
nule. Ces deux courants sont représentés dans nos vieux chansonniers
français du xui'' et du xïV* siècle, et il y a toute apparence que les chan-
sons de filcuses et les chansons à danser qui forment la partie la plus
■
L*INPLUENCE DES TROUBADOURS ïSy
prédcuse de nowe ancienne poésie populaire, n'auraient jamais été
recueillieSi si le succès de la poésie dans le Midi n'était venu les mettre
en honneur.
La même chose arriva en Portugal* Dans le Cancioneiro du roi Denis,
que le zèle intelligent d*un savant italien vient enfin de mettre au jouri
figure à côté de poésies savamment construites, mais parfois un peu
froides et conventionnelles, tout un essaim de chansonnettes légères et
gracieuses qui ne doivent rien aux Provençaux, sinon de leur avoir frayé
la voie.
En Italie, la poésie populaire, dont nous avons d'anciens spécimens^
ne semble pas avoir beaucoup profilé du mouvement suscité par les
troubadours. Le grand effort s'est opéré dans le sens de la poésie artis-
tique, et de ce côté les Italiens ont été jusqu'au bout de la voie que leur
avaient ouverte les Provençaux, car après tes poètes siciliens de la cour
de Palerme ils ont eu les poètes toscans, et parmi eux Dante.
Ouvrir la voie à la pensée, lui fournir une forme au moins temporaire,
c'est tout le service que les Provençaux pouvaient rendre à leurs contem-
porains^ et on n^en saurait imaginer un pfi;s grand. Ce n'est point affaire
aux hommes de créer le génie : leur seul devoir est de lui ménager les
moyens de se produire. Mais , s'il y a lieu de croire que les dons intel-
lectuels qui forment le génie se rencontrent selon une proportion peu
variable en tous les temps , il s*en faut que les conditions qui lui per-
mettent de se faire jour soient toujours les mêmes. Il y a dans l'histoire
de rhumanité des espaces déserts oh les hommes semblent avoir gaspillé
à plaisir la tradition du passé, sans même laisser après eux une idée qui
pût servir à leurs successeurs. Telle est la période qui s'étend de la
chute de l'empire d'Occident à Tavéneraent des littératures romanes.
C'est comme une vaste nécropole sans épitaphes, qui fait penser à ces
vers inspirés au poète Gray par la vue d^un cimetière de village :
Perhaps in this neglected spot is laid
Some hcarl once pregtianl with cdestial fire,
Hands that ihe rod of emptre might hâve sway'd.
Or waked to ecstasy the living lyre.
But Knowledge to theîr cyes her ample page
Rich with the spoii of time did ne er unroll ;
Chili Pcnury repress'd their noble rage,
And froze the génial current of the souL
Fuit many a gcm of purest ray sercne,
The dark unfâthora'd caves of Océan bear ;
Fuit many a flowcr is borne lo blush unscen
And waste its swcetness in the désert air*
268 P. MEYER
Ainsiy pendant plusieurs siècles^ le cœur de Phomroe a pu contenir
des trésors de poésie sans qu'aucune parcelle s'en échappât. Mais les
premiers chants qui retentirent en Aquitaine et en Limousin réveillèrent
la pensée engourdie; bientôt, un vaste concert se forma par tout le
monde latin, et depuis lors les chants n'ont plus cessé.
Plus tard, dévenues puissantes, les littératures de l'Italie et de PEs-
pagne exercèrent autour d'elles une large influence, et la France fut la
première à en profiter. L'ancienne théorie qui faisait naître la poésie
française d'une sorte d'imitation de la poésie italienne, conserve encore
une part de vérité, si on la restreint au xvi« siècle. Au xvii* aussi,
Corneille contracta quelques dettes envers l'Espagne. Mais ce que nous
devons à nos voisins du Sud, n'est nullement comparable à ce qu'ils
doivent à la France du Midi. Car ce ne sont pas seulement des sujets ou
des formes poétiques que la poésie provençale a transmis à la poésie de
l'Espagne et surtout de l'Italie : c'est l'existence même.
Paul Meyer.
DIALOGUS
ANIME CONQUERENTIS ET RATïONIS CONSOLANTIS.
TRADUCTION EN DIALECTE LORRAIN DU XIl** SIÈCLE.
Dans mon Rapport sur une mission en Lorraine et à Metz^ j'ai dit
quelles circonstances m^oni amené à étudier quelques-uns des mantascrits
de la bibliothèque d'Épinal, et comment j'ai rencontré dans le ms. t8i
un document précieux pour Tétude de la langue parlée dans la région de
ta V6ge au xiT siècle* L'importance de ce texte, dont l'existence avait
échappé à Tauteur du Catalogue des mss, des bibL des déparîemenîs (t. III:
Epinal n** 58), m*engagea à en copier quelques extraits pendant la durée
de mon séjour trop restreint à Épinal ; ces extraits ont élé publiés à
la suite du Rapport, appendice VL J'ignorais alors que ce ms.,
comme tous ceux de la même bibliothèque qui ont trait à l'histoire poli-
tique et littéraire de Meiz et de la Lorraine, avait élé, pendant plusieurs
mois, aux mains de Jean-François Huguenin, qui préparait, avec ks maté-
riaux tirés de ces divers mss., son édition des Chroniques de la VilU de
C'est pendant les années i8î4 ^^ suivantes que Huguenin exécuta ses
copies. Celle que nous avons entre les mains porte à la tin celte men-
tion : a Fini de collatjonner le 8 mai i8]^ à 7 heures du soir, n
Ce simple détail permet d'apprécier le soin consciencieux apporté par
Huguenin dans ses transcriptions de manuscrits : et, en effet, cette copie
d'un texte chargé d'abréviations et d'une langue quelque peu étrange, a
été très-remarquablement faite pour le temps \ elle esl bien supérieure à
celles de la plupart des documents imprimés, en ancien français, vers la
même époque. La collation sur l'original m'en a été facilitée d'autant*
1. Archives des Missions, j° série, tome I, pp. i^-) (pp, 10 et 1 ] du tirage
2. Ouvrage posthume, imprime et édité par S, Lamort, Metz, M. d, ccc
^xxxvin, m-4*. Voy. la notice sur l'auieur en tète du volume.
270 F- BONNARDOT
Les nombreuses copies laissées en manuscrit par Huguenîn sont venues
à M. de Bouteiller, qui a bien voulu me faire de celle-ci un généreux
abandon dès que je lui eus parlé, à mon arrivée à Metz, du ms, d*Epi-
nal. Je prie M, de Bouteiller de recevoir ici l'expression publique de mes
sentiments de gratitude.
1.
DESCRIPTION DU MANUSCRIT.
Bien que notre ms. ait été compris dans le Catahgue des mu. dis
Bibliothèques des départemenîs (t. III, Êpinal n** 58), il mérite mieux quel
cette notice sommaire et non toujours exacte ni complète. Il compte
75 feuillets in-4^^ vélin, et se compose de divers morceaux et fragments
rangés dans l'ordre suivant :
L SuMMA MAGiSTRi JoKANNts Beleth. — Com. Ifî prîmitiva Ecclesiâ
prohibitam erat ne quis loqueretur lingais nisi esseî qui inîcrpreîaretar, —
Fin. Capit, de genufîexione in oraûone dominîca^ sous laquelle rubrique
est rapponée la conversion de Thaïs par saint Augustin, — ExpUciî liber
de ecdesiasîicis officiis, qmm composait magister Sohanes Belezit (sic). Deo
gratias. xxxix feuillets numérotés en chiffres romains du temps. La
somme de Jean Beleth se retrouve dans nombre de mss, ; elle a été
imprimée pour la première fois à Anvers en 1555 (voy» Hisî. liîî, XIV,
220).
A une époque peu postérieure à l'exécution de la copie, on a mis en
tête une table analogique remplissant cinq feuillets et demi, non paginé
Au verso du 6« feuillet la même main qui venait de transcrire la tabl|
avait commencé aussi la transcription de îa Somme^ travail interromp
au bout de quelques lignes. En résumé, le traité de Jean Beleth, y corn*
pris la table, remplit les 45 premiers feuillets dums.
n. F° 46 (xl). — Fragment de j} vers latins en deux colonnes sur
les vertus de certaines pierres, telles que ralleaoire, la chélidoine, le
jayet, etc. Voici le début de ce fragment, exlmi du Lapidaire dç Marbode:
Vedtriculo galli qui tcstibus est viduatus,
Cum tribus tit tninimuTti, fa et us spado, vîxerit asnis,
Nascitur ille lapis cujus nunc {sic, corr. non) ultima laus est.
Huic allectorio nomen posoere priores.
IIL F* 46. — A la suite de ce fragment, la même main a ajouté ce
qui suit :
Notandum est quod Adam fundil .vij. dona : ex quibus Salomon habuit
sapienliam, Absalon pukhnludinem, Sanson fortîtudincn), Azacl vclocilatem,
Matusalem longitudinem vite^ Moyses sanitatem.
ce qui, tout bien compté, ne fait que six.
TEXTE LORRAIK OU XII« SIÈCLE 27 1
Le bas de la seconde colonne ainsi que le verso du feuillet est resté en
blanc.
IV, F* 47. — Compilation de préceptes liturgiques, extraite de la
Somme de Beleih.
V. F<»* 48-70 éf. — DiALOGus Anime conquerentis et Rationïs con-
SOLANTis, sur deux colonnes. De tous les morceaux contenus au ms,, le
Dialogus est celui qui présente Taspect le plus ancien sous le rapport de
récriture, surtout dans sa première partie. Je donnerai tout à l^heure
quelques détails à ce sujet.
La même main qui a traduit la fin du Dîdogus a aussi fait sur deux
colonnes la copie des deux pièces dont il nous reste à parler,
VL F»* 70 b-d, — Fragments d'un traité sur les Sacrements. — Com.
In tcdtsia duo sunî principalia sacramenta quibas homo et animal libe-
ratur et bonis impleîur : ptr sacrammtum bapîismatls mandamur a viciis,
per sacramentum altaris imptemur bonis, — Fin. Qui tnim manducat corpus
meum ci bibit sanguinem m£um eî crédit ei, in me habet ntam Atcrnam. —
Cette citation, qui reproduit les propres termes du Christ» selon saint
Jean, vi^ $5^ est transcrite, comme il arrive souvent en pareil cas, par
la lettre initiale de chaque mot*
VIL ¥^ 70 d-'js b. — Sans titre. Bestiaire, orné de dessins à la
plume, d'une exécution soignée. Ces dessins, dont îa majeure partie a
été mutilée par le ciseau du relieur, sont intéressants pour Pétude de ta
^mbolique. Ils sont au nombre de 28 sous les rubriques suivantes :
DeLeone^ de Pantera, de Untcorni^ de Idro^ de Serenis, de Monocentauro^
de Simia^ [de Elephanîe], de Vitula', de animali quod diciîur Serrât de
Vipera^ de Dracone, de Aspidibus, de Lacerta, de Cervo^ de Caprea, de
Vutpe^ de Castorej de Formica, de Erinatio, de Aquila, de PeUicano^ de
fiiticoTâce^ de Falica, de Perdme^ de Stmclone^ de Hupipa^ de Caradrio. —
l-a plupart des descriptions mises sous chacun de ces noms sont en
forme de commentaire du passage de la Bible où il est question de ces
animaux. Je donne à titre d'exemple le début du premier article :
De Leone.
Igitur Jacob benedîcefis âlium soum Judam dicebat : Catalus konis Jada; quis
mmtabit tum^ ? Phisiologus dicil très naturas Iconem babere.«...
Le Bestiaire se termine par ces mots :
Nam si etiam aliquis [interrogat] cur immunda animalia ad Cristi stgnifica-
tionem referantur, ut serpens, leo, draco, aquîla et bis sîmilia, sicut Phisiologus
fecit : sciât quod leo qtiando fortiltidinem Cristum^ quando vero r?pacitatem
sigmiicat diabolum 3.
ExPLiciT liber Bestïarum-
1. Geoes. XLIX, 9.
2. Ce Bestiaire est vraisembiabîement extrait, pour le lond^ du traité de
1^1 p. BONNARDOT
En résuiD^, te ms. d'Épinal 18 1 est formé de la réunion de deux mss.
eiécuiés l*un et i*autre au xït« siècle. Le feuillet 47 (ci-dessus n"* IV)-
sépare les deux parties du volume actuel, recouvert d'une demi-reliur
au siècle dernier, avec le litre frappé : Ftsla. Bellus*, Il est venu à
Epinal de l'abbaye de Moyen-Moutier et plus anciennement de celle du
Saînt-Mont, ainsi qu'en font foi les deux notules suivantes, inscrites
léte de la table de la Somme de Jean Beîeih : Sancti Romand de Sam
Monte. — Mtdiani Monasîerii Catalogo tnsmptus^ 1717.
LE TEXTE.
Indépendamment de la copie faite par Huguenin, j'ai entre les mains""
une autre leçon du texte latin seul. Cette seconde leçon, écrite par une
main qui m*est inconnue» et dépourvue de toute indication de source,
contracte violemment le texte; ainsi, la longue lamentation du début qui^
s'étend à travers les huit premiers paragraphes de notre édition, esl^
réduite à une dizaine de lignes. En outre elle est incomplète, se terminant
à peu près avec le troisième quart de la version de notre ms. Cette rédac-i
lion abrégée n'a pas été faite d'après le ms. actuel d 'Epinal ; dans^
ce ms., en effet, le texte latin est attribué faussement à saint Ambroîse :
Incipit Dialogus beau Ambrosii.,,, tandis que l'abrégé en fait honneur à
saint Isidore : Sancti Isodôri de Contempla mundi ibdlas aureus, C*cs
celle dernière attribution qui est la bonne. Notre texte se trouve en
effet dans les œuvres d'Isidore de Séville, t. LXXXIII, coL 825-S68 dci
la Patrologie de Migne, sous le litre de Synonyma de lamenîatîone animé
peccatricis. Ce que ce terme Synonyma, donné pour titre à une composi-
tion morale '» peut avoir de singulier^ est expliqué dans un premier pro-
logue* qui n'est pas d'Isidore et qui ne se retrouve pas dans notre ma-
nuscrit. L'auteur de ce prologue s*exprime en ces termes: tn subsequentit
hoc lihro^qui nuncupatur Synonyma » id est, mnita vttba in unam significationen
coeunlla.^ Et de fait le lecteur s'apercevra promptement que la pensée*
Bestiis attribué à Hugues de Saint-Victor, La phrase qu'on vient de lire rcproduil
presque identiquement les termes de celle qui figure à l'article de Chjradrio dttl
iraité d'Hupues de Saint-Victor dans Mfgne, t. CLXXVII, col; 78 A. — W esl^i
bien probable aussi que le fragment du SacraTueniaire (ci-dessus n' VJ) est un
extrait du même auteur, en son traité de Sûcrjmenîis,
r. Quelques détails de cette description sont empruntés au CataL desmss. HLn
p. 422. L'assertioa émise 'au même endroit, que • quelques (euillets oal iti\
enlevés > ne s'est pas trouvée jusUfice par l'examen que )'ai tait da ms., complet
en son élat niaténcl.
2. Voy, aux notes des col. 82^-7 de rédition Mr^nc la dissertation sur ce
mût et les dïHèrents titres donnas à l'ouvrage par les mss. Ni l'un ni Tau^e
titre de nos deux versions n'y figure.
TEXTE LORRAIN DU XJI* SIÈCLE I7J
tourne sur elle-même, qu'elle pivote et revient trois et quatre fois sous
autant d'expressions synonymes» dont la répétition systématique engendre
parfois la satiété. C'était, faut-il croire, ie goût dti vir siècle, et le titre
de Synonyma , bien qu'il nous semble affecté d'une rhétorique puérile,
aurait été inscrit par l'auteur lui-même en tête de son ouvrage.
Dans Pédîiion Migne, après ce premier prologue ou sommaire du livre,
vient un second prologue qui est celui par lequel débute notre texte :
Venit naper,.,^ précédé des mots : hidorus Iccfori sâluîem^ La mention
d*un traité des Synonymes de Cicéron, auquel Isidore aurait emprunté le
plan de son ouvrage, est erronée et ne se trouve que dans deux mss.
outre le nôtre. — Il est inutile de pousser plus avant la récension du
texte latin avec les autres mss. à travers Tédition imprimée. Dans les
notes placées au bas du texte, Je me suis borné, pour le latin, à relever
les erreurs patentes du copiste et à signaler en leur lieu quelques formes
curieuses comme lixaridj hâbandacia, offerandaSy dagnat.
Le traité d'Isidore est divisé en deux livres» dont le second (Mignc,
coL Î45) commence avec notre g XXIX : Queso te, anima. — Ces mots
se rapportent dans le ms. d'Epinal au f> 60*^ où, précisément, une ligne
est restée en blanc, sans lacune au texte, comme pour marquer la divi-
sion entre les deux parties de l'ouvrage.
Avant de passer à la lecture du texte, il est nécessaire d'informer le
lecteur de la disposition particulière que nous avons dû donner à la pagi-
nation. Bien que le ms. porte deux colonnes par page, il s'en faut que le
texte et la traduction soient toujours disposés en ordre parallèle : le plus
souvent il n'en est rien, puisque chaque paragraphe du texte latin est
immédiatement suivi de la version romane. Que cet agencement ait été
motivé par le désir de ne pas laisser de blancs (ce qui serait immanqua-
blement arrivé par défaut de concordance entre le texte respectif de
chaque colonne), ou quil procède d'une cause plus intime et plus profonde
quWe vulgaire raison d'économie, la conséquence obligée est que, dans
notre édition, la pagination d'un même passage latin et français se pour-
suit à travers deux pages différentes» de gauche à droite, pour revenir à
gauche avec le paragraphe latin suivant, puis à droite avec la traduction
de ce second morceau, et ainsi du reste. L^empîoi des chiffres latins
pour la numérotation des alinéas donnera à cette disposition une clarté
suffisante. Le même système a été suivi pour les notes, — Quant aux
numéros intercalés entre crochets dans le texte latin, ils renvoient aux
divisions correspondantes de ce même texte dans la Patrologie. Le pre-
mier livre y compte 78 alinéas et le second 105.
Momania,
18
274
F. BONNARDOT
[PROLOCUS.j
(F*' 48(21 » renil nuper ad manus meas quedam scedula Ciceronis * quâm
1 [}] V sinonimam dicunt, cujus formula persuasii animo quoddam
lamemuni inichi vel miseris condere» muutus profectus non ejus operis
eloquium, sed meum volum ^ [4I Quisquis ergo ille es, libenter id per-
lege, et dum adversitatibus mundi tatiger[s,te ipsum censorio judicîo dis-
cute ; et statim agnosces quia quascunque afflictiones pateris in hoc
seculo, relributione tibi justissima inferanlur. Duorum autem persone
hic inducuniur deflentis Hominis et ammoneniis Raiionis.
INCIPIT DIALOGUS BEATÎ AMBROSll
àNJME CONQJJERENTIS et RATIÛNIS CONSOUNTIS K
[Homo.]
II A nima mea in angustiis esi, spiritusmeus estuat^cor meum Huctuat,
[j]r\Angustja animi possideime, angustiaanimiaffligitme. Circuradatus
sum enim nialis, circumseptus erumpnis, circumcfusus adversis, obsitus
niiseriis, opertus infelicitate^ opressus angustiis. Non reperio uspiani
lanii mali perfugium, tanii doloris non invenio argumentym. Evadendi
calamitaiis indiiionem non comprehendo. minuendi doloris argumenta
non cotlîgo, effugiendi funeris vestigium non invenio. Ubique me infeli*
citas mea persequitur ; domi forisque me caiamitas mea non deserit ;
1 61 ubicumque fugero mala mea me insecuntur.
L I. Le f initial est surmonté d'un 5, ainsi : mtroms. — 2. Ms, notum. Il
y a ici uo contre-seris qui se répercute dans la traduction ; corr. mutûtus en
umtdtas, — j. ms. tjt 1. Après nmonlf le ms» porte hô séparé du mol précédent
par un point. La ponctuation et l'orthographe obligent a voir dans hù — hom
le nom de i'un aes interlocuteurs. Aucune autre indication de ce genre ne
figure dans tout le DUhgut, sj ce n'est en tête du § XXV où on lu : Ha,
La seule marque distinctive des divers paragraphes ou répliques est un trait
TEXTE LORRAIN DU XU^ SIÈCLB
27s
fpROLOCUS.l
[P* 48^) A d mes mains est venu?- noveJemem uns tuvres, li ques est
1 /*diz Sinonimes ; la forme del qel amonesta a mon corage
a tare une plainte e mo ou e toz chaids. Je en ell 0 pais changiez dis
ne mies del sens dicel ovre» mais del mien. 0 tu, hom, quiunqes tu es,
S leis et parleis volentirs icès; et dentrementres laes adversitez del munde
letochent» enquir toi meimes par esgardét jugement, si saverés qui tu
sofres îçales par irédroii wardon. Dous persones sunt in ces escrit,
li Hom îngemischans et h Raisons qui 1' 1 simont.
[ÎNCIPIT DIALOGUS BEATÏ AMBROSIf
anime conquerentis et rationis consolantis.]
[Homo.]
Il» « -anime est en anguise, ei mes espiriz est chauféz, et mes curs
IVi est periliz. L'anguse de mon corage mepossîs, etl'angusede mon
corage me tor mente. Evironéz soui de mais, asiiéz de misères, enclos
d'aversitéz, avironez de chaitivetéz, coverz de malaûrtéz, apressé d'an-
fgusses. En nul b n^atroiz di si gran mal " refugii, ni de si grant dolor
proviance. Çjem pues avoir demunstremeni d'eschaper misère» nen ai
provance d'amenrir ma dolor, nen atroiz trace de fuir la mort. Par tôt
me porsè malaûrtéz, ma misère ni mi deverpist ; ou que je fui mé mal
me porsoeve»
oodulc rouge. Jlndiquepar les mots Homo et RatiOf mis entre crochets, la suc-
€fsskm des répliques entre les deux interloculeurs, — 4. Ce titre est rubrique.
Avec l'enluniinure en rouge et bleu des lettres V et A, initiales du Prologue et
du Dialogue dans le texte latin, cette rubrique constitue le seul ornement du
ms,^qui ^ recommande d'ailleurs par le soin de son exécution^
II. I. grâmûL
^
2^6 F. BONNAROOT
ÎIL Ubicumqueconvertero me, malorum meorum meonera comitantur,
velue umbram corporis sic mala mea fugere non possum. Ego ilîe homo
ignûli nominis^ homo obscure opinionis, homo infimi generis, cognitus
per me tantum» cogniius tanium mîchi, nulli unquam maie feci» nulti
calumniaius sum, nulli ad versus exstiti, nulli (48c) molesiiam ïntuli,
nulli inquietus fui, sine ulla querela apud omnes vixi : vitara meam
delere omnes nituntur; omnes conira me frendent atque ima-
niunt. CoTiserta manu in me pericula ingerunî, ad exilium me per-
trahunt, ad penculum me adducunt, ad discrimen vocant me. Ad
saluiem [7] nullus michi protectionem prebet, nulJus defensîonem
adhibet, nullus adminlculum subtribuii, nullus malis meis succurrii : de-
sertus sum abs ^ omnibus. Quicumque me aspiciunt, aui fugiunt aui for-
tasse me persecuntur; intuentur me quasi infelicem. Nescio quem tocun-
tur michi dolum ver bis pacificis, ocukam maliiiam blandis sermonlbus,
Aliud ore promunt, aliud corde volutant ; opère destruunt quod sermone
promîitunL Sub pietatis habîtu animo venenaio incedunt, maittias vêlant
fuco bonitatîs^, calliditatem simplicitute occultant^ amicitiam dolo simu*
lant, osiendunt vuku quod in corde non gestant.
IV. Cui credas ? Cui fidem adhibeas ? Quem fidei proximum seniîas ?
Nullus habere fidem novit, Ubi jam fides ? Périt fides» ablata est fides,
nusquam tuta fides. Si tegitîmum nichil est, si veritas judicti nulla est» si
equitas abicitur, si jus non (49a) creditur, si justicia cunctis negatur :
pereunt leges, avaricia judicante; [8] cupiiatis amore jura nichil valent ;
premia et dona legibus vires tulerunt, Ubique pecunia vincii, ubique
judicium vénale est. Nullus legibus metus, nullus judicii timorest: impu-
nîta manet maie vivendi licentia. Nemo peccantibus contradicit, nec
scelus ulciscitur quisquam ; omne crîmen inultum manet. Iniqui salvi
fiunt, innocentes pereunt. Boni indigent, improbi habundant. Scelerali
patentes sunt, [9] justi egent, Iniqui honorantur, justi decipiuntur. Iniqui
letantur, justi in merore etluctusunt-NulIareinpediente, [10] nulla causa,
nulla criminatione, nuila crimen malicla michi obttiunt^ crîmen michi
imponunt ', crîminis nodos contra me nectunt, criminis et suspectionis
locum in me convertum. In crimen periculumque me deducunt, obiciunt
michi crimen cujus non habeo conscientiam. Nichil exploratumest, nichil
patefactum est, nichil invesdgatum est, nichil repertum est : non tamen
qaiesGunt adversum me mala configere , non quiescunt falsa testimonla
preparare^ non desinunt accusatores obicere, judicesnon sintint conscri-
bere ; [n] testium falsa senienlia ad necem innocens ducor,
II. I, at'^, — 2. vclunt^ suco, — 5. SrV, passage altéré dont je ne puis
donner une restitution sûre ; corr. defftnd ^ mi avec? iavctat), — 4, amoituisâ qL
IV. i. impûncnt, — 2 .Immédiatement après ces mots le copiste avait, par inadver^
lâflcc, transcrit ceux-ci : Si loauU: al nlan: n nulle viriez ^ (ju'ïl n'a pas exponc-
j^^
TEXTE LORRAIN OU Xlï* SIÈCLE 277
IH, Ou que je me lorne, li fais de mé mas me porsevem; ne pois fuir
mfô mais jp^lç^s rumbre de mon cors. Ju suis homo de mesconuiz non,
d'ûscure co^oseance, de base esclaie» par moi ei a moi lam solement
cognuiz ; unques homme ma ne fis, ei nulu unques ne detrais, unques a
5 Homo contrare ne fui, nullu mo-''48</|-leste n'ai fait, a nulu n'ai esté pas-
sibles, chïs loz hommes ai viscu sen complente : tresiu s*enforceni des-
irure ma vie, et frémissent ei forsenne encontre moi. Par asenblée main
poneni encontre moi les perilz, etsitrahenta montormenl;simeraonent
el m'apelent a perilsce. Nus ne me defent a salut, uijxiâ.nen ajoste
lodefendement, nuns ni mi donenlfdeffendeme av^ee J, jriuns ne secort a
mes mas; divirpit suiz de loz. Qui unques me vaii, ou me fuit ou par
aventure me porseut. Il m'esgardent loit cumme chatif, et parolent a
rooît ni sa qeN boisie par pasibles paroles, par soés paroles aorneni lor
reponue malice. Altre chose matent fors par boche, et altre porpenseni
t 5 en curs ; cel qu'il promeienî par diz, desiruent par ovre. Si vunt par
vinimé corage desoz l'abit di pieté, et cuvrent lor malice par la color de
bonté. Vosotét reponent par simplicitét, amisté figneni par bosie, et
deraonstrent par viare qu'il ne funt pas en cuir.
IV. (49^1 A eu croes tu ? A eu ajoste tu fai ? Quel visin sentes tu de
fai?3 Wuns ne set avoir foit. Ou est foii ? péri est, tollue est; et mûm
nen est seure foit. Si loauté est^nianz et mjMê venez de jugemenUML
est, si droiture est disjetée et nçn est trovée, [si] justice est deneie a toz :
S les lois périssent, jujant ravarice; drotures ne valent niant par amor de
ctivise; li loir et les dones portent forces as lois*, partot vaint richace,
et jugement est venaus. tluUe paor n'est a lois, jiiiUe paors jn'est de
jugement : sen pone est li congiéz de mal vivre. Mus ne contradist as
pechanz, nus ne vange félonie ; toz blasmes maint, Li félon suni sait,
iqU innocent périssent. Li bon unt disate, li prochié ? abundent, el li escu-
rnenié sunt possant. Li felun sunt lié et onoré, li juste sunt deceû et
■ dolanté et em plor. Sen cause et sen crime contrajetent et amatent a moi
blasme, lient encontra moi lor noz, atornent en moi leu de suspiciun.
En blasme et en péril me moinent, amatent a moi lou bîasmes ke je ne^
*SSâi del quel. J^ule chose n'est esquise, nule auilre] veriei nen est cha-
chie nen atrovéfel : nekedant ne reposent fmdre^ mais contra me apar-
relier fas tesmonege ; .ne cesent de contrajetir Ii acusor^ ne finent de
dampner li €nvioz et la fause des tesmonz : et je innocenz suy menez a
mort.
lyés en les relranscrivant deux lignes plus bas à leur place légitime. — j. pro-
chu est sans doute une faute du copiste pour nprochtè =^ improbi; voy. upio-
ûuz = improbis dans V, a, 17, et ailleurs ; cependant îesucistanlif proches se
rencontre à côté de reprocha XXXV i| et 14. — 4, Ms. mvm, sous nnfluence
d'âcusot qui précède.
à
^78 F, BONNARDOT
V* Ex eodem concilio testes, ex eodem conciliabulo judices, ex eodem
cetu ac-(49c)-cusatores. Imprabosjudicesopponuntjalsos testes obttiunt
in quorum testimonio confideniia est. Nemo ab illis djscedit, nemo dis-
cordât, nemo consiîium eorum répudiai. Cuidicam ? Quem adeam ? Quem
potissimum queram ? A quo consiîium petam ? In quo animuni meum po*
nam ? [ 1 2] Omnibus odiosus sum, omnium * cariiate desertus sura ; proje-
cerunt me omnesa se ; abhominatione meomnesabhominantur. Inborres-
cunt me omnes, répudiant me omnes, abdicaiionem intendunt. Voloadeos
confiigere, sed minaniur ; cupio eorum deprecari vestigia, sed fugiunt, ad-
versamur et odiunt. Supplicando propitios eos habere voie, illi autcm
molesti sunt magis. Inierdum autem adjungunt se ficta cantate, non ad
consoiationemsedadtemptationem. Loquntur simulaie, etsictacent non est
simplexsilentiumi. Querunt quid audiant, querunt quid prodant J, explo-
rant unde decipiant. [r 5] Ego autem, reclinaio capite, humiiiato vultu, de-
posila facie, sileo,taceo, inceptopersistosilentio. On meocustodiam posui,
ori meo signaculum dedi, vocem ac sermonem repres&i , linguam a
locutione restrinxi. Etiam de bono inlerrogatus, laceo; malui enim reti-
cere improbîs quam respondere. Illi autem non quiescunt ; illi amplius
149^) perseviuni, percussum amplius persecuntur, magis magisque super
me irru[u]nt.
VI. (jotf) Obstrepunt etiam super me damoribus; jactant in me petu-
lamer convicia ; voce, ambitu, strepiiu [i4]prosiliunt; voce aperta super
me conitiraelias et obprobria jactant, Ab alio provocati ad me omnescon-
citaniur, omnes in me seviuni, omnes in exicium meum intendunt, om-
nes in mortem manus suas préparant. In tanto igitur metu ^ , in tanto
pavore, in tanta formidine coniabui miser, palîui miser, exanguis effec-
tus sum. Emarcuit cor meum, pavore estuo, formidinis metu labesco ;
timor ei tremor animam meam quassaverunt. [! 5] Sic exilio trusus sum,
sic exilio dampnaïus siim, sic exilii penam lugeo, sic dampnationem exilii
gemo, Vinculo serviiuiis addictus sum, conditionis pondère pressus,
servîli opère mancipatus, in algore. in nive, in langorenimio, in frigore,
in tempestaiibus tetris, in omni labore, in omni periculo positus. Post
dampna bonorum, post amissionem omnium rerum, inobs et pauper effec-
tus sum, Egeo, mendico, infelix publice posco alimoniam : nemo egenti
manum porrigît. [16] Omnes mendicantem spernunt, esurientem ncc
micis suis reficiunt, in os sicientis nulius distillât guttam refrigerii, nullus
mîchi prebet vel modicum unde rorem : effectus sum enim cunctis abho-
minabilis.
V, I. omium. — 2, Corr. si* Le ms. porte deux fois le mot simptex.
prodeam, — 4. Le copiste a omis le mot qyj traduit la t. nspondere.
TEXTE LORRAIN DU XII* SIÈCLE 279
V* D'iiTi mesmes consel et d^une companie sunt li tesmun, ti jujoret U
acQSor* Les reprachiéz jujors oposent, les temon contrejate en cui tei-
monage unt lor fiace. Nus ne s'en vait diceos. ne ne discorde ; nu ne
refuse lor consel. A qui dirai ? Cui requereai ? Cui demanderai consel ?
$ Ent cui meterai mon corage t Haï soi a t02 ; devirpit de la charité
àeriôz\ ensus de toz de soi me dejeient tuii; tuii me funi beste par
abomination. Tuit me horisent, et refusent, et portedent escuraenge-
iBcnt* le voil fuir a os, mais il me menacent. Je cuveit deprier lor
piex, mas il me fuient, contrarient et heent. Je's voil avoir propices
* *^em proant, mais ill me sunt plus moleste. Nekedam a la fie s^acompagne
a moi par fonte carité ne n^ie por conforte, mas por asair. Finiement
parolent, et lor coisier n^est pas simples. Il quirem que il manifetscent,
et quel chose ill me deçovent. Mais je, encline lo chtf, humilié lo viare^'
diroisc la faiçon, roi tace et si permagne en Temcomencé silence, J'a mis
■ V varde, et signade a doné a ma boche; ma voisce et ma parole ai re-
^ pressée et ma langue restroite de parler ; et nés de bien entervéz me
fois ge : kar miez voil coisier as reprochiez que,.,.-' Mais il ne reposent,
et plus forsanne, et plus et plus porsevent moi ferut, et trabuchent sor
raoy.
VK {$oh\ Resonent sor moi par clamors ; em mai jeient cnvoisement
blasmes ; par voîz, par quvise, par resonemenz sallent sor moi^ par
aoverte voiz jaient sor moi orguelous diz et reprochent, D'atrui pon^o-
chicf, luit sunt commeùt sor moi, tui forsennent em mot, tui entendent
S em mon torment, tui apparellent lor mains em ma mort. Je chatis en
si grant docta ^ et si grant paor sui porriz, jechaitis sui empaliz, je dimè
roorz suis atleveliéz. Mes curs est enmarcit, j'eschaufe et puris par
pavor; irenblement» et pavors unt quassée m'anme. Ensi sui botéz en
essil et damnez par essil, et plor la poine d'essil, et gémis la dampna-
*<^ lion d'essiL Amenez sui a lîendeservitut^, apresséz par fais de serjamie,
sumis a ovre de serjam; en froidor. et noif, et trop grant langor, et
noires tcmpestez, en tôt travail, et loz periz sui mis. Après les damages
des bins» après la perde de loies choses> soi faiz besongnos, povrcs et
aftavilîiéz. J'ai besogne^ je mendie, je malaurois aûvenement demani
^ 5 mon vivre, et jius n'adrace sai main a moi bosengnant, Tuit me despi-
&ent mendiant, ne^ne saolent de lor miates lou famîliant; nuns n'espant
ses gottes de réfrigère en la boche de soillant ; jauni ne denei a moi nés
une yrtit*" rosée d^aigue : kar je sui fayz a toz hahynos.
VI. I , tanta, — 2, tic poor éoifa avec Va final en valeur de e muet, —
irenbiaitatt, — 4. Traéndioti ta^ve : amau* suppose que le traducteur aur^
lu adduLtas pour aédtcùis.
iSo F. BONNARDOT
Vïl* (50c) Omnes ut uicerosum comempnunt, ut feteniem expuunl, ut
leprosum tangere horrent. Jacet caro asiricta ferro, jacet pressa catenis,
jacei Hgata vinculis, jacet vincla compedibus. Non désuni tormenta,
non desunt crue lamenta, non sunt minus supplicia* Cotidie crudescit in
me sevit[i]a' : [lyjcorpus meurn carnifices novissime cruliatibus lacérant;
inaudito génère penarum ^ viscera mea et membra dilaniam ; quidquid
possunt super me crudele excogitant. Mille pénis extortus, mille subacius
lormentis, mille lacerâtus suppliciis. Caro mea plagis secta computruiti
semper latera saniem fundunt, lacerata menbra puiredine defluunt. Cum
fletibus sanguis manat, cum lacrimis sanguis slillai : non est solus cruor
lacrimarum, sed vulnerum, [18] Comsumplus sum in dolore misera,
in dolore et animus et corpus defecît. Mens jam victa est^ anima preclusa
dolore. Mtilta intolerabilia sensi, multa acerba sustinui, multa bravia
periuli : tam grave 4 et crudele vulnus nunquam excepi. Momen-
taneo interitu percussus sum « inopinato vulnere oppressus sum.
Inprovisum me in tantis malis calamitas vite conjecit; ignocantero subito
oppressit calamitas, repeniinus tmeritus casusque me obruerunt.
VU h [19] Cur infelix natus sum ? Cur in hanc(5 ta) miseram viiam pro-
jectus sum? Ut quid miser hanclucem vidî ? Ut quid misero michi hujus
vite ortus occurrit ? Utinam otius egrederer a seculo! Quamlibet, fessus
quanquam ' jam ratione, recederem ! Cupientî mori jam liceret ûccu[m]-
bere; vivendi enim michi est tedium, moriendi votum. Sola mihi mors
placet; sedeo miser, expecto ; mors larde venii. 0 mors quam dulcis es
miseris! Quam suavis es, 0 mors, amare viveniibus! Quam jocunda
es, 0 mors, irisiibus^ atque mereniibus! [20] Accédai ergo ad vite ma-
gnum malum, monis grande solatium î Del finem miserie requies sépul-
ture ! et, sinon vite, certe vel mors miserie incipiat ! Mors malorum
omnium finem ponat, mors calamiiaii lerminum prebeat, omnem calami-
tatem mors adimaiî [21] Melius esi bene mori quam maie vivere! melius
est non esse quam infelicem esse! Ad comparaiionem miseriarum mearum
feliciores esse puio moriuos quam vi ventes. Parcite dolori meo , queso !
Parcite merori meo, queso! Parcite, ignoscite angustieroee! Veniam
date, indulgete meis doioribus, in tanio dolore conira me commoveri
nolite ! Percussionem enim meam deploro, familiarem cladem miserie
mee lugeo ; plura enim ministrat dolor. Non valeo consoiari miser,
inpa-(5 jt)-iiens est enim dolor meus, infinitus est enim meror meus, nul-
latenus linitur vulnus meum k Nuilus lacrimis modus est, nullus do[lo]ruiii
VIL 1. scvitêû, le premiers exponclué. — 2. Ce passage est gravement altéré
dans le ms. : m ûudita genert Imguamm penùnwu — î . Le copiste a répété drux
fois encore m dolore miser. — 4. Un. — \. Ms, hens. La traduction de la phrase
JacU caro.... vmda compedibus a été omise. — ù. Je restitue la syllabe initiale de
tsîrtnge (voy. plus bas aslrangc tstrangc) sans me dissimuler qu'il y a des cas
TEXTE LORRAIN DU XU* SIÈCLE jSl
VIU (joii Tui me despisent cumme rugnois, et derachent cumme fla-
rmt, et enhorrisent cumme lipros dépens et de boes L Li torroam iie_de-
faitlem, ne ja nin i ait moins. Chascum jor est plus cruirtéz, et a dariens
(li torroent) li tormemor descirent mon cors par tormani» et dépècent mes
5 entrailles et mes membres en [es]trcnge ^ manières des poines. Qui-
cunque cruer chose il paient, porpenseni sor moi ; par mii poines lor-
meméiz, sumis a mil tormenz et disciriéz. Ma chars est purie» detalUc
par plaies ; meu cosiét tos tens espandeni porroture ; meu descirit
menbre decorreni de porreiure. Enseble les plors et les larmes decort
loli sans, Il ques^D'es pas Idespasi des larmes mas des plais. Je chatis sui
consumez en dolor, mes cors et mes corages défait en doior. Ma pense
est vcncue et m*anime est devant close par dolor. Mentes choses ai
sofert kejQfi^foni a sofrir, mente agrès choses a sustenui, mente lenceon
â portée 7 : unques si gris et si cruir plai ne ceù» feruz sui par subitcn
r ^ destniimem, et apresséz par aslrange plaie; la misère m'at apressei su-
bitenement. )S[i^qt sapant li subitens desiruamenz et aventure m'ont
ascravantét.
VI lï, Chatïs, por koisuî je néz et jetez en ceste mortel vie ou en ceste
chatîve vie? Porkoi, chatis, ai veu ceste lumire, et cncontrét li nasche-
roenz de cestee vie a moi chatif ? ^ La mee volenté usise isnelement del
sicle j Et, cum W is te plaist ï, laiséz par ancune raison^ m'en alase del
) siècle 1 et a moi covaiianl morrir leust endroit a jesir, Icar annois de
vivre est a moi et desiers de morir! La sole morz plais; mais, je
chatis, entent et A^la vie tart. 0 tu, morz, cumme es dolce a chaitis!
Cam suis as mant amèrement ! Cum es joose as dolanz et as ploranz !
Or aproche li conforz de la grie mort a grant mal de la vie l Li
lo repois de sépulture donc fm de misère ! et si la morz de vie ne vient,
jtivpji^ nf,^ la morz de misère s'encomencest et mate fm des mais et ter-
mine des misères, et lollet lote chativiié ! Mioz est bien morir que mal
vivre, et jiiiUU estre que a * esire malaûros! A resgardemeni 7 des mess
misères, eu je les morz estre plus auros que les vivantz. Les pri : Aspar-
iSgniz a {^ic) [ma] dolor et a mon plor ! Pardenéz a mon anguise ! Denéz
me, pardenéz a mes dolorsl Ne voil estre commeui encontre moi en si
gram dolors. Kar je plagne ma batuire, deplor ma misère, et plor la
privée pastiience di chaitivitét ; et dolor m'aminisire pîusors choses. Je,
chaitis, ne pois estre confortez, kar mas dolors est iiianz ^ofraî^ï^» et mes
^0 plors est sainz fin,..eiLimk manire n'est plaie asuagie. Nule fins est as
d'aphérèse analogues dans le dialecte. C'est même le cas ordinaire dans le patois
Ktuel, qui dit tranticr := cstrangler, pds =^ es pais, chouwï =r essuyer, car chou
•* escorcheur, et autres. — 7. Le premier e de ^oriit est surmonte d'un signe
d'abréviation. Si ce n'est pas pure inadvertance, il faut lire ponkn comme plus
bas subiUn sabitms.
VI H. r. Corr. quaiamqti€, — 2. trhûs. — 3. mmi, — 4. Après le mot chatïj^
j82 F. BONNARDOT
modus est, nullus dolorum finis est. Jam nultâ fîdutia est aniinî, fam
ferre non potest animus, jam victus miseriis concidit animus.
[Ratio.I
IX. [22] 0 homo! Quid tanium diffidis animo? Cur adeo mente debilhansf
Caranimo tantum diffunderis ? Quare tama pusillanimitate deiceris ? Quare
in adversis adeo fra[n'geris ? Omitte iristiciam, desine tristis esse, tristi-
ciam repelle a te, raesiicie noii subcumbere^ noli te multura dare tristicie.
Repelle a corde luo dolorem, abanimoexcladedolorem, inhibe itnperum
doloris. Non persévères in dolorem, vince animi dolorem, supera mentis
dolorem.
[HOMO.J
[2?] Qualiter ? quo facto? quo modo ? quemadmodum ? qtia rationef
qua arte ? quo consilio ? quo ingenio ?
[Ratio. j
[24] Omni opère, omni vi^omni arte,omniratione,omni consilio, oroni
ingenio, omni virtute, omni instantia. Syroe luctamen contra tem-(5ri)
porales molestias ; esto in ctincirs casîbus firmus ; patienter toléra om-
nia ; omnia adversa equo animo lolera. No!i singularem condictioncm
tuam intendere. Non est a te sola tua acerbitas pensanda ; non est sola
a te tua consideranda calamilas : respice similes aliorum casus, intendc
miserîas eorum quibus acerbe aliquid accîdit. Dum tibi aliéna pericula
memoras, mîtius tua portas; aïiorum enim exempta dolorem relevant' ;
alienis maiis facilius consolaïur homo, [25I Q^uid incusas acerbissima tua
décréta ? quid causam tui periculi tantum luges? Non sunt nova tua sup-
plicia : habes exempta calamitatis. Quanti taies casus, quanti Talia peri-
cula pertulerunt ? Patienter ab une ferendum est quod myllis accidit
tolerabile. Pena hujus vite brevis est; et qui affligitur, morialis. Tribu»
latio hujus temporis fmem habet; 1 26] transeunt omnia seculi hujus, nec
permanent, Omne quod venit, stare non potest, Nichil est inhominisviia
diu ; nichil tam » longum quod non in brevi fmiatur ; habent sub celo
fmem suum omnia. Impos&tbile est ut homo sis et non gustes angustias
Dolor et tristicia omnibus communia sunt ; omnia in hoc seculo evcntu
simili sustinemus. Nemo in perpetuo expers mali est ; nemo est qui in
hoc seculo non doleat.
on lit dans le ms. ces mots : La m fu 0 U voUnît qui ne répondent â rien dans fe
texte latin. — j. J'interprète ainsi le cGkisk du ms., qui peut se rendre en Grin-
çais par cûmmt ou commn qu'il u phise, C'est une tradition absolument litté-
rale de quûmhbet, et non moins absolument fausse. — 6. Ms. qQa, qu'il faut
p.-è. interpréter <faam. Ce ne serait pas, dans ce texte, le seul eienuplc d^une
orthographe purement latine. — 7. On pourrait tout aussi bien lire m a,
IX. 1 , Le copiste avait commencé à écrire le simple le^fûnt : s'élanl aperçu de
son erreur il a corrigé en ntojnt, mais sans songer â exponctucr les trors lettres
ieu de sa première transcription. — 2. U/t, — j. Ici et plus bas ce mol est
TEXTE LORRAIN DU Xlt* SîÈCLE 28 ^
larmes et des dolors ; nule fiance n*est ja de corage. ni puit ja sofrir li
congés, et vencuz est et cheûz par misères.
[Ratio.]
IX. {\2a^ 0 tu. hom ! por ko difies lu de ton corage ? et si granmeni
esaflavelliz par penses? et confus en ton corage? et digeiiz par tanzdes-
coragemem ? et es humiliez en contrarioses choses ? Lassce et bote en sus
de toi tristace, et ne soies dolanz. Ne soujeces ne ne dener leu a dolan-
î lei. Debote et esclou dolor ' de ton corage, retien la force de dolor. Ne
persévérer mies en dolor, venc et sormonte la dolor del corage et de la
panse.
[Homo.'
En quel manîre ? par quel coveni ? comment ? con faiemeni ? par quel
raison ? par quel art ? par quel consel ? par quel engeng ?
C [Ratio 0
D Par loie ovre, et force, et art, et raison, et consel, et engeng, et ver-
tuit, et par toi enchacement, Prent Iule encontre les temperaus dolan-
Icz. Sofranmem et par euga! corage sofre toies contrares choses. Nen
cniendre a ta sole aventure. Ne doies pas penser a ta sole adversîtét ne
_ de ta sole misère : esgarde les semblanz aventures des aires, et entent
1 5 les misères d'iceous a ques avient ancune chose agrément. Quant lu
riraembrcs les maus astrenges, plus soef portes les tiens, kar li exanple
des atres t*alegent la dolor ; li hom est confortez plus ligierement par
astrenges mas. Por ko encuses tu tes très cruirs jugemenz, et plores tant
por la cause de ton péril ? Teu tormeni ne sunt pas novel ; exanple es ^
2 ode la misère : quant homme uni sofert tes aventures et tes perilz? Ceu
que sofraule chose est avenuz (52^^) a menz, fait a sofrir a un sofran-
ment* La poene de cesie vie est briés, et cil qui est tormeniéz est mortes.
La tribulations de cesi lens al fin ; loies les choses del secle trespassent
et ne maînenimies* Toi qui vient ne puit ester. Nule chose n*est longe-
2 5 ment en la vie de Tumme, ne si longe ki ne fmeiscei en brif tens ; lote
riens soz cel at sa fin. Ne puit estre ki soies hom et ne sofres anguîsses :
dolors et instace sunt communes choses a toz. Nos sofruns toit en cesi
secle par senblani aventure ; nun^ n*e$t parmingnalmenl sens partie de
mal, et que [ne] se dollet en cesi secle.
écrit par uti d avec la marque d^abréviation qui se résout ordinairement en de ;
toutefois n'ayant pas rencontré le mol » douleur » écrit ddor^ je transcris
dolor; mais Jaier à la ligne précédente est josliiié par son composé pardtner qui
est écrit en toutes lettres; comp. plus bas temperaus pour Umporaus. — 4. a,
pour ejf ^* p, s. de atre, se rencontre fréquemment dans notre texte; cependant
il vaut mieux lui donner ici la valeur de ttûks du texte latin, et raccentuer en
conséquence.
184 P- BONNARDOT
X. Nulltis est qui m hac vitapositusiîonsuspiret : « Malisomnia plena
suniî n [27] Interpone ergo tibi rationem, particeps csto rationi[s], pre-
valeat ratio. Tempera animum ratione, animam ratione confirma ; vimtanti
merorîs reprimat ratio ; confirmato animo tiullum periculum penimes-
cas, Oponet nos per mullas tribulaiiones introire in regnum Dei '. Non
sunt condigne passiones hujus lemporis ad futuram gloriam 2. Quod in
presemiesi, momemaneum est et levé : tribylationes in nobis; quod
etemum est supra modum est : pondus excellens glorie. lîtilis est tribu-
latïo, utiles vite hujus pressure. [28] Malorum praviias non te occidit, sed
erudit ; pravorum adversitas non te deictt, sed extollil ; humana tempta-
cio arguit te, mh inierficit. Quanium enim in hoc seculo alligimar, tan-
tum in perpeluo solidamur ; quantum in presenti lugemus, tantum in
future gaudebimus.
Xî. Si hic flageilis alteriraur, purgaii in judicium Jnvenimur. Semper
Deus hic vulnerai qtios ad saîutem perpetuara préparai. In fomace proba-
tur aurum, m sordibuscareat: tribulaiionis camino purgaris utpurior pa-
rcas, Persecutionibus conflaris ut omni peccalorum sorde purgerîs : ap-
probatione sunt ista omnia que susiines «. [29] Non igitur murmures, non
blasphèmes, non dicas : « Quare sustineo mala » ? Sed ma^'s die : <c Pec^
» cavi; ut eram dignus, non recepi ; equalem vin-(52i^)-dîctam peccati
a mcî non semio ; minus me percussum quam verebar, agnosco ; juxia
j) modum criminis minor est retributio ultîonîs* secundum meritum pec-
» catorumj dîspar est causa penarum : non sunt tanta supplicia quanta
» extiteruni peccata* » Qui enim in fîagellis mtjrmurat, Deum plus irri-
tât, furorem Dei amplius provocat, iram indignationis Dei plus sibi
exaggerat:[^o]qui vero adversa pacienter tolérât, Deum cicius plaçât. Si
enim purgari vis, in pena te accusa, et Dei justiciam lauda. Ad purgalio-
nem luam proficit, si ea que paieris ad justiciam Dei retulcris, si pro
irrogata miseria Deum glorificaveris, Corripit enim te Deus ; flagello pie
casiigationis te arguit ; exercel in te disciplinam ; et qui parcendo te ad
se revocabat, feriendo clamât ut redeas. Cogita, homo, quotlibet mundî
cruciaius, intende animo quascunque seculi penas, quoscunque lormen-
torum dolores, quascunque dolorum acerbitates : compara hoc toium
géhenne, et levé est omne quod pateris. Si limes, illas penas lîme : si
enim iste temporales sunt, ille vero sine fine. Jn ista pena morîe[n]do,
tormenia recedunt; in illa moriendo, etemus dolor succedit. [3 1] Si enim
conversus fueris, emendaiio est que pateris ; conversum namque flagella
a peccatis absolvunt ; conversis instantes plage ad purgationem profi-
ciunt. Qui enim hic castigaïur, illic liberatur ; qui vero nec sub flagello
X. I. Ad, XJV, 21.-2. Rom. Vm, ig.
XL I. 11 semble qu'il faille corriger : a probàùom^ et mieuic âd protaiionem.
à
*
TEXTE LORRAIN DU XH' SîÈCLE 28^
X.(î2C)_N US n'est mis en cesie vie qui ne sospire : et Totcs choses suni
plenes des mais ! « Enireraas le [raison] a toy, et soies parcinîrs, et venket
loi raisons. Aiempre to corage et confarme t'anime par raison, li quele
rapresse la force de si grant plor : n*aies dote de nul péril par confarme
I corage. Par mentes tribulations nos covient entrer o règne Deu. Les
passions de cest tens ne sunt pas dignes a la glore qui est a avenir. Ceu
qui ore est est temperas chose et lîgire, ensi cum les tribulations en nos;
ce qui parmingnable est sor mesure est, li haîz faz de glore. Li iribula-
tions et les apressures de cesie vie sunt uties. Li mavistiz des maus ne
iot*ocit pas, mais l'enstrut; Taversitéz des mavaz ne te dejelet pas, mas
t^enlivet; li humene tempiacions t'arguei, ne^l'ocit mies. Tant cum nos
suns lormentét en cest secle, tant suns confarme ou parmignaule; tant
cum nos or plorons» tant enjoirons el secle qui est a avenir.
XL (Çîa) Si ci suns irivlei par tlaès , atrové suns espurgié el juje-
tnent, Deus nevret îoiens tsci ceos qu'il aperellet a la parmingnant salut,
li ors est provéz en la fornase qu'il soit senz ordéz : et tu es espurgiz
par la fornase de iriblation, ki purs apperes. De persécutions es faver-
5 giz, ki de totc orde^ de pechi soes espurgiz : tôt que tu sofres, est
esprovemenz. Por ce ne murmurer pas, nen aphetes, j^e dies : »< Por qoi
D sofre je mas ? » Mais di : <( Pechi aî et reçu si cum dignes estoe ^ ;
n ancor ne sen je pas égal venjance de mon pechi ; mojns me conois
a féru que je ne dotase ; selunc la manire del crîmîne est menres
10 n li wardons de venjance; seltinc la diserte des pechiz, est desugas la
0 cause des poines : U torment ne sunt pas si grant cum li pechi. » Kar
plus tarie Deu qui murmuret ens batures, plus porvoche la forsennerie
de Deu, et amoncelé Pire de Tindignation Dammedeu : mais qui les
àdversetéz sustient sofranment , apasenie plus tost Deu. Kar si vues
ïçestre espurgiz, accuse to en la poene et loe la justie? Deu. A espurge-
menz te profetei, si çu que tu sofres atomes a la justice Deu , et por
tadenée misère humbles avérés glorifiii Deu, Kar Deus te chastoit, el
l'argue par flael de pi chastiement ; et qui esparnant te rapelevet a so,
firant huche qui tu repères. Pense, hom, toz les tormenz do munde, et
ioles poines do secle, et les dolors des tormenz, les aspritéz des dolors,
et tôt mat en Pesgart d'enfer: s'irt ligir tôt que tu sofres. Si tu criens,
dote içales poenes : kar si çaz sunt temperaus, cale sunt senfm. En çax
s'en vunt li tormant, morant i et en cales sosentret parmignaule dolors.
Si tu es conveniz, amademenz est çu que lu sofres, kar li flael asoveni
ijlo converti des pechiz, et li porfetenl a purgalion les enchaçam plaies,
Kar qui ci est chastiéz, la est délivrez ; et qui ne sunt amendé desoz lo
— 2. Contre-sens par omission de la négation. — 3. sic, mais à la ligne sui-
vante : justut.
l86 F. BOKNARDOT
corriguniur, et lemporali pena et etcrna dampnantur, et in hoc prius
.judicantur seculo et illic in futuro. His duplex dampnatio est, gemma
his est percussio» quam et hic habeni initium lormentorum et illic post
perfectionem penarum*
XII. (<jlb) [}2] Scito autem, homo^ îiuUum tibiadversaripotuissc,msi
Deus potestaiem adversariis' perraiterei. Universa que tibi acciduntabsque
Dei non veniunt voluntaie. Iniquorum potestas super te ex Dei datur
licentia. Qui tibi adversanlur; Dei consilium facium. Manus Dei te ad
penam tradidit, indignatio Dei te affligere jussit. Ipse iratus jussit te
mala omnia experire ; nam et quando corporis debilitatibus firangeris.
quandû carnis morbis afficeris , quando ianguorum stimuHs crudaris ,
quando mentis angusiiis torqueris, quando pasâionibus anime quateris^
quando crassanîe impugnaîione spirituum agitaris : et hoc ipsum pro
peccato tibi divina justicia inrogat, et ipsum pro culpa tibi judicîi divina
infertur sententia. [n] Omnis enim adversitas rerum deliciorum luonim
meriiis exciiatur. Tua contra te dimicant arma, et sagittis tuis con-
foderis, telis tuis vulneraris. Per que enim peccasti, per hec et
torqueris^ : seculus es carnem, Hagellaris in carne; in ipsa gémis,
in qua peccasti ; in ipsa cruciaris^ in qua deliquisti ; in ipsa tibi est
censura supplicii, que fuit causa peccati ; unde corruisti ad vicia ^ inde
lues peccati » tormenta. [54] Discute concientiam tuam, intende mentem
tuam, examina te , loquatur libi cor tuum, considéra meriium tuum :
juste argueris, jusio judicio judicaris, procella justa te content, justicie
pena te premit. NichiH enim boni agis; nichil rectum, nichii equum,
nichil in te sanctum est ; nichil pudoris, nulla memoria dignitatis. Hoc
considéra, si hoc in te habes quod sequitur: [1 j] cotidie peccas, cotidie
laberis, cotidie preceps in deterius vadis ; elatio tua non restdet. Superbi
non deponitur tumor, et jactantia non coibetur. Rapit te quoque furor,
inflammat ira, clamor excitât.
XIII, (^ji) Commovet te indignatio; paratos semper ad iram, supr
modum irasceris, supra mensuram anîmi furore moveris. Zelare bonis,/
invîderemelioribus solitus, alienis feliciiatibus emulus, aliems virtutibus
semper invidus, cui iinquam non deiraxisti?[56]quem non lacerasti?cujus
vitam non abhormisti ? cui non jactastt infamiam? Fallax, iîif:onsianj|^
invidus, avarus, tenax, sierilis, iûbumanus, infructuosus ; non est in li
ulla misericordia. Cecidisti in concupicentiis seculi, detluxisti in cupid!-
talibus mundi, fîagras in terreno amore. Congeris res perituras, nesds
cxpiere cupiditates tue sîtts. Novis te cotidie peccatis involvis, novis
facinoribus vetera auges. Non dilyis scelus, sed dilatas ; nec satias un*
XIK 1 , Entre ce mot et le suivant le ms, répète l'abrévialron de nisi. — a. Sâf>
Xî, ITT, — 3, undt^ peccûta. — 4, nmtchil, — j. Su; il faut p.-è. corriger J*ii-
liignâcmi, — é. La traduction du second membre de la phrase, in qua duiqmsù^
JO
1 «
k
2o
TEXTE LORRAIN DU XI^ SIÈCLE iSf
flad, sum damné en ceste tempérai poene et la parmingnam ; et suni
jugé prumirs en cesi secle et la en celu qui est a avenir. A içaz est dovle
poene et dovle bature, car ci unt i'encomencement des lormenz, et
après lai la perfection des poines.
XH. (\^c) Hom, saches nus ne te puii contrarier, si Deus ne otroevel
pohosté a tes aversares. Toi que t'avieni ne vient sens la voîenté de
Dcu, La postez de Deu est denei sor toy par le congiét Deu. Qui te
contrarient funt lo conseil de Deu. Li mains Deu te donéi a paine, et si
indignacions > te commandéi tonnenter. Il coreciéz te comandét esprover
loz mas ; kar ceu que t'es debrisiéz par tlovoiéz de ton cors» et aflaveliz
par enfartéz de ta char, et par aguilenemenz des languors, par angusse
de pnse, par passions de t'anime, par envaisant batalle d'espiritz, te
done divine justice por ton pechié, et por ta colpe lo t'aporte divine
sentence de jujement ; kar tote contrarietéz de chosses est commote par
diserte de les péchiez. Tes armes combatent encotre toi ; tu es navrez
par tes saetes et tes darz. fCar par cen que l'és pechié, es tormeniéz:
enseùt es la char^ flaeléz es en char; en içale gemts, en laquele tu
pechis ; en içale es tormeniéz ^ ; en içale t'es jujemeniz de torment
laquele le fu cause de pechié ; de cen compères les lormentz dun t'es
chaùz en vices. Esquir ta conciance, entent ta panse^ esprove loi ; a toi
paroce tes curs, engarde la déserte i par droit es arguez, par juste juge-
ment es jugiez, droite tempestéz te detrivlet, poîne de justice t*apresse,
Kar tu ne fas niant de bien ; niant de droituire\te coise, nule riem sanae
es en toi, niâDiL,d'anguse, nule memore de dignité, Esgarde si tu es
en toi ce que seu : chaken jor pèches, et dechiés, et trabuchales vas en
pcis ; t*ebcions ne se raisiei. Li orgueuz de Torguilous 7 ofi^est demis,
la vantaceji'est retraite. JifisJorsennerie te ravist; mautelent t'enflam-
ment^ huchors te commuet.
XHL Indignations te commuii; apariliz es adès a ire^ outre mesure
t'aîres, et es commuiz par forsennerie de ton corage. ! 54^2) Acustumirs
estreenvios as bons et as melors, as estranges aurtezetastrangesveriuz,
S acui nen es ^ tu jeihei maie renommei? Decevables^jûant esiables, envious,
aschars» tenaules, briins, jaUDÎ- humainSi et sens fruit, in toi ne_n est
miséricorde. Chaûz es en cuvise del siècle, lu ars en terrene amor,
T'asenble choses que sunt a périr ; ne ses finir les cuvisses de ta saif.
Chaskun jor t'envolepes de novès péchiez et iioveles falonies, et acras
les viéz* Tu ne destruît falonîe, mais Temlesges ^ ; ne ja ne saoles la
nwfiquc au ms. — 7. Lecture douteuse; le copiste avait d'abord répété Voreeus,
puis )1 a surchargé les deux lettres eu^ et surmonté le tout de la syllabe anale
iim écrite ions,
XUL 1* es surmonté d*un tilde. — 2. Lecture douteuse : ms. km Uga avec
288 F. BONNARDOT
quam flammam libidinose concupîscentie. [^7]0 te infelicem! non te pudet
permulias aspergi libidines? Corrupius, libidinosus, adulier, sic in flagi-
tio persévéras, sic in luxuria permanes, sic in carnali amore consistis !
Heu ! quam diu ? quousque ? quem ad finem te defrenata trahei luxuria^
Jam tandem peccare quiesce, jam tandem ab scelere ! Aliquando mores
malos commuta in melius;lj8] noli diu versari miser; ponepeccatis finem,
pone legem nequiiie. Habeat culpa modum, habeat iniquitas terminuna.
Delictorum tuorum considéra magniiudinem ; culpas tuas, sakim vel
verberatus, agnosce. Emenda dum tempus est; vide ne umquam pec-
cando in deterius vadas,
[Homo.]
X[V. [î9] Heu mel heu infelicem me! miserum me! Nesciebam quod
mea iniquîïate percutior; ignorabam quod meo meritojudicofj quodîstud
judicîum de mea [sit] injusticia'. Tu michi manifestati, tu michî indîcasti,
tu michî notum fecisti ; per te cognovj quod nesciebam. Jaro pro certo scio,
jam non me la-(ç4t)-tet, manifestum michi est, satis michi est cogni-
tum, perpensum michi est satis, occultum jam michi non est, jam non est
michi ambiguum, jam non esi michi abscondiium,
[Ratjo,]
XV. [40] Inde est, homo, inde est omnis ista calamitas; inde est îsta
acerbitas; inde ista crux, inde ista pena,inde ista erumna. Extenuate sunt
cause ' peccatorum tuorum ; non ex aliquo casu, non ex quolibet aveniu
fonuito>, iste langor proprie culpe est, ista egntudo proprie iniquitatis
est. An aliud tibi videtur ? An aliud putas ? An aliter existimas ? An
aliter sentis f An aliud judicas? An aliud députas ?
[Homo.]
XVL [41] Nichil sane, nichil prorsus, nîchil penitus, nîchil omnîno,
nichil ominus. Nichil habeo quod contra dicam. Credo veriiati ; negare
non possura ; fateor esse verum, Quis hoc dubitat ? quis istud negat ?
[Ratio.]
XVIL [42] Si ita est, si certum^ habes, si perpensum est, si exploratum
est : aufer jam iniquiiatem, crimen remove a te, a vanitatis le malo
coerce, a vitio et a peccato te retrae; fuge vicii cultum^ fuge turpitu-
dtnem vite, puritate vite mala veteris ablue.
un si^ne d^abréviation au-dessus du second € ; cnlegkr ^ mlatan comme delâjtr
:== dikiûn. — 3, Usl.
ê •
XIV. 1. Je supplée le verbe diaprés rédiiion imprimée. — 2, ms. àtmonUt
qui ne peut être maintenu en i« pers. d'indicatif présent au milieu des autres
J
TEXTE LORRAIN OU XII" 5IÈCLE 289
loflaimne dol luxurios cuivise, 0 malauiros loi! jiê te hotoh H estre
aspars par maintes luxures ? Enspris, avoteres, luxurios» ensî persévères
en cel tormeni et en luxures et en charnal amor ? Lais ! cum longemam,
et de kequani, et a quel fin te trarél ces encorse luxure ? Ja a la parfin
repose pechier ei de la filenie ! Acune faie mue tes maies mors en raièz ;
f^î ne voilés longement estre chaitis ; mat (m a tes péchiez et loi è la félonie.
Ta coipe ait mesure et ta falonie terme. Esgarde la grandace de tes »
péchiez, et, siveas non. baiu7. conois tes colpes. Amende tan cutn es lo
lens; ne ja ne VûUesen pis pechant.
[HOMO.J
X!V. Las moi, malaiiros! chatîf! Ne savoie que je fusse feruz par
miniquitét, et jujéz par ma déserte, et ke cest jujemenz fust de ma
mavaise justice. Tu lo m*é manifesté, et demonstrés et fesis conosant;
par toi ai coneùt ce que je ne savoie. Je lo sa por cerfr]!; n'est plus
l reposz a moi ; manifest est et asez coneii et esgardé.; ji'est mais obscur
a moi ne dotose chose , et ja nen est reponu a moi.
[Ratio.]
XV. 0 tu, hom, de c'est tote ceste misère, elceste agrace, cestecruz,
ceste polne. Les chauses de tes pechiz sunt atenuies ; ceste langors
n'est pas d*aveniure, mas de propre colpe; ceste enfartéz ? est de ta
propre iniquité. Semblct il 4 dune autre ? Ou quides to ? Ou sens to ? Ou
juges tu f Ou amaz los tu a atre chose i ï
[Homo.]
XVL [^4c) Certesjuaui. Nule chose de^lûUEJa.lûL n'ai ke je pue dire
encontre. Je crei a la vertei, ne! puis deneir, et je! reje'is.Qui doteicest?
î qui denoie îce ?
[Ratio.]
XVIL Si ensi est, si tu Pés por cert, por esgardét et enqais, oste tr
iniquité, remuf de toi ton blasme. Restrin toi de ton mal vice de vanitei,
et te retrai de pechié ; fui lo cultivement de vice et la laide vie de
4 vanité, levé les maus de Tancine vie par ceste pure vie.
fermes verbales qui appartiennent I un temps passé.
XV. 1. caie, — 2. fonmlu. — 3. cnjana, — 4. smhk til, ^uî pourrait être
3IU8I transcrit sembU t'it, f pour te pron. — y ms. amaz to sttia a. c
XVn. I, ctrtam.
390 ^^^ ^' bonnardot
[Homo.]
XVni. [4î]Bene dîcîs, bene doces, bene instruis, bene aramones, bene
persuades, bene instruis, Sed ego obtabam a peccaii nexu rcsolvi, cupie-
bam a consuetudine malaretrahî, desiderabam animo recedere, querebam
usum nequissimum superare ; sed diu diu difficile > est peccati consuetu-
dinem vincere. Pravus usus vix abolitur, assidua consuetudo in naiuram
convertitur ; assiduus usus in nature vertitur vicium : animus sceleribus
astrictus divelli ab eis vix potest* Tanta sunt mea vicia ut vix evelli po$-
siai ; vix credo peccata mea ullospaiiotemporisexolescere» [44] UUro me
(54J) miserum antea viciavi, sponianeo me dudum studio pollui , pro-
prio même prius arbitrio perdidi, propria voluntate me macula vi. Bonus
eram , sponte ad peccatum dilapsus sum ; liber eram, sponte mea haus
sura debiior mords. Infelix, ego peccatum sponte michi prius ipse paravi ;
ego primus occasionem peccandi amplexus sum : nunc peccati casu
astrictus detineor. Mala consuetudo me sibi graviter implicavit ; [45] longa
consuetudo in me jus sibi graviter et legem fecit. Consuetudine peccandît
quando nescio, sic delînquo ^; peccati usum, quando non optOj incurro.
Volo agere bona, sed desideria consueia non sinunt ; pravo usui con-
tra ire nitor, sed camis desiderio» aggravor. Ad justiciam me amor erigit*
[Ratio.]
XIX. [46] Relucta contra pravam consuetudînem ; contra consuetudi-
nem peccandi tota virtute répugna. Vince usum camalem etiam corn do-
lore;quamvis, difficulîate, pemiciosam consuetudînem vince; qua[m]vîs
[cum] dolore, usui malo résiste* Propone (55^) tîbi adversus présentas
camis ardorem futuri supplicii ignem. Syperet estum incendii recordatîo
eterni incendii ; memoria ardoris géhenne ardorem excludat luxurie; [47]
fornicationis penam metus gravions supplicii vincai ; forcîor dolor dolorem
minorem exuperet : pacienter leviora portabis, si graviora fueris recor-
datus. Versetur etiam ame ocuios tuos imago futuri judicii ; previde
que post modum eris passurus ; futuram Dei sententiam cogita, futurum
Dei judicium super te formida. Terreai te géhenne metus, terreat fiiiurt
judicii seniemia ; revocei te terror pertarum culpa. [48] Vite tue cotidîe
terminum intuere; omni hora, habeto mortem pre oculîs;ante oculos
tuos penarum semper versetur adventus ;' de morte tua cotrdie cogita,
finera vite tue semper considéra. Recole semper diem mortis incertum;
esto sollicitas ne subito rapiaris. Cotîdie dies ultimus adpropinquat;
viiam nosiram coiidie dies aufert; cotidie ad fmem tendimus, ad mor-
tem cotîdie properamus, ad vite [terminum cotidie] tendimus, momentîs
decurrentibus ad finem deducimur. [49] Nescimus quid hodie nobis con-
lingat ; ignoramus anîmam nostram si , hac nocte, condicio mortis
deposcat, finis noster nobis abscondilus est; venturi ' exitus JgDO-
rantia nobîs încerta est.
I
I
texte lorrain du xll' siècle ici
[Homo,]
XVIIL Bien dis, bien ensegnes, bien enstrus» bien semons, bien amo-
nesles. Mais je desireve esire asos des liens de pechieit, et fuir par mun
corage» et esire retrait de la maie custume, etsormonter lo très félon us ;
mas mot est grès chose vencre la custume de pechié^ et limavas us a poines
$ est destruiz. Li assidues custume et là cunstinuéz us est tornéz en nature.
Li corages estroiz de félonies (55^) a poines puit estre raiét d'içales. Si
grant sunt mé vice n'em puis estre raiéz; a poines croi mes péchiez
destruire par acuen espasce detens. De mon gré ai corrompu moi chaitif
ça avant; par mon spoine estude m'ai conchié ja de pece; pardeu m'a
loprimerement par mon propre jujement , par ma propre volenté m'a vas-
tei. Bons estoie, de gré sui chauz;frans estoie, de mon gré sui faiz
datres de mort. Malavoros, je meïmes prumerement de mon gré aparilai
a moi pechié ; je primiers enbraçai Tokeson de pechier : et je sui tenuz
estroit par Tavanture de pechiét. Li maie custume m'ét emploi griement»
Ijet fait a soi droit et loi em moi. Ensi pèche je^ quam je ne sai, par la
custume de pechir; et quam je ne voil, encor é Pus de pechiet. Je voil
bin faire, mais li acustumét désir ne me laisent" je m'enforz aier encontre
lo mavais us, mais je sui grevez par lo desier de la char. Li amors me
drace a justice.
[Ratio.]
XIX. ($ je) Relucta encontre mauvaise aislume de pechié^ et recombat
partota ta vertu. Venc lo cbarnal us, ne&par dolor, et la nosant custume;
jasace zo par grieteî, aresta au mavais us. Devant met a tei lo fudel
parmanable torment contre Tardor de ceste char. La remanbrance do
5 durant torment sormonce ta calor ; la memore de Tardor d'enfer escloent
l'ardor de luxure; la poine de fornicacions venquent li paors del ptus
grief torment; li plus forz dolors sormunt la menor: soframent porte-
rés les legiers, se tu recordes les gries. Lisanblance de l'avenir jujemani
seil devant tez oiz; porvoi que tu es a sofrir en avant; porpanse Pave-
lOnir sentence de Dé, et redote lo jugemant de Dé a avenir sor lei. Li
paors d'enfer et de poines le poante et te retrace de colpe, Esgarde
châùra jor la fin de ta via : totes hores , aies la mon devant tai et
l'avenemant des paines; remanbre toi del niant cer jor de ta mort, seies
cusencenos que ne soies raviz subitainemant. Cbascun jor aproche li
ijdarains jorz; chascun jor nos tôt de la via; adès nos hastons a la mort
Cl au terme de via, et sons mené par decorranz momanz a fin. Ne
savons que nos avennet oe, et se li mors require anoit nostre arme.
Nostre fms es reponue a nos, et li mesconosance de l'avenir esue est
jÛjEl^certe a nos.
XVllL u dilficiUm. — 2. rdinquo. — j. Le copiste avait mis d'abord dcsU
dcfiâ ou'il 3 corrigé en desiderio de telle façon que Vo est conjoint à \*a.
XIX. I. Ce mot est surmonté d'un signe abréviatif.
292 F, BONNARDOT
XX, Inprovisusestmortîs occursus;inçertitsestevemiJset finis omnium,
Dum nescimus, (5 $d\ repente mors venit; dum non estimaraus, înprovisi
tollimur; dum ignoramus, repeme subirahimur, Timeamus ne dies ilU
tanquam fur comprehendap, ne nos Turbo divinijudicii, dum ighoramus,
diripiat, ne nos rependnusimerilus auferat. [ ^ oj Spiritus, quiad peccandum
succendit, peccamem subito rapit; qui viventes inflammat, morientes
subito dévorât; qui inflectit* ad vitia, pertrait subito ad tormenta. Quan-
tos ad penam mortis improvisus exitus rapuil ! Quanti subito subtracti
defidunt! Quanti, dum mori non existimant, auferuntur! Quanti ad
mortem subito rapiuntur! Quanti repente ad etema suplicia deducumur!
Aspice ergo ex alieno tormento quod timeas; respice in alieno exitîo
quod pavescas, Vita foveam in qua vides, coram te, alium cecidisse;
pericula aliéna in te potius perlimesce : alienos casus-fîïnïfici^ul lua
fouisse pericula'. Morientis vocatiotua sit emendatio; aliorum perdicio tua
sit vocaiio, [5 ï]Reirabat te a peccato impiorum interiius; absirahat te a
culpa pereuntitim pena ; delinquemium finis te corrigat;reproboruminle-
ritus te abducat; îniquorum pena ad tuam salutem proficiat. Quod maie
fecisii, dum potes, emenda; dum potes, a vicio et a peccato te rcvoca;
dum tempus est, clama; dum datur spacium, luge; dum est licentia, peni-
te-(s6^)-[re] fe&tina; dum potes, plange, Dum adhuc anima versator in
corpore, dum adhuc vivis, remedium tibi futurum adquire, prius-
quam te dies mortis prevenîat, priusquam te profundus^ absorbcat»
priusquam te infernus rapiat, ubi jam nullus est induigentie locus, ubî
nulla penitentie patet libertas, ubî nulla correctionis î datur Itcentia, ubi
nullus est ad confessionem recursus, ad veniam nullus est régressas.
[HOMO.l
XXI. [Ç2] Verum dicis; narras michi quod oportunum est; informas me
quod magis michi expédiât. Ego scio, novi, didici isiud. lllud item quero,
«rest illud scire volo, illud nosse' maxime cupio, si est spes in confes-
sione» sî est fiducia, si est remisio, si est venia, si est indulgentia, si
est locus per penitenciam regredi ad justiciam.
XX, I. / Thess. V» 2. — 2. inpctd, — j. Le verbe manque dans celte
phrase. Je supplée profuiant d'après prof dent de la traduction ; voy. dans le
mime § propaat rendu par profctu. Le tcxie imprimé porte ; a, c. tua Jac ase
pmcuiâ, — 4. pTojandu$ç d^^ttz un tilde sur le second u, — 5, cùrniptiùttis. ^
6, Le copiste avait d'abord eu rintejilion d'écrire dcnen,
XXL I. riQsu répété deux lois. -« 2, En tète de la traduction de ce $ te
TEXTE LOBRAÏN DU XU« SIÈCLE 293
XX. Li encontre de mort est desporveùe, etlifinsdetoz esudani cette.
Nos nel savons, et li morz vient isnelemenl; et desporveùi sons tolu et
sosirail. Dosons que cil jorz ne nos reprehengne comme li leres, et li
turbins del devin «^ jugement nos ravisse, et li subitaine morz nos hot.
5 Li esperiz qui esprent a pechier ravis subitanement lo péchant ; et qui
intlamment les vivant as vices, les partrait tosias tormanz. Quant homes
li desporveuhe fins ha ravi a la pohene de mon, et sostrait desfaîllent, et
sunt ostei quant il decuideni morir, et ravi subitenemant a mort, et
démené as parmenables tormenz! Esgarde d*altrui lormant cui tu re-
10 dotes, Eschois la fosse ou tu vaiz altrui devant tei chaù; redote en toi
maiismemant les estranges periz; les esiranges aventures te profecent
avoir fait les periz. Li apès del morant soit tes amandemant, et li perde
des altres tes apelemant. Li morz des félons te retrace de pecbié, et li
poine de colpe; la fms des pechanz t'amance» et li morz dçs reprochiez
151e sostrace; la poine des félons profeiie a ta salu. Tant cum tu puiz,
amande ce que tu es mal fait, et repale (56^) tai de vice et de pechié;
tant cum es lo tens et Tespace et !o congié, uche, plore et te repant,
tant cum tu puiz ; et li ame est ancor e! cors et tu vis, plaing, et anquesta
l'avenir remède, ançois que li jorz de mort t'avance, et lî parfundace
lot'engluîisse, et enferz te ravisse, ou nus tous n*est de pardun, nule fran-
chise de pénitence, nuz congiez d'amandemani, nus recors de confes-
sion» nus retorzau pardun.
[Homo.]
/^.^
XX1.= Vor dis; («fjmii recontes ce ic'est convignable; tu m'aparoles a
ce que plus m*est mestiers. Jel sai, conu l'aîet apris. Lo paras demant
ice, et vul savoir et avoir coneû, si est espérance en confession, et
fiance, et remisions, et pardons; et si leus est reparir a justice par pêne-
S tance.
copiste a reproduit les derniers mots du § précédent avec quelques variantes
orthographiques : Nuns congié de mdndemanî, nans recors de confession^ nas refori
â pardon, — j. Le ms* présente ici un çroupe de sept jambages qui, patéo-
graphiquemcTil, peuvent se lire m mi; ni etanl inadmissible pour le sens^ je le
remplace par ai :^ prép. a. Mais il serait peut-être plus rationnel de voir dans
tumi une rnadvertance du copiste^ analogue à celle qui a produit plus haut
aanchti, g XII n, 4.
292
BONHARC
XX. Inprovisusestmortis occursus;incertusa
Dum nescimus, {^^d\ repente mors venii; dum
tollimur; dum ignoramus» repente subirahîmU
tanquam fur comprehendat', ne nos Turbo divii
dîripiat, ne nos repeniinusinteritus auferat. [joj
succendit, peccantem subito rapit; qui viven
subito dévorai; qui inflectil ^ ad viiia, périrait 1
tes ad penam mortis improvîsus exitus rapuif!
deficiunt! Quanti» dum mori non existimantj
mortem subito rapiunlurl Quanti repente
Aspice ergo ex alieno tormento quod tij
quod pavescas. Vita foveam in qua vîdei^
pericula aliéna in te potius pertimesce: âlie
fêokst pericula). Morientis vocatîoiuasit emeii
sit vocalio. [5rjRetrahat te a peccato impîorui
culpa pereuntiLim pena; delinqtientium finis te
ritus le abducat; inîquorum pena ad tuam sal
fecisti, dum potes, emenda; dum potes, a vie
dtim tempus est, clama; dum datur spadurn. f
te*(s6^)4re] fesiina; dum potes, plange» Du
corpore, dum ad hue vivis, remedium
quam te dies mortis preveniat» priusqu;
priusquam te infernus rapiat, ubi jam nulli
nulla penîtentie patet libenas, ubi nulla co
nutlus est ad confessionem recursus, ad vc
[HOMOJ
XXI. [ç 2] Verum dicîs; narras mîchi q^
quod magis michi expédiai. Ego scio, no'
{^i est iliud scire volo, îllud nosse ■ maxi
sione, si est fiducia, si est remisio, s
, est locus per penitenciam regredi ad ji
XX. I, / Thfss. V, 2. — 2. infîuut.
phrase. Je supplée profictant d'après pr
même § profiaat rendu par profciU, Le \>
ptfKuia, — 4. projuiidufÇ avec un %i\ûi
6. Le copiste avait d'abord eu l'intentii'
XXI. I, nossi répélé deux (ois. —
T£XTE LORRAIN DU Xll^ SIÈCLE açj
[Ratio.]
XXÏÏ. Oïl plaiTjemani, de tôt en tôt, certes, sanz dote. La confessions
«aine et justifie, et done pardon as péchiez* Tote espérance et leus de
miséricorde est en confession: crohies cet temant, ne doter d*esperer de la
miséricorde Deu. Aies espérance et fiance en confession, ne desperer de
j salut, aînz sohies convertit en miez. Car qui despere del pechié pardon,
plus est dagnéz de desperacion que de la faite félonie : desperance
acroist lo pechié et es père de toz péchiez. Por ce l'amande, et aies
espérance de pardon ; demat ton tort et ta iniquité et spere? via et salut.
Nulle si granz colpe nen est qui n*ait pardon. Car con tu soies pechieres
^ 10 et fel et apresséz d'orz crimnes, li leus de pénitence ne t*est ja déniez :
i la pitié de Deu socort legieremeni as repentanz; par pénitence est denéz
[ pardons, et tuit li pectiié ostei.
^K XXIII. Moi chatif! perdu avoîe espérance et fiance, et difiéa mon co-
^" rage; vencuzestoit et bim près chauzen desperance mes corages. Or ai,
et espor de la pieté de Du, et ne dot pas de sa bonté, J'abite en espérance,
et m'a endracié a espérance de pieti, et m'ai dené espérance de vie en
5 penitance. Si Deus m 'et revardei et aprochié a m*aïe, et m'adet amplir
ce que je covoit, ce ai jugié et estaubli a faire, et ce est fichié e mon
corage et n'en puit estre esraié.
|Ratio.)
XXIV, Deus te dengnc les désirées choses, et otroit a tes diseiers, et
l'an fast possant, et parface ta volonté en bien, et conferme et ahust a
tes dîsiers; tote chose faces parDeuoutrehantî Tan con te laist et li mors
atarze, ore, demande, deprihe, netasir, essauce ta vois, clama formant,
5 plain tes iniquitez, les mans de tes félonies déplore; par plors destrui ce
que tu es fait mauvasemant, levé par larmes ce que t'es fait contre loi :
les ploreis falonies suileni estre destrutes.
[Homo.]
XXV, Las moi! malaguré anme! en si granz péchiez et crîmînes, en
mentes félonies, ke plore je primiers et plangne? ques plors, ques larmes
pregne je ançois ? Memore ne sosfest a reconter les faiz de tant crîmînes.
Nés meu pechié m'ont aporté consentemant de dolor; mes larmes sum
parmi les termes synonymes, j'ai restitué de préférence celui qui répond litté-
ralement au mot roman.
P
XXXI V* 1. V. tist, — 2. confirmât. — j. suffragaîur.
296 r. BONNARDOT
sum doloris tuleruni : hebetudtne » cordiscoagulatesuntlacrime; obriguit
animus, nullomerore compungitur; [j8] anima mea in merorem conversa
esL Ubi es, merorîs unda ? Ubi eslis^ lamenta ? redite^ obsecro. Movemini
fontes lacrimarum ! insensata facta est anima mea. 0 lacrime I ubi vos sub-
duxistis? ubi esiis fontes lacrimarum^ ? Aspergiteme fletibus, fluite super
faciem meara, humectaie maxillas meas, gênas meas irrigaie, date michi
planctum amarumî Inter omnes enim gravius cornii, inter omnes dele-
rîus cecidi, omnium impiorum penas scelere raeo vici: tartharea lor-
menta vix malis meis suffidunt. [59] Non est peccatum super peccatum
melim ; non est iniquitas super iniquiiatem meam ; nequiorem me cunciis
peccatoribus penso : comparatione mea, nullus inîqus est. Juste penas
débitas infelidtatis exsoîvo; juste lantis suppliciis conteror : ex meo
peccato mala michi omnia advenerunt* Deus ista in me^ infligit justo
judicio; rependiiur peccaiis meis congrua vidssitudo : minus tamen iri-
buîtur michi quam ipse delîqui. Peccaiorum meorum vicissitudo impen-
ditur. Plagis meîs culpa dur [i] or invenitur, levior est peccato meo pena
dampnationis mee. Gravius est quod âtnîsi; levius est quod lolero; gra-
vior est culpa quam feci, minor vindicta quam perfero. Penso malum
quod gessî, non est tantum quod pacior. [60] {j6b] Levior est plaga mea
pondère peccatortim meorum. Aliud est prorsus, aliud est quod plus me
afïligit, quod me magis contristat, quod me magis perturbât, quod me
magis terriricat, cujus simile malum nullum est, cujus imcomparabilis
omnispena est, quod omnibus suppliciis antefertur, quodantecellitcuncta
tormenta^ quod exsuperat omnia mala,
[Ratio.]
XXVL [61] Heu anima! quid [est] quod multum metuisf Quid est quod
te magis corripit? Quid est amplius quod ad mesticiam te impellit?
Quid amplius reformidas? Quid amplius metuis?
[Homo,]
XXVII. [62] Metuo diem judicti;metuodiemtenebrarum, diem amarum,
diem durum. Perpendo quidem malum quod tolero; sed amplius quod
restât, formido. Lugeo que in hac vita jam paiior ; sed post hanc ne gra-
viora pacîar pertimesco. Sententîam licet ciiam tolero in pena, tormenta
tamen géhenne formido ex culpa. Jam presens pena me lanîat, sed futura
magis conturbat; gravia » sunt que susteneo. graviorain perpetuum per-
timesco. De presentibus quidem pénis doleo, sed de futuris amplius
ingemisco, [6î]Succurre^ michi, Deus meus, antequam moriar, amequam
mors me preveniat, antequam tarlhara me rapianl antequam fîamma
(57^) me conburat, antequam ténèbre me involvant! Subveni michî
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XXV. I. hûbitaâim» — 2. lacrimiûrum, — ). Au ms. quatre jambages seufe-
ment liés de cette façon : unt. — 4. sou est fa i' p, pL impéralil ; il faudrait
TEXTE LORRAIN DU XII* S»ÊCLE 297
i csqualies parla duracc del cuir; li corages enrediz n'éx niile compuntioni
eni plor m'enime [est] convertie et en trisiace. Ou es tu, ave de plor? Ou
estes vos, plor? Je vos prei, reparieiz. Ou vos, fontaines de larmes» soii*
moites : m'ennîme [est] faites sen sens. Ou vos, larmes^ et vos^ fonteines,
ou vos avoiz sustraii ? Asperdoiz me par pîors, et decoroizsor ma façon,
loemmostiz mes faces et arosez mes jusses; denéz moi amer plagnemanl.
Entre toz sui chaùz piez et plus gravenemant; vencu ai les painesdetoz
feluns par ma félonie : li enfernal tormeni sofesent a poines a mesi mais.
Nus péchiez n'est sor lo mien; nulle félonie sur la^ meie; je me pens
plus félon de toz pechors; nus n^es fal a ma compareson. A droit rent
ijles poines de la due malaiirtei, et sui tribléz par tant tormenz, et de
mon pechié vienent tuit li mal. Par droit [Deus] denet a tormant icès
choses; par droit jugemant est revierdoné a mes (57CI pechiz(etl conve-
nables changes: necedani mons m*est denei k*en éje pechié. Li changes
de mes pechîz7 est doné. Ma colpe atrovei est plus dure de mes plaies,
20 €t li poine de ma dagnacions est plus legiere de mon pechié. Ce qe je ai
pechié est grevain» ce que sofre est plus liegier ; la colpe que je a fait est
grcvene , li vangence que je sofre est menre. Je pens lo mal qe je ai
tâi, et ce que sofre n'est pas si grant : ma plaie est plus legiere del fais
de mes pechiz. Aire est de lot en tôt que plus me tonnante, et fait triste^
2 5 que plus me destorbe, que plus m'espaetet, a coi nus mas nera est sem-
blanz, et loie poîne est desiigas; li ques chose est devant portée, et sor-
monte toz tormanz et trestoz mas.
[Ratio.]
XXVI. Lassa, 0 tu, anma! ce que est que tu dotes munt? et que
2 plus te chasteit ? que plus te debote a dolente ?
[Homo.]
XXVI L Je dot l'amer jor et lo dur del juisse et des te[ne]bres. Certes je
asvuiart*^ lo mal que je sofre, et plusfist cil que remant. Je plor ce que
sofre en ceste vie; mais je redot que ne sofre plus gris après. Ja soit ce
que je sente, jel sofre en la poine ;iiei:^edani je dot les tormanz d*enfer
.- jde la colpe. Li prenseme poine me désire J ja mas li a avenir me troble
plus. G[r|even est ce que soleing^î, je redot plus gries chose en parma-
nablc. Certes je doil de presantes poines, mas plus eingemis des a ave-
m'r^^. Mes Deus, soscorre a moi, anz que je moire, et li mor m'avance»
li enfer me ravisent, li fîame m*ardet, les ténèbres m'envolopent. Sovi-
lonaa mai, ançois que je m'aéhais^? as tormanz, et soie dévorez parles
foies d'enfer, et tormenléz sens fin. Je colpables sui aspaentéz par la
^K^
peut*étre rétablir soi[t]2, — ç. Le copiste répète ici par erreur le mot palms,
— 6. ta, — 7. dtpmtspichu.
2q8 F. BONNARDOT
priusquamsiiîetermino crucier, Reus enim timoré judicii t|cr|rcor;pavofe
peccaii iram tuam formido; înmanilate sceleris ex adventu trépidas,
conscientiam meiuo. [64] Si enim justus vix salvabiiur, ego inpius ubi ero?
Quid faciam , cum venerit iremendi judicii formido ? Cum examen judidî
venerit, quid respondeam» ? Quid ero dicturus, cum ame tribunal Christi
fuero presentatus. Ve diem illum, quando peccavil Ve diem iUura,
quando trangressus sum^ \ Ve diem illum, quando malum expertus sumî
Utinam non illuxisset michi! Uiinam non fuisseï onus super me! Utinam
non aparuisseï super me! O dtes detesianda! 0 dies abhominanda! O
dies penitus nec dicenda, que me in hoc seculo pertulit^que michi claus-
tra partus apperuii, que ortus mei hostia reseravii ! Dies il!a a luce in
tenebras permutetur! profunda illam caligo confundatî eierna illam ceci-
tasobruat! Amittats temporis statum! omni memoria extingatur! nullis
digna seculis memoretur! [65] Meïius michi fuerat non esse ortum^melius
non fuisse genitum, melius non fuisse in hoc seculo procreatum quam
cternos perpeti crutiatus. Flcte me, celi et terra! flete me, omnis créa-
tura! plorate me, omnia elemema! ïngemiscite super me, universum gen-
ris; et, quo poiesiis vite sensu, super me lamenium effundiie ! Peccavi
enim crudeliter, lapsus sum fortiter, cecidi^graviterj corrui miserabiliter*
Nultum (çStî) invenitur peccatum cujus sordibus non sim coinquinatus.
Nullus morbus est viciorum a quo non contraxi contagium ; nuUa sordium
repentina7 extitii que in me miserum non confluxit, [66] Probrosus, sce-
leratus, flagiiiis cunctis obruius, innumerabiliter freqtsentavi inpudiciciam
feditaiis. Ut bene viverem^ ultro promis! : quod pollicitus sum, nunquam
servavi. Semper ad peccatum meum redii; semper delicta mea iieravi;
prioribus sceleribus semper détériora conjunxi. Nunquam in melius mu-
tavî mores; nunquam a malis factis recessi. Plurimos etiam maculavi me
perdens, plurimos pravis moribus in in[ilquiiatem perverti, Scelere meo
mulie anime perierunt , exemplis meis et vite mee multi subversi sunt t
ego multis causa malorum fui. [67] Orate pro me, viri sancti, ad Domi-
num l obsecrate pro me^ omnis plebs sanctorum I si forte misereatur met
Deus, si forte recipiat me, si forte deleat peccatum meum, si forte aufe-
rat^ iniquitatem meam, si forte raisencordiam presiet michi, Iratus est
enim super me nimis, compte vit furorem suum in me : in plorate pro me,
omnis chorus sanctorum ! Effuditiram indignationis sue super me, prop-
ter mtiltitudinem iniquitatts mee : quia creverunt adversiones, quia mai-
tiplicate suni prevaricationes. Ve michi! quia consumptus sum. Ve michi!
quia defedt anima mea, afflicta merore, conlriu luctu, extenuala gérai tu.
[68] Qui miserebitur lui» anima? Quis consolabitur le? Quis dabit lamenta
pro te? Magna est sicut Imare] contric-;^86j-tio tua^, afflictio tua sicui
pelagusseviens, dolortuus quasi fluaustumens. Que tempestas non irruii
super le ? Que procelle non accidcrunt tibî ? Omnes molestiarum [grave-
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TEXTE LORRAIN DU Xlie SIÈCLE 299
paor de toin jugemant; ton ire dot por la paor de mon pechié; par la
grandace de nia félonie, trenbables de (/îc)a) ton advenemant, redot ma
consdance. Car si fi jusz a poine sura salvéz, je, fal, ou sirai? Ke ferai
i^jc, cura li paors del trenbiable jujemeni sirat venuei? Cum la cognie
dcl jujemant sira venue, que responderay je? K*avera je a dire, quant
seray présentez devant lo siège de Crist? Wa ai icel jor, quant je péchai;
jel trespassa quant resprovei fnoi*^* La moie volume ne luxit ne^^ne fust
néz» ne n^aparust sor moi! 0 jor a dejujer, et abhominabks! jors qui
ion^est a dire ik,lQt_en tôt, le ques me mist fors a cest secle, et avré mes
en^cemanz, et les uses de mun natsemeni defarma! Icet jor soimuit de
lumire en ténèbres! Granz oscultéz la confunde! parminableî° avuglace
Tescravante! aie perde Pestation del lens! et soit estime de tote mémo-
rie! et ne soit remanbré digne en cest siècles» Miaz me fust jûânz estre
2) nci, ne enjanréz ne creei en cest siècle, ke sofrir les parminables poines
[et] tormanz. Ciel et terre, et toie créature, et tuit li elemant, ploréz
moi! Universe genz, eingimis sor moi, et tanz cum poit par senîement
de vie, aspandoiz sor mo lo plor. Pechié aï crûment, chaùz soi formant
et griment, et repitablement. Nus péchiez n'est de cui ordez ne seie en-
;otachiéz. Nuiie enfartéz de vice n*es dun je n'ai trait entacbemant; nule
sobitaine des ordez î' n'est que ne corrue en moi chaitif de lot en tôt,
Excuminiéz, par toz tormanz escra-(59/?)-vaméz,j2iani noblamani ai fire-
quentei la luxure d'ordei. De grei promis ke je en bien vivoroie : ce que
P^promas, ne kardé unques, Toz tans je reparai a pechié, et rencom-
55 mencé rai î* icelui, et a primieres falonies ajosta adès paor. Ne chanja
unques mes morz, et miuz ne retornai des mas faiz. Pluors ai
entachié, perdanz moi maimes, et pervertie a falonie par mauvaises
roors. Mentes anmes sunt peries par ma falonie, et mainte sunt pervers
fait par enxample de ma vie; je fui a me[njzH causa des mais. Sainz
40 homme, et li poples des sainz, oréz por moi a Deu! si par aventure ait
pieté de moi, et me reçouveu, et destruemon pechié, etostema folonie,
Cl me prestei miséricorde. Car trop est iriz sor moi, et at empli sa far-
soennerie em moi : tote li congpanie des sainz, deproiéz por moi ! L'ire de
«^indignation at espandue sor moi por la grandace de m 'iniquité! : kar
45 les adversitéz sunt crues et tes prévarications multiplies, Wa a moi ! car
je suî consommez, et m*anime defaîllie, tormenteie en tristor, trivlei em
pk)r» atenuie en gemissemenz, Qui repiteré de toi, 0 tu anme, et te con-
sentereit, et donreit plors por toi ? Granz est les tormenz asi con ta con-
tricions**», et si con li mers forsennas; ta dolors asi cum li fluves enflanz.
]oQue lempestez n^est trabuchie sor toi, et ne sunt avenues a toi?
Totes les pesantumes?7 des moleste et les très troblestempestezunttoné
sor tun chief : plaine es de fluives et de tempestez, os tu anmeî^. Ij9c)
Oa es tu^ warde des homes, rachiteres et pastres des animes? For coi
^./^
JOO F. BONNARDOT
dînes] '"jOioTies lurbiîlentissime tempestates super caputtuumhitonuerunt:
plena es fliictibus, plena es tempestatibus, anima ! [69] Ubi es» custos homi-
nura? Ubi es, animarum redemptor ? Ubi es, pastor? Cur [s]previsti me?
Cur averirsti faciem tuam a me? Ut quid longe factus es a me, consolator
anime mee-' ? Revertere jam» Deus meus; non me obliviscaris in finem;
non in perpeluum deseras; non me ad perdendum, in potestaiem demo-
num derelinquas! Lîcei offensa sit gratia, tu autem démens, tu pius, tu
mulie miseralionis. Nulliim relinquis, nul!um spernis, nullum [dejtestaris,
nullum récusas a misericordia ; sed ullro [ad] dementiam peccantes expec-
tas ut redeant. [70] Quanti enim scelerati, quanti luxuriis dediti, quanti
concupiceniiis seculi agiiatî, bonitate tua ad indulgentiam perveneruntf
Multis non raerentibus gratis peccaia donasii : ostende eiiam in me de-
mentiam tuam; paieal michi venia, pateat indulgentia; non abneges uni,
quod pîurimis es consolatus! Scelera mea non défende, peccata mea non
vindicabo'». Displidt michi quod peccavi : errorem meum confiteor; cul-
pas meas agnosco; voce manum confessionis aperio '», Suscipe» queso,
merorem confiientis; audî vocem precantis, audi vocem peccatoris cla-
mantis: [71]" Peccavi, Deus, miserere meî! peccavi, Deus, propitiarc mel!
)t Parce malismeis, ignosce, (ç8c) îgnosce peccatis meis,indulge sceteri-
» bus meis; sana animam meam, quia peccavi dbi ! »'4 si enim iniquitatem
recordaberis,quissusiinebit?'î Ad examen luum nec justicia justi secura
est. Quis enîm justus^ qui se audeat dicere sine peccatoP Quis présumât
coram te aliquîd de justicia ? Nullus homînum absque peccato, nulius
mundus a delicto. Ecce inter sanctos^ nemo inmacuiatus; ecce qui ser-
vierunt Deo, non fuerunt stabiles, et in angelis reperta est pra-
vitasJ^ Astra inmunda sunî coram le; celi non sunt mundi in conspectu
tuo:'7 quanio magis ego abhominabilis,et putredo,et filius hominis^ver-
mis! Qui hausi, quasi gurges, peccaium ; et bibi, quasi aquas» iniquitatem;
qui habito in domo lutea, qui commoror in pulverem '*, qui lerrenum
habeo fundamentuml [72] Merorare» Domine, que sit mea susiantia'^;
mémento quia a te sum; memenio quia terra sum; mémento l^quia] cinls
sum et pulvis^'», Aperi manum tuam; porrige dexteram tuam^' ; consule
infirme materie; succurre carnali fragilitati; pateant tibi vulnera mea.
Coram*» le est egrîtudo mea; tu vides quantum sauciatus sum et ian-
guidus : medicinam, qua saner, tribue; medelam, qua cur(r)er, inpende,
Revoca infesium a viciis, reforma corruptum peccatis, extingue flam-
ma[m] concupiscentie. Jacula ignita diaboli me ultra non pénètrent;
non exardescant in me ulterius. [7 j] Tu enim scis temptaiiones quas porto;
tu scis fl^ius quos patior; tu nosti tempestates quas tolero. Ubi lapsus
sum^ ubi defîuxussum, ubi infelix demersus (ç8i} sum^tusas, Incurri
enim neglegens in ruinam ; corrui incautus in turpitudinis foveam ; decidi
in ccnum flagidorum; descendi in profunduro maiorum, miser. Ecce
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TEXTE LORRAIN DU Xil* SIÈCLE JOÎ
m'es tu despez, et tomei ta façon en sus de moi ?Por koî es tu faz lonz,
j^ 0$ tu confor de m*anime ? Or repaire, mes Deus ! ne me oblier en fin J^,
ne me iasier em parmignable, et ne degirpir a perdre em poistés des
diables, la soit ce que ta grâce soit correciej tu es pis et di metes^° repi-
tances. Nul ne degirpis, nul ne despès ne déjuges, ne refuses de misé-
ricorde, mais de grei pitance atens les pechor ki reparent. Car quant
6o&âlenos, et denei as luxures^ et demonei par cuvises, sunt venu a pardon
par la bontei ! Tu es pardoné en pardons les péchiez a menz qui nel
dese[r]vîrent : monstre aisi ta repitance 41 em moi ; a moi sait aiuverés*^ tes
pardons; ne dûner4j a un ce que t'es consiiié a plusors. Je ne defent pas
mes félonies» ne ne vengerai mes pechiz. A medesplaist ke che péchai:
6^)6 rejesis m'error, et conuis mes colpes; demonsira mas ovres par voiz
de confession 44, Je prei, reçois lo plor del richesani, la voizdel priant et
del pechor huchant : u Pechit ai; Deus, aies merci de moi! esparne âmes
n mais! pardonea mes péchiez et a mesfelonies!Sainem'ennime4î,carje
» ai pcchié.')Car situ recorde Tiniquitét, qui losoferre ai PMe^li justice del
70 juste n'est seùre a ton exprovement. Kar qui est si juste qu'il ose dire
sens [pechiéj ? Qui si die presumption avoir justice devant toi ? Car nus
des homes n'est sainz pechiéj et nus n'en est nez. Echevos entre les
sainz, n'est nus sens tache; cil qui servirent (59^) Deu ne furent esta-
Mes» et ens angeles est ratrovei mauvestiz. Les estoiles ne li ceil ne
7î sunt net en ton esgardement : aséz plus abhominables et porriture, fiz
d'omme et vers, qui ai espusiéz lo pechié cumme les rigorz, et buit
la félonie cumme l'ave» qui habite en maison de bran et demor en poi-
driere, et ai terrien fundemant l Sire, remembre toi ques soit ma sus-
tance, et ke je suis de tos4^, et terre sui et cendre et poîsire. Uvre ta
80 main, esten ta destre ; conseille a la malade matire ; socor a la charnal
flavotei; mes plaies soient auvertes a toi. M'enfertéz est devant toi; tu
voes cum je sui navrez et languissanz : done medicine par quoi je soie
sanéz et curez* Rapele lo hainois des vices, reforme lo corrompu par
pechié, esting em moi la flamme de cuvise. Des or mas ne me treper-
^Kent li ardant dart del diable, et ne ardent plus em moi, Kar tu ses
qoes temptacions je port^ ques fluves et tempestez je sofre : ou je sus
cbaùz et decoru/z, ou je malaùros sui plungiéz. Car^ negtigenti al
ençorru en decheemam; et jpj^nt vaisos sui chauz en laide fosse, et el
bran des tormenz; et chailis sui desenduz em parfundece des maus!
90 Etquetu m'arme est caitive des infemaus : délivre mai del très grant
enfer : ne me cloe parfundece, ne ne me denèt l'essue. Etquetu li jorz a
redoter aper ja; li dariens )orz vient ja, et aproche li fins de vie.
Nulle chose ne sorest a moi, jDais que li tonbles et li sepul-(6ofl)-cres»
Esparne a moi, ancès que je en yaille+T; netaie moi, anz que isse des
9Sceste vie; et sol les liens de mes p|ecjhiéz anz que je moire*
?02 P. BONNARDOT
anima mea captivata ab inferis : erue me de inmanîssima abisso; non me
concludat profundutTî, non michi deneget exilum, [74] Ecce dies raetuen-
dus jam inminet; jam dies ultima venit; insiat limen vite. Nichil supe-
resi michi, nisi tumulus ; nichil superest^ preier sepylcrum^?. Parce michi,
antequam eam ; munda me^ aniequam ab hac vita egrediar; soWe, prius-
quam moriar, peccatorum meorum vincula !
[Ratîo.]
XXVIII. [75] Commotussumadlacrimastuas; ad fletustuoscompuncttis
sum; lamematio tua ad lacrimas me cogit; lamentandoadtletum mecom-
movîsti; ad lamentum tuum lacrimas fudi; ad planctum tuum lacrimis
resolutus sum* Deus tibi opiata tribuai; Deus tibi veniam tribuat; Deus
tibi culpas tuas parcendo ignoscat 1 Peccaia tua Deus a te suspendat ; pec-
cata tua laxando dimittai> ; crîminum tuomm maculas absotvat; ab omni
te malî^ tabe detergat; liberet te ab omni inminenie peccato! [76] Age
itaque ut oportet; âge ut decet; âge ut dignum est; âge ut reaum est;
âge ut equum est! Propone ut non pecces ulterius; ne ultra delinquas sta-
tue. Cave cuîpas tuas iterare ; cave mala tua repetere ; ad vicium ex quo
tibi excidisii ne revoces; que deliquisli ne itères. Transacta mala ne
répétas; post ïapsum denuo non delinquas. Non te polluas post lamen-
tum; post penitentie luctum non redeas ad peccatum; non denuo admit-
tas deplorata deiicta, [77] ne culpa[m], proqua veniam postulati, iierare
présumas. Inanis est penitentia quam culpa sequens coinquin^t. Vulnus
XXVn. t. q a. — 2. Snccurrc avec un signe d'abréviation sur b dernière
lettre; ce qui donne l'infinitif iticcurrtn pour l'impérattL — j. Joh XXXI,
14. Rem. la désinence du futur respondfûm, — a. Le ms. présente deux fois
cette imprécation, avant et après celle de Vc ... piccûit ! La traduction
montre que la seconde de ces transcriptions est la seule bonne, — 5 . amittas,
— 6. jortiitr est répété après caidL — 7. Au lieu At npcnimâ^\t texte imprimé
donne smima qui est évidemment la bonne leçon ; je suis obligé de maintenir
upcnima à cause de la trad. sobitmne, — 8, auftrd, — 9, Thrcn. Il, ij. Le
terme de comparaison a été omis; il y a par suite un contre- sens dans la
traduction, — 10, Passage gravement altéré; le lerme corrcspondatit de
trad. paaniumts est omis : l'imprimé donne rm\ oui ne convient pas pour
ptsantumcs. En outre moksimum se présente sous la forme molts tuarG, — 11^
â. mt m, — 12. vindtcîindo^ qui n*a pas de sens. La traduction montre qu'il
faut ici le futur. — 13* Passage altéré; l'imprimé donne wam conftsswms.
— 14. PsaL XL, ç. — ij. PsaL CXXIX, 3,-16, M IV, 18, — 17 Job
XY, 15. — t8. M Vil, 21. - 19. Pj4/. LXXXVUI.48, ^ 20. Cm.XVlll,
27. — 2U Citation altérée, dans notre ms,, de M XIV, i ç. — 22. coran, —
23. Job XVII, I, — 24. Notation variée de aswan ^= esgard(e); c'est du
moins la seule lecture plausible pour moi du groupe de lettres asumart. —
z\. C'est ainsi que j'interprète la leçon du ms. qui, à première vue, donne
quelque chose comme soft Ig. -^ 26, aaucmm^ les deux j surmontés d'un apcjt
comme déjà deux lignes plus haut et en maints autres endroits. Peut-être
doit'On corriger ta désinence vcmm en veninr; la nasalité des voyelles i e est
fréquente dans le dialecte lorrain, vov. ci-dessus pnnsmU, — 27. ms. ma
km par a conjoint ; €*est te subj. de amiu \zx, adhartrt. {}) — 28. Le rapport
j
I
I
TEXTE LORRAIK DU 3tll* SIÈCLE
JOl
[Ratio/j
XXVIIÎ, Comuzsuî et componz a larmes; les plors riquirt larmes a
moîj et me constrent a larmes; a piors sui commui, loi plorant J'ai
espandu larmes a ton plor, et a ton plaineman sui remis en larmes.
Deus t'otrûit tes disiers et pardon, et asparnant pardonet a toi tes
çcolpesl Deus pendet ensus de toi et te relaxe les pechieiz, asolve les
taches de tes crimines» et te levé de tote porreiure de mal, et te
delirt de toz aparant pechiz! Or fais ensi cum il covient, et digtie chose
et droit est ; propose et estaulis qui tu ne pèches des or en avant. Ës-
civis recommentier les colpes, et requerretes maus. Ne te rapeler a vice
lodun lu es chaùz, ne recomender ce que l'és pechié, ne requirres les
trespasséz mas, ne pechir lo parais après ton dechaemenc, ne t'awas-
ter 6 après ton plor, ne repariera pechi après pénitence, ne fare lo paras
les ploréz péchiez, ne recommentier par presumption (a colpe dum tu es
prié pardon. Vene est li pénitence la quele li ensuanz colpe ordet. Li
i; plaie refaite est sane a plus tar; li sovant ploranz ses péchiez désert tost
:
de la traduction au texte accuse ici un écart sensible, qui ne me paraît pas
devoir être imputé exclusivement au copiste. — 29. r^. — 30. Entre ces deux
mots le copiste a ghssè un jambage qui n'est d aucune valeur et qui aurait
dix être exponclué. — Ji. Voy. note 7* — jz. C'est ainsi que je lis le groupe
de lettres qui dans le ms. se présente avec ces abréviations : rêncomrai, —
3|. mamt, — 54. ma . il manque à mtz le tilde qui est en trop â màni^
Yoy. note 40. — 35. uconac, — j6. Pour ce passage, voy, ci-dessus note 9,
i
— )7. Voy. note 10. — 38. olu^ le s en interligne comme il arrive fréqucm-
meol dans notre texte. La même forme revient trois lignes plus bas, et cette
k\% le 1 de os est lié avec le t dt lu. — 39. Celte phrase est reproduite une
seconde fois dans J'originaL — 40, sic; corr. moUs (multas) qui convient
mieux au sens ; cependant de metes pour me[n]ks on peut rapprocher Tex. de
mi rapporté ci-dessus note 34. — 41. rtpjtanu. ^ ^i. afuueres au ms. ;
imvirés est une notation plus complète du même verbe qu'on a rencontré (ci-
dessus L 20) sous fa forme avn ^ v.fr. ûovrit^ t ouvrit t. — 43. l^ sens
demanderait plutôt dmeir {denigan). — 44. Voy. note 13. — 4c. On pourrait
aussi lire mcn. tnime^ le tilde étant placé iiu-dessus et m initial ; mm serait un
affaiblissement de /non iém. devant une voyelle, voy. plus haut /an (I. 12).—
46. tos o^re le même s paragogique que cj dessus aj; voy. note j8* — 47.
XXVniK 1. é'mlm. — 2. mâk. — 3. La restitution de ce mot est com*
mandée par la traduction. Le texte imprimé est ici assez différent, — 4. Matlh,
Xp 22. — 5. Sût, — 6. fiz wâsta; peut-être faut-il maintenir cette coupe p alors
la serait une notation individuelle du pron. U toi^ fréquemment réduit en lo;
^04 ^' BOHNARDOT
iteratum tardius sanatur ; frequentius peccata sua lugens, veniam cite me*
retur. Nichil prosunt lamenta, si replicent peccata; nichil valet vcniam a
malis poscere, et mala denuo iterare. Persiste ergo in confessione; sta
în pénitent ia foriiten [78] Confirma vitam bonam quam cepisti lenere; non
deseras propositum bone vile ; conserva {60b) {Jfgetn] î jam jugiîer. Tune
erit perfectum opus, si (in fmem} usque in finemduraverit: salus perseve-
rantibus promititur; premium perseverantibus datur. Non est beatus
qui bonum facit, sed qui incessabiliter facit. Qui enim perse veraverit
usque in finem, salvus erit-*.
XXIX. [ I ]Queso te, anima» obsecro te, imploro te, deprecor te, ne quid
ultra leviier agas, ne quid inconsulie géras, ne temcre aiiquid fadas, ne
repeiatur malum, ne renascalur peccatum,ne redeatiniquitas, ne recourrai
malicia, ne denuo exoriatur nequitia,ne résumât injusticia vires, [2] Scilo,
homo, temeiipsum ; scito quid sis, quare sis factus ; scito cur ortus sis,
quare natus sis, in ' quem usum genitus sis, qua condiiîone sîs editus, ad
quam rem sis in seculo procreatus. Mémento condictionis tue; estoquod
factus sis, quaiem te Creator instiiuit.[?] Servarectam fidem; tene sinceram»
fidem ; custodi imemeratam fidem; maneat in te recta fides; sit in te jjicor-
rupla confessionis fides; nullate insipiens docirinadecipiat; nullareligio
perversa corrumpat ; nulla pravitas afideisocietateavertat. Nichil temere
de Christo loquaris, nichil de Deo pravum vel impium semias, nichil per-
verse seniiendo indilectione ejus offendas, Esto in fide justus; habeto in
fide recta conversationem sanctam.Quemînvocasfide, non abneges opère,
Ab omnibus quelex vetat,abstine; orania queScripta prohibc[n]t, cave;
[4] nichil contra preceptum Domini facias.Viveinbono,nulloadjunctomalo-
Bonos \6odj mores nulla conversaiioprava coinquinet?; opéra reaasinis*
tra facta non maculent. Malum mixtum bonis contaminai plura : unum ma-
lum multa bona perdit. Qui in uno peccaverît, scito eum omnibus viciis
subJ3cere4,[ 5 ] Per unum peccatum mufle jusiicie pereunt; per unum malura
multa bona possunt subverti. In id quod deiectatur corpus, animum non
déclines. Camali delectationi confessum non prebeas. Non des anîmam
in potestate carnis. Refréna mentem ab apetiiu camis. Cor luum cotidie
examina privata examinatione; ocuhorum luorum discute tatebras. A
cogitatione noxia custodi animam ; mentem tuam turpis cogitatio non
surripiat. Munda conscientiam tuam a peccato.[6] Sit anlmus luus ab omni
cf. 14 XXX, 12. — 7. Corr. si s* 7 — ^8, Ce passage est violemment altéré; Use
t
présente ainsi dans le ms. : sait lecûlûm. En interprétant par/ le signe qui sur-
monte le dernier a on liiyin; mais que devient Tabrémtion nnale? et le verbe?
U' sens voudrait s'ait jtca la fin dard.
TEXTE LORRAIN DU XII* SIÈCLE :o<
pardon des mas. N'aient niant 11 plor, si! 7 refunt les péchiez; ni vait
niant preïr pardon des mas, et rencommentier les mas, Parmain en
confession» et sta formant em pénitence. Conformae ta bone vie que
t*és encommemie (6oc| a tenir; ne devirpitlo proposemant de bone vie;
^Owarde îol a parmanablement. Dumc ler parfaite t'uvre, s'ale jec'a ... *;
U saluz est promisse, et li loiers denéz as perseveranz. N'es pas bin
aùfos qui bien fait, mas qui adès lo fait; car qui perseveret jec'a la fin,
ilcil ert sas.
XXIX, (6ifli Je te prè, anrac, ki des or en avant ni faces niant soef-
^ ment, ne sens consel nés dément; ne soit requis li mas, ne renasse li pe-
chîzS ne ne repère iniquitéZ| ne la malice ne renasse Xnel lo paras li falinie,
Cl li lorie justice nereprenet forces. Hom, sachestoi maimes, quiiusoies,
S porcoi soies néz, et en quel us enjanréz, por coi soies faitz, par quel con-
dition soies formis, et a quel chose sôies creéiz en cest sicle. Remanbre
toi de ta condicion; soies ce por coi tu es faiz, et les cum li Creheres
l'esiaublî. Garde de to ^ fai et nate et jiianLcorrumpue ; maigne en toi
droiture et niant corrumpue foiz de confession; et nulle fause doctrine
• c ne te sosdue ; nulle perverse religions ne te corrumpe ; nulle mavistiz ne
te detome de la companie de foit. Ne parler nule chose folemeni de Deu,
ne cuidir nule chose maivaise ne felonesse de Crist, ne correcier niant
en sadileaion, sentant perversemem. Soies juste, et aies sancte conver-
sation en droiture foit. Celui cui te apeles par foit, ne deneier par ovre.
* S Fai astinance de tôt qui li lois defent, et eschevis ce que li Escrii contra-
dieni; ne faire niant contre le comandement de Dé» Vif em bien, senz
ajunte de nul maL Nule mauvaise conversations entache tes bones mors:
limai fait ne corrumpent les bones uvres. Li mas mesléz a bien caste
pluors? choses : uns^ raaus per maint biens. Qui en une coise et pechi,
20 saches qu'il sochest a loz autres vices. Par un pechié périssent meintes
justices; par un mal puent esire i6iti destruit men bien. Nen abassier
ton corage en ce qui li cors est dilectiz, ne doner assentemant a la
charnal délectation, ne dener l'ame en la postée de char, nés ne t'ai-
punse del disier de char. Esquir ton corage^ kaches jor et esprove ton
-Kur par prievée panse; esquir les repostailes de tez secréz. Garde t*ame
de mauvaise panse; laide cogitations ne ravisse ta panse ; mundeta cons-
XXIX* i-/m. — 2. sincenm, — 3, coinquinat. — a. Jac. II, 10. — t. ttmûî
Imas mr amasse li p, — 6. Après garde le sens demanclerail en t, de préférence
k dt t. — 7. pluorsors. — 8. nos, — 9. Entre corage et kachis le copiste a
répété les mots suivants : in ce qui li cors, qui appartiennent à la phrase pré-
lédenle.
Romania^ V
20
|06 F. BONNARDOt
poltutione purgatus, sitmens tua pura; nulle ibi sardes resideant. Sit
vicium abste; exterge, ut nec animo quippiam apud le reraaneat. In ini-
lio, résiste cogitaiioni pessime : scito îe et de cogitationibus judicandum
Deus conscientias judicat; Deus non solum carnem, sed et mentem exa-
minât; Deus judex et de cogitationibus judicat animam, Quando te titillât
prava cogitatio, non cooseniias lili; quando aliquid sugerit illîcitum, non
ibi teneas anîmum. Prîmam peccati suggestionem contempne; non sinas
eam in corde tuo manere ; quacunque hora venerit, expelle illam ; ut
apparuerit scorpio, contempne eum.
XXX. [7] Calcaserpentîs caput; caica prave suggestionis initiura i. Cul-
pam ibiemenda, ubi nascitur. fnipso initio cogitatîoni résiste^, adversus
cogitationis iniiium certare, et vinces; caput cogitaiionis exclude, cetera
superantur. Si spreveris cogitationem a corde, nun prorumpit in opère;
si cogitaiioni non consenseris^ operi cito résistes^. Quem dileciio non rapit,
con-(6 K)-sensus sibi non subdîdit : non enim potest corpus corrumpi,
nisi prius corrupius fuerît animus. Dum animus labitur, statim caro ad
peccandum paraia est; anima enim precedii camem in crimine, nichilque
potest caro facere, nisi quod voluerit animus. Emunda ergo cogitatione
animum, et caro non peccat; si enim volueris, vinci aliter omnino non
poteris. [8] Audi, anima, que locor; ausculta que dico; adtende que moneo.
Nulla jam inmundicia poUuaris; nulla libidine maculeris; ab omni te
carnis corrupiela suspende; ab omni te carnis corruptione exirahe.
Luxuria in te ultra non invalescat; libido te ultra non devincai. Custodi
a fornicatîone corpus luum; nullo unquam carnali contagio inquineris:
fornicatione contaminari deterius peccatum puto. Omnibus peccaiis for-
nicatïo major est. [9] Fornicatio universa accendit mala. Melius est enim
mori quam fornicari. Melius est enimraori quam libidine maculari. Melius
est animam effundere quam eam per incontinentiam perdere. Continentia
hominis Deum proximum facit; coniineniia homînem Deo proximum
reddii : ubi ista manserit, et Deus permanet. [loj Castitashominemcelo
jungit; castiias hominem celo pertrait; casdtas celi regnum promitit;
castitas hereditatem celi donat ; libido vero hominem in infernum demer-
git; luxuria hominem ad îariara mitùt; ad penas tanari hominem libido
perducit. [ 1 1 ] Quod si adhuc carnis molestias sentis, si adhuc carnis stimulis
tangeris, si adhuc (te) libidinis suggestione pulsaris, si ani-(6 1 ^)-mum
tuum fornicatîonis adhuc titillât memoria^ si te adhuc caro inpugnat, si
adhuc te luxuria temptat, si adhuc libido invitât : memoriam libi roortis
XXX. I. initîdum. — 2. c, rata r.; mta est la traduction de nsïste (voy.
d'autres t%. XXIX jo, XXX s)-^^ copiste, qui avait cette traduction sous (es
yeux, a, par inadvertance-j fait pénétrer le mot français dans le texte Ulin. —
y, ODtra^ rcststu. — 4. prucs. — 5. iu; je vois dans jaloUs une contraction de
ja illoqucs^ doublet formai de illuec: jûhqms se retrouve dans XXXIJI^ ij. —
TEXTE LORRAIN DU XÏ|C SIÈCLE JO7
rience de pcchié. Tes corage suiet expurgizde totes polluciotis; ta pense
soii pure; nules ordez n^asiceni en ilcelei. Vices soit en sus de toi;
îialoie toi, si que n*és niant remagnenl en ton corage. En Pencomance-
|o mam, resta a la mavaise pense : saches toi a jugier nés des penses. Deus
juge les consciances ; Deus ji^esprove raies lan solemant ta char, mais
i[es_ les panser; Deus jugieres juge Tarae nés de cogitations. Quant li
mauvaise pense te comuit, ne asentir a icelei; et quant t'amoneste au-
cune desleaus chose, n'i tenir ton corage. Despis ta premire sugestion de
H pechié, ne la lasier manair en ton corage; debote la, quelcon[que]
hore qu'aie vient; despis lo sarpant, pois qu'il t'iert apereùz.
XXX» Calche lo chief del serpent et Penncommencement de mauvaise su-
gestion. Jalokes ( ç ) araade la colpe on aie nast. En meimes lo comancemant,
resta a la cogitation et tence; si venqtterés. Esclo lo ctf de cogitation,
et les au-(62â)-tres chosse sunt vencues. Si tu despès la cogitation en
çtoncuiri neperveré mies a l'uvre. Si tu ne consens a la pense, tost reste-
rés a Puvre. Li otroiz ne sumaît pas a soi celui cui li dilestîon ne ravist :
Ucors ne puit estre corrupuz, si li curs n'est pnmiers corrumpuz. Quara
l'ame chiei, mantenant la char apenlie^ a pechîer; car li corages avance
la char en crimine, et 11 chars ne puit faire niant» y nr ""^i que li corages
îovuii. Sor ce 7 esmttnde ton cuir de cogilaiion ; kar si vus, ne pues atre-
mant de tQt en tôt estre vencuz. Anîme, oi que je paroi, ascote que je
di, entent que semon : ne soies vastéz par nule ordet, par nule luxure
entachiz; sustrai toi de tote corruption de char. Luxure nes'esforst plus
en toij ne te vanque. Varde ton cors de fornication; ne soies ordéz par
I ^nuiechamal eniachemant: ne cuit estre paor pechiét k'estre ordéz par
fornication. De toz peehiz est fornications plus granz...^ Car mîez est
mon que faire fornication, etk*estre entachizpar luxure, Miez est espandre
Panroe quam perdre^ icele par nule iin]continance. Continance fait Deu
prochien aTanme, et rent lo homme prochien a Deu : îai ou [a]!a mant,
20 et Deus, Li chastéz ajoste Tomme au ciel, et trait en cil; et promal lo
raîgne de ceil, et donc Piritage del ciel; mais li luxure plungei et envoit
et moine a poines dVnfer. Mas se tu sens ancore les molestes, et es
tochiéz par les agulenemant, et botéz par la sugestion de char; si mé-
moire de fomicaiion t'esprent ancores, et li charz si conbat a toi, et
ij luxure te saie et (ùih) te simont, contrejate a toi la mémoire '° de mort
etlo )or de ton exemant, et ajoste devant té ouz la fin de ta vie; pro-
pose a toi Pavenir jugemant, et les tormanz, et les horribles poines
d^enfer. Oure niâni defalantpar larmes '* ; proi adès Nostre Segnor* Nuit
6 ipi-ilit ; il faut sans doute rcstîluer le verbe [est]. — 7. fora ; j'interprète
îor ce en traduction de crgo, — 8. La traduction de la fin ae la phrase manque.
^^.pcJrc, — 10. Umtmoirc,
constitue un non-sens.
1 1 . niafit est répété avant par larma, ce qui
^OS F. BONNARDOT
obîce, diem exîtus tui propone tîbi, finetn vite tue ante oculos tuos ad-
hibe; propone libi futurum judicium, propone tibi futura tormema, pro-
pone libi géhenne penas horribiîes. [m] Ora lacrimîs indçsinenter, ora ju-
giter, precare Dominum indesinenier. Diebus ac noctibus sil sine cessaiione
oralio , sit frcquens oratio , sint orationes arma assidua , oratio non défi-
ciat. Insiste orationi fréquenter, incumbe orationi assidue» geme seroper
et plange. Surge in ïiocte ad precem, vigilet oratio, pernoctain oraiionc
et prece, incumbe nocturnis vigiliis, ad modicum clausis oculis rursus
ora. Oralio frequens diaboli jacula submovet; [i jjoraiio frequens et con-
tinua diabolîtelaexpellit, diabolîtelaexuperat : hecprîmaest virtusadver.
sus temptationum incursus, hec prima telaadversusomnia diaboli tempta-
menta, Inmundus spiritus précis ^ expeiliiur frequentia; inmundus spiritus
orationis evincitur instantia. Demonia oratione vincuntur; oratione
dcmone[sJ superantur : omnibus malis prevalet oratio*
XXXI . [ 1 4] Adime quoquetibisaturitaiis panem ; parsimomatuum corpus
castiga. Jejuniis et orationibus et abstînentiis înservire scude; paliîda ora
gere.aridum corpus porta, esuri et siii,abstineet aresce* : non potes tern
lationes vincere, nisi jejuniis erudiarîs. Escisenîm libido crescit; cîborum
satufitas carnis luxuriam suscitai; edacitatis^ vitio crescit camîs temp-
latio ; saturiiati libido semper adjuncta est: at contra jejunio (62 c) libido
resiringitur 3 , jejunio luxuria superatur. Sequasiraia4 saiuritate, non
dominaturluxurîa;[i 5]absiinenîia enimcarnis superatur, abstineniia fran-
git libidinis impetum, Siti s et famé carnis luxuriam interfice; famé et sitt
carnis lasciviam supcra. Vino quoque muko gravatur mens; v[i]num*'
virus est prevalens animo; vino luxiria exciiatur, vino fomes libidinis
enutritur : pocula quippe instrumenta luxirie sunt* Ignis enim, adjeao
fomîte, incendio crescit; adjecta igni materia^ plusaugeturflamma. Oculî
quoque prima tela libidinis; Visio prima concupîscentia mulierum ; mens
per oculos capitur. Aspectu namque amorum jacula miUuntur^; concupis*
centia libidinem nutrit. Aspectus memem illîcitat, animam titillât, cor
vulnerat. Subtrahatur visio ; reprime oculos a petutantia; non eos defigas*
in specîem carnis; nullam ad concupicendum aspicias; nul! am hoc animo
adtendas ut concupiscas. Toile occasionem peccandi, aufer maieriam
— 2. edûtitûtts, — y mtringmtur. — ^. Le dernier a csl
: ta résolution doRnerait la lecture se^uai''
XXXI. r. asTtia,
surmonté d'un signe d^abréviation, dont I
irùttira, — 5* atii, — 6. mU qui, lîtléralemenl, devrait être noté unum\ mais
le sens exige vinum ; la même erreur est répétée dans la traduction qui donne
uns = v(ij«j, — 7. Aspatvii ... mtttttur, — 8. dtfigan; le copiste avait d'abord
écrit dtfigût^ qu'il a corrigé en defigas sans exponctuer le t. — ^, Après auttm
le ms. a Umpus, qui n'offre aucun sens et qui ne se retrouve pas dans le texte
imprimé. — 10. Après dia^ la ligne est terminée par la lettre i surmontée
du tilde : f. Le copiste, ayant voulu écrire tnUsus^ se sera repris en commen-
çant la ligne suivante par Ulaus. Hugucnm avait transcrit : ibi* — 1 1 . Ms. :
p. p, d, tectus n, i. L Le mot tcxtus avait d'abord été exponctué, puis la marque
TEXTE LORRAIN DU XII* 51ÈCLE |09
€1 jor l'oresons soit sanz censer et espause. Tes oresons soient asidues
)oarme$« et ne défaillent ja. Esta espasemant et adès en oresons, et gémis
et plain los tans* Lieve de noiz ta a praire; l'oresons vaiie; soies par
noit en oreson, e panse as noturnaus vailles; tes ouz clos, a mesure praie
io parax. Li epense et li continués oresons ostent et debotent et sor-
montent les darz des diables : c'est li première vertuz encontre les en-
35 vaïssemanz des tentacions et les essaimanz des deables. Li orz esperiz
est vencuz et debotéz par fréquente praire et chaucemant d'orcson, lî
diables sunt vencut par oreson, et aie vaut encontre toz matis.
XXXI. Tou a toi Io pain de solace; chastîe ton cors par archarsiteî *>.
Estudoitei en junes et abstinances; porte pale viare eisaccorsfamelîos,
et aies soif; abstin toi et te desache : ne pues venkre temptations , si
n>s estruit par junes Luxure craist par vivandes, et li solace de
Jmangier la suscite. Li tentacions de char crast par vice de glotenîe.
Luxure tos tens [est] ajosiei a solace; encontre est rastroite et sormontei
par jugne. Ostei la soilace, n'est li luxure plus damme; car vencue [est]
par astinance de char ei brise[i]; li asiinance voint la force de luxure. Oci
et sormunte la luxure et Tenveseùre de char par saif, parfain. Et il panse
1 0 est agravaia par mut vin. V[i]ns ' J venins est miez vaïUanz del corage ;
li lîxure et se nurisemans est ensiea '4 et nuria par vin; car li boivre sunt
cslrument de luxure, Li enbrasemani del fu craist, ajosté Io nurixemant;
li flamme est plus acreue, ajosîée la matière. Mesme li oil sunl dart de
luxure; li veùhe est primerains covise de famés; li panse est prise par
• J les ouy. Car ii dat d amor sunt enveié par esgardemant; !i cuvises nurisi
lix\irc» li esgarz fait la panse desleal> esprant Tanme, nevrent Io cuir,
Li veers soit sosîrait; raprese tes ouiz d'enveseûre; nés fichier en la
beauté de char; n'esgarder nule en cuvir icelei. Oste Io eu vise et la
matière de pechié. (63 a) Si lu vois esire seùrs, soies departiz M de ton
d*cxponcluatïon a été grattée. Le texte imprimé s*accorde avec la traduction
jîour rejeter définitivement Uctus. — 12. pour asckarsitu dèr. de ischan;
si le premier r n'est pas dû k une nèaligence du copiste, il faut y voir un
dîci dalliltéralion. — ij. Vns^ voy. la note 6 ci-contre. — 14. sic; msiea
est le part. p. fém. de cncicr^ régulièrement dérivé de matart. — L*j final est
muet comme dans nuna^ agravaia et nombre d'autres cas analogues oîi a n'est
que Tune des nolalions diverses de ce que nous appelons t muet ou féminin. —
i^. ms. diparùf^ cjui pourrait être maintenu en le considérant comme une
réduction de dipartur ^ lat. dcpeftimium . Rien de si fréquent dans notre texte
<ïtic l'atténuation de Ur en t>, — 16. Lacune correspondant aux mots latins
wluntatcm fdciL
?I0 F. BONNAROOT
delînquendi. [17] Si vis esse a (ornicatione tutus, esto corpore et visione
discretus; corpore quippe sejuncius, a peccati intentione discedis.
Circa serpentem autem *?, non eris âm illesus"'; ante ignem consis-
tens, etsi ferreus sis, aliquando dissolveris. Proximo periculo, diu non
eris tutus '*;per assiduitatem cito peccat homo. [18] Sepe faroiliarhas im-
plîca[t]; sepe occasio peccandi voluntatem (62 if) facit; sepe quos nun
poiuil [voluntas], assiduîtas superavit.
XXXII. Otio etiam dedito cito luxuria surripit' ; vacantem cito luxuria
preocupat. Gravis libido uritquemocciosuminvenerit; cedit autem libido
rébus, cedit operi, cedit industrie et labori. Libido^ quippe carnis sepe
labore vincitur; corpus enim labore faiigatum minus deleciaïur flagicium.
[19] Qiiapropter precave otium, non diligas otiumj non ducas vitam in
otium; faliga corpus laborîbus, exerce operis cujusîibet siudium >; quere
tibi opus mile qtio animi inplicetur inieniio.Cum operevacalectiom.vaca
in mediiaiione Scripturarum, vaca in lege Domini. Habeio in divinis
libris frequentiam ; assiduitas legendi sit tibi, sil frequens lectio, sil
colidiana^ legis meditaiio : lectione sensus et inlellectus augeatur*
Leciio enim docet quid caveas, leciio osiendit quo lendas. Multum pro-
ficis, cum legis, si tamen facis quod legis ^ (6; b) jam et si cetera bona
placent et alia graia sunt, si in voto sunt, si in bonis îctinclis animus est
preparams. [20] Esto humilis, esto inhumilitate fundaïus, esto omnium
hultimus^ funditus humilitate minimum te fac. Nulli te preponas, nullité
superiorem députes; estima omnes superiores esse tibi. Quamvis summus
sis, humilitatem lene; si humititatem tenueris, habebis gtoriam: quanto
enim humilior fueris, tanto sequetur teglorie aititudo. [2 T, Cave autem jac-
tantiam, cave ostentationisappetitum,caveinanis glorie studium. Non te
arroges , non te jactes , non te insolenter extoilas ; alas superbie non
cxtendas, elationis pegnas non erigas; nichil de te présumas, nichil tibi
[boni] tribuas. De justlcie virtuienulIaelationesuperbias;debonisfactisne
attollaris, de bono^ opère non glorieris. Descende utascendas^ humiiîare
ut exalteris, ne exaliaîus humilieris : qui enim attoiliturj humiliatur; qui
exaltatur, deicitur; qui elevaiurj prosiernitur; qui infiatur, alliditur : de
cxceiso gravior casus est, de alto major ruina. [22] Superbia angelosdepo-
suit; eiaiio excelsos deicit. Arrogantia sublimes humiliavit; humîlitas
autem casus nescii, lapsum non novit, ruinam nunquam incurrit,
nunquam lapsum passa est humilitas. Cognosce, homo, quia Deus
humilis venit, qui se in formam servi humiliavit, factus obedîens usquead
morlem 7. Ambula sicut et ille ambuîaviti sequere exemplum ejus, inmi-
tare vesti-(650"ê'^ illius; existe vilis, existe despectus, existe^ abjectus;
displice tibi, despectus esto apud temetipsum, [25] Qui enim sîbi vilis
est, ante Deum magnus est; qui sibi displicet, Deo placet.
XXXII. ] . Peut-être faut il cor. daiititm^ VoîXh, scUodu ms. n'est pas autorisée
<
«
TEXTE LORRAIN DU Xll* SIÈCLE ^11
loccrs et de ton vair; car departiz de ton cors, vas en sus de l'entencion
de pechié. Mas mis entor lo sarpam, ne serés mie sans maumise longe-
mant Estanz devant lo fuf, jiesLsi tu es de fer, seras ramis acune faie.
Ne seras mie seùrs longement, prochiek lo periL Li om pèche les par
assiduité, et priveiéz Fentachera sovant : li ocusun de pechié... »*»; li
2$ asiduitéz sormonie sovenie faiz icès les ques li voîuntéz de pechié ne pot
ventre,
XXXIL Nés li luxure rampetostaldené ai osevies, eiporprentlo taisant.
Gris luxure brusle celui cui atrove osos ; luxure denei lui as choses ei a
Puvre, a savor et a travail 9. Luxure de char est vencue par labor sovent;
car li corz travaliéz par travail est moins deleiiz. Por ce escheviz et nen
j ame [osose], et ne moveir ta vie enosose : travaille ton cors partravaz,
et ouvre del quel que te plaist estude; quirulle ovre a toi ou renieniions
de toncorage soit emploiae, Done cure a leiçon, soies em pense des Es-
cretures et de la loi Nosire Segnor. Aes fréquence es devins livres; assi-
duité de lire soit a loi; espasse soit ta leiçons, et chasdhornax ta panse de
10 loi: par leçon est li sanz et li entendemanz acruz. Li leçon ensegnet quî te
cuisses, et monstret ou t^emtendes. Mont profeies cum tuiez, si tu faices
ce quetulez, si liatre bien te plaisent et te sunt acetable, et ton disir et tes
corages est aparilliz en toz biens. Soies humiles, fundéz en humilîtéz, et
dariens de touz '<>, espanduz du humilitei fait toi menor de toz. Ne te
I S davant matre a nelui, ne te cuidir soverain a nelui ; aasme îoz estre sove-
rains a toi. Cum tu soies soverains,... " et en humilité, s'averés glore :
iantcumseras(65 d)pliis humiles, tant plus te sure autauce de glore*
Eschîvis vantace et délit de demonstrance et estude '= devene gloric. Ne
te haucier, ne te vanter, non estandre les aies d*orguïl et les pannes
^od'elacion; ne dener a toi nun bien par presumption, nuns essaucemant
ne soit. De vertut de justice nen ergellit, et ne soies essauciz des bien
fâîz, ne te glorie des bones ouvres. Dessant que tu munces, soies humi-
liez que lu soies assauciéz, que tu essauciéz ne resoies humiliez : car qui
est essauciéz, est humiliez, et degitiéz, et esgra vantez, et hurtéz,,., " Li
-2}orgouz demist les angeles; arogance degiie et humilia les hauz; mais
humilitéz ne set ne ne sofert dechaemant •^. Hom, conois que Deus vin
humiliez et en forme de serjant, faz obiesanz jec'a [l]a mor. Vai cum
ilcil; ensui Tessample de celui et ses traces; soies vis, et despèz, et de-
gitéz ; displaces a toi, et soies despiz chis toi maimes. Qui a soi est vis,
îogranz est devant Deu; qui displaitasoi, plaist a Deu.
pir la iraductioti, — 2. Uhidintm. — 5. opcnhus, — ^4. conJiiiami^ comme
plus haul tnitkium. — y bono. — 6. bom. — 7. Phiîipp, 11, 8» —
8. exissU. — 9. L'expression doner tua à... doit s'entendre au sens de ccder
k piûu i... — 10. toni, — il. Lacune dans la Iraduciion du corps de la
phrase. — 12. tsUnâc, — ïj. Manque la traduction du passage : dt ixctlio.*,
raina. — 14. dcchaemamant.
|I2 F. BONNARDOT
XXXIIL Esto igitur parvus in oculis tuis, utmagnus sisinoculis Dei :
tanto eris ante Deum preciosior^quanto fueris anteoculos tuos despectior.
Porta quoque semper verecutidiam rn vultu, ob recordationem dilecti;
porta pudorem in facie, [ob] memonam commissi peccali. Peccati pudore,
oculûs luos aiiollere erubesce. Incede abjecte vultu, humiliato ore, (64a)
deposita facie; fatescentes anus ciîiciumetcinisinvolvat; evalescentia ei
tabescentia menbra saccus operiat ; exaustum corpus luctuosus habitus
tegat. [24] Terra sit tibi cubile; stratus humus ; pulvises, in pulvere sede;
cinis es, in cinere vive, semper lugens, semper merens, semper suspiria
cordis emittens. Sit tibi compunctio in corde, sint tibi crebro in pectore
suspiria, fréquentes ocuîis lacrîme ; [dîlige lacrymas, suaves smt tibi
lacrymael '; delectet te semper planctus et ïuctus, plancium et lacrîmas
nunquam deseras. Tamium sis promptus ad lamenta quantum fuisti pro-
nus ad culpam. Qualis tibi fuit ad peccandum intentio, talis ad peniten-
dum sit devotio. lia revertere, sicut in profundum recesseras. Secundum
morbum inpercienda > est medicina, juxta vulnus adhibenda remédia :
grandia peccaia grandia lamenta desiderant, [25], Nulla te res de
peccaio securum faciat; nulla tibi ibi? securitatis deceptio blandiaîur ;
nulla te securitas deceptum a penitentieimentionesuspendat. Incessanter
in corde tuo spes et formido consistant. Pariter sint in te timor atque-*
fidutia, pariter in le spes aique metus : sic spera misericordîam, ut jus-
ticîam metuas; sic te spes indulgentie erigat, ut metus géhenne semper
affligat, [26] Timor enim semper emendat, timor expellit p^ccaium^ timor
reprimit vicium, timor autem captum facithominem atque sollicitum. Ubi
vero timor non est, ibi dissolutto vite est; ubi limor non est, ibi perditio
est, ibi (64 b) scelerum habunda[njtia est.
XXXI V. (64 c) ïn infirmitatibus tuis non contristerîs,inlangoribus tuis
gratias âge Deo. Valere te magis animo opta quam corpore, valere te
magis mente quam carne. Adversa corporis remédia anime sunt. Egritudo
carnem vulnerat, mentem curât; languor enim vitia excoquit, languor
vires libidinis frangit. [27] Si prosperitas tibi arriserit, non atiollaris; si
adversiias acciderit, non deiciaris; si félicitas eluxerit, non sis jactans; si
calamitas contigerit, pusillanimis non existas. Habeto temperamentum in
prosperis, habeto patientiam in adversis. Probari in dolore te cognosce,
non firangaris; probari te in prosperitate cognosce , non exaheris. El
equalis esto in omnibus, mentem nec gaudio nec merore commutes.
Omniaequa!ijuresustrne,adnullam insojentiam commuteris. [iSj Nullusiôj
casus imparatum inveniat, nullus sit casus quem meditaiio tua [non]
XXXIIL r. Le copiste avait omis ici une phrase, que je restitue avec îe
texte imprimé. — 2. iapàandà. — j. ùhi U ibi ; U ne peut être maintenu, ihi
est assuré par la traduction jatoifucs sur lequel voy. XXX note, 5. ^ 4- at(f ;
est répété induement, — ^^ ff. — 6. tonz, — 7. soies, h supprime l'j final qui
TEXTE LORRAIN DU Xll*" SIÈCLE J | ;
XXXIil. Soes petiz en tes oez, ketusoes grans devant Deu: tantsirés
plus granz devant Deu, cum plussirésdespeczentesoez. Porte adès ver-
gunne et honte en ton viare, em la memore del fat pechié. Hontoie elle-
ver les oez, por la honte de pechié. Va par degitié et par humiïiét viare,
j par dimise façon; cendre et astamine envolope les defallanî menbres; li
ils cuvre ses purissanz et aflevillani menbres; li plorables habit covre
l'espusit cors. Terre ti soit lez; possere es î, sie em podriere; cendre es,
vis en cendre, toz jorz ploranz et envoanz sospirs de cuir. Compuntion
te soit en ton cuir, et sospir en ton^ pez, espasses larmes soie 7 espandues
igde tess oiz ; aime et soies ti soent les larmes; li plaignemeni et li plor ti
soient adèsaméz, nedeguerpir ja plainte et larmes. Sois si aperiliz a plorz
cum lu fus a la colpe. Tes cum fua toi l'îtencions a pechier, soit li dévo-
tions a repentir, Ensî repaire, cumîumalésfait. Selunc l'enferté a partir ti
mecine, et selunc la plaie li remède : grant pechiét désirent grant plors,
I j Nulle chose ne te face seùr de pechier, ne ne blandisse a toi jaloques,
ne le sosirace d^entention de pénitence*... Espérance et fiance et paors
soient en toi : espoire ensi miséricorde, que tu doce justice; espérance
de pardon t*esdracei, qui li paors d'enfer te tormence. Aie emende adès,
et debote pechié et vice, et fait vaisos et cusencenos. Ou pai*r n'est, est
le disolucions de vie, et perditions et habundace de félonie.
XXXI V* Ne soies dolanz de tes enfertéz, rant grâces a Deu de tes
- langors, Disire toi plus MYair en corage que par cors, et par panse plus
que par char. Les adversetéz del cors sunt remède a Tanme. Li enfertéz
nevrelâ char, sainneïa panse; car liîangors escuit les vices et brise les for-
0iaces de luxure. Se prosperitéz t*arist, ne soies essauciéz; se adversitéz'
Tâvient, ne soies degitiéz; si aùrté t*a vient, ne soies vantanz; si misère
fàvient, ne soies de ponl'e corage. Aies temprance em prospres coses,
et pacience en averses. Conois toi estre esprové en dolor, ne soies
vencuz;.... 4 ne soies essauciéz. Soies eugaus a toz, ne cangier ton corage
lo ne par joie ne par plor. Sostîen tôt par égal droit, ne soies cangiéz a nule
desavemure. Nuns cases ne t^atruve dessaparelié, et lo quel ta panse nen
avance. Propose a toi nune cose estre que ne puit avenir. Pensa encontre
e$t,â coup sûr, une faute. Les exemples de y p. pi. terminée par e au lieu de
«lîï ne sont pas rares dans noire texte. — 8. Manque la traduction de ta
phrase : Incesiûnkr ... consistant.
XXXIV. I. Répétition indue de propone dans le texte. — a. Uniora, — j.
|J4 P« BONNARDOT
proveitut Propoïie libi mchî! esst quod non accidere ' possit, Pre- '
ae^tare contra omnia foriuita; futuras semper commentare tniserias;
in seamdis^ meditare quo pacto adversa feras. Ne aliquid adversum accî-
du, semper animo cogita : sapiemis est periculi previdere jacturam.
OoNiûi mediiata Icviora accedunt ^ expectata mata tolerabilher feruntur.
Odît advcrsus casus consilio; prospecla[s] res non adraireris, cura acd-
derint. Advcnicnies inpetus meditatio frangit; precogitatio mo[cstias
i atténuât; previsio malorum lenit adventum; inopinatum (64 d)
malum fortiter ferît.
XXXV. [29] Acerba suntque cogitaia nonfuennt ; gravia existunl in qui-
businproyisi incurrimus; inprovisa mala graviter feriunt. Repentinam ma-
lum cito' frangit* Quod provisum non est, vehemenler affljgit. Subita*
maris tempestasterroremexuscitat. Inprovisushostismale perturbât, ino-
pinatus hostis facile opprimit. Omnia repentinagraviora vertunt ;que repente
accidunt, graviora occurrunt. Et ad bona igitur et ad maia prépara cor
luum ; et bona et mala , prout tibi eveniunt , porta ; et adversa et pros-
péra^ utcumque occurrerini, toléra, Quodcunque evenerit, libéra mente
suatine. [?o] Si prevenerit iracundia, resiringe illam; si preoccupavcrit
ira, coibe eam. Tempera furorem, tempera iadignationem. Coibeanimum
tuum; refréna iracundie inpetum. Si non potes iracundiam vitare, vel
tempera; si non potes furorem cavere, vel coibe. Promptus esto ad sus-
cipiendam quam ad ofTerandam molestiam?. Disce mala [magis] tolerare
quamfacere; disce mala ferre poiius quam referre. [?i] Esto paciens» esto
mitis» esto mansuetus, esto modestus. Serva patientiam, serva modes-
tiam, sen-a mansuetudinem ; stude paiientie, mansuetudini. Despice pro-
bra illate contumelie ; irrisionum probra despiciendo exprobra ; dissimu-
(jiS ^yiando errores calca ; coniumelias detrahentium palientia 4 supera.
kî |M ^ QOii fxponctué, — 4. lacune ; omission de la phrase qui fait pendant â
h fficMfUtei \Cofwts toi estre esprové m prosûrtîé,]. — 5. sk, en toutes
« 6, la fonnc futfm pour qut a déjà été rencontrée maintes fois. Au
fiàm ^^ "^"'vt des deux mots cuis (?) conragts^ dont le sens m*cchapp€>
^ ^ t'W L ^rpobtion pure, il serait possibte de lire: qut (ou qua)
^iiu >^^tÊ^< re la Coupe des mots s'y oppose, qui est telte: âm \ mis
4 1^^^ ^ Lt terme iom h traduisant ctdii a déjà été vu dans XXXU| 2*
W\Y K M* Htfc», comme dçjA dans XXXII i, voy. fa note,— 2. Suhtta.
V U î»
)iy%Uu cUiSJque exigerait promptior. Rem. dans la même phrase
%'yai4«MM
iin^ — 4. paticntià. — 5
TEXTE LORRAIN DU XII« SIÈCLE JIJ'
ïotes aventuroses coseset les avenir misères, Em prospres coses, popanse i
cornant lu sosferas les contrares. Panse adès en ton corage quamï con-
I jîraires ne t*aviene : au sage afiert porvair lo damage del péril. Tuii li
porpansé et li atendu mal aviene et suni sofer plus soéz. Li contraire
aventure et li porveuhe cose par coseiï dont lu 7, ne te marveiier cum
il avienent. Li panse brise les venant asauz, et (65 a) aleneuisl les
avenir molestes; li porvars asoagent raveneraant des maus, et fien for-
aomant l*outrecuidie/mal.
XXXV. Aygresunt li malquinonsunt porpansé, et grevain ou noscahuns
desporveu, et fièrent griemant. Li subitains maus voint lost. Ce que n*esi
porveù lormente plus fort. Li sotene tempesiéz de mer commuit ta paor,
Li desporveùzenemis tarbe malemant, et li messaîné (?) apressent male-
5 mant. Totes soteines cosses qui avinent subitainemant, avienent gre-
vaines. Aparalle ton cuir et as biens et as mas : soffre bien et mal,
aversitéz et prosperitéz ensi corn il avienent. Que que t'aviem, soffre par
délivre panse. Se mautelanz t'avient, restrein lo; atempre ta forsennerie
et l'indignation , hou estrain ton corage et la force d*ire. Se ne poiz
locschevir l'ire, atempre la, et defalir de forsennerie, espren lai. Plus
soîes apareliéz î a recevre qu*a faire la moleste» et a soffrir que faire les
maus. Soies soffranz, et soies et passibles et atempréz; garde patience et
temprance et pais; esiudoie a patience et a pais. Despis les proches des
faites laidanges ; reprove despisant les reproches des gas, vaint les errors
1 5 finnant, et sormunte par patience les ledanges des maus dissanz.
Sagîtas contumelie patîencîe clipeo frange, prépara contra aspera
verba lolerantîe clipeum, contra lingue gladium (65 c) patientie prebe
scutura
Avec le f^ 6^c commence la seconde main qui a terminé la transcription du
texte latin, mais sans y joindre de irûducmn ; l'on verra plus bas quelles
conséquences peuvent être déduites de ce fait. Dans ce nouvel état, le latin
seul remplit près de 20 colonnes du f" 6\c au f* 70e. S'il était accompagné
de sa traduction, il faudrait doubler les chiffres et Itii attribuer au moins
40 coionnes, peut-être 45^ récriture de ta seconde main étant plus fine
et plus chargée d'abréviations que celle de la première. Or le texte publié ci-
dessus représente 70 col. du ms. (f** 48-6^^), d'où il suit qtie la traduction n'a
été effectuée que pour moios des deux tiers du Diahgas,
Il n'y a pas lieu de donner le texte latin isolé de sa traduction ; je me borne
à transcrire les conclusions de ce long colloque.
jlb F. BONNARDOT
[Ratio.]
(yofl) [loo] Nulla te ignorantia excusai peccato; non es jam vile nes-
cms, non imprudens aut ignarus. Legem quam custodias, quid debcas
sequi disposai; qualem debeas esse scripsi; cognîdonem ma[n]datorum
babes; jam scis quid sii recte vivere : vide ne ultra offendas, vide ne
deinceps bonum quod nosti despicias, vide ne quod legendo respicis
vivendo contempnas. Donum sciencie rétine, impie opère quod didicisti
perceplione.
[Homo.]
[loi] Grattas ago,gratus refero,gratiarum actiones rependo, persolvo»
Ago quantas habeo ubertim tibi gratias'; quaiitas valeo gratias celebro;
quantas pro viribus possum gratias ago, Muïta sunt a te michi concessa,
colïata multa, speciali miseratione iargita. Omnia mihi placent; grata sunt,
obsederunt anima, me blandiunt, me oblectant. Quam igitur satisfac-
tionem persolvam ? Quam rerounerationem rependam ? Quid com-(7o ^)-
pensare possim donis tuis, nisi ut preceptis tuis obtemperem et utar?
Tibi jubenti obediam:[io2]tu enim dux viiemee, tu magistra virtutis, tu
es que regulam in dîscretum ducis, que a recto nunquam discedis, que a
veritate nunquam avertis. Inventrix bonorum, magistra morum, indica-
irix virtuium, sine qua vita hominis nichil nosse potest. Per te cunctis
Vivendi [régula] * dattir ; devitaîa pravitate ad meliorem vitam homines
adducuniur; [103] preceptis tuis formantur animî. Si quis distonus csi
tu corrigis, si quis corrigendus est tu emendas. Nichil mihi te carius,
nichil mihi te dultitis; tu michi super viiam meam places.
C'est par ce chant d'action de grâces que se termine dans notre ms. cette
composition qui respire une morale si élevée et si pure dans sa forme volon-
tairement recherchée. — Celte fin est légèrement modifiée cl abrégée, en regard
de la leçon imprimée. 11 efi est de même pour nombre d'autres passages^ oii ces
différences n'ont pas été mentionnées d*une façon expresse. Je dirait ou t-l'T heure
quelles inductions Ton peut tirer de ce fait^ pour déterminer la date de la tra-
duction et sa valeur philologique.
1. Ce passage paraît altéré ; !e texte imprimé porte... rependo, âcùonts gra^
tiarum Dirsolvo. Ago atquc habeo uknm ùh\ grauam. — 2. Je comble la lacune à
Taidc du texte imprimé, qui n'est d'atllcurs pas entièrement conforme â la
leçon de notre ms. Après la phrase „. mtndi rcguia datur^ l*injprimè porte :
Pir H de vita prmtûU.
TEXTE LORRAIN DU Xll" SIÈCLE
!i7
La date du document qu'on vient de tire suffirait à elle seule pour
attirer sur lui raltenlion des romanistes, maisTorigine locale de ce texte
lui assure un autre genre d'intérêt non moins appréciable. Ecrit dans
Tune de ces nombreuses abbayes qui flortssaieni dans les vallées les plus
profondes des Hautes-Vosges, il renferme nombre de faits de phonétique
Cl de vocabulaire propres à la région de l'extrême domaine de la langue
^ançaise du nord-est. C'est un témoin authentique et considérable de
l'idiome en usage au xii'' siècle aux confins de la province de Lorraine et
de la langue d'oïl. Les indications philologiques consignées dans les
pages suivantes sont marquées, par Torigine même du ms,, au coin
d'une individualité plus tranchée, rendue sensible par un archaïsme plus
persistant que partout ailleurs, même dans la sphère du dialecte lorrain.
L'opinion émise d'une façon générale par Fallot, que le langage de
Lorraine était « en retard )> ' , trouve sa confirmation la plus complète
dans notre texte.
Ces vestiges d'archaïsmes demandent à être mis en plus grand jour
que les autres faits de phonétique, communs à ^ensemble du dialecte.
De même, il convient de signaler à part quelques néologismes qui
montrent déjà constitué dans ses principes généraux l'élément vulgaire
du langage, le patois, qui allait bieniôi être refoulé par la réaciion clas-
sique du xni« siècle. Dans un précédent travail j'ai déjà eu occasion de
signaler ce fait, d'après l'étude comparative des chartes appartenant, par
leur date, aux périodes extrêmes de la littérature dialectale; aujourd'hui
c'est à un document plus reculé d'un siècle environ que j'emprunterai
de nouveaux arguments à l'appui de la théorie exposée dans l'une des
précédentes livraisons de ce recueil (Romama, II, 251 et note 1).
Enfin, j'appellerai ratiention des romanistes sur les cas de ressem-
blance qui existent, soit pour la dérivation, soit pour le vocabulaire,
entre notre texte et divers monuments, sur le caractère dialectal desquels
on n'est pas encore suffisamment fixé. Les Sermons de saint Bernard et tes
Moralités sur Job, entre autres, sont écrits dans une langue etuneortho-
I . Fallût, Recherches sur les Jormes grammatkates de U langue française d de
su dtûUcles au XIU' sMe, p. y*
5l8 r. BONNARDOT
graphe sensiblement identiques à celles du Dialogue. Il y a là un sujet
d'étude d'autant plus intéressant que ces textes sont plus anciens et
pîus importams. Attribués d'abord sans fondement au dialecte bourgui-
gnon, à une époque où Ton étendait le domaine de ce dialecte sur toute
la région centrale et orientale de la France \ ils ont été revendiqués
timidement pour le pays wallon par M. P. Meyer V
Par h langue et la syntaxe, notre Dialogue appartient au même groupe
dialectal que ces divers documents. Et comme Torigine locale du ms.
d'Epinal est certaine, il parait juste d'assigner au groupe tout entier la
même origine, à savoir le dialecte lorrain, tel qu'il était parlé dans les
cantons nord-orientaux, formant de ce côté V extrême frontière de U
langue d'oil '. Sans entrer dans une analyse détaillée de ces textes mis
en parallèle avec le Dialogue, j'ai cependant relevé quelques formes ei
mots dont lldentité absolue ne laisse subsister aucun doute sur ce point ;
le lecteur les trouvera consignés à la suite de l'exemple fourni par le
Dialogue. C'est aux éditeurs futurs de ces divers textes qu'il appartient
de démontrer ce qu'il y a de fondé dans nos simples observations ^.
Je répète que» dans les pages suivantes, les faits communs à l'ensemble
du dialecte ne sont Tobjet que d'un relevé sommaire; il ne peut être
question de revenir ici sur les détails exposés soit dans les volumes pré-
cédents de la Romaniâf soit dans l'élude critique du poème de la Guitre
de Metz en i ^ 24.
1. Le Roux de Lincy, introduction aux Quatre Livres daRois, pages cxxvi et
CXKXIV.
2. Revue des Sociétés savantes^ 5*^ série, t. VI ^ p. 240,
3. Toute cette région de Metz â Besançon fut, aux xi' et xm siècles, un
centre d'études florissant. Dans son Mémoire sur Us plus anciennes traductms en
langue française fMém. de l'Acad. des L et B.-L., t. XVII), l'abbé Lcbeuf a
réuni de nombreux témoignages qui montrent combien la culture de la langue
romane était en faveur dans ces contrées. La plupart des livres saints avaient
été traduits, et la traduction accompagnée de commentaires à l'usage des laïques
àt% deux sexes. Parmi ces versions mentionnées dans la lettre que le pape Inno-
cent III adressa en 1 199 â Tévèque de Metz^ figurent les Moralités sur Job :
« ,,. Laicorum et mulicrum multitudo non modica, tracto quodam modo desi*
derio Scriplurarumy Evangelia, Episloïas Pauli» Psaltcrium, Moratia Job^ cl
plures alioii libros sibi fccit in gallico sermonc Iransferre o, \Epist. hnoanùi ÎU^
lib. Il, ep. i-^i)* D'autre part, on sait que saint Bernard vint à Metz en uj) ci
nn, etûu'il y '
fixer dans la ville
prêcha pour les intérêts de son ordre qui commençait â se
Ile et dans le pays messin (voy. HnL de Metz, t. Il, 26 j et
suiv.; Bégin^ Hïsl, dis Sciences , dis Uures... dam U pays messm, p. 243 et
suiv,),
4. U Diâloge saint Gregorc lo pape, Pun des monuments les plus considérables
de cette branctic de la litléralure ecclésiastique populaire, viennent d'être publiés
par M, W. Fœrster, Halle. 1876. Le texte seul a paru, l'élude philologique et
les commentaires sur l'origine du document étant réservés pour le second
volume.
TEXTE LORRAIN DU XII* SIÈCLE
i». ^ Déritration.
ÎI9
VOYELLES.
A. — Latin ou roman s'est déjà diphihongué avec 1 pour former ai :
pais I j, mi vi 1 5, ai xxvii 17, lai adv. xi ?o, et dans !a même ligne
la Mi. ^parais paras xxviii, i i-j 2, agravaia part. pas. xxxi 10. Par contre,
l'on trouve a et même é en certains cas où le fr. a maintenu ai : hument
XII, sabilen-s^ sabiîenemenî vu (4-15-16, vene xxxu 18; lat. habeo
rendu par ai et aussi é es (habes) ix 19 et passim, très-fréq.; e est
aussi la notation de la prép. a ad en passant par ai ; ex* de ad 1 1 et
pass., de ai xxvti 17^ de ^ i 3, xtii \ ^
E, — Roman devient a^ lequel fait entendre yn son sourd ^ intermé-
diaire entre â et ô ; aussi le rencontre4-on quelquefois noté par au ,
jamais par ai. Celle mutation de e en a est ordinaire dans le dialecte
lorrain ; les nombreux exemples relevés ici témoignent de sa date reculée,
tandis que leur fréquence donne à ce texte du xïi<^ siècle une physionomie
distinctive telle que je n'en ai rencontré d'équivalente que dans quelques
chartes des bas-temps, francs témoins de la langue populaire. Voici
quelques-uns de ces exemples : foz, çale^ içaiy içales 1 7, xi 22-2 î-28,
etc. richace, disate iv 6*ro, mtaîes vi 16, ckaîis~f wn 10 et pass., mfoz,
miaz VIII 12, xxvii 24, mas et mes pron. vni 19, tristace ix 4-27, m^
Jact xti"^, grandace xm 16, xxvu 44, agrace xv 11, datres xvin 12,
parjundau xx 19 [parfundece xxviï 89-91,] durace xxv 5, fal xxv 14,
xxvu 14, avaglace xxvii 22, autauce xxxii 17.
D'autre part é s'atténue en i alors même qu'il représente a latin :
cruir-s vu 14, ix 18, pechis (peccasîi) xii 14, picti xxm 4, aspargnii
(impér.) viii m, immostit (impér) xxv 10, pràirt xxx ji-36, formis
XXIX 6, Dans un grand nombre d^autres participes de la r* conjug. la
dé&in. / peut s'expliquer par une réduction de ié^ voy. les exemples
plus bas.
Pour les cas qui suivent, il convient de réunir sous un seul chef t et
i lâl.» le traitement étant le même pour l'une eiTautre voyelle : otetâi;
ai\ qui est sans doute une notation locale ou individuelle du v.fr. «, peut
se résoudre en a. Je cite d'abord les ex. de ol : avolz^ dsperdoiz, déco-
roiz, (emmosîiz^ denez) xxv 9-to, aspandoiz xxvu 28, estadoi xxxi 1,
estudoie xxxv i ?. Ce sont toutes formes de la 2"* personne. — Les cas
de (ei) ai sont plus nombreux et plus étendus : vait, voit {vidci-is) m i 1 ,
XX 10, fai^ faie (fidem^ yicem) iv i, xm 14, xxix 8, xxxi 22, mai vt 1,
xxvii 90, ici et tai xix j-i2, xx »6, xxxi 2, rutaie xxvïi 94, manoir 4
)JO F. BONNARDOT
XXIX 35,pwiexxx 33, saifyoiKi 9, craist xxxi 4; (//) vww xxxi 17, et
vair ibid. 20, fâvâ/r xxxiv 2, porvair xxxiv 15, réduit en (//) ponars
ibid. 19. D'autres cas de réduction sont ceux de acrasxm iycrastyaxi 5,
de /?rfl/r« p. praiire (= proiere) xxx 31-36. — Quelques-unes de ces
formes reçoivent indifféremment les deux diphthongues ai-â, oi-o) à côté
de tel, taiy mai on trouve mo i 3, /o M xi 15, xxix 8, xxx 31; savair a
pour doublet savor xxxii 3, etc.
Dans sumait xxx 6, a/ n'est pas la diphth. de Va dialectal qui existe
p. ex. dans promas xxvii 34 ; sumait est à soumet ce que d/, âi5 est à ^
es (lat. habeo-habes).
I et U. — Il n'y a qu'à signaler l'affinité de ces deux voyelles l'une
pour l'autre : 1 devient u dans luvre i 1 . C'est le seul exemple du texte.
Les; cas du changement inverse, u devenant / par l'intermédiaire de ai,
sont beaucoup plus nombreux. Toutefois lixure xxxi 16 > est le seul mot
où cette permutation soit formellement accomplie, encore est-ce dans
une syllabe atone. Quant à u accentué, il s'arrête, pour notre époque, à
la forme intermédiaire ui : sustenui vu 13, batuire viii 17 (comp.
batures xi 12-29), vertuit ix 10, commuix, commui xiii 2, xxviii 2, en
concurrence non-seulement avec comuz xxviii i , mais avec la forme
plus explicite commeut pass. ; malauiros xiii 10, contre des ex. bien plus
nombreux de aiiros, malaûros; buit xxww 76 Cette distinction dans
le traitement de la voyelle, selon qu'elle est ou non pourvue de l'accent,
a disparu dans le parler populaire depuis longtemps, qui atténue toutes
les voyelles de la gamme descendante en /, de même qu'il renforce
toutes celles de la gamme ascendante en 0; sur quoi voy. l'exposé en
détail et les ex. Romania, l, 333-4 et Guerre de Metz p. 337-8.
0 AU — se diphthongue volontiers avec / devant les liquides / r et la
sifflante 5; malaiïrois vi 14, rugnois vu i, repois viii 10, soilace xxxi 7,
aussi solace ibid. 4.
Quand 0 provient de au lat., il se comporte de même que 0 d'origine :
loir (aurum) iv 6, cose, cosses, chosses^ pass. et coise xxix 19, en regard
du doublet savant chauses xv 2, causa xxvii 39.
U — voy. sous I.
Les voyelles atones présentent dans notre texte la plus grande
mobilité ; elles sont fluides à l'excès, sans aucune consistance. Le même
I . A la ligne 1 1 du même § dans le texte latin, luxiria offre un cas analogue
de ce genre de romanisme.
TEXTE LORRAm DU XH* SIÈCLE ^21
mot revêt indistinctement pour ses syllabes non accentuées trois ou quatre
formes différentes qui n'ont pas plus de motif pour devenir définitives
l'une que Tauire, L'écrivain semble indécis du choix à faire entre elles.
C'est qu'en effet, dans cette région reculée, la valeur particulière du
caractère e en syllabe finale atone, celui que nous appelons e muet ou
mieux e féminin, est loin de faire entendre le même son que dans le
français proprement dit K C^est une question de physiologie sur laquelle
je ne puis m 'étendre ici, Je me bornerai donc à relever les diverses
notations par lesquelles le scribe a tenté de rendre ce son particulier.
Pour plus de clarté j'examinerai d'abord les cas de t féminin dans Vin-
teneur du mot^ puis les cas de c en syllabe finale.
Dans la première catégorie, qui est de beaucoup la moins nombreuse,
[^emploi des différentes voyelles est suffisamment motivé par ce qui vient
d'être dit sur l'évolution continue des voyelles suivant la gamme ui e ao.
Bien que Téchelle des gradations ne soit pas représentée en entier par
des exemples appropriés à chacune d'elles, néanmoins l'on remarque
dans ces notations diverses l'application d'une loi intime, un balancement
harmonique, qui détermine l'emploi instinctif de telles voyelles à Texclu-
sion de telles autres. On pourrait dire que c'est la théorie des compen-
sations appliquée à la phonétique. Voici une liste d'exemples rangés
dans l'ordre où les présente le texte ; simont \ 8, anme^ antmt ii i et
pass. (aussi anmù)^ espiriz ii i, porroîure, porreture vn 8-9, besongnos,
hoscngnant vi H-i 5, destraiment desîruamenz vu 1 5-16, floioîez^ fiavoui
xnd^xx^n^ij fiUnief falome-i^foionie, faiiniexm 14-16, xxvn }7"î^'
41, XXIX ^ySiira. sirai, sirat xxvn 14-15, nobîament xxvn ^i^vivoroîe
xxvn n*
En syllabe finale, e féminin revêt plusieurs notations dont le nombre
même accuse l'incertitude de l'écrivain en présence d'un son propre à
son idiome et pour lequel la langue usuelle ne lui fournit aucun signe
approprié. Devant cette difficulté ^ il a recours à un double procédé,
Tantôt il conserve dans le mot roman la voyelle même du mot latin
correspondant, et par là il esquive la difficulté. Mais dans d'autres cas
il s'évertue à fixer ce son fluctuant au moyen de diverses combinaisons.
Les cas où la voyelle latine persiste en français forment la grande
majorité ; en voici la liste :
û : contra simple et en composition iv 15^17, docîâ vi 6 (voy. la note),
filma qui est proprement le latin xix 1, îoia xix 2, aresîa xix ?, via
XIX 12-1 $-16, xxit 8, anqucsia xxt 8, clama xxiv 4, lassa anma xxvi 1^
mina xxvn 10, causa xxvn 39, demonsîra xxvn 6j, sta xxvm 18, resîa
I. Voy. Romania l 3} 5, Il 24$ et suiv., 3^8*9.
11
;22 P. BONNARDOT
XXIX 50, XXX i, ala xxx 19, esta xxx 50, agravaia, ensiea, naria xxxi lo-
1 1 (voy* la note), hamiiia xxxii 2^ y pensa xxxïv 12, [panse ibid. i î-14);
i : refugii n 5, comp* la glise de Ptr garni (Job^ 440 ' i
0 : homo m 2-5,
Pour les exemples qui suivent, nous n'avons plus affaire à une nota-
tion empirique dans sa simplicité, à un calque servile du latin, mais à la
représentation figurée de valeurs phonétiques particulières au dialecte.
Ainsi, la mutation de e en i dans di n 5, ni 16, vin 18, xxvu 57, est un
fait du même ordre qoe la mutation mi 11 8, m 10^ ordinaire en lorrain
pour le pron. me, moi ; ainsi s'expliquent encore ni n 8, ui lo, viu 21 >
qui ki \ 6, XXVII $9, xxvrii 8, xxix 1 ;
Vei final de ordd xxvii j j auquel il convient d'assimiler or^/ef xxx 12,
y^/nl^l xxvii 1 ç, pnsiei xxvii 42, est fréquent à Metz dans les chartes du
commencement du xiif siècle et dans celles du xiv* ; de nombreux
exemples ont été réunis dans Romania 11 j 249 et ss. Il en est de même
pour d^ final de conformât xxviii 18 et de emplotae xxxii 8, fém. de
emploi xvui 14 (= lat. impHciîam, cf. exploit de explicitam}. Dans une
charte de Metz sous la date de 12^5, je rencontre terrae et dans une
autre de 1240, tend, — Notre texte fournit en outre deux cas du
caractère ae ailleurs qu*à b finale atone : iaes i j, son intermédiaire
entre les et tas {et mas viii 19), ^tachais xxvn 10.
Ces notations ne sont donc pas des créations arbitraires du sciibe,
mais ce qui lui appartient en propre c'est la confusion entre ei=^e fém.
et et = lat. d dans les participes (etsubst. en<if£m), si bien que ces par-
ticipes n'ont qu'une seule orthographe pour les deux genres ; en d'autres
termes la désinence féminine eie = lat. aîa est presque toujours réduite
en ei, sous l'influence des formes comme venuei ct-dessus. Dans quel-
ques-uns même, la réduction va d'un degré en avant et produit é ^= ei
= eie =■ dei. Voici une liste de ces participes tous au féminin : denti
XII ?, r^/ïommeixni 4, plordsxxwj.makguré^atroveixxW'i^.remaRbré
xxvii 24 (dans la même ligne estinte)^ trivlei xxvti 46 et tout à c6té
lormentde, ratrovei xxvn 74, ajostei xxxi 6 et sept lignes plus bas
ajustée^ ostei xxxi 7 , A ces exemples de la suppression de la voyelle
caractéristique du féminin, il faut ajouter ceux de péri iv 2, ptai-s vit,
10-14 ^ ^^^^ dt plaie 1 $.
Dans l'étude sur les caractères phonétiques d'une charte de Flabé-
mont (1240}; j'ai fait remarquer que, des diverses notations locales de Te
1 . Les exemples de la désinence latine maintenue dans les noms propres romaos
{Jhcsunîj Moyscn, Pergami) sont fréquents dans les plus anciens monuments de la
langue dloîL L'intérêt particulier de notre texte est de montrer cette désinence
maintenue dans les noms communs.
TEXTE LORRAIN DU XH* SIÈCLE ^2^
féminin, celïe qui se figure par les lettres en est la plus fréquente dans
les documenls vosgiens ; elle caractérise le dialecte de la Vôge comme et
caractérise le dialecte de Metz. Ce fait rapproché de quelques autres de
même signification ma permis d'attribuer à cet idiome le Bestiaire publié
dans une des premières livraisons de ce Recueil (I, 426 et s$,). Les
cas de w = <; dans notre texte affectent les mois suivants : portéen vrr
14 (voy. la note); chaken xu 21 (cf. bonnea Job, 511); pour donenî in
10, reprochenîyi ?, esdoent^ venquentxix j-6, nevrcnt xxxi î6, asoagent
xxjLiv 19, le t est sans doute une méprise du même genre que celle
qui donne aux part, abûtuen prisen l'apparence extérieure de la ^* per-
sonne plurielle : abaîuenî prisent (voy, Romartia^ I, ^jj).
De ces deux catégories de notations employées pour figurer le son de
I e féminin, la première qui maintient la voyelle latine est par là même
plus archaïque que la seconde; en revanche celle-ci est plus intéressante,
I qui prend sur le vif et essaie de fixer la prononciation locale. Si la Vie de
saint Alexis, qui connaît £î en valeur de c fém., eût représenté çà et là
cette même valeur par des caractères analogues à ceux de notre texte,
\ il n'est pas douteux que M, G, Paris, au lieu d'éliminer Va de medra^
j conîreda^ bdament \ n'eût signalé et maintenu toutes ces diverses nota-
lions comme autant de précieux vestiges du parier antique. En ce qui
j concerne noire texte, il est certain que la diversité même de ces nota-
[ lions exclut tout caprice individuel de la pan de l*écrivain. J'ai montré
ailleurs que ces variantes orthographiques se sont perpétuées à travers le
j moyen-âge : elles répondent donc à des accidents de prononciaiion dus
I à des conditions physiologiques locales ei permanentes.
^^^mjne façon générale on peut dire que le dialecte lorrain se refuse au
I développement des diphihongues ; il atténue toujours l'un de leurs élé-
I ments constitutifs» quand îi ne l'élimine pas absolument; cVst ce second
c^ qui se présente presque partout dans notre texte, en quoi il témoigne
^de son caractère populaire.
^V Diphth. ai réduite en a qui peut même s'assourdir en 0, au : porvars^
Hb^ii^, .,., voy. les ex. réunis sous la voyelle É, p. po. Dans tous
ces roots et dans Tadj. espaiise^ espasse et Tadv. espasement xxx 29-
! ^o, xxxii 9, la diphth, ai est une notation locale pour oi. — Quand ai
t, Viide saint Alcxts h U'i7' -^ Malgré la force des raisons alléguées par
rédJteur, on peut regretter que le système critique appliqué à rensemble du
-^-^-Tic n'ait pas été suivi pour ce cas particulier.
DIPHTHONGUES.
}24 F* BONNARDOT
représente a ^ iouaei une gutturale, la diphthongue peut se résoudre
en a mais jamais en o : fan i î, û (hahto) v 14-1 J, Vïi 14, et au
futur avéra xxvii 16, etc., sa {sapid) m i?, xiv 4, mai v 9-n, x 10,
agrès, agrace vu 1 3, xv i, /di x 8^ mamz x 10, xvm 4, fornase xî
j-4, îrespassa^ ajosta, chanja (parf. 1* p,) xxvii iS-^j, ûto xxxu 19,
etc., etc,
Diphth, au, provenant de ^ï + /, subit aussi la réduction en a, qui
même passe à ai comme si la voyelles était d'origine : ma^ mas m t-4-
î I , d*où mais 11 3, lu 2, viii ii^fas iv 17, fiaiz x 8, asi, aisi xxvii 48-
62, vait xxwiu ï6; les trois eoiaiions sont représentées dans maumist,
mavaz et manstiz, maivaise x 10, xvïii 4, xxix 10-12-17,
Pour un certain nombre de ces mots on peut admettre la chute pure
et simple de / : ti ^ a (!) ; c'est, en effet, ce qui arrive pour le groupe
W, où la liquide tombe sans laisser de trace p. ex. dans novès xiii 8^
mortèz^ ix 22 ^ftacs xi i, assidues xvui j, cf. assiduels dans S. Bernard,
540; apès XX 12 et les analogues. Dans les documents postérieurs, le
son grave de la voyelle è est marqué généralement par ei: nova, mantet^
coiiîei. On sait que la notation eau ^^ v.fr. et est inconnue au dialecte
lorrain,
Diphth. éi en 0 par rintermédiaire de 6e : 0 (habui) i i^ ma ta so i i^
XI I $-18, XXIX 8, croes iv i, décodent v 1 j, ko ix 1-18, soes x 15, utùi
XI 8, vor XXI I, espor xxm j, voes xxvii 82, lai/or xxxn j; (-or
désin. de Pinf, est assez fréquent dans Job et S, Bernard : ensiwor 446»
yt'or porveor 52J-562-564, seor j6i, c/iaor 567). — Cet 0 de réduction
peut s'assourdir en ou : reçoavcnt xxvn 41 , et même passer à Va : ta xxx
îi et la note j du § xxvin.
Dîphth. u€ {ocj eu atténuées en ui, «;— diphth* ai réduite en u: cu^ret
cuir car-s 11 i, m j ç-18, V17, anguise anguse vu 1-2, vii[ 1 5, nuiuui4-^^
tresîu m 6, suis soef viii 8, ix j6, eu (1. cogiîo) vtn 14, égal mgai-gaus
desugas rx 12, xï 10, xxv 26, xxxiv 9-10, fu (pron. neut.) xï 16-24, ^^^^
XV K espusiei espusiî xxvii 76, xxxiu 7, suieî (L 'ikf) xxix 27, fuf
XXXl 22.
Diphth. ié ic réduite en i. C'est le cas le plus fréquent et le plus înté-
ressant à constater, puisqu*ii ne se produit que par l'élimination com-
plète de la voyelle accentuée é t\ et transporte l'accent sur Télément
secondaire, ou même le plus souvent inorganique et adventice, du groupe
a ; é accentué disparait, il ne reste plus que i. Voici une liste d*exeniples
parmi lesquels j'ai compris les part- fém. en iée ieie et quelques mots où
mm
É
TEXTE LORRAIN DU Xir SIÈCLE }Z^
u se trouve interverti et affaibli en ei, notation iniermédiaire entre ié et
i: wUntirs i 5, enfuir esquir i 6, xii 16, chls 111 6, xxxii 29, bin-s
bim ' VI tj, xviii 17, xxiiJ 2, gris vn 14, xxvu j, lumire vm 2, ifcfe
vm 4, (jsiecle vin 5, sede ix 28-29), manire viii 20, ix 8, brif ix 25,
parcinirs x 2, %V-f x 7, xi 21, mavisîiz x 9, «rï xi 21, prumirs xi 28,
^castumirs xni 2, aacme • xvïi 4, poisire xxvii 79, m^/irt xxvu 80, cif
XIX ^ ; chachk iv 1 5, ji^ v 10, multiplies xxvii 45, df/ cn7 d/ xxvu 74,
XXX 20-21. — Par ainsi, it arrive que les verbes de la i"" conjug. en
i>, rejetant Vé = â lat., prennent l'apparence de verbes de la 4'' conjug.
à rinfin., aupart. masc, au parf. ; notre texte donne p. ex, contrajcUr
IV 17, digetiz IX 2, espurgiZf favtrgizxi i-^^,pechis (nom et part.) xi
7-8-10-1 1 etc., pechis (pf. 2*' p.) xii 14, pechir (inf.) xvin 16, ghrifiit
XI 17, repartr xxi 4 {rcparier xxviu 12), caidirxxvx 12* -^ il faut noter à
litre d*opposition, un cas de parf, en ^^f, pervertie xxvu 57, dont voyez
d*autres exemples et leur discussion ^ dans Romania i ÎÎ8-9, h 2jj,
Cl dans Guerre de Metz 456-7.
VOYELLES NASALES.
Rien à noter que Pinfection de / dans toutes les tonalités : sainz vm
20, xxvu 72, plus souvent orthographié sen^ loin xxvu 12 ; ta prép. en^
simple ou en composition, est souvent notée in ein: in i 7, xuï 5, inge-
mischans 1 8, etngemis xxvu 27 : de même nen adv. de nég, est noté nin
vu 5 (cp. Job : infcr 454-465-472 etc., et la chane de Flabémont dans
Romania n 246 et suiv,). — Au § xui ç, je relève brilns en traduction
de steriliSf c'est une forme réduite de berain^ pour brehains brehaing dont
le fém. existe encore dans les patois : bnhaingne^ héreingne,
CONSONNES.
Gutturales. — Contrairement au Vk^allon, l'usage du w est presque
ignoré de notre texte, même pour les mots d*origine germanique. Voici
le très-petit nombre de cas que j*en ai rencontrés : wardon-s i 7, xi \o,wa
♦intcrj,) xxvu 17-45, Q^<^i^^ xxviu 12 et mieux vastezxxx 12, warde
xxvui 20, à côté de varde xxx 14, Dans les deux ex. suivants, le v est
même francisé en g noté par Jfc c ; kardè xxvu ^4, caste xxxix 1 8,
Pour les autres consonnes du même ordre, il faut signaler l'emploi
des caractères k et ch. H n'y a qu'à mentionner kl kc xxvu 59-64, xxix 1 ,
1 , Pour ce mot, il convient de tenir compte de l'Influence de la nasale.
2 . C'est à ce même ordre de faits qu'appartiennent les formes verbales tinaet
àâm Job 481-2, possiti ibid* 447-4$ 5-460, auquel correspond le possis de notre
texte 11 2.
526 F. BONNARDOT
en regard de la forme commune qui que plus fréquente, vinkn xxxi î .
Des formes plus spéciales sont celles de necedartt xxv ï8, ailleurs
nekedânt ; calche ilat. calca) xxx i , qui tient à la fois à calquer et à chau--
chier; n/xxx ? à côté de chiefïhià. 1 ; echepos xxvnya^eiquelqueslignes
plus bas, etquetti 90-91 (ecce vos^ tcct ru). Le pronom chaqui chacun se
présente sous diverses variantes orthographiques : chascum jor vu î, et
comme adjectif, chaschornax [quotidianus) x\xu 9, c/iato xii 21 et it^cArcj
XXIX 24, chaiim xix 12, Cette dernière forme est identique à cheiim chaum
des Rois et à rii<i//iJ7ï« des Serments, 3lu prov. cadauncadnnK Po\xr chaque^
il est généralement admis, d'après Diez, que c*est une forme tirée de
chacun parle retranchement de la finale; et, de fait» le Dkûonnairt de
Littré ne produit pas d*ex, de chasquc avant le xvr* siècle. Il semblera
difficile de maintenir cette conjecture en présence des formes chakcn ei
kûches de notre texte du xii" siècle, qui elles-mêmes dérivent d'une
forme chaque assez fréquente dans les chartes de Metz. De plus,
chaschornax ne peut s'expliquer, dans sa syllabe initiale, ni par cûscunum
= chascuTty ni par cada unum ^ chaiim ; on ne peut y voir que chaque
sous l'orthographe locale ou individuelle chache^ dont le second ch s'est
fondu avec le / de journal : chaschornax. Le Dialogue offre, en effet,
d'autres cas de ch pour/ ou ^ : le pron. de la r** p. s. che xxvii 64, le
part, rechcsant pour regehisant xxvii 66 \rejcsis 05), le subj\ sochesi xxix
20, en regard de soujeces ix 4.
Sifflantes et aspirées. — S intervocal fait toujours entendre le son dur;
aussi le même mot se rencontre-t-il écrit indifféremment par s ou ss :
usise vin j, alase vin 4, dotase xi 9, chauses coisi cost chosse cosses
XV 2, XXIX 19, XXX 4, xxxiv 12, xxxv ç, laisenl xviii 17, désire xx^fw 5,
ui£5 xxvii i\ y promisse xvim i\. — L'aspiration intervocale, marquée
par X ss, si caractéristique de la langue de Metz, ne se fait pas sentir dan
le parler de la Vôge ; tout au plus pourrait-on en constater quelque
vestige âmsjusses (=ju€S joes joues) xxv 10. — En dehors des mots où h
est d'origine, il n'y a à relever que son emploi arbitraire dans hou (lat.
aut) xxxv 9, et son épenthèse entre deux voyelles pour marquer la
diérèse, dont voy, les exemples plus bas».
Labiales. — Deux cas de la substitution de ta forte à la douce en
finale : remufxwu 2, vif xxix 16. Le / final de fufjxyix 12 est dû à la
1. Voy. les exemples dans la notice de M. P. Meyer sur quis^ut et cûia dans
tes tangues romanes {Romama II 80 et suiv.).
2. Le texte latin offre quelques exemples de la prosthèse de Vh : haitimas
xxxii 14, hostia xxvu 21 sous Tinfluence de fr. huis.
TEXTB LORRAIN DU XII* SIÈCLE ;27
consonnificatjon de Vu de focum ; j'ai rencontré nombre de cas analogues
dans d'autres textes lorrains des bas temps, ainsi : akvonf (elemmus)^
ftchitf {ptctâtum) nif {nidum) comp. le v.fr. meuf mœuf [moduni] et les
noms de lieu Faimbeuf, Marbeuf, etc.
Liquides, — Rien à signaler que la permutation de r à / dans oscultéz
xxvji 22, et la permutation contraire 1 7 en r) dans crud et ses dériv.
devenant cruer cmr-s cruirtéz vu 6-14, ix 18 etc.; dans crament
XX vn 28, la consonne est complètement tombée (pour d'autres cas de
la chute de /, voy. sous diphth. au). — Les dîphlh, mouillées aitl
oitl offrent, comme les autres diphth,, des exemples de réduction par
la suppression soit de / soit de Tun des deux / : baîalle trabuchales
xn 8-2 1 , voiles xiiï 1 j, valUs {suhj. de aller) xïii 1 8, mais vaille xxvn 94,
repostailes xxix zj- U n'y a d'ailleurs rien dans ce fait qui ne soit com-
mun à l'ensemble du dialecte.
Nasales, — Permutation de Vm à n, même autre part que devant les
labiales : em cai pass., chascumjor, chaûmvn ?, xix 12, rian xn 19, Wm
xxiit 2f dam dumc xxviit 1 ^>2o, tam pour tan apocope de îant m ^. On a
vu que la nasale propre au dialecte joue différents rôles dans notre texte.
Considérée comme pure consonne, elle s'introduit dans quelques mots
après la voyelle a (e), p. ex. : ancune ix 1 j et ailleurs, prensente enxample
xxvH 5-59, ccnser, epense xxx 29-3 3 , forme nasalisée de espassc xxxn 9. Le
même fait est fréquent dans Job. Il n'est pas douteux que dans tous ces
mots et leurs analogues en est l'équivalent orthographique de an et non
de m. — ^^ Par contre il arrive souvent que la nasale tombe dans rinlérieur
ou à la fin du mot : £ i 5, avironez i 4, fiace v 3 , portedent v 7, ensebk vu
9, lu X 3, amademtm amade xi 24, xxx 2, hoioiî xm 10, espaetes xxv 2$,
parveré xxx 5, iiencions xxxin 12, habundace xxxiii 20 que le scribe a fait
passer dans le texte latin /ïiî/?u/îrftîffiï. La chute de /i témoigne que cette
consonne n'avait pas encore pris d'une façon définitive la valeur nasale,
— La nasale double est çà et là notée par gn: dagnéi xxii 6 qui a influé
sur le laL dagnat^ dagnacions xxv 20; par contre dans xxji 21 le lat a
pignas et le fr. pannes.
Je terminerai ce chapitre des consonnes par quelques remarques sur
la modification extérieure des mots par prosihèse, aphérèse, paragoge, etc.
Dans la phrase il loir et les dones iv 6, loir est un exemple non encore
signalé de |a prosîhèse de l'article : li loir = li or l'or-y — spoine xviri 9
et ipne xxii 8 sont dépourvus de Ve prosthétique ; à ces exemples il faut
peut-être joindre celui de strenge pour estrengc vu 5 et la note. La
permutation normale de e en a a donné une grande extension aux faits
j38 f- BONNARDOT
d'aphérèse dans le dialecte lorrain, particulièrement à Metz ; ainsi Viglia
est devenu Vaglise, séparé plus tard en la glise d'où ceU glbe^Vçsxnyt ^
Vastuve =^ la siuve d'où dér. stuvour sîuvcrasse. Les faits de ce genre ne
sont déjà pas rares dans Job et Saint-Bernard, La diérèse est souvent
accusée par llntercalatîon de // qui n'est pas toujours, il est vrai, mis en
bonne place: pobosîé x\i 2, veahe desporveulie xx 7, xxxi 14, pohene xx 7,
deprihe xxiv 4, crohiés sohïés xxii 5-^, ahusî xxiv 2, outrchant xxiv }.
Dans malaguré xxv ï-8, (cf. segiire dans /oi' passim)^ c'est la consonne
étymologique qui marque la diérèse. Bien que les formes où le g est
tombé (aïnos, matauroîs] soient plus nombreuses déjà dans notre texte» la
gutturale n^en a pas moins persisté dans le patois actuel qui dit agrou
mologrou — heureux malheureux.
La physionomie particulière du Dialogue n'est nulle part plus accen-
tuée que dans le traitement des consonnes finales, Soit qu'il remplace les
sonores par les sourdes ou qu'il les supprime complètement, soit au con-
traire qu'il en renforce la valeur en les redoublant, dans l'un et l'autre
cas, le souci de l'écrivain est de serrer la prononciation au plus près.
Voici quelques exemples d'apocope, laquelle affecte surtout les consonnes
5 et ( : pron. me îé même quand le mot suivant commence par une
voyelle, 11 8, m 1, xvm 7, xxx 26; ajoste en 2<= p. s. rv i, les temon
V 2 et d'autres fautes contre la déclinaison ; — foi iv 1, xxix 8, mais (oit
IV 2 et ailleurs, cer apcr tar xix i ^, xxvii 92, xxvin 1 ç, pron, ces même
au fém. sing. i 7, xiii ï 3 ; les formes verbales à la 5« p. s. : possis 11 2,
plais vui 6, seuei comp. porsè i\ 8, xii 2 1 , ravis xx j , sot xxvii 2 1 , et à la
î" p. p. où la chute du t est accompagnée de celle de n : porsoeve 11 9
(et plus h3k% porsevent m 1^, forsenne forsanne m 7, v 18, contrejau v 2»
acompagm v 10 » , — dans fuit m 1 , î s'est substitué à r final de l'inf.
fuir, lequel était sans doute éteint dans la prononciation, cp, morixxx 17;
— tan XIII ï7 et tam m i peut avoir perdu son t final sous l'influence de
quam, notation purement latine de la conj. ijue^ dont notre texte fournit
maints exemples'.
Dans le cas opposé, c'est-à-dire pour les mots où la consonne finale
se fait entendre, le scribe note la valeur en la renforçant soit par le
redoublement, soit par l'adjonction d'une autre consonne du même
ordre ou plus simplement d'un ^ muet. Ce cas de redoublement se ren-
contre aussi, mais plus rarement dans l'intérieur du mot. Voici les prin-
!- La chute de la désin. -nt en 3*» p. pi. a pour contre-poids radjonctioti de
cette même désin, en j*^ p. sg. : eschwt et autres ex. relevés à la p. 52 j.
2. Ces diverses dérogations à Torlhographe classiaue se rencontrent en abon-
dance dans les textes populaires des bas*temps ; FinterH est d'en signaler l'eiis*
lencc aux origines mêmes de ta littérature écrite.
TEXTE LORRAIN 00 XII* SIÈCLE JIQ
dpaux exemples de ces notations diverses : perilsce m 9 (et à la ligne
pfécédemc pinlz)^ msct v ij [voit vi j) ', conforu v u, tact
pirmagrti plagne v 14, vin 17, en i" p. s,», kisce ix ^, isci xi 2, emlesges
XIII 9 (voy. la noiel, rcpost xiv j^ pron. mess tess vm ij, xxxîu 10.
— Un certain nombre de suj. sîng. et ace. plur. marquent leur dési-
nence casuelle par /r : tormentetz vu 7, vivant! vin 14, jugementz xn
14, tonnenîz xjï 15, rrcdr xxix 6?. — La liquide se double aussi»
sans amener la mouillure, dans les pron. dl \ }, illv lo-tj, précédant
une consonne- — Enfin je signalerai l'adjonction de s k h voyelle 0
finale pour marquer la longueur du son : pron. neui. bs xv ç, imerj.
os XXVII 52-$ s en regard de 0 47. Pareillement la prép. de est notée des
xxvïi 94.
2 — Flexion.
DÉCLINAISON.
Les fautes contre la déclinaison sont très-nombreuses dans le Dialogue,
Au premier abord il peut paraître surprenant qu'un texte du xii* siècle,
exécuté avec un grand soin, respecte aussi peu les lois de la flexion
casuelle ; mais c*est là précisément un témoignage de poids en faveur
du caractère populaire que nous revendiquons pour ce document. Par
là encore s'affirme !a communauté de physionomie générale entre le
Dialogue et les textes de Job et de Sainî-Bernard, Il suffit de signaler le
fait avec quelques exemples à l*appiii, choisis parmi ceux qui montrent,
comme étant déjà accomplie dans le parler populaire, révolution qui a
transforméle français ancien en français moderne. Les citations suivantes,
u Cette noution redoublée de ta sifflante s ou ( n'est pas inconnue à la
langue de M, qui offre de nombreux exemples de via orthographié viscc.
2. Pour permagne plagne il faut tenir grand compte de la présence de la
nasale mouillée. — Si, dans ces divers exemples, Tadjonction de c i la consonne
terminale témoigne de la sonorité de cette consonne, le même fait est attesté
a contrario par la suppression de e désinentiel féminin dans les mots où celte
voyelle est dongine. Les textes populaires du xrv" et du xv« siècle fournissent,
en rime, de nombreux cas de manière rivière première,., écrits manier nvier premier
(voy. dans la Guerre Je Metz les noies variantes aux couplets 6-9-15...), Peut*
lire avons-nous déjà un cas de celte orthographe phonétique dans triur crmr
tfwu vu 6-J4, le fcm. du fr. cruci se rencontrant souvent avec l'orthographe
crtuin dans les textes lorrains. Ce cas serait assuré si enter j au lieu d'être une
simple permutation du fém. eratL pouvait remonter à un type crudariam.
j* Dans tous ces mots, le t final est purement étymologique, puisque le z
avait encore la valeur de ts comme en témoigne lormellement jusz (=: justus}
xx\u 14. — Mais en finale fém. j est souvent employé pour j; c'est ce qui
m'a obligé de marquer d'un accent Yé masc. afin d'éviter toute confusion p. ex,
entre ontez subst, et ordéz part. J'ai aussi adopté la même régie pour les finales
terminées en éL
]^0 F. BOKNARDOT
auxquelles pourraient s'ajouter beaucoup de cas analogues, appartiennent
toutes à des mots en sujet mais orthographiés en régime : suj. plur. dous
(duo) i 7 ; suj. sing. apressé n 4, divirpiî deverpiî m 1 1, v $^foit iv i-j,
rtu V }, enmarcit vi 7, etc., etc. La distinction des genres r/est pas plus
fidèlement observée que celle des cas : aveniiz tx 2 1 est un sujet neutre
orthographié comme s'il était masculin.
Notre texte offre deux exemples de mots appartenant à des genres
différents en latin et en français : dona et osîia, neutre pluriel = féminin
singulier, se présentent sous la forme dones ïv 6, uses xxvii 21. Le pre-
mier de ces mots, fréquent dans Job 446 (ï^r), 452, etc., se rencontre!
aussi dans Saint-Bernard: donnes 529; je relève de plus dans Job les
formes analogues osses (très-fréq.)^ fruitte (cf. itaL frutîà).
Avant de passer à la conjugaison, je signalerai quelques formes par-
ticulières de Tarticle et des pronoms : — art. masc. rég. sing. dol xiii
10, dont PI est dû aune réversion erronément étymologique deTude^i^Ju;
cette forme dol est plus tard devenue dor^ qui a été d'un usage assez
fréquent en Vôge ; la seule charte de Flabémont en offre plus de dtxcas<.j
— Pron., r p. diexxyu 64; 2* p. to îd tai ta xi 15, xix ?-i2, xx 16,
XXX î I ; 5" p. rég. masc. plur. aos v S^ neul. rég. los xv ^, réfléchi so xi
ï8. — Poss. : suj. masc. plur. mea Ua ix 19, xxv 4; fém, sing fa f* et
déjà le solécisme fo/ïdans ton ire xxvii 12, duquel rappr. son maiisct [Job
517) qui ne peut invoquer aucune circonstance atténuante en sa faveur ■;
— démonst. masc, plur, rég» ceos iceos keous passim, formes logiquement
postérieures à içaz xi 28 ; fém. sing. rég. cestce vm 5, var. de cestei
{cL celei ci-dessous); fém. plur. icès xxv 16, içales cales cale et çaz xi
22 ; neut. ice icest, cet ni t j, et deux formes plus spéciales : çu xi 16-j
24, réduit de ceu plus anc. ceo qui se laisse reconnaître dans zo xix )•
— J*ai mentionné plus haut l'apocope du t de cest cesîe ramenés à ces 1
7, XIII [} y et c'est par un phénomène d'allittération que la consonne /
s^introduit dans la syllabe initiale de ilcil xxxii 27, ikelei xxix 28.
CONJUGAISON.
Je me bornerai à relever ici les formes verbales intéressantes qui n'ont
pas trouvé leur explication dans la première partie de ce travail, en ren-
voyant pour les autres formes à la lettre affectée. — Inf., part* et parf.
de la V" conjugaison ( réduit de ié : pechir-^his, reparir etc., voy. les ex.
I . I>ans mm spoim estude xvm 9, mon pourrait^ â U rigueur^ être justifié
par le jgcnre neutre (c.-à-d* masculin) de cstudc (studium). — D'une manière
générale, Temploi de mon ton son en fém. paraît appartenir en propre aux dia-
lectes extrêmes du nord et du nord-est ; ce ne serait alors qu'une variante de
prononciation de mm Un scn, formes nasalisées du fém. me U se ^= fr. ma ta sa.
TEXTE LORRAIN OU Xtl* SIÈCLE 531
SOUS diphth. iép. ^2^; part, fera. M* conjv en ei è : denet remanbré^ voy.
le* ex. à la p. ^zi) — imparf. F** conj. eve ; rapeUvet xi i8, otroevct xii
I, âairevû xviii 2 ; — fut. T" p. s. requercai v 4, sofemai xxvii 69, où
l'on voit les deux éléments de formation encore distincts ; — subj. avec
la désinence ce st, notation locale de la désin. lat, iam [eam) dont Fi est
devenu un jot. Cette désinence, qui appartient en propre à ta 4* (et 2")
conj. latine, a passé par analogie à la y (am), puis à ta r^ Çem) où elle
s'est maintenue de préférence à toute autre ; notre texte en offre déjà de
nombreux exemples : manifeiscent v ï2, soujeces ix 4, paroce (de parler)
xti 17, sace (de seoir en valeur du verbe substantif) xix 5, munces sor-
monce xix ç, xxxn 22, retrace sostrace xïx n, xx ij, xxxiii ï6, amanct
XX 14, aipunse XXIX 24, asicent xxix iS^ puisses (trad. f^vtay) xxxu
tl, 4oce XXX ni 17, tormmct xxxiiï 18, On remarquera que tous ces
verbes ont leur thème terminé par une dentale romane ou latine, deux
seulement étant exceptés : paroces et cuisses. — Formes isolées : aîroiz
r*' p. s, ind. de atrover, u 5-7 {atroz dans S. Bernard 555); porsè, possis
?< p. sJnd. de porscvre ou porsegrc et de posseir (Job 496, j 1 5), dériva-
lion normale de possidere, u i-S] valles vaiîle 2' et y p. s. subj. de alter^
sous l'influence de Pindicatif, xm 18 et xxvn 94. Le verbe ouvrir st ren-
contre dans ses diverses flexions temporelles sous des formes assez diver-
gentes, dont les unes ont maintenu et renforcé Va de Tanc. fr ; aùvrir^
tandis que les autres Pont laissé tomber comme dans le fr. moderne :
pan, aoverte, aiuvacs amenés et adv. auveriemenî vi 3-14, xxvit 62-81 ;
parf, y ^. s. avré, impér. uvre xxvn 20-80. Les trois formes en é-és
permettent de ranger ce verbe parmi ceux qui ont appartenu à la fois
à la 1^ et à la 4<' conj.
Tels sont les principaux caractères phonétiques de ce texte précieux
par sa date, dont la limite inférieure peut être déterminée d'une façon
assez précise* La seconde partie du Dialogas, celle qui ne comporte pas
de traduction, a été transcrite par la même main qui a copié les deux
extraits du Sacramentaire et du Bestiaire, Comme ces fragments sont
tirés des œuvres de Hugues de Saint-Victor, l'exécution de cette partie
du ms. ne peut guère être antérieure à la seconde moitié du xn« siècle,
Hugues de Saint-Viaor étant mort en 1 142. Mais la première partie de
notre texte, celle qui contient la traduction, est incontestablement plus
ancienne* C'est au f* 6çc que se marquent le changement de main et l'ab-
sence de traduction : la coïncidence de ces deux faits autorise la con-
jecture que le traducteur du texte fut aussi le copiste du ms. En effet,
si l'on admettait une double individualité et la préexistence de la tra-
duction, comment expliquer que, lorsque le premier copiste se fût arrêté
dans la transcription du texte et de la traduction, le second n'eût pas
IP F. BONNARDOT
continué l'œuvre restée inachevée, et qu'il se fût seulement borné à
copier le latin s*il avait eu le français sous les yeux ? Au contraire, avec
un seul personnage remplissant la double fonction de traducteur et de
copiste, on s'explique que la mort de celui-ci ait fatalement entraîné
l'arrêt de celui-là.
Il n'est pas jusqu^à la disposition respective des deux textes latin et
français qui ne soit un argument de poids en faveur de notre hypothèse.
J'ai dit à la p. 27} que texte et traduction sont rangés, non pas en ordre
parallèle, mais en suite l'un de l'autre '. Une raison tirée de l'économie
des blancs et de la symétrie des deux moitiés du feuillet n'est pas suffi-
sante pour justifier cette disposition insolite. Mais elle devient naturelle
et forcée, si le copîste-traduaeur, après avoir découpé le texte latin en
tranches pour facihler son travail de version, a ensuite reporté sur le
ms. chacune de ces tranches à la suite l'une de l'autre dans les deux
langues *.
Le texte du ms. d'Epinal est quelque peu abrégé en comparaison du
texte imprimé dans la Patrologie ; ïe lecteur diligent pourra s'en assurer
à l'aide des numéros d'ordre intercalés entre crochets dans le texte
latin et qui renvoient à la leçon imprimée. La plupart des mss. du
traité disidore sont dans le même cas k En ce qui concerne notre ms. ,
la concordance de ces lacunes dans le double texte latin et français*
témoigne qu'elles existaient ainsi dans la leçon latine que notre traduc-
teur a divisée en fragments de diverse étendue , qu'il a ensuite recopiés
de sa propre main, en faisant suivre chacun de ces fragments desa trans-
lation en roman.
En résumé, le texte lorrain du ms. d'Epînal tSi est un document
unique, un témoin authentique du langage parlé dans la région monta-
gneuse des Vosges au milieu du xii« siècle, dans ce centre d'abbayes
florissantes où, selon toute probabilité, furent composées les traductions
romanes des Moralités sur Job et des Sermons de Saint Bernard.
François Bonnardot.
1 . Sauf toutefois à la première page (f* 48) où les deux textes sont en regard.
2. Parfois la symétrie a été cherchée ei obtenue à l'aide d'artifices palèogra-
phiques, tels que surcharge d'abréviations, empiétement d'une colonne sur les
marges^ amincissement de récriture, le tout afin due le français se tînt tout
entier en regard du latin. Mais ce sont là des acciaeits dans l'ensemble du ms.
— II va sans dire que la traduction n'a pas été coulée d'un seul jet dans les
colonnes du m s. ; chaque morceau a été traduit rsotément, puis transcrit à ta
suite du latin, ce ^m explique quelques inadvertances de lecture*
y. C'est ce qu'indique la note du j^ lOj et dernier dans Migne : Ut m hùc
ioco a maitii Mss. omtttuntur nrba,.. itû passim alus in lotis plura alla fr,^^
tcrtuntur, quoi faciU fuit m îanta smUntiaram vahorumqnc imilium œpm, (Note
de Faustimis Arevatus, éditeur des œuvres complètes de Isidore de Sévîlle^
Rome, Ï797.)
CONTES POPULAIRES LORRAINS
RECUEILLIS DANS UN VILLAGE DU BARROIS
A MONTIËRS-SUR-SAULX (MEUSE)
(Suite),
IV.
TAPALAPAUTALî.
Il était une fois un homme qui avait autant d'enfants qu*il y a de
trous dans un tamis. On beau jour, il s'en alla faire un tour dans le pays
pour chercher à gagner sa vie et celle de sa famille. It rencontra sur
son chemin le bon Dieu qui lui dit : « Où vas-tu, mon brave homme f
— Je m'en vais par ces pays chercher à gagner ma vie et celle de ma
femme et de mes enfants. — Tiens », dit le bon Dieu, <t voici une
serviette. Tu n'auras qu'A lui dire : Scrvieîîc, fais ton devoir^ et tu verras
ce qui adviendra, j* Le pauvre homme prit la serviette en remerciant
le bon Dieu, et voulut en faire aussitôt l'expérience. Après l'avoir étendue
par terre, il dit : u Serviette, fais ton devoir », et la serviette se couvrit
d*excellents mets de toute sorte. Plein de joie, il la replia et reprit le
chemin de son village.
Comme il se faisait tard, il entra dans une auberge pour y passer la
ntiit, et dit à l'aubergiste : « Vous voyez cette serviette, gardez-vous
de lui dire : Serviette^ fais ton devoir. — Soyez tranquille, mon brave
homme. » Il était à peine couché, que Taubergiste dit à la serviette :
Ci Serviette, fais ton devoir. i> Il fut grandement étonné en la voyant se
couvrir de pain, de vin, de viandes et de tout ce qu'il fallait pour faire
un bon repas^ dont il se régala avec tous les gens de sa maison. Le
lendemain, il garda la bienheureuse serviette et en donna une autre au
pauvre homme, qui partit sans se douter du tour qu'on lui avait joué.
Arrivé chez lui, il dit en entrant : « Ma femme, nous ne manquerons
plus de rien à présent. — Oh î » répondit-elle, « mon mari, vous nous
chantez toujours la même chanson, et nos affaires n'en vont pas mieux. »
ÎÎ4 E. cosqyiN
Cependant Thomme avait tiré la serviette de sa poche. « Serviette, n
dit-il, « fais ton devoir. )> Mais rien ne parut. Il répéta les mêmes
paroles jusqu'à vingt fois, toujours sans succès, si bien qu'il dut se
remettre en route pour gagner son pain.
Il rencontra encore le bon Diey. a Où vas-îu, mon brave homme? —
Je m'en vais par ces pays chercher à gagner ma vie et celle de ma
femme et de mes enfants. — Qu'as-tu fait de ta serviette ? >» L'homme
raconta ce qui lui était arrivé. « Que tu es simple , mon pauvre
homme î » lui dit le bon Dieu. « Tiens, voilà un âne. Tu n'auras qii*à
lui dire : Fais-moi des écuSy ei aussitôt il t*en fera. »
L'homme emmena Pane, et à la tombée de la nuit, il entra dans l'au-
berge où il avait déjà logé. Il dit aux gens de ta maison : « N'allez pas
dire à mon âne : Fais-moi des écus, — Ne craignes rien, » lui répondi-
rent-ils. Dès qu'il fut couché^ l'aubergiste dit à l'âne : « Fais-moi des
écus ; Jï et les écus tombèrent à foison. L'aubergiste avait un âne qui
ressemblait à s'y méprendre à l'âne aux écus d'or : le lendemain, il
donna sa bête à Thomme, et garda l'autre.
De retour chez iui, le pauvre homme dit à sa femme : « C'est mainte-
nant que nous aurons des écus autant que nous en voudrons! n La femme
ne le croyait guère. « Allons, )> dit l'homme à son âne, « fais-moi des
écus, » L'âne ne fit rien. On lui donna des coups de bâton, mais il n'en
fit pas davantage.
Voilà notre hmitme encore sur les chemins, M rencontra le bon Dieu
pour la troisième fois. « Où vas-tu^ mon brave homme ? — L'âne ne
m'a point fait d'écus. — Que tu es simple, mon pauvre homme! Tiens,
voici un bâton, quand tu lui diras : Tapalapautau^ il se mettra à battre
les gens; si tu veux le rappeler, tu lui diras : Alapautau. j> L'homme
prit le bâton et entra encore dans la même auberge. Il dit aux gens de
l'auberge : k Vous ne direz pas à mon bâton : Tapalapautati. — Non,
non, dormez en paix. »
Quand les gens virent qu'il était couché, ils s'empressèrent de dire au
bâton : c< Tapalapautau. » Aussitôt le bâton se mit à les corriger d'im-
portance et à leur casser bras et jambes, a Hé I l'homme î » criaieni-iJs,
« rappelez voire bâton, nous vous rendrons votre serviette et votre âne. »
L'homme dit alors : « Alapautau, » et le bâton s'arrêta. On lui rendit bien
vite sa serviette et son âne; il s'en retourna chez lui et vécut heureux
avec sa femme et ses enfants.
Moi, je suis revenu et je n'ai rien eu.
Voir les remarques du ti* 36 de la collection Grimmet celles de M, R. Kœh>
1er sur le conte sicilien n° p de la collection Gonzenbach.
Il faut y ajouter, comme rapprochements, le n® 2^ de la grande collection d<
CONTES POPUUIRES LORRAINS ^}{
contes siciliens, publiée en 187$ par M. G. Pitrè, ainsi que les contes de
diverses parties de Tltalîe qu*'û cite dans ses remarques ; les contes siciliens n»*
7 et ta de la collection Comparetti (NovdUne popolari itaHam, 1875); un conte
catalan du Rondaliayre publié par M.Maspons y Labros(j*part., 187$, p. ji);
un conte grec moderne (Simrock, Dcaischc Marchen, 1864, Appendice, n«» 1), et
eoHn deux contes russes anal^iiés par M. de Gubernatis dans sa Zoologkal
Mythcîogy (t. lï, p* 262).
On a remarqué quel rôle familier Dieu joue dans notre conte lorrain ; il en
est de même dans un conte toscan semblable, recueilli par M. de Gubernatis
{Lt Nayeîiine di Santo-Sufano di Cakmata, [S69, n* 2O, où c'est • Jésus • qui
donne successivement â trois frères les trois objets merveilleux. Ce serait â tort
que Ton voudrait y voir une intention tant soit peu railleuse. Il y a là, au
contraire, — comme on l'a fort bien dit au stijel de détails de ce genre qui se
trouvent dans d'autres collections, — un trait propre aux traditions populaires
des pays profondément religieux et des époques naïvement croyantes. Ainsi cette
fjunilianté est partout dans la littérature populaire du moyen4ge.
Nous ne savons $1 jusqu'à présent on a découvert dans la littérature indienne
ou dans les ouvrages orientaux dérivés plus ou moins directement de FInde, un
récit qui présente la suite d'idées de tous ces contes européens. Pour notre
pari, nous n'en connaissons pas. Nous ne pouvons citer à ce sujet qu'un passage
du livre mongol intitulé Siddhi-Kâr^ livre dont Torigine est certainement indienne.
Dans le sixième récit de cette collection figurent une coupe d'or qu'il suffit de
retourner pour avoir ce que l'on soubaite, et un bâton qui, sur l'ordre de son
tnatire, s'en va tutr les voleurs et leur reprendre ce qu'ils ont dérobé. — Mais
ta tradition orale de l'Inde nous offre un conte qui est tout-à-fait le pendant de
ceux qui précèdent. En voici le résumé (Miss Frère, Old Dekkûn Days^ 1870,
!• éd. p. 166),
Un brahmane très-pauvre a marié sa fi!le à un chacal, lequel n'est autre qu*iin
prince qui a pris cette forme. Un jour, il va trouver son gendre, et lui demande
de le secourir dans sa misère. Il en reçoit un melon que, sur le conseil do cha-
cal^ il plante dans son jardin. Le lendemain et les jours suivants, à la place où
il a planté le melon, il trouve des centaines de melons mûrs. Sa femme les vend
tous successivement à sa voisine, sans savoir qu'ils sont remplis de pierres pré-
cieuses. Quand enfin elle s'en aperçoit et qu'elle réclame, l'autre fait semblant
de ne pas comprendre et la met à la porte. Le brahmane retourne chez le cha-
cal j celui-ci lui fait présent d'une jarre, toujours remplie d'excellents mets.
Mais le brahmane ne sait pas garder le secret^ et le ministre du roi, apprenant
les vertus de la jarre merveilleuse, s'en empare au nom de son maître. Nouveau
iroyage du brahmane, qui celte fois rapporte une seconde jarre d'où il sort,
quand on en soulève le couvercle, une corde qui lie les gens et un gourdin qui
les roue de coups. Grâce au gourdin, le brahmane rentre en possession de ce
qtii lui a été volé.
Notre conte se retrouve en substance chez les nègres du pays d'Akwapiro,
pays qui fait partie du royaume des Achanlis. Ces nègres racontent au sujet
«Tiiii personnage nommé Anansé (l' Araignée) et que certains d'entre eux révèrent
k Créateur, Thistoire suivante {Petifmanîiî Mitthcitungin aus J, Periha
|)ti E. COSQUIN
geùgraphmker Anstalt^ iSjô, p. 467): Au temps d'une grande famine, Anansé
s'en fut au bols et trouva un grand pot. < Ah I » dit-il, t voilà que j'ai un
potî » Le pot lui dit : « Je ne ni*appelle pas pot, mais Hâ hon {îhel comme
on dit de la pâte qui fermente). » Et, sur le commandement d'Anjnsé, ii se
remplit de nourriture. Anansé remporte cher lui et le cache dans sa chambre.
Ses enbntS) étonnés de voir qu'il ne mange plus avec eux^ entrent dans la
chambre pendant son absence, trouvent le pot et lui parlent à peu près comme
avait fait leur père. Après avoir bien mangé, ils brisent le pot en mille pièces
Anansé, de retour, est bien désolé et s'en retourne au bois 06 il voit une cra-
vache pendue à on arbre. • Voilà une cravache 1 t s'écrie-l-îL — « On ne
m'appelle pas cravache ; on m'appelle Abndlabradu (fouaillc!). — Voyons! *
dit Anansé, « fouaille un peu ! » Mais au lieu de lui donner à manger, comme
ii s'y attendait, la cravache lui donne force coups. Il remporte chez lui, la pend
dans sa chambre et sort en laissant â dessein ta porte ouverte. Ses enfants
s'empressent d'entrer pour voir. Il leur arrive avec la cravache ce qui est arrivé
à leur père. Quand la cravache cesse de les battre, ils la coupent en morceaux
et dispersent ces morceaux dans tout le monde. « Voilà comment il y a beat>-
cotip de cravaches dans le monde ; auparavant il n'y en avait qu'une. »
Un dernier mot sur un détail de notre conte. Dans le conte hongrois n*» 4 de
la collection Gaal-Sticr (Pcsth, 1857), il est parlé, exactement dans les mèoies
termes que dans TapalapauUu^ d'un pauvre homme « qui avait autant d'enfants
qu*il y a de trous dans un tamis. >
LES FILS DU PÊCHEUR.
Il était une fois un pêcheur. Un pur qu'il était à pêcher^ il prit un
gros poisson. <( Pécheur, pêcheur, » lui dit le poisson, <» laisse-moi aller,
et tu en prendras beaucoup d^autres, î» Le pêcheur le rejeta dans Peau
et prit en effet beaucoup de poissons. De retour chez lui, il dit à sa
femme: <r J'ai pris un gros poisson qui m'a dit : Pêcheur, pêcheur, laisse-
moi aller, et tu en prendras beaucoup d'autres* — Et tu ne l'as
rapporté ? n dit la femme, « j'aurais bien voulu le manger. »*
Le lendemain, le pécheur prit encore le gros poisson. *t Pêdieur^
pêcheur, laisse-moi alïer, et tu en prendras beaucoup d'autres. « Le*
pêcheur le rejeta dans l*eau, et, sa pêche faite, revint à la maison. Sa
femme lui dit : «c Si tu ne rapportes pas demain ce poisson, j'irai av
toi, et je le prendrai, n
Le pécheur retourna pêcher le jour suivant, et, pour la troisième fois,
prit le gros poisson, u Pêcheur, pêcheur, laisse-moi aller, et tu en pren-
dras beaucoup d'autres. — Non, » dit le pêcheur, « ma femme veut te
manger. — Eh bien ! ») dit le poisson, « s'il faut que vous me man-
giez, mettez de mes arêtes sous votre chienne, mettez-en sous votre
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^^J
jument, mettez-en dans le jardin derrière votre maison ; enfin^ emplissez
trois fioles de mon sang. Quand les fils que vous aurez seront grands,
vous leur donnerez à chacun une de ces fioles, et^ s'il arrive malheur à
Van d*cux, le sang bouillonnera aussitôt. »
Le pécheur fit ce que le poisson lui avait dit et, après un temps, sa
femme accoucha de trois fils, la jument mil bas trois poulains et la
chienne trois petits chiens. A Tendroit du jardin où Ton avait mis des
arêtes du poisson, il se trouva trois belles lances.
Quand les fils du pêcheur furent grands» ils quittèrent la maison pour
voir du pays, et, à une croisée de chemin, ils se séparèrent. De temps
en temps, chacun regardait si le sang bouillonnait dans sa fiole.
LVmé arriva dans un village où tout !e monde était en demi; il
demanda pourquoi. On lui dit que tous les ans on devait livrer une jeune
fiUe à une bête à sept têtes, et que le sort venait de tomber sur une prin*
cesse.
Aussitôt le jeune homme se rendit dans le bois où Ton avait conduit
la princesse; elle était à genoux, et priait Dieu. « Que faites-vous là ? y>
lui demanda le jeune homme, — <« Hélas ! » dit-ellej u c'est moi que le
son a désignée pour être dévorée par la bêle à sept têtes. Eloignez*vous
bien vite d'ici. — Non, » dit le jeune homme; « j'attendrai la bête. »»
Et il fit monter la princesse en croupe sur son cheval*
La bête ne larda pas à paraître. Après un long combat, le jeune
homme, aidé de son chien, abattit les sept têtes de la bête à coups de
lance. La princesse lui fit mille remerciements, et rinvita à venir avec
elle chez le roi son père, mais il refusa. Elle lui donna son mouchoir,
marqué à son nom ; le jeune homme y enveloppa les sept langues de la
bête, puis il dit adieu à la princesse, qui reprit toute seule le chemin
du château de son père.
Comme elle était encore dans le bois, elle rencontra trois charbonniers
à qui elle raconta son aventure. Les charbonniers la menacèrent de la
tuer à coups de hache, si elle ne les conduisait à l'endroit où se trouvait
le corps de La bête. La princesse les y conduisit Us prirent ies sept
têtes, puis ils partirent avec la princesse, après lui avoir fait jurer de dire
au roi que c'étaient eux qui avaient tué la bête, lis arrivèrent ensemble à
Paris, au Louvre, et la princesse dit à son père que c^étaient les trois
charbonniers qui Pavaient délivrée* Le roi, transporté de joie, déclara
qu'il donnerait sa fille à Pun d'eux; mais la princesse refusa de se marier
avant un an et un jour: elle était triste et malade.
Un an et un jour se passèrent. On commençait déjà les réjouissances
des noces, quand arriva dans la ville Talné des fils du pêcheur, qui se
logea dans une hûtelkrie. Une vieille femme lui dit : « li y a aujourd'hui
un an et un jour, tout le monde était dans la tristesse, et maintenant tout
Romama^ V 22
);8 E. COSQUIN
le monde est dans la joie : trois charbonniers ont délivré ta princes
qui allait être dévorée par une bête à sept tètes, et le roi va la marier â '
l'un d'eux. »
Le jeune homme dit alors à son chien : « Va me chercher ce qu'il y
a de meilleur chez le roi. » Le chien lui apporta deux bons plats. Les
cuisiniers du roi se plaignirent à leur maître, et celui-ci envoya plusieurs
de ses gardes pour voir où allait le chien. Le jeune homme les tua tous
à coups de lance, à l'exception d'un seul qu'il laissa en vie pour rapporter
la nouvelle. Puis il dit au chien d'aller lui chercher les meilleurs gâteaux
du roi. Le roi envoya d'autres gardes que le jeune homme tua comme
les premiers, « Il faut que j'y aille moi-même, >» dit le roi* Jl vint donc
dans son carrosse, y fit monter le jeune homme et le ramena avec lui au
château, où il Tinvita à prendre part au festin.
Au dessert, le roi dit : « Que chacun raconte son histoire. Commen-
çons par les trois charbonniers, » Ceux-ci racontèrent qu'ils avaient
délivré la princesse, quand elle allait èlre dévorée par la bête à sept
tètes. « Voici, j> dirent-ils, a les tètes que nous avons coupées.— Sire, m
dit alors le jeune homme, « voyez si les sept langues y sont. » On ne
les trouva pas. « Lequel croira-t-on plutôt, « coniinua-t-il, « de celui
qui a les langues ou de celui qui a les têtes ? — Celui qui a les langues, n
répondit le roi. Le jeune homme les montra aussitôt. La princesse
reconnut le mouchoir où son mm était brodé, et fut si contente qu'elle
ne sentit plus son mal. « Mon père, )> dit-elle, «t c'est ce jeune homme
qui m*a délivré. » Aussitôt le roi commanda qu'on dressât une potence
et y fu pendre les trois charbonniers. Puis on célébra les noces du ftls
du pêcheur et de la princesse.
Le soir, après le repas, quand le jeune homme fut dans sa chambre
avec sa femme, il aperçut par la fenêtre un château tout en feu. a Qu*est-
ce donc que ce château ? n deraanda-t-il. — «i Chaque nuit, » répondit
la princesse, « je vois ce château en feu, sans pouvoir m'ejcpliquer la
chose. » Dès qu'elle fut endormie, le jeune homme se releva» et sortit
avec son cheval et son chien pour voir ce que c'était.
Il arriva dans une belle prairie, au milieu de laquelle s'élevait le châ-
teau, et rencontra une vieille fée qui lui dit : « Mon ami^ voudriez-voua
descendre de cheval pour m'aider à charger cette botte d'herbe sur mon
dos? — Volontiers, »* répondit le jeune homme. Mais sitôt qu'il eut mis
pied â terre, elle lui donna un coup de baguette, et le changea en une
touffe d*herbe, lui, son cheval et son chien.
Cependant ses frères, ayant vu le sang bouillonner dans leurs fioles,
voulurent savoir ce qu'était devenu leur aine. Le second frère se mit en
route. Arrivé dans la \ille, il vint à passer près du château du roi. En
ce moment, la princesse était sur la porte pour voir si son mari ne rêve-
s'y méprendre,
it
mon
CONTES POPULAIRES LORRAtNS ^^
l\ie c'était lui, car les trois frères se ressemblaient
^h! )> s'écria-l-elle, « vous
inan! vous avez bien tardé, — Excusez-moi, » répondit le jeune
homme, « j'avais donné un ordre , on ne l'a pas exécuté^ et j'ai dû
faire la chose moi-même, >» On se mit à table, puis la princesse alla
dans sa chambre avec le jeune homme. Celui-ci, ayant regardé par la
fenêtre, vit, comme son frèrCj le château en feu, « Qu*est-ce que ce
château ? » dit-il. — « Mais, mon mari, vous me l'avez déjà demandé, —
Cest que je ne m'en souviens plus. — Je vous ai dit que ce château est
en feu toutes les nuits et que je ne puis m*expliqyer la chose. » Le jeune
homme prit son cheval et son chien et partit. Arrivé dans la prairie, il
rencontra la vieille fée, qui lui dit : « Mon ami, voudriez-vous descendre
de cheval pour m'aider à charger cette botte d*herbe sur mon dos? « Le
jeune homme descendit, et aussitôt, d'un coup de baguette, la fée le
changea en une touffe d'herbe, lui, son cheval et son chien*
Le plus jeune des trois frères» ayant vu de nouveau le sang bouil-
lonner dans sa fiole, fut bientôt lui-même dans la ville, et la princesse,
le voyant passer, le prit lui aussi pour son mari* Il la questionna, comme
ÈCs frères, au sujet du château en feu, et la princesse lui répondît : e» Je
vous ai déjà dit plusieurs fois que ce château brûlait ainsi toutes les nuits
et que je n'en savais pas davantage, » Le jeune homme sortit avec son
cheval et son chien, et arriva dans la prairie, près du château, « Mon
ami, » lui dit la fée, v voudriez-vous descendre de cheval pour m'aider
à charger cette botte d'herbe sur mon dos? — Non, n dit le jeune
homme, « je ne descendrai pas* C'est toi qui as fait périr mes deux
frères; si tu ne leur rends pas la vie, je te tue, n En pariant ainsi, il la
saisît par tes cheveux, sans mettre pied à terre. La vieille demanda
grâce; elle prit sa baguette, en frappa les touffes d*herbe, et, à mesure
qu'elle les touchait, tous ceux qu'elle avait changés reprenaient leur pre-
mière forme. Quand elle eut fini, le plus jeune des trois frères lira son
sabre et coupa la vieille en mille morceaux, puis il retourna avec se5
frères au château. La princesse ne savait lequel des trois était son mari.
« C'est moi, m lui dit Paîné,
[Ses frères épousèrent les deux sœurs de la princesse, et Ton fil de
grands festins pendant six mois.
poiss
rai fa
VARIANTE.
LA BÊTE A SEPT TÊTES.
Il était une fois un pécheur. Un jour qu^il péchait, il prit un gros
poisson. <* Si tu veux me laisser aller, » lui dit le poisson, «^ je i*amène-
rai faeaucoup de petits poissons. *> Le pécheur le rejeta dans l'eau et prit
^40 E, COSQUIN
en effei beaucoup de petits poissons. Quand il en eut assez, il revint i la
maison» et raconta à sa femme ce qui lui était arrivé. « Tu aurais dû
rapporter ce poisson, » lui dit-elle, *.< puisqu*il est si gros et qu'il sait si
bien parler : lï faut essayer de le reprendre, f>
Le pêcheur ne s'en soudait guère, maïs sa femme le pressa tant, qu'il
retourna à la rivière; il jeta le filet et ramena encore le gros poisson, qui
lui dit : « Puisque tu veux absolument m'avoir, je vais te dire ce que to
dois faire» Quand tu m'auras tué, tu donneras trois gouttes de mon sang
à la femme, trois gouttes à ta jument, et trois à ta petite chienne; lu en
mettras trois dans un verre, et tu garderas mes ouïes, »
Le pêcheur fit ce que lui avait dit le poisson : il donna trois gouttes de
sang à sa femme, trois à sa jument et trois à sa petite chienne; il en mit
trois dans un verre et garda les ouïes . Après un temps, sa femme accou-
cha de trois beaux garçons; le même jour^ la jument mit bas trois beaux
poulains, et la chienne trois beaux petits chiens ; à Tendroit où étaient
les ouïes du poisson il se trouva trois belles lances. Le sang qui était
dans le verre devait bouillonner s*»l arrivait quelque malheur aux
enfants.
Quand les fils du pêcheur furent devenus de grands et forts cavaliers,
Tainé monta un jour sur son cheval, prit sa lance, siffla son chien et quitta
la maison de son père, l! arriva devant un beau château tout brillant d'or
et d'argent, t< A qui appartient ce beau château ? » demanda-i-il aux
gens du pays. — <« N*y entrez pas, » lui répondit-on, f* c*est la demeure
d'une vieille sorcière qui a sept têtes. Aucun de ceux qui y sont entrés
n'en est sorti ; elle les a tous changés en crapauds. — Moi je n*ai pas
peur, » dit le cavalier, n j*y entrerai, » Il entra donc dans le château ci
salua la sorcière ; « Bonjour, ma bonne dame, » Elle lui répondit en
branlant ses sept têtes : n Que viens-tu faire ici, pauvre ver de terre ? »
£n disant ces mots, elle lui donna un coup de baguette, et aussit6til fut
changé en crapaud, comme les autres.
Au même instant, ses frères, qui étaient restés à la maison, virent le
sang bouillonner dans le verre. « ]| est arrivé malheur à noire frère,*
dit le second, n je veux savoir ce qu'il est devenu, « Il se mit en route
avec son cheval, son chien et sa lance, et arriva devant le château.
«t N'avez-vous pas vu passer un cavalier avec un chien et une lance ? »
demanda-^t-il à une femme qui se trouvait là ; ^ voilà trois jours qu'il esi
parti; il faut qu'il lui soit arrivé malheur. — Il a sans doute été puni de
sa curiosité, » lui répondit-elle ; « il sera entré dans le château de la
bête à sept tètes, et il aura été changé en crapaud. — Je n'ai pas peur
de la bête à sept têtes, )> dit le jeune homme; « je lui abattrai ses sept
têtes avec ma lance, » Il entra dans te château et vit dans réturie m
cheval, dans la cuisine un chien et une lance. <« Mon frère est îd» »
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^41
pensa-t-iL !l salua la sorcière : « Bonjour, ma bonne dame* — Qye
viens-tu faire ici, pauvre ver de terre? » Et, sans lui laisser le temps de
brandir sa lance, elle lui donna un coup de baguette et le changea en
crapaud.
Le sang recommença à bouillonner dans le verre. Ce que voyant, le
plus jeune des fils du pêcheur panii à la recherche de ses deux firères.
Comme il traversait une grande rivière, la rivière lui dit : « Vous passez,
mais vous ne repasserez pas. — C'est un mauvais présage, » pensa le
jeune homme, « mais il n'importe. » Et il poursuivit sa route. « N*avez-
vous pas vu passer deux cavaliers? »> demandait-il aux gens quil ren-
contrait. — " Nous en avons vu un, » lui répondait*on, « qui cherchait
son frère. >» En approchant du château» il entendit parler de la sorcière;
il accosta un charbonnier qui revenait du bois, et lui dit : «i De bons
vieillards m'ont parlé de la bête à sept têtes ; ils disent qu'elle change en
crapauds tous ceux qui entrent dans son château* — Oh! » répondit le
charbonnier, « je ne crains rien, j'irai avec vous ; à nous deux nous
en viendrons bien à bout »
Ils entrèrent ensemble dans le château, et le jeune homme vit les
chevaux, les chiens et les lances de ses frères. Dès quil aperçut la sor-
cière, il se mit à crier : « Vieille sorcière, rends-moi mes frères, ou je te
coupe toutes tes têtes. — Que viens-tu faire ici, pauvre ver de terre ? n
diî-etle ; mais au moment où elle levait sa baguette, le jeune homme lui
abattit une de ses sept tètes d'un coup de lance. « Vieille sorcière, où
sont mes frères ? » En disant ces mots, il lui abaiiit encore une tête.
Chaque fois qu'elle levait sa baguette, le jeune homme et le charbonnier
lui coupaient une tête. A la cinquième, la sorcière se mit à crier :
cf Anendez, attendez, je vais vous rendre vos frères, n Elle prit sa
baguette, la frotta de graisse et en frappa plusieurs fois la porte de la
cave. Aussitôt tous les crapauds qui s*y trouvaient reprirent leur pre-
mière forme. La sorcière croyait qu'on lui ferait grâce, mais le char-
bonnier lui dit : 4f II y a assez longtemps que tu fais dti mal aux gens, i>
Et il lui coupa ses deux dernières têtes.
Or il était dit que celui qui aurait tué la bête à sept têtes aurait le
château et épouserait la fille du roi ; comme preuve, il devait montrer
les sept langues. Le fils du pêcheur prit les langues et les enveloppa
dans un mouchoir de soie. Le charbonnier, qui avait aussi coupé'
plusieurs têtes à la bête, n'avait pas songé à prendre les langues. Il se
ravisa et tua le jeune homme pour s'en emparer, puis il alla les montrer
au roi et épousa la princesse.
Voir dans la collection des frères Grimm les n" 60 (L« deux Frères) et 8ç
(Us Enfants d'or), et les remarques de GuillaumÊ Grimm sur ces deux contes.
342 E. COSQUIN
M. Reinhold Ktthler a traité plus à fond le même sujet dans ses remarques sur
le conte sicilien n** 40 de la collection Gonzenbach et sur le n^ 4 de la collec-
tion de contes écossais de Campbell (dans la revue Orient uni Occident, t. II>
p. 118).
Aux contes mentionnés par M. Kœhler, il faut ajouter un conte breton, les
Deux Fils du Pécheur (Contes bretons recueillis par F.-M. Luzel. Quimperlé,
1870, p. 63), un conte languedocien (Contes populaires recueillis dans l'Agenaîs
par J.-F. Bladé, 1874^ n* 2), un conte catalan du Rondallayre publié par
M. Maspons y Labrors (r* partie, 1871, p. 2$), un conte italien du Montferrat
(Gubernatis, Zoological Mythology, II, p. 338), un conte toscan (ibid. II, p. 342),
un autre conte également toscan (collection Comparetti, n* 32).
Notre conte lorrain des Fils du Pécheur présente un type assez complet de ce
conte trés-répandu. Il serait trop long d'en comparer les divers traits avec ceux
des récits analogues des autres collections. Nous nous bornerons à quelques
observations.
Au sang du poisson qui bouillonne dans la fiole en cas de malheur correspond
dans un conte serbe (Vouk, n<> 29) une fiole d'eau qui se trouble en pareil cas;
dans un conte allemand (Grimm, n* 85), dans un conte écossais (Campbell,
n* 4), dans un conte grec (Hahn, n<» 22), etc., des lis d*or, des cyprès ou
d'autres arbres qui se flétrissent; dans un conte tyrolien (Zingerle, n® 35), un
couteau qui se rouille, etc., etc. Notons en passant que ce trait s'est introduit
dans certain récit légendaire de la vie de sainte Elisabeth de Hongrie. D'après
les documents historiques, le duc Louis, en partant pour la croisade, dit à
sainte Elisabeth, sa femme, que s'il lui envoyait son anneau, ce serait signe
qu'il lui serait arrivé malheur. Ce fait si simple, que devient-il dans la légende?
Le duc Louis aurait, à son départ, donné à sainte Elisabeth une bague dont la
pierre avait la propriété de se briser lorsqu'il arrivait malheur à la personne qui
l'avait donnée. Ce trait merveilleux se retrouve aussi dans les contes orientaux.
Ainsi, dans un conte arabe des Mille et une Nuits (Hist. de deux Saurs jalouses
de l(ur Cadate)j le prince Bahman, au moment d'entreprendre un voyage, donne
A sa sœur un couteau : si la lame vient à se tacher de sang, ce sera un signe
qu'il ne sera plus en vie. Ainsi encore, dans le premier récit de la collection
mongole du Siddhi-Kûr, plusieurs compagnons, avant de se séparer, plantent
chacun un « arbre de vie », qui doit se dessécher s'il arrive malheur à celui qui
l'a planté. De même dans le conte kariaine de Birmanie, dont nous avons donné
l'analyse dans les remarques de notre n» i *.
Dans la plupart des contes où figure le combat contre le dragon, l'individu
qui M' donne pour le libérateur de la princesse a assisté de loin au combat.
{x\W version est meilleure que la rencontre fortuite des trois charbonniers.
l /épisode du chien que le « fils du pêcheur » envoie prendre des plats dans
U iU»\ine du roi, nous paraît également mieux conservé dans certains contes
i l\»n\ plu^iours des contes ci-dessus indiqués, la relation entre les jeunes
^\'\\\ il K« vin»; vlu poisson ou les plantes qui en sont sorties, s'explique facile-
nu ni p.ii lv-u:\vr.ununaulé d'origine. Dans d'autres contes, par exemple dans
Iv'^ ^\»nicx orientaux cités, l'idée première paraît s'être obscurcie.
CONTES POPULAmES LORRAINS J45
étrangers, par exemple dans le conte allemand des Deux Frtres (Gnmm, n* 60)
et dans le conte suédois de Wattuman a Wattam (CavalliuS) n** $ de la trad*
allemande) . Dans ces deux contes, le héros, revenu au bout de l'an et jour dans
le pays de la princesse, parie contre son hôtelier que les animaux qui le suivent
lui rapporteront des mets et du vin de la table du roi ; la princesse reconnaît les
animaux de son libérateur et leur fait donner ce qu'ils demandent.
Un détail, commun i la plupart des contes de ce genre, a disparu de noire
conte. Le frère du jeune homme, qui passe la nuit dans la chambre de la prin-
cessej laquelle le croit son mart, met dans le lit son sabre entre elle et lui. Ce
sabre se retrouve dans les Mdk et une NuUs (Hist, d'Alûddm) et aussi dans le
vieux poème allemand des Niklimgat^ ainsi que dans son prototype Scandinave,
où Siegfried (ou Sigurd) met une épée nue entre lui et Brunehilde, qui doit
devenir l'épouse du roi.
Un livre mongol, VHisîoirt (PArdji Bordji-Khan (traduit en allemand par
B. J&lg. Insprûck^ 1868) nous fournit un trait à rapprocher de nos deux contes
lorrains, et surtout d'un conte italien analogue, recueilli au XVJl' siècle
par Basile dans son Ptnlameronc.
Dans ce conte ilahen {Ptntdmcronc^ n* 9), un ermite conseille à un roi sans
enfants de prendre le cœur d'un dragon de mer^ de le faire cuire par une fille
vierge et de le donner à manger à la reine. Le roi suit ce conseil et, quelques
|ours après, la reine, et aussi la jeune fille qui a respiré la vapeur de ce mets
merveilleux, mettent au monde chacune un fils. Les deux enfants, qui se res-
remblenl à s'y méprendre, ont à peu près les mêmes aventures que nos F\U du
Picfuar, —Dèn^ le conte mongol (p. 7J seq.), la femme duroiCandharva,qui n'a
point d'enfants, prépare, d'après Tavis d'un ermite, une certaine bouillie, (^and
elle en a mangé, elle devient grosse et met au monde un fils, Vikramatidya. Une
servante a mangé ce qui restait au fond du plat : elle donne, elle aussi, fe jour
i un fils qui, sous le nom de Schalou, deviendra le fidèle compagnon de Vikra-
matidya.
M. Th. Benfey {GœUing, Gtkhrte Anze\gtn j8^8, p. 1 p 1) nous apprend que
ce trait se trouve dans un conte indien qu'il publiera quelque jour *.
Un conte persan du Touù-Nameh, recueil dont l'origine est indienne, nous
offre encore un détail de notre conte lorrain. Dans Thistoire intitulée L*oiseaa
He/streng (U II, p. 291 de la trad. ail. de G. Rosen), un roi a promis sa fille à
celui qui tuerait certain dragon. Le héros Férîd le tue et épouse la princesse.
K Dans un roman hîndoustani, ks Aventures i/fX^mnlp, analysé par M. Garcin
de Tassy (Discours d'ouverture du cours d*hindoustani, 1861, p. iî), nous
remarquons le passage suivant : Le roi d'Aoudh n*a point d'enfants. Il se pré-
sente un jour clcvanl lui un faqutr qui lut donne un Iruit de srt « prospérité t,
en lui recommandant de le faire manger â la reine. Celle-ci manee en effet ce
fruit et ne larde pas â se sentir enceinte; bien plus, six autres dames, femmes
des principaux officiers du roi, qui avaient goûté du même fruit, se trouvent
encemtes en même temps et accouchent le même jour que la reine. — Comparez
encore un conte arabe des Mttk et une Nuits (Hist. de Seif Aîmouhuk et de la
FiiU du Roi du Génies) où le « prophète Salomon » dit â un roi cl à son vizir,
jtti n'ont point d'enfants, de tuer deux serpents qu'ils rencontreront à tel endroit»
*en faire apprêter ta chair et de la donner à manger à leurs femmes.
î
J44 ^* COSQUIN
Le reste de ce conte (la i" partie) est différent du nôtre ; mais it ressemble
beaucoup à Tîntroduction d'un conte allemand, très-proche parent de nos Fils
du Pécheur^ les Dmx Frcrcs de la collection Grimm *.
L'épisode de la princesse exposée â la bête à sept têtes peut encore être rap-
proché du mythe si connu de Persée et Andronïède {ApùUodori Bihliothua^ 2»
4, y)* Ce mythe de Persée, l'on des rares mythes de l'antiquité classique qui
offrent d« ressemblances avec nos contes populaires actuels, fournil encore,
ce nous semble, un rapprochement intéressant avec les contes du genre de nos
Fih du Pécktur et surtout avec le conte suédois de Wattuman rf Wattusin
mentionné plus haut. Rappelons les principaux traits de ce mythe de Persée ;
Acrisius, roi d*Argos, à qui il a été prédit qu'il serait tué par le fils de sa
fille Danaé, enferme celle-ci sous terre dans une chambre toute en airain.
Jupiter, métamorphosé en pluie d or, pénètre par le loit dans le souler-
rain et rend la jeune fille mère. (Dans le conte suédois, la princesse et sa sui-
vante, enfermées dans une tour, deviennent mères après avoir bu de l'eau d'une
source qui jaillit toul-à-coup dans la tour.) Quand elle a donné le jour à Persée,
Acrisius la fait mettre avec son enfant dans un coffre que Ton jette a la mer.
Après diverses aventures qui sont assez dans le genre des contes populaires
(Persée, par exemple, a un bonnet, xwïï, qui le rend invisible), Persée, devenu
grand, arrive en Ethiopie, où règne Céphée. lî trouve la fille de celui-ci, An-
dromède, exposée en pâture à un monstre marin, en vertu d'un oracle. Il ïb
délivre et l'épouse.
On remarquera que dans notre variante, la BiU à sept tius^ deux personnages
de la forme première se sont fondus en un : le dragon à sept létes auquel on
expose une princesse et la sorcière qui change en pierres ceux qui s'approchent
d^etle. La fin tragique du Fils du Pécheur ne se trouve non p!us que dans celle
variante.
VL
LE FOLLET.
Il y a bien trois mille ans, notre voisin avait beaucoup de blé en
grange. Tous les matins il trouvait une partie de ce blé battu, et des
gerbes préparées sur Taire pour le lendemain : il ne savait comment
expliquer La chose.
i. Cette introduction du conte persan présente le thème de l'oiseau merveilleux
dont celui qui mangera la tête deviendra roi, et dont celui qui mangera le coeur
trouvera tous les jours une bourse sous son chevet (ces deux éléments ne sont
pas toujours réunis, ici par exemple*. Disons en passant que ce thème» qui est
développé dans divers contes européens, se retrouve dans un conte des Tartarcs
de la btbérie méridionale (Radloff, Probcn dtr VolkiliUratur Jat îùrkischen Stammc
Sud'Stturiens^ t. IV, p, 475), dans une légende birmane «Bastian, Dk Vœikir
dts aitlichen Asiens^ i. I, p. i-j), dans un conte du Cambodge {Ibid., t. IV,
p- 128 seq,) et dans un conte de ille de Bornéo (L. de Backer, L'Archtpeî
indien^ 1874, p. 203),
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^S
Un sair, s*étani caché dans un coin delà grange, il vit entrer un petit
homme qui se mit à battre le blé. Le laboureur se dit en lui-même : « Il
faut que je hii donne un beau petit habit pour sa peine. » Car le petit
homme était tout nu. Il alla dire à sa femme : w C'est un petit homme qui
vient battre notre blé; il faudra lui faire un petit habit, o Le lendemain,
ta femme prit toutes sortes de pièces d'étoffe, et en fit un petit habit, que
le laboureur posa sur le tas de blé.
Le follet revint la nuit suivante, et en battant le blé, il trouva l'habit.
Dans sa joie il se mit à gambader à Tentour, en disant : « Qui bon
maître sert, bon loyer en tire, » Ensuite il endossa l'habit, et se trouva
bien beau, « Puisque me voilà payé de ma peine, battra maintenant le
blé qui voudra! » Cela dit, il partit et ne revînt plus.
Dans un conte hessois de la collection Grimm {n*» J9), un pauvre cordonfiicr
trouve cousus tous les malins les souliers qu'il a taillés la veille. [1 s'aperçoit
que ce sont deux petits hommes qui font l'ouvrage. Comme ils sont nus^ sa
femme leur fait de petits habits. Ils les revêtent tout joyeux et disparaissent pour
ne plus revenir.
Guillaume Grimm cite une histoire analogue qui se raconte dans le Tyrol, et
nous avons trouvé dans le recueil de contes irlandais de M. Kennedy, Ugatdary
Ftaions of tht Imh Ccks (p. u6) un conte du même genre, intitulé U Pooka 4e
Kxtdarc, Ce Fooka (sorte de follet) vient toutes les nuits dans une maison^ sous
b forme d'un âne, laver la vaisselle, balayer le pbncher, etc. L'un des domes-
tiques s'étant hasardé i lui demander d'où it vient, le Fooka répond qu'il a,
pendant sa vie, servi dans cette même maison Après sa mort, il a été condamné,
en punition de sa paresse, i faire h besogne qu'il fait toutes les iuits. Quelque
temps après, les domestiques, voulant lui témoigner leur reconnaissance, lui
font demander par l'un d*cux en quoi ils pourraient lui être agréables. Le Fooka
leur répond qu'il serait fort aise d'avotr un habit bien chaud. L'habît est
apporté, et, dès que le Fooka en est revêty, il s'enfuit en disant : • Maintenant
ma pénitence est terminée. Elle devait durer jusqu'à ce qu'on eût trouvé que je
méritais un salaire. 1 Et on ne le revit plus jamais. Mentionnons encore, comme
offrant une grande ressemblance avec le nôtre, un conte de l'Oberland bernois,
U TailUur d'hmfïuk (Gtizciic de Carbrahc^ n* du 8 août 1875)^ un conte suédois
recueilli par Afzelius [Magasin pittonsifue^ i86jj p. 2)5) et deux contes recueillis
en Angleterre, où, parait- il, îl se raconte beaucoup d'hislojres de ce genre
^Halhwell, Popuhr Rhymcs md Nursery TaUs^ 1849, p. tQO).
VU.
LES DEUX SOLDATS DE 1689.
Il était une fois deux soldats qui avaient bien soixante ans. Obligés de
quitter le service, ils résolurent de retourner au pays. Chemin faisant,
ils se disaient : (t Qu*ailons-nous faire pour gagner notre vie ? Nous
^4<5 E. COSQUIN
sommes trop vieux pour apprendre un métier; si nous demandons notre
pain, on nous dira que nous sommes encore en état de travailler, et on
ne nous donnera rien. — Tirons au sort, » dit l'un d'eux, *« à qui se
laissera crever les yeux, et nous mendierons ensemble* » L*aulre trouva
ridée bonne.
Le sort tomba sur celui qui avait fait la proposition ; son camarade lui
creva les yeux et, l'un guidant Pautre, ils allèrent de porte en porte
demander leur pain* On leur donnait beaucoup, mais Taveugle n'en pro-
fitait guère : son compagnon gardait pour lui-même tout ce qu'il y avait
de bon et ne lui donnait que les os ei les croûtes de pain dur. « Hélas î »
disait ie malheureux, « n'est-ce pas assez d*êire aveugle ? Faut-il encore
être si maltraité i* — Si tu te plains encore, v. répondait Pautrc, « je te
laisserai là. w Mais le pauvre aveugle ne pou%^ait s'empêcher de se
plaindre. Enfin son compagnon l'abandonna dans tin bois»
Après avoir erré de cAlé et d'autre, Taveugle s'arrêta au pied d'un
arbre. « Que vais-je devenir ? » se dit*il. « La nuit approche, les bêtes
sauvages vont me dévorer! » Il monta sur l'arbre pour se mettre en
sûreté.
Vers onze heures ou minuit, quatre animaux arrivèrent en cet endroit :
le renard, le sanglier, le loup et le chevreuil. « Je sais quelque chose»
dit le renard, « mais je ne le dis à personne. — Moi aussi, je sais quel— ^
que chose, » dit le loup. — « Et moi aussi ^ o dit le chevreuil. —
w Bah ! » dit le sanglier, i< loi, avec tes petites cornes, qu'est-ce que tu
peux savoir ? — Eh ! >» repartit le chevreuil, « dans ma petite cervelle
et dans mes petites cornes il y a beaucoup d'esprit. — Eh bien ! » dit le
sanglier, a que chacun dise ce qu'il sait* j>
Le renard commença : « Il y a près d'ici une petite rivière dont Teau
rend la vue aux aveugles. Plusieurs fois déjà, dans ma vie, j'ai eu un
œi! crevé; je me suis lavé avec cette eau et j'ai été guéri. — Cette
rivière, je la connais, » dit le loup; « j'en sais même plus long que toi.
La fille du roi est bien malade; elle est promise en mariage à celui qui
pourra la guérir. Il suffirait de lui donner de l'eau de cette rivière pour
lui rendre la santé. » Le chevreuil dit à son tour : « La ville de Lyon
manque d'eau, et Ton promet quinze mille francs à celui qui pourra lui
en procurer. Or, en arrachant l'arbre de la liberté, on trouverait une
source et Ton aurait de l'eau en abondance, — Moi, » dit le sanglier,
« je ne sais rien. )) Là dessus, tes animaux se séparèrent.
<( Ah ! n se dit l'aveugle, « si je pouvais seulement trouver cette
rivière! *> H descendit de l'arbre, et marcha à tâtons à travers la cam-
pagne. Enfin il trouva ia rivière. Il s'y lava les yeux, et il commença à
entrevoir ; il se les lava encore, et la vue lui revînt tout à fait.
Aussitût il se rendit près du maire de Lyon et lui dit que, s'il voulait
CONTES POPULAIRES LORlUiNS Î47
avoir de l*eau, il n'avait qu'à faire arracher Tarbre de la liberté. En effet»
l'arbre ayant été arraché, on découvrit une source, et la ville eut de
Peau autant qu'il lui en fallait. Le soldat reçut les quinze mille francs
promis et alla trouver le roi. « Sire, » lui dit-il, « ï*ai appris que votre
fille est bien malade, mais j^ai un moyen de !a guérir, n Et il lui parla
de l'eau de la rivière. Le roi envoya sur-le-champ ses valets chercher de
cette eau ; on en fit boire â la princesse, on lui en fit prendre des bains,
et elle fut guérie.
Le roi dit au soldat : « Quoique tu sois déjà un peu vieux, tu épou-
seras ma fille, ou bien, si tu le préfères, je te donnerai de Targent. )> Le
soldat aima mieux épouser la princesse : il savait bien qu'avec la fdle il
aurait aussi l'argent. Le mariage se fit sans délai.
Un jour que le soldai se promenait dans le |ardin« il vit un homme tout
déguenillé qui demandait l'aumône ; il reconnut aussitôt son ancien
camarade* « N'éiiez-vous pas deux à mendier autrefois? >^ lui dit-il en
l'abordant, « Où est votre compagnon? — Il est mort, » répondit le
mendiant. — m Dites la vérité, vous n*aurez pas à vous en repentir.
Qu'esi-il devenu ? — Je Tai abandonné. — Pourquoi? — Il était tou-
jours à se plaindre ; c'était pourtant lui qui avait les bons morceaux :
quand nous avions du pain, je lui donnais la mie, parce quil n'avait
plus de dents, et je mangeais les croûtes; je lui donnais la viande et je
gardais les os pour moi. — C'est un mensonge; vous faisiez tout le
contraire. Pourriez-vous reconnaître votre compagnon ? — Je ne sais,
— Eh bien! ce compagnon, c'est moi. — Mais n'êtes- vous pas le roi ?
— Sans doute, mais je suis aussi ton ancien camarade. Entre, je te
raconterai tout. »
Quand le mendiant eut appris ce qui était arrivé à l'aveugle, il lui dit :
*n Je voudrais bien avoir la même chance. Mène-moi donc à cet arbre-là ;
les animaux y viendront peut-être encore, — Volontiers, » dit l'autre,
M je veux te rendre le bien pour le mal. j> Il conduisit le mendiant auprès
de Tarbre, et le mendiant y monta.
Vers onze heures ou minuit, les quatre animaux se trouvèrent là
réunis. Le renard dit aux autres : << On a entendu ce que nous disions
l'autre nuit : la fille du roi est guérie et la ville de Lyon a de l'eau. Qui
donc a révélé nos secrets ? — Ce n'est pas moi, » dit le loup. — « Ni
moi, n dit le chevreuil. — u Je suis sûr que c'est le sanglier, » reprit le
renard ; a il n'avait eu rien à dire, et il est allé rapporter ce que nous
autres avions dit. — Ce n'est pas vrai, « répliqua le sanglier, — a Prends
garde, n dit le renard, « nous allons nous mettre tous les trois contre
loi. — Je n'ai pas peur de vous, j» dit le sanglier en montrant les dents,
*f frottez- vous à moi. »
Tout à coup, en levant les yeux, ils aperçurent le mendiant sur
^4^ E, COSQUIH
l'arbre. « Oh! oh ! » dirent-its, « voilà ufi homme qui nous espionne, o
Aussitôt ils se mirent à déraciner l'arbre, puis ils se jetèrent sur l'homme
et le dévorèrent.
On a remarqué la bizarrerie de ce titre : Us Deux Soldats dt i6$9« i6$9 est
probablement pour 1 789 : Je souvenir de V » arbre de la liberté » se rapporte
lotit naturelleinent A Tépoque de la Révolu lion.
La personne de qui nous tenons ce conte l'avaÊt appris à Joinville, petite vHle
de Champagne^ â quatre lieues de Montiers-sur-SauIx. On le raconte aussi à
MonUers, mais d^unc manière moins complète.
Dans cette variante, intitulée Jncquis et Purrc^ les animaux sont âu nombre
de trois, le lion, le renard et l'ours. Le renard seul a quelque chose à dire. Il
raconte que la fille du roi Dagobert est aveugle de naissance : si on lui lavait
les yeuît avec l'eau d'une certaine fontaine, elle verrait. L'aveugle apprend aussi
que les animaux se réunissent une fois tous les ans, à pareil jour^ à ta même
heure et au même endroit. Jacques, le méchant camarade, instruit par Pierre
de cette particularité, se rend à Tendroit indiqué pour entendre la conversation
des animaux. Le lion dit : « Je sais quelque chose. La princesse d'Angleterre a
quatre millions cachés dans un pot. » Jacques se baisse pour mieux entendre.
Au bruit qu*il fait, les animaux lèvent fa t^te; Tours grimpe sur Tarbre, tire
Jacques par îe bras cl le fait tomber par terre, où les animaux le dévorent.
Voir dans le j" volume [p, 342) de la collection Grlmm, l'analyse d*un conte
bohème qui présente une grande ressemblance avec nos deux contes français.
A propos d'un conte italien de Vénétk, recueilli par MM. Widter et Wolf,
M. Rcinhold Kœhlera résumé divers contes qui se rapprochent des nôtres (Jahr^
buch fur romanischt and tngliscke Liuratur, 1866, p, j seq,)* Nous citerons en plus
un conte roumain de Transylvanie, publié dans la revue VAusland (1857,
p. 1028).
Dans ce conte, un pauvre cordonnier n'obtient du pam d^un homme riche,
son frère, qu'à fa condition de se laisser crever d'abord un oeil, puis Tautre. Ce
méchant frère le conduit ensuite sous une potence, où il l'abandonne. Vers
minuit rirrivent douze corbeaux. Ils ont pitié de l'aveugle et lui donnetit le
moyen de recouvrer la vue et de guérir une impératrice. Son frère, rayant
appris, se fait crever les yeux par sa femme et conduire sous la potence ; mais
les corbeaux le dévorent.
Mentionnons encore trois contes du Tyrol italien (n*»* 9, 10, 1 1 de la collec-
tion Schncllcr, tSôy), deux contes suisses (n'* 4î et 47 de la collection Sutcr-
meistcr, 2* éd., 187?, et un conte catalan du Rondaltayn de M, Maspons y
Labros (c partie, 1871, p. 68).
Dans la plupart des contes populaires de même type, serbe, grec moderne,
italien, finnois, — et aussi dans un récit analogue du XVi' siècle', — Tintro-
I, Notre conte se retrouve en substance dans te cliapitre 464 du recueil
d*anecdotes publié en 1 ^19 par le moine franciscain allemand Jean Pauli sous le
titre de Schmpf und Ernst (Plaisanteries et choses sérieuses) et qui a eu plus
de trente éditions en Allemagne.
I
CONTES POPULAIRES LORRAINS {49
duction, différente de celle de nos Deux Soldais ^ peut se résumer ainsi : Deux
compagnons se disputent au sujet de cette question : Est-ce la justice ou
l'injustice qui gouverne le monde ? et ils conviennent de s'en rapporter au juge-
ment de tels ou tels; celui qui aura perdu son procès aura les yeux crevés par
Tautre, Le diable, prenaiît diverses formes, décide toujours en faveur de l'ia-
justice, et le champion de la justice a les yeux crevés.
Celle même introduction se retrouve, avec d'assez fortes altérations, dans un
récit qui, pour le reste, ressemble beaucoup à notre conte et quj fait parlie d'un
recueil de fables et paraboles moralisées, écrites en Espagne au plus tard dans
les premières années du XI V** siècle^ le Ltbro de los Gatos K
Ëfi Orient, nous trouvons comme pendant de tous ces récits un conte arabe
existant dans certains manuscrits des Mille et une Nuits (éd. du Panthéon litté-
raire, p. 717). Abou-Nyout (le Bienveillanlj, pressé par la soif, se fait descendre
dans un puits par son compagnon de voyage Abou-Nyoutine (le Trompeur).
Celui-ci coupe la corde et abandonne Abou*Nyout, Pendant la nuit^ le mal-
heureux, du fond de son puits, entend deux mauvais génies qui s'entretiennent
du moyen de guérir certaine princesse et de découvrir certain trésor. Tiré du
puits le matin par des voyageurs qui passe nt^ Abou-Nyout met à profit ce qu'il
vient d'apprendre et devient l'époux de la princesse. Quelque temps après, il
rencontre son ancien compagnon, réduit à mendier. 11 lui pardonne et lui
raconte tout. Mais, la nuit, les génies reviennent au puits, se plaignent de ce
que leurs secrets ont été découverts et, de colère, comblent le puits, écrasant
sous d'énormes pierres le méchant Abou^Nyoutina, qui y était descendu pour
épier leur con versa tîon«
Dans un conte kirghis publié par M, Radiofî dans son immense collection de
chants et récits des tribus tarlares de la Sibérie méridionale (vol. j, St-Pélers-
bourg. 1870, p* 543), nous retrouvons a peu près la forme de nos contes euro-
péens. Le Bon et le Méchant voyagent de compagnie. Ce sont les provisions du
Bon qu'ils mangent d'abord. Quand elles sont épuisées^ le Méchant lui coupe
successivement les deux oreilles et lui arrache fun après Tautre les deux
yeux qu'il lui donne à manger. Finalement, il labandonne dans un bois.
Arrivent trois animaux, un ligre^ un renard et un loup. Le loup dit auK autres
que dans la forêt il y a deux trembles qui rendent des yeux et des oreilles à qui
n'en a plus. Le tigre indique un certain chien, dont les os ressuscitent les
morts, Le renard connaît un endroit où il y a un morceau d*or gros comme la
tête, Le Bon profite de ces avis, recouvre ses yeux et ses oreilles, achète le
chien avec le morceau d'or qu'il a déterré et, au moyen des os du chien, res-
suscite un prince qui lui donne sa fille en mariage. Un jour il rencontre son
compagnon qui, apprenant l'origine de sa fortune^ lui dit de lui couper les
i. Voir dans le Jahrbuch fër romamschc md engltschc UuraHir^ t. VI, p, 28, la
traduction de ce conte. ^ M. H. Qesierley a montré, dans la revue la U£rm*j/iid
(années 1864, p. 126, et 1871, p. 129) que le Ltbro de los Gatos n*est qu'une
traduction» souvent servile, des NarrâUona composées dans le dernier tiers du
Xll" siècle par le moine cistercien anglais Eudes de Shirton (0</o J^ Cirmgtoma).
Mais, dans ce que M. Oesterley a publié des Nanationcs^ nous n'avons pas
retrouvé notre conte.
J $0 E. COSQUIN
oretlies, de lui crever les yeux et de le conduire dans la forêt, Qiiand ti y est^
les trois animaux le dévorent.
Vïll.
LE TAILLEUR ET LE GÉANT.
Un jour, un tailleur mangeait dans la rue une tartine de fromage
blanc. Voyant des mouches contre un mur, il donna un grand coup de
poing dessus et en tua douze. Aussitôt il courut chez un peintre et lai
dit d^écrire sur son chapeau : j'en tuf> douze d'un coup, puis il se mit
en campagne.
Arrivé dans une forêt, îl rencontra un géant. Le géant lui dit tout
d'abord : « Que viens-tu faire ici, poussière de mes mains, ombre de
mes moustaches ? n Mais quand il vit ce qui était écrit sur le chapeau du
tailleur : J'en tue douud'm coup : w Oh! oh! n se dit-il, « il ne faut pas
se frotter à ce gaillard-là. ?) Et il lui demanda s'il voulait venir avec lui
dans son château, où ils vivraient bien tranquilles ensemble.
Quand ils furent au château, ils se mirent à table, et le géant régala le
tailleur. Après le repas, il lui dit : « Veux-tu jouer aux quilles avec
moi ? nous nous amuserons bien. — Volontiers, » répondit le taiUetir.
Chaque quille pesait mille livres et la boule vingt mille. « Le jeu csi^l
trop loin ou trop près ? » demanda le géant. — */ Mets-le comme lu
voudras. » Le géant, qui maniait la boule comme si elle n*eûtrien pesé,
joua le premier. Après avoir abattu quatre quilles» il dit au petit tailleur
de jouer à son tour; mais celui-ci, au lieu de prendre la boule, voyant
qu'il ne pouvait même la soulever, se jeta par terre en se tordant,
comme s'il avait fa colique, h Si tu as mal, n lui dit le géant, « viens»
je te rapporterai au logis sur mon dos. — C'est bon, » répondit le tail-
leur, ce je marcherai bien. » Quand ils furent revenus au château, le
géant lui fit boire un coup pour le remettre.
Il y avait en ce temps-là un sanglier et une licorne qui désolaient tout
le pays; le roi avait promis sa fille en mariage à celui qui les tuerait. Le
géant se mit en route avec le petit tailleur pour aller combattre les deux
bêtes. Le tailleur prit un tranchet bien aiguisé et se coucha par terre;
quand le sanglier passa, il lui enfonça le tranchet dans le ventre et se
retira bien vite pour ne pas être écrasé par Panimal dans sa chute*
« Porte cette bête au roi, » dit-il au géant, *« tu es un grand paresseux,
tu ne fais jamais rien. )i Le géant chargea le sanglier sur ses épaules et le
porta au roi. « C'est bien, o dit le roi, « je suis content, mais il y â
encore une licorne à combattre, n
Les deux compagnons retournèrent dans la forêt, et bientôt ils virent
I
I
J
CONTES POPULAIRES LORRAINS Jjr
la licorne. Le tailleur était auprès d'un arbre ; elle se mît à tourner tout
autour, et le tailleur faisait de même ; enfin, comme elle s'élançait sur lui,
sa corne s'enfonça dans l'arbre, et elle ne pyt Ten retirer. Le petit tail-
leur prit son tranchet et tua la licorne, puis il dit au géant: ((Toi <)ui n'as
rien fait, porte cette bête au roi. n
Lorsqu'ils se présentèrent devant le roi, celui-ci fut fort embarrassé,
car le géant voulait aussi épouser la princesse, «t J'avais promis ma fille à
un seul, i> dit le roi, « mais vous êtes deux. Je vms faire venir ma fille :
celui qui lui plaira ie plus l'épousera. » Ils entrèrent ensemble dans la
chambre de la princesse, qui préféra le petit tailleur : elle trouvait le
géant trop grand et trop laid. Le géant, furieux contre le tailleur, jura
qu'il le tuerait. L'autre avait pensé d'abord à se sauver, mais il se ravisa
et vint, pendant la nuit, enfoncer d'un grand coup de masse la porte du
géanL c( Je vais t'en faire autant, )» lui dit-il, ^^ si tu ne me laisses
pas épouser la princesse, a Le géant, effrayé, céda la place et s'enfuit.
Le tailleur épousa la princesse; on fit un grand festin, et depuis on ne
-revit plus le géant.
Voir dans b colicclîon Grimm les remarques du n» 20, ie Vaillant pdit îaiUiur ^
qui a été emprunté en grande partie à un vieux livre allemand publié m 1 ^57
par Martinus Montanus de Strasbourg (vid. t. IH, p. 29).
Aux allusions faites à ce conte, d'après G. Grimm, par Fischart (1^75) et
par Grimmdshausen (1669)^ ofi peut ajouter un passage d un sermon de Bosec-
ker^ publié à Mtinkh en 1614, et oà il est parlé du tailleur m qui tuait sept
mouches, — sept Turcs, je me trompe — d'un coup, i (Gtrmam<i^ 1872, i"^ li-
vraison, p. 92.)
Sur cette introduction de notre conte, voir les remarques de M* R, Kahler
sur le conte sicilien n'* 41 de la collection GorizenbacK,
11 y a une altération dans le passage de notre conte où le petit tailleur feint
d'être malade pour ne pas montrer ati géant qu'il ne peut manier sa boule. Dans
les versions bien conservées de cet épisode, — lequel forme souvent tout le récit
à lui seul, par exemple, dans un conte lorrain ^ îe Cordonnier a les Vokurs. que
nous publierons pfus tard^ — le tailleur s'y prend de façon à persuader de plus en
plus Je géant de sa force, et il emploie à cet effet diiérenles ruses.
Dans un conte suisse (Sulermeisler, n* 41), nous trouvons le seul exemple à
nous connu, en dehors de notre conte lorrain, d'un récit oh le géant est associé
avec !e tailleur dans une entreprise (ici tuer un dragon) ob la main d'une prin-
cesse est en jeu.
En îriande, on raconte l'histoire du Pttit tisserand de la porte âeDuiuk\ qui,
un jour, lue d'un coup de poing cent mouches rassemblées sur sa soupe. Après cet
exploit, il fait peindre sur une espèce de bouclier cette inscription : k suis
i. Ce conte a été inséré par le romancier irlandais Lover dans sa nouvelle
Le Cheval kktu des Peppers (Semaine des Familles. Paris, 1861-62, p. ^jjj.
JJl E, COSQJJÏN
l'homme fui tn a tul cent d'un coup ; puis lî se rend i Dublm, Le roi, ayant lu
i'inscriplion, prend le héros à son service pour te débarrasser de certain dra-
gon. Le pelit tisserand se met en campagne. A la vue du dragon^ il grimpe
au plus vite sur un arbre. Le dragon s'établit ati pied de cet arbre et ne tardi;
pas â s'endormir. Ce que voyant, le tisserand veut descendre de son arbr
pour s'enfuir; mais, on ne sait comment, il tombe à califourchon sur le dragon
et le sajsit par les oreilles. Le dragon^ furieux, prend son vol et arrive â toute
vitesse jusque dans la cour du palais du roi, oii i! se brise la tête contre le mur.
Citons encore l'analyse d'un conte russe, donnée par M. de Gubcrnalîs dans
sa ZoohgiCdi Myîhology (t. 1, p. 20j et 53 ^j. Le petit Thomas Berenmkoff lue
une armée de mouches et se vante ensuite d'avoir anéanti, à lut seul, toute une
armée de cavalerie légère. Il fait la rencontre de deux vrais braves, Etie de
Murom et Alexis Papowilch, qui, l'entendant raconter ses exploits, le recon-
naissent immédiatement comme leur » frère aîné *, La valeur des trois com-
pagnons ne larde pas à être mise à Tépreuve. Elie et Alexis se comportent en
véritables héros. Vient ensuite le tour du pelit Thomas. Par iine chance hett-
reusc, il tue l'ennemi contre lequel il est envoyé pendant que celui-ci aies yeui
fermés. Il essaie ensuite de monter le cheval du « héros i. Ne pouvant en venir
à bout, il attache le cheval à un chêne et grimpe sur Tarbre pour sauter de làj
en :ifi\k. Le cheval, sentant un homme sur son dos, fait un tel bond qu'il déra
cîne l'arbre et le traîne après lui dans sa course^ emportant Thomas |usqu*jii
cœur de l'armée chinoise. Dans celle charge furieuse, nombre de Chinois sontl
renversés par l'arbre ou foulés aux pieds par le cheval ; le reste s'enfuit^ L'em-
pereur de la Chine déclare qu^il ne veut plus faire la guerre contre un héros de la
force de Thomas, et le roi de Prusse, ennemi des Chmois, donne à Thomas,
en récompense de $ts services, sa fille en mariage.
Venons maintenant â la littérature orientale et résumons rapidement le 19*
récit de la collection mongole du SttUht'Kâr :
Un pauvre tisserand d'une ville du nord de Tlnde se présente un jour devant
le roi et lui demande sa fille en mariage. Le roi, pour plaisanter, dit à la prin-
cesse de l'épouser. Naturellement la princesse se récrie, et, comme le roi lui
demande quel homme donc elie veut épouser, elle répond : » Un homme qui
sache faire des bottes avec de la soie \sic). * On examine les bottes du tisse-
rand, et, à la grande surprise de tout ie monde, on en lire de la soie. Le roi
se dit que ce n'est pas un homme ordinaire et le garde provisoirement dans le
palais ; mais la reine n'est pas contente, et elle voudrait se débarrasser du pré»
tendant. Elle lui demande de quelle façon il entend gagner la main de la prin-
cesse : par ses richesses ou par sa bravoure. L'autre répond : •! Par ma
bravoure. » Comme justement un prince ennemi marchait contre le roi, od
envoie contre lui le tisserand. Celui<t monte à cheval, mais, étant fort mauvais
cavalier, il est emporté dans un bois. 11 se raccroche aux branches d'un arbre ;
l'arbre est déraciné, et, le cheval portant notre homme au milieu de l'armée
ennemie, le tronc d'arbre fait grand carnage et les ennemis s'entuienl épouvan-
tés'. Le tisserand est ensuite envoyé contre un grand et terrible renard, avec
i . Cet épisode de Tarbre, que nous avons déjà vu dans te conte russe, ne se
I
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^J^
ordre d'en rapporter la peau. Il parcourt le pays sans rien rencontrer. En reve-
nant, il s'aperçoit qu'il a laissé son arc en route. Il retourne sur ses pas et
retrouve Tare avec le renard tué à côté : en voulant ronger la corde de l'arc,
le renard a fait partir la flèche, — Enfin le roi ordonne au tisserand de lui
ramener les « sept démons des Mongols » avec leurs cKevaux. Comme provi-
sions de voyage, la princesse lui donne sept morceaux de pain noir et sept de
pain blanc. Le tisserand commence par le pain noir. Comme il est à manger,
arrivent les démons qui, le voyant s'enfuir, le laissent aller et mangent son pain
blanc. Aussitôt ils tombent tous morts, car le pain blanc était empoisonné. Le
tisserand rapporte au roi leurs armes et leurs chevaux^ et il épouse la prin-
cesse.
On sait que les récits du SiddhhKùr ont été empruntés par les Mongols à des
recueils indiens. Nous ignorons si Ton a retrouvé jusqu'à présent dans la litté-
rature sanscrite le prototype de ce conte. Tout ce que nous pouvons citer ici
comme venant directement de Tlnde, c'est un conte populaire actuel^ recueilli
par miss M. Frère {Old Dckkan Ddys^ a* éd., 1870, n* 16). Le voici en quel*
ques mots :
Un potier, un peu gris, prend, pendant un orage, un tigre pour son âne
égaré. Il saute dessus, le bal et l'attache auprès de sa maison. De son côté, le
tigre le prend pour un être terrible dont il a entendu prononcer le nom, et il
n'ose faire de résistance <. Voilà le potier, preneur de tigres, en grand renom
dans toute la contrée. Le roi, dont le pays est envahi, lui donne son armée à
conduire. Le potier, mauvais cavalier, se fait attacher par sa femme sur le che-
val de guerre que le roi lui a envoyé. Le cheval, agacé de se sentir lié, prend
le mors aux dents et emporte le potier dans le camp des ennemis qui sont pris
de panique et font retraite, laissant une lettre pour demander fa pair.
Comme trait d'union entre l'Asie et l'Europe, nous citerons, pour finir, un
conte avare 3, le n" 11 de la collection traduite par M. Schiefner : Il y avait
dans le Daghestan un homme si poltron que sa femme, lasse de sa couardise,
finit par le mettre à la porte. Le voilà donc parti, armé d'un tronçon de sabre.
Passant auprès d'un endroit oh s'étaient amassées des mouches, il jette dessus
rencontre pas seulement chez les Russes, voisins des Mongols, mais aussi, sous
une forme altérée, chez des peuples de rintérieur de l'Europe. Ainsi, dans un
conte tyrolien (Zmgerle, II, p. 1 g et dans un livre populaire hollandais (Grimm,
ni p. Jî/, le tailleur, emporté par son cheval vers rennemi^ saisit sur son
passage, pour se retenir, une croix plantée le long du chemin et la déracine,
<5uan3 les ennemis voient accourir cet homme à cheval, une croix dans ses bras,
sl$ sont pris d'épouvante et s'enfuient. Ce même trait se retrouve chez les Hon-
grois (collection Gaal, traduite en ail. par Stier, n* n).
1 . Dans un conte du Cambodge, un homme, apercevant un tigre, se réfugie
sur nn arbre. La branche sur laquelle il s'est mis vient à rompre et il tombe à
califourchon juste sur le dos du tigre (comme le petit tisseranJ irlandais sur le
dos du dragon). Alors c'est le tour du tigre d*avoîr peur. Il s'enfuit à toutes
latmbes, emportant à travers champs son cavalier malgré lui. Celui-ci, de son
càUf tremble si fort de Irayeur quc^ sans le vouloir, il ne cesse d'éperonner sa
monture* £t, dit le conte cambodgien, ils courent encore. (Ad. Bastian^ Dit
Valktf da mt lichen Asitns, t. IV, p. 122).
2, Voir sur les Avares du Caucase les remarques de noire conte n' 1.
Remûnia^ V 2 ^
I. COSQUIN
i er :3t 3arcni| cents. Alors il fait graver sur son sabre : t Le
Suaunr. m tac cinq cents hommes d'un coup. > Il continue son
r:S : uzrcfie vtaai jae grande ville. Le roi, informé de l'arrivée d'un td
Xi :aamt .si lile a mariage pour le retenir auprès de lui. Peu de temps
* ^1 ut « >^«HHÙ i'ailer combattre un dragon qui ravageait ses trôn-
ait atemuin ^tficr de dragon, Nasnaî est pris de coliques et, la nuit
.- enioiL .^tittr sectre sa vie en sûreté. 11 arrive dans une forêt et grimpe
;aaL -tf -^-^f^ -"^^^ !' ionnir. Le lendemain, en se réveillant, il aperçoit le dia-
^.^-« .a .*nai 4S ^tftm . 1 perd connaissance et tombe sur le dragon qui est si
^miv^axt ;«. î- >K 'Murt de peur. Nasnaî lui coupe la tête et va la porter au
^:rt. Stsuce < ^n 9wie son gendre contre trois narts (sorte de géants ou
;^c^f^ai«> ^rct )Qiins«seaKnt pour le • héros du Daghestan >, les trois narts,
^«» .^ stMi icnte» «us l'irbre où Nasnaî s'est réfugié comme la première fois,
.« :%uMmi ^ .$it«raiie et se tuent les uns les autres. Nasnaî rapporte triom-
.^^uMKiK «KO :Ktes ;ït leurs dépouilles. Enfin le roi lui dit que le • roi infi-
,j»« > ;t: ^ .9vare a ^erre et qu'il s'avance avec une armée innombrable pour
.^^^ 1 ---u^ \J^Q«u est obligé de se mettre à la tête des troupes du roi. A la
«1 jife' cAïKMkiSv i :« :)ent fort mal à Taise. 11 ôte ses bottes, ses armes, ses
imx«»s x«r ^(r< 4iU;> léger à se sauver. L'armée, qui a reçu du roi l'ordre de
.< ^^' ot ^"uc )ur Nasnaî, fait comme lui. Justement il vient à passer un
^-«Ki» >ftîxM ;u» sai:tit une des bottes de Nasnaî et s'enfuit dans la direction de
u?«w x<wM4h< \x:aai court après lui, toute l'armée le suit. A la vue de ces
VMAcv MS^ ^(iMK vers, les ennemis se disent que ce sont des diables et pren-
«««I. A miR. Ni«u/i rasasse un grand butin et revient en triomphateur.
IX.
L'OISEAU VERT.
V ^(«( «« iiMS un jeune homme, fils de gens riches, qui aimait à se
,AM4t4u<c Jt^ ^^ ^'^ i^"'' V^*^^ ^'y pi'oi^^'^^i^ il vî^ un bel oiseau vert;
1 j^ m^ Jt SA ixvtrsutte, mais l'oiseau sautait de branche en branche, et
i Mit^ M»im '<!C kuiM homme bien avant dans la forêt. Le jeune homme
^^^1^ ïiWtM à l^^ttnper vers le soir, et, comme il avait grand'&dm,
; s.'îfisi ^MU* Wt «rbrc pour manger quelques provisions qu'il avait
««ihKtC<^^ «<*» ^ * ^^^^ ^" ^°"^®' ^^ marcha une partie de la nuit
^^^^g^\j^ il jOUil. Enfin il aperçut une lumière, et, se dirigeant de
V Ntex ^ *ttt^4 v<r$ deux heures après minuit près d'une maison : or
^x<i :ii«Mft <t»l U demeure d'un ogre,
' ^ ,ïU«<ÎKîm«< firappa ^ la porte; une belle jeune fille vint lui ouvrir.
e >»4»*i«« ùtt^» * 1^ ^*^"*'> *^ voulez-vous me recevoir ? » La jeune
' ^Hjttcit * 3^1^ P^"^ ^^ "^ ^^^'^ ^^ ^^ rentrer. Toute la nuit il
>>» .H>Vi^ ^ tî « '^P*^*^ pendant le jour. — Peu m'importe, » dit le
CONTES POPULAIRES LORRAINS ;j{
jeune garçon, ^^ pourvu que je puisse dormu'. >> La jeune fille le laissa
donc entrer.
Bientôt après, Togre revint* « Je sens ta chair de chrétien, a dii-il en
entrant. — « Mon père, c'est un jeune homme, un beau jeune
homme» qui sait très-bien travailler en tous métiers, — Cest bien, » dit
l'ogre.
A huit heures du matin, Togre appela le jeune homme et lui dit : n Tu
vas me démêler tous ces écheveaux de fil; situ n'as pas fini pour midi,
je le mangerai. » Le pauvre garçon se mît à l'ouvrage, mais le fil était
si emmêlé qu'il n'en pouvait venir à bout. Il commençait à se désespérer,
quand il vil la fille de l'ogre entrer dans la chambre. « Eh bien 1 f> dit-
elle, <ï que vous a commandé mon père ? — Il m*a commandé de lui
démêler son fil, et je ne puis y parvenir : quand je le démêle par un
bout, il s'emmêle par l'autre. » La jeune fille donna un coup petit de ba-
guette, et le fil se trouva démêlé. A midi, l'ogre arriva, u As-tu fini ta
besogne? — Oui. — Demain il faudra me trier toutes ces plumes, et si
tu n*as pas fini pour midi, je te mangerai, »
Il y avait là des plumes d'oiseau de toute couleur; le jeune homme
essaya de les Trier, mais il n'y pouvait réussir. Un peu avant midi, la
fille de l'ogre entra, u Eh bien ! que vous a commandé mon père? — Il
m'a commandé de trier ces plumes, et je n'en puis venir à bout : quand
|*en ai trié une partie, elles s'envolent ei vont se mêler aux autres. >> La
jeune fille donna un petit coup de baguette^ et voilà toutes tes plumes
triées. L'ogre, étant arrivé, demanda au jeune homme : « As-tu fini ta
besogne? — Oui. — C'est bien, n
Le lendemain la fille de l'ogre vint encore trouver le jeune homme.
« Eh bien ! n dit-elle, « que vous a commandé mon père ? — Il ne m'a
rien commandé, — Alors, c'est qu'il veut vous manger. » Et elle lui
proposa de s'enfuir avec elle. Ils partirent donc ensemble.
Après qu'ils eurent couru quelque temps, la jeune fille dît au jeune
homme : « Regardez derrière vous si vous voyez mon père. — Je vois
U-bas un homme qui vient vite, vite comme le vent. — C'est mon
père, n Aussitôt elle se changea en poirier et changea le jeune homme
en femme qui abattait les poires avec un bâton. Quand Togre arriva près
du poirier, îl dit à la femme : « Vous n'avez pas vu passer un garçon
et une fille? — Non, je n'ai vu personne, w
L'ogre s'en retourna, et, quand il fut à la maison, il dit à sa femme :
(c le n'ai rien vu qu'un poirier et une femme qui abattait les poires avec
un bâton. — Eh bien! n répondit l'ogresse, u le poirier c'était elle, et la
femme c'était lui. — J'y retourne, » dit l'ogre.
Cependant les deux jeunes gens avaient repris leur course. « Regardez
derrière vous si vous voyez mon père. — Je vois là-bas un homme qw
156 E^ COSQUIH
vient vite, vite comme le vent. — C'est mon père. »> Aussitôt la jeune
fille se changea en ermitage, et changea le jeune homme en ermite qui
balayait les araignées dans la chapelle. L'ogre ne tarda pas à arriver.
« N'avcE-vous pas vu passer un garçon et une fille ? » dit-il à l'ermite.
— Non, je n*ai vu personne. »
L'ogre, de retour chez lui, dit à sa femme : « Je n'ai rien vu qu'un
ermitage et un ermite qui balayait les araignées. — £h bien! » dit
l'ogresse, et l'ermitage, c'était elle, et l'ermite, c'était lui. — Cette
fois, >i dit l'ogre, <» je prendrai ce que je trouverai, n Et il se remit en
marche.
La jeune fille dit au jeune homme : « Regardez derrière vous si vous
voyez mon père. — Je vois là-bas un homme qui vient vite, vite comme
le vent. — C'est mon père. >> Elle se changea en carpe et changea le
jeune homme en rivière. Lorsque l'ogre arriva, il voulut prendre la
carpe, mais il fit le plongeon et se noya.
Le jeune homme emmefia la jeune fille avec lui dans son pays et
l'épousa.
Voir dans la collection GrJmm les remarques des n" ^t, ^6 et 1 1) ; dans la
collection Gonzenbach les remarques de M. R. Kœhler sur les n^ 14, ^
et js.
Dans presque tous les contes de ce type que nous connaissons, les tâches impo-
sées ati jeune homme par l'être malfaisant ^ ogre, sorcier, diable, etc. — cheti
lequel i! se trouve, sont autres que celles de notre conte. Nous ne retrouvons
celles-ci que dans un conte français, d'ailleurs différent pour le reste, recueilli au
XVI I'^ siècle par M"^« d'.AuInoy, Gracuusc et Ptnma,
En revanche, les transformations des deux jeunes gens sont presque iden-
tiques dans notre conte et dans divers contes étrangers. 1 Dans un conte français
analogue de M"»" d'Aulnoy, VOrangtr tt l'AbalUt elles sont différentes.) Ainsî^
dans la collection de contes siciliens publiée tout récemment par M* Pitré
(n" 15) ces transformations sont les suivantes: brocolis et jardinier, rivière et
anguille, église et sacristain ; dans un conte du Tyrol italien (Schneller n^ 27)»
jardin et jardinier, lac et pécheur^ église et chapelain; dans un conte westpha-
lien (Grimm, n" ijj), buisson d'épines et rose, église et prédicateur, étang cti
poisson, etc. Dans le conte n* 5 1 de Grimm, la petite fille change le petit gar-
çon en étang et se change en cane ; quand la vieille sorcière qui les pcurstiît
veut saisir la cane, celle-ci la prend par la tète et ta noie. — Oans un conte
catalan du Rondailayt de M. Maspons y Labros (i* série, 1872, p. 30), la fille
du géant change son cheval en sac â noix, elle-même en noix et le jeune homme
en marchand. Viennent ensuite les transformations en église, statue delà Vierge
et chapelain, puis en mer et poissons (cf. i" série, 1871, p. 89).
Comparez encore les contes italiens n" ^ et 6 des Nùvcllinc dt Santo Sttfàno di
Cakinma, publiées par M. de Gubernatis, et le n*> m de )a collection Compa-
rettî.
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^57
Un poème héroïque recueilli chez les Tarlares de la Sibérie méridianalc
(Râdloff, Proben der VoîksUttratur dcr tùrkischm Summc Sud-Sibinens^ 2* partie,
(8^8, p. 202 sq,) offre, parmi les transformations qui y sont accumulées, un
pomt de comparaison avec VOisean vat et les contes analogues. Le héros, Ai
Tolysy a enlevé une jeune fille; les trois frères de celle-ci se mettent à sa
poursuite. Alors la |eune fille change le cheval d'Ai Tolysy en peuplier. Ai
Tolysy et eile-mème en deux corbeaux, et les trois frères passent sans se douter
de rien.
Dans le plus grand nombre des contes de ce genre, le récit ne s'arrête pas
après la poursuite â laquelle échappent les deux jeunes gens. Par suite d'un
mauvais sort^ parfois de la malédiction de ses parents, la jeune fille est pour
un temps oubliée par son fiancé. Nous aurons occasion de revenir sur ce point
à propos d*un autre de nos contes lorrains, Chatti Blanche, Nous donnerons
éigalement^ dans nos remarques sur ce conte, l'analyse d'un conte indien qui
se rapproche sur plusieurs points de VOiseati vert.
dai
Pal
X.
RENÉ ET SON SEIGNEUR.
î! était une fois un homme appelé René, qui demeurait avec sa femme
dans une pauvre cabane et n'avait pour tout bien qu'une vache. Celte
vache étant morte, René voulut tirer quelque argent de la peau en
Fallant vendre à la ville voisine. Après avoir dépouillé fa vache, il jeta
la peau sur ses épaules et se mit en route. Comme il n'avait pas détaché
la tête de la bête, elle lui faisait une sone de capuchon, au-dessus duquel
se dressaient deux grandes cornes.
Pour arriver à la ville, il y avait à traverser une forêt. Au moment aËi
René passait, des voleurs, assis sur le bord du chemin, étaient en train
de compter leur argent. Voyant de loin venir l'homme aux cornes, ils
crurent quec^était le grand diable, et décampèrent au plus vite, lais-
sant là tout leur argent : il y en avait un tas qui était bien haut de six
pieds. René remplit de pièces d*or sa peau de vache et continua sa route.
Arrivé à la ville, il acheta un âne et lui donna à manger du son dans
lequel il avait jeté quelques louis d*or, puis il retourna chez lui* Il n*élait
guère rassuré en repassant par la forêt. « Ce matin, » pensait-il, w j*ai
fait peur aux gens; ce sera peut-être mon tour ce soir d'avoir peur, »
Mais personne ne se montra et il rentra à ta nuit dans sa chaumière.
Le lendemain matin, on trouva des pièces d'or sur la litière de l'âne.
La nouvelle s'en répandit dans tout le village et arriva aux oreilles du
seigneur, qui vint aussitôt trouver René et lui dit : « On raconte que tu
as un âne qui fait de Tor. — Monseigneur, c'est la vérité, — Combien
5^8 E. COSQIJtN
veux-tu me le vendre ? — Deux mille écus, Monseigneur. — C*est bien
cher. — Oh! Monseigneur, un âne qui vous donnera chaque jour un las
d*or! n Bref, le seigneur, qui était un peu timbré, lui compta deux raille
écus et emmena Tâne. En rentrant chez lui, il fut querellé par sa femme
à cause du sot marché qu'il avait fait. Le premier jour, Tàne donna
encore quelque peu d'or, mais les jours suivants, il n'y en eut
plus.
Le seigneur, furieux, sortit pour aller faire des reproches à René.
Celui-ci, Payant aperçu de loin, dit à sa femme : « Je gage que le sei-
gneur vient pour me chercher noise au sujet de notre marché. Qu'allons-
nous faire ? )» En disant ces mots, il jeta les yeux sur la marmite qui était
sur le feu et bouillait à gros bouillons. Il éteignît le feu en toute hâte, prit
la marmite et la porta toute bouillante sur le toit de sa cabane ; puis il
descendit et se mit à tailler la soupe. A ce moment arriva le seigneur.
« Es-tu fou, )i dit-il à René, « de tailler la soupe sans avoir mis le pot
au feu ? — Monseigneur, » répondit René, « le pot est sur le toit, —
Comment, sur le toit ? par le froid qu'il fait ! » (En effet, il gelait à pierre
fendre). — « Monseigneur, » dit René, v j*aî un moyen de faire cuire
ma soupe en un instant et sans feu. Voulez-vous voir ? — Volontiers. «
Le seigneur suivit René et monta non sans peine avec lui sur le toit ;
alors René donna au pot de grands coups de fouet et le découvrit ensuite.
*c Voyez, n dit-il au seigneur, m il bout à gros bomlions. Quand je veux
faire cuire ma soupe, je n*ai qu'à mettre ce pot sur le toit et qu'à lui don-
ner des coups de fouet : il bout aussitôt. — Combien veux-tu me vendre
ce pot ? » demanda le seigneur, — « Deux mille écus, Monseigneur. —
C'est bien cher. — Oh ! Monseigneur» vous qui usez pour mille ou douze
cents écus de bois par an, songez quelle économie cela vous ferait. » Le
seigneur donna les deux mille écus et retourna avec le pot au château,
où il fut encore fort mal reçu par sa femme, « Attendez, madame, i> dît
le seigneur, w et vous verrez merveilles. » Il ordonna à quatre de ses
valets de mettre le pot sur le toit et de le frapper à grands coups de fouet,
ce qu'ils firent avec tant de conscience, que bientôt la chaleur les obligea
d'ôter leur habit; mais le pot ne bouillait toujours pas.
Le seigneur, encore plus furieux que la première fois, courut chez
René qui, le voyant venir, remplit de sang une vessie et dit à sa femme :
« Mets cette vessie sous ta ceinture : tout à l'heure je donnerai un ccMip
de couteau dedans, et tu tomberas par terre comme si je t*avais tuée.
Je sifflerai, et tu te relèveras aussitôt. » Quand le seigneur entra, il trouva
René qui sautait et gambadait dans sa cabane. *< Es-tu fou, René, m lui
dit-il, « de danser ainsi ^ — Monseigneur, » dit René, « ma femme va
danser avec moi. — Nenni, vraiment, » répondit la femme. Alors René
prit un grand couteau et lui en donna un coup* Elle tomba comme mortei
CONTES POPULAIRES LORRAINS ^J9
et tout le saTîg qui était dans la vessie se répandit par terre. « Malheu-
reux 1 qu*as-tu fait ? )> cria le seigneur * « voilà ta femme tuée. Tu seras
pendu. — Oh! ï) dit René, « je ne serai pas pendu pour si peu, » Il
donna un coup de sifflet, et à rinstant sa femme fut sur pied et dansa
avec lui. <t Voilà, » dit le seigneur, a un merveilleux sifflet ! Combien en
veux-tu ? — Deux mille écus, Monseigneur. — Voilà deux mille écus. »
Et le seigneur s*empressa d'aller montrer son emplette à sa femme, qui
le querella encore plus aigrement qu-auparavant-
Un jour, le seigneur était avec sa femme au coin du feu et s'amusait à
siffloter, u Que tu es ennuyeux ! )} lui dit sa femme; « finiras-tu bien-
tôt ? n Le seigneur se leva, prit un couteau, et, le plus tranquillement
du monde, le lui enfonça dans le corps ; la pauvre femme tomba raîde
$ur le plancher. Alors il tira son sifflet de sa poche, mais il eut beau
siffler^ sa femme était morte et resta morte.
Aussitôt le seigneur fit mettre les chevaux à son carrosse et, accompa-
gné de deux laquais, se rendit en toute hâte chez René. Il s*empara de
lui et le fit porter dans le carrosse, pieds et poings liés, pour aller le
jeter dans un grand trou rempli d*eau. Mais, en chemin, !e seigneur et
ses gens étant descendus un moment, un pâtre vint à passer avec ses
vaches; il vit René qui était seui, garrotté dans le carrosse. « Que fois-
tu là ? » lui demanda-t-îl — « Ah i »> répondit Vautre, <f on m'emmène
de force pour être curé, et je ne sais ni lire ni écrire. — Ma foi, » dit le
pâtre, « cela ferait joliment mon affaire â moi qui sais lire et écrire cou-
ramment. — Mets-toî donc à ma place, » dit René. Le pâtre accepta la
proposition; il délivra René et se laissa mettre dans le carrosse, pieds et
poings liés. Cela fait, René partit avec le troupeau. Quand le carrosse fut
arrivé près du trou, les laquais prirent le pâtre et le jetèrent dans l'eau.
Quelque temps après, le seigneur, étant rentré au château, vit arriver
René conduisant ses vaches. « Pourriez- vous, Monseigneur, î> dit René,
u me recevoir pour la nuit avec mes bêtes ? — Comment ? » s*écria le
sdgneur, « le voilà revenu l — Oui, Monseigneur. Je serais encore là-bas,
si vous m*avîez fait jeter un peu plus loin ; mais à l'endroit où je suis
tombé, j'ai trouvé un beau carrosse à six chevaux, et de Tor et de Far-
gent en quantité. »
Le seigneur commanda à René de le conduire à cet endroit avec sts
deux laquais. Quand ils furent au bord du trou, René dit au seigneur :
Mettez-vous ici; — et vous, » dit-il aux laquais, (» mettez- vous là. n
Puis il les poussa tous les trois dans le trou, où ils se noyèrent.
Après cette aventure, René se trouva le plus riche du village et en
devint le seigneur.
Ce conte, qui correspond au conte hcssois n* 61 de Grimin, est cxlrêraement
560 E, COSQUIN
répandu. M. R. Koebler l'a étudié très-longuemenl en 1863 dans la revue
Ormt und Ocààcm (t. Il, p. 486 seqO- ^^^ récils dont il a donné Tanalyse danj
ce travail, il faut ajouter divers contes indiqués également par lui dans ses
remarques sur les contes siciliens n<*' 70 et 71 de la collection Gonzenbach.
Nous citerons encore d'abord un conte breton recueilli par M. Luzcl {Conlts
bretons. Quimperlé^ (870, p. 80. C'est là seulement que nous a von s retrou vêles
voleurs effrayés par la peau de vache et ses grandes cornes, et qui laissent 11
leur argent, et le fouet avec lequel on fait bouillir la marmite. Puis un conte
norvégien de la collection Asbjœrnsen, traduit récemment en anglais par
M* Dasent {Talcs from îk Fjdd, Londres, 1874, p. 94), Dans ce conte, Peîk
vient demander au roi^ quil a maintes fois attrapé, s'il peut avoir dans la
• grange du roi « de la place pour ses chevaux et ses moutons, comme René
demande au seigneur si cebi-ci peut le recevoir pour la nuit avec ses bêles. Ce
petit trait ne se retrouve, à notre connaissance, dans aucun autre des récils
analogues qui ont été recueillis. — Le coRte norvégien a également la marmite
qui bout sans feu. Ce détail manque dans un grand nombre des contes de ce
genre; nous ne Pavons trouvé que dans un conte allemand de Cologne (Koehler,
hc. ci/., p, ^04)^ dans les contes siciliens indiqués plus haut, dans un conte
également sicilien publié en 1875 par M. Pitre (n* 157), dans un conte toscan
des NovcÏÏmt di Sânto-Sufano de M. de Gubernatis (n" 50), dans un conlc
catalan du Rondaîlayrc {}'' partie^ 187$, p. 83) et dans deux contes dont il nous
reste à parler.
Un conte fort ressemblant a été ^xè par écrit dès le XI« et peut-être le
X" siècle, sous forme de petit poème en latin (Kœhler, hc. ai., p. 4881.
Une autre version figure dans un livre imprimé en 1^9, le Nâchtbûihtan
de Valentin Schumann (Pfeiffer's Gctmantûjlj p. 3J9). Vers la même époque
paraissait en Italie un petit livre dont nous reproduirons le titre, qui résume
tout le sujet : u Histoire du paysan Campriano, lequel était fort pauvre
et avait six filles â marier, et qui par adresse faisait faire des écus â son Âoe,
et le vendit à des marchands pour cent écus, et puis leur vendit une mar-
mite qui bouillait sans feu. un lapin qui portait des dépèches, et une trompette
qui ressuscitait les morts, et finalement jeta ces marchands dans une rivière.
Avec beaucoup d'autres choses plaisantes et belles. Composée par un FIciren-
tjji i (Orunt und Ocàdtat^ III, p. 348).
Nous avons entendu raconter i Montiers^sur-Sauîx, outre d'autres variantes
que nous donnerons plus loin, un récit trés^voisrn du conte hessois de Grrmm et
contenant, comme ce conte, un épisode qui rappelle beaucoup trop^ par la
manière dont il met un prêtre en scène, certains fabliaux du moyen âge. Aussi
nous conte nions -nous d*indiquer Texistence de celte variante.
Enfin nous avons trouvé dans la collection de chants et récris des tribus tar*
lares de ta Sibérie méridionale, publiée par M. RadIofT (vol. ïïl, Saint-Péters-
bourg, 1870, p. ÎJ2), un conte kirghis qui ressemble beaucoup au nôtre.
Eshigzldi est dépouillé par des voleurs; il ne lui reste plus que deux roubles
et un cheval rogneux. Il lui fait faire de l'argent à peu près comme Renè« et le
vend à trois frères. Quand ceux-ci viennent pour se plamdre, il leur vend Ofl
pot qui bout tout seul. Furieux d'avoir été deux fois trompés, les trots Iriits
CONTES POPUUIRES LORRAINS ^Ôï
gâTTOlXcni Eshigaeldi et le déposent sur le bord de la rivière pour l'y jeter. Pen-
dant qu'ils sont allés chercher une perche pour le pousser dans Peau, vient â
passer un homme â cheval, très-bien vêtu, qui demande à Eshigaîldi pourquoi il
se lamente. L'autre lui répond qu*on veul le faire prince de la ville cl que lui
ne veut pas. L'homme se met à sa place et Eshig^ldi s'en va avec les beaux
habits el le beau chevaL Une fois revenus, les trois frères jettent l'homme dans la
rivière el sont ensuite bien étonnés de revoir Eshigseldi, qui leur dit que c'est au
fond de Peau qui! a trouvé ce beau cheval et qu'il y en a encore bien d'autres.
Les trois frères se jettent à l'eau et se noient. (Dans le P' voL, p. 50, de la col-
lection se trouve un conte tartare d'une autre tribu qui présente la même idée
sous une forme qui se rapproche assez du conte latin du moyen âge mentionné
plus haut.)
XI.
LA BOURSE, LE SIFFLET ET LE CHAPEAU.
Il était une fois trois frères, le sergenu le caporal et l'appointé % qui
montaient la garde dans un bois. Un jour que c'était le tour de Tappoimé,
une vieille femme vint à passer près de lui et lui dit : « L'appointé,
veux-tu que je me chaufie à ton feu ? — Non, car si mes frères s'éveil-
laient, ils te lueraienL — Laisse-moi me chauffer, et je te donnerai une
petite bourse. — Que veux-tu que je fasse de ta bourse ? — Tu sauras,
l'appointé, que cette bourse ne se vide janiais : quand on y met la main,
on y trouve toujours cinq louis. — Alors, donne-la-moi. ï>
Le lendemain, c'était le caporal qui montait la garde; la même vieille
s'approcha de lui, u Caporal, veux-tu que je me chauffe à ton feu ? —
Non, car si mes frères s'éveillaient, ils te tueraient. — Laisse-moi me
chauffer, et je te donnerai un petit sifflet. — Que veux-tu que je fasse de
ton sifflet ? — Tu sauras, caporal, qu'avec mon sifflet on fait venir en
un instant cinquante mille hommes d'infanterie et cinquante mille hommes
de cavalerie. — Alors, donne-le-moi. w
Le jour suivant, pendant que le sergent montait la garde, il vit aussi
venir la vieille. « Sergent, veux-tu que je me chauffe à ton feu ? — Non,
car si mes frères s'éveillaient, ils te tueraienL — Laisse-moi me chauf-
fer, et je te donnerai un beau petit chapeau. — Que veux-tu que je
fasse de ton chapeau ? — Tu sauras, sergent, qu'avec mon chapeau on
se trouve transporté partout où l'on veui être. — Alors, donne-le-moi. »
Un jour, l'appointé jouait aux cartes avec une princesse ; celle-ci
avait un miroir dans lequel elle voyait le jeu de l'appointé : elle lui
i. Avant la Révolution, on appelait appoinlis les soldats qui touchaient de
plus grosses paies que les autres.
î02 E- COâQUïN
gagna sa bourse. Il s*en retourna au bois bien triste, et il sifflait en
marchant. La vieille se trouva sur son chemin* « Tu siffles, mon ami^ u
lui dit-elle ; « mais tu n'as pas le cœur joyeux. — En effet, » répondit-
il — « Tu as perdu ta bourse, — Oui. — Eh bien ! va dire à ton frère
de te prêter son sifflet ; avec ce sifflet tu pourras peut-être ravoir la
bourse, n
i( Mon frère, » dit l'appointé au caporal, « je crois que si j'avais ion
sifflet, je pourrais ravoir ma bourse. — Et si lu perdais aussi mon sifflet ?
— Ne crains rien. »
L'appointé prit le sifflet et retourna jouer aux cartes avec la princesse.
Grâce à son miroir, elle gagna encore la partie, et l'appointé fut obligé
de lui donner son sifflet. Il revint au bois en sifflotant. « Tu siffles, mon
ami, >> lui dit la vieille, *f mais tu n'as pas le cœur joyeux, — En effet, »
répondit-il — « Tu as perdu ton sifflet. — Oui. — Eh bien ! demande
à ton frère de te prêter son chapeau ; avec ce chapeau tu pourras peut-
être ravoir ta bourse et ton sifflet. »
u Mon frère, » dit Tappomté au sergent, (( je crois que si j'avais ton
chapeau, je pourrais ravoir ma bourse et mon sifflet. — Et si tu perdais
aussi mon chapeau ? — Ne crains nen. »
L'appointé s*en retourna jouer aux cartes avec la princesse, et elle lui
gagna son chapeau. Il revint bien chagrin et trouva la vieille dans le
bois. « Tu siffles^ mon ami, » lui dit-elle, « mais tu n'as pas le cœtJtr
joyeux. — En effet, n répondit-il — ^< Tu as encore perdu ton cha-
peau* — Oui — Eh bien l tiens, voici des pommes ; tu les vendras un
louis pièce : il n'y aura que la princesse qui pourra en acheter, »>
L'appointé alla crier ses pommes devant le palais. La princesse envoya
sa servante voir ce que c'était. « Ma princesse, n dit la servante, « c'est
un homme qui vend des pommes. — Combien les vend-il? — Un louis
pièce, — C*est bien cher, mais nlmporte. » Elle en acheta cinq, en^
donna deux à sa servante et mangea les trois autres : aussitôt il leuf
poussa des cornes, deux à la servante, et trois à la princesse. On fit venir
un médecin des plus habiles pour couper les cornes; mais plus il coupait,
plus les cornes grandissaient.
La vieille dit à l'appointé : <f Tiens, voici deux bouteilles d'eau, l une
pour faire pousser les cornes, et l'autre pour les enlever. Va-t'en trouver
la princesse. » L'appointé se rendit au palais et s'annonça comme un
grand médecin. H employa pour la servante l'eau qui faisait tomber les
cornes; mais, pour la princesse, il prit l'autre bouteille, et les cornes
devinrent encore plus longues. <« Ma princesse, ^v lui dit-i!, « vous dtvez
avoir quelque chose sur la conscience. — Rien, en vérité, — Vous
voyez pourtant que les cornes de votre servante sont tombées, et que
les vôtres grandissent. — Ah! j'ai bien une méchante petite bourse... —
CONTES POPULAIRES LOftRAïNS ^6?
Que voulez-vous faire d*une méchante petite bourse, ma princesse?
donnez-la-moi, — Vous me la rendrez? — Oui, ma princesse, certaine-
ment je vous la rendrai. »» Elle lui donna la bourse» et il fit tomber une
des trois cornes. « Ma princesse, vous devez avoir encore quelque chose
sur la conscience. — Rien, en vérité.,, J^ai bien un méchant petit
sifflet... — Que voulez-vous faire d'un méchant petit sifflet, ma prin-
cesse? donnez-le-moi. — Vous me le rendrez? — Bien cenainemeni. «
Il fit tomber la seconde corne, mais il en restait encore une. « Vous
devez encore avoir quelque chose sur la conscience. — Plus rien, en
vérité,». J'ai bien un méchant petitchapeau... — Que voulez-vous faire
d'un méchant petit chapeau, ma princesse? donnez-le-moi, — Vous roe
le rendrez ? — Oui, oui, je vous le rendrai.,. Par la vertu de mon petit
chapeau, que je sois avec mes frères, ji
Aussitôt il disparut, laissant la princesse avec sa dernière corne.
Quand je la vis l'autre jour, elle Pavait encore.
La forme actuelle de notre conte remonte évidemment au-delà de la
Révolution ; car, depuis ce temps au moins, il n'y a plus d*appointis dan^
l^arraée française.
On trouvera dans Crimm (t, III, p, 202) m conte hcssois qui présente une
grande ressemblance avec le nôtre. Comparez cgaîemetit les contes siciliens
n" jo et 51 de la collection Gomenbacb, Aux contes mentionnés par M. R.
Kœhler dans ses remarques sur ces deux récits, il faut ajouter le conte sicilien
n« 28 de la collection Pitre, un conte italien recueilli â Rome {The Folk-Lon of
Rome, by miss Busk. Londres, 1874, p, 129), un conte catalan du Rondallajre
i}* partie, 1875, p, j81 et enfin un conte esthonien (collection Krcutzwald,
n** 2j), Notre conte existe également, mais d'une manière fragmentaire,
dans la collection de contes grecs modernes de M. de Hahn (var. du n'' 9
et n^ 44).
Citons encore le livre de Fortunatus, publié â Augsbourg en 1J30. Fortu-
natus, égaré dans un bois, a reçu de dame Fortuna une bourse qui ne se vide
jamais, et il a enlevé par ruse au sultan d'Alexandrie un chapeau qui vous
transporte oh vous voulez. En mourant, il laisse à ses deux fils, Ampedo et
Andafosia, ces objets merveilleux. Andalosia se met à voyager avec la bourse,
et se la laisse dérober par Agrippine, fille du roi d'Angleterre, dont il s'est épris.
Il retourne dans son pays, prend à son frère ïe chapeau, et, s*étant introduit
dans le palais du roi d'Angleterre, il enlève la princesse et la transporte par le
moyen du chapeau dans une solitude d'Hibemie. Li se trouvent des arbres char-
gés de belles pommes. La princesse en désirant manger, Andalosia lui remet les
objets merveilleux et grimpe sur l'arbre. Cependant Agrippine dit en soupi-
rant : « Ah ! si j'étais seulement dans mon palais I 1 Et aussitôt, par la vertu
du chapeau, elle s*y trouve. Andalosia, bien désolé, erre dans ce désert et,
pressé par la faim, il mange deux des pommes qn'it a cueillies : aussitôt il lui
pousse deux cornes. Un ermite entend ses plaintes, et lui indique d'autres
pommes qui ledébarrassent de ses cornes. Andalosia prend des deux sortes de fruit :
j64 ^' cosQyiN
arrivé à Londres^ il vend des premières pommes à la princesse et se présente
ensuite comme médecin pour lui enlever les cornes qui ïui ont poussé, \\ trouve
l'occasion de reprendre ses objets merveilleux; puis il transporte la princesse
dans un couvent, où il la laisse.
La littérature du moyen âge nous ofFre un récit analogue. Dans les Gma
Romanorum (ch. CV de la traduction intitulée le Vtolkr des histoires romaines),
on voit un prince, nommé Jonathas, qui a reçu en legs du roi son père trois
précieux joyaux : « un anneau d'or^ un fermail ou monile^ semblablement un
drap précieux, » i L'anneau avait telle grâce que qui en son doigt le portait,
il était de tous aimé, si qu'il obtenait tout ce qu'il demandait. Le fermail faisait
à celui qui le portait sur son estomac obtenir tout ce que son cœur pouvait
souhaiter. Et te drap précieux était de telle et semblable complection^ qui reo*
dait celui qui dessus se séait au lieu où il voulait être tout soudamemeiit. #
Jonathas, qui est tombé dans les pièges d'une • jeune pucelle moult belle •» se
laisse successivement dérober par elle ses trois objets merveilleux ^ et finalemcoi
il se trouve seul^ abandonné dans un désert, où il s'était fait transporter ainsi
que ta traîtresse. Comme il a faim , il mange du fruit d'un arbre qu'il rencontre
sur son cliemin, • et fut ledit Jonathas fait par la commenstion dudjl fruit
adoncques ladre. « Plus loioj il mange du fruit d'un autre arbre, et sa lèpre
disparaît. Il arrive dans un pays où il guérit un lépreux et acquiert ta réputa*
tîon de grand médecin. De retour dans sa ville natale, il est appelé auprès de
t son amoureuse » malade, qui ne le reconnaît pas. Il lui dit : « Ma trés-chière
dame, si vous voulez que je vous donne santé, il faut premièrement que vous
vous confessiez de tous les péchés qu'avez commis, et que vous rendiez tout de
Tautrui, s'il est ainsi que aucune chose vous en ayez; tout autrement jamais ne
serez guérie. * Elle raconte alors comment elle a volé Jonathas, et dit au pré-
tendu médecin où sont les trois joyaux. Quand Jonathas est rentré en possession
de son bien, il donne à la fille du fruit qui rend lépreux et s'en retourne chez
lui.
Cette vieille histoire ressemble beaucoup à un conte hindoustani que M. Car*
cm de Tassy a traduit sur un manuscrit de la Bibliothèque nationale et publié
dans la Rnue orUntaU H amàtcaint (année 1865, p. 149) : Un roi à qui vient
l'idée de voyager, confie son royaume à son premier ministre : s», dans un an,
il n'est pas revenu, celui-ci doit remettre le gouvernement au second ministre et
aller â la recherche de son maître. Le roi, s'étant mis enroule, rencontre bienidt
quatre voleurs qui, après s'être emparés de quatre objets de grand prix, se dîs^
pulcnl pour savoir à qui d'entre eux chacun de ces objets doit appartenir. Le
premier de ces objets est une épée qui a la propriété de trancher la tête à un
ou plusieurs ennemis, à une grande distance; le second, une tasse de porce-
laine de Chine, qui se remplit, au commandement, des mets les plus exquis; le
troisième, un tapis i|ui fournit tout l'argent qu'on peut souhaiter ; enân le qua»
Irième, un trône qui vous transporte partout où vous désirez aller. Le roi. pris
pour arbitre, conçoit le dessein d'enlever ces ob)ets à ces voleurs. Il les engage
i plonger dans un étang voisin, en leur disant que l'objet le plus précieux
appartiendra â celui d'entre eux qui restera le plus longtemps sous IVau. Ut
acceptent la proposition. Mais à peine ontHtsIa tète dans Teau que le roi prend
CONTES POPULAIRES LORRAINS ;6ç
répée, la tasse et le tapis, monte sur le trône et se souhaite dans une ville lojn-
laine^ où il est aussitôt transporte. Là, il s'éprend d'une célèbre courtisane
et lui prodigue l'or fourni par le tapis magique, La courtisane, étonnée de cette
prodigalité, ordonne à une suivante d'épier le prince et apprend ainsi le secret
du tapis. Elle fait si bien que le prince lui apporte ses objets merveilleux* Alors
elle le presse d'aller voir le roi du pays et faire avec lui une partie de chasse. Dès
qu'il est parti, elle place les quatre objets en lieu sûr, puis elle met le feu à sa
maison. Le prince aperçoit de loin la Hamme et accourt. [I trouve la courtisane
les cheveux épars et se roulant par terre. Il la console et lui demande ce que
sont devenus les objets merveilleux. Elle répond qu'elle Fignore, Bientôt le prince a
dépensé tout ce qui lui restait d'argent, et la courtisane lefaitmeltrcâlaporte. Il
est tellement fasciné qu'il ne peut quitter le seuil de la maison de cette femme.
— Cependant une année s' étant écoulée, le grand vizir se met en route. H arrive
auprès d'un puits dont l'eau noire bouillonne avec bruit : un chacal s*étant
approché pour boire^ quelques gouttes de Teau tombent sur sa tête et il est
métamorphosé en singe. Le vizir comprend la vertu de celte eau merveilleuse, et
en remplit une outre. U finit par trouver le prince, lui donne de l'or et lui dit
d'aller chez ta courtisane en remmenant, lut vizir, comme son serviteur. Au
moment de Tablutionj le vizir jette sur la tête de la courtisane un peu de Teau
merveilleuse, et aussitôt elle est changée en singe. Ses femmes supplient le vizir
de lui rendre sa première forme. Il répond qu'il lui faut pour cela une tasse chi-
noise, une épée, un trône et un tapis. On lui apporte les objets du prince. Alors
lui et son maître mettent le tapis, Tépée et ia tasse sur le trône, s'y placent
eux-mêmes, et, en une heure, ils sont de retour dans leur pays.
Dans ce conte hindoustani, on a pu remarquer comme un Irait particulier la
métamorphose en animal. Ce trait, nous le retrouvons dans un conte romain de
U collection mentionnée plus haut (p. 146).
Un jeune homme qui a mangé le cœur d*un oiseau merveilleux trouve chaque
malin sous sa tête une boîte de sequims '. En voyageant, il arrive dans une ville
où it demande l'hospitalité dans une maison où habitent une femme et sa ïilte.
La leune fille, qui est très-belle, lui a fait bientôt raconier son histoire et révéler
le secret de sa richesse. Elle lui donne alors, au souper, du vin où elle a mis de
rémélique, et, quand il a rejeté le cœur de l'oiseau, elle s'en empare et met le
jeune homme à U porte. Des fées, prenant pitié de son chagrin, lui donnent
successivement divers objets merveilleux, qu'il se laisse dérober par la jeune
ftllc. En dernier lieu, celle-ci l'abandonne sur le haut d'une montagne où un
anneau magique, qu'elle lui vote encore, les a transportés tous les deux. Le
jeune homme, mourant de faim, mange d'une sorte de salade qui croît sur cette
montagne. Aussitôt il est changé en âne. Au pied de la montagne, il trouve une
autre herbe qui lui rend sa forme naturelle. Il prend de Tune et l'autre herbe et
va crier sa « belle salade > sous les fenêtres de la jeune fille. Celle-ci en achète,
I . Pour abréger, nous supprimons dans cette analyse toute la partie du conte
oh se trouve combiné avec le thème principal le thème de 1 oiseau merveilleux et
des deux frères, auquel nous avons fait allusion dans une note de nos remarques
sur len' ^ de notre collection, Us Fils du Pécheur,
^66 K. COSQUIN
en mange, el la voilà changée en ânesse. Quand elle a restitué les objets
merveilleux, le jeune homme, par le moyen de sod autre herbe, lui rend sa pre-
mière forme. «
Ce conte italien, qui a son pendant dans le n<> 122 de Grimm, présente de
grands rapports avec un conte kalmouck de la collection du SiddhiKâr^ laquelle
est, nous l'avons dit, d'origine indienne. Dans ce conte kalmouck (2* récit),
deux jeunes gens, un fils de khan et son ami, doivent être Itvrésen proie à deux
grenouilles monstrueuses, sortes de dragons, qui exigent chaque année une vic-
time. Ils surprennent une conversation des deux grenouilles qui, sans le vouloir,
leur révèlent la manière de les tuer et leur apprennent que ceux qui les auront
mangées cracheront (jîc) à volonté de For et des pierres précieuses. Us tuent l
deux grenouilles el les mangent. Ensuite ils se mettent en route et, arrivés an
pied d*une montagne, ils se logent chez deux femmes, la mère et la fille, qui
vendent de Teau-dc-vie. Ces deux femmes, une fois instruites des dons merveil-
leux de ces deux étrangers, les enivrent, se fournissent d'or et de pierres pré-
cieuses à leurs dépens, puis les mettent à la porte. Plus loin ils rencontrent des
enfants qui se disputent un bonnet qui rend invisible. Le fils du khan leur dit
que îe bonnet appartiendra à celui qui arrivera le plus vite à un certain but, et»
pendant qu'ils courent, il s^empare du bonnet. Il se met de la même façon en
possession d'une paire de bottes qui vous transporte où vous voulez et que se
disputaient des démons'. Après diverses aventures, l'ami du prince, se trouvant
près d'un temple, regarde A travers une fente de la porte; i! voit un gardien du
temple, qui, après avoir déployé une feuille de papier et s*étre roulé dessus, est
transformé en âne, et qui ensuite, se roulant une seconde fois sur ce papicfi
reprend sa première forme. Le jeune homme s'introduit dans le temple, empoi
le rouleau de papier et se rend chez les marchandes d'e3u*de-vie. Il leur dit que.
s'il a tant d'or, c'est qu'il s'est roulé sur le papier. Elles lui demandent (a per*
mission de le faire aussi, et aussitôt elles sont changées en ânessas. Après trois
ans de châtiment, il leur fait reprendre leur forme naturelle.
Emmanuel Cos<ujin.
I. On se rappelle que cet épisode âgurait déjà dans le conte hindousiaxii
analysé plus haut. Il se retrouve dans bon nombre de contes européens, — j
notamment dans le conte catalan analogue à ootre conte lorrain et ci'dessnST
mentionné, — et aussi, en Orient, dans un conte arabe des MiUe et une Nuiu
(Histoire de Mazen de Khorassan, éd. du Panthéon littéraire, p* 741), dans un
conte persan du Bahar-Darmsh {Ibid,^ p. xxii]), dans un conte chinois du recueil
des Avddanas^ traduit par M. Stanislas Julien (n* 74) et enfin dans un conte
indien de la collection de Somadeva (trad. Brockhaus, t. L p- 19).
MÉLANGES.
I.
MAUFË.
« Mauféf V. fr., nom du diable; de maie facîus, » Cette explication de
Diez n'a été, que je sache, contestée par personne. Elle est cependant
contraire aux lois de la phonétique, factum ne pouvant donner en fran-
çais que /ai/, et maufé présentant toujours un é et non un i.
L'étymologie de ce mot est le latin vulgaire malus fatus, qui se trouve
dans Pétrone et dans plusieurs inscriptions funéraires pour malum fatum.
Il est curieux de voir les populations de la Gaule, devenues chrétiennes,
transporter au diable le nom qu'elles donnaient à la mauvaise destinée
et plus spécialement à la mort. Au reste, maufé ne signifie pas tant « le
diable, » au sens propre du mot, que « mauvais esprit, démon malfai-
sant » en général. Par là il se rapproche du iémimnfée, tiré du plur.
neutre /â/a, devenu de bonne heure unsing. féminin. Les fées, représen-
tantes d'anciennes divinités celtiques, ont souvent été conçues comme
belles et bienfaisantes; le mot fatus au contraire n'a pas conservé dans
le français d'existence indépendante, et ne s'y est maintenu que dans
la locution malus fatus^ restée vivante en France jusque vers le xv*
siècle. G. P.
II.
PLAINTE DU VICOMTE DE SOULE CONTRE SIMON, COMTE DE LfetICESTER.
TEXTE VULGAIRE DU PAYS DE SOULE
(1252).
Ce document faisait partie des pièces justificatives de la thèse que M. Bémont
a soutenue à l'Ecole des chartes en janvier dernier sur Simon de Montfort comte
de Leicester. Les textes vulgaires du pays de Soûle étant fort peu communs, il
m'a paru que celui-ci méritait d'être communiqué aux lecteurs de la Romania.
^6S MÉtANGES
M. Bèmont â bien voulu nou& le donner, y joignant une notice hàstorîquep La
lecture de cette pièce m'avait laissé, sur certaines leçons, des doutes que j'espé-
rais éclaircir par Texamen de )*origiiial, conservé au Musée britannique. Mais
la collation attentive que j'ai farte en avril dernier de la copie de M, Bémont
n'a pas amélioré le texte autant que je l'espérais. Il reste, malgré tous nos
efforts, un certain nombre de passages obscurs et sans doute fautifs pour lesquels
j'ai risqué en note quelques con)€ctures. li est d'ailleurs peu surprenant que \t
document contienne des fautes, s*iî est, comme son aspect matériel me porte à
le croire, non pas l'original, mais une copie, faite probablement par un clerc
anglais ou normand, du mémoire présenté par le vicomte de Soûle.
Les caractères de la tangue sont naturellement ceuic que nous connaissons
déjà, non pas toujours avec une précision suffisante, par des documents de U
région environnante. Beaucoup se retrouvent dans la charte landaise que j'ai
publiée ici il y a deux ans*. Aussi pour plus de brièveté, me référeraï-]c, dans
les observations très-sommaires qui vont suivre, à l'étude linguistique que j'ai
faite de cette charte. Les renvois se rapportent aux lignes du ms., indiquées
dans l'édition qui suit par des chiffres placés entre ( ).
Suffixe '€f z= lat. -mus, ou plutôt -^rius^ dans frontadtr 24. — De même
dans la charte landaise {Romaniû^ IV, p. 4)4).
a tinal atone s'affaiblit ici en t dans des imparfaits tels que atiàin^ porloH j,
tre )| dans les participes dadt 28, torudt 2$, jo, dans dit, 7^ 22^ unont 3j,
ûqueiîts laUs 20, UrrCj forc^ 21, 22^ Batonc 25, etc. Il est conservé dans un
nombre d'exemples à peu près égal : aqucstû^ rancura^ Sonia i^ mana 2, ausa 4^
tara 27, Budha 20, tuncuda ;o, etc. — Dans la charte landaise l'affaiblisscmeat
de Va est tout à fait exceptionnel, voy. p. 43 ^, n*> j. Il y en a au contraire de nom*
breux exemples dans un autre document qui appartient à la partie la plus méri-
dionale du département des Landes, le cartulaire de Saint-Jean deSorde, écrit vers
le milieu ou dans ta seconde moitié du Xlil*' siècle : Abadie^ chzrit r2o; aguade^
ch, uj ; AmbûlU^ Arnbaute, ch, 8, 88; Barurt^ ch. 19; Martk, ch. 66; Cam-
pant, ch. 77; dineratcs, ch. 14; Gorzc^ ch. 6^; Lanebielfit, ch. 106; Sah^
ch. 122; Oire^ ch. 13, jj ; Oure, ch. 42, 75 ; SalvaUnc^ SaibaUrrc, ch. 8, 19;
Satirifs^ ch, ji, etc. Les chartes d'où ces exemples sont tirés appartiennent aa
XIÎ* siècle; mais il est plus prudent de laisser la responsabilité des formes i
l'auteur du cartulaire.
Le groupe nd perd son d comme dans toute la région des Pyrénées, mana 2,
— Charte landaise» p. 43^, n^ 6,
La mutation de v en h s'observe dans bescoms \, bau [vatet) 19» biao (y\
aj, furabs {furat vos) i], bahs 2j. — Charte landaise, p. 436, n* 7.
/final en roman (médial en latin) se vocalise : dtii 2, maai, comunaa 16;
qui n'a pas lieu dans la charte landaise, mais est très-fréquent dans d^autres
documents du même pays et du même temps, et par exemple, dans le cartulaire
de Sorde.
il entre deux voyelles devient r dans toradt (^ioikla 28, jo). — Charte
landaise, p. 436, n' 10.
I. Romûttiû, IV^ 4JJ si.
TEXTE VULGAIRE DU PAYS DE SOULE J69
Lorsque la voyelle finale du latin vient à tomber, tes deux II, qui se trouvent
dés lors, non plus entre deux voyelles, mais à h fin du mol, deviennent g, dans
casteg {usuU-ttm)^ Zf 12, fg (it-lum) 27. Dans b charte landaise 17 double
devient en ce cas t on d (p. 4J6, n* 7), Cet emploi du f ou <^ d'une part, du g
d'autre part, au lieu d'un même groupe latin, marque évidemment deux sons
distincts; et a prion on peut croire que ces deux prononciations appartiennent
à des lieux différents. Cependant il n'eo est pas tout à fait ainsi^ comme on va
le voir. Je remarque d'abord que l'une et l'autre prononciation ont existé suc-
cessivement en Bèarn, celîe avec g étant la plus ancienne^ car^ diaprés le diction-
naire topographique des Basses-Pyrénées de M, P, Raymond, les lieux qui
actuellement sont nommés CâsUt sont généralement écrits CasUg ]usqu*au
XVII* siècle. D'autre part les Fors dt Biarrij qu'on peut considérer comme
représentant Tétat du béarnais au XV' siècle, ont à peu près constamment la
lorme en g. Ainsi dans les premières pages on voit paraître eg^ egs {tîU, illos),
et son composé aqueg^ ^^^^g^^ puis cûsicg^ etc. Mais on rencontre aussi dés les
premières lignes (voir mon Recuaî d'anciens textes, n' 58) aquetts et ûqueîgj qui
indiquent une prononciation incertaine, 06 le t se faisait aussi entendre. Bien
plus : îi y a des documents oii les deux Bnales sont employées; amsi dans un
acte écrit à Meilhan (entre la Réole et Marmande)^ je trouve successivement eg^
cdj â^uetj quel. Un peu plus au nord la terminaison en { ou J règne exclusivement;
et je ne rencontre point de g pour // latin dans les documents très-nombreux
qu'on possède du Bordelais.
r initial attire au devant de lui un a dans annon i j . — Charte landaise,
p. 417, n* II.
r a conservé u place latine dans soher 10, ou^ pour parler plus exactement,
il y est revenu : le latin super est devenu sobre^ puis sober. W faut bien qu'il en
ait été ainsi, puisque nous avons noster 21, qui est féminin, et par conséquent
vient de nostra en passant par nostre. — Charte landaise^ p, 437, n" la.
Tandis que dans la charte landaise, p. 437, n» 14, frairc se réduit à frait ici
patrt conserve du moins son r : pair 19, 27.
P. M.
L'original de ce texte se trouve au British Muséum , Addttional
charters m 3301 . Il fait partie d*une série de pièces dont une (n* jîoj)
porte la mention suivante : « purchased feb. 1839; arch. de Joursan-
vault, lot 3370. »
Voici dans quelles circonstances la pièce ci-après publiée fut écrite :
Simon de Monifon, comte de Leicesierj troisième fils du vainqueur des
Albigeois, avait reçu le gouvernement de la Gascogne pour sept ans
(l'ornai 1248)^; il dompta tour à tour tous les ennemis de rautorité
royale; mais iï les traita si durement qu'ils se plaignirent au roi d'Angle-
terre Henri JIJ, et lui demandèrent justice. Henri 111 répondit à cet appel
I. Btb. nit. Cabinet d« titres; pièce Uthographièe pour l'École des chartes (n' 108).
1. Charte originale et médite^ Bibl. nat. mss. Clairembault it88.
Romaniû^ V
H
J70 MÉLANGES
en cîtam les plaignants devant lui (6 janvier 1252) ^ Ceux-d se réuni-
rent en l'absence du comte, et, après avoir décidé de comparaître
devant la cour dy roi en Angleterre, rédigèrent par écrit leurs griefs;
Parchevèque de Bordeaux fui choisi pour conduire Pambassade et pour
remettre au roi « scripta communiarum, civitatum Gasconie, magnaiuro,
casiellaiîorum et baltivorum n ^
Les plaintes de Raimond-Guilîaume, vicomte de Sôule, ont dû être
rédigées tout d^abord en langue vulgaire ; mais pour que rintelligence
en fût plus facile, elles furent, sans doute en Angleterre même, remises
en latin. Elles sont connues sous cette nouvelle forme depuis qu*elles
ont été publiées par M. Shirley dans les Royal ktUTs iltastmûve of
English hisîory^. Bien que le texte latin ne soit pas une traduction du
texte en langue vulgaire, il aide cependant à mieux comprendre ce
dernier. Nous avons aussi la réponse de Simon de Montfort aux plaintes
du vicomte de Soûle '«.
Voici le sommaire, article par article, du document qui suit :
Le vicomte de Soûle avait été mandé à la cour du comte de Leicester
pour répondre aux plaintes portées contre lui; mais, redoutant le traite-
ment que Simon de Montfort avait déjà fait subir à d'autres barons, il fit
demander un sauf-conduit par un de ses chevaliers. Pendant qu'à Bor-
deaux (?) on amusait celui-ci par de belles promesses, les gens du comte
prirent Mauléon, firent le vicomte de Soûle prisonnier, lui imposèrent
une rançon de 2000 marcs, et exigèrent des cautions qui s'engagèrent
pour la somme de 1 0,000 sous de Morlaas; le vicomte ne payant pas/
Simon de Montfort fit confisquer les terres des garants et lever des tailles
sur leurs sujets.
L*année suivante, Guillaume Pigorel fit jurer au vicomte et aux siens
la paix commune de Gascogne; puis, malgré cette paix, il leva une nou-
velle taille pour des hommes et des chevaux tués [Pannée précédente] , et
saisit les terres du vicomte.
Le vicomte de Soûle a toujours été fidèle sujet du roi d'Angleterre ;
quand celui-ci est venu en Gascogne (1241-45), il lui a prêté le serment
de foi et d'hommage; il Ta toujours tenu, et n'a fait jamais aucun tort
aux sujets du roi.
Enfin il réclame une terre qui avait appartenu à son père, ainsi qu*un
autre bien saisi injustement par le sénéchal Guillaume de Boelle*
Ch. Bémont.
I. shirley : Royal Uttm^ citées plus ba», II, p. 70.
t. Mathieu Paris, éd. de M 89^ p. 809.
}. H, 7j (collcctioû du Maître des Rôles),
4. En latin et en français ; p. p. Balasque et Dulaurens, Etudei sur Bayonne^ tt,
appendice.
TEXTE VULGAIRE OU PAYS DE SOULE }y t
(i) Aquesta es ta rencura e Jo clam que R. W. vescoms de Soula ha deu
com$ Simon.
Vers es que lo coms (2) Simon < mana lo bescoros de Soula * que anas denant
luey, que cJamanz ave de luey ; e la bescoms, {;) per se que audive mans
eissemples deu coms Simon, e que mau se portavebers^ los autres barouus^ (4)1
ago lemcnga de son coos, e no i ausa anar, mas trameto assa cort .j, caver, en
W. R. de (5) Fou ^ qui mostras per luejs aus (sic) coms Simon que apareilad cre
d^cn cort ^ anar en tôt loc or au (6) coms plagas so (?) ^ e per aspone aus cla-
manz, solemenz que le coms lo fes segurtad de son cos (7) qu'en saubas. E lo
coms e la cort e los sos asponon que euren lur acort or dessen aquet die**
E vencon (8) ab aquel cosseil tant lo denant dit cauver en cort, entro entertant
lo casteg de Mau-^fçl-lo^ agon feit panar au davant dit besconte de Soula, en
que lo fen taie de *m*>i. marx e de (lo) plus; e que lo davant dit cauver fos
peu bescunte a Bondes ^*\ aussi cum soberdit es, en (i r) la cort. Saben ac :
o'Amaneu de Labrid**^ en P* de Bordeu'^, n^AmaubindeBares^^; esaben (12)
ac de Bordeu : en Gaillard Colin, en W. R. Colin ^*, e en P. Caillau, Apres,
cant lo casteg (ij) Tarenon, fes i lo asegurar .x. mile st. de MorPs, deus
queus son peigneraz e tribaillaz (14) sos segurs tôt die, e an ne levadde dan; e
fen tôt die, que ades ne thiei (?) lo coms terres (i^) banides deus segurs»
llcr*^, après de so, en GuilleImesPicoreu'^sencscoine''''deu coms Simon (16)
fe iurar a*^ vescoms de Soula, si ters de eau vers, la paz comunau de Gascoigne*^
t. ^mon de Monifori, comte de Leicester.
a. Le pays de Soûle faisait partie de la Basse-Navane: capit* Mauléon.
j, \Bers est la leçon que le sens paraît réclamer» mais il y a dans le ms, bere ou bert
{b bané suivi de (, ou plus probablement â*e), — P,M.]
4. Le texte latin est plm précis : « quia vidcbai... quod cornes ceperat nobiiemvirum
dominam W* de Agramont,., » (Guillaume vicomte de Cramont).
j. Fos, Haute-Garonne, canton Saint-Béat, arrondi Saint-Gaudens»
6. A la cour féodale présidée par le comte. Pour Padministration de la justice féodale
la Gascogne était alors divisée en quatre cours ou ressorts : Bordeaux, Bazas, Dax et
St-Sever. Celte dernière cour est citée plus loin.
7. Plagas. so; Vs de so est barrée [^ Jero?); comme il y a un point entre pîagâs et
10, on ne peut songer à réunir en un ces deu;; mots dont le second nous est obscur.
5. Cela veut dire probablement ; « qu'ils leur auraient (^ consentiraient) un accord
le jour qu'ils (= l'autre partie) fixeraient m ; ou c qu'ils les entendraient {ûudirtn) en cour
(4 corf) i> r
9, Mauléon» Basses- P)Ténées.
10. Bordeaux ?
it. Amanieu d'Atbret (voy. Luchaire, Origines delà maison d'Albrtt^ dans le Bulletin
dt ta Société des sdtnus, kttus ti arts de Fau^ 1" série» t. I, i%-jz). Il est un de ceux
qui portèrent plainte devant le roi ; la réponse à ses plaintes a été publiée par M« Balasque.
12, Pierre de Bordeaux, bourgeois fort riche {v oy, Noticu et extraits des mss.^ XV, J67)»
J}. En latin tiAmahlnus de Vareyso. Cet Amauvtn était sire de Montferrand (Gironde,
arrtmd. Bordeaux, canton Carbon-Blanc) dans TEntre-deux-Mers. C'était un partisan du
comte de Leicester,
(4. La famille des Colon (cf. 1. 10 Olorin pour Oloron) était dévouée aux intérêts du
comte de Leicester. Guillaume-Raimond Colon et Pierre Caillau avaient représenté dans
le conseil du comte le parti des Colon hostile à celui des Rostein.
I j. tter, en toutes lettres, cette mauvaise îorme vient sans doute d'une mauvaise inter-
prcttlion de Tabréviation /f'. — p. M.J
é6. Lieutenant de Simon de Monifort ; il commandait la Gascogne en son absence.
17. Leçon bien douteuse, le lis plutôt senesouic c*csi je pense une faute du copiste,
pour scnescaat. — P» M.|
tS. (Il faudrait d/. — P. M.l
19. Après la prise de Castillon (cf, Mathieu Paris, 798), le comte de Leicester imposa
Î73 MÉLANGES
aissî com (17) atis autres barons; e eg estan en querre paz^ médis tos qui la
taie Taven fer denant^ an (18) lo feit de tate de homis morlz e de cavagers e de
rocis e de autres bestiars, tantd^) ken la taie bau ,c,c. m a ne d'argent^ la
queti * taie a be sera cum en Gaslo de Bearn ^ (20) e Tabesche d'Olorio ^
c b corl de Sencever^ cenoghe (sic); e totes aquestes tates has (sic) prc-(2i)*scs
de la noster part, de îa noslcr terre en fore^ e a nostcr terre tornan, en poder
deu con-(22)-te Simon, e toi die esta en médis ceu {sic} deu coos c de sa terre.
It*p vos fe assabcr que cant (2j) vos fas-^en Gascoigne^, e [IJo vescoms bieco
denant vos a Baione e jurabs^ aquî senorie e (24) ledautad^ e, com sie fron-
tader deu rey d^Aragon e deu rey de Naverene, ne trûbe-(2 5)-razquiauiab lor
fes tiuille maie certa^on vostre terre bâlos meigs ni ameigsmasse, (26) ni fara ja
nuils temps ni que es arrabas cami ne pogge^. Eg o troberas en lesliino-(27)*
niatgc^^ de prodomis de Bordeu, d'Ax^ e de Baione*
Jt^, es damant de terra que son pair {28) ï tenco ; e li ave dade e venduda **
une nasse que ave a Mîunsa, e ha li torude Gulllelmes (29) de la Buela*^, pect
haj e que lo vescoms e son pair laosses tiencuda^^ tuz {su) paz, entro co** (jo)
torude los fo per Guillelmes de la Buella. Saben ac lo cauver e les boracs e (j t)
l'autre pradomi de Bord a les, e prega lo bescoms al son seinor lo roy (su) ke
los davant (|2} ditz Tadobie 0 lo face adobar.
4
I
III.
SUR LI EMPLOYÉ POUR LOR EN PROVENÇAL.
Depuis que fai signalé ici (IV, 546) et essayé d'expliquer cette singu-
lière substitution de II k lor dans le provençal moderne, j'en ai remarqué»
dans des textes du moyen âge, quelques exemples qui, joints à celui
du xv^ siècle que j*ai rapporté, suffiront, je pense, à établir l'ancienneté
de cet usage :
I , Vie de Sarark de Maufeon : « Plus f€ fins amies de domnas e
d'amadors que nuills autres cavalliers, e plus envejos de vezer bons
homes e de far ii plazer. »
la paix h tous ses ennemis. Le texte de cette paix (signée le 2j mai tifi) en inédit :
Arch. nat. J. top, n* 10.
1. [Ms. qn, ïi faudrait qaau. — P. M-l
I. Gaston IV, vîcomte de Béarn. — )► Pierre, évécjne d'Obron.
4. Saint-Sever, sous-préf. du dép. des Landes,
j. 5/ccorr. /oj,
6. Henri ÏU passa en Gascogne l'hiver de 1141 il 124}.
7. Leçon douteuse; ce serait jurât vos,
à. [Dans la pièce latine; « Numquam lamen, licet posset, cnm aliquo iîtonim vel i\\o
aliqukd procuravit vel procurari 1 fecitj contra regem AngUc. *» On pourrait proposer •
no Irùhiraz que aut {— agos) ab lor jcit nui mal acorî, — P. M.]
9. jCorr. ni que el ûrr^uhas; mais pogge est-il podium f — P. M.]
10. Ms. testimoniarge. — m, Ms. nentuba.
II, Guillaume de Bodle, gardien de la Gascogne du 16 juin 1145 au 21 nov. 1247*
(Voy. Shirley, Roy ai letterXy H, a pp.)
1), ^Le ms. a plutôt trtncuda^ qui n*aurait aucun sens. — P. M ]
14. [Corr, qut, et plus loin lor au lieu de hs* ^ P. M,]
SUR // EMPLOYê POUR ht EN PROVENÇAL ^7}
2. Sirveniis de Lanfranc Cigala {Parnasse occitanUn^ » J9) -
Si vais per dir als avols so qutiî pes.
La même pièce offre un exemple de sas pour lor :
Mas d'aquels pages non es razos qu'om taia
Sos honniz pretz^
à moins que sos ne soit ici une forme de l'article, ce qui parait moins
probable, quoique très-possible.
j. Guillaume de la Barre (Meyer, Recueil^ p. 128, v. 96-9) :
Los fey venir els vole menar
En .j. port de mar tan suau
Hon ïufih temps no perîro tiau
Ni vens no ti poc contra star.
4. Vida de Sanî Honorât, p, 67 :
Mantenent son intrat en la sancta abadia.
Li frayre que la son U ^ fant mot gran honor
El an los receuputz a m gauch et am baudor.
5, Chanson de la Croisade contre les Albigeois (v. 3545) *
Anen lo paire el filhs lai on promes li es.
Il est extrêmement probable que, dans le dernier exemple cité (si //»
comme le contexte semble llndiquer, y est bien en efl^etpour lor% c'est
le copiste seul qui doit être rendu responsable de ce provincialisme. Cela
est possible aussi dans les autres; mais il importe peu pour Pobjet que
j'ai en vue, qui est uniquement d'établir que l'emploi de // pour lor
Qllis), corrélatif de celui de son pour lor [illorum)^ devait être déjà habi-
tuel, dans le dialecte des provinces où on le constate aujourd'hui, à
Tépoque où furent exécutés les mss. d'après lesquels on a imprimé les
textes qui m'ont fourni mes exemples, c'est-à-dire^ au plus tard, au
XIV* siècle.
Camille Chabanbau,
IV.
CHANSON NORMANDE.
Dans un voyage que j'ai fait en Normandie au mois d'octobre
dernier, j*ai recueilli la chanson suivante, dont le caractère populaire
m'a frappé. H m'a semblé que par là elle pourrait intéresser les lecteurs
1 . [Telle est ia leçon de l'édition, et sans doute du ms. suivi par M. Sardou,
mais les trois mss. de la BibL nat, (2098 fol. 76 v«, 11J09 foL i^d, 24954
fol yn ont iur. _ p. M.]
2. C'est du reste ainsi que M, Mcyer, avec raison, selon moi, propose de
corriger,
Î74 MÉLANGES
de la Romaniâ. Une autre raison pour laquelle ils ràccueilleront encore,
je l'espère, avec empressement, c*est qu*ils y trouveront un spécimen
authentique dy patois normand, dont les monuments de ce genre scmi,
on le sait, assez rares. Les chansons du recueil si précieux de M. de
Beaurepaire, qu'on peut regarder comme vraiment normandes d'inspi-
ration ou dWgiae, ont en effet le grave inconvénient de n'être commu-
niquées qu'en français ; aucune ne peut donc servir à faire connaître le
patois usité dans notre province. Tout autre est la ronde que l'on lintl
ci-dessous. La vieille dame qui me Ta communiquée demeure près de
Bayeux et a été élevée dans le canton de Trévières ; c'est là qu'elle l*a
apprise, et on y trouvera fidèlement conservés tous les caractères du
patois actuel du Bessin et même quelques-uns aujourd'hui effacés* Ce
le cas par exemple pour la diphihongue au [âo) de càosè (causé v. 4)!
réduite aujourd'hui à ô comme en français'.
Je n'ai que peu de choses à dire sur la manière dont j*aî établi le
texte et sur Torthographe que j-ai employée. Je me suis attaché à
reproduire les sons tels que je les entendais, en me servant de signe
connus de tout le monde. Les quelques mots qui auraient pu n'être pa
assez facilement compris sous la forme qu'ils ont prise ainsi, ou qui diffè-^
rent trop du français, ont été expliqués dans des notes; quelques-unes
des particularités grammaticales ou phonétiques les plus curieuses du j
patois bas-normand y sont également signalées. La publication de cette!
chanson sera ainsi dans une certaine mesure une compensation à Tétudei
sur le patois du Bessin, longtemps annoncée dans la Romania^ et que'
mes occupations ne m'ont pas permis de revoir et de donner»
ROKDE.
No^ di partou dan IVilâge
Que j'm'en vouée ^ m-marié ;
în' n'on menti par leu* goDle^
Car jamoiiès j'u'eti é caôsé^.
Rtfrain.
Vo^ vo ri^, vo vo moqués
Vo vo ries torjou de mé^.
1. Ce n'est pas à dire que le mot camcr soit d'origine normande, il a été
emprunté probablement au français â une époque o£i la diphthongue ûu subsis-
tait dans les deux idiomes > mais le français Ta atténuée en ô, le normand plus
archaïûue Ta conservée parfois msque dans ses derniers temps.
2. /va pour o/ij par suite de la transposition de T/i, on dit de même nt (v. i)
pour en.
}, Voûk pour uis par suite du développement de â en ou^;dc même /amottès
pour jamais, etc.
4^. Lm pour hur-, IV finale tombe le plus souvent à la fin des mots; ainsi v. 6
for/ ou pou r ton jour [s] ,
y Caâiè: causé. La diphthongue au réduite maintenant à a a été conservée
ici; elle subsiste aussi éans le patois de la Bague.
è. Ko, vous <Ul. vos),
7. Me : mot (lat, mt), L'e long du latin se change en é, atténuation de l'ao-
cicnnc iorme et.
CHANSON NORMANDE
In' 0*011 menti par leu goûle*,
Cat jamouès j'n*cn é caOsé.
Ch'est vré qu'roi^jouor^ en danchan*
Pierro m*pili^ su l'orté*^.
Vo vo ries, etc.
Ch*csl vrè qu'l'Ol jouor en danchan
Pierre m'pili su Torté,
En mMisan : ma gentil' ôle^
Ma gentir file^ éme^ mé.
Vo vo ries, etc.
En ra'disan : ma gentil' 61e,
Ma gentir file, ème me.
— Coman veus tu que j' l'éme ?
Tu n* Tn'as jamouès rien bayé^.
Vo vo nés, etc.
Coman veus-tu que j' t'éme?
Tu n' m'as jamouès rku bayé.
Crac! i tir" de sa pouquette*
Eun' bague é m'Ia four' 5 dé^^.
Vo vo ries, etc.
Crac I i tir' de sa pouquette
Eun' bague é m'ia four' 5 dé,
En m'disan : ma jolie file,
rvodrès bien couchi^' do*^ té,
Vo vo ries, etc.
En m'disan : ma jolie 6Ie,
J'vodrès bien couchi do té,
E couchi dans eun' chambre
Bien frcméc" â la dé.
Vo vo ries, etc.
E couchi dans eun^ chambre
Bien fremée à la clé,
E qu' la clé ne fQ(t} perdue
Dan un pré prëlà fôquié**.
Vo vo ries, etc.
E qu' la clé ne fû perdue
Dan un pré prêt à tûquié.
E qu' la bon' fam* qui la Irache^^
u Conlc : gueule, bouche (iat. galam).
2* Uùf pour ïmirt^ par suite de rafaiblissemenl de ^ en ô et de la chute de
f dans le groupe tr.
). Joaor ou fouo (v. n. 5) : jour. Le patois moderne a diphthongué oa en
4. Danchant : dansant. Vs latin persiste, mais Vs germanique et surtout le z
ou (s peuvent se changer en ch, comme le c latin suivi de i ou i
y Fili : marcha. Le passé défini des verbes de la 1" conjugaison a été assimilé
à celui des verbes de la seconde et se termine en t,
6. OrU: orteil, Vl mouillé Ênal tombe ou devient / simple^ 17 mouillé médiat
suivi de t muet se change en / ordinaire ; ainsi i ta stropne suivante gcnitV file
pour gentille ftllt.
7. Emc : aime. Al^ au lieu de se diphthonguer en ùul^ s'atténue en è fermé au
commencement des mots et souvent aussi à la 6n comme dans vr^, fr. vrai.
8. Bâ^i pour haiUè (donné); VI mouillé médlai non suivi de t muet se change
en jf.
9. PouquctU : poche. Diminutif dt pouquc {^poccam]^ petit sac,
10. Dé : doigl {digitum), L't bref ciu tatin se change en é^ atténuation de €t,
tout comme Vè long.
1 1 . Coucht ou couchti : coucher. Après les chuintantes t'a long du latin s'est
changé en /f, atténué en i au participe passé et parfois aussi à Tinlinilif.
12. Do : avec. On disait aussi 0, ce cjui est même la forme primitive; ces mots
sont aujourd'hui peu usités: on dit ordmairement anuc ou dimac,
11. Fnmèt : fermée, avec transposition de l'r; de même plus loin qucni pour
14. Fôquiè: faucher (r, falcan). Avec conservation de la valeur gutturale du
c latin^ voy. Du c latin dans Us langues romanes, p, 234. On remarquera de plus
Fatténuation en ô de ta diphthongué au conservée dans causé.
1 ç. Tracht : chercher, r. *uatdâ(c. Le e latin suivi de e ou i se change en ih
dans le normand; voy. ibid., p. 266.
376 MÉLANGES
Eusse les deux Qs^ queurvé. E que V guiab'^fS à la porte
Vo vo ries, etc. Pandan eun' éternité.
E qu' la bon' fam' qui la trache Vo vo ries, vo vo moqués
Eusse les deus Qs queurvé, Vo vo nés torjou de mé.
Charles Jorkt.
Aix-en-Provence, i*' avril 1876.
NOTE SUR LES CHANSONS DE LA GRUYËRE,
PUBLIÉES PAR j. CORNU (Romania, t. iv).
Un lecteur de la Romania écrit (juin 1876) : 1° à propos de la chanson
imprimée au bas de la note, Rom. IV, 216 : « J'ai entendu il y a plus
de 50 ans, et je me rappelle très-bien, une chanson française toute
semblable. Une femme de Cloyes, Eure-et-Loir, la chantait chez ma
mère et j'en sais encore l'air. Le refrain était : Je l'aimais tant^ — tant,
tant, tant — Je l'aimais tant, mon mari ! Elle commençait comme celle
que cite M. Cornu : Mon mari est bien malade, — en grant danger de
mourir, etc.; il s'appelait Gros Guillot ou Gros Guillaume, »
2° A propos de la chanson imprimée au bas de la note, ibid., p. 220,
« Il y a plus de 60 ans, ma bonne, une Picarde, me chantait une chanson
toute pareille ; je n'en ai pas oublié l'air. »
ï. Us : yeux, pluriel de ù, transformation probable, après la chute de / mouillé
final, de a(/7).
2. Guiab(e) : diable. Le groupe di + voy. se change en gui + voy, de même
que ti -f voy donne k'i H- voy. De plus /tombe dans le groupe bl.
COMPTES-RENDUS.
La mort du roi Gormond^ fragment unique d'une chanson de geste
inconnue, conservé à la bibliothèque royale de Belgique, réédité littéralement
sur l'original et annoté par M. Auguste Scheleh. Bruxelles, Olivier, 1876,
in-S", $4 p. (extrait du BlbUophik belge, t. X),
Comme j'ai depuis longtemps Tintentian de publier un travail étendu sur le
poème de Gormond d hmbart ou plutôt du Roi Lom^ j'ai fait dans ces dernières
années plus d'une recherche et d'une demande, notamment d la Bibliothèque
royale de Bruxelles, à Feffet de retrouver le fragment publié par Reiffenberg
de l'ancienne rédaction. Toutes mes investigations étaient demeurées sjns
succès; ce n'est que tout récemment, dans des papiers provenant de la collection
de M. de Ram, que M. Scheler a eu la bonne fortune de retrouver ces huit
précieuses pages, sur lesquelles son attention avait été, par suite de mes
demandes (et sans doute de celles d autres personnes, voy. p, 2), éveillée depuis
quelque temps. M, Scheler s'est empressé de rééditer ce texte, en y joignant
des notes nombreuses.
Il va sans dire que son édition est fort supérieure à celle de ReifTenberg ;
cependant celui-ci avait en général assez bien lu, et la plupart des corrections
importantes de M. Sch. consistent dans la disposition des mots, la distinction
des lettres doubles a,v, i, /), h ponctuation, etc. Ce sont celles que tout lecteur
familier avec l'ancienne langue avait pu noter déjà sur son exemplaire. Le com-
mentaire du nouvel éditeur est aussi, bien entendu, tout autrement compétent
et judicieux que celui du premier Cependant, et dans rétablissement du texte
et dans les notes il y a à relever un plus grand nombre de méprises^ quelques-
unes graves, qu^on ne s'y serait peut-être attendu. Cela tient sans doute â la
hâte avec laquelle le savant philologue belge a voulu mettre sa trouvaille à
profit; nous y gagnons d^avoir sans aucun retard un texte qui, s*il n'est pas
définitivement établi, apporte du moins avec soi, grâce â la fidélité paléogra-
phique que garantit le nom de l'éditeur, tous les moyens de rétablir.
Dans les quelques remarques qui suivent, je n'essaierai pas d'empiéter sur le
travail de restauration critique que M. Sch. a laissé à un autre éditeur. Je me
borne à signaler les passages où j'ai relevé, soit dans le texte, soit dans les
notes, des erreurs évidentes ou probables, ou ceux où je crois voir une correc-
tion indiquée. 11 reste plus d'un endroit difficile, et je souhaite que d'autres
critiques contribuent à éclaircir ce morceau si intéressant.
578 COMPTES-RENDUS
Les V. 8, 40, 64, 86, IJ7, 163, identiques comme les six quatrains (i
de refrains) dont ils font partie, sont ainsi conçus : Nm la h batiU un UumTi,
Le fac-similé joint par M. Sch. à sa publication et qui contient la rcprodoclion
dti V. 64 ne permet pas de douter de la leçon Nm^ et cependant j'ai peine à
la croire bonne. Le scribe du XHI* siècle qui copiait, peut-être à travers plus
d'un intermédiaire, un poème plus ancien d'environ cent cinquante ans^ 1
défiguré ïe texte en maint endroit et ne s'est pas toujours piqué de le comprendre.
Ntm serait un nom propre, celui d'un païen; mais je ne connais aucun nom,
dans toute notre épopée, qui ressemble le moins du monde à celui-là; enoutre
ce Ntm^ qui se trouverait six fois aux côtés de son maître pour remplacer son
écu brisé, n'est d'ailïeors pas mentionné une seule fois. Je crois qu'il y avait
dans Toriginal Utm « on n^ que le copiste a changé par distraction une première
fois, puis toutes les autres, tn Ncm (aux vers 137, 16}, on lit Ncn^ ce qui
rappelle la forme picarde bien connue en pour on). Quant à lotnart ou tuatéft,
M. Sch. l'a bien interprété par bouclitr (Reilîenberg y voyait t un habitant de
Tunes *); il aurait pu joindre à la citation à'Akxandn deux exemples dans la
Ch, d'Antmhtt c. VIIIj § 58, et un autre dans Parîonopeus, y. 2252.
Pourquoi aux v, 41 et 45, M. Sch. écril-il Qajûu^ Il s'agit de Cayaix
(Somme), écrivez donc Qaiou. «- V. 69, 0 vit Gormond; M. Sch. corr. £,
inutilement ; 0 = où, — V. 72, Sor son cscu li dona grande, D'un or [a PmUn]
ii fist fendrt^ La blanchi brome dcsconcendrc ; M, Sch. raille Reiffcnberg, qui
met en note : « d'esconcendre, qui sert à couvrir ? » Mais son explication est à peu
près aussi malheureuse; il [\l d'Esconandrt, et voit dans ce mot un nom de
lieu. Je ne connais pas en effet d'autre exemple do verbe irifo/î«/tJrf en français»
mais c'est bien évidemment un mot ïormé comme le provençal tscoissendre^ acos^
andn, TitaL scosandcrc^ composé d'un préfixe et de consàndtn, et signifiant t déchi-
rer, I — V. 94, [E] de sun blanc hmbtrc Us plus; plcis ne vient pas de pkxtiSt c*c$t
le pluriel de ;»/«, pli. — V. 100, Quant a lui lançû un iras ; < iriis^ dit M. Sch.^
désigne ici une arme offensive pour lancer d'origine irlandaise • ; en conoa!t41
des exemples? L'original portail uns^ et Lmcn est pris au sens absolu qu'tl a
souvent; le vers signifie « quand un Irois lui lança {suppléez un trait) »; cf.
y. 28a, — Le y, 102 et les vers 180, 186, 247 commencent par A disî Gùr*
mond, puis viennent ses paroles. M. Sch. balance entre deux corrections, A dit
et E disi; il n'en faut pas faire du tout, mais lire A f dist Gormond; tf ^ ah f
se retrouve aux y, 20^ (voy. ci-dessous) et ^8) (où M. Sch. Vi bien contpets;.
— M, Sch. a raison de soupçonner dans bruieni un dérivé dé bruyhe (cf. Guill.
de S. Pair, y, 7J3); il aurait seulement dÙ introduire cette lecture dans sofl
texte au lieu de brivtrti. — V, 1 1 ^ , Sor un dtslrltr %ot bauzan ; le vers est lrO|l
court et la rime exige un é (au vers précédent 1. Peiteus, forme qui se IrooTf I
côté de PcitiaiSj d'où plus tard Poaitrs); M. Sch. lit baaz&nl : je ne pois
admettre cette forme pour plus d'une raison, mais |e ne sais comment corriger;
p. L hardiment pumeU, — V. ti^, Mh ne n'a pas sun cors dampni^ L iiniple-
ment mn. — y,\^^^Aar€i Gormond muist espu, Josttr 1 vait son cors mmmit
passage fort obscur; M. Sch. propose de lire i mist apiij t il épia le roi Cîor-
mond. > Je crois cette restitution insoutenable, mais je n'en puis fournir uïït
bonne ; en tout cas le sens semble être : « Il n'envoya pas d'espion au roi Gor*
La mort du roi Cormond, p. p, schelêr ^79
mond, il alla lut-même jouter contre lui, » — V. 145, PUmt sa tame h souvit;
M. Sch, dit qu'il n'y a pas lieu desonger à joi/vc/irr, jeter à terre (lisez t étendre
sur le dos 1), et reconnaît dans ce mot un type latin svHtare^ qui voudrait dire
• attaquer par surprise, * Il ajoute d'ailleurs qu'il n'a jamais rencontré ce mol,
• mais bien la forme savante sovbiter. » SoubiUr n'a pas ce sens, mais celui de
t faire périr de mort subite w, de soubiit, comme on disait absolument : c'est
îe sens du passage même cité par M. Sch.^ et d'autres. Puis que voudrait dire
• Pleine sa lance il l'attaque par surprise? » Soime est une simple faute du
icribe pour sow^im. — V. 149, Gorrnmd H lame \mt gviwe : pour compléter le
▼ers, M. Sch. propose lança; je crois que le poème employait encore les formes
de la 5« pers. en -tt (cf. au v. 211, oà M. Sch. ne remarque rien, Que ke m*m
dac ânnif)^ et que souvent au contraire le copiste les a fait disparaître en rem-
plaçant le présent par le parfait. — V. 195, je suppléerais plutôt md que vos
ou cil. — V. 202, // Ctn apde : « Fil •, H dhi, t A gentil ni de riche Un •;
mais Louis était roi lui-même^ et non-seulement (ils de roi; L // l'en apile, si(l)
U disî : t A! gentil rei, etc. t (cf, stir le v. 102). — V. 218» la proposition de
M. Sch. d^intercaler /i/ après Pntz est évidemment bonne; on s'étonne qu'il
tn doute. — V. 228, // ne vait gens cum terrestre : ce vers a été expliqué dès
1846 par Dicz dans les Altrom. Sprachdenkmale (p. ç|), et je l'ai reproduit
dans une note sur gims dans les Mém. de la Soc. de Hng.\ comment M. Sch.
a-l'il méconnu le mot gens =: pr. ges^ et veut- il Irre, avec Reiffenberg, came
gens terrestre^ — V. 238, au lieu de le, pour il, I. /r, avec l'ellipse fréquente du
pronom, — V* 241, Cest Hueims qui vos meisele; quoi qu'en dise M. Sch., il
faut pour la construction lire Cest; ensuite mmder ne veut pas dire t égorger,
tuer >, cl ne vient pas du lat. (?) maceliare; il signifie < souffleter • et vient de
maxilla (voy. Alexis, Ml). — V- 246, inutile de corriger mis en muf; ce verbe
peut très-bieo être à la r*^ personne. — V. 2\i^Qaù tute est madlk la suzctk;
pour la mesure M. Sch. supprime Qui, je lirais plutôt en muille, — V. 2j6,
dire que Trop ws estes vantez serait c contraire au génie de l'ancienne langue
qui omettait volontiers le pronom des verbes réfléchis aux temps composés 1,
c'est aller dans tous les sens beaucoup trop loin. Remarquons encore que
bncon^ à ma connaissance, ne signifie que * fou » et non i coquin, scélérat t
(voy. Alexis f 54*1). — V. 268, iVc navras, l Nen avras, — V, 274, £ m^ verrez
par iscampon; je lirais est (ou même ist) tampon. — V. 277, lÀl serrunt cil
kawenLn\ M. Sch. propose k'ajaerun, i très-acceptable • et Lié en serrunt cil
k'avirun^ t encore plus plausible. > M n'y a rien à corriger; lisez seulement
kf avtwrun, — V» 287, depieie, je mettrais depleti. — V. joo, Navré dons fin
del grant espilt la leçon de Reifîenbcrg, dous feii, est sûrement la bonne,
puisqu'en effet Hugon a été blessé deux fois par la lance de Gormond ; d'ailleurs
r et i sont faciles à confondre dans le manuscrit. — V. ^o^, Que mes porhome h
ptrdist, t Ce perdist est gênant, dît l'éditeur; ta syntaxe appelle le subjonctif, «t
l'assonnance l'indicatif fïfri^i^ Que faire? i L'embarras de M, Sch. m'étonne.
Au parf. ind. perdit correspond naturellement l'imp. subj. pcrdiesse, lisez donc
perditstf de m. au v. J71 ven^uicst, — V. 547^ Conoisterez vus resqmer ; au lieu
d'ajouter vus pour compléter le vers, lisez Conoisteritz , — V. jyo, une w/ n'est
pas une cbisse, mais un grand vase â boire. — Après Icv. 5 58, M. Sch. admet,
>
)8o COMPTES-RENDUS
je ne vois pas pourquoi, une lacune; le vers est trop court (ajoutez E au lit
bien preisies), mais se lie très-bien au précédent. - V. 3 59 et 367, I. tTi et n'i
et suppr. la note (qui renvoie en outre â tort au v. 439). — V. 369, Ja est il
rei et tei sui jeo: dans ce vers M. Sch. attribue à Ja la valeur de c quoique •
en remarquant que « ce qui est intéressant c'est l'emploi de l'indicatif. • Mais
précisément ce mode ne permet pas de donner ce sens à ja. Ja est ici presque
purement explétif, et ne fait que renforcer l'affirmation; il répond à peu près â
iloch dans certaines locutions allemandes; ce sens est encore plus clair an
V. 379, que M. Sch. compare. — V. 377, Fors sul Deu U lurr del ciel, lisez
avec U. veir (cf. la remarque sur le v. joo), et non père avec M. Sch., et
ct)mplétc7 lo vers et le sens en ajoutant de avant Deu. —V. 408, Si s'afichasur
SCS csttins: Tassonancc est en U. M. Sch. dit : « II faut «/ri^5 ou estriers >,dod
pas, mais (stiinis: (stiins est une forme plus récente, qui ne vient pas d'estri-
vins, comme lo dit Oie/, mais qui est à estrieus ce que Peitiers est à Peitieus,
Anf^yons .\ .iMci^iii. etc. La vieille forme s'est conservée, quoique avec diérèse,
dans lo mol technique <itiii:\. — V. 422, M. Sch. remarque que le MargaritA
lo svirnom donn»^ ,\ Iscmbart. et renvoie A ce sujet, avec raison, à Ph. Mooskel
V qu'il appelle lou;ours yh»sUs^. Mais l'explication qu'il en donne, c qui a été
sauvé A son maîî^cïir », aurait pu sans inconvénient rester dans Reiffenberg.
v^utro s\\\'c\c est peu claire, elle est absolument fausse; mais Texpîication de ce
mot mVntratncra-.t trop loin rt drirarde ure étude à part. — V. 443, Sf kb-
c r.c rus croire que Tart. U n*c!ide pas son e devant une
voxolio, oojvnd.înt ;r rr !:r.*.:s pas .".-î-v. en ajoutant unesyilabc ailleurs : c'est,
iVn A\ rowr, lo irot .V.r.\ c;:i est fajtir. H qui a été substitué par le copiste i
v.r\ rot c;;"'l r.c 00- p-rr.' i pas c: c-i e>l rfria Docr nous. Pect-étre aussi
X a : ! \rc \.Wx.r.c. A;: v. 4;-^. V. Sc'^t. a OL:!:é if marquer îe CDEîccnce-
~*or.î *'.'r."0 .;v\o. »'.f t .*.;: \ c^cv.". — V v .~. ■^♦J jiLi'-mfiU m., d s^mc: ; pour
*\-x \" vc V V S»'' r-or^.".sf v^. ;l r... ces: sl-emert rr.u. qui! âuî; après
"■ o- V :vi ■-: : -,''::-.■ . - . ;.;: cor:ri:-j pràe ic. a. izrmt eî .a valeur
^-i- ".- ■' - N" v: 0: -A.' Tj-: -j- ."l iifL. pocr larre ie vers,
.'. .N o; :xv Si": .:f -f -j \-^-rf rorcL— en:f. — V. --t. Mais qu'il
■■ .■■."••■•'.•■ . r^-- . 'f -;. < ::•:": .^v.; r.s. t i raf Tout : :ai: le sens indiqué
\" ,Sx-. V r. r .:. —■ '.r:r/.:'. er aamrtian: !' ingénieuse cor-
S,'*- . ■-.•.■: r; rrrr.-iis ?a> jî \'rgu\t anres ce mœ et j'en
■ A r- r: vr-> • Vaiva:? c.-^rvs- pour î^ iir& a voos
^sr.. . -,v,- »"'• ' ,'^-o: pr — V r:. •:'";j-:;;; rT aucixr rapnorx avec
•*t .■ ■ <: - ?:^.■-T; : .—.•.;:;: . •: >:jn:n; . tacil-men: conoos. » —
c . : V . -Tv .-v"^-; ,v-:.. T^rrrr: •:..■•.■.■ rrîTTTf :; j:: K Sch., k rerien-
: N . ,^ . — ».^ V - . r -.-- ' ■ ;' -f r r : r ■ r - : ?>■-;-:: -• . -era-2f - cettf forme comme
V".'" ■ . : <;'-* :>*.: : r-:r .--.^ ^ .irr.-r.T.."»:îr l-jt nasse acssi
.. ,... ^. . . ...... ^., . . . *...-, V.- ."'.\. .îjît: .. /iiTTMT dat,
V V* ■ -. . ^ ." . .•-: .:.'-•.•- .:.;. m:,}.- -îfr r»: 7 lus fréquent
•V • .- "» .- .:.'--s>-; . : \-.fv: Vi.-^-îL f. --•« au masc.
^ " ■*■'"<■*-'■*":".■.•. ~: r;:r r.*: '• :î' :■•■ r-^îit- ^r>. mais
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V yT*t
K
SETTEGAST, Benoit de Sainte-More )8i
crittqti€S générales et plos d'une remarque relative à la ponctuation. Ce que je
dois surtout dire en terminant, c'est que je n'ai relevé que les passages où
l'éditeur m*a paru élre dans l'erreur, et que je n*ai pas signalé les nombreuses
restitutions, corrections, explications et conjectures excellentes qu'on trouve
dans le texte et dans les notes. J'ai voulu surtout contribuer pour ma part à
Tamélioration d'un texte qui m'intéresse depuis longtemps, et que nous possé-
dons, grâce à M. Scheler, sous une forme bien supérieure à celle qui était
accessible jus<{u'à lui.
G. P.
Benoit de Sainte-More. Eine sprachliche Untersuchungen ùber die Iden-
titaet der Verfasser des " Roman de Troie n und der <f' Chronique des ducs
de Normandie, » von Franz SETT£OAST,Dr. phil.Breslau, Korn, 1876, in-8»,
7J p.
^f En même temps que paraissaient les articles où M. Littré cherche à établir par
des rapprochements choisis Tattri billion à un même poète de la Chronique des
IdïLcs dt Normandie et du roman de Trou (voy. ci-dessus), Tauteur de ce
travail arrivait^ par une étude approfondie de la langue des deux poèmes, â la
même conclusion. La dissertation de M. Settegasl est faite dans une très-bonne
méthode et conduite avec tnieltigence et circonspection. Il étudie successivement
dans les deux ouvrages la métrique (p. 5-12), la phonétique (p. 13-^8), la
flexion (p. 39-5?), le vocabulaire (p, ^-62) et le style (p. 63*74). Dans chacun
de ces domaines il trouve entre fusage de Beneeit et celui de Beneoit de Sainte-
More des ressemblances frappantes. Il a réuni à la fin celtes qui lui paraissent
déiDontrer le plus sûrement sa thèse; c'est a le changement d'o en a dans cûntc
pour conU (venant de compuh{o^ usi, aussi bien que de zomit-icm^ ts)\ le dépla*
cernent de Taccenl dans la y pers. plur. de Timparf. du subj. (fchsént), aussi
bien que t'rV dérivatif du parfait; la possession commune des mots, d^ailteurs
inconnus en ancien français^ du (iour)j macum (puissant ou habife), qui (mais),
et du mot presque inconnu au moins sous cette forme icncrgi (obscur) ; enfin, en
ce qui concerne le style, la tendance excessive à la prolixité dans l'expression et
raccumulalion de mots ou de locutions apparentés. »
Ces arguments, à dire vrai, sont de valeur iort inégale. Le déplacement de
Taccent dans des formes comme fassent s'observe dans un grand nombre de
leirtes; les parfaits en i^ sont encore plus communs, et même très-réguliers; le
■mol die^ qui a certainement été en français d*un usage général comme Tatteste
le dérivé dumtnck^ dimanche^ ne saurait rien prouver non plus; Uncfge qui est
provençal (Umrc) et se retrouve, comme l'indique l'auteur, sous une forme voisine
dans Amts et Amik et ailleurs encore % doit aussi être rayé. Les rapprochements
importants dti vocabulaire se réduisent donc à deux, macmnz et qui y dont le
second serait il est vrai capital, maïs n'est pas très-bien attesté. La forme quante
=: conte est certainement très^araclérislique. Toutefois, c*est dans le style qu*csl
à mon avis la force principale delà thèse soutenue par M. Settegast. En joignant
à SCS listes de formules, parfois de vers identiques, les rapprochements plus
}83 COMPTES-RENDUS
étendus et un peu dî^érenls qu'a donnés M, Littré^ on se sent très-porté i
adopter la condtision des deux savants. La question n est cependant pas encore
vidée. Il faudrait qu'un critique disposé à contester cette conclusion ÎÛl à son
tour les deux poèmes* et relevât les différences ^ comme on a reîcvé les ressem-
blances. Une de ces différences a été signalée par M. L, Pannier {Rev. criL,
1870. p. 2^0) : tandis que Beneoit de Sainte-More se nomme tout au long dans
le roman, Tauteur de la chronique ne se nomme pas une seule fois^ et son noio,
très-souvent mentionné dans les rubriques du ms. harléien, est toujours fîf/ïf/il sans
addition fWace aussi rappelle Bcncai tout court); il y a là, non-seulement une
diversité d'appellations, mais un procédé tout différent. Cette objection n*est
toutefois que préjudicielle, et ne pourrait être opposée sérieusement au résultat,
s'il était favorable, du contre-examen que je provoque'*.
davantage d'un travail du genre de celui de M. S, est de faire passer en
revue toutes les particularités grammaticales de deux ouvrages importants par
leur étend ue-j leur date et le talent (trop peu reconnu par M. Sj de leur auteur
(ou de leurs auteurs|. Les observations de M. S. sont généralement judicieuses
Cl bien présentées; elles attestent qu'il a été à bonne école (l'ouvrage est dédié
 M. Grœber), Sa dissertation vient donc s'ajouter aux diverses monographies
du même genre, toutes utiles et recommandables, que l'Allemagne nous a donoées
depuis quelques années, et que j'ai pour la plupart appréciées ici (excepté la
plus remarquable et la plus importante, celle de M. Mail sur le Compat de Phi-
lippe de Thaon). Elle sera tue avec proiît par les philologues ; j'y joins quelques
remarques crkïques.
P, io la rime se rétablit en lisant «/«irai pour destmnz, — P. 14 misirx :
amére est régulier; les mots de ce genre qui pourraient donner 1, quand Us ont
un £, l'ont fermé et non ouvert. — P. 1 j, huitk ou bodU ibotiitlc) en deux
syllabes n'est pas une variante de bock; c'est une forme curieuse, qui remonte à
botuta comme boelt à bottllâ ; ainsi le mot boudas signalé par Aulu-Gellc comme
populaire ne s'est pas perdu en roman dès l'origine (cf. Diez, Et, IVb,, I,
budiîlù) : botala a donné botlû^ puis bodû d'ofi boudU, comme sUula a donné
sickf scdU et capitula capicla (dans VApp, Probi on lit capitulum non capiclam}
cfuvtiU (it. cavicchia)^ qui ne vient pas de clavicula comme le pensent Diez et
Liltré. — P, 20, c'est à tort que M. S. veut changer le chante du texte en
canti = contt; chanitr dans ce sens est fort usité au moyen -âge (voy. l'exemple
de Rutebeuf dans Littré, s. v. chanta), — P. 22, ials, adverbe de lieu, — M,
n'est pas une faute; c'est au contraire la bonne forme; cf. Bartsch, Rom. et
Pûst, II, 79, ?2; ta ChûTcit^ p. p. Jonckbioet, p. 6; Lancdot^ cité ibid. p. xliv.
— P, J5, M. S. cite, comme exemples dV changée en s, uvtr de advistim et
porskàt possukal. Le premier exemple est contraire à toute phonétique; jeratta-
I . Pour tout ce qui concerne la langue^ l'édition de M. Joly, comme le remarque
M. S. lui-même^ est absolument mKuflîsattte. W faudrait d'abord établir par ua tnviU
cridqae le texte authentique du roman de Troie»
1, On peut citer la terminaison -tain pour •Un, trés^rare en ancien français, et qui
paraît propre au Homan (Scitegast, p. 28).
j. tl faudrait dans ce contre-examen rechercher si des poète* contemporains emploient
les mêmes procédés de ityle que M. S. a signalés dans les deux poèmes^ s'ils présentent
ces vtrs'formaits que L. Pantiier regarde comme le patrimoine commun de tous les
rimeurs du temps.
XATTHES, De oùùrljrJscr.e O^ier î8î
dnîi TokMtîers air u pr. ^m , esp. jisczrv. de jriàrisx: Ix setik
dBcdtésenk le dungemRt de ? en v, suis -e le ret.-oure daos ua TÎnix
Ml fraacaïs qm ne paraît csrir une astre fonce du mèoe saot Ijthy
mtmn oa jznocrc*, et sans doute aussi dans ie bas4at:a j-t^ij-^^ cité par
I^ Cange d'après une charte de 1:49. et qui ce provient certainezrent pas,
coaoe le propose Henschd, du breton j'-»i'; T.* de j.>:1';ztx, attesté
pv le pr. et Tesp., sera tcabée i.ou peut-être déjà C .- de i.->.:-::L"^' 1 cause
derrsurante; enfin Vi de jij- se retrouve en prov., tandis que h forme
rignlîère c 00 a (oit se présente dans j.rvjno (avec un singulier déplacement
d*ac8nt) et dans anoire. Quant à porsiir^ iormt peu rare \porsMir dans Littrê^^
a l'est pas possLiae. mais un équivalent, où rj::r a remplacé ^vj-, devenu
îûiteQigible. — P. 40. orguAz^ isTJLÏs, dans les exemples allégués, doivent être
regardes comme des pluriels, l'ancienne langue, surtout en vers et pour les
besôos de la rime, employant volontiers les abstraits i ce nombre. Dans pUs
àttis cent chaalur alerait, le mot chivjlur est considère comme un nominatit.
fl l'est pas étonnant que les ouvrages examinés ne justifient pas la règle de
Bnrgny snr remploi de monz et monde, car elle n'a aucun fondement. ~ P. 4S,
oinuâaa poissâait sont de simples bizarreries de copiste pour entrissu.it poissUnty
et ies rapprochements £ait!i par M. S. n ont pas plus de valeur. La forme
^ÊÔeuemaa (voy. p. n) doit être regardée non comme un allongement de ^utine-
nur (notons que Tun et Tautre de ces mots manquent dans le Roman et sont
fréquents dans la chronique), mais comme la forme primitive; quant à Tétymo-
logie de cet adverbe, qui est évidemment identique à Tit. chignamente (voy. Rfr.
difiol, romanza \\, 54), elle est fort obscure.
le pourrais faire encore bien des remarques sur le mémoire de M. Settegast,
nais les unes seraient trop minutieuses^ les autres au contraire soulèveraient
des questions trop complexes. Nos lecteurs auront suffisamment vu par cet
article eue ce mémoire est un bon début.
G. P.
De BederlaBdsche Ogier, door J.-C. Matthes. Groningen, s. d., in-S*,
27 p. (Extrait du Taal- en Letterbode).
Cette nouvelle contribution de M. Matthes à l'histoire du cycle carolingien
en Néerlande contient dans son petit espace un grand nombre de faits inté-
ressants. L'auteur réimprime d*abord les fragments du poème néerlandais sur
Ogier qu'avait publiés Willems. Ces fragments avaient été regardés par
M. Jonckbioet (qui a depuis modifié son opinion) et admis par moi (//. P. de
Charl.^ p. 138) comme accusant un original français plus archaïque que le
poème publié. M. Matthes montre que bien loin d'avoir cette valeur, ces
fragments appartiennent au poème néerlandais du XIV* siècle dont on conserve
à Heidelberg une rédaction grossièrement rapprochée des formes du haut-aile-
t.Auvoire est donné dans Roquefort avec le sens de « folie, vertige, enchantement,
vapeur »; je ne sais où il a pris le mot. Arvoire (mençonge et) est dans la Châtelaine de
Vergi, V. 595 ; auvoirre (je ne cont pas chose d^) dans les Mir, de N.D. de Chartres^
p. 54. Est-ce le même mot qui se trouve dans Rutebeuf, I, 41 (sous la forme auvarre
(: Navarre) et avec le sens de « trouble, égarement d'esprit » ?
j84 COMPTES-aENDUS
mand, et il imprime en regard du teitte la partie correspondante du ms. de Hei*
dqlberg. — Etudiant ensuite, à Taide de ce ms.^ le poème néerlandais dans son
ensemble, il fait voir que ce poème est la traduction, sans doute fidèle, d'un
poème français postérieur à celui de Raimbert, et naturellement inférieur sous
tous les rapports ; l'auteur n'a d'ailleurs connu ni Adenet ni la rédaction en
alexandrins dont nous avons un ms. du XV" siècle. — Le poème néerlandais
comprend deux parties, qui semblent bien ne pas être du même auteur La
première s'arrête aux Enfances Ogicr ; la seconde répond d'abord à tout le reste
du poème publié par BarroiS| puis raconte une série d'aventures qui ne se trou-
vent pas dans Ratmbert, et qui tie remptis<;ent pas moins de ^o feuillets du tns.
de Heidetberg, Ces aventures ressemblent beaucoup à celles de la rédaction
française conservée dans le ms. B, N. fr* i 0} (Cangé 34), mais M* M- montre
que l'original du néerlandais était plus ancien que le ms. français; car il ne
présentait pas divers épisodes contenus dans celui-ci, et manifestement posté-
rieurs (par exemple le récit de la honteuse conduite des Templiers envers Ogier
à Acre, et toute la fable du royaume de féerie). MM. apprécie avec beaucoup
de justesse le caractère si différent de la vieille chanson de geste et de ses
diverses suites. — Il termine son excellent travail en appliquant la mention de
Jan de Clerk, faite par le rimeur néerlandais, non à lui-même mais â l'auteut
contemporain du Ltkcnspïtgd, et en fixant ia date approximative de son cctîvr
au milieu du XIV« siècle.
G. P.
Vie de seiot Aiibaii, a poem in Norman-Frcnch, ascribed to Matthew Paris,
now for ihe first time edited, from a manuscnpt in the library of Trinity
Collège, Dublin, with concordance glossary and notes, by Robert Atkinsojï,
M. A., L« L. D.^ professor of sanskrit and comparative phtiology in tlie
university of Dublin. London, Mtirray^ 1876, in-4", xvJMîy-cxlvij p.
On sait qu'il existe toute une série de manuscrits exécutés au Xîll* siècle dantj
l'abbaye de Saint-Alban, et qu'on regarde depuis longtemps comme ayant été'
f écrits par Mathieu Paris» le plus célèbre moine de Tabbayc à cette époque. Le
ms. qui contient la vie de saint Al ban fait partie de cette série. Sir Thomas Duffus
Hardy a récemment combattu cette tradition (CataL Brit, Hist.j t. III, Pre/,,
p. lij ss.) par des raisons qui n'ont pas convaincu M. Alkinson^ mais auxquelles
îl n'oppose que son sentiment. Au reste, Sir Thomas D. Hardy lui-même e$l
porté à attribuer ù Mathieu Paris une partie du manuscrit de Trinity-Coîte
(Dublin), celle qui contient ia vie latine de saint Alban et la version française de^
cette vie. Il ne s*en suit pas qu'il ait composé cette vie, mais si ce fait n*est prouvé
par rien, il n'a non plus rien d'invraisemblable. Quoi qu'il en soit, le ms. remonte
au milieu du XII i* siècle, et le poème est à peu près du même temps.
Bien que cette digression nous éloigne du vrai sujet du livre de M. A», il
n'est pas peut-être inutile de éirç quelques mots des vies de saint Alban. Eltes
sont, comme beaucoup de celles des martyrs de l'époque romaine, pres4|ue
entièrement légendaires. Alban paraît avoir réellement vécu et avoir souffert le
martyre à Verulam (en joj. dit-on, sous Dioclétien), puisque Fortunat le cite
et que déjà plus anciennement, s'il faut en croire Bède, S, Germain et S. Loup
Vie de seint Auhan, p. p. atkinson }8f
lièrent en pèlerinage à son tombeau. Mais c*est \à loul ce qu'on sait de lui. La
biographie qu'en donne Bèdedoit cependant avoir une base assez ancienne, car
elle est encore pleine de traits de l'époque romaine. Elle est d'ailleurs sobre^ et
ne conlienl que peu d'événements extraordinaires,
Au Xïî" siècle, ou pîus exactement entre 1 166 et 118S, Guillaume, moine
de Saint -Alban, dédia à un abbé Simon une vie traduite, dit-il, d'un livre écrit
ûngîicQ scrmonc (publiée dans les AA. SS. du 22 juin). Je ne vois pas de raisons
pour révoquer en doute l'existence de la vie anglo-saxonne ; mais à quelle date
a-t-elle été rédigée? L'auteur se présente comme un chrétien vivant au milieu
des païens, et n'osant pas se nommer de peur d*êlre victime de leur fureur :
c'est ce qui a déterminé les Bollandistes à croire qu'il vivait avant la conversion
des Anglo-Saxons*, c'esl-^-dire au plus tard vers la fin du Vl*^ siècle. Mais toute
celte vie a un caraaère extrêmement fabuleux : Tauteur a visiblement eu sous
les yeux le réxiit de Bède, qu'il a amplifié et orné de toutes façons 2; il prétend
avoir lu Thistoire d*Alban sur les murs de Verulam {où les païens l'avaient gravée!)
quand la ville était déjà en ruines, et en même temps avoir encore trouvé vivant
parmi les gens du pays le souvenir de ses miracles ; il prophétise la conversion
de l'Angleterre^ etc. Je pense donc que cette vie a été composée par un faussaire
vers le X' ou le XI** siècle. Guillaume l'a traduite, en empruntant seulement â
VHistona regum Britannia de Galfrei de Mommoutb (L V, ch. j) le nom d'Am-
phibalus, attribué au clerc^ anonyme jusque là, qui convertit Alban. Où Galfrei
ravait-il pris lui-même j" Une conjecture ancienne, renouvelée par M, A,, et très-
vraisemblable, veut que ce nom ait été, par erreur plus ou moins volontaire, donné
au clerc â cause de Yaclmne {vtitosâ dans un passage de Mathieu Paris, vatis
villosû^ pûnnicuhs villosus) qu'il laissa à Alban et dont celui-ci se revêtit â sa
place {amphibalus est glosé précisément par vistis nUosa^ etc., angl.-sax. ruA*
r€gd^ etc., voy. Du Gange), en sorte qu'on ne sait au juste, comme dit un cri-
tique, si Amphibalus est tin saint ou un manteau ^. C'est cette vie de Guillaume
que Tauteur de notre poème a mise en vers. Mais il faut encore dire quelques
mots d'une autre biographie plus ou moins fictive du « prolomartyr n de la
Bretagne.
Mathieu Paris, dans ses Vks des vingt -trois abhis de Saint-Altan, raconte que
sous le gouvernement d'Eadmer, neuvième abbé (au X« siècle), en réparant un
mur dans la cité ruinée de Verulam, on y trouva dans une cache un livre fort
hkn relié, écrit avec soin, mais dans une langue inintelligible; « tandem unum
senem jam decrepitum invenerunt, sacerdoiem^ litteris bene imbutum, nomine
Unwonam, qui, ïmbutus diversorum idiomatum linguis ac litteris, legit distincte
et aperte scripta libri« Erat enim liltera qualis scribi solefbajttemporequo cives
Werlamecestrani inhabitabant, et idioma anliquorum Britonum, quo tune
Icm porc utebantur. » Unwona traduisit en latin la vie de saint Alban contenue
1. Il annonce en finissant qu'il va â Rome chercher le baptême, ce qui indiquerait
3uH ne pouvait pas te recevoir en Angleterre. Mai* celte condusion a surtout pour but
e notis faire croire que la vie de saint Alban a été soumise à l'ejtamea des Romani et
approuvée par eux,
2. S'il avait vécu au vi* siècle, ftst au contraire Bède qui l'aurait eu sous les yeux,
ce qui est tout à fait inadmissible quand on compare les deux récits.
|. Voy. là -dessus la noie de San Marte à son édition de Galfrei (Kallef 18(4).
Romania^ V
lî
î86 COMPTES'RENDUS
dans ce livre, et dès que ce fui fait, « exemplar originale, quod mirum est diciu ,
irreslaurabiliier in pulverem subito redaclum cectdit annuliatum. i M. Â. transcrit
ce passage, et remarque ensuite : « Tel est le récit traditionnel de la découverte
de [a vie originale de notre protomartyr, et a mil m ccrtâmemcnt vrai, • On
croirait qu'il parle ironiquement, s'il n^ajoutait : * On ne connaît pas le sort de
cette traduction latine par Unwona » ; et surtout s'il n'exprimait pas encore la
même opinion i propos d'une méprise singulière qu'il commet. L*auteur de la
vie latine, Guillaume, dit dans son prologue, comme nous l'avons vu, qu'il a
pris le nom d'Amphibalus * ex historia quam Gaufridus Arturus de Britannico
in latinum se vertisse testatur. * M. A., au lieu de reconnaître là VHistona
ngum Bniannut^ s'est figuré que Galfrei avait traduit du breton une vie de saint
Alban : t Cette version, dil-it, semble avoir été faite d*aprè$ le même langage
que celle d'Unwona, c'est A-dire l'ancien breton; mais était-ce d'après une copie
de l'original, ou une variante, ou un récit totalement différent, c*esl ce qu'on ne
peut naturellement préciser. » Les Bollandistes étaient plus critiques, qui appré-
cient ainsi toute l'histoire qu'ils empruntent à Mathieu Paris : « Mira quidem,
et qu£ haud tmmerîto possunt suspiciooem movere fiction is. « Cette fable paraît
n'avoir d'autre fondement qu'une tradition vague d'une vie de saint Alban
écrite dans un idiome ancien et traduite en latin, c est-à-dire de la vie anglo<
saxonne latinisée au XII° siècle par Guillaume*
C'est cette Vita Albani de Guillaume qui à son tour a été mise en vers angl4
normands par l'auteur {peut-être Mathieu Paris; dont M, A, public l'ouvrag
Il n'a guère attribué à sa publication qu'un intérêt philologique, cl c'est en eifet
le seul qu'il présente. Mais l'éditeur n'a pas mis en relief le point spécialement
intéressant de son sujet. Il nous présente tout le temps le poème qu*il édite
comme un monument du dialecte normand ou même du français, tandis qu*il
appartient incontestablement à l'anglo-normand, La tâche du commentateur,
restreinte mais délicate et susceptible d'être très- fructueuse, devait être précisé*
ment de discerner dans ce texte ce qui appartient au dialecte propre à l'Angle-
terre de ce qui est commun avec le français ou le normand en générai. C'est ce
que M. A., dans son commentaire si ample, a absolument laissé de ct^té, et ce
péché d'omission lut a fait faire aussi des péchés de commission. Ainsi il déclare
(note sur ïe v, îjç) que Diez a eu tort de prétendre quVn normand Tu provenant
deô, îi et Tu provenant de «, quoique confondus par Torthographe, restent
distincts pour la prononciation et ne riment pas, car son texte ks confond :
mais c'est ce que ne fait aucun texte normûnd. Le tableau des rimes, tel qu'il
est donné p* 1 18, aurait dû recevoir bien des explications ; par exempte ce
n'est qu'en a nglo -normand qu'on peut trouver dans une même laisse (II) dener^
parler et pocr. Les ouvrages auxquels le poème attribué à Mathieu Pans auraient
toujours dû être comparés sont ceux qui ont été également écrits en Angleterre
au X» et au XIIi« siècle.
Malgré cette omission^ M. A. a donné à son édition un commentaire dont les
proportions sont tout à fait inusitées. Aux ^4 pages de texte succèdent 67 grandes
pages à deux colonnes petit texte de notes philologiques, et un glossaire de
144 pages, où tous les mots sont relevés sous toutes leurs formes et tous les
passages cités in extenso. Je fera» d'abord quelques remarques sur le texte ^ puis
vie di seini Aaban, p. p. atkinson jSy
sur le commentaire, y compris le glossaire qui n'en est que Tindex, et en ètu^
dtant à part certains points qui ont été pour M. A. Tobjet d 'observât! ons déta-
chées.
Le texte^ fort bien écrit, a été bien lu et reproduit d*après une méthode
intelligente et soigneuse. Il ne prétait guère qu'à deux genres de fautes, outre les
fautes de ponctuation : la lausse séparation des mots et h mauvaise lecture de
lettres faciles â confondre, M. A. a en général évité les erreurs de ces deux der-
niers genres; en voici cependant quelques exemples, V. 1 18 : Ctt^ ^ à ki'l plut
à lut^ etc.; la note montre que l'éditeur n'a pas compris; L Ci là k*il^ etc.,
c.-i*d. f jusqu'à ce qu'il plut, etc. »; cf. v. 1831. — V. 162, ki mtm^ I, l^i
mtm. — V. 173, U najra jamais mortz, etc., je lirais rfavra\ le copiste aura fait
lui-même la confusion. — V* 320, lit, il faut lié; c'est un participe, dépendant
comme dclmt de uni au vers précédent. — V- 570, le ms. porte i/«/î c d5 Ut
luidut; M. A., après avoir hésité, a lu duni ai tu; il faut dun (pour dunt) ne as
tu, locution très-usitée. — V. 763, Li uns les autres passent ^ cnviz va hon gri:
M. A. signale ici i une hyperbole antithétique » ; lisez cnviz a a bon grij ce qui
est fort simple. — V. 815, au lieu de pur vers^ je lirais puncrs^ usité pour
pervers notamment en anglo-normand. — V. 860 , il n*est pas néces-
saire de lire feu; il suffit de prononcer fu le mot écrit feu (voy. au
glossaire). — V. 1145, ms. Hupcz e megns e paies cum penani; M. A. corrige
/Vu/«r, ce qui est fort admissible (cf. v. 514, 1248, 1828), mais je préfère
Hcrupez. — V. 1270, ii taul évidemment ne larrum pour le larram. — V. 1383,
je lirais volontiers ke eit pour ki cist^ en faisant régir ce vers par le précédent.
— V. 1466^ le mot jieus^ qui a donné bien du fil à retordre à M. A.^ doit se
lire aeus 1 la pUmne kt veriz fu t tieus^ c'est-à-dire t unie, égale i» ; cf. dahuel^
i inégal, o au v. 1427. Jamais Tancienne écriture n'admet la notation / avec la
valeur de / devant un autre i (cf. Romania, U^ 104). — V. 1604^ Les meins h
um liétdané resnt a chofai; L d*uneresne; il ne s'agit pas de cheval dans tout ce
passage.
Après le texte viennent les notes. J'en ai déjà indiqué l'étendue. M. A. nous
apprend dans sa préface que ces notes représentent essentiellement un de ses
cours à l'université de Dublin. Elles en portent en effet tout le caractère : ce
sont des explications détaillées, où il s'agit moins d'être neuf que d'être
instructif. C'est Dm qui a fourni à l'auteur tout le fond de ses recherches
étymologiques, mais il faut se hâter d'ajouter qu'il l'a toujours contrôlé, souvent
complété, et parfois corrigé. Il est au courant de la plupart des travaux mo-
dernes, surtout allemands (il ne parait pas connaître la Româma)^ et en outre il
applique à tout ce qu'il traite une attention pénétrante éclairée par une très-
bonne méthode. Je n'ai pas remarqué, dans ces 114 colonnes serrées^ de faits
ou de résultats proprement nouveaux de quelque importance, mais l'auteur a le
mérite d'avoir élevé des doutes sur plusieurs points regardés jusqu'ici comme
établis et qui appellent à coup sûr un nouvel examen. Je citerai notamment ses
articles sur/c/on (v. 259), estuer (367), iruant {^2^}^ trouver (^25), tramer (6io)^
chûiand (790)^ caractes (1006; ici Tauteur^ en rattachant l'a. fr. charaie à cha-
racla, a certainement raison, mais \t pense avoir déjà vu cette étymologie bien
préférable à celle de Diez), sa note sur Longis (i$8), ses remarques sur les
^88 COMPTES-aBNDUS
mois employés dans Tancientie langue pour renforcer b négalion (v. jg), et
ses observations sur divers points de syntaxe, notamment en ce qui concerne les
pronoms relatifs. J'aurais à signaler quelques erreurs. V. 4, acastoné n'est pas
« agate-onyx », mais le partie, passé du verbe âcûstoner • enchâsser, mettre en
chalon, » — V. 5, l'auteur fait entre Vûccusatif^ \e génitif et le priposUionnd du
mol hume des distmctîons tout â fait illusoires; on retrouve encore dans d'autres
passages des traces de cette fantaisie. — V. 11, M. A. dit que Ta. h.all.
weigaro (origine de guèns) • existe encore dialectal ement en Allemagne, p. ex.
w wagiTf oui ma foi, not wagtr, non ma foL » Ces exemples paraissent de toutes
façons fort douteux. — V. 32, M. A> trouvant dans le ms. Junthcnl par hasard
dunst {dunst vcm / d'où viens4u 0 fait cette étonnante remarque : « Cette forme,
qui ne se présente qu^une fois, est sans doute cciite avec une s pour marquer k
sens propre dlnlerrogaiif local qu*a ici cette forme du pronom oblique. »
I — V, 90, il y a longtemps qu'on connaît ta vraie étymologie de arcmit
> (sarcùphagus)^ et que la forme sarctt^ qui est dans S. Auban même, a fait dispa*
raître les objections de Diez aussi bien que les prétentions de sarcophdgutus, —
Le mot qmr se trouvant dans une rime en tr (v. 104 et ailleurs)^ M. A. en
conclut que ce mot se prononçait à peu près comme aujourd'hui cœur\ c*est toat
iisimplemeni une orthographe archaïque, et l'auteur du poème devait prononcer
Iciffr, que d'ailleurs un Anglo-Normand seul pouvait faire rimer en tr. — A
propos de gmé (v, 289), M. E. parle du mot mf^ et nous donne le choix^ pour
expliquer Vf de ce mol^ entre l'influence de l'alL sûMfcn (proposée par Diet) ei
celle de smf^ qui lui semble bien préférable, et joint un tableau, d*ailleurs fort
inexact, de la transformation du latin smm (lisez ubum) en suif. \\ oublie qtie
Suif n'est pas le seul mot où on trouve une/ pour une dentale (voy. les rappro-
chements donnés par Scheler), — P. 307, mcspnson est donné comme ayant
pour sens primitif t la non révélation d'une félonie commise par un autre • ; je
Ine sais où M. A. a pris cet te traduction; mcsprison signifie l'action de mnpnnàn^
c'est-à-dire de se mal conduire. — V, 442, M. A. avait très- bien ex pli que dans
son glossaire sautrra par savra = saur a '^ û s'en repent ici, à tort, car la forme
ne fait pas de difficulté, et le sens est excellent. — V. ^69, nmî, subjonctif de
nuirt^ pour nmid est comparé par erreur à des formes comme alst^ etc.; ces
formes sont régulières; nuit au contraire est une faute imputable au poète angiais.
— V. 9^6, en expliquant le îat. mvolart, M. A. reproduit l'erreur de Liiuéetdc
Brachet (voy. une note dans les C/r^/iJO/u du XV'sikUj.—VAO^'jy M. A. pense que
dans mcham k côté de chanu \i est dû à l'influence de la nme; c'est une méprise;
le verbe cnchjmr ('in-can^m) est indépendant de 'cafi'Utus et se trouve p. ti.
dans le L. da Rois^ p. j8. — ^ V. tij^i l'éditeur aurait bien mieux fait et
regarder bienvoiUant comme un seul mot; la raison qu'il donne pour sa décisjoii
contraire n'est pas bonne, ~ V- 1841, à propos du mot pauns dt pusîm^ qu'il
faut lire ou au moins expliquer puf /m, l'auteur rapproche fort inutilement />ttff<ar
(écrit aussi puknt, pustant] qui est 'putuUnium (it. puizoknio) et le sobriquet de
Poulains donné aux chrétiens de Syrie^ dont l'origine est inconnue (notons a ce
propos que ta citation de Joinville où figure ce mot, au v. 862, aurait bien di^
être faite d'après une bonne édition).
Il me reste à dire quelques mots, ayant déjà parlé du tableau des rimeSi <
i
I
Vk di seint Auban, p, p. atkinsoh JS9
ux appendices sur l'orthographe ci des remarques sur la métntjue. M, A. a
iojgneusemenl relevé tous les cas où le ms. emploie z ou i à la fin des mots^ et
i\ en a lire des conclusions qui ne sont pas sans intérêt. — Il a ensuite dressé la
liste complète de toutes les combinaisons de voyelles qui se trouvent dans son
manuscrit^ en les ramenant à leur origine, et celte liste aussi est utile, — malgré
quelques erreurs étymologiques *, — surtout pour Tétude de la graphie ^ anglo-
normande.
Le poème de Satnt Autan est écrit, comme beaucoup de productions angb-
normandes contemporaines, dans un rhythme assez incertain. L'auteur a voulu
en général faire des alexandrins, mais il ne réussit qu'exceptionnellement à donner
six syllabes à chacun de ses hémistiches. M. A. a construit li-dessus une théorie
toute nouvelle, d'après laquelle « le principe de scansion est le triple accent dans
chaque moitié de vers. » Il est vraiqu'il ajoute qu' « il esldifficile, dans les vers
particuliers, de déterminer précisément sur lequel des deux ou trois petits mots
doit être placé faccent, * mais il n'en maintient pas moins son principe, qui ne
soutient pas Texamen, Il en excepte seulement les v. 589-619, auxquels il attribue
sept accents au lieu de six. Il est plus dans te vrai quand il rapproche ces 3 1 vers
de vers cités dans la préface, et qui se composent de deux vers de quatre
syllabes, rimant ensemble, et d*un vers de six syllabes, rimant de son c6té;
ainsi : Auban par moi Gmrpi ta foi K'ûîmc cntuschc c mahainnc; Li premcrs fit
Kl pvr Jesu Mort suffri m Bnitûinnû; les vers en question de notre poème sont a
peu prés pareils, si ce n'est que les deux premiers groupes sont sans rimes, et qu'on
a alors en réalité un vers de quatorze syllabes ; ainsi : Dt tut (o n'est Autans esmus^
m gmst m dcut ne plurt.., Di lui rdenc par amtsli asti moie vniun Et ccstc croh
u de Jisu est fétc la figure. Seulement il faut remarquer : r ' que comme l'alexan-
drin, le vers de 14 syllabes n'arrive que de temps en temps à tomber juste sur
ses pieds ; 2<* que des vers ainsi construits se trouvent non-seulement dans le
passage où M. A. les a remarques, mais à d'autres endroits du poème; ;* que
ce vers a été employé par d'autres poètes anglo- normands, si mes souvenirs ne
me trompent pas.
J'ai fait sur le livre de M, A. de nombreuses observations, auxquelles invitait
l'importance de ce travail et le soin extrême qu'y a apporté rauteur. Je dois
terminer en insistant sur les mérites de cette publication, la première de ce genre
faite de l'autre côté du détroit, et en souhaitant qu'elle répande en Angleterre,
avec les bonnes méthodes dont l'auteur est imby, le goûl des études romanes,
qui, vu la longue durée de la littérature anglo-normande et la part considérable
du français dans la formation de la langue aDglaise^ sont presque aussi nationales
chez nos voisins que chez nous.
G. P.
I, Par exemple et est donné comme s irrationnel i> dans ii de avum (lis. e/, qui vient
de .etaUm) ei J^ns reisUft de yiîalinus (1. *ntdlinus\
1. Un mot pour dire ce qu'eiprime graphU (manière d'écrire, au poinl de vue de rem-
ploi et de la valeur des caractères) est bdispensable, et je préfère ce mot k épd, proposé
, par M. t. Havet.
)90 COMPTES-RENDUS
^ Cent qnarante-cinq Rondeaux d*amoars, publiés d'après an manuscrit
autographe de la fin du XV« siècle, [par M. E.-M. Bancbl]. Paris, Lemerre
et Rouquette [1875], pet. in-8' ail.
On doit témoigner une reconnaissance particulière aux bibliophiles qui con-
sentent à faire part au public de leurs trésors, qui veulent bien employer leurs
loisirs à copier les manuscrits précieux ou les plaquettes inconnues dont ils sont
les heureux propriétaires et les préservent de la destruction en en donnant eux-
mêmes une reproduction fidèle. M. Bancel vient, sous le voile de Tanonyme, de
suivre l'exemple donné par M. le baron James de Rothschild et par quelques
autres amateurs érudits. Le volume qu'il vient de publier est un modèle d'élé-
gance et de bon goût. Il ne se distingue pas seulement par une charmante
impression due à Louis Perrin, il a le mérite, plus sérieux encore aux yeux des
lecteurs de la Romania, de reproduire avec fidélité un manuscrit qui ne manque
pas de valeur littéraire.
Les Cent quarantt'cinq Rondeaux forment une suite assez agréable ; on y recon-
naît un certain ordre, et comme ils étaient ô:rits d'une même main, M. B. a pu
croire qu'ils étaient l'œuvre d'un même auteur dont il avait entre les mains le
manuscrit « autographe ». Partant de cette donnée, l'éditeur n'a pas songé à
rechercher si quelques-unes des pièces qu'il imprimait ne se trouvaient pas
ailleurs ; or, on va le voir, une bonne partie des cent quarante-cinq rondeaux
figurent dans des recueils déjà connus ; nous pouvons même indiquer les auteurs
de quelques-uns : ainsi tombe la supposition faite par M. B. qu'ils seraient sortis
. tous d une même plume.
Les Trois cens cinquante Rondeaulx singuliers et à tous propos, dont il existe
plusieurs éditions publiées vers 1 520 ou 1 530 et que certains bibliographes ont
I si maladroitement attribués à Gringore, contiennent 25 des pièces publiées par
M. Bancel. Nous en donnons la liste d'après l'édition d'Alain Loctrian (sic) et
Denys Janot (pet. in-S*» goth. de 6 ff. non chiff. et 106 ff. chiffrés); les initiales et les
chiffres font connaître la place que chaque pièce occupe dans les deux recueils :
Autant ou plus et il vous doibt souffire :
R. 20; B. 25.
Doubtant reffus que par trop fait à craindre :
R. 160; B. 8.
Dueil et ennuy, soulcy, regret et peine :
R. 142; B. 139.
En cœuvre-chief me semblez si très belle :
R. 160; B. 18.
Faisant soubhaits parez de joye estaincte :
R. 134; B. 39.
Femme de bien^ s'il en est point au monde :
R. 128; B. 9.
Fors de pitié estes toute remplye :
R. 135; B. 20.
// est bien vray que fay une maistressc :
R. 125; B. 66.
Cent quarante-^inq Rondeaux d^amour^ p. p. bancel ^91
// me faut heur, se je vueil bien avoir :
R. 53; B. 4.
// ne me tient de chanter et de rire :
R. 12; B. iio.
Je Payme bien et l'aymeray :
R. 80; B. 62.
Je la soustiens ung chef d'œuvre en nature :
R. 118; B. 51.
La congnoissance ay pris pour héritage :
R. 15s; B. 10.
Maintenant il est bien heureux :
R. 77; B. 71.
Par trop aymer ma douleur dire n'ose :
R. 84; B. 108.
Piteusement je vaulxjà trespassée :
R. 317; B. 145.
Cette pièce est de Jean Rnuchpt et se trouve dans la Fleur a Triumphe de cent
et cinq rondeaulx^ qui forme la seconde partie des Trois cens cinquante Rondeaux
(voy. Brunet, IV, col. 1372). Le petit poème de Jean Bouchet a été reproduit
par M. Edwin Tross, en 1863, sous le titre de Cent cinq Rondeaulx d'amour.
Notre pièce y occupe le recto du dernier f. du 8« cahier.
Pour accomplir le vouloir de mon cueur :
R. 18; B. 21.
Pour ma maistresse et dame je vous tiens :
R. 83; B. 64.
Pour obéir au plaisir de mes yeulx :
R. 123; B. 97.
Pour tant, madame, en rien qu'on vous raportt :
R. 70; B. 106.
Quant je vois quelqu'[u]ng qui vous baise :
R. 78; B. 70.
Qu'en dictes vous de ces folz amoureux :
R. 7; B. 79.
Qui mieulx ne peut il est bien à son aise :
R. 124; B. 57.
Tant de longs jours et tant de dures nuictz :
R. 152; B. 37.
Tant suis dolent et de douleur espris :
R. 163; B. 115.
N'était le rondeau tiré de Jean Bouchet, on pourrait croire que c'est le com-
pilateur des Trois cent cinquante Rondeaux qui a été l'emprunteur, car, il faut le
reconnaître, le texte du manuscrit est presque toujours plus correct, mais
l'auteur du recueil de M. B. a fait d'autres emprunts encore plus manifestes.
Les 7 pièces suivantes figurent au Jardin de plaisance :
Doubtant refus qui par trop fait à craindre :
Jard, de plais., éd. de Lyon, Ollivier Arnoullet, f. 77 v» ; B. 8.
392 COMPTES-RENDUS
En désirant ce que ne puis avoir :
Jard. plais. ^ f. 75 V; B. 134.
Esse bienfait, dictes le moy, ma mye :
Jard. plais., f. 78 r'; B. 124.
Excepté vouSf chef d^ œuvre de nature :
Jard. plais., f. 77 v"; B. 1 j.
Loing de plaisir et près de desplaisance :
Jard. plais., f. 78 r*; B. 127.
Puis que plus ne suis aymé de M. :
Jard. plais., f. 77 r»; B. 81.
Vostre œul qui est si fort à dextre :
Jardin plais, f. 62 v»; B. 76.
La pièce :
fayme Fortune, aussi elle le vault
(M. B. imprime par inadvertance, p. 3 : aussi elle vault) se retrouve parmi
les œuvres attribuées à Georges Chasteilain (éd. Kervyn de Lettenhove, VIII,
p. 3» 9).
Le rondeau :
Au hault de la roue de Fortune (B. 83)
figure, avec variantes, au Vcrgier d'honneur, éd. de Philippe le Noir, f. X, 6, r*.
Nous arrivons aux trois pièces les plus intéressantes du recueil. Le volume de
M. B. contient deux rondeaux de Baude et un de Charles d'Orléans. Les ron-
deaux de Baude sont :
Le cueur la suyt et mon eul la regrette :
B. 184; Baude, éd. de J. Quicherat, p. 40.
Tous les regretz qui les cueurs tourmentez :
B. 120; Baude, p. 41.
Jusqu'ici les œuvres de Baude ne sont connues que par un seul ms. ; un seul
de ses ouvrages, le Débat de la Dame et de FEcayer, parait avoir été imprimé à la
fin du XV« siècle; nous ignorons si Ton a jamais constaté des emprunts faits â
ses poésies par des contemporains.
Enfin le rondeau de Ch. d'Orléans est le suivant :
Pour tous vos maulx d^amours garir :
B. 137; Ch. d'Orl., éd. d'Héricault, II, 196.
Le texte de cette dernière pièce a été légèrement remanié par le compilateur
du recueil de M. B. en vue surtout de donner au rondeau la forme moderne oh
le refrain ne se compose plus que du premier hémistiche du premier vers.
Les emprunts faits par des contemporains aux œuvres de Ch. d'Orléans sont
si rares ^ que nous croyons curieux d'en relever un qui n'a pas encore été
signalé.
1 . Les seuls que nous connaissions sont les suivants :
I * Billade sur le refrain :
L'omme esgari qui ne scet où il va :
Ch. d'Orl., éd. d'Héricault, I, p. 82 ; Jard. de plais,, f. 149 t\
On trouve dans le Vergier d'honneur (f. Xb, v*) une curieuse imitation de cette ballade,
due probablement à l'un des poètes de la cour du duc. Le refrain en est légèrement mo-
difié :
L'homme esgari qui ne scet où il est.
Cent quarante-cinq Rondeaux d^amour, p. p* bancel 59?
Nous ne rechercherons pas plus longtemps les sources auxquelles a puisé
Tauteur du manuscrit. Les 57 rondeaux que nous avons cités ne sont probable-
ment pas les seuls qu'on puisse retrouver ailleurs^ mais si la publication de
M. B. n'a pas le mérite d^élre absolument inédite, ce n'est pas à dire qu'elle
manque pour cela d'intérêt^ ni d'utilité. D^abord, nous l'avons remarqué, le
texte est généralement correct ^ et nous n'aurions que peu d'observations à faire
sur la reprodoction qu'ei a donnée le savant bibliophile; puis le compilateur, qui
a peut-être composé une partie du recueil, a su disposer ses matériaux de
manière â leur donner l'apparence d'une œuvre sortie d'une même main. Enfin
la mise au jour de ces rondeaux vient confirmer un Fait que nous avions
soupçonné depuis longtemps^ c'est que les recueils de poésie publiés au commen-
cement du XVI* siècle étaient avant tout des manuels commodes dans lesquels
venaient puiser les poètes inexpérimentés. C'est surtout pour les rondeaux, pièces
d'une nature fugitive, moins saillantes que les ballades^ que nous avons été à
foême de constater de fréquents plagiats. L'exemple que nous venons de faire
comiaître n'a donc rien qui doive nous surprendre.
M. 6, n'a pas cru devoir aborder Tétudede ces questions accessoires; il s'est
borné au rôle d'éditeur scrupuleux et nous avons déjà dit qu'il a réussi. It ne
paraît pas cependant avoir donné ^ts soins personnels à la table des rondeaux,
dans laquelle nous avons remarqué un trop grand nombre de fautes d'impression :
p. ix, A hain, lis. A heur \ p, xj, Dcul «I, lis. Dcul it\ Eik la prm, lis. ElU
ra prms: Esse bUn fmt... ma mjt^ lis. m'amye; p, xij, Hture m* a failly, Httin
me fîi)t, lis. Hoir; lî me pu il heur, si je le vculx hkn avoir ^ eff. le; H me suffit
d'être^ lis. atre; // n*tst plu^ lis. plus; p. xiij, fayme le noir, c'est ta couleur
que je porte ^ eff. je; fenay cogna tequen veutx cognoistre^ lis. congnu et ca/i-
gnoistre, etc.
Quoiqu'il en soit, le joli volume de M. B.,dont il n'a malheureusement été tiré
que 80 exemplaires, forme un digne pendant à l'élégant volume publié par
M. E. Tross en 1863, et mérite d'être favorablement accueilli par tous les
amateurs de notre ancienne poésie.
Emile Picot^
r Baibde sur le refrain :
roui est mtnpu (ou perdu); c'est à refaire:
Ch. d'Orh, I, 89 i Jard. de plais , f. 149 v*.
f Rondeau:
Quant fe fus prias ou pavillon :
Ch. d»OrU, II, loj ; Ve^. rf'A/ww., l V, j, v
4' Rondeau :
Sot euit, raporteur de nouvelles :
Ch dW. Il, in ; J^rà. de plais., f. 77, r'.
M. d'Héricauli dit que le Jardin de Plaisance contient encore la balUde sur le refrain
Qs*encore eitviye la souris fl, IJJ), le rondeau : Des amoureux de l'observance (II, r<>ol,
et le rondeau de Frcdei : En ta forât de Longue Attente {11, iôj) ; nous pouvons
affirmer qu'aucune de ces trois pièces ne figure dans rédiiion d'Olivier \moullct
194
COWPTES-RENDUS
Oe la prononciation de la lettre U au XVI« siècle, lettre â M. Ar-
sène Darmesteter, répétiteur à TEcote des Hautes-Études, par F. Talbbrt.
docteur ès-lettres, professeur au prytanée militaire* Paris, Thorin, 1876, graiïa
<i»-8', 3 S pages.
En réponse â un article de la Revue critti^ue^ sur son étude du Dialecte
blaisois^ M. Talbert m*a fait Thonneur, dans une lettre d'une parfaite courtoîsicv
de reprendre la discussion; il l'a portée sur un point spécial, la prononciation
de la voyelle u au XV!** siècle. J'avais écrit les lignes suivantes : « M» Talbert
démontre que Tu s'est jadis prononcé eu. Telle a été, en efifet, dit-il, non pas U
seule prononciation de la voyelle, mais une des pîus communément employées
depuis l'origine de la langue. Il fonde cette étonnante affirmation d'un côté sur
des exemples établissant la prononciation eu pour des mots qui depuis ont eu un
u, mais qui se prononçaient d'abord eu ci plus anciennement eu, ce qui ne prouve
rien ; de Tautre sur le témoignage de Palsgrave qui note par €u notre u, ce qtit
n'est pas plus étrange que b notation allemande du même son par ue (ucber), •
L'auteur n'accepte pas ce jugement, et il sVfforce d'établir que u sonnait cw, en
s'autonsant à nouveau du témoignage de Palsgrave et ens'appuyant sur les rimes
de quelques poètes du XVI' et même du XV' et du XIV* siècle.
J'ai lu avec soin la lettre de M, T,, et examiné attentivement ses preuves. Je3
ne me sens pas convaincu, et j'en reste à mon appréciation première. Eu n'a
certainement pas été la prononciation générale de la voyelle u au XVI** siècle et
dans la vieille langue depuis ses origines. Toutefois b question est complexe; el
pour la poser nettement, il faut établir diverses distinctions. La première est
celle des dialectes. Quand on parle de la prononciation générale, il est bien
entendu qui) s'agit de celle du dialecte français de rile-de-France^ de celui qui
est devenu la langue de la cour, la langue commune. Or au moyen^ge, jusqu'au
XIV'* siècle, et de nos jours depuis le commencement du XViI'\ on peut
affirmer que la prononciation de Vu 3 été la nôtre. Pour le moyen-âge il n'y
qu'à passer en revue les nombreuses assonances en u des chansons de geste |1
elles sont toutes sans exception d'une pureté par^ite, l'u y repose sur un û du
latin classique ou populaire cl n'y assone qu'avec lui-même. Pour Tépoque
moderne, la question se complique, parce que les variations subies par des
sons voisins de Vu en viennent troubler l'histoire. Posons d'abord les faits.
En thèse générale, dans le dialecte de rile-de-France, c'est-â-dire dans U
langue commune^ ^et â latins accentués, devenus ô fermé dans le latin populaire,
ont conservé cette prononciation jusqu'i l'époque encore mal précisée à laquelle
cet é fermé s'est scindé en deux sons différents, ou et eu : lat. nos, v.fr. nos, fr.
mod. /ïouji lat. Itpunt^ v.fr. /o, fr. mod. /ou/»; lai. doltnm^ hAt, dotor^
fr. mod. douleur ^^ lat. j^vencm, v.fr. jonc, fr. mod, jcMne, U6 bref accentué est
devenu successivement ao (X* siècle), ut (X1-X11*J, œ (XII-XIII"), eu (XIV.
XIX*). Ainsi p u en partie et o régulièrement ont, par des chemins différents»
abouti à m et y sont restés, sauf dans deuï ou trois mots tels que *mora^ au
XVI" siècle mturcj de nos jours mûrt; firrum^ au XVI' siècle Jeur^ de nos )ours
fur. Eu a une tendance à s'affaiblir en u» sous l'action de consonnes voisines;
u Kitniéro du lû janvier 187$ , p. 97*40.
TALBERT, De la prononciation de t\i ^95
celle lendancej plus marquée au XVI* siècle, i laissé des traces dans ta pronon-
ciation et l'orthographe du temps, où Ton trouve /une à c6té de feune^ hurU à
c6té de luurU^ et dans la prononciation actuelle^ dans les mots dtés ptu$ haut
mân et fur.
(/long du latin classique ou populaire (c'est-à-dire ou) est devenu notre u
actuel, qui dh tes premiers temps de la langue s'est prononcé u (û) et n'a pas
changé jusqu'à nos jours. Il n'en feut excepter qu'un petit nombre de mots dont
la prononciation un moment a hésité entre eu et u pour revenir à u. Nous allons
les examiner tout à l'heure.
Enfin f la chute qui eut lieu, vers la fin du XI« siècle, des muettes médiales,
donna naissance dans les mots où la muette était suivie d'un â long à des
dissyllabes qui furent d'abord eu, puis eu, puis généralement u: tels sont
^ maturumj meâar^ meûr^ mem, mûr: secarum, segur, seûr, seur^ sûr: augurium^
jgurmrjif ûgur, aûr^ eûr^ eur^ heur; les participes en edut, eût, eu, eu, u; les
parfaits indicatifs et imparfaits subj, en eus, eus, us; eùsse^ eusse^ asse; les substan-
tifs verbaux en edure^ eûre, tart^ ure.
Dans ces formes, cù^ après avoir passé à un son eu qui se distinguait de \'m
issu de Q u, (\ est devenu dans ïa langue commune a, mais non sans subir des
fluctuations diverses au XVK au XVII* et au XVI II" siècle. On trouvera une
histoire détaillée de ces hésitations entre eu et « dans Télude de M. T. sur le
|dialccte blaisois; j'y renvoie le lecteur. Il n'en est resté d'autres traces dans la
j langue usuelle que jeûner au lieu de juner et heur, heureux au lieu de hur, hureux.
Toutefois, SI la prononciation de cet eu a été longtemps indécise^ celle qui devait
triompher dominait déjà au début du XVII" siècle et à la fin du XVI* siècle.
Cest ce que nous allons établir.
Pour le premier quart du XVII' siècle, nous avons un document important
de la prononciation commune dans le Grand dictionnaire des rimes française s
(Genève iBij) K Nous allons passer en revue les indications qu*il donne sur ta
prononcialian de Vu. Nous trouvons la prononciation actuelle pour les rimes en
lie (page loj, ud (11), udc (3O, "<^^ usche (56, j8>, ule (74) distinct de eule
(87}, uble^ uple(jj, 8^) séparés de euhle^ eaple (78, 85), ure (98), upe, urpe
(m), aque, uîque^ urque^ usque (116, 117), ubre (i 14), ucre^ ulcre f 1 1 j), ustre
{140), u£e, usse (27, 1 p), eusse (imparfait du sub|onctif) (1 ^4), t Cette termi-
naison (en eusse), fait observer Tâuteur^ ne se prononce point comme ayant la
diphthongue eu à la pénultième, mais comme si c^était un u simple, assavoir
comme celle en usse. • Parmi les mots en urne (90), Fauteur cite rume, que l'on
écrit aussi reume, dit-il, mais qui se prononce comme s'il n'y avait que l'u. A
propos des rimes en ure (p. 122 et 123) on lit la note suivante : « Il y a une
terminaison ci-après en eure, qui se prononce entièrement comme celle-ci avec
on u simple, hormis qu'elle a la penultîesme longue, que ceste-cî a brève, à la
page 143, c, 2. Il se faut garder de les apparier car il y a mauvaise grâce de dire :
L homme de sa nature, Est tout plain de souillure.
Là quantité de mots rend la chose facile en Tune et l'autre. » Plus loin (142*
I . Cet ouvrage est la seconde édition d'un Dietionnaire da Rimes françoisis publia ^
uns nom d*auieur X Genève (m9^} id-S'), et amibué avec beaucoup de vraue
blince à La Noue, fiU du célèbre Bras^dt-fer.
196 COMPTES-RENDUS
144), Pauteur donne en effet les rimes en ain^ qu*il divise eo trois séries; Tune
comprend les substantifs féminins en eurt — lat. atura; sur celle terminaison»
fauteur dit qu'elle « s'escrit improprement avec la diphthongue, veu qu'elle ne
prend la prononciation qtjc de Vu simple et se prononce comme si elle csloii
escrile ure, puisqu'on le fait. II est ainsi aussi ici (c'est-à-dire, nous adoptons id
aussi t'orthographe £arc} en attendant qu'on se résolve à eîi user autrement. •
L'auteur ajoute qu'on ne peut rimer cette terminaison avec celte en arc de ta
page 122, parce quVIIe a ta pénultième longue, tandis que celle en are l'a brève.
Toutefois des mots en urrc {conclarre et autres composés de ^lûjire et concurre}
ayant Vu bref riment avec les mots en eurc =- ûtura. Une autre série comprend
les mots en mre (ce sont nos mots actuels) qui ont Veu long. La troisième com-
prend les mots asseurt, meure (môra), meure {maîara) et leurs composés qui ont
luie double prononciation, soit tu bref, soit u long, et qui peuvent rimer avec
les mot en eure (prononcé are) = <itura, mais qui riment difficilement avec les
mots en ûre, \à nous saisissons le passage de eu issu de eu k u, P. 16$ nous
trouvons les rimes ute auxquelles l'auteur adjoint (p. 18 1) le mot cheuîe et ses
composés, et le mot meute et ses composés (toutefois meute^ esmeute^ etc. se pro*
noncent également bien avec cu^ dit rauteur), mais dont il sépare (p, 177) les
mots en uste avec u long, où s ne se prononce pas (flaiste, tabusle et leurs com-
posés, ajuste oii Vs est muette ou sensible, ad libitum). P. 186-189, rauteur
donne les rimes en ne et eue. < Ces deux terminaisons, dit- il, sont appariées
pour ce qu'elles n'ont qu'une mesme prononciation, qui est la première en ue^
la diphthongue eu ne tenant rang en la seconde que d'un u simple. C'est pourquoy
elles peuvent fort bien rimer ensemble. » De ces mots, il faut séparer ceux qui
font entendre le son eu, tels que bleue^ queue. P. 534, les mots mur^ pur,
dar^ ohcur, futur j azur et sur (aigre) t ne se peuvent apparier à la terminaison
en eur en aucune façon, i Celle-ci comprend (337-340) les mots en eur =: onm
et de plus heur (auguriumjj mcur (maturum), seur (securum), sur (super;, ce qui
ne contredit pas les renseignements de la page t22 sur ure^ eure, P. jp-^jj^
on indique les parfaits, première et deuxième personne du pluriel, en usmes et
eusmcs^ ustes et eustes^ lesquels o n'ont qu'une prononciation, la dernière [termi-
naison] se prononçant comme si elle avait Vu simple à la pénultième. » P. 564,
Fauteur distingue us reposant sur un latin ûsium) qui a l'u long de as avec «
bref, lequel vient généralement d'un antérieur eu. Nous passons sur les rimes en
ucs (j60, uses, uls (367K urs^ euls (369), uss, eurs (J79; meurs =: maturos et
seurs ^ sccuros peuvent rimer en eu et en u), uts(}%\), ustes { 383), pour arriver
aux rimes en eux {euse) et en uî^ eut; u, eu (390, 396, 416, 4^, 461). Il y a
un eu hrd (feus, jcus^ etc., tu peus^ tu meus, etc.) qui rime difficilement avec eus
long {herkus et les mots en eus =^ csum, àeux^ ceux, etc.) et qui ne peut pas
rimer avec eus prononcé us, par ex. dans les participes passés {sceus, receus, deus,
Uus^ meus^ etc.=;5fuj, etc.). Il y a un eut bref (pleat^ au prés, indic, meut, etc*)
qui rime difficilement avec eut long (deut de deuit, doki, veut de veuU, volet) et ne
rime pas avec eut prononcé ut dans les parfaits (receut^ leut^ peut, etc.). Enfin, il
y a des mots écrits en eu et qui doivent se prononcer en u, comme les participes
beu^ sceu, deceu^ deu,chea, leu^ meu^ conneUy peu^ creu, seu, etc.
Il ressort de cette analyse sommaire que dès le commencement du XVII^ siècle
TALBERT, Di ta prononciation de l*u 197
là prononciation générale de a et de tu était telle que nous la voyons aujour-
d'hui ; les seules différences indiquées sont des distinctions entre ai, u brefs et
tu, u longs, distinctions aujourd'hui disparues^ et la double prononciation des
adjectifs mcur^ senr^ de meuU, csrruuU^ la prononciation de m(ur et de fcur qui ne
sont pas encore mùrCj fur et celle de sur isuperj^ prononcé smr.
Vers la un du XVI* siècle, en 1)8}, Th, de Bèze, dans son opuscule lif
Frûncica Lnguac ncia pronmtlûùojiCf donne des renseignements abondants sur la
valeur de Tu et de Vta dans U langue commune et dans les dialectes. La descrip-
tion de Vu (p. tS^) prouve qu'il le prononçait comme nous. Quant à Ffu, il
résuite des pages qu'il consacre à cette voyelle [p, yj, jj)*^ que i^ ta est un
son simple où Ton n'entend plus Vc ni l'u, son inconnu des Grecs et des Latins.
1^ Que les Picards dans quelques-uns des mots en ca suppriment IV; disant
par exemple dm^ ju pour dim^ fcu, 3° Que Tusage a prévalu cheîc ceux qui
passent pour bien parler de réduire eu à a dans quelques noms et verbes comme
smr (securus), s£urté^ asscanr, assiurance^ mcur^ murcii^ et qu'en général^ les
substantifs verbaux en carc^ les participes passés en lu^ les imparfaits du subjonctif
en tusse ne doivent faire entendre qu'un u : urt^ u, uist, 4** Qu'à Orléans et à
Chartres, on prononce à tort ca en deux syllabes % et que les habitants de
Chartres, de la Normandie et de la Gascogne prononcent en tu celte voyelle
réduite à u dans la langue commune. \^ Enfin que les poètes gascons usent de
fausses rimes comme heur et dur^ tngrsveun et figun, heure et nature *.
On voit donc qu'en t j88 la prononciation qui triomphera plus tard tend
déjà â dominer. Th. de Béze prononçait ïa et Vcu comme nous le faisons aujour-
d'hui. 11 note des divergences pour certains mots et reconnaît implicitement qu'on
prononçait meur et scur à cÔlé de mûr et de sûr ; prononciation admise expressé-
ment par t'auleur du DtcUonnairt des nmcs.
Pour Vu pur issu de Vu latin, Th. de Bèze n'indique aucune exception:
l'auteur du Dictionnaire des rimes indique la prononciation scur pour sur, con-
tredisant ici Talfîrmation de Bèze, qui admet un u simple dans la préposition
sur t super) comme dans Fadjectif sûr (aigre). On voit par là que la prononciation
de sur était douteuse ; d'ailleurs si l'on songe à Tétymologie super qui n*a pu
dooner régulièrement que jor, usuel en v.fr.,d*oii sûur^seur^on est porté à voir
dans sur un atîaiblissement normal d'une forme antérieure régulière seur^ issue du
tor du moyen âge.
Jusqu'ici nous ne voyons que des mots en eu (remontant &oit à ô u, soit à d,
soit à d ou tf -h [,..]+") qui hésitent entre eu et u. Des exemples authenti-
ques de raltératjon inverse de Vu qui devient eu^ nous n en avons pas rencontré
encore. Toutefois il en existe, c'est ce que nous apprend le Dkûonnaire des rimts
I . Je cite d'après Pexcelleme réimpression que M. A. Tabler a donnée de cet opuscule,
Berlin et Paris, t868.
1. Dans son étude sur le dialeac blaisois, M* T. résume cette page^ ce semble, d*ipréî
Fanalyse donnée par M. Ch. Livet dans son livre de ta grammaire française au xvi" siècie
(p, jir). Cette analyse coniiept quelques mexaaimdes que je retrouve dans le résumé de
M. T. Aussi je crois devoir la reprendre ici,
;. Th. de Bèze blâme cette Sia^vai; ; î) ne pouvait y rcconnattrc un archaïsme ^ un
reste de la prononciation du moyen -âge.
4» Nous croyons que les mots engraveure ti figure sont cités I tort; la prononciation
gèttéralc étant engravure et figure, ils forment des rimes correctes.
JÇS COMPTES-RENDUS
/rançoisa de Jean Lefèvre^ dont Etienne Tabourot^ seigneur des Accords, a
donné une première édition incomplète en 1 572 (Dijon, pel. jn-8») cl une seconde
édition bien préférable en 1 588 (Paris^ Pour le sujet qui nous concerne b
seconde édition développe, sans la contredire, la première ; c'est elle que nous
examinons.
La valeur du témoignage de Jean Lefèvre ou de son éditeur Tabourol est en
partie diminuée par le peu d'exaclitnde et de précision avec lequel sont classées
les rimes. Toutefois, à Tinterroger avec soin, on peut trouver des indications
précieuses sur la prononciation qu'il reconnaît pour la lettre u. Nous atloos
passer en revue d'abord ses rimes masculines.
Fol. 10^ : rimes en urc, uCj tous ces mots ont aujourd'hui encore Vu ; I4^^
ud : « nœudj Bogud, crud^ nud^ pour le surplus lu le rimeras en u : Il ne tut
ncognu Parce qu'il estoit nud. » L'auteur prononçait donc Bogud, crud, nui.
Quant à naad^ il semble que ce mot ait atfaibli \*tu en a et se soit prononcé nu;
toutefois comme ailleurs (fol. 210e) nmd est donné aux rimes en oj, il faut
admettre que l'auteur a fait précéder les rimes en ud du seul mol en md qu^il
connaissait pour n'avoir pas à faire une catégorie spéciale pour ce mot unique.
On a d'autres exemples de celte disposition dans Lefèvre. FoL 99*1, rimes en
titf : ne contient que des mots en œ prononcés aujourd'hui encore «<i, hormis
(u/qui vient de tophus et a dû passer par Utij\ FoL î66â, ul : toutes les rimes
données ont aujourd'hui encore u : ici même fauteur distingue soigneusement n/
de €ui qu'il rattache à eit, mit. Fol. 209^^-212 sont donnés les mots en u ; dans
l'ordre des terminaisons ba^ eu, du, eUj Uu^fu, chu^ gu^.lu^ ma, ntt, pu, m, ai^
tu. Tous ces mots hormis ceux de la série ea, icu ont aujourd'hui « etsepronon-
çaient certainement en a : après la série eu ku qui contient des mots pro-
noncés aujourd'hui les uns ca^ îes autres ir, l'auteur dit expressément que ces
mots en m t ids sont bien choisis ^ ptnveni nmcT avec u. Exemple : Encor Targent
m estoit dcu Du vin que j'avois vendu. El si lu veux en escrivant dm y pour plui
grand' grâce tu esteras t, et escriras simplement du. • Preuve évidente que les
mots en eu venant de eu jouissaient du privilège de rimer avec eu et avec u et
que a distinct de eu avait notre son actuel. La liste des mots en vs, m^ eus
(foL 176e* 179*1) présente les mômes caractères, d'un côté les mots en u mis i
part, de Tautre les mots en ett dant les uns ont gardé Veu, dont les autres sont
devenus m. Ici seulement Tauteur s'est dispensé de dire que les mots en n/, iVi
sont bien choisis^ peuvent rimer en i/. Fol, 207 1, on trouve la liste des parfaits
rndic, et imparf. subj. y pers. en wl, wf, fwf, eust^ plus des substantifs eu vf.
Tous les mots cités font entendre aujourd'hui l'y à l'exception de peut =r pcttîi
qui paraît égaré ici dans cette liste. Seules des rimes en ur urt présentent quelque
chose de spécial. Fol, 2076, sous la rubrique urt, on trouve les trois motsftuff,
/wrf, matrî. Cette liste de trois mots dont le premier se prononçait au XVI» siède
hvrt ou heun, et ïe 3« meurt n'aurait pas d autorité, si pour la série des mots en
ur donnés foL \\{a (dur, futur, obscur, pur, mur, sur^ azur) l'auteur ne diuit
explicitement qu'ils riment aussi en eur. Et en etfet ces mots sauf azur
reproduits dans la liste des mots en air {fol. 146 et suiv,) : dur entre
et brocûrdcur (147^, 2) et entre déjendeur cl grandeur (148*, a), mur â
ftimeur (149U, 2), pur k c6lé de peur (id. ibid.), obscur â côté de ranquevr
zitr sont S
crmimr ^|
I côté de ■
TALBERT. De k prononciation de /*u jçç
ibid.), sur à côté de amuswr { 1 49^, 2)\ futur écrit futeur^ entre /rotwr et gasUur
(i p^, i), Od peut, semblet-ilj conclure de ces faits que l'usuivi d^un r pouvait
se prononcer tur.
Nous arrivons aux rimes féminines. Aucune indication ne nous autorise à
admettre une prononciation différente de la nôtre pour les rimes en urbc^ ubt
^ÊLtiû)^ ulu {i^â) , uffc i^\b)f urgt ugut (4^^), ugt vcht (44^7)^ uicU ()5^), uU
^■{94-6)^ umt (62tf), ugm (65^), urm (68^)^ urpi upc (69^), y/^w (71^), wf^u«
^Bi^yf (71W, v^wf <72fl), t/ire (72W, uc« w/c« (73<ï)t u/?« (784), i/Jf« (804), ulu
^■8^), ustt (9^13). Fol. 28^ et b, sont données d'abord les rimes en eusse^ toutes
^terminaisons d'imparf. du subj., que suivent les rimes en uu, vssc. A la fin de
là liste en eusse Fauteur écrit cette note : « Rime le surplus avec usse et uce
comme, Que pleust à Dieu que converti en pukt Sur vos tetins i l'aise |e rcpcusse.
Auquel il est loisible d'oster Ve de pcusse pour adoucir le son du vers. ■ Cette
note prouve bien que le son de uce, usse était alors ce qu'il est maintenant.
Fol. }2b, à la rime en udc on trouve le mot Eudc et toute une série de mots en
^■k</c correspondant pour ta plupart au latin udo. On peut croire quel' auteur pro-
^HODçait Ud£; mais il est plus vraisemblable d'admettre que comme pour nœud il
^n'a pas voulu faire une liste spéciale pour ce mot unique. Fol ^3*1, jjtf, jç^,
Hb distinction formelle de eubU et de ubk^^, celle de eugU et de ugle, de wpk et
^Hc vple montrent que la prononciation de Vu était distincte de celle de Viu.
^roK 68i». on Ht : * Eiune, jeune (et dispos), jeusne desjune (lire: desjeunc). —
I Rime avec u«f retrenchant Vc. — Une; aucune^ brune, etc. (suivent vingt mots
^Hcn une correspondant au lat. ûna), i Là encore on voit d'un côté nettement
^'tranchée la différence de prononciation de eu et de u, et de l'autre l'hésitation de
la prononciation pour les mots feunc {juvenis) et jeûner. Fol. 84^, 8541, Tauleur
donne les rimes en cuse et en use : celles-ci sont suivies d'une note ainsi conçue:
• Aucuns (mots en ust) riment avec euse^ mais advise bien au son de 1 aureille,
et en use rarement, car ie trouve ceste rime dure. Estant vers son amoureuse^ 11
^^|ui foue d'une ruse. > Comme on le voit par l'exemple cité ces quelques mots en
^■pie qui peuvent rimer, mais difficilement^ avec euse sont {(a) ruse et {it) ruse^ en
^"vieux français nùse d'où plus tard reuse et finalement rujf. En condamnant cette
, prononciation reuse ^ l'auteur établit en même temps la différence qui sépare te
■son (use du son use. Fol. 936, on lit : f Eute, voy. ute : chcutt^ esmeute,
mchmte^ meute^ fleute b puis à ute est donnée une série de mots prononcés encore
aujourd'hui en uteti Ta uteu rajoute ensuite « Voy. les mots terminez en n/fc. • Faut-il
conclure de ces faits que uU sonnait euicf Nullement, mais au contraire que les
mots en eute pouvaient sonner uU : et en effet ckeutc s'est réduit à chuU ; rechcute
est un composé de cheuU; on trouve ailleurs mute et esmute A côté de meute et
esmeute. tXfimte didihoMXi h fluie. Fol. 9^*1 et 9^^, Tauteur donne deux listes
premièrement celle de eut^ où au milieu d'une série de participes féminins
^^en eue prononcés aujourd'hui ue^ on trouve Itmc^ banîkue et i^teut \ ensuite celle
ï. N*oublion3 pas que le dictionnaire de Génère alfimic la prononciation seur pour tur
^K 1. *i Affeubie (pour aftfbk)^ meuble^ immeuble — rime avec uble affubU, chasuble,
^B indissoluble. » On voit ki nettement tranchée la différence de m et de u ; pour affubtt
rameur indique une double prononciation afeubie et affuble.
400 COMPTES-RENDUS
de Ut qui est formée de substantifs féminins en uc = lat, ûvtf, ûw, de parlidpcs
passés et d'adjectifs féminins en ue^ et de quelques participes qui se trouvent
dans la première liste avec rorlhographe en etu : d'ailleurs tous ces mots se pro-
noncent aujourd'hui et se prononçaient du temps de Tauteur en ve; il n'y a
d'exception que pour le seul mot bkùc, dont la prononciation a hésité d'ailleurs
entre bkueel hlueK
Il ne nous reste pour épuiser les rimes féminines en u de notre dictionnaire
qu'à examiner les mots féminins en enr -\- Cj vr -{- u Fol ySi, on lit : t beurre,
Seurre (ville de Bourgogne}, leurre, leurre^ susurre •; fol. c^2à\ heurte (il tauti
heurte)^ heurte (de heurter)^ meurle (arbre sacré â Venus, pour myrthe). • Pour
myrîhe on sait par d'autres témoignages que la prononciation de ce mot hésitait
entre ntiru, murtc et meuru. — Pour susurre, Jean Lefèvre semble dire que
pour ce mot d'origine savante il y a eu une prononciation susmrrc. Fol. Bu-
%ib, on lit une série décent quarante mots environ terminés en un qui se pro-
noncent tous aujourd'hui en un. Celte liste est précédée de l'indication suivante :
i Voy. cutt cy 'dessus, parce qu'ils peuvent rimer ensemble » et en effet fa
colonne précédente contient des mots en cun. Mais parmi ces mots les uns ont
gardé le son cu^ les autres dans lesquels ru repose sur un fi3 = iî(urj antérieur ont
aujourd'hui le son u : et c'est ce que déclare l'auteur par la noie suivante :
t Voy, art cy après en son ordre. Elle ploroit de sa bkssturc^ Qui n'estoit
qu'une csgratignurt, Carmesmesonpeutescrtre bUssurc et oster l'^ de devant u, »
On voit encore ici que Jean Lefèvre, fidèle à son habitude, sépare les mots
écrits par u des mots écrits par eu et réunit dans une même série ceux des mots
en eu qui se prononcent eu et ceux qui se prononcent v^ taissinl au tecteur le
soin de faire lui-même le départ.
Nous venons de passer en revue la liste complète des rimes en u m du diction-
naire de Jean Lefèvre. Avons- nous constaté la moindre indication qui, je ne dis
pas prouve, mais permette de supposer que ta et u se confondaient dans la pro-
nonciation générale i Nullement, De cet examen général il résulte que pour Jeaa
Lefèvre sept mots en ur * et susarrt se prononçaient également en a et en «i,
vraisemblablement sous Tinfluence de IV voisine.
Résumons les renseipements que nous donnent les dictionnaires de rimes et le
traité de Bèze : ils suïfisenl à nous édifier complètement sur la prononciation
de Va dans la seconde moitié du XVI* siècle. Eu issu de o ff , 0 reste m quoique |
dans quelques mots iï tende â devenir a : jtane (jûvenis), tuj^ sur (super). Les I
Picards changent volontiers cet eu en u. Eu de eii dans la bonne prononciation «1
générale est devenu u; sauf dans quelques mots où il y a encore hésitation :U
1. Uadjeciif masculin bleu est donné parmi les mots en fu, foL itob^ et non parmi
les mots en u. Il y a contradiction et peut-être erreur de la part de Jean Lefèvre pour
bkut.
2, Le texte porte hltssurty mais c'est une faute évidente, comme le prouve la seconde
orthographe blessure que propose J. Lefèvre D'ailkurs blcsstun est cité parmi les rimes
en tare ei esgrûtignurt parmi les rimes en are.
j. Remarquons que Tiiuteur du dictionnaire de Genève, qui suit de très-près Jean
Lefèvre pour le développer et le corriger, a évidemment en vue de combattre ia pronon*
dation eur de mur^ dur^ etc., quand à la fin de sa liste de rimes en ur îl croit devoir
ajouter la note spéciale que nous avons relevée plus haut, à savoir que ces mots ne »c
peuvent en aucune façon apparier aux mois en eur.
TALBERT, De k pvononciation de Tu 401
um^ mtur, etc. ; toutefois les Normands^ les habitants du centre, ceux du sud-
ouest prononcent «i. U de û latin se prononce u comme dans la langue actuelle^
comme d:ins la vieille langue, c'est-à-dire que depuis les origines il est resté
sans changement, sauf dans quelques mou où il est suivi d'un r et où une pro-
nonciation populaire, ce semble, et non autorisée fait entendre au XVI<^ siècle
un eu.
Tels sont les faits que donne Tétude des documents contemporains. Y voit-on
que la prononciation générale de l'u était ^w,que Ton prononçait tat^ vertcu^ teue^
etc., pour ta^ vcrta^ tui^ etc.? M. T. s*appuic, il est vrai, sur quelques rimes de
poètes de t'époque* Or les faits que nous venons d'établir rendent compte des ar-
guments qu'il veut faire servir à la démonstration de sa thèse. Il s'autorise éga-
lement du témoignage de Palsgrave; mais Palsgravc, bien interrogé, dira tout
le contraire de ce qu'il lui fait dire,
Palsgrave transcrit eu et u français par as. U.T, en conclut qu'il y a là une
grave présomption que ces deux sons se confondaient de son temps. Mais il
n*C5t pas absolument exact de dire que Vcu et Vu français sont identifiés par
Palsgrave. Le grammairien anglais note notre eu par <f«j notre w par fa, et cette
différence de notation aje pense, sa raison d'être. Qu'on voie p. 6a, /usquts sujfftrt
transcrits joikcs smjjtn^ mais posussmn transcrit passesséan, P. 61, successeurs
est noté par saïkcesséurs^ cureax (prononcez ureux) par euréux^ etc. Cet accent
sur IV paraît mis ou omis dans quelques mots irrégulièrement, et ce sont vrai-
semblablement des fautes de Tédition originale, 0 n'y a pas de doute quep, 57 It
faille lire vaynkhtrs vaynkeas ^ vmn<fucurs vaincus. Mais laissons même de c6tè
cette notation dont rirrégularité peut prêter à discussion, Palsgrave est explicite.
Il distmgue formellement ta d^ u : qu'on lise le passage suivant (p. 14 et 15) :
• Eu in ihe frenche tong haih nvo diverse soundynges, for sometyme they sounde
hym lîke as we do in our tonge in thèse wordes : a dewe^ a shrewe^ afewc n and
sometyme liKe as we do m thèse wordes tnwe^ gtew^ rewe^ a mewc. » Le premier
son qui est le plus général est, dit Palsgrave, celui qui se trouve dans iréux,
euréux^ luu. Dieu; c'est donc notre son eu. L'autre se fait entendre dans les par-
tictpes deccu^ receu^ beUy deu^ etc., dans les parfaits en eus, et dans quelques
noms adjectifs tels (\ue fourcha ^ barbu, etc., dans lesquels Jean Le Maire omet
Ve comme cela devrait se faire en rcaltlé (of whiche adjectives Jehan Le Maire
leaveth the e unwritten, tike as they shulde in dede be written), Ici^ on le
voit, on a affaire à notre u. Et en effet, p, 8, quand Palsgrave explique la pro-
noactation de lu, il la compare à celle de l'anglais ew dans les mots : c rewe an
herbe, a mcwe for a hauke, a ciew of threde d précisément ceux qu'il cite potir
noter le second son de eu^ celui qui est aujourd'hui écrit u.
Palsgrave distingue donc catégoriquement d'un côté eu qui est resté eu^ de
l'autre eu (que Ton écrit aujourd'hui u) et u qui ont même prononciation. Il
représente ces deux sortes de sons par un même équivalent eWj mais cet équivalent
a une double valeur. Comme j'ignore quelle était au temps de Palsgrave la pro-
nonciation de dewe et celle de trcwe^ \e ne puis dire jusqu'à quel point ces nota-
tions sont précises. Mais il n'en ressort pas moins que pour Palsgrave u n'est
pas identique à eu.
Nous arrivons maintenant aux rimes citées par M. Talbert. La plupart des
Remania, V 26
401
ffiffiln Mil eapnrt£i «■ pso» Dk B«tjs et an provençal Lirtigaes : je
téèwéamhaaKmfkÈétÙmBanméet natefloqfBe/nMiôr iar, kmém,
mafe, ctc^ efc ; dans LattigMs dci liaci Idks (fÊtfm JnllB, lâîaur ^«scMdaj,
fnîimâMt dax, €rs3sea damâ^ ÊÊnt fémmst^ de. Cn noMiy on en peitl mui*
tijplier le «OMbrc ndéfianeat ; ks poêles mèMoÊornsL m «eut et abusent. Nous
aïons TD qae Tb. ëe Bcie signiaii éql ce fait cMBe propre a la Gascogne;
il appartient i tool le doinuM île la hngioe d*oc. Les OBèridjûfiattx eo effet ut
connaissent pas dans leur idione le soo cn, lo et Fi bfef af ant donné chez eoi é
on 00, el To bref ayant donné ^« onr, m^ etc« D en réssite que quand les éciitajos
dn »dî se mirent â tant on à parkr le Irançais, ne poaviot prononcer ce son
a qoi lenr était étrangler, ils l'assonilàent an sooqnîenéUit le plus voism, ira,
on, par noe de ces erreurs dont on voit yonnidUenieot des exemples dans U
boncbe des personnes cherchant à parler nne langne étrangère, identi6ércnt m
et it et donnèrent à tous deux soit le son n, soit le son en.
ToutekMS la réduction de <a à n est le cas le pins ordinaire; et ce
n'est pas seulement chez les poètes qu'on la constate, m^M chez les prosa*
leurs : Montaigne écrit àsturi pour à cttu ktmt^ Mooluc écrit ant cts d'hommf^
c.-i-d, mie qaau (Commentaires, L 11^ p. 6;o^ éd. de Rnble). Il est inutile de
multiplier ces exemples qui oe prouvent quelque chose que pour U prononctâtioo
du avançais dans la bouche des méridionaux *. En dehors de Du Bartas et de Larti*
gués, M. T. cite encore des rimes de Ronsard : issu reau (p. m)i <^c Malherbe
cmx dkmx (ibid.). Il n'y a pas à mettre en doute que Ronsard proaooçait
comme nous issu et n^a ; et quant aux rimes de Malherbe^ ce sont ces nmfS
normanda dont parle Th. de Béze et que nous avons signalées plus haut
Malherbe^ d'après la pronouciation de son pays^ disait dàtutXnondèçu, Lorsque
Rabelais fait rimer minute avec mcuu^ c'est qu'il donne à mmte la prononciation
de muu que nous avons également reconnue plus haut. Quand Guill. Crétin dans
SCS rimes équivoquées oppose pîantmtmi à planu hearetist^ il n'y a rien d'invrai-
semblable à admettre qu'il prononçait pUnU hurmse, M. T. s appuie encore
sur des rimes de mots latins en n^, ur ; £nntuj rimant avec mîaa dans B. des
Périers, Je ne contesterai pas la prononciation Enniius; c'est là un mol latin cl
non français; or c'est la prononciation de lu français seulement qui seule est en
discussion» et les exemples latins de Brantôme, de Coquillart^ de Tabourol, que
M. T. apporte soit dans sa lettre sort dans son Etude sur h diaUcît blaUois^ ne
prouvent rien pour la prononciation de la voyelle française.
Après avoir examiné les poètes du XVI' siècle, M T. remonte au XV* pour
établir que cette prononciation fu de u est un héritage d'une époque antérieure^
et il interroge le mystère du siège d'Orléans, Sur les vingt mille vers dont se
compose cette composition indigeste^ écrite et rimée avec une négligence qui lui
enlève toute autorité, il trouve une vingtaine de strophes dans lesquelles m
rime avec u, Admettons la valeur de ces rimes. M. T. cite p. ex. Duu pada^
wuliu Duu^ tenu luu^ nau provcu^ perdu to, tsieu conclu, venue car, lîeae rtpttà
où rien ne nous défend de lire Dm, liu^ lirnc^ prononciation dont on a d'aui
9t
l
TALBERT, De la prononciation de /*u 40^
eiemplcs. Ailleurs trouvant la série vcmi^ nuls, menui, rntnuZj M. T. lit hardi-
ment ventât^ ntah, mtnaii, nttttmz en s*aulortsanl du vers suivant : Neulz m
vousosifOU contredire (139), mais là neuh est dissyllabe, se prononce ni-uh et
vient non de nuilus qui a donné nul^ mais de ne uîlus « pas même un p. Les
rimes murs (muros), /ï^fjrj (heurts), seigncun fureurs, seigneurs heurs saurs (securos>,
vo/earj, hbeurs^ diffamateurs, àecenurs, leurs (turcs), honneurs, n'ont rien que
de régulier et prouvent seulement que la prononciation meur de mur, seiir à côté
de jdr, signalée plus haut, remonte au XV siècle, ce qui n'est pas étonnant.
Quant à Turcs prononcé Tturs, on peut y voir la même influence de IV. \\
cite enfin plusieurs strophes où Ton voit demeure, heure, labeure^ meure, rekcure
rimer avec adventure, conclure, creûUire, deconfitan, dure, laidure^ mesure, parjure,
procure, stpuilatc. Faut-il admettre une prononciation demure hure, etc. ? nous
ne le pensons pas; des rîmes par à peu près? c'est vraisemblable; mais on peut
croire à une prononciation adventeurc, etc., car on a ici précisément cette termi-
naison ure o\i nous avons déjà signalé Taction troublante de IV ^
Pour le XIV* siècle, M. T, cite un exemple d'E, Deschamps qui fait jimeffeu
^ocum) (écrit fa) avec /« — fait. 11 en conclut qu'il faut lire et prononcer dans
les deui mots feu; conclusion bien hardie quand on songe que/u =^ fuit se pro-
t noflçait fu dans la vieille langue et a gardé cette prononciation dans la langue
moderne; qu'au contraire il n'est pas plus étrange que fècum ait en passant par
fm abouti dialectalemcnt i fu qu'il ne l'est de voir fùram en passant par fear
aboutir â fur,
Enfin M. T< cite un dernier exemple pris au poème de Hugue Capet i t A
Wons cl à Mabeuge^à Vins et à Reus, » Il ïît ce dernier mot Rkus. « Comment»,
me demande-t-il, t comment rendez- vous compte de Rius qui, sauf erreur, vient
de Rodiamî II aurait dû, me semble-t*il, prendre la forme Rui et non Réus^^
] comme hui ou ui de hodic, cnui de modiOf put de podium, muid de modium,,. Je
crains bien (pourquoi ne pas le dire franchement?) que pour rendre compte de
Rius aujourd'hui Rœulx Mat, Rodium) vous ne soyez obligé d'avoir recours h une
de ces formes ingénieusement hypothétiques dont l'école historique, sous une
apparente rigueur, offre à mon avis de si nombreux exemples n^. M* T» s'alarme
à tort : odium, podium^ hodie, modium ont donné ennui, pai, hut, mui, parce
qu'ils ont l'a bref, mais Rodium pour donner Rcux avait sans nul doute Vo long
comme vorum qui a donné vœu, nodum qui a donné nœud et les mots en 6rem
qui ont donné eur. On comprend maintenant comment le Reus de Hugues
Capet se prononçait bien Reus comme il est écrit, et comme il se prononce
encore aujourd'hui, et non Rèus ou Ràus par un dissyllabe dont la méthode
• d'observation, de comparaison et d*induction 1 que revendique pour lui i*au-
K Dam le Dialecte btaisoîs (p. 49)» M- T. dit qu'ju}ourd*hui I Blois et aun environ*
\ M tonne i généralement » eu ; il cite des panidpes passés en i/, et des substantifs en ur,
I urt, La prononciation des participes tels que vaincu = yainqueu peut être une extension
tnalûgique de la prononciation de beu = beà, etc. ; la diphihongue tû dont Th. de Bèit
constate en 1 i84 la prononciation eu dam l'Orléanais, a aussi conservé jusqu'à nos iours
' '••*£ prononciation. Quant aux substantifs en ur, un où Vu repose sur un a laun, il
l voir dans la prononciation eur, iure qu'ils affectent TmAuence de Vr voisin {nature
eure, morsure mourseure^ piqûre piqueure),
2. Pronoocet Ritus. Aujourd'hui Rceulx prononcé Reu.
|. P. (6 et H.
404 COMPTES-RENDUS
leur, aurait peine à rendre compte; qu'ainsi du X1V« siècle à nos jours la pro-
nonciation Rioi n'a p;is changé. Mais, dira M. T., le vers d'Hugues Capet
est faux ? oui| comme bien d*autres du poème édité par M. de La Grange. Qui
ne voit qu'il faut le corriger tout bonnement en : A Morts et à Mauhmgc et à
Ym a à Rms?
11 est temps de clore cette discussion. Je crois avoir réduit à leur exacte
valeur les arguments dont M. T. se sert et auxquels il donne une portée qu'ils
ne sauraient avoir. Le témoignage de Palsgrave montre qu'il distinguait a de
tu; les rimes des poètes qui sont alléguées ne prouvent que leur prononciation
dialectale; et il reste établi que dans la langue commune t'ô û et Vo ont abouti à f
un m qui sauf deux ou trois mots est resté; que « n'a pas subi de changement
depuis les origines de la langue jusqu'à nos jours, sauf quelques mots où s'est •■
fait sentir Taction d'un r voisin dans ta prononciation populaire ; et que iu ^\
abouti à u dans la langue après quelques incertittides et quelques fluctuations |
dont nous avons conservé encore une ou deux traces.
Un dernier mot pour finir* Dans les pages précédentes je n*ai cherché qu'à
établir ou qu'à discuter des faits qui combattent ou paraissent prouver la théorie
de M. Tatbert. Cette théorie elle-même, malgré les développements qu'il lui
donne^ il ne la formule point d'une façon assez précise pour qu'il ne me reste
aucun doute sur le fond de sa pensée. Admet-il que depuis les origines Vu avait
deux sons, ^etu, qui vécurent l'un à côté de Tau ire presque jusque vers la fin du
XV!' siècle, époque où u aurait supplanté ta ? Ou croit-ilqu'à un moment donné
de l'histoire de la langue, le XIV siècle peut-être, des sons d*origine diverse,
venant ainsi de Tô, u et de l'il latin, se seraient fondus en un son unique m qui
à la fin du XVI* siècle aurait commencé â se scinder en m et en u î
Je crois que M. T. est forcé d'admettre Tune ou l'autre de ces deux manières
de voir. Or non seulement elles ne reposent sur aucune preuve sincère, mais en
elles-mêmes elles sont insoutenables. A4-on un seul exemple d'une langue qui
aurait deujf sons différents pour une même voyelle, et cela non pas dans quelques
mots isolés à prononciation incertaine, mais dans tous les mots présentant cette
voyelle? Ce serait un miracle, ou plutôt une monstruosité dans Thisloire du
langage. Et pour prendre la seconde manière de voir, ne serait-il pas également
merveilleux que quand deux sons différents £? et u seraient venus se fondre dans
un son unique ta^ celui-ci, se scindant â son tour en eu et en u, la répartition se
fût faite si exactement que précisément IVu serait revenu aux mots ayant Vé
primitif et Vu aux mots ayant Vu } Li encore on aurait un fait unique dans
Thistoire des langues. Et c'est pourtant entre ces deux impossibilités que M, T.
devra choisir s'il persiste à soutenir une théorie dont je pense avoir détruit les
appuis même apparents.
A. DARUEfiTlTEB.
I
I
PERIODIQUES
h Rsvue DES LAKOUBs RûMANBS, 2* séfie, t. I, ii<>* I à 4 (jaDvief-avril
1876). —P. I. Boucherie, Um nouvelle révision des pointes de Ckrmont. M. B.,
prenant pour h^st rédition de ces poèmes publiée par G. Paris dans la /Îi)m4/îw
(lel JI), a collalionné le ms. de Clermont, et, comme il arrive généraîemenl
en ce cas, a rectifié un certain nombre de leçons. Ce sont en général des fautes
de Champollion, ïe premier éditeur, que G. Paris avait négligé de rectifier. A
dire vrai, le travail, en soi méritoire, de M. B. perd beaucoup de son intérêt
par ce fait que la Société des anciens textes français vient de publier un fac-
similé complet, et, disons-le^ fort réussi, des poèmes de Clermont* Il faut bien
ajouter qu'ici, comme dans la plupart de ses travaux, M. B. manifeste des
opinions fort hétérodoxes, comme !orsqu*il prétend (p, 13) que des finales
masculines peuvent s*accorder (en rime ou en assonance) avec des finales fémi-
nines, par ex. rjmj dans ta Passion (couplet lo) SiStc branchts. C'est là une
hérésie des plus condamnables, et c'est l'aggraver encore que chercher à l'ati-
toriser des passages du Rolani où des assonances, les unes masculines, les autres
féminines, se trouvent mêlées dans la même tirade (tirade 2 13). Les récents
éditeurs s'accordent en effet, et avec toute raison, à considérer ce mélange, du
reste tout à fait accidentel, comme une des nombreuses erreurs commises par
le copiste peu attentif i qui nous devons le ms. unique de la plus ancienne
rédaction de Rolûnî. — P. 34, Chabaneau, Noies critiques. Le roman de Fia-
mtnca. Les observations de M. Ch., qui s'appliquent aux 143 1 premiers vers du
poème, ne se recommandent pas toutes par leur nouveauté. Mon édition de F/4-
maica a été, lors de sa publication^ l'objet d'un examen critique très-détaillé
de la part de MM. Bartech, Mussafia et Tobler, M. Ch., informé de l'existence
de ces comptes-rendus (voy. p. 24, note)^ mais ne les ayant pas lus^ a cru
pouvoir néanmoins publier ses remarques. D'où il résulte que sur bien des
points il s'est rencontré sans le savoir avec ses devanciers, tandis que pour
d'autres passages des corrections peut-être meilleures avaient déjà été proposées.
Ci et là cependant, entre des interprétations nouvelles, mais peu admissibles,
se rencontrent quelques remarques utiles, il ne faut pas du reste oublier qu'il est
assez aisé en 1876 de trouver à reprendre dans un texte provençal publié en
1S65. Il y a longtemps que je me suis fait à moi-même plusieurs des obscrva-
1 . Le manque d ^espace, dans ce numéro déjà surchargé, nous oblige à remettre au
mois d'octobre plusieurs périodiques doni ta notice e^t composée.
406 PÉRtODÎQyES
lions que présente maintenant M, Ch. : ainsi, en i86}, jVi pu hésiter
sur la forme du futur en *ûa que M, Cb* me reproche d*avoir corrige au
V. n59 en -an. Mais M. Cb. peut bien croire que maintenant je ne
ferais plus la même correction. De même pour les hoinetâs du v. 94) que je
proposais de modifier en pomtias. Ce serait selon M. Ch. t le nom d'une
pâtisserie en forme de borne (boina), * Sur ce point j'étais déjà mieux renseigné
un an après la publication de Flamenca, Je ne me représente pas bien un gâteau
en forme de « borne i, et je ne connais pas boina en provençal ancien, bien
qu'il y ait botiino en prov. mod., mais dès 1866 je rapprochais toineias du prov.
mod. botigfiito, beignet (fî£v. cnf,, 1866, I, J91). — P. ^6, Poésies de l'abbé
Niric (suite). Faible. - P. 44. Langarenne, Notice sur le patois sainiongcms
(suite). Utiles remarques quf auraient pu être présentées dans un meilleur ordre.
Soit dit en passant, châ^ dans chd petit, a châ «/i/ijetc, n*est point du tout chaque^
mais cata; voy. Romania, II, 83, — P, 60. Noulet, Histoire littéraire du midi de
la France au XVIII' siècle (suite). Travail fait avec goût et parfaite connaissance
du sujet, nombreux extraits de pièces rares* On regrette seulement la pauvreté,
je pourrais dire l'absence, des indications bibliographiques, — P. 12^. Roqucs-J
Ferricr, De la double forme de l'articU et des pronoms en langue d*ce. On sait quc-^
le plur. de l'article languedocien est loas (masc.) et las (fém )♦ A côté de ces
formes, M. R.-F, en a retrouvé, dans le parler de diverses parties du Lan-
guedoc, d'autres où, devant une consonne, Vs fait place i un /, ainsi : loas
ornes, las aucas^ mais loui loups, lai femnas; et le même fait s'observe dans les
pronoms qui se terminent au plur. par une i, nious et moui, mas et mat, etc.
Poursuivant curieusement ses investigations à travers un certain nombre de
poésies du siècle dernier et de notre temps, M. R.-F. y a reconnu Tobservation
plus ou moins régulière de cette règle d'euphonie, qui paraît actuellement
tomber en désuétude, loas et las, ctc, tendant de plus en plus à s'employer
aussi bien devant les consonnes que devant les voyelles. Le fait mis en lumière
par M, R.-F, n'avait point été que je sache remarqué jusqu'à ce jour, tl est
d'autant plus intéressant qu'il se rattache à un certain développement de Vi
semi-voyelle en ancien provençal, qui depuis longtemps a attiré mon attention,
et sur !pqu€l je publierai prochainement quelques recherches. —P. 158. Monteî
et Lambert, Chants populaires du Languedoc (suite). — P. 192. Bibliographie :
La Chanson de la Croisade contre les Albigeois^ p. p. P. Meyer, t. I, compte-
rendu très-étudié pour lequel j'adresse tous mes remerciements à M. Chabaneau
qui pourra voir, par les additions et corrections que renfermera le second tome
de ma pubticalion, dans quelle mesure j'aurai profilé de ses remarques. Je suis
obligé de constater que les questions posées dans un précédent cahier de la
Remania {IV, 267 et suiv/) sur douze passages difficiles demeurent toujours sans
solution*. Mais les critiques d'outre Rhin n'ont pas encore examiné mon texte,
et il y a grand espoir qu^iïs tiennent en réserve les corrections que j'ai vainement
cherchées, — Vie de sainte Marguerite en vers romans^ p, p. le D'' Noulet Urt,
j. Du moins, sins jotution définitive. Pour la question IV, sur et vers «i Doncs aportoit
tas faihai tan grandas com us rais (p t) où rais^ m. à m. urayon », ne paraît pas offrir
beaucoup de sens, M. Ch. propose /rd/j (Irène) qui me semble infiniment peu vrabem*
blable*
PÉRIODIQUES 407
de M. Chabaoeau» cf. România, IV, 482),— t//ï iToabadour apiisun^f^rV ,\Àt\i-
taud (le même; cf. Romanta^ IV, $io)« — La conqulU de ConstaniinopU dtG, de
VUUhardomn, p, p, N. de Wailly; Ectaircissements (A. B.), — La Guerre de
Metz en i J24, p. p. E. de Bouteillcr, suivi à*iiuda criù*jucs par F. Bonnardot
(A. B.)- — Historia littcraria del dtcaniabo) enduâsiUbo anâpesticôs, par M» Mila
y Fontanais (A. B., cf. Romarxia, IV, ^o8J. — Trei camoi tn pkna Ungua
romatia com data Jmfn RudtL M. Chabaneau loue le mérite poétique de ces
trois chansons récemment composées et publiées à Montpellier ; il devait ajouter
que Tauteur eût été mieux inspiré en faisant usage soit du français soit du
patois de son pays^ au lieu de faire de vains efforts pour s^exprimcr en pro-
vençal ancien. — P. 429, Périodiques.
j (15 niai 1876). Avec ce cahier la Revue des langues romanes inaugure un
nouveau mode de publication. Désormais elle parakra le 1 ^ de chaque mors.
L'avenir montrera si une périodicité aussi fréquente n'est pas sans inconvé-
nients. Il nous semble que la publication par minces fascicules (celui-ci n'a
que trois feuilles et demie) obligera les directeurs de la Revue à morceler, plus
encore que par le passé, les mémoires étendus. Le présent fascicule ne contient
qu'un travail qui soit de noire ressort: Une colonie imotaine en Samtonge (Saint-
Eutrope), par M. Boucherie. Il s'agit d'une enclave de patois limousin
formée par la commune de Saint- Eutrope, située dans une partie du départe-
ment de la Charente où se parle le patois saintongeais. On ne sait pas à
quelle époque le limousin a été apporté dans celle localité^ et il résulte
des renseignements, bien incomplets il faut le dire, qu'a pu réunir M. B.,
qu'il disparaît rapidement, chassé par le saintongeais el le français. C'est de
toute façon une enclave fort peu importante^ et qui ne peut légitimement
être comparée aux colonies albanaises et grecques de fltalie que M. B.
rappelle au début de son article. Je ne sais ce que M. B. veut dire lorsqull
parïe, comme d'une colonie, do canton de Courtisofs, en Champagne. 11 n'y a
là rien qui ait îe caractère d*une colonie. Les habitants de Courlisols parlent
un patois qui n'est que l'ancien dialecte champenois plus ou moins altéré. Ce
qui fait la différence entre eux et leurs voisins^ c'est qu'ils ont conservé un
patois qui dans la contrée environnante a cédé la place au français. — P. J04-),
Création de chaires de phihhgte romane. Dans cette note non signée, la rédaction
de la Revue constate que son voeu en faveur de la création de chaires de philo-
logie romane vient de se réaliser, sinon en France du moins en Italie [voy.
ci-dessus, p. 256)- Sans vouloir le moins du monde faire obstacle à un désir
qui de la part de nos amis du Midi nous semble fort légitime, nous devons
cependant faire remarquer que leur critique de Tétat actuel de notre ensei-
gnement^ en ce qui touche la philologie romane, n'atteint pas exactement le
but. Il ne serait pas exact de dire que renseignement des Facultés, tel qu'il est
ofÔciellement constitué, ne laisse aucune ouverture à l'enseignement de la phi-
lologie romane. Il y a dans chacune de ces facultés un professeur pour la litté-
rature française et un autre pour les littératures étrangères. Il est parfaitement
loisible à ces professeurs de faire des leçons de pure philologie, soit française,
soit italienne, soit espagnole^ soit portugaise ; de même que les professeurs de
littérature ancienne traitent de \3 philologie grecque ou latine. Ils ont sinon le
^0% PÉRIODIQUES
devoir, dti moins le droit d*exp!iqiier Rohnt, Joinvitle, Dante Je poème du Cid,
Le provençal même n'est pas en dehors de leur ressorL Fauriel, il y a plus de
<|uar3nte ans, et plus récemment M. Baret, ont traité de b littérature proven-
çale dans des chaires de littérature étrangère» De sorte qu'en rcaltté, ce qui
manque, ce ne sont pas les chaires, mais les maîtres. Assurément, pour la
philologie en général (non pas seulement pour les études romanes en particulier)
nous sommes fort Inférieurs à TAilemagne; mais je ne crois pas que pour nous
éleverj il suffise d'obtenir de l'Étal de nouvelles chaires qui feraient en partie
double emploi avec celles qui existent déjà. P. M.
IL JaHRBUGH fur ROMAN180HE UND ENGLISCHE St»R\CHE V^ti LlTERATU»,
XV, 2, — P* i}h Hsefelin, Recherches sur Us patois romans du catiton de Fn*
tour g (nous publierons dans le prochain numéro des observations étendues àe
M* J. Cornu sur cet article). — P. 178, Kœlbing» lu der Ancrm RiwU (colla-
tion du ms» de Cambridge). — P. 198, Rœnsch, NachUse au/ dcm Ccbictt roma-
ntschtr Etymologk (textes latins reîalifs aux mots subgrunda^ mmisitrialis, et
suggestion peu acceptable de gazetum comme étymologie à gaztttà), — P, 201,
Gcssner, Esse ah HUfsvcrb des riptxinn Zeitnorus m Franictsischin (j'ai étudié
cette question dans une de mes leçons celte année, à propos du Fragment 4t
Vahncunms^ et je suis arrivé à peu près au même résultat que rend si vraisem-
blable ta savante exposition de M. G*; on notera dans son travail les exemples
de iVïïiploi d'wse avec les verbes réfléchis en ancien espagnol),— P, iix ,
Lindner, zut Formcnîehre des Pron, ni. im tngUschen. — Comptes -rendus.
Darmesteter, Traité de k formation des mots composés en français (Koschwitz).
[La récension de M. K, est surtout consacrée à discuter te plan de Touvrage.
M* K, me reproche d*avoir rejeté le plan de Dic2, plus conforme â une
grammaire historique, pour suivre une classification reposant sur des prin-
cipcs psychologiques qui n'ont leur place que quand rélude historique d'une
langue est achevée dans ses détails. J'ai d'ailleurs été inconséquent en admet-
tant la composition par particules entre h juxtaposition et la compositron,
cellesci reposant sur des procédés logiques» celles li sur les caractères
extérieurs des mots. Mes divisions sont incomplètes, n'offrant pas de place
à la composition impropre^ celle oh des mots formés par juxtaposition arri-
vent à former des mots simples {îitnac dies, lundi}. Les subdivisions du cha*
pitre de la juxtaposition ne reposent pas sur les mêmes principes que les divi-
sions générales. J'ai tort de ne pas voir des composés dans les juxtaposés avec
synecdoque ou métaphore; de n'avoir pas distribué dans les premiers chapitres
les composés latins d'origine savante, devenus populaires» etc., etc. — M. K.
ne semble pas avoir vu que, dans Tétude des composes, le point de vue histo-
rique se confond avec le point de vue psychologique. Un mot composé est une
proposition en raccourci, et l'étude historique des mots composés est l'étude des
conceptions diverses qui ont présidé k la construction de ces propositions, de
même que Tétude historique de la syntaxe est Télude des conceptions diverses
qui ont successivement présidé à la construction de la phrase. Si donc l'on veut
étudier la jormation des mots composés, on doit renoncer au plan de Dieï qui
ne répond pas à l'étude hislori^ui du sujet, mais aboutit à des statistiques,
PÉRIODIQUES 409
classées artiftciellemeitt, des composés de la langue actuelle. On doit classer les
composés d'après les principes psychologiques auxquels ils ont dâ leur naissanct^
et mettre au second rang les traits qui ont pu caractériser leur évolution posté-
rieure. On doit renoncer â faire une classe spéciale de ces prétendus « composés
impropres qui deviennent propres » et qui sont de simples juxtaposés, où, après
la réduction à l'unité d'image des deux concepts du déterminant et du déter-
miné, les deux éléments se sont soudés : lundi ne diffère pas de gendarme pour
la formation et le développement du mot. On doit mettre à part les composés
de formation savante^ qu'ils soient devenus populaires ou non, quels que soient
les principes de leur composition, C*est en conséquence des mêmes principes que
je o'ai pu voir des composés dans les juxtaposés par synecdoque ou métaphore,
qui présentent dans leur formation non les procédés employés par l'esprit pour
créer des composés^ mais ceux qu'il met en œuvre dans la transformation des
signi6cations des mots simples. J'ai dû faire une section de la composition par
particules, parce qu'elle doit être étudiée d'ensemble, et que par certains traits
organiquei (la production des parasynthétiques) sa formation ïe sépare de celle de
la juxtaposition et de la composition. Je n'ai pas subdivisé les juxtaposés d'après
des principes logiques, parce qu'il n*y en a pas; tous les juxtaposés présentent
les mêmes caractères de formation. M. K, aurait voulu qu*après une introduc-
tion générale consacrée à l'étude logique des composés j'eusse suivi t ïa divi-
sion précise, facile à embrasser, des grammairiens allemands Grimm, Diez et
Koch $• ; mais l'une aurait été la contradiction formelle de l'autre. — Il y a
encore d^autres critiques que le manque d'espace m'empêche de relever. Je
reconnais des inconséquences dans le détail, inévitables dans le classement de
plus de dix mille mots. Sur quelques points, comme l'explication de marage^ j'ai
depuis longtemps passé condamnation. Enfin je rencontre dans ce compte-rendu
plusieurs observations neuves et fines, telles que Tanalyse des phrases comme
mèchantt petite vitdU femme ; j'en ferai mon profit et j*en remercie l'auteur. — A»D.J
Adenet, les Enfances Ogier, p. p. Scheler (long article de M. Tobler, riche^
comme toujours, en remarques neuves et intéressantes. Je m'étonne, malgré
l'approbation de Diez, que le savant philologue maintienne son explication
ancienne de la locution /ji, faites mot cscouter, qui d'après lui équivaudrait à
écoute^ icûutei-moi; s'il veut bien relire les passages qu*il a cités et tous ceux
qu'il a sans doute réunis depuis, il verra que ces paroles sont toujours pronon-
cées dans une assemblée, et qu'elles ont pour but de demander qu'on fasse faire
silence, qu'on fasse apaiser la noise^ ce qui en beaucoup de cas est expressément
mentionné). — Périodiques. G. P.
III. BtBUOTHFQUE DE L*EcOLE DES CHARTES, XXXVÎÏ, 1-2. — P. 5-34,
G. Raynaud, Etude sur k diûlcctt picard dans le Ponthieu d*aprà des tfutrta da
Xltt d XIV» siècles \ première partie d'un bon travail, sur lequel nous revien-
drons.— Comptes» rendus» P. i la-i 14, Meyer, la Chanson de ta Croisade contre
hs Albigeois (R. L,).
IV. NtJOVE Effemeridi SictLiANB, fasc. VIIL — P. 129-160, G. Pîlrè,
DtlU sacre rappresmtazioni in Siàlk ; notice intéressante, mais les plus anciennes
4ÎO PERIODIQUES
rtprisentations en Sicile ne sont pas antérieures au XVI* siècle. — Dans les
complci-rendus, nous signalerons la noie de M. PJtrè sur les Proverks du pays
et Béarn^ de M. Lespy : elle indique divers rapprochements omis par l'éditeur.
V, ZEiTsauBJFT FUB BEUTscuEs Altebthum, XIV, j* — P, j86, Poème
énigmalique tiré d'un ms. de Saint-Gall et Vmus Ratbodi de himndine^ P- P-
Dûmmfer. — P. 462, Poème inédit de Walahfnd Strabo, p. p. Dûmmier. —
P. 466, Catalogue de livres du commencement du XI" s. (Cologne).
VL Journal oe? Savants, mars. — P. 1^1-148, Troisième article de
M. Littré sur le roman de Troie; correctioûs au texte. — Avril, p, 2i9-j|j*
La dèlivrana d'Ogier k Danois^ fragment d'une chanson de geste pubîlé par A.
de Longpérier. Ce fragment de 200 et quelques vers décasyllabiques se trouve
sur un feuillet écrit au XI V*' siècle qui appartient à la bibliothèque de Saint-
Germain-en-Laye* M. de L, l'a publié avec soin, en a comparé le texte avec
celui du ms. de la B. N* fr. 1 585 (Cangé 54) et y a joint des remarques inté-
ressantes. ti appartient à la continuation du poème que contient ce seul manu-
scrit : on y raconte b délivrance d'Ogier de la prison ou il gémissait à Baby-
tone. Quand Gautier le retrouva^ il tui donna des nouvelles, et lui parla eotre
autres
De Gui son frère si corn il les atenl
En Jersalem, et com 11 va gardant
Les maus Templiers que Dame Dieu cravent,
Qui dedeos Acre l'alerenl traisant.
Ce dernier vers manque dans le ms. i ^8^, et M, de L. est portée le regarder
comme interpolé et comme contenant one allusion à la trahison reprochée aux
Templiers lors du siège d'Acre en 1 29 1 : le pronom te se rapporterait alors à
DUti. Mais ce vers renvoie à un épisode précédent, relatif au passage d'Ogier
â Acre^ et contenu tout au long dans le ms, t ^83 i il n'a donc été omis ici que
par inadvertance et k se rapporte i Ogier. Au reste cet épisode lui-même est
une addition au poème plus ancien (car il manquait dans le texte français qui a
été traduit en néerlandais; voy. Matthes^ Dt ntdtrlandscke OgUi^y p. 22); mais
il était déjà dans Torigmai commun du ms. 1 ^83 et du fragment de Saint-Ger-
main. — M. de L. a laissé échapper quelques inadvertances de lecture ou d'édi-
tion que nous redressons ici, et quj, de la part d'un savant engagé depuis si
longtemps dans d*aulres études, étonnentbien moins que la compétcncequ'il montre
en général dans celles-ci. Au v. 4 : £(, dist Ogicr^ I. Et dtst Ogicr; de m. aux
V, 92, 126 et 204. — V. 20, confort cheval voiia^ L plutôt wi la. —V. 24-2 j,
ponctuez ainsi : Et fiert Soudan, mit nt rtspargfia^ Dtsor son cime; mes VespU
(orna. — V. jo, prisa, I. pris a, — V. 36, Qui, 1. Que^ et de m. v, raj, ^ui,
l que, — V, J9, Girart li mainne, L iï. — V, 67, pour ./. tant^ faute du copiste
qu'il faut corriger en pour ittint. — V. 1 $ j, Si /i dott voir^ K Si U dit voir, —
V. 1)7, niot que Itcssier, t. n*i ot qu*deessier. — Après le v. î&i, il faut sans
doute admettre une lacune. — V. 176, a la dure ta km, L a Vadurl ta Uni, —
V* 189, mphrant, \, cm plorant, — V. 199, Naymcs k ftrvant^ 1. ferrant* — Au
V. 174 (cité plus haut), le ms. porte Ikrkm^ et M. de L, dit qu'il faut lire
PÉRIODiqUES 411
ainsi : d'autres tcxta montrcDl qae c*t%i Jtrsatm qu'on prononçait. A ce propos
rédileur cite trois exeroples de cas où l'abréviation graphique serait complée
dans le vers à la place du moi qu'elle désigne; il faut en retrancher Do, qui est
le nominatif et non rabrévialion de Doon. G. P.
Vil, Rbvub carriQUE, avril- juin. — Art» 70. Boscan, Œunes^ p, p. Knapp
(A. Morel-Fatio), — 75. Po^nu sur l'enUam 4c FmniOts /" et de Char Us-
Quint^ p» p. Lindner (voy. une note rectificative de M. J. de Rothschild à la
p. 362). — 74. Noël du Fail^ Œuvra^ p, p. Hippeau (Ch. Defrémcry). —
7^. Régnier, Œuvres ^ p. p. Courbet {T. de L.)* —98. Ricuâl de poésies fran-
çêisesj p. p. de Montaiglon et de Rothschild (G, P.). — m. De Gramonl,
Les nn j tançais a leur prosodit (A. Darmesleler; voy. une note rectificative
de M. Quicherat à la p. ^96). — n 5. Mebes, Garnier de Pont-Sainte- Maxtnu
(P, M.; le critique se restreint à la partie historique de ce travail, dont il dé-
montre l'inanité)*
VIIL LiTERAiiiSGHEs CBNTBALBtATT, avril-juin, — 14. Meyer, Récit en vers
français de la prcmihe Croisade (quelques corrections de M. A. Tobler au texte
publié dans notre n" 16), — 25. Atkinson^ Vie Je seint Auban (article détaillé de
M. W, Foerster, qui contient sensiblement les mêmes critiques et remarques
que celles qui ont été faites ci-dessus indépendamment), — 25. Victor, D;^
Handsthnjicn der Geste des Lohcrains (Suc hier).
tX. RivtaTA EuROPEA, juin* — M. Caix, Àncora del contrasto di Ctalh
4*Akamo, M, Caix s'attache surtout à répondre à M. Bartoli, qui avait contesté
son opinion sur ce poème qui fait tant parler de lui. Aux rapprochements qu'il
avait déjà donnés il en ajoute de nouveaux avec des poètes provençaux, français
et italiens, qui ne permettent pas de douter que Ciullo n'ait subi l'influence de
la poésie artistique contemporaine. Mais je persiste^ malgré les objections de
M. C.| â voir dans le Contrasta une pièce en partie populaire et tout autre
chose qu'une imitation des Pastourelles, Ce qu'un imitateur aurait surtout copié,
c'est assurément la forme narrative et la donnée de Tinégalité des deux person-
nages, et c'est précisément ce qui manque au contrasto. Toute pastourelle est
une aventure, avec introduction, nœud et dénouement i la pièce de Ciullo nest
qu'un débat; \à l'intérêt est dans les faits, ici il est simplement dans les mots*.
G, P.
X. Thb AthenjEUM. — 24 juin* La Vie de seinl Auban^ p. p. Alkinson (P. M J.
î. M. Caix a publié sur te même suict, étudié au point de vue philologique, dans la
Riyiita di filologia romanza, un article étendu sur lequel nous reviendrons.
CHRONIQUE.
Nos lecteurs le savent déjà tous, le maître de la philologie romane n'est plus.
Frédéric Diez est mort à Bonn, le 29 mai 1876, âgé de 82 ans. Ce n'est pas
ici le lieu d'apprécier dans son ensemble l'œuvre immortelle de Diez; nous y
reviendrons longuement quelque jour*. La mort du doyen de notre science est un
deuil peut-être plus sensible pour les Romans que pour les Allemands^ puisqu'il
avait consacré toutes les forces de son esprit à l'étude et à l'éclaircissement de
nos langues et de nos littératures. Il n'a cessé non plus de témoigner à ses discj-..
pies welchcs une bonté et une indulgencetoutesparticulières/bes deux directeurs
" de la Romania^ l'un a été son élève il y a vingt ans et a toujours gardé pour lui
les sentiments du plus affectueux respect ; l'autre est allé le visiter dans sa
petite maison de Bonn et a pu apprécier autrement que par ses livres cette
anima gentile^ cette modestie presque craintive jointe à la décision la plus nette
et aux vues les plus claires, cet amour exclusif de la science, cette simplicité
touchante qui mêlait parfois un sourire au sentiment de vénération avec lequel
on s'éloignait de lui. La nouvelle de sa mort n'était pas pour nous imprévue;
elle nous a cependant causé une profonde impression^ plus mélancolique encore
que douloureuse. Nous sommes un peu maintenant comme des orphelins ; nous
n'avons plus ce doux sentiment du disciple, qui aime à s'incliner devant une
parole respectée et chère; et nous nous disons aussi avec regret que nous ne
pourrons plus lui offrir les quelques épis ramassés sur ses pas dans le champ
qu'il moissonna si héroïquement, glanes accueillies toujours par lui avec tant
de bienveillance, et avec une sorte d'admiration, comme si c'eût été quelque
chose en comparaison de sa récolte. Tous les romanistes actuels se sont assis
au pied de sa chaire ou se sont formés à la lecture de ses livres; puisse le sen-
timent de cette filiation commune les animer toujours de son esprit! Nul homme
ne fut plus inaccessible aux rivalités mesquines, aux passions étroites, aux
préjugés de clocher ou de pays. Il mettait son patriotisme à faire des œuvres
dont sa nation pût être fière, et il se plaisait tout particulièrement à se dire que les
nations romanes auraient à un Allemand l'obligation de leur avoir révélé une
grande partie de leur histoire. C'est en nous inspirant de ces sentiments élevés,
c'est en continuant, avec la méthode qu'il nous a enseignée, l'œuvre qu'il a
entreprise, que nous rendrons à sa mémoire un hommage vraiment digne d'elle. /
— Enfin deux publications de la Société des anciens textes y les Chansons du
XV' siècle et VAÎbum contenant la photogravure des plus anciens monuments de
la langue française, ont été livrées aux souscripteurs. Les deux volumes qui
I. Voy. dans la revue Im neuen Ràch^ 1876, 1, n" 24, un article ému de M. Ad.
Tobler sur Frédéric Diez. Peut-être pouvons-nous espérer, d'après cet article, que le
savant professeur de Berlin nous donnera une biograpnie que personne ne saurait faire
mieux que lui.
CHRONIQUE 41 î
complètent Texerclce 187^^ Brun de fa Monta gnt et le Débat des hérauts de
Franu n d'AngUterrCf seront prochainement livrés à leur tour»
— La Société des anciens textes a leniï son assemblée générale le jeudi S juin» i
la Bibliothèque Nationale, sous h présidence de M. Egger. Elle a entendu, après
une courte allocution du président, un rapport du secrétaire el un autre du
trésorier. Elle a ensuite volé le règlement préparé par le Conseil d'administra-
tion* Enfin elle a procédé au renouvellement de son bureau, et a nommé
M. G. Paris président, MM. Thurol et Michelanl vice-pr^idents. Les discours
et rapports seront publiés dans le Bulletin de la Société.
— Le Mystère dt la Passion, d'Arnouï Greban» publié par MM* G, Paris et
G* Raynaud, va paraître incessamment â la librairie Vieweg.
— La Société Jersiaise^ qui a publié dans les derniers mois de 1 87 ^ son « premier
bulletin annuel »', indique comme l'un de ses principaux objets Tétude de la
iangac du pays. A côté de ses comités d'archéologie et d'histoire, elle a formé
un comité spécial de la langue^ composé de dix membres, qui ont pouvoir de
s*en adjoindre d'autres. Dans la liste de ces membres, on remarque le nom de
M, A.-A. Le Gros, l'éditeur et l'un des auteurs d'un recueil de poésies jersiaises
qai a paru pendant plusieurs années sous le titre de La neuve annaU ou La nou-
nlU année. — Il n'existe sur le patois jersiais aucun ouvrage méthodique. Les
textes imprimés dans ce dialecte sont d'ailleurs de peu de ressource pour la
science, parce que, l'orthographe y étant réglée par des considérations étymo-
logiques, la prononciation n'y est pas figurée avec une entière rigueur : il serait
â souhaiter qu'il parût sous les auspices de la Société Jersiaise un dictionnaire
qui satisfit aux besoins des phonétistes^ et qui fît connaître exactement les
diverses prononciations que reçoit chaque forme dans les diverses régions de
nie.
— A l'occasion de la note insérée dans la chronique du mois de janvier sur
VAiûl de M, Fœrster, celui-ci nous a adressé une longue réponse, qui est arrivée
trop tard pour être insérée dans le numéro d'avril. Sur le désir de l'auteur',
nous la donnons maintenant. Nous ne la discuterons pas par le menu ; nous
pourrions répondre à tout ce qu'elle contient, si ce débat n'était pas dépourvu
d'iotèrèt pour le public. Nous nous bornons à reproduire ici les deux seuls points
importants de notre première note^ qui ne sont nullement touchés par la réplique
du professeur de Prague: 1' M. Fœrster, quand il a cherché un libraire pour
publier Àiol^ savait parfaitement que Timpression de ce poème était commencée
â Paris; 2« dans ses négociations avec la Société ou tel ou tel de ses membres,
M. F. a vu de la malveillance là où il y avait au contraire une bonne volonté
complète,
• Le dernier numéro de la Romama annonçant mon édition à'Aiût et Mirahel
ajoute la remarque suivante : < Quand M, F. a demandé à quelques membres
^^^ I. Sociiti Jersiaise, pour l'étude de l*hîsîûire et de la langue du pays, ta conservation
^^^ des antiquités de CUe, et la publication des documents hîjtoriquts, etc.^ fie, fondée li
H 18 janvier 187}. Premier bulletin annuel, i^ju (J^r*cyt in-4% »9 pages.)
^^^ 2. Ce désir, bien que nous n'eussions nullement refusé d'y accéder, M. F. a trouvé
^^H délicat de nous Texpomer, sans autre avis, par un exploit d'huissier, en date du 4 avril.
414
CHRONIQUE
de la Sociéîi si elle voudrait publier sa copie d*Aio(^ il lui a été répondu qu'il s*y
prenait trop tard, la copie de MM. Normand et Raynaud ayant été acceptée et
envoyée â l'impression, n II en est autrement. Lors de mon premier séjour à
Paris, dans l'hiver 1872-75 , j'ai copié entre autres la chanson d*Aiol tt MïraUl
et celle de son père Elu de SamtCilU, M. Pannier qui était bien placé pour le
savoir m'ayant assuré que personne n'était dans Tintention de publier ces textes.
Lorsque j'eus terminé mon travail, je ne laissai pas d'en informer ies romanistes
avec lesquels j étais alors en relations personnelles et notamment MM, G. Paris
et P. Meyer, et je saisis la première occasion pour annoncer au monde savant
les éditions que je préparais et don! j'avais déjà depuis longtemps analysé les
matériaux. C'est ce que je fis dans le deuxième numéro de la a Oesterrcichrsche
Cymnasial Zeilschrift 1874 (février), p. 1J4 note, •♦ afin {comme j'écrivis alors)
d'empêcher que sans le faire exprès on ne me fît concurrence. En même temps
j'annonçais aussi bien VEUe que ÏAiol (là il faut lire « Julien [le père Elic], le
père AioL * De plus^ j'ai envoyé cet article à tous les romanistes de ma con-
naissance et la Romania lui consacra dans son onzième numéro, p. 450^ une
courte notice. Pendant mon séjour à Paris de Fêlé 1874, M. G. Paris me dit
un jour que \m et quelques savants avaient l'intention de fonder une Société du
ancitm texUs français et il m'invita à lui céder mes textes, mais sans en préciser
aucun; c'est à quoi j'adhérai aussitôt, — Le 21 février je reçus le ProspccWs
de la Société et là je vis à la tête des textes que l'on se proposait de publier
l'Aiol. Je m'adressai alors le 22 février 187^ à M. G. Paris pour lui demander
si rédilion annoncée était la mienne et en même temps j'envoyai à M, le secrétaire
de la Société mon acte d'adKésion. Le j mars 1S75, M* P. Meyer me répondit
que la Société n'avait pas annoncé mon Aiol, mais celui de MM. Normand et
Raynaud. A cela je n'avais rien à dire. La Société est libre comme chaque par-
ticulier de publier ce que bon lui semble; car les manuscritS| grâce â la libéralité
du gouvernement français, sont à la disposition de chacun; mais je terminai mon
travail^ afin de faire paraître mon édition au plus tôt et de conserver au moins
la priorité. Je ne pris cependant aucune décision avant îe mois de juillet 1875,
je voulais auparavant épuiser tous les bons procédés et résoudre personnellement
le malentendu {j'y croyais encore). Par malheur, à cette époque M, G, Paris
avait déjà quitté Paris et j'appris de M. Pannier que l'Aiol de MM. Normand
et Raynaud avait été un mois auparavant accepté par la Société. Dès lors la
situation était claire : je me plaignis par lettre à M. G. Paris que Ton çtïl
traité de la sorte, et cela avec connaissance de cause, un membre de la Société,
auquel on avait demandé sa collaboration qu'il s'était empressé de promettre,
et je livrai mon Aiol à l'impression, — De tout cela il résulte : i» Que j'ai fait
mon travail deux ans avant la fondation de la Société^ que j'ai annoncé mon
édition m an avant cette même date et que par conséquent j'ai le droit incon-
testable de la priorité, et si ce droit ne peut empêcher quelqu*un d'entreprendre
le même travail aprls moi, tl me met du moins à l'abri du reproche d'avoir
voulu /tfirf concurnnct à qui que ce soit. Il résulte encore ce qui suit : i* ce
n'est pas à quelques membres que j'ai demandé st ta Société voulait publier ma
copie d' Aiol, mais c'est bien à un seul membre que je me suis adressé pour savoir
if ridition annonck par k Société était la mienne (l'on a vu plus haut que j'avais
CHRONIQUE 4IJ
des raisons pour pouvoir admettre une telle hypothèse)* Enfin i* il est inexact de
dire qu'à Tépoque 06 j'ai fait cette question il était « déjà trop tûrd, la copie
de MM. N. et R. ayant été déjà acceptée et envoyée k Fimpression, > car ma
question date du 22 février 1875 et la Société ne fut fondée ^uc U \ $ amî^ le
jour où furent élus son bureau et son Conseil, MM. Normand et Raynaud ne
purent conséquemmeni présenter leur texte qu^après ce jour. Le Bulletin de ta
Société est d'accord, menlionnant Toffre du texte à'Aiol dans la séance du
19 avril, et ce n^esl que le 17 jain que sur la proposition du rapporteur de la
commission, M. G. Paris, il fut accepté et pouvait être envoyé à l'impression.
On voit donc que s'il y a lieu de parler d'un bon loar ou d'une espUgkrUf cxprU
pour vexer, etc.^ je n'en suis pas l'auteur, mais la victime.
« La Romaniâ rtmàrqvLt que je n'ai ajouté VEiU à TAiol que • pour donner â
mon édition une valeur particulière. « Je ne sais ce qui a déterminé la Société
de vouloir publier VElie après moi â son tour, mais la Romama ne voit pas que
je me suis laissé guider par d'autres motifs. Elie est le père d'AioJ^ si bien que
non-seulement il y a un rapport intime entre les deux textes pour le fonds
même du sujet, mais encore le remanieur du texte des deux poèmes qui est
parvenu jusqu'à nous, dit à la fin d'Elie : • Cil (Elie) engendra Aiol qui tant
fist a loer, Si con vous m'ores dire, sel voles escouter* v C'eût été aller contre
Tintention de ce remanieur que de séparer fes deux textes. Il va sans dire qye
dans cette sorte de poèmes, quant à la date de la composition, te père est
toujours postérieur à son fils. Une autre remarque de ta Romama est aussi peu
fondée. On y dit que je n'ai publié le texte dMi^/ séparément que « poor être
plus sûr de devancer l'édition française* » En ce qui concerne cette manière de
faire paraître un livre en deux parties, je n*ai besoin que de m'en rapporter à
rilluslre exemple de M, P.Meyer, qui sans doute n'est pas sans connaître l'auteur
de la notice en question* : M. P. Meyer, en effet, a publié de celte manière son
* Recueil * et vient de le faire encore tout récemment avec sa « Croisade al bi-
aise. P Je pourrais de la même manière réfuter les autres suppositions ; mais
je me borne à répondre au reproche encouru par le Prospectas de mon édition^
qui énoncerait Tidée baroque de recommander VAïol comme un excellent livre
d'exercice. Apparemment l'auteur de la notice n'est pas suffisamment fort en
allemand, aussi ne doit^on pas trop lui en vouloir de l'étrange erreur dans
laquelle il est tombé ici. Ce n'est pas t le texte du poème * (v. Romama ^ l, c.
p, 127) qui a fait recommander mon Aiol comme un livre d*exercice; mais
comme il est dit très-clairement dans le prospectus^ ce sont « les remarques
grammaticales^ critiques et lexicograpbiques qui y sont }ointes, » qui donnent à
notre texte le caractère d'un véritable livre d'exercice et le glossaire qui se
trouve à la An du poème est un secours qui vient à propos et qui ne serait pas
facile à remplacer, — Prague, le 23 mars 1876. — W. FoEntiiTEB. »
— La seconde partie de l'Aiol publié par M. Fœrster, qui avait été annoncée
pour le mois de février, a été ensuite promise pour le mois de juin, parce que
Tautcur avait découvert un livre excessivement rare {les journaux auxquels on
f . [Si M. P. veut insinuer par ces mots que le suis u l'auteur de U notice en question »,
il se trompe, — P. M.]
4l6 CHRONIQUE
envoyait cette annonce l'imprimaient en gros caractères)» indispensable pour
rintroduction. Le mois de juin est passé, et rien n'a paru. Attendons-nous à
quelque nouvelle surprise. Le pauvre Aiol était réservé dans notre siècle à des
aventures presque aussi fantasques que celles dont il est le héros dans la vieille
chanson.
— Dans un paragraphe qui termine la chronique du n" 17 de la Romania (ci-
dessus^ p, 128)^ nous avons dit que M. Favre, 1 éditeur du Glossaire de Saînte-
Palaye, avait joint â la plupart des exemplaires de la brochure qu'il a consacrée
à la défense de sa publication (voy. Romania, IV, 492I une note imprimée
portant que M. P. Meyer s'était fait inscrire au nombre des souscripteurs au
Glossaire. Nous avons opposé, comme c'était notre devoir, une dénégation
absolue à l'assertion de M. Favre, Présentement M. Favrc nous fait savoir qu'il
a agi de bonne foi, mais qu'il a été induit en erreur par le libraire chargé â
Paris de la vente du Glossaire, Nous n*y contredisons point. M* Favre, à qui
nous nous empressons de donner acte de sa déclaration, voit par cet exemple
combien il est dangereux de faire usage de renseignements non contrôlés. Nous
espérons qu'il mettra cette observation à profit pour la publication du Glossaire,
où bien des textes ont grandement besoin d'être vérifiés. Mais, si nous croyons
fermement que M. Favre a été de bonne foi en comptant un instant M. Meyer
au nombre de ses souscripteurs, nous continuons à manifester notre surprise de ce
que la note malencontreuse que nous avons dû démentir ne nous ait pas été
adressée, de telle sorte que nous avons été des derniers à la connaître.
— Nous avons reçu de Madrid le Pmgrama de la asignatura de gramàiica
comparùdd dt tas knguas neolûtinas tn tî ptriodo de su formmonj cours professé
à l'Ecole supérieure de diplomatique, par M, le D' V^ignau, Ce programme
comprend k titre de quatre-vingts leçons. Si le professeur est en étal de remplir
les promesses de ces titres (ce que nous ne pouvons pas savoir, n'ayant encore
rien lu de M. Vignau), les élèves de l'École des chartes espagnole reçoivent une
instruction linguistique fort étendue^ — trop étendue à notre avis et assez sin-
gulièrement proportionnée. Nous sommes heureux de ce symptôme du réveil des
études romanes en Espagne, et nous espérons que, tant par ses écrits que par
les élèves qu'il formera, M. Vignau nous mettra bientôt à même de rendre pleine
justice à ses efforts.
— Nous apprenons au dernier moment que M. Fœrsler vient de publier la fin
du texte d'Eiie dt Saint-GUics. Le commentaire et le glossaire sont remis à nous
ne savons quelles calendes.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou,
LA
POESIA POPOLARE ITALIANA
In Italia, corne altrove, la poesia popolare e tradizionale è o recitata,
come sono i giuochi, gP indovinelli, le rime infantili, le preghiere, le
giaculatorie, o cantata, Fra la recitazione ed il canto piglia un poste
intermedio la cantilenay propria délie ninne-nanne. La poesia cantata ha
poi argomento o religioso o profano. La présente indagine è ristretta alla
poesia popolare italiana cantata e profana,
Questa puè ammettere le seguenti distinzioni général! :
1 . Canti narrativi, o canzoni :
a) canzoni storiche;
b) canzoni romanzesche ;
c) canzoni domestiche.
2. Canti lirici :
a) strambotti ;
b) stomelli.
<}iova 1' accennare fin d' ora un fatto che sarà esaminato e dilucidato
in seguito, cioè che gli strambotti non rari, e gli stomelli, meno fré-
quent! in tutta l' Italia settentrionale, e rarissimi in Piemonte proven-
gono dirrettamente, o per imitazione, dall' Italia média ed inferiore. Le
canzoni invece, straniere al centro ed al mezzodi délia Penisola, sono
in parte indigène nell' Italia settentrionale, ed in parte comuni a popola-
zioni romanze non italiche.
Tutti i canti popolari profani, ail' infuori degli strambotti e stomelli,
sono detti dal popolo canzoni. Noi conserveremo quest' appellazione,
avvertendo che essa avrà qui il significato générale predetto, e non il
significato spéciale attribuitole nella poesia italiana artificiosa, e notando
altresi che lo stesso nome di canzone è dato talvolta in varie parti d'
Italia, in senso più générale ancora, ad ogni specie di canto.
Romania, V IJ
41 8 C. NIGRA
I caratteri esteriori délia canzone (degl' interni diremo a suo luogp)
sono : la pluralité délie strofe ; 1' uso prédominante di metri diversi dall'
endecasillabo; 1' altemazione di versi rimati e non rimati, o assonanti e
non assonanti ; Tassenza délia consonanza atona * ; la desinenza tronca
(ossitona, mascolina o giambica) dei versi, in proporzione almeno eguale
alla desinenza piana (parossitona, femminina o trocaica). La canzone,
salvo qualche raro esempio di canzone a ballo, non è cantata in forma
alterna; ne è cantata mai a modo di sfida o tenzone. Essa si canta nei
villaggi e nelle campagne; raramente in città.
Strambotto è il nome più antico^ e più générale che si dà dall' un capo
ail' altro délia Penisola al brève canto che divide quasi esclusivamente
coUo stornello, ma in proporzioni molto maggiori, lo sterminato dominio
del lirismo popolare italiano. Noi troviamo questo vocabolo colla stessa
précisa significazione in Piemonte (stranoty stramot^ strambot), neir Erai-
lia, nelle Marche, in Toscana (nel Pistojese), nelle provincie meridionali
ed in Sicilia [strammottu, strambottu). Oitre a questa générale denomina-
zione, lo strambotto piglia anche nelle varie provincie nomi speciali,
determinati per lo più dalle particolari circostanze nelle quali è cantato.
In Toscana, al Pistojese nome di strambotto prévale quello di rispetto,
dato in opposizione al dispetto che è uno strambotto di sdegno, di coruc-
cio, di sprezzo o d' offesa, come la distorna^ cosî chiamata in Piemonte
e nel Veneto, si oppone, nello stesso signifîcato di dispregio, allô stor-
nello i. Nelle Marche lo stesso canto è detto strambotto, canzone^ rispettOy
dispetto ed anche sonetto^. In Sicilia strambottu, canzuna e cantu, Nel
Veneto vilota. Se è cantato di sera o di notte, o ail' alba, prende il nome
di serenata, inserenata (Toscana, Marche, Sicilia, Veneto), di notturno
(Piemonte, Sicilia), di mattinata (Marche, Veneto). Se è cantato inbarca,
si dice barcarola (Veneto, Sicilia) o marinara (Sicilia). Ma, ripetiamo, il
nome più diffuso in tutta Italia è quello di strambotto^ e noi stimiamo di
non dovere oramai adoperare per ciô altra denominazione. In Provenza
ed in Francia si trova una voce non dissimile, ma usata a significare
un' altra specie di composizione poetica. Secondo il Ducange, estrabot è
una poesia satirica, specie di serventeses. Secondo i poeti provenzali
1 . La consonanza atona si distingue dalla rima per la diversità délia vocale
tonica finale. Exempii : rima -àre-drc : consonanza atona -àrt-irt. Le varie
specie d'omofonia saranno descritte in apposito articolo.
2. « Mangiato ch* egli hanno, canlino qualche strambotto. • Miracolo di
Nostra Donna, lllustrazione di Codici Palatini^ di Francesco Palermo, II, 355.
3. V. una série di dispctti in Gianand. p. 240 e seg. ; e cf., per le distornc,
Dalmed., p. 207.
4. Gianandrea, Canti pop. March, Prcf. XXII.
5. Closs. med. et inf. lat.^ ad voc.
LA POESIA POPOLARE ITALIAKA 4I9
învece, V estribot o stribot deve essere distinto dal serveniese, corne
appare dai seguenti esempi citati dal Raynouard :
« CKanso, nî serventcs,
Ni stribot » B, Martin,
• Vers, estribot ni serveatcs. »
R.sjkin, d'Oranoe*.
în Ispagna la voce esirambote' è adoperata per signicare i versi aggiunti
in fine d' una composizione poetica, corne sarebbe ciô che noi chiamiamo
in Italia ta coda. Tutti questi vocaboli sono forme diminutive di strambo^
corne ionctîo è un diminutivo di suono, La voce sîrambo poi, che in ita-
liano, corne in provenzale, vuol dire storto o divergente, non appaîato,
e si applica specialmenle aile gambe, applicata a verso o rima ha dato
origine nella poesia provenzale alla locuzione rims estràmpSj che significa
verso non appaîato, cioè non rimato? oscioito; e con questa appella-
zîone viene designata una composizione di più strofe, ciascuna délie
quali è composta di nove versi endecasillabi non rimati-*. In iiaîiano il
diminutivo sîrambotîo prese un significato dîverso dal provenzale rims
istramps, corne il dimunitivo sonetto vi prese un significato diverso dal
provenzale son. Presso di noi stramboUo non ha il senso provenzale di
non rimato , perché anzi di regoîa esso è rnteramente rimaîo. Ma ha il
senso di strofa separata, non legata, non appaiaia, e ciô in opposizione
aile composizioni letterarie, le quali sono per rego la générale polisirofeed
hanno spesso le strofe încatenate, corne p. e, le terzine, e varie forme
di canzone e di ballata, L' appellativo significante non appaiato che în
provenzale fu applicato al verso, in italiano si applic£^ alla strofa. Ries-
cono quindi evidenti la connessione logica e la ragione etimologica délie
due appellazioni provenzale ed italiaua ^ .
1. Ux Rom. m, 231.
2. Dk. lie la Ung. CâsUlL^ ad voc,
3. * Rims tstramps es digz, quar no s' acorda am degu dels autres am \u\ en
leyal acordansa. « — « Aquesta cobla de si meteysha non ha lunha acordansa ;
ans es lola de si cstrampa. « Uys d* amors^ Raynouard, Lex.rom.^ III, 22^.
4. V. csempî in Ausias March.
5. Occorre appena notare che 1' etimologia di sUamboUo derivata dal Redi e
da allri da sirano motto non regge in nessuna guisa. Essa fu probabilmentc ori-
ginata dalla forma méridionale di questa vocce strammaotto^ e dal non aver
osservato che la seconda m di strammuotto rappresenta una h originaria assi-
milita. Del resto anche il significato storico délia paroU fu spesso maie inteso.
F. Pasqualmoj citato in Ukx {Et. Wort. iui vofjdefinisce • strammotta nJuula
cantiuncula a strjmmu (il. strambo), at innuaîm dtflexio a vcra significaiionc in
maiam partem âcupîa. » Crescimbeni nella sua Storm dclla volgar pocstti {l^ h 4)
fa una distinzione tnesalta fra gli strambottî ed i rispetti, faccndone due forme
scparale, mentre iî rispelto non è che una denominazione locale, proprja di
alcTini paesi délia Toscana, detlo strambotlo. Dériva poi sîrambotto da Urambo^
il che e giusto; ma lo dériva meno giustamentc da strambo « ne! significato di
420 C. NIORA
1 caratteri esicmi dello strambouo sono : strofa unica; versi endeca-
sillabi; lerminazione d' ogni verso regolarmente piana fparossitona) ;
rima, assonanza o consonanza costaate in ogni verso, cioè assenza di
versi non rimati, salve perô le non infrequenii, ma irregolari eccezioni;
fréquente parallelissimo di rime alterne e di consonanze aïone baciaie
[ârt4n-^f€-ire). L' unica strofa è composta di quatiro, sei, otto, dieci
0 più versi* Lo strambotto si canta non solo nelle campagne e nei
villaggi, ma anche nelle città. Si canta poi inoltre corne lo stornello,
in forma amebea, aguisa di gara o tenzone*.
Lo sîornâUo, per una persistente confusione, di cui daremo ragione in
appresso, fu chiamato da parecchi raccoglitori col nome di ritornello^ che
è tutt'altra cosa^ Prtmi a dar credito colla loro autorità a quesla confu-
sione furono i fraielii Grimm, che fin dal iSi; pubblicarono nel loro
libro Aluieuîschen W^tldern alcunî stomellî raccolti nel territorio romano.
L* erronea appellazione adottata poi da scritori nostri e stranienî» fa
ancora confermata ai nostri giornî da due aliri dotti tedeschi, il sig.
C, Blessig. chè stampô la sua collezione di stornelli romani col titoto di
RcEmische Ritorneile, ed il prof. Hugo Schuchardt, che iniitoiô la sua
récente e pregievole monografia : Ritornell und îerzine. Queste locuzioni
sono inesatte. Lo stornello non è il Titorndb^ il quale consiste in uno o
più versi, in una o più frasi, ed anche in semplicl siliabe prive di senso,
che si cantano in mezzo o nella fine dello stornello» dello strambotto ^
o délia strofa d* una canzone. L^errore nacque da ciô, che nella campa-
gna romana, dove prima furono raccolti gli stornelli, perdutala memoria
del senso originale di questa voce, il popolo la corruppe, o per dir
meglîo la confuse con quella di rltOTnello^ che gli ricorda un* altra forma
di canto, La raccolta del Blessig ci fornisce la prova di codesto errore.
Egli cosi trascrive lo stornello 41 délia sua raccolta (p. 1 j) :
i tantastico nel ({ualc, dtce egit, comunetnente si trasferisce; imperciocchèf
i soggiunge, negli strambotti, per vero dire^ si leggono bizzarrîsstme fantasie e
« acuiczze. x II Vocahoimo îklla Cruua, più prudente, non si compromette in
pericolose Hccrche, e si limita adefintre lo strambotto « poesia soliu a canlarsi
dagli innamorati, 1* aggiungendo pcr6 non molto csattamente 9 e per lo pid in
ottava rima. * Anche u Cresctmbeni dite che lo strambotto è in ottava rima* H
che è vero soltanto d' alcune forme popolari dello strambotto e del le Imitazioni
arlificiose che di essi ci lasciarono van scrittori del cinquecento, fra i quali lo
stesso Crescimbeni nomina Tibaldeo, Cornazzano, Serafino dall* Aquila, Bernardo
Accoltt, a cui si possono aggiungere il Verini, e V Olimpo degli Alessandri.
i. « Etc cantato voîjCanter6 io;
« E quanlo vi rispondo voîonlieri. •
V. Tigri, pref, xlii. La Sjcilia ha il triste privilégie di possedere slrambotli
c stornelli de carccrati. V. Vigo, p. 492; G. Pitre, Cittitt pop. sic,^ 1, 45;
F. Di Felice, Prose, Catania i8j2, p* Ji ; Salomone Marino, p. 22^*240
2. V. la Disscrtazione sui mttn.
l. V. M. Graham; Mûllcr; Torloniâ ncIla Strenna Romana^ 1858,
4
4
I
LA POESIA POPOLARE ITALIANA 42 I
« Chi ci vuo! far con me, canta ritornelli^
« Li tengo accaricati a sei cavalli,
« Alza la voce chi 11 sa più bclli. »
Dove, oitre aile scorrezioni grammatical], il primo verso, se si legge
ritornelli, è sbagliato ed ha una sillaba di troppo, mentre invece ha la
giusta misura se si legge stornelliy corne deve leggersi senza dubbio, e
corne del resto si canta nelle vicine Marche, secondo la corretta lezione
data dal Gianandrea :
« E chi vuô fà con me a cantà storneili,
« Li porto caricati a sei cavalli.
c Alzi la voce, a chi li sa più belli. »
E cosî nei canti piceni del Marcoaldi :
« Chi vuol provà con mené a di' storneili.
« Un carico ce n* ho per sei cavalli :
« Alzi la voce chi li sa più belli ^ •
La stessa osservazione è applicabile allô stornello 65 (p. i6\ del
quale il Blessig trascrive cosi il primo verso :
« Voi che siete maestra di ritornelli. t
Anche qui il verso ha una sillaba di troppo, e si deve leggere storneili^.
Or son già parrecchi anni , noi avevamo verbalmente segnalato quest' errore
al sig. E. Rathery, il quale, in un dotto articolo sulla poesia popolare
italiana stampato nella Revue des Deux-Mondes del marzo 1862, accennô,
sotto forma di nota la spiegazione da noi datagli dell' appellazione stor^
nello. Il vero è che stornellOy etiraologicamente, è un diminutivo italiano
1. Gianandrea, Canti pop. March., n* JiiPag. 8; Marcoaldi, pag. 118.
2. Occorrono nella raccolta del Blessig altn cinque esempî ai questa voce.
Noi trascriviamo qui i versi che li contengono, aggiungendo quella che a noi
sembra la primitiva e genuina lezione :
N" I, p. } u Col primo riiornello vi saluto » si legga : « E col primo stornello ecc. »
— 213,-44 « Sto ritornello lo voglio cantare » — « Questo stornello ecc. »
— 225,-46 « Canto il ritornello per la seconda » — « lo canto lo stornel ecc. »
— 2} 3, — 48 « Di ritornelli ne saccio una vena » — « E di storneili ecc. »
— 712, — 82 « Di ritornelli io ne so un sacchetto » — « E di storneili ecc. »
Si comparino, per la Toscana, Tigri, p. 220-1 :
« E io degli storneili ne so mille. »
« E io degli storneili ne so tanti. u
« E di storneili che ne so una soma. »
Pei Veneziani, Dalmedico; Bernoni, p. 26 :
« E dei storneli ghe ne so 'na soma. »
Pei Liguri, Marcoaldi, p. 8^ :
« E cantu de strunelli e ne so tanti. »
La nostra raccolta :
« Quattru strunelli mi voelio cantare. •
< E ri strunelli mi ne s6 oui sacchi. »
« E ri strunelli mi ne s6 na cuffa. »
42 2 C, NICRA
del provenzale estorn, corne soneîto lo è di son e corne strambùtîo lo è di
estramps. La voce eslorn in provenzale significa combattimcnto. Ora
gli siorndli italiani si cantano precisamente in forma alterna a guisa di
sfida, come anticameme i versi amebei, e in tempi meno lontani le Un-
zoni c i contrastiK 11 carauere amebeo, o di sfida degli stomelli è indi-
caio in moite di quesie composizioni, in quelle specialraente con cui si dà
principiû al canto di una série di essi. Cost p. e< si esordisce in Toscana
al canto alterno degli stornelli :
M Se vuoi venir cou meco a stornellare,
€ Piglia una sedia e metliti a scdere :
d Di^ quante stelte è in cielo e pescî in mare^. i*
Ed in Liguria :
• E ri striinelU mi ne se duc sacchi,
• Se a tr cantu tutti ti ten scappi, •
Lo slornelloin Sicilia si chiama pure fwre.fioreîto^ motkîîOf nopdla (dure,
cîurettu, siurneitu, muttettu, nuvellu) î; e nella montagna pisiojese usa-
no le due voci sîorndh e romanietto^, 11 nome âifiore è pur dato allô stor-
nello nelle Marche-*, I caratieri esierni deilo stornello sono : strofa unica,
composta solilamenle di tre versi endecasiliabi o di un verso quinario
e di due endecasiliabi ; assonanza nel primo e terzo verso ; consonanza
atona nel seconde. Lo stornello si canla nelle campagne e nelle ciltà
e, come già indicammo, principalmente in forma alterna a guisa di
sfida. Tuttâvia esso è pur cantato, non di rado, commisio agli strain-
botti, e nelle stesse occasioni» senza disfida> In Sicilia, una délie più
fréquent! occasioni di questa specie di canto sono le serate di came-
vale^. Quando lo stornello si canta insieme collo strambotto, quello
précède ordinariamenle queslo. Non di rado allo stornello Ipiù rara-
mente allo stramboito) s* intercala il niorndlo^ che in Toscana è
chîamato ora con questo nome di ntorndio'^, o di rkordino^ ed antica-
mente era con quello di rifiorita'*. ïn Venezia 1* intercalare è detio nio
che il Dalmedico interpréta nido*°.
I
4
4
1 . « £ vogiiono altri che siorndli sieno detti da questo. che si cantano a starno
« e quasi a rimbaïzo di voce, o a rtcambîo d,i un colle aîP altro, fra uno e
i 1' akro pastore o pecoraro. Il quai brève canto è invcro più adaltato de* ris*
* pttti per quelle loro dJsfidc e gare amorose, in motti ai due o tre versi,
f sjccome quelli soliti a ricambiarsi i pastori di Virgibo negli altcrnicanli ed in
f uguâli lenzoni. » Tigri,Pref., p. xlvj.
2, Tigri, n*» j^ p. î2o.
). Pilrè, Canu pop, sic.^ 1, ? i. — 4. Tigri, Pref-, p. xlvj.
,Pr'
Gianandrea^ Pref.
p. ÏXIl.
6. Pitre, Stuàd di poeûa popotarc^ P* SS*
7. V. Nerucci, p, 187.
8. Schuchardt.^ p. 1J7.
9. V. Tigri» Pref., p. xlviij.
10. V. Dalmedico, p. 196,
J-Ai
LA POESIA POPOLARE ITALtANA 42^
Si è insistito sui caratieri esiemi délie varie specie délia nostra poesia
popolare, perché lanotizia di tali caratterî giova motte âll' îndagîne délia
provenienia immediata ed anche delF origine di essa. Cosî, la presenza
deii' endecasillabo, la desinenza regolaraeme piana o parossitona,
l' assenza di versi sciolti, che sono caratteri estemi comuni allô strambotto
ed allô stomellOj bastano di per se ad indicare subito la provenienza
diretla o per imitazione, dair ïtalia média ed inferiore dei componimenti
di questa specie che si cantano In Piemonte e nelP aitra lulia superiore.
Per contro, V assenza quasi costanie dell' endecasillabo, la desinenza
tronca od ossitona alternata colla pîana o parossitona, e i versi sciohi
0 blanchi alternati coi versi rimati, che forniano i caratteri esterni délia
canzone, marcano la provenienza dall' ïtalia settentrionale délie rare can-
zont che s' odono oiire îa Magra e il Rubicone. Lo strambotto e lo s\or^
nello cantati ai piedi délie Aipi portano nel métro, nella struttura délia
frase e nella forma délia parola, évidente I' impronta délia provenienza
0 dell* imita zione sud-italica, mentre la canzone trasportata accidental-
mcme sull- Arno o al di là dello Stretto, corne la lezione fjorentina di
Donna Lombarda e la siciliana délia Povtra Cccilia^ conservano nella ter-
minazione ossitona délia meta de' loro versi il segno non equivoco
délia loro origine settentrionale. Questo fatto trova la sua ragione nella
diversa indole dei dialetti délie due parti d' Ïtalia. I versi a desinenza cos-
tamemente piana non possono essere indigeni nell' ïtalia settentrionale,
perché i dialetti di questapane d' Ïtalia sono, in larga proporzione, ossi-
loni, I versi con desinenza soliiamente tronca non possono essere origi-
narl dell' ïtalia média ed inferiore, perché queste fanno uso di dialetti
quasi inieramente parossitoni.
L' argomemo, di cui entriamo a discorrere, puô oramai esser trattato
senz' alcuna preoccupazione, fuor quella délia verità scientifica, e nés-
suno vorrà supporne altre nello scrittore âi queste pagine. LMiaiia, per
quando spetta ai dialetti in essa parlati ed alla sua poesia popolare, va
di\nsa in due grandi zone, nettamenie distinte. Lasciando in disparle la
Sardegna, la di cui poesia popolare non ci è nota che per alcuni troppo
rari eseinpi tratti dalla raccolta di poesia artificiose dello Spano; il Friuli,
coi suoi dialetti e coi suoi canti speciali, la Corsica coi suoi voceri, dei
quali v' è traccia anche in altre parti d* ïtalia, ed omesse naturalmente
le colonie straniere stabilité nella penisola, queste due zone si dividono
quasi per meta la popolazione italiana, e comprendono, V una la Liguria,
il Piemonte, la Lombardia, V Emilia e la Venezia; l'altra il resio d'italia.
Chiameremo la prima zona ïtalia superiore e la seconda ïtalia inferiore.
Neir ïtalia superiore i dialetti hanno carauerî fonologici e sintattici
diversi da quelli deir Italîa inferiore. Non è qui luogo opportune né è
necessario d'enumerare tutti questi caratteri. Basta pel nostro scopo
424 C, KÏCRA
l' insistere sopra un solo, che è la desinenza délie voci largamentc ossi-
lona, propria di tutti i dialetti dell* Iialia superiore e contraria air indole
dei dialetti dell* îtalia infenore, A questo diverse caraltere det dialetti
délie due parti d-Italia corrisponde un diverse carattere estemo délia
rispettiva poesia popolare. L' Italia superiore ha la caniont^ colla meta
almeno dei versi a desinenza ironca ; V Italia inferiore ha lo sîrambùm
coi versi a desinenza ordinariamente piana, Che se lo siramboiîo col suo
verso piano invade talora la provincia délia canzone e dei versi ironchi^
e viceversa, la poesia cosl trapiantata fuori délia sua sede naturale pona
pur sempre con se vi&ibili ed evidenii i segni délia sua origine. E se in
questo scambio la proporzione non è uguale^ irovandosi gli sirambotti
non rari nell' Ualia superiore, mentre la canzone non dà che esetnp) iso-
lati neir Italia inferiore, ci6 deve attribuirsi aile prevalenza eserdtata
dalla lingua letteraria, a cul tendono ad avvicinarsi i dialetti in lutta Tlta-
lia, geograficameme, storicamente, letterariamente ed ora anche poliii-
camente unita. E qui giova notare che pur nella poesia artificiosa detr
Italia il carattere estemo dominante è la terminazione piana 0 paros-
sitona dei verso. Il verso tronco od ossitono nella poesia letterariaîtaUana»
salve le eccezionî, rare anch' esse^ e ristrette quasi sempre aile sole desi*
nenze ossiionein vocale, è un'innovazîoneassai récente. Il verso tronco in
consoîiante, che ha cosl larga parte nelia poesia popolare delF Iialia
superiore^ ove dominano i dialetti ossitoni^ fu introdotto nella nostra
poesia letteraria dai poeti melodrammatici, obbedienti a consuetudini c
ad esigenze musicali e teairali affatto speciali, e non vi ebbe definiiiva»
mente diritto di citiadinanza che per opéra e coll* autorità de' retenti
poeti nord-italici Parini e Manzoni ■ . L'abborimento dei dialetti dell' Ita-
t . Il prof. Alessândro D'Ancona, il nome dei qualc vuoi essere cilato qui
a tutta Iode, ci scrisse iotorno a questo argomento le scguenti istnittive
nottzie :
« Rispcttoal tronco, credo che vadano distiiîti fra loro il tronco accentato c
ff in vocale, e il tronco In consonantf. Dd primo abbiamo qualche es^mplo
• antïco, e voi sapete bcne che ce n* è anche nci nostri classici de) trecento.
« Dante, Pelrarca ccc. Se aveie le daiiaU ûntkht raccoltc dal Carducci ne
« vedrete un esempio curioso in una poesia dei Sacchetti, p. 209, nella quale
« sono accentate anche parole che natural mente nol sono, corne domino ^ asmo^
t mondo ecc. Vi è pure un curioso sonctto di Filippo di ser Albîzzo siampalo
• ncir Allacci, dove anche dopo le rime délie auarime in d c in ^ ndic terzine
« sitrova esempio di tronco m consonanle : Ai ongiugato btao d'amor pUn —
« Dt tutti aca che ma farono 0 fïcn (pag. ^06, c anche J09). — Ma la poesia
« toscana anlica non amava questi troncamenti : tanto vero che nelle Canzo*
t netls sacre c profane, nelle Ballate e nelle Laudi trovate sempre vcrsr piani
f ed intcri, e le rime al mezzo sono lali, quand* anche se ne accrcsca
t qualchc volta una sillaba al verso* Per es. : Egli à potcn:a di cangtarU U
€ caoTt E amiliar furon — d' ogm crudclc. — La rima vuoI intera la
• parola, e io uso cosi stamparla ; resta a sapere che cosa si facesse nella oro-
« ntinzii e nel canto, Forse c' cra un rîposo nella voce : lanio più che ordini-
4
i
^^ ■ '-' • -^ ^^-
LA POESIA POPOLARE TTALIAKA 41$
lia mfêriore per la desinenza ossiiona è cosi naturale alla loro îndole,
che essi sogliono spesso allungare con aggiunte inorganiche le sillabe
finali grammaticalmenie accentaie, ed in ispecie i monosillabi*.
Finora ci siamo limilati a notare i caraiteri, per dir cosi, esterni délie
due specie di poesîa popolare italiana, Dobbiamo ora esaminare i carat-
leri intemi e il contenuto. Sappiamo che la canzone apparliene air Italia
superiore, e che lo sirambouo è originario delF inferiore, Abbiarao tro-
vato la spiegazione dî questo fatto nella diversîtà d' îndole dei dialelti
deir una e delP altra pane d'Itaiia. Ma questa diversité dei dîaletli ha
d' uopo anch' esso d* una spiegazione, la quale alla sua voila ci servira
a dar ragione délia diversiià intrinseca délie due specie di poesia.
Il fondo lessicale e le forme grammalicaîi dei dialetti delF îtalia supe*
riore e dei dialetti dell' îtalia inferiore (corne di tutti gP idiomi romanzi)
procedono sostanzialmeme dalla lingua latîna, ed hanno quindi una base
sostanzialmenie ideniica. Ma se nei due rami dialettati délia penisola la
pane lessicale e la grammaticale sono sosTanzialmente idemiche, la parte
fonologîca e la sintassi offrono invece notevoli diiïerenze. La ragione di
• riamenle queste rime alme^zo cadono alla melâ oalla fine délia strofa.
«r Di buon ora invece nelle Barzellelte e Canzoni popolari di aJtri dialetti
< d'Itiilta^ e spécial mente dei Venelo, cominciano î verst Ironchi, qualche voila
< mischiali coi piani ; ma àh non dipende da un intenlo di confonJerc insieme
■ queute varietà di ntmi, ma dalla nalura stessa dei dialetti. Potrebbe esscre
< che I' esempio e ta popolarità di queste strole miste di Ironchi e piani avessero
« di poi indotlo a farne uso nei loro Canzonieri anche i poeti cuiti e delTarte;
• ma non saprei dire a cht precisamente si debba atlribuire que^t'usanza. Fu
«f detlo che il primo fosse Serafino delt' Aquila pocta dei XV secolo, che scri&se :
i Non mi ncgar signora^ Di pogcrmt ta man — Ch'\o vo da U lontan, — Non mi
t n(gûr^ signera. Ma i« non ve n*è allri esempî in altre sue consimili canzo-
• nette, 2* nella stessa canzonelta questo sareboe l'unico escmpio : onde TAflb
■ giudica ess«r slato questo un arbilrio dei copisti 0 stampatori. L'Affô stesso
1 nei suo Diiionario prcctiîiw ddU potm^ nonaice chi fu il primo a usarei versi
rt tronchi in consonanlc, e ne dà la colpa agli autori moaerni di canjonette
• musicali. Se fossi a Firenze, dove èunabella raccolta dj siffatti componimenti
• dei cinque e setcenio, polrei darci uaocchiata, ma da Pisa non posso levarrai
t questa curiosilâ. Ne anche posso consuhare la Lira dei cav. Marini, ma ho
« scartabellato il Canzonierc dei Chiabrera^ e ne ho rinvenuto un esempio, che
• parmi unico, nei Ditirambo LUI délie Vendemmie di Parnaso, che comincia :
t In queita aagusta terra : dovc pcrè i ironchi cominciano in fondo, quando
t cresce 0 sovercbia V enlusiasmo. Ma questo è un caso isolalo ; e oscrei dire
i che divcnta un caso coslante sollanlo nelle poésie musical» dei Rolli, de) Fru-
• goni, dei Melastasîo ecc. e si iramuia da quelle aile poésie d' arle per l'aulo-
« revole escrapio dei Parini, ClHeslo c quello che so, che, corne vedete, è molto
• poco : ma non posso dirvi di più, perché è quanto si irova a mia cogni-
« zione, s
I. Esempî toscani in Tommaseo e Trgri : dureràne, benïgnitàne, piétine,
libertine, verlùne, stanc, pitine, tune, ènc» mené, lene, ptùe, tue, noe, giûe,
trce, icc; — ^^Umbri m Marcoaldi : dîne; — Marchigiani in Gîanandrea : hber*
tâne, làne, giùnc, piûfie, adène, mené, tene, Irène, none, fone, dinc, quine; —
Romani m Blessig : none, perchéne; — Méridional! in Casetti-lmbriani : trene,
linc^ sine, none ecc.
426 c. mcKk
questo fatto deve cercarsi nella diversité originaria délie due razze che
prevalsero nelle due parti délia penisola. Le popolazioni, che ail' epoca
de! dominîo romano abitavano 1' Italia inferiore, appartcnevano, in
proporzione prevalente, al gran ceppo italico, di cui i Latin i siessi erano
il ramo più %'igoroso. Per contro V Italia superiore era popoiata da Galli
e da altre razze celttche, 0 strettameaie affini aile celiiche, che prima di
subire il dominio romano parlavano i proprî idiomî. In aliri lermim,
nell* Italia inferiore sotto il latino non v' è substrato se non italico; nell'
Italia superiore sotto il latino v' è un substrato celiico', Ora gl' idiomi
celtici e gV italici, benchè originariamenie cognaii, forma vano nel periodo
storico di cui si traita lingue quasi altrettamo diverse fra loro, che il
latino ed il greco, sia pel lessico e per la grammatica, sia per la fonetica
e per la sintassi. Adotiando la îingua dei vincitori, i Celti dell* lialia
superiore pigliarono in sostanza» corn' era naiurale, il fonde tessicaleJ
le forme grammatical i latine. Ma non polerono con eguale facilita
gliarne intera la fonetica e la sintassi, perché queste due parti del lin-
guaggio hanno siretia relazione cogli organi maieriali délia pronunzia e
del pensiero, che neïle due razze non dovevano essere assoiaiamenie
identici, secondochè risulta daîla comparazione délia Iingua latina coi
resti di favelle celiiche che pervennero fmo a noi. Ne gli organi di cui
parliamo possono mutarsi 0 modificarsî pel solo fatio délia volontà. Per
questa ragîone la parola latina suona diversa sulle labbra del piemomese
o del lombardo e su quella del toscano 0 del siculo. Per questa ragione,
ometlendo altre differenze, che non giova V indicare per lo scopo nosiro,
la terminazione originaria parossilona délia voce latina, conservata dal
toscano e dal siculo, diventô largamenle ossilona sulle Aipi ed in riva
al Po'.
1 . Noi ci preoccupiamo qui soUanto del periodo storico. È possibiie, è anzi
probabile che le ra^ze tlalkhe e le celiiche abbiano incontra to nelle loro emi*
gnzioni dâir Asia in Europa e sopra i] stiolo^ dove poi si stabiiirono^ popola-
zioni dt schiatta diversa colle quali successivamente st tusero. Noi ammettiamo in
massima, che oueslc popolazioni preistoriche e non ariane, mescolate cogl' liai;
e coi Cciti, abbiano esercitalo un' azione, ancora duratura, nello sviluppo deïlâ
série continua d' idiomi di quelle due razze. Ma non abbiamo Ênora e non
avremo forse mai elementi sullîcienti per determinare l'indole e la forza di
quest' azione. Essa si sottrae quindi ai necessiti aile nostre indagtni pré-
sent!.
2. Una certa tendenza a desinenze ossitone si manifesta pure tieir Apennii
Abruzzese ed in qualche punto délia Basilicata. Anche il dialeUo NapoiiUI ^
présenta traccie d'ossitonismo. Per quest' ultimo, il fatto, d'altrondc non itt^
qucnte, puô spiegarsi arameltcndo Tazione persistente d'un antico substrato
greco. Ma il fenomeno che si produce nei dialetti deir Abruzzoe della Basilicati
richiedc una diversa spiegazione, che noi non ci avventuriamo dt date per on.
Forse anche qui conviene ricorrere aW ipotesi d'un' infikrazione cetticao d' un
substrato preitalico.
LA POESÏA POPOURE ITALtANA 427
Ma la poesia popolare, al pari délia lingua^ è unacreazionespontanea»
essenzialmente etnica. Razza, lingua e poesia popolare sono tre forme
successive délia medesima idea, e seguono neila loro genesl e né loro
sviluppo un procedimenio analogo. Con ciô noi non vogliamo escludere
la possibilità del passaggio delïa poesia popolare da una nazione ad un'altra.
Quellocheaccadde délia lingua potè accadere délia poesia popolare. Intal
caso sarà cômpito deila storia il cercar le ragioni del faiio, e il discernera
in questa poesia mutuaia la parie originaria e la parte che potè esservi
âggiunia di proprio dalla nazione che V adottô e seppe assimilarsela.
Perô si pu6 stabilire per principio générale, che la poesia popolare è
creazione spontanea délia popolazione che la canta, risponde al senti*
mento poelico ed esietico proprio di questa popolazione e cosiituisce
un caraiiere einico spéciale délia medesima. Applicando quesio principio
ail' italia, siccome noi trovammo nelle due parti delîa penisola il subs-
trato dî due razze distinte, e due tronchi dialeiiali diversi, cosl noi dob-
biamo trovarvi e viiroviamo, perfettamentecorrispondenti, due spededi
poesia popolare nettamenie separaia, non solo pei caratteri estemi che
abbiamo giàindicato, ma anche pei caratteri interni, ossia pel contenuto,
Infaiti il contenuio poedco degli strambotti corne degli stornelli, che
costiiuiscono la poesia popolare delP Itaîia inferiore, è altreuanto diverso
da quello delte canzoni , che sono il patrimonio poetîco popolare
delP Italia superiorej quanio la forma esterna degli uni è lontana da
quella délie altre.
Lo strambotto icome lo stornellol è originale ed indigeno nell' Italia
inferiore. Lacanzone è solamente in parle indigena nell* Italia superiore,
in parte è comune ad altre popolaziani romanze, La poesia delP Italia
inferiore è lirica, quella deir Italia superiore è generalmenie narraiiva.
Laprimaè soggettiva^ la seconda è oggettiva. La prima ha per argomento
ordinario V amore, la passione e l'affelto dell' animo, e più raramenie un
conceito morale o politico o un' allusione a falii siorici' ; la seconda ha
per argomento fatti storici, racconti romanzeschi o familiari, e, per
una parte soltanto, Tamore* La prima si adopera ed ha probabile origine
nel canio alierno; la seconda non ha mai il caraitere amebeo. La
prima, senza cessare d* essere popolare e comunque dettata dal popolo
incolto, ha una forma appena meno artificiosa e quasi altreuanto accu-
rata che la migUore poesia dotia'; la seconda invece conserva la
I * Il si^, Gherardo Nerucci pubblicô nelU sua raccoUa una série nolevole e
Guriosa di stornelli polilici e patriollici (V. p. 204). Se ne Icggono allri nella
raccotta di Lionardo Vigo, p. 684 e seg-, ed mqyclla del Salomone Marino,
p. a86-88.
2, Qujndi frequenti le imitazioni, e non scmpre facile irdistînguerle anche
id orccchio fino ed esperto. Lo slesso Tonimaseo, crilico ed osservatore sagacc,
428 C. NIGRA
veste negletta e disadorna, ma schietta ed ingenua délia poesia d'origine
strettamente popolare. Nella prima dominano la preoccupazione délia
forma e V induigenza al suono ; nella seconda la forma è subordinata al
pensiero. Nella prima la parola accidentale dà spesso occasione al con-
cetto'; nella seconda la parola obbedisce alla coscienza. Nella prima,
anzichè poeta, il popolo aulore si révéla artista, elegantissimo e stupendo,
superiore in questa forma d' arte ad ogni altro popolo, il solo greco
eccetuato; nella seconda il popolo autore, assai più che artista, è poeta.
Questo parallelo non è certamente completo, ne puô pretendere a rigo-
rosa esattezza. Nella vasta materia di cui trattiamo è impossibile il pro-
cedere a riduzioni sintetiche précise ed assolute. Ma confidiamo che in
sostanza la comparazione da noi fatta sia fondata sopra una base vera.
Communque poi si vogliano ridurre i termini e diminuire i risultati di taie
comparazione, rimane pur sempre évidente che sarebbe difficile V ima-
ginare diiferenze più essenziali e piCi spiccate di quelle che distinguono la
poesia popolare délie due parti d' Italia. Se anche diifettasse ogni altro
argomento storico, basterebbe questo solo per dimostrare la lunga coe-
sistenza dei due substrati italico e celtico nella vecchia e gloriosa peni-
sola.
Rimane ora il tentare 1' indagine sulie origini. A questo proposito
conviene premettere che la lingua délia poesia popolare, finchè questa
non è fissata dalla scrittura, présenta le forme lessicali e grammaticali
moderne, anche quando si traiti d* un canto d* origine antica incontestata.
La poesia popolare segue nella sua esplicazione le modificazioni lente
raccoglitore ed illustratore di canti popolari nostri e stranien, accolse nella
prima collezione ch' egli pubblicô di canti popolari toscani parecchi rispetti
apocrifi fabbricati dal Bianciardi. Giuseppe Tigri ammise nella sua ottave di
fattura classica e parecchie lettere in versi telle da autografi; le raccolte
siciliane abbondano di componimenti di riconosciuta 0 d' évidente origine
letteraria 0 semi-letleraria, e la pubblicazione di Oreste Marcoaldi, opéra
d' aitronde utilissima e pregievolissima pel tempo in cui fu fatta, comincia con
un canto artefatto e segue con parecchi altri d'eguale natura (V. special-
mente nei Canti Umbri, i NN. i. ?, 26, 28, 54, 39, 76 dati, credo, dal Pen-
nacchi, e nei Piemontesi il N*» i6cIato dal Buffa).
I. Domenico Buffa, in una collezione da lui fatta di canti popolari, inseriva il
scguente strambotto cantato a Porto Maurizio :
« Suspira, cuore, che ragion tu n* hai !
« Tu n' hai la casa versu la marina.
« Alla marina sunu pesci pesci,
« Alla muntagna sunu pecurelle :
« A fa' r amù ghe vô de fie belle. »
E cosi commentava : « Ho inserito questo strambotto, non perché lo meri-
« tasse, ma per recare uno de' moltissimi esempî che mi si offersero nelle mie
« raccolte, m cui la parola trascina una idea. Avviene spesso al popolo di
«« cominciare un canto con una idea, e poi trascinato da una parola che
■■* neir esprimerla gli esce di bocca, quasi per distrazione. passare ad
« un' altra. »
U POeSIA POPOURE italuka 429
ma continue del dialeito, cosicchè si pu6 dire che il popolo dà opéra ad
una redazione perpétua del suo canto, Questo faiio riesce spedalmente
évidente in quelle canzoni, la di cui primitiva redazione puô fissarsi ad
un tempo deierminato. La moderniià délia frase e del vocabolo non puô
quindi essere considerata corne un argomentocontrorantichitàdelcanto,
corne una prova d' origine récente. La lingua, salvo qualche raro caso
affâtto spéciale, non puô fornire elemenii sicuri per determinare T antîca
0 la moderna redazione d' un canio. Inolîre, occorre distinguerez sem-
prechè si parla d* origine» il fondo 0 contenuto poetico puro e semplice»
dall* elemento formale. Il pensiero espresso in uno strambotto» il fatto
narrato in una canzone^ possono irovarsi nella poesia popolare 0 artifj-
dosa d' altro paese, senza che da questo fatto possa argomentarsi
l'origine estera délia canzone 0 dello stramboito. Nella poesia popolare,
cotne in ogni oltra manifestazione deir arte, la forma fa parte, e pane
principale, délia cosastessa. Ove fosse leciio il ravvîcinare cose cosl dis-
paiate^ si pûtrebbe qui giustamente applîcare I' assîoma del diritto
romano : forma dai esse rei. Un dato motivo poetico, una data materia
poetica possono passare con facilita da un paese ali* altro c trasmettersi
successivamente a popoli di lingua e di razza diversî, separati anche da
continent! e da mari. Cosî accadde, per esempio, d* una série considere-
vole di favole, d' apologhi, di racconii e di novelle, che dair ultimo
Oriente venero in Europa, 0 dalP Europa andarono in Oriente, fm da
tcmpi molto remoti» sotto forme diverse. Ma quando ta materia poetica
è fissata dal verso, dalla strofa, dalla composizione, quando essa fu
modeliata in uno stampo déterminai©, foggiata in una forma più 0 meno
précisa, il novum opus che ne risulia non si trasmette più, di regola géné-
rale» in questa sua forma, se non a popolazîoni omoglolie, parlant! cioè
idiomi îdeniici 0 molto simili, e talî in sostanza da poter essere compresî
senza grande difficoltà da ognuna di esse« Le eccezioni a questa regola,
quando eststono, hanno una ragîone storica accidentale^ e non possono
invocarsi contro questa regola générale.
Frcroesse queste osservazioni, e cominciando dallo strarobotto e dallo
stomello, cerchiamo di stabîlîre, se è possibile, come e dove abbia avuto
origine questa specie intéressante di poesia popolare,
Lo siornello ha due forme tipiche principal!, L*una di queste forme è
un lerzeito composio di tre endecasillabi, dei quali il primo ed il terzo
hanno la rima 0 V assonanza, ed il secondo ha la consonanza atona.
Questo terzetto s*avvicina assai alla terzina classica ; ma le due forme si
dislinguono in questo, che lo stornello è monostrofo e la terzina è poli-
strofa, e mentre nella terzina la rima di mezzo è incatenata e si connette
colle rime délia strofa seguente, nello stornello invece la desinenza del
verso mezzano s'accorda coi due altri versi dell* unîca strofa per mezzo
4^0 c. mcRA
d'una nuova specie di omofonia , îgnota alla poesta illustré, che nd
chiamiamo conmnanza atona, Nessun fatto positivo ci abilita a determî--
nare se al terzetto popolare abbia preceduto la terzina letieraria, o
piuttosto qoello a questa. Noi siamo perô naturalmente inclinati a con-
cedere la priorilà al terzetto popolare, per la ragione che il semplice è
generalnienie anteriore al composto, e la forma popolare alla letteraria,
L'altra forma tîpica dello stornello si componed* un quînario, contencnte
l'invocazione d* un flore o altra invocazîone, e di due endecastllabi , Il
primo e V ultimo verso hanno la rima o Passonanza, il secondo ha la
consonanza atona. Quale puô esser l*origine di queste due forme cosî
caratteristiche délia poesia popolare iialica ? Qui ci è d'uopo confessare
che non possiamo emeitere che pure supposizioni. Noi stimiamo che la
rima od assonanza sono un fatto relativamente récente, un fenomeno
posteriore. A nostro giudizio il verso italiano, nei principali suoî melri,
esistetie prima che sorgessero V assonanza e poi la rima , e fmalmente
anche la consonanza aïona. Conseguentemente le due forme di stornelto
han poluio esistere spoglie d'ogni omofonia in quel perîodo di tempo
che ha preceduto Papparizione délia rima. L'endecasillabo italiano è nato,
moltoprobabilmente, dal safficogreco-latino. Ora lastrofa saffica,ove si
faccia astrazione dalla rima, ci dà appunto ne' suoi primi tre versi Tuna
délie forme dello stornello, il terzetto, e nella combinazione del quarto suo
verso di cinque sillabe con due de! précèdent! o dei seguentî ci dà Taltra
forma dello stornello, composta, corne s'è detto, d* un quinario e di due
endecastllabi. Perquesta ultima forma v'è anche un' altra spiegazîone. El
nome del fiore, o queliValtra invocazione che gli tien luogo, nel quinario,
non è in sottanza che la formola délia dislîda! 1 due cantori gareggjanti
devono trovare iï nome di nuovi fiori o nuove invocazioni, e chi prima si
trovicortodimemoria o d^invenzione è vinto. Questo quinario non sembra
quindi far parte necessaria ed intima del conrponimento. Non gli è unito,
direm cosî, chimicamenie. Ed infaitiraramenle il nome e gli attribut! del
flore o deir oggetto invocato hanno una relazione logica col contenuto
dei due versi seguenti. La composizione^ in taie ipotesi, consterebbe in
realtà di questi due ultimi versi, ed offrirebbe pertanto la forma semplice
e molto antica d'un distico, Ed in questa forma d'un solo distîco, composto
di due endecasillabi, senza invocazione di sorta, non sono del tutto
infirequenti gli esempî dî stornelli nelle raccolte italiane.
Lo sirambotto ammene una maggiore varieîà di forme, che noi
abbiamo colla possibile esattezza descritto a parte e délie qualî acceïi-
niamo qui soltanto le principali. Le differenze che distinguono le varie
forme derivano dalla maggiore o minore quantità di versi del componî-
mento, e dalla diversa combinazione délie rime od assonanze. Una prima
formai usata in tuita Italia, ma specialmente in Toscana, nell' Umbria,
LA POESIA P0|)OLARE tTALlAKA 4)1
netle Marche, e largamente adotlala nell' Italia superiorc, è il letrastico
endecastllabo, coa rima od assonanza alterna, il dt cui tipo congiunge
talora aile rime od assonanze alterne anChe le consonanze atone contro-
alterne. Questo fatlo d* una doppia omofonia nelle rime alterne {-dre^
ire-àre-irt, ecc), che noi chiamiamo paraïkllsmo ai consonanze atone ^ si
verifîcai in larga proporzione in lutte le altre forme di strambolto a rima
alterna, e noi lo notiamo qui una voila per lutte a fine di evitarc inutîlt
repetizioni. Aggiungeremo perô che esso non è costante, e diviene di più in
più raro quanto più si procède dair Itaiia inferiore alla superiore) il che
è un altro indizio d'origine méridionale. Al letrastico con rime altitnt
rîsponde il letrastico con rime badatc hdre-tîre'ito-itQ) usato di rado nel
mezzodi, più spesso in Toscana, neir Umbria e nelle Marche, prin-
cîpalmeme in fine del rispettî, e con maggiore frequenza nell* lialia supe-
riore. Occorrono pochi esempi d* una lerza forma di letrastico, la quale
présenta le rime abbracciate {'dre-ito-ito-drej. Noi la notiamo qui,
malgrado la sua rarità, perché concorda con una dellc forme soliie dei
letrasiici del sonetto.
Vengono quindi le varietà di esastici o sesiine, che sono princi-
palmenle tre. La prima ha quattro versi con rime alterne ed i due ultimi
versi con rime baciate. Ordinariamente i due ulîimi versi ripetono il con-
cetlo ed in gran parte le parole dei versi precedenti, o s'incaienano in
altra guîsa con essi nella parota o neir idea. Essi hanno quindi ilcaraltere
di un' aggtunta posieriore al primitivo letrastico a rime alterne. Questa
forma, perché più fréquente in Toscana che altrove, è anche delta seslina
toscana. La seconda varielà di sestina è più rara. Essa consta di sei
endecasillâbi con rime alterne ed è nata senza dubbio o dalla mutilazione
dell* oitava, o da propagine del letrastico. La lerza varietà ha i sei versi
con rime bacuite ed occorre neir lialia superiorej più rararaente nell'
Ualia média.
Gli strambotti d*olto versi offrono quattro forme principali. Di queste,
la cosi detla ottava siciliana, con rime alterne, e spesso con parallelismo
di consonanze atone nelle rime conîro-alieme, è senza dubbio la più
imponante, sîa perché coslituisce lo stampo in cui si getlô e si getta
lutiavia uno dei più ricchi tesori délia poesia popolare itaïiana, sia
perché questo medesimo stampo è uno de' perfetli e forse il più perfeito
nel suo génère, che si conosca, Lo strambotiodi MarillimaeCampagna,
composto di dieci versi con rime alterne, non è in sosianza che l' oiiava
iiciliana, giacchè in quello il nono e decimo verso sono la ripetizione
tesiuale del primo e secondo. In Toscana V ottava è generalmenie com-
posta di quattro versi con rime alterne e di quattro con rime baciaie. Ma
anche qui i quattro ultimi versi sono ripetizioni di parole o di conceili
conienuii nei precedenti; cosicchè quest' ottava si riduce essa pure,
4^2 * C. NIGRA
come ta sestina toscana, al tipo del tetrastico. Viene poî in terzo luogo
r ottava propriamente detta coi primi sei versi a rime alterne, e coi due
ultimi a rime baciate. Questa forma, resa illustre e cara al monde dai
nostri poeii epici» è usata ton rara parsimonia nello strambotio popolare.
Finalmente, stccome accennammo V eststenza di sirambotti tetrasuci ed
esastici con lutte le rime baciàte, cosi con viene ancora nolare lo slram-
botto d'otto endecasillabi con tutte le rime egualmente haciate^ che
trovîamo talora nella média ïtalîa e meno raramenle nella superiore.
Tutte le forme a rime baciaîe sono propaginî del disiico rimaio. Ove
si tolgano alla sesiina ed air ottava toscane i versi di chiusa^ che gène-
ralmente sono ripetizioni, e costiiuiscono un* addizione posteriore, ed
ove pure si tolgano alla diecina romana i due uUimi versi, che sono la
rrpetizione testuale dei due primi, rimangono^ per lo strambotio due
proiotipi soli» cioè il tetrastico a rime alterne, e V otlava siciliana. Ma
l*oitava siciliana è in sostanza un doppio tetrastico a rime alterne. Ed in
faiti dopo i quaitro primi versi v*è pausa, ed i due teirasiici delP ottava
si possono facil mente separare. Ne son rari gli esempi di oltave sicrliane
che cambiano addiritîura Tassonanza nei quattro ultimi versi. Sembra
perciô molto prob3bile, che la forma archetipa dello strambotio sia il
tetrastico endecasillabo con rime alterne. Tuilavia V unione dei due
tetrastici risale ai tempi î pîù remoti délia nosira sioria letteraria,
L' ottava siciliana è coeva coi primi documeniî poeiici delP isola» ed il
sonelio, che è pure una délie vecchie forme délia poesia iialiana, si
compone nella sua prima parte di due tetrastici endecasillabi con rime
frequentemente alterne.
Noi non possiamo spingere lo sguardo più oltre, per quanto spetta
allô Slampo o forma storica in cui lo stornello e lo strambotio perven*
nero fino a noi. Il verso endecasillabo, e le rime alterna e baciata, ed il
loro uso nei distici, nei tristici e nei tetrastici, coesistettero coi primi
vagîti della musa italiana.
Le forme speciali, proprie dello stornello e dello strambotio, che
abbiamo indJcato, si trovano sohanio in Italia, e sono indigène nelP
Italia inferiore. Abbiamo dunque nello stornello e nello strambotio una
poesia originale, schiettamente italica, e possiamo aggiungere per lo
meno altrettanto antica, rispetto al suo slampo formale, quanto la più
antica poesia colla della penîsola.
Passando daîlo stampoformale maleriale, al contenuto poetico ed alli*
redazione dello strambotio e dello stornello, è necessario di stabilire una
distinzione. In questo contenuto v*è una parte moderna. Certisentîmenti^
certe idée, che recano con se, direm cosi, la loro data, le aspirazionî ed
i pensieri politiri (nei rari casi in cui occorrono) ed anche certe formole
o locuzioni poetiche e la redazione nei suo slato attuale portano l'tai'
LA POESIA POPOLARE- ITALIANA
43î
L
pronia récente o coniemporanea, Anzi la redazione si puô dire continua
e tnutabile, corne l'idioma, e quindi sempre contemporanea ; e nuovi
strambottî e nuovi siomelli sono ogni giorno improvvisati nella lingua
vivenie sul vecchio modello. Ma una parte del contenulo risale ad una
grande antichità. Noi non voglîamo parlar qui dei sentiment!, délie
passioni, dei pensieri che si possono dir comuni ali' umaniià e sono anti-
chi quanio i' uomo, ma deila loro particolare espressione in questa specie
di canii, la quale costituisce un vero carattere etnico, ha necessaria
relazione col modo di seniire e di pensare délia nazione, ed ha perciô
dovuio trasnîetlersi per tradizione antica non interrotia. Ma questa îra-
dizione è dessa interameme popolare ? Anche la poesia colta ha la sua
tradizione, e costituisce essa pure, in determinatecondiziom*, un carattere
etnico. Noi solleviamo qui una questione che tocca V essenza stessa e
l'origine del conlenuto antico e îradizionale délia poesia degli strambolii
e degli stornelli, la questione, cioè del maggior o minor grado d'indole
popolare di questa poesia. Non si pu6 dubitare ch' essa appartenga al
popolo che la conservô e trasmise per tradizione, che la modifica conti-
nuamente e la riproduce da secoli. Ma si puô domandare se questi non
si sia valso, nella forma zione délia sua poesia tradizionale, di eiementi
letterari. La demanda è giustificata dalla stessa nobiità d'origine detl'
€ndecasilIabo italiano, nato dal saffico greco-laiino^ non meno che da un
évidente car^.ttere artificioso da cui è impromata tutta questa poesia non
solo nella forma, regolare, élégante, doviziosa di rime, d'assonanze e dî
consonanze ingegnosamente intrecciate, ma anche nel contenuto. Ed in
venta è un fenomeno abbastanza curioso e raro questa nota d'artificio
in una poesia d'aîtronde indubbiamente popolare. Un taie fenomeno si
manifesta negli strambotti e negli stornelli di lutta italia, ed è spécial-
mente rimarchevole nei rispetti e stornelli toscani, Nei quali uliimi, se
Teleganza delta lingua, loneslà délia sentenza, l'esatezza e la
decenza deir espressione, possono sembrare e sono pregi naturali detla
popolazione che li créa e che li canta; d'altro lato la ricercaiezza dei
concetii, rinalterata e metodica temperanza délia passîone, la cortesia
convenzionale espressa in termini che ricordano le corû d^amore» accu-
sano una tradizione artificiosa, Lo strambotto trapiamato nell* Italia
superîore, per Findole délia popolazione, ed anche perché si trovô in
contatto meno cominuo colla poesia erudiia, pigliô un carattere più
energico, e meno gentile, non è sempre corretto ne misurato. Ma l'im-
pronta originale delP artîficio vi è pur sempre apparente. Lo slrambotto
siciiiano poi nell* artificio del verso, délia rima e délie imagini, nella
perfezione e nel magnifico procedere dell' ottava, supera ancora i pîti
artistici modelli di rispetti toscani, É impossiblle il negare Tesisienza dî
una relazione più o meno intima fra lutta questa poesia popolare
434 ^' NÏCRA
deir Italia centrale e méridionale e la nostra arnica poesia artistica. Certa-
menie quella non nacque da questa, seguendo un processo contrario alla
nalura délie cose. Prima che nell* Italia inferiore si sviluppasse quell'
aniica poesia leiteraria che pervenne sino a noi, vi esisteva senzadubbio
una poesia popolare, da tempi, corne vedremo in appresso, assai rcrooti.
Quei medesimi fatti, idée e sentimenli, sotto llmpero dei quali prese
origine e sviîuppo la nostra prima poesia colla, han dovato esercilafe
la loro azione sutla poesia popolare già esislenie, Ciô accadde con
tanto maggior facilita, quanto minore fu tn ogni tempo nelP Iialia infe-
riore la distanza che sépara il popolo dalla poesia dei dotti. La poesia
letierata vî fu in faîti quasi sempre compresa ed amata anche dall' in-
dotto voîgo. Non è quîndi a siupire se le due manifestazioni poeiiche
di questa parte dltalia, la popolare e ta letteraria, offrono molli punti di
coniaito e tradiscono nella struttura come nei concetto un artifido in
parte comune, A questo risultamento contribui eziandio in larga misura
il caraltere araebeo di questa specie di canio. NelP autore délia canzone
narrativa popolare non deve esisîere e generalraente non esîsle allra
preoccupazione che V espressione dei vero, come è seniiio e compreso»
Invece Taulore dei canto amebeo obbedisce al desiderio di vincere il
rivale. Quindi egli ha una costante îendenza ail* idéale, e qui Tidealc è
l'artificio délia poesia colla. Gl' infelici sforzi che fa il Genovese, il
Piemonlese, il Lombardo per giitare nello siampo dello sirarobotïo
italico la ribelle materia de* suoi vernacoli serai-ossîtont, e le curiose
storpiaiure che ne escono, poirebbero muoverci a riso, se non ci inspi-
rassero un alto rispeito per quesla indomita tendenza verso Tideale.
La poesia popolare delF Iialia inferiore risponde dei resto, ncl suo
contenuto al genio poeiico délia nazione. Se v*è poesia popolare avenîe
un carattere etnico determinato, questa è certameme taie, Abbîamo ffà
visio che la sua forma èafTatto originale. Non sarebbe possibile Tescludere
ogni più o meno lontana rassomiglianza dei contenuto colla poesia d*altri
popoli vicini. Nei distici popolari delîa Grecia moderna vi sono rooltî c
curiosi riscontri cogli stornetli e cogli strambotii. Ma non v*è tra gU uni
e gli aliri relazione di diretta origine. Nella poesia popolare rumcna si
trova qualche cosa di sîmile ail' invocazione dei fiori dei nostri stomelK.
Perd r insieme délie composizioni rumene che offrono quella particolariti
è troppo diverso nella forma e ne! fondo dallo stomello perché posa
essere ad esso comparato. Molto maggîore rassomiglianza presentano
collo stomello le serenate provenzali, chei giovani abiiaiori délie sponde
délia Duranza sogliono cantare sotto le finestre délie loro fidanzate,
facendo al principio d*ogni sirofa Tofferta d'un fiore'. Tuttavia anche
ê
4
4
u D. Arbaud, Chants pop. dt la Provence^ I, 220.
LA POESU POPOURE ITALIAMA
4H
^
questa rassomiglianza; derivata da una comune occasione di canto è
accidentale ed esiema^ e non dà argomento d'indurre ta procedenza
dello siomello italîco dalla serenata pravenzale o di questa da quello. In
nessun altro paese, fuori dMialia, si irova una poesia popolare cheabbia
una vera ed intima affinità colla poesia dello strambotto e dello stornello.
Essa è dunque essenzialmente iialica ; è il frutto naturale e spontaneo
del genio délia nazione quale si manifesté fm dai primi lempi storici.
Essa consta infatti di concetti amorosi, di epîgrammi, di sentenze morali
0 politiche. È ona poesia soggetiiva, amorosa e morale. 1 Laiini non
ebbero altra poesia originale e loro propria che questa, li canto storico
tradizionale che célébra le gesta degli eroi nazionalî non poteva sviïup-
parsi a Roma, ove l'individuo scomparve di buon' ora, confuso nella
citîàenello stato. Il freddo razionalîsmo dei Latini, il loro caraitere
temperaio, posiiivo ed esaito, l' indole naturalisiica délia loro religione,
il raro equilibrio délie loro facolià intelleitive e morali, s' opponevano
aile creazioni immaginose deir epopea e del dramma» ed allô slancio
dell' ode eroica. M entre da un aliro lato il senso che avevano squisito
délia forma fece di essi e dei loro succedanei gli emuli dei Greci nella
parte formale o plastica di tutte le arti. Percio la iîrica eroica non
esisiette a Roma. L'epopea ed il dramma dei Latini sono imitazionî
greche, Virgilio e Catullo sono celli con cultura ellenica. La salira poli-
tica e morale, il poema filosofico di Lucrezio, Orazio, e gli elegiaci com-
pongono tuttoquanto il bagaglio poetîco originale paleo-italico. Lasciando
in disparte il poema di Locrezio, cbe non pa6 considerarsi come una
tnanifestazione etnica, e cercando nella poesia originale latina Telemento
indigeno e popolare, noi troviamo in essa indizi non dubbî di concor-
danza e d'affmità colla poesia degli sirambotti e degli siornelli. La
poesia d'Orazîo, che personifica^ si puè dire, il genio poetico romano, è
poesia di sentenze morati o saliriche. epigrammatica nella sostanza
come nella stnittura, È un mosaico^ ma^ per vero dire» è un mosaico di
perle e diamantî. Neglî elegiaci^ se si tolga la vuota ed însopportabile
congerie d'allusioni miiologiche, foggîate sul vezzo délia scuola alessan-
drina, resta Tespressione del sentimento deir amore nelle sue varie
fasi, il concetto amoroso, quale appunto si trova, vesiito d'altra forma,
nello strambotto e nello stornello, Questa poesia erotica e morale, in
forma spesso concettosa ed epigrammatica, che troviamo nei poeti
originali latini, ebbe in Italîa una fase anteriore, nelP eghga, la quale a
noi non pervenne cbe sotto le vesii ornate dall* artificio dei Greci di
Sicilia, ed imitate poi da Virgilio, ma che lascîa vedere sotto la nuova
acconciatura una forma più antica veramente popolare e d'origine italica,
La poesia bucolica, amebea, la più antica e la più popolare che abbia
avuio rualia, è in realià la lontana progenitrice dello strambotto e
4;6 C. NIGRA
dello stomeîio modernî. In altri termîni^ la poesia dello strambotto e
dello siornello non è che una trasformazione di quel!' arnica poesia
amebea. Vero è che quest' ultima poesia, noi la irovjamo per la
prima voila fra i Greci di Sicilia ed in lingua greca. Ma una tradizione
costante la fa nascere fra i pastori di razza italîca indîgenî délia Sicilia,
che avevano popolato Tisola prima deîlo sîabilimenlo dei coloni greci e
che vi si mantennero neirinterno dopo V arrivo di quesii e durante lo
sviluppo délia cultura ellenica délia Magnagrecia. La poesia amebea
paleo-sicula composta di brevi strofe di pochi versi, d*eguale misura e
d'Cgual numéro, altemate nelP egloga, présenta nella forma, nell* occa-
sione e nello scopo del canto un' anaiogia troppo grande collo strambotto
e collo stornello, perché possa ritenersi corne puramenie accideniale» Il
contenuto dell' egloga ^ passando sotto le penne elegantî ed erudite di
Teocriio, di Bione, di Mosco e di Virgilio^ ha dovuto naiuralmenie
subîre cambîamenti profondi ed essenziali. Tuttavia, anche nel contenuto
cosi modificato, possono pur sempre scorgersî le traccie d'affinità collo
strambotto e collo stornello ' ,
Riassumendo il fm qui deito, ci sembra dî poter conchiudcre, che la
poesia degU strambotti e siomelli è indîgena neir Italia infenore, che
nel suostampo aiiuale è almeno coeva colla formazîone délia più anlica
poesia letteraria italiana, e che neir occasione e nella modaliià del canto,
corne in una parte del suo contenuto Iradizionale, essa risale proba-
bilmente air antichissimo canto alterno^ adoperato dai popoli di razza
i. Virgilio : Die quibus in terris, et eris mihi magnus Apollo,
Très pateat cadi spatinin non amplius ulnos, EgL IIÏ, 104.
Ante levés ergo pascentur in aelherc cervi,
Et fréta destituent nudos m littore pisccs, de.
Quam nostro illius îabatur pectore vultus. EgL I, 60.
E si comparino :
Tigri : Sappimî dir> sappiml dichiarare...
Quante goccine d'acaua c'è nel mare. Risp. 57.
— Di' quante stelle e in cielo c pesa in mare. Storn. j.
Ferraro : E ancura mi lo vojo addimandare,
A vôi sa ver ouant' eoa y j'è ant ir mare...
E quante stelle u j'é nal ciel sereno etc. Stramb. 67.
Visconti : Pnma c'h'io lasci le, gentil signora,
i durî sassi si faranno cera,
Madré dell' ombre di verra Taurora,
Il mezzo giorno sonerà la sera etc. p. 21, XVllJ.
De Nino r Quando te lascerô^ speranza cara ?
Quando del cielo vien la neve nera ;
Quando îo lordo volera scnz' ala,
Quando lo sole lèvera di sera etc. p. z8*2^.
Prima d*abbandonarti pensa' voglio,
Prima se scmttcrâ l'acqua allo marc,
Lopesce nuoterà sopra lo scoglio. P. ^0.
LA POESIA POPOLARE ÏTALIANA 4^7
italica nel centre e nel mezzodi délia penisola, ed in particolar modo da
quelle che tutti !i precedette sul suolo italîco, dal sicîliano ',
La canzone cosiiiuisce propriameote î[ patriraonio poetico dell' Italia
superiore. Essa è polistrofa, poliraetra, dialetiale, spoglia di carattere
artîficioso, e qyindi essenzialmenie popolare nella sua origine corne nel
suo processo, nel contenuto corne nella forma. în Piemonte e nel resto
deir Italia superiore le canzoni sono, corne fu già notato, o sîoriche o
romanzesche o domesîiche. Di esse una parte è originaria e propria del
Pîemonieo dell- altra Italia superiore, ed una parte è comune ad altri
popoli romanzi non iîaliani. Noi poniamo per principio générale, che
una canzone, quando essa esiste in un solo paese, e non in vaii, deve
essere considerata, salvo prova contraria, corne nata cola dove si canta,
e creata dal popolo che la canta. Quindi una canzone siorica, rommuKa
0 domesîica^ h di cui esistenza non sia stata constatât» che nell' Italia
superiore, deve, seconde questa regola générale, essere giudicaia d'ori-
gine nord-italica. Esisie in Piemonte^ corne nell* alua Italia superiore,
una poesia storica, narrativa, tradizienale, che ha per eggetto di ricor-
dare fatli délia storia patria, e che quindi è realmente indigena e nazio-
nale. Le canzoni sîoriche tradizionali che traitano di faiii di storia non
italiana, e si cantano dal nosiro popolo, sono d'origine straniera, e noî
le abbiamo comprese in una série spéciale. Le cagioni ed îl modo d'in-
iroduzione in Ilalia di queste canzoni sîoriche eriginariaraente siraniere
sono eguali per tune le canzoni délia medesima origine estera^ e noi ne
ragioneremo di proposilo in appresso. L'esistenza in Piemonte e neïie
altre parti délia superiore Italia d'una poesia storica narrativa, nazionale
e popolare, che manca in questa forma nell' ïtalia inferiore, è un nuovo
argotnento per dîmostrare la persislenza del substrato celtico nell' alla
Italia, La differenza profonda che distingue, per questo rjspetto, le due
poésie popolari dell* Italia superiore e del? inferiore, non è îl risultato di
circostanze speciali, accidentali ed esteme, È un failo etnico ^ La poesia
1 . Un erudlto molto benemerito di questistudt, diligente raccoglitore ed illus-
Iratore di canli popolari ilalia ni, il sig. Vitlorio Imbriani, in un pregievole
icritto che ha per titolo : Dcil' organhmo letierano e ddîû potaa popolan ita^
lianûj ha emesso V ipotesi, che gU strambotli non siano che frammenti dîcanti
epicî ora perdutt. La nostra osservazione per&onale ci condusse ad un' opposta
lenlcnza. NeH'ingente congeric di strambolli e di slornelti che abbiamo esami*
nalo, noi non ne abbiam irovalo un solo che offra agli occhi nostri i'indizio
deir a ver esso fatto parte d* un perduto canto epico popolare. Il carattere
monostrofo di quesli componi menti èessenziale ed originario.
2. NelF Itâlia inferiore esîstono strambotti e slornelli con allusioni a fatti
storici, ma quando sono di vera origine popolare non presentano ïa forma nar-
rativa, L' illustre Lioeardo Vigo, che diMeairUalia la prima e la più compléta
raccolta di canti popolari sicîliani, frutto di litnghe, c dotte indagini,
V* inseri un* inliera calegoria di poésie che intitol6 Uggende e Storu. Occorrc
4^8 C. NICRA
epico-narrativa corne abbiamo già detto, ripugnô al genîo latino, e fu
invece predilelta in ogni tempo air eccitabile ed imraaginoso tempera-
menlo dei Celii» soliti converlire !a storia in leggende, e non avemi anzi
anticamente altra storia che le leggende tradizionali messe in versî, e
recitate o cantate. La formazione délia canzone storîca segue un pro-
cesse che si lascia più facilmenie sorprendere che non quello délie
canzoni romanzesche e domestiche. Qui il faiio storico serve di termine
di coraparazione, ed îndica insieme Tepoca délia prima redazione. La
poesia siorica verameoie popolare e tradiziooale è coeva al faîto da
esso narrato, Questo principio è générale. La formazione del canto
popoiare storico non è spiegabile che colia impressione ancora viva
prodotta dalF evento narrato sulF immaginazione popolare. Se vi sono
eccezioni, comCj per esempio, quelle che occorrono in aUri generi di
poesia popolare, quali sono le leggende religîose, o le trasforniazioni
posteriori di anlichi canti di cicli epici, esse hanno origine in cause
speciali che converrà investigare e spiegare. Perô lo coevità, di oui
parliamo, non vuol essere intesa in un sensoassoluto, nèsideve pensare
che il canto storico esca, subito dopo l' evento a cui si riferisce, perfetio
e finito. Per le canzoni storiche, non meno che per le alire, esiste
sempre un periodo più o men lungo d'incubazione, al quale succède una
continua elaborazione che si va perpetoando con fasi diverse, finchè la
canzone cada a poco a poco nell* obblio, o sîa fissata dalla scrirtura. La
poesia popolare si trasforma costaniemente, seguendo le modificazioni
dialetiali di tempo e di luogo. Obbedisce alla tendenza, propria d'ogni
creazione, di conservarsi e di perpetuarsi coi suoi caratteri speciali, c
subisce ad un tempo le esîgenze trasformatrici e mutevoli deir ambieme
in cui vive. Anche tieîla poesia popolare^ corne negli idiomi» trova la
sua legittima applicazîone la doppia legge darwîniana délia trasmissiom
ercdiîaria c deli* adaîtamento, H popolo si va continuamente adattando
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appena di notar qui, che tali noesie non sono popolari net senso che da noi st
allribuiscc aquesto vocabolo, Lo stesso raccogiUore ha cura d' indicare il nome
degli autori délia maggior parte di questc composizioni popolareschc. Quanlo
aile otlave, dette neila raccoUa Canzoni storichc^ e relative âl Conte Ruggiero,
a Costanza Normanna, a Manfredi, al Vespro ecc, noi non presumiamo di
risolver qui la questione della loro origine. Spetta ai criUci siciliani e spécial*
mente agli altivi discepoli e successori del Vigo d' investigare , colla
scorta délia moderna critica e senza idée preconcette, V origine di quci compo-
nimenti. Noi ci lirnîtiamo ad esprimer qm^ colla dovuta riserva, ta nostra
impressione per&onale; e questa e che le otlave di cui è qucslionc non sono
popolari ne! senso csatto délia parola, nècontemporanee dei fatti e dellc personc
a cui vorrebbero rifcrirsi. Agli occhi noslri esse presentano i caratteri di corn-
priazioni posteriori, più o meno recenii, e letlerarie o semi-lelterarie. Cos», per
citare un solo escmpio. 1' autore delT oltava che ci descrive il re Manfredi, che
va cantando strambotti la notte, ci sembra essersi inspirato non già alla iradi-
zione viva, ma bensi alla spuria cronica attribuita a Matteo Spinello.
LA POESIA POPOLARE ÏTALIANA 459
la sua propria poesia. E seconde che questa si trapîanta, o si riproduce,
a guisa di semé, in un terreno più o meno propizio, vi germoglia e si
sviluppa, o dégénéra ed isterilisce. Non è quindi a stupire se délia siessa
canzone noi troviamo modelli quasi perfeiii in un luogo, e coroiti avanzi
in un altro. Perciôla scelta giudiziosa e coscienziosa délie fonti, quando
è pûssibile, è délia piu alla importanza. La siessa canzone, cantata in
duc luoghi anche vicirn, o dalla stessa persona inepoca diversa, présenta
sempre varianti più o meno notevoli. La canzone storica popolare, corne
la romanzesca e la domesiica, è anonîma. Non è improvvisata da una
sola persona, come accade spesso degli siraraboui e degli siomelli. Ê
opéra complessiva e successîva di più persone, Uno dei processi più
famigliari di formazione deîla canzone storica popolare si è di applicare
al fatlo che ha colpito la fantasia popolare la melodia, il métro, il movi-
mento, e spesso le parole stesse d*una canzone anleriormenie esistente,
modificando, togîiendo ed aggiungendo secondo il bisogno, Cosi la
célèbre canzone francese di Malbrouk fu tolta dalla canzone composta
in morte del Duca di Guisa, la quale era stata probabilmenie foggiala
anch^ essa sopra un canto più antico ; e per citare un esempio nostro,
la canzone storica plemontese che narra il malrimonio e la parienza per
la Sassonia délia Prîncipessa Carolina di Savoia^ canzone nata nel
1781 o 1782, fu formata suir îmiiazione d*una canzone anteriore,
Malrimonio tnglese. È poi curioso l'osservare, corne alcuni versi
origiîiali délia Carolina di Savoia siano passaii, alla lor volta, quasi a
guisa di compense, in alcune lezioni piemoniesi dell* antica canzone che
le servi di modello.
Le canzoni, aile quali, a difetto di più précise appellazioni^ abbiam
dalo il nome di romanzeschc e di domesîiche^ costiluiscono le due série
più numerose dei canti popolari del Pîemonte, e sono anche largamentc
diffuse nelle altre regioni deir Italia superiore. Molle di esse sono orîgi-
narie ed indigène nelP iîalîa superiore, e non si cantano che là, ecceito
alcune che furono accidenialmente irasponaie in altre parti d'Italia. Ma
moite altre sono comuni alF Italia superiore, alla Provenza, alla Francia»
alla Caialogna e, dentro certi limiti, al Portogallo. E quando diciamo
comuni, intendiamo non solamente per l' identiià del contenuto, ma anche
per r identità o quasi indenlità délia forma, cioè del métro e délia rima.
Undato contenuto poetico, siccome abbiamo digîàaccennato, pubpassar
facilmeme in paesi diversi dî razza e di lingua. Per contro, la parte for-
male d* un canto, il meiro, la rima, non si trasmettono che fra popoli
omoglotli, Cosi, a modo di esempio, il ratto d' una sposa in assenza del
marito, che al ritorno va in pellegrinaggio per riiorla al rapitore, è un
leroa che puô essere stato adoperato in varie guise, in paesi diversi,
nella poesia popolare, senza che vi sia stata di nécessita una trasmissione
440 C. MIGRA
dirella. ïnvece la canzone particolare délia Fiorenza, rapita dal moro
saracino, colla sua assonanza îronca alterna ed m parte monorima in i,
che si canta nella stessa forma, e pressochè colle stesse parole in Pie-
monte^ in Provenza ed in Catalogna^ suppoue una vera irasn[iîs&iûne
dall' uno ail* aliro paese; e questa trasmissione, che non è accidenlaiCi
ma regolare, non si produce che fra popoli omogloiti. Or bene» una
lunga série di canzoni, fra cui moiiissime romanzesche, si trova, corne
nell' esempio citato, col medesimo conienuto, col medesimo raovimemo
poetico, con métro e rima che accennano ad un' identità originaria, talora
in tutti^ talora in parecchi dei paesi che abbiamo nominato. Con quai
nome possiam chiamare questa comune poesia ? Dove, quando e corne
nacque ? Corne e donde si irasmise P Cercheremo di rispondere a quesiî
quesiti, per quella parte almeno per cui ci sembra possibile il tentare
una soltizione. Questa poesia popolare noi chiamiamo ccUo-românza, per
la ragione ch' essa si trova esclusivamenie presso i popoli romanzi Anrùl
an subsîrato alùco. Dicendo questa poesia celto-romania o alicy-laii/ut,
non iniendiamo dire pertanto ch* essa sia comune aile popolazioni ceîtiche
ed aile romanic o latine. No. Le popolazioni ceîtiche che conservarono
idiomi celtici, corne i Bretoni di Francia, possono avère alcuni canti,
simili nel contenuto poetico a quelli délie popolazioni anticamente sorelle
che hanno assunlo V idioma romanzo, ma questi cami per la diversità
délia lingua non possono avère forma identica Non vi fu trasmissione
diretia, sistemaiica e popolare, perché questa non puô aver luogo là
dove è necessaria una traduzione da una lingua incompresa ad un' altra
lingua compresa e parlata. Rîmane adunque bene ;inteso, che dîcendo
poesia celto-romanza iniendiamo la poesia propria délie popolazioni
romanze che furono anticamente ceîtiche. Le popolazioni romanze che
non hanno substrato cekico, corne l* Itaîia inferiore e la Spagna Castî-
gliana, non hanno nemmeno questa poesia. PerT Italia inferiore la cosa
è fijordi dubbio. Quanto alla Spagna Castigliana, essa ha bensi qualche
traccia di poesia popolare comune ai popoli celto-romanzi, ma questa
poesia fu împortata in Ispagna da Valenza^ da Barceliona» dalla Provenza
o dal Portogallo, e porta évidente F impronîa di questa sua provenienia
celto-romanza. Le altre denominazionl tentate fmora, corne, ad esempio,
quelle di poesia popolare romanza o neo-kûna, o mediterranea, devenu
essere abbandonate corne inesatte, giacchè, ripetiamo, questa poesia non
esiste presso tutti i popoli romanzi o neolaiini. ne esiste lungo tutia la
Costa del Mediterraneo. Essa è indlgena soltanto cola dove la popola-
zione^ originariamenie celtica, adotiô la lingua latina, cioè nelP Italia
superiore, nella Provenza» nella Francia, nella Svizzera romanza e nel
Belgio Vallone, nella Catalogna» nel regno dî Valenza e nella regtone
gallizîano-portoghese. Questo gruppo di popolazioni celîo-romanzi si dis-
I
4
JlÊàm
LA POEStA POPOLARE ITAUIANA 44!
dngue dalte altre popolazioni romanze per gV idiomî e qumdi per la
poesia popolare. I dialetti parlai! nelle regîonî predette non solameme
hanno il fondo lessicale e grammaiicale îatino comune a tutti glî altri
popoli romanzi, ma hanno di più alcuni caratieri loro specîali principal-
mente fonologici, che non derivano dal laiino o da altri substrati, ma
che rimasero dal substrato celtico. Il coniadino bolognese parla, senza
averne coscienza, un linguaggio più affine a quello del pescaiore délie
isole Azorre, che non a quello del vicino Pisiojese, ed il dialetto catalano
s' avvicina assai più a quello del Canavese o del Monferraio, che al limi-
trofo castigliano ' . Fra i caratteri che distinguono gl* idiomi ctUo-romanzi
dagli altri idiorai romanzi, ve n'è uno sul quale è necessario d'insîstere,
perché è specialmente importante al punto di vista délia forma délia
poesia popolare. Questo carattere consiste nella preponderanza, o
almeno nella iarga proporzione délie desinenze tronche od ossitone.
Conseguenteraente si puô dire, in certa guisa a priori^ che se questi
popoli hanno una poesia popolare propria, questa poesia deve avère in
vasta misura metri con versi tronchi od ossitoni, Per contro V Italia
inferiore e la Spagna Castigliana, colle loro lingue più o men fortemente
parossitone, devono avère una poesia popolare con versi piani. E nel
fetto cosi accade- La poesia popolare propria dei popoli ttho-romanti
ha versi per meta ossitoni. La poesia popolare delP lialia inferiore ha
verstsempreo quasi sempre parossitoni. Quella délia Spagna Castigliana,
che è proprio spagnuola, ha pure, in proporzione prevalente, versi
parossitoni. Il métro ottonario, col monorimo alterno, delîe romanze
spagnole, è generamente parossitono in lutte le terminazioni dei versi.
Quando una romanza spagnuola, avenie carattere popolare, offre termi-
nazioni ossitone ahernate colle parossitone, si puô di regola presumere
che essa ha un' origine straniera e che fu importata in Castiglia o dalle
provincie spagnuoledi linguaggio non castigliano, o dalla Provenza o dal
Portogallo Noi ci facciamo leciio di indicare questo criierio agli studios!
che dirigono le loro indagini sui fonti e sulla formazione del romancerù
spagnuolû. La presenza del verso tronco od ossitono nella Spagna casti-
gtiana e nell' lialia inferiore indica regolarmente la provenienza o rimita-
W I. È appcna necessario il constatare chei caratteri linguistici, che noi siamo
condotti dal nostro assuoto ad enumerare qui^ non hanno oramai che un valore
storico-scientifico. La Provenza e la Linguadoca sono fuse da gran tempo, al
pari délia Borgogna o délia Normandia, nel forte slampo della nazionalilâ fran-
cese; i Catalani ed i Valenziani son diventati altretlanlo Spaçnuoli di cuore
quanto i Casljo^liani e gli Andalusi ; ed i successori degh anlichi Gallî subalpin!
e cisalpini, latmizzali fra i primi, non solo si mostrarono per tempo congiunti
alla patria italica per secolari aspirazioni e per costanle c chiari coscienza dei
proprî diritti e dei proprî înleressi, ma furono i principal! fatton dell' unilâ
-^lilica dcir Italia, corne ne sono^ al pari d' ogm altra popolazione della Pcni-
ola, i tenaci c vigorosj mantenilori.
442 C, NrCRA
zione celto-romanza. Le romanze spagnuole, che in seguito ad altri cri-
terî furono riconosciute d' origine non castigliana, altemano quasi tuttei
versi parossiioni cogli ossitoni, E naturale che, non trovandosi questa
poesia celio-romanza se non presso le popolazioni dell' Jtalia superiore,
deUa Provenza, délia Francia, délia Catalogna. di Valenza e di Porto-
gallo, essa debba considerarsi corne nata inquesti paesi* Ma ognî singola
canzone non puô avère che un sol luogo d' origine, e non puô nascere
tempo in Piemonte ed in Portogallo, a Venezia eda Barcellona, sulla ad
un riviera di Genova ed in Normandia, sul Tîcino e sul Rodano» Conside-
rata la questione teoricameme ed in asiraito, non vi è difficoUà ad
ammettere che ciascuno di questi paesi abbia potuio dare origine a can-
zoni diventaie poscia comuni per trasmissione. Questi popoli, apparte-
nendo tutti alla medesina razza originaria celtica, edavendo tutti provato
1' azione délie medesime circostanze che li forzarono a sublre le leggi e
la lingua di Roma, il loro genio poetico etnico ha dovuto rimanere sos-
tanzialmenteidentico. Edin prova di ciô, fra le canzoni di cui possiamo
conoscere positivamente P origine, fra quelle cioè che hanno per sog-
getto un fatto storico, noi netroviamo d' origine nord-italica tome
Donna hmbarda, provenzaie come Gli scoîari di Tolosa^ francese come II
matfimonio ingtae. Ma se teoricamente la canzone celto^romanza
comune ha potuio nascere in ciascuno di questi paesi, conviene perô
esaminare come la cosa si verifichi nel fatto, se cioè le varie canzoni
comuni abbiano non un solo ma divers) luoghi d* origine, in guisa che
una canzone sia nata neli* alta Italia, un* altra in Provenza od in Fran-
cia, un' altra in Calalogna o in Portogallo. Per quanto speiia aile can-
zoni, di qualsiasi specie, che non sono comuni, e che si trovano esclusi-
vamente in un solo dei paesi sopra nominatif vale, come abbiam dette
sopra, il principio générale, secondo cui la canzone deve cssere consi-
derata oriunda del luogo dove la si trova e dove la si canta. Quindi le
canzoni domestiche, storiche e romanzesche, che si trovanon soîtanio
nell* alta Iialia, devono considerarsi, fino a prova contraria, di origine
nord-iialica, quelle che si trovano soltanto in Provenza, od in Francia,
od in Catalogna, od in Portogallo, devono considerarsi rispettivamentc
d* origine provenzaie, o francese, o catalana, o portoghese, finchè
un'alira origine non sia staia provata. Ma qui ora si tratta di canzoni
comuni y che si cantano in luoghi diversi, e ciascuna délie quali non puô
avère che un sol îuogo d' origine. Si tratta d' un fenomeno importante
di trasmissione in luoghi distanti e separati geograficamente e potitica-
mente. Il modo e la via di trasmissione, in circostanze simili, devono
servirci di criierio per determinare, se non il luogo di origine délia can-
zone, aîmeno la sua provenienzaimmediata. Si supponga, ciô che accade
sovente, una canzone che si trovi identica nell* alta Italia, nella Pro-
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U POESU POPOLARE ITALUKA 445
venza e nella Catalogna. Quesia canzonenon avendo poiulonascere che
in uno di questî paesi, la sua presenza negti altri due è un fatto ûi tras-
missione ; il quale non ci dimostra di per se solo che la canzone sia nata
neir uno piuiiosiochè nell* aliro paese^ ma ci prova che certamenie
qualunque sia la sua origine^ essa passé o in Catalogna o nell' alta Italia
per r iniermediario délia Provenza che sta geograficamente in mezzo aï
due altri paesî. Una trasmissione diretta, regolare e costante daîralta
Italia alla Catalogna^ o vîceversa, senza passare pel paese che sta nel
mezzOj non è ammessibile, Parimente, una canzone che si trovi in Pie-
monte, per esempio, ed in Normandia, suppone necessariamenie IMnier-
mediario délia Provenza o délia Borgogna. Noi iroviamo dunque in ogni
caso, semprechè si iratti di canzoni œmuni alP Italia superiore e ad ahre
région! celio-romanze, T inlermediario forzaio deila Francia délia lingua
à* oc o délia Francia délia lingua d' oïL Ci6 posto^ occorre ora di vedere
se l* una e V altra parle della Francia si iimilino air ufficio puro e semplice
d^ inlermediario, ovvero se siano ad un teir-po crealrici délie canzoni che
poi irasmettono aile regioni vicine. Qui pure, per trarre indizî probabili,
bisogna ricorrere aile canzoni di cui si conosce V origine certa. Fra le
canzoni d'origine certa nord-italica, corne quella, p. e. di Donna lom-
barda ^ non se ne trova forse una sola che sia stata trasportata nella lin-
gua d' oc o nella lingua d' oïl, Fra le canzoni portoghesi che hanno per
soggetloun fatto di storia ponoghese, non se ne trova parimeml, a nos-
Ira nolizia, una sola che sia staia irasmessa in Francia od rn Provenza.
Per comronoi troviamo neir Italia superiore o in Catalogna oin Porto-
gallo e talora in tutti e tre i paesi, canzoni d' incontestabile origine pro-
venzale, corne quelle di CloîUdt e degli Scolari di Tolosa o d'origine
francese, corne quelle della Ragazza nel bosco e del Matrimonio ingkst. Se
maie non ci apponiamo, vi è in questi fatti un primo argoraenio in favore
deila doppia origine pro venzale e francese délie canzoni comuni, Quesio
argomemo non ha certamenie un valore assoluto, perché non si puô
affatto escludere il caso in cui, fra le canzoni, di cui non ci è nota l'ori-
gine, ve ne sia alcuna nata, per esempio, in Piemonte o in Portogallo,
passata poi e naturalizzata in Provenza, e di là posteriormenie irasmessa
in Portogallo o in Piemonie dopo esserli perduta nel luogo d'origine.
Ma, comunque non abbia un valore assoluto, esso cosiituîsce un
criterio importante, del quale gioverà lener conto. Un altro argo-
menio per questa tesi consiste nelP influenza esercitata di buon'
ora sui popoli vicini dalla Provenza e dalla Francia e dalle loro
due letîerature, L' influenza provenzale fu considerevole in Italia nei
secoli Xll e Xllï. La prima poesia colta italiana porta con se evidenti
le traccie dell' imilazione della lirica provenzaie. Qiiest' influenza
lu poi più spéciale e maggiore nelP Italia superiore, ove la lingua pro-
'444 ^- WIGRA
venzale era parlata e scritia nelle corti e dalle dassl elevate, L* ttalia
superiore f\i pei irovatori provenzali una seconda pairia ' . e fti cutla
essa stessa di irovatori illustri che vi poetarono iri provenzale. Questi
trovatori italiani. osserva giustamente lo Schlegel, non avrebbero cantalo
in lingua provenzale, se non avessero potuto sperare di trovare un udi-
lorio fra i loro compatrioti *. Eguale o maggiore influenza esercitô ta
précoce letteratura provenzale suilaSpagna Celtiberica, ossia sulla Cata- J
iogna, sui regni di Valenza e d'Aragona, e sul Portogallo, Quando sull
princîpio del XII secolo (i i ni Raimondo Berengario I, Conte di Bar-
cellona, sposô l* erede del contado di Provenza, molti trovatori pro-
venzali seguirono in Cataîogna la figlia del loro signore. Poco dopo^ nel
11^7, Raimondo Berengario 11, col suo matrimonio con Petronilla,
figlia di Ramiro U, riunî T Aragona ai suoi stati* Barcellona e Saragozza
divennero allora le sedi di nuove scuole di poesia provenzale. j
L' affinità degr idiomi di Provenza e di Cataîogna rese quesia in-
fluenza facile e rapîda ad un tempo. La dinasiia francese di Bor*
gogna che s* impianlô fin dall' undecimo secolo nel Portogallo, e
che nel secolo seguente associô successivameme al trono portoghese
una figlia d' Amedeo II conte di Savoja, ed una figlia di Raimondo
Berengario IV, conte di Barcellona, porto ed estese sulle rive del Tago
r influenza dei due idiomi délia Francia, e più specialmente del proven-
zale. La lingua portoghese poi, anch* essa^ corne la provenzale e b
francese, d' origine celto-romanza, per mezzo délia Gallizia, penetfô
iargamente nel seno délia penisola iberica ; e per lestîmonianza del mar-
chese di Santillana i primi trovatori e poeti di Castiglia, d' Andalusia e
di Estremadura « componevano le loro opère in lingua gallega o por-
toghese K n Per îal modo la Spagna, fin dal primo apparire délia sua
letteratura nazionale, si trovô accerchiata e compenetrata dovunque
dair azione délie lingue e letteraiure celto-romanze. Lo stato di civîltà,
a CQÎ in queir epoca era pervenuia la Francia méridionale, non basta a
spiegare questa specie àl grande irradiazione esercilata dalla letteratura
provenzale sui paesi vîcini; giacchè Venezia e Genova, per esempio,
erano allora in una condizione di civiltà almeno eguale. Altre cause con-*
corsero a produrre questo fenomeno siorico importante, e fra esse, la
posizîone geografica centrale délia Provenza, posta fraTltalia, la Francia
i, A. W. de Schlegcl, Observations sur la tangue et la littérature provençales^
t8i8, p. io6; Diez, Die Poésie d, Tronbad, 1826; Faunel, Histoire de la poisu
provençale f 1846-
1. A. W. de Schlegel, op. ciL, »o6; cf. Galvani, Sulla verità délie dotirmt
perlicariane ^ Milano, 1846,
j. Sanchez, ColUctlon de poesias amenons al siglo XV, Cit. da Braga,
Cane, c Rom. Gérai Port., L 8*
LA POESU POPOLARE rTALlANA 445
e h Spagna^ e soprattutto P indole deila sua iinguai più afïîtie ai dialetti
francesi, ai nord-italici ed ai celiiberici, che non fossero questi rispeui-
vamenle fra di loro. Linguisticamenie, corne geograficamenie, la Pro-
venza occupava il centre d* una periferia i di oui punii principali erano
più distanti fra loro che ciascim di essi non fosse dal cenlro stesso. In
seguito poi ad una série di circostanze, che non è nostra cômpiîo di
narrar qui, la lingua provenzale ebbe uno sviluppo précoce ed una vasta
letteratura prima che i dialetti e gli idiomi vicini (ad eccezione della
lingua francese d* oïl] fossero fissati dalla scrittura ed assunti ail' onore
d' una cuUura letteraria. Ora se per le ragioni sovraesposle la leiieraiura
anisiica della Provenza polè falcîmente irradiarsi fuor de' suoi limiii
naiurali, la poesia popolare provenzale, coeva ed anteriore ail' ariisiica,
per ragioni non molto diverse, ha poiuio e dovuto propagarsi nei paesi
vicini. Che poi in Provenza esisiesse una poesia popolare coeva ed ante-
riore alP ariificiosa, non serobra oramai cosa dubbia'. Ne per spiegare
la trasmissione della poesia popolare provenzale ai paesi vicini è d' uopo
ricorrere alP inlervenio dei giuUari che correvano sulle orme dei irova-
tori e caniavano in pîii dimesso meiro romanze popolari sulle piazze e
sulle strade^ mentre i loro nobili coUeghi cantavano la loro lirica amorosa
nelle corti e nei casielli. Potè queslo essere un mezzo di trasmissione,
ma non fu il solo ne il più efficace. La trasmissione ha dovuto farsi dalla
Provenza ai paesi vicini nello stesso modo con cui si fa anche ora
daiP uno ail' altro villaggio dello stesso paese. Il canto passa di bocca in
bocca aitraversando montagne e fiumi, enonfermandosi se non colàdove
non è più capito. In questa sua varia e talvoka lunga peregrinazîone,
conservando pur sempre il suo carattere, la sua unità e generalmente
l' impronta formale orîginaria, esso si modifica, perquanio speiiaal lin-
guaggio^ adattandosî aile forme dialettali dei luoghi per dove passa. Ma
quando aile varietà dialettali succedono le varietà di lingua, le varietà
etniche, il canto popolare s' arresta corne dinanzi ad insuperabile bar-
riera. Per ciô che riguarda più partie ol a rm ente le canzoni celto-romanze
cantate în Piemonte e da noi pubblicate, l' origine provenzale à* alcuna
di esse è provata da argomenti più diretti. La canzone di Cloûtde, che
nella nostra raccolia s* intitola La sorella yendicaîa^ e quella degli Scotari
di Tolosa, sono dimostrate d* origine provenzale dal soggetto stesso di
cui trattano. In altre, come in quella di Fwrenza e di Giovanni Anîonnio^
i nomi propri Fiorenza e Maria sono preceduti dalP appellativo proven-
zale caratteristîco 'NUf che avendo smarrito nei nostrî dialetti ogni signi-
I, Diez., op. cit. pasum; Fauricl, op. cit., dite espressamente : • Mars en
laissant de côté les raisons tirées de la vraisemblance^ on peut affirmer direc-
tement qu'il y eut dans le midi de la France, auxXII^et XIII* siècles, une
vraie poésie populaire, j*
44^ C. NIGRA
ficato, è talora niutato in Ana e scambiato col nome proprio
Questo monosillabo 'Na irapiantato cosi nell* lialia superiore, dice di
per se solo molto di più che nol farebbero lunghe dissertazioni,
Noi non staremo qui a dimostrare il fatto incontestabile dell* influenza
eserciîala a sua volta suUa letteratura deî paesi vicini dalla lingua d' oil
e dalla sua letteratura. Quest' influença fu più dure vole che quella délia
lingua d'oc» ed anzi, dopo che la nazionalità provenzale fu soffocata nd
sangue dalla spada di Simone di Montfort, si esercilè sulla stessa Gallia
méridionale. La poesia medioevale romanza che si rannoda intorno ai
cicli epicï, porta in générale l' impronta originaria francese, benchè essa
debba al solo genio italiano V onore d* essere stata irasformaia in vera e
splendida epopea- Ben inieso, noi parliamo qui di poesia romanza nar-
rativa d* indole più o meno artîficiosa ' . Resta a vedere se quest* in-
fluenza francese abbia loccato anche la poesia popolare corn une ai popoli
celto-romanzi, ed în quale misura, o, in akri termini, se canzoni,
d' origine francese, siano state trasmesse dalla Francia alla Provenu,
air ïtalia superiore, alla Catalogna, al Portogallo, e corne questa irasmis-
sione siasi prodotta. Qui bisogna disiinguere fra la Provenza e V Italia
superiore dall' un lato, e la Catalogna e il Portogallo dalP altra. È indu-
bitato che canzoni d* origine francese furono trasmesse in tutti i paesi
sopradetti. Ma questa irasmissione, per quanto spetta alla Catalogna
e al Portogallo, non fu diretta. Essa doveue farsi per mezzo délia Pro-
vcnza. Per contro la trasmissione dalla Francia alla Provenza fu natu»
ralmente diretta. Rispetto ail' Italia superiore la trasmissione ha potutoe
dovuto farsi nei due modî, cioè sia per mezzo délia Provenza, sia diret-
tamente, essendo una parte del Piemonte limitrofa ai dialetti francesi
d' otl (délia Borgogna), mentre un' altra parte di esso e la Liguria con-
finanocoi dialetti provenzali. La Francia d'oltre Loira non è più, corne
la Provenza, un centro geografjco e lînguistico quasi equidisiante da
ciascuno degli altri paesi celto-romanzi- Ma lo è tuttavia, rispetto al
Piemonte, il quale dall* una parte pel Vallese e per la Savoja si con-
giunge geograficamente e linguisticamente colla Francia délia lingua
d' oïly e dalf altra parte pel colle di Tenda e per le valli délie Alpi marit-^
time e Cozîe si rannoda ai dialetti ed ai confmi occitanici. Conseguente-
raente, una canzone nata nell' Isola di Francia o in Normandia potè
penetrare nel cuore del Piemonte seguendo 1' una o 1' altra délie due vie
sopra indicate, cioè, o quelîa délia Provenza o quella délia Borgogna.
Per tali due direzioni il canto potè successivamente propagarsî dal Pie-
I. Quanto aîl' italia cosi si esprime Dicz, op. cil* : « Fin dal XIH secolo
due ïingue sorellc si dividevano T Italia : la romanza d^ otl cra prcvalsa ne!
gencrcepico» e la romanza d* oc s* era arrogato il dominio lirico. *
lA POESL\ popclare rritiiANA 447
monte, dal Moofemto c dalia Lignria sel CuuTcse. ndli Lccrwv^.
ndl' Emilia e DcHa Vesczia. senz' alcurj solaiios* i: cc:i±::±i ^=c^?^
fica o lingois&ca. Ma La dov^to arresurs e s" arrestc c:l jessir* 5é.
dialeni a snbsiraio cehico. Infaii: I* rar.zcsi del Pie=}o=:e, cû=~ ji
altri popolî ceho-romazzi. rroœdono calla copria orkizs cbe a'rcdas»
indicato. Le cac accenna::o ai oridne provenzile, ie altre ai cci^iisie
francese, c di qaeste aliiae le ur.e pervenzero ir Pieaccîe iireraaesie,
doè pcr la Borgcpia. le alîrc vi pervcr:=tro passasio per la Provenza.
c pcr 00^ dire vesâie alla provenzalc. La iîsÊx:z:or.e fra q^^esra coppû
proveoîenza delIc canzorj Loxi-::, penetiata in Pienozte, doz è, coaie
ben si poè imagisare, sanzre |>Dss:b:le. Tunavia inalcun: cas: la coa-
parazione dei]e lezioci pieascniesi cclîe frascesi e colle provenzal: for-
lûsce indizi abbastanza probabili per detenninare V oiip::e ie! ca^io, o
almeno la sna provenfesza diretu ed uliima. La canzcne. passasdo in
PieiDome, assnnse naiuralmente le tonne dialetiali piescoiites:. ma non
sempre înteramecîe. Spesso rimasero nelle lezfoni pieœonîesi tracde
ancora visibili di fonce francesi o prover^zali. Alih ir.iizi sono sotami-
mstrad dal métro. Il tetrastico settenario ed ottonario. ccn altenuzione
di assonanze, talora monorime, e di versi non riman. e di lenninazioni
ossitone e parosâtone. accenna pi à spesso ad origine provenzale. Per
cootro î poHmeth con versi di misura disuguale. e queJi in on prédo-
mina la desinenza ossitona. accennano di preferenza ad crlzine francese.
Questi van indizi saranno esposti. quando occon-ano. a loro luogo. nelle
awenenze premesse aile singole canzoni.
In tutte le canzoni poi. di qualsiasi caiegoria . storïche. romanzescbe,
domesûcbe, ad eccezione di qualche caso sporadicc. cbe sirï norito,
OYC si produca, non tro\iamo traccia d* origine ladna. o p*eca. o ger-
manica, o tanto meno araba.
Non d losînghiamo di penenire a detenninare in un axMo, ancbe
approssimativamente esatto. V epoca di fonnazione délie ra-.scni, ]t
sale storicbe eccenuate. Accade della poesia popolare ce cbe accaie des
dialetd e délie lingue. Il periodo genetico ha seapre qiisLcbe casa
d' occuho, forse perché, fino a quando V una e V alr^a cariresubone
delte spirito umano non sono fissate daila scrim:ra e dalla 1er erarjra, v' è
luogo ad una genesi continua. Ne le indicaziorJ !on*ite ial^e canroni
storicbe di dau certa valgono a penneîîere conclusion: posiùve, giacchè
abbiamo canzoni storiche appartenenti quasi ad ogn: epoca. dal v; secojo
in poi. In fatti, le canzoni Donru icnibjrli e Lj i.-rî.L; ifrd::Ji:2 11
Clotilde provenzale^ ripetono la loro prima fonnazione f.n dal VI s^^o'o.
mentre la canzone Carolina di Sj;o:j è cantata in Pieraonte ia persone
viventi, i di cui genîtori assistettero alla panenza della gic\-ine prlnd-
pessa per la Sassonia anno 17S1 . In questo lungo spazio di dodid
448 C. NÎGRA
secoli moite canzoni nacquero e morirono, e quelle che ci pervennero
subirono numerose, profonde e continue modificazioni. Anche qui ripe-
tiamo non doversi dimemicare che, parUndo dell' epoca di formazione
délie canzoni, s' inlende pariare non tamo delPargomento, quanto délia
forma. L* argomento d* una canzone puô essere ed è in molti casi più
antico délia formazione délia canzone stessa. Nei canti religiosi, per
esempio, il contenuto ha ordinariamenie per base una leggenda, la quale
s' è formata lentamenie per tradizione, solio forma di racconto, o in altra
forma diversa dalla canzone, e questa leggenda è naturalmenie più
aniica che la formazione del canto» Le nosire indagini non risalgono
alPorigine primiliva del contenuto poeiico ; çsst si limitano a rintracciare
gr indizi delV epoca probabile in cui la canzone si effigiô nel suo stampo
storico, assumendo la sua forma cosiîtutiva attuale. In realtà non si pos-
sono indicare date certe che per le canzoni storiche. Essendo ques
coeve al fatto narrato, ponano con se, per dir cosî, il loro atto di nascit
Per le altre dobbiamo contentarci di semplici induzioni. Le canzoni
romanzesche comuni, d* origine provenzale, sembrano essere state iras-J
messe principal mente verso P epoca délia maggiore espansione délit 1
cultura occitanica, cioè dalP undecimo secolo al decîmoquano. E siccome
la trasmissione si fece di nécessita dopo la formazione, quella deve ailri-
buirsi ad un' epoca più 0 meno immediatamente ameriore. La canzoïiGl
di Fiormza^ per esempio, che narra un ralto comraesso da un moro
saracino, potrebbe essere contemporanea, nella sua originaria forma-
zione, aile prime escursioni dei Saracini sulle coste del Mediterraneo, e
quindi risalire al nono secolo. Le canzoni d* indole cavalleresca possono
con probabilità attribuîrsi aî periodo in cui dominarono nel mezzodî e
nell' occidente d'Europa i sentimemi ed i costumi cavallereschi. Le pas-
loraîi furono di giàcoltivate dai trovieri francesi, che le imitarono certa-
mente su raodelli popolari anteriori ' . Non sarà quindi temerario îl famé
risalire la formazione originaria ail* epoca che precedette i primi trovieri.
Se è difficile lo assegnare il periodo, o per meglio dire i vari periodi di
formazione délie canzoni, è altrettanto difficile il determinare un' epoca
in cui questa poesia non abbia esistito. Noi abbiamo canzoni, la cui
prima formazione risale, come fu notato, al VI secolo. Non è probabilei
che queste siano State le prime creaie dai popoli celto-romanzi. Questa
poesia ha un carattere einico e tradizionale. Essa è un frutlo spontaneo
e géniale délia razza, che ebbe, fra i suoi caratteri proprl, l'attiiudinee
t. n I trovieri coltivarono con succcsso un' allra specialitâ, génère apparcn-
« lato senza nessun dubbio alla canzone popolare, ordinariamenie fornito di
« ritornello, che accusa Timpronta nazionalc, Noi vogiiamo pariare delte
• romanze, délie pastoraii {pastourdUs] e d' altre composizioni narranti avveo-
• ture amorose. » Diez, op. cil,, 2.
LA POESIA POPOURE ITALIANA 449
la tendenza a questa particolar forma di poesia. Quando le popolazioni
celtiche delPllalia syperiore, délie Gallie e della Penisola celtiberica,
adoliando il lessico latino e la grammauca latina, fonnarono i loro nuovi
idiomi cello-romanzi, esse adauarono aile eslgenze del nuovo linguaggio
il fondo poetico ed anche lo stampo formale dei loro cantitradizionali,
scguendo in ciô il medesimo processo che fu seguito nel cambiamento
d' idioma. £ siccome i Celtî^ nell' assîmilarsi il lessico e la grammatica
dei Laiini, conservarono d' alironde in gran parte la fonologia e la sin-
iBSsi délie aniiche loro favelle, cosi mantennero lo stampo spéciale e la
materia della loro antica poesia nazionate, di cm del resto avrebbero
cercato invano i modelli nella lelieratura artistica o popotare latina. La
canzone, cosi considerata idealmente, fu dunque coeva agi* idiomi celto-
romanzi, Nattiralmenie di quel periodo primîtivo non rimane altro che
lo stampo formale, quale ci fu conservaio dalle riproduzioni posteriori,
ta un certo fondo di materia poetica in raille guise successivamenie
foggiata, trasformata e rinnovata. L* atuvità poetica della razza, nata
con essa, non venne mai meno nelle varie epoche della sua sioria e
presso i varî popoli che la compongono. Taie attività non fii sempre
eguale. Vi sono epoche, per esempio il periodo cavalleresco, di spéciale
sviluppo poetico. E fra i popoli dt razza celto-latina, alcuni, corne il
provenzale ed iJ francese per ragioni geografiche, îinguistiche e politiche
panicolari, ebbero la sone di potertrasmeitere la propria poesia ai paesi
vicini, mentre in questi ultimi la produzione poetica popolare rimasc
quasi sempre locale. Ma V attività poetica perdura egualmente presso
tutti i popoli celto-romanzi. I quali non si limitano a ripetere le antiche
canzoni ed a modificarle continuamente. Essi creano nuove canzoni
anche oggi. Solamente quesie creazioni, che si producono, lungi dalle
dttà, negli oscuri viilaggi, neicampie sui monti, difficilmente si lasciano
sorprendere dair osservatore nel periodo genetico. Questo periodo, corne
già dicemmo, ba sempre qualche cosa di misterioso. La canzone, gîova
ripeterlo, non è improvvisata. Non è opéra d' un solo individuo. Non
nasce ad un tratto perfetta, Ê lentamente elaborata da mold congiunta-
mente e successivamenie. De' suoi elementi cosiitutivi una parte si puô
dire sempre antica. Quando daî nostri contadini si compone una canzone,
si comincia a fissare la melodia, e questa è tolta ordinariamente da una
canzone anteriore. La melodia détermina il métro. Intere frasi ed inieri
versi, e spesso il principio della composizîone sono mutuati a canzoni
già esistenti. Ciô che si aggiunge di nuovo è spesso scorretto, rozzo c
talora confuse; a poco a poco, passando per moite bocchc si modifica,
si purifica, si compie; nuove idçe si aggiungono; le espressioni scorrettc
od impropric sono successivamente eliminate e sostituiie da alire più
roprie e più corrette ; queste alla loro volta, passando per altre bocche,
4fO C. NIGRA
e trovandosi in ambîenti meno propizi, si corrompono di nuovo, si oscu-
rano, per rinnovarsi di poi. Strofe iniere si corrodono lentameme. si
dimenîicano, si perdono; altre nuove pigliano il posto délie antiche.
Reniiniscenze d' aliri canti s* innestano, si propagano, e muiano non
solo l'economia, ma il senso e la conclusione délia canzone. I cosî detli
luoghi comuni poeiici sono larganienie messi a contribuio. Talora due
canzoni si fondono in una. Talora invece una sola canzone si spezza e dà
origine a due canzoni diverse, Nel trasmetlersi di bocca in bocca il pro-
prie canto, il popolo lo rinnova e lo modifica cosianiemente nelle forme
dialetiali e nel contenuio, e fmalmente anche in parte nella melodia e nel
métro, e quesie continue ed împortanti modificazioni cosiituiscono in
realtà una perpétua creazione délia poesia popolare;creazione che passa
per molle e varie fasi, e le di coi condizioni di viia e di perfezione, o di
degenerazione e di obblio sono intimamente legate con quelle del
popolo au tore e conservatore. Le canzoni, più che i libri, hanno i loro
destin!»
Abbiamo dette, parlando deir origine deïle canzoni, sia speciali al Pie-
monte ed ail' Itatia superiore, sia comuni ai popoli celto-romanzi , che
non si scuopre in esse tracda di derivazione straniera. £ per venta esse
portano un' impronta afïatlo originale, I Latini ed i loro naturalî e direili
succédané! non ci offrono nulla di simile nella loro letteralura artistica o
popolare. Nulla di simile ci ofFrono i Greci, ed oramai sarebbe inutile il
soffermarci a provare che non v* è nuila di comune fra il carattere délie
nostre canzoni popolari e quello délia poesia araba. Ma nemmeno la
lelieratura germanica esercitô un'azione apprezzabile sulla poesia popo-
lare celto-romanza. 1 Tedeschi presero da noi la rima e la tinta cavalle-
resca che già appare nei loro Nibelunghi, Atiinsero abbondamememe aile
sorgentj dei cicii epici romanzi. Non ci lasciarono un solodei loro canti*
Le rassomiglianze che occorrono qua e là fra canti tedeschi e celto-
romanzi, o fra alcune parti degli uni e degli altrî, non hanno nulla di
specifico alla Germania, e trovano per lo più la loro spiegazione in un
sentimento poetico générale ed anteriore, che è in varia misura comune a
tutti i popoli derivati dalP arnica fonte ariana.
Si puô ancora domandare se la poesia popolare spagnuola, da cui
sorse nel XVI secolo la poesia semiartificiosa del romancero^ abbia eser-
citaiû, per trasmissione o per imitazione, un* influenza sulla poesia
popolare del Piemome e dell' Italia superiore ed in générale su quelladei
popoli ceilo-romanzi. Le raccoUe dei canti popolari portoghesi non
lasciano dubitare che romanze spagnuole, prima o dopo la loro redazionc
definitiva, siano state trasmesse in Portogallo; corne è certo, d'alira
parte, che canti popotan d' origine portoghese penetrarono nelîa Spagna
Casiigliana, La posizione particolare geografica e linguistica del Porto-
«
LA POESIA POPOLABE ITALIAVA 45 I
gallo rispeuo alla Spagna e le spécial! relazioni storiche e sociali dei due
paesi fra loro spiegano facilmente la produzione di questo fenomeno. Ma
le nostre ricerche c'inducono ad escludere ogni influenza spagnuob sulla
poesîa popolare celto-romanza. Le poche romanze spagnuole che si tro
vano più o meno completamente riprodolie nella poesia popolare
cello-romanza, non sono, secondo la nostra convinzione, d* origine
spagnuola. Esse furono introdotte nella Spagna dai fmitîmi paesi celto-
romanzi.
Jnfine puô farsi quesiione, se !e canzoni popolari (specialmeme le
storiche e le romanzesche) comuni ai popoli celio-romanzi sianoavanzi,
comefu asserilo talora, di poemi epicï antichi caduti in oblio. Una simile
ipoiesi non ha fondamento nella realtà. Nessun faiio pu6 essere invocaio,
a notizia nosira, in suo sosiegno. Un* attenta osservazione dell* orga-
nisme délie nostre canzoni ci conduce, al comrijrio, a considerare
ciascuna di esse corne un' unltà perfetla e distinta fin dalla sua origine, !l
poema epico puô nascere dair esplicazione più o meno artificîosa del
brève canto popolare, quai è la canzone. Ma non abbiamo esempl del
tatto contrario, cioè dello sminuzzarsi d' un poema epico in una série di
canzoni veramente popolari,
Conchiudiamo. L' Italia, rispetto alla poesia popolare (come rispetto
aï dialetti) si dîvide in due zone : italia înferiore, con substraio italico ;
ed Italia superiore, con subsirato celtico. La poesîa popolare dell* Italia
inferiore è monostrofa, monometra (salvo il quinario dello stomello),
endecasillaba, assonante \ parossiionica, araebea, lirica, soggettiva, non
senza coniatto colla poesia colta, e procedente in parte, per tradizione,
dalP antico canto alterno pastorale, e d' origine interamente italica»
Quella deir italia superiore è polistrofii, polimetra, semi-assonante^
serai-ossitonica, anamebea, narra tiva, oggettiva, senza coniatto colla
poesia colta, d' origine, in parte celto-italica, in parte celto-romanza.
Entrambe iradizionali, etniche, immuni d' ogni influenza siraniera alla
loro origine rispettiva.
Le osservazioni fin qui faite, giova ripetere, sono applicabîli alla poesia
popolare cantaîa e profana, La recitata (giuochi, indovinelli^ rime infan-
tili, ninnenanne, proverbif e la religiosa Ipreghiere, gjaculatorie,
leggendej hanno un carattere meno etnico e più générale, e seguono,
nella loro origine e nel loro sviluppo, un processo in parte distinto.
Perché questo studio fosse meno incompleto, converrebbe ora esami-
nare e giudicare i) valore estetico e morale dei due grandi rami délia
poesia popolare italiana. Ma noi lasciamo volentieri questo cômpito meno
i, Cioè, di regola, coa tutti i versi rimaii o assonanti e spesso con paralle-
iismo di con&otianzç atone.
452 C. NIGRA, LA POESIA POPOLARE ITALIANA
arido e più attraente a critici più riposati e meno esposti aile tentazioni
di parzialità, aile quali, pur non volendo^ potrebbe accondiscendere un
raccoglitore di canti popolari. Questi è naturalmente portato a trasmodare
nelP indulgenza e neir elogio rispetto à ciè che forma 1' argomento ed
il pregio delP opéra sua. La critica délia poesia popolare italiana, con-
siderata nel suo intierio sviluppo in tutte le parti délia Penisola, è une
studio che ancora ci manca, e che mérita di esser fatto. Avemmo finora
molti lavori pregevoli, ed alcuni eccellenti. Ma essi sono per lo più spe-
ciali alla poesia popolare d' una o di parecchie provincie d'Italia. Noi
non vogliamo far qui la storia délia critica délia poesia popolare italiana.
Essa conta molti nomi di scrittori autorevoli ed illustri. I loro studi
dovranno essere attentamente consultati da chiunque si assumera
l' impresa di fare délia nostra poesia popolare non più un esame più o
meno limitato, ma una critica générale. Oramai tutte le provincie ita-
liane hanno recato la loro pietra alla costruzione del nobile edifizio ; ed il
critico futuro avràa sua disposizione elementi che facevano difetto a'suoi
antecessori. D' altra parte gl' importanti lavori fatti negli ultimi anni da
critici stranieri sulla poesia popolare d' altri paesi potranno agevolare i
paralleli, e servire di stimolo, d' esempio e di guida. Ma per questo
appunto la scienza moderna crebbe le sue esigenze. Essa vorrà
conoscere, accanto ai meriti reali del nostro canto popolare, le sue
mende ed i suoi difetti, egualmente reali, liberamente, largamente,
coscienziosamente esposti e discussi, senz' altra preoccupazione che
quella délia verità.
Un importante elemento di comparazione e di studio mancherà sven-
turatamente nella nostra raccolta. Noi non abbiam potuto raccogliere e
notare che pochissime délie mélodie che accompagnano le canzoni, e
nessuna di quelle che accompagnano gli strambotti e gli stornelli. Altri,
speriamo, riempirà questa lacuna che noi riconosciamo come un difetto
grave di questo libro. La cognizione esatta délie mélodie è indispensabile
per la critica délia poesia popolare.
C. NiGRA.
FRAGMENT
d'un
CONTE CATALAN
TRADUIT DU FRANÇAIS.
Le manuscrit Espagnol 154 de la Bibliothèque nationale (anc. 7696)
d'où est tiré le morceau catalan publié ci-dessous se composait originai-
rement de 72 feuillets écrits sur deux colonnes à la fin du xV siècle.
Des quatre derniers feuillets qui ont été arrachés il ne subsiste aujour-
d'hui que quelques lambeaux restés attachés à la reliure. Les ff. i à
62 v"", col. I y contiennent une rédaction en prose catalane de la vie de
S. Honorât'. Cette rédaction, faite sur la vie provençale en vers, a passé
tout le livre III de l'original qui contient le récit des miracles opérés par
le saint pendant sa vie^ sauf le ch. lxiii intitulé : Ayzi nomna los santz
que foron en lahadia (éd. Sardou, p. 106). Une vie de S. Honorât en
catalan qui procède sans doute aussi du poème provençal a été imprimée
à Valence en 1485 ou 1495 >. De la rubrique de la table « Aquesta es la
taula del présent libre de sant Honorât ab la sua vida e ab diversos mira-
cles que ell ha fets axi en vida com après mort », on peut conclure que
l'imprimé de Valence, que nous n'avons pas vu, ne présente pas la lacune
de notre manuscrit. Ajoutons que M. Bruce-Whyte a reproduit fort
incorrectement dans son Histoire des langues romanes ^ t. II, p. 406-414,
les douze premières colonnes du manuscrit 1 54.
Les derniers feuillets, 62 v°, col. 2 à 68 v*», col. 2, sont occupés par
la traduction du conte dévot français Du roi qui voloitfere ardoir lefilz de
son seneschal, que la mutilation du manuscrit ne nous permet malheureu-
sement pas de publier en entier.
Nous laissons maintenant la parole à M. Gaston Paris, qui, après
r . Sur les versions en prose de la vie de S. Honorai voy. le rapport de
M. P. Meyer, Rcv. des Soc, sav. 6« série, t. Il, j6 ss. et Romama^i. V, 237 ss.
2. Voyez Mendez, Tïpografxa cspanola, éd. Hidalgo, p. 46.
454 A. morel-fatio
nous avoir indiqué roriginal direct du texte catalan, a bien voulu rédiger
sur l'histoire de ce conte la notice suivante :
« Ce morceau est littéralement traduit (on retrouve les rimes) du conte
dévot français publié par Méon, Nouveau Recueil^ t. II, p. 331. Quant au
récit lui-même, les diverses formes en ont été récemment étudiées avec
grand soin par M. Hertz (^Deutsche Sage im Elsass, p. 278 ss.). Le conte
est d'origine indienne, il a passé en arabe et de là dans les littératures
occidentales. Dans les versions sanscrites, un roi veut faire périr un
jeune homme qu'il hait, et c'est son propre fils qui est tué à sa place;
dans un récit arabe, c'est un oncle de Mahomet qui tombe lui-même
dans le piège qu'il lui avait tendu; enfin dans deux autres versions
arabes (mais qui n'existent l'une qu'en bengali, l'autre qu'en turc), le
drame comprend trois personnages : un calomniateur, un innocent et un
roi ; le premier accuse le second auprès du roi qui veut le faire mettre à
mort, mais c'est l'accusateur qui est tué à sa place. Dans les deux ver-
sions arabes, — par un reste de la forme plus ancienne, — le calomnia-
teur ignore le sinistre but de la commission que le roi a donnée au jeune
homme innocent et se charge volontairement de la remplir pour lui ; dans
toutes les versions européennes, il sait que cette commission est un
ordre de mort pour le porteur et il va s'assurer qu'il a été exécuté, mais
le jeune homme ayant été retardé il arrive avant lui et est tué en son lieu
par les gens qui ont reçu l'ordre du roi. — La calomnie qui vaut au
jeune homme la haine du roi n'est pas la même dans toutes les versions
européennes : dans les Gesîa Romanoruniy Bromyard, les Cento Novelle
Antiche (voy. Romania III 187), Timoneda, notre conte, Gautier
Map I, etc., on fait croire au roi que le jeune homme a dit de lui qu'il
était lépreux ou simplement qu'il avait une haleine intolérable >. Les
Gesia seuls ont conservé la première forme, évidemment plus ancienne,
puisqu'elle se retrouve dans l'une des deux versions arabes indiquées
plus haut {les Quarante Vizirs 5). Dans une seconde série, dont nous
n'avons rien à dire ici, l'accusation portée contre le jeune homme est
d'être l'amant de la femme de son maître : c'est là une heureuse altéra-
tion du récit plus ancien 4, qui se retrouve dans un grand nombre de
1. Le très-bizarre récit de Gautier Map (De Nugis Curialum^ 111, ^), oui par
certains côtés semblerait se rapprocher des versions orientales, doit plutôt être
regardé comme une forme altérée de la version européenne.
2. Dans la Cantiga d'Alphonse X Uahrbuch^ I;, la calomnie n'est pas spécifiée,
mais le récit paraît se rattacher à ce groupe.
3. Mais toutes les versions occidentales ont en commun une modification de
ce récit. Pour faire que le jeune homme détourne sa bouche de celle du roi, son
ennemi, dans les Quarante Vizirs^ lui fait manger de l'ail ; dans les versions occi-
dentales, il lui persuade qu'il a lui-même une mauvaise haleine et que le roi s'en
plaint.
4. Une accusation analogue se retrouve, il est vrai, dans l'autre version
FRAGMENT D'UN CONTE CATALAN 455
variantes et qui a reçu, comme on sait, sa plus belle forme dans la
ballade de Schiller^ der Gang nach dem Eisenhammer^ directement et uni-
quement imitée d'une nouvelle de Restifde la Bretonne'. — Notons
enfin que dans toutes les versions européennes le retard du jeune homme,
qui amène le dénouement, est dû à sa piété (combinée, dans un certain
groupe de la deuxième série, avec sa fidélité aux conseils reçus de son
père). L'insistance de Termite à retenir le messager est, dans notre
conte, un trait particulier qui remplace peu heureusement le sommeil
envoyé par Dieu au jeune homme dans d'autres versions.
<c Entre les formes orientales et les formes occidentales de cette légende,
il faut sans doute admettre un intermédiaire byzantin '. Notre conte
spécialement parait avoir eu un original latin ; toute la seconde partie,
assez ennuyeuse, est puisée à d'autres sources et n'a rien à faire avec le
sujet. »
Le travail du Catalan anonyme est fort médiocre. Peu versé dans
la connaissance du français il n'a fait autre chose que calquer le conte
dévot, sans se préoccuper toujours de le comprendre ni de soigner le
style de sa traduction. En un mot cette version est infidèle au point de
vue du français, et incorrecte au point de vue du catalan. J'ai indiqué de
temps en temps les vers de l'édition de Méon pour permettre au lec-
teur de comparer plus facilement l'original à la copie. Au reste, à en
juger par quelques variantes, le manuscrit qui a servi au traduaeur
catalan se rapproche plus du ros. fr. 12471 [f^ 237 ss.i que du
n* 23 1 1 1 f" 81 ss. d'où Méon a, je crois, tiré son texte K
arabe (bengali), mais les circonstances sont si différentes qu'il parait bien n'y
avoir aucun lien entre les deux histoires.
1. M. Hertz, I. I., montre fort bien que c'est Schiller qui a substitué â ia
Bretagne et à (^imper, qu'il trouvait dans Restif, TAlsace et Saverne. On n'en
montre pas moins près de Saverne la forge où le méchant Robert aurait été
brûlé en venant voir si l'ordre du comte (il n'y a jamais eu de comtes â Saverne)
avait été exécuté.
2. C'est ce que pense aussi M. Wesselofsky, Russischt Revue, '87s, p. 1^7,
oui nous révèle 1 existence fort intéressante de ce récit dans les anciens
Èjnaxaires russes M 8 avril/, oii il est donné comme extrait d'un i:a?tpixov. La
forme russe, qu'il analyse, est très-curieuse, en ce qu'elle se rapproche de l'une
des versions arabes ^bengali,, et que cependant elle a en commun avec toutes les
versions occidentales le retard causé par un exercice de piété, et avec un
groupe de la deuxième série occidentale la fidélité du jeune homme aux conseils
paternels. Il y a là un problème qu'il serait trop long d'examiner id. On peut
croire que les contes occidentaux de la première série flèpre. mauvaise haleine)
proviennent de l'une des versions arabes, et ceux de la seconde série /adul-
tère; de la seconde, à travers un intermédiaire grec.
5. Le conte du fils du sénéchal se trouve encore dans le n* i S46, f* 18 V,
et dans k ms. de Berne décrit par M. Tobler, Jahrb.J. roman. Uîcr.. VII,42(.
C'est à lo.'t que M. A. WcLcr, Handschrifthche Stadun, p. 9, indiaue le
ms. 24452. :* i ;î5. comme contenant tnc rédaction en vers de six syllates de
notre conte : le texte copié à cet endroit est le Dit du charalur qui devint hermàe.
456 A, MOREL-FATÏO
Vlla 65 aquell qui fa a allre so que no vol que sia feyt a eiL Aqvielt qui
scnlremct de cnganar altre soven li esdeve que cl mal que ell vol fer li ve
desobre : axi com mal e dret rêve, les bones obres nos menen en los sants
cels e los mais a perdicio e a pena, E axi cascu troba en taJlre setgle
$ segons que en aquest obra, mas aquest setgte nos te tant aprop que sol no <
nos menbre del altre. Ten cobecyosos som clergucs e lecs que nos ne aflfoyl-'
lam nostre tigl Lo gran enemich que havem es laver del dolent quil ha
mai guanyal, car axil le aprop, el ensegua per la força de cobea e de ava-
ricia, que non despen nen fa negun be, ans nés longament sacli e borssa, c
to en son cor ha ten gran guerra^ qui del estalviar e del guanyar, qui del
guardar e del conquistarj que cil no ha pensaroenl, ne saber, ne enteniinenl,
sino ten solament de son haver. E quant ell ha moll estalviat e guanyat
a ops daltre^ malaltîa lo pren el puny, si que en el] no ha gens de sanilat.
Lo cor li dol e lots sos membres, con li sove de son haver que lexara mal
1 ) son grat, e que bira en mans daltre; car sos infants lo despendran^ que ia
no li reIran compte, e un altre haura sa muyiler; axilo foyll mesqui oblida
la sua anima. Aço pense e en aço trebayllc tant que ve quil derrocha, qui
envia la sua anima el foc dinfern. Axi[l] acompanya lo seu haver;
perque es lom be orp e be enganat e fora de son dret seny qui per
20 cobeeyança de haver pert la amor de Deu en tots temps^ sens esperança
de recobrar^ si que enpeny !a sua anima en infern, e altre lo guaste el des-
pen, car ell no sen porte gens daçi. Perque devem conseil creure e ccrcar;^
tant con som sans e vius. Un eximpli vos comtare e direus la istoria duii^
rey qui fo en Egipte, c noy vu II larguar.
2 5 (54) Aquell Rey hac entorn de si un seneschal quil havia tant servit
quen merexia gran guardo. E devets saber que qui bc vol servir deu soferir
be e mal e mètre cors e haver. Aquell scnescal havia un fill molt beyil e
ros e hac beyila persona e beyila cara, e fo fort gracios e bc enrahonal, c
hac enlorn .XV» anys, c fo molt savi, segons la sua edat, car lot fo en
jo amar Deu. Axi mes e despes tôt son temps, car neguna amor, sino aqueila
de Deu, no es sino una bufada de vent. Esdevenchse quel senescal fo tort
ma lait e tant que quax tôt sécha. E quant lo Rey o sabe fon tort dolent peri
amor del servcy que li havia feyt e li feya,e per ço com lamave molt. Tant
que un dia lo Rey vench lo visitar, e lo senescal li dix : « Senyor, ious he"
î j molt servit de vostra fadrinesa en sa, be ha .XXV, anys que ious comense
a servir; io sent en mi matex que yo no pusch escapar daquest mal afer;
cove que muyre, cor iom sent fort feblament, e axi no pux moît viure.
Perque ious vull demanar un do, senyor, per amor de Deu, c en
rcverencia, e en gloria del bon servey queus e fet, e on he despes tôt mon
40 temps : ço es que vos façats be a mon fil! c que li guardonets lo serviy
que jous e feyt, e farets be, e seraus honor gran ; con a senyor e con 1
amie vos en requir eus en prech. »— Lo Rey lirespos: t Amie, jous promet
en me leyaltat que tots temps mentre que yo sia vju, io tendre vostre fill
entorn de mi, el fare senyor e cap de ma terra, salva to[tJ hora la mîa
4$ honor e de mon filL E li dare tanla terra e tant haver, sia que muyra 0
que viva» que cil sera rich tots temps. * — Lo senescal lidtx : t Senyor» bon
FRAGMENT 0*UN CONTE CATALAN 4J7
guardo nayats de Dcu. ■ Lo rey sen ana» e aqucll qui cra len atenl mori
daquclla malaltia. (m) Lo rey qui ama leyallal Icnch bc ço que hic pro*
mes, es captench be det infanl, e îiurali un maestre qui li mostras; ab un
50 seu fil! ensemps lo mes. E aprengueren lanl be abduy que aço fo mara-
veyila. Lo Rey los anava vaher cascun dia ets tramclia lots dics de iO%
présents^ mott los ama abdosos. E los dos infants con a bons (adrins se
amarcn molt, axi con a aqucîls quis nodrien ensemps* Lo maestre tur, per
gran traycio e per gran cnveya, fo moll dolent e irai daço coq lo rey
55 amava tant aqucîl q«i res no li atenyia, e per gran fcllonia étx entre son
cor : ■ Per ma fe^ yono tench per sav» lo Rey, que un fadri, vengut deno
rc c no sab don, amaaytanl con son fill; ab mis devria fer, e mi devria
amar, c mon seny li devria ptaure, caryo son provadamenl bon clergue de
arts e de leys, e nom ama, ans ama un fadrivil e mesqui qui rahû no fa ne
60 enten. Si ell ama son fill ell la molt be, mas en aquest altre amar, jo no
veg re perque ell lo dega tant amar; mas yo deparlirc e trcncare aquesta
amor, o yo no preare re lo meu sen ne saber valent de una glan. • EH
pensa en fer mal al infant, e en aquell mal despes son sen. (145) Un jorn
Jo mes en paraules e lidix quax axi con a caslicb : t Bell ftllcon lo rey vcn-
6ç dra açi eus tendra entre ses mans, girats fi ta tara, carlo vostrc aie no li ti
bo, ell nés fort irat e mohadit. E axi no obltdets per re que no II gireti la
tara. > — Lo fadri li dix : « Mestre, moll volunler, sapîits que bem
membrara. » — • Vos deyts be, » dix ell, • e ara 0 vourem. • Lo Rey
tosvench vaher un dia, e tench los amdosos entre soi braços. Ë lo fill dé
70 senescal qui negun mal noy entenia, gira son cap e sa tara quel Rey no 11
acostas, per ço con lin cuydava fer desplaer Axi 0 feu .V. o .VL vegi-
des que tota hora li fugîa e li girava ta cara, con el) lo ténia entre tôt
braços e con en aicunes paraules lo tnetia, tant quel Rey sen près guarda,
quin fo fort dolent en son cor e vcnchsen al maeitre, e dixli que li degues
75 dir allô quel fadri feya e que 00 loy degues çelar. Lo maestre h dii :
• Senyor, per ma fe, voluntera vos en diria la veritat, %i sabra que noi»
fos greu< • — Lo Rey li dix : • Vos a m\ nom podets agreuyar, ani vos
amaremes, ■ — Axi dix lo mestre : • Donchs jou$ 0 dire. Sapiats quel
fadri ma dit e jurât tant que vos havets ten fort aie, que ell no baiobre
$0 si nenrii, ne vena, ne corada que no lin regrr con lo lent, ait quel cors
cuyde perdre, el cor Irn desana. • El Rey qui sesbay aqui daqncstef
pamies, e aqui ahira lenfant de Lot son poder e iura que yimes no b (aria
ht, e partissen quax exit de seny. ((^8) E lo maestre malirat qtii poyi
compli sa errada^ hac gran ptaer daço que feyt hac. Lo Rey qui 00 oMîdi
8f pas U sua tra neu vokhdir a negu, feu çercar tro a ,V, iadnnes punçdlei
bctflki e gentils e gualardes e acostas a dles^ e lei corteya e les besa^ Un
soiament per assegar e prorar si laie li pudia» car laolt ocitafc ot g^m
Rgnaft ; taat qm ptr aifuesies pnncfflcf sabe q«t aa kaiîa tadka 4aq«ff
fîcs, PttqÊm fe Mit aiMgivat, otai gens pcf aço «o fo pas gùriS sm
90 cor ^ a afiidl isiMit 10 vo%»o «al f«r ço ^ li en «sm 4«t^ Tolc$
ng^à» bdb awoitre cor, e ya âepsft MJ «oldi, oef qm rakm, per tal
fêé tafcer oolagmipf tqaeoo iértdis la pÊâ ira; e dia q»e fi wa
458 A. MORBL-PATIO
deliuraha en guisa que yames nol veuria. Hira^ qui molt hom descar-
rera, mes fora de bona via e de la senda de veritat lo Rey, axi que tota
93 sa leyaltat oblida per venyarse e per complir sa iellonia sobre aquell
que no amava gens ; tant que trames a un seu forester, e aquell vench ten
tost. E ell li mana que en lo bosch seu fahes un fforn de cals e quel primer
hom qui y vengues de la sua part dir re que loy metes. E feu li manament
que aço tengues ten secret que hom del mon non pogues res saber. E aço li
100 mana fortcarament e sobre la sua fe que li dévia. Aquell li atorga eli pro-
mes que axiu faria con ell volia, e encontinent se parti dell. (229) Len-
dema lo forester apparella e feu lo fforn de la calç, axi con lo Rey 11 hac
dit e manat. E con lo Rey viu lenfant, feu li manament que tantost cavalcas
e que aportas aquella missatgeria al forester, e quey anas al bosch, e que
105 tost sen espetxas. E leniant cavalca tantost e fo cuytat de fer espetxada-
ment sa missatgeria. E dalli on ell parti ha via dues leugues tro la hon
dévia anar, e lenfant tota sa pensa havia e tôt son enteniment en Deu e
sabia les hores de nostra dona Sancta Maria, e anave les dient ab cor pur
e vergée net, a honor de la mare e del fill, per tal quel guardassen de mal
110 e de tôt perill e de tôt affany. E sapiats per cert que aquell qui de cor diu
les hores e les mante e les acustuma de dir e quis te de cor bo ab Dcu, que
ya no hira a perdicio, lo iorn que les dira de bon cor. Lenfant cavalca e
dix les hores, cor gram ançia navia que les hagues dites. E entretant hoy
sonar un seny, e dix entre si matex : • Si yo pusch atendre a lesgleya on
1 1 5 aquell seny sona, la ire, e aqui dire e acabare de dir les hores, e si y trop
missa apparellada hoyr la he, car yo no he ten gran cuyte que be nou
puscha fer. » E tentost gira daquella part on lo seny sonave e mantinent
vench en una capella, e sabe li fort bo que un ermite hi troba qui fo appa-
rellat de cantar la sancta missa. Lenfant escolta volunter la missa, e lermite
120 la canta devotament e plorant e bâtent son pits. E un colom blanch
vench denant ell e tench en son bech un escrit e lexal caher desobre laltar,
axi que aquell 0 viu, e con ell hac cantada la missa, ell reguarda lescrit e
besal .111. vegades, e viu quel escrit deya que retengues lenfant el menas
per noves tant que mig dia fos passât e puys quel lexas anar, car Nostre
123 Senyor quil havia en sa guarda lo volia salvar. Lermita se cuyta de des-
puyllar sos vestiments, per tal con hac gran pahor quel infant no sen anas
sens que no preses comiat, car y a volia ca val car cuytadament. (292) Ler-
mite vench tantost a ell e dixii : < Amie, entenets me, espérais vos e tenits
vos a mon conseyll, del quai vos vendra tôt be, no hiciscats tro hora de
130 mig dia sia passada, venits açi dins la mia casa, que io he un poch a par-
lar ab vos. » — Lenfant, qui fo cuytat que sen anas, li dix : « A, senyor, per
amor de Deu, no sia, car yo açi no pux mes aturar. Lo Rey menvie en
una missatgeria. » — Lermite lidix : « Cert si farets, al menys tro que siats
dinal ab mi. Donchs romanits. » — Lenfant dix : « No fare. » — « Si farets, »
135 dix lermite, « per vostre prou, e pus 0 man de part de Deu. » — « Per
ma fe, » dix lenfant, « yo romandre, pus tant o volets, e fare vostre con-
seil. » — Lermite lidix : • Be deyls, descavalcals e venits ne. » (310)
Lenfant descavalca tantost e venchsen vers lermite, e ell li près son
»
FRAGMENT D^UN CONTE CATALAN 4<9
cavall e ii trach lo fre e li dona a mcnyar de la erba vert. E tcnchlo tant ei
(40 serniona per beyites paraules con lach itX dinar^ que fo enlre hora nona e
roig dia.
Al mestre seu vos torn qui no sabta on len^ant fo anat e per açoti lo
gclos en cstech en dupte, e venchsen al Rey c demana liu. E lo Rey Vi dix :
• Tantost cavaicals sus^ ara cuytadament, e anats en lo bosch e demanats
145 al meu forester si ha fet ço que yo li mane e li dJx. E mantinent oyretsde
sa bocha tat cosa que yames no vourets aquell infant. El maestre cavatca
tantost cuytadament, e ana tant que ell vench al bosch. El forester li exi
a carrera. El mestre li dix : • Mantinent lo Rey roe tramet a vos per
sabcr si havcts feyl ço que cil vos dix, » — « No, » dix aquell^ • mas
T ^0 tost sera fet. i Ë encontment lo forester abrassa lo mestre, e al pus tost
que poch gïtal en lo foch tôt pleguat. Tost fo mort con lo foch era gran.
Axi mori lo mcsqui ënvcyos. E encontinenl vench lenfanl e viu lo mestre
al foch, mas nol poch conexer, E el forester li dix : « Amie be se que
demanats, anats vos en e deyls al Rey que yo he fet son manamenl. * E
I ^ ^ lenfant sen torna encontinent per fer e acabar la sua missatgeria. E cant lo
Rey sabe e vju quel infant fo vengut, fo molt feyllo e nDogut per ço con
dl lo relornal, car de ver cuydava que fos mort. Molt pensa que podia
csser estât, e tant pensa que ell devina en son cor queî forester ha via
errât, c no havia be entes lo feyt^ e que havia près lo maestre en loc del
r6o infant. Et! feu venir lenfant denant si e mantinent li demana on havia estât
len longament. E aquell li dix la veritat e en quâl manera el) vench a la
capella, e con lermite lo retench con hac cantada la missa e comtali con
lavia preycat e sermonat e iet dinar, c comtaliu lot mot a mot. E cl rey
encontinent conech que Deus lach restaurât de mort, e destruhit lo maestre
16^ per sa colpa. ()7i)Lendema lo Rey cavalcaeanassenal boschsiquartesabe
» la aventura del maestre e iutya en si matex que era gran raho. Apres passa
per lermite e tench lo molt grant pessa a partament, e tant que lermite ti
dix lo fet del colom e del escrit que li havia aportat en to bech. E lavors
sabe lo Rey tota la veritat daço quel mestre li hac mentit. E tantost feu
venir lenfant denant si e denant lermite. E 1 infant los dix la veritat del
mestre que li havia dit quel Rey se clamave fort dell qui ten fort aie havia,
c que molt li enuyave con par lave ab dL « Ë pcrço, senyor, » dix lenfant,
* girava la cara en altra part, per ço que nous agreuyas, e axim 0 dava a
entendre mon maestre, quim deya que axi era. t — E lo Rey dix : * EU dey a
17^ a mi tôt lo contrari, mas mils fa a creure lenfant que aquell traydor^ qui es
mort a gran rabo. Si ell no fos mort, jol fera auciure, e non cstorçcra per
re, » Lo Rey se parti de lermite tantost ques fo certiffical del fet per len
fant e menalsen ab si e amal molt e molt li dona, e molt tench car la suci
companyia. Lenfant qui no oblida pasto be que Deus li hacfet^ on cascuif
^0 jorn pensa ve es mirave es adetitave, dix entre si matex que daqui anant no
séria en lo mon, que nol retendria hom del mon ne ha ver que esser pogues,
e mes e posa tôt son cor que fos ermite, axi con aqueti qui amava lot be
ey ténia son cor, Ell pensa que de nit sen partiria per ço con duptave que
alcun nel seguis e anassen a peu sens tuta conpanyia e apona ab si tes
460 A. MOREL-FATIO
185 hores de madona Sancta Maria e un saltiri e no aïs, salvant ço ques vestia.
E ana tant que vench al sant ermita, e con li hac dita sa voluntat e son
proposit lermite fo fort alegre e vestili cota longua e caparo tôt peiras axi
con era romas al prom, e vestilo axi con a ermite, e dixli : « Frare, con
vos partirets daçi vos, vos nirets en lo désert de la landa sécha qui es
190 sobre la ribera e poblar vos ets aqui, e serets hi assats tost, que no es
gayre luny. > Eli se parti de lermite qui li ensenya la carrera e ell sen ana
molt alegre e paguat es comena a Deu. E foy assats tost al désert e foy
anans de hora nona e troba aqui una caseta appareyllada molt be cuberta.
E hac hi bon lit e tôt liu hac appareyllat Nostre Senyor, e fo prop de la
195 ribera perque a ell plach molt mes. Ell sen entra dins la caseta e assechse
en lo fe e fo vyat e causât e hac fam e ell no hac re que menyas, ne en la
landa aquella ne en tota la terra non hac gens, ne en .V. leugues entom
ne hac sino besties saivatges, ne ell en tôt aquell iorn no hac res menyat, e
fou deyu, de que li pesa molt, tant que ell se planch fort e plora e dix :
200 t Pare Jesu Christ que nasques de la verge, yo, senyor, me son donat a
vos, perqueus clam merce, senyor, que per lo vostre gran poder e per la
vostra bonea menviets cosa de que yom puscha sostenir e que no perescha
ne muyre açi de fam, cor yo son del tôt en la vostra merce, e yo haurc
assats de poch. » (462) E mantinent que ell aço hac dit ell viu una poma
205 qui venia per laygua aval e amenavala laygua dretament vers la sua casa.
E ell tantost levas, car tota hora hac bona fe en Deu, e près la poma e parala
e gita la paradura en laygua e b paradura anassenmolttostaavall,axicon
laygua la sen porta. E lo frare se adelita molt en menyar la poma blanchae
beylla, axi con si menyas lo mellor menyar del mon. E fo pus sadoll e pus
210 pagat e pie de tots délits e de tot[s] bens que si hagues menyat dels mellors
.X. menyars del mon. E ell estech bellament e a gran plaer ben .V. anysen
aquell ermitatge e Nostre Senyor li enviave cascun jorn una poma con era
hora de dinar, e ell eren ten pagual e ten pie de tots bens que no desiyavc
ne volia als, car Nostre Senyor li metia tal sabor que ell hi sentia totço que
2 1 5 desiyave ne volia e de menyar e de tots bens, e tota vegada gitave la para-
dura en lo riu e laygua aportavalassen e menava'a a un altre ermite qui
estave luny daqui e vivia da quella paradura e no dais, axi con plahia a Nostre
Senyor, e la un no sabia re del altre, tant que al ermite de la landa vench
un pensament qui molt lo continua e molt lo moch lo pensament. Aquell fo
220 que ell hiria e que sercara lo mon tant que ellpogues trobar mellor de si e
maior en be a fer. Ell cuyda haver servit tant Deu que ell hagues merida
la sua gracia e la sua gloria. Un jorn ell se mes en lo cami e ana riba del
riu tant que ell viu un ermitatge prop la riba del riu, lo quai era scgons
son semblant aytal com lo seu, e en tôt aytal loc. E vench a lermitatge e
225 trobahi un ermite qui mantinent quel viu se leva e ell lo saludae aquell ell,
e dix li: « Frare siguam açi. » E en nom de Deu ells se assegueren, e sient,
la un compta al altre son affer e sa voluntat. Tant parlaren que fo hora de
dinar. Lermite de la landa guarda e viu la poma qui fo denant la porta de
laltre ermite e fos aturada en laygua. Lermite de la landa dix : « Gracies a
i]o Deu queyo hc mon dinar, lo quai Nostre Senyor ma enviât entro al jorn de
FRAGMENT D*ON CONTE CATALAN 46 1
Yvy, assats naurem abdosos. 1 £ près h poma e para la e la adoba e gita
b paradura en laygua axî ton cascun îarn (eya. (^26> E lallre frare la près
tantost, e ell li dix : t Frare, lansats h paradura c prends la meytal
daquesta poma, !a quai jous do per bona amor, Unta de bona sabor hi
ajj Irobarets quen seretssadoll c pie axi con vos voircts, • — Laltre respos :
f SapiatSj frare, que no Ëire^ ans nienyare la paradura de la quai me son
aîudat e sostengut .V. anys. » — t Es ver? ■ âh aqucil. — • Och cert> •
dix aquell altre. — « E com se pot fer, » dix laltre, « que yo he les
pomes menyadcs, les quales Noslre Senyor ma enviades .V. anys egilava les
140 paradures en bygua, per ço com no les preava re, e vos havcls menyal
mon releu ; per la fe que yo deg a Deu^ que es nostre capenostre^lvadory
vos sots mellor que yo no son, sapiats que yo no cuydava trobar vuy
negun ten prop qui fos meyllor de ini, ara men pux anar con a pech e con
a folL » — Laltre, qui lo pus savi e pus sénat que ell, U dix : # Frare amie»
24$ vos devets saber que aqueK qujs gloniica en son be, que beque faça, no ti
val res^ si vos vos senti ts bo^ hagats b lengua apparellada a dir que vos sots
pîyor de tuyt : aquell quis humilia sera exalçat, e aquell qui son befeyt
loha e sen vana, pert tots sos bens els met abax els affona^ tôt axî coq la
roela en laygua ; perqueus devets humiliar e glori6car Nostre Senyor Deus
2$o quius ha feyt ten gran plaer e ten gran cortezla que de una pocha poma ha
sostenguts e sadollats ten longament vos e mi, sapiats que pus a ell menbra
de vos que a vos deu menbrar deil, tant que puscham venir a lasua gloria.
— Lermite de la landa dix:« Frare, vos havets dit mott be, jom atorcb cm
repren del tôt daço que vos havets dit, em pînet de cor e de bocha de ma
i)^ folla voluntat e de mon gran oltracuydament, jo cstare vuymes en pau e
y a mes no pensa re aytal (et. 1 £ dix : « A Deu sials, que vagmen. • E eil
hoy una vou qui li dix : ■ Mantinent, frare^ vos romandrets açi un any tôt
entegre e mengarets la paradura e laltre menyara la poma, e aquesta sera
la penitencia que vos portarels delà vostra crrada, » E dix a laltre : t Vos
260 hirets al seu ermitatge e ell romand ra açi, axius ho die de part de Deu. »
(^81) Aquell romas e laltre, sens tôt contrast, ana a laltre ermitatge e con
la poma li venia ell la parava tan espessamenl que lallre navia la meytat
complidament, per ço con navia gran pietat; de la quai cosa Nostre Senyor
li grahia per la carital que ell havia a .«on conpanyo e a son frare. Lermite
26^ de la landa feu la penitencia entegrament, tant que ell dix e afferma en si
matex que axi be fort se sentia e axî be sadotl de la paradura, con si ente-
grament e coniinuada hagues hauda la poma cascun dia, E dix que Deus
li havia feyt mayor be que ell no avîa raerit, e dix encara que daqui avant
faria tôt son poder e tota sa punya en servir Nostre Senyor tant tro li
270 hagues merce a la sua fi. E al cap del any per velunlat e per conseil del
altre ermite ell torna en son ermitatge e a recobrar la sua poma ; la sua
raho e la sua força e lo seu seny mes en lo servey de Deu, de cor net e
de cor contrit, e amatant lo seu Salvador que ell io conferma en si.
(609) Açius lexarea parlar dell, eus tornare al 611 del Rey qui fo donzell bcll
275 e gran e hac en torn .KXV. anys, Lo Rey son pare lo volch fer cavalier c
donar una Alla dun altre rey per muller, mas ell no la votia per re, per la
462 A. MOREL-FATIO
quai cosa lo Rey son pare era fort dolent. Nostre Senyor Deus qui totes
coses governa e tots mais destrouex e qui met la sua gracia en bon cor, li
hac axi lo cor espirat e lunyat de mal que ell hac lo mon en menyspreu,
280 axi que oltra son grat hi vivia. Ell ama e crech Deu de bon cor, e quant
mes ana avant e mes cresch, tant sesforça mils de fer tôt ço que mils ven-
gues a plaer a Deu. Esdevenchse que un dia lo donzell qui moit amavacans
e auzells e caza ana un jorn de fora per deportarse e feu menar falcons e
canSy e quant ells foren en lo pla ells viren un cabirol blanch bell e gros e
285 paxent en lo pla. E lo donzell feu desencoblar los cans e feu cridar e
ahucar e vengren fortment corrent e cridant envers lo cabirol. E lo cabirol
qui viu los cans e hoy los auchs^ fo molt lauger e messe en fuyta per mig
del pla, e aquells après lencaiçaren fortment. Lo donzell hac bon cavall
e lauger, e analin detras tant que en una gran vall ell perde sa companya,
290 e segui lo cabirol del mati tro al vespre, e tant ana tro que ell esdevench
en la landa sécha e vench corrent detras lo cabirol, car no li era semblant
que yames lo pogues aconseguir. E lo cabirol correch tant tro quel amena
a la casa daquell ab lo quai ell era estât nodrit a gran délit e a gran plaer.
Ell vench a la porta daquella caseta, e lo cabirol qui fo vengut de part de
295 Deu fo ben tost amagat e perdut axi que ell no sabeques fo feyt. E lermite
vench encontinent e saludal de part de Deu. E ell qui fo molt suât e las
saludalo axi matex e devalla de son cavall. E lermite entes en ell servir e
honrar de tôt ço que poch e pensa de son cavall. Lermite lo conech be,
mas nos voich descobrir a ell, per ço con dupta que ell nol pregas tant tro
300 quel faes tornar en lo mon, ço que ell fahera be a tart. Molt fo irat e torbat
daço con ell no havia de que li donas a menyar, de la quai cosa fo molt
dolent en son cor. (683)Ellssenanarenmirardesobrelriuperdeportare per
vaher laygua e per haver oreg. E quant ells se foren asseguts, ells viren
una poma qui venia per lo riu tota parada. E lermite qui fo fort alegre per
30$ raho del seu hoste, feu gracies a Deu : t Ha e con ha açi cortes do, Senyor,
grans gracies e merce vos en ret ». E puys dix al donzell : « Veus açi nostre
sopar lo quai Nostre Senyor nos donaens envia. » E ell estes tantost la ma e
près la poma e molt pagat appareylla son sopar e soparen e begueren de
laygua, e puys lo donçell dix : « Bona fo conreada aquesta poma, car
3 1 0 Nostre Senyor hi ha mesa e posada de la sua sabor, cor jo hanc mes no fuy
mils past ne mils sadoyil de negun menyar. » E après se anaren colgar e
lermite feu li lit de fe e de un poch de boua, e ell dormi mils en aquell lit
que en negun que han[cj hagues gegut, si be noy hac cobertor ne vanoua
ne lançol e son cavall hac erba e fe. E lendema con ell fo levât, ell volch
3 1 $ saber la esser e lestament del ermite, e dixli : t Senyor jous prech que vos
me diguats em façats çert vos perque menats e fets ten aspre vida, no creu
queu façats sens raho, digatsmo e iremen. » — Lermite li dix : t Pus
queus plau, jous ho dire, vos devets saber per veritat que nos som fets per
haver Deu, e aquell quil pert, perça (sic) follia, son peccat !o mena tôt
320 dret en infern, sens haver james merce ne perdo. E per ço, mon amie,
estich yo açi e vag axi e fas ço que vahets. Jo viu en gran desayre e en
gran pobrea per la mia carn affliccionar e domdar. E lo foll quis partex de
FRAGMENT D'UN CONTE CATALAN 46^
Deu es dona a servir lo mon per layre de son cors pert la sua anima. (729)
SapiatSy amie, que les riqueses e les alteses e los honors daquest mon fan
325 tots mals^ axique envides es rich salvat. Per ma fe, si ells james no moris-
sen, e mengassen e beguessen be e manas[sen] tots temps larga vida, yo no
men maraveyliare ; mas ells moren tuyt ensemps sens que yames no hic
tornaran, axi jovens con veylls e forts con flacs, e cascu trobara juy segons
ses obres. E per ço con yo no se lo jorn ne la hora de la mia fi, met e pas
330 lo meu cors a Irebayll e a desayre, e menyspreu lo mon. Folles qui pert la
anima per lo cors e qui nodrex la carn en délits, e yo daço fas tôt lo con-
trari, car io he tots temps en memoria e en remembrança la mia anima e
nom membre sol del cors per ço con torne a no re. La anima viura tots
temps e durara, car yames no morra, donchs guardem ço qui val e dura, e
335 iugam e esquivem ço qui fayll e mor. i Aquell qui hac avisât lermite e la
raho que dita li hac el hac be esguardat e figurât, lo conech, e aytant con
poch, besant e abrassant li fou gran alegria e hac gran plaer dell. E ab
gran gog li dix : « Bell dolç amie, bell dois companyo, molts pensaments
e molts enugs e hauts per vos, per ço con yo no sabia res de vos ne vent,
340 ne hora, ne carrera, ne re. Ara vull que sapiats que yames, pus trobat vos
he, e per neguna re del mon, yo nom partire de vos, axin fas promessa a
Nostre Senyor. Yo no cuydava morir yames, mas pus que a Deu ha
plagut que açi ma fet venir ab vos ensemps, salvare ma anima e yames
no tornare el mon, tant me plau em agrada la vostra vida que daltra
34S cosa....(774).
NOTES.
Le morceau qu'on vient de lire et qui ne paraît pas antérieur au commence-
ment du XV® siècle présente peu d'intérêt philologique. Il n'y a guère à remar-
quer que réchange constant de ^ et â atones, surtout à la finale, l'hésitation
entre l'orthographe y et g (cf. mengants 258 et menyara ibid.), peut-être
quelques vestiges de déclinaison, produits de l'influence du provençal littéraire :
par ex. abduy )o, cas sujet, abdosos $2, amdosos 69, cas oblique, mais abdosos
231, cas sujet; puis Dcus 164, 179, cas su)et.
Nous avons conservé partout l'orthographe du manuscrit et n'avons pas
employé d'apostrophe pour séparer les enclitiques et les proclitiques. Nous ne
prétendons pas que ce système soit le meilleur ni qu'il doive être appliqué en
toutes circonstances — bien qu'il puisse être défendu par de bonnes raisons, —
mais pour un texte aussi court il ne valait pas la peine de s'écarter de Tusage
du scribe, qui est du reste assez conséquent.
Quant aux abréviations, nous avons écrit par le p barré dans l'intérieur des
mots <la préposition isolée, quand elle n'est pas abrégée, est écrite per), et con
l'abréviation co surmontée d'un trait.
Pour permettre à ceux de nos lecteurs qui n'ont pas l'original français sous
les yeux de se rendre compte du rapport des deux versions, nous transcrivons
464 A. MOREL-PATIO
les vingt premiers vers de l'édition de Méon avec les variantes de mots (non pas
celles de formes) du ms. fr. 12471, f' 237 ss.
Vilains est qui fet a autrui
Ce qu'il ne velt qu'on face a lui.
Qui d'autrui décevoir se paine
Si avient sovent que la paine,
Du mal qu'il < quiert seure H vient.
Si corn li max a droit revient,
Li biens fez as sainz ciels nos maine,
E li mais a perte et a paine.
Einsi en l'autre siècle trueve
Chascun selon ce que il œuvre.
Mes cist siècles si cort nos tient
Que de l'autre ne nos sovient :
Tant convoitons et clerc et lai
Que nos enblocons^ nostre loi.
Li granz avoirs est anemis
A celui 3 qui le mal a quis;
Car si le tient * cort et justise
Par la force de covoitise
Que bien n'en fet n'il nel despent,
Ainz en fet borse^ seulement.
3 Axi corn mal e (pour a?) dret rêve, traduction littérale du vers français qui
ne donne pas de sens.
6 som, Ms. son. — affoyllam. — t Follar ant. = frustrar. » Labernia.
7 Lo gran enemich guanyat, phrase mal calquée sur le français.
8 ensegua. Du verbe enseguir ? Cela convient peu au sens.
9 ncs a été pris au français et rend la phrase inintelligible pour qui n'a pas
l'original sous les yeux.
10 estalviar épargner, économiser.
1 3 cl puny (fr. si le prcnt maladie et point). On pourrait croire au premier abord
que le catalan n'a pas compris, et a pris le verbe pour le substantif, mais
punyir (auj. punxar) se retrouve dans l'ancienne langue.
24 larguar, Ms. laguiar,
37 cor (cf. 113, 203, 310) fréquent dans les mss. catalans comme le remarque
M. Mila, PoUes catalans^ Montpellier, 1876, p. 42.
57 ab mis devria fer (fr. a moi deust'il joie f ère). 11 manque ici le correspondant
du mot joie.
81 desana. Desanar, comme me le fait observer M. Mila^ paraît répondre au
cast. desandar.
1 14 seny (aussi 1 1 5-1 17) cloche.
120 pits. Dans le cat. mod. pit^ Vs de pectus ne se fait plus sentir.
I qui — 2 emblecons — 3 au dolent — 4 sil le trait — j ainz est cmborsc. Le ms.
231 1 1 donne A. en est borse.
FRAGMENT D'UN CONTB CATALAN 465.
1 29 hiciscats. Nous avons là, d*après M . Mila, une forme régulière de issir (cf.
serviscats de servir). M. Mila observe encore que issir est plutôt provençal
pour eixir ou ixir^ mais que cette forme néanmoins n*a rien d'anti-catalan.
165 a/ bosch siquart (sic, en un mot dans le ms.) — fr. a lendemain monta H
rois^ Soi quart sans plus sen vins al his. Le traducteur catalan n'a évi-
demment pas compris.
176 fera,,, estorçera {zussi fahera 300), pi. q. pf. avec le sens du conditionnel.
187 caparon. C'est le fr. chaperon,
188 prom, contraction de prohom.
189 landa. Ms. banda^ de même 197; partout ailleurs landa comme dans l'ori-
ginal.
196 vyat, fatigué d'avoir marché.
219 qui molt lo continua. Le sens de continuar serait ici m préoccuper. •
237 aiudat. Ms. avidat.
254 em pinety poenitet me.
27 1 la sua raho. Ms. la s, oraco. Le fr. donne : Sa reson^ sa force, son sen Mist
el service J. Chr.
281 Ms. (0 qui.
287 auchs. Corr. aucellsf
3 1 2 boua. Fr. boue ?
3 1 3 vanova, Labernia écrit bànova^ • plassada, teixit de lano 0 coto pera abri-
gall de llit. » Cf. Du Cange, vanoa.
3 2 5 envides es rich salvat^ calqué sur le fr. A enviz sera riche saus,
34$ L'original français continue encore pendant 210 vers.
komania^ V ÎO
LES MANUSCRITS
DES SERMONS FRANÇAIS
DE
MAURICE DE SULLY.
Notre ancienne littérature compte peu d'ouvrages dont le succès ait
égalé celui des sermons en français de l'évêque de Paris, Maurice de
Sully. On en connaît déjà seize manuscrits, dont l'indication précise
sera donnée plus loin, et il n'est pas douteux que de nouvelles recher-
ches augmenteront ce nombre déjà élevé pour une œuvre du moyen-
âge. Ces mss. appartiennent à des dialectes fort divers : plusieurs ont
été exécutés en Angleterre; l'un même (le ms. Laud, à la Bodleienne),
renferme la traduction en anglais du xiii^ siècle de plusieurs sermons ^
Enfin, le recueil de Maurice de Sully a été plusieurs fois imprimé à la fin
du xv** siècle et au xvic. Ainsi se trouvent réunies toutes les circonstances
qui peuvent attester un succès durable.
Un ouvrage qui a été l'objet d'un accueil aussi favorable ne saurait
être dépourvu d'intérêt. Et en effet, quelque opinion qu'on puisse conce-
voir de la science théologique ou du talent littéraire de l'évêque Mau-
rice, ses sermons méritent à bien des titres l'attention des philologues
et des historiens de notre littérature. Jusqu'à ces dernières années ils
sont pour ainsi dire restés inédits (car les exemplaires des anciennes
impressions sont plus rares que les mss.), et n'ont été connus que par les
extraits qu'en ont cités divers érudits. En 187^, ils ont été publiés par
M. Boucherie d'après un ms. de Poitiers. Malheureusement cette édition
ne peut être considérée comme suffisante pour diverses raisons dont la
I. Elle a été publiée en 1872 par M. R. Morris pour la Société des anciens
textes anglais (n» 49).
MSS. DE WAUBICiS DE SULLY 467
principale est que le ms. publié, outre qu'il a perdu quelques-uns de ses
feuillets, n'est pas de ceux qui offrent la leçon la plus pure. Il n'est
que juste d'ajouter qu'on serait cependant mal fondé à blâmer le choix
fait par Téditeur, M. Boucherie ayant édité le ms. de Poitiers non
pas pour l'ouvrage qui s'y trouvait copié, mais parce qu*il portait la
marque du dialecte poitevin. C'est ce que fait entendre clairement le titre
de la publication, où le nom même de Maurice de Sully n^est pas men-
tionné '. Une critique équitable doit donc se borner à examiner comment
M. Boucherie a édité son ms., et quel parti il en a tiré pour l'étude du
dialecte poitevin, questions que je n'ai pas à aborder ici. Le but que je
me propose actuellement est de préparer les voies à une édition des
sermons de Maurice de Sully, en signalant les mss. qu'on en possède, et
en indiquant, du moins dans une certaine mesure, leur valeur relative.
Jl m'a paru que le moyen le plus simple d'arriver à un classement, au
moins sommaire, des mss. en question, était d'imprimer d'après la leçon
de chacun d'eux un même passage de l'ouvrage ; le morceau ainsi choisi
comme type étant divisé en très-courts paragraphes, numérotés comme les
versets d'un chapitre de la Bible, afin de faciliter la comparaison de
chacun d'eux dans les divers textes. Mon choix s*est arrêté sur une
amusante parabole insérée dans le sermon du troisième dimanche après
Pâques, celui qui a pour texte : MalUr, cum panî, îrisùîiam liahet, quia
yenit hom ejus (Jo. xvi, 21). Cette parabole manque dans le texte latin»
On a déjà remarqué qu'il y a entre lesdeux textes des sermons de Maurice
de Sully une distance beaucoup plus grande que celle qui sépare ordinaire-
ment une traduction de son original ^, A vrai dire, on n'a pas encore
expliqué d*une manière tout à fait précise le rapport des deux textes : il
parait toutefois acquis que les sermons ont dû être prononcés en fran-
çais, et rédigés dans les deux langues. Quoi quil en soit, on ne peut nier
que le français ait réellement le caractère d'une composition originale*
Il résulte de la comparaison à laquelle je me suis livré — et dont le
détail prendra place plus loin, à la suite des spécimens — que les quinze
textes dont j'ai eu connaissance (14 mss. et l'ancienne édition) se
répartissent assez nettement entre deux groupes. La famille A est celle
qui a été la plus répandue. Elle offre dans ses plus anciens mss. la
leçon la plus pure» et au contraire, dans les plus récents, un texte
fort remanié. Elle contîem jusqu'à présent neuf mss. et l'ancienne
édition* La famille B se compose de cinq mss. y tous normands (Florence
l« U diûUcte pùiUrin aa XllI' sàde^ par A. Boocherie. Paris et Monlpetfîef,
1S7). lfi-ê% XXIV-3S8 pages. » C'est un extrait (cette circonstaiioe aunil dfl
être mentionnée en quelque endroit du titre) du Btiiktin di Ut SocOU êttkkkh
giqnt a ïàmnqm àt la ChannU, 4* série^ 1. VUL
2. Vojex Leooy de U Marche, U àmn frûHem tu moycn-dge, p, 214-11.
^§S ^* MEYER
ft pfobablcment le ms. Renault) et anglo-normands — j^emends écrits
tA Angleterre — (Haiton, Laud, Ashmole).
Dans chaque groupe j'ai rangé les spécimens selon leur degré d'éloî-
joemenlde la leçon que je considère comme la plus pure. Il est vrai-
semblable que si j'avais opéré sur un morceau plus long, ou mieux
encore sur des morceaux choisis en plusieurs endroits de l*ouvrage, je
serais arrivé à préciser un peu plus le rappon des divers textes^ à établir
quelques sous- divisions. Mais l'impression de plusieurs extraits de chaque
texte eûi donné à mon mémoire des dimensions que je ne désirais pas
lui voir atteindre. D'ailleurs, je suis persuadé qu*en aucun cas, même
après un examen complet de tous les textes» on ne saurait parvenir à
dresser de ceux-ci une classification rigoureuse, à établir leur généalogie.
En général il est très-rare qu'on puisse arriver à déterminer le rapport
précis que des mss. d'ouvrages du moyen-âge ont entre eux. C'est là
un fait sur lequel je tiens d'autant plus à m'exprimer clairement qu'il me
semble avoir été trop souvent méconnu. Ainsi, dans ces dernières
années, on a publié, principalement en Allemagne^ dans des dissenations
académiques, divers essais de classifications de mss. qui ne prouvent rien
de plus que l'inexpérience de leurs auteurs. On peut établir d'une façon
sûre l'arbre généalogique des mss. d'un ouvrage lorsqu'on a l'heureuse
chance de posséder l'original ou k& originaux dont tous les mss. à classer
sont dérivés. Ce cas se présente pour plusieurs chroniques du moyen-âge,
et parfois aussi pour des compositions d'un autre ordre, comme M. Delislc
l'a montré dans ses Observations sur plusieurs mss, delà Politique et de
l'Economique de Nicole Oresme ^ On a encore de grandes chances d'éta-
blir la généalogie de mss. qui remontent à un ou à deux originaux
pcrduSi pourvu que les ouvrages copiés n'aient pas subi trop de modi-
fications arbitraires de la part des copistes. C'est le cas ordinaire
des textes de Tantiquité.
Kn dehors de ces deux cas, le classement rigoureux des mss. devient
une entreprise toute de conjecture. Il peut arriver qu'une hypothèse
capable d'expliquer le rapport cherché soit imposée par une circons-
tance irès-caracléristique — et c'est la chance que je crois avoir rencon-
Xîi^ une fois, en étudiant les mss. de Girart de Roassiibn, — mais le
|v)iM ordinairement on est obligé de se borner à déterminer des groupes
|4wi im moins larges, sans pouvoir préciser le rapport qu'ont entre eux
\m ililférents membres de chaque groupe. Arriver jusque-là est déjà un
I^Uêt iVune grande utilité, et on n'y arriveras toujours. Ainsi je dois
WNt^ <J»*e toutes mes tentatives pour grouper d'une façon quelconque
Wtmuu du Ptrceval de Chrétien ont absolument échoué.
\
S.mi.4* m. du th., 6- sirie, V, 601
JHÉkà
MSS. DE MAURICE DE SULLY 469
Je vais maintenant indiquer, et décrire lorsqu'il y aura lieu, les mss.
des sermons français de Maurice de Sully qui sont parvenus à ma con-
naissance.
BiBL, NAT. Fonds français 187. Ms, exécuté en Italie vers le milieu
du xiv* siècle* On en trouvera la description dans les Manuscrits français
de M. P. Paris^ I, 97; dans le Catalogue des manuscrits français de la
Bibliothèque nationale, l ; dans Barlaam unâ Josaphat.,. von Gui de Cambrai
(Stuttgart, 1864), p, 346*— La leçon de ce ras, est peut-être la plus
mauvaise de toutes : c'est du moins la plus abrégée. — Famille A,
BiBL. NAT. Fonds français 13314 (Ane. suppl. fr. 2056»^), 19 cent*
sur I r,j. Ecriture des premières années du xiif siècle. Bon texte. —
Famille A.
BîBL, NAT. Fonds français MPS (Ane. suppL fr. ^S'î'Iï 17 cent,
sur 12. Ecriture du temps de saint Louis. Ms. acquis à la vente de
MonteiL Une note du siècle dernier, inscrite au haut du premier feuillet,
indique qu'il a fait partie de la bibliothèque de Marmoutiers. Bon
texte. — Famille A.
BiBL. NAT, Fonds fr. 24858 (Ane, S. Victor 620); 129 feuillets;
2r cent, sur ti. Ecriture du temps de Phitippe-le-Bel. Leçon très-
remaniée. — Famille A.
Arsenal. Théol. fr. 65. Ms. à 2 colonnes, ayant à peu près le format
d'un in* 4** (^4 cent, sur 17). L'écriture est de la seconde moitié du
xiii* siècle. Il y a en divers endroits, notamment sur le dernier feuillet,
des notes écrites à la fin du xiir siècle (entre autres la copie d'une lettre
du pape Alexandre [IV ?j d*où on peut induire que ce ms. a été exécuté
à Senlis, Texte médiocre. — Famille A.
Sainte-Geneviève. D 1 2î Jn-8^, 160 ff., \j cent, sur u; écriture
du temps de saint Louis, moins les 9 derniers feuillets, qui sont du
xrv*siècle. Rubrique initiale : Incipiunt sermones beati Mauricii. Bon texte.
— Famille A,
Poitiers 124. Ms. du xirt^ siècle qui ne m'est connu que par Tédi-
tioTi de M. Boucherie â laquelle j^aî emprunté mon texte (p. 91-2). Leçon
remaniée. — Famille A.
Poitiers 232. Ms. du xrv" siècle, en dialecte picard, signalé par M. Bou-
cherie, p. xx-xxj. Mauvais texte. Je dois à l'obligeance de M. A. Richard,
archiviste du département, le spécimen ci-après publié. — Famille A.
Ms, Renault. M. Hippeau a donné quelques extraits de ce ms.
dans les Mémoiresde l'Académie de Caen (année 1856), et dans le t. V
des Archives des missions scientifiques. M. Hippeau nous apprend que ce
ms. a le formai d'un petit in-4^» qu'il est incomplet au commencement
et à la fin, et qu'il est du xiir siècle. Les sermons que M. Hippeau en a
tirés sont les suivants :
p. MEYER
1 Qma yidisti Tkoma ..* (Acad. de Caen^
Ego mm pastor bonus... (Acad. de Caen,
Mulitr cumparit... (Arch. des miss., V,
: Vadù ad mm qui misit me,.. (Acdd. de
9î)-
Super marnis imponent (Acad, de
(Arch. des miss., p. 154; ==
Reddite que sunt Cesaris Cesari...
470
!•* Dimanche après Pâques
p. 226; = Boucherie, p. 85),
2** Dimanche après Pâques :
p, 229- = Boucherie, p, 87).
5« Dimanche après Pâques ;
51 ; = Boucherie, p* 89).
4* Dimanche après Pâques » :
Caen, p. 2^1 ; = Boucherie, p.
L*Ascension. Commence à ces mots
Caen, p. 252; ^ Boucherie, p. 98).
La Pentecôte ^ : Si quis diligii me. .
Boucherie, p. toi)*
2^" 3 Dimanche après la Pentecôte
(Arch* des miss., V, 1 55 ; ^^^ Boucherie, p.
Ce ms. appartient à la famille B.
OXFORD, BoDLÉîENNE, Ashmole 1 280. On trouvera dans le catalogue
de Black [Oxford, 184c, 4*) la description de cems. qui est un recueil
composé de morceaux tout à fait distincts. Les sermons sont écrits à
2 coL par page, récriture paraît être du milieu du xiu= siècle, —
Famille B.
BoDLÉrENNE^ DoucE 270, écriture très-fme et très-régulière du com-
mencement du xin** siècle. Ce ms. ayant été suffisamment décrit par
M. Coxe, dans le catalogue de ta collection Douce, je me borne à dire
qu'on y trouve, outre les sermons de Maurice de Sully, le Lucidaire en
prose (voy. Romania^ I, 421), et la vie de saint Nicolas par Vuace.
C'est le ms. que M. Delius a suivi pour son édition de ce dernier
ouvrage. Très-boa texte. — Famille A.
BoDLÉiENNE, Hatton 67 (autrefois 50). Recueil formé de plusieurs
petits ras. reliés ensemble :
Fol. 10. Turpin. Ecriture de la fin du xiii" ou du commencement du
xiv*^. Inc. *< Voiis est que lî plusour ont 01 volentiers... »
Fol 1 8. Ecriture un peu différente, mais qui paraît du même temps.
Poëme d'environ 6$o vers, qui me paraît être une version de la pro-
phétie de Merlin ♦, Inc.;
1. Pour le jour de TAsccnsion, selon M. Hippeau, qui a réuni par mégarde
ce sermon avec le suivant. La fin du premier et le commencement du second
font défaut, ce qu'il faut sans doute attribuer à la perte d'un feuillet.
2. Attribué par M, Hippeau au premier dimanche après la Pentecôte.
3. 24% selon M. Htppeau.
4. Sur les diverses rédactions de ces prophéties, qui font partie du septième
livre de Geotïroy de Monmoulh, mais se trouvent souvent à part, en tatin ou
en français, voy. une note de M. W. Hardy, Chroniques dt Jehan Wavrin^ J,
iS9-6o.
DE MAURICE DE SULLY
he de Bretane majour
fBreton primes furent seigneur
escrit qu'i[l] la perdirent
line, par quoi la guerpirent;
Rs Carduvaladres et tut li meillur
alerent en Bretaigne menour,
^eus enchasça ki n*urent que manger,
Kar la terre ne vont fructifier.
471
Es oscurtez des Adriens sentiers
Se atapîra dune Janus li portier ;
El cop del rai ki pert en un moment
Se drescerunt les mers ignelement ;
La poudre iert dune del viel renoveIé[e].
Deu nus doint bone destiné[e] !
E dune entre els estriveront li vent,
Par grant bufée e cruelement
De lour baratre e lour conflictions,
De ke entre lez esteilles iert li sons.
Explkiij txplïceat, ludere scriptor cat.
FoL 27. La partie du roman d'Alexandre qui est connue sous le nom
de siège de Tyr et de Fuerre de Cadres. Ecriture du xiv« siècle. Inc. :
[)evant les murs de Tyr la dedens en la mer.
Ce morceau correspond aux p. 93-188 de l'édition de M. Michelant,
l'ordre des tirades n'étant pas toujours le même que dans le ms. qui a
servi à cette édition.
Fol. 5 1 . Sermons de Maurice de Sully. Jolie écriture normande du
milieu du xiii® siècle environ, qui ressemble un peu à celle du ms.
Douce 270. 19 cent, sur 13. C'est un simple fragment qui commence au
sermon Cum natus esset Jhesus,.. (Boucherie, p. 32) et se termine
(fol. 75 V**) au cours d'un sermon ayant pour texte Johannes cum
audisset....y que je ne trouve pas dans l'édition de M. Boucherie. —
Famille B.
Laud, mbc. 47 1 . Je me réfère à la description que j'ai donnée de ce
ms. dans mes Rapports, Archives des missions^ 2« série, V, 162, et 244-8;
tirage à part p. 1 57 et 240-4. — Famille B.
FLORENCE, Laurentienne, fonds des couvents supprimés, n» 99.
Ce ms. qui parait être de la première moitié du xiii* siècle, sera décrit en
détail dans la préface de la Vie desaint Cille que MM. G. Paris et A. Bos
font actuellement imprimer pour la Société des anciens textes français.
C'est à l'obligeance de M. Bos que je dois la copie du morceau emprunté
à ce ms. — Le meilleur ms. de la famille B.
Editions du xv« siècle. — Il y a plusieurs anciennes éditions des
472 P. MEYER
sermons de Maurice de Sully; h première est celle de Chambéry, 1484,
Elle se termine par l'expilcit suivant :
Cy finist lexposition des euuâgilks et des epistres de tout lan | translatées de
nouveau de latin en françoys. Imprimées a chambe | ry par Anlhoine neyrct,
Lan de grâce M. cccc. Uxxiij. Le vi \ jour du moys de juillet.
Deo gratias.
La Bibliothèque nationale en possède un exemplaire (Inv, A 197^,
Réserve), qui est celui dont j'ai fait usage. — Texte assez remanié et
rajeuni. — Famille A.
Je dois encore signaler deux mss. dont je n^ai pu me servir parce
qu'ils ont perdu les feuillets où se trouvait le sermon auquel j'aî
emprunté mon spécimen. L'un est le ras. [3517 de la Bibliothèque
nationale (anc. suppl. fr. 254^3), qui paraît écrit au temps de saint Louis.
L'autre est lems. n" 457 de la bibliothèque archiépiscopale de Lambethi
dont on trouvera la description dans le catalogue de Todd (London i8i2,J
fol.). C'est un recueil de fragments divers. L'un d'eux (fi. 1 j?-! j8) est
la fin d'un ms. des sermons de Sully. L'écriture est du xm« siècle, les
dimensions 18 cent, sur 15,5. Voici le début :
...ke cil Ici Deu aime k'tl aime son prosme, kar s'il n'eime suti prosme k'rj veit,
cornent puet il Deu amer k'il ne veit mie ? Amons nostre prosme si corne nus
meîsmes. Faisons lî bien s*il en ad mes lier, et nus eiuns de queî; kar autrement
n'est mie la charité Deu en nus. E si nus amons Deu sur tûtes choses e nostre
prosme si eu m nos meîmes, si avcruns fa vie perdurable ijaod nohis p.
C'est la fin du sermon ayant pour texte : Dilige Dominam Deum tuum
ex îoîo corde tao... (Boucherie, p. 147). Le sermon Mulkr cum parité
d'où est tiré notre spécimen, était compris dans la partie qui manque
au ms. de Lambeth. Le texte se termine (fol. 1^7 v^) par ces mots:
a Expliciunt sermones Mauricii, parisiensis epîscopi, de sîngulis dicbus
« dominicis per anni circulum, et de festivitatibus sanctorum^ in galUco»
<t — Qui dédit expleri laudeiur raenie fideli. n
En dernier lieu j*ai à mentionner un ms. dont actuellement la trace est
perdue : c'est celui dont Pabbé Lebeuf a donné un court extrait dans les
Recherches sur les plus anciennes traductioas en langae françoise (Acadimk
des ïnscripUons, XVH, 721-3). Il portait le n" 54 dans le catalogue des
manuscrits du chapitre de Sens. C'était un ms. du xin" siècle ayant le
format d'un petit in-4'' *.
Un ms. de Trinity Collège, Cambridge (0. 2. 14), porte cette
rubrique : Sermones Maunûi parisiensis eptscopi, mais le texte qui vient
après est un récit en vers de la Passion :
1 . Voy. Caiahgut des manuscrits dt rancitnm bUftiothè^uc du ckâpitn de Sens^
tt note txpiuatiH, par Ph. Salmon. Paris, Aubry, t8j9.
MSS. DE MAURICE DE SULLY 47}
Or cscutcz mult duccment,
Gardez qu'il n'i ait parlement,
L^ passion Deu entendez..,
qui se trouve encore dans le ms* BibL nat. fr. 1 822,
11 me parait bien étonnant que ni le Musée britannique, ni aucune
des nombreuses bibliothèques de Cambridge ne possèdent aucun ms* de
nos sermons. Tout ce que je puis dire, c'est que je n*en ai pas trouvé .
Famille A, — Ms. Douce,
* Il fu ans bons ho m de religion qui preia Deti sovenl en ses oreisons qu ji
It donast voîer (su) et demostrast aukune chose de ta grant duceur et de h
bcaalié et de la joie qu'il estoie et promet a cels que lui aiment, ^ El Dei nostre
sire Teo oî, car si cum il fu assis une fotz a une amonée (sic), tut suis en Teo-
cloistre de Tabbale si li envea Damledex un angle en semblance d*ua oisel
qui s'asist devant lui. ^ Et com il esguarda cel angle, de qui il ne sa voit pas
que cest fust angles, eioz quidout que ceo fust ons (sic) oisels. si ficha son
csgart en la bcltc de lui tant durement qu'il oblia tôt quanqu'il avoit veu ça,
en arires. * Si leva sus por prendre cel oiscl dunl il esteit mut covdlus ; mes
si cum il vint prés de lui, si s'en vob li oisds un poi arieres. ^ Que vos
dirron long conte ? Li oisels traist le bon home après lui si qu'il esteit avjs
au bon home que il esteit el bois hors de Tabalîje. ^ Et si cum il li esteit
avis qull iert el bois devant Toisel, si se traist vers Toisel pur li prendie,
et lores s'en vola li oisels en un arbre. 'Si comença a chanter issiut très du-
cement que onques rien nen fu oî si duce. ^ Si estut li bons hom devant Totsel
et esgarda la beauté de lyî isu\, et escota la duceur del chant issint très enteoti-
vement que il en oblia tûtes choses terrienes. * Et cum li oisels ont chantié tant
cum a Deu plout, si bâti ses eleS| se s'en vob ; et ti bons hom comcsiça a
repairer a soi meisme celli pr a bore de midi. *^ Et cum ii fut rcpairié a soi
meisme, si dist : Dey (sic) ! fo [oej di% bui mes hores ; cornent i recovereîe
jo mes r *' Et cum il regarda s^abbaie, si ne se recuauit puiot; si Im seo»-
bloit que les piusuri choses furent bestoniées. *' Et Ûexl fist it^ ou sm jo
dune ? Et n'est ceo mîe Tabeie duat jo issi huî malin > ^^ Lors vint a la porte -
si appela lu portier par sun nuu : Huevre, fist iL ** U portier vint a b porte,
et cum il vint a la porte, et cum il vit le bon home, s ne le cooofl nie
qui il estoit. — *' Geo iac; sui, fist il, {foi 37) moines de çacu^ et û voil entrer*
— ^^ Vos, fist se li poftierSf ne estes pas moines de çaens; qnaat ai etisistes
vus? — ^^ Hui matin, fist se fui moine ; si voi çaesz entrer. — ^ De caais,
6st si lui portiers y n*ei^ hoi moines. Vos ne eu nuis ge mie por BOfsae de
çaenz. — *^ Li bon hnom fu ttit csbaî ; it respondi : Fastes ooî parlier as por-
tier, Est se loi bons boo . Si noms antre portier par m ans. ^ Et ki
portier respnndi : Çaeaz s'at portier se moi aoa. Vos ne leabiet hoot qù
n'est mie bien en sna sen, qtti vos Uttei notiae de çaeis, car vui ne vi p
onques mes. — >< Si sui^ dist lui bons lioo. Don n'est ceo Tabbak fcint
cestui ? Si mina In «int. «-* » CT, te Ini portiers. ~ Et jo sd aMnei
de çaenz, te b bons hom. Faites moi venir TMii et lui prîor, û piffkrai
474 P* MEYER
a els. ^* Lores al a lu portiers querre Tabbié et lu prior, et U vindrenl ai
la porte ; et cum il les vit» si ne tes conçut mlCf ne il ne coneurent lut*
Famille A. — Ms. de SAmTE-GENEVïèvB,
* Il fu *j. bons hom de religion qui sovent pricit Dieu en ses orisons qu'il tt
donast veoir et demostrast aucune chose de sa (sic) douceur et de la joie qu'il
estuie a ccaos qui l'aiment. ^ Et Diex nostre sires l'en oî, car si com il (a assis
une fois eins |our el ctoistre de Tabeie, si li envoia nostre sires un ang
{fai, XXX vij] en samblance d'un oisel qui s'asist devant lui. ^ Et cum il esgard
cel angle, dont il ne savoit pas que ce fust angles, ains cuidoil que ce fust
«j. oiseauS) si ficha si son esgart en la biaoté de lui qu'il oblia tôt quanqu*il
avoit veu en ariere, * et s*en leva por prendre cet oisel dont il estoit moût
covoiteus; maisj cum il vint près de lui, si s'en vola li oisiaus .j. poi arrière.
^ Que feroie lonc conte? Li oisiaus traist le bon homme après lui si qu'il li
estoit avis qu'il estoit en .\. bois hors de l'abeïe, ^ Et si com lui estoit vis qu'il
estoit en .j. bois de-{^)-vant l'oisel, pour le prandre, et li oisiaus s*en vola en
.j. arbre; ^ si commença a chanter si très doucement que onques riens n'avoit oï
si douce. ^ Si s'estut li bons hom et esgarda la biauté de l'angle, et escouta la
douceur de son chant si ententivement qu'il en oublia les choses terriencs. ^ Et
cum li oisiaus ot chanté tant cum lui plot, si batt ses eles et s'en vola. L]
bons hom commença a repairier a soi endroit l'eure de miedi. *^ Et cum
il fu repairiés, sî dist : Diex 1 je ne dis hui mes cures. Coramcot reco-
verrai je hui mais? ** Et cum il regarda s'abcie^ se ne se reconut point, si
sambloient les choses trestournée[s]. <^ Hé Dieux l dist il, ou sui je? Dont n'e
ce m'abeïe dont je issi hui matin ? <^ Vint a la porte, si apcla le portier par :
nom ; Oevre, fisl il. ** Li portiers vint a la porte, si ne conut mie le bod
homme; demanda li qui il estoit. — ♦^ Je sui^ fist il, moines de çaiens, sî voii
entrer. — *^ Vos, dist li portiers, n*estes mie de çaiens moines ; vos ne vi je
onques mais. Et se vos estes moines de çaiens, quant en isites vos ? ^ — *''' Hui
matin, dist li moines. — '^ De çaiens, dist li portiers, n'issi hui moines; ne vos
ne connois je mie pour moine de çaiens. — *^ Li bons hom fu tous eshabis, si
dist : Faites moi parler au portier, si nomma ,]. autre portier; ^ et cil li dist :
Çaiens n'a portier se moi non. Vos me sambïés homme qui ne soit mie bien en
son sens, qui vos faites moines de çaiens ; je ne vos vi onques mais. 3* Si sui,
dist li bons hom. Don n'est ce l'abeïe S. cestui? si nomma le seint dont rabcïe
estoit. — ^ Oïl, dist li portiers. — Dont sui je, dist li prodom, moines
çaiens. Faites me venir l'abé et le priol, si parlerai a aus. ^ Lï {foL xxjcviij)
abes et li prious vinrent a la porte, et cum il les vit, si ne tes conut pas ne il
ne conurent mie lui.
Famille A. — Ms» BibL nat. fr. 13514,
Ml se fu uns buens hom de religion qui sovent prioit Deu en ses orisons
qu'il li donast aucune cose veoir, et qu'il li demostrast, de ia grant joie et
de la douçor que il estoie a cels qui lui aiment. ^ El N. S. D. l'en oi, quar^
si com il fu asis une fois a une ajornée en Tenclostre de Tabeîe, si li envo
Deus un angele en samblance d'oisel, qui s'asîst devant lui. ^ Et com tl esgar
MSS. DE MAURICE DE SULLY 475
doit cd angele, dont il ne savoit pas que ço fust angeles, ains cuidoit que ço
fost uns oisels, si fiça si son esgart en la belté de lui que il oblia qoanqne
il avoit en ça {su) en arrière. ^Si leva sus por prendre cel oisel dont il estoitmolt
covoiteus ; mais, si corn il venoit près de lui, si s'en voloit li oisels un poi
plus arieres {fol. 37), et li buens hom aloit après. ' Que vos diroie plus lonc
conte ? li oisels traist le buen homme après lui tant qu'il estoit avis au buen
homme que il estoit en un bel bois hors de s'abeîe ; * et si com il li estoit avis
que il estoit devant Toisel, si se traist vers Toisel por lui prendre, et lor s'en
vola li oisels sor un arbre ; ^ si commença a canter si très dolcement que
onques rien n'avoit oîe si dolce. ^ Si s'estut li buens hom et esgarda le beltè
de foisel, et escolta le dolçor de 'son cant ensi ententivement que il oblia
totes les coses terrienes. * Et quant li oisels ot canté tant comme lui plot, si
bâti ses des, si s'en vola ; et li buens hom commença a repairier a soi meîsme a
hore de midi. ^ Et com il lu repairiés en soi meîsme, si dist : Dens ! ge ne
dis hui mes hores, comment i recovrerai jo uimais? ** Et com il esgarda
s'abeie, se ne s'i reconut point; si li sambloient les coses totes bestomèes.
*> Et Deus I fist il, u sui jo ? Dont n'est ço m'abeîe dont jo escî hui matin ^
** Vint a la porte, si apde : Portier, ncvrc, fist il. ** Vint li portiers a la
porte, et com il vit le buen homme, si nd con[n]t pas, si li demanda qui il
estoit. — *' Je sui, fist il, monies de çaiens ; si i vndl entrer. — *^ Vos, fist li
portiers, n'estes pas mones de çaiens ; vos ne vî jo onques mais. Et se vos en
estes, quant en issistes vos? — " Hui matin, fist li monies ; si vudi çaiens
entrer. — ^^ De çaiens, fist li portiers, n'issi hui monies. Vos ne conois jo
mie por monie de çaiens ^* Li buens hom fu tos esbahis ; si li respondi :
Faites moi parler an portier de laiens ; si noma un antre portier. — ^ Vos
me samblés, dist li portiers, home qui ne soit mie bien en son sens, qui vos
tûtes monie de çaiens, et jo ne vos vi onque mais. — ^* Si soi, dist li boens
bon. Dont n'est ço Tabde de saint cestui? Si noma le saint de la glise.
^ Gû, fist li portiers. — Et g'en sni monies de çaiens. fist li boens boa.
Faites mevenir l'abé et lepriosde çaiens; si parlerai a ds. — ^ Vînt lî abes
et li prios a la porte, et com il les vit, si ne les connt pas ne il ne coowot
mie loL
Famille A. — Ms. Bibi. nat.fr. 1 h ^ S-
Ml fn un bons bom de rdiginn qui sovent pria Damleden merd en ses orînns
qu'il li donast veoir et demostrast alcune chose de se grant doçor e de le bealté
e de le joie que il estoie a ceals qni l'aiment * E Dex N. S. Yta oi,
car si cnm il fu assis une foiz en une ainz ajoniée d dotstre de s'abeie, s i
envoia Damiedex nn angde en le semblance d'an oisd qni s'asÉsl devant Im; ^t
cum esgarda od angde, dont il [ne] sdt mie que c'estoh as^de, eals 'sic) qâ-
doit qui ce estoit uns oisals, si fiça si snn esgard en le beaHé ^l^^st^ ob5a
tôt qnanqn'U avoit ven ça en arere. * Si leva sss por presdre od c«s<d isst
il estoit mott covoitos, mais si com il vint près de in:, si s'a voia fi c^seis ss
poi pins ariere. • Que vos diroie pins bnc conte? :: oîseis irast ic »e Icmt
après loi sî kU estoit avîz ai bon home qn'ii estoiït es u bces lors de Tabôt.
* E si cnm li estoit nu qn'il estoit d bn devant Tood, s: se tnkt ven Voéé
476 p. MEYER
por li prendfCj e lors s'en vola \i oisel sur un arbre. "^ Si commença a cantor si
très doceinent que unques rien n^oi de si doce. ^ Si estut li bons hom^ si
esgarda le bealté de roîseî, si escota le doçor del cant ensînt enlentivemenl que
il en oblia les choses ternenes. ^ E cum îi oiseals ut {sic) canté tant cum ti pïout,
si esbati ses eiles^ si s'en vole; e \i bons hom comença a repairer a soi meismes
a ore de miedi. ^^ E cum il fu repairez a soi meîsme, si dist : Dex ! dit il, joue
dis huî mes ores. Comment revendrai jo uimais? *^ E cum il esgarda {fol. 44)
s abeïe, si ne s*i recoist {sic) point ; se lui sembloil choses en si trestornces. ** E
Dejt! fisl il, u soi jo? Dunl n'est ço m'abeïe dunl je issi hui malin? ** Vînta le
porte» si apela le porter par son non : Ovre^ fist il. ^* Vint le portera le porte,
e cum il vît le bon home, si ne le conoist mie, se li demanda qui il estoit. — ^* Jo
sui, fist il, un moines de céans; si veil entrer. — *^ Vos, iîst li porters, n*cstes
pas moine de chaïns; Vos ne vi je unques mais, Esi vos estes moines de chaem,
quant issiles vos ? — ^'^ Hui bien matin dist li moines ; si voil laîensentrer. — *^De
chaiens^ dist li portiers, n'issi hui moines ; vos ne conois je mîe por moisne de
chaeins. ^^ Li bons hom fu toz jors esbahi, si respondi : Faites moi, fist li bons
hom, parler al portier; si noma un altre portier par sun non. ^ E It portier
respondi : Il n'a chaeîns portier si moi non. Vos me semblés home que ne soit
mie bien en sun sens qui vos faites moines de chaens, car vos ne vi je unkes
mais, — ^* Si sui, dist li bons hom. Dunt n'est co Tabeïe seint cestui? Si noma
le seint. — ^^ Oïl, dist li portiers. — E jo sui moines de ceanls (sic), Dist li bons
hom : Faites moi venir Tabé e le priors, si parlerai a eals. ^ Vint li abbcs c
li priors a la porte, e cum il les vit, se ne les conoit mie, ne il ne conureot
mie lut.
Famille A. — Ms. de I'Arsenal.
^ Qui fu uns bons homs de religion qui souvent proia Dieu en ses oroisons
qui li donnas! veoir et demontrast aucune joie de la grant douchor et de la grant
beauté qui (sic) promet et ostroie a cens qui Faimenl, ^ Et nostre sires I*en 01,
car, si corn il s'asist une fois a une ajornée ou cloistre de l'abeïe tous seos, si li
envoia Diex un angles (sic) enssamblance d'un oisel qui s*aisit {sic} devant lut.
' Et comme il esgarda cel angles^ de quoi il ne saveit pas qu'il fust angele,
ains cuidûit que ce fust uns oiseaus, si ficha si son esgart en la bieauté (sic) de
lui tant durement qu'il oublia quant (sic) il a voit veO cha en arrière^ * et si leva
sus pour prendre ce! oisel, dont il esloit moût convoiteus. Mès^ si comme i\
vint près de lui, si s'en vola un poi arrière, ' et tant que li oiseaus traist le
bone (sic) home après lui, si qu'il li estoit avis qu'il estoit en un bois hors de
rabeïc. ^ Et quant il li fu avis qu*il estoit ou bois devant {foL \6c) ToiseL si se
traist avant por lui prendre, et lores s'en vola li oiseaus en une branche. "^ Si
commencha a chanter tant doucement que nule douchor ne monloit a celé. « Si
estoit li bons bons devant roisel, et esgardoit le beauté de lui, cl eschotoil U
douchor du chant, et si très ententieument que il oublia les choses lerrienes.
^ Et comme li oiseau [sic) out chanté tant comme Dieu plout, si bâti ses cies^
si s'en vola; et li bons hons commencha a reparier a soi meïsmes ce jor a eurt
de miedi, ^^ Et corn il fu repariés a soi meïsmes, si dist : Diex! je ne dis hui
mes cures; comment recouverraige mes? ^* El corn il regarda vers Tabeie, si ne
MSS. DE MAURICE DE SULtY 477
se reconost point, ains lî samMoit de pltiseur choses qu'eles fussent toutes
^ bestornées. ^^ Si dtst : Ou sui je donc ? ne ves ci in^abete dont ge sut omus hui
matin ? *' Dont vint a le porte, si apela le portier par son nom : Oevre^ ^t iL
** U portier vint a le porte, et comme il vit le bon home si ne reconui mie, si
ti demanda qui il estoit. — ^^ Je stii, £st il, moines de ceeos, st voil entrer, —
I* Vous n'estes mit moines de ceens; ne vous oe vi ge onques mes ; et se vous
estes moines de ceens, quant en oissitc (sk) vos? — *"^ Hui bien matin, fist soi
'li moines, et si voil biens entrer. — •* De ceens^ fist soi li portiers, n' oissi hui
notne. Vous ne recounois je mie pour moine de ceens. ♦* Li bons hons fa moul
esl»his, et si li disi : Fcies moi parler au portier. Si nomma un autre par son
nom. * Et li portiers li respondi : Ceens n*a portier se moi non* Vos (d) me
sambiés bons qui ne soit mie en son sens qut vous fêtes moines de ceens, car
fcms ne ri ge onques moine {sic). — ^* Si sui^ dist l\ bous bons. Don n^est oele
I abeié ? Si la noma. — ^ 0], fist li portiers. — El je sui moines de ceens, dist H
bons hons. Petes moi venir l'abé et le prieur, si parlerai a bans {sic). ^ Lors
aia li portiers querre l'ibé a le prieur, et cil vinrent a le porte, et cam il les vit
si nés reconut mie, ne il connurent lui.
Famille A, — Poitiim 124.
* Ou fu jadis uns mot bons hom de religion qui sovent priot Dé en s«s orr:-
sons qu'il li donast veer e qu'il li demostrast aucune chose de la l»eauté, de la
doçor e de la joie qn^it estoe a ceaus qull aime. ^ Et nostre sire Damedés Ten
oi, E issi cum il fut une fez assis avant jor en rendoîstre de Tabbaye, si fi enven
Des .1. an^e en sembf[an€]e d'oisel qui se tint davant lui. ' E quant ij csgar-
doit cel angre, dont il ne savert pas que ce fust angres, ainx caidot que fost
Oiseaus, si mist son esgart en la beauté de loi, qu'il en oblia lot quantque il avotl
veu ça en arrere. * Sî levé sus por prendre roiseau dont il estdt mot coveitos;
mas quant il fut près de lui, si s'en vola j. poi arrere. ^ Que vos ircie alot-
gnant? Li otseaus traissit tant le bon homme après sci qu'ol esteit a vtaire an
rfcoB home qaû esteit en j. bois fors de s'abbaye. * E cum li bons bon s'apiroB»
de roiseau por lui prendre, sî s'envda li oîseans en .1. arbre ^ ^ si ccwwrmy
a chanter tant docement qu onques riens tant doce n'aveit ok. ^ Si se tût lî boos
hom, e esgarda la beauté de l'oiseau, e escoU b doçor de soo dtuÊi va este»-
tivement qu'il en oblia totes les choses terrienes* ' Et qoant It aseans ot tJBt
chanté cum a Dé plot, si bam ses aies, si s'en ala. Lî hom hom commmot a n^m-
rer a sei meîsme a hore de midi. «^ Si dtst a sei mdsaie : Des ! Kdossi bn aei
hores. Cum i covrerai hnimais^ ** Ctm â esgarda s'abbaye, sî ne s^ leeoKgail
pas, aiiLz ii senblcrent totes les choses estre trestomées. *^ Ha Diei î Ha l.on
sui ge > N'est ce pas m'abbaye dont ge issi bot natn ? ** Vint a la porte, si
apela le porter : Oesvre! ** Li porters vint a la porte, ecsn H vît le boa bo^e,
fi ne le conegnit mie, oe il ne coneguit pas tû. Si li demanda qnî 3 esteit ne
qtti ildenuadot. — *' ûe sui, dist il, moines de çaeat. — »< Voaaevigennqnn
BUIS. E si vos en este, qoant en issistes vos.^ — ^ Hii aatis, ébt i. Si voi
çaenz entrer. _ >^ De cecnz, fait li porters, ne intes fOi bu» ne voi ne-
cooois ge pas por aoioe de ct^^* ** Li boas boa fit itt esfaatofe, si G respos-
47^ P. MEYËR
dît : Faites me parler ob le porter, vos n'estes mie porlers, — ^ Vos me scm*
blez, dit II porters, homme qui n'est pas en son sen. Ceanz n'a porter si mel non.
Vos ne vi onques mais. ^ Dist li bons hom : Faites me venir Tabbé e lo prious,
si parlerai ob eaus. ^ Vint fabbcs e îi prios a la porte, et cum il les vil, si ne
les coneguit pas, ne il ne conegiiirent pas lui.
Famille A, — Edition de CflAiCBèRY*
Ml fut ung moult bon homme de religion qui souvent prioit Nostreseigncur
en SCS oraisons qui luy demonslrast aulcune chose de la beaultéct deladoulceur
et de la joyc qu'il garde a ceulx qu'il ayme, ^ Nostreseigncur Touyt, Advint
une fois a ung bien matin qu*il estoit ou cloistre tout seul, que Nostreseigncur
luy envoya ung ange en semblance d'ung oiseau ; et s'asist devant luy ; ^ et
aussi ne sçavoit pas que ce fust ung ange, mais cuidoit que ce fust (v^) ung
oiseau. Si mîst si fort son entente en la beaullé de îuy, qu*il en oublia tout
quanques il avoit veu le temps passé. ^ Ce bon homme se leva pour cuider
prendre celluy oiseau, lequel il desiroit forment. Mais quant il venoit ung peu
près de lui, si sailtoit ung peu plus arrière. ^ El tant recuUa Foiseau que le bon
homme en allant après luy fut hors de son abbaye en ung bois, ** Et quant tl
estoit advis au bon homme qu'il debvoit prendre celluy oiseau, si s'en voila sus
uiig arbre, "^ et commença si doulcement a chanter que le preudommc n'avoit
oncques ouy chose si doulce. ^ Si fut si entenlif a regarder la beaulté de l'oiseau
et a escoucter {sic) là doulceur de son chant qu'il en oublia toutes les choses ter-
rîennes, ^Et quant Toiseau eut tant chanté come il pleut a Nost reseigneur, si
balit ses ailes el s*en voila. El le preudomme commença a penser en luy mesmes
environ heure de mydy^ *^* et dist : Dieu i je ne dis huy mes heures, comment
recommenceray je huy mais? ^' El quant il regarda son abbaye si ne se recon-
gneut pas, ains luy semblèrent les choses toutes changtes. ^^ Hé Dieu ! dist ÎJ,
ou suis je ? N'est-ce pas mon abbaye dont je yssis huy au matin ? ^^ Si vint a la
porte el appel la le portier. ^* Le portier vint a la porte, et quant il vit le
preudomme, si ne le cogneut pas, ne le preudomme le portier. Et le portier îuy
demanda quel il estoit, — *^ Je suis moyne de leans, dist le bon, si y veulx
entrer. — *« Vous n'estes pas moyne de céans, dist le portier; je ne vous vis
oncques mais, et se vous estes de céans, quant en yssistes vous doncques? —
<? Huy au matin ^ dist le preudomme, — '•^ De céans n yssit huy moyne, dîsl le
portier. *^ Adoncquesfut le bonhomme tout esbahy^ et dist : Faictes moy parler
au portier. — ^ Vous me semblés, dist le portier^ homme qui estes hors du
sens : céans ne a portier que moy. Je ne vous vis oncques mais, dist le portier.
Je sçay bien que vous n'estes pas moyne de céans, — ^4 $i suis, dist il. N*esl-
ce pas l'abbaye ? et nomma le non. ^^Ouy, dist le portier. — Doncques
suis je moyne de céans, dist le bon homme. Faictes me venir l'abbé et le prieur^
si parlera y a eulx. ^^ A doncques viol l'abbé el le prieur a la porte. El quant il
les vit si ne les cogneut pas ne aussi ne firent îlz Iuy.
Famille A. — Ms. Bibl. nat. fr. 248^8.
* 11 fu uns bons hom de religion qui sovent proia N. S. en ses oroisons qu€
il H donast veoir et qu'il h demonstrast aucunes choses de sa grant doçor et de
MSS. DE MAURICE DE SULLY 47c
sa garni bîaoté et de a joie qioe â estcie a ces <pu l'aÎBC!:!. ^ El N. S.
l'aa oL Ui jor bîea par natiB cstoit ii boas bom asss en soo cackstre: se li
eoToia Des soa aige aa b sanblaoce d'on obéi : si s'asist dcras: hl. ^ (^naX
U esgarda VoisA, si ae aida pas que ce fost angeses; s: mzs: s: sec esgart ta. la
Tcôe et en b bunté de foîsel. que fl oUb quant que il aTcH Tec ça «2 arrjcrs,
^ D se leva por prendre l'oisd dont fl cstoit mont coroitox. Et qsast il le v^cst
prendre, si s'an Tob li oisians ns poi knng de loi. ' QneTos diroàe iie ? I: côsass
trest le bon boue enprès loi tant qoe il m ans as bca hose qs'îl esicct
d bois qni estoit entor Tabaîe. ^ D se trest près de l'oiseiy si > cûia prendre,
et li oîsiax s'an (foL 49.» Tcb sor b brandie d'oncbesne. ' Si conaça acàaster
eosi très doooeaient qne onqnes nos cbans ne fa oîz si dooz es cest mcmàt. * Li
bons bom se ddita tant d diant et en b bianté de Toisel qoe à obiia tûtes îes
tcrrienes dboses. ' Et qnant ii oisbns ot dianté Unt a» hii plot, à s'an Toa.
et fi bons bon s'an comamça Ters s'abte a repairier. ** Et cocik îi se pr^
a porpenser et retenir en soi rnôsmes, â dist : Ha * Dex, je ne dis je i3c. coocr
fanimes bores. Je ne les porraî dire a tcns, car fl est bore de midi. *■ Et qun: k
aprocfca de s'abaie, si ne b connt mie, et se li samh^reat trestotes àes c^cses
trestomces. *^ Des ! dis! 3, on sai je? Et dont n'est ce a'abale doct fc issi ha:
matia. ** Et oomaK fl fiât a b porte, si apeb \o portier par sca aco : Frère,
ouTrez b porte. ** Li portiers orri b porte, et qust ii rit lo boa &c«3e. si ne
le cooat. D Ii dnnaarfa qni fl estoit. *^ Li bons bom ii dist : Je sel ocôes de
ceianz, et û toîI bianz entrer. — *^ Vos, dist ii portiers, n'este aie Dcbes de
oeianz. Vos ne conois je pas. Et se tos estes œoîaes de ceiasz, qcast ea issistes
tos? — ^^ Hoi bien nutin, dist li bons bom. — *^ Vos ne restes oaq::es atobes
de ccianz, car je conob moct bien tcz les moines de ceianz. <* Lors fa Ii boas
bom moût esbaîz, et se Ii dist : Faites moi parier au portier; et si noma le
portier par son non. * Et dl Ii dist : Il n'a ceiasz portier se moi nca, et tos
me sanbîez home qni n*est mie biea en scn sen qiiant tos dites q=e tos estes
moines de ceiaaz. — ^ Si sai je, dist li bons bom. Donc n'est ce fabaSe saint
cestni } Si noma lo sainL — ** Oî; dist li portiers. — Et je tos di p<îf Toir qne
je suis moines de ceianz, dist îi bons bom; mais ore me faites Tccir l'abê et lo
priens, si parlerai a ds. '^ Et ii portiers les li fist Tenir. Et qaaat li bons bom
les Tit, si ne les connt mie, ne fl ne conarent lai.
Famille A. — PorriEas 232.
* Il fa aas boins homs de religioa qui pna scnreat ea ses orisoas qae Diex
li donnast aacnne cose sentir de b grant joie du cbid ; > et Diez Tea oî ; car si
comme il fa uce fob assis a uae ainsmoniée {sUf ea doistre, tous sens, si li enTob
Dicz .j. angle en sambboche de .j. oisid qui s'asist deTaat lui. > Et cozme fl
esgarda chiei angle, et il ne saTcit pas que die fust angie, ains cuidoit qce che
fost .j. cisùus; il fxÂa ujo es^rdement si durment que fl aTcit o'jhîie qcanques
il avoit Ttû cha ea irriert, * Se lera sns poor prendre cbd oisid dont fl aToit
mnlt gram uleat, Maii ti comme il vint près de lui si s'envola li cisiius .j. poi
a?ant. ^Qûe vos; diroîe? Li oitiaos mena le boin homme hors de s'abele: *et
comme il vint el toii deraol V>i^,, û rettut pour prendre Foisic ; adont s'en
foi li cisiaos seur uo artre^ ^ et umwtnch^ a canter si doucbemeat que aale
480 p. MEYER
riens ne fu onques lanl douche oïe. *Si esloit lî boins hons devant Toisid et
regardoitle biautè de Toistel, et escoula h douceur du cant issi ententîev&ment
que il oublia toutes coses terriiennes. ^Et comme H oisiaus otcanté tant comme
Dreti pleut, si bâti ses eles, si s'en vola. El comme lî boins hons comtnencha a
repainer a soi meîsme chelui jour endroit miedi, ^^si dist : Sire Dicjt, je ne
dis hui mes eures; comment i recou verrai je? *^ Et comme il se regarda, si oc
se reconnut pas; si U sanloit que les pluiseurs coses fuissent bestornées. <'E
Diex ! fisl ii^ ou sui je donc? Dont n'csche chi m'abeîe dont je issi hu» matin?
Adonc vint à la porte; si apela le portier, ^^ LÏ portiers ne le connut pas quant
il le vit. II 11 demanda qui il estoiî. — *' Je sui, dist il, moine de laiiens; si
voeil entrer laiiens, — *<» Vous, fait li portiers, n'estes mies moines de cheens;
je ne vous vi onques mais ; et se vous estes moînes de cheens, quant tssistes vous
hors? — <^ Hui matin, disl-il. — ^^De cheens^ dist li portiers, n'estes vous
mie, ne de cheens ne issi hui monne; vous ne conûois jou mie a monnede cheens.
^^L'\ boins hons fu tous esbahis. Faites me, dist il, parler au portier; sjlj nouina
.j. autre portier par son non. ** Et li portiers li dist : II n'a cheens portier se
moi non. Vous me samblés ho m qui ne soit pas en son sens, qui vous fiitei
moines de cheens. ^^ Li boins hons fu tous esbahis. N'escbe, fait il, Tabcie saint
cheli? Si nomma le saint. ^Oïl^^ fait li portiers. — El je sui roonnes de laiiens,
fait li boins hons. Faites moi venir l'abé et le prieus, si parlerai a eus.
2^ Adont vint li portiers qiierre î'abé, et le prieus, cl il vinrent a la parte» et
comme il les vit, si ne les counut pas ne eus lui.
Famille A. — Ms. Bibl. nat. fr. 187.
i II fu voir qu'il fu un bons hons de religion qui sovant pria Dieu en ces on-
cions qu'il li demostrat aucune chouse de sa biaté et de la douçor et de la JQÎe
qu'il donra a ces qui Taimcnt. 2 El Nostre Sire si Toît : car il estoil 2 une (or-
née en son ctoslre, si li anvoia Diex .). angle en samblance d'osel ; si s'as>St
davant lui, ^ et quant il exgarda cel angle, si cuida qe ce fust ,\, ossiaz ; si 6du
sun exgarl {foi xv) en la biauté de lui qu'il en oblia quant il avoit veu sa en
arrere. * Si leva sus por panre Foisel dont il estott covoiteus, mais corn il vint près
de lui, si s'en voula li osîaz un pou plus long. ^ Que vos iroie plus disant? Lt ostai
trait tant Tome après soi qu'i lt fu avis qu'il esloit en un bois. ^ Et quant i) dut
panre cel osiaux, si s'en vola sus un arbre, ^ et commansa si doucement 1 cbao-
ler que unques n*oïl nulle si très douce rien, ^ Si s'esiuit et esgarda la biatttéde
ces osiaux, et excouta la douçor de son chant. ^ Et quant li osiaux out ditntè
tant com a Dieu ploit, si bali ses eles, si s'en voula ; et li bons hoQ$ conuDiQsa
a repaires {stc} a soi meemes a Toure de mtdi ; ^" et disi : Dieux ! je oe di 01 1
ores! ^* Et quant il esgarda s^abaîe, si ne la connuît point, ans li semblereflt
toutes les chouses besiornéez. ^'^ Hé Dieux ! dist il, ou sui )e? dont n'est ce
m'abaie dont g'issi hoi? ^^ E vint a la porte, <* et ne connuil pax le bon home le
portierz (Wr), ne li portierz lui, si li demanda qu'il estoil, elqu*il demandoît.— >
^^ Je sui, fisl li bons hons, moignez de saians. — ^^ Vous ne viges (su) unques,
disllî portier. Et quant ensistez vos de çaenz ? — *^ Je cnsi hoi malim. — *•
Dcsaens, dist li portier ni issislis vous hui. — ^* Dont fu li bons hons esbali;
si dist : Fait moi parler au porter, — ^iï y^us me semblez, dist 11 portier,
MSS. DE MAURICE DE SULLY 48 1
home qui ne soit pas bien en son sans. Sa ians n^a p>orter se moi non. Vous ne
n je unques mais. (Dist 1i bons hons, car vous n*est pas moignes de saans
dist li porticrz *.) — ^* Si sui, disl il, donc n'est ce Tabaie? — ^ Oîl voir, fait
ti portier. — Donc sui je moignes de laians, fait moi vcnire Tabé et 11 prior, si
parlerai a aux. ^ =^ Li abes vint et li prior a la porte; si ne connuit pax coi
ne li lui.
Famille B. — Ms. de FLOnENCE.
^ Il se f u uns bons home de religîun ki sovent pria Deu en ses oretsuns qu'il
!î donast veoîr alcune chose de la grant jote qu'il estue et pramet a cels ke li
aimenl. ^ Dcus nostre sire (f. 30 v») l*eii oï^ kar si cum il tu assis une feiï en
une enjornée tuz suis en un angle de Tencloistre, si li envea Dampnedeus un
angle en semblant d'oisel kî s'asit devant lui. ^ Et corn il esguarda cel angle, et il
ne savoit pas que) angle fust^ si chaî en sun reguart et en la beahé de lui^ kll
oblia quancqu'il ^avoit veij ça en arieres. ^ Si se lieve sus pur prendre cel otsel
dunt il esteit mult coveitus; e si cum il vint près de lui, si s'envoU 11 oiseals um
poi arieres, elfli] bons home ala après pur lui prendre, et li oiseals Tatendi jus-
qu'il fu près de lui, si s'envola un poi plus louing. ^ Ke vus feroîe ti]o îung
cunte ? Li oiseals traist et mena le bon home tant après sel ke avis li fu qu'il
fu issuz de s*abeie en un mult beal lieu, en un bois ; '^ e si cum II estoit avis at
bon home qu'il estoit en un bois et volei! prendre Toisel, 11 oiseals s'envola sur
un arbre; ' si comence si ducement a chanter ke unkes riens nule ne fu oie si
dulcc. * Lores s'estut li bons home, si esguarda la bealté de cel oisel, et esculta
h dulçur de son chant issi cntenlivemcnt qu'il oblia totes choses terrienes. ' E
cum (1 oiseals out chanté tant cum a Deu plot, si s'envola^ et li bons hom
comença a sel meismes a repairer a hore de midi. ^^ Deus ! pensa il, jo ne dis
hui mes ores. Cornent i recoverei jo hui mes? ** E cum il guarda vers s'abeîe,
T»e la conul mie, ainz li scmbloii les pliiseurs choses tûtes muées. *^ E Dcus 1
fisl se il^ ou sui p ? Dun ne est ço m'abeie dunt jo eissi hui malin .^ *' Vint a la
porte, si apella le porter par son nun : Uvre, fist se iL ** Li poriers vint a la
porte, et cum il (/. 31} vit le bon home, nel conuist pas, alnz li demanda qu'il
estoit. — *5 Je sui^ fist se il, u[ns] moines de lainz, si voil entrer, — ** Si
Deu[s3 nî*ait, fist se 11 poriers, vous n'estes pas moine de çainz. Quant eisistes
vus hors ? fisl iL — '^ Hui malin, dist li bons hom. — <®Si Deus m*ait, disl li
porters, vus ne conuîs jo mie a moine de çaînz, — *^ Li bons hom oi ço, si fud
lut esbaiz et luz e^perduz. — Feites mei, [fisljseil, venir le porter, e si le numa
par sun nun, kar vus n'estes pas li porters de çainz. 20 l.) porters respundi :
Çainz n'a portier si mel nun ; et vus me semblez home ki ne soil pas très bien
scnez, quant vus vus faistes moine de çainz. — 2» sj jui jo^ disl il; faites
mei venir Tabé et le prior ; -i ^i parlerai a els. ^ Vint li abes et li priors a
la port(e], et il les vit, ne les conuit pas^ ne els lui.
Famille B, — Ms. Hatton.
t Iço fu un bons hom de religîun kt suvent pria a Deu en ses ureîsuns k'il li
t . Le» mots enfermés entre ( ) semblent une addition non juitifiée du copiste.
p. MEYER
J alcune chose qu'il a estué e a prumis a toz ices ki
482
dunast [ J alcune chose qu'il a estué e a prumis a toz ices ki Teimefit; ' t
Deu tiostre sire Toïe (sk)^ kar si cum il se fu asïs en un jur tuit su! en un angle
de l'encloislre, si ïi anvea Damnedeu un angle en la semblance d'un oiscl ki
s'asist devant lu ; ^ e cum il esguarda icd angle» e il ne savett mie k'il fud angfe,
si se chaî si en sun esguard e en la beuté de lui qu^il oblia quancque il aveit
veû eîncès. * Si se teva sus pur prendre cel oisel dunt il asteil mult coveitus; e n
cume il vint plus près de lu, si se vola un petit arere, e li bons hom ala après
pur lui prendre, e li oisel entende (sic) deske il fu près de lu, si se vob un poi
plus tuin, ^ Ke vus frai jo lung cunle? Li oisel iresl e amena le prudom tant
après |y ke avis li fu qu'il fu hors de Tabeïe en un mut beau Iru, en un bots;
* e si cume lu fu avis qu'il asteit al bois et voleit prendre fe otsel» li oisel se
leva sur un arbre : ^ si cumença a chanter si duceraent ke unlces nule ren si duce
ne fut oïe, ^ Lores eslul li produm, si aguarda la beuté d'icel oisel e ascuta la
duçur de sun chant issi ententivemenl qu'il oblia Iules choses terrienes.^ Ecume
ïi oiscl out chanté si cume Deu plot^ si s'envola, e li bons hom cumença a
repeirer a ure de midi, *o Deus ! pensa il, jo ne dis hui mes ures, aiment rccu-
vrcrai jo hui mes? *' E cum il esgarda vers sa abbeia (sic) ne la cunust mie,
aenz li resemblcrent plusurs (v^t choses remuez. *^ E Deus, fist s'il, u suip?
Dun n'est ceste ma abbeie dunt jo issi hui matin ? *^ Vint a la porte, si apeli
ïe porter par sun num : Ovre, fist il. '* Le porter vint a la porte, e cume il vit
le prudume, nel cunust pas, xinz h demanda k'il asteit? — *^ Jo sui monie de
lenz, s*i vei! entrer, — ^^ Si Deus m'ait, fist le porter, vus n'estes pas de ceins.
Quant issisies vus hors de ceinz ? dist il. — *" Hui matin, dist li bons hom, —
**• Si Deu m'ait, dist li porter, vus ne cunus jo mie. *'^ Li bon hom oï, si M
esbaî e mut s'cspanta. Fêtes mci le porter venir, dist il, sil numa, kar vus n'estes
pas le porter de ceinz, ^ Li porter rcspundi : Çdcnz n'i a porter se jo nun,
e vus tnej me semblez hom ki seit beensenez, quant vus vus fêtes monic de ccim.
— 2* Si su jo, dist il, fêtes me venir l'abbé e le priur. Dun n*esl ço l'abbeic de
sent cestu? sil numa. — -^ Oïl, dist li porter, — E jo suî moine de ceinz. Fêtes
me venir l'abbé e le priur, si parlerai od eus. — ^* Vint II abes c li prmr, si nej
conust il mie, ne û lui.
Famille B. — Ms, Lauh.
i Uns hom fud jadis de religiun ki sovent depria Deu que li donasl a ver
alcune chose de la grant joie qu'il pramet 3 ceus ke lui aiment c servent; *c
nostre sire Ten 01; kar si cum il fud asis un jor tut sul en une angle de l'en*
cloistre, si li enveia Deus un angle en semblance de oisel ki s'asist devant li.
5 Si cum îl esgarda cel oisel, e nesaveitpas (foL i^\c) qu'il fud angele, si chaî si
od le regarder en la beauté de li qu'il oblia quanc qu'il aveit fait en artères. * Si
leva sus pur prendre cet oisel ^ dunt il iert muïi coveitus, c cum il vmi près de
lui, si fui li le oisel anerc un poi, e li bons hom alad après pur prendre, le
oiscl; attend! dès que il fud près de li, pus si se aloigna de lui. * Que vusfrcige
lung cunte ? Li oisel traist e mena le bon home tant après sei que avis U fud qu'il
fud eissuz hors de s'abcîe en un mult bel lieu, en un bois. ^ Si cum 1) esteit avu
al bon home qu'il esteit al bois e voleil prendre le oisel, li oisel vola sur un
arbre ; ^ si comença a chanter si ducement que unkes nule rien (j/> ne fud oîe ti
I
4
Pf II
MSS. DE MAURICE DE SULLY 48}
dolce. ^ Lores si esgarda li bons hom la beauté de Toi sel, e escuta la duçur de
Sun chant si enientivement qu'il oblia lotes choses terricnes; • e cum li oisels
ot chanté tout cum a Deu plot, si s'en vola, e li bons hom comença a porpenser
$cr a bore de midi, *û Deus ! pensa se il, ge ne dis mie uncore hui mes hores.
Cornent rccoverai je huimès? ** Et esgarda vers s*abeic, si ne la conut mie, ainz
li sembla tul le plus changié. *2 Et Oeus î dist il, u sui ge? Dunt n'est ço m'abele
dunl ge issi hui matin? ^^ Puis vint a la porte, si apela le portier par sun nun.
** Cum li portiers i vint, le bon home nel conut pas, einz f/» 156) li demanda ke
il esteit : ^^ Ge sui, fist se il^ moines de çaenz. *^ Quant eissites vos hors de
çaenz? fist li portiers; ge n^ vos conuîs mie. — *'' Hui matin dit li bons bom.
— ** Dist li portiers : Ge ne vos conuis mie pur moine de çaenz. *9 Li bons
hom oî ceo, si fud tut esbaiz e esperduz. Faites mei, fist se il, venir le por-
tier; sil noma par sun nun; car vos ne estes mie portier de çaenz. ^^Li portiers
respondi : Si sui, mes vos ne scmblez mîe home bien sencz, ki vus faites moine
de çaenz e ne Testes. — 24 sî sui, fist se il, faites mei venir le abé e le prior»
Dunt n'est ceo l'abeïe de celui? Si noma le seint de l'abeic, — ^^ Oil, dit {!>) li
portiers. — E ge sui moine de çaenz. Faites mei venir l'abé et le prior, si par-
lerai a eus. ^ Vint li abes e li priors a la porte^ e il nés conuit mie^ ne il lui.
Famille B- — Ms* Ashmole.
* Il fud un prodummee bons hume de religiun qui su vent preout Deti en ses
oresuns q'il li donast veer aucune chose de la grant [joie] qu'il estue a cels qui
iui aiment ; ^ ç Qeu nostre sirefen oî ; kesi cume il fud une îeiz en une ainz jornée
tout sui en une angle de Vifoi. 69t/)encloistre, si li envea Deus um {su} angele en
semblance de un oisel» que s*asist devant lui ;*& cum il esgarda cel angele, &ne
saveît pas que cel angele fust, si chai en sun esguart, que il ublia quant que il
aveil veû. ^ En après si leva sus pur prendre cel oisel dunt il esteSl mull cuvei-
lus; et si cum il vint près de lui e il îe volt prendre, si s'envola un poi plus
loinz. ^ Que vus frei long cunle? Li oisel s*en treistemena le prodome tant après
seî qu'il li fu avis qu'il esteit issuz hors de sa abeîe en un mult beau liu& en un
bois ; * & si cum il esteit avis al prodome que il esteit al bois e voleit prendre
le oiseî, li oisel s*envola sur un arbre; ^ si cumensa si ducement a chanter que
unches ren nule ne lu oïe ijoi. 70) si duce. ^ Lores si estuil li bons hume; si
esguarda la beaulè de cel oisel, & escuta la duçur de cel chant issi entenlive-
ment que il obtîa tûtes les choses lerrienes, ^ & cum \i oisel out chanté tant cum
Deus plut, si s'envola ; e li bons hutm comjmença a sei meismea reperrir a hure
de midi. '** Deus ! pensa il, jo ne di hui mes hiires; cument recuverai je huimès.
** & cum il reguarda vers sa abeïe, ne la cunut mie, ainz li sembla les plusurs
choses Iules muées. *^ fit Deu! dist il, u sui jo dune? Ne est ce ma abeîe
dunt jo issi hui matin? ^^ Vint a la porte : Uverez, fist il al porter. *^ Li porter
vint a ta porte, & cum il vit le prodome, nel cunuit pas, aioz li demande qui ri
esteit. — <5 Jo sui, fist il, muines de la enz ; s'î voil entrer. — ***' Si m'ait Deus,
fist le {h) porter, vus n*estes pas de chaenz. Quant issistes vus de çaenz. — *^ Dist
»1 : Hui matin. — *^ Si Deu m'ait, dit li portiers, vus n*estes pas moines de
çaenz. — ** Li bon hume oît ceo, si fud tut csbaïz & tut esperduz. Faites
mei venir le porter, dist U bons hume; sil numa par sun nun. Vus n'estes mie
484 P« MEYER
porter de laenz^^Lî porter respondj : Çaenz n'a porter stmeinun, e me semblés
hume qui ne seit mie ben scnez quant vus vus feitcs moines de çaens. — ^^ Si
sui jo^ dist ît, faites mei venir le abé & te priar. Dtinc n'est ceo la abete de saint
cestui? Si numa le saint de l'abeie. — ^ Oïl, dist li porlers* — & je sui moines
dunkes de çaens. Faites mei venir l'abé & le prior, si parlera[i] od eus. — **
Vint li abes & li pnor a la porte ; & cum il les vit, si nés cunuil niie^ oe
euLs luî»
Famille B. — Ms, Renault.
Ml fu jadis .j^ bons ho m de religion qui s 0 vent proîoit Dieu en ses orisons
qu^it li otroiast a veoir aucune chose de la grant joie que il pramet a cefs qui lui
aiment. - Et nostre sire Dieus l'en où Car, si corn il fu 4. fois en un angle de!
mostier, et ce fu devant le jor» si li envoia nostre sire Dieus un angele en sam*
blance d'oisel ; si s'assist devant lui ; ^ et quant il regarda cel angele, et il ne savoit
mie que c'estoit angeles^ si cheï si en son esgart et en la beauté de lui que il
oblia quanque il a voit veù cba en aricre. ^ Si se leva sus por prendre l*oisd,
dont il estoit moult covoiliés; et si com il vint près de lui, si s'envoJa .j. poi
plus loin. * Que vos feroi je lonc conte? Li oisiaus traist tant le bon home et
mena od soi tant que avis li fu qu'il fu issus de s*abeîe en un biau lieu, droit en
un bois; '• et si estoit avis au bon home que il estoit en .j. bois et vol oit prendre
Toisel; cl li oisiaus s'en vola sor .j. arbre; ^ il commencha a chanter que onqucs
tiuie riens ne fu si doce a oîr* * Dont s'eslut \i bons hom et regarda la beauté de
Foiscl, et escouta la dochor de son chant, et si ententivement qu'il en oblia lotes
choses terrienes. ^ Et quant li oisiaus out tant chanté comme a Dieu plot, si
s'envota ; et li bons hom commencha a repairier a soi meïsme a heure de midi.
^^ Diex ! pensa il^ je ne di hui mes heures ; cument les recommencerai je hui*
mes? << Et quant il regarda vers s'abeie, si ne le {L la ou sci*) reconut mie,
ains li sambloieni les plusor choses remuées. *2 Hé Dieu î dit-il, u sut je? c
n'est ceci m^abciedont je issi hui matin? *' 11 vint a !a porte, si apela le portier
par son non : Oevre, dist il, la porte, ** Le portier vint a b porte, et quant
il vit le bon home, si ne le conut mie^ ains li demanda qui i) estoit. — ^» Je
sui, dist il, .j. moines de leans; si voil leans entrer. — <*• Si m'aîst Diex, dist
li portier, vous n^estes mie moines de céans. Quant issistes vos de céans? ^^ H
rcspondist : Je hui matin. — *^ Si m*aîstDiex, dist li portiers, je ne vos connois
mie a moine de céans. — ^f* Quant li prodom oi ce, sifu tosesbahis cl esper-
dus. — Faites moi, tait il, venir le portier, car vos n'estes mie porlrer de
céans. ^ Li portier respondi : Céans n'a portier se moi non, et vous me sam-
blès .j. home qut n'estes mte bien assenés, quant vous vous biles moines
de céans. — ^' Si sui, dist it, voir; faites moi venir labbé et le prieur : ^*
si parlerai a els. ^SL'abes et li prieus vinrent a la porte, mes il nés connut mie.
L'histoire n'est pas finie. Je ne Pai pas rapportée tout entière parce
que le spécimen eût été un peu long. Mais, pour satisfaire la légitime
curiosité du lecteur, je transcrirai ici la tin de ce joli conte d'après le
ras. Douce, qui est Tun des meilleurs, et se recommande par d'inté-
ressantes particularités dialectales :
I
MSS. DE MAURICE DE SULLY 485
... Ne il nt coneurent lui. — Qui demandez vus? firent se il al bon home?
— Jo demant l'abbié et lui prior a qui (sic) jo voiï parlier. — Cco sûmes nus,
firent se it. — Non estes, fist lui bons hom, car vus ne vi \o onques maes.
Lores fii lut esbaîz II bons homs, car il nés conoit^ ne iî ne le conçurent. —
r'Quîel abbié demandez vus, ne quiel prior? fîst se lui abbes; et qui conoissez
os çaenz? — Jo demant un abbié et un priur que issi* esloîenl appeliez; et
conoïs celui et ceîui. Et cum il oïrent iceo, si coneurent les nuns bien. — Beau
sire, firent se il, il sunt morz jîj. ceoz anz at passiez. Or esgardiez ou vos avez
estié et dont vos venez et que vos demandez. Lores s^aperceut Iî bons hoem de
la merveille que ifoi, 57 v») Dex a voit faite, et cum par sun angle hors de
l'abbaïe l'avoit mené. Et pur la biautié de l'angle et pur ladoceurdeson chaunl
Hui a voit demustré tant cum It plut de la biauté et de la joie que ont li amî
Damiedeu en cieL Si s*esmerveitla estrangemeni que Jij. cenz anz avoit veû et
escolîê l^oisal, et pur le grant délit que il avoit eu ne lui semblout que del tens
fust trespassié, mes que tant cum il atdès te matin, enjusqu'a midi ; et qu'il dedenz
Jij. cenz anz n'est (cûn. ert) mie enveilliz ne sa vesteiire usée, ne lui {corr, si
ou sui) souliier perciés. Selgnurs esgardez et asmez cum es grant la biauté et h
douçur que [Deus] dorra a ses amis en ciel....
Comparons maintenant ces divers spécimens phrase par phrase.
1 . et demostrasî se trouve seulement dans la famille A , Quoique ces
deux mots, ne soient pas très-utiles au sens, il y a lieu de croire qu'ils
appartiennent bien réellement à roriginal. — Dans B il n'est question
que de la « grande joie î» réservée par Dieu à ses fidèles serviteurs ;
dans A nous avons a la grande douceur, la beauté et la joiej> (Douce,
I HMï 248^8), ou u la beauté, la douceur et la joien (Poitiers 124,
l'ancienne édition, 187) ou au moins t* la grande joie et la douceur »
( I î 3 1 4) . — La leçon qa^il esîelc et promet est certainement la bonne :
deux mss. de la fam. B (Florence et Hatton) et un delafam. A (Douce)
Font conservée. Les autres m&s. ont vu dans ces deux verbes une redon-
dance et opté soit pour estoie (Ashmole, fam. fî ; — 15514-5, Poitiers
124, 249^8, fam. B)y soit pour promet ILaud et Renault, fam. A), Le
ras, 187 et l'imprimé ont des variantes de leur façon. Rien ici qui puisse
servir au classement. L'addition c servent de Laud n'a pas de portée.
2. En m angle est caractéristic|ue de la fam. B.
3. einz quidout queceo fast ons otseis I Douce), se trouve dans toute la
famille /î, à l'exception de 24858, lequel est ici, comme presque partout,
assez libre. Ce membre de phrase, qui peut bien n'être qu'une addition de
copiste, mais qui peut tout aussi bien avoir été supprimé comme sura-
bondant, manque absolument à la famille B. — Si chai si en son esgarî,
ou en son regari, est une locution notable qu'offre seule b famille B.
I. Ms. tssunt.
486 p. MEYER
Dans A nous avons soit si ficha si son esgart Douce, i ^ît4-5, S. Gencv.^^
124 Ars. 187, soit il m/if Poitiers r24, 248^8 et l'imprimé.
4. La fam. B est seule à contenir une petite phrase, peu nécessaire'
au sens, qui dans Flor. est ainsi conçue : et [li] bons home ala apris
pur lui prendre^ et U oiseals l^aundi jusqu'il fu près de lui. Si s'en vok un
poi plus loing,
y. Ke vus f croie jo lung cunîe (Flor,), commun à toute la fara. B, et à
S. Genev. [fam. A) esi dans les mss. A Que vos dirron L c. (Douce),
Que vos diroie plus L c. 115514-5), Que vos diroie je (24858), Que vos
iroie je atoignant 1 Poitiers 124, Que vos iroie plus disant (187), ouest
supprimé, comme dans le ms. de l^Ars. et dans Tancien imprimé. — Qu'il
fa issuz de s'abeïe en un mulî beal /lu, en un bois est, sauf de minimes
détails, la leçon de toute la fam. B ; dans A : qu^ii estott el bois (ou en
un bel bois, etc.) hors de i^abaie.
6. Et si corn il estoit avis al bon home qu^il cstoit en un boU et polcit
prendre Nisel est la leçon à peu près constante des mss. B ; mais dans A :
Et si cum il li cstcit avis qu'il iert al bois devant roisel, si se traist vers
l'oisel pur li prendre (Douce 15315-5; d'où les leçons diversement modi-
fiées de Poitiers, 24858, et 187).
7. On remarquera dans B la construction passive ne fu oïe^ rempbcée
dans la plupart des mss. A par une construction active [n^avoit oie
S, Genev., 1 5 5 14, Poitiers 1 24 ; n'oï ï H ^ 5)*
8. C'est seulement dans B que b phrase commence par Lors ou par
Ùont, — Je ne puis pas m^empêcher de faire remarquer qu'il y a dans
Poitiers 124 une bien mauvaise leçon : se tint pour si*estut,
9. Tant (ou sï\ cum Deu plot est une excellente leçon, qui a été rempla-
cée dans quatre mss. de la fam. A |S. Genev., 1 55 14-5, 2485SJ par f. c*
lui p, îl y a là un élément pour une sous-division de la fam. A. — C'est
dans les mss. A seulement là part 24858) que Poiseau bat ses ailes
avant de s'envoler.
1 0. Ce petit paragraphe commence tout différemment dans A et dans
B. La leçon de B : Deust pensa iL,. est plus vive et partant meilleure. —
Le ms. Renault et l'ancienne édition ont une faute en commun : recom-
mencerai au lieu de recovrerai; mais ces deux textes sont d'ailleurs si
différents qu'on ne saurait voir dans cette coïncidence qu'une rencontre
fortuite. De pan et d'autre on a fait la même faute de lecture.
I K La leçon ne la conut mie est constante dans B et ne se trouve que
dans deux dts mss. de la famille A (248 58 et 187), les autres textesdu
même groupe préfèrent ne se (ou ne s'i\ reconut mie lou point, ou pas) .
— Le dernier mot est dans B muées ou remuéts^ mais bcstornées ou très-
tornéesj dans A. L'imprimé (fam. A) et Laud {fam. B) se sont rencontrés
dans l'emploi du verbe changer, mais cest par hasard, car du reste la
MSS. DE MAURICE DE SULLY 487
leçon diffère considérablement (imprimé : luy sembierent les choses toutes
changea; Laud : // sembla tut le plus changie),
16, 5/ Deus m^ait est propre à la famille B : dans Laud seulement le
commencement de la phrase a été omis. Ces mots manquent aux mss. A^
qui en revanche ont en propre (sauf Douce) cette proposition : vous m
vile onques mais y ou réqui valent*
ly.Sivoil çacnz entrer manque aux mss. B et, dans A, aux mss.
S, Cenev., 24858, 187, Poitiers 2^2, et à Timprimé; ce membre de
phrase, qui est peu utile, peut avoir été supprimé par des copistes indé-
pendants les uns des autres.
r8 La réplique du portier: Dcçaenz... n*eissi hui moines (Douc^'icarstc-
térise la famille -4. Seul dans ce groupe 24858 présente une leçon
tout individuelle qui ne ressemble pas plus à A qu*à fî.
19. Dans A, le moine est simplement « ébahi n, dans B il est de plus
w éperdu )> lau lieu d*esperda^ il y a dans Hatton e mut s*espantà\. Dans fi
encore le moine dit crûment au portier : « Vous n*ètes pas le portier de
céans I», phrase qui ne se trouve que dans un seul des mss. A (Poitiers
124).
20. Car vus ne vi ge onques mes (Douce), 011 l'équivalent, manque aux
mss. fî et à 248518.
21. La famille B place ici, à tort ou à raison « dans la bouche du
moine, !a demande « faites-moi venir Tabbé et le prieur »» qui repa-
raîtra au 5 suivant. Dans deux manuscrits de cette famille [Florence et
Renault) la répétition des mêmes mots à un court intervalle a causé un
bourdon. — Dans Poitiers 124 un bourdon a fait disparaître tout le
§ 2 1 et une partie du suivant.
Je ro*en tiens à ces remarques. Fondées sur un très-petit nombre de
faits, elles ne suffisent point, assurément, à fixer les bases d'une édition.
Toutefois, le présent travail ne sera pas inutile au futur éditeur des Ser-
mons. Il lui fournira une première liste de mss. dont plusieurs étaient
jusqu'à présent inconnus. Il permet en outre d'apprécier dans une
certaine mesure la valeur relative des textes, et d'indiquer ceux qu'on
peut négliger sans inconvénient : ce sont, à tout le moins, les deux mss.
de Poitiers et les numéros 187 et 24858 de la Bibliothèque nationale.
Même après cette élimination la tâche de l'éditeur des Sermons français
de Maurice de Sully reste ardue et compliquée.
Paul Meyer.
MÉLANGES.
I.
R POUR S, Z, A BEAUCAIRE.
Des études, qui n'ont rien de commun avec la linguistique, m'ayant
conduit récemment à faire quelques recherches dans les archives de
Beaucaire, j'y ai rencontré, en des documents datés, quelques exemples
du passage d's, z, à r qu'il m'a semblé utile de relever. Le fait même de
cette mutation étant actuellement suffisamment établi, je ne songerais
pas à en donner de nouvelles preuves, si celles que j'ai à produire
n'aidaient pas, ainsi qu'on va le voir, à limiter le phénomène en ses
circonstances de temps et de lieu. Je disais en terminant mon premier
article sur ce sujet : « De tous les exemples ici réunis il résulte que la
« confusion d'r et de s, z, s'est surtout manifestée au xiv« siècle dans la
<( partie du Languedoc qui correspond aux départements du Gard et de
« l'Hérault. Je ne crois pas qu'on puisse établir qu'elle ait été fréquente
« ailleurs ni en aucun autre temps » {Romania, IV, 194). Depuis, une
communication de M. Alart a montré que ce phénomène phonétique
avait fait en Roussillon quelques apparitions, assez rares du reste '. Voilà
pour la limite occidentale. Voici maintenant pour la limite orientale.
Le plus ancien des registres cadastraux, ou, plus exactement^ des
compoids, de Beaucaire est de l'année 1390*. Il est divisé en sept
parties qui contiennent Vallivrement des propriétés sises dans autant de
quartiers, de gâches^ comme on disait autrefois. Ces gâches sont celles
1. Romania IV, 465-6. Depuis M. Alart a trouvé au XIII<^s., en Roussillon,
Requcren (nom pr.) pour Requcsen {Rcv, des langues romanes ^ 2* série, II, 58,
note).
2. On lit sur ce registre ces mots écrits au xvii« siècle : t Compois de 1 390. »
J'accepte de confiance celte indication que je n'ai pas pu vérifier, mais qui
a priori semble vraisemblable. Elle peut avoir été tirée du début du registre,
lequel est actuellement incomplet du commencement.
R POUR 5, Z, A BEAUCAIRE 489
de la Fustariit an Mercat, du Cementeri, de la Corratam, de la Muta, de
la Bocarie, de VEspital, de la Cro5. Il y a d'assez nombreuses additions,
dont récriture accuse le xv* siècle, et que Ton peut avec vraisem-
blance supposer antérieures à la rédaction d'un nouveau compoids,
actuellement existant aux archives de Beaucaire, et portant la date de
1460. Dans la panie écrite en i jgo on trouve à tout instant paurat,
paurada, etc. Ainsi, au foL iij V de la gâche de la Bocarie : « Martin
Miqueu, doas cartairadas de vinha pauradas als clausels. » Mais on
trouve fréquemment aussi pausut. J'ai de même rencontré mard (ma'
cellum). — Dam les additions ^ — qui sont postérieures, comme je viens
de le dire, à 1^90, mais antérieures à 1460, — on Tie rencontre plus
d'exemples du passage d*^ en r. Il y a constamment pausat, mot qui par
la nature même du registre revient à chaque article. A plus forte raison
cette mutation est^elle absente du registre de J460,
Dans les mêmes archives il y a un registre, également en langue
vulgaire^ des comptes de Tœuvre de Notre-Dame de Pommier. Ces
comptes commencent en 1Î91 et comprennent les exercices suivants
jusqu'en 141 3, si j'ai bonne mémoire. L'église de Nosîra Dona de Pomies
est mentionnée dans le titre de chaque compte. J*ai relevé les
formes suivantes :
guUya, I î9i ; gleirat 1 598 à 1401 ;
gkyra, 1392; gleisa, 1406.
gleysd, 1395; gleylhay 1409;
gtieissa, 1597; glUsa, 1412;
gliessa, 1413.
Parcourant rapidement ce registre, j'y ai trouvé à plusieurs reprises^
dans les premières années, borgtres (bourgeois) ; et c'est seulement en
1409 que j*ai rencontré pour la première fois borgezes* J'ai copié l'article
suivant, qui appartient au compte de 1395, à cause du grand nombre
d'exemples d'r pour i, 2, quil renferme :
item, que Pons Pelât e Johan Charaut aneron a Tarascon dire als preruados
de Tarascon que en le prmc fcrcsion mensbti de la proies ion ' que ferem le
dimergue a Jjj. de desembre per rûron de las ayguas ; pagurm per le port
viij d.
l'ai voulu savoir si le même fait s^était produit de l'autre côté du
Rhône, et à cet effet |e suis allé consulter les plus anciens compoids de
t, Profesioa me fait f effet d'être employé ici comme en divers eodroils du
poème de b Croisade albigeoise pouf proctùon. Il s'agit probablement d'une
procession faite à la suite d'une inondation du KhÔne. Je n^aj plus sous la main
les registres des délibérations du conseil de Tarascon, â Taide desquels on pour-
rail vérifier si réellement cette année-là le Rhône est sorti de son lit. Lesregistref
du conseil de Beaucaire ne commencent que beaucoup plus tard.
490 MÉLANGES
Tarascon ' qui n*cst, comme on sait, qu-à 500 mètres de Beaucaîrei mais
avec le fleuve entre les deux villes. Us ne m*ont offert aucun cas d'r pour i
ni d'i pour r Je m'attendais du reste à ce résultat négatif, car un phéno-
mène aussi notable ne m'aurait pas échappé lorsque en r862 j'invento-
riais les archives de Tarascon. A Arles mes recherches dans les compoids
les plus anciens ont abouti au même résultat, ce qui peut être attribué à
la date de ces registres 1 1 424^ , tous postérieurs au temps où nous venons '
d'observer à Beaucaire la substitution dV à s. Nous avons vu précédem-
ment (Rom. IV^ 468) que ce phénomène s'était manifesté à Arles dans
la seconde moitié du xiv* siècle.
Tout considéré, on peut, ce me semble, tenir pour certain que le chan*
gement d'i, z en r, et réciproquement, ne s'est point étendu, sauf en des
cas isolés, au-delà du Rh&ne, et qu'en général il a cessé de se manifester
vers le commencement du xiv« siècle. Ce sont^ avec un peu plus de préci-
sion, les conclusions auxquelles j'étais déjà parvenu dans mon premier
travail sur ce sujet,
P. M.
IL
DE QUELQUES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES
PARTICULIÈRES AU DIALECTE BAS-NORMAND.
Parmi les causes qui peuvent influer sur la transformation des sons
primitifs^ une des plus générales est ïa tendance de ceux-ci à devenir de
plus en plus extérieurs ; c'est là un fait qu'il est facile de constater
particulier dans l'histoire des langues romanes. Ainsi la gutturale latine
c {k] a donné naissance à des chuintantes ou linguales et à des spirantes
dentales, qui toutes s'articufent bien en av^ant du point où se forme dans
la cavité buccale le son primitif Jt. Cependant» malgré sa généralité^ cette
loi est loin d*être sans exception; et, après y avoir obéi, les idiomes
romans s*y sont parfois soustraits et en ont suivi une tout opposée. La
transformation, au xvi'' siècle, de la chuintante ^ en spirante gutturale y,
que j'ai signalée autrefois dans l'espagnol >, en est un exemple curieux ;
r. Les six plus anciens sont en kinçuc vulgaire. Le premier, non daté»
appartient à h seconde moitié du xiv^ siècle; le second a été exécuté très-peu
après IÎ9Î, ïe troisième, en 1442, le quatrième, en 14^9, le cinquième, en
1487, le sixième, en ^498.
2, Du c iiûns Us langues romams, p. 21 j. — Ceci n'a pas lieu seulement pour
la sourde 1, mais encore pour h sonore i (;\ qui, comme elle, s*est transformée
en la spirante gutturale sourde x» Celte transformation de deux sons originaire-
ment différents en un seul tient à la disparilion au XVl*? siècle des spirantes
sonores en espagnol C'est par la même rajson que i qui» au moyen-âge, devait
QUELQUES MODIFICATIONS PHONÉTIQUES EN BAS-NORMAND 49I
X^ en effet, s'articule plus en arrière que s. Cependant, c'est là un fait isolé,
je crois, dans la phonétique ancienne des langues romanes ' , les patois
modernesi au contraire, en présentent des exemples nombreux, et il en
est un en pariiculier, le normand, où la tendance dont je parle semble
avoir déterminé les transformations les plus curieuses de consonnes qu'iJ
ait subies récemment.
Ces transformations toutefois ne sont pas dues uniquement au recul
vers la partie postérieure de la cavité buccale du point où se fait le con-
tact ou le rapprochement entre la bngue et le palais : pour qu'elles
puissent se produire, il faut que les explosibles, liquides ou nasales, soient
accompagnées de i, c'est-à-dire d*iine voyelîe palatale, suivie elle-même
d'une autre voyelle, et que par conséquent il y ait un concours de voyelles
à éviter. C'est le cas pour les groupes
I îioudi -f voyelîe,
^^H ni + voyelle,
^^P H + voyelle,
F dont la consonne n'est pas gutturale. Voyons comment on peut rendre
compte des modifications subies par chacun d'eux.
Pour le premier îi + voy. le point de contact est reporté de la région
antérieure du palais dur vers le palais mou, là même oi^i se forme la pala-
tale, et la dentale t est remplacée par la gutturale palatale /;; îi H- voy.
devient ainsi fc -\- voy. Ainsi :
aminé, cimetière^ pitié, tuUy etc.
ont donné : amiUié^ chim'kière, piflié, kien, etc.
Cette transformation, on le sait^ se rencontre encore dans d'autres
idiomes populaires au nord de la Loire, mais nulle part aussi générale-
ment qu'en normand. Par la même raison, le groupe di 4- voy, se trans-
forme en ^(«)i + voy. Ainsi :
diabk^ Dieu, étudier^ etc.
sont devenus : £\a\iabU^ g{u)ieu, étugiu^ié^ etc.
La transformation du groupe ni + voy. ne s'explique pas moins faci-
lement. Le point de contact étant reponé de la région dentale vers le
y être sonore, comme dans les autres langues romanes, entre deux voyelles, est
devenue sourde dans tous les cas et que c et i qui représentaient primitivement
les sons ts et dz en se transformant vers la même époque que J et r y ont aussi,
comme ces chuintantes, donné naissance à une seule spirante sourde, analogue
au th dur anglais. Il n*est ainsi resté vcritablemenl en espagnol d'autre spirante
sonore que le yot. (^uant au v, comme il ne pouvait se changer en /, son qui
n'existe pas à vrai dire dans cette langue, il s'esl transformé en explosible b. W
me semble du moins qu'on peut expliquer ainsi la substitution du son b an v
primitif.
I Ceci est vrai, s'il s'agit d'une consonne isolée; des transformations de con*
sonnes accompagnées de voyelles, au contraire, dont îl va être question, celle de
si -h voy. £0 ff + voy., se rencontre déjà dans les anciens idiomes romans.
492 MÉLANGES
palais moUt l'articulation se fait au lieu même où se produit Vn palatal :
/î, lequel est égal à n ^ i^ i disparaît alors et le groupe ni + voy, devient
ainsi n -f voy. Par exemple :
nier, manière^
ont donné : né^ manère.
Les choses se passent moins simplement pour le troisième groupe, ii
-f voy. Le report du point de contact vers la partie postérieure du palais
a pour résultat d'empêcher la production dy son / qui est dental, cette
liquide est alors remplacée par la spirante palatale y, laquelle se confond
avec i et le groupe // -h voy. fait place au groupe y + voy. Ainsi :
// ïi a anc« norm. (Il lui a]
est devenu : ^ y t^*
C'est par une raison analogue que Fi mouillée disparaît au milieu des
mots et y est remplacée par y, modification qoi, on le sait, se rencontre
aussi dans ta prononciation populaire de Paris. Ainsi :
batailler^ cffoudrailier (effrayer), etc.,
sont devenus : batâyéy éffoudrâyé.
Toutefois dans le patois normand, — dans celui du Bessin du moinSj'
— / mouillé, au lieu de se changer en y, se réduit seulement devant
c à / ordinaire, par exemple :
bouteiliey écaille , JUk^ merveille^ etc.
donnent : boutéle^ écalt^ file, meiyéU^ etc.
n.
Bien qu'elles s'y rencontrent plus souvent et plus régulièrement qu
dans les autres idiomes populaires et qu'elles y soient devenues telleme
naturelles qu'un Normand ait peine à prononcer un des groupes primitifs
fi, ni et // + voy. et n'y parvienne souvent qu'après de longs efforts, les
trois modifications de consonnes dont je viens de parler n'appartiennent
pas, comme je l'ai fait remarquer, exclusivement au patois normand ; en
voici une, au contraire, que je lui crois particulière, c'est celle de la
diphlhongue ui {îii] en ieu (io).
La diphthongue ui est composée d'une labiale et d'une palatale, dont
l'articulation a dû paraître difficile au patois moderne; pour l'éviter, on a
remplacé le plus extérieur des deux sons par celui de même nature que le
plus intérieur offert par la langue, c*est-à-dire par une palatale, et le
plus ressemblant au premier, c*est-à-dire à, et iii est devenu ainsi ot et,
par transposition, io. C'est ce que montrent les mots
aujourd'hui, nutij suif^ suivre^ sais^ etc.
transformés dans le patois moderne en
ôjourgu[t\iu, neu ', sieu^ sieUrej sieâ, etc.
i . ff, de ntu représente ni, comme gu{i) de diourgu{i)iu représente gui. De même
UNE PARTICULARITÉ DU PATOÎS DE QUEICE 49J
Dans quelques mots, la dîphthongue liij au lieu de se transformer en
10, s'est atténuée en i; ainsi :
huîtrej suie, suint^ suis,
ont donné : lire^ sk^ si, si à cAté de sieU.
C*esl celte dernière forme que l'on rencontre surtout à Guemesey.
Quant à la diphthongue ai, elle n'a persisté que dans huit et dans le mot
du reste peu populaire fruit K
Charles iOREX.
Aix, avril 1876.
ni.
UNE PARTICULARITÉ DU PATOIS DE QUEIGE (SAVOIE).
Parmi les transformations romanes du C[A] latin initial, il en est une
que M. Joret n'a pas rencontrée : c'est la métathèse de ts en $î. En voici
quelques exemples empruntés au patois de Queige (c. de Beaufort, arr.
d'Albertville, Savoie). Je les tiens d^une domestique du pays qui n'a pu
me renseigner sur la topographie de ce phénomène. Les patois savoisîens
paraissent différer sensiblement entre eux, mais leur littérature est très-
pauvre, et les savants du crû ne semblent pas leur avoir accordé une
grande attention. Je me borne donc à la simple constatation du fait en
un point provisoirement isolé.
c[a] initial devaient st : caballas-STEvày câtceare-^jàçÈ, c^Wutti-stô,
calindâS'STMÈî*DE^ 'camba-srxMBiL, cdm/Vîum-STEMÉN, cam^r^-STAMBRÉ,
camisia-^TEMUEf cdmm'STtn , cannabim-sjE.îitvE ^ cantaioretn-STA^TV^
*capdlum'STAPt^ capiikn-ST afla, car/jfm-STÉR, cata (xaTà)-A sta p6',
Ciî/fum-STÉ. — Exceptions : caW/a-CAVÉLA, cavea-CkiE, catèh [h. catin,
Catherine).
Je possède un trop petit nombre de mots pour rien dire des autres
traitements du c.
J. BAUqUIER.
dans uheu (coclum) pour cuit^ tchcusse (coxam) pour cuisse, icktu est pour kùt,
kûi^ kë. Dans h iransformatton de (a gutturale en palatale proprement dite, le
son ( qui suivait la première s'atténue après ta seconde, il ne subsiste )dnidis
après uh et n dans ie patois du Bessin.
I . On entend encore souvent anai à côté de agmu (ad noctcra) : aujourd'hui,
nuiU ^nebula) et mtU à cÔté de gueaU et gueulé ; iaik (tcgula) est même encore
plus usité que ichtak,
i, P. Meyer, Romûnia^ '87?, 80-5; Cornu, i875jp. 4^j'4»
COMPTES-RENDUS.
Randschriftliche Studlen auf dem Gebîete romanischer Literalur des
MiUela3lers, von Alfred Wlbe». L Untersuchungen ùber die Vu dn Anciens
Ptns, Fratjenfeld, Huber, 1876, in-S", 80 p.
Encore un début qui promet. L'auteur a choisi pour objet de ses premières
ètadti le recueil de contes dévots connu sous le nom de Vu des Pbcs, Il
commence par décrire les maniiscrîls de sa connaissance qui contiennent ce
recueil, puis il essaie d*en classer un certain nombre; il cherche ensuite à déter-
miner la langue dans laquelle le recueil a été composé ; enfin, comme spécimen,
il publie un conte inédit d'après neuf manuscrits comparés par lui. Chacun de
ces petits travaux est bien mené et exécuté avec une précision et une sobriété
des plus satisfaisantes. Le premier chapitre aidera beaucoup ceux qui essaieront
de se reconnaître dans les manuscrits souvent si incohérents qui contiennent avec
la Vu des Paes^ plus ou moins complète et suivie, des légendes de toute prove-
nance, LVssai de classification paraît bien conçu ; cependant il ne m'a pas
semblé que la comparaison des variantes du conte publié le confirmât dans tous
ses détails. Ce qui est dit sur la langue est fort intéressant, en tant que collec-
tion de faits; quant à dire avec M. Weber que ces laits caractérisent un dia-
lecte bourguignon influencé par le tourangeau, je ne m'y risquerai sûrement pas.
Le bourguignon me paraît fort peu sensible dans ce dialecte, et si je voulais lui
assigner une patrie, ce serait sans doute du côté de la Touraine et de TAnjou
que je la chercherais. Je ne puis souscrire à ce que dit M. W. à propos des
rimes comme faé (futur) voUmi, se, pmsè: W en conclut qu'il faut * revendiquer
pour le dialecte bourguignon i celte particularité d'avoir changé en ï IV prove-
nant de d latin, car si =: sai^ ftré = ferai ont sûrement un * ouvert, comme le
montrent les rimes telles que ph (pacem), tonfts^ ksi (tacet), tst^ etc.; enfin il
attribue à t'influence du dialecte bourguignon le changement de / en r en fran-
çais dans mtr, haut, etc. Doucement ! M. W, aurait renversé tout son échafau-
dage s'il avait remarqué que la rime d> (=: ai) avec i ne se présente que dans
des cas oh i est final ; or dans ce cas le français a toujours eu une aversion pour
le son h ; dans la langue actuelle sats^ ferai j etc., se prononcent sé^ feri, et il
faut remarquer qu'en Touraine aujourd'hui les mois terminés en -tf, comme fro-
chetj pûitUt, se prononcent avec é^ et non avec e comme à Paris. Laissons donc
provisoirement dormir les prétentions du dialecte bourguignon, qui n'a d'ailleurs
rien à faire, suivant les probabilités, avec notre texte» La conlusion accidentelle
de é avec ié indique aussi T ouest plutôt que l'orient de ta France. A propos des
remarques empruntées par M. W. à Burguy^ je dirai qu^il est temps de cesser
vie de saint Benezet^ p. p. j.-h. albanès 49)
d'ioYoqaer les idées tout à fait arbitraires de ce grammairien. Servons-nous de
son livre comme d'un utile recueil de matériaux, mais n'accordons pas la
moindre importance à ses théories.
Le texte est très-bien publié, sauf quelques légères inadvertances. Il est sin-
gulier que M. W., contre la plupart des mss., ait altéré le premier vers, qui est
en même temps le dernier {Qui de loing garde de pris jot)^ d'autant plus que
M. Tobler l'avait jadis correctement imprimé. La ponctuation laisse à désirer,
et prouve que l'éditeur n'a pas toujours bien compris ; ainsi v. 76 lisez Et a
Dea tolir et embler Vos âmes ^ C'est trop grant folie ; v. 215-16, Cesir qu^une
nuit par mon vers y Devant que ceste chose aviegne; v. 283, Et coment qu'il aut^
bien vos di; v. ^05-6, Ou seroit la fontaine prise Ne trovee .' Ce ne puet estre, etc.
Il y a aussi quelques fautes d'impression ; faut-il ranger dans cette classe le
V. 132 ? En tout cas je ne le comprends pas.
Aux quelques notes explicatives de M. W. il en a joint que lui a fournies
M. Tobler. Fers au v. 33 paraît pris dans le sens d' « hameçon »; le sens
propre de doine n'est pas « avare i ; nie au v. 74 veut dire « noyé » et ne vient
pas de nidus; sor son pois ne signifie pas c au-dessus de la mesure de ses forces »,
mais toujours « malgré lui »; on ne peut guère expliquer le v. 338 autrement
qu'en lisant d'essor ^ et il faut admettre une rime fautive ; à l'époque de notre
texte ces fautes ne sont pas sans exemples, mais celles que cite M. Tobler sont
d'un autre genre.
Nous ne pouvons qu'exprimer le désir que la suite des Handschriftliche Studien
paraisse bientôt et soit aussi intéressante que la première partie.
G. P.
La vie de saint Benezet, fondateur dn pont d*Avl|^on. Texte pro-
vençal du XIII' siècle, accompagné des actes en latin, d'une traduction fran-
çaise, d'une introduction et de notes historiques, critiques et bibliographiques,
par l'abbé J.-H. Albanès. Marseille, Camoin, 1876. In-8% xxi-49 p.
Le fond de cette publication se compose essentiellement du texte des actes
du saint et de l'enquête sur les miracles qu'on lui attribuait. Ce double texte
avait déjà été mis au jour par les Bollandistes (avril, II, 257-9), et est ici réimprimé
d'après le ms. même qu'ils ont publié et qui appartient aux archives d'Avignon.
A ces deux documents et en regard M. l'abbé Albanès a joint une traduction
provençale qu'il fait remonter <p, Tn) au commencement du xin' siècle, une
traduction française^ qui parait assez peu utile, des notes nombreuses, et une
assez longue introduction dont une partie est consacrée à démontrer qu'il faudrait
être dépourvu de raison pour nier les prodiges qui ont accompagné la construc*
tion du fameux pont d'Avignon.
Pour nous, négligeant tout ce qui n*est pas do domaine de la Kience, noos
nous bornerons à quelques remarques sur Téditton elle-même. Nous croyons que
M. Tabbé A., qui se montre parfois fort dur pour ceux qui avant lui ont tou*
cbé à qoe^se partie de son sujet, n'est pas i l'abri de tcut reproche. Les
c diférences assez notables • qui, selon le nouvel éditeur, existeraient entre son
texte et celsi des Bcllandbtes, se réduisent i fort peu de cho^. Il en est une
ceffeacaat qui a son importance, et qui parait avoir échappé â M, Tabbé Alio-
496 COMPTES-RENDUS
nés: p. 4, I. 7, au lieu de AudUnSf les Bollandistes ont Adkns, Il en résulte tin
sens absolument différent. Avec audkns le texte est tnîfitclligibie k ce point que
M. A. est amené hoir p. 27) à supposer une lacune. Avec adkns le sens ic
suit parfaitement*. Il est probable qu'il y a audims dans le ms.^ puisque te Ira-
ducieur provençal a traduit aazmi; mais, si la leçon aduns est une correction
des Bollandistes, c'est une excellente correction^ et il est assez surprenm! que
M. A. n'en ait tenu aucun compte.
L'ancienne traduction provençale des actes et de l'enquête^ tirée d'une
copie de l*an \ 500 (voy* p. 31). paraît avoir été aux yeux de l'éditeur !e morceau
principal de la publication. Du motns elle est annoncée en vedette dans le titre,
et M. A. insiste à plusieurs reprises sur son importance. Il y a fâ un peu d'exa-
gération* D*abord il ne me semble pas que M. A. ait établi autant qu'il le dit
(p. j 1) qu*elle remonte au commencement du \\u^ siècle. Je la crois plutôt de
la fin de ce même siècle, Certains détails, par exemple l'emploi fréquent ded
l'auxiliaire va avec un infinitif {va incotitrar, va dire, etc.) me paraissent indi^^
quer cette époque. D'autre part les raisons que donne l'éditeur (p, vn) ea
faveur d'une plus grande ancienneté (par exemple l'emploi de mots tout latins
tels que Dcus^ diaboîusi)^ sont très-faibles. Enfin, les considérations présentées
au début de la préface sur îa nature des textes provençaux du moyen âge, qulj
presque tous appartiendraient * à un langage artificiel inventé par les Trouba-
dours, et qui en réalité n'était parlé aucune part >, sont d'une justesse fort
contestable, — Sur le texte même édité par M. A. j'ai quelques observations àj
présenter. P. 1, I. j^ apparîamtnl doit être lu appert-, et au contraire pcnonw
serait mieux écrit pars^, P. 5, I. 14, ne pourrait on lire Pfir<; au lieu de'
Pttrts? P. I j, I. 8, quitron h penre n'a pas de sens; le latin tredidtrunt €um
acctptrc indique qu'il faut lire caieron, — Je ne sais pourquoi M. A. imprime
jcu^ ticvas, sievas: l'usage ordinaire, autorisé par la prononciation actudJe,
est d'écrire ieu^ tUuûS, situas,
P. M.
I parlari Itallanl in Gertaido, alla festa del V. centenirio di Messerl
Giovanni Boccacio, Omaggio di Giovanni Papawti. Livorno, 1875, gr. in-8%f
xiv-7]6 p.
M. Papanti, bien connu par ses recherches sur les novelluri italiens, a réuni
dans ce volume environ 700 traductions en dialectes italiens ou des pays voisins,
d'un des contes les plus brefs de Boccace, le neuvième de la première journée*
illui a paru que h réunion de tous ces spécimens linguistiques, * non pas seu-
I lemcnt de l'Italie aujourd'hui constituée en nation sous le sceptre du roi
* Victor-Emmanuel II, mais réellement de l'Italie prise en ses confins naturels •
était Thommage le plus digne qu'on pi^t rendre au père de la prose italienne i
I. Voici la scène, Le petit Bcneici vienltrou ver l'évéque d'Avignon et lui dit: a Jésus-
Christ m'a ctiar^é de faire un pont sur te Rhône- n L'èvéquc se met i rire et l'envoie au
prévfit de la vilte pensant que celui<i, qui était trés-cruel, ne manquerait pts de faire
souffrir au petit homme quelque cruel supplice. « Adieiu tamen illum Benedictus pad-
6ce loquiiur,.. *> Puis, la conversation finie» Benezct revient auprès de Tèvéque
a M, A. cite aussi justus qui n*j rien de partictilièremfnt archaïque.
FAPANTi, / par tari iîaliani in Certaldo 497
roccasion de son cinquième centenaire. M. P. a eu de plus en vue Tutililé que
les études grammaticales pourraient tirer d'une aussi riche collection de spèci-
mens, entre lesquels plusieurs se rapportent à des dialectes qui, peu à ptu, dis-
paraissent avant qu'on ait songé à en noter les caractères.
Le choix de la nouvelle IX de la première journée était tout indiqué. Elle a
déjà été traduite en douze dialectes italiens par les soins de Salviati (Venise,
i ^84)* Ces douze versions (BergamCj Bologne, Florence, Frioul^ Gênes, Istrie,
Mantoue, Milan, Naptes, Padoîie, Pérouse, Venise) formaient une introduction
naturelle au recueil de M, P. qui ne &*est pas borné à les réimprimer pure-
ment et simplement, mais y a joint des commentaires linguistiques fournis par
des érudits locaux.
L'ensemble du recueil est ordonné ainsi qu'il suit : Prcmim parût, textes de
Salviati avec commentaires (p. 10-47) î — Dtaximc partit^ textes modernes;
1° dialectes italiens du royaume d'Italie, classés par province, et, dans chaque pro-
vince, par ordre alphabétique des lieux (p. 48-568) ; 2* dialectes italiens des
populations ne faisant pas partie du royaume d'Italie (p. 569-655). — Troiitbnc
partie^ langues étrangères parlées en Italie (p. 647-700); — A ppcndia^ venions
diverses* (p. 701-726). *- Tabk alphabétique.
Cette classification, qui est bonne en soi, n'est pas toujours parfaitement
suivie. Ainsi l'arabe de Malte, qui avait sa place naturelle dans l'appendice (si
tant est qu'il eût droit à une place quelconque dans ce recueil) ^ est classé, je ne
sais pourquoi, dans la troisième partie [Linguaggi stranim parlaîi in hûiiù), —
Ce qui me paraît plus grave, c'est d'avoir placé les versions en patois de l'an-
cien comté de Nice dans la seconde partie (parlm italiant di popolazioni non
facunù parte dtl rcgno), à côté des spécimens incoitestablement italiens de la
Corse, de la Dalmatie, de IMstrie, Ceux mêmes qui se montrent le moins rigou-
reux quant à la classification des dialectes ne sauraient admettre qu'on hésitât
sur la place du niçois. C'est ëvidemmcMit et sans contestation possible un dia-
lecte de la langue d'oc. Le caractère provençal est frappant dans la version
niçoise des pages 624-5 "Malgré l'orthographe tout ilahenne (et mauvaise en
plus d'un point) adoptée par le traducteur 3.
Un tel recueil est quelque chose de plus qu'une simple curiosité. Pour beau-
coup de localités, les spécimens qu'il fournit sont les seuls qu'on ait jamais
écrits, et les notes linguistiques jointes par certains traducteurs à leur version
ont une très*réelle valeur. Je mentionnerai, par exemple, les remarques de
M. Falcucci sur le dialecte corsej et celles de M. Camarda sur le grec de la
Terre d'Otrante. Mais, tl ne faut pas se dissimuler qu'en somme àt$ traductions
modernes d'un texte du xiv* siècle ne sauraient fournir d'irréprochables spéci-
I, Entre autres, une version en provençal moderne, par Fr. Mistral. Elle a été repro-
duite dans \'Armina provençâu de cette année.
ï. Par exemple ce traducteur écrit premier*^ annûr\ sopùHdf, et nous avertit en note
que IV final ne se prononce pas dans ces mots, ce cru'il indique par l'addition d'une apos-
trophe. Mais û Vr final ne se prononce pas, en a*autres termes si elle n 'existe pas. Il
est simplement absurde de l'écrire. L-a perte de IV en tel cas est actuellement h peu près
générale en Provence, et les Provençaux ont la sagesse d'écrire prmi/, Jflii, etc.— Le même
traduaeur écrit cu-si-^ht^ ce qui doit être écrit cu-sight (quiconque), sight étant la
troisième personne du sing. du subi prés* ù'tstrc*
Romania, V
|3
498 COMPTES^RENDUS
mens des dialectes. Et cela pour deux raisons. La première c'est que ce texte
contiendra sûrement des idées pour lesquelles bien des patois n'auront pas
d*expfession. En ce cas le traducteur se verra réduit à Tune de ces deux alter-
natives: ou modifier le texte, de façon à le rendre iraduisible en patois (et ceseri
pour le but qu'on se propose le parti le plus sage\), ou emprunter à Tidiome
littéraire les expressions qui font défaut. Dans le premier cas, celui d'une tra-
duction libre, chaque spécimen peut être excellent , mais ils diffèrent trop
les uns des autres pour pouvoir être utilement comparés, et l'avantage résullant
d' un texte unique est X peu près perdu ; dans le second cas, tes spécimens ne
méritent qu'une confiance très»! imitée,
La seconde cause d'imperfection vient de cequ'iî est impossible d'obtenir que
les auteurs de 700 spécimens, fussent*ils tous très- versés dans les délica-
tesses de la phonétique, donnent la même valeur aux mêmes lettres. Les uns
voudront concilier la notation du son avec rétymologie, comme le traducteur
niçois mentionné ci-dessus^ qui augmente les terminaisons d'un r final de l'in*
lînitif niçois, sans doute parce que cette r existe réellement en talin et en italien.
D'autres auront la sagesse de s*en tenir à la notation des sons^ mais les note^
ront selon des systèmes plus ou moins différents, de telle sorte qu'il sera souvent
impossible de se rendre un compte exact de la valeur de telle lettre ou de tel
groupe de lettres.
Ces remarques ne s'appliquent pas plus directement à la collection formée par
M. Papanti qu'aux traductions de saint Matthieu ou de la paraboïe de l'enfant
prodigue qui sont les seuls textes que nous possédions de bien des idiomes : elles
ne doivent diminuer en rien la reconnaissance due au zèle avec lequel M. F. a
mené à fin une entreprise assez compliquée. Car il n'était pas aisé, on le conçoit
sans peine, d'obtenir dans des limites de temps assez étroites la collaboration de
plusieurs centaines de personnes, d'imprimer correctement et dans un délai fixe
environ 700 morceaux écrits par des mains ditîérentes et en des idiomes le plus
souvent très- peu familiers aux compositeurs. Les personnes accoutumées aux
choses de l'imprimerie peuvent s'imaginer ce que M. P. a dû consacrer de
temps et de patience à son recueih.
G. Paris et moi avons apporté à ce recueil notre petite contribution, sous la
(orme de deux versions. Tune en français du xtv*» siècle, l'autre en ancien pro-
vençal^ M. Papanti les a classées dans l'appendice en compagnie des versions
catalanes^ portugaises (ancien et moderne) de MM, Milâ et Coelho. Voici, i
î . C'est ce qu*ont fait quelques-uns des traducteurs du conte de Boccace * Vtat entre
autres, M. Aunèrc, Tauieur de la version en patois de Charabéry, qai justîne le parti,
selon moi excellent, qu*lt a adopté, en disant : « Il eût été impossible de traduire titrera*
« lement la nouvelle de Boccace, qui, ainsi traduite, eût été Incompréhensible pouroeiu
m. qui parlent et comprennent te patois des environs de Chambéry. Il a donc fallu sersp-
« procher des tournures usitées. 1
I. M. Papanti nous apprend, dans sa préface, que chaque verstoti fut relue en épreuve
par son auteur, et étant impossible de conserver la composition pendant le temps nèce»-
taire pour ces révisions, le recueil a dÛ en réalité être composé deux fois : une première,
pour fournir des épreuves qui étaient conservées et classées avec soin aussitôt qu'diei
avaient été revues par les auteurs, la composition étant distribuée au fur et I inefitfe ;
pais une seconde fois, pour le tirage, après le retour de toutes les épreuves.
PAPANTi, / parlari italiam in Certddo 499
titre de curiosité, le thème de G. Paris et le mien. Nous les soumettons hum-
blement à la correction de ceux qui y trouveront à reprendre.
Français.
Ou tens dou premier roi de Cîpre, après çou que Godefrotz de Bouillon ot conquis
Terre Sainte, advint que une geniicus famé de Cascoigne fu en pèlerinage au tombel
Nostre Seigneur, et corne elle repaîra ei vint en Cîpre, d'aucuns maufetours fu vila^
nement vcrgondée. Si en fu tant dolente que merveilles, et pour rîeni ne se voult apai&îer;
si se pensa qu'elle s'en îroit damer au roi dou pats ; mais dit li fu que toute sa peine
i gasteroit, que il estoit de trop lasche vie et trop pou valoit, et que folie seroit de
s*atendrc a lui pour vengier les vcrgoignes a autrui faites, qui en souffroit a lui meisme
faire sans nule mesure, et ja pour blasme qu'il en euat teste sienne vîlté ne laissoit; par
quoi, si uns bons avoit courrons d'un autre, il esclairoii s'îre par faire a celui roi aucune
honte oudespitî. Et quant la dame eut cestc parole oîe, et n'eut mais espérance d'estrc
vengîée, elle se pourpensa que elle vouiott, a quelque soulas de son annui, poindre aucu-
nement et mordre le mol courage de celui ; si vint devant lui plorant^, si lui dit : « Sire,
ff en ta présence ne vieng je mie pour venjance que j'atende de la vergoigne qui faite
ti m*a esté, mais bien me tiendrai a paiée si tu me moustres comment tu sueÏÏres celles
^^ que j 'entent qui te sont faites, a çou que je, de toi aprenani» puisse patienment ta
« mienne porter ; et si faire le peiîsse, bien le set Dieus que volontiers je La te donnasse,
u come a celui qui si bons porierres en esL n
Et U rois, qui tous tens ot esté pereceus et laniers, parut que se resveillast de trop
long dormir ; si comença au tort fait a celle dame, et cgrement le venja ; si devint, de
cest jour en avant, moût aspres persecutours de tous daus qui aloieot en quelque
manière encontre Tonour de sa courone.
Provinçat.
£1 tems del premier rei de Cîpre , après so que en Gaufres de Bolho ac lo règne de
Suria conquistat, esdevenc se que una gentil dona de Gascuenba anet en pelerinatge al
Sépulcre. E tornan areirc, aribet en Cipre, on per alcus malvatz glotos vilanamens fo
forsada. E coma dolenta e desconsolada, se pesset que al rei faria son clam. Empero dit
lifo que en p>erdo se fadlaria^ que aquest era reis de tan avol vida e de tan pauc de be^
que greu las autrui antas, si com dreitz 0 requier, venjaria, can tantas el mezeis ne
prenia, don blasmcs Ih'era grans: en tan que totz hom a cuî nul croîs fag avengues a
sofrir, ab far li anta 0 vergonha sa ira espassava. E can so auzic la dona, ela se dcses-
pcret si ja mais venjada séria, e per so que de son enueg agues calque atempramen, ela
s'albirei en son cor que ab moix cozens repcnria Pavoleza del dig rei ; c venc vas el
rancuran c diien : « Senher, ieu non soi ges venguda denan vos per nulh venjamen
« qu'ieu espère de la dezonor que a mi fo fâcha ; mas ieu vos prec que, en esmendamen
V d'aquesta, a vos plassa m'ensenhar en cal guia sostenetz las dezonors que vos aven a
« penre, segon qu*ieu aug dire, per tal que engal de vos posca la mieua portar ; ta cal,
a si Dieus mi sal^ trop volontielra vos donaria, que tan bon sufren non sai on quieira. lo
El reis que entro a cel jom avla estât Hacs e perezos, quais que de dormir se ressides,
al comensar près dura venjansa del ion de la dona, e fo pois greus justiciaire a tôt home
qui d'aici enana re fezes que fos contra l'onor de la sieua senhoria^
P. M.
i . U y a dans le texte : « Intanto che chiunque avea crucdo alcuno, quello col fargit
a alcuna onia 0 vergogna sfogava. » Le sens est évidemment — el c'est ainsi que C. Paria
et moi avons traduit, — oue quiconque avait éprouvé un affront, de n'importe qui, passait
ta colère sur le roi, en lui faisant q^uclquc avanie, tl est singulier qu'un très-grand
nombre de traducteurs italiens aient fait ici un contre-sens, en imaginant que l'affroni, le
crucdo aicunOy devait avoir été reçu du roi. C'est enlever à l'idée de Boccace toute sa
finesse , car quelle merveille que l'on eût cherché à rendre au roi une insulte qu'on
aurait reçue de lui ^ Ainsi, voici comment traduit Tauteur de la version latine, version
assez faible il faut le dire -. « Qu^propier, quisquis ira in eum Ûtgraret, hanc probro
et aliquo aut contumelia tpsum distringens, e^undebai. 9
PÉRIODIQUES.
L Revus des langues homanfs^ 2" série, t, I, n' 6 (1 5 juin 1876). P. jry-
44, Montel et Lambert, Chants populmrcs du Languedoc^ prcmurc section : ChanU
du premier âge. Qualrieme sirie : chants cnamératifs. Observations intéressantes sur
ce genre de chants. — P. 552*65. Deuxième compte-rendu, par M. Chabaneau,
de mon édition du poème de la croisade albigeoise. Je n'oserais pas dire que j'aie
lu cette nouvelle série d*obscrvationsi qui s'élend à tout le poème, avec autant de
profit que la première. Il y a même des remarques qui de la part de M, Ch. m'ont
étonné. Ainsi lorsqu'il dit que la lacune du v, 804 doit être remplie par le mot
Turcs. Correction facile assurément, puisqu'elle est fournie par la rédaciion ca
prose. Mais elle n'est pas sans donner lieu à une difËcyké qui, je ravoue, m'a
arrêté : c'est qu'elle met Simon de Monlfort aux prises avec l^ Turcs, â Zara
(Dalmatie)j deux cent cinquante ans avant leur arrivée en Europe. Et précisé-
ment il se trouve que c'est parce qu'il n'y avait pas de musulmans â combattra
à Zara, que Simon de Montfort quitta les croisés, au grand mécontentemeni <
principaux chefs de l'armée. De même encore je suis surpris de voir M. Ch.
considérer mot comme répondant à modas dans la locution non sabcr mot. 11/3
à cette étymologie plusieurs objections; entre autres celle-ci qui est décisive:
ta même locution existe en français, et y est même assez fréquente ' ; or, en
français Vu de modus donnerait ue., soit mucs^^ tandis que la forme constante est
mot; il faut donc admettre que Tétymologie est muttum. Néanmoins^ bien que je
ne sois pas toujours d'accord avec M, Ch», je lui sais ungrélnfîni de l'attention
qu'il a apportée à l'étude de mon édition, et je souhaiterais qu'il eût quelques
imitateurs, principalement parmi les critiques d*outre-Rhin.
— N* 7(1^ juillet). — P. ^-14, Mazel, Poésies inédites de Vabbi Favrci imltatsoii
de deux satires d'Horace et de quelques épigrainmes de Martial. — P. i^-ai,
Canstans, VÊ pitre du Languedac ; série de dictons relatifs à certains lieux du dépar»
tement de l'Hérault. — P. 22*8^ Milà y Fontanals, Enigmes populaires catatatxs^
recueillies i Barcelone en 1 S74 ; peuvent servir de supplément i la publicitic
de M. Roquc-Ferrier (voy. ci-dessus IV, 497, et V, 252). — P, 28-57, ^-««ïw* >
Grégoire sur Us patois de Frj/)£f (Suite). — Bibliographie. Compte- rendu, empntol
à la Bibhoihlqiu de CEcoU des chartes, du Catalogue des mss. de Tours par M. ]
1. ÀtiscampSt éd. Guessard, v. 7919; Bema de CommarchiSj éd. Schel^^ v> a6t|; U
Chronique d'trnouî, éd de Mai Latrie, p. 109, etc., ctc
1. Voy. pour des exempte» de muei\ mu^t les Extraits de grammairiens UtJai du moy^a
Ige» publiés par M, Tburot, p. 184
PÉRIODIQUES 501
range. Cet artide^ vraiseuiblablement réimprimé à la prière de M, Dorange,
laisse dans l'ombre les défauts^ malheureusement aussi graves que nombreux» de ce
catalogue : voy. Rofue cnû(}ut, 20 novembre 187^. — Périodiqyes, M. Boucherie
propose au sujet de la composition du poëroe de la croisade imité de Baudri
(ci-dessus p, ï et suivr.) une hypothèse compliquée et inutile; l'hypothèse de
beaucoup la plus probable est celle que j'ai indiquée en troisième lieu, p. 6, U
propose au texte des corrections doRl plusieurs sont acceptables, mais je dois
faire remarquer que j*ai voulu donner du poème en question une notice histo-
rique (j'y étais amené par mon travail d'auxiliaire attaché à la Commission des
historiens des croisades), et non pas un texte critique. — Chronique. P. J2, je
remarque la question suivante, posée avec beaucoup d'autres par le Congrès
archéologique de France, en sa session de septembre, â Arles : i Pourrait-on
« citer quelques documents qui corroborent la tradition relative â Pcxistence
« des cours d'amour co Provence, et particutiérement à celle de Romani!? i
De documents qui corroborent cette tradition on n'en saurait citer aucun, mais
il y a plusieurs années que j'en ai cité un qui la détruit (Dcrnurs troubadours de
Pronnu^ § IX).
— N" 8 {5 août). — P. 57-69, Alart, Documents sur h langue catalane {suïte),
— P. 70-88, A, Espagne, Des formes provençaUs dans MoUïn; contient une
restitution fort réussie du rôle de Lucette dans Monsieur de Pourceaugnac . Du
reste, M. E. est trop cncliii (voir p. 75-82) à expliquer par une influence méri-
dionale des expressions qui sont du pur français du xvu' siècle.
— N* 9 (15 septembre). P. f n*45, Noulet^ Histoire littéraire des putois du
midi ûu xvrîi' siècle (suite), appendice bibliographique comprenant le catalogue
des ouvrages écrits dans les patois du midi de la France au xvtii' siècle. Cette
liste, qui est disposée par ordre alphabétique des noms d'auteurs, compense
dans une certaine mesure l'absence des indications de source que nous avons
signalée comme un défaut du travail de M. Noulet (ci-dessus, p. 406)» — P.
146-7, Mîli y FontanaJs, Phoniiï^ut catalane, a\ sur quatre sons différents repré-
sentés par t, — P, 148-51, Chabaneau, Changement de z (s) en r et de r en z
entre deux voyelles dans ta langue d*ûc. Les exemples sont en grande partie em-
pruntés â des textes que faidéjâ mis à contribution pour ïe même objet, et con-
séquemmenl ne nous apprennent rien de bien nouveau. Actuellement ceux-là
seulement méritent d'être cités qui sont fournis par des documents non encore
consultés, principalement si ces documents sont d'un lieu et d'un temps bien
déterminés, comme les registres de Beaucaire que j'ai récemment consultés
(ci-dessus p. 488)*. L'exemple de Beralu (pour Besalu) emprunté par M. Ch.
à M, Bartsch (Grundriss^ p. 66 note) est à retrancher. Ce doit être une
faute d'impression. M. Bartsch a visiblement suivi en ce passage le travail de
Cambouliu sur la renaissance de la poésie provençale à Toulouse (Jahrhuch^ IIJ,
132); il lui a même emprunté Terreur qui consiste  attribuer au marquis de
Santillana une assertion qui appartient à Enrique de Villena^. Or il y a dans le
I, Voici encore deux exemples: Montants, ferme de !a commune d'Alignan (arr. de
Béliers), s'eu dit au xiv* et au xv* siècle, Monteiels (Carou, Soc. archéologique de Bi-
zierst z* série, HI, 344)- — Dans le Rituel cathare on lit arordenament pour aiord-t
Reuss et Kuniti, BeiUi^gt lu d. Theot. Wissenuk^ IV, 11.
3. Erreur qui a déjà été relevée, Romania, l, 3S4.
i^dfl
502 PERIODIQUES
texte de Cambouliu Bcsalu^ qui est en effet [a teçori de Vtllenai, — Bibliogra-
phie—Périodiques. — AuJCténiûignagesrcunisparM.Chabaneausur les repré-
sentations des mystères du midi de la France (p, 1 58-9) on en pourrait ajouter
bien d*aulres. J'en ai formé une longue liste dans un rapport non encore publié
que j*ai lu au Comité des travaux historiques le 7 février dernier. — Sous ce
tJtre la Phihlogu romane tt Us grands centres universitaires , la /îo'uc consacre trois
pages à discuter le peu que nous avons dit ci-dessus p. 407-8. Je n'ai nulle
envie d'entrer dans une discussion qui tend singulièrement à dévier de son point
de départ. Je me borne à maintenir qu'il est injuste d^opposer, comme on le fait
trop souvent, faute d'informations suffisantes, l'Allemagne et l'Italie qui ont des
chaires de langues et littératures romanes, à la France qui n'en a pas; la réa-
lité étant que la France a Téqui valent sous les titres différents de chaires de
littérature française cl de chaires de littérature étrangère. Je concède bien
volontiers que la « littérature étrangère » est un sujet un peu vaste» et pour
lequel^ en fait, on ne trouve guère de professeurs suffisamment préparés; quM y
aurait tout avantage â séparer chacune de ces chaires en deux : langues et litté-
ratures germaniques, langues et littératures romanes (comme on a fait pour les
chaires de littérature ancienne). Mais, de cette division même, et des nouvelles
fondations de chaires qui en résulteraient, je n'attends pas dans Tétat actuel de
notre enseignement supérieur un bien grand résultat. Les causes qui empêchent
en général les professeurs de littérature française et ceux de littérature étrao-
gère de traiter de la philologie, soit française en particulier, soit romane, ne
disparaîtront pas par cela seul qu'on aura créé de nouvelles chaires (voy. ci-
dessus p. 2j6). P. M.
IL Société poob l'étude des lanoues bomakes. Publications spj
— Pohu Catalans. Les Noves rimades, — La codolada par Manuel Mila v Fon-
TANAL8. Montpellier, 1876, 72 p, 8'. — M. Milà, qui a consacré un assez long
mémoire â la poésie catalane des xiy* et xV siècles (dans le tome V du JaMuck
fftr romaniscke unâ englischi Literatur, reproduit sous une forme abrégée dans ta
collection des Jocks florals de Barceione de 1865), traite dans cet opuscule, pu-
blié sous les auspices de la Sociélè pour rètadc des langues romanes, de deux
formes de versification, les noves nmades* (couples de vers octosy lia biques munies
de la même rimej et la codolada (composée de vers inégaux de 8 et 4, 7 et }
syllabes^ rimant deux par deux), qui dès la seconde moitié du 3ctv«s. n'ont cessé
d*étre cultivées par les poètes artistiques cl les chantres populaires des pays
catalans de l'Espagne. L'intérêt de la nouvelle publication du savant professeur
de Barcelone réside surtout dans les fragments inédits de trois poèmes en noms
rimades^ tirées d'un chansonnier catalan qui, après avoir passé par les mains de
divers propriétaires, a ^ni tout récemment par entrer dans la bibliothèque de
D. Mariano Aguilô y Furster, le savant éditeur de la BMiotua catahnA.
M. Milîi, qui avait copié naguère quelques passages de ce manuscrit, a eu Theu-
reuse idée de nous en faire profiter. Le premier fragment appartient A un
I. Voy. Mayans y Siscars, Origents. \, jai; cf. Wolf, Staàien, p. îjS.
1. C'est une dénomination empruntée au provençal.
1^
^^^
lA^L
PêRlODlQUES JOJ
ïte jusqu'ici inconnu, nommé Guillem Torrclha ou Torrella, le
littérateur assez important de la fin du xiv« siècle, Bernât
i conservé plusieurs ouvrages en prose ; le troisième enfin
^icens Comes dont on ne sait rien. A en juger par les
j[onnés, la publication complète de ces trois poèmes
alane de beautés de premier ordre; il est â dési-
ait lieu, ces textes ne manquant pas d'intérêt
Ve la langue et des courants littéraires. Les notes
|ui accompagnent tes extraits de M. Milâ méritent
i érudîts ; malheureusement la traduction de ce mémoire
nt satisfaisante.
A. M.-K
KriscHE Studœn (If), 7* — P. ^ Henri Lahm, Le patois de ta ÔJ-
d'Orbey^ Ce mémoire, écrit en bon français, est rédigé sur le modèle
ïssm d'Oberlin sur le patois des environs du Ban de la Roche (Haut- Rhin),
rcomprend un court exposé des formes grammaticales, des textes (dialogues,
'^ fables, proverbes) qui sont ceux d'Oberlin, mais récrits en patois de La Baro-
che, et un vocabulaire On pourrait maintenant adopter une dispositron
meilleure, mais celle à laquelle s'est arrêté M. Lahm offre l'incontestable avan-
tage de rendre aisée la comparaison entre le patois de La Baroche et celui de
Waldersbach qu*a eu en vue Oberlin. Les textes sont écrits selon la notation
phonétique de M. Bœhmer. — P. 99. C, Decurtius, Prautas sursehanaSj
contes populaires en roumanche^ recueillis dans la Surselva, L'auteur annonce
un recueil plus considérable avec traduction allemande. — P. i ^7. Bœhmer,
Proverbes Toumamhts^ recueil formé à Taide de communications manuscrites et
d*une quantité de publications qu*il doit être fort malaisé de réunir, même dans
le canton des Grisons. — P. 210. Le même^ L'attribut en roumanche. — Le
Beiblâtt qui termine le cahier contient sous ce litre « Monsieur (lie) Gaston
Paris » plusieurs pages dont il m'est pénible d'avoir à m'occuper. G. Paris, en
ce moment à Tétranger, répondra* s'il le juge à propos, aux attaques dont il
est l'objet. Je me bornerai, en spectateur fort désintéressé^ à en donner une idée.
L'origine de la querelle est une courte note, imprimée sur la couverture de la
Revae critique du 28 août 1869, où G. Paris, rendant compte d'un numéro du
Iakrbuck f, romanische Literalur qui contenait un article de M, Bœhmcr, a
repoussé, comme tout i fait invraisemblables, diverses étymologies proposées par
ce savant. Ces quelques lignes ne se sont point effacées de la mémoire de M. B. ;
au contraire, elles y ont grandi, elles y ont atteint des proportions énormes.
Elles y ont créé une idée fixe. M. B. ne peut plus dire son mot sur une publi-
cation de G. Paris sans voir se dresser devant lui cette page fatale. Et comme
il arrive en pareil cas, plus il la considère, plus il y découvre de motifs d'irri-
tation. Celui qu'il a trouvé en dernier lieu est que ta note qui l'obsède n*cst
pas signée. Tout entier à son idée, il ne s'aperçoit pas que toutes les notices
imprimées sur la couverture de la Revue critique sont dépourvues de signatures: il
démêle l'intention perverse qui a poussé G. Paris à ne pas signer, et la dévoile
en ces termes: t G, Paris n'a pas eu honte de laisser anonyme sa négation de
J04 PÉRIODIQUES
t rocs recherches élymologiqaes afin qu'elle eût l'air d^être approuvée par le
t triumvirat de la rédaction 1 * Quant à justifier les étymologies contestées,
M. B, n^y songe pasj son idée est qu'on îe persécute, et on ne Ten fera pas
sortir. Vainement Paris, pour se défendre du reproche de malveillance systéma-
tique, invoque le compte-rendu très-élogieux qu'il a publié {Rev. crit, 1869,
art. 2J3) d'une dissertation de M. B. sur Dante : M. B., habile atout ramener
à son point de vue, trouve là même une nouvelle preuve de persécution. Car
l'article en question est signé d'un *y et il est précédé d'un compte-rendu, signé
G. P.j d'un livre de M. Comparelti. « Ainsi, s'écrie M.B,, M. G. Pans tantôt
« signe G. P., tantôt signe +, tantôt ne signe pas du tout...; après avoir signé
€ l'éloge de M. Comparetti, il s*empresse de prendre le masque d'une lettre
4 grecque pour me louer ! Qu'est-ce que ces détours?... 1 Suit une demi-page
d'indignation» Que dira, ou plutôt que ne dira pas M. B., lorsqu'il apprendra
que G. Paris se couvrait parfois d'un autre masque encore, et que dans îe
même numéro où il a signé C. P. un premier compte-rendu, et ^ un second, il
a placé au bas d'un troisième article un S ! La vérité est qu'à la Revue miiqut
nous avions chacun un ou deux signes dont nous usions fréquemment pour oe
pas faire paraître trop souvent nos initiales. Mais je n'espère point du tout fâîre
accepter cette explication à M. B. : il est des esprits, d'ailleurs lucides, qui ont
un côté fermé à l'évidence même, et |e craindrais, par une discussion intem-
pestive, de surexciter un étal déjà suffisamment aigu. — Quant à M. Fcerstcr,
qui occupe de lui et de nous les trois dernières pages de ce cahier, nous n'avons
rien à lui dire. Tl a estimé que ses observations sur la publication d*Atol| dé}i
imprimées en tète de son Eîic de Saint-CtUc et dans la Romania^ méritaient une
troisième édition, et nous ne sommes pas surpris qu'il en ait jugé ainsi, comme
aussi nous trouvons tout simple que M. Bœhmer n'ait pas dédaigné ces trois
pages de copie. M. Fœrster nous accuse, dans une lettre à M* Btrhmer, d'avoir
refusé d'insérer sa réclamation, lorsqu'il sait parfaitement qu'il n'en est rien, et
nous ne nous en étonnons point. Enfin il est bien aise^ dît-il^ de faire savoir a
ses amis allemands quelle est la façon d'agir de certains français ; et comme
M. Fœrster n*a jamais reçu de nous que de bons offices, nous trouvons tout
naturel qu'il s'exprime ainsi. Le contraire nous eût surpris, Peire Vidal avait
prévu ce cas; et comme on dit en Béarn : Estrilhat i'asoUj qmb pagaaa dak
peu!
P. M,
fV. ABcarvto olottologîgo italuno, diretto da A, G. I. Ascoli. T. Il, $•
liv. 1876. — Les livraisons de ce recueil se succèdent dans un ordre absolument
indépendant de leur tomaison. Celle-ci complète le t. Il*, et il y a longtemps
qu'une livraison du t. 111 et une autre du t. IV ont paru. Ce mode de publica-
tion, dont il nous est impossible de concevoir les avantages, peut produire des
effets bizarres. Ainsi nous allons rencontrer dans cette livraison du t. II une
réponse â la critique faite Tan dernier d'un mémoire contenu dans le t, III. Si
l'on ne prend soin de conserver les couvertures où se trouve indiquée^ sinon le
I. Doni les deux premières livraisons oni été annoncées td en 1874, HT, fot^a.
^lÊM
PÉRIODIQUES 50 J
date exacte^ du moins rannée de la publication, il sera impossible de rien com-
prendre à cet ordre en apparence preposUrous. — P, ji j, Flechia, PostitU di-
moiogkhc^ continuation des savantes études qui, prenant pour base le glossaire
modenais du comte Galvani (ouvrage très-faible comme tous ceux du même
auteur), font de nombreuses et fructueuses excursions sur !e domaine général des
langues romanes; voy. p. ex. p, p2, pour Tétymologie de ehûtomlkr; p. 326,
pour le prov. boudmjîû et le fr. bounoujltr, — P. 38^, Ascoli, P. Mner t il
framo^pronnçûU, Dans cet article M. Ascoli me fait ]*honneur de discuter
très- longuement les objections de principe que j'ai opposées à sa création
d'un nouveau type roman Je franco*provençal {Romania^ ÎV, 294-6), L^ lecture
attentive que i\iî faite de la défense de M. Ascoli n*a fait qu'affermir davantage
ma confiance dans les idées que j'ai exprimées. Je persiste à croire que te par*
1er roman , pris dans sa forme populaire, abstraction faite de toute manifesta-
tion littéraire^ est un ensemble que l'on n*est arrivé â diviser en idiomes que
par des opérations arbitraires. Je reconnais que M. A. fait un effort pour fonder,
dans le cas qu'il a étudié, la division sur des caractères linguistiques, tandis
qu'ordinairement on s'est plus ou moins laissé guider en celte matière par des
considérations politiques ou géographiques, et en ceîa sa tentative est estimable;
mais néanmoins je crois qu'elle ne peut aboutir à la découverte d'une espèce
nouvelle duement caractérisée, parce que de telles espèces oVKistent point
dans le parler roman. Si les choses sont ainsi — et c'est ainsi que je les vois,
— il est inutile de chercher à modifier la division courante; division qui ne
répond pas à la réalité, mais qui ne peut être sensiblement améliorée; car une
division suppose des limites, et le parler roman n'offre que des limites exté-
rieureS) là où il confine à la mer ou  des idiomes non latins. De limites inté-
rieures, il n'en a pasV — M. A. me dit (p. 386) que mon objection pourrait
s'appliquer à toute tentative ayant pour objet de grouper des individus afin d'en
constituer un type. Point du tout : lorsque nous groupons des animaux ou des
plantes pour en former un genre reconnaissable à des caractères communs,
nous faisons une opération arbitraire en ce sens que le choix des caractères peut
être opéré de diverses façons — et Tentomologie, pour ne parler que de ce que
je connais un peu, offre de bien déplorables exemples de la mante des subdi-
visions; — mais encore est il que nous avons l'avantage d'opérer sur des indivi»
dus parfaitement limités dans l'espace; tandis que lorsque nous groupons les
variétés locales du parler roman (les dmlcdcs pour parler comme tout le monde),
nous nous permettons tout d*abord de créer (dans notre imagination) des indi-
vidus que la nature ne nous fournil point du tout, puisque ces variétés locales,
CCS dialectes, se fondent les uns dans les autres sans qu'on piwsse voir nettement
oh l'un commence et où Tautrc finit. Il y a donc à faire, dans le groupement des
dblectes, une opération préliminaire que ta nature nous présente toute faite lors-
qu'on groupe des êtres. C'est !â ce qui fait de la classification des dialectes une
I* Sauf bien entendu, comme je Tai indiqué (ÎV, 294 note)^ le cas peu fréquent où un
fait physique éublit une limite. Ainsi ouand on quitte la province de Valence pour
entrer dans la Manche, on voit peu après Xaiiva, le castillan succéder d'une façon asseï
tranchée au valencien (lequel ne dîfTère pas rrès-sensibiement du caulan)>Maîsla Manche
est un désert ?
J06 PÉRÏODÏQUBS
œuvre d^une nature particulière. — Je ne pousserai pis plus toio cette discussion:
d'abord parce qu'actuellement le temps me manquerait absolument pour écrire na
traité sur cette matière; ensuite et surtout, parce qu'en des questions qui touchcat
la conception générale des faits plutôt que les faits eux-mêmes, on arrive rarement
à convaincre son adversaire. Je veux seulement rectifier sur un point ce que j*ai
dit dans mon précédent article. M. A. me fait justement remarquer que je me
suis mépris sur le sens de ses paroles en ce qui concerne la délimitation du
t franco-provençal i^ auquel j^ai attribué un territoire trop étendu en hauteur,
M. A. ne comprend dans son nouveau groupe qu'une partie, et non la totalité,
du Daiiphiné, et n'y admet pas ïa Franche-Comté. Quant à ce que j'ai dit de
rinsuffisance des matériaux employés par M. A.^ je le maintiens absolument. —
P. 395-458, Ricordi bibliografici. Cette bibliographie^ tout entière rédigée par
M. Ascoli» se compose d^une suite d'articles, dont la portée dépasse beaucoup
celle de comptes-rendus ordinaires, sur les principales publications de philologie
italienne parues dans ces dernières années. Nous signalerons notamment les
articles relatifs aux travaux de MM. Flechia, Mussafîa^ Caix^ d'Ovidio.
P. M.
V. Il Propuonatohe, Anno Vit, (874^ t, I,— P. 52, A.d'Ancona, Ofi^rvâ-
zioni criîkhe ai venu sonetti deî secoh XUL pubbficâti nd Propugnatorc, — P* 94»
Giamini, Sûggio d^antica cronaca (fragment d'une chronique très-sommaire de la
fin du XIV® et du commencement du XV* siècle). — P. 129. Neri, Iniamo
alla NoYctia di Jacopo di Poggio (on sait que cette nouvelle se rapporte au cycle
étudié par M. Wesselofsky dans son introduction à la Novellâ ddla figlk àd n
di Dada ; M, N. montre qu'elle est traduite du latin de BarloL Fazio). — P. 1 jS,
Imbriani, CLXXXVUÎ catdi popotan di Avdîino e drcostanzc. — P, 1 86. Coro-»
nedi-Berli, Novdlc popotan bùlogmd (suite)» — P. 229. Giuliari, ta LetUratura
nronsse al cadac dd hcqÎo XV c U suc optrt a stampa (suite)*.
— 1874, t. Il, — P, l'i^ù.BAuàïdWGsmt^ Li îingiia itaiiana £ U votgarc toscaiw
(travail qui se réfère surtout aux CarU d'Arbcreé^ dont rautcur maintient l'au-
thenticité; il imprime du Descori de Rambaul de Vaqueiras un texte qui ne vaut
pas celui de Meyer dans son Recadl^ et où il prend pour catalane ta strophe
écrite en gascon. — P. 105, Gaiter, Conczioni al libro Vî dd Tesoro di Brunetto
volgarizzato da Giamboni, — P. [ 54. D'Ancona, Un soneiîo incdito di P<trarcâ
ed una canzonc al nudtsimo aîtnbuiia. — Suite des articles de V. Imbriani^
C, Coronedi, Berti, Giuliari. — P. Î09» Cappellctti^ Commenta sopra U
nonlla /, 3 dd Decameronc (purement littéraire). — ?. 5^4. Gaiter, SutC âutin-
tidtà dd libro VU dd volganzzamtnîo dd Tcwro di Brumtto (intéressant rappro-
chement avec le texte français, malheureusement fort estropié par l'auteur). ^
P. 394. D'Ancona, Lcîîera a F. Zambrini (révoque en doute la haute antiquité
du Ritmo Cassinese); ScarabelU, LtUtra allô sUssq [c^nmii exemples de siormlll
du XVll« siècle),
— Anno VU!, 1875, t, L — P. i ^ B. di Vesme, La lingua italiana^ etc. (snhe;
l'auteur s'applique ^ prouver que les poètes siciliens ont écrit en mlgatn ÏUustn^
T. Comme nou$ Favons é%ï dit (p. 1^4), la livraison qui complété ce volume ne nous
est pas parvenue.
PÉRIODIQUES 507
et non, comme on l'admet aujourd'hui, en dialecte sîcîîieTi). — P, 5 1. Scarabeltî,
Trionfi det Pdrarca (collations). — P. 72. Imbriami, Sul Usto âd Candtiaio di
G. Bruno (relève les fautes sans nombre du dernier éditeur allemand). —Suite des
articles de C. Coron edi-Berti et Giuliari *.
— 1875, t. II. — P. 17. Gailer, Saggio d'InUrpntûimi t di commento dtl
Riimo Casstnesc. — P. 1^5, Bozzo, Petrarca c il Duameronc. — P. 169,
Zambini et Bacchiîega, U cdhioni dclU optrc di Boccaiao. ^ P. 202. Scarabelli,
Di un codice petrarchacû. — P, 212. Scarabelli, La tiiUratura yaontst (suite).
— P. 309. Cappeïletli, Commenta alh novelia K, 8, del Dicamcrone. — P. j^^.
Moi se, C(rcûr Maria ptr Rayemia. — Suite des articles de Zambrini et Bacchi-
lega, Giuliari, Imbnami, Coronedi-Berti.
— Anno IX, 1876, I. — P. 16. Lizio Bruno, Pnrarca c Tommaso dû Messma.
— P. ?2, Borgognone, Gît antkhi rimaton aaliant (quelques remarques intéres-
santes), — P. Sa. Di Mauro, Suîliopire minore diD, ÇavûUa (continué p. 424)»
— P. 107. Razzolini, Varianti dcHû divina Commedia (continué p. 430). —
P. 138. Neri, Potmtlio incdiio di C. Dati, — P. 21 5. Salomone-Marino, Storic
popoîari in pocsia siciliana (recueil intéressant à plusieurs titres). — Berti,
NoyclU botognesi (suite). — P, 328. Imbriami, Saî talo dcl Canddaio (suite), —
P. Î73- Corazzinij Dd contrasto di Ciulh d'Akamo (essai de restitution de la
forme primitive qui, d'après M. C, était littéraire, mais essentiellement sici-
lienne). — P. 409. Salomone Marino, Sioric popoîari sidliani {suite; édition du
Tuppi-tuppi^ petit poème très-répandu, remontant au moins au XVI« s. et ayant
les ressemblances les plus frappantes avec le Contrasto de Ciullo d'Alcamo).
VI. Mémoires de la SocrÉTÈ de LiNauisTiQUE de Paris. T. III, fasc. 2. —
P. to6-i^, V. Thomsen, Rtmarqua sur la phonétî^ui romane. I parasite et les con-
sonnes mouUlàs en français. Se rattache au sujet traité par le même savant dans
la Romamaj ci-dessus p. 64-75. ^ ^* ï S4"^2, Ch. Jorel, Changement de r en
s (z) tt en dh dans les dialectes français , travail analogue pour le français à celui
que nous avons poursuivi en plusieurs articles sur le r := j du provençal. Les
exemples, principalement fournis par des noms de lieux, sont nombreux, mais
fort dispersés, et on n'arrive pas à déterminer les limites géographiques et chro-
nologiques de ce phénomène. — P. 16^-7, M. Devic, Variations phonliiqucs de
la sijfïanîi s dans le dialecte languedoden parlé en Qmrcy, Signale en certains
cas un fait qui est celui même qu'a reconnu M. Roque-Ferrier en Languedoc (ci-
dessus p. 406) : mous trokais (mes travaux), mouîs efans (mes enfants), et ruoai
fraire'i, — P. ^67*8, le même, Etymohgie (tirée de Tarabe) des mots alizari,
moise, gâche et mortaise. L'une au moins de ces étymologies, celle de moisc^
nous laisse bien des doutes. P. M.
i . La livraison ^^ oui complète ce volamei ne noui est pds parvenue.
2, C'est ce me semble le fait qui s'observe cti italien (non pas dans tous les dialectes),
dans CRAi de cras, NOi-wor, voi-vtu, poi-poj(f), dans les secondes personnes du sing.
de certains temps, HAi-habcs^ eic. Ce fait me paraît mal expliqué dani Dlti, Gram.^
trad., t, 185.
CHRONIQUE.
-~ Nous avons appris avec regret que deux des revues les plus méritantes
entre celles qui se consacrent à la philologie romane, le Jarbuch fur romanische
und englische Sprache und Liuratury et la Rivista di filologia romanza, vont pro-
chainement cesser leur publication. Le Jahrbuch est le plus ancien et a été long-
temps le seul recueil consacré spécialement à nos études. Il a contribué poor
une large part à leur progrès. II les a trouvées, en 1859, pour ainsi dire nais-
santes, représentées par un petit nombre de savants, n'ayant en Allemagne qu'une
ou deux chaires : il les quitte florissantes. Pour nous qui avons collaboré au
Jahrbuch dès ses premières années, nous ne voyons pas sans tristesse disparaître
la revue où bien jeunes encore, nous avons trouvé un bienveillant accueil. —
La Rivista a fourni une carrière beaucoup moins longue, mais qui n'aura pas été
sans éclat. C'était un journal bien fait, dont toutes les parties, articles de fonds,
mélanges, bibliographie, étaient traitées avec un soin égal. Nous sommes sur-
pris de le voir interrompre sa publication au moment où la création de chaires
de philologie romane fait espérer, pour cette branche de la science, un bril-
lant avenir en Itah'e. — Nous avons appris la fin du Jahrbuch et de la Rivista
par le prospectus d'un recueil nouveau qui s'annonce comme devant prendre
leur place : la Zcitschrift fur Romanische Philologie, dont le premier numéro doit
paraître le 31 mars prochain. Le rédacteur en chef de ce périodique est
M. Grœber, professeur à Breslau et connu par divers travaux relatif à la litté-
rature française du moyen âge. Nous ne pouvons que lui souhaiter de bons col-
laborateurs.
-^ M. G. Azais reprend la publication de son Dictionnaire des idiomes romans
du midi de la France, sous les auspices de la Société pour l'étude des langues
romanes. Les souscriptions sont reçues chez M. Lambert, trésorier de la Société,
chez M. Azais, à Béziers, et chez les libraires Roumanille, à Avignon, et Bom-
pard, à Toulouse. L'ouvrage se publiera par livraisons de 15 â 16 feuilles in-
8*, au prix de 35 cent, la feuille. Il ne dépassera pas trois volumes. C'est en
1863 que parut la première livraison (Béziers, J. Delpech). Elle comprend un
titre sans date {Dict. des idiomes languedociens), une introduction de xxviii pag.
et 52 pages du Dictionnaire, jusqu'au mot aubéto. Cette livraison fiit entière-
ment réimprimée en 1864, sous le même titre (la couverture portant en
plus le nom de la librairie A. Franck). Pour cette réimpression, qui
CHROKiqyE ^09
est réellement une nouvelle édition très-amendée, l'auteur a mis à pro&t les
observations qm lui ont été commuT^iquées par Ttin des directeurs de la
Romania, Deux autres livraisons suivirent à peu d^întervalle, conduisant
l'ouvrage jusqy^au mot cahpa*. Actuellement le dictionnaire va être de nou-
veau recommencé^ les parties déjà publiées subissent une nouvelle révision.
Le plan reste le même: il sera même peut-être un peu développé puisque le
titre n*est plus Dictionnaire des idiomes languedociens y mais Diciionnaire des idiomes
romans du midi de la France, Nous avons indiqué précédemment (Romjnia, IV,
158), i l'occasion du dicUonoaire de M. Boucoiran, les objections que nous
paraissent soulever des répertoires conçus selon un plan aussi vaste. Il nous
semble difficile qu'un même auteur puisse représenter avec une compétence
égale la lexicographie de toutes les parties d'un pays aussi vaste que le midi de
la France» Quoi qu'il fasse, quelle que soit la préparation qu*il apporte â sa
tâche, il y aura nécessairement des parties qui ne seront traitées que de seconde
main. Néanmoins, nous devons nous empresser d'ajouter que nous ne voulons
établir aucune comparaison entre le dictionnaire que nous annonçons et celui de
M. Boucoiran^ la compétence la plus grande se trouvant évidemment du côté
de M. Azals.
— Un autre dictionnaire, celui-là plus spécialement consacré à ta Provence,
sera bientôt mis sous presse. C'est celui auquel Fr. Mistral travaille depuis plus
de vingt ans. Nous en appelons la publication de tous nos vœux.
— Nous traduisons la note suivante de VAcademy du 26 août :
Une «Chronique de U Pucelle Dorleans Jefaanne Darc. Escript en !a Ville Dorkans en
nostre Conveni lan ifri ^>t 3 été achetée par le Musée britannique à la vente de
M. Bragge^ en îuîn. Elle est écrite sur ttn parchemin trés-épais dont les feuillets sont
ornés de bordures contenant des ornements d'architecture, des feuilles, des fleurs, des
inseaes, des animaux, des figures humaines, etc.» exécutés en couleurs brillantes rehaus-
sées d'or. Sur la première page un portrait équestre de Jeanne d'Arc, elle est représen-
tée sortant d'une ville, montée sur un cheval blanc, l'épée d'une main, un étendard de
Tautre, Au-dessous du portrait on lit : v De par Dieu pour la France et mon Roy. » La
reliure du ms., particulièrement la façon dont les feuillets sont tenus ensemble, est un
spécimen très-rare de la naïveté des nonnes de ce temps. i>
Il eût été bon d'ajouter que ce ms. — que du reste le Musée n'a pas payé bien
cher (500 fr., si nous sommes bien informés! est une pure fabrication. Nous ne
Tavons pas assez longuement examiné pour être en état d'en déterminer la date
même approximative, mais il n'est pas besoin d'être un paléographe consommé
pour reconnaître que récriture et rornementalion également bizarres de ce livre
ne sont d aucun temps, et ne peuvent être attribuées qu'à un faussaire très-
maladroit. Le contenu de Touvrage donnerait sans doute des lumières sur
l'époque de la fabrication qui en tous cas ne saurait être antérieure au xyiu*
siècle.
— Nous avons reçu de M, Caix, au sujet du Contrasto de Ciullo d'Alcamo,
utte lettre que nous ne pouvons, faute de place, insérer dans le présent numéro.
I. Voy. Re¥Ui tnrrçue, Iftô*, l, j^ï, 402-^.
ÇIO CHRONIQUE
^^ La Société des Anciens textes français vient de mettre en distribution dcui
ouvrages : le Roman de Biun de îa Montaigne, puhWé par P. Meyer, et le t. \ des
Miracles dt îù Vierge par personnages, publiés par G. Paris et U, Robert. —
La première de ces deux publications appartient à l'exercice de 1^7;^ ^^
seconde à celui de 1876.
— La seconde partie du Recueil d'anciens textes bas-latins, provençaux et franr
çais de P, Meyer paraîtra en novembre» Elle se compose de 1 2 feuilles comme
la précédente. L'auteur avait espéré faire tenir dans cet espace un nombre
suffisant de textes français et les deux glossaires, l'un pour la partie provençale,
l'autre pour la française. Il a fallu renoncer à cet espoir. La littérature de la
France du Nord étant beaucoup plus riche que sa sœur du Midi, il a été
nécessaire, pour maintenir une certaine proportion entre les deux parties du
recueil^ d'attribuer un plus grand espace au français. La livraison qui s'achève
en ce moment est eniièrement consacrée à la poésie : les pièces de même genre
étaiït autant que possible groupées, chaque groupe est rangé à la place chrono-
logique que tuj assignent ses plus anciens spécimens. Un ordre chronologique
absolu ne peut être déterminé avec certitude, et, le pourrait-iî, qu'il aurait le
grave inconvénient d'empêcher le rapprochement des pièces de même nature* —
Comme dans la première livraison, les textes ont été établis directement d*aprés
les mss. et sans aucun égard pour les éditions. En voici la liste: 1, S. Eulalie;
2, S. Uger ; 3, Fragment de S. Alexis; 4^ Le poème religieux imité du Cantiqut
des Cantiques; 5-9, Fragments du Rùknt en cinq textes publiés in txtensa
(Oxford j Cambridge, Paris, Lyon, Châteauroux); 10, Début du Charroi dt
Nîmes^ d'après tous les manuscrits pour la première fois classés; ti, Fragment
de Raoul de Cambrai; 12, Les tirades assonantes de la Chanson de Jérusalem;
ij, Fragment d'Aiol; 14, Alberic de Besançon; 15, Alexandre^ version en
décasyllabes, d'après les mss. de TArsenal et de Venise; 16, Début du Bestiain
de Philippe de Thaon, d'après les mss. de Londres, d'Oxford et de Copen-
hague; J7, Le début du Roa, d*après les quatre mss. connus au moment oh
cette partie du recueil a été imprimée ; 1 8, Début du Percevais d'après huit
mss.; 19, Saint Thomas te martyr^ long morceau d'après les quatre mss. connus;
20, Fragm. de Sainte Thaïs ^ d'après six mss,; 21» Fragm. de Sainte Eaphrosjm;
22, Evrat; trad. de la Genèse, fragm.; 23, Anger, traduction des dialogues de
S. Grégoire; 24, Adgar, dit Wilfiame, Miracles de la Vierge; 25, Autres
miracles; 26, la fin du sermon en vers publié en 1834 par Jubinal (ici avccPaîde
d'un ms. de Cambridge); 27-1 1, Dits, fables et fableaux; 32 et suiv., Pièc^
lyriques. — La troisième et dernière livraison contiendra trois ou quatre feuilles
de texte en prose et les deux glossaires.
ERRATA.
TOMK IV.
P. j 5 1 , 1. j , masso, lisez nasso, — P. 3 5 1 , l. 3 , rofa, lisez roja. — P. 3 S » >
I. 2\yfatue, Visez falue, — P. 352, l. 24, palatium, lisez palatum, — P. 353,
l. 4-j, coUigialis, lisez colliquialis. — P. 353, I. 7 fr., lisez anc. fr. — P. 354,
I. 15, *escoUubricare lisez "excoUubricare. — P. 356, 1. i^yfigcrc, lisez fingcre. —
P. 357, I. II, A, lisez g. — P. 3^7, 1. 3 du bas zarnàfahj lisez zarràfah, —
P. 3 58, 1. 4, zada, lisez laba. — P. 3 59, 1. 9, gulbba, lisez gulbha, — P. 360,
1. 20, fin, lisez first, — P. 361, 1. 9 du bas, Abbani^ listz Albani, — P. 362,
1. 19, hattr, Visez hôttr. — P. 362, I. 29, gaw, lisez garw, — P. 363, 1. 9,
balwiss, lisez bôlwiss. — P. 363, I. 26, mevcu, lisez mereu, — P. 363, L 31,
wantigcn^ lisez wantogen. — P. 367, I. 9, skerjva, lisez skjcrva, — P. 367,
1. 1 1 du bas, Nipila^ lisez lUpila, — P. 367, 1. i du bas^ Fechia, lisez Flechia.
— P. 368, 1. 4, Fechia, Usez Flechia. — P. 368, 1. 7, roeudo, lisez roendo.—
P. 368, I. )ydu bas, Franche, Usez Tranche.
TOME V.
P. 196, col. 1,1. I, au lieu de âjème lis. âfème. — P. 201, col. i,
I. 10, au lieu de cezasië lis. cëzàsi'é. — P. 202, col. 2, 1. 22, au lieu de
copid lis. copia. — P. 203, col. i, 1. 10 du bas, au lieu de crâtij^à lis.
crâti [fa). — P. 206, col. 2, 1. 9, au lieu de ïhieîu lis. èhiéiû. — P. 2 1 2,
col. 2, 1. 5 du bas, au lieu de mahnl lis. màhûl. — P. 215, col. 2, 1. 2,
au lieu de pàhh e yâhh lis. pàhh è iàhh. — P. 216, col. 2, 1. 3 1, au lieu
de posé /. lis. pose^ m. — P. 226, 1. 26, au lieu de senë lis. sné. —
Même page, dernière ligne, au lieu de Pàdy' lis. Pàdiy\ — P. 2 5 1 , 1. 10,
supprimez raconté.
TABLE DES MATIÈRES.
Pages
P. Mbykr, Un récit en vers de la première croisade fondé sur Baudri de Bour-
gudl I
V. Thouskn, £ 4- < en français 64
R. Kœhlbr, La nouvelle italienne du Prêtre Jean et de Pempereur Frédéric* et
un récit islandais 76
E. CosQuiN, Contes populaires lorrains 83i IH
Ad. Neubaubr. Les traductions hébraïques de V Image du Monde 129
A. Darubstbtbr, Phonétique française. La protonique non initiale, non en posi-
tion 140
J. Storm, Mélanges étymologiques 165
E. Rolland, Vocabulaire du patois messin, complément 189
p. Mbyer, De Pinfluence des troubadours sur la poésie des peuples romans. . . 2 $7
Dialogus Anime conquerentis et Rationis consolantis, traduction en dialecte lorrain
du xu* siècle, p. p. F. Bonnardot 269
C. NiGRA. La poesia popolare italiana 417
Fragment d'un conte catalan, traduit du français, p. p. A. Morbl-Fatio ... 4$)
p. Meybr, Les manuscrits des sermons français de Maurice de Sully 466
MÉLANGES.
La Sicile dans la littérature française (G. p.) . 108
Diadauïs Girart de RossiUonjTtcôAcaiûon hDïez {?. M.) 113
Joca clericorum (G. P.) 230
Sur quelques pronoms provençaux, notes supplémentaires (C. C.) 232
Maufi (G. P.) 367
Plainte du vicomte de Soûle contre Simon, comte de Leicester, texte vulgaire du
pays de Soule(i2$2), p. p. Ch. Bémont et P. M 367
Sur // employé pour hr en provençal (C. Chabanean) 372
Romania^ V J 5
514 TABLE DES MATIÈRES
Chanson normande (C. Jorct) j7j
Note sur les chansons de la Gruyère, p. p. J. Cornu J76
R pour j, z, à Beaucaire (P. M.) 488
De quelques modifications phonétiques particulières an bas-normand (C Joret). . 490
Une particularité du patois de Queige, Savoie (J. Banquier) 49)
COMPTES-RENDUS.
ADBNfts, Les enfances Ogier^ip. p. Schblbr (G. P.) 11$
— Li romans de Berte aus grans piis, p. p. Schilir
— Bueves de Commarchis, p. p. Schilbr
Albanès, voy. Benezet {La vie de saint),
Atkinson, voy. Auban {Vie de saint).
Auban (Vie de saint)^ edited by Atkinson (G. P.) 384
[Bancel], voy. cent quarante-dnq rondeaux d'amoor.
Benezet {La vie de saint)y p. p. albanès (P. M.]
Cent quarante-cinq rondeaux d'amour, [p. p. Bancbl] (E. Picot) $90
DiBZ, Romanische Wortschœpfung (G. P.) 2)6
Edblspachbr, Rumun elemek a magyar nyelvnen (E. Sayous) 1 20
FÉRAUT, La vida de sant Honorât, p. p. Sardou (P. M.) 2)7
Gautibr, voy. Roland (Chanson de),
Gormond {La mort du roi)j p. p. Schblbr (G. P.) J77
Matthbs, De nederlandsche Ogicr (G. P,) j8j
MoisY, Noms de famille normands (A. Darmesteter) 252
Papanti, Parlari Italiani in Certaldo (P. M.) 496
Picot, les Roumains de la Macédoine 120
Roland {Chanson de)y p. p. Gautier (G. P.) 114
roques-Ferribr, Enigmes populaires en langue d'oc 2$)
Sardou, voy. Féraut.
Schblbr, voy. Adbnès et Gormond,
Settbgast, Benoit de Sainte-More (6. P.) )8i
Talbbrt, De la prononciation de la lettre a au xvi* siècle (A. Darmesteter). . . 394
Weber, Handschriftliche Studien (G. P.) 494
PÉRIODIQUES.
Archivio glottologico italiano, II, 3 (04
Athenxum (the), 24 juin 411
Bericht, voy. Gesellschaft.
Bibliothèque de TEcolc des chartes, XXXVI, J 124
— XXXVII, I, 2 409
Bulletin, voy. Société.
Gesellschaft (Berichte d, Sxchsischen) der Wissenschaften, 27 nov. 187$ . . . 2n
Jahrbuch f. romanische u. englische Literatur, XIV, 4 124
- XV, I 2J$
Jenaer Literaturzeitung, n* 40 126
— n- 39, 12) 27$
Journal des Savants, janv. et févr. 1876 255
— mars 410
Nuova Antologia, nov. 187 j 125
Propugnatore (11), 1874-6 $06
TABLE DES MATIÈRES 5 1 5
Revue critique, 187Î, oct.-déc 126
— 1876, janvier -mars 25$
— 1876, avril-juin 411
Revue des langues romanes, VIII 122
— 2* série, 1876, janvier-mai 40$
— — 1876, juin-sept joo
Rivista Europea, 1876, juin 411
Romanische Studien, n* VU ;o)
Société de linguistique de Paris (Mémoires de la), III, 2 $07
Société des anciens textes français (Bulletin de la), 187$, ) -4 126
Société pour l'étude des langues romanes; publications spéciales $02
Zeitschrift f. deutsches Alterthum, N. F. VII, 2 124
— N. F. VII, î 410
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley i Nogent-le>Rotrou.
j
CMTEDUE 1
m
STANFORD UNIVERSITY UBRARIES
STANFORD, CAUFORNIA 94305-6004