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Full text of "Romania"

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ROMANIA 


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ROMANIA 

RECUEIL  TRIMESTRIEL 

CONSACRÉ  A  l'Étude 
DES   LANGUES    ET    DES    LITTÉRATURES    ROMANES 

PUBUÉ  PAR 

Paul  MEYER  et  Gaston  PARIS 

Pur  remenbrer  des  anccssurs 
Les  diz  e  les  faiz  e  les  murs. 
Waœ. 


22«  ANNÉE  —  1893 


PARIS 

EMILE  BOUILLON,  LIBRAIRE  -  ÉDITEUR 

67,   RUE  DE  RICHEUEU,   67 


.-A    31  ""-^ 


LES  PARLERS  DU  FOREZ  CIS-LIGÉRIEN 

AUX  Xnie  ET  XIV*  SIÈCLES 


Si,  adoptant  pour  un  instant  la  classification  linguistique 
imaginée  par  M.  Ascoli,  nous  suivons  dans  leur  marche  vers 
Toccident  les  phénomènes  qu'on  nous  présente  comme  caracté- 
ristiques du  franco-provençal,  nous  les  voyons  dfsparaître,  les 
uns  après  les  autres,  dans  les  campagnes  de  Tancienne  province 
de  Forez,  sans  pouvoir,  à  aucun  moment,  tracer  une  ligne  de 
démarcation  dans  cette  masse  linguistique  flottante  et  indécise 
qui  n'est  plus  le  franco-provei^L^etjqui  n'est  pas  encore  la 
langue  d'oc- 

On  sait,  en  effet,  qu'aux  yeux  do  savant  professeur  de  Milan, 
le  phénomène  qui  caractérise  !e  mieux  les  «  parlers  franco-pro- 
vençaux »,  c*est  la  diversité  des  traitements  subis  par  Va  latin 
suivant  qu'il  se  trouve  ou  ne  se  trouve  pas  dans  le  voisinage 
d*une  palatale.  Or,  quand  bien  même  on  se  contenterait  de  cet 
unique  critère,  on  n'en  serait  pas  moins  fort  empêché  d'assi- 
gner une  limite  précise  au  domaine  du  franco-provençal,  par 
cette  raison  que  l'action  de  la  palatale  se  poursuit  d'autant  plus 
loin  vers  Toccident  que  Ta,  étant  ou  n'étant  pas  accentué,  lui 
oppose  une  résistance  plus  ou  moins  forte. 

Autant  que  j*en  puis  juger  par  les  textes  manuscrits  ou 
imprimés  assez  nombreux  que  j'ai  analysés,  l'influence  du  son 
mouillé  sur  Va  accentué  n*a  pas  dépassé  la  Loire.  Sur  la  rive 
gauche  du  fleuve.  Va  persiste,  même  après  un  son  palatal  : 

Arçon,  arrondissement  de  Roanne,  canton  de  Saint-Haon- 
le-Chàcel  ^  :  infinitif  maria  ;  placa^  lougea, 

I,  Ballade  d'Arçon,  publiée  par  M,  de  Chantelauze,  à  la  suite  de  son  édi- 
tion de  ÏHistoin  da  ducs  de  Bourbon  et  da  comtes  de  Forei^  de  La  Muro,  t,  lîl, 
Pièces  suppUtneniaire-i^  p,  178.  Cette  chanson»  nous  dit  l'éditeur»  se  chame  i 
Saini'Pricsi-la-Prugne,  à  Cbercz  ci  à  Arçon,  au  sud-ouest  du  Roannais. 
XXU,  i 


2  E,    PHIUPON 

Saint-Bonnet-le-Chateau,  arr.  de  Montbrîson  '  :  infin. 
donar,  tstar  ;  gaiîjar\  forsar,  aîonjar, 

UssoN,  arr,  de  Montbrîson,  cant.  de  Sjint*Bonnet-le-CUà- 
teau  *  :  infin.  arribâ ;  ntand^à,  coutchày  envouyâ;  —  partie,  passé 
troubd;  mand:^d^  mouilla* 

Saint-Jean-Soleymieux,  arr.  de  Montbrison  ^  :  infin.  dind; 
tnindid,  partad:(d, 

LuRiEca,  canton  de  Saint- Jean-Solcymieux  ^  :  infin.  leva; 
miftd:{d^  nitsd;  partie,  hlessd;  hrisd, 

Montbrîson  ^  ;  infin,  demanda;  bailld^  empecM^  aida. 

Notons  en  passant  que  dans  le  patois  de  Montbrîson  -arum 
est  rendu  par  ot  (ti)  :  proujïioi ,  curoî;  babil  lot  ^  mais  au  féminin 
reveilla.  Il  en  est  de  môme  à  Saint-Jean-Soleymieux  :  blot^  irai- 
noi;  mind:{ot,  ennuyot.  On  sait  qu'i  rextrémité  opposée  du 
«  domaine  franco-provençal  »,  dans  certains  patois  de  la  Suisse 
romande,  atum  est  représenté  par  un  o  fermé  (J)^. 

Champdîeu,  arr.  et  cant.  de  Montbrîson 7  :  infin.  mena; 
cmp&ha^  nuîrcha. 

Plaine  du  Forez®  :  blâ;  infin.  demourd;  empàhâ^  bailla ^  min- 
^ed. 

L'influence  de  la  palatale  sur  Va  accentué  ne  parait  donc  pas 
avoir  franchi  la  Loire,  qui  formerait  ainsi  la  limite  occidentale 
de  ce  trait  linguistique,  mais  non  pas  celle  des  parlers  franco- 
provençaux,  car  on  voit  se  prolonger,  bien  au  delà  du  fleuve,  un 


ï.  Coutume  de  Saint- Bonnct-le-ChAteau,  publiée  par  M.  de  Chantelauze, 
îûc.  ciL^  P»  71*  d'aprirs  l'original  de  la  confirmation  de  1272*  M,  P»  Meyer  en 
a  donné  une  excellente  édition  critique,  dans  son  Recueit  (Tmcum  textes ^ 
p.  I7Î, 

2.  Contes  en  pSLio\s  d^Usson  publiés  par  P.  Gras,  à  la  suite  de  son  Diciion- 
natre  du  patûis  for^ien^  p.  201-209. 

3.  P.  Gras,  loc.  cit.^  p,  2IO,  21$,  220. 

4.  P,  Gras»  p.  212. 

5.  P.  Gras,  p*  23  j,  et  mes  observations  personnelles. 

6.  Voyez,  notamment,  Gilliéron,  Patois  de  la  cûmmane  de  Vionnai  (Bas- 
Val  ais),  p.  17  et  34;  Odin,  Phombgù  des  patois  dit  canton  de  Vaud,  p.  20; 
L,  Fa V rat,  Obssaire  du  patois  de  la  Suisse  romande ^  par  le  doyen  BrideK  Appen- 
dia,  pp,  4>Si  4î6,  4)8»  464»  480. 

7.  Chanson  sur  la  Brenachc»  par  un  habitant  de  Chandieu,  publiée  par 
Aug-  Bernard,  k  la  suite  de  son  Histùirf  du  Forex^  183s. 

^     P   '^ras,  p*  2î7  et  24a. 


LES   PARLERS  DU   FOREZ  CIS-LIGÉRIEN  ? 

autre  caractère  de  ces  sortes  de  parlers»  je  veux  dire  Taffaiblis- 
sèment  de  Va  atone,  sous  Taction  de  la  semi-voyelle. 

MoNTBRisoN'  :  fenna;  vieilli ^  longi;  Pierres  de  Rochifort^  dans 
un  acte  en  français  de  13 14* 

Plaime  du  Forez  ^  :  aî^ena;  bciti;  en  la  Plaignis  dans  un  acte 
de  1245. 

BoEN-sUR-LiGNON,  anfond.  de  Montbrison^  :  courla;  bossi, 

Saïnt-Jean-Soleymieux*  ipeira;  blaiitcht.  De  même,  à  la  pro- 
ionique :  tchetni  caminum. 

Crèmeaux,  canton  de  Saini-Just-en-Chevalet'  :  noutra  ; 
vûcbi^  parrochi,  clochi, 

Saint-Germals-Laval,  arrond.  de  Roanne  :  BoUarda  et  de  la 
Rochi^  dans  la  charte  de  privilèges  de  Saint-Germain-Laval  (juin 

1248)6. 

Ce  dernier  vestige  du  franco-provençal  disparaît  à  son  tour 
au  sud-ouest  de  Tarrondissement  de  Montbrison.  Saînt-Bonnet 
maintient  Va  atone  même  après  une  palatale  :  tailla^  eharerUy 
balailh  et  ï  la  protonique  chavaler7.  Il  en  est  de  môme  du  par- 
ler d*Usson  où  je  relève  les  formes  conchnsa^  vegliessa  et  tchami^. 

Nous  venons  de  voir  l'un  des  traits  do  franco-provençal 
empiéter  sur  le  domaine  des  parlers  d*oc  et  aller  finalement  se 
perdre  dans  les  montagnes  du  Forez;  Texamen  des  textes  que  je 
publie  ici  va  nous  montrer  que,  par  une  réciprocité  à  laquelle  on 
de\*ait  s'anendre,  quelques-uns  des  traits  caractéristiques  du 
provençal  ont  franchi  la  Loire,  pour  aller  se  fondre  insensible- 
ment dans  la  masse  des  parlers  «  franco-provençaux  ». 

Au  milieu  de  ce  fouillis  de  phénomènes  contradictoires,  se 
croisant  dans  tous  les  sens  et  formant  entre  eux  les  combinai- 


I.  P*  Gras,  hc*  dL^  p,  235,  et  Chantclauze»  îoc,  cit.,  t.  III«  p.  88. 
a,  P.  Gras,  loc^  çit,,  pp.  2J7,  242,  247  et  Chantelauze,  loc.  cit,,  t.  III, 
p.  42. 

3,  P.  Gtas,  îoc,cit,f  p.  240. 

4.  P.  Gras,  ioc*  dt,^  pp,  210,  215, 
S-  P.  Gras,  hc,  cit.,  p.  249. 

6.  Ch2veTOT\â\er^  Ifn>eniaire  des  titres  du  comté  de  Fûrfi^  impartie,  p.  510,  et 
Qiântdiuze,  hc,  cit.  pièces  supplémcmaires,  p.  64. 

7.  P*  Mcyer,  Rfirueil ^attoins  tejctés,  p.  173. 

8.  P.  Gms,  loc.  cit.t  pp.  201-212;  cf,  La  Mure,  Histmrt  des  dites  âe  Bifur- 
hm  et  des  comtes  de  Forei^  IH,  162, 


4  E.   PHILIPON 

sons  les  plus  diverses,  toute  délimitation  dialectale  serait  forcé- 
ment arbitraire. 

Ainsi  se  trouve  vérifiée,  une  fois  de  plus^  la  loi  formulée  par 
MM.  P.  Meyer  et  G.  Paris  sur  la  fusion  graduelle  des  dialectes 
les  uns  dans  les  autres. 

Cette  constatation  faite,  j'aborde,  sans  plus  tarder^  l'analyse  des 
textes  de  langue  que  je  publie  ici  et  dont  voici  Fénumération  : 

L  Testament  de  Jean  de  Bourbon,  1289. 

n.  Censierde  la  Commanderie  de  Chazelles-sur-Lyon,  1290, 
(Retraits). 

ni.  Livre  de  raison  des  seigneurs  de  Forez,  1322-1323, 
(Extraits). 

rV.  Censier  de  Ponce  de  Rochefort,  vers  1225,  (Extraits). 

Les  trois  premiers  de  ces  textes  sont  écrits  dans  le  dialecte 
qui  se  parlait  à  Test  du  Forez,  sur  la  rive  droite  de  la  Loire. 
Quant  au  Censierde  Rochefort,  il  appanient  au  sud-ouest  du 
Lyonnais.  La  comparaison  de  cts  différents  documents  linguis- 
tiques, les  uns  avec  les  autres,  nous  montrera  comment,  sans  le 
moindre  soud  des  divisions  politiques,  les  idiomes  foréziens  et 
lyonnais  s*enchevôtraient  les  uns  dans  les  autres. 

ToNiauES.  —  I,  a  pur  persiste  :  Jjostal  I  i  %  Chasaki  H  24, 
pra  n  et  IV^fava,  mar  et  solars,  qui  milite  en  faveur  de  l'éty- 
mologie  *subtàlaris,  IIL  De  même,  devant  n  ou  m  :  chapclan 
\,  Sani  Rcmmn  II  18,  man  III  i^pan  IV  49,  fatUy  fa  oie  m  II  7 
r*;  —  clmskUana,  fanfatus  II  37,  13  v^,  semana^  grana  III  14. 

2.  Précédé  d'une  palatale,  a  s'affaiblit  en  ev  chère  caram  I 
10^  chesa  casam  II  j^  parrochiel,  rAwtîcasa,  chiera  caro  III  33, 
3,4,  —  D'où  la  division  en  deux  classes  des  verbes  appartenant 
à  la  première  conjugaison  :  reiornar,  hvar  III;  payer  I  12,  payier 
II  13  v"*,  abcrgkr,  mingier^  aparelier  DI. 

3,  Devant  n  devenue  finale  en  roraan,  Va  infecté  d;  se  nasa- 
lise en  îVn,  bientôt  réduit  à  m,  m  :  âeyens  III  28,  Christins 
Christianus  II  45,  Çafurin  Symphorianum;  et  après  rejet 
d'accent  sur  la  posttonique  :  Clenuticyn  Clementiàmll  12,  7, 


I .  Les  chitïrcs  romains  renvoient  aux  textes  rais  à  profit  ;  les  chiffres  arabes  » 
aux  paragraphes  des  extraits  que  j'en  donne  ici.  Si  l'exemple  cité  est  tiré  d*un 
passage  non  compris  dans  ces  extraits,  je  donne  Findicatlon  du  folio,  ea  la 
£aisaat  suivre  de  la  mention  recio  ou  verso. 


LES   PARLERS   DU    FOREZ   CIS-LTGERÎEK  J 

Il  en  est  de  même  à  la  protonique  :  Briandas^  Briemhs  IV  2  v°, 
aujourd'hui  Brindas,  Pareillement  en  vieux  lyonnais  :  C:^abatin 
Sebastianum* 

4,  A  la  finale  en  roman,  Va  étymologique  demeure  :  paya  I 
12^  dcfnenchia  II,  poyia  •podiata,  nuylia  II  19  r**,  22  v*.  Cet  a 
devait  se  prononcer  très  ouvert  et  se  rapprocher  sensiblement 
de  t\  c'est  du  moins  ce  que  semblent  indiquer  les  graphies 
arwnsie  à  côté  de  paya^  dans  I  et  pidie  à  côté  de  ttuytia^  dans  II. 

5,  A  suivi  d'un  son  mouillé  se  combine  avec  celui-ci,  pour 
former  un  son  mixte  noté  tantôt  ay,  tantôt  ey  et  parfois  c  :  lay 
îllac,  cay  eccehac»  Il  19  r**,  16  r°,  eyga  aqua  II  43,  îayîy 
aygui,  frayti  fractam,  rays  radices  et  egrelQ^fay  fagum 
IV  22. 

6,  a  persiste  pur  devant  l  oun  suivie  d'un  i  en  hiatus  :  talti 
n  passiffiy  palli  H  9,  port  al  y  portaui{li  12  et  au:^  alios  III;  com- 
pany  XW  14,  iagni  II  6,  mais  saini^  saytm  dans  IV,  12,  65. 

Les  textes  lyonnais  du  xtv  siècle  écrivent  de  même  :  palîiy 
ialli^polaii^futaU,  chasîannyes  (^Rammiia,  XIII,  543,  556,  558) 
et  de  nos  jours  les  patois  prononcent  paii,  chôtahi  {Revm  Ja 
patûu,  î,2joy 

Dans  ntflks  metalleas  II  17,  26,  raffaiblisscment  de  Va  en 
e  est  dû  à  Taciion  de  la  semi-voyelIe  qui  le  précède.  Quant  à 
Urayls  II  31,  c'est  une  véritable  exception  qui  indique  une  cer- 
taine tendance  de  la  palatale  à  affecter  la  syllabe  accentuée. 

Dans  la  charte  de  Saint-Bonnet,  au  contraire,  la  régression 
de  1;  est  de  règle  :  tailla  10,  baillés  48,  meailla  44,  gaitje  24, 
istrain:^  19. 

7*  La  finale  aticum  donne a/c?,  comme  en  lyonnais  :  niariaja 
I  i^Jromajo,  poriajo  VU.  A  Saint-Bonnet,  le  r  a  développé  un  y  qui 
est  allé  troubler  Va  accentué  :  usaitge  27,  putaitje^  mais  aussi 
segnûrajô  (?),  messajes  18,  20. 

8.  De  même  qu'en  vieux  lyonnais,  le  suffixe  arium  a  donné 
rr  quand  il  n*était  pas  précédé  d'un  son  palatal  et  ter  dans  le  cas 
contraire:  Rosers  I  3,  muiur,  pormr  II,  ccmrs  III,  Esco/ers,  mou- 
fiers  TV  30,  2; —  peschkr.grangieTy  ciriskr  II 12  r"*,  27  v**,  8  r°, 
Fukhiers^  bergiersW  16,  il.  Dans  III,  cette  distinction  tend  k 
disparaître,  sans  doute  sous  Tiofluence  du  parler  parisien  : 
patissrr  et  pâtissier^  oler  et  olier. 

Ariam  donne  toujours  ryn,  cri  :  rmyri^  dmrhotuyri  et 
vcrchtyrif  grange  ri  H,  riveri^  lunieri^  chamhareri  III  2,  j,  10, 


6  E.    PHILIPON 

Poisateri^  vercheri^  pereiri  IV  4  r**,  29.  Bruuri  IV  22,  s'explique 
par  la  vocalisation  du  c  médial  de  *  brucariam. 

Dès  les  premières  années  du  xvii*  siècle,  les  masculins  en  er 
ont  disparu  du  parler  de  Saint-Etienne  :  barbie^  darrye^  dans  le 
Ballet  foréiien  de  Marcellin  Allard,  mais  h  finale  féminine  n'a 
pas  varié  :  parnicry^  bargiry  (p*  2j  de  la  réédition  de  G.  Bru- 
net).  Les  choses  ne  se  sont  pas  modifiées  depuis  lors  :  chevalk; 
hussiës^  dangk  et  charréri,  varchéri,  dans  les  Œuvres  du  poète 
stéphanoisP:  Philippon,  (éd^'^de  1876,  pp*  S3,  74, 148, 55,  122), 

En  lyonnais,  au  contraire,  la  mouillure  a  agi  sur  les  formes 
féminines,  comme  sur  les  masculines  :  prinur  et  dmgiers^  lunuri 
et  cusinyeriy  dans  Marguerite  d*Oingt.  De  nos  jours,  la  forme 
diphtonguée  après  avoir  tout  envahi  s'est  réduite  à  I,  iri  : 
parmty  bargî;  revîri^  bargîri^  à  Saint-Genis-les-OHières  (Rhône), 

A  Saint-Bonnetj  abstraction  faite  de  l'action  de  la  palatale,^ 
Va  de  la  finale  arium  a  été  traité  de  même  que  dans  le  Forei 
cis4igèrien  ;  il  faut  aller  jusque  dans  k  Basse-Auvergne  pou 
rencontrer  la  terminaison  provençale  cir^  cira  :  drapeirs,  pili-^ 
ceirSj  cbarreira^  dans  la  charte  concédée,  en  1270,  par  les  frères  de 
la  Tour  aux  habitants  de  la  petite  ville  de  Besse-en-Chandesse, 
(Chabrol,  Commentaires  sur  les  coutumes  d'Auvergm  IV,  93); 
Soliirs,  Bareira,  brugeira  dans  le  censier  du  prieuré  de  Vieille- 
Brioude,  1271,  (A,  Chassaing,  Spicilegium  Brivatense,  p.  126)  \ 

9.  Dans  les  mots  rai-savants  qui  suivent,  raccenta  été  pro- 
jeté sur  Va  posttonique  et  Va  primitivement  accentué  s'est  main- 
tenu sans  changement  :  frari,  boari,  chavannari  II  24,  20,  9  r'^, 
patuiari  III,  pcrari,  avenarks  IV,  22,  4, 

10.  L'entrave  a  protégé  Va  originaire  dans  clnr  carne  m  III 
^^chaci  n  36,  cassi  *cassia  III. 

ir.  Notons  dans  l  frauro  à  côté  defraro,  et  à  la  protonique 
frauria.  Les  textes  lyonnais  et  bressans  du  xiV^  siècle  nous  four- 
nissent plusieurs  exemples  de  ce  phénomène  linguistique;  en 
voici  quelques-uns  :  fauurOy  plaustro,  plautro,  tauxa  (Revue  des 
patois^  l,  263,  note  3). 

Le  redoublement  de  Va  se  relève  dans  salaa,  jortiaa^  III 
(voyez  le  §  23).  C'est  là  un  procédé  graphique,  très  en  hon- 


1 .  Sur  le  suffixe  -ariuSy  -aria  voyez  une  note  de  M.  G.  Paris,  dans  Ronia- 
ww,  IX.  3J0. 

2.  Cf.  Rofuoftia,  XJIÎj  543, 


LES   PARLERS   DU   FOREZ   CIS-LIGÉRIEN  7 

neur  parmi  les  scribes  lyonnais  du  moyen  âge^  et  qui  paraît 
avoir  eu  pour  but  d'indiquer  la  prononciation  fermée  de  Va. 
Pareillement,  à  la  protonique  :  Aaquaria  à  côté  à'Aquarian  IV  33 
28  et  maalars  HL  17. 

12.  ^  et  I  sont  représentés  indifféremment  par  e^  ey  ou  «, 
graphies  diverses  d'un  même  son ,  sans  doute  celui  de  è  :  se, 
deyty  vianeySy  seyt  I,  assaver^  avenu,  Verney,  Ponuy,  Franceis,  Fey, 
neyriy  treyvOy  nteyns  II,  très,  seyr,  saveir,  peisçisuniy  fen  III,  her, 
avenUy  deivonty  treivOy  fen  IV.  Vi  via  m,  plur.  vies  II  et  IV,  fait 
exception. 

Pareillement,  devant  une  palatale  primaire  ou  secondaire  : 
deys  decemyfreyt  frigidum,  Leyriy  irelli,  soleyl;  sant  Gineyll, 
fret  (vha.  frise),  leny  ligna,  parels ,  dunieni  III,  Sant  Ginieisy 
treyvo  TV  i  v*»,  dimey  II  et  IV,  difnei  III  et  IV.  Dans  lentilli  III  et 
servis  IV,  ï  a  été  traité  comme  long ,  de  même  que  dans  l'en- 
semble des  dialectes  romans;  par  contre,  on  trouve  cwieyls 
cunîculos,  à  côté  d'ailleurs  de  cunyls  dans  III.  Chazellcs  et 
Rochefort  ne  connaissent  que  la  forme  avec  i  :  cunil-^,  cunyou:( 
dans  II  36  ttconil:^  dans  IV,  4  r°. 

Dans  le  Forez  trans-ligérien  ^  et  ï  sont  le  plus  souvent  rendus 
par  ei  :  aveir,  sabeir,  sei  sit,  tneins,  dreit,  franchisa,  cosseil  mais 
ers  dans  la  charte  de  Saint-Bonnet.  Quant  aux  textes  lyonnais 
des  xiii^  et  xiv*  siècles,  ils  emploient  concurremment  les  trois 
graphies  e,  ey  ou  ei  :  ser,  peis,  peyvro  {Remania,  XIII,  544  et 

546). 

13.  Après  un  son  mouillé,  ^  passe  d'ordinaire  à  /,  de  même 
qu'en  français  et  contrairement  à  l'usage  dii  provençal  :  /?//:(/«  II 
13  r^,  IV,  siri  ceram,  III. 

14.  ê  reste,  vraisemblablement  avec  le  son  d'e  ouvert,  parfois 
noté«  ou  ey  :  Peros  I,  II  11,  pera  II  15,  peciU,  IV,  leot4re,  ter:;^ 
II,  veli  m  26  ;  Peyre  II  20,  veyl  *veclum  II,  veili  IV  '. 

De  même  igleysi  I,  egleysi  II,  glesi  III,  si,  comme  porterait  à  le 
croire  la  forme  provençale  glieisa,  \è  tonique  d*ecclcsia  s'était 
transformé  en  è,  en  bas  latin. 

La  diphtongaison  en  ie  n'apparaît  que  dans  lievra,  espicces  El, 


I.  Dans  ces  trois  derniers  exemples,  Vy  pourrait  à  la  rigueur  s'expliquer  par 
la  résolution  de  la  gutturale  secondaire.  On  pourrait  aussi  voir  dans  ii^îeysi 
le  résultat  de  la  répression  de  1;  posttonique. 


8  E.    PHILIH3N 

et  dans  tier:^  qui  alterne  d'ailleurs  avec  ter:^  dans  IV,  Tint  et  tînont, 
dans  Hj  supposent  les  formes  intermédiaires  tient  et  tieftant. 

Dans  les  textes  écrits  à  Lyon  ou  aux  environs  de  cette  ville, 
les  formes  diphtonguées  remportent^  et  de  beaucoup,  sur  les 
formes  avec  e  simple  {Romania^  XIII,  545  et  les  textes  cités). 

A  Saint-Bonnet,  par  contre,  k  diphtongaison  en  k  est  incon* 
nue  :  peiray  segre,  (Charte  de  Sainî'Bonnety  §§  12  et  30), 

15,  Lorsque  Yè  se  trouve  en  contact  avec  un  u  posttonique, 
il  persiste  d'ordinaire  sous  sa  forme  latine,  au  lieu  de  s*amincir 
en  I,  comme  cela  s'est  produit  en  lyonnais  :  Fila  Deou^ 
Bertlxflomeou^  Andreoux  et  Atidreua^  Maîhoux  et  Mat  hua  ^  fcou 
(provençal /f«)  dans  II,  Math'u  dans  IV,  Dans  le  livre  de  raison 
des  seigneurs  de  Forez,  postérieur  de  plus  d*un  quart  de  siècle 
au  Terrier  de  Chazelles,  e  s'est  réduit  à;  :  Atidrim^  syu  sébum. 
Déjà  dans  II  :  tyoida, 

ï6*  Les  noms  de  lieu  en  eu^  eau  s'expliquent  sans  doute  de 
même  :  Va  des  finales  en  ia(c)utn  s'étant  affaibli  en  e,  sous  l'ac- 
tion de  la  semi-voyelle,  cet  *' se  sera  comporté  comme  celui  des 
finales  en  etan  et  Ton  a  eu  des  vocables  toponymiques  tels  que  : 
Esperceul  i,  Eculeu  (aujourd'hui  Ecutly)  W  i  v*>,  CuseoUySoloy- 
memi  II  22,  Cyi^reu  III  2.  L'amincissement  de  e  en  i  se  relève 
dans  An^iiyu  II,  25. 

17.  riouy  ryou  rîvum  U,  29,  14  r**,  fwnyow^  cuniculos  et 
ceou:^  ecce  illos  II  36,  44,  nous  offrent  d'autres  exemples  de 
la  transformation  en  semi-voyelle  de  la  voyelle  accentuée, 
lorsqu'elle  est  suivie  d\in  m,  d'origine  latine  ou  romane.  De 
même,  en  vieux  lyonnais  :  riuy  siou^  Diu,  tioks^  miuiÇRoma' 
nia,  XIII,  545). 

ï8.  ô^  Met  au  donnent  (ï;  cet  a  était  ferme  ainsi  que  l'indiquent 
les  graphies  au  et  «  qui  se  rencontrent  parfois  dans  nos  textes  : 
lor^  XHilor  ;  hotra^  soa\\  —  passaor,  nevos,  roro  roburem;  tyoîa 
et  tycrnla^  dos,  fo  fuit,  josta  et  justa;  oaut,  esclosa  (français. 
écluse^,  ot  et  oui  habuit,  cm  caudam  II;  — (minsaors\  dos, 
pola,  chd  caulem,  ost  augustum  III;  —  nevow^  does  et  dui^ 
JQsta  rV .  —  Pibto  p  ô  p  u  1  u  m  est  anormal  * 

19.  Dans  les  finales  en  orium,  la  palatale  a  disparu  sans 
laisser  de  trace,  de  même  qu'en  provençal  :  aberaors^  essagaors^ 
terraor  II,  OraiW  III 9,  Dans  moni  *moni  a  H,  elle  s'est  bornée  à 
agir  sur  Va  posttonique  ;  la  régression  de  Vyod  se  constate  dans 
imyms  H  8  r**. 


LES  PARLERS   DU   FOREZ   CIS-LIGÈRrEN  9 

20,  est  diphtongue  d'ordinaire  en  ue^  de  môme  qa'en  lyon* 
nais  :  Ftur  I  ;  —  suel,  lue  II  49,  14  ;  —  uej  *ô  vos»  hu^le  III  et 
dans  IV  :  suer^  uert  et  bmc*hosc\xm  qui  proteste  contre  Tétymo- 
logie  buxus  proposée  par  M.  Storm  {Rontania^  V,  169),  Le 
passage  à  0^  sans  doute  fermé,  n'est  pas  rare  :  ncnfay  rolo^  boc 
U,  mollo  môdulum,  0/1,  olio^l  ule,  posquCy  knsoh  III,  ort  II  et 
IV,  base  W, 

21.  Devant  une  palatale,  0  est  représenté  par  uey  ou  par  oi  : 
puey  pod  i  u  m  n  ;  huây  III  ;  poys  p u  t  eu  m  II,  oytres  III ,  pois^  crois 
crucem  fV, 

Dans  la  charte  de  Saint-Bonnet,  ô  ne  se  diphtongue  guère  que 
devant  un  son  mouillé  ou  une  gutturale  :  art  15,  w/  18,  moifa 
29;  puéis  u,  nueit  n  oc  te  m  30,  pneschnt  jé,  ft4€c  45.  Dans  la 
coutume  de  Besse,  toute  trace  de  diphtongaison  a  disparu  i/oc^ 
poschont, 

PosTTONiauES.  —  22.  -^  puT  persiste,  de  même  qu*en  pro- 
vençal :  artna  I>  aveyia  H,  fava  III,  irossa  IV.  Une  palatale 
radoucît  en  <r,  d'où  la  diphtongue  ;>,  réduite  à  /  dès  l'époque 
préhistorique  des  dialectes  bressans,  lyonnais  et  foréziens  : 
ygkisi  I,  vigniy  rochi  II,  Porvemi  III,  verckri,  pcd  IV.  De  même 
ciri^  où  l'affaiblissement  de  la  est  dû  au  groupe  ir, 

25.  Précédé  immédiatement  d*ua  a  roman  accentué,  Va 
posttonique  a  été  comme  absorbe  par  la  syllabe  précédente  : 
estra^aservisa^tmina^  quariala^  etc.,  dans  le  Censier  de  Chamelles. 
Les  graphies  jornaa,  salua  quVmploie  le  Livre  de  raison  n  ont 
d'autre  but  que  d*indiquer  la  prononciation  fermée  de  Va  finaK 
Il  en  est  de  même,  dans  la  charte  de  Saînc-Bonnct,  où  on  Ut 
mailkraa  ^2,fcrnuia  13,  à  côté  de  mcsda  (mêlée)  15, 

Va  posttonique  se  maintient  pur  après  les  voyelles  autres 
qucû  :  frauria  18,  partia  II  15,  vetma^  menua  III  21,  la  soal  ^^ 
çreysm  H,  mais/ran,  Boari  II  15,  17» 

24.  Devant  s  de  flexion  a  passe  à  c  ifontams^  gotes  II  7  r**  11, 
raviolis Uli  does  IV  15 ,  Dans  les  féminins  en  1,  Ys  a  maintenu  Ve 
et  c'est  ly  qui  a  disparu  :  igkyses  I  7,  roclm  II  12  v°,  vimus  IV 
f  v<*.  De  tous  les  caractères,  sinon  distinctifs,  du  moins  habituels 
des  parlers  franco-provençaux,  cet  affaiblissement  de  a  postto- 
nique en  f  devant  x,  est  celui  qui  se  poursuit  le  plus  loin  vers 
Touest  :  la  coutume  de  Saint-Bonnet  ccm  femnes  ^  chauses  et  le 
patoisd'Apinacprononce/c«^kîj- mais  tout  prés  de  cette  dernière 


PHIUPOK 

commune,  à  Usson,  on  se  sert  de  pluriels  en  as  :  ttrras, 
hfîdxas,  etc. 

De  mirme,  et  à  plus  forte  raison,  dans  la  charte  de  Besse-en- 
Chandesse,  i  quelques  lieues  à  Touest  de  Saint-Boonei  :  toîas 
las  femnas,  chabras,  etc.  * . 

25.  L'^  posttonique  des  finales  en  aias  s'étant  adouci  en  e 
suivant  la  règle,  on  a  eu  des  finales  en  aes^  bientôt  réduites  à 
aySi  ais^  puiseyj:  : quartalaySj  eminays^  anays^  quartalaisll 50,  40, 
charbofiaySy  achatais,  obleys  oblatas  III  14.  Après  une  mouillure, 
a  tas  est  représenté  par  tes  :  detnenchies^  taUicSy  pidies  II  5,  21 

PosTTONiauES  AUTRES  QJJE  A.  — ^  26,  Là  OU  la  pronoociation 
exige  le  maintien  d*une  voyelle  de  soutien,  nos  textes  dis- 
tinguent soigneusement  entre  les  diverses  voyelles  latines  :  mare 
I  10,  U passim^  fran\  faurc  faber  II  27  6,  autre  alter  H,  2  r**, 
(rares  fratcr,  nuiytre  magister  III,  pare  IV;  autri  altcrî 
n  13  v^;Hugos,  Peros  II  2,  1 1  ;  autros  alteros  III,  IV;  rmrtajoî 
l^auiro  alterum./jwfi?  fa  bru  m  II  2  r*',  meismo  IV.  J'ai  relevé 
le  même  phénomène  dans  les  textes  lyonnais  et  bressans  des 
xm*  et  XIV*  siècles^.  Par  contre,  la  charte  de  Saint-Bonnet  ne 
fait  point  cette  distinction  délicate  entre  les  diverses  postto- 
niques autres  que  a. 

Signalons  le  maintien  de  Vu  posttonique  dans  Gorgorios  II  33, 
Cf  le  lyonnais  espadi\  sen^icio  ÇRomania^  Xin,  j  54).  Cet  u  s^est 
combiné  avec  Va  dans  fo  (^fau)  fagum  IL 

ANTiTONiQUES,  —  ij.  a  demeure  même  dans  le  voisinage  des 
palatales  :  chamin^  Cha^ale::;^^  achaîeî  II  42,  chavam^  agusar  IH, 
chavalar  IV  39.  Pareillement,  à  Tiniertonique  :  tmyluramentl  r, 
fayvakr,  Margarita  II  1 5  r**,  29  r°,  Oraor  II  et  III,  prejaor,  avan- 
saors  m,  lavaures  II  23  v°,  Gaîdjaûr^  cimnaver  FV  32,  17* 

Va  antétonique  n'a  pas  toujours  résisté  à  inaction  de  la  semi- 
voyelle,  mais  son  affaiblissement  en  e  ou  en  f",  dans  cette  situa- 
tion, est  beaucoup  plus  rare  qu'en  lyonnais  :  Tyseor  II  et  W, 
chimin^  chivroî,  HI, 


1.  Sur  Tinfluenoe  exercée  par  s  sur  la  voyelle  qui  la  précède,  voyez 
W.  Meyer-Lùbke,  Grammaire  des  langues  romanes^  n°  309  de  U  traduction 
française»  et  Romania^  XX,  78. 

2.  R^ntaniat  XIII,  554,  et  Ram  des  Pa^is,  I,  20, 


LES   PARLERS   OU   FOREZ  CIS-LIoèRtEN  II 

Notons  le  redoublement  de  Ta  dans  maalars  (vieux  français 
malart)  IH,  17,  Aaquaria  IV,  53. 

28.  ï  devient  e  :  perer  II  9.  Pâysson  III  s'explique  par  la  résolu- 
tion de  [a  gutturale  en/*  —  ê  demeure  :  pereiri ,  nami  IV  3  v**. 
Dans  mtismo  ^metipsimum  IV,  meyma  II  27,  il  se  peut  que 
la  contraction  ne  se  soit  pas  encore  accomplie. 

Sous  Taction  d*une  palatale,  è  passe  i  /  :  ciriskr  II  8  r", 
Gitieys  II  %Q  v°,  Ginics  IV  3  ;  igîeysi  I  1 1,  mais  pourquoi  sirventa 

m? 

Mis  en  contact  avec  la  voyelle  qui  le  suit  par  la  chute  d^une 
consonne  intermédiaire,  è  se  réduit  à  /  :  tyokr^  tyoIeri\  Miart 
Médardum  II  16  v^^  6  r^,  21. 

Devant  I  ou  n^  e  atone  peut  s'élargir  en  a  :  Michakî,  Guillal- 
min  n  5  V*»  i6,  vianeys  I  et  H. 

29.  r  persiste,  même  lorsqu'il  précède  un  1  accentué  :  dimi, 
Malvisin  II  5,  5  r**»  mais  aussi  Espcrit  1  8,  Fe:{edans\H  25,  et 
pare:^is  III,  (cf.  G.  Paris,  Romania,  \TII,  629).  f  a  passé  à  u 
sous  l'action  des  labiales  environnantes  :  prumerwtenl ,  dumenel\l 
9  cipassim. 

$0,  ôet  wse  maintiennent  avec  le  son  d*o  fermé,  que  nos  textes 
représentent  indifféremment  par  0,  ou  ut  même  u  :  anmî  I  3, 
mollet^  codurer,  rnotons^  jontala^  boari  II,  tmterla^  coicus  III^  BocrSy 
potins ^  conil  IV  3  v^,  4  r°,  25  ;  —  coudurers  II  41 ,  Mouners  IV 
I  yo.  —  nurirl  9,  rwr///,  frw)'fO«  (=  buyçon)  à  côté  de  boysson^ 
puiin,  ctisin  II,  /)wrn,  ufferendes  et  offcrmdcSy  qusirm  III,  ci^raV  IV. 

De  même  devant  w  médiale  :  Laofujsa  et  Laouneysa  II,  unyons 

m. 

Notons  le  maintien  de  Té?  intertonique  dans  Berthlorncou  II, 
peireal  petrôselinum  III  5. 

0  s'est  affaibli  en  e  dans  .ftvor  II  7,  pcirestl  III  Esphiîal  II  30  et 
Bertfmlmeoi4(=  BtrtMnuoii)  II  ;  il  en  est  de  même  de  û  àin^Jevesi 
(Juvisy), 

Il  y  a  eu  dissimilation  dans  Laofieysa,  Laouneysa^  raonî  II  43, 
26  V*,  26,  laoneisa^  Mmtramiî^  raonda  IV  i  v^'.  Suivant  toute 
vraisemblance,  Va  n'est  arrivé  i  a  qu'après  avoir  passé  par^  ; 
en  lyonnais,  cet  e  au  lieu  de  s'élargir  en  a,  s'est  aminci  en  l  : 
rianda  et  Lion  dans  Marguerite  d'Oingt,  prion  profundum 
dans  le  patois  de  Saint-Genis-les-OUières. 


I*  Cr*  Laon  {Lugdunum  Ckmium), 


r2 


E.    PHILIPON 


Consonnes*  —  3  i.  f  initial  ou  seconde  consonne  d^un  groupe 
latin  prend  le  son  chuintant  devant  a  :  chapclan  I,  cJmmin^  CIm- 
sahXt  Cbasîelltui^  mais  aussi  CaskiUd  II,  chiera,  chavaus^  char  UI, 
chavalar  IV;  —  Pervendjeres  I,  vercheyri  *veTcaria,  fiachi^ 
dtmenchks  H,  Mambi  III ,  Rocbifort  IV,  Ce  caractère  se  poursuit 
dans  les  parlers  du  Forez  trans-ligérien  :  charîra^  chavalers,  mûr- 
cha^  dans  la  charte  de  Saint-Bonnet  (§§  i ,  9  et  1 9) ,  et  dans 
ceux  de  la  Basse-Auvergne  :  cfmrmiis,  chaptal^  vacha^  dans  la 
charte  de  Besse  (Puy-de-Dôme)  ;  C  bal  m  y  chapitok,  dans  le  Cen- 
sier  du  prieuré  de  Vieille-Brioude  (Haute-Loire)  ^.  Les  patois  du 
sud-ouest  semblent  avoir  une  tendance  à  remplacer  le  son  chuin- 
tant pur  par  un  son  mixte,  représenté  d'ordinaire  par  îcb  et 
quelquefois  par  is  :  tchami^  tchar^  coûte hâ,  dans  un  conte  en 
patois  d'Usson  publié  par  P,  Gras,  à  la  suite  de  son  Dictionnaire 
du  patois  foré:^en,  p.  205  ;  tckmt  et  tsar,  tchi  canem  et  tsat,  dans 
des  pièces  en  patois  de  Saint-Jean-Soleymieux,  (P.  Gras,  loc. 
riV.,  p,  210,  215);  îsanîâ^  brantso  et  sauva kk%  dans  une  chanson 
populaire  en  patois  de  Luriecq,  (P.  Gras,  loc,  n/.,  p.  212). 

Nos  textes  accusent  une  certaine  confusion  entre  la  chuin- 
tante sourde  et  la  sifflante  dure  ;  broci  (vieux  français  broche)^ 
fiaci,  démmuies^  à  côté  de  fiachi^  âcmenchks^  dans  le  Censier  de 
Chazelles. 

32.  Si  le  groupe  consonne  +  c  est  un  produit  roman,  la  gut- 
turale  fait  place  à  la  chuintante  sonore  :  fargi  fabrica  II  6, 
mangi  "^manicam  H  23  r**,  colongi  colonie  a  11%  favergi 
fabrica  II  16  v*',  sahago,  Donmigo  (=  Dormnjo)  II  9,  mingier, 
prejaors  III.  De  même,  en  vieux  lyonnais  :  prcgier^  pregeours, 
erragicveîy  empegia,  empeginumî,  niangos  (manches  d'outil),  dye- 
mengiy  etc.  {Roman ia^  XIII,  561). 

Notons,  dans  le  Livre  de  raison,  la  forme  dmmni  doraioi(c)a 
qui  a  son  analogue  dans  les  patois  lyonnais  :  dittnUni^  à  Saint- 
Genis-les-Ollièrcs,  et  dans  les  patois  bugistes  :  dyorn^ne,  à  Juju- 
rieux  (Ain). 


1.  Aog,  Chassaiag,  SpklUgium  BHvatensty  Paris,  18S6,  p,  126. 

2.  Sur  lY'tymologie  de  cohngi^  vieux  français  cctuttgi\  voyei  Aug.  Beroard, 
Cariukire  dt  Savigny^  chartes  29,  33,  203  et  702,  et  Cartuîaiu  d\4\fmy,  charte 
56,  dans  la  Cûlïedion  dfs  Documents  in/dits.  Montauges  de  l'Ain  et  Montangf  de 
la  Savoie,  ont  été  de  même  formés  sur  le  cognomen  romain  bien  connu 
Mo^itanm^  à  Taide  du  suffixe  Um. 


LES   PARLERS   DU    FOREZ   ClS-LtGÉRlEN  IJ 

33.  Devant  e  et  1,  c  initial  ou  seconde  consonne  d'un  groupe 
latin  est  traité  de  môme  qu'en  français  :  ceou^^  cirisier  II  44,  I2j 
peysmi  III  ;  si  le  groupe  est  d'origine  romane,  c  fait  place  1  la 
sifflante  douce  :  ^«^m  puUicenom,  sau:^o  salicem,  sau:^ia^ 
DO^o  rumicem  II  15  r°,  16,  4  r**, /w;(ï«jrV  23  r^. 

34.  c  inter\^ocal  s'est  adouci  en  g  dans  nt^gun  I  11;  il  en  est  de 
même  de  qu  dans  enseguent^  aygui  III,  cyga^  essagaars  II  42. 

ïqui  ecce  hic  II  8,  suppose  un  type  bas  latin  ^eccu^m)  hic. 
ch  intervocal  a  pris  le  son  chuintant  dans  parrochiel  lÛ  33. 

35.  r  final  en  roman  s'est  résolu  en  2,  y  dans  ami,  r^y  *eccum 
hac,  lay  IL  Je  n'ai  pas  d'exemple  àciter  de  son  maintien.  Dans 
la  Charte  de  Saint-Bonnet,  au  contraire,  je  relève  îes  formes  pro- 
vençales mctnic^  amie,  fuec  48,  45  ;  pareillement  dans  la  Charte 
de  Besse  :foc,  amie. 

36.  Le  grouper/  donne  ^'/  :  layt,fayfi,frayti  fracta, /rtj/wrrj 
ni  ;  dans /ri*/  III,  au  contraire,  la  gutturale  a  été  purement  et  sîm* 
plement  éUminée. 

37.  La  dentale  intervocale  tombe  :  Sorlin  Saturninum  I  5, 
abcraors^  passaor^  raonî  II,  Ormr  III  9,  feou  *feoduni  (?)  Il  50, 
^«f>/III  10.  Dans  laomysa  II  43,  IV  66,  la  chute  do^  implique  la 
persistance  de  la  forme  pleine  Lugudunum,  attestée  d'ailleurs 
par  les  inscriptions  et  par  Dion. 

38.  L*éiimination  de  la  dentale  forte  s'observe,  également, 
dans  la  plus  grande  partie  du  Forez  trans-ligéricn  ;  chamjaor^ 
fertnaa^  cùigfwgua,    nwnda  dans  la  charte    de    Saint-Bonnet 

Les  patois  «  de  la  Montagne  »,  à  l'extrémité  sud-ouest  du 
Forez,  se  bornent  à  l'adoucir  en  d  :  niaridd^  jornada,  nmtiada 
(P.  Gras,  p.  224).  Les  pariers  de  la  Basse-Auvergne  agissent 
de  même  :  clmrrada^  moneJa^  dans  la  Coutume  de  Besse,  Orador^ 
plantada,  est  roda,  dans  le  Censier  de  Vieille-Brioude.  Pareille- 
ment, dans  le  parler  de  Clermont  :  doriada  (A.  Chassaing,  loc.  cit,^ 
p.  340).  Notons  dans  le  Censier  de  Chazelles  :  pidie  pietatem. 

Le  /  intervocal  devenu  final  en  roman  s'élimine  également  : 
pra^  meytia  et  tous  les  participes  passés  masculins.  De  même, 
dans  la  chane  de  Saint-Bonnet  :  volunta,  jura  13,  niarclMt^ 
fiania  24* 

Dans  la  Basse- Auvergne,  au  contraire,  le  /  s* est  maintenu  : 
merdMt^  donaî^  dans  la  charte  de  Besse  ;  prat^  p^gi^ty  dans  le  cen- 
sier de  Vieille-Brioude. 


14  E*    PHILrPON 

Le  /  final  appuyé,  soit  en  latin,  soit  en  roman,  persiste, 
alors  même  que  la  consonne  d'appui  a  disparu  :  dont  donet 
voudranîy  re^mrt  I,  devant,  aperthîont^  mais  aussi  aperihwn  II 
3  r*',  2  v*",  ÎMrcnt,  vmd^st,  Bcrîrant  W.funmî^  bcviront,  ensegueni^ 
unt  unde  III,  ant^  temnient^  ort^  pont  IV;  deyty  donet  Use  dinet, 
recet  receptum,  frut  lU. 

Signalons  encore  son  maintien  i  la  3*  personne  du  singulier 
do  subjonctifprésent  :  kysayi,  plamt  à  côté  dtprem  I,  10  i  u 

De  même  qu'en  vieux  français,  /  s'efface  devant  s  de  flexion  : 
ort  et  or;^,  part  et  /?^ïr^,  Betirant  et  Bertrani  II* 

Il  apparaît  parfois  Ik  où  Tétymologie  ne  l'appelait  p^s  ijohant, 
fort  n  14  v'',  I  2  ^ 

40*  Dans  Tintérieur  des  mots  et  dernière  consonne  d'un 
groupe,  /  s'adoucit  end  :  codurer,  consuturarium,  sender 
semitarium^n  3  v*'ji3  r^y  Sandos  *sabbatusIIL  Les  textes 
lyonnais  écrivent  pareillement  :  sanda  sanitatem,  acoindts 
adcognitos,  cindres  cincturas,  etc.  5. 

41.  Le  groupe  tr  se  comporte  comme  en  français;  le  / 
disparaît  sans  laisser  de  trace,  après,  sans  doute,  s*être  arrêté 
quelque  temps  à  d  :  mare ,  /rare ^  Peros  I,  Jî^f rares  III,  pare 
IV.  Dans  Peyre  à  côté  de  Peros,  Il  20,  11  et  peiruel  à  côté  de 
pcreccî  m  ) ,  1 1,  try  et  ei  sont  vraisemblablement  de  fausses  diph- 
tongues qui  indiquent  la  prooonciation  ouverte  de  IV,  A  Saint- 
Bonnet,  au  contraire,  le  /  se  continue  en  t  :  fahaire,  dans  la 
charte  de  cette  ville.  Pareiitement,  dans  le  patois  d'Usson  :  pei~ 
rettas,  et  dans  celui  de  Saint-Jean-Soleymîeux  :  vioulounaire^ 
peircs^  mais  hune*.  Le  Censier  de  Vieille-Brioude  emploie, 
comme  de  raison,  la  forme /ram?j.  Dans  la  charte  de  Besse,  le 
/  subsiste  adouci  en  d  :  faîsadre. 

42,  /  résiste  d'ordinaire  à  la  vocalisation  :  Sahago,  Cbalvel^ 
delsy  portai  II,  fmtal^  Pet  al  s  1,  saha,  navels  ^  cunyls,  porceL  navel 
ni,  Galchaor,  mais  aussi  Gatichaor,  communals,  als^  curiilx  IV. 
Devant  s  de  flexion  la  vocalisation  est  fréquente  :  Moreu:^^ 
Clmlveu:(^  Espitauiy  portau::^,  cuniouit  f^^«\  U* 


1.  Rommia,  VU  107,  Vllî  no,  XIH  565. 

2.  On  pourrait»  à  la  vérité»  supposer  un  bas  latin  semcdarium. 

3.  Rofnattia,  XÎII  $64. 

4.  P.  Gras,  lûc.  cit.,  pp.  204,  216,  220. 


LES    PARLERS  DU   FOREZ   aS-LIGÉRIEN  IJ 

Dans  la  Chartede  Saint-Booiiet,  /  se  maintient  mieux,  surtout 
devant  s  finale  :  falsa^  daîfina^  cassais^  cuminalsy  mais  aussi  autres ^ 
Uiauta,  autia. 

Dans  la  Coutume  de  Besse,  la  vocalisation  est  inconnue  :  altras^ 
dels^falsadra,  tfwltos,  calicls.  Dans  leCensier  de  Vieille-BriouJe, 
îe  ne  Tai  relevée  que  dans  les  articles  deus  et  atis;  partout  ail- 
leurs /  se  maintient  ;  cabrais^  parlais. 

Les  textes  du  Forez  cis^-Iigérien  ne  nous  fournissent  pas 
d'exemple  de  Tapocope  de  /  devant  une  autre  consonne,  apo- 
cope si  fréquente  dans  les  textes  lyonnais  {Roniania,  XIII,  588) 
Cl  qui  se  manifeste  déjà  dans  le  Censier  de  Rochefort  ;  Rose^. 

4}.  Le  passage  de  /  à  r  est  beaucoup  plus  rare  qu'en  lyon- 
nais; OQ  ne  le  constate  que  dans  Guilkrmo  I  i,  amandra  et 
ffwUrla  mustellam  III  16;  mais  ohno  II  6. 

44.  r  s'est  insérée  dans  trabla  Ul  et  s'est  déplacée  dans  Par- 
vmsi  III. 

45.  n  ou  m  finale  en  roman  persiste  toujours  après  une 
voyelle  ;  chapelan  I,  Sornyti^  Peron^  Hugon  II,  fen  III,  pan  IV  ; 
Chrisiim^  Hucom^  fam,  hom  II  15  r**,  7  v**.  Il  en  est  de  même 
dans  la  Charte  de  Saint-Bonnet  :  maison^  om,  mais  t^f  vinum, 
dans  la  Charte  de  Bcsse  et  tchl  cane  m,  tckmî  à  Saint-Jean- 
Soleymieux. 

n  se  maintient  quelquefois  après  r  :  torn^  forn  II  6  r**,  7  v**, 
fom^  cfxtrn^  mais  aussi  char  dans  IIL 

Devant  s  sa  destinée  habituelle  est  de  tomber  :  cesa ,  tsi 
in  sic  n,  22  f,  44,  tramislll^  10,  nwtos,  nuys  minus,  ces 
census  II,  22  r"*,  19,  Lus  et  Luns^  unios  et  hunyons  dans  IIL 
La  Charte  de  Saint- Bonnet  écrit  de  même  maisos, 

n  s*cst  laissé  remplacer  par  /  dans  Sorlin  I  >  et  par  r  dans 
arma  I  2,  vraisemblablement  après  avoir  passé  par  /,  Sempl 
seprem  H  nous  offre  un  exemple  de  Tépenthèse  de  la  nasale, 
phénomène  qui  a  pris  un  grand  développement  dans  les  parois 
du  Lyonnais- 

n  suivie  d'un;  est  notée  parfois  n  ou  nn,  mais  le  plus  souvent 
gn  :  kni  ligna  III,  saini,  sayna:^,  vini,  vinrus  IV  ;  sagni  II,  vigni 

n,iv. 

46.  /i\  n' suivis  d'une  voyelle  passent  à  la  sifflante  dure  notée 
tantôt  f  tantôt  s  on  ss  \  peci,  places,  Breysi  II  ;  fayson  et  faysson 
m,  A  la  finale  en  roman,  ils  sont  rendus  par  s  ou  ^  :  servis^ 
pays  U,  ier::  U,  IV. 


^r     r.    c   e:   iiicui    jcvicr^cn-  .    ai  msmt  qu'er.  ivomiais  : 

j:  u:::;  .  !  ir.:'^"...^:.  ts:  :.-.r-.  iiiiiîLTemmen:  .■  ol  s:  : 
uu.\Ui,i  i:  m.,  .ui^  s./;-j-.."  C"  «"/i-v^.r  ir-.j  IL.  /rjû:  e:  77iairi£ 
1\ 

lit:  !..  Il:  J:.  SOC'  ^iL^;..  '    iiitiesiG:  Ut  d?\-ai:  piu5  guère  se 

/i  f>/ii  j  ;'.-/.  /yj*;;L.  i'  nr  :.■  r*.  J  .4.  saw-ui.  io.  e:  /l.  ^«a^- 
/ii/.;\  t:  .;/<-;;.^;.;.  ^;u:  i:  ^-:::-£;"  J:  CiirL-îtliSi.  L  er.  es:  àt 
nu'ui;  a.   .     rrcvAicr.  j.r.-.^r:::^:  J  :::   irroinit  .  don:  it  zorps  de.^ 

iiiiîî-      i'tiii:,i'     t    .■;:;.;.;.-•    I.  -"     -.•.-   IL 

nii.ii:   :..   :.::.v.,    \.::.^r.::cr    :.":r^jj-  :u*  "     w:air,  Ohaso- 

\^.:w    civ.vuiiiir.   ^.  :i-ij»zr.     .  •/;;■   -z:  f.\iv,.'-  L.  ji.j.  e: /vxza.  I. 

1.    ;;.i.-..      ■■.■.'."    Z.    .'».  su.-rîjLï    Ji:   :  .:rci   r  .  es:  jrrett  i:  f 

'•..,".;    1    .      '.  '•     "        ■       =   '  ■«.""     "  *  *i  '  :.'n   T.  '~ 

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■'i:  »./*-" 


LES   PARLERS   DU   FOREZ   CIS-LIGÉRIEN  I? 

Flexion.  —  52.  La  déclinaison  esc  assez  bien  observée;  c*est 
ainsi  que  les  substantifs  en  er^  suivant  la  2*  déclinaison,  sont  très 
régulièrement  dépourvus  dV»  au  nominatif  singulier  :  faure  H, 
maytre  VU.  L'assimilation  de  la  3*  déclinaison  à  la  seconde 
n'apparaît  guère  que  dans  le  Livre  de  Raison  {[rares  f rater, 
prejaor  prédicat  ores),  et  encore  n'y  est-elle  point  la  règle. 
Les  noms  propres  de  la  i^  et  de  la  2'  déclinaison  offrent  fré- 
quemment Taccusatif  en  an^  on  :  PcroncUa^  Peroncllany  Jaqm- 
tan,  Filippan  I  et  II  ;  Mathia,  Mathian  II  12  V,  n  r%  Guillal- 
man  II,  Aaquaria^  Aquarlan  IV  28,  25  ,  de  même  tantanU; 
Peros^  Ptron  II  11,7. 

53,  L'article  masculin  est  /f,  au  cas  sujet,  comme  dans  les 
Chartes  de  Saint-Bonnet  et  de  Saiot-Vallier,  (P*  Meyer,  Recueil 
Tamiens  Uxtcs,  p.  173);  les  textes  bressans  et  lyonnais  de  la 
lème  époque  ne  connaissent  que  la  forme  //. 

Masc.  sing.  le  ;  él  I,  H,  dal  IH;  al;  h.  —  Plur.  li  ;  dels  II, 
IV,  dtl  IL  m,  dtui  IV  2  v-;  dal  III  ;  ah  H,  al  II,  III  ;  los,  h  U. 

Fem.  sing.  li;di  la\  a  la,  alla  II  \  la.  —  Plur.  ks\  de  Ics^  de 
kU;  a  lesl,  ailes  et  alh  U  ;  les. 

Neutre  :  lolî6  et  III.  el^=en  la;  en  la,  en  les. 

$4-  L'adjectif  démonstratif  est  représenté  par  ftf/ II,  FV,  cclta 
et  ces  ecce  illos  U;  le  pronom  démonstratif,  par  ceou:(^  ecce 
illos  et  le  neutre  co  U  16  r*»,  sa  El;  icol  15. 

SS-  L  adjectif  possessif  fléchit  ainsi  :  Masculin,  singulier, 
sujet  :  sos;  r^ime  :  mon,  son.  —  Pluriel,  sujet  :  mi,  si  ;  set  IV  ; 
—  régime  :  mos^  sos.  —  Féminin,  singulier,  sujet  :  sa  I,  Il  ; 
régime  :  sa  II  passim  et  III,  si  I  i,  II  7,  14.  Au  pluriel,  je  ne 
relève  que  le  régime  nostrum  III  et  l'indéclinable  lor. 

L'adjectif  possessif  absolu  (ou  tonique)  est  représenté  par  sia 
sua,  français  :  sienne  et  par  lor  H,  42. 

Comme  exemples  du  pronom  possessif,  je  n*ai  i  citer  que  la 
jol  I  9  et  la  lor  Û, 

56.  Au  singulier  et  au  pluriel,  le  pronom  relatif  des  deux 
genres  est,  au  cas  sujet,  qui,  dans  le  Terrier  de  Chazelles  et  que^ 
dans  le  Livre  de  raison*  On  trouve  aussi  qi4e,  pour  le  féminin, 
dans  n,  13  r*».  Le  cas  régime  est  que  pour  les  deux  genres  et  les 
deux  nombres. 

Le  Livre  de  raison  emploie  le  relatif  li  quai  au  sujet  mascu- 


lin  pluriel  ;  le  Terrier  de  Chazelles,  au  contraire,  ne  paraît  pas 
connaître  le  relatif  tiré  de  qualis  :  AI  clxmin  per  que  Imn  vait... 
n,  39  ;  —  pcr  la  vercfhjri  en  qm  est  sa  tmysons  II  1 1 . 

57*  Le  pronom  personnel  fléchit  de  la  façon  suivante  :  i" 
personne /<?;  ms;  —  3*  personne,  masc.  sîng,  el;  li  (franc. 
lui)  ;  fo;  —  pluriel  i7;  lor;  los\  —  féminin  singulier,  ilïi  I  i  ; 
Icy  I,  /i;  la\  —  neutre  /;a,  0  I  11,  2,  au  sujet  et  au  régime 
(fraoç.  ï7,  le).  Le  pronom  personnel  est  assez  fréquemment 
omis  dans  I  et  II  :  tant  quant  Uy  plaira  I  r  ;  — perj  art  que  acha- 
teront  II  ïé  r^. 

Le  pronom  personnel  absolu  (tonique)  fléchit  comme  suit: 
Masculin  singulier,  sujet  :  eî  II passim  :  «  et  tint  a  quart,  el  et 
SOS  frare,  v  meitarays,  «  Il  21  r^  ;  régime  :  de  luy,  a  luy.  —  Fémi- 
nin singulier  régime  :  a  ley  (franc,  à  elle}  I  i ,  HI.  —  Pluriel 
masculin,  sujet  :  il  dut  IV  2  r°;  régime  :  lor  (franc,  eux}. 

Notons,  à  la  3*^  personne  du  masculin,  Temploi  régulier  du 
pronom  j^  :  «  Et  tint  ij  sestarays  de  terra  a  quarts  per  se  et  per  si 
mullier,  »  II  14;  «  per  se  »  IV  4  r^. 

Le  pronom  indéfini  est  lx>m  I,  H. 

58*  Nos  textes,  comme  on  devait  s'y  attendre,  sont  assez 
pauvres  en  formes  verbales;  ce  qu'ils  en  contiennent  suffit 
cependant  pour  nous  autoriser  â  rattacher  la  conjugaison  du 
Forez  cis-ligérien  au  rameau  provençal.  —  C'est  ainsi  que  la 
finale  latine  *ant  se  conserve  régulièrement,  non  seulement  à 
Timparfait  de  Findicatif  et  au  conditionnel  :  aviant  II,  30,  paya- 
riant  U  43,  descendrianî  III,  mais  encore  au  (mur y  partrant  I  lo. 
Il  convient  d'ajouter  que  le  Livre  de  Raison  témoigne  d'une 
tendance  marquée  à  substituer  la  finale  un  k  la  finale  an  :  aviunt 
et  poiunî  à  côté  de  descendrianî. 

Nos  textes  ne  nous  fournissent  qu'un  seul  exemple  de  la  j* 
pers,  plur.  du  présent  de  Tindicatif  :  fermant  IL  On  sait  que  les 
textes  lyonnais,  qui  maintiennent  d'ordinaire  la  finale  latine  -ani 
(receviant^  faysiant  faciebant,  dans  Marguerite  d'Oingt),  flé- 
chissent, eux  aussi,  en  oni^  les  3"  personnes  plurielles  du  pré- 
sent et  de  l'imparfait  de  Findicatif  :  antant ,  entravant,  dans 
Marguerite  d'Oingt,  pp,  46,  63. 

Le  parfait  des  verbes  de  la  i"  conjugaison  est  formé  sur  le 
type  dédi,  conformément  à  l'usage  du  provençal  :  comensey  III 
I,  dond  n  43,  itemos  III  14,  acJxUeront  II  16  r. 


^ 


LES  PARLERS  DU   FOREZ  CIS-LIGÉRÏEK 

Signalons,  au  présent  du  subjonctif  de  la  i'*  conjugnison,  les 
3"  personnes  du  singulier  en  ayt^  eyt  :  laysait,  ayiayî;  nialmcntyt 
I  lo  9. 

A  l*imparfaît  du  subjonctif  de  la  première  conjugaison,  la 
finale  latine  —  ent  est  rendue  par  ant  :  anmtdeysanî  I  11, 
aclmksant  II  30. 

La  conjugaison  de  nos  textes  se  rapproche  du  français  en  ce 
que  Va  posttonique  de  la  3*  personne  du  singulier  du  présent 
de  l'indicatif  des  verbes  en  ar^  s*est  adouci  en  <?,  de  miïme 
d'ailleurs  qu'en  lyonnais  :  isîc  II,  pose  I,  Pareillement  au  présent 
du  subjonctif  :  planet  I  it. 

Notons  aussi  que  le  Livre  de  raison  forme  l'imparfait  de 
Tindicatif  de  la  r*  conjugaison  sur  le  type  de  Timparfait  en 
ébam  :  mmiant^  detncfiani,  contrairement  aux  textes  lyonnais 
qui  ne  nous  fournissent  que  des  formes  en  avant, 

59.  Voîd,  au  reste,  le  tableau  sommaire  des  paradigmes 
relevés  dans  les  textes  que  je  publie  : 

i*^* Conjugaison.  —  Indicatif  présent  i.  donc  I;  3,  isteTl  22, 
pose  I  I  ;  6.  fermant  U  5  r".  — Imparfait  6,  demoriant^  meniani  UI 
t,  14.  —  Parfait  i.  œmensey  III  i  ;  3,  donei  U  44,  se dinet  III 22; 
4.  itemosYH  14  ;  6*  acbateront  II  16  r°,  se  dinerunt  III 28.  —  Condi- 
tionnel 6.  payariant  H  44.  —  Subjonctif  présent  3,  laysayi  I  lo, 
aydayt^  ntalmeneyt  I  9;  gart^  dont  L  —  Imparfait  du  subjonctif  6* 
anmideysant  In,  achaksantW  30.  —  Infinitif  présent  reiormr; 
mingier  III 10,  14.  —  Participe  présent  denwrant  lit  i.  —  Parti- 
cipe passé,  masc*  sing.,  pela  II  30  r**  ;  paya^  anonsic  I  12,  1 1  ;  — 
Féminin  sing.  ascrvisa  II  ;  *mingia,  —  Féminin  pluriel  asem- 
says  n,  iuhatais  III  14;  ^mingies. 

2*  Conjugaison.  —  Indicatif  présent  -^^  deit  Tl,  deyt  \\  6. 
devmit  II  30  v°.  —  Imparfait  6.  poiunt  III  10.  —  Futur  6.  vou- 
drant  I  2.  —  Parfait  3.  z///  I  15.  —  Infinitif  i^tv/r  UI  10.  — 
Partie,  passé  masc,  recet. 

3*  CoNjUGAïsow  —Imparfait  de  findicatif  3.  candiisetJÏX  14. 
—  Parfait  i,  dépendit  III  14  ;  — 6.  feyront  III  i ,  mit  t  iront  HI  14, 
bevirmtt  HI  32.  —  Futur  3.  playrali.  —  Conditionnel  6.  descen- 
driantUl  10.  —  Subjonctif  3.  se ptanet  I  i  i.prette  l  10.  —Impar- 
fait l.vtndest  II 43,  —  Infinitif /ï/rd  III  i  ;  rendre  I  8.  —  Parti- 
cipe présent  veyent  II  32  r*»*  —  Partie,  passé  perdu  III  14;  vendua 
Uifayîi. 


20  E.    PHILIPON 

4^  Conjugaison.  —  Indicatif  présent  3.  tint  II;  6.  tinont  U 
30,  —  Parfait  6.  partinmî  lll  2.  —  Futur  6.  parîranî  I  10.  — 
Infïmûi  venir  III  i*  —  Partie*  présent  cmUimnî  II  30.  —  Partie, 
passé  féminin  vmua  IIL 

AvEiR.  —  Imparfait  3*  aveit  II  43,  aveî  III  14;  6.  aviant  II 
30,  III  143  aviunt  III  10.  —  Parfait  3.  oî  II  passim^  oui  U  15 
r"  ;  6.  oront  H* 

EsTRE*  —  Indicatif  présent  3,  est  U;  6.  sunt  H  15,  III  r, 
sont  n  15.  —  Imparfait  3.  ère  II  22;  6.  eruîH  III,  —  Parfait  3. 
fû  II  6,/w  III;  6.  /(?nw/  II  i,  /«nw/  ti  juruni  IIL  —  Subjonctif 
présent  3 ,  j<y/  In. 


L   TESTAMENT  DE  JOHAK  DE  BOURBON. 

Le  22  avril  1289,  i  la  demande  des  intéressés,  le  juge  du  comté  de  Forez 
faisait  transcrire,  sur  k  registre  des  insinuations  de  Feurs,  les  dispositions  de 
dernière  volonté  contenues  dans  le  testament  olographe  d'un  certain  Johaa 
de  Bourbon  '.  Suivant  Tusagc,  le  greffier  paraît  s'être  contenté  d'apporter  à 
la  rédaction  originale  des  modifications  de  pure  forme;  parfois  mêmeUs'ou* 
blie  jusqu^à  copier  textuellement,  de  telle  sorte  que,  dans  un  même  paragraphe, 
on  le  voit  se  servir  tour  â  tour  de  la  première  et  de  la  troisième  personne. 
Aussi  bien,  au  point  de  vue  de  la  localisation  linguistique  de  notre  document, 
cela  importe  peu,  puisqu'il  résulte  du  contexte  que  le  testateur  habitait  soit 
l'anden  fotum  Se^^usiavonim^  soit  Tune  des  communes  qui  Tentourent, 

La  feuille  sur  laqueUe  le  magistral  avait  fait  transcrire  le  testament  de 
Jehan  de  Bourbon  a  été  détachée  du  registre  des  insinuations  ;  conservée  par 
hasard,  elle  se  trouvait,  il  y  a  quelques  années,  aux  Archives  du  Rhône  où 
j*en  ai  pris  copie  : 

Nos  Henricus  Dessartines,  legum  professor^  judex  in  coraitatu  Forensï, 
notum  facimwj  univ^rsis  présentes  litteras  înspecturis,  quod  anno  Domini 
M  ce  octogesimo  nono,  die  V^enms,  post  ociabas  Pasche,  pirsentata  nobis  in 
scriptis,  apud  Forum,  testamento  seu  ultinu  voluntate  Johannis  de  Borbono 
dtfTunai,  presentibus  pareniibus  et  amicis  ipsius  deffuncti  qui  dicebant  sua 


t.  Sur  le  juge  ordinaire  du  comté  de  Forez,  qui  dut  résider  à  Feurs  jus- 
qu'en  1441,  époque  à  laquelle  la  capitale  du  Forez  fut  transportée  à  Montbri- 
son;  voyez  Chantclauze,  îoc.  c^//.,lll,  254. 


LES   PARLERS   DU   FOREZ   CIS-LIGÈRIEN 


21 


intereue-..  diaum  testamentum  seu  uhimam  volumatem  apperuîmus,  publî- 

cavimas  et  de  verbo  ad  verbum  legimus  et in  forniam  publicam,  ad  per- 

pctuam  rci  memoriam»  redigi  facîmus  in  hune  modum  : 

1.  Prirno  Johannes  de  Borbono  pose  essecutor  de  son  hostal  Guillermo 
Chapelan  et  Johan  Chapelan  son  fraro  et  Vialet  Foron  d'Esperceu  *  [et] 
Johan  de  Bonayr,  Et  kysse  Filîppaa  si  muillicr  dona  et  senoreyssa  de  soq 
hostal»  tant  quant  ley  playn,  et  quant  ley  non  playra,  jo  H  dono  deys  livres 
de  parûû  de  meyluramem  hotre  son  niariajo  et  una  gonella  et  un  surecot  de 
bruoeta»  tant  que  a  la  valor  de  c  sols  vien.,  et  .xxx.  livras  de  parisù  de 
mariajo  que  illî  î  a. 

2*  Item  .ÎJL.  châpellans  pr*r  s^arma  et  a  chascun  dont  hom  ,îj.  sois  vicneys,  ej 
jort  que  U  essequtor  o  voudrant. 

I.  Itéra  al  chapelan  de  Rosers*  .v.  soîs  de  pamu  p^r  un  anoal. 
4*  Item  al  chapelan  de  Ci  vent  »  .j*  anoal  de  V  soli  de  parijû. 

5.  Itccn  .xij...  punsis  ai  pont  de  Saint  Sorlin*. 

6.  Item  cl  pont  del  Palays  de  Fuer  *  .ij.  sois  vianeys. 

7.  Item  a  les  igleyses  d*Espcrceu,  de  Civent,  de  Roserz,  de  Costanccs*,  a 
cbasmoa  ygleîsi  ,ij   sols  vianm. 

8.  Item  a  Sen  Esteven  de  Lion 7  .vj*  [sols]  vianeys;  a  la  frauna  de  Saint 
£$P<nt  de  Roscrs  xx  sols  de  parmi  a  rendre  dcdîns  à],  anz. 

9.  Item  laysse  Stevenin  son  frauro  deu  fey  et  la  soa,  sos  efans  ;  et  que  los 
guait  come  prr  se,  et  que  los  aydayt  a  nurîr  et  que  no  los  bâte,  nos  los  mal- 
rocncyt. 

to.  Ixfm  comandc  que  Peros  sos  fils,  le  annas  de  sos  enfans,  prme  .x.  Iivr« 
de  paiifij  de  melurament»  lay  que  il  partr ant,  et  salve  si  mare  come  sa  cherc 
marc  ;  et  que  guan  los  enfans  come  ^  se  et  que  no«  laysayt  Tostal  mcspar- 
tir,  tant  quant  îlli  viora. 

I I ,  Item  comande  que  ho  seyt  anonsîe  a  Rossc[rs]  et  a  Costances.  que  si 
avcyt  negun  que  se  planet  de  luy,  que  U  esscqutor  lor  ho  amendeysant  el 
reguart  de  saint  igleyst. 

12.  Item  a  paye  Johan  Chapelan.,..,  .c.  ^h  de  vianeys,  a  payer  en  marz  de 
k ,  paya. 


t.  Espcrdeux-Saint-Paul,  con  de  Fcuis. 

2.  Roner-eo-Oonzy,  con  de  Feurs. 

3 .  Gvcos,  con  de  Fcurs. 

4.  Il  s'agit  vraisemblablemem  ici  du  poct  qui  traversait  la  Loire,  en  face 
de  Fcurs. 

5.  Le  Palais,  faubourg  de  Fcurs,  sur  la  rive  droite  de  la  petite  rivière  de 
Loiâc, 

$,  Cottance,  co»  de  Feurs. 

7*  Aodeime  église  métropolitaine  de  Lyon,  construite  au  v«  siède  par 
saîot  Patient.  Cette  église»  aujourd'hui  détruite,  était  attenante  à  Saint-Jean 
qui  Tavait  dépossédée  du  siège  métropolitain. 


22 


E.    PHILIPON 


15.  Item  a  recet  de  Johan  de  Bona^T  .xxx.  livrai  vianeys  del  manajo  soq 
fraro. 

14.  Item  .XXXV.  hvres  vianeys  en  dejrt. 

15.  ko  vit  Vialet  Faure  d'Esperceu  et  Andreueiz  de  P<?rvencheres  et  Cle- 
mcns  de  Gutis  et  Peros  Petals  et  Nicholas  BoUers  de  Seo  Marcelin.  Tesict 
suniîsti. 

16.  Datum  lo  vcndros  après  Testa  saynt  Mîcliel,  anno  Dommi 
MCCLXXXVUI.  In  eu  jus  rei  testimoniumj  nos  prefatus  judex  huic  prescnti 
carte  et  publication!,  a  nobis  rite  et  sollempniter  piiblicate,  in  formatn  publi- 
cam,  ad  pcrpctuam  reî  niemoriam ,  prout  tnores  et  juriscst  redacte,  sigillura 
Forensis  curiac  duxîmus  apponendum. 

Datum  anno,  die  et  loco  predictis. 


n.   CEKSIER   DE  LA  COMUANDERIS   DE  CHAZ ELLES -SUH-LYOK. 

Vers  îa  fin  du  xvip  siècle,  les  archives  de  la  Vénérable  Langue  d* Auvergne 
furent  transportiics  â  Lyon,  dans  ThÔtel  de  la  Commanderie  de  Saint- 
GeorgeSt  où  le  Grand  Prieur  venait  de  fixer  sa  résidence»  Transférées  à  THo- 
tel  de  Viîle,  en  vertu  de  la  loi  du  5  frimaire  an  V,  portant  création  des 
archives  départementales,  elles  y  furent  conser^^ées  à  peu  près  intactes  jus- 
qu'au mois  de  janvier  1848,  époque  â  laquelle  le  Ministère  de  Tlntérieureut 
la  malencontreuse  idée  de  répartir  cette  précieuse  collection  entre  les  dix-huit 
départements  compris  dans  rancienne  circonscription  du  Grand  Prieuré  d'Au- 
vergne. Ce  qui!  en  reste  aux  Archives  du  Rhône  y  est  classé  sous  la  déno- 
mi  nation  de  Fonds  dé  MalU*. 

Ctsi  dans  ce  Fonds  que  se  trouve  le  Registre  terrier  de  la  Commanderie 
de  Chazelles  sur  Lyon  *,  petit  volume  en  parchemin  de  50S  «™  de  haut  sur 
20o™n»  de  large,  comprenant  32  feuillets,  écrits  sur  deux  colonnes.  Au  dos 
et  en  tète,  une  étiquette  avec  cette  mention  en  écriture  du  x%ijf  siècle  :  Cha- 
^Uts^  no  j,  i2^\  au  dessous,  la  cote  nouvelle  H  3316»  Le  terrier  de  Cha- 
zelles a  été  dressé  en  1 290  :  c'est  un  des  plus  anciens  documents  en  langue 
vulgaire  que  possèdent  les  Archives  du  Rhône.  A  répo<îue  où  il  fut  établi, 
rH<ipital avait  des  possessions  dans  trente-quatre  paroisses;  indépendamment 
des  redevances  ou  prestations  en  nature ,  il  percevait  84  livres  2  deniers  et 
5  poiseSj  réparties  entre  395  tenures  ou  censives.  En  outre  des  redevances 


1.  L.  Niepce,  Li  Grand  Prieuré  d'Auvergm^  f.  6. 

2.  La  Commanderie  de  Chazelles  sur  Lyon  (Loire)  fut  fondée,  vers  1148, 
par  Guy  II  comte  de  Forez  (La  Mure,  Hist.  des  ducs  de  Bourbon  et  des  comtes 
duForei,  t.I^p.  157). 


LES   PARLERS  DU    FOREZ  CIS-LIcfeRIEN  23 

boclèreSrla  Cotnmanderie  levait  sur  ses  tenanciers  h  taille  personnelle;  enfin 
ïcs  teourcs  à  quart,  c'esi-à-dire  moyennant  l'abandonncment  du  ^uart  de  la 
rkolte  AU  seigneur,  étaient  fréquentes. 

Les  censîves  consistaient  en  terres,  prils,  bois,  saulées,  vercheyres  ou 
pacages,  jardins  (or^),  courtils  et  vignes.  Les  ensemencements  en  froment 
étaient  rares  :  le  seigle  et  l'avoine  içyi'a)  occupaieni  la  presque  totalité  des 
surfaces  emblavées, 

(f»  i)«  Anno  Domim  MCC  nonagesîmo  fuit  scriptum  serviiium  domus  hos- 
piftaiis  de  ChasaJez. 

Et  primo  :  In  parrochia  ât  Chasaïei, 

I.  Estevena  Neyrona  ddt  de  servis  alla  maison  de  Chassai ez  .xij.  den. 
Vian,  et  una  galUna  et  ,]'.  quart  al  de  orgo  p^-  sa  mayson  et  la  vercheyri  qui  se 
tint  a  sa  mayson.  Item  tint  .vij.  meitûrûtyi'  de  t^rra  a  quart  en  la  colongi, 
juxta  la  terra  Joanct  Audevert  dedoes  parz, 

3,  Hugos  Neyrons  .iij.  mcit^rj  de  segla  et  lo  tera  de  ,j.  gallina  p^  sa 
niayson  et  p<T  la  tirra  qui  s*y  tynt.  Item  âiij.  den,  per  lo  pra  qui  se  tint  alla 
l^rra  davant  ditî. 

y.  Joanyns  Neyrons  Jij.  mcit<îrxde  scgla  et  lo  terz  de  J,  autro  meittr  p^^ 
Il  terra  de  Conba  Esclaveui  qui  est  juxta  la  tora  Hugon  Neyron.  Item  .iiij, 
d.  V.  per  los  pras  qui  se  tinont  alla  dîti  terra. 

4»  Joanez  Audeverz  .vlij.  d.  vian.  p^r  una  mayson  et  p«T  .j.  ort  qui  suMt 
juxti  la  nuyson  P.  Escofer,  Et  tint  una  emina  de  tirra  a  quart  juxta  la  terra 
P,  Vsoart. 

5,  J.  Grangons  .viij.  d,  \\  et  dim/y  galltVw  e  lo  terz  de  .j.  rasoti  conblo  de 
cyva  pfT  sa  ma)'Son  et  pfr  son  ort  et  ^tr  très  demenchies  de  ti'rra  qui  suwt  alla 
filerameyri  qui  forom  rendues  prr  los  pras  que  el  aveit  en  Testanc. 

d.  Le  dure  Ysoarz  .vj.  d.  e  lo  terz  de  una  galh>«ï  et  dimey  ras  de  cyva  alla 
gram  mesura  prr  sa  mayson  et  per  son  ort  qui  est  juxta  sa  mayson.  Item 
J{.  ras  d*avena  alla  grant  mesura  p^r  la  v/rcheyri  de  la  font  al  fauro  qui  est 
juxta  la  t^rra  Guillalmin  Jaquei.  Item  ,j-  r^  d*avena  alla  grant  mesura  p^r  la 
vircheyriquî  est  suspra  grant,  — (/<>  /,  i'o).Itcmprt-îa  Virrcheyri  de  la  Bapau- 

déyrî hem  pw-la  fargi  del  poys  jij\  d.  Item  p^r  la  mayson  et  p<T  la  v^r- 

chcyrî  qui  fo  Joanln  de  Tolmo  .xij,  d.  et  una  gallm^  et  ].  demenc  d*avena 
alla  grant  mesura.  Item  deit  de  mayens  .ij.  sols  et  .vij.  d,  pfr  son  pra  del 
vem[c])'  et  p*T  lo  pra  clos  qui  est  desus  sa  mayson  et  p^r  la  sagni, 

7,  Joaoca  Arodons  *ij.  sols  et  .iiij.  den.  vîan.  et  ;ij.  gall/>wj  et  quatro  ras 
d*tvenaalla  grant  mesura  et  .j.  conblo  d*avéna  alla  mesura  de  la  segla  p^r  sa 
mayson  et  per  son  ort  et  p<f  .xij.  méiiarays  de  t^rra  qui  sunt  alla  Chcsa», 


r.  Œ  mtyiara^  f*»  19  v©,  et  meytarah^  fo  24  v^. 

1.  La  Chaize,  Heu  dit  dans  la  paroisse  de  Chaz elles  (Cassini,  87). 


34  E.    PHIUPON 

juxia  b  terra  alla  Jacoarda  et  |vr  una  emina  de  t/rra  qui  est  i  Pera  chalva, 
juxta  la  Xern  Joan  Jauniar  et  per  lo  boc  de  k  Lonnairy  qui  est  juxta  lo  boc 
alla  IvernaJt,  Item  pfr  lo  boc  que  achatet  de  sj  seror  Gemencyn,  la  quînta 
part  de  .ij.  conblos  d'avena  alla  mesura  de  la  segla  qui  est  en  la  Lonayry, 
juxta  lo  boc  Peron  Blanc.  Et  deit  .xvj.  d,  vian.  de  mayens  per  lo  pra  del 
trcyvo  de  la  Chcsa  e  per  lo  pra  del  Revochayli. 

8.  Joanez  Boers  de  la  Chesa  ,vij.  sob  et  *vj,  d.  vîan.  et  uiu  galiswi  et 
Jj.  ras  de  cyva  alla  mesura  de  Sant  Galmer  per  sa  tnayson  et  per  son  ort,  et 
per  la  v^rchcyri  qui  se  tint  alla  mayson.  Et  deit  .xviij.  den.  de  mayens  p^ 
son  pra  de  la  Gymon  '  qui  est  juxu  lo  pra  Joanin  Arout,  la  Gymon  entre- 
mey.  Item  per  M],  peces  de  pra  qui  sunt  en  pra  Sant  Galmer,  qui  se  tinont 
al  pra  a  la  Jacoarda  e  al  pra  Joanet  Jaumar.  Et  tint  de  t^ra  a  quan  en  pra 
San  Galmer  ,x.  mcnarays  en  dos  lues.  Item  .vij.  meitarays  autres  iqui  meymo 
entre  los  pras  davant  diz. 

9.  P»  Asters  jj,  soLr  vian.  per  sa  mayson  qui  est  dedcnz  les  portes.  Item 
p<*r  la  mayson  alla  palli  .xviij,  d,  v.  et  una  galliwj  ;  et  p^  Fort  et  p<T  la  v^- 
cheyri  qui  se  tint  alla  mayson  jj.  ras  d'avena  alla  grant  mesura.  Item  per  la 
mayson  qui  fo  Grifon  .xviij,  d.  v.  et  una  gallina  et  per  Tort  qui  s'i  tint. 
Item  per  una  quartala  de  t^rra  qui  est  al  perer  P.  Fauro  .j.  quartal  d*avcna 
alla  mesura  de  Sant  Galmer.  Item  per  la  v^rrcheyri  del  Faugatz  ♦xviîj,  d.  v. 
Et  deit  de  mayens  .iij.  ob.  per  lo  pra  del  Faugatz»  Et  Jj.  sob  per  pra 
Domengo  qui  est  juxta  lo  pra  Peronellan  Priva.  Item  per  lo  pra  de  Gota- 
riiayna  .iiij.  d.  v.  qui  est  juxta  les  twres  del  Hospital. 

10.  Grcgorios  SOS  (rare  Jj.  conblos  d'avena  alla  mesura  de  la  segla  per  una 
demetichia  de  trrra  qui  est  al  pcrer  P,  Fauro.  Item  de  mayens  .îiij.  d.  vîan, 
per  îû  pra  de  Gotamcyna  qui  est  juxta  la  terra  de  TEspliîtal  et  justa  los  pras 
del  mont. 

1 1.  (/"  3  fo).  Peros  Tortorons ,  j.  gallina  et  .j,  quartal  de  segla  ras  et  peylo 
per  sa  mayson  et  per  la  vercheyri  en  que  est  sa  maysons.  Item  per  h  vrr- 
che>Ti  qui  fo  Bernardin  j,  quartaJ  de  cyva  alla  mesura  de  Sant  Galmer.  Item 
.j.  meit^r  conblo  de  cyva  alla  mesura  de  la  segla  per  una  demenchia  de  um 
qui  est  ailes  Cotes".  Et  deit  .v.  d,  vian,  de  mayens  per  son  pra  de  les  Gotes 
qui  est  juxia  lo  pra  de  Charentena  K 

12.  Joanez  Tortorons  .ix.  d.  vîan.  per  sa  mayson  qui  est  dedenz  los  por- 
tauz.  Item  .j.  quartal  de  cyva  alla  grant  mesura  per  la  vrt-chevTi  del  treyvo 
quant  Lom  vait  a  Sant  Cafuria*.  Et  deit  de  mayens  .iiij.  d.  et  oboh  vian. 
per  pra  I>ocet  qui  est  juxta  lo  pra  alla  Borgona. 


1.  Rtusseau  qui  se  déverse  dans  ta  Coise»  afBuent  de  droite  de  la  Loire; 
Lagîmont  lieu  dit  sur  la  paroisse  de  CbazeDcs  (Cassini,  87),  la  Gimond(Eut 
Major  t68). 

2.  Trois-Gouttes,  lieu -dit  au  sud  de  Cbazclles. 
5.  Charrantaine,  annexe  de  Chazelles  (Etat  Major  168), 
4.  Saini-S>Tnphorien-sur-Coise,  ch.  I.  c.  arrond*  de  Lyon. 


LES   PARLERS  DU   FOREZ  CIS-LIGÈRIEN  2$ 

13,  Andreoux  Bcrthalmeoux  .v,  d.  vîân.  et  dimey  gsXlina  et  ,j,  conblode 
cyn  alla  mesura  de  la  segla  et  les  très  parz  de  autro  conblo  ^er  sa  mayson  et 
per  la  v^rcheyri  qui  s'i  tint.  Item  dïmey  ras  d*avena  alla  mesura  delà  segla 
ftr  la  Costa  de  la  Vulpilicyri*  Item  deit  de  mayens  ji.  d»  el  o,  v»  p^  lo  pra 
de  la  Sagni  qui  est  juxta  lo  pra  Joan  Berthalmeou.  Item  deit  de  taîli  ,ij,  sol. 
et  .tij.  d.  vian.  Item  dett  per  si  rauîlier  Chalandan  .viij.  d.  vian,  fer  una  peci 
de  tnra  qui  est  eti  la  Salvageyri,  juxta  la  terra  B^nholomeou  Grangon,  Et  tînt 
Jj.  5tstarays  de  t^rra  a  quart  p^r  se  et  per  si  mullier  en  dos  lues  ;  de  que  U 
tina  scstum  juxta  la  diiî  Xtnz  assfrvisa  et  U  autra  scstara  juxu  la  ti*rra  Ber* 
trant  et  Guilhdmo  de  Paparel. 

14.  Estevenenz  del  Mont  ai.  sob  .v.  et  dimfy  galli>w  et  .x.  ras  d*avena 
âHa  mesura  de  Sant  Galmer  pfr  son  curtil  del  mont  et  prr  les  p^rtenences. 
Item  ,j.  conblo  d*avena(/o  2  t*»)  alla  mesura  de  la  segla  per  una  quartala  de 
trrra  qoe  ot  del  Raspauz,  Item  .viij.  d.  v.  de  mayens  per  los  pras  qui  apifrti- 
nont  al  dît  curtil.  Et  tint  de  terra  a  quart  en  dos  lues  per  lo  curtil  del  mont, 
en  .j.  lue  una  demenchia  alla  pereyri,  item  en  autro  lue  una  emina»  en  très 
lues  environ  lo  curtil.  Item  à%.  sols  et  Jx.  d.  pfr  lo  curtil  de  Gotagon  et  per 
les  prrtenences  et  dimcy  gallina  et  .j.  demen  de  cyva.  Et  tint  de  t^rra  a  quart 
per  lo  curtil  de  Gotagon  una  stsiara  juxta  Gotameyna  et  très  demenchies  sus 
la  mun  de  Gotagon. 

ïS*  (f*  h  ^)*  Joanins  Ysoan  .vj.  d,  v.  et  una  gall/fw  p^  son  curtil  et  per 
sa  partia  de  la  mayson  a  la  tyoula  de  Chasalez.  Item  Jj.  sol.  et  .iij.  d.  pfr  lo 
tenetncnt  qui  fo  als  Trcns.  Item  de  mayens  jij.  â.  pet  lo  pra  que  ot  del 
Trens.  Item  deit  jj.  ras  et  dimey  d'aven  a  alla  grant  mesura  per  les  v^rchey- 
res  que  ot  del  Trens  ;  e  su»t  en  quatro  lues.  Item  Jj.  ras  et  dîm^  alla  mesura 
de  Sant  Galmer  *  per  son  ort  qui  est  juxta  sa  mayson  et  la  vcrcheyri  qui  est 
juxta  U  sagni  de  p^r^  corba  et  per  de  pra  qui  se  tint  alla  peci  davant  dili. 
Item  .].  quartal  de  segla  per  quatro  peces  de  tfrra  que  ot  de  St.  Chasalet  : 
una  a  la  4-  àcl  mont  et  en  gota  Chasalez  les  très.  Item  de  mayens  .ix.  d. 
per  J,  pra  qui  est  alla  -\-  del  mont  que  ot  de  Chasaleton  et  Jij,  d,  per  lo 
scgnaz  et  per  de  pra  qui  sont  a  Fera  corba  juxta  la  terra  delà  frari.  Item  .xîi. 
d.  pir  son  pra  del  v^mey  e  per  lo  pra  de  très  sa  mayson  et  per  lo  pra  de 
Botan.  Item  .viit.  d.  p^  lo  pra  de  la  broci  que  ot  de  St.  de  Bre}'si. 

16.  Joanz  Pupers'  .nx.  et  .viij.  d.  et  una  gallina  et  Jij.  ras  de  cyva  alla 
grant  mesura  per  sa  tnayson  et  p^  son  ort  et  per  les  v^rcheyres  qui  aperti- 
non  al  curtil  et  per  la  v^rcheyri  de  la  charcyri  que  ot  de  Chasaleton  .j.  quar- 
tal de  segla.  Item  j,  meter  de  segla  per  la  vfrcheyri  que  ot  del  Vauraz,  vers 
Tolmo  de  Mont  Soron  J,  juxta  la  terra  P.  Vilan  et  Guillalmio  Jaquet.  Item 


t.  Samt-Galmier,  ch.  1.  c,  Loire. 

2.  Je  relève  dans  Cassint  (87),  paroisse  de  Chazelles,  un  lieu  dit  du  nom 
de  Pupicr, 

).  Montsuron,  lieu  dit  au  S.*E.  de  Chazelles  (Etat  Major  167). 


26  E.    PHILIPON 

de  mayens  .x\d«  d.  p^r  los  pras  de  Fera  chai  va  et  p<*r  los  pra  de  la  sauzia  de 

laChesa.  Et  tint  de  t^rraa  ^juart  .v.  scstariiyj  juxta  la  terra  ass^rvisa. 

17.  Jaqucz  Vivians  .iij.  melles  vian.  et  una  gûlUna  et  ,j.  ras  d'avena  alla 
mesura  de  la  segla  et  dimey  prr  sa  mayson  et  ^'  son  ort  et  per  sa  vfrcheyri 
dels  Esbufaors.  Item  de  mayens  .v.  d.  per  lo  pra  de  la  Gota  et  per  son  pra 
dels  Ebufaors,  Item  deit  lo  terz  de  ,],  ras  d'aven  a  alla  grant  mesura  per  son 
boc  dcis  £sbufaors«  Item  âim^  meit^r  de  segla  per  una  meitijrû  de  t/rra  qui 
est  alla  Gota.  £t  tint  de  xerta  a  quan  una  quartala  a  la  Boari  et  una  quartala 
&  Sant  Somyn.  —  (fi  3^  t^).  Itetn  Jij.  mtkarap  de  soz  sa  mayson.  Item  aij, 
meîxarayj  alla  Chôma  *. 

18.  (fi  S,  ï/o.)  Hugo  Boers  ♦xxx*  et  ij.  d.  et  una  galltwï  p^  sa  maison  et 
per  son  ort  et  per  la  vercheyri  qui  s*ï  tint  e  per  lo  pra  qui  est  davant  sa  may- 
son. Item  ,ix«  d«  per  la  vrrcheyrî  que  ot  del  fauro  juxta  la  vi  de  Mont 
suroD.  Item  .vîi.  d.  et  ♦].  ras  de  cyva  alla  grant  mesura  perli  vmrheyri  et  per 
lo  pra  que  ot  de  Bernart  RavaneL  Item  \\.  ras  de  cyva  alla  grant  mesura  per 
la  vercheyri  del  roro  juxta  la  vi  de  Sant  Roman  '.  Et  tint  de  terra  a  quartal 
Vemey  ,v»  mcïtarays  et  en  Fayvaler  .xiii.  meitaray^. 

19.  Joanz  Boers  .xiiii.  sol.  et  Jiî.  d,  et  jî.  gaWities  et  ,v]\  conblos  de  cyva 
alla  mesura  de  la  segla  et  .i.  quartal  et  dim<y  raeiter  de  froment  et  .j.  quar- 
tal et  dimey  meit«^  de  segla  et  una  quarta  et  dimey  de  vîn  p^r  sa  mayson  et 
ptr  son  ort  e  per  la  vercheyri  qui  s*i  tint  et  per  la  vfj  cheyri  de  Roset  et  una 
meitara  de  t^rra  qui  est  ailes  Targes  et  per  lo  pra  de  la  Gymon  qui  est  juxta 
la  l^ra  Joati  Chalvcî  et  per  lo  pra  de  les  characon  et  p^  lo  chanbon  qui  s'i 
tint  et  per  la  costade  les  characon.  Item  Jiii,  sol,  et  dim^y  gallimi  et  ,iii.  mei- 
ter  s  de  cyva  alla  mesura  de  la  segla  conblos  per  lo  curtîl  que  ot  de  St.  Aster 
et  per  Tort  et  per  la  verrcheyri  que  ot  de  St.  Aster  qui  est  ailes  Targes  et  p^r 
de  pra  et  de  t^rra  qui  est  en  la  riveri  de  Coysi.  Item  de  mayens  très  melles 
per  lo  pra  de  la  Salvageyri  et  jj.  d.  per  pra  motos  et  per  autro  pra  qui  est  en 
pra  motos  Ji.  d.  et  o.  Et  tint  de  terra  a  quart  una  emina  en  la  Salvageyri  et 
el  Tauli2  una  scstara  et  .iii.  quartalays  en  les  Targes»  et  en  Coisy  una  sesi^ira 
juxta  la  terra  al  ces,  et  au.  meitiiray^  ailes  places,  juxta  la  t^rra  St.  Boer* 

20.  (fi  9,  ro.)  Bernarz  et  Pcjtù  sos  Irare  .ix.  d.  et  una  galUW  per  lor 
m[a]ison  et  per  lor  ort.  Item  .iiij.  d.  et  0.  p^r  b  pra  qui  se  tint  à  la  mayson. 
Item  per  la  t^ra  de  la  Galiandeyri  àij.  sols  et  .j»  demenc  de  cyva  alla  mes- 
sura  de  Sant  Galmer  et  .j.  demenc  de  segla,  Item  .iij.  meiters  de  segla  p<?r 
la  trrra  de  la  Chavannari.  Item  .vj,  d.  p^r  la  pecî  del  crueys  de  pera  corba  et 
per ,].  coyn  de  t^rra  q^ii  est  alb  -f-  del  mont.  Item  p<fr  la  terra  de  gota  Gray- 
seou  »  qui  est  juxta  Tolmo  de  Montsuron  dimeî  ras  de  cyva  alla  grant  mesura 
et  dimei  ras  alla  mesura  de  la  segla.  Item  .j.  d.  et  dimey  poyesa  e  la  mcytîa 


1 .  Les  Chaumes,  lieu  dit  à  TE.  de  Chazelles  (Etat  Major  167). 

2.  Saint' Romain  en  Jarest  (Cassini  87). 

5.  Grézîeu-le-Marché»  c^o  de  St-Symphorien*sur-Coise  (Rhône). 


LES  PARLEES    DU   FOREZ   CIS^LIGÉRIEN  27 

de  la  quarta  part  de  una  gallina  per  la  maison  de  la  tyoula  qui  est  juxta  lo 
porul.  Item  p^  lo  segnaz  qui  est  en  lor  quartey  de  gou  Chasalez  .iij,  meUcs, 

21-  (/^  i/,  ï^).  Lorent  Tyvenr  *j.  demenc  de  orgo  per  una  peci  déterra 
qui  est  el  teraor  de  la  Tyvelleyri  »  juxta  la  t^rra  de  Sant  Miart  '  et  la  tfrra  de 
Jorceou  '. 

2a.  (/»  iSt  t^)*  Mathia  Chalmeysa  ,j,  ras  de  cyva  alla  mesura  de  Sam 
Galiner  per  âîf ,  mcharays  de  terra  qui  sunt  al  Tolmo  de  Cuseou  *  juxta  la  vi 
qui  vait  de  Chasalej!  alla  Tyvelîeyri. 

2}.  Guillalmos  Grangons  ,xij.  d,  et  una  galhna  ptr  sa  mayson  en  que  el 
isteet  per  son  ort  et  per  una  dcmcnchîa  de  vr/cheyri  qui  s*i  tint.  Item  »xx, 
et  Jj\  d.  pCT-  lo  pra  qui  est  juxta  la  vi  per  que  hom  vait  vers  Grayseou.  Item 
41  j.  sol,  et  jîij,  d.  p^  la  v^icheyri  en  que  ère  ti  maladeyri  et  per  de  pra  qui 
s'i  tint,  hem  per  sa  vercheyri  de  Bot  an  .j.  d.  Item  ,xvi.  d,  per  son  boc  del 
Bocha2  et  p<r  .j.  pra  qui  s'i  tint  et  p^  ires  mcitûrov;  de  terra  qui  s'i  tinont* 
Item  .V.  d,  per  unameîtara  de  Uni  qui  est  en  Borbona*  Item  ,iiij.  d.  et  ïes 
dues  par^  de  la  tercy  part  de  una  galliViâ  per  la  mayson  allz  tyoub  de  Cha- 
&lez.  Item  .vi.  d.  et  o.  de  mayens  per  la  t^rra  que  ot  de  Peron  del  Poys  et 
pir  .j.  âacliai  qui  est  en  la  FulH. 

24.  (fi  ij,  vo.)  Li  hers  St  Pdet  .xviij.  d,  et  una  gslUna  per  sa  mayson  et 
|«r  son  ort.  Li  mayson  de  )a  frari  de  Cbasalez  .x\'iij,  d. 

35.  (^  /^i  ro,).  1h  pArrochia  de  FitkfUa^,  — St.  Faure  ,vj.  soLr  vîan^ 
per  lo  boc  de  ïes  bides  qui  fo  GuilWwin  del  Prael.  Item  .iiij.  d.  de  mayens 
per  dos  pras  de  que  Tims  est  al  pont  d'Anxiou^  et  l'autre  josta  la  byci,  Et 
tittt  de  terra  quarteyna  en  boc  Feschaleys  una  emîna  et  al  pont  d'Anziou  desus 
una  quartala. 

26,  (f>  ao,  r^.y  Le  chapellans  de  Viricella  o,  per  ,j.  pra  qui  est  en  Botan 
et  très  mclles  et  dimry  rason  de  cyva  et  la  meytia  del  terz  de  .j.  rason  per  pra 
raont. 

27.  (fi  2Jt  ro,).  In  parrocbia  de  Ojaucansf.  J,  Palynnans  .iiij,  soU  per  la 
vercheyri  del  noyier  vermeyl  josta  la  trtrra  alla  Brunîquarda  et  per  lo  pra  de 
U  rivcyri  de  Glas  *  et  per  autro  pra  qui  est  iqui  meymo ,  josta  lo  pra  Per- 
rin  d'ArfoUi  »  et  p<fr  lo  champ  de  les  sagnes  et  p<*r  autro  champ  qui  est  josta 
la  mayson  P,  Pupon  alla  Daragoneyri  et  per  una  peci  qui  est  al  forn  Fara- 


1.  Tîvillière.  hameau  au  S.-O.  de  Chazelles  (Etat  Major  167), 

3.  Saint-Miart»  auj.  Saint-Médard,  c«^n  de  Saint-Galmier. 
f .  Jourd,  hameau  de  Saint-Gai  mie  r,  auj.  Jourzey, 

4.  Curieu,  c*"»  de  Saint-Galmier. 

5.  Viricdles,  con  de  Saint-Gai mîer. 

6.  Anxieux,  c»*  de  Chazelles-sur-Lyon. 

7.  Chausson,  cp^  de  Mornant,  Rhône. 

8.  le  Glas,  hameau  de  Chausson. 

9.  Atfeuille,  tort  de  Chausson, 


28  E.    PHILIPOH 

baiït.  Et  tînt  a  quart,  el  et  sos  frare  .v.  métarays  alla  mayson  Farabaat  et  uni 
quartala  ad  les  Varenes  et  îqui  meymo  ailes  grosses  roches  uiw  quartala, 
ailes  sagnes  una  demenchia  et  alla  Girarde^TÎ,  eo  très  lues. 

28.  St*  Bruniquarda  Jj.  d.  ptr  de  terra  qui  est  josu  la  chanal. 

29.  Jl  Aïbtsfnn  \  -^  Guïlhlmos  CharboiU  *vj.  d.  p^  una  peci  de  t^nra  qui 
est  al  riou  Jafer  a  bona  font, 

30.  C/o  22,  fo.)  Casidîud*.  —  J,  de  la  Revoyri  et  Guilk?wios  fraro  .xiîij» 
sol.  p^  lo  tellement  de  Montmeyti  î  continent  entre  bos  et  ti?rra,  pras,  pas- 
turauz  et  broces  ,vj.  sestflra^f  déterra.  Item  X\\,  sol,  p^-  lo  pra  que  oront  de 
Johan  Ganaor  qui  est  en  pra  Clunbon*»  josta  lo  pra  P,  Helysent  e  lo  lor 
que  il  titiont  a  feou  de  rEsphitaL  Item  Jij.  mtiXûrays  de  cjrva  alla  mesura  de 
Sant  Cafurin  et  una  gallïwa  prr  b  f>ed  de  Grayseou  quî  ère  Pf^rin  Revol  et  a 
sos  ncvos.  îteni  .iij.  d.  p^  los  pasturauz  de  Garenboc  rowtinenz  una  demen- 
chia de  um  en  que  il  aviant  .v.  d.  de  cesa  davaiu  que  il  o  achaiesant  de 
Perrin  RevoL  Et  tinont  de  trrra  a  quart  très  crainays  de  que  est  li  meitia  lor 
et  li  autra  de  FEsphital, 

\i.  Moreuz  del  Cluscls  .lij.d.  per  ,j*  ort  qui  est  josta  lo  teraylz  de  Chas- 
tellud.  Et  tint  en  Truchct  una  peci  de  terra  en  que  TEspitauz  a  b  meytia  del 
quart  et  el  rautra,  josta  la  terra  J.  Vial  de  Frayney*  et  dure  près  del  roro, 

32.  Lorenci  Morella  *iiij.  d.  pfr  una  peci  de  t«Ta  qui  est  en  l'ayvelli  de 
soz  Tegleysi. 

33.  Gorgorios  Paria  et  J.  sos  frare  âij,  d.  p^r  una  demenchia  de  terra  qui 
est  a  Vila  Deou,  josta  lopra  Thomas  Revol  ;  e  tint  una  sestara  de  tfrra  iqui 
meymo  a  quart, 

34.  (/<»  2j,  ro.)  în  parrocMa  de  Maringu'i.  —  Thomas  de  la  Rochi  .j,  d* 
p€r  .j.  pra  qui  est  assis  a  la  font  de  la  rochi  ^,  justa  lo  pra  Lorent  Tyseor. 

3 S*  (/*  2^.  i«.)  Ageta  Salvagi  tint  .iij.  mtixare^s  de  tfrra  a  quart  josta  lo 
pra  de  la  caboma. 

36.  (/>  aé,  ro,)  In  parrochia  de  Eellagarda'f.  —  Poncez  del  Prael  S\,  soli 
p<r  la  chaci  dels  cunyouz  et  de  les  lecmres  del  bos  et  de  les  terres  del  fayi  qui 
se  tint  alla  t^ra  desus  Tison  et  alla  tirra  del  piney  ". 


î.  L*  Aube  pin,  ce  Larajasse,  EhÔne. 

2,  Chatelltis»  cp^  Saint-Galmier,  Loire. 

3,  Montmain,  lieu  dit  au  S.-E.  de  Chateilus,  fait  aujourd'hui  partie  de 
Larajasse. 

4.  Le  Chambon,  au  sud  de  Chateilus  (Etat  Major). 

5.  Clusel,  lieu  dit  au  S. -O,  de  Chateilus, 

6,  Freyney,  lieu  dit  au  S.-O.  de  ChateDus* 

7.  Maringes,  c®»  de  Saitit-Galmier,  Loire, 

8,  A  la  Roche,  c»*  de  Maringes ♦ 

9.  BcUegarde,  co^  Saint-Galmicr. 

10.  Pioay  et  au  Pitiay,  lieux  dits  au  N.-E.  de  Bellegarde. 


LES   PARLERS   DU   FOREZ   aS-LIGÉRlEN  29 

17,  (fi  26,  v^.^  lu  parrochia  Sancti  Andrée  ïo  Poys  ',  —  Peros  A  mois  deit 
.xi)*  d*  et  .j.  quaruî  de  froment  et  ana  gallina  fer  sa  raayson  et  p<T  son  on 
et  prr  una  dtnienchia  de  t^ra  qui  se  tint  alla  mayson  et  per  una  demenchia 
qui  est  alla  vî  chasteîlana,  entre  les  does  vies* 

î8.  (/«  27,  r>.)Mathcoux  Boncrs  .vjj,  d.  jvr  una  quartyrona  de  t^rra  qui 
est  al  forn  vei!,  josta  la  terra  Hysabel  et  la  vi  de!  colon ber,  et  prr  la  riveiriqMi 
est  encontra,  la  vi  entremeî,  tant  que  a  Leyri. 

59.  (/o  ^7,  to,)  In  parrochia  sancti  Baîdomeri.  —  Peros  Marchanz  jij.  sol* 
p<y  son  pra  d*Aneyrcs  qui  se  tint  ai  chamin  pff  que  hom  vait  de  Sant  Cal- 
mer* a  Montbruson  et  josta  lo  pra  jaquarian  Faceion* 

40*  Li  h  ers  Pcron  Jaumar  does  anays  de  vin  ^er  la  vigni  Espîiale>Ti  qui 
est  vers  la  broci  qui  fo  Joceram  de  Sant  Rambert  et  Esteven  Costa nt* 

41.  Jaquet^  le  coudurers  débet  *iij*  anays  de  vin  ^r  una  peci  de  i^^rra  qui 
est  al  trcyvo  d*Aneyres,  quant  hom  vait  de  Sant  Calmer  a  Jorceou,  josta  les 
peccs  Charpin»  et  p^  una  lista  de  t^rra  qui  est  sus  les  vignes  d'Aneyres,  josta 
U  peci  Johan  Cosaor  et  mon  sen  Robert  de  Sartines. 

42,  (/»  a5,  v^,)  Peros  Helissens  ,vîi.  sols  et  .vi.  àentrs  per  ta  peci  del 
poys  de  Coson  qui  est  josta  lo  chamin  de  Sant  Cafurin  a  Raveyres*  Item 
,viii,  àtmrs  per  son  pra  de  Coson  qui  est  josta  IVyga  et  entre  sos  pras.  Et 
tînt  de  terra  a  quart  el  Tioley,  de  que  est  îi  meytia  del  quart  sia  et  U  autra 
de  TEsphital.  Peros  de  Losengeou  et  Johanz  sos  frare  .v.  sol.  p^  lor  mayson 
et  per  la  vircheyri  qui  se  tint  alla  mayson  et  per  una  seytina  de  pra  qui  est  en 
Coson,  josta  lo  pra  Johan  Ogier.  Et  ùnont  de  terra  a  quart  al  Tyouley,  de 
que  est  U  meytia  del  quart  lor  et  lî  autra  de  TEsphital. 

45.  /«  parrochia  Sancti  SymphorianiK  —  Johanz  de  les  Cotes  ,xviîi.  d.  et 
una  gallma  et  .iiij.  ras  de  cyva  alla  mesura  de  Sant  Cafurin  p^  sa  t<frra  qui 
est  josta  re)*ga  du  rongo  et  per  lo  pra  qui  est  iquî  meymo»  josta  la  t^rra 
Zaquarian  Poncet  et  Testra  laoneysa.  Item  .vi.  d.  pcr  lo  pra  que  ot  de  la 
Mathcua. 

44.  {fi  Ji,  fo.)  In  parrochia  de  Sanl  Martin  -^rtoai/^+.^Estevenctz  Mallarz 
*9*  sol.  et  .vj.  d.  que  donet  Peros  Arouz  allespiial  sus  lo  curtil  de  la  Mallar- 
dcj'H  et  sus  los  tencmenz  que  el  i  ave  il  et  si  isi  ère  que  le  curtils  se  vendest, 
U  opayariant  toz  jorz.  Item  .iij.  d.  per  lo  pra  et  p^  lo  v^rney  de  les  conbes 
qui  est  josta  la  trrra  a  ceouz  de  Moncel  $. 

4^.  Johanîns  Christins  .iij.  soL  et  .vj.  d.  et  dimei  gûUna  p«r  la  mayson  qui 
sont  cstre  al  grangicr  et  p^  la  verclieyri  qui  s*i  tint  en  très  parties  et  per  una 
Stytaa.  de  pra  qui  se  tint  alla  diti  tirra. 


I,   Saint- André-le-Puy,  o>n  de  Saint- Galmier,  sur  la  grande  route  de 
Montbrison. 

2*  Saim-Galmicr,  c^o  de  Montbrison,  renommé  pour  ses  eaux  minérales. 
j,  Saint-S)Tïiphorien-sur-Coise,  ch.  1.  c.  dépan.  du  Rhône. 

4,  Saint'iMarîin-en-Haut,  c»*»  de  Saint^Syraphorien-sur-Coise. 

5,  Le  Moasel,  au  sud  de  Saint-Martin, 


30  E,    PHILIPPÔN 

46.  înparrochia  Sancti  Dionhii\  BarthoiomeotiK  deBalleou  Si],  sol.  et  Jj, 
ras  de  cj^va  alla  mesura  de  Sani  Cafurin  ^r  una  quartala  de  tirra  a  cclla 
racyma  mesura  q/â  est  en  les  Chavannaries  al  les  maisons  de  les  prays 
et  fer  .j.  pra  qui  est  de  soz  les  maysons  josta  Tort  et  p<r  j,  boc  qui  est  en 
clo  Vacins,  josta  la  terra  dcl  dusel, 

47.  In  parrochia  (k  Duerna  K  —  Johaiiz  Ponconeuz  deMontromaa  .Jtij.  d. 
iper  una  quartala  de  terra  qui  al  Esphital  de  la  conchi,  josta  Testra  per  ont 
hora  vait  de  Duerna  a  Yseron  K 

48.  In  parrochia  dt  Saynti  Fei*.  —  Li  Graner  ,xviij\  d.  per  una  ^td  de 
terra  que  tint  de  Chasalez 

49.  Perronez  de  ks  Clavanyes  tint  de  urri  a  quart  alla  mura  d*Almays  Jij, 
raeit^ra^j  soz  lo  fo  d'Ardayson  et  una  demenchia  soz  la  \n  d'Ardavson  et 
una  quartala  al  Balay,  alla  peci  de  la  -{-  et  una  mtitara  sur  Ja  praal  et  una 
quartala  josta  la  v^rcheyri  del  suel  de  la  broci. 

50.  A  RiviriaK  — Johanz  Manvglcrs  .xxx.  et  .ij.  d.  p^  la  meytia  de 
una  vercheyri  qui  est  de  soz  la  vi  de  Chastel  veyl  *,  josta  la  mayson  J.  son  cusin. 

Johanz  Maniglers  dïlz  Vaneouz  .xxx,  et  .ii.  d»  p^-  sa  mayson  cl  per  hi 
meytia  de  una  vercheyri  qui  est  de  soz  la  vî  de  Castel  Vcyl,  josia  la  ver^ 
cheyri  son  cusin. 

m»   UVRE   DE  RAISON   DES   SEIGNEURS   DE  FOREZ 

Les  Archives  de  la  Loire  possèdent  des  fragments  d'un  livre  de  raison 
rédigé  en  dialecte  forézien  et  contenant  le  relevé  des  dépenses  faîtes  par  les 
fils  puînés  de  Jean  I^^,  comte  de  Forez,  pendant  l'un  des  voyages  qu'ils  firent 
à  Paris',  Ce  sont  deux  cahiers  en  papier  de  29s  »"*  de  haut  sur  220  de 
large  :  le  premier  relate  les  sommes  payées  du  23  octobre  au  25  décembre 
1322^  le  second  va  du  24  janvier  au  12  mars  de  Tannée  suivante.  Si  Ton  rap- 
proche ces  fragments  de  comptabilité  de  ceux  qui  ont  été  publics  par  M.  de 
Chancelauze,  â  la  suite  de  son  édition  de  La  Mure  ",  on  D*a  pas  de  peine  à 


j .  Saint-Denis-sur-Coisc,  c«»«  de  Saînt-Galmier»  Loire. 

2.  Duemc,  c»"  Saint-Symphorien-sur-Coise,  Rhône. 

3.  Yzcron,  c*"*  Vaugneray,  Rhône. 

4.  Sainte-Foy-l'Argentière,  c<*t>  Saint-Laurcnt-de-Chamousset,  Rhône. 

5.  Riverie,  coo  de  Momant,  Rhône. 

6.  Annexe  d'Yzeron. 

7.  Ces  fragments  se  trouvaient,  il  y  a  une  dizaine  d'années,  aux  Archives 
du  Rhône»  où  jVn  ai  pris  copie  :  ib  ont  été  depuis  lors  transmis  aux  Archives 
de  la  Loire,  où  ils  n'étaient  pas  encore  inventoriés  en  1885, 

8.  La  Mure,  Histoire  des  ducs  de  Bourbon  et  des  comtes  de  Fore^,  éditée  par 


LES  PARLERS  DU  FOREZ  CIS-LIcèRIEN  3I 

se  convaincre  que  les  uns  et  les  autres  ont  appartenu  au  même  registre.  Le 
premier  des  extniits  donnés  par  M.  de  Chanteïauze  est  un  état  de  recettes  qui 
commence  au  18  oaobrc  1322  et  se  termine  par  cette  mention  non  datée» 
mais  qui  fait  suite  à  un  article  portant  Ii  date  du  6  mai  1324  :  a  îtem  eodem 
anno  XXIIII»  recepi  pcr  manum  dlcti  Petit  Pas,  pro  expensis  doniinorum 
meomm  fadendis  in  îtinere  quum  recesserunt  de  Parîsius  pro  eundo  in  Fori- 
sio XXXUlib.  par.  9 

Le  second  extrait  est  rédigé  en  forézten  :  il  contient  ï*état  des  dépenses 
fiiîtes  i  Paris  du  Vendredi  Saint  de  Tonnée  1325  N.-S,  (2 s  mars)  au  jeudi 
suivant  «  la  dimîeni  (lisez  :  dumeni)  qui  fut  davant  la  Saint  Arobroysi  «,  (7  avril 
1320  •* 

Eniîn,  par  un  heureux  hasard,  l'éditeur  de  La  Mure  a  retrouvé,  aux 
Archives  du  Rhùne,  la  première  feuîUe  du  journal  sur  bquclle  Paches  de  la 
Varenne,  maître  d'hôtel  des  seigneurs  de  Forez,  notait  au  fur  et  â  mesure 
les  sommes  dépensées,  pour  les  reporter  ensuite  sur  le  livre  de  compte.  Ce 
journal  était  tenu  sur  de  petits  feuillets  de  papier  très  épais,  rappelant  par 
leur  dimension  les  feuilles  d'un  noU-book, 

La  langue  du  Livre  de  raison  appartient  incontestablement  au  Forez  cis- 
ligérien»  le  passage  de  <}  àf,  après  une  palatale»  suffirait  seul  à  rétablir.  D^autre 
part,  on  sait  que  Feurs  futlt  capiule  du  Fore^  jusqu'en  1441,  époque  i  laquelle 
Charles  de  Bourbon  transféra  ù  Montbrison  le  siège  de  son  gouvernement  ;  il 
est  donc  naturel  de  penser  que  Tancicn  Forum  Segusiavorum  loumissait  au 
comte  Jean  la  plupart  des  officiers  de  sa  maison,  et  de  fait^  le  nom  du  maître 
d*hôtel  des  jeunes  seigneurs  de  Fore^:  rappelle  celui  d'un  lieu  dit  situé  tout 
près  de  Peurs,  sur  le  territoire  de  la  commune  de  Salt-en-Donzy. 

Je  roc  bornerai  à  publier  ici  la  partie  du  livre  de  compte  qui  contient  les 
dépenses  de  route  et  celles  de  la  première  semaine  passée  à  Paris.  J'imprime 
en  italique  le  fragment  initial  retrouvé  par  M.  de  Chanteïauze'. 


I.  Van  de  notre  senyor  Mil  d  ccc 
fi  XXI  f,  h  mercres  après  la  Tossayns^ 
jo  Boches  di  la  Varena  comensey  a  faire 
lo  dépens  de  tnes  stnyors  Hayftau  & 


Joban  de  Foreys  qui  demoriant  a 
Pzxis;  liguai  sunt  kriten  i  cet  papier. 
Et premieraïunt  h  dépens  qu^iljeyront 
al  chimitt  al  venir  de  Forcis  a  Paris  et 


M.  de  Chantelauic,  i.  lil,  Pikes  suppléntentaires^  p,  46,  Des  fautes  de  lecture 
«sscs  nombreuses  enlèvent  à  cette  édition  toute  valeur  linguistique. 

I .  L'éditeur,  qui  a  fait  précéder  ce  fragment  de  la  mention  »  manque  le 
commencement  »,  nous  dit,  en  note,  quUl  Ta  extrait  d'un  manuscrit  du 
Xt%*  siècle,  ï  lui  donné  par  M.  de  la  Tour- Varan,  ancien  bibliothécaire  de 
Sjdnî'Eûcnne. 

1,  La  Muie^  Histoire  des  dua  de  Bourhon,  etc,  II,  180. 


^^^^^^H                                                                  ^^1 

^^^^^^^^^P            deniorant  à  Pitis  tant  qu*aî  mercrt 

Item  en  fargi  .xx,  d,  t,                     ^^^| 

^^^^^^^^^^1             dessus  dit  ;  ïo  qtmU  dépens  daî  chamin 

Item  en  bêla  chiera  ,xmf.  d,  t,          ^^^H 

^^^^^^^^^^1             et  de  Paris  tant  qu'aï  niercre  demsàit 

5.  de  la  marecïmuci  *xv,  1.  v.  d,  t,         ^^^H 

^^^^^^^^^^B              fufont  fays  p^  la  man  a  Mouuu 

S,  de  tôt  ïo  jor  Jj.  Tivres  .xHij,  1.  .xi.       ^M 

^^^^^^^^^M          2.  Sosunt   U  dépens  daî  cbimtn 
^^^^^^^^^^H             Prumairement  la  dumene  davant  \  la 

■ 

4,  Item  en  peyson                 .xij.  d.  t.        ^M 

^^^^^^^^^^H                 SûitJt  Luc  evangéita  i  partiront 

Item  en  fromage                .xij.  d*  t.         ^H 

^^^^^^^^^M                dit  mittsenyor  R.  J,  tk  MonbrisoH^ 

Item  en  ucs                        *vj.  d.  t,        ^M 

^^^^^^^^^M                e  furont             a  Ckpett  m^y  tm 

Item  en  vin  cgre  et  ver                          ^M 

^^^^^^^^^^1                           de 

jut.                                 .iiij*  d.  L        ^M 

^^^^^^^^^^1             E  prtimewetttent  a  un  garson  quaUt 

Item  a  la  sîrvcnta                .îj.  d.  t.        ^M 

^^^^^^^^^H                dt  Mmbrison  a  Cyir(i4per  aportar 

Item  en  ufl^e rendes              .îi).  d.  t.        ^M 

^^^^^^^^^M                      ceîa  V      /orneys. 

Somtm  de  la  qusina.  îîj.  s.  Jîj.  d.  U        ^M 

^^^^^^^^^^B         3 .  hem  h  seir  furont  mi  smyor  chîes 
^^^^^^^^^^H             Pnitnerrement  en  payn  .(Vi)'*  s,   ,vf. 

Item  en  ravcnna.  xj.  chavaus                ^M 

«V.  s.  .V.  d.  t.        ^M 

Item  en  bêla  chiera           .xv.  d.  t.        H 

Somtna                    *vj*  s.  .îx.  d.  e.        H 

^^^^^^^^^^m          Sommsi  de  la  patietari  .jv,       ,x,  d.  t. 

5,  Item  h  serr  furont  a  Neveruge  «.              ^M 

^^^^^^^^^^m              Item      vin  noveî  a'//,  x*  ,ij*  d.  t. 

Item  en  payn        .iv*  s.  .viij.  d,  t.        ^Ê 

^^^^^^^^H               de  h  htteUcri 

Item  enirut                   A\*  d,  t.              ^M 

^^^^^^^^^^H            Utm  enpeyson 

Sof^ffy^dclapanetari  Jiîj.s.  .x.d«  t.        ^B 

^^^^^^^^^M           Item  en  tus  ,xj. 

^H 

^^^^^^^^^^H             ïtem  en  uîio^^  vin  egre^  moterïa  ,xij. 

Item  en  vin              Jiij.  s.  .x.  d.  t.        ^B 

^^^^^^H 

Sommadelabotell^/.iiij.s,  .x.d,  t,        ^U 

^^^^^^^^^^M             Item  aï  valet  de  la  qusina  Jj,  d,  t. 

^M 

^^^^^^^^^^B          S,  de  la  qusina  ,ix. 

hem  en  peyson .       vi).  5«  Jj.  d.  t.        ^M 

^^^^^^^^^^M            Item  en  ,xf,  çhavaus  ,xj. 

Item  en  ues                      .xij.  d.  t,         ^M 

^^^^^^^^^M             Itetn  m  una  livra  et  dimey  de  clian- 

Item  en  unyons»  vin  egre»  moterbi         ^M 

^^^^^^^^^^H 

peîrecel                           .xv.  d,  l.         ^M 

^^^^^^^^^^1             I.  Éd.  Chantdatize 

^H 

^^^^^^^^^^1              2«  Ëd.  ChanteUuic  :  dimene. 

^^H 

^^^^^^^^^M             3*  Éd.  Chantelauze  :  evangelica. 

^^H 

^^^^^^^^^^H             4.  Ëd.  Chantelauze  :  aporter^ 

^^^1 

^^^^^^^^^M             $,  Éd.  Chintdauze  ifcut. 

^^^M 

^^^^^^^^H             5.  Éd.  Chantelauze 

^^^M 

^^^^^^^^^^H             6,  Éd,  Chantcbuze  :  Cïio. 

^^^M 

^^^^^^^^^^H             7*  Éd.  Chantelauze  :  clniftdelas  de  syn,                                                         ^^^H 

^^^^^^^^^^H              S»  On  pourrait  lire,  Â  la  rigueur,  iuvernge^  qui  ne  serait  guère  plussatis-       ^f 

^^^^^^^^^1          iaisant,  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c*est 

qu*i]  ne  peut  s*agir  ici  que  de  Nevers,^^^H 

^^^^^^^^^1          Cf.  Ë.  Dcsjardtmt  ht  Géograpïne  de  ïa  Gaule  d^aprh  la  tabk  de  PeutitigerJ^^^^ 

^^^^^^^^m         pp.  220  et  211»  et  Valois»  Not.  Galï,^ 

P'  i^h                             ^^M 

LES  PARLERS  DU  FOREZ  QS-LIGÈRIEN  55 

Item  en  chandeles  de  syu  Item  en  ver j  ut  et  unyons  et  moterla 

.xiij.  d.  t  •  et  aus                           .viij.  d.  t. 

Item  en  lumeri  per  chavaus  Item  en  sal                       .vj.  d.  t. 

.ij .  d .  t .  Item  a  la  chambariera  (sic) . iiij .  d .  t. 

S*  delà  qusina          .x. s.  .vij.  d.  t.  S* de  la  qusina         .xiv.  s.  .viij.  d.  t. 

Item  per  1 1  chavaus  .xiij. s.  .ix.  d.  t.  Item  p^  Tavenna  .xj.  chavaus 

Item  en  mdurament  .v.  s.  .x.  d.  t. 

.iij.  s.  .viij.  d.  t.  Item  en  fargi                    .xvj.  d.  t. 

Item  en  bêla  chiera   .ij.  s.  .viij.  d.  t.  Item  en  aborrelari             .xij.  d.  t. 

Item  en  Êu-gi          .vij.  s.  .iiij.  d.  t.  item  en  bêla  chiera  .ii.  s.  .vj.  d.  t. 

Item  en  aborrelari     .ij.  s.  .ix.  d.  t.  S<^delamareschauci  .x.  s.  .viij.d.  t. 

Item  en  una  sengla            .xij.  d.  t.  — 

Item  p^  passar  Leyre  al  port  de  y.  Jtem  lo  seir  furont  mi  senyar  a 

Ceyn»                  .ij.  s.  .vj.  d.  t.  PoîeuK 

Item  en  dos   parels  de  solars  pcr  Pnmeriment  en  payn         .vj.  s.  t. 

valets                             .vj.  s.  t.  5»  de  la  panetari                 .vj.  s.  t. 

S*  de  la  qusina  .xxxix.  s.  .iij.  d.  t.  — 

^    ,         ,    .         ;    .            ...  Item  en  vin       .iij.  s.  .vj.  d.  ob.  t. 

S-detotlojomJxxix.  s.  .vij.d.t.  g-delaboteUeri  .iij.  s.  .vj.d.ob.  t. 

S«detotalasemma3ma.xî.  lib.  .xxiij.d. 

Item  en  char  grossa          .xix.  d.  t. 

6.  lUm  h  dûment]  msegneni,  qui  fut  Item  en  v  polyes     .ij.  s.  .vj.  d.  t. 

iavant  la  fêta  Saynt  Symeon  et  Juda  %  Item  en  unyons  et  en  sal  .xvj.  d.  t. 

furont  m  senyor  a  dinar  a  la  Charité  J  Item  en  ues                        .v.  d.  t. 

Pnimeriment  en  payn  .v.  s.  .ij.  d.  t.  Item  a  la  chambareri(itt:)  .iij.  d.  t. 

Item  en  firut                       .iij.  d.  t.  S*  p^r  la  qusina             .vj.  s.  .i.  d.  t. 

Item  en  offerendes  .iij.  d.  t. 

S»  de  panetari          .v.  s.  .ix.  d.  t.  Item  p»*  .xj.  chavaus  .xij.  s.  .x.  d.  t. 

—  Item  en  melurament  .iiij.  s.  .vij.  d.t. 
Item  en  vin  .viij.  s.  .viij.  d.  t.  Item  en  chandeles  de  syu  .xviij.  d.t. 
S*  de  la  botelleri   .viij.  s.  .viij.  d.t.  Item  en  bêla  chiera.  iij.  s.  .ij.d.ob.t. 

—  S*  p«'  la  mareschauci 

Item  en  raves                   .iij.  d.  t.  .xxij.  s.  .j.  d.  ob.  t. 

Item  en  char  grossa  et  ^  portajo  — 

.xj.  s.  .j.  d.  t.  S*  de  tôt  lo  jom  .Ixxvij.  s.  .vj.  d.  t. 

Item  en  très  galines         .xxij.  d.  t.  — 


I.  Dedze,  arr.  de  Nevers(?). 

a.  La  fête  de  S.  Simon  et  S.  Jude  tombant  un  jeudi  en  1322,  le  dimanche 
piéoédcm  était  le  24  octobre. 
|.  La  Charité,  arr.  Cosne,  Nièvre. 
4.  PoniliT-siiiwLoixe  ou  le  Riche,  ch.  1.  c.  de  l'arr.  de  Cosne  (Nièvre). 


34 

8.  lUm  h  lus   ensegueni^ 
senyor  a  dinar  a  Bonay  *. 
Prumeriment  en  payn 
Item  en  offerendes 

S»  de  la  panetari  .iiij. 

Item  en  vin  .v.  s. 

Somma  de  boieUeri  .v.  s. 


E.   PHIUPON 
furotU  mi       Item  per  lo  melurament 

.iij.  s.  .viij.  d.  p. 

.iiij.  s.  t.       Item  en  fargi  .xij.d.  p. 

.V.  d.  t.       Item  per  lo  tacons  d*un  garson 

s.  .V.  d.  t.  .X.  d.  p. 

Item  en  bêla  chiera  .v.  s.  p. 

d.  t.       Sa  de  la  mareschaud  .xxj.  s.  vj  d.  p. 

d  t.       S«  de  tôt  lo  jor  .Ixxvi.  s.  .iiij.  d.  p. 


.vij 
vij. 


Item  en  char  grossa,  en  portajo 

.iiij.  s.  .V.  d.  t. 
Item  en  does  galine  .xvj.  d.  t. 
Item  a  la  chambariera  .iij.  d.  t. 
S*  de  la  qusina  .vj.  s. 

Item  p^rl'avenna  .xj.  chavaus 

.V.  s.  .vj.  d.  t. 
Item  en  fargi  .xvj.  d. 

Item  en  bêla  chiera  .ij.  s.  .viij.  d. 
S«  de  la  mareschauci    .ix.  s.  .vj.  d. 

D'isi  en  avant  sunt  parezis. 

9.  Item  h  seir  ens^uent  furmi  Oraor  » 

Prumeriment  en  payn  .iiij.  s.  .x.  d.  p. 

S*  de  la  panetan         .iiij.  s.  .x.  d.  p. 

Item  en  vin  .viij.  s.  .iij.  d.  p. 

Item  en  .ij.  livres  de  chandeles  de 
siri  ,vj.  s.  .viij.  d.  p. 

S*  de  la  botellm  .xiiij.  s  .xj.  d.  p. 
Item  en  char grossa  .xj.s.  .viij.d.  p. 
Item  .ij.  perdris  .xvj.  d.  p. 

Item  en  salsa  et  unyons  .x.  d.  p. 
Item  en  chandeles  de  syu  .  x  vii  j .  d .  p . 
Item  a  la  chambariera  .iiij.  d.  p. 
S*  de  la  qusina     .xv.  s.  .viij.  d.  p. 


10.  Item  h  tnars  enseguent^  furont  mi 
senyor  tôt  lo  jor  a  Montargis,  quar  li 
gens  al  compte  de  Bolain  et  de  Vévéque 
de  Jornay  aviunt  tôt  retenu  ad  ordines, 
si  qu'il  no  poiunt  pas  ahergier. 
Et  prumeriment  en  payn 

.viij.  s.  .iiij.  d.  p. 
Item  en  frut  .iij.  d. 

S*  de  panetflrt     .viij .  s.  .vij.  d.  p. 


Item  en  vin 
S«  de  la  botell^n 


.XVJ.  s.  p. 
.xvj.  s.  p. 


Item  per  .xj.  chavaus 


.XJ.  s. 


Item  en  raves  .iiij.  d.  p. 

Item  en  char  grossa  .vj.  s.  .x.  d.  p. 
Item  en  .viij.  perdris  .iij.  s.  .x.d.  ob. 
Item  en  moterla  .vj.  d. 

Item  en  unios  .iiij.  d. 

Item  en  charbon  .iiij.  d.  p. 

Item  a  lachambareri  (sic)  .vj.  d.  p. 
S'^  de  la  qusina  .xij.  s.  .viij.  d.  ob.  p. 

Item  per  .xj.  chavaus  .xij.  s.  .x.  d. 
Item  per  l'avenna  dal  chavaus 

.vj-  s.  .V.  d. 

Item  en  fargi  .xij.  d. 

Item  en  chandelles  de  syu    .xij.  d. 

Item  en   .ij.  parels  de  solars  per 

garsons  .v.  s. 


1.  25  octobre  1322. 

2.  Bonny,  Loiret,  arr.  Gien,  c.  Briare. 

3.  Ouzouër-sur-Trézée,  Loiret,  arr.  Gien,  c.  Briare. 

4.  26  octobre  1322. 


LES  PARLERS  DU   FOREZ  CIS-LIGÉRIEN  35 

Item  per  aparelier  los  solars  d'un  12.  Item  h  seir  furont  a  Pertes  en 

garson                              .xiii).  d  Pareils*, 

Item  en  aborrelari                .xx.  d.  Prumeriment enpayn  .iiij. s.  .ij.  d.p. 

Item   a  un  valet  qui  guiet  dever  Item  en  frut                       .ij.  d.  p. 

matin  los  avansaors  et  los  somiers  S*  de  la  panetarf    .iv.  s.  .iiij.  d.  p. 

pw  champ  purri                  .v.  d.  — 

Item  a  Gratacul  qui  fu  tramis  a  Item  en  vin          .iiij.  s.  .vj.  d.  p. 

Paris  ptr  saveir  unt  mi  senyor  S*  delà  botelkn     .iiij.  s.  .vj.  d.  p. 

descendriant                        .ij.  s.  — 

Item  en  bêla  chiera     .iiij.  s.  .ix.  d.  ^^^^  ^^  "^^                     .iiij.  d.  p. 

S-  de  la  mareschaud  ^^^^  «°  ^^^^^               -^^j-  ^-  P- 

.xxxvi.  s.  .iii.  d.  ^^^°^  ^  ^^  chambareri          .iij.  d.  p. 

S-detotlojor S*  de  la  qusina       .ij.  s.  .iiij.  d.  p. 

.Lxxiij.  s.  .vj.  d.  p.  ob.  ,                 .      ' 

_         '        ^  Item  p»*  .xj.  chavaus 

II.  Item  h  mercres enseguent furont  mi  •*")•  ^*  •*^*  "•  P* 

senyor  a  dinar  a  Nyntors  ^  ^^^"^  P^  ^^  melurament 

Prumeriment  en  payn  .vj.  s.  .iiij.  d.  '^'  ^'  -^J*  ^-  P- 

S*  de  la  panctûri        .vj.  s.  .îv.  d.  ^^«"^  «"  chandeles  de  syu  .x.  d.  p. 

Item  en  bêla  chiera            .ij.  s.  p. 

Item  en  vin                .vij.  s.  .xj.  d.  S*  de  la  mareschaud  .xxij.s.  .j.d.p. 

S*  de  la  botellm        .vij.  s.  .xj.  d.  — 

S*  de  tôt  lo  jom    .Ixx.  s.  .v.  d.  p. 

Item  en  peys                    .xij.  d.  p.  — 

Item  en  peyson        .x.  s.  .vj.  d.  p.  13»  ^^^^  ^0  jos  après  »  furont  mi  senyor 

Item  en  arènes                        .ii.  s.  «  /«'««  ♦  «  dinar. 

Item  en  salsa                   .  vij.  d.  p.  Prumeriment  enpayn  .iiij.  s.  .x.d.  p. 

Item  en  perecel,  oli,  unyus  Item  en  frut                       .vj.  d.  p. 

.viij.  d.  p.  S* de  la  panetari      .v.  s.  .iiij. d.p. 

Item  en  verjut,  vin  egre    .vj.  d.  p.  — 

Item  a  la  chambareri       .iiij.  d.  p.  Item  en  vin           .vj.  s.  .viij.  d.  p. 

S*  de  la  qusina      .xv.  s.  .vij.  d.  p.  S»  de  la  botel&n   .vj.  s.  .viij.  d.  p. 

Item  en  Tavenna  .xj.  chavaus  Item  en  char  grossa  .iij.  s.  .vj.  d.  p. 

.V.  s.  p.       Item  en  .iii.  galines 

Item  en  fargi  .vij.  d.  p.       Item  en  arènes  

Item  en  bêla  chiera  .xxj.  d.  p.       Item  en  unyons        

S*  de  la  mareschaud  .vij  .s.  .iiij.  d.  p.  S«  de  la  qusina          .v.  s.  .x.  d.  p. 


1.  Nemours,  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  ch.  1.  c. 

2.  Perthes,  Sdne-et-Marne,  arr.  et  c.  Melun. 

3.  28oct.  1322. 

4.  Juvisy-sur-Orge,  Seine-et-Oise,  arr.  Corbeil,  c.  Longjumeau. 


36  E.    PHILÏPON 

Iccm  en  Tavenna  del  chavaus 

.viij.  s.  p. 
Item  en  fen  .ij.  s.  p. 

Itemcnfargî  âj.  s.  .xj.  d,  p. 

Item  en  bêla  chiera  .ij.  s.  p. 

S*  de  la  mareschaud 

.xîiij,  s.  ,xj.  d,  p. 

14,  lUm  h  mr  furonl  mi  senyor  a 
Paris  al  âepms  de  mon  smyor  de 
Fards, 

Item  per  les  beurcs  de  nôtres  valets 

qui  erunt  .jx,  per  .jx,  jors  que 

nos  itemos  sus  chîiiiin   ,xj.  s,  p* 

Item  per  les  heures  de  très  soma- 

lïers  dal  dit  temps  .vij.  s.  .x,  d.  p. 

Item  per  âiij.  flesseys  achatais  pcr 

.ïiîj.    chavaus    qui    non    aviant 

poyni    de   ccles   a    retornar   en 

Foreis  .vj.  s.  .x.  d,  p. 

Item  per  ,iij.  parels  de  chauses  per 

M],  valets  .v,  s.  p. 

Item  per  A],  pards  de  sollars 

.iiij,  s»  .X.  d.  p. 

Item  per  taconar  los  solars  de  ,j* 

garson  .jx.  d,  p. 

Item  a  .j,  garson  que  avet  perdu 

son  chapiron  .xij.  d,  p. 

Item  en  aborreUr  .xviij,  d.  p. 

Item  dépendit  li  chaire  ta  et  maytre 

Huguos    que    la    conduset,    et 

me  niant    .îiij.  chavaus,  per    .xj, 

jors   que   il   mittîront  tant  qu'a 

Paris       ,vij.  libr.  ,v.  s.  .jx.  d.  p. 

Item  per  ,jx.  valets  et  .jx,  chavaus 

tornar  en  Foreys 

,v\^  lïbr.  .viij.  s,  p, 

S*  de  tôt  lo  jor  .xvij.  lib,  .v.  s,  jîj  d. 

S*  de  la  scmana  tant  qu*al  jor  dal 

dit  Jos  .xxxj.  iîb.  ,jx,  s.  p. 

S*  de  tos  los  dépens  faitz  de  Foreis 


a  Paris  unt  per  mos  senyors  e  lor 
Company  quant  per  h  charreta  et 
per  retornar  los  cliavaus  en 
Foreis  .xl.  lib.  »vj,  s.  p.  .j^^,  d.ob* 

15.  5o  suftt  li  dépens  fayt  a  Paris  ordi* 
nuero;  et  lo  vetuiros  dùvant  la 
Tosaytis  *  furont  mi  senyor  a  Paris, 
J,  Demana  paya  .xix.  s.  p, 

Tassetta  frut  Jij,  d.  p, 

S»  de  la  panetdW  .xix,  s.  Jîij.  d,  p. 

Item  en  vin  de  Porvensi  Néant. 
Jaquct  olîer  per  peys  .xiiij.  d.  p. 
Piero  de  Cripenges  per  peison 

^xv].  s»  .vj.  d.  p. 
Tasscta  pr  arènes  .ij,  s.  p. 

A  ley  per  Jij.  quartarons  d'ues 

.tj,s.p. 
A  ïcy  .îj.  fromages  ,xvj.  d,  p. 

A  ley  per  peîreccl  ,îj.  d,  p. 

Jaquet  olicr  por  ule  .xij.  d.  p. 

A  luy  pw-  unyons,  per  aus,  moterla, 

vin  egre,  verjut,  salsa  .xxij, d,  ob. 
Johana  chandelîeri  per  una  livra  de 

chande!es  de  syu  .x.  d.  p. 

S*  de  Li  qusina  .xxvj.  s.  ,x.  d.  ob. 
S*  de  tôt  lo  jor  .kIvj.  s»  .ij.  d.  ob. 

16-  Item  lo  Sando[s]  ensegucnt  furent 

mi  senyor  a  Paris. 

Joyan  Demana  payn  .jx.  s.  p. 

Tassetafrut  .v,  d.  p. 

S*  de  la  panetari       ,jx,  s   .v,  d.  p. 

Vin  de  Porvensi  Néant, 

P,  de  Cripenges»  peisson 

.XV.  s.  .vj.  d.  p. 
Tasseta,  ucs  ,viij,  d.  p. 

A  ley  fromages  .xvïîj.  d.  p. 

A  ley  per  sal  grossa        .xiiij.  d,  p. 


i«  29  octobre  1322. 


LES  PARLERS  DU  FOREZ  CIS-LIGÉRIEN 


A  ley  vin  egre  .ij.  d.  p. 

Jaquet  olier,  p^  oli  .xij.  d.  p. 

A  luy  unyons,  aus  .iiij.  d.  p. 

Aluy  araandres^  epieces  .xviij.  d.  p. 
Johanna  chandeliera  per  .].  livra  et 
dimei  de  chandW^  de  syu 

.XV.  d.  p. 
S*  de  la  qusina  .xviij  s.  .j.  d.  p. 
S*  de  tôt  la  jor  .xxxij.  s.  vj.  d.  p. 
S«  de  ses  dos  deriers  jors 

•Ixxviij.  s.  .viij.  d.  ob. 

17.  Item  la  dumene  ensegueni  que  fut 
davant  la  Tosayns^  furont  my  unyor 
a  Paris, 

J.  Demana  pain  .xiiij.  s.  p. 

Tasseta,  fhit  .vij.  d.  p. 

S*  de  la  panetof^  .xiiij.  s.  vij.  d.  p. 


Vin  de  Porvensi 
S*  de  la  botelkrt 

Tasseta,  chois 


Néant 


.xiiij.  d.  p. 


P.  de  Cripenges,  charn  grossa 


A  luy  p^  .iij.  galincs 

.ij.  s.  .vij. 
A  luy  p^  .iij.  maalars 

.ij.  s.  .viij. 
A  luy  pfT  portajo  de  char  .v. 
Tasseta,  verjut,  vin  egre  .viij 


.jx.  s. 


d. 


A  ley  p^  salsa  .v) 

A  ley  p»-  .j.  iromajo      .viij 
Aleyprraus  .ij 

Johanna  chznâeleri  per  .j. 

dianâeles  de  syu  .x 

S*  de  la  qusina    .xviij.  s.  .vij 
S*  de  tôt  lo  jor    .xxxiij.  s.  ij. 


d.  p. 

d.p. 
d.p. 

d.  p. 

d.p. 
d.p. 

livra  de 
X.  d.  p. 

d.p. 
d.p. 


Li  Tosayns, 

18.  Item  h  lus  enseguent, 

J.  Demane  p^  payn         .xiij.  s.  p. 

Tasseu  frut  .vj.  d.  p. 

A  ley  p^  sal  blanchi        .iiij.  d.  p. 


S*  de  la  panetart    .xiij.  s. 

Vin  de  Porvensi 
S*  de  la  botelUri 


37 
.X.  d.  p. 

Néant 

Tasseta  p»*  porrelz  .x.  d.  p. 

P.  de  Criprenges,  p^  charn  grossa 

.xij.  s.  p. 

A  luy  per  .j.  oya     .iij.  s.  .vj.  d.  p. 

A  luy  p»*  .j.  porcelet      .xxij.  d.  p. 

A  luy  p^r  .j.  cunyls  .iij.  s.  p. 

Jaquet  olier,  p^r  moterla    .vj.  d.  p. 

A  luy  p^r  sal  grossa        .xiiij.  d.  p. 

A  luy  p^r  salsa  .xij.  d.  p. 

A  luy  p^r  unyons,  p^  layt,  vin  egre 

.X.  d.  p. 

P.  de  Cripenges  p^  .j.  fays  de  leny 

.ij.  s.  .vij.  d.  p. 

Johflwna  chandWm  pw'  .j.  livra  de 

chand«/«  de  syu  .x.  d.  p. 

S*  de  la  qusina.     xxviij.  s.  .j.  d.  p. 

S*  de  tôt  lo  jor      .xij.  s.  .xj.  d.  p. 


19.  Item  h  Mars  ens^ent  (2  nov 
1322). 

J.  Demane  payn 
Tasseta  frut 
S*  de  la  panetan 


.XIJ, 


.XIJ. 

.iiij. 
s.  .iiij. 


Vin  de  Porvensi 

Perot  per  .ij.  veros  .vj.  d.  p. 

S*  de  la  botellm  .vj.  d.  p. 

Tasseta  per  raves  .v.  d.  p. 

P.  de  Cripenges  per  charn  grossa 

.X.  s.  .vj.  d.  p. 
A  luy  per  .vj.  galli>f^5  .iv.  s.  p. 
Tasseta  per  unyons  .ij.  d.  p. 

A  ley  pw'  .j.  fromajo       .vii,.  d.  p. 
Jaquet  Tôlier,  per  vin  egre,  ayls 

.V.  d.  p. 
P.  de  Cripenges  per  leny 

.iij.  s.  .X.  d.  p. 


E.   PHILIPON 


38 

Johana  chand^&ri   p«'  j.    livra  de 
chand^/^5  de  siu  .x.  d.  p. 

S^  de  la  qusina  .xx.  s.  .x.  d.  p. 
S*  de  tôt  lo  jorn  .xxxiij. s.  viij. d. p. 
Lo  rémanent  de  Porvensi 

20.  Item  h  tnercros  après  h  Tosayns  (3 
nov.). 


J.  Demana  payn 

.xj.  s.  p. 

Tasseu,  en  frut 

.vij,  d.  p. 

S*  de  la  panetflTj    .xj.  s 

.  .vij.  d.  p. 

Vin  de  Porvensi 

S*  de  la  botellm 

Néant 

Tasseu  peys 

.viij.  d.  p. 

P.  de  Cripenges  cham  grossa 

.ix.  s.  p. 

Pachot  peysson  fret 

.xviij.  d.  p. 

Aluy  per  .iij.  pôles  .ij. 

s.  .vj.  d.  p. 

A  luy  pw'  faytures  de  patiers  et  per 

•  farina  per  ravioles 

.xvj.  d.  p. 

Tasseta  per  .ij.  fromajos 

.xviij.  d.  p. 

A  ley  moterla 

.iiij.  d.  p. 

A  ley  verjut 

.iiij.  d.  p. 

A  ley  per  ues 

.xvj.  d.  p. 

A  ley  per  arènes 

.iiij.  d.  p. 

A  ley  per  salsa 

.ij.  d.  p. 

P.  de  Cripenges  per  leny 

.nj.  s. 


Johanna  chandekri  per 

chsindeles 
S*  de  la  qusina     .xxiij. 
S*  de  tôt  lo  jor     .xxxiiij . 


.V.  d.  p. 
livra  de 
.X.  d.  p. 
.iij.  d.  p. 
.X.  d.  p. 


21 .  Item  h  Jos  ensegueftt  (4  novembre). 
Jo.  Demane  payn 
Tasseta  en  frut 
S*  de  la  panetjri     .xij.  s. 


.xij. 
.vij. 
.vij. 


s.  p. 
d.p. 


Vin  de  Porvensi 
S»  de  la  holéileri 


Néant 


Tasseta,  chois  .xij.  d.  p. 

P.  de  Cripenges,  char  grossa 

.X.  s.  p. 
Pachot  per  .iij.  oseus  de  riveri 

.ij.  s.  .ix.  d. 
A  luy  p^  j.  porcel  .xxj.  d.  ob. 
A  luy  per  salsa  .iij.  s.  vj.  d. 
Tasseta,  m[o]terla  .iiij.  d. 

A  ley  fromajo  .viiij.  d.  p. 

Pachot  per  X],  fays  de  leny  menua 

et  per  .j.  mollo  de  grossa  leny; 

so  et  asaveir  per  chacuyn  fays, 

avoy  lo  portajo,  .xvij.  d.  ob.  p. 

et  per  lo  dit  mollo.iiij.  s.  .iij.  d.  p. 
S*  de  la  qusina  .xxvij.  s.  .ij.  d.  ob. 
S*  de  tôt  lo  jor 

.xxxix.  s.  .jx.  d.  ob.  p. 

(extraits) 

22.  (fo  8.)  Item  la  dumene  ense- 
guent  que  fut  davant  la  Saynt  Ni- 
cola  furont  mi  senyor  a  Paris  et  se 
dinet  avoy  lor  mosen  Simons  de 
Tiwctavila  avoy  .ij.  conpanyons  et 
avoy  .iij.  ecuers. 

23.  Item  lo  mercros  enseg//ér«/  se  di- 
nerunt  avoy  mon  senyor  de  Foreis. 

24.  (fo  9)  La  dumeni  enseguent  que 
fut  après  la  fêta  Notra  Dama  d'At- 
vent  furont  mi  senyor  à  Paris  (12 
déc.  1322). 

25.  (fo  10)  Item  la  dumene  enseguent 
que  fut  davant  la  Narivita  de  Notre 
Senyor  furont  mi  senyor  a  Paris  et 
se  dinet  avoy  lor  maytre  Maris  lo 
Fezecians. 

26.  Item  lo  Vendros  cns^uent  que  fut 
li  veli  de  la  Nativita  (24  déc.  1322) 
de  notrun  senyor  furont  mi  senyor 
a  Paris. 

27.  Item  lo  Sandos  enseguent,  que  fut  11 
Nativitas  de  notrun  senyor,  furont 
mi  senyor  a  Paris, 


LES   PARLERS  DU   FOREZ   aS-LIGÈRIEN 


59 


18.  (2*  cahier)  Iiem  lo  Sandos  ense- 
guent,  que  fut  d avant  la  Purtficas- 
sio  de  Notra  Dama,  furont  mîsenyor 
a  Paris  et  se  dinemnt  avoy  lor 
moss^  Guiîlauraes  de  Vieul  Juye 
et  lo  de3'eiis  de  Vouci  avoy  lor 
ecuers. 

29*  Item  lo  mercros  ensegueni,  que  fu 
la  Purificadon  de  Notra  Dame  (sic), 
Ibnont  mi  scnyor  a  Paris  et  se  dine- 
ruci  avoy  lor  undc  I  archivesque 
de  Tholosa. 

30.  Item  ia  dumene  cnse^umtque  fut 
après  la  Purificadon  de  Notra 
Dame  furoot  mi  seoyor  à  Paris  et 
se  dînerunt  avoy  lor  mosscn  Emeus 
de  Corsenay  et  moss^Q  Reynaut  de 
Gransi,  avoy  lor  ecuers. 

31.  Item  lo  luns  etiseguent  furont  mi 
$cnyor  a  Paris,  et  se  dinei  avoy  lor 
Guiocz  de  Foreys  lor  frares,  avoy 
sa  conpany. 

|3.  Item  lo  mars  enseguent,  que  fut 
Karementrans,  furont  tni  senyor  a 


Paris  et  beviront  avoy  lor  lo  archi- 
diaqnes  de  Carcassona^  mosîifTï  Ray 
monat  d'Aspel  et  ,vj.  ecuers  de 
mosunyor  rardiivequc  de  Tholosa. 
3^.  Item  la  dumene  en s/;^z/rn/,  que  fut 
après  la  octava  delà  Purification  de 
notra  Dami^  furont  mi  senyor  a 
Paris,  et  se  dinet  avoy  lor  le  curas 
de  lor  glesi  parrochiel. 

34.  liera  lo  mars  eoseguent  furont  mî 
senyor  a  Paris  et  se  dinerunt  avoy 
lor  /ij.  fraro  prejaor^  lor  confessor 
et  le  curas  de  la  gleza  (su)  parro- 
chci. 

35.  Item  lo  Mars  enseguent  se  dine- 
runt  avoy  [lor]  mossrw  Girardins  de 
Saynt  Mur^  Guillarmï^  de  Vevre  et 
.ij.  badcl  de  les  escoles. 

36.  (i«  cahier,  fo  5.)  Denizeta  la 
lavandieri,  p<'r  lavar  mantils  et 
(oales  et  lensols  et  totz  los  autros 
draps,  pos  que  mi  senyor  furont  a 
Paris  cntro  a  la  jornaa  de  huey 

vs*  X  d.  p. 


IV.  CEKSIER  DE  FONCE   DE  ROCHEFORT. 

Située  au  sud-ouest  du  Lyonnais,  la  seigneurie  de  Rochefort  comprenait 
tout  ou  partie  des  paroisses  de  Saint-Martin-en-Haut  (5"^  Matiinus  dt'  Annua- 
Uhu%  Rochefort,  Thurins,  Mcssimy  et  Dueme.  Ponce  de  Rochefort  paraît 
eo  avoir  été  le  dernier  possesseur  laïque  :  d'une  part,  en  effet,  nous  le  voyons 
êgtmx  A  titre  d*cxc^cutcur  testamentaire  dans  un  acte  de  dernière  volonté  qui 
porte  la  date  du  15  mars  1254  s  et  d'autre  pan  rObituaire  de  FÉglise  de 
Lyon  mentionne  la  seigneurie  de  Rochefort  {domintum  cas  tri  de  Rochifort)  au 
nombre  des  domaines  acquis  par  rarchcvèquc  Renaud  de  Forez,  lequel  mou- 
rut  en  1226*.  Ced  date  notre  terrier  du  premier  quart  du  xim  siècle,  ce  à 
quoi  récriture  ne  contredit  point.  Le  censier  de  Rochefort  est  consen'<J  aux 
Archit*es  du  Rhdne,  partie  non  inventoriée  ;  c'est  un  registre  de  huit  folios 


1.  M.-C.  Guigne,  Obituanum  Lugdunensis  eaUsiat^  p.  225. 

2.  M,'C,  Guigue,  ibidem^  p.  133, 


40  E.    PHILIPON 

en  parchemin,  mesurant  264^^  de  haut  sur  1520»*»  de  large»  d'une  exécution 
assez  soignéCi  mais  quelque  peu  maltraité  par  le  temps.  Il  contient  Ténumé- 
ration  des  redevances  en  argent  ou  en  nature  dues  à  «  Ponce  de  Rochefort  », 
par  des  maiiimortaWes  possessionnés  dans  les  paroisses  de  Thurins,  Saint- 
Martio-cn-Haut,  Duerne,  Rochefort  et  dans  une  paroisse  dont  le  nom  est 
déchiré»  mais  qui  doit  être  Messimy.  Parmi  les  textes  en  langue  vulgaire  que 
conservent  les  Archives  du  Rhône,  le  terrier  de  Ponce  de  Rochefort  est  cer- 
tainement Tun  des  plus  anciens;  j'en  donne  ici  d Importants  extraits»  en 
ayant  soin  d'indiquer  les  folios  d*où  îls  sont  tirés.  Il  est,  cela  va  de  soi . 
absolument  inédit". 

Ceftsiis  dominî  FoncU  tk  Ruppeforti. 

[Aptid  Maysnmfu]  i .  In  pecia  quam  tenet  Martina  Fadella  haZvt  âominus 
Poncias  laudes  et  vendas. 

2»  Johanna  Oleri  et  Johan«es  li  mouners  de  suo  curtili  cum  i^nineftciis  .ij. 
d,  et  oboJd,  e  de  tem  de  les  Tremblai  es  dimei  row^blo  avene. 

j.  Johaimes  Fab«r  de  terra  de  Sant  Gînies  et  de  terra  de  les  Trenblaies  .). 
Cdmblô  avene, 

4.  Perinus  Vials  de  la  peci  de  les  vinnes  ,xii,  d.,  e  de  la  vinni  de  peda 
raonda  .j.  ras  avene. 

j.  Johai»«es  de  la  Fay  de  bosco  et  de  v^rcbma  de  Corde vet  ,viij.  d.  per  la 
vrmeiada. 

6.  Hugo  de  Broches  per  lo  vinîel  W  per  lo  pra  del  viniel  .iiij.  soU  e  ,j.  gal- 
lifw,  per  lo  pra  de  la  Gotella  .viij>  d.»  per  la  verchen  de  la  Qjiineri  j{.  meit^rs 
ras  siligmw,  per  la  vigni  de  la  Tclanderi  .xviij.  d. 

7.  Vinceocius  del  Forti  per  sa  maison  et  per  la  v^rchm  et  per  lo  pra  de  josta 
.îj.  meitfrs  ras  sîligtfiù  et  ,\,  gallina  et  per  lo  buec  del  Tremolei  .v.  ras  avene 
H  :\,  galina. 

5.  (f*  2).  —  Hysebcx  H  Bertona  de  peda  de  Fantachonciri  .xii.  à.  et  per  lo 
curtil  de  Craponna  ,ij.  sob  ^  pifr  la  peci  Tardi  dimei  bichct  d*orge  et  per  lo 
buec  de  Sent  Ginieis  dimey  fcwblo  avenc  et  dimey  gall/wa. 

9.  Jobanna  del  brochil  del  pra  de  la  font  .iiij.  d. 

10.  JohoTtfres  Chanz  de  prato  Hugoneens  .viij.  d.  et  de  prato  a  la  Êlîeta 
,TÎij,  d. 

11.  Joluiivnes  Bues  d*una  peci  de  terra  justa  terr^m  al  B«TgîcTS  0,  vicn. 
II.  Jacobus  Vasauz  p^  la  terra  del  pra  Marchaarat  o. 

I}.  Peninus  d*Eculeu  per  la  vîgni  Joriasab  et  per  la  v«rchm  Johannem 
Va^  ,jx.  d, 

14.  St/pbaftnus  Girardi  de  suo  curtili  dd  treivo  cmn  pfrûtmtdis  .xîij.  d* 


I.  Sur  la  seigneurie  de  Rochefort  en  Lyonnais,  voyez  le  même  obituaire, 
pf,  10 1,  121,  122,  170,  et  VAlmamihhistonqvede  Uvilkdi  L)ofi,  pour  1789. 


LES  PARLEKS  DU   FOltEZ   CIS-UGÉRIEN  4I 

€t  poteysa;  ci  deivont  il  dui  .j.  giûïitta  tt  rofff  blo  avtnc  al  quart  an;  «^deitSte- 
phanwtix  Girarz  prr  se  de  curtil  del  clos  citm  pcrtinenciis  .jx.  d. 

J  ).  (r«  2  v«>).  Johûwwes  Romirns  de  Urra  del  clos  et  deuz  aysarx  del  buec  d 
del  pra  del  buec  ,xv.  d.  et  o. 

ï6.  GuiïU/mtts  Fukhrrîi  et  St^hanuj  Fulchiers  proptrr  terram  de  fonte 
Esteven  GîrArt  .v.  d.  et  .j,  gallina  al  quart  an. 

17.  Galvaînz  de  Bnenda^  p^  lo  chanaver  del  coniers  o.  Strphanui  Reîolcs 
pr  la  vffch/ri  del  espeisi  .j.  d. 

18,  Johfl««es  de  Mayseu  d'una  ped  de  terra  a  Briandas  o. 
*9  if^  ?)•  Martinus  Fomeuz  del  pra  Sant  Juelio  .ii.  d. 

20.  Joharmers  Boers  et  Bartholomew;  Boers  de  urra  de  la  p^^ari  de  Faruay 
.Kxiij.  d.  et   j.  meit^  siligùiiV  d  .j,  corwblo  avene  et  .j.  gaïina  quarto  anno. 

21.  PÈtrus  Bruieri  del  curtil  de  la  Bruîeri  .vj.  d.  et  lo  terz  d'un  meitrr 

22.  Hugo  Bruîeri  del  curtil  de  la  Bmicri  .vj.  d.  et  lo  tierz  d*un  radter  silî- 
gtiiù  et  lo  tere  d'un  combio  avene>  Et  entre  toz,  lo  quart  d'unagalma  et  d'uii 
méHtr  siiigtrm  al  prj>i^r  ost. 

Apuâ  Turrim.  —  23,  Johafïifcs  de  Marnas  per  la  t^rra  de  la  noiarela  las 
Goronx*  d. 
24  (P»  3  vo).  St^phawnus  Pcstrc  per  la  peci  et  psr  lo  saynax  .vj.  d* 

25,  Pucri  Johani  Burihel  p^  la  grangi  del  balaiec  ,viij.  sob  et  unufMconil. 

26.  Johannos  de  la  Crois  per  la  uni  de  les  cosics  .jx.  d.  et  .j.  galli/ia  al  quart 
mn  il  ,j.  quartairoM  avene. 

27*  Martins  et  Jûïuï«fies  Robmi  per  la  leva  de  Mont  Garm  ,ij.  d. 

28.  Johannes  del  treivol  de  Laval ,  de  buec  de  Laval  et  de  la  peci  de  la 
Mïcbalm  ti  de  t^rra  justa  lo  buec  .xxij.  d. 

29.  Stephanits  de  la  rochi  del  sanaz  de  la  pereiri  .j .  d. 

Apud  Monte  Gnrin.  —  50.  Johdrtwcs  Gubians  per  la  gï'angi  del  mofit  Gann  et 
per  los  pras  et  per  los  autros  lencmenz  Jj.  sob  ei  les  does  pars  d'una  galina. 

5r,  St^hanui  Marttws  et  Johafiwes  Martins  p<T  la  terra  del  aveneri  .iij. 
comblos  avene,  jj.  a>mblos  siliginis  ^/  .j.  ra^  siligmt5  a  la, mesura  vdli  et  àj, 
cofiiblos  avene  d  .},  galina;  et  deit  Johfl««es  Martins  per  se  .xvL  d. 

p  (f»  4).  Aqjfaria  Fusers  per  la  v^rchm  et  pfi  lo  pra  dd  Galcliaor  .xv.  d, 
et  J.  tneiter  avene  et  dimd  galioa,  per  lo  buec  et  p^r  la  v^chm  de  la  Ch'al- 
meta  xij.  d. 

JJ,  Johanoadd  Trabîo  et  Joh/i«wes  de  Costa  prr  lo  curtil  de  la  Poisatcri  ,ii. 
quartes  vini  d  .îtij,  pozins  a  festa  Sant  Lorent  et  «j.  meiter  de  froment  a  la 
tnesura  vdlli  d  .j,  gall/fw,  et  prr  la  t^rra  de  la  costa  4ïj.  soir  d  .îiij,  à.  et  ,\. 
mcur  de  froiww/  a  la  vdli  mesura. 

54  (^  4  vo).  Johaimes  Revoux  per  lo  curtUx  dels  Aysars  cum  pfrtinewdis 
.ir.  sob  et  .vj.  cowblos  avene,  d  per  lo  pra  de  la  mesda.vj.  d.,  flp^rlo  moleti 
.ti|.  méxfrs  stligiit». 

JJ.  Johatmesdel  Trdvo  per  lo  curtil  del  Treivo  .iij.  sols  et  ,],  galina. 

Dr  Rupptf&rti,  —  56.  Pctnis  Tisire  per  sa  grangi  et  per  U  vercheri  et  per  los 


42  E.    PHILIPON 

pras.vj.  soIj  et  Au],  comhlos  avenerf  .j.  gallinap^r  U  vignii  (jiV)de  C^ffibretu 
,xv»  d. 

57.  Petrus  filins  Pétri  Tiseor  jvr  la  vim  de  Q>mbreu  ,xv»  d* 

58,  Micahcl  de  Glas  prr  h  vercherï  et  j«r  lo  pra  del  Gauchaor  ,xv.  d,  et 
comhlo  avene  r/  dimeî  galîoa. 

39.  JohatinQs  Faubri  pt^rla  vignî  de  Combreuz, 

40.  Jpud  Buieu  cmstis.  —  Michels  de  Buicuz  de  son  curtil  ,vj.  soLr  et  .x. 
d.  d  rneitifr  de  froment  d  ,\.  c<?wblo  avcne  H  .j.  galina  p<T  Taiaz  H  pcr  lo 
buec,  et  ,ij.  comblos  avene  pcr  lo  chanbon  de  gore  Chavalar,  jj.  soIj  per  la 
peci  del  forn  d  per  la  peci  outra  Brevonan, 

Cmsus  domini  Poncti  de  Ruppc/orti,  aptid  la  Bastia^. 

41.  (7°/,  î/o.)  Gutoaez  p^r  la  vigni  de  Combrex  .vj.  ûeners  et  per  îo  tetie- 
ment  de  la  Bostia  .ix,  d,  et  .j,  galîna. 

42*  Aquaria  de  Montraont  et  Johanwes  frat^  et  Johawnes  filius  Hugoni  de 
Montraont  del  curtil  de  Montraont  dimei  trossa  de  ten  et  .j.  a?wbîo  avene  et 
.j,  gilina. 

4î,  Symeonz  del  Bosc  de  son  curtil  del  bosc  ettm  prttinenciis  .v.  sols  vicn, 
et  ,vj,  raeitfrj  cowblos  avene  et  .\.  gallina  et  pn  îo  curtil  son  pare  ,j.  galina 
et  dimei  comhlo  d*avena,  et  x,  d.  et  dimei  trosa  de  fen  del  buec  del  coin,  et 

dimei  cowiblo  avene  et  dîmei  meit^  siligînis  al ^  etpcrlo  curtil  son  paro  (sic) 

J.  fab  de  fen. 

44.  Stephanus  de  Bosco  per  son  curtil  cum  pmînenciis  »v.  sois  et  .vj.  mei- 
tirs  avene  et  .j.  galina  et  dimci  mcit/T  siligi»is,  et  dimei  trossa  de  fen  per  los 
paquers  de  les  avenaries,  et  .ij.  cûwblos  avene  per  lo  bosco  de  Peire  grossa  et 
.iiî).  cowblos  avene  per  lo  buec  de  )osta  lo  coin,  et  àj.  owiblos  avene  de  la 
ped  del  pra  raont  /]x.  d, 

45.  Johannes  Ayrao  p^r  îo  curtil  deî  mort^r  .vj,  d.  et  dîmeî  meit^  avene. 

46.  Martinus  et  nepotes  et  Petrus  Pestre  per  lo  curtil  del  mort^r'  et  per  lo 
tenemcnt  .jx.  soU  et  .xij.  d,  maiew^es  et  .xiij.  meit(*rs  et  dimei  avene  et  ,ij. 
gallinis. 

47.  It^w  Petrus  BertrawdMs  et  GuïlleJmus  et  JohûWMes  et  Zaq/oria  del  ChucJ 
de  curtili  suo  cum  p^rtinenciis  ,vij.  soh  et  aij.  d.  et  .j.  gaWsm  et  .j.  puzin,  per 
^o  bosc  sus  le  coin  aiij.  (J°  <5,  r»)  mcyt«-s  avene,  et  per  la  sala  .îj.  cawblos 
avene. 


1.  La  Bastîe»  à  Test  de  Saitit-Martin-en-Haut  (Cassîni  no  87)  et  La  Baty, 
chlteau,  commune  de  Saint-Martin-en-Haut  (Etat-Major,  n"  168). 

2.  Le  Mortier,  au  S,-0,  de  Saint-Martin  (Cassini»  87). 

3.  Le  Suc,  au  S.-E.  de  Saint- Martin  (Cassini);  le  Grand  Suc  et  le  Petit 
Suc,  comm.  de  Saint- Martin  (Etat-Ma|or).  Suc,  Si}  s.  m.  a  en  forézien 
moderne  le  sens  de  hauteur,  sommet  arrondi,  montagne. 


LES   PARLERS   DU   FOREZ   CIS-LIGÈRIEN  43 

48.  Ruphus  de  Chue  pcr  la  ierra  de  Mo«trosel  .v.  ras  avene  et  ,j.  cotnhlo 
d*avena  de  cella  terra,  et  per  la  Vrra  del  pois  .},  combla  avene. 

49,  Martinus  Keveilies  pfrson  curtil  atm  pertincnciis  .vj.  d,  maienses  et 
Mi\,  camblos  avene  et  dîmci  galina  et  dimei  meitrr  de  ïrommi  et  dimei  trosa 
de  fen  et  /],  d,  de  pan  et  .j.  puzin  et  d/mei  quarta  de  vin  et  .uij.  d.  maiens 
ftfr  la  Poiarderi,  et  perlo  sotolaz  M\\,  d.  maiewies  et  .j,  mçï^tr  aveiic  et  dimei 
rodt/r  de  frometr/  a  la  vçili  mesura. 

$0.  inter  Manino  et  Petro  Rufî  ,viij.  comhhs  avene  et  »j\  galma  <»wtïîu- 
nais  ptr  \o  curtil  aïs  Roses  et  ptr  lo  curtil  del  Sotolaz  dimei  galina  et  Au],  d. 
mxycnses  et  dJmcî  trossa  de  fen  et  dîmci  meitiT  de  iroraewt  communal  pcr  la 
terra  del  Sotolaz  et  .vj ,  cow^bîos  avene  o^ntïiunis. 

51.  Sus  lo  cens  del  pois  aal  lî  lier  al  Sarrazins  .ii.  sob  et  .ij.  d.  £t  .vîj. 
rocitiT/  avene« 

52.  (fi  6f  t*».)  Jolmniies  de  Clsureu  p^r  la  saini  del  boichet  .Hîj.  d.  et  .j» 
tùmhlo  avene. 

$î.  Stephanus  del  Boison  pcr  lo  tcnemetit  d'Orgoîa*. 

54.  Johanncs  Rcis  et  Guillr/wa  sa  suer  p^r  lo  curtil  d'Axelgo  .ij,  sob  et  en 
may  .xij.  â,it  .j.  gali'wa  et  .j.  meitfr  avene. 

5$.  Bcmardus  del  Fechet*  prr  lo  pra  de  la  vila  et  ^  ,j.  ped  de  twra  iqui 
meismo  .iiîj.  solx  d  les  does  pars  d'una  galtina. 

56.  Mainarz  ptr  la  trrra  de  la  lentilleri  .iij.  soU  et  Jj»  cowiblos  de  dva  et 
.),  galina. 

57.  Jobinz  Rtisticans  et  Petrus  fratres  p«'  la  tfrra  de  (fi  7,  rt>)  les  revoires 
.viij.  comblos  avene,  prf  la  peci  de  Sala  b^rtan  .Hij.  d.,  ptr  la  saynaz  de  font 
«la.iiîj.  d.,  parles  v^rcherçs  de  les  Jonîes  .xij.  a.  et  .iiii»  conilz  et  ,j.  galina» 
fwr  lo  curtil  Matlveu  .îiij.  soif,  prr  los  pras  del  curtil  .iij,  soh  mayenjes  et 
,iitj,  Oïwibîos  avene  et  .j.  galina,  per  lo  buec  Joynie  .ij.  comUos  avene, 

58.  Johanz  Revulz  ptr  lo  curtil  d'Ardeison  ^  .iiij.  o^mb los  avene  ft  .j.  galma 
cl  ptr  los  pras  .xv],  d.  maicwses. 

59.  Johannes  del  Apraal  per  la  maison  qui  fuit  Ossa  ,îiij.  sob  e  .i.  galma 
#1  p^  los  pras  .xxij.  d.  maiens<5. 

60.  Poeri  Brunet  Jayout  deî  pras  de  la  font  de  Vikrs^  .x,  d.  maiewses,  per 
la  vfTchm  las  los  pras  jj .  comblos  avene. 

61.  Stephanus  del  Buec  per  lo  pra  de  la  Fay  .iiij.  d.  raaiens«  et  per  la  v«r- 
chm  del  rucht  .j.  cowblos  avene  et  .j.  galina. 

62.  (fi  7,  i«,)  Bertholoraei*^  Pocacharz  per  lo  bosc  de  la  Paya  j.  corwblo 
ivene. 


1.  La  Goute-d*Orgeol,  et  TOrgeol,  lieux  dits  près  de  Duerne  (Cassini). 

2.  Le  Flcchet,  c»^  de  Duerne  (Cassini  et  Etat-Major). 

5.  Ardaison,  au  N.-O-  de  Saint-Martin  (Cassini  87);  Ardaison»  écart  de 
Saint-Martin  (Etat-Mapr). 

4,  \illard  (Cassini),  le  Villart  (Et,  Ma}.),  commune  de  Saint-Martin. 


44  E.    PHILIPON 

63.  Pueri  St^phani  del  Fay»  p«r  lo  pra  del  pont  Patiel  .xii.  d.  JohannQS 
del  Pynei  *  per  los  pras  de  les  saynes  .iiij.  d.  maewes,rf  p^'  la  p^ari  AqMarian 
de  Talaru  .ij.  d. 

64.  El  curtil  al  Jayouz  .viij.  comblos  d'avena  ei .].  trossa  de  fen  ei  .],  galfwa. 

Item  census  de  Castro  de  Rochifort  J. 

6$.  Hugo  Martins  p^  sa  maison  de  Rochifort  .iiij.  sob  et  .j.  galiwa  et  per 
la  vigni  de  Combreu  .iiij.  d. 

66.  St^hanus  Martins  et  nepos  suus  per  la  tm*a  de  la  crois  .îij,  comblos 
avene  ;  perle  buec  sus  la  vi  laoneisa  .ij.  sols. 

67.  LorenciM5  Fusers  et  sui  nepotes  per  lo  forn  d'aval  .iiij.  sob,  per  la  vigni 
de  la  Costa  .iij.  d.  (f>  8,  ro).  Lorenciwj  Fusers  per  Tort  de  la  font  de  pissi 
entor  .xv.  d. 

68.  Petru5  Tisire  qui  ot  filiam  Johanni  Blain  per  lo  sainaz  davant  lo  molen 
Aquarian  Escofer  .xii.  d. 

69.  St^hanus  Blains  p^la  vigni  de  Combreuz  .iiii.  d. 

70.  Pueri  Johan  Escofer  per  lo  pras  et  per  la  terrai  soz  lo  molen  .ij.  sob  et 
.vj.  d. 

71.  Johaffiies  del  Pois  per  sa  maison  las  Virichat  et  per  los  pras  soz  Rochi- 
fort .ij.  sob. 

72.  St^hannus  Raphaex  per  la  peci  del  molen  de  Lora  .iiij.  d.  et  o, 

73.  Aaq«aria  Escofers  et  sei  nevou p^r  los  pras  soz  Rochifort 

74.  (/»  8f  vo,)  Blanchia  et  Jaqwemeta  per  la  peci  las  lo  molen  a  Lora  .xvj.  d. 

75.  Guilb/mtts  de  Porta  per  Tuert  davant  la  maison  Roceu. 

76.  Margarita  qui  fuit  uxor  Mofitelon  per  cel  meismo  u(u)ert  .].  comble 
avene. 

77.  Johflfines  de  la  Porta  per  Tuert  sus  font  Chanonan  .ij.  d.  ' 

E.  Philipon. 


1.  Le  Fay,  lieu  dit,  commune  de  Saint-Martin  (Et.-Maj.). 

2.  Le  Pinay  (Cassini)  au  N.  de  Saint-Martin,  aujourd'hui  le  Penet,  c»*  de 
Saint-Martin  (Et.-Maj.). 

3.  Rochefort,  village,  paroisse  et  baronnie  en  Lyonnais,  archiprêtré  de 
Mornant,  aujourd'hui  annexe  de  Saint-Martin-en-Haut  (Rhône).  La  baronnie 
de  Rochefort  dépendait,  en  1789,  du  comté  de  Lyon;  elle  comprenait  la 
totalité  de  la  paroisse  de  Rochefort  et  une  partie  de  celles  de  Saint-Martin  et 
Dueme. 


TROIS  DITS  D'AMOUR 

DU   XIII-  SIÈCLE' 


Les  trois  pièces  publiées  ci-après  ont  été  composées  à  Timi- 
tation  Tune  de  l'autre,  entre  1260  et  1280  environ,  les  deux 
premières  probablement  à  Arras.  La  première  est  d'Adam  de  la 
Halle;  les  deux  autres,  de  Névelon  Amion  et  de  Guillaume 
d'Amiens.  Elles  étaient  restées  jusqu'à  présent  inédites, 
mais  non  tout  à  fait  inconnues.  La  plus  intéressante,  celle 
d'Adam  de  la  Halle,  avait  été  signalée,  dès  1842,  par  P.  Paris 
ÇHist.  litt.,  XX,  797)',  et,  en  1844,  par  Ad.  Kcller  {Romvarty 
?•  313)»  qui  en  avaient  cité  quelques  vers.  De  Coussemaker, 
éditeur  d'Adam  (1872),  en  a  eu  connaissance,  probablement 
par  le  ms.  même  qui  contient  toutes  les  œuvres  du  poète, 
mais  il  a  jugé  bon  de  ne  pas  la  publier  :  «  Sous  les  n°*  ix  et 
XI,  »  dit-il  dans  sa  description  de  ce  ms.  (Jntrod,y  p.  xxix), 
«  s'y  trouvent  deux  autres  pièces^;  mais  ces  deux  morceaux 
«  sont  regardés  par  les  meilleurs  critiques  comme  n'étant  pas 
«  d'Adam  de  la  Halle î.  »  Rien,  à  vrai  dire,  ne  justifie  cette 

1.  P.  Paris  avait  imprimé  les  six  derniers  vers  de  la  strophe  xii  et 
Ad.  Keller  les  quatre  premiers  de  la  strophe  i.  Arthur  Dinaux  ne  mentionne 
pas  la  pièce  dans  sa  notice  sur  Adam  (Trouvères  artésiens,  1843),  ^^^^  9^'^^ 
y  ait  largement  mis  à  contribution  l'article  de  P.  Paris  ;  c*est  que  le  passage 
qui  y  est  relatif  se  trouve,  non  dans  le  corps  de  cet  article,  mais  en  appendice, 
et  lui  avait  évidemment  échappé.  M.  G.  Raynaud,  dans  sa  BibliograpJne  des 
Chansonniers  français  y  l'a  enregistrée,  ainsi  que  nos  deux  autres  dits  (no^  251, 
166,  2073),  bien  que  ce  ne  soient  pas  proprement  des  morceaux  lyriques, 
en  la  donnant  à  tort  comme  une  pièce  à  la  Vierge. 

2.  Le  no  IX  est  notre  pièce  ;  sous  le  n»  xi  sont  rangées  trois  strophes  sur 
la  mort  dont  il  est  question  dans  la  note  suivante. 

3.  Par  «  les  meilleurs  critiques  »,  De  Coussemaker  entend  évidemment 
parler  de  P.  Paris,  le  seul  du  reste  qui  eût  exprimé  une  opinion  sur  la 


4^  A.   JEAKROY 

défiance  :  la  pièce  se  trouve  dans  deux  mss,  (B.  N.  f.  p*  25566 
foL  65  r^*  et  Vax.  1490,  fol.  128  r^^  indépendants  Tun  de 
Tautre  et  qui  tous  deux  l'attribuent  i  Adam;  dans  le  premier 
de  ces  deux  mss.,  qui  a,  comme  on  le  sait,  une  autorité  excep- 
tionnelle, elle  se  trouve  entre  deux  œuvres  du  poète  sur 
Fauthenticité  desquelles  il  n*y  a  pas  le  moindre  doute,  le  poème 
«  Du  roi  de  Sezile  »  et  les  u  Congics  Adam  »,  Enfin,  ce  qui 
nous  paraît  trancher  absolument  la  question,  on  y  rencontre  un 
grand  nombre  de  pensées  ou  de  locutions  qui,  comme  le 
montrent  les  rapprochements  faits  en  note,  étaient  familières  à 
notre  auteur,  et  parmi  lesquelles  plusieurs  au  moins  sont  assez 
originales  pour  que  ces  rapprocliements  soient  significatifs. 

Il  n'est  pas  impossible  de  déterminer,  au  moins  approxi- 
mativement, la  date  de  cette  pièce.  Cest  sans  doute  à  Arras 
qu'elle  a  été  composée,  comme  le  montrent  les  allusions  con- 
tenues dans  la  strophe  xn  :  elle  est  donc  antérieure  au  moment 
(1262  environ)  où  le  poète  quitta  sa  ville  natale,  qu'il  ne 
devait  probablement  jamais  revoir.  D'autre  part,  elle  a  dû 
Têtre  peu  de  temps  avant  cette  date  :  certaines  indications  sur 


question  ;  or,  P.  Paris,  sans  revendiquer  positivement  h  pièce  pour  le  poète 
artésien,  n'avait  du  moins  formulé  aucune  objection  contre  cette  attribution  i 
il  avait  dit»  en  partant  de  ces  strophes,  «  qu'il  était  encore  permis  de  les 
attribuer  au  Bossu  d' Arras.  a  Mais  il  s'était  produit, dans  Tesprit  médiocrement 
précis  de  De  Coussemaker,  toute  uue  série  de  confusions  :  P-  Paris,  après 
avoir  cherché  A  démontrer,  dans  ses  Maniucriti  françms  (III,  235),  qu*Adam 
était  l'auteur  des  Fers  ik  la  Mort^  de  Roben  Le  Clerc  (récemment  publiés 
par  M.  Windahl»  Lund  iSBy»  voy,  Rom.,  XX,  [57).  avait  paru  (Hisi,  lUt,^ 
toc*  cit)  renoncer  à  cette  hypothèse.  Or,  comme  îï  y  a  aussi,  dans  le  ras. 
25566,  et  à  très  peu  de  distance  de  notre  !>//»  trois  strophes  intitulées  Vfn  de 
la  Mort^  De  Coussemaker  aura  cru  que  la  rétractation  de  P.  Paris  portait  sur 
cette  pièce  et  s'étendait  aussi  au  dit  sur  Taraour.  Qpam  à  ces  trois  stroplies, 
qui  ont  été  publiées  par  Jubinal  (Nouv,  râcueiî^  II,  275),  il  n'y  a  aucun  motif 
sérieux  d'en  contester  l'attribution  à  Adam,  dont  elles  sont  pariaiteaient 
dignes  par  l'élégance  et  Ténergie  du  style  ;  il  n'y  aurait  rien  d'étonnant  à  ce 
qu*il  se  fût  exercé  sur  un  sujet  qui  alors  était  dans  son  pays  presque  un  lieu 
commun,  et  qu'on  n*eût  conservé  de  son  oeuvre  que  ce  court  fragment. 

1.  Elle  y  est  précédée  d*une  curieuse  miniature  que  P.  Paris  a  décrite 
{lûc.  cit.). 

2.  Je  me  suis  servi  de  la  copie  de  Sainte-Palaye  qui  se  trouve  à  la  Bibl.  de 
TArscoal  (no  5101), 


TROIS  DrTS  d'amour  DU  xiu*  si:fecLE  47 

Tètat  moral  et  social  de  la  ville  coïncident  absolument  avec 
celles  que  nous  fournissent  quelques  pièces  artésiennes^  dont 
Tune  au  moins  a  été  écrite  entre  1250  et  1270  environ.  (Voy. 
Il  noie  sur  le  vers  144**) 

Je  ne  voudrais  pas  surfaire  la  valeur  poétique  de  ces  quelques 
strophes  :  cependant  il  est  permis  de  trouver  que  P,  Paris  ne 
leur  a  pas  rendu  pleine  justice  en  disant  Çoc.  cit.^  qu'elles 
étaient  0  assez  agréablement  et  facilement  versifiées  »;  on  y 
remarquera  certainement  une  énergie  et  parfois  un  éclat  de 
style  qui  les  mettent  au  dessus  de  la  plupart  des  pièces  lyriques 
du  même  auteur;  on  y  est  assez  souvent  choqué,  il  est  vrai, 
par  Tobscurité  d'expression  et  la  brusquerie  d'allures  qui 
semblent  inséparables  de  la  forme  strophique  adoptée  par  le 
poète  î. 

Des  deux  autres  pièces,  nous  avons  peu  de  chose  à  dire  : 
celle  de  Névelon  Amion  se  trouve  aussi  dans  les  mss*  25566 
(f»  278  r*)  et  Vat.  1490  (f°  129  v",  à  la  suite  de  celle  d'Adam  4); 
celle  de  Guillaume  d'Amiens  ne  nous  a  été  conservée  que  par 
ce  dernier  ms.  (^  130  v**,  à  la  suite  des  deux  autres  î). 
De  la  première^  A-  Dinaux  avait  cité  (Trouvères artésiens^  P-  3  SO 
les  deux  premières  et  les  deux  dernières  strophes,  Ad.  Keller 
{loc.  cit,}  la  moitié  de  la  première  strophe,  et  P<  Paris  (Hisi.  litt., 
XXin,  612)  les  dixième,  onzième,  dix-septième  strophes.  De  la 
seconde 5  mentionnée  également  par  Keller,  rien,  à  notre 
connaissance,  n'avait  été  publié^. 


]  *  Voy.  la  liste  de  ces  pièces  dans  les  Études  romams  dédiées  à  M»  G,  Paris, 
p.8},  n. 

2.  Il  serait  imprudent»  à  mon  avis,  de  chercher  des  arguments  dans  la 
situation  d*esprit  qui  s'y  exprime  (et  qui  est  à  peu  près  celle  que  Ton  retrouve 
au  début  du  Jeu  de  Ut  FmïUt).  Le  lieu  commun,  au  moyen  âge,  tient  une  si 
grande  place,  même  dans  les  oeuvres  qui  affectent  le  caractère  de  confidences 
personnelles,  qu'il  vaut  mieux  ne  s'appuyer  que  sur  des  allusions  précises  à 
des  ùîts  historiques. 

5.  Ce  qu'on  remarque  aussi  par  exemple  dans  le  Miserere  du  Rendus  de 
MoUiens  et  dans  les  Vers  de  la  Mort  publiés  par  M*  Windahl 

4.  Dans  le  ms.  du  Vatican,  elle  n'a  que  douze  strophes  disposées  dans 
Tordre  suivant  :  i,  2,  j,  4,  11,  la,  19,  5,  16,  9,  17,  lo.  Ce  texte  est  donc 
bcomplei  des  strophes  6,  7,  8,  t^,  14,  15,  18,  20»  21,  12. 

5.  Voy.  G,  Raynaud,  Bibh,  I,  229-50. 

6.  Sauf  quelques  fragments  épars  dans  le  Dict.  de  M.  Godefroy. 


48  A.   JEANROY 

Elles  sont  certainement  postérieures  Tune  et  l'autre  à 
l'œuvre  d'Adam,  dont  plusieurs  passages  y  sont  imités  '.  Mais  il 
'est  bien  difficile  de  dire  quel  a  été  le  premier  imitateur.  Névelon 
Amion,  en  rappelant,  au  début  Je  sa  pièce,  que  «  maints 
bons  vers  »  ont  été  faits  sur  le  sujet  qu'il  traite  lui-même, 
peut  aussi  bien  faire  allusion  aux  diverses  strophes  de  la  même 
oeuvre  qu'à  des  œuvres  distinctes.  Lepoque  où  vécurent 
Névelon  Amion  et  Guillaume  d'Amiens  «  le  Peintre  »  doit 
être  sensiblement  la  même.  Le  premier  nous  serait  inconnu 
sans  la  pièce  qui  nous  occupCj  bien  que  sa  famille  ait  joué 
alors  un  rôle  considérable  dans  sa  ville*;  quant  au  second,  il 
nous  a  laissé  deux  chansons  fort  banales  (Raynaud,  n*"'  2,  1004) 
qui  ne  fournissent  aucune  indication  chronologique,  et  des 
rondets^  de  structure  identique  ;\  ceux  d'Adam*  On  sait  que 
cette  forme  du  rondet  à  un  seul  couplet  ne  fut  guère  cultivée 
avant  la  seconde  moitié  du  xin^  siècle  ^. 

•  I,  Voy.  surtout  les  notes  sur  u,  45,  192,  245-,  m»  4, 

2.  Baude  Fastoul  nomme  dans  ses  Congés  (y,  98,  2 10)  Henri  Amion,  qui 
est  dté  aussi  dans  le /ru  d€  la  FeuiUà  (v,  ï6)  comme  boins  clers  et  soutkx  et 
auteur  dVn  «  livre  n  qu*Adam  semble  admirer  fort  ;  il  devait  être  assez  âgé 
au  moment  où  celui-ci  lui  adressait  ces  éloges,  car  son  nom  se  trouve  dans 
le  HegiUrt  tks  Jonglatrs  (f.  fr.  ii54l),  dès  Tannée  1249,  et  celui  de  sa  Tilk  en 
1273.  Les  Congés  de  Fastoul,  dont  il  est  difficile  de  fixer  exactement  la  date, 
sont  en  tout  cas  postérieurs  à  ceux  d^Adam,  qu^ils  mentionnent  comme 
exilé  à  Douai  (v.  472-3);  d*autre  part,  B.  Fastoul  est  inscrit  sur  le  Registre  à 
la  Saint-Remi  de  1273  seulement.  Le  nom  d*une  «  Sturio  [iise^  Esturion] 
fe  Baude  Fastoul  »,  qui,  du  reste,  peut  être  sa  mère  aussi  bien  que  sa  femme, 
s*y  trouve  â  la  Purification  de  1258, 

3.  Conservés  dans  le  même  ms.  que  notre  Dit  et  publiés  par  P.  Heyse 
(Roman  ische  îmâiia,  1 8  5  6 ,  p .  5  4-  $  8) . 

4»  Quelques  détails  de  langue  pourraient  prier  en  faveur  de  l'antério- 
rité de  Guillaume  d'Amiens.  Il  y  a  dans  Névelon  Amion  quelques  synérèses 
ou  élisions  très  peu  usitées  avant  Textrérae  fin  du  xin«  siècle  :  v.  30  t'aimes\ 
V,  11}  r'oj;  145  t'ies^  165  vir  (=  vàr^  imir)  (les  formes  prieus, 
ptilUus,  compter^  dans  G.  d'Amiens  (vv.  62,  102,  147)  présentent  un  phé- 
nomène différent)  ;  mais  il  est  fort  possible  que  Tabsence  de  formes  pareilles 
dans  la  pièce  de  G.  d* Amiens  soit  purement  fortuite.  D^autre  part,  si  Ton 
compare  les  passages  des  deux  pièces  où  sont  exprimées  les  mOmes  pensées, 
il  semble  que  Timitateur  (car  il  y  a  dans  le  style  trop  d*analogie  pour  qu^elles 
aient  été  écrites  indépendamment)  soit  plutôt  Guillaume  d'Amiens.  Voy. 
par  ex.  11,  90,  et  m,  36;  11,  226,  et  m,  114. 


TROIS  DITS    d'amour   DU    XIII*   SlfeCLE  4J 

Quant  à  la  forme  strophique  dans  laquelle  sont  composées 
ces  trois  pièces,  on  sait  qu'elle  a  joui,  spcciaîement  dans  la 
région  picarde  et  wallonne^  d'une  grande  vogue  qui  remonte 
probablement  aux  fameux  Fers  sur  la  Mtyrt  d'Hélinaud,  qui 
Tavaient  si  brillamment  inaugurée;  elle  a  été  surtout  employée 
dans  des  œuvres  d'un  caractère  religieux,  moral  ou  satirique 
de  la  fin  du  xiP  au  milieu  du  xiv*  siècle*.  Elle  a  été  étudiée 
par  MM.  P.  Meyer  (BibL  de  fEcok  dis  Chartes,  XXVm, 
p.  I3î)>  G.  Raynaud  {Romania^  IX,  231),  van  Hamel  {Mise- 
rere,,,^ Introd,,  p.  xcnt),  et  enfin  par  M.  Naetebus  {Dit  nichi- 
îyrischen  Strophcnformcn  des  Altfrani^sisclmiy  n^  xxxvr,  pp.  106 
et  suiv.). 

Il  me  reste  h  dire  un  mot  de  la  façon  dont  j'ai  entendu  cette 
publication  :  je  donne  pour  les  deux  premières  pièces  le  texte 
de  25  566  {Â)  sans  essayer  d*en  uniformiser  la  graphie  *.  Quant 
aux  leçons  de  Tautre  ms.  (J5),  je  ne  les  donne  ordinaircmeot 
que  quand  elles  importent  au  sens.  Les  notes  qui  suivent  le 
texte  offrent,  entre  autres  choses,  un  certain  nombre  de  réfé- 
rences aux  poètes  lyriques  du  Midi  et  du  Nord,  les  trois  auteurs 
leur  ayant  emprunté  une  foule  de  pensées  et  d'expressions;  il 
va  sans  dire  que  je  n'aj  pas  essayé  d'épuiser  la  matière.  J^ai 
réuni  dans  un  glossaire  les  mots  dont  la  forme  ou  le  sens 
peuvent  avoir  quelque  intérêt,  en  marquant  d*un  astérisque 
ceux  qui  manquent  au  dictionnaire  de  M.  Godefroy5, 


î.  Daas  la  poésie  purement  IjTÎque,  nous  n'en  trouvons  qu'un  seul 
exemple  (et  encore  les  vers  y  sont-ils  de  6  et  non  de  8  sylkbes)  qui  nous  est 
ofUn  par  une  pastourelle  de  Jean  Bodel  (Raynaud,  n»  367;  Bartsch, 
Riom.  K.  Poj/.,  p.  288),  11  est  cuHcuk  qu'elle  n'y  ait  pas  été  plus  souvent 
employée,  car  la  forme  dont  elle  n'est  ^ju'une  dérivation  par  redoublement 
{aah  aah)  y  est,  comme  on  sait,  Irêquente.  —  On  remarquera  que  dans  plu- 
sieurs des  piîîcjs  écrites  sur  ce  type,  outre  les  nôtres,  toutes  les  strophes  au 
le  plus  grand  nombre  commencent  par  une  apostrophe,  comme  dans  leur 
modèle  commun  :  %*oy.  par  ex.  les  Fers  sur  la  Mort  d'Adam,  ceux  de 
Robert  Le  Qcrc,  le  MUfrtre  (str.  58-119,  12 j  ss.,  143  ss.,  253  ss.),  les  Vtrs 
du  MofuU  (JubinaK  II »  124),  etc. 

2.  Je  me  suis  borné  â  rétablir  les  formes  picardes  de  Tarticlo  et  du  pos- 
teisif  qui*  du  reste,  sont  de  beaucoup  les  plus  fréquentes  dans  le  ms- 

j.  Je  tiens  enfin  à  remercier  les  personnes  qui  ont  bien  voulu  me  prêter 
kttf  concours  pour  cette  publication  :  M.  G,  Huet  a  revu  sur  le  ms.  de  Paris 
quelques  mots  douteux  des  deux  premières  pièces;  M,  E,  Langlois,  de 
XXIL  4 


50 


A.  JEANROY 
I 

ADAM  DE  LA  HALLE 


I 

Amours,  qui  mX^j  niis  tn  sou- 
[franche 
De  die»  par  te  bele  enortanche. 
Dont  joie  deûsse  or  avoir, 

4  Faus  est  i|ui  en  toi  a  fi  anche, 
Quant  par  te  longue  pourveanche 
Me  fais  en  tel  grieté  manoir, 

Jou  ne  puîs  ten  engien  savoir  : 

5  Le  sobre  fais  par  tora  pooir 
Estre  en  désir  sans  astenanche^ 
Et  mes,  COQ  U  pions  ou  miroir, 
En  feme,  pour  moi  décevoir, 

12  Plus  biauté  par  faînte  sanlanche, 

II 

Amours,  tu  m*as  chiere  vendue 
Te  connissanche  et  le  venue  ; 
Pour  voir  ie:^  li  Va  us  Pcrilleus 
i6  Plains  d*amertunie  et  sans  issue; 
Pals  a  pour  guerre  bien  perdue 


Chiex  qui  a  but  a  tes  baricus  ; 

D'un  simple  fais  un  reveleus. 
20  Chiex  qui  sieveni  pechies  morteus 

D'à  traire  a  toi  n'ies  recreûe. 

Bien  fais  de  moi  che  que  tu  vcus  ; 

N*est  men'eillc  se  je  sui  teus, 
24  Car  chars  humaine  lost  se  mue, 

m 

Amours,tantcuidierfaîsremaindre| 
Tant  begînage  et  tant  veu  fraindre  ; 
N'est  pas  a  soi  qui  bien  te  sent. 

28  Cornent  se  puet  tenir  de  plaindre 
Chieus  que  tu  fais  pâlir  et  taindrc 
Sans  envoler  alegement  ? 
Repris  sui  de  mon  errement 

}2  De  tcus,  par  le  mien  ensicnt, 
Qui  ne  porroient  le  leur  faindre 
S'un  poi  ^ntoicnt  men  tourment, 
Car  qui  pert  et  riens  ne  mesprent 

36  Cornent  porroit  s'irc  refraindre  ? 


son  côté,  a  corrigé  sur  le  texte  du  Vatican  plusieurs  passages  de  la  copie  de 
Sainte- Palaye  qui,  dès  le  premier  instant^  m'avaient  inspiré  des  doutes  ;  puis> 
ma  défiance  s' étant  accrue  Â  l'égard  de  la  fidélité  de  cette  copie,  j'ai  prié 
M*  M.  Pelaez  de  la  collationner  tout  entière  avec  le  texte  original  ;  M.  Pelaer 
s'est  acquitté  de  cette  tâche  avec  un  soin  digne  de  tout  éloge*  Enfin, 
M.  G.  Paris  et  M.  P.  Meyer  m'ont  prêté,  pour  F  éclaircissement  de  plusieurs 
passages,  le  secours  de  leur  érudition  et  de  leur  sagacité  bien  connues  :  que 
tous  veuillent  bien  recevoir  le  témoignage  de  ma  vive  reconnaissance. 

I.  ]  A  soufïanche,  B  soufrance  Qmn  Us  mùti  de  îû  nUme  strophe  fortms  avec  k 
suffixe  -antia  sont  m  -ance  dam  u  ms,).  —  4  £Ki  a  en  toi  f.  —  7  -<  Je  n.  p. 
ton.  —  10  ^  le  plonc. 

IL  1 3  ss.  Ctili  strophi  manqm  dans  la  copie  de  Sainte-Pahyt  ^  mais  tton  dans 
TùriginaL 

m.  16  B  p.  de  tourment,  —  ao  5  cîaus  kî  fuient.  —  21  5  atraire,  —  2^  A 
char,  B  car  car  humaine  tost  senîue.  —  2\  A  fait.  —  28  A  Qjnem.  —  ^o  A 
cvoîer.  —  32  .-f  cnsiant.  —  j6  A  remandre.  Çf,  pour  la  leçon  adopta,  la  rime 
de  1/, 


TROIS  DITS  D* AMOUR   DU   XIII*  SitcLE  $1 

jY  64  Et  moi  n'en  doit  on  clamer  quite, 
Car  H  chars  qui  tant  est  despite 
Amours,  par  toi  ont  amant  joie  ^'avoir  son  ses  ne  croit  autrui. 

Au  conmenchier.  puis  leur  anoie        p^^^  f^.  ^.^^  j,,^„  ^^  ^^^.^^ 

Par  te  defaute  et  par  ten  Eut.  ^g  q^^^^  ^j,^,^  ^  ^^j       ^^^^j^^  ^^. 
40  Pnnches  en  ost  se  gent  raloie  ^^  „,^  grevanche  se  délite. 

Et  de  bien  faire  adès  leur  proie  j^  ^^  ^^.        ^^^        .    ^^j  ._ 

Mais  tu  cause  ies  de  leur  mesfa.t.         ^  r^ngrener  ne  me  conui, 
Je  ne  voi  qui  ten  secours  ait  g;     .^;  ^^  ^^^^        ^^y,^ 

44  S'il  ne  sert  cheli  de  fol  plait 

Ou  il  tent,  donfli  coupe  est  toie;  VII 

Car  fins  amis  qui  grief  mal  trait  ^^^„„  ^  ^.  ^^.^^  n'enmance  mie 

Quant  pour  garison  a  toi  trait,  ^o^  j„  ,.j^,„j  ^^  ç„  y^^.^ 

48  Tu  li  respons  :  «  Fui  !  va  te  voie  !  »         Li  fevres  le  mancGOe  ou  coutel, 

V  76  J*entenc  quant  cuers  a  cuer  s*alie, 

Amours,  chelui.  cose  est  seùre,  ^^^^^^  ^'^^^  ^'^^^^  «^""^ 

Qui  le  sien  a  gaster  n'endure  ^^^^^  ^^^  P<^"^^^^«  ^^  ^"^  ^°^  ^^^ 

Vas  au  cuer  le  denque  saquant;         ^u  qui  destourbe  leur  chembel. 

S2  Sans  proier  i  quiers  te  pasture;  ^  amours,  tu  m'as  fait  de  nouvel 
Ou  vaissel  lais  une  morsure  ^'"'^  ^^^  '^^^^  ""^  ^"''^^^ 

Plus  que  d'escorpion  poingnant.  »^  0-"^  ^^  ^"^^  "^«  ^^^^^^  «"  ^^  P^^  > 
Ce  pert  a  mon  pale  sanlant  ^"^^^  ^^  ^"^^^^  mangounel 

S6  Con  asprament  vaf  s]  devouram  ^^^^  b°"  ^^^^'^  ^^  Tescremic  ! 

Chf:  c'aler  doit  en  noùrreture.  y  m 

Sot  en  devienent  li  sachant; 
Qjii  pais  et  repos  vait  querant  Amours,  te  vie  me  deshaite, 

60  Ne  doit  de  tel  oste  avoir  cure.  «6  Car  nus  n'i  a  joie  parfaite  : 

Qiii  est  amés,  s'a  il  paor 
Con  ne  l'oche  ou  c'on  ne  le  gaite 
Amours,  donné  m'as  sans  mérite        Ou  c'aucuns  sourvignans  n'ait  faite 

Le  tourment  que  souvent  rechite  ;  90  Cose  dont  il  quieche  en  errour  ; 
Encor  me  doue  de  graindre  anuî,         Chiex  ensement  qui  n'a  l'amour 


IV.  57  B  amant  ont.  —  39  AB  ton.  —  41  5  Et  omis.  —  42  A  meffait.  — 
45  i^  u.  —  46  B  amans. 

V.  49  B  A.  con  cil.  —  51  5  as  cuers  les  denkes,  A  leclenque.  —  52  ^ 
cucrs  t.  p.  —  555  pointure. 

VI.  61  La  strophe  manque  dans  la  copie  de  Sainte-Palaye^  mais  non  dans  Tori^ 
ginaî,  —  64  5  et  moi.  —  65  i<  fui(?).  —  'ji  A  pieurt. 

Vn.  73  ^  en  manche.  -—  ^4  A  ens  en  la  main.  —  75  5  la  mance.  — 
77  A  csrache.  —  78  A  pourcache  el  q.  son  b.  —  79  ^  son  ch.  —  ^2  A  tx.  le 
pid.  —  83  ^  mangôniel. 

VIII.  85  B  pooir.  —  89  -/<  s'aucuns.  —  90  5  quiet. 


^^^^^^                                                                                    ^ll^^p^^^^^^l 

^^^^^r                            De  cheli  qu*il  sert  nuit  et  jour 

xr                   ^ 

^^^^^1                             Ne  vit  point  sans  dolour  entaîte. 

AmourSi  par  men  cruel  martire            ^H 

^^^^1                        94  A  toi  a  dont  mauvais  retour. 

122  Ai  bien  prouvé  ten  maïstire  :                ^M 

^^^^1                             Car  on  n*en  vient  pas  au  trestour 

Nus  ne  fu  mais  si  rais  a  point               ^M 

^^^^H                              Fors  par  dolour  ou  par  souiïraite. 

Con  je  sui,  car  mes  cuers  désire          ^M 

^^^^H 

Che  dont  li  cors  font  et  empire.          ^M 

126  Chil  qui  plus  sont  sage  et  repoint          ^M 

^^^^H                             Amours,  tes  mesfais  pas  ne  note 

Et  qui  eu  i  dent  amer  de  point,               ^M 

^^^^H                         98  Qui  pour  se  dame  cante  et  noce, 

Clie  sont  chil,  quant  il  leur  es-          ^| 

^^^^^1                                Car  tu  l'as  tout  empuîsouné. 

[point,          ■ 

^^^^^1                                Tu  îesplus  fausse  que  buhote, 

Ou  il  a  mains  a  desconfire.                    ^| 

^^^^B                               Car  chascuns  qui  a  toi  se  frote 

150  Pour  che  ne  me  desfendi  point,            ^H 

^^^^T                         102  Se  plaint  et  tient  pour  engaoé; 

Car  on  dist  que  deus  fois  se  point          ^U 

^^^^K                               Qpant  tu  as  un  amant  moustré 

Qui  contre  aiguillon  escauchire.          ^H 

^^^^H                                 Sanlant  de  confort  aprestL^ 

H 

^^^^F                                Au  paiîer  est  une  riote. 

^^^^^                          to6  Ja  nu$|  je  croi,  n*cust  amé. 

Amours,  nus  ne  fait  jeu  ne  feste  :    ^^^B 

^^m                                      S*on  percheûst  te  lasqueté 

î  14  Chascuns  a  Tamasser  s*areste          ^^^| 

^H                                       Ne  cornent  chascuns  i  escote> 

Pour  che  que  tu  ne  les  semons.     ^^^B 

^H 

Plus  roit  qu  'esfoudres  ne  tempeste          ^H 

Deschens  en  nous  et  fais  moleste          ^U 

^H                                      Amours,  s'aussi  de  me  leecbe 

i  j8  Qpant  tu  veus  c'amoureus  soions.          ^| 

^^M                               tto  Pensoies  con  de  me  tristreche» 

Pour  coi  n'enflâmes  ches  garchons          ^U 

^^m                                      Me  paine  î  porroîe  cmploier; 

duî  vo Qt  disant  :  n  Or  gaaigaons,         ^U 

^^M                                       Mais  ne  voi  qui  conseil  i  mcchc, 

Puis  amerons  de  saine  teste  «?         ^H 

^^H                                       Ne  che  n*est  pas  par  me  perechc, 

142  Mais  a  cheus  a  flou  ris  grenons             ^H 

^^M                               114  Car  j'aim  de  loîal  cuer  entier. 

Est  viex  li  vie  et  li  renons                     ^H 

^^m                                      Tu  me  deûsses  conseillier. 

D'amer,  et  s*est  au  jone  honneste.          ^^Ê 

^^H                                       Qpi  m'as  fait  l'oevrc  conmenchîer, 

XIU                            ^^M 

^^m                                     Ht  tu  m'as  fait  estre  en  destreche  ; 

^^m                               iiS  Bien  ses  fin  ami  enging^nier» 

Amours,  te  seigneurie  est  frainte,    ^^^B 

^^M                                      Car  premier  le  fais  allechier 

146  Car  chascuns  de  volenté  faînte        ^^^H 

^^H                                      Seur  un  regart  qui  puis  le  bleche. 

Aime  le  feme  ou  il  s'aert  ;             ^^^^| 

^^H                                     VIIL  94  B  rccoun  —  9$  B  au  trctour^  A  par  autre  tour.                              ^^^^| 

^^M                                    IX*  99  B  que  par.  —  97  A  melTais. 

,  —  loS  A  qmeut.                                   ^^^^| 

^H                                   X.  109  A  leesche.  —  117  B  me  fais,  —  n8  B  amam.  —  119  ^  allekier,         "^1 

^^H                                   XI.  I2t  A  mon.  —  121  A  ton»  B  1 

naiestire.  —  124  B  lui,  A  desirre.  —          ^H 

^^H                               136  A  Cbis.  —  126-7  ^  i^^  i^  "^  ^ 

amer  de  point  cil  ki  plus  sont  s^ge  et          ^^t 

^^H                               repoint,  —  1^0  A  deffendi.  —  132  J  1 

esguîllon.                                                        ^H 

^^1                                   XIL  156  ^  plus  tost  qu'etfoudres.  - 

-  141  A  tieste,  B  de  sainte  t.  —  142  B         ^f 

^^H                              a  kenus  g. 

a 

TROIS  DITS   d'amour   DU   XIII*   SIECLE  33 

Tel  jurent  fe[e]uté  a  mainte  Bien  deûsses  prendre  conroi 

Qpi  moût  tost  ont  le  trieve  en-  De  chelui  qui  bien  ne  s'aquite 

[frainte   172  Vers  se  dame,  ains  fait  son  gaboi 


150  S'ele  est  tenue  a  descouvert. 
Qpi  n'a  c*un  oeil  souvent  le  tert  : 
Pour  coi  ne  garde  bien  et  sert 
Bonne  dame  qui  l'a  atainte? 

154  Bons  est  li  jeus  ou  nus  ne  pert; 
On  soloit  amer  en  apert, 
Or  aime  on  a  candaille  estainte. 

XIV 

Amours,  n'en  puet  aler  sans  perte 
158  Qpi  en  ten  serviche  s'aerte  : 
Fierté  i  troeve  on  et  orgueil. 
Te  porte  est  contre  tous  ouverte, 
Desus  est  de  cloies  couverte  : 
162  Q.uant  je  cuidai  passer  le  sueil, 
Je  caî  ens,  dont  je  me  dueil, 
Et  la  pris  si  mauvais  escueil 
Qji'encore  est  me  folie  aperte; 
166  Car  quant  de  toi  partir  me  vueil. 
Je  retourne,  quant  doi  vair  oeil 
Sont  respondant  de  me  déserte. 

XV 

Amours,  tu  ne  fais  droit  ne  loi  : 


Q.uant  il  a  goï  du  tournoi 

Par  menchoignes  et  par  refuite, 

Puis  le  laist  tourner  a  le  fuite 

176  Quant  il  l'a  hounie  et  destruite. 
Ch*est  trop  povres  gages  de  foi 
Qu'il  mist,  ains  qu'il  venist  a  luite; 
Puis  que  désirs  d'amant  afruite, 

180  Comenche  il  estaindre  se  soi. 

XVI 

Amours,  pour  che  pas  ne  le  di 
Qpe  femes  ne  facent  aussi, 
Par  aventure,  et  pis  encore  ; 

184  Car  quant  feme  a  sen  cuer  verti 
A  un  amant  et  consenti 
Tant  qu'il  ait  de  s'amour  vitore 
Et  plus  net  le  voit  c'un  yvore, 

188  Tant  sont  de  muaule  memore 
Q.'ele  a  chelui  lues  enlaidi 
Pour  un  nouvel  qui  li  plaist  ore, 
Par  un  behourt  de  vaine  glore  : 

192  Ensi  sont  li  povre  houni! 

Chi  defincnt  li  ver  d*amour. 


XrV.  158  A  ton...  saiene.  —  i$g  A  fiert.  —  160  Corr.  fosse (?). —  161  B 
dcsous.  —  162  A  suel,  B  soel.  —  163  A  doel,  B  de  koi  me  d.  Ce  vers  est 
dans  A  fiocé  après  166,  —  164  AB  escuel.  —  165  A  encor.  —  166  AB  voeil. 

—  167  A  loeil,  B  oeul. 

XV.  169  B  tu  nen.  —  170  S  deussies.  —  172  B  et  fait.  — 173  5  del  otroi. 

—  177  A  Chest  p.  g.  de  se  f.  —  180  ^  estraindre  (r  expotictué)  se  foy,  B 
estraindre  son  soi.  Dans  A  u  vers  est  ajouté  en  marge. 

XVI.  181  B  li  di.  —  182  A  sachent.  —  183  et  manque  A.  —  184  A  son. 

—  iS6  Bt.  qu'il  a,  A  victoire.  —  187  A  yvoire.  —  188  A  mémoire.  —  191 
Bpour. 


54  A.    JEAKROY 

n 

NÈVELON   AMION 

I  III 

Amours,  j'ai  oï  de  vous  faire  Amours,  se  je  dire  l'osoie, 

Mains  boin[s]  ver[s]  qui  bien  doi-  ^es  jus  est  de  boute  en  coroie 

[vent  plaire  :  Dqjj^  ^^'^j  j^^^  „  ^^^^  j^j  ^^js  . 

Or  voel  les  miens  faire  savoir  ;  ^8  Defors  te  tins,  qui  seus  le  voie. 

4  Ne  puis  plus  celer  men  afaire  :  g^  j^  ^^^^^5^  ^^^  ^^  javoie 

Vous  me  faites  plus  droit  contraire  l^^  f^^^  pj^i^  ^^^  ^^^^^^^^  q^i^ . 

Qpe  li  fins  blans  ne  face  au  noir;  q^^  •  ^^^^  ^^^^  j^j  es^ahis. 

Servi  vous  ai  a  men  pooir  ^^.  ^^^  ^^^^  Qr  serai  malbailUs 

8  En  loialté  et  sens  mouvoir,  ^  ^^  ^^^^^  ^^^  j^  ^^^^^^^ 

Or  me  volés  faire  mal  traire  ;  q  ne  vaut  reconfors  d'amis  : 

Mais  je  ne  me  sai  percevoir  ^ntre  vous  deus  soit  li  estris, 

due  malvaistés  puist  remanoir  ^5  ^ar  je  vous  voiderai  le  voie. 
12  U  tous  li  biens  maint  et  repaire, 


II 


IV 


Amours,  biautés  et  seignourie,  Amours,  u  tous  li  maus  se  maire 

Sens  et  honnours  et  courtoisie  Et  u  tous  li  anuis  s*esclaire 

Maint  en  ten  cuer  et  croist  et  tient,  Et  u  tous  li  confors  s'estent, 

16  Et  avoec  tele  compaignie  40  K'ai  je  meffait,  ki  ne  puis  plaire 

Mais  ni  orguix  ne  vilounie  A  vous,  ki  estes  deboinaire. 

Ne  se  devroient  tenir  nient  ;  Ke  me  donnés  alegement  ? 

Mais  je  pense  c'on  les  retient  Qpant  merci  crie  doucement, 

20  Pour  ce  que,  s'aucuns  faus  i  vient  44  Vous  respondés  crueusement  : 

Ki  voelle  avoir  a  force  amie,  «  Fui  de  ci  I  De  toi  n'ai  que  faire  : 

A  ciaus  le  baille  on  et  détient  :  J'ai  chou  qui  me  vient  a  talent.  » 

On  le  pourtire,  on  le  raient  Ensi  en  moi  coisist  et  prent 

24  De  cuer,  de  cors,  d'ame  et  de  vie.  48  Sans  parler  a  prevost  n'a  maire. 

A  Chi  commenche  d'un  dit  d'amours  que  Névelos  Amions  fist.  —  B  Ces 
vers  fist  Nievelos  Amions. 
L  2  A  Maint  boin  v.  —  9  B  mal  f.  t. 

II.  15  AB  ton.  —  16  B  Ja  ueuc  t.  c.  —  18  AB  devroit.  —  19  Bc'on  le  r. 

—  20  B  pour  c.  q.  s'a  maus  i  v.  —  22  5  le  baille  on  le  détient.  —  23  i<  ptire, 
B  pourtire.  —  24  B  cuers. 

III.  28  B  tiens.  —  29  B  Et  jou  de  .11.  —  30  5  Le  faus  ploi  q  t'avoie  q. 

—  31  B  fui.  —  32  AB  Mon.  —  33  -^  le  garderoie,  B  qi  legardoie.  —  35  soit 
dans  B  remplace  un  mot  gratté.  —  36  AB  le. 

IV.  41  B  Vers  vous.  —  42  A  K\y  B  Q,  me  dougnies.  —  43  i<  prie.  — 
47  B  ami  kieusist  et  ;  les  deiix  derniers  mots  sont  écrits  sur  un  grattage. 


TROIS   DITS  d'amour   DU   Xill*   SIECLE 


SS 


Amours,  aussi  cod  H  caiaus 
Ki  jue  volenders  a  daus 
U  il  troeve  un  peu  d'amisié , 

S  2  Juai  a  toi  cou  jouvenciaus  : 
Mes  or  est  falîs  mes  revîaus, 
Kant  n^i  truis  deboinaircté. 
On  ni*a  aucunes  fois  conté 

56  Ke  tu  faisoies  en  esté 

En  pur  le  cors  porter  capiaus  ; 
J'en  ai  par  maintes  fois  poné 
U  je  n'ai  senti  fors  grieté  : 

60  Ades  fail  a  tes  biens  roiaus. 

VI 
Amors,  kî  en  maint  boin  cucr  mains 
Et  qui  maint  bel  viaîre  as  taîns , 
Je  te  pri  merci  et  requîer 

64  Que  tu  m*ocies  a  tes  mains  : 
Je  ne  te  quier  plus  de  demaîns, 
Trop  me  fais  languir  et  sekierï 
Souviegne  toi  du  maronnicr 

68  Ki  al  a  en  le  mer  pcskîer  : 

Si  prist  tant  que  se  rois  fu  plains, 
U  ne  le  peut  a  soi  sakier  ; 
Perdre  li  cou  vint  et  laissier* 

72  Fai  en  autant  de  moi  au  maîns  I 

VII 
Amours,  oîsiaus  pris  a  le  glui 
N'a  tel  honte  ne  tel  anui 
Con  dl  qui  est  pris  a  te  roi  ; 
76  Je  ne  trouverai  ja  celui 
Devant  cui  n'ose  bien  cestui 
Prouver,  si  vous  dirai  por  coi  : 


Sans  faille  il  est  en  grant  effroi 
Bo  De  ce  k'il  pert  sen  esbanoi 
Ne  k'il  ne  puet  faire  refui  ; 
Maïs  cis  ki  pert  sen  cuer  et  soi 
A  cent  mile  tans  plus  d'anoi, 
84  Car  qui  lui  pert  ne  got  d'autrui. 
Vlll 
Amours,  amours,  plus  de  cent  fois 
Ai  sentu  de  tes  esbanois« 
Mais  ne  me  sont  ne  boin  ne  bel. 
88  D*une  cose  est  vo  maus  courtois. 
Car  il  n'est  ne  princes  ne  rois 
Cui  il  ne  saille  au  haterel» 
De  la  1)  entre  ens  u  cervel; 
93  Perdre  li  couvient  sen  revel  : 
Pensis  devient,  simples  et  cois; 
Plus  grant  mestier  a  d'un  caude  1 
Que  li  poissons  n'ait  du  ruisscl 
96  Ki  pasmés  a  esté  trois  fois. 
IX 
Amours,  j'oi  tout  le  mont  bla[s]- 
[mer 
De  vostrc  afaîre,  car  ouvrer 
Vous  voi  trop  souvent  a  rebours. 
100  On  en  puet  moût  de  biens  conter, 
Mais  on  en  i  en  puet  peu  trouver, 
S*encore  ouvrés  de  vos  faus  tours. 
Uns  menestreus  ki  maine  un  ours 
104  Pour  gaaignier  d  u  aillours 
Le  bat  toute  jour  pour  tumer  ; 
KuDt  vient  au  soir,  k'a  fait  ses 
[tours, 
Ne  li  faut  il  pas  de  secours» 
108  Ains  li  fait  de  sen  paîn  doner. 


V,  51  Dam  B  Us  trois  derniers  mois  écrits  sur  un  grattage.  —  55  -^  par 
maimes  fois,  B  aucune  fois.  —  $7  /f  Aîer  en  cors.  —  58  B  mainte»  —  59  fl 
Ia  u  je  ne.  —  60  B  toudis. 

VL  Manque  dans  B. 

VU.  Manque  dans  B,  —yZ  À  par.  —  So  ^  son.  —  82  A  son- 

Vm.  Manque  dam  B,  —  86  A  a  s,  —  88  A  vos. 

IX.  97  B  joc  tout  le  monde  blasmer.  ^  ïoo  B  bien*  —  101  B  o.  e.  i.  p. 
poim^  —  102  manque  dans  B.  —  194  B  iaillours*  —  106  A  K.  v,  au  nuit  k*^t 
&is  i.  t,  —  Î07  B  point,  —  108  AB  son. 


S6 


Amours,  tu  fais  le  sot  séné. 
Le  couart  hardi  redouté, 
Et  l'avarissieus  courtois  ; 

112  Et  tu  m'as  du  tout  oublié. 
Je  ne  saî  que  t^as  en  pensé, 
Mais  tes  bienfais  m*cst  moût  es- 
[trois  : 
Par  tout  est  connus  tes  hamois, 

116  E  las  !  et  je  ne  le  connois» 
Fors  tant  c'on  m*a  dit  et  conté 
K'en  ten  escu  siet  demanois 
Une  dame  blance  con  nois, 

120  Vermclle  con  rose  en  esté. 

XI 

Amours^  ains  ne  fu  cevatide, 
Tournoiemens  ne  ost  banie, 
U  on  ne  sentist  de  tes  caus, 

124  Tu  fitis  faire  cevale rie, 

Tu  fais  perdre  Tame  et  le  vie, 
Tu  fais  crever  cors  et  cevaus. 
Par  tout  est  crueus  tes  assaus, 

128  F^t  a  moi  plus  qu'a  trestous  ciaus 
Ki  au  jour  d'ui  soient  en  vie; 
A  nului  n'est  li  cemins  saus, 
Ni  envers  moi  n'ies  pas  ioiaus  : 

IJ2  J'aim  t*ounour  et  tu  liés  me  vie. 

XU 

An:iouts,  tu  lances  tempre  et  tart 
Par  ml  et  par  tout  de  ten  dart, 
Et  quant  plus  t'aime  on,  plus  fiers 
[fort. 


A*  JEANROY 

1 56  Je  ne  voi  szgc  ne  musart, 
Puis  qu'il  a  pensé  celé  part, 
Ki  ne  s'en  plaigne  et  desconfort. 
A  ten  fait  resemblc  le  mort  : 

140  Tu  fiers  a  droit,  tu  fîcrs  a  tort, 
N'îl  ne  t*en  kaille  de  quel  part. 
Mais  a  ce  mîe  ne  m*acort 
Que  chius  ki  arrive  a  ten  port 

144  Alume  le  fu  dont  il  5*art. 

xin 


Amours,  t'ics  de  tel  bien  garnie 
Et  de  si  haute  segnourie 
Que  li  maus  en  doit  pourfitcr; 

148  De  ce  que  j'en  senc  t*en  mercîe; 
Mais,  pour  Diu,  se  j*ai  dit  folie, 
Que  le  me  voelles  pardonner. 
Et  je  suis  près  de  l'amender 

152  Ensi  con  vaurés  con  mander, 
Con  chiens  de  cui  estes  saisie, 
Du  plus  cier  gage  que  donner 
Puisi  nus  hom  por  soi  racater, 

156  S*or  avoie  mort  desservie. 

XIV 

Amours,  il  n*a  cuer  en  cest  mont, 
Tant  i  seûst  penser  parfont, 
Dont  bûuce  peùst  raconter 

160  Les  grans  bontés  ki  en  vous  sont 
Ne  le  grant  bien  que  cQ  aront 
Ki  vous  senfironi  sans  fausser, 
e  mal  lor  faites  endurer, 

164  Ce  n*est  fors  pour  eus  esprouver 
Et  pour  vir  lî  quel  rekerront. 
Or  doinst  Dix  si  amans  ouvrer 


X,  1 14  iî  biens  fais,  —  îiy  B  dit  par  vreté.  —  1 18  B  q  lun  e.  -^  ton. 
119  A  blance  dame,  B  conuois.  —  120  B  vermeille  q. 

XI,  122  B  nu  —  I2î  B  la  ou  ne.  —  128  B  iamoî.  —  129  A  qui.  —  i  ji  B 
point.  —  132  Biâlmc. 

XII,  138  B  kil.  —  139  ^  A  tous  fais  resembler  le  ra.  —  141  A  il  ne  te.  — 
A  143  cius. 

XIIL  Manque  dans  B.  —  1$}  A  cieus. 
XIV,  Manqtie  dans  B, 


A.    JEANROY 


Sans  faille,  quant  sui  en  recoi, 
224  II  me  souvient  de  men  anoi. 
Mais  quant  le  voi,  tous  m'entrou- 
[blie, 
Car  d'un  tout  seul  regart  pais  moi  ; 


Puis  k'il  s'est  pris  au  bien  amer, 
244  U  tu  ne  faces  de  t*cnfanche  : 
Au  premier  li  taus  Fastenanche, 
Puis  ti  fais  de  son  douç  amer; 
Vellier  li  est u et  et  penser, 


De  ses  doux  iex  miex  me  conroi  248  De  chou  ne  se  puet  consiurer  ; 


221  Ke  de  toute  autre  conpaignie* 

XX 

Amours,  se  li  preu  et  H  sage 
Avoient  aucun  avantage. 
Si  com  il  devroient  avoir, 

232  On  feroit  plus  de  vasselage 
C  on  ne  face  ore  de  bamage  : 
Ce  puet  cascuns  trop  bien  savoir. 
Mais  quant  amis  fait  scn  pooir 

236  De  lui  avancier  pour  valoir, 
S'ics  lu  de  si  m  al  vais  usage 
Ke  lau  U  est  dignes  d'avoir 
Le  gucrredoQ  a  sen  voloir, 

240  Portes  tu  contre  lui  ten  gage. 

XXI 

Amours,  en  Flandres  ni  en 
[Franche 

N*a  home,  tant  ait  grant  pois- 
[sanche^ 


Ccst  sis  confors  et  s'esperanche. 
Rien  ne  li  plaist  a  recorder 
Fors  le  regart  et  le  vis  cler 
2$2  I>OQt  II  mais  naist  ki  point  n*es- 
[tanche. 

xxu 

Amours,  puis  que  li  soufHsant, 
Lî  preu,  li  sage,  U  vaillant 
Sont  pris,  ce  n'est  pas  grans  mer- 
[velle 

256  Se  jou^  qui  ai  peu  d'essiant, 
M'otroi  a  faire  le  comant 
D'uns  vairs  iex  s  ou  r  face  vermelle. 
El  bêle  douce  sans  parelle, 

260  Con  j*aim  le  cuer  qui  me  consdle 
A  vous  remaindre  a  men  vivant  ; 
Pour  ce,  se  je  souspir  et  velle. 
Ne  lais  je  pas  que  n*aparelle 
Le  cors  a  faire  vo  conmant. 


m 

GUILLAUME   d'aMIENS* 


Amours,  moût  as  bêle  ventie, 
Mais  ausî  tost  es  pourveûe 
De  grever  daus  que  tu  as  pris, 


4  Car  tu  mes  grant  biauté  a  vue 
Qj  cuer  d'oume  esprent  ci  remue, 
Par  coi  cascuns  est  esbaubis  ; 
Et  pour  çou  m*i  estoîe  mis 


XÎX.  22f  5  a  r.  —  224  B  voit.  —  226  5  regart  par  soi.  —  227  B  de  ses 
vairs  îeus.  —  228  B  q  d'autre  toute  c. 

XX,  Manqui  dam  B,  —  25s,  259  vi  son.  —  240  A  ton. 

XXI*  Manqiu  dans  B.  —  241  A  France,  ft  de  mime  -ance  dans  t<ms  les  mott 
dt  mime  natmt,  —  24J  -^  a  pmicrs.  —  249  A  c'est  li  c,  de  scsp. 

XXn.  Manqm  dans  B.  —  261  A  mon. 

•Willaumcsd* Amiens  li  Paigncrres, 


^^^V                              TROIS   DITS   D*AMOUR   DU   Xlll*   SrfvCLB                         59 

^^Ê          S  Qpe  je  aiidoîe  que  tes  pris 

40  Pour  celi  qi  a  mort  ra*atrait. 

^H|              Me  deust  gecer  hors  de  mue, 

Car  toudis  me  truis  volentieu 

^H               Màb  oprimes  me  trui  je  espris, 

De  H  servir,  se  mètre  en  îieu 

^H               Car  j'ai  de  te  douceur  apns 

Me  voloit  en  fin  mcn  bien  fait. 

^^1         la  Et  tu  le  m*as  Liere  vendue. 

Mais  nennil  :  orgeus  Ken  retrait. 

^^H 

44  Aîns  pcrderont  cl  cors  et  plait 

Qi  de  mau  faire  sont  doutieu. 

^^^^^         Amours,  tu  m'as  si  fort  cape 

Je  voi  ja  c*on  trop  lor  fourtrait. 

^^H              Qpe  ue  puis  avoir  cskapiî 

Il  convenra  savoir  du  wait  : 

^^M             Le  Guer  qc  m'a  pris  et  loiiet, 
^^m        ]6  Âitis  m*a  si  avant  atrapé 

48  Trop  sont  ti  mesajc  soutieu.              .                                 ' 

^^1              £t  mes  bien  fais  si  recaupé 

V                                                             1 

^^M             Qmc  je  me  tieing  a  forjugîet. 

Amours,  nus  ne  se  doit  pre[s]ter 

^^M              L'escarcete  m'a  resoiet, 

A  ti,  s*il  ne  se  veut  douner 

^H         ^o  Qi  de  l'amour  q\  orc  kiet 

Du  tout  et  roeirc  en  ten  couraant. 

^^^^         M'ar«te  et  tient  pour  encoupé; 

$  2  Car  qant  on  cuide  outre  passer, 

^^^H        Bien  en  sont  mi  souks  cangiet , 

Tu  fais  d'un[s]  vairs  iex  retourner 

^^^^^        Quant  cle  a  mcn  coiist  Va  vuîdiet 

Si  doucement  en  atraiant. 

^^M         24  D'un  fameillous  sool  estoupé. 

Bien  cuide  tieus  estre  a  warant 

^^^H 

^6  Dont  li  getes  un  ris  devant 

Qi  no  se  puet  desvolepcr; 

^^^H       Af&ours,  comment  osc[s]  tu  pren- 

QAUt  sur  ti  le  sens  apendant, 

^^^1 

Tu  le  fais  vivre  en  lanwissant, 

^^V             Uoume,  quant  tu  ne  H  vcus  rendre 

60  Tu  li  doune[s]  mort  sans  tuer. 

^^^^^       Le  roa(u)l  q'U  a  pour  ti  servir? 

VI                                  ^^m 

^^^^P  3$  Tu  li  fais  ea  deus  le  cuer  fendre , 

^^^^^       Se  ne  veus  au  saner  entendre  ; 

Amours,  con  tes  bien  fais  est  vieus  1                       ^^^H 

^^P              S^as  bien  pooir  de  li  garir  : 

Conm[e]  a  en  ti  servir  de  prieusl                        ^^^^| 

Four  coi  le  fjis  tu  donc  modr. 

Nus  n'est  si  sages  qi  s'i  wait.                                  ^^^H 

|a  Et  se  ne  li  feras  ja  vir 

64  Ja  n'est  il  matres  ne  baîliieus,                                  ^^^H 

Qantiaus  tes  pooirs  puct  estendrc? 

Tant  soit  dcsloiaus  ne  desrieus ,                             ^^^H 

[H)ius  boTO,  se  tu  le  veus  saisir, 

N*ait  pec  d'aucun  home  mesfait.                           ^^^^| 

Il  n*a  pooir  des  dens  ouvrir. 

Las  !  Je  t'ai  servi  a  souhait,                                   ^^^^| 

|6  N*tl  ne  se  puec  vers  ti  desfendre. 

68  Et  tu  m'en  rens  mal  si  entait                               ^^^^H 

rv 

Q*il  n'est  de  mi  grever  tardieus,                         ^^^^| 

C*cst  niens  :  je  suî  mors  entresait.                         ^^^H 

Amours,  tu  me  fais  estre  eskîeu 

Comment  vainteroie  tel  plait  ?                              ^^^H 

D*aourer  et  le  siede  et  Dieu 

72  Tes  jugemens  est  a  ten  kieus.                               ^^^H 

II4  ij  Z/  fni.  semhU  avoir  tape.  — 

[$  qi  m'a.  —  17  fait.  —  19  Liscircele                         ^^^H 

reDoiet.  —  25  gousi. 

^^^H 

IV-  46  fourgrait. 

^^H 

V.  %i  ion.  —  s  s  cieus  (?).  —  J9  lanwisant.                                                                      ^^^H 

VI*  61  bieos  f.  —  6s  desloial.  —  66  pec  (avec  i  siMscriiy  —  72  tens.                               ^^^| 

^               60                                                    A.    JEANROY                                                             ^^1 

^^^^H 

Qi  sont  prîLleus  et  redoutaulc?            ^B 

Et  ciaus  qi  ont  bon  cuer  ^taule         ^B 

^^^^^^H                    Amours  n'est  fors  menestrandle 

104  ^t  servent  du  gieu  de  le  taule          ^^^| 

^^^^^^H                     Qi  fait           en  grant  baarie 

Et  qi  d'amer  sont  deliteus,               ^^H 

^^^^^H                    Chascuns  qi  se[s]  estrumetis  ot, 

Vers  ci  eu  s  ne  veus  cstrc  bontaulc  ;          ^| 

^^^^^H               76  Mais  tous  li  mondes  ne  set  mie 

Bien  t'en  doi  tenir  a  muaule»                  ^M 

^^^^^^H                    Con  bêlement  ele  ennuelie, 

108  Quant  vers  tes  voisins  clos  tes  eus,      ^^H 

^^^^^^1                     Car  ele  fait  d'un  saje  un  sot  ; 

^H 

^^^^^^B                     Kus       entre  qî  ne  radot^ 

^^^^^^F               So  Ne  jou  ne  voî  que  nus  s'en  lot, 

Amours  m'a  fatt  si  haut  penser        ^^H 

^^^^^^^b                      Tant  le  serce  par  signerie. 

Que  jou  n'os  me  dame  moustrêr           ^M 

^^^^^^H                    Tels  cuîde  avoir  passé  le  bot 

Le  mal  que  tant  me  grée  et  plaist,            ^M 

^^^^^^^K                    Qi  puis  î  paie  graut  escot  : 

112  Ains  voel  men  cuer  moût  aourer          *  ^Ê 

^^^^^^^H               84  Toute  raisons  i  est  folie. 

Qant  de  çou  se  puet  saouler                  ^Ê 

^^^^H^ 

Que  de  rowart  sans  plus  se  paist,           ^M 

Ni  onques,  qant  amours  le  trait,            ^M 

^^^^^^H                   Amours,  que  ne  fois  tu 

1 16  De  tel  caup  ne  se  plaint  ne  brait.           ^M 

^^^^^^H                    Ma  dame  aussi  bien  le  désir 

Pour  çou  si  n'ose  a  li  parler,                 ^M 

^^^^^^H                    Et  le  mescief  que  jou  le  sent  ? 

Ains  suefre  et  atent  et  se  taist                ^M 

^^^^^^H              88  H  me  convient  ses  bons  soufrir  i 

Et  vraiement  sai  k'i[ll  me  lai(s)t           ^M 

^^^^^^H                    He  m*a  fait  le  gieu  coîsir, 

1 20  Pour  plus  loing  salir  reculer.                 ^M 

^^^^^^H                    Bt  m'en  a  douné  le  coument 

XI                                      H 

^^^^^^B                    Et  quant  fou  plus  vers  II  me  rent 

^^^^^^V^               92  Et  merci  demande  et  atent. 

Amours.  Jou  m'esmervel  pour  qoi          ^M 

^^^^^^B                       Ne  veut  ele  a  mes  maus  partir» 

Tu  ne  maines  les  gens  par  loi  ;           ^M 

^^^^^K                       Ains  me  respont  que  se  jou  vent 
^^^^^H                       Que  fou  warge  a  cui  jou  reprent, 
^^^^^^K                 76  Se  jou  veuc  du  catcl  joîr. 

Tu  dois  estre  si  droituriere,                   ^M 

124  Et  tu  fais  l'oumc  estre  en  esfroi,      ^^H 

Et  le  feme  mener  dosnoi                  ^^^| 

Et  par  mi  sen  tort  estre  fîere.          ^^^| 

^^^^^B 

S*on  ose  blasmer  te  manière,           ^^^H 

^^^^V                           Amours;  comment  es  çou  c'or- 

128  Tu  me  sambles  trop  coustumierc     ^^^B 

^^^K 

D'ouvrer  mal,  a  çou  que  jou  voi.     ^^^B 

^^^^^b                        Ne  sueflFt-e  c'on  aime  autant  deus 

Tu  fais  servir  sans  te  prière,          ^^^H 

^^^^^^^                        Opi  sont  entour  les  gens  antaule, 

Ne  on  n'en  ose  aler  ariere               ^^^H 

^^^^H^                      100  Qmc  les  estraigne[s]  dangereus 

I J2  C'on  n'ait  d'oscur  semblant  con-           ^M 

^^^^H                               Qi  vont  partout  qerant  lor  preus^ 

[vd,           ■ 

^^^H                         VIL  75  menestraudieC?).  —  76  tout.  —  81  serce.  Corr.  mene(?).  ->  84    ^^| 

^^H 

^m 

^^^^1                         vin.  87  senc*  —  89  coisier.  —  91 

reac.  —  92  atenc.  —  94  venc.  —  95          ^M 

^^^^H 

■ 

^^^H                         IX.  99  anîtable  (?}•  —  lo;  estable. 

^  104  de  greu  dditiule.  —  10$  déU-         ^M 

^^^^H                      Uule  qui  fausse  la  rimf.  —  —  107  muable.                                                        ^^^| 

^^^^^^^                    X.  lîo  ma.  —  114  rouait. 

^^H 

^^^^^^k                   XI.  121  meifiveu,  —  125  dannoi. 

1 

TROIS  DITS   d'amour  DU   Xlir   SifecXE  6l 

^j  Celi  cui  n'ose  demander 

Merd  :  pour  tant  Tarai  perdu. 
Amours  tent  a  rois  et  a  traus  Comment?  de  campion  vaincu 

Pour  prendre  et  pour  a(s)rester  ^^^  qj  ^.^.^^^^^  j^^j^j^  ^^  ^^^ 

[ciaus  ^,Q-  Qj^  onques  mais  parler  ; 

Qi   aiment;    toudis   surque   et  Mais  jou  le  sui,  car  quant  foi  vu 

[naque,  L'aspre  samblant  qi  me  fi(s)t  mu, 

136  Et  cieus  i  vient  qi  sent  les  maus,    ,  ^g  Je  fui  vencus  sans  adeser. 


XIV 


Car  il  cuide  bien  estre  sans  : 

Pour  estre  waris  s'i  esplaque, 

Il  s'i  enfeut  et  s'i  enrai;s]que  ;  Amours,  bien  te  doi  saourer 


140  Cascuns  i  fait  plus  que  se  tasque,  Q^nt  tu  me  fais  celi  amer 

Et  qi  plus  aime  plus  est  caus,  Qi  m'envoie  tel  essamplaire 

Ne  n'a  qi  ses  maus  li  ala[s]que;  162  Qi  me  fait  a  honneur  béer 
Et  dont  di  je  q'amours  fait  raque  Et  en  goie  le  cuer  floter 

144  Ausi  bien  les  boins  que  les  faus.  Et  en  sus  de  tous  mauvais  traire. 

Ai  mi  I  a  si  douç  saintuaire 

^^^  166  Doi  je  bien  de  men  cors  don  faire 
Amours,  con  tu  me  fais  comprer  Et  men  pooir  resvertuer. 

Les  biens  u  me  fesis  béer  !  Bien  me  doi  de  li  priier  taire, 

Ams  que  jou  connusse  ten  j(e)u.  Car  jou  truis  en  sen  douç  viaire 

150  Men  cuer  me  tolis  pour  douner  170  Con  doit  bon  paieur  déporter. 


NOTES 

I 


5  Pourueanche,  délai.  La  série  des  sens  doit  être  la  suivante  :  provisions, 
temps  nécessaire  pour  se  les  procurer  (voy.  l'exemple  de  Froissart  dans 
Godefroy),  délai. 

9  Cf.  Chansons,  III  (éd.  De  Coussemaker,  p.  14)  :  «  Chil  qui  plus  sont 
d'astenanche...  |  Aroient  droite  escusanche  |  S'il  deVenoient  amant  |  En 
désirant  |  Ma  dame..  » 

15  Allusion  à  un  épisode  du  roman  d'Alexandre  (éd.  Michelant,  pp.  320 
et  suiv.)  dont  la  source  n'est  pas  connue.  Voir  P.  Meyer,  Alexandre  le  Grand 
dans  la  littérature  du  moyen  dge,  II,  173-4. 

26  Cf.  Chansons,  VI  (éd.  p.  26)*:  «  Par  leur  boisdie  (des  femmes)  | 
Escolc,  amis  et  signerie  |  Ai  perdu,  par  eles  anter  »;  Jeux  partis,  XIII  (éd. 


^11.  151  qi.  —  156  jeu  w.  —  157  samblamt  nu  dans  la  copie  de  Sainte^ 
balaye, 

XJV.  16^  son. 


62  A,    JEANROY 

p.  171)  :  «  Car  pour  amours  je  saî  certainement  |  Ne  guerpiriés  a  pîcche  vo 
argeai  :  |  Che  fai  jou  clergie.  »  tljfu  de  la  Ftuillét,  au  d«ibut. 

29  Cf,  DiNardsm  (Méon  IV,  149)  :  «  Atnors  noircist  vÎAÎrc  et  taint...  » 
Sur  le  redoublement  de  ot&  deux  expressions,  famîlîef  au  moyen  âge;  voy. 
Maetsner,  Altfr.  LiaJer,  p.  164, 

44  Cf.  Chansons,  VI  (éd.  p.  26)  :  «  Ne  nus  por  bel  servir  n*i  vaînt  |  Ni 
por  sa  dame  foi  porter,  |  Mais  li  trechiere  qui  se  faint,  |  Tel  ont  amie.  » 

48  Cf  Chansons  t  XIX  (éd.  p.  75)  :  «  Et  si  me  douch  moût  ausî  |  Se  je 
Taparloie  (éd.  :  se  jfkp.  )  [  Nedesist:  Va  te  voie!  »,  ibtd.t  XXVII (éd.  p,  105) 
c  Et  lues  que  g'i  sui  venus,  |  Ele  me  dît  :  Levés  sus!  »  —  Œ  encore  Motets, 
n(éd.  p.  iî7). 

49  ss,  I^  sens  de  ces  vers  n*est  pas  très  clair.  Je  comprends  :  «  Au  coeur 
qui  voudrait  se  dérober  à  tes  ravages,  tu  vas  secouant  le  loquet^  n  c*est-à'dire 
tu  y  pénétres  de  vive  force, 

5$  Cf.  Chansons,  IV  (éd.  p.  19)  :  <x  N'est  pas  pctis  li  maus  qui  me  des- 
Iraînt  :  |  Mon  taint  viaire  en  irai  a  tesmoignage,  *>  et  XVI  (éd.  p.  64)  :  k  A 
mon  vis  pcrl  cl  a  mon  maintien  coi.  » 

57  Je  comprends  :  «  Tu  dévores  (dans  nos  cœurs)  ce  qui  devrait  servir 
â  notre  nourriture;  »  au  v,  5^,  le  cœur  a  été  comparé,  fort  bizarrement,  au 
vase  dans  lequel  l'amour  prend  sa  nourriture,  et  qu*il  détériore,  non  content 
de  ïc  vider. 

58  Cf.  Chansons,  VI  (éd.  p.  16)  :  «  Amours  le  sens  loic  cl  estaim...  | 
Q)ti  plus  i  set,  mains  i  voit  der.  » 

7 1  Cf.  Jeu  de  la  Feuillet  (éd.  p.  299)  :  «  Garde  cstuet  prendre  a  Tengrener,  w 

88  Les  formes  analogiques  du  subjonctif  de  la  i^conjug.  en  -ce,  loin  d*étre 
•ttssi  rares  que  le  dit  Schelcr  (Trouvhes  belges,  H,  H^)  ^  propos  de  douce 
(r=  dubîtet),  sont  très  fréquentes  dans  h  langue  d'Arras.  Ocl)e  en  particu- 
lier (ou  0»)  est  plusieurs  fois  attesté  par  la  rime  :  «  Li  Auduins  en  se  maison 
I  Hc  doit  parler  si  haut  c  on  Toce  |  C*on  ne  le  jeté  a  le  caboce,  »  etc.  (B.N. 
Êr.  1261$,  foL  307  &.)  Cf.  dans  les  Vers  de  h  Mort  (éd.  Windahl,  str 
IVin)  :  oa  :  toc*  :  reprùu. 

9)  Entait  t  non  relevé  par  M.  Kôrtingi  remonte,  comme  Ti  bien  vu 
Schcler  (//.  dt  Cmdé^  p.  500)  â  in  tact  uni.  Cette  étymologie  explique  Tac- 
ceptioQ  de  V  frais,  dispos  »  par  opposition  à  «  fatigué  f*  (voy.  Godefroy, 
seconde  série  d 'exemples).  Du  sens  de  n  intact  a  dérive  immédiatement  celui 
de  »  complet*  achevé  «,  qui  se  trouve  dans  une  locution  {jomex  entaite)  où 
M.  Godefroy  n'a  voulu  voir  qu'un  sacrifice  à  la  rime,  et  dans  un  passage  des 
Congii  de  Bodel  ikom.  IX,  257),  où  M.  Raynaud  tr.iduit  le  mot  par  «  mis  en 
UMti  #,  Cr  encore»  pour  ce  sens ,  les  vers  de  Guillaume  d'Amiens  imprimés 
^in  bla  (Mh  ^). 

joo  Buhott^  que  M.  Wmdahl  traduit  par  «r  fa^^uin  1»  (?),  semble  bien  stgni- 
im  «  cruelle  »,  comme  le  dit  M.  Godefroy,  mais  se  prend  souvent  comme 
IjfflonyiiBlc  de  «  cliose  trompeuse  ^  :  voy.  les  deux  exemples  du  Dictionnaire, 
^fii  ipptitknncnt  tous  deux  à  la  région  picarde  (le  second  est  tiré  des  pièces 


TROIS   DITS  D*AMOUR    DU    XllV   SIÈCLE  63 

udriques  sur  Anas ,  qui  se  lisent  à  la  fia  de  12615^  et  Tadjectif  ^u^tos, 
■  trompeur  »,dans  le  Jeu  de  la  Feuillu,  Mais  qu'y  a-t-il  de  common  entre  une 
cruche  et  une  chose  «  fausse  •  ou  «  trompeuse  »  ?  Peut-être  le  mot  n'est-il  que 
U  forttie  fifimininc  de  htljot^  conduit ,  gaîne  «  ,  goulot.  Du  sens  primitif  de 
«  objet  creux,  tube  »,  on  a  pu  passer  facilement  i  celui  d'objet  peu  résistant 
tnalgré  les  apparences,  et  qui  tromperait  quiconque  se  fierait  à  sa  solidité. 

loS  Le  mot  ticokr^  signifie  proprement  «t  payer  son  écot  ».  L*étymologie 
dmcètrc  eic-quûtt-are  (dequottus  pour  quotus)  et  non  un  mot  ger- 
mamque  (Kôrtmg,  7291), 

122  Cf.  Cofi^is  de  0odd,  V.  305  :  «  Bien  ai  prové  sen  malstire  »  (cf.  Rom, 
IX»  246).  Il  semble  qu'il  vaille  mieux  traduire  ici  par  «  pouvoir  n  que  par 
«  sdcncc  », 

!2J  Misapaint^  non  «  accommodé,  apaisé  a  (Godefroy),  mais  «dompté». 

125  On  sait  que  cette  opposition  entre  le  corps  et  le  cœur  est  un  des  lieux 
communs  les  plus  rebattus  de  la  poésie  amoureuse, 

126  Rcpcnnt  (re-punctum)  ^  sage,  avisé.  Ce  sens  doit  reposer  sur  une 
métaphore  qui  n'est  pas  très  claire.  Cf,  une  image  analogue  dans  la  locution 
«  être  battu  d'une  chose  »  pour  «  la  savoir  »  :  «  D*amour  sa  voit  bien  Tusagc 

I  Car  batue  en  avoit  esté  |  Plus  d'un  hyver  et  d'un  esté  «  (Froissart,  Eipin. 
amour.  1284).  Comparez  rallcmand  htschlagm  =^  habile,  a  ferré»  sur  quelque 
chose. 

127  Df  points  modérément- 

1)2  Eicaiicinr^  regimber,  proprement  «  ruer  »,  de  ex-calcjtrare,,  non 
enregistré  par  M  Kôrting  dans  son  Lat.-rotmn,  ÎVmt,  Ce  proverbe  semble 
emprunté  aux  Actei  dts  Apâ(res{lX^  s  ;  XXVI,  14)  :  «  Durum  est  contra  stimu- 
Jum  calcitrare,  »  Aux  nombreux  exemples  qui  en  sont  cités  par  M.  Godefroy» 

'on  f>eut  ajouter  les  deux  suivants,  ïc  premier  d'Adam  lui-mcme,  le  second 
d'un  poète  contemporain  :  «  Amours  me  prist  en  itcï  point  |  Ou  !i  amans 
deus  fois  se  point  |  S'il  se  veut  contre  li  deffendre.  »  (Jfu  de  la  FemlUe^  éd. 
p.  399.)  •  Car  on  voit  souvent  avenir  |  Ki  contre  oguillon  escaucire  |  II  s*en 
puct  dcstruire  et  ocirc  «  (1261  >»  fol.  207 ^  ).  Cf.  à  ce  sujet  une  savante  note 

\ût  M.  Chabaneau,  Htvut  des  îanptci  rom,  XVIII,  p.  264,  n.  2, 

IJÎ-4  Dans  les  Cotisa ^  composés,  comme  on  le  sait,  vers  1262,  Adam 
exprime  des  idées  analogues  sur  les  habitudes  de  parcimonie  qu*avaient  prises 
depuis  peu  les  riches  bourgeois  d'Arras,  et  qui  contrastaient  avec  leur  prodi- 
galité antérieure;  voy.  notamment  les  strophes  iiî  et  xi. 

144  On  trouve  des  idées  à  peu  près  semblables  dans  deux  des  pièces  sur 
Arras  du  ms.  1261  s  :  Tune  (CtrU^^  c'est  laide  cose^  foL  198  v*>)  tourne  en  ridi- 
cule les  barbons  qui  veulent  être  iwviam  drus  (cette  pièce  est  certainement 

tpostérieure  à  1258,  car  elle  cite  comme  mort  Adam  Esturion,  mentionné  â 

loettedate  dans  le  Rrçistrf  dfs  Jongleurs  et  Bourgeois  d' Arras);  Tautre  (Biett  est 
ariagei  ounis^  fol.  200  r»)  s'attaque  aux  mariages  disproportionnés  qui ,  en 

«i  Voici  UB  »emfi^  de  Frobun  non  recaeiJtî  pAr  M.  Qodeftoy  :  •  K«  on^i3«4  U  Umert  ne  li  vok 
hanétA  IniiIdi  oa  U  lunste  eftûit  boutée.  ■  (Ed,  Luee,  UI,  4^^') 


^4  A.    JEAKROY 

unissaint  de  toutes  jeunes  6Ues  à  des  vleiHards ,  introduisent  dans  tes  familles 

toutes  sortes  de  desordres. 

151  Proverbe  dont  le  sens,  qui  se  rattache  assez  bien^  en  somme,  à  celui 
des  vers  suivants,  est  qu'il  faut  conserver  avec  le  plus  grand  soin  un  objet  pré- 
cieux et  qu^on  ne  saurait  remplacer,  Voy,  Le  Roux  de  Lincy  {Le  livre  des  Pro- 
verbes, II,  394)  et  le  début  d*un  conte  de  la  P'^le  deîPhes,  cité  par  M.  Tobler, 
d'après  le  ms.  Steger-Mai  :  «  Qui  n'a  c'un  yeul  souvent  le  tert,  |  Car  y  scet 
bien,  se  il  le  pert,  |  Ja  mais  yeuî  ne  recouvera  |  Ne  ja  mais  goutte  ne  verra  » 
(Jahrb,  VII,  406).  M«»«  Ida  de  Dùringsfeld  en  cite  plusieurs  formes  hollan- 
daises et  italiennes,  et  une  française^  où  le  sens  paraît  atoir  été  médiocrement 
compris  :  «  Qui  n*a  qu'un  oeil  souvent  le  torche  ;  qui  n'a  qu*un  fils  le  fait  fol; 
qui  n*a  qu'un  pourceau  le  fait  gras  »  (S^ricfni*ôrter,  ï,  n»  397), 

159  Aerkr  (j*),  s'attacher  ii,  ^  M.  Godefroy  n'a  que  s'aerder, 

168  Daerte  ^  défaite,  perte,  C*est  le  substantif  verbal  de  déserter  (=:  rava- 
ger, gâter),  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  déserte,  part,  passé  fém,  de  deser- 
M>,  seul  enregistré  par  Godefroy. 

170  Prendre  conroi  =^  prendre  des  dispositions  au  sujet  de»..,  ici,  faire  jus- 
tice de.*. 

192  Cf.  Chansons»  VI  (éd.  p.  26)  :  «1  Qpi  sait  mentir  et  guiler  |  Ou  qui 
a  assés  a  doner  {  Tel  ont  amie.» 


U 


18  Les  poètes  lyriques  se  plaignent  souvent  que,  chc?  leurs  dames,  les  plus 
belles  qualités  s'associent  à  un  orgueil  qui  les  dépare  :  «  Amours,  ja  en  fine 
bîauté  I  Ne  deùst  avoir  orgueil  tant  »  (G.  d'Espinau,  Raynaud,  no  954).  Cf. 
Amaut  de  Marueil  (  Sim  dtsirenhei^^  coup.  2;  G.  Faidit,  Tant  ai^  64;  G. 
d'Usselp  Gtide  cîmnîar,  c.  5). 

25  Pôurtirer  (manque  dans  Godefroy),  tirailler,  tourmenter,  vexer. 

26  Sur  la  locution  boute-tn-couroU  ^  voy.  Rom.  XXI,  407.  Aux  exemples 
cités  en  cet  endroit ,  on  pourrait  en  ajouter  deux ,  Motets  (éd.  Raynaud  II , 
36);  Adam  de  la  Halle,  éd.  p.  172 

32  Être  maîbaiîU  n  ou  envers  quelqu'un  r—  ne  pouvoir  remplir  ses  enga- 
gements envers  lui, 

37  Le  verbe  tttairier  (que  M.  Godefroy  enregistre  sous  les  formes  fautives 
mairerj  tnerer,  merrer)  dérive  régulièrement  de  *majorare  plutôt  que  de 
m  ace  rare  ÇZeitschrift^  IV,  41Q)  et  signifie  propreraem  maîtriser,  dominer. 
D*abord  signalé  par  M^etzner  (Attfr.  Lieder,  p.  248 ,  cl  Scheler,  Baudouin  de 
Condé,  419) ,  il  a  été  l'objet  d*une  longue  note  de  M.  Tobler  (voy.  Jahrhuch 
fur  rortL  Littr,^  VUI,  34 1). 

45  Cf.  plus  haut  Adam,  v.  48, 

48  Métaphore  peu  naturelle  qui  assimile  l'aroour  à  un  chef  de  brigands  ou 
de  routiers  levant  illégalement  des  taxes. 

57  Entendez  :  des  guirlandes  ou  cltapelets  de  fleurs^  considérés  ici  comme 


TROIS  DITS  d'amour   DU   XIII*  SlfecLE 


6$ 


Symbole  de  l'allégresse  (voy«  du  Gange,  Capellus  de  rosa),  telles  qu'on 
eapon^U  par  exemple,  aux  fêtes  de  mai  (Voy.  G.  Paris,  dans  Journal  des 
Séants,  1891,  p.  686,  et  1892,  p.  421,  n.  2).  Cf.  Guilhem  de  Montanhagout 
Btl  m'es  quan  (Tarmas^  envoi  (R.  IV,  214)  :  «  Eiiglés,  de  flor  Fuitz  capelh  o 
de  fuelha.  »  Je  comprends  :  a  L*amour  m'a  fait  souvent,  en  été,  porter  des  cha- 

Jets  de  fleurs,  mais  ]e  n*ai  jamais  ressenti  la  joie  dont  ils  sont  la  marque.  » 
)n  peut ,  il  est  vrai ,  se  demander  pourquoi  le  pocte  ajoute  :  m  pur  U  cori} 
Peut-être  :  «  Sans  quç  le  reste  du  costume  soit  à  raveaanl?  »  A  moins  encore 
que  ces  mots  ne  soient  une  simple  cheville. 

62  Cf.  plus  hautf  note  sur  le  vers  29  de  la  pièce  1. 

67^  Dans  ce  passage  bizarre  et  quintessencié,  le  poète  chargé  de  maux 
semble  se  comparer  au  filet  chargé  de  poissons,  et  il  supplie  l'amour  (assimilé 
au  pêcheur  qui  traîne  ses  filets  )  de  ne  pas  h  torturer  davantage.  11  doit  y 
avoir  li  une  allusion  à  une  légende  qui  m'est  inconnue ,  ou  peut-être  simple- 
ment  à  an  passage  de  TÉvangile  (Luc,  V,  6),  qui  aurait  été  légèrement 
altéré  :  il  n*y  est  pas  dit ,  en  eflet ,  que  les  pêcheurs  du  lac  de  Génésareth 
aient  dû  abandonner  leurs  filets,  mais  seulement  qu'ils  ont  eu  beaucoup  de 
peine  â  tes  retirer  de  Teau. 

77  Ostui,  au  sens  neutre,  cela,  cette  proposition. 

79  //,  roîscau  pris  à  la  glu  ;  foin  refui  -=  s'échapper. 

S4  Ijti  ^=.  Soi-même. 

^  fat  smiu  de  tes  esbanms^  c'cst-â-dire  «  tu  m'as  pris  pour  objet  de  tes 
amusements  ». 

90  Cf.  un  passage  d'une  chanson  anonyme  (et  inédite  :  Raynaud,  n*»  1 108) 
nposée  sur  un  rythme  curieux  :  «  Amers  n'ont  point  de  seigneur,  dire  le 
porriDÎc,  I  Car  II  n'est  ne  rois  ne  cuens  qu  ele  ne  mestroie.  |  Puis  qu'ele  a  un 
home  ^Dt  desoz  sa  corroie,  |  11  ne  s*en  puet  pas  défendre  n*aler  autre  voie  j* 
(B.  K.  Nouv.  acq.  fr.  1050,  fol  238). 

94  s  n  a  grand  besoin  de  reconfort.  » 

109  Ce  lieu  commun  souvent  développé  (cf.  plus  haut,  I,  v.  19)  se  pré- 
rite  le  plus  souvent  sous  forme  antithétique.  Voy.  surtout  Robert  de  Blois 

iféon,  F&bL  II,  213,  et  Ulrich,  Roh.  de  Blois,  II,  119).  Ce  même  lieu  com- 
mun avait  été  traité  avec  plus  de  discrétion  par  un  grand  nombre  de  trouba- 
dours :  «  Qpcl  vU  fai  pros  elnesci  gen  parlar,  |  E  Tescars  krc  e  leiaî  lotruan, 
El  fol  savi  el  pec  comissedor^  \  E  Torgulhos  domesge  e  huraiiîan  m  (A,  de 
Peguilhan,  Selh  que  s*irau^  Ux,  tom.  I,  4J1).  Cf.  encore  P.  Rogier,  Tant  ai 
mot  tor^  c.  5  ;  G.  de  Calanson,  A  kis,  c.  6. 

ISt  ss.  Cf.  Adam  de  la  Halle,  Chansons.  IV  (éd.  p.  19)  :  «  Et  par  U  sont 
form  tant  vasselage,  »  et  Robert  de  Blois  Çoc.  a/,)  :  «  Amors  fait  les  lances 
brisîer,  j  Amors  fait  chevaus  irebuchier,  |  Amors  fait  les  tornoiemens»  *  etc. 

ît^  Cette  comparaison,  fort  rare  au  moyen  âge,  se  retrouve  pourtant  dans 
une  chanson  fînédite;  Raynaud,  524)  ^  «  Mors  et  amors  sont  de  grant  sîgno- 
rie;  I  Bien  les  doit  ou  cnsambîe  comparer  ;  |  Car  tôt  le  mont  ont  pris  en 
XZIL  3 


66  A.   JEANROY 

vouerie»  |  Ne  nuns  ne  puet  de  lor  laz  eschaper.  )  Bien  ait  de  Dieu  qui  Jor 
îeulz  fist  crever  ;  |  S'araours  veîst,  ne  croî»  que  que  on  die,  |  Que  vrai  amant 
eussent  ïonge  vie.  »  (B.  N.  fr.  846,  fol.  152). 

144  Cf.  Peire  Guilhem  {I^x.  rom.,  I,  413)  :  «  Car  îeu  meteis  culhi  ïo 
ram  |  Ab  quem  feri  »  et  B.  de  Ventadour,  Quan  i^ei  laflor^  c.  j. 

1 57  Cette  strophe  et  la  suivante  abondent  en  lieux  communs  si  souvent 
traités  par  les  poètes  lyriques  qu'il  est  presque  superflu  d'indiquer  des  rap- 
prochements :  nous  nous  bomnerons  aux  plus  caractéristiques. 

165  Rektrrmi  est  la  forme  picarde  de  recroiront ^  futur  de  recroire,  renon- 
cer au  combat,  s'avouer  vaincu.  (G.  P») 

168  Cf.  B»  de  Ventadour  :  Non  es  tnermttïba^  c*  7;  Robert  du  Chasiel, 
For  çou  se  faim  (Raynaud»  91}),  c.  4. 

176  Pour  ce  passage  et  les  vers  199  ss*,  voy.  Cercamon(?),  Quan  l'aura^ 
c.  3  ;  P.  Raimon,  Nom  pose,  c.  î  ;  Elias  de  Barjob,  Atnors  be,c.  3  ;  Châtelain 
de  Couci,  La  douce  vois  (Raynaud^  40),  c.  2;  Adam  de  la  Halle,  ChansonSt  V« 
c.  5  ;  XI,  c,  s  ;  XU,  c.  4  ;  XIX,  c.  2,  etc. 

180  La  théorie  de  la  timidité  en  amour  a  été  mamte  fois  exposée,  notam- 
ment par  Adam  de  la  Halle  ;  voy.  Chansons,  XI,  c.  2  ;  XVIII,  c.  4  ;  XXV. 
c.  2  :  Jeux  partis,  IV,  c.  6.  (Il  est  vrai  que  dans  le  Jeu  parti  XIV,  il  défend 
des  idées  tout  opposées.) 
192  Cf.  plus  haut,  I,  V.  55. 
207  Le  sorage  est  proprement  le  temps  qui  précède  la  mue  Ju  faucon 
ou  le  plumage  roux  qu'il  porte  â  ce  momctit.  Le  sens  wt  :  «  J'aî  des  pcnsers 
(deux  mille  au  moins  simultanément)  plus  entremêlés  que  les  plomcs  d'un 
faucon  qui  vient  de  muer,  mais  qui  garde  encore  beaucoup  de  ses  plumes 
sores,  »  (G.  P.) 
212  Sous-entendu  :  «  à  condition  que»  en  le  perdant,  je  triomphasse.  » 
215  Allusion   au  jeu  <*  au   plus  près  du  couteau  »  (voy.  Du  Cangc, 
CuLTELLUM  (ludus  ad),  dans  lequel  chaque  joueur  essayait  de  planter  son 
couteau  le  plus  près  possible  d'un  autre  qui  avait  été  fixé  dans  une  cible 
pour  en  marquer  le  centre  (ou  de  faire  tomber  avec  son  couteau  celui  du 
précédent  joueur).  Entendez  :  «  J'ai  si  malheureusement  joué,  fai  été  si 
maltraité  par  le  sort...  » 

2J4  C'est  une  des  idées  ie  plus  fràjuemment  exprimées  par  les  poètes 
lyriques  que  leur  loyauté  les  empêche  de  réussir,  et  que,  perfides,  ils  eussent 
obtenu  davantage.  Voy.  ooiamment  B.  de  Ventadour,  Atnors  e  que,  c.  2  ; 
Bel  m'es  quHeu  clianty  c.  3  ;  Gui  d*Ussel,  Ane  no  cugei^  c.  2  ;  Anon.,  Trop  be 
m* estera,  c,  J  (Pam.  occ,  390);  Ch.  de  Troyes,  D'antors  qui  m^ti  (Rayn., 
1664),  c,  I  ;  Blondel,  Puisqu'Antours  (Rayn.,  779),  c.  2;  Bien  doit  cînnter 
(Rayn.,  482),  c,  6  ;  Cuers  desirrous  (Rayn.,  1 10),  c.  4  ;  G*  Brûlé,  Quant  nais 
etgiaus  (Rayn.,  2099),  c,  2;  En  cet  tcms  (Rayn.,  857),  c.  i,  etc. 

244  C'est-à-dire  :  Contre  qui  tu  ne  te  permettes  des  espiègleries  dignes 
d'un  enfant. 

245  Cf.  plus  haut,  [,  V.  9. 


TROIS   DITS  d'amour   DU   XIIl*"  SltcLE  éy 

246  Œ  ibid,,  V»  16.  Ccuc  opposition  est  fréquente.  Voy.  P.  Vîdal,  Pac 

2S2  Li  forme  rj/<im:«  ne  pouvant  exister  dans  aucun  dialecte,  il  faut  écrire 
€stanche  et  Franche^  etc.,  ce  qui  prouve  que  N,  Amion  n*hésitait  pas  à  associer 
les  formes  françaises  aux  fermes  picardes.  Cf.  Rom.^  ¥1,  p.  617.  Ces  rimes 
bâtardes  ne  se  trouvent  pas  seulement  dans  les  textes  picards  ;  il  y  en  a  dans 
\e Roman  de  Troie  par  exemple;  cf.  Rgv.  des  long.  rom.  XIX,  100. 


m 


4  ss.  Cf.  plus  haut,  I,  w.  10  et  57.  Les  poètes  l)Tiques  se  sont  plaints 
sonvetlt  que  leur  dame  leur  ait  d*abord  fait  w  beau  semblant  »  pour  affecter 
ensuite  à  leur  égard  la  plus  profonde  indifférence.  Voy.  Cadenet,  Ab  leiaî 
€Of^  c.  î  ;  Peyrol,  Manta  gen^  c.  2  ;  Elias  de  Barjols,  Amon  £t,  c.  4  ;  Chat. 
de  Coud,  Li  noviam  tems  (Rayn.,  986),  c.  2  ;  Blondel,  S'atfwrs  vttet  (Rayn., 
lao),  C.2;  Ah  âouçor  (Rayn.,  1754),  c  2,  etc. 

9  Cf.  plus  haut.  Il,  V.  12. 

14  Bscaper  tsi  pris  id  au  sens  transitif. 

19  «  M'a  ooupé  l'escarceile^  b  c^est-à-dire  m'a  joué  un  méchant  tour,  ou 
m^a  enlevé  toute  ma  force. 

24-  Ce  passage  est  extrêmement  obscur  :  k  dernier  vers  paraît  d'ailleurs 
altéré,  car  sool  =:  salullum  est  bien  probablement  disylkbique.  —  Il  est  à 
fenurquer  que,  dans  notre  texte,  les  participes  où  la  terminaison  -atum  est 
précédée  d^un  yod,  ont  conservé  te  /  final.  H  en  est  de  même  dans  plusieurs 
autres  textes,  comme  le  ms.  A  du  Roman  de  TJ)ibcs^  F  Empereur  Constant  et 
Brun  dé  la  Montaigne.  M.  Boucherie  {Rtvite  des  langues  rofn,^  XVIII,  J04) 
suppose  qu'on  essayait,  par  cette  graphie»  «  d*accentuer  la  diftérence  entre  les 
féminins  en  -tV  et  les  masculins  en  -iè  «  ;  les  rimes  montrent  qu^il  s'agît  d'une 
prononciation. 

j6  Cf.  plus  haut,  II,  90  et  la  note. 

41  Mètre  tft  lieu  ■=.  faire  cas  de. 

46  «  Je  vois  qu'on  leur  enlève  déjà  trop  (à  ceux  qui  refusent  d'être 
déloyaux),  qu*on  leur  fait  subir  trop  d^avanîes.  «> 

47-S  Ces  deux  vers  sont  clairs,  mais  se  rattachent  bien  médiocrement  ice 
qui  précède. 

65-6  D.'srieus  (prov.  de  desriver})  est  un  synonyme  de  deshiaui;  pec  signi- 
fie «  pitié  •.  (G.?,) 

77  M.  Godcfroy  fait  deux  artides  de  moliir  (III,  212)  (mieux  inueiîler)  et 
de  tmdUer  (\\\,  }îo)  qu'il  traduit,  le  premier  par  «  charmer,  ensorceler  » 
(lu  sens  figuré),  le  second»  par  «  vexer  n  (d'après  un  exemple  tiré  d*un 
fableau  :  «  Amis^  forment  m'enuUiés.  »).  Nous  avons  affaire  au  même  thème 
{oleu)  suivi  de  suffixes  divers  {-eare,  -i^are)^  et  le  sens  n'est  pas  scnsi- 
btcment  différent  (enduire  d'huile,  et,  de  là,  tantôt  tromper,  tantôt  vexer). 


A.    JEANROY 
de  servir,  formi  comme  oce.  Par  signifie  ^^  par- 


éS 

81*  Sera  est  le  subj.  pr, 
fiitenicnt. 

82  Hot,  <|ue  M,  Godefroy  confond  avec  hot  =:  troupeau ^  en  est  évidemment 
différent.  L'étymologie  de  ce  mot  nous  est  inconnue,  mais  son  sens  est  clair  : 
il  signifie  certainement  «  obstacle  »;  c*est  lui  qui  a  formé  V aâj^ct^î ahoté  qui, 
d:ins  les  patois  de  la  Meuse,  et  aussi  ceux  du  Bkisois  (voy.  Â*  Thibault, 
Glossaire  du  pays  Maisois,  p*  10),  signifie  «  arrêté  par  un  obstacle  ». 

90  «  Elle  m'a  imposé  le  jeu  et  la  règle  qui  devait  y  présider  {U  comment).  » 

91  «  Elle  me  dit  que,  si  je  vQads  et  veux  être  payé,  je  dois  faire  attention 
â  qui  je  m'adresse  {reprentï),  c'est-à-dire  que  je  devais  d'abord  m'assurer 
qu'elle  me  paierait  de  retour.  »  (G,  P.) 

104  Je  ne  comprends  pas  ce  vers. 

112  Cf.  plus  haut,  n,  t8o  ss. 

I  r4  Cf.  ibid.,  226. 

121  La  locution  contraire  a  estrehi  est  plus  fréquente. 

132  Oîcur  senéîant  —  mine  irritée;  cf.  semblant  eniori  dans  Adam,  Chan- 
sons, XXI  (éd.  p.  85). 

133  «  Tend  aux  filets  et  aux  trous,  »  c'est-à-dire  chasse  à  Taide  de  fosses 
auxquelles  mène  un  chemin  tracé  par  des  filets. 

1 3  5  Le  verbe  surquitr^  «  chasser  aux  souris  »  n'est  pas  dans  Godefroy,  bie 
qu'il  cite  notre  passage  (à  Espîaquer),  mais  on  y  trouve  le  dérivé  surcecr* 
(AwS,  8844);  la  forme  parallèle  surgier^  dont  Godeiroy  ne  donne  également 
que  ic  dérivé  surgeûre  (Rose)^  est  assez  fréquente.  —  Na^uier  =z  flairer  (de 
na  si  ca  re  (voy.  Godeft-oy.  (G. P.) 

138  esplûque  doit  être  la  3*  p.  pr.  ind*  de  <fî/)/(jfw*Vr  (en registre  par  M.  Gode- 
froy sous  la  forme  upîaquer  avec  le  signe  de  T interrogation),  dérivé  de  pla- 
quer qui ,  dans  un  autre  exemple  du  xiii*  siècle  (  cité  par  Littré),  a  le  sens  de 
attacher,  coller.  Peut-être  vaudrait-il  mieux  supposer  un  dérivé  de  in  et  lire 
empîaqtte  ? 

143  Faire  raque  :  expression  inconnue.  C'est  sans  doute  un  terme  de  jeu 
signifiant  quelque  chose  comme  tromper. 

170  «  On  doit  accorder  du  temps  aux  bons  payeurs  »,  en  d'autres  termes  : 
ff  Je  serai  largement  payé  de  mes  peines,  »  C'est  encore  un  lieu  commun 
souvent  exprimé,  que  les  peines  que  cause  l'amour  sont  toujours  inférieures 
aux  {oies  qu'il  tient  en  réserve. 


TROIS   DITS   D*AMOUR   DU   XIII*   SIECLE 


69 


GLOSSAIRE 


Atrdre,  aert  I,  148. 
*atrtery  aorte  (f)  I,  159. 
afruitiery  afruite  I,  179. 
alasquieTy  aJasque  III,  142. 
àUecbier  I,  119. 
ûmparlerie  U,  191. 
anUmU  III,  99. 
astenancbe  \,  9  ;  II,  24$. 

Baarie  III,  74. 
harUl,  18. 
hehourtl^  191. 
hontauU  III,  106. 
h<£io(f  I,  icx>  (note). 

Gaie/  I,  49. 
campionlil,  153. 
caperUly  13. 

oiid^  n,  94. 

chembd  I,  79. 

cUnquely  51  (note). 

fZotf  I,   161. 

conroi  (prendre)  I,  170  (note). 

conroieTyConroi  H,  227. 

coroif  (boute-en)  II,  26  (note). 

rw/f/  (;>/«r  &)  II,  3 1 3  (note). 

ZXir/  II,  134. 
demofwis  II,  118. 
ies^/^  I,  108  (note). 
iespire,  despit  I,  65. 
desriais  III,  65  (note). 
desvckptr  III,  57  (note). 
détenir  y  détient  II,  27. 

Enf anche  II,  244  (note). 
«i5fr«i«'I,  71. 
eumancieTy  enmancel,  73. 
ennueUlier^  ennueUlieUlt  77  (note). 
enortanche  I,  2. 
enpenser^  enpense  II,  204. 
tnrasquier,  enrasque  III,  138. 


wtoiV,  ««/ai/tf  I,  93  ;  m,  68  (note). 

^te  I,  78. 

entrepeler,  entrepelé  II,  205. 

entresait  III,  70. 

/m/uttf  I,  81. 

^^ifm  II,  80,  86  (note). 

escaucbirer,  escauchire  I,  132  (note). 

escorpion  I,  54. 

«oïter,  escote  I,  108  (note). 

escremie  I,  84. 

esfoudre  I,  136. 

espîaquier,  esplaque  III,  138  (note). 

esracier,  esrace  I,  77. 

essamplaire  UI,  161. 

estancier,  es  tance  U,  252. 

«5/af^  III,  103. 

estrument  III,  75. 

Fameilîous  III,  24. 
floterlll,  163. 

f(mrgraire,fourgraitQ)l\l,  46. 
forjugier,farjugiéUÎ,  18. 
/rofer  I,  loi. 

Gâ^'I,  172. 
f/w  II,  73. 

i/a/«rd/  II,  90. 

Ad/  (?)  m,  82  (note). 

/ofir  (tofe)  n,  10s. 

Kieu  m,  72. 

Ltffi  (m«//rtf  en)  III,  41  (note). 

Mairier,  maire  II,  37  (note). 
maistire  I,  122  (note). 
man(^  1,75. 
mangounel  I,  83. 
maronier  II,  67. 
menés trandie  III,  73. 
ménestrel,  II,  103. 
mtt^  III,  9. 
mttjar/  II,  136. 


70 

Naquier,  naque  III,  135. 
noter  y  note  I,  97,  98. 

Oprimes  III,  10. 

Pet  ra,  66  (  note), 

/w»/  (md//r«  a)  1, 123  (note). 
*pourtirer  pourtire  U,  2^  (note). 
pourveanche  I,  5  (note). 
pourveoir,  pourveù  III,  2. 

Quantdm,  38. 

Raembre  II,  23. 

radoter  y  raàot  III,  79. 

ra^ii«(?)m,  143. 

r<»»  II,  22. 

r^ftf  n,  81  (note). 

repoindre,  repoint  l,  126  (note). 

resoiierQ)  III,  19. 

resvertuer  III,  167. 

rwtel,  10$. 


JEANROY 

roi  n,  69,7s;  m,  133. 
rtUste  I,  83. 

Scùntuaire  III,  165. 

séné  Ut  108. 

signerie  III,  81  (note). 

5a)/(?)  m,  24. 

5orfl|^«  II,  207  (note). 

^surquier,  III,  135 (note). 

Tardieu  III,  69. 
/a5^u«  m,  140. 
temprelî,  133. 
/rau  III,  133. 
/t<m^  II,  10$. 

Vaus  (Perilleus)  I,  15. 
vertu  I,  184. 
vitore  I,   186. 

Yivr«  I,  186. 


A.  Jeanroy. 


LAS  SEGUNDAS  PERSONAS  DE  PLURAL 
EN  LA  CONJUGAQON  CASTELLANA  ' 


En  el  siglo  Xm  todas  las  segundas  personas  de  plural  del 
verbo  castellano  terminaban  en  dw,  con  excepciôn  del  impera- 
tivo  (de  que  no  trataré  aqui)  y  del  pretérito  (escuchasteSy  dixistes)  : 
guardadts,  faredeSy  partideSy  salgades,  passedesy  érades,  ibades, 
deciadeSy  terniadeSy  pagâssedes,  viniéradeSy  quisiéredes,  Voy  i  expo- 
ner  las  transformaciones  por  que  han  pasado  todas  estas 
inflexiones  para  llegar  à  su  estado  actual. 

I 

INFLEXIONES  ORIGINARIAMENTE  GRAVES 

En  el  siglo  XIV  se  encuentran  ejemplos  de  la  desapariciôn 
de  la  d  en  las  inflexiones  paroxitonas  :  vayaes  por  vayadesy  socs 
por  sodés  {Dania  de  la  muertCy  R.  57.  380* ,  383  **)  ;  y  contraidas 
las  dos  vocales  en  la  segunda  conjugaciôn  :  irés  (Arc.  de  Hita, 
1425),  abré^y  avis,  daréSy  podrés  (Dan:(a  de  la  muerlCy  R.   57. 

384'',  383  '). 

En  el  siglo  XV  fue  ganando  tèrreno  esta  desapariciôn  de  la 
dental  :  Villasandino  dice  soeSy  bivaes  {Cane,  de  Boena,  pp.  iio, 
174  éd.  de  Madrid)  ;  en  el  Caneionero  de  Stûhiga  se  lee  daes,  passaes 
(pp.  215,  272),  y  en  el  Arte  cisoria  de  Enrique  de  Villena 
tmgaesy  seaeSy  vengaes  (pp.  6,  112  :  Madrid,  1879);  ^hi  mismo 


I.  En  el  tomo  III,  p.  417,  de  la  présente  Revista,  apuntando  cabalmente 
la  variedad  que  se  nota  en  el  Caneionero  de  Stûhiga  con  respecte  i  las 
inflexiones  aquf  estudiadas ,  manifiesta  el  Senor  Morel-Fatio  la  necesidad  de 
que  se  historien  sus  transformaciones. 


72  R.  J.    CUERVO 

se  encuentran  puhliquees,  divulguées  (p.  115).  La  contraccîôn  de 
dos  ees  en  una  es  tan  génial  del  castellano,  como  lo  prueban 
voces  a  la  traza  d^fee  convertido  en  fe^  vee  en  ve^  y  la  pronun- 
ciaciôn  familiar  de  aquellas  que  en  el  Icnguaje  litcrario  llcvan 
esta  combinaciôn;  asi  debees^  habces  se  convirtteron  de  suyo  en 
debés^  habés  (Arte  cisoria^  p.  7),  formas  que  sin  duda  dieron  ori- 
gen  a  sepàs  por  sepaeSy  sos  por  soes  y  partis  por  parties.  Por  orra 
parte  la  concurrencia  de  las  dos  vocales  en^ir,  oe  se  prestabaa  la 
diptongacion  ;  y  a  la  mancra  que  cae ,  trae  se  convirtieron  a 
menudo  en  ca)\  tray\  también  dtxaes^  soes,  se  volvieron  oatural- 
mente  à'.V£2iV,  sois,  que  i  su  vez  favorccieron  la  pronunciacion 
habéîSy  dtbéis.  Todas  estas  formas  se  hallan  usadas  promise ua- 
mente  i  mediados  del  mismo  siglo  XV,  v.  gr,  : 

Senor  Juan  Alfonso,  desque  corronpés 
Toda  cortesya,  (k^is  que  qmrù 
Fahlar  mesurado  e  ya  non  podis. 
Pues  cl  comienço,  scnor,  non  guardadts, 

{Cane.  d£  Baetia,  p.  475  ^) 

Qpe  d£x^s  por  vuestia  fe 
Franquesa  que  arnhyi  buscar, 
(Cane,  d£  Stûiiiga,  p.  157.) 


Tal  constjo  vos  dsuré , 
Sy  lo  qiiertdes  tomar. 


TornandOj  moscn  Françes, 
A  mi  porfia  primera, 


Pues  ya  veJes  h  minera» 
Respondedmu  si  querés. 

ifh.  p.  171.) 

Yû  no  dubdo  luego  que  presto  sera 
Meritamcme  egual  de  los  très. 

(Marqués  de  SantiUaiia,  p.  ^3  :  Madrid,  1852 \) 

Nada  pues  tiene  de  extrano  que  copias  y  ediciones  de  una 
mîsma  obra  se  hallcn  en  complète  desacuerdo.  Comparese  este 
pasaje  de  la  Querella  de  amor  del  mismo  Santillana  segùn  se 
halla  en  la  ediciôn  de  sus  Obras  (p*  402)  y  en  el  Cancîonero 
de  Stûniga  : 


1.  Los  consonanies  son  aqtif  fomados,  y  les  corresponden  en  las  composi- 
ciones  précédente  y  siguiente  :  certes^  es,  pavés ^  respùndaàn;  schraoltàt  «, 
t raves,  hondades. 

2.  En  el  Bmayo  de  ntm  biblioteca  espanola  de  lihros  raros  y  curiosos^  lorao  I , 
col.  497,  en  una  poesù  de  este  tiempo  se  balla  tambîén  rimado  penarà  coq 
cartes. 


^^^^^V                       LAS   SEGUNDAS    PERSONAS  DE   PLURAL                          73                    ^^^^| 

^^1        DbEde  :  Non  vos  qmxedis 

Dixele  :  non  vos  quexeyi  ^                                          ^^^^| 

^H        O  non  soys  vos  cl  primero, 

Que  non  soys  vos  el  primero                                     ^^^H 

^H         Km  itféi  el  postrimero 

Nin  itreys  el  postrimero                                                ^^^H 

^H         Qmc  Sâbe  del  mal  que  avtdts. 

Que  possea  d  mal  que  habeys.                                   ^^^^^ 

^H           Al  déclin  a  r  el  siglo,  van 

haciéndose  mas  y  mds  raras  las  for-               ^^^^H 

^H       mas  COQ  d  {sabedcs^  fagades)^ 

,  y  quedando  reemplazadas  por  las  en               ^^^^H 

^H       ais^  eis,  ois;  de  las  en  as,  es,                                                                               ^^ 

iSy  ôs^  solo  se  conserva  défini tiva  y                        ^H 

^H       unîversalniente  la  penùUima  (^dtds^  seguls)\  las  demis  fueron                         ^| 

^H       relegadas  al  lenguaje  vulgar 

{sepâs^  cornés,  sos).                                                    ^M 

^H        Don  majote,  no  peni4$ 

Aunque  prfsuntâs  de  necio  :                                        ^^^^B 

^H        De  habrar  tanto  por  desprccio, 

Sepamos  que  cosa  es.                                            ^^^^^M 

ÇEglvgas  y  farsas  de  Lucas  Fer-                   ^^^^^| 

nindez,  p.  20  :  edic.  Acad.)                          ^^^H 

^^^H  Crtro  esti,  Dios  me  estcsûgo, 

Que  SOS  *  tonto  con  efcto.                                          ^^^H 

(Comedia  La  fufr;^ii  del    miurd^                         ^^^H 

jorn.  II  :R.  59.218  b.)                                  ^^B 

^H         Dcstc  habis  de  scr  madrina , 

Y  iKihù  venido  al  lugar.                                                     ^H 

^H         Laura,  pues  sos  nuesa  reina. 

(Lope,  El  bijo  de  hs  Icotm ,  aclo  IL  )                               ^H 

^H          La  forma  en^i  conservô  por  mas  tiempo  acepuciôû  en  la  len-               ^^^^| 

^H       gua  literaria.  En  les  paradi 

igmas  del  Ark  para  Ugeramenk  sakr                ^^^^| 

^H      la  Imgua  aràbiga  de  Pedro 

de  Alcala  (impreso  poco  an  tes  de               ^^^^| 

^H       I S05)  se  hallan  leés^  sera  al  lado  de  amais^  sois^  ternis.                                  ^^^H 

^^1         Qpe  ir  i  solas  mejor  es 

Y  si  no,  cuando  es  mirado»                                        ^^^^^ 

^^1        Q$ie  no  mal  acompanado  ; 

Gananda  y  caudal  perdis.                                          ^^^H 

(Timoneda,  Los  ciegos  y  tî  moio,  en                        ^^^H 

UordtlUyOrigmisi  R.  2.  290*  .)                   ^^^^^M 

^^^V  Cogida  la  dntura  de  tropcl, 

Una  beca  de  pano  por  travcs,                               ^^^^^^| 

^^V        La  ropa  cuanto  luenga  la  querèî  « 

Un  bonete  a  manera  de  sartén,                                         ^H 

^^1         Atestadas  las  mangas  de  pape!  ; 

Con  médias  chineletas  en  los  pies.                                    ^H 

(Hurt.deMcQdozai«/>iiL  P'I^  edic.                               ^H 

de  Knapp,  p.   146;  en  R.  53,                               ^H 

624,  se  lee,  contra  la  rima,                         ^^^H 

querais,}                                                              ^^^H 

^^H         Pues  para  no  scr  mgralo 

Y  veréis  que  no  dilato                                               ^^^H 

^^1        A  là  merccd  que  me  })acù, 

£1  casarme.                                                                 ^^^^| 

^^H        Vcàxà  Ucencia  al  marqués 

(Lope»  Pût  la  ptunU,  Juafta,                        ^^^H 

aao  IIL)                                                        ■ 

^^P            t«  n  io^.  segunda  persona  de 

!  singular,  que  se  halla  en  Lucas  Ferndndez                              ^H 

^^1        (1^*  42)  y  en  Juan  de  la  Endna 

(^Ensayo  de  una  bihlioteca  espahola^  II,  817^                                ^H 

^^H        SiS)^  le  apoya  en  w^  soyy  como  sm  en  5omcv.                                                                            ^H 

74  R*   J'   C^UERVO 

Pot   manera   que,  al  comcn?:ar  el  siglo   XVI,   en  el    uso 
comiin  las  segundas  pcrsonas  de  plural  eran  conio  sigue  ; 


buK*îis, 

pcrdéis*, 

decis, 

buscaréis, 

perderéb, 

diréis, 

busquéis» 

perdais, 

digiis, 

buscibades, 

perdiades. 

dedades, 

buscarfadcs, 

perderfadeu, 

dinades, 

buscissedes, 

pcrdiéssedes, 

dixésscdes, 

busciradcs, 

perdiéradcs, 

dixéradcs; 

busciredes, 

pcrdiércdes, 

dixéredes. 

buscastes, 

perdistes, 

dixisies. 

Estas  son  las  formas  que  ofrecen  los  paradigmas  de  !a  grami- 
tica  de  Nebrija  (1492)^;  pero  las  intégras  del  primer  grupo  no 
habian  desaparecido  del  todo ,  segùn  se  colige  de  lo  que  el 
mismo  advierte  :  «  Esso  mesmo  avemos  de  notar  qoe  en  la 
segunda  persona  del  plural  las  mas  vezes  hazemos  syncopa  :  e 
por  lo  que  aviamos  de  dezir  amades  leedes  oides  :  dezimos 
amaisleeisois*  n  Yhablandodelfutoro  de  indicativo  :  <*  Reciben 
esso  raesmo  cortamiento  en  la  segunda  persona  del  plural  : 
como  deziamos  que  lo  recibia  el  présente  :  e  assi  dezimos  ama- 
reis  vos  por  amaredes  vos.  w 

Como  los  redactores  de  las  leyes,  provisiones  y  despachos 
reaies  se  guian  siempre  por  formularios  tradiciooales,  el 
lenguaje  cancilleresco  es  por  fuerza  conservador,  y  siendo  el 
ultimo  a  admitir  novedades,  es  también  el  ûltimo  à  aban- 
donar  los  arcatsmos.  En  los  cuaderaos  de  Cortes  (edic.  de 
la  Academia  de  la  Historia)  empiezan  a  aparecer  aisladamente 
en  medio  de  las  intégras  las  inflexiones  agudas  en  ais^  eis,  fj,  ois 
desde  la  primera  mitad  del  siglo  XV  :  fagays  en  1436;  veays^ 
en  1442;  soys,  1451;  peJis,  1462;  rcynays^  soySy  nombrareys,  dis- 
putareys,  dex}s  ^  1469;  pcdis  (dos  veces),  suplicays  (siete), 
fagays^  ^473;  ^^^y^  (très  veces)^  entregueys^  deheys^  regrtays^ 
suplicays  (très  veces),  1476.  Los  cuadernos  de  1506  y  1518,  que 
se  apartan  del  formulario  anterior,  no  ofrecen  sino  inflexiones 
abreviadas*  En  1520  por  ocho  formas  antiguas  hay  veîntiséis 


r.  A  veces  umhlén  perdes^ 

1.  Me  valgo  de  la  edidén  contrahecha  el  siglo  pasado,  pues  la  orignal  no 
se  h  alla  en  ninguna  de  Lis  bibliotecas  public  as  de  Paris. 


LAS   SEGUNDAS    PERSOKAS   DE   PLURAL  75 

modernas;  en  IJ2J  y  1525  no  quedan  sino  el  sepades  inicial  y 
elfagaJeSy  para^cacks  At\  fin,  consagrados  por  antiquisima  tradi- 
ci6n.  En  tiempo  de  Felipe  II  las  pragmiticas  y  provisiones  reaies 
vacilaban  entre  sepades  y  sabed'^  pero  muchas  de  las  que  comen- 
zaban  con  el  lildmo,  lenian  todavia  al  fin  la  formula  nofagadcs 
mde  al  \  ta  cual  alcanza  à  verse  en  documente  de  14  de  Agosto 
de  1699%  cuando  el  sepades  Uevaba  mucho  dempo  de  estar 
olvidado. 

G}sa  parecida  puede  dedrse  de  otras  formulas  :  en  cartas 
credenciales  de  los  Reyes  Catôlicos  datadas  de  1498  a  1505,  que 
se  hallan  originales  en  la  Biblioteca  Nacional  de  Paris  (MS. 
Esp.  318),  aparecen  siempre  las  inflexiones  sincopadas,  excepto 
en  el  consabido  «  le  dedes  entera  fe  y  creencia  ». 

Reliquia  de  la  conjugaciôn  aneja  tenemos  hoy  dîa  en  la  frase 
proverbial  :  Âhora  à  alla  b  veredes,  dijo  Agrafes.  Quevedo  en  la 
Visita  de  los  chistes  saca  a  este  personaje  protestando  que  nunca 
dijo  lal^  y  que  le  levantan  un  tesumonio;  Clemencin  {Don 
QuijûU,  I,  187)  no  aduce  pasaje  alguno  en  que  Agrajes  pro- 
fiera  semejante  expresion;  y,  revisado  el  Amadîs^  résulta  que  la 
frase,  en  boca  de  otroSj  no  esta  con  la  forma  arcaica  del  verbo, 
sino  con  la  modcrna  vercis  (lib.  I,  caps,  xxvii,  xli;  fols,  lu  y 
LKXxm,  V  :  Sevilla,  1539).  <Podri  colegirse  de  lo  que  précède 
que  esta  expresion  proviene  de  una  redaccion  diferente  del 
AmadiSy  anterior  d  la  refundiciôn  de  Garci  Ordônez  de  Mon- 
talvo?  Sea  dicho  de  paso  que  en  la  ûltima  son  comparaiiva- 
mente  raras  las  formas  intégras,  y  que  precisamente  nunca  apa- 
recen  en  los  pasajes  en  que  habla  Agrajes. 

No  debe  pasarse  en  silencio  una  contaminacion  singular  fre- 
cuente  entre  el  vulgo  chileno  :  por  remedar  a  de^lSj  pedis^  true- 
can  ienéis  en  tenis,  y,  dando  un  paso  mas,  confunden  los  modos 
didendo  jugufs  por  }ugt4éis. 


J.  Véaose»  por  cjemplo,  las  Cortes  de  Toïcdo,  1560,  y  Madrid,  1563,  con 
las  pragmiticts  que  las  aconipinait  en  hs  €didones  de  Toledo»  1  >6o,  y 
Alcali  de  Hcoares,  t  S64. 

2.  Pragmaiicâ  que  su  MagcUad  manda  publicar  en  onien  al  preâù  y  ias^  que 
hanâeUmf  lùs  Granos  que  se  comprartn  y  vtndunn  en  estos  Reynos.  Aûo  1699. 
En  Madrid  :  Por  Juliao  de  Paredes» 


7^  ^^^V  R.   J.    CUEEIVO 

n 

IKFLEXIONES  ORIGINARÎAMEKTE  ESDKUJULAS 

Si  hubiémmos  de  créer  a  las  gratniticas,  no  se  liabrii  verifi- 
cado  cambio  alguno  desde  los  tiempos  de  Nehrija  hasta  média- 
dos  del  siglo  XVII  ;  pero  ya  sea  que  los  autores  de  taies  obras  se 
copien  unos  i  otros,  ya  que  por  el  mero  hecho  de  formulât  un 
codigo  de  conservacion ,  condenen  naturalmente  toda  innova- 
ciôn,  elle  es  que  nunca  dan  por  bueno  un  use  ouevo  sino 
cuando  el  anterior  esta  enterrado  y  olvidado,  sieiido  mucho  que 
le  mencionen  mientras  se  halla  empenada  !a  lucha,  A  los  para- 
digmas  del  antiguo  maestro  se  ajustan  punto  por  punto  la  Cra- 
mât ica  ti'  ht  lengua  vulgar  de  Espam,  impresa  en  Lovaina  por 
Bartolomé  Gravio  en  1559»  la  Grammuire  espagnole  de  Oudin 
(Paris,  16 10),  el  Espcjo  gênerai  de  la  grantaîka  de  Ambrosio  de 
Salazar  (Rudn,  1622),  A  Spanish  Grammar  de  John  Minsheo 
(Londres,  1623)  y  el  Trilingm  de  Gonzalo  Corrcas  (Salamanca, 
léZ'j),  Aldrcte,  por  el  contrario,  que,  como  no  escribia  una 
gramatîca,  no  oecesitaba  tcncr  a  la  vista  los  tratados  antcriorcs, 
nos  da  en  su  Origcn y  principio  de  la  kngîui  caskllana  (pp.  256, 
aî7  ;  Roma,  1606)  las  inflexiones  que  cl  debia  de  usar  en  el 
habla  ordinarîa  :  de  todas  las  segundas  personas  de  plural  que 
antes  tenian  rf,  s61o  la  conserva  en  vuiessedej  atnado  ;  las  demis 
aparecen  en  su  forma  actual.  Por  manera  que  este  movimiento 
de  uniformaciôn,  que  vemos  ahi  casi  consumado,  hubo  de 
comcnzar  mucho  antes,  y  extendersc  con  lentitod  en  el  len- 
guaje  familiar  mientras  en  lo  escrito  se  seguia  el  uso  antiguo. 

Entre  los  gramaticos  he  callado  el  nombre  de  Juan  de  Luna, 
tt  espanol  castellano  »,  que  habiendo  «  dejado  su  patria, 
parîenies  y  hacienda  por  una  justa  y  légitima  causa  d,  se  dedic6 
i  ensenar  fuera  «  el  nucvo  castellano  ».  Para  cl  efecto  publicô 
varios  libros,  entre  ellos  el  Arie  hrene  y  compendiossa  para  apren- 
dcr  a  lecr,  escreu'u\  profiunciar y  hablar  la kngî4a espamla  (Londres, 
1623),  en  la  cual,  como  si  se  hubiera  dejado  también  en  Espana 
todas  las  gramaticas  anteriores,  puso  ùnicay  exclusivamente  el 
uso  moderno,  no  dando  en  los  paradigmas  de  la  conjugacion 
sino  las  formas  graves  en  m.  Que  él  procediô  en  esto  mas  siste- 
miticamente  que  por  céder  a  un   uso  gênerai,  se  coiige  de 


LAS  SEGUKDAS   PERSONAS   DE   PLURAL 


77 


SUS  Dialogos  familiares  {¥àns,  1619),  dcstinados  para  los  que 
quisiesen  aprender  \i  lenguacastellana;  supuesto  que  alcorregir 
completamente  los  sîete  liltitnos,  escriros  por  Minsheo,  con- 
sen'6  la  conjugaciôn  antigua.  Mis  claro  todavia  se  ve  csto  en  la 
ediciân  6  refundiciôn  que  él  mismo  hizo  dcl  hîiarilh  (Paris, 
1620),  pues  q ut;  dejaiido  las  inflexiones  verbales  antiguas  como 
se  estaban  en  el  texto  primitivo,  para  la  segunda  parte  que  le 
anadiô  no  se  valio  de  otras  que  de  las  recién  introducidas.  Por 
tnanera  que  aunque  él  usase  una  cosa,  la  orra  pricrica  era  toda- 
via tan  comùn  que  no  le  disonaba  ' . 

No  puedo  determinar  la  época  en  que  las  formas  nuevas 
empezaron  i  tener  cabida  en  las  obras  imprcsas.  Es  sin  duda 
que  los  mismos  escritores  que  se  servian  de  ellas  en  el  habla 
doméstica  y  comûn,  las  evitaban  en  el  lenguaje  literario,  el  cual 
se  apoya  mis  6  menos  en  la  tradiciôn,  como  que  siempre  tieiie 
algo  de  aprendido  y  artificial.  El  ejemplo  mis  antiguo  que 
necuerdo  de  las  inSexiones  esdriijulas  abreviadas  es  un  quedareis 
de  la  Galatca  de  Cen^antes,  libro  I  (foL  50  de  la  ediciôn  de 
Lisboa»  iS90j  y  pig-  54  de  la  de  Paris,  léri)  ^;  mas  à  lo  que 
creo,  no  volviô  el  autor  d  emplearlas  en  prosa,  à  por  lo  menos 
prefirîô  decididaraente  las  intégras  ;  hasta  tal  punto  que  no  he 
anotado  una  sola  de  las  primeras,  y  si  ochenta  y  cinco  de  las 
ùltimas  en  las  Novelas^  setenta  en  el  Quijote^  treinta  y  cuatro  en 
el  Persiles;  y  por  veintidôs  en  las  obras  dramdtkas^  solo  veo  un 
podriais  en  El galîardo espahoî ,  jorn,  I  (fol.  3  v**,  Madrid,  1615). 
Igual  preferencia  se  observa  en  otros  escritores  :  Cascales,  por 
ejemplo,  en  sus  Tablas  poiûcas  QAuxcu  ^  1617),  compuestas  en 
didlogo,  no  emplea  otras  que  las  en  des'^  Lope  en  la  Dorotea, 
obra  de  sus  primeros  anos,  aunque   retocada  después,  y   no 


t.  La  gramitica  de  Luna  y  la  ïmpresa  por  Gravio  eo  1559,  raras  cuanto 
predosas,  han  sido  esmerada  y  cleganiemente  reproduddas  por  cl  S^nor 
Conde  de  b  Vmaza  en  Zaragosa,  1892»  y  i  su  exqûisiu  benevolenda  debo 
eJ  podeiias  disfrutar. 

2,  Las  edidones  modernas  (v.  gr.  Sancha^  2.206;  Baudry,  202;  Rivade- 
ncyra,  i,  78*  )  ticnea  sin  duda  raiôn  en  poner  rtcibiereh  eu  este  otro  pasajo 
dcl  libro  V,  doade  las  edicîones  antiguas  mendonadas  iraen  rtcibireys  :  «  No 
vvngû  yo  setiores  para  nienos  (|ue  para  fiestas  y  content  os  ^  por  esso  si  le  rtci-^ 
hirep  de  escuchanne  suene  Marsilio  su  çampofu  >*  (Lisboa,  foL  328»  v«; 
Par(f,  p.  \6o). 


78  R.    J,   CUERVO 

impresa  hasta  1632,  las  usa  cincuenta  veces,  y  ni  una  las  abre- 
viadas.  En  otras  obras  de  Lope  aparecen  tal  cual  ocasi6n  las 
formas  nue  vas,  v.  gr,  mfrojmen  Los  emhusies  de  CelaurOy  jorn,  I 
(parte  IV  de  las  comedias,  Pamplona,  1614,  fol,  220,  V"),  y 
pudkrais  en  La  Vcga  dit  Parnaso,  foL  255,  Madrid,  1637)  *;  de 
donde  podria  colegirse  que  solo  empleaba  e!  poeta  las  formas 
abreviadas  en  fuerza  de  la  necesidad  métrica.  Tirso  prefiere 
también  d  ojos  vistas  las  intégras,  pero  se  le  escapaa  de  cuando 
en  cuando  las  otras,  asi  en  verso  como  en  prosa^,  Villegas, 
por  el  contrario,  usa  las  modernas  en  las  Erôticas  (i6ï8),  y 
también  en  la  prosa  de  la  Consolaciôn  de  Boedo  (1665).  Calderôn 
se  aprovecha  de  las  unas  y  de  las  otras  segiin  le  viene  i  cuento, 
variindolas  aundentro  de  un  mismo  periodo;  en  El  màlico  desu 
honra,  que  se  imprimiô  por  primera  vez  en  1633,  dice  : 


Yo  (j  VAlgame  el  delo  1)  soy  quîen 
Vuestra  Majcsud  ^uisiere, 
Sin  quitar  y  sin  poncr, 
Porque  un  hombrc  muy  discrète 
Me  dio  por  conscjo  aj^r 
No  fuese  quîen  en  mîvida 

Pues  cadA  vex 
Que  me  hiciéredu  reir« 
CicQ  escudos  os  daré  ; 

Mucho  perdisteis  c  on  mi  go  ; 
Pues  %\f\urah  noble  vos, 


Vos  no  quisiemi  ;  y  fué 

De  manera  ta  Itdôn  « 
Que  antes ,  ahora  y  después, 
Quien  vos  quisiàtdei  solo 
Fu(j  quîen  gustareis  seré» 
Q^ien  os  place  soy. 

u<^  /.) 

Y  si  no  me  htàkreis  hecho 
Kdt  en  ter  mi  no  de  un  mes , 
Os  han  de  sa  car  los  dientes. 

No  hahlàrades,  vîvc  Dios, 
Asf  de  vuestro  enemigo. 

(Jorn.  IL) 


Tomados  en  conjunto  los  prosistas,  se    percibe  de   igual 
manera  la  transformaciôn  d  medida  que  va  entrando  el  sîglo. 


t.  Se  me  hacia  recio  de  créer  que  en  la  comedia  del  Mdino  (al  fin  del 
ûltimo  acto)  hubiera  dicho  Lope  ^raJes  y  frais  con  dos  versos  de  intervalo, 
segùn  se  halia  en  Rîv.  24.  41  ^  »  y  acudl  i  la  ediciôn  original  de  1604»  donde 
luUé  éradts  en  ambos  lugares.  £1  edltor  moderno  se  propuso  sin  duda  meiorar 
d  pasajc  introducîendo  el  segundo  vos  :  m  i  Erades  vos  el  galin  |  Que  tan  ta 
pena  y  afin  |  Suele  dar  i  quien  le  adora  ?  |  Eraîs  vos  aquel  perjuro  |  Contra 
la  fe  de  los  dos  ?  i^ 

2,  Por  ejemplo,  habîabaU^  en  El  PrdindiriUg  al  revis,  I  (impreso  en  1627)  ; 
aiiûùs^  en  Ddiytar  aftravfchandû^  loi,  91  (Madrid,  16) s) 


LAS  SEGUNDAS  PERSONAS  DE  PLURAL  79 

aunque  no  con  uniformidad,  poes  unos  se  adelantan,  otros  se 
retardan,  ya  por  razôn  de  su  edad  ô  de  su  educaciôn,  ya  por 
Diras  causas  dificiles  de  determinar.  Pedro  Feroindez  de  Nava- 
rrere  en  su  traducciôn  de  los  libros  De  be7ieftciis  de  Séneca  usa  la 
ioxmàzii\\g\iz{dtseaua(ks,{o\.  152  :  Madrid,  1629);  Quevedo, 
que  en  verso  sabia  iotroducir  la  abreviada  {fuereis,  Musa  F/, 
cane,  /),  preleria  también  las  tradicionales ,  asi  en  el  Buscôn^ 
imprcso  en  1627,  como  en  la  Vida  de  S.  Pablo  y  en  la  de 
Marco  Bmta,  publicadas  ea  1644.  En  los  avisos  que  dio 
Felipe  IH  i  su  hija  cuando  se  casô  con  Luis  XIII  (1615),  segùn 
los  pone  Gil  Gonzdlez  Ddvila  en  el  Teatro  de  tas  gratuk:;as  à  la 
Villa  de  Madrid  {162}},  ocurren  nueve  veces  las  sincopadas,  y 
cuatro  las  enteras.  La  Corona  gâika  de  Saavedra  (ié^6),  nos 
ofrece  eligiéredés,  quisiésedeSj  ju:^àr€dts^  y  podrîaisy  hariais^  haUais 
(edic.  de  Madrid,  1670),  doode  se  descubre  alguna  regularidad  *  ; 
la  cual  se  echa  menos  en  el  Criticén  de  Graciin,  pues  no 
s61o  escribe  Inbiais  {pic,  //,  p.  118  ;  Huesca,  1653),  sino 
pudiereiSy  dixerais  (j>tt\  III^  pp.  210,  337  :  Madrid,  1657).  En 
las  arengas  de  la  Historia  de  los  rnavimientoSy  sepuraaân  y  guerra  de 
Calaluha  por  Melo  (1643),  no  se  encuentran  ocras  que  las 
formas  inodemas;  lo  mismo  acontece  en  la  caria  del  Conde  de 
Rebolledo  i  D,  Ramiro  de  Quifiones  fechada  en  22  de  Abril  de 
165 !•  Es  de  créer  que  Solis  no  us6  en  verso  la  forma  Integra 
sîno  por  necesidad  mètrica  {El  anior  al  uso^  jorn.  II*);  pues 
cuando  Uegô  el  caso,  empleô  en  la  Cmquista  de  M^jico^  salida 
i  lux  en  1685,  la  abreviada  (ife/wî/ïVrw,  lib.  II,  cap.  XXI).  Al 
lenminar  el  siglo,  ténia  ya  el  uso  cortesano  canonizada  la  con- 
jugaciôn  nueva,  conforme  se  ve,  por  ejemplo,  en  la  carra  de 
gracias  dirigtda  por  Carlos  II  a  la  ciudad  de  Sevilla  en  20  de 
Scpiiembrede  1696,  que  tengo  d  la  vista  ea  papcl  suelto  origi- 
ginal,  y  en  los  despachos  originales  tambicn  del  mismo  soberano 


I ,  Con  corLi  difcrenda  esta  es  h  prictica  que  représenta  los  pdradlgmds  de 
Il  NùtWiïU  gtammaitt  espagnole  de  Vayrac  (Paris»  1714);  pues  dan  las  formas 
âbreviadas  haviais,  serhis^  tdah^  subiais  ;  sîn  embargo»  se  hallan  amariadei^ 
kmades.  Sobriaoen  la  }«  edîciôn  de  su  Gramdlica  (Bruselas*  1717),  persiste 
tockvk  en  dar  las  formas  antîguas. 

a.  Es  dedtarsc,  por  cuanto  lleva  la  lécha  de  1641,  el  romance  que  empieza 
«  Senor  Marqués  retirado  »  (publicado  en  las  Varias  poenas  sagradas  y  pro- 
fanas), en  d  cual  se  encuentran  las  formas  cortas. 


80  R.    J*    CUERVO 

al  Gobernador  de  Milin  de  1697  en  adelante,  Circunstancie 
curiosa  :  en  Agosto  y  Septiembre  de  1698  cambia  la  letra  da 
estes  documentes  y  aparecen  las  formas  antiguas,  como  si  por 
pocos  dias  se  hubiera  encargado  de  k  redacciôn  algûn  viejo  de 
gruesas  gafas  y  calva  reluciente.  (BibL  Nac.de  Paris,  Collection 
de  Lorraine  vol.  730  y  sgs.) 

Volvamos  los  ojos  al  lenguaje  légal  y  cancilleresco.  En  el 
reinado  de  Carlos  II  se  mezdaban  inflcxiones  antiguas  y 
raodernas  '  ;  sirva  de  ejemplo  entre  los  autos  acordados  de  la 
Nuei'a  Recopilaciàn  (edic.  de  1772),  uno  en  que  se  refunden 
disposiciones  de  167 1  y  1695,  en  el  cual  figuran  rccibîértdes^ 
îuviéreâis  junto  con  entend  if  rets  (tomorV,  pp.  294-297);  peroen 
las  formulas  persistîa  naturalmente  lo  arcaico  :  «  Como  hallâ- 
redes  por  derecho  y  justicia,  »  en  dos  leycs  de  1699  (2  y  é,  tit. 
16,  lib,  IX  de  la  Nmf.  Recop,').  En  liempo  de  Felipe  V  perdîô 
terreno,  hasta  desaparecer,  la  conjugaciôn  antigua;  en  docu- 
mentos  de  1701  y  1703  copiados  por  Berganza  {Anttguedades y 
II,  p.  513,  356),  se  lee  Ithràredcs ,  dcspacbàredts  ^  hiciéredes;  pero 
en  las  leyes,  de  ese  tiempo  en  adelante,  prevalece  la  moderna  : 
en  1708,  aprendiereis  (bis),  Mciereis  {Nun^a  Recop,  de  1772» 
tonio  IV,  p.  37e);  en  171 6,  fucreis  {Noi\  Rewp.  Ub.  VIL  24, 
II);  en  1726,  iuviereis ^  pidiereis  {Nuei^a  Recop.  tomo  IV, 
PP-  377p  378);  en  1727,  actmreis  {Nov,  Recop.  lih,  VI,  11.  5). 
Asi  que  causa  extraneza  un  cobràrcda  de  1723,  que  se  halla  en 
k  Nueva  Rtcopilaciôn ^  tomo  lit,  p*  385. 

La  Gramatica  de  D,  Benito  Martînez  Gômez  Gayoso,  publi- 
cada  en  1743,  no  menciona  siquiera  la  conjugaciôn  antigua, 

Natural  como  era  la  tendencia  i  uniformar  y  aligerar  las 
seguodas  personas  de  plural,  hubo  circunstancias  que  la  favo- 
recieron,  entre  las  cuales  apontaré  dos,  una  prosôdica  y  otra 
sintictica,  que,  obrando  en  distintos  casos,  concurrieron  i 
apresurar  el  efecto  gênera! . 

Desdc  la  época  de  Berceo  ha  sido  may  comùn  reputar  en 
verso  como  diptongo  la  combinaciôn  k^  ta  de  las  inflexiones  en 
que  tigura   como  tcrminaciùn,  acercindose  de  tal  manera  el 


1.  Nopuedo  persuadirme  i  que  sein  auténttcas  las  inflexiones  compusieseis, 
eoHCordasds,  pusksm  de  la  traducdôn  de  un  brève  de  Grcgono  XJIl,  încîufda 
en  cédula  de  3  de  junio  de  1585 ,  que  forma  la  ley  1*,  dt.  10,  Hb.  II,  de  la 
N(n4iima  Reçopihnôn  de  1805. 


LAS  SEGUNDAS   PERSONAS    DE   PLURAL  St 

"«cnto  i  lii  vocal  llena,  que  Ikuim^  ponien,  savim  llegabun  a 
consonarcon  Bthn^  bim^  segiin  veraos  en  los  versos  Je  Fran- 
cisco de  Ocana,  y  a  citados  par  Diez,  que  se  hallan  en  la  Floresta 
de  Bohl  de  Faber  (1.18)  '.  Siendo  esto  asi,  habiâd^s,  scriada  se 
asimilaban  a  ImyaJes^  digades^  y  por  tanto  confacilidad  corrieron 
igual  suertc*  Poetas  como  Garcilaso  y  Hurtado  de  Mendoza, 
que  icada  paso  cometian  la  primera  sinéresis,  osaron  también 
la  segunda  : 

^Opién  me  dixera  quanJo  Us  passadgs 
HofiS  que  en  tanto  bien  por  vo^  me  via 
Que  me  bahiadti  de  ser  en  ulgun  dia 
Con  tan  grave  dolor  represent^das? 

(Soncto  :  Oh  dulces  pratdat.**  *) 

os  CTibenaba 

A  quién  Jirîaiks  «  él  >\  y  A  pocas  gente?» 
Parj  Ibniar  «  tnerced  »  licion  os  daba. 

(Krmpp.  p.  tSj.) 

Es  cosa  de  consîderar  que  en  la  traducciôn  de  la  sa  tira  de 
Horacio  Ihm  forU  que  corre  entre  las  obras  de  Bartolomé  de 
Argensola,  se  hallan  d  un  tiempo  ténia,  disilabo  agudo,  dëspriva- 
riada,  pentasilabo  grave,  y  estimariàis,  tetrasilabo  agudo  K  Asi 
todo  contribuye  d  demostrar  que,  entre  las  inflexiones  esdrù- 
julas,  las  en  -iodes  fueron  las  que  primero  se  sincoparoîH. 

Nuestra  sîntaxis  permitia  enionces  emplear  indifereniemente 


i  »  Véasc  Muntbe  Antecknhtgar  om  fcîhmUî  i  en  trahi  aj  vestra  Aititritn , 
p.  so(Upsala,  1887). 

2,  Asi  se  halla  este  pasajc  en  la  ediciàn  principe  y  en  âlçz  mis^  anteriôres 
al  sigio  pasado,  que  lie  podido  consultât.  Si  no  me  engano,  à  Azara  (176$)  se 
debe  el  anacrônîco  hahiah  de  las  ediciones  modernas. 

3,  Por  supuesto  que  no  ha  faltado^algûn  moderno  caritativo  que»  pen- 
sandohacer  favor  y  buena  obra  i  Argensola,  haya  tocado  cl  âesprivatiudeî  : 
D.  J.  deBurgos,  copîando  en  su  traducciôn  de  Horacio^  la  del  famoso  arago- 
nés,  impriniiô  dcsprivârades.  De  paso  dire  que  esta  composiciôn  de  Argensola 
es  la  âiiiîca  de  laediciôn  de  1654  que  ofrece  inflexiones  modernas  como  «//* 
ffMTMfV  y  quisistdf., 

4,  Au  tique  i  todas  luces  esti  viciado,  comprueba  esta  deducciôn  un  pasaje 
det  TrtUado  ïîamaâù  Manual  de  EieribùnUs  por  Antonio  de  Torquemada. 
cscrîto,  i  lo  que  parccc,  i  mediados  del  siglo  xvi,  el  cuaI  pasaje  puede  verse 
en  d  Ensayo  dt  tina  bihîiottca  de  Ithros  rarosy  curiosos^  tomo  IV,  col.  7S S- 


Sa  R.  J*  CUERVO 

en  varios  casos  las  formas  ya  abreviadas  de  antiguo  y  las  inté- 
gras, como  se  hace  hoy  cou  sus  correspondientes ;  deciase  si 
qturéîs  y  si  quisiéredes ,  cuando  podâis  y  amudo  pudiêredes;  lo  que 
hubo  de  hacer  sentir  mis  el  desequilibrio  de  la  conjugaciôn  y 
avivar  la  tendencia  a  igualar  las  inflexiones  divergentes. 

Nebriji  mendona  como  usuales  en  su  tienipo  otras  dos  con- 
tracciones  :  «  Dezimos  amarides  por  amariades,  leeridcs  por 
leeriades,  oirides  por  oiriades.  »  «  Por  amdredes,  leieredes, 
oieredes  dezimos  amardes,  leierdes,  oierdes.  >ï  La  primera,  de 
que  no  recuerdo  ejemplos,  puede  compararse  al  asturiano  serls^ 
sériais;  la  ultima,  comuoisima  en  épocas  aiiteriores,  alcnnza  i 
hallarse  en  autores  de  la  primera  mitad  del  siglo  XVI  como 
Castillejo  y  Torres  Naharro*  Semejantes  comracciones  intro- 
ducian  nuevas  divergencias  en  îos  paradigmas  de  !a  conjuga- 
cioo ,  y  por  fuerza  desaparecieron  en  circunstancias  en  que  la 
lengua  tendia  i  uoiformar  todas  estas  inflexiones. 

m 

INFLEXION   EN    TES 

Al  comeozar  el  siglo  XVI,  en  el  pretérito  terminaba  esta 
persona  en  îes^  segun  vimos,  y  asi  se  halla  constantemente  en 
las  ediciones  hasta  fines  del  mismo  siglo;  mas  al  entrar  el 
siguiente  otra  vez  hallamos  i  Aldrete  desconforme  con  Ios  gra- 
miticos  citados.  Los  ûkimos  dan  la  forma  aotigua,  al  paso  que 
aquél  trae  amastis,  qoe  no  veo  mencionado  en  otra  parte,  pero 
cuya  autcndcidad  es  indudable.  Por  el  mismo  tienipo  dcbia  de 
estarya  bien  extendida  la  inflexion  actual  en  teis^  supuesto  que 
se  halla  en  on  despacho  original  de  i°.  de  Septiembre  de  1605 
(Bibl.  Nac.  de  Paris,  MS.  Esp.  60,  foL  190).  De  donde  podemos 
inferir  que  al  hacer  entrar  la  forma  antigua  en  el  movimiento  de 
uniformaciàn  que  se  venia  verificando,  hubo  un  a  vacilacîôc 
semejante  i  la  apuntada  arriba  con  respecto  a  las  que  finaliza* 
ban  en  âs^  es  :  unos  se  contentaban  con  igualar  la  vocal  final, 
otros  întroducian  el  diptongo;  prictica  esta  ultima  que  tcnia 
que  prevalecer,  por  cuanto  con*  clla  se  lograba  de  todo  en  todo 
el  objeto  i  que  tendia  la  lengua.  En  el  Quijote,  en  la  Dorotca  y 
en  las  Tablas  de  Cascales  no  se  halla  sino  ks  ;  en  la  ediciàn 


LAS    SECONDAS   PERSONAS   DE   PLURAL  83 

priDctpe  de  las  Novelas  (1613)  se  halla  aislado  un  hi^isteis  (foL 
^S  ^  )f  qu^  acasû  ha  de  atribuirse  al  impresor,  ni  Dids  ni 
roenos  que  un  habïasîeis  de  La  grau  Sultana^  jorn.  I,  que  esti 
como  consonante  de  pintastes  {Conudias ^  foL  rî8  v°,  Madrid, 
téij);  en  la  cdiciôn  de!  Persiks  ht'cha  en  Bruselas  en  i6r8, 
aparecen  topastas,  socarristeis  (pp.  470-1)';  en  cl  Teatro  de 
Gonzilez  Ddvila,  citado  arriba,  hay  dexasteis,  Revuehos  casi  en 
îgual  proporciôn  estdn  tes  y  teis  en  las  Ohras  de  Anastasio  Pan- 
tile<^n  de  Ribera  (Madrid,  1634)  y  en  la  l^ega  de!  Parnasoùc 
Lope,  Lo  misnio  puede  decirse  con  respccto  al  Criticôn  y  la 
Ci^rana  gôtica.  Se  cae  de  su  peso  que  la  forma  en  tes  desapa- 
rcciô  del  uso  comùn  como  segunda  persona  de  plural  por  el 
mismo  riempo  que  la  en  des^  supuesto  que  ambas  se  habian  ido 
alterando  en  virtud  de  un  mismo  impulso  hacia  la  uniformidad 
de  la  conjugaciôn. 

Calderôn  vacilaba  entre  tes  y  tis.  En  El  Mâgko  prodigioso^ 
comedia  «  compuesta  para  la  villa  de  Yepes  en  las  fiestas  del 
Santisimo  sacramento  ano  de  1637  »  (valiéndome  de  la  rcpro- 
duccitm  del  autografo  hecha  por  el  Senor  Morei-Fatio),  hallo 
ocaiionastcs  (p.  113);  mis  adelante  (p,  221)  esciiclmstes  ^  pero 
vtatasks^  que  va  primero  y  con  el  cual  consuena  esotro,  esti 
corregïdo  matastis  por  el  mismo  Calderôn;  y  loego  (p.  223) 
rim^n  fuistisy  distis  *.  En  la  jornada  IIl  de  El  Màiico  de  su  hnra 
iifxx^ct  tristes  como  consonante  d^  perdistes  (R.  7,  3580»  Y 
después  en  la  jornada  III  (R.  7.  360-  )  asuena  el  mismo adjetivo 
con  Jistiis  j  segiin  los  impresos;  pero  no  séria  temerario  créer 
que  el  original  diria  distis.  En  traslado  auténiico  hecho  4  fines 
del  sigio  XVn  de  una  declaratoria  real  sobre  las  preemincncias 
de  D.  Luis  de  Torres  y  Monsalve,  se  lee  supUcasiis^  presentastis 
en  parte  de  un  documente  de  16 17  copiado  en  1639,  y  en  el 
icîtto  mismo,  que  es  de  1683,  hay  dos  veces  probastis,  averi- 
guasth. 


1*  No  hay  para  que  decir  que  los  edîtores  moderoos  son  poco  esmerados 
en  este  pUDtû.  La  Academia  misma  en  su  magnffica  cdiciôn  del  Quijott  (cap. 
Il  de  U  II  parte ,  poco  dcpuiis  de  les  versos  v  En  tanio  que  en  si  vuelvc 
Akiiiâoni  »  dejô  posar  un  naasids  que  no  esti  en  lâs  ediciones  anteriores). 

3.  Fuistis  se  balU  en  tas  Obras  de  Gôngora,  foL  i^  v^  Madrid,  i6$4;  pero 
tn  U  edkîôn  de  1634  se  lee  fuistes, 


84 


R,    J.    CUEKVO 


IV 


OTRAS    FORAfAS    ANALOGICAS 


Como  coexisticsen  por  algûn  tiempo  las  formas  intégras 
esdrùjulas  y  sus  abreviadas  y  ademds  la  en  teis^  resuUù  una 
nueva  confusion,  y  fue  que  el  dfs  se  convirtiô  en  deis\  En  la 
instrucciàn  dada  por  Felipe  III  a  D*  Juan  Bautisra  Acevedo 
cuando  le  nonibrô  Présidente  de  Castilla  (Abri!  de  1608)  y  que 
copia  Gonzdtez  Davila  {ubi  supra ,  p,  385),  se  leen  enîcmUen'is  y 
pudieredeis,  La  tercera  parte  del  Criiicàn  (Madrid,  1657)  d^ 
repctidas  veces  la  oiisnia  forma.  En  El  panxido  en  la  carte  de 
Moreto  teo  atuviéredeis,  segun  trae  la  comedia  cl  tomo  XXXIX 
de  la  Biblioteca  de  Rivadeucyra  (p.  J 18'  );  como  el  editor  dice 
haber  tenido  à  la  vista  el  autografo,  séria  curloso  saber  si  asi 
consta  en  éL  En  un  auto  de  la  Nueva  Recopilacion  (1772),  que 
arriba  cité,  el  que  refundc  disposiciones  de  1671  y  1695,  se 
muestran  lado  i  lado  rmbiéredes  ^  îuviéredeSy  aUendiereis^  y  tuvU- 
redeis.  En  sonia^  este  modo  de  conjugar  debiô  de  scr  comûn  en 
la  segunda  mitad  del  siglo  XVII,  pues  en  los  numerosos  para^ 
digmas  de  la  gramdtîca  que  acompana  al  Diccionario  espaiiol  é 
inglès  de  J.  Stevens  %  son  estos finales,  salvopoquisimas  excep- 
ciones,  los  ùnicosque  figuran. 

Oiro  caso  de  la  action  analogîca  présenta  la  forma  disîedes  por 
disteSy  de  que  hay  ejemplos  en  el  Ronmneero  général  K 

Tampoco  dcbo  olvidar  cl  bogotano  anmisteiSf  nacido  de 
amàis. 


Unas  conjeturas  para  coricluir.  Se  han  explicado  las  locucio* 
nés  tu  corrisîes^  tû  lecasasieSy  en  vez  de  îû  farrisk^  tù  UçasasUy 


1.  En  el  romance  VIII  dt  Anastasio  Famaleôn  de  Ribera  se  hallan  junios 
fuiskh^UegasUh,  Unmsieis^y  tniràradfs^  UevàhadesiM^ànàf  ^634)* 

2.  A  new  Spanhh  and  EngUsh  Oiciiomiry . . .  byjohn  Stevens,  London,  1706. 
5,  Véase  ïa  nota  79  de  mi  ediciôn  de  b  Gramiiica  de  Bello.  Es  de  nour 

que  uno  de  estos  ejemplos,  que  en  el  Romancero  dice  «  Cantando  vivos  dolorcs 

I  Que  me  dhtfdes  un  dfa  j>  (R.  10.  1  se*»  ),  en  Gil  Vkente  se  lee  :  w  Cueman 

k)S  vivos  dolores  |  Que  me  dlsies  aqucîdia  «  (tomo  II,  p.  250,  edic.  de  1843). 


LAS   SECONDAS   PERSONAS   DE    PLURAL  8j 

como  resultado  de  la  influencia  de  todas  las  otras  personas  de 
sîngular,  que  acaban  en  s  :  corres,  casabas^  etc.  Sin  duda  que 
esto  tiene  muclio  de  cierto;  pero  acaso  séria  mas  exacte  decir 
que ,  habiendo  coexistido  las  dos  formas  en  ks  y  en  teis,  la 
ùltinia,  que  debia  su  origen  i  la  analogia  de  las  demis  personas 
del  plural,  se  fij6  en  esta  funciôn,  al  paso  que  la  otra,  al  irsc 
olvidando  su  primitivo  oficio,  en  fuerza  de  su  semejanza  coti 
las  de  singular,  vino  d  j  un  tarse  con  el  pronombre  //î.  En  apoyo 
de  esta  explicaciôn  se  ofrece  el  hecho  de  hallarse  varias  vecestal 
combinaciôn  en  Canizares  *,  lo  que  acerca  suficientemente  el 
use  moderno  aPantiguo  para  que  pueda  darse  por  no  interrum- 
pida  la  tradicion.  Como  quicra  que  sea,  esta  practica  es  comùn 
en  Aodalucta/^y  escritores  bien  conocidos,  y  aun  miembros  de 
la  Academia  de  Madrid»  oriundos  de  esa  région,  la  han  em- 
pteado  en  verso;  con  cuyo  ejemplo  Oegô  a  generalizarse  tanto 
en  Espana  y  en  America  que  dentro  de  un  mismo  periodo  se 
mezclaban  las  dos  inflexioncs,  antigua  y  moderna,  como  con 
las  de  plural  sucediô  en  tierapos  aiiteriores.  Para  citar  cjemplos, 
vayan  dos  de  épocas  difercnies,  el  primero  del  Conde  de 
Torrepalnia  (1706- 17 67)  y  el  scgundo  de  Zorrilla. 


Mis  flacos  miembros,  que  rendidos 

En  medio  del  camioo  concukastes; 
Sin  daftneni  consuelo,  estuvc  triste; 
Enfamo,  en  mis  doîcnctas  me  oivi- 

[dûstei; 
Anoche  en  yez  de  oraciôn, 
Dtscsperoda  en  el  lecho, 
£xba!asie  de  tu  pecbo 
Sacrdcga  mdldicîôn. 


Fcregrîno,  tû,  en  fia,  no  tnca^ogisU; 
Antes  el  dulce  suçno procurastes^ 
Halliadolo,  de  mi  bîeti  descuidado, 
En  bbndo  lecho,  en  pabel!(in  dorado. 
(BI  jttidû  Jinaî.  —  R,6f.  155^.) 

Que  en  el  cristal  trasparentc 
ContetttplasUs  aterrada 
Del  negro  crimen  grabada 
La  marca  infâme  en  la  frentc, 

(Obras,  tomo  I,  p.  8  ;  Paris,  1852.) 


Sin  embargo,  este  movimiento  parece  habersc  atajado  en  el 
lenguaje  Hterario  por  efecto  de  la  difusiôn  de  !os  estudios  gra- 
nuticales,  y  mds  por  la  censura  que  en  libres  didacticos  se  esta 


I ,  A  la  tnenos  en  edidones  de  comedias  sueltas  suyas  impresas  en  eî  siglo 
pisado  se  lee  :  tû  apelmUs  (El  Dcnnine  Uicas,  jora,  I),  /li  saîistes  {El  honor  da 
tntntdémiaUo  f  jorn.  III),  tù  tchastes  (La  rtiâs  ilmtn  fregotta ,  jorn.  II). 


È6  R,  J.  COERVO 

haciendo  tiempo  ha  de  esta  que  (si  no  se  généralisa)  Ibmaran 
los  gramadcos  corrupteli  intolérable  '. 

A  lo  que  parece,  dcbe  expitcarsc  de  otro  modo  el  uso  vulgar 
americano  de  la  forma  en  tes.  El  nominativo  /?î,  como  atinada- 
mentc  apunta  R.  Lenz  {Zciîsfhrîfî  fnr  romanisch' Philologie,  XV, 
522),  ha  caido  en  olvido  entre  el  pucblo  de  Aniérica  y  cedido 
cl  poesto  i  vos^\  de  suertc  que  con  toda  regulartdad  se  dice, 
valîéndosc  de  las  antiguas  inflexiones  vulgares  castellanas  :  vos 
tomàs^  eorràj  dccis^  sos^  comas ^  saqids^  vengàs^  y  por  lo  misrao 
Hevastesj  îrujistes,  A  semejanza  de  estas  hubieron  de  forjarse  vos 
andabasy  Unlas^vinierasy  que correspondeo  ilasacabadas  de  men- 
cionar  como  andabats ,  ieniais,  vinierais  a  andâis,  leuéis^  ifcrigùis* 

R.   J.    CUERVO. 


f .  Es  sitigukr  que,  habiendo  publicado  Qiiintana  con  toda  correcciôn  en 
la  coiccciàn  de  Femândcz  el  romance  que  comienza  «  Mira*  Zaîdc,  que  te 
aviso  n  (tomoXVl,  p,  190),  en  las  varias  edicioncs  del  Ttsoro  iM  Parnasù 
ispanoî  (iSoji  1830,  1861  )  liaya  salido  afeada  esa  composiciôn  con  el  revol- 
tillo  de  que  nos  à\6  mutstra  Zorrilla  i  fà  iupUU,  saltste^  bichtt^  hichtcs,  ffu^ 
nasUs^  dfsaftastt'u  Ni  es  diOcil  aducir  otros  casos  de  igual  corruptela,  Por 
ejemplo,  Scfo  puso  bien  quisiste  traducicndo  el  Evangeîio  de  San  Maieo,  XI , 
50;  pero  en  h  edicidn  de  Parfs,  1846,  cl  cajista  lo  convirtiii  en  quishta. 

2.  No  es  improbable  que  semejante  predoniinîo  de  tw  sobre  hï  provcnga 
del  empico  que  del  primera  se  hacfa  al  liablar  con  infcrîorcs,  b  cual  serfa 
buen  argiiracnto  de  la  mancra  como  los  peninsulares  trataban  i  los  indios  y 
criollos.  A  los  coniprobantes  »  que  de  este  us<>  de  vos  cstin  cîtados  en  las 
ApimtacioHfs  criiicas  sohre  cl  Icttguaje  k\uitafto  ^  S  306,  agrcgsr^  el  siguienic  : 
«  Como  un  caballero  valcroso  y  generoso  ,  aunquc  mal  criado,  le  oyese  yo 
siemprc  deciri  cada  uno  con  quien  bablaba,  vûs^  tm,  y  él^  f7,  y  que  nunca 
dccia  m^rced,  dijele  yo  :  Por  mi  vida,  senor,  que  pienso  mu  chas  vcces  entre 
mi  que  por  eso  Dîos  ni  cl  Rey  nunca  os  hacen  merced,  porque  jamis  lîamâis 
à  ninguno  tm^cùî.  Sintiô  tanto  esta  palabra,  que  dcnde  en  adelante  paré  cl 
dcdr  VP5,  y  lïamaba  i  todos  nterad,  ^  (Guevara,  EplsL  fam.  i.  25.) 


LES  MANUSCRITS  DE  BERTRAN  BOYSSET 

(Suite) 


II.    RECUEEL   DE    MORCEAUX   VARIÉS 
(MS.    de  m.    PAUL  ARBADD) 

Les  dernières  lignes  de  la  chronique  de  Bertran  Boysset  se 
rapportent  à  un  événement  qui  eut  lieu  le  19  février  1415 
[nouveau  style),  l'entrée  à  Tarascon  de  la  reine  Yolant,  femme 
ïu  roi  Louis  II,  comte  de  Provence  *.  Boysset  avait  sans  doute 
dépassé  la  soixantaine.  La  naissance  du  premier  de  ses  onze 
enfants,  sa  fille  Marie,  est  marquée  dans  la  chronique  au 
10  février  1573  (nouveau  st.),  et  celle  du  dernier,  Hoguet,  au 
23  avril  1393*.  Par  conséquent,  à  supposer  qu*il  se  soit  marié 
jeune,  selon  l'usage  de  son  temps,  il  ne  peut  guère  être  né 
plus  tard  que  1350.  Le  goût  de  la  httératore  paraît  lui  être 
venu  de  bonne  heure.  C'est  en  1389  ou  1390  qu'il  commença 
à  tenir  note  de  ses  dépenses  et  des  événements  de  son  temps 
dans  le  livre  maintenant  conservé  à  Gênes  qui  est  comme  le 
premier  jet  de  sa  chronique  î,  revenant  occasionnellement  en 
arrière  jusqu'en  1365  ^  pour  insérer  des  documents  qui  lui 
paraissaient  bons  à  conserv*er.  Mais,  bien  avant  1389,  il  s'était 
montré  curieux  des  choses  littéraires  en  transcrivant,  dans  un 
livre  qui  nous  est  heureusement  parvenu ,  un  certain  nombre 
d'opuscules  provençaux  dont  quelques-uns  seraient  irrémcdia- 


t.  Lp  Mufèt^  tamt  arîésiennt  Ust&riqu€  et  HUéraire^  année  1877,  p.  160. 
2.  LsMu^t  anoéc  1877,  p.  204  ;  cf.  le  mémoire  de  M.  Novatî,  Romam'û, 
XXÎ,  Sî6, 

j.  Voy.  Tarticle  précité,  Romania,  XXI,  531,  550,  SSI- 
4.  Eomania^  XXI,  564. 


88  P*    MEYER 

blement  perdus  s'il  n'avait  pas  eu  soin  de  nous  les  conscn^r.  Ce 
livre  est  un  manuscrit  en  papier,  de  71  feuillets,  qui  a  appartenu 
jadis  à  Monmerqué  '  et  qui  maintenant  fait  partie  de  la  riche 
bibliothèque  de  M.  Paul  Arbaud,  d*Aix.  J'aurai  peu  de  choses  à 
en  dire,  M.  Chabaneau  1  ayant  décrit  en  détail  =  et  en  ayant 
publié  plusieurs  morceaux. 

Je  me  bornerai  donc  à  Vappeîer  que  ce  ms.  a  été  exécuté  à 
diverses  reprises,  de  1375  h  1375»  et  qu'il  contient  : 

i^  Fol.  I  à  23,  un  texte  provençal  du  Livre  de  Sidrac^  diffé- 
rent de  celui  qui  se  lit  dans  le  ms.  de  la  BihL  nat.  fr.  1158. 
Cest  une  traduction  du  français. 

2*"  FoK  25  r**  et  v*",  quelques  coblas  de  Bertran  Carbonel  de 
Marseille.  ^Ê 

3°  Fol.  24  à  29  V**,  une  rédaction  de  VEnfant  sage,  ou  dia- 
logue d'Adrien  et  d*Epictète,  difTérente  des  deux  rédactions 
jusqu^ici  connues  en  provençal.  De  ces  deux  rédactions,  Tune, 
assez  courte,  est  imprimée  dans  les  Denhuttlcr  de  M.  Bartsch 
(pp.  306  et  suiv.)  sous  le  titre  de  Episcopus,  dcclaranuns  de  mot  as 
detnandas,  d*apràs  une  copie  unique  que  contient  le  chansonnier 
La  Vailière.  L* autre  a  été  rencontrée  jusqu'ici  en  trois  mss.  dont 
j*ai  donné  l'indication  dans  le  Bulklhi  de  la  Société  des  anciens 
textes  fra finals j  1875,  p.  72.  A  cette  rédaction  se  rattache  la  ver- 
sion catalane  récemment  publiée  par  M.  Pages  dans  les  Etudes 
romanes  dédiées  à  Gaston  Paris  (189 1),  pp.  183  et  suiv.  Le  texte 
copié  par  Boysset  est  certainement  diffèrent  des  deux  rédactions 
connues  jusqu'à  présent.  Toutefois  il  est  notablement  plus 
près  de  la  version  la  plus  longue  que  de  la  plus  courte. 
Pour  aider  à  des  recherches  ultérieures  sur  [origine  et  les  rap- 
ports de  ces  divers  textes,  je  vais  imprimer  le  commencement 
et  la  fin  de  cette  sorte  de  dialogue  d'après  la  copie  de  BoyssetH 
plaçant  en  regard  les  parties  correspondantes  de  la  version  pro- 
vençale la  plus  rapprochée,  celle  qui  se  trouve  dans  trois  mss. 
entre  lesquels  je  choisis  le  ms.  BibL  nat,  fr.  1745  K 


I.  N»  2789  du  catalogue  de  ses  livres  {1852);  voy.  Romania,  XVII,  14; 
3,  Rnnt£  des  langues  romanes,  4e  série,  II  (1888),  473  et  suiv. 
3,  J'ai  publié  dans  le  BuUttin  de  1875  (p.  73)  le  commencement  de  la 
même  version  d'après  le  ms,  Bibl.  nat,  fr.  25415»  ^^  le  texte  est  iocompîct 


I 


de  U  fin  par  suite  de  la  perte  d*un  fcuîllci. 


LES  MAKltSCRlTS  DE  BERTRVN   BOYSSET 


89 


COFIB  DE  BOYSSET. 
Uo  enfant  fôn  apellat  Apitus;  fon 
comandat  a  ,j.  iirchîveSi^uc ,  et  aqud 
archivcsque  comandet  lo  al  patriarcha 
dcjherusalcm,  el  patriarcha  de  Jheru- 
salein  trames  lo  a  .\,  savi  duce  humil 
c  plus  eotcndut  de  savisa  que  fos  en 
rota  la  icra  d'Orient  \  Cant  Tenfant 
fon  vcngut  ad  aquella  sieutat  on  era 
aquel  savi  duc,  las  gens  auziron  de 
Tenfam  parlar,  Adonc  dysseron  -iij. 
cavallies  d'aquel  savi  duc  que  cls  l'âne- 
ron  vcxcf.  E  tantost  con  el  los  vi  e  el 
los  conoc,  c  saludet  îos,  e  els  luy.  E 
adoncs  els  lo  meneron  davani  lo  duc  ; 
e  quant  Tenfan  fon  vengut  davant  lo 
duc,  el  lo  près  a  regarda  r  e  dcmandet 
\\i  n  Enfint,  per  quai  razon  ycst  ven- 
•  gut  aysy  *  ?  n  L'enfant  respont  : 
«  Ycu  soy  vcngut  de  mon  payre  e  de 
m  ma  mayre,  e  suy  engenrat  de  man- 
«  damem  de  nosirc  Senlior  Dieu ,  e 
9  suy  vengut  pour  cndoctrinar  e  pcr 
«  casttar  los  homes  nçgligcns  c  non 
«I  cntendens  de  savtxa.  »  Cascuns  dis 
a  Teofant  :  «  Yes  »  tu  sa  vis  ?  »  Uen- 
fani  responi  :  cr  Aqucl  es  sa  vis  que  si 


B.  N.  FR»  1745,  FOL,   isî* 

Hieu  era  apeïlat2  pcr  nom  petiu 
efans,  fuy  comandatz  ad  .j,  arci- 
vcsque,  c  Tarcivesque  comandeu  '  lo 
ai  patriarcha  de  Jherusalem,  el  pa* 
trîarcha  trames  lo  ad  .j.  duc  que  era 
homs  de  grans  saviesa  cl  mays  enten- 
du t^  home  que  fos  en  toi  as  las  parti- 
das  d'Oricn.  E  quant  aqucll  efan  fo 
vcngutz  en  la  ciutatz  hon  era  aquell 
duc ,  no  vole  denant  luy  venir.  E 
disccndcro*  s'en  Jij.  cavaliers  que 
cran  dcnan  lo  duc  :  «  Aquell  no  nos 
</  conoyss  ;  anem  lo  vezer  e  saludar.  » 
E  quantz  Ij  foron  dcnan  vengutz, 
de  m  an  de  ron  li  :  <r  Efan ,  don  les  tu 
«  vengutz?  »  L*efan  dis  :  «  leu  soy 
«f  vengutz  de  mon  payre  e  de  ma 

V  mayre ,  c  soy  eugenratz  e  crcatz 

V  del  mandamens  de  nostre  scnhor 
«  Dieu  s.  B  Los  cavaliers  demande* 
ron  li  perque  cl  era  aqui  vengutz»  E 
Tcfan  rcspondctz  :  «  leu  soy  ayssi 
(t  vengut/  per  endoctrinar  e  per  cas- 
u  tiar  los  homes  necgligens  e  no 
n  entendutz  de  saviesa.  »  Et  cils  dis- 
sero  H  :  «  Doncs  ies  tu  savis?  w  L'cfan 


Ir  Le  ^  est  souvent  employé,  dans  ce  ms, ,  comme  un  pur  ornement. 

2.  Il  est  visible  que  la  copie  de  Boyssct  abrège.  Toutefois  elle  a  conserve 
à  peu  pri*5  le  nom  de  Tenfant^  Apihts  (Epictète),  déplora blemeni  corrompu 
dans  les  autres  textes  provençaux.  Le  ms,  derArscnal  (Bniktin,  p.  73)  porte  ; 
Hui  era  apeiat  ./•  P'f^f  (/<"''  ;  le  ms.  2441 5  :  //«  era  apeUmi^  per  mm  e  per  petit 
efan.  Le  ms.  1745,  ayant  commencé  par  hieu  (je),  a  dû  mettre  le  verbe  qui 
suit  Â  la  première  personne  (/«y  cùtnanâalx)*  Il  faut  probablement  corriger  Us 
gfmis  era  apdati  per  nom  Epitus.,.  Le  texte  catalan  a  conservé  le  nom  de  Ten- 
^t  ;  «  Una  vegaâafon  un  infant  que  havia  nom  Epi  tus. 

j.  G>rT.  dissero. 

4.  Cette  question  o*est  pas  à  sa  place  et  ne  concorde  pas  avec  la  réponse, 
V^oir  Tautrc  texte. 

5.  Ecrit  ;«f  avec  une  barre  sur  ces  deux  lettres. 


90  ~m^^F-  p.    MEYER 

«  meseys  caslia.  »>  Et  ayso  fon  â'\g  a  lurdi  :  «  Aquellessavis  que  se  meicys 
Temper^idor  x\drian.  Vcmpcrador  H  castia.  »  Aysso  fou  comtatz  2.  l'em- 
dcmanda  :  «  Enfant,  corn  es  fach  lo  perador;  eloemperador  mandetz  que 
«  ccl?...  »  rtfan  fezcs  liotn  venir  denantzse... 

Voici  maintenant  les  dernières  lignes  : 


Copie  de  Boysset,  fol.  29. 

LVmperador  demanda  :  «  Crczcs  m 
<c  que  nostre  senlior  Dieu  Jhesu  Crist 
•t  venges  en  k  verges  sancta  Maria, 
♦<  e  qu*el  nasquet  de  luy  veray  Dieu  e 
«t  veray  homs?  »  Uenfant  respon  : 
«  Hoc.  »  —  E  crezes  tu  qu'el  sufri 
ft  fatn  e  set  e  autras  tribulations  per 
if  nos  pecados  rezemcr?  n  L'enfant 
reapon  :  a  Hoc.  —  E  crezcs  tu  qu'el 
V  près  mort  e  pado  en  la  sancta  veraîa 
«  cros  per  nos  salvar?  »  Uenfant 
respon  :  «  Hoc.  —  E  crezes  tu  qu'eJ 
«i  resussiiet  lo  jom  de  Pas  cas ,  e  que 
K  lo  jorn  de  Tacencion  s'en  pu  jet  cl  cel 
it  e  lo  jorn  de  Pandccosta  trames  lo 
«  Sant  Speritz  als  sieus  decipols?  »* 
L*enfant  respon  :  «  Hoc.  —  E  qu'el 
n  venra  donar  son  jujamcnt  afs  bons 
n  et  als  mais  en  ïa  val  de  Jozaphat ,  c 
«  qu*el  als  bons  dara  vida  de  glona 
«  per  tostemps  mays  el  sieu  sant 
«t  paradis,  e  los  mais  mandara  anar  en 
«  cnfern,  don  yamays  non  ysseran  ?  » 
L  entmt  respon  :  #  Hoc*  0 

Ar  prcguetti  nostre  senhor  Dieu 
Jhesu  Crist  e  la  verges  Santa  Maria 
que  nos  meta  el  gaug  de  paradis ,  lay 
on  tug  li  angel  son.  A  Dieu  plassa! 
Amen, 


B.  N.  fr.  174s,  FOL.  is6B, 
Lo  emperador  demanda  :  «  Ço 
crczcs  tu  que  Nostre  Senhor  %*enc  c 
nostra  dona  sancta  Maria  en  près  carn 
humana  e  nasquetz  d'ela  vers  Dieus 
e  vers  horas,  que  sufri  fam  e  sctz  et 
autres  trebalhs,  e  près  mortz  c  passio 
per  nos  autres  peccadors  a  salvar? 
L'efan  dis  ;  <»  Hoc,  et  encaras  crezi  bc 
(f  ferma  m  en  que  resuscitctz  lo  jorn  de 
«  Pascasc  que  s'en  pojetz  el  cel  lo  jom 
fi  de  la  ascentio  vcsiblamen  dcn3[n]tz 
«i  los  apostols,  cl  dia  de  pentacosta  tra- 
ie mes  lo  santz  Espcriu  sobre  so  discî- 
«  polse  que  d*a  qui  venra  darlo  juzizi 
«  als  bos  étais  mais  en  la  va  II  de  Joza- 
<t  phau,  ails  bos  vida  per  tostemps 
«  iiia)'S,  en  paradis,  et  als  mais  pena 
«  e  turmcn  per  tostemps  mays.  »  Aras 
preguem  Dicus  nostre  senhor  e  nostro 
dona  sancta  Maria  que,  per  la  sua  gra- 
cia» nos  gar  de  las  pcnas  de  ifem,  c  que 
nos  meta  en  paradis  hors  son  los  amicz 
cieus  fizels.  Amen. 


4°  FoL  }o  à  50,  une  sorte  de  roman  en  vers  très  ir réguliers 
que  M.  Chabaneao  a  poblié  dans  la  Ra^ue  des  langues  roinanes, 
4'  série,  II,  480  et  soiv.,  sous  le  titre  de  Roman  d'Arles,  Comme 
Ta  montré  réditeiir,  il  y  faut  reconnaître  trois  parties  distinctes, 


LES    MANUSCRITS    DE    BERTRAN    BOYSSET  9I 

h  légende  du  bois  de  k  croix',  une  version  de  la  Vindicta 
Sahaioris^^  enfin  une  sorte  de  chanson  de  geste  peu  ancienne 
sur  la  prise  d'Arles  î. 

5**  Fol.  50  v°  à  69 ,  la  vie  en  vers  provençaux  de  sainte  Marie 
Madeleine,  publiée  d'après  ce  ms.  par  M,  Chabaneau,  dans  la 
Reim  précitée,  3'  série,  XI  (1884),  157  et  suiv.  On  sait  que 
j'ai  trouvé,  dans  un  ms*  d^Ashburnham  place,  volé  à  Tours  par 
Libri,  une  copie  plus  ancienne  de  cette  même  vie*. 

Les  fol.  69  v**  et  70  contiennent  divers  dessins.  Suit  un 
feuillet  isolé  qui  devait  à  Toriginc  être  indépendant  de  notre 
ms.  et  dont  je  parlerai  tout  A  Theure, 

Ce  ms.  a  été,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  écrit  à  diverses 
reprises.  Boysset  a  daté  trois  des  parties  dont  il  se  compose. 

La  première  des  trois  dates  se  trouve  au  fol.  23  V*,  à  la  suite 
des  coblas  de  Bertran  CarboneL  M,  P.  Arbaud  ayant  eu  l'obli- 
geance de  me  communiquer  son  manuscrit,  j*ai  fait  repro- 
duire en  héliogravure,  par  M.  Dujardin,  ce  verso  et  le  recto  do 
feuillet  24.  Ce  fac-simîle  forme  le  n"  356  de  la  collection  des 
héliogravures  de  l'Ecole  des  Chartes*  Je  juge  inutile  de  joindre 
ici  un  tirage  de  cette  planche  ;  je  me  borne  à  faire  faire  un 
report  des  lignes  qui  contiennent  la  date  en  question  : 

Fînito  rairumdo  sit  laus  et  glorîa  Christo, 

Qjii  escripstt  scribat,  scmper  cum  Domino  vivat  <  f 

Anno  Donûni  niillcsimo  .ccc.  .kx.  secundo,  die  .xiij,  mensis  junit,  fuit 
feoitum  istud  romancion  ad  honorem  Dei  es  mater  ejus,  qua  Bertrandus 
B.  escripsit  totum,  etc* 


Sur  celte  légende,  voy,  Rotmnia^  XV^  pé. 

CT,  ButUtirt  d«  la  Soc.  (Ui  auc.  textes,  1875,  p.  5}. 
j.  Le  romm  de  Tersin,  que  j*ai  publié  en  1872  dans  le  premier  numéro  de 
ia  Remania ,  nVst  autre  qu'un  remaniement  rcccnt  d'une  partie  de  ce  potmc 
de  la  prise  d'Arles,  avec  des  additions  prises  d'ailleurs. 

Romania^  XIV,  52 >. 

Cf.  la  souscription  fort  analogue  insérée  par  Boyssct  dans  la  première 
rédactioQ  de  sa  chronique,  Ramania^  XXI,  5 $5. 


9^ 


p.    MEYER 


10  * 


rumine  VtuAr*  cf -- 
W»^*'  T/s^  ^/^V=^  "^^ 


Il  restait  un  peu  de  blanc  au  dessous   de  la  date  :  Boysset 
l'a  utilisé  trois  ans  après  en  y  écrivant  la  mention  de  la  nais- 


LES    MANUSCRITS   DE    BERTRAN    BOYSSET  93 

sance  de  son  quatrième  enfant,  Jaumet,  né  le  s  décetnbre  1377 
et  baptisé  le  même  jour'*  Il  est  bien  certain  que  cette  note  a 
été  inscrite  aussitôt  après  le  baptême,  à  un  moment  où  Boysset 
ne  tenait  pas  encore  son  jouroaL  Plus  tard,  il  reporta  dans  ce 
journal  les  mentions  de  ce  genre  soit  de  mémoire,  soit  d'après 
des  notes  éparses,  mais  dans  le  cas  présent,  il  commit  une 
erreur  qui  se  trouve  répétée  dans  tous  les  mss,  de  sa  chronique. 
Il  assigna  la  naissance  de  ce  Jaumet  au  10  mars  1377,  c'est- A- 
dire  1378  du  nouveau  style '.  Or  cette  date  n'est  guère  vrai- 
semblable si  on  considère  que  le  25  novembre  suivant  Boysset 
eut  un  cinquième  enfant  K 

La  deuxième  date  se  trouve  i  la  suite  de  V Enfant  sage,  au 
fol.  29  V.  Elle  est  conçue  en  ces  termes  : 

Knno  Domîni  mUlesimo  .ccc.  Ixx,  tercio»  die  .xiij.  mensis  mardi,  luit 
fcnitum  ïstud  romand u m  ad  honorem  Del  es  (sic)  miter  ejus,  qua  {sk) 
Bcrtrando  Boysseti  escripsit  totum,  etc. 

Enfin,  à  la  suite  de  la  vie  de  sainte  Marie  Madeleine ,  au 
fol,  69,  il  y  a  une  troisième  date  rédigée  dans  le  même  style  : 

Anno  Domini  tnilksîmo  .cccUxv,,  die  Jîij.  mensis  augusti,  fuit  tinitum 
istud  romandum  ad  honorem  Dei  et  mater  cjus  et  ad  honorcm  beaie 
Magdalene.  Quam  Bertrando  Boysscti  esciipsit  totum,  etc. 

Le  ms.  a  donc  été  exécuté  de  1372  à  1375. 

J'ai  dit  plus  haut  (p.  91)  qu'à  la  fin  du  ms,  de  M.  Arbaud 
était  relié  un  feuillet  isolé,  non  paginé  (ce  serait  le  fol.  71),  qui 
devait  être  originairement  indépendant  du  ms.  auquel  on  l'a 
annexé.  Ce  feuillet,  qui  est  de  la  main  de  Boysset,  contient 
57  vers  de  la  vie  de  saint  Trophime,  évoque  d'Arles.  J'ignore  à 
quel  moment  il  a  été  rattaché  au  ms.  de  M.  Arbaud,  mats  ce 
qui  porte  à  croire  qu*il  est  tiré  d'un  ms.  dont  il  est  le  seul  débris. 


1 .  Boysset  eut  trois  fils  nommC^s  Jaumet ,  ce  qui  suppose  que  les  deux 
premiers  moururent  jeunes.  Il  s*agit  ici  du  second, 

2.  Pour  le  ms,  des  Trinitaires  (Giînes),  voy.  Le  Musée,  1877,  p.  204;  pour 
celuî  que  nous  a  conservé  la  copie  de  Bonemant,  ihid.,  p.  13  ;  ms.  de  Paris, 
f.  niiij. 

3.  Lt  Musft\  Î877»  pp.  14  et  204. 


94  P-    MEYER 

c'est  qu'il  était  d'un  format  un  peu  plus  grand.  Par  suite  les 
commencements  des  vers,  au  verso» ont  été  entamés  par  le  cou- 
teau du  relieur  *. 

Si  le  reste  de  cet  exemplaire  de  la  vie  de  saint  Trophiaie, 
transcrite  par  Boysset,  nous  manque,  nous  avons  du  moins 
conservé  de  ce  même  exemplaire  une  copie  exécutée  en  1619 
par  un  certain  Louis  Ferricr, 

Cette  copie  forme  une  mince  plaquette  in-S"*  conserv^ée  à  la 
Bibliothèque  nationale  sous  le  n*  IJSM  ^^  fonds  français 
(ancien  soppl.  fr.  3213).  Celui  qui  Ta  faite  nous  a  fourni  sur 
le  ms.  dont  il  s'est  ser\à  quelques  renseignements  ^  La  copie 
est  passablement  exacte ,  autant  que  nous  en  pouvons  juger  par 
la  comparaison  avec  le  fragment  original  joint  au  ms,  de 
M.  Arbaud.  Elle  nous  a  conser\^é  la  souscription  que  Bo)^set4 
selon  son  invariable  et  louable  habitude,  avait  placée  i  la  fin  de 
son  travail.  Voici  cette  souscription,  qui  est  particulièrement 
curieuse  : 

Annû  Dominl  millesîmo  ccclxxiit^  die  .xxvij.  mensis  febroani,  fuit  feciituni 
seu  escriptum  totum  hium  romancium .  seu  vita  beatissimi  Trophimi ,  qua 
escripsi  ego  Bertrandus  Boysseti  totum»  qua  illa  die  vinhcbat  ^  nimis  fortilcr, 
quia  habebat  bene  de  espiso  Si\.  palmos  et  magis.  Antequam  fuisset  ïcgata 
tota  fueruQt  crasacci^  bene  .xv.  dies.  Ffioito  libro  sit  laus  et  gloria  Christo. 
iVmen.  Qui  cscripsil  escribat ,  semper  cutn  Domino  vivat  !  Vivat  in  selis 
Bertrand  us  Boysseti  que  nomioe  felix.  Amen. 

La  chronique  de  Boysset  mentionne  cette  neige  abondante  à 


t.  Cf.  Chabaneau.  Rtvtu  dis  langues  ronmtus^  4*  série,  II,  477. 
2.  On  lit  en  effet  à  la  fin  de  la  note  qui  suit  : 

Le  ircntiesmt  jour  du  mois  de  mars  mil  six  cents  dix  s«pt,  Anthoine  Agztà,  mststre 
orfcbvrc  de  cesic  ville  d^Arles,  a  preste  *  moy  Lonys  Février  un  aniien  livre  ôrigîii»!» 
couvert  de  pargerain ,  contenant  Thistoirc  de  sainct  Trophime ,  prcmiçr  evcsque  de  U 
dite  ville,  aui  premier  et  dernier  feuillets  duquel  messire  Dacorti,  pdii  abbé  du 
monasuirt  Sainct  Pierre  de  Montmajour  et  d*aatres  abb^s  ses  devantiers  sont  si^és,  et 
mr  îceluy  ay  £aia  cest  extraici,  y  observant  par  tout  t'orthogmphe  et  abrcvUtioii  des 
mots  trouvées  au  susdit  original  escript  et  signé  de  la  main  de  Bertrand  Boysset. 

L*abbé  de  Montmajour,  meniionn<ï  dans  cette  note,  est  Guillaume  de 
Ccni,  i6ochi6ii  ;  voy,  GaUia  QmUùma,  ï,  1617-8. 
|.  5*t*,  lire  nitigiubat  ou  mwhat? 
4^  Sk^  liie  passait. 


LES   MANUSCRrrS  DE   BEKTRAN   BOYSSET  95 

peu  près  dans  les  mêmes  termes*.  Or,  si  on  admet  (cf.  plus 
haut,  p.  87)  que  notre  Arlésien  n'a  commencé  à  écrire  le  livre 
conservé  actuellement  à  Gènes  que  vers  1389,  il  faut  cependant 
supposer  qu'avant  cette  époque  il  tenait  note,  en  quelque  autre 
livre  ou  sur  des  feuilles  volantes,  des  événements  de  son  temps. 

Le  ms.  13514  a  été  copié  pour  Sainte^Palaye.  Cette  copie  est 
conservée  à  la  Bibliothèque  de  T Arsenal  sous  le  n^  3309  (ancien 
B.  L.  Fr.  140),  jointe  à  une  copie  partielle  du  Brnnari  d'aniûrs 
d'après  les  mss.  Bibl.  nat.  fr,  858  et  i6or  ^  Raynouard  s'en  est 
servi  pour  son  Ltxiquc  roman,  M.  Bartsch  a  connu  le  ms.  15514 
et  en  a  tiré  le  morceau  de  la  vie  de  saint  Trophime  qu'il  a 
inséré  dans  sa  Chrestomathie  provençale  L  II  y  a  jointe  dans  sa 
quatrième  édition,  les  variantes  d'un  ms.  de  Naples  dont  il  ne 
donne  p2S  la  cote-  Ce  ms.  de  Naples  est  un  volume  in*4*',  de 
49  feuillets,  écrit  au  xvni*  siècle  (coté  I.  G.  40).  La  vie  de 
sakit  Trophime  en  occupe  les  neuf  derniers  feuillets;  les  qua* 
Tinte  premiers  renferment  une  version  de  Tévangile  de  l'enfance. 
J'ai  déjà  eu  occasion  de  dire  4  que  cette  copie  de  Tévangile  de 
l'enfance  avait  été  faite  d'après  un  ms.  de  la  bibliothèque  du 
comte  d'Ashburnham  *, 

J'ajoute  que  le  même  ms.  contient  à  la  suite  de  Tèvangile  de 
Tenfance,  du  fol.  33  v*"  au  fol.  38  et  dernier,  la  vie  de  saint 
Trophime. 


1.  Ms.  de  Gènes,  fol.  34  v^  {Kômania,  XXI,  535);  ms.  de  Paris,  foL  xiiîj  v«»; 
{U  Muséf»  p.  i4)<  Voici  le  texte  du  ms.  de  Paris  : 

ittm,  Vàn  MXCcAxnix,,  lo  jorn  .Mvi).  de  febricr,  ocvct  en  Arle  o  en  soa  tcrnâoï 
ttat  fort  qu«  fon  espesa  tics  pds  e  plus;  et  davant  que  fos  Icguada  foron  pasatz  .xv. 
|qnu  e  plus, 

2.  M,  Martin  a  omis,  dans  son  catalogue  des  mss.  de  TArsenat,  de  men- 
tîoitner  la  copie  de  la  vie  de  saint  Trophime,  mais  cette  indication  se  irouve 
diQf  le  catalogue  manuscrit  de  D.  Poirier,  et  par  suite  dans  Vlmentairt  imn- 
main  tUs  Biblwtftèques  de  Francr  de  M.  UL  Robert,  p.  116. 

J.  4«  édition,  coL  391-4. 

4.  Romania,  XJV,  307. 

5,  N'»  105  des  rass.  vendus  i  lord  Ashbumliam  par  Libri.  Ce  ms.»  dont 
Torigine  n'a  pu  être  constatée  d'une  façon  certaine,  n'a  pas  tHé  réclamé  par  la 
France.  Il  fait  partie  des  mss.  Libri  acquis  par  Tltalic.  On  en  trouvera  la 
description  dans  les  bdici  e  Cataîoghi  publiés  par  le  ministère  italien  de 
rmsiruction  publique,  série  VIII,  /  codici  AMmnihamiûni  dcUa  R.  hihîhiaa 
M^dic^xyLaurm^iam,  sous  le  n*»  38,  Les  rédacteurs  de  ce  catalogue  ont  laissé 


jé  P.    MEYER 

Nous  connaissons  Boysset ,  chroniqueur.  Nous  avons  vu  en 
lui  un  homme  d*ûne  iostmction  limitée,  mais  d'un  esprit 
ouvert,  un  bon  Provençal  attentif  à  rhistoire  de  son  temps  et 
de  son  pays,  tenant  note  des  événements  qui  se  passaient  sous 
ses  yeux  et  copiant,  poor  son  usage  personnel,  des  écrits  en 
langue  vulgaire  offrant  soit  un  intérêt  général,  soit,  comme  le 
Roman  d* Arles  ou  la  vie  de  saint  Trophime,  un  intérêt  spécia- 
lement arlésien,  Noos  allons,  dans  le  chapitre  suivant,  le  voir 
apparaître  sous  un  aspect  nouveau  et  qui  n'est  pas  le  moins 
curieux. 


IIL     TRAITÉS  d'arpentage 
(ms.  de  carpentras  no  325) 

Livre  en  papier,  composé  de  31e  feuillets  écrits'  et  de 
quelques  feuillets  blancs  non  compris  dans  la  pagination.  Hau- 
teur de  chaque  feuillet  :  215  """";  largeur,  148.  Ce  ms.  est  tout 
entier  de  la  main  de  Bertran  Boysset.  Il  est  difficile  à  décrire 
parce  qu'il  n'a  pas  été  écrit  tout  d'un  jet',  et  de  plus,  Boysset 
a  fait  à  son  œuvre  des  additions  qui  ne  s'intercalent  pas  tou- 
jours i  leur  vraie  place.  En  outre,  la  reliure,  qui  est  moderne, 
n'a  pas  été  surveillée  avec  soin,  et  diverses  transpositions  se 
sont  produites.  Les  feuillets  doivent  se  lire  dans  Tordre  qui  suit  : 

échapper  dans  leur  description  une  erreur  bien  singulière.  Il  y  a  à  la  fin 
de  révangile  de  Tenfance,  A  M  E  N^  les  cinq  lettres  séparées.  Ils  ont  lu  ///au 
lien  d'Mt  C  au  lien  d'£,  et  //  an  lieu  dW,  et  ont  transcrit  A  :  iij  :  C  :  ij, 
ajouiam  entre  parenthèses,  1502 111  Comparant  les  extraits  rites  avec  la 
description  que  j*ai  prise  de  ce  ms.  chez  le  comte  d'Ashbumham  en  1865, 
j'y  trouve  bien  d*autres  fautes  de  lecture, 

I,  Je  suis  la  pagination  moderne,  qui,  du  reste,  n'est  pas  faite  avec 
méthode.  Elle  comprend  un  des  feuillets  de  garde  où  se  trouve  une  sorte  de 
titre  en  provençal  moderne,  et  ne  tient  pas  compte  du  feuillet  blanc  qui  suit, 
II  aurait  fallu  remettre  les  feuillets  en  ordre  avant  de  les  paginer.  Il  existe  une 
ancienne  pagination  en  chiffres  romains  qui  s*étend  jusqu'au  n«  cxxstxv 
(î6t  de  la  nouvelle  pagination),  et  que  je  croîs  de  la  main  de  Boysset.  J'aurai, 
plus  loin,  occasion  de  m'y  référer. 

a.  La  série  de  comptes  faits  qui  commence  au  fol.  66,  voir  ci-après,  p.  ni, 
est  datée  du  15  décembre  1401  ;  le  traité  é'atnmemr  qui  occupe  les  ff.  îo6  k 
141  est  daté  du  8  janvier  1405  (1406  nouv.  st.^  ci-après  pp.  uj  et  116);  il  y 
%  au  foL  8  V"  (ci-après,  p.  loo)  une  addition  du  16  mars  1405  (1406  nouv.  st.). 


LES   MANUSCRITS  DE   BERTRAN   BOYSSET  97 

2  i  î,  7  à  21,  6,  22,  23,  25,  24,  26  à  152,  1)4  i  i6i,  316, 

153,    162  1315. 

Ce  ms,  contient,  comme  partie  essentielle,  deux  traités  de 
Boysset  :  un  traité  sur  Tart  de  mesurer  (desirar)  les  terrains,  et 
un  traité  sur  Tan  de  les  délimiter  {atermefiar).  Ces  deux  traités 
sont  accompagnés  chacun  d*one  table  (ff.  30-1  et  99-104)  qui 
parait  avoir  été  faite  les  traités  une  fois  copiés,  car  Fécriture, 
bien  qu'évidemment  de  Boysset,  n'est  pas  tout  h.  fait  semblable 
à  celle  du  reste.  De  plus,  les  deux  tables  interrompent  Fancienne 
pagination.  On  possède,  dans  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
Méjanes,  à  Aix,  une  copie  contemporaine  ou  à  peu  près  (mais 
non  autographe)  des  mêmes  traités  *,  mais  outre  qu'en  son  état 
actuel  le  ms.  d'Aix  est  incomplet  %  il  faut  noter  que  dans  le  ms. 
de  Carpentras  Boysset  a  ajouté  diverses  matières  plus  ou  moins 
en  rapport  avec  le  sujet  de  ses  deux  traités  %  et  notamment  une 
sorte  de  poème  dont  les  vers,  mal  mesurés,  et  rimant  de  temps 
en  temps,  rappellent  la  composition  relative  au  siège  d'Arles 
que  M.  Chabaneau  a  publiée  naguères  diaprés  le  ms.  de  Boysset 
auquel  est  consacré  le  précédent  chapitre.  La  versification  des 
mystères  rouergats  étudiés  par  M.  ThotBas  dans  les  Annales  du 
Midi  (cf,  Romaniay  XX,  340)  n*est  pas  beaucoup  plus  régulière, 

1.  K*»  84  du  catalogue  imprimé  en  partie  (huit  feuilles)  par  Rouard, 
rancien  bibliothécaire  d'Aix  (f  1873)*.  Cest  uo  li\Te  en  papier,  ayant  le 
format  d'un  petit  în-4«»,  contenant  en  son  étal  actuel  71  feuillets.  Uécriture, 
qui  dilTère  assez  de  celle  de  Boysset,  est  de  la  première  moitié  du  xiv*  siècle. 
Lji  mcmc  bibliothèque  renferme  (Catal.  Rouard,  no  gçj  yjiç  copie  de  ce  ms., 
faite  au  xvu«  siècle,  à  une  époque  où  il  était  plus  complet.  Au  témoignage 

^dc  Rouard  (p.   66  de  son  catalogue),   ces  deux  mss,   ont  été  conservés 
squ*cn  1855  aux  archives  municipales  d'Aix, 

2.  Les  dcmiéres  lignes  du  ms.  d'Aix  correspondent  au  fol.  194  du  ms.  de 
Carpentras. 

3.  Outre  cette  première  différence  entre  les  deux  mss.,  on  peut  constater 
de  Tun  à  Fautrc  des  variantes  de  rédaction  assej:  nombreuses.  II  m'a  semblé 

le  ms.  d*Aix  abrégeait  de  temps  en  temps  le  texte  de  Boysset.  Mon 

^«xamcn  n'a  pas  été  assez  prolongé  pour  me  permettre  de  décider  si  le  copiste 

du  ras.  d'Aix   avait  eu  sous   les  yeux   le  ms.    actuellement   conservé   à 

□tras  ou  un  autre  ms.  Cette  dernière  hv^othèse  est  la  plus  probable  : 

t  qui  a  fait  plusieurs  copies  de  sa  chronique  peut  en  avoir  fait  plusieurs 

aussi  de  son  traité  d'arpentage* 

*  Ce  uuàogae  iuai  îcufhcvè  est  resiè  înétlil.  ToatefoU  qadiqaes  exemplAÎrc»  det  f?Qill«s  tirée 
I  été  ûMÉOihaèi.  J'ea  (K»ui6dc  deux  pour  nu  put. 

».xxa  , 


98 


P,    MEYER 


Passons  maintenaot  à  la  description  détaillée  du  manuscrît,^ 
Les  quatre  premiers  feuillets',  numérotés  actuellement  2  à  5, 
ne  sont  pas  compris  dans  raocienne  pagination,  et  ont  dû 
bien  certainement  être  ajoutés  après  coup  par  Boysset.  Ces 
quatre  feuillets  renferment  des  notes  sur  la  valeur  des  mesures 
usitées  à  Arles  et  sur  la  façon  de  les  employer.  Je  cite  le  ^ 
premier  et  le  deroier  alinéa  :  ■ 

Senher  e  senhos,  sus  la[s]  mesuras  de  la  cana  e  dei[s]  destres  e  dels  pats', 
d'aquebs  vos  vole  declarar,  per  tal  que  si  quas  esdevenie  que  las  mesuras 
canna  e  destres  se  perdesan  ^  que  pocses  e  sau pesés  lo  lonc  de  las  mesuras  c 
dels  pals,  d^aquelas  desus  dîchas  que  son  de  la  sieutat  d'Arle. 

Senhos,  h  canna  d*ArIe  a  deîonc  *vîij*  pals,  lo  destre  de  las  vinhas  .xiij, 
palms  I 

(Fol,  /  vo)  Item,  car  say  lot  sertamens  que  lo  son  pluros  gens  que  cuidan 
csser  sotils,  e  non  o  son  tant  com  cudan  eser,  c  per  so  ieu  laysaray  per  tanios 
poncs  e  mesuras  lo  pal  m  de  canna  d'Arle  senhat,  que  per  forsa  atrobaran  la 
justa  longuesa  del  palm  de  canna  e  dels  destres  de  la  sieutat  d' Ark,  c  senha- 
ray  to  e  .v,  manieras  o  .v.  mesuras,  c  .v.  poncs,  que  las  .v.  mesuras  e  los 
.V.  poncs  non  seran  sinon  tant  solaraens  la  longuesa  d*iin  palm  liai  d'ArIc, 
lo[s]  cal[s]  .V,  mesuras  e  *v.  poncs  s'ensegon  per  fegura  desotz  aquesto  capitol 
senhati,  per  que  entendes  lo  ben  e  lo  notas,  e  gardas  vos  dels  pons  e  de  îa$  , 
mesuras  consi  las  penres,  e  notas  0  ben  si  voles.  1 

Suit  la  figure  d'un  pentagone  dont  chaque  côté  a  cinq  cen- 
timètres, et  au  dedans  duquel  on  lit  :  Nota,  —  ./,  pal  de  canna 


I 


0  de  destra  liai  d'Arle;  so  es  sa  lûngu[e]sa  justa  agitestas  ,v.  mesuras 
e  ,v*  poncs.  Et,  en  effet,  encore  actuellement,  dans  le  Midi,  U 
pan  ou  empan  est  considéré  comme  l'équivalent  de  25  centi 
mètres. 

Le  feuillet  actuellement  coté  6  est,  comme  je  l'ai  dit  plus 
haut,  hors  de  sa  place.  Nous  devons  passer  au  feuillet  7,  ancien- 
nement coté  .1)".  Le  feuillet  qui  devait  être  coté  ./.  fait  défaut  ♦. 
Tout  le  recto  du  feuillet  7  est  occupé  par  une  sorte  de  char- 


4 


1.  Je  ne  tiens  pas  compte  du  feuillet  coté  i,  qui  est  du  siècle  dernier. 

2.  Pals  pour  palms,  comme  plus  bas. 

),  Il  sera  question  plus  loin  de  cette  différence  entre  le  destre  ordinaire  et 
celui  qui  sert  à  mesurer  les  vignes. 

4.  Ce  premier  feuillet  devait  être  une  sorte  de  frontispice  qui  aura  été 
arrach<^. 


I 


LES  MANUSCRITS  DE  BERTRAN   BOYSSET 


99 


pente  dont  je  ne  vois  pas  bien  l'usage  et  dont  la  forme  est  à 
peu  près  celle-ci  : 


1 

_l 

1 

La  base  de  la  pièce  centrale  est  engagée  dans  un  piédestal 
conique  en  maçonnerie.  Dans  les  espaces  vides  sont  placés,  aux 
I  et  4  (j'emploie  ici  le  langage  du  blason),  un  terme  avec  ses 
dcHX  agachans  ou  témoins  '  ;  aux  2  et  3,  une  canne  d'arpenteur. 

An  verso  de  ce  feuillet  et  au  recto  du  suivant,  on  lit  une 
note  assez  longue,  rédigée  avec  une  certaine  solennité,  qu'il 
sera  intéressant  de  reproduire  ici,  parce  que  Boysset  y  fait  con- 
naître la  destination  qu'il  assignait  à  son  ouvrage.  Autant  que 
cette  note  peut  être  déchiffrée,  car  elle  a  été  en  grande  partie 
biffée,  on  distingue  que  Boysset  voulait  que  son  livre  fût  con- 
servé après  sa  mort  par  ses  héritiers  ou  par  la  communauté 


I.  «  Agachon,  témoin,  pierre,  brique,  etc.,  cassée  en  deux  ou  plusieurs 
morceaux  enterrés  autour  d'une  borne,  et  servant  à  attester  par  leur  rappro- 
chement que  cette  borne  n'a  pas  été  déplacée.  »  Ra3mouard,  Ltx.  rom.  III, 
4x7.  Les  exemples  de  ce  mot,  aussi  bien  que  du  verbe  agacbonar,  cités  par 
Ra3mouard,  sont  tous  empruntés  à  Boysset. 


100  p.     MEYER 

d*Arles  (on  ne  voit  pas  bien  sous  quelles  conditions)  ;  qu'enfin, 
au  cas  où  ses  héritiers  et  la  commune  ne  pourraient  ou  ne  vou- 
draient l'avoir,  il  le  lègue  au  roi  Louis  de  Provence  ou  à  ses 
héritiers.  Oo  voit  qu'il  ne  se  faisait  pas  une  médiocre  idée  de 
la  valeur  de  son  ouvrage*  Cette  note  a  dû  être  écrite  alors  que 
les  deux  traités  étaient  rédigés,  puisqu'elle  se  réfère  à  Texplicit 
du  second  traité.  On  pourrait  croire  qu'elle  a  été  faite  en  vue 
d*un  autre  exemplaire  parce  que  le  renvoi  au  feuillet  n'est  pas 
cxactj  mais  !a  pagination  a  été  retouchée  en  divers  endroits. 

L*an  .M,  e  Sm^,  e  .v,,  lo  jor  .viij.  de  jetioier^  yeu  Bertran  Boyssct'  presi 
d'cscricure  aquest  présent  libre,  corn  fa  mension  quasy  a  la  fm  d  aquest  libre 
escrig  en  letra  vermelha  en  lo  fuhel  cxvij  cl  en  lo  fuhel  cxviij  %  lo  quai  libre 
yeu  î  Bertran  Boyssct  ♦ al  pi de. . , , . . . 


vo  série  quas  que  mestier  Eur  agues  per  la  vila  o  per  1 pcr  fag  de 

destrar  o  d'atermenar.  Et  en  lo  quas  que  nengun  aquest  présent  libre  a  sy 
apropiarie  e  de  la  fenaiisa  (?)  del  comuu  îo  voirie  ostar,  vole  et  avordene  que 
a  nostrcs  (?)  hères  o  a  mos  beres  ho  a  lurs  susesors  o  deia  reiornar.  Et  en 
lo  quas  que  aquest  présent  libre  a  ver  non  poirien  ni  lo  coraun  demandar  noo 
lo  volricn,  vole  que  sic  del  rey  Loys  (foL  A\  amUn  Jif)  nostre  senhor  o  de  sos 
sucesos,  E  pcT  mais  de  Icrmcsa  aquest  présent  seng(?)  ay  de  tna  raan  propria 
scrich  Tan  el  jorn  que  desus,  et  de  ma  merqua  la  quai  use  en  mas  rclacions 
tant  de  destrar  quant  d'atcrmenar  scnhat  con  s'en  sec,  fâcha  de  tencha  verme- 
lha, ben  que  e  mas  jelasions  las  fare  de  oegra  e  las  fauc. 

Au  dessous  est  tracée  en  rouge  la  marque  annoncée  dans  les 
lignes  qui  précédent.  Cette  marque  reparaît  au  fol.  141,  dans 
une  page  dont  on  trouvera  plus  loin  le  fac-similé.  Le  bas  de 
la  page  est  occupé  par  une  sorte  de  monstre  au  corps  d'oiseau 
ayant  deux  tuteSj  Tune  humaine  qui  vomit  du  feu,  l'autre 
fantastique,  en  guise  de  queue,  et  deux  pieds  de  bouc.  Une 

1.  Ces  deux  mots  sont  biffés,  mais  cependant  encore  lisibles. 

2.  Aux  feuillets  cxvij  et  cxviij,  il  n'y  a  rien  en  lettres  vermeilles.  L'explidt 
auquel  se  réfère  Boysset  est  écrit  aux  feuillets  cxxv  vo  et  cxxvi  r»,  actuelle- 
ment 140  vo  et  141  r>,  comme  on  le  verra  plus  loin,  p.  116, 

5.  Les  mots  lo  qual^  libre  yeu,  sont  biffés. 

4.  Tout  ce  qui  suit,  jusqu*A  la  fin  du  paragraphe,  au  foL  iij  (actuellement  8), 
est  biffé.  J*en  lis  ce  que  je  puis*  Les  premières  lignes  ont  été  si  fortement 
raturées  que  je  n'en  puis  rien  tirer. 


LES   MANUSCRITS  DE  BERTRAN    BOYSSET 


lOî 


figure  très  analogue  est  tracée  au  fol.  i  du  ms.  fr.  5728  qui 
contient  la  chronique  de  B.  Boysset,  Ce  n'est  pas,  comme  on 
pourrait  le  supposer  à  première  vue,  une  tarasque.  La  tarasque, 
qui  figure  dès  cette  époque  sur  le  sceau  de  Tarascon,  était 
représentée  tout  autrement, 

(Foi.  8  t*)  L'an  de  Tencarnacion  de  nostre  Senhor  que  oni  conta  mil  Jîijc 
.V.,  \o  jorn  *xvj.  de  mars,  foron  fachs  îos  pairons  del  ferrée  plantau  en  una 
paret  de  denfra  la  cort  del  rey,Jo  quai  pairon  fon  la  quanna  de  .viij.  palmsde 
lonc,  la  quai  canna  es  major  lo  .xl.  que  la  canna  d'Avinhon,  contant  e  mesu- 
rant la  canna  d*Arle  en  .xl.  parts  del  lonc  que  es  ferrât  en  lo  marge 
d*aqucsia  carta  ',  e  la  canna  d'Avinhon  en  .xxxix.,  ses  mais  ni  mens,  Lo 
segon  payron  fon  et  es  per  lo  dcstre  de  ,xvj>  p.  de  lonc  que  n'a  en  la  si,  ^ 
clvj,  jiij.  palms*  Lo  tei[r]s  pairon  fon  et  es  per  lo  destre  de  ,xiij*  palms  de  lonc 

que  n'a  en  la  caruirada* Item,  era  veguier  moss.  nions.  Jo,  de  Sazo 

docior  en  Icîs.  Item,  fcron  far  aqucstos  sobrcdigs  pairons  0  mesuras  de  ferres 
lo  sobrcdigs  monss.  lo  veguier  e  lo  conselh  d'Arle,  e  sen  Hugo  Ri  eau  e  sen 
Antlioni  de  Monfrin*  e  sen  Franses  Mort  e  sen  Vinsens  Gautier,  sindegucs 
d*Ark.  Item^  Ios  davant  dich  senhos  deron  h  comesion  de  faire  far  aqucstas 
dichas  mesuras  e  paurar  denfra  la  cort  a  sen  Anthoni  Lucian  et  a  Bcrtran 
Boysset,  dcstrados  et  atermenados  d'Arle  per  lo  conselh  helegitz. 

H  faut  rapprocher  ce  passage  du  paragraphe  que  Boysset  a 
consacré  dans  sa  chronique  à  la  vérification  des  mesures  à  Arles, 
Le  voici  d'après  le  ms.  de  Paris,  fol  Ij  v"  et  lij  K 

Item,  Tin  .M.  ccccv.,  lo  jorn  ,vij.  de  mars,  foron  prcsas  lotas  las  quannas 
dcl[s]  mcncstairaJs  d'Arlc,  c  porladas  a  la  cort;  et  après  per  lo  scnhor  veguier 
raons.  Jo.  de  Sazo,  doctor  en  Icis  e  conseîhier  del  rey,  fon  cornes  ad  Anthoni 
Ludan  et  a  Bertran  Boysset,  sicutadans  de  la  sieutat  d'Arle  que  las  quanas 
aquelas  reconoyser  deguesan  e  mesurar,  e  veser  si  eran  liais  o  non.  Et  aysins 
fon  fag  que  reconogudas  e  mesuradas  e  regardadas  per  aquels  desus  députais 
foron  ;  et  après  relation  per  elos  fâcha  {ms.  fâchas)  a  Mous»  lo  veguier  desus 
dich  que  toias  las  quaoas  generalmens  parlant  eran  cortas  e  foras  de  mesura 
Ual. 

Item,  apr^  U  reladon  fâcha  per  Anthoni  Lucian  e  Bertran  Boysset  desus 


I .  U  y  a  en  eâfec  en  marge  la  ftgure  d^une  mesure  ayant  $70^1°  de  longueur, 
avec  cette  inscription  :  h  carantm  d'una  camm. 
a,  Cette  abréviation  doit  se  lire  mtairada. 

3.  Id  ceschiiïres  raturés  ;  ,iy»».  xix  t  ix  p.,  remplacés  en  marge  par  ceux- 
d  :  wçf«  xinj  à,  e  .xj.  p. 

4.  Mootfrin,  arr.  Nîmcs^  cant*  Aramon. 

5.  Même  leçon  dans  la  troisième  rédaction  (L$  Musk,  pp.  93-4). 


102 


P.     MEYER 


dich,  ,x.  jorns  sigent,  mons.  lo  viguier  desus  dich  mandet  quérir  una  quana 
liai  ad  Avinhon ,  et  a  la  semblansa  d*aquela  en  fes  far  un^  autra  tota  nova 
major  d'aqtiela  d'Avinhon  lo  caramen,  e  fâcha  que  fon,  la  baylet  ad  Anthoni 
Lucian  et  a  Bcrtran  Boysset  desus  dichi  que  aqueb  quatina  nova  reconoyser 
deguesan  an  la  quana  liai  d^Avinhon,  e  mesuresan  si  la  quana  nova  era  major 
d^aquela  d'Avinhon  lo  caratitcn.  Els  davant  dich  Ant.  et  B.  la  canna  nova 
rcconogron  an  la  canna  liai  d*Avinhon,  et  airoberon  la  dicha  canna,  ses  mais 
ni  mens^  îo  caramen  major  d*aquela  canna  d'Avinhon  ;  et  aytal  relacton  feron 
a  mons.  lo  veguier  ;  et  après  tost  la  relacion  ausida,  raons.  lo  veguîer  fes  far 
âij.  payronso  très  mesuras  de  ferre,  La  ,j.  ton  .j**  canna  de  ,viij.  palms  de 
lonc,  major  ïo  carantea  que  la  canna  d'Avinhon;  lo  segon  fon  .j.  désire  de 
.xvj.  palms  de  lonc,  escayronat  segon  los  palms  de  b  canna;  et  aquel  désire 
es  pcr  deslrar  tous  posesions,  qualque  sien,  esepiat  vînhas;  lo  te[r]s  payron 
fon  .j.  destre  de  .xiij.  palms  escayronat  per  forma  de  las  mesuras  desus,  so  es 
asaber  del  destre  de  .xvj.  palms  e  de  la  canna  de  .vîij,  palms,  per  destrar 
vinhas  vo  amras  posesions  que  las  gens  velhan  mcire  a  nombre  de  cartayra- 
das  de  vinhas.  E  fâchas  que  foron  las  très  mesuras  davant  dichas,  mons. 
lo  veguier  la  ^  fes  pîantar  denfra  lo  palais  de  la  cort  rial  d'Arle,  so  es  assaber 
lo  jom  .xvj.  de  mars,  Tan  .M.  iiijc.  e  .v. 

A  l'époque  où  Bonemant  fit  sa  copie  de  la  chronique  de 
Boysset  (1773),  deux  de  ces  mesures,  la  première  et  la  troi- 
sième, existaient  encore.  Elles  étaient  encastrées  dans  la 
muraille  du  palais,  au  dessous  de  la  salle  d'audience.  Sur  cha- 
cune d'elles  était  gravée  une  inscription  provençale  relatant  les 
circonstances  dans  lesquelles  elles  avaient  été  faites.  Bonemant 
nous  a  conservé  ces  curieuses  inscriptions  où  il  est  fait  mention 
des  deux  experts,  Anihoni  Lucian  et  Bertran  Boysset. 

Le  foL  suivant  (9,  anc.  iiij)  est  entièrement  occupé  par  un 
dessin  d'ornement  contenant  un  écu  de  sable  (ou  peut-être  de 
sinople)  à  la  fasce  d'or  et  à  six  besamsde  même  rangés  3,2,  !• 
Je  n'ai  pas  réussi  à  découvrir  la  famille  à  laquelle  apparte- 
naient ces  armoiries.  Au  dessus,  dans  une  sorte  de  bordure, 
les  chiffres  i,  2,  3,  4,  5,  6,  7,  8,  9,  10,  en  capitales.  Au  verso 
est  représenté  un  personnage  nimbé  et  assis,  tenant  de  k  main 
droite  le  globe  surmonté  d'une  croix  et  de  la  gauche  une  canne 
d'arpenteur.  Au  dessus  est  écrit  Jésus.  A  ses  pieds,  un  homme 
agenouillé,  les  mains  jointes.  Le  même  tableau  reparaît  aux 
feuillets  10  à  20  avec  des  variantes,  Jésus  occupant  le  verso  de 


I.  Il  Éiudratt  îas, 
(Le  Musàt  p.  94). 


mais  le  texte  de  k  troisième  rédaction  porte  aussi  la 


^^^^                               LES  MANUSCRITS   DE   BERTRAK    BOYSSET                      10)                   ^^^^| 

^P        chacun  de  ces  feuillets  et  Thomi                                                                 ^^^ 

tue  le  recto  en  face.  Au  haut  de                  ^^H 

^m        h  page  commence  un  dialogue  plus  ou  moins  rimé  entre  Jésus                  ^^^H 

^1        et  notre  arpenteur,  qui  est  représenté  recevant  de  Dieu  même                   ^^^| 

^M        rinvestiture  de  son  métier*  Cette  singulière  composition  ne  se                 ^^^| 

^M        trouve  pas  dans  le  ms.  d*Aix, 

soit  qu'elle  ait  fait  défaut  dans                ^^^^| 

^M        l'original  de  cette  copie,  soit  que  le  copiste  Fait  omise  de  pro-              ^^^H 

^^^^   pos  délibéré.  Quoi  qu'il  en  soit,  en  voici  le  commencement  :               ^^^^| 

^^^^1         Fhîl  *  e  nostra  creatura, 

Plusï  que  destrador  m'avez  f^                 ^^^^H 

^^^^1         Lo  destre  nos  vos  baylarem. 

£  plas  a  la  sancta  Trenitat                             ^^^^H 

^^^H         Li  icrrsL  c  T^ygua  en  destrares, 

Que  yeu  sie  destrador  apelat                           ^^^^| 

^^^V         A  quascun  soq  dreg  donares, 

30  E  per  las  gens  aysins  nonnac.                            ^^^H 

^K^            $  l^  destra  non  tilhas'...  embrar 

^^^M 

^^^^^H          Per  la  senestra h,.,  sanhar ; 

—  Fhîl  e  creatura  nostra,  (t/°)                          ^^^H 

^^^H         La  sîensa  atrobares 

Lo  destre  nos  t'avem  baylat»                             ^^^H 

^^^H         Dal  destrar  veraîamens 

Que  destrador  sies  apelat                                    ^^^B 

^^^^1                 FoL  10  (aft£.  V*) 

Per  las  gens  que  al  mont  seran.                      ^^^^Ê 

35  Fay  so  que  en  escrig  t'avem  iaysat                  ^^^^H 

^^^f         £  d'atermeaar  eysamen. 

E  per  quapicols  ordenat  ;                              ^^^^H 

^          10  En  aqucst  libre  son  escnclias 

£  guarda  ti  de  trabuquar  :                                ^^^| 

^^^^^^           £  per  quapîtols  son  pausadas, 

Nos  em  en  luoc  per  regyardar                          ^^^H 

^^^H          On  es  tota  la  ventât 

39  E  veser  qui  f^i  ben  ni  mal.                                  ^^^^| 

^^^V          De  destrar  c  d^atermenar, 

^^^V            Uzas  issi  com  trobares 

{Dessin  cohriê  ;  Jésus  sur  son  trdne,}                        ^^^H 

^F          i  î  Ny  per  nos  es  avordenat, 

FûL  II  (anc.  v}\)                                    ^^^H 

^^^^          Sy  vos  la  tieu'  arma  salvar. 

Senher,  plus  que  play  a  la  Tre-                       ^^^^B 

^^^^H 

^^^H         ^  Senher  Dieus,  pa>Te  glorios, 

Que  destrador  ml  aias  fag                             ^^^^^| 

^^^H         Le  désire  ycu  penray  de  vos  *, 

El  destre  m'aia[s]  bailac                                 ^^^^H 

^                A  quascun  son  dreg  daray 

Ni  ordenat  que  deve  far,                                ^^^^H 

^^^^^     20  SegOQ  que  aves  avordenat. 

Aysins  con  es  quapitolat                                     ^^^H 

^^^^H         £n  b  sîensa  del  destrar, 

45  Ni  per  vos  es  avordenat,                                   ^^^H 

^^^^1         Enquaras  mais  d'atermenar  ; 

Yeu,  senher»  faray  si  Dieu  play,                        ^^^| 

^^^H         E  los  quapîtols  legîray 

E  guardaray  mî  de  trabuquar                              ^^^| 

^^^^          B  so  que  dison  yeu  faray, 

Ny  far  contra  ta  volontat.                                   ^^^| 

^^^^     2^  E  la  destra  guasanharay 

(Dessin    calorie  :   Boyssei  agenouilU                       ^^^^^ 

^^^^H          £  la  seocstra  laysara^s 

tient  le  destre  çu'iV  inent  de  recevoir.}                  ^^^^H 

^H             I.  5ûr,  pour  FîUk  Cette  manière  d'écrire  est  habituelle  en  ce  texte.                                         ^| 

^H             2.  Il  y  1  un  trou  dans  le  papier.  Lire 

;  [âesn^mbrar  ?                                                                     ^H 

^H             }.  La  déchirure  a  enlevé  le  cora  me n cernent  du  mot  [£Ud]sanhar.  Voir  v.  25,                        ^^^H 

^H             4.  Cest  le  sujet  du  dessin  ci-dessus  mentionné.                                                                ^^^H 

^H^            5.  Corr.  Pus^  ici  et  en  tnamt  autre  endroit.                                                                  ^^^H 

104  **•     MEYER 

—  Fil  nostre,  plus  que  tu  as  (t^)     65  Mas  lot  pcrraicraniens  diray 
50  Lo  liestre  en  la  tieua  mon 


Que  per  nos  t'es  agut  baylat, 
Coroensa  taniost  de  destrar 
E  %»cngam  con  si  o  faras^ 
£  si  auras  ben  entendut 
55  Los  quapitols  aysins  con  son 
De  h  si  en  sa  de  destrar. 

{Dessin  cciorié  t  Jésus  sur  san  trône.) 
Fol.  12  (anc.  vij.) 

—  Senher  Dieus,  paire  glorios» 
Plus  que  io  destre  ay  de  vos, 
E  plas  a  la  sancta  Trenitat 
Que  yeu  comense  a  destrar, 
60  E\^cu  o  faray  plus  que  a  vos  play* 
Aqucsta  terra  destraray 
E  veires  consi  o  faray, 
E  si  auray  ben  entendut 
Los  quapitols  ^yû  con  son  ; 


Que  Dicus  i  aia  bona  part. 
{Dessin  :  Boysset  si  baisse^  faisant  le 
geste  de  mesurer,} 

—  Fhîl,  de  destrar  as  aconiensat 

Per  la  forma  que  o  deves  far, 
E  siec  tôt  jorn  aqueî  quamin, 
70  E  ben  ti  ve[n]ra  a  la  fin  ; 
E  guarda  ti  de  desviar 
Ni  de  penre  autre  quamin. 
(Dessin  :  Jésus  sur  son  trône.) 
Fol.  15  {anc.  inij.) 

—  Senher,  si  faray  si  a  Dieus  play 
Nî  plas  a  la  sancta  Trenitat, 

75  Que  mon  sens  mi  vdba  salvar, 
Tojom,  senher,  miels  destraray 
H  a  quascun  son  drcg  daray. 
{Dessin  :  Boysset  agenouillé.) 


Ce  dialogue  se  termine  ainsi  (foL  19  v**,  anc,  xiv): 


Fil,  sol  pensa  de  ben  a  far 
Quar  de  tu  mi  recordara, 
E  de  tots  los  fags  que  auras  a  far 
E  de  tots  sels  que  ben  faran  ; 
Lo  senhal  de  la  cros  ti  faray. 
{Dessin  :  Jésus  debauiS) 

Foi,  20  (anc,  xv.)        * 


—  Senher  Dîeus,  laisa  nui  far 
Obras  que  ti  vcnguan  a  grat, 
E  la  mîeua  arma  sie  salvada 
Eî  règne  tieu  de  paradis 
On  a  gaug  tos  temps  scnsa  tin. 
Amen. 
{Dessin  :  Boysset  agittouillé^  la 
fnain  droite  levée.) 


{Fol,  20  v^)  Aysi  acomcnsa  lo  quapiiol  permier»  la  quaî  es  avisament  de 
consiensa  de  lot  destridor  et  atermenador,  quai  que  sie  ni  don  que  sie,  El  ay 
lo  mes  perraier  per  tal  que  quant  volran  la  siensa  de  destrar  e  d*atermenar 
legir,  que  aquest  liegan  permier,  per  ta!  que  .j.  quascun  atermenador  e  des- 
trador  aia  son  cor  en  ben  a  far  c  donar  son  drcg  a  .j.  quascun,  segun  que 
dcclaran  los  quapitols  de  la  siensa  d'aterraenar  e  de  destrar,  la  quai  son  en 
aquest  libre  escrig,  la  quai  quapitol  aquest  acoraensa  per  aqucsta  maniera, 

Dcstrador  et  atermenador,  sapias  de  sertan  que  Dicus  es  destrador,  Dieus 
es  atermenador,  Dieus  es  escaîrador  ;  per  que  garda  e  regarda  ben  que  taras 
ni  consi  o  faras,  quar  Dieus  sap  tos  poncs  e  tas  mesuras,  e  ves  que  fas, 
sic  ben  0  mal  ;  per  que  dona  sa  razoa  ad  aqucl  que  Taura,  c  non  vergonhes 


^^^^^^                      LES   MANUSCRITS   DE 

;   BERTRA>J    BOYSSET                     lOS                    ^^^^| 

^H         home,  ni  per  pavor  ni  per  mcnasis  ni 

per  dénies  non  fasas  que  dever,  quar                       ^^^| 

^H         Dtctis  o  ves  tût  e  paguara  tu  e  quascun  scgon  que  aura  senit ,  per  que  fay                       ^^^H 

^H         ben  e  jusumcns  ton  ufice»  e  ben  d  venra  sen^a  dengun  defalhiment.                             ^^^^^Ê 

^^^^     Le  recto  du  feuillet  21  (anc.                                                                ^^^^^ 

xvj)  est  occupé  par  un  dessin               ^^^^1 

^^^Bcoloriè  où  est  représenté  un  homme  dans  Tattitude  d'un  ora-               ^^^^1 

^^^^  teur,  la  main  droite  en  avant  ei                                                                  ^^^^^ 

t  tenant  de  la  gauche  un  livre.               ^^^^H 

^M       A  côté,  cette   inscription  :    Matstre  Arnaul  de  Vilancrva,    Au               ^^^^H 

^B       verso  commence  le  poème  qui  se  poursuit  au  foL  6  (ce  feuillet               ^^^^| 

^H       n'a  pas  d'ancienne  cote),  et  reprend  ensuite  au  fol.  22.                              ^^^^^ 

^^^^H          Et  oy,  S€nho5  mieus  e  maistres^ 

30  Gcneralmens  per  pluros»  (/.  6)                   ^^^^^B 

^^^^1         Sapias  tots  per  veritat 

En  totas  la  siensas  que  son  ;                                       ^H 

^^^^H         Qpe  ycu  Amaut  de  Vilanova, 

E  cresie  saber  en  gran  partida»                              ^H 

^^^^T         Dûctor  en  leis  et  en  décrets 

Mas  al  rey  Robert  mon  scnhor                        ^^^B 

^^F            S  Et  en  siensa  d'estrolomia 

Non  era  ges  de  comparar                                   ^^^H 

^^^^H          Et  en  Tart  de  medcsina 

î  5  Per  noblesa  non  '  bel  parlar,                                ^^^B 

^^^^H         E  en  la  santa  teulogîa^ 

Mas  per  siensa  tant  solamcns,                                  ^H 

^^^^1         Enquaras  mais  en  las  .vij.  arts 

Quar  se  ycu  volie  reconiar                                        ^H 

^^^^1         Maistre  per  tots  suy  apelats. 

La  gran  siensa  qu*en  luy  era                                     ^H 

^^F         10  De  Qpataluenha  nadieu  fuy, 

De  .c,  ans  non  ho  auric  contât,                             ^H 

^^^^          Et  a  Napol  ycu  mî  mudiey  ; 

40  Per  que  de  tôt  m'en  laisaray  ;                             ^^^^ 

^^^H          Al  scrvise  de!  rey  Roben  estiey 

Mas  lo  libre  ulhas  gardar                                    ^^^^| 

^^^H         Mot  longuamens  sensa  partir. 

Que  mot  es  noble  per  senaa,                            ^^^^^ 

^^^B         Et  estant  a  son  servise, 

El  rey  Robert  lo  bateget,                                    ^^^^^ 

^^V         15  En  sa  quambra  am  lo  rey  estant, 

Lo  nonnet  e  Tapelet,                                               ^H 

^^^^_          En  son  estudi  e  veillant, 

4)  E  vole  que  aysins  agues  non^                                    ^H 

^^^^H         An  .ij.  ensems,  e  nos  fesem 

Lybrc  noble  e  sotil  ;                                                ^H 

^^^^H         Aquest  libre  vcratamcns 

H,  si  ben  0  voles  notar»                                     ^^^H 

^^^H          On  es  tota  la  sie[n]sa  scricha 

Lo  rey  l'anet  ben  nomnar                                 ^^^H 

^^H         20  De  destrar  et  d'atermcnar, 

E  per  son  dreg  nom  apelar,                                 ^^^^^ 

^^^^_          Bt  es  tota  quapitolada 

%o  Fer  que  ulhas  lo  ben  gardar,                              ^^^H 

^^^B         E  Qoblamens  avordenada. 

Q)iar  las  siensas  son  sotils                                 ^^^^^ 

^^^H         Monsenhor  lo  rey  la  dechava 

De  destrar  e  d*atermenar,                                  ^^^H 

^^^^f         E  ycu  rcscrîvie  e  Tavordenava 

Qiiar  davant  que  acses  trobat                                     ^H 

^         3)  Per  la  forma  quel  rey  agradava 

Un  autre  libre  a\trestal,                                            ^H 

^^^^         Nil  rey  Robert  mi  comandava, 

5  $  Mot  gran  pcnna  aurias  trag.                                       ^H 

^^^H         Qtiar  font  era  de  tota  siensa. 

Per  que  ulhas  lo  ben  gardar  (y*)                             ^| 

^^^H         E  so  sapias  tots  de  sertan 

Et  en  bon  luoc  tenir  sarat,                                        ^H 

^^^^K         Qye  nos  sîam  maistre  apelats 

E  non  vangtia'  per  totas  mans  :                              ^H 

^^^^^^X  Kûn  n'a  pas  de  sens  ici.  Boysset  a-t-il  voulu  écrire  w^^mou  m  ?                                              ^H 

^^M           2.  Sky  on  serait  tenté  de  corriger  v^nga^  mais  il  y  a  xmngan  ailleurs,  par  ex,                         ^^^B 

^^1       fbl.  136  (ci-apiès,  p,  115).  Cest  pour  tfogm^  sub}.  êianar,                                                   ^^^H 

^^^^^^^^                                                                                           ^^^^1 

^^^^^^H                      Se  si  perdîe  série  gran  dan. 

Petit  série  s*avansament                ^^^H 

^^^^^^H                 60  Quâr  an  gran  pentia  es  stat  fag 

lOC 

»  Si  non  era  Tensenhament              ^^^H 

^^^^^^H                      E  trag  de  pons  e  de  mesuras 

De  b  sien  s  a  de  jaumetria               ^^^H 

^^^^^^^H                       E  de  sens  natural  eysament. 

E  de  la  siensa  arismetica,               ^^^| 

^^^^^^H                       Per  que,  bon  as  gens,  cscoutas, 

Quar  d*aquestas .ij. pren  aponcha-    ^^H 

^^^^^^^B                       Et  entendes  so  que  ieu  dirny  ; 

[ment    ^^H 

^^^^^^F                  65  E  Dieus  d€l  sel  ulhas  preguar 

La  siensa  d'astrolomîa.                    ^^H 

^^^^V^                          duel  rey  Robert  vclha  salvar 

los 

E!  rey  Robert  e  nos  eysament        ^^H 

^^^^H                               En  aquest  mont  per  ben  a  far, 

Sus  aquestas  Jj.  siensas  prcsem         ^| 

^^^^H                               E  puesqua  vicure  longuamens; 

Nost  res  poncs  e  n  ostra[s]  m  es  uras  »          ^| 

^^^^H                              E  tais  hobras  li  Jais  Dîeus  far 

Encara  nuis»  sus  la  siensa  (fo)             ^| 

^^^^B                        70  Que,  cant  vcnra  a  SOS  jams  redics, 

Que  esquartabont  '  es  apcîada             ^H 

^^^^^1                              La  sîeu*  arma  sic  pre^ntada 

no 

Akunna  panida  presem                 ^^^H 

^^^^H                             Davant  b  santa  Trenitat, 

De  SOS  poncs  veraiamens               ^^^H 

^^^^H                              On  ara  tostenips  veray  repaus. 

Tant  de  destrar  quant  d'atcrmenar,    ^^H 

^^^^^ft                             E  per  mi  Arnaut  ulhas  preguar^ 

Et  après  nos  quapitolem                 ^^H 

^^^^^                    7  S  Qpe  de  Vilanova  soy  apcllat. 

Aquest  libre  coma  veses,               ^^^H 

^^^^^F                          Et  en  QuaLiluenha  soy^nat. 

"S 

On  es  10 ta  la  siensa  scncha           ^^^| 

^^^^H                            A  la  santa  Trenîiat 

De  destrar  e  d'atermenar»              ^^^| 

^^^^^1                             Que  mi  perdone  m  os  pcccatz» 

Et  an  razon  n  crural                      ^^^| 

^^^^^1                             E  que  mi  m  eu  cl  règne  sîeu. 

Nos  atrobem  nostre  fag,                ^^H 

^^^^H                       So  Quant  vcnra  a  mos  jorns  redîes, 

Ni  mais  ni  mens,  con  si  deu  ùr,         ^H 

^^^H                           Car  mot  gran  penna  a  agut 

120 

Don  SOD  las  leis  totas  prtidas.             ^| 

^^^^1                             Lo  rey  Robert  e  ycu  an  1  uy  (/.  22) 

Et  atrobem  la  veritat                            ^| 

^^^^H                            Per  trobar  aqucstas  siensas 

Per  ta  forma  qu'es  quapitolat         ^^^Ê 

^^^^H                            De  dcstrar  e  d*atemtenar. 

En  aquest  libre  et  escrîg.                ^^^H 

^^^^B                       8^  Davant  que  fos  capitolada 

La  quai  libre  fon  aquabat,              ^^^H 

^^^^^1                            Ny  de  toc  fos  avordenada 

Ï2S 

Escrig  et  avordenat                       ^^^^H 

^^^^H                            Mot  gran  temps  an  Jj.  i  ponliem, 

En  Napol  la  granda  sieutat            ^^^H 

^^^^^H                             E  per  miels  atrobar  la  vcrtat 

L'an  quart  que  fon  coronat            ^^^H 

^^^^^B                            Nos  ho  volguem  tantost  proar 

Lo  rey  Robert  en  son  régnât         ^^^^H 

^^^^H                       90  La  maniera  con  si  deu  far 

Qjje  Sesilia  es  apelat,                    ^^^H 

^^^^H                            Destrar  et  atermenar. 

130 

Et  autre  titoi  li  es  donat                 ^^^| 

^^^^^B                           £  présent  tantost  poncs  e  mesuras 

De  Jérusalem  eysament.                      ^H 

^^^^H                            E  siguentmens  nos  retomcm 

A  presen  t  plus  non  en  diray  (/.  2  3  )          ^| 

^^^^^H                             A  la  slensa  de  jaumetrîa 

Mas  que  Die  us  en  sie  lauzat            ^^H 

^^^^^B                       95  Et  a  la  sîensa  arismetica, 

E  sa  maire  aytrestal,                      ^^^H 

^^^^B                             Enquaras  mais  d'csirolomia, 

135 

E  la  santa  Trenitat                         ^^^| 

^^^^^                             Quar  totas  .îij.  usan  cnsems; 

E  tota  la  cort  selestlah                   ^^^H 

^^^^H                             Mas  la  sîensa  d'cstrolomia 

AMEN.                          ^^H 

^^^^H                          n  Esquariabotti,  mot  qui  n'a  pas  été  relevé  par  Raynouard.  doit  signifier          ^| 

^^^^H                      un  dcmi*cercle  gradué»  un  rapporteur. 

Le  ch,  Ix  du  traité  d'aUrmtmr  donne          ^H 

^^^^1                    un  moyen  empirique  pour  taire  une 

équerre  sans  compas  ni  isquartaboni          ^| 

^^^^H                     (fol  217,  anc.  20j). 

■ 

J 

^ 


^ 
^ 

> 

^ 


LES   MANUSCRITS   DE    BERTRAN    BOYSSET  ÏO7 

Le  reste  de  la  page  est  occupé  par  un  grand  dessin  colorié 
représentant  le  roi  Robert  assis  sur  son  trône,  la  couronne  en 
tète,  le  sceptre  surmonté  de  la  fleur  de  lys  daos  la  main 
gauche,  et  maître  Arnaut  de  Villeneuve  assis  sur  on  siège  plus 
bas  et  écrivant  sur  un  rouleau  où  on  lit  ces  mots  :  Syensa  de  des- 
trar  t  à*  aitrmenar , 

Au  verso,  autre  dessin.  Le  roi  Robert  tient  en  maio  un  rouleau 
sur  lequel  est  écrit  ;  Hos  volem  ci  avordetmm  que  atjuest  libre  valha 
€  tengua  tas  temps  tmys.  Robertus  rex.  Au  dessous,  deux  groupes 
d*hommes.  Ceux  de  gauche,  revêtus  de  longues  robes,  tiennent 
un  rouleau  portant  ces  mots  :  Nos  autres^  duXj  contes  e  barmis  e 
lûs  autres  que  son  aysi  an  nos,  consentent  e  confermam  tôt  quant  per 
vos  es  avordenaî.  En  face,  un  groupe  d'hommes,  vêtus  de  robes 
plus  courtes,  lient  un  rouleau  où  on  lit  :  E  nos  autres  que  em 
aysi  nuindats  ad  aquest  consel  gênerai  avoam  e  confertnam  tôt  quant 
es  per  la  rey  Robert  avordenat. 

En  regard  du  feuillet  25  v**  doit  être  placé  le  feuillet  25  (sans 
cote  ancienne)  dont  le  recto  est  occupé  par  un  dessin  où  est 
figuré  un  groupe  nombreux  de  gens  du  peuple.  Au  premier 
rang,  un  personnage  plus  grand  que  les  autres  se  détache,  tenant 
un  rouleau  où  on  lit  :  Et  oy,  rey  Robert  mm  senhor,  h  pohol  que 
es  aysy  an  vos  consent  en  so  que  as  avordenai  ^aqiust  libre  e  quapi- 
tolat  per  destrar  et  atermenar.  De  la  foule  sortent  deux  autres  rou- 
leaux dont  voici  les  légendes  :  Et  0  tenem  trastoi  perfag  tôt  quant 
as  avordenat  —  E  nos  y  senher,  tots  0  volem.  Au  verso  du  même 
feuillet,  sont  écrites  ces  lignes  (c'est  Dieu  qui  parle)  : 


Et  oy^  beb  Bs  destrados, 
Et  atemienados  eysatnent, 
Sapias  que  nos  cm  destradcfi 
Hoc  et  atcrmenador, 
Eoquaras  mais  esquaîndor, 
E  que  plcnieramens  sabem 
Vostres  poocs  e  vostras  mesuras, 
£  vexem  qui  h.  ben  ni  mal  ; 
E  a  quascum  rendem  guisardon 
Segon  que  aura  servit, 
Sie  ben  o  mal,  en  Fautre  mont, 
Per  que  alhas  vos  ben  gardar 


De  hr  contra  ma  volontat 
E  de  la  sanu  Trcniut, 
A  quasctin  donas  sa  razon 
Del  gian  al  petit  al  mcjan. 
Nengun  non  ulhas  vergonhar 
Per  quant  que  saptan  dîr  ni  far^ 
E  ben  vos  en  venra  a  la  fin 
En  la  gloria  de  Paradis 
An  lo  Paire  e  an  îo  Fhîl  (sic) 
Et  an  lo  Sant  Esperit 
Ont  aurcs  gaug  lostemps  scnsa  fin. 
AMEN. 


Nous  revenons  au  fol.  24  (ancien  xviij)  qui  est  déchiré. 


I08  p.     M£YER 

Ce  qui  en  reste  représente  Jésus  et  deux  personnages  agenouil- 
lés tenant  dans  leurs  mains  les  attributs  du  métier  d'arpenteur, 
le  destre  et  les  agaclmis.  Celui  de  gauche  est  Boysset,  celui  de 
droite,  dont  on  ne  voit  plus  que  la  main,  le  reste  ayant  été  enlevé 
par  une  déchirure,  devait  être  A,  de  Villeneuve,  Au  verso  on  lit  ; 

Senher,  nos  saben  andos  Nos  saîv  e  garde  lots  de  mal 

Qpe  vos  es  ^tcrmenador^  E  cth  que  upres  nos  venran 

Enquaras  mais  c  destrador,  et  atermenar 

Hoc,  senher^  et  esquairador,  5enher  per  desirar 

E  que  plenieramens  sabes  los  velhas  endreisar 

Nostres  poncs  e  nostras  mesuras araens  puesquan  usar 

E  veses  qui  fa  ben  o  mal  De  la  sUma  de  destrar 

Et  a  quascuQ  rendrcs  guisardon  E  d'atertnenar  eysament 

5cgoD  ^  que  nos  aurem  servit  lo  semblant 

0  mû  o  ben,  en  Tautre  mont;  Talsobras  pusquam  far(/.26ia*ïi'.  îtix) 

iTrt^enheSj  nos  autres  farem  Que  tots  vcngam  a  salvament 

Tds  Tts  que  tç  sien  en  plascr,  El  tien  règne  de  paradis. 
Pif  que  lu  santa  Treniut  Amen. 

Le  reste  de  la  page  est  occupé  par  un  dessin  colorié  où  Ton 
voit  cinq  individus  occupés  à  planter  ou  à  voir  planter  un  terme 
et  ses  deux  agachons.  Celui  du  milieuj  qui  plante  le  terme, 
représente  peut-être  Arnaud  de  Villeneuve, 

Au  verso,  a  magister  Arnaudus  de  Vilanova,  legum  doctor,  » 
est  assis  sur  un  banc.  Tenant  d*une  maîa  un  terme  et  de 
Tautre  un  destre^  il  instruit  des  élèves  assis  au  dessous  de  lui. 

Au  fol.  suivant  (27  de  la  nouvelle  pagination,  xx  de  Tan- 
cienne),  Arnaud  de  Villeneuve  s'adresse  en  ces  termes  à  son 
auditoire  : 

Escolas,  e  fils  micus,  entendes  ;  E  de  sotil  entendement, 

La  sîensa  del  destre  aprenes  Per  que  avertesy  vos  tots  ensemeos, 

E  d'atermenar  eysament.  Non  ulhas  a  ver  ïo  cor  van. 

Que  mot  son  nobîas  veramens  Si  la  siensa  de  destrar 

Aquestas  Jj.  veraiamens  Voles  apenrc  c  d'atemienar. 

De  destrar  e  d'atermenar.  Entendes  bcn  so  que  decharay 

Home  cntendut  vol  atrobar  A  vos  autres  tots  ensemens, 


I*  Les  lettres  soulîgniîcs  sont  enlevées  paruoe  déchirure  du  ms.  De  même 
celles  qui  sont  remplacées  par  des  points. 


BERTRAN    BOYSSET 
Es  maistre  mot  exselent 
E  mot  apics  el  entendut, 
Per  que  nos  em  a  vos  venguts 
Qjie  vos  pksa  a  nos  dccUar 
La  siensa,  si  a  vos  play. 
De  destrar  e  tl*atermenar 
Quar  nos  desiram  trop  saber 
La  siensa  veraiamens 
De  destrar  e  d'aiermenar, 
Plu5  que  la  nos  ave  s  bailada 
En  cscrjg  et  avordeiuda, 
E  ben  tota  quapitohda, 
Plasa  vos  que  la  nos  déclares 
Qpe  nos  la  entendam  claramens 
Sensa  dengun  défailli men^ 
Qjjar  nos  vos  contenta  rem 
De  tôt  a  vostre  voler, 
Sol  demandas  que  voires, 
Qiï*en  ren  non  dtffalhircs. 


LES   MANUSCRITS   DE   BERTRAN    BOYSSET  IO9 

Et  estudias  ben  soven 
En  vostrcs  libres  que  tencs 
Von  es  escricha  la  siensa 
De  destrar  et  d'atermenar, 
E  tou  i  es  quapîtolada 
La  sieusa  et  avordenada 
De  destrar  e  d^aiermenar, 
Per  que  ulhas  la  ben  no  car 
Et  aquela  ben  decorar, 
El  aures  en  honor  e  kus 
Si  ben  en  voies  usar 
Ni  faire  si  con  vos  dccha 
La  siensa  d'atermcnar  (i***) 
Hûc,  fhils  mietis ,  e  de  destrar. 

—  Et  *    hoy»    tnaîstrc    Amaut    de 

[Vilanova, 
Nos  saben  tots  sertanamens, 
Sensa  dengun  defalhîmen, 
<ii'cn  la  siensa  de  destrar. 
£  d*atertncnar  eisament 

Les  deux  feuillets  suivants  sont  occupés  par  des  dessins 
coloriés,  accompagnés  de  légendes»  FoL  28  (anc.  xxj)  :  Aqaesîos 
son  escolas  de  nuiistre  Arnaui  de  Pllarunu  qi4e  si  asajan  d^  dejîrar 
hoc  e  d'aUrtrunar  segon  la  forma  qt4£  !ur  dcclaran  los  qunpiioh,  — 
Au  v'ersD,  quatre  vénérables  personnages  enchaperonnés  et 
portant  des  bonnets  plus  ou  moins  élevés.  Au  dessus  on  lit  : 
Malt  es  sotils  siema  leis,  décrets  e  la  sancîa  teulagia  (sic),  mas  ben 
es  mat  sotil  la  siensa  de  destrar  e  d*atermenar.  Mot  i  coven  botta 
testa  e  sotilesa  gran^  e  quai  que  sien  remplit  de  bon  sens  naturaL  En 
marge,  une  légende  :  Maistre  Amaut  de  Filanova  an  sa  corn- 
panlxia  que  regarda  la  maniera  cotisi  sos  escolas  sabran  destrar.  — 
FoL  29  (anc.  xxij)  :  Aquestos  son  los  escolas  0  dels  e\s\colas  de 
maistre  Arnaut  de  Vilanava  que  aprenon  de  destrar  en  sa  presensia. 

—  Au  verso»  nouveau  portrait  de  a  Maistre  Amaut  de  Vilanova  », 
son  tt  destre  »  A  la  main. 

Suit  (ff-  30  et  3 1)  la  table  du  traité  de  a  destrar  »,  en  quarante- 
six  chapitres.  Puis  un  feuillet  blanc  non  numéroté.  Le  feuillet 
32  est  blanc  au  recto  et  porte  au  verso  le  dessin  d'un  arbre 
dont  les  branches  et  les  feuilles  sont  disposées  avec  une  symé- 


I.  Ce  sont  les  élèves  d'Arnaud  qui  parlent. 


no 


p.     MEYER 


trie  bizarre.  Ces  quatre  feuillets  ne  sont  pas  compris  dans 
Tancienne  paginatioo.  Vient  enfin  le  texte  du  traité.  En  voici 
le  début  : 

{FoL  jj^  anc,  xxiif)  Âysi  acomensa  la  siensa  del  de$tre,e  la  déclara  quapitol 
per  quapitol,  k  f\\i2\  fan  dcchada  a  mi  Bertran  Boysset  per  lo  vénérable  savi 
e  discret  senhor  raaistrc  Amaut  del  Puey,  nof  %  en  siensa  de  destrar  et  d'ater 
menar  Crasque  sufesient  et  entendut»  e  d'alcun  libre  del  davant  dig  maistre 
Amaut,  laquai  libre  e  quapîtols  foron  scrigz  e  dechatz  per  lo  crasque 
exselent  prmse  lo  rcy  Robert  [de]  bona  mcmoria',  rey  de  Jherusaîem  e  de 
Sesilia,  e  per  maistre  Arnaut  de  Vilanova  doctor  e  maîstre  en  medesina  *,  en 
la  c|ual  es  tota  ta  sîensa  del  destrar  e  d'atermenar  (quapitol  per  quapitol 
escrigi).  En  aquest  libre  o  xy  tiailatat  et  e$cng  quapitol  per  quapitol,  per  la 
forma  e  per  la  maniera  que  eo  lo  libre  dcsus  dig  atrobet*  escrig,  l'an  .M.iiij«^. 
e  .j\,  lo  jom  .XV.  de  desembre,  la  quai  acotncusa  lo  perraier  quapitol  aysins 
con  s'cnsicc  de  la  siensa  de  destrar  tan  solamens,  f:^^  après  aquesta  escricha, 
si  siec  ïa  siensa,  quapitol  per  quapitol,  d*atermenâr,  cou  ?«ser  e  legir  la  podes 
en  lo  fuelh  .tiij»»*  e  ,xj  J^ 

I.  Quapiîd  qui  dii  «  o  tntar^  », 
Destrador  et  atermenador^  entent  et  estay  avisât  que  en  tots  los  luocs  qmt 
atrobaras  ni  amras  entre  partidas  débats  que  estie  per  esturment ,  que  digua 
una  sestairadas^  o  ,j.  ^uartaîrada,  o  .x.  st.,  o  quartairadas  o  entorn,  aquel 
entc{r]n  déclara  a  las  partidas  que  son  la  -xvja.  part  d'una  st.  o  d*una  quartat- 
rada.  Esî  eran  .x.,  ,xx,,  .xxx.,  .xl.  st.  o  quartairadas,  o  mais  o  mens  en  Tcstur- 
meni,  perso  non  défalques  que  la  ,xvj*.  partida  d*una  sestairada  o  d*una  (i^) 
quariairada  anb  una  que  entendas  savamens'  que  en  l'esturment  digua  lantas 
sest.  o  tantas  cartairadas  o  entorn.  —  Item,  h  .xvj».  part  d*unc  sestairada  son 
per  far  ton  conte  scrtan  .ix.  destres  e  .xij.  palms  e  cart^  a  la  mesura  d*Arle  ■, 

1,  mtari? 

2.  Les  mo\s  la quùL,.. y  medùsina,  sont  ajoutés  au  bas  de  la  page  en  rcovoi» 
de  la  main  de  Boysset. 

j.  Les  mots  que  j'ai  enfermés  entre  parenthèses  ont  sans  doute  été  écrits 
par  inadvertance,  puisqu'on  les  retrouve  plus  loin. 

4.  Il  faut  ou  airobevj  à  la  première  personne,  ou  plutôt  [5*}itrohet. 

5.  Le  feutUet  ,iiij»^xj.  correspond  au  feuiDet  actuel  106,  où  commence  en 
effet  le  traité  «  d*aterraenar  »,  Mais  il  faut  dire  que  les  lettres  xj  ont  été  sur- 
chargées ici  et  au  fol.  106.  L'ancienne  pagination  a  été  retouchée  en  divers 
endroits. 

6.  Dans  la  iab!e  (fol,  50),  les  mois  per  deilrar  ODt  été  intercalés,  par  renvoi, 
entre  çapitoï  et  que, 

7.  Sai{{\aîmns  ou  Sattamens  ? 

8.  Bo}fsset  a  ajouté  en  marge  quelques  mots  en  partie  coupés  par  le  cou- 
teau du  relieur. 


LES  MANUSCRITS  DE  BERTRAN    BOYSSET  III 

—  Iica»  la  .xvj*.  part  d*una  cartaîrada  de  la  mesura  d'Arle  son  My,  désires, 
.j.  fialm  e  micg.  —  Item,  entent,  destrador,  daramcns  :  si  destravas  una.  terra 
0  4*  vinlia  que  fosa  question  que  contengues  en  Testurment  un  tas  sest,  o 
quartairadas  o  entorn,  e  non  atrobavas  mens  que  .j.  o  .ij.  o  .iij.  o  Jiij.  o  ,v. 
destres  de  la  soroa  que  La  partîda  dlrîe  o  dcmandarîe,  per  so  non  duptes  en 
rcii,  car  per  ,}.  desrre  o  per  Jj.  si  pot  dire  «  o  entorn  »,  con  fa  per  la  .xvj*. 
partida  d*una  st*  o  d*una  quartairada 

Ce  traité  se  termine  au  foL  64  v°  (anc.  liiij).  Je  transcris  le 
dernier  chapitre  : 

Quûpitol  de  poses  ion  que  sk  îûngua,  estrecha,  largua,  bùytosa,  comba^  torta, 
drecba  e  de  totas  avcAs  faysons^  per  quai  manieras  (ijc)  îa  destraras. 

Item»  destrador,  entent  :  si  te  venie  a  destrar  *j*-  poscsion  tjue  fosa  bngua, 
estrecha,  largua,  boitosa,  comba,  torta,  drecha,  e  de  totas  a  vols  faysons» 
bca  penracha  e  jasent  ;  per  so,  destrador  non  esties  esbaït,  ben  que  pron 
auras  a  far,  c  non  seras  ses  obra  veraiaraens.  Mas  fay  so  que  s'en  sec,  e  non 
falhiras  en  rcn,  Pcrmieramens ,  destrador,  tu  farasso  que  ti  comanda  lo 
quapitol  que  acomensa  en  sa  rubriqua  Quapitd  de  segmr  k  poseshn ,  que  es 
lo  quapitol  ters  daquest  libre  de  la  siensa  de  destrar.  Item,  totas  las  gibas 
dcstra  per  sy,  con\bas  e  voûtas  destra  per  sy  ;  so  que  sera  lonc  et  cstreg  per 
sy  ;  so  que  sera  lare  destra  per  sy;  e  generalmetis  te  die  que  dcstra  tota  la 
terra,  que  non  î  reste  lo  traves  d*un  det;  e  non  t'esbaîsquas  per  ren,  quar 
si  lo  i  a  mestier  .x.  destraduras,  «xx.  destraduras  o  niays  o  mens^  so  te  sic 
ment*  Mas  com  (fol  6j  anc.  h)  que  sie,  escriu  tantost  quant  auras  destrat, 
sic  pauc  e  pron,  d*aquela  posesion,  davant  que  plus  en  destres.  E  per  aquesta 
maniera  o  fay  tro  que  sîe  tota  dcstrada ,  e  destra  la  asoladamens,  e  non  aias 
cocha;  e  destrada  que  sie  tota  sonis  ta[s]  somas  grasiosamens  e  bcla,  et 
aias  y  ben  ton  cor.  E  per  taî  que  miels  o  entendis,  l'enprenta  o  la  semblansa 
de  la  poscsion  s*ensec,  c  regarda  la  ben,  avisa  la  ben,  e  nota  la  ben,  e  lieg 
beo  îo  quapitol  aquesi  e  tots  los  autres,  c  sera  ta  honor  e  ton  profîeg  ses 
ùdha. 

Suit  la  figure  d'un  terrain  qui  présente  une  quantité  d*angles 
rentrants  et  saillants. 

Au  verso  du  fol.  65,  Boysset  a  dessiné  un  nouveau  portrait 
de  «  maistre  Arnaut  de  Vilanova  »,  avec  son  chaperon,  son 
haut  bonnet  rouge,  et  son  destre.  Au  fol.  suivant  (anc,  Ivj) 
commence  une  espèce  de  barème  pour  trouver  la  contenance  en 
dextres  des  divisions  de  la  seterée, 

E  nom  de  Dieu  Aracn.  En  Arle,  Tan  M.  Àu\<.  e  .j.,  lo  jom  .xv,  de 
desembre. 
Ayii  s*cn  sîec  quantos  destres  a  en  k  sestairada,  a  la  mesura  de  la  sieutat 
pr         d'Arle,  ni  quantos  palms  a  lo  destre  de  lonc« 

A  lû  dcscre  d*Arle  de  lonc  .xv|.  palms;  de  tas  terras  e  dd  lavor  tant  sola* 


IÎ2  P*     MEYER 

mens^  quar  lu  destrc  de  U$  vinhas  es  en  autre  luoc  d^aquest  libre  escrig»] 

la  quai  es  escrig  en  lo  fuelh  Ixxiij  '. 

Item,  a  en  la  sesiayrada  del  tcrador  de  la  sîeutat  d*Arle,  sien  terraSi  prats, 
pasturas  boscs,  .clvj.  destres  e  .uij.  palms  quairats. 

L'auteur  poursuit  en  indiquant  le  contenu  de  réminée,  qui 
est  la  moitié  de  la  seterée,  puis  des  divisions  de  Féminée  jus- 
qu'au 64'. 

Au  foL  68  (anc.  Iviij)  commence  la  série  des  multiples  de 
la  seterée,  jusqu'à  100  : 

Slec  si  quantos  destres  a  en  una  sestairada  o  en  pluros  autras  sestayradas, 
con  escrig  atrobares  en  aquest  libre^  ni  quantos  destres  en  quayrat  fan  las 
sestairad^s  que  escridias  son  en  aquest  libre. 

,/.  sestayrada,  —  Item^  a  en  una  sestairada  de  la  mesura  d'Arle  .dvj. 
destres  e  .iiij,  palms.  —  Item,  son  en  quai  rat  .xlj.  destres  e  .viij.  palms  una 
sestayrada. 

JL  sfstiip'iidas,  — Item,  a  en  .ij.  sestayradas  .nf.  xij*  destres  e  ,viîj.  palms. 
—  Item  .xvij.  destres  .xj.  palms  mens  la  .vj»»  part  d*UQ  palm»  fasent  d'un 
palm  .vj.  parts,  son  en  quairal  Jj.  sest...., 

(FoL  87  vo,  anc.  Ixxvîj)  .C.  iutairadas.  —  Item,  a  en  .c.  sest.  destres 
.XV"».  .vjc,  e  XXV.  —  Item  .cxxv.  destres  sont  en  quairat  sent  sestayradas. 

Au  fol.  suivant  (8S,  anc.  Ixxviij)  commence  une  série  de 
comptes  faits  sur  la  valeur  de  la  seterée  en  partant  du  prix  du 
destre  : 

Siec  si  quant  ven  lo  destre  segon  que  si  vendra  la  sestairada,  sie  petit  près 
o  gran. 

.i,  fiorin  îa  sest.  —-  Item,  a  .j,  fl.  la  sest.  ven  lo  destre  .],  denier  o  ,v. 
grans  e  mieg. 

(FoL  90  \'<»,  anc.  Ixxx)  .xxxij.  fl.  —  Item,  a  .xxxij.  fl.  la  sest.  ven  lo  destre 
,iîj,  s,  .iij.  dénies  e  .viij.  grans. 

Suivent  d'autres  comptes  faits  : 

(FoL  91,  anc.  Ixxxj)  Aysi  si  sec  quantos  destres  a  en  b  quartaîrada  de  las 
vinhas  d'Arle,  ni  quantos  palms,  fasent  lo  destre  de  .xvj.  palms..,.. 

(FoL  93,  aoc.  kxxiij)  Siec  si  après  quant  ven  lo  destre  de  la  vînha  segon 
lo  près  que  si  vendra,  contant  de  ,xvj.  palms  lo  destre... 


t .  Ce  renvoi  n'est  pas  exact  :  c'est  au  fol  Ixxxviij  (ou  96  de  b  nouvelle 
pagination)  qu*est  défini  le  datrc  dont  on  se  servait  pour  mesurer  les  vignes. 


LES   MANUSCRITS   DE   BERTRAN    BOYSSET  ïl^ 

(F&l.  ^  anc,  iiij^  viij*)  Aysi  se  siec  quantos  palms  a  lo  desire  an  que 
podes  destrar  vinhas  ;  si  plus  vos  agrada  que  l'autre  davant  dig ,  ben  que 
ab  aquest  deves  destrar  et  anb  autre  desire  non ,  quar  aquest  destre  es  per  las 
vinbas  c  Tautre  destre  non.  —  Item,  a  de  lonc  aquest  destre  .xiij.  palms.  — 
Item  en  la  quartayrada  plantada  per  son  just  plant,  que  son  .lii}.  palms  de 
quana,  c  mtrao  y  .xviij^.  et  .xvj.  roalhols,.*.. 

Ces  comptes  faits  se  terminent,  au  foL  98  (anc.  iiij"  x), 
par  un  dessin  colorié  représentant  un  arpenteur  (Boysset  lui- 
même?)  occupé  X  mesurer  des  vignes.  Le  verso  entier  est 
occupé  par  un  autre  dessin  où  1*00  voit  «  maistre  Arnaot  de 
Vilanova  »  debout  devant  un  terme  et  portant  dans  une  main 
deux  agachons^  tandis  que  de  l'autre  main  il  fait  un  geste  ora- 
toire. 

Les  feuillets  99  à  104  contiennent  la  table  do  traité  de  Fart 
de  délimiter  (^aurnunar).  Le  feuillet  105  est  blanc  au  r',  tandis 
qu'au  V**  est  peint  un  arbre  fruitier  assez  semblable  à  celui  du 
fol.  32  v^.  Ces  sept  feuillets,  quoique  de  la  main  de  Boysset, 
ne  sont  pas  compris  dans  Tancienne  pagination. 

Le  traité  de  Tart  à^aiermefiar  commence  ainsi  : 

(Kj/,  ro6,  am,  iiij^  xj)  Sîcc  si  aysi  con  ni  per  quai  maniera  tôt  bon  ater- 
raenador  dcu  aicrmenar  ni  si  dcu  govcmar,  ni  conoiser  d'un  terme  ni  d*aquel 
dcclarar,  ni  de  sos  aguachons  con^i  losdeu  pauzar  ni  a  quai  part,  laquai  decla- 
rasion  e  bs  sicma  c  los  quapitols  d'atermcnar  s'en  siegon  c  son  a\tal5. 

\,  Quapitoî  d'attrtnenm . 

Item,  si  las  partidas  quant  aunes  destrat  e  partît  .J*.  posesion,  destrador 
et  atertnenador,  volien  que  atermenesas  e  plantesas  termes,  estay  avisât  que 
plantes  ton  terme  drcg,  e  si  i  a  mestier  dos  o  .iij.  o  Àn\,  0  .v.  aguachons  o 
nuis  o  métis,  lay  que  sien  tots  d'una  peira  e  que  sien  fraires,  e  que  si  acordon 
tots  sus  la  joncha  de  la  rompedura,  quar  d^autramcns  non  serien  aguachons 
veriâdîcs  apeUts. 

Je  citerai  encore  le  chapitre  quatrième  où  Boysset  recom- 
mande, aux  personnes  chargées  de  poser  des  termes,  Temploi 
d\m  moyen  ingénieux  pour  assurer  dans  l'avenir  des  témoins  â 
leurs  opérations.  Ce  mo3'en,  qui  consiste  i  donner  à  des 
enfants  un  soufflet  pour  leur  fixer  dans  la  mémoire  ce  qu*ils 
ont  vu  faire,  a  été,  du  reste,  souvent  employé  dès  les  premiers 
temps  du  moyen  âge;  voir  Du  Cange,  sous  alapa. 

U  On  passe,  d'après  Tancicnne  pagination,  du  foK  bxxv  au  fol,  Ixxxviij. 


ÎI4 


p.   MEYER 


IIII.  QiiapiiQÏ  per  recor dansa  (foî.  109,  anc.  iîij»*  xîiîj). 

Item,  tu,  atermenador,  entent  quant  plantaras  terme  ni  agachons,  von  que 
SïC,  fay,  sî  podes,  que  y  aia  d'enfans,  e  tay  lur  vezer  la  maniera  con  si  plantan 
termes  nî  a  quai  part  si  pausan  los  aguachons,  ni  von  es  lo  luoc  ni  de  qui  ;  et 
après  dona  a  quascun  dels  enfans  una  bofa,  per  tal  que  quant  seran  antics  lur 
rccorde  d'aquelos  termes  que  auran  visi  plantar  et  aguachonar  a  tu  en  pre- 
senda  dels  autres  que  i  seran  estât. 

L* ouvrage  se  poursuit  régolîèrement  jusqu'au  chapitre  xxxj. 
A  la  fin  de  ce  chapitre  (fol,  127,  anc.  cxîj),  une  note,  de  lu 
main  de  Boysset,  nous  avertit  de  chercher  la  suite  au  fol. 
cxxxvii)  (154  de  la  nouvelle  pagination),  où  se  trouve  en  effet 
le  chap.  xxxij,  et  rouvrage  se  poursuit  jusqu'au  feuillet  315  où 
s'achève  le  91''  et  dernier  chapitre.  Mais  i!  y  a  une  interversion 
qui  doit  être  signalée.  L'ancienne  pagination,  en  chiffres  romains, 
s'arrête  au  fol.  actuel  161,  anciennement  numéroté  cxxxxv.  Là 
se  termine  le  37*  chapitre.  II  faut  aller  chercher  le  commence- 
ment du  38^  au  dernier  feuillet,  coté  316,  du  ms.  Cest  une 
erreur  de  reliure,  et  Terreur  est  double  parce  que  ce  feuillet  est 
relié  de  façon  que  le  verso  est  à  la  place  du  recto.  Du  fol.  316 
f",  on  doit  passer  au  fol,  153  qui,  de  même,  a  été  fixé  dans  le 
mauvais  sens,  le  verso  actuel  étant  en  réalité  le  recto.  Puis  doit 
venir  le  fol.  162.  Il  faut  donc  rétablir  comme  suit  l'ordre  des 
feuillets  :  16 r,  316  v^,  316  r^,  153  v^,  153  r'',  162.  Ce  chapitre 
xxxviij  contient  quelques  figures  et  divers  développements  qui 
ne  se  trouvent  pas  dans  la  copie  de  la  Méjanes.  Il  est  intitulé 
(fol.  3  té  v^)  Capitol  per  àxlarar  la  dreisiera  0  la  longtiesa  cCima 
légua  en  ipmlqîic  pais  que  sic.  On  y  voit,  f.  164,  un  dessin  repré- 
sentant Hercules,  les  jambes  écartées  et  vêtu  à  la  mode  d'un 
chevalier  du  temps  de  Charles  VL  D*une  main  il  tient  Tépée,  et 
de  l'autre  un  tertne*  A  côté  de  lui  est  posé  à  terre  un  heaume 
à  visière  avec  son  camail.  Au  dessous,  une  légende  nous  dit 
que  le  pas  d'Hercule  est  de  125  au  stade.  Les  fol.  réS  v** 
et  169  r''  sont  occupés  par  une  figure  du  monde  {îoî  h  mon  per 
semblama)  dans  la  forme  traditionnelle ,  avec  la  terre  au  milieu, 
puis  les  deux  concentriques  de  la  lune,  des  planètes,  etc. 

Revenons  maintenant  au  fol.  127  où  le  traité  «  d'atermenar  » 
s'interrompt  après  le  chap.  xxxj.  Le  verso  est  tout  entier  occupé 
par  un  nouveau  portrait  de  «  maistre  Arnaut  de  Vilanova  »  tenant 


LES   MANUSCRITS   DE   BERTRAN   BOYSSET 

cette  fois  un  livre  à  la  main.  Puis,  du  foK  128  (.tnc.  cxiij)  au 
fol.  141  (anc,  cxxvj)  est  intercalé  un  traité  sur  le  nom  môme 
du  ierrfu  L*auteur  trouve  au  choix  de  ce  mot  vingt-quatre  rai- 
sons diftèrentes*  Voici  la  première  : 


(Fo/.  t2S)  Sîegon  si  h$  ruons  per  que  terme  es  apelat  ternie  per  las  gens 
cumunamens  c  la  preniîcra  razon  s'ensiec  et  es  ayial  : 

L  Item,  la  razon  penniera  per  que  terme  es  apelat  terme  si  es  quar  son.  iij. 
bras  cnscms  plantadas,  e  sensa  .iij.  peiras  non  si  pot  dire  ni  eser  apelat 
terme  verudicr.  Hoc,  anb  aquesta  condcsion  si  pot  dire  terme  verladîer  que 
^^  de  las  .iij.  peiris  las  Jj.  si  acardon  sus  la  rompedura»  e  que  las  .ij.  sien  parti- 
^H  das  d*urïa  petra,  e  d'aqudas  .îj.  sien  fag  aguacbons  e  plantats  al  pe  de  k 
^^^Éersa  petra  per  la  maniera  e  per  la  forma  laquai  es  déclarât  en  lo  quapitol  que 
^^HBtomensa  «  quapitol  de  pausar  agu.ichons  '  u^  e  per  aquesta  rason  si  pot  dire  et 
^^T    apelir  terme. 

■ 

■     mole 

I    théo; 


Toutes  les  raisons  données  par  Boysset  se  fondent  sur  Téty- 
niologie  erronée  que  «  terme  »  viendrait  de  kr  ou  de  trej,  La 
théologie  et  Thisioire  sainte  lui  ont  fourni  de  nombreux  argu- 
ments, Gtons,  comme  particulièrement  ingénieuse,  la  dix- 
ocuvième  raison,  qui  est  empruntée  à  un  autre  ordre  d'idées. 


(Fol,  t}6y  anc.  cxxt)  Item,  la  .xixa,  rason  per  que  es  apelat  terme  si  es  quar 
lô  es  m^mifest  que  a  Dieusa  plagut  far  lor  jorn  natural  de  .xxiiij.  Iioras.  En 
.xxiii).  ho  ras  a  -viij.  ténias»  et  a  permes  Die  us  mais  que  tôt  los  n  a  viles,  sien 
grans  c  petits»  que  vangan  per  la  raar  salada,  a  mesura  de  .iij.  palms  son 
fags  e  ji  lan  toi  seb  que  si  fan  anquaras;  per  que  apar  rasonablamens  que  a 
Dieus  a  pbgut,  et  a  pcrmcs  que  las  posesîons,  sien  terras  o  vinhas,  pasturas 
o  prats,  per  terme  o  termes  si  aian  a  declarar,  c  très  peiras  sus  partida  si 
abfn]  j  pUnur  :  .j.  longua  peira  e  .ij.  agu  actions,  c  gênerai  mens  per  tôt  s 
tçrmc  si  «Jcta  a  pela  r  et  nonnar. 

L*auteur  avait  évidemment  Tintention  de  terminer  son 
ouvrage  avec  ce  petit  traité,  car,  après  avoir  exposé  les  vingt- 
quatre  raisons  pour  lesquelles»  selon  son  expression,  «  terme  es 
apelat  terme  »,  il  a  écrit,  i  Tencre  rouge,  une  longue  formule 
d'explicit  dont  voici  le  te.xte  : 

(FoL  140  v<*,  anc.  cxxv),  FinitoUbro  sit  Imts  et  ghria  Chrisio.  Qui  txmpùi 


t.  C'est  le  deuxième  chapitre  du  traité  vl  d'atermenar  »,  (ol.  106  ;  il  man- 
querait donc  dcuît  feuillets, 


u6 


p.    MEYER 


2tUS 


esctibat,  seniper  aim  Domino  vvvai\  Vivat  in  seîis  Bertrattdus  Boisseli^ 
Domwù/éUxK  Aaten. 

Anno  Dominî  .M.iîîj<*.  quinto  (1405),  die  .viiî],  mensis  januariî  fuît 
tus  isie  liber  per  me  Bertrandum  Boysscti  de  Arelate»  destratorem  et  atermîi 
torem  Arelat'.,  in  quo  est  omnîs  sciencia  destrandî  et  atermenandi  pro  quapf 
tulis  scrîptis,  quas  siendas  extracsi  et  translaiavi  de  quodam  (foî.  141  ^ 
anc,  îxxvj)  libro  magîstri  Amaudi  de  Podio,  not*  <»  magistri  in  dicta  siensia 
destrandî  et  atermenandi  exselentisimi,  et  hoc  de  verbo  ad  verbum,  acut  et 
proui  in  eodem  libro  reperii,  qui  quîdem  lîber  fuerat,  ut  in  eo  legitur  in  fine 
ejusdem  libri,  nobilis  et  eminentîs  viri  domîni  Arnaudi  de  Vilanova  in  utro- 
que  jure  doctoris  et  raagistri  exselentissimi  in  pluribus  sicnciis,  et  spedaiîtcr 
ïiî  dicta  sciencia  atermcnandi  et  destrandi.  Et  hec^scripsi  ego  supranominatus 
Bertrandus  Boysseti  anno  et  die  supradictis,  et  merqua  mea  qua  utor  in  v\ 
tionibus  meis  destrindi  et  atermenandi  aposui^  ut  sequitur. 

Suit  la  marque  annoncée;  voir  le  fac-similé  ci-contre 

La  comparaison  de  ce  fac-similé  avec  celui  qui  a  été  don 
plus  haut  (p.  92),  d'après  le  ms.  Arbaud,  montre  combien 
récriture  de  Boysset  avait  changé  en  50  ans.  C'est  du  reste  à 
peu  près  récriture  qu'offrent  les  deux  pages  du  ms*  de  Paris, 
reproduites  en  héliogravure  dans  notre  précédent  numéro. 

Les  pages  suivantes  (fol.  141  v*"  à  152  v%  anc.  cxxvi  à 
cxxxvij)  sont  occupées  par  une  série  de  vingt-trois  dessins  fort 
grossiers  qui  représentent  des  termes  en  diverses  conditions, 
inclinés,  fendus,  endommagés  d'une  façon  ou  d'une  autre. 
Plusieurs  semblent  être  des  colonnes  antiques.  Une  légende 
accompagne  chaque  dessin  et  indique  de  quelle  manière  la 
position  exacte  du  terme  doit  être  constatée,  à  l'aide  de  l'équerre 
et  du  fil  à  plomb. 

Il  est  bien  certain  que  ces  dessins  ont  été  ajoutés  par  Bo 
set  après  la  rédaction  de  Texplicit  latin  qu'on  vient  de  lire 
commencent  en  effet  au  verso  du  feuillet  où  s'achève  cet  exp] 
cit.  Quant  aux  chapitres  xxxij  à  Ixxxxj  du  traité  A^atermati 
qui  occupent  la  fin  du  ms.  ^  partir  du  fol.  154,  je  pense  qu'ils 


1 


ni^n 


1.  Formule  dont  on  a  beaucotip  d'exemples.  M.  Watieobach  en  a 
quelques-uns  dans  son  livre  intitulé  Dos  Schriftwcsefi  im  Mittelaîter  (Lap£%7 
1870,  p,  388. 

2.  La  vraie  forme  de  ce  vers,  souvent  employé  comme  explidtt  serait 
Vivai  in  uîis  Bertrandus  nùtnine  fdix. 

5.  Ce  nom,  ici  et  plus  loin,  a  été  rayé  i  Tencrc  noire. 
4,  mtariif 


ii8 


p.    ME^TR 


ont  été  ajoutés  à  différentes  reprises  par  Boysset,  Ce  qui 
fait  croire,  c*est  d*abord  la  variation  de  Técriture.  Tout  le 
manuscrit  est  de  la  tnaîn  de  Boysset,  mais  il  est  visible  que  la 
fin  a  été  écrite  i  des  époques  diverses.  Je  me  fonde  aussi  sur  le 
manque  de  suite  dans  Fordonnance  de  Touvrage»  Il  n*y  a  plus 
aucun  plan  :  les  chapitres  forment  autant  de  petites  disserta- 
tions isolées  dont  plusieurs  traitent  des  questions  de  droit  dans 
lesquelles  un  arpenteur  peut  avoir  X  intervenir  comme  expert, 
mais  qui,  véritablement,  ne  sont  guère  à  leur  place  dans  un 
traité  sur  Tart  de  délimiter  et  de  mesurer  les  terrains.  Enfin, 
l'examen  Je  la  table  des  chapitres  qui  occupe  les  feuillets  99  à 
104,  confirme  encore  cette  manière  de  voir.  Cette  table  a  été 
intercalée  après  coup,  puisqu'elle  n'est  pas  comprise  dans  Tan- 
cienne  pagination.  En  outre,  elle  n'est  pas  complète  :  elle  s'ar- 
rête au  chap.  86,  et  par  conséquent  doit  avoir  été  rédigée  alors 
que  les  chap.  87  à  91  n'existaient  pas  encore.  Il  serait  même 
plus  exact  de  dire  qu'elle  a  été  faite  quand  le  texte  s'arrêtait  au 
chapitre  85,  car,  dans  cette  table,  Fintitulé  du  chapitre  86  e; 
d'une  écriture  visiblement  postérieure  à  ce  qui  précède. 

Je  vais,  pour  donner  encore  un  échantillon  de  la  manière 
Boysset,  transcrire  les  chapitres  89  et  91  (le  chap.  90  est  sans 
intérêt)  qui  ne  sont  point  accompagnés  des  dessins  mïfs  aux- 
quels notre  auteur  a  ordinairement  recours  pour  compléter  ses 
explications  verbeuses  mais  souvent  peu  claires.  Il  s'agit  dans  cç^ 
deux  chapitres  d'un  point  litigieux  qui  devait  être  fréquem- 
ment débattu  sur  les  bords  du  Rhône,  à  savoir  des  droits  que 
les  riverains  pouvaient  prétendre  sur  les  atterrissements  formés 
par  les  alluvions  du  Rhône.  Ces  atterrissements  sont  ce  que 
Boysset  appelle  creis,  au  plur.  creisses.  Le  terme  français,  usité 
en  maints  procès  des  derniers  siècles,  est  créaient.  Le  cours  du 
Rhône  s'est  lentement  modifié  par  suite  de  ces  creraents  jus- 
qu'aux travaux  d  endîguements  qui  ont  été  faits  ù  la  suite  de  k 
grande  inondation  de  1856.  Beaucoup  de  petites  îles,  principa- 
lement celles  qui  étaient  rapprochées  de  la  rive  provençale  (côté 
Empire)  se  sont  soudées  à  cette  rive,  le  bras  qui  les  séparait  de 
la  terre  ferme  s'étant  peu  à  peu  comblé  '•  La  question  qui  s'èle- 


I 


1.  C'est  ainsi  quç  Valabrêgue  (que  le  Dict.  des  Postes  écrit  à  tort  Va 
brègues)  à  quelques  kilomètres  au  nord  de  Tarascon,  était  jadis  djtns  un 
du  Rhône,  et  pjir  suite  appartenait  au  Languedoc,  comme  la  plupart  des  I 


LES   MANUSCRITS   DE   BERTRAN    BOYSSET  Iig 

vait,  et  qui  a  donné  lieu  à  de  nombreux  procès,  était  de 
savoir  quels  étaient  les  droits  des  deux  propriétaires  riverains, 
celui  de  Tîle  et  celui  de  h  rive  voisine,  sur  le  crcmeni.  C*est  la 
question  qu'examine  Boysset  dans  ces  deux  chapitres. 

(Fol.  511  vo).  iuj«*îx.  Capitol  per  tieckrar  h  crds  d*una  illa  que  sia  mlrt  Jj\ 
afgjtas^  ii  quas  era  que  si  ajusUs  an  terra  ferma  0  an  las  posfisims  qm  mien  en 
Urra  ftrnm. 

Item,  destrador  et  atermcDador  o  autre  quai  que  sîe,  entent  :  si  quas  era 
^ue  questîo  endevengties  entre  .ij.  partidas»  so  es  asaber  que  Tuna  part  agucs 
.]*.  UU  entre  .ij.  aiguas,  et  l'autra  part  agues  sa  posesion  en  terra  ferma»  et 
a  quas  vengues  que  Tila  aquela  si  ajustes  an  terra  ferma  d'un  costat,  et  aquej 
de  qui  série  l'ila  demandava  lo  creis  jusque  a  ribas  vielhas  de  terra  ferma  ; 
item,  et  aquel  de  terra  ferma  demandava  lo  creis  aquel,  disent  que  Tiia  non 
deu  avcr  A\*  crei&es,  an  *  li  sufis  ben  que  n*aia  .j,,  aqueï  deforas',  et  aquel 
que  s'es  ajustât  an  terra  ferma  d'un  costat  deu  eser  de  la  posesion  que  son  » 
en  terra  ferma  e  non  dobla.  Sus  aquestas  duptes  non  sues  ♦  csbaït,  quar  nos 
lo  ti  dcdararem  pcr  tal  maniera  que  tu»  atermenador  o  desirador,  o  autre 
quai  que  sie  a  qui  s'apcrtengua  a  dcclarj;r  aquesta  question,  o  sabras  decîarar 
scnsa  fallir.  Primo,  sapias  scrtanamens  que  si  tllon  aquel»  o  autre  quai  que 
sic  que  sic  entre  jj.  aiguas,  e  ven  a  quas  de  foriuna  que  los  rieus  o  aquela 
fcbicra  scqua  e  rOon  sy  ajusta  an  los  terrens  et  an  las  ribas  vielhas,  adoncs 
t^  déclara  que  1q  creis  que  si  sera  fag  a  quascun  costat  sic  megier  :  l'ilon 
n'aJa  U  mîut  e  lo  tcrren  de  ribas  vielhas  Fautra  mitât.  Aqucîa  mitât  entent 
que  vemu  al  terrador  de  las  ribas  vielhas,  si  c'on  parta  segon  que  venra  a  quas- 
cuna  de  las  posesions,  segon  lo  lare  de  sa  frondera,  hem,  sie  pcr  lo  contrari 
que  filon  aquel  o  aquels  aia  creis  deves  .ij.  (foL  J12)  partz»  e  la  .\.  costat  si 
ajuste  an  terra  ferma  e  Tautre  costat  an  Taigua  o  an  la  rebicra  corcrit  deves 
l'autn:  costat  ;  si  aysins  es»  adoncs  déclara  que  lo  crds  que  es  entre  la  rebiera 
corcnt  c  Pilon  sie  et  eser  deia  tôt  de  Tiion  e  de  l'ila  aquela.  Itcni,  lo  creis 
^ilc  Tauirc  costat  de  Tilon  que  si  ajusta  o  s*es  ajustât  an  terra  ferma,  sie  de  la 
iion  o  poscsions  que  son  en  terra  ferma  o  en  froniiera  d'aquel  illon, 
Ûon  aqud  o  aquels  en  aquel  creis  ren  non  aian.  Item»  sie  pcr  lo  contrari 


du  Rhône,  Lors  de  la  division  de  la  France  en  départements,  en  1790,  le 
bras  qui  séparait  l'île  de  la  rive  provençale  était  déjà  comblé  (sauf  dans  les 
grandes  eiux).  Cependant,  cette  commune  fut  comprise  dans  le  Gard  dont 
die  est  séparée  par  toute  la  largeur  du  fleuve. 

U  Pour  a^ïi. 

a,  L*attcrris5cnient  ou  crcmcni  qui  s'est  produit  du  côté  du  fleuve. 

J,  Il  faudrait  «j,  ou  las  poscsions, 

4«  Ailleurs  esties.  Nous  avons  ici  une  formule  qui    revient  en   chaque 


►tttç. 


120 


P.    MEYER 


que  rilon  aquel  o  aqueb  aia  creî$  d'un  costal  e  se  sie  a}U!>tat  an  terra  femu, 
e  de  l'autre  costat  la  rebiera  fonda  e  dest rua  filon  a^ueï  o  aquels,  e  non  aia 
crets  nengun  sinon  que  font  tôt  jorn,  adoncs  tu  déclara  que  lo  creis  que  5*cs 
fag  e  si  sera  fag  de  ves  .j.  costat  de  Filon  an  terra  ferma  si  parta  per  micy  : 
rilon  n'aia  la  miiat  e  las  poscsions  que  îi  seran  davant  l'autre,  c  d'aquela 
niitit  quascuna  poscsions  del  terrenh  n'aia,  segon  sa  frontiera,  sa  partida. 
lieni,  avertis  t\%  si  per  temps  venent  a  ,x»,  .xx.,  .xxx.  ans,  o  mais  o  mens, 
lo  creis  que  es  o  série  entre  la  rebicra  c  filon  que  es  déclarât  desus  que  sie 
de  filon  si  ajustava  a  terra  ferma  (t^)  con  o  faras  ?  Sus  aquest  pong  non 
duptes  en  ren,  mas  déclara  ardîdamens  que  lo  creîs  aqud  si  parta  per  mlty  ; 
filon  n*jia  la  mitai  cl  terren  l'autra  mhat,  e  quascun  per  sa  rata,  con  dig  es 
desus.  Item,  si  duptas  que  sic  fag  tort  ad  aquel  de  qui  es  o  sera  filon»  quar 
era  stat  déclarai  que  sieu  cra,  non  es  ges  rason  per  que,  quar  faîgua  tenic 
de  lare  dos  tantz  trcstanu  que  era  en  aquel  temps  entre  lo  creis  de  filon  e 
terra  ferma  quant  fon  conegut  que  fos  de  filon,  or  es  toi  sec  c  lo  creis  es 
fag  major  .x.  tantz  plus  que  non  era  davant;  e  per  tal  l'iïon  guasanha  e  non 
pcrl,  quar  si  a  fora  fos  atermenat»  tôt  îo  creis  fora  de  las  posesions  de  terra 
Icrma,  c  car  non  o  fon,  cascun  n'a  la  mitât,  e  filon  en  aquesta  part  es  avant 
agul  e  non  ti  es  fag  tort  nengu  ni  al  terrenh  aysi  pauc ,  car  non  fon  at»- 
menat  con  dig  es  desus;  per  que  tu,  aiermenador  vo  autre  quai  que  sic  a  quî 
si  apcrtengua  a  declarar  aquesta  question,  déclara  per  la  raanicra  (JoL  jij) 
que  desus  es  déclarât  et  scrig  er  avordenat,  e  non  falhiras  ;  e  nota  o  ben,  et 
auras  en  honor  e  près. 

Jiij«ît.  Capitol  per  âtclarar  la  via  el  camin  que  dm  avtr  .;\  tlon  qm  su  tntn 
Jj\  aiguas,  e  vmgua  a  quas  que  si  prena  e  sy  ajusta  an  krra  ferma. 

(Fol,  J14)  Jiij"xj.  Capitol  per  declarar  la  dnisiera  que  deu  aver  ./•  .  0.1). 
possessions  qtte  sien  en  terra  ferma  que  traversar  e  pasar  vuelhan  trai^  âUm  illum, 
e  del  creis  wma  sien  que  Inr  sera  davant,  e  ttrar  dreg  al  fluvi  coreni  que  série  a 
Vautre  costal  d^  aquel  iîlum^  si  quas  era  que  PU  un  aqutl  an  terra  ferma  si  ajusUs, 

Item^  atermenador  o  destrador  o  autre,  quai  que  sîe,  a  qui  si  apertengua  a 
declarar  aquesta  question  o  semblant  d*aquesta,  entent  :  sy  Jj.  partidas  a\nen 
débat,  que  la  .j.  agues  una  posesion  en  terra  ferma  que  si  confrontes  an 
ribiera  corcnt,  e  davant  aqucla  posesion  avie  .j.  ilon,  et  aquel  ilon  si  fos 
ajustât  e  près  an  terra  ferma,  et  aquel  de  qui  série  aquela  posesion  de  terra 
ferma  dcmandava  sa  frontiera  jusque  a  f  aigua  corent,  prenent  o  demandant 
tant  del  creis  quant  de  filon  ab  el  traves  sa  dreisiera  (t^),  jusque  a  faigua 
corent  que  série  a  fautre  costat  de  filon  aquel  *.  Item,  aquel  de  qui  série 
filon  diiic  que  filon  era  ilum  *  a  tant  de  temps  pasat  que  memoria  non  en 
en  contraria  c  que  el  e  lois]  sieus  an  posezit  aquel  ilum  .xxx.,  xl  ^  .1.,  Jx., 


I .  Boysset  a  ajouté  en  marge,  avec  renvoi,  quelques  mots  en  partie  enleva 
par  le  couteau  du  relieur^ 
a.  Sic\  Boysset  aurait  dû  écrire  sieu. 


LES   MANUSCRITS  DE   BERTRAN    BOY5SET  12 1 

.Izs.,  aîij",  ans  et  otra,  sensa  contra4icsion  neng[u]nad*ometîengun,  e  pcr- 
len  »  que  aqucl  de  qui  es  la  posesion  de  terra  ferma  non  i  a  ren,  an  perten  e 
dis  que  tôt  lo  creîs  que  es  entre  la  terra  ferma  c  Tilon  es  de  rilon,  et  an- 
quas  *  plus  toi  lo  crcis  que  es  deves  l'autre  costat  del  djg  ilon  que  si  teti  an 
la  rcbiera  .corent,  e  que  la  poscsion  que  es  en  terra  ferma  non  a  ren  en 
lo(s]  creisses  ni  en  Ttlon,  ni  aver  nt  demandar  non  i  deu  ren,  quar  maïs  non 
o  poscsy.  Sus  aquestos  duptes  non  sties  esbaît,  ne  dubtes  en  ren,  quar  nos 
l<K  ty  declararem  si  claramens  que  lo  li  abastara,  Pt;rmi crâniens  ty  (fol.  ///) 
dtclaram  sus  los  creiscs  quai  son,  a  quascun  costat  de  Tilon  vo  a  .j.  tant 
solameos,  que  sieguas  Tavordenansa  e  la  declarasion  declarada  et  scricha  en  lo 
Capitol  Jiij"ix.,  queacomensa  en  sa  rubiqua  ;  Capitol  pet  dt4:hrar  hcms  d*unn 
iîa^  etc.,  e  fay  ses  mais  e  ses  mens,  e  non  falhîras.  Item,  sus  lo  dreg  que 
demanda  aquci  de  qui  es  la  posesioo  de  terra  ferma  sus  Tilon,  con  davant 
scrîg  »,  aquesta  ty  declaram  tôt  sertamens  que  aquel  de  qui  es  ta  posesîon  de 
•ara  ferma  non  a  ren  en  Tilon  ni  aver  non  en  dcu.  Ra2on  per  que  :  car  l'ilon 
a  .L,  .Ix-,  ,iiij»*.,  .C.  ans  que  es  ilon,  et  aqucl  que  lo  posesis  Ta  posesit  e 
SOS  prcdescsos  pasifiquamens  e  quîetaf  sensa  contradicsion  nenguna  a  tant 
de  temps  que  home  non  es  al  contra  ri.  E  si  la  posesion  de  terra  ferma  o  sel 
de  qui  es  o  es  stada  per  tems  pasat  î  aguesan  dreg,  cls  o  agran  demandât  per 
tcms  pasat, si  ben  con  U  aquest  aras  de  (v»)  présentée  per  aquesta  razon  li  decla- 
rjin  que  sel  de  terra  ferma,  o  set  que  a  la  possessio»^  en  terra  ferma,  non  i  a 
dreg  ncngun  en  l'ilon  aquel  ;  réservât  enpero  ad  aquel  que  aune  posesion  en 
terra  ferma  que,  s}-  raostrava  per  stiirmens  o  per  sabedos  amies  qu'ci  agucs 
dreg  en  aquel  ilum,  o  en  tôt  o  en  partida,  que  son  dreg  li  fos  observât  ;  rasio 
quart  :  quia  malt  posesor  lH]tmquam  perscribittir. 

Ainsi  se  termine  le  ms.,  sans  qu'aucune  des  formules  d\'xplkil 
dont  Boysseï  faisait  habituellement  usage  indique  la  fin  du 
traité. 

Ce  traité,  et  le  précédent,  qui  a  pour  objet  «  la  siensa  del 
destrar  w,  ne  sont  pas  d*un  très  vif  intérêt.  Ce  qu'on  en  peut 
dire  de  plus  favorable,  c'est  quils  sont  Tœuvre  d'un  homme 
très  enthousiaste  de  son  art.  lis  ont  été  composés  avec  amour. 
Mais  ils  sont  mal  ordonnés  et  Texposition  des  procédés  i 
employer  est  longue  et  pénible.  Puis  on  y  chercherait  vaine- 
ment des  allusions  aux  opérations  cadastrales  auxquelles 
Boysset  a  dû  prendre  part,  soit  comme  arpenteur  désigné 
par  un  vendeur  ou   par  un  acquéreur,  soit  comme  expert,  à 


I.  C«t  et  que  donne  rabréviation.  Urt  preUrt  ?  Cf.  à  la  fin  du  chap.  pers- 
crtbHur ,  pour  prrsc r  ihit ur, 
2*  Pour  (it$quar. 


122  P.    MEYER 

roccasioii  de  quelque  procès.  La  géographie  historique  n*a  rien 
à  tirer  d'ouvrages  où  aucua  nom  de  lieu  ni  de  personne  n'est 
cité.  Cependant  la  publication  complète  du  ms.  de  Carpentras 
serait  à  souhaiter,  car  un  lexicographe  y  recueillerait  de  nom- 
breux termes  techniques  que  Ton  chercherait  vainement  ail- 
leurs. Le  travail  de  dépouillement  est  du  reste  fait  en  partie. 
RaynouLird  a  pris  beaucoup  d'exemples  dans  nos  deux  traités. 
Seulement  il  les  a  pris  dans  le  ms.  de  la  bibliothèque  Mèjanes, 
mentionné  ci-dessus  (p,  97)'  qui  n'est  pas^  comme  celui  de 
Carpentras,  de  la  main  de  Boysset,  d'où  résultent  peut-être  cer- 
taines incorrections*,  et  de  plus  il  n'a  pas  relevé  tous  les  mots 
intéressants.  Une  suffirait  pas,  pour  mener  i  bien  cette  édition, 
de  posséder  les  connaissances  philologiques  et  paléographiques 
qu'exige  toute  publication  J*un  texte  du  moyen  âge  :  il  y  fau- 
drait joindre  des  notions,  qui  me  font  complètement  défaut,  sur 
l^art  même  que  pratiquait  Tauteur  et  sur  l'histoire  de  cet  art. 
Boysset  est  assurément  un  simple  praticien  :  il  ignorait  bien 
certainement  les  travaux  des  agrimensorcs  de  l'antiquité,  mais  il 
suit  une  tradition,  et  cqsî  cette  tradition  qu'il  serait  nécessaire 
de  connaître  afin  d'apprécier  équitablemenc  son  oeuvre.  Ici  se 
pose  une  question  que,  pour  nu  part,  je  ne  suis  point  en  état 
de  résoudre.  On  a  vu  plus  haut  (p,  105)  que  Boysset  place  son 
traité  de  la  science  du  ikxire  sous  le  patronage  d'Arnaud  de  Vil- 
leneuve, «  docteur  en  droit  civil  et  canon,  versé  dans  Tastrono- 
mie,  la  médecine,  la  théologie,  les  sept  arts,  »  It  ajoute  qu'Ar- 
naud de  Villeneuve  était  catalan,  qu'il  fut  longtemps  au  service 
de  Robert,  roi  de  Naptes,  comte  de  Provence,  et  que  c'est  sous 
la  dictée  de  ce  prince  qu'Arnaud  écrivit  le  livre  qui  contient 
toute  la  science  «  de  destrar  et  d'atermenar  >k  Est-il  vrai  qu'Ar- 
naud de  Villeneuve,  le  célèbre  médecin  qui  a  tant  écrit  sur  la 
médecine,  sur  la  chimie  et  même  sur  la  théologie,  ait  aussi  com- 
posé un  traité  d'arpentage?  Il  est  permis  d'en  douter.  M.  Hau- 


t ,  Il  Tenregistra  dans  la  «  table  des  principaux  ouvrages  dtés  »  (£/Jf.  rom. 
V.  610  b)  comme  suit  :  «  Traduction  du  Traité  de  Farp^Dtage.  Biblioth^uc 
d'Aix,  ms,  » 

2.  Ainsi  Raynouard  cite»  V,  252,  un  exemple  d'asoîotitwt^ti,  qu'il  traduit 
par  «  isolément  »,  Mais  dans  le  ms.  de  Carpentras  (fol,  65  ro)on  lit  dans  cet 
exemple  asoladanum^  et  le  sens  est  plutôt  «  tranquillement,  avec  caîme  »  (vo>\ 
Mistral. ,  assouïà).  Cf.  utt «autre  exemple  du  m^me  mot  çi-dessus.  p,  m, 


LES    MANUSCRITS   DE   BERTRAN    BOYSSET  12} 

réau^  dans  son  article  si  complet  et  si  fouillé  sur  ce  personnage, 
élève  contre  cette  attribution  de  très  graves  objections.  «  Il  est 
f  impossible  de  croire  qu*Arnaud  se  soit  donné  les  titres  de 
maitre  es  ans,  de  docteur  en  droit  romain,  en  droit  cnno- 
ff  nique  et  en  théologie  qu'il  n  a  jamais  possédés.  »  De  plus, 
lorsque  Boysset  lui  fait  dire  que  son  livre  a  été  composé  à  Naples 
'  la  quatrième  année  de  Robert  (ci-dessus,  p.  loé),  il  produit  une 
assertion  inadmissible,  car  «  Robert  ayant  été  couronné  roi  de 
«  Sicile  le  i^^  août  1309,  Tan  quatrième  de  son  règne  a  com- 
«  mencé  le  i*'  août  1312,  Or  Arnaud  était  mort  avant  le 
«  1  î  mars  1312*.  »>  Cependant,  je  n'irais  pas  jusqu'à  dire,  avec 
M.  Hauréau,  que  ce  prologue  est  «  purement  fictif  ».  I!  est  pos- 
sible en  effet  que  Boysset  se  soit  inspiré  d'un  traité  d'arpentage 
fait  à  la  requête  du  roi  Robert  par  un  autre  qu'Arnaud  de  Vil- 
leneuve, et  que  ce  traité  ait  été  placé,  par  une  fraude  dont  on  a 
bien  des  exemples,  sous  le  nom  illustre  du  grand  médecin 
catalan.  Ce  qui  me  porte  à  croire  que  tout  nVst  pas  fictif  dans 
l'assertion  de  Boysset,  c*est  la  mention  précise  qui  se  lit  au  com- 
mencement du  traité  «del  destre  »  (ci-dessus  p.  iio)  d'un  cer- 
tain Arnaud  du  Puy,  notaire  (?),  homme  fort  entendu  en  la 
science  de  0  destrar  e  d'atermenar  »,  qui  lui  aurait  communiqué 
l'ouvrage  composé  en  collaboration  par  le  roi  Robert  et  par 
Arnaud  de  Villeneuve;  cC  Texplicit  du  foL  140  v"'  (ci-dessus 
p.  lié).  On  ne  voit  pas  dans  que!  intérêt  Boysset  aurait 
inventé  une  fable  aussi  compliquée,  et  on  conçoit  très  bien  qu*il 
ail  pu  tenir  d'un  certain  Arnaud  du  Puy,  d*ai!leurs  inconnu,  un 
ouvrage  perdu  qui  portait  induement  le  nom  d*Aniaud  de  Vil- 
leneuve. 


Je  termine  par  quelques  observations  sur  la  langue  de 
Boysset  dont  j^empruntc  les  éléments  au  ms,  de  Carpentras. 
Elles  sont  à  rapprocher  de  celles  que  M.  Chabaneau  a  présentées 
dans  la  Rei*t4€  d<'s  langim  romanes ,  2*  série,  XII,  109  et  suiv.,  à 
Toccasion  de  la  vie  de  sainte  Marie-Madeleine  que  renferme  le 
ms,  Arbaud, 

Toniques,  ô  latin  devient  uo  :  hwc. 

au  latin  devient  0  dans  te  (aut).  Parfois  un  v  se  produit 


1.  HkloiTt  /iWirûir/,  XXVIII,  116-7. 


124  P*    MEYER 

au  devant  de  Yo  quelle  qu'en  soit  Torigine  :  w  (aui),  von 

(unde);  le  même  fait  se  produit  avant  la  tonique:  avordenar. 
—  J'ai  signalé  jadis  von^  vueilhs  (o  cul  os)  dans  te  chansonnier 
Giraud>  qui  a  été  écrit  en  Provence  (Derniers  troubadours  de  la 
Provence,  p.  20). 

PosTTOhîïQtiES.  Les  troisièmes  personnes  du  plur.  en  -ant 
conservent  leur  forme  étymologique  ;  ind*  pr.  cuidun^  dularan^ 
intran;  imparf,  eran;  subj.  prés,  liegan  (legant);  subj.  pi* 
que  parf.  perdesan.  La  finale  analogique  -on  n'apparpît  pa:* 
encore.  Cf.  Romania,  IX,  201-2.  —  a  suivant  i  devient  e  :  avie^ 
aurie^  auries  (2'  pers,  sing.),  cresie,  ue,  valie,  poirten^  volrien. 
De  même  dans  le  ms.  de  P.  de  Serras  (Rontamay  XIV»  544)  et 
ailleurs,  surtout  en  Provence  (Romania,  IX,  202). 

ANTèxoKiQUES.  î  latin  avant  la  tonique  devient  e  dans  rebura 
(riparia),  foL  311  v**.  De  mcmc  fegura^  fol.  5  V",  fegurat^ 
fol.  8  v*».  &ins  doute  Vi  latin  est  bref  dans /f^wra,  mais  ce  mot, 
étant  passé  en  roman  par  voie  savante,  conserve  ordinairement 
son  L  Veguier  (vïcarius)  est  parfaitement  régulier  (cf.  le  fr. 
veier^  imer)  ;  cependant  ailleurs  la  forme  constante  est  viguier 
{Ltx,  rom,^  V,  542)1  bien  que  ce  mot  ne  semble  pas  être  de  for- 
mation savante. 

Consonnes.  Boysset  emploie  volontiers  qu  pour  c  :  quamîn, 
quanna^  quapilol,  qmscun^  quas  (cas us),  pasifiquanum,  aquahat ^ 
qtuil  (calet). 

V  initial  disparaît  devant  u  :  ullms  (subj.  prés,  de  iH>kr),  p.  105 , 
w.  41,  50,  56,  etc.;  on  a  aussi  î^Ums^  velha,  fol.  15  r°,  p.  106, 
v.  65,  etc. 

Vj  en  contact  avec  une  voyelle  précédente,  se  vocalise  et 
engendre  un  c  avant  lui  ;  rieus  (ri vos),  de  même  le  b  devenu 
V  :  escrieure,  foL  7  v".  Cf.  mes  Derniers  troubadours  de  la  Provence, 
p.  21. 

m  suivie  (après  la  chute  d'une  voyelle  intermédiaire)  d'n 
s'assimile  à  cette  consonne  :  nonnat  ^  p.  103,  v.  30;  notimi^ 
p.  105,  v.  44,  Il  ne  paraît  pas  que  cette  forme  ait  persisté  en 
provençal  (voy.  le  dict.  de  Mistral  sous  nouma),  mais  il  y  en  a 
des  exemples  à  la  fin  do  moyen  âge»  notamment  dans  le  Ludus 
S.  }a£obi  de  Manosque.  —  La  forme  ordinaire  nomnar  se  trouve 
aussi  (p.  105,  V.  48)» 

n  s'intercale  dans  mngun,  dans  vengam  (videamus),  p.  104, 
V.  53,  dans  vanga,  p.  105»  note  2, 


LES   MANUSCRITS   DE   BERTRAK    BOYSSET 

r  suivi  dV  disparaît  :  smhs,  (kstradvs^  atermaïadoSy  rcdks; 
c'est  un  fait  très  général  à  cette  époque  et  plus  tôt.  Voir  mes 
Dernier i  troubadours  de  la  Provence^  p»  23. 
,  ç  est  habituellement  remplacé  par  5  :  sieutat,  sertamms^  Franses^ 
Vinsens. 

s  devient  r  dans/)/«r(U,  fol.  5  v**,  paurar^  foL  8  v*^.  Ce  chan- 
gement est  plus  fréquent  dans  les  mss.  de  la  chronique,  —  j  dis- 
paraît devant  /,  ou  s'assimile  en  /  ;  illa  insula,  iïa^  iUon^  iîmi. 

sCy  J/,  au  commencement  des  mots,  n'appellent  pas  toujours 
un  e  d'appui  :  Tauteur  écrit  volontiers  scrig^  scrich^  scricha,  siai^ 
slies^  fol.  314  V**,  slurmens.  Il  en  est  ainsi  non  seulement  quand 
le  mot  précédent  finit  par  une  voyelle,  mais  même  quand  ce 
mot  se  termine  par  une  consonne*  Cet  usage  est  fréquent  en 
Provence  et  ailleurs  à  cette  époque  * . 

ss  se  réduit  ordinairement  Is  :  fosa  (plus*que-parf.  du  subj. 
dVijcr),  pasat^  perJesan,  saupeses^  posesion,  sucesors. 

et  devient  ordinairement  g  à  la  fin  des  mots  :  fag,  dreg,  dig^ 
scrig\  parfois  ch  :  scrkh.  De  même  quand  s  suit  :  fags  et  fachs. 
Naturellement,  ce  groupe  est  toujours  rendii  par  ch  quand  il  est 
suivi  d*une  voyelle  :  dicha^  fâcha. 

Il  y  a  peu  d'observations  à  faire  sur  la  flexion.  Les  deux  cas 
se  sont  réduits  i  un  seul  qui  est  en  généra!  celui  du  régime, 
quascuna  posesmts^  foL  312  r°,  offre  à  la  vérité  la  forme  du  cas 
sujet,  mais  ce  peut  être  une  simple  erreur  d*écnture» 

Il  y  a  de  nombreux  exemples  des  pluriel  en  -os,  dans  certains 
pronoms  et  adjectifs  :  aquelos,  aguestos,  îanîos,  quanîos.  On  les  a 
déjà  signalés  en  d'autres  textes  de  la  Provence;  voy.  Romania, 

xvni,  428. 

L'an,  masc,  lo  devient  la  dans  la  quai  II  n'y  a  pas  de  doute 
sur  le  genre  :  la  qualcapitol^  fol.  20  v";  /^  quai  libre  fon  aquabai^ 
foL  22  v*.  On  peut  comparer  sa  pour  so^  et  même  la  pour  lo 
dans  l'expression  la  us  (fun). 

L'article  ou  pronom  neutre  lo  est  employé  comme  sujet 
du  verbe  esser^  au  pbr.  :  «  lo  son  pluros  gens  que.,,  m, 
foL  5  v**,  «  il  y  a  des  gens  qui.,,  w  Cet  emploi  de  lo  est  bien 
connu  et  on  a  beaucoup  d'exemples  dès  le  xin'^  siècle,  mais  ordi- 
nairement h  est  construit  avec  le  singulier.  Cf.  Romaniay  IV, 


t.  Voir  Bulletin  tU  la  Soc.  des  anc,  textes,  1890,  p.  107, 
1,  Voy.  Qiahaneau,  Romania^  W\  539. 


126  p.    MEYER 

342,  Vn,  329,  ec  Bulletin  de  la  Société  des  anciens  testes  français  y 
1883,  p.  62. 

Dans  la  conjugaison  on  remarquera  la  forme  relativement 
moderne  Wt- (je  veux),  fol.  2  r^,  7  v",  au  lieu  de  Tancien  voil^ 
vuelh.  La  première  pers.  plur,  du  présent  de  Tind.  à'esser  est 
siam  (p,  105,  V.  29),  forme  habituelle  depuis  le  temps  de  Boysset. 
et  même  avant,  en  Provence. 

Le  part,  passé  agut  se  substitue  à  cstat^  comme  en  bien  d'autres 
textes;  cf.  BulL  dt  la  Soc,  dàs  anc.  textes ^  1S85,  p.  62. 

Je  signalerai  un  emploi  de  de  partitif  qui  est  actuellement 
tout  à  fiiit  habituel  en  provençal,  mais  qui,  à  ma  connais- 
sance, n'est  pas  usité  au  mojren  âge,  du  moins  dans  les  textes 
littéraires  :  «  fay,  si  podes  que  y  aia  rfenfans  »,  fol,  109.  Cf. 
Revue  des  langues  ronmnes^  2^  série,  XII,  115» 

Paul  Meyer* 


P.-S,  —  La  chronique  de  Bertran  Boysset  vient  d'être  publiée  d'après  le 
ms.  de  Paris,  dans  le  tome  Vil  de  VArchiv  fur  Litteralur  imd  KirchcftgeschïdHe 
des  Mittelalkrs  (1895)^  L*autcur  de  cette  édition,  le  R.  P,  Franx  Elirle*  S.  J., 
avait  été  informé  de  Fexistence  du  ms.  de  îa  Bibliothèque  nationale  par  le  fac- 
sîmile  que  j'ai  fait  laire  jadis  de  deux  pages  de  la  chronique.  Il  a  connu  lems. 
des  Trinitaircs  d'Arles  par  la  copie  de  Bonemant,  et  a  rais  à  profit,  dans  ses 
notes,  rédiiion  publiée  par  M.  Fassin,  d'après  une  autre  copie  de  Bonemant, 
dans  le  Musée  d'Arles.  La  publication  du  P*  Ehrlc  n'est  certainement  pas 
irréprochable.  Elle  5*achevait  au  moment  où  paraissait  notre  précédent 
numéro,  et  par  suite,  Téditeur  n'a  pu  profiter  des  recherches  sur  les  mss.  de 
Boysset  que  contiennent  le  mémoire  de  M.  Novati  et  le  mien.  Le  titre  même 
de  la  pubhcation  :  DieChromizda  Garoscus  de  Ulmoisca.  veteri  und  Bertrand 
B<ysstt  montre  assez  que  le  savant  jésuite  a  accepté  de  confiance  Tabsurde 
lecture  de  Baluze,  Garôsctis  de  Utmoism  veteti  au  lieu  de  Jacobus  de  vetino  ista 
v'uii  {Kotmma,  XXI.  564);  et  en  d'autres  endroits  encore,  malgré  le  secours 
que  lui  apportait  le  texte  de  Bonemant  publié  dans  le  Musày  sa  transcription 
du  ms.  de  Paris  pourrait  être  critiquée.  Toutclois,  il  ne  serait  pas  équitable 
d'insister  sur  quelques  erreurs  éch.ippées  à  un  érudît  qui  a  fait  ses  preuves 
en  d'autres  domaines,  et  qui,  cette  fois,  se  trouvait  sur  un  terrain  nouveau 
pour  lui.  J'aime  mieux  constater  que  le  P.  Ehrlc  a  trouvé,  de  son  c6té,  plu- 
sieurs des  faits  qui  ont  été  étabhs  soit  dans  le  mémoire  de  M.  Novati,  soit 
dans  le  mien,  et  qu'il  a  joint  a  la  chronique  de  Boysset  des  notes  dont  un 
futur  éditeur  pourra  tirer  bon  parti.  P.  M» 


MÉLANGES 


UNE  CHARTE  DE  GAGE  BRÛLÉ 

La  vie  de  Gace  Brûlé,  comme  celle  de  la  plupart  des  trou- 
vères, est  fort  obscure  :  il  vivait  à  la  fin  du  xii*  siècle  ;  il  était 
Champenois;  il  passa  quelque  temps  en  Bretagne,  où  il  avait 
été  appelé  par  le  comte  Geoffroi  II  ;  il  était  chevalier.  Voilà  à 
peu  près  tout  ce  qu'on  sait  de  lui  ',  et  ce  n'est  pas  beaucoup. 
Aussi  nous  a-t-il  paru  intéressant  de  signaler  une  charte,  datée 
de  12 12,  qui  émane  d'un  seigneur  nommé  «  Gatho  Bruslé  ». 
L'association  de  ce  nom  et  de  ce  surnom  permet  d'attribuer  cet 
acte,  avec  une  grande  vraisemblance,  soit  au  poète,  soit  à  un 
de  ses  enfants ,  et  la  date  peut  fort  bien  convenir  au  poète  lui- 
môme;  la  région  seule  étonne  un  peu,  car  on  ne  s'attendrait 
guère  à  trouver  un  Champenois  établi  sur  les  confins  du  comté 
de  Dreux  et  de  la  barbnnie  de  Châteauneuf  en  Thimerais. 

La  charte  en  question  provient  de  la  commanderie  de  la 
Villedieu  en  Drugesin  ^;  elle  relate  un  contrat  passé  entre  Gace 
Brûlé  et  les  Templiers  :  ceux-ci  reçoivent  de  Gace  deux  arpents 
de  terre  pour  lesquels  ils  lui  payeront  un  cens  annuel  de  trois 
deniers  parisis,  et  ils  lui  abandonnent  une  rente  de  trois 
setiers  de  blé  qu'un  de  ses  serfs  leur  avait  donnée  sur  un  moulin. 

P.    GUILHIERMOZ. 

Sciant  omncs ,  tam  futuri  quam  présentes ,  quod  ego  Gatho  Bruslé  dedi  et 
concessi  Dec  et  béate  Marie  et  fratribus  miliiie  Templi  duo  agripenna  terre, 


1.  P.  Paris,  dans  VHist.  littéraire,  XXIIl,  564-9.  —  G.  Huet,  dans  les 
Positions  des  thèses  soutenues  (à  V Ecole  des  Qmrtes)  par  les  élèves  de  la  promotion 
de  i88s,  p.  87. 

2.  La  Villedieu,  commune  de  Laons,  Eure-et-Loir,  arrondissement  de 
Dreux,  canton  de  BrezoUes. 


128  MÉLAKGES 

sîta  in  feodo  Graleriarum  »  juxu  Foveatxi  Fundatam,  in  [K'rpeltiam  elemosi- 
nam  possidcnda,  que  ego  emi  de  Lciart  de  Ponte,  et  predicii  fr:itres  dîmiserunt 
niiclii  et  heredibus  meis  tria  sextercia  annone  que  Arnulphus  Botefol,  scnus 
meus,  dederat  eisdeni  frairibus  in  molendino  de  Taveion;  unde  michi  et 
heredibus  meis  predicti  fratres  reddent  antiuatîm»  in  invcntione  sancti 
Stephani  prothottiartirîs ,  très  denarios  censuales  parisicnsis  monete,  quos 
nisi  nikbi  et  beredibus  meis  reddiderint ,  super  terram  prediciam  jtistitiam 
meam  exercebo,  Ei^  ut  hoc  ratum  permancat  et  stabile,  presentem  cartam 
sigilli  meî  impressione  roboravi.  Aaum  aano  graiie,  M.  C'C.  XII, 

(Archives  nationales»  S  4982»  n^  9.  —  Original  scellé.  Le  sceau 
pendant  sur  double  queue  n'existe  pîus.) 

LES  PREMIERS  VERS  DE  CHARLES  D'ORLÉANS 


Dans  son  édition  des  poésies  de  Charles  d'Orléans,  Champol* 
lion-Figeac  a  publié,  en  appendice*,  un  court  poème  moral, 
sous  ce  titre  :  Le  livre  contre  tout  pàlk\  par  Louis  XIL  Le  titre 
est  bien  cetoi  que  Tauteur  du  poème  a  voulu  donner  à  son 
œuvre,  mais  l'attribution  à  Louis  XII  n*a  d'antre  autorité  que 
la  perspicacité  de  Féditeur.  Voici  en  quels  termes  ChampoUîon- 
Figeac  s'explique  i  ce  sujet  dans  la  notice  qui  est  en  tête  de  son 
édition*. 

Ow  trouvera,  sous  le  n«  II  de  rappetidice,  un  petit  poème  composé  par  un 
duc  d'Orléans,  Le  prénom  a  été  gratté  dans  le  manuscrit.  Nous  Tavions 
attribué  d'abord  au  duc  Charles ,  à  cause  de  son  élégance  ;  maïs  comme  le 
prince  qui  en  est  Fauteur  diiclare  l'avoir  composé  i  Tige  de  dix  ans,  et  qu*U 
y  parie  de  maître  Alain  Chactier,  nous  avons  été  portés  â  reconnaître  pour 
l'auteur  de  ce  petit  livre,  Louis,  duc  d'Orléans,  qui  fut  plus  tard  le  roi 
Louis  XIL  Cette  curieuse  circonstance  de  la  vie  de  ce  monarque  était  entière- 
ment ignorée.  Nous  avons  trouvé  ce  petit  poème  à  la  fin  d*un  manuscrit  laiin 
qui  a  fait  autrefois  partie  de  b  bibliothèque  des  ducs  d'Orléans  i  Bîois.  On  y 
lit  aussi  une  pièce  de  vers  larins  en  l'honneur  des  enfants  de  Charles  d'Orléans. 
Ce  manuscrit  est  de  la  fin  du  xv«?  siècle  et  porte  les  armes  de  ce  prince. 

La  i<  curieuse  circonstance  »  dont  Champollion-Figeac  a 
illustré  la  vie  de  Louis  XII  n*a  pas  échappé  au  dernier  historien 
de  ce  prince,  M,  de  Maulde-La-CInvière,  mais  c^Ue  ne  lui  en  a 


I.  Groslière,  commune  de  Chàtaincourt,  Eure-et-Loir,  arrondissement  de 
Dreux ,  canton  de  Brezolles. 

a.  Les  poésies  du  duc  ClniHes  (t Orléans ^  Paris,  1842,  p,  410-414, 
3.  IhfiL  p,  XXXV j. 


LES    PREMIERS    VERS    DE    CHARLES    D  ORLEANS  129 

pas  imposé.  Sachant  de  bonne  source  que  le  futur  Loui-s  XII  fut 
un  très  mauvais  écolier,  il  ne  Ta  pu  croire  capable  de  composer 
le  poème  qu*on  lui  a  attribué  :  <«  M.  Champollion,  dit-il,  attri- 
•  bue  à  Louis,  à  Tâge  de  dix  ans^  une  petite  pièce  de  poésie  sur 
Il  les  péchés  capitaux.  Mais  cela  nous  paraît  peu  probable*  La 
tt  seule  preuve  réside  en  ces  vers  : 

Ce  livre,  lequel.  Dieu  donnant, 
Je  nommt^  d'Orl<?ans 

Vh  quant  je  eus  acompli  X  ans. 

T-e prénom  est  en  blanc;  il  est  probable qu*il  s*at;it  ici  d'un 
«  Orléanais,  ce  que  semblent  indiquer  les  mots  :  Je  nomme  y  qui 
«  ne  s'appliquent  guère  à  un  prince  '.  ^ 

L'étude  directe  du  manuscrit  dont  ChampolUon-Figeac  a 
tiré  le  Livre  contre  tout  pèch*  permet  d'arriver  tacilement  a  la 
solution  de  ce  petit  problème  de  critique  littéraire  et  d'affirmer 
que  Tœuvre  est  de  Cbarlcs  d'Orléans.  Ce  manuscrii^  porte 
actuellement  le  n**  9684  du  fonds  latin  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale, après  y  avoir  été  désigné  antérieurement  par  cinq  numéros 
différents  au  moins  :  suppl.  lai.  S45  —  5276  —  5247  A  — 
1822  —  CIOLXXIIL  Le  numéro  en  chiffres  romains  est  celui 
du  catalogue  de  Rigault,  terminé  en  1621  ^  D'autres  mentions 
nous  font  remonter  plus  haut  encore.  Au  verso  du  4*^  feuillet  de 
garde  antérieur,  on  lit,  d'une  écriture  du  xvi''  siècle  :  Ex  libris 
hisîorialibm  pu}[pi]îo  )""  a<l  parietcm  a  parle  curie  cast  ri,  IJtteraC  ). 
Cette  indication  suffirait  à  prouver  que  le  manuscrit  a  fait 
autrefois  partie  de  la  bibliothèque  de  Blois;  mais  on  Ut  par 
surcroît  ;\  la  fm  du  Livre  contre  tout  péché,  fol.  41  r"  :  De  caméra 
anupotorum  BUs\ensi\.  Enfin,  deu.x  autres  mentions,  du  xV'  siècle 
celles-tij  qui  avaient  été  grattées  en  tête  du  premier  feuillet  de 
garde  antérieur  et  en  tête  du  folio  42  r'V  ont  pu  être  lues,  grâce 


1,  Hist.deL^uis  XIL  Paris,  1889,  i«  partie,  I,  27$,  note  4,  J'avoue  que  je 
vols  pas  pourquoi  les  mots  :  ;>  twmnU  (jm  Ul)  ^  ne  s'appliquentient  pas  d 

i  prince;  je  ne  m'arrêterai  donc  pas  ici  ni  plus  loin  à  discuter  ce  scrupule 
de  M.  de  Nfauldc-Lj-Clavicre, 

2.  On  remarquera  que  Chatnpolîion-Figeac  ne  donne  pas  d'indication  pcr- 
fDcttaût  de  rcUDUvcr  ce  manuscrit.  Quand  je  l'ai  ^n  entre  k^  mains,  j'étais  à 
b  recherche  non  des  poésies  françaises  de  Charles  d'Orléans,  mais  des  poésies 
Utines  composccs  dans  son  entourage, 

|,  Cf.  Rûmaniu,  XV'll.  406. 


130  MELANGES 

i  un  réactif,  par  mon  ami,  M*  Henry  Omont  :  la  première, 
Constat  domino  mco  comiîi  de  Angoksmc;  la  seconde,  Karolo  duci 
AureUanensi  spécial  codex  isic. 

Abstraction  faite  de  quelques  hors-d'œuvre  sur  les  feuillets  de 
garde  ^  le  manuscrit  9684  contient  quatre  compositions  diffé- 
rentes :  i^  le  Catilina  de  Salluste,  du  f"  i  au  f''  35,  avec,  en  tête, 
une  petite  miniature  et,  dans  TO  initial  de  omnis  Imnincs^  Vécu 
aux  armes  d'Orléans;  Técriture  est  du  commencement  du 
xv*'  siècle, 

2"*  Une  pièce  de  vers  latins  faisant  suite  immédiatement  au 
Catilina,  et  dont  voici  le  titre  et  les  premiers  vers  : 

Hk  infra  Sibilla  vaUs  aUoquitur  ilhtstres  dontini  ducis  Aunlianensis  geniios 
monetqm  pro  eorum  per  egregios  tmr€s  exaUaiiom  : 

ïnâok  Cesarei  fratres  solique  nepotes 
Lilileri  solii,  Ludovici  parte  pircmis 
RegiBcam  stirpcm  Frigio  qui  dudtis  Anglo» 
Sanguine  materno  Lignrum  serpeniis  avite , 
Formosi  nitiiium  pueri,  cca  sidcra  trina,,. 

En  tout  32  vers.  L'écriture  est  différente  de  celle  du  Catilina. 
L'auteur  n'est  pas  désigné  ;  mais  il  est  évidemment  le  même 
que  celui  du  numéro  suivant. 

3°  Une  pièce  de  vers  latins  transcrite  aux  folios  36  et  37  r% 
et  dont  voici  le  titre  et  le  début  : 

Histaria  ad  âilecthnem  rtipubUcc  exdtaiiva,  a  Valerio  Maximo  scripta^  îibrû 
quiniQ,  iitf4h  «  de  gratis  trga  patriam  »,  taliter  $icut  sequitnr  i^erstjkata  : 

Urbs  Romani  potens»  claris  cclebrata  triumphis,.. 


1.  L«s  feuillets  antérieurs  contiennent  des  listes  chronologiques  en  latin 
des  empereurs,  des  rois  de  France  jusqu'i  Louis  VIII ,  des  premiers  consuls 
de  Rome,  Au  ff  42  r»  se  lisent  ces  vers  plus  intéressants  par  la  date  qu'ils 
rappellent  que  par  les  connaissances  prosodiques  de  Tauieur  : 

AngloTLim  rcgrao  pro  morte  pnvau  martti 
Formoso  moribus  Liidovkî  ^Ho  ducis 
Aurtlianeosis  Karob  Compendii  pukra 
Francorum  nupsit  fsabcllis  fdia  régis 
Aîino  mill"*  cccc*'  julîi  sexto 
Viccsîtîia  noua.  Faveant  Superî  precor  ipsis. 

Le  mariage  de  Charles  d'Orléans  et  dlsabcUe  de  France,  veuve  de  Richard  IJ, 
eut  lieu  le  2g  juin  1406,  d'après  la  plupart  des  auteurs,  le  6  juin,  d'après 
M.  Jiirry  (^Louis  de  France,  due  d'Orléans,  p.  335).  Quelle  date  est  la  bonne? 


LES  PREMIERS  VERS  DE  CHARLES  D  ORLEANS       I3I 

En  tout  S 5  ve  s.  L'écriture  paraît  être  la  même  que  celle  du 
Qtilin^.  A  la  suite  du  titre,  une  main  différente  a  écrit  en 
caractères  trtïs  fins  :  abo.  d.  /.  La  même  main  a  ajouté  plus 
clairement  le  nom  de  Tautcur  ;i  la  fin  de  la  pièce  :  H'  Odo  de 
FouiUaco, 

4"*  Une  pièce  de  vers  français  —  celle  qu*a  imprimée  Chani- 
poUîon-Fïgeac  — transcrite  sans  titre,  du  f''  37  v**  au  folio  41  r*'. 
Les  initiales  de  chaque  partie  sont  alternativement  bleues  et 
rouges,  sans  or;  les  titres,  rubriques.  Dans  le  passage  rapporté 
plus  haut,  le  prénom  de  Tauteur  a  en  effet  été  gratté,  mais 
malgré  le  grattage  et  sans  le  secours  d'aucun  réactif^  j*at  lu  très 
nettement  : 

Je  nommé  Otaries  d*Orleans» 

L*écriiure  parait  différente  de  celle  du  Catilina  et  de  celle  de 
la  première  pièce  de  vers  latins;  mais  on  ne  peut  hésiter  à 
Tattribuer  au  commencement  et  non  à  la  fin  du  xv-  siècle, 
comme  le  fait  Champollion-Figeac. 

Dans  un  .irticle  paru  en  1854  dans  la  Bibliothèque  de  r école  des 
chartes  \  Vallct  de  Viriville  a  mentionné  brièvement  notre 
manuscrit,  d'après  une  communication  de  M.  Lcopold  Delisle  : 
il  le  considère  comme  écrie  <f  vers  le  commencement  du 
XV*  siècle  3».  Il  suppose  qu'il  a  été  exécuté  sous  la  direction  du 
précepteur  de  Jean,  comte  d'Angoulémc,  Oudard  deFouilloy  % 
Tauteur  des  vers  latins  signalés  plus  haut  sous  les  n*"*  2  et  3. 
Gritc  supposition  est  plus  que  vraisemblable.  On  a  vu  dans  le 
début  de  la  première  pièce  de  vers  latins  Fauteur  interpeller 
par  la  bouche  de  la  Sibylle  les  trois  neveux  de  Charles  VI,  ceu 
sidtra  trim.  Or,  en  marge  de  cette  pensée  du  Catilina  de  Sal- 
jsic  :  gîte  apîid  altos  iracumlia  dicitur^  ta  in  imperio  superlnaalque 
Wtfudelitas  appellaiur^  quelqu'un  a  écrit  :  mtate,  domini  met  K  Ce 
quelqu'un  doit  bien  être  Oudard  de  Fouilloy  lui-même,  et  ce 
sont  sûrement  les  enfants  de  Louis  d'Orléans  à  qui  il  veut  faire 


1.  4«  ^érie»  t*  1,  p-  551  et  suiv.  L'article  est  intitulé  :  NoUs  biMbgr.  sur  U 
'  •  Mirmer  Jrs  femmes  irrtuntm  ». 

2.  Sur  ce  persotmagc,  voy.  L,  Delisïe,  Cab,  des  ManuscriiSt  I,  105  et  s. 
M.  Léopold  Dcîïsle  indique  O.  de  Fouilloy  comme  auteur  dcpîmifun  pièces 
de  poésie  contenues  dans  k  ms,  9684.  Plusteurs  est  excessif,  à  moins  qu'il  y 
Ciille  comprendre  les  vers  de  Charles  d'Orléans. 


132  MÉLANGES 

la  leçon.  Quand  Champollion-Figeac  a  écrit  que  notre  manus- 
crit contenait  «  une  pièce  de  vers  latins  en  l'honneur  des 
enfants  de  Charles  d'Orléans  »,  il  ne  songeait  pas  que  Charles 
n'a  eu  qu'un  fils  mâle,  et  il  oubliait  —  ce  qui  est  plus  singulier 
—  que  le  père  des  trois  enfants  est  nommé  en  toutes  lettres,  dès 
le  second  vers  de  la  pièce ,  Ludovicus ,  sans  parler  de  l'allusion 
très  claire  à  la  mère,  Valentine  Visconti,  qui  se  trouve  presque 
à  côté. 

La  seule  raison,  en  somme,  qui  ait  pu  décider  Champollion- 
Figeac  à  fermer  ainsi  obstinément  les  yeux  à  la  vérité,  est  celle 
qu'il  indique  lui-même:  l'auteur  du  Livre  contre  tout  péchéy 
déclarant  avoir  composé  ce  poème  à  l'âge  de  dix  ans,  et  citant 
cependant  maître  Alain  Chartier,  ne  peut  ûtre  Charles  d'Orléans. 
A  cela  il  est  bien  facile  de  répondre  :  l'auteur  cite  en  effet  Alain , 
comme  il  cite  saint  Bernard  et  Caton,  mais  il  s'agit  non  d'Alain 
Chartier  mais  d'Alain  de  Lille.  C'est  ce  que  nous  allons  mettre 
hors  de  doute  en  examinant  les  trois  passages  du  Livre  contre 
tout  péché  où  il  est  question  d'Alain. 

I.  De  Envie. 

Cil  qui  vueult  bonté  ensuir 
11  doit  envie  moult  fuir, 
Car  Alain  si  nous  enseigne 
duc  tout  ainsi  que  la  montaigne 
Qui  est  Ethna  '  appellee 
Est  tousjours  de  feu  embrasée 
Ainsi  Tenvieux  tousjours  art 
Du  feu  d'envie  de  toute  part. 

On  lit  dans  le  Doctrinale  minus  ou  Liber  parabolarum  d'Alain 
de  Lille,  dès  les  premiers  vers  : 

Nil  aliud  nisi  se  valet  ardens  Ethna  cremare  : 
Sic  se,  non  alios,  invidus  igné  coquit  ^ 

II.  Du  pechié  (rire. 

Et  Alain  en  son  livre  dit 
Que  ainsi  comme  jour  et  nuyt 
Les  rivières,  aussi  les  flues 
Par  les  rives  sont  tenues, 

1.  A/5,  ctluia. 

2.  Migne,  Patrol.^  CCX,  C(^l    )!'.  i. 


LES    PREMIERS    VERS    DE   CHARLES    D  ORLEANS  I33 

Ainsi  attrempance  si  lient 
L'ire  des  gens  quant  elle  vient. 

On  lit  dans  le  même  ouvrage  d'Alain  de  Lille  : 

Ripa  retentat  aquas  pelagi  ne  migret  in  arva  : 
Sic  tcnet  irati  frena  modesta  manus  ^ 

IIL  De  Peresse. 

Et  par  Alain  est  demonstré, 
Car  tout  ainsi  que  en  esté 
Le  formy  fait  sa  garnison 
Pour  vivre  toute  la  saison, 
Ainsi  chascun  doit  entendre 
Retenir  et  aussi  aprcndre 
Aucun  bien  des  sa  jeunesse, 
CsLT  on  ne  peut  en  viellcsse 
Aprendre... 

On  lit  dans  le  même  ouvrage  d'Alain  de  Lille  : 

Du  m  calor  est  et  pulchra  dies ,  formica  laborat , 

Ne  pereat  dum  nix  venerit  alta  famé  : 
Sic  juvenis,  dum  tempus  habet  sudoribus  aptum, 

Querat  quo  possit  lassa  senecta  frui. 

Je  crois  qu'il  est  inutile  d'insister.  Si  Vallet  de  Viriville  et 
M.  Léopold  Delisle,  qui  ont  vu  notre  manuscrit  il  y  a  quelque 
quarante  ans,  n'ont  pas  signalé  la  singulière  méprise  de  Cham- 
pollion-Figeac ,  c'est  qu'ils  n'ont  prêté  attention  qu'aux  vers 
latins  d'Oudard  de  Fouilloy.  Ils  valent  mieux  assurément  que 
les  vers  français  de  Charles  d'Orléans,  dont  ChampoUion  vante 
pourtant  «  l'élégance  »  :  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  c'est  un 
enfant  de  dix  ans  qui  s'essaie  à  rimer  la  morale  de  son  précep- 
teur et  qui  s'excuse  bien  gentiment  auprès  de  chacun  et  de  cha- 
cune de  n'en  savoir  pas  davantage  : 

Et  me  pardonnent,  je  leur  pry, 
En  cecy  se  j'ay  point  failly  ; 
Car  je  n'estoie  pas  si  saige, 
Pour  ce  qu'estoie  jeune  d'âge, 
Que  je  peusse  faire  traitté 
Qui  fust  de  grant  moralité. 

A.  Thomas. 


Migne,  Pafro/.,  CCX,  col.  582. 


COMPTES  RENDUS 


Études  romanes  dédiées  à  Gaston  Paris  le  29  décembre 
(25*^  anniversaire  de  son  doctorat  es  lettres),  par  ses  cltrves  de  France  el 
ses  élèves  étrangers  des  pays  de  langue  romane.  Paris,  E.  Bouilîoti,  1S91, 
in-80,  quatre-552  pages. 

Le  9  août  1889,  pour  la  date  de  mes  cinquante  ans  révolus,  les  Suédois  qui 
étaient  venus,  dans  ces  quinze  ou  vingt  dernières  années,  compléter  à  Parîl 
leurs  études  de  philologie  romane  avaient  eu  la  charmante  pensée  de  ra'ofTrii 
un  volume  dont  jVi  rendu  compte  ici  (XIX,  118).  L'exemple  de  ces  excel- 
lents  amis  Scandinaves  a  piqué  au  jeu  mes  amis  français,  qui  n*ont  pas  vouU 
être  en  reste ,  et  se  sont  ingéniés  X  trouver  une  occasion  de  me  témoigner  1( 
bon  souvenir  qu'ils  ont  gardé  de  nos  rapports  plus  ou  moins  anciens.  Et  ce  qu 
m*a  beaucoup  touché ,  c'est  que ,  ce  dessein  ayant  été  connu ,  plusieurs  d< 
mes  élèves  ou  auditeurs  w  étrangers  des  pays  de  langue  française  »  ont  lent 
à  sV  associer.  On  m'a  donc  offert,  le  29  décembre  1890  (pour  le  2  5«anni 
versaire  de  mon  doctorat  es  lettres),  un  magnifique  volume,  qui  avaîl 
été  exécuté  aux  frais  et  par  les  soins  de  quarante-cinq  amis  plus  jeunes  qui 
moi,  dont  trente-huit  Français,  six  Suisses  et  un  Belge;  Texécution  en  avaii 
été  tout  particulièrement  soignée  par  nos  excellents  imprimeurs  de  la  Romania^ 
MM.  Protat  frères,  de  Miicon,  que  je  tiens  à  remercier  encore,  ainsi  que  notn 
éditeur,  M.  E.  Bouillon,  qui  n'a  rien  négligé  pour  que  ce  somptueux  cadeat 
répondît  aux  intentions  des  donateurs.  Parmi  eux,  dix-sept  n'ont  pu  contrit 
buer  â  Toeuvre  commune  que  par  leur  souscription  (MM.  Barbeau,  Bémoni, 
Bonnard,  Brunot,  Demaison,  Duvau,  Fagniez,  Fécamp,  Funck-Brentaoo, 
Gerbaux,  Giry,  Goelzer,  Lelong,  Rabiet,  S.  Reinach,  Rolland,  Sudre),  Jeiï< 
leur  en  suis  pas  moins  profondément  reconnaissant,  d*auunt  plus  que  parm 
eux,  plus  encore  que  parmi  les  vingt-huit  qui  ont  apporté  au  ïi\Te  des  con^ 
tributions  personnelles,  plusieurs  se  trouvent  qui  mhonorent  grandeme 
se  rappelant  qu*ils  ont  jadis  suivi  tel  ou  tel  de  mes  cours,  mais  qui  se 
aujourd'hui  la  science  dans  des  voies  bien  différentes  du  chemin  où  ils" 
marché  un  instant  avec  moi  '.  Quant  aux  autres,  je  ne  puis  mieux  les  remer 


iun 


I.  Je  dois  donner  un  souvenir  particulièrement  ému  à  ce  jeune  homme  s»  tdborktti 
«t  ïi  doue  pour  nos  études,  libbé  Rabiei.  le  traducteur  de  U  GtanxjtmiTÊ  de  M,  Meyer 
Ltibke,  qui,  bien  peu  de  mois  après  h  date  où  ce  iivre  fut  achevé,  devait  termig 
courte  carrière,  emporté  par  une  cruelle  maladie. 


Ettides  romanes  dédiées  à  Gaston  Fans  155 

dcr  qu'en  rendant  de  leurs  contributions  un  compte  aussi  exact  et  aussi 
impartial  que  possible.  Plus  d*une,  pamii  ces  contributions  mcraes,  dépasse  les 
limites  où  j*âi  le  droit  et  le  moyen  d'exercer  une  critique  utile;  la  plupart 
sont  en  rapport  plus  étroit  avec  mes  études  habituelles.  Quelques-unes  sont 
d'une  haute  importance;  toutes,  je  puis  le  dire  bien  sincèrement,  ont  de  Tin- 
téat  et  de  la  valeur,  et  je  ne  puis  qu'être  fier  et  heureux  de  voir  mon  nom 
associé  à  des  travaux  aussi  divers  et  aussi  n:marquables.  Rien  ne  peut  être 
plus  doux  et  plus  encourageant  pour  un  travailleur  que  de  constater  ainsi  que 
le  grain  semé  par  lui  n'est  pas  tombé  sur  un  terrain  stérile,  ou  n'a  pas  été 
miporté  par  le  vent»  et  que  souvent  il  a  fructifié  au  centuple.  Je  me  rappelle 
qu^l  y  a  maintenant  vingt-cinq  ans,  dans  la  première  leçon  publique  que  je 
|6s,  aux  cours  libres  de  la  rue  Gerson  fondés  par  M.  Duruy,  je  disais  que  le 
VŒU  de  tout  professeur  digne  de  ce  nom  pour  chacun  de  ses  élèves  était  le 
vœu  d'Hector  pour  son  tîîs  : 

Kûtt  itoti  TIC  cfîzrjm*  Ilorrpd^  V  oyi  tïoaXov  àjjuîvtav. 

Ce  vœu  s*est  réalisé  pour  plus  d*un  de  ceux  qui  ^  venus  de  France  ou  de 
Tétrangcr,  ont  depuis  lors  trouvé  dans  mes  cours  et  mes  conférences  leur 
première  initiation  à  la  science.  En  voyant  la  façon  dont  ils  ont  su  développer 
et  accroître  le  germe  qui  leur  avait  été  confié ,  je  me  dis  que  ma  carrière 
didactique  n'a  pas  été  inutile,  et  cela  ne  me  fait  pas  seulement  plaisir»  cela  me 
ouvcquc  j'ai  eu  raison,  contre  l'avis  de  quelques  conseillers  bien  intentionnés» 
"de  donner  inflexiblement  i  mon  enseignement  la  direction  toute  scientifique 
que  je  lui  ai  donnée,  le  tenant  également  à  l'écart  de  toute  préparation  à  un 
p  examen  quelconque  et  de  tout  appel  à  rintérêt  d'un  public  étranger  au  travail  : 
\  m'a  valu  quelques  heures  difficiles,  où  j'ai  pu  craindre  de  me  trouver  isolé, 
r  suite,  d'avoir  choisi  une  mauvaise  voie;  mais  je  suis  aujourd'hui  délivré 
fmti  doutes  et  largement  payé  de  mes  peines.  J'ai  eu  d'ailleurs  le  bonheur 
d'appartenir  depuis  le  début  (après  Téphémère  essai  des  cours  Gerson)  à  deux 
abtîssenients  dont  Tesprît  était  celui  même  que  je  viens  d'indiquer,  l'Êcolc 
Hautes  Études  et  le  Collée  de  France,  Qu'i^  me  soit  permis  de  dire  que 
^exemple,  fourni  par  ce  livre,  du  bon  résultat  d'une  pareille  méthode  doit 
ncouragcr  i  la  suivre  tous  ceux  qui  pourraient  se  sentir  hésitants  dans  un 
pj)*s  06  elle  n'est  pas  encore  aussi  comprise  et  aussi  répandue  qu'ailleurs. 

Je  ne  pub  écrire  ces  remerciements ,  qu'une  pudeur  que  Ton  comprendra 
m'cmpéche  d'exprimer  comme  je  les  sens,  â  l'adresse  de  ceux  qui  m'ont  suivi 
et  veulent  bien  me  regarder  comme  leur  premier  guide,  sans  que  ma  pensée 
se  reporte  avec  émotion  vers  ceux  qui  m*ont  précédé ,  qui  ont  bien  réelle- 
ment guidé  mes  premiers  pas,  et  dont  les  mains  aiïectueuses  et  exercées  m'ont 
iJfansnus  le  Hambcau  auquel  sont  venues  s'allumer  d'autres  lumières.  J'ai 
I  dins  l'étude  de  la  philologie  romane  deux  maîtres  que  j'ai  perdus  depuis 
"Tongicmps,  et  auxquels  revient  légitimement  l'hommage  du  témoignage  oflen 
ï  leur  élève.  Je  le  dédie  i  la  mémoire  toujours  chère  et  toujours  vénérée  de 
Paulin  Paris  et  de  Frédéric  Diez, 


136  COMPTES   RENDUS 

P.  I,  H.  Omoni,  Les  manmcnU  f raturais  des  rois  if  Angleterre  au  château  dt 
Ruhmomi,  —  M.  Omont  publie,  diaprés  un  manuscrit  de  notre  Bibliothèque 
nationale,  une  liste,  dressée  en  i)5S*  des  manuscrits  fra.n^ïais,  splcndidcmctu 
exécutés  pour  lui,  qu'Edouard  IV  avait  réunis  au  château  de  Richmond,  et 
des  imprimés,  pour  la  plupart  magnifiques  incunables,  qu'y  avait  ajoutés 
Henri  VI.  Il  identifie  eu  note  â  peu  près  tous  les  m.tnuscrits,  qui  sont  aujour- 
d'hui conservés  au  Briiish  Muséum,  et  joint  A  cette  intéressante  petite  publi- 
cation un  compte  détaillé  du  relieur  Pierre  Baudouin,  qui  avait  été  chargé, 
en  1480-81,  de  recouvrir  plusieurs  de  ces  volumes  de  vêtements  de  velours  et 
de  soie. 

P*  15,  G.  Huet,  Ri-marqun  sut  k$  rcitaclîms  diverses  d'une  chanson  dit 
XJïi«  siêck.  —  Cest  le  11°  45>  de  H^ynaud  ,  attribué  à  tort  i  Gace  Brûlé,  qui 
y  est  AU  contraire  cité;  M.  lîuet,  qui  s*occupe  depuis  longtemps  de  l'édition 
critique,  très  difficile,  des  chansons  de  Gace»  donne  ici  un  é'cluntillon  de  ses 
recherches  préparatoires.  Il  débrouille  le  chaos  qu'offrent  pour  cette  pièce  les 
trois  familles  de  mss-  qui  nous  l'ont  conservée,  et  rend  très  vraisemblable  la 
conclusion  que  la  troisième  comprend,  avec  trois  strophes  de  l'original,  quatre 
strophes  ajoutées  par  un  auteur  quia  voulu  compléter  un  texte  dont  il  n^avait 
que  le  début,  mais  qui  n*eti  a  pas  bien  compris  la  forme,  Réd.  I,  sIt.  II, 
peut-être  vaut-iï  mieux  sacrifier  la  grammaire  â  la  rinje,  et  lire  n/,  grevé^  doué 
pour  tte^^  etc.  —  V.  6  tna  mU\  imprimer  m' amie.  —  VI,  2.  p.-é.  tte  lairroie 
au  lieu  de  ne  porroie,  —  Réd.  II,  VI,  4  ait^  corr.  a\  7  i7,  corr.  eh 

P.  23*  J.  Bédier,  Le  fabliau  de  Riclieui,  Après  une  fine  appréciation  littéraire 
de  ce  petit  poème  si  précieux  et  par  sa  date  (t  1 59,  comme  le  rectifie  avec  rai- 
son M,  Hédier,  et  non  1 1 56)  et  par  sa  valeur  intrinsèque,  Tauteur  fait  valoir  la 
forte  objection  qu'on  peut  en  tirer  contre  une  opinion  que  j'ai  exprimée,  cl 
d'après  laquelle  le  goût  et  le  talent  de  la  p<;inture  des  moeurs  familières  avaient 
été  introduits  dans  notre  littérature,  qui  ne  connais&iit  que  l'épopée  austère  ou 
la  poésie  religieuse,  par  radoption  et  l'imitation  des  contes  orientaux.  Contre 
cette  opinion,  il  est  vrai,  il  ne  faudrait  pas  alléguer,  comme  le  fait  M.  B. 
(p.  ^o),  1  importance  excessive  donnée  «  au  hasard  de  traductions  occidentales 
(d'ailleurs  postérieures  â  la  plupart  des  fabUaux)  du  Livre  de  Kalilii  ei  Dimfui 
ou  du  Ronmti  des  Sept  Sii^es  n,  car  j'ai  toujours  admis  que  ces  traductions  (sur* 
tout  la  première)  avaient  peu  d  Importance  en  la  matière,  et  que  la  transmis- 
sion des  contes  orientaux  avait  été  surtout  orale,  et,  venant  en  grande  partie 
par  Byzance,  remontait  â  une  époque  très  ancienne.  Mais  le  raisonnement  de 
M.  Bédier,  en  ce  qui  touche  U  nature  même  du  poème  qu'il  étudie,  est  autre- 
ment fin  et  serré.  Ce  poème,  comme  l'auteur  nous  le  dit  lui-même ,  n*esi 
nullement  le  débtit  d'un  genre  :  c'est  au  contraire  une  branche*  et  probable- 
ment la  plus  jeune,  de  toute  une  «  geste  »,  la  geste  de  Richeui ,  qui  était 
célèbre  dès  le  milieu  du  xii<^  siècle ,  comme  le  type  de  la  fille  et  surtout  de 
l'entremetteuse  (son  nom  était  devenu  en  ce  sens  un  nom  commun),  et  les 
aventures  de  son  fils  Samson»  le  type  defhomme  qui  exploite  les  femmes 


Etudes  romanes  dédiées  à  Gaston  Paris  137 

comme  elle  csi  celui  de  la  fcramc  qui  exploite  les  hommes»  ont  été  inventées 
pour  (aire  pendant  aux  siennes  et  pour  nous  pri^sentcr  la  lutte  entre  la  mère 
et  le  filSj  dont  IV'tat  fragmentaire  du  poème  nous  a  malhcLireusement  dérobe 
Tissue.  (U  est  bien  caractéristique,  disons-le  en  passant ,  de  voir  les  types  de 
Naha  et  de  Bel-Ami  inaugurer  pour  ainsi  dire  la  littérature  narrative 
/ran<;*iÎ5C.)  Or,  dans  la  Richcut  de  1159,  et  sans  doute  dans  les  poèmes  anté- 
rieurs qui  étaient  consacrés  à  ce  personnage^  îl  n'y  a  pas,  comme  le  remarque 
M»  Bcdier,  de  thème  de  conte  proprement  dit  :  les  aventures  dt^coulent  des 
caractères  et  n*oftrent  pas  un  tout  harmonique  et  logique  propre  A  se  trans- 
mettre de  bouche  en  bouche.  Donc ,  nos  trouveurs  n'ont  pas  eu  besoin  des 
contes  traditionnels  (quelle  qu*en  soit  Toriginc)  pour  peindre  avec  une  obser- 
vation exacte  et  malicieuse  les  mœurs  de  leurs  contemporains.  A  cela  on  peut 
répondre  que  rien  ne  prouve  que  le  genre  des  vrais  fableaux  n'est  pas  beau- 
coup plus  ancien  que  les  monuments  qui  nous  en  sont  parvenus,  et  que  les 
jiutcurs  de  la  geste  de  Richeut  n'ont  pas  eu  pour  modèles  des  contes  circulant 
bien  avant  eux;  l'argument  tiré  de  la  forme  par  M,  B,  n*est  pas  bien  con- 
%'aincani.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  me  sera  permis  dédire  que  ce  morceau,  dans  le 
/ccueil  que  j'analyse^  est  un  de  ceux  qui  m'^ont  fait  le  plus  de  plaisir,  puisque 
rien  ne  saurait  être  plus  agréable  a  quelqu'un  qui  essaye  de  former  des  débu- 
tants à  b  fois  à  la  méthode  et  i  Tindépcndance  que  de  les  voir  devenus  vite 

I  assez  maîtres  de  Tune  et  assez  épris  de  Tautrc  pour  discuter  ce  qu'on  leur 
enseigne  au  lieu  de  l'accepter  docilement.  M,  Bédier  prépare  un  grand 
ouvrage  sur  les  fableaux  (qu*il  persiste,  par  des  motifs  que  je  ne  comprends 
pas  bien,  A  appeler /aHwwx),  et  il  y  combattra  p^r  à^s  arguments  nombreux 
tout  le  sj-sièmc  tf  orientaliste  «;  j'aurai  plaisir  alors  à  raisonner  avec  lui  et  à 
me  rendre,  s'il  y  a  lieu.  —  Il  a  joint  \  son  étude  une  liste  de  corrections 
excellentes  au  texte  de  RUheta ,  les  unes  rectifiant  les  mauvaises  lectures  de 
Méoo  (MM.  de  Montaiglon  et  Raynaud  n'ont  pas  admis  RiLi}cut  dans  leur 
recueil),  les  autres  reposant  sur  des  conjectures.  J*a jouterai  ici  quelques  cor- 
rections apparieruni  â  la  seconde  catégorie.  V.  6  mainks.  —  45-6  Car  il  pi 
pris  O /i,  d,  et  o.  —  49  rub(i  maniis  (un  point  après  ce  vers  et  pas  de  ponc- 
tuation après  jo),  —  Suppr.  les  (  )  aux  vv,  5 4- S  S  et  I.  dans  Guiîlaume  de 
SimUr  (ou  quelque  nom  pareil)  poux  dtfitttt.  —  65  Sfit.  —  76  ks  mors. —  T04 
ijHatrmr.  —  145  il  faut  s,  d.  Mu*uiit^*loin\  et  au  \\  suivant  0  te  clan',  —  150 
Et  a  rttraii  so/ert  r(  !xi{,  —  216  de  pute,  —  328  saiaissilir  (garnie  sous  l'ais- 
icllc).  — 250  0  eUravasfigmr  Viel  {Vkl  est  un  nom  propre.  Vit  aie  m,  et 
non  Tadj,  wWf;  il  faut  corriger  ainsi  aux  v.  434  (a  VJ),  \^o,  595,  652. —  23 î 
mettre  un  point  après  donokr^  et  254  impr.  :  Al  Herseîott  C'est  Richeut  qui 

r  Appelle  il  meichine.  —  245  ntanti,  —  2>o-$î  Des  que  je  fis  Vautrier  ton  buen 
fjjt^  moi!)  ctine?  —  2^2  wj'i,  —  262  suppr.  Et,  —  273  misûe\.  —  282  Di 
ifor  fuoi,  —  284  Oi/,  amis.  Et  je  l*otrût\  —  287  point  après  chitre,  —  294 
—  297  point.  —  505  /  laissèrent.  —  314  seoir.  —  524  Asisse  l'a,  — 
514  ftft^,  —  ^$5  dou  imtre.  —  Après  360  point  et  après  561  point  d'excla- 
mation, —  374  qtt'et,  —  59^  Qu'été  ne  w.  —  400/»  iceste  v,  —  444  Porte  H\ 


138  COMPTES    RENDUS 

au  m,  —  452  Vaubé,  —  469  messe,  —  473  Vum,  —  475  point,  476  virg.,  478? 

—  492  £/.  —  507  joilicc,  —  512  Tant  diît  ek.  ^  524  £/  do  quel  que  soU,  — 
527  Dont  d.  —  529  Ei  f.  ont  rt.  —  5Î4-Î  Ricljfut  iiu  preste  servant  jure 
Qu*iUo  resanhle,  —  551  tfar^.  —  567  M.  B.  propose  de  lire  Wùt  a  Vucde  si 
sacfmtity  mais  la  rime  doit  être  en  ers;  je  ne  vois  pas  îe  mot  à  suppléer,  per- 
vers n'irait  pas  bien,  —  571  Ta.  —  589  Car  mont  est  fien  (suppr,  et  ioges), — 
S90  iers.  —  Lacune  après  610*  —  669  point.  —  673  nen.  —  694  trestors,  — 
698  Tescriture  ou  mieux  d*e$critnre,  —  700  pas  de  ponctuation,  —yoiagret. — 
727  dattte.  —  Après  757  lacune,  —  748  Qite.^ 754  m^.  —  77$  A  pris.-^'j'j'j 
difî  kchis  (non  des  lecbors),  —  779  khoit,  —  784  suppr.  ne.  —  787  0  qu^U  1 
vdgtic.  —  790  suppr.  tie,  —  802  tfijanei.  —  807  Etightie  a  mainte  cooille,  — 
814  d.  *-  850  adameQ),  —  854  de  ci  c*ûu  Toivre.  —  894  Cleresvax,  —  89B  Fuit. 

—  906  De  Deu  servir  (?).  —  917  oprobre.  —  9Î3  /^-  —  960  Sansonis.  —  962 
maistrie.  —  967  Que  ne  U  face  dire  tropt,  —  974  soi  nue»  —  lOOJ  cercfxint  a 
ortie  (très  clair»  voy.  Godefroy).  —  1009  cittains,  —  102J-24  O  je  vers  omes^ 
O  il  l'ers  famés  ,  car  mont  somes,  —  1027  c4irroge.  —  1030  jaeL  —  1060  deux 
points. —  1067  point-  —  1071  de  Puis,  —  wj^EticontréVa^  mist  Ta  raison^  — 
1085  nient,  —  1090  vîrg;  après  Sansons.  —  i  loo  chaicuns  d'els,  —  1 1 12  avrils 
lox,  —  îiîi  A  rnont  sordestre.  —  ii\(iCeUt,  —  Lacune  après  ni8.  —  1125 
toi  frétille.  —  î  126-7-8  kue^  Une  ^  sent  (le  second  îcue  est  loca,  mais  je  ne 
comprends  pas  le  premier  ;  p,-^  corr.  57/  ne  s'i  jcue}).  —  1 1 3  >  Bordeh,  —  1 1 56 
Vapele.  —  1135  A  po  dt  pose,  —  1156  virg,  ^près  corpe.  —  1159  Sanpres,  — 
1163  point,  —  Î170  Qui.  —  1171  pas  de  virg.  après  aime.  —  11 78  eL  — 
I179  point.  —  iiZoPar  contenant,  —  1204  Cil.  —  1207  empotent,  —  Lacune 
après  1209,  —  1216  et  Dex,  —  1217  n'est  or.  —  1218  point,  —  1219  Qut 
dii^  Sanson}  —  1226  :  après  dist,  —  1232  n'airai.  —  1235  sangbt.  —  1256-9 
faintié,  esphtiéy  acointié^  amistié.  —  1253  :  après  Richaut,  —  1250  tressauta  — 
1261  Pert,  —  1278  **ir  (est-ce  Tangl,  hive^  «  ruche,  n  ou  faut-il  Wtt  Plus 
quil  nefeist  en  une  ivtï). —  1288  Vuis, —  1292  //.  —  1293  :  après  Riclxiut  et  à 
la  fin,  —  1296  Li  itns  respont  ;  laisie^^  Fhrie.  —  1J05  Pur  coi  rne  fxynissiei^ 
seignor}  —  1306  :  après  uns,  —  i^yi  Le  dit  Richaut^  desor  ma  foi,  —  1513  Dit, 

P.  33»  G.  Monod,  Les  Annales  Laurissenses  minores  et  le  monastén  di 
hoTscih  —  C'est  aux  bbtoriens  à  apprécier  cette  élégante  étude,  où  le  carac- 
tère du  document  en  question ,  <|ui  est  en  réalité  la  plus  ancienne  des  chro- 
niques sorties  du  mouvement  de  la  renaissance  caroUngienne,  et  l'importance 
qu'il  a  eue  pour  F  historiographie  subséquente  sont  mis  en  lumière  d'une 
façon  aussi  juste  que  neuve,  à  ce  qu*il  me  semble. 

P.  45,  J.  Couraye  du  Parc,  C^nts  populaires  de  la  Basse-Nonmndie*  — 
Cinq  chansons,  assez  altérées  dans  leur  forme,  mais  précieuses,  notamment 
une  curieuse  variante  de  la  Chanson  des  oreillers  {Romania^  X,  387).  M.  C.  du 
Parc  accompagne  les  textes  qu'il  a  recueillis  de  savantes  notes  comparatives. 

P.  SI,  G.  Raynaud,  L  La  niesnie  Hellequin;  U,  Le  poème  perdu  du  comU 
Herfuquin  \  IIL  Quelques  mots  sur  Arlequin.  —  Les  trois  parties  dont  se  com- 


Etudes  rainants  dédias  à  Gaston  Paris 


n? 


I 


I 


:  cette  importante  étude  ont  chacune  leur  intérêt;  h  seconde  est  celle  qui 
île  plus  de  nouveauté.  M.  Raynaud  a  relevé  un  vers  de  la  curieuse  pîccc 
du  Siige  de  Neuville  {Manuil^  I,  §  ïOi  ^u  le  poète  cite,  dans  son  jargon  arté- 
sien-flamand, une  chanson 

Vin  conte  de  Bouloigne,  vjtn  conte  Hotllcquîn  \ 

et  H  y  a  reconnu  un  Hernequîn,  comte  de  Boulogne,  qui  serait  mort  en  88  î 
en  combattant  Tinvasion  normande  que  Louis  îll  allait  écraser  \x  Saucourt»  et 
qui  serait  devenu  le  héros  d'une  chanson  de  geste  ;  ensuite  il  a  supposé  qu'une 
version  quelconque,  anglaise  peut-être,  de  cette  chanson,  avait  été  connue 
par  Walter  Scott,  qui  a  donné  le  résumé  d'un  récit  romanesque  relatif  à  un 
conte  Heilequin  :  d'après  ce  récit,  Hellequin,  rebelle  i  Tempercur,  et  l'ayaiit 
longtemps  bravé  avec  sa  terrible  mesnie,  aurait  été  vaincu  et  tué  dans  un 
grand  combat ,  et  «  en  punition  de  leurs  fautes ,  le  chef  et  les  compagnons 
fureot  condamnés  à  errer  jusqu'au  jugement  dernier,  sans  renoncer  cependant 
à  leurs  mœurs  guerrières  et  à  leurs  luttes  anciennes  d.  C'est  de  ce  poème  que 
serait  sorti  le  nom  de  mtsnie  Hdlequin  donné  dès  le  xi^  siècle  À  la  noire 
chevauchée  que,  d*après  un  mythe  bien  plus  ancien  et  commun  i  un  grand 
nombre  de  peuples,  on  croyait  voir  mener  les  vents  furieux  et  les  ouragans  et 
traverser  les  airs  pendant  la  nuit;  ainsi,  peu  à  peu,  cette  chevauchée,  d'abord 
divine,  étant  conçue  comme  infernale,  Heîlequin  serait  devenu  synonyme  de 
dMê.  U  y  a  plus  d*une  difficulté  à  ce  système  qui,  en  tout  cas,  fait  honneur 
i  la  science  et  à  l'ingéniosiid  de  son  auteur.  Même  en  regardant  comme 
assurée  Texistence  du  récit  dont  Walter  Scott  donne  la  substance,  mais  dont  il 
'indique  pas  la  source ,  on  peut  croire  qu'au  lieu  d'être  l'origine  du  nom  de 
nie  Hellt^iin,  il  n'en  est  qu'une  explication  faite  après  coup.  Que  le  héros 
de  ce  récit,  brigand  et  rebelle,  objet  de  Texécration  publique,  soit  identique 
au  comte  de  Boulogne  Hemequin ,  tué  en  combattant  les  Normands  et  en 
défendant  son  roi  et  sa  foi,  c'est  ce  qui  parait  assez  douteux.  Le  vers  qui  a 
servi  de  point  de  départ  A  ce  rapprochement  semble  distinguer  le  conte 
Hoiltequin  du  conU  de  Bùuloigne  ^  et  ce  second  nom  peut  fort  bien  se  rap- 
porter au  roman  des  Bnfattces  Godefroi^  où,  dans  une  rédaction  remaniée,  le 
comte  Eustacc  de  Boulogne  joue  un  rôle  capital.  Enfin  Texistcnce  même  de 
ce  Hemequin.  au  ix^  siècle,  est  assez  contestable  :  aucun  document  contem- 
porain, si  {e  ne  me  trompe,  ne  le  mentionne,  et  il  ne  figure  que  dans  une 
généalogie  des  comtes  de  Boulogne  fabriquée  au  xiii«  siècle  (aucun  texte  ne 
parle  non  plus  de  la  prise  de  Boulogne  par  les  Normands).  Malgré  tout,  il 
reste  comme  assuré,  des  recherches  de  M,  Raynaud,  Tcxistcncc  d'une  chan- 
son de  geste  sur  le  conte  Hùilkquirt,  et  comme  vraisemblable  le  fait  que  celte 
chanson  expliquait  comme  le  rapporte  Walter  Scott  le  nom  de  nusnit 
Hetle^itin.^Lx  première  partie  du  mémoire  réunit  de  très  nombreuses  men- 
tions de  la  fftesni/  Herkquin  {HdUquin,  Arlequin^  Henmquln)^  depuis  le  xi« 
jusqu'au  xvï«  s.,  et  montre  sommairement  les  transformations  qu'en  a  subies 
la  c«>ncepdoo,  —  La  troisième  fait  voir  comment  Hdlequin^  transporté  en  Italie 


140 


COMPTES   RHÏJDLÎS 


comme  un  nom  de  diable,  y  est  devenu  d'abord  VAlkkino  de  Dante,  puis, 
bien  probablement,  VJrîeahtno  bergamisque  de  la  Commcâia  ddV  Aïk,  et 
VAikquin  des  wii*  et  xvnie  siècles,  dont  le  masque  noir,  originairement 
surmonté  d'un  semblant  de  corne,  accuse  encore  l'origine  diabolique.  Tout 
cela  e5i  fort  curieux  ^  et  raL'riterait  d^ètre  exposé  par  Fauteur  avec  plus  de 
développement^  car  il  reste  encore  plus  d*un  point  obscur  dans  cette  évolu- 
lion  qui  a  fjit  da  terrible  meneur  du  uûthmJcs  Hetr  le  souple  cl  gracieux 
héros  de  Watteui  et  de  Fîorian. 

P.  69,  M.  Sepet,  Ohervaîions  sur  k  Jeu  de  la  Feuillée  tfAdam  tU  h  Halle, 
—  M*  Sepct  iliit  fmement  ressortir  le  rôle  que  joue  la  folie  dans  Tœuvre 
étrange  et  charmante  d'Adam  de  la  Halle,  et  il  montre  que  le  jeu  dt  k  fmUic 
n'est  pas  seulement,  comme  on  Favait  dit,  un  divertissement  de  tnaî,  que 
c*cst  essentiellement  une  sotte,  et  que,  comme  les  sotîes  postérieures,  elle  a 
son  origine  dans  les  fêtes  des  fous,  d'aboru  toutes  cléricales,  puis  adoptées 
par  la  jeunesse  des  grandes  bourgeoisies,  et  qui  avaient  donné  Tidée  de 
représenter  tous  les  hommes  comme  io/i  (on  sait  que  soî^  en  ancien  français, 
est  5ynon>*me  â^  fol)  et  toutes  leurs  actions  comme  des  folies.  Cela  explique 
le  décousu  de  la  pièce  et  en  explique  aussi  ou  en  excuse  plusieurs  détails^ 
qu'on  a  pris  souvent  trop  à  la  lettre  {par  exemple  ce  qui  concerne  le  père 
et  la  femme  du  poète).  On  notera  encore,  dans  cette  remarquable  élude,  la 
curieuse  constatation  de  Temploi  du  mot  poh  piles,  si  commun  au  xvi»  siécîe 
et  si  énigmaiique,  et  la  conjecture  vraisemblable  d'après  laquelle  les  pob  piles 
étaient  mis  par  une  croyance  populaire  dans  un  rapport  quelconque  avec  la 
foîie. 

P.  8j,  A.  Jeanroy,  Une  pièce  artéùenm  du  A7//e  sikte,  —  On  connaît  le 
petit  recueil  de  pièces  tout  artésiennes  (14,  dont  9  sont  maintenant  impri- 
mées) que  contient  le  ms.  B.  N.  fr.  12615.  M,  Jeanroy  songe  à  le  publier  en 
entier,  et  on  ne  peut  que  souhaiter  vivement  qu*il  le  fasse,  vu  la  valeur  histo- 
rique et  lïtiéraire  de  ces  pièces,  qui  forment  une  contribution  capitale  à  ce 
tableau  de  la  vîc  communale  et  littéraire  d'Arras  au  3ciii«  siècle,  qui  attend 
encore  son  peintre  et  qui  présentera  tant  dlniéressantes  et  originales  figures. 
11  est  d  autant  plus  A  désirer  que  M.  Jeanroy  exécute  son  projet  qu'on  voh  ici 
comment  il  s'y  est  préparé.  La  pièce  qu'il  publie  (n^  1557  de  Raynaud)  se 
rapporte  â  ces  querelles  et  ù  ces  troubles  encore  mal  connus  qui,  vers  1270 
(c'est  la  date  que  M,  J.  rend  probable),  amenèrent  l'exil  d'un  grand  nombre 
des  principaux  bourgeois  et  mirent  fin  à  la  prospérité  de  la  Wlle.  Elle  présente 
beaucoup  de  difficultés,  non  seulement  par  les  allusions  dont  elle  fourmille, 
mais  par  le  style  heurté  et  obscur,  rempli  de  locutions  embarrassantes, 
qu^elle  a  en  commun  avec  la  plupart  des  pièces  du  même  groupe.  M,  J,  a 
résolu  un  grand  nombre  de  ces  difficultés  dans  le  commentaire  détaillé  dont 
il  a  fait  sui%Te  le  texte.  Dans  le  passage  cité  p.  91,  iHtttaim  me  semble  dési- 
gner la  taille  mise  sur  les  habitants  d'Arras  plutôt  que  le  nombre  de  ceux 
qu'on  accusait  de  l'avoir  frauduleusement  répartie,  —  Fent^  dans  son  emploi 


^ 


Etudes  romanes  dédiées  à  Gaston  Paris  141 

figuré,  me  paraît  signincr  «  vanité,  mensonge  »  plutôt  que  «  tromperie  » 
fourberie  »;  c'est  originairement  un  jeu  de  mots  sur  venter  et  vanter,  de 
même  que  toutes  les  plaisanteries  sur  blanc  ^  Blangi,  etc.,  remontent  à  une 
équivoque  avec  blamiir,  «  lîatter,  »  Mange,  «  flatterie,  mensonge,  »  —  Au 
dernier  vers  de  la  str.  HT,  où  il  manque  une  syllabe,  je  corrigerais  plutôt  :  En 
est  sire  Audefroh  et  trop  camm ,  car  dans  tous  les  décasyllabes  qui  terminent 
les  autres  strophes  la  cilsure  porte  sur  la  6*  syllabe.  ^  Au  v.  55,  il  faut 
imprimer  pouçon  et  peut-être  ponçon  ;  le  sens  est  :  «  11  doit  (rofficier  infidèle) 
avoir  îc  visage  marqué  (la  façon  ensignie)  d'un  poinçon  »  (ou  peut-être,  en 
lanl  pûuçm  comme  —  poçon ,  d'un  petit  pot ,  ce  qui  pouvait  Ctre  une 
de  flétrissure  imposée  aux  fraudeurs).  —  La  liaison  des  vers  8t-8j 
m'échagm^tee  h  M.  Jeanroy,  mais  je  n'y  verrais  pas  un  proverbe  à  cause 
du  V*  â^Hresi  auso  et  non  audio;  d'ailleurs  ce  vers  doit  plutôt  se  rap- 
porter k  ce  qui  précède  qu*i  ce  qui  suit  ;  ^mgnier  doit  être  b  forme  dialectale 
bien  connue  de  manducarc. 

P.  97^  E,  Langlois,  Quelques  dis^niaticms  inédites  dr  Claude  Faueliet.  —  Ce 
sont  cinq  petits  chapitres  que  Fauchet  avait  l'intention  d'ajouter  au  livre  Vil 
de  son  Recueil  de  Vofi/^ine  de  la  langue  et  poésie  panfoise,  qii*il  avait  publié  en 
1581,  M.  Langloîs  a  bien  fait  de  les  tirer  du  manuscrit  du  Vatican  où  il  les  a 
IrouvC^s.  «  Ce  ne  sont  pas  lanl  «  dît-il ,  des  dissertations  d'un  savant  que  des 
causeries  d^un  vieillard  aimable,  instruit,  pas  du  tout  pédant,  qui  a  beaucoup 
lu  Cl  beaucoup  voyagé.  »  Il  les  a  écrites  en  bonne  partie  de  mémoire,  remet- 
tajtt  i  plus  tard  le  soin  de  vérifier  les  détails  et  de  boucher  les  blancs  qu'il 
laissait*  Il  y  traite  quelques-uns  des  sujets  habituds  de  ses  recherches,  mais 
légèrement  et  sans  méthode,  semant  çà  t*i  l\  des  souvenirs  personnels.  On  lit 
ces  quelques  pages  avec  plaisir  et  sympathie.  —  Dans  le  v,  cité  p-  100,  il 
faut  certainement  lire  Jmoun  pour  A  moins^  — Je  ne  comprends  pas  pourquoi 
l'éditeur  met  un  (?)  après  Bslonné  en  imprimant  la  locution  bien  cotmue 
Eitonné  cmnme  un  fondetir  de  cloches*  —  P.  m,  l.  21,  n'y  aurait-il  pas  d.ms  le 
ms-  bapam  au  lieu  Sahataml  —  Ib.  L  25,  ou  =^  en  le  n'est  guère  admissible 
chez  Fauchet;  il  faut  sans  doute  on.  —  P.  42,  1.  21,  il  y  a  une  parenthèse 
ouverte  qui  ne  se  clAt  pas;  il  est  vrai  que  le  bon  Fauchet,  s^abandonnant  i 
K>n  bavardage,  a  laissé  en  l*air  la  phrase  commencée.  —  Ib.  L  28,  Vont ^ 
L  Trusi. 

P.  113,  A.  Piaget,  Cîifomhgie  des  Épi  très  sur  le  Roman  de  la  Rose,  —  La 
question  dans  laquelle  M.  Pîaget  apporte  une  parfaite  clarté  avait  été 
obscurcie  par  Terreur  d*un  scribe  qui  avait  lu  et  copié  vii  au  lieu  de  vu ,  et 
avait  ainsi  fait  attribuer  d  1407  une  lettre  écrite  en  1401.  Uauteur  d'une 
récente  dissertation  sur  le  célèbre  «  débat  du  Roman  de  la  Rose  »»,  M.  Beck, 
avait  bien  rétabli  cette  date,  mais  était  tombé  dans  les  plus  singulières 
erreurs.  M.  Piagct  connaît  à  fond  tous  les  détails  de  Fhistoire  littéraire  du 
xv«  siècle,  et  il  n'a  pas  eu  de  peine  â  rétablir  partout  la  vérité.  L'ensemble 
des  pièces  de  la  comroverSL*  soutenue  eu  1  |oi  et  î  [02  entre  Jean  Je  Af  nîrcuil, 


142  COMPTES   RENDUS 

Christme  de  Pisan ,  Gonticr  Col .  Pierre  Col  et  Gerson  mériterait  d'être 
réuni  ;  c'est  le  premier  essai  de  critique  littéraire  et  morale  qui  se  soit  pro- 
duit en  France.  M.  Piaget  nous  le  donnera  peut-être  quelque  jour,  avec  le 
commenuire  qu'il  est  plus  que  personne  en  état  d'en  faire, 

P,  Uï,  A.  Thomas,  Vwkn  XAîïscam  et  la  h'gfude  de  saint  P^'idian,  —  A 
Martres-Tolosanes,  petite  ville  de  la  Haute-Garonne,  on  célèbre  tous  les  ans 
une  curieuse  fête  en  l'honneur  de  saint  Vidian,  patron  du  lieu  :  on  y  voit  les 
Mores  et  les  chrétiens  se  livrer  un  combat  acharné,  après  que  le  curé  a  lavé 
l'iraage  du  saint  dans  la  «  fontaine  Saint  Vidian  »,  en  commémoration  de  ce 
que  Vidian  y  liiva  lui-même  ses  blessures  avant  d*y  être  surpris  et  égorgé  par 
les  Sarrasins.  M.  Thomas ,  ayant  naturellement  reconnu  dans  ce  Vidian  le 
Vivien  de  notre  épopée,  qui  meurt  de  ses  blessures  auprès  d*une  fontaine 
(mais  dans  les  Alsicans,  fort  loin  de  Martres),  5*est  inquiété  de  savoir  sur 
quelle  base  reposait  cette  tradition.  Il  a  trouvé  d'abord  une  Fie  de  saint 
Vidian  composée  en  1840  par  l'abbé  Jammes,  curé  de  Martres,  puis  une  pla- 
quette publiée  en  1769  (L/j  induîgence^y  îa  vie  et  les  mincies  de  saint  Vidian)  et 
enEn  uo  pfffuium  sancti  Vidiani  dans  le  Proprium  sanctorum  du  diocèse  de 
Rîeux  imprimé  en  1764.  Ces  trois  textes  sont  foncièrement  identiques  (sauf 
que  le  latin  abrège  beaucoup);  celui  de  1840  ressemble  de  près  à  celui  de 
1769,  et  tous  trois  ont  une  source  commune.  Quelle  était  cette  source? 
M.  Th.  la  juge  antérieure  de  peu  à  1764,  parce  qu'avant  cette  date  on  ne 
trouve  nulle  part  aucune  mention  du  récit  en  question.  Cela  me  paraît  tou- 
tefois peu  probable.  L'abbé  Jammcs  dit  :  w  L'histoire  du  martyre  de  saint 
Vidian,  telle,  quant  aux  faits,  que  nous  venons  de  la  rapporter,  fut  trouvée,  par 
monseigneur  Jcm-Louis  de  Bcrthîer,  écrite  sur  trois  coffres  dorés  qui  renfer- 
maient les  reliques,  et  qui  étaient  dans  le  tombeau  de  Toratoire  du  saint 
martyr*  Elle  fut  imprimée,  avec  approbation  de  monseigneur  l'évèque,  qui 
voulut,  pour  lui  donner  plus  d'autorité,  la  munir  de  son  seing  et  du  sceau  de 
SCS  armes.  L'histoire  de  la  vie  et  du  martyre  de  saint  Vidian,  imprimée  par 
ordre  de  monseigneur  Tévéque  de  Ricux,  Jean-Louis  de  Berthier,  le  2j  sep- 
tembre 1634,  doit  faire  foi  aux  yeux  de  ceux  qui  croient  encore  aux  tradi- 
tions historiques,  a  Diaprés  M.  Thomas,  «  l'histoire  imprimée  par  ordre  de 
J.-L,  de  Berthier  n'a  jamais  existé  que  dans  Timagination  du  curé  de 
Martres,  *>  En  ce  cas,  le  mot  «  imagination  »  serait  peu  exact:  il  s'agirait, 
étant  donnés  les  détails  si  précis  que  rapporte  Tabbé  Jammcs,  d'un  bel  et  boD 
mensonge,  et  fai  peine  à  ratiribucr  â  cet  ecclésiastique  dont  la  bonne  foi 
paraît  aussi  évidente  que  la  crédulité.  M,  Th,  s'appuie  sur  le  procès-verbal  de 
la  viiiie  que  fit  en  effet  Tévcque  de  Rieux  1^  T église  de  Martres  le  24  avrii 
i6j4,  et  qu'il  a  retrouvé  aux  archives  de  Toulouse.  Il  y  est  parlé  de  trois 
coffres  à  reliques,  qui  étaient  en  fort  mauvais  état,  et  «  paroisseot  avoir  esté 
faitz  de  menuizeric ,  paints  et  dorei ,  avec  remarque  qu'il  y  avoit  des  escrits 
que  le  temps  avoit  consumé  ».  L*évêque  ordonna  qu'on  ferait  trois  nouveaux 
coffres^  «  et  lorsque  lesdits  coâres  seront  faits,  nous  en  sera  donné  advis. 


I 
I 


Etudes  rùffianes  dédiées  à  Gaston  Paris  143 

mesmes  des  caractères  qui  estoient  autour  desdlts  coiTres  qui  se  pourront 
lire.  »  Je  ne  vois  pas  comment  cela  empêche  que  cinq  mois  plus  tard  il  ait 
paru  sous  les  auspices  de  Tévèquc  une  vie  de  saint  Vidian  se  donnant  comme 
extraite  des  inscriptions  déchififrces  sur  les  coffres.  Le  fait  que  pendant 
longtemps  cette  vie  n*est  mentionnée  nulle  part,  ci  qu'elle  ne  se  retrouve  pas 
aujourd'hui,  ne  prouve  pas  qu*elle  n\iit  pas  existé.  En  revanche,  le  style 
gauche  et  barbare  du  document  de  1769  sent  bien  plus  la  première  moitié 
du  XVll*  siècle  que  la  seconde  du  xviii*,  et  je  nliésite  pas  à  mettre  en  1634, 
surU  foi  de  Tabbc  Jammcs,  la  composition  de  la  légende  qui  a  servi  de  source 
à  ce  document  et  au  Proprium  sanctorum  de  1 764. 

Cette  légende  est  visiblement  empruntée  aux  Enfanc^i  Vivien ,  dont  elle 
reproduit  essentiellement  le  contenu  (pour  AUschans^  voir  plus  loin), 
M.  Thonus,  qui  croit  la  légende  composée  en  1764  ou  environ,  se  demande 
qui  pouvait  alors,  dans  le  diocèse  de  Rieux,  connaître  et  exploiter  ainsi  une 
clunson  de  geste,  et  s'en  remet  à  Tavenir  du  soin  de  découvrir  «  ce  savant 
omme  ».  Si  nous  faisons  remonter  la  légende  à  1634,  une  explication  se 
Iptéscotc  naturellement»  On  sait  (voy.  Rom.,  II,  535)  que  Catel  avait  vu  à 
Salfit'Guilhcm  du  Désert  un  manuscrit  cyclique  de  la  geste  de  Guillaume, 
manuscrit  qui  est  aujourd'hui  le  n»  774  du  fonds  français  de  ïa  Bibl.  Natio- 
nale. Dans  son  Histoire  des  comtes  de  Tobse ,  publiée  en  1623,  il  dit  qu'il  a 
%  rencontré  a  ce  livre  «  dans  les  Archifs  du  monastère  Sain  et  Guillaume  le 
désert  *  ;  mais  dans  les  Mémoires  de  V histoire  du  Languedoc^  publiés  en  t6^j 
par  ses  héritiers  (il  était  mort  au  mois  d'octobre  1626),  il  dit  de  ce  même 
manuscrit  î  «  /*ay  un  anden  Roman ,  escrit  à  la  main,  etc,  n  II  semble  donc 
bien  que  le  savant  conseiller  au  parlement  de  Toulouse  avaît^  d*une  manière 
quelconque,  acquis  ce  précieux  volume  *.  îl  dut  rester  entre  les  mains  de  sa 
É;imille  jusqu'au  moment  où  il  fut  acheté  par  quclqu^un  des  émissaires  de 
G>lbcrt,  de  ta  bibliothèque  duquel  il  a ,  comme  on  sait ,  passé  d^ns  celle  du 
rot.  Cest  sans  doute  â  Toulouse  que  le  consulta  l'auteur  de  la  légende  de  16^4, 
Le  ros.  contient  en  effet,  quoique  Catcl  n'en  dise  rien  (voy.  Rom.^  L  c),  les 
Enfance  Vitnen,Tïms  incomplètes  du  commencement,  ce  qui  expliquerait  fort 
bien,  si  c'est  d'après  ce  ms-  quePauteurde  la  légende  a  travaillé,  qu'il  s'exprime 
d'une  manière  si  vague  sur  la  façon  dont  le  père  de  Vivien  avait  été  fait  pri- 
sonnier par  les  Sarrasins.  La  rédaction  des  Enfances  à  laquelle  appartient  le 
ms.  de  Sainl-Guiihem  raconte  que  ce  fut  à  Roncevaux  ;  il  est  probable  que 
le  rédacteur  de  1654  n'aurait  pas  omis  cette  circonstance  s'il  l'avait  trouvée 
en  tète  du  récit  ;  mais  il  se  contente  de  dire  :  «  Le  Père  étoit  duc  de  la  mai- 
son de  France.  Comme  il  étoit  un  grand  guerrier ,  iï  batailla  constamment  à 


i,  «  Ptr  tout  k  ms.  on  lit  des  remarques  écrites  par  une  maiD  du  xvi'  ou  du 
XTtr*  ifècle  qui  pourrait  bien   être  cdle  de  Catet  ;  en  outre  un  certain   nombre  des 
•  cités  par  Citd  •  sont  dans  le  ms,  m;ïrqués  d'un  trait  de  mcmc  encre  que  les 
(H.  Sochicr,  IB^fi.^  U,  jjé).  Voy.  fol.  ta,  i  f ,  3}  a,  2$  a,  27  r,  27  a 


144  COMPTES    REKDUS 

l'cnconire  des  Sarrasins  pour  h  défense  de  la  Foi;  si  qu'après  avoir  triomphé 
maiûiesfoisde  leurs  armes,  il  tut  un  jour  arrêté  et  prisonnier  de  guerre,  a  Cesi 
que  le  ms.  de  Catel  ne  commence  qu*au  v  44,  où  nous  voyons  le  père  de 
Vivien  déjà  prisonnier  à  Lniserne,  et  les  Sarrasins  lui  demandant  de  leur 
livrer  son  flls  \  Le  ms.  ayant  quitté  Toulouse  encore  au  xvii<  siècle  pour 
être  envoyé  A  Paris,  cette  hypothèse,  si  elfe  est  fondée,  fortifie  évidemment 
beaucoup  Passertion  de  l'abbé  Jammes  sur  la  composition,  en  1654,  de  la  vie 
de  saint  Vidian. 

Qpoi  qu'il  en  soît,  les  inscriptions  des  coffres  étaient  sans  doute  illisibles  » 
et  un  ingénieux  écrivain  a  composé  alors,  en  bonne  partie  â  Taide  des  Enfanca 
VivUn^  la  biographie  qu'il  prétendit  en  avoir  extraite.  Mais  est-ce  lui  qui  a  eu 
le  premier  Tidéc  de  reconnaître  Vivien  Éîls  de  Garin  d'Aaseùne  (dont  il  a 
fait  Alençon  ')  dans  le  Vidian  qui  passait  jusque-là  pour  avoir  été  martjTisé 
par  les  Ariens  au  v*  siècle  ?  J'en  doute  fort,  et  jecrois  qu'il  s'appuyaît  sur  une 
tradition  plus  ancienne,  mais  restée  locale  et  populaire.  Le  nom  de  VûUanus 
et  celui  de  Vivianus  se  montrent  souvent  confondus;  la  vie  latine  de  saint 
Honorât  appelle  Vi*iatu(s  (ce  qui  est  la  forme  vulgaire  de  Vhlianus)  le  héros 
des  guerres  sarrasines?,  et  d'autre  part  M.  Thomas  cite  une  charte  de  \i%\ 
où  l'église  de  Martres  est  appelée  ecdma  sancti  Vimani.  Ce  nom  même  de 
Martfrs,  qui  représente  sans  doute  Mai  ivres  et  dut  être  donné  i  l'ancienne 
Calagarris  à  cause  des  tombeaux  de  Vidian  et  de  ses  compagnons  martyrisés 
avec  lui,  favorisait  le  travail  de  Timagination.  D'ailleurs,  de  tous  les  héros  de 
répopée  narbonnaise,  Vezian  ou  Vivien  est  le  plus  incontestablement  méridio- 
nal i  les  jongleurs  fran<;ais  en  ont  (tût  un  neveu  de  Guillaume  ;i  une  époque 
récente,  et  nos  poèmes  ne  sont  pas  d'accord  sur  la  façon  dont  il  Tétait.  Ce 
que  Raimon  Féraut  raconte  de  lui  ne  se  trouve  pas  dans  les  chansons  fran- 


I»  Il  est  vmi  qu'un  peu  plus  loin  le  messager  qui  vient  trouver  k  mère  de  Vivien. 
Huisuce  (appelée  Stacc  dans  U  VU  de  1769),  rappelle  brièvement  le  désastre  de  Ron- 
cevaux  (ms.  774,  (^53  f);  inais  le  rédacteur  de  la  légende  de  16^4  avait  lu  très  super* 
6dclletncot  sa  source  et  accompli  sa  tache  fort  négligemment. 

a.  La  Vie  de  1769  pone  la  leçon  absurde  r  «r  Saint  Vidian  tut  natif  de  la  très  noble 
Maison  de  France,  iiomméc  maintenani  Alaiivon,  n  La  Vit  de  1654  portait  *ans  Joute 
d'Ameune  pour  de  France-,  on  s'explique,  à  h  rigueur,  fidentification  avec  Alam^n, 

3.  D'après  cette  légende  (et  son  traducteur  Raimon  Féraut),  Veiian  est  un  noble 
guerrier  de  Charlemagne,  qui  est  tué  en  trahison  par  le  prince  sarrasin  de  la  Trapc  ïors 
du  sjcgc  d*Arks  par  Charlemagnc  (voy.  Rom.,  VIII,  501V).  Saint  Honorât, qui  est  son 
ami,  lui  élève  un  tombeau  dans  les  AUscans;  c'est  près  de  ce  tombeau  {h  im  r«xi4iH)  (|tie 
se  serait  livrée,  bien  plus  tard,  après  la  mort  de  Clurîcniagne»  une  bataille  où  les  cliri- 
ticus  aurAÎent  été  vaincus  (voy.  la  Vida  de  um  Pot  cari,  de  R.  Féraut,  éd.  Sardoa, 
p.  193).  Celte  indication  se  trouvait  déji  dans  la  source  latine  de  Féraut,  comme  t'atteste 
la  version  catiiknc  de  cette  source  (B.  N.  esp,  154,  f,  59  a  :  forrn  desbinatah  e  m&rtt 
en  aqueil  toc  on  Vesta  era  tsîaî  fmrh).  Cette  source  et  Fcratit  mentionneni  d'ailleurs 
également  un  duc  Vcziau  parmi  les  combatunts  de  cette  jouriiéc  désastreuse.  Il  y  a  dans 
tout  cela  beaucoup  de  confusion ,  mai'i  il  est  clair  que  le  Vezian  du  Midi  et  le  Vivien 
du  Nord  ne  sont  qu'un  yeul  et  nu- me  personnage. 


I 


I 


Etudes  rontatm  dédiées  à  Gaston  Paris  145 

çaises»  ci  paraît  reposer  sur  de  vagues  rcminîscences  de  récits  traditionnels 
(groupés  sans  doute  autour  d'un  tombeau  des  Aliscans), 

La  fontaine  saint  Fic^w  de  Martres  pourrait  bien  conserver  une  tradition 
liort  ancienne»,  et  avoir  fourni  à  des  poèmes  méridionaux,  puis  à  notre  épo- 
pée le  trait  de  la  fontaine  auprès  de  laquelle  meurt  Vivien  ;  le  fait  que  la  FU 
di  saint  Vidian  n'a  que  ce  trait  en  commun  avec  Aîesdmm  *  et  raconte  d'ail- 
leurs la  mort  du  héros  tout  autrement  semble  indiquer  que  l'auteur  suit  ici  un 
rédt  tout  à  fait  indépendant.  Ce  sont  là  des  questions  très  intéressantes  que 
soulève  le  mémoire  de  M,  Thomas;  il  voudra  sans  doute  pousser  plus 
loin  ses  recherches  sur  un  point  qui  peut  se  trouver  avoir  plus  d*importance 
qu'il  ne  semble  pour  Thisioire  encore  si  obscure  de  la  formation  de  l'épopée 
narbonnaise. 

P.  157,  D*  Grand,  Proclatmtiott  d'un  Uraut  en  dialecte  montpeîUirain  (1336), 
—  Ce  petit  texte^  outre  son  intérêt  philologique,  n'est  pas  sans  jeter  «quelque 
jour,  comme  le  remarque  Téditeur,  sur  Fétat  interne  de  Tuniversité  de  Mont- 
pellier au  xivc  siècle. 

P,  141,  J.  Flach,  Lt  compagnonnage  dans  les  cïmnsons  de  gtste.  —  Cette  étude 
très  neuve  et  très  intéressante  montre  quelle  mine  féconde  et  encore  à  peine 
exploitée  nos  chansons  de  geste  offrent  â  l'historien  des  institutions  et  des 
mœurs*  Interprétées  par  un  juriste  qui  a^  comme  M.  Flach,  le  sens  pénétrant 
de  rhisioire,  une  foule  d'expressions  qui  pissaient  inaperçues  ou  semblaient 
banales  prennent  un  sens  précis  et  vivant ,  tel  est  le  mot  de  maisnie  dans  les 
nombreux  passages  cités  par  l'auteur,  qui  y  montre  avec  évidence  la  conti- 
nuation de  l'ancienne  bande  germanique  groupée  autour  de  son  chef  L'étude 
sur  le  compagnonnage  proprement  dit  ou,  comme  on  a  dit  plus  tard,  la  fra- 
ternité d'armes,  est  aussi  très  précieuse.  Le  danger  dans  ces  sortes  de 
recherches  est  d'en  exagérer  le  bon  côté,  de  prêter  à  des  manières  de  dire  qui 
sont  en  cfïet  banales  et  générales  une  précision  et  une  portée  qu'elles  n'ont 
pas;  il  faut  pour  l'éviter  joindre  beaucoup  de  tact  ii  beaucoup  de  savoir, 
oocnme  le  fait  l'auteur  des  Origines  de  rancitttne  France,  Nul  mieux  que  lui  ne 
serait  en  mesure  de  nous  donner  un  livre  qui  serait  une  belle  contribution  à 
tiocrc  histoire  nationale,  un  Cm  pus  juris  cpicum  ï. 


I.  On  peot  en  supposer  auunt  de  l'îadiçation  topograph^ue  que  doatieiit  les  docu* 
meots  de  1764  et  de  1769  (mais  non  celui  de  1840)  :  le  combat  se  livre,  d'après  le  pre- 
mier, in  Agrii  fui  dicuntur  Campestra^  d'iprès  le  secoad  «  jusque  au  lieu  nommé  vul- 
gairement le  Champêtre  ».  M.  Th.  se  demande  si  ce  nom  n'aurait  pas  1  une  ccrtamc 
parenté  avec  Aïiscans  •>  Mais  on  peut  aussi  Ronger  à  cette  singulière  dénomination  de 
l'Jrflvtnt  OU  t'àUf  de  CArchant  (ou  Larcbant}),  qui  n'a  jamais  été  bien  expliquée  et  qui 
hgviTc  uziiquemeot  dans  le  Caitmmt  Vivien  et  Altuham,  scmblaoi  d'ailleurs  en  désaccord 
atec  le  reste  de  la  topographie. 

a.  Elle  n'emprunte  rien  non  plus  au  Cotenant  ;  ce  n'est  que  pour  les  Enfances  du 
hénn  q  a  Vile  a  rccoars  j  un  poème  français. 

f.  L'étude  de  M,  Flach  sur  le  compagnonmige  vient  de  rcparaitrCt  agrandie  et  révisée, 
dans  te  tome  U  de  son  grand  ouvrage^  que  je  ne  saurais  trop  recommander  à  ceux  qui 
ttoknt  comprendre  la  société  du  moyen  âge  î  Lfi  Origines  de  Vamienne  France* 


148  COMPTES   RENDUS 

M,  Joreta  public  tout  récemment  :  la  Rose,  il  est  diflîcile  de  Tanalyser;  tous^ 

nos  lecteurs  te  connaissent  sans  doute  sous  l'une  ou  Tautre  de  ses  formes. 

P.  303.  L.  Havei,  L'i  îalin  caduc.  —  Ce  morceau,  assurément  le  plus 
remarquable  du  recueil ,  comprend  esseniielleraent  l'étude  de  trois  points  : 
comment  et  quand  Tj  finale  est-elle  '  arrivée  à  s^amuïr  dans  la  prononciation 
des  Romains?  Comment  se  constate  cet  amuïssement  et  jusqu'où  allait-il? 
Comment  cl  quand  ïs  a-t-elle  été  restaurée  de  façon  à  se  maîntenir  jusqu'à 
nos  jours  en  Espagne  et  en  France?  —  Sur  Li  première  question,  M.  Havet 
montre  que  la  chute  de  Vs  finale  a  probablement  commencé  dans  les  cas  où 
elle  finissait  un  mot  terminant  une  phrase ,  car  elle  n'a  dû ,  d'après  la  phoné- 
tique générale  du  latin,  tomber  d'eîle-mOmeni  devant  une  consonne  ni  de^ant 
une  voyelle  (mais  B  elle  aurait  dû  régulièrement  devenir  r)  ;  la  négligence 
de  la  prononciation  d*x  finsile  k  la  fin  des  phrases  peut  remonter  liant,  mais 
appartient,  en  tout  cas ,  à  la  période  proprement  latine,  —  L'étude  de  b 
représentation  graphique  (très  peu  riche  et  très  peu  sûre)  et  de  la  valeur  pro- 
sodique de  Ts  finale  dans  la  période  qui  va  des  débuts  de  la  littérature  i 
Cicéron  occupe  la  plus  grande  partie  du  mémoire  :  on  y  admirera  la  science 
métrique,  la  perspicacité  et  l'invention  critique  que  peu  des  travaux  de  l'au- 
teur présentent  an  même  degré;  il  en  résulte  que  pendant  cette  période  on 
prononçait  toujours  Vs  finale  devant  une  voyelle,  on  la  prononçait  faculta* 
tivement  devant  une  consonne,  et  la  chute  de  Vi  finale  n'allongeait  pas  la.| 
voyelle  précédente;  on   ne  peut  savoir  si  on  la  prononçait  à  la  fin  des! 
phrases  (ni,  à  vrai  dire,  si  on  la   prononçait  devant  une  consonne  aprèsl 
une  longue).  —  A  partir  de  la  traduction  des   Phaenomena  par   Cicéron 
(vers  85)  1*5,  prononcée  commence  à  prédominer;  cette  prédominance  s'ac- 
centue dans  Lucrèce,  et  dans  Catulle  il  n'y  a  probablement  plus  un  seul 
exemple  de  la  non  prononciation  de  Tj,  dont  Cicéron  dit  en  46  ou  45 
{Orator  161)  :  Quoti  jam  subrusiicum  vitieUtr^  oîim  autttn  poîitius.  Ainsi,  entre  1 
100  et  50  environ,  1'^  finale  est  restaurée  et  dans  la  prononciation  des  gens  * 
cultivés  et  dans  la  versification.  C'est  ici  que  M.  Havet  émetU  conjecture  A  la 
fois  la  plus  ingénieuse  et  la  plus  hardie  :  les  finales  en  îs^  ùs  auraient  été  d'abord 
bannies  du  qualricme  pied  de  riiexamètre,  à  cause  d'une  particularité  a  micro- 
scopique fl  de  la  technique  de  Thexaraètre  grec,  imitée  par  les  poètes  latins, 
puis  de  tous  les  vers;  et,  «  du  moment  que  les  poètes  entendent  qu'on  pro- 
nonce Vs  partout,  les  orateurs  la  prononceront,  les  gens  du  bel  air  aflcctcroot:'^ 
de  la  prononcer»  et  le  vulgaire  finira  par  suivre.  »  Au  risque  de  me  faire  ranger 
parmi  les  adeptes  de  ces  «  écoles  de  phonétistes  qui  aiment  à  envisager  le 
langage  sous  un  aspect  scolasfique  et  abstrait  » ,  j'avoue  que  j'ai  bien  de  la 
peine  à  accepter  une  pareille  hypothèse.  Je  sais  bien  que  des  effets  très 


I.  J<:  ùis,  ii'aprcs  uoc  tradition  dont  les  origines  remontent  ati  Utin  même,  les  sp* 
tantes  ou  continues  (/,  l>,  /,  m,  #1,  r,  s)  du  féminin^  leur  nom  {effe^  etc.)  ayant  une 
forme  féminine,  et  cette  distinction  exprimant  leur  nature  en  regard  des  explostv» 
(^t  ^*  à^  i*  pt  0'  ^^^  ^^  lettres  nouvelles  (/,  v)  ont  détruit  cet  arrangetncni» 


Etudes  romanes  dédias  à  Gaston  Paris  145 

étendus  procèdent  souvent  d^uue  bien  petite  cause,  maïs  quoi?  ces  raffioe- 
mcnts  des  doctes  imitateurs  des  Grecs  auraient  transformé  la  prononciation 
de  tout  un  peuple»  si  vite  que  le  latin  porté  en  Gaule  par  César  aurait  déjùété 
l  complètement  dépouillé  de  ces  ibnnes  si  répandues  peu  d'années  avant»  et  qui 
[étaiem  si  bien  dans  la  logique  Ju  développement  de  la  langue?  Et  la  réaction 
cnée  par  Técolc  des  gens  qui  ne  voulaient  pas  de  coupe  trochaïque  au  4* 
'  pied  de  rhexaniètre  (car  tout  est  là)  aurait  été  si  puissante  qu'elle  aurait 
rétabli  IV  égajpment  en  Espagne  et  en  Sardaigne  ?  Je  ne  le  crois  pas,  et  en 
énéral  je  ne  crois  guère  k  Tinfluence  de  causes  aussi  étroitement  littéraires 
ur  des  faits  généraux  de  prononciation  (  il  y  aurait  bien  à  dire  sur  le  rappro- 
eni  que  fait  M.  Havet  avec  nos  «  liaisons  «) ,  je  ne  dis  pas  sur  le  sort  de 
;  isolés.  Joignez  i  cela  que  Vs  finale  paraît  ne  pas  être  réintégrée  précisé- 
ment en  Italie,  où  l'influence  des  urhani  aurait  dû  se  faire  surtout  sentir. 
Pour  moi,  j*expliquerais  tout  autrement  cet  ensemble  de  phénomènes.  Vs  finale 
se  prononçait  toujours  devant  une  voyelle  ;  devant  une  consonne  elle  tendait 
ae  pas  se  prononcer  (rhésitatiou  avait  sans  doute  commencé  à  la  pause), 
"^«t  il  fut  de  mode  à  Rome  {ohm  poUtius)  du  me  au  i*^  siècle  de  préférer 
dans  ce  cas  la  prononciation  sans    i.  Entre  les  deux   prononciations  d'un 
même  mot  il  devait  se  faire  une  assimilation  :  elle  s'est  faîte  diversement» 
d^une  part  en  Italie  (et  de  là  dans  la  Romania  orientale),  où  on  a  laissé 
tomber  W  partout  '  ;  d'autre  part,  dans  la  Romania  occidentale  (Sardaîgne, 
Espagne,    Provence,    Gaule  du  nord),   où   on  Ta   rétablie   partout,   et  où 
elle  est  encore  aussi  vivante  (au  moins  partiellement)  qu'avant  l'époque  où 
la  prononciation  incertaine  des  syllabes  atones  finales  terminées  en  s  avant 
tuuf  pause  avait  menacé  Vs  de  subir  le  sort  de  Vm.  Toutefois,  il  y  a  encore  bien 
des  obscurités  dans  cette  question ,  et  elle  demande  de  nouvelles  recherches, 
pour  lesquelles  le  mémoire  de  M.  Havet  offre  une  base  des  plus  solides»  et, 
surtout  dans  sa  seconde  partie,  un  modèle  qu'il  ne  sera  pas  facile  d'atteindre. 

P.  55  r,  P.  Bonnardot,  trois  textes  en  patois  de  Metz  :  Charte  des  Chaiviers; 
ta  Grossi  Enwûrayt\  Vnt  fiauve  recrtative  (xv*-xvîie  siècles).  —  Ce  travail, 
de  beaucoup  le  plus  long  du  recueil,  esc  d'un  grand  intérêt  et  d*un  grand 
inén'te,  La  charte  des  cimxners  (ou  chamoiseurs) ,  probablement  de  141 2 
(p.  555),  appartient  encore,  malgré  son  caractère  très  vulgaire,  à  îa  langue 
du  tno)^n  âge  (/l'sg.  sj.,  /cw  sg,  r.;  irapf.  œnreie,  avmive ;  tusi ,  deux  fois 
répété,  me  paraît  être  tmt  al,  et  non  une  mauvaise  manière  d'écrire  iuts  = 
tmf),  Ijifiam^e  recreatnr,  imprimée  en  1615  à  la  suite  de  la  Grosse  Enwaraye^ 
une  curieuse  facétie  dans  le  st)*Ie  et  dans  la  forme  des  chansons  de  geste  : 
forme  une  laisse  monorime  de  54  vers  en  a  féminin ,  où  des  assonances 
(«pr,  adiy  ape)  se  mêlent  à  la  rime  dominante  en  aie\  c'est  probablement  la 

I.  Excepté,  comme  on  SAk,  dans  les  monosyllabes  (tvi,  nm,  crai,  dai  ^  etc.),  où  Vî 
me&tc  une  ptti»  longue  perstsunce  de  IV.  C'est  ex«ctemeot  ce  qui  est  xrrivé  pour  l'm, 
oofiMrvée  dans  tuai,  rem,  que  m,  eu  m  bogtcmps  après  qu'elle  était  tombée  i 
r^ii^nf  iînale. 


IJO  COMPTES    RENDUS 

demîère  composition  dans  cette  forme  qui  ait  été  faite.  La  pièce  est  obscure 
par  ses  allusions ,  maïs  assez  piquante  par  son  mélange  des  tons  épique  et 
burksque;  elle  rappelle  assez  le  Si^ge  de  Ntuviîk  du  kiv«  siècle  {Manuel^  1, 
S  5t).  Le  V.  2  est  Diki  Jesiraltm  dayet  MonUîimak\  M.  B.  reconnaît  là  Mon- 
télimart,  il  y  soupçonne  une  réminiscence  de  Tévéque  Adéraar  de  Monieil  ou 
de  Montélimart  (i 327-1 361);  mais  je  crois  qu'il  n'y  a  dans  Montdwiatt 
qu'one  altération  plaisante  de  MontoUvate  ou  Mont  Olwet.^V.  30  0ns  ati  pour 
u  On  en  ».  M,  B.  dît  avec  raison,  je  crois,  dans  sa  note,  qu*o{>  a  là  l*s  carac- 
téristique du  sujet  (ons  analogique  pour  Tancien  om  ;  cf*  Rom,  XII,  544)  ; 
mais  dans  VÉludtdu  texte  (p,  552),  il  y  voit,  moins  justement,  une  j  eupho- 
nique. —  V.  33  :  Jaytt  chantt  k  jau^  «  Coquelet  chante  le  coq,  >»  formule  Hnalei 
ét\^fiave\  «  manière  plaisante, dit  M.  B.,  d*indiquer que  l'auteur  sait,  à  Foc- 
casion  eoHer  ses  pipeaux  et  s'élever  au  genre  noble  de  Tépopéc.  1»  N'y  â*t-tl 
pas  là  plutôt  la  formule  qui  termine  tant  de  contes  men^eilleux  :  a  Et  alors 
le  coq  chanu,  «  c'est-à-dire  u  Je  m'éveillai  »,  c'est-à-dire  «  Tout  ce  que  je 
viens  de  conter  n'était  qu*un  rêve  »  ? 

Le  morceau  de  résistance  du  mémoire  est  la  Gro%Sf  Enwaraye^  avec  VÊtudi 
du  textt  qui  la  précède^  et  le  copieux  commenuire  qui  la  suit*  On  connaissait 
Foeuvrc  par  la  médiocre  réimpression  qu'en  avait  donnée  M*  G,  Brunct, 
et  jusqu'ici  on  n*y  comprenait  à  peu  près  rien.  M.  Bonnardot  s'est  mis  à 
l'œuvre,  et  grlce  à  sa  profonde  connaissance  des  parlers  lorrains  anciens  et 
modernes,  et  A  l'aide  de  «  patoisants  *>  très  versés  dans  les  idiomes  locaux 
(notamment  de  M.  Aoricoste  de  Lazarche),  il  est  arrivé  â  dissiper  en  bonne 
partie  (mais  non  en  totalité)  les  obscurités  innombrables  de  ce  petit  texte,  qu*il^ 
a  reproduit  avec  le  plus  grand  soin  diaprés  rédition,  d'ailleurs  pleine  de 
fautes  et  de  non-sens,  de  1615,  C'est  un  monologue  en  185  vers  octo^Ua 
biques  à  rimes  plates  (sauf  en  tête  un  triolet),  contenant  la  déclaration  d*araour,1 
fort  réaliste,  d'un  vtrtagoy  de  \411age  à  une  hacdh  quMl  qualifie  de  grosse 
muHirayf.  La  pièce  a-t-eîle  été  destinée  à  être  débitée  sur  un  théâtre?  Cela  ne 
me  surprendrait  pas,  et  je  supposerais  que  ta  611e,  personnage  muet,  était  eti 
scène  devant  le  galant,  lui  tournant  le  dos,  ce  qui  explique  les  vers  172  ss.  : 
«  Je  dis  :  Retourne-toi  ;  je  te  promets  sûrement  fie  mariage].  Il  ne  t'en  chaut  > 
je  croîs  :  tu  te  tairais  bien  quinze  jours  sans  dire  même  un  seul  mot,  »  Donnée 
par  l'imprimeur  de  1615  comme»  un  ancien  fragment  du  vray,  pur,  na^^  et 
naturel  langage  messin  »,  la  Grosie  Envmraye  ne  mérite  pas  réellement  cette 
qualification.  M.  Bonnardot  a  reconnu  que  «  si  la  scène  se  passe  dans  le 
5(ittfrtmi(CourccIles-sur-Nied^  Pontois,  Mcchy  ou  Mercy),  régions  situées  au 
sud-est  de  Metz,  la  langue  est  celle  du  Haut- Pays  (Amanvillers,  Avril)  et  des 
villages  au  nord-ouest  de  Metz  en  tirant  sur  Briey  »♦  Je  comprends  moins  la 
conclusion  qu'il  tire  de  cette  constatation  :  r  J'en  conclus  que  Timpression  a 
dû  suivre  de  fort  près  la  composition  de  la  pièce ,  et  que  Tassertion  de  Tim- 
primeur  attestant  l'antiquité  de  ce  fragment  de  langage  messin  n'est  qu'une 
rubrique  de  métier.  »  On  n'en  verrait  pas  bien  ruiiliié,  et  je  crois  que  l'im- 
primeur a  été  de  bonne  foi  ;  la  pièce ,  probablement  en  réalité  daum  déjà 


Etudes  romams  dédias  à  Gaston  Paris  1 5 1 

d'un  certain  nom^rc  (î*années,  Ta  frapp<i  comme  ne  présentant  pas  le  langage 
usité  à  Metz  de  son  temps;  il  a  juge  chronologique  une  difftîrence  qui  était 
surtout  dialectale.  Le  ton  et  le  genre  de  ce  monologue  me  paraissent  Fassi- 
gner  au  dernier  quart  du  xvi*  siècle.  La  copie  qu'a  eue  Fimprimeur  Abraham 
Fabert  (qui  a  mis  son  édition,  par  des  raisons  fort  bien  esphqute  par  M.  B., 
iciis  le  nom  de  son  jeune  fils  Abraham  ,  le  futur  maréchal  de  France)  était 
fort  défectueuse;  il  paraît  Favoir  imprimée  telle  quelle»  en  y  ajoutant,  sans 
dauie,  des  fautes  nouveHes  (une  réimpression   faite  en   t6j4   les   accroît 
LCncorc):  aussi  ïe  texte»  obscur  par  lui-même,  est-il  devenu  inintelligible  en 
'^mâint  endroit,   M.  Bonnardot  a  déployé»  pour  la  solution   de  toutes  ces 
énigmes,  sou\^nt  fort  scabreuses,  autant  d'ingéniosité  que  d'érudition,  et  il 
â  osé  en  donner  une  traduction ,  non  sans  lacunes  ;  pour  espérer  trouver  le 
[mot  de  celles  qui  lui  ont  échappé,  ainsi  qu'à  ses  savants  collaborateurs,  il  fau* 
Yétûl  avoir  cette  connaissance  des  usages  locaux  et  ce  maniement  familier  du 
'  patois  grâce  auxquels  ils  ont  réussi  ï  en  résoudre  un  si  grand  nombre.  Aussi 
me  bomcrai-jc  à  deux  ou  trois  notes  qui  n'apportent  aucun  éclaircissement 
nouveau,  mais  portent  sur  les  explications  données  aux  faitr.  Et  d'abord  que 
%\^n\fkCgroiSi  tnxtMtayt'^  M.  B.  rapporte  les  nombreuses  interprétations  pro- 
posées (dont  la  plus  singulière  est  assurément  celle  de  M.  Godefroy),  et  se 
kdéadc  pour  celle  que  lui  a  communiquée  M,  E.  Rolland  ;  «  Du  premier  coupj 
I  les  paysans  [de  Rcmilly]  auxquels  il  a  posé  la  question  »  Font  résolue  en  ces 
fermes  :  etm'araye  est  une  forme  altérée  pour  embrawayr,  ambroûttyej  qui  se  dit 
d'une  personne  forte  en  chair,  d'une  fille  joufflue.  »  Emhrmmye  serait  le  dérivé 
de  hfûUK^n^  Fancicn  français  hraon  (mais  il  faudrait  amhrawomye).  On  est  asse^ 
surpris  de  voir  des  paysans  dire  en  propres  termes  qu'un  mot  est  la  «  forme 
altérée  »  d'un  autre»   et   on  aimerait    mieux  qu'ils  eussent  déclaré  qu'ils 
employaient  réellement  enu-arayc  dans  ce  sens  ;  en  outre  F  «  altération  » 
paraît  fort  peu  vraisemblable.  Je  suis  bien  plus  porté  à  admettre  Fautre  cxpli- 
(  cation  donnée  p.  585,  et  qui  rattache  enwarayf  à  warèi  u  taureau  »>,  Une 
ffraj^esi  une  vache  en  chaleur,  qui  demande  le  taureau,  «  d'où,  par  cxtcn- 
,  Elle  nubile,  qui  recherche  le  màle.  »  Ce  doit  être  U  le  vrai  sens.  —  La 
Mbrme  Ma^tlaim  pour  MaïUUitu  (y.  76)  surprend  M.  B.  :  elle  se  retrouve  sou- 
vent en  anc.  fi',  (d'où  le  jeu  de  mots  Marie  maise  ahine  pour  Marie  Maieîaine 
.  dans  la  Pûû  ans  Engîois;  Rom,  XIV,  280);  je  l'explique  par  le  provençal  ;  le 
i  culte  de  Marie  Madeleine  florissait,  comme  on  sait,  en  Provence,  et  les  pèle- 
ritis  CD  rapportaient  cette  prononciation*  —  Les  vers  17  ss.  sont  ainsi  conçus 
0c  donne  les  mots  séparés  comme  ils  doivent  Fctre,  et  je  ponctue)  :  <*  Se  je 
fm^€»àcbe  asy  ma  a  on  pi/^  Jy  aiclx,  si  mon  aim,  aie;  Ma  fatclicn  etty  affalé  Pé  le 
rcuani  tTtntiur  U  haye.  v  M.  B,  traduit  :  «  Si  je  n'eusse  eu  mal  au  pied,  j'y 
eusse,  sur  mon  âme»  allé,  Mais  j'eus  été  aflbulé  [je  me  suis  foulé  le  piedj  Par 
les  ornières  entre  les  haies*  1»  Je  ne  puis  comprendre  fetic})e{n)  au  v,  19  autre- 
tnent  que  je  neuche  au  v.  17,  et  je  traduis  :  «  Mais  j'aurais  été  affolé  (plutôt 
^rx'afdi^  proposé  en  note,  ou  le  très  douteux  affonlf)  par  les  ornières  entre 
les  hâics  (à  cause  de  sa  blessure  au  pied)  ».  —  Au  v,  62,  grâce  est  traduit  par 


IS2  COMPTES   RENDUS 

«  grosses  »,  mais  comme  ailleurs,  on  lit  grôs^  ^rausse^  c*est  plutôt  grasses  (au 
V,  7  de  la  Flair,  le  mot  se  retrouve  et  est  traduit  par  «  grâce  »,  s.  d.  faute 
d*împressioii  pour  «  grasse  i»)*  —  Au  \\  6s,  le  verbe  pouarâéy  «  regarder  ncst 
considéré  comme  une  «  forme  difltirenciée  de  rotutiicr  rwati^  déjà  contracté 
de  l'anc.  rouumrder....^  dans  laquelle  p  s'est  développé  de  w.  »  Ce  serait  déjà 
fort  singulier,  mais  comment,  dans  ponardéâc  rouardèyp  se  seraît-il  «  déve- 
loppé x»  deti'?  A  la  suite  d'une  chute  de  r?  En  fait,  pouatdeestlâ  contraction 
de  l'ancien /wwru'ûritT,  a»  fr.  porgmràet\  rouatitr  est  d'ailleurs  un  autre  mot, 
répondant  au  fr.  retvaiiier.  Ajoutons  que  le  mémoire  de  M.  Bonnardot  csi 
riche  en  renseignements  de  tout  genre  pour  l'histoire  des  mœurs  et  des 
usages»  et  qu'il  s'ouvre  par  une  précieuse  bibhographie  d{^  ouvrages  imprimés 
en  patois  messin  jusqu^â  notre  siècle.  L'auteur  constate  que  Tanncxion  de 
}Aetz  à  fAllcmagne  a  rendu  une  vigueur  nouvelle  au  patois,  «  désormais  unique 
truchement  des  indigènes  au  foyer  domestique..»*,  et  dans  leurs  rapports 
mutuels,  à  rencontre  des  occupants,  qui  savent  bien  le  français  classique,  tnais 
non  pas  le  patois,  » 

P.  407,  A-  Morel-Fatîo,  Dutîos  y  qtuhrantos.  —  Don  Q^iichoite,  le  samedi, 
mangeait,  dit  son  biographe,  duelos  y  tjuebranhs^  «c  des  deuils  et  des  brisures*  n 
Que  désigne  cette  singulière  dénomination,  et  d'où  vient-elle?  M.  Morel- 
Fatio,  dans  sa  très  piquante  note,  répond  d'une  façon  certaine  à  la  première 
question.  En  Castille,  depuis  une  époque  impossible  à  préciser  (une  légende 
voulait  que  ce  fût  depuis  la  victoire  de  Las  Navas  en  1212),  on  avait  le  droit, 
au  Heu  de  f^ire  comme  ailleurs  abstinence  complète ,  de  faire  abstinence  de 
grosura^  c'est-à-dire  de  manger  les  «  issues  »  (tête,  pieds  et  tripes)  des  animaux 
de  boucherie  ;  c'est  évidemment  ce  que  faisait  le  bon  chevalier  de  la  Manche, 
Mais  pourquoi  cette  nourriture  du  samedi  s 'appelait-elle  dueîos  y  qiuhrantûs'i 
On  en  a  donné  deux  explications,  que  M,  M. -F,  rejette  Tune  et  Fauire.  11 
établit  que  dmîos  y  qttcbrantos  était  une  locution  fréquente  —  quoi  qu'on  en 
ait  peu  d*exemples  —  puisque  Que\'edo  la  range  au  nombre  d^  bordoncilhs 
inuiiîesy  dont  un  écrivain  soigneux  doit  s^abstenir.  «  Quant  au  sens,  les  deux 
mots  n*ont  été  pris  d'abord  que  dans  Tacception  purement  morale  de  «»  cha- 
grins  et  tourments,  et,  i  la  rigueur,  on  a  bien  pu  qualifier  ainsi  Je  maigre 
repas  castilbn  du  samedi;  les  Allemands  n*ont-ils  pas  notnxwé arme  RttUr  un 
mets  de  pénitence  qu'ils  mangeaient  précisément  ce  jour-ïà?  Mais  j'admettrais 
volontiers  que  Cervantes  ou  tout  autre  a  cherché  à  faire  un  jeu  de  mots  : 
le  mot  qtifhranh  pouvait  donner  l'idée  d'  «  abatis  >»  :  an  ferait  une  plaisanicric 
du  même  goût  en  français  si  Ton  accouplait  les  deux  mots  plaisir  et  réjouis- 
sance. »  Et  iJ  ajoute  :  «  Quel  que  soit  Tinventeur  de  la  pointe,  elle  a  eu  du  suc- 
cès :  dtieîos  y  qudfrantos  deviennent  peu  à  peu  synonymes  d*bsues  ou  de 
tripes  :  »  dans  une  comédie  de  Lopc  de  Vega,  on  voit  «  une  Lucinda,  almar- 
lando  unos  tonrinôs^  con  sus  dueîos  y  quchrantos.  Pas  question  ici  du  samedi  ni 
d'abstinence  ;  la  Lucida  entend  faire ,  je  suppose ,  avec  son  amant ,  un  très 
succulent  déjeuner,  )>  Mais  alors  d.  y  qu.  ne  peut  avoir  qualifié  «  le  maigre 


Etudes  romanes  dédiées  à  Gaston  Parts 


ISÎ 


Ttepas  castillan  du  samedi  »  par  allusion  à  sa  triste  condition  (d'autant  moins 
que  le  %'endredi  était  bien  plus  maigre,  et  qu'au  contraire  les  Castillans 
étaient  mieux  partagés  te  samedi  que  tous  les  autres  catholiques).  C'est  uni* 
quement  en  tant  que  composée  d'issues  que  cette  nourriture  a  reçu  son  nom, 
sans  mélange  d'idée  compatissante,  et  l'on  serait  bien  porté  à  admettre  la 
l  •  très  ingénieuse  »  explication  du  D^  Antonio  Puigblanch  {duelos  y  quchrantos 
signifiait  «  chagrins  et  tourments  i»,  mais  à  côté  dqos  y  qucbrantas  signifiait 

*  tripes  (cf.  issuii)  et  extrémités  (brisures,  abaiîs)  » ,  et  le  peuple  (ou  un 
amateur  d'agude^as)  a  substitué  Tun  à  l'autre).  Seulement,  dît  M*  M.-F,  (sans 
{larler  du  sens  forcé  donné  â  qutbrantos) ,  on  ne  trouve  nulle  part  ce  d/jos  y 
ftttbrafitos.  Il  faudrait,  pour  résoudre  mieux  ce  petit  problème»  rassembler  des 

rtples  plus  nombreux  de  dudos  y  quebrantos^  au  sens  métaphorique  ;  peut» 
!  en  les  cherchant  trouverait-on  la  locution  indiquée  par  A,  Puigblanch, 

P,  419,  J*  Cornu,  Etudes  sur  Je  poètne  du  Cid.  — Le  savant  professeur  de 
Prague,  apr^  avoir  eu  sur  ce  sujet  d'autres  opinions,  est  maintenant  convaincu 
que  le  Poema  dtî  Cid  a  été  composé  par  son  auteur  en  vers  de  romances  (sept- 
huit  S)'llabes  à  chaque  hémistiche),  et  que  les  innombrables  hémistiches  qui  ne 
I  rentrent  pas  dans  cette  formule  ont  été  altérés  par  la  mauvaise  mémoire  des 
3tateursou  la  négligence  des  copistes.  Pour  le  prouver,  il  emploie  un  moyen 
ingénieux,  qui  consiste  i  examiner  un  très  grand  nombre  d'hémistiches 
rooDtenant  des  noms  propres ,  et,  par  conséquent,  forcément  mieux  conservés 
que  les  autres,  et  qui  présentent  effectivement  sept  syllabes  dans  le  manuscrit 
unique,  ou  se  laissent  très  facilement  ramener  à  cette  mesure.  Je  ne  me  pro- 
nonce ps  sur  le  système  de  M,  Cornu,  qui  est,  en  tout  cas,  bien  attrayant  ; 
U  réunion,  dans  ce  mémoire,  de  871  hémistiches  d'un  caractère  particuUère- 
ntcnt  probant  (auxquels  il  faut  joindre  aussi  les  400  vers  qui  sont  dans  leurs 
deux  moidés  conformes  au  type  en  question),  fournit  à  coup  sûr  une  base 
||M)lide  et  toute  nouvelle  à  la  discussion,  —  M.  Cornu  a  bien  voulu  m*envoyer, 
\  me  priant  de  le  joindre  â  ce  compte  rendu,  un  choix  d'autres  hémistiches 
de  scpt'huit  syllabes,  fait  pour  lui  par  son  ancien  élève  M,  le  Dr  RoUn  : 

•  ungmnd  nombre^  rcmarque-t-il ,  sont  des  formules  qull  n'est  pas  possible 

Je  modiâer Plusieurs  de  ces  hémistiches  pèsent  plus  dans  la  balance  que 

cent  autres  qu'on  apporterait  pour  prouver  Talexandrin  ou  d'autres  vers  qui 
me  sont  inconnus.  *  J'insère  bien  volontiers  ici  ce  petit  recueil. 


ler  hémistiche, 

I 

40  Una  nina  de  nuef  anos. 
209  En  San  Pero  de  Cardena. 
417  £j3  raedio  duna  montana, 
S 17  Nin  cativos  nin  cativas. 
547  Entre  Farua  e  Çctina. 
514  En  un  otero  rredondo, 


665  A  cabo  de  très  semûnas  =:  3481 

902  El  payo  de  myo  Çîd. 

1085  Aquis  compieça  la  gesta. 

1247  El  amorde  myo  Çid. 

1576  A  la  puerta  de  Valençia. 

1711  Por  las  torres  de  Valençîa. 

210?  Trezienios  marcos  de  plata. 

2342  A  la  glera  de  Valençia* 


^^^^^^            154 

^^H 

^^^B 

2222  metolas  en  vuestra  mano.            ^^H 

^^^^^H               3556  E  lâs  noches  e  los  dias. 

2254  e  corredorcs  cavales.                    ^^^| 

^^^^^H                1613  Por  h  huerta  de  Valençia, 

^^1 

^^^^^^B                26$2  Condozîemoscavalleros=28jS 

^^^^^^P                2847  Varones  de  Santestevan. 

2332  y  Tantes  de  Carrion  =   2496,    ^^| 

2587»  2646,  2675. 3701,  2941.          H 

^^^^^F                                      Saond  h/mistkîje^ 

2965,  3080,  5126, 3 1 44/ î tél.          ■ 

5207, 3209,  3217,  5219. 5467,    ^B 

^^^^L* 

3485,  3562,  3568,  3S96.            ^^1 

^^^^^^^L                  149  de  voluntade  de  grado  -=  1005, 

2474  la  ûort  del  Campeador.                 ^^^| 

^^^^^^1 

2J12  el  obispo  don  Jlieronimo.            ^^^| 

^^^^^H                  226  de  cuer  e  de  velurttad. 

2513  cavallero  lidiador.                         ^^^B 

^^^^^H                  Î38  abuelta  de  los  alborcs. 

2526  a  lierras  de  Carrion  =  2544,          V 

^^^^^^F                  720  poramor  de  carîdad  =  33^3. 

2590.  2S97,  2627,  2638. 3470,          ■ 

^^^^^P                    829  a  Castiella  la  gentil 

5599-                                             m 

^^^^H                         883  a  Tii^o  d/  /r£f  setmtms  »  9!  $. 

2>70  en  tierras  de  Canion  ^  2600,         ^M 

^^^^^^                  II 16  de  la  lînpia  christiandad. 

2717,  5223.                                     B 

^^^^^H                  1133  el  cimpo  nuestro  sera. 

2578  las  telas  del  coraçon  =  3260        ^^H 

^^^^^H                  1 186  en  ticrras  de  Mon  Rreal. 

2588  por  Valençîa  la  mayor.                 ^^^| 

^^^^^^                   U99  deb  buena  chrisûandad. 

2679  al  Campeador  leaî  =3317.         ^^^| 

^^^^M                       1 2^^  ^^  ^^  <^^^  de  Bivar. 

2748  en  cl  rrobrcdo  de   Corpcs   =        ^U 

^^^^B                       1272  myo  senor  naturaL 

2754,  2945*  3156,  3266.             ^^Ê 

^^^^1                       1321  por  amor  del  Crîador  =  27S7, 

2809  por  los  rrobrcdos  de  Corpes.         ^^H 

^^^1                                   2792,  349ûi35^l.  ?5So. 

2851  que  sodés  cofioscedores.                 ^^^B 

^^^^1                       1432  cavallerode  prestar. 

2901  nnyo  ViissaJlo  de  pro  =:  3 193.             ^M 

^^^^H                       1446  el  Çîd  siempre  valdra  mas. 

2915  de  yfantes  de  Carrion  :=  2952,         ^M 

^^^^H                        1460  coronado  de  prestar. 

311 3.  3202,  3457»   Î704»Î707.         V 

^^^^^                       146 1  pora  hucbos  de  lidîar  ^  1695. 

3023  el  Çid  con  todos  los  sos,                     H 

^^^^^^L                    150C  el  Burgales  natural. 

3137  ca  sodés  conoscedores«                  ^^^M 

^^^^^f                   1611  en  el  mas  alto  logar. 

3151  de  Valençia  la  mayor*                  ^^^| 

^^^^H                       1663  el  buen  Çid  Campeadûr. 

3372  allas  certes  pregonadas.               ^^^H 

^^^^H                        1667  de]  obîspo  dan  Jheronimo. 

3310  Pero  Mudo  me  lamade^.             ^^^H 

^^^^^                      1780  el  Campcador  cotitado  =  2433 

33^0  a  guisa  de  traydor.                        ^^^| 

^^^^^^H                 1887  fîjas  del  Cimpeador  =  3323 , 

3399  de   Navarra  e   de   Aragon  —    ^^H 

^^^^1 

540s»  3420,  3448»  Î722.            ^^Ê 

^^^^^^^B                 1995  el  cavallero  de  pro. 

3410  caboso  Campeador.                     ^^^| 

^^^^^^^P                 2031  myo  natural  senor. 

34S1  en  begas  de  Carrion.                   ^^^| 

^^^^^^F                 3036  Alionsso  myo  senor. 

3^53  el  conde  Garçîordone;                   ^^^| 

^^^^V^                    3105  en  Valençta  la  mayor  3710. 

35^}  las  cspadas  taiadores.                    ^^^| 

^^^^H                        2 161  a  Valençia  la  mayor  =  2623, 

3  $8  s  de  los  fier ros  taiadores.                 ^^^| 

^^^H 

3616  abnckâs  con  los  pendoncs.                 ^M 

^^^^^                       Zièé  con  los  o^os  de  las  car;is« 

^696  por  tierras  de  Carrion.                     ^| 

Etudes  rmnmus  dédias  à  Gaston  Paris  155 

P.  4  $9,  A.  GilUéron,  Remarques  sur  U  vitalité  phonétique  des  patois,  —  Dans 
CCS  pages  pénétrantes,  M.  Gilliiiron  montre  que  les  patois  ont  été  et  sont 
encore  entravés  et  comme  paralysés  dans  le  développement  logique  de  leurs 
tendances  purement  phonétiques ,  non  seulement  par  Tinfluence  croissante 
du  français  littéraire ,  mais  encore  par  le  voisinage  de  patois  voisins  cl  ta 
(nécessité  de  communiquer  (aussi  les  villes  sont-elles  toujours  en  retard  sur 
[•les  campagnes  dans  révolution  physiologique).  Les  petits  centres  isolés, 
F  comme  il  s'en  trouve  surtout  dans  les  montagnes,  sont  bien  moins  «  réfré- 
nés I»  dans  leur  évolution,  aussi  s'accomplit-elle  sans  aucun  égard  à  des 
nécessités  qui  ailleurs  s'imposeraient  :  la  réduction  des  mots  par  Teffacement 
I  mécanique  des  voyelles  et  des  consonnes  y  arrive  k  des  résultats  effrayants, 
M,  G.  cite  des  parlers  savoyards  où  Mont-Cenis  est  devenu  Mwéni,  aranea 
ana^  illum    levamen  M,  tic,  «  Si,  par  un  malheureux  hasard,  tous  ces 
1  phénomènes  de  destruction  venaient  à  se  produire  dans  un  seul  et  même 
I  parler,  ce  serait  un  engrenage  d'où  combien  de  mots  hûns  ne  sortiraient  que 
I  iédtiits  i  leur  simple  voyelle  accentuée  1  »  A  vrai  dire^  le  danger  existe  aussi^ 
et  très  sérieux,  pour  le  français,  si  Ton  songe  que  déjà,  p.  ex,,  augusiura 
s*cst  réduit  à  «,  que  alUos,   aquas,   altos^  ad   illos  sont  réduits  à  a 
(01  devant  une  voyelle)  »  que   le  même  groupe  vèr  représente  variura, 
viridcm,  vitrum,   versum,   verraem,   que  ^ 'autre  part  dans  les  deux 
siècles  derniers  \*e  féminin  est  réellement  devenu  un  ^  «  mtiet  i»>  que  Vr  a 
Ciilli  sombrer  à  la  fin  du  xvni*  siècle  (quand  ondhmpaoîe  ifotiô),  que  de  nos 
jours  môme  17  mouillée  s'est  réduite  à  /,  et  Vs  douce,  dite  de  liaison,  va  tous 
les  joursenseperdantdavanugeQ'ai  entendu  dire  twu  tifoneti),  onscderoande 
ce  que  deviendra  la  langue  s'il  s'y  produit  de  nouveaux  changements  de  pro- 
nonciattoo  qui  suppriment  ce  qui  lui  reste  de  consonnes  :  rien  n'empêche 
que  IV  ne  tombe  cette  fois  pour  de  bon,  et  qu'on  n'ait  vè  au  Heu  det'^r  (répon- 
dant déjà  à  vado  et  vestit);  la  chute  du  v  réduirait  ensuite  tous  ces  mots 
1  /,  On  s'en  tirerait  sans  doute  toujours  en  remplaçant  les  mots  trop  réduits 
par  des  dérivés,  mais  ce  n'en  est  pas  moins  un  avenir  assez  inquiétant  pour  une 
langue  qui  se  pique  avant  tout  de  clarté,  et  dont  une  des  ambitions  légitimes 
I  &x  de  servir  de  moyen  de  communication  internationale.  Di  omen  aveitantî 
l'Qpant  à  la  science,  elle  peut  décrire  le  mal  et  en  prévoir  les  progrès,  mais  il 
est  douteux  qu'elle  ait  la  moindre  efficacité  pour  l'enrayer* 

P*  465,  E.  Muret,  Sut  quelques  formes  amîogiques  du  vethe  français,  —  Le 
premier  paragraphe  de  ce  mémoire  concerne  les  i^»  pers.  plur.  en-oiru;  j'en  ai 
rendu  compte  Tan  dernier  (Rom.  XXI,  p.  352,  n*  i),  ^  Le  second  est  intitulé  : 
Stéis,  vois;  pfuis,  ruis,  truis ;  corvée^  enterver.  C'est  une  tentative  fort  ingé- 
nieuse pour  expliquer  des  formes  qui  jusqu'ici  n'ont  pas  trouvé  leur  explica- 
tion. L'auteur  sépare  les  deux  groupes  estois^  twj,  {dois]^  et  rww,  pruis^  truis, 
Stais  serait  modelé  sur  un  hypothétique  jais^  de  jaceo,  â  cause  de  Tidcntité 
des  part  et  part,  fut  stui^  jeu  ste{d)u  ;  stais  aurait  à  son  tour  amené  vais  et 
dais;  d'autre  part,  les  formes  traditionnelles  étaient  j/oi,  voi,  doi^  et  il  y  a  eu 
entre  les  deux  séries  une  fusion  qui  a  amené  stois,  vois,  dm  (sur  ce  dernier, 


I5é  COMPTES   RENDUS 

cf.  Rom.  XXI,  J48).  11  y  a  à  ce  système  une  asseï  forte  objection,  c'est 
que  c|  devient  ts  ii)  et  non  ;j  (tV)^  en  sorte  que  jaceo  aurait  donné 
jais  (jai)  (cf.  facio  fai)  ei  non  jais\  en  outre,  jicio  était  devenu  très 
anciennement,  au  moins  en  gallo-roman,  jécîo  (ce  qui  eîcplique/ui  jécuî, 
en  regard  de  piot  plac  u  î),  en  sorte  qu'on  a  dû  avoir  à  rorigine^if^  (devenu 
plus  tard  gis  par  analogie  avec  les  autres  personnes).  En  outre,  il  n'y  a 
aucune  trace  des  formes  postulées  en  a,  et  si  ron  considère  les  autres  personnes 
(estait  ^i f  t'^'^*  l'dïV  ou  vaf),  il  paraît  in \Tai semblable  que  stah^  vah  eussent 
si  complètement  et  si  anciennement  céà^  à  l'influence  de  stoi^  voi.  Il  reste  de 
rhypothèse  de  M.  Muret  un  fait  très  probable,  c'est  que  les  formes  en  s  (s 
sonore)  pour  les  verbes  remontent  i  des  formations  en  1 1 ,  quelque  chose 
comme  st au 1 10,  -a^  vautîo,  -a,  dautio,  -a.  Reste  i  les  expliquer. — 
Pour  rendre  compte  de  ruis^pruis,  tmis^  Tauteur  entre  dans  des  recherches 
très  fines  et  assez  difficiles  à  suivre  sur  le  sort  respectif  de ^,  fr,  />  et  de  d  ou  m 
final.  Il  en  conclut,  si  je  le  cotTiprends  bien,  que  prôbo  a  donné  normale- 
meni  pruett^  et  s*est  assimilé  irôpo  et  rôgo  :  pruettf  rueUy  trutu  sont  ensuite 
devenus /trwfj,  etc.,  sous  Tinflucnce  de  vois^  estais.  La  différence  de  V$  dans 
les  deux  groupes,  attestée  par  les  subj.  voise  esiohe  d*une  part»  et  ruisst 
pi'uissc  triasse  de  l'autre  \  rend  cette  hypothèse  assez  peu  probable,  outre  que 
la  différence  de  voyelle  qui  a  toujours  existé  entre  les  deux  groupes  s^opposait 
aussi  i  une  influence  exercée  par  l'un  sur  Tautre.  Je  crois  bien,  avec  M.  Murer, 
que  les  formes  en  -non,  -mu^  représenteraient  le  développemeni  régulier  de 
-ôgo,  -ôbo,  -ôpo,  mais  la  cause  de  leurs  changements  doit  être  cherchée 
ailleurs.  Je  pense  toujours  (voy.  Rom.  VII,  622)  qu'elle  a  son  origine  dans  la 
double  forme  qu'a  dû  avoir  la  i«  pcrs.  pr.  ind.  de  podeir  :  puou  pueu  := 
•poto  (d.  roum.  pot,  tsp^puedù),  tx  puois pueis  puis  (de  provenance  contes- 
tée, mais  assurés).  Puou^  il  est  vrai,  a  disparu  de  très  bonne  heure  devant 
puois ^  mais  Tinfluence  a  dû  se  produire  plus  anciennement  encore.  Quant  à 
la  chute  du  ;  de  pôto,  nécessaire  pour  la  formation  é^ptiou,  je  Texpliqucrais 
par  le  fait  que  le  t  dans  cette  position  avait  très  anciennement  passe  à  tl  :  cf, 
noUf  de  nôto  =  nato,  qui  remonte  nécessairement  Â  rmùu;  podibat 
apparaît  de  très  bonne  heure.  Une  fois  créés,  mis,  pruis,  truis  ont  fadlemcot 
amené  ruisse^  prutsse^  truisit^:  puisse.  Mais  cela  reste  encore  bien- hypothétique. 
—  On  trouvera  dans  i*étude  de  M,  Muret  beaucoup  de  remarques  intéres- 
santes pour  la  préhistoire  phonétique  du  français.  II  dit,  avec  raison,  que 
vivura  I  ô  vum,  nôvum  ont  dû  donner  viu^  uôu,  nuou^  et  il  explique  les 
formes  x'i/,  niitf,  comme  M.  Vàrster  (Zeitschr.  XIII,  544)»  par  TinBuence  des 
féminins  vive  et  nuevt;  mais  judaeum  >  juif  prouve  que  l'w  a  pu  spontané- 
ment se  changer  en/;  c'est  probablement  un  cas  de  phonétique  syntactiquc  : 
on  a  dû  avoir  les  trois  formes  :  nom  matUel^  tîucif  e  hon^  nuinUl  nmf^  et  la  troi- 
sième a  prévalu.  Pour  i*r/,  d'ailleurs,  il  ne  donne  pas  d'explication;  celle  qui 


I.  Les  fona«s  ntiif,  irtdmt  prutse,  qui  ipparâissent  rarement  et  tardivement,  tout 
dues  k  rajialogic  avec  duise,  luise ,  nuise ^  fonncs  eUcs-tnémes  aoalogiqaes.. 


Etudes  romanes  dédiées  à  Gaston  Paris  ijy 

a  été  proposée ,  je  ne  puis  retrouver  par  quel  philologue,  Tinfluetice  d'un 
Ancien  iinr  <  ôva  (cf.  it.  iwva)^  manque  de  base,  le  mot  tinv  étant  inconnu  : 
w«,  u^u  a  existé  et  se  trouve  dans  Est.  de  Fougères  (eu  :  gieu^  feu,  sarqutu)  ; 
il  avait  sans  doute  pour  formes  concurrentes  utv  et  uef,  qui  a  prévalu.  La 
triple  forme  queu^  clftve  et  chkfpexxi  peut -être  s*expJiquer  de  même. 

P.  475,  A.  Rousselot»  Us  danint  t,  p,  c  dans  Us  Alpes.  —  Dans  les  vallées 
du  versant  italien  des  Alpes,  soit  par  luî-mèrae,  soit  i  l'aide  de  renseignements 
très  sûrs,  M.  rabl>é  Rousselot  a  constaté,  l'une  à  c6té  de  l'autre,  en  train 
souvent  de  passer  de  Tune  à  Tautre ,  les  phases  successives  de  rarouîssement 
de  V$  devant  les  explosives  sourdes.  Partout  la  première  phase  a  été  le  pho- 
nèmc  qu'il  notc^  et  qui  répond  à  peu  près  à  l'allemand  cb  dans  ach,  Tochter, 
Une  fois  constitué,  le  groupe  c  +  expl,  sourde  suit  partout  deux  voies  diffé- 
rentes :  Tune,  passant  par^  (/),  aboutit  à  la  chute  complète  de  Vs\  l'autre  est 
plus  compliquée  :  pour  sf  elle  aboutit  à  /  (par  cp,  tf^  çf  [ç  =  ch  alL  de  mich^ 
ft^hty^  jfy,  pour  se  à  h  (par  ce,  dc^  çc,  yCy  c);  pour  les  transformations  très 
variées  de  sî  je  renvoie  à  Tétude  eîle-mèrae.  Ces  observ^ations  profondes  et 
délicates  jettent,  comme  le  remarque  le  savant  phonétiste,  un  grand  jour  sur 
l*histoirç  antique  des  transformations  de  1*5  en  gallo-roman  :  toute  cette  his» 
toirc,  telle  qu'elle  s'est  déroulée  dans  le  passée  s'étale  aujourd'hui  encore  en 
stratifications  non  plus  superposées,  mais  parallèles,  qui  vont  depuis  l'état  le 
plus  archaïque  (car  j/>,  st^  se  subsistent  intacts  dans  certains  endroits)  jusqu^à 
un  état  plus  avancé  que  tous  ceux  que  nous  connaissons  (chute  complète  de 
%P^  par  exemple).  Ces  études  ouvrent  à  la  linguistique  des  perspectives  si 
vastes,  et,  eti  certains  points,  si  inquiétantes,  qu'elles  donnent  une  sorte  de 
vcnigc,  et  que  le  philologue  peu  familiarisé  avec  elles  s'en  écarte  avec  pru- 
dence, et  ne  se  retrouve  i  Taise  que  devant  des  textes  limités  et  des  dates 
précises»  Mais  il  ne  peut  que  mieux  comprendre  Tobjet  de  son  travail  en  ne 
perdant  jamais  de  vue  ce  que  des  recherches  comme  celles-ci  apportent  d*éclair- 
dssemcnts  sur  les  lois,  toujours  cl  partout  semblables  i  elles-mêmes,  de 
révoJution  mécanique  et  psychologique  du  langage  humain. 

P.  487,  A.  Bcljame,  La  prononcutthn  du  nom  de  Jean  Lau/  k  financier,  — 
Dans  cette  étude  aussi  piquante  quYrudite,  le  savant  professeur  de  langue  et 
littérature  anglaise  à  la  Faculté  des  lettres  résout  définitivement  une  énigme 
pour  bquelle  on  a  proposé  les  explications  les  plus  aventurées.  Beaucoup  de 
ttoms,  en  Angleterre  et  en  Ecosse,  flottaient,  à  l'époque  de  Law,  entre  une 
forme  dépoun'ue  et  une  forme  munie  de  Vs  indiquant  fihation  :  on  disait 
Pitt  et  Pitts^  WUher  cl  fViif}ers;  le  célèbre  financier,  dont  le  nom  officiel 
}  (d'après  son  acte  de  baptême  et  ses  signatures)  était  Law,  était  appelé  d'or- 
dbairc  et  s' appelant  lui-même  Laws  (Laos  se  lit  dans  une  lettre  anglaise  de 
1694,  lûWT  souvent  dans  d'autres  écrits  contemporains).  Le  nom  fut,  comme 
le  remarque  M,  B.,  entendu  en  France  avant  d'y  être  lu,  et  entra  dans  l'usage 
sous  la  forme  qu'il  avait  dans  la  prononciation  ordinaire ,  tandis  que  les 
documents  ofBciels  écrits  et  imprimés  lui  conservaient  la  forme  Law.  Lojê 


158  COMPTES    RENDUS 

reproduit  la  prononciation  écossaise  de  Laws ^  mais  on  trouve  aussi  des 
exemples  de  la  prononciation  avec  5  douce  (d'où  de  nombreux  jeux  de  mots 
entre  LasQtI*a^  =:  rdm).  En  terminant  son  élégante  démonstration»  M.  B. 
conseille  aux  Françab  de  garder,  en  écrivant  Law  »  la  prononciation  Lass,  qui 
était  celle  des  contemponkins  de  l'auteur  du  «t  système  w^  et  sans  doute,  de  cet 
auteur  lui-même. 

P.  joy^  J.  Psichari»  Le  roman  dt  Flùrimont;  contribution  à  Vhistmn  Uttêraire; 
élude  dn  mots  grtcs  dans  ce  rotnan,  —  Four  apprécier  cet  intéressant  travail,  Û 
(aut  y  joindre  te  récent  article  de  M.  Fr.  Novatî  dans  ta  Revue  dts  langtm 
rotnaïus  (XXXV,  4S1-502  ;  cf.  Rom.,  XXI,  61^)  et  la  réponse  de  M.  Psichari 
dans  le  beau  livre  qu'il  vient  de  publier  sous  le  titre  d'Étuda  de  philologie  néo* 
grecque  (fascic.  XCU  de  la  BihîiotUque  de  Tkole  des  Hautes  Études).  Le  point 
essentiel  du  présent  mémoire  est  la  démonstration»  qu'on  peut  regarder 
comme  acquise,  que  les  mots  ou  phrases  grecques  cités  dans  le  Florimoni  ne 
prouvent  pas  chez  son  auteur,  Aimon  de  Varennes,  la  connaissance  réelle  du 
grec.  M.  Ps.  les  étudie,  d'après  tous  ïes  manuscrits  qu'il  a  pu  consulter  et 
qu'il  reproduit  diplomatiquement ,  et  s*effbrce  de  les  restituer  tels  quHls  ont 
dû  être  dans  Tautographe  de  Tauteur  (l^  "^^t  est  ici  bien  à  sa  plac«;  cf. 
Milieu,  V.  60  :  Mais  dou  ditier  et  de  Vescrire  Ai  moût  de  paine  et  moût  d£fak\ 
et  il  constate  que,  soit  pour  les  formes,  soîl  pour  la  construction»  on  n*» 
là  «  du  grec  d'aucune  époque  ».  H  en  conclut  qu'Aimon  a  dû  les  trouver  dans 
un  tcxle  écrit,  où  U  les  a  copiés  tantôt  mécatiiquement,  tantôt  avec  des  alté- 
rations arbitraires,  qui  se  dénoncent  comme  telles  quand  on  voit  qu*ell« 
sont  amenées  par  les  nécessités  de  la  rime  :  sirtes  cah^  par  exemple  »  semble 
bien  ne  pouvoir  provenir  que  de  la  formule  de  bienvenue  caJos  irtes  (xaXbjf 
tJgte;),  dont  les  éléments  ont  été  mal  coupés,  puis  intervertis.  Il  faut  lire  toute 
cette  dissertation  très  serrée  et  où  se  montre  à  chaque  ligne  une  profonde 
coDtiaissance  du  grec.  Toutclois  on  peut  se  demander,  avec  M.  Novati,  si  la 
conclusion  de  fauteur  est  bien  assurée.  11  tire  un  argument  qui  paraît  invin- 
cible du  fait  que  le  0  est  rendu  dans  les  mss.  par  th  {t,  c,  ^,  s  semblent  n'être 
que  des  fautes  de  copistes) ,  tandis  qull  se  prononçait  déjà  bien  avant  le 
XII"  s.  comme  il  se  prononce  encore  aujourd'hui  {th  anglais);  ce  ih  repré- 
sente donc  une  transcription  purement  graphique,  tandis  qu^une  notation 
faite  d*après  le  son  perçu  serait  ^,  j,  ou  c.  Mais  il  ne  parait  pas  impossible 
qu*Aïmon  ait  connu  et  employé  le  digramme  th^  qui  avait  été  longtemps,  cl 
en  Angleterre  et  en  France  même,  employé  à  représenter  ce  môme  phonème 
(cf.  Ronh^  XVI,  i>>).  En  revanche,  M»  Ps.  reconnaît  lui-même  que  le  ^  est 
rendu  par  v  et  non  par  h  (les  notations  par  h  dans  les  mss-  au  Pass.  1  sont  en 
minorité,  elles  n'existent  pas  pour  le  Pass.  U),  ce  qui  ludique  plutôt  une 
transmission  orale.  La  plaisante  déformation  de  cûîûs  irtu  en  sirtes  cah  a  pu 
se  faire  aussi  bien  par  un  auditeur  que  par  un  lecteur  (remarquer  b  prédi* 
lection  d'Aimon  pour  cette  forme  caïo^  qu'il  emploie  fautivement  de  diverses 
façons).  Il  paraît  évident  que  la  méprise  non  moins  amusante  sur  potamm^ 


Etudes  rôtmnes  dédiées  à  Gaston  Paris  159 

qui  est.  d'iprès  le  poète,  le  nom  du  fleuve  qui  arrose  Fhilippople,  ne  peut 
venir  que  d'une  confusion  comme  en  commettent  souvent  les  voyageurs  qui 
ignorent  h  langue  du  piys*  Aimon,  se  trouvant  à  Philippople,  a  indiqué 
J'Hcbre  (Maritia)  en  demandant  ce  que  c'était  :  on  lui  a  répondu  noTaao;  ou 
7:<ïta|ji.t0V)  qu*U  a  d'ailleurs  mal  entendu,  et  il  en  a  fait  le  nom  du  l^cuvc  : 
c'est  ainsi  qu'A.  Dumas,  dans  son  Foyage  au  Caucasf^  parle  d'une  espèce 
admirable  de  chiens  qui  s'appelle  en  russe  sahak  (sahak  ^  chien)  \  Le  nom 
de  CacopéJUt  que  se  donne  pour  se  ravaler  un  des  personnages  du  roman , 
doit  avoir  aussi  une  origine  orale  :  le  voyageur  français  en  pays  grec  a  du 
entendre  plus  d*une  fois  qualifier  de  x»k6(v)  r.a'M  le  garçon  de  son  hôte; 
il  a  rcicna  ce  nom  ci  en  a  fait  l'humble  nom  de  guerre  dont  s'affuble 
Flocan,  M.  Ps.  soupçonne  que  Cacopédie  est  originairement  j-axx  rstioia  :  «  Il 
est  question,  à  cet  endroit,  de  deux  persoiinages  qui  vont  incognito  et  que 
réunit  un  même  souci.  Cacopédie,  à  l'origine,  a  donc  pu  s'appliquer  aux  deux 
compagnons  d'infortune,  aux  deux  r.AY.k  nai5i»  ;  Ta  de  Koniix  justifierait  seul 
!V  final  de  tous  les  mss.  »  Cette  supposition  s*appuie  sur  une  conception 
générale  du  rôle  des  passages  grecs  dans  le  Flotimont  qui  ne  me  paraît  pas 
assurée  :  «  Les  passages  grecs  de  Florimont^  dit  M,  Ps.»  ont  un  caracïtTC 
bien  marqué  ;  ce  ne  sont  pas  des  morceaux  détachés,  qui  peuvent  s'intercaler 

qu'importe  où  ;  ils  font  partie  d'un  ensemble  où  ils  ont  bien  l'air  d'être  en 
situation.  Ils  font  corps  avec  le  récit.  »  Ces  passages  sont  au  nombre  de 
ncul  ;  quatre  échappent  d'abord  à  cette  hypothèse  :  le  nom  de  lieu  (altéré) 
Aiohalo  '  (X  propos  duquel  sont  cités  uihato  et  protosabato)  ,  le  nom  de  ville 

tPJîihpfiopk  (quant  à  Philiftpensts y  nom  donné  aux  habitants,  il  est  pris  de 
i'épîtrc  connue  de  saint  Pau)  par  confusion  de  PhiUpfies  avec  Phiîippopî/) , 

fpoUimeu^  le  nom  de  lieu  Calocastro.  Cacopédie  peut  s'expliquer  comme  je  l'ai 
fait;  je  reparlerai  d'Eltneos,  Restent  deux  formules  de  politesse  (calisimra ^ 
caki  irta\  une  formule  d'acclamation  et  une  formule  de  prière  (je  les  cite 
dans  la  traduction  qu'en  donne  Aimon  :  Si  m* ait  Dcus,  hom  est  U  rms  ;  Detu^ 
hn  st^Hor,  Gardti  ni  ccst  tmpfreor  !).  Ce  sont  là  des  phrases  qu'Ai  m  oa 
2vait  en  Toccasion  d'entendre  à  Byzance  et  qui  n'ont  certainement  aucun 
«pport  intime  avec  l'histoire  de  Florimont,  On  ne  comprend  pas  du  tout 
irquoi  le  traducteur  latin  de  cette  histoire  que  suppose  M.  Ps,  aurait 
éprouvé  Je  besoin  de  les  intercaler  dans  son  ouvrage  et  pourquoi  Aimon  les 


1,  NL  Riïop  {Anbiv  de  Hemg,  LXXIH,  60)  remarque  fort  i  propos  que  Vîllchar- 

ëouia  et  Henri  de  Vilencicanes  n'appellent  THèbrc  que  le  fium.  Il  est  très  probablt 

k^uc  Tuiàgc  habituel  des  Grecs  était  égaletncin  d'appeler  TTîïTatjxo;  tout  court  le  flcavc  de 

up  le  plus  important  de  U  Roumélie, 

"ai  Asii^to  serait  le  nom  du  lieu  où  Philippe  vainquît  le  roi  de  Bulgarie  Candiobraii 

^*t  ^ndraii  de  ufiMio,  qui  signitic  oit,  ce  qui  fait  que  le  chef  des  troupes  de  rcmpeneur 

grec  5 -ippeUc  protoiahdtô.  Tout  ce  passige  est  encore   incxpUquè  (voy.  les  savantu 

remarque»  de  M,  Rbop,  Anhn\  LXXIHi  60)  ;  il  faudrait  d'abord  essayer  d'identifier  le 

riieu  indique  par  Ainiou.  Notons  sculcrncnt  que  le  vrai  nom  du  chef  des  troupes  impé* 

I  rklci  était  np<uTOTcpai(iJp i  il  semble  qu'Aimon  ait  mal  entendu,  car  il  fait  bita  son 

fniot&htto  de  dnq  syllabes.  L'idée  d'one  Cxiite  de  lecture  est  moins  Yraiscmblablc» 


l60  COMPTES   RENDUS 

aurait  conservées.  On  s'explique  au  contraire,  comme  !'a  dit  M.  Novati, 
qu'Aimon ,  voulant  faire  admirer  sa  science  et  donner  à  son  roman  un 
apparence  bien  grecque,  ait  inséré  çà  et  là  les  quelques  bribes  de  grec  qui  lu 
étaient  restées  dans  la  mémoire.  Q^'en  réalité  il  ne  sût  pas  le  grec ,  c'est 
d'ailleurs  ce  qui  résulte  de  la  savante  étude  de  M.  Psichari ,  mais  la  nécessité 
d'un  original  latin  où  il  aurait  trouvé  ces  phrases  ne  me  semble  pas  démon- 
trée*. J'admettrais  seulenient  volotuîers  qu*il  s'était  fait  transcrire  en  carac- 
tères latins  par  quelque  Grec  latiniste  (il  y  en  avait  certainement)  les  phrases^ 
un  peu  longues,  ce  qui  expliquerait  peut-être  le  mieux  quelques  particularités 
de  Ja  notation, 

Qpant  à  Thistoire  en  elle-même,  M.  Ps.  est  d*accord  avec  M.  Novati  pour 
ne  la  considérer  comme  grecque  qu'en  partie.  Assurément  Aîraon  y  a  beau- 
coup ajouté  du  sien,  et  on  y  retrouve  certains  éléments  qui  ne  peuvent  être  J 
grecs,  comme  Brutus  et  Corineus  ;  toutefois  M.  Novati  me  semble  aller  trop 
loin  dans  ce  sens.  Il  paraît  d'ailleurs  s'en  être  aperçu  lui-même,  car  après 
avoir  eu  Tair  de  dire  qu'il  n'y  avait  de  grec  dans  tout  le  Florimmt  que  la 
légende  locale  de  la  défaite  d'un  lion  par  un  roi  Philippe,  fondateur  de  Philip- 
pople  *,  il  reconnaît  dans  une  note  finale  que  la  guerre  de  ce  Philippe  contre 
un  roi  de  Bulgarie  et  même  le  secours  qui  lui  fut  donné  par  un  guerrier 
inconnu  se  cacliant  sous  le  nom  d'Ehieos  *,  peuvent  bien  avoir  fait  partie  du 
récit  originaire.  Mais  ce  personnage  dont  Tintervention  décisive  assure  la 
victoire  ne  pouvait  guère  fournir  à  ce  récit  un  simple  «  épisode  »  ;  il  devait» 
suivant  l'usage  constant  des  romans  de  ce  genre,  épouser  la  fille  de  Philippe, 
comme  il  le  fait  dans  Fhrimoni ,  et  on  devait  nous  raconter  à  la  suite  de 
quelles  aventures  il  avait  cru  devoir  cacher  son  nom  :  par  \k  même  une 
partie  considérable  du  roman  d'Aimon  de  Va  rennes  nous  apparaît  comme 
ayant  vraisemblablement  figuré  dans  roriginal  grec.  Je  ne  suis  pas  non  plus 
convaincu  que  l'épisode  de  la  fée  de  Vlk  Cdà,  qui  est  d'ailleurs  en  relation 
intime  avec  ces  aventures,  ne  sont  pas  d'origine  grecque.  Cette  Ik  CtU^^  par 
son  nom  même,  rappelle  lUe  de  Calypso  (dont  le  nom  est  en  rapport  certain 
avec  ataXi^Ttiii),  cette  «  doublure  i>  de  Circé,  qui  joue  dans  l'iiistoire  d'Ulysse  ^ 
un  rôle  fort  analogue  â  celui  de  la  fée  dans  Thistoire  de  Florimoni.  Cest  à 
tort  que  M.  Novati  oppose  if /or  m«?«l  «  les  véritables  romans  byzantins»  tels  que 
ïîppomtdon^  VErack^  pour  ne  citer  que  ceux-là  »*  Assurément  dans  Vlpomidon 


1.  J'admets  d'âiUcQrs^  comme  on  le  verra  pltts  loin,  un  înttrmèdiaîrt  Imtia  pour  le 
Fhrifiwnt,  mais  dans  d'autres  conditions. 

a.  Ce  Philippe»  dont  Aimon  fait  k  bisaïeul  d'Alexandre,  et  qui  djins  U  conte  Itrec 
était  sans  doute  son  père  (le  vrai  fondateur  Je  Philippple) ,  est  appelé  dan»  le  poème 
Philippe  MacfmHi,  Je  suppose  que  ce  surnom  n'cit  autre  que  le  grec  jjta'^iji.o;.  et  je 
vois  là  une  trace  nouvcHe  de  l'origine  grecque  du  roman. 

\.  M.  Psichari  est  porté  k  admettre  une  con|e>rturc  de  M.  Hesselingt  d'après  laquelle 
EUtteoi  répondrait  à.  iKiuvoît  et  serait  en  réalité  t'équivalent  non  de  Florimoni^  mais 
du  pseudonyme  qu*il  prend  de  Powe  l'eu.  C'est  en  effet  une  conjecture  vraiscmbkblc, 
que  M.  Novati  admet  aussi,  tout  en  discutant  l'explication  de  M,  Psichari. 


Etudes  romanes  dédiées  à  Gaston  Paris  i6i 

il  y  a  beaucoup  moins  d'démenls  grecs  que  dans  le  Florinwnt  '  ;  quant  à 
fBracU^  il  soulève  des  questions  très  complexes  dont  je  ne  veux  pas  m'occu- 
ici.  De  tous  les  romans  français  qu'on  a  cru  pouvoir  regarder  comme 
d  origine  byzantine*,  le  Florimont  est  celui  pour  le^juel  cette  origine,  au  moins 
dans  son  ensemble,  est  le  plus  incontestable. 

J'arrive  à  la  seconde  partie  de  la  thèse  (car  c*en  est  bien  une)  de 
M.  Psichari*  Aîmon  de  Varennes  n'apu^  d'après  lui,  connaître  le  roman  grec 
qu'il  a  imité  que  par  une  traduction  latîne  :  cela  résulte  d'abord  de  Texamen 
des  passages  grecs  qu'il  a  conservés,  en  les  dénaturant,  d*après  le  traducteur 
latin,  mais  cela  résulte  surtout  de  ce  qu'il  dit  lui-même,  A  plusieurs  reprises, 
il  metîtionne  expressément  une  source  latine  ;  il  est  vrai  qu'à  un  endroit  il 
cmble  dire  qu'il  a  mis  le  roman  grec  d'abord  en  latin  puis  en  français  (Tmj/ 
tgteu  t'ûtoirr  latine  Et  dtl  latin  fiit  Urontans),  mais  comme  il  est  prouvé  que  la 
première  assertion  est  fausse,  il  en  résulte  qu*Aimon  est  un  menteur;  un  ne 
lui  fait  donc  pas  tort  en  supposant  qu'il  a  essayé ^  gauchement  d'ailleurs,  de 
s^attribuer  le  mérite  d'un  autre,  qui  avait  réellement  traduit  en  latin  un  conte 
Cet  autre  pourrait  bien  avoir  été  un  certain  Amo ,  sur  le  nom  duquel 
E>uc  tout  un  passage  cité  par  M.  Psichari,  faut-Il  croire  qu'un  hasard  a  voulu 
|ue  le  traducteur  latin  s'appelit  Amo  et  le  traducteur  français  Aitnofi,  ou 
ilutôt  ce  dernier  nom  n'est- il  pas  suspect,  et  ne  faut-il  pas,  là  où  il  apparaît, 
rmattrc  Je  même  Amo?  C^est  ce  qui  semblerait  résulter  de  la  comparaî- 
dcs  passages  où  l'auteur  du  poème  dit  ;V  et  de  ceux  où  il  dit  Aitnon  en 
ani  de  lui  :  on  sent  en  général  entre  eux  une  différence  de  ton  qui 
f explique  s^i  Ton  suppose  que  les  seconds  proviennent  de  la  source  latine;  il 
vrai  qu'à  certains  autres  endroits  celui  qui  dit  ;V  paraît  bien  s'identifier  à 
Aimon^  mais  c*csi  peut-être  une  tentative  d'usurpation,  et  le  nom  d'Aimon 
de  Varennes  ne  doit  «  être  prononcé  qu'avec  prudence  dans  l'histoire  litté- 
raire de  la  France  r.  Tout  cela,  on  en  conviendra,  est  bien  compliqué,  et  je 
ne  puis  que  me  ranger  sur  ce  point  à  l'avis  de  M  Novaii  \  qui  se  refuse  À 
voir  dans  VAmo  mentionné  par  le  poète  un  autre  per>onnagc  que  ce  poète 
lui-même.  En  fait ,  le  nom  à'Anw  n'apparaît  nulle  part  :  au  v.  jo  du  Milieu 
D  seul  a  Amû,  les  autres  mss.  ont  Aimes  *\  je  crois  qu'il  faut  en  réalité  lire 
Aimo^  et  que  le  poète  a  donné  ici  son  nom  sous  sa  forme  latine  :  Aittio^ 
dit^il^  serait  amo  si  Ton  en  retranchait  Vi  :  Qui  Ti  après  Ta  ostera  Amo  tout 


U  Kottt  que  répbode  central  d'Ifxrméiion  n'est  pas  sans  rapport  avec  celui  de  FiûH- 
mmti  U  4USM  k  héro»  combat  inconnu  pour  défendre  les  états  de  celle  qu'il  aime; 
Mil  c'est  tm  lieu  commua  ani  se  retrouve  dans  bien  d'autres  récits. 
a*  M*  Piichan,  d«ns  ses  Etudes  dr  pbilohgU  nio-grtcque  (p.  Lvnr  et  suiv.),  a  soumis 
cette  opinion  à  une  critique  qui  demande  â  être  prise  en  sérieuse  considdr*tion. 

) ,  On  ne  peut  toutefois  admettre  que  le  vers  cité  plus  haut  puisse  se  tire  Truist  di 

'Gmr  tUtoitr  tatim  i  M.  Ps.  fait  remarquer  avec  toute  raison  {Ètudtx^  p.  lxiv)  que  cette 

I  £aus«e  k  vers  et  présente  en  outre  une  favon  de  parier  inusitée. 

4.  Pir  an  regrettable  accident  typographique,  les  variantes  des  vers  27'$6  du  Milieu 

*0«l  perdues  djus  ta  reproduction,  d'ailleurs  si  exacte  et  si   consciencieuse,  de 

'  H*  Psidiiri  (p*  548);  mats  voy.  p.  $49. 


i64 


COMPTES   RENDUS 


Geschichte  der  deutschen  Litteratur.  Eutcr  Theil.  Von  deo 
eriteii  Anfàngeu  bis  zum  Ausgiing  des  Miiielalters.  Von  Dr,  Wolfgang 
GoLTHER,  Stuttgart,  Union  Deutsche  Verbgsgcsellschaft.  1892. 

Celte  courte  histoire  de  h  littérature  allemande  au  moyen  âge  n'est  pas, 
comme  beaucoup  d'oîuvres  analogues,  une  compilation  plus  ou  moins  adroite 
mais  de  seconde  main.  L'auteur,  M.  Golther,  s*est  fait  connaître  par  des 
litudes  approfondies,  trtts  personnelles  et  très  méritoires,  quoique  parfois  un 
peu  aventureuses,  sur  plusieurs  des  questions  les  plus  intéressantes  du  sujet 
qu'il  présente  ici  en  résumé.  Son  livre  est  bien  composé,  écrit  avec  clarté, 
sans  vaine  rhétorique,  mais  avec  un  juste  et  vif  sentiment  des  choses  litté- 
raires, On  le  ht  avec  plaisir  et  profit,  et  on  peut  le  recommander  i  tous  ceux 
qui  veulent  se  faire  une  idée  claire  et  presque  toujours  exacte  de  révolution 
littéraire  en  Anemagne»  depuis  les  plus  anciens  temps  jusqu'à  la  Renaissance. 

Toutefois,  nous  n'en  parlerions  pas  ici  si  l'auteur  n*avait  donné  à  son 
exposé  un  caractère  particulier,  en  y  introduisant  beaucoup  plus  intimement 
qu'on  ne  Tavait  fait  jusqu'ici  Fétude  de  la  poésie  française  du  moyen  âge.  1 
Partant  de  ce  fait  incontestable  que  la  httérature  des  wic  et  xiiic  siècles  en 
Allemagne  est  essentiellement,  —  sauf  ce  qui  appartient  â  Tépopée  nationale, 
—  une  «  littérature  de  traductions  »,  il  sVst  senti  obUgé  à  présenter  comme  ^ 
introduction  ;\  l'étude  de  cette  période  un  tableau  de  l'histoire  et  une  étude  ' 
des  oeuvres  principales  de  la  littérature  qui  lui  a  servi  de  modèle,  et  c'est 
par  U  que  son  livre  mérite  de  nous  arrêter  quelque  peu. 

Je  n'ai  ncn  A  dire  de  ce  qui  concerne  les  chansons  de  geste;  Tautcur  est  dans 
cette  partie  de  son  livre  peu  original  et  généralement  bien  informé.  Sur  Icsj 
romans  d'aventure,  peu  de  chose  également  à  remarquer.  C^estsur  la  maiièrei 
de  Bretagne  que  M.  Golther,  comme  on  sait,  a  fait  des  études  spéciales,  et 
c*cst  cette  partie  de  son  livre  qui  me  suggérera  quelques  observations.  Je 
n'entreprendrai  pas,  toutefois,  de  discuter  ses  thèses  générales;  on  sait  assez 
que  je  ne  les  accepte  pas.  L'élément  celtique  dam  les  romans  bretons  cstj 
assurément  beaucoup  plus  important  que  ne  le  dit  M,  Goltlier^  suivant  enc 
M.  Fôrstcr;  il  semble  d'ailleurs  lui-même  revenir  en  maint  endroit  sur  ; 
assertions  du  début,  et  il  est  difficile,  en  effet,  après  les  recherches  de 
derniers  temps,  et  en  prévision  certaine  de  celles  qui  vont  les  continuer,  de 
fermer  les  yeux  à  l'évidence  et  de  ne  pas  voir  qu'avec  la  matière  de  Bretagne^ 
un  monde  poétique  s'est  f^iit  jour,  qui  était  nouveau,  inconnu  aux  Français 
jusqu'à  l'adoption  des  thèmes  cekiques  par  nos  conteurs,  et  qui  n'a  pu  sortir  | 
spontanément  de  l'évolution  sociale  et  littéraire  française.  La  question  de  la 
provenance  insulaire  ou  continentale  de  cet  élément  est,  en  regard  de  la  pre- 
mière, d*une  importance  secondaire  ;  M.  Golther  la  tranche  avec  une  décision 
qu'il  regrettera  peut-être  quelque  jour.   Pour  lui,  le   Tristan  même,    que 
d'autres  défenseurs  plus  circonspects  de  la  thèse  armoricaine  consentent  à, 
laisser  aux  Bretons  insulaires»  appartient  aux  Bretons  de  France,  et  U  ne 
s'embarrasse  pas  d'expliquer  le  nom  de  lovettàris  dans  Béroul ,  oi  pourquoi 


GOLTHER,  Geschichîc  ckr  dcutsckn  Liiieraiur  165 

Marie  donne  à  son  lai  connu  le  nom  de  goUkf  à  côté  de  chievrefoil  (tandis 
qu'il  n*a  pâs  de  nom  celtique),  ni  Tassenion  de  Fauteur  de  IVaJdcf^  d*après 
bquelle  le  Tristan  avait  c4é  traduit  de  Tangbis  (voy.  Rom.  XV,  598)*  De 
même  pour  les  îais  en  général,  tous  armoricains,  diaprés  luî>,  il  ne  nous 
Cîtplique  pas  pourquoi  plusieurs  d'entre  eux,  outre  le  laî  du  Chèvrtjfuilh^ 
poncnt  des  noms  anglais  à  côté  de  leurs  noms  celtiques  et  français,  ni  pour- 
quoi c'est  en  Angleterre  que  Marie  les  a  composés.  La  vérité  sur  cette 
question*  que  M.  Zimmer  a  posée  avec  tant  d'éclat»  mais  qu'il  sent  bien  lui- 
mèrat  n'avoir  pas  résolue,  se  diJgagcra  peu  i  peu  des  recherches  faites  sans 
parti  pris ,  et  on  verra  certainement  qu'il  ne  faut  exclure  de  la  contribution 
à  la  matière  de  Bretagne  aucune  des  trois  régions  bretonnes,  ni  la  Cambrie, 
ni  la  Gîmouaille,  ni  TArmorique»  et  qu*il  ne  faut  jamais  oublier,  derrière 
cette  couche,  relativement  récente,  où  a  gernié  la  poésie  franco-bretonne, 
les  assises  plus  profondes  qui  la  rattachent  à  la  branche  gaélique  de  la  race 
celtique.  Ceci  dit  pour  maintenir  mon  point  de  vue  général  en  regard  de 
celui  de  M,  Gollher,  je  relèverai  quelques  détails.  P.  149,  j'ai  lu  avec 
une  profonde  surprise  la  phrase  suivante,  croyant  d'abord  à  une  faute 
d'impression  :  «  L'époque  florissante  de  ces  romans  français  arthuricns  en 
prose  tombe  dans  la  première  moitié  du  xn<  siècle ,  avant  rapparition  des 
romùm  m  vers,  avant  les  œuvres  de  Crestien,  »  Il  aurait  été  bien  souhaitable 
que  Fauteur  nous  dît  sur  quels  faits  il  appuie  Tasscrtion  vraiment  énorme 

■  l|u'il  produit  avec  cette  tranquillité.  Nous  n'avons  aucun  indice  qui  nous 
atteste  Pcxisiencc  d'un  roman  arthurien  (ou  autre ^  d'ailleurs)  en  prose, 
avant  le  Lancrbt^  qui  est  du  commencement  du  3îiii«  siècle,  et  Fhypothèse  est 
d* autant  plus  étrangti  que  M,  G.  lui-même  n'en  tient  par  la  suite  aucun 
compte;  Chrétien,  ni  aucun  de  ses  imitateurs  ne  se  sert  de  ces  romans  en 

I  prose  qui  w  florissaient  »  au  moment  de  leur  activité.  M.  Forster  pense  que  les 
romans  en  prose  reposent  en  partie  sur  un  fonds  traditionnel  plus  ancien  et 
plus  authentique  que  les  romans  en  vers;  c*est  une  idée  contestable,  mais  enfin 
clic  peut  se  soutenir;  mais  jamais  il  n*a  eu  l'idée  d'admettre  une  vaste  littéra- 
ture romanesque  en  prose  dans  la  première  moitié  du  xii«  siècle,  littératuTc 
qui»  d'après  M,  G.,  aurait  peut-être  influencé  même  Gaufrei  de  Monmouth! 
—  P.  Î54,  flt  La  pensée  fondamentale  d'Eres  est  purement  chevaleresque  et 
française,  et  sûrement  inventée  par  Crestien,  n  Je  crois  avoir  mis  le  contraire 
ib&olumem  hors  de  doute.  L'idée  du  mérite  de  l'aventure  en  soi,  de  la  honte 
qu'il  y  a  pour  le  guerrier  à  ne  pas  toujours  combattre,  est  inconnue  â  toute  la 


ï,  fl  Comme  leur  uom  Tindique  déjà,  l'infloencc  encore  ici  ot  venue  de  b  Brcugnc 

(friiQçjtsel  •  (p«  177).  n  «t  probable  qtic  M.  Zimmer,  dans  quelque  p&sagequc  je  n'ai 

.  |lâs  préseoument  tous  h  main^  aura  donné  la  démonstration  de  ce  qui  est  âvant^é  ici, 

i  |e  Ciois  que  l'origine  de  l'anglo-iax.  lug  est  Li  ptus  vraisemblable.  Les  Liis  sont 

néon  armoncaint  parce  que  •  Tiiction,  duns  qucIques-un^  d'entre  cvn,  a  pour  théâtre 

I0  menur.  •  Un  partisan  de  Torigtoe  insulaire  n'aurait  qu'à  dire  :  «  T-cs  bis 

lêoot  galkrii»  parce  que,  dans  U  plupart  d'entre  eux,  TactloQ  a  pour  théâtre  la  Grande- 

Bret^pc  • 


CHRONiaUE 


M.   Edouard  Màuner,  Tun  des  savants  qui,  dès  le  inîlieD  de  ce  siède 
étudiaient  avec  le  plus  de  goÛt  et  de  science  notre  langue  et  notre  littérature, 
est  décédé  le  15  juilkt  1892,  à  Tâge  de  87  ans.  La  nouvelle  de  sa  mort  nous 
est  parvenue  trop  tard  pour  qu'il  nous  ait  été  possible  de  rannoncer  dans 
notre  précédente  chronique.  Malgré  le  caractère  scientifique  de  ses  travaux,  il 
ne  professait  pas  dans  une  université.  Il  appartint  toute  sa  vie  à  ce  que  nous 
appelons  IVnseignement  secondaire.  De  1858  1  1888,  époque  où  il  prît  sa 
retraite,  il  dirigea  h  Berlin  un  important  collège  de  filles.  Ses  travaux  les  plus 
connus,  dans  le  domaine  de  nos  études,  sont  ses  Altfraniôsische  Lieder  (Berlin, 
1855),  recueil  dédié  à  Fortoul,  alors  ministre  de  Tlnstruction  publique,  et  sa 
Fran^ctshche  Gratwnatik  mit  hesonderer  Betûckskhtigmtg  dfs  Latnmsclxn  (hcrVin^ 
iSjé).  Les  AUfranxpsische  Lieder  laissent  à  désirer  pour  rétablissement  du 
texte,  Màtxner  s'étant  contenté  des  éditions  antérieures  (par  exemple,  des 
textes  publiés  par  Keller  dans  sa  Rontvart),  mais  le  commentaire,  rempli  de 
rapprochements  avec  î^anctenne  poésie  provençale^  italienne,  allemande,  est 
d'un  grand  intérêt  et  peut  encore  être  consulté  avec  fruit.  Cet  ouvrage  a  été 
de  bonne  heure  connu  en  France,  grâce  au  compte  rendu  critique  que  Unré 
en  fit  dans  le  Jountaî  des  Savants  (réimprimé  dans  son  Histoire  de  îa  langue 
fmn^aisf).  Une  publication  pîus  ancienne  de  Màtzner»  qui,  malgré  son  peu 
d*étendue,  mérite  d*étre  rappelée  ici,  est  sa  réimpression  (d*après  Raynouard) 
avec  traduction  allemande,  de  la  Nohla  Leycion^    dans  un  programme  du 
collège  de  filles,  où  il  professait  dès  lors,  et  dont  il  devait  plus  tard  prendre  la 
direaion  :    Jahrtshtrichl   dei-  ersten  stàdtisd^n   hohren    Tôchterschtidt    U    dos 
Schuljahr  vom  Oktoher  1S44  bis  ^um  Oktoher  184$    (Berlin,   1845).  Depu 
1860,    époque    où   parut   le   premier   volutfïe    de  sa   grande   Graramairçl 
anglaise,  terminée  en  1865,  Màtzner  paraît  s*être  attaché  de  préférence  i 
Têtu  de  scientifique  de  Tanglais.  Il  laisse   inachevée  une  chrestomaihîc  de 
l'ancien  anglais  conçue  selon  un  plan  très  vaste,  et  publiée  en  collabo- 
ration avec  M.  K.  Goldbcck  ;  Aîtettglisd>e  Sprachprobm^  mhst  tiftern  Wàrtirhmhs 
(Berlin,  1867-1885). 

—  M.  Siméon  Luce,  membre  de  1*  Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres, 
chef  de  la  section  historique  aux  Archives  nationales»  professeur  i  l'École  des 
Chartes ,  est  décédé  subitement  le  14  décembre  dernier,  à  Tàge  de  59  ans. 
L*objct  principal  de  ses  études,  depuis  sa  sortie  de  TEcole  des  chartes,  en  1858» 


CHROKiaUE  169 

avtii  été  rhistoire  de  France  au  lemps  de  la  guerre  de  cent  ans.  Nous  ne 
J  pouvons  que  mentionner  ses  livres  sur  la  Jacquerie  (1859),  sur  Du  Guesdin 
[.(1876),  sur  Jeanne  d'Arc  à  lïomremy  (1885),  qui  sortent  du  cadre  de  la 
ania  »  mais  il  est  aussi  Tauteur  de  plusieurs  publications  qui  intéressent 
[4e  ptH  notre  histoire  littéraire.  Il  a  publié  pour  la  Société  de  rhistoire  de 
[France  la  Chronique  (jusqu'alors  inédite)  an  quatre  premiers  Vahis  {1862) 
fédigéc  ila  fin  du  xtv«  siècle  par  un  Rouennais,  et  les  huît  premiers  %'o1umes 
(1869-1888)  d'une  édition  critique  des  chroniques  de  Froissan,  très  supé- 
rieure pour  te  texte,  non  seulement  à  celle  de  Buchon,  où  la  langue  est  sou- 
vent rajeunie,  mais  même  à  celle  de  Kervyn  de  Lettcnhove.  Le  commentaire 
historique  qu'il  y  a  joint  est  une  oeuvre  tout  A  fait  personnelle  et  d'une  haute 
valeur.  Malheureusement  cette  édition  ne  renferme  pas  même  la  moitié  de 
rœuvre.  Elle  sera  continuée  par  M.  G.  Raynaud^  qui  avait  déjii  collaboré  au 
huitième  volume.  Pour  la  Société  des  anciens  textes»  M.  Luce  a  édité  la 
Chronique  du  Moni-Saini-Michel  {1879-1883)  en  deux  volumes  où  la  chro- 
nique elle-même  tient  peu  de  place,  mais  qui  renferment  un  choix  abondant 
de  documents  historiques  sur  Thistoire  de  la  Basse-Normandie  au  xv«  siècle, 
durant  Toccupation  anglaise.  En  1862,  il  avait  publié,  en  collaboration  avec 
Guessard,  dans  la  collection  des  anciens  poètes  de  la  France,  ta  chanson  de 
geste  de  Gaydott.  Rappelons  enfin  qu'il  avait  donné  A  la  Rotttania,  peu  de  mois 
avant  sa  mort,  un  intéressant  compte  rendu  de  Tédîtion  de  Tailleventr  publiée 
par  MM.  Pichon  et  Vicaire  (XXI,  306). 

—  L'Iulie  vient  de  s'enrichir  d'un  nouveau  recueil  périodique  qui»  par  cer- 
tains côtés^  touche  à  nos  études.  C'est  la  Rassegna  hihUograjica  4elîa  ïetUratura  itû- 

;  Ham  publiée  sous  la  direction  de  notre  éminent  collaborateur,  M.  d'Ancona*, 

nom  du  directeur  est  une  sûre  garantie  de  ta  valeur  de  ce  journal,  qui 

a,  sur  certains  points,  le  Giormk  storico^  et  qui,  paraissant  à  des 

-  H  plus  rapprochés,  tiendra  le  lecteur  plus  rapidement  au  courant  des 

uveuités  littéraires.  Le  premier  numéro,    qui  vient   de  nous    parvenir, 

^i'ouvrc  par  un  excellent  article  de  M.  d'Ancona  sur  le  livre  de   M.   Pizzî, 

intitulé  :  SomigUan^e  e  rela^ioni  ira  la  poesia  peniana  t  la  mstra  ml  Medio  Ei>0, 

Ldom  nous  avons  récemment  rendu  compte  sommaire  (XXI»  6j4),  Viennent 

uiie  des  appréciations  très  autorisées  de  la  publication  en  fac-similé  du  de 

rtûgarî  thquio  et  du  livre  de  M,  Auvray  sur  I^j  mss.  de  Dante  des  hibîioUtèqttes  de 

'France^  dont  nous  parlons  un -feu  plus  loin,  de  Fabretti,  Cronache  di  Penigia^ 

de  Mcnghtnl,  FrottoU  di  Bisan^io  de  Lupis^  etc.  Nous  souhaitons  une  heu- 

r  fortune  au  nouveau  recueil  qui  vient  prendre  place  sur  un  terrain  déjà 

\  encombré* 

—  Nous  avons  annoncé.  Tan  dernier  (XXI,  129),  la  publication  d'un 
fAlnmnoc  patoues  de  VAriejo  (Foix,  Gadrat  iîné),  renfermant  des  chants  popu- 
laires, des  proverbes,  des  contes,  VAÎmamc  de  1893  n*est  pas  moins  intéres^ 


î.  Pii€,  F.  Mariorti,  gr.  in-8%  14  pages  par  mois.  Prix  ;  6  fr.  par  an  pour  ritolie, 
7  fr,  pour  l'étranger. 


172  CHROXmUE 

au  cours  de  son  pèlerinage^  et  qui,  dans  les  anciennes  éditions,  précède! 
récit  du  «  sainct  voyage  ». 

Munmle  deïîa  Idteralura  itaîlam ,  compilato  dai  Professori  Al.  d'Akcona  c 
O.  Baccl  Vol.  I,  parte  i,  xj-îis  p.;  toL  II,  621  p.  In  8°,  Firenze,  Barbera» 
1892.  —  Cet  ouvrage»  composé  en  vue  de  l'enseignement  secondaire, 
5*élève  de  beaucoup  au  dessus  de  la  moyenne  des  livres  de  classe.  Les  mor* 
ceaux,  choisis  avec  goût  et  d'une  langueur  suffisante  «  sont  découpés  de] 
manière  d  présenter  autant  que  possible  un  récit  ou  un  exposé  complet.  Les  ^ 
notices  qui  les  précèdent  sont ,  malgré  leur  brièveté ,  pleines  de  faits  et 
d'idées.  Les  travaux  vraiaient  importants  sur  chaque  sujet,  qui  ne  sont  pas 
toujours  les  derniers  parus,  y  sont  soigneusement  indiqués.  La  première 
partie  du  tome  I"  s'étend  jusqu'à  Dino  Compagni  et  Cino  de  Pistoie.  Le 
second  volume  est  consacré  aux  xv  et  xyi^  siècles.  Il  y  a  en  tète  de 
chaque  siècle,  sous  le  titre  de  Koti^k  storklie  et  de  Noti^U  kiterarù^  desi 
résumés  généraux  très  bien  faits.  Mentionnons  aussi  la  dissertation  de 
M.  Rajna,  Origbti  âdla  Hngiux  tialiana,  dans  le  premier  volume. 

Les  nmnuscriU  de  Dante  drs  Eibïwihèques  de  France,  Essai  d*un  catalogue  rai- 
sonné par  Lucien  Auvray,  avec  deux  planches  en  héliogravure.  Paris  » 
Thorin,  1892.  In-S»,  v-196  pages.  —  L'objet  de  ce  travail,  publié,  on  ne 
voit  pas  bien  pourquoi ,  dans  la  BlbîiotUqiu  des  Écoles  françaises  d'Athènes 
et  de  Rome  (fasc.  LVl),  est  de  décrire  »  selon  une  méthode  uniforme,  tous 
les  mss.  de  la  Commeàia^  de  ses  anciens  commentaires,  des  opère  muiori^ 
et  même  (n»*  XLÎILI)  ceux  des  traductions  françaises,  du  xvi*  au 
XIX*  siècle,  que  renferment  nos  bibliothèques.  L'auteur  a  apporté  un 
soin  particulier  à  la  description  matérielle  et  à  l'histoire  des  mss.  »  de  ceux 
du  moins  qui  se  trouvent  à  Paris  et  qu'il  a  pu  examiner  par  lui-mcmc*  Pour 
les  mss.  de  la  Commedia,  M.  A.  a  suivi  le  plan  indiqué  par  M,  Monaci  dans 
sa  note  sur  la  classification  des  mss.  de  cet  ouvrage  (voy.  Rùmania^  XVIII, 
34j)i  donnant  en  tableau,  à  la  fin  de  son  travail,  les  variantes  des  passages 
iodiqués  comme  types  par  le  savant  professeur  de  Rome.  L'appendice  con- 
tient quelques  extraits  de  commentaires  inédits  ou  présentant  des  varianief  J 
imporuntes  par  rapport  aux  éditions.  Ce  travail  est  fait  avec  soin  et  intel- 
ligence, Il  y  manque  une  table  des  mss.  décrits,  avec  renvois  aux  pages  où 
il  est  question  de  chacun  d'eux. 

Dante  Allighiekï.  Traité  de  Félo^uinceimlgaire,  manuscrit  de  Grenoble,  publié 
parMAGNtEN  et  le  D"-  Prompt.  Venise,  Oïschki,  1892.  în-80,  57  pages  et 
35  feuillets  reproduits  en  phototypîe.  —  La  partie  importante  et  durable 
de  cette  publication  est  la  reproduction  phototypique  du  ms.,  qui  a  été 
exécutée  A  Grenoble  même.  Cette  reproduaion,  il  faut  le  dire,  est  médiocre- 
ment réussie.  Assurément  elle  est  supérieure  aux  fac-similés  exécutés  par 
l'ancien  procédé  du  calque,  mais  elle  pourrait  être  meilleure.  Le  tirage  survJ 
tout  est  inégal.  Le  fac-similé  du  chansonnier  Saint-Germain ,  récemment! 
publié  par  la  Société  des  /\nciens  textes ,  et  exécuté  par  le  môme  prtscédé,  [ 
est  bien  supérieur.  En  outre^  le  tirage  étant  en  noir  et  en  roug^,  il  s'est 


CHRONiaUE  173 

^issé  quelques  erreurs  dans  remploi  de  ces  deux  couleurs ,  conime 
M.  Rajtu(qui  prépare  depuis  bngtenips  une  nouvelle  édition  de  Detmîgari 
dûquiû)  Ta  remarqué  dans  un  compte  rendu  tout  récent  {Rassegtm  Bibliogra- 
Jka  dslla  Uiteratura  ttaliana^  n<>  i,  p.  9).  Qpant  à  l'introduaion,  il  y  faut 
distinguer  deux  parties  très  différentes.  Dans  la  première,  intitulée  blhJiogra- 
phkf  et  qui  est»  croyons-nous,  l'œuvre  de  M.  Maignien,  conservateur  de  h 
bibliothèque  de  Grenoble,  on  s'attache  â  montrer  que  le  ms,  reproduit  en 
(ac*similé  est  celui  dont  s*est  servi  Corbinclli  pour  son  édition  ea  1377. 
Ccst,  du  reste,  ce  qu*mdiquait  déjà  Fraticelli  (éd.  Barbera,  i8éi,  p.  13  s). 
Je  relèverai  une  petite  inexactitude.  11  est  dit ,  p.  4,  qu'au  commencement 
de  ce  siède  les  mss*  du  De  vuigari  eloquio  «  étaient  bien  connus  à  Paris  et 
minutieusement  indiqués  dans  les  cours  de  notre  École  des  chartes  ».  Mais, 
au  commencement  du  siècle,  l'École  des  chartes  n'existait  pas.  Il  est  pos* 
sible  que  ChampoLlion,  qui  a  professé  à  cette  École  de  i8}o  à  1848,  et  qui 
était  de  Grenoble,  ait  connu  le  ms,  de  cette  ville,  mais  je  doute  qu'il  ait 
eu  â  en  parler  dans  son  enseignement.  En  septembre  18^9,  me  trouvant  à 
Grenoble,  je  collationnai  le  même  ms.  sur  la  première  édition  de  Fraticelli; 
M.  Guessard,  qui  m'a%*ait  prié  de  faire  cette  collation,  n'en  tira  aucun  parti. 
Le  reste  de  riotroduction  est  dû,  croyons-nous,  â  M.  le  D*'  Prompt.  Ou  y 
trouve,  sous  le  titre  à*Obu'rvaiions  parikuluns^  une  suite  de  remarques  déta- 
chées auxquelles  le  traité  de  Dante  sert  de  texte  et  plus  souvent  de  prétexte. 
Beaucoup  de  ces  remarques,  dont  Tordonnance  laisse  bien  à  désirer,  sont 
extrêmement  contestables*  Je  citerai,  par  exemple,  le  fameux  vers  Rafd  mai 
ûmtch  ^ahi  atmi  (Jnf.  XXX,  57)  qui  est  interprété  à  l'aide  du  français  (et  quel 
irançais^)et  de  l'espagnol  de  la  façon  suivante  :  Re  feîh  mai  amûyt  sahias 
ûlmas,  Çà  et  11  quelques  aperçus  ingénieux,  mais,  dans  Tensemble,  manque 
de  critique  et  d*infomiation.  —  P.  M. 
StrtU  ii  Substrat,  Gemalcgia  poporeïor  baUanm^  introducere  la  tomul  III  din 
Biymotûgkum  tnagnum  Romania^  de  B,  P.  Hasdeu.  Bucarest,  1892.  In-40, 
XXX vit  p.  (avec  4  cartes  et  2  tableaux).  —  On  accueillerait  avec  grand 
plaisir  cette  annonce  de  la  reprise  de  la  grande  œuvre  nationale  de 
M,  Hasdeu,  qu'on  craignait  de  voir  interrompue  après  le  deuxième 
volume,  quand  même  le  morceau  qui  sert  d'introduction  au  tome  ÎIl 
o*aurait  pas  par  lui-même  une  haute  valeur.  Des  faits  complètement  nou- 
veaux y  sont  produits  en  faveur  du  système  que  Tautcur  expose  avec 
conviction,  et  qui  est  essentiellement  celui-ci  :  les  Thraces,  dont  les  Daces 
ne  sont  qu'un  rameau ,  ont  été  complètement  romanisés,  à  rexccpiion  des 
Albanais;  i  cette  population  romane,  qui  occupait  toute  la  péninsule  des 
Balkans,  se  sont  superposés,  aux  vie-viF  siècles,  les  Slaves,  en  sorte  que  les 
Bulgares  et  les  Serbes  actuels  sont  réellement  àt^  Thraco-Romano-Slaves; 
le  btin  ne  s'est  conservé  qu'en  Roumanie  {Valachic  et  Dobroutcha),  et 
les  Roumains  de  Macédoine  et  dlllyne  sont  venus  d'au  delà  du  Danube 
au  X*  siècle,  chassés  par  l'invasion  des  Magyars  :  ainsi  s^expiique  l'étroite 
«ffiaitc  des  trois  grands  dialcaes  roumains  (à  la  même  époque  aussi  des 


Î74  CHRONiaUE 

Roumains  ont  passé  en  Moravie,  ei,  slavisés  plus  tard,  forment  lâ  encore 
une  population  romano-slavc).  Ce  sj^stème  prête  assurément  à  la  critique 
par  plus  d'un  côté  et  appellera  de  nombreuses  discussions  ;  mais  on  ne  peutj 
méconnaître  et  l'importance  des  textes  allégués  par  Tauteur  et  la  force  de  ' 
ses  raisonnements.  Nous  nous  bornons  présentement  ^  annoncer  ce  nouvel 
et  puissant  effort  du  savant  à  qui  rhistoire  et  la  philologie  roumaines 
doivent  tant^  en  exprimant  le  vœu  que  XEtymoîogkum  trmgnum  marche 
dorénavant  d*un  pas  rapide  et  ininterrompu  vers  son  achèvement, 
Pio  Rajna»  Gdid  da  Camino.  In-iJ*»,  1 3  p,  (extrait  de  VArchiviû  storico  italiam^ 
S.  V,  t.  IX,  1892).  —  La  Gaîa»  fille  du  huon  Geranio  da  Camino,  men- 
tionnée par  Dante  au  ch.  XVI  du  Purgatoire,  seraît*ellc  identique  à  une 
personne  fort  peu  recommandablc  citée  (mais  non  nommée)  par  le 
Padouan  Giovanni  di  Non  (voy.  Rom.  IV,  161)  comm^  iorortm  (L  fifiam?) 
nobîHs  miUtii  Gtrardi  tk  Camino}  M.  Rajna,  dans  cet  article  plein  d'une 
érudition  très  spéciale,  discute  celte  hypothèse  et  plusieurs  autres  (notam- 
ment Téquivalence  du  nom  de  Gaia  avec  celui  à\4ica^  qui  reparaît  plusieurs 
fois  dans  b  lamillc  de  Camino) ,  et  n'arrive  qu*à  conclure  qu*ou  ne  peut 
rien  en  savoir  au  juste* 
Ùk  Be^khungen  iiviîchen  Spankn  and  Ekutscbtaftd  in  dtr  Litteratur  dtr  hiUrn 
Làmkr.  L  Tell.  Bis  zum  ï%.  Jahrhundert.  Von  Arturo  Farinilli.  Berlin, 
1892.  în-80,  72  p.  (diss.  de  Zurich).  —  Le  litre  de  cet  opuscule  n'en  donne 
pas  une  idée  absolument  exacte  :  il  y  est  seulement  question  de  ce  que 
les  Allemands  ont  su,  pensé  et  dit  de  TEspagne.  La  vraie  connaissance  4c 
TEspagne  et  des  Espagnols  par  les  Allemands  ne  commence  qu'au 
xv«  siècle,  grâce  aux  relations  de  quelques  hardis  voyageurs  ;  auxvi«  siècle, 
elle  devient  bien  plus  intime  p.ir  réleciion  de  Charles-Qpint  i  b  dignité 
impériale  et  b  lutte  de  la  Réforme  contre  le  catholicisme.  Les  renseigne-  ' 
ments  recueillis  par  iM.  F.  sur  les  témoignages,  très  divers,  des  sentiments 
des  Allemands  envers  les  Espagnols  aux  xv!*  et  XYii*  siècles  sont  fort 
abondants,  paraissent  très  exacts  et  sont  interprétés  avec  intelligence.  Pour 
le  moyen  âge,  il  semble  qu'on  aurait  pu  trouver  un  peu  plus  :  Wolfram 
ne  mentionne  pas  seulement  quelques  noms  espagnols;  il  prétend,  comme 
on  sait,  que  b  partie  de  son  poème  qui  n'est  pas  traduite  de  Chrétien  vient 
de  Tolède;  M.  F  aurait  aussi  pu  menlionner  le  drame  de  Hrotsuitsur  le 
martyre  de  Tenfani  Pelage  à  Tolède  (en  92  s)  *  ïBart}Te  dont  elle  tenait  le 
récit  d'un  témoin  oculaire. 
Attdrfo^  CapcUùiîi  reçH  Framorum  Ek  afnore  Uhri  tns.  Recensuil  E.  Trojei^ 
Havniae,  Cad,  1892,  In-u,  Lvi-^yo  p.  —  Ce  volume,  très  élégamment 
exécuté,  ne  peut  manquer  d'être  bien  accueilli;  il  donne  ,  d'après  tous  les 
manuscrits,  un  texte  du  fameux  ouvrage  d'André  le  Chapelain  qui  n'a  pas 
seulement  ravantagc  de  permettre  i  tous  de  le  lire  commodément ,  mais 
qui  est  établi  avec  beaucoup  de  soin  et  généralement  d'une  façon  qu'on  ne 
peut  qu'approuver.  La  lecture  du  texte  et  de  Tintroduction,  fort  judicieuse 
et  discrète»  qu*y  a  mise  M,  Trojel,  n'en  sera  pas  moins  une  déception  pour 


CHRONiaUE  17$ 

ceux  qui  pouvaient  s'attendre  â  y  trouver  une  solution  des  problèmes 
soulevés  par  le  singulier  écrit  d'André,  Ce  n*esi  nullement  la  faute  du 
sdv^int  éditeur  d.inois;  mais  les  manuscrits  ne  lui  ont  livré  aucune  donnée 
nouvelle,  et  il  ne  lui  a  pas  été  possible  d'illcr  au  delà  des  derniers  résultats 
ou  des  dernières  conjectures  de  M.  Rajna  dans  l'écrit  dont  on  a  rendu 
compte  ici  (XIX,  625)  :  il  faut  en  rester  lu  jusqu*à  la  découvene  peu 
probable  de  tïouveaux  documents.  Un  seul  petit  fait  ressort  de  la  compa- 
raison des  manuscrits,  c'est  qu'ils  ne  présentent  pas  tous,  comme  je 
i*avais  cru,  la  forme  fautive  Almoria;  U  forme  Alinoria  se  rencontre  dans 
quel^jues-uns.  Dans  Tédition,  on  peut  parfois  contester  la  façon  dont 
M.  Tr.  a  combiné  les  manuscrits,  mais  comme  il  donne  toutes  les 
variantes  utiles,  on  peut  toujours  refaire  le  travail.  Il  aurait  sans  doute 
trouvé,  en  cherchant  bien,  d'autres  emprunts  faits  par  André  aux  auteurs 
das&tques.  Le  nom  iïJmpMia  (p,  181)  n'est  pas  celui  de  la  Fenîce  de 
Cligh  {Plifmu  n'est  que  dans  les  manuscrits  les  moins  autorisés)  :  c*est 
VAtn/flise  de  fùucon  dt  Camite^  et  c'est  un  témoignage  de  plus  en  faveur  de 
la  vogue  sans  pareille  de  ce  poème.  —  G.  P. 

Dk  Pfoverbfs  au  Ccnk  dr  Brttagm^  nebst  Belegcn  aus  germanischen  und 
romanischcn  Sprachen»  von  Dr.  Johannes  Martin,  Erlangen»  1892  (progr. 
de  la  K^l,  buyer.  StudùmuslaU  ^u  Erkngen),  ln-8",  57,  —  Nouvelle  édition 
de  ce  petit  poème  jadis  imprimé  par  Crapelet.  Le  commentaire  de 
M.  Martin  atteste  une  connaissance  étendue  de  la  littérature  parémiogra- 
phtque  ;  mais  les  Proverbes  au  conte  dt  Bretagtie,  malgré  l'addition  de  Ce  dit 
U  viJairti  après  chacun  d'eux,  ne  sont  de  vrais  proverbes  qu*en  faible 
minorité  et  ne  trouvent  guère  ailleurs  de  pendants  exacts.  Les  différents 
recueils  de  prcrverbes  au  vilain  mériteraient  bien  plus  une  étude.  Le  texte  est 
établi  avec  soin,  V,  47,  1.  nesscroii',  i\i  En  croire  \  i$o  Aus /es;  237  mati 
J76  i'itt;  318  S*aus;  les  vv.  335  et  }j6  doivent  être  intervertis;  382 
Miamm  bom  est  a  tuer;  396  Et;  402  Se;  434  ni' est  net  (donné  en  note 
L comme  la  leçon  du  ms.»  corrigée  en  m\'iiue\  est-ce  une  erreur  d'impres* 
sioo  ï)  ;  4^7  Vers  home.  Dans  les  notes,  on  constate  assez  souvent  que  Tédi- 
tetir  n'a  pas  bien  compris  son  texte ,  et  les  rapprochements  qu*il  lait  entre 
ce  texte  et  des  proverbes  connus  sont  à  cause  de  cela  tout  à  fait  erronés. 

Lampyris  italien.  Stuggio  iniorno  ai  nomt  de! la  «  luwiola  »  in  ïtaïia^  per  Carlo 
Salvioxj,  15  sept.  1892  (noKze  Salvioni-Rossi),  —  M,  Salvioni  s'occupe 
de  préparer  une  Faune  poptdaire  italienne,  qui  ne  peut  manquer  d'être  fort 
bien  accueillie.  Le  spécimen  qu'il  nous  en  donne  ici  a  un  grand  intérêt  et 
notts  présente  une  richesse  vraiment  surprenante.  Le  savant  auteur  est  loin, 
dit 41,  d'avoir  fait  des  investigations  complètes,  et  il  nous  présente  près  de 
cent  cinquante  noms  populaires  donnés  à  la  ludole ,  quelques-uns  tout  à 
dit  singuliers;  une  trentaine  ont  été  recueillis  dans  le  seul  canton  du 
Tcisin.  Il  les  groupe  d'après  Tidéc  qui  s'est  exprimée  dans  chacun  d'eux  ; 
mais  pour  plusieurs  l'origine  et  le  sens  propre  sont  restés  introuvables  :  tels 
lont  asdocatascio  (nap,),  mocarèïa  (Brianza),  parmirora  (lorab.),  etc,  M.  S. 


lyfi  CHRONIQUE 

compte  publier  prochainement  des  essais  analogues  sur  les  noms  du  lézard 
et  de  la  salamandre.  Les  recueils  de  ce  genre  ne  sont  pas  moins  instructifs 
pour  la  linguistique  (rien  ne  fait  mieux  voir  rextraordinairc  et  complexe 
jeu  de  la  phonétique  et  de  Fanalogie)  que  pour  l'étude  de  la  ps\'chologie 
populaire*  On  aurait  et*.'  reconnaissant  à  Fauteur  de  joindre  à  son  recueil 
le  texte  des  formulettes,  abondantes  en  Italie,  qui  s'adressent  à  ta  lucioîe. 
Gli  amori  di  Belinda  t  Milate^   bruscello  pubblicato  per  cura  di  Giovanni 
GiANNiNi.   Lucca,   Gîusti,    1892.   In- 8^,    2$  p.  — ^  Le  hrusaUo  est   un 
spectacle  propre  au  pays  lucquois  ;  îl  se  distingue  du  maggîo  toscan  noum- 
ment  en  ce  qu'il  est  écrit  en  octaves.  Le  spécimeo  qu'en  publie  M.  Gianninî 
n'est  pas  sans  intérêt  pour  la  connaissance  du  théâtre  se  mi -populaire  encore 
florissant  en  Italie;  il  forme  comme  une  illustration  au  beau  livre  où 
M.  A.  d*Ancona  a  étudié  le  maggio, 
Traclatus  de  divenis  ht  s  tort  i s  Romanorum  et  guibmdam  alin^  verfasst  in  Bofogna  j 
î.  ]\   1526.  Nach  eïner  Handschrift  in  Wolfenbûttel  herausgegeben  voii| 
Salomon  Herzsteen.  Erlangen,  Junge,  189^,  In-80,  64  p.  (i4<^  fasdc.  des 
Erlanger  Bdtrâge  ^ur  eiîgî.  PhiïoL  and  vergî.  LiUeraturgtsçhkble),   —   Ce 
petit  recueil  de  69  contes,  quelquefois  tnoralisés»  compilé  à  Bologne  en 
1326,  méritait  d'être  connu,  et  M.  Herzstein  Ta  publié  et  commenté  avec^ 
soin.  Il  montre  qu'il  n'est  dans  aucun  rappon  direct  avec  les  Gesta  Ramat 
norum  f  comme  l'avait  cru  M.  Œsterley.  Il  donne  les  sources  des  bistoiresl 
quand  îl  les  a  trouvées  (les   indications  du   compilateur  sont   souvent! 
inexaaes),  et  renvoie  aux  ouvrages  de  MM.  d'Ancona,  Crâne,  Œsierley,  etc. , 
pour  les  autres  versions  des  contes,  La  plupart  de  ces  histoires  sont  prises 
aux  auteurs  btîns  profanes  ou  ecclésiastiques  et  n'ont  pas  par  conséquent 
grand  intérêt  ;  quelques-unes  méritent  plus  Fattention  :  citons  (n<>  65)  le 
conte  de  Salomon  qui  devine  le  sexe  de  deux  enfants  vêtus  de  même  que  lui 
présente  la  reine  de  Saba,  et  deux  anecdotes  sur  saint  Louis  (n»  55  et  59; 
cette  dernière  est  une  curieuse  altération  du  trait  connu  de  la  punition 
infligée  par  saint  Louis  au  sire  de  Coud  ;  voy.  Journal  des  Savants ,  18S9, 
p»  614).  Le  conte  de  la  pie  qui  se  pose  sur  le  casque  d'un  Romain  allant  au 
combat  (n^  66),  qui  rappelle  évidemment  Fhistoire  de  Valerius  Corvious» 
n'est  peut-être  pas  sans  rapport  avec  la  légende  de  la  statue  de  ConstantiiiJ 
(voy.  Graf,  Rmmi,  II,  1 14).  Le  conte  des  aveugles  et  du  veau  qu'ils  doiveni  1 
essayer  de  frapper  (n«  68)  se  retrouve  ailleurs.  Le  conte  55  est  pris  à 
Etienne  de  Bourbon  (J  95),  qui  le  donne  comme  ayant  été  employé  par  un 
célèbre  prédicateur  de  croisade;  celui-ci  Favait  emprunté  au  début  de  ta 
Vengeance  Ragitidel  (voy.  Hisi.  Utt.  de  h  Fr,,  XXX,  65),  N^  57,  l  t,  I.  cocus 
pour  cccus^  et  F  12  cociis  vesttr  pour  cecm  vù\ 


Lé  propriétaire-gérant,  E.  BOUILLON. 


ÈtAOùM,  ¥Mûrtkr  rHiM»,  ixi^iuiicun* 


LE  MYSTÈRE  DE  L'ÉPOUX 


LE  DIALECTE  DU  MYSTÈRE  DE  l'ÉPOUX  ET  LA  LANGUE  DU  COPISTE» 

A.  —  Ix  dialecte  de  Vauleur. 

Le  Mystère  de  TÉpoux,  on  le  sait,  fait  partie  du  cycle  de 
Noël.  Composé,  en  grande  partie  du  moins,  en  langue  française, 
il  semble  être  le  plus  ancien  drame  non  seulement  français, 
mais  même  roman,  qui  nous  soit  parvenu.  A  cet  intérêt  il  en 
joint  un  autre,  celui  du  dialecte,  qu'il  est  cependant  assez  difE- 
cile  de  fixer.  En  efiet,  quatre  particularités  seulement  ressortent 
des  rimes  comme  ayant  dû  appartenir  à  la  langue  de  l'auteur. 
i«  C'est  d'abord  la  rime  :  dirum  :  comandarum  :  no7îi  (y,  1 1-13), 
qui  nous  montre  que  la  première  personne  du  pluriel  du  futur 
n'avait  point  d'j  et  que  la  voyelle  était  ç  et  non  pas  e,  comme 
en  provençal.  2**  Ensuite  les  timcspechet  :  net  :  luieet  (1.  bateiet) 
(y.  16-18),  laideniet  :  claufiget  :  pauset  (v.  21-23),  ester  :  démo- 
rer  :  doner  :  coseler  (v.  70-73)  prouvent  que  l'auteur  ne  distin- 
guait pas  entre  e  correspondant  à  un  a  latin  libre  accentué 
devant  une  consonne  orale  (excepté  c),  et  le  son  qui,  venant  du 
même  a  mais  soumis  à  la  loi  de  Bartsch,  aboutit  en  français 
central,  sous  l'influence  d'une  palatale,  au  son  fVr,  c'est-à-dire 
que  notre  poète,  dans  les  deux  cas,  prononçait  un  e  simple. 
y  La  rime  dit  :  aici  :aici  (v.  26-28)  nous  montre  la  chute  du  / 
final  latin  dans  le  mot  dicit.  4°  La  rime  seros  (pour  serors)  : 
glarios:  vos  :  espos  (v.  74-77)  rend  probable  que  Vr  devant  s  dans 
le  mot  serors  ne  se  prononçait  plus  distinctement  par  le  poète. 


I .  Dans  toute  cette  première  partie,  les  vers  du  Mystère  sont  cités  avec  le 
numérotage  de  Boehmer,  Koschwitz  et  Stengel. 


lyS  \V.    CLOETTA 

En  tenant  compte  de  l'antiquité  de  notre  poème,  ces  quatre 
particularités  combinées  n'excluent  pas  seulement  le  provençal 
et  le  franco-provençal,  mais  aussi  Test  du  domaine  de  la  langue 
d'oïl,  le  français  central  et  le  normand,  et  nous  renvoient  i  la 
partie  de  TOuesc  située  au  sud  de  la  Normandie.  Comme  il 
s'agit  du  xiï*'  siècle,  on  peut  même  encore  exclure  la  Bretigne, 
à  cause  de  la  rime  t  :  ie  (voy.  Goerlich,  Dk  Hordwestlkhen  Dia- 
kkte  der  langue  d'oïl,  Franiosische  Sttidien,  V,  p,  13), 

Par  contre,  PEpître  farcie  de  saint  Etienne  présente  les  phé- 
nomènes énumérés  :  i**  jotû  14,  arrù  15,  trovû  40  et  43, 
praû  5 8  ;  2°  coniresier:  niestev  :  deraisner  :  soner  :  damier  21-25,  ^^c- * 
voy.  Foerster,  Revue  des  langues  romams^  y  série,  t.  H,  p.  8  et 
10;  Koschwitz,  Comnientar  :^u  dm  àltesten  fran:{osischen  Sprach- 
denkmàîern,  p,  208;  5^  pre  <i  *precet  59,  etc.,  voy.  Foerster, 
îi.,  p.  10;  Koschwitz,  /,  r.,  p.  212  s.;  4**  saignas  i,  pour 
saignors,  qu'il  faut  probablement  corriger  en  saignor.  Mais 
aussi  les  textes  du  Nord-Ouest  (avec  les  restrictions  faîtes 
ci-dessus)  et  du  Sud^Ouest  analysés  par  M.  Goerlich,  et  la 
Passion  Sainte  Catherim  analysée  par  M.  Tendering  et  publiée 
par  M.  Talhert,  nous  montrent  les  mêmes  particularités,  voy. 
Goerlich,,  Die  nordwestL  DiaLy  p.  79,  13  s.,  87  n°  3,  63;  Die 
stidwcsi lichen  Diakkte  der  langue  d'oïl  {Franxpsisc}>e  Sîudien  HI), 
p*  30,  24  ss,,  83  s.,  79;  F,  Tendering,  Laut-  und  Format' 
khrc  des  poiîevinischen  Kaîharimnlebem  (Dissertation  de  Bonn, 
1882,  et  Arcbiv  fiir  dus  Situlium  der  neueren  Sprachen  und  Litera- 
turen,  p.  p.  Herrig,  t.  LXVII),  §§  161,  10,  96  (rf/  <  "ciîcît 
Sainte  Cath.  2222,/fii<facii  m,  2038,  2097,  etc.),  83;  Dos 
poiteviniscbe  Caiharimnleben  und  die  iihrigen  sûdwestlkfien  Denk- 
màler,  Barmen  (Programme),  1885,  p.  ir  et  14;  Talbert, 
Sainte  Cathrine^  note  au  v.  272.  Pour  arriver  à  un  résultat  plus 
précis,  nous  sommes  donc  obligés  de  recourir  aux  formes  qui  se 
trouvent  en  dehors  de  la  rime,  ce  que  nous  ne  pouvons  faire 
sans  avoir  préalablement  étudié  les  rapports  entre  la  langue  de 
Tauteur  et  celle  du  copiste  (ou  des  copistes  qui  ont  successive- 
ment transcrit  notre  poème).  En  même  temps,  une  comparaison 
constante  avec  les  textes  de  FOuest  sera  indispensable.  Je  pré- 
viens que,  si  je  n'ajoute  pas  autre  chose,  ce  sera  toujours  le 
domaine  de  la  langue  d*oïl  que  j'entendrai;  le  normand  sera 
toujours  exclu;  laTouraine  sera  comprise  dans  le  Nord-Ouest. 
Donc,  Ouest  =  a)  Nord-Ouest  :  Bretagne,  Maine,    Anjou, 


LE   MYSTÈRE   DE   l'ÈPOUX 


179 


I 

■ 

I 


I 


Touraine;  b)  Sud-Ouest  :  Poitou,  Aunis^  Saintonge,  Angou- 
mois. 

Le  travail  de  M.  Goerlich  est  insuffisant  pour  l'Angoumoîs, 
qui  n'y  est  représenté  que  par  quatre  chartes  d'une  valeur  fort 
douteuse,  et  desquelles  M,  G.  n'a  pas  même  tiré  tout  le  parti 
qu*il  aurait  pu.  Des  deux  chartes  de  Cognac,  la  plus  ancienne, 
celle  de  Î262  (Saintonge  et  Angoumois,  n"  xni,  chez  Goerlich), 
n'est  qu*une  copie,  et  l'autre,  celle  de  128 1  (le  n^  vin  de 
Goerlich  ;  je  la  cite  d'après  Boucherie,  Dialecte poiiann,  p.  379  s), 
s'en  distingue  par  différents  traits  caractéristiques,  quoique  les 
deux  chartes  nous  viennent  originairement  du  même  person- 
nage. Môme  en  ne  tenant  pas  compte,  dans  la  charte  de  1262, 
du  mélange  de  différentes  formes,  dû  évidemment  au  copiste 
(par  exemple,  les  imparfaits  en  -eent  et  en  -oiait^  les  premières 
personnes  du  pluriel  en  -oms  et  en  -ans,  etc,  voy.  Boucherie, 
î.  r.,  p.  380  s.),  il  restera  toujours  entre  les  deux  chartes 
d'assez  grandes  dissemblances,  qui  demandent  une  explication. 
Ainsi,  entre  autres,  on  lit  dans  la  charte  de  1262  dich  109, 
dichr  108  et  no,  dichs  126  et  131,  à  côté  de  dict,  n  s.,  et  de 
di^,  r*  pL  (voy.  Boucherie,  /*  r,,  p,  381,  Goerlich,  5«^îi'.  Dm/., 
p*  90),  tandis  que  dans  celle  de  1281  nous  ne  trouvons  que 
ffuys  6,  feytes  8.  Pour  Jarnac  (le  n"  vn  de  Goerlich),  M.  Goer- 
lich n'a  eu  à  sa  disposition  que  les  extraits  que  Boucherie 
communique  d'une  copie  qui  inspire  bien  peu  de  confiance. 
Enfin,  pour  Angouléme,  M,  Goerlich  ne  se  sert  de  nouveau  que 
d'une  seule  charte  (le  n''  ix;  je  la  désigne  par  5  dans  Tétude 
qui  suit),  bien  que  Boucherie  en  eut  réuni  quatre. 

L:i  plus  ancienne,  que  j'appellerai  A  (p.  p.  Boucherie,  L  c, 
p.  372),  et  qui,  d*aprés  Boucherie,  quoique  écrite  dans  la 
première  moitié  du  xii*  siècle,  remonterait  au  moins  au  xi*^  ne 
contient  que  quelques  mots  de  langue  vulgaire,  qui  tout  de 
même  méritent  notre  attention.  Une  autre  charte  (/.  f.  p.  375), 
que  je  désignerai  par  B,  est  de  1270;  c'est  la  seule  dont 
M-  Goerlich  ait  tenu  compte.  Une  troisième,  C,  de  quelques 
années  plus  ancienne  que   la  précédente  (elle    est  de  1264; 


I.  Boucherie  avait  été  moins  afïîrmatif  là^dessus  dans  la  Revut  de  VAunU^ 
di  îa  Saintonge  ci  du  PoUou,  t.  ¥(1867,  1),  p.  J23.  II  vaudra  mieux,  en  tous 
CBS,  s*en  tenir  au  commencement  du  xii«  siècle. 


l80  W.    CLOETTA 

Boucherie  n'en  donne  que  des  extraits,  ib,  p,  376  s.),  a  été 
défigurée  à  plaisir  par  deux  scribes  peu  consciencieux  qui  Tont 
successivement  copiée,  et  ne  mérite  pas  qu'on  s'y  arrête;  elle  ne 
contient  que  très  peu  de  mots  qui  pourraient  avoir  conservé 
leur  forme  originale.  Enfin ,  Boucherie  {ib,  p,  374)  avait 
encore  publié  une  charte  scellée  à  Angouléme  en  1260  et  que 
je  désignerai  par  N,  Quoiqu'elle  soit  de  dix  ans  plus  ancienne 
que  B,  Boucherie,  suivi  en  cela  par  M.  Goerlich,  a  cru 
devoir  la  rejeter,  à  cause  de  sa  teinte  provençale  plus  prononcée, 
comme  n'étant  pas  un  spécimen  réel  du  dialecte  angoumoisin» 
mais  «  un  bâtard  de  la  langue  d  oc,  égaré  en  Angoumois  n, 
une  charte  écrite  à  Angouléme  par  un  Marchois  ou  un 
Limousin. 

Je  ferai  d'abord  remarquer  qu'une  charte  n'est  pas  nécessaire- 
ment rédigée  au  lieu  même  où  elle  a  reçu  le  sceau;  elle  pouvait 
y  être  simplement  apportée,  à  cet  effet,  déjà  tout  écrite.  En 
outre,  les  chartes,  tant  vantées  par  les  philologues  modernes 
pourleur  fidélité  dialectale,  n'en  subissaient  pas  moins  Tinfluence 
d'une  langue  littéraire  ou,  si  Ton  aime  mieux,  gouvernemen- 
tale, et  cette  influence  devient  plus  grande,  plus  on  se  rapproche 
du  quatorzième  siècle  (voyez  là-dessus  les  remarques  judicieuses 
de  M.  Goerlich,  Sudtv.  DiaL,  p.  2  et  6).  Ceci  dit,  constatons 
d'abord,  pour  la  charte  B,  que  la  personne  qui  y  parle  et  qui 
ensuite  y  a  apposé  son  sceau  et  l'a  délivrée  au  comte  d'Angou- 
lème  habitait  Angouléme  même.  Quant  à  la  charte  N,  elle  a 
aussi  été  scellée  à  Angouléme,  mais  par  une  autre  personne  que 
celle  dont  elle  émane-  En  eflet,  les  auteurs  de  cette  charte 
sont  deux  frères  de  Nersac,  lieu  situé  i  9  kilomètres  ouest-sud- 
ouest  d'Angouléme  sur  un  coteau  dominant  le  confluent  de  la 
Charente  et  de  la  Boeme,  et  la  personne  à  laquelle  ils  ont 
affaire  habitait  Saint-Médard-de-Barbezieux,  où  les  deux  frères 
avaient  une  propriété.  Saint-Mèdard  est  à  5  kilomètres  nord- 
nord-est  de  Barbezieux,  sur  le  Beau,  affluent  gauche  du  Né.  Eh 
bien,  le  caractère  presque  exclusivement  provençal  de  N  nous 
oblige  d'admettre  qu'il  a  été  rédigé  à  Nersac  ou  à  Saint*  Médard, 
car,  comme  le  remarque  M.  Paul  Meyer,  Romania^  \1,  633  (cf. 
aussi  IX,  199),  «  au  moyen  âge  la  langue  d'oc  s'étendait  assez 
loin  au  nord  de  la  Gironde  et  se  confondait  avec  la  langue  dVil 
à  peu  près  entre  Barbezieux  et  la  Charente.  »  Nous  avons  donc 
un  spécimen  de  la  langue  d'oc  parlée  dans  le  voisinage  sud-ouest 


LE  MYSXèRE  DE  l'ÉPOUX  i8i 

d'Angoulême  devant  nous;  il  me  sera  permis  de  comparer  cette 
chane  avec  les  chartes  d*Angoulème  ^  et  5  en  essayant  de 
compléter  le  travail  de  M.  Goerlich  pour  ce  qui  concerne  cette 
\illeS 

Voyelles.  Dans  A  et  5,  aussi  bien  que  dans  N,  a  latin  final 
atone  est  toujours  resté  a  :  sua  A  3 ,  una  A6  ;  dans  B  nous  trouvons 
fema  3  ;  Fila  //c^fîcr  (Vilhonneur,  canton  Je  La  Rochefoucauld), 
j,  vila  s;  EngoUsma  4,  5,  9,  11,  13  ;  j/a  12;  qmresnm  15  ;  une 
seule  exception,  et  encore  dans  un  cas  où  Va  final  doit  s'élider  : 
septante  an^  16;  même  dans  C  on  trouve  :  contra  15;  inutile 
de  donner  des  exemples  de  N,  Si  cependant  cet  a  est  suivi 
d*une  X,  nous  avons  e  dans  A  :  does  reges  (rigas)  5  (de  même 
devant  -ment  :  oîdréemmt  <  *iiuctorica  -+-  m  en  tu  3),  et 
dans  B  :  liycetts  ktres  i,  14»  nosîns  5,  sckfiàs  (^=  seelés)  14;  mais 
remarquez  Tarticle  Je  las  dans  le  nom  de  lieu  :  Saint  Geneys  dt 
las  Moliera  (=  S'-Genis-des-Moulières,  à  9  kih  nord-nord-est 
d*Hiers3c)  B  9;  malheureusement  le  cas  ne  se  présente  pas 
dans  N.  Remarquons,  du  reste,  que  dans  B  Ve  atone  dit  voyelle 
d'appui  est  plusieurs  fois  rendu  par  «,  et  que  le  même  fait  se 
présente  encore  plus  souvent  dans  N,  Exemples  de  B  :  honuinage 
II,  samadi  15,  les  noms  propres  d'habitants  d*Angoulôme  Peyra 

<  Petru   iSi  1/  Faura  (=  Le  Fèvre)  7;  dans  N  :  faira 

<  fratrc  i^durablarncnî  5,  11,  16  {mais  durablement  S) ^  redra 
(=  rendre)  8,  chaqua  9,  Peira  <;  Petru  ir,  nostra^  masc,  12, 
mdrabla^  masc,  19  *.  L*^  Ubre  tonique  est  toujours  resté  a^  dans 
Nj  même  quand  il  est  soumis  à  la  loi  de  Bartsch  :  confcnnat  10, 
doftat  18,  vertat  17,  etc.;  outreiat  10 *  ce  dernier  cas  ne  se  pré- 
sente pas  dans  5,  mais  nous  y  trouvons  doné  13,  14;  seîeljées  14; 
cependant  Ta  Ubre  tonique  y  est  maintenu  dans  le  nom  propre 


1,  Qpand  je  oe  dte  pas  A,  c'est  qu'il  n'a  pas  d'exemples;  quant  à  C,  <Jtii 
\  mérite  aucune  confiance,  je  ne  le  cite  qu'cxceptionneîlement.  Pour  ïa charte 
M  comparez  ce  qu'en  dit  M.  Tabbé  Rousselot  {Lts  modifications  pl>otiètiques  du 
Imtgagt^  Hudiéts  ditm  le  patois  d'une  famille  de  Celk/rQuin^  Paris ^  1891,  p.  175» 
n«  11),  qui  la  désigne  directement  comme  charte  de  Nersac. 

t.  On  voit  que  b  voyelle  d'appui  est  dans  ce  cas  toujours  immédiatement 
finale  ou  immédiatement  contrefînale  (c*est-i-dire  protonique  immédiate; 
finale  de  la  première  moitié  du  mot  divisé  en  deux  par  Taccent),  cp.  ci- 
dessoiD»  p.  19J,  n.  I, 


iSa  W.    CLOETTA 

i>  Faum  7  %  et  il  y  est  encore  conservé  devant  n  :  plan  1 1 ,  Pour 
-ariu  N  et  5  ont  également  -ier  :  deniers  doblie:^  N  7,  chevaliers 
B  2.  —  é  libre  accentué  n'est  pas  diphtongue  dans  A  :  esters  s 
<:  exter(i)us  (cp.  G.  Cohn,  Su fjixwatidlungen^  i89r,p.28}), 
ni  dans  N  :  te  ^  <i  tenet.  Pour  é  -\-  i  remarquez  :  le  mey  qiéd- 
rcsma  5  15  et  diema  {=  dîme)  iV6,  13,  15^  17,  21  ;  à  la  syl- 
labe atone  :  cissy  N  16,  eycco  N  23.  —  f  libre  accentué  est  resté 
e  aussi  bien  dans  les  chartes  d*Angoulème  que  dans  N;  pour  ce 
dernier,  il  serait  superflu  de  donner  des  exemples;  pour  A 
voyez  :  outràrmnt  <  ^i  u  c  tor  1  c  a  +  me  n  i  u  j ,  reges  <  rig  as  5  ; 
pour  B  :  m  que  6,  ce  qui  prouve  que  dans  por  quoy  il  nous 
avons  à  reconnaître  une  influence  littéraire,  et  que  sa%foer  3,  6, 
doit  être  prononcé  saver\  même  dans  C  nous  trouvons  trts 
(=1  trois)  9.  Il  est  encore  intéressant  de  constater  que  fl,  en 
dépit  de  l'influence  du  français  littéraire  qu*il  a  visiblement 
subie,  nous  a  même  conservé  la  forme  sia  12,  3'  pers,  sg,  subj. 
prés,  de  estre^  tandis  que  les  autres  textes  du  Sud-Ouest  ont 
seiî;  mais  la  formation  -ia  se  rencontre  pour  toutes  les  autres 
personnes,  soit  dans  Turpin  I  (sia^^  sianî)^  soiiàzns  Sainte  Cathe- 
rine (si*  devant  ab,  V"  pers*  sg,,  1220;  sias;  siàm;  siàs  1020; 
siant,  sian),  —  Notons  ensuite  pour  ill,  éll  :  ctals  B  1  (C  : 
ceaus  2,  eaus  7,  cbasteaus  10;  mais  ittm  6)  et  sehalB  14;  par 
contre  dans  N  :  cens  r,  seu  (sigillu)  18,  21.  ^ — ç  reste  o;  dtus 
B  ï6  doit  certainement  être  remplacé  par  dûus  ou  d^s;  cp.  dans 
la  même  charte  :  amor  3,  segnhr  16  et  même  dans  C  :  mon-- 
segnor  i,  serors  ré  (mais  seruers  15),  de  nos  12;  does  A  y,  dos 
N  24,  etc.  —  Dans  JV,  la  diphthongue  au  et  rt  +  /  +  cons, 
sont  devenus  ou,  quand  ils  se  trouvaient  dans  une  syllabe 
atone  :  pmiset  21,  autrui  (^=  autrui)  22,  ou  dich  (ad  +  l'art.) 
II,  12,  15,  outrciat  10,  outrei  (subst.  verbal  de  *auctorico) 
14;  de  même  dans  A  :  outrànunt  3.  —  Dans  N,  les  finales 
-ïum  et  -ia  de  quelques  mots  qui,  pour  la  plupart,  sont  de 
formation  savante,  perdent  la  seconde  voyelle  et  conservent  Vi 
comme  syllabe  finale  :  testimoni  17;  parrosi  <  parochia  6, 
preieri  22, 

Consonnes*  Je  constaterai   d'abord  la  vocalisation  de  1'/ 


1.  Sans  doute  à  cause  de  la  vacalisatîon  du  h^  cp.  Gocrlich,  SûJa'.  Diai.^ 
p.  96,  et  Rou&selot,  î,  c.^  p,  204,  238  et  2^9. 


I 

I 


LE  MYSTERE   DE   l'ÉPOUX  1R3 

devant  consonne,  même  quand  la  consonne  ne  fait  pas  partie 
du  même  mot  ;  dcu  Javant  dkb  B  8  ;  aussi  dans  C  :  generau  cos- 
tume 5,  especiau  costume  6,  coporaumcnt  % ^  teu  manière  10, etc.;  une 
seule  exception  dans  B  :  ceals  i,  qui  certainement  doit  être  lu 
ceaus  ou  cens  (cp*  à  la  page  précédente)*  Dans  N  :  deu  mas  6> 
OH  dkh  ri,  12,  15;  diu  seu  mossenlmr  i8;  sau  (imprimé  X  tort 
san)  son  drechurage  22,  N  est  même  allé  encore  plus  loin;  il 
montre,  contrairement  à  5,  la  vocalisation  de  17  finale  aussi 
quand  le  mot  suivant  commence  par  une  voyelle  :  eu^  pron.  de 
la  3*  pers.,  devant  r/,  4,8;  seu  (sigillum),  devant  a,  21; 
Miclku  10,  à  la  fin  d^une  phrase  et  devant  et  ;  mais  mil  et  dos 
cms  23.  5  a  dans  le  même  cas  aussi  mil,  mais  après  1  la  vocali- 
sation de  17  est,  dans  tous  les  cas,  rare  dans  le  Sud-Ouest  de  la 
langue  d'oîl  (voy.  ci -dessous  §  19;  dans  C  je  rencontre /rwx 
<I  fi  il  us,  mais  cela  n'est  d*aucune  importance  dans  un  texte 
aussi  corrompu)  ;  cependant  on  trouve,  en  outre,  dans  B  sehal 
14»  à  la  fin  d'une  phrase  et  devant  f,  de  sorte  que  B  ne  semble 
réeUement  pas  vocaliser  17  finale  devant  un  mot  commençant 
par  une  voyelle  ou  à  la  fin  d'une  phrase.  —  LV  est  tombée 
devant  5  dans  deniers  doblie^  N  S,  —  Quant  à  Vu  finale  isolée, 
il  est  curieux  de  constater  que  i4s*accorde  avec  JV  pour  la  laisser 
tomber,  tandis  que  B  la  maintient  ;  il  est  vrai  que  A  n'a  qu'un 
seul  exemple  :do  <,  do  no  4  ;  N  :  /^  <  te  net  4,  emarnacio  23  ; 
par  contre  B  :  environ  5  ;  nieyson  6,  7,  et  même  meysons  6;  plan 
II  ;  en  la  vila  5,  en  rencarnacion  ly,  en  que  6.  —  Les  groupes 
Ir,  dr  deviennent  i>,  non  seulement  dans  AT,  maïs  aussi  dans  B, 
cependant  dans  les  deux  chartes  on  trouve  à  côté  aussi  Tassi- 
milation  à  rr  :  veyront  ne  orront  B  i  ;  verran  N  i  ;  Peyra 
<  Pctru  B  17,  Peira  N  ii\  faira  <fratre  N  2.  Le  rfintervo- 
cal  est  tombé  :  Sanht  Mehart  '  (=  Saiot-Médard-de-Barbezieux) 
N  7;  si  cette  chute  avait  lieu  après  une  voyelle  labiale,  il  s'en 
dégagea  un  w  par  suite  de  Thiatus  :  uviren  yf  9,  qui  rappelle  les 
formes  limousines  aussi  par  la  désinence.  Pour  le  /final,  N  suit 
généralement  le  traitement  provençal,  tandis  que  les  chartes 
d'Angoulême  montrent  le  développement  français  ,  mais  des 
deux  côtés  on  trouve  des  contradictions*  Ainsi  le  t  final  déjà  en 
latin,  qui  devrait  toujours  tomber  dans  N  :  /;«  4,  q  <  est  r6, 


t.  C'est  ainsi  qu'écrit  la  charte  d'après  Tibbé  Roussdot,  /.  c,  p<  206» 


184  W.    CLOETTA 

y  est  cependant  maintenu  dans  les  formes  verbales  fut  4,  13, 
23,  fit  12;  après  «  il  y  est  toujours  tombé  :  vcrran  i,  /^  4^ 
dtven  <  *debunt  4,  8.  Dans  ^  nous  trouvons  :  virent  e  uviren 
9  ;  quant  à  5,  il  n'a  laissé  tomber  le  /  final  déjà  en  latin  que 
dans  fu  •<  fuit  14,  et,  après  la  voyelle  atone  j,  dans  sia  t2> 
pour  seit^  y  pers.  sg.  subj.  prés.;  il  Ta  gardé  dans  les  autres  cas  : 
veyront  ne  orront  i.  Le  /  devenu  final  seulement  en  roman  est 
toujours  conservé  dans  N,  même  après  n  :  part  5,  13,  17  ;  agut 
13,  receubut  14,  vertat  17,  abat  (abbé)  19,  outreiat  10,  cmfer- 
mat  10;  durabîammt  5,  11,  16,  durablement  8j  avant  24;  dans 
yj  et  5  il  est  toujours  conservé  après  une  consonne,  Vn  non 
exceptée,  mais  il  est  tombé  quand  il  n'était  pas  appuyé  par  une 
consonne  :  doîiéB  13,  14.  —  Le  son  ts  final  est,  dans  AT,  géné- 
ralement rendu  par  ^  {Arnaui  1,3;  salid^  i^aba^  2i^pa:^2^  etc., 
mais  tos  1^2  4,  ^tc.^y  cependant  on  le  trouve  souvent  aussi  écrit  à 
tort  pour  une  simple  j,  ce  qui  nous  prouve  qu'il  était  déjà  réduit 
à  s;  quanta  5,  le^  final  n'y  est  maintenu  que  dans  an^  16,  dans 
tous  les  autres  cas  il  est  écrit  s.  —  Le  f  devant  a>  ch  :  charta, 
charira  Ni,  18;  cha^aliers  B  2;  de  môme  c  devant  r,  i  >  c.  Le 
c  n'a  pas  dégagé  d'i  dans  Ja^^om  B  3,  faiem  A/"  3,  10;  pa:^  N  2. 
Pans  B  (qui  n*en  a  du  reste  qu'un  seul  exemple),  ainsi  que 
dans  N,  et  devient  ch'  :  dich  N  11,  12,  15;  5  8;  dichi  N 2î; 
dicha  N  13,  15;  drech  N  23  ;  druhs  N  16;  dreehurage  N  20, 
23  ;  drechurages  N  14;  fach  N  23  ;  mais  le  groupe  net  n'est  pas 
traité  de  la  môme  façon  dans  les  deux  chartes;  dans  N  il  aboutit 
à  :  nk  :  Sanbt  Mehart  7,  sanht  Micf)eu  10,  Sanht  Chibart  19, 
sanhi  24  ;  dans  B  il  devient  bit  :  Saint  André  (Charente,  soit  le 
village  à  8  kilom,  de  Cognac,  soit  le  village  près  de  Blanzac)  2, 
Saint-Gemys  9  *.  Le  ^  latin  entre  deux  voyelles  dont  la  seconde 
est  a,  passe  à  la  chuintante  sonore  g  dans  reges  <  rigas. 


1.  Je  laisse  décote  le  mot  savant  of>tava  <  octava  N9, 
3,  Cp.  aussi  ci-dessus,  p.  179,  —  Uhistoire  du  groupe^/  n'est  pas  encore 
éclaircie.  Les  textes  limousins,  y  compris  les  chartes»  le  rendent  tantôt  par  it, 
tantôt  par  ch^  et  par  diâférenies  autres  graphies  encore,  qui  toutes  ont  besoin 
d'être  soigneusement  expliquées.  Pour  net,  la  question  est  encore  plus 
compliquée.  Aussi  dans  les  patois  il  y  a  mélange  pour  les  deux  groupes  (voy» 
Chabaneau,  Grammaire  limûusim,  p.  65  s,,  Rousselot,  l.  c,^  p.  189,  19^, 
241  s.).  Je  ne  puis,  en  ce  moment,  entrer  dans  les  détails»  mais  j'espère  bien 
pouvoir  le  faire  prochainement^ 


LE   MYSTERE  DE   l'ÉPOUX  iSj 

fLLf  A  $,  mot  fréquent  dans  ces  contrées,  en  limousin  :  rejas. 
On  sait  que,  surtout  dans  les  Sctnmjs  poiteinns,  le  c  latin  prend 
le  mètne  son  quand  il  se  trouve  dans  ces  mômes  conditions  : 
mica  >  migi\  etc.,  voy.  Goerlich,  Sûdtu.  DiaL^  p.  90'.  — p 
entre  deux  voyelles  devient  b  dans  N  :  saber  3,  10;  mais  dans  5 
il  va  jusqu'à  v  :  saiH^er  3,  6, 

Quant  àla  morphologie,  je  citerai,  pour  raniclej  le  sujet 
singulier  lo,  dansN  :  lo  quaus  21,  et  le  rég,  sg.  ïe  20  et  îo  24, 
dans  la  même  charte;  combiné  avec  la  préposition  ad  :  ou  N 
Iî>  12,  ij;  enfin  le  rég.  plur.  masc.  los  14;  dansB,  nous  trouvons 
au  fém.  pi.  de  las^  mais  dans  un  nom  de  lieu  :  Siiint  Gcneys  de  las 
Matières  (voy.  ci-dessus,  p.  181);  dans  tous  les  autres  cas  nous  y 
trouvons  les  formes  françaises.  —  Le  pronom  pers.  masc.  de  la 
3*pers.  est,  au  cas  sujet,  m  dans  N  4,  8  (les  deux  fois  le  mot 
qui  suit  est  et);  au  cas  régime,  Io  dans  A4,  —  Le  pronom  pos- 
sessif conjoint  de  la  première  personne  du  pluriel  est,  au  cas 
rég.  plur.  masc,  nosires  dans  AT  5,  9,  et  la  même  forme  con- 
jointe se  trouve,  dans  B  5,  pour  lefém.  pi.  Le  pronom  possessif 
conjoint  de  la  3*  pers.  du  singulier  est,  au  cas  sujet  pluriel 
msLSC^siues  dans  iV  5,  8.  —  Quant  au  pronom  démonstratif,  N 
donne  pour  le  cas  rég.  pi.  masc.  :  ceus  i;  B:  ceûls  i  (C  :  ceaus  2, 
etc.,  icôtéde/^wjé,  cp.  ci-dessus,  p.  182);  dans  B,  nous  avons, 
en  outre,  fjycetes  i ,  f.  pi.  (ces  dans  C  2),  mais  dans  N  :  equesia  i, 
C  sg.  Le  pronom  démonstratif  neutre  esto  dans  ^  9.  —  Remar- 
quez encore,  dans  A,  le  nom  de  nombre  pi-  fém.  dots  5.  —  Dans 
N  nous  trouvons  les  troisièmes  personnes  sg.  do  prés.  ind.  q  16 
<  est,  te  4,  la  3*  pers.  pL  deven  4,  8.  La  désinence  de  la  pre- 
mière personne  du  pluriel  du  prés.  lod.  est  toujours  om  dans  B  : 
Ja^oni  3;  avùm  3,  S,  8  (deux  fois),  ir,  13  ;  ienom^^  5,  8,  9,  10; 
esîom  6;  par  contre,  dans  N^  elle  est  -em  au  présent  et  -iam  à 
l'imparfait  ind.  de  la  2*  et  de  la  3*  conjugaison  \  faiem  3,  10; 
aitm  10,  13,  15,  18;  tenem  20;  danam  14.  —  Notons  dans  B  la 
y  pers*  sg.  du  subj.  prés,  sia  12  (cp.  ci-dessus,  p.  182).  — 
Parfait.  Dans  A,  nous  trouvons  la  i"  pers.  sg.  de  la  i"  con- 
jugaison ;  comprei  2,  où  la  désinence  -et  n'est  pas  la  forme  pro- 
vençale -ded  i,  mais  un  affaiblissement  de  -ai,  comme  le  montre 
la  comparaison  avec  la  même  personne  du  futur,  si  fréquente 


!•  Cp.  aussi  Rousselot,  /.  c,  p.  216,  no  5. 


i86 


W.    CLOETTA 


dans  Sainte  Cathrine^  où  -ai  est  également  devenu  -«  ;  mais  la 
y  pers.  sg.  qui  se  trouve  dans  N  :  pouset  21,  est  bien  la  forme 
provençale;  elle  ne  se  rencontre,  pour  la  i"  conjugaison, 
presque  dans  aucun  texte  du  Sud-Ouest  de  la  langue  d'oïl  (seules 
exceptions  :  dehîcsî  dans  Turpin  //  319,  11  ^=2*  pers.  sg.  du 
parf.  de  dignare,  et  donet^  3*  p.  sg.  du  parf.,  Coutumej  de 
Clmrrofjx  459,  29  ^  Il  est  curieux  de  constater  qu'à  côté  de  cette 
forme  provençale  du  parf.  de  la  t'*  conj-,  N  donne  les  troi- 
sièmes personnes  fut  4,  13,  23  (/«  dans  B  14)  et  fit  12.  Notons 
dans  A  :  tarent  e  uvircn  9 .  —  Voyez  les  troisièmes  pers.  pL  du 
futur  verran  N  i,  mais  vcyront  m  orront  B  1,  —  Remarquez 
aussi  dans  N  rinfinitif  redra  (=  rendre)  8,  les  participes  passés 
pronu^  15;  aguî  13,  recculmt  14  (mais  dans  C  ;  requis  3;  volu 
14).  —  Notons  encore,  dans  la  charte  A^  les  adverbes  esters  5, 
jos  5,  la  préposition  ab  3  ;  dans  la  charte  N  :  la  particule  hono- 
rable ^«  <  dominum  précédant  les  noms  d'homme  (tn  Ramp- 
nou  4,  en  Pcira  11,  en  Robbert  19;  cette  particule  est  inconnue 
aux  chartes  d'AngooIème).  Finalement  je  noterai  la  différence 
entre  N  et  5,  par  rapport  aux  noms  des  jours  de  la  semaine; 
N  :  didu{/)  24,  5  :  samadi  ij. 

Nous  voyons  donc,  à  côté  d'un  assez  grand  nombre  de  traits 
identiques,  des  différences  essentielles  entre  les  chartes  d*Au- 
goulême  d*un  côté,  et  N  de  l'autre,  différences  qui  nous  per- 
mettent d'attribuer  Angoulème  i  la  langue  d*oïl  avec  la  même 
certitude  qu'elles  indiquent  un  lieu  d'origine  provençal  pourN; 
et  ce  lieu  n'est  qu'à  quelques  kilomètres  sud-ouest  d' Angou- 
lème, sur  un  terrain  qui  depuis  a  été  conquis  par  la  langue 
d'oïl,  Angoulêrae  marquera  donc  le  point  sud-est  le  plus  extrême 
du  territoire  dans  lequel  notre  mystère  pourrait  avoir  été  com- 
posé. 

B.  —  i>  manuscrit  et  la  langue  du  copiste. 

Le  manuscrit  de  notre  mystère  est  bien  connu;  c'est  le 
fameux  numéro  1139  du  fonds  latin  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale de  Paris.  Il  appartenait  autrefois  à  Tabbaye  Saint-Martial 


I.  Miiiwires  de  la  Soc,  dés  antiq.  de  rOmst,  1842;  dctut  451,  4  et  7C3lk 
présent  donat. 


LE   MYSTÈRE   DE  l'ÊPOUX  187 

de  Limoges,  où  il  portait  le  numéro  loo.  D'après  E.  De 
Coussemaker  {Histoire  de  F  harmonie  au  moyen  âge  ^  Paris,  1S52, 
p.  126,  n.  4),  auquel  j'emprunte  ces  détails,  le  manuscrit  ren- 
ferme 235  feuillets  in-4**  composés  de  plusieurs  fascicules  qui 
sont  écrits  par  des  mains  et  à  des  époques  différentes*  Depuis  le 
feuillet  32  jusqu'au  feuillet  83  Técriture  et  la  notation  musi- 
cale sont  de  la  même  main,  qui  ne  date  que  du  xn*  siècle, 
comme  Ta  plusieurs  fois  répété  M.  Paul  Meyer.  Le  mystère  de 
TEpoux  occupe  les  feuillets  55  r"  —  55  v**.  Il  est  précédé,  entre 
autres,  par  trois  pièces  provençales  que  je  désignerai  par  les 
chiffres  romains  /,  //  et  ///.  La  première,  au  foL  44  r*»,  inti- 
tulée Tu  autim^  ne  se  compose  que  de  six  vers  en  langue  pro- 
vençale; la  seconde,  In  fjoc  anni  circulo^  au  fol.  48  r^,  comprend 
dix-neuf  quatrains  en  partie  latins  et  en  partie  provençaux;  la 
troisième,  au  fol.  49  r*.  Versus  sancte  Marie ^  se  compose  de 
douze  quatrains,  tous  provençaux.  Les  autres  feuillets  écrits  par 
le  même  scribe  contiennent  des  pièces  latines,  et  ne  peuvent 
donc  pas  nous  renseigner  sur  la  langue  qu'il  parlait.  Les  pièces 
provençales  ont  été  publiées  plusieurs  fois,  entre  autres  par 
M.  Paul  Meyer,  Anciennes  poésies  religieuses  en  langm  d'oc  y  Paris, 
i8éo  (extrait  de  la  Bibliot))èque  de  F  École  des  Chartes  ^  5*  série, 
t.  I),  p.  14  ss,  Gjmme  elles  ne  contiennent  pas  un  seul  mot 
français*,  nous  n'avons  pas  de  raison  pour  douter  que  le 
copiste  ait  été  provençal.  Si,  par  contre,  nous  trouvons  des 
formes  ou  des  mots  provençaux  dans  le  Mystère  de  VÉpoux^ 
qui  e^t  français,  ce  mélange  pourrait  donc  bien  être  occasionné 
Lj>ar  le  copiste.  Mais  la  question  est  très  difficile  à  résoudre,  car 
'nous  verrons  qu'il  s'agit  d'une  région  limitrophe,  où  se  ren* 
contrent  des  traits  caractérisant  le  Nord  avec  d'autres  qui  carac- 
^lérisent  le  Midi.  Une  distinction  rigoureuse  entre  provençal  et 
rançais  n'est  donc  pas  toujours  possible,  et  c'est  seulement  au  cas 
nous  rencontrerions  des  formes  en  contradiction  évidente 


I.  Le  pronom  dxtqtui  (cas  r<5gO  II  19  «  se  trouve  aussi  à  Limoges»  par 

Itjccroplc  djMis  une  charte  de  1258,  Docttmenîs  bistonques  has-îatins,  provençaux 

'  français  concernant,,,  la  Marâx  et  k  Limousin,  pp.   Leroux,  Molînier  et 

as,  t,  I  (1883),  p.  181,  no  Lxv,  L  9  ;  de  môme  lxvi  (1259),  4f  et  dans 

une  charte  de  1167,  Char  ta,  chronique  et  mémoriaux  pour  sentir  â  l  histoire  de 

k  Marche  et  du  Ui^misin,  pp.  A,  Leroux,  Tulle,  1886,  n^LXxxvii,  p.  92,  L  a. 

Seulement  dans  les  trois  chartes,  la  forme  est  plus  correcte  :  chasqm,ai%  rég. 


t88  W.    CLOETTA 

avec  les  rimes  ou  la  mesure  des  vers  qu'il  nous  serait  permis  de 
les  attribuer  au  copiste. 

D'abord  0  est  à  remarquer  que  nous  rencontrons  deux  formes 
qui  semblent  bien  être  en  contradiction  avec  la  première  rime 
de  notre  poème  :  ce  sont  les  mots  avem  35,  et  pocni  72.  Seule- 
ment, X  la  rime,  nous  avions  le  futur  composé  avec  avoir^  ici 
c*est  le  présent  de  verbes  qui  devraient  avoir  la  même  dési- 
nence. En  outre,  les  formes  en  -é'w,  quoique  généralement 
inconnues  aux  textes  du  sud-ouest  de  la  langue  d'oïl  (voy, 
Goerlich,  DieSudwesîL  DiaL,  p*  30;  ci-dessus,  p.  185)  sont  la 
règle  dans  la  Passion  sainte  Catberim  pour  la  première  personne 
du  pluriel  ind.  prés,  de  la  deuxième  conjugaison,  tandis  que  la 
même  personne  du  futur  de  la  première  conjugaison  est  en  -um 
(voy.  Tendering,  LaiU-  und  Formmîehre  des  poitmnisctjen  Katha-- 
rinenlebens^  §§  iji,  160,  léi^  164,  et  comparez  Das  poitevi- 
nisck  Katfmmmikbenj  p.  10  s,).  Aifcm  et  poetn  pourraient  donc 
bien  appartenir  à  notre  auteur. 

Au  vers  25,  nous  trou%'Ons  dH  <  dicit  rimant  avec  ûia. 
dît  est  donc  monosj^Ilabe  et  semble  bien  une  forme  provençale. 
Nous  la  rétro uvûns  dans  les  poèmes  provençaux  copiés  par  le 
même  scribe  ///  10*^,  dans  les  Préceptes  religieux  W  13  (pp. 
Armîtage,  Sermons  du  xu'  siècle  en  vieux  provetiçal),  et  trois  fois 
dans  la  plus  ancienne  version  provençale  de  VÉvangih  selon 
saint  Jean,  XIII,  24,  XVI,  17,  iH  (cp,  Diez,  Jahrb,  /  rom.  «• 
mgl,  L.  I,  365).  Cependant  dans  Sainte  Catkrine^  nous  trou- 
vons facit>yfli  III,  2038,  2097;  fecit  >  /«  667,  1691, 
1870;  mei  i-ji,  y  pers.  sg.  du  parf.  de  nteîre\  dicit  *illaec 
>  di  li  2222  pourrait  aussi  avoir  été  originairement  dii  li.  Je 
n'ose  donc  pas  attribuer  dit  au  copiste. 

Mais  il  y  a  d'autres  formes  dont  Tattribution  à  la  langue  de 
Tauteur  semble  plus  difficile.  Ainsi  pour  Ta  latin  libre  accentué 
devant  une  consonne  orale,  nous  trouvons  toujours  un  e  (voy, 
les  nombreux  exemples  ci^dessous,  §  i;  — -  je  ne  tiens  pas 
compte  ici  du  groupe  -atr*,  voy.  §  2})  excepté  seulement  le 
mot  preiat  75.  Si  le  maintien  de  Va  latin  libre  accentué  devant 
une  consonne  orale  (excepté  /  et  quelques  cas  particuliers)  est, 
en  général,  extrêmement  rare  dans  le  Sud-Ouest,  il  Test  surtout 
dans  les  cas  indiqués  par  la  loi  de  Bartsch  (devant  consonne 
orale,  bien  entendu).  Je  n'en  trouve  même  qu'un  seul  exemple: 
arbergiar,  Turpin  I  274,  4;  quant  à  predicar,  Sainte  Catherine 


LE    MYSTÈRE   DE   l' ÉPOUX  ïSj 

4ïO>  il  ne  peut  compter,  étant  un  mot  de  l*Église.  Tout  nous 
autorise  donc  à  considérer  la  forme  prtiat  comme  introduite  par 
un  copiste  provençal. 

Le  vers  74  est  généralement  lu  :  Akt  areir  a  vostras  saie  seras 
ou  saie  s.,  mais  M.  P.  Meyer  (^Rotn,  VIE,  465)  a  contesté  la 
possibilité  de  lire  sait\  et  a  cru  pouvoir  reconnaître  plutôt  le 
mot  j/nr  dans  la  leçon  très  indistincte  du  ms.  Cependant  les  édi- 
teurs qui  ont  revu  le  manuscrit  depuis  ne  se  sont  pas  rangés  à 
cet  avis  et  continuent  de  lire  saie  ou  saie.  Si  le  nombre  des 
autorités  fait  donc  décidément  pencher  la  balance  du  côté 
de  saie  ou  saie^  saie[s]y  ou  plutôt  sajas  (voy.  ci-dessous  §  7), 
est  aussi  beaucoup  préférable  pour  le  sens.  Seulement  le 
vers  est  alors  trop  long,  et  nous  sommes  obligés  de  changer 
vostras  en  it^,  ou  plutôt  twr  (d'après  Jouas,  vdy,  ci-dessous 
5  27).  Les  formes  proprement  françaises  du  pronom  possessif 
conjoint  sont,  pour  le  cas  régime  du  pluriel  masculin  et 
pour  le  pluriel  féminin,  «t?^,  vo:^.  Cependant,  dans  la  charte  B 
nous  trouvons  nostres  nuysons  5  (voy*  ci-dessus^  p.  185).  En 
outre,  on  rencontre  comme  formes  conjomtcs  du  pluriel  fémi- 
nin ftostrcs  i  côté  de  no:^  dans  Turpin  I  et  //  (voy.  Goerlich, 
Sfidw,  DiaLj  p.  ro8),  et  vostres  à  côté  de  vos  dans  Sainte 
Catfjerine  (vostres  paroi  les  194S,  et  vosparolks  790,  etc.,  voy.  Ten- 
dering,  Laul-  und  FormenL,  §  142),  mais  même  dans  ces  textes 
les  formes  proprement  françaises  prévalent,  quoique,  d'autre 
pan,  on  y  rencontre  quelquefois,  mais  assez  rarement,  nostres^ 
vostres^  aussi  pour  les  formes  conjointes  du  cas  régime  du  plu- 
riel masculin.  Il  nous  sera  donc  bien  permis,  puisque  la 
mesure  du  vers  nous  Tindique,  de  mettre  vost  b.  la  place  de  îw- 
/ro^,  qui  serait  dû  au  copiste  provençal,  quoique  cette  dernière 
forme  ne  soit  pas  inadmissible  non  plus  dans  le  dialecte  de 
Tauteur. 

Dans  les  vingt-neuf  vers  romans  que  contient  notre  mystère, 
les  rimes  et  la  mesure  des  vers  ne  nous  ont  donc  fait  connaître 
que  deux  formes  étrangères  à  ToriginaL  Ce  résultat  est  impor- 
tant en  ce  sensqu*il  nous  montre  que  le  copiste  n'a  pas  remplacé 
â  dessein  les  formes  originales  par  celles  de  son  dialecte,  ce  qui 
pourtant  lui  aurait  été  souvent  facile,  notamment  pour  les  rimes 
tne^ie)  de  a  latin. 


190 


W.    CLOETTA 


C,  —  Restitution  de  la  langue  de  notre  Mystère  et 
détcrmimtion  plus  précise  de  son  dialecte, 

a,    LES   VOYELLES 

i)  Va  latin  libre  acceomé  donne  e  i*)  non  seulement  dans 
les  cas  où  le  français  central  a  le  même  son,  mais  i^)  aussi 
dans  les  cas  où,  d'après  la  loi  de  Bartsch,  nous  devrions  avoir  ie. 
Nous  avons  d*abord  à  la  rime  les  formes  :  pcchet  :  ttet  :  luteet 
(1.  bateieî)  v.  16-1S;  les  participes  passés  :  hidenjet  :  claufi- 
geî  :  pauseî  v.  21*23  i  doner  :  achapter  :  ester  66-68  ;  ester  :  dcmo- 
rer  :  doner  :  coseîer  70-73.  Ensuite  :  malaureas  :  Uvrcas  :  meneias 
88-90*  En  dehors  de  la  rime,  nous  trouvons  pour  i')  la 
deuxième  personne  du  pluriel  de  l'impératif  akt  67;  74;  88 
(deux  fois),  qui  est  bien  une  forme  française;  les  participes 
passés  lai^et  i8;  gah{r)el  21;  pour  i^)  oiet  11;  aiseet  (1.  aiet) 
12;  prdat  75.  Je  change  cette  dernière  forme  en  preiii  (voy- 
plus  haut  p.  189).  duant  aux  mots  oiet,  *bakiety  "^atct,  *preiet^  il 
est  à  remarquer  que  le  poète  ne  les  prononçait  pas  avec  un  ie 
diphthongué,  mais  voyelle  -\-  i  -\-  e. 

y  ai  laissé  de  côté  les  deuxièmes  personnes  du  pluriel  du  futur 
ainsi  que  de  l'indicatif  présent  et  de  l'impératif  des  deuxième  et 
troisième  conjugaisons,  comme  dortnet  :  atmdet,  qui  riment 
ensemble  aux  vers  14-15,  vers  qui  forment  un  refrain  se  répé- 
tant après  chacun  des  versets  suivants*  Atendet  se  rencontre  en 
dehors  de  la  rime  vv.  13,  28;  on  trouve  en  outre  querct  66,  72, 
73,  aircî  67,  veet  68,  seret  90.  Ces  désinences  pourraient  aussi 
être  provençales,  et  même  on  pourrait  se  demander  si  cet  -et^ 
dans  la  langue  de  l'auteur,  n'avait  pas  un  e  <i  è  (-êtîs), 
puisque  dans  le  sud-ouest  de  la  langue  d*oïl  on  trouve  souvent 
Yi  latin  libre  accentué  rendu  par  e  au  lieu  de  ei  (voy.  Goerlich, 
Sudwestl.  DiaLy  p.  38  ss.;  Tendering,  Laut-  und  Fortfienlehre^ 
§  30,  Das  poitev,  KatharinenL,  p.  30;  dans  le  Nord-Ouest  ¥e 
simple  se  trouve  aussi  dans  ce  cas  à  côté  de  la  diphthongue  «\ 
voy.  Goerlich,  Nordwestî,  DiaL,  p*  37  ss.  et  p.  87,  n**  7). 
Pour  Angoulêmc  nous  avons  même  constaté  uniquement  le  son 
^  <;  f  lat,  libre.  Mais  comme  nous  ne  trou%'ons  jamais,  ni  dans 
notre  poème,  ni  dans  les  textes  étudiés  par  Goerlich  et  Tende- 
ring,  des  deuxièmes  personnes  du  pluriel  avec  la  diphthongue  et 


LE   MYSTÈRE    DE    l'ÈPOUX  IJl 

îj  nous  n'avons  pas  lieu  de  douter  que  ce  ne  soit  k 
désinence  -a lis  introduite  dans  toutes  les  conjugaisons. 

2)  -ata.  Nous  trouvons  à  la  rime  aux  vers  88-90  :  malaurcas  : 
liurtas  :  fneneias,  et  pour  a  latin  libre  accentué  n'est  pas  inconnu 
au  Nord-Ouest,  mais,  à  ce  qu'il  paraît,  seulement  à  partir  du 
xrrr*  siècle  (voy,  Goerlich,  NordivestL  DsaL,  p.  10  s.);  dans  le 
Sud-Ouest  on  trouve  cet  ci  presque  uniquement  dans  la  dési- 
nence -ata,  où  Yi  semble  amené  par  riiîatus  (voy.  Goerlich, 
/.  c.  et  SûdwestL  DiaL,  p,  18  s.,  21  s,)*  Mais  aussi  dans  ce  cas 
les  formes  sans  i  prévalent.  Peu  importe,  du  reste,  que  nous 
exprimions  ce  son  par  l'écriture  ou  non,  pourvu  que  nous  nous 
rendions  bien  compte  qu*i  un  certain  moment  le  son  /  s* est 
développé  dans  la  désinence  -ata  pour  obvier  à  riiiatus.  Pour 
plus  de  clarté  et  pour  unifier  rorihographe ,  je  Tintroduirai 
d'après  tneneias  dans  les  deux  formes  qui  ne  la  présentent  pas* 

3)  -atr*,  voy.  tr,  §  25, 

4)  a  +  fi,  voy*  n  finale,  §  22. 

j)  a  entravé  devant  nasale  n'est  jamais  confondu  par  récri- 
ture avec  e  entravé  devant  nasale,  que  la  syllabe  soit  accentuée  : 
metchaans  68;  presm  12,  monumen  13;  ou  qu'elle  soit  atone: 
cotmndarum  12;  aictuict  lî,  15,  28,  latdenkt  21,  desœnîre  24, 
dokntas  35,  S^^;  tojamen  71.  Ces  deux  sons  semblent  avoir  été 
distincts  dans  la  plus  grande  partie  de  TOuest  jusque  vers  le 
xni^  siècle  (voy.  Goerlich,  SildiucsiL  Dial.y  p.  42  ss.,  et  surtout 
Ni^ràw.  DiaL,  p.  29  ss.  et  87,  n"  8;  Werner  Soderhjelm,  Das 
Marîinshben  des  Pàm  Gaîimau  \  p»  16),  mais  ils  sont  confondus 
dans  VÊpîîre  de  saint  Etienne  (voy.  Kosclnvitz,  Commentât  ^u  den 
àhisien  frani^dsiscljtn  SpracMenkmàUrny  p.  210  et  216  s.)  *. 

6)  a  atone  libre  protonique  est  conservé  dans  conmndûrum 
II,  hjaftien  71,  Dans  Sainte  Cathrine  on  trouve  au  futur  et  au 
conditionnel  plus  souvent  un  a  qu'un  e^  quoique  ;\  rinSnitif  la 
forme  régulière  soit  en  -tr  (voy.  Tendering,  haut-  und  Formenl.^ 


t.  Dans  les  Comntentùtioms  variae  in  merfioriam  actorum  ccL  annarum  tdiâH 
Vmvtriitm  Hthin^formmis^  Helsîngfors,  1891. 

a.  A  Ccllcfrouîn  an  H-  cons.  et  en  -f-  cons,  auraient  été  confondues  déji 
tu  Xl«  s.,  d'après  Tabbé  Roussclot  (/.  r,,  p.  310-514).  Mais  alors  le  fait  que 
ces  deux  voj^cllcs  nasales  sont  encore  distinctes  dans  le  parler  de  sa  mère 
demeure  inexpliqué.  L'abbé  Rousseloi  s'était  bien  fait  cette  objection  à  pro- 
pos d'une  auiTc  hypothèse  (p.  jij,  h  22-24). 


192  W.    CLOETTA 

§  5).  Le  maintien  de  Va  atone  devant  la  désinence  -fmnt  est 
fréquent  dans  les  dialectes  du  Sud-Ouest»  surtout  dans  les 
textes  saintongeais  et  angoumoisins ,  dans  les  Coutunm  de 
Charroux  et  dans  Turpin  I;  il  se  trouve  même  presque  régu- 
licrement  dans  Turpin  II  et  dans  Sainte  Cathrim  (cp.  aussi 
lonjammt  y  Sainte  CatJmine^  v,  1897),  "^^'^  rarement  dans  les 
Sermons  et  dans  les  textes  poitevins  en  général  (excepté 
Charroux)  et  jamais  dans  TAunis  (voy.  Goerlich,  Sûdtv,  DiaL, 
p.  72  s.,  et  Tendering,  Das  poiîev.  Katharinenl.,  p.  9).  Dans  le 
Nord-Ouest  Va  dans  ce  cas  n*est  que  fort  rare  et  un  dévelop- 
pement postérieur  (voy,  Goerlich,  Noi'dw.  DiaL^  p,  24; 
M*  Goerlich  n'en  cite  que  quatre  exemples,  tous  de  la  Bretagne). 
—  L'^  atone  protonique  faisant  hiatus  avec  la  voyelle  accen- 
tuée est  conservé  dans  nurchaans  68  ;  la  même  voyelle  formant 
hiatus  avec  une  seconde  voyelle  protonique  est  conservée  dans 
mahureas  88.  Quant  au  premier  cas,  le  maintien  de  Va  est  la 
règle  dans  les  chartes  du  Sud-Ouest  (mais  les  Sermons  poitivins 
et  les  deux  Turpin  ont  toujours  e,  excepté  dans  paor)  et  dans 
Sainte  CatJxrine,  de  quelque  nature  que  soit  la  voyelle  accentuée 
(voy.  Goerlich,  SùduK  DiaL,  p.  73  s.,  et  Tendering,  Dos 
poita*.  KatbarinenL^  p.  9  et  26).  Même  dans  le  Nord-Ouest  et 
ailleurs  cet  a  en  hiatus  se  maintient  quelquefois  sous  la  forme  a 
quand  la  seconde  voyelle  est  elle-même  un  a.  Pour  le  second 
nialatireaSj  le  maintien  de  Va  devant  u,  quoique  cet  u  ne 


cas 


soit  pas  la  voyelle  accentuée,  ne  fait  point  de  difficulté  dans  un 
texte  qui  semble  bien  être  du  Sud-Ouest,  puisque  la  forme  du 
mot  pourrait  être  influencée  par  {nial-^  aûr.  En  outre  nous 
trouvons  par  exemple  dans  Sainte-Cat farine  :  benafirc ^  benaûrea^ 
malauré,  niaîaHre::^  (voy.  Tendering,  Laut-  und  ForinenL^  §  69). 
7)  a  libre  posttonique  et  final  est  maintenu  dans  terra  16, 
scriptura  25  ^  ora  90.  Nous  ne  trouvons  rien  de  pareil  dans  le 
Nord-Ouest,  mais  cette  graphie  est  réguhère  à  Angouléme 
(voy.  ci-dessus,  p.  181),  fréquente  dans  les  chartes  de  TAngou- 
mois  en  général,  dans  les  Coutumes  de  Charroux  et  dans  Turpin  I 
(tandis  qu'elle  est  bien  plus  rare  dans  Turpin  II;  voy.  Goerlich, 
SiidwestL  DiaLy  p.  72),  et  elle  prévaut  de  beaucoup  dans 
Sainte  Cathrim  (voy.  Tendering,  Laut-  und  FortnenL,  §  15, 
et  Das  poitev,  KatlhirincnL^  p.  9).  Nous  la  laisserons  donc 
subsister.  —  Si,  par  contre.  Va  posttonique  à  la  syllabe  finale 
est  suivi  d'une  s ,  il  est  toujours  rendu  par  un  ^  à  Angoulême, 


LE   MYSTÈRE   DE   l'ÉPOUX  I93 

comme  nous  l'avons  vu,  et  dans  les  textes  étudiés  par 
M.  Goerlich.  Cependant  dans  notre  texte  nous  trouvons  : 
dolentas  35,  58,  chaitivas  ^^y^  88,  damnas  68,  (vostras  74),  malau- 
reas  88,  pmas  89,  livreas  89,  meneias  90,  et  jamais  e.  Vu  le 
grand  nombre  d'exemples,  je  n'ose  pas  corriger,  d'autant  moins 
que  les  formes  en  -as,  quoique  rares,  se  rencontrent  aussi  dans 
Sainte  Catherine,  Cette  graphie  pourrait  bien  répondre  à  une 
prononciation  plus  ancienne  où  a  final  +  s  n'aurait  pas  encore 
passé  à  «'.  Quant  à  la  forme  las  75  du  pronom  personnel 
féminin  de  la  3*  personne,  nous  la  trouvons  dans  Sainte 
Catherine  à  côté  de  les  (voy.  Tendering,  Laut-  und  FormenL, 
§  139),  tandis  que  les  textes  du  Sud-Ouest  analysés  par  Goerlich 
ne  connaissent  que  les  (voy.  Goerlich,  Siiaw.  DiaL,  p.  107), 
comme  les  textes  du  Nord-Ouest.  Nous  laisserons  subsister 
laSy  puisque  nous  maintenons  -as  dans  les  cas  précités.  Du  reste, 
nous  avons  rencontré  l'art,  féni.  pi.  las  dans  un  nom  de  lieu 
à  15  kil.  nord-nord-ouest  d'Angoulême  (charte  B,  ci-dessus, 
p.  Il)  et  la  même  forme  se  trouve  aussi,  quoique  rarement, 
dans  Sainte  Catherine  (Tendering,  /.  r.,  §  128). 

I.  Au  xnie  siècle,  le  changement  de  -as  en  -es  a  même  atteint  Cellefrouin, 
voy.  Rousselot,  /.  c,  p.  293  s.  Dans  le  courant  du  xiii*  siècle,  Va  atone 
immédiatement  final  doit  également  avoir  pris  un  son  sourd  dans  le  Sud- 
Ouest  français,  voy.  Tendering,  //.  ce.  y  et  Talbert,  Sainte-Catherine^  notes  aux 
vers  64,  2315,  2342.  Qpant  â  la  graphie  a  pour  la  voyelle  d'appui  c,  voy. 
aussi  ci-dessus  p.  181,  Goerlich,  /.  c,  p.  12,  Rousselot,  /.  c,  p.  297  s.  L*abbé 
Rousselot,  qui  ne  croit  pas  pouvoir  attribuer  une  autre  valeur  que  e  à  la 
voyelle  dite  d*appui,  conclut  de  cette  graphie  que  Va  latin  immédiatement 
final  était  déjà  e  antérieurement  au  xi^  siècle,  à  Cellefrouin  et  dans  ses 
environs,  ainsi  que  dans  la  plaine  de  rAngoumois.  Mais  cette  opinion  est 
complètement  erronée.  Remarquons  d'abord  qu'on  ne  trouve  jamais  a  pour  c 
à  U  dernière  syllabe,  quand  cette  syllabe  se  termine  par  une  consonne  ;  jamais 
on  ne  trouvera  altères  >  ultras,  et  le  Cartuîaire  de  Cellefrouin  distingue 
absolument,  comme  le  remarque  l'abbé  Rousselot  lui-même  (p.  293),  la 
finale  latine  -as,  qui  conservait  son  fl,  de  la  voyelle  d'appui  -|-  j,  qui  est 
toujours  rendue  par  -es.  En  outre,  l'abbé  Rousselot  n'a  certainement  pas 
trouvé,  ni  dans  le  Cartuîaire^  ni  dans  le  Censier  de  Cellefrouin^  un  seul 
exemple  dV  pour  a  latin  immédiatement  final,  et  nous  avons  vu  que  les 
chartes  d'Angoulême  aussi  écrfvent  régulièrement,  et  l'on  peut  dire  sans 
exception,  a  dans  le  cas  indiqué.  Mais  ces  mêmes  chartes  d'Angoulême  nous 
montrent  avec  la  même  régularité  -as  final  latin  rendu  par  -es.  Il  s'en  sui- 

JiMRa»Ùl,    XXII.  I  3 


196  W.    CLOETTA 

Dictionnaire  du  patois  sainiongeais^  Royan,  1869  (/>>=pour,  par, 
p,  joj,  etc»);  Tabbé  Rousseau,  Glossaire poittuin^  2*  éd.,  Niort, 
1869  ;  Éveillé,  Glossaire  saintongeais^  Paris,  1887,  etc,  Cq  pre  est 
donc  la  seule  forme  dans  certains  dialectes  du  Sud-Ouest,  au 
moins  à  partirjdu  xvi*  siècle,  et  cette  même  forme  le  mot  per 
la  revêt  la  seule  fois  qu'il  est  écrit  en  toutes  lettres  dans  notre 
manuscrit.  Vu,  en  outre,  que  tuus  les  textes  du  moyen  âge  (y 
compris  les  chartes)  originaires  de  ces  contrées  ont  subi  une 
forte  influence  de  la  langue  littéraire,  et  que  le  mot  per  y  est 
le  plus  souvent  rendu  par  le  sigle  latin,  ce  qui  contribue  à  nous 
empêcher  de  connaître  la  forme  vraiment  propre  aux  endroits 
où  ces  textes  ont  été  composés,  h  seule  chose  logique  me 
semble  de  rendre  les  deux  sigles  qui  se  rencontrent  dans  notre 
manuscrit  par  prc.  Si  dans  les  textes  provençaux  écrits  par  le 
même  scribe  nous  retrouvons  pre  ///4^,  ce  sera  une  vraisem- 
blance de  plus,  car,  comme  nous  allons  le  voir,  ils  appartiennent 
à  une  région  toute  voisine  de  celle  où  a  été  composé  notre 
mystère. 

Il)  écce^  nous  montre  le  développement  provençal  :  aiso 
10,  (aisdl  15),  aici  27,  28,  71.  Les  textes  du  Sud-Ouest  analy- 
se par  M*  Goerlich,  ont  les  formes  françaises,  tt  Sainte  Cathe- 
rine donne  généralement  :  {i)cest,  i^fuest^  (f)<^h  içf^K  0)^0$  i\p, 
(î')ri,  isi.  Mais  dans  ce  dernier  texte  on  trouve  aussi  :  aquella 
394,  aiso  8j3,  1628,  eiso  925,  de  même  une  fois  aitanî  1855,  à 
côté  de  iiant^  qui  est  assez  fréquent  (cp.  Tendering,  haut-  unJ 
FormenUhre,  §§  19,  108,  143  ss.,  qui  du  reste  confond  isi  ^=^  ici 
avec  isi  =  ainsi^  Sainte  Caîkrine^  78  et  969).  Peut-être  faut-il 
aussi  voir  la  forme  provençale  dans  le  «  cri  du  bouvier  pour 
ramener  ses  bœufs  de  son  côté  »  :  aîcé^  aJci^  que  cite  M*  P. 
Jônain ,  Dictionnaire  du  patois  saintongeais, 

II)  Cf  œ  latin  libre  accentué  devant  une  nasale  n'est  pa 
diphtongue  dans  pcnas  89,  ce  qui  ne  s*accorde  pas  bien  avec  le^ 
Nord-Ouest,  qui  originairement  doit  avoir  eu  dans  ce  cas  la 
diphthongue  ei,  mats  ce  qui  est  fréquent  dans  le  Sud-Ouest, 
voy.  Goeriich,  Stidw.  DiaL,  p.  41  s,,  et  Tendering,  Laut-  und 
FornienL^  §  31,  où  Ton  sera  cependant  étonné  de  ne  pas  ren- 
contrer un  seul  exemple  de  poena.  En  effet,  M.  Tendering 
considère  la  diphthongue  ot?  comme  correspondant  a  un  c  ouvert 
du  latin  populaire  (voy.  §  63  ;  voy.  aussi  ib.,  §  6,  et  Das  poitev* 


^ 


I 


ft 


LE   MYSTERE  DE   l'ÉPOUX  197 

KatlxtrinenL^  p.  7),  ce  qui  est  bien  surprenant  ^  Tout  de 
même  nous  pouvons  relever,  nu  §  63,  les  iotui^s  pcnUy  pcnes^  à 
côté  de  peina  et  môme  de  pana.  Nous  avons  vu  qu'aussi  à 
Angoulème  IV  libre  accentué  n'est  pas  diphthongué. 

13)  Vl  latin  accentué  devant/  +  /  n'est  pas  diphthongué  et 
le  inouillement  de  17  n'est  pas  exprimé  par  récriture  dans  cosd 
72.  Dans  le  Nord-Ouest  on  a  généralement  -cil  (voy.  Goerlich, 
Nardw.  Dial.^  p.  41  ;  cp.  cependant  ib.y  p.  éo)  ;  dans  le  Sud- 
Ouest,  il  n'y  semble  en  tout  cas  pas  avoir  eu  de  diphthongue, 
mais  le  mouillemeatde  17  s'y  trouve  généralement  exprimé  par 
la  graphie  ?7»  du  moins  à  la  fin  du  mot  (voy.  Goerlich,  Sûdw, 
DiaLf  p.  45  s.  et  78)»  Cependant,  dans  Sainte  Cathrim^  nous 
trouvons  costl  à  côté  de  coml  et  comcilQ)  (voyez  Tendering, 
haut-  und  FormenL^  §§75,  90);  nous  pouvons  donc  conserver 
la  forme  qui  se  trouve  dans  notre  manuscrit* 

14)  à  latin  libre  accentué  n'est  pas  diphthongue  dans  pot  73 
et  dans  oli  66.  Vo  non  diphthongue  se  rencontre  aussi  dans  le 
Nord-Ouest  (voy.  Goerlich,  Nordw.  DiaL^  p»  43  ss.  et  88, 
n®  15),  mais  il  est  encore  plus  fréquent  dans  le  Sud-Ouest 
(voy.  Goerlich,  Siidw,  DiaL,  p,  64  ss.  et  Tendering,  Laut- 
und  FormtftLf  §  42;  Das  poittv.  KaiharinenL^  p*  8).  duant  à 
clif  nous  pouvons  laisser  de  côté  l'histoire  assez  compliquée  du 
groupe  d  +  j  à  l'Ouest,  à  propos  duquel  M.  Goerlich  lui-même 
se  contredit  (voy.  SûdiiK  DiaL^  p.  68  s.,  et  Nordw,  Dia!,, 
49  ss,).  Rappelons  seulement  qu'à  Angoulème  nous  avons 
trouvé  f  +  I  >  et  (ci-dessus,  p,  182),  et  remarquons  ensuite  pour 
d  +  *  que  Sainte  Cathrim  a  régulièrement  0/  [une  seule  fois 
(p}H  :  Uei  :  enei^  écrit  enoi  1453,  voy.  Tendering,  Laut-  und 
FormenL,  §  47],  Quant  à  oleum  (ou  olea),  il  ne  se  rencontre 
dans  Sainte  Catfxrim  que  sous  la  forme  oilc  2631,  qui  se 
retrouve  aussi  dans  les  Sermons  poitevins^  127,  i.  Si,  par 
contre,  notre  mystère  nous  donne  0//,  il  faut  d'abord  observer 

t,  D*2près  M.  Tendering  (voy.  haut-  unâ  Forment.^  %  63),  ce  serait  même 
ont  loi  bicQ  connue,  que  ae  t\  oe  correspondent  également  à  un  f  ouvert. 
Aussi  M  Gocrlichi  Siktw.  DinL,  p.  72,  déclare  que  les  diphtongues  ae  et  oe 
fttfUgeot  en  généra]  le  sort  de  Ve  ouvert  du  latin  populaire,  ce  qui  ne  Tem- 
pécbc  pis  d'enregistrer  poena  sous  e  fermé  devant  une  nasale  simple.  Mais 
^udf  sont  donc  les  cas  où  x  est  traité  comme  e  ouvert?  Pourtant  pas 
foc  DU  m? 


I^S  W.   CXOETTA 

que  ce  mot,  évidemment  influencé  par  le  parler  de  rÉglise,  ne 
présente  nulle  part  un  développement  vraiment  populaire  (voy. 
W,  Meyer-Lùbke,  Grammaire  des  langues  romanes  y  §  St8),  et 
que  des  formations  analogues  se  trouvent  parfaitement  dans  les 
deux  Ttirpin  (coenieterium  >  cimistcri^  voy.  Goerlich, 
Sndw,  Dial.,  p,  12  et  52)  et  dans  Sainte  CaîJjerine  (avangeli  249, 
espa^i  2529;  glori  605,  ï5>8,  1858,  2575,  gloiri  11 84,  vicîori 
498,  éo6,  justicî  18,  2201,  mili  2057,  terci  <  tertia  2650; 
sacrifici  rime  avec  jusud  17,  2200,  avec  vici  1870;  vi^i  avec 
jusiice  579;  mais,  d'autre  pan,  il  est  vrai,  on  trouve  aussi  ; 
sacrifice  :  prise  209,  vi^e  :  sacrifice  1073,  etc.;  cp.  Tenderîng, 
Laut'  und  FornmiL^  §§  16,  3)  et  127)'. 

15)  ô  latin  libre  accentué  n^est  pas  diphthongué  dans  notre 
texte  :  seras  : glorios  :  ws  :  tspos  74-77,  tspas  2j,  i  J  (je  laisse  de 
côté  les  formes  nos,  vos,  quand  elles  sont  pour  ainsi  dire 
atones)*  Ce  fait  est,  jusque  vers  la  fin  du  xrr  siècle,  propre  à 
tout  rOuest,  et  vu  l*antiquîté  de  notre  poème,  il  est  impossible 
d'en  tirer  une  indication  plus  précise  quant  au  lieu  d'origine. 

ré)  ôy  H  lariû  libre  accentué  devant  nasale  est  tantôt  rendu 
par  Uy  tantôt  par  (?  :  dirum  :  comandarum  :  nom  11-14.  En 
syllabe  atone  nous  trouvons  on,  dans  doner^  66,  72. 

Les  indicitions  de  MM,  Goerlich  et  Tendering  sont,  à  ce 
sujet,  en  grande  partie  erronées.  Le  fait  indiscutable  est  qu€ 
Ton  trouve  dans  tout  TOoest  un^  um  à  côté  de  (?«,  om.  Tout^ 
au  plus  pourrait-on  constater  que  plusieurs  textes  se  servent  de 
la  graphie  u  surtout  pour  la  première  personne  du  pluriel,  mais 
cela  n'indiquait  nullement  une  différence  dans  la  prononciation, 
puisque  les  deux  graphies  se  trouvent  partout  côte  à  côte.  En 
outre,  nous  avons  les  rimes  comme  preuves,  non  seulement 
celles  de  notre  mystère,  mais  bien  d  autres,  par  exemple,  dansi 
Sainte  Catherine  :  hom  :  amopi  601,  :  otreium  691,  ;  savom  703, 
891,  ;  creum  725,  759,  ;  doptcrum  1003,  etc.  Je  supprimerai 
donc  dans  le  texte  critique  cette  différence  purement  grapliique 
et  j*écrirai  partout  0, 

17)  i\  H  latin  entravé  devant  consonne  orale  est,  i  la  syllabe 


I.  Uabbé  Rousselot,  /.  f.,  p.  272  s.,  die  comme  formes  de  noms  de 
saints  usitées   à  ADgoulême  :  Ausonium  >   Ausony,  Aptooiura   > 

Aptony, 


LE  MYSTÈRE   DE   l'ÉPOUX 


199 


i 

I 


ccentuée,  rendu  par  un  0  :  tôt  89,  jors  89.  C'était  la  règle  dans 
tout  ]*Ouest,  du  moins  jusque  vers  le  milieu  du  xin"  siècle* 

18)  La  diphthongue  latine  au  dans  une  syllabe  protonique 
devient  ot  lorsqu'elle  se  combine  avec  un  /  :  oui  1 1  ;  sinon  elle 
reste  au  :  claufigtt  22,  cntnpausei  23.  A  Angoulème,  et  même 
dans  la  charte  N  nous  avons  rencontré  m  dans  ce  dernier  cas  (ci- 
dessus,  p.  182),  et  des  formes  commti  pousé,  pouser,  ousocnî^  etc., 
se  trouvent  aussi  dans  les  chartes  saintongeaises  et  dans  les 
deux  Turpin;  Sainte  CatJk'rine  :  outreié  1494,  1530  (Goerlich, 
Siidw.  DiaLy  p.  70  s.;  Tendering,  Imuî-  und  FonmnU^  §  69), 
Cependant  dans  Sainte  Cathrim  nous  trouvons  aussi  quelques 
exemples,  quoique  rares,  de  au\  M.  Tendering,  /.  c,  cite 
auirdera  8  et  auloriiei  24,  qui  est  un  mot  savant,  mais  il  omet 
un  exemple  important  :  amm  32,  i"*  p.  pi.  ind.  prés,  de  otr^ 
jjf  accentué  se  trouve  dans  awia,  3' p.  sg*  prés,  ind.,  Hk,  1333, 
mais,  à  part  cet  exemple,  au  accentué  donne  dans  TOuest  seu^ 
Icment  ou  à  côté  de  ^  '.  Dans  le  Nord-Ouest,  cet  ou  semble  être 
UD  développement  postérieur  (voy.  Goerlich,  Nordw,  DiaL, 
p,  58),  mais  non  pas  dans  le  Sud-Ouest,  où  c'était  une 
diphihongue  faible  accentuée  sur  Vo,  qui  était  ouvert  (voy. 
Goerlich,  SîUw.  Dial.,  p.  71).  ou  y  était  donc  le  son  intermé- 
diaire entre  au  et  0,  et  il  se  pourrait  très  bien  que  ce  son  fût 
exprimé,  ;\  la  syllabe  atone,  par  au  dans  notre  manuscrit,  si  i*on 
ne  veut  pas  admettre  que  l'original  eut  encore  réellement 
conscr\^é  le  son  au*.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  Drame  dé 
r Époux  est  plus  ancien  d*cnviron  un  siècle  que  tous  les  autres 
textes  du  Sud-Ouest  (excepté  la  charte  A). 


P,    LES  CONSONNES 

19)  VI  devant  une  consonne  est  vocalisèe  dans  deus  (=  de 
avec  larticle)  68.  Elle  est  encore  vocalisèe  quand  la  consonne 


1.  Je  ne  tiens  pas  compte  ici  de  graphies  étymologif^ues  et  toutes 
modernes  où  le  son  ç  est  rendu  pnr  au, 

2.  A  CeUefrotUD,  au  atone  venant  de  av  ou  al  -h  cons,  n*est  devenu  ou 
<|ii'au  xtn«  s.;  à  k  tonique,  ce  même  au  s^y  est  conservé  encore  plus  long- 
temps. Quant  i  la  diphtongue  latine  au^  T^bbé  Rousselot  n*a  pas 
(f  exemples  anciens  0,  c,^  p.  25S  s.;  le  nom  de  lieu  Onac  ne  proLivc  rien  pour 
CeUefirouin,  *Agûstu  et  tabône  n'ont  rien  à  voir  là  dedans). 


20O 


W.    CLOETTA 


qui  la  suit  ne  fait  pas  partie  du  même  mot  :  eu  (==  iJ)  fo  21  > 
eu  [fna]  trames  27,  (d)eu  nwnumen  23,  non  (^^  ml)  is>s  72.  Ce 
fait  se  rencontre  dans  tout  TOuest,  même,  à  partir  du  xin'  siècle, 
quand  le  mot  suivant  commence  par  une  voyelle  (cp.  aussi 
ci-dessous,  §  33)*  Remarquons  cependant  que  k  vocalisation  de 
17  dans  les  cas  indiqués  pour  notre  Mystère  se  retrouve  aussi 
dans  les  pièces  provençales  copiées  par  le  même  scribe  *  :  aut  1 2> 
moîtî  II  4%  aut  III 1 1  *,  à  côté  de  tnals  1 6,  il  est  vrai  ;  ensuite  : 
deu  cd  II  10%  i8%  au  so  talent  II  12  %  au  sa  chau;^it  II 14  %  siu 
jauuîî  II  14^,  queufrut  III  6^,  deu  fruit  III  7**,  eu  pot  III  11^,  l 
est  maintenue  dans  notre  texte  dans  le  nom  propre  Gabrieh  27, 
où  on  peut  la  laisser  subsister,  dans  salvaire,  que  j'écrirai  sau^ 
vaire,  et  dans  gentils  70,  que  je  ne  crois  pas  devoir  changer, 
car,  aprèt  j,  17  ne  semble  pas  avoir  été  vocalisée  dans  le  Sud- 
Ouest,  mais  bien  dans  le  Nord-Ouest  (voy.  Goerlich»  Nordw. 
DiaL,  p.  68).  Elle  est  complètement  tombée  dans  ^/wm  18.  A 
côté  de  la  vocalisation,  aussi  la  chute  de  17  devant  consonne  se 
rencontre,  quoique  beaucoup  plus  rarement,  dans  tout  le 
domaine  delà  langue  d*oïl  qui  nous  occupe.  Elle  est  cependant 
particulièrement  rare  i  la  fin  des  mots;  M.  Goerlich,  Nordu;. 
DlaL,  p.  60,  ne  cite  que  quelques  exemples  pour  le  Nord-Ouest 
Çjue  chose  pour  quel  clyose,  en  Berr)',  et  quelques  formes  de 
patois),  et,  Sûdw,  DiaL,  p.  77,  un  seul  pour  le  Sud-Ouest 
(Saintonge)  :  saea  (sigillum),  forme  fréquente,  mais  qui, 
pour  le  développement  des  sons,  diffère  absolument  du  cas  qui 
nous  intéresse.  Comme  nous  rencontrons  Tw  dans  tous  les  autres 
cas,  notamment  dans  {d)ai,  je  lirai  eu  flum, 

20)  Nous  avons  déjà  parlé  de  17  mouillée  à  l'occasion  du  mot  | 
cosel  (voy.  §  13).  Nous  trouvons  de  même  cosekr  73;  à  Tinté- 
rieur  des  mots,  17  mouillée  est  assez  souvent  rendue  par  une  / 
simple  dans  Turpin  I  (voy.  Goerlich,  Sûdw,  DiaL^  p.  78). 

21)  r  devant  s  à  la  fin  du  mot.  La  rime  (voy.  plus  haut, 
p.  177)  ne  prouve  pas  absolument  que  IV  devant  s  ne  se  pro- 
nonçait plus  du  tout  dans  serors  (voy.  Tobler,  Vcrsbau^  2*  éd., 
p,  1 1 1  s,;  Ronmnia  VU,  p.  12e),  mais  une  pareille  rime  se  trou- 


I.  La  même  chose  avait  certaineniem  aussi  lieu  à  Cellefrouin,  à  ptrdr  de 
la  fin  dix  xi«  siècle  ;  voy.  Roussclot,  /.  c.^  p.  ajy  et  passim,  où  cependant  les 
faits  n'ont  fas  été  sufEsamment  précisés. 


LE    WYSTÈRE   DE   l/ÈPOUX  20 T 

veri  certaînement  d'autant  plus  souvent  que  h  prononciation 
de  IV  devant  s  aura  été  moins  distincte  (voy.  Settegast,  Benoit 
de  Sainte-More,  pp.  9  s.  et  34  ;  Cloetta,  Poème  moral  j  p.  88  et  95)  *. 
Je  Gonservxrai  donc  la  graphie  seros  74  comme  elle  se  trouve 
lans  le  manuscrit  et,  d'autre  part,  je  ne  supprimerai  pas  IV  de 
^socors  76,  d'autant  moins  que  l'influence  de  secourir  pouvait  faire 
maintenir  Yr, 

22)  Un  finale  isolée  est  tombée  dans  e  la  22,  m  vos  70  (tw'n 

avret  ou  m  navret  67,  noi  14,  nouji}  ex  dans  Jordu  18.  D*autre. 

part»  nous  trouvons  en  terra  lé,  ett  Betkem  ly^  en  cfcrn  90.  La 

chute  de  Vn  finale  isolée,  suivie  ou  non  d*une  s  de  flexion,  est 

inconnue  à  la  charte  B  d'Angoulême^  tandis  que  A  nous  donne 

do  <  dono  4  (voy.  ci-dessus,  p.  9);  elle  se  rencontre  assez 

^souvent,  après  les  voyelles  1,  0  et  «,  dans  Turpin  Ily  dans  les 

^Coutumes  de  Charroux%    et  surtout    dans    Turpin  I    (voy. 

Gocrlich,  Sûdw.  DiaL,  p.  81).  Elle  est  plus  rare  dans  Sainte 

iCaîlx'rine^  où  elle  ne  se  présente  que  quelquefois  devant  l'j  de 

rflexion  [voy,  Tendering,  Laut-  unJ  Forment,,  §  90;  ajoutez  la 

rime  tte^  :  fens  (=  foenum)   1946,    supprimée   à  tort  par 

M-  Talbert],  et  plus  souvent  dans  quelques  monosyllabes  suivis 

de  mots  commençant  par  une  liquide.  Ainsi  l'un  peut  v  constater 

la  tendance  marquée  de  supprimer  Vn  de  en  dev.mt  m,  fi  et  /  : 

€  tnantesseni  365,  a  côté  de  en  mainte  sen  2035  et  en  mainta  guisa 

40;  e  nulla  guisa  610,  e  ma  compania  1531,  e  lui  créés  1693,  e 

fncntûire  2542;  mais  en  cel  temps  16,  m  crois  58,  en  terre  43,  en 

tant  6),  mci^  129^  en  un  sen  2074,  etc.,  en  général  en.  Nous  y 


:.  Cf.  aussi  Remania  XV,  p,  620. 

a,  Selcm  M.  Sttchier,  Grundris,  L   I,  carte  Vîï,  Vn  finale  aurait  éttS  au 

mo\Tii  âge,  toujours  maintenue  à  Charroux,   même  devant  l'j  de  flexion. 

Cette  assertion  ne  saurait  se  fonder  que  sur  les  Coutumes,  où  cependant  les 

xceptioas  sont  assez  nombreuses.  D'abord  pour  nc/ï,  h  forme  sans  n  finale 

^Iffévaui  décidément:  447,  18;  448,  22  ;  431,  15  ï  452*4;  453,  io\  460,  17  et 

21;  461,  4,  et  parmi  ces  8  cas  de  m^  quatre,  le  premier  et  les  trois  derniers, 

sont  devant  un  mot  commençant  par  une  voyelîe  ;  le  premier,  en  outre,  d  la 

6û  d'une  proposition  subordonnée.  fM?«,  par  contre,  ne  se  trouve  que  trois 

fois,  les  deux  dernières  fois  devant  voyelle  :  448»  21  ;  450,  12  et  16.  A  part 

•w«».  On  ne  trouve  la  chute  de  Vn  finale  que  devant  Vs  de  flexion  :  une  fois 

r459,  ^^  0^  autres  fois  aucuns),  et  quatre  fois  fif^tis  448,  28;  4$6,  18; 

r|62«  2t;  464,  23  (jamais  mguns^  mais  toujours  negun). 


202 


W.    CLOETTA 


trouvons  aussi  les  pronoms  possessifs  to  218,  2551,  et  so 
1 580,  mais  seulement  devant  nom;  h  négation  m  devant  los  joj 
(mais  ttûti  ih)S  pre^  gain  608,  non  volt  pas  609,  non  sai  28,  non 
fust  31,  et  même  non  nuzvlés  2523,  etc.,  etc.),  et  co  pour  corn 
devant  l'article  le  459,  604,  I2j  i,  1947.  Je  laisse  donc  subsister 
e  la,  et  je  ne  supprimerai  pas  davantage  la  forme  m>,  que  Ton 
trouvée  aussi  indépendamment  de  Tinitiale  du  mot  suivant,  par 
exemple  dans  les  Coutumes  de  Charroux.  Dès  lors  je  ne  vois 
aucune  difficulté  non  plus  d'admettre  non  avret  ou  no  $t^avrei^ 
pour  nen  (cp.  Sainte  Cat})crine  794  :  el  no^n  a  soin;  1066  i 
nulla  paor  non  n*aveit;  1412:  Non  ni  avtit  un  ;  n  <i\nàc  aussi 
V.  1340  r  Que  ses  dmvallers  na  somos^  etc.);  noi  (monosyllabe, 
d*après  la  notation  musicale  et  d'après  Sainte  Catherine  678  :  M 
noi  entent  point  de  raison)  pour  ni;  nou  pour  ncl  (voy*  Nou  clmn- 
geront  por  [texte  :  point^  nul  avoir ^  Païen  Gastinel,  Vie  de  saint 
Martin  de  Tours,  pp.  Bourassé,  p.  23^  S>  ^  ^til  fmne nou âetssont^ 
v.  46  du  passage  de  la  2*  partie  de  ce  même  pocme  p.  p.  Werner 
Soderlijelm  dans  les  Comtmntatianes  variae  in  memoriam  aetorum 
CCL  annorum  de  TUniversité  de  Helsingfors»  1891;  Sainte 
Cathrine  a  noi  \nol  comandot  87,  noi pos  132,  etc.]»  nolsy  à  côté  de 
nel^  nels^  nes^  voy.  Tendering,  Laut-  und  FortnenLy  §  138), 

La  question  est  bien  plus  difficile  pour  Jordn.  Va  latin  libre 
tonique,  non  influencé  par  une  palatale  et  devant  n,  était  dans 
le  Nord-Ouest  une  diphthongue  nasale  encore  au  xii''  siècle 
(voy.  Goerlich,  Nordiu.  DiaL,  p.  17  s.);  dans  les  chartes  du 
Poitou  (excepté  Charroux),  nous  trouvons  ain  et  fiw,  les  chartes 
de  TAonis  et  de  la  Saintonge  ne  connaissent  que  ain;  dans  une 
charte  de  Cognac  et  dans  les  Coutumes  de  Charroux  nous  trou- 
vons ain  à  côté  de  an,  tandis  que  les  chartes  de  Jarnac  et  d'An- 
goulême  ne  nous  donnent  que  an.  Quant  aux  textes  littéraires, 
ain  prévaut  même  dans  les  deux  Turpin^  où  cependant  an  est 
déjà  beaucoup  moins  rare  que  dans  les  Sermons  poitevins;  par 
contre,  dans  Sainte  Catherine,  nous  ne  trouvons  que  deux  fois  k 
diphthongue  [^peina  :  setmaina  2649,  Jmntana  :  pana  (^=  peitm) 
903;  le  mol  plantain  2559,  que  M.  Tendering  cite  encore, 
n'existe  pas;  c'est  planta  (^plenté)  t^;i],  tandis  que  dans  tous  les 
autres  cas  nous  y  trouvons  an  (cp.  ci-dessus,  p.  182;  Goerlich, 
Sildw,  DiaL^  p,  22  s.;  Tendering,  Laut-  und  FormenL,  §  6,  et 
Das  poilan  KatharimnL^  p.  11  s,,  22,  23).  Mais  la  chute  de  Vn 
finale  après  a  ne  se  rencontre  dans  aucun  texte  de  l'Ouest,  de 


LE   MYSTfeRE   DE   l'ÉPOUX  20  J 

sone  qu'il  nous  faudrait  tout  au  moins  Vire  Jordan^  en  admettant 
que  le  copiste  ait  oublié  la  barre  sur  Va.  Je  n'ose  tout  de  mi^me 
rien  changer^  d*abord  parce  qu'il  s'agit  ici  d'un  nom  propre 
étranger  et  emprunté  à  TÉgUse,  ensuite  parce  que  notre  mys- 
tère diffère  encore  dans  plusieurs  cas  de  tous  les  autres  textes  de 
l'Ouest,  en  se  rapprochant  davantage  du  provençal. 

Remarquons  encore  qu'aussi  les  poèmes  provençaux  transcrits 
par  la  même  main  ne  conservent  généralement  pas  Vn  isolée 
(ou  séparable)  '  :  /'e'  /  i  ;  lai  <C  s  o n u  s  /  2,  5(J  <;  so  n  u  //  2  % 
h  II  ^^^i  sa  <i  suum  //  12%  14%  mais  tmn  II  19*;  do 
<dono  //  i6S  <donet  ///  i2^ ;io  III  r^;  mais  non  II 4^, 
&•  (de\^ant  x,  p),  à  côté  de  tw  III  2%  7*/,%  8**,  9^  (devant 
«,  /,  m,/,  c);  un  devant  voyelle  ///  3**;  en  II  19'',  III  3% 
4^>  S  %  9**  (devant  voyelle,  v,  /,  /),  à  côté  de  e  la  III  10^. 

23)  n  finale  après  r  :  efern  90.  Dans  le  Sud-Ouest,  comme  en 
Normandie,  Vn  finale  après  r  s*est  maintenue  assez  longtemps 
(voy*  Goerlich,  Stidiv,  DiaL,  p.  81,  et  Nardw.  DiaL,  p.  88, 
n"  4),  et  elle  est  aussi  le  plus  souvent  écrite  dans  Sainte  Cathe- 
fine.  Mais  si  les  rimes  de  ce  dernier  poème  nous  montrent  que 
r«  de  jorn  ne  se  prononçait  plus  (voy.  Tendering,  Lauh  und 
Formrtîl.^^^'^,  Das poitev,  KatharinenL,  p.  13),  il  n'est  pas  néces- 
saire que  ce  fait  remonte  à  notre  mystère,  plus  ancien  d*environ 
un  siècle.  11  n*est  donc  nullement  besoin  d'y  voir  une  influence 
provençale.  D'autre  part,  jor^  déjà  dans  Saint  Etienne  5* 

24)  Vn  à  Tîntérieur  du  mot  est  tombée  dans  cosel  jl^  coseler 
75;  efrrn  90,  awent  70;  loiarnm  yr.  Q.uant  à  la  chute  de  Vn 
devant!,  elle  est  fréquente  d;M\s Sainte  Catl)erim,  voy.  Tendering, 
Laut'  und  Fonnenkhre^  §  90  ;  dans  à^s  mots  comme  efern,  efant^ 
elle  n'est  pas  inconnue  à  TOuest  (cp.  Goerlich,  Nordw.  DiaL 
62);  mais  on  la  rencontre  surtout  dans  des  combinaisons  avec 
des  sons  gutturaux  ou  palataux  :  seigour,  juige  (=  juin),  juig, 
poig,  loig,  tcsmoig^  oig,  tuaicre^  renoicicrenî^  renoice  dans  des  textes 
du  Nord-Ouest  (voy.  Goerlich,  Nordw.  DiaLy  p.  61  s.);  ^^5- 
moig^  loigy  poig  engieg^  jug  (=  juin),  coig  dans  des  textes  du 
Sud-Ouest  (voy.    Goerlich,   Siidw,   DiaL,  p.   82);  cp,  aussi 


I,  A.  Cdlefrouia,  cette  n  était  tombée  après  toutes  les  voyelles  déjà  au 
Xi«  siècle;  voy.  Rousselot,  !.  c,  p.  220  et  222  s.,  où  Ton  trouvera  aussi  des 
remarques  concernant  l'^^volution  du  son  en  question  dans  les  environs  de 
Ccllcfrouin  et  dans  le  Sud-Ouest  français. 


204  ^^''    CXOETTA 

doigic  464,  à  côté  de  dmngic^  471,  dans  V Alexis  octosyllabique, 
Rom,  VIIl;  comecet,  Sainte  Catkrim  376,  D'autre  part,  on 
trouve  aussi  dans  les  dialectes  de  TOuest  Tintercalation  d'un  n 
devant  des  sons  gutturaux  ou  palataux  :  cngau^  netigun^  lairmcin 
(voy,  Goerlich,  Sûdw.  DiaL,  p*  80)  ,  arangcssânt  (=  arra- 
chassent), 5am/^  Catherine  22\'j,arancherenî  2263.  Nous  laisse- 
rons donc  aussi  subsister  loianun,  ou  plutôt  Jojamai,  cp.  hnja- 
ffient y  Sainte  Catherine  1897,  et  remarquez  ^unovii  agelQ=  angeï) 
dans  les  poèmes  provençaux///  3^. 

25)  Le  groupe  tr  devient  ir  :  salvatre  13,  areir  74*  De  pareilles 
formes  se  rencontrent  plusieurs  fois  dans  Sainte  Cailyerine  (cp, 
Tendering,  iMut-  und  FormcnL^  §§  20  et  97,  Das poiiev.  Kathari- 
itenL,  p.  13  s.,  où  i!  n'est  pas  tenu  compte  de  dr  :veirei  1151, 
vàrént  :  creirint  2036,  oiranî  264,  etc.),  et  elles  sont  plus  fré- 
quentes dans  les  chartes  du  Sud-Ouest  (où  Ton  trouve  très  sou- 
vent veironî  et  oirotit}  que  ne  le  ferait  supposer  M*  Goerlich, 
Sûdiu,  DiaL,  p.  10  s.,  19  s.^  49  s.  et  84  ss.  ;  nous  en  avons 
aussi  rencontré  à  Angoulème  (ci-dessus,  p.  183)  *.  Enfin  ce  déve- 
loppement provençal  est  assez  fréquent  dans  les  Sermons  poitevins^ 
et  il  prévaut  dans  les  deux  Turpin;  mais  Turpin  //ne  le  connaît 
pour  -atr-  que  sous  la  forme  évidemment  postérieure  eir^  qui 
prévaut  aussi  dans  Turpin  L 

26)  Ccst  pour  le  traitement  du  /  final  que  notre  mystère  se 
distingue  le  plus  complètement  des  autres  textes  de  TOuest*  En 
effet,  il  s*accorde  sur  ce  point  absolument  avec  le  provençal,  et 
c'est  bit:n  de  la  langue  de  Tauteur  même  qu'il  s'agit,  puisque 
nous  avons  la  rime  comme  preuve  :  L  Le  /  final  latin  tombe  : 
venra  28,  7é;/(?  17,  21;  dii  <  dicit  {:  aici)  25;  es  2^;fasen  y 
p.  pi.  76;  pour  vcnit  16,  cp.  les  parfaits  en  -it  en  provençal  et 
voy.  ci-dessous,  §  3  5  ;  dans  so  89  même  le  groupe  nt  est  supprimé. 
Par  contre,  nous  avons  une  exception  :  auTtît  <  convenir  70, 
qu'il  fiot  évidemment  corriger  en  awen.  —  IL  Le  /  devenu  final 
en  français  :  a)  tombe  après  n  :  presett  12,  monutncn  23,  leja- 
men  71;  on  peut  joindre  à  ces  exemples  vurchamts  68,  régime 
pluriel  qui  indique  un  rég.  sg,  merchaan  (voy.  au  §  suivant);  b) 
reste  dans  dans  tous  les  autres  cas  :  dormit  j^^  pot  73,  tost  76; 


î.  Voyez  aussi  une  cbarte  de  Bourg-Charente  de  Tannée  1250,  Rousselot. 
Le,  p.  2J7,  no  2. 


LE   MYSTÈRE  DE    l'ÈPOUX  205 

le  groupe  net  devient  nt  :  pont  6j  (sur  ce  mot  cp.  ci-dessus, 

s  30). 

Les  autres  textes  de  la  partie  de  l'Ouest  qui  nous  intéresse 
montrent  un  traitement  tout  différent  du  /  final.  Il  est  vrai  que 
le  copiste  de  Saint  Etienne  y  qui  semble  avoir  parlé  le  même 
dialecte  que  Tauteur  et  qui  est  bien  encore  du  xii*  siècle, 
néglige  le  /  final  latin,  mais  il  néglige  aussi  le  /  devenu  final  en 
français,  et  Tautcur  le  négligeait  de  même,  du  moins  quand  le  / 
se  trouvait  entre  deux  voyelles  en  latin. 

Dans  les  textes  occidentaux  *  du  xiii'  siècle  nous  voyons  l'an- 
cienne tradition  des  écrivains  normands  se  maintenir  dans  la 
graphie  et  à  la  rime,  quoique  aussi  le  /  final  appuyé  par  une 
consonne  ait  été  en  train  de  s'effacer  complètement.  Aussi 
dans  Turpin  I  les  graphies  sans  /  sont  très  rares  et,  même  dans 
Sainte  Catixrine,  elles  disparaissent  devant  le  grand  nombre 
d'exemples  qui  nous  montrent  la  fidélité  à  l'ancienne  tradition 
normande  (c'est  encore  es  que  l'on  rencontre  relativement  le 
plus  souvent  à  côté  de  esty  qui  prévaut  de  beaucoup  partout  : 
esy  Sainte  Catherine  187,  188,  624,  666,  882,  2157,  2158;  une 
seule  fois  dans  Turpin  I  et  deux  fois  dans  les  Sermons).  Les 
textes  du  Sud-Ouest  vont  même  jusqu'à  maintenir  assez  sou- 
vent le  /  de  eret  (imparf.  de  estre),  de  la  3*  pers.  sg.  de  l'indi- 
catif présent  de  la  première  conjugaison  et  du  subjonctif  présent 
des  autres  conjugaisons,  quoiqu'il  ait  cessé  depuis  longtemps 
d'être  prononcé  :  apelety  donet,  etc.;  facet,  diel,  oiet ,  etc.,  et 
jamais,  ou  presque  jamais,  Vé  (a)  de  ces  formes  ne  s'élide  dans 
les  vers  de  Sainte  Catherine  (voy.  Tendering,  Das  poitev. 
KatharinenLy  p.  13  et  26  s.,  qi  Sainte  Cathrinc,  v.  565  :  Soque 
de  Deu  ère  apris;  v.  601,  etc.);  mais,  d'autre  part,  la  rime  n'en 
admet  pas  le  /  (ère  :  1ère  38,  ;  père  159,  237,  etc.).  Les  rimes 
de  Sainte  Catherine  conservent  pour  le  t  final  les  mêmes  condi- 
tions que  les  poètes  normands  du  xii'  siècle.  Le  /  appuyé  n'est 
négligé  que  deux  fois  :  crei  <  crédit  :  dei  <  debeo  49  et  tei 

<  te  ;  iw*  <  vïdit  667;  les  rimes  repentis  (=  repentist)  :  di:( 

<  dictos  183,  destrei:^^  :  pest  (subj.  prés.)  797,  sont  suscep- 
tibles d'une  autre  explication,  ou  pourraient  aussi  être  des  rimes 
imparfaites,  comme  mûrit  (parf.)  ;  seveli:;^  (p.  p.)  <)S$yIaidament  : 


I.  Pour  Angouléme  et  la  charte  AT,  voy.  ci-dessus,  p.  183  s. 


2o6  \\\  cloetta 

poineni  2054,  parut  (parf)  ;  saupt4i  (p.  p.)  2278,  si  Ys  (^ 
finale  ne  tendait  pas  déjà  h,  disparaître  aussi  bien  que  le  /, 
appuyé  ou  non,  qu'il  eût  été  fiaal  déji\  en  latin  ou  qu'il  ne  le 
fût  devenu  qu'en  français  (voy.  ci-dessous,  §  27).  Quoi  qu'il  en 
soit^  à  part  ces  deux  ou  quatre  rimes,  l'ancien  état  normand 
est  rigoureusement  observé  par  le  poète,  et  les  rimes  qui  en 
font  foi  sont  excessivement  nombreuses  et  seraient,  pour  la 
plupart,  impossibles  en  provençal  :  Dé  :  celé6î  ,  :  mutuù'j^^y  : 
tnostré  841,  :  escouté  869,  ;  torbé  929,  :  gré  441,  :  poesté  743, 
861,  977,  :  verte  815,  983,  :  humanité  909;  îé  (pron,  pers. 
fém,)  :  mandé  195,  :  clamé  ^4^  ^  :  lé  <i  la  tu  1499;  mes  :  secret 
371;  /w  •*  Jhesu  637,  819,  835,  :  vertu  967»  ;  rtspondu  1663, 
1940,  2464,  ;  creu  1679,  ;  batu  1776;  marci  :  di  (i'*  pers*  sg, 
près,  ind.)  1097,  ^*  ^*^^''  (P»  pO  I02r,  ;  oï  (p.  p.)  2656;  tu  : 
veû  159s  ;  emmi  :  mari  (subst.)  is6r,  ;  cri  (subst.)  1633  ;  ami  : 
converti  (p*  p*)  1710;  ici  (iqui)  :  conmrti  (p.  p.)  looi,  ;  esba- 
loi  (p.  p.)  1331,  :  safcli  {p.  p.)  2312,  ;  sufri  (p*  p*)  2622;  dit 
(p,  p.)  ;  vit  (parf.)  393,  1645,  2570,  ;  vctiguit  (parf.)  1756,  ;  oït 
(parf.)  2570;  (///  (prés.):  oït  (parf.)  639,  1437,  :  vit  (parf.) 
1894;  cslit  (p.  p.)  ;  vint  321;  dcstruiî  (prés.)  :  luit  351,  779; 
fuit  (prés.)  :  trestuit  1029,  :  destruit  (p*  p.)  2160;  cort  (subst,): 
tort  (subj.  de  torner)  1109;  forfait  (p.  p.)  :  ait  11 29;  cret 
(creit)  :  dreit  999,  :  destrcit  (p.  p,)  1766;  csieit  :  drcit  2342; 
trait  (p.  p,)  :  fait  (près*)  2428,  :  ait  2434,  etc.,  etc.  Il  est 
même  curieux  de  constater  que  les  parfaits  en  -//  conservent  tou- 
jours leur  /  (Tendering,  Dos  poitev,  KaiharintnL,  p.  26)  et  qu'ils 
ne  riment  jamais  avec  i  (y  compris  les  participes  en  /  de  îtu). 

Nous  avons  donc  des  preuves  nombreuses  et  indiscutables 
d'un  traitement  absolument  différent  du  /  final  dans  le  Mystère 
de  VÉpoux  d'une  part,  et  dans  les  autres  textes  de  TOuest 
d*autre  part. 

Remarquons  encore  que  les  poésies  provençales  écrites  par  le 
même  copiste  s'accordent  absolument  avec  notre  mystère  ;  nous 
y  voyons  deux  fois  le  /  écrit  \  tort  :  talent  II  n'  (mais  à  la  rime 
avec  entcn  :  piamcn;  cp.  aussi  //  19  la  rime  :  talan  :  avan  : 
jan,  etc.),  rcceubt  III 10'  (mais  sab,  y  pers.  sg.,  rime  avec  gab: 
chah  II  4,  etc.),  et  une  fois  il  manque  :  apor^  i*  pers.  sg,, 
//  10**  (mais  mort  :  tort  III  10*''),  en  contradicrion  avec  Tusagc 
suivi  partout  ailleurs  dans  ces  poèmes. 

J'ai  longtemps  hésité  à  propos  de  la  forme  5<?  <  sunt  de 


LE  MYSTÈRE  DE    L*ÉPOUX  2O7 

notre  mystère,  maïs»  en  définitive,  la  comparaison  avec  les  mots 
en-fftQ)  et  -anQ)  cités  au  commencement  de  ce  paragraphe,  et 
surtout  avec  rinr»(/),  m'a  décidé  à  le  considérer  comme  intro- 
duit par  le  copiste  ou  comme  dû  à  une  simple  faute  d'écriture, 
et  à  le  remplacer  par  son.  Par  cette  dernière  forme  encore,  notre 
texte  se  rapprocherait  sensiblement  plus  du  provençal  que  tous 
les  autres  textes  du  Sud*Ouest,  En  effet,  ceux-ci  ne  connaissent 
presque  que  sonî  ou  sunt;  même  dans  Sainte  Caîberhh\  son  ne 
se  trouve  qu'une  seule  fois,  et  seulement  trois  fois  dans  le  long 
texte  de  Turpin  I;  nulle  part  dans  Touest  de  la  langue  d'oïl  on 
ne  rencontre  so  (voy.  Teudering,  Laut-  und  FormmLy  §  159, 
Goerlich,  Siidw.  DiaL,  p.  84  et  135). 

27)  Le  ^  final  du  français  central  est  rendu  par  un  simple  /  : 
I**  à  la  deuxième  personne  du  pluriel  présent  de  Tindicatif  : 
aundit  15»  nutni  66,  72,  vat  68;  2**  à  la  même  personne  du 
présent  du  subjonctif  (=  impératif)  :  oid  1 1  ;  5°  de  l'impératif: 
akndti  13,  28,  dûnmi  14,  qncrct  73,  aki  67,  74,  88  (deux  fois); 
4**  à  la  même  personne  du  futur  :  avret  67,  sercî  90;  j*'  au  cas 
sujet  singulier  des  participes  passés  :  net  17,  lavet  18,  luteet 
(1.  bakUt)  t8,  battit  21,  (22),  ^alfÇ!)et  21,  laidenjet  21,  claufiget 
22,  pauset  23  ;  é**  au  cas  régime  du  pluriel  :  pfcheî  16,  lot  89. 

7**  Ce  même  signe  /  représente  aussi  un  c  latin  devenu  final 
après  la  chute  d'un  ^  dans  crot  22. 

n  n'y  a  pas  une  seule  exception  dans  notre  texte,  si  ce  n'est 
ai(J)ix  12,  que  d'autres  lisent  cependant  aisat  ou  môme  aiset 
et  que  nous  remplacerons  sans  hésiter  par  aiet.  merchaans  68 
n*cst  pas  une  exception;  c'est,  comme  je  l'ai  dit  au  paragraphe 
précédent,  un  cas  régime  du  pluriel  refait  sur  le  régime  sg. 
mtrchaan  (cp.  h  provençal).  Nous  parlerons  de  jars  89,  en  même 
temps  que  de  detis  68,  au  §  suivant. 

Aussi  dans  les  poésies  provençales  écrites  par  le  même 
copiste  nous  trouvons  /  pour  is  à  la  fin  des  mots  :  1°  dans  la 
deuxième  personne  du  singulier  de  l'indicatif  présent  dit  II 
16**,  17*";  2"*  dans  les  deuxièmes  personnes  du  pluriel  du  subjonc- 
tif présent  (:=  impératif)  sahjai  II  6%  dijat  II  19''  ;  3°  dans  les 
leuxièmes  personnes  du  pluriel  de  l'impératif  latsat  II  2**, 
Upraukî  il  2*;  4*'  au  cas  sujet  du  singulier  aut  <;  al  tus  /  2, 
garit  III  4^. 

On  y  rencontre  aussi  les  cas  régimes  tert  <  tertiu  ///  10^ 
et,  absolument  comme   dans  notre  mystère,   crot  ■<  crucc 


208  W.    CLOETTA 

m  10**,  et  même  aut  III  iv  pour  au^  (=  la  préposition  ad 
avec  Tarticle  il  les;  ta  même  forme  aut  se  retrouve  dans 
Fancienne  version  provençale  ties  chapitres  XIII-XVII  de 
VÉviingik  saint  Jean  écrite  au  commencement  du  douzième 
siècle,  chap.  XIII»  vers.  33,  à  côté  de  <m^  XIII  29,  XVII  6, 
rf^w-  XIII  28  et  dms  XIIl  5,  aqucui  XVIl  20  et  ^w^XIE  12,  XV 
22,  XVI  17,  19,  3t,  XVII  2,  8,  9,  etc.). 

A  côté»  nous  trouvons  une  fois  s  pour /^  :  tos  temps  U  8^. 

Remarquons  d*abord  que  cette  graphie  t  <  ts  final  se  rea-^ 
contre  aussi  bien  dans  certains  textes  français  que  dans  des 
textes  provençaux.  Ainsi  dans  le  manuscrit  harléien  de  la 
Chronique  de  Benoit  :  doltt  I  122,  aparilliet  II  361,  sachiet  9404  i 
côté  de  avei  dans  le  même  vers  et  d'innombrables  autres  formes 
en  -Cl  (cp.  Settegast,  Bfnoit  de  Sainte—Mort ,  p.  47);  dans  des 
textes  anglo-normands  (voy.  Suchier,  Uehcr  die  Matthaeus  Paris 
:^njeshriekm  Pic  de  scint  Auban ,  p.  48  s.),  dans  VÈpltre  farde 
de  saint  Etienne  (voy.  Koschwitz,  Commentar  ^«  den  àltesien 
franips.  SpracMenhn,,  p.  212  s.),  une  fois,  due  sans  doute  au 
copiste,  dans  la  Vie  saint  Akxi  octosyllabique,  ai^t  592  (voy* 
G.  Paris,  ifn/w.,  VIII,  p.  168),  et  dans  nombre  d'anciens  textes 
provençaux  (voy.  Settegast,  L  cr^  Chabaneau,  Romania^  VÎII» 
p.  îiis.,  113;  Mahiî,  Grummatik  und  IVôrterbuch  der  altpnwen- 
lalisclKu  Sprach,  L  Abtheilung,  Kôtben,  1885,  p.  314,  et  sur- 
tout Diez,  Jahrhucb  f,  rom.  u.  engh  Lit.^  I,  p.  364  s.  ';  Paul 
Meyer,  Daurel  et  Béton,  p.  lvi  ss.,  lxv,  lxxviii;  Frederick 
Armitage,  Sennotis  du  XI I^  sikk  en  vieux  praifençal,  Heilbronn, 
1S84,  p,  xxvi  ss.  et  lui), 

M.  Paul  Meyer  a  déji  fait  remarquer  qu'au  Midi  le  phéno- 
mène en  question  n'est  nullement  borné  à  des  textes  limousins* 
Ainsi  nous  trouvons  /  pour  ts  dans  le  descort  :  Eu  aor  Damridtu, 
h  pair  omnipotent  de  la  B.  N.  suppl.  lat,  1743  (p.  p.  P.  Meyer, 
Ane,  poàics  reJig,  en  langue  d'oc),  dans  la  partie  A,  écrite  dans 


1*  Dans  iîo^,  les  exemples  sont  plus  fréquenis  que  ne  le  dir  Dicz.  Voici 
ceux  que  je  trouve  parmi  mes  notes  prises  autrefois  dans  un  cours  de 
M.  A.  Tobler  :  17  mort.,,  /o/ pour  w^r^....  /o;  ;  95,  178  ei  244  vîU  pour 
Vîii,  a«  pers.  pi.;  141  ht  pour  toi  (ce  qui,  du  reste,  se  trouverait  dms  le  ms., 
d  après  P.  Mcycr,  Rtcuâî  :^  on  sait  que  le  /  et  le  i  du  second  copiste  se 
ressemblent  beaucoup);  183  tct  diai  pour  /o^  dias^  199  /i  drap  que  la  domn'a 
vestit  pour  tvi//^.  "^"^  ^  ^ 


LE   MYSTÈRE   DE  l'ÉPOUX  209 

la  première  moitié  du  xii*  siècle,  des  Sermons  provençaux  contenus 
dans  le  ms.  lat.  3548  B  de  la  B.  N.  exécuté  à  Saint-Martial  de 
Limoges,  dans  le  Débat  de  la  Vierge  et  de  la  Croix  du  ms.  Didot 
contenant  Daurel  et  Béton  (p.  p.  Paul  Meyer,  Daurel  et  Béton, 
p.  Lxxiii  ss.)  et,  d'après  M.  Armitage,  dans  la  traduction  proven- 
çale de  la  Régie  de  saint  Benoit  du  ms.  2428  de  la  B.  N.  Si  ces 
textes,  quoique  une  influence  du  scribe  limousin  soit  au  moins 
vraisemblable  pour  les  Sermons,  ne  sont  certainement  pas 
limousins,  il  n'en  est  pas  moins  sûr  que  le  phénomène  en  ques- 
tion se  rencontre  surtout  dans  des  textes  limousins  et  périgour- 
dins.  J'ai  déjà  cité  Boece,  Saint  Jean,  où  t  pour  ts  se  trouve  très 
souvent,  les  poésies  religieuses  /,  II,  III,  et  j'ajouterai  ici  les 
Préceptes  religieux  étrits  vers  la  fin  du  xni®  siècle  et  contenus  dans 
le  même  ms.  que  les  Sermons,  la  Prière  à  N.  D.  des  Sept  Dou- 
leurs de  la  fin  du  xiv*  siècle,  contenue  dans  un  ms.  du  xv*'  et 
p.  p.  Paul  Meyer,  Ramania,  I,  409  ss.  (crot  pour  crot:(,  etc.,  y  est 
fréquent),  les  chartes  des  environs  de  Limoges  des  années 
1200  ss.  '  et  le  Cartulaire  de  Cellefrouin  (fin  du  xi*'  siècle)  *. 

Quant  à  des  textes  périgourdins,  je  citerai  le  ms.  P  (B.  N.  fr. 
2180)  de  Girart  deRossillon,  où  t  pour  /:(  n'est  pas  rare  :  diret 
57,  entendat  97,  remasut  11 17,  requeret  1868,  volet  2412,  sot 
(=  sot:^  l^'i'iy  etc.  D'autre  part,  il  écrit  t^  pour  /  :  arti  2554, 
grat:^  5185,  serrât:;^  5187,  mesclati  5188,  passat:(^  5 191,  pour 
art,  etc.  Il  en  résulte  que  ce  ms.  n'avait  nullement  besoin,  pour 
changer  les  anciennes  assonances  en  rimes,  de  séparer  f  de  /;^; 
il  laisse  rimer  les  deux  désinences,  tandis  que  les  autres  textes 
s'efforcent,  souvent  en  n'y  réussissant  que  bien  imparfaitement, 
de  changer  les  vers  de  façon  à  n'avoir  à  la  rime  qu'une  seule  de 


1 .  Documents  historiques  bas-latins ,  provençaux  et  français  concernant  princi- 
palement la  Marche  et  le  Litnousiny  p.  p.  MM.  Alfred  Leroux,  Emile  Molinier 
et  Antoine  Thomas,  t.  I  (1883),  p.  149  ss.  ;  par  exemple  :  niort  pour  tncrt^^ 
charte  XXXI  de  la  fin  du  xii^  s.,  p,  i$o,  1.  s  ;  fait  pour  fait^,  ib.y  ch. 
XXXII,  même  date,  1.  S;fossat  pour  fossat^  XXXlll  (même  date)  7;  aquest 
autreament  fo  fait,  th.,  ig;  faith  pour  fait^  XLI  (12 18),  30;  dans  la 
charte  LUI  (1246),  1.  s,  on  trouve /w^  <  fuit  (graphie  inverse),  etc. 

2.  fai^  pour  fait,  f<>  8  r©,  L  28  (p.  p.  Tabbé  Rousselot,  /.  c,  p.  354);  tôt 
pour  to^,  fô  8  ro,  L  33  ;  je  ne  compte  pas  le  régime  pluriel  preho:;^t ,  fo  9  ro 
1.  2,  car  le  prétendu  /  final  n'est,  sans  doute,  en  réalité  pas  autre  chose  que 
le  sigle  de  la  conjonction  et. 

R-mmnU,  X2UI  I4 


2tO 


M\    CLOETTA 


ces  désinences  dans  une  même  tirade  (corap.  par  exemple  les 
vers  2427  ss,  et  2450  ss»  de  P  avec  les  tirades  181  et  183  dans 
O  et  L,  les  variantes  du  vers  121  dans  le  Recueil  de  P.  Meyer 
=  tirade  197,  etc.).  Le  même  phénomène  linguistique,  je  le  ren- 
contre dans  un  Cantique  périgourdin  en  ffionfunr  de  saint  Jean 
Baptiste  (^Reirue  des  langues  romanes,  XXVI,  160),  dont  l'original 
remonterait  au  xrv*  siècle,  d'après  M.  Chabaneau,  et  où  ce 
dernier  a  eu  tort  de  changer  la  rime  des  vers  3  s,  :  placet  > 
plat  :  annuntîatus  >  amionciat  en  plat^:  anonctat;^;  cp.  les 
rimes  des  vers  39  s*,  41  s.,  53  s.,  etc. 

Enfin  Daurel  et  Beton^  où  /i  >  /  est  très  fréquent,  a  tout  au 
moins  subi  une  forte  influence  de  la  langue  du  Sud*Ouesi 
parlée  sur  les  confins  de  !a  langue  d'oïl  [cp.  P.  Meyer,  Daurel 
et  Béton ^  p.  XLVii,  et  Konrad  MûUer,  Die  Âssomtnien  im  Girari 
von  Rossillon  {Fransdsische  Studien  IIF),  p.  65  ss.J. 

Les  textes  les  plus  conséquents  par  rapport  à  /i  final  >  /  sont 
VÉpUrc  de  saint  Etienne ,  les  poésies  provençales  /,  //et  /// 
et  notre  mystère;  en  effet,  la  véritable  patrie  de  cette  évolution 
phonétique  semble  avoir  été,  dans  le  Nord,  la  Touraine,  d'où 
elle  pouvait  entrer  dans  TaDglo-normand,  et,  dans  le  Midi,  les 
confins  est  de  l'Angoumois  et  le  Haut--Limousin. 

Chiant  aux  autres  textes  de  la  partie  de  TOuest  qui  nous 
intéresse,  la  graphie  /  ne  se  rencontre  pas  au  sud  de  la  Tou- 
raine, car  je  ne  crois  pas  que  l'on  puisse  assigner  au  copiste  de 
Y  Alexis  octosyllabique  une  origine  plus  méridionale,  ci  les 
textes  du  Sud-Ouest  ne  connaissent  pas  cette  graphie.  Il  est 
vrai  que  Ton  y  trouve  quelquefois  t  pour  /j,  mais  alors  il  s'agi^ 
de  simples  substitutions  du  cas  régime  au  cas  sujet ,  comme' 
grant  i  suj.  sg..  Sainte  Cathrim  424,  Ce  qui  est  déjà  plus 
remarquable,  c'est  quand  on  trouve  ^raw/  comme  cas  régime  du 
pluriel  :  agrantfnervilles,  ib.  431,  ou  les  cas  régimes  du  pluriel  ; 
iqt4et,  ib.  IJ26,  et  iquest  JS^  425,  667,  1135,  (i)cest  jé,  1888, 
2484.  Nous  trouvons  même  des  rimes  dans  Sainte  Catherin 
qui  s'expliqueraient  aisément  par  t  <i  ts  :  mûrit  (parf.)  ;  snrli:^ 
98  j,  laidament  :  poinen^  2054,  partit  (parf.)  ;  saupu^  2278.  De 
même  on  pourrait  expliquer  repentis  (=  repeniist)  :  di^  <  d  ictos 
183,  destreix^  :  pest  797,  par  repenti{s)t  :  dit  [cp.  des  rimes 
comme  nuirit  (3*^  p.  sg.  parL)  :  aguit  (3*  p.  sg.  imp-  subj.) 
1724,  etc.;  les  parf.  en  -1/  conservent  toujours  le  t,  voy.  ci- 
dessus,  p.  2oé],  destreit  :  /v/(j)/,  car  s  devant  consonne,  notam- 


LE   MYSTÈRE  DE   L*ÙPOUX  21 1 

aent  /,  ne  se  prononçait  plus,  comme  d*ailleurs  déjà  dans  la 
mguc  du  copiste  de  VÉpître  de  saint  Éîicmu  (voy.  Tenderiiig, 
fÏMut'  und  Formenl.^  §   loj,  Das  poiteu.  KalbarincnL^  p,   26; 
Koschwîtz,  Commtntar^  p.  213).  Mais  tout  cela  me  semble  plu- 
tôt être  du  à  une  prononciation  très  faible  ou  i  la  disparition 
rcomplète  de  Vs  {^  et  du  /  à  la  fin  des  mots  dans  Sainte  Cathe- 
rine (cp.  aussi,  entre  autres,  la  rime  tos  temps  :  Afwn  2662),  et, 
ce  qui  me  semble  décisif,  jamais  on  ne  rencontre,   dans*  ce 
poème  et  dans  les  textes  du  Sud-Ouest  analysés  par  Goerlicli, 
des  deuxièmes   personnes  du  pluriel   en   -/.   Notre  texte   se 
distingue  donc  aussi  par  là  des  autres  textes  du  Sud-Ouest,  et 
comme  il  est  impossible  de  l'attribuer  à  la  Touraine,  il  faudra 
ipposer  qu*il  est  d'une  région  encore  plus  voisine  du  proven- 
'îçal  que  ne  le  sont  même  Turpin  I  et  Sainte  Cathrine. 

n  nous  reste  encore  à  dire  un  mot  sur  la  nature  de  ce  son 
représenté  par  t.  L'explication  proposée  par  M.  Armitage,  qui 
n'y  voit  qu'une  particularité  graphique,  ne  me  satisfait  pas. 
Pour  ma  part,  je  crois  que  dans  les  dialectes  indiqués  le  son 
Dmbiné  ts  a  réellement  passe  à  M,  et  comme,  en  vue  du  pro- 
rès,  une  explication  mauvaise  vaut  toujours  mieux  qu'aucune, 
je  me  permettrai  d'en  proposer  une  de  mon  côté. 

On  s'imagine  facilement  que  dans  le  groupe  ts  l'élément 
dental  ait  prévalu  sur  Télément  sifflant;  la  graphie  ordinaire  /^, 
qui  équivaut  à  //j,  nous  l'indique  ^  Je  suppose  que  l'élément 
dental  pouvait  aussi  prévaloir  de  façon  à  se  faire  entendre 
encore  après  la  prononciation  de  la  sifflante  :  isi ,  et  cette  gra- 
j^bîe  se  trouve  en  effet  une  fois  dans  Jo^ias  (fragment  de  Valen- 


1.  C'est  ce  que  serablcot  bien  aussi  prouver  les  rîmes  de  /  avec  ti  dans  le 
m$,  P  de  Giraft  ât'  RossiUon,  dans  le  D/hat  de  la  lierre  €t  de  la  Croix  [cotonat^ 
5J*  ^g  •  ' p^tusaiÇOfS).  pi,,  V.  159  s.J,  dans  le  Cantique périgoioditt  [djanut,  sj. 

■  Sfg*  roasc,,  :  eut  <  cogito,  v.  39  s.;  tttescrcsut,  rég.  sg,  neutre,  ;  mut,  sj, 

misCy  V»  41  $,],  Cl  dans  k  Prière  â  N,  Z>.  des  Sept  Doute  un  [bontatt  rég. 

5,,  ;  inpeutatt  sj,  sg.  ma$c.,  v.  97  s.j.  Il  est  vmi  que  ce  dernier  poC*roe  est 

Punc  époque  trop  rccentc  pour  pouvoir  servir  de  preuve  dans  le  cas  en 

qucsîîoii. 

2.  Je  noterai  en  passant  les  graphies  assez  étonnantes  rencontrées  dans  une 
charte  de  Limoges  de  1255  (CfMtrteSy  chroniques  et  m/moriatix  pour  servir  â 

^histoire  de  la  Marche  et  du  Uniomin,  p.  p.  A.  Leroux,  Tulle,  1886»  p.  85, 
t3LXXnï)  ;  à  côté  de  *7</i/r/^.  on  y  trouve  :  tostbi  <  tôt  os»  pr<hti  et  parthi^ 


212 


\\\    CLOETTA 


ciennes)  :  sâictst  v*»  h  29,  à  coté  de  ts,  qu'on  y  rencontre  deux 
fois,  et  de  st,  qui  y  est  la  graphie  ordinaire  et  qui  tnarqueriit  le 
son  auquel  ts,  en  passant  par  tsi  (=  ;;/),  serait  réellement 
arrivé  dans  Joms,  Mais  cet  st  ne  remplace  pas  seulement  t  +  s 
latin,  il  remplace  aussi  sî  +  5,  qui,  en  français,  il  est  vrai,  est 
généralement  contracté  en  ^  :  ivst  <  vo stras  v*»  I.  30  (deux 
fois).  Je  vois,  dans  Vsi  de  ce  mot,  sts  devenu  5/;  dans  le  cas  où  t 
suivi  d'une  s  est  immédiatement  précédé  d'une  autre  i,  nous 
aurions  donc  la  réduction  de  Is  i  /  aussi  dans  fanas.  En  effet 
i*osîs,  prononcé  avec  une  dentale  très  forte  :  vosits,  peut  avoir 
passé  directement  A  vost,  et  il  serait  superflu  de  supposer  dans 
ce  cas  une  forme  intermédiaire  :  i>ostst* 

Le  son  originaire  ts  est  donc  représenté  de  quatre  mameres 
différentes  dans  Jonas  :  1°  /j,  la  graphie  ancienne  et  étymolo- 
gique :  preireis  v**  31,  doliants  18;  2**  tst,  qui  représenterait  la 
prononciation  déjà  un  peu  vieillie  :  sekîst  29,  par  laquelle  le  son 
fs  aurait  passé  pour  arriver  à  3''  j/,  la  reproduction  ordinaire  et 
exacte  du  son  comme  il  était  actuellement  prononcé  dans  le 
dialecte  de  Jonas  :  avetst  27,  faciest  28,  contenciesl  28,  aiest  2% 
prétest  31,  ireist  3,  21,  sosi  14  j  4**  t,  le  son  auquel  ts  était 
arrivé  quand  ce  groupe  était  précédé  d'un  i  :  vost  30  (deux 
fois). 

Dans  le  descort  :  Eu  aor  Damrideu  nous  trouvons  une  plus 

grande  variété  encore;  ts  originaire  3'  est  rendu  :  1°  par  ts  : 

proferîs  69,  torts  72,  nwris  (;  cors)  98,  babtiiats  120.  plats  203 

(:  pecat),  conorts  222  (:  amor),  iH>ts  23  i  ;  2*  par  ^  :  /?/a<  42,  220, 

225,  tmri  74y  Ml  75,  P^^^\  it6,  fai\  117,  dii  117,   ^m^  119, 

125,  /ij^  165,  rft?w-  174  (;  noms),  for na:^  202 ^ paren^  2J5  ;  3**  P^^ 

tl  (et  AT/^)  :  druxt:^  23,  wfiJ/#/^  24,  liati  32,  ^a(ttl:ç  33,  nio/mf- 

^^K  33,  /«/l^^/^:  34»  dejpolati  3<5.  «^/^  37,  />^ra/^  38,  levati  39, 

/t*/^  40,  />%a/^  64,  a7j/>j/^  1 17  ;  40  par  st  :  />r<^/  68,  fîî<>rxr  71, 

crost  230;  5<>  par  /  (mais  ceci  seulement  dans  la  seconde  partie, 

que  Ton  pourrait  aussi  considérer  comme  un  poème  à  part)  : 

fait  154,  189  (:  osât),  pecat  164,  239,  pietat  166,  dehit  167»  ptit 

169,  osât  190,  dammment  241  (;  -^w/),  fciWm/  254;  6*»  par  i  : 

ters  T^.gens  79,  256,  ja«a  86Jas  137,  172,  /ix  144,  dtspeis'  168, 

/^u  183,  /ox  237,  (ad  iUos  >  aïs  77,  illos  >  Wx  78,  eccû 

illos>  aijuels  189). 

La  prononciation  de  Tauteur  du  descort  semble  avoir  été  x, 
cir  on  vou  nmer  ffiorts  :  cors  98  et  dou::^  :  notns  174,  tandis  que 


LÉ   MYSTÈRE   DE   t'àPOUX  213 

Ton  pourrait  facilement  corriger  plats  :  del  pccal  2oj  en  des 
pccats  et  lire  no*tn  sfa  damnammt  241  au  lieu  de  :  nom  sia 
damnamaU*  Du  reste>  de  même  que  le  /  final  roman  après  «, 
quoique  presque  toujours  écrit,  ne  se  prononçait  plus  (voy.  la 
rime  de  amen  247  avec  :  forment  :  ment  :  mtatdi'men^  etc.),  de 
même  aussi  is^  s  ne  semble  plus  avoir  été  prononcé,  voy.  la 
rime  amer  :  conorts  221  et  les  graphies/^/  pour  fait:^  ï68,  aquel 
pour  aqucl:;^  190,  sal  pour  sais  222,  criminal  :  mal  pour  crimi' 
nais  :  mais  239,  Quoi  qu*il  en  soit,  rien  que  la  confusion  des 
différentes  manières  de  rendre  Tancien  son  ts  final  suffit  ample- 
ment à  expliquer  les  graphies  inverses  de  ce  texte  et  d'autres 
mentionnées  par  M.  Armitage^  comme  tôt  <C  tuos  175,  etc. 

Outre  le  passage  de  /jf,  devenu  tst^  à  j/,  que  j'ai  supposé  pour 
Jûttos^  un  autre  développement  est  possible;  Vs  pouvait  pour 
ainsi  dire  être  écrasée  par  les  deux  /,  soit  qu'elle  en  ait  été  pré- 
cédée Qs,  tts^  a,  /)  ou  entourée  Qs,  îst,  il,  t);  c'est  probable- 
ment à  un  de  ces  deux  développements  que  nous  devons  le  t 
pour  ts  final  dans  Saint  Etienne ^  dans  notre  mystère  et  dans 
les  textes  limousins 

28)  5  finale  après  une  n  appuyée  par  une  consonne  qui  pré- 
cède, est  restée  (ou  redevenue?)  s  :  fors  89.  VÉpitre  de 
saint  Etienne  nous  donne  negtint  j2,  pour  negum^  mais  ce  mot 
ne  présente  pas  les  mêmes  conditions.  Pour  de  +  l'article 
illos  nous  trouvons  deus  68  dans  notre  texte,  tandis  que  dans 
le  texte  provençal  ///,  ainsi  que  dans  Saint  Jean,  nous  avons  ren- 
contré autf  qui,  dans  ce  dernier  texte,  se  trouve  à  côté  de  au^^ 
dbt^,  dctiSj  aqmui,  eu^,  Saint-h tienne,  par  contre,  qui  pourtant 
écrit  constamment  t  pour  ^,  n'a  que  as  9,  34,  40,  ««  9,  <ï  34 
pour  la  préposition  avec  le  rég.  plur,  de  rariicle  (cp.  Koschwitz, 
Cùmmentar^  P-  213  s.).  En  général,  le  traitement  de  //  -f  i  finale 
n'est  pas  le  même  en  provençal  qu*en  français. 

Si  dans  Sainte  Catkrine  et  dans  d'autres  textes  de  TOoest  on 
trouve  des  graphies  comme  jor^,  an;^^  deu^,  au^,  eui  (illos), 
cela  ne  prouve  pas  grand *chose,  car  ce  :ç  est  assez  souvent  mis 
i  tort,  I  et  ;^  sont  confondus  et  les  deux  sons  riment  dans 
Sainte  Cathertm^  s'ils  n'avaient  pas  déji  complètement  cessé 
d*ètre  prononcés  (cp.  ci-dessus,  p.  184;  Goerlich,  Nordzif,  Dial.^ 


f .  /,  r.,  p.  xxvt  s.;  dicis  >  ait  y  figure  à  tort. 


214  ^*-    CLOETTA 

p,  63,  SûdiiK  DiûL,  p.  88  s.,  Tcnderin^, 

§§  93,  101  ss..  Dus  poiîaK  KutbarinenL^  p.  14  et  26). 

29)  c  après  consonne  devant  a  est  rendu  par  g  au  lieu  de  cb 
dans  le  mot  claufigct  22  ;  cp,  jan^  11^  19%  si  ce  mot  est  le  latin 
cantu,  voy.  Bartsch,  Cbrest,  proi\,  4*  éd.,  18,  32,  Cependant 
riiésitation  entre  la  palatale  sourde  et  sonore  se  trouve  dans  les 
textes  du  Sud-Ouest  aussi  bien  que  dans  ceux  du  Nord-Ouest 
(voy.  Goerlich,  Stldw.  DmLy  p.  90  s.,  Nordw.  DiaL^  p.  6î, 
Werner  Soderhjelm,  Das  Marfwkhen  des  Péun  Gaîineau^  p.  22, 
et  cp.  arangessaut  pour  arraclxissent  ^  Sainte  Catb.  2217;  josc 
pour  chose^  Vie  saint  Âkxi  en  vers  octosylïabiques,  Rom.^  VUI, 
p.  163  ss.,  V.  442)* 

30)  Le  f  dans  cruce  >  crot  22,  punctu  >  pont  67  n*a 
pas  dégagé  d'/.  Les  formes  correspondantes  des  autres  textes  de 
rOuest  sont  croi^,  crois  et  point  (voy.  Goerlich,  Sildxv,  DiaL, 
p.  62  et  90;  Tendering,  Laut-  und  FormenL,  §§  47,  57  et  108). 
Cependant,  dans  Turpin  /,  nous  trouvons  une  fois  t^à  côté 
de  iwç,  croii:^\  dans  Sainte  Catherine  :  dreti;^  282  (à  côté  de  drei:0^ 
7wt:i  650  (mais  M.  Talbert  lit  :  noii  et  le  mot  rime  avec  doi;^ 
<  doctos);  des  formes  comme  fa:(otn ^  etc.,  que  nous  avons 
rencontrées  dans  B  (ci-dessus,  p,  184),  se  trouvent  aussi  dans 
d*autres  textes  du  Sud-Ouest;  tnas  <  magis  est,  comme 
conjonction,  la  forme  régulière  dans  les  Coutumes  dc] 
Charroux  et  dans  les  Sermons  poitanns^  et  se  rencontre  deux  fois 
dans  Sainte  Cathrine*^  sant^  santa,  plandre^  à  côté  des  formes 
avec  ai^  se  trouvent  dans  quelques  chartes  du  Sud-Ouest  et| 
prévalent  de  beaucoup  dans  Sainte  Catherine,  etc.  (voy,  Goer- 
lich, Sudw,  DiaLy  p.  ji  s.,  62,  91  s.;  Tendering,  iMut-  und 
FormenL^  §§  8,  14,  47,  112.  Das  poitev,  Katharinenl.,  p.  6,  14). 
Peut-être  pont  dans  notre  texte  doit-il  être  prononcé  pùnt 
{=  ponht^  voy.  la  charte  N,  ci-dessus,  p.  184).  Remarque»] 
encore  que  crot  se  retrouve  absolument  sous  cette  même  forme 
dans  les  poèmes  provenç;iux  Uî  10''  et  dans  la  Prière  à  N,  D, 
des  Sept  Douleurs j  cp.  ci-dessus,  §  27. 

D*autre  part  nous  trouvons  dans  notre  mystère  cJmiîivas  35, 
86,  et  mais  89  employé  comme  adverbe,  et  dans  les  deux 
mots  la  diphthongue  ai  est  la  règle  en  français,  y  compris  le 
Poitou,  aussi  bien  qu'en  provençal  (Jm  mais  I  i). 

31)  Le  r  de  aici  27,  28,  71  avait  probablement  déjà  passé 
par  le  son  ts  à  celui  d'une  s  sonrde;  il  est  rendu  par  une  $ 


LE   MYSTÈRE    DE   l'ÈPOUX  21) 

simple  dtinsfasen  76,  aiso  11,  (aisd  15),  graphie  qui  se  retrouve 
un  peu  partout  dans  des  textes  français,  et  notamment  aussi  dans 
les  textes  du  Nord-Ouest  et  do  Sud-Ouest,  et  dans  Sainte 
Catherine.  Le  désir  de  distinguer  aici  de  aissij  aisi  (=  ainsi) 
aura  fait  maintenir  plus  longtemps  le  c  de  aici^  du  moins  dans 
H      récriture. 

H  32)  Le  /)  du  groupe  pt  est  quelquefois  maintenu  par  Técriture 

^^^dans  les  textes  du  Sud-Ouest,  Mais  les  rimes  de  Sainte  Catherine 
^^HpC  un  2SSÇZ  grand  nombre  de  graphies,  où  un  p  se  trouve  écrit 
^P^sans  la  moindre  raison  ét}^mologique,  nous  montrent  qu'aussi 
H  dans  cette  région  le  p  ne  se  prononçait  plus  (voy.  Goerlîch, 
H  Nordw,  DiaL^  p.  66,  Sudiv,  Dial,^  p.  95  ;  Tendering,  Laut-  und 
H  FortnenU,^  122,  124,  et  Das  poitev.  KatharimnL^  p.  15),  Tou- 
f  tefois,  l'écriture  des  textes  en  question,  en  gardant  le  p  de  ce 
groupe,  nous  peut  faire  supposer  que  les  temps  où  on  le  pro- 
nonçait encore  n'étaient  pas  trop  reculés,  c'est-à-dire  qu'on  le 
prononçait  peut-être  encore  vers  le  milieu  du  xn*  siècle.  Outre 
le  voisinage  du  provençal,  nous  avons  donc  encore  cette  raison 
pour  conserver  dans  notre  m3^stère  achapter  67.  Qiiant  à  scrip- 
tura  2$,  le  mot  est  évidemment  latin*  Nous  avons  déjà  parlé  de 
chaiiivas  au  §  30, 

Y-   MORPHOLOGIE 

53)  Il  s'agit  d'abord  du  pronom  personnel  de  la  troisième 
personne  au  cas  sujet  du  singulier.  Nous  trouvons  dans  notre 
texte  deux  fois  ^m  21,  27,  et  les  deux  fois  le  mot  qui  suit  com- 
mence par  une  consonne.  Même  dans  le  Sud-Ouest,  M.  Goer- 
lich  n'a  jamais  rencontré  d'autre  forme  que  //,  tandis  que  Sainte 
Catherine  nous  montre  souvent  el  à  côté  de  il  (voy.  Tendering, 
Ij2ui-  und  ForfmnLf  §  138,  et  Das  poitei\  Katharimnl.,  p.  17). 
Cet  el  est  certainement  notre  forme  <?«,  puisque  précisément 
dans  Sainte  Catkrine,  comme  ailleurs,  du  reste,  on  trouve  fré- 
quemment 17  maintenue  par  Técriiure,  tandis  qu'on  prononçait 
sûrement  déjà  u  (voy.  Tendering,  Laut-  und  Formenî,^  §  7^)-  U 
est  vrai  que  justement  dans  le  cas  où  la  consonne  qui  suit  17 
ne  fait  pas  partie  du  même  mot,  Sainte  Catherine  a  presque 
toujours  maintenu  17  (voy.  ih.^  §  73,  Das  poiîeiK  KatlmrinenL, 
p.   12)^  mais  la  comparaison  avec  les  autres  textes  du  Sud- 


2l6 


W.   CLOCTTA 


Ouest  'montre  à  Tcvidence  qu'aussi  dans  ce  ols,  conime  très 
souvent  pour  17  -f  cens,  i  rintérieur  du  mot,  il  ne  s*agit  qac 
d'une  graphie  étymologique.  Précisément  la  circonstance  que 
seulement  Sainte  Catljcrim  présente  el  à  côté  de  i7,  tandis  que 
tous  les  autres  textes  du  Sud-Ouest  qui,  pourtant,  sont  en 
grande  partie  sensiblement  postérieurs,  ne  nous  donnent  que 
//,  me  fait  supposer  qu'il  s*agit  là  d'une  particularité  dialectale 
qui  pourrait  remonter  très  haut.  Le  même  fait  phonétique, 
c*est-à-dire  la  conservation  de  IV  fermé  du  latin  vulgaire, 
nonobstant  Vi  final,  se  rencontre  pour  le  pronom  démonstratit 
(i)f/7,  qui,  dans  Sainte  Catherine^  contrairement  aux  textes  du 
Sud-Ouest  analysés  parGoerlich,  est  souvent  a!  au  cas  suj,  sg. 
(voy,  Tendering,  Laui-und  FonmnLy  §  HS)»  ^^  ^*^^  P^^^  J 
comparer  aussi  le  parfait  de  verbes  comme  taiir,  venir.  Tandis 
que  les  autres  textes  du  Sud-Ouest  n*ont  que  tint,  tinc;  vmty 
vincy  innct  et  quelquefois  i^nguit^  Sainte  Catl?erine  n'a  pour  le 
premier  verbe  que  tmc  510,  1726,  et  pour  le  second  elle  donne 
venCy  259,  686,  1741,  1744,  ctvcngrunt  650,  à  côté  devint  iji 
322  (:  eslit),  399,  vcnguii  1738  (:  rfiV),  avenguircnt  2608. 

Remarquons  encore  que  la  forme  en  du  pron.  de  la  troisième 
personne  correspond  bien  aux  formes  modernes  ou ,  au ,  a,  qui 
se  rencontrent  dans  les  patois  français  de  la  Charente, 

Le  pronom  masculin  conjoint  de  la  troisième  personne  est  Jl 
l'accusatif  singulier  :  lo  28,  73,  forme  qui  prévaut  généralement 
sur  k  dans  le  Sud-Ouest  et  est  même,  à  côté  de  la  forme  apos- 
trophièe  /*  et  de  la  forme  enclitique  /,  la  seule  usitée  dans  Sainte 
Catherine  (voy.  Goerlich,  Sndu\  DiaL^  p.  106;  Tendering, 
Laui'  uftd  FormmL^  §  139)-  On  la  trouve  aussi,  à  côté  de  &, 
une  fois  dans  Saint  Etimne  46.  —  Pour  las^  voy.  ci-dessus, 
§  7.  —  Le  régime  du  neutre  est  0  26,  forme  non  seulement 
fréquente  dans  Sainte  Cathrim  (voy.  Tendering,  haut-  und  Far- 
mrnL^  5  146),  mais  qui  se  trouve  aussi  dans  les  deux  Turpin^ 
dans  les  Coutumes  de  Charroux,  et  dans  d  autres  textes  du  Sud- 
Ouest  (cp.  Goerlich,  Sûdw,  Dialehe^  p,  107,  où  M.  Goerlich  a 
tort  de  considérer  tous  les  régimes  0  comme  venant  de  *  i  11  um  ; 
ceux  qui  se  trouvent  dans  les  textes  cités  viennent  certainement 
de  hoc;  pour  Angoulémc,  voy.  ci-dessus,  p.  185.) 

5.t)  Pourtw/ni.f,  voy,  ci-dessus,  p.  18?. 

îî)  Quant  aux  pronoms  démonstratifs,  la  forme  aisel  15  est 
parfâitcmcni  conforme  à  notre  dialecte  (voy.  ci-dessus,  g  ir. 


VE    MYSTERE    DE    L*ÈPOUX  21 J 

2$  et  J3),  seulement  le  sens  nous  oblige  de  corriger.  —  Pour 
le  neutre  aiso,  voy.  ci-dessus,  §§  ir,  25  et  33. 

56)  Le  régime  pluriel  de  Tarticle  masculin  est  los  16,  forme 
rare  dans  le  Sud-Ouest  en  général  et  assez  rnre  même  dans 
SainU  Catherine  (yoy.  Goerlich,  Sûdw.  DiaL,  p.  102;  Tende- 
I  ring,  Laut  und  Forment.^  §  128). 

37)  V'erbe.  Pour  les  premières  personnes  du  pluriel,  voy. 
ci-dessus,  p,  177  et  188.  —  La  forme  soi  l'j  pour  la  première 
personne  du  singulier  du  présent  indicatif  du  verbe  es^re^  est  régu- 
lière dans  Sainte  Catijerine  et  très  fréquente  dans  le  Sud-Ouest 
en  gcnéraK  Pour  le  Nord-Ouest,  M.  Goerlich  ne  la  mentionne 
pas;  cependant  elle  se  rencontre  une  fois  déj.\  dans  le  plus 
ancien  ms.  de  Fancien  Saint  Alexis  normand,  44*.  Soi  est  aussi 
la  forme  des  poésies  provençales  écrites  par  notre  copiste  /  2, 
//  10*,  17  \  —  Pour  so[n]  <Z  sunt,  voy,  cî-dessus,  §  26» 
Quant  au  parfait/?  <  fuit,  qui  se  rencontre  deux  fois,  17,  21, 
et  le  participe  passé  trames  27,  les  formes  correspondantes  du 
sud-ouest  de  la  langue  d'oïl  sont  généralement,  comme  pour  le 
Nord-Ouest,  /ut  et  /«,  et  {traymis  (voy.  Goerlich,  SfidwestL 
DiaL^  p,  84,  135  et  118).  Dans  Sainte  Catherine^  cependant,  on 
a^ncontre  plusieurs  fois /(;,  mais  pas  aussi  souvent  que /w,  et 
jamais  k  la  rime,  tandis  qncfu  s*y  rencontre  fréquemment  (voy, 
les  rimes  ci-dessus,  p.  206).  Le  participe  passé  mes  2450,  trames 
^380,  est  rare  même  dans  Sainte  Catixrine^  tandis  qu*i  la  rime 
on  y  trouve  tramis  (:  paradis  458),  promis  (:  vis  499)j  et  très 
souvent  wiV,  mise,  qui  rime  div^c  pris^  prise^  aux  vers  830,  914, 
1308,  1540,  1704.  Et  cette  rime  n'est  pas  aussi  insignifiante 
qu'on  pourrait  le  croire,  car  le  participe  passé  de  prendre  a  tou- 
3urs  la  forme  pris  dans  Sainte  Catlkrine,  et  ce  mot  rime  avec 
ti>fi  565,  vis  897,  esjois  1265. 
On  sera  d'autant  plus  surpris  de  voir  que  M.  Goerlich, 
NûfdweîtL  DiaL,  p.  79,  die  premes  pour  promis  trouvé  dans 
une  charte  de  la  fm  du  xm*  siècle,  écrite  en  Bretagne,  Mais 
M.  Goerlich  se  trompe  absolument  sur  ce  mot,  qui  n'a  que  faire 
avec  promettre^  car  c'est  tout  simplement  le  latin  proxîmus 
avec  le  sens  de  :  ayant  les  droits  les  plus  directs  sur  quelque 
kose,  ayant  plus  de  titres  qu'un  autre  à  quelque  chose.  Ce 
aime  mot  se  trouve  dans  une  charte  de  Rennes  datée  de  1296, 
où,  par  erreur,  il  est  écrit /?r^jmti  au  Heu  d^  preisme.  M,  Goerlich 
dtc  encore  la  forme  reme^^  d'un  document  saumurois  daté  de 


2l8  W.   CLOETTA 

1268,  sans  nous  dire  si  c'est  de  remis  su  ou  de  remansu 

qu'il  s'agit.  Ce  docrniient  n'étant  point  à  ma  portée,  il  m'est 
impossible  de  trancher  la  question^  mais  je  penche  bien  pour  U 
seconde  alternative,  car  le  participe  passé  mes  <  m  issu,  que 
M.  Goerlich  n'a  pas  rencontré  dans  les  textes  du  Sud-Ouest»  se 
trouve  certainement  encore  beaucoup  moins  dans  le  Nord- 
Ouest. 

Que  penser  enfin  de  ventt  16  ?  On  serait  assez  porté  i  voir  un 
latinisme  dans  cette  forme,  comme  virgi nés  ir,  virgine  17, 
scriptura  26,  De  oleo  76.  Cependant  une  forme  française  du 
Sud-Ouest  venit  ne  me  semble  pas  impossible,  puisque  dans 
Sainte  Caîberhu  nous  trouvons  deux  fois  re^mt  (762  et  2645), 
la  seconde  fois  même  appuyé  par  la  rime  avec  suffit.  Inutile  de 
dire  que  venit  se  trouve  aussi  dans  des  patois  poitevins,  sainion- 
geais  et  angoumoisins,  p.  ex.  à  Saintes  (Charente-Inférieure),  à 
Chef'Boutonne  (Deux-Sèvres),  dans  les  patois  français  du 
canton  de  La  Valette  (Charente),  etc*,  voy*  au  verset  14  des 
versions  patoises  de  la  Parabole  de  r Enfant  prodigue^  en  outre, 
Beauchet-Filleau,  Essai  sur  le  patois  poitevin^  Niort,  1864, 
p.  xiv,  etc. 

L'étude  qui  précède  montre  clairement  que  notre  texte,  tout 
en  ne  s'accordant  avec  aucun  autre,  se  rapproche  cependant  le 
plus  des  chartes  d*Angoulême,  de  Turpin  I  et  surtout  de  Sainte 
Caîkrine,  mais  que  les  traits  caractérisant  le  provençal  y  sont 
plus  prononcés  et  plus  nombreux  encore  que  dans  cette  der- 
nière. Dans  plusieurs  cas  où  celle-ci ,  à  côté  du  développement 
français  qui  prévaut  et  est  souvent  le  seul  usité  à  la  rirne^  nous 
montre  quelquefois  aussi  le  développement  provençal,  c'est  ce 
dernier  seulement  qui  se  rencontre  dans  notre  mystère  (voy,  la 
syllabe  atone  finale  as  et  le  pron.  pers.  las,  §  7  ;  aici  <  ecce 
hic,  qui  ne  se  trouve  pas  du  tout  dans  Sainte  Catherim^  aiso, 
§  II;  oli,  §  14;  la  diphtongue  au,  §  18;  crot,  pont,  $  30;  le 
pron.  pers.  de  la  3*^  pers.  eti,$  33;  Tarticle  pluriel  te,  §  36; 
s€{n]  <  sunt,>,  trames,  §§26,  37).  Par  /r>  ir  il  se  rapproche 
davantage  des  chartes  d'Angoulême  et  des  deux  Turpin  (§  25), 
par  la  chute  de  Vn  finale  de  non  des  Coutumes  de  Charroux 
(3  22);  par  ^  final  >  t  il  se  distingue  de  tous  les  textes  français 
d  origine  plus  méridionale  que  la  Touraine  et  se  rapproche  de 
1  tpttre  de  la  saint  Etienne  et  des  textes  limousins  ($  27).  Enfin 


LE   MYSTÈRE   DE   t'ÉPOUX  219 

il  se  distingue  de  tous  les  textes  occidentaux  en  langue  d'oïl  par 
la  chute  de  Vn  après  a  dans  Jorda  (§  22),  et  surtout  par  le 
traitement  provençal  du  /  final  (§  26). 

Notre  mystère  ne  saurait  avoir  été  composé  h  Angoulôme  —  les 
traits  que  je  viens  d'indiquer  et  la  désinence  -^m  de  la  i"'  pers* 
pL  de  rind.  prés,  de  la  2*^  conjugaison  Ten  séparent  — ;  mais 
la  grande   ressemblance  qu'il    présente    néanmoins   avec   les 

barres  d*Angoulème  et  avec   Turptn   I  et   Sainte  Catf^erirte^ 
'textes  qui,  à  bon  droit,  ont  été  considérés  comme  angoumoi- 
Sïos,  nous  engage  à  chercher  sa  patrie  dans  FAngoumois  et, 

ïturellenient,  aussi  près  que  possible  du  domaine  provençal* 
'uisque  Angoulème  marque  le  point  sud-est  le  plus  extrême  du 
territoire  dans  lequel  notre  mystère  pourrait  avoir  été  composé 
(ci-dessus,  p.  186),  sa  patrie  devra  nécessairement  être  ou  plus 
occidentale,  ou  plus  septentrionale.  Je  me  décide  pour  la  seconde 
alternative,  car  c'est  ce  qu'indiquent  les  points  de  contact  avec 
les  Coutuftws  de  Charroux  et  surtout  avec  les  textes  limousins  et, 
plus  spécialement,  les  poèmes  /,  //,  ///.  En  effet,  tant  de  traits 
caractéristiques  de  la  langue  de  notre  mystère  se  retrouvent  dans 
les  trois  poèmes  religieux  copiés  par  le  même  scribe  que  l'on  ne 
peut  guère  douter  que  leur  lieu  d'origine  n'ait  été  voisin  de  celui 
de  notre  texte.  Ces  traits  communs  au  mystère  et  aux  poèmes 
mentionnés  sont  surtout  r  per  >  pre  (§  10);  vocalisation  de 
17  6nale  devant  un  mot  commençant  par  une  consonne  (§  19); 
chute  de  Vn  finale  (§  22)  ;  chute  de  Vn  devant  palatale  {loja' 
tnen-y  agel,  §  24) ;  ts  final  >  /  (§  27).  De  cette  façon  les  poèmes 
religieux  et  le  mystère  pourront  alternativement  nous  aider  à 
retrouver  leur  lieu  d'origine. 

Nul  doute  que  ces  poésies  religieuses  ne  soient  limousines,  et, 
plus  exactement,  haut-limousines;  nous  devrons  donc  chercher 
leur  Heu  dbrigine  dans  une  partje  du  domaine  du  dialecte 
appelé  haul-hmousin  qui  soit  plus  septentrionale  qu'Aogou- 
lème,  ce  qui,  du  reste,  est  vraisemblable  aussi  pour  d'autres 
raisons.  En  outre,  la  patrie  de  ces  poésies  devra  être  aussi  près 
que  possible  du  domaine  de  la  langue  d'oïl.  Nous  la  cherche- 
rons donc  dans  le  nord-est  du  département  de  la  Charente  ou 
dans  Touest  de  la  Haute-Vienne,  c'est-à-dire  à  Confolens  ou  X 
Rochechouart,  ou,  peut-être  avec  plus  de  vraisemblance  encore, 
à  La  Rochefoucauld.  Notre  mystère,  par  contre,  sera  composé 
dans  le   centre  nord  du  département  de  la  Charente,   entre 


220  Vr.    CLOETTA 

Charroux  (Vienne)  et  Angoulême,  maïs  probablement  plus 
près  de  cette  derniire  ville.  Si  possible,  sa  patrie  devra  aussi 

être  encore  plus  voisine  du  domaine  de  la  langue  d*oc  que  ne 
Test  Angoulême,  et,  en  tout  cas,  on  fera  bien  de  rester  sur  U 
rive  gauche  (orientale)  de  la  Charente.  Pour  toutes  ces  raisons, 
et  pour  d'autres,  j'exclus  Ruffec,  et  je  pense  à  Saint-Amant-de- 
Boixe  (à  i6  kilom.  nord  d' Angoulême),  bien  connu  au  moyen 
âge  pour  son  abbaye  bénédictine  fondée  en  988. 

Quant  à  Tépoque  à  laquelle  notre  mystère  a  été  composé, 
je  pense,  avec  M.  Gaston  Paris  {La  Uttéraiurc  fratKaist  au  tmym 
âge,  2"  éd.,  p.  237  et  246),  à  la  première  moitié  ou  au  deuxième 
tiers  du  xn'  siècle,  et  en  cela  je  suis  guidé  bien  plus  par  des 
raisons  littéraires  que  par  la  langue  de  notre  monument,  qui,  k 
elle  seule,  ne  nous  permettrait  pas  de  choisir,  dans  le  xii*sîèclei 
une  époque  de  préférence  à  une  autre. 


LA   VERSIFtCATIOK   DU   MYSTÈRE   DE  L*fePOUX  * 

M,  Boehmer,  Romnn,  Sîud.^  IV,  103  ss.,  a  déjà  traité  assez 

longuement  de  la  versification  de  notre  poème  et  a  montré  que 
la  notation  musicale,  évidemment  postérieurement  adaptée  au 
texte  fautif,  ne  peut  nous  être  que  de  peu  d'utilité  dans  cette 
question  (cp.  aussi  Schwan,  Zeiîs,  f,  r.  Ph.,  XI,  469  ss.). 

Le  texte  du  manuscrit,  en  dehors  des  difficultés  linguistiques 
que  nous  venons  d'étudier,  présente  encore  des  fautes  évi- 
dentes dont  la  correction  est  exigée  soit  par  la  métrique,  soit 
par  le  sens,  et  nécessite  aussi  quelques  transpositions  et  resti- 
tutions de  vers.  Je  prendrai  donc  pour  base  de  Pexposé  qui  suit, 
le  texte  comme  je  rétablis  plus  loin. 

D'abord  il  faut  remarquer  que  tous  les  vers  latins  de  notre 
mystère  sont  terminés  par  des  proparoxytons;  leur  fin  est  donc 
toujours  iambique,  leur  rime  mascuhne.  Celle-ci  est  non  seule- 
ment toujours  riche,   c'est-à-dire  qu'elle  comprend  aussi  la 

ï .  Dans  cette  seconde  partie,  les  vers  du  Mystère  sont  dtés  avec  le  noroé- 

rotagc  de  réditîoa  qui  suit. 


I 


LE   MYSTÈRE   DE    l'ÉPOUX  221 

consonne  qui  précède  la  voyelle  de  la  syllabe  finale;  elle  est 
même  presque  toujours  léonine,  en  ce  sens  qu'elle  porte  aussi 
sur  la  voyelle  de  la  pénultième;  la  seule  exception  en  est 
daemônes  :  -tnes  4.  Accidentellement,  la  rime  comprend  en  outre 
la  consonne  qui  précède  la  voyelle  de  la  pénultième  :  lumine  : 
limine  91  s.,  et  même  la  voyelle  de  rantépénultième  :  ocius  : 
socius  66  s. 

Les  vers  français  de  notre  mystère  sont  aussi  toujours 
masculins,  excepté  seulement  les  trois  derniers  (93-95). 

Voici  maintenant  quels  sont  les  différents  mètres  employés 
dans  notre  mystère  : 

V.  i-io.  Le  Chœur  chante  d'abord  10  vers  latins  qui  sont 
des  septénaires  (=  tétramètres  trochaïques  catalectiques  ) 
rythmiques  se  composant  de  4  -f-  4  +  7  syllabes,  c'est-à-dire 
qu'ils  ont  un  repos  non  seulement  après  la  huitième,  mais 
aussi  après  la  quatrième  syllabe,  que  le  premier  membre  se 
subdivise  en  deux;  et  comme  le  repos  après  la  quatrième 
syllabe  est  tout  aussi  marqué  que  celui  qui  se  trouve  après  la 
huitième,  on  peut  dire  que  chaque  vers  se  divise  en  trois 
membres,  dont  les  deux  premiers  sont  de  quatre  syllabes  cha- 
cun, le  troisième  de  sept  syllabes.  —  Les  quatre  premiers  vers 
riment  ensemble,  les  autres  riment  deux  par  deux. 

V.  11-30.  Gabriel  prononce  ensuite  quatre  strophes  fran- 
çaises composées  de  trois  décasyllabes  avec  césure  après  la  qua- 
trième, excepté  le  vers  13,  où  elle  tomberait  après  la  sixième, 
si  l'on  ne  préfère  pas  n'y  point  admettre  de  césure  du  tout.  La 
césure,  qui  généralement  est  masculine,  est  indubitablement 
épique  au  vers  16  (ainsi  qu'au  vers  93);  par  conséquent,  aux 
vers  1 1  et  17,  les  mots  virgines  et  virgine  devront  être  considérés 
comme  latins  et  prononcés  en  trois  syllabes ,  conformément  à 
la  notation  musicale,  et  peut-être  même  avec  un  certain  accent 
sur  le  second  i.  Les  strophes  sont  monorimes  et  chacune  est 
suivie  d'un  refrain  de  deux  vers  qui  riment  ensemble  et  dont 
le  premier,  d'après  la  notation  musicale  (cp.  aussi  ci-dessus, 
p.  202),  est  de  cinq  syllabes,  le  second  décasyllabiquc  à  césure 
ordinaire. 

V.  31-55.  Scène  entre  les  Vierges  folles  et  les 
Vierges  sages.  Les  Vierges  folles  s'adressent  aux  Vierges 
sages  en  trois  quatrains  latins  monorimes  composés  de  décasyl- 
bbes  avec  un  repos  après  la  quatrième.  Chaque  quatrain  est 


222  W.    CLOETTA 

terminé  par  un  refrain  français  d'un  vers  hendécasyllabe  avec 
une  césure  féminine  après  la  cinquième  syllabe  accentuée*. 
—  Les  Vierges  sages  répondent  en  deux  quatrains  également 
latins  et  construits  comme  les  trois  précédents,  avec  cette  diffé- 
rence seulement  que  le  second  quatrain  n*est  pas  monorimc, 
mais  rimé  deux  par  deux.  Après  chaque  quatrain  »  elles  répètent 
le  refrain  douloureux  des  Vierges  folles  en  remplaçant  avem  par 

Y.  56-60*  Les  Vierges  sages  résument  la  réponse  qu*eUes 

viennent  de  donner  en  latin,  en  un  quatrain  français  monorime 
suivi  du  même  refrain.  Les  vers  sont  de  nouveau  décasylla- 
biques  avec  coupe  à  la  quatrième,  mais  la  césure,  qui,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit,  est  épique  aux  vers  16  et  93  (et  11  et  17? 
voy.  ci-dessus),  ne  saurait  être  que  lyrique  au  v.  56,  si  toutefois 
Ton  ne  préfère  pas  de  n'admettre  aucune  césure  dans  ce  vers 
(voy.  ci-dessus  le  v»  ij).  Le  quatrième  vers  du  quatrain  manque 
dans  le  manuscrit* 

V.  61-80.  Scène  entre  les  Vierges  folles  et  les 
Marchands.  Les  Vierges  folles  chantent  deux  quatrains 
latins  suivis  du  même  refrain  français  non  modifié.  Le  premier 
quatrain  est  monorime,  le  second  est  de  nouveau  rimé  deux 
par  deux,  c'est-à-dire  que  nous  voyons  ici  se  répéter  exactement 
la  même  distribution  des  rimes  comme  dans  les  deux  quatrains 
latins  chantés  par  les  Vierges  sages.  Aussi  ici  les  vers  sont 
décasyliabiques  avec  un  repos  après  la  quatrième,  —  Les 
Marchands  répondent  en  deux  quatrains  français  composés  de 
décasyllabes  à  césure  ordinaire.  Chacun  des  deux  quatrains  est 
monorime  et  suivi  du  môme  refrain,  que  les  Marchands  modi- 
fient comme  précédemment  les  Vierges  sages. 

y.  81-85.  Plainte  des  Vierges  folles  en  un  quatrain 
latin  monorime  de  vers  décasyliabiques  avec  un  repos  après  la 
quatrième.  Le  quatrain  est  toujours  suivi  du  môme  refrain  fran- 
çais non  modifié. 


1.  La  même  forme  de  vers  se  retrouve  dans  k  chanson  :  For  mai  nw- 
pister  ferai  chm^n  nai^dk  {ArcMv  fur  das  Studium  der  ntmrm  Sprmhm  unà 
i-j^ra/«r^„,  t.  XLIII,  p.  289  s  ),  si  ce  nVst  qu'ici  la  coupe  du  vers  est  mas- 
_  une  et  la  termmaison  féminine  (cp.  Toblcr,  U  vers  framms,  ic  édit.,  p.  92, 
mn.lH'  ■;  '^'  '  ^'  R^yfi^^d,  Biblio^.  des  chans,  fr..  H,  no  ijoi.  a  ton  de 
cûMsidcrerZc  premier  membre  comme  vers  à  pan). 


LE   MYSTÈRE   DE   l'ÈPOUX  223 

A  partir  d'ici,  l'espace  laissé  vide  pour  la  notation  musicale 
n'a  pas  été  rempli  par  le  scribe,  de  sorte  que  pour  les  vers  86 
jusqu'à  la  fin  nous  n'avons  plus  de  notes  dans  notre  manuscrit. 

V.  86-95.  Scène  entre  les  Vierges  folles  et 
l'Époux.  Les  Vierges  folles  s'adressent  à  l'Époux  dans  un 
quatrain  monorime  latin  de  vers  décasyllabiques  avec  un  repos 
après  la  quatrième,  et  font  suivre  aussi  ce  quatrain  de  leur 
refrain  français.  L'Époux  leur  répond  en  deux  septénaires 
rythmiques  latins  et  en  une  strophe  française  monorime  de  trois 
vers  décasyllabes  à  terminaison  féminine  et  avec  une  césure 
après  la  quatrième,  qui  a  toujours  l'accent  ;  la  césure  est  épique 
au  vers  93.  Quant  aux  deux  septénaires  latins  qui  précèdent,  ils 
sont  construits  comme  ceux  du  début,  seulement  qu'outre  la 
rime  au  bout  du  vers  qui  les  accouple,  ils  ont  encore  une  rime 
intérieure  qui  relie  les  deux  premiers  membres  de  chaque  vers. 
Ces  deux  premiers  membres  sont  naturellement  terminés  par 
des  paroxytons;  leur  fin  devant  être  trochaïque,  leur  rime  sera 
nécessairement  féminine.  Seulement  elle  est  très  imparfaite 
dans  le  premier  vers,  où  elle  ne  porte  que  sur  la  désinence 
atone  -co.  Dans  le  second  vers ,  elle  porte  sur  toute  la  syllabe 
accentuée  et  sur  la  voyelle ,  plus  les  consonnes  qui  la  suivent, 
de  la  syllabe  finale  atone,  mais  elle  néglige  la  consonne  qui 
précède  la  voyelle  atone  de  la  finale  :  perdunt  :  pergunt. 

m 

TEXTE  DU   MYSTÈRE   DE   l'ÈPOUX 

[L'indication  des  personnes  qui  parlent  est  en  latin,  de  même  que  le  titre  : 
«  Sponsus  1».  Ce  qui,  en  outre,  est  latin  dans  le  texte,  est  imprimé  en 
italiques  ;  j*ai  rétabli  l'orthographe  classique. 

Qpand  le  numérotage  de  Boehmer,  Koschwitz  et  Stengel  ne  s'accorde  pas 
avec  le  mien,  je  l'ajoute  toujours  entre  deux  parenthèses.] 

SPONSUS 
CHORUS 

Adest  Sponsus  qui  est  Christus  :  vigilate,  virgtnes  ! 
Pro  adventu  cujus  gaudent  et  gaudebunt  homines. 
Venit  enim  liberare  gentium  origines ^ 


224  ^'-    CLOETTA 

Quas  per  priniam  sibi  mairem  subjugarufit  daemones. 
5  Hic  est  Adam  qui  secundus  per  prophetam  dicitur^ 
Per  quem  sultis  primi  Adae  a  mbis  diluitur. 
Hic  pependit  ut  caelesti  patriae  nos  redderet 
Ac  de  parte  inimici  libéras  nos  tralxret. 
Venit  Sponsus  qui  twstrorum  scelerum  piacula 
10  Morte  lavit  atque  crucis  sustulit  patibula, 

GABRIEL 

Oiet,  virgineSy  aiso  que  vos  dirom, 
Aiet  presen  que  vos  comandarom  : 
Atendet  un  espos,  Sauvaire  a  nom. 
Gaire  noi  dormet  : 
15  Aici  's  Tespos  que  vos  or  atendet! 


Chorus]  manque,  dans  le  ms.  —  4  daemones]  demones  et  ainsi  toujours  e 
tMur  ae.  —  5  prophctam]  prophcta. 

Gabriel]  Prudentes.  —  11  dirom]  dirum.  —  12  Aiei]  aisect  |  comanda- 
rom] comandarum.  —  1 5  Sauvaire]  ihû  salvaire  (-+-  2).  —  15  Aid  's  Tespos] 
Aiscl  cspos  I  or]  hor. 

5  s.  Du  Mcril,  Origines  latines  du  tlhJdtre  moderne  y  p.  2}j,  fait  remarquer 
que  dans  aucun  prophète  on  ne  trouve  le  nom  d'Adam  secuttdus  donné  au 
Christ  ;  mais  Esdras  se  sert  de  Tcxpression  Je  piimus  Adam  dans  le  quatrième 
livre,  qui  peut  bien  être  considéré  comme  prophétique,  ch.  III,  v.  21.  Dans  le 
Nouveau  Testament,  c'est  surtout  saint  Paul  qui  a  développé  l'idée  du primus 
homo  Adam  et  du  uovissimus  Adam ,  du  primus  Ijomo  de  terra ,  terrenus  et  du 
secundus  homo  de  caelo,  cacleslis  (/.  Cor.,  XV,  21  s.  et  4$  ss.),  du  vieil 
homme  et  du  nouvel  homme  (Rom.,  VI,  6;  Ephes.,  IV,  22  s.;  Ccloss.^  III, 
9  s.),  d'Adam  ligure  de  celui  qui  devait  venir  (Rom.,  V,  12  ss.),  etc.  Pour  la 
liturgie  du  moyen  âge,  voy.  Du  Méril,  /.  r.,  et  Marius  Sepci,  Les  Propljètes  du 
Christ  y  Paris,  1878,  p.  83  ss. 

14  s.  Le  refrain  doit  certainement  rendre  le  vers  latin  au  début  de  notre 
mystère  :  Adi\^t  <p?n.MiS  qui  est  Christ  us  :  vigilate  virgines!  Pour  le  second  vers 
on  a  donc  le  choix  entre  :  Aiei  's  Fespos  ijue  vos  or  atendet  ou  Ci  es  Fespos  etc. 
ci  n'est  pas  rare  dans  Saiuti  Cath.rine  ;  mais  comme  il  ne  se  trouve  pas  dans 
notre  texte,  tandis  que  nous  y  lisons  trois  fois  aici,  il  m'a  semblé  plus  pru- 
dent d'admettre  Ai.-i  '5,  qui,  en  outre,  s'éloigne  moins  du  manuscrit  et  qui 
me  semble  bien  pouvoir  se  défendre.  Le  manuscrit  original  aura  porté  : 
Ai:i  (V,  prononcé  en  deux  syllabes,  avec  synalèphe  iV;  peut-être  serait-il 
même  plus  prudent  d'écrire  ainsi  dans  notre  texte,  c'est-à-dire  de  ne  pas 


LE  MYSTÈRE  DE  l'ÉPOUX  225 

Venit  en  terra  pre  los  vostres  pechet, 
De  la  virgine  en  Betleem  fo  net, 
Eu  flum  Jorda  lavet  e  bateiet. 
Gaire  noi  dormet  : 
20  Aici  's  Tespos  que  vos  or  atendet  ! 

Eu  fo  batut,  gabet  e  laidenjet, 
Sus  e  la  crot  levet  e  claufiget, 
Eu  monumen  desoentre  pauset. 
Gaire  noi  dormet  : 
25  Aici  's  l'espos  que  vos  or  atendet! 

E  resors  es,  la  scriptura  o  dii.  — 
Gabriels  soi,  eu  m'a  trames  aici  : 
Atendet  lo,  que  ja  venra  pr*aici. 
Gaire  noi  dormet  : 
30  Aici  's  Tespos  que  vos  or  atendet! 


16  pre]  p  harré,  —  18  Eu]  e  |  bateiet]  luteet.  —  19  s.  Z^  refrain  n'est  indi- 
que  que  par  le  mot  Gaire. —  21  gabet]  gablet.  —  22  levet]  batut.  —  23  Eu] 
Deu.  —  24  s.  Le  refrain  n'est  indiqué  que  par  Gaire.  —  27  m'a]  manque  (-1). 
—  29  s.  1/  refrain  n'est  indiqué  que  par  Gaire. 

apostropher  Ve  de  es^  qui,  dans  la  contraction  des  deux  syllabes  en  une,  pou- 
vait néanmois  se  faire  entendre.  —  Le  copiste  a  pris  le  deuxième  vers  du 
refrain  pour  le  premier  de  la  strophe  suivante,  ce  qui  explique  Terreur  dans 
la  leçon  et  la  notation  musicale  du  ms.  etc.;  cf.  Schwan,  Zeitschr.,  XI,  470. 
18  La  forme  bateiet^  encore  dernièrement  proposée  par  M.  G.  Paris  (Rom,^ 
XVIII,  150),  me  semble  préférable  à  hateet  ^  quoique  cette  dernière  forme 
s*éloigne  moins  du  texte  du  ms.;  hateié  est  aussi  la  forme  de  Sainte  Catherine 
1052  (:  preié),  et  cp.  le  prov.  hatejar.  Naturellement  cet  /  n'est  pas  là  pour 
marquer  une  diphtongue  ie,  c'est  bateiet  qu'il  faut  lire,  comme  :  o/W,  aiet^  preiet 
(voy.  ci-dessus,  $  i). 

22  Je  remplace  batut^  évidemment  glissé  à  tort  du  vers  précédent  dans  ce 
vers,  par  levet,  mot  qui  se  lit  souvent  dans  ce  contexte.  Ainsi  dans  le  descort  : 
Eu  aor  Damrideu  on  lit  aux  vers  32  ss.  :  Donc  fo  près  e  liat^,  Batut:;^  e  mabne- 

nat^, E  la  cros  fo  levati,  etc.;  je  trouve  en  outre  levar  en  croti  dans  les 

Sermons  provençaux  du  Xlb  siècle  (éd.  Armitage),  XVI,  6  et  XXI,  19  ;  dans  le 
Fragment  du  Puget,  voy.  Romania,  XVIII,  p.  436,  1.  33,  etc. 

23  Sur  Eu  voy.  Schwan,  1.  c,  473.  — desoentre,  composé  de  sœntre. 
Emmitm.  XA7/.  IJ 


226  W.    CLOETTA 

[Les  vierges  folles  s*assoupissent  et  laissent  pencher  les  vases  qui  con- 
tiennent rhuile  qui  doit  entretenir  leurs  lampes,  de  sorte  que  le  liquide  se 
répand  sur  le  sol.  Brusquement  elles  se  réveillent  et,  s'éunt  aperçues  de  ce 
qui  vient  de  leur  arriver,  s'avancent  vers  leurs  compagnes  sages  '.] 

FATUAE 

Nos  virginesy  quae  ad  vos  venimus 
(34)    32  Ut  ad  nias  quibus  nos  credimus^ 

(32)  33  Negligenter  oleum  fudimus; 

(33)  34  ^^^  orarCy  sororeSy  cupimus. 

35       Dolentas,  chaitivas,  trop  i  avem  dormit  I 

Nos  comités  hujus  itineris 
Et  sorores  ejusdem  generiSy 
Quamvis  niale  contigit  miseris^ 
Potestis  nos  reddere  superis. 
40      Dolentas,  chaitivas,  trop  i  avem  dormît  ! 

Partimini  lumen  lampadibuSy 
Piae  sitis  insipientibtis, 
Pulsae  ne  nos  simus  a  foribuSy 
Cum  vos  Sponsus  vocet  in  sedibus. 
4S       Dolentas,  chaitivas,  trop  i  avem  dormit! 

PRUDENTES 

Nos  precariy  precamuTy  amplius 
DesinitCy  sorores,  ocius, 
Vobis  enim  nil  erit  melius 
Dure  preces  pro  Ixk  ulterius. 
50       Dolentas,  chaitivas,  trop  i  avet  dormit  î 


31  XosJ  Hos.  —  32  Dans  k  ms.,  ce  vers  ne  vient  qu'après  34  |  ad]  et.  — 
33  fudimus]  fundimus.  —  34  Vos]  ad  vos  (-+-  i).  —  40  1/  refrain  n^estindi" 
que  que  fKir  Do.  —  45  ^  refrain  nest  indiqué  que  par  Dole.  —  46  Nos]  Hos. 
—  47  ocius]  otius.  —  50  Lt'  refrain  n'est  indiqué  que  par  Dolentas. 

1 .  On  voit  par  ce  qui  suit  que  le  poète  s'est  permis  de  modifier  quelque 
peu  le  récit  de  la  parabole  tel  qu'il  se  trouve  dans  VÈvangiU  selon  saint 
Mathieu,  XXV,  1-15. 


LE  MYSTÈRE  DE  l'ÈPOUX  227 

Ai  ite  nunCj  ite  celeritery 
Ac  vendentes  rogate  dulciter 
Ut  oleum  vestris  lampadibus 
Dent  equidem  vobis  inertibus. 
5  5       Dolentas,  chaitivas,  trop  i  avet  dormit  ! 

(66)  s  6  De  nostr*oli  queret  nos  a  doner. 

(67)  S  7  No'n  avret  pont,  alet  en  achapter 

(68)  58  Deus  merchaans  que  lai  veet  ester. 

59  : 

(69)  60      Dolentas,  chaitivas,  trop  i  avet  dormit! 

FATUAE 

(56)  61  A!  miseroCy  nos  hic  quid  facimus? 

(57)  62  Vigilare  nonne  potuimus  ? 

(58)  63  Hufic  laboreiny  quem  nunc  perferiwus, 

(59)  64  Nobis  fiostnet  ipsae  conlulimus, 

(60)  65  Dolentas,  chaitivas,  trop  i  avem  dormit! 

(61)  66  At  dtt  nobis  mercator  ocius 

(62)  67  Quas  Imbeat  nterces,  quas  socius; 

(63)  68  Oleum  nunc  quaerere  venimus, 

(64)  69  Negligenter  quod  nostnet  fudimus. 

(65)  70  Dolentas,  chaitivas,  trop  i  avem  dormit! 


51  At]  Ac.  —  56  i>  refrain  rCest  indiqué  que  par  Do.  —  56-60  se  trouvent 
dans  le  ms,  après  70;  59  manque  et  le  refrain  n'est  indiqué  que  par  Dol.  — 
61  FATUAE]  manque,  —  62  nonne]  numquid.  —  63  quem]  que.  —  64 
nosmet  ipsae]  nosmed  (-2).  —  6$  Le  refrain  n*est  indique  que  par  Dol.  —  66 
At  dct]  Et  de  I  ocius]  otius.  —  66  socius]  sotius.  —  69  nosmet  fudimus] 
nosme  fundimus.  —  jo  Le  refrain  n*est  indiqué  que  par  Dol. 

59  n  me  semble  assez  probable  qne  ce  soit  le  quatrième  vers  de  ce  quatrain 
qui  manque,  et  c'est  ce  qu'indique  aussi  la  notation  musicale,  qui  correspond 
aux  trois  premiers  vers  des  deux  strophes  précédentes  des  Vierges  sages. 
L'identité  de  la  musique  rend,  en  outre,  encore  plus  vraisemblable  ce  que 
déjà  le  sens,  la  symétrie  et  le  manque  d'une  rubrique  Prudentes  après  le  vers  70 
font  supposer,  que  les  vers  56-60  devaient  suivre  immédiatement  les  deux 
quatrains  latins  des  Vierges  sages. 


228  W.   CLOETTA 


UERCATOUS 

(70)  71  Doxnnas  gentils,  no  tos  coven  ester, 

(7 1)  72  Ni  lojamen  aici  a  demorer. 

(72)  7^  Cosel  queret,  non  vos  poemdoner; 

(73)  74  Queret  lo  Deu,  qai  vos  pot  cosder. 
75  Oolentas,  chaitivas,  trop  i  avet  dormit  ! 

(74)  76  Alet  areir  a  vost  sajas  seros, 
(75)77  E  preiet  las  pre  Deu  lo  glorios 

(76)  78  De  oleo  fasen  socors  a  vos  ; 

(77)  7^  Faites  o  tosi,  que  ja  venra  Tespos. 
80  DolentaSy  chaitivas,  trop  i  avet  dormit  ! 

FATUAE 

(78)  Si  A!  mistrtUy  nos  ad  quidvtnimusl 

(79)  82  A'iV  est  enim  illud  qucd  quammus. 

(80)  85  Fdîdtum  est,  et  nos  viddnmus  : 

(81)  84  Ad  nuptias  numquam  intrabimus. 

(82)  85  Dolentas,  chaîtîvas,  trop  i  avem  dormit! 

{\fckJc  irnU:  SpomusS) 

(S^)  S  6  AiiJJy  Sponse,  voces  plangentium  : 

(S4)  S7  Aperire  fci<  nohis  csîium 

(  8  5  )  S  S  Cu  'K  sxiis  ad  dulce  prandium  ; 

(v'nS)  S«^  }\:stra^  culpdi  proche  rernedium! 

<)o  Dolentas,  chairivas,  trop  i  avem  dormit  ! 


71  Cs^vcTij  CvM-er.:.  —  74.  qui]  chî.  —  7>  ^  rtfrain  manque  complèttnunt  dans 
iV  ":>.  —  70  vo>:  sa*ji>]  vostras  saîj.  —  77  preiet]  preiat  |  pre]  p  barré.  — 
8v>  U  •;■•■'.:.:  ••;.:•..:.•.:•  â:  t^vv:/.:;;.  —  S:  FATUAE]  ÎAà  la  marge  gauche.  — 
S:  iu;:ô'  :!!;::.  —  S 4  nun:qujim]  nunquam.  —  S>  1/  refrain  n^est  indiqué  que 
p:*  \\\.  —  Se*  L:  ':.>».'.;:..• .;:.;"  r^;.-.jV  .x  ^cuie  à  f extrémité  de  la  marge  droite. 
8S  <oci:s*  s^^ti'.s  .îà  Ju!i.t:  rrir.iium  •nj»tj-u^.  Je  même  que  Nostrae  culpae 
./..  ..'v  V,  ..:•.■;.  .:V  >,•;,•  .; ./  .V  /-  .-s:.  •  •n^^irv  Je  SS  et  le  second  membre  de  89 
s»  :;  ,/•:.  .:  .,  > ,  :    ■;  y.  .'  ; ,-  \  —  v>.^  L:  -r-^j;»:  nnu^ue  complètement. 

^$^  >    \  \  \>:<'\.\\\^'\  ôv*  vVn  ôc;:\  vers  es:  due  i  M.  Gaston  Paris. 


LE  MYSTÈRE   DE  L*ÉPOUX  229 

CHRISTUS 

(86)  91  Amen  dico,  vos  ignoscOy  nam  caretis  lumine, 

(87)  92  Quod  qui  perdunt  procul  perguni  huius  aulae  limine, 

(88)  93  Alet,  chaîtivas,  alet,  malaûreias! 

(89)  94  A  tôt  jors  mais  vos  son  penas  livreias, 

(90)  95  E  en  efem  ora  seret  meneias  ! 

(Modo  accipiant  eas  daemones  et  praecipitentur  in  injernum,) 

Je  suis  heureux  de  pouvoir  remercier  ici  M.  G.  Paris  des 
nombreuses  et  précieuses  remarques  qu'il  a  eu  la  bonté  de  me 
communiquer  à  propos  d'une  première  rédaction  de  ce  travail  ; 
elles  m'ont  été  de  la  plus  grande  utilité  et  ont  sensiblement 
modifié  ma  façon  de  voir  en  maint  endroit. 

W.  Cloetta. 


^i  Au  dessus  de  la  rubrique  Christus,  îe  rubricateur,  en  se  servant  de  V espace 
laissé  vide  pour  la  notation  musicale,  répète  la  rubrique  qui  se  trouvait  déjà  trois 
vers  plus  haut  :  Modo  veniat  Sponsus.  —  93  perdunt]  pergunt  |  limine] 
lumioe.  —  93  malaûreias]  malaureas.  —  94  son]  so  |  livreias]  livreas.  —  95 
E]  manque  ( —  i). 

91  Amen  dico  vobis,  nescio  vos  (Èvang,  selott  saint  Math.,  XXV,  12).  Il  est 
évident  que  ignosco  a  id  le  sens  de  nescio,  ce  qu*on  a  cru  pouvoir  constater 
aussi  dans  d'autres  textes,  voy.  Du  Méril,  /.  c,,p,  237,  et  le  dictionnaire  latin 
de  Forcellini.  En  introduisant  ignora,  on  détruirait  complètement  la  rime,  déjà 
imparfaite,  des  deux  premiers  membres  de  ce  vers. 


SIMON  GREBAN  ET  JACQUES  MILET 


Un  des  volumes  du  recueil  bien  connu  de  Jacques  Robcrtet, 
conservé  à  la  Bibliothèque  nationale,  le  manuscrit  du  fonds 
français  171 6,  renferme,  du  fol.  i>  v<*  au  fol.  26  v*',  un  Lméres- 
sant  petit  poème,  fLiussement  attribué  i  Alain  Chanier  :  «  La 
Complaiftcte  faicU  par  tnaisîre  Alain  Charretier  de  la  mort  di 
maisïrc  Jaques  Millet  qui  composa  la  Destruction  de  Troye.  » 
Ce  poème,  —  69  huitains  en  ahabbck^  —  a  été  signalé  pour 
k  première  fois,  sauf  erreur,  par  Vallet  de  Vîriville,  qui  en 
a  parlé  très  brièvement  dans  son  article  sur  Milet  de  la  Biogra- 
phie Didot.  Ce  savant  n'a  pas  eu  de  peine  à  montrer  qu'Alain 
Chartier,  mort  longtemps  avant  Milet,  ne  peut  être  Fauteur 
de  la  complainte  du  manuscrit  1716,  mais  il  n*a  pas  aperçu 
Facrostlche  de  la  dernière  strophe  :  SIMON,  —  Simon  Greban, 
sans  aucun  doute,  dont  fune  des  spécialités  semble  avoir  été 
de  composer  des  complaintes  et  des  «  déplorations  *  1». 

Pour  donner  plus  de  poids  et  de  valeur  à  ses  éloges,  Greban 
a  fictivement  placé  quelques  vers  de  sa  Complainte  —  procédé 
souvent  mis  en  œuvre  au  xv  siècle  —  dans  la  bouche  autori- 
sée d'Alain  Chartier  :  voilà  pourquoi,  probablement,  le  poème 
de  Simon  Greban  est  attribué  à  l'auteur  de  la  Belle  dame  sans 
merci  par  le  compilateur  ou  le  copiste  du  manuscrit  qui  nous 
occupe.  La  Complainte  de  la  mort  de  Jacques  Millet  figure,  mais 
sans  la  mention  d*A!ain  Chartier,  dans  un  manuscrit  de  la 
bibliothèque  de  La  Haye'.   On  retrouve,  par  contre,    cette 


1.  M  Petit  de  Jullevillc,  Mystères,  I,  p.  516,  ayant  mal  compris  une  phrase, 
d' ailleurs  peu  dairc,  de  Vallet  de  Viriviile,  attribue  la  CompIainU  k  Robertet 
lui-même, 

2.  Vo>%  W.  G.  C.  Bîjvanck .  Spàimm  (fun  essai  critiqm  sur  Us  œuvres  de 
François  Villon,  p.  IJ3. 


SIMOK   GREBAN   ET  JACQUKS    MILET  23  I 

étrange  attribution  dans  un  passage,  jusqu'ici  mal  compris,  de 

■     la  Plainte  du  Désiré,  Jean  Le  Maire  de  Belges,  écrivant  Félogc 

funèbre  de  Louis  de  Luxembourg,  prince  d'Altemore,  comte  de 

Ligny,  mort  le  3 1  décembre  1503,  fait  dire  à  dame  Rhétorique  : 


Mais  je  n'ay  plus  un  Virgile  qui  plaigne 

Son  Mecenas,  ne  Catulle  qui  daigne 

Gémir  la  mort  des  petits  passerons  ; 

Maistre  Alain  dort,  doni  de  due  il  mon  cueur  saigne, 

Qiii  pour  Milet  sa  plume  en  tristcur  baigne  *  ; 

Grcban,  qui  pleure  un^bon  roy  %  l'accompaigne  »  ; 

Si  ne  sçay  plus  désormais  que  ferons  f 


1^    ^»l 

W       Je  relève  dans  le  Catalogue  Cîgongne,  n**  534,  !a  description 

■     d*u ne  petite  plaquette  gothique,  imprimée  à  Paris,  sans  date, 

avec  le  titre  suivant  :  La  Forest  de  tristesse,  composée  par  maisire 

Jehan  de  Mun  (sic)  4.  «  Ce  petit  poème  »,  lit-on  dans  le  Cata- 

Ilogue  Cigongne,  «  dont  la  mort  de  J*  Milet,  auteur  de  la 
m  Destruction  de  Troyc  la  Grant,  [est  le  sujet,  n'est  pas  de  Jean 
«  de  Meung,  puisque  d  après  Tépitaphe  de  J,  Milet,  qui  se 
«  trouve  dans  Touvrage  même,  on  voit  qu'il  mourut  en  1456, 
a  c*cst-i-dire  plus  de  cent  ans  après  Jean  de  Meung.  »  Je  n*ai 
K  pas  eu  ce  petit  imprimé  sous  les  yeux,  mats  les  lignes  qu'on 
W  vient  de  lire  suffisent  pour  identifier  cette  Forêt  de  tristesse  avec 
le  petit  poème  de  Simon  Greban.  Le  cas  de  Jean  de  Meun  est 
identiquement  le  même  que  celui  d'Alain  Chartier.  De  même 


I.  M,  de  Montaiglon ,  ne  voyant  pas  comment  Alain  Charrier  aurait  pu 
écrire  une  complainte  sur  la  mort  de  Milet,  explique  ainsi  ces  deux  vers  : 
M*  Atain  don,  dûnt  de  ducil  mon  cucur  saigne^ 
Qui  {Uqutî  eueur)  pour  Mikt  sa  plume  en  tristcur  baigne. 

[Lts  poftts  français  y  I,  509.) 

L       a.  Allusion  à  b  Complainte  de  la  rttort  de  Chartes  VÎI^  de  Simon  Greban, 
^1       j.  M.  Stcchcr,  Œuitres  de  Jean  Lemairede  Betges  (Louvain,  1885)»  IJI,  172, 
^Ê  Ùà^m  un  vers  faux  et  une  phrase  incorrecte,  imprime  ainsi  la  jîn  de  ta 

^^^^L  Grcbant,  qui  pleure  d*un  bon  roy  la  compaigne, 

^^^^P  Si  ne  sçay  plus  dcsomiais  que  ferons, 

4.  En  void  le  titre  complet  :  La  Forest  de  tristesse ,  composée  par  maistrt 
Jehan  de  Mim  (sic),  avec  PEpistre  du  salutaire  au  tnondain.  On  les  vend  à  Paris, 
ca  la  rue  Neufve  Nostre  Dame,  a  l'enseigne  Saint  Nicolas.  S.  d,,  pet.  in-80 
SDib.,  ao  f^. 


232  A.    PIAGET 

que  ce  dernier,  Clopinel,  dont  la  renommée  était  si  grande 
encore  au  x\^  siècle,  est  mis  en  scène  dans  la  Complaink^  où  il 
est  chargé  de  «  dire  Tobseque  '  », 

Quant  au  titre  Foret  de  frisîcsse,  il  convient  parfaitement  au 
poème.  Simon  Greban  se  représente,  en  effet,  assistant,  dansi 
une  foret,  à  la  désolation  des  n^^uf  Muses  qui  pleurent  la  mort 
de  Miîet,  —  foret  de  tristesse,  assurément,  puisqu*il  s^agit 
d'une  cérémonie  funèbre*  On  pourrait  au  besoin  donner  de  ce 
titre  une  autre  explication.  Dans  sa  Complainte^  Greban  ènumère 
les  différents  ouvrages  de  Milet,  donc  Fun  est  précisément 
intitulé  la  Foret  de  tristesse.  Il  est  possible  que  rimprimeur-èdi- 
teur  ait  tout  bonnement,  par  confusion  peut-être,  adopté  ce 
titre  pour  !e  petit  poème  qu'il  publiait. 

Je  juge  inutile  de  fliire  l'analyse  de  la  Complainte  ik  la  tnvrt  de 
Millet;  j'en  citerai  seulement  la  fin.  Après  avoir  invectivé  la 
mort  impitoyable  et  s'être  longuement  lamenté,  dame  Rhcto- 
rique  entre  dans  Féglise  où  se  trouve  le  corps  de  Jacques  Milet, 
accompagnée  «  de  son  grant  filz  Marcus  TulHus  »,  d'Horace,! 
d'Orose,  de  Servius,  de  Térence,  de  Valère,  de  Macrobe,  de 
Virgile,  d*Homère,  d'Ovide  et  de  Boccace.  Gilles  Binchoîs  avait 
composé  la  musique  de  la  cérémonie,  Jean  de  Me  un  t<  dit 
lobseque  ïi ;  Guillaume  de  Lorris,  Mercadé,  Ivry,  Guillaume 
Le  Munier,  Du  Fay,  Okeghem  et  Fedé  officient.  Enfin,  Alain 
Chartier  est  chargé  d'écrire  Fépitaphe  du  défunt  : 

Lors  Rethorîque  en  reglîse  entre 

Avecques  toute  sa  séquelle. 

Et  ont  mis  le  corps  droit  au  centre 

De  b  ch;ippellc,  Dieu  sçait  quelle. 

Et  puis  kl  dime  a  pencé  qu'elle 

De  lotjg  temps  en  a  amé  ung, 

due  (ms.  Qui)  pour  lobseque  dire  appelle  : 

Ce  fut  feu  maistre  Jehan  de  Mehung. 


K  Brunct,  ManurJ  du  Libraire  s.  yo,  Mun  (J.  AO»  décrivant  ce  roèmc 
exemplaire  de  la  Partît  de  tristesse,  le  seul  connu,  se  demande  quel  est  ce  Jean 
de  Mun  Oie),  poète  du  xv<  siècle,  dont  ne  parlent  ni  La  Croix  du  Maine,  ni 
Du  Verdïcr.-Ce  n*est  pas  le  seul  exemple  d^ouvrages  faussement  attribués  à 
Jean  de  Meun  au  xv*  et  même  au  xvie  siècle.  La  Destructiofi  de  Troye,  de  Milci, 
a  ét6  imprimée  à  L>'onen  1543,  comme  «  composée  en  riihme  françoyse  par 
raaistrejelun  de  Mehun  ».  >  J      r 


SIMON   GREBAN   ET   JACaUES   MILET  233 

Pour  ce  corps  bel  office  y  a, 
Et  fut  moult  bien  recommandé. 
De  Lorriz  y  officia, 
Yvry,  Munier  et  Mercadé, 
Okeghem,  Du  Fay,  Fedé, 
Et  Binchois  y  transmit  musique, 
Desquelz  le  chant  a  trescendé 
Toute  mélodie  angelique  ', 

Non  pas  en  nottes  chansonnans, 
Balans  ne  de  revoisement. 
Mais  pyteusement  resonnans 
G)mme  lamentans  proprement. 
Ainsi  la  messe  entièrement 
Ces  seigneurs  ont  voulu  parfaire, 
Le  très  plus  solennellement 
Qji'il  seroit  possible  de  faire. 

Le  service  fait  bien  et  beau 
Par  gens  très  propres  et  deccns, 
Le  corps  fut  porté  au  tombeau 
Bien  gamy  de  myrre  et  d*encens. 
Et  y  eut  a  mille  et  a  cens 
De  synamome  si  tresfine 
Qji'il  n*est  possible,  com(me)  je  sens, 
Qpe  jamais  si  fine  odeur  fine. 

Apres  ont  a  cinq  ou  a  six, 
Pour  couvrir  le  corps  tout  entier, 
Sur  la  fosse  ung  grant  marbre  assis 
Si  qu*il  n'y  eut  trou  ne  sentier. 
Et  lors  vint  maistre  Alain  Chartier, 
Sans  nul  autre  historiographe. 
Qui  sur  sa  tombe  vint  traitier 
En  lectre  d'or  ceste  epitaphe. 

I.  Tous  les  personnages  que  cite  Simon  Greban  sont  bien  connus,  sauf 
Munier  et  Fedé.  Sur  Guillaume  Le  Munier  ou  Le  Monnier,  auteur  de 
ballades  et  d'un  chant  royal,  nous  n'avons  que  les  renseignements  que  nous 
donne  Fabri,  édition  Héron,  II,  19,  94,  97  et  129.  A  la  p.  94,  on  lit,  par 
faute  dlropression,  lo,  Munier  (corrigez  :  Le  Munier),  et  M.  Héron  en 
fait  à  tort  un  personnage  distinct,  du  nom  de  Jehan  Munier.  —  Quant  au 
musicien  Fedé,  il  ne  figure  pas  dans  la  Biog.  univ.  des  musiciens  de  Fétis, 
mais  il  est  mentionné  par  Guillaume  Crétin  dans  sa  DeploreUion  sur  le  trespas 
tUfiu  Ohtrgan, 


254  ^*  PUGET 

EpiiapbUm. 
Cy  gist  oudstre  Jflquet  IGUet» 
Notable  homme  et  sdentifique, 
Leqod  Êuné  entre  mil  est, 
Filz  a  oraee  Rethorique» 
Qpi  par  le  rq;ard  basitique 
De  la  mort  fut  rendu  transis, 
A  Paris,  la  ville  autentique, 
Mil  quatre  cens  soixante  et  six  '. 


Qpant  ceste  tombe  fut  i 
Et  Tepitaphe  reluysant, 
Et  par  dessus  la  pierre  mi&e 
Ung  ymage  doulce  et  plaisant. 
Le  corps  laisse[nt]  ilec  gisant 
Ainsi  richement  compacé, 
Et  s'en  vont  trestous  en  disant  : 
SU  hcus  tjus  cum  pacê. 

Qpant  fut  fiùcte  la  despartye 
De  rassemblée  que  Dieu  sault, 
A  singulier  dudl  despartie, 
Car  tristesse  fort  les  assauk, 
Ung  grant  cerf  de  la  forest  sank, 
Qpe  force  de  chiens  travailla. 
Lors  je  sailly  sus  en  sursault. 
Car  le  son  des  corps  m*esveilla. 

Seigneurs  et  dames,  com  je  sens, 
J*e$criptz  mon  songe  et  le  vous  livre. 
Mois  excusez  mon  simple  sens  : 
On  n*e$t  pas  tousjours  a  deslivre  ; 
Ne  )e  n*en  quiers  ne  nurc  ne  livre  : 
MiUet  Ji  ce  foire  m^enAime, 
Atin  que  quint  <xrez  ce  li\Te 
Vueillez  EHeu  prier  pour  son  ame. 


X.  Le  ms,  de  La  Ha>'e«  cit<  par  M.  Btjvaock.  et  llmprinié  gocliiqoe 
dvHîuctu  rjLUQce  14  >ô.  dite  £iusse.  comme  fessaN-eni  ie  le  moutio  pbis  loin. 
—  5c  bvfea:u  sur  ce  pdbsso^  Je  u  CymptuifCe  ie  Sùnoa  Gtcbon,  M.  B^ranck, 
dxQS  une  lo«2^ue  zKHe  «ie  »q  Fxsi:'  iriiùfoe  .<v  fluni»  p.  155»  ctott  pouvoir 
cecttitt  U  da^:  de  U  mcrt  dWUia  Qurtier  jusqu  en  140  oa  1456L 


SIMON   GREBAN  ET  JACOPES  MILET  2y$ 

n 

ici  le  passage  de  la  Complainte  de  Simon  Greban  dans 
1  sont  énumérés  les  différents  ouvrages  de  Jacques  Milet  : 

Faulse  mort,  qui  tous  maulx  octroyé, 
Tu  as  bien  serrée  la  bouche 
Qpi  la  Destruction  de  Troye 
Mit  jadis  en  si  haulte  couche, 
Et  si  bien  les  hystoires  touche, 
Sans  riens  laisser  qui  soit  de  choix , 
Qpe  riens  a  cest  euvre  n*attouche 
Au  moins  pour  langage  françois. 

Au  temps  de  son  adolescence 
Fit,  pour  honneur  de  sa  maistresse, 
Ung  livre  de  grant  excellence 
Nommé  la  Farest  de  tristesse. 
Et  maint  autre  que  je  délaisse. 
Et  or  le  voy  je  mort  gésir  I 
Qpant  il  fault  que  tel  bouche  cesse, 
Ce  m'est  ung  mortel  desplaisir. 

C*est  la  bouche  que  je  esleus  ', 
Qpi,  au  temps  de  prospérité. 
Fit  Fulgor  Apdineus 
Pour  Agnès,  dame  de  Beaulté. 
Ce  mettre  est  en  solennité 
Escript  a  Loches  sur  la  lame. 
Lequel  a  plusieurs  incité 
De  prier  a  Dieu  pour  son  ame. 

î  la  Destruction  de  Troye^  qui  eut  un  si  grand  succès,  je  ne 
en  *.  On  connaît  bien  également  l'épitaphe  latine  d'Agnès 
,,  commençant  par  ce  vers  : 

Fulgor  ApoUinaeus  rutilantis  luxque  Dianae). 

C'est  Calliope  qui  parle. 

Voy.  Petit  de  Julleville,  Les  Mystères,  I,  3 1 5-3 17  ;  II,  569-574  ;  Catalogue 

WW,n,  16-17. 

Voy.  J.  Ddort,  Essai  critique  sur  Thistoire  de  Charles  VU,  d'Agnès  Sùrét 

eanne  d'ArCf  Paris,  1824,  p.  289. 


236  A.    PIAGET 

Quant  à  la  Forit  de  tristesse^  Vallet  de  Viriville  avoue  que  «  ce 
mélancolique  produit  »  a  échappé  à  toutes  ses  recherches.  Je 
crois  avoir  retrouvé  ce  poème  dans  \t  Jardin  de  Plaisance^  édition 
Vérard,  flP"  cciv-ccxxiv  \°  :  Comment  V amant  yssant  du  Jardin  de 
Plaisance  entra  en  la  Forest  cuydant  avoir  plus  de  joye  et  il  entra 
en  Tristesse  en  plusieurs  façons.  Les  premières  strophes  nous 
donnent,  avec  la  date  du  poème,  quelques  vagues  renseigne- 
ments sur  l'auteur,  jeune  encore,  amoureux  a  d'une  gente 
dame  »  : 

Mil  quatre  cens  cinquante  neuf, 
En  avril,  que  Ton  voit  la  fleur 
Par  les  boys  plus  blanche  qu'ung  œuf 
Et  autre  d'estrange  couleur, 
Je  vois  pensant  a  ma  douleur, 
Environ  le  cinquiesme  jour 


Dieu  scct  en  quel  piteux  séjour. 

Pensant  a  mes  plus  chiers  secretz, 

En  la  chambre  paincte  d*cnnuys, 

Soubz  le  pavillon  des  regretz 

Ou  mon  cueur  couche  jours  et  nuitz, 

Ainsi  languissant  que  je  suis. 

Et  selon  que  je  sens  petit, 

Ung  livre  feray,  se  je  puis, 

Bien  ou  mal  a  mon  appétit. 

Pour  resveiller  mes  esperilz 
Endormis  au  dur  lict  de  dueil, 
Rimer  me  fault  a  mes  perilz 
Ce  qu*oncques  homme  ne  vit  d'œil. 
Entrer  en  la  matière  vueil, 
Et  en  escriray  le  registre 
Qui  sera  fait  selon  mon  vucil. 
Dieu  m*en  doint  en  bonne  fin  istrc  ! 

Tout  seulet,  sans  nul  confort  d*ame. 
Je  vueil  faire  ce  petit  livre 
En  l'honneur  de  ma  gente  dame 
A  qui  corps  et  pensée  livre. 


I .  Le  vers  manque. 


SIMON   GREBAN   ET   JACQUES   MILET  237 

Pour  elle  puis  mourir  ou  vivre  : 
C'est  mon  plus  assouvy  désir, 
Et  le  bien  que  je  doy  poursuivre 
Pour  faire  a  mon  cueur  son  plaisir. 

Dieu  luy  doint  ce  qu'elle  vouldroit, 
Et  a  moy,  qui  jamais  n'euz  bien , 
Me  face  d'elle  si  bon  droit 
Qpe  je  peusse  congnoistre  bien 
Qp'en  la  servant  n'ay  perdu  rien  I 
Autrement  grant  tort  me  feroit, 
Or  sur  ma  foy,  je  suis  plus  sien 
Que  personne  ne  penseroit. 

Ne  plus  ne  moins  que  l'or  s'espreuve 
Qpi  est  en  la  fourftaise  esprins, 
Mon  povre  cueur  en  feu  se  treuve 
Par  sa  beaulté  qui  Ta  surprins. 
Et  si  j'ay  si  hault  entreprins 
Que  n'en  puisse  a  bon  chief  venir, 
Mon  œil  en  doit  estre  reprins  : 
Luy  seul  m'en  fîst  assouvenir. 


En  termes  obscurs  et  couvers, 
En  unt  que  me  compecte  et  touche, 
Je  vudl  escrire  et  mectre  en  vers 
Cela  que  [ne]  voult  oncques  bouche  ; 
Et  s'il  est  aveugle  ne  lousche, 
Sourt  ou  autre,  qui  point  n'entende 
Mon  esprit  ainsi  que  le  couche. 
Humblement  pardon  luy  demande. 

Car  a  mon  cas  a  trop  de  quoy 
Je  me  dois  bien  plaindre  a  couvert, 
Et  que  mon  dueil  porte  a  rcquoy 
Soubz  ma  robbe  de  gris  ou  vert, 
Pensant  qu'ung  jour  a  l'œil  ouvert 
Advenir  verray  mon  désir. 
Dont  me  trouveray  recouvert 
Sans  plus  au  lict  de  dueil  gésir. 

Qui  ne  m'entend  a  sourde  oreille  | 
Je  ne  puis  plus  par  escript  mectre  ; 


238  A.    PIAGET 

La  chose  m*est  si  nompareUle 
Qpe  n*eti  sçay  parler  cler  par  lectre. 
Pitié  m*a  voulu  entremecire 
D'en  faire  une  trouble  complainte. 
Et  m'a  fait  jurer  et  promcctre 
QjLi*eii  feroye  secrète  plaînie. 

Secrètement  me  faull  douloir 
Afiin  que  nesung  ne  congnoissc 
La  vérité  de  mon  vouloir 
Ne  d'où  procède  mon  angoisse. 
Et  est  ce  qui  au  cueur  me  presse 
Ce  que  j*ay  congneu  et  hanté. 
Ou  que  ma  douleur  si  fort  croisse 
Que  jamais  je  n'aye  santé. 

Notre  poète  se  représente,  en  songe,  égaré  dans  la  Forêt 
d'enoLii  ou  Forêt  de  tristesse,  dont  une  femme  horrible  à  voir. 
Mélancolie,  est  la  gardienne.  Dans  cette  forôt,  véritable  enfer 
des  amoureux,  il  n'aperçoit  que  cadavres,  il  ne  rencontre  que 
gens  fous  de  désespoir,  il  n'entend  de  tous  côtés  que  cris  et 
plaintes.  Après  de  long  détours,  il  arrive  devant  un  arbre  auquel 
se  trouve  attachée,  avec  la  chaîne  d*Amer  souvenir,  une  jeune 
femme  nommée  le  Chief  des  dames,  jadis  «  fresche  et  ver- 
meille M,  aujourd'hui  toute  «  descoulouree  ».  Il  écoute,  caché 
derrière  un  buisson,  la  complainte  que  cette  malheureuse  adresse 
à  la  «  royne  des  cieulx  n  : 

Las  !  moy»  povrette  jouvencelle, 
Qiii  me  tiens  servante  et  ancelle 
Au  saint  trcisne  de  paradis, 
Je  me  cora plains,  doulce  puceUe, 
De  la  douleur  que  mon  cueur  celle, 
Ne  que  jamais  a  nul  ne  diz, 
Dk  deux  liv^res  faulx  et  mauldis 
Cbii  sont  escripu  contre  mon  bien, 
Pl^ns  de  meschans  et  vilains  ditz  : 
Dieu  le  scet  et  vous  aussi  bien. 

C^  deux  livres,  on  le  devine,  ne  sont  autres  que  le  Rùtnan  ai 
la  Rose  et  les  Lanieniaiiom  de  Mathmlus^  que  notre  auteur 
appelle  le  Testa$nmt  dtsfemma. 

Nous  ne  suivrons  pas  notre  poète  dans  toutes  ses  aventures. 


SIMON  GREBAN   ET  JACCIUES   MILET  239 

Après  avoir  risqué  de  se  noyer  dans  la  rivière  de  RefFus,  en 
compagnie  de  l'amant  de  la  Belle  dame  sans  merci»  il  rencontre 
Subtilité  qui  lui  donne  de  longs  renseignements  sur  la  «  forest 
mauldicte  »,  que  tous  les  mortels,  une  fois  ou  l'autre,  doivent 
traverser.  Enfin,  tant  bien  que  mal,  il  arrive  au  château 
d'Amours,  où  il  retrouve  le  Chief  des  dames  et  où  il  assiste  au 
jugement  de  Jean  de  Meun  et  de  Matheolus.  Je  rapporte  ici  un 
fragment  de  ce  jugement,  qui  montre  une  fois  de  plus  combien, 
à  la  fin  du  xv«  siècle,  étaient  encore  populaires  les  violents 
poèmes  de  Clopînel  et  du  Bigame  : 

Toy,  desloyal  Matheolus, 

Indigne  qu'on  te  nomme  plus, 

Ne  que  dedans  la  terre  couches, 

Cueur  villain,  la  pire  des  bouches, 

Des  dames  diz  en  ton  escript 

Q)ie  pires  sont  que  Tantechrist, 

Et  en  ce  mauldit  propos  entres 

Que  si  les  mers  deviennent  cendres  *, 

Terres  et  champs  et  tout  chemin 

Feussent  papier  et  parchemin, 

Et  (que)  tous  arbres  devinssent  plumes 

Pour  faire  rommans  et  volumes, 

Et  que  se  les  cueurs  de  chascun 

Fussent  assemblez  tous  en  ung, 

Si  ne  pourroit  on  concevoir, 

Escrire  ne  ramentevoir 

Tous  les  maulx  ne  tous  les  diHames 

Qpe  l'on  pourroit  trouver  en  femmes. 


Jamais  de  toy  n'eust  riens  esté, 
Se  femme  franche  et  naturelle 
Ne  t*eust  tendrement  allaicté 
De  sa  nourrissante  mamelle. 
Pour  toy  perdit  nom  de  pucdle, 
Neuf  moys  en  son  corps  te  coucha. 
Puis  en  soufirit  paine  mortelle 
Qpant  de  toy,  meschant,  acoucha. 


I .  Il  faut  évidemment  corriger  :  encres* 


■w--^ 


240  A.   PIAGET 

Pour  toy  porta  donlair  anieie» 
Avant  qu'dle  feust  acoadiéy 
Depub  vers  toy  se  moostra  mei«, 
Lasche  paillart  mal  embouché; 
Cent  kîz  t*a  longuement  ooodié 
Et  couvert  de  sa  blanche  main. 
Ou  ton  père  n'eust  pcrnit  touché. 
Car  homme  n*est  pas  tant  humain. 


Toy,  fauk  paillart  Mathedus, 
Chascun  sçait  que  tu  es  infime. 
Car  tu  euz  deux  femmes  ou  plus 
Espousees  comme  ung  bigame; 
Tout  le  monde  t'en  donna  Uasme, 
Et  par  justice  en  fîiz  repris. 
Depuis  pour  te  vengier  de  fismme 
Ce  malheureux  livre  entrepris. 

Ce  livre,  selon  qu'on  m*a  dit, 
A  nom  le  TestametU  des  femmes» 
Qpe  pleust  a  Dieu  qu'on  te  pendist 
Et  ceulx  qui  dient  tdz  diffunesl 
La  loy  repute  pour  in£unes 
Hommes  et  les  excommunie 
Qui  mesdiront  du  Chief  des  dames  ' 
Et  de  sa  noble  compaignie. 


Je  te  desckire  estre  trouvé 
Faulx  aaeur,  ennemy  des  dames, 
Bigame,  menteur  approuvé. 
Facteur  du  Testament  des  femmes. 
Le  villain  boucquin  tant  infâme 
Sera  bruslé  présentement 
Pour  monstrer  que  telz  villains  blasmes 
Sont  contre  droit  totalement. 


Qpant  au  regard  de  Jehan  de  Meun, 
Qpi  fist  le  Rommant  de  la  Rose, 


I.  Jardin  de  Plaisance  :  femmes. 


SIMON   GREBAN   ET  JACQUES   MILET  24 1 

Sage  clerc  selon  bruit  commun, 

Dit  des  femmes  trop  ville  chose  : 

En  son  livre  dit  et  propose 

Qji'ilz  sont  trop  meschantes  en  somme  »  ; 

Mais  quant  a  moy  je  m*y  oppose  : 

Il  ment  comme  ung  desloyal  homme. 

Prudes  *  femmes,  par  saint  Denys, 
Gracieuses  et  secourables, 
Voit  on  trop  plus  que  de  fenix, 
Qjii  sont  belles  et  honnorables  : 
Toutes  les  maintien(nen)t  détestables, 
Sans  en  excepter  une  seule  ; 
Mais  cent  mille  en  voy  de  notables 
Qjii  tiennent  qu'il  ment  par  sa  gueule. 


Si  suis  de  ceste  oppinion 
Que  celluy  qui  tresfort  les  blasme 
Vault  pis  qu'un  houlier  d'Avignon 
Ou  qu'un  meurtrier.  Par  Nostre  Dame, 
On  devroit  en  feu  et  en  flame 
Brusler  rommans,  gros  et  menuz, 
Qui  desprisent  la  digne  femme 
Dont  tous  les  hommes  sont  venuz. 

Qpant  a  moy  je  croy  tellement, 
Q^e  homme  qui  femme  desprise 
N'est  point  né  naturellement, 
Ne  baptisé  en  saincte  église, 
Puis  que  son  beau  doulx  per  ne  prise, 
Et  que  pour  meschant  le  repute, 
Prest  a  faire  pire  entreprise 
Que  les  sorciers  de  la  Va u pute. 


r  du  jugement,  notre  poète  aperçoit  une  vaste  prairie 
ve  être  «  la  gente  pree  de  mercy  »,  et  il  s'y  engage, 


:  Plaisance  :  en  personne, 

le  Plaisance  :   Prudentes.  C'est  une  allusion  aux  vers  connus  du 

/?(w  (édit.  Michel,  i,  288): 

Prodcs  fames^  par  saint  Denis, 

Dont  il  est  mains  que  de  fcnis... 
iXII.  16 


242  A.    PIAGET 

guéri,  lui  semble-t-il,  de  son  mal  d'amours.  Voici  la  dernière 
strophe  du  poème  : 

Lors  sur  ma  couche  m*arresté 
Comme  homme  de  sens  despourveu. 
En  pensant  ou  j'avoye  esté. 
Ou  s'avoye  songé  ou  veu. 
Tantost  a  par  moy  je  congneu 
Que  trestont  n*estoit  que  mençonge  ; 
Non  obstant,  ainsi  que  j*ay  scen. 
J'en  ay  fait  descrire  le  songe. 


m 


Le  long  poème,  —  cinq  mille  vers  environ,  —  dont  je  viens 
de  faire  une  rapide  analyse  convient  parfaitement  à  ce  que 
Simon  Greban  nous  apprend  de  Touvrage  perdu  de  Milet.  Et 
d'abord,  on  peut  à  coup  sûr  l'intituler  la  Forêt  de  tristesse  :  non 
seulement  le  sujet  du  pocme  nous  y  autorise,  mais  la  rubrique 
du  Jardin  de  Plaisance  nous  y  oblige.  Pour  relier  entre  eux  tous 
les  poèmes  de  son  anthologie,  le  compilateur  anonyme  du 
Jardin  de  Plaisance  a,  plus  ou  moins,  suivant  les  cas,  modifié, 
remanié,  allongé  leurs  titres;  mais,  dans  ce  délayage,  on 
retrouve  toujours  et  sans  peine  le  titre  original.  Un  exemple 
montrera  clairement  la  chose.  Dans  la  rubrique  suivante  :  La 
relation  faicte  au  Jardin  de  Plaisance  du  dehat  de  Vaniant  et  de  la 
dame ,  qui  est  sans  conclusion,  on  reconnaît  facilement  le  poème 
connu  sous  le  titre  de  Dehat  sans  conclusion  ou  de  Relation  du  débat 
sans  conclusion.  Le  Débat  du  cœur  et  de  F  œil,  de  Michaut  Taillevent, 
est  ainsi  intitulé  dans  le  Jardin  de  Plaisance  :  Comment,  les  amatts 
estans  au  Jardin  de  Plaisance  a  leur  plaisance,  F  un  des  amans  se  corn- 
plaint  de  son  cueur  qui  se  débat  a  son  œil.  Le  titre  de  FonH  de  tristesse 
ressort  naturellement  de  la  rubrique  Comment  Famant  yssant  du 
Jardin  de  Plaisance  entra  en  la  forest  cuydant  avoir  plus  de  joye  et  il 
entra  en  tristesse  en  plusieurs  Jaçons, 

Le  titre  acquis,  passons  à  Tauteur.  Simon  Greban  nous 
apprend  que  Jacques  Milet  a  composé  sa  Forêt  de  tristesse  «  au 
temps  de  son  adolescence  »  et  «  pour  Thonneur  de  sa  mais- 
tresse  0.  Or  le  poète  du  Jardin  de  Plaisance  nous  parle  à  deux 


SIMON   GREBAN   ET  JACQUES   MILET  243 

OU  trois  reprises  de  sa  jeunesse.  A  Sapience  qui  Texhorte  à  se 
défier  des  femmes  et  de  l'amour,  il  répond  par  ce  vers  : 

Il  fault  que  jeunesse  se  passe, 
et  il  ajoute  : 

Mais  (a)  moy  qui  en  jeune  aage  suis 
Il  est  besoing  que  fort  traveille 
Pour  attrapper  ce  que  je  puis 
D'amours,  qui  souvent  me  resveille. 

Q)mme  Milet,  enfin,  il  a  écrit  son  long  poème  «  en  Thon- 
neur  de  sa  gente  dame  »  : 

Tout  seulet,  sans  nul  confort  d'ame, 
Je  vueil  faire  ce  petit  livre 
En  rhonneur  de  ma  gente  dame 
A  qui  corps  et  pensée  livre. 

Quant  à  la  date  de  1439,  donnée  par  le  Jardin  de  Plaisance, 
elle  correspond  tout  juste  «  au  temps  de  l'adolescence  »  de 
Jacques  Milet.  Nous  savons^  en  effet,  que  lorsque  Milet  mou- 
rut, en  1466',  il  était  jeune  encore  :  Simon  Greban  accuse  la 
mort  d'avoir  agi  «  contre  l'ordre  de  Nature  »  en  frappant  ce 
poète  en  pleine  jeunesse;  Octavien  de  Saint-Gelais  également, 
dans  le  S^'our  d'honneur,  gémit  sur  le  trépas  de  Milet,  mort  «  en 
si  jeune  aage  ». 

Tous  ces  rapprochements  permettent,  me  semblc-t-il,  de 
regarder  la  Forêt  de  tristesse  du  Jardin  de  Plaisance  comme  le 
pocme,  qu'on  croyait  perdu,  de  Jacques  Milet. 

Arthur  Piaget. 


I.  Inutile  de  remarquer  que,  si  nous  regardons  la  ForiH  de  tristesse  du  Jardin 
de  Plaisance^  datée  de  1459,  comme  étant  de  Milet,  nous  devrons  rejeter 
comme  fausse  la  date  de  1456  donnée  par  le  manuscrit  de  La  Haye  et  par 
réditioodela  ComplainU  (voy.  d-dessus,  p.  234,  n.  i). 


UNE  SUPERCHERIE  D'ANTOINE  VÉRARD 


LES  REGNA  RS  TR  A  FERS  ANS  DE  JEHAN  BOUCHET 

M.  Piaget  a  montré  récemment  qu'un  volume  publié  en  1509 
sous  le  nom  d'Octavien  de  Sainct-Gelays,  La  Chasse  et  le  Départ 
d'amours,  contenait,  avec  quelques  légères  variantes,  la  plupart 
des  poésies  de  Charles  d'Orléans'.  On  peut  citer,  à  la  fin  du 
xv-'  siècle  ou  au  commencement  du  xvi*,  de  nombreux  exemples 
de  CCS  plagiats  éhontés,  et  nous  devons  admettre  que  nos  anciens 
auteurs  n'avaient  guère  Tidée  de  la  propriété  littéraire.  Nous 
voulons  aujourd'hui  faire  connaître  une  supercherie  qui  est 
pcui-ctre  encore  plus  singulière  qu'aucune  de  celles  dont  il  a  été 
parlé  jusqu'ici. 

Jehan  Bouchet,  le  procureur  poitevin,  tient  une  place 
honorable  parmi  les  poètes  de  la  première  moitié  du  xvi*  siècle. 
Il  était  ne  au  mois  de  janvier  1476,  et  ce  fut  en  1500  qu'il 
composa  son  premier  ouvrage  :  Les  Regiiars  traversant  les  péril- 
leuses ivycs  des  folks  fiances  du  monde,  tableau,  en  prose  et  en  vers, 
des  abus  et  des  fourberies  dont  tous  les  hommes  se  rendent 
coupables.  Le  titre  de  cet  ouvrage  lui  avait  été  inspiré  par  une 
clcgie  latine  de  Sébastien  Brant,  intitulée  :  Alop'kiomachia,  seu  de 
s{\ytai'Nlo  Ci'nflictuque  vulpium^,  Bouchet  porta  son  livre  au 
grand  libraire  parisien  Antoine  Vérard,  qui  voulut  bien  se 
charger  de  le  publier,  et  fit  même  graver  toute  une  série  de 
figures  en  bois  appropriées  au  texte.  Deux  ou  trois  ans  s'écou- 
lèrent entre  la  composition  et  la  publication  de  l'ouvrage.  I^s 


:.  .■.;♦/,:  Si\:>:i,;':i  ^^'•.;•;r  cV»»;;'»;.;  (Risilejc,  Joh.  Bergman  de  Olpe,  1498, 
in  0,  vl.  ■•;.  —  M.  Ch.irlcs  SchmiJî  (H:s:*}:re  littéraire  Je  V Alsace  à  li  fin  du 
Ai'  ..  .:.'.  .\  •':».v\\v".v':;.î:.  \l'î<  y/tV.V,  I,  2M^  fait  obser\*er  que  VAlopekicma" 
^  ■■..;  a\aii  ac\  j\ir.i'!:rc  J'aK^rJ  en  touille  voLnte. 


UNE  SUPERCHERIE   d' ANTOINE    VÈRARD  245 

Regnars  ne  virent  le  jour  qu'en  1503  '.  L'édition  était  luxueuse  ; 
mais  quelle  ne  fut  pas  la  stupéfaction  de  Bouchet  quand  il  cons- 
tata que  son  nom  avait  été  supprimé  du  volume  et  que  le  titre 
ponait  «  par  Sebastien  Brand,  lequel  composa  La  Nef  des  folz 
derrenierement  imprimée  a  Paris  ».  Le  Narrenschiffy  traduit  en 
latin  par  Jacques  Locher,  dit  Philomusus,  avait  paru  à  Bâle  en 
1497  et  1498,  et  avait  été  réimprimé  à  Augsbourg  et  à  Stras- 
bourg en  1497,  à  Paris  et  à  Lyon  en  1498.  La  supercherie  de 
Vérard  montre  de  quelle  popularité  jouissait  alors  la  satire  de 
Tauteur  alsacien;  mais  elle  porta  un  rude  coup  à  l'ambition 
naissante  du  poète  poitevin.  Dans  une  épître  écrite  bien  des 
années  plus  tard,  Jehan  Bouchet  se  plaint  amèrement  du  pro- 
cédé malhonnête  du  libraire  parisien,  qu'il  n'avait  pas  hésité  ;\ 
poursuivre  en  justice.  Énumérant  tous  ses  ouvrages,  il  s'exprime 
ainsi  : 

Le  premier  fut  Lu  Regnars  traversatts, 

L'an  mil  cinq  cens,  qu'avois  vingt  [et]  cinq  ans, 

Ou  feu  Verard,  pour  ma  simple  jeunesse, 

Changea  le  nom  (ce  fut  a  luy  finesse). 

L'intitulant  au  nom  de  monsieur  Brand, 

Un  Alemant,  en  tout  sçavoir  tresgrand, 

Qii\  ne  sceut  oncq  parler  langue  françoyse, 

Dont  je  me  teu,  sans  pour  ce  prendre  noise, 

Fors  que  marri  je  fuz  dont  ce  Verard 

Y  adjousta  des  choses  d'un  aultre  art 

Et  qu'il  laissa  tresgrant  part  de  ma  prose, 

Qpi  m'est  injure,  et  a  ce  je  m'oppose 

Au  Chastelet,  ou  me  paciffia  ' 

Pour  un  présent  lequel  me  desdia  K 

On  le  voit,  Bouchet,  qui  était  un  homme  de  loi,  avait  porté 
résolument  l'affaire  devant  les  juges  compétents  ;  mais  il  ne  se 


I.  Dans  le  passage  des  Episires  cité  plus  loin,  Bouchet  dit  qu'il  a  composé 
Les  Regnars^  en  l'an  1500,  à  l'âge  de  vingt-cinq  ans.  Or,  on  lit  au  début  de 
l'ouvrage  : 

Jeune  je  suys  et  n'ay  pas  des  ans  trente. 
Non  vingt  et  huyt. 

On  trouve,  d'autre  part,  au  fol.  nj  b,  la  date  de  mars  1502  (v.  s.). 
3.  Imp.  ou  il  me. 

5.  Epistres  morales  et  familières  du  Traversetir  (Poitiers,  154$,  in-fol.), 
2«  partie,   fol.  47,  ép.  XI, 


.r-^'V'"^-: 


24e  Ê.  ncxxr 

borna  pas  à  une  action  judidaiie.  Pour  bien  constater  ses  droits 
d*auteur,  il  s*aflfubb  d'un  nom  nouveau,  et  se  fit  appeler  toute 
sa  vie  «  le  Traverseur  des  voyes  périlleuses  » ,  ou  sîmpicnicnt 
«  leTraverseur». 

H  nous  suffît  de  renvoyer  à  l'analyse  que  Pabbé  Goujel  a 
donnée  des  R^nars  traversans\  Ear  suite  des  suppressions  pra- 
tiquées par  Vérard  dans  b  prose  de  Fauteur,  l'ouvrage  est  asw 
court,  n  n'occupe  en  réalité  que  les  ff.  signés  mj-fij^  c'est-à-*ic 
31  ff.  en  tout,  n  se  termine  par  une  Exbariacim  ou  par  la 
premières  lettres  des  lignes  trouveresi  le  nom  de  Facteur  de  ce  présent 
livre  ei  le  lieu  de  sa  nativité.  Cet  acrostiche,  que  le  libraire  a 
naïvement  respeaé,  contient  en  eflfet  les  mots  :  Jehan  Bouaffir, 

NATIF  DE  PoiCnERS. 

Le  reste  du  volume  est  occupé  par  les  «  choses  d'un  aultre 
art  » ,  auxquelles  le  poète  fidt  allusion  dans  son  éjdtre.  Nous 
allons  les  £iire  connaître  en  détail  : 

I .  La  Complaincte  d'ung  damné. 

Cette  pièce  ne  pone  aucun  titre  dans  l'imprimé  ;  elle  est 
accompagnée  seulement  d'un  très  beau  bois  représentant 
les  peines  de  l'enfer.  Le  titre  que  nous  lui  donnons  tsf. 
emprunté  à  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale  (franc. 
^305,  fol.  27  ').  Voici  les  premiers  et  les  derniers  vers  des  deux 
textes  : 

Ms.  2  J06,  fol.  27.  Éd.  de  Vérard,  fol.  J5i>,  a  : 

Gens  endormyz  en  péchez  tant  infaicu.  Gens  endonniz  en  péchez  tant  in£ût2^ 

St>uille2,  puans,  villoins  et  contreÊiitz,  SouiUez,  puons,  vilains  et  contrcÉritz, 

Ne  domiez  plus,  mais  plorez  vos  maulx  Nedormezplus,  Mais  pleurer  vos  nuulx 

[faictz  [iai« 

A  grant  fo>*son.  A  gtant  foison. 

1  lorc/,  plorez,  car  il  en  est  saison.  Pleurez,  pleurez,  car  il  est  de  saison, 

cns  despv^ur\  euz  de  sens  et  de  raison.  Gcnsdespourveuzde  sens  et  de  raison, 

"clas .  jpon^ez  a  vostre  desraison  Et  pensez  bien  a  vostre  desraison. 

Tant  qme  temps  dure. 


Cruelle  et  dure. 


1-   ^W'vV^V«OVj«a>iVc-,  XL  2^ 
orne  i^.rr"'*'"^.^  ^  ^^  ^'''^^""^'''  P^"""  Franv-ois  1er,  puisque  la  miniature  qui 
rovalc    niaù  ,7,^"^^^"^^  '^'^  ^™«  Je  France  accompagnées  de  la  Salamandre 
'  ""''  ^'^  ^^-^^«  ^"  îï  renferme  som  du  x.-  si^e. 


UNE  SUPERCHERIE   d' ANTOINE   VÈRARD  247 

Considérez  la  peine  que  j'endure  Considérez  la  peine  que  j'endure, 

En  ce  feu  cy  ardant  qui  tousjours  dure,    Le  grant  travail  et  douleur  si  Iresdure 
En  lieu  puant,  infaict  et  plain  d'ordure    Et  que  je  suis  en  ce  lieu  plain  d'ordure 
Bien  attaché...  Bien  atachù. 

Fol.  33  vo.  Fol.  fVy  ab  : 

Quant  vous  vouldrez,  dont  vous  vous  Et  nion  conseil  estre  hou  vous  dire^y 
[mauldirez, 

Je  vous  prometz.  Je  vous  promcctz. 

Si  de  me  plaindre  devant  vous  m'en-  Si  de  me  plaindre  devant  vous  m'en- 

tremetz,  [tremetz, 

Las  I  raison  est  affin  que  tenez  netz  La  raison  est  affin  que  tenez  netz 

Voz  cueurs  rempliz  de  péchez  et  d'or-  Voz  cueurs  rempliz  de  péchez  et  d'or- 

[dure.  [dure. 

Vostre  pacquetau  grant  jourjeremetz,  Tout  ce  dehat  au  grant  jour  je  remectz 

Et  pour  seurtéaux  deables  me  commetz  Et  tout  le  cas  a  justice  commetz, 

Pour  endurer  peine  qui  tousjours  dure.  En  laquelle  équité  tousjours  dure. 

La  Complaincte  d*ung  damné  paraît  être  l'œuvre  d'un  poète 
qui  signait  «  Le  Douloureux  »  ;  tel  est  du  moins  le  nom  qui 
accompagne  les  deux  premières  pièces  du  recueil  manuscrit  qui 
nous  Ta  conservée. 

2.  Balade  de  pertiftacité  (éd,  de  Vérard,  fol.yi'  b). 

Nous  disons  bien  que  Dieu  nous  a  tous  faitz... 
Rejr.  Mais  gouverner  ne  nous  voulons  par  luy. 

Cette  ballade  se  retrouve  dans  un  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque nationale  (fr.  2206,  fol.  98)  ;  mais  elle  y  a  probablement 
été  transcrite  d'après  un  des  ouvrages  de  Bouchet.  En  effet, 
celui-ci  l'a  reproduite  dans  ses  Opuscules \  fol.  Hij  b,  et  dans 
ses  Généalogies  ^y  fol.  106  b. 

3.  Traité  en  prose  et  en  vers  sur  la  vanité  des  arts  libéraux 
et  des  arts  mécaniques  (éd.  de  Vérard,  fol.yz;  c). 


1 .  Opuscules  du  Traveruur  des  voyes  périlleuses^  nouvellement  par  luy  reveu\ , 
amande^  et  corrigés  (Poictiers,  Jacques  Bouchet,  1526,  in-4  goth.).  Voy.  Cat. 
Rothschild,  I,  n^  508. 

2.  Les  Geneak^ieSy  Effigies  et  Epitapixs  des  roys  de  France,  etc.  (Poictiers, 
Jacques  Bouchet,  et  Jehan  et  Enguilbcrt  de  Marnef,  154$,  in-fol.).  Voy. 
Catal.  Rothschild,  I,  n»  510. 


248  E.    PICOT 


PROLOGUE 

«  En  ung  lict  de  intirmité  pensant  a  par  mo>'  la  \'ariableté  des  choses 
violentes,  la  ou  riens  n'y  a  permanent » 

AUTRE  PROLOGUE 

Comme  songeant  et  non  en  songe, 
Esuni  en  mon  lict  me  trouvé... 

Il  n'est  pas  sûr  que  cette  pièce  soit  de  Bouchet,  bien  qu'elle 
soit  assez  dans  sa  manière  :  il  n'en  a  rien  reproduit  dans  ses 
autres  ouvrages,  quoiqu'il  ait  traité  dans  ses  Episires  morales 
des  sujets  tout  i  fait  analogues. 

4.  Des  vices  et  des  vertus  (éd.  de  Vérard,  fol.  1  iij  c). 
Réunion  de  ballades  reliées  entre  elles  par  des  additions  en 

vers  octosyllabiques  : 

j.       Gens  orgueilleux,  qui  estes  tant  penxTS... 
Rtfr.       Car  a  !a  tin  orgueil  déçoit  son  maistre. 

.'•.       Esbahy  suis  Je  vous,  gens  inhumains... 
Rifr.       Car  de  tous  maulx  avarice  est  la  rix. 

Peuple  paré  e:  îarcy  de  panrsse... 
Rft- .       Du  îenip>  perdu  il  tauldra  compte  rendre. 

i.       De  Terivicux  vue:!  parler,  qui  s'applicque... 
Ri'' .       Mais  :c*.!c>  i:cn>  doi:  o::  faire  mourir. 

IV!cr  ::oi:>  :iul:  au>>:  du  pcchc  d'yrc... 
A*!*'-.       Do:::  Vv^u>  :"àu'dr.i  plusieurs  hmuIx  endurer. 

■ .       Gv>  ^•\w«.>>i:-.  ou:  u:::  ayiv.ci  viuiîîc... 
K.'- ,       IX  u\  r.ir.id:>  v^^u-i  v.e  f\^uc;  avoir. 

^.        H:  ouv  di:^':>  de  '.vu>.  luxurieux? 

.V  ''.       1\!  .1  rvju'x  Vvulx  0.::  >."u\\.r.:  rie  voit  goûte. 

Ces  sep:  '?aI!aJc>  se  rerrouvcn:  dans  le  ins.  fran*;.  2506  , 
10!.  20.  H;!cs  y  so:^.:  placées  dariN  Tordre  suivant  :  a  h  g  d  e  f  c. 

Le  :r.a:iu>cri:  r.e  cor.tier.t  point  les  vers  qui  relient  les  bal- 
lades les  unes  aux  autres. 

5.  l\\^  :,^:.::\  .;..  ••:.•:.:.•  y^ed.  de  Vcr.ird,  fol.  iiij  d). 
Ce  poènie  es:  preccde  ie  deux  b.i'.'..iJes,  savoir  : 

.:.   O.:  :v:>^:  .    .  >.  •*\>v-.::^!.'^  :"  ^"d.::!^  ?  .. 
.V  •  .  O.--'^"  de  '.  ,>  :"..i.:'\  \ou>  :"uu!ùrà  reiiJre  compte. 


UNE  SUPERCHERIE  D* ANTOINE  VÈRARD         249 

Dans  le  ms.  fr.  2307,  où  nous  rencontrons  cette  ballade 
(fol.  5  5),  elle  commence  ainsi  : 

Ou  sont  voz  yeulx,  misérables  mondains?... 

b.  Cest  grant  pitié  de  ce  monde  fragille... 
Rffr.  Paine,  travail  et  molestacions. 

Bouchet  a  reproduit  cette  dernière  pièce  dans  ses  Opuscules, 
fol.  liij  V*»,  et  dans  ses  GenealogieSy  fol.  112  v**. 
Le  poème  commence  ainsi  : 

Les  vices  generallement 

Avons  aucun  petit  touché 

Et  monstre  comparablement 

Qpe  soy  fier  totalement 

Mieulx  vaut  en  vertu  qu'en  péché. . . 

Ces  vers  sont  probablement  de  Bouchet,  bien  que  nous  n'en 
ayons  pas  la  certitude  ;  ils  sont  suivis  d'une  ballade  : 

Je  n'en  dy  plus;  mais,  pour  conclusion... 
Refr.  Espoir  en  Dieu  et  fiance  totalle. 

Jehan  Bouchet  a  reproduit  cette  dernière  pièce  dans  ses 
Opuscules  y  fol.  Hij  b,  et  dans  ses  Généalogies,  fol.  106  v°. 

6.  [La  Complainte  douloureuse  de  Vaine  damnée]  (éd.  de 
Vérard,  fol.  mi  a). 

Helas,  helas,  et  plus  que  helas  ! 

Se  mille  fois  disoye  helas. 

Ne  me  pourroye  assez  plaindre... 

Cette  complainte,  qui  semble  appartenir  au  milieu  du 
XV*  siècle,  nous  a  été  conservée  par  divers  manuscrits  (voy. 
notamment  Biblioth.  nat.  franc.  1181,  fol.  121,  et  franc. 
1467,  fol.  301  ;  Biblioth.  roy.  de  Bruxelles,  9300)  ;*  il  en  existe 
un  assez  grand  nombre  d'éditions  séparées  (voy.  Brunet,  II, 
198;  Cat.  Bancel,  1882,  n°  260,  etCat.  Rothschild,  I,  n°  533); 
enôn  elle  a  été  réimprimée  par  M.  de  Montaiglon  {Recueil  de 
poésies  franc.,  VII,  91). 

7.  [Petit  Dialogue  entre  Dieu  et  le  Diable]  (éd.  de  Vérard, 
fol.  fnv  d). 

Dieu  parle  et  dit  : 
Je  t'ay  créé,  (et)  régénéré 
Et  de  mon  sang  t'ay  rachapté... 


2)0  fc.    PICOT 

On  trouve  ce  dialogue  dans  les  éditions  du  xv*  siècle  à  la 
suite  de  La  Complainte  douloureuse  dt  Pâme  dampnee  (voy.  Mon- 
taiglon,  VII,  ii6).  L'éditeur  de  la  Complainte  y  a  joint  une 
tirade  qui  se  termine  par  l'acrostiche  Rouge  Belot.  Cette  tirade 
manque  naturellement  ici. 

8.  Ballade  des  abu^du  monde  (éd.  de  Vérard,  fol.  mvj  a). 

Je  m'esbahys  comment  seuffîre  la  terre... 
Refr.  Des  grans  abuz  que  Ton  fait  en  ce  monde. 

Cette  ballade  est  encore  une  de  celles  que  Bouchet  a  repro- 
duites dans  ses  Opuscules  y  fol.  Hij  v*»,  et  dans  ses  Généalogies  y 
fol.  105  b. 

9.  (Fol.  mvjd)  [Ung  Enseignement  moult  piteux.] 

Cette  pièce,  qui  compte  plus  de  5500  vers,  est  la  reproduc- 
tion pure  et  simple  d'un  ouvrage  du  xiv^  siècle.  Le  compilateur 
de  1503  n'y  a  fait  que  deux  changements  importants  :  il  a 
changé  au  vers  19  la  date  de  1366  en  1502,  et  il  a  supprimé  à  la 
fin  deux  vers  qui  contenaient  le  nom  de  l'auteur,  Jehan  de 
Remin  '.  Il  a  d'ailleurs  conser\'é  avec  soin,  non  seulement  le 
texte  français,  mais  toutes  les  citations  latines  qui  accompagnent 
le  poème.  Ces  citations  forment,  dans  l'imprimé  comme  dans  le 
manuscrit,  une  seconde  colonne  placée  en  regard  des  vers. 

Voici  le  début  et  la  fin  du  poème  : 

Ms.  fr.  1578.  Édition  de  Vérard,  fol.  mvj  d. 

Pour  eschiver  impacience  Pour  cschever  impacience 

Qui  monstre  c'on  n'a  pas  science,  Qui  monstre  que  homs  n'a  pas  science. 

Car  ly  homs  n'est  pas  dis  scicns  Car  l'homme  n'est  pas  dit  scient 

Qui  est  trouvez  impacicns.  Qui  est  trouvé  impacient, 
Vueille  cy  sans  dilacion,                     5    Jcvueil  cy  sans  dylation. 

Pour  ceulx  qui  tribulacion  Pour  ceulx  qui  tribulation 

Ont  souvent  et  au  cucr  meschicf,  Ont  souvent  au  cueur  et  meschief. 


I.  Du  Vcrdior  (éd.  Rigoley  de  Juvigny,  II,  511)  mentionne,  sous  le  nom 
de  Jehan  de  Remy,  un  ouvrage  intitulé  Le  Miroir  de  l'Ijottime,  qui  aurait  été 
imprimé  à  Paris  en  1497.  On  peut  se  demander  si  ce  n'est  pas  notre  poème; 
mais  il  est  possible  aussi  que  Jehan  de  Remy  se  confonde  avec  Johannes 
Remigii,  pénitencier  de  Chartres,  qui  fit  publier,  en  i486,  le  Hrniarium 
CarnoUnsc  {\V)h\\o\\\.  nat.,  Rés.  B.  27931)  et  qui  donna,  en  1500,  le  Manuale 
Carnotaisc. 


UNE  SUPERCHERIE 

Reciter  tout  de  chief  en  chief 
Ung  enseignemant  moult  piteux 
Et  a  oîr  moult  deliteux  lo 

Qu'il  n'a  pas  long  temps  que  j'oy 
Dont  moult  en  cuer  je  m'esjoy, 
Car  ne  sçay  qu'il  m'est  avenir. 
Or  m*en  doint  Diex  en  convenir 
A  no  prouffit  et  a  Tonneur  1 5 

De  Jhesucrist  notre  sauveur. 

En  l'an  de  l'incamacion 

Jhesu  nostre  rcdempcion 

M.  et  .III«.  soixante  et  six, 

Se  emmy  mars  sont  droit  assis,       28 

En  une  ville  ou  m'en  entray 

Un  religieux  encontray, 

Si  le  suy  et  sa  conpaigne, 

Si  comme  drois  faire  l'enseingne , 

Car  il  aloit  commenier  25 

•I.  malade  et  enolier, 

Qui  pcnoit  moult  en  grief  torment, 

Dont  se  mesaisoit  si  forment 


Qpe  près  estoit  de  desespoir 

S'il  n'y  fust  venus  ;  mais  espoir       30 

Qpe  Diex  ainsi  le  vouloit  faire 

Affin  qu'amendast  son  affaire, 

Si  com  David  le  volt  laissier 

Cheoir  pour  orgueil  abaissier. 

Cils  malades  dont  je  vous  compte  3  s 

IIU»»  ans  ot  bien  par  compte. 

Et  tant  que  depuis  la  Toussains 

Son  corps  n'estoit  mie  tous  sains , 

Dont  il  ne  demcnoit  pas  feste, 

Car  des  pies  jusques  a  la  teste  40 

Il  n'avoit  lieu  ne  place  sainne 

Qpi  de  grant  doleur  ne  fust  plainne, 

Et  de  ce  le  voir  vous  diray 

Que  ja  de  mot  n'en  mentiray, 


D* ANTOINE   VÈRARD  25  I 

Reciter  tout  de  chief  en  chief 
Ung  enseignement  moult  piteux 
Et  a  ouyr  moult  delicteux 
Que  n'a  pas  long  que  j'ouy. 
Dont  grandement  me  resjouy . 
Ne  sçay  qui  m'est  a  advenir  ; 
Or  m'en  doint  Dieu  bien  convenir 
A  mon  prouffit  et  a  l'honneur 
Dejesuchrist  nostre  seigneur. 

En  l'an  de  l'incarnation 

Jésus  notre  rédemption 

Que  on  dit  mil  cinq  cens  et  deux. 

En  mars  environ  ving  et  deux. 

En  une  ville  m'en  entray  ; 

Un  religieux  encontray, 

Que  saluay  et  sa  compaigne, 

Ainsi  comme  droit  si  l'enseigne , 

Car  il  alloit  enullier 

Ung  malade  et  communier. 

Qui  penoit  a  moult  grief  torment, 

Dont  il  se  mesaisoit  forment 

Des  maulx  quil  luy  fauîl  endurer^ 

Que  estoit  près  '  au  désespérer 

Et  estre  îjors  de  bon  espoir 

S'il  ne  fust  venu  ;  mais  espoir 

Que  Dieu  ainsi  le  vouloit  faire 

Affin  qu'amendast  son  affaire, 

Si  com  David  il  voult  laisser 

Cheoir  pour  orgueil  abaisser. 

Ce  malade  dont  je  vous  compte, 
Quatre  vingtz  ans  ot  bien  par  compte. 
Et  tant  que  depuis  la  Toussains 
Son  corps  si  n'estoit  gueres  sains, 
Mais  souffroit  si  grande  moleste 
Que,  des  piedz  jusques  a  la  teste. 
Il  n'avoit  lieu  ne  place  saine 
Qjie  de  grant  douleur  ne  feust  plaine , 
Et  de  ce  le  vray  vous  diray 
Que  ja  de  mot  n'en  mentiray, 


I.  [mpr.  Qjie  près  estoit. 


252  È.    PICOT 

Car  conscience  en  blesseroye,         45 
Dont  sages  pas  je  ne  seroye. 


Cils  malades  premieremant 

Par  tout  le  corps  entieremant 

Tel  mal  de  goûtez  endurcit 

Que  ne  sçay  comment  il  duroit  ;      50 

Mais  Dicx  le  faisoit,  qui  conforte 

Ceulz  qui  ont  conscience  forte, 

Car,  de  force  de  maladye, 

Uoye  avoit  sy  assourdie 

Qu'il  n'entendoit  nez  une  goûte      55 

Tant  Tavoit  fort  destraint  la  goûte. 

Des  »  yeulx  par  lesquelz  droit  alons 

Ne  veoit  ne  que  des  talons  ; 

Sa  '  goûte  ly  avoit  troublée 

La  clarté  des  yeulx  et  amblée  ;        60 

Par  quoy  nul  esjoyssemant 

N'avoit,  ne  soûlas  aussement... 


Car  ma  conscience  blesseroye, 
Dont  pas  saige  je  ne  seroye. 

Ce  malade  premièrement 
Par  tout  le  corps  entièrement 
Tel  mal  de  goûtes  endurcit 
Q^e  je  ne  sçay  comme  il  duroit  ; 
Mais  Dieu  le  faisoit,  qui  conforte 
Ceulx  que  tristesse  desconforUy 
Car,  de  force  de  maladie, 
L'ouye  avoit  si  assourdye 
Q^*il  n'entendoit  ne  oyoit  goûte 
Tant  Tavoit/or/  estraint  la  goûte. 
Des  yeulx  par  lesquelz  nous  voyons 
Ne  veoit  ne  que  des  talions  ; 
De  goûte  luy  estoit  troublée 
La  clarté  des  yeulx  et  emblée  ; 
Par  quoy  nul  esjouj-ssement 
N'avoit,  ne  soûlas  ensement... 


Le  prestre  lors,  sans  plus  de  plait, 
Quant  Tome  ot  fait  confession, 
A  enoint  le  corps  d'onctjon  ; 
Du  bon  homme  congié  a  prins, 
QuMl  ot  en  ce  duit  et  aprins  :       5510 
Ou  bien  il  ot  s'entente  mise, 
Et  s'en  revint  droit  a  Tcglise. 

Adonc  je,  Jehan  de  Remin, 

A  part  eux  laissay  mon  chemin  ; 

A  mon  chemin  m'en  retornay.     5515 

Quant  ving  a  l'ostel,  j'atornay 

Ma  plume  pour  trestout  escriprc 

Ce  que  j'oy  au  prestre  dire, 

Au  plus  près  c'onquez  le  poy  faire, 

Sans  moy  en  nulle  rien  meffaire.   5  5  20 

Si  prie  a  tous  ceux  et  requier. 

Qui  les  orront,  de  moy  moquier. 

Pour  Dieu,  qu'il  s'en  veullent  tenir 


Le  prestre  lors,  sans  plus  de  plait. 
Quant  l'homme  eut  fait  confession 
Et  fut  enoingt  de  Tunction, 
Doulcemmt  congé  \st]  a  prins  ; 
Tellement  le  duyt  et  apprins 
Que  s'entente  ot  toute  a  Dieu  mise. 
Lors  s'en  revint  droit  a  Teglise. 


Puis  a  Tostel  m'en  retournay, 
[Et]  quant  vins  yla,  j'atournay 
Ma  plume  pour  trestout  escrire 
Ce  que  \o\iys  au  prestre  dire. 
Au  plus  près  que  je  le  peuz  faire, 
Sans  moy  en  nulle  riens  meffaire. 
Si  prie  a  tous  ceulx  et  requier 
Qui  les  orront  de  cueur  entier. 
Pour  Dieu,  qu'ilz  se  veulent  tenir 


1 .  U  ruhriciitcur  a  mal  à  propos  place  ici  un  L  ;  leD  est  indiqué  à  la  mar^e, 

2.  Ms,  C  (l'i  moi  tic  efface)  sa  goûte. 


UNE   SUPERCHERIE   D* ANTOINE   VÈRARD  25  ^ 

Du  mal  et  le  bien  retenir,  Du  mal  cl  le  bien  retenir, 

A  leur  prouffit  de  corps  et  d'ame  ;  S  525    A  leur  prouflît  de  corps  et  d'amc; 
Et  Diex  rottroie  et  Nostre  Dame  1         Et  Dieu  Toctroye  et  Nostre  Dame  ! 
A  mm,  Anten. 

On  voit  par  ce  qui  précède  combien  les  réclamations  de 
Jehan  Bouchet  étaient  fondées,  La  transaction  inter\^enue  entre 
I  lui  et  Vérard  n'empêclia  cependant  pas  d'autres  libraires  pari- 
I  siens  de  reproduire  l'ouvrage  tel  quel.  MkM  ht  Noir  le  réim- 
"  prima  sous  la  date  du  ir  mai  1504  *  ;  Philippe  Le  Noir  en  donna 
^^ne  troisième  édition  achevée  d'imprimer  le  23  juillet  1522^; 
l^hnfin  Denis  Janot  acheva  l'impression  d'une  quatrième  édition 
^Êft  25  janvier  r$3i,  n.  s.  i 

^M  Si  Jehan  Bouchet  n'avait  eu  le  soin  de  dénoncer  le  procédé 
I  peu  scrupuleux  du  libraire  parisien,  il  serait  probablement 
I  aujourdMiui  accusé  de  plagiat.  Antoine  Vérard,  que  nous  devons 
rendre  responsable  de  cette  fraude,  traitait  avec  le  mènie  sans- 
gène  les  auteurs  dont  il  vendait  les  livres  et  les  leaeurs  qui  les 
lui  achetaient.  Quand;  par  exemple,  il  publiait  quelque  ouvrage 
important,  il  ne  manquait  pas  d'en  faire  séparément  hommage  à 
des  protecteurs  différents.  Cest  ainsi  que  plusieurs  de  ses  mer- 
veilleux volumes  conservés  au  Musée  britannique  ont  été  enlu- 

I.  Cat.  Libri,  1859»  ^^  4'^'  Cette  édition  donna  lieu  à  un  procès  qu*îl  est 

bon  de  rappeler  ici.  Le  30  avril  1504,  maître  André  de  La  Vigne,  «  cscoUer 

estudiant  en  runivcrsité  de  Paris,   »  présenta  requête  au  parlement  pour 

arrêter  l'impression  du  Fergier  iVbonnem'  entreprise  par  Mkhtl  Le  Noir.  Le 

1 1  mai,  la  cour  accorda  au  demandeur  un  délai  de  qiiin;:aine  pour  produire 

ses  pièces  et  permit  provisoirement  A  Le  Noir  de  continuer  son  travail.  Le  3 

iiin  suivant,  après  plaidoyers,  le  parlement  donna  gain  de  cause  à  André  de 

t  Vigne  et  fit  défense  â  Le  Noir  et  à  tous  autres  imprimeurs  «  de  ne  faire 

aprimer  ne  vendre  Lt  Fermer  de  honneur  et  Ws  Regnars  traversatts  »  jusqu'au 

'  avril  suivant.  Voy.  La  Borde,  Le  Parkmeftt  de  Paris^  préface  de  VInventaire 

Actes  du  ParîenutH  de  Paris  (1863,  in-4),  p.   xliij.  On  comprend  l'intérêt 

fAsdré  de  La  Vigne  avait  à  surveiller  les  éditions  du  Vergier\  mais  corn- 

[  avait-il  des  droits  sur  les  Regnars  iraveimns}  Ne  serait-ce  pas  lui  qui 

Qrait  arrangé  le  livre  pour  Vérard? 

a.  Car,  BanccL  1882,  n»  254.  —  Biblioth.  roy.  de  Munich,  P.  O.  gaîL  4» 
t8it,  —  Biblioth,  roy.  de  Dr^de. 

3*  Btblîoih.  du  château  de  Chantilly  (Cat.  Cîgongne,  n^éi]).  —  D'après 
Brunci  (I^  1 1  $4),  il  existe  des  exemplaires  de  cette  édition  au  nom  de  Philippe 


2S4  fe'  prcoT 

minés,  retouchés,  modifiés  pour  être  présentés  au  roi  d*An- 
gleterre,  tandis  que  les  exemplaires  des  mêmes  ouvrages 
conservées  à  Paris  étaient  destinés  au  roi  de  France.  Ce  fut 
très  probablement  Vérard  qui  imagina  de  réunir  sur  le  titre 
du  Vergier  d'hnneur  les  deux  noms  d'Octavien  de  Saina 
Gelays  et  d'André  de  La  Vigne  \  L'évêque  d'Angoulcme, 
mort  en  1502,  avait  joui  de  son  vivant  d*une  grande  réputation, 
Vérard  ne  se  fit  pas  scrupule  de  faire  paraître  sous  son  nom 
diverses  compilations  qui  devaient  par  cela  seul  obtenir  la 
faveur  du  public.  Ce  fut  Vérard,  croyons-nous,  qui  fit  retoucher 
par  un  de  ses  manœuwes  les  poésies  de  Charles  d'Orléans  et  les 
fit  paraître,  au  mois  d*avril  1509,  sous  le  nomdeSainct  Gelays. 
Les  pièces  de  Biaise  d*Auriol  furent  ajoutées  au  volume  dans 
les  mêmes  conditions  que  les  vers  d'André  de  La  Vigne  avaient 
été  joints  à  ceux  de  l'illustre  prélat.  Les  manuscrits  des  œuvres 
d'Octavien  de  Sainct  Gelays*  ne  contiennent  point  les  morceaux 
empruntés  à  Charles  d'Orléans.  M.  Piaget  nous  paraît  donc 
avoir  été  fort  injuste  pour  Tévêque  d'Angoulêrae;  c'est,  à  notre 
avis,  Antoine  Vérard  qu*il  faut  seul  rendre  responsable  des 
pirateries  littéraires  que  nous  venons  de  rappeler  î. 

Emile  Picot. 


Dans  le  très  intéressant  et  très  curieux  article  qu'on  vient  de 
lire,  M.  Picot  cherche  à  montrer,  par  l'exemple  des  Rignan 


1.  Voy.  Bmnct,  V,  45  ;  Vin  Praet,  Catalcgue  drj  livres  imprima  sur  tv/in 
de  k  Bibliothèque  du  roi,  IV.  185.  Cf.  CaL  Rothschild,  I,  n<>  479.  —  La  pan 
d*Owtavicn  de  S*inct  Gelays  dans  celte  compilation  se  réduit  à  la  ComplaimU 
H  Upitaphe  du  ffii  ftyy  Cljaries  deftiier  tresjmse.  Tout  le  reste  du  recueil  parait 
Ctrç  l  œuvre  d*Andrt}  de  La  Vigne  ;  aussi  venons-nous  de  voir  comment  il 
fiiiiiait  rcsjwctcr  ses  droits  d'auteur. 

i.  HibUoUî,  nai.,  nouv.  acq,  franc.  11 58»  et  Bîblioth.  Rothschild,  Cat. 
lU,  i\^  2581. 

j ,  Oii  pourrait  citer  divers  autres  volumes  constitués  ainsi  dans  roffîcine 
de  Vérard  ^w  h  réunion  de  divers  ouvrages,  par  exemple  le  Phektu,  où  Ion 

mT  ^V'*''''"'''  "^^  ^^"^  ^^  ^^  %"^'  ^  ^^^*^  ^"  P^^*^  à^  Gaston  III, 
K%u,  ^c.H,  Rothschild.  1,  no  296);  UJeu  de.  Escbe^  n^oraUsé  (1504),  où 

T.T^'^  '^?  '"^'^  ^^"  •'•^^^^"^'^  ^^  ^^^^  ^'  ^^^^^^^  ^v^c  VOrdme  di 
^^^s^hU,  Cl  uvcc  le  roman  de  Utlibét  H  Pmdmu  (ItmL,  II,  n-  1  soô),  etc. 


imk  SUPERCHERIE  d'antofse  vérard  25  î 

tfiWermns  de  Jean  Bouchet,  que  le  compilateur  de  la  Citasse  et 
Départ  d^amourSy  plagiaire  de  Charles  d'Ôrlcans,  n'est  aiure  que 
le  libraire  Antoine  Vérard  lui-mùmc,  M.  Picot  me  permettra 
bien  de  faire  A  sa  thèse  une  ou  deux  petites  objections. 

Voyons  d*abord  le  cas  de  Bouchet,  Je  laisse  de  côtcS  bien 
entendu,  la  supercherie  de  Vérard  substituant  au  nom  du  pro- 
cureur poitevin  celui  de  Sébastien  Brant.  Pour  augmenter  Tin- 
térél  ou  simplement  la  grosseur  du  volume  qu'ils  publiaient,  les 
éditeurs  du  xv^  et  du  xvi*  siècle  ne  se  gênaient  pas  d'ajouter  aux 
œuvres  de  leur  auteur  des  pièces  qu'ils  prenaient  A  droite  et  ;\ 
gauche,  qu'ils  démarquaient  ou  qu'ils  rajeunissaient,  s'il  en 
était  besoin,  Cest  ainsi  que  plusieurs  éditions  des  Lunettes  des 
princes  renferment  des  vers  qui  ne  sont  pas  de  Meschinot;  c'est 
ainsi  qu'à  la  suite  de  certains  traités  d'Olivier  Maillard  on 
trouve  d'autres  traites  et  quelques  poésies  qu'on  a,  bien  à  tort, 
anribués  au  prédicateur  breton;  c'est  ainsi  enfin  que  les  Faicîs 
ei  les  Dîti  d* Alain  Chartier  renferment  des  vers  de  Guillaume 
de  Machaut,  d^Oton  de  Graiidson,  du  sénéchal  d'Eu,  de 
Michaut  Taillevent,  de  Baudei  Herenc,  d'un  anonyme  de 
Tournai,  de  Villon.  Ce  sont  là  des  supercheries  du  fait  des 
imprimeurs-éditeurs. 

Malgré  ce  qu'en  dit  M,  Picot,  les  Regnars  iraversans  ne 
rentrent  pas  dans  cette  catégorie.  Vérard,  en  effet,  ne  donne  pas 
les  neuf  pièces  *  qu'il  a  fait  imprimer  à  la  suite  des  Ui'gmus 
comme  étant  toutes  du  même  auteur.  Il  entendait  faire  une 
espèce  d'anthologie  :  c*est  ce  qu*il  indique  très  clairement  dans 
le  titre  du  volume,  —  titre  que  M.  Picot,  toujours  si  précis  et 
si  exact,  a  oublié  de  citer  :  Les  regnars  traversam  les  périlleuses 


I.  UMition  des  Regnars  iraversans  donnée  par  Michel  Le  Noir,  en  1504, 
contient  une  dixîcme  pièce,  /a  Foie  ik  Paradis ^  à  la  suite  de  la  Bakde  des  ahui 
du  monde.  Cette  petite  pièce,  d*une  trentaine  de  vers,  commence  ainsi  : 

Qjiî  en  piradîs  vcuU  aller 

Cy  en  peut  la  voyc  trouver  : 

Doubtcr  Dieu  souverainement.... 

On  h  retrouve  dans  les  manuscrits  de  la  Bibl.  Nat.  fir.  952,  2249,  24439, 
25547,  sous  les  titres  de  Voye  de  Paradis^  ou  Sentier  de  Paradis^  ou  Omnin  de 
Paradis*  Une  autre  version,  très  répandue,  commence  par  ces  vers  : 

Qpi  veuit  en  paradis  alcr 

Pour  avoir  joye  sans  6ncr 

El  la  voyc  n'y  KCt  trouver.,. 


256  A.    PIAGET 

voyes  des  folles  fiances  du  mande  composées  par  Sebastmi  Brandy 
lequel  composa  la  Nef  des  folz,  derrenierement  imprimer  a  Paris, 

Et    autres   plusieurs   choses  composées    par   autres  FACTEUilS. 

Pour  montrer  que  les  différentes  pièces  de  son  recueil  avaient 
quelque  nipport  avec  les  Regnars  travcrsans^  Vérard  a  fabriqué 
pour  trois  00  quatre  d'entre  elles  des  titres  imaginaires.  Il  a 
intitulé,  par  exemple,  la  Complainte  (ftm  damné  : 

CommenE  un  renart  tresmauvais 
Sur  ^ui  l'ire  Dieu  est  tombée 
Se  coniplainl  pour  les  siens  mal  fais 
Pour  tant  que  son  ame  est  damnée,... 

En  tête  du  traité  en  prose  et  en  vers  sur  la  vanité  des  arts 

libéraux  et  des  arts  mécaniques,  on  lit  ce  quatrain  : 

Comment  Tacteur  veu!t  monstrer 
Des  regnars  la  folle  fiance. 
Disant  que  nuï  glorifier 
Ne  se  doit  point  en  sa  sdencc. 

Ces  petits  trucs  pourraient  faire  croire  à  une  supercherie,  si, 
en  tête  du  volume,  Vérard  n'avait  nettement  déclaré  qu'à  la  suite 
des  Regfiars  iraversam  il  ajoutait  «  plusieurs  choses  composées 
par  autres  facteurs  », 

Il  y  avait  aussi  des  plagiats  du  fait  des  poètes;  et  il  me  semble 
(\u^\q  Roman  de  ramant  parfait  en  est  un.  Charles  d'Orléans 
n'y  est  pas  seulement  copié  servilement,  ou  remanié  «  avec 
quelques  légères  variantes  »,  mais  paraphrasé,  mais  imité* 

Le  Roman  de  taniant  parfait  figure,  sans  titre,  dans  la  Chasse 
t't  le  Départ  d amours^  après  le  Dialogue  des  deux  gmtilshotnnus^  et 
commence  ainsi  : 

Au  temps  de  ver,  qu*esi  saison  tadtume, 
Doulce  et  paisible,  gracieuse,  nocturDC. 

Dans  Texemplaire  de  la  Bibliothèque  nationale,  coté  Inv. 
Rés.  Y*  300,  on  lit  d'une  écriture  du  xvî*^  siècle,  à  côté  du  mot 
Prologue^  le  nom  de  Simon  Bourgoing,  —  comme  si  l'auteur  de 
VEpinetle  du  jeune  prince  était  le  compilateur  de  notre  roman* 

Voici  une  courte  analyse  du  Romande  Vamxtnt  parfait. 

Le  poète,  caché  «  en  un  quignet  »,  assiste  dans  le  château  de 
Plaisance  aux  lamentations  de  la  reine  Amour,  qui  a  laissé 
prendre  son  cœur  par  ses  ennemis  et  qui  se  désole.  Tandis  que 


UNE   SUPERCHERIE  d' ANTOINE   VÉRARD  257 

Cupidon  son  fils  et  une  foule  d'autres  personnages  lui  pré- 
sentent des  consolations,  Jeunesse  se  met  en  quête  d'un  cheva- 
lier désireux  d'entreprendre  la  conquête  du  cœur  prisonnier. 
Elle  trouve  bientôt,  endormi  dans  la  Forêt  de  Gracieux  Désir  et 
entouré  de  Bon  Confort,  d'Ardent  Désir  et  de  Cœur  Libéral, 
un  jeune  homme  nommé  l'Amant  parfait.  Jeunesse  l'éveille  ;  — 
et  c'est  ici  que  commence  l'imitation  du  Poème  de  la  Prison  : 

Esveille  toy,  mon  beau  et  chier  amy, 
Et  ne  soys  plus  ainsi  fort  endormy'... 

Après  avoir  longuement  discouru,  Jeunesse  prend  l'Amant 
parfait  par  la  main  et  le  conduit  au  château  d'Amour,  où  il  est 
reçu  par  Beauté,  Plaisant  Regart,  Hardiesse  et  Bel  Accueil,  et 
présenté  au  maître  de  la  maison.  On  trouve  dans  les  longs  dis- 
cours de  chacun  de  ces  personnages,  par  ci  par  là,  quelques 
vers  de  Charles  d'Orléans  plus  ou  moins  remaniés.  Voici  un 
passage  du  discours  de  l'Amant  parfait  à  Cupidon  : 

Or  puis  je  dire  par  tresgrant  desconfort  : 
Je  hay  ma  vie  et  si  ma  mort  désire, 
Je  hay  mes  yeulx  dont  suis  deceu  trop  fort, 
Je  hay  mon  cueur  qui  n'a  plus  nul  effort, 
Je  hay  ce  dard  qui  le  blesse  et  empire, 
Je  hay  beauté  par  quoy  fault  que  souspire, 
Je  hay  ennuy  que  j*ay  de  tout  costé, 
Je  hay  penser  qui  n*a  ce  dard  osté. 

Las!  mieulx  me  vault  tout  en  ung  cop  mourir 
Qpe  plus  languir  sans  joye  ne  soûlas, 
Et  me  laisser  en  la  terre  pourrir 
Sans  en  tel  peine  mon  povre  cueur  nourrir. 
Car  par  beaulté  mon  cueur  est  pris  es  laz 
Du  dieu  d'Amours,  tant  est  espris,  helas  1 
Plaisant  regard  de  moy  s'est  enfouy. 
Dont  com  malade  suis  presque  esvanouy. 

Charles  d'Orléans  (t.  I,  p.  8)  : 

Quand  je  le  sceu,  je  dis  par  desconfort  : 
Je  hé  ma  vie  et  désire  ma  mort  I 


Voyez  Charles  d'OrUanSy  édition  d*Héricauh,  t.  I,  p.  a  : 
Tu  dors  trop  longuement, 

Esveille  toy  et  aprestes  briefment 

,  XXU  ij 


258  A.   PIAGET 

Je  hé  mes  yeuls,  car  par  eux  suy  deoen  1 
Je  hé  mon  cnenr  qu'sy  nkcmmî  poda! 
Jehéœdanl  qui  ainsmoo coeur  blesKi 
Venez  avant,  partués  moy,  Destnsse, 
Car  mieuk  me  vaulc  tout  a  un  cop  moiir 
Q}ie  longuement  en  desaise  languir. 
Jecognobbien,  mon  cucur  est  pris  es  las 
Du  dieu  d*Amours,  par  vous,  Beanié,  bdas! 

L'Amant  parfût  part  bientôt  à  la  conquête  —  à  la  chasse, 
plutôt,  —  du  cœur  perdu  de  la  reine.  Et  ce  n*est  qu'après  de 
longues  aventures  que  Beauté  lui  explique  les  Cammandemetits 
^AmourSy  —  longuement  paraphrasés  de  Charles  d'Orléans,  — 
et  que  Loyaulté  écrit  la  Letlre  dt  nUnm^  —  tirée  presque  tex- 
tuellement du  Fohne  de  la  Prisom. 

n  est  inutile,  je  suppose,  de  pousser  plus  loin  cette  analyse. 
Aux  quatre  cents  premiers  vers  du  Paifʻe  de  la  Prison  corres- 
pondent dnq  mille  vers  du  Romam  de  FAmani  parfaiil  Nous 
avons  bien  là  l'œuvre  d'un  poète. 

Les  rondeaux  et  ballades  de  Charles  d'Orléans  sont  rangés 
dans  la  Cbasu  et  le  départ  ^Amomrs  sous  b  rubrique  suivante  : 
Comment  y  apris  que  V Amant  parfait  et  sa  dame^  Twng  a»  vergier 
if  Amour  et  Vautre  en  la  maison  de  Liesse,  ont  fait  plusieurs  randeaulx 
et  hallades  de  dizitrs  amoureux  et  amoureuses,  T Amant  parfait,  apris 
son  refvs  et  eshat  pnnSy  se  remet  plus  fort  que  devant  a  faire  plusieurs 
rofUcaulx  et  ballades  Je  /«v  fnesmes.  Faut-il  croire  qu'un  «  ma- 
nœuvre «  de  \*êrarJ,  a\-ant  le  culte  des  rimes  riches,  a  remanié 
les  dix  premières  ballades  ?  Ces  ballades  sont  parfois  si  profon- 
dément reinvaillêesqu  il  ne  reste  plus  rien  de  Charles  d'Orléans 
que  le  relrain.  Qu'on  en  juge  par  un  exemple  : 

\  ucUIci  xx^j  yeulx  enarrlsonacr  VueiUîcz  \XK  vculx  emprisonner, 

S r^'io-T^  r""*  ""*  î^g«c:ei.  Et  sur  moy  pl'us  ne  les  giettés, 

1«      ^  **  ^"""^'  ''"^^"^  -**  *-iîsosaer.  Car  quant  vous  plaist  n>e  regarder, 

Lo^'^r  :.^;:'!:î!  \*  ^^-r^-^*^"  ^^  Keu,  beUe,  vous  me  tués. 


O  e  k^ ,.!        "^      r   *    ''''^''^-  Et  en  tel  point  idoq  cueur  mettes 

^*«vN  Secours  tî*e  r»-\'»»»*^-»»»  ¥        • 

Mu  sca-.:e  ^v :_    f    a-<v:w.'.  Je  su»  mort  se  vous  ne  m'aidiés. 


IXvu.;-^  ^V-1:''  '^^"^  "^^  •  *  *2j.c  je  ne  sç.y  que  faire  dojx. 

V,  -  ^"  «oie  souvenmc  jove. 

lV:u  a;:  ^,,,,,^.  T^-  ^CC ^t  "^  '"^  "^  demander 

-'^^<c-  Ciie  \-a»T«  vucur  ne  me  donn<Ss 


Sans  nullement  m'abandonner, 
Mais  très  doulcement  me  traictez. 
Vous  sçavez  que  sans  vous  datez 
Sans  cueur  vivre  je  ne  pourroye, 
Je  vous  prj'  qu'il  soit  deshaîaez, 
Ma  seulle  souveraine  joye. 


UNE   SUPERCHERIE   d' ANTOINE   VÉRARD  259 

Mais,  se  droit  me  voulés  garder, 
Puisque  le  cueur  de  moy  avés. 
Le  vostre  fault  que  me  laissiés. 
Car  sans  cueur  vivre  ne  pourroye. 
Faictes  en,  comme  vous  vouldrés. 
Ma  seule  souveraine  joye. 


Vueillez  mes  faultes  pardonner 
Et  mon  cueur  trop  ne  molestez, 
Car  comme  vouldrez  ordonner 
Fcray,  donc  mon  cueur  supportez. 
A  honneur  tost  le  transportez 
Affîn  qoe  mieulx  il  se  resjoye, 
Et  avecques  vous  le  portez. 
Ma  seulle  souveraine  joye. 
Amour  qui  mon  cueur  emportez 
Donnez  lui  un  joyeux  mon  joye , 
De  l'aymer  ne  vous  déportez. 
Ma  seule  souveraine  joye. 


Trop  hardy  suy  d'ainsi  parler, 
Mais  pardonner  le  me  devés 
Et  n'en  devés  autruy  blasmer 
Ope  le  gent  corps  que  vous  portés 
Qui  m'a  mis,  comme  vous  vées. 
Si  fort  en  l'amoureuse  voye, 
Qu'en  vostre  prison  me  ténés, 
Ma  seulle  souveraine  joye. 
Ma  dame  plus  que  ne  savés, 
Amour  si  très  fort  me  guerroyé, 
Qu'a  vous  me  rens  ;  or  me  prenés, 
Ma  seule  souveraine  joye  '. 


n  me  semble  difficile  d'admettre  qu'Antoine  Vérard  soit, 
comme  le  dit  M.  Picot,  «  le  seul  responsable  »  de  ces  pirateries 
littéraires.  Le  Roman  de  H Amant  parfait  est  bien  l'œuvre  d'un 
poète  et  non  d'un  vulgaire  «  manœuvre  ».  Quel  est  ce  poète? 
Est-ce   Octavien   de  Saint-Gelais  %  Biaise   d'Auriol^    Simon 


1.  Charles  d'Orléans^  1. 1,  p.  15. 

2.  Ocuvien  de  Saint-Gelais  n'est  vraisemblablement  l'auteur  que  des  pre- 
mières pièces  de  la  Chasse  et  départ  d'Amours,  qui  commencent,  après  un  pro- 
logue en  prose,  par  les  deux  vers  suivants  : 

Octovien,  que  diz  or,  ou  que  faiz> 
Pourquoy  te  taiz  ?  de  quoy  sert  ta  facunde  > 

3.  Biaise  d'Auriol  n'est  probablement  l'auteur  que  du  «  traité  de  rhétorique  » 
qui  figure  dans  la  Chasse  et  départ  d* Amours  sous  la  rubrique  suivante  ;  »  La 
départie  d  Amours  par  personnages  parlans  en  toutes  les  façons  de  rytnes  que  Von 
pourroit  trouver  la  ou  il  y  a  de  toutes  les  scieiKes  du  nwnde  et  de  leurs  acteurs. 
Ftticte  et  composée  par  noble  homme  Biaise  dAuriol,  hacJxlicr  en  cJxiscun  droit, 
natif  et  chanoyne  de  Castelnaudarii  et  prieur  de  Denisan,  Van  de  grâce  mille  citiq 
censethuyt  a  Thoubuse,  »  Cette  espèce  de  traité  poétique  commence  par  un  pro- 
logue en  prose  :  «  Enclos  dans  mon  secret  rcpagule  sur  celuy  point  que 
oppacosité  noctialle  a  terminez  ses  umbrages  et  Diane  luciferante  commence 
ses  rays  illuminatifs....  »  et  finit  par  un  Couplet  rétrogradé  a  tous  sens  : 

Vrays  amoureux,  oyez  tous  ma  complainte 
De  cueur  parfait,  chassez  toute  douleur... 


260 


A.    PIAGET 


Bourgoing  ou  quelque  autre  ?  Peu  importe.  Ce  n*est  pas  le  nom 
du  voleur  qui  est  intéressant,  mais  bien  le  fait  qu'on  a  copié 
Charles  d'Orléans,  dont  nous  ne  connaissions,  imprimés  au 
xvr^  siècle^  que  cinq  ou  six  balbdes  et  rondeaux. 

Arthur  Piaget. 


MÉLANGES 


LE  LATIN  -ITOR  ET  LE  PROVENÇAL  -EIRE 

A  la  fin  de  mon  étude  sur  la  loi  de  Darmesteter  en  provençal, 
publiée  ici  même  *,  j*ai  dit  quelques  mots  des  substantifs  en 
-eirey  comme  deveire,  qui  correspondent  pour  le  sens  aux 
substantifs  latins  en  -itor,  comme  debitor.  Dans  le  dernier 
numéro  de  la  Zeitschrift  j,  rom.  Phil.^,  M.  J.  Cornu  revient 
sur  cette  question,  qu'il  envisage  à  un  point  de  vue  tout  diffé- 
rent. Je  pense  que  la  forme  provençale  est  due  à  une  création 
analogique  d'un  suffixe -et or  sous  l'influence  de  -âtor,  -itor, 
et  non  au  développement  phonétique  de  -ïtor.  M.  J.  Cornu  ne 
voit  dans  ma  tentative  d'explication  qu'une  sorte  de  tautologie, 
et  s'il  lui  reconnaît  une  vérité  extérieure,  il  lui  dénie  toute 
valeur  intrinsèque.  Voici  quelle  est,  à  son  avis,  1'  «  innere 
Wahrheit  ».  Le  premier  accident  phonétique  qui  ait  atteint 
dçbïtor  est  le  changement  de  -tor  en  -tro  :  soit  *dçbïtro; 
dedçbîtro  un  développement  phonétique  régulier  a  fait  ensuite 
*debitro,  tout  comme  de  cathedra,  il  a  fait  cathedra, 
de  ^^lécrum,  alecrum,  etc. 

A  cela,  je  vois  une  grave  objection,  qui  m'a  déjà  empêché 
d'enfiler  cette  route  et  que  je  soumets  à  mon  savant  collègue 
de  Prague.  En  dehors  de  la  série  de  mots  qu'il  s'agit  d'expli- 
quer, je  n'en  connais  qu'un  qui  offre  le  même  type  phonétique, 
ou  peut  s'en  Éiut,  c'est  prçsbïter.  Or  tant  que  l'on  reconnaî- 
tra i'ital.  prête,  le  prov.  prêtre  ou  prestre  et  le  français  prestre  pour 
des  dérivés  phonétiques  réguliers  de  presbïter,  on  ne  pourra 
admettre  concurremment  d  ç  b  i  t  o  r  >  deveire  3 . 

1.  Romania^  1892,  p.  17. 

2.  Zeitschr,,  1892,  p.  $18-519. 

3.  D'ailleurs  dfbitor  a  donné  phonétiquement  en  français  detre  (lorrain 
diUre\  dont  on  peut  voir  des  exemples  dans  le  Dictionnaire  de  M.  Godefroy, 


2  62  MèLAKGES 

Que,  dans  certaines  parties  Jq  domaine  roman,  le  latin  -tor 
soit  devenu  de  bonne  heure  -tro,  je  n'y  contredis  pas  :  le  véni- 
tien rti^tJ^oJri?,  le  trentin  f/wwaJrt),  par  exemple  (de  advocaior, 
decimator),  n'ont  pas  d*autre  explication  *»  Mais  que  cela  se 
soit  produit  dans  le  Midi  de  la  Gaule,  je  ne  pub  le  croire. 
Une  pierre  de  touche  excellente  nous  est  fournie  par  le  franco- 
provençal,  qui  ordinairement  conserve  sous  forme  d\>  l'o  et  Tu 
du  latin  après  un  groupe  de  consonnes,  et  qui  dît  niaistre,  /^<Jrr, 
de  magister,  frater,  mais  mmsîro^  fauro^  de  magistrum, 
fabruin,  etc.  Or  comment  le  franco-provençal  traite-t*il  le 
suffixe  -tor?  Il  offre  partout  et  toujours  -re^  jamais  ni  nulle 
part  -ro,  C*est  ainsi  que  nous  lisons  dans  les  textes  lyonnais 
publiés  par  M.  Philipon  dans  la  Romania,  en  1884  :  acbt- 
tares^  II,  r,  5  ;  afatiares^  III,  25  ;  coreares^  III,  23  ;  afjotuiares^  III, 
23  ;  guarnissares^^  ni,  2};pilliaciares^  III,  23;  pccharcs  III,  23  ; 
pcsares^  II,  2;  revendares^  I,  3  ;  iroliares^  I>  21  ;  vendarcs^  II,  i,  5  ; 
visiîaresy  V,  i  ;  dans  Marguerite  d'Oingt  :  créâtes  '  ;  dans  les 
textes  publiés  par  M.  Fabbé  Devaux4  :  ptrharc^  peschare^  HI,  9 
et  IV,  62,  M.  Cornu  contestera-t-il  l'identité  phonétique  de 
vîtruui  et  de  son  hypothétique  Vt*if/r(}  ?  Peut-être  ;  on  ne  sau- 
rait être  trop  scrupuleux  quand  il  s*agit  de  comparer  similia 
simiîibus.  En  tout  cas,  Tidentité  n*est  pas  contestable  pour 
latro  :  or  latro  a  donné  en  franco-provençal  laro  dans  la 
région  où  Ton  dit  vciro^  de  vitrum^,  mais  pescimre ^  de 
piscator. 

Deux  autres  mots  peuvent  encore  être  considérés  :  quatuor 
et  rétro.  Le  premier  se  présente  au  xn^  siècle  dans  le  fragment 


ï.  Meyer-Lûbke,  liah  Gramm.^  p.  178. 

2.  Guantissarts,  coranie  plus  bas  vànJares,  revtndûrts  sont  des  formes  ana- 
logiques où,  comQie  en  français,  -ator  a  supplanté  de  bonne  heure  le  suiHxe 
propre  qui  devrait  itre  -erc  en  franco-provcnç*il.  Je  note  à  ce  propos  que  les 
textes  franco-provençaux  n'offrent  que  très  rarement  des  exemples  corrc^ 
pondant  phonétiquement  au  provençal  eirf,  tu.  Le  seul  que  je  connaisse  est 
Tùsire,  qui  revient  deux  fois  dans  les  extraits  du  censier  de  Ponce  de  Roche^ 
f::rt,  35  et  68.  (Voy.  Rontama,  1895,  p.  41  et  44.) 

3.  Cité  par  M,  Phîlipoo,  Remania,  18S4,  p.  565. 

4.  Essai  sur  h  îan^m  itdgaire  du  Dmiphinê  septentrionai,  p.  71  et  91 . 

5.  M.  l'abbé  Devaux,  consuhc  par  moi  sur  Texistencc,  dans  les  anciens 
textes,  de  laro,  m'écrit  :  «  Je  n*ai  trouvé  que  le  cas  régime  Jurons  cbns  Mjr^ 


LE  LATIN   '!TOR  ET   LE   PROVENÇAL   -EIRE  26} 

d* Alexandre  d'Albéric  sous  la  forme  qî4atro  '  (v.  57),  et  aujour- 
d'hui dans  tout  le  Dauphînc  septentrional,  où  l'o  après  tr  ne 
s'est  pas  affaibli  en  t\  sous  les  formes  kçiro,  kçiîroti.  Ici  nous 
sommes  en  présence  d'une  métathèse  extrêmement  ancienne 
de*quattor  (=  quatuor)  en  *quattro»  :  cette  métathisc 
s'est  produite  à  peu  près  sur  toute  Tétendue  du  domaine  roman, 
mais  le  traitement  du  suffixe  -tor  n'est  pas  lié  i  celui  de 
quatuor,  puisque  Titalien,  par  exemple,  dit  sarîo,  ï  côté  de 
'quattro,  comme  le  franco-pro%^cnçal  Ahpcscbarc,  X  coté  de  quaîro, 
—  Le  second  mot,  rétro,  se  présente  constamment  dans  les 
anciens  textes  franco -provençaux  sous  la  forme  rerc  :  rercbancJm 
(Devaux,  II,  25);  ikrcrc  la  porta  {Und,  III,  30);  Fort  derere 
(Philipon,  VI,  17).  Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  admettre 
Tcquaiion  phonétique  rétro  ^:=  rcre  en  présence  de  latro  = 
laroy  *quattro  =^  quatro^  vitrum  ^^veiro^  etc*  Il  faut  donc 
chercher  une  explication  particulière  pour  rcrcK 

La  phonétique  très  délicate  du  franco-provençal  ne  nous 
fournit  pas  seulement  une  preuve  contre  la  thcoric  phonétique 
de  M.  J.  Cornu  :  elle  porte  en  elle-même  un  enseignement 
intéressant  sur  la  façon  dont  a  évolué i  l'origine  le  suffixe  -a tor» 
Le  premier  changement  phonétique  qui  paraisse  Tavoir  atteint 
doit  être  l'affaiblissement  de  Yo  atone  en  c  (comme  dans  scnher 
de  senior,  majer  de  major,  etc.);  puis  est  venue  la  transfor- 

^eritc  d^Oingt,  mais  le  mot  existe  encore  dans  le  pays  de  V^iud  sous  les 
formes  hrOy  hru,  lifre  (Odin,  p.  84)  ;  en  Dauphiné,  dans  les  Terres-Froides, 
TtipcmeT  s'appelle /(Trai/,  qui  doit  représenter  latro.  »  L*étymologic  du  nom 
de  Tépervier  dans  les  Terres-Froides  qu*indiquc  M,  Devaux  est  certainement 
îa  bonne  :  en  Auvergne»  l'épervier  est  appcltï  hire  (Mistral,  Trfioi\  v»  latre), 

ï.  Je  dois  ]*indication  de  cet  exemple  et  des  formes  actuelles  des  patois  du 
Diupliiné  à  M,  Tabhé  Devaux.  On  remarquera  que  dans  VAkxandrc  la  con- 
servation de  Vo  est  cxceptiotmellc,  car  on  lit  dans  le  fragment  toneyrts  (v.  49)» 
ei  non  totteyrùs^  aUrr  à  Taccusatif  (v.  6^)»  et  non  altro^  ampk  (v,  69)»  et  non 
amph^  magesîres  (v.  82),  et  non  ma^estros.  Quant  à  etitro  la  mar  (v.  105),  le 
cas  est  diflTérent,  car  on  sait  que  le  provençal  proprement  dit  ne  connaît  aussi 
^jue  les  formes  en  0^  entro  et  tro. 

2.  Cf.  Meyer-Lùbke,  Italien.  Granm,^  p.  156  :  «  Schon  vulgârkieinîsch  ist 
die  tJmstellung  in  sempre  und  qtmttto,  » 

|.  M.  Devaux  m'dcrit  à  ce  sujet  \  «Le  traitement  de  rétro  est  absolument 
anormal,  i  moins  de  supposer  qu'il  ne  soit  emprunté  au  français  ou  au  pro- 
vençal, car  on  ne  peut  guère  imaginer  un  type  lat»  *reter.  a  Jq  ne  serais  pas 


264  MÉLANGES 

matîon  de  -ater  (peut-être  descendu  au  degré  -ader)  en  atre^ 
adre,  par  un  rapprochement  de  la  liquide  et  de  la  dentale  qui  a 
amené  simultanément  Li  suppression  de  IV  entre  les  deux  con- 
sonnes et  la  production  d'un  autre  t*  comme  voyelle  d'appui,  ou, 
si  Ton  veut,  la  métathèse  de  IV  posttonîque^ 

Il  est  à  croire  —  jusqu'à  preuve  du  contraire  —  que  ce  qui 
s'est  passé  dans  le  sud-est  de  la  Gaule  s'est  passé  aussi  en  pro- 
vençal et  en  français. 

A.  Thomas, 

BUISSÈ,  BOISSIÈ,  BOUYSSÉ,  BOISSÈ 

M.  Godefroy,  sous  Buissie^  explique  cet  adjectif  par  «  de  bois 
ou  de  buis  »,  Cest  une  double  erreur.  Ce  mot  signifie  seule- 
ment «  orné  de  buis  »,  aussi  bien  dans  Tunique  exemple  citi 
par  lui  que  dans  ceux  que  j'ai  recueillis  : 

Au  plaissié,  lés  îa  crois  bnissU. 

(Gauvain,  1248,  Hippeau.} 

Droit  le  jour  de  Pasques  fleuries, 
QuV'ti  mains  lîeus  sont  k's  crois  Jfoissùs. 

{Bcaumanoir,  La  Mamktnt^  6849,  A,  T.) 

«  La  croix  bouyssée  »,  dans  Léon  Mellema,  Dici.  fratt^ois- 

flûtneng^  édit,  1596,  est  définie  par  <<  la  croix  ornée  de  buis  », 
Il  en  est  de  même  dans  le  Thrésor  des  trois  langues,  édit.  1617  : 
ce  La  croix  hoissée  ou  houysséCy  crux  enramada  de  box.  » 
Bûisséy  qui  est  dans  Monet  et  Cotgrave,  a  été  recueilli  par  La 


aussi  «éloigné  que  M.  Devaux  d'admettre  •retcr,  à  côté,  puis  i  la  place  de 
rclro»  sous  Hutluence  de  inter  (à  côté  de  intro;  on  sait  que  le  roumaîn 
a  coufoadu  intro  avec  inter,  et  dit  indifféremment  mf/r,  inint  au  sens  de 
i  n  t  e  r  ),  su  p  e  r,  '^  e  q  u  e  n  t  e  r  (prov.  segumtré),  *  a  l  i  u  n  d  cr  (prov.  aU^ondré), 
*aliuber  (a ne,  espagn.  ajubre),  etc. 

I.  M,  Devaux  a  donc  raison,  en  somme»  quand  il  mentionne  piscator, 
à  côté  de  melior  et  de  senior,  comme  ayant  «  atténué  To  en  €.  »  (Essaie 
p.  2)î).  Ailleurs,  à  propos  de  IV  final  (p.  229),  il  mentionne  *t  Fanalogue 
peclmre  »  à  côté  de  partjrare.  S'il  a  voulu  indiquer  par  là  que  les  noms  en 
-ater,  comme  f  rater,  etc.,  ont  exercé  une  influence  analogique  sur  le  suffixe 
-ator,  je  ne  suis  pas  de  son  avis.  Il  me  semble  que  le  changement  de 
•piscator  en  'piscater  est  un  fait  d'ordre  exclusivement  phonétique. 


BUlSSÉy  BOISSIÉ,  BOUYSSÈ,  BOISSÉ  265 

Cume,  mais  Texplication  qu'il  en  donne,  «  paré  de  feuillage,  de 
rameaux  de  verdure  »,  n'est  pas  tout  à  fait  exacte,  non  plus  que 
celle  de  M.  Suchier  dans  son  vocabulaire  de  Beaumanoir,  où  il 
accompagne  le  verbe  boissier  d'un  point  d'interrogation  et  le 
traduit  par  «  orner  de  branches  vertes  »  *. 

Je  ne  relève  cette  erreur  que  pour  rappeler  une  pieuse  cou- 
tume qui  existe  encore  aujourd'hui  en  Normandie  et  ailleurs. 
C'est  l'usage,  le  jour  des  Rameaux,  d'orner  de  branches  ou  de 
couronnes  de  buis  bénit  le  grand  calvaire  du  cimetière  et  les 
croix  des  carrefours.  Quand  vient  le  temps  de  la  moisson,  on 
les  remplace  par  des  glanes  faites  des  plus  beaux  épis  et  genti- 
ment tressés.  A.  Delboulle. 

FRAGMENT  D'UN  MIRACLE  DE  SAINTE  MADELEINE 

TEXTE  RESTrrUÉ 

Un  des  rares  manuscrits  français  de  la  bibliothèque  de  Trêves 
consiste  en  un  petit  feuillet  de  parchemin,  extrait  de  la  reliure 
d'un  livre,  et  qui  contient  au  recto  et  au  verso ,  d'une  écriture 
de  la  fin  du  xm'  siècle,  un  fragment  de  poème  en  dialecte 
anglo-normand,  comprenant  78  vers  en  13  strophes.  La  strophe, 
sur  deux  rimes,  est  du  type  aabaab  (strophe  couée) ,  les  petits 
vers  b  étant  de  4  syllabes,  les  plus  longs  a  de  8  syllabes,  bien 
que  la  mesure  d'un  grand  nombre  ait  été  altérée  gravement  par 
rimpéritie  du  copiste.  —  Selon  un  procédé  familier  aux  scribes 
anglo-normands,  chaque  demi-strophe  étant  figurée  en  la  forme 
suivante  : 

De  lame  la  mère  eit  pitez  )  „ 
«...  \  Par  sa  merci 

Si  la  même  a  sauuetez      \ 

le  ciseau  du  relieur  a  rogné  au  recto  plusieurs  lettres  finales 
des  petits  vers,  et,  du  même  coup,  au  verso,  les  majuscules 
initiales  de  tous  les  grands  vers. 

Le  manuscrit  en  question  fut  publié  pour  la  première  fois  en 
1879,  et  très  mal,  par  M.  Max  Keuffer  dans  la  Festschrift  ^ur 

[i.  Il  Êiut  ajouter  â  ces  exemples  celui  de  Meraugis  de  Portîesguexy  tel  que  je 
l'ai  reaifié  (Hist.  Htt.,  t. XXX,  p.  229,  n.  2).  J'ai  rapproché  accrois  huissiée  la 
crux  huxata  de  Du  Cange  et  la  croix  hoisseîiere  ou  osaniere  de  Rabelais. 
—  G.  P.] 


266  MàLANGES 

Bcgrussung  der  XXXIV.  Fersammlung,  dcutscbcr  Philoïogm  und 
SchuUnànmr,,.  ;w  Trier);  un  fac-simUé  était  joint  au  texte,  et 
aussi  un  commentaire,  qui  est  un  tissu  d  erreurs  *.  Ciuelques 
mois  plus  tard»  les  mauvaises  lectures  de  M*  Kcuffer  étaient  en 
partie  rectifiées  par  M.  AJ.  Schmidt  à  la  fin  de  son  étude  sur 
Guillaume  le  Clerc  de  Normandie  {Rtvmmscljc  Sludien,  IV, 
1880),  et  plus  complètement  par  M.  W.  Fôrster  dans  le  LiiL 
Ceniralblati  (0"*  21)  de  1880,  Enfin,  dès  la  même  année,  le  texte 
fut  imprimé  à  nouveau,  de  façon  correcte,  par  M.  Suchier  dans 
h  Zeitschrift  ftlr  rontanische  Philologie,  TV,  362  s. 

Du  reste,  la  publication  de  M.  Suchier  est  purement  paléo- 
graphique,  c'est-à-dire  qu'elle  nous  offre  un  texte,  tant  pour  la 
mesure  que  pour  la  syntaxe,  fon  corrompu.  M*étani  occupé,  au 
cours  de  recherches  sur  sainte  Madeleine,  du  fragment  de 
Trêves,  je  fus  frappé  en  même  temps  et  des  fautes  grossières 
qui  y  abondent,  et  de  la  facilité  avec  laquelle  on  le  pouvait 
améliorer.  Quant  à  Tobjection  que  ces  fautes  pourraient  bien 
être  le  fait  de  l'auteur  lui--même,  attendu  que  la  versification 
des  trouvères  anglo-normands  était  notoirement  incorrecte , 
j'admets,  en  effet,  qu'il  soit  arrivé  à  l'auteur  de  confondre  un 
vers  de  huit  et  un  vers  de  sept  syllabes,  ou  bien  de  ne  pas  tenir 
compte  d*un  s  final  à  la  rime;  mais,  pour  inhabile  qu'on  le 
suppose,  il  n'est  pas  vraisemblable  qu'il  ait  pu  tantôt  réduire 
roctosyllabe  à  six,  tantôt  l'étendre  à  neuf  ou  onze  syllabes,  m 
qu'il  ait  fait  subir  au  vers  de  quatre  syllabes,  d'un  rythme  si  net, 
des  mutilations  et  des  allongements.  Tout  ce  désordre  est  donc 
imputable  aux  copistes,  et  l'on  y  peut  remédier  critiquement; 
c'est  ce  que  j'ai  fait  ci*après,  introduisant  dans  le  texte  plusieurs 
corrections  simples,  et  dont  quelques-unes  s'imposent  avec 
évidence,  et  rejetant  en  note  les  leçons  vicieuses  du  manuscrit. 
Au  surplus,  sauf  Taccentuation  et  la  ponctuation,  ronhographe 
très  peu  régulière  du  scribe  n'a  pas  été  modifiée. 


«  Oncore  vostre  Deu  pricx 
Ke  Tenfes  [ki  est]  ore  nci 


2  fns,  Ke  Icnfant  ore  n, 

î,  Conf.  Romanta,  IX,  191;  XVI,  177. 


FRAGMENT  d'uN   MIRACLE   DE   SAINTE   MADELEINE  267 

3  Seit  [bien]  gari  ; 

De  Tame  la  mère  eit  pitez, 
[E]  si  la  meine  a  sauvetez 
6  Par  sa  merci  !  » 

Apres  ceo  est  il  eschipé, 
En  haute  mer  tant  ad  siglé, 
9         Ke  a  [la]  terre 
Venuz  est  [il]  e  arivé, 
A  Roume  ad  seint  Père  encuntré, 
12  Ki  sun  zîere 

Enquist,  e  pur  quei  fust  venu, 

Kar  la  croiz  ad  aparceû 
15  K[e]  il  porta, 

E  par  tant  Ti  ad  coneû. 

Il  dist  ke  conseil  ad  eu, 
18         [Ja]  de  peç'a, 

[D'aler]  seint  Père  a  Roume  querre 

[E]  de  lui  oïr  e  enquerrc 
21  Dreite  créance  ; 

Mes  einz  k'il  le  poù[s]t  parfere. 

En  mer  soffri  meint[e]  contrere 
24         E  mesch[e]aw^. 

Ses  enuis  [tres]tous  li  conta, 

E  seint  Père  lui  conforta 
27  [Mult]  bonemen/  : 

«  Cil,  «  dist  il,  »  ki  te  flaela 

Totes  tes  pertes  restor[r]a  : 
30  Ne  dute  tient, 

«  Mes  ke  soit  ta  feme  endormie, 

Tost  te  purra  il  [bone  ]  aïe 
33  [La]  enveer. 

Par  la  requeste  de  Marie, 

Ki  pe]  toen  i\z  en  sauve  vie 
36  Pout  bien  gzrder.  » 

Puis  li  ad  [il]  la  foi  pre[e]ché. 


3  [Bien]  ai  une  bonne  conjecture  de  Keuffer;  cf.  d'ailleurs  v.  36.  —  9  Pour  la 
restitution,  cf,  v.  70.  —  11  ms.  Moun  s.  p.  ad.  —  12  ms.  Ke.  —  29  ms. 
pertes  te  restora.  —  ^i  ms,  ke  ta  f.  soit.  —  35-36  ms.  Kc  porra  toen  f. 
en  sauue  uie  Bien  girder. 


268  MÉLANGES 

A  seinte  terre  Tad  mené; 

59  Si  lui  tmmsira 

Les  luis  ou  Jhesus  out  oté 
E  meint  [bel]  miracle  oat  moustié» 
42         Ou  il  prêcha. 

Ou  [il]  aveit  esté  pené. 

Ou  [il]  de  mort  fu  retevé, 
45         Ou  apparut, 

Par  ou  il  fuit  au  dd  mounté» 

Ou  sdnt  Espir  ad  enveié, 
48         Par  Id  encrut 

La  foy  e  la  drdte  créance. 

Kl  les  bons  crestiens  avance 
51  A  la  douçour 

De  seinteté  e  de  penanœ, 

K*  entre  hom[e]  e  Deu  fiet  alîance 
54         De  fin[e]  amour. 

Tant  ad  [donc]  sdnt  Père  ensdgné 
Cel  pèlerin  e  [l']a  mené 
57         A  [cei]  sdnz  luis, 

Ke  deus  anz  sunt  ja  [tres]passé, 
JT  il  ad  of  lui  iloec  esté 

60  £  aukes  pluis. 

Des  or  s'en  voudra  retomer 

A  sue  terre,  e  a  la  mer 
63  Est  ja  venuz  ; 

Fent  a  [de!  su  ?]  bon  e  plener  : 

La  mer  comence  a  trespasser; 
66  S'ad  apparu 

La  roche  ou  sa  feme  lessa  ; 

Cil  iloekcs  aler  voudra 
69  Querre  tiovelc, 

[E]  quant  a  la  terre  aprocha, 

Un  enfant  vit,  kl  se  jua 
72  Oflagravele; 

38  ms.  E  a  la  s.  t.  m.  :  Vomission  du  pronom  fait  un  solécisme,  —  39  Keuffer 
a  déjà  rétabli  moustra  ;  dans  le  ms,  il  ne  subsiste  que  le  premier  jambage  d!r  m.  ~ 
47  ms.  Ou  le  s.  —  50  ms.  Al  seint  luis.  —  56  Ceo  p.  e  amené.  —  59  ms, 
iloekes.  —  61  ms.  Des  ore.  —  62  ms.  Asat.  —  64  Pour  rempHir  la  lacune  de 
deux  syllabes,  je  propose  del  su  qu'on  lit  au  v.  $41  du  poème  de  Guillaume  le  Clerc^ 
lequel  correspond  précisément  à  celui-ci.  —  66  ww.  Se  ad  aperceuz.  —  69  ms.  Pur  q. 


FRAGMENT   d'uN   MIRACLE  DE  SAINTE   MADELEINE  269 

[E]  ^ant  il  prendre  le  voleit , 

L'enfes  fuî,  si  se  musceit 
75  De  lez  sa  mère; 

E  quant  i  vint,  dame  troveit 

Sien  colouree,  s'apparcit 
78  K'endormi[e]  ère. 


Ainsi  que  M.  Schmidt  Ta  justement  observé,  de  rimes  telles 
que  :  é  :  ié,  />n<^  ;  ne^i  :  sauvete^,  prêché  :  tnené^  viounté  :  enveiéy 
enseigné  :  amené;  lat.  — ébat  :  — abat,  voleit  :  musceit  :  troveit  : 
pareil;  lat.  ô  :  û,  /m/V  =  1ocos  :  pluis=  plus,  on  doit  conclure 
que  les  strophes  précédentes  n'ont  guère  pu  être  composées  avant 
le  milieu  du  xiii*  siècle.  Le  poème  dont  elles  faisaient  partie  avait 
traita  un  miracle  de  sainte  Madeleine,  très  populaire  ai\  moyen 
âge,  et  qui,  raconté  d'abord  dans  les  actes  grossièrement  fabu- 
leux de  cette  sainte  (fin  xii*^  s.),  a  passé  de  là,  plus  ou  moins 
textuellement,  chez  les  hagiographes  des  xiii''  et  xiv*  siècles, 
Vincent  de  Beauvais,  Jacques  de  Voragine,  Bernard  Gui,  Pierre 
de  Noiîl,  etc.  Vers  le  premier  tiers  du  xiii*  siècle,  ce  miracle 
avait  déjà  été  mis  en  vers  (octosyllabes  à  rimes  plates)  parle 
trouvère  normand  Guillaume  le  Clerc',  et  l'on  possède  aussi 
un  fragment  (132  vers)  d'un  pocme  en  moyen  allemand,  de 
la  même  époque  à  peu  près,  et  sur  le  même  sujet  ^  Enfin  un 
petit  mystère,  apparemment  du  xvi^  siècle,  imprima  à  Lyon 
en  1605,  ^  ^^  ^  Marie  Magdalaine  contenant  plusieurs  beaux 

miracles Et  est  a  XXII  personnages,  n'est  autre  chose  que  la 

mise  en  scène  de  cette  édifiante  aventure. 

L'auteur  du  fragment  de  Trêves  paraît  s'être  servi  des  Gesta 
Magdalenae^  qu'il  suit  assez  fidèlement.  La  «  Marie  »  men- 
tionnée dans  ses  vers  est  donc  sainte  Marie  Madeleine,  seint 


73  ms.  Qaznt  il.  —  74  ms,  Lcnfant.  —  79  ms.  il  i  vint  une  d.  —  77  ms. 
si  apparceit;  le  c  rajouté d^utu  autre  main.  —  78  ms,  iCendormi. 

1.  Excellemment  publié  et  commenté  par  M.  A.  Schmidt  :  «  Guillaume  le 
Clerc  de  N,  und  insheumdere  seine  Magdàkucnlegeiuie  » ,  dans  les  RomaniscJx 
Studien,  IV  (1880). 

2.  Publié  par  M.  Steinmeyer  dans  la  Zeitschrift  fur  deutsclies  Aîterthum, 
XIX,  1875. 


270  MÈLAKCtS 

Père  est  saint  Pierre,  le  «  pèlerin  »  est  le  roi  (ou  un  seigneur) 
de  Marseille.  Le  fragment  correspond  exactement  aux  vers 
401-586  du  poème  de  Guillaume  le  Clerc;  et  le  commence^ 
ment  perdu  devait  compter  un  assez  grand  nombre  de  vers. 
L'auteur  avait  à  y  narrer  comme  quoi  Marie  Madeleine  et 
les  siens,  chassés  de  Palestine,  abordent  aux  bouches  du 
Rhône  et  prêchent  Tévangile  au  peuple  marseillais  ;  la  conver- 
sion du  roi  de  Marseille,  moyennant  une  grâce  impétrée  par 
Madeleine,  savoir  la  grossesse  miraculeuse  de  sa  femme  jus- 
qu'alors stérile;  le  dessein  qu'il  fait  d*aller  auprès  de  saint  Pierre, 
à  Rome,  afin  de  s'instruire  dans  la  foi  chrétienne,  et  les 
instances  de  sa  femme  pour  l'accompagner  ;  leur  voyage ,  une 
horrible  tempête  qui  s'élève  en  mer,  la  femme  prise  des  dou- 
leurs de  TenÉintement  et  qui  meurt  dans  le  travail  ;  comment 
les  mariniers,  de  peur  que  la  présence  d'un  cadavre  ne  cause  la 
perte  du  navire*,  exigent  que  la  morte  soit  jetée  par  dessus 
bord;  et  comment  le  roi  supplie  qu'on  lui  laisse  déposer  la  mère 
et  l'enfant  sur  un  écueil  voisin,  ce  qui  est  fait.  Avant  de  s'éloi- 
gner, le  roi  invoque  la  protection  de  sainte  Madeleine,  et  c'est  à 
cet  endroit  que  commence  notre  première  strophe.  La  trei- 
zième touche  au  dènoùment  :  la  femme,  réveillée,  déclare  que 
tout  le  temps  que  son  corps  reposait  sur  l'écucil,  elle  a  visité 
en  esprit  les  mêmes  lieux  où  son  mari  était  en  pèlerinage  ;  puis 
les  époux  rendent  grâces  à  la  sainte,  et  font  voile  vers  Nlar- 
seille,  où  ils  reçoivent  le  baptême.  Pour  cette  fin  trois  ou 
quatre  strophes  devaient  suffire. 

Il  est  regrettable  que  le  poème  de  Trêves  ne  nous  soit  point 
parvenu  dans  son  entier;  car  nonobstant  le  prosaïsme  et  la 
lourdeur  habituelle  de  la  phrase,  le  rythme,  qui  est  heureux, 
et  le  tour  naïf  du  récit  font  que  cette  pièce  ne  manque  pas,  à 
tout  prendre,  d'intérêt. 

George  Doncieux. 


I.  Superstition,  comme  on  sait,  familière  aux  gens  de  mef|  et  qui  est  dt 

tous  les  tçmpsi 


CHRÉTIEN   DE   TROYES   ET    L*AUTEUR    DE   l' OVIDE  MORALISÉ   27 1 

CHRÉTIEN  DE  TROYES  ET  L'AUTEUR  DE  L'OVIDE  MORALISÉ 

Un  exemple  cité  dans  le  Diclionnaire  de  V ancienne,  langue  Jr an- 
çaise  de  M.  Godefroy*  vient  d'attirer  mon  attention  sur  un 
curieux  passage  de  Y  Ovide  moralisé  attribué  à  Chrétien  Legouais  : 
ce  passage  a  échappé  à  M.  Gaston  Paris,  au  moment  où 
il  rédigeait  la  notice  de  cet  auteur  dans  V Histoire  littéraire  de  la 
France^ y  et  à  M.  Sudre,  au  moment  où  il  préparait  sa  thèse 
latine,  dont  un  court  chapitre  est  consacré  à  V Ovide  moral iséK 
Il  est  donc  nécessaire  de  le  mettre  d'abord  sous  les  yeux  du 
lecteur  pour  pouvoir  montrer  ensuite  les  conséquences  impré- 
vues que  rhistoire  littéraire  peut  en  tirer.  Comme  Ta  indiqué 
M.  Gaston  Paris,  l'auteur  de  Y  Ovide  moralisé  a  intercalé  dans  le 
'  livre  XI  des  Métamorphoses  le  récit  des  noces  de  Thétis  et  Pelée, 
du  jugement  de  Paris  et  de  l'enlèvement  d'Hélène,  récit  qu'il  a 
puisé  ailleurs  que  dans  le  poème  d'Ovide.  Le  passage  que  j'ai 
en  vue  se  réfère  précisément  aux  sources  qu'il  a  utilisées  pour 
cette  addition.  Je  le  donne  d'après  le  manuscrit  de  l'Arsenal 
(f*  167  V**),  corrigé,  quand  la  chose  en  vaut  la  peine,  à  l'aide 
du  ms.  373  de  la  Bibliothèque  nationale. 

Ci  dist  de  ceuls  qui  traitierent  ceste  ystoire  premièrement  de  grec  en 
latin  et  de  latin  en  françois^. 

A  quelque  paine  ont  Grieu  port  pris.  L'occision  et  le  martire, 

Achillës,  li  vaillans  de  pris,  La  grant  estoire  et  la  matire 

Est  la  venus  a  la  bataille.  Que  trait  li  clers  de  Sainte  More 

Des  or  commenceront  sans  faille  De  Daires  ;  mes  ne  m'en  vueil  ore 

1 .  «  EscHAUFORE,  S.  f.  mot  altéré  pour  la  rime,  chaleur,  emportement, 

colère  : 

Mais  il  parla  par  eschaufore^ 
Pour  ce  li  clers  de  Sainte  More 
Qui  n'entendoit  que  voloit  dire 
Li  redargua  sa  matire. 

(FflW.  ^Ot'.,  Ars.  5069,  f*  167'.)  » 

Comme  on  le  verra  plus  loin,  eschaufore  est  une  faute  de  scribe  pour  wc/Zw- 
fore. 

2.  Hist,  litt.,  XXIX,  455-577. 

3.  P.  Oindii  Nasonis  Metamorphoscon  lihros  quomodo  nost rates  imdii  aeii  poc" 
tae  imitati  interpretatique  sint  (Parisiis,  Bouillon,  1893),  cap.  IV. 

4.  Le  ms.  373  n*a  pas  de  rubrique,  mais  on  lit  en  marge,  en  face  de  ce 
passage  :  Cy  parle  Vaucteiir  (fo  260  v"). 


272 

Sus  lui  de  gueres  entremettre 
La^  ou  biea  translata  la  letre. 
Mok  fu  li  ders  bons  rimoierres. 
Courtois  parliers  et  biax  forracrres, 
El  niolt  fu  bien  ses  romniaas  fo  ; 
Mais  ■  oon  porquant,  sauve  sa  pès. 
Il  ne  dîst  pas  en  toi^  licx  voir, 
Si  ne  âst  mie  grant  savoir 
Dont  il  Orner  osa  desdîre 
Ne  destneutir  ne  contredire 
Ne  blasmer  oevre  qu*il  feist 
Ne  que  oaques  Orner  deîst 
Qiose  que  dire  ne  dcùst 
Et  que  de  verte  ne  seûst; 
Ja  neu  deûst  avoir  repris , 
Car  trop  est  Omer  de  grant  pris» 
Mes  il  parla  par  methafore  ^  : 
Pour  ce  H  clers  de  Sainte  Morc^ 
Qui  n*entendoit  que  voloit  dire, 


MÉLAKGES 

li  redargi^a  sa  matire. 
Tuît  H  Grefois  et  li  Latin 
Et  ce  us  qui  onques  en  latin 
Tretiereni  riens  de  cesie  estoire 
Tesmoignent  la  materc  a  voire 
Ainsi  ï  comme  Omer  Li  treta 
El  cil  qui  son  grec  translata  ; 
Neïs  Daires»  de  quoi  fu  fiis 
Li  rommans  Beneoîl*  et  trais» 
N*est  de  riens  contraires  a  lui 
—  Car  Tun  et  Vautre  livre  lui  — 
Fors  tant  que  plus  proIiKemem 
Dist  Daires  le  dcmenementi 
Les  assemblées  et  les  tours. 
Les  batailles  et  les  estours 
Qui  furent  fait  par  devant  Troie. 
Ne  sai  que  plus  vous  en  diroie; 
Mais  cil  qui  Tun  et  l'autre  orra 
Croie  celui  qui  miex  vaurra. 


Je  n  insiste  pas  sur  riniérct  que  présente  ce  morceau  consi- 
déré en  lui-même,  et  comme  preuve  de  la  faveur  persistante 
dont  jouissait  à  la  &n  du  xm*  siècle  le  Rontan  de  Troie  de  Benoit 
de  Sainte-More,  et  comme  témoignage  piquant  des  lectures  et 
de  la  critique  de  l'auteur  de  VO-ciJr  jnoralisé^  qui  se  constitue  le 
champion  d'Homère  contre  Fauteur  du  Roman  de  Troie  K  J'en 
veux  faire  un  autre  usage  :  je  crois  qu'il  peut  servir  à  dissiper 
un  malentendu  déjà  ancien  sur  le  nom  prétendu  de  l'auteur 
de  YOi*idc  ntoraltsé. 

Des  quinze  manuscrits  signalés  par  M.  G.  Paris ^,  deux  seule- 
ment attribuent  VOiiJe  moralisé  i  Chrétien  Legouais  et  ils  le 


1.  Ars.  Et. 

2.  An>  cschaufore.  Le  ms.  57$  a  non  seulement  la  bonne  leçon,  mais  cette 
observation  marginale  d*un  homme  plus  au  fait  que  le  scribe  de  rAisenal  : 
c'est  mu  figure  en  grammaire, 

3.  An.  Si. 

4.  Ar$,  bencûis;  575  benoiz. 

5.  Il  est  à  peine  besoin  de  dire  que  notre  passage  n'a  pas  été  connu  de 
Joly,  redite  UT  du  Roman  de  Trm. 

6.  [Je  puis  maintenant  ajouter  quatre  manuscrits  à  cette  liste,  sans  compter  ^ 
celui  que  signale  M.  Thomas  :  B»  N,  fr,  191^1*  Berne  10,  Rome  Reg,  i6S6, 


CHRÉTJEK    DE  TROVES  ET   L*AU1EUR  DE  t'oriDE  hfORJUSÈ   2J$ 

font  en  ces  termes  ;  Crcsikn  le  Gouays  de  Saincte  Mon  vers  Troycs 
(ms.  de  Genève)  ;  nmistre  Cresiien  de  Gmvays  de  Seynî  More  tfers 
Troyes^  de  Corder  des  frères  menour s  (ms.  Cottonien,  qui  ne  con- 
tient que  hi  t*able  des  rubriques).  On  lit  de  même  dans  un 
manuscrit  du  Vatican  {Reg.  ^^40)  que  n'a  pas  connu  M.  G. 
Paris  :  Cy  conwtence  Ja  table  des  rebricJm  d'Ovide  h  Grani^  dit 
Melanwrphcseos  ^  translaté  du  latin  en  frmtçoys  par  Cr es  tien  le 
Gcmays  de  Saincte  More  vers  Troyes  '.  Je  crois  qu*il  ne  faut  pas 
accorder  plus  de  valeur  à  cette  attribution  qu*à  celle  du  ms. 
24)06  de  la  Bibliothèque  nationale  en  foveur  de  Philippe  de 
Vitry,  qui  est,  comme  on  sait,  le  résultat  d'une  méprise,  dont 
on  a  retrouvé  la  source  indubitable.  C'est  aussi  une  méprise  — 
un  peu  plus  compliquée  —  qui  a  fait  croire  à  un  annotateur*, 
dont  nos  trois  manuscrits  reproduisent  l'opinion,  que  Fauteur 
s'appelait  Cbrestien  le  Gotiais  et  qu'il  était  de  Sainte  More  vers 
Troyes,  M*  G.  Paris,  à  qui  on  doit  la  découverte  si  intéressante 
du  Philomena  de  Chrétien  de  Troyes  noyé  dans  les  72000  vers 
de  VOvide  moralisé^  a  déjà  remarqué  que  Fauteur  de  Philomena 
se  nomme  lui-même  Crestiens  H gois^  que  «  ce  surnom  rappelle 
singulièrement  celui  de  l'auteur  même  de  VOvide  moralise^ 
Chrétien  Legouais,  »  et  que  «  cette  mention  est,  il  faut  Tavouer, 
fort  embarrassante  »•  Nous  sortirons  d'embarras  si  nous 
admettons  que  Tannotateur  a  pris  l'auteur  de  l'épisode  de 
Philonima  pour  l'auteur  de  VOvide  moralisé  tout  entier.  Voili 
son  premier  malheur.  Or,  comme  dit  «  Crestiens  li  gois  w  lui- 
même  dans  Philomena  : 

Toujours  atrait 
Lî  uns  maus  Tautre. 


et  Rouen  104S-46  (JL*  n'avais  noté  dans  cette  bibliothèque  que  le  1044,  anc. 
BfUes-ltttra  }o).  Voilà  donc  vingt  manuscrits  à  consuher  pour  qui  voudra 
imblicr  le  Phlknnem.  —  G.  P.] 

î.  Sur  ce  ms.  du  Vatican,  que  j*ai  indiqué  ici  même  {Romam'a,  1890,  p. 
60a),  non  pas,  comme  je  Tai  dit  par  erreur,  d*aprês  les  notes  de  La  Porte 
«lu  Thcil,  mais  d'après  VHer  romauum  de  Dudik,  M.  Ph»  Dcloye,  membre 
de  TEcolc  française  de  Rome,  a  bien  voulu  me  fournir  récemment  quelques 
renscigneroents  dont  je  tiens  i  le  remercier  ici. 

a.  Je  dis  anmtateur  et  non  scrihty  car  M,  G.  Paris  nous  apprend  que  dans 
le  ïiïs,  de  Genève ,  \x  table  des  rubriques  est  d*une  écriture  conlempOTainc, 
mais  différente  de  celle  du  texte.  D'après  les  renseignements  que  m*a 
fourtiH  M.  Dclovc,  il  en  est  de  m^mc  dans  le  ms,  du  Vatican. 

.  xxn  iS 


MÉLANGES 

Ayant  lu  ensuite  rapidement  te  passage  que  nous  avons 
publié  plus  haut,  et  où  il  est  question  du  ckrc  de  Sainte  More^ 
notre  annotateur  a  cru  qu'il  se  trouvait  de  nouveau  en  présence 
du  même  auteur  :  si  son  manuscrit  contenait  soit  la  rubrique 
du  manuscrit  de  TArsenal,  soit  la  note  marginale  du  ms.  jyj 
de  la  Bibliotlièque  nationale,  l'une  ou  l'autre  de  ces  indications 
pouvait  facilement  lui  faire  prendre  le  change*  C'est  ainsi  qu'il 
a  créé  un  imaginaire  Crestiats  li  gots  de  Sainte  Mare,  à  qui  il  a 
donné  arbitrairement  pour  patrie  Sainte  Maure  près  Troj^es,  cir- 
constance d'où  nous  pouvons  induire  qu'il  était  lui-même  cham- 
penois. Le  manuscrit  Cottonien,  qui  doit  se  rattacher  directe- 
ment ou  indirectement  à  ceux  de  Genève  et  de  Rome,  a  ajouté  un 
autre  détail  :  de  l'ordre  des  frères  Menors^  et  il  se  trouve  en  fin  de 
compte  que  ce  détail  est  le  seul  qui  ne  soit  pas  apocryphe  et  que 
tout  ce  que  nous  savons  d'assuré  sur  l'auteur  de  V Ovidt  tnaralisi 
—  parce  que  c'est  lui  qui  nous  l'apprend  dans  son  épilogue  — 
c'est  qu'il  appartenait  à  Tordre  de  saint  François.  Berçuire  nous 
dit  qu'on  avait  traduit  et  moralisé  Ovide  à  la  prière  de  la  reine 
Jeanne  :  rien  n'empêche  de  croire  Berçuire,  qui  était  presque 
contemporain.  En  tous  cas,  il  faut  récuser  le  témoign'«:-v 
d'Eustache  Descharaps,  qui,  à  la  fin  du  xiV'  siècle,  fait  un  ii:k 
de  gloire  à  «  Saincte  More  »  d'avoir  voulu  «  Ovide  esdai- 
rier  M)  :  Deschamps  avait  sans  doute  lu  Y  Ovide  moralisé  dans  un 
manuscrit  analogue  à  ceux  de  Rome  et  de  Genève. 

Il  resterait  maintenant  à  examiner  si,  comme  Ta  dit  M.  G, 
Paris  et  comme  je  le  crois  avec  lui,  Cresîiens  li  gois,  auteur  de 
Philomma,  est  bien  le  même  que  le  célèbre  Chrétien  de  Troyes, 
C'est  une  tâche  qui  incombe  A  l'éditeur  du  Philomena» 


A.  T 


JIOMAS. 


LE  JEU    DES    CENT   DRUTZ 

DANS   LE   DlOCtSB   DE  PAMIERS 


M,  Léopold  Delisle  a  bien  voulu  nous  signaler  un  curieux 
passage  d'un  statut  synodal  publié  par  révèquc  de  Pamiers, 
Dominique  Grima,  vers  1327.  Ce  statut  a  été  récemment 
imprimé,  d'après  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  Toulouse, 

I.  BalhdeciiéeparM^G.  Paris,  loc,  htud.,  p,  508. 


I 


SUR  GUILLAUME  DE   MACHAUT  îf] 

dans  un  recueil  publié  par  M,  Tabbé  C.  Douais,  professeur  i 
rinstitut  caihoUque  de  la  môme  ville  '. 

Voici  ce  texte,  qui  intéressera  certainement  tous  ceux  qui 
étudient  T histoire  de  nos  anciennes  exhibitions  dramatiques  : 

STATUTUM   ANTIQ.UUM^ 

Dampnamus  auiera  et  aiiatheraatlzarnus  lucîura  cenicum  vocatum  CcMum 
Drudorum^  vulgaritcr  Cent  Drul^^  actenus  obsenaium  îti  nostra  dyocesi»  et 
spcdaluer  in  nostra  civitaie  Appamîensi  et  villa  de  Fuxo»  per  dericos  et  lay- 
cos  intcrdum  magni  status;  în  quo  luJo  effigiabantur  prelati  et  religiosi  gra- 
duum  et  ordinum  diversorum,  facienies  processionem  cuni  candclis  de  cepo, 
et  veitilis  in  quîbus  dcpîcta  erant  membra  pudibunda  hominis  et  mulieris, 
loduebant  etiam  confratres  ilHus  ludi  masculos  juvenes  habitu  muliebri  et 
deducebant  eos  processionaliter  ad  quendam  quem  vocabant  priorem  dicti 
Iadi|  cum  carminibus  iohoncsiissima  verba  coiitineniibus,  Cum  ergo  predicta 
nullo  tnodo  deceant  nosiri  tcmporis  honcstatem,  înterdicimus  dictum  ludum 
in  toto  et  îd  parte,  sub  pena  excommunicationis  quam  contra  talia  presu- 
meotes  ferimus  in  hils  scriptis,  canonica  monittone  premissa. 


I 


SUR  GUILLAUME  DE  MACHAUT 

MM,  G.  Paris  et  Piaget  ont  montré  Ici  ra^me  {Romania^  XVI, 
409  et  XXI,  6 16)  que  le  nom  de  Guillaume  de  Machaut  a,  dès 
le  XV*  siècle,  souvent  été  écrit  par  erreur  Michaut,  Ainsi,  c'est 
bien  de  Machaut  qu'il  s'agit,  M.  Piaget  le  prouve,  dans  la 
lettre  du  marquis  de  Santillane,  où  se  lisent  ces  mots  : 
a  Mkkiute  escrivio  asymesmo  un  grand  libro  de  baladas,  can- 
ciones,  rondeles,  lays,  virolays,  é  asonù  muclios  dellos.  » 

Une  autre  altération  a  rendu  presque  méconnaissable  le  nom 
Je  l'auteur  du  V'oir  Dit  dans  un  livre  où  Ton  ne  s'attendait 
pas  qu'il  pût  être  parlé  de  lui.  Le  livre  en  question  sont  les 
Manorias  para  ayudar  à  formar  un  dkciotutrio  criiico  de  ios  cscri- 
tora  caîalatus  deTorres  Amat,  où,  sous  la  rubrique  Méchant, 
Mexaud  ô  Maixaut  (^Guillem)^  sont  consignés  deux  rensei- 
gnements bibliographiques  concernant  Guillaume  de  Machaut, 


1,  TriîiHiux  pratiqtui  atiftt  confératce  de  paléographie  à  TlnstHui  aUk^ÏHpu  de 
Tûulûtist  ÇtoMloùsi*,  Éd,  Privât;  Paris,  Alph.  Picard,  1893,  in-8«),  p.  72. 

2.  Ces  mots,  placés  .i  la  marge,  indiquent  que  la  défense  du  jeu  des  Cent 
Dnitz  avait  déjà  été  prononcée  par  un  statut  antcrieurt 


2jè  MÉLANGES 

Le  premier  est  la  simple  mention  d'un  manuscrit  de  se5 
œuvres  :  «  Libre  appellat  Mtxlmnt  à  Mechaud  anno  1367*  »  Le 
second  est  un  billet  de  la  reine  Yolande,  femme  de  Jean  P' 
d'Aragon,  à  son  cousin  le  comte  de  Foix,  et  dont  voici  la 
teneur  :  «  Car  cosi^  Reebuda  haveni  vostra  letra  ensemps  ab  lo 
libre  molt  bell  é  bo  de  Guiîkm  Maixant  quens  havets  trames ^^M 
e  lo  quai  vos  entenem  reraetre  com  lo  haurem  acabat  de  legîr^^H 
D.ida  en  Montç6  a  XVIII  dies  de  juny  de  mil  uescents  vuy- 
tan  ta  et  nou.  »  Le  texte  de  Torres  Amat  porte  ici  Maixanî^ 
mais  il  est  bien  vraisemblable  que  la  reine  Yolande  a  écrit 
correctement  Maixaui, 

Ces    renseignements,    qui    établissent    la  vogue  du    poèce 
français  dans  les  pays  catalans  à  la  fin  du  xiv*  siècle,  ont  éti 
extraits  par  Torres  Amat  de  registres  des  archives  d'Aragon. 

A,  M.-F. 


JEAN  DE  HESDIN 

LE  GJLLUS  CALUMNIATOR  DE  PÉTRARQUE 

Qu'il  nous  soit  permis  d'ajouter  quelques  mots  au  très 
intéressant  article  de  M.  de  Nolhac  {Romaniay  XXI,  598)  sur  le 
contradicteur  de  Pétrarque,  Jean  de  Hesdin,  qui  fut  dans  sou 
temps  un  personnage  considérable,  non  moins  versé  que 
Pétrarque  dans  la  littérature  profane  et  que  celui-ci  n'aurait  pas 
dû  traiter  avec  tant  de  dédain. 

Jean  de  Hesdin,  religieux  de  Tordre  des  Hospitaliers  de  Saint- 
Jean,  docteur  en  théologie,  auteur  de  très  gros  commentaires 
sur  différents  livres  de  TÉcriture  sainte,  aurait  certainement 
mérité  que  la  postérité  s'inquiécàt  de  lui  quand  il  n'aurait  pas 
écrit  contre  Pétrarque  et  quand  Pétrarque  n'aurait  pas  écrit 
contre  lui.  Il  n'est  donc  pas  sans  intérêt  de  faire  un  exact  recen- 
sement de  ses  œuvres. 

Le  premier  de  ses  commentaires  paraît  être  celui  qu'il  a  fait 
sur  le  livre  de  Job,  qui  est  daté  de  Tannée  1357  dans  les 
n°*  200  de  la  Ma^îarine  et  50  de  TArsenal,  de  Tannée  ijjS 
dans  le  n°  42  de  Toulouse.  La  dédicace  est  à  Gui  de  Bologne» 
cardinal-évèque  de  Porto.  Un  autre  exemplaire  est  dans  le 
n"8S63  de  Munich. 

Job  n*a  jamais  été  plus  prolixement  commenté.  Ce  commen- 


JEAN   DE  HESDIN  277 

tmrc  n*occupe  pas,  en  effet,  moins  de  693  pages  in-folio,  d'une 
écriture  très  serrée,  dans  le  n°  50  de  TArsenal*  Les  remarques 
sur  le  texte  sont  pourtant  rares  et  courtes.  L*auteur  ne  semble 
pas  avoir  eu  le  moindre  souci  de  passer  pour  un  grammairien 
expérimenté.  Ce  n'est  pas  non  plus  un  de  ces  théologiens 
inquiets,  méticuleux,  qu'excîte  et  pousse  immédiatement  A  la 
controverse  la  rencontre  d'un  mot  qui  peut  être  diversement 
interprété.  Mais  c'est  un  moraliste,  et  un  moraliste  lettré,  dont 
la  mémoire  est  pleine  de  textes,  et  qui  prodigue  les  citations 
avec  IVspoir,  d  ailleurs  légitime,  de  se  faire  considérer  comme 
très  savant.  Il  n'y  a  presque  pas  un  écrivain,  antique  ou 
moderne,  profane  ou  sacré,  prosateur  ou  poète,  dont  il  ne  cite 
à  tout  propos  des  fragments  plus  ou  moins  étendus  j  puis,  sur 
ces  fragments  mis  en  regard  les  uns  des  autres,  il  disserte,  en 
montre  l'accord  ou  le  désaccord  et  donne  enfin,  en  casuiste,  sa 
conclusion  morale.  Voilà  ce  qui  explique  ia  longueur  de  tous 
ses  commentaires. 

Le  deuxième  est  sur  l'épîtrc  de  saint  Paul  à  Titus^  avec  une 
dédicace  à  Philippe  d'Alençon,  archevêque  de  Rouen.  La  date 
est  1362  dans  le  n'='  421  de  Chartres,  1564  dans  les  n^*  272  de 
LaMa^arine,  S4  de  Toulouse  et  108  des  manuscrits  théologiques 
de  Saint-Marc,  à  Venise.  D'autres  copies  de  cet  écrit  très  estimé 
sont  conservées  dans  les  n^"*  271,  273  de  la  Mazarine,  33 
d'Avranches,  8887  de  Munich  et  181  du  collège  BallioL  Jean 
de  Trittenheim  et  Sixte  de  Sienne  disent  que  Jean  de  Hesdin  a 
commenté  toutes  les  épîtres  de  saint  Paul.  C'est  ce  que  répète 
Paquoti  dans  ses  Mémoires  de  littérature^  t.  Il,  p.  345,  reprodui- 
sanl,  dit-ii,  le  titre  d*un  manuscrit  de  TEscuriaL  Mais  c*est  une 
erreur;  Jean  de  Hesdin  n'a  commenté  que  Tépître  ;\  Titus.  Ce 
commentaire  sur  une  des  plus  courtes  épîtres  de  l'apôtre  (elle 
n'a,  comme  on  le  sait,  que  trois  chapitres)  n'occupe  pas  moins 
de  322  pages  in-fol.  dans  le  n^  273  de  la  Mazarine.  Or,  on  a 
quatorze  épîtres  de  saint  Paul.  Quelle  masse  offriraient  donc 
quatorze  commentaires  nécessairement  identiques  i  celui  qui 
Qous  aurait  seul  été  conservé!  On  ne  se  la  figure  pas  sans  fré- 
mir. 

Nous  avons  un  troisième  commentaire  de  Jean  de  Hesdin, 
daté  de  Tannée  1367*  Il  a  pour  objet  l'évangile  de  saint  Marc  et 
nous  en  pouvons  indiquer  des  copies  dans  les  n""'  17287  de  la 
Bibliothèque  nationale,  179  de  l'Arsenal,  33  d'Avranches,  12280 


2yB  MÉLANGES 

de  Munich  et  i8i  du  collège  Balliol,  Cest  encore  un  énorme 
volume, 

Jean  de  Hesdin  a-t-il  aussi,  comme  le  prétend  Jean  de 
Trittenheim,  et,  comme  le  répètent,  d'après  lui,  Swert,  le 
P.  Lelong  '  et  d'autres,  paraphrasé  l'évangile  de  saint  Jean  ?  On 
en  doute.  Si  Jean  de  Trittenheim  avait  vu  ce  commentaire,  il 
en  aurait  cité,  selon  sa  coutume,  les  premiers  mots.  Ce  qu'il  n'a 
pas  fait.  Ajoutons  que  Sixte  de  Sienne  et  Casimir  Oudin  n'en 
font  pas  plus  mention  l'un  que  l'autre  et  que  nos  catalogues 
n'en  signalent  aucune  copie.  Le  doute  est  certes  permis. 

Mais  voici  d'autres  attributions  plus  sûrement  fausses»  Le 
P.  Lelong  et  Foppens^  disent  que,  d'après  François  Swert, 
dont  ils  allèguent  Tun  après  l'autre  le  témoignage,  il  existe 
un  commentaire  sur  l'Apocalypse  sous  le  nom  de  Jean  de 
Hesdin.  S'il  existe,  où  est-il?  Ne  l'ayant  pas  rencontré,  mais 
croyant  Swert  sur  parole,  Oudin  fliità  l'appui  de  son  assertion 
une  de  ces  conjectures  qui  lui  sont  habituelles  et  dont  on  a  sou- 
vent blâmé  la  témérité.  On  a,  dit-il,  deux  commentaires  sur 
l'Apocalypse  attribués  à  Nicolas  de  Gorran,  Or,  Nicolas  de  Cor- 
ran  et  Jean  de  Hesdin  furent  contemporains,  morts  l'un  et 
rautre  vers  1380  ;  on  les  a  donc  facilement  confondus,  et  comme 
il  est  invraisemblable  que  Nicolas  de  Gorran  ait  deux  fois  com- 
menté l'Apocalypse,  que  Fun  des  deux  commentaires  soit  res- 
titué sans  hésitation  à  Jean  de  Hesdin.  Les  critiques  décideront 
lequel  lui  convient  le  mieux  K  Telle  est  la  conjecture  de  Casimir 
Oudin.  Eh  bien,  Nicolas  de  Gorran  étant  mort,  non  pas  vers 
1380,  mais  en  1295,  Oudin  l'a  rajeuni  d'un  siècle  entier  pour 
le  faire  contemporain  de  Jean  de  Hesdin.  Ainsi  l'on  n'avait  pas, 
pour  les  confondre,  la  raison  qu'il  a  supposée.  Mais  s'ensuit-il 
que  Nicolas  de  Gorran  nous  ait  laissé  deux  commentaires  sur 
l'Apocalypse?  Nullement.  La  vérité  sur  ce  point  est  que  l'un 
des  deux  commentaires  attribués  à  Nicolas  a  deux  fois  été 
publié  sous  le  nom  d'Albert  le  Grand,  àBâle,  en  1506,  par  les 
soins  de  Bernard  de  Luxembourg,  et  dans  le  tome  XI  de  ses 
Œuvres.  Or,  s'il  n'est  pas  plus  d'Albert  que  de  Nicolas,  il  est 


1.  Bibh  Mcra,  t.  II,  p.  796. 

2,  BihL  %.,  p.  658. 

3»  Comrmtt,  de  Scrip.  eccl,  L  III,  col.  1323. 


JEAN    DE    HESDIN 


279 


de  leur  liumblc  confrère,  Bernard  de  Trilta,  ù  qui  le  donne  un 
manuscrit  qui  paraît  digne  de  confiance. 

Maintenant,  revenons  \  Tassertion  de  Swert.  Ceci  est  bien 
étrange,  mais  nous  lavons  constaté  :  Swert  n'a  rien  dit  de  ce 
qu*on  lui  fait  dire;  cette  assertion  que  Lelong  et  Foppens 
mettent  à  son  compte  est  purement  fictive.  N'ayant,  comme  il 
parait,  rien  appris  de  particulier  sur  Jean  de  Hesdin,  Swert  s*est 
contenté  de  reproduire  la  courte  notice  de  Jean  de  Trittenheim 
où  ne  figure  pas  le  commentaire  sur  TApocalypse.  D'où  il 
résulte  que  ce  commentaire  n'a  jamais  été  vu  par  personne  et, 
pour  conclure,  n*a  jamais  existé. 

Le  P,  Lelong  et  Foppens  inscrivent,  en  outre,  ce  titre  au 
catalogue  des  œuvres  de  Jean  de  Hesdin  :  Comnuntarii  tn 
Noî'um  Taiammîum,  Comme  ils  n*ont  pas  certainement  voulu 
dire  que  Jean  de  Hesdin  ait  deux  fois  commenté  saint  Marc, 
saint  Paul  et  peut-être  saint  Jean,  ce  titre  vague  doit  être  raturé 
comme  superflu.  Oui,  sans  doute,  Jean  de  Hesdin  a  commenté 
plusieurs  livres  du  Nouveau  Testament;  mais  il  ne  laut  pas 
donner  à  croire  qu'il  a  fait  sur  tous  le  même  travail. 

Poursuivons.  Jean  de  Trittenheim  donne  à  Jean  de  Hesdin 
des  Sermotm  varii  et  Casimir  Oudin,  se  croyant  mieux  informé, 
désigne  un  gros  volume  de  Fabbaye  de  Foigoy  qui,  dit-il,  con- 
tient ces  sermons.  Ce  volume  ne  se  retrouve  plus;  mais,  en 
prenant  soin  d'en  citer  le  début,  Oudin  nous  fournit  lui-mémc 
la  preuve  de  son  erreur.  C*est,  en  effet,  le  début  du  commen- 
taire sur  Tépître  de  saint  Paul  ;\  Titus;  ce  sont  les  premiers 
mots  de  la  dédicace.  Voilà  donc  une  bien  étrange  étourderie. 
Mais  Oudin  en  a  commis  beaucoup  de  semblables.  Si  Jean  de 
Hesdin  a  composé  des  sermons  en  plus  ou  moins  grand  nombre, 
on  n'en  a,  croyons-nous,  conservé  qu'un  snr  la  conception  delà 
Vierge,  que  possédait  autrefois  Tabbaye  de  Saint-Bertin  et  dont 
on  nous  atteste  aujourd'hui  la  présence  dans  le  n*"  316  de  Saint- 
Omer.  Il  est  possible,  d'autre  part,  que  Jean  de  Hesdin  ait  peu 
prêché.  Parlant  des  théologiens  de  son  temps,  «  ils  ne  veulent 
plus,  dit-il,  prêcher  dés  quils  sont  reçus  docteurs  ^  »  N'a-i-il 
pas,  devenu  docteur,  fait  comme  eux  ?  Ce  qui,  d\iilleurs,  pouvait 
les  excuser,  c'est  que  la  prédication,  toujours  prescrite  comme 


1,  ComtmtU,  in  Job;  Arsen.»  n*»  50,  fol.  jj,  v<». 


COMPLÉMENT  DE  l'oRAISON   D*ARN0UL  GREBAN   A   LA    VIERGE   28 1 

mente  réplique.  S'il  ne  Ta  pas  fait,  c'est  probablement,  comme 
le  suppose  M.  de  Nolhac,  par  dédain.  Ou  peut-être  a-t-il  voulu 
se  donner,  en  ne  le  nommant  pas,  de  plus  grandes  facilités 
pour  Tinsulter. 

B.  Haurèau. 


COMPLÉMENT  DE  L'ORAISON  D'ARNOUL  GREBAN 
A  LA  VIERGE 

Nous  avons  publié  dans  la  Romania  '  des  fragments  d'un  lai 
d'Amoul  Greban  qui  était  inscrit  sur  un  tableau  dans  l'église 
des  Bernardins  de  Paris.  M.  Piaget  veut  bien  compléter  cette 
publication.  Il  a  trouvé  le  texte  coniplet  du  poème  dans  un 
manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale  (fr.  19247).  Nous  ne 
reproduisons  ici  que  les  vers  manquant  au  manuscrit  Didot. 
L'acrostiche  donne  :  Arnulphus  Grabm  me. 

IV.  Lune  plus  que  soleil  clerc, 
Quant  ma  fragile  matere 

Considère,  45 

C'est  ung  bien  par  moy  défait  : 
Par  ma  coulpe  tresamere 
J*ay  courroucé  par  misère 

Dieu  mon  père, 
Qp'a  son  y  mage  m'a  fait.  50 

Verger  de  grâce  parfait, 
Saint  clos,  par  dit  et  par  fait. 

J'ai  meffait  : 
Se  par  vous  ne  me  modère, 
Je  sens  tant  grief  moi»' meffait  $  5 

Que  tout  mon  bien  est  forfait, 

Se  relait 
Ne  suis  par  vous,  tendre  mère. 

V.  Doy  je  loer  or  de  si  haulte  touche 

Qui  suis  polu  tant  de  cuer  que  de  bouche,  60 

Toutîesarmé  d'innocente  blancheur? 
Je  n'y  voy  mieulx  qu'en  sa  mercy  me  couche  : 
Comme  Seneque  et  Sapience  touche, 


X.  Toir.cXIX,  1890,  p.  59$. 


iSz  MÉLANGES 

Lm  n'css  pas  bd  en  boodie  de  ] 

0  fin  saphir,  carbouclc  espedak,  6$ 
Ryant  roby  de  richesse  royale, 

Respleodissaiit  par  dessus  tous  les  detih» 

Riche  Judo,  douice  Hélène  aus  beaulx  yeulz,' 

Pour  vcoir  Paris  en  regale  esuture, 

Excusez  moy  se  dire  ne  say  nûeulx  :  70 

C2pi  de  terre  est,  terrestre  est  par  nature. 

VI.  Je  viens  et  suis  né  de  terre 

Et  la  retourne  grant  erre; 

Le  requerre 
N'y  vault  ;  la  Mort  le  me  signe.  75 

Mon  ame  plus  hault  se  serre; 
Les  haultains  deux  voulsist  querre, 

Et  conquerre 
Son  bien  parfait  qui  ne  fine. 
La  char  est  au  monde  encline,  80 

Qjji  n*c$t  que  pouldre  et  vermine; 

Toujours  mine 
Pour  bien  transitoire  acquerre; 
L*amc  quicrt  gloire  divine. 
L'un  reste,  Tautre  chemine.  85 

O  n\vnc, 
AppaiscK  moy  ccsic  guerre. 

VU.    \oMc  1\ginâ,  HcNJ  |çeiite  et  habile, 
S.^irc  Minerve  Cl  pniJentc  Sébile, 
HumMo  Ho>tci ,  ÎHilivh  nu  Joui?  maintien,  90 

IVmIo  Kavhv'K  Kcbcque  trcssubiilc, 
K*iiî\  Jiîij^enu'  ot  IVra  treryjremile, 
Y^iiw  y\Kw  I'Kma.  N;iii  voi-s  vou>  ne  sort  rien; 
\  .n .  |VNn  1  jv»\s< M  t«^< ; re  ei ; \Te  n n :  lî ro\ le, 
\vv.  jVisliiiî  niv  i]c\}\  éternel lv.\  95 

\\m)\  I:i  I  ^l■^^Ml;  *oer.v:*e  î*>ut  ce  be;u:  monde, 

1  .  j>:o!<M»,^Mi;  j,m;v  K»v  ^M^fo^s  ationJc, 

»   ;  hinlron,  v;iii^;  l^v  ;:-,isivv  ^'Hîvorains. 
r.  .!.     '.Ms'oii.   on:  A    *vlU'   re»*Oî\k- 

\,    ,v  rn.v 
*  ^1     •♦». \i-   ,1»,'     r»':V%xo     v^,  1\^« 


COMPLÉMENT  DE  L^ORAISON  D*ARNOUL  GREBAN  A  LA  VIERGE  283 
Par  vens  et  roches  conduis. 

Se  je  fuis 
Ung  péril,  Tautre  me  chasse. 
La  Mort  vient  qui  me  menace. 
Le  juge  somme  et  pourchasse  1 10 

Qji*il  m'efface 
De  ma  povre  charge,  et  puis, 
Estoile  immobile  en  place, 
A  vous  eslieve  ma  face. 

Vosirc  grâce,  1 1 5 

Vierge  :  sans  elle  ne  puis. 

IX.  Pour  tout  mon  cas,  qui  est  grief  et  impieu, 

Je  n*ay  que  vous.  Vierge  au  cuer  humble  et  pieu  ; 

Et  pour  pécheurs  pitié  vous  composa, 

O  noble  espoir,  sainae  cité  de  Dieu,  120 

Arche  de  paix,  saint  et  précieux  lieu, 

Ou  le  trésor  de  la  foy  reposa. 

Qpant  Athleto,  la  nourrice  d*envîe, 

Obnubila  la  lumière  de  vie. 

Guidant  loger  nostre  foy  hors  des  termes,  125 

Fondemens  ot,  mais  non  pas  assez  fermes  ; 

Ferme  piller  fustes  une  saison, 

Et,  s*au  fonder  fundistes  maintes  lermes, 

Mère  piteuse,  il  y  ot  bien  raison. 

X.  Or  est  ce  grief  dueil  en  voie  1 30 
Et  changé  par  doulce  voye 

A  grant  joye. 
Flairant  souef  plus  que  basme. 
Car,  en  la  haulte  monjoie, 
Toute  la  court  vous  convoyé  1 3  5 

Et  festoyé. 
Régente  et  chef  du  royaume. 
Et  moy,  qui  bruis  en  la  flame» 

Vous  reclame  : 
Autrement  je  ne  pourroye,  140 

Si  vous  supply,  haulte  dame, 
Qpant  mon  corps  sera  soubz  lame 

Q.u'après  Tame 
De  vos  beaux  yeulx  se  rcsjoye. 

XI.  Tour  de  David,  aux  portes  bien  ferrées...  145 

(Voy.  Romania,  XIX,  p.  597.) 


184  '  MÉLANGES 

Xll.  A  vouf  donc,  Vkrge  hononUe, 

Royne  trespiteable, 

Non  enable,  160 

Viens  m'onûson  présenter. 
Z«a  vie  m'est  moult  doubtable. 
Forment  soudaine  et  muable. 

Variable» 
Si  fait  bien  a  redoubler.  16$ 

Orant  fardeau  sens  a  porter  ; 
Raison  me  veult  inciter 

A  compter. 
Benoiste  vierge  amyable, 
Xn  vous  me  vueil  rapporter;  170 

Ne  me  laissea  desmonter, 

Mais  monter 
En  la  gloire  pardurable, 

Amen, 

Emile  Picot. 


1S9  Mi.  Bxfoynt. 


COMPTES  RENDUS 


De  Nicolao  Museto  (gallice  Colin  Muset)  francogallico 

Carmlnom  SCrlptore,  thesim  Facultati  litterarum  parisiensi  propo- 
nebat  Joseph  Bédier.  Paris,  Bouillon,  1893,  in-80,  135  p. 

En  même  temps  qu*il  présentait  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris  sa  thèse 
française  sur  les  Fabliaux,  qui  sera  un  événement  dans  les  études  de  littéra- 
ture comparée  et  dont  nous  aurons  certainement  à  nous  occuper,  M.  J.  Bédier 
lui  proposait  cette  thèse  latine  sur  Colin  Muset,  écrite  avec  un  agrément  et 
une  élégance  qu'on  rencontre  rarement  dans  les  productions  de  ce  genre.  Le 
sujet  était  un  peu  mince,  et  Tauteur  s'est  efforcé  de  Tagrandir.  Il  a  surtout 
fait  servir  l'aimable  vielleur  du  xiii«  siècle  à  appuyer  la  thèse  (car  c'en  est  bien 
une)  qu'il  soutient  contre  M.  Jeanroy  et  en  général  contre  tous  ceux,  ou  peu 
s'en  faut,  qui  ont  parlé  de  la  poésie  lyrique  française  du  xiii«  siècle  :  tous  en 
ont  relevé  la  banalité  conventionnelle,  le  manque  de  sincérité  dans  le  senti- 
ment, et  surtout  l'extraordinaire  uniformité  ;  à  les  en  croire,  on  ne  saurait 
distinguer  un  de  ces  poètes  des  autres,  et  sans  les  indications  fournies  par  les 
manuscrits  on  pourrait  attribuer  au  même  auteur  les  2000  chansons  que  nous 
ont  laissées  les  xii«  et  xin«  siècles'.  M.  Bédier  combat  spirituellement  ce 
qu'il  y  a  d'excessif  dans  cette  appréciation;  il  soutient  que  la  plupart  des 
groupes  de  poètes  lyriques,  dans  n'importe  quel  pays  et  quelle  époque, 
présentent  au  premier  coup  d'œil  une  uniformité  presque  égale',  et  que  si 
cette  impression  est  plus  marquée  et  plus  générale  pour  la  poésie  lyrique 
française  du  xiii«  siècle,  cela  tient  surtout  à  la  façon  incomplète  et  défeaueuse 
dont  elle  a  jusqu'à  présent  été  mise  au  jour.  Il  reconnaît  toutefois  qu'il  y  a 


1.  Il  est  à  noter  que  Dier,  bien  qu'avec  des  réserves,  avait  dit  à  peu  près  la  même 
chose  de  la  poésie  des  troubadours  ?  «  Si  l'on  compare  une  série  de  pièces  d'auteurs 
di^reots,  on  constate  qu'elles  manifestent  toutes  le  même  caractère  poétique.  On 
pourrait  s'imaginer  que  cette  littérature  est  l'oeuvre  d'un  seul  poète.  »  {Die  Poésie  der 
Troubadours,  éd.  Bartsch,  p.  10.) 

2.  Il  y  a  bien  quelque  exagération  dans  cette  assertion,  et  je  ne  comprends  pas 
notamment  comment  un  juge  aussi  délicat  que  M.  R.  a  pu  écrire  (p.  7)  :  «  Qpis  adeo 
•ubtilis  et  emunctae  naris  est  ut  CatuIIum  a  Tibullo,  Tibullum  a  Propertio  primo 
adspectu  discernât?  »  Quelle  pièce  de  Catulle,  dirai-je  au  contraire,  peut-on  prendre 
on  seul  moment  pour  une  pièce  de  Tibulle  ou  de  Properce  ? 


2S6  COItfPTES  RENDUS 

dans  toutes  les  productions  de  cette  poésie  un  fonds  commun  d*idées  ootivdl- 
tionncîles  et  de  formules  toutes  faites  qui  gèae  b  manifesutîoQ  de  Tindivi- 
dualité  poétique^  et  îl  carictcrise  ce  fonds  commun  en  se  plaint  i  un  point 
de  vue  un  peu  différent  de  celui  de  ses  prédécesseurs,  et  en  montrant,  à  côté 
de  ce  qu*il  a  d*artifîdel  et  de  f^ux,  ce  qu'il  a  eu  de  nouveau,  de  noble  et 
de  fécond  pour  revenir*  Mais  il  prétend  qu*avec  un  peu  d'attention  et  de 
perspicacité  '  on  découvre  bien  vite  dans  la  mise  en  œuvre  de  ce  fonds 
commun  des  différences  toutes  personnelles,  et  il  le  prouve  en  étudiant  com- 
parativement les  chansons  de  Couon  de  Béthune  et  celles  de  Colin  Muset,  où 
se  révèlent  non  seulement  deux  existences,  mais  deux  Ames  et  deux  caractères 
poétiques  très  différents.  Tout  cela  se  lit  avec  beaucoup  de  plaisir,  contient 
une  grande  part  de  vrai,  quoique  à  mon  sens  avec  un  peu  de  parti  prb  opti- 
miste, et  contribuera  certainement  à  faire  mieux  comprendre  et  apprécier 
une  poésie  qui  n'est  pas  ce  que  le  moyen  Ige  nous  a  laissé  de  plus  intéressant, 
mais  dont  rînteîligencc  est  nécessaire  à  la  compréhension  générale  de  cette 
époque.  Le  plaidoyer  de  M»  B*  sera  surtout  utile  s'il  contribue,  comme  on 
peut  l'espérer,  A  faire  donner  de  nos  vieux  poètes  lyriques  des  éditions  séparées 
et  critiques  telles  que  trop  peu  d*entre  eux  en  ont  déjà  obtenues  *.  D  s'est  chargé 
de  celle  d^un  des  plus  aimables  d'entre  eux  et  en  même  temps  d'un  de  ceux 
qui  nous  sont  arrivés  avec  le  plus  léger  bagage,  Colin  Muset. 

Ici  se  présentait  tout  de  suite  k  question  préalable  qui  se  pose  pour  chacun 
de  ces  poètes,  et  dont  la  difHcuhé  est  à  la  fois  un  des  grands  obstacles  à 
cette  appréciation  individuelle  que  réclame  M.  Bédier  et  un  des  arguments 
en  faveur  de  ceux  qui  ont  révoqué  en  doute  la  possibilité  de  cette  apprécia- 
tion»  Quelles  sont  les  chansons  authentiques  de  Colin  Muset?  11  est  clair  que 
nous  risquons  de  nous  tromper  gravement  dans  notre  opinion  sur  lui  si 
nous  lui  attribuons  des  pièces  qu'il  n'a  p.is  composées,  et  de  n'en  avoir  pas 
une  idée  aussi  complète  que  nous  le  pourrions  si  nous  ne  îuî  attribuons  pas 
des  pièces  qui  sont  de  lui,  mais  que  rien  ne  désigne  dans  les  manuscrits.  S'il 
est  possible  de  discerner  quelques-unes  de  ces  dernières,  ce  sera  la  meilleure 


i*^  M,  B.  cite  âvec  l-propo<  h  pensée  de  Pascal  :  «  A  mesure  qu'on  t  plus  d'esfdt, 
on  s*«pcrvoit  qu'il  y  a  plus  d'esprit»  originaux.  •  A  ce  compte,  on  comprend  qo*a  en 
distingue  beaucoup.  Miii  Pascal  aussi  a  dit  :  Cbt  inppo  laisottiglia  si  s£^nv^4. 

j.  On  a,  a  vrai  dire,  déjà  pas  mal  de  cm  éditions  séparées;  quelques-unes  sont  tsiut 
k  fait  insuffisantes,  comme  celles  de  Tibaod  de  Champagne  cl  de  Blondcl;  d'uitres^ 
comme  celles  de  Guilcbcrt  de  BcriieviUc,  d'Addoi  de  la  ÏUlîe,  de  Gautier  d'Épîiul.  de 
Hugues  de  Bcné,  ne  sont  qui  moitié  sitisfaitantes;  mais  celles  de  Moniot  de  Pari» 
par  M.  Kaynaud,  du  Chitclaiu  de  Couci  par  M.  Falh,  de  Conon  de  Bêthnflc  p» 
M.  WaHcnskiOld,  répondent  k  toutes  les  ciigt^occs  de  la  critique.  Nous  en  «nran 
bientôt  d*autrcs  également  bonnes  t  depuis  plus  de  vingt  ans.  XL  G.  Kaymod  fiéfUtt 
celle  du  roi  de  Navarre;  M.  G.  Huct  a  terminé  en  manuscrit  celle  d«  G«ce  Baillé» 
qui.  e«|>éront*lc,  verra  bientôt  le  {onr;  eelïe  de  Gautier  d^Êpinaï,  par  M.  liisdekX,  est 
in$prtiti«c  et  n'attend  que  !c  moment  de  paraître;  M.  Schwan  en  «anooce  WK  de 
Hugues  de  Bcrté.  Un  corpm  général  des  pile»  ly-nques  ne  «trait  pas  Aujottn!*h«i  iaa« 
a»uvrc  «u  dcMui  des  forces  d'un  éditeur  Uborteun, 


I 


J.  fiàoiER,  De  Nicolao  Museto  (galUce  Colin  Musct)     3^7 

Ttt  que  la  pot^sic  de  Colîn  Muset  a  dans  la  forme  ou  d.ins  le  fond  des 
traits  vraiment  caractéristiques;  or  c*esi  très  probablement  le  cas  pour  une 
petite  pièce  conservée  dans  un  seul  manuscrit  (R.  895)  et  publiée  par 
M,  Jeanroy  (Orig,^  p.  505)',  quî  a  conjecturé  qu*cUe  devait  ctre  de  notre 
poète;  on  peut  en  être  X  peu  près  ceruin»  et  M,  B.  est  trop  réservé  en  disant 
(p.  S  2)  :  «  fortassc  sententiae  a  Jeanroy  latac  assenties.  »>  Mais  c'est  U  une 
chance  bien  rare,  et,  en  général,  les  conjectures  de  ce  genre  qu'on  pourra 
faire  ne  sembleront  évidentes  qu*à  leurs  auteurs.  Au  reste,  la  solution  de  la 
première  question,  à  savoir  de  la  légitimité  des  attributions  fournies  par  les 
manuscrits,  est  plus  importante;  [X)ur  Colin  Muset,  cette  question  se  présente 
dans  des  conditions  particulières,  et  tout  ce  que  nous  pouvons  savoir  ou 
penser  du  poète  en  dépend  étroitement.  Voyons  comment  M,  Bédicr  Ta 
résolue. 

D'abord  nous  ne  trouvons  pour  aucune  des  douze  chansons  quî  sont  attri- 
buées i  Colin  d'attributions  contradictoires,  ce  qui  est  rare  :  toutes  lui  sont 
expressément  données  et  ne  sont  pas  données  à  d'autres.  Sur  les  dou^e, 
quatre  (I,  IV,  X,  XI)  portent  son  nom  dans  le  texte  méme^  et  forment  la 
base  indiscutable  de  notre  opération  critique.  Pour  savoir  si  les  autres  sont 
bien  de  lui,  M.  B,  a  employé  une  méthode  qui  en  soi  est  bonne,  mais  qui  ne 
pouvait  conduire  qu'à  un  résultat  peu  assuré  :  il  a  constaté  qu'aucune  des 
huit  chansons  ne  contenait  de  rimes  contraires  phonétiquement  i  celles  des 
quatre  pièces  certaines*;  cela  prouve  simplement  qu'elles  peuvent  être  de 
Colin  Muset,  maïs  non  qu*elles  soient  de  lui.  Il  n'a  pus  fait  h  même  corapa- 
raison  pour  le  contenu  des  pièces,  et  cependant  elle  aurait  pu  lui  fournir  éts 
éléments  plus  intéressants.  J'y  reviendrai  tout  X  Theure.  Mais,  pour  résoudre 
une  question  d'authenticité  la  première  recherche  à  faire  devait  porter  sur 


t,  Cette  chiinsoa  *e  trouve  dans  un  mî,  (Pb^)  où  toutes  les  pièces  sont  anonymes, 
«l  où  il  se  rencontre  une  autre  chanson  de  Colin  (IV)  sigoéc  par  lui;  il  y  aunitt  peut- 
être  lieu  lie  nechercfaer  si  d'aotres  uniça  de  ce  manuscrit  ne  pourraient  être  de  notre 
poète. 

a.  L'une  d*el1ei,  contenue  dans  le  ms.  Pb5  qui  ne  donoe  pas  de  noms  d'auteurs,  ne 
noQS  est  signalée  que  par  là. 

j.  La  petite  recberchc  sur  la  langue  de  Colin  Muset  (p.  6$  ss.),  q«i  sert  de  base  i  li 
critique  de  rauthenticicê ,  n'est  pas  exemple  d'erreurs  :  prctium  a  donné  dans 
tous  les  dialectes  pris  et  non  prix  (voy,  Rom,,  XVîII,  549),  et,  par  conséquent,  il 
ti'y  avait  pas  de  raison  de  supprimer  dans  Tiiditioii  les  ^  donnés  par  les  mss,  ;  il  est 
inadmissible  que  F/  de  — f  Jj  <  -  c  1 1  o  s ,  -c  11  u  s  ne  soit  pas  vocaliséc  :  dans  la  pièce  IX, 
qui  a  41  vers  en  -*/,  |  seulement  crfFrent  ^eh  ou  ~eli  dans  le  ms.  unique;  v,  10  I.  4^ 
loxitl^  V.  -^o  ifarbritifi;  au  v,  19,  Cbaictini  a  cbitpel  de  for  Et  x'rrdute  tt  himui/ii^ 
XL  B.  lit  Et  vtrdurl  et  brouUls^  et  remarque  en  note  :  «  Brmttti  ^=  silvula  (cL  hrot' 
tfOHX^  brotit),  Hanc  formam  formae  brouiiel^,  quae  in  codicc  kgitur,  praetuU.  »  Comme 
me  Ta  fait  remarquer  A.  Tliomjis,  nous  avons  très  probablement  ici  le  mot  prov. 
brondeî,  que  Raywouird  a  âé\a.  rapproché  du  mot  fr»  brmdfs,  dans  Cotgrave  *  grecn 
bûughes,  or  branches,  of  trces  «(notre  mot  brindille  me  paraît  être  le  pr.  brondilb  altéré 
sous  l'influence  de  brin)  ;  le  ms.  (B')  porte  sans  doute  brmdfly.  Eu  tout  cas^  rien  n'«m* 
p6cht  de  mettre  te  mot  au  singulier, 


288  COMPTES   REKDU5 

Tautorité  de  h  tradition ,  et  M*  B.  ne  %*çn  est  pas  assez  préoccupé;  die  a 
ccpcudant  ici  un  intérêt  particulier. 

Les  treize  pièces  publiées  avant  M.  B.  et  par  lui  comme  de  Colin  Muset 
(en  y  comprenant  la  pièce  R.  893,  que  j'appellerai  Xill),  nous  sont  arrivées 
dans  des  conditions  spéciales.  Au  point  de  vue  de  la  tradition,  elles  forment 
trois  groupes  bien  distincts»  et  aucune  ne  se  trouve  à  la  fois  dans  deux 
groupes  : 

10  I,  X,  XII  dans  Pa,  Pb*,  Pb*,  Pb  '?.  Ces  quatre  mss,  forment,  comme 
on  sait,  une  6imille  très  étroitement  unie  (v  de  Schwan,  un  des  sous-groupes 
de  S^i  ).  Leur  attribution  ne  représente  donc  que  celle  d'un  seul  manuscrit; 
mais  les  pièces  I  et  X  sont  signées  par  le  poète,  et  la  pièce  XII  e^t  sûre- 
ment de  luif  comme  le  prouve  la  plus  superfidelle  comparaison  avec  les 
autres  pièces  authentiques. 

30  IV  et  XIII  ne  se  trouvent  que  dans  Pb  ^  ;  ce  ms  laisse  toutes  les  pièces 
anon>ineS)  mais  IV  est  signé,  et  XUI  se  dénonce  comme  authentique  par  sa 
fanure  et  son  contenu, 

î°  II,  V,  IX,  XJ  ne  sont  que  dans  Bs  III,  \1,  VU,  VIII  sont  dans  B-  cl 
Pb'%  mais  Pb'*  ne  donne  pas  de  noms*;  B*  est  donc  seul  responsable  de 
Tattribution,  Or  on  sait  depuis  longtemps  que  Tau  toril  é  de  ce  ms.  sur  ce 
point  est  extrêmement  faible^  et  que  les  rubriques,  ajoutées  une  cinquantaine 
d*années  après  la  confection  du  ms.,  Tout  très  souvent  été  au  hasard.  £n  ce 
qui  concerne  les  pièces  de  Colin,  nous  n'en  avons  la  confirmation  externe  que 
pour  XI,  débat  entre  Colin  Muset  et  Jacques  d'Amiens  qui  contient  les  noms 
des  deux  auteurs;  IX  est  certainement  de  lui,  comme  le  prouve  Texamcn  du 
contenu.  C'est  sur  les  pièces  II,  V,  —  III,  VI,  VII,  VIII,  que  porte  surtout 
la  question.  Elle  emprunte  im  intérêt  particulier  au  ^t  que  les  quatre 
dernières  se  trouvent  dans  Pb",  et  dans  la  première  partie  de  Pb'».  Or  cette 
première  partie  (f»  1-91)  a  été  écrite,  non  pas,  comme  le  dit  M.  Schwan, 
dans  b  seconde  moitié  du  xiii«  siècle,  mais  certainement  dam  b  première, 
comme  tout  le  monde  peut  en  juger  par  la  reproduction  hcliotyptquc  que 
vient  de  donner  de  ce  précieux  manuscrit  la  Société  des  andeos  textes 
(M.  Ra)iiaud  dit  même  «  du  commencement  »),  et  elle  doit,  quoi  qu*en  dise 
aussi  M.  Schwan,  être  considérée  à  part  des  suivantes.  Elle  ne  contient  que 
des  pièces  de  poètes  appartenant  au  xm  siède  ou  au  commencement  du 
xin«  '  ;  on  sait  en  outre  quelle  est  seule  à  contenir  un  certain  nombre  de 
chansons  adesfioia,  et  noumment  de  chansons  de  toile,  qui  appartiennent 


ï,  M.  B.  dit  k  ^usîcars  rcpriics  que  Pb  "  inctrtû  Am^tisri  impntat  les  pièces  de  Colio; 
rcxprestioQ  n'est  p«  très  cuctc,  ce  ms.  n«  désignant  jamais  d'amcur». 

j*  Toos  ceux  éo  moins  dont  on  peut  établir  b  date  avec  quelque  certitude  ;  3  eu  est 
nous  ne  comirissoos  pas  bien  Tépoque,  mais  i!  o^en  est  pas  dont  fépoqac  sott 
conniK  et  pottérienre  m  eommeiicemcitt  da  xiu*  »ècle.  Il  est  vni  ^tià  en  }iiger  par  b 
liste  qoe  ionoc  M.  Sdtwaa  (pw  iSi  ss.)  il  j  aurait  des  pièces  de  poètes  bîco  plus 
fteois;  maïs  il  ii*â  fut  que  rcpodutre  les  attributions  du  m$,  de  Berne,  qui  demandent 


).  BÉDiER,  De  Nicolao  Museto  (gallice  Colin  Muset)     289 

•iÉremcnt  au  xn«  siècle».  Il  Ciut  que  le  choix  ait  été  arrêté  de  bonne  heure 
pour  que  des  poètes  aussi  remarquibies  et  aussi  prompte  ment  célèbres  que 
Tibaud  de  Champagnei  Guilebcrt  de  Berneville,  Jehan  Breiel,  n'y  aient 
pas  été  admis.  Si  des  chansons  de  Colin  Muset  figurent  dans  ce  choix,  nous 
avons  par  U  même  la  preuve  qu'il  appartient  â  la  génération  des  irouveurs 
qu'on  peut  appeler  classiques,  Gace  Brûlé,  Blondcl  et  le  Châtelain  de  Couci, 
C'est  bien  l'opinion  de  M.  Bédier,  mais  il  ne  s'appuie  (après  P.  Paris)  que 
sur  les  deux  pièces  VU  et  Vlll»  qui  sont  précisément  en  question.  Examinons 
donc  :  1°  les  pièces  contenues  à  la  fois  dans  Pb'^  et  dans  B^;  2^  les  pièces 
propres  à  B*.  10  On  sait  que  Pb"  remonte  à  une  source  plus  ancienne  qui 
est  aussi  en  partie  h  source  de  B',  et  qui  contenait  déjd  des  fautes  qui  se 
retrouvent  dans  les  deux  mss»  (S*"  "j  de  M.  Schwan).  Or  il  faut  remarquer 
que  les  pièces  M,  VIII  et  III,  attribuées  à  Colin  Muset  par  B^  se  trouvent 
à  la  suite  !*une  de  Tautrc  dans  Pb'*  (f.  76,  77  et  78);  Bs  qui  range  les  pièces 
par  ordre  alphabétique  des  premiers  mots,  a  disloqué  naturellement  ce  petit 
groupe  (f"^  247,  170,  226),  mais  le  fait  qu'il  attribue  les  trois  pièces  à  Colin 
Muset  semble  attester  que  Tattribution  remonte  A  la  source  originale  et  par 
conséquent  est  digne  de  foi**  La  pièce  VU  au  contraire  (Pb^*  f,  63,  B* 
f.  255)  n'offre  pas  cette  garantie,  2»^  La  pièce  II  (B%  f.  150)  n'a  pour  son 
authenticité  que  la  faible  autorité  du  ms.  de  Berne;  la  pièce  V  (B*  f.  171) 
est  particulica*ment  suspecte,  parce  qu*elle  suit  immédiatement  la  pièce  VIll, 
et  que  le  rubricaieur  de  B*  a  fort  bien  pu  répéter  machinalement  le  nom 
qu'il  venait  d'inscrire  en  tète  de  celle-ci  K 

U  résulte  de  cet  examen  :  i»  que  les  dix  chansons  I,  III,  IV,  VI,  Vlll-XlU 
sont  sûrement  ou  très  probablement  de  Colin  Muset;  2"  qu'il  a  flori  A  la 
fin  du  xn^  ou  au  commencement  du  xili»  siècle.  Restent  à  examiner  les 
pièces  II,  V  et  VIL  La  pièce  II  à  mon  sens  n'a  aucune  chance  d'être  de  lui  : 
die  est  dans  un  rythme  qui  ne  ressemble  à  aucun  des  siens,  et  elle  repose  en 
bonne  partie  sur  la  banale  plainte  contre  les  mesdisani^  qui  ne  se  retrouve 
dans  aucune  de  ses  pièces  authentiques.  J'en  dirai  autant  de  V,  qui  roule  sur 
les  lieux  communs  de  Tamour  courtois,  et  surtout  de  VII,  consacrée  a  blâmer 
le  siècle  et  la  compagnie  de  mauvahegcut,  où  l'on  ne  reconnaît  rien  de  l'esprit 


loatoyrs  i  Hrc  contrôlées,  ci  qui,  dans  1c  cas  dont  il  i'igh,  peuvent  souvent  être 
COn%*AÎncues  d'erreur.  Ainsi  la  pièce  attiîbuèc  pu  B^  â  Philippe  de  K^ntcuil  (R,  116) 
est  anonyme  dans  cinq  mss.  et  donnée  par  Pb*  i  Gace  Brûlé;  celle  que  B'  attribue 
au  Roi  de  Navarru  est  du  CbdteUin  d'Arras  d*après  Pb^»  etc. 

I.  £n  revanche,  elle  uc  contient  que  très  peu  de  pastourelles  et  un  seul  jeu  parti 
(R,  878)  d'un  caractère  tout  h  fait  arch:i:que« 

a,  n  y  aurait  Heu  d'examiner  si  la  très  jolie  pièce  qui  précède  ces  troîs-U  dans  Pb  **, 
et  qui  est  un  lai  ou  descort^  forme  chère  i  notre  poète  (R.  284),  n'est  pas  de  lui  ;  B'  ne 
Ta  pis, 

|.  Ce  n*eft  p»  ta  seule  fois  qu'il  aurait  agi  ainsi  :  au  f.  i,  b  pièce  aoco,  qui  ne  saurait 
étié  de  Conon  de  Bétbune,  lui  est  iittribuée  parce  qu'eUe  suit  la  pièce  lU),  qui  est 
de  lui. 


r.  XXIL 


19 


290  COMPTES  REHDUS 

ni  du  style  de  notre  poète  '.  C'est  dans  cette  |nèce  que  se  tronveoc  les  men- 
tions des  seigneurs  de  Waignonru  et  de  Widemont  qsà  ont  seides  aerrî 
jusqu'ici  à  situer  G)lin  Muset  dans  le  temps  et  le  lieo.  Je  crob  qnll  £uic  y 
renoncer»  et  se  contenter  de  ce  que  nous  fournit  à.  ce  point  de  vue»  aiec  la 
présence  probable  de  trois  pièces  de  lui  dans  le  ms.  Pb  ",  son  débat  avec 
Jacques  d'Amiens;  ce  dernier  nous  élcngne  de  la  Oiampegiie  pour  nous 
rapprocher  des  hona  viles  de  la  Picardie.  Nous  ne  savons  pas  qoand  vivait 
Jacques  d'Amiens  '  ;  son  nom  ne  figure  que  dans  B',  et  des  six  (Mèœs  (outre 
le  débat  avec  G)]in)  qui  lui  sont  attribuées,  une  (189)  est  anonyme  dans  O» 
une  (1252)  se  retrouve  dans  de  nombreux  mss.  et  n'est  sûrement  pas  de  lui. 
La  pièce  1x94»  si  die  est  de  lui,  nous  le  montre  en  relation  avec  une 
comtesse  non  nommée  et  un  certain  Ferri;  M.  Bédier  voit  dans  Tun  le  mari 
de  l'autre,  y  reconnaît  Ferri  II  duc  de  Lorraine,  et  identifie  la  comtesse  avec 
la  hone  ditcfjesse  dont  parle  Colin  (VIII  62);  mab  Ferri  ne  peut  guère  avoir 
été  un  duc,  puisque  le  poète  l'appelle  tout  simplement  par  son  nom>. 
Tenons-nous  en  donc  à  ce  résultat  quant  aux  dates  de  la  vie  de  Colin  :  il 
florissait  vers  le  commencement  du  xiu«  siècle,  il  allait  de  cour  en-ooor 
dans  les  provinces  du  Nord  et  de  l'Est  de  la  France,  il  fut  protégé  par  une 
duchesse,  et  il  nous  a  laissé  dix  chansons,  dans  lesquelles  il  montre  un 
talent  original  et  personnel.  Si  dans  les  pièces  VIII  et  X  il  a  fait  violence  à 
son  naturel  pour  plaire  à  ses  patrons  et  s'est  évertué  à  trouver  avec  autant  de 
courtoisie  que  ses  nobles  émules,  les  autres  pièces  nous  montrent  des  traits 
caractéristiques  faciles  à  discerner  :  pour  la  forme,  il  aimé  les  vers  inégaux 
et  les  strophes  inégales,  il  ne  craint  pas  çà  et  U  l'assonance,  il  emploie  avec 
prédileaion  les  diminutifs  mignards  en  -</,  en  -f/,  en  -e/eT;  pour  le  fond,  il  ne 
célèbre  pas  proprement  l'amour  courtois,  ne  s'amuse  pas  à  invectiver  les 
losttigicts  et  à  gémir  sur  la  décadence  du  siècle;  il  nous  peint  des  amoreUs 
d'un  moment  avec  des  puceJ^s  ù  peine  entrevues,  dont  on  ne  sait  pas  même 
bien  si  elles  sont  réelles  ou  rCvées,  qui  lui  apparaissent  dans  un  bois  ou  une 
prairie  ;  il  se  représente  îiVZjw/,  dansant,  poussant  des  cris  de  joie  en  l'hon- 
neur du  printemps  et  de  la  botu  vu  qu'il  mène,  et  il  ne  manque  presque 


!.  Sc»tci  en  outre  la  t.  52  jeus  ==  judaeus  moDosvllabique,  ce  qni  est  4 
Tustf^  de  notre  aateur. 

1.  Rien  ne  proa>x  qu'il  soit  le  même  que  l'âuteur  de  VAri  d'aman  paWê  par 
M.  KOrting  ;  s'il  Vèuiu  il  fiiudnût  sans  doute  le  faire  descendre  autant  qoe  poosîbk 
dan»  le  \iii«  siècle.  M,  Kdning  ne  voit  jus  d'objection  à  ce  que  VJri  d'aman  soa  àa. 
commencement  du  xxn*  siècle;  mais  plus  d'un  trait  de  la  langue.  le  srde,  la  lovae 
et  malicieuse  allusion  aux  bruines  (v.  22-^  ss.\  montrent  qu'il  est  de  la  r^-*^it^ 
moitié. 

^  Je  «rtis  bien  plus  pané  i  y  voir  le  Ferri  qui  est  un  des  autcc»  des  desïx  )esx 
partis  icvaa  e:  iiaa.  —M.  B.  dit'  que  Jacques  n'a  pu  rapprccher  la  coatesK  e:  Ferri 
comme  ::  le  ta::  que  s"i:s  étaient  man  e:  fcnîTne  :  mais  i\  ac  s'est  pas  axrçs^  qu'ils  sooï 
mentionnât  dans  deux  envois  disrlncts.  qui  n'euieai  ceraiacmest  pas  vèa»  as  ■yTr^T%> 
exemplaire  de  1*  chansor. 


j,  BÈDiER,  De  Nicolao  Museio  (gai lice  Colin  Muset)  291 
jamais  (jamais  dans  ses  pièces  les  plus  sûrement  authentiques)  d'associer  ou 
mdrac  de  préférer  b  bonne  chère  à  Tamour  * . 

A  Taide  des  dix  pièces  que  nous  avons  conservées  de  lui  (et  surtout  des 
pièces  1,111,  IV,  \%  IX-XUI),  nous  pouvons  nous  tracer  du  poète  un  portrait 
suffisamment  complet  et  vivant.  C'était  un  ménestrel  de  profession.  Il  passait 
sans  doute  l'hiver  bourgeoisement  a\xc  sa  femme  et  sa  ûWc,  dans  une  maison 
qui  ne  manquait  pas  de  confort,  et  oîi  il  avait  un  valet  et  une  servante; 
puis,  les  beaux  jours  venus,  monté  sur  son  cheval,  sa  valise  en  croupe,  sa 
vUU  et  son  archet  liés  par  dessus,  il  s'en  allait  dans  les  châteaux  pour  divertir 
les  seigneurs  et  les  dames.  Il  leur  viellait  sans  doute  toutes  sortes  de  choses, 
des  chansons  de  geste  et  des  chansons  d'amour,  des  irihoutîainei  et  des 
pastourelles.  Dans  son  répertoire  figuraient  des  pièces  de  lui,  ce  qui  lui 
donnait  un  rang  à  part  parmi  les  ménestrels.  Il  semble  qu'il  avait  donné  à 
Tune  de  ces  pièces  le  nom  de  muse  ou  de  muut  ',  qu'elle  avait  eu  du  succès, 
et  que  le  surnom  lui  en  était  resté.  Dans  ses  compositions,  il  se  met  presque 
toujours  en  scène  avec  sa  vielle  et  son  archet^  et  se  représente  à  la  fois 
comme  un  poète,  un  amoureux,  un  gourmand  et  un  parasite.  Il  désire  par 
dessus  tout  mmtr  hom  vie  en  mangeant  des  chapons  à  Tail  et  en  buvant  du 
vin  frais,  mais  il  veut  être  assis  dans  une  prairie  verdoyante  et  fleurie,  au 
mois  de  mai,  un  clmptl  de  roses  sur  la  tète,  et  il  aime  être  servi  par  une 
hhftdde  qui  complète  sa  joie  par  quelques  savoureux  baisers*  Cest  le  rêve 
qu'il  se  plaît  sans  cesse  à  caresser  et  qu'il  nous  raconte  avec  une  grâce 
$in^lière.  Ces  vives  esquisses  charmaient  sans  doute  aussi  ses  auditeurs  par 
|lcur  mélange  imprévu  de  poésie  légère  et  de  grasse  matérialité.  D'ordinaire, 
fîl  rentrait  chez  lui  revêtu  d'une  belle  robe  fourrée,  la  valise  gonflét:,  parfois 
avec  un  beau  cheval  frais  en  place  du  rottcin  fatigué  qu'il  avait  emmené;  on 
lui  faisait  alors  bel  accueil  ;  mais  il  n'en  était  pas  toujours  ainsi  :  il  se  trouvait 
f  ^cs  seigneurs,  voire  des  comtes,  qui  le  laissaient  vieller  tant  qu'il  voulait,  ne 
lui  donnaient  rien  et  ne  dégageaient  même  pas,  suivant  F  usage,  les  véte- 
mcnisou  les  objets  qu'il  avait  dû  donner  en  gage  à  son  hôte  pour  la  dépense; 
rhôic  les  gardait  impitoyablement,  car  on  ne  k  voyait  qu'en  songe,  cet  hôte 
idéal  ff  qui  ne  voudrait  pas  compter  3»,  et  qui  laisserait  sa  femme,  aussi 
«  courtoise  n  que  lui,  embellir  les  nuits  du  ménestrel  dont  il  se  chargerait  de 
charmer  les  jours  par  une  cuisine  abondante  et  variée.  Le  pauvre  Muset 
n'était  pas  bien  reçu  quand  il  rentrait  à  la  maison  sur  son  cheval  harassé  avec 


•  î,  61  :  Ma  ht  bon  morset  ti  a  demi  Et  départi,  Et  ât  hn  vin  fort  a  sosi  ^a  ,  —  iV  5  j  î 
L'fH  m*ap^fU  Colin  Mtnet,  S'a!  tnangié  maint  K>«  chapoturt^  Mainte  knte^  rrr^iiVj/  gastelet\  — 
X,  42  :  Vûi  itrés  bien  servie  De  crasse  oe  roitie^  Et  beircm  vin  sor  îie^  Si  mtnroiu  boue  vie  ; 
—  XI,  jé  :  J*ujitié3  d* Amiens^  et  j' errant  m*en  retor  As  chapons  en  jance  ailîie  Et  as  gaitenus 
^i  tant  blanc  corne  fîor.  Et  411  très  bon  vin  scr  lie; —  voy.  auiii  U  p.  Xlïl  (Bcdtcr, 
p.  p)  et  U  pièce  XIF. 

3.  C*cii  ce  qui  me  semble  ressortir  de  h  pièce  I  :  •   Fien  c*r,  •  ntê  âist  tît^  •  Si  me 

X'iele  Ta  musi  en  chantant  » J'alai  a  li  el  praetet  A  tôt  la  viele  et  Varcbet^  Si  ti  ai 

fbanté  U  muset  Par  gtant  aimf*  Ou  pourrait  mcmc  croire  que  les  deux,  vers  qui  suivent 
lont  le  début  du  muset. 


291  COMPTES  RENDUS 

M  malf  fartif  de  ttnt  et  m  bourse  dégarnie  :  sa  femme  le  sonpçnnnait  (faïaîr 
été  fiire  la  débauche  aval  la  vile  ',  au  lieu  de  Êûre  la  tournée  lucrative  qaH 
avait  annoncée;  encore  ne  parlait-il  pas  du  dei  qiïïL  avait  contracté,  et 
qu'il  ^'efforçait  d'oublier  lui-même.  Aussi  Êdlait-il  de  temps  en  temps  se 
réM^ner  k  de%  expéditions  plus  longues  :  il  fallait  trotter,  tout  ieso^gmms, 
ffpf(:t  quelque  «  mauvais  prince  »  qui  ne  vous  récompensait  que  bien  médio- 
crement de  von  peines;  fhcheux  moments  pour  qui  n'aimait  qu'ois^  et  sepr! 
Mrfit  à'A\\Xrt%  fois  aussi  on  vivait  grassement,  quitte  à  engager  son  manteau, 
d^n^  quelque  how  vile,  où  on  médisait  des  borjoius,  et  où  on  donnait  à  un 
amittrc  en  poésie  comme  Jacques  d'Amiens  des  conseils  empreints  de  b 
<Mgf«^  la  plus  pratique  :  «  l'aitcs  comme  moi,  si  mentis  homvie\  ne  donnei 
votre  ;iniour  qu*aux  bons  morceaux,  aux  bons  vins,  et,  par  cette  fnndore, 
aux  ^r^iuls  feux  dans  la  cliambrel  »  Ainsi  se  passa  la  vie  de  Colin  Muset, 
imc  vraie  vie  d*oiseau,  voyageuse  et  casanière,  légère  et  sensuelle,  recluse 
en  hiver,  vagabonde  en  été,  familière  jusqu'à  llnsolence  avec  ceux  qui 
rcntrcticnncnt,  mais  toujours  gazouillante  et  mêlant  à  ses  ef&onteries  et  â 
ses  libertinages  ce  que  des  ailes,  un  gosier  vibrant  et  l'amour  des  bois  et  des 
prés  donnent  toujours  de  poésie.  —  Dans  ces  conditions,  on  comprend 
sans  peine  que  l'œuvre  de  notre  ménestrel  ne  ressemble  pas  à  celle  des 
chevaliers  qui,  pour  plaire  aux  dames  et  acquérir  le  renom  d'une  parÊdte 
courtoisie,  s'appliquaient  à  produire  sur  les  thèmes  donnés  de  l'art  â  la 
mode  quelques  variations  poétiques  et  musicales;  il  a  cherché  à  prendre 
leur  ton  dans  la  pièce  VIII  et  dans  la  pièce  X,  où  il  parle  de  merci,  de 
bel  servir  y  et  menace  de  mourir  si  sa  Me  douce  amie  ne  l'exauce  pas;  mais 
il  reprend  vite  courage  et  lui  promet,  si  clic  vient  le  rejoindre  desox  l'ente 
florie^  tout  ce  qui  constitue  pour  lui  le  bonheur  idéal,  une  crasse  oe  rosiie  et  de 
Inm  vin  sor  lie.  l:n  somme,  Toriginalité  de  Colin  Muset  tient  à  sa  condition 
sociale  et  à  sa  profession;  sa  poésie  est  en  marge  de  la  poésie  courtoise 
qu*on  peut  appeler  officielle,  comme  sa  vie  est  en  marge  de  la  sodétc 
courtoise  qui  raccueilie  et  le  paie,  mais  dont  il  ne  f;iit  pas  partie. 

M.  lîédier  a  étudié  avec  un  soin  particulier  la  versification  des  pièces  qu'il 
a  publiées.  Aucune  n'est  dans  la  forme  classique  des  grands  c1}ants\  ce  sont 
toujours  des  rythmes  légers  et  de  courte  haleine,  qui  remontent  à  lancienne 
tradition  française  autant  qu'i  l'art  imité  des  troubadours.  Colin  ne  slnterdii 
ni  l'assonance,  ni  la  rime  d'un  mot  avec  lui-même',  et  n'obscr\-e  pas  U 
tripartition;  il  aime  au  contraire  les  suites  de  vers  sur  la  même  rime  et 


1.  XII,  19  ss.  :  Ain;^  me  dit  :  «  Sire  engdè,  lin  ijncl  terre  avei  esté.  Qui  nji€^  •tI-îc 
eon^uestèl  \  Trop  vos  estes  déporté]  Aval  la  viU.  »  On  peut  suppléer  ainsi  le  v.  22  jut 
manque.  M.  B.  place  l.i  lacun'j  entre  20  et  21. 

2.  La  non  clision  d'un  e  fcminiri  «.vt  moin^  .issurcc  (p.   yj).  M.  Bêdier  do=3t  =:: 
explication  très  ingénieuse,  et  qui  pujit  être  vraie,  de  certaines  irrégularités  arcur:=-! 
dans  le  nombre  des  syllabes  de  vîri  qui  v:  correspondent.  Sur  la  constructics'i 
de  onie  sylbbcs  (II),  il  présente  de^  observation*  intéressantes. 


23t   12ft 


j.  BÈDiER,  De  Nicolao  Musela  (galUa  Colin  Muset)     293 

coupe  volontiers  ses  strophes  en  deux  parties  égales.  On  sent  pourtant  dans 
ses  vers  qu'ils  sont  faits  pour  la  musique,  et  il  semble  qu'on  entend  le  gai 
coup  d*archet  qui  les  rNthmaii  sur  la  nW**,  11  est  malheureux  que  nos  études 
sur  la  musique  du  xiii*  siècle  soient  encore  si  peu  avancées,  et  que  nous  ne 
puissions  nous  rendre  compte  de  ce  quMl  devait  y  avoir  d'originalité  dans  les 
notes  comme  dans  les  vers  de  Colin  Muset. 

Je  terminerai  ce  compte  rendu  par  l*examen  de  Tédîtion  qu'a  donnée 
M.  B.  des  douze  pièces  que,  sur  h  foi  des  manuscrits,  il  attribue  à  notre 
ménestrel.  Cette  édition  est  aussi  critique  que  le  permet  l'état  des  choses, 
chaque  pièce  ne  reposant  en  réalité  que  sur  un  manuscrit  (S»»  v,  B^  ou 
S»fl  j).  Pour  la  graphie,  Téditeur  déclare  avoir  suivi  Pa,  en  remplaçant 
seulement  i  final  par  s  (à  tort  comme  on  I*a  vu  cinlessus,  p.  287  ,  n.  3)  et  iau 
par  cl  (à  tort  au  moins  dans  iaus  ou  catts),  en  écartant  le  redoublement 
intermittent  des  consonnes,  et  en  écrivant  partout  ai  là  où  il  est  étymo- 
logique et  û  pour  0  fermé  au  Heu  que  le  ms.  hésite  entre  o  et  ou'.  Cette 
restitution  n'était  pas  toujours  aisée,  les  huit  pièces  qui  ne  sont  que  dans 
S»"  j  étant  copiées  sous  une  forme  lorraine  moins  marquée  dans  Pb",  plus 
marquées  dans  B';  elle  est  en  général  réussie,  mais  on  y  peut  relever  quelques 
inconséquences.  Le  principe  de  mettre  eî  pour  iau  ou  eau  n*est  pas  observé 
dans  heaus  III  18  et  beautés  II  21  ;  la  vocalisation  de  1'/  dans  les  autres  cas,  qui 
en  général,  avec  toute  raison,  est  admise,  ne  Test  pas  toujours  :  pourquoi 
tmlt  II  10,  m  12  en  regard  de  dom,  outrer^  escauter,  etc.?  pourquoi  mais  VI 
44  en  regard  de  ntauvais}  pourquoi  fols  0  19  et  non  fouû  ceîs  VI  4  et  non 
C€us}  nuls  VI  22  et  non  ttusl  gentils  XI  29  et  non  ^entis}  —  La  double 
consonne,  partout  écartée,  est  maintenue  dans  comntenf  VII  5,  comme  III  6, 
X  10,  a/fi  I  65.  —  On  ne  comprend  pas  mauvestià  V  38  en  regard  de 
maux*ais,  htsier  1  43,  X  54  en  regard  de  haisier  VI  44.  —  Pour  0  fermé,  où  on 
devrait  toujours  avoir  0,  on  lit  ou  dans  houch  XI  7,  houchete  I  14,  reJout  VI 
25,  desom  X  39,  jalousie  XI  23,  ou  fw  dans  pretts  V  46,  VIII  57,  eure  XI!,  et 
même  amorcuset  I  28,  VI  3,  antoreusen^ent  XI  23. — ^  La  représenralion  de 
0  bref  tonique  est  très  hésitante  :  on  lit  peu l  IV  13  et  puei  VI  50,  VIll  72, 
veut  II  12,  IV  38  et  vuehni  VI  }0,  jeune  lll  5  et  cuer  III  32.  —  Les  graphies 
^^  V  37  pour  proece^  morcel  I  62,  IX  40  pour  ntorset,  einbrassier  VI  41, 
jser  VU  so  ^our  embr acier,  iKtussc  V  36  pour  hatue  ne  s'expliquent  pas. 
—  On  lit  oe  X  42,  mais  oies  ly*.  "^2-,  hevrom  X  44,  mais  obeuvrer  XII  39.  — 
On  est  surpris  de  voir  XI  37,  38  aux  et  40,  4  1  aus  :  le  ms.  (B*)  a  trois  fois 
as  (qui  était  le  meilleur)  et  une  fois  ai  »,  Ce  sont  des  minuties,  mais  quand 
on  veut  donner  un  texte  uniformisé,  on  ne  saurait  être  trop  minutieux; 


I.  La  Toison  que  donne  l'édilcur  pour  adopter  u  r-  miiic  ^i  (p.  j-i)  n*cst  pas  bootic  : 
Colin  ferait  rîmer  amor,  Jîor^  avec  or;  il  n'y  a  y  avoir  de  iclle*  rimes  daai 

*cs  poésies;  les  deux  de  ce  genre  qu*a  admises  i       :  jivent  être  corrigées  (voy.  ci- 

dessous), 

a.  Je  nt  regarde  aimerott  pour  amtroit  (XI  17)  qae  comme  uae  Êiute  d'impressioti. 


294  COMFTES  UESDU 

TMmitjMi  mtatt  ^'ec^  et  trmf!  esc  ses  praâabiè  i  aàm  ^ 
ea  Txaeaxaz  i  riftWrhfr  szr  seuuoop  ie  t>gt'nri  >yiifVïkMn  Je  ; 
et  de  ^rspcse  ^  œ  soc:  TTirfrmrrr  rskSârcsses  iFfaîscaÊcc  Je  la) 

Sar  Se  texse  m2ase,  cocsâsé  ztcc  bcaoanzp  Je  sm  et  ^ii 
axas  qcse  »r  les  ater-jrftarœg  Jot:a£es  es  oooe.  )e  s'aE  ^pt  Ken  pca 
étobserrxàooi  i  £ûre.  I  Zi  ('tojcz  scr  ce  «ers  cMesas  p.  391,  a.  2)  la 
rtactaàoa  en  û  km  ^tt  esi  £exz  zngésrase;  nsss  ^  jb  SB|g;HEer  aùst 
ioc/yoaa,  tt  ne  tadrxzS.  pas  /itf  r  Je  De  n»  pas  li  camccâoB.  —  H  12 
#  simfU  zù  :  ntst  id  h.  îansut  kxnfoe  «Ta;  La.  —  II  ij  Sr  aretf  jeu; 
Lu,  —  n  21  ov  voir  imr,  I.  ;a2  ?is>  wz?'.  —  III  S  fSKr  ot,  L  irfi  — 
in  îy  mtor  œ  peut  riarjer  arec  sor,  or  :  I.  oœr,  ce  <fà  ca  b  legoo  Je  Fb". 

—  ly  16  Gratier^L  Garmer  (Itxns.^  Gnîer  arec  F jhcérlinoQ  Je  fa  on  Je  ar), 

—  IV  24  }e  finis  avrer  poctr  euirtr.  —  Vu  Mm  lim  fiâm  ^imcit\  le  ms. 
a  fad,  et  3  £dUh  le  gvder;  fim/  est  îd  trôtiê  aximie  on  ont  mwrnlïn  — 
VI  16  je  Israss  jr  fti^  avec  Pb"  plotôt  çpc  se  Soit  avec  B'  :  jr  £ar,  c  bien  ^ne.  » 

—  VI  50  Qdaâéi  vuekmi  d'ami  servir;  M.  B.  leuLLque  que  dam  B*  Bks- 
tefnMnn  Et  dEo»»;  mais  il  oe  £:  pas  qce  Pb"  porte  ionî;  fl  Est  ccnjîufr» 
ment  Ere  fanui^  qui  seul  donne  on  sens.  —  VI  31  s'a,  L  as.  —  VII  4$ 
je  Hirnrjis  ime  Tîrgale,  ce  qui  change  on  peo  le  sens.  —  Vn  48  il  £uit  Gic 
Se  fair,  c  non  plos  qne.  »  —  MI  49  f ai  bien  de  la  ptône  i  Ere  avec 
M.  B.  k  nfemroU^  do  v.  emroûr^  qui  sigmÊeraxt  «  mettre  dans  le  dhemin, 
dans  le  droit  chemin  ».  D  s'appoie  sor  Tartide  enrner  de  Godeftor,  mais 
cet  aftide  n'est  exempt  m  d'erreurs  ni  de  confusions.  LeTerbe  emroier  àgnàSt 
000  pas  «  enfoncer  »,  mais  «  mettre  (la  charrue)  dans  le  sDon  »  :  Ts  «r  m 
ilvr^  lenrip  «nW  Um  arere  (G.  ^Aupais^  et  par  esienâon  «  mettre  en  tnûn  »  : 
Orfuel  'Jtut  achr^er  quan  qu'il  pense  et  enrcie  (Test,  de  J.  de  Meun):  Quant  Ji 

aprentiz  e:t  enroUz  a  aprendre (Livre  des  M/s::ers).  Ces  citations  sont 

bonnes  et  probantes  ;  les  autres  sont  à  supprimer.  .Au  sens  de  e  commencer  m 
enrcier  se  trouveraît  dans  ce  vers  du  ChjFtie^usari  :  W  /;  cbsut  (i  la  femme) 
qui  el  mate  ou  enprent  ou  enraie  ;  je  ne  sais  comment  M.  Godefroy  comprend 
ce  yen,  mais  il  doit  être  lu  :  Ki  lui  chaut  :ui  el  mcte  eu  m  peint  eu  en  rote 
fvoy.  ffom.f  XV,  607;.  Enroier  signifierait  c  avec  un  régime  de  chose, 
enseigner  »  dans  un  vers  de  Mahomet  où  il  faut  lire  menrciier^  «  amoindrir  », 
au  lieu  de  m'enroiier  (voy.  Rom.,  XVI,  589).  Il  voudrait  dire  encore  :  «  s'ar- 


1,  J'ai  qutlq'iti  réserves  de  détail  i  £ure  sur  le  mode  d'impression  adopté  par 
M.  Bédier.  Je  ne  sais  pourquoi  il  n*a  pas  numéroté  !es  strophes  des  chansons  ;  on  a 
fouvent  besoin  de  les  citer.  L*usage  du  trait  d'union  doit  être  proscrit  pour  Tancien 
français,  et  M.  B.  a  raison  d'imprimer  dist  tie  l  16,  vueiï  ;V  IV  21,  V  4,  îwV  on  FV'  ji, 
mais  alors  pourquoi  iruis-je  XI  5  et  surtout  Saint-Marcel  pour  SMni  Marcel  IX  2}?  Je 
ne  vois  aucune  nécessité  de  mettre  un  accent  sur  IV  de  la  terminaison  -et.  Il  faut 
imprimer  Mutés  et  non  Muses  (cf.  adès  V  15).  La  noution  /"i  1  15  n'est  pas  conforme  k 
l'asage  ;  le  ms.  a  gi  (ce  que  l'éditeur  ne  note  pas),  c'est-i-dire  g'i. 

2.  Je  dois  dire  que  malgré  les  explications  de  M.  B.  j*ai  quelques  doutes  sur  la  cor- 
rection rythmique  de  plusieurs  des  vers  de  ccne  pièce. 


I 
I 


j.  BÉDïERj  De  Nicolao  Museio  (gallke  Câlin  Muset)     295 

rêter  dans  le  chemin,  s*arréier  en  général,  et,  dans  Tcx.  suîv.,  s'arrêter  pour 
résister,  s'opposer  »  dans  un  vers  de  Partawfiem  où  enraie,  rimant  avec 
Arcaie  =:  Arcajrt  doit  être  lu  estraji\  Enfin  le  part,  passé  ^wroiV,  signifiant 
«  qui  sert  de  chemin  »,  serait  attesté  par  ce  vers  du  Bestiaire  de  Philippe  de 
Thaon  :  Un  cerne  fait  en  terre^  Quant  veît  praic  conquerre^  Si  laisse  une  bote, 
Que  iceû  seît  enreiet  As  testes  quiî  désire^  où  il  est  clair  qu'il  faut  lire  entrée. 
Reste  le  passage  de  Saint  Bîoî  auquel  renvoie  M»  Bcdier  :  Ches  deus  dames 
bien  Fenroiiermt  En  hone  foi^  et  ravoierent  A  chc  trouver  que  il  queroit  :  il  est 
vrai  que  Peigné- De lacourt,  suivi  par  M.  Godefroy^  traduit  renroijermt  (sk) 
par  «  le  mirent  sur  la  voie  «,  mais  ce  n*est  qu*approximatïf  :  il  s*agit  de 
DcH'otion  et  de  Foi,  qui  soutiennent  le  courage  de  saint  Eloi  cherchant  le 
corps  de  saint  Quentin  dans  Téglise  où  il  le  sait  enfoui  :  Venroiierent  veut 
dire  «  le  mirent  en  train  »,  et  le  poète  ajoute  :  Car  point  ne  se  désespérait. 
Je  ne  crois  donc  pas  possible  que  m'emoie  signifie  v  je  me  dirige  »,  surtout 
avec  un  complément  (a  IVidemont),  et  que  voudrait  dire  le  h  qui  procède? 
En  outre  les  deux  verbes  avec  lesquels  celui-là  est  coordonné  sont  au  condi- 
tionnel. Je  lis  donc  la  menroie  ou  Vainenroie^  sans  d'ailleurs  le  pouvoir  traduire 
exactement.  —  IX  15  i!a  tahor^  l.  le  (faute  d'impression?).  —  IX  24  Plus  mi 
îiés^  par  saint  Marcel^  Que  tels  a  chastel  mi  tor.  M.  B.  remarque  :  «  Desirares 
«f  que  tels  qui  a  »,  neque  hune  locum  explan  are  potis  su  m.  »  Il  ne  s'est  pas 
souvenu  des  nombreux  exemples  de  cette  construction  qu'a  cités  en  divers 
lieux  (en  dernier,  si  je  ne  me  trompe,  Zeitschr,^  IV,  162)  M.  A*  Tobler,  — 
La  strophe  25-36  me  paraît  interpolée  :  cet  éloge  enthousiaste  de  la  valeur 
guerrière  est  en  complet  désaccord  avec  tout  le  reste  de  la  pièce,  —  IX  47 
je  lirais  Queti  non  Qu'i  (nis.  Kf),  —  XI  3  resior  ne  peut  rimer  avec  amor  etc.  ; 
il  faut  donc  suppléer  un  autre  mot;  peut-être  retor,  —  XI  26-27  :  il  faut  ou 
a  horjoise  et  n'arttera  (ms.  namerait^  forme  lorraine  du  futur)  ou  ont  borjoises 
et  namermt.  —  XI  57  chapons  en  jancelJie,  XII  43  chapons  A  ta  (1.  En  pour 
la  mesure)  janse  ailUe  :  il  est  clair  que  nous  avons  ici  les  mêmes  mots  et  qu'il 
fallait  unilormiser  les  deux  leçons.  Mais  quelle  est  la  bonne,  et  que  slgnifîe- 
i-elle?  Il  faut  certain cmcnt;û«f^  aiîlie;  ailtie  veut  dire  «  à  Tail  »,  et  la  janc^  ou 
gance  est  une  sorte  de  sauce;  voy.  les  exemples  donnés  par  Godcfroy  ^  On 
pourrait,  il  est  vrai,  être  tenté  de  lire  jauce^  d'après  ce  vers  du  Roman  de 
la  Rose  :  la  sauce ,  Soit  vert^  ou  cameîine,  ou  jattce  (M.  Godefroy,  s.  v»  ;aji«, 
voit  dans  ce  mot  «t  un  abus  de  la  rime  pout  jautte  »);  mais,  d'autre  part, 
r«  de  /artf/  (jansse^  gf^^se),  qu'ont  lue  jusqu*ù  présent  tous  les  éditeurs»  est 
attestée  par  une  rime  d'Eustache  Deschamps  (MCCCXVIII,  17),  en  sorte 
qu'il  &ut  sans  doute  admettre  les  deux  formes  à  côté  Tune  de  l'autre»  — 
XI  39  a,  1.  au  (cf.  ci-dessus). 
J'ai  dû  naturellement  faire  porter  mes  observations  sur  les  points  du  travail 


I.  Il  faut  m^iimcnaot  y  joindre  celui  du  Viandier  de  TAÎllevcnt,  qoi  donoe  (p.  189) 
la  recette  de  la  jance  aux  aulx  et  de  U  jana  de  lait.  Dans  le  ms.  du  Vatican  (p.  ir8)  on 
rotiTC  encore  :  une  hone  sausse  dejanc4poHr  morue  auxanlx. 


OB'  ]■•  Bnlifi  4JIII  ne 


ooiiFres  lEXDCs 


cii 


os  teste  ^  a  a 

Se  ™^*^  uilse 
ccMKnbotioDS  4|ii  on  soss  jil 
âc  ootre  2iiciciiiie  poésk  lynqse. 


i  ^  n  ai  j» 


Sélections  from  the  Hen^wri  Mss.  preserred  In  the 
Petiiarth  Ubrary.  Vol.  L  F ioni  Gmsf,  bcv^  die  ad*uEmo  oC  Kiog 
Artbt2r*s  ks^ts  of  ihe  Rooad  TaMe  in  ibe  i|aesi  Gf  ilie  bflif  gxsù^  me 
€o  odier  ocraticwti-  Onipoiij'  «naen  atoot  ilae  ji«ar  1100,  £&el  mritti  â 
TnniMiafi  md  domrj  bjr  tbe  Rtv.  Roben  Wnxz&MS.  Loodoa,  Ridiards, 

VoL  n»  oocmiiiii^  Ciqfi'i  Ciiiljw^i,  I>é«^s  PkAv,  BécWI  lf<»r  w^. 

yÊpHêÊtBi^  ImâiaHm,  Tmêortkjr  Emdt^  t$c.^  iU.  Edittd,  «îth  a  Tras^atioci, 
bj  the  lise  Rrr.  Rûbcrt  WauAHS,  and  the  Translatkm  continncd  by  tbe 
ReT«  G.  RàitTiTELL  Jossis.  LoadoQ,  C^iazildt,  iS^  ia^,  760  p. 

D  est  ât&xle  d^îmag^Dcr  <|oelqi»e  chose  de  fias  t&coiilfcxit  que  cette  pofe£* 
catiocL  Oàm  qm  fâvait  entreprise,  le  chiûoine  R-  WHEams,  est  movt  après 


avoir  pobfié,  il  y  a  dix-sept  -. 


et  avoir  udocubc  Ai 


second  les 
il 


et  noe  partie  des  tradocdoos.  Koos  ne  savons  qnds  oonsplè- 


9oa  oeniie,  et  de  qodb  iiMiimeuCdgcs  Q  ifixilait 
raccaropagner.  Ccsl  son  oomiBiuiciir  seul,  M.  Haitvtll  Joncs,  ^  est 
tespoosahle  de  cette  poitie  de  b  ticbe»  et  n  s^en  est  aoqintté  aussî  tzul  qoe 
poaable,.  Noos  n'apprenoBS  ntiUe  paît  de  quoi  se  composent  les  manuscrits 
oHcn^^wrtli,  aoîoiiid*baî  à  ^cniafth,  à  queue  époque  ili  icmontent»  m^^  ^  ^^ 
le  motif  do  dwis  £nt  pacnin  eux  et  qods  sont  ceux  qœ  restent  nsëdits.  Sur 
son  travail,  le  conànuatetir  nous  donne  les  extraotduutres  tenseî^ietncists 
que  voici  :  «  Tbe  test  beîng  In  monf  pbœs  inoomplete,  espedally  m  the 
earfier  ptn%  ît  was  found  necessiTy  to  ooHate  Canoo  Wtffiams*  trinscript 
wiih  the  manoscripts»  wbicii  I  vas  enabled  to  do  hmrntHj  hf  the  coartesy  of 
W.  R.  M.  Wyone,  Esq.,  of  Peniaitfa,  or  wîth  other  versions  at  the  Bodldan 
or  «bniafTg  some  oC  wfaidt  I  saw  alkr  tlie  sbeets  bad  been  pnnted  off*.  % 
constiltîog  the  ongiails^  fom  wfakJiihcse  veie  nanslattd  in  die  tet  insunce; 
most  of  them  in  Lano,  I  bave  snccceded  in  coBjecntritig  tbe  first  reading  or 
tradng  the  grounds  of  tbe  nùschief  >.  Tbese  doaunents,  wrnten  in  vanous 


I.  Li  pccmièce  pink  dt  quoi  >  M.  lAlllijjns  iTatt  traduit  toot  le  ffcmicr  vohiiiK  et 
ciiiriroii  b  moitié  dd  «eoond. 

s.  QyMllei  Iniîlks 7  ctlks  da  texte  oq  de  b  tndncssoo  ? 

|,  Ccft  ttboneo$«s  i^cher^fcs  ii*oot  hàaai  qoe  bkn  peu  de  tnces  dus  Ici  notes  cii- 
tlqQcs  de  M.  Joaes  sur  les  dernière  pièces  do  îtciieÛ. 


\\1LLIAMS  and  JONES,  The  Hcngwrt  Mss,  297 

languages  (\\  I  hâve  dîscovcrcd  (î)  in  English  libraries  or  abroad,  whîlc 
engaged  in  other  kitids  of  rescarch..-..  A  fcw  notes  hâve  been  added,  but 
they  deal  with  a  few  points  only,  since  I  havc  in  my  work  chiefly  folio wed 
Canon  Williams^  in  constilting  rathcr  thc  intcrest  of  the  gênerai  reader  (1) 
than  those*  versed  iti  Old-Welsh,  who  will  easiïy  sce  why  I  havc  adopted  a 
particular  version,  or  how  I  hâve  supplicd  laaltta^r(\).  »> 

Mais  voici  qui  est  plus  étrange  encore.  M.  Hartwell  Jones  n'ayant  coni- 
raencé  son  travail  <  qu'à  l'endroit  où  R.  Williams  avait  laissé  le  sien,  c'est-à- 
dire  â  la  p.  570  du  t*  11,  il  n*a  également  donne  de  commentaire  quelconque 
que  pour  l'ouvrage  où  il  Fa  commencé  (Purgatoire  dt  saint  Patrice)  et  les 
suivants»  en  sorte  que  tout  ce  qui  précède  est  privé  de  toute  espèce  d'expli* 
cation  î  Celte  partie  est  cependant  de  beaucoup  la  plus  intéressante,  surtout 
pour  nous;  c'est  à  cause  d'elle  que  nous  annonçons  ce  livre  dans  la  Romania^ 
et  nous  suppléerons  très  brièvement  A  l'inexplicable  silence  de  l'éditeur. 

Le  premier  volume  comprend  les  traductions  de  deux  romans  français,  la 
Qutite  du  saint  graaî  (ch.  I-LXX)  «rt  le  roman  en  prose  que  je  désigne  par 
PerUsvaus.  Ces  traductions,  que  î'on  peut  utiliser,  grâce  à  la  version  anglaise 
deR.  Williams,  ne  sont  pas  sans  intérêt  pour  l'histoire  littéraire.  En  effet,  celle 
de  la  Quôste  est  faite  sur  un  manuscrit  du  roman  français  différent  de  tous 
ceux  qu'on  a  étudiés  jusqu'ici,  et  représentant  sans  doute  une  rédaction  plus 
ancienne,  comme  Ta  montré  M.  Nutt  dans  ses  Studia  m  îhe  hgtmi  of  tl}t 
holy  Graiï;  elle  devra  être  prise  en  considération  pour  la  critique  de  ce  curieux 
ouvrage.  Celle  de  PerUsiaiis  est  faite  également  sur  un  texte  meilleur  que 
celui  qui  a  été  publié  et  devra  fitre  consultée  si  on  en  donne  quelque  jour 
une  nouvelle  édition -*. 

Le  tome  II commence  par  une  longue  histoire,  intitulée  Lu  Faits  de  Omrîe- 
magne,  qui  comprend  plusieurs  parties,  lesquelles  ont  d'ailleurs  été  originaire- 
raeni  réunies  ensemble  (voy.  la  note  finale  qui  attribue  toute  la  traduction  à 
Madawc  ab  Selyfei  les  curieuses  remarques  de  transition,  ch.  XX,  LV,  LXX)  : 

10  (I-XIX).  Lt  Pikfinc^e  de  Charktmigtu\  version  identique  sauf  quelques, 
variantes  à  celle  dont  M.  J.  Rhysa  donné,  d'après  le  Livre  rcuge  d'Oxford,  le 
texte  et  la  traduction  anglaise  dans  le  livre  de  M,  Koschwitz,  Seths  Bcarhti- 
iungm  dis  alifraniôsischen  Gedichîs  von  Karls  dtr  Grossen  Reise  (Heilbronn, 
1879). 


i.  Comment  M.  H.  J,  suit-il  rcxewple  eu  cbâjioîne  Williams,  qui  n*4vait  ajouté  à 
son  premier  volume  ;tucune  espèce  de  notes? 

3.  Il  {aut  sans  doute  lire  tbtitt  tbe  intêrtstso/thoté;  quant  aux  intérêts  du  gfturaî  reader^ 
HOU*  verrons  comme  ils  sont  satisfaits. 

5.  Sauf  trois  pages  (si  je  comprends  btt:n),  dans  la  traduction  de  Btftvn  di  Hamîom, 

4.  Ce  ne  sera  pas  une  tiche  attrayante,  vu  Tennui  que  respire  la  plus  grande  partie 
de  ce  roman  ;  mais  ce  ne  sera  pas  non  plus  une  tâche  inutile  pour  Tétude  du  cycle  breton, 
le  note  ici  que  ce  roman  (outre  le  ms.  de  Bruxelles  et  le  fr.igmenî  de  Berne)  est  non  seule- 
ment dans  le  ms.  d^Oxford  H.ttton  82,  signalé  par  M.  Stcngcî  {Dttrmart,  p.  466;  Riv. 
di  fil.  rom,  I,  192),  mais  dans  le  célèbre  ms,  de  ChantilH  qui  contient  aussi  Rigûmer,  la 
Vmgtattu  Raguidil,  etc.  ;  scnlement  U  il  s'arrête  au  milieu  de  la  p.  178  de  l'édition. 


298  COMPTES  RENDUS 

20  (XXI-U\0.  Traduction  fmcomplète)  de  b  chronique  de  Turpin.  Voyez 
sur  celle  traduction  les  remarques  de  M,  Koschwitz  dans  l'ouvrage  qui  vient 
d'être  cité. 

30  (LVI-LXXIX).  Otufl  (la  fin  manque  dans  te  ms.);  version  qu'il  Êiudrait 
comparera  celle  qu'on  connaît  dcjA  de  ce  petit  poème,  qui  a  joui  en  Angleterre 
d'une  si  grande  popularité  (voy.  Rom.^  XI,  151). 

4Û  LXXX-CXXI).  La  première  partie  (LXXX-^CVIII)  est  00e  traduction 
un  peu  abrégée,  mais  gcn<^Talement  exacte,  de  la  Chanson  de  Roland^  qui 
\ient  se  joindre  aux  versions  étrangères  déjà  connues  et  pouna  ça  et  là  être 
consultée  par  la  critique.  Malheureusement,  un  peu  avant  la  mort  de  Roland, 
le  traducteur,  qui  avait  plus  haut  abandonné  Turpin  pour  réserver  au  poème 
français  le  récit  de  la  guerre  d'Espagne,  reprend  la  chronique  latine  (CIX)  et 
la  suit  jusqu'à  la  fin,  en  sorte  que  nous  ne  savons  pas  comment  le  poème  se 
terminait  dans  le  manuscrit  qu'il  avait  sous  les  yeux. 

Après  les  Faits  de  Charlettta^ne  vient,  dans  le  second  volume,  une  traduction 
de  Bcvon  d'Hanskme,  qui  sera  classée  parmi  les  autres  versions  dans  le  travail 
d'ensemble  que  nous  attendons  depuis  longtemps  de  M.  Kôlbing. 

Les  autres  morceaux  publiés  et  traduits  par  MM.  Williams  et  H.  Jones  sont 
presque  tous  traduits  du  latin  et  offrent  beaucoup  moins  d*intér^t.  Cest 
d'abord  le  Purgatoire  de  saint  Patrice  (d'après  Henri  de  Saîtrey),  puis  une  Vit 
de  la  Vierge  Marie  (évangiles  apocryphes),  Les  sept  péchés  mortels^  YÉimngiUde 
Nicodhne,  h  Mase  du  vendredi  saint  (légende  de  Tinvention  de  la  croix), 
V Histoire  de  Ponce  Pilate^  V Histoire  de  Judas ^  les  Qtdn^e  signes  avant  Je  jugtmmt^ 
V Hostie  (quelques  lignes),  la  Prcpltéde  de  Sibylle^  la  Visi&n  de  saint  Pau/,  h 
Signification  du  Pater  (d'après  Hugues  de  Saint- Victor),  et  plusieurs  autres 
courts  morceaux  de  piété,  les  Sept  Sages  de  Rome  (version  qui  se  rattache  au 
groupe  A,  mais  demanderait  â  être  étudiée  de  près)*,  V Huilé  h/nie*^  la 
Terre  du  Prêtre  Jean ,  Jdrieft  et  Ipotis  (l'Enfant  sage),  le  Lucidaire  (d'Honorîus 
d^Autun),  la  Nourriture  de  Vdine  (d'après  M,  H.  J.,  w  this  is  made  up  of  several 
documents  sirung  togcthcr  *), 


i.  Voy,  G.  P;iris,  Deux  rédaetions  du  roman  des  Sept  Sages  de  Reme  (1876)»  p,  XVI. 
Le  inducteur  a  du  avoir  une  source  fort  troublée  ;  il  dérange  Tordre  des  cootes,  et  en 
omet  deux  {Avis  et  Roma)  qu*il  remplace  par  deux  historiette  qu*on  peut  appeler  Ramtts 
et  Lupiis,  dont  Tune  «t  une  très  pauvre  invention,  et  rautrc  une  foible  imitaiiot)  de  la 
fable  L/j  Brebis^  les  Loups  tt  les  C biens.  —  L*  note  de  M.  H,  J.  sur  ce  morceau  mérite  vrai- 
ment d'être  rapportée  :  •  Tlie  Htstoria  Septem  Sapientimn,  from  which  ihe  Wclsh  vwïions 
[il  y  en  a  donc  plusieurs  ?]  are  directly  dcscended,  though  with  much  variation,  were 
(«V)  translatcd  (!)  by  Jean  de  Hauicselve,  a  Fr^nch  pricst  (1)  in  thc  diocèse  of  Nancy  (î), 
and  publishcd  soon  afrer  the  invention  of  printing.  ■ 

2.  C«  morceau  extravagant,  qu'on  ne  retrouve  nulle  part  ailleurs,  est  one  siogolièit 
combinaison  de  contes  sur  Nascicn,  le  saint  graal»  Glastonbur%\  Thotnas  Beckct,  Siladin» 
pour  aboutir  à  la  prédiction  que  la  Terre  Sainte  sera  délivrée  par  le  roi  de*  léopards. 
qui  paie  ses  bonimcs  avec  de  la  laine  et  les  désaltère  avec  du  pain  (industrie  lainière  et 
bière  Ciitc  d'orge). 


LANUSSE,  De  V influence  du  dialecte  gascon  299 

On  voit  que  cette  publication  présente  de  Tintérêt  à  plusieurs  points  de 
vue  ;  il  est  regrettable  qu'elle  n'ait  pas  été  faite  avec  une  meilleure  méthode  et 
un  plus  grand  souci  de  l'utilité  des  lecteurs.  G.  P. 


De  rinfluence  du  dialecte  gascon  sur  la  langue  ft^ançaise 
de  la  fin  du  XV^  siècle  À  la  seconde  moitis  du  XVn«.  Thèse 
présentée  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris  par  Maxime  Lanusse.  Paris, 
Maisonneuve,  1893,  in-80,  xv-470  pages. 

L'influence  du  gascon  sur  la  langue  française  s'est  surtout  manifestée  au 
xvi«  siècle.  Elle  s'est  produite  dans  le  langage  courant  par  le  contact  avec  les 
cadets  de  Gascogne  (le  mot  capdet,  puis  cadet^  est  gascon)  qui  allaient  chercher 
fortune  hors  de  leur  pays,  et  dans  le  langage  littéraire  par  l'action  des  nom- 
breux écrivains  gascons  qui,  au  xvi*  siècle,  ont  écrit  en  frapçais.  M.  Lanusse 
a  cherché  à  retrouver  les  traces  de  cette  influence  dans  la  prononciation, 
dans  le  vocabulaire,  dans  la  syntaxe  du  français,  et  dans  cette  recherche  il  a 
fait  preuve  de  beaucoup  d'érudition,  mais  il  ai  sur  tous  les  points,  exagéré 
sa  thèse.  L'influence  du  gascon  sur  la  prononciation  française,  notamment, 
a  été  nulle.  Personne  n'admettra,  par  exemple,  comme  M.  L.  le  soutient  à 
diverses  reprises,  que  la  perte  de  l'aspiration  en  français  soit  due  à  une 
influence  gasconne.  L'existence  de  hors  en  français,  à  côté  de  fors^  est  une 
anomalie  que  le  gascon  hore  ne  saurait  expliquer,  puisque  hors  se  rencontre 
en  français  au  xii«  siècle,  en  un  temps  où  les  mots  gascons  ne  pénétraient 
guère  dans  les  pays  de  langue  d'oui  et  où  d'ailleurs  il  est  probable  que  le 
changement  d'/en  h  n'avait  pas  encore  eu  lieu  en  Gascogne  méme^  Je  ne 
crois  pas  non  plus  que  les  formes  en  arent  des  prétérits  de  la  première  conju- 
gaison, si  fréquentes  au  xvic  siècle,  soient  d'origine  gasconne  (p.  235). 
M.  Suchier  est  également  dans  l'erreur  lorsqu'il  les  considère  comme  pro- 
vençales {Lt  français  et  le  provençal  y  p.  221)  :en  provençal  on  disait  flffi^ow,  et 
non  amaron.  Ces  formes  en  arent  sont  bien  françaises  :  elles  ont  été  engen- 
drées par  l'analogie  des  formes  âmes  y  astes  du  pluriel.  Un  très  grand  nombre 
des  témoignages  cités  sont  sans  valeur.  De  ce  que  divers  auteurs  du  xvi«  siècle 
ou  du  commencement  du  xviic,  d'Aubigné  par  exemple,  dans  les  Aventures 


I.  C'est  ce  que  M.  L.  contestera  sans  doute,  car  il  affirme  (p.  91),  sur  Tautorité  de 
M.  Lespy  {Grammaire  béarnaise,  a*  éd.,  p.  102),  qu'on  trouve,  dans  des  documents  du 
xn*  et  du  XIV*  siècle,  certains  mots  écrits  tantôt  par/ et  tantôt  par  b.  Pour  le  xiv*  siècle 
le  fait  est  vrai,  mais  pour  le  xii*  M.  I^spy  cite  uniquement  le  nom  de  lieu  basque 
Hait^ea  (com.  d'Ustaritz)  écrit  Hat^e  en  1193,  et  Fatbse  au  xii'  siècle.  Je  ferai  observer 
I**  qu'il  s'agit  d'un  nom  basque,  ce  qui  ne  saurait  prouver  pour  le  gascon  ;  2*  que  les 
formes  de  ce  nom  que  cite  M.  Raymond  dans  son  dict.  topog.  des  Basses-Pyrénées  sont 
tirées,  non  d'actes  originaux,  mais  du  cartulaire  de  Bayonne,  qui  a  été  écrit  an 
XIV»  siècle.  Je  remarque  d'autre  part  que,  dans  le  cartulaire  de  Saint-Jean  de  Sordes 
(p.  p.  P.  Raymond,  1873)  tous  les  noms  de  lieux  qui  commencent  actuellement  par  b 
sont  écrits  par  /. 


300  COMPTES  RENDUS 

du  barott  de  FtettêsU,  emploient  des  mots  gascons  ou  des  tournures  gasconnes, 
il  ne  s'ensuit  nullement  que  ces  mots  ou  ces  tournures  aient  étiî,  à  aucun 
moment,  naturalisai  dans  la  langue  franv^iise*  D'autre  part,  Fauteur  est  trop 
enclin  à  faire  honneur  au  gascon  d'expressions  qui  peuvent,  aussi  bien  et  m<irae 
mieux,  venir  de  Titalien,  ou  tout  simplement  de  l'ancienne  langue  française 
ou  du  latin  classique.  Qpi  croira  par  exemple  que  mukter  (p,  345)  a  été 
emprunté  par  Montaigne  au  gascon,  parce  qu'on  a  trouvé  muilat  dans  un 
texte  gascon  du  xvi^  siècle?  Fût  dfai^  (que  le  dictionnaire  de  l'Acadcmie 
française,  pour  le  dire  en  passant,  traduit  plaisamment  par  «  visage  d'âne  ») 
est  un  juron  provençal  et  non  gascon.  Je  pourrais  multiplier  les  exemples  : 
j'en  ai  dit  assez  pour  montrer  que  M.  L.  n*a  pas  toujours  été  assez  réservé 
dans  le  choix  de  ses  preuves.  M,  L.  a  grossi  son  livre  de  quelques  chapitres 
accessoires^  entre  lesquels  nous  citerons  le  ch.  II  du  premier  livre,  qui  con- 
tient une  phonétique  assez  bien  ordonnée,  mais  sommaire  et  souvent  peu 
précise,  du  gascon,  et  le  ch.  I*"^  du  livre  II,  «  la  langue  française  en  Gascogne 
jusqu'en  1^59  j»,  qui  traite  un  sujet  intéressant  et  assez  nouveau,  maïs  qui, 
rédigé  à  peu  prés  uniquement  d'après  les  matériaux  publiés,  ne  donne  encore 
que  des  résultats  vagues  et  incomplets.  Toutefois ,  il  faut  louer  M.  Lannose 
du  soin  avec  lequel  il  a  étudié  et  mis  â  profit  tout  ce  qui  a  été  écrit  avant  lui 
sur  le  gascon,  de  Tattention  soutenue  qu'il  a  apporté  au  dépouillement  des 
auteurs  français  du  xn*^  siècle  et  du  xvii*  où  il  pouvait  espérer  trouver  des 
preuves  â  Tappui  de  sa  thèse.  En  somme,  son  ouvrage  est  intéressant  et  sera 
lu  avec  profit  par  ceux- mêmes  qui  n'en  accepteraient  pas  toutes  les  conclu- 
sions, P.  M, 


Stildl  dialettall  venetl.  —  Max  Goldstaub  u.  Richard  Wendrdîek, 

Ein    toscchventiianischer   Bestiarius^    herausgegeben   u.    erlâuten.    Halle, 

Niemeyer,  1892  (in-8«,  pp.  vt-î26). 
Francesco  Novatï  ,  La   «  Navigaiw  Sanctt  Brendani  »,  in  antko  ventiianOt 

édita  ed   illustrata.   Bergarao,  Cattaneo,    1892  (in-Bo,  pp,  LVin-iîo). 
Leone  Luzzatto,  /  dtaUtti  moderni  ddk  città  di  Fatt^ia  t  Padm>a.  Parte  I , 

Analisi  dei  suoni.  Padova,  tipografia  coopérât! va,  1892  (în-So,  pp.  51  »), 

Dei  due  primi  lavori ,  che  comprendono  una  parte  letteraria  ed  una  parte 
linguistica,  io  non  intendo  esamînar  qui  se  non  quest'  ultima*  Il  «  Bestia- 
rius  «  tosco-venedano  (veneziano  in  senso  moho  largo,  com'  è  da  intendere 
anche  nel  titolo  délia  «  Navigatio  )>)  è  studiato  sotto  questo  aspetto  dal 
Dr  Wendriner  (pp.  442-494) ,  già  noto  per  una  gîudiziosa  memoria  sul  dîa- 


: 


I.  La  prima  parte  di  qauta  mcrnoria,  i»5ccracnte  le  vocali»  fu  pubblicât&,  in   orniai 
poeo  divers8j  nell'  c  Ateaco  Vcneto  »  dei  Sett.-Ott.  1890, 


Siudi  diaktîali  veneii  301 

letto  padovano  in  Ruzzanic';  îl  testo  învece  (pp.  13-73).  P^^c  appartenga  ai 
due  collaboraiori  însicmc,  i  ijuali  sctiza  dubbio  vî  spesero  attorno  molta 
fatïca  e  nioha  diligctua,  affine  di  rendcrlo  un  po'  più  intdligibile,  chc  non 
fosse  di  pcr  se.  Senza  voler  nul  la  detrarre  alla  Iode  che  loro  spetta^  osscrverô 
che  non  mi  pajono  da  approvare  trascrîzîoni  come  in  {n)aiere^  a  taccre  del 
falso  in  (jt)d  vanieîiû  ;  che  mi  scmbra  scrupolo  non  giustilîcato  quelle  di  scri* 
vere  unité  le  due  parti  dcgliavverbî  in  -mente,  conscrvate  disgiunte  nel  mano- 
scritlo  ;  ehe  înfine  trovo  un  po*  inconseguente ,  che  si  chiuda  fra  parcntesi 
l'innocuo  p  dî  scrtptura  e  simili,  mentre  si  lasciano  ïiberi  vocaboli  e  sîllabe, 
che  mcriterebbero  assai  più  codesto  trattamcnio  coercitivo  *.  Correzione  non 
buona  è  quella  dî  comita  in  vomiia^  p.  39,  14»  giacchè  si  traita  di  gotnitHy  che 
appanîene  anche  al  vencto  ed  al  toscano  moderni;  cfr.  gofnitass/OiLlmo  14. 
Jl  c  per  g  ê  frequentissîmo  nel  codice,  secondo  è  detto  a  p,  n  :  cljm'crnar 
chalh  diola  cljanbe  caia^  qcc.  Più  curioso  è  Terrore  che  ha  daio  vita  al  nuovo 
vocabolo  castruio  struzzo»  p,  57,  18.  25,  intorno  al  quak  il  W.  fu  poî 
costretto  ad  almanaccar  nel  a  Glossario  t».  È  da  dividere  Poca  itru^\o,  anzichè 
h  mitnc;p^  cfr,  «  avis  stnitius  ». 

Lo  spoglio  è  fatto  assai  bene,  coni'  era  da  attendere,  e  le  osscrvazioni  che 
seguono,  non  vogHono  certo  provar  nulla  in  contrario* 

j.  Per  fl/iV^TtJ  vedi  ora5/,  itaL  di  filoL  class.  1  395  n. 

4.  Pel  dittongo  dell*  ô,  son  cîtati  buoi  hiOt  due  esemp!  di  plurale,  ma 
andava  ricordato  anche  il  sîngolare  hS,  p.  70,  10.   n.  12,  per  dedurne  chc 


T.  Cbe  îo  cîtcr6  :    Wmdrîntr    Ruij^,  E  cosi   d'ora  iuiian^î   indtcherù   con  Best,   il 

•  Bcsttaduf  • ,  coti  Br.  la  «  Navigatio  • ,  cou  Vg*  T  ■  Uguçon  ■  dcl  Tobler  ;  con 
Mm.  i  •  Monumcnti  antichi  <ii  diàlctU  îulUnî  •  dcl  Mu554f)J  ;  ron  Es,  gU  n  Escmpî  » 
ddl*  Uîricht  Rffttutttia  Xllî,  27  sg-,  cou  Calmû  rcJizionc,  chc  dclle  sue  Itf itère  ha.  fatto 
Villorio  Rossi  (c  la  dfr*  romana  si  rifcrisce  alla  pagina,  Tarablca  al  paragiafo  dcllo  spo- 
glio);  infinc  coo  ri  m,  pmt.  le  Rime  di  Magagnù  Mtftûfi  e  BfgcttotH  lingua  rustica  padiH 
vûna^  Vcucfia  16^9,  divise  in  quattro  parti. 

1,  Non  intcndo  nemmciiu  perche  non  sicno  introdotte  nel  testo  correzionî  evidenti, 
corne  ma  pcr  no^  p.  14,  l,  6,  m  pcr  fa  15,  7»  aistiUute  pcr  castitude  37,  18,  le  quali 
invcce  si  mandano  in  nota;  aè  come  aJtre  non  sîeno  indicate  neppur  aelle  noie,  nieatrc 
vi  si  pfoponc,  sia  pur  dubitauvamente^  Pcmcrulazionc  di  auto^  chc  è  csatto,  in  avuto, 
51,  2,  Qisi  ;  pcr  rason  \de  com\seiiiii  14,  15;  aftrteguirse  i$»  21  ;  bm  pcr  bvn  17, 
>;  ttmor  mente  pcr  vuior  nient*  17,  1^  ;  /  pi»  (tm^tti  26,  18,  roeno  sicuro;  afrliando^T 
fiiiamio  51.  31,  il  quale  suggcriscc  pure  fratuti  U  entent  per  te  a  tuti  li  om,  31,  24; 
atio  per  ri<i;;i\  m  per  non  33,  6,  corrczioni  cbe,  a  dir  vcro»  risuhano  dai  pssi  paralleb. 
Ma  pcrcbè,  in  qucst*  ultimo  luogo,  la  virgola  ddia  Unca  ç,  dopo  moUi}  Forsc  :  moUt 
pfrwne;  o  persorn  sta  per  pensano}  înoUrc  î  cbe  [V]  litpo  Jj,  15  ;  chi  îi  [nmt]  am  j6, 
I  ;  chc  [cbi]  a  Dio  si  vol  simiarc  et  jé,  4  :  qucsto  et  è  plcouastico;  a  îloro  per  al  lorù 
}6,  14  î  lo  st[r]  fritte  te  per  lo  se  pentise  40,  î8,  chc  risulu  dal  passo  parallelo  ;  olimen- 
tùsi  pcr  aîfmentosi  41,  11;  forse  *  è  bêla  entra  bîanca  \e]  machiata  »  (entra  =  fra)  pcr 
«  fhe  W  âtntrQ  b.  m.  •41,  1  Ç  ;  •  i  sono  asomîati  aV  oro  et  Foro  si  se  ajenise  al  foco  •  per 

•  i  lUûm  asoniiati  a  tara  et  toro  ti  sea  fenise  al  foco  »  42,  1-2  ;  de  Tomo  ohiigare  (de  ^= 
dcve)  41»  14,  oppure  te  (=  tient),.,  ohtigate}  11  se  chc  précède  par  si  deva  sopprimere, 
aggiungendo  un  t  liavanti  a  sempre,  1.  17.  —  de  F  pcr  de  lui  45,  9  ;  (dtaâe  par  npcti- 
sione  crronca  di  galtdde  47,  7;  mi  [devemo]  ^1,  20  ;  in  to  aiulo  $1,  21, 


302  COMPTES   RENDUS 

Va  lînale  non  si  dittongô  mai.  Cfir.  qui  al  nuîn/44,  e  hasalkà  rim.  pad.  I 

59,  ecc;  inoltre  il  dialetto  moderno,  h{K 

5.  Rilevo  ligano,  che  ricorre  anche  in  Br.,  p.  51,  liga  %<ï,  e  col  quale 
s^accompagnano  il  ligure  %«,  I*algher.  îjk  Arch,  gh!(ol.  i7.,  DC  535,  ecc,  — 
Davanti  a  nasale  complicata,  si  trova  longo  quaîonqut  ace.  a  «««ai,  dondt  ace, 
ad  unde.  Se  quesf  ultimo  non  è,  e  non  credo  che  sîa,  un  Jatinismo,  puô 
trarsene  lucc  suUa  patria  del  rifacitorc  toscano  :  anzi  lo  stesso  nunca  puô  servirc 
a  questo  scopo.  Cfr.  qui  al  num.  24  a. 

6,  Che  in  ;\tar  ïi  deva  spîegarsî  coU'  influsso  «  àts  sidi  auHôsenden  c  », 
come  il  W.  vuole»  scgnendo  il  Tobler,  nii  sembra  perlomeno  dubbîo, 
quando  i  testi  venedani ,  ad  eccezione  dei  veronesî ,  ci  dànno  per  et  solo  il 
riflesso  /.  Anche  neir  odierno  genovese  abbiamo  ii7J,  ma  al  dritura  del  Best, 
risponde  invece  ddrcUûa.  La  cosa  è  più  verosimile  per  ni  nec^  quantunque  si 
possa  supporre  che  sb  sorto  primnmente  davand  a  vocale.  Ma  forse  Tuna  ipo- 
lesi  non  esclude  i'altra  e  piuttosto  si  completano  a  vicenda.  Ad  ogni  modo, 
certo  non  accetteremo  qui  insir  insire  ^  num.  11,  perché  a  vederci  TinSusso 
del  c  è  necessarîa  una  troppo  forte  dose  di  buona  volonti* 

lî.  Per  Vi  di  vignir,  ecc,  è  da  considerar  anche,  corne  fece  il  Novati,  la 
consonanie  attigua;  e  cosi  per  Va  â\  splandore,  che  è  esempio  comune,  e  di 
tantar  {su  cui  è  poi  rifatto  tantà)y  nonchè  del  notissimo  niaritdt.  Che  in 
mptta  sia  un  e  latino  passato  in  «,  non  mi  sembra  sicuro.  Per  itrore,  cfr.  St. 
iiai,  di  fîîoL  class.  1  400  n.  ;  ma  aperiien  come  mai  c  attribuito  a  dîssimila- 
£ione  ? 

I  ) .  In  apariado  avremmo,  seconde  la  spiegazione  comune,  tm  -cU  trattato 
in  modo  affatto  irregolare;  ora,  o  convien  riguardarlo  come  vocabolo  impor- 
taco,  0  piuttosto  ricorrere  ad  una  base  un  po'  di  versa,  ^ad-pariliare,  cfr.  l'ital. 
pariglia^  che  è  per6  dubbio. 

16.  Che  nmn^ar  ci  presenti  il  riflesso  regolare  di  -dic-^  non  dovrebbe  più 
dîrsi. 

17.  Per  digoklo,  ant.  genov.  degdar^  credo  che  le  due  tpotesi  ênora 
espressc,  sccondo  cui  verrebbe  o  da  «  collo  »  o  da  «  gola  *,  sîeno  da  unire 
insierae  ;  che  cioè  esso  risponda  veramente  ail'  ital.  dicoUare^  come  mostra  la 
vocale  del  genov.  od.  deg^ht,  ma  che  il  c\  il  qua!e  dovrebbe  cooservarsi  întatto, 
si  sia  modiHcato  sotto  Tinfiuenia  di  <t  gola  i>^ 

iZ*  maor^  ace.  a  maiot\  fu  cornu  ne  nell'  Alta  Italia,  e  la  caduta  dello  /  va 
attribuita  al  trovarsi  esso  in  silbba  protonîca  :  cfr.  matstro  saitta,  Qiianto  a 
tmior  si  poircbbe  crederlo  rifatto  su  un  antico  *  wâ^o,  che  va  unito  col  tosc. 
tftàggiû  ;  ed  anche  vuiggiore  cstge  la  stessa  spiegazîone. 

24  à,  Nclla  nota  di  p.  458,  si  spicgano  i  numerosi  tndel  indda  o  indellu  del 
nostfo  testo  coir  ipotesi  dcï  Meyer-Lûbke,  che  potie  un  anteriorc  *uttdet^ 
confusosi  poi,  dopo  îî  passaggio  di  -nd*  protonico  in  -nn-,  col  noio  innd^ 
Qjiesta  dichîaraaîonc  perè  non  tien  conto  délie  forme  intd  itttuî  e  simili,  cosl 
diffuse  anche  nella  Toscana  e  che  sono  certo  il  punto  di  partenza  ;  come  poî 
da  esse  si  venisse  a  itidel^  ecc,  ha  ben  mostraio  il  Bianchi,  cfr.  Rom,  XVIII, 


Siudi  dialeitali  vtmii  303 

321.  A  me  questo  mdd  importa  in  specid  modo^  perché,  non  potendosi 
attribuire  al  copista  vcneto,  convicn  riferirlo  al  rifacitore  toscano*  che  per- 
de dovevd  appartenere  alla  regione  pisano-lucchese-pistoiese.  Alla  stcssa 
conclusîonc  conânctunde^  pisano,  gîà  ricordaio  al  nuni.  5. 

24  d,  Che  inirabi  sia  esatto ,  cioà  clie  il  ti  sia  caduto  per  dissîmUazîone  » 
[non  oscrei  afFermare  con  sicurezza;  ma  bensi  riguarderei  sicuramenie  corne 
errori  artdonca  congiUiiione  inpcnâirc.  Manca  îaHpidandoh\  p,  52,  22,  chc 
invece  potrebbe  attrîbuirsi  ad  etiraologia  popolare,  Accanto  ad  onjeso^  ecc,  si 
puô  mtxi^t^  cnfrissi  rim.  pad.  I  76,  anfiare  II  59  «  affidare  »,  chesarebbero 
del  diaJetto  rustico  padovano-vicentino. 

24  t.  Corne  son  citati  gli  esempî  di  metatesi  di  r,  potevasi  ricordare  rcvt* 
îan^  61,  8»  per  «  rikvare  ». 

j8.  È  da  soppriraere  verde  ratrte,  64,  21,  chc  non  è  un  singolare,  ma  il 
plurale  dî  rama,  lig.  ràma  râmf^  toscane  ratna  rame, 

41.  Suir  origine  di  m  w  noi  »,  îl  W.  par  si  tenga  in  tulto  al  d*Ovidio  •  ma 
sarebbe  da  ricordare  ciè  chc  è  detto  in  contrario,  Rmn.  XVIII,  p.  618  n. 
Vedi  qui  sotto  la  recensione  del  Brandano,  nura.  11. 

44.  I  riBessi  del  possessive  maschile  si  confondono  qui,  come  în  génère 
nei  testî  veneti,  con  quelli  del  femmitiile;  quelli  del  singolare  estendono  la 
loro  influenza  anche  su!  plurale,  Kel  <<  Bestiarius  »  poi  abbîamo  pure  la 
confuslonc  dclle  forme  toscane  con  le  vcnete.  Ma  mi  sembra  da  insistere  su 
ciô,  ché,  sccondo  l'analogia  dcgli  aJtri  dialetti  deil*  Alla  Italia,  i  rîflcssi  ori- 
ginari  dovettcro  avère  per  base  :  /('  t[n,  tm  h^t;  sç  sçd,  s^  s^;  donde  rcgo- 
larmente  iç(stnzÀ  dittongo  perché  Vdt  finale,  cfr.  num.  4)  tuoi,  iça  tge^  ecc; 
i*Itemaxione  che  è  ancora  avvertibile  nei  testi  più  antichi.  Le  forme  femmi- 
nili  SHoa  suoc  sono  rifatte  sul  plurale  maschile,  e  non  intendo  perché  dopo 
5UQ€  il  W.  abbia  posto  un  punto  interrogaiivo ,  quando  lo  si  trova  nella 
«  Cronica  deli  imperadori  ».  De!  resto  potrebbe  anch*  esscrc  toscano,  come 
sarà  certo  sui^  che  è  stato  segnato  esso  pure  con  un  interrogaiivo. 

52.  Tra  gli  imperfetii  congiuntivi  é  çXxslXo  posemo^  menire  pel  senso  è  un 
Lcondizionale  :  «  che  si  non  fose  la  miscricordia  de  Dio,  mai  non  si  pûsetno 
Prevelarc,  »  61,  10,  cioè  :  <t  mai  non  potreramo  rilevarci  »  ;  come  é  condirio- 
nale  sasottOt  che  ricorre  due  volte  :  «  se  lo  nostro  signore  Jesu  Cristo  non  li 
aluminase  (cioè  ;  i  nostri  occhi)  delà  sanu  grazia,  si  sasemo  zîeghi  de  veraze 
lume,  jï  44,  25,  c  «  mai  non  se  dovcmo  aconpagnar  con  alguno  chc  sta 
mazore  de  noi  o  più  forte  ;  chè  per  aventura  pieravc  la  sua  pane  e  la  nostra, 
Cl  sascmo  fadigadi  insieme  ^  j>,  71,  15.  Anche  il  Novati  dta  forme  simili, 
num,  53,  poserfiOi  pose^  vosemo,  ma  giudicandone  rettamenie,  quaniunque  le 
trovi  incspliabiïi  rispetto  alla  loro  forma,  Eppurc  non  si  potrebbe  dire  che  si 
traiti  di  forme  ignote.  Infatti  il  Rossi,  Calmo  num.  61,  ne  raccoglie  un  buon 
numéro  di  affaito  simili,  e  per  la   i*  persona^  muUssèno  podcssémo  vosséfm 


t.  Qpcsto  intiefm  par  dâ  correggere  ia  quakhe  «werbio,  cbe  significhi  i  invano  ii 


304  COMPTES   RENDUS 

tossémo  sassémo  danéinùy  e  per  k  2*,  stracassé  pùsU  fossé  sassé  skusé  tm»; 
aggiutigendo  pot,  a  pag.  clvl  n.,  che  tali  forme  vivono  tuttora  a  Chioggia  e  a 
Burano.  Numerosisslmî  escmpl  dl  tal  uso  ci  oâfrono  pot  aache  le  rîm.  pad.  : 
</ïj^^' direste  I  96^  98»  102,  105,  II  81,  ecc*,  ÏMssi  avrcsle  I  107,  Il  %6, 
possé  potreîie  II  50,  sessi  sarestc  II  50,  ^6^  f aisé  farestc  III  49,  ecc.  Si  rioti 
il  costrutto  :  «i  s'zposs/  verme  in  sen.,.  A  vessé  »  «  se  potesle.,*  vcdresie  *  E 
59.  Pcr  la  I*  pcrs,,  aggiuogo  ia  tvicsse  se  vorrci  II  65,  e  p€r  la  2*  sg.,  irssi 
III  19,  che  parc  v;ilga  «  sirei  ».  Con  desinenza  in  *amo  :  sessdm  saremmo  II 
8,  Ixitussatm  ib,  dtstamo  dovreramo  III  51,  ecc. 

Congiunzionî.  Sembra  strano  ilih  poichè,  sîcdiè,  dl  cul  slianno  un  doque 
esempif  e  che  tuttavia  lascia  dci  dubbî* 

Âvverbî.  Mancherebbe  il  note  ge  delP  Atta  lulia.  Ma  10  credo  si  dcva  rîco- 
noscere  nd  cU  di  pag.  61,  20  :  «  no-tide  sono  se  non  inn  una  parte  de 
oriente,  che  non  che  piove  mai  da  nisun  tenpo  »,  ove  sî  dovrà  quindi  leggere 
gh,  second©  ciô  che  del  f,  adoprato  per  ^^^  ne!  manoscritto,  s*è  detto  piQ 
sopra. 

Lessico  :  aprii  aspide  è  certo  un  errore;  —  arsair  è  anche  in  Br.,  e  pel  suo 
ar-  ricorda  Tital.  argine  ;  —  hausia  è,  non  so  corne,  cascato  fra  gli  csempî  di 
huso\  -^duma^  insieme  col  duniar  del  Calmo,  par  induca  a  conreggere  il 
dmiava  deïli  Cronica  deli  Imperadori  in  duntaiia;  —  pied/ghe  va  realmenie, 
per  la  forma,  coll'  ant.  gen*  peiga,  ma  non  pel  senso,  e  per  questo  gli 
COrrispondeva  pcam  (1,  pcaittu),  E  corne  si  sptega  il  c  dclY  od.  venez. peia  ?  Cfr. 
pecche  Es,  705,  pecJfc  rim.  pad,  III  19.  Forse  si  ebbero  due  forme  :  'pêdica 
întatto,  e  'ped'ca;  cfr.  l'ant.  ital.  dotta  dubita,  l'ant.  genov.  eréUa  per 
*  Cftd'tûy  ecc.  —  L*etimolûgia  di  iapo^a  è  se  nia  dubbio  *  sub-puteare,  cfr.  lo 
sp,  saput^ar  e  l'od,  gcnov.  apusd\  Che  il  vocabolo  nclla  sua  înierezza  non 
fosse  estraneo  al  genovese  stessOj  poircbbe  far  credere  il  n.  pr.  Zaputins  Zaptqp^ 
che  trovo  in  carte  del  r  190.  —  Infine  riguardo  a  ^igognaiti  cicognini,  potremo 
os&crvare  che  il  suff,  -atto  (pîtittosto  esicso  ncU*  italiano,  per  diminulivi  di 
nomi  d*aniraali,  arbiatto  kpratto  uoiattù-h)^  ebbc  nelF  antico  veneto  uiu 
larga  diffusione,  a  scapîto  di  -itto,  fiasterà  ch*  io  citi  quakhe  esempio  detle 
rim.  pad.  :  putiato  l  70,  pu  i  ta  ta  85,  hoscattû  92,  94,  fautunato  99  e  100, 
russigtmtîi  II  5»  veiatto  niadia  8,  loucnatto  63,  borsatto  80,  caJandratto  IV 
29,  ecc.  Anche  negli  Es,  lovatino  22,  povtraîo  75  j.  —  Eran  forse  da  ricordar 
pure  pigoio  52,  9  picchîo,  od,  genov.  pigunsu,  e  stôrnidi  36,  14,  che  è  da 
unire  collo  storno  del  Calmo,  e  ritorna  in  rim.  pad.  :  insiornire  stordirc  III  6, 
ittstornîa  siordiia  IV  105. 


11  prof.  Novati,  pubblicando  un  tcsto  veneto  délia  leggenda  di  S.  Brendano, 
air  imroduzione  Ictieraria  {V1I'XX\^,  sopratutto  importante  per  le  redaôon 
italiane,  ha  accompagnato  uno  spoglio  linguistico  accuratissimo  (XXVI-LVI  ; 
Lessico  103-108);  co&l  da  lasciar  in  tutti  il  desiderio  dî  veder  presto  altre 
prove  délia  sua  attività  su  questo  campo,  La  costituzîone  del  testo  (1-92) 
presemava  diffîcoltA  meno  gravi,  che  pel   k  Bestiai  ius  »  ;  ma  neppur  qui 


Studt  diakitali  veneti  305 

l*impresa  era  agevole,  e  convien  dire  che  il  N.  ha  saputo  sodisfare  le  più 
severe  esigenze.  Tuttavia  non  riusciranno  forse  inutili  alcune  correzioni  ed 
aggiunie,  che  qui  suggerisco,  ciundo  pel  testo  le  pagine  dell*  edizionc,  e  per 
lo  spoglio  i  paragrafî. 

Nel  testo,  rileverô  solo  ciô  che  ha  importanza  lessicale  o  fonetica.  A 
pag.  33  :  «  e  abiando  reie  udé  queste  cose  »  va  letto  «  e  abiando  revende 
queste  cose  » ,  cosicchè  sparisce  Firregolare  re^e ,  che  era  inteso  come 
«  orecchie  »,  e  il  non  meno  strano  tidé\  cfr.  qui  al  num.  5).  —  A  p.  31 
«  uestili  tuty  de  hlammere  blanche  »  ci  dà  un  blammere,  afFatto  ignoto,  col 
senso  di  «  veste  »  ;  ma  forse  è  da  correggere  çamare  o  :^amarey  e  l'erroneo  bl- 
iniziale  si  spiegherà ,  supponendo  che  il  copista  avesse  già  in  mente  blanche. 
—  A  p.  42,  anbandona  ricorda  i  casi  più  sopra  veduti,  onfeso  onfrissi  e  simili  ; 
si  puô  aggiungere  Tod.  ferrar.  imbin^ion  ambizione,  benchè  di  génère  un  po* 
diverso.  —  A  p.  44,  tofania  epifania,  par  un  errore,  avendo  altrove  come 
corrispondenti  i  legittimi  pifania  pefania  befania  ;  il  /-  sarebbe  un*  incosciente 
ripetizione  del  /  di  otatuiy  che  précède  :  «  fîna  Votaua  delà  tofania.  »  —  A 
p.  49  and*  e  è  giustamente  corretto  ond*  e  ;  pure  non  sarà  inutile  ricordare  che 
la  forma  dande  per  dotide  è  di  parecchi  dialetti  liguri  ».  —  Un  discorso  un  po* 
più  lungo  mérita  Tesclamazione  anoia,  che  ricorre  tre  volte  :  «  anoia  mi,  che 
mai  nasi  in  lo  misero  mondo  1  »  p.  5 1  ;  «  o  fiolo,  anoia  ti,  dolente  ;  perche 
nasiestu?  »  p.  52;  «  anoia  mi,  dolente  I  »  p.  62.  Nei  due  ultimi  casi,  il 
manoscritto  porta  anoia,  cosicchè  la  ragione  paleografica,  con  due  esempî 
contro  uno,  consiglierebbe  questa  seconda  lettura;  ne  d'altra  parte  si  potrebbe 
addurre  in  contrario  Tintrinseca  verosimiglianza  délia  forma  anoia,  giacchè,  se 
si  voglia  partire  dal  verbo  annoiare,  s*attenderebbe  piuttosto  anoiame  anoiate^ 
anzichè  anoia  mi,  ecc.  ;  e  dividendo  anoi  a  mi,  anoi  a  H,  ci  metteremmo  in 
un  gineprajo  di  non  facile  uscita.  D'altra  parte  la  forma  auoia  ha  per  se 
Tappoggio  d*un  riscontro ,  che  mi  sembra  levi  ogni  dubbio.  L'amico  Vittorio 
Rossi  ha  riprodotto  per  nozze,  da  una  stampa  veneziana  délia  fine  del 
sec.  XV  o  del  principio  del  XVI,  otto  graziosi  sonetti,  scritti  nel  dialetto 
délia  città,  e  nel  quarto  di  questi  si  leggono  le  seguenti  parole,  dette  dalla 
sdegnata  padrona  alla  donna  di  servizio,  che  non  ha  fatto  benc  la  spesa  : 

Ti  non  ha  tolto  ravancllo,  sora  I 
Déserta  1  o  vota  ti  l  * 

Appunto  in  questo  voia  ti ,  che  ha  il  significato  évidente  di  «  guai  a  te  » , 
credo  sia  da  riconoscere  Tesclamazione ,  di  cui  stiamo  ragionando  ;  e  certo , 


1.  Si  vedano,  per  ora,  le  tre  novellette  di  Costa  Pianella,  pubblicate  da  P.  E.  Guar- 
nerio,  per  nozze  Salvioni-Taveggia  (Genova,  1892)  :  es.  «  l'è  andâ  aa  funtana,  dande 
u  patrùn  u  Teiva  mûsu  a  fante  »,  p.  8  :  «  è  andata  alla  fonuna,  dove  il  padrone  aveva 
messo  la  fantesca.  » 

2.  Per  nozze  Salvioni-Taveggia ,  Livorno  1892.  Il  Rossi  vorrebbero  leggere  hoia,  ma 
non  è  necessario. 

Rtmania,  XXU,  20 


}0é  COMPTES   RENDUS 

fielU  picna  convenienza  di  senso  e  di  forma^  non  si  potrebbe  nemtneao 
rilévare,  corne  uiu  diSBcoitâ,  la  mancanza  déiï  a  inizialc.  Qsiaoto  ail'  origine 
del  vocabolo,  ncm  parrâ  forse  troppo  ardito  ch'  io  voglia  unirto  appuûto  coq 
guûi^  cioè,  nd  veocto,  regolarmeate  *rai,  e  <)uîadi,  per  rinBusso  del  v,  vcso 
possîbilc  dalla  posizionc  prodiûca  (•wît-a-/f),  voi.  Nel  «  Brendano  »  stesso 
abbiamo  due  volte  vosirU^  a  p*  21,  pcrvaskti.  Va  iniziaîc  non  dovrebb*  csser 
altro  che  resclamazioae  a^/,  coi  risponde  beœ  Vo  del  dtato  sonetto.  —  Un 
ultima  osserva^ione  al  testo  :  sftûrt^ada^  p.  61,  staii  probabilmeote  per 
sforegadar.  E  passo  allô  spoglio. 

4.  11  soUto  luova  jûvat  dei  test!  veoeti,  potrebbe  spiegarsi  in  due  modl  ; 
o  corne  una  posterior e  estrazione  da  lovar  ;  o  oome  un  esempto  da  unire  con 
•gvum,  per  Qvum.  Un  di  mttuego  t  ben  chiarito  dal  Sal^-îoni,  Gicrn,  stor,  J, 
ktUr.  it,,  XV  260,  Dum.  4.  Notevoli  drrta  diritta,  drfié  drujate,  coi  quali  i 
tcsd  veneti  sogUon  rîspondcre  ail*  italiano  e  comune  dirittô,  occ.  ;  ma  sarà  un 
crrore  d^st  per  «  dbse  »,  p.  67. 

5.  OItre  a  gostOi  chc  conserva  il  lat.  class.  gûstus,  m^Uo  cbe  TiUl. 
gustû,  il  geoov.  gùstUj  tcc,,  lilevo  dalla  nota  Tesempio  (di  jïlurale?)  cuftufi» 
affatto  isolato,  clie  ha  accanto  canoti.  Cfr.  qui,  p.  310. 

6^  Vi  di  intrOf  ecc,  sarà  dovuto  alla  prodisîa»  corne  nella  preposi^ione  tu; 
ma  rinianc  pur  sempre  curiosa  questa  tendenza ,  che  riscoDtriamo  nei  testî 
dialetuli  dell^  Alta  Italia^  ad  escludere  via  via  IV  di  sîUaba  înîxiale 
davanti  a  nasale ,  sostituendovî  i.  Si  direbbe  che  Vi  si  sviluppossc  dapprima 
davanti  a  nasale  compUcata,  e  poî  s*estendesse  alla  prepos*  m,  e  ai  pochi  casi 
dove  m-  era  o  poreva  preftsso.  —  Accennerô  aoche  a  sinph,  chc  par  formato 
su!  plurale,  corne  muntgo, 

8.  Non  rai  riesce  chiara  Taffermazione,  che  t  di  plurale  rcsti  dopo  i,  r,  n, 
Inoltre  si  donianda  :  la  caduta  di  ï  dopo  le  prime  di  queste  consonanti,  è  un 
fatto  fonetico?  E  la  donianda  non  vale  solo  pel  veneto;  ma  per  ora  mi  con- 
tentera d'averla  indicata»  rimandando  intanto  alla  spiegazione,  cbe  non  mî 
pare  in  tutto  esatta,  del  Salvioiii,  Krit,  Jabresb.  ûh.  d,  Fortschr.  d.  roman. 
Phil,  I,   122. 

In  questo  numéro  si  puô  anche  rilévare,  che  -ai  riesce  ad  -t,  negli  es»  nu 
magis,  as&  assai,  nella  seconda  plurale  delk  prima  coniugazione,  ecc.; 
raentrc  i  participa  plurali  maschili,  in  -ati^  si  fermano  ad  -à[i\.  Nel  nostro 
testo  non  ne  abbiamo  perô  chc  un  solo  eserapio  :  attend ,  p.  22 .  U  fatio  si 
potrebbe  spiegare  coU'  influenza  del  singolare  c  del  fcmmimle,  che  raanten- 
nero  più  foriemente  accemato  e  distinto  Va  ;  dopo  questa  Vi  doveva  sparirc. 


I.  Aggiungo  iincora  qualchc  Ucvc  appunto  al  testo  :  p.  8j  \tiUur$  t  forsc  da  tegger 
jjmturt\  p.  17,  dananti  ^  foit  mo^  l./oifmo;  p.  J4,  ionado  là  canpaneh,  1.  sonando  (cfr.  a 
p.  l8  andamii,  rclUmcnlc  corrctto  ia  andadt)  ;  p.  50,  dio  si  m*  a,  dado,  1.  «*  «,  o  tf*  a; 
p.  51,  tfeto^  L  itrttû^  c  cfr.  //rm^a  nella  îinca  chc  scguc  ;  p.  52,  tjueh  chatinclo,  forse 
ftti  h,  quantunque  per  il  senso  non  appaja  ncccisario;  c  c£r.  qut  perque  quoique  num. 
34  ^;  p.  60,  moiitagna...  alta  zercha  poiû  ccc,  ccc,  L  frra^o,  corne  a  p.  48?  O  bra^A 
t  Ja  aggiungerc  dopa  cc€  ?  ccc* 


Sttédi  diakuali  veruii  507 

ovc  non  SI  fosse  unito  con  cssa  in  dinongo,  perché  è  tendetiza  générale  del 
veneto  di  lasciar  cadere  le  vocali  d'usdia,  ove  altra  vocale  précéda  :  âmitis. 
cantata,  Idda  iodato»  fu  fui,  die  per  dki,  pao  per  puoi^  tutti  esempî  di  Br. 

I  ï .  Dai  casi  di  f  in  a  va  tolto  ak\e^  perché  forma  già  latina  '  ;  l'a  di  btsporo 
potrcbbe  ascriversi  alla  labiale  précédente,  ricordando  Vo  conservato  à\ 
àlboro  :  cfr.  agnoîo  40,  83,  ag^noly  12,  an^cîy  40,  Invece  è  scambio  di  prefisso  m 
sopelir  c  assimilaïionc  progressiva  in  otulstade, 

Fragli  esempî  di  m  per  ru,  mi  scmbra  dubbio  il  terzo,  p.  47  :  v  eli  no  briga 
tre  di,  »  che  ititenderei  :  v  non  si  afïaticarono  tre  giorni.  »  L'ultimo,  p,  81, 
valc  ci  ;  «  clo  fio  besogneria  dormir  »  ^  e  potrebbe  indurre  alla  pcrsuasione 
che  si  tfatli  d'un  antico  nt^s}^  utile  a  confermare  clà  che  dissî  altrove  intorno 
air  origine  del  ne  (^:  noi,  a  noi)  italiano*.  Che  Vo  poi  si  estcndesse  oltre  il 
suo  irabito  antico,  dopo  che  ne  nos  e  ne  înde  si  furono  confusi  insieme,  non 
pu6  fare  difficolià.  Qpanto  a  so  per  se,  dovette  sorgere  primamente  nella 
nota  unione  se  no^  per  assimilaxione  ;  e  col  m  è  accompagnato  Tunico  esem- 
pio  di  Br.  jo,  e  cosl  pure  uno  dei  due  esempî,  che  trovansî  in  Mon.,  A  lao. 

Casi  di  assimilazione  sono  mana^e  salva^e  balance,  ma  cfr.  Meyer-Lûbke, 
Gr,f  I,  <386;  si  aggiunga  daladorc  *doIatoriae,  p.  49,  rini.  pad.  daldura  I  78,  c 
con  altra  vocale ,  Umcnta^on ,  cfr.  lemento  Boerio ,  se  pcrô  non  si  tratta  deir 
ant.  ai  di  hinuniar  iaiimnto  Ug.,  ecc.  Invece,  di  ananii  dananti  è  da  giudicare 
in  modo  diverso  ;  si  ha  cioè  in  essi  il  rîsultato  délia  commistione  di  inanti 
dinantx  con  avanii  davanti. 

Infine,  lasciando  il  solilo  rt-  di  reluo^iQ  ndondo^  acccnncrô  a  caniit 
corrucciai,  p^erchè  è  esempîo  abbastanaa  esteso  :  inscore^è  Ruzzante  e  rim. 
pad,  m  58,  inskursôtj  gcnovese,  dove  la  caduta  délia  vocale  accenna  ad  e  (1) 
antcriore,  pîuttosto  che  ad  u, 

14.  Eran  da  distinguere  i  cas!  come  conseiCt  da  qucUi  come  fio,  E  ^ï  non 
è  un  esempio  di  -lli? 

14  a.  Il  r  di  arqimnti  proviene  da  uno  scambio  col  prefisso  or-,  cosl 
fréquente  nel  Veneto,  come  succedaneo  di  re-  ?  Cfr*  arsirao  Calmo.  Anche 
arianto  altrcttanio  rim.  pad,  IV  8,  artantf  tante  6;  e  îl  primo  di  questi  due 
esempî  potrebbe  suggerirc  una  spiegazione  divcrsa  ;  arlanlo  cioè  sarebbe  una 
vera  contrazionc  di  «  ahrettanto  »,  c  Var-  si  sarebbe  poi  esteso  agli  altri  casi. 

\%,  Noto  splttntada,  p.  34  ;  cfr,  ipîuma^  Arch.  ghtt,  U.,  I,  222  n.,del  basso 
engadino,  che  ha  ace.  skîmm,  ib,,  e  cfr  pur  ivi  le  p.  324,  J71,  446.  Il  Meyer- 
Lûbke  It,  Gr,  16  gîudica  in  un  modo  suo  proprio  Tital,  schiutna,  il  gen. 
uùrna,  ecc,  traendone  notevoîi  conseguenste.  Ma  poichè  il  cosl  diffaso 
spluma  si  spiega  facilmentecon  *spumk,  anche  *skîutna  potrà  risalire  a  *ikumïa. 


u  Cfr,  adkctus  CIL  VI  3149,  aUici{m\  3308  e  âltrove. 

2,  Il  Mus$afia,  Mon.  i^o,  rlmaada  1  due  luoghi,  ovc  dovrcbbe  trovorsl  no\  mi.  nel 
socondo,  G  134,  si  trova  Kritlo  n^.  Se  è  un  (;rror  di  sUmp  per  na,  va  ricordato,  perché 
bi  Talore  di  «  ci  », 


3o8  COMPTES  REXDUS 

sorto  pel  paraHelismo  del  vocabolo  précédente,  il  qaik  abbiam  visto  csseigli 

io  qualche  luogo  sopravissuto  accanto  '. 

i6.  Rilevo  proa ,  perché  dimostra  che  anche  pd  yuovcsc  si  tntta  d'un 
dissîmilato^oia. 

17,  19.  Il  f  di  gatMi  risale  al  latino  ;  mgola  è  nna  svisu  ;  in  aUâr  non  è 
esatto  dire  che  cadesse  il  i;  crqio  cre^ando^  eoc.,  sono  analogid. 

24.  n  dileguo  di  V  è  attesuto  solo  per  la  protonîca,  e  col  v  si  accordano  p 
c  b,  che  nella  postonica  caddero  assai  più  tardi.  Casi  corne  il  genov.  cmifi 
ven.  cav^,  ecc.,  sono  analogid,  cfr.  Fit.  capeUi, 

24  2,  U  qui  dî  perque  ë  semplicemente  grafico,  cfr.  rim.  pad.  qmH^i^ 
IV  7,  perque  II  6,  IV  6  e  spessissimo.  Anche  nelle  andche  «  Rime  genovesi  » 
vaguj  XL VIII  36  su  per  vagii.  Ma  cbela  pare  uiu  «  scrizione  a  rovescio  ». 

24  c-24  e.  Dissimilazione  in  nembre  25,  dr.  Tant.  îtal.  vembro;  in  covigmra 
si  ha  caduta  di  n ,  già  latina  ;  sague  setella  sono  errori  ;  per  r^iosOy  rimandato 
in  nota  corne  dubbio,  cfr.  rim.  pad.  regilion  IV  11,  44,  97. 

È  notevole  che  nel  manoscritto  si  trova  sempre  n  davanti  zp,  b^  a  ccrto 
esso  rende  la  pronunda  reale,  cfr.  qui  p.  314.  Si  possono  aggiungere  con  nb 
da  mm,  conbiado  p.  28,  gatibely  p.  45. 

38.  Tra  gli  -o  finali,  oltre/o2o  mantice,  menu  ricordo  rawerbio  quasio 
pp.  10,  30,  54,  ecc.  E  pel  génère  muuto  o  poco  comune»  era  forse  bene 
addurre  banbasio  pp.  14,  79,  vivo  tuttora,  laldo  20  e  loido  27,  ddo  rede  délia 
rcte  49,  Ji  paredy  10,  cfr.  parci  assiti  Caimo,  tre  pe^e  tre  pezzi  35,  If  «wi  gli 
acini  42.  Finalmente  ricordcrô  in  altra  porta  54,  che  pero  ë  probabile  sia  un 
errore. 

43.  Le  funzioni  di  «  ibi  »  sono  assume  da  «  inde  »,  come  altrove  c  unde  » 
prcnde  quelle  di  «  ubi  n.  Qui  si  potrebbe  collocare  quen:^e  «  non  voria  andar 
quen^e  ni  aprosimarse  »  p.  49,  che  ha  valore  di  «  quivi  »  ;  cfr.  rim.  pad. 
quence  v  hinc  »  III  19,  «  hue  »  28,  «  hic  »  43. 

51.  Dclla  i»  persona  singolare  del  perfetto  Ji  prima  con.,  si  dice, 
seguendo  il  Salvioni,  ApoU.  42,  che  esce  in  -ie.  Il  Salvioni  citava  aconfemia, 
dal  Calmo ,  andi  irovi ,  che  perô  non  fanno  gran  forza ,  corne  forme  analo- 
giche,  provenienii  dalle  altre  coniugazioni,  dove  1'-/  è  regolare  :  lasi  nasi  hati 
rendi,  anche  nel  a  Brendano  »,  senza  parlare  di  parti  ttioriy  ecc.  E  d*altra  parte, 
come  si  spiegherebbe  IV,  il  quale,  se  antico,  avrebbe  dovuto  cadere?  lo 
credo  si  tratti  di  -/V,  cioè  del  dittongo  dell*  ë,  estesosi  dsi'dic  diedi  (che  trovasi 
pure  in  Br.)  aile  altre  forme.  La  desinenza  -iè  xnve  tuttora  nel  ferraresc,  dove 
ha  invaso  anche  la  terza  persona.  —  E  aude  andô  ?  Si  dice  comunemeiîie 
che  è  rifatto  suUe  forme  parallèle  di  «  dare  »  «  stare  »  ;  ma  perché  in  tal  caso 
manca  il  dittongo?  Invero  die  dédit  si  ha  in  Br.,  ma  è  forma  meno  usata  ; 
e  de  ste  ande  si  dovranno  attribuirc  ail'  attrazione  dei  perfetti  di  2»  (3»)  con.. 


1.  .\nche  nel  dialctto  odierno  ,  spiuma  o  sbiutna,  ail.  a  siuma,  con  qualche  differcnza 
di  significato. 


Studi  dialeitali  veneti  309 

moue  cognosé  e  simili.  —  La  i»  plur.  andasento  cercasettio  andararao  cercammo 
coincide,  osserva  il  N.,  con  quella  dell'  imperfetto  congiuntivo  ;  par  quindi 
che  esso  propenda  a  riconoscervi ,  corne  già  il  Diez ,  il  risultato  dell*  attra- 
zione,  esercitata  da  questo  tempo  sul  perfetto.  Ed  a  ragione,  senza  dubbio, 
giacchè  la  supposizione  del  Mussafia,  che  si  tratti  d'un  fcnomeno  fonetico, 
cioè  dello  -5/1  di  2»  pers.  passato  in  -si,  manca  afïatto  di  prove;  quantunque 
il  Mussafia  sia  nel  vero,  movendo  dalla  2*  persona,  che  è,  anche  fuori  del 
Veneto ,  quella  che  ci  si  mostra  più  anticamente  trasformata  e  che  trae  poi 
seco  la  prima  plurale.  Mi  par  degno  di  nota ,  che  anche  in  dialetti  toscani 
apparisca  la  2»  pers.  del  perfetto  colla  desinenza  -si,  ad  es.  nel  montalese  :  tu 
andessi  andasti,  vu  andassi  andaste  '. 

5$.  Allato  a  fa  si  trowa  fase,  e  s'avrebbe  anche,  secondo  il  N.,  un  esempio 
di  stase,  Tuttavia  se  si  considéra  il  testo  «  e  [si  e]  do  figure  chusi  fate  Tuna 
chomo  Taltra,  e  stase  contra  doxo  »,  p.  73 ,  riesce  più  verosimile  s'abbia  da 
intendere  «  sta-ssi  »  «  stanno-si  ».  —  La  caduta  di  e  in  par,  val  vuoîy  è  fone- 
ticamente  regolare;  e  nel  veneto  e  fuori  sono  invece  analogiche  le  forme 
complète.  Ma  nel  Br.  mancano  i  noti  dis  plas  ca^,  che  sono  i  soli  casi  carat- 
teristici  ;  cfr.  gli  odierni  bus  vis  gris,  adoperati  in  proclisi. 

Nella  2»  plur.  indic.  abbîamo  :  ande  ste,  doue  pode,  che  son  forse  da  leggere 
andù'y  dût'{;  ma  vanno  soppressi  gli  es.  di  4*  con.  in  -e,  udé  inpléy  il  primo 
perche  ho  già  detto,  p.  305,  che  è  una  cattiva  lettura,  il  secondo  perché  deve 
intendersi  come  un  congiuntivo  :  «  io  ue  conscio  che  uuy  ittpîe  tuti  li  uostri 
uosiely  de  1*  aqua,  »  p.  21,  cfr.  vigne  veniate.  Per  converse,  il  N.  attribuisce 
la  desinenza  in  -i  alla  2»  plur.  congiuntivo  di  4*  con.,  sulla  fede  di  due 
esempî ,  conpii  servi  ;  ma  questi  sono  veramente  due  indicativi ,  o  meglio  un 
imperativo  e  un  indicative,  e  ci  dànno  la  desin.  -i  di  2»  plur.  di  4»,  che  devesi 
attendere  :  «  la  ue  conply  la  uostra  penetenzîa  »,  p.  88,  «  conpitevi  >>  ;  «  delo 
uostro  tornar  indriedo  ala  tera  uostra,  onde  seruy  a  dio...,  seralo  gran  conso- 
lazion  et  alo  corpo  e  al'  anema  »  ib.,  «  onde  scrvite  »  «  con  che  servite  »  (o 
forse  :  «  onde  servire?  »).  Va  quindi  modificato  anche  ciô  che  si  dice  al 
num.  $6  a,  per  Timperativo  di  4*,  il  quale  è  regolarissimo  :  archui,  ecc. 

IV.  Tra  le  preposizioni  aggiungerei  cercha,  ccrcha  :{iOy  p.  i  «  intorno  a  ciô  », 
anche  se  noto.  E  non  metterei  ad  un  tra  gli  avverbî  di  luogo  :  cfr.  il  genov. 
se  tehan  tûti  ad  tin  si  tengono  tutti  ad  uno,  cioè  «  concordi  ». 

Sintassi  :  è  forse  da  ricordare,  per  Tinterrogazione,  il  che  del  modo  seg.  : 
«  clje  uuy  ue  meraueie  delo  fuogo?  »  p.  16,  che  ricorda  il  toscane. 

Glessario.  aguia  aquila.  Anche  in  Rom.  XVIII,  $95  n.,  è  espressa  un'  ipo- 
tesi  simile  a  quella  del  Salvioni,  ma  non  si  puô  dire  che  l'clisione  dell'  i  di 
•aquilea  in  aguglia  sia  ancora  perfettamente  giustifîcata.  Che  s'avesscro  due 
forme  parallèle,  *aquilea  da  una  parte,  donde  Tant.  tosc.  aguiglia,  *aquuka 
dair  ahra,  da  un  *âquulay  fondato  sul  parallèle  *equula  equiîa}  Cfr.  St.  it.  di 


I.  Si  veda  il  Nerucci,  Saggio  di  uno  studio  sopra  i  parlari  vernacoU  délia  Toscana 
(Milano,  1865),  p.  33  sg. 


310  COMFTES   RENDUS 

fikH»  cUus,  I,  412.  —  br^ar  pare  prenda  il  senso  di  «  dorare  »  oeil*  es.  : 
«  hriga  tre  dt  questo  brusUr  »  p.    $i.  —  /ntiqo  Uveggio.   Ricordo  due 
ïuoghi ,  che  par  ci  conscrvino  un  modo  popolare  :  n  Taqua  cometua  a  hoir , 
(ùmo  une  laufio  plan  de  czmtafucgo^  »  p.  so;  «  Taqua  sooaua  hoir  a  muodù  dâi 
um  gran  îaue\o,  »  p,  50  sg.  Anche  nclle  ani*  Rime  gcnov*  :  «  e  passar  lo  gnnil 
peleaOf  |  H  hoit  coma  un  laue^Oj  »  Arch,  glottoL  it,  X,  129,  v,  5  c  6,  —  mon 
pu6  andare  col  pîcm,  genov*  muru  muso,  afr.  moum^  ma  questî  poi  noo 
avranno  che  fare  con  «  morsus  **,  Pcr  runione  di  moreh  con  f?iuru ,  dx.  il 
genov,  wttr//w  caniuccio  (di  pane)  —  pope^  tuttora  vivo,  è  noievolc  per  U 
dCGlinazione  conserva  ta.  —  striminti  ho  dalle  rim,  pad.  III  9. 

Forse  si  sarebbero  poniti  ricordarc  :  abUacMy  60 ,  «  do  spclonche  20e 
àbitdcholy  soto  tera,  »  cui  risponde  Tod.  genov»  bitdktûa   «  caseiu  ddla  j 
bussola  »,  ecc,  di  laûno  médiévale  ;  —  agudaua  49  arrotava,  ven.  od.  fwdr; 

—  hfsiia  44,   nel  senso  restrimvo  di  :  «  animale  terrestre,  ne  pesce  nèH 
uccello;  »  ^  chadin  41,  più  tardi  kain^  ov*  è  notevole  la  caduta  regolaredel 
t,  mentre  questo  permane  ncî  genov.  hUûcu  cantero  e  inoltre  non  si  muta 
In  d  neir  ital.  catino\  —  cotiuânaiimi  5,  forse  nel  scnso  di  «  soggiomo;  ■ 

—  fato  50,  con  scnso  indeterminato,  «  pcr  lo  fato  de  uno  mîcr;  »  — fita  73, 
che  non  credo  valga  «  piantata  »,  ma  betisi  piuttosto  «  massicda  »,  cfr.  Vital. 
fitU>\  —  li^ogo^  nel  la  frase  â  ïuago  a  fa  mestieri  »,  frcquentissîma  8,  ïl,  30, 
ecc,;  —  mati  81,  stanchi?  —  morheda  2,  t*  la  quai  isola  si  è  molto  morheda  e  ' 
delixiosâ  ;  »  —  ialda  47,  intera,  non  divisa,  cfr.  il  dantesco  saîdo  Inf,  XIV  jj  ; 

—  spa^ià  «  si  se  spa\i^  »  }2,  si  spaccid,  si  af&ett6  ;  —  sptst  p,  collo  stesso 
significato  di  spcnsarie^  prowîgîom;  —  spiero  $5,  che  sembra  avère  press*  a 
poco  il  vabre  dello  sp.  esperar  aspettare;  ecc.  » 

Per  alcune  caratieristiche,  il  Br.  s'accosta  ail*  «  Apollonio  »  :  per  -d  da 
-atii,  per  l'alternazione  -aït  -oU  e  simili  ;  pei  perfetti  in  -té,  Notevoli  anche  : 
ta  frequenza  dell'  a  protonico ,  per  la  quale  si  pu6  confronure  il  Wendriner 
Ruzz.  num.  26,  e  rim.  pad.  ;  sopirhia  IV  j,  68,  sùperhio  5,  sopierhh  12, 
stopirt  10,  55,  stopir  36,  giosHésia  lî,  22,  homam  69,  pon^ente  4$,  ecc;  i 
oondizionali,  uguali  ail'  imperfetto  congiuntivo,  num.  53,  cfr.  qui  Best,  num, 
52;  la  caduta  di  r  in  alcuni  infiniti,  troba  chaie  parti,  fenomeno  che  si 
riscontra  ncgli  odierni  dialetti  di  Burano  e  Mazorbo»  nonchè  nei  dialetci 
istriani  di  Pirano,  Rovigno  e  Dignano,  Arch,ghtt,  it*  I,  436  sg.  C  nota^  465, 
Calmo  CUV  sg.  c  wo^a;  inftne  Tisolato  canun^  con  V-cne  (od  -^î?)  In  -i«i 
cosi  fréquente  ncgli  «  Atti  di  Lido  Maggiore  »»  Ârch.  ghtt,  it,  I,  469. 

Il  lavoro  del  Dr  Luzzatto  fa  sentir  vivo  il  desideno ,  che  sia  presto  Hem- 
piuta  una  lacuna  degU  siudt  diaJettali  italiam,  con  uaa  buona  ed  estesa 


I .  A  p,  73  si  trova  un  ignoto  vocabolo,  ra^^iy  :  a  lauorado  lî  plu  beli  intai  âd  o*eîy 
cd  A  albary  e  ra^iy  et  a  bistJolc.  »  Che  vadi  unilo  col  mtku.  rôxol  rajù*  *  DUgliuolo  » 
iarmcnio  di  vite  »,  c  anche  ■  bottonc  di  rosi  »  nel  cremoaesc  (BiondeUi),  paim.  raiàl 
I  bQttoue  di  rosa  »  ?  Anche  nd  Calmo  :  rài^tlo  magliaolo. 


Studi  dialettali  veneti  311 

memoria  sulle  parlate  del  Veneto;  ma  certo  non  riempie  la  lacuna  esso 
stesso,  nemmeno  in  piccola  parte,  anzi  direi  che  non  aggiunge  quasi  nuUa 
a  quello  che  già  si  sapeva.  L*A.  s'è  infatti  limitato  ad  esporre  i  fenomeni  più 
cvidenti  e  più  noti  ;  mentre  io  credo  che  sia  stretto  dovere  di  chi  intraprenda 
le  studio  del  suo  dialetto  nativo ,  famé  risahare  le  più  minute  e  più  riposte 
particolarità  e  finezze,  poichè  queste  difficilmente  si  manifestano  air  occhio 
anche  del  più  sagace  e  paziente  dialettologo  forestière.  Neppure  il  metodo 
del  lavoro  è  in  tutto  sodisfacetite,  e  tradisce  qua  e  là  inesperienza  o  legge- 
rezza.  Il  Dr  Luzzatto  dovrebbc  affinare  e  completare  la  sua  coltura  lingui- 
slica,  e  poi  darci  esso,  nobile  rivincita,  quel  lavoro  sugli  odierni  linguaggi 
veneti,  che  qui  si  pu 6  dire  appena  appena  sbozzato. 

Seguono  alcune  osservazioni  ai  varî  numeri  délia  memoria. 

I .  Due  esempi  di  a  in  c  :  Baîdiss(ra  Baldassare ,  sqttfro  piccolo  cantiere , 
anticameme  squadro.  Il  primo ,  come  nome  proprio ,  non  ha  importanza  ;  il 
secondo  si  trova  già  nel  Calmo,  cfr.  Arch,  glott,  it.  I,  458,  e  proverrà  da 
*squario  *5qiiairo,  come  foriifr  da  *fornairo  (dove  -fr  =  ital.  -ajo,  come  -ter 
=  ital.  -derè).  A  questo  proposito,  si  desidererebbero  notizie  del  vezzo  popo- 
lesco  veneziano ,  per  cui  a,  davanti  r,  si  fa  a  :  faro  ferro,  tara  terra,  Piaro 
Piero.  Mi  si  dà,  per  converso,  come  sicuro,  anche  kii^a  chitarra. 

4.  É  notevole  Vê  in  iato,  che  dà  ç  :  davanti  a,  cr(a  creta;  davanti  0,  can(o 
Carpen^oK  È  fenomeno  difFuso,  almeno  per  la  sua  prima  parte,  cioè  per 
Tunione  -(a^  e  citerô  i  genovesi  craa  tnunaa  saa  «  seta  »  e  «  setola  »,  ecc. 
Anche  i  francesi  monnaie  taie  raie  claie  saie  credo  vadan  posti  qui,  e  il  loro  ai 
risalga  direttamente  ad  ê,  non  già  ad  «f ,  come  pone  il  Meyer-Lùbke,  Gr.  I, 
92  sg.  L'imperfetto  e  il  condizionale  in  -ais  conserverebbero  quindi  la 
vocale  délia  prima  singolare  originaria  ;  mentre  la  scrizione  arcaica  -ois  -oit 
proverrebbe  piuttosto  dalle  altre  persone,  ove  non  rappresenti  una  sfumatura 
dialettale,  rimasta  viva  soltanto  nella  grafia  :  cfr.  lamproie^  ecc.  Anche  croire 
S(ns,  già  pronunziati  craire  sais,  possono  aver  luce  dalla  mia  spiegazione  ;  non 
cosl  altri  casi,  ne*  quali  saranno  invece  da  riconoscere  capricci  dell*  uso  lettera- 
rio  e  incrociamenti  di  vario  génère. 

6.  E  brève  :  «  ora  dà  -t^-,  ora  iç,  »  Ma  si  vorrebbe  sapere  quali  sieno  i  casi 
di  if,  quali  quelli  di  i(.  Il  L.  cita,  con  }>,  solo  ti^Uy  che  certo  rappresenta  un*  intera 
série,  cfr.  vif»,  e  difse'y  ove  Vif  trovasi  davanti  s  :  io  aggiungerô  sifsa  caesa 
«  siepe  ».  Mi  si  forniscono  anche  lifvro  (il  L.  scrive  îièvoro  z=  li(voro)y  siçvoîo 
cefalo,  davanti  a  t/,  e  inoltre  siçloy  tra  i  e  /.  D'altra  parte,  quello  che  il  L. 
afferma,  non  pare  dovrebbe  intendersi  anche  pel  padovano,  il  quale  ha 
sempre  iç  :fifl,  siçra  cifra,  Pifro,  pifgora,  ecc,  oltre  ai  comuni  viçn  tifùy  di^e 


I,  Credo  perô  che  il  padovano  sia  ornai  sccso  a  crea^  cai^o,  ecc. 

a.  Per  Io  più  trascrivo  a  modo  mio  i  vocaboli  datimi  dall*  A.,  per  non  mettcrli  in 
apparente  contraste  con  quelli  che  aggiuogo.  11  i,  che  vale  s  dolce,  è  nel  veneto  assai  più 
affilato  che  nel  toscano  ;  c  cosi  il  5  duro. 


312  COMPTES  RENDUS 

${(hi  c  via  discorrendo,  —  È  note  il  fenomeno  delU  ritrazionc  ycu 

m  6u  di  parob,  c  il  L.  dt^  sic  seî;  e  perche  non  fie  pîede*? 

8*  Dovc  IV  non  dittonga,  dk  f  :  mcd^o,  cf(po  (cfr*  gîi  ital.  br(V^  c  ^i»«i), 
Aggiuogï  ;  pr(vt^  m^jo  m(go  spi'co,  ecc.^  che  soûo  anche  padovanî. 

îî.  L'esciupio  (rfna  andrebbe  aJ  nuiu»  14,  comc  caso  di  -INA  in  y«w, 

16.  In  campafti(l campanile,  vi  é  certo immistione  di  campandlo ;  cfr*  ilgesov* 
caripanif'tf  chc  ha  Tuno  e  Tahro  significato. 

n-22.  maiftio  è  csempiodi  -nj ;  asegw  è  da  •asîlleu,  con  raddoppiamemo 
dclla  consonante  c  il  conscguente  abbreviamcnto  délia  vocale,  secondo  il 
noio  fenomeno  iatino.  Qpi  poi  convicn  mettere  in  guardia  l'A.,  conlro  i 
vocaboli  dottî  o  semidotti,  de*  quali  non  ha  tin'  idea  molto  chiara. 

2  j .  Le  forme  vfrsor  twssora  son  venczbne^  e  quindi  passarono  al  padov&no  ; 
di  questo  sono  invecc  proprî  gli  arc.  venurofenura  *»  Aggiungerô  un  esempio 
di  w,  bencht  d*ahro  génère  :  prua^  ove  IV  potrebb*  essersî  chiuso  per  l'bto. 
O  è  d*origine  forcstiera,  come  TitaL  prua  ?  Certo  prça  non  è  meno  usaio, 

26  sgg.  Anche  qui,  rîguardo  ai  succedanci  dell*  ô,  non  si  potcva  far 
opéra  utile,  se  non  dando  una  stalistica  pîii  che  fosse  possibîle  compléta,  sia 
degli  uè  supcrstitîf  sîa  dcgli  p  ed  c^,  sia  degU  u)  (.  Il  padovano  intanto  par  che 
abbia  quasi  sempre  ç  t  s^îa  suola  vçîa  vol  pçî  hanarçl  fiùçlo  ^  cçr  cuotq  fçra 
fuori  stçra  siuoja  mçrû  muojo ,  nçt'û  pi(>t*i  ^  poco  (da  au)^  i(fo  /(fo^  ecc*;  ma 
converrebbe  studiarc  i  casî,  raolto  rari,  di  i>,  ^^w*?,  davami  w,  dove  lo  scem- 
piamento  del  ditiongo  dovrcbb'  cssere  molto  antico,  se  s'ha  da  fondarsi  stiï 
ranalogia  di  altri  dialctti^  l>[yra^  rçisn,  forse  împortato,  fi{Wé,  D'altro génère  sooo 
krti^o,  fett^'o,  ecc, ,  cfr,  sp(co.  Invece  dî  tiime  il  veneziano,  a  quanio  mi  s'af- 
ferma, dicc  »ptfe ,  e  cosi  sempre  davanti  a  v^  nçve  piçv€  çvo.  —  Osserverô 
infine  che,  invcce  di  ninsçh^  che  è  dato  dal  L.,  il  padovano  dicc  di  preferenza 
niip/  (che  è  dato  pur  dal  Boerio)  e  più  ancora  nisiol,  notcvole  cscmpio  di 
dissiniibzionc.  Pcr  rua^  con  u  sorto  nell*  iaio»  vedî  Meycr-Lùbke  It.  Gr.  56; 
per  muftfgiit  che  è  rifatto  su  mutiégo^  qui  p.  306;  higo  giuoco,  puô  esscr  riiatto 


i,  Quuta  ritrazionc  di  acceato  si  estende  atichc  verso  Riezzogiomo,  c  ad  cssa  devon&i 
foTie  in  buoiia  parte  gli  ta  lia,  rkordati  dal  Mcycr-Lùbkc,  h.  Gr.  26  sg.  Il  ferrarese 
ha  oggi  ï^  tt^,  ma  qucst'  apparcnza  di  buoaa  coiiscrvajgîcme  scmbra  da  coustdcrarsi  illu- 
soria,  itei  ca&i  o%'e  il  dittongo  riusciva  linak,  come  îa  /^if  hu^  buoi.  to  credo  sî  tratti  di 
antichi  pie  Inui,  passati  poi  in  fm  bûiU  c  aîfîne  ritornati  aile  primitive  scrabîanze,  pcr  la 
ftessa  letidcnza  che  muta  ora  a  Fcrrara  famia  via  spe^iaria  In/amîé  tiV  spijiariç.,  cd  ùa 
uva  in  iêé  \iù,  Certo  nella  t  Traducionc  dcl  Caos  ■  in  ottava  rima,  di  Pictro  Draghani, 
pnbblicata  ncl  1587,  sileggotio  !  cortia  coltcUi  (da  cùrti€[i}  coriU)  fama  fagiuoli,  bùa  buoi, 
Gli  anellî  iniormcdii,  secondo  apprendo  d.i  un  niio  ottimo  disccpolo^  sono  conservati  nci 
diaklti  liinilrofi  ;  a  Comacchio  sie  (c  dits  dieci),/<^jM/  /îiif  figliuoli,  ad  Argenta  c  a  Ccnto 
ih  piû  picde,  smia  •  soonai  u  c  «  suonô,  »  cfr,  qui  p.  jo8,  n.  $1  (raa  di\)^fatùiiftm. 

2,  Cfr.  tvrxrtr^rim.  pad,  t  85,  dalâurû  'dolatoria  78,  hura  borca  70,  ecc. 

5  Pcr  io  ai  uo  vudi  ora  un  articolo  del  Gartner,  Zeilschr.  /.  nmian  PltiL^  XVI,  174 
igg,  A  p,  80  si  tratta  dcl  suff.  -côlu,  e  mi  parc  si  dovcsse  tcncr  conto  dcU*  t  (0  «he  pré- 
cède air  ();  cU,  gU  itat.  armajuoiç  hurmjwh^  ccc. 


Studi  dialettali  veneti  313 

sulle  forme  arizotoniche,  e  cosi  iorst  scuria  sferza,  se  non  vi  si  vuol  riconoscere 
un  caso  sopravissuto  dî  m...  i. 

38  sg.  hrçnsa  brace,  non  sarà  da  *prunicia,  dove  Taccento  starebbe  sulP  i, 
ma  dsi  prûnicCf  lucch.  brûnice^  e  Vi  sarebbe  caduto  prima  che  il  c  passasse  in 
s  ;  più  tardi  sarebbe  avvenuto  uno  scambio  di  declinazione.  Se  si  dice  anche 
bronsa,  come  il  L.  afferma,  questo  ci  darebbe  una  forma  collatérale,  con  1 
caduto  assai  tardi,  cfr.  ptilese  puise.  È  da  toglier  ^wWa,  che  non  è  esempio  di  «, 
e  coa^  il  cui  0  non  risale  ad  an. 

4S.  Notevole  V{rser  aprire,  cfr.  covfner  coprire.  Sembra  si  sia  conservata, 
coir  aiuto  del  participio,  la  vocale  originariamente  accentata,  apério  coopério  \ 
c  il  5,  piuttosto  che  allô  /,  si  dovrà  ad  analogia  d'altri  verbi  ;  cfr.  Tital. 
tolgOy  ecc.  In  arpinate  :  arr(p^. 

54  sg.  In  hecaria  îihraria  nonè  e  origînario;  crorvar  croar  non  va  unito  con 
crepare  ma  con  *co-rotare  *crotare;  il  diffuso  0  atono  di  rognon  è 
per  assimilazione  ail*  0  tonico  ;  pevere  sesere  pajono  casi  di  e.,,  e;  forfe^  allato 
a  forfese,  è  un  esempio  di  nominativo;  per  faragine  non  è  da  dimenticar 
farrâgo;  colgarse  risale  a  collicare,  St.  ital.  di  filol.  class.  I,  428,  ecc. 

82  sg.  rçcio  e  agurar  stanno  molto  a  disagio  insieme  ;  cesura  è  un  derivato  di 
caesa,  ven.  siesa^  anche  se  nel  suo  signifîcato  v*  è  come  un  ricordo  di 
clausura. 

85  sg.  gâtolo  «  condotto  »  andrà  col  -gdttoîo  di  bugigattob.  Pel  g  di  gucia 
non  Y*  è  motivo  di  pensare  ail'  u  seguente. 

91.  seséndela  è  errore  per  sesendéla  cicindêla. 

92.  Secondo  il  L.,  -rc-  darebbe  -rs-  in  protonica,  -rs-  in  postonica;  ma 
sarà  da  dire  invece  che  dà  sempre  -rs-.  Infatti  marsir  prova  per  la  protonica 
cosl  poco,  come  siorser  per  la  postonica;  e  questo  sarà  rifatto  su  voUer 
acorser^  ecc.  In  sorso  sorcio ,  che  si  puô  aggiungere ,  è  da  vedere  un  conti- 
nuatore  di  sorice;  cfr.  Tant.  ital.  sorico. 

93.  -ce-  -Cl -darebbero,  secondo  il  L.,  -se  -si,  quando  précéda  vocal  palatina  : 
feîise  feîisiy  amisi  nemisi.  Sono  i  soli  eseropî  che  rechi  per  prova,  e,  come  si 
vede,  non  hanno  valore,  perché  d'origine  letteraria  ;  dello  stesso  génère  sono 
difisile,  atrise  traditrisey  Beatrise  Doralise y  ecc,  cui  stanno  di  fronte  i 
legittimi  cornise  pernise  radise  vernise ,  le  narise ,  la  Pendise ,  tu  disi  dise ,  ecc. 
Letterario  è  anche  lus^rna,  che  ha  accanto  luse. 

96  sg.  bombaxp  (1.  boAbdso)  puô  esser  *bombacio,  con  mutamento  di  decli- 
nazione. In  girlanda,  arc.  sirlandUy  è  influsso  di  siro  giro. 

99.  Che  sanca  provenga  da  stanca  non  sarà  facile  a  dimostrare,  cfr.  Kôrting 
8925  ;  e  non  parlo  di  sasçfiy  pel  quale  si  dà  la  vieta  etimologia  station  e. 
Noterô  di  passaggio,  che  vanno  accolti  con  beneficio  d'inventario  tutti  gli  :([- 
toscani ,  che  si  voglion  da  5/-,  de'  quali  ha  un  certo  numéro  il  Caix,  ne'  suoi 
«  Studi  etimologici  ». 

100-102.  Qui  è  di  nuovo  da  insistere  nell'  osservazione,  sull*  uso  che  l'A. 
fa  dei  vocaboli  non  indigeni.  Inoltre  regata  non  è  certo  da  *rigata,  ma  dal 


314  COMITE  REHDUS 

verbo  recaptare,  coaac  mostrô  il  !U)Qâ,  Zdtsibr.f  rûmoMphûd,  XI,  i6ç. 

Il  num.  lO)  è  inutile. 

105*106,  Gli  cscmpi  di  -ni-  in  -ni-  banoo  bcn  scarso  viïore.  D  L.  vnok 
inttIdA  indd  l  Cfr.  qui  p,  502.  Tanto  meoo  persuade  cartû  cardo. 

Î09,  Ê  da  ricordare  TosservaiioDC,  chc  ho  fatto  a  p.  joS,  sulla  cadnta  di^, 
^c  V»  più  o  meoo  mpida,  secondo  chc  sieno  prototûci  o  postooid» 

114,  ufwqfifiV  é  dal  présente  an^no. 

UJ.  Cbe  significa  «  i  tra  vocali  c  tntaito  •?  Andava  dctto  :  dîventa 
sofioro^  trarme  se  preceduio  da  au,  cosa  reposât^  c  traonc  che  nell*  awcrbio 
i^mi,  cfr,  l'itaJ.  cosi,  û  genov,  aài,  ccc.  Sembra  chc  le  due  parti*  di  cm 
l 'awcrbio  è  compoito,  rimanessero  a  lungo  divise, 

118  sg.  Si  iratta  di  v,  e  tra  !c  moite  cose  non  dette  bcne,  notera  solo  chc 
a!beu  con  h  risale  al  latino,  trovandosi  già  nelP  «  Appendîx  Probt  s. 

IJI-IJ2.  A  proposito  di  «,  si  doveva  rîlevate  che  davanti  a  consonante, 
ha  scmprc  il  suono  cosidetto  gutturale  o  velare,  come  in  fin  di  parola  :  vifn 
ti{n,  twito  grtnHât  smso.  È  comunc  caratteristica  dei  dialetti  dcll'  Alta  Italia. 

Inânc  credo  cbe  il  L.  avrebbe  fauo  cosa  utile,  dicendoci  qualcosa  dcUa 
quantîtà  dcUe  vocali  vencte ,  davanti  aile  varie  consonanti  e  In  spécial  modo 
davanii  aile  doppie  originarie.  Si  sud  dire  che  il  veneto  si  distingue  dagU  altri 
dialetti  îtaliani,  pcr  il  suo  abborrîmento  délie  doppie;  ma  a  guardar bene,  io 
credo  si  troverebbe  che  esso  rimane,  tranne  per  leggiere  particolarità ,  nelle 
stessissime  condizioni  dî  tutti  i  dialetti  deli'  Alta  Italia.  Questi  infatti  ^  in  un 
antico  période  deïla  loro  esistcnxa,  scempiarono  la  doppia  originaria.  pur 
conservando  brève  la  vocale  accentata  ;  e  il  risultato  più  notevole  fu  quindi  » 
che  la  sillaba  précédente,  di  chiusa  che  era,  divenne  aperu.  I  vocaboli  geno- 
vesi  vacca  gattu  Uttu  btigge  boUe  russu  friïse,  ecc,  vanno  adunquc  pronuti- 
xiali  vâ'Cagd'tu  U-iu  bù-^ern-sxi  fri-se;  ecost  dicasi  per  i  dialetti  del  Piemonte, 
dclla  Lombardia,  deir  Emilia,  délia  Lunigiana,  délie  Romagne.  Ora,  anche 
pcr  il  Veneto  è  scnza  dubbïo  da  porre  :  vd-ca  itri-to  spâ-co  tni-go  hrâ-so^  ccc.; 
e  solo  è  forse  da  concedcre,  che  la  vocale  brève  à^  vencti  è  împcroettibîl- 
mcnte  più  lunga.  Alquanto  più  lunga,  che  negîi  altri  casi,  mi  sembra  poi  in 
fato  fatto,  che  sta  quasi  di  mezzo  tra  il  fâto  italiano,  «  destino  »,  e  il  genov. 
fdiu  fatuuj  tf  dolce  di  sale  »  ;  di  che  il  motîvo  avrebbe  a  rie ercarsi  nclPa,  A 
conferma  di  ciè  ,  si  osservn  che  nel  veneto,  corne  nel  genovcsc  ed  in  altri 
dialetti,  le  vocali  son  brevi  davanti  al  m  sempHce  orig^nario ,  fù-tno  Rô-fna 
tri^ntô  U'tm;  ma  di  fronte  al  genov.  fd-m  hl-ma,  il  veneto  hn/a-me  la^nia, 
con  un  a  un  po'  raeno  lungo  che  in  italiano,  e  un  po'  più  lungo  forse  che  in 
fa-io,  Lasdo  agb  studios!  veneti  la  cura  di  verificare  le  mie  asscriioni,  dî 
compîctarlc  c  di  estcnderie. 

E.-G.  Farodi. 


PÉRIODIQUES 


I.  —  Zeitschrift  fur  romanischb Philologie,  XVI,  3-4.  —  P.  289,  Thur- 
neysen.  Die  Sullung  des  Verbutns  im  AUfran^ôsischen.  Ce  travail  très  intéressant 
soulève  des  questions  fort  compliquées  et  ne  pourrait  être  examiné  que 
dans  une  étude  spéciale.  Pour  en  contrôler  les  résultats,  il  faudrait  appliquer 
la  méthode  de  l'auteur  à  d'autres  textes  que  celui  dans  l'étude  duquel  il  s'est 
renfermé  (les  parties  en  prose  d^Aucassin  et  Nicolete),  —  P.  308,  Gartner, 
Die  Mundart  von  Erto  (fin).  —  P.  372,  Gorra,  //  diaUito  di  Parma;  courte 
esquisse  de  l'eut  du  dialecte  moderne,  comparé  à  celui  de  Plaisance.  — 
P.  380,  Marchot,  Ètymologies  dialectales  et  vieux-françaises,  i.  Fr.  aveindre, 
n'est  qu'une  autre  forme  d*avenir,  comme  l'avait  très  bien  vu  Littré,  et  n'a 
rien  à  faire  avec  abemere.  —  2.  Liégeois  cuat*  p(s\  lézard;  viendrait 
de  ^quattuorpedia,  mais  pedia  ne  peut  donner  ^5';  il  faut  supposer 
que,  par  une  confusion  semblable  à  celle  qui  a  fait  dire  ailleurs  quatre-pierres 
ou  catrf  fis\  on  a  substitué  p^  <pecias  au  représentant  de  pedes.  —  3. 
Liég.,  d^ày  «  allons!  voyons!  »  «  C'est  tout  simplement  le  latin  eamus, 
allons.  »  Rien  n'est  moins  probable,  eamus  éunt  inconnu  à  toutes  les 
langues  romanes;  il  y  a  là  quelque  forme  abrégée  d'un  mot  plus  ancien; 
d'ailleurs  il  n'est  pas  exact  que  a  amus  donne  régulièrement  à  »  ;  (voy .  dans  la 
Zeitschrift  même  plus  loin,  p.  $  11)  et  eamu  s  ne  pourrait  donner  que  itus  ou 
giens,  —  4.  Liég.  hêCrà^  m.,  cou;  M.  M.  combat  par  de  bonnes  raisons 
l'étym.  de  M.  Bugge  (Rom.y  IV,  359),  mais  il  n'en  propose  pas  d'autre.  — 
5.  liég.  in^saciy  in*sacu{y  ih'satvus  ou  in*sawiSf  sacuâ;  ce  n'est  pas  un  je  ne  sais 
qui  y  etc.,  mais  un  ne  saue^  qui,  etc.  —  6.  Liég.  mita,  milieu  et  moitié;  reje- 
tant medietaneum,  médium  tempus  et  médium  tantum, 
M.  M.  reconnaît  dans  mitan(t)  un  participe  medietantem;  ses  déduc» 
tions  sont  assez  séduisantes;  cependant  il  serait  singulier  qu'on  eût  fait  un 
tel  usage  du  participe  d'un  verbe  qui,  d'ailleurs,  n'existe  pas  (il  serait  moitier 
en  anc.  fr.),  et  cela  d'autant  plus  que  mitan  ou  mitant  n'apparaît  en  français 
qu'à  l'extrême  fin  du  xrvc  siècle  ;  en  outre,  le  dérivé  mitanier  se  présente  en 
même  temps,  au  lieu  que  mitantier,  cité  par  M.  M.,  est  bien  plus  récent.  — 
7.  Liég.  /vmf,  m.,  sorte  de  petite  enclume,  voy.  11.  —  8.  Liég.  pçt\  épi 
probablement  palmltem,  comme  palmella  a  donné  paumele  dans  un 
sens  analogue.  —  9.  Lièg.  tèP,  f.,  terrine  pour  le  lait,  en  terre  cuite;  ce 
serait  testula,   mais  testula  en  lat.  vuïg.   avait  passé  à  tescla  (it. 


51^  PÉRIODIQUES 

ieichmj:  n  cNt-ce  pas  plutôt  TaU,  TifgeJy  m.  h.  aU,  i^d?  —  lo.  Lieg.  %; 
joue  :=zfr.gijk;  M.  M,  appuie,  avec  quelques  mckJificatioQS,  fétyraologic  de 
M,  Bugge  (i?<JOT.,  m,  150),  ail.  AV/rr,  qui  n"es£,  toutefois,  pas  sans  diffi- 
cultes  (voy.  d-dessous).  —  11.  Wall.  :Wf/\  petite  claie,  clayon;  viendrait  de 
vola^  creux  de  la  main  (et  l'auteur  rapproche  le  Uèg*  pçm{,  petite  enclume 
plate,  de  palttia);  mais  foUtu,  qui  existe  aussi  en  français,  ne  peut  guère 
se  séparer  de  voift,  qui  a  i  peu  près  le  même  sens  (dans  trier  sur  U  volet) ^  ni 
ce  iHiiit  de  voUî^  «  contrevent  »;  en  outre  vola,  au  moins  comme  subsi., 
n'a  point  pass<^  en  roman.  —  P.  $88,  Settegast,  Altfr.  jtslùn  etc.,  neufr. 
(reton^  frduche,  frAuquci.  Reprenant  sur  un  sujet  qu'il  avait  traité  autrefois 
(voy.  Kom,^  VIII,  630)»  M.  S,  donne  des  raisons  qui  paraissent  convain- 
cantes pour  rattacher  Pane.  fr.  fesJm^  «  boulet  du  cheval,  »  à  l*aoc.  h.  ail. 
in^thch^  «  touffe  de  poils  au  boulet,  »  plutôt  qu*à  rr^/,  «  entrave.  •  U  est 
plus  douteux  que  frelon,  «  poils  au  bec  du  faucon,  »  frtloche^  frflucJje^  frdu^ 
qitfi^  se  rattachent  à  feshn  (qui  se  présente  une  fois  sous  la  îotmt  frthn\  mais 
ce  n^est  pas  invraisemblable,  11  signale  en  terminant  un  vrai  curioium  :  citant 
dans  son  premier  article  les  mots  français  honld  tt  fanon,  îl  avait  laissé  impri- 
mer par  ttxtnt  fcuht  et  hanon;  sans  y  faire  attention^  j*ai  reproduit  dans  mon 
compte  rendu /o«/f/  au  Heu  de  bouUi^  et  M.  Korting  a  conjecturé  (n<*  ptj) 
que  ce  mot  devait  sa  forme  a  une  influence  de /aw//r,  «  explication  si  vraisem- 
blable, dit  M.  S.,  qu'on  ne  peut  que  regretter  que  le  mot  si  bien  expliqué 
n'existe  pas.  »  —  P,  597,  C.  Michaelîs  de  Vasconcellos,  Romanimsfudim^  II, 
[Le  n*?  I  était  une  étude  très  ingénieuse,  un  peu  subtile  parfois,  sur  une  romance 
du  Cid,  Heh,  hdopordoviettt  El  moropor  h  cal^^ada^  et  quelques  autres  romances 
«  de  frontière  *  qui,  selon  M™*  de  V.,  constituent  une  sorte  de  drame  en  trois 
actes.  Beaucoup  d'observations,  de  détails  philologiques  et  historiques  qui  pré- 
sentent encore  plus  d'intérêt,  s'il  se  peut,  que  le  fond  même  du  sujet.  Dans 
cette  seconde  étude,  sur  diverses  romances  espagnoles  et  portugaises  où  il 
est  question  des  «  morts  par  amour  i>,  Fauteur  disserte,  avec  beaucoup  d'éru- 
dition, sur  le  genre  de  sépulture  qu'on  donnait  aux  victimes  de  Tamour,  et 
rattache  Tu  sage  de  ne  pas  les  enterrer  en  terre  sainte  i  des  traditions  germa- 
niques. —  A.  M. -F.].  ^  P.  422,  Lang,  Tradiçôes  populares  iiçortanas^  chan* 
sons,  prières,  formulettcs,  recueillies  dans  Tile  de  Fagal.  —  P.  437,  Zenkcr, 
Zu  Peire  d'Ahrrnfie'ï  Satire  und  nochtnah  a  Car  vei  fenir  a  toi  dia  »,  M.  Z, 
défend  contre  M,  Appel  (cf.  Rom.y  XIX,  6î8)  son  interprétation  du  sir- 
venks  de  P.  d'Auvergne  (sans  réussir  k  entraîner  la  conviction)  et  répond 
a  M.  Jeanroy  (Kom.^  XÏX,  594)  au  sujet  de  la  tenson  Car  veif^mr  a  toi  dm, 
[La  seconde  partie  de  cet  article  est  une  réponse  aux  objections  que  j'avais 
fait  valoir  ici  (XIX,  394)  contre  une  hypothèse  récemment  édifiée  par 
M.  Zenker.  La  réponse  m'a  paru  longue,  et  le  paraîtra  sans  doute  davantage 
encore  à  ceux  qu'elle  intéresse  moins  directement  :  M.  Z.  eût  pu  épargner 
au  moins  à  ses  lecteurs  Texposé  des  raisons  sur  lesquelles  il  fondait  une  opi- 
nion à  laquelle  il  renonce  aujourd'hui;  en  effet,  il  conclut  en  disant  w  qu'il 
n'hésite  pas  à  laisser  tomber,  comme  manquant  de  base  solide  i»,  l'hypothèse 


PÈRlODiaUES  317 

qui  fatsaît  le  fond  de  son  articlt:^  à  savoir  que  le  «  Maistre  »  de  la  tençon  Car 
tvi/f«ïrnc  serait  autre  que  Raimon  de  Miraval.  11  ne  pouvait  gu(ire  en  effet  la 
maintenir,  apr6s  m'avoir  accordé  que  la  pièce  de  laquelle  il  lirait  son  princi- 
pal argument  est  composée  de  deux  cohhs^  dont  la  première  seule  est  Tceuvre 
de  Miraval.  Le  leaeur  n*éprouve  pas  une  médiocre  surprise  quand  il  voit 
M*  Zcnker,  ces  concessions  faites,  contester  que  j'aie  réussi  à  v  réfuter  direc- 
tement fi  rhypothcse  en  question.  Cest  donc  pour  d*auires  motifs  quMl  y 
renonce.  Soit  :  l'important  est  que  le  terrain  soit  débarrassé  d'une  hypothèse 
inutile  autant  que  compliquée,  et  non  que  fate  riionneur  de  ce  déblayement. 
M.  Z.  se  borne  A  maintenir  contre  moi  trois  points  d'un  intérêt  secondaire  : 
10  que  le  Guilhalmî  de  la  lençon  est,  non  un  jongleur,  comme  je  le  suppose» 
mais  un  châtelain,  û  qui  Maistre  demande  Thospitalité  ou  on  secours  en 
argent  ;  2^  que  ce  nom  de  Maistre  ne  fait  pas  allusion  à  la  condition  du  per- 
sonnage qu*il  désigne  (je  le  supposais  clerc),  mais  à  sa  «  maîtrise  »  dans  l'art 
de  trouver  ;  3^  que  le  mot  poîfje  au  v.  23  de  cette  même  pièce  signifie  ponki 
et  non  poulain.  Sur  les*  deux  premiers  points,  on  pourrait  discuter  indéfini- 
ment sans  profit,  aucun  passage  de  la  pièce  ne  permettant  de  déterminer  la 
condition  des  interlocuteurs;  je  ferai  seulement  remarquer  que  Tinterpréta- 
tion  de  M.  Z,  se  fonde  sur  un  seul  vers  (49)  très  obscur»,  et  je  persiste â 
considérer  la  mienne  comme  plus  vraisemblable,  étant  donné  le  ton  d'égalité 
qui  règne  entre  les  deux  personnages.  —  Enfin»  je  suis  prêt  à  reconnaître  les 
concessions  de  M.  Z.  en  lui  accordant  qu'il  peut  avoir  raison  contre  moi  en 
traduisant,  au  v.  23,  poJI)^  par  <*  poulet  «.  Voici,  puisqu'il  me  le  demande, 
pourquoi  j^avais  préféré  le  sens  de  «  poulain  »  :  i»  ce  sens  me  paraissait 
rendre  le  proverbe  plus  expressif  en  accentuant  Top  position  entre  les  deux 
objets  comparés;  2^  je  ne  sache  pas  que  dans  aucun  dialecte,  soit  du  nord, 
soit  du  midi,  «  poulet  »  ait  été  jamais  rendu  par  pull-enum;  c'est  le 
suflflxe  -ittura  ajouté  au  même  thème  qui  est  affecté  à  cet  usage;  polin 
ayant,  au  nord,  fait  place  dès  le  xn«  siècle  a  pokifi  (voy.  un  ex.  du  Psautier 
tfOx/ofd  dans  Littré),  aussi  bien  qu'à  poîain  (cf,  Fôrster,  Zdtschr,  XV,  523), 
je  supposais  que  le  poète,  poussé  par  le  besoin  de  la  rime,  avait  emprunté  la 
forme  d'un  dialecte  voisin.  Mais  il  est  vrai  qu'aucun  texte  ne  me  donne  rai- 
son—  non  plus,  du  reste,  qu'à  M.  Z,  % — et  je  consens  volontiers  à  avouer  que 
j'eusse  mieux  fait  d'être  moins  affirmatif.  —  A,  J.]  —  P.  452,  Baist,  Jo/rd^ 
d'Anjou.  M,  Baist  n'a  connu  Farticle  de  F.  Lot  sur  le  mèmesujei(/?ar«.,XIX, 
Î77)  qu'après  avoir  composé  le  sien  ;  il  apporte  de  nouveaux  textes  et  surtout 
des  vues  nouvelles,  parmi  lesquelles  il  en  est  qui  appellent  la  discussion.  — 
P.  458,Horning,  DU  Mundart  von  Tannois  ;  Tannois  est  à  4  kiK  de  Bar-le-Duc, 
cl  son  parler,  ici  soigneusement  mais  sommairement  étudié,  «  peut  provi- 


t.  Des  vers  39  et  f  4,  il  ne  me  pantit  aallement  résulter  que  Mdstre  demsiatle  de  ViT- 
l^nt  h  Guilhalmî, 

a.  M,  E.  Levy,  consulté  par  moi,  veut  bien  me  faire  savoir  que  le  mot  poihf  ne  se 
lr(MiVc  ikns  aucun  de  ceux  qa'il  a  dépouillés  pour  son  Pr^v,  Suppt€ment^H''<xrtfrbucb^ 


Îl8  PfeRîODîaUES 

soîremem  être  accepté  comme  t)*pe  du  lorrain  occidcntjil,  »  —  P  477, 
M.  Mcnghîni,  FiUancUe  alla  napolitana  :  publication,  avec  quelques 
remarques  préliminaîres»  de  15  j  de  ces  petites  chansons  seml-popuUires  du 
XV te  siècle»  d'après  un  ms.  Chigi  (première  partie). 

MÉL.VNGES*  I.  Histoire  UUiraire.  P.  505,  O.  Schultï,  Docnnuitts  sur  Hugues 
de  Ikrjé.  Des  actes  publiés  dans  Bréquigiiy  et  dans  le  CartuJaire  de  Saint' 
Vincmt  de  Mdcon  nous  montrent  entre  1182  et  1196  un  Hugues  de  Bcrxé, 
fils  et  ^T^  d'un  Hugues;  c'est  ce  dernier  qui  est  le  poète  (il  est  surprenant,  et 
je  suppose  là  quelque  erreur,  que  Hugues  II,  qui  se  croise  en  1202,  soit,  en 
1196,  doyen  de  MAcon  après  son  frère  Gautier;  il  n'était  sûrement  pas  clerc). 
Je  ne  suis  pas  tout  ifait  de  Tavis  de  M.  Sch.  sur  un  passage  de  la  Bihk^  où  il 
s^agit  des  quatre  empereurs  que  Hugues  dit  avoir  vus  en  dix-huit  mois,  i 
Constantinople,  vivants  et  morts  de  vil  mort.  Celui  qu*il  vit  saillir  en  la  mer 
est  certainement  Murruphle,que  Ton  fit  iaiV/ït  a  W(Villehardouin)  du  haut  de 
la  colonne  de  Théodose;  celui  qui/w  désert te^  (Qui  valu  pis  de  mort  asseï)  BS 
Tfiene:^  en  chetivoison  est  Alexis  UI  (le  poète ^  par  sa  remarque,  restreint  lui- 
même  la  portée  de  Tcxprcssion  gx;nérale  :  morir  de  vil  m&rt),  M.  Sch,  dit  avec 
raison  que  rien  ne  prouve  que  Hugues  soit  resté  en  Romanie  plus  tard  que 
1205  (date  de  la  bataille  où  fut  pris  Tempereur  Baudoin,  15  avril;  v.  421  I. 
Conmin  au  Heu  de  Romain)  ;  toutefois  j'ai  supposé  que  les  vers  4}2-440Ûdsaient 
allusion  à  la  mort  de  Boniface  de  Montferrat  (1207),  mais  on  peut  les  expliquer 
autrement.  —  II.  txf^èse.  P.  508,  Baist^  i.  Der  Ztueikttmp/  im  Roland stitiU, 
M.  B.  corrige  une  erreur  de  mon  résumé  du  phii  de  Gumehn^  dans  l'Intro- 
duction de  mes  Extraits  de  la  chanson  de  Roland  (erreur  qui  m'avait  été  signalée 
d^autrc  part  et  que  i*ai  corrigée  dans  la  nouvelle  édition  qui  vient  de  praîtrc); 
i]  tire  de  là,  pour  l'origine  bourguignonne  du  poème,  des  conclusions  aux- 
quelles j'aurai  lieu  de  revenir  à  une  autre  occasion»  —  1.  Ad  oes  seint  Pert  en 
cunquist  le  cljevage.  M.  B.  a  raison  de  contester  que  T Angleterre  se  fût  engagée 
à  payer  un  tribut  i  la  papauté,  mais  je  ne  vois  pas  comment  il  suit  de  li  que 
le  vers  dté  de  Roland^  qui  représente  une  opinion  courante  au  xi«  s.,  n'a  pas 
trait  à  la  conquête  de  l'Angleterre  par  Guillaume.  —  UL  Grammaire,  P.  511, 
Stùrzinger,  Die  walhn  -loth.  Pràsens-Endung  à.  L'auteur  rend  probable  qu'elle 
représente  la  i«  pers,  plur.  du  parf.,  -ames^  transportée  au  présent*  — 
P.  513,  Schuîtz,  UnvermitieUes  Zusammentrtten  von  ^wei  Adjekiiven  oder  Parti- 
dpien  im  Proven^alisclxn  ;  l'auteur  étudie  avec  soin  cette  construction  où  deux 
participes  présents  (il  ne  s'agit  presque  que  de  ces  formes)  sont  juxtapo- 
sés de  manière  à  ne  former  pour  ainsi  dire  qu'un  mot,  soit  qu'ils  soient  à  peu 
près  s>*nonymcs  (r^tn  jogan ,  somjmlmn  durmen) ,  soit  qu'ils  soient  opposés 
(cd;ç«i  levan^  œmfrran  vetuien),  —  IV.  Histoire  des  mots.  P.  517,  Cornu, 
ir.  prosne^  protte,  prôthyrum  ou  prôlhyra;  on  ne  voit  pas  bien  com- 
ment prôthyrum  ou  la  forme  vulgaire  prôtùlum  (Lœwe,  Prodr&mus, 
p.  376)  aurait  donné  prone,  car  un  protinum  issu  d*une  «  dissimilation 
plus  décidée  «  n'est  guère  probable  (on  peut  citer  posierm^  marne,  pesm^ 
mais  le  changement  d7  en  n  y  est  bien  plus  récent,  et  l'on  trouve  posterkf 


I 

I 


pèRtooiauEs  }i9 

mark^pesUy  M»  Meyer-Lûbke,  qui  a  proposé  «pdvao;,  a  annoncé  (LiV^a- 
turhL  1892,  p,  70)<5u'il  donneroii  des  preuves  de  cette  étymologie.  —  Prov. 
-eire^  -Itor;  voy»  ci-dessus,  p,  261,  —  ÏVamin  frani^,  pourceau  uttd  nichl 
porceauf  M,  C.  soulève  là  une  question  des  pîus  intéressantes,  â  laquelle  j'ai 
rimention  de  revenir  ailleurs;  je  me  borne  i  dire  ici  que  sa  solution  fort 
ingénieuse  est  que  (utrcdli  (GU  Cass.)  remonterait  au  nom.  plur.  purdy  où  Vt 
final  aurait  changé  Va  en  ç  (comme  dans  les  pronoms  il  a  changé  e  en  *,  ç  en 
w).  —  Noir  comt  àioe  i  la  chot  n'est  nullement  b  chouette  (Godefroy),  mais 
le  choucas  (Saînte-Palaye);  en  effet,  dans  b  fable  de  Marie  où  figure  une 
choe,  le  latin  a  monedula^  et  un  glossaire  cité  par  Godefroy  dit  :  momdula^ 
choue.  —  Esp,  et  Port.  aîarido\  ne  serait  pas  arabe»  mais  viendrait  d' ulu- 
lât us;  M-  C  a  oublié  qu'arUe  existe  en  ancien  français  comme  cri  de 
guerre  des  Musulmans;  P.  Paris  (voy.  Diez)  a  déjà  rapproché  ce  mot 
d'àkridoy  certainement  avec  raison  (voy.  encore  Rom,^  XIII»  496),  —  Prov. 
vegaire^  veiaire,  Qpe  veaire  dans  vtatrf  m*es,  veaire^  «  apparition,  vue,  »  al 
meu  vtiaire,  a  tneu  veiaire,  remonte  à  vîdeatur^  et  que  Ta.  f.  ço  tn*est  x^iain^ 
viaire^  «  visage  »,  gruér,  vitro  y  «  visage  n»  v.  esp.  refaire ,  port,  veairo^  soient 
empruntés  au  provençal,  il  n'est  sans  doute  besoin  que  de  le  dire,  il  est  inutile 
de  le  prouver,  »  Ce  ne  sera  pas  Tavis  de  tout  le  monde;  quelques  scep- 
tiques voudront  savoir  comment  on  a  jamais  pu  construire  une  phrase  telle 
que  mihi  est  videaiur  ou  une  locution  comme  meum  videatur,  ou 
demanderont  des  exemples  d*une  autre  forme  passive  ou  déponente  qui  ait 
passé  en  latin  vulgaire.  C'est  ce  qui  avait  empêché  des  philologues  à  qui  Fidée 
de  M.  C,  avait  déjà  passé  par  b  léte  de  la  communiquer  au  public,  —  2.  P»  521, 
Ulrich^  adesso  :  pourrait  être  ad  y(um)  epsum,  ipsc  étant  pour  is*psc; 
proposition  qui  a  peu  de  chance  d'être  accueillie.  —  P,  521,  Schuchardt, 
archiater  (alL  Arit)  :  a  dû  exister  en  roman,  à  en  juger  par  le  basque 
acyter^  «  médecin,  »  qui  paraît  en  venir.  —  Fr»  orijlamnu  =  (l)abari 
flamma;  otu  flambe  dans  Ro}.  me  paraît  très  suffisant.  —  Prov,  ms 
«  gris  *  :  pourrait  être  rapproché  de  sasia,  «  seigle  »,  plutôt  que  de 
caesium.  —  Fr,  ribon-rtbaine^  vient  du  prov»  nboun-rihaino  (ou  -nhUrç), 
c.-à-d.  arribeço  que  arriboQ),  — ^  P.  523,  G.  Meyer,  andar  al  Foiamô,  «  mou- 
rir, »  en  vénitien  ;  n*a  rien  à  faire  avec  le  Styx,  ni  avec  le  petit  iîeuve  de 
Corfou  appelé  Potamd-,  c*est  le  grec  mod.  (a)j5oû«{Ao;»  «  mort,  »  —  SiciL, 
nsfaru,  «  cariharae,  »  =:  ar.  asfar,  —  Zanca  :  ce  mot,  répandu  sous  diverses 
formes,  avec  le  sens  de  «  jambe  »  ou  de  «  sorte  de  chaussure  »,  dans  pïu* 
sieurs  Ungues  romanes  (Kôrting,  «0892 5),  vient  très  probablement,  comme 
l'auteur,  après  P*  de  Lagarde,  le  montre  avec  un  grand  savoir,  du  mot 
perse  zanga,  «  jambe;  »  déjà  dans  une  lettre  de  Tempcrcur  Gallicn  il 
s^agît  dciam^ partfncas,  —  P.  527^  Horning,  fr,  fyarruçotit  esp,  aniti^Io;  dans 
cet  article,  plein  d'érudition  et  de  sagacité,  l'auteur  montre,  à  vrai  dire,  plus 
de  difficultés  qu'il  n*en  résout  ;  il  serait  trop  long  de  le  suivre  dans  toutes  ses 
explications,  qui  touchent  des  mots  romans  très  nombreux;  elles  méritent 
d'être   lues;   pour  imimçon  en  particulier,   je  crois  bien  que  le  plus  vrai- 


Î2Ô  PÉRtODlQUES 

semblible  est  d'admettre  comme  base  un  dérivé  amfi  <  ha  m  ici  u  m 
(quant  À  afmt^  qu'on  ne  trouve  que  dans  Amouî  Greban,  il  pourrait  bien 
être  le  subst*  verbal  d'ameire)  :  cf.  caveçon  de  fit.  cavr^iofu^  ditu.  de 
•capîciura.  —  P.  5îo,  fr*  gaî*i,  fera.;  est  rattaché  avec  vraisemblance  à 
gabai  j,  auquel  rauicurcst  tenté  de  ramener  aussi fx/if,  gifle  (cf.  ci-dessus), 

—  P.  5p,  Baîst,  csp.  soy,  L*esp.  mod.  soy  ^rsum  n'est  pas  l'anc.  csp. 
(très  rare)  soy  et  s*est  sans  doute  formé  sous  rinfluence  de  soys  ^zzsodis;  Tanc. 
esp.  soy  (qui  a  suscité  atoy^  voy,  doy)  doit,  comme  le  fr.  sut,  son  y  a  Tîn- 
fluence  à'ay  <  habeo,  qui  a  dû  précéder  en  hispano-roman  la  forme 
seule  attestée  {h)e. 

Comités  rendus,  P.  533.  Goudeau,  Les  prêcheurs  burlesques  en  Espagne 
au  X^Ilh  siède  (Lidforss).  —  P,  558»  Tiktiu*  Grammatka  romina  (Jamik  : 
excellent  livTc  scobire).  —  P.  541,  Weigand,  IVlacho^Mtglen  Q^xmk  ;  beau- 
coup d*observations  de  détail  sur  ce  travail  utile  et  méritoire).  —  P.  547^ 
MéUfiges  waîîùm  (voy.  Rmn.^  XXI,  534;  Marchoi  :  critique  acerbe  et  d'un 
ton  trop  personnel»  mais  qui  contient  de  bonnes  remarques;  M.  Grôber  y  a 
joint  deux  notes  qui  sont  bien  obscures.  Ce  que  Tauteur  dit  de  ue,  ie^  qu'il 
regarde  avec  M.  Horning  comme  des  diphtongues  originairement  descen- 
dantes, est  fort  aventuré  et  même  contradictoire)»  —  P,  554,  Huberti,  5/i*- 
dieu  ^ur  KechtsgcschkhU  der  Gottesjrieden  uttd  Latid/rieden,  L  Die  friedensord- 
nungm  in  Frankreich  (Schwab  :  ce  livre,  d'après  îc  Recensent ,  est  intéressant 
aussi  au  point  de  vue  de  Thistoire  des  mots).  —  P.  v^4,  GhttmU  Stùrkù 
délia  Ltiîeratura  iîaîiam^  XVIII,  1-2  (Wendrincr)*  *—  P.  J57,  Arcbtnoglot' 
tologko  iiaîiatw,  XII,  1-2  (Meyer-Lûbke).  —  P.  >6i.  Ronuinia,  juillct-oct. 
i'^9i,  janvier  1892  (Meyer-Lijbke,  Tobler.  M*  Grôber  admet,  non  sans  mau- 
vaise humeur,  Tétymologie  couiiin  <Ccoxinum  et  déclare  par  manière  de 
représailles  que  P.  Meyer  est  seul  aujourd'hui  â  croire  que  font,  ont^  vont, 
remontent  à  des  formes  «  préromanes  »  faunt  aunt  vaunt;  je  croyais 
que  tout  le  monde  était  de  cet  avis),  —  P.  256-577.  Tables.  G.  P. 

II.  —  ROMAKISCHE  FORSCHUNGEK,  IV,    1888-189I  ».  —   P.    l,    DcCUTtinS, 

RâtoromanhcbeChrestonmthk,  I.  Batid^  i.  Lkferuttg  (la  suite  n*a  pas  encore  paru). 

—  P.  219,  Herlet,  Stttdien  ûber  dk  sog,  \\opets  (Lyoner  Y^opet,  y\opei  l  und 
Yiopft  If},  Travail  soigneux  et  intéressant.  Sur  VY^opti  de  Lyon,  M.  H. 
rend  vraisemblable  que  Tauteur,  tout  en  traduisant  Tanonyme  de  Nevelet 
(d*aprés  le  texte  même  qui  est  copié  dans  le  ms*  de  Lyon),  a  connu  le 
recueil  de  Marie  de  France  et  lui  a  fait  quelques  emprunts.  L' Y^ppet-Aviûfnt^iy 
dans  sa  première  partie,  suit  très  fidèlement  Tanonymc  de  Nevelet,  et  les 


T»  Nous  sommes  fort  en  retard  avec  les  Romaniscbe  Foncbung^n,  mais  noos  tliruns 
pour  nous  excuser  que  M.  Vollmôllcf  commence  ptusicurs  vobmc*  en  même  temps  cl 
a*en  termine  souvent  un  qu'en  plusieurs  années,  comme  on  le  voit  ici  ;  nous  devons 
donc  attendre  U  dôture  d'un  volume  pour  en  rendre  compte.  Nous  donnerons  dans 
notre  prochaine  livraison  b  suite  de  ce  compte  rendu. 


I 


I 


I 


quelques  cas  où  l'on  peut  adraettre  une  inHuence  de  Marie  sont  plus  douteux , 
la  seconde  partie  (qui  contient  18  fables  d'Avîanus)  est  inséparable  de  la 
première  et  du  même  auteur.  A  propos  de  l' Y^opci  //,  qui  est  une  traduction 
du  Noims  Esopus  d'Alexandre  Ncckam  (peut-être  avec  quelques  influences 
étrangères),  M,  H.  étudie  surtout  le  Novtis  Esopus  en  lui-même,  et  cherche 
d  établir  quMl  n'a  pour  base  aucune  des  coûections  connues,  mais  s*appuîe 
probablement  sur  un  recueil  apparenté  à  la  source  de  Marie  de  France.  — 
P,  5 10.  Dannheisser,  ZumSchlusskapiUîvon  Ehert's  «t  Entwkkéhmgs^escljùhU  dir 
fran^ôsisàjett  Tragédie  a.  —  P.  317,  Sarrazio,  Zttr  Get^rapbU  und  GesclncbU 
^  Tristan-Sage.  L*autcur  cherche  i  démontrer,  dans  la  première  partie  de 
*^tte  étude,  que  les  poèmes  français  sur  Tristan  ont  pour  base  une  légende 
armoricaine  et  non  insulaire,  et,  dans  la  seconde,  que  cette  légende  eUe- 
méme  a  une  origine  Scandinave.  La  première  partie  n'arrive  à  aucun  résultat 
probant,  car  il  est  bien  certain  qu'une  partie  des  aventures  de  Tristan  a  pour 
scène  la  Bretagne  française,  mais  les  plus  importantes  se  passent  dans  la 
Grande-Bretagne  occidentale  (ridentification  de  Tintajol  à  Tiniéniac  est  tout 
â  fait  déraisonna ble)j  d'autres  en  Irlande  ;  la  légende  en  général  a  pris  sa  forme 
dans  un  temps  où  le  commerce  par  mer  entre  les  deux  Breiagnes  et  ITrlande 
était  perpétuel.  Dans  la  seconde  partie,  Tauteur  essaie  de  rattacher  les  noms 
Tristan  et  Iseut  à  des  noms  Scandinaves,  et  II  signale  entre  les  aventures  de 
Tristan  et  celles  de  Thorstein  Drômund,  dans  la  Grdissaga,  des  ressemblances 
(déjà  relevées  par  M,  Goltlier)  qu'il  est  porté  à  expliquer  en  admettant, 
comme  source  commune,  un  ancien  poème  Scandinave  -,  il  y  a  là  des  questions 
qui  méritent  d'être  étudiées  de  près*  —  P,  333,  VollmôUer,  Jorge  de  Monte- 
mayor^  Segutido  Cancionero  spiritual,  —  P.  341,  Albrecht,  Zu  T.  K  Stro^a's 
und  B,  Basini*s  îateiniscf)en  Lohgedkhten  auf  Vittorio  Pisano.  —  P.  345,  Baist, 
£^  arabischtn  Lautt  im  Spanischen,  Nous  n*avons  malheureusement  id  que  la 
^mière  partie  de  cette  étude  d'une  haute  importance  ;  et  nous  voudrions 
d'autant  plus  en  avoir  la  fin  que  Tautcur  annonce  qu'il  ajoutera  de  nom- 
breuses rectifications  à  son  travail,  qu'il  publie,  dit-îl,  un  peu  prématuré- 
t.  —  P,  433,  Manitius,  Zu  latcinisclKn  Gedichten  des  Mitttlaîters ;  nom- 
ises  corrections  À  Tédition  si  défectueuse  (par  Merzdort")  du  Troiîus  d'Albert 
de  Stade;  quelques  notes  sur  la  ftcunda  Ratis  si  excellemment  pubhée  par 
M,  Voigt,  —  P,  427,  Oreans,  Die  o-Laute  im  Proi^nialisclmi  ;  travail  qui  ne 
modifie  pas  les  résultats  du  mémoire  connu  de  P.  Meyer  sur  le  même  sujet, 
mais  qui  3  l'avantage  de  donner  un  très  grand  nombre  de  rimes  à  l'appui 
(un  trop  grand  nombre  même,  car  à  quoi  bon  relever  par  centaines,  par 
exemple,  des  rimes  de  -osum  avec  lui-même?).  Uauteurne  s'occupe  que  de 
1*0  tonique,  et  aurait  dû  k  dire.  —  P,  483,  Werner,  Hytnnologisch  Bâtràge ; 
quelques  hymnes  tirées  de  mss,  de  Zurich.  —  P.  536,  Fischer,  Zum  provtn- 
laliscben  Fierabras;  quelques  nouvelles  corrections  d'après  une  collation  du 
manuscrit  (cf.  Rom,  Forsch,^  I,  117).  —  P.  539,  Frànkel,  Zu  Rabelais  Syntax, 
—  P,  549.  Patjtig,  Zu  Guiraut  de  Cahrdra;  propose  de  lire  Del  Nortnams 
pour  Del  Fornuines^  sans  aucune  vraisemblance  ;  rapproche  le  Fripon  qui  suit 
XXU  21 


322  PèRlODiaUES 

(Ni  tTAntdme  ni  4t  Fri^)  d*UQ  très  oirîeux  poème  des  Cannitia  Burana  oft 
des  aventures,  évidemment  très  romanesques,  sont  attributo  A  un  Pbristm 
d'ailleurs  inconnu, 

V,  1889-1890.  Ce  volume,  dédié  à  Konrad  Hofmann  pour  le  70*  anni- 
versaire de  sa  naissance  (voy.  Hofu.f  XIX,  151),  n*a  été  ache\'é  qu*après 
sa  mort  (Kw.,  XX,  178)*.  —  P.  i,  Heyse,  An  K.  Hofmann  (sonnet 
mélangé  de  provençal  et  d'allemand),  —  P*  3,  Lauchert»  Zum  Pbysiciqpts, 

—  P.  ij,  Hamrael,  Der  àthiopisctie  Pljsioîogm.  —  P.  37,  Dannheisscr,  Zur 
Cbronokgis  âtr  Drant/ti  Maintes.  —  P.  65,  Koeppel,  Sludim  ^r  Gescbkhii  . 
dis  ettgUscJifn  Pttrarànsmus ,  — P.  98,  Schnorr  von  Carolsfcld,  Die  IVortstelîmig  ] 
in  dm  Tlm-Sprachen.  —  P.  loj,  Golther,  Lûbettgrin.  Après  quelques 
femarques  sur  la  base  mythologique  de  la  légende  du  OjaniUtr  au  cygne  et 
sur  son  rapport  avec  le  conte  des  Enfants-cygms  (voy.  ce  que  j'ai  dit  de  cette 
partie,  Rom.^  XIX,  323),  M.  G.  étudie  les  %*ersions  allemandes*  Il  montre 
d'abord  que  le  Scinvanritter  de  Conrad  de  Wurrbourg  représente  une  version 
française  intermédiaire  entre  celle  d'Hippeau  et  celle  de  Reiifenberg.  Quant  à 
répisode  de  «  Lohcrangrin  »  dans  Par^it^aJ,  M.  G,,  qui  croit  à  Tcxistcnce  dû 
«  Kyot  >»,  pense  que  Wolfram  a  trouvé  dans  Kyot  un  court  résumé  du 
ChevaHer  au  cygne  conforme  aux  poèmes  français,  qu^il  Ta  en  partie  mal 
compris  et  en  partie  développé  i  sa  façon,  en  y  introduisant  le  nom  du 
*t  loherenc  Garin  »  qui  n'avait  rien  à  faire  avec  cette  histoire.  Le  Li^xttgrin 
est  iV  son  tour  un  développement  des  données  de  Wolfram,  mais  complétées 
à  l'aide  des  poèmes  français.  Je  compte  revenir  sur  toutes  ces  questions  dans 
une  élude  d*ensemble  sur  le  Ommîiat  au  Cygm^  —  P,  137,  Aurachcr,  Dtr 
alîfranjpstsch  Pstudoturpin  der  ArsniaVmfidsdirift  B  L  F  283.  Collation  de  ce 
ms.  avec  le  ms.  de  Munich»  jadis  imprimé  par  le  même  sa  va  m.  —  P,  172, 
Bechstein»  Zu  licinricHs  van  Frtiherg  ScljUMnk  vom  Scffrdteî  und  i^m  fFoiser- 
hdreri,  —  P.  183»  Brermer,  Ein  KapiUl  aus  der  Grammatik  dtr  deuiscbm 
Urkuiiden*  —  P.  193»  Sliefel,  Di£  Nachahmung  spanisàier  Komôdim  in  England. 

—  P.  221,  Bàchtold,  Ueber  die  Atiwettdung  der  Bétrprohe  in  dtr  Sclnuei^.  — 
P.  234,  von  Reînhordstôttner,  Eirn  dnn  Leonardo  Bruni  lugejchriehene  Sallus-- 
iàberstt\ung ,  —  P.  241,  von  Antonicwicz,  îkonograpinsches  lu  Cfjrestieu  de 
rroytf.  Description, avec  reproductions,  d*un  beau  cofilrct  d'ivoire  représentam, 
entre  autres  épisodes»  Lancelot  traversant  le  pont  de  l'épée  (Clmreie)  et 
Gauvain  sur  le  Ut  périlleux  {Perceval).  M,  d*A.  accompagne  ce  mémoire 
d'excellentes  observations  sur  Fétu  de  de  l'iconographie  médiévale  dans  ses 
rapports  avec  !a  littérature,  et  présente  plusieurs  intéressantes  remarques  de 
détail  II  dit  avec  raison  qu'il  y  a  sur  ces  questions  trop  négligées  toute  une 
série  d'études  fructueuses  à  entreprendre.  Son  mémoire,  qui  mérite  rattcn- 


ï,  A  cause  de  sa  dcstinatioa  exceptionnelle,  ce  volume  contient  plusieurs  articles  qui 
ne  concernent  nullemeot  les  études  roniiineâ.  Nous  en  donnons  néanmoins  les  titres, 
mais  tes  titret  seula  (comme  nous  fiions  aussi  pour  les  articles  qui  se  mppottent  à  une 
époque  rdiitivcmeat  moderne)* 


PÉRIODiaUES  323 

tion  des  archéologues  et  des  philologues,  a  paru  à  part  à  la  librairie  Junge, 
à  Erlangen.  —  P.  269,  Zïramermano,  Zu  Wolfram* s  Par^vaL  L'auteur 
d^jcrit  une  tapisserie  représentant  des  sciïncs  du  Par^val.  —  P.  280, 
Muncker,  Ltssitigisch  Oihmtituiirfe.  —  P.  285,  Elias,  Briejujechse}  ^'isc})ef$ 
Elisabeth  Charlotte  ttw  OrUam  u.  Christ.  îVernich*  —  P.  299,  Hillebrandt, 
Die  Sonmverulfeste  in  AU-ïndien,  Intéressants  rapprochements  avec  des  usages 
i  occidentaux.  —  P.  341,  Vollmôllcr,  Spanische  Fundc;  concernent  la  lirtéra- 
Iture  du  xvi«  siècle.  —  P.  392,  Mayer,  Dtr  waltUnsiscîfe  Physîoh^us.  Publié 
d'après  le  ms.  unique  de  Dublin.  L'idc-c  que  le  laco  mentionné  dans  le  pro- 
logue serait  Jacques  de  Vitri  paraît  fort  peu  probable.  —  P.  41S,  W.  Meyer, 
Pétri  AlHtelûrdi  Phnctus  L  IL  IV.  V,  VL  M.  M,,  qui  a  déjà  publié  à  pan  le 
Planctus  III,  donne  des  cinq  autres  une  édition  bien  meilleure  que  celle  de 
Grcilh  reproduite  par  Cousin»  et  en  étudie  savamment  la  forme  très  recher- 
chée. —  P.  436.  Baist,  Dtr  gcrichtUche  ZiueikampJ  nach  seinem  Urspnmg  und 
im  RolamisHede.  Après  de  fort  intéressantes  remarques  et  conjectures  sur  l'ori- 
gine du  combat  judiciaire  (rapproché  des  autres  ordalies)^  M.  B.  montre 
que  le  combat  de  Tierri  et  de  Pinabel  dans  le  Roland  nous  présente  une  forme 
sensiblement  plus  archaïque  que  celle  qu'on  rencontre  dans  d  autres  chansons 
Ldc  geste,  et  cherche  â  établir  qu'elle  se  rattache  intimement  au  droit  bour- 
fguignon  tel  que  le  statue  la  loi  Gambette  ;  il  n*en  conclut  pas  d'ailleurs  que 
le  poème  ait,  dans  cette  partie,  une  origine  bourguignonne,  car  les  disposi- 
tions en  question  ont  fort  bien  pu  passer  de  la  Bourgogne  dans  d'autres 
parties  de  la  Gaule.  —  P.  449,  Hartmann,  Hans  Hesdhhers  Litder,  — 
P.  519,  Schmitty  Zitr  Veherliefening  der  Cl^ronih  von  Morea,  M,  Schm.  relève 
les  leçons  du  ms.  de  Copenhague  qui  diffèrent  de  celles  de  rédition,  et  rend 
toute  justice  â  N»  Landois,  dont  le  travail  sur  les  mss.  de  la  Chronùjm  de 
Morée,  resté  inédit  par  suite  de  circonstances  qui  ne  font  pas  honneur  à 
BuchoD,  est  conservé  à  la  Bibliothèque  nationale.  Landois  était  arrivé,  sur 
les  rappons  des  deux  mss.  du  poème  grec,  aux  résultats  que  M.  Schra.  devait 
atteindre  plus  tard  par  un  travail  personnel  (voy.  Rom.^  XVIII,  352).  ^- 
P.  539,  Schemian ,  Eine  Art  visiomurr  HôUmschfîderung  aus  dem  ituHscheu 
Miitdaltfr.  —  P.  583,  Otto,  Altlothringische  geistlicJx  Lieâer;  jolies  pièces, 
toutes  semblables  à  ceUcs  que  P.  Mcyer  a  publiées  dans  le  Buiktitt  de  la 
Société  des  anciens  textes  (i886,  p»  41-76),  tirées  d'un  ms.  de  Munich  provc» 
venant  de  Metz.  G.  P. 


m  —  Rbvue  de  philologie  française  et  provençale  (ancienne  Re\tje 
DES  PATOIS),  p.  p.  L.  Clédat.  —T.  VI,  n<»  i  (1892,  i^^  trimestre).  —  P.  1. 
P.  Passy,  Notes  sur  quelques  patois  vosgiens.  Suite;  glossaire.  —  P.  17.  Clédat, 
Fragment  d*Aimeri  de  Narbonne^  traduction  arclmujtte  et  rythmée.  C'est  le  morceau 
que  V.  Hugo  a  imité  dans  Aymerilloty  d'après  la  mauvaise  traduction  publiée 
par  Jubinil,  ce  que  M,  Demaison  a  le  premier  signalé  dans  son  édition 
é^ApTteri  de  Narbonm.  —  P.  33.  Clfansons  satiriques  en  patois  h>onnaiSf  p.  p. 
Philipon,  Chanson  des  taffetaticrs ,  du  commencement  du  xvnt*  siècle.  Com- 


|24  vhttoaosns 

Uétnamà.  Vttwm  p^Mentit^  p.  p.  M.  Doodens.  Le  «aor  es  «b  aa^ 
c^ftffmt^j.  Mjùi  fih  yak  qu'on  poMde  on  gnad  iiunitjiir  Je  aBfccfiM»*fefc 
ctMfiï^/n  de  y««(fy  Htmatêd^  uAr/n  le  titre  le  pto  gfnrnWrnfTB  afcgafc. — K-â^^ 
/^x/ftfj/  </ii  f;hAte4U  de  Dannenurie,  nomklk  ^A.  Jtàmd,  Tné  Ai  Jfnr  Ab 
JamUletf  t.  X.  Cc%t  la  Krtirce,  signalée  par  M«  Demaisoa,  ^  rjhMvâBtf  «fe 
V,  MuK'/.  —  P,  70.  Chronique.  Livre»  et  anklei  wgnalH,  A  fH^as  «iBuK 
cmimunicalion  (p.  70)  de  M,  VtUepdet  rdativemeot  aa  bs.  4e  flUfaoK 
du  !>  C#aly«  rappclon»  que  ce  m»,  fait  maintenant  partie  da  UmsètCamBis^A 
Clianlilly;  voir  Homania,  XXI,  461.  ^  P.  73.  BoUetin  de  b  SaôU  ife 
réforme  orthfif^raphiquc. 

N"  a  (1892,  a«  trimcitrc;.  P.  Hi.  Clédat,  Les  tnmhaioÊtn a  Tm 
en  irancf  aux  Xi  h  ft  XI!  h  sMfs.  Bxposé  général,  sans  appareil  1 
ni  rechercher  nouvcllct,  contenant  la  traduction  de  plusieurs  vies  de  1 
doum.  -  -  P.  129.  P.  PaMy,  Notes  sur  quelques  patois  vosgwu.  Fin  do  j 
et  obitcrvaticm^  grammaticales.  —  P.  151.  Qédat,  FaM^  dm  inmtada 
(^rdituil,  trmtuitum  archaïque  et  rythmée,  —  P.  155.  Irt^n»  et  arUdes  j 

—  P.  I  )7.  Bulletin  de  la  S(Ki<ii(^  de  réforme  orthographiqne. 

N«)  )  (tH92»  )«  trimcMrc).  —  P.  171.  Clédat,  Iji  versifiaitkm  Jrmmçmm  H 
particulihemoît  la  imiJicatUm  lyrique  au  fuûyen  4^.  Généralités  sur  Tangat 
du  vcr«  franvaiit,  itur  TrisMinancc,  »ur  la  rime,  sur  le  groupement  des  veis  cd 
couplets.  —  P.  iH).  (*l)iWsiWs  satiriques  en  patois  lyonnais  p.  p.  PhiUpoii. 
Piéccn  de  la  (in  du  xviii*  siMc  et  du  commencement  du  xix«.  —  P.  204. 
Macé,  Mots  Kmfxuif*m^s.  —  P.  ^)7.  Marchot,  Autres  textes  wdkms,  Cooils 
r^\\%  écrite  phonétiquement.  -^  P.  a  18.  lUstin,  Lr  passé  antérieur  en  fhmfais. 

(1KM.H,  Chifiuyfis  *if  «r.vwï'/i*  cl  pii\touuH'\^  trathtction  archaïque  et  rythmée, 
~  V.  J^N.  l.iviTN  cl  ;uii*.U'N  Mj^iuK^.  V.  2\.\,  CÀ)mptc  rendu  de  Monseur, 
h-  /v/<7i»>r  ^iw/Zo»/  1\  J?7.  UulKiin  *io  l,i  ScKiété  de  réforme  orthogxa- 
phiqu*\ 

N'"  i  (iSx>?.  .\*  tnnuAtiv^  P.  )^\.  C.WUx,  Ph^*h'titjur  raisonnèf  du  français 
nii^U'r*h.  Si'  i;\ti.ulu'  .>  \.\  iVIoniîo  onlu\i;r.iphiquc  proposcc  par  Tauteur. — 
r.  î05  \  ini^tiiiiin.  ('•/  hauU  J,  n  w.Mr/.^-r;, ,  ,iu  Lw-^mais,  rcimprimé  d'après 
uiK  i\Vcmo  puMK-,uu">n  *!c  M.  VinKinnu-t  -1''.  v'^v  l^i<Uyns  en  patois  de 
<»>f>h»//A  (SihW-tUi *'*!*■  A  rc\»irilliv  pji  l'omhici.  P.  ^o>.  livres  et  articles 
5ignal<*s.     -  r.  ^x"i.  Uullcîjn  Ac  U  S.\u^u'  *io  n'-tormc  orthographique. 

IV.       Bn  1  rn\  ni  \  \  S.\  ii'ri*  ni.>^  \\\.ii.\v  nAns  tkançais,  1892, n©  2. 

-  r.  6S.  P.  Movvi,  .V>;»,.  <h  i,  fti.  y  ,i,  L  nihî,o!h\uv  ,rAJrfi^ofi  {Somme  Je 
f?iV,î'»V'  ih-  <»ji*ih  i*t;  fi*'o<A.  Mv  Ju  »',Mnniojv*Mivn;  Jr.  \:\**  siècle  provenant  de 
TaMvnv  »io  S;ïinî  rvroul»,  o»*:  il  jvu.jî;  .''tr»  otiî!-,  *•;■,  .  -  ;  ;  ot  avant  appartenu 
flp:v^;"Vnr*'n^*M>;  ;\  un*'  /ii')i'«,»//i».#,  »  '.J^ /,■//. /u..  sji:  !  umu-IK  or.  m.inonc  de  rensci- 
j^iVMiionrN  i  »*v  xu'v  ^U  vnn;v  *'«;  n.o*.  .  .,».  noiiiî^  *  «<*  :  : .  xi  roncontrent  toutes 
vr.  ,i''uî'v^  mvN  Jon;  pîi-.su'ni-v  «m;  *■!.  *^\.i:v  v>i.  ,Uiîv  U  morne  Bulletin 
^;SSn.  ;^s^^.  Noi:  *l.u*.-  !..  K.^fu.ju..  ^\\.\.   ,  \^    W  .i.  îN  \.  Lc  tcxie  de b 


PÈRIODiaUES  325 

Somme  le  Roi  ne  se  recommande  par  aucun  mérite  particulier,  mais  il  a  fourni 
l'occasion  de  quelques  recherches  sur  cet  ouvrage  bien  connu,  mais  dont 
la  composition  n'avait  pas  encore  été  étudiée.  M.  P.  Meyer  montre  :  1°  que 
pour  une  partie,  la  Somme  est  la  reproduction  souvent  textuelle  d'un  ouvrage 
antérieur  intitulé  le  Miroir  du  monde\  2°  que  ce  Miroir  du  vwtuîe  a  été 
développé  vers  le  temps  de  Qiarles  V  et  augmenté  de  parties  empruntées 
à  la  Somme  le  Roi.  On  a  de  ce  second  Miroir  plusieurs  mss.,  dont  le  plus  ancien 
est  daté  de  1373,  et  une  édition  incomplète  publiée  en  184$  par  F.  Chavannes, 
pour  la  Société  d'histoire  de  la  Suisse  romande.  —  P.  94-5.  P.  Meyer,  Notiu 
sur  le  ms.  du  Musée  britannique  Add.  loô^j.  Cette  description  a  été  publiée  en 
appendice  à  celle  du  ms.  d'Alençon  parce  que,  comme  ce  dernier,  le  ms.  Add. 
20697  a  appartenu  successsivement  à  la  Bihliotheca  Castdlatui  et  à  l'abbaye 
de  Saint-Evroult.  Il  avait  du  reste  été  décrit  d'une  façon  très  incomplète,  et 
souvent  erronée,  dans  le  Catalogue  imprimé  du  Musée  britannique.  Une 
note  finale  indique  qu'il  a  été  fait  pour  Pierre  Basin,  confesseur  de  la  reine 
Blanche  de  Navarre,  veuve  de  Philippe  de  Valois,  qui  mourut  en  1398  et 
dont  le  testament  a  été  publié  par  M.  Dclisle  dans  le  t.  YAlàts  Mémoires  de  la 
Société  de  Thistoire  de  Paris.  Ce  ms.,  vers  le  milieu  duquel  il  y  a  une  lacune 
de  près  de  1 50  feuillets,  contient,  entre  autres  ouvrages  de  littérature  reli- 
gieuse,  une  traduction   en   vers   du   Lignum  vita  de  saint  Bonaventure. 

V.—  Il Propugnatore  (nuova  série).—  T.  IV,  impartie,  janvier-avril  1891 
nos  19-20).  —  P.  $,  G.  Bruschi,  Ser  Piero  Bonaccorsi  e  il  suo  «  Cammino  di 
Dante  »  (premier  article).  Recherches  approfondies  sur  la  famille  et  sur  la  per- 
sonne de  Piero  Bonaccorsi,  notaire  florentin  du  xv*  siècle.  M.  B.  a  reconnu 
deux  mss.  de  la  Divine  Comédie  écrits  de  sa  main  (l'un  à  la  Riccardienne,  l'autre 
à  la  Laurenticnne)  ;  mais  il  s'applique  surtout  à  faire  connaître  et  à  apprécier 
ses  deux  lettres,  en  italien,  à  fra  Romolo,  l'une  sur  la  topographie,  l'autre  sur 
la  chronologie  du  poème  de  Dante.  Ces  deux  lettres  sont  intéressantes  pour 
l'histoire  des  études  dantesques,  mais  elles  jettent  peu  de  jour  sur  des  ques- 
tions qui  paraissent  devoir  être  éternellement  débattues.  —  P.  40.  M.  Pelaez, 
La  Vita  e  le  Opère  di  Giovanni  Andréa  delP  Afiguilloraf  avec  un  appendice  de 
documents  inédits.  —  P.  125.  A.  Belloni,  Cur^io  Gon^aga^  rimatore  del  secolo 
XVI.  Cenni  sulla  sua  vita  e  sulle  sue  opère.  —  P.  163.  C.  e  L.  Frati,  Indiu  délie 
carte  diPietro  Bilancioni.  Suite,  lettre  F.  —  P.  232.  Miscellanea.  V.  Lazzarini, 
La  seconda  ambasceria  di  Fr.  Petrarca  in  Vette^ia.  —  P.  242.  I.  Sanesi,  Lanno 
délia  nascita  di  Léon  Battis  ta  Alberti. 

Mai-juin  (no  21).  —  P.  261.  C.  Mazzi,  Leone  Allacci  e  la  Palatina  di  Heidel- 
berg  (premier  art.).  —  P.  308.  G.  Bruschi,  Ser  Piero  Bonaccorsi  e  il  suo 
«  Cammino  di  Dante  ».  (Fin)  ;  texte  de  la  lettre  de  Frà  Romolo.  —  P.  349. 
A.  Belloni,  Cur^io  Gon:;aga^  rimatore  del  secolo  XVI  (fin).  —  P.  387. 
O.  Zenatti,  Nuove  rime  d'alchimisti.  Poésies  du  xv«  siècle,  composées  dans  la 
Vénétie.  —  P.  415.  A.  Zenatti,  //  bisnonno  del  Petrarca.  Ce  bisaïeul  de 
Pétrarque  est  le  notaire  Gar^o  de  qui  le  Propugnatore  a  récemment  publié  des 


326  PÈRTODîaUES 

poésies.  Cette  hypothèse,  déjà  émise  par  M,  Mazzoni,  trouve  ici  sa  conHnnâ- 

tîon. 

Juillet-octobre  (n«»  22-23).  ^  P*  5-  ^-  ^-  Bresdanî,  Intorm  a  tma  mn^mm 
difra  Guiîtom  (TÀrt^io  aï  conk  JJgoUno  dei  Gherardtschi,  Cest  Ij  pièce  Mt^ 
haroni  certo  t  rcgi  quan^  que  Tauteur  de  cette  dissertation  attribue  à  la  6n  de 
Tannée  1284.  —  P.  25.  C.  e  L*  Frati,  htdice  delk  carte  di  Fktro  Bikttcùmi, 
suite^  lettre  G.  —  P.  65.  G.  Vanzolinî,  «  La  DragJm  dt  OrlanJo  »,  di  Fran- 
cesco  Troniha,  —  P.  lOj.  A.  Belloni,  Di  unapoesia  anonima  dtl  sec*  XVII.  — 
P.  134.  A.  Gtovanelli,  LtîUra  al  prof .  D.  Mantcmni  suî  diidegno  di  Guîdo 
Cavakmli.  Il  s*agit  toujours  de  savoir  pour  qui  Cavalcanti  avait  du  mépris 
dans  les  vers  que  les  commentateurs  ont  torturés  de  tant  de  façons  :  Colui  chi 
atimde  la  per  qui  mi  tfieita,  Forse  cui  Guido  vostro  ibbe  a  diidegno.  On  admet 
généraîement  que  ctd  se  réfère  à  cdui^  c'est-à-dire  â  Virgile,  et  c'est  Topinion 
La  plus  probable»  bien  qu'on  ne  voie  pas  clairement  la  cause  de  ce  disdegno 
de  Cavalcanti  pour  le  poète  latin  ;  d*autres  ont  voulu  rapporter  cui  à  Tcnfer, 
à  Dieu  même.  L'interprétation  ici  proposée  consiste  i  traduire  w  me  conduit 
«  pcut-ûire  à  la  connaissance  du  bien  que  Cavalcanti ,  en  raison  de  ses  idées 
«  philosophiques,  a  méprisé  ».  Telle  est  la  dièse,  à  tous  égards  inadmissible, 
que  l'auteur  soutient  en  vingt-cinq  pages.  —  P.  1J9.  A.  Tambellini,  Il 
codiu  dantcsto  Gradenighiano.  Nouvelle  étude  de  ce  ms,  bien  connu  de  la  />.  C. 
et  du  commentaire  qui  Taccompagnc  —  P.  199.  A.  Soîerti,  La  Gàlaiea  di 
Albfrtû  Loîlh,  —  P.  215.  A.  Medin,  îdistki  suUa  natiira  ddk  fruiia.  Nouvelle 
rédaction  d'un  opuscule  déjà  publié  dans  le  Giarnali  storicù,  (Voir  Moniania^ 
XXJ.  îis.) 

Novembre-décembre  (no  24)*  —  P.  221,  Ct-A.  Zacchetti,  L'imita^iom 
cîoiSîca  ndV  Orlando  furioso.  —  P.  276.  A.  Miok,  Lu  scrtHure  in  vdgare 
dei  primi  tre  secoU  ddla  liugua  ricercaU  mi  codki  ddla  BihlioUca  fiajiônak  di 
Napali,  Suite;  mss.  dantesques.  —  P.  507,  S.  Morpurgo,  SupplttUi-nto  alk 
a  Opère  volgari  a  stampa  dei  sec.  XI U  c  XI F  »  imUcate  e  descritU  da  Fr.  Zam- 
hrini,  Publications  de  1889  et  de  1890. 

1892,  Janvier-avril  (n^»  25-6).  —  P.  5.  A.  Lubin,  U  cerclm  che^  seconde 
Dante j  fa  parère  venere  scrotina  ù  ttiattutina  secundo  i  diversi  tempt,  t  dedu^ioni 
che  se  ne  traggono.  Savant  mémoire  d*un  vétéran  des  études  dantesques, 
accompagné  de  démonstrations  mathématiques,  —  P.  87.  GurooNis  Fabe 
Dictamina  rhetorica,  p.  p,  A.  Gaudenzi.  Suite  de  cette  édition,  qui  est  ici  peu  i 
sa  place,  et  qui  offre  un  teîtte  souvent  peu  correct.  —  P.  13 1.  C,  Mazzi,  Leom 
ÂUac^i  e  la  Palatina  di  Heidelbcrg.  Suite.  — P.  207.  (C.  e  L.  Frati,  Ittâice  ddU 
carie  di  Pietro  Bilancioni.  Suite;  lettres  /.  à  iV.  —  P.  279,  F.  Flamini,  Un 
codii'c  dei  CoUegio  di  S.  Carlo  e  le  raccoîte  apenna  di  ritru  adcspote. 

Mai-juin  (n»  27).  —  P,  315.  C.  Mazzi,  L.  Allacci  e  la  Palatim  di  Heidd- 
berg^  suite,  —  P.  389.  F.  Gabotto,  Vn  pcela  pietnontese  de!  sec.  XVL  Un  cer- 
tain UaffacUo  Toscano»  tié  à  Mondovi  vers  le  milieu  du  xvt«  siècle  et  mort 
après  160 1 .  —  P.  44^-  G.  Cogo,  Fram^co  Bu^acarini,  poeia  laîino  dd  sec,  XV, 
Poète  padouan,  mort  vers  i  joo,  cl  de  valeur  médiocre. 


PÈRIODiaUES  327 

Juillet-octobre  (n©»  28-29).  —  P»  5»  E.  Cais  de  Pierlas,  Giacobina  di  Venti- 
miglia  eU  sue  attinetiie  famïliari  in  un  nuovo  frammmto  di  can:(one  di  Rambaldo 
di  Faqueiras.  Le  fragment  de  Rambaut  de  Vaqueiras  qui  sert  de  base  aux 
recherches  de  M.  de  Pierlas  appartient  non  pas  à  une  chanson,  mais  à  une 
des  épîtres  en  vers  monorimes  de  ce  troubadour.  Cette  épître  nous  a  été 
conservée  par  le  chansonnier  La  Vallière  (B.  N.  fr.  2543),  mais  l'écriture 
étant  par  places  très  usée,  la  lecture  en  est  devenue  difficile.  M.  de  P.  lit  le 
premier  des  vers  qu'il  cite  :  El  ser  [venguymab  Veys[sial]  Pueg  cJar,  Les  lettres 
entre  crochets  sont 'celles  qui  lui  ont  paru  (à  lui  ou  au  copiste  qu'il  a  employé) 
d'une  lecture  incertaine.  Feyssi  est  pour  lui  Vezzi,  village  situé  dans  le  Sud  du 
Piémont,  entre  Albcnga  et  Finale;  et  interprétant  bien  à  tort  ab  au  sens  du 
latin  abf  ou  de  l'italien  da,  il  comprend  :  «  nous  vînmes  le  soir  de  Vezzi  a 
Montechiaro  ».  Toutes  ses  recherches  historiques  sur  la  pièce  en  question 
dépendent  de  cette  interprétation,  qui  est  doublement  inadmissible,  car,  d'une 
part,  flZ>  signifie  «  avec  »,  ce  qui  suppose  que  le  nom  lu  Veyssi  doit  être  un 
nom  de  personne  plutôt  qu'un  nom  de  lieu,  et  d'autre  part,  le  ms.,  que  j'ai 
examiné  avec  soin,  porte  réellement  El  ser  estem  (et  non  venguem)  ab  Nai^i  a 
Ptug  clar.  Il  s'agit  donc  d'un  individu  appeié  En  Ai^i.  Cette  pièce,  d'ailleurs, 
ne  se  trouve  pas  que  dans  le  ms.  La  Vallière.  On  peut  la  lire  plus  facilement 
dans  le  ms.  B.  N.  856,  fol.  131  ;  elle  est  indiquée  dans  le  t.  I,  p.  133,  du 
Catalogue  des  mss.  français.  Là  on  lit  àb  Neyssi,  Les  recherches  historiques  de 
M.  de  P.  conservent  leur  valeur,  mais  elles  ne  s'appliquent  pas  à  la  pièce  de 
Rambaut.  —  P.  58,  Guidonis  Fabe  Dictamina  rhetorica,  suite.  —  P.  iio, 
A.  Brognoligo,  Luigi  da  Porto  uorno  d'arme  e  di  îettere  delsec,  XVI  (1486-1529). 

—  P.  i$8,  F.  Foffano,  Un  letterato  italiano  del  sec.  XVI  (Rinaîdo  Corso).  — 
P.  196.  S.  Morpurgo,  Suppîemento  aile  «  Opère  volgari  a  stampa  »  di  Fr.  Zam- 
hriniy  année  1189.  —  P.  234.  Indice  délie  carte  di  P.  Bilancioni.  Suite  ;  lettres 
OetP. 

Novembre-décembre  (no  30).  —  P.  303.  A.  Savîotti,  Rime  inédite  del  sec 
XV  (dalCodice  Oliver iano  j 4).  Table  du  ms.  avec  références  bibliographiques 
et  extraits.  —  P.  346,  B.  Feliciangeli,  Alcune  Iettere  inédite  di  B.  Castiglione. 

—  P.  370,  C.  Mazzi,  L.  Allacci  e  la  palatina  di  Heidelbcrg.  Fin.  —  P.  401, 
G.  Brognoligo,  Luigi  da  Porto^  uorno  d'arme  e  di  Iettere  del  sec.  XVI.  Fin.  — 
P.  458,  V.  Crescini,  A  proposito  delY  articolo  del  sig.  Cais  de  Pierlas  sopra 
Giacobina  di  Ventimiglia.  M.  Crescini,  dont  les  travaux  sur  R.  de  Vaqueiras 
ont  été  signalés  dans  la  l{omania  en  leur  temps,  rectifie  en  partie  les  lectures 
et  les  interprétations  de  l'article  ci-dessus  mentionné ,  en  faisant  usage  de  la 
leçon  du  ms.  fr.  856. 

P.  M. 


CHRONIQUE 


M,  Louis  Gauchai  s*esi  «  habilité  »  comme  Privat'Docmt  pour  k  philo- 
logie roiii^iae  à  T université  de  Berne. 

—  M.  Henry  A.  Todd  a  été  nommé  proffâseur  de  philologie  romane  à 
Columbia  Collège^  New- York, 

—  M.  John  E.  Matzke  a  été  nommé  professeur  de  philologie  romane  à 
runiversité  «  Lebnd  Stanford  Jr.  a,  Palo  Alto,  Californie. 

—  L*Institui  de  France  a  décerné  le  prix  Volney  à  M.  Tabbé  Rousselot 
pour  son  livre  :  Les  modificatiom  pljonétiquei  du  langage  Hudiées  dans  k  patois 
d'une  famille  de  Cdkfrouin. 

—  L'Académie  des  Inscriptions  a  accordé  la  seconde  médaille  du  concours 
des  Antiquités  de  la  France  à  M,  J.  Loth  pour  son  li\Te  sur  les  Mots  ïatins 
dam  Us  langues  hriUoniqws  ^  et  k  première  mention  honorable  à  M,  l'abbé 
Devaux  pour  son  livre  sur  le  DiakcU  du  Haut-Dauphitié  au  moym  dge, 

—  La  SocW  des  parkrs  de  France ^  qui  n'avait  eu,  en  1889,  qu*un  commen- 
cement d'existence,  essaie  en  ce  moment  de  se  reconstituer.  Nous  tiendrons 
nos  lecteurs  au  courant  de  ses  progr^. 

—  M.  Alessandro  d'Ancona  ayant,  le  21  janvier  de  cette  année,  marié  sa 
Elle  Mathilde ,  une  véritable  bibliothèque  de  per  nû^^e  est  venue  témoigner 
de  U  reconnaissance,  du  respect  et  de  raffcction  qu'inspire  à  tous  ceux 
qui  Font  approché  et  surtout  qui  ont  joui  de  ses  leçons  fémincnt  professeur 
de  Pise,  Il  ne  nous  a  pas  encore  été  possible  de  prendre  connaissance  de 
toutes  ces  plaquettes,  dont  son  amitié  a  bien  voulu  nous  faire  part  ;  nous 
signalerons  dans  notre  prochain  numéro  celles  qui  touchent  les  études 
romanes  et  dont  plusieurs  sont  fort  intéressantes, 

—  Dans  un  grand  ouvrage  intitulé  DU  dcuîscfjen  Universitàtm  (Berlin, 
Ashé,  in-40)^  M.  Tobler  a  inséré  (p.  496-506)  un  tableau  de  Tétude  de  la 
philologie  ronune  dans  les  universités  allemandes.  Il  ne  l'a  représenté  que 
dans  des  traits  généraux  et  impersonnck,  et  on  ne  peut  pas  l'accuser  de 
ravoir  tracé  avec  trop  d'optimisme  :  tout  en  reconnaissant  ïes  grands  progrès 
qui  ont  été  réalisés,  il  signale  très  nettement  ceux  qui  restent  à  faire,  et 
marque  avec  beaucoup  de  fermeté  les  périls  qui  menacent,  suivant  lui,  le 
développement  vraiment  scientifique  de  renseignement  de  U  philologie 
romane  en  Allemagne* 

—  Dans  les  comptes  rendus  des  séances  de  TAcadémie  royale  de  Bavière, 


^ 


^ 


CHRONiaUE  329 

classe  d*hîstoire  et  àt  philologie  (séance  du  ^  décembre  1892),  t.  IV,  pp.  jiy 
788,  se  lit  un  mémoire  de  M.  Rider  sur  «  Naime  de  Bavière  et  Oger  le 
Danois  »*  Dans  la  première  partie,  Tauteur  essaye  d*ideniifier  Naime  avec 
Grifon,  fils  de  Charles  Martel  et  de  la  princesse  bavaroise  Svanahild  ou 
Sonîchild  ;  mais  ce  rapprochement  ne  repose  que  sur  le  renseignement,  donné 
par  Girard  d'Amiens,  d'après  lequel  Naime  était  fils  de  Scneheut,  reine  de 
Bavière;  or  ce  renseignement  n*a  aucune  valeur,  étant  dû  à  la  manie  cj-clique  ; 
on  trouvait  d*une  pan  (dans  Auheri  le  Bourguignon^  une  Seneheut  de 
Bavière  (mariée  à  Gacelin),  d'autre  pan  le  célèbre  duc  Naime  de  Bavière^ 
dont  aucune  tradition  ne  relatait  Torigine  :  on  fît  de  l*un  le  fils  de  Tautre, 
Tout  ce  qui  résulte  du  rapprochement  fait  par  M*  R.,  c'est  peut-être  que  le 
nom  de  k  Bavaroise  Seneheut  dans  Auheri  provient  indirectement  du  nom 
de  la  Bavaroise  Svanahild,  Au  reste,  l'histoire  de  Grifon,  toujours  rebelle  et 
violent,  tué  dans  un  combat  i  Tâge  de  27  ^ns^  n'a  aucun  rapport  avec  celle 
du  sage  et  Mk\c  Naime,  dont  la  vieillesse  est  le  trait  le  plus  ordinairement 
caractéristique.  —  Dans  la  seconde  partie  de  son  mémoire ,  M.  R.  cherche  i 
prouver  que  ridentification  établie  par  Metellus  de  Tegernsee  (vers  1130) 
entre  POtger  fondateur  de  Tegernsee  et  FOger  des  chansons  de  geste  fran- 
çiises  n*e5t  pas  dû  à  une  pure  fantaisie,  et  que  les  deux  personnages  pour- 
raient fort  bien  n'en  faire  qu'un.  Après  les  belles  recherches  de  M*  Voretzscli 
sur  la  légende  d'Oger  (qu'il  n'a  connues  qu'après  la  rédaction  de  son  travail), 
celles  de  M.  R*  n'ajoutent  rien  d'essentiel  d  notre  connaissance  du  sujet  traité 
par  les  deux  critiques;  la  thèse  spéciale  de  Tauteur  est  très  loin  d'être  prou- 
vés par  lui  (l'historicité  des  exploits  accomplis  devant  Rome  contre  les  Sar- 
rasins par  rOtger  bavarois  est  notamment  bien  douteuse)  ;  mais  on  remarque 
dans  ce  mémoire  plusieurs  rapprochements  assez  intéressants ,  par  exemple 
Tobscrvation,  curieuse  en  effet,  que  dans  la  CJmnson  de  Rolatid^  tandis  que 
Naime  n'est  appelé  que  duc^  sans  désignation  spéciale,  c'est  Oger  de  Dane- 
marche  qui  est  chargé  de  conduire  les  Bavarois  au  combat  (épisode  de 
Balîgant). 

—  Au  42*  congrès  des  philologues  et  pédagogues  allemands,  qui  vient  de  se 
tenir  à  Vienne  (mai  1893)»  la  «  section  romane  »  a  entendu  les  conmiunica- 
tions  suivantes  :  A.  Tobler^  «  L'adjectif  employé  substantivement,  surtout 
dans  les  langues  romanes  ;  »  —  R.  Zenker,  «  Les  éléments  historiques  et  le 
développement  de  la  légende  de  Gormond  et  Isembart;  »  —  J.  Hucmer» 
«  La  collection  des  formes  des  mots  du  latin  vulgaire  ;  »  —  M.  Friedwagner, 
9  Sur  dit%  cas  difficiles  dans  la  restitution  de  la  forme  originale  des  anciens 
poèmes  français.  »  Ces  mémoires  paraîtront  dans  le  volume  qui  sera  publié 
Tannée  prochaine  en  souvenir  du  Congrès.  Ils  ont  tous  été  accueiUis  avec 
faveur  par  la  section ,  qui  comptait  une  trentaine  de  membres  et  que  prési- 
dait M.  Ad.  Mussafia.  A  la  suite  de  la  lecture  de  M.  Hucmer,  on  a  nommé 
un  comité  (MM.  Mussafia,  Meyer-Liibket  Hucmer)  charge  d'appeler  l'atten- 
tion de  TAcadémie  des  Sciences  de  Vienne  sur  l'utilité  qu'il  y  aurait  à  jeter 
au  moins  les  bases  d'un  grand  recueil  des  formes  vulgaires  du  btin.  Cette 


330 


CHRONiaUH 


Utilité  n*est  pas  contestable,  tnaîs  les  principes  qui  présideraient  à  la  rédaction 
d'un  tel  recueil  seraient,  croyons-nous,  plus  difficiles  A  établir  qu'on  ne 
l'imagine.  Dans  le  court  résumé  de  la  lecture  de  M.  Huemer  que  nous  avons 
sous  les  yeux,  nous  trouvons  déjà  citées  des  formes  dont  la  «  vulgarité  » 
paraît  douteuse.  Le  mieux  serait  de  tout  recueillir  sans  se  prononcer  sur  le 
caractère  des  faits  relevés.  —  En  se  séparant,  la  section  a  exprimé  le  vœu 
que  le  centième  anniversaire  de  la  naissance  de  Fr.  Diez  —  lo  mars  1S94 
—  soit  Tobjet  d'une  fête  dans  toutes  les  universités  allemandes.  Nous 
croyons  savoir  qu'il  s'agit  de  le  célébrer  aussi  par  un  congrès  international 
de  romanistes  qui  se  tiendrait  en  Italie.  Nous  ne  saurions  qu'applaudir  à 
cette  idée,  qui  aurait  profondément  touché  le  \deux  maître. 

—  La  librairie  Colin  a  accepté  la  proposition  qui  lui  a  été  £aitc  de  publier, 
sous  la  direction  de  M.  Petit  de  JuUeville,  une  grande  Histoire  âe  la  langue  d 
de  la  Utthaiure  fratiçaiïû  depuis  les  origines  jusqu'à  nos  jours.  L'ouvrage  doit 
comprendre  six  volumes  in-S'',  de  800  pages  environ  chacun.  Les  différents 
chapitres  de  l'ouvTage  seront  confiés  à  des  collaborateurs  différents  ;  l'ouvrage 
sera  illustré,  mais  seulement  par  des  reproductions  de  manuscrits,  de 
lettres  autographes,  de  miniatures,  de  frontispices  tirés  d'éditions  originales, 
de  portraits  authentiques,  etc.  Le  tome  I  sera  consacré  au  moyen  igç,  k 
second  à  la  Renaissance  (jusqu'à  la  fondation  de  l'Académie  française),  le 
troisième  au  xvri*  siècle  (1655-1700),  le  quatrième  au  xvni«^  siècle;  le 
xrx«  siècle  remplira  les  deux  derniers  volumes.  —  Le  tome  I  est  d'ores  et 
déjà  confié  à  MM.  Léon  Gautier  (matière  de  Fnince),  G>nstajis  (cycle 
iintique),  Clédat  (romans  bretons  et  romans  d^aventure)»  Jeanroy  (chanson- 
nicrs)»  Sudre  (Retard  et  fables),  Bédîer  (contes),  E.  Langlois  (roman  de  la 
Rose),  Piagct  (poésie  didactique,  sermonnaires,  traducteurs),  Brunot  (histoire 
de  la  langue)  j  M.  Petit  de  Julleville  se  réserve  le  théâtre,  et  peut-ctie  les 
poètes  des  xrv«  et  xv*  siècles  ;  on  a  demandé  A  M.  Qî.-V.  Langlois  de  se 
charger  de  Thistoire  (en  prose  et  en  vers).  On  voit  que  tous  les  collabora- 
teurs sont  désignés  par  une  compétence  particulière.  Nous  n'avons  pas  besoin 
de  dire  que  toute  notre  sympathie  est  acquise  â  une  entreprise  aussi  vérita- 
blement nationale  et  dont  on  peut  vraiment  dire  qu^clle  comblera  dans  notre 
litténture  une  lacune  qui  ne  nous  faisait  pas  honneur. 

—  Disons  en  même  temps  que  MM.  Suchier  et  Morf  publieront  procfaai* 
nement  en  allemand  une  l^stoire ,  également  illustrée,  de  la  littérature  fran- 
çaise,  mais  die  ne  formera  qu'un  volume  de  grand  format.  Le  sujet  est  ici 
divisé  en  deux  panies  égales.  Tune  pour  le  moyen  igç,  l'autre  pour  les  temps 
modernes;  M.  Sudiier  tndtera  la  première,  M.  Morf  la  seconde. 

—  En  tète  de  VÀmmûrt  pour  1895  (première  année)  de  YÊcok  prûiiqm 
des  HàuUi  Éimdes  figure  (p.  7*^7)  tme  dîssertatiûo  intitulée  :  V^iératim  ^ 
raummdu  c  kiim^  ptr  G.  Paris. 

—  Une  nouveOe  édition,  revue  et  corrigée,  des  Bsirmts  dâ  la  chtmmm  M 
Bûkmd^  ÏMir  G.  Paris,  vient  de  paratue  à  h  librairie  Hachette.  Une  nonirelk 


CHRONiaUE  331 

édition  des  Extraits  des  Cyoniqiieun  jrançais  au  moytn  âge,  par  G.  Paris  cl 
A.  Jeaûroy,  paraîtra  incessamment  à  la  m^rae  librairie. 

—  L'impression  du  t.  II  de  la  Grammntik  ihr  romatmchiti  Sprachn  de 
M.  Meyer-Lûbke  est  très  avancée, 

—  Dans  la  séance  du  17  mars  1893  de  l*Acjdémie  des  Inscriptions,  M.  G. 
Paris  a  lu  une  note  sur  îts  faits  ^pi^raphtqttes  ou  paîéog^raphiqfi^s  aWgués  en 
preuve  d'une  aUiratiofi  atukmu  du  c  îatm,  qui  vient  de  paraître  dans  les 
Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie. 

—  M»  Éd.  Schwan  publiera  dans  le  courant  de  cette  année  une  édition 
critique  des  oeuvres  de  Hugues  de  Berzé  (les  chansons  et  ïa  Bihk)» 

—  U.  F.  W.  Bourdiîlonj  connu  par  sa  jolie  traduaion  anglaise  à\4ucasm 
ei  Nicokte,  nous  adresse  la  note  suivante  que  nous  insérons  bien  volontiers  : 

«  At  a  sale  ol  books  and  mss.  at  Messrs.  Sotheby's  in  nov.  x888,  1  bought 
a  small  M. S,  on  vellum  of  the  xiir^  century  which  proved  to  be  in  fact  a 
second  copy  of  the  volume  in  the  Bibliothèque  nationale,  Fonds  Franc.  5714. 
It  is  rather  smalîer  informât,  and  probably  somewhat  later  in  date.  ît  is  also 
unfortunately  împcrfcct ,  a  whole  «  gathering  »  of  8  leaves  being  lost  at 
the  beginning,  and  one  leaf  at  the  end*  Like  the  M. S,  5714  ît  contains 
VKo  separate  works,  the  History  of  France  and  the  Choniqm  de  Turpin,  in  the 
Saîntongese  dialect.  The  later  has  becn  printed  by  Herr  Auracher;  but  the 
former  is  hitherto  unedited,  and  I  hope  to  publish  it  in  the  course  of  this 
ycarthrough  the  meansof  Mr  David  Nutt,  London.  The  body  of  the  text  will 
bc  that  of  my  own  M, S,,  which  has  of  course  been  ilie  readiest  for  me 
to  transcribc.  But  the  missing  part  I  hâve  transcribed  from  the  Paris  M.S.» 
and  bave  also  noted  the  chief  variants.  The  new  M.  S,  stands  to  the  old 
ver\*  much  as  the  Turpin  ms.  124  stands  to  the  Turpin  ms.  5714.  ïhat 
15  to  say  the  dialectic  peculiarîties  are  somewhat  reduced»  and  the  phrases 
throughout  amplilied,  The  very  peculiar  form  mosl  =  moU  or  moutt,  which 
Herr  Aur.icher  could  not  bring  himself  to  believe  in,  is  habituai  in  this  M, S*, 
and  I  hope  in  a  short  note  to  prove  that  it  is  indisputably  tmst ,  and  not  a 
peculiar  writingof  wo//.  » 

—  M.  E.  Gorra,  dont  nous  signalons  plus  loin  les  Stiidi  di  critica  UUeraria, 
annonce  la  prochaine  publication  de  plusieurs  ouvrages  ou  éditions  qui  ne 
pourront  manquer  d'avoir  de  l'intérût  :  Studi  gbttoh^ici  :  DdT  tpcnten  di  jah 
Hdk  lingue  ronmnie;  Il  diaktto  di  Panua;  U  ditûetto  di  Fer r ara;  Le  Court 
d'Amours  di  Mahius  te  Portiers ^  cm  intrûdui^ionc  ed  illustra^ioni. 

—  Livres  annoncés  sommairement  : 

Vnsert  bàfisdh-n  Epen  uttd  ihrf  QueJkn.  Von  Dr  Placid  Genelin.  Innspruck, 
Schwîck,  189Î,  în-8*>,  115  p.  —  Travail  de  seconde  main,  et  dont  Tauteur 
n*a  même  pas  toujours  su  puiser  aux  meilleures  sources.  Il  peut  être  assci 
commode  pour  les  lecteurs  allemands  comme  orientation  générale,  mais  il 
les  égarera  plus  d*une  fois,  surtout  en  ce  qui  touche  les  parties  françaises  du 
sujet»  et  il  n'apprendra  rien  aux  émdiis, 


332  CHRONIU.UE 

Olonurts  grammaticales^  par  J.  Bastïn.  Namar,  1891,  in- 18,  88  p.  —  Ces 

observations  sur  des  difllcultés  et  parfois  des  subtilités  de  notre  syntaxe  et 
de  notre  orthographe  se  recommandent  par  Tcsprit  judicieux  qui  les  a 
inspirées  et  par  rexcellentc  méthode  qui  consiste  k  s*appuyer  sur  des 
exemples  et  non  sur  des  règles  purement  théoriques  et  souvent  arbitraires. 
On  peut  ne  pas  être  toujours  de  Ta  vis  de  Tauteur  sur  ce  qui  serait  le  meil- 
leur usage,  mais  il  renseigne  fort  bien  sur  ce  qui  est  l'usage  réeL  Nous  ne 
pouvons  que  recommander  son  petit  livre  à  ceux  qui  s^occupent  de  la 
grammaire  moderne  du  français. 

DU  aîîegoriiche  Can^mit  dâs  Guiraui  de  Caîanso  :  A  leis  cui  am  de  cor  e  de 
saber,  und  ihre  Deutung,  von  Otto  Dammakn.  Breslau,  1891.  In-So» 
87  pages.  —  Cette  dissertation  contient  le  texte  critique  d  après  les 
manuscrits  de  la  chanson  de  Guiraut  de  Calanso,  des  recherches  sur  les 
représentations  allégoriques  de  Tamour,  et  une  critique  minutieuse  de 
Texposition  de  cette  pièce  par  Guiraut  Riquier,  Ce  travail  est  fait  avec  soin 
et  dénote  une  connaissance  suffisante  de  b  matière,  mais  il  est  bien  long 
eu  égard  à  ce  qu*il  contient  de  nouveau, 

Ânt})oÎ0gie  populaire  de  VAlhrtt^  par  l'abbé  Léopold  DAJiDy.  Agen,  Michel  et 
Médan,  1891,  2  vol.,  in-12,  xxx-366  et  424  p.  —  Recueil  de  chansons, 
proverbes j  devinettes,  contes,  etc.,  qui  présente  un  réel  intérêt  et  paraît 
formé  très  sincèrement.  L'auteur  annonce  un  lexique  du  parler  de  TAlbrei 
pour  compléter  son  œuvre;  il  fera  sagement  de  s*abstenir  d'étyraologies; 
les  quelques  pages  grammaticales  de  son  introduction  prouvent  assez  qu'il 
a  raison  de  reconnaître  qu'il  n*est  pas  philologue. 

Ln  Épopées  françaises.  Études  sur  les  origines  et  Thistoire  de  la  Httératurc 
nationale,  par  Léon  Gautier,  IL  Seconde  édition  entièrement  refondue, 
Paris,  Weltcr,  1892,  8^,  vm-416  p,  —  Ou  sait  que  M.  Gautier  a  séparé 
en  deux  le  premier  volume  de  son  grand  ouvrage;  le  premier  des  nouveaux 
volumes  a  paru  en  1878;  nous  n'avons  encore  id  que  la  première  partie 
du  second,  mais  nous  avons  lieu  d'espérer  que  la  seconde  ne  se  fera  pas 
attendre.  Nous  reparlerons  de  ce  volume  quand  i!  sera  complet.  Bornons- 
nous  ici  à  dire  que  le  titre  d'  w  édition  entièrement  refondue  »  est  A  peine 
suffisant  pour  marquer  h  différence  entre  la  première  et  la  seconde  forme  de 
l'ouvrage  :  c'est  un  nouveau  livre,  où  fauteur  a  fait  entrer  tout  le  fruit  des 
études  des  autres  et  des  siennes  propres  depuis  vingt-huit  ans*  Espérons 
qu'une  fois  le  tome  II  de  la  nouvelle  édition  terminé,  l'auteur  des  Épopée 
françaises  se  mettra  vaillamment  au  tome  V,  qui  doit  nous  donner  la  fin  de 
la  (r  Geste  de  Guillaume  j^^et  que  nous  attendons  depuis  dix  ans. 

Ânsds  von  Karthago^  herausgegeben  von  Johann  Alton.  Tûbingen,  1892, 
8°,  606  p.  —  Malgré  les  critiques  qu'on  peut  adresser  à  cette  édition,  ci 
dont  la  plus  grave  est  la  non  utilisation  du  ms.  de  Durham,  elle  rend  ser- 
vice 1  la  science  et  mérite  la  reconnaissance,  car  ce  n*ctait  pas  une  besogne 
attrayante  que  de  publier  d'après  cinq  manuscrits  les  11600  vers  d*Anseis, 
Cette  clianson,  qui  dans  sa  majeure  partie  est  banale  et  de  peu  de  valeur, 


CHRONiauE  353 

offire  de  l'intérêt  par  son  début  et  par  son  thème  général,  emprunté, 
comme  on  Va  reconnu  il  y  a  longtemps,  k  h  légende  espagnole  de 
Rodrigue  et  de  la  Cava.  Sur  le  rapport  du  poème  français  avec  la  Seconda 
S/k^a,  M.  Alton  émet  une  opinion  qui  ne  me  semble  pas  absolument 
juste;  j'ai  examiné  cette  question  dans  un  article  qui  a  paru  dans  la 
Rasîfgna  blhliografica  italiana  dirigée  par  M,  d*Ancona.  —  G,  P* 

Spanim  und  die  spaniscfte  Litteratur  im  Lichu  dcr  deutscfjen  Kritik  und  PoesU,  Von 
Df  Artur  Farinelli.  Berlin,  Haack,  1892,  in-80,  p*  73-128. — Nous  avons 
ici  la  seconde  partie  de  Touvrage  dont  la  première  partie,  publiée  comme 
thèse,  a  été  annoncée  ci-dessus  (p.  174).  Elle  concerne  le  xviif  siècle  et 
s'arrête  à  Herder,  On  y  trouve,  comme  dans  la  première,  beaucoup  d'éru- 
dition et  un  grand  nombre  de  faits  intéressants  très  bien  appréciés* 

La  fofwtica,  por  Rodolfo  Lenz,  profesor  de  lenguas  modernas  en  el  Instituto 
Pedagojico  deChile.  Santiago  de  Chile,  1892,  in-8*>,  27  p.  —  Ces  quelques 
pages  (extraites  des  v^mi/i*^  de  la  universiJad  de  Chiie^  t.  LXXXl)  contiennent, 
après  un  court  aperçu  de  Tliistoire  de  la  phonétique  comme  science,  un 
tableau  très  clair  et  très  pratique  des  faits  qui  constituent  aujourd'hui  cette 
science.  On  ne  s'étonnera  pas  de  i*escellente  exécution  de  ce  pritmr  si  on 
se  rappelle  que  M-  Lenz  est  Fauteur  de  ce  remarquable  travail  sur  M  Physio- 
Jo^ieet  Fhistoire  des  palatales  qui  a  véritablement  renouvelé  un  chapitre  de  la 
phonétique  (voy,  Rom.,  XVI,  6}o).  Espérons  que  ses  indications  suscite* 
tout  des  travailleurs  dans  ce  vaste  monde  espagnol  où  les  études  de  phoné- 
tique historique  n'ont  jusqu'à  présent  qu'un  représentant,  M.  P.  Araujo, 
dont  Tautcur  parle  avec  une  juste  estime.  En  disaot  que  les  Français  n'ont 
guère  étudié  la  phonétique  qu'au  point  de  vue  pratique,  M.  Lenz  oublie 
le  livre  de  M.  Paul  Passy  ;  il  ne  pouvait  encore  connaître  celui  de  M.  l'abbé 
Roussdoi. 

Dii  Vfrfasserfragt  des  Eneas  und  der  Koman  de  Thebes...  (von)  Otto  Rottig. 
Halle,  1892,  in-80,  44  p,  —  L'auteur  conclut,  après  un  examen  qui  parait 
attentif,  que  «  Benoit  ne  peut  avoir  écrit  ni  le  roman  é'Etum  m  le  roman 
de  Tlièbesy  et  qu'£w^et  Tbibes  ne  peuvent  non  plus  avoir  le  même  auteur». 
Dans  cet  examen  on  pourrait  relever  quelques  erreurs.  Ainsi  M.  R.  dît, 
après  bien  d'autres,  que  «  -ûil  s'affaiblît  en  -eil  u  dans  certains  textes;  on 
n'en  cite  jamais  qu'une  preuve ,  c'est  travail  rimant  en  'til ,  mais  ce  mol 
a  une  double  forme  qui  lui  est  tout  à  fait  spéciale,  travail  et  iraveil  (de  m» 
travaillier  et  traveillier  traviUier);  ce  n'est  pas  là  un  fait  de  phonétique 
générale. 

Les  mots  latins  dans  les  langues  brittoniqties  {gallois^  arvwrkain^  comiqm\  pho- 
nétique et  commentaire,  avec  une  introduction  sur  la  romanisation  de  TIlc 
de  Bretagne^  par  J.  Loth.  Paris,  Bouillon,  1892,  in-80,  246  p.  —  Livre 
d'une  grande  valeur  et  qui,  A  divers  égards  intéresse  beaucoup  la  philo- 
logie romane  ;  nous  espérons  pouvoir  l'examiner  à  ce  point  de  vue. 

BitgHuhe  Phihl(^.  Anleitung  zura  wissenschaftlichen  Studium  der  Englis- 
cben  SprachCi  von  Johann  Storm.  Vom  Verfasser  fur  das  deutsche  Publi- 


3J4  CHRONiaUE 

kum  bearbeiict.  Zweite,  voltstindig  umgearbchete  und  sehr  veniiehrte 
Aaflage,  1.  Du  lehauk  Sprache,  L  AbkUung  :  Phûmtik  und  Aussprache, 
Leipzig,  Reisland,  1^2,  in*»»,  xiv-484  p.  —  Il  est  inutile  de  recommander 
radiïiirablc  ouvrage  de  M,  Storm,  classique  dès  son  apparition  ;  il  suffit  de 
dire  que  cette  seconde  édition  est  bien  réellement  «  complètement  refondue 
et  très  augmentée  ».  Sous  prétexte  d'introduction  à  la  philologie  anglaise, 
on  a  li  une  vèritabk  encyclopédie  phonologique,  comprenant  la  sdcncc 
eUe-méme  et  rhistoire  de  cette  science.  La  description  de  b  pronondation 
anglaise  n'occupe  que  1 30  pages,  la  «  phonétique  générale  »  en  occupe  5 18  ; 
c'est  dire  que  cette  magistrale  étude  peut  servir  d'introduction  À  la  gram- 
maire de  n'importe  quelle  langue,  et,  en  effet»  tous  ceux  qui  voudront  écrire 
une  grammaire  devront  commencer  par  se  pénétrer  des  idées  si  justes  ei 
des  observations  si  exactes  du  savant  professeur  de  Christiania,  et  tout  pr* 
ticulièrement  les  romanistes,  parmi  lesquels  il  occupe  aussi  un  rang 
éminent. 

Lis  Lamentations  de  Matheolus  d  k  Livre  de  Liesse  de  Jehan  le  Fhrt  de  Ressm 
(poèmes  français  du  XlV^sikîe).  Édition  critique,  accompagnée  de  Toriginal 
latîn  des  Lamentations^  d'âpre  l'unique  manuscrit  d'Utrecht,  d'une  Intro- 
duction et  de  deux  Glossaires,  par  A. -G.  Vak  Hamel.  Tome  premier. 
Textes  français  et  latin  des  Lanitntatiom .  Paris,  Bouillon,  1S92,  8^,  XXV- 
Jl)  p,  (95*^  fascicule  de  la  Bibliothèque  de  t École  des  Hautes  Études),  — 
Nous  reparlerons  de  cette  belle  et  intéressante  publication  quand  elle  sera 
terminée;  disons  seulement  qu'on  y  retrouve  l'érudition  et  le  soin  bien 
connus  de  Tédiieur  du  Reclus  de  Molliens. 

/  Rmli  di  Francia  di  Andréa  da  Barberino.  Testo  critico  per  cura  di  Giuscppc 
Vandelu.  Volume  IL  Parte  I*.  Bologna,  Romagnoli,  1892,  in-B*»,  cxvni- 
291  p,  (Coite^iont  di  opère  inédite  0  rare  dei  primi  tre  secoU  deîla  Httgua  pttb- 
hîiciita  per  cura  délia  R,  Commissiotu  de'  testi  di  lingua  neUe  ptovincie  deiP 
Bmiîia).  —  Enfin,  après  avoir  attendu  vingt  ans,  nous  possédons  au  moins 
la  première  partie  de  l'édition  critique  des  Re^li  qui  nous  avait  été  promise, 
et  la  seconde,  qui  comprendra  k  fin  de  Touvrage,  ne  tardera  sans  doute 
pas  à  nous  être  donnée.  Ce  long  retard  n'a  pas  nui  à  roeuvrc»  au  contraire, 
ne  fût-ce  qu'en  laissant  se  produire  la  découverte  d*un  précieux  manuscrit 
qu'on  croyait  perdu.  M.  Cappelli,  qui  de^^ail  donner  l'édition,  fut  bientôt 
distrait  par  d'autres  soins  d^  travaux  préparatoires  qu'il  avait  commencés; 
après  sa  mort,  M.  Rajna,  qui  avait  écrit  le  beau  volume  d'introduction 
dont  nous  avons  jadis  rendu  compte  {Rouk  H,  jSi),  chargea  un  de  ses 
anciens  élèves,  M.  G.  VandeOi,  de  reprendte  et  de  mener  à  bonne  fia  b 
tichc  abandonnée.  Ce  choix  parait  avoir  été  extrêmement  heureux  :  la 
longue  préface  de  M.  V,  sur  les  sources  de  son  texte  (qui  se  réduisent  à 
deux  manuscrits,  Tun  à  Florence,  l'autre  à  Oxford,  et  à  l'édition  de  Modène 
de  149  0  est  tout  à  fait  judicieuse,  et  en  la  lisant  comme  en  lisant  le  texte 
on  $G  sent  en  présence  d'un  travail  bien  et  intelligemment  exécuté.  Noi» 
aurons  donc  bienttJt  le  plaisir  de  pouvoir  Ere  dans  une  forme  bien  voisine 


CHRONiaUE  3  3  S 

de  rorîginal,  sinon  absolument  dans  la  forme  originale  d 'Andréa  da  Barbe- 
rino  (M.  V,  rend  probable  Texistence  d'un  manuscrit  intermédiaire  entre 
Tautographe  et  nos  trois  copies)^  cet  ouvrage  curieux,  qui  a  perdu  en  lui- 
même  quelque  peu  de  son  intérêt  depuis  qu'on  Fa  étudié  de  près  et  qu'on 
en  a  indiqué  les  sources,  mais  qui  donnera  encore  lieu  par  plus  d'un  aspect 
à  de  nouvelles  recherches.  Nous  en  sommes  très  icconnaîssants  à  M.  G. 
Vandelli, 

Tbierri  ixm  Vauœtdettrs  Jùbonnes-Legmâc,  Van  Franz  Thormann.  Darmstadt, 
Otto,  1892,  in-fio,  96  p.  (diss,  de  Berne).  —  Le  ms,  }88  de  Berne  contient 
une  vie  de  saint  Jean  l'Évangéliste  en  vers,  dont  Fauteur  se  nomme  Tierri 
de  Vaucouleurs  ;  M,  Thormann  en  donne  une  analyse,  en  recherche  les 
sources,  en  étudie  le  dîaleae  et  la  date,  en  publie  de  longs  extraits,  et 
propose,  avec  vraisemblance,  d^identifier  Fauteur  à  un  Tliiodoricus  de 
Vidîiscolore  qui  a  composé,  sans  doute  en  126$,  une  vie  latine  en  vers 
d'Urbain  IV.  Les  raisons  qu'il  apporte  pour  attribuer  la  Vk  de  mini  Jean  à 
1220  ou  1250  (ce  qui  cadrerait  mal  avec  cette  identification)  sont  peu 
probantes  ;  notamment  la  non  élision  de  IV  atone  intérieur  devant  voyelle 
est  Inen  contestable  :  M.  Th.  veut  corriger  les  passages  où  cet  e  est 
tombé,  et  n'en  laisse  pas  moins  subsister  des  formes  comme  ponrist  •= 
pourdst  (p.  5),  bleçure  (p,  96;  à  propos  de  cet  e  il  écrit,  p.  55,  des  choses 
tout  à  fait  extraordinaires  sur  Falternance  de  irai  et  de  verai^  où,  d'après 
lut,  «  Vr  sonantc  a  développé  devant  elle  un  e^  qui,  suivant  le  besoin  du 
vers,  allonge  ou  diminue  le  mot  d'une  syllabe  »);  on  peut  sans  crainte 
faire  descendre  le  poème  de  Tierri  de  quatre  ou  cinq  dizaines  d'années;  la 
langue  est  le  français  influencé  par  le  lorrain  et  le  champenois  (Fauteur  a 
vécu  à  Metz  et  sans  doute  à  Troyes).  Les  morceaux  publiés  paraissent 
Fètre  avec  soin  ;  p,  5,  v,  9,  il  faut  évidemment  tu  cuit  pont  je  cuit;  dans 
le  premier  des  extraits  donnés  en  appendice,  v.  147  L  Tœit,  v.  16 j  vwit 
Tanfant,  v.  297  covient^  U,  104,  c*on,  M.  Th,  conserve  à  tort  le  w  du 
manuscrit  (wisom,  welles,  aweCy  etc.)  ;  on  a  plus  d'une  fois  répété  qu'il  fal- 
lait, du  moment  qu'on  nimprime  pas  diplomatiquement,  résoudre  ce 
groupe  en  w^  uUy  tw  ou  m*  (sauf  naturellement  quand  il  représente  réelle- 
ment  tu  =^  gu  français).  —  Ajoutons,  ce  que  n'a  pas  su  M.  Th.,  qu*il 
existe  à  Carpentras  un  ras.  de  la  môme  vie  plus  complet  que  celui  de 
Berne.  C*est  un  ms.  du  xiii«  siècle,  d'origine  lorraine.  Il  est  décrit  dans  le 
catalogue  de  la  Bibliothèque  de  Carpentras  par  Lambert. 

Étud^  de  phihlo^ie  néo-grecque.  Recherches  sur  le  dévehppcmmt  historique  du  grec 
publiées  par  J.  Psighari,  Paris,  Bouillon,  1892 ,  in-80,  CCX1-J77  p,  (94* 
fiisc.  de  la  Bibliothèque  de  V  École  des  Hautes  Études).  —  Plusieurs  chapitres 
ou  passages  de  ce  livre  remarquable  intéressent  la  philologie  romane ,  et 
nous  comptons  lui  consacrer  prochainement  un  article;  bornons-nous 
présentement  à  le  signaler  à  toute  l'attention  de  nos  lecteurs. 

Ch,  Thuriet.  Traditiom  populaires  de  la  Haute-Savoie  et  du  Jura.  Paris, 
Lechevalier,  1892,  in-12,  x-6)2  p.  — lî  y  a  beaucoup  de  paille  et  un  peu 


336  CHRONIQUE 

de  bon  grain  dans  cette  grosse  gerbe  ;  mais  même  ce  qui  a  quelque  valeur 
est  souvent  gdté  par  la  façon  dont  i*auteur  le  présente,  donnant  à  des 
traditions  dont  il  n'indique  pas  assea  exactement  la  provenance  une  anri- 
bution  historique  inadmissible  (on  voit  par  exemple  figurer  dans  ces  rédts 
des  «  druides  »|  des  «  leudes  »»  etc.),  L  érudition  de  Tauteur  se  montre 
dès  la  première  page  de  sa  préface,  où  on  lit  :  «  N*avoQS-nous  pas  â 
Autrey  (i  quel  propos  cette  histoire  est-elle  localisée  à  Autrey  ?)  la  célèbre 
et  émouvante  histoire  de  GahneUe  de  Vergy^  qui,  avant  d'épouser  le  sire  de 
Fayel,  avait  aimé  Raoul  de  Coucy,  te  noble  ménestrel  à  la  fière  devise  : 
Je  m  suis  roy  ne  dttc,  prince  ne  conît  atissi^  Je  suis  U  sire  de  Coucy  ?  » 

Gtsckichte  dis  Rumânischen  Schrifitums  bis  ^ur  Gegemvart,  von  Dr.  W,  Rûdow. 
Ausgearbcitet  mit  Unterstùt/ung  der  angeschenstcn  Schriftsteller.  Durch- 
gesehen  und  erganzt  im  Auftrage  des  Bukarester  Kultusministeriums  von 
Prof.  J.  Negruzzi  und  G.  Bogdan.  Wemigerodc,  1892,  in-ii,  240  p.  — 
Malgré  toutes  les  garanties  que  semble  offrir  le  titre  qu'on  vient  de  lire,  le 
livre  de  M,  Rûdow  n'a  pas  été  favorablement  accueilli  par  la  critique;  il 
paraît,  en  effet,  en  maint  endroit  être  le  produit  d'une  compilation  assc2 
superficielle,  et  la  personnalité  de  l'auteur  s'y  donne  carrière  d*une  (açon 
parfois  bizarre*  Néanmoins,  il  peut  servir  à  orienter  les  lecteurs  dans  une 
région  encore  bien  peu  explorée. 

htoria  filologiei  romdne.  Studii  critice  de  Lazâr  Sàinénu,  c*o  prefa^i  B.  P. 
Hasdeù,  Bucarest,  Socecù,  1892,  in-12,  xvi-4^5  p.  —  Livre  fort  intéres- 
sant, comme  on  pouvait  l'attendre  de  la  science  et  de  la  critique  de  Tau- 
tctir.  Les  Qotcs  bibliographiques,  extrêmement  riches  et  précises,  rendront 
grand  service  aux  travailleurs.  Sur  tous  les  points  qu'il  traite,  M.  S,  a  une 
opinion  à  lui  ;  quelquefois,  comme  pour  la  question  capitale  de  la  conti- 
nuité de  Texistence  des  Roumains  en  Dacie,  on  souhaiterait  qu'il  l'expri- 
mât plus  explicitement  et  qu'il  la  motivât  mieux. 

Studi  di  critica  UtUtaria  di  Egidio  Gorra.  Bologna,  Zanichelli,  1892,  în-12, 
IV-40S  p.  —  Ce  très  intéressant  volume  contient  :  tme  notice  étendue  sur 
le  poème  jusqu'ici  mal  connu  de  Thomas  III  de  Saluces,  le  CfftvaJîcr 
Errant;  2«  une  étude  sur  quelques  dérivations  du  Raman  de  k  Rose  (il 
s'agit  surtout  des  poèmes  français  du  xv«  s,);  }<>  un  long  et  imporunt  tra- 
vail sur  le  Pecorotie,  où  M-  Gorra,  après  avoir  réuni  et  soumis  à  une  judi- 
cieuse critique  tout  ce  qu'on  sait  (et  c'est  peu  de  chose)  de  Tauteur  de  ce 
recueil,  cr  Ser  Giovanni  Fiorentino,  »  étudie  chacune  des  nouvelles  du 
Pecorotte  qui  ne  sont  pas  de  simples  copies  ou  traductions,  et,  suivant  une 
excellente  méthode,  s'attache,  non  à  refaire  Thistoire  complète  de  chacun 
de  ces  motifs  mythographiques,  mais  à  déterminer  autant  que  possible  la 
source  directe  de  Ser  Giovanni  et  à  fixer  la  place  qu'occupe  son  rédt  dans 
révolution  du  motif;  40  //  Reg^imento  t  Costume  di  donne  dd  Barherim  net 
suoi  rapporii  coUa  letkraînra  provençale  e  fratwese.  Il  y  aurait  çà  et  là  plus 
d'une  observation  de  détail  d  faire  sur  ces  études,  où  l*on  remarque  toujours 
une  grande  érudition,  parfois  un  peu  surabondante.  Nous  nous  bornerons 


CHRÔMldUE  3J7 

â  £iîre  observer  â  l'auteur  que  la  version  du  conte  de  «  TAigle  d'or  n 
qu*il  a  impnm<!*e  en  appendice  d'après  le  Cbtvalw'  Errant  de  Thomas  de 
Sâluces  provient  du  roman  bien  connu  de  Tkstus  de  Cologne  (voy.  Ward, 
Cutalogtu^  I,  569). 

Os  Ciganos  de  Portttgal^  con  um  cstudo  sobre  o  calao, . . .  por  F.  Adoîpho  CoELtto, 
Lisboa,  Iraprensa  Nacional,  1892,  quatre- jo)  p*  —  Une  grande  partie  de 
ce  beau  livre,  que  Tauteur  a  Voulu  dédier  à  Tun  des  dircaeurs  de  la 
Rumanm,  sort  du  cadre  de  nos  études  et  dépasse  notre  compétence;  mais 
un  chapitre  considérable  (p*  55*165)  est  consacré  à  une  étude  du  calao  ou 
argot  portugais,  dans  laquelle  ses  rapports  avec  le  parier  des  tsiganes 
n'occupent  qu^une  faible  place,  tandis  que  U  plus  grande  est  prise  par  des 
recherches  extrêmement  intéressantes  et  pénétrantes  sur  le  rapport  de  cet 
argot  soit  avec  la  langue  ordinaire,  soit  avec  l'argot  d*autres  pays  et 
notamment  de  France.  On  retrouve  là,  comme  dans  tous  les  écrits  d'A. 
Coclho,  la  mise  en  œuvre  de  matériaux  très  sûrs  et  très  riches  par  un  esprit 
remarquablement  sagacc  et  nourri  de  la  meilleure  philosophie. 

Expûiiçàû  da  pronuncia  normal  portu^ue^û^  para  uso  de  nacionaes  e  estningeiros. . . 
por  A,  R.  GoNÇALVES  Vianna,  Lisboa,  Imprensa  Nacional,  1892,  in-S*», 
Î04  p.  —  Le  nom  de  P  auteur  dit  assez  la  valeur  de  ce  traité,  à  la  fois  très 
précis  et  très  concis;  on  se  rappelle  l^article  publié  par  M.  Gonçalves 
Vianna  dans  la  Romanîa  (XII,  29)  sur  le  même  sujet.  Le  tra^^aiJ  actuel  est 
d'ailleurs  conçu  sur  un  tout  autre  plan  ;  il  s*ouvre  par  des  considérations 
générales  sur  la  formation  des  phonèmes,  et  il  compare  constamment  la  pro- 
nonciation ancienne  à  la  moderne.  Nous  ne  saurions  trop  recommander 
à  ceux  qui  veulent  étudier  de  près  le  portugais  l'ouvrage  si  court  et  si 
riche  de  notre  savant  collaborateur. 

Archives  municipales  de  Bayotme,  —  Livre  des  itahUssentmts,  Bayonne,  impr. 
A.  Lamaignere,  1892,  in-4»,  Ln-546  pages,  —  L'idée  de  cette  publication 
mérite  tout  éloge.  On  ne  saurait  trop  encourager  les  municipalités  à  faire 
imprimer  les  documents  les  plus  précieux  de  leurs  archives.  Ccst  le  meil- 
leur moyen  de  les  soustraire  aux  chances  destructives  qui  les  mcniicent. 
La  ville  de  Bordeaux,  qui  avait  perdu  une  partie  de  ses  archives  dans  un 
incendie»  a,  comme  on  sait,  entrepris  une  publication  très  bien  entendue 
des  plus  anciens  documents  qui  lui  sont  restés.  Bayonne,  â  qui  pareil  acd* 
dent  est  arrivé  il  y  a  trois  ans,  a  suivi  cet  exemple,  et  imite  Bordeaux  jusque 
dans  le  choix  du  papier  et  du  format.  Mais  it  faut  convenir  que  dans 
reoscmble  la  publication  bordelaise  est  très  supérieure  à  celle  que  nous 
annonçons  présentement.  Le  livre  des  établissements  de  Bayonne  est  un 
cartulaire  municipal  fort  précieux,  et  qui  méritait  assurément  d'être  publié 
en  son  entier,  bien  que  plusieurs  des  pièces  les  plus  importantes  qu'il  ren- 
ferme eussent  déjà  été  mises  au  jour  par  MM,  Balasque  et  Dulaurcns,  dans 
leurs  Èiuda  historiques  sur  la  ville  de  Bayonne,  mais  il  est  regrettable  que 
celte  publication  n^ail  pas  été  confiée  à  des  mains  plus  compétentes.  Les 
textes  latins  et  béarnais  contiennent  de  nombreuses  fautes,  et  alors  même 


XXU. 


21 


338  CHRONiaUE 

que  ces  fautes  se  trouvent  néellemeni  dans  le  carlubire,  îl  eût  fallu  Jc$ 
rectifier  en  note.  Ainsi,  parmi  les  témoins  d*un  acte  du  roi  Jean  d'Angle- 
terre :  H''.  Com.  BarmUy....  IV.  d^  Harecuii,  Jolian  dé  Baissinge  bcirn.  H 
fiillait  lire  IV,  comis  Varmfte,  IV.  (k  Harfcurt,  joJhin  d<  Bassingtmm.  Il  ti*€St 
pas  aisé  de  reconnaître  le  comte  de  Warren  dans  cet  article  de  La  table  : 
Barrttn  (fV,  Com.)  témoin.  Le  glossaire  ne  contient  pas  Je  renvois  au  texte, 
ce  qui  en  rend  Tusage  fort  difficile.  D'ailleurs  il  fourmille  d'erreurs  dont 
bon  nombre  auraient  pu  être  évitées  si  celui  qui  Ta  composé  avait  pris  la 
peine  de  consulter  le  dictionnaire  béarnais  de  MM.  Lespy  et  Ra^'mond. 
Ainsi  on  y  trouve  un  mfmiû[ armairar  «t  rester  ».  Ce  fantastique  intînîtif  a 
sans  doute  été  créé  diaprés  le  futur  armaira  qu'on  peut  lire^  p.  17,  ligne  2; 
la  vraie  forme  de  Tinânitif  est  donnée  par  MM.  Lespy  et  Raymond  :  c'est 
annaner.  Artreitar^  traduit  par  «  maltraiter,  injurier  n,  signifie  «  rappeler, 
reprocher  »  (anc,  prov.  et  fr.  rdraire)^  etc.  Ces  imperfections  sont  d'autant 
plus  regrettables  que  le  Livre  des  étabUssernents  renferme  de  nombreux  textes 
béarnais  qui,  en  raison  de  leur  date  (une  grande  partie  du  ms.  a  été 
exécutée  en  1336),  offrent  un  réel  intérêt  linguistique,  —  P.  M. 

De  Jolmnnt  Ntcotio  phiîoîogo  thesim  proponebat  Facultatî  litterarum  Parisiensi 
Maxime  Lanusse.  Graiianopoli,  1893,  in-8*^,  202  p.  — Travail  estimable  et 
qui  fait  estimer  Jean  Nicol  et  son  Tïnesor  de  la  Luipie  fran^vyse.  Il  avait  un 
certain  discernement  en  fait  d'étymologie  et  savait  que  le  français  ne  vient 
ni  de  l'hébreu,  ni  du  grec,  ni  du  gaulois.  Son  grand  mérite  est  d^avotr 
réuni  plus  de  mots  français  que  ses  devanciers  et  d'avoir,  à  peu  prés  le 
premier,  cherché  à  les  définir  avec  quelque  exactitude.  Son  livre  mérite 
encore  d'être  consulté. 

Proven^alisif)es  Suppictneni-H^ôrUrhuch.  Berichtigungen  ond  Erginzungen  m 
Raynouards  Lexique  Roman,  Von  Emil  Levht .  Erstes  Hcft,  Leipzig,  Bresr- 
laud,  1892,  in-8'^j  VIII- 128  p.  —  Nous  rendrons  compte  de  cette  intéres- 
sante publication. 

ÙU  BrUfe  des  Trobùdors  Ratrnbaut  de  Vaqudras  an  Boni/s^  /,  Markgraftm  vom 
Montjtrrat.  Zum  ersten  maie  kritisch  herausgegeben,  nebstxwei  Karten  iliid 
eincr  Beilage  ûber  die  Markgrafen  von  Montferrat  und  die  Markgrafen 
Malaspina  in  ihren  Bezîehungen  2U  den  Trobadors.  Von  Oscar  Schultz. 
Halle,  Niemeyer^  in-8«,  VIII,  140  p.  —  Étude  très  consciencieuse,  mais  qtd 
n*édaire  pas  tous  les  points  obscurs  de  ces  textes  difficiles. 

Ph*  Wagner.  Frattiôsische  Quantiiài ,  unter  Vortuhrung  des  AIbrecht*sdicn 
Apparats.  Marburg»  Elwcrt,  1S93,  in-80,  17  p.  (extrait  dts  P}»H€tiscbt  Stu* 
dîeti^  p.  VI),  —  Conférence  du  plus  grand  intérêt  sur  la  quantité  en  fran- 
çais, mesurée  à  F  aide  d'un  ingénieux  appareil,  fiien  des  idées  courantes  sur 
ce  qu  on  appeUe  la  quantité  seront  détruites  par  ces  expériences  concluantes. 
Le  résultat  principal  est  que  la  durée  de  prononciation  des  voyelles  dépend 
plus  de  leur  place  dans  la  phrase  et  de  leur  valeur  de  setis  que  de  leur 
tiature,  et  que  dans  le  discours  les  consonnes  occupent  sensiblement  plus 
de  temps  que  les  voyelles.  Kotons  encore  te  curieux  essai  fait  par  rauteor 


CHRONIQUE  339 

sur  les  vers  :  il  a  constaté  que  dans  des  alexandrins  pris  au  hasard  chez 
Boileau,  Racine  et  Victor  Hugo  les  deux  hémistiches  étaient  toujours 
mathématiquement  égaux.  Toutefois  l'expérience  est  à  reprendre, 
M.  Wagner  Payant  faite  sur  un  jeune  Français  de  quinze  ans  qui  récite 
peut-être  les  vers  avec  une  régularité  exceptionnelle.  Mais  toute  cette 
étude  est  intéressante  et  fait  grand  honneur  à  l'intelligence  et  à  la  pru- 
dence de  l'observateur. 

Egidio  Bellorini.  Note  sulle  traJu^iofii  itàliane  delV  Arteamaioria  e  dei  Remé- 
dia Amoris  d^Ovidio  anteriori  al  Rinascimcnto.  Bergamo,  Cattaneo,  1892, 
8®,  71p.  —  Celte  étude,  faite  très  consciencieusement  et  qui  ne  manque 
pas  d'intérêt,  n'est  qu'un  chapitre  d'un  travail  étendu  sur  les  traductions 
d'Ovide  en  Italie  au  moyen  âge.  Elle  porte  sur  trois  traductions  de  Y  Art 
d'aimer  (deux  en  prose  et  une  en  vers)  et  trois  des  Remèdes  d'amour  (toutes 
en  prose)  ;  elles  sont  toutes  accompagnées  de  gloses  plus  ou  moins  éten- 
dues dont  M.  Bellorini  fait  connaître  le  caractère  général  et  communique 
quelques  passages  souvent  curieux.  On  ne  peut  que  souhaiter  que  l'auteur 
mène  à  bonne  fin  l'entreprise  qu'il  a  conçue  et  qu'il  a  déjà  en  partie  exé- 
cutée. 

Les  Sources  du  Roman  de  Renart,  par  Léopold  Sudre.  Paris,  Bouillon,  1893, 
in-80,  VII1-316  pages.  —  Nous  reviendrons  sur  ce  livre  important,  qui 
renouvelle  complètement,  au  moins  chez  nous,  l'étude  d'une  des  pro- 
ductions les  plus  intéressantes  du  moyen  âge.  Bornons-nous  pour  le 
moment  à  dire  que  l'originalité  de  l'ouvrage  consiste  en  ce  qu'il  essaie  de 
montrer  que  si  le  «  Roman  de  Renart  »  n'est  pas  une  «  épopée  animale  » 
d'origine  germanique  (théorie  de  Grimm),  il  n'est  pas  non  plus,  au  moins 
dans  ses  parties  essentielles,  le  simple  développement  médiéval  de  fables 
ésopiques  transmises  par  l'école  (théorie  de  P.  Paris),  mais  qu'il  se  com- 
pose surtout  de  contes  d'animaux  de  provenances  diverses,  destinés  simple 
ment  à  l'amusement  et  mis  en  vers  par  des  jongleurs  à  différentes  époques; 
ces  contes  se  retrouvent  encore  aujourd'hui  dans  la  tradition  populaire  des 
nations  européennes,  et  un  groupe  considérable  paraît  être  d'origine 
Scandinave  ou  au  moins  septentrionale.  Il  reste  encore  beaucoup  â  dire 
sur  la  formation  et  l'évolution  du  cycle,  mais  le  livre  de  M.  Sudre,  où 
une  science  très  sûre  est  dirigée  par  une  critique  pénétrante  et  exposée 
avec  beaucoup  de  clarté ,  fournit  aux  recherches  une  base  qu'on  ne  faisait 
guère  jusqu'à  présent  que  soupçonner  et  présente  toutes  les  questions  sous 
un  jour  nouveau. 

Arturo  Graf.  Miti,  leggende  e  supers tiiioni  deî  Medio  EvOy  Vol.  II.  La  ï^^enda 
di  un  pontefice.  —  Dcvionologia  di  Dante.  —  Un  monte  di  Pilato  in  Italia.  — 
Fù  super sti\ioso  il  Boccaccio  ?  —  San  Giuliano  nel  «  Decamerone  »  e  altrove.  — 
Il  rifiuto  di  Cekstino  V.  —  La  leggenda  di  un  filosofo.  —  Artù  nelPEttta.  — 
Un  mito  geografico.  Torino,  Lœschcr,  1893,  8°,  398  p.  —  Ce  second 
volume  du  recueil  de  M.  Graf  (cf.  Rom.,  XX,  628)  contient  quelques 
articles  que  nous  ne  connaissions  pas  encore,  soit  qu'ils  paraissent  ici  pour 


340  CHRONiaUE 

la  première  fois,  soît  que  nous  en  ayons  ignotAÏ  la  prcmîCTc  pubUdtîon. 
La  variété  des  sujets  traités,  qui  atteste  celle  de  réruditioa  de  Tautcur^ 
appellerait  un  compte  rendu  étendu  que  nous  ne  pou^'ons  consacrer  pour 
le  momenî  à  cet  ouvrage  aussi  attrayant  qu*imtruaîf.  Bornons- nous  â  le 
signaler  à  nos  lecteurs,  en  remarquant  que  ia  Ifggtnda  di  un  ponirjUcr  se 
rapporte  au  pape  Silvestre  11,  que  la  leggcnda  di  un  fiksofo  concerne  Micbel 
Scot,  et  que  !e  mito  geografico  à  trait  à  la  fameuse  montagne  d*aimant  con- 
nue par  tant  de  contes. 

Etymologischts^  von  A.  Tobler.  Berlin,  pet.  in-40,  12  p.  (extrait  des  Comptes 
rendus  de  l'Académie  royale  des  sciences,  1893,  m,  p.  13-24).  ^  ItaJ. 
attraio,  attre:^o  (paraît  emprunté  à  Ta.-fr.  airait  ou  plutôt  au  plur.  airai^, 

—  Fr.  rtls  (explications  précieuses  sur  les  diverses  formes  de  ce  mot  ;  m, 
Pyram,  395,  est  plus  que  douteux).  —  V,  fr.  moiaisofif  -oison ^-ison  (viendrait 
demanationem,  mais  le  prov.  ntàta^o^  Tîtal.  mettagione  sont  peu  favorables 
à  cette  étymologie,  que  le  sens  n'appuie  pas  non  plus  beaucoup  ;  je  regarde 
mmaism  comme  répondant  Àmînuationem,et  mi^nuison  Amînutionem; 
on  sait  que  min u are  est  attesté  très  anciennement  à  côté  de  minuerc), 

—  Fr.  haUter  (n'est  autre  que  Ta.  fr.  aid^r,  «  agiter  les  ailes  ;  i>  ridcntiié, 
que  j'admets  pleinement,  est  établie  par  les  rapprochements  les  plus  intéres* 
sants  ;  citons  un  autre  exemple  d'alelsr  au  sens  propre  FioL  4186  ;  Taddition 
de  17/  est  sans  doute  une  sorte  d*oûoraatopée).  —  Fr.  aîoyau  (étymologie  aussi 
ingénieuse  que  vraisemblable  :  Ta.  fr.  appelait  alotaus^  c'est-i-dire« alouettes  », 
de  petits  morceaux  d*une  certaine  partie  du  bœuf^  entourés  de  lard  et 
embrochés  à  la  façon  des  alouettes  ;  plus  tard  on  a  nommé  aloyau  k  partie 
du  bocut  dont  on  les  tirait;  des  dénominations  semblables  à  abiaus  existent 
en  prov*  et  en  allemand).  —  Fr.  ébouler  (n*a  rien  à  £iirc  avec  loùUt  mais  est 
Tanc,  fr.  esboéler  =  *ex-boteHare;  la  forme  esboouler  a  pour  pendant 
rooukr=  *rotelïare;  à  Ta.  fr.  boëk  se  rattachent  aussi  bouleverser Q)  et  Ta. 
fr.  k)rtuhoi'h\  â*où.  tourmbouUr^  qui  a  produit  lountebonle;  tout  cela  paraît  pro- 
bant ;  quant  à  Texplication  de  bouillabaissù  par  'botula  abbaiissac,  l'au- 
teur ne  la  regarde  sans  doute  lui-mÉme  que  comme  un  jeu  d'esprit).  —  Fr. 
battturei  (est  originairement  banere^f  tiré  de  baniere  à  Taide  du  suff.  -Icium , 
et  à  ce  propos  Tauteur  énumère  plusieurs  mots  anc.  fr.  en  -^re^  qui  sont 
formés  de  même,  et  dont  plusieurs  ont  passé  à  -tret  par  une  assimilation 
très  naturelle;  sa  liste,  déjà  fort  précieuse,  pourrait  être  sensiblement 
augmentée  t  citons  seulement  damerci,  bien  probablement  pour  damerez  ; 
Tautcur  remarque  avec  raison  que  la  forme  première  de  berserei  est  bcrsert^  \ 
cf.  Honi.f  XXI,  291). 

Poésie  in  dialetto  valmaggino  (Çaverjgno)  ora  primamente  pubblicate  da  Giacomo 
BoNTEMPi,  Bellinzona,  25  oct,  1892  (Noue  Salvioni-Taveggia),  in-S»  25  p. 

—  Petites  pièces  intéressantes  pour  Tétude  du  dialecte,  publiées  d'après  un 
recueil  fait  il  y  a  déjà  une  trentaine  d'années. 

Edouard  BouRaEZ.  La  hfigmgasconm  à  Bordeaux.  Notice  historique.  Bordeaux, 
CouuQuilhou,  1892»  in-4o,  27  p,  (extrait  de  la  Monogra^hU  publiée  par  h 


cHRONiauE  54  r 

Municipalité  bordelaise),  —  Esquisse  judideuscmcût  tracée,  qu'on  aimerait 
à  voir  développée  par  l'auteur. 

Lés  Fabliaux,  études  de  littérature  populaire  et  d'histoire  littéraire  au  moyen 
âge,  par  Joseph  BéoiER.  Paris,  Bouillon,  tS^î,  S*»,  XXVl!-48s  p*  (98* 
fascicule  de  la  Bibliothèque  de  VÈccïe  des  Hautes  Études).  —  II  nous  sufïîi 
aujourd'hui  d'annoncer  ce  beau  livre,  qui  a  servi  à  M.  Bédier  de  thèse 
française  pour  le  doctorat  es  lettres  (nous  avons  rendu  compte  plus  haut  de 
la  thèse  latine).  Nous  aurons  l'occasion  d'y  revenir  bien  des  fois,  car  il 
traite  aux  points  de  vue  les  plus  divers  une  des  questions  les  plus  intéres- 
santes de  rhistoire  littéraire  générale  et  spécialement  de  Thistoire  liuéraire 
de  la  France*  Dans  la  première  partie ,  Tauteur  expose ,  sur  roriginc  des 
fableaux»  une  doctrine  très  neuve  et  qui  soulèvera  de  nombreuses  contesta- 
tions. La  seconde  prête  moins  à  la  discussion ,  mais  elle  abonde  en 
remarques  fines  et  pénétrantes.  Le  volume  se  termine  par  une  longue  liste 
de  corrections  à  l'édition  des  fableaux  de  MM.  de  Montaîglon  et  Ra)iiaud* 

Tûrkische  Studiett  ^  von  G.  Meyer.  L  Dit  griechischen  und  romani i^heff 
Beitandtheik  irn  Wortichatic  des  osmanisch'tûrkisdKn.  Wicn,  Tempsky,  1895, 
in-80,  96  (extrait  des  Compter  rendus  de  V Académie  de  Vienne),  —  Ce  recueil 
très  riche,  d'où  sont  exclus  les  mots  roumains,  comprend  surtout,  comme 
éléments  romans,  des  mots  italiens,  dont  la  réunion  est  instructive  pour 
l*hïstoire  des  rapports  des  deux  peuples;  le  savant  auteur  donne  d*intéres- 
santes  remarques  sur  les  règles  qui  ont  présidé  k  rassimilation  des  mots 
adoptés.     • 

Clair  Tisseur.  Modestes  observations  sur  Vart  de  versifier,  Lyon,  Bumoux  et 
Cumin,  1893^  in-8»,  355  p.  — L'auteur  de  cet  aimable  volume,  où  des 
observations  presque  toujours  judicieuses  sont  présentées  sous  une  forme 
parfois  un  peu  trop  humoristique,  mais  toujours  vive  et  piquante,  est 
Técrivain  «  patoisant  «  que  les  lecteurs  de  la  Remania  connaissent  bien  sous 
le  pseudonyme  lyonnais  de  «  Puitspelu  ».  Il  ne  s'est  pas  borné  à  observer 
et  à  juger  avec  autant  de  bon  sens  que  de  sens  r^'thmique  (si  Ton  peut 
ainsi  dire)  la  crise  que  semble  subir  aujourd'hui  la  versification  française, 
il  a  fait  appel  en  plus  d'une  occasion  à  l'histoire  des  formes  poétiques  et  à 
leur  évolution  depuis  le  moyen  âge  :  c'est  à  cause  de  cela  que  nous  men- 
tionnons ici  son  livre.  M.  Tisseur  n'a  pas  la  prétention  d'être  proprement 
un  savant,  mais  il  a  tenu  à  s'instruire  du  passé  afm  de  mieux  comprendre 
le  présent  et  de  pouvoir  quelque  peu  pressentir  l'avenir.  C'est  un  exemple 
que  de\Taîent  bien  imiter  tous  ceux  qui  se  mêlent  aujourd'hui  d'écrire  sur 
le  sujet  qu'il  a  traité. 

A.  Restori.  Musica  alkgra  di  Francia  nei  stcûli  XJl  et  XI JL  ln-40,  10  p.  et 
î  p.  de  musique  (per  nox^e  Dosi-Laîatta),  —  L'auteur  étudie  la  musique  de 
quelques  pièces  du  chansonnier  Saint-Germain  et  cherche  à  montrer  qu'elle 
se  rattache  de  près  à  l'art  populaire;  iï  en  donne  une  transcription  en 
notation  moderne  dont  il  reconnaît  luî-méme  le  caractère  approximatif. 


V'gjp  CHRONiaUE 

Qjielques  remarques  sur  les  danses  et  les  chansons  de  mai  servent  d*întro- 
duction  à  cette  intéressante  étude, 

A.  Restori-  Tre  pngbicn  fratice^i  del  stcdo  XV.  In-40,  neuf  p.  (/W  no^x^  Oel 
Vasto-Celano).  —  Ces  trois  petites  poésies  dévotes  (dont  U  seconde  seule 
est  une  prière)  sont  tirées  de  trois  manuscrits  de  la  Palatine  â  Florence; 
elles  sont  publiées  diplomatiquement,  I,  36  vtustre^  1.  s,  d.  kmstr$\  II, 
7  alîégranu^  1,  alkgmrtce, 

Gramtnatik  des  AltJran\osîscheti  {Laut-  und  Formmîe}}re\  von  Dr  Éduard 
ScHWAN,  Leipzig,  Reisland,  1893,  vni-247  p*  —  Nous  rendrons  compte 
de  cet  ouvrage  dans  noire  prochain  numéro;  boraons-nous  \c\  à  dire  que 
la  nouvelle  édition  est  bien  réellement  neuhearheiid  et  très  supérieure  i 
Tanciennc. 

Histoire  poétique  des  Mérovingiens,  par  Godeftoy  Kurth.  Paris,  Picard,  189^, 
in-80»  552  p.  —  Nous  re\iendrons  en  détail  sur  cet  important  ouvrage,  que 
nous  nous  bornons  présentement  à  signaler  à  nos  lecteurs;  M,  Kurth»  bien 
connu  par  ses  beaux  travaux  sur  l'histoire  du  moyen  âge,  a  repris  ici  à  un 
point  de  vue  particulier  Tétude  de  la  pari  qu'il  faut  faire  à  la  poésie  épique 
dans  ce  qui  nous  a  été  transmis  de  Thistoire  des  temps  mérovingiens. 

Les  parler  s  parisiens,  d'après  les  témoignages  de  MM.  de  Bomier,  Coppée, 
A.  Daudet,  Desjardins,  Got»  d'Hulst,  le  P.  Hyacinthe,  Leconte  de  Lisîe, 
G-  Paris,  Renan,  Rod,  Sully-Prudhomrae,  Zola  et  autres.  Anthologie 
phonétique,  par  Eduard  Koschwitz.  Paris,  Welter,  189J,  in*  16,  xxx- 
147  p.  —  Le  titre  de  ce  curieux  petit  volume  dit  assez  ce  <ju*il  contient. 
M.  Koschwitx  a  fait  lire  par  les  personnes  citées  et  quelques  autres  des 
morceaux  plus  ou  moins  étendus,  et  il  a  noté  leur  prononciation  aussi 
soigneusement  que  possible  à  l'aide  d'un  système  qui  bisse  à  désirer 
comme  tous  les  systèmes  de  notation  phonétique»  mais  qui  est  en  somme 
assez  exact.  Ce  sera  un  document  précieux  pour  l'histoire  de  la  prononcia- 
tion au  xixe  siècle,  J*ai  présenté  à  M.  K.,  qui  avait  bien  vouîu  m' envoyer 
d'avance  le  morceau  qui  me  concerne  (déjà  tiré),  quelques  observations 
qu'il  discute  dans  son  Appendice  (il  y  en  a  une  qu'il  ne  mentionne  pas  et 
que  je  tiens  à  rétabhr  :  je  prononce  unn  endroit,  peut-être  un  endroit^  mais 
sûrement  pas  ettn  etidroit).  Les  remarques  que  lui  a  suggérées  notre  désac- 
cord sont  fort  intéressantes  ;  il  montre  comment  il  arrive  souvent  que  Ton 
se  trompe,  même  avec  toute  l'attention  et  la  bonne  foi  possibles,  sur  ta 
vraie  nature  des  phonèmes  qu*on  émet.  Les  chances  d'eneur  sont  au 
moins  aussi  grandes  du  côté  de  celui  qui  recueille  ces  phonèmes,  et  qui 
pourra  les  départager?  Les  prononciations  que  je  récuse,  M.  K.  déclare 
les  avoir  it  entendues  distinctement  ».  On  voit  que,  malgré  le  soin  îe  plus 
consciencieux,  les  constatations  acoustiques  laissent  encore  place  à  bien  des 
doutes.  Espérons  que  nous  aurons  bientôt  des  enregistreurs  mécaniques  à 
la  fois  infaillibles  et  complets.  —  G.  P. 
PtéUt  Ovidii  Kasonis  Metamoip^mton  îibros  quomodo  nosirates  medii  aetn  pœttu 
imitati  interpreiatiqtu  sint,  Thesim  Facultati  litterarum  parisiens!  proponc- 


I 


CHRONiaUE  34  J 

bal  Lcopold  Sudre.  Paris,  Bouillon,  1895,  S°,  fi8  p.  —  Dans  sa  thèse 
bline»  M.  Sudre  examine  plus  complèieraeni  qu'on  ne  Tavail  fait  les 
diverses  imita  lions  des  Métamorpfmes  au  moyen  âge.  Dans  ses  recherches 
sur  «  Chrétien  Legouais  «,  il  n'a  pas  eu  la  chance  de  mettre  la  main  sur  le 
passage  qui  vient  d'amener  M.  Thomas  (ci-dessus,  p.  271)  à  rayer  ce  nom 
de  notre  histoire  littéraire. 

Lfs  Fabulistes  latins  ^  depuis  le  siècle  tT  Auguste  jusqu'à  la  fin  du  rnoyen  dge,  par 
Léopold  Her VIEUX.  Avienus  et  ses  anciens  imitateurs,  Paris,  Firmin-Didot, 
1894  (sic),  in-8'',  III,  530  p.  — Nous  avons  ici  la  suite  du  grand  ouvrage  de 
M,  Hervieux,  dont  le  Plièdre  forme  la  première  partie.  Une  nouvelle  édition, 
complètement  remaniée,  de  ce  Plïèdre  doit  paraître  cette  année,  et  c'est  ce 
qui  explique  sans  doute  la  date  anticipée  donnée  au  présent  volume,  dans 
la  préface  duquel  la  seconde  édition  de  Phèdre  est  présentée  comme  publiée, 

Grundriss  der  rotnanischen  Philologie.,,  herausgegeben  von  Gustav  GrôBER.  II. 
Band,  I  Abtheilung.  i.  Lieferung,  Strasbourg,  Trûbner,  1893,  gr.  in-80, 
256  p.  —  Deux  travaux ,  on  peut  dire  deux  ouvrage» ,  très  importants 
forment  cette  première  partie  du  second  volume  du  Gruttdriss.  L'un,  dû  â 
rinfatigablc  érudition  de  M.  Grôber,  et  qui  n*est  pas  achevé  id,  n*est  rien 
de  moins  qu^une  liistoire  de  la  littérature  latine  au  moyen  âge,  sujet  aussi 
difficile  A  traiter  que  peu  traité  jusqu'ici;  nous  ne  savons  encore  si  M.  Or. 
aura  réussi  4  domicr  de  ce  sujet  si  vaste,  si  dispersé,  si  mal  éclairé  et  en 
tant  de  points  si  peu  attrayant,  un  tableau  clair,  proportionné  et  sufhsam- 
mcTJt  complet  ;  nous  nous  tions  A  lui  pour  en  avoir  fait  Tobjet  d'un  travail 
consciencieux,  et  on  lui  devra  en  tout  cas  de  la  reconnaissance  pour  avoir 
eu  le  courage  et  la  patience  de  l'entreprendre  et  de  Texécuter.  On  n*en 
devra  pas  moins  à  M.  Stengcl  pour  k  bel  exposé  qu'il  donne  (p.  1-96) 
de  la  Versificatim  rotnant.  C^étaii  li  encore  un  sujet  que  personne  n'avait 
abordé  d'ensemble,  mais,  en  revanche,  il  avait  été,  dans  chacune  de  ses 
panies,  l'objet  de  recherches  multiples  et  de  théories  contradictoires  qui 
compliquaient  singulièrement,  au  ïieu  de  la  faciliter,  la  tâche  que  s'est 
imposée  M,  Stcngel.  Il  nous  paraît  Tavoir  remplie  d'une  façon  extrêmement 
remarquable ,  bien  qu'il  soit  permis  de  n'être  pas  de  son  avis  sur  plusieurs 
points,  dont  quelques-uns  sont  de  grande  importance.  Mais  des  diver- 
gences d'opinion  ne  sauraient  empêcher  de  rendre  hommage  au  mérite 
d'un  ouvrage  si  neuf  et  si  précieux  :  les  recherches  sur  l'histoire  de  la 
versification  romane  auront  désormais  une  base  et  un  cadre.  L'exposé  de 
l'auteur  est  très  sobre  et  en  même  temps  très  clair;  les  exemples  sont  bien 
choisis  et  éclairent  vraiment  les  explications;  rien  d'essentiel  ne  paraît  omis 
et  chaque  chose  est  bien  â  sa  place.  Il  y  a  toutefois  un  manque  de  propor> 
tion  général  qui  comporte  le  seul  reproche  sérieux  que  l'on  puisse  adresser 
d  l'ouvrage  :  la  versification  française  (et  provençale)  tient  une  place 
par  trop  prépondérante,  les  autres  ne  figurent  presque  que  comme  acces- 
soires; il  est  bien  vrai  que  cette  prépondérance  s'explique  et  par  la  variété 
plus  grande  de  cette  versification,  et  par  les  questions  plus  compliquées 


344  CrtRONiouE 

qu'elle  soulève,  et  par  les  travaux  bien  plus  nombreux  dont  elle  a  été 
Tobjet;  mais  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  les  versificatious  des  autres 
pays  auraient  eu  droit  à  une  place  plus  grande,  et  que,  surtout  pour  les 
questions  d*origine ,  il  y  aurait  eu  lieu  de  faire  plus  souvent  appd  à  leur 
témoignage,  A  propos  des  origines,  M,  St.  dte  bien  le  livre  de  M*  M. 
Kawczynski,  Essai  sur  Vorigini  tt  Yhistoife  dis  rytimus^  mais  il  ne  paraît 
nulle  part  qu'il  en  ait  fait  usage;  ce  livre,  assurément  un  des  plus  remar- 
quables qu'on  ait  écrits  depuis  longtemps  sur  le  sujet,  n'a  pas  encore  dans 
la  littérature  scientifique  la  place  À  laquelle  il  a  droit  (qu'on  en  accepte  ou 
non  les  doctrines  un  peu  absolues)- 

Prof  Vincen^o  Crescikï.  Qualcfx  appuntosopra  TAmeto  del  Boc^aaio,  Padova, 
1895,  in-80,  5  p.  (extrait  du  t.  IX  àes  Atti  t  Mtmùrit  de  TAcadémie  de 
Padoue).  —  En  annonçant  ici  {^om.  XXI,  654)  le  livre  de  M.  Pizzi  sur  les 
rapports  de  la  poésie  persane  avec  la  poésie  européenne  >  nous  signalions 
comme  assez  frappant  le  rapprochement  de  VAmclo  de  fioccaoe  avec  un 
roman  de  Nizami.  M,  Crescini,  avec  cette  circonspection  judicieuse  qui 
caractérise  sa  critique,  montre  que  ce  rapprochement  est  sans  doute  pure- 
ment fortuit»  et  que  les  sources  du  roman  de  Boccace  ne  sont  pas  à  cher- 
cher en  Orient. 

VchtT  dieSprache  von  Provins  im  ij,  Jahrhimdtrt^  nebst  einigen  Urkunden... 
(von)  Adoîf  GoTTSCHALK.  Halle,  189Î,  in*8o,  64  p.  —  La  langue  de 
Pro\ins  au  xm«  siéde  ne  différait  pas  essentiellement  du  français  commun  ; 
tel  est  le  résultat  de  cette  étude,  faite  avec  soin,  d'un  élève  de  M,  Suchier. 
L'auteur  a  recherché  oonsciencieusemeni  les  éléments  de  sa  thèse ,  et  il 
publie  en  appendice  un  certain  nombre  de  documents  qu'il  a  trouvés  à 
Pro\nns  même  et  qui  donnent  de  la  valeur  à  sa  petite  publication.  O  sont 
des  actes  de  1 268  et  années  suivantes.  Ils  sont  bien  édités,  VI  Hehnis,  L 
Helouis,  VU  Enseîhie^  1.  ett  sesine  ?  IX  quevûs^  U  qui*ues,  XVI  tvj,  I.  cri  (oies), 
XIX  La^ucte,  l  Jaqueie,  XXIV  qufle,  l  qu'th,  XXV  la  cort,  L  racart  ; 
Rt'méftai^  L  rernetuxnt. 

Il  Ubra  dd  Vi^ii  t  dillt  Firtù,  testo  siciliano  inedito  del  secolo  XIV,  pubbli- 
cato  ed  illustrato  da  Giacomo  de  Gregorio.  Palermo  (Paris,  Bouillon), 
1895,  in-80,  266  p.  —  Cette  publication  a  de  Tintérét  parce  qu'elle  met  à 
la  disposition  de  tous  un  des  plus  anciens  textes  siciliens  connus,  lequel 
n*csi  d'ailleurs  (ce  que  Téditeur  ne  paraît  pas  avoir  vu)  qu'une  traduction 
(d'après  h.  traduction  italienne)  de  la  Somme  le  Rai  de  frère  Laurent.  Nous 
en  parlerions  plus  longuement  si  elle  n*avait  été  soumise  par  M.  Fôrstcr 
(dans  le  LiteraturbL  fur  gcrm,  itnd  rom,  PhiL)  i  une  critique  très  détail- 
lée et  très  instructive,  à  laquelle  il  suffit  de  renvoyer. 

Errata, —  P.  178,  Lu,  mesiev^  L  mesier\  p.  19g,  L  5,  entrepauseh  L 


Lepropriàaire^é^mt,  E.  BOUILLON. 


MAOlt,    fKOTAT   VMEau,    IICFI|IH«OIW 


LA   CHANSON    D'ANTIOCHE    PROVENÇALE 

ET  LA 

GRAN  CONQUISTA  DE  ULTRAMAR  ' 


I 


vn 


A  partir  de  la  victoire  d'Antloche,  il  n'y  a  dans  la  Cmquista 
de  Ultramar  que  bien  peu  de  passages  dont  on  puisse,  avec 
quelque  vraisemblance,  faire  remonter  la  source  i  notre  poème 
proven<;al.  Je  donne  des  chapitres  qui  suivent  cet  événement 
un  relevé  très  sommaire;  il  suffira  à  montrer  que  la  compilation 
espagnole  se  compose  à  peu  près  uniquement,  pour  cette  partie 
qui  va  jusqu'à  la  mort  de  Godefroi  de  Bouillon,  de  deux  élé- 
ments, formés  Tun  par  la  traduction  de  Guillaume  de  Tyr, 
l'autre  par  les  poèmes  français;  je  ne  m'arrêterai  pas  à  marquer 
les  différences  qu'on  peut  çà  et  là  relever  entre  c^s  sources  et 
la  compilation  espagnole;  Je  relèverai  seulement  un  ou  deux 
traits  où,  par  exception,  il  y  a  sans  doute  lieu  d'admettre 
encore  l'influence  de  la  chanson  provençale. 

Les  ch,  CLXXi-ccvii  de  la  Conquisla^  qui  nous  racontent  la 
marche  des  croisés  d'Antioche  ;A  Jérusalem,  sont  essentiellement 
une  traduction  du  livre  VII  de  Guillaume  de  Tyr.  Nous  citerons 
seulement  dans  les  ch.  ccni-iv  fintercalation  d*un  épisode  que 
nous  ne  retrouvons  pas  ailleurs;  les  croisés,  après  avoir  pris 
Rames,  hésitent  sur  ce  qu'ils  doivent  faire  :  marcheront-ils 
sur  Jérusalem  ou  essaieront-ils  de  s  emparer  de  TÉgypte,  pour 
revenir  ensuite  sur  la  ville  sainte  ?  Tancré  et  Robert  de  Flandres 
sont  envoyés  en  éclaireurs  :  ils  voient  Jérusalem  et  le  pays  qui 


I.  Voyci  Remania,  XVII  (1888),  513-541  i  XIX  (1890),  562-591. 


3Î 


34^  G.    PARIS 

l*environne,  et  en  rapportent  l*impression  que  la  ville  est  pre- 
nable et  qu'il  tiLit  Tassiéger  sans  délai  ^, 

Ch.  ccvm-ccLX,  traduction  des  Chétifs;  au  ch.  CCLXI  com- 
mence la  traduction  de  la  branche  publiée  par  Hippcau  sous 
le  titre  de  CImnson  de  Jérusalem, 

L.  lU,  ch.  i,  Jémsdkm,  II,  h  —  Çh.  ii-vn,  Guillaume  de 
Tyr,  Vm,  i-s.  —  Ch.  viii-xm,  Jà\^  II»  18-35.  —  Ch,  xrv- 
XIX,  Guillaume  de  Tyr,  VIII,  6-10.  —  Ch.  xx-xxxix,  Jér.^ 
n,  37  — V,  3.  —  Ch.  XL-XLV,  Guillaume  de  Tyr,  VIII,  12-20. 
Notons  que  dans  le  ch.  xliu  est  inséré  un  épisode  fabuleux, 
emprunté  à  la  chanson  française,  où  Ton  voit  le  roi  des  Tafurs 
entrer  le  premier  dans  la  ville  et  une  Bédouine  (corriger  dans 
l'espagnol  vedahia  en  Veduind)  prédire  à  Thomas  de  Marie  qu'il 
sera  tué  non  par  les  Turcs,  mais  par  son  propre  seigneur*. 
' —  Le  ch.  XLVi  vient  également  de  la  chanson,  mais  ne  parait 
pas  se  retrouver  dans  nos  textes;  le  ch,  xlvu  répond  à  /^., 
V,  13-14  i  i^  reparlerai  tout  à  Theure  du  ch.  XLvni.  — 
Ch,  XLix-Lîit,  Guillaume  de  Tyr,  \T[II,  21-24. 

Le  ch.  nv  reproduit  d'abord  le  cli.  1  du  L  IX  de  Guillaume 
de  Tyr,  mais  il  passe  ensuite  à  la  chanson  française,  et  les 
ch*  LV-LX  continuent  à  la  suivre  (V,  17-33).  Puis  nous  repre- 
nons Guillaume  de  T)T  (ch.  lxi-lxv,  Guillaume  de  Tyr, 
IX,  3-1 0>  ^^''^*^  bientôt  nous  rabandonnons  de  nouveau  pour 
un  poème  français. 

Ce  poème  remplit  les  ch,  lxvi-lxxvi  de  la  Canquista,  et 
correspond  à  peu  pr^s  aux  trois  derniers  chants  de  Tédition  de 
Jérusalem;  mais  il  en  est  notablement  différent,  La  chanson 
française,  telle  que  nous  la  connaissons,  ne  paraît  nulle  part 
se  douter  que  Jérusalem,  au  moment  où  les  croisés  l'assiégèrent, 
venait  d'être  enlevée  par  le  calife  fatimite  au  calife  de  Bagdad 
et  qu'elle  dépendait  de  TÉgypte  :  c*est  le  soudan  de  Perse 
qui,  suivant  la  promesse  &ite  au  roi  de  Jérusalem,  vient  à  son 


I .  Le  ch.  ccvi  porte  im  titre  visiblement  déplacé  :  De  lixs  haîdmts  que 
dêcia  CorvaJaH  de  h  su  ky\  il  ne  s'agit  nullement  ici  de  Corbaran,  et  cette 
phrase  doit  compléter  le  titre  du  ch.  ce  vin  :  Del  Ilanto  qm  hacia  Corvahm  4 
lui  suyos  por  B^badin^  où  Ton  voit  en  effet  Corbaïun  dépnêcicr  Amèrement 
Mahomet, 

a.  En  cfifet,  comme  on  Ta  remarqué  à  ce  propos  (Jiist.  UU,^  XXII,  581)^ 
Thonus  de  Marte  fut  tué  en  1 1 30,  de  la  propre  main  de  son  seigneur  Raoul 
de  Venuandois. 


LA    CHANSON    DANTrOCHE    PRO\'ENÇALE  347 

secours  et  est  vaincu  par  GoJefroi.  Dans  Tespagnol,  au  contraire, 
Tennemi  que  les  vainqueurs  de  Jérusalem  ont  i  combattre  après 
la  prise  de  la  ville  est,  comme  dans  Thistoire,  Afdala  (Abdallah), 
général  du  calife  d*Egypl€  *;  toutefois,  comme  dans  la  chanson 
imprimée  et  contrairement  i  Thistoire,  la  bataille  a  lieu  à 
Rames  et  non  devant  Escalone,  Une  étude  comparative  des  deux 
récits  ne  serait  pas  ici  à  sa  place;  je  me  borne  à  signaler  celui 
de  la  Conquisia  comme  nous  ayant  conservé  une  version  parti- 
culière, et  sans  doute  plus  ancienne^,  du  poème  français.  — 
A  partir  du  ch.  Lxxvn,  la  compilation  espagnole  rejoint 
Guillaume  de  Tyr  et  ne  le  quitte  plus. 

Dans  ce  rapide  exposé,  je  n'ai  p.is  signalé  d'autres  traits,  assez 
nombreux,  qui  nous  montrent  que  le  traducteur  espagnol,  lioû 
il  a  puisé  dans  nos  poèmes,  en  a  eu  sous  les  yeux  des  textes  plus 
anciens  que  ceux  qui  nous  sont  arrivés.  Je  n'indiquerai  qu'un 
genre  de  divergences  qui  se  présente  à  plusieurs  reprises  et  qui 
appelle  particulièrement  notre  attention.  Dans  les  versions 
françaises  conservées,  Boémoiid  prend  une  part  considérable  au 
siège  de  Jérusalem,  tandis  qu'en  fliit  il  était  resté  ;V  Antioche; 
il  en  est  de  môme  de  Hugues  h  Maine  qui,  lui,  était  retourné 
en  France  j  dans  Xjl  Conquisia ^  ils  n*apparaîssent  ni  Ton  ni  l'autre  : 
à  leur  place  figure  presque  toujours  Raimond  de  Saint-Gilles, 
qui,  évidemment,  en  sa  qualité  de  méridional,  n'intéressait  pas  le 
remanieur  français.  On  peut  en  dire  autant  de  Hongier  l'Alle- 
mand, qui,  tué  à  la  bataille  d'Antioche,  d'après  le  poème  ancien 
(^Ant,^  t.  II,  p*  269),  n*cn  reparaît  pas  moins  dans  le  français 
(rV,  17),  mais  non  dans  Tespagnol,  où  il  est  remplacé  par 
Gontier  d*Aire  '. 


1.  Parmi  ses  auxiliaires  figureiii  lûs  dt  la  hinia  (ch.  LXIV),  c*cst-àsJîre  les 
Bédouins,  les  Arabes  de  la  lande  (voy.  sur  le  sens  de  herrU  le  passage  connu 
de  Joinville),  Ce  mot  a  donnai  à  M.  de  Gayangos  l'occasion  d'une  de  ses  rares 
notes  :  «  Qiiiza  haya  de  enicndcrse  de  /(J  Ihcria  nieridiotmU  »  Il  est  vrai  que 
Pigeonneau  voit  dans  la  hrtie  Tancienne  «  Peréc,  au  dcl.i  du  Jourdain  » 
(p.  69)  ». 

2.  Il  est  très  digne  de  nenurque  que  c'est  à  cette  partie  du  récit  que  ta 
Conqmsîa  rattache  une  des  mentions  qu'elle  fait  de  Richard  le  Pèlerin  : 
it  Cuenta  Ricare  el  pclegrîno,  que  cscribiô  esta  historia  por  manda  do  de! 
principe  Remonte  de  Amioca...  (ch.  lxxu)  », 

5.  Il  est  vrai  que  quelques  erreurs  sont  communes  aux  deux  versions* 
Ainsi  dans  la  Cottqmsta  comme  dans  la  chanson  on  raconte  que  Baudouin  da 


34$  G.    PARIS 

Maïs  la  seule  question  qui  nous  intéresse  pour  le  moment  est 
de  savoir  si  dans  cette  partie  de  la  Qmquista  on  retrouve  encore 
des  traces  de  la  chanson  provençale.  Je  ne  vois  qu'un  passage 
qu'on  puisse  ramener  à  cette  origine,  c'est  celui  qui  a  été  men- 
tionné au  début  de  cette  étude  (XVII,  527)  et  qui  concerne 
Aicart  de  Montmerle.  On  se  rappL41e  que  ce  chevalier  lyonnais, 
étant  pèlerin  i  Jérusalem,  avait  reçu  un  soufflet  violent  du 
gardien  du  saint  sépulcre,  le  renégat  Jean  Perret,  et  lui  avait 
promis,  à  la  suite  d'une  vision,  de  loi  couper  la  tète  à  Ten- 
droit  même  où  il  avait  été  outragé  par  lui-  La  Cortqutsta  a 
raconté,  il  est  vrai  (L  III,  ch.  xvm,  p.  3îi),  d'après  Guillaume 
de  Tyr  (i.  VIII»  ch.  ix),  qu' Aicart  de  Montmerle  avait  été  tué 
pendant  le  siège,  et  il  semble  même  qu'elle  ait  emprunté  à  la 
chanson  provençale  le  passage  suivant,  qui  est  relatif  à  cette 
mort,  et  qui  ne  se  trouve  pas  dans  l'historien  latin  *  : 

É  tomaron  el  cucrpo  tic  Aicarte  de  Montemerlo,  del  cual  los  moros  habian 
le%'ado  la  cabcza  i  Hierusalçm  por  mostrarla  i  su  senor,  é  levaronJo  p>ara  la 
lîueste  en  dos  pakfrcnes  é  andas  que  ficieron  de  las  astas  de  laslanzas;  é 
cuando  llegaron  é  lo  supicroti  los  de  la  hueste,  hicieron  todos  gran  Uanto  6 
sentimento  por  el,  é  lloraban  en  muciias  partes  cada  uno  por  sus  tiendas, 
é  mesabanse  los  cabellos  é  bs  barbaSj  é  cuando  vieron  que  no  cra  ah<  la 
cabeza  besabanle  los  pies,  porque  el  fué  uno  de  los  très  caballeros  priraeros 
que  fizieron  comen^ar  esta  hucsie»  é  don  Remon  Pelés  é  Gandcnia^  fueron 
los  otros  dos,  é  estos  liabian  seido  companeros  cuando  vinieron  en  romeria 
al  sepukro  an  tes  que  la  cruzada  se  comenzasc,  as(  conao  habeis  oido  en  el 
comlenzo  deste  îibro;  c  este  Aicarte  de  Montenierle  fud  aquclo  que  dieron  la 
punada  A  la  entrada  del  î^epulcro,  porque  non  podia  pagar  como  los  otros 
el  maravedf  que  costaba  dejarlos  entrar  al  sépulcre  è  adorarle,  é  la  pescozada 
fué  dada  tan  de  rcc(o,  que  le  salîé  ïa  sangre  por  las  narlces  é  por  las  orcjas, 


Rohais,  qui  ne  vint  à  Jérusalem,  comme  Boémond,  qu'après  la  prise  de  la  ville, 
arriva  pendant  le  sîege,  rencontra  Cornumarant  qui  s'enfuyait,  le  combattit, 
et  eut  une  <îtrangc  et  périlleuse  aventure,  qui  a  donné  lieu  à  un  curieux 
rapprochement  hisiorique  (voy.  Pigeonneau,  p.  70),  Mais  différentes  raisons 
me  font  croire  que  le  compilateur  a  utilisé  deux  rédactions  françaises  de 
dates  différentes. 

1,  Ni  dans  Albert  d'Aîx,  qui  est  sa  source;  celui-ci  mentionne  seulement 
l'enterre  ment  d' Aicart  et  d'autres  victimes  de  cette  journée  in  sepukhro  cffris- 
tiamrum  confratrum  qnod  erai  extra  ctvitatem.  La  mort  d' Aicart  est  aussi  men- 
ti orniée  par  les  Gestit. 

2,  C*cst  le  personnage  appelé  au  début  Cmidomar  de  Unixi. 


LA  CHANSON   D  ANTIOCHE   PROVENÇALE  349 

é  mostrô  despues  nuestro  s^nor  Jesucnsto  grao  mîlagro  por  eUo,  asf  como 
vos  lo  contari  h  historLi  addante.  Estando  en  esto,  dijo  el  conde  de  San  Gil 
que  déjasen  de  bacer  ai^ucl  ruido  ;  que  aquello  non  era  sino  un  aparejo  para 
pelear  con  esfuerzo  dobïado,  porque  cuanto  mayor  era  la  pérdida,  tanto  mas 
la  debian  vengar;  é  esu  razon  diclia,  levdronlo  à  enterrât  à  Monte  Sion ,  i 
ta  îglesia  que  am6  Dios  tanto  que  allî  pasé  la  gloriosisîma  Vîrgen  nuestra 
senora,  su  madré»  deste  mundo  al  otro  cuando  la  subiô  al  cielo;  é  mcticron 
aquel  caballero  Aicarte  en  un  monumento  de  niarmol. 

Mai5î  il  n'en  faut  pas  moins  que  la  prédiction  se  réalise»  et 
elle  n'avait  même  sans  doute  été  faite  que  pour  amener  l'écla- 
tant miracle  qui  se  produisît  lors  de  la  prise  de  Jérusalem  et  qui 
remplit  le  ch.  xlviii  de  notre  1.  IIP  : 

Una  cosa  acaescîcî  i  la  enirada  dcl  Scpuîcro  que  lue  gran  mîraglo  de  Dîos, 
porque,  segun  que  habeis  oîdo  en  el  comieni^o  de  esta  hestorîaf  fueron  trcs 
caballeros  en  romeria  al  Scpukro,  é  los  dos  pagaron  su  entrada  é  entmron 
dentro;  é  el  tercero,  d  quien  decian  Aicarte  de  Montemerle,  qued6se  de 
luera  porque  non  pudo  pagarel  maravedi  en  oro,  é  por  aquetlo  Aicarte  hobo 
de  parar  el  cuello,  c  diùlc  la  pesco/ada  el  que  guardaba  la  puerta,  é  dejôlc 
entrar;  ^  d  la  salida  dijolc  Aicarte  de  Montcmcrîc  :  «  Juan  Perret,  espéra  aqui; 
que  yo  te  prometo  que  torae  por  aquf,  por  me  vengar  desta  deshonra  que 
agora  me  feciste,  é  eu  este  lugar  mesmo  te  cortartî  la  cabcza,  »  È  este  cabal- 
lero  eni  ya  muerto,  que  le  mataron  yendo  de  Hierusalem  al  puerto  de  Jafï;», 
el  dîa  que  fué  preso  ei  rey  Garc^a^  que  se  convertie,  segun  habeis  oido;  é 
aparescià  en  aquel  dia  que  los  cristianos  cntraron  en  Hierusalem,  de  matiera 
qye  le  viéron  rauchos  hombres,  é  como  cortd  la  cabeza  à  Juan  Ferret  en 
aquel  lugar  que  el  le  dié  la  pescozada»  segun  que  lo  habia  prometîdo. 

Il  y  a  dans  ce  passage  une  particularité  digne  de  remarque  : 
Aîcart  aurait  été  tué  a  allant  i  Jérusalem  au  port  de  Jafte,  le  jour 
où  fut  pris  le  roi  Garcia  qui  se  convertit.  »  Mais  au  ch.  xvni 
la  mort  d*Aicart  est  bien  mise  en  relation,  d'après  Guillaume  de 
Tyr,  avec  une  expédition  sur  Jaife  (inconnue  à  la  chanson  fran- 
çaise)» mais  nullement  avec  l'épisode  du  combat  contre  Gracien 
(inconnu  k  Guillaume  de  Tyr);  on  ne  peut  pas  dire  non  plus 
que  les  deux  faits  se  seraient  passés  le  même  jour,  car  le  combat 
avec  Gracien  est  séparé  du    premier  récit  par  riiistoire  d*un 


î.  J'avais  supposai  {Rom,^  XVU,  528,  n,  i)que  ce  miracle  éuit  peut-être 
dû  au  compilateur,  qui  aurait  ainsi  conciîitî  les  deux  données  contradictoires 
de  la  mon  d'Aîcart  et  de  raccom plissement  de  la  prédiction  ;  mais  il  est 
beaucoup  plus  probable  que  le  miracle  td  quel  était  dans  k  texte  original. 


3S0  G.    PARIS 

assaut  donné  h  h  ville,  et  il  commence  par  ces  mots  exprès 
(ch.  xxi)  :  «  Otro  dia  de  manana...,  »  Il  y  a  évidemment  là 
une  confusion  de  mémoire  du  compilateur,  mais  elle  oe  se 
comprend  gucre  à  moins  d'une  hypothèse  qui,  elle-même,  est 
nn  peu  compliquée.  L*épisodede  Gracien  provient  évidemment 
de  la  chanson  française  :  bien  que  l'espagnol  soit  fort  abrégé,  îl 
y  a  des  passages  littéralement  traduits  %  et  on  peut  à  certains 
endroits  corriger  les  deux  textes  Tun  par  Tautre'.  Toutefois^ 
il  y  a  d'assez  notables  différences;  la  plus  importante  est  que  le 
héros  de  l'aventure  est  dans  l'espagnol  Tancré  et  non  Boémond, 
Nous  avons  vu  plus  haut  que  la  présence  de  Boémond  était 
propre  à  la  rédaction  remaniée  de  notre  chanson  qui  nous 
est  seule  parvenue  en  français,  et  que  la  version  espagnole 
rignore  :  on  peut  donc  voir  ici  simplement  le  reflet  d'une 
forme  plus  ancienne  du  poème  français;  mais  ce  qui  est  parti- 
culier, c*est  que  «  Tranquer  salio  de  la  celada  llamando  Gonn- 
uersana»;  Gonnmrsana  n'est  pas  autre  chose  que  le  Conversana 
qui  apparaît  comme  surnom  d'un  Tancré  (sans  doute  autre  que 
le  fameux  héros)  précisément  dans  le  fragment  de  la  chanson 
provençale  qui  nous  est  parvenu  '  »  et  ce  nom  est  inconnu  i  tous 
les  textes  purement  français^.  Il  semble  donc  permis  de  sup- 
poser que,  pour  cet  épisode,  le  compilateur,  à  côté  d'une  version 
française^  a  consulté  la  chanson  provençale;  dés  lors  on  peut 
croire  que  dans  cette  chanson  la  mort  d'Aicart  de  Montmerle 
était  rattachée  au  combat  contre  Gracien,  et  que  le  compilateur, 
tout  en  la  plaçant  avec  Guillaume  de  Tyr  à  une  autre  occasion. 


1.  Jèr,  2195  Quinze  mik  somicn  font  avec  eh  tmner,  Conq.  XKI  é  în^aron 
quince  mtî  actmiîas\  Jiw  2255  Les  somiers  encofitrerent  qui  Us  font  âtiritr  ^ 
Conq,  XXI  r-cnfroniaronse  con  la  rei'ua  qm  îos  àetcvo  nmrh;  Jér,  2510-11 
Devant  venoii  lot  sires,.,..  Vestu  oi  mt  samit  ;  Conq.  XXII  eî  rey  veniva  vesiiih 
de  un  xafnete,  etc. 

2.  Ainsi,  dans  le  passage  oh  il  s*agit  du  traitement  que  font  subir  les  ta/urs 
aux  corps  des  Sarrasins  qu'ils  ont  tués  :  Jér.  2352  L«  con  ont  escorchiés  et  avers 
et  salés,  Conq,  XXII  a  îos  g  or  dos  desolîaron  è  ah  r  ter  on  é  pusihonhs  al  Sùl^'û  faut 
sans  doute  lire  Les  cras  dans  le  Érançais  et  aï  sal  dans  l'espagnol. 

3.  Vûy,  Rom,,  XIX,  p.  590,  n.  i. 

4.  Le  nom  de  Conversaim  se  retrouve  dans  le  curieux  passage  de  Geoffrcî 
Gaimar  (v.  S  771)  relatif  à  Robert  de  Normandie,  qui  avait  en  effet  épousé  la 
fille  du  duc  Guillaume  de  Conversana,  père  ou  frère  de  ce  Tancré. 


LA  CHANSON   d'aKTIOCHE   PROVENÇALE  351 

a  emprunté  à  cette  môme  chanson  le  passage  reproduit  plus 
haut,  qui  n'est  pas  dans  Guillaume,  et  où  figure  le  chef  des 
Provençaux,  Raimond  de  Saint-Gilles;  enfin  on  expliquerait 
ainsi  la  confusion  de  mémoire  qui  lui  a  fait  dire,  réunissant 
deux  données  contradictoires,  qu*Aicart  avait  été  tué  «  allant  de 
Jérusalem  au  port  de  Jaffe,  le  jour  où  fut  pris  le  roi  Gracien  ^  », 
En  dehors  de  cet  épisode,  on  ne  trouve  dans  cette  partie  de  la 
Conquista  rien  qui  puisse  se  rapporter  à  la  Canso^  sauf  la  mention 
de  Gaston  de  Béarn,  en  deux  passages  où  on  ne  la  trouve  pas 
dans  la  source',  c'est-à-dire  dans  Guillaume  de  Tyr, 

Au  ch.  XIX  du  1.  IH  on  lit  (je  souligne  ce  qui  est  ajouté 
au  texte  de  Guillaume)  :  «  En  esto,  aquellos  que  eran  en  la 
hueste  non  se  daban  espacio  al  hacer  sus  eugenos  cada  uno 
como  mejor  podia;  que  el  duque  Gudufre  é  el  duque  de  Nor^ 
mandta  é  el  conde  de  Flandres  tcnian  de  su  parte  al  noble  é  al 
muy  honrado  Gaston  de  Béarn^  a  quien  hahian  rogado  ellos  que 
tomasc  sobre  si  los  laborcs  de  los  engcmSy  é  él  Jijoh,  é  il  los  facia 
labrar  muy  bien  e  much  ahlna.  » 

Le  début  du  ch.  lx  correspond  à  la  laisse  23  du  ch.  v  de 
Jérusalem  :  Tévéque  de  Matran  se  lamente  de  ce  que  tous  les 
hauts  barons  auxquels  il  a  offert  la  couronne  de  Jérusalem  Tont 
refusée  : 

Vés  le  duc  Godcfroî  et  Robert  le  Nonnant, 
Huon  et  Buiemont  :  il  n*en  vucleni  noient* 

Dans  les  laisses  qui  précèdent,  il  fa  en  effet  proposée  aux 
quatre  personnages  ici  nommés,  et  en  outre  à  Robert  de 
Flandres;  dans  la  Conquista  (ch.  Liv),  il  n'est  pas  question  de 
Boémotid  ni  d'Hugues  le  Grand,  dont  la  place  est  prise  par 
Raimond  de  Toulouse  et  Baudouin  de  Rohais,  Mais  le  passage 
cité  ci-dessus  est  ainsi  rendu  :  «  E  veis  aqul  e!  duque  Gudufre, 
è  el  duque  Ruberte  de  Normandia,  é  Ruberte  el  Frison  conde 


1.  Gaston  de  Béam  est  d'ailleurs  mentionné  À  diverses  reprises  par 
Guillaume  de  Tyr  comme  ayant  pris  part  au  siège. 

2.  La  fréquente  mention  de  Raimond  de  Saint-Gilles  au  lieu  d^autres 
personnages  nommés  dans  le  poème  français  ne  prouve  rien  pour  Templol 
du  poème  provençal,  car,  comme  on  l'a  vu,  les  noms  donnés  par  le  poème 
français  sont  ceus  de  personnages  qui  n'ont  pas  pris  part  à  Texpédition  ;  Us 
appartiennent  à  un  rcraanieur,  et  Raimond  de  Saint-Gilîes  figurait  sans  doute 
à  leur  place  dans  la  chanson  primitive. 


3S2  G.    PARIS 

de  Flandres,  é  don  Remon  conde  de  Tolosa  é  (el  conde)  de  San 
Gil,  é  Tmuiuer,  é  Baldovin  de  Roax,  /  don  Gaston  de  Béarn^  é 
otros  muchos  honrados  principes  que  non  quieren  recebîr  el 
senorio.  »  Tancré  ni  Gaston  ne  sont,  dans  les  chapitres  précé- 
dents, Tobjetde  Toffre  faite  aux  autres,  en  sorte  qu*ils  semblent 
ajoutés  ici,  assez  maladroitement  d*ailleurs,  d'après  une  autre 
source  :  on  a  vu  que  Tancré  semblait  être  un  des  personnages 
favoris  de  la  Canso  provençale. 

Ce  sont  là  de  bien  faibles  vestiges  de  rutilisation  d'une  source 
qui,  dans  les  parties  antérieures  de  la  Conqtùsta,  avait  été  mise 
si  largement  à  contribution.  Il  est  même  remarquable  que  k 
compilation  espagnole  a  négligé  des  occasions  qui  s*offraieni 
d*eUes-mèmes  de  tirer  partie  du  poème  provençal.  Il  est  certain, 
par  exemple,  que  Golfier  de  Las  Tours  devait  jouer  un  grand 
rôle  dans  le  récit  fait  par  ce  poème  de  la  prise  de  Marra,  où  les 
historiens  s'accordent  à  célébrer  sa  prouesse;  le  compilateur  se 
borne  cependant  ici  (I.  Il,  ch<  clxxxuA  i  reproduire  le  passage 
de  Guillaume  de  Tyr  (VU,  9)  :  «  É  entre  todos  los  otros 
hobo  hî  un  caballero  mancebo  ardid,  natural  de  Lemosin, 
é  decianle  Golfer  de  las  Torres,  que  sabiù  fasta  cerca  de  las 
almenas.  » 

On  voit  avec  quelle  inconséquence  et  quelle  intermittence 
le  compilateur  a  puisé  aux  diverses  sources  qu'il  a  mises  à  profit 
pour  son  curieux  et  disparate  travail. 


VIII 


Maintenant  que  nous  avons  recherché  dans  toute  la  partie 
de  la  Cofiquisîa  relative  à  la  première  croisade  ce  qui  doit  pro- 
venir de  la  chanson  provençale,  nous  allons  revenir  sur  nos  pas 
et  essayer  de  reconstituer,  à  Faide  du  résultat  de  ces  recherches 
et  du  précieux  fragment  de  Madrid,  ce  que  nous  pouvons 
savoir  de  Tétendue  et  du  contenu  de  cette  chanson. 

Elle  commençait  sans  doute  en  exposante  sa  façon  Torigine 
de  la  croisade,  par  le  pèlerinage  de  Raimond  Pelet,  d'Atcart  de 
Montmerle  et  de  Gondemar  Jlf  Vnixi  :  outragé  au  Saint  Sépulcre, 
Aicart  de  Montmerle  a  une  vision  dans  laquelle  un  ange  lui 
ordonne  d'aller  dire  au  pape  que  Dieu  veut  qu'il  prêche  la 
croisade,  et  lui  promet  qu'il  vengera  son  affront  au  lieu  même 


LA   CHAKSON    D  AKTIOCHE   PROVENÇALE  353 

OÙ  il  l'a  subi.  Les  pèlerins  accomplissent  Tordre  reçu  {Rom.^ 
XVIIj  527);  Raimond  Pelet  s'entend  en  outre  a%^ec  Raimond 
de  Saint-Gilles.  En  même  temps,  un  chevalier  avait  eu  dans 
Féglise  du  Pui  la  même  vision  angélicjue,  et  bientôt  le  pape 
Urbain,  ainsi  sommé  de  deux  côtés,  venait  en  France  prêcher 
la  guerre  sainte  et  mettait  à  la  tûte  des  croisés  Tévéque  Ademar 
du  Pui  (XVII,  529).  Du  rôle  prêté  à  Pierre  l'Ermite  dans  la 
légende  proprement  française,  il  n'était  sans  doute  pas  dit  un 
mot.  —  Dans  rénumération  des  croisés,  la  chanson  faisait  une 
place  prépondéraiiie  aux  Méridionaux,  notamment  à  Gaston 
de  Béarn  et  à  Goîfier  de  Las  Tours  (XVII,  525). 

Le  récit  du  siège  de  Nique  mettait  en  relief  les  exploits  de 
ces  guerriers  du  Midi  :  on  y  voyait  Gaston  de  Béarn,  accompa- 
gné du  vicomte  de  Turenne,  de  Hugues  des  Baux,  de  tous  les 
Provençaux  et  Gascons,  s'emparer  de  quinze  barques  sarrasines 
sur  le  lac  qui  baigne  la  ville,  et  Golfier  de  Las  Tours,  Hugues 
de  Monteil,  Amanieu  de  Lebret,  etc.,  se  distinguer  par  leurs 
prouesses  (XVII,  529).  A  la  bataille  de  Gorgonîe,  c'est  le  comte 
de  Saini-Gîlles  qui  jouait  avec  Boémond  le  rôle  principal,  et 
qui  envo3^ait  1  Godefroi  de  Bouillon,  pour  lui  demander  secours^ 
Golfier  de  Las  Tours,  dont  les  exploits  dans  la  bataille  étaient 
complaisamment  racontés  (XVII,  S  3  0*  —  Au  passage  du  pont 
du  Fer  devant  Antioche,  le  vicomte  Taleyran^  et  Golfier  de 
Las  Tours  accompagnaient  Robert  de  Normandie  (X\1I,  523), 
—  Au  siège  d'Antioche,  la  Canso  nommait  beaucoup  des  Pro- 
vençaux et  des  Gascons  campés  devant  la  porte  du  Chien,  et  y 
ajoutait  «  les  Limousins,  les  Saintongeais,  ceux  d'Auvergne, 
du  Périgord  et  du  Querci,  qui  tous  s'entendaient  entre  eux  et 
s'armaient  de  la  même  façon  «  (XVII,  534).  —  Lors  de  la 
construction  du  pont  de  bateaux  sur  le  Fer,  —  trait  historique, 
mais  inconnu  aux  poèmes  français,  —  celui  qui  se  distinguait 
le  plus  était  Golfier  de  Las  Tours  (XVII,  536).  —  Nous  retrou- 
vons ce  héros  dans  le  récit  d'une  expédition  menée  par  Boé- 
mont  et  le  comte  de  Flandres  (XVII,  537),  et  d'une  bataille 
livrée  à  une  armée  torque  qui  essayait  de  déUvrer  Antioche  ;  il 
y  figurait  à  côté  d'Amanieu  de  Lebret,  de  Tancré,  qui  paraît 


I,  Je  pense  qu'il  faut  interpréter  ainsi  «  le  vioomteTaleg  »  qui  figure  dans 
le  texte  espagnol  :  il  s'agit  sans  doute  de  Guillaume  Talevnui,  ûh  du  comte 
Hélie  m  Je  Périgord. 


3 54  G.    PARIS 

avoir  été  spécialement  célébré  par  le  poème  provençal,  et  de 
Jofroi  de  Roussillon,  qui  y  était  tué  (X\TI,  538).  —  Une  expé- 
dition heureuse  sur  Arsac,  dont  Témir  avait  appelé  les  chrétiens 
à  son  aide  et  devenait  leur  allié,  était  dirigée  par  Raîmond  de 
Saint-Gilles  (XV^II,  539)-  —  On  ne  peut  savoir  parla  Conquista 
comment  la  Canso  racontait  le  voyage  de  Sansadoine  et  les 
préparatifs  de  Texpédition  de  Corbaran;  mais  il  n'est  pas 
douteux  qu'elle  les  racontât.  En  tout  cas,  il  y  était  question 
des  <r  sorts  n  de  la  mère  de  Corbaran  et  de  la  prédiction  qu*elle 
lui  faisait  (XIX,  585).^ — Cest  au  second  siège  d'Antîoche 
qu'appartient  le  seul  fragment  de  notre  chanson  conservé  en 
original.  Nous  pouvons  tirer  de  ce  qu'il  contient  quelques  con- 
clusions pour  ce  qui  le  précédait.  La  Camo  donnait  au  château 
resté  au  pouvoir  des  Turcs  le  nom,  sans  doute  authentique,  de 
Mal  Vc:;i  (v.  218).  Elle  ne  connaissait  pas  le  personnage 
d'Amedelis  (XIX,  569),  non  plus  que  celui  du  roi  sarr<isin  w  le 
Rouge  Lion  »,  qu'elle  remplaçait  auprès  de  Corbaran  par  des 
rois  non  moins  fantastiques  (XVII,  515).  Le  message  qui 
précédait  le  combat  était  rempli  par  Pierre  TErmire  (?)  et  le 
cor  tes  drogoman  Arloin,  le  Herluin  des  Gtsta  (XJX,  564);  on 
proposait,  mais  en  vain,  de  remettre  le  sort  de  la  guerre  au 
combat  de  trente  contre  trente  (XIX,  584);  Corbaran  deman- 
dait à  Arloin,  qui  y  consentait,  de  revenir  le  trouver  le  lendc^ 
main  pour  lui  dire  les  noms  des  chefs  croisés  au  fur  et  â  mesure 
qu'ils  sortiraient  de  la  ville.  Cest  cet  épisode  qui  remplit  le 
début  de  notre  fragment  ;  Arloin  renseigne  le  chef  sarrasin  sur 
la  composition  de  chaque  corps  d'armée  qui  apparaît,  et  Tengage 
à  renoncer  à  la  guerre  contre  des  adversaires  aussi  redoutables. 
Dans  cette  énumération,  la  Canso  se  montre  beaucoup  mieux 
informée  et  plus  voisine  de  Thistoire  que  ne  Test  la  chanson 
française  conservée  dans  Ténumération  correspondante,  qu'elle 
attribue  à  Amedelis;  mais  il  y  règne,  surtout  dans  la  première 
et  la  quatrième  «  échelle  »,  un  certain  désordre,  imputable  sans 
doute,  au  moins  en  panie,  aux  copistes,  mais  aussi  au  poète, 
comme  le  montre  Taccord  sur  divers  points  de  la  version  espa- 
gnole et  du  texte  original*  Le  célèbre  épisode  des  «  chevaliers 
blancs  »  envoyés  par  le  ciel  au  secours  des  combattants  chrétiens 
a,  dans  la  CansOy  une  forme  toute  particulière,  plus  belle,  sinon 
plus  ancienne,  que  toutes  les  autres.  Corbaran,  qui  a  d'abord 
dédaigné  les  avis  d' Arloin  et  a  même  entrepris  une   partie 


LA   CHANSON   D  ANTIOCHE   PROVENÇALE  355 

d'échecs,  se  sent  inquiet  après  le  départ  de  celui-ci  et  se  rap- 
pelle les  prédictions  de  sa  mère;  il  essaie,  mais  sans  succès,  de 
reprendre  la  proposition  de  la  veille  sur  le  combat  de  trente 
contre  trente.  Après  une  description  de  la  tente  où  Corbaran 
réunit  les  quarante-quatre  rois  qu'il  commande  dans  un  der- 
nier conseil  de  guerre  %  la  bataille  s'engage  et  le  poème  nous 
en  raconte  plusieurs  épisodes,  en  citant  une  extraordinaire  abon- 
dance de  noms  propres  :  mentionnons  seulement  ceux  d'Eral  de 
Polignac,  qui  est  tué,  et  de  Golfier  de  Las  Tours,  qui  est  blessé, 
l'un  et  l'autre  après  avoir  tué  un  «  amiral  »  ^.  Le  fragment 
s'interrompt  malheureusement  avant  la  fin  de  la  bataille.  Nous 
pouvons  toutefois  retrouver  encore,  grâce  à  la  Conquista,  une 
partie  assez  notable  du  récit  que  le  poème  provençal  faisait  de 
cette  journée  ^  Dans  la  Chanson  d'Antioche,  qui  suit  ici  Robert 
le  Moine,  c'est-à-dire  essentiellement  les  Gesta^  Corbaran  dit  à 
son  «  canberlenc  »  que  quand  on  allumera  dans  Vost  un  grand 
feu,  ce  sera  le  signal  que  tout  est  perdu,  et  qu'il  devra  alors 
emporter  tout  le  trésor  de  son  maître  et  s'enfuir  avec  (VIII,  24), 
ce  qui  est  en  effet  exécuté  plus  tard,  sans  succès  d'ailleurs 
(VIII,  52).  Cet  incendie  (des  herbes  sèches  de  la  prairie)  avait 
dans  la  Canso  une  tout  autre  signification.  Au  moment  où  la 
bataille  va  commencer,  Corbaran  dit  aux  rois  qui  l'entourent 
dans  sa  tente  : 

Cant  auziretz  bruir  los  tabors  autamen, 

E  veiretz  la  gran  niula  ♦  el  foc  el  fum  el  vcn, 

Vos  poinetz  tuih  ensem  ad  u  desrcngamen, 

E  negus  por  paor  no  lais  resvaimen, 

D'aisi  a  la  siptat  no  fasa  tenemen  (V.  348-52). 

Ce  passage  est  omis  dans  la  ConquistUy  qui  suit  à  cet  endroit 
la  chanson  française;  mais  il  est  rappelé  au  ch.  clvi,  qui  nous 
représente  certainement  un  morceau  du  poème  provençal  : 

Corvalan  bien  del  comienzo  mandara  i  sus  rfcos  hombrcs  que  cuando 
vcisen  el  fumo  6  el  fuego  ante  el  estandal,  que  cstonce  se  ayuntasen  todos 


1 .  Voyez  ci-dessous  les  remarques  faites  à  ce  propos. 

2.  V.  655-672. 

3.  Je  reprends  ici  ce  qui  a  été  dit  précédemment  (XIX,  590-591)  d'une 
façon  qui  a  besoin  d*ôtre  développée  et  précisée. 

4.  Je  corrige  ainsi  au  lieu  de  r/7/a,  qui  ne  donne  aucun  sens. 


3S6  G.    PARIS 

dondc  quier  que  estuvîesen,  é  que  veniesen  d  él ,  é  mandani  otrost  MtgsT 
mudvA  paja  é  cardos  sccos,  é  que  ficiesen  con  cllo  aïmenara;  é  cstonces 
que  'corricsen  todos  en  uno,  é  que  asi  sacarbn  los  cristianos  dcl  campo  por 
fuerza,  é  que  fuesen  firiendo  en  ellos  hasta  las  puertas  de  Antîoca,  é  que 
entrasen  de  vueJta  con  ellos  en  la  cîbdad.  É  ottosi  habia  puesto  esta  scttaJ 
mesnia  con  los  del  alcdzar  de  Mal  Vccino,  0  nundôles  que  dcscendicsen  todos 
por  la  cuesta  apriesa,  é  que  entrasen  en  la  villa  é  abriesen  luego  las  pucrtas, 
é  asf  lo  hicieron.  E  cuando  Corv^alan  tocd  cl  cuerno,  é  se  alzà  el  fumo  por 
el  aire  arriba  tan  alto  que  daba  hasta  Us  nubes,  é  ÏJama  con  él  tan  grande 
que  era  mara villa»  los  nioros  cometxzarau  estonce  d  taner  los  atam bores  e  Jos 
anaftles  é  los  bocinas,  é  dicron  otrosf  los  lurcos  las  voces  tamanas  é  tan 
grandes  los  alaridos  que  senjejaba  que  aquella  tierra  se  queria  sumir  c  des- 
cender  en  los  abîsmos,  etc. 

Li  fin  de  ce  chapitre  est  occupée,  ainsi  que  le  ch,  CLvni, 
par  l'épisode  de  l'intervention  des  terribles  «  Acimitas  »  et  de 
leur  défaite  (grâce  aux  miraculeux  chevaliers  blancs),  épisode 
dont  une  partie,  comme  on  Ta  vu  (XIX,  590),  est  littéralement 
traduite  d'un  passage  antérieur  de  la  Camo.  A  ta  Canso  appar- 
tient encore  le  ch.  cl  vu»  qui,  seul  entre  tous  les  textes  histo- 
riques et  poétiques,  nous  raconte  les  combats  livrés  aux  défen- 
seurs du  chfiteau  de  «  Mal  Voisin  »  par  Raimond  Je  Saint- 
Gilles,  reste  dans  Antioche  \ 

Pour  ce  que  le  poème  provençal  pouvait  encore  contenir,  la 
Conquhîa,  comme  on  Ta  vu,  ne  nous  fournit  que  de  très  maigres 
indications.  Cest  en  dehors  d'elle  que  nous  supposons  que  les 
prouesses  de  Golfier  de  Las  Tours  à  la  prise  de  Marra  étaient 
racontées  en  détail  dans  la  Canso.  Nous  avons  vu  en  revanche 
qu'elle  permet  de  conjecturer  que  le  poime  provençal  connaissait 
l'aventure  du  roi  Gracien,  où  il  donnait  un  rôle  important  i 
Tancré  de  Conversana,  et  qu'il  y  rattachait  la  mort  d*Aîcart 
de  Montmerle,  La  résurrection  miraculeuse  de  celui-ci  et  la 
vengeance  qu'il  tira  de  Jean  Ferret  remontent  sûrement  à  la 
même  source.  Enfin,  sans  parler  de  plus  d'un  épisode  où  figure 
Raimond  de  Saint-Gilles  et  qui  pouvait  se  trouver  aussi  dans  la 


I.  Au  cil.  CLix,  la  Conquisia  reprend  le  récit  du  poème  français  et  inter- 
prète de  même,  comme  un  signal  de  retraite  et  non  d'atuque,  le  feu  que 
Corbaran  fait  mettre  dans  le  camp.  —  L'effroi  que  causent  aux  défenseurs  de 
«  Mal  Voisin  »  la  vue  des  chevaliers  bïancs  et  le  iremblcrnent  de  terre  paraît 
s'être  trouvé  dans  les  deux  poèmes  (Conq.,  II,  clxvi). 


LA   CHANSON   D  ANTIOCHE   PROVENÇALE  357 

première  forme  du  poème  français,  il  semble  résulter  du  pas- 
sage ciit*  en  dernier  lieu  que  Gaston  de  Béarn  était  compris  au 
nombre  des  barons  auxquels  on  offrait  la  couronne  de  Jérusa- 
lem et  qui  déclinaient  cet  honneur*  Nous  pouvons  en  tout  cas 
conclure  d\m  passage  du  fragment  conservé,  comme  Ta  déji 
remarqué  P»  Meyer,  que  le  poème  allait  bien  jusqu'à  la  prise 
de  Jérusalem'. 

Nous  aurions  encore  quelques  renseignements  à  joindre  i 
ceux  que  la  Conquis  ta  nous  donne  sur  le  poème  provençal  si 
nous  pouvions  lui  attribuer  ce  que  A.  du  Mège  a  fait  conniutre 
de  ce  qu'il  appelait  la  CaNSo  de  San  Gili,  Maïs  les  doutes  sur 
Tauthenticité  de  ce  poème  sont  trop  graves  pour  que  nous 
puissions  en  tirer  parti  %  et  même,  fût-il  authentique,  il  ne 
serait  nullement  prouvé  qu'il  fût  identique  avec  notre  poème  '. 

C*est  avec  plus  de  confiance  que  nous  pouvons  rapporter  i 
celui-ci  rallusion,  indiquée  par  P.  Meyer^,  que  fait  un  trouba- 
dour i  un  exploit  d'ailleurs  inconnu  de  Golfier  de  Las  Tours. 
Voici  en  effet  ce  que  dît  Uc  de  Pena  à  sa  dame  - 

Et  atîc  aN  Golfier  de  Las  Tors 
Non  près  dcl  mcssatge  tan  gcti 
Que  portct  per  son  ardimen 
En  Antioclu  al  s  poîgnadors, 
Don  fetz  marns  paubres  cnriquir 
E  mains  niancns  enpaubrezir, 
Cum  a  mi  ictz»  dompna,  de  vos, 
QjLn  me  dis^et/  crânes  joios  s. 

Nous  ne  trouvons,  il  est  vrai,  aucune  trace  de  cette  histoire 
dans  la  Conquista  ;  mais  nous  savons  combien  il  s'en  faut  qu  elle 


1.  V.  688-90  :  A  donc  eran  pro  ottu  en  aqueîa  sa^o,  Qttcpres^ro  TabariaQ  l'hé- 
mîstiche  est  trop  long,  et  la  prise  de  Tabaric  ne  paraît  avoir  donné  lieu  à 
aucun  combat)  e!  temple  Sahvfto,  Tro  David  (P.  Meycr  traduit  avec  toute 
vraisemblance  «  la  tour  de  David  i»,  mais  alors  tl  faut  lire  Tor)  el  Stputcre  i 
raltm  oraso  (?  P.  M,  traduit  c<  et  le  reste  »). 

2.  Vo\\  P.  Mever,  Arch.  de  POr.  lot.,  II,  509. 

3.  Les  discours  attribués  à  l'évcquc  du  Pui  et  à  Raîmoiid  de  Saint-Giîles, 
à  la  bataille  de  Gorgonie,  ne  se  retrouvent  pas  dans  la  Conquista  (0»  vj  ss,), 
qui  pjirait  ici  remonter  à  notre  poème. 

4.  Cimmon  de  la  croisade  contre  tes  Aîhigeois,  11,  }8o. 

5.  Cora  quem  desplagua  Atnors  {Anhiv  de  Herrîg,  XXXIV,  179). 


358  G.    PARIS 

ail  mis  ;\  profit  tout  le  poème  provençal,  et  ce  quî  rend  bien 
vniisembhble  que  Tépisode  en  question  appartenait  à  ce  poème, 
c'est  le  soin  qu'il  prend  partout  et  que  nous  avons  maintes  fois 
relevé  de  célébrer  Goltier  de  Las  Tours,  et  la  circonstance  qu'un 
des  exploits  qu'il  lui  attribue  (à  h  bataille  de  Gorgonie)  est 
précisément  de  s'être  acquitté  d*un  message  périlleux  ^ 


DC 


Il  nous  reste,  pour  terminer  cette  étude,  à  nous  demander  ce 
qu*est  au  juste  le  poème  provençal  dont  le  manuscrit  de  Madrid 
nous  a  conservé  un  fragment  et  dont  la  Cotiqtiista  nous  permet 
de  nous  faire  une  idée  générale,  à  quelle  époque  et  à  quelle 
région  il  appartient,  quelle  est  sa  valeur  historique  et  littéraire,  et 
dans  quel  rapport  il  est  avec  les  mentions  de  poèmes  anaIo;^ues 
qu'on  avait  relevées  jusqu'à  la  découverte  du  fragment  publié 
par  Paul  Meyer, 

On  sait  que  des  témoignages  divers  nous  attestent  Texis- 
tence  de  poèmes  méridionaux  sur  la  première  croisade,  Le  plus 
important,  maintes  fois  cité,  mais  qu'il  faut  citer  encore,  est 
celui  deGaufrei  de  Vigeois,  relatif  à  Grégoire  Bechada  : 

GregoritiSj  cognomeiito  Bechada,  de  Castro  de  Turribus,  profes^one  miles, 
subiilissinii  iiigenii  vir,  aliquAntulum  imbutus  littcris,  homm  gesta  prelio 
rura  matern.i,  ut  îta  dixerim,  lingua,  ritmo  "  vuJgari,  ut  populus  plcniter  intel- 
Ugcre,  ingens  volunien  decenter  composuit  î  ;  et,  ut  vera  et  Caceta  verba  pno- 


1.  Une  autre  aventure,  beaucoup  plus  célèbre,  de  Golfier  de  Los  Tours, 
l'histoire  du  lion  qu'il  délivra  d'un  serpent  et  qui  le  suivit  depuis  lors  comme 
un  chien  fidèle»  ne  doit  pas  s'ûtrc  trouvée  dans  le  poème,  D*unc  pan,  la  Coti- 
quista  la  mentionnerait  sans  doute  à  quelque  occasion;  d'iautrc  part,  on  ne 
voit  pas  où  elle  s'intercalerait^  et  enfin  elle  est  d'un  genre  de  merveilleux  qui 
ne  répond  pas  au  caractère  de  notre  poème.  Bien  antérieure  à  Golfier,  elle  s'est 
attachée  à  lui  comme  à  Ivain  et  comme  à  un  autre  croisé,  le  Flamand  Gilles 
de  Chin.  Sur  les  auteurs  qui  rapportent  cette  anecdote,  voy.  les  textes  cités 
par  P.  Meyer. 

2.  Sur  la  lecture  et  T interprétation  de  ce  passage  proposées  par  M.  Arbel- 
lot,  qui  aboutiraient  à  l'invraisemblable  conclusion  que  Bechada  avait  écrit 
imc  histoh-e  de  la  croisade  tn  prase  provençale,  voy.  les  remarques  de  P.  Meyer, 
Hom.,  X,  459. 

3»  La  phrase  cloche,  et  il  faut  évidemment  suppléer  quelque  chose  après 
tntelligeredj  par  exemple  ce  dccantavit  (ou  «  narravît  »),  et  înde  ». 


LA  CHANSON   D  ANTIOCHE   PROVENÇALE  359 

fcrr€t«  duodccim  annorum  spacîo  super  hocopus  optTâm  dédit.  Ne  vero  viles- 
ceret  propter  verbum  vulgare,  non  sine  precepto  cpiscopi  Eustorgii  ci  consi- 
llo  Gaubeni  Normanni  hoc  opus  oggrcssus  est.  Supmdicti  princeps  fuit  ille 
Gulpherîus  de  Turribus,  qui  in  suprascripta  belle,  et  maxime  apud  Marram 
urbem,  magnum  sibi  nomen  in  preclaris  facinoribus  acquisivit  *. 

Deux  circonstances  remarquables  portent  à  croire  que  le 
fragment  de  Madrid  appartient  à  Tœuvre  de  Grégoire^  Bechnda. 
La  première,  déjà  relevée  par  M,  Chabaneau  ^,  est  le  passage 
(v.  677)  où  Fauteur,  parlant  d'un  des  corps  d'armée  qui  sort 
d'Antioche,  dit  : 

£  nostre  Leftmsi  et  Alvergnas  i  so. 

Le  château  de  Las  Tours,  où  habitait  Grégoire  (H**  Vienne, 
arr.  de  Saint-Yrieix,  canton  de  Nexon),  est  en  plein  Limousin,  et 
il  écrivait  sous  Tinspiratian  de  Tévéque  de  Limoges.  D'autre  part, 
comme  nous  Tavons  vu,  le  pocme  célébrait  tout  particulière- 
ment les  exploits  de  Golfier  de  Las  Tours,  et  Golfier,  qui  vécut 
jusqu'en  1126  au  moins  ^  était  le  possesseur  du  château  de  Las 
Tours,  et  le  seigneur  des  chevaliers  qui,  comme  Grégoire  Bechada 
et  d'autres  membres  de  sa  famille  ^,  logeaient  dans  ce  château  et 
formaient  sa  «  maisnîe  privée  ».  Userait  à  coup  sûr  très  invrai- 
semblable qu*îl  eût  existé  sur  la  première  croisade  deux  poèmes 
aussi  étroitement  rattachés  i  une  même  région,  voire  ^  une 
même  localité  et  à  un  même  personnage. 

P.  Meyer,  qui  ne  pouvait  connaître  le  rôle  important  attribué 
à  Golfier  de  Las  Tours  par  le  poème  dont  il  puWiait  le  seul 
fragment  conservé  en  original,  ne  s'est  pas  montré  favorable  à 
cette  hypothèse  :  «  Un  passage  de  la  chronique  de  Geoffroi  de 
Vigeois nous  apprend,  dit-il  *,  que  Grégoire  Bechada,  Vnn 


1.  Ce  passage,  imprimé  dans  les  différentes  éditions,  malheureusement 
toutes  imparfaites,  de  la  chronique  de  Gaufrei,  a  été  reproduit  dans  Chaba- 
neau, Biographie  des  Troubadours^  p.  9. 

2.  Rei'ué  des  langues  rotftanes,  1885,  p.  148. 

j.  Sur  ce  nom,  que  M.  Arbellot  a  voulu  à  ton  remplacer  par  celui  de 
Géraud,  en  faisant  de  IVcrivain  un  frère  de  Golfter  de  Las  Tours,  voy.  les 
remarques  d' A.  Thomas,  Rom.^  X,  59 T. 

Voy    Arbclloi,  Les  Cffrvaliers  limcmsins  d  h  croisadt^  p.  4I. 

4.  Voy.  Thomas,  L  c, 

%,  Arcb.  de  TOr,  lai,,  II,  468. 


360  G.    PARIS 

des  témoins  de  la  croisade,  avait  composé,  à  la  prière  de  révèque 
de  Limoges,  Eustorge,  un  récit  en  langue  vulgaire  (limousine) 
et  en  vers  de  la  première  croisade.  Cet  ouvrage,  qui  appartient 
au  premier  tiers  du  xii'  siècle,  est  perdu,  et  notre  fragment  ne 
semble  pas  assez  ancien  pour  qu'on  puisse  l'en  croire  tiré.  » 
Mais  si  le  poème  de  Grégoire  remonte  au  premier  tiers  du 
xîo''  siècle,  c'est  sans  doute  à  la  fin  de  ce  premier  tiers,  et  il 
n'y  a  même  aucune  raison  pour  ne  pas  le  croire  un  peu  pos- 
térieur. Gaufrei  ne  dit  nullement  que  le  poète  ait  été  témoin 
de  la  croisade;  le  contraire  semble  même  résulter  de  ce  qu'il 
nous  dit  du  temps  que  Bechada  mit  à  préparer  son  ouvrage  : 
il  n*y  employa  pas  moins  de  douze  ans,  pendant  lesquels  il 
recueillit  sans  doute  des  témoignages  et  des  récits  soit  écrits, 
soit  oraux;  parmi  ces  derniers,  il  faut  faire  une  place  impor- 
tante  à  celui   d*on    certain    Gaubert  le  Normand,  qui,   lui, 
avait  évidemment  pris  part  à  la  croisade.  On  ne  le  connaît  pas 
autrement,  mais  c'était  ou  un  des  compagnons  de  Robert  de 
Normandie,  réfugié  peut-être  en  Limousin  après  ta  défaite  et  la 
capture  de  son  maître  i  Tîncliebrat,  ou  un  Normand  dltalie, 
qui  était  venu  dans  des  circonstances  inconnues  s'établir  en 
Limousin  ;  dans  Tune  et  l'autre  hypothèse  on  explique  facile- 
ment par  son  intervention  le  rôle   important  donné  dans  le 
poème  à  Boémond,  à  Tancré  et  paniculièrement  à  Tancré  de 
Convcrsanc,   proche  allié  du   duc  Robert.  L'évêque  Eustorge 
occupa  le  siège  de  Limoges  de  1115  à  11 37  :  Gaufrei  dit  sim- 
plemeot  que    Grégoire  commença    {aggressus  est}  son  grand 
ouvrage  à  sa  prière;  il  ne  dit  pas  qu'Eustorge  i'ait  vu  terminé; 
comme  Bechada  mit  douze  ans  i  l'écrire,  on  peut  très  bien  sup- 
poser qu'il  le  commença  vers  1130  et  l'acheva  vers  rr42*.  Il 
paraît  alors  bien  difficile  d'affirmer  que  «  notre  fragment  ne 
semble  pas  assez  ancien  pour  qu'on  puisse  l'en  croire  tiré  ».  Ce 
fragment  nous  est  arrivé  fort  maltraité  parles  copistes  successife; 
mais  je  ne  vois  dans  la  langue  aucun  fait  attesté  par  la  rime  ou 
la  mesure  qui  nous  empêche  de  le  Élire  remonter  aux  environs 
de  1130-1140. 


I .  On  peut  conclure  des  vers  688  ss.  que  notre  poûme  a  été  écrit  après  la 
mon  de  b  plupart  des  héros  de  la  croisade  et  notamment  de  Golfier  de  Las 
Tours. 


LA    CHANSON    d'aNTIOCHE    PROVENÇALE  36 1 

Notons  encore  qu'il  convient  très  bien  ù  ce  que  nous  dit  le 
prieur  de  Vigeois  du  long  travail  de  ce  chevalier  «  très  subtil  et 
sachant  quelque  peu  de  latin  »  ;  il  montre  en  effet  une  certaine 
érudition,  et  la  masse  énorme  des  noms  propres  qu'il  énumére 
atteste  de  longues  recherches  et  de  grands  efforts  d'information. 
Un  poème  d'origine  plus  spontanée  et  plus  populaire  ne  porte- 
rait sans  doute  pas  ce  caractère. 

D'autres  mentions  bien  connues  nous  attestent  Texistence  en 
provençal  d'une  Canso  ifAnlmba  et  nous  en  indiquent  même  la 
forme.  La  plus  ancienne  est  celle  de  Guiraut  de  Cabreîra,  qui 
dit  à  son  jongleur  :  UAniiocba  Non  sabes  ja  {Cabra  juglar), 
Guillaume  de  Tudèle,  Fauteur  de  la  première  partie  de  la 
Ctjanson  de  la  croisade  d'Albigeois^  dit  dans  des  vers  célèbres  : 

Scnliors,  esta  canso  es  faita  d'aital  guia 
Com  sda  d*Antiocha  et  ayssis  versifia, 
E  s'a  tôt  aital  so,  qui  diîre  lo  sabia  (v»  lô-jo)  ^ 

Cette  indication,  comme  l'a  démontré  P.  Meyer,  peut  très 
bien  s'appliquer  à  notre  poème.  Il  ajoute  :  «  Je  ne  suis  pas 
arrêté  dans  Tidentitication  que  je  propose,  sous  toutes  réservées 
d^ailleurs,  par  la  contradiction  apparente  qui  résulte  du  nom  de 
Chatison  d' Atit iœk  :idopié  par  G.  de  Tudêlc,  et  de  la  supposi- 
tion faite  plus  haut  que  le  poème  auquel  appartient  notre  frag- 
ment se  serait  étendu  jusqu^A  la  prise  de  Jérusalem.  Il  n'est  pas 
impossible  qu'une  chanson,  qui  embrassait  toute  la  croisade, 
ait  reçu  dans  l'usage  son  titre  de  Tévènement  qui  paraissait  le 
plus  considérable.  Et  certes,  bien  que  la  prise  de  Jérusalem  ait 
été  le  but  final,  on  ne  saurait  nier  que  la  prise  d*Antioche,  la 
découverte  de  la  sainte  Lance  et  la  défaite  infligée  aux  Sarrazins 
dans  des  circonstances  presque  merveilleuses,  aient  dû  impres- 
sionner vivement  les  contemporains,  j)  La  môme  chose  semble 
s'être  passée  au  nord  de  la  France,  où  nous  voyons  te  nom  de 
Ofanson  d*Antiixh\  dans  un  passage  connu  de  Lambert  d'Ardres, 
donné  à  Tensemble  du  poème  sur  la  première  croisade.  Cela 
s'explique  sans  doute,  outre  la  raison  donnée  par  P.  Meyer, 
par  le  fait  que  les  premières  chansons  qui  célébrèrent  en  France 
les  victoires  des  croisés  se  répandirent  aussitôt  après  la  prise  et 
la  délivrance  d'Aniioche,  et  furent  dues  à  des  pèlerins  revenus 


1 .  Chamon  di  la  croisade  dis  Albigeois ^  t.  I,  p.  xliil 


3é2  G.    PARIS 

en  France  i\  ce  moment  :  le  nom  de  Chanson  d^Antiocfje  resta 
attaché  à  tous  les  poèmes  qui  célébraient  la  première  croisade. 

Mais  peut-on  croire  que  ce  nom  de  Chanson  d'Antioche  ait  été 
donné  à  l'œuvre  de  Grégoire  Bechada  ?  Si  on  accepte  les  raison- 
nements qui  précèdent,  on  admettra  en  même  temps  qu'il  en 
est  ainsi,  puisque  notre  poème  doit  être,  d'une  part,  celui  de 
Grégoire,  et  d*autre  part,  celui  que  Guillaume  de  Tudele 
désigne  sous  le  nom  de  Catiso  (TAntiocha.  P*  Meyer  a  toutefois 
exprimé  (avant  de  connaître  le  fragment  qu'il  a  publié)  un 
doute  sur  Tidentité  des  deux  œuvres,  parce  que  Gaufrei  de 
Vigeois  donne  i  entendre  que  le  poème  de  Bechada  embrassait 
tous  les  événements  de  la  première  croisade»  Mais  il  a  détruit 
lui-même  plus  tard  cette  objection  par  les  remarques  qu*on 
vient  de  lire» 

Je  crois  donc  que  nous  avons  dans  le  fragment  de  Madrid  et 
dans  les  parties  du  poème  auquel  il  appartient  que  nous  a  con- 
servées la  Gran  Conquista  de  Ultramar  les  restes  de  la  Canso 
ifAtitiocha,  œuvre  do  chevalier  limousin  Grégoire  Bechada, 
attaché  aux  seigneurs  de  Las  Tours,  composée  environ  de  1150 
à  IT45.  La  valeur  historique  de  ce  poème  ne  me  semble  nulle- 
ment ;\  dédaigner  :  il  contient  certainement  beaucoup  de  rensei- 
des  témoins  oculaires.  Mais  il  est  surtout 
qu'on  peut  appeler  T histoire  poétique  de  la 
il  nous  montre,  en  regard  des  légendes  nées 
parmi  les  Français  du  Nord,  celles  qui  eurent  cours  chez  les 
Français  du  Midi  (voy.  notamment  Forigine  si  différente  attri- 
buée à  la  croisade).  L'aoteur  a  d'ailleurs  fait  une  œuvre  com- 
posite, pour  laquelle  il  a  puisé  ;\  beaucoup  de  sources,  et  il  est 
probable,  comme  je  Tai  indiqué,  qu'il  a  utilisé  aussi  les  chan- 
sons françaises  qui  circulaient  déjà  de  son  temps. 

P.  Meyer  a  été  sévère  au  point  de  vue  esthétique  pour  le 
fragment  qu'il  publiait  :  «  Le  style,  dit-il,  est  de  la  plus  grande 
faiblesse;  les  mots  de  remplissage,  les  chevilles  abondent,  »  Je 
ne  puis  partager  tout  à  fait  cet  avis.  Le  stj4e  ne  ressemble 
assurément  pas  à  celui  de  la  poésie  lyrique,  et  il  ne  doit  pas  lui 
ressembler  :  il  est  beaucoup  plus  naturel,  plus  simple,  plus 
populaire  ;  mais  il  n'est  ni  plat  ni  prolixe,  il  a  toujours  de  la  force 
et  souvent  de  la  couleur.  Les  vers  ne  sont  pas  exempts  d'hémi- 
stiches de  remplissage  et  de  formules  toutes  faîtes,  et  en  cela  ils 
ressemblent  à  ceux  de  toutes  les  chansons  de  geste,  mais  ils 


gnements  dus  à 
précieux  pour  ce 
première  croisade 


LA   CHANSON   D*ANTIOCflE   PROVENÇALE  365 

n'en  sont  pas  encombrés,  et  souvent  ils  ont  une  excellente  allure 
épique.  La  forme  de  la  strophe,  avec  son  petit  vers  féminin 
final,  est  heureuse,  et  paraît  avoir  été  introduite  par  l'auteur  de 
notre  chanson  au  moins  dans  la  poésie  épique  :  c*est  de  là 
qu*elle  a  passé  à  coup  sûr  dans  la  chanson  <Ic  la  croisade  albi- 
geoise, et  peut-être  dans  un  certain  nombre  de  chansons  de 
geste  françaises.  Les  discours  mis  dans  la  bouche  des  person* 
nages  ne  manquent  ni  de  vigueur  ni  de  caractère;  les  scènes  de 
combat  sont  racontées  avec  animation.  Les  conceptions  poétiques 
dignes  de  louange  ne  font  pas  défaut;  celle  des  pèlerins  morts 
qui  prennent  part  au  combat  est  véritablement  belle,  et  si  on 
n'a  pas  le  droit  d'en  iaire  remonter  tout  l'honneur  au  poète,  il 
a  do  moins  le  mérite  de  l'avoir  accueillie  et  bien  rendue. 

En  somme,  le  poème  de  Grégoire  Bechada,  intéressant  par  sa 
date,  par  son  sujet,  n'était  pas  à  mépriser  pour  sa  forme  et  paraît 
avoir  justifié  l'estime  qu'il  avait  inspirée  aux  contemporains.  La 
découverte  d'un  fragment  original  de  ce  poème  et  de  la  traduction 
partielle  qu'en  a  faite  la  Cmquista  apporie  à  la  littérature  proven* 
cale  un  véritable  enrichissement,  et  il  serait  fort  à  désirer  qu'on 
retrouvât  en  Espagne  les  restes,  qui  y  subsistent  peut-être  encore, 
du  précieux  manuscrit  auquel  appartenait  notre  fragment. 

Il  y  a  d'ailleurs  peut-être  une  autre  chance  encore  de  rentrer 
en  possession  de  l'œuvre  de  Bechada,  Mon  ami  A.  Thomas  a 
relevé  le  curieux  passage  suivant  dans  un  des  recueils  de 
Gaignières  (B.  Nat.,  lat.  171 18,  foL  424)  :  «  A  la  marge  de 
la  copie  envoyée  à  M.  Justel*,  où  il  tst  parlé  du  hvre  de 
Boldricus,  abbé  de  Bourgueil,  y  ql  i  ce  livre  est  à  Las  Tours  escrit 
m  rime  du  vieux  gaulois  m  tr/m,  fort  lisible^  mais  malaisé  à 
entendre.  Peut  cstre  que  c'est  celuy  de  Grégoire  Bechada  dont 
il  est  parlé  en  suite,  car  Baldncus  est  imprimé  en  latin  et  a 
escrit  en  prose,  »  Cette  conjecture  est  extrêmement  vraisem- 
blable, et  le  manuscrit  conservé  au  château  de  Las  Tours  était 
peut-être  l'original  même  de  Bechada,  qui  habitait  ce  château 
et  écrivait  en  l'honneur  de  son  feu  seigneur  Golfier.  Qu'est-îl 
devenu  depuis  le  xvii*  siècle?  C'est  aux  archéologues  limousins 
à  le  rechercher  :  il  y  aurait  là  une  belle  découverte  à  faire. 

Gaston  Paris. 


t.  n  s'agit  d'une  copie  de  U  chronique  de  Gaufrei  de  Vigeots, 


LES  POÉSIES  PROVENÇALES 


CONSERVÉES    P^Ul    DES    CHANSONNIERS    FRANÇAIS 


§1,    —  INTRODUCTION. 

Quoiqu'on  ne  soit  pas  encore  complètement  d'accord  sur  la  part 
d'originalité  qu'il  faut  reconnaître  aux  poètes  «  courtois  »  de 
la  France  septentrionale,  ni  sur  la  valeur  esthétique  de  leurs 
poésies*,  tout  le  monde  s'accorde  aujourd'hui  à  penser  que  Tart 
raffiné  qu'ils  ont  cultivé  est  né  dans  le  Midi,  Le  fait  qu'il  s'agit 
ici  d\me  imitation  est  incontestable,  grâce  à  la  quantité  de 
rapports  d'idée  et  de  forme  qui,  jusque  dans  les  plus  petits 
détails,  existent  entre  les  poésies  des  trouvères  et  celtes  des 
troubadours.  On  ignore  encore  la  date  précise  h  laquelle  ce 
genre  a  fait  sa  première  apparition  dans  le  Nord,  et  Ton  trouve, 
sur  ce  point,  des  contradictions  dans  les  meilleurs  travaux  trai- 
tant ce  sujet.  Ainsi  M.  P.  Meyer,  après  avoir  dit  que  la  poésie 
courtoise  des  Méridionaux  exerça,  dés  la  fin  du  XI P  sièch\  une 
influence  appréciable  sur  la  poésie  des  pays  de  langue  d'oïl 
(Rom.,  XIX,  2),  fixe,  en  précisant  la  date,  le  commencement 
de  cette  influence  à  lY'poque  où  Aliénor  de  Poitiers  fut  reine  de 
France  (1137-52)  {Rom,^  XIX,  3)^;  les  dates  que  nous  donne 
M,  Jeanroy  sont  également  incertaines  :  cf.  De  nostraîihiis  niedii 
aevi  poeiis  qui  primum  lyrica  Aquitaniac  carmina  imitati  sint,  ro  : 


I*  Voyez  Topinion,  assez  différente  des  idées  généralement  reçues,  que 
vient  d*émettre  M.  Bédier  dans  sa  thèse  latine  sur  Colin  Muset, 

2*  [11  n'y  a  là  aucune  contradiction.  On  ne  peut  constater  Tinlluence  pro- 
vençale sur  ta  poésie  lyrique  française  qu'à  la  fin  du  xii«  sitcïe,  parce  que 
nous  n'avons  guère  de  spécimens  plus  anciens  de  cette  poésie.  Toute  une 
période  de  la  poésie  des  trouvères  s*est  perdue.  —  P.  M  ] 


LES   POÉSIES   PROVENÇALES  365 

circa  annum  iiJOy  et  63  :  neque  antefinem  duodecimi  saeculi.  En 
tout  cas,  la  poésie  courtoise  apparaît  au  Nord  sensiblement  plus 
tard  qu'au  Midi,  et  c'est  au  Nord  qu'il  faut  chercher  l'imitation. 
M.  Jeanroy  cite  plusieurs  passages  français  qui  traduisent  textuel- 
lement des  passages  provençaux  (JDe  nostr.y  88  ss.)  ;  M.  P.  Meyer 
signale  de  nombreux  cas  d'imitation  en  ce  qui  concerne  la  forme 
(/.  c.y  13  ss.).  Les  relations  personnelles  entre  les  trouvères  et  les 
troubadours  nous  sont  en  outre  attestées  par  un  échange  de 
couplets  entre  Folquet  de  Romans  et  Hugues  de  Berzé*,  et  un 
jeu  parti  moitié  français,  moitié  provençal  (Suchier,  DenkmàleTy 
326).  Mais  nous  possédons,  de  l'influence  de  la  poésie  méri- 
dionale sur  celle  du  Nord,  une  preuve  encore  plus  évidente, 
c'est  que  plusieurs  chansonniers  français  nous  ont  conservé  un 
assez  grand  nombre  de  pièces  provençales^.  En  outre  des  frag- 
ments de  chansons  ont  été  cités  dans  les  romans  français  de 
Guillaume  de  Dole  et  de  la  Violette. 

§   2.  —  LES  PIÈCES. 

Voici  la  liste  aussi  complète  que  possible  des  poésies  proven- 
çales qui  se  trouvent  dans  différents  manuscrits  français,  avec  le 
nom  de  leurs  auteurs. 

Pour  abréger,  je  désigne  les  mss.  par  les  sigles  suivants  : 

A  Berne  389  (B'  de  Raynaud)  G  Bibl.  Nat.  12615  (Pb") 

B  Bibl.  Nat.  J  20050  (Pb")  H         —        24406  (Pb'O 

C  —  844  (PbO  I  Val.  Reg.  1659 

D  —  795  K  Montpellier  196 

E  —  846  (Pbs)  L  —        236 

F         —         12581  (Pb'»)  M  Bodl.  Douce  308  (O) 

1.  AiMERic  DE  Peguillan,      Qui  la  ve  en  ditz  C  185  t*. 

2.  Albert  de  Sisteron,  En  mon  cor  ai  un*  aital  encubida  C  203  a, 

1.  Qui  n'est  sans  doute  pas  isolé,  cf.  Zeitschr.y  VIII,  m. 

2.  Elles  sont  relevées  dans  le  Grunâriss  de  Bartsch,  mais  avec  un  assez 
grand  nombre  d'erreurs  et  d'omissions. 

3.  Publié,  en  reproduction  phototypique,  par  la  Société  des  aticiens  textes, 

4.  [Dans  cette  table  les  incipit  sont  donnés  non  pas  conformément  au  texte 
des  mss.  indiqués,  mais  selon  la  leçon  admise  dans  le  Grntidriss  de  Bartsch. 
Les  attributions  sont  aussi  celles  de  Bartsch,  ce  qui  explique  qu'elles  soient 


^66 
f  p  Beatrix  de  Dia, 

4.  Bernârt  de  Ventabolr 

i*  - 

6.  — 

7.  — 

5.  — 
9.  - 

10.  — 

11.  — 

la»  — 

tj.  CadeneTj  cf.  no  91 

14.  Daude  de  Prades, 

15.  Elias  FoNSALA3>Aj 

16.  FoLdUET  DE  Marseille T 

17.  — 
ïS.  - 

19.  — 

20.  — 

21.  Gaucelm  Faidit, 

%2.  -^ 


24. 
25. 
26. 
27. 

28. 
29. 


L.   GAUCHÂT 

A  chantar  ra'er 

C  204  i', 
,  Ab   joi  mou  lo  vers  d   comens 

C  202  a,  FwkiU  ■  320-328, 
Axa  no  vei  luzir  soîeil  C  i  jo  t. 
La  doussa  vou  ai  auzîda  iî  89  ro. 
Lanquan  foillon  bosc  e  garric  C  202  i^* 
Non  es  mera villa  s'en  chan  C  [91a. 
Qpan  par  la  fi  ors  josial  vert  roîll  C  1 88  h^ 
Qpan  vei  la  flor  Terba  fresc'  e  la  foilla  B  8ë  r«. 
Qjîan  vci  lalauzeta  mover  B  148  v^^,  C  1901/, 

ViôlHk  4193-4200,  Dok  L  96  h 
Tuït  cil  quem  pregon  quVu  chan  C  191  a, 
Cf,  n^'  39,84,96,  108,  109,  m, 
Be  voîgra  s'esser  pogties  C  iBSb. 
BeU  m*es  la  vou  autana  C  196  a  ^  /Mf  C  93  i». 
De  bon  loc  movon  mas  chanson  C  T9S  ^. 
En  chantaa  m*aven  a  membrar  C  1S9  À. 
Sttot  me  sui  a  tart  aperceubuiz  C  18S  fr* 
Tan  m'abeîis  Tamoros  pensameos  C  idS^- 
Tan  mon  de  cortex  razo  C  î88  ^, 
En  la  vostra  mantencnsa  C  200  d. 
Chant  e  déport  joi  domnei  e  solatî  B  8>  r*. 
Fom  cau^a  es  que  tôt  lo  major  dan  B  87  r«*. 

C  J9ii,/89ii. 
Jamais  nuill  temps  nom  pot  ne  far  aitiorsi 

C200fl. 

Lo  gens  cors  honratz  5  90  ro. 

Mon  cor  e  mi  e  mas  bonas  chansos  B  84  r©  ». 

No  m'alegra  chans  ni  critz  C  202  b. 

Si  anc    nuills   homs  per  aver  fin  coratge 

5  86  yo. 
Sitôt  m*ai  tarzat  mon  chan  B  86  r». 
S'om  pogues  partir  son  voler  B  89  v®. 


parfois  en  désaccord  avec  celles  que  donne  le  Catalogue  imprimé  de  la 
Bibliothèque  nationale  pour  le  ms.  844.  Lorsque  j'ai  rédigé  la  notice  de 
ce  ms.,  en  1863,  on  n'avait  pas  pour  la  poésie  des  troubadours  les  moyens  de 
recherche  dont  on  dispose  maintenant,  et  j'ai  le  plus  ordinairement  adopté 
les  attributions  du  chansonnier  856.  —  P.  M.] 

1.  Edition  de  Fr.  Michel,  p.  19. 

2.  Bartsch  dit  que  cette  chanson  se  trouve  également  dans  I  (r^);  c'est  une 
méprise. 


LES 


30. 

31- 
32. 
33. 
34. 

35. 
36. 

37. 
38. 

39- 
40. 

41. 
42. 

43. 
44. 

45. 
46. 

47. 
48. 

49- 

50. 
51. 
52. 
53- 


54. 
5S. 
56. 

57- 

58. 

59- 
60. 

6x. 

62. 


Gui  d'Uisel, 
guilhem  augier, 
GuiLHEM  Magret, 

Jaufre  Rudel, 


Marcabru, 
Peire  d'Auvergne, 
Peire  Cardinal, 


Peire  Vidal, 


Peirol, 

Perdigo, 
Pistoleta, 


Pons  de  Chapteuil, 

Raimbaut  d*Orange, 
Raimon  Bistortz, 
Raimon  Jordan, 

RiGAUT  DE  BaRBEZIEUX, 


POÉSIES  PROVENÇALES  367 

Ces  de  chantar  nom  faill  cors  ni  razos  C196  c. 
Ses  alegratge  C  iS6d, 
Aiga  poja  contra  mon  C  201  c, 
Enaissim  pren  com  fai  al  pescador  C  192  ^. 
Lanquan  li  jorn  son  lonc  en  mai  B  81  v»» 

C  iSgd,Doh  f.  75  b, 
Qpan  lo  rius  de  la  fontana  ^11$  ro,  B  149  vo. 
Bel  m*es  quan  son  li  fruit  madur  C  203  d, 
Pax  in  nomine  domini  C  194  ^. 
Dejostals  breus  joms  els  loncs  sers  B  86  ro. 
Amies  Bernart  de  Ventadom  C  190  ^. 
Ane  no  vi  Breto  ni  Baivier  D  1  a, 
D'Esteve  de  Belmon  m'enoja  D  i  c. 
Falsetatz  e  desmezura  D  1  b. 
Tostemps  azir  falsetat  et  enjan  D  i  a. 
Tostemps  volgram    vengues    bon'aventura 

D  i  c. 
Totz  lo  mons  es  vestitz  et  abrazatz  D  i  a. 
Ane  no  mori  per  amor  ni  per  al  £  85  vo. 
Bem  pae  d'ivern  e  d*estiu  B  87  v©. 
Quan  hom  es  en  autrui  poder  C  204  d\ 
Tart  mi  veiran  mei  amie  en  Tolzan  Ci  97  a. 

Cf.  no  88  note. 
Atressi  col  cignes  fai  C  197  r. 
Del  seu  tort  farai  esmenda  B  88  vo. 
Trop  ai  estât  qu'en  bon  esper  non  vi  B  89  ro. 
Ar  agues  eu  mil  mares  de  fin  argen  B  82  ro, 

D  200,  E  125,  F  88  ro,  I,  M  no  182  des 

ballettes». 
Leials  amies  eui  amors  te  joios  C  202  d. 
Us  gais  conortz  me  fai  gaiamen  far  ^  90  vo. 
Pos  tais  sabers  mi  sors  em  ereis  5  88  v©. 
Eu  no  trop  quem  reprenda  D  i  c. 
Lo  elar  temps  vei  brunezir  C  1^2  d. 
Vas  vos  soplei  donma  premeiramen  C  194  a. 
Atressi  com  lo  leos  C  195  c. 
Atressi  eom  l'olifans  -^  238  ro,  B  84  ro, 

C  195  d. 
Atressi  eom  Persevaus  5  85  ro,  C  197  ^. 


1.  D'après  Bartseh,  la  chanson  Quan  hom  Ijonrat^y  de  Peire  Vidal,  se  trou- 
verait également  dans  C;  c'est  une  confusion. 

2.  Cf.  Romania,  XIX,  43  et  suîv, 


jéS  L.    GAUeilAT 

63.  RiGAUT  DE  Barbezîeux,      Be  vôîriâ  saber  d'amor  C  194  d. 

64.  —  Lo  nous  mes  d'abril  cotneîisa  C  189  f, 

65.  —  Tuit  demândon  qu*es  devcngud'itnors  A  Iji 

rp,  B  1  jo  ro,  C  200  b, 

66.  Uc  Brukemc,  Corteiameû  mou  eti  mon  cormescbtisa.f  f  ? 

67.  Anonymes,  Aissi  com  eu  sab  triar  '  C  tgû  h. 
5g.  —  A  Tentrada  del  temps  ciar  B  82  v». 
6^.  ^*  A  Tentrada  dd  temps  florit  C  191  i. 
70*  —  Amors  doussors  mi  assaja  C  199  a* 

7  K  —  A  tota  gen  don  rai  conseill  leial  D  1  c. 
72,  —  Bêla  domno  cara  C  117  a. 

7^,  —  Bel  m'fô  que  chant  quan  vd  del  fau  C  1 9S  ^, 

74.  —  Be  volgra  quem  venques  merces^  C  78  d, 

75,  —  Cel  jogbr  mi  fan  gran  pior  D  i  r. 

76.  —  Domm  pos  vos  ai  chau/ida  C  i  \^, 

77,  —  D'un  déduit  C  193  f^. 

7H,  ^  Eissaraeii  corn  la  pantera  C  199  i/. 

7^,  —  Eu  en  sav  un  fiae  e  mal  D  1  a. 

80*  —  Ha  me  non  fai  chantar  foi  lia  ni  flor  C  204  ff. 

8  k  —  Uautricr  cuidaî  avcrdmda  G  199  ^. 

83.  —  Lo  dous  chans  que  Tauzels  crîda  G  203  f- 
Bj.  —  Lo  premkr  jorn  que  \'i  C  aoi  a. 

84.  —  Ma  dompna  fo  al  comensarî  C  i^yh. 

85 .  —  Mant  rie  home  en  ay  chest  si  mal  stam  D  t  h. 

86.  —  Mos  coratgcs  m*es  camjatz  B  91  r». 

87.  —  Pos  qu'îeu  vei  lu  fuoilla  C  i  v». 

88.  —  Pos  vezem  que  riveras  s'irais*  C  190  a. 

89.  —  Quan  vei  los  pratz  verdezir  C  198  r. 

90.  —  Tant  es  gai  et  avinentz  C  78  c, 

91.  —  Tôt  enaissi  com  deus  fo  encolpatz  ^  D  1  d. 

92.  —  Vos  domna  ab  un  dous  regart  C  198  a. 


1.  M.  Appel,  dans  ses  Provetiiaîische  Inedita,  316,  fait  la  remarque  que  le 
même  type  se  retrouve  dans  la  poésie  de  Bernart  de  Ventadour  Gent  estera 
que  chantes, 

2.  Doit  être  identique  avec  Blacasset,  2  (Gnmdrîss). 

3.  Une  main  moderne  a  ajouté  en  marge  :  B.  de  Ventadour. 

4.  M.  Appel  (1.  "c.  329)  observe  que  la  chanson  pourrait  être  de  Peire 
Vidal,  parce  qu'on  y  lit  le  nom  Drugheman.  En  effet,  le  ms.  attribue  la  pièce 
suivante  à  P.  Vidal,  quoique  à  tort. 

5.  D'après  M.  Grôber,  de  Cadenet. 


LES   POÉSIES  PROVENÇALES  369 

Puis  il  y  a  quelques  pièces  que  je  n'ai  pu  retrouver  dans  le 
Grundriss,  savoir  : 

93.  ?  Amors  m*art  con  fuoc  ab  flama  C  iSj  d. 

94.  —  Ar  uous  mesiau  (sic)  H  151  c. 

95.  —  Bêla  domna  a  Taida  de  vos  B  149  v<>. 

96.  —  En  coravetz  meins  de  valor  C  192  a  '. 

97.  —  En    aquel    temps   que   vezem    verdezir  (?) 

Vioktte  319  ss. 

98.  —  Molt  fosson  douz  mi  consirrier  C  189  ^. 

99.  —  Si  com  l'aigua  soffre  la  nau  corren.  B  149  r*», 

100.  —  Si  com  l'enclaus   que  a  de   mort  dotanza 

C  197  d. 
loi.  —  ...pellaç,  herege  q  ne  jura  (sic)  D  }  c, 

102-107.  —  6  strophes  différentes,  très  mal  écrites,  que 

je  n'ai  plus  eu  le  temps  de  déchiffrer,  dans 

D  2  roî. 

Enfin,  le  ms.  844  de  la  Bibl.  Nat.  (C)  a  contenu,  d'après  les 
indications  de  l'Index,  les  pièces  suivantes  qui  étaient  écrites 
sur  deux  feuillets  qu'on  a  coupés,  après  les  feuillets  actuels 
190  et  193  : 

108.  [Bernard  de  Ventadour],  Be  m'an  perdut  lai  enves  Ventadorn*. 

109.  —  Ben  me  cuidai  de  c'  (sic  =z  Grundr.  70,  13?) 
iio.                      —                        Amors  et  quaus  hounors  (sic  =  Grundr, 

70»  4?) 

1 1 1 .  —  Lou  louseignol  s*esbaudie  K 

112.  —  Molt  m* es  bel  et  clar 

113.  —  Per  dous  chans  que  louseign *. 

Comme  on  le  voit,  le  nombre  des  chansons  provençales 
accueillies  par  les  chansonniers  français  est  assez  considérable. 

1.  Note  marginale  d'une  main  moderne  :  B.  de  Ventadour. 

2.  [Strophe  de  Jordan  de  Bonel,  S*ira  d*amorSf  voy.  Parn.  Occit.^  p.  203. 
—  P.  M.] 

3.  [Probablement  de  P.  Cardinal.  On  y  a  joint  à  la  fin  la  tornada  de  la 
pièce  Un  sirventes  fauc  en  loc  de  jurar  de  Peire  Cardinal  (Grundriss y  335,  66), 
mais  ce  qui  précède  est  un  sirventes  différent  et  inconnu.  —  P.  M.] 

4.  Grundriss,  70,  12. 

5.  Grundriss,  70,  29. 

6.  Pour  la  chanson  Lauhier  m'iere  Iti'ai  (sic),  qui  termine  la  section, 
voyez  ci-après. 


370  L,   GAUCHAT 

On  y  rencontre  en  outre  des  mokîs  provençaux,  notamment 
dans  C  et  A'  (cf.  P.  Meyer^  Rom.^  l,  404-5),  et  des  lais^  dans 
G  et  C  (ce  sont  les  lais  lyriques  de  Marhiol  et  de  Nompar  *,  les 
numéros  46 1\  122  et  461,  124  du  Grundriss^  où  il  faut  lire  fVz 
au  lieu  de  IVh)*  Comme  ces  motets  et  lais  ne  rentrent  pas  dans 
le  cadre  de  mon  travail,  je  les  laisse  ici  de  côté. 

§    3*    —  LES   MANUSCRITS. 

Ce  sont  donc  les  mss.  844  et  20050  qui  nous  offrent  les  plus 
riches  recueils  de  chansons  d*origine  provençale.  Elles  y  occupent 
des  sections  à  part,  dont  la  première  cependant  est  interrompue, 
dans  le  ms*  20050,  par  quelques  pièces  françaises.  Cette  section 
provençale  du  ms.  va  du  fol.  81  r"  au  foK  91  v°,  où  s'arrête 
récriture  du  premier  copiste.  Parmi  ces  chansons  provençales  ont 
pris  place  les  pièces  françaises  :  Quant  voi  ces pre:;^  florir  eî  vtràner 
(Raynaud,  £//;/.,  n**  13 18),  f.  82  v^  et  Gatte  de  la  tor,  gardr^ 
enîor  (Raynaud  2015),  f-  83  r^*  Une  seconde  série  plus  courte, 
de  la  main  d*un  autre  copiste,  remplit  les  feuillets  148  v*  à 
150  v".  Le  ms.  844  contient,  outre  la  section  provençale, 
fol*  188  £i"204  dy  qui  forme  la  fin  des  chansons  courtoises  et  qui 
est  suivie  d'une  section  renfermant  des  motets,  quelques  pièces 
provençales  èparses,  écrites  sur  des  feuillets  qui  avaient  été  laissés 
en  blanc.  Ces  morceaux  y  ont  été  insérés  par  divers  scribes  des 
xin*  et  xiv*"  siècles  :  ce  sont  les  pièces  numérotées  i,  13,  31^  72, 
74,  76,  87,  90  et  93  dans  ma  liste  et  qui,  pour  le  langage, 
diffèrent  notablement  des  autres  chansons  provençales  de  ce 
manuscrit  \  Elles  sont  écrites  en  un  provençal  presque  pur.  (On 
remarque  seulement  via  pour  vida,  mn  pour  nom  [n**  76],  etc. 
Dans  la  pièce  87,  la  diphtongue  m  est  régulièrement  remplacée 
par  lut  :  ainsi  Jualldj  mmlla^  pnascha,}  Dms  le  ms.  795,  les  chan- 
sons sont  placées  au  commencement  du  ms.  sur  quelques  feuil- 
lets de  garde.  Les  trois  premières  pièces  seules  paraissent 
remonter  au  xhT  siècle,  les  autres  sont  au  plus  du  xiv*=  siècle. 


I.  Cf.  Zeiîschr.^  I. 

1.  Q'ai  donné  Findication  de  ces  pièces  en  1867  dans  mon  mémoire  sur  le 
SaJut  d'amour  {Bibî.  de  TÉcoïe  des  Chartei^  6*  série,  t.  III,  p.  139  —  tiré  à 
part,  p.  16,  —  et  dans  le  Catalogue  du  Fonds  français.  —  P.  M»] 


LES  POÉSIES   PROVENÇALES  371 

Les  trois  chansons  provençales  du  ms.  589  de  Berne,  ainsi 
qu*une  pastourelle  d'apparence  provençale,  dont  je  parlerai  plus 
loin,  sont  insérées  parmi  les  chansons  françaises,  rangées  par 
ordre  alphabétique.  Le  copiste  du  ms.  Vat*  Reg-  1659,  ayant 
terminé  la  copie  du  poème  d*Ambroisc  sur  la  troisième  croisade, 
consacré  surtout  à  la  gloire  de  Richard  Cœur  de  Lion,  n*a  pas 
pu  s*cmpècher  de  citer  deux  strophes  du  célèbre  planh  de 
Gaucelm  Faidit  :  Fart^  causa  es,  etc.  Dans  le  ms.  24^06  enfin, 
nous  ne  rencontrons  qu'un  fragment  provençal  tout  i  fait  isolé. 

Dans  tous  les  mss»,  ces  pièces  sont  anonymes^  sauf  quelques 
attributions  dans  844  et  389,  d'ailleurs  souvent  erronées*. 

Toutes  ces  chansons  sont  loin  d'être  complètes  :  tandis  que 
les  mss.  389  de  Berne  et  20050  otîVent  presque  toujours  de  deux 
à  six  strophes,  le  ms*  844  ne  donne,  la  plupart  du  temps,  que  le 
premier  couplet  des  poésies,  comme  si  on  avait  voulu  unique- 
ment noter  les  mélodies.  Quelques  poésies  cependant  y  ont  été 
transcrites  plus  complètement,  le  scribe  y  attachant  peut-être 
plus  de  prix  (17,  9,  18,  16,  64,  34,  88,5  [ce  sont  les  premières 
poésies  que  le  copiste  a  écrites],  8,  69,  22,  59,  89,  15,  81). 
Pour  les  autres,  il  a  laissé  en  blanc  la  place  des  couplets 
suivants.  Les  envois  des  poésies  provençales  n'intéressant  que 
peu  les  hommes  du  Nord,  les  copistes  les  ont  généralement  omis, 
i  rexception  de  quatre  ou  cinq  (n^*  15,  [89],  29,  47,  5 1),  dont 
deux  consistent  en  une  strophe  entière.  On  a  le  droit  de 
s'étonner  que  nos  chansonniers  n'aient  pas  admis  Tcnvoî  de  la 
poésie  de  Rigaut  de  Barbezieux  :  Tug  dtmandùn  qucs  dei'cngu- 
d'amors^  qui  s'adressait  à  la  comtesse  Marie  de  Champagne. 

§   4.    —  LES   POÉSIES, 

Ce  n'est  certainement  pas  le  pur  hasard  qui  a  présidé  au  choix 
de  chansons  et  de  troubadours  qu'ont  fait  les  chansonniers 
français,  Si  les  fameux  souhaits  de  Pistoleta  se  sont  conservés 
dans  six  mss,  français,  c'est  que  le  sujet  en  était  devenu  très 


I .  Contre  six  attributions  justes,  le  ras.  844  en  contient  sept  fausses.  Les 
noms  des  poètes  sont  très  défigurés,  d.  lossiames  Jaidius  (^  Gaucelm  Faidit). 
Le  ms.  de  Berne  attribue  à  Forhs  de  mnsaUU  un  sorpaîtn*}  (son  poitevin) 
qui  est  en  réalité  une  poésie  de  Rigaud  de  Barbezieux»  n<*63. 


372  L.    GAUCHAT 

populaire  ;  c'est  aussi  la  seule  pièce  qui  ait  été  réellement  traduite 
(/Σ?m,,  XIX,  p,  S4  ss.).  Le  célèbre  planh  de  Gaucelm  Faidit  sur 
la  mort  de  Richard  Cœur  de  Lion  se  retrouve  dans  trois  mss, 
français;  c'est,  en  quelque  sorte,  le  pendant  de  la  chanson 
du  roi  anglais  :  Ja  nus  fmn  pris  ne  dira  sa  raistm,  que  nous 
possédons  dans  plusieurs  remaniements  provençaux.  Richard 
d'Angleterre  ii'était-il  pas  Tidok  des  nobles  du  moyen  âge,  et 
cette  belle  complainte  sur  sa  mort  ne  devait-elle  pas  toucher 
toutes  les  âmes  courtoises?  J'ai  déjà  nommé  la  chanson  de 
Rigaut  de  Barbezieux  :  Tug  demandon  qu'es  devengudamors\  elle 
figure  également  dans  trois  mss,^  ce  qui  n'est  pas  étonnant, 
si  nous  considérons  qu'elle  a  été  composée,  très  probablement, 
en  Champagne.  Les  pièces  contenues  dans  deux  mss.  appar- 
tiennent aux  poètes  Bernart  de  Ventadour,  Gaucelm  Faidit, 
Jaufre  Rudel  et  Rigaut  de  Barbezieux,  et  Ton  comprend  aisé- 
ment qu'elles  aient  été  très  répandues. 

Il  faut  ensuite  remarquer  que  la  presque  totalité  de  cqs  poésies 
sont  des  chansons  d^ amour  :  on  sait  que  l'amour  régnait  en 
maître  dans  cette  société  brillante.  Nous  ne  trouvons  dans  les 
chansonniers  français  que  deux  véritables  serventois,  genre  très 
peu  cultivé  dans  le  Nord  (Guillem  Magret  :  Vaigua  pnja  contra 
mon^  et  Marcabru  :  Fax  in  nomim  domini).  On  a  souvent  consi- 
déré comme  un  ser\^entois  la  pièce  de  Gaucelm  Faidit  :  Chante 
déport^  joi,  dommi  c  solati^  mais  c'est  simplement  un  éloge  du 
bon  vieux  temps,  ce  qui  a  toujours  été  un  thème  favori-  La 
pièce  :  Si  anc  nuls  hm  per  avcr  fin  corage^  du  même  auteur, 
serventoîs  adressé  à  Marie  de  Ventadour,  n'apparaissait  aux 
Français  que  comme  une  de  ces  nombreuses  chansons  d'amour 
où  l'amant  se  plaint  de  la  rigueur  de  sa  dame.  Le  planh  de 
Gaucelm  Faidit  se  trouvait  dans  des  conditions  extrêmement 
favorables,  à  cause  de  son  sujet.  Je  crois  qu'on  ne  saurait  rien 
conclure  de  l'apparition  isolée  d'une  /c«ja«(39)  et  d'une  ballade 
(68),  bien  que,  pour  ces  genres  aussi,  les  Provençaux  aient  servi 
de  modèles  aux  Français*  Il  y  a  enfin  deux  pièces  d'un  genre 
particulier  (populaire?),  les  n"  68  et  8i.  Notons  finalement 
que  les  mss,  ne  présentent  qu'une  seule  pièce  ayant  trait  aux 
croisades  (Marcabru  :  Fax  in  nomine  domini)^  ce  qui  ne  confirme 
pas  l'opinion  de  ceux  qui  placent  en  Orient  Torigine  des  rappro- 
chements entre  les  poésies  méridionale  et  septentrionale. 


LES   POÉSIES  PROVENÇALES 


373 


§    5.    —   LES   POètES. 

Les  poctes  dont  les  ms.  nous  ont  conservé  le  plus  grand 
nombre  de  pièces  sont  Bcrnart  de  Ventadour,  Folquec  de 
Marseille,  Gaucelm  Faidit,  Peire  Vidal  et  Rigaut  de  Bar- 
bezieux*  Bcrnari  de  Ventadour  fit  un  séjour  X  la  cour  d^Alié- 
nor^  duchesse  de  Normandie,  entre  1152  et  1x54*  La  biogra- 
phie provençale  de  ce  troubadour  dit  :  lonc  temps  esieî  en  sa  cor  t. 
C*est  à  rinfluence  de  cette  princesse  qu'on  rattache  à  bon  droit 
tout  ce  mouvement  littéraire,  et  c'est  très  probablement  en  imitant 
Bernart  de  Ventadour  d'abord  qu'on  est  arrivé  à  transplanter  la 
poésie  courtoise  dans  les  pays  de  langue  d'oïl  (cf.  G.  Paris, 
Rom.,  Xn,  523)*  Un  second  centre  s*est  formé  à  la  cour  de 
Châmpagne^'ou' résidait  la  fille  d'Aliénor»  Marie  de  Champagne. 
Rigaut  de  Barbezieux  doit  avoir  fréquenté  cette  cour;  aussi 
les  mss.  français  contiennent-ils  six  poésies  de  lui,  sur  dix  qu'il 
nous  a  laissées.  Il  y  eut  hï  peut-être  des  rapports  personnels 
entre  les  troubadours  et  Chrétien  de  Troies,  dont  nous 
connaissons  trois  poésies  courtoises,  qu'on  peut  considérer 
comme  les  plus  anciennes  qui  soientparvenues  jusqu'à  nous.  En 
cherchant  bien,  on  pourrait  assigner  à  chacune  des  idées  de 
Chrétien,  voire  à  des  vers  ou  à  des  strophes  entières,  une 
origine   provençale  :  Nus,  s'il   nest  corîois  et  sages  y  Ne  ptu't 

d\imor  riens  nprcndrc Raison  U  ccvicnt  Jespcndre  Et   nuire 

mesure  en  gages.  C'est  le  programme  de  la  nouvelle  école! 
Un  autre  centre  s'est  constitué  plus  tard  ;\  la  cour  de  Richard 
Cœur  de  Lion.  Autour  de  celui-ci  gravitaient  Peire  Vidal,  Fol- 
quet  de  Marseille  '  et  Gaucelm  Faidit,  dont  les  mss*  nous  ont 
légué  plusieurs  poésies.  Marcabru  a  dû  parcourir  aussi  le  Nord, 
comme  nous  l'atteste  un  passage  d'Audric  du  Vilar  :  Quan  sai 
de  Blés  [Blois]  A  nu  vengttes  {Hist,  gén,  du  Languedix,  X,  217). 
Nous  ne  voulons  pas  rechercher  pourquoi  les  chansonniers 
français  ont  admis  des  chansons  de  Cadenet,  Jaufre  Rudel', 


î.  Cf.  aussi  Rom,^  XIX,  4. 

2.  Quant  1  CCS  deux  troubadours,  M.  O.  Sc\m\u  {Ztiiuhr . ,  VIII,  Î09  ss.) 
remarque  qu^ils  ont  eu  <3e5  rapports  avec  le  Nord,  puisque  le  premier  adresse 
des  chansons  à  !a  comtesse  Maheut  d*Angoulémc  et  que  Li  chanson  :  Quan  lo 


374  ^'   GAUCHAT 

Elias  Fonsolada,  etc.,  car  nous  sommes  trop  mal  renseignés  sur 
la  viû  de  ces  poètes.  Il  paraît  singulier  que  nos  mss.  ne  con- 
tiennent pas  de  traces  de  Bertran  de  Bom,  qui  s'était  pourtant 
aussi  rendu  auprès  d* Aliéner  ;  mais  son  domaine  était  surtout 
le  serventois^  qui  n*a  pas  su  se  naturaliser  au  Nord. 

Chronologiquement,  la  liste  des  troubadours  qui  ont  pris 
place  dans  nos  chansonniers  commence  par  Jaufrc  Rudel  et 
Bernart  de  Ventadour  et  se  termine  par  Cadenet  (i2o8-r239). 

On  ne  peut  donc  être  d'accord  avec  M.  Jeanroy,  quand  il  dit 
ÇDe  nostr^  91)  :  «  At,  si  paucissima  Occitanorum  poetarum  car- 
mîna  propriis  verbis  expressa  învenimus,  eorum  componendi 
ac  dicendi  ratîo  nullo  modo  immutata  apud  nos  migravit;  non 
oranes  autem  eodem  favore  gavisi  sunt  :  inter  eos  enim  rectnîio- 
rcs  pracsertim..,nostrai€S  ut  exemplaria  sîbi proposture.  »  Nos  chan- 
sonniers français  prouvent  que  ce  ne  sont  nullement  les  poé- 
sies des  derniers  venus  qui  ont  été  les  plus  répandues  dans  le 
Nord  :  ce  sont  au  contraire  les  meilleurs  troubadours,  Bernart 
de  Ventadour,  Jaufre  Rudel,  Peire  Vidal,  etc.,  qui  sont  le  plus 
fortement  représentés*  Ce  n'est  pas  parce  que  Tart  des  Proven- 
çaux a  passé  au  Nord  «  jam  senescens,  obsoleia  et  ad  cxitium 
vergens  ))  (Jeanroy,  1,  c,  91),  que  la  poésie  courtoise  française 
n'en  paraît  être  qu'un  pâle  reflet  :  il  faut  en  expliquer  la  médio- 
crité et  la  monotonie  par  le  manque  d'originalité  des  trouvères, 
par  le  fait  qu'ils  ont  vu  dans  cette  poésie  plutôt  un  jeu  de 
Tesprit  que  l'expression  de  vrais  sentiments  et  peut-être  aussi, 
comme  le  veut  Diez  (Pùesic  dcr  Traub,%  par  leur  langue  qui  se 
prêtait  moins  que  la  langue  provençale  X  ce  raffinement  d'idées 
et  de  sentiments.  En  tout  cas,  les  termes  techniques  empruntés 
directement  au  code  d'amour  provençal  étaient  moins  expressifs 
en  français  qu'ils  ne  l'avaient  été  dans  le  langage  où  ils  étaient 
nés.  En  adoptant  une  terminologie  toute  faite,  les  trouvères 
avaient  traduit  les  mots  sans  traduire  les  idées.  Ils  ont  ainsi 
peu  profité  des  mêmes  modèles  dont  Dante  et  Pétrarque  ont  tiré 
une  poésie  pleine  de  charme. 


riiis  df  la  fontana  de  Jaufre  Rudel  est  dédiée  i  Hugon  le  Brun  de  Lustgnin. 
Mais,  observe  justement  M.  Jeanroy  {Oripfîri  de  la  poésu  îyriqtu^  2%),  ces 
provinces  appartenaient  bien  pluttJt  au  Midi,  de  sorte  que  ces  faits  n*ont  pas 
une  grande  valeur  démonstrative  pour  les  rapports  entre  le  Nord  et  le  Midi. 


LES   POÉSIES  PROV'EÏIÇALES 


37S 


s  6. 


DU   LANGAGE   EN   GÉNÉRAL. 


Le  langage  de  ces  poésies  '  a  déjà  été  le  sujet  de  beaucoup  de 
contro%Trses.Sainte-Pakye,  chose  curieuse,  n'a  pas  reconnu  que 
celaogage  est  du  provençal  plus  ou  moins  déguisé.  Il  dit,  ;\  propos 
de  la  pièce  306  du  ms.  de  Berne  :  «  Observez  la  singuhiritc  du 
patois  de  cette  pièce  ^,  »  Raynouard  appelait  ces  chansons  des 
«  traductions  informes  de  poésies  des  troubadours  ».  Le  Roux  de 
Lîncy^  qui  a  publié  plusieurs  de  ces  pièces  A  différentes  reprises 
(Cfmnts  hhtoriqiiits  frartçais^  Quatre  livres  des  Rois),  pensait  qu"  elles 
étaient  écrites  en  dialecte  poitevin.  Cette  opinion  a  été  l'objet 
d'une  critique  très  sérieuse  de  la  part  de  Brakelmann  (Les  plus 
ancian  chansonniers  français  204  ss.)  :  il  conclut  qu'il  s'agit  tout 
simplement  «  de  chansons  provençales  transcrites  par  un  scribe 
du  Nord  qui  ne  comprenait  point  la  langue  d'oc  »,  jugement 
qui,  bien  qu'à  peu  près  juste,  aurait  eu  besoin  d*un  peu  plus  de 
développement. 

Nous  possédons  aujourd'hui  un  travail  excellent  sur  les  dia- 
lectes  de  la  France  occidentale  par  M,  Gorltch  {Fran^.  Studiett^ 
ni),  qui  prouve  clairement  qu'il  n'est  pas  question  ici  de  dia- 
lecte poitevin*  Ainsi  a  Ubre  tonique,  en  ce  dialecte,  devient  e^ 
comme  en  français;  or  nos  chansonniers  présentent  des  formes 
telles  que  :  amar,  îrohur^gcîzi  (20050  f.  85  v*»),  tnagraa^  bai- 
sm,  portsLi  (844  f.  198  c),  îornà{i)s  (389  f.  138  v**),  etc.  Va 
libre  tonique,  après  une  aiouillure,  devient  également  f  en  poi- 
tevin, tandis  qu'il  donne  te  en  francien  et  reste  intact  en  pro- 
vençal et  dans  nos  textes  :  c^r  (20050  f.  85  r°),  laissât 
(844  f,  191  c),  baissa(i)t  (389  f,  234  r*),  etc,  Vç  tonique 
(français  «,  ot)  reste  comme  en  provençal,  tandis  qu'en  poi- 
tevin il  donne  et  :  parcr^  valer,  aver,  etc,  (20050  f.  88  r**), 
podçr  (844  f.  204  d.),  etc.  Le  Roux  de  Lincy  a  probable- 
ment été  amené  à  considérer  ce  langage  comme  poitevin  par 


1  Je  bisse  ici  complètement  décote  les  mss.  ne  contenant  qu'une  seule 
pièce  provençale,  ainsi  que  les  poésies  provençales  insérées  plus  lard  dans  le 
ms.  844  et  celles  du  ms.  795  qui  datent  de  même  d'une  époque  postérieure. 

2.  Cité  par  Brakelmann  dans  VArchw  de  Herrig,  XUîI,  241,  note. 


37^  L.    GAUaiAT 

le  fait  qu'il  est  question,  dans  divers  textes,  de  sons  pùtievim^  et 
que  ce  nom  se  trouve  précisément,  dans  le  Roman  àt  la  VicUitt^ 
appliqué  à  une  de  nos  pièces  :  au  v.  3 19  on  lit  :  Un  ver  d'un  b&n 
son  poita'in,  et  la  strophe  citée  est  dans  Tun  des  mss,  un  cou- 
plet de  Bcrnart  de  Veotadour  (voyez  notre  n**  4),  dans  Tautre 
notre  n"*  97;  plus  loin  (v,  4192)  un  des  mss.  qualifie  de  son  pûi- 
tevin  le  couplet  du  même  Bernart  (n**  1 1)  que  Tautre  appelle  son 
f^rov€nçal\  le  môme  couplet  (ce  que  ne  pouvait  savoir  Le  Roux 
de  Lincy)  est  encore  appelé  son  poitmn  dans  GuiUauntc  ik  Date 
(f.  96^).  Une  des  pièces  du  manuscrit  389  de  Berne  porte 
comme  rubrique  :  sorpointevin  (f.  254  r°),  qu'il  faut  évidem- 
ment lire  :  son  poiîann^  et  il  s*agit  de  la  célèbre  pièce  de  Rigaut 
de  Barbczieux  (notre  n""  65).  Mais  les  désignations  «f  poitevin  »  et 
«  provençal  »  étaient,  en  ce  cas,  sans  doute  identiques  pour  un 
scribe   du  Nord.  Une   chronique  normande  donne  à   croire 
qu'Aliénor  de  Poitiers  avait  conservée  Fhabitude  de  parler  avec 
ses  barons  le  langage  de  son  grand-père,  le  troubadour  Guil- 
laume IX,  comte  de  Poitiers,  c'est-à-dire  le  provençal^  :  c'est 
ainsi  qu'on  a  pu  arriver  à  appeler  poitevine  cette   langue  qui 
caractérisait  la  cour  d'Aliénor  de  Poitiers  et  qui  n*était,  en  réa- 
lité, que  le  provençal. 

Mais,  pourrait-on  demander,  si  ces  chansons  ne  sont  pas 
écrites  en  dialecte  poitevin,  ne  faut-il  pas  y  reconnaître  quelque 
autre  dialecte?  Non,  car  plusieurs  indices  nous  démontrent  que 
nous  avons  à  faire  ici  X  une  langue  tout  à  fait  factice,  sunout  le 
fait  qu'au  point  de  vue  linguistique  ces  textes  sont  remplis  de 
contradictions^  et  de  formes  hybrides  qui  n'ont  existé  dans 
aucune  langue  parlée,  ainsi  au:;jatis  ^^  autels  +  oisiaus  (20050  : 
81  v°,  16),  cgusse  ^^  agî4es  +  eusse ^  etc. 

Ce  ne  sont  pas  non  plus  des  rédactions  françaises  de  poésies 
provençales.  Si  cela  était,  ce  serait  à  la  rime  que  nous  constate- 
rions les  plus  grands  changements,  et  c'est  précisément  là  que 


î.  \oy.  Ronu,  XIE,  21  ;  XIX,  4. 

2,  Rom.^  XIX,  3.  Voici  le  passage  :  Alienor  vint  a  ses  gens  de  Poitou  et  dist: 
Scfnor,  quau  htste  sut?  Et  per  Iku,  distnnt  t/,  et  non  ac  tant  heîe  dosne  en  tout  le 
tftont  (Notices  et  extraits  des  mss,,  XXX 11,  II,  68;  le  texte  provençal  est,  du 
reste,  bien  conompu). 

3*  Nous  trouvons  dam  les  mêmes  pièces  la  lornic  /wm  à  coïc  de  bonc^ 
doitii  côté  de  avcr,  cortw  à  côté  de  i^/er,  20500  :  81  n^,  22;  81  v»,  14. 


LES    POESIES    PROVENÇALES  377 

les  copistes  oni  le  plus  respecté  leur  texte.  Les  compilateurs 
savaient,  au  contraire,  parfaitement  bien  qu'ils  transcrivaient 
une  langue  étrangère*  Le  scribe  de  20050,  par  exemple,  se  cor- 
rige quelquefois  :  après  avoir  écrit  mentist^  il  corrige  mentis 
(8î  v'%  II);  pechtt  est  changé  en  pe^fmt  (85  v**,  13),  auifnn 
en  auiHQTï  (89  v**,  19);  ce  même  copiste  abandonne  aussi,  dans 
cette  section  provençale  du  chansonnier,  ses  habitudes  de  gra- 
phie lorraines  :  nous  ne  lisons  qu'une  fois  /fî/aiz  (Si  v%  20), 
(cop,  nus  81  v'',  4;  8t  v"*,  5).  Les  copistes  avaient  donc  noté 
quelques  divergences  phonétiques  entre  le  provençal  et  leur 
langue  habituelle;  ainsi  ils  avaient  remarqué  que  le  provençal 
mettait  souvent  une  /  où  ils  avaient  coutume  d'écrire  w,  par 
exemple  dans  le  mot  altrc^  vis  à  vis  du  français  autre;  en  se 
donnant  la  peine  de  rétablir  ces  /  il  leur  arrivait  parfois  de  pous- 
ser le  zèle  trop  loin  et  de  mettre  une  /  où  Fétymologie  ne  le 
permettait  pas  :  ainsi  dans  ioioh  (20050  :  90  v%  17),  viïre  pour 
t'iur^(200SO  :  149  r"*,  5),  de  même Jimhnent=Jïnamen  (20050: 
90  V,  7),  ai/ans  ^=  a/ans  (20050  :  89  v°,  3,  le  scribe  est  lor- 
rain !).  L^alternance  de  an  français  avec  en  provençal  a  produit 
la  forme  cng^ùn  (20050  :  86  v°,  8).  La  même  tendance  a  fait 
naître  les  formes  confumhz  (20050  :  81  \^^  9),  fussztz  (ib. 
84  r^,  7),  sabissatz  (ib.  84  r°,  8),  podaz  (ib.  85  r^i  iS),  vesqui" 
jaz  (ib.  87  V**,  13)^  méme/îraz^/^rè*/^  (ib,  86  r"»,  18  ;  86  r",  19  ; 

87  r**,  4),  qtiOihs  ^  quaîlcs  (844  :  198  d,  28),  pour  cofifondetz 
fosAT/s,  etc.,  car  les  scribes  s'étaient  aperçus  que  le  provençal 
mettait  souvent  at^  où  ils  écrivaient  i7^  (iinutti=  amet^^  etc.). 
Les  chansons  provençales  offrant  tantôt  ie,  tantôt  îen,  les 
scribes  du  Nord  ont  cru  que  bm  était  la  forme  régulière  (et  be 
une  graphie  négligée  pour  he)  et  ils  ont  rétabli  partout  les  w, 
même  là  où  il  ne  le  fallait  pas,  comme  dans  fficrcen  (20050  : 

88  v*",  4;  85  v**,  II),  La  rime  n*  se  trouvant  ainsi  changée  en 
rm,  le  copiste  écrit  aussi  tranquillement  wjen  pour  me  (20050  : 

89  V**,  i)  ;  cf.  tapin  (20050  :  82  r*»,  3),  tapins  (844  :  189  D,  21), 
sindon  =  sidoniÇioo^o  :  86  v"",  14),  minJon  (ib,  86  v",  17). 

En  somme,  c'est  un  langage  tout  artificiel,  dont  le  fond 
est  le  provençal,  mais  bizarrement  mélangé  de  formes  fran* 
çaises  ou  hybrides.  Doués  d'une  connaissance  assez  médiocre 
de  ridiome  méridional,  nos  scribes  voulaient  certainement 
écrire  du  provençal,  mais  ils  remplaçaient  très  fréquemment,  soit 
par  mégarde,   soit  par  défaut  de  connaissance,  les  formes  de 

BùmtkntA  t  2UUI  2) 


378  L.    GAUC 

rorîginal  parles  françaises,  qui  leur  étaient  plus  familières.  Très 
souvent  lis  ont  mal  lu  ou  mal  compris,  et  offrent,  dans  ce  cas, 
un  texte  qui  serait  inintelligible  sans  l'aide  d'autres  mss.;  Us  ont 
enfin  forgé  à  leur  façon  bon  nombre  de  mots  en  mèbnt  des 
éléments  français  aux  éléments  provençaux,  comme  dznsfalsic 
^=^ faiia  -^faisait  (844  :  191  c,  7),  plaiser  =  placer  +  phiisir 
(844  :  204  Al  8),  etc.  Ce  langage  offre  donc,  cxtérimrcnunt , 
quelque  analogie  avec  le  franco-italien,  quoiqu'il  y  aît,  pour  le 
fond,  une  grande  différence  :  le  franco-italien,  qui  était  une 
tangm  parlày  mêlait  à  dessein  ritalicn  au  français  pour  faciliter  la 
compréhension  d*un  texte  français  dans  un  pays  italien,  tandis 
que  nos  mss.  présentent  un  mélange  de  provençal  et  de  fran- 
çais involontaire  et  sans  portée  littéraire. 

La  francisation  de  Poriginal  provençal  s*est  opérée,  dans  les 
divers  mss.,  d'après  les  mêmes  principes,  mais  on  peut,  naturel- 
lement, distinguer  plusieurs  degrés  de  francisation*  Dans  la 
seconde  section  provençile  du  ms,  20050  nous  observons  déjà 
une  plus  grande  altération  du  texte  provençal  que  dans  la  pre- 
mière section  du  même  ras.  Ce  scribe  réprime  moins  que 
Tautre  ses  habitudes  de  graphie  lorraines  :  il  écrit  par  exemple 
ait  pour  a^  sarchait  =  urcai  (ijo  r^,  8),  îorbeir  =  tralntr 
(150  v^,  i),  valeur,  amour  (150  v,  12  et  13)  où  le  premier 
compilateur  aurait  écrit  valor^  amor.  Le  scribe  du  ms,  844  con- 
naissait encore  moins  son  provençal  :  il  fait  de  grossières  fautes 
de  lecture  ;  d*autre  part,  il  francise  moins  son  texte,  parce  qu'il 
le  copie  plus  machinalement  que  ses  collègues.  Le  ms.  de  Berne 
et  les  fragments  des  romans  de  Guillaumt  de  Dok  et  de  U  Vio- 
kîk  nous  donnent  le  texte  le  plus  corrompu;  il  y  a  même  des 
formes  d'infinitif  toutes  françaises  :  ehinîc(J)r,  îroue(^t)r  (389  f, 
tiî  f).  C'est  le  scribe  de  la  première  section  de  20050  qui 
traite  ses  originaux  de  la  façon  la  plus  indépendante,  et  c'est  ii 
que  nous  rencontrons  parfois  des  essais  de  traduction.  Tandis 
que  le  nis,  844  contient  des  poésies  qui  ne  nécessiteraient  que 
peu  de  changements  pour  être  du  provençal  (ainsi  k  pièce  : 
Aman  àousors  mi  assaia,  n**  70),  le  ras.  20050  présente  des 
diansons  où  le  lang^^c  est  plus  près  du  français  que  du  proven-  _ 
çaL  Dans  844  je  n*ai  guère  trouvé  que  le  passage  Or  sdt  dd  taÊ\ 
si  corn  li  plais  (190  ^,  5)  qui  soit  une  sorte  de  traduction.  Par  ' 
contre  le  copiste  de  200 >o  éprouve  souvent  le  besoin  de  tra- 
duire i  cette  tendance  est  très  sensible  dans  la  pièce  de  Benuitt 


LES   POÉSIES   PROVENÇALES  379 

de  Ventadour  :  Ab  joi  mou  lo  vers  el  comeni  (f.  8i  r°),  où  la 
deuxième  strophe  est  entièrement  traduite  (8i  v°,  i)  : 

Original  Texte  de  200; o. 

Ane  sa  bela  boca  rizens  De  sa  bele  boiche  riant 

Nom  cugei  baisan  me  trais,  Non  cuidai  baisant  me  tradist, 

Car  ab  un  douz  baisar  m*auzis,  Kant  per  un  baisar  m*a  aucis. 

Si  ab  autre  no  m*es  guirens.  Se  par  un  autre  nel  raiaint  (!); 
Atressi  m'es  per  semblanza,  Se  va  de  moi  par  sanblance 

Com  de  Peleus  la  lanza  :  Con  de  Peleûs  la  lance  : 

Que  del  seu  colp  no  podi'  om  garir,  Cainz  de  son  cop  ne  pout  nus  hom 

[garir. 

S'un'altra  vez  no  s'en  fezes  ferir.  S'un'autre  foiz  ne  s'en  fait  referir. 

Il  y  reste  toutefois  des  traces  de  l'original.  La  même  tendance 
s'accuse  dans  le  couplet  suivant,  mais  le  scribe  a  respecté  la 
forme  devis  (français  :  devins)^  pour  ne  pas  fausser  la  rime  avec 
so  mes  vis  (20050  :  ce  m'est  vis),  et  il  a  si  bien  voulu  conserver  la 
forme  provençale  du  dernier  vers  :  mi  confondetT^  e  vos  non  vei 
iau:{iry  où  il  ne  comprenait  probablement  pas  l'expression  jauiir, 
qu'il  a  écrit  :  mei  confundaiet  nos  nen  w/a«:(/r, croyant  que  c'eût 
été  une  faute  de  provençal  que  d'écrire  confunde:^  (voir  page  377 
ci-dessus).  Dans  la  dernière  strophe  (20050  :  81  v®,  9  Dune  rien 
mabunde  mes  sens...)  il  essaye  encore  d'accommoder  le  texte,  mais 
il  se  voit  forcé  de  corriger  mentis  après  avoir  écrit  mentist  et  il 
laisse  de  nouveau  le  dernier  vers  plus  ou  moins  inaltéré  :  Se  ne 
pot  ou  ualer  ou  iau:(ir.  Il  faut  noter  que  cette  pièce  est  la  pre- 
mière poésie  provençale  que  ce  scribe  a  transcrite.  Viennent 
ensuite  la  chanson  de  Jaufre  Rudel  :  Lanquan  H  jor  son  lotw  en 
mai  y  et  la  pièce  de  Pistoleta  :  Ar  agues  eu  mil  marcs  de  fin  argen, 
où  nous  remarquons  encore  quelques  efforts  de  traduction  (cf. 
Rom. y  XIX,  55).  Plus  loin  le  scribe  paraît  avoir  abandonné  cette 
idée;  il  écrit  son  provençal  tant  bien  que  mal,  tout  en  remplaçant 
souvent  une  expression  provençale  par  du  français,  tantôt  par 
inattention,  tantôt  parce  que  la  leçon  de  son  original  lui  sem- 
blait douteuse.  Au  vers  de  Gaucelm  Faidit  (JFortz^  cau:(a  es...)  : 
No  cre  que  tan  dones  ni  tan  meses,  notre  scribe  confond  ffieses 
avec  mais,  dones  avec  (d)onques  et  il  modifie  par  conséquent  le 
vers  de  cette  manière  :  Non  dona  tan  onques  autant  ne  mais 
20050  :  87  r°,  16  (844  :  191  D,  15  est  resté  plus  fidèle  ;\  son 


|80  L,    GAUCHAT 

Ofigbul  :  Nûn  cm  qm  êûh  amas  m  tan  mem).  H  se  pennet  ainsi 
quelques  altâutions  légères,  niais  il  n*cst  plus  quesDon  de  tra* 
duoicm. 

Du  reste,  l'original  que  copiait  le  siaibe  de  20050  avait  déjà 
poussé  jusqu'à  un  certain  point  la  francîsadoo  du  texte  proven- 
çal. Cela  est  prouvé  par  un  Eût  assez  curieux.  Les  mss.  200  jo  et 
589  de  Berne,  qui  ont  une  source  commune,  contiennent  une 
pastoaielle  écrite  dans  le  mènie  langage  artificiel  que  celui  des 
chansons  de  troubadours  dont  il  a  été  question  jusqu'ici.  On  a 
déjà  élevé  des  doutes  au  sujet  de  Torigine  provençale  de  cette 
pièce.  Bartsch,  qui  Ta  publiée  dans  ses  Rcman^en  und PusUmrdlm 
(n,  15),  en  suivant  de  près  le  texte  du  ms.  20050,  Tassigiie  à  une 
région  întennédiairc  entre  le  français  et  le  provenu  (/.  r., 
p-  363).  D'un  autre  côté,  M-  Jeanroy  (JUs  origines  Je  la  poésie 
lyrique,  p.  19  note)  l'attribue  au  Kord.  «  Il  faut  conclure,  dit  il, 
«  que  cette  pièce  a  été  écrite  par  un  poète  du  Nord  qui  a  voulu 
«  lui  donner  une  couleur  provençale,  en  n'a}^ant  du  provençal 
«  qu^une  connaissance  très  superficielle  ;  ainsi  il  forme  entendati 
u  sur  entendes  parce  qu'il  savait  que  amai:^  correspondait  à  afnés. 
u  Cette  médiocre  tentative  prouve  du  moins  que  c*est  dans  des 
«  pièces  provençales  que  ce  geiu^  s'est  d'abord  répandu  au 
«  Nord  ;  c'est  donc  un  solide  argument  à  1  appui  de  la  thèse  que 
«  nous  soutiendrons  sur  l'origine  méridionale  de  la  pastou- 
«  relie'.  »  M.  Jeanroy  a  évidemment  raison  en  ce  qui  con- 
cerne la  langue  :  cette  poésie  appartient  à  l'Est  (cf.  la  rime 
engignie  :  vié)^  malgré  la  mention  de  Limoges  qui  est  peut- 
être  due  au  désir  de  provcnçaliser  la  pièce.  Mais  on  ne 
saurait  rien  en  conclure  pour  l'origine  méridionale  de  la  pas- 
tourelle ;  car  voici  ce  qui  explique  b  couleur  provençale  de  cette 
pièce  :  elle  se  trouvait,  très  probablement,  dans  l'original  du 
ms-  20050,  comme  dans  ce  ms.  même,  à  la  suite  d'un  grand 
nombre  de  poésies  provençales  contenant  déjà  de  ces  barbarismes 
dont  parle  M.  Jeanroy  (cf.  dans  20050  les  formes  confundaz 
81  v<*,  9,  pod^  85  v%  18,  /^z  =1  pret:^  86  r**,  19,  etc.).  Le 
scribe  (et  non  le  poète),  croyant  encore  avoir  affaire  à  une 
poésie  méridionale,  lui  a  donné,  par  mégarde,  cet  accoutre- 


I.  M.  Jeanroy  par!e  de  dcujL  pièces;  id,  U  ne  s'agit  que  du  m  H»  1  j  de 
Bartsch. 


LES  POÉSIES   PROVENÇALES  38 1 

ment  étrange.  J'en  cite,  comme  curiosité,  les  deux  premières 
strophes. 


aoo^o  f.  91  V*. 

Lautrier  miere  leuaz 
sor  mon  cheual  montaz 
sui  por  déduire  alaz 
hz  une  praierie 
ne  fui  gaires  esloignaz 
can  me  sui  arrestaz 
et  dessendi  en  praz 
soz  une  ante  florie 
sai  ermoinion  choisie 
conques  rose  espennie 
ne  fu  tais  ne  cnstals 
uers  li  uois  liez  et  baus 
que  sea  beltaz  magrie. 

Qpant  la  fui  aprochaz 
dis  li  suer  car  mamaz 
bonorade  en  serai 
en  tote  uostre  uie 
signer  non  gabaz 
ben  sai  prou  troberaz 
fenne  cui  ameriaz 
plus  riche  et  meuz  uestie 
bêle  ie  ne  (juier  mie 
en  amor  seignorie 
senz  mi  plaist  et  beltaz 
dont  grant  plantaz  auaz 
et  dolce  compaignie. 


B.  ^8^  f.  138  V. 

Lautrier  miere  leuais 
sor  mon  cheual  montais 
fui  por  déduire  alais 
lais  une  praierie 
ne  fui  gaires  aloignais 
quant  me  seux  arestais 
si  descendi  el  prais 
sous  une  ente  norie 
sai  ermenion  choisie 
onkes  rose  espanie 
ne  fut  teil  ne  cristauls 
uers  li  uoix  lies  et  baus 
car  sa  biaultez  men  prie. 

Qpant  la  fui  aprochaus 

dix  li  suer  cor  mainauz 

honorande  en  serais 

en  toute  uostre  uie 

sire  ne  moi  gaibais 

ne  saip  ou  trouverais 

femne  cui  amerais 

plus  riche  et  muels  uestue 

Dele  ie  ne  qier  mie 

en  ameir  signorie 

senz  me  plaist  et  biaulteis 

dont  grant  planteit  aueis 

et  douce  compaignie. 


Reconstructum  française. 

L'autrier  m*iere  levez, 
Sor  mon  cheval  montez, 
Sui  pour  déduire  alez 
Lez  une  praërie. 
Ne  fui  guère  esloigniez, 
Qjiiant  me  sui  arrestez 
Et  descendi  en  prez 
Souz  une  ente  fleurie  ; 
S*ai  Ermenjon  choisie  : 
Onques  rose  espanie 
Ne  m  teus  ne  crisiaus  »  [?J  ; 
Vers  li  vois  liez  et  baus  [?], 
Car  sa  biautez  m'en  prie. 

Qpant  la  fui  aprochiez, 
Dis  li  :  «  Suer,  car  m'amez  ! 
Honouree  en  serez 
En  toute  vostre  vie .  » 
«  Sire,  ne  moi  gabez; 
Bien  sai  prou  trouverez 
Femme  cui  amerez. 
Plus  riche  et  mieuz  vestie.  » 
«  Bêle,  je  ne  quier  mie 
En  amour  seignourie; 
Sens  m'i  plaist  et  biautez, 
Dont  grant  plenté  avez. 
Et  douce  compaignie.  » 


§  7.    —   CARACTÈRES   PRINQPAUX   DU   LANGAGE. 

Je  réunis  enfin  les  caractères  principaux  du  curieux  langage 
que  les  troubadours  parlent  dans  nos  manuscrits  français. 

a)  tns,  844. 

I.  a  libre  tonique  apparaît  presque  toujours  comme  a;  triar 
196 B,  8;  amar  i88c,  24;  tal  196  b,  i  ;  arrestas  196c,  i;  tornat 
191  c,  3;  beltas  194c,  i.  Seule  exception:  /«ea,  coka  198c, 
4,  5,  cependant  la  dernière  strophe  et  l'envoi  de  cette  poésie 
donnent  iornaa,  baisaa^  encortincuiy  etc. 


I .  Les  autres  strophes  indiquent  ici  une  rime  en  e^  (es).  Faut-il  mettre  : 
Ne  cristaus  ne  fu  tés  y  Vers  li  vois  baus  et  lie^?  La  rime  de  q;  avec  it^  est  surpre- 
nante. [Elle  est  tellement  surprenante  qu'elle  fait  douter  de  toute  l'explica- 
tion. —  G.  P.l 


382  L.   GAUCHAT 

n.  a  final  est  remplacé  presque  partout  par  e^  sauf  quelques 
cas  isolés  :  toutes  les  rimes  ont  a  dans  les  deux  poésies 
Anwrs  dousors  mi  assaiz,  etc.  (199  a,  6)  et  Laltrier  cuidai  abar 
druda  (199  B,  7);  la  même  poésie  donne  souvent  c  dans  Tinté- 
rieur  du  vers  :  amtge  1990,  i;  espaulh  199  c,  4.  A  part  ces 
deux  poésies,  a  est  très  rare  :  altam  196  a,  3,  a(u)ranaL  19e  b,  3 
à  la  rime;  entrada  191  b,  33  parh  189 a,  6  alirz  194B,  20,  etc. 
dans  l'intérieur  du  vers.  Cette  absence  presque  complète  de  Va 
final,  qui  est  encore  plus  sensible  dans  le  ms.  20050,  est  assez 
surprenante.  Je  serais  tenté  d'en  conclure  que  les  premières 
compilations  de  poésies  provençales  faites  dans  le  Nord  pré- 
sentaient déjà  un  langage  hybride.  Si  l'original  avait  été  pro- 
vençal, il  aurait,  ce  me  semble,  bissé  plus  de  traces;  ainsi 
nous  aurions  plus  d'à  atones.  Il  faudrait  donc  supposer  que  le 
premier  compilateur,  transcrivant  dans  le  Nord  des  poésies  pro- 
vençales, qu'il  avait  entendu  chanter,  le  faisait  de  mémoire  et 
en  y  mêlant  des  sons  et  des  formes  de  son  langage.  Va  atone 
provençal,  qui  tendait  peut-être  déjà  vers  <?,  l'aurait  moins 
frappé  que  Va  tonique,  qui  s'est  maintenu  intact  dans  nos  chan- 
sonniers. 

m.  Le  groupe  n/,  que  le  provençal  réduit  ordinairement  à 
n  seule,  est  rétabli  :  Ijardimtm  191c,  10;  /ant  190  a,  20; 
sefnbleni  ==  semblan  190  b,  20;  arment  200  a,  3;  pensamcnt 
188  c,  27,  etc.  Exceptions  :  inon  (mundum)  196  b,  9;  tan 
191  c,  18,  etc.;  Jan  191  d,  2  ne  pouvant  pas  avoir  de  /,  le 
scribe  ne  l'a  pas  non  plus  rétabli  dans  les  formes  ^/c>^an  191  d,  4 
et  sctnblin  191  d  12,  qui  riment  avec  Jj;/.  Dans  un  autre  cas 
cependant  nous  lisons  dant  =  dan  191  b,  25,  ainsi  que  cn^mt 
^=  cn^an,  191  b,  21,  qui  ont  subi  Tinfluence  des  rcublisse- 
ments  r/;ant,  tv/;/ant,  'ant,  etc. 

IV.  Nous  trouvons  bien  les  combinaisons  «t*/,  Jel,  etc.  qui 
étaient  aussi  propres  au  français,  mais  les  combinaisons  mnj^ 
quc'us,  etc.  sont  rendues  par  wj»;,  qu.\  etc.;  ainsi  ».v';  pour  ru^m  : 
1910,23;  100 D,  10;  190 A,  19;  195  A,  7; /•:/;=  •v•^'  i<îSd,  é; 
1S9D,  23  ;  i/.'/t-  ^=  ijiu'us  1S9  c.  S;  c:  =  c!  (c-;  —  art.)  191  d,  2; 
ft=is  (c-;  se)  19OD,  7;  qiii=qu:!  1910,-1;  h  ijn^ue  =  Ai 
/^»iy:u/>;  194  B,  5  ;  scn  =scrK  191  c,  7;  quin  =^.::u'ni  191  c,  19. 
J'ai  trouve  une  seule  fois  ^:m  191  b,  27  e:  sir:  ivK)  a,  15. 

V.  Le  scribe  remplace  très  souvent  une  expression  proven- 
çale par  !a  forme  équivalente  française.  C'est  presque  toujours 


LES   POÉSIES   PROVENÇALES  383 

la  grande  ressemblance  entre  les  deux  langues  qui  a  amené  ces 
remplacements,  Là,  où  il  y  avait  une  grande  dilTérence  entre 
les  formes  des  deux  idiomes,  le  copiste  reste  ordinairement 
fidèle  à  son  original  :  il  ne  traduit  alors  les  mots  que  quand  le 
contexte  ne  laisse  subsister  aucun  doute  sur  le  sens  de  la 
phrase,  donc  involontairement,  ou  quelquefois  peut-être  parce 
que  l'expression  qu'il  devait  copier  lui  paraissait  douteuse.  Il 
écrit  presque  partout  eu  (je  n*apparaît  que  trois  fois  :  dei  te 
204  A,  7;  k  190  c,  8.  190C,  ij),  mais  lieis^  par  exemple,  est 
toujours  rendu  par  //;  maintas  veti  est  remplacé  par  maintes  fois 
1S9  B,  II  ;  tï//;^ constamment  par  eus,  ainsi  191  b,  15,  peut-être, 
parce  qu*il  se  méfiait  de  ces  formes.  Autres  exemples  :  hmsd^nol 
=  rossignol  196  a,  4;  ou  ^=^  o  (où)  196  b,  10;  tam  =  temps 
191  B,  33  et  passim;  sons(\)  =  em  191  b,  }^;font=^fan  191  c,  i  ; 
rien:^  =  re  191  c,  28;  chère  =^cara  201  a,  5.  toujours  vers  =^ 
vas  190  A,  15;  noi^=-  rCau  190  a,  26;  «f  =  «  190B,  4;  malves 
=  malvati  i$0B^2'j;peise=^pesa  190c,  6;  pis^=pieiîi  190 c,  13; 
vais  =  vauc  1 89  d,  15;  (ust  =^fos  189  d,  22  ;  les  pertes  =  las  per- 
das  200  A,  ^\  fist  ^=^fcii  200  B,  3  ;  pou  ^^pauc  188  c,  23  ;  venu:^ 
^^venguix^  188 c,  28;  od^^ab  189  c,  13;  toujours  sani^=ses 
191  B,  4;  toujours /jrj  pour  tnas  191  b,5,  191  b,  25;  cJiangaisse 
=^camges  195  A,  9,  etc.,  etc. 

VI.  L'ignorance  des  formes  provençales  a  bien  souvent 
embarrassé  le  scribe  ;  dans  ce  cas,  il  copie  machinalement  son 
original  en  ajoutant  nombre  de  fautes  à  celles  qui  s*y  trouvaient 
déjà,  ou  il  torture  le  texte  pour  créer  des  mots  qui  n'ont  pas  de 
sens.  Ne  comprenant  pas  le  mot  afan  qui  ne  lui  était  connu  que 
sous  la  forme  française  ahauy  il  écrit  :  ai  me  perdu  mon  en/ans 
190B,  II;  et  de  même  querre  sa  iostc  en  lieu  saluai  ^^  quera 
s^aiostan  H  saluai  190  b,  28;  a  mais  de  san^^ab  menhs  d'à/an 
197  c,  6;  entredist  mon  ccrrage^^entret  din:^  m,  c*  200  b,  4;  sa 
bouche  devis^^saubut  et  deuis  ?  189  a,  25  ;  belameier  uilan  dvs  tan^ 
=  be  Vamei  ter  oi  Vam  d,  t,  198  Dj  18,  et  ainsi  de  suite. 

VIL  Ces  textes  sont  surtout  très  iniéressants  par  leur  ^^rand 
nombre  de  formes  hybrides.  Au  moment  où  le  scribe  transcrit 
une  forme  provençale,  le  mot  correspondant  français  se  pré- 
sente si  fortement  à  son  esprit  qu'il  crée  un  compromis* 
Exemples  :  faisie  ^=fa:;ja  +  faisoit  191  c,  7  ;  laissai  =  laisses  -+- 
laissasi  191  c,  8  ;  plaider  =^ pla:;er  i-  plaisir  204  A,  8  ;  degreit  = 
degra  +  devreit  1880,  8;  cnvide  —  ettveja  +  envie  (il  a  pensé  à 


384  L.    GAUCHAT 

vida  ^=  vit');  âges  =^  agues  +  ousse  191  d,  3,  Jai  déjà  parlé  des 
barbarismes  qu'une  connaissance  très  imparfaite  des  correspon- 
dances entre  les  sons  provençaux  et  français  a  fait  naître  (pages 
377  ^t  579)*  En  voici  quelques  autres  exemples  :  aber  =  iwer  (le 
scribe  savait  que  sakr  =  jaiWr);  creddîor^^creator  191  c,  r^ 
(cf-  vida  ^=vie) ;  pi^anca  1 99  b,  6  ^=pidania  (cf.  vedtr  =: vc:^cr  ??)  ; 
iau^ôî^^joios  190  A,  27  (le  scribe  voulait  sans  doute  rapprocher 
le  mot  de/Vi«^/r)  ;  conissar  ^cotioisser  195  a,  2  (Foriginal  donnait 
la  bonne  forme  provençale,  mais  notre  scribe,  pensant  aux  verbes 
de  la  i^^  conjugaison,  mofiiar  ^=  monter,  etc.,  a  transformé  eren 
ar,  pour  éviter  une  faute).  Les  formes  verbales  ab^^ai  191  b,  17, 
19  ic,  7,  190  A,  27,  ab  ===^  a  192  c,  6,  sab  =  sai  194  B,  11, 
194B,  2S,  194c,  19  sont  aussi  de  son  invention. 

VIIL  Observations  diverses.  Une  certaine  affectation  du  scribe 
a  mis  quelque  régularité  dans  cet  idiome  factice;  ainsi  il  écrit  par- 
tout lot4  où  le  provençal  avait  lo,  196  b,  6,191  c»  5,  etc.  Une  foule 
de  dialectes  provençaux  et  franco-provençaux  possèdent  aujour- 
dMiLti  cette  forme  de  Tarticle  :  le  scribe  aurait-il  entendu  pro- 
noncer de  cette  manière  déji  à  son  époque  ?  Du  reste,  Vo  atone 
provençal  est  presque  toujours  représenté  par  ou  dans  ce  ms*  : 
souiors  200  A,  3  ;  moustrat  192B,  3  ;fons^^fos;  souspir  197  a,  6; 
tbohusan  197 a,  2;  troiibar  1960,3;  donbtan  1980,  18,  etc. 
Pour  vûi^il  écrit  constamment  veis  (sous  Tinfluence  de  dreit=^ 
droite  eic,  ?)»  Nous  rencontrons  souvent  gins  pourri*/  188 a,  5, 
190 A,  19,  190 B,  ij,  mais  à  la  rime  ^^t'J  s'est  conservé  191  B,  3  r. 
Pour  donna,  dompna  notre  scribe  dit  toujours  dosnc  ou  dosna  : 
dosnc  est  une  forme  très  répandue  en  ancien  français  qui 
s'explique  par  le  fait  que  Vs  est  tombée  très  tôt  devant  »,  m; 
ane  :  asne  :  :  dom  :  dosm.  Le  copiste  attribue  cette  forme  factice 
au  provençal,  parce  que  celui-ci  présente  ordinairement  des 
formes  plus  amples  que  le  français. 

b)  ms,  200J0. 


L  chant Az,  amist^z  91  r^,  ir  et  12;  sobrsiX  82  v**,  i;  rcmiraz. 
82  r"*,  4;  Ihwxt  85  T°  10;  r/ar  82  v*',  2,  etc. 

n.  a  final  s'est  conservé  seulement  dans  les  formes  isolées  : 
kma  81,  r'*  19,  20  et  2 r  ;  bonsx  donne  84  r"  2;  M/a  àmne  91  r"*,  20; 
toî^iim  8s  r*,  16,  88  v«  10. 

IIL  mun  (mu  n  du  m)  91  r°,  12;  /an  86  v<»,  4,  mais  ordinaire- 


LES   POÉSTES   PROVENÇALES  jgj 

ment  le  groupe  nt  est  rétabli  :  chant  86  r*»,  22  ;  talant  86  v",  i  ; 
fem  8ï  r»  20;  baisant  81  v"*,  2;  ûr^mt  82  r*",  9,  etc.    • 

IV.  nel  81  V",  3  est  coaservé,  mais  qm^quem  86  v**,  4;  se 
=s€us  84  V**,  6;  g€u=^  queus  87  v**,  11  ;  si  pla^^^^silh  pJa^ 
88  v°,  3;  h^queill  90  v**,  2;  m;  t^«  qm  val  =  nels  km  q'cus 
volhS^T",  4. 

V.  Formes  françaises  remplaçant  des  expressions  proven- 
çales :  oir  ^^  aniir  87  r**  1 2  ;  cant  on  veti  ^^  pus  ve:^em  87  v^  3 
(cest  une  traduction);  sen  dcii  on  hen^=hen  deuriam  87  v**,  3 
(de  mime);  plaist^=plai  91  r"*,  12,  plus  loin  en  rime /î/a:^ 
91  r",  15  ;  coi  que  je  die  ^^^que  que  vos  diga  91  r®,  17;  irie^^^ 
irati  91  r'',  18-  mains  iotutes  ^=  mas  jointas  86  v**,  5  ;  osai^^auiei 
86  v",  6  ;  reçut  =  re^eap  86  v**,  7  ;  conul  =  cûhûc  86  v",  8  ;  deust  = 
degra  88  v**,  6  ;  t^^iri  =^  wri  88  v**,  7  ;  ceu=^sû  (scribe  lorrain) 
901:^,  18;  avoir  90  r",  18;  toujours  fûrs=^mas  90  r%  19 > 
85  V**,  6;  ueoir  twir  =veier  nau^ir  86  r**,  2,  etc.,  etc.  Par  contre 
le  scribe  a  laissé  subsister  par  exemple  :  ^w^^je  82  r**  i, 
85  v°,  7,  etc.;  negunc  82  r°,  6,  82  r'',  12; pogue^  82  r^,  12;  j««w 
82  r^,  2 1  ;  poderoux  84  r**,  12  ;  preiadors  85  r**,  12  ;  /)c^  85  \^  12  ; 
iteu  (neige)  86  r*"  5,  etc*,  etc. 

VI.  Si  les  remplacements  de  mots  provençaux  par  des  mots 
français  sont  plus  nombreux  dans  ce  ms.  que  dans  le  ms.  844^ 
les  erreurs  de  lecture  et  les  passages  corrompus  y  sont  bien 
moins  fréquents.  Nous  lisons  ici  :  trop  mis  =  trom  mes  (jusqu'à 
ce  qu'elle  me  mît)  86  v**,  J  ;  vains  =^  vauc  81  V,  17  ;  magres  = 
m'agrops  84  r'',  6  ;  envol  =  auol  87  v*',  16,  etc. 

VII.  Formes  hybrides  :  amia:;;  =  arnavat^  -{-  amie^  91  r",  14  ; 
faisic  ^=^  fa^ia  -\- faisoit  91  r'',  22;  au^iaus  ^=  autels  -+-  aisiaus 
8r  v^  16;  ob  =  ab  +  t\i  91  r,  io(?);  uesquisa^,  etc. 

Vin.  Observations  diverses  :  Nous  ne  trouvons  qu*une  fois 
lou  pour  lo  90  r*',  15  ;  gins  pour  ges  ^i  r,  ï>,  88  f,  17;  giem 
88  v*",  5*  A  côté  de^^îr  85  V",  4  et  por  91  r*",  23,  on  rencontre 
très  souvent  la  forme  curieuse  pïr  88  v*»,  8,  82  v**,  3,  85  v^,  4, 
85  v°,  II,  etc.;  fous^^fos  91  r^,  13,  81  r^,  19  et  passim. 

Quant  aux  copistes  de  la  2^  section  provençale  du  ms*  20050, 
du  ms.  389  de  Berne  et  des  romans  de  Guillaume  de  Dole  et  de 
la  Violette^  ils  ne  savaient  certainement  pas  un  mot  de  pro- 
vençal et  ils  ont  terriblement  défiguré  leurs  modèles.  Un  «  bon 
son  poitevin  »  cité  dans  le  roman  de  la  Viokiie  (ms.  7498, 
vers  321)   commence  par  exemple  ainsi  :  En  iqual  tans  que 


386  t.    GAUCHÂT 

nétw  daunr.  Cest  absolument  inintelligible  (^^  En  aquel  temps 
que  i^:^em  verdru^ir  ?).  Comme  variante,  le  ms,  7595  donne  un 
couplet  qyî  est  une  bonne  traduction  française  d'une  strophe  de 
Bernart  de  Ventadour  :  Ab  j&i  mon  h  vers  el  wmeni.  Le  voici  : 


Bérmrt  di  Veniadùur 
(d'après  VArchiv  xxxvi,  400). 
Kon  e$  cDUgs  tii  fa  1  liment 
Ni  vilanîa,  so  m'es  vb, 
Mas  d*omc  an  se  fa  devis 
D'autruî  amor,  ni  conoliîens. 
Etiiiî05,  c  quéus  enan^a^ 
Sim  fait?  enug  ni  pesanxa? 
dscus  se  vol  de  so  mcsier  formir: 
Ml  confondes,  e  vos  noD  vei  iausir. 


Gerberf  de  M&ntnuil 
(d*5iprès  Fr.  Michel,  19). 
11  n'est  anuis  ne  faiUemens 
Ne  vilonnie,  che  m'est  vis, 
Fors  d'ommc  kî  se  fait  devins 
T^'-utrui  amour,  tie  comssans, 
tii^eus,  que  vous  çn  avanche 
De  moi  faire  atiui  ne  pesandie  ? 

Chasctins  se  veh  de  son  mesùcr  garîr  ; 

Moi  confondes ,  et  vous  n'en  voi  joîr  î 


On  voit  qu'il  s'agit  d'un  remaniement  :  le  poète,  si  Ton  peut 
attribuer  cette  strophe  à  Gerbert  lui-même,  a  par  exemple  aug- 
menté d'une  syllabe  le  cinquième  et  le  sÎKième  vers.  Le 
deuxième  fragment  provençal   du  roman  se  irouve  tellement 

rrompu  dans  les  deux  manuscrits  que  Michel  Ta  cité  d'après 

ynouard, 

§    8,   CONCLUSION.       -      ^ 


I 


Les  deux  mss.  B.  N.  fr.  20030  et  389  de  Berne,  qui  sont 
étroitement  apparentés  pour  leurs  parties  françaises,  ont  aussi 
puisé  leurs  poésies  provençales  à  une  source  commune.  Toutes 
les  pièces  provençales  du  ms.  de  Berne  se  retrouvent  dans 
les  deux  sections  du  ms.  20050,  et  Texamen  des  leçons  prouve 
à  Tévidcnce  leur  affinité.  J'ai  déjà  parlé  de  la  pastourelle  i'û«- 
trier  iniere  levei,  dont  le  langage  hybride  doit  être,  en  grande 
partie,  attribué  au  copiste  du  texte  qui  a  servi  de  modèle  à  ces 
deux  mss.  (voir  page  380).  Voici  quelques  autres  preuves  de 
Torigine  commune.  Dans  la  poésie  de  Rigaut  de  Barbezieux 
Altressi  corn  Volifani  (4*  vers),  les  mss.  20050  et  389  donnent 
la  leçon  :  ressordent  (20050),  ne  xourdent  (389),  où  les  autres 
mss.  ont  :  lo  levon.  Au  9^  vers  le  provençal  non  serai  sors  est 
devenu  :  non  serai  sus  (20050)  ou  fwn  sera  sus  (389); 
provençal  (i/>wj  baisset  Vcrgoill  e  fo  sobran^  =  .  .  et  lo   boban 


LES    POÉSIES   PROVENÇALES  387 

(20050),  it  h  bobant  (389);  provençal  malanani^  ^^^maligfmui 
(20050),  malignans  (389).  Dans  la  pièce  Tuiî  danandon  qu\s 
drccngtidCaviors^  du  même  auteur,  20050  et  389  rendent  le  vers 
provençal  E  noi  faill  ges  amors  can  tal  pren  (c'est  la  leçon  du 
ms.  3207  du  Vatican,  en  tout  cas  il  doit  y  avoir  une  rime  avec 
n  appuyée)  par  :  .♦.«/  fault  de  rant  (389),  ni  fat  de  ranî 
20050)  ^=n'i  faill  de  re^  ce  que  Toriginal  provençal  ne  pouvait 
contenir.  Il  est  plus  difficile  de  réunir  A  ce  groupe  le  ms,  844. 
Le  nombre  des  poésies  se  trouvant  en  mérae  temps  dans  20050 
et 844  n'est  pas  considérable:  il  y  en  a  seulement  huit  et  parmi 
celles-ci  quelques-unes,  ainsi  la  picce  de  Gaucclm  Faidit  Forî:^ 
cau:^a  es,,,  et  la  stroplie  de  Jordan  de  Bonel  Si  corn  Vaigua  soffre 
la  nau  corren,  présentent  quant  aux  leçons  et  au  groupement 
des  strophes  des  divergences  trop  grandes  pour  avoir  une  origine 
commune.  Pour  d'autres  pièces  cependant  la  ressemblance  des 
leçons  et  quelques  particularités  semblent  attester  une  même 
source.  Par  exemple  Bernart  de  Ventadour  :  Ab  joi  mou  lo  vers 
cl  comeni^=^  En  ioi  mof  (dans  20050  et  844)  ;  B.  de  Ventadour  : 
Quan  vei  la  law^eia  mover,  le  vers  Meravilhas  ai  quar  desse  se 
trouve  dans  nos  mss.  ainsi  altéré  :  miravill  me  qeu  nies  del  stn 
(844),  miravile  est  que  vis  del  sens  (GuiUamnc  de  Dolc)^  merlauitmr 
he  mn  dcscmt  (20050),  ce  qui  me  semble  reposer  sur  une  leçon 
d'un  modèle  commun,  que  S44  reproduit  le  plus  fidèlement  : 
miravilh  me  que  riieis  del  scn  (ce  qui  fausse  la  rime  enf +w 
caduque^  ;  les  strophes  citées  dans  les  romans  de  Guillaume  de  Dole 
et  de  la  Fio/d/^ paraissent  bien  être  puisées  au  même  endroit  com- 
mun. Le  roman  de  la  Violette  contient  une  poésie  que  je  n'ai  pu 
identifier  (comme  variante  l'autre  ms.  donne  un  remaniement 
français  d'une  strophe  de  Bernart  de  Ventadour,  qui  se  retrouve 
dans  20050  sans  diflférences  de  leçon  notables;  quelques  diffé- 
rences légères  s'expliquent  facilement  par  le  travail  du  poète 
traducteur,  voir  page  386),  et  une  strophe  de  B.  de  Ventadour  : 
Quan  iKila  lau;{eta  movcr^  qui  se  trouve  aussi  dans  20050  et  844, 
mais  dont  je  ne  puis  donner  le  texte,  Fr,  Michel,  comme 
on  Ta  vu  ci-dessus,  la  citant  d'après  Raynouard,  Le  roman  de 
Guillaume  de  Dole  cite  :  i"  une  strophe  de  Jaufre  Rudel  :  Lanquan 
li  jorn  son  tonc  en  mai  y  qui  se  trouve  aussi,  sans  divergences  consi- 
dérables, dans  20050  et  844;  2*'  une  strophe  de  Daude  de 
Prades  :  Bcla  m'es  la  t^o/^  autana,  pour  laquelle  le  rapport  avec 
le  ms*  844  est  hors  de  doute,  car  le  ms.  844  et  le  roman  de 


C  (JSÊBodk  Gr.  t^  siàde}  ks  sod^  mss.  qui 
sse  pièce;  3*  ilen  stropbes  die  Bemart 
ife  Vacdbar  :  j(^Mi  90,  ^  ig^Kint  araB  éw  les  mss,  844 
#1  JOOfO.  Lr  rooMi  de  Air  ce  &14  pféseamck  fimne  rcmar* 
i|Mble  WÊiesr  poor  JWBer,  donc  20050  ne  s'âoîgae  pas  trop  par 
«21  leçon  mmfUtir,  Les  trob  mak.  liotment  aa  cmqoîème  vers 
(Jilai,  qnab m&eja^  mm  fr)  mnfrûm  (20050),  men  prm  (844), 
m'est  pris  (JDbir)  =  kçoQ  origmaieiii  m/r^,  qui  fausse  Li  rime. 
Œ  loasi  le  vers  :  totêi  m'i»  mam  €or  e  AmiI  m*a  se^=ei  tcut  mi  mdr 
it  mm  mima  (200  >o),  td  mdsmes  (DoUy, 

Tout  cela  me  fait  sopposer  ane  comptladon  de  poêles  pro- 
vençales, 4u)oyrd  hui  perdue,  qui  a  servi  de  source  aux  mss. 
20050  et  B.  389,  à  844  (en  partie)  et  aux  deux  romans.  Plusieurs 
raisons  (le  Ungâge,  des  rapports  pcrsonnek  avec  le  Nord)  nous 
portent  i  croire  que  cette  première  compilation  a  été  faite  dans 
le  Nord.  Or,  comme  le  roman  de  la  Violette  a  été  composé 
vers  laij  et  celui  de  GuiUautm  de  Dole  vers  1205,  et  que, 
d'antre  part,  Daude  de  Prades,  cité  dans  ce  dernier  ronian^ 
vivait  i\  la  fin  du  xn*  siècle  (voir  Chabaneau,  Hisî,  du  Langt4e- 
doCt  X)*  il  faudrait  fixer  Tépoque  de  cette  compilation  vers 
l2iMh  \a  restitution  de  ce  recueil  nous  donnerait  donc  le  plus 
(iHiien  chanmmkr  pnmtiçal  dont  nous  ayons  connaissance'. 

Tels  qu'ils  sont,  nos  chansonniers  représentent  ce  que 
M.  firObcr  appelle  des  Lieder bûcher,  qui,  selon  lui,  seraient  les 
éléments  dont  *ie  composent  les  grands  chansonniers  proven- 
çaux rangés  par  ordre  d'auteurs  et  qui  reposent  eux-mêmes 
sur  des  Liedtrhlàlkr^  c*est-i'dire  des  transcriptions  de  poésies 


I  >  Bfl  «(HVip«r«nt  U%  Icçom  de  nos  mss,  i  ceUcs  des  chansonniers  provxQ- 
^yn  .«  cx6nmH  U  plupart  au  xiv*  siècle  et  ca  Italie  —  qui  éuient  i  ma 
dlupcuMoHi  1^  ti*âi  tfoa\^  de  râppocts  plus  énoiis  qo'mTec  le  tm^  Lt  Valtîère 
(f  R  dt  AMtlcK  ^  â  M  écrit  ic^en  i|Od).  Comipim  les  leçom  :  Imssm 
tàài^  (U  VêllKf««  iftiillA  foétkde  Bv  de  Vcattdoar  :  Qmm  wm  h  In^) 
fl  ki^  iifcièà'  d»  MO^o.  Notons  ms»  ane  caacs^omàÊom  cmaÊnsKiqiic 
rmt  W  HMk  Là  V«IKè«t  tt  k  nu^  ^  ponr  «ae  fotm  àc  i^^Mi  et  Bv- 
l«Mit^%«  Ahwpimm  hhmikSi  detts  «us.  «m  ^b^  ce  ^ai  est  «o  sob  scas, 

jf  i^tMl»  fftV«  «ic4^  a  iMte  fift  et  iHfWtliMii.  1b  éeos  «wksciîcs. 
M  1».  >i<^#»dldy<l^teifi  lift  mil  iw  wiù^âeée  h  dta- 


LES    POESIES    PROVENÇALES  389 

isolées  par  les  troubadours  ou  leurs  scribes.  «  On  peut  se 
demander,  remarque  M.  Grober  (Rarn.  Studien  II,  34j),  si  les 
compilations  sans  ordre  {Liederbitcher)  ne  se  fondent  que  sur 
une  tradition  écrite  (Licderblàtter)^  ou  si  les  jongleurs  ne 
transcrivaient  pas  aussi  des  chansons  de  métnoire.  Mais  alors  il 
serait  incompréhensible  que  les  chansonniers  attribuassent  les 
chansons  avec  tant  de  concordance,  et  nous  n'avons  aucune 
collection  qui  ne  contienne  que  des  pièces  anonymes.  Ensuite 
les  compilateurs  se  réfèrent  toujours  à  des  sources  écrites.  *> 
Cela  n'est  pas  tout  à  fait  juste  :  d'abord  le  ms.  20050  nous 
offre  précisément  un  recueil  qui  ne  contient  que  des  pièces  ano- 
nymes ;  puis  il  n  est  point  du  tout  impossible  que  les  petits 
recueils  des  mss.  20050  et  844  reposent,  à  Torigine,  sur  une  tra- 
dition orale  (voir  p.  382).  Dans  les  mss.  20050  et  S44  les  poètes 
se  suivent  généralement  sans  aucun  ordre  apparent  ;  notons  tou- 
tefois que  dans  20050  nous  trouvons  trois  poésies  de  Gaucelm 
Faidit  se  faisant  suite  (f.  86  v^-Sy  v*')^  puis  deux  du  même  auteur 
(f.  89  v'*-90  v**),  et  que  le  ms,  844  place  en  tête  cinq  poésies  de 
Folquet  de  Marseille  (dont  une  cependant  lui  est  faussement 
attribuée)  ;  ensuite  ce  ms.  attribue  deux  pièces  à  Gaucelm 
Faidit,  quoiqu'h  tort,  et  plus  loin  de  même  à  Peire  Vidal  trois 
pièces  qui  ne  lui  appartiennent  pas,  après  quoi  les  attributions 
cessent  tout  à  fait.  Nous  reconnaissons  là  déjà  un  essai,  quoique 
très  grossier,  de  ranger  tes  chansons  par  auteurs,  en  commen- 
çant par  ce  même  Folquet  de  Marseille  qui  marche  en  tête  dans 
un  grand  nombre  de  chansonniers  provençaux  (Bartsch  C  E  G 
Q  N,  ctc). 

Parmi  les  passages  d  auteurs  français  qui,  selon  M.  Jeanroy 
{De  twslr.  89),  sont  traduits  du  provençal  (et  que  je  réduirais 
d'ailleurs  au  nombre  de  huit),  trois  se  retrouvent  dans  nos  mss.: 
Ben  es  tnorî:^  qui  d'amor  non  sen  844,  f.  191  b;  La  doussa  vot^  ai 
auiida  20050  f,  89  r**;  Gran  talan  ai  quUm  baisar  20050  f,  88  v*». 
M.  P.  Meyer,  Rom.y  XIX,  16  ss.,  parle  des  rapports  de  forme 
entre  les  poètes  septentrionaux  et  méridionaux  :  quatre  des 
pièces  qu'il  signale  se  trouvent  dans  nos  recueils  :  Gaucelm 
Faidit  :  Si  tôt  ai  tardât  mm  chan  20050  f.  86  r^;  Peirol  :  Dels siens 
tartifarai  esmenda  20050  f.  88  v*;  Gaucelm  Faidit  :  Fortx  caui^a 
€$  qut  tût  h  major  dan  20050  f.  87  r*»  et  844  f.  191  d;  Raimon 
Jordan  :  Lo  dar  temps  vet  brune:^ir  844  f,  192  d.  Ainsi  nos  mss* 
nous  ont  transmis,  sinon  tout  le  fonds  de  poésie  provençale 


188  D. 


189  A' 


189  B, 


i»9C. 


392  L.    GAUCHAT 

Qiian  me  membre  9  amar  sueiïL  la  Êil  |  se  de  raalc  merce.  amon  cor  tal 
ira  acuel  |  a  pou  de  ioi  non  recre.  quer  se  hom  per  bê  |  amar  mor.  eu  me 
morrai.  quer  a  mou  cor.  |  la  port  amor  tant  fine  natural.  que  tuh  |  *«  suot 
Cils  vers  me  li  pluz  Ical.  fouques  de  Marselle,  (Sur  la  marge.) 

18  Molt  mabelist  lamoros  pensa  [  ment,  qui  sest  venuz  en  |  mon  fin  cor 
ausîre.  per  que  non  pos  nul  |  ahre  pens  aber.  ne  ta  nus  tant  non  mî  || 

I  que  per  tôt  ingalmcnt,  et  sil  vos  pla2  q  |  daltre  par  mi  vire,  ostas  de  vos  la 
beltat.  I  et  gent  rire,  et  dok  prbr  qui  mafollst  )  mon  sen.  pos  partîmi  de 
vos  mon  csden.  |  fouques  de  Marselle.  5. 

19  Tan  mot  de  corteîse  raison  |  mos  chantars  que  non  pot  |  faillir,  sx  men 
degreit  bens  aucnir.  que  |  mais  non  faz  et  sabescon.  car  Iempereris|{  ma 
se  m  on.  et  plas  gien  lors  q  |  —  chis.  si  men  su  fris,  car  ele  est  —  |  densei- 
gnemcnt.  non  se  chai  q  |  —  ment,  sie  mos  trobas  fak  ni  le  |  —  deit  doublar 
mosengens.  |  ^. 

Et  son  parla  de  ma  chancon.  —  |  qui  dex  deigne  air.  einsi  les  vue  ^  | 
maudir.  que  ia  dex  ne  les  lor  pard  —  |  dîent  que  veir  non  fon.  et  ceic 
a  —  I  mobeîs.  mai  rclenquis.  cl  dicn  c  —  |  "*  assis,  mon  pensament.  bcn 
rouir  —  I  gran  faîUimeni.  quant  per  ce  que  — *  |  nalmcnt.  per  que  dient  que 
hi  ne  I 

Ameraî  donc  alanon.  oil  car  non  —  |  pos  panir.  cm  dedens  mon  cor  la 
désir.  \  *i  —  sab  se  ben  £12  vueille  o  non.  quencor  tic  |  mon  cor  en  prison, 
qude  ta  destraint  et  9  |  qub.  st  que  men  vis.  quaie  poder  que  më  |  partis^ 
en  mon  viuent.  per  hoc  sui  a  son  eau  |  àmcnt.  qumilitas  et  sufrir  %*cnt.  b  011 
nô  I  **^  val  force  ne  gent» 

Mab  per  ioc  que  mabandon.  quere  su  pris  [  en  auzir.  ne  mos  song^^  non 
pot  cubrir.  I  que  non  muire  aquel  que  saison,  per  ico  [  fiz  bon  al  que  noa. 
quenque  sa  bouche  de  |  ^^uis.  eu  en  sui  fis.  si  ^  sui  souges  et  adb.  [  de  bon 
talent,  de  li  amar  ont  pris  9  cen,  mos  |  fins  corages  et  mon  scn,  chasam  cuide 
a  I  mar  plus  lomnent.  || 

16  honrar  tan  quai  ]  cor  vos  mi  fai  porur.  post  taerces  clam  qui  {  gande  del 
ardor.  qucu  ai  paor  mol  maior  de  |  vos  que  de  me.  et  pos  dosne  mos  cors  vos 
ade  I  risse,  se  maus  len  ven.  edînsîes  et  su&ir  le  {  i  9ueii.  et  per  oc  ^  al  oor 
cou  que  sab  bon.  [  quel  cor  gardas  9  la  vostre  mcsoo.  | 

Ev  vos  am  et  ten  tant  car.  qud  cor  mi  |  fat  nke  sambkr.  qiiel  seo  esmuel 
kugîcii- 1  ce  la  ^-alor,  si  quen  error.  sui  de  vos  per  cor  |  **  qfoeo  icfeeiu  et 
pAïaulent,  maintes  fob  se  1  deuen.  que  non  sai  qtK  deucn  '  loden,  que  |  ooo  au 
ren.  ni  ia  nus  hom  per  ce  ne  ma  1  cheison.  sa  saloJcDt.  et  eu  mot  000  lor  sô, 

M  Moût  fussent  doU  nu  oonsirricr.  bde  «fesac  |  ^*  ntaia  qoa  plaisur.  vos 
vengîst  ta  vue  foia  |  nmicfiibraot.  del  mal  suiram.  qfuoocr  cnll 

64  veo^  bcns  aaoros  et  plaisem.  | 

Ausi  ^  tôt  lao  s^^oce.  per  faille  et  pcr^  Bon^  vml  nais  loQ  rnoot  per  amor. 

1.  Coiii  anadié. 

2.  Ce  mot  c$t  bilK. 


LES   POÉSIES   PROVENÇALES  393 

et  el  I  mont  non  ab  vaillence  ne  valor.  meudre  dos  |  ne  sanz  vostre  mainte- 
nence.  car  de  toz  bès  |  J  es  et  gran.  et  semence,  et  en  vos  es  près  et  |  valor  et 
sen.  et  per  amor  es  plus  valor  valè.  | 

Tant  abes  de  pnoissence.  per  que  font  |  seignor.  iouens  beltaz  et  anor.  vos 
porten  |  obédience,  chascun  ior.  meudre  dosne  en  |  '°questa  credence.  aten  a 
vos.  et  fas  ma  peni  |  tence.  que  se  vos  plas  lou  mieuz  enance  |  mens,  dun  dis 
iouious  od  douz  esguars  plai  |  sens. 

Cvr  9uient  et  cheence.  afin  amador.  ]  *J  qui  vol  amar  per  doucor.  que  g^eu 
es  qua  II  —  que  non  plor.  meudre  dosne  |  —  camor  venche.  vostre  dur  cor.  |       189  D. 
—  nence.  dalcuns  bons  fes.  per  q  |  —  ens.  et  en  amor  fins  et  pmen  |  — 

—  p  durence.  pert  en  mar  ma  —  |  $  que  longes  non  cor.  altresi  |  — lence. 
sa  color.  meudre  dosne.  |  —  inence.  altre  beltaz  deuant  vo  |  —  ala  vostre  qui 
tant  es  auinês.  j  —  ^  la  lune  es  creissens.  |  '°  Jossiames  faidius. 

34  an  que  li  ior  sunt  lonc  en  mai.  |  mest  bel  dolz  chanz  doisel  de  |  —  uan 
me  suis  partis  de  lai.  membre  |  —  ne  amor  de  loig.  vais  de  talens  brus  |  et 
enclins,  si  que  chanz  ne  flors  daubespins.  |  '5  non  val  maiz  que  liuers  gelaiz.  | 

Mol  teg  lou  segnor  per  verai.  per  que  le  |  dit  amor  de  loig.  et  per  vn  ben 
que  men  |  cschai.  ai  deus  maus.  car  trop  sui  de  loig.  |  dex  car  fusse  fains 
pelegrins.  Tan  que  mos  |  '°  fust  et  mos  tapins.  fust  deses  biauz  ex 
re  I  mirais.  | 

Ben  parra  iois  quant  li  querrai.  per  a  |  mors  del  hostal  de  loig.  et  se  li  plais 
herber  |  gérai,  près  de  li  car  trop  sui  de  loig.  adonc  |  'J  sera  parlemens  fins, 
quant  dru  lontains  se  |  ront  veisins.  en  corteis  iois  gist  gens  soûlais.  || 

I  Jamais  damors  non  jauzirai.  se  non  jau  |  zis  damors  de  loig.  et  bien  sai     190  A 
que  grieu  |  ment  laurai.  quar  trop  sunt  nostres  terres  |  loig.  dex  tant  i  a  pas 
et  chemins,  que  grie  |  ment  en  serai  saisins.  or  seit  del  tôt  si  ^  li  |  J  plais. 

li  sons  derues  del  home  sauuage. 

88  Poe  ve  gent  que  liuer  sirais.  |  et  part  se  del  tanz  amoros.  que  |  non 
auges  notes  ni  lais,  des  auselz  per  ver  |  »<>  gers  foilloz.  per  lou  freit  del  brun 
tempo  I  rau.  non  leisserai  vn  vers  a  far.  et  dirai  al  |  ques  mon  talant. 

Lonc  desirrier  et  griu  pantais.  nai  agut  |  al  cor  cubitos.  vers  celé  qui  soa. 
mi  trais.  |  »$  maiz  aine  vers  li  non  fui  greignos.  ainz  j  la  portaue  el  cor  leial 
mol  fui  legiers  aen  |  ganar.  mes  peccas  naie  deus  amans. 

Nogins  per  autre  orgueill  non  lais,  de  |  samor  dont  tant  sui  corcous.  el 
^ncis  ben  9  |  "  ben  mi  pais,  et  sui  galias  aestrous.  las  re  |  masus  sui  ce 
chabau.   quant   per  autre  |  non   vol   poignar.  per  me.  ni   per  mon  dru  | 
ghemant. 

Tôt  mes  chauat  car  agran  fais,  me  |  tieg  dosne  quan  pens  de  vos  et 
quant  |  'J  noi  parlar  mes  esglais.  et  ia  ior  non  serai  |  iauzos.  queu  sui  irai*^  de 
vostre  lau.  et  ab  |  ioi  de  vostre  blasmar.  et  plaisen  me  tuit  |  vostre  dan.  || 

I  Non  pos  mudar  que  non  biais,  vers  a  |  queu  ioi  tant  orgueilloz.  quainc      190  B« 
non  vi  or  |  gueill  non  abais.  quan  pluz  en  poie  menz  |  caous.  et  est  folz  qui 
ve  et  qui  au.  et  si  |  non  sab  son  meuz  triar.  et  na  el  siegle  da  |  5  ques  tans.  | 

Huimais  sen  faignent  drue  et  lais,  cel  qi  |  non  estât  enuios.  qua  toz  les  fenis 

Roffunta,  X2UI  26 


J94  1"    GAUCHAT 

et  le  lais.  |  per  oc  que  non  si  poderos.  pos  poder  ni  sab  |  tcti  ni   mâUp  bcît 
es  dreîs  5?  h  di^sampar*  et  |  **  ai  me  perdu  mon  enEins. 

Pieres  \îdaus, 

B  Ere  non  ve  luislr  soldlL  tant  [  mi  sunt  oscurd  !ou  rat*  et  |  pas  per  xsco 
noQ  mcsmai.  cune  dartxis  M^  ml  soleille.  damor  qui  al  cor  mî  raie,  et  |  qyan 
laltre  gens  sesmaie.  et  meillor  ab  |  ans  que  sordeî,  per  que  mon  cbanl  goq  | 
sordee, 

Pfst  mi  semblent  blanc  et  vermeill.  j  ^^  ensenient  9  eî  tans  de  tuai,  xm  tcn 
fine  a  I  mor  ^inle  et  gai.  meu  mest  fîors  bbn  [  chc  et  verraetlîc,  qud  ■ 
yuers  kaknde  |  maie,  quel  gencors  et  la  plus  gaie,  ma  pra  |  mes  que 
mautreL  sencor  ne  sen  des  |  *s  autree.  I 

Pâor  me  font  malues  ^ïll.  per  quel  j  segîe.  et  aroor  decaî,  querre  ss  î 

190  C.     en  Heu  ||  }  saluai,  et  luns  al  autre  5?  seilîe.  9  si  fine  a  1  mor  dccai,  Ju,  raalaaisc 

gens  saVuaige.  qi  |  vos  nel  vostre  pseill  crei.  damedeu  perde  et  |  mescrdc.  | 

Dalqucs  mi  reuen  en  coreîl.  qui  re  me  fë  |  î  dol  et  esglai.  et  peise  meî  dd 
iol  qiieu  nai,  1  et  pos  chascuns  sen  coreille.  del  altrui  îoi  {  et  sesglale*  la  îe 
meillor  dreit  non  aie,  qo  ]  picn  déport  non  esguei.celi  quipluz  mi  t  guerree,  f  ** 

Noit  et  ior  y  sir  et  vueil.  plaîg  et  souspîr.  j  maii  puis  mapai,  qtian  tmeuz 
mlmz  et  I  je  pis  trai.  maiz  vns  bons  respis  mesueîîle.  |  donc  mon  ^drrer 
sapaic.  fol  sui  quan  die  [  que  mal  traîe*  et  pos  ai  tant  ricbe  amor,  j  '«  eu  tjol 
bcn  ia  vn  sol  îoi  naie. 

Fine  amor  a  vos  mapareill.  per  ou  nd  |  ^uen  ni  sachaî.  mût  per  vosxte 
merce  >'os  j  plaie,  dex  que  men  appareille,  car  se  ftne  |  amor  mi  caie.  ha. 
dosna  per  merce  vos  plai  |  *«  e.  quaias  de  vostre  ami  marce.  pc«  ai  tant  j  ia^t 
si  marcee,  | 

Pieres  vidaus. 

39  Amis  bernart  de  ventador.  p  |  vos  poias  de  chant  sufrir  |  *J  quant  ensî 
oias  resbaudir.  le  louseignol  et  |  nuit  et  ior.  auiaz  lou  ioi  que  demene.  |  tote 
nuit  *  chante  sur  la  flor.  maiz  senten  |  de  vos  en  amor. 
190  D.  Perrot  lou  dormir  a  seior.  aim  miauz  ||  |  quel  louseignol  auzir.  ne  iamaiz 
tant  I  sauriez  dir.  que  maiz  ala  folie  tor.  lo  |  dieu  for  sui  de  chadene.  et  vos 
et  li  altre  |  amador.  sunt  remasu  en  la  folor  ». 

Pieres  uidaus. 

11  Quan  vei  laloete  moder.  de  |  J  ioi  ses  aies  ^tre  al  rai.  que  |  soublide  et 
laisse  cader.  per  la  doucor  quel  |  cor  li  vai.  he.  tan  granz  enuide  men  prê.  | 
de  co  quest  si  en  jausion.  mirauill  me  qu  |  nies  del  sen.  et  cor  de  desirrier 
non  fon.  |  »» 

Hc.  las  tan  solie  saber.  damor  et  p  pe  |  tit  en  sai.  naine  damar  non  me  po 


1 .  Ce  mot  est  biffé. 

2.  Mut  ou  nuit  y  sans  point. 

3.  14  lignes  blanches. 


IJSS   POÉSIES   PROVENÇALES  395 

tener.  |  celé  donc  ia  ioi  non  aurai,  toi  me  lou  cor.  |  et  toi  lou  sen  et  sei 
meeme  et  tôt  lou'  || 

12  sab  ni  champ  ni  vie.  pos  pe*  |  enance.  per  ma  maie  destina  |  —  191  A. 

Damor  vos  di  verement.  |  — tener.  mais  en  deurie  valer.  —  |  fol  amie,  mais 
non  dure  que  o  —  |  J  es  fol  qui  sans  fermance.  met  —  |  sesperance. 

He.  las  p  muir  de  talen.  queu  —  |  matin  non  seir.  et  la  nuit  quan  —  |  lou 
louseignol  chante  et  crie,  ma  —  |  »°  chantar  solie.  muir  de  dol  et  de  p  —  |  queu 
nai  ioi  ne  alegrance.  | 

Amors  ma  mis  al  neent.  et  torn  —  |  nonchaler.  mais  seu  la  poges  tener—  | 
fere  vilenie,   maiz  dex  non  vol   quamor  sie —  |  'J   ren  donc   len  prende 
veniance.  ob  espade  |  ne  ob  lance.  | 

Amor  prei  vos  de  mon  dan.  qualque  prou  |  non  pos  veder.  iames  blandir 
ne  temer.  n  |  quier.  car  tôt  en  perdie.  ben  es  fol  quen  vos  |  *°  se  fie.  par 
vostre  false  semblance.  sui  trahiz  |  sanz  desfiance. 

8  Non  es  merauille  seu  chant.  |  mais  de  nul  altre  chantador.  |  quan  plus 
trai  lou  cor  vers  amor.  et  mau  |  's  sui  fais  a  son  ^mant.  cor  et  cors  saber  |  et 
scn.  et  force  et  poder  i  ai  mes.  sen  ti— 1|  —  |  e  vers  amor  lou  fren.  qua  nule      191  B, 
altre  —  |  ren  non  enten 

Ben  es  mors  qui  damors  non  sen.  al  cor  |  qualque  don  de  sabor.  et  que  virie 
sanz  do  |  .  or.  fors  per  anui  far  ala  gen.  ia  damedex  |  $.on  maint  tant,  que  ie  ia 
vine  ior  ne  |  mes.  pos  que  damor  serai  repres.  que  da  |  mar  non  aurai  talen. 

He.  dex  car  se  fussen  trian.  dentre  fais  |  fin  amador.  que  losengier.  et 
tricador.  |  »°  —  rtaissen  corne  el  front  deuant.  lot  laur  |  —  1  mont  et  tôt  lar- 
gant.  ivolgre  aber  dat.  |  lauges.  per  oc  mi  dosne  ^nosghes.  ausi  |  culam 
finament.  | 

Qyant  eu  la  ve  mos  bcns  peruent.  asex's  |  al  vis  ala  color.  qualtresi  tramble 
de  paor.  |  9  fait  la  foille  ^traluent.  non  ab  de  sen  ^  |  tre  vn  enfant,  alsi  ma 
amors  soubrepres.  |  et  dôme  qui  si  es  ^ques.  pot  len  auer  al  |  mosne  grant". 

Per  bona  fei  et  sanz  engant.  an  la  plus  |  bêle,  et  la  meiUor.  dd  cor  souspir 
et  des  I  ex  plor.  tan  lamade  que  faz  mon  dant.  nô  |  pos  mes.  que  samor  ma 
près,  et  en  la  char  |  tre  ou  el  ma  mes.  non  pot  das  oubrir  fors  l 's  merces.  et 
de  merce  non  trop  niant.  | 

Bona  dosna  plus  non  demant.  mais  qm  |  prendas  aseruidor.  seruirai  vos  p 
bon  seig  |  nor.  quai  qui  sia  guerredonant.  tôt  al  vo  |  stre  pmandemant.  bel  cors 
ientix  fi^ns  et  |  )<>  corteis.  ors  ne  lyons  nestes  vos  ges.  que  mau  |  cias  sa  vos 
me  rant.  | 

1 .  Fin  de  la  colonne.  Un  feuillet  doit  être  tombé  après,  qui,  selon  Tindex, 
contenait  les  pièces  suivantes  : 

Pieres  Vidaus  :  Ben  mont  perdu  et  lais. 

Bernars  de  Ventadour  :        Ben  me  quidai  de  c*. 

Amors  et  quaus  hounors. 

Tous  cens  qui  preent  q. 

2.  Déchirure  au  milieu  du  feuillet. 


39^  L.   GAUCHAT 

191  C.         69  A  lentrada  del  tans  florit.  q  |  nos  sons  dd  yner  partit  ||  me  sont  bel 
chant  et  lai  crit.  que  font  —  |  auseillon  petit,  adonc  mi  membre  dune  am —  | 
qui  ma  tornat  en  lonc  oublit.  sencor  a^n  io  —  |  non  secor. 

Pos  entre  lou  viure  et  morir.  estau  |  i  non  mi  pos  partir,  assas  nû  degré 
defen  ~  |  pos  en  altrc  non  ab  ^ir.  et  sen  faisie  tan  |  danor.  qui  mi  laissât 
ses  mans  tenir.  |  dont  aurai  ioi  et  baudor. 

Per  oc  sai  dit  gran  hardiment,  queu  —  |  '•  esgoar  nol  Ênlliineiit.  et  pos 
far  me  pot  |  de  neent.  prei  li  quen  aie  causiment.  en  |  âne  ganaî  de  ma 
dolor.  qui  me  tengut  vn  |  an  vercent.  que  neguns  hom  noo  ab  pe  1  ior*s  | . 

Dosne  de  vos  me  blasm  et  lau.  et  guer  |  piraî  sicde  cbamau.  et  pos  Ion 
ben  mi  |  tom  al  mau.  tan  me  metraî  per  vostre  esdan.  |  per  oc  si  prei  al  oc^ 
dator.  quin  lais  remirar  |  vostre  osuu.  mais  men  prds  don  empera  |  **dar.  | 

Fer  ceste  amor  ferai  orgueill.  et  totes  ;  altres  noo  acnnll.  assas  men  prcb 
mais  q  i  non  sueîll.  queu  crd  que  la  verront  mi  ;  œill.  ia  des  non  des  pliu 
de  rîcbor.  maiz  ;  'f  qua  li  fusse  dis  vn  bnidll.  qœ  laïud  dian  [  ten  sor  la 
Aor. 

Ab  un  petit  dimar  non  Lus.  que  rienz  ;  non  ai  al  que  kxi  Êds.  sin  tome 
mos i<»sen  '.  biais,  de  lamor  quaien  en  pantaîs.  se nô  ^  rentabfcn ma  Talor. 
Lùssar  mi  cuit  dd  tôt  eschaîs.  et  tir  moines  en  rettctor.  \] 
191  D.  M  —  chose  auias  et  toi  lor  ma  —  or  dan.  es  grcigcor  del  qne  : — scges. 
que  ce  9  ddt  toi  ior  |  —  pSoran.  mcst  bd  »iir  en  dun  ,  —  csrÈie.  qne  cQ 
qot  es  des rak3»$  (  — pjùne.  kc  nÈs  rakos.  rSchirs  rôs  des  cibles,  es  mon. 
he.  ia^  qs^a!  dû!  et  |  9  periess.  ^  escrjcg  3>cc  et  salsue  a  as  air.  9  a  dm- 
oor  tâb  hctts  qci  fo:  sufrir. 

Mv"«;  c<  V>ïï  :«*,  «  «::::  tiâsu:  mîl  a=.  '-'  est  tsls  TCïoiccn  iwo  fb  ne 
no.r.  :iT  r.-^os^  iir.--i:r  r.  J5  h.  ~  r.cr.  ir  ii  fc  -  s^~  ^lLr  11^  Izn  îiz  prc»=LS  taa 
hirc:*  :i^  i.~r*t:    rc.  i'.cxi:ii:xs  1j-  rtv.*  c.:  ■■■cz'Z;^  ^^rt.    rue  cri:  ç^ae  taa 

r<     ="  C--  ."CT-i  j^^-s  X  r.5  rir^iri  .ijr.L.;    r>:c     cri.  c.;::^rri:*  Ârensrr  itas  ri 

oc.  .T^ir.  pntiis.  T.-Ci     .'ô:^:-:    ::•:  :.'■.:  .ni:r.  ::»:  .:'^  r.^-i^.  ît:  ;ui.r    cl  ve;  ;.  -no:: 

^6     Lrco:  i>c*  n-;^:n>  j^  v^io:  ci        r.^'i  i.r-^  j.-^;ni..  zz.ziz  iz^zis    ud:: 

ou     rx  i;-i:  n^  ^j;vj.-x  it  si*.  ^cs-<L.r  r.-..  ^«:^     :.r.-.û*  tor.  ir»:  Trx.zi.  T«r  mtr- 
cc?  nrc.  ,.'*ii     "  ror.  S'i>  juJ;*iu?c    r.-.;.:-  i>^vi;-.:.>  ni  -.:.  nrir.     :«l:i^  7:1:1.  - .  | 
Tûi  K  sis  "£•   "ns   nroix:  »'  u.  t.  xs^ci    .in:    ç..    :o:  ûiisi  >rjr  iiiii?    mnziinT  ni 

vrrvJTî.    r*.>  cim   i.  i-  :   .1»."»;:^:-;  :    i  sor  sc;rr«.T     i:^   Josr*i.   m;  ûl.  amzy: 


LES   POÉSIES   PROVENÇALES  397 

entendre.  |  que  quant  ai  fait  seruenteis  ma  chancon.  |  J  ne  nule  ren  queu 
pens  qui  sie  bon.  eu  ii  |  tramet  per  oc  quel  en  retaigne.  ce  que  plai  |  ra.  et 
que  de  me  suuaigne.  et  pos  blous  |  de  son  rémanent,  déport  me  od  la  cor- 
teisejlgent.  192  C. 

Altresi  fait  gorpill  en  chacador.  qui  cha  |  ce  ades  ce  que  non  ause  prendre  '. 
atendre.  |  ensi  vueill  prendre  ala  perdriz  lostor.  et  ç  I  bat  la  ou  non  mi  pos 
desfendre.  ^  bateil  $  |  liers  quab  perdut  son  baston.  et  ies  na  I  uraz  sous  laltre 
champion,  et  lou  mal  |  mot  encor  dire  non  deigne.  car  par  son  |  dreit  a  espeir 
quil  reueigne.  ensi  fui  espro  |  bas  per  cent,  per  oc  nai  maior  hardirïit  ||  '®. 

68  Lou  dar  tans  vei  brunasir.  |  les  auzeillons  esperduz.  per  freit  quis  |  des-     192  D. 
traig  sunt  mus.  et  sanz  pnort  des  |  iauzir,  maiz  eu  qui  en  ioi  ^ir.  per  la  | 
gensor  ren  cainc  fous,  tan  ioious.  sui  |  5  quades  mest  vis.  que  foille  et  flor 
respc  I  dis.  I 

(Le  reste  de  la  colonne  est  vide.) 

En  blanc.  193  A,B». 

Sur  la  marge  :  Bernars  de  Ventadour,  écriture  moderne.  193  C. 

77  D'un  déduit  qui  me  fuit.  || 193  D-  desoubre  lou  glai.  ne  cointe- 

ment  remirar.  einsi  p  solia  |  far. 

(En  bas  :)  59  Vers  vos  souple  dosne  pre  ||  mierement.  per  que  eu  |  fas  et  194  A,  B. 
pmens  ma  chancon.  et  sil  vos  |  pi  as  entendez  ma  raison,  caltre  non  aus  |  des- 
courir mon  talent,  quensinc  mauê  |  quan  vei  vostre  façon,  la  langue  fal. 
lou  I  5  cor  ai  temerouz.  quer  qui  non  tem  nô  I  ame  coralment.  per  oc  ten  car 
lou  vostre  |  seignorage.  | 

Ev  vos  donai  per  fei  et  lealment.  mon  |  cors  el  cor  dont  faites  teneison.  et 
ai  grât  I  »°  ioi  que  sab  que  sui  vostre  hom.  cuns  bons  |  espeirs  de  vos  mi  ten 
jauzent.  quen  bon  |  seignor  non  pert  nus  guerredon.  qui  bê  |  la  sert,  eu  vei 
mainte  saison,  poure  enri  |  chir.  per  bon  atendiment.  per  oc  esfors  |  »J  enuers 
vos  mon  corage.  | 

Tant  ai  assis  mon  désir  Hnament.  en  |  vos  dosna  se  dex  iauzir  men  dons. 
que  I  mieuz  vos  am  seruir  tôt  en  pardons,  q  |  de  nule  altra  afar  mon  mandi- 
ment.  car  |  *°  si  granz  iois  ratrait  mon  cor  vers  vos.  |  pos  que  vos  vi  non  fui 
aine  poderos.  si  i  desirrous  sui  de  vostre  cors  gent.  ^uis  |  mauez  remaig  en 
vostre  ostage.  | 

Et  sab  trop  ben  queu  faz  fol  ardimen.  |  *>  quan  eu  la  prei  damors  ni  mot 
en  son.  |  mais  aine  non  pos  tomar  ma  souspecô.  |  et  sab  trop  ben  que  trauaill 
per  neent.  ||tant  a  beltas  son  gent  cors  orgueillouz.  |  que  son  reu  près  fait     194  C. 
puiar  soubre  toz.  |  queu  desirrans  souspir  en  esperuens.  et  te  |  meros  que  non 
tegne  a  folage. 


1.  Biffé. 

2.  La  moitié  supérieure  du  feuillet  est  coupée.  L'index  indique  ici  : 

Per  dous  chans  q  louseign 
Lou  louseignol  sesbaudie. 
Mol*  mes  bel  et  clar. 


398  U   GAUCHAT 

Et  seu  folci  eu  hz  acscient.  sabcs  pcr  t  ^  quci  d  m^t  bel  si  mest  bon. 
et  dirai  vos  |  q  ^  per  qu.île  enteniion.  bons  espcrars  tict  f  lome  asaluiment. 
et  seu  hz  ben  moût  ]  en  serai  îauzouz.  et  seu  hï  mal  suinrai  |  pcsancotu. 
et  jausiraî  ben  et  mal  cnsirïit.  |  cnst  ferai  le  9nort  al  saluage.  | 

Bona  dosna  merccs  clam  per  garent.  |  car  sens  merccs  non  aten  guerredoa. 
aîz  !  cri  merccs  ou  nierces  venghe  ou  non,  et  1  ia  de  ce  non  verrois  recredcnt. 
ainz  pree  1  ''rci  mcrces  tant  ^ingoissois,  que  per  mer  |  ces  tendrai  mes  mains 
ansdous.  entre  |  vostres.  et  ferai  causiment.  quel  mont  I  non  sab  tan  œrtaa 
hominage. 

37  Pax  in  nomine  domini.  dîst  |  macabruns  lou  vers  del  sô  |  '*»  oias  ^ueu 
dis.  que  nos  a  fait  per  sa  doucor.  |  lou  seignoris  celcstiaus.  quil  post  pcr  nos  | 
vu  lauador.  que  for  doutremar  non  fu  I  taus.  et  lai  deuers  val  iosaphat. 
et  daikel  [  de  cai  nos  j?nort. 

194  D.         Lauar  al  scîr  et  al  matin,  nos  deuriô  ||  *»  segont  raison,  eo  vos  afic.  cd  qt» 

del  la  I  uar  ont  iaissor.  de  me  tenez  quil  sunt  sa  |  et  sau.  deuren  annar  al 
lauador.  quer  il  [  nos  en  \Tais  mecinaus.  et  sabens  îoignôs  [  ala  mort,  dont 
en  crci  quaurem  larberc  |  î  bas, 

63  Si  ç  la  tygrc  al  mirador  qui  I  per  remirar  son  cors  geni.  |  obUde  sire 
et  son  torment.  ausi  1  quan  vei  le  qui  iaor,  vblide  mire,  et  ma  |  '^  dolor, 

195  A.     ^*  mendre.  ne  ia  neguns  ne  se  ||  face  deuins  queu  vos  dirai  qui  nia  od  |  soi 

conquis,  se  vos  sauez  pnissar  et  cnten  |  dre,  | 

Bien  voudrie  saber  damor.  sele  vei  ne  |  au  ne  enten,  quar  tôt  aï  requis 
franca  |  s  men.  merccs  ni  de  ren  non  secor,  ni  eu  |  non  pos  vers  ses  armes 
dcsfcndre.  fors  per  |  merccs  acuî  eu  sui  acUns,  quil  non  es  |  iois  ni  altres 
paradis,  per  queu  changaîsse  I  espérance  et  atendre.  ||  '^ 

84  Ma  dosne  fu  al  5?mcncar.  frà  |  che  et  de  bone  ppaignie.  per  quel  eu 
me  I  det  mais  lauar.  que  sel  fust  fcl  ne  estraig  (  ne.  ben  es  drets  que  dosna 
fraigne.  vers  ce  |  lui  qui  la  cor  damar.  que  sel  fait  son  ami  |  î  pregar.  drds 
es  sa'  quamis  li  soufraîgne.  ( 

Dosne  pensans  mal  enganar.  losengicr  |  qui  dex  (j  traigne.  car  tan  9  on  en 
pot  em  j  blar.  damar.  itant  en  gadaigne.  auan  |  que  neguns  sen  plaigne,  pot 
Jamor  Ion  1  *^  guement  durar.  car  quan  leus  est  deit  |  on  parlar.  et  quant  liens 
non  est  remaig  |  ne.  | 

Ma  dosne  me  fait  grant  anor.  quan  li  I  pi  as  qua  li  5?  taigne.  et  prei  U  de  son 
amador.  |  »^  quel  ben  quele  fara  non  venge,  non  leis  |  se  far  longe  atente. 
car  Ions  termes  mi  |  fait  paor.  cainc  non  vi  maluaiz  donador,  q  j  Ions  respts 
non  desfende.  |]  {Il Je  jusqu'au  bas.) 

60  Avsement  9  li  lyons  qui  tant  es  |  fers  et  tan  gais,  que  sous  Ico  |  nîaus 
quan  nai*.  mors  sans  alane  ei  sai^s  |  vide,  maiz  od  sa  veis  quant  lou  crîde. 


1,  Biffé. 

2.  En  marge,  écriture  moderne 
h 


Bcmars  de  Ventadour. 


LES   POÉSIES   PROVENÇALES  399 

les  I  fait  reuiure  et  morir  '.  et  amar.  ensirîit  |  $  pot  de  me  far.  ma  douce 
dosne  et  amor.  |  et  guérir  ma  gran  dolor.  1 1 

61  Avsement  p  lolifans.  qui  |  chat  et  non  pot  leuar.  mes  |  li  altre  od  lor  195  D. 
cridar.  de  lor  veis  lou  leuen  |  sus.  et  eu  vol  sigre  itel  vs.  car  mos  mes  |  fais 
mes  tan  grieus  et  pesans.  que  se  la  |  $  cors  del  pui  et  lou  beubans.  et  lou 
dreis  |  preis  de  leaus  amadors.  non  me  leuent  ia  |  maiz  non  serai  sors,  el 
deignaissen  per  me  |  clamar  mercez.  la  ou  jogar  ni  raison  non  |  qui*  val  ren. 
Et  se  per  lou  fins  amans  non  pos  de  ioie  |  »°  coubrar.  per  toz  iors  mais  laj 
mon  chantar.  |  ne  de  mei  non  er  ren  pluz.  ainz  viurai  9  |  me  ranclus.  sous 
sainz  soulaz.  car  ma  vi  |  de  mes  enuide  et  pesanz.  ioi  est  mes  doelz  |  et  plai- 
sens  ma  dolors.  dont  sui  ie  mieuz  |  '$  de  la  manere  al  ors.  car  qui  lou  bat  et  ||  196  A. 
ten  vill  sanz  merccs.  al  douz  degraz.  et  |  meilleir  en  valghes. 

14  Bêle  mes  la  veis  altana  des  |  louseignol  en  pascor.  que  |  foille  es  vers 
et  blanche  flor.  et  lerbe  nais  |  en  larfane.  adonc  tentissent  11  vergier.  et  ||  iois      196  B 
maurie  tal  mestier.  quel  cor  mi  rauif  |  et  sane.  | 

Esbaiz  9  caus  arana.  vains  et  plans  de  |  duisor.  arai  campes  asa  valor.  seu 
sui  de  I  plusor  ppane.  que  tuit  soulaz  mi  sunt  ger  |  J  rier.  auiaz  que  lou  faz 
destorber.  tal  cortei  |  sie  es  vilane.  | 

67  Ensi  9  eu  sab  triar.  lou  melz  |  del  mon  et  causir.  me  don  |  dex  de  me 
iausir.  et  de  la  bêle  nonpar.  ou  iois  |  ^°  apris  son  estage.  quere  chacaz  et 
guerpiz.  et  |  de  tôt  lou  mon  faidis.  mais  en  son  franc  seig  1 1  norage.   sest     196  C. 
arrestas  et  aers.  ou  ert  honras  |  et  aders.  | 

30  Tens  de  chantar  non  fal  cor  ni  |  raison,  non  fas  saber  se  chans  |  mère 
grassis.  mais  ère  mes  cant  vers  a  |  J  mors  failliz.  per  quel  eu  mestau  maris, 
et  II  psirous.  et  post  fai  me  défaillir  mous  par  |  dons,  deserenans  deit  chascun     196  D. 
ior  chantar.  |  post  ca  mo  3  mi  dosn  dei  chascun  ioi  troubar.  j  nouel  sens, 
nouele  valor.  et  beltaz  pluz  fine  |  et  meillor.  ||  J 

49  Tart  mi  vendront  mi  ami  tho  |  lousan.  et  tart  verai  fau  |  giaus  et  mont     loy  a. 
rcal.  quer  rcmasus  es  del  tôt  |  en  bar  as.  mos  bels  règnes,  qui  es  dolz  et  cer  j 
tans.  he.  bêla  dosna  queu  am  et  désir,  des  |  5  ex  vos  plor.  et  del  cor  vos 
souspir.  quan  mi  I  membre  vostre  cors  auinenz.  el  dolz  regars.  |  et  la  bouche 
riens. 

Dosna  ben  oi  larberc  sant  julian.  quan  pre  |  miers  veng  en  vostre  rie  hostal. 
cainc  dex  n  |  *°  feis  tant  auinent  iomal.  9  ikel  ior  quil  j  forma  de  sa  man. 
mirauill  mei  quan  sot  si  |  gent  bastir.  et  vn  tal  glauc  a  fait  per  me  |  aucir.  et 
vn  ^nort  quist  tant  dolz  et  tan  |  gens,  se  mocias  liez  en  sui  et  jauzcns  ||  '5. 

62  Altresi  9  perceuaus.  al  tans  q  |  viuie.  qui  sesbahi  desgardar.  |  et  si  non      197  B. 
sab  demandar.  de  coi  scruie  la  lâcc  |  et  lou  graaus.  et  eu  sui  altretaus.  bona 
dos  I  na  quan  vei  vostre  cors  gent,  ensiment  mu  |  J  bli  quan  vos  remir.  non 
aus  pregar.  ne  n  |  sab  ^sir.  | 

1.  Et  morir  biffé. 

2.  Biffé. 

3.  Biffé. 


400  L.    GAUCHAT 

A  Fidie  de  sens  et  de  laus.  juene  ou  jois  sa  |  lie.  vkille  de  prçis  et  donrar* 
•97  C.      jucnc  de  bel  |  dosnear,  loiDgde  folie*  vielle  désire  leaiis^°.  11   jueoc  oq  ioiieos 
en  saiîs.  vielle  ea  iql  bîaus  |  iouerts  aainens.  vidle  sanz  vîella^r-  eî  juc  J  oc 
dans  et  de  getit  acueillir, 

50  Alrresi  ç  cîsnes  M  quan  deit  |  morir  chant,  et  semm  ge  (  f  sût  morrai 
4£t  amais  de  san.  mol  ma  tectgut  |  amors  al  laz.  et  maint  trauati  sufen  tas  oe  | 
pcr  diii  ^ue  cere  me  teng.  5ïnais  caînc  mais  !  non  for£s  ren.  Il 
^<         100  Sî  9  lenclati^  qui  a  de  moi  dou  I  canc^.  bàukt  dedetu.  et  trenche  |  et 
fait  archiere.  en  ^tre  lost  et  prent  de  nui  |  re  esmance.  krcher  dcfors.  et  es 
pluz  engeig  I  nos.  et  ftertdeuant  per  oc  quW  seît  rescous.  1  ï  et  mi  dosne  mi 
tcn  en  tal  bilancc.  [| 
198  A.         BZ  Uos  dosne  ab  vn  dok  regait  que  |  firent  vostre  oetll  lairon.  qui  |  vin- 
drent  mon  cor  emblar.  mais  non  firêt  |  mesproison.  et  post  que  mon  cor 
auez  lai.  |  non  creî  que  vos  morir  mi  lai.  per  oc  ben  sai  ]  s  que  sen  volei 
audrre,  non  pos  moir  a  tant  |  honràt  martyre,  [| 
98  B.  73  Bhn  mest  que  chant  quan  |  vci  del  fau  cader  la  foille  ^  î  tre  %*au.  que  îi 

auîkil  restent  br  vds.  per  |  lou  tens  qui  ses  brunasis.  eu  qui  per  loi  I  damor 
mesjau.  dirai  9  sui  damar  iausis.  Il  1  {Raie  de  k  cojùtim  mdt,) 
Z.         89  Quan  vel  les  praa  verdesir.  et  j  parens  la  fîor  granea,  adqnqs  1  pens  et 
5?sir.  d amors  quainsi  malegrea.  per  f  vn  pou  non  ma  tuea,  tan  soen  souspir 
caîc  I  non  vi  tan  for  colea  senes  colp  ferir.  aei.  M 

Tôta  nuit  sou  s  pi  r  et  vcill.  et  tressai  tote  1  endormi  a.  per  oc  car  ueraire  mes 
quel  meus  j  amîs  se  resta,  a,  dex  ^  seri  garia.  sensi  deue  |  gués,  vna  nuit  par 
escaria  qua  me  sen  ve  j  gués*  aei   1  ^® 

Donna  qui  amor  saten,  ben  de  auer  fin  co  I  raie,  tal  ni  a  quades  la  pren 

^-^^ puis  la  laissa  |  per  foîaie.  maiz  eu  len  ten  fin  corage.  ensi  I  leaîmeot.  cainc 

dosna  del  mieu  parage.  nô  |  ou  fiz  tant  gent.  aei.  j  'J 

Dosna  qui  amie  non  a.  ben  si  gart  que  |  mais  non  aia.  quamors  pon  vie 
demag.  ni  |  tan  ni  quan  non  sapia.  senes  colp  fai  mort  |  et  plaia.  tal  ia  non 
garria.  per  nul  mege  |  que  ie  naia.  se  mors  non  loida.  aei.  |  '° 

Messagier  leuaz  matin  et  vai  mon  la  |  gran  iornaa.  la  chancon  amon  amie, 
li  por  I  taz  en  sa  5?traa.  digas  li  que  mol  magraa.  |  quan  membres  del  song. 
quel  mi  dist  |  quan  mot  baisaa.  soz  mon  paueillon.  aei.  j  '^. 

Dins  ma  chambre  encortinaa.  fu  il  alar  |  ron.  dins  ma  chambre  ben  doraa. 
fu  il  en  I  prison.  || 
198  D.  15  De  bon  loc  mouen  mes  chancôs  |  per  queu  me  deit  raîr  aenant.  de  ben 

a  I  mar  totes  saisons,  quamors  men  uensara  |  lou  dan.  queu  nai  sufert  et 
sufrirai.  trus  |  quela  sap  quai  mal  quen  trai.  sim  pan  |  J  tais  al  cor  en  balans. 
que  ben  pot  venser  j  vns  enfans.  j 

Per  dieu  donna  car  mi  euos  uan  celés  qi  j  an  druz  gaban.  et  disons  que  trop 
en  perdôs  I  nai  chantât  nen  irai  chantan.  lou  cor  non  |  »«  pot  dir  co  quil  plai. 
la  bouche  non  pausa  peis  |  trai.  maiz  vol  mûrir  per  vos  amans,  que  des  I  amans 
viure  dous  tanz.  j 

Da  non  gabare  lous  bretous  qualtresi  vau  |  9  il  musan.  et  vei  quades  faz 


LES   POèSIES  PROVENÇALES  4OI 

dun  dan  douz.  |  '$  car  li  soi  tan  fîngs  sos  enians.  sin  parc  de  lei  |  deus  que 
farai.  sin  roman  arta  poc  osai  be  I  lamei  er  uilan  dos  tanz.  quaissi  vais  dou- 
blan  I  mos  talanz.  | 

Pos  fait  manez  fait  mi  joious.  per  chausi'°  |  men  vos  o  deman.  et  traiez 
mes  ielz  ambes  |  dos.  sanc  posui  usanei  camnam.  qucu  nobs  âmes  et  mielz 
et  maîz.  queu  non  die  ni  |  no  os  odiri.  ben  sai  de  ver  or  moi  lenians.  sîns  | 
auses  diri  mos  talans.  |  'J. 

Ane  non  raisonai  dcnan  vos.  anc  tan  non  |  vos  estui  denan.  quar  ane  sens 
vos  sei  enoios.  |  quadas  die  merces  et  clam,  queu  non  lai  trop  |  ni  sai  ni  lai. 
merses  car  ami  dosn  non  piai.  sap  |  chaz  quan  vei  voctre  semblanz.  pluz  soi 
mus  II  î°  que  non  soi  parlanz.  |  ^99  A. 

Bens  ioenz  nobs  est  nulis  enans.  quar  |  vau  toz  iors  de  vos  damans,  j 

Del  rei  daragon  pren  talanz.  veia  que  soz  I  preis  es  granz.  |  î 

70  Amors  dousors  mi  assaia.  |  valors  richors  mi  menaia.  |  gensors  que 
fiors  es  pluz  gaia.  esel  quaissi  j  mauci  em  plaia.  per  que  non  vol  quautra  j 
meschaia.  mais  il  me  tormenta  et  mcsglaia.  |  »°  don  souinent  sent,  martire 
9sire.  car  dire  n  |  aus  mas  quil  maia  cors  ^uinens  iens.  traire  |  délire  quabrire. 
quen  fai  mi  menaia.  et  mi  |  te  en  tal  uistenca.  que  dal  non  ai  souinenca.  | 
mais  de  leis  qui  toz  iors  icnca.  et  pois  sim  fai  |  '$  aperuenca.  qua  ia  de 
samor  tenenca.  per  qeu  |  momet  afufrenca.  car  ondranca.  e  pesanca.  ||  lenlanca      199  B. 
ses  doptanca.  quab  seinlanca.  quen  |  fai  mi  retrai.  que  iamai  non  don  dés- 
espéra I  ca.  per  quatendrai  e  ueirai  si  iamai  troua  |  rai  ab  Ici  nulla  cordanca. 
si  que  lesmai  que  ieu  nai  tom  en  iai  dun  murrai  si  non  |  J  len  pren  pizanca.  j 

81  Laltrier  cuidai  aber  druda  to  |  ta  la  meillor.  ^ques  egusse  ue  |  guda  et 
la  belisor.  velle  antiue  paupre  et  nu  |  da  ben  parlant  damor.  trames  per  oc 
quel  I  »°  saluda  et  fac  plaz  gensor.  mais  la  trace  ma  |  lastruda  queu  per  liei 
oidat.  vels  vin  e  tro  |  blat.  peis  et  por  salât,  e  loi  calcada  et  vestuda  II  si  men  199  C. 
ab  boisât,  quen  loc  damige  es  ven  |  guda.  en  tens  tenebror.  tint  son  pan  en 
sor.  I  et  en  sus  li  cor.  et  trobai  la  piau  caluda.  cor  |  de  el  col.  espaulle  aguda. 
mcmella  pendant  et  |  vuida.  9  borsa  pastor.  pis  ossut  et  plat,  el  vê  |  J  tre 
ridât,  maigre  rains.  es  cuisse  ruda.  dur  |  genoill  et  flat.  et  quant  lai  apercude. 
es  I  me  vos  irat.  ab  itant  vir  a  la  fuda.  non  sui  |  arrestat.  | 

Tan  men  es  el  cor  creguda.  rancune  et  gra  |  '°  mor.  que  continence  ai 
perduda  damar  per  amor.  I  q  pensaua  la  canuda.  que  non  ab  calor.  et  vo  I  lie 
essre  batuda  subra  son  tabor.  non  ab  tan  là  |  gue  esmoluda.  quegusse  a^tat. 
demei  la  me  |  tat.  del  mal  quab  pensât,  dont  deurie  essre  |  'J  teguda  per  son 
lait  peccuda  *  peccat.  tos  et  agut  |  dae'  ta  et  mal  qui  suda.  sanz  aber  retor.  | 
freit  et  seif  et  plor.  od  fresche  dolor.  ni  ial  )  tendre  ni  paruda.  que  non  sie 
amort  feruda.  |  de  tal  mal  qui  non  la  tuda  ainz  la  teigne  |  '°  en  langor. 
ncl  non  ait  denfat  for  pan  mesalat.  |  et  carne  de  vella  truda.   ou  de  porc 


1.  Biffé. 

2.  Biffé. 


402  L.    GAUCHAT 

sorsemat.  i  pis  de  mar  qui  de  loig  poda*  vio  cras  et  booUL  |  jto  S  es  tint 
irasoida  que  quîdai  essre  veogat^  [| 

199  ^-  78  Ensement  ^  la  panthère  qui  |  porte  tan  booe  odor.  et  ast  |  bde  color, 
que  non  es  beste  saluage.  qui  par  |  force  et  par  ot;trage.  sîe  tan  nuk  ni  fae.  ( 
que  si  Img  $?  puet  choisir,  non  auges  près  |  Mou  muir.  et  en  altreial  sem^ 
blance.  mi  im  amor  tn  baktnct.  Qfus  ugre  sigre  dbr  f  it  |  pos  ahcr  ti  iâcmà  dàf  ^ 
far  hu  stn  plaser*,  \ 

Ne  îa  poT  ce  non  plantere.  negun  tor  da  j  mor.  aini  prendrai  en  îoi  dolor. 
son  gentilt  [  cor  del  parage.  mes  sel  abes  en  corage.  merces  |  >^  que  doq  es 
encore,  enstnc  non  pogres  garîr.  t  de  mon  mal  trait  et  merir.  asa  simple 
sem  1  blance.  et  asa  douce  acointance.  ou  atan  l  gran  bdtat  en  soii  poder,  per 
que  non  pos  |  laissar  del  veder'î.  U 

200  A*         23  Jamaii  rié  tal  nô  porroil  far  amor  km  *  |  sie  ennui  ne  mal  Itaîs  ne  «&ns. 

car  el  (  ma  ùâi  tant  auinent  soucors.  que  re  t  staurai  ma  les  pertes  el  à^as^ 
quauie  fes  |  a  dreit  per  mon  folage.  et  si  aine  ior  de  |  s  ren  ma  fet  mari,  eu  loa 
pardon  lou  de  |  trie  el  damage,  car  tal  dasna  fai  naon  |  preîs  acueilOr.  qin 
mamende  tuit  que  |  nu  fait  sufrir.  1) 
200  B.  Mol  rai  sab  gcnt  lou  cor  daltres  partir,  et  I  aîostar  enli  toz  mes  talanz.  amors 
Jûu  ior  ql  |  fist  del  tans  venir,  ala  belc.  dont  vn  cortcis  sem  1  blant.  de  ses 
bîaus  ex  entredist  mon  corage,  |  si  que  aine  puis  non  pos  virar  aîUors, 
adonc  |  î  sab  eu  que  lueil!  meront  message,  damors.  |  quai  cor  me  ven  freîs 
et  calors.  iois  et  ^rs.  |  ardimens  et  paors.  | 

65  Tvit  demandent  quest  dcuen  |  guda  amors.  mais  oîani  tox  M*  en  dîraî 

200  C.     U  vertaz.  tout  autrui  ^  del  solcill  |f  esiaz.  qui  per  manl  leu  îete  sa  resplendor.  | 

e  ai  seir  vait  colcar  tout  cnsament.  sine  t  Tai  amor  quan  a  per  tôt  cercat.  et 
quan  |  non  pot  vengher  ason  agrap.  tome  sen  lai  I  doncven  premcrarocnt.  (|  s 
aoo  D,  20  Hn  la  vostre  maintencnce.  mai  |  mis  amors  franchement  |  queu  fusse 
mors  verament.  se  non  fust  ma  |  ^  noîssence.  dont  non  eu  en  me  peruencc,  | 
don  muir  quan  plujî  sui  plaignens.  dont  |  *  mire  me  tan  suuent,  que  ma  can- 
con  en  !  peruence.  naurie  maiz  de  valence.  If 
h  A*  83  Lou  premer  tor  que  vi  mabcli  1  lî  vostres  biaus  cors  gens.  1  doua  et  pld- 
sens  corteis  et  debonaîre.  et  |  seu  sap  dir  ni  faire,  nuleren.  que  vos  ten  1  gtics 
aben.  ma  douce  chère  amige  al  cors  1 J  plaisen  et  gai.  sachaz  que  mol  mi 
pîal.  I  seu  fai  ren  qui  vos  sie  »,  i) 

201  B.  99  Si  con  laig^ue  suffre  htiafconrèt  \  pu  hm  Um  gran  ke  mil  hou  \  nus  susten, 

f,  L  dahel  pcrt  iô  ffforcahhi,  pot  h  \  suffrar  muH  ^  nuk  aut^  retu  si  ua  de  U  ci 


i ,  D*une  autre  main. 

2.  Autre  main,  comme  plus  haut. 

5.  Appel,  Prov,  IfifJita  dit  â  propos  de  la  forme  iiV,  326  n  :  «  Wenn  nicht 
zu  inden  ist,  haben  wir  es  in  j*^  mit  einer  franz.  Form  von  seoir  zu  thun.  1» 
Cest  inadmissible  :  ce  morceau  est  certainement  d*origine  provençale  et  îl 
ûudra  corriger  d*une  manière  ou  d'une  autre  :  «  $*eu  faz  ren  queus  plasia?  n 


LES   POÉSIES  PROVENÇALES  4O3 

defaiU  \  a  merccs.  et  molt  mi  plas  que  daltre  part  I  5  mi  vire,  et  sab  per  ver 
que  non  aus  ren  |  desdire,  el  vol  mon  dan.  et  eu  li  vol  amor.  |  quer  assas  sui 
defaillens  amador.  H 

32  Laigue  puge  ptre  mont  |  al  fum  et  al  nuile  et  al  |  vent,  et  quant  est  aut     201  C. 
et  descent.  et  sa  |  chent  tuit  cil  del  mont,  quensement  1|  puge  valors.  abenfas 
et  ab  ennor.  et  |  quantt  est  aut  descendrie.  son  ben  non  |  la  soustenie.  et     201  D. 
degrem  esser  enuious.  |  del  markeis  et  des  altres  prous.  et  des  |  onras  rie  fas 
kitifen^. 

4  En  ioi  mof  lou  vers  et  ^mcs  |1  et  en  ioi  reman  et  fenis.  et  \  sab  ^  botte  en  est     202  A. 
îa^  fins  carbôs  et  \  li  pmencemens.  per  la  bone  pmencance.  |  mi  ven  lois  et 
alegrance.  et  per  oc  dei  la  |  J  bone  fin  grasir.  que  toz  bens  faz  vei  lau  |  sar  al 
fenir.  || 

26  Non  malegre  chans  ni  cris.  |  danz  el.  non  fai  cors  en  grei^.  \  ni  non  sap     202  B. 
j)  q  tenghe^  ni  per  des  mous  dis.  car  ben  lous  perdrie.  seu  cui  |  die  que  voighes. 
ami  dosn  près  ni  mer  |  ces.  car  non  tengues  que  per  me  si  chausis.  |  perdons 
tal  mi  sui  faillis.  Il 

7  Lan  que  fueille  et  bosc  jaur  |  rist.  que  flor  sespan  et  ver  j  dure,  per  ver-     202  C. 
giers  et  per  praz.  et  lauzel  j  qui  sestai  tenic  sunt  gai.  per  me  lou  |  fueillas. 
altresi  chant  et  mesbaude.  et  |  vif  de  ioi  et  rauerde.  et  fueill  segont  |  ma 
nature.  || 

54  Loiaus  amis  cui  amors  tièt  |  ioious.  deit  ben  essre  alegres  |  et  jauzens.     202  D. 
lars  et  ardis  adreis  et  amoros.  |  ère  quan  veit  lou  gais  termines  gent.  q  |  foille 
et  flors  sespandis  per  la  plaigne,  el  |  rouseignol  chante  iouste  el  vert  fueill. 
mais  I  eu  non  am  lor  dous  chans  tant  p  sueill.  |  pos  mi  dosn  plaz  que  toz 
iors  mi  suffragne.  || 

2  Tal  amor  ai  en  mon  cor  encubi  |  de.  per  que  mi  ten  per  rie  et  |  per     203  A. 
honras.  et  plaz  me  moût  que  sie  en  ||  amoraz.  et  en  am  (coin  arraché)  —  |  eau-     203  B. 
sidc.  et  pos  amor  me  —  |  me  pot  tôt  lou  tort  amendar.  que  magra.  —  |  se  dital 
mi  dcstregne.  et  seu  fai  ben  bone  a  |  uenture  auegne.  Il 

82  [Index:  Li  dous  chans]  que  lauzel  cride.  |  —  esbaudir  mon  corage.  ha.  |       203  C. 
—  en  per  boschage.  la  veis  ques  de  le  par  |  tide.  ère  mes  venguz  de  nouel  lou 
talens.  |  notonet  ridel.  et  amerai  5?me  pastor.  |  aurill  et  mai  et  tans  pascor.  Il 

36  Bes  mes  quan  sunt  li  fruit  |  madur.  que  rauerdissent  I  li  gaim.  et  lauzel     203  D. 
per  lou  tens  obscur.  |  baissent  de  lor  veis  lou  refren.  tan  redou  |  ten  la  tene- 
bror.  et  mous  corages  senan  |  ce.  et  chant  per  ioi  de  fine  amor.  ou  nais  | 
ma  bone  espérance.  || 

80  Ha.  me  non  fai  chantar  foil  |  le  ni  flor.  ni  chanz  dau  |  zel.  ni  louseignol      204  A. 
en  mai.  mais  la  meil  |  leur  de  toutes  les  meillors.  et  la  gensors  de  |  la  gensor 
queu  sai.  mi  fai  chantar  Icu  |  preis  que  de  li  nai.  car  per  son  preis  dei  |  ie  ben 
chancon  faire,  si  ferai  eu  pos  li  vè  |  aplaiser.  car  ren  non  fai  fors  que  lou  |  son 
voler,  tant  es  vaillanz  et  sage  et  |  debonaire.  Il 


X.  Autre  main,  comme  plus  haut. 


304  C, 


104  D 


30S  A, 


404  L.    GAUCHAT 

3  A  chatitar  mes  al  cor  que  fi  |  deurie.  tant  mî  raacun  ce  |  le  a  qui  suî 
amigs.  et  sî  lam  mais  que  |  uule  ren  que  sie.  non  mi  val  ren  beltat  B  ni  cur- 
itsîe.  ne  ma  bontar  ne  mon  près  ne  |  mon  sen.  aîtresî  sui  enganade  tl 
liagide.  I  qu eusse  fait  vers  lui  desaumence.  0 

48  Qvant  hom  est  en  akruî  po  [  der,  non  pos  to«  sons  talani  9pEr.  aint  | 
auen.  souent  aguerpîr,  per  altre  graz.  [  lou  son  voïer.  et  pos  en  poder  me 
sui  mes.  1  dam  ors  sigrai  et  maus  et  bms.  et  tors  et  |  drds  et  dans  et  prous. 
quensi  lou  t^man  |  de  raisons.  Il 

Ci  ^mcnccQt  li  motet. 


MÉMOIRE  EN  PROVENÇAL 
PRÉSENTÉ,   EN    1398,  AU    COMTE   DE   SAVOIE 


PAR  LES 

GRIMALDI    DE    BEUIL 


I 

Les  documents  en  provençal  du  comté  de  Nice  sont  fort 
rares,  aussi  nous  sommes  heureux  d'avoir  pu  trouver  aux 
archives  d'État  de  Turin  une  longue  pièce  écrite  en  cet 
idiome  dans  les  dernières  années  du  xiv*  siècle.  C'est  une 
époque  où  l'on  peut  présumer  que  le  langage  était  encore  très 
pur.  Depuis  lors,  de  nouvelles  relations  politiques  et  commer- 
ciales s'établirent  entre  cette  région  et  le  Piémont,  le  comté 
étant  passé  sous  la  domination  de  la  maison  de  Savoie,  relations 
qui  introduisirent  peu  à  peu  des  éléments  étrangers  dans  le 
langage  niçois  et  finirent  par  le  modifier  considérablement. 
Cette  pièce  historique,  encore  inédite,  est  écrite  sur  un  par- 
chemin mesurant  i"*  30  sur  o"  61  et  se  compose  de  176  lignes; 
l'écriture  en  est  assez  claire  et  généralement  assez  bien  con- 
servée, sauf  à  la  partie  moyenne  et  inférieure  de  l'acte,  où  de 
larges  traces  d'humidité  empêchent  çà  et  là  de  lire  quelques 
mots.  Elle  a  été  analysée  dans  son  histoire  des  Alpes  Maritimes  ', 
par  l'abbé  Gioffiredo,  qui  en  a  rapporté  textuellement  les  pre- 
mières lignes. 

Il  s'agit  d'un  mémoire  de  protestation  présenté,  en  1398,  par 
Jean  de  Grimaldi,  seigneur  de  la  baronie  de  Beuil  et  sénéchal 
du  comte  de  Savoie  pour  les  pays  de  Provence  nouvellement 


I.  Edition  des  Monumenta  Historié  pairûe,  série  des  Scriptores,  II,  959; 
éd.  in-80,  III,  377. 


406  C*    DE   PIERLAS 

annexés,  et  par  Ludovic  son  frère.  Ces  deux  seigneurs^  mécon- 
tents du  nouveau  suzerain  auquel  ils  avaient  livré  le  pays  et 
jaloux  de  Tautorité  des  officiers  savoyards  qu'on  envoyait 
à  Nice,  étaient  entrés  en  pourparlers,  paraît-il,  avec  la  maison 
d'Anjou  et  avec  la  république  de  Gènes,  dans  l'intention  de  leur 
faire  passer  le  domaine  du  comté  de  Nice*  Quoi  qu'il  en  fut,  ils 
commencent,  dans  leur  mémoire,  par  se  justifier  de  cette  inten- 
tion, puis  ils  exposent  longuement  toutes  les  persécutions  que  leur 
avaient  fait  subir  les  officiers  du  comte  de  Savoie,  Ils  avaient 
donné  procuration  à  un  envoyé  d'exposer  leurs  grieÉs  i  la  cour  de 
Savoie;  celui-ci,  muni  de  lettres  de  créance  du  24  novembre 
1397,  présenta,  le  6  janvier  de  Tannée  suivante,  à  Bourg  en 
Bresse,  au  comte  de  Savoie  les  réclamations  des  sires  de  Beuil 
formulées  dans  deux  pièces,  la  première  quetidam  roîulum  papireum 
scriptum  lingm  seu  ydyoniatc  Pnrûincie^  la  seconde  en  latin.  La 
cour  désirait  gagner  du  temps,  car  elle  répond  d'abord  que  ce 
jour  est  celui  de  la  fête  de  TÉpiphaaie  et  qu'on  ne  peut  s'occu- 
per d'affaires.  On  remet  donc  au  lendemain.  Ce  jour-là,  les 
conseillers  du  comte  n'étaient  pas  tous  arrivés  :  on  renvoie  la 
réponse  au  mardi  matin,  A  Theure  fixée,  le  délégué  niçois  se 
présente,  on  renvoie  la  séance  au  soir;  le  soir,  on  lui  répond  que 
le  comte  est  sorti  et  on  lui  remet  une  réponse  cachetée  adressée 
aux  Grimaldi,  Tels  sont  les  actes  qui  précédent  le  facium  en 
langue  provençale.  Ace /ar/wm  fait  suite  l'autre  document  latin, 
qui  insiste  particulièrement  sur  l'exposé  des  principaux  griefs 
contre  les  officiers  du  comte  et  sur  diverses  réclamations  : 
demande  de  restitution  des  châteaux  occupés  par  le  comte, 
confirmation  des  droits  et  privilèges  qu'il  leur  avait  jadis 
accordés,  mise  en  liberté  de  leurs  parents  et  serviteurs. 

La  réponse  du  comte  de  Savoie  fut  favorable,  car  Tannée 
suivante  une  trêve  fut  conclue,  puis  en  janvier  1400  la  paix 
fut  rétablie  par  un  nouveau  traité* 

Le  mémoire  même  présenté  par  les  Grimaldi,  et  qui  était  sur 
papier,  n'existe  plus  ;  le  parchemin  est  le  procès-verbal  authen- 
tique des  conférences  rédigées  par  le  notaire  Guillaume  Teys- 
serandi  de  Grenoble  sur  demande  du  délégué  des  Grimaldi.  Il 
s'agit  donc  d'une  copie  faite  sur  l'original  et  le  jour  même  de 
sa  présentation.  Sur  le  dos  se  trouve  le  titre  suivant  :  Son  las 
protestas  fâchas  per  mofu.  Joan  de  GriimuU  r  de  Bueyl,  en  h  tens 
de  la  guerra. 


MÉMOIRE  EN  PROVENÇAL  PRÉSENTÉ    AU  COMTE  DE  SAVOIE    4O7 

'*Ayszo  son  las  rancuras  deïs  autragcs,  ontas,  vergonhas  e  despietz  c 
dapoages  facz,  tractatz,..  per  nions.  Oddo  de  Vilas  govcrnador  e  regadour  '  de 
•^reluxtre  e  traque  poysant  princcz  e  excelleni  mon  senhor  le  conte  de 
Savoya  c  per  los  ufticials  mandatz  pcr  lo  dich  mons,  Oddo  de  Vilas  as  aquestas 
partidas  de  Prohensza  a  governar  lo  dich  pays  de  mon  senhor  de  Savoya , 
coma  leuctenent  del  dich  mons,  Oddo,  los  quais  ^*moQs.  Oddo  de  Vilas  e 
dcsotx  dich  ufficials,  Icuctenent  syeus,  ant  fach  enjuriosaraens  e  vergonabla- 
ment,  conira  drech  e  justicia,  contra  loz  senhor  de  Buelh  e  son  tVayres  mons. 
Loys  e  mons.  Andaro,  e  contra  la  dama  de  Buelli  e  sos  frayres  et  sos  enfans, 
parens ,  ami  s  es  *''e  servi  dors ,  estant  près  loz  senhor  de  Buelh  e  son  frayre 
mons.  Loys  entre  las  raans  e  en  preyson  de  mesier  Anthonioto  Adorno  duze 
que  era  adonx  de  la  ciptat  de  Jeona  e  del  comun.  E  tant  lost  quant  lo  senhor 
de  Buelh  e  son  frayre  foront  en  preyson  dedins  >°lo  caste!  de  Vcntimilha 
preysoners,  foront  requistz  per  messîer  Jorgo  Adorno  firairez  del  sobredich 
mesier  Anthonioto,  que,  si  los  dich  senhor  de  Buelh,  coma  governadour  del 
pays,  c  mons.  Loys  son  frayre,  volguessant  consentir  e  obrar  de  mètre  lo 
pays  ï'de  Prohensza,  que  lo  dich  senhor  de  Buelh  governava,  en  raans  e  en 
scnhoria  del  rey  Loys,  c  si  non  y  poguessan  raetre  toi  lo  pays,  y  messesant  la 
Turbia,  Esa  e  ViUafranqua ,  e  forant  deslivrat  tantost  e  foraz  de  preyson,  e 
lo  dich  mesier  Amho-J^nioto  liir  feraz  autreyar  au  rey  Loys  tout  quant  mon  * 
frayre,  responderon  al  dich  mesier  Jorgîo,  desus  cscrîpch,  que  mays  ameran 
morir  en  preyson  o  que  fossan  menât  a  Jeona  e  perdre  la  testa ,  de  la  quai 
causa  erant  menassatz  pcr  lo  sobredich  mes.  Jïjorgo,  qui  si  ellos  bayllcsant 
ne  acoventessan  de  beyllar  un  plen  pe  de  terra  del  pays  de  mons.  de  Savoya 
a  rey  Loys,  ne  aucum'  de  Jenoa,  ny  a  deguna  autra  persona,  non  obstant  que 
o  agcssam  pogut  far,  car  tout  los  castels  erant  a  las  raans  de  lurs  parens, 
Mamises  e  servi dou rs  ;  e  d'aquet  fait  pot  testifficar  Johan  de  Champroya,  lo 
quai  fuu  mandat  a  Jcnoa  al  duze  e  al  comun  de  par  mons.  de  Savoya  per  lur 
dcslivransia  •  e  vent  cl  castcl  de  la  Pressa  anbe  mes.  Jorgo  Adorno,  ont  lo 
senhor  de  Buelh  e  son  frayre  ï^eran  en  preysoD,  al  quaî  Jobant  de  Sant  Proen 
fom  dich  per  lo  senhor  de  Buelh  e  son  frayre  que  cl  vengues  a  mons.  de 
Savoya  e  a  son  conseîlh  rcquerre  que  messesant  governeraani  el  pays,  que 
non  sy  perdes  a  mons*  de  Savoya,  b  que  y  vengessa  en  Prohcnsza,  ^*quar  lo 
dich  senhor  de  Buelh  manderaz  a  la  dama  de  Buelh  que  li  fesessa  bayllar  las 
fortaressas  al  dich  Johan  de  Sant  Prohen  e  nom  de  mons.  de  Savoya  per  en 
cspecial ,  quar  non  volgron  consentir  la  rcquesta  del  dich  mesier  Jorgo ,  an 
>?estat  en  preyson,  mays  per  aquel  fait  que  per  autre,  .xvj.  raenses  cascuni,  en 
UQ  grant  pareilh  de  ferres;  e  en  remuneracion  del  trabaylh  c  de  la  pena  que 
n'ant  suffert  e  del  bon  servici  que  pensant  aver  fach  a  mons»  de  Savoya,  que 
Dieus  [ayaj  l'arma,  quant  **lo  feront  senhor  de  Nisza  c  de  Tautre  pays  que  a 
en  Prohcnsza,  e  per  donar  mclhour  essempicz  a  ellos  e  a  tout  autres  que  vuel- 


1.  Sic,  corr.  regidûur,  —  2.  Il  faudrait  itm» 


4^8  C.    D€   mERlAS 

luuit  servir,  cne^-ser  e  ommeotir  lo  hm  e  roociir  ik  Tostil  de  motis.  de 
Sâvoya.  onoas.  Odâo  de  MUs  cb  atîtpcs  veogut  «^m  Profaoïsx^  Iciftamif  per 
lo  dîcb  nions.  Odiîo  de  Vil»  a  govcnui  lo  pky&i  ^Q  na^t  il  icrtbor  Je 
findh  e  $0$  &^>ii£s  e  a  la  dimi  de  Buelh  r  ab  beos,  {nfcns,  axabcs  c  servi- 
4oiQxs  qufC  ilcsûs  s*eii  sd,  c  map  tf^mtoft  «mims,  ^klpiCTI,  d^wage»  c  ^«er* 
gonlus  qoc  Qoa  «m  ^^oip  e  que  scnDot  tiop  looc  «  eacriémc.  E  prcoâLpt^ 
tEKDt,  que  u^  tio^  quant  Ibrûnt  preirses  k»  seikbar  de  fiuelh  e  k»  ^^tyrt^ 
motis^  OIdo  de  \lks  niaoiief  Frâacejs  Coi&|Hm  m  Nkn  aa  km  de  ots- 
«eostt  de  WÊomaikÊm  **é€  Sxvtjri  qtie  sy  «Hdgbz a  k  dma de  BiBe&«  toat- 
ififit  lie  oM&Mitiit  •  b» de  put  aioas,  de  Sak^s  ede  nom^ Oddo  de  V3as  e 
dd  coctselhp  e  d'uma  |utt  lo  ^di  Fiidgcs  Ckwnfmn,  ieÊm  peàt  de  îon^ 
pPMOïKi  ki^s  al  cooadh  ie  Nbsa  de  aqcnsa  fie  d  n  âi  *'gppcm«r 
doQis  ;  e  iatret  ea  fis^  e  puis  s'ea  to^  _«  «pbi  al  oscd  de  î^za  an  ,C.  o 
,x\.  Tins  hcRiis  anaOiiix,  on  n'avli  mb  di  i^iom  e  J?  crraees  ^se  de  iô»,  e 
lit  a  k  d«n»  de  &Mllt  foe  db  pcMS  de  siAk  M  cK^  e  raw  ^a  «ien 
VAb,  isi^fie  f<%iiti«  &Êhi^wmwB^^m^tB  pie  :  la^nld^Bapûi 
^  CC3ifiK  BcDa  t^Qt  Jiaf  flœ  vcf  aflsc^ia  bhc^^b  la  1 
pif  ttr  eft  luji^  n  sniha  c  sd  i|Be  s^a  dodeni^  c  : 
••jiMliâEi  jTimhattfeaiB^gpaa^aigcifa  yi  to»  e  gâta  la  a 
L  de  la  ^te^^Hôa  J^  ^^^^^  Cj^^^^^  ^^^^^  __|^_jj  « 

^aes  btfbat  dcb  «ilHsIoi  pnsne  Id  MiÂr»  | 

IBI  pedKa  sofôBa,  e  4>afe  40e  ma  en  4a  a  f cttd  de  sa  ^ugjfc^  <  1 

10|K^B&fBl3dEHL'' — IS^K^  JpR5  SJ^B  Jpâ 

er^Eiis  fr.M  ^-  *^::::  r>£C::  ç:3«f  d^t::  x^iiLi  mis  .^;iif  _^-  xss.,  t  -mrm^jr  ias  en  sa 

::z\z  rD^Tir  r«sr  1"  cirrir.,  ç:::£r  Frirc2<  CrrTg'«r::>  j»  vrini  àr  waK:  *  anesic 

Tien?  jc*  cisîiî  Oi  li  T^r^ù-  r-ï  îfi?  xarx*  frtrursfsis.  r*'  i  inrr  OTt  x'iœssa 
iscrjL  jj  js^TsSv.  oi  S^^cn-i  i  ^  ior  ^-rcgr^^  tut  i?irjsi.  ^  icm  -mirt:  *  ^gty»T;«^ 
«e  car  1:  oj^  FriTCis  Cv^-nrcur:?-  sr  'a  ^'i.«irrt  ^iii  i  rru.  niinrT  ^  inni&  cfl 
Srtc*r-i  ^  C!*<Cî4c:&ni^  rcc  Tiii  n-a  rcr  iei ,  ttj:?  -çm  TDni&  ik  fartr^^  Tizîfiii 

itiotiî:  Frinciî-  CTmrmr:^    i  .  f-xj-^s?  ^  Ik  r.:rmf  in  3lLKiIi  ^  air  n:s3L  iit  Xîiaa 


r'.nir  riv..  —  ^.  vijiri. 


MÉMOIRE  EN   PROVENÇAL    PRÉSENTÉ  AU  COMTE  DE   SAVOIE    4O9 

fora  de  la  taula,  dînant  si  decosta  clla,  losquals  confortavam  ta  î»  dicta 
dama  de  Buelh  lut  seror,  al  mieulx  que  podiant  ;  lo  quart  guisardon.  —  Iicm, 
après  a>^zo  fey  comandanient  lo  dich  Franceys  Compaas  que  a  la  dîaa  dama 
de  Buelh  non  venguessa  parlar  oi  vcser  deguni,  ny  deguna  de  la  ciptat  de 
Nisza»  ^*ny  denguni  '  autre  que  y  vengues,  e  aquo  sus  grani  pcna,  mas  ïi  facia 
estar  e  nuech  e  jort  los  compagnons  dcl  sosvïguier  aszque  denguni  non   U 

vengues  :  lo  sinquens  guîsardon.— comandament  Frances  Compans  a  la 

dama  Mde  Buelh  que  tant  tost  pensât  »  de  vuydar  e  de  eysir  fora  de  la  ciptat  de 
Nisza;  c  si  non  o  fescs,  que  el  li  fera,  so  est  una  nuech  en  Tostal  que  ella 
estava  e  venia  una  ...feyturira;  *»la  quai  dama  qualt  que  cUa  si  partis  de 
Misza,  e  a  grant  pena  pot  avcr  /}.  frayre  sieu  qui  Tacompagnes»  e  boticari  e 

dous  notaris  corapaire  sieus,  sen  degtini  autre sieus  que  pogues  aver»  an 

grans  ïsneusc  a  grans  pluyas  e  mal  temps^  convent  que  partissa  de  Nisza  c 
ptada  defora,  coma  si  fossan  una  paura  guaysanarîs  :  lo  seysen  guisardon.  - — 
'Item,  après  ayszo,..  lors»  ontas  e  vergonhas  e  dapnages  ''*que  li  erant  estât 
faiz,  si  mandai '^  .ij.  ser\'idours  sieus  a  mons.  de  Savoya  e  a  nions,  Odo  de 
Vilars  e  als  senhours  dcl  conseilh,  que  lur  plagues  de  remediar  que  las  dichas 
...  e  que  rason  U  fos  fâcha  e  non  ^nort.  E  sus  ays^o  mous.  Odo  de  Vilas  a 
escris  a  la  dicta  dama  que  mons.  Deris  de  Valgrinosa  fora  tantost  de  par 
de  sza  en  Prohensza,  e  réparerai  las  causas  que.,,  en  maneyra  que  la  dica 
dama  fora  s*contempta;  e  si  fetx»  coma  desotz  s'en  set  après  »  e  tantost  coma 
mons.  Dcris  de  Valgrinosa  fon  vengut  en  Prohensza,  la  reparacion  fon 
aquesta  que  el  anet  Icvar...  senhor  de  Buelh  lo  castel  del  Puguet  ^'e  tota  U 
val  de  Masoins,  lo  quai  mons«  de  Savoya,  que  Dieus  aya  Tarma ,  lur  avia 
donat,  quant  vent  a  Nîsza  esser  senhor  per  lur  oubra  e  tractameni,  e  ja  avia 
près  la  possession  e  tenian,  e  de  la  val  de  Masoins  près  l'omage  ^'*mons, 
Loys  :  lo  scptcn  guisardon,  —  Item,  après  comandet  lo  dich  mons.  Dcris  ab 
hommes  de  Roura  *»  los  quais  eran  e  son  de  la  senhoria  de  Buelh,  denant 
que  mons.  de  Savoya  vengissa  en  Prohensza,  que  non  deguessan  donar,  ny 
res^'pondre  denguna  renda  a  la  dama  de  Buelh  ni  a  deguni  per  ella  d'aqucl 
luec,  mas  volia  aver  la  fortarcssa  dcl  castel  de  Roura,  si  âges  p>ogut,  antras 
sas  mans  ;  lo  .viij.  guisardon.  —  Item,  après  lo  dich  mons.  Deris  ^"passant 
per  lo  castel  del  Sares*,  lo  quai  cra  e  es  de  mons.  Loys,  frère  del  senhor  de 
Buelh,  avant  que  mons.  de  Savoya  venges&a  en  Prohensa  esser  senhor,  lo 
qu.il  castel  mons.  Deris  volia  aver  en  sas  mans,  e  comandet  ^^a  aqucllos  que 
lo  gardevant  que,  sus  la  pena  de  la  força,  la  li  aguessan  rendrez  e  beyllar 
antre  sas  mans,  voilent  lo  levar  a  nions.  Loys  :  lo  Jx.  guisardon,  —  Item, 
âpres  ayszo  un  petit  bénéfice  de  nostra  dama  de  Dans,  loqual  es  dopiat  per 


1,  On  lit  plutôt  dmguni^  ici  et  plus  loin,  —  2.  Suppl.  Item  après  aysp  fcy* 
-^  }.  li  faudrait  en  prov.  penm^  en  fr,  pensmt.  —  4.  Corr,  mumkt.  — 
j.  Village  de  la  vallée  de  la  Tin<k,  —  6.  Sk^  voir  la  table. 


EcAelitefc^  Mâsa  e ca  feu 

per  lo  serrici  qoe  lo  didi  senhor  ie  BaeOi  e  son  trayre  moos.  Loys  fi  zrîjn 
ùdt,  d  dkh  mons.  Oido  de  Vihis,  uni  tost  quant  fîx  a  Nisza,  rGniet  a 
Tevesque  ic  Nisu,  lo  quai  era  esut  rot  jort  e  es  enemic  de  "^Hdoos.  de 
Savoya,  i'ercsquat,  e  k»  mes  en  possessoa  de  sa  rendi  dei  «fit  evesqoat  pcr 
nul  e  dos  cens  ûot.  o  pins  que  n'at  lo  dit  mons  Oddo  e  aknm  de  son 
coQseilh,  e  lo  desos  dit  mons.  Derins  vie  Valgrinosa^  coma  leoctenent  de 
mons.  Oddo,  7»tout  jort  vessant  e  comaadant  a  grans  penas  a  la  dama  de 
Badh  e  als  hommes  de  La  terra  de  BueOi  que  degnessant  obeszr  e  las  rendas 
baylar  a  l'esvesque  de  Glandeves,  de  que  la  didu  dama  e  homes  an  agut  grans 
dans  e  viten  "Jessers  '  :  e  ayso  es,  etc.,  lo  .xij.  guisardon.  —  Item,  après  ayszo 
lo  susdit  mons.  Derins  de  val  Grinosza  estafnjt  a  Xisza  leuctenent  pour  lo  dicii 
mons.  Oddo  fej-  trateyment  e  fey  pendrez  lo  castel  de  Gatieras  e  NapoHon  de 
Grimant  Éra>Te  de  ^b  dieu  dima  de  Buelh ,  e  b  dieu  presa  fey  tractar  e 
far  a  certz  pre\Tes  e  capelbns  eaemises  de  mons.  de  Savoya,  lo  quai  erant 
de  b  terra  del  senhor  de  Vensza,  homes  del  rej-  Lo>-s,  lo  quai  Napolion  fon 
nafrat  e  pbgut  entru  a  b  mort ,  ^re  Je  uru  man  despoderat,  e  tôt  son  foire 


I.  Corr.  priyftus.  —  2.  Corr.  iwittm,^tssas  ? 


N 


MâxMOIRE  EN  PROVENÇAL  PRÉSENTÉ  AU  COMTE  DE  SAVOIE  4I I 
Je  l*osul  près,  detcngtit  e  raubat,  e  son  castel  près  e  establit  pcr  lo  dich 
nions,  Derins,  lo  quai  castel  era  agut  donat  al  dîch  Napolion  e  als  sieus  pcr 
mons.  de  Savoya,  que  Dieus  aya  î^Parma,  e  quant  îo  dich  Napolion  plagas, 
lo  dich  nions.  Derins  lo  fetz  mcire  dedens  îo  casteï  de  Nisiia,  coma  bon 
mcgc  en  preyson^  c  a  grant  pena  lo  la3'sava  mejar,  c  lo  teni  ben  très  mescs  en 
prcyson,  e  an  reiengui  e  tenont  b  "castel  que  jamays  deguna  rason  ni  justi- 
cîa  non  an  pogui  aver  si  non  mensoneguas  e  bellas  paroUas  sen  fhit.  E 
quant  demandava  lo  srcu  esser  tornat  tout  jort  en  preyson,  e  ayszo  es,  etc., 
lo  .xiij.  guîsardon, —  Item,  après  ayszo,  ^^'quant  lo  senhor  de  Buelh  e  son  frayre 
foron  fora  de  preyson  e  foron  en  Menton  per  venir  a  lur  meysoo,  van 
escriure  a  la  Corna  de  Rogimon,  lo  quai  avia  laysat  son  Icuctenent  mons. 
Oddo  a  Nisza,  que  ellos  avjan  ausic  qu'el  dîch  Corna  *'avia  establit  los  passes 
e  per  niar  e  per  terra  per  penre  los,  e  que  ellos  n'avian  grant  meravilha, 
quar  ellos  veniant  per  anar  s*en  a  lur  osial  ben  e  gradosament,  e  que,  de  lur 
hostal  en  foran ,  ellos  demanderan  rason  a  mons.  de  Savoya  e  a  son  conseilh 
de  '''las  oustrages  que  lur  eran  estadas  faytas  mal  a  poynt,  e  que  as  el  ni  al 
pays  non  n  ayan  rcn  a  demandar,  quar  non  lur  podiant  far  rason,  pcr  que 
volian  saber  de  la  Corna  se  podiant  passa r  seguremant  per  la  terra  de  nions, 
de  Savoya  *»a  anar  s'en  a  lur  ostal  ;  e  la  Corna  lur  mandet  per  Io  bastar  de 
Bussin  que  el  lur  deiïendta  que  non  fossan  si  ardît  de  venir  a  Nisza  e  per 
Tautrez  pays  de  mons  de  Savoya...  que  y  pogessan  passar,  ^«quar  so  que 
non  avia  devedat  non  calia  que  asegurcs  ny  desasegures,  per  que  sus  ayszo 
covent  que  lo  senhor  de  Buelh  e  son  frayre  passessan  per  lo  tcrren  dct.,.;  lo 
.xiiij.  guisardon.  —  ^'Itcm^  après  apzo,  estant  lo  dich  senhor  de  Buelh  c  son 
frayre  a  Menton,  lo  bayle  de  Levens,  hommes  del  dich  senhor  de  Buelh,  los 
vent  vesir  a  Menton  per  plaser  que  ac  de  lur  desliuransa,  coma  tout  fisel  home 
deu  aver  del  ben  de  son  '^%enhor,  e  quant  lo  dich  baylles'cn  fon  tornat  a  Levens, 
la  Corna  de  Rogimont  lo  mandet  quurre  e  lo  fey  mètre  en  preyson,  e  la  nuech, 
a  la  corda  estacat,  lo  fey  finar  ij'^.  florins,  que  avant  que  jamais  sia  sallic 
de  preyson  Ten  fait  '*7pagar  cent  e  xxx.  flor.  :  lo  .xv.  guisardon.  —  hem, 
ancara  ^  raays  mons,  Deris  de  Valgrinosa  si  fetz  penre  Anthoni  Pcyre  de 
Niua,  amie  especial  e  servidor  del  senhor  de  Buelh,  lo  quai  s*era  tout  jort 
travaillât  en  lo  ben  e  en  la  ^•'honor  de  mons.  de  Savoya,  e  mes  y  coris  e  bcos 
tant  avant  coma  deguni  autres  del  pays,  segon  sa  poyssansa,  e  Io  mes  en 
preyson  en  dos  (?)  pais  de  Senes,  e  U  fes  ftnar  e  pagar  .iij^.  flor,  avant  que  li 
escapeSf  scnconeysan^^cz  du  jugi  :  lo.xvj.  guisardon  :  —  Item,  lo  dich  mons. 
Deris  e  mays  la  Corna  de  Rogimont  ant  fach  cridar,  cascuni  estant  uffidal» 
que  deguni  non  fos  si  ardit,  sus  grant  pena,  que  venguessant  vesir  lo  dich 
senhor  de  Buclb,  ny  »^  son  frayre,  ny  parlar  lur,  coma  si  fossan  cscorainiatz 
o  Jusieus  o  Sarftsins  :  Io  ,xvij,  guisardon.  ^Itcm,  lo  dich  mon.  Ekrins  fct 
penre  Maiieu  de  Grimaut,  frayre  a  la  dicta  dama  de  Buelh  c  loz  fet  mètre  en 


r  Ms,  apcara. 


412  C»    DE   PIEiaA: 

preyson  scn  deguna  rason,  mas  ^'per  aver  de  sou  *irgent,  al  quai  fat  pag 
entre  joyels  c  argent  de  cent  a  .v^^,  florins  :  lo  .xvHj.  guisardon.  —  lie 
;iprcs  avszo  aj.  bons  home^  de  BarcîUona^  los  quâls  dels  mdiors  e  dcis  pla 
leyals,  c  son  de  mons*  de  Savoy  a,  ^'e  l'unî  a  non  Falco  Amaut  c  l'autre  Sa| 
vayre  Manuel  ',  los  quais  crant  vengut  vesir  lo  senhor  de  Buclh,  e  quant  i 
Corna  o  a  saput,  los  a  mandat  penre  per  tnetre  en  preyson,  e  lour  pcnrc  ^ 
raubar  tôt  so  que  eraz  «^dédias  meyson;  et  quant  aquellos  son  anat 
Savuya  c  an  appelât  a  nions,  de  Savoya^  e  an  aduch  letras  d*eJ  que  deguessan 
esser  restituit  de  lur  dapnage,  quant  présenteront  las  letras  al  capkan  de 
dllona,  los  fetz  mètre  **cn  preyson  :  la  .xix.  guisardon.  —  Item,  après  aysxa  la 
dich  senhor  de  Bnelb  volant  demandar  rason  als  desus  dicli  mons.  de  SavoyJ 
[mandet]  Peyre  Nègre,  home  e  procuradour  sieu  e  de  son  frayre,  a  supplicar  3 
mons.  de  Savoya,  présentant  H  'ïla  supplicacion  e  requesus  que  lî  pbgues  qu 
los  tors  e  injusticias  que  erant  fâchas  al  sobredich  senhor  de  Buclh  e  son  trayn 
que  li  plagues  de  far  reparar,  c  de  far  rendre  a  mons»  Loys  sa  terra  que  li  ei) 
aguda  Icvada  per  raons.  Dcris  d'aver...  franchi'^raent  de  las  convcodon 
fâchas  c  juradas  entre  monsenor  de  Savoya  cl  dich  fra\rres,  e  de  S20  demanda 
carta  e  cartas;  e  quant  Mcrmct  Rogict  secretari  de  mons.  de  Savoya  legï(? 
la  dicta  requesta,  mons.  Odo  de  Vilas.,.  et  non  en  ley^'set  Êir  cana  degun 
mas  lo  menacet  fort,  tan  que  s'en  retomet  sens  deguna  causa  Ciyre  :  lo  .icxj 
guisardon, —  Item,  après  ayso  lo  senhor  de  Buelh  c  son  frayre  non  cessant  i 
de  requerre  lur  senhor  mons.  de  Savoya,  si  anet  mons.  Loys  en  non  de  si  i 
de  son  frayre  ^^en  Savoya  al  dich  mons.  e  a  son  conseil,  requiant'  li  que 
plagucs  de  far  rendre  al  senhor  de  Buelh  la  senescalcia,  la  quai  ly  avia  dona 
mons,  de  Savoya,  que  Dieus  perdont»  a  .x,  ans,  cotna  esta  prcvelegons(?)  i 
letras  *,  c  U  plagues  de  far  rendre  sa  terra,  la  quai  li  ^'era  estada  levada  ] 
mons.  Derins,  e  mons.  Odo  de  Vilars  h  respondet  que  de  sro  non  fera  ren,  i 
li  dicï  pron  de  paraulas  ergoîosas  e  malgraciosas,  c  fon  die  al  dit  moos.  LoysJ 
per  alcuns  de  pais  de  Savoya  que,  si  non  partis  tantôt,  que  mons.  Odo 
Vilars  lo  fera  "*"penre,  non  obstant  lo  salconduit  que  avia  de  mons.  de  Savoya^] 
per  que  lo  quah  a  partir  an  grant  coyta  :  lo  .xxj.  guisardon.  —  Item,  âpre 
ayszo  mons.  Loys  es  agut  retornat  a  Tosial  de  son  frayre  e  sieu  c  anct  1 
Monegue  per  alcunas  besognas  que  "^' y  avia  a  far,  la  Corna  de  Rogimont  li  î 
fach  pcnre,  elo  castellan  de  la  Turbia  an  son  nom,  ceria  quaniitat  de  bistiafl 
c  de  rouba,  la  quai  li  anava  a  Monnegue  per  sa  bessonha,  laquai  bcstiiin 
rauba..,  recoubrar;  e  après  szo  la  dicta  '***Corna  vat  amassar  di versas  gens  d^ 
Nisza  e  de  Tautrcz  pais  per  penre  e  per  etabUr  las  doas  pars  del  castd  âû 
Levens,que  sont  del  senhor  de  Buelh,  en  lo  quai  luec  de  Levens  anetc  nou. 
lo  .xxij.  guisardon    —  •^^Itera,  mons.  Oddo  de  Villars»  quant  fon  a  NiSita^  la 


I.  Quoique  le  parchemin  soit  ici  un  peu  endommagé,  on  Ut  Mamàd  i 
non  Maure! ^  comme  a  lu  Gioflredo  dans  Tanalyse  de  celte  pièce.  —  2.  5/V,l 
corr   nqmrent,  —  j.  Corr.  conui  canna pcT  prn'elegh.  —  4.  Lacune? 


MÉMOIRE  EN  PROVENÇAL    PRÉSENTÉ  AU  COMTE   DE  SAVOIE    413 

senhor  de  Buelh  e  son  frayrc  lur  aviant  mandat  .j.  de  sos  servidors  an  letras 
cornant  ellos  erant  deslivre  de  preyson,  e  que  aviant  grant  désir...  lo  dich 
>o4Valeniin  servidors  lour  li  ac  bayllat  las  lettras,  e  s'en  anet  portar  en  d*autras  a 
la  dama  de  Buelh,  e  puis,  retornat  a  Nisza  ont  avia  sa  molier,  e  mons.  Odo  la 
fat  penrc  e...  la  Corna  '^sde  Rogimont  que  li  feses  donar  de  (?)  tract  de 
corda,  e  si  fetz,  e  tantoz  (?)  que  lo  dich  Valentin  esta  coma  mort  e  despoderat, 
e  li  volgron  fardir  per  forsza  de  torment  causas...  de  Buelh  »*>*e  son  frayre  a 
mesier  Sadoc  Sapia,  jugi  que  era  d'apellacions,  loqual  facia  tirar  Valentin,  per 
comandament  de  la  Corna  ;  dit  Valentini  :  «  Si  tu  voles  enpoysonar  lo  senhor 
de  Buelh...  »  deslivrez  (?)  ;  »  »°7lo  quai  baylet  non  o  vole  autroyar  a  la  Corna  de 
Rogimont  l'a  depuys  tan  tengut  en  preysons  tro  a  tant  que  n*a  agut,  el  els 
autres,  .Ixv.  florins  :  lo  .xxiij.  guisardon.  — Item...  sieu  home  »°*e  vicari  de  sa 
terra  en  Puymont  per  sas  besonhas  proprias ,  non  per  causa  de  dapnage  ny 
de  deysonor  de  Savoya,  c  la  Coma  sabent  o  mandet(?)  al  bayle  de  sant 
Esteve...  lo  dich  '«'home  del  senhor  de  Buelh,  que  lo  preses  e  lo  li  menés 
estacat  a  Nisza,  lo  die  bayle  avia  fac  mas  si  lo  dich  home...  Coma  de  Rogi- 
mont "°en  vol  aver  cent...  de  la  villa  que  si  soperon  la  nuech  en  lo  dich 
home  del  senhor  de  Buelh...  far  tirar  a  la  corda  *''tro  a  tant  que...  lo  juge 
ny  voler...  que  tota  la  "'terra  que  li  era  estada  donada  per  mons.  de 
Savoya...  aguda  levada  per  lo  susdit  mons.  Oddo...  trobar  ambe  lo  dich 
"ïmons.  Oddo  lo  dich  mons.  Loys  escrius  una  letra  a  la  Coma  et  al[s]  scn- 
degues  de  Nisza,  que  sa  entencion  non  era  poynctz  d'aver  mons.  Oddo  de 
Vilars  per  ufficial  ni  autre  en  son  non...  lo  dapnage  c  des"*trucion  de  si  e 
de  son  frayre  e  la  dicta  Corna  de  penre  e  de  far  penre  e  destmyre  de  cors  e  de 
bens  lors  e  lurs  scrvidours  ambe  trataraens  e  engiens  (?)  malvayses,  de  que 
procéder  (?)  alcuns...  e  la  vila  de  Nisza,  e  per  diversas  "J.autras  malicias,  trou  * 
e  eniquictatz  que  erant  tôt  jort  fâchas  al  desus  dich  mons.  Loys,  per  que  los 
censdegues  de  Nisza  requere  fcron  lo  senhor  de  Buelh  per  lurs  letres  que... 
volges  cessar  "*de  non  far  dapnage  a  ellos  ni  a  leurs  gens,  e  sus  ayso  lo 
dich  senhor  de  Buelh  y  mandat  de  sas  gens  per  remediar  a  la  dicta  malenco- 
nia,  als  quais  est  mal  vengut (?)...  Lo  susdich  senhor  "7de  Buelh  vesent  la 
dicta  malenconia  que  era  entre  lo  dit  mons.  Loys  son  frayre  e  la  vila  de 
Nisza,  la  quai  despleysiaz  fort,  e  vesent  la  requesta  dels  cendegues  de  Nisza, 
si  escrives  una  letra  a  son  frayre,  mons.  Loys,  lo  noble (?)...  Amerigon 
d'Auriac  "*e  Peyrc  Nègre  clavari  de  sa  terra  e  home  sieu  e  Johannet  de  Sel- 
hont  servidors  sieus,  per  pregar  a  son  frayre  que  riota  ny  malenconia  ne 
fossa  entre  el  e  la  villa  de  Nisza,  e  per...  e  poynt  a  sa  "'poyszansa,  e  atresin  lo 
dich  Amerigon  d'Auriac  anava  au  dich  luech  de  Monegue  per  penre  congié 
del  dich  mons.  Loys  de  Grimaut  per  anar  s*en  en  son  pays  vers  monsenhor... 
c  anar  a  son  servici;  "°e  sus  szo  aneron  al  dich  luec  de  Monegue,  e  quant 
agron  parlât  al  desus  dich  mons.  Loys,  retornant  s'en  vers  lour  senhor  de 


I.  Suppl.  tu  seras?  —  2.  Pour  tort:(. 


414  C.    DE  PIERLAS 

Buelh  enseraps  an  lo  noble  Vîta  de  Bloys,  loqual  per  "Ulcuns  argcn  que  :mA 
a  recobrar  a  Turin  de  mons.  de  Savoya,  que  Dieus  aya  Tarma,  per  lo  boo 
servici  que  li  feu  quant  vent  esser  scnhor  de  Nisîta  e  per  aucunas  autras 
besonhas  del  senhor  de  Baelh,  non  pas  causas  que  fossan  contra  lo  *"ben  ni 
d  ooor  de  mous,  de  Savoya ,  la  quai  causa  plus  tost  volgra  morîr,  e  vent  lo 
desus  dîch  per  mar,  quant  foron  devant  Nisza ,  una  galiota  de  Catakos  lo« 
asalhi,..  que  s'apelki  "îEsae  del  destrech  de  Nîsza,  pensant  esser  saul*  coma 
e  la  terra  de  lur  senhor  de  mons.  de  Savoya  coma  déviant,  quar  entre  Sa- 
rasins  en  a}ial  cas  feran  segur,  lo  casiellan  del  dich  castel  d'Eza  e  las  gens  del 
luec  presarent  **^lo  dich  Vita,  Aymerigon,  Peyre  Nègre  e  Juhant  de  Selbont 
e  diverses  autres  homes  e  servi  dors  del  dich  senhor  de  Buelh,  c  los  meneron  a 
Nisxa  al  dich  Corna,  las  mans  Hadas  tros...  coma  se  fossan  traydours,  e  szo 
fom  per  son  coraanda"ïment;  e  quant  foron  a  Nisza,  la  dicta  Coma  los  fet 
mètre  en  sccres  e  en  preyson,  e  après  .v,  o  -vj .  jors  la  dicta  Corna  de  Rogimont 
fait  venir  devant  si  Aymerigon  d'Auriac  c  Johanet  de  SeUion  e  dous  autres, 
sensa  far  procès"*  degunî  contra  ellos,  ni  autra  conneysansa  de  drech,  non 
obstan  totas  apellacions  per  aquellos  fâchas,  comandet  que  Amerigon,  Joha- 
net de  Selhon  edous  autres  fossan  pend  ut  per  la  gorja  e  lo  desus  dich  Doblc 
Merigon  a  usent  sko,  ^^^rcquis  a  la  Corna  que  li  plaguessa,  pos  lo  volia  fax 
morir,  que  li  feses  tranchât  h  testa  per  honor  de  mons.  d'Arraa[n]hac,  del  quai 
era  home  e  subgiet,  e  per  honor  de  son  hordre,  lo  quai  li  am  donat»  c  per 
drec  de  gentillesza;  "*e  adont  lo  dich  Corna  respondct  que  non  en  fera  ren, 
mays  lo  fera  pendre  coma  layron,  e  lo  fet  pendre  e  el  e  Johan  de  Sethon  c 
dous  autres  en  lur  compania,  e  ancara  tcnom  lo  dich  Vita,  Pcyrc  Nègre  c  tos 
los  autros  en  prey^^^sons,  moût  a  mal  ayse  e  en  grant  detrecha,  e  a  fattirar 
lo  dîch  Corna,  Peyre  Nègre  a  la  corda  per  tant  de  veti  que  coma  mon  es 
restât  e  es  tout  jors  del  grant  torment  que  li  fant  endurar  per  fer  li  dire  cau- 
sas contra  *i**lo  ben  e  Tonor  del  senhor  de  Buelli  e  de  son  frayre  e  per  dcs- 
trucion  lure  de  sos  parens,  servidors,  amises;  las  quais  causas  sunt  falsas  c 
malvaysas  e  contra  ventât,  e  son  totas  fâchas  per  deyssonour,  onta  e  dcspiei 
del  dich  senhor  de  *î^Buelh  e  son  frayre.  Per  que  lur  sembla  que  aysi  a  mal- 
vays  guisardon  c  croj^a  paga  deî  bon  servici  que  lo  senhor  de  Buelh  e  sos 
frayres  parens,  amisez  e  servidors  an  fach  a  mons.  de  Savoya,  que  Dieus  aya 
Farma,  cant  lo  feron  senhor  de  *HNisza  e  del  pays  e  a  mons.  que  es  aura, 
quant  ii  feron  penrc  los  omages.  E  per  totas  aqu estas  ont^is,  autrages,  des- 
piecz  e  dapnages,  e  diversas  autras  que  sarian  trop  longas  a  escriure,  lo  dich 
senhor  de  Bueîhe  son  frayre  mons.  '^Coys  mandan  supplicar  e  requerre  a 
mons.  de  Savoya  e  a  son  conscilh  que  U  plassa  de  mètre  rcraedi  en  las  desus 
ditas  causas  mal  fliytas  e  mal  a  point  cootra  los  susdîch  senhor  de  Buelh  e 
son  frayre,  parens,  amises  e  scrvidours,  e  en  lo  cas  *ï<que  non  li  plasza  lantost 
de  remediar  y  sensa  denguna  demora,  lo  dich  senhor  de  Buelh  e  son  frayrç 


I,  Pour  sah^  sauf. 


MÉMOIRE  EN  PROVENÇAL  PRÉSENTÉ  AU  COMTE  DE  SAVOIE  413 
mandan  protestât  e  protestan  per  lur  dever  e  honor  al  dich  mons.  de  Savoya 
eson  conseilh  que  d*aqui  avant  metran  remedi  en  lur  nsfaich  e  si  conselhi- 
rant  corne  bon  e  bel  lur  semblara  ;  atendent  que  ont  non  lur  atenden  ren  que 
mons.  de  Savoya,  que  Dieus  aya  l'arma,  lur  agues  promeys  ni  jurât...  que 
non  sien  *î*dcstruch  per  la  malicia  et  eniquitat  de  mons.  Oddo  de  Vilars, 
encmic  lur  capital  e  mortal  per  son  grant  tort,  et  que  jamays  non  li  feron 
onta  ni...  lo  dich  mons.  Oddo,  coma  governadour  Ȕ7e  uflScial  de  Savoya, 
tos  jors  los  a  volgu  e  vol  destruyre,  e  non  obstant  toutas  ontas,  despiecz  e 
dapnages  desus  escris,  lo  dich  senhor  de  Buelh...  fach  ni  volgu  farde  no- 
«î^vel  contra  ufficial  sieu  ni  deguni  del  pays  entre  al  jort  d*uy,  e  espérant  tout 
jort  que  mons.  de  Savoya  e  son  conselh  meseran  lo... 


TABLE  DES  NOMS  DE  PERSONNES  ET  DE  UEUX 

Adorno,  Anthonioto,  29,  31,  doge  de  Gênes. 

Adorno,  Jorgo,  Jorgio,  30,  32,  etc.,  frère  du  doge. 

Andaro,  frère  de  Jean  de  Grimaldi,  seigneur  de  Beuil,  voir  Grimaut. 

Armanhac,  mons.  d*  — ,  127,  le  comte  d*Armagnac. 

Arnaut,  Falco — ,  92,  de  Barcelonnette  (Basses- Alpes),  partisan  des  sires 
de  Beuil. 

AuRiAC,  Ambrigon,  Aymerigon,  Merigon,  d'  — ,  117,  119,  124,  capi- 
taine gascon,  hostile  au  comte  de  Savoie;  deux  familles  de  ce  nom  existaient 
dans  le  Gapençais. 

Barcillona,  91,  Barcelonnette  (Basses-Alpes). 

Blois,  B-ys,  Vita  de — ,  120,  124,  capitaine  de  2$  lances  au  service  des 
comtes  de  Savoie. 

Buelh,  îo  setilxir  de  — ,  27, 29,  etc. ,  Jean  de  Grimaldi,  fils  aine  de  Bamabas  et 
de  Béatrix  de  Glandevès;  la  dama  de  — ,  28,  36,  etc.,  Bigotte,  femme  de 
Jean  et  fille  de  Pierre  Grimaldi  et  d'Englesia  Gentile. 

BussiN,  LO  BASTAR  de  —,  83,  Burcard,  bâtard  de  Bussy,  châtelain  de  Sainte- 
Agnès,  près  Menton,  en  1410;  famille  du  Bugey;  en  1337,  Etienne  de  Bussy 
reçoit  Aspremont,  en  Bugey,  en  fief,  d*Humbert  de  Thoire-Villars;  Guigone 
de  Bussy  ep.  François  de  Rogemont  (voy.  ce  nom). 

Catalans,  una  galiota  de  — ,  122. 

Champroya,  34;  Sant-proen,  35  ;  Sant-prohen,  37,  Johan  de  —,  gen- 
tilhomme de  la  cour  de  Savoie,  p.  e.  étranger. 

Clans,  Nostra-Dama  de  —,  63;  prieuré  et  collégiale  au  village  de  ce  nom 
dans  la  vallée  de  la  Tinée,  arrondissement  de  Puget-Théniers. 

CoMPANS,  C-^-NS,  Franges,  F-eys  — ,  40,  41,  etc.,  François  de  Compeys 
(ou  de  Compoys),  gouverneur  de  Nice,  chevalier  savoyard,  probablement 
François  de  la  branche  du  Valais,  vidame  de  Conches  et  mayors  de  Viège; 
François,  de  la  branche  Savoisienne,  en  1434,  est  écuyer  de  Marguerite  de 
Savoie;  la  famille  possédait  des  fiefs  en  Dauphiné,  Genevois  et  Bugey. 


4l6  C.    DE    PrERLAS 

Corna  de  Rogimont  (la);  cf.  Rogimon, 

Dekis  de  Valgiinosa,  voir  Valgrinosa, 

ESA,  EszA,  Ji,  123;  Eze,  arrondissement  di^  Nice. 

Gatieras,  h  caiid  dé  —  j^;  Gattièrc,  coîn,  sur  U  rive  droite  du  Vir» 
atrondisscment  de  Grasse. 

Gèkes,  voir  JÈNOA. 

Glaneves,  G-nde-s^  l'evesqui  de  — ,  65, 74  ;  GlandevèSi  ancienne baranic 
et  ville  diStruite,  près  d'Entrevaux  (Basses- Alpes)  ;  l'évêque  cité  devait  Être 
Ludovic^  des  sires  de  Glandevès,  mais  le  fait  n'est  pas  prouve. 

Grïmaut,  Loys  de  —,  119,  Andaro,  A-e  de  —  2B,  64,  71  ;  Gu[Llem  de 
—^71;  frères  de  Jean  dt  Bueil;  Mathieu  de  —,  90,  Napûuon  de  — 
75,  76»  etc.,  frères  de  la  dame  de  BcuiK 

Jenoa,  Jeona  —,  29,    11,  II,  34,  Gênes. 

Le%'^enSj  h  casttî  de  — ^  85^  loa^  sur  la  rive  gauche  de  la  Vêsubic^  ch.  i.  de 
c*  de  rarrocdissemem  de  Nice* 

LoYSj  LO  RE¥^  31,  53,  etc.;  Louis  U,  roi  de  Sicile,  duc  d'Anjou  et  comte 
de  Provence. 

Manuel,  Salvayre  —,  93,  de  Barcelon nette,  partisan  de  la  famille  de 
Beuil. 

Masoins,  îa  vaî  i^i?  — ,  59,  MassoîRs,  sur  la  rive  gauche  du  Var,arroiïtlbs«v 
acm  de  Puget-Théniers, 

Menton,  So,  Sj,  la  ville  de  Menton,  fief  des  Grimai di  de  Gènes,  âfron- 
'  d...ement  de  Nice. 

Merigon,  voy.  AuRiAC. 

MONEGUl,  M-NN-E  lu  îuic  dé — ,  loo,  101,  U9,  Monaco,  alors  occupé 
par  les  sires  de  Beuiî ,  qui  en  avaicm  eipuisé  les  GOnois, 

Kecre,  Peyre — ,  94,  uS,  iz8>  n  clavarî  »  de  la  terre  de  Louis  de  BeuïL 

NiszA,  38,  41,  42,  50,  etc.,  îa  ciptat  de,  îa  badia  de^  70,  Vcvesqw  de,  72  ; 
l'évêque  de  Nice  devait  être  alors  Jean  de  Tomafort. 

Peyre,  Anthoni  —,  87,  citoyen  de  Nice,  partisan  des  Griraaldi. 

Pressa,  îo  casteî  de  îa  —,  34,  Pietra-Ligurc,  arr.  d'Albenga,  Italie,  château 
que  les  Génois  avaient  récemment  acquis  de  la  famille  Del  Caretto. 

PuGUET,  b  casteî  deî — ,  58,  Puget-Théniers,  sur  le  Var,  chef-Heu  d'arrondis- 
sement, dont  une  partie  avait  été  donnée  depuis  peu  aux  sires  de  Beuil  par 
la  maison  de  Savoie. 

PuYMONT,  108,  le  Piémont. 

RoGiET,  Mermbt  — ,  96,  secrétaire  du  comte  de  Savoie. 

Prohensza,  P-sa  îo  pays  de  — ,  31,  35,  38,  etc.,  la  Provence. 

RoGiMON,  R-T  la  Corna  de  — ,  80,  82,  etc.,  François  de  Rougemoni  (ou 
Rogemont),  dit  la  Corne  ;  d'une  très  ancienne  famille  dauphinoise;  G.  de  R., 
chevalier  à  qui  Humbert  IV  de  Thoire-Vilars  donna  des  fiefs  en  Bugey,  por- 
tait déjà  ce  nom  en  1270. 

Roura,  b  casteî  de  — ,  60,  61,  Roura,  dans  la  vallée  de  la  Tinée,  arron- 
dissement de  Puget-Théniers. 


H 


MÉMOIRE  EN  PROVENÇAL  PRÉSENTÉ  AU  COMTE  DE  SAVOIE    417 

Sadoc  Sapia,  juge  mage  de  Nice,  106. 

Sant  Estève,  îo  hayU  de  — ,  Saint  Etienne  de  Tinée,  arrondissement  de 
Puget-Théniers. 

Sant  Proen,  P-hen,  voy.  Champroya. 

S  ARES,  îo  casteî  del  — ,  62  ;  le  château  d'Ascros,  dit  aussi  de  Scros  (en  lat.  de 
Crocis),  com.  dans  la  vallée  du  Var,  arrondissement  de  Puget-Théniers. 

Savoya,  U)  conte  ic  —,  27,  33,  etc.;  le  comte  Amédéc  VIII,  son  père,  Am. 
VII  est  aussi  mentionné. 

Selhon,  Selhont,  S-nt  Johan,  J-net,  Ju-nt  de  —,  118,  124,  125,  128, 
probablement  un  aventurier  gascon. 

Senes,  le  comté  de  Senez  (chef-lieu  de  canton.  Basses- Alpes),  88. 

TuRBiA,  LA  — ,  31,  43,  etc.;  la  Turbie,  au  dessus  de  Monaco,  arrondisse- 
ment de  Nice. 

Turin,  121  ;  la  ville  de  Turin,  Italie. 

Valentin,  104,  105,  106,  serviteur  du  sire  de  Beuil. 

Valgrinosa,  Deris,  D-Ns;  Deris  de  — ,  57,  $8,  61,  etc.  (lat.  Deriosus), 
Déris  de  Valgrigneuse,  fils  de  Jean,  seigneur  de  Thol,  de  Rosy  et  de  Marrigna 
au  Comtat,  d'une  très  ancienne  famille  de  Bresse:  ép.  Marg.  de  Luirieux. 

Vbnsza,  h  senhor  de  — ,  Vence,  arrondissement  de  Grasse,  appartenant 
alors  à  la  famille  de  Villeneuve,  soit  à  Guillaume  et  Pons  de  Villeneuve. 

Ventimilha,  30,  la  ville  de  Vintimille  (Italie), 

ViLAS,  V-Rs,  Oddo  de  —  26,  27,  28,  etc.;  Odon  de  Vilars,  chev.  de  Tordre 
de  TAnnonc,  gouverneur  de  Nice,  fils  d'Humbert  VI  et  de  B.  de  Chalon; 
il  épousa  Alix  de  Baux,  comtesse  d'Avellino;  sa  soeur  épousa  Phil.  de  Savoie- 
Achaïe;  il  hérita  du  comté  de  Genève  qu'il  céda  au  comte  de  Savoie  en  140 1. 

ViLLAFRANQUA,  31,  ViUefranche-sur-mer,  arrondissement  de  Nice. 

ViLLAz,  le  Villars,  sur  le  Var,  un  des  châteaux  des  sires  de  Beuil,  arron- 
dissement de  Puget-Théniers. 

ViTA  DE  BLOis,  voir  Blois. 

E.  Cais  de  Pierlas. 


n 


M.  le  comte  de  Pierlas,  dont  les  savants  travaux  historiques 
sur  l'ancien  comté  de  Nice  et  sur  la  région  environnante  sont 
bien  connus,  a  plus  contribué  que  personne  à  faire  connaître 
les  rares  documents  en  langue  vulgaire  de  ce  pays  qui  nous 
sont  parvenus,  puisque,  sans  parler  du  texte  qu'il  vient  de 
nous  communiquer,  il  a  mis  au  jour,  dans  son  Cartulairc  de 


41 8  V.    MEYER 

rancienm  cathédrale  de  Nice  (TuriDj  Paravia,  1888),  les  plus 
anciens  monuments  du  provençal  de  Nice,  Ces  pièces  (n***  Sj 
à  85  du  Cartulaire)  sont  des  serments  de  la  fin  du  xr  siècle  ou 
du  commencement  du  xu*  ^  Depuis  lors,  jusqu'à  la  fin  du 
xiv  siècle,  les  textes  vulgaires  manquent  complètement*,  et 
même  à  la  fin  du  xiv^  et  au  xv%  ils  sont  peu  nombreux.  Ils 
consistent  en  quelques  pièces  conservées  par  Gtoffredo  dans  son 
histoire  des  Alpes  Maritimes  S  auxquelles  on  peut  ajouter  une 
lettre  écrite,  en  1450,  par  Jean  Grimaldi,  seigneur  de  Bcuil, 
aux  syndics  et  conseillers  de  ta  vtUe  de  Nice-».  Cette  dernière 
pièce  est  le  seul  document  en  langue  vulgaire  offrant  quelque 
intérêt  que  faîe  trouvé  aux  archives  municipales  de  Nice.  En 
outre,  j*ai  vu  un  compte  de  journées  d'ouvriers  employés  à  la 
construction  d'un  pont,  en  1543  (CC  138). 

Il  est  vrai  que  les  archives  de  Nice  ont  subi  beaucoup  de 
pertes.  Ainsi,  les  registres  de  délibérations  du  Conseil  ne  com- 
mL-ncent,  actuellement,  qu'au  siècle  dernier;  toute  la  partie 
antérieure  est  perdue  ou  dispersée  K  Mais  je  crois  aussi  que  sur 
la  rive  gauche  du  Var  on  a  conservé  l'usage  du  latin  plus  long- 
temps que  sur  la  rive  droite,  de  sorte  que  si  même  la  série  des 
délibérations  municipales  et  celle  des  comptes  s'étaient  conser- 
vées intactes,  la  langue  vulgaire  ne  s'y  serait  guère  montrée 
qu'au  xvi*^  siècle. 

Un  document  important  du  niçard  est  le  Compendion  de  h 
ahaco  de  Frances  Pellos,  imprimé  à  Turin,  en  1492,  et  dont 
M.  Sardou  (Vidiomc  niçcfis,  p,  S>"4)  ^^^^  quelques  lignes.  Mal- 


K  On  peut  aussi  recueillir  quelques  mots  en  langue  vulgaire  dans  les 
no*  89  et  94  qui  sont  des  brefs  de  cens  (xn*^  siècle). 

2.  M*  A.-L,  Sardou  {^Uidiottte  ni0is,  1878),  pp,  20  et  suîv.,  cite  comme 
«échantillons  du  niçois  des  poésies  de  troubadours  qui  n*ont  aucune  ^'alcur 
en  tant  que  textes  de  langue,  et  des  morceaux  de  la  vie  de  saint  Honorât,  par 
Rai  mon  Fera  ut,  qui  ne  peut  gnère  passer  pour  un  texte  niçois. 

3.  Monumntta  hiUorue  piUriie^  II,  872»  955»  1161,  ou  <M,  iQ-8«,  III,  J79, 
540,  IV,  J19  ;  cf.  Sardou,  Uidiotm  niçois,  pp.  47  et  sutv. 

4.  Je    Tai  fait   reproduire    en    h<^nogravnre   pour   TEcole   des   Chartes 

5.  Un  registre  contenant  les  délibérations  de  1454  ^  1457  ^  ^^é  acquis 
récemment  par  la  Bibliothèque  nationale.  Il  est  en  latin.  J'en  ai  fait  repro- 
duire deux  pages  en  héliogravure  pour  l'Ecole  des  chancs  (n^  }67)» 


WÉMOIRE  EN  PROVENÇAL   PRESENTE   AU   COMTE  DE  SAVOIE     4!^ 

heureusement  cet  ouvrage,  que  j'ai  étudié  à  Nice  môme  dans 
Texemplaire  conservé  à  la  Bibliothèque  municipale,  est  plein 
d'itatianismes,  de  langue  et  de  graphie.  Je  n*ai  pu  trouver  nulle 
part  le  Tnirtat  ckl  rosari  mentionné  par  M,  Sardou  (p.  55) 
comme  imprimé  à  Nice,  en  1493. 

Je  vais  grouper  les  principaux  fiits  linguistiques  qu*on  peut 
relever  dans  le  document  publié  par  M.  de  Pierlas.  Et  tout 
d'abord,  je  noierai  quelques  formes  plus  ou  moins  françaises 
dont  plusieurs  peuvent,  avec  vraisemblance,  être  attribuées  au 
notaire  dauphinois  de  qui  émane  la  transcription  qui  nous  est 
parvenue.  Je  dois  ajouter  qu'A  la  fin  du  xiv*^  siècle  bien  des 
formes  françaises  avaient  pénétré  en  provençal  et  surtout  dans 
le  provençal  administratif,  et  par  ex*  àinm  57,  qu'on  trouve 
employé  k  Nîmes  dès  le  milieu  du  xiv*  siècle,  et  qui  est  d'usage 
courant,  au  même  temps,  dans  les  procès-verbaux  des  états  de 
Provence,  pour  désigner  la  comtesse  de  Provence  ;  de  même 
pays  30  (au  lieu  de  paes)^  fort  usité  en  Provence  dès  la  même 
époque.  Dans  la  lettre  de  1430  signalée  plus  haut,  je  lis  payis  à 
plusieurs  reprises.  On  peut  aussi  considérer  comme  français  : 
cangié  ii^  ^,  joyels  91,  33,  autroyar  107,  governcmant  34,  saque- 
tuant  44,  volant  94,  comani  103,  Uutemns  39»  kiutcmnt  73,  de 
par  34,  pour  75,  du  89,  escuycrs  46,  frère  62.  Outre /rrrr,  qui  est 
bien  français,  on  rencontre /r^r^  69,  qui  a  l'air  particulièrement 
dauphinois. 

Voici  un  autre  fait  qui  s'obsen^e  sûrement  en  Daophiné,  mais 
je  ne  saurais  dire  exactement  dans  quelles  limites  :  c'est  l'usage 
d'ajouter  un  :^,  que  rien  ne  justifie  étymologiquement,  à  cer* 
taines  finales,  par  exemple  aux  troisièmes  personnes  du  singu- 
lier en  a.  On  peut  citer  les  conditionnels /^rrf^  32,  manderai  36, 
réparera^  57,  les  imparfaits  era^^  44,  92,  avia^  47,  despkysia^  1 17. 
De  même  après  e  atone  :  rendre^  63,  pemire^  75,  prime^  (au 
sing.)  26,  essemplei  58,  fraire^  30,  loi  ^8,  90.  Quelquefois  Ys 
est  employé  au  lieu  du  ;(  ;  los  30,  papas  69,  etc.  Il  est  probable 
que  cette  addition  d'une  s  non  étymologique,  ou  d'un  ;ç,  qui 
d'ailleurs  n'est  nullement  constante,  a  pour  objet  de  marquer 
un  certain  allongement  de  la  prononciation  des  finales  atones. 


I.  Congiei  se  trouve  dans  wn  autre  acte  niçois  de  1488  (Sardou,  L*i4wm$ 
niçois,  p.  Sï*  <icrn.  ligne), 


420  p.    MEYER 

M.  Tabbé  Devaux,  qui  signale  h  même  particularité  dans  son 
Essai  sur  la  langue  vulgaire  du  Dauphiné  srpîentriûnal  (p,  3  14-s), 
suppose  que  cette  graphie  est  destinée  à  marquer  IV  et  Va  atones, 
brefs  et  ouverts,  explication  assez  contestable. 

Je  ne  vois  rien  d'intéressant  à  noter  en  ce  qui  concerne  les 
voyelles.  On  peut  cependant  relever  le  passage  d\i  antétonîque 
à  u  dans  sugel^  sugelladas  70,  forme  dont  on  a  d'autres  exemples 
plus  récents-  Le  groupe  latin  cc^  ci  (ou  //  après  une  consonne)  est 
ordinairement  rendu  par  j:(  :  ays^o  26,  45-6,  sxp  45,  70,  s^a  57, 
Prœnsia  3s,  37,  desUuransia  34,  Ni^sa  38,  40,  41,  cresmsia 
40,  41,  Vens^a  76.  C'est  une  notation  bien  ancienne,  il  y 
a  déjà  fasian  (faciant)  à  la  fin  du  xn''  siècle,  Roffiania^  XTV, 
277. 

C'est  peut-être  Técrivain  dauphinois  qui  est  responsable  Je  la 
perte  de  Y  s  dans  traque  l'j^  établir  102,  tantôt  99,  detrecha  129» 

Les  formes  aqmUos  63,  126,  cUos  80,  81,  sont  fréquentes 
dans  la  partie  orientale  de  la  langue  d'oc,  et  j'ai  eu  plus  d'une  fois 
à  les  signaler-  Mais  l'addition  d'un  e  est  plus  extraordinaire 
dans  amiscs  2%,  34,  130,  131,  enemises  76.  Faut-il  supposer  qu'il 
y  avait  au  singulier  une  forme  courante  qui  avait  l'ancienne 
s  du  cas  sujet  :  amis^  enemis}  Cela  est  peu  probable.  La 
cause  est  plutôt  i  chercher  dans  une  fausse  analogie,  Malvnysia 
114,  plur,  de  ffialvaySj  est,  au  contraire,  parfaitement  régulier. 
Dw:^^  29,  34,  qui  désigne  le  doge  de  Gênes,  est  une  forme 
importée.  Coris^  88,  plur.  de  cor,  cœur,  est  une  forme  irrégu- 
Hère  à  laquelle  je  ne  trouve  pas  d'analogue  dans  ce  lexte. 
Actuellement,  en  niçard,  les  participes  passés  et  adjectifs 
prennent^  au  pluriel,  une  terminaison  en  f,  lorsqu'ils  sont 
employés  comme  attributs.  Cet  usage  est  certainement  peu 
ancien.  Ici  la  terminaison  en  /  s*observe  dans  les  composés 
d'un  us  non  seulement  au  pluriel,  mais  aussi  au  singulier  : 
aucuni  35,  alcuni  7^^  cascuni  37,  deguni  51,  J2,  54. 

Entre  les  formes  verbales  on  peut  signaler  l'infinitif  vestr  85, 
89,  92,  au  lieu  de  i^\cr.  Les  prétérits  vent  34,  59,  dè^covetit  55, 
84,  tent  78,  au  lieu  de  venc^  caucnCy  ienc  sont  peut-être  à  imputer  au 
copiste  qui  pourrait  être  aussi  responsable  de  set  (suit)  39,  58,  au 
lieu  de  sec.  Plus  sûrs  sont  les  prétérits /o?  (fecit)  5 1,75-6, 86,  et 
/i*/^  68,  70,  87,  93,  formes  bien  connues  d'ailleurs.  Fet  90,  128, 
est  sans  doute  pour/d^,  mais  que  dire  à^  fat  91,  104,  sinon 
que  c'est  une  faute  de  copiste?  Fit  45  est  français  (/i/)-  ^-^ 


MÉMOIRE  EN  PROVENÇAL  PRÉSENTÉ  AU  COMTE  DE  SAVOIE    42 1 

troisièmes  personnes  du  pluriel  qui  en  latin  sont  en  ant,  sont 
ici  en  an  ou  en  ant  y  30,  31,  32,  33,  etc.  Dans  les  textes  du 
même  pays  que  je  connais,  ces  troisièmes  personnes  sont  géné- 
ralement en  an. 

Je  ne  juge  pas  à  propos  de  pousser  plus  loin  ces  remarques 
sur  un  texte  qui  méritait  assurément  d'être  publié,  mais  qui,  on 
l'a  vu,  n'est  pas  toujours  d'une  parfaite  correction  '. 

P.  M. 


I .  A  ce  propos,  je  dois  ajouter  que  les  incorrections,  dont  plusieurs  ont  été 
signalées  en  note,  doivent  être  attribuées  au  notaire  qui  a  fait  la  copie  conser- 
vée à  Turin.  M.  de  Pierlas,  en  effet,  a  bien  voulu  vérifier  attentivement  sur  ce 
ms.  tous  les  passages  que  je  lui  ai  signalés  comme  suspects,  et  il  a  même  eu 
l'attention  de  m'envoyer  des  calques  de  la  plupart  d'entre  eux.  —  Les  prin- 
cipales difficultés  de  ce  texte  sont  causées  par  les  lacunes  qui  résultent  de  Tétat 
du  parchemin.  Le  commencement  de  chacune  des  lignes  de  Toriginal  étant 
indiqué  par  un  chiffre,  il  est  facile  de  se  rendre  compte  de  l'étendue  des 
lacunes  marquées  par  des  points.  Mais,  en  outre,  il  est  possible  que  le  notaire 
ait  omis,  çà  et  là,  un  ou  deux  mots. 


f 


JEAN  DE  GARENCIERES 


I 

Au  nombre  des  premières  poésies  de  Charles  d'Orléans,  dans 
ce  qu'on  esr  convenu  d'appeler  un  peu  improprement  le  Poéfm 
de  la  Prison^  se  trouvent  deux  ballades  pleines  de  sous-enten- 
dus et  susceptibles  peut-être  de  plus  d'une  explication,  très 
spirituelles  d'ailleurs^  intitulées  l'une  Orléans  contre  Garcnàerts^ 
l'autre  Rcspome  de  Garemiêtts,  Charles  d'Orléans,  se  mettant 
Door  un  instant  à  la  place  du  dieu  d'Amour,  se  plaint,  dans  la 
llade  qui  porte  son  noni^  des  don  Juan  de  son  époque,  et  en 
iticulier  de  Tun  d'eux,  Garencîères,  «  roy  des  heraulx  pour 


*n  mw^ntir  » 


Je,  qui  %\xïs  dieu  des  anjQuretiK, 
Prince  de  joyeuse  plaisance, 
A  toutes  celles  et  a  ceulx 
Qjii  sont  de  mon  obéissance, 
Requier  qu'a  toute  leur  puissance 
Me  viengnent  aidier  et  servir 
Pour  Toutrecuidance  punir 
D'aucuns  qui,  par  leur  janglerie, 
Veulent,  par  force,  conquérir 
Des  grans  biens  de  ma  seigneurie. 

Car  Garancieres,  Tun  d'entre  eulx. 

Si  dit  en  sa  folle  vantance, 

Pour  faire  le  chevalereux, 

Q.U 'avant  yer,  par  sa  grant  vaillance, 

Luy  et  son  cueur,  d'une  aliance, 

Furent  devant  Beauté  courir. 

Je  ne  l'y  vy  pas,  sans  faillir, 

Mais  croy  qu'il  soit  en  resverie  ; 

Car  si  prés  n'oseroit  venir 

Des  grans  biens  de  ma  seigneurie. 


JEAN    DE  GARENCIÈRES  A2^ 

Il  dit  qu*il  est  tant  douloreux 

Et  qu'il  est  mort  sans  recouvrance  ; 

Mais  bien  seroit  il  maleureux 

Qui  donneroit  en  ce  créance  ! 

On  peut  veoir  que  celle  penance 

Q.u*il  lui  a  convenu  souffrir 

N*a  fait  son  visage  pallir 

Ne  amaigrir  de  maladie. 

Ainsi  se  moque,  pour  chevir 

Des  grands  biens  de  ma  seigneurie. 

Sur  tous  me  plaist  le  retenir 
Roy  des  heraulx  pour  bien  mentir  : 
Cest  office  je  luy  ottrie, 
C*est  ce  que  lui  vueil  départir 
Des  grans  biens  de  ma  seigneurie'. 

Garcncières  renvoie  la  balle  à  Charles  d'Orléans.  Il  signale  à 
Cupidon  le  cas  de  cet  «  homme  de  mauvaise  vie  »  qui  veut 
faire  le  dieu  d'Amour,  et  qui  mérite,  plus  que  tout  autre, 
d'être  appelé  «  prince  de  Bien  Mentir  »  : 

Cupido,  dieu  des  amoureux, 
Prince  de  joyeuse  plaisance, 
Moi,  Garencieres,  tressoingneux 
De  vous  servir  de  ma  puissance, 
Viens  vers  vous,  en  obéissance, 
Pour  vous  humblement  requérir 
Qpe  vous  vueilliez  faire  punir 
Un  homme  de  mauvaise  vie, 
(lui,  contre  raison,  veult  tenir 
Le  droit  de  vostre  seigneurie. 

C'est  un  enfant  malicieux. 

Ou  nul  ne  doit  avoir  fiance. 

Car  il  en  a  ja  plus  de  deux 

Deceues  ou  païs  de  France, 

Dont  vous  deussiez  prendre  vengeance 

Pour  faire  les  autres  cremir  ; 

C*est  le  prince  de  Bien  Mentir, 

Ainsné  frère  de  Janglerie, 

Qui,  contre  raison,  veult  tenir 

Le  droit  de  vostre  seigneurie. 


I.  CharUs  cT Orléans,  édit.  d'Héricault,  I,  146. 


JEAN    DE   GARENCIÈRES  425 


II 


Les  poésies  de  Jean  de  Garencières  —  personne  jamais  ne 
les  a  signalées  —  se  trouvent  à  la  Bibliothèque  Nationale  dans 
le  manuscrit  du  fonds  français  191 39,  ancien  Saint-Germain 
1660.  Ce  manuscrit,  bien  connu,  a  été  utilisé  par  les  trois  édi- 
teurs des  œuvres  de  Charles  d'Orléans.  ChampoUion  en  a,  de 
sa  main,  chiffré  les  119  premières  pages  ^  et  numéroté  chacune 
des  différentes  pièces,  complaintes,  lais,  ballades  et  rondeaux, 
qui  forment  le  Livre  de  la  Prison. 

Les  poésies  de  Charles  d'Orléans  commencent  à  la  première 
page,  sous  la  rubrique  suivante  :  «  Cy  comtnance  le  livre  que 
monseigneur  Charles^  duc  d'Orléans ,  a  faict  estant  prisonnier  en 
Angleterre,  »  Elles  finissent  page  117  :  «  Cy  fine  le  livre  que 
monseigneur  le  duc  d^Orleans  a  faict  estant  prisonnier  en  Angle- 
terre. »  On  trouve  ensuite,  après  trois  pages  blanches,  les 
poésies  d'Alain  Chartier  :  i"^  Le  Débat  de  Reveille  matin;  2°  Le 
Livre  des  quatre  dames;  y  La  Belle  dame  sans  mercy;  4**  La 
Response  a  la  Belle  dame  sans  mercy  [autrement  dit  YExcusacion 
maistre  Alain];  y  Le  Breviere  des  nobles;  6°  Le  Lay  de  paix; 
7°  La  Complainte  maistre  Alain  [contre  la  mort];  8°  Le  gras  et  le 
maigre;  [9°  Lospital  d^amours;]  10°  Balade  d'Alain  dont  voici  le 
refrain  : 

Qpe  les  loyaulx  sont  les  plus  douloureux. 

1 1°  Rondel  de  ce  mesmes  : 

Joye  me  fuit  et  desespoir  me  chace. 

12°  Le  Lay  de  plaisance. 

Après  le  Lai  de  plaisance,  dans  la  même  page,  commencent 
les  poésies  de  Garencières,  précédées  de  ces  quatre  mots  :  Garen- 
ciers  (sic)  Vous  m'avez.  Elles  remplissent  la  fin  du  manuscrit. 
Comme  elles  sont  immédiatement  à  la  suite  des  poésies  d'Alain 
Chartier,  sans  intervalle  apparent,  on  s'explique,  en  une  cer- 
taine mesure,  qu'elles  aient  passé  inaperçues.  Le  manuscrit 
19 139  est  enregistré  à  la  Bibliothèque  Nationale  comme  ne 


I.  Le  ms.  191 39,  paginé  en  entier  tout  récemment,  a  482  pages. 

Romani»,  XXIL  28 


42 é  A,    PIAGET 

renfermant  que  des  poésies  de  Charles  d'Orléans  et  d'Alain 
Charrier  ' . 

C'est  un  petit  in-folio,  papier,  de  269  millîm.  sur  i8j*. 
Champollton  le  date  du  xv!*^  siècle,  —  ce  que  fait  après  Im 
M.  d'Héricault  ^  —  et  le  juge  d'une  exécution  médiocre  et 
d'une  incorrection  très  grande.  En  face  de  cette  appréciation  si  , 
catégorique  et  si  défavorable,  j'éprouve  quelque  gêne  à  dire  que 
le  manuscrit  date  du  milieu  du  xv"  siècle,  —  plutôt  iTant 
1450  qu'après,  —  qu'il  est  sinon  l'un  des  meilleurs  du  moins 
l'un  des  plus  anciens  des  oeuvres  de  Charles  d'Orléans,  et  qu*il 
est  écrit,  tout  entier  de  la  même  main*,  sur  du  fort  papier, 
d'une  écriture  pas  très  lisible  peut-être  au  premier  coup  d'oeil, 
mais  régulière,  avec  majuscules  initiales  ornées  de  rouge. 

L'ancienneté  du  manuscrit  ressort  de  l'examen,  même  super- 
ficiel, de  l'écriture  et  de  Taspect  général  du  volume.  Elle  s'im- 
pose également  par  le  simple  raisonnement.  Ne  serait-il  pas,  en 
effet,  étrange  de  voir  un  copiste  du  xvi^  siècle  ne  copier  des 
œuvres  de  Charles  d'Orléans  que  la  première  partie,  celle  au 
fond  qui  devait  le  moins  l'intéresser,  et  cela  sans  en  rajeunir  la 
langue;  transcrire  les  poésies  d'Alain   Chanier,   tandis  qu'il 


1.  Itweniairf  iommairt  des  nmnuscrih  français,  L  XV lU,  fo  778. 

2,  Au  verso  du  dernier  feuillet»  on  Ut  d*une  écriture  plus  moderne»  avec 
la  signature  plusieurs  fois  répdtC*e  de  C.  Laki^fiant  : 

O  livre  est  a.  Coiia  Lateigneat, 
Qiii  le  trovcra  sy  le  rendt 
El  il  pjyerji  boa  vin; 

enfin»  de  la  main  de  Lateignant,  17  vers,  qu*on  retrouve,  par  exemple,  dans 
le  manuscrit  de  la  Bib.  Nat.  fr.  25434»  ^^  I55»  et  qui  commencent  ainsi  : 

Se  tu  veulK  ad  (j*^)  hoiicur  venir. 

Il  le  covicni  (tir)  de  toy  bannir 

Orguiel  {iic)  et  hunblc  devenir, 

Lever  mattn  pour  messe  oyr..». 

3.  Guicbard  ne  donne  pas  la  date  du  ms.  19159,  qui,  dit-il  vaguement, 
renferme  les  poésies  de  Charles  d'Ork^ans  «  avec  d'autres  opuscules  ».  —  Par 
trois  fois»  les  Cat.  de  la  Blh,  Nai.  datent  notre  ms.  du  xvi^  siècle:  Inventaire 
sommaire,  t.  XVIO,  f^  778  ;  D^pouilUmént  aîphabétiqm^  s.  v.  Chartier  et 
Orléam  {Charles  duc  </'). 

4,  On  lit  à  la  ftii  des  poésies  de  Garencières  t  «  Ce  présent  livre  est  escripi 
de  la  main  de  Bonnefoy.  »  On  trouve  également  la  signature  de  Bonnefoy 
dans  le  corps  du  volume ,  à  la  fin  Je  la  Complainte  d* Alain  Char  tin  sur  la 
mort  de  ia  ddtne,  à  la  fin  de  VHàpital  d^aniours  et  à  la  fin  du  Lai  dé  plaisance. 


JEAN   DE  GAR^afeRES  427 

avait  à  sa  disposîtioo  cinq  ou  six  éditions  gothiques  ;  composer 
un  recueil  enfin  dont  toutes  les  pièces  sont  antérieures  à  1440? 
Au  xvr  siècle,  on  ne  copiait  plus  Charles  d'Orléans,  on  le 
plagiait;  on  copiait  encore  Alain  Chartier,  c'est  vrai,  mais 
exceptionnellement  et  sur  les  mauvaises  éditions  de  Pierre 
Le  Caron,  tandis  que  le  manuscrit  19 13  9  nous  donne  un  texte 
excellent.  Le  manuscrit  19 139  —  soi-disant  du  x\i*  siècle  — 
est  antérieur  aux  chansons  et  rondeaux  composés  par  Charles 
d'Orléans  après  sa  captivité  d*Angleterre.  Voilà  pourquoi  sans 
doute  il  ne  renferme  que  le  seul  Poémc  dé  la  Prison  que  Charles 
avait  mis  en  circulation  vers  1440  '.  Intéressant  par  son  âge,  il 
est  en  outre  précieux  parce  qu'il  nous  donne  comme  étant  de 
Charles  d'Orléans  le  Lay  piteux,  une  chanson  et  trois  rondeaux, 
—  qu'on  ne  retrouve  pas  ailleurs,  —  fort  mal  publiés  par 
M.  d*HéricauIt>. 


III 


Nous  savons  par  le  recueil  des  poésies  de  Garencières,  du 

manuscrit  19 139,  que  ce  poète  s'appelait  Jehan  (voy.  ballade 
XLIX)  et  qu*il  était  très  jeune  encore,  presque  un  enfant,  en 
1407  (I,  XXV,  XLVI). 

Il  ne  peut  être  ici  question  de  Jean  de  Garencières,  seigneur 
de  Croîsy,  diplomate  et  soldat,  Hiomme  de  confiance  de  Louis 
d'Orléans,  intimement  lié  à  toute  la  vie  politique  de  ce  prince. 


I,  Martin  Le  Franc»  dans  son  Champion  du  dames,  fait  allusion  au  P^ème  de 
h  Prison.  Voy,  Rotrmnia,  t.  XVÎ,  p.  418.  ^  Je  relève  dans  un  inventaire  de 
1498  des  livres  du  château  de  Chambéry  la  mention  suivante  d'un  manuscrit 
du  Poème  de  la  Prison  ;  «  Ung  livre  de  papier  moyen  escrîpt  a  h  niam  en  vers 
tractant  de  monseigneur  d'Orléans  estant  en  prison  en  Angleterre,  commen- 
çant en  la  grosse  lectre  :  S'ensuyi,  couvert  de  papier  coullé.  »  Im^entari  dd 
castelli  ai  Ciamberi^  di  Torino  et  di  Ponte  d'Ain,  pubblicatr  sugli  originali  incdîti 
da  Pietro  Vayra  (Miscdlanea  di  sioria  itaîiami,  t.  XXII,  p.  58). 

2»  Cfjarks  d*OrUans,  t.  !>  p.  20}  et  suîv.  M.  d'Héricault  a  publié  sous  le 
nom  de  Batlades,  en  les  remaniant  quelque  peu,  k  rondeau  suivant  : 

J'ay  uni  en  moy  de  desplaisîr  (T,  I,  p.  218), 
et  la  chanson  : 

Faites  pour  moy  com  j'ay  pour  vous  (T.  1,  p»  320). 
Dans  le  t.  U,  p.  278  et  280,  il  les  a  republiés  plus  correciement. 


428  A.    PIAGET 

En  1407,  il  avait  pour  le  moins  une  cinquantaine  d'années.  Je 
le  vois  figurer,  en  1377,  dans  une  montre  de  Yon  de  Garen- 
cières,  à  Bretcuil  \  En  1384,  le  roi  de  France  fait  don  à  Jean 
de  Garcncières ,  chevalier,  chambellan  de  Louis,  comte  de 
Valois,  de  200  fr.  d'or  «  pour  les  bons  et  agréables  services  que 
nous  a  fai2  en  nos  guerres  et  ailleurs...  et  par  especîal  en  la 
dernière  chevauchée  et  armée  que  nous  avons  fait  ou  pa\*z  Je 
Flandres^  «.  Charles  VI  le  nomme  «  maistre  des  eaues  et  lorests 
es  terres  que  souloit  tenir  le  roy  de  Navarre  es  parties  de 
France  et  de  Normendie,  en  lieu  de  Jehan  de  Pessy,  chevalier  », 
par  lettres  du  15  mars  13845. 

Peu  après,  Garencières  échange  ce  titre  contre  celui  de 
«  maistre  et  enquesteur  des  eaues  et  forests  es  pays  de  Picardie 
et  de  Normandie^  ».  D  reçoit  de  ce  chef  400  fr.  par  an.  Sa 
charge  de  chambellan  de  Louis,  duc  de  Touraine,  lui  vaut 
1200  fr.  d'or>.  En  1388,  il  prend  part  à  Texpèdidon  contre 
Guillaume  de  Gueldre^.  L* année  suivante,  Louis,  duc  de 
Touraine,  le  charge  avec  Jean  Le  Mercier,  sire  de  Novîant,  de 
régler  le  différend  relatif  aux  revenus  d* Asti  7.  Du  30  septembre 
1389  en  novembre  1391,  il  est  nommé,  aux  gages  de  60  fr. 
par  mois,  garde  du  château  de  Crèvecœur  en  Brie»  où  le  duc 
avait  déposé  les  florins,  joyaux,  vaisselle  d'or  et  d'argent,  qui 
lui  venaient  de  son  mariage^.  Dès  lors,  et  très  souvent,  le  duc 
l'envoie  en  ambassade  soit  auprès  de  Jean  Galéas,  soit  à  Asti 
ou  à  Venise 9.  Cest  lui  qui,  en  1397,  ^<^Çoit  de  Jean  Galéas 


4 
4 


1,  Bib.  Nat.  Pièces  originales,  vol,  1280,  n"  22, 

2.  P.  orig,^  vol.  1280,  n°  \6. 
},  P.  orig.^  vol.  1280»  Qo  37.  Ordùntmttus  des  rois  de  Franc»,  t,  VII,  p.  171; 

t.  VIII,  p.  J71,  N.  Acq.  fr.  26276,  o^  5^^ 

4.  P.  orig^t  voL  1280,  no  114,  N.  acq.  fr.  26276,  n«  67,  68,  69.  Ordtm- 
mtiasdes  rois  de  France,  t»  VIII,  p.  416;  t.  IX.  p.  285, 

5.  P.  ofig.  voL  ï2ao,  n**  48. 

6.  JaîT>%  La  vie  politique  de  Louis  de  France ,  duc  d'Orléans  ^  p.  414,  Piku 
jmtific4UiveSi  XL 

7.  Janry,  ouv.  cit.,  p.  42. 

8.  P.  orig,^  voL  1280,  n<»  55, 

9.  Jarr>\  auv,  cit.,  pp.  69,  84,  141*144»  H^,  iSU  186,  A.  de  Circouit,  lé 
duc  Louis  (VOrUans,  ses  entreprises  au  dehors  du  royaume.  (Extrait  de  U  R^vm 
des  questions  historiques),  Paris,  1887  et  1888,  l  p.  $2,  56  j  n,  55,  56;  lU,  9, 
48.  L.  Eklisle.  Les  Collections  de  Bastard  d^Estang,  pp,  148,  182, 


JEAN   DE   GARENCIÈRES  429 

Visconti  le  payement  de  la  dot  de  Valentine,  en  exécution  du 
contrat  de  mariage  et  de  la  convention  d'Asti  ^  A  la  mort  de 
Guy  de  Châtillon ,  c'est  lui ,  avec  Philippe  de  Florigny,  Jean 
Prunelé  et  Hugues  de  Guingant,  qui  est  chargé,  par  le  duc 
d'Orléans  de  prendre  possession  des  comtés  de  Blois  et  de 
Dunois*. 

En  1400,  Jean  de  Garencières  est  nommé  capitaine  du  châ- 
teau de  Châteauneuf-sur-Loire3.  Quelques  années  après,  lors 
de  la  prise  d'armes  de  1405,  il  visite  les  forteresses  ducales,  les 
fait  remplir  de  vivres  et  de  munitions,  ordonne  les  réparations 
nécessaires,  puis  prend  le  commandement  des  Orléanais  qu'il 
conduit  au  duc^. 

Yon  de  Garencières,  capitaine  du  château  et  de  la  ville  de 
Caen,  étant  mort  vers  1409,  Jean  de  Garencières,  seigneur  de 
Croisy,  lui  succéda.  Nous  le  voyons,  en  141 1,  cité  dans  la 
requête  adressée  au  roi  par  Charles  d'Orléans,  comme  ayant  été 
dépouillé  de  la  capitainerie  de  Caen  par  le  duc  de  Bourgogne, 
après  l'assassinat  de  Louis  d'Orléans  :  «  Combien  que  par 
traictié  et  appoinctement  fist  que  tous  ceulx  qui  avoient  esté 
déposez  de  leurs  estas  et  offices  soubz  umbre  d'avoir  esté  en  la 
compaignie  de  moy,  Charles,  et  autres  desdiz  seigneurs  feussent 
remis  et  restituez  en  leurs  offices,  et  que  par  l'ordonnance  de 
vous  et  de  vostre  grant  conseil  messire  Jehan  de  Garencières 
en  l'office  de  capitainerie  de  vostre  ville  et  chastel  de  Caen  eust 
esté  remis  et  restitué,  neantmoins,  en  venant  directement  contre 
la  dicte  ordonnance,  le  dit  de  Bourgogne  le  fist  depuis  déposer 
du  dit  office  et  le  dit  office  impetra  pour  lui  mesme,  ou  con- 
tempt  et  en  la  haine  du  dit  Garencières ,  et  de  fait  le  dit  office 
occupa,  tient  et  occupe  î  ». 

La  dernière  mention  que  nous  ayons  de  «  Jehan  de  Garen- 
cières, chevalier,  seigneur  de  Croisy,  conseiller  et  chambellan 


1 .  Faucon,  Le  mariage  de  Louis  d! Orléans  et  de  Valentine  Visconti.  (Exiraii 
des  Archives  des  missions  scientifiques  et  littéraires^  3*  série,  t.  VIII.)  Paris, 
1882,  p.  15.  Jarry,  oiivcit.^  p.  407.  Pièces  justificatives^  IX. 

2.  Collection  de  Bastard,  Titres  originaux  :  311.  Jarry,  ouv.  cit. y  p.  218. 

3.  Catalogue  Joursanvault y  t.  II,  p.  137,  n^*  2912.  Cf.  Delisle,  Collections  de 
Ihstard  d'Estang,  p.  182. 

4.  Jarr>',  ouv.  cité.  Pièces  justificatives  :  XXIX. 
$.  Monstrelet,  t.  II,  p.  143. 


430  A.    PIAGET 

du  roy,  maistre  et  enquesteur  des  eaues  et  foretz  ou  pays  de 
Normandie  »,  est  du  lé  mai  141 5  *. 

Le  5  juin  1391,  Louis,  duc  de  Touraine,  fait  don  ^  d*un 
lianap  d'argent  a  couvescle  vermeil  doré,  poinssonné,  et  une 
aiguière  de  mesme  »,  du  prix  de  66  fr*  5  s,  t.,  «  a  la  femme  de 
nostre  amé  et  féal  chevalier  et  chambellan ,  messire  Jehan  de 
Garencieres,  dont  nous  avons  fait  lever  Tenfant  sur  fons  en 
nostre  nom^  ». 

Dans  une  de  ses  plus  curieuses  ballades,  Eustache  Deschamps 
décrit  une  w  beuverie  »  du  duc  d*Orléans  et  de  ses  familiers  au 
château  de  Boissy.  Jean  de  Garencieres,  seigneur  de  Croisy, 
figure  au  nombre  de  ces  seigneurs  bons  vivants,  parmi  lesquels 
se  distinguait  Guillaume  de  Bruneval,  qui  «  crioit  sur  tous 
comme  enragiez  ». 

Jean  de  Garencieres,  seigneur  de  Croisy,  avait  un  fîls  que  les 
titres  et  les  chroniques  de  Tépoque  appellent ,  pour  le  distin- 
guer de  son  père,  Jean  de  Garencieres  le  Jeune,  ou  Jeannet  de 
Garencieres,  ou  le  fils  du  seigneur  de  Garencieres.  C'est  ce  per- 
sonnage qui  est  Tauteur  de  nos  poésies. 

Très  jeune  encore  il  a  pris  part,  en  1396,  à  Texpédition  de 
Hongrie  4. 

Le  18  novembre  1403,  «  Jehan  de  Garencieres  le  Jeune, 
chevaUer  et  chambellan  de  monseigneur  le  duc  d'Orléans  n , 
donne  quittance  de  quarante  francs  de  gages  d*un  mois  a  pour 
aler  en  la  compagnie  du  duc  et  lui  servir  ou  voiage  qu'il  entent 
presenteraeot  faire  es  parties  de  Lombardie  et  d'Ytalie  *  », 

Jean  de  Garencieres  le  Jeune,  Raoul,  sire  de  Boqueaux» 
François  de  Grignols,  et  d'autres  chevaliers,  avaient  organisé, 
en  1406,  «  certaines  joustes  ou  faiz  d'armes  »  à  Royaumont. 
Le  roi  les  interdit  expressément,  par  lettres  du  27  janvier, 
a  attendu,  dit-il,  les  haynes,  debas  et  controverses  qui  pour 
occasion  de  ce  seroicnt  en  voye  de  mouvoir  entre  eulx  ou 
aukres,  dont  très  grans  inconveniens  s'en  pourroient  ensuir, 
ausquelz  nous  desirons  obvier  de  tout  nostre  pouoir^  ». 


1.  N.  acq.  fr.  26276  :  Titres  originaux  :  69, 

2.  P.  orig,  voL  1280»  no  87. 

}.  E,  De^cfmmps,  éd.  Raynaud»  t.  VII,  p.  120. 

4,  Voir  plus  loin. 

5,  P,  orig,,  voL  i2So»  no»  122  cl  123. 

6,  Ordonnancés  des  rois  d*  France,  t,  IX »  p.  106. 


JEAN    DE   GARENCIÈRES  43  I 

En  1407,  nous  trouvons  Jeannet  de  Garencières  au  siège  de 
Bourg  (Gironde),  où  il  est  fait  prisonnier  des  Anglais  ^ 

Il  figure  au  nombre  des  seigneurs  du  parti  d'Orléans  qui 
signèrent,  en  141 1,  la  déclaration  de  Saint-Ouen^ 

Nous  le  retrouvons,  d'après  Monstrelet,  au  siège  de  Saint- 
Remy-du-Plain  (Sarthe)  en  1412.  Waleran  de  Luxembourg, 
comte  de  Saint  Pol,  chargé  de  réduire  «  en  l'obeissarice  du  roy  » 
le  comté  d'Alençon,  était  venu  mettre  le  siège  devant  Saint- 
Remy-du-Plain.  Les  Armagnacs,  accourus  pour  déloger  le 
connétable,  furent  mis  en  déroute  et  plusieurs  d'entre  eux 
restèrent  prisonniers.  «  Entre  lesquelz  prisonniers,  dit  Monstre- 
let, estoit  le  seigneur  d'Asnières'  et  messire  Jannet  de 
Garpcheres  (sic)^  filz  du  seigneur  de  Croisy,  lequel  estoit  a 
ceste  besongne  avec  ledit  connestable.  Et  quant  il  vit  son  filz 
qui  estoit  tenu  contre  lui,  il  fut  esmeu  de  si  grant  ire  que  se  on 
ne  l'eust  tenu  il  eust  tué  sondit  filz 4  ».  «  Et  après,  dit  Pierre 
de  Fenin,  le  conte  Vallerain  s'en  râla  en  son  païs  et  devers  le 
roy  Charles  et  le  duc  Jehan  de  Bourgoingne  qui  grant  joie  luy 
firent.  Et  avoit  prisonnier  messire  Jehan  de  Gauchieres  (sic), 
lequel  il  envoia  a  Saint  Pol  pour  tenir  prison  ;  mais  enfin  il  fiit 
délivrés  de  prison  par  finance  5  ». 

Jeannet  de  Garencières  semble  avoir  remplacé  son  père 
comme  capitaine  de  la  ville  et  du  château  de  Caen.  Des  montres 
«  de  messire  Jehannet  de  Garencières,  chevalier  bacheler  », 
furent  reçues  à  Caen  les  9  août  et  9  septembre  1415^.  Le 
21    septembre  de   cette  même  année,  il  donne  quittance  de 


1.  Voir  plus  loin. 

2.  Douët  d'Arcq,  Choix,  t.  I,  p.  346. 

3.  Drouet  d'Asnière,  chambellan  du  duc  d'Orléans. 

4.  Monstrelet,  t  II,  p.  253.  —  Il  semble  difficile  d'admettre,  avec 
Monstrelet,  que  Jean  de  Garencières,  seigneur  de  Croisy,  dépossédé  en  141 1 
par  le  duc  de  Bourgogne  de  sa  capitainerie  de  Caen,  ait  combattu  en  141 2 
aux  côtés  de  Waleran  de  Luxembourg.  Monstrelet  a-t-il  confondu  Jean  de 
Garencières  avec  Guy  de  Garencières ,  dit  le  Baveux ,  conseiller  et  cham- 
bellan du  duc  de  Bourgogne?  Voy.  [Labarre]  Mémoires  pour  servir  à  Phistoire 
de  France  et  de  Bourgogne,  2«  partie,  pp.  13  et  38. 

5.  Edit.  Dupont,  p.  30.  Cf.  Chronique  de  Jean  Le  Fèvre,  seigneur  de  Saint 
Remy,  éd.  Morand,  t.  I,  p.  57. 

6.  Qairambault,  Titres  scellés,  r.  51,  nos  j^ç^  160,  161.  Parmi  les  huit 
écuyers  de  sa  compagnie  figure  un  Pierre  de  Garencières. 


4J2  A,    PIAGET 

63  Hv.  t.,  gages  de  huit  arbalétriers  de  sa  compagnie,  «  pour  la 
garde,  seurtè  et  défense  du  chaste!  de  Caen  et  du  pays  d'envi- 
ron et  pour  résister  aux  Anglois  '  ». 

Le  22  octobre  1416,  Charles  d'Orléans  lui  continue  les 
«  fruix,  revenues,  proufEz  et  levées  »  de  la  terre  du  Puiset^, 
w  a  lui  venue  et  escheue  a  cause  de  feu  son  pere^  ». 


IV 

Le  recueil  du  manuscrit  19 139  est  formé  de  trente-deux 
ballades,  de  onze  ronde's,  de  sept  complaintes  et  d'une  lettre  en 
vers.  Toutes  ces  pièces  ne  sont  pas  de  Jean  de  Garencières  lui- 
même  :  la  ballade  VIIl''  est  de  Jean  de  Fayel,  la  X*  de  Jacques 
du  Peschin,  la  XL!!!*-'  de  Bucy,  la  XLV*^  de  Gaucourt,  h 
XLV^  de  Courrarre  (sic).  La  XLIX^  pièce  est  une  «  Balade^ 
faute  par  cetilx  de  Bonhiulx  ». 

Les  poésies  de  Garencières  commencent  par  un  petit  poème 
intitulé  V enseignement  du  dieu  d'Amours.  Nous  y  apprenons 
comment  Garencières ,  encore  «  jeune  valleton  »  >  prit  la  réso- 
lution de  se  «  bouter  en  ramoureux  mestier  «^  et  d'acquérir 
par  Famour  un  grand  renom  de  loyauté  et  de  prouesse.  Malheu- 
reusement la  blonde  damoiselle  qu'il  a  choisie  est  «  si  gente,  sî 
longue,  si  droicte,  si  gracieuse  »>,  qu'elle  a  toute  une  cour 
d'admirateurs  autour  d'elle. 


1.  Clairambault    TUns  udU's,  r.  si,  n"  165.  Cf.  n^  164. 

2.  Ls  Pttisety  Eure-et-Loir,  cant.  de  Janviïk,  arr.  de  Chartres. 

3.  Collection  de  aisiard,  698  :  «  Charles,  duc  d'Orléans  et  de  Valois, 

au  gouverneur  de  nostre  dit  duchié  d'Orléans  ou  a  son  lieutenant  a  VenvUlc 
et  a  nostre  procureur  illec ,  salut.  Comme  la  terre  du  Puiset  appartenant  a 
nostre  amé  et  féal  charabelLin  messire  Jehannet  de  Garencières,  a  lui  venue 
et  escheue  a  cause  de  feu  son  père,  niouvent  et  tenue  de  nous  en  fié  a  cause 
de  nostre  chastdlerîe  d'Ycnville ,  ait  esté  saisie  et  mise  en  nostre  main  par 
deffauli  d'ommc,  nous  pour  ctrt.iines  causes  et  consideracions  qui  a  cé  nous 
ont  nicu  et  meuvent ,  vous  mandons  et  a  chascun  de  vous  si  comme  a  lui 
appartiendra  que  des  frui^,  revenues,  prouffi/  et  levées  de  la  dicte  terre  et  ses 
appartenans ,  vous  soufTrer  et  laissiez  soubjî  nostre  main  joir  et  user  les  pro- 
cureurs, gens  et  officiers  de  nostre  dit  chambellan  jusques  au  jour  Je  Pasques 
proche  vcnans,  sans  leur  iaire  ne  souffrir  estre  ùh  ce  pendant  aucun 
destourbier  ou  empeschement  au  contraire.  Donné  a  Paris  k  xxif  iour 
d  octobre,  l'an  de  grâce  mil  CCCC  et  seize  n,  ' 


JEAN   DE  GARENCIÈRES  433 

De  hauts  personnages  sont  au  nombre  de  ses  «  servants  »  : 

Je  sçay  qu'elle  est  amee 
De  plus  grans  maistres  que  je  ne  sui  acez, 
Qui  ont  puissance  et  loz  et  renommée, 
Et  sont  jolis  et  moult  bien  abilliez  ! 

A  côté  de  ces  brillants  seigneurs ,  qu'est-il ,  lui ,  Garencières , 
jeune  et  encore  inconnu?  Elle  ne  Ta  seulement  jamais  remar- 
qué. Il  ne  lui  a  seulement  jamais  adressé  la  paroUe.  Quelle  folie 
que  son  entreprise  ! 

Car  je  ne  suis  jolis,  ne  avenant, 

Ne  ne  sçay  bien  ne  chanter  ne  dancer, 

Ne  je  ne  sui  saige  ne  bien  vaillant, 

Ne  n'ay  nul  bien  qui  me  deust  faire  amer. 

Mon  cuer  se  mesle  bien  des  oes  ferrer 

Qui  cuide  faire  tant  qu'il  en  soit  amés  ! 

Cependant  il  est  jeune,  plein  de  force,  d'énergie  et  d'audace.  Il 
fera  parler  de  lui.  Il  fera  tant  et  si  bien  que  chacun  le  voyant 
s'écriera  : 

Vêla  cellui  qui  a 
D'estre  amoureux  tresbonne  voulenté  ! 

Les  ballades  de  Garencières  rappellent,  à  s'y  méprendre, 
avec  quelque  chose  peut-être  de  moins  passionné,  les  poésies 
d'un  autre  chevalier  poète,  d'Oton  de  Grandson.  Mêmes  idées 
souvent  exprimées  dans  les  mêmes  termes,  mêmes  circonstances, 
mêmes  lamentations.  La  dame  qu'aimait  Jeannet,  comme  celle 
qu'avait  aimée  messire  Ode,  était  «  plaine  de  refus  »  :  elle 
était  «  si  pou  piteuse  »  qu'elle  semblait  prendre  plaisir  aux 
douleurs  de  ses  soupirants.  Après  l'avoir  «  servie  »  deux  ans, 
Garencières  n'était  pas  plus  avancé  que  le  premier  jour.  On 
devine  ses  plaintes  contre  le  dieu  d'Amour,  contre  sa  dame, 
contre  lui-même,  contre  son  cœur,  contre  ses  yeux. 

Toutes  les  ballades  et  complaintes,  tous  les  rondeaux  de 
Garencières ,  —  sauf  deux  ou  trois ,  —  sont  précédés  de  ces 
mots  :  Fous  mave:^^^  devise  amoureuse  du  poète  qui  s'était  donné 
tout  entier  à  sa  dame,  cœur,  corps  et  biens  '. 

I.  Cette  devise  :  Vous  m^ave^y  rappelle  celle,  plus  répandue,  de  Mon  cuer 
ave^.  Voy.  L'Amant  rettdu  cordelUr  a  Vobservanu  d^AtnourSj  édit.  A.  de  Mon- 
taiglon,  V.  1488. 


JEAN   DE  GARENaÈRES  455 

Advise  toy  doncques,  si  t'appareille 
Pour  ce  grant  bien  en  ta  vie  acquester. 

4.  Va  t'en  par  tout  et  choisy  une  dame 
Qpi  a  ton  gré  soit  bien  digne  d'amer, 

Ou  damoiselle,  mais  qu'el  soit  gentil  femme, 
Jamais  homme  ne  t'en  pourra  blasmer. 
Car  tu  pourras  par  elle  recouvrer 
Trestous  les  biens  que  je  [te  vois]  dizant 
Qp'en  ce  monde  l'on  devroit  souhaitier. 
Ou  regardes,  que  tu  vas  si  musant? 

5.  Penses  a  toy,  car  tu  as  trop  musé, 
Et  advise  le  bien  que  je  te  nomme. 

Et  puis  regarde  si  je  [bien]  te  conseille, 
A  ton  ad  vis  l'onneur  de  ta  persoime. 
Prens  tous  ces  poins  et  les  gectes  a  somme, 
Et,  par  ma  foy,  se  tu  les  scez  penser, 
Tu  n'avras  pas  parfait  couraige  d'omme, 
S'il  ne  te  prent  grant  voulenté  d'amer  1 

6.  Lors  je  lui  dis  :  Dictes  moy  vostre  (re)nom, 
Qpi  me  monstrez  si  bon  enseignement. 

Il  me  respont  :  Cellui  qui  a  renon 
De  départir  de  joye  largement. 

—  Helas  !  sire,  je  ne  sçay  vraiement 
Se  vous  n'estes  le  dieu  des  amoureux  ? 

—  Oyl,  fait  il  :  sers  moy  bien  loyaument, 
Je  te  jure  de  te  faire  joyeuk. 

7.  Mais  or  vien  ça,  je  te  vueil  enquérir  : 

Amas  tu  oncques,  ainsi  vraiement,  t'aist  Dieux? 

—  Oyl,  une,  point  ne  vous  vueil  mentir; 
Mais  en  la  fin  nous  nous  trouvasmes  deux. 

—  Toutesvoyes,  auquel  en  feust  il  mîeulx  ? 

—  Je  ne  sçay,  sire,  plaindre  ne  m'en  vouldroye*, 
Car  de  me  plaindre  je  seroye  tout  honteux, 

Et  si  me  semble  que  trop  grant  mal  feroye. 

8.  Veu  qu'elle  puet  et  donner  et  hoster 
Trestous  ses  biens  ou  bon  lui  semblera. 
Vous  le  savez,  nul  ne  s'en  doit  courcier, 
Qpant  la  coustume  est  tieule  de  pieça. 
Ja  pour  ce  point  ma  bouche  ne  dira 


j.  Ms.  ne  plaindre  ne  m* en  voulofc. 


4J< 


Ou  est  le  cœur  qcî  s'en  ^miiiuii  tenir? 
Je  ne  croy  pas  qije  Ten  ie  pecst  trocx^r. 
En  œ  moode,  tant  le  soesst  oc  qoerir  ! 

12-  Qoant  est  a  moy,  s'amer  me  coQveuoit, 
J^  n'armeroye  autre  qœ  celle  La, 
Je  le  voas  jure  sur  le  EHca  que  Ton  croit. 
Eî  si  oxjy  bien  qu'amer  me  La  finldra.. 
Car  mangr^  mien  mon  cxaetir  Fentreprenra, 
El  sll  le  veult  je  ne  l'en  pcis  garder. 
Mais  je  herray  qui  lia  cocseilleia, 
Cir  je  ùis  dôubte  qu  el  rse  me  voelle  amer. 

15.  SdN-ei  pvHir  qooy?  je  sçay  qu'eQe  est  amee 
1>^  Fi^  grans  raaistnis  que  je  ne  sui  acez. 


**  Ms.  u>N,«,^  ^  f^  j^.  ^^ 
^  le  \xi>i  uunqiK\ 


JEAN   DE  GARENCIÈRES  437 

Qui  ont  puissance  et  loz  et  renommée, 
Et  sont  jolis  et  moult  bien  abilliez. 
Helasl  sire,  comment  seroye  amés  »  ? 
Car  je  diroye,  que  m'en  feroit  jurer, 
Qu*cl  ne  scet  pas  que  je  doye  estre  nés, 
Ne  que  de  moy  n'oïst  oncques  parler. 

14.  Et  se  encore  (s)*oï(r)  parler  en  a. 

Ne  feust  il  mieulx  qu'on  s'en  fust  déporté  ? 
Car  vous  savez  que  dit  on  ne  li  a 
Nul  bien  de  moy  qui  ne  l'a  controuvé. 
Pour  ce  seroie  bien  a  droit  forcené 
Si  j'emprenoye  une  si  grant  folie 
Que  d'amer  celle  dont  je  vous  ay  parlé, 
Qpant  je  sçay  bien  qu'el  ne  m'ameroit  mie. 

15.  Car  je  ne  suis  jolis  ne  avenant, 

Ne  ne  sçay  bien  ne  chanter  ne  dancer, 
Ne  je  ne  sui  saige  ne  bien  vaillant. 
Ne  n'ay  nul  bien  qui  me  deust  faire  amer. 
Mon  cuer  se  mesle  bien  des  oes  ferrer 
Qui  cuide  faire  tant  qu'il  en  soit  amésl 
Il  ne  puet  estre,  laissons  en  le  parler. 
Car  je  sçay  bien  qu'il  n'avendroit  jamais. 

16.  Lors  me  respons  :  Prens  bon  confort  en  toy, 
Et  pense  bien  que  celle  t'aymera. 

Mais  fay  ainsi,  s'il  advient  devant  soy, 
Qpant  d'aventure  de  toy  on  parlera, 
Qpe  chascun  die  :  Vêla  cellui  qui  a 
D'estre  amoureux  tresbonne  voulenté  ! 
Et  tu  verras  que  le  temps  avendra 
Qp'i[lJ  lui  prendra  de  ta  douleur  pitié. 

17.  Ne  cuide  mie  que  l'amour  des  seigneurs 
Te  destourbe  ton  bien  aucunement. 

Car  tu  scés  bien  qu'ilz  sont  si  desdaigneux 
Qp'ilz  ne  pourroient  endurer  longuement. 
Scez  tu  pourquoy?  Ilz  ayment  faintement. 
Et  ne  leur  chault  qu'avenir  il  en  doyt. 
Car  leur  propos  leur  change  trop  souvent 
Par  faulceté  qui  ainsi  les  déçoit. 


I .  Ms.  ofi  stray  je  année. 


4;8  A.    PIAGBT 

iS.  Je  ne  dy  pas  qu'ilz  soient  crc^tous  tieulx, 
Mais  toutesfoys  en  est  il  grant  foison^ 
Q^i  entre  femmes  font  bien  les  amoureux 
Âfîn  qu'on  cuide  qu'ih  aleot  bonne  saison. 
11  leur  soufHst  d'en  avoir  le  renon. 
Et  qu*il  en  queure  par  la  %'ille  nouvelles, 
N'iî  ne  leur  chauh  s'ilz  sont  amez  ou  ooni 
Mds  que  Ton  die  qu'Ut  soient  bien  des  belles  l 

19.  Et  pour  cela  se  tu  es  amoureux. 
Laquelle  chose  je  te  conseil  et  prie, 
Garde  toy  bien  que  tu  soies  de  ceulx, 
Car  en  ver(i)té  lu  feroys  g         blie, 
Scés  tu  pourquoy  ?  Tu  faul.         en  ta  vie 
D'avoir  la  joye  que  Ton  doh       irer. 
Car  en  b  fin  tu  n'avrois  point    'amye. 
Ne  nule  femme  ne  te  devroit  amer. 

10.  Qjjant  en  ce  pom^  m'eust  tenu  longuement 
Le  dieu  d'Amours  qui  ainsi  m'enseignoît, 
Et  que  ce  vint  sur  son  département ^ 
Il  me  va  dire  :  Garde»  comment  qu'il  soit, 
Q^e  qudle  chose  qu 'avenir  il  te  doît^ 
Qjie  tu  aymes  et  celles  sam  faillir. 
Et  je  te  jure  ycy  et  te  promect 
De  te  venir  a  tes  maulx  secourir. 

n.  Balade  Fous  m^ave^.  Cette  ballade,  dans  laquelle  Jeannet, 
obligé  de  quitter  sa  dame,  se  lamente  et  désire  la  mort,  rappelle 
les  pièces  XVI  et  XXVÛI  d'Oton  de  Grandson  sur  le  même 
sujet  ^ 

Helas  I  a  qui  diray  je  ma  tristesse, 
Ne  la  douleur  que  mon  corps  portera, 
Puisqu'ainsi  est  que  ma  belle  maistresse 
Plus  qu'onques  mais  esloingner  me  fauldra? 
Je  ne  sçay  pas  que  mon  las  cueur  fera 
Qpant  il  verra  que  si  loing  de  mes  yeulx 
Sera  la  belle  au  gent  corps  gracieux. 
Je  ne  croy  pas  qu'aye  nul  réconfort, 
Fors  de  dire,  comme  un  homme  annuyeux  : 
Je  hez  ma  vie  et  désire  ma  mort  '  ! 


1.  Romattia,  XIX,  420  et  431. 

2.  On  trouve  le  même  vers  chez  Charles  d'Orléans,  I,  8. 


JEAN   DE   GARENCIÈRES  439 

Car  je  voy  bien  que  ma  dure  destresse 
Jamais  nul  jour  allegié  ne  sera 
De  cy  a  tant  que  ma  belle  princesse 
De  ses  beaulx  yeulx  un  regan  me  donra. 
Ainçoys  je  sçay  que  il  m'en  convendra, 
Veu  que  les  maulz  me  sont  ainsi  crueulz, 
Moy  maudire  quant  je  fu  amoureux, 
Et  maintesfoys  dire  par  desconfort  : 
Puisque  me  fault  estre  si  douloureux, 
Je  hé  ma  vie  et  désire  ma  mort  ! 

Car  s*il  estoit  que  j'eusse  la  richesse 
Et  les  grans  biens  qu'Alixandre  donna, 
Et  que  j'eusse  des  IX  preux  la  prouesse. 
Et  les  contrées  que  Charles  conquesta, 
Tant  que  chascun  dist  de  moy  :  Je  voy  la 
De  ce  monde  trestout  le  plus  eureux  ! 
Ja  pour  cela  ne  seroye  joyeulx; 
Assez  diroye,  fut  a  droit  ou  a  tort  : 
Si  je  ne  voy  celle  dont  je  me  deulx, 
Je  hé  ma  vie  et  désire  ma  mort  ! 

XIX.  Balade  Vous  nCave:^, 

Je  ne  voy  homme  de  mes  yeulx, 
Tant  comme  moy  desconforté, 
Mais  nul  n'en  doit  estre  piteux 
Qpant  je  (ne)  le  me  suy  pourchacé. 
Car  par  ma  jeune  voulenté 
Je  vous  ay  fait  a  moy  courcier. 
Belle,  vueillez  moy  pardonner 
Ce  meffait,  et  vous  m'orrez  ja 
Devant  vous  sur  les  sains  jurer 
Que  jamais  il  ne  m'avenra. 

Car  vraiement  si  douloureux 
Ne  fu  oncques  que  je  seray, 
Dame,  se  vo  cuer  gracieux 
N'est  du  tout  vers  moy  apaisié. 
Mieulx  voulsisse  qu'on  m'eust  noyé 
Très  l'eure  que  nasqui  premier  ! 
Combien  que  je  me  puis  venter 
Qpe  chastié  sui  pour  cela. 
Et  si  vous  puis  acertener 
Qpe  jamais  il  ne  m'avenra. 


440  A*    PÎAGET 

Penser  si  j'ay  esté  joyeulx 
Quant  vous  n'avez  a  moy  parlé 
De  vDstrc  parler  amoureun 
Comme  j*avoye  acousïumé. 
yen  ay  esté  si  for  séné 
Qjje  je  m^en  sui  cuidé  tuer. 
Mais  Espoir  m'a  fait  espérer 
Q^e  vostre  cuer  s*apaisera, 
Qjiant  Pitié  vous  vouldra  monstrer 
Q^e  jamais  il  ne  m'avenra  K 

XX*  Bnladc  Fous  m'mfei.  On  peut  en  rapproclier  la  baltadc 
de  Grandson  qui  a  pour  refrain  :   «   Je  n*en  congnoîs  Dolle  si 

belle*». 

J'ay  veu  dames  et  damoiseiles 
Maintcsfoiï  clianter  et  dancer, 
Et  de  gracieuses  pucclles 
Qp'îl  faisoît  moult  bon  regarder. 
Mais  il  me  semble,  a  brief  jugier, 
Qjïc  ma  dame  si  est  bien  teîle 
Par  quoy  je  la  doy  appeller 
Entre  les  autres  la  plus  belle. 

Et  n'en  dcsplaise  a  toutes  ceWes 
Qpi  orront  cecy  recorder, 
Que  ce  n*est  pas  pour  le  bien  d'elles 
Vouloir  nullement  rabaissier, 
Ainçoys  le  vouldroye  honnorer, 
Mais  certes  la  grant  beauté  d'elles 
La  me  fait  a  bon  droit  nommer 
Entre  les  autres  la  plus  belle. 

Combien  qu'en  aye  veu  de  telles 
Qui  moult  affierent  a  louer, 
Car  ilz  sont  plaisantes  et  belles 
Et  sccvent  bien  gens  festier, 
Mais  je  puis  pour  celle  jurer 
Qu'elle  est  jeune,  fresche  et  nouveMe, 
[Et]  quant  plus  avant  vueil  parler, 
Entre  les  autres  la  plus  belle 


1.  Ms  il  ne  m' amer  a. 

2.  Romania,  XIX,  429. 


1 


JEAN   DE  GARENCIÈRES  44 1 

Prince,  qui  pourroit  assembler 
Les  belles  qu'on  pourroit  nombrer, 
Créez  que  ma  pensée  est  telle 
Qu'on  la  deust  veoir  et  trouver 
Entre  les  autres  la  plus  belle. 

XXI.  Rondel  Fous  mave:^. 

Entre  les  autres  la  plus  belle 

Est  celle  qui  me  fait  amer, 

Ne  pour  riens  qu'on  me  sceust  donner 

Je  ne  vouldroye  autre  amer  qu'elle. 

Car  ou  monde  n'a  point  de  telle, 
De  cela  me  puis  je  vanter. 

Qui  sa  couleur  fresche  et  nouvelle 

Savroit  bien  a  droit  regarder, 

On  ne  la  pourroit  trop  louer, 

Veu  les  grans  biens  qui  sont  en  elle  '. 

XXV.  Balade. 

Helas  I  pourquoi  virent  mes  yeulx 
.Vostre  belle  plaisant  beaulté, 
Ne  pourquoy  suy  jeune  amoureux, 
Quant  je  ne  sui  de  vous  amé? 
Par  Dieu,  ma  dame,  je  ne  sçay. 
Ce  fu  mon  cuer  qui  fu  ravy 
Qiii  m'en  fist  avoir  voulenté. 
Le  premier  jour  que  je  vous  vy. 

Mais  oncques  puis  ne  fux  joyeulx, 
Ma  seule  amour  et  ma  chierté  ; 
Si  ay  je  esté  si  douloureux 
Et  petitement  conforté. 
Par  Dieu,  je  sui  bien  fortuné 
Q^ant  vous  n'avez  de  moy  mercy. 
J'ay masse  mieulx  qu'on  m'eus t  tué 
Le  premier  jour  que  je  vous  vy. 


I.  La  chanson  VI  de  Charles  d'Orléans  (édit.  d'Héricault,  II,  8)  traite  le 
même  sujet,  presque  dans  les  mêmes  termes  :  ' 

Dieu,  qu'il  la  fait  bon  regarder 
La  gracieuse,  bonne  et  belle  1 
Pour  les  grans  biens  qui  sont  en  elle 
Chacun  est  prest  de  la  louer. 
AwMUM.  XXU.  29 


^^^H                                                                      ^^^^^^^ 

^^^^^^^^^^H 

^^^^^H                                      Aussi  le       vaulsist  tt                                      ^^^^^^^^^| 

^^^^^^H                                       S'il  ne  vous  prent 

^^^^^^^^^^^1 

^^^^^^H                                       Car  oncques  nul  si 

angoisseux                                   ^^^^^^^^H 

^^^^^^1                                     Q^e  nioy            de  mère                                                 ^^^^^H 

^^^^^^1                                      Car  je  maudy      maudire,                                                  ^^^^^| 

^^^^^H                                     Pardouaez  moy 

le  dy,                                                      ^H 

^^^^^H                                    Comme  un  homme  desesperi,                                                ^^H 

^^^^^H                                      Le  premier  jour  que      vous  vy.                                               ^^H 

^^^^^^               Cette  ballade,  rajeunie  et 

remaniée  par  deux  rimeurs  diffè-       1 

^^^^H          rents^  est  imprimée  deux  fois  dans  k  Jardin  de  Plaisance^  édi-      ■ 

^^^^H          don  Vérard,  Â'''  lxix  et  xcix  v"*  :                                                   ^^| 

^^^^^H            Las  1  pourquoy  vis  je  de  mes  yeulx 

Las  1  pourquoy  virent  mes  yeulx,         ^^H 

^^^^^H            Vostrc  belle  plaisant  beauké, 

Dame,  vostre  plaisant  beaulté,               ^^H 

^^^^^H            Ne  pourquoy  en  fus  je  amoureux 

Ne  pourquoy  fus  je  odc  amoureux        ^^B 

^^^^^H            Quant  de  vous  je  ne  suis  zymé  ? 

Quant  de  vous  ne  puis  estre  aymé?        ^^M 

^^^^^H            Par  Dieu,  ma  dame,  je  ne  sçay; 

Par  Dieu,  ma  dame,  je  ne  scé              ^^fl 

^^^^^H            Se  fut  mon  cueur  qui  fut  ravy 

Se  vous  eustes  mon  cueur  ravy,            ^^H 

^^^^^H            Qui  m'en  dst  avoir  voulenté 

Mais  en  vous  fut  ma  voulenté,              ^^H 

^^^^^H            Le  premier  jour  que  je  vous  vy. 

Le  premier  jour  que  je  vous  vy.            ^^H 

^^^^^H            Oncques  depuis  ne  fus  joyeux, 

J'amasse  mieulx  avoir  esté                     ^^H 

^^^^^H            Ma  seule  amour,  ma  chanté, 

Par  delà  Romme  deux  cens  lieux,         ^^H 

^^^^^H           Fors  que  tousjours  suis  douloureux 

Ou  en  Avignon  la  cité,                          ^^H 

^^^^^^H            Et  petitement  conforte. 

Quant  de  vous  je  fus  amoureux*            ^^^| 

^^^^^^H            Par  Dieu,  je  suis  bien  fortuné 

Hellas  t  je  mourray  angoisseux               ^^^| 

^^^^^^H           Se  de  moy  vous  n'avez  mercy  ; 

Se  vous  n^avez  de  moy  mercy»               ^^^| 

^^^^^H           J'amasse  tnieulx  estrc  enterré 

Et  si  mauldiray  en  tous  lieux                   ^^^| 

^^^^^H           Le  premier  jour  que  je  vous  vy. 

Le  premier  jour  que  je  vous  vy,             ^^^M 

^^^^^^H          Aussi  le  me  vaulsist  il  mîeulx, 

Aussi  le  me  vaulsist  il  mieulx,                ^^H 

^^^^^^H          Je  le  vous  dis  en  vérité, 

Se  vous  n'avez  de  moy  pitié,                   ^^H 

^^^^^^H           Car  jamais  povre  douloureux 

Car  onc  homme  plus  douloureux            ^^H 

^^^^^^H           Qjic  moy  ne  fut  de  mère  né. 

Ne  fut  de  moy  de  mère  né.                     ^^H 

^^^^^^H           Et  si  mauldis  et  mauldiray, 

Car  je  mauldis  et  mauldiré,                     ^^^^ 

^^^^^^H          Pardonnez  moy  se  je  le  dy, 

Pardonne;;  moy  se  je  ie  Jy,                     ^^^| 

^^^^^^H          Com  ung  homme  désespéré, 

Com  ung  homme  désespéré                     ^^H 

^^^^^^H           Le  premier  jour  que  je  vous  vy. 

Le  premier  jour  que  je  vous  vy.                ^^H 

^^^^^H          Ma  dame,  or  suis  je  débouté, 

Princesse,  aiez  de  moy  pitié                      ^^M 

^^^^^^H           Sans  confort  et  de  joye  banny  ; 

Retenez  moy  pour  vostrc  amy.                 ^^H 

^^^^^^H           Mieulx  amasse  onc  n*avoir  esté 

Ou  sans  cesser  je  mauldiray                       ^^H 

^^^^^^H          Le  premier  jour  que  je  vous  vy. 

Le  premier  jour  que  ]e  vous  vy.                ^^| 

^^^^^H             XXIX.  Complainte  Vous  tnavei.  Cette  pièce   se  retrouve,          V 

^^^^^H         sous  le  titre  de  Complainte  d' amant  y  au  (°  14  du  manuscrit  de           A 

JEAN   OE   GARENCIÈRES  443 

Westminster  Abbey,  décrit  par  M.  Paul  Meyer  dans  le  Bulletin 
de  la  Société  des  anciens  textes  français  (1875,  p.  30). 

1 .  Belle,  prenez  temps  et  espace 
De  regarder  mes  piteux  cas, 
Car,  par  ma  foy,  je  ne  pourchace 
Envers  vous  nulz  mauvais  pourchaz. 
Je  me  suis  pour  vous  mis  es  laz 
D'Amours  et  de  leur  grant  dangier. 
Mais  repentir  ne  m'en  vueil  pas 
Pour  mal  que  j'en  doye  endurer. 

2.  Je  ne  vouldroye  pas  avoir 

Tous  les  biens  qu'on  pourroit  nombrer 
Par  si  que  vous  eussiez  vouloir 
De  ne  me  devoir  point  amer. 
Qpe  me  pourroit  il  proufHter  ? 
Car  point  en  gré  ne  la  prendroye, 
Ainsi  me  vueille  Dieux  aidier, 
Jeune,  gente,  plaisant  et  coye. 

3 .  Com  il  est  vray  que  je  [vous]  ayme 
Plus  que  toutes  celles  du  monde, 
Ma  seule  dame  souveraine, 

Celle  de  qui  tout  bien  m'abonde, 
Tousjours  me  semble  blanche  et  blonde, 
Quoy  que  je  face,  [ou]  dorme  ou  veille, 
En  bonne  foy  que  je  voy  l'onde 
De  vostre  beaultô  nompareille. 

4.  Ne  je  n'ay  nul  autre  pensée 
Qpe  celle  la,  a  dire  voir, 

Ma  treschiere  dame  honnoree. 
Le  bien  que  j'actens  a  avoir. 
Se  j'avoye  perdu  cest  espoir 
Il  me  fauldroit  désespérer  ; 
Car  certes  nulle  n'a  pouoir 
De  ma  douleur  reconforter 

5 .  Autre  que  vous,  ma  chiere  dame, 
A  qui  j'ay  donné  et  donray 

Mon  cueur,  ma  pensée,  par  m'ame. 
Tous  les  jours  mais  que  je  vivray; 
N'a  nulle  autre  ja  ne  seray 
Pour  rien  qui  me  saiche  avenir. 
Et  puis  après,  quant  je  mourray. 
Mon  ame  vous  vendra  servir. 


JEAN   DE   GARENCIÈRES  445 

1 1 .  Et  pour  ce  au  dieu  des  amoureux 
Vueil  je  requérir  et  prier 
Qji'a  ce  jour  de  may  gracieux 
Lui  plaise  de  les  vous  monstrer. 
Et  si  ne  le  veult  accorder 
Je  ne  lui  requier  jamais  don, 
Se  non  qu'il  me  vueille  donner 
La  mort  pour  avoir  gairison. 

XXX.  Balade  Vous  tnavei. 

Je  suis  cellui  qui  ayme  la  plus  belle 
Que  Ton  puisse  des  deux  yeulx  regarder, 
Et  devant  tous  maintendray  la  querelle. 
Et  s*en  cource  qui  s'en  vouldra  courcier  ! 
Si  n'est  homme  que  je  doye  excepter, 
Il  ne  m'en  chault  qui  en  ait  desplaisir, 
Car  je  me  doy  bien  a  droit  resjoïr 
Quant  je  pense  que  je  sui  si  eureux 
Que  je  puis  bien  devant  tous  maintenir  : 
J'ayme  la  belle,  la  meilleur  des  meilleurs. 

Car  oncques  Dieu  si  n'en  fist  point  de  telle. 
Quant  de  cela,  je  m'en  puis  bien  vanter, 
Ne  qui  finast  des  biens  qui  sont  en  elle 
Dont  vous  m'oyez  si  a  présent  parler. 
On  n'y  savroit  ne  mectre  ne  os  ter, 
Ne  riens  redire  pour  beaulté  acomplir. 
Mais  ne  suis  seul  a  ce  propos  tenir. 
Et  quant  a  moy  j'en  seray  amoureux, 
Disant  tousjours  sans  jamais  repentir  : 
J'ayme  la  belle,  la  meilleur  des  meilleurs. 

Qui  ne  m'en  croit,  si  voise  voir  a  elle, 

Pour  savoir  mon  se  je  sui  menxongier; 

Enquiere  bien  celle  que  l'on  appelle 

La  nompareille  que  l'on  puisse  trouver; 

Cerche  partout  s'il  y  scet  assener  : 

Je  n'ay  pas  paour  qu'i[l]  me  doy[e]  desmentir; 

J'ose  bien  tant  de  son  fait  soustenir. 

Et  pour  cela,  maugré  tous  envieux, 

Je  maintendray,  qui  ne  le  vueille  oir  : 

J'ayme  la  belle,  la  meilleur  des  meilleurs. 

XXXIII.  Balade  Vous  m'ave^. 

J'ay  tant  de  maulx  qu'il  doit  souffire, 
Je  sui  malade  et  mau  gardé. 


44< 


Je  T-jfiss  ^CLS  TCfs  pcor  aerc*  re^oerâr. 
^  traaas  ^les  tccs  pcor  anrv  raa?ntcraer. 
^s  Tà=s  ▼«»  ^CBS  jciir  nnai  cmair  r«^cir. 
Se  ràsrs  nar?  ^rccsv  xîTe.  gcur  ^cos  senràr 
P!izs  v^'cm^nes  as£b  ^  xnsit  sus,  gufssmisu 
j«  Tàss  Ter?  »ctis  snt   /m  liin**  je  Fr m»:-» 
Cet  *e  t«Lixa  Tcscç  TÙitsnîC  ^«iuiiiss^ 
f*e  T3sns  ^Rsrs  ^pghs  gcar  reaprcnr  jetss&. 

Mil.  ^KÎht  ^-trrf^    nSTCU^  ^yrrfty  s  i^ilt? 

vint  -ij  îttt  TcsCTî  sans  -.anais  ieiartrr. 
J«e  îuis  "nsHt    Tiiicsf  tqus  aie  iamer 

V  Stt  Tean  itcus  iinx  >S>s:îSani3L. 


JEAN  DE   GARENafeRES  447 

Je  sui  venu  pour  finer  ma  tristesse, 
Je  sui  venu ,  ma  treshaulte  princesse, 
Vous  requérir  que  vous  n'oubliez  mye 
Que  j'ay  empris,  sans  ce  que  je  me  laisse, 
De  vous  servir  tous  les  jours  de  ma  vie. 

Je  suis  venu  :  or  me  vueillez  amer 
A  ceste  foiz,  s*il  vous  vient  a  plaisir, 
Ou,  sans  faulte,  vous  m'en  ferez  râler. 
Mais  ce  sera  sans  jamais  revenir. 
Car  mieux  me  vault  loingtain  de  vous  languir, 
S'il  ne  vous  plaist  me  donner  allegence, 
QjLie  tous  les  jours  veoir  ma  'desplaisance 
Devant  mes  yeulz  et  ma  dure  destresse; 
Mais  toutesfoys,  quelque  part  que  j'adresse 
Pour  paour  de  mort  je  ne  me  tendray  mye. 
Ce  saichez  vous,  ma  tresplaisant  maistresse, 
De  vous  servir  tous  les  jours  de  ma  vie. 

XL.  Balade.  On  peut  en  rapprocher  la  Balade  de  saint  Falen- 
tin  de  Grandson,  dont  tous  les  vers,  sauf  le  refrain,  commencent 
par  ces  mots  :  Je  vous  choisy  (^Romania,  XIX,  422). 

A  ce'  jour  d'uy  c'om  doit  dame  choisir. 
Je  vous  choisy,  et  si  vous  fays  présent 
De  cuer,  de  corps,  sans  jamais  départir, 
Pour  vous  servir,  ma  dame,  seulement. 
En  vous  venant  requérir  humblement 
Qp'il  vous  plaise  de  me  vouloir  amer; 
Et,  par  ma  foy,  bien  vous  pouez  vanter 
D'estre  la  dame  du  monde  mieulz  amee. 
Car  j'ay  tout  mis,  cuer  et  corps  et  pensée, 
A  ce  faire,  quelque  part  que  je  soye. 
Ne  sans  [vous]  voir  nulle  rien  ne  m'agrée. 
Ma  seule  amour,  ma  souveraine  joye. 

Je  vous  choisy,  mon  treshaultain  désir, 
Je  vous  choisy,  mon  joyeulx  pensement, 
Je  viens  vers  vous  humblement  requérir 
Vostre  grâce  pour  mon  allégement. 
Je  sui  vostre,  sans  nul  département  : 
Vous  me  pouez  de  mes  maulx  conforter. 
Nul  n'a  pouoir  dessus  moy  commander 


I.  Ms.  Au, 


448  A.    PÏAGET 

Autre  que  vous,  ma  dame  redoublée, 
Vostre  amour  est  tant  de  moj  d^iree 
Que,  par  ma  foy,  pour  neti  ne  rnc  tendroyc 
De  vous  servir  tant  com  j'avniy  durée, 
Ma  seule  amour,  ma  souveraine  joye* 

Je  Yous  cboisy,  la  plus  belle  a  veoir, 
Cii'onoques  veîsse  de  mes  yeuîx  ïiuîtement. 
Je  suis  venu  :  or  me  vueiïlef  partir 
De  voz  grans  biens  dont  si  tresLirgemcnt 
En  avez,  dame,  que  je  tien  fermement 
Que  nulpej  autre  n'en  pou[rr]oit  tant  fioer. 
Car  nul  homme  ne  pourroh  racompier 
La  grani  beau  hé  dont  vous  estes  parce. 
Oncques  sr  belle  ne  fu  de  mère  née 
Que  vous  estes,  cela  dy  et  diroyc 
En  tous  paîs  et  en  toute  contrée. 
Ma  seule  amour,  ma  souveraine  joye. 

Ma  princesse^  ma  dame  recdlee, 
Le  bien  de  vous,  vostre  grani  renommée, 
M'a  mis  es  maulx  ou  guérir  ne  pourroye 
Se  par  vous  n'est  la  gucrtson  trouvée, 
Ma  seule  amour,  ma  souveraine  joye. 


Quelques-unes  des  pièces  du  manuscrit  19139  présentent  un 
intérêt  plus  spécial  que  les  lamentations  amoureuses  de  Jeannet 
de  Garencières  et  méritent  de  nous  arrêter  quelque  peu. 

La  VHP  est  une  ballade  de  Jean  de  Fayel.  Ce  personnage 
était  déjà  connu  comme  poète.  L'abbé  de  la  Rue  mentionne , 
mais  sans  citer  de  sources,  les  «  chansons  et  ballades  de  Jean 
Fayel,  vicomte  de  Breteuil  *  ».  Ces  deux  lignes  ont  été 
reproduites,  sans  autre  explication,  par  Frère*,  par  M.  Tabbé 
Chevalier  3,  dans  le  Dictionnaire  du  département  de  PEure^y  pat 


1 .  Essai  ïnstoriqiu  sur  les  bardeSy  les  jongleurs  et  les  trouvèreSy  III,  349. 

2.  Manuel  du  bibliographe  normamî^  I,  148. 
j.  Répertoire,  s.  v.  Jean  de  Fayel. 

4.  Evreux,  1882,  p.  62,  s.  v.  Breteuil. 


JEAN   DE  GARENCifeRES  449 

M"^*  Oursel  *,  Que  sont  devenues  les  chansons  et  les  ballades 
dont  parle  Tabbè  de  la  Rue?  Je  n*aî  pas  réussi  à  les  retrouver. 

Le  22  novembre  14 17,  Jean  de  Fayel  est  qualifie  de  «  cheva- 
lier, viconte  de  Bretueil^  chambellan  de  monseigneur  le  duc 
d'Orléans,  et  gouverneur  de  ses  duchiè  de  Valoîs  et  conte  de 
Beauraont,  et  cappitaine  de  son  chastel  de  Beaumont*  ».  Il 
vivait  encore  le  25  mai  1420'. 

Dans  la  ballade  qui  porte  son  nom,  Jean  de  Faycl  s'adresse 
à  Jeannet  de  Garenciéres  et  lui  demande  conseil.  Il  est  sur  le 
point  de  se  déclarer  servant  d'une  jeune  dame  «  qui  moult  fait 
a  louer  s),  mais  il  hésite,  parce  que,  de  tous  côtés,  il  entend  dire 
du  mal  du  «  mesticr  amoureux  ».  Est-ce  qu'Amour  est  réelle- 
ment un  maître  si  cruel  et  si  peu  généreux  ?  Est-ce  que  ceux 
qui  se  plaignent  si  fort  ne  sont  pas  plutôt  des  amants  trompeurs, 
punis  pour  leur  fausseté  ? 

Je  m'en  rapporte  a  vosire  jugement. 
Or  me  dictes,  se  du  tout  me  meaoye 
A  bien  servir  la  belle  seulemem^ 
Se  c'est  le  mieuli  pour  moy  tenir  en  joye? 

A  cette  ballade,  où  se  cachait  peut-être  quelque  malice» 
Jeannet  de  Garenciéres  répond  (ballade  IX),  un  peu  brusque- 
ment et  de  mauvaise  humeur,  qu* Amour  ne  récompense  pas, 
tant  s'en  faut,  tous  ses  sujets,  mcrae  loyaux  et  fidèles.  Il  con* 
seiile  à  Jean  de  Fayel  —  qui  fera  bien,  une  autre  fois,  de  ne 
pas  médire  d'autrui  —  d'aimer  la  belle  dame  dont  il  parle.  Et 
puis,  dit  Garenciéres,  vous  viendrez  m'en  donner  des  nou- 
velles : 

Je  m'en  rapporte  a  Jaques  du  Peschin. 

Jacques  du  Peschin,  trahi  par  une  dame  qu'il  aimait  «  loyau- 
ment  sans  fausser  »,  abonde  dans  le  sens  de  Jeannet  de  Garcn* 
cières  (ballade  X).  Peut-être,  dit-il  au  vicomte  de  Breteuil, 
serez-vous  plus  heureux  qu'un  autre.  Essayez.  En  tout  cas,  je 
vous  souhaite 

Que  tousjours  mais  vous  vous  tenez  en  joie. 


1.  Nouv,  hiog,  normande^  I,  494, 

2.  CoUcction  Basiard,  n»  709, 

3«  Id.,  n^  747.  Le  Dictionnaire  de  Y  Eure  dit  que  Jean  de  Fayel  mourut 
en  1410, 


4SO  A.    HAGET 

Jacques  du  Peschia  o'était  pas  connu  en  qualité  de  p€>ète.  Il 
figure,  le  premier  mai  1400,  parmi  les  écuyers  de  Charles  M 
qui  reçurent  des  houppelandes  '•  En  1401,  le  duc  d'Orlians  fait 
acheter  pour  la  somme  de  128  L  t.  ^  huit  pièces  de  draps  de 
soye  appeliez  baudequins ,  ouvrez  de  plusieurs  soyes  »,  et  les 
donne  ^  a  Guilbume  de  la  Campaingne  et  Guiot  de  Renty,  ses 
chambellans»  Archembaut  et  Jaques  du  Peschin,  ses  escuiers, 
pour  faire  a  chascun  une  robe  pour  euU^  ».  Peu  après,  il  fait 
don  au  même  Jacques  du  Peschin,  son  écuyer  et  chambellan, 
d'un  «  coursier  brun  bay  a  longue  queue  » ,  acheté  à  Charles 
de  Giresme,  chevalier,  alors  prisonnier  K  En  1412  et  1413, 
nous  voyons  «  Jacques  du  Peschin,  conseiller  et  chambellan  du 
duc  d'Orléans  et  gouverneur  des  contez  de  Blois  » ,  chargé  de 
lever  une  aide  pour  la  délivrance  du  comte  d'AngouIèrae^.  Le 
24  avril  141 5  (n,  s,),  Jacques  du  Peschin  donne  quînance  de 
ses  gages  pour  service  de  guerre  contre  le  duc  de  Bourgogne  î. 

Voici  les  trois  ballades  de  Jean  de  Fayel,  de  Jean  de  Garen- 
cières  et  de  Jacques  du  Peschin  : 

Vin*  Balade  Jehan  de  Faiel, 

J'ay  trop  oy*  le  mestier  amoureux 

Par  balades  ahontir  et  blasiner  ; 

Les  uns  y  a  qui  inaudi(r)ent  les  ycuh. 

Les  autrtis  dient  que  bricf  ïes  fault  liner» 

Et  s*il  leur  vient  de  loyaument  amer, 

Et  comme  ilz  diem,  et  en  font  grant  scrcmciit. 

Et  pour  ce,  Jehan',  je  vous  prie  humblement 

Que  me  vueïllez  conseiller,  se  j'avoyc 

Mon  cuer  donné  a  Amours  lige  ment, 

Se  c'«  est  le  niîeuîx  pour  moy  tenir  en  joye  ? 


I ,  Douêt-d'Arcq,  Choix  dt  (nkes  itt/âiUs  rektives  au  règne  de  Cbarlts  Vl^  J, 
166. 
j.  Collection  Bastard,  n^  }8k 

3.  Id.f  110638. 

4.  W,»  no  688. 

5.  Clairambault,  Titra  sceliés,  r.  8j,  p.  6691. 

6.  Ms.  fay  trop  Iminy. 

7.  Le  copiste  avait  d'abord  écrit  ]aq(m.  Ce  mot  est  barré  et  remplacé,  eo 
i n lerlig ne ,  par  Jeintn . 

8.  M$.  Ce  est. 


JEAN   DE  GARENafeRES  45  I 

Car  je  vous  jure  qu'il  n*a  pas  des  ans  deux 
Qpe  j*en  vy  une  qui  moult  fait  a  louer; 
Et  si  me  semble  qu'il  seroit  bien  eureux 
Qui  la  pourroit  tout  son  saoul  regarder. 
Il  n'est  pas  bouche  qui  vous  peust  raconter 
Sa  grant  beaulté,  tant  en  a  largement  ; 
Mais  tout  mon  cuer,  ma  vie  entièrement. 
En  la  servir  voulentiers  emploiroye  ; 
Si  vous  demande,  selon  vostre  escient, 
Se  c'est  le  mieulx  pour  moy  tenir  en  joye? 

Et,  d'autre  part,  il  me  semble  que  ceulx 

Qui  se  veulent  si  fort  désespérer, 

Et  qui  endurent  les  tourmens  si  crueulx, 

Q^'ilz  ont  voulu  de  faulseté  user  ; 

Or  je  ne  cuide  qu'Amours  voulsist  donner 

Sans  desserte  si  fel  guerdonnement. 

Je  m'en  rapporte  a  vostre  jugement  : 

Or  me  dictes,  se  du  tout  me  mectroye 

A  bien  servir  la  belle  seulement, 

Se  c'est  le  mieulx  pour  moy  tenir  en  joye  ? 


IX.  Balade  Fous  m'avcTi. 


Vous  qui  avez  le  mestier  amoureux. 
Ce  dictes  vous,  si  fort  oy  blasmer. 
Je  vous  demande  s'il  vous  semble  que  ceulx 
Qui  s'i  mectent  s'en  puissent  tous  louer. 
Il  me  semble  que  c'est  fort  a  penser 
Qp' Amours  puisse  tant  de  gens  assouvir, 
Veu  que  chascun  si  vouldroit  bien  jouir 
De  leurs  grans  biens,  et  en  avoir  souvent. 
Il  me  semble,  selon  mon  jugement. 
Je  ne  sçay  mie  ce  se  vous  a  fait  vin. 
Car  vous  parlez  un  petit  largement  : 
Je  m'en  rapporte  a  Jaques  du  Peschin. 

Car  vous  dictes,  dont  je  sui  merveilleux  s 
Que  ceulx  qui  ont  tant  de  mal  a  porter 
Et  qui  endurent  les  tourmens  si  crueulx, 
Qp'ilz  ont  voulu  de  faulseté  uzer. 
Advisez  vous  ;  on  ne  doit  nul  blasmer. 
Car  on  [ne]  scet  qui  lui  puet  avenir. 


I.  Ms.  merveiîleurs. 


JEAN    DE   GAREXCtÉRES  4SÎ 

Les  amoureux  qui  vont  les  maulx  souffrant, 

Je  vous  respons,  a  vous  en  brief  parler, 

Qpe  j'iiy  arné,  loyaument»  sans  fausser, 

Utit  qui  m'a,  das  I  voulu  trahir. 

Plus  ne  vous  puis  de  mon  fait  descouvrîr; 

Mais  toutesfoys  je  vous  conseilleroyc, 

Se  vous  pouez  votre  fait  acomplirt 

Qpe  10  us  jours  mais  vous  vous  tenez  en  joye. 

Chier  compaignon,  vuelllez  vous  avânder. 
Car  c'est  un  fait  qui  se  veuk  sans  muser 
Brief  abregier,  selon  qu'en  puis  veïr. 
Je  sçay  trop  bien  a  quoy  m'en  puis  tenir. 
Autre  conseil  donner  ne  vous  savroye, 
Fors  :  faictes  tant  qu'a  vostre  revenir 
Q.ue  tousjours  mais  vous  vous  tenez  en  joye. 

Dans  la  ballade  XI,  Jeannet  de  Garencières  nous  parle  d'une 
croisade  à  laquelle  il  a  pris  part  : 

Uau  trier  nous  feusmes  des  compaignons  pluîseurs 
Qui  empreismes  le  chemin  d*oulire  mer... 

Nous  savons,  d'autre  part,  que  <c  le  fils  do  seigneur  de 
Garancieres  m  se  trouvait  parmi  les  croisés  de  rexpèdition  de 
Hongrie,  en  1396  ^  L*expression  «  d'oukre  mer  w  qui  semble 
faire  difficulté  peut  très  bien  se  justifier.  Si  l'armée  franco* 
bourguignonne,  en  effet,  s'est  rendue  à  Nicopolis  par  TAlsace, 
le  Brisgau  et  la  vallée  du  Danube,  les  prisonniers  revinrent  en 
France  par  mer,  de  Brousse  à  Venise.  Jeannet  de  Garencières 
ne  dut  sans  doute  la  vie  qu'à  son  extrême  jeunesse.  Excepté  les 
grands  seigneurs  destinés  à  payer  rançon»  tons  les  autres  cheva- 
liers furent  horriblement  massacrés.  On  n'épargna  que  les  pri- 
sonniers âgés  de  moins  de  vingt  ans. 

Cette  ballade,  adressée  à  Guillaume  de  la  Champagne,  semble 
bien  dater  de  1596.  A  cette  date,  Guillaume  de  la  Champagne, 
seigneur  d'Apilly,  capitaine  delà  ville  et  du  château  d'Avranclies, 
était  écuyer  de  Louis  d*Orléans.  Ce  personnage  est  surtout 
connu  pour  avoir  pris  part,  le  19  mai  1402,  au  combat  des  sept 
Français  et  des  sept  Anglais  qu'a  célébré  Christine  de  Pisan  *. 


1.  Deîaville  Le  Roulx,  La  France  en  Orienî  au  XÎV*  stéck,  II,  15 

2.  Voy.  Bit,  Èc,  des  Charlei,  l,  579,  Le  Roulx  de  Lincj\  Recutil  de  chants 
historiques,  ï,  280.  Christine  de  Pisan,  édit*  Roy.,  I,  240-245. 


JEAN    DE   GARENCIÈRES  437 

La  pièce  XXIII,  intitulée  Letres  f^ous  in'ave:^^  est  assez 
énigmatique.  Autant  qu'on  peut  le  voir,  en  lisant  entre  les 
lignes,  Garencières  était  en  train  de  passer  gaiement  son  temps 
auprès  de  sa  dame,  avec  d'autres  «  compaignons  joyeulx  », 
quand  un  événement  imprévu,  la  mort  de  son  oncle,  vint  trou- 
bler la  fête.  Obligé  malgré  lui  de  s'éloigner,  Jeannet  chevauche 
furieux  de  Paris  à  Orléans,  et  ne  pense  qu'à  revenir  au  plus  tôt. 

De  par  cellui  qui  a  dormy 
A  celles  qui  Pont  resveillô 
Je  présente  ces  letres  cy. 
Ma  damoiselle,  je  vous  pry, 
Lisiez  les,  s'il  vous  vient  en  gré. 

Belle,  aiez[a]  recommandé 
Cellui  qui  de  vous  se  party, 
Ce  mercredy  derrain  passé, 
(iuant[ilj  eust  devant  vous  dormy. 
Au  moins  souviengne  vous  de  lui, 
Car  ainsi  tost  qu'il  vous  laissa 
Il  se  trouva  si  tresmarry 
Qvi'oncques  depuis  ne  reposa. 

Mau  repos  est  pour  lui  sonné  : 
Il  se  puet  bien  aler  couchier. 
Créés  qu'on  Tavra  bien  logié 
S'il  ne  se  deult  au  resveiller. 
Il  le  feroit  bon  encontrer 
Pour  voir  mon  la  chiere  qu*il  fait  : 
Je  tien,  selon  le  mien  cuidier, 
Qii'il  n'a  rien  de  ce  qu'il  vouloit. 

Car  Dieu  scet  s'il  est  douloureux 
Quant  il  pense  qu'il  a  laissié 
Les  autres  compaignons  joyeulx. 
Et  il  s'en  va  desconforté. 
Il  a  esté  depuis  tempté 
Plus  de  cent  foiz  de  retourner. 
Or  chevauche  mal  reposé 
Qjii  ne  scet  ou  il  veult  aler. 

N'il  ne  scet  quant  il  retourra, 
Q^i  lui  est  moult  grant  desplaisir. 
Car  on  scet  trop  bien  quant  on  va 
Mais  ne  scet  pas  du  revenir. 
Ce  compaignon  a  beau  loisir 

Rfimanm.  XXJI  «q 


JEAN    DE  GAREKClèRES  459 

Après  avoir  pris  part  au  siège  de  Cherbourg  ^^  il  est  nommé, 
en  1380,  «  chasicllain  et  cappitaine  du  chaste!  et  ville  de 
Caen  '  »,  charge  qu'il  occupa  pendant  de  longues  années, 
rj  ans  au  moins.  En  1406,  il  était  conseiller  et  chambellan  du 
roi»  grand  maître  d*hôtei  de  la  reine  K  II  vivait  encore  en 
octobre  1408  ■•, 

Yon  de  Garencières  avait  épousé  la  veuve  d^Eustache  de 
Mauny,  Brunissende  de  Lautrec,  fille  d'Amalric  IV,  vicomte 
de  Lautrec,  et  de  Jeanne  de  Narbonne?.  Brunissende  mourut 
rn  1418  sans  laisser  d'enfants^. 

Signalons  encore  Pierre  de  Garencières,  qui,  en  1390,  était 
écuyer  panetier  du  duc  deTouraine7,  et  Sevin  de  Garencières, 
qui  était  contrôleur  du  grenier  à  sel  d'Etampes  en  1404  *, 

La  ballade  XLI  est  adressée  à  Lourdin  de  Salligny.  Elle  doit 
dater,  de  même  que  la  ballade  XLIV  où  il  est  également  ques- 
tion  de  ce  chevalier,  de  Tépoque  où  Lourdio  de  Salligny  était 
attaché  h  Louis  de  Bourbon.  De  retour  de  sa  captivité  d* Angle- 
terre, le  duc  de  Bourbon  avait  retenu  «  messire  Lordin  de 
Saligni,  qui  estoit  ung  appert  et  vaillant  chevaher,  pour  son 
compaignon  d'armes 9  »,  Ces  deux  ballades  sont  donc  anté- 


1.  P,  orig,,  vol,  1280,  no  25. 

2.  P.  orig,,  vol.  1280,  o"  28.  Jules  Tardif,  Monuments  hhtcriques  :  Carions 
iks  rois^  n<»  1614,  1627»  1640,  1658,  1671,  îjO},  171).  Cest  Jean  de 
Garencières  qui  lui  succéda  dans  cette  charge. 

3.  P,  orig.,  vol.  1280,  nf>  16. 

4.  P.  Anselme,  HisL  génè4Û,,  t.  II,  p*  566. 

5.  P.  Anselme,  Hist.  généaL,  t.  11,  p«  365*366,  Histoire génér,  du  Languedoc, 
i.  X,  note  4,  p.  20.  Cf,  iiL,  \,  IX,  p.  963- 

6.  En  1425,  Henri  IV  donne  à  Guy  de  Bar,  seigneur  de  Presles  et  bailli  de 
Sens,  une  maison,  sbe  à  Paris,  rue  Galande,  avec  issue  par  derrière  sur  la 
rue  du  Plâtre,  maison  confisquée  sur  les  héritiers  de  Brunissende  de  Lautrec, 
veuve  d'Yon  de  Garencières*  Voy.  A.  Longnon,  Paris  petidant  la  domitmtion 
anglaise^  p.  192.  Brunissende  de  Lauirec  avait  laissé  ses  biens  à  Jean  de 
Voisins ,  seigneur  de  Confolens ,  et  au  vicomte  de  Narbonne,  Hist,  gétté^il. 
H ,  p.  366.  La  rue  actuelle  G<trancière  (près  de  Saini-Sulpice)  tire  son  nom 
d*un  hôtel  qui,  au  commencement  du  xv*  siècle,  appartenait  Â  Guillaume  de 
Momenay,  seigneur  de  Garencières.  Longnon,  Ouv,  ciL,  p.  193,  note  1, 

7.  P,  orig,^  vol.  1280,  0»  53  et  82, 

8.  Clairambault,  Titres  scellés,  r.  51,  n"  162* 

9.  Chronique  du  bon  duc  Loys  de  Bourbon ^  édil.  Chazaud,  p.  21.  Cf,  pp.  7, 
9»  î5,  19,  20.  Clairambault,  Titres  scella ^  r.  100,  p.  7757. 


JEAN   DE   GARENCIÈRES  46 1 

yeux,  les  dames  et  leurs  servants!  Q.uant  à  moi,  s'écrie-t-il,  «  je 
ne  vueil  plus  amer  »  ;  décision  qu'il  regrette  presque  aussitôt. 
Et  il  demande  à  Bucy  son  avis  sur  ce  point  délicat. 
La  réponse  de  Bucy  (ballade  XLIII)  a  pour  refrain  : 

Car  quant  a  moy  je  vueil  tousjours  amer  ! 

Quel  est  ce  Bucy?  Cest  probablement  le  même  personnage 
que  le  Bucy  du  Livre  des  cent  ballades.  M.  de  Qpeux  de  Saint 
Hilaire  l'a  identifié  avec  le  fils  de  Simon  de  Bucy,  premier  pré- 
sident du  Parlement  de  Paris,  «  Renaud  de  Bucy,  qui  fut  chanoine 
de  Soissons,  qui  figure  parmi  les  conseillers  au  Parlement  de 
Paris,  en  1372,  et  qui  mourut  le  10  mars  1407  ^  ».  Cette  iden- 
tification doit  être  rejetée.  Le  Bucy  du  Livre  des  cent  ballades  est 
certainement  un  chevalier,  de  même  que  les  autres  poètes  de  ce 
recueil. 

L'auteur  de  la  ballade  XLIII  —  et  de  la  ballade  du  Livre  des 
cent  ballades  —  est  probablement  Jean  de  Bucy,  l'un  des  fami- 
liers du  duc  d'Orléans,  collègue  d'Yves  de  Vieuxpont,  de  Jean 
de  Fayel,  de  Jacques  du  Peschin  et  de  Jeannet  de  Garencières 
lui-même.  Nous  le  voyons  en  1390  prendre  part  à  l'expédition 
de  Barbarie,  avec  Yves  de  Vieuxpont*.  Eustache  Deschamps 
met  Jean  de  Bucy  au  nombre  de 

ceux  qui  a  toute  heure 
Rifflent,  ratafflent  aussy  : 
Au  vin  queurent  tousdis  seure. 

11  le  range  parmi  les  chevaliers  à  la  mode  : 

Ne  leur  chaut  qui  chante  ou  pleure, 
Mais  qullz  soient  bien  joly  J  ! 

XLII.  Balade  Vous  niaveT^,  Cette  ballade  figure,  incomplète, 
dans  le  Jardin  de  Plaisance,  édition  Vérard,  f°  ex  v°. 

Je  hez  ma  vie  et  désire  ma  mort  ♦, 
Et  maudy  Teure  que  je  feu  amoureux, 

1.  Le  Livre  des  cent  ballades  y  p.  244.  La  ballade  de  Bucy  a  été  publiée  par 
L.  Pannier,  Romania,  I,  367,  et  par  M.  de  Queux  de  Saint-Hilaire ,  Le  Uvr 
des  cent  ballades ,  Complément,  p.  i . 

2.  Jarry,  Ouv.  cit. y  p.  55.  En  1389,  Jean  de  Bucy  était  écuyer  échanson  du 
roi,  P.  orig.y  vol.  546,  n©  21. 

3.  Édit.  Tarbé,  I,  196. 

4.  Ce  vers  est  le  refrain  de  la  Ballade  II. 


^6t  A,    PIAGET 

Et  hé  mon  cuetir  quant  il  en  fu  d*âccord, 

Ec  aussi  hy  je  ma  pensée  et  mes  yeukj 

El  puis  après  toutes  celles  et  ceulx 

Par  qui  premier  le  mestier  commença  ' , 

El  de  cocy  me  bksrae  qui  vouldra, 

D  ne  m*en  chaiilt  qui  en  puisse  parler. 

Die  chascun  tout  ce  qui  lui  pbim. 

Car  quant  a  moy  je  ne  vueîl  plus  araer.  lO 

Et  je  vous  prie»  dictes  moy  se  j*ay  tort, 

Bucy,  Bucy,  mon  frère  gracieux  ; 

Car  il  est  vray  que  sans  nul  réconfort, 

Ne  sans  estre  aucunement  joyculx. 

Que  i*ay  amé  plus  de  deux  ans  et  mieulu  tf 

Une  qui  dit  qu'elle  ne  m  amcm  fA, 

Ne  que  pour  riens  ne  me  confortera 

De  la  douleur  que  me  fault  endurer, 

Pour  quoy  je  dy  :  Qperez  qui  aymera, 

Car  quant  a  moy  je  ne  vudl  plus  amer.  20 

Car  je  voy  bien  que  celle  [en]  est  <l'accord, 

Par  qui  j'ay  eu  unt  de  mal  douloureux. 

Que  je  languisse  par  faulte  de  confort. 

Sans  que  son  cueur  soit  envers  moy  piteux; 

Et  si  je  doy  estre  si  maleureux  25 

Qp'elle  de  moy  nulle  mercy  n'avra, 

Des  biens  d'amours  ne  (ne)  le  verray  je  ja, 

Pour  nulle  riens  qu'autre  me  puist  donner 

Jamais  mon  cueur  ou  dangier  ne  sera, 

Car  quant  a  moy  je  ne  vueil  plus  amer».  30 

XLin.  Balade.  Resposte  de  Bucy. 

J'ay  me  ma  vie  sans  désirer  ma  mort, 
Et  l'eure  aussi  que  je  sui  amoureux, 
J'ay  me  mon  cuer  quant  il  en  fut  d'accord, 
Aussi  fay  je  ma  pensée  et  mes  yeulx. 
Et  puis  ma  dame  au  gent  corps  gracieux 
Qui  en  ce  monde  point  de  pareille  n'a, 

1.  yis.  U  premier  commença. 

2.  Var.  du  Jardin  de  Plaisance  :  2  qu'oncques  fus.  —  S  II  ne  me  chaul 
qu'on  puist  dire  et  parler.  —  11  Et  dictes  moy,  je  vous  pry^  se  fay  tort,  —  12 
Respondei  moy,  mon  frère  gracieux.  —  13  Dois  je  tousjours  estre  sans  reconfort. 
—  14  Ne  sans  y  estre.  —  i^  Je  me  complains  de  ce  cas  merveilleux.  —  16  Ma 
dame  dit.  —  19  Parquoy  je  dy  que  Dieu  Vadvisera.  ■—  10,  20  Quant  est  a  moy. 


JEAN   DE   GARENCIÈRES  463 

Et  quant  eûr  tant  de  bien  me  donna 
Qpe  de  si  belle  servir  et  honnorer, 
Die  chascun  tout  ce  qui  lui  plaira, 
Car  quant  a  moy  je  vueil  tousjours  amer. 

Garencieres,  vous  vous  plaignez  trop  fort 

Des  maulx  d'amours  qui  vous  sont  douloureux. 

Il  me  semble  que  vous  avez  grant  tort. 

Car  nul  ne  puet  a  droit  estre  joyeulx 

S'il  n'ayme  fort  tousjours  de  mieulx  en  mieulx . 

Je  vous  dy  vray,  créez  moy  de  cela. 

Aiez  espoir  que  vostre  dame  avra 

Pitié  des  maulx  qu'i[l]  vous  fault  endurer.  • 

Autre  conseil  Bucy  ne  vous  donra, 

Car  quant  a  moy  je  vueil  tousjours  amer. 

Je  vous  supply  que  prenez  reconfort, 
Et  ne  vueillez  jamais  estre  de  ceulx 
Qpi  se  repent[ent]  d'amer  si  n'ont  confort 
De  leurs  douleurs  en  un  an  ou  en  deux. 
Car  cuer  de  dame  est  loyal  et  piteux, 
Qpant  il  est  temps,  de  ce  ne  doubtez  ja. 
Prenez  en  gré  tout  ce  qui  vous  venra. 
Meilleur  conseil  je  ne  vous  puis  donner. 
Et  au  surplus  aviengne  qui  pourra, 
Car  quant  a  moy  je  vueil  tousjours  amer. 


VI. 

Les  dernières  pièces  du  recueil  du  manuscrit  19 139  sont  aussi 
les  plus  intéressantes.  Jeannet  de  Garencieres  les  écrivit,  en  1407, 
à  Bordeaux,  prisonnier  des  Anglais. 

L'expédition  de  Guyenne,  entreprise  en  1406  par  Louis 
d'Orléans,  nommé  «  lieutenant  du  roi  dans  le  duché  de 
Guyenne  et  ou  fait  de  la  mer  »,  n'était  ni  téméraire  ou  irréflé- 
chie, ni  condamnée  d'avance  au  plus  piteux  échec,  comme  l'ont 
prétendu  les  chroniqueurs  d'inspiration  bourguignonne'.  Peu 
auparavant,    le    comte   de   Clermont,    capitaine   général    en 


I.  M.  Jarry  n'a  consacré  à  cette  expédition  de  Guyenne  que  deux  petites 
pages  de  son  gros  ouvrage  sur  La  vie  politiqtu  de  Louis  de  FranUy  duc  d^Orléans, 
Il  n'a  pas  utilisé  les  Archives  municipales  de  Bordeaux. 


464  A.    HAGET 

Languedoc,  et  Bernard  VU  d*Armagnac  avaient  mis  lottt  le 
pays  à  feu  et  à  sang,  et  s'étaient  empare  d*un  grand  nombre  de 
places  fortes.  Ils  étaient  même  allés  jusqu'à  bloquer  Bordeaux^ 
et  cette  ville  avait  dû  payer  d'une  forte  rançon  la  retraite  des 
Français.  Henri  de  Lancastre,  d'ailleurs,  avait  trop  i  faire  en 
Angleterre  pour  pouvoir  s'occuper  d'une  manière  active  de  ses 
vassaux  de  Guyenne.  En  juillet  1406,  deux  ou  trois  mots  avant 
rexpédition  de  Louis  d'Orléans,  de  Tavîs  de  François  Hogotion, 
cardinal-archevêque  de  Bordeaux,  la  situation  de  la  Guyenne 
était  désespérée.  Le  11  avril  1406,  ce  prélat  écrivait  au  rai 
d*Angleierre  :  «  Nous  sûmes  en  perilh  de  pardition,  comme 
pluscurs  foiz  je  vous  ay  escript  »>^  et  il  réclame  du  secours  «  sans 
aucun  delay  '  »,  Sa  lettre  du  30  juin  est  plus  pressante  encore  : 
w  Très  excellent  prince,  je  vous  ay  escript  tout»  foys  et  enssi 
largement  de  Testât  d'icest  vostre  pays;  ains  ay  encore  tant  crié 
que  ma  voîz  en  est  faicte  rauque.  Ainsi  je  ne  say  que  dire  plus 
for  que  rcpetîr  et  resumir  briefment  cela  que  pluseurs  fois  je 
vous  ay  escript  :  c'est  assavoir  que  si  les  Françoys  pourçuient 
la  guerre  ainsi  corne  menassent  et  se  appareillent,  je  repute  tout 
ycest  voustre  pays  perdu,  ou  au  menchs  destruyt^  ».  Le 
lî  juillet,  nouvelle  demande  de  secours  :  les  Français,  écrit  le 
cardinal  au  roi  d'Angleterre,  s'avancent  peu  à  peu,  font  de 
grands  dommages  et  prennent  «  orez  un  lieu,  orez  un  autre  »  ; 
ils  en  conquerront  bien  davantage  «  pour  ce  que  quasi  touz  voz 
subgîz  perdent  le  cuer  »>,  voyant  qu'aucun  secours  n'arrive 
d'Angleterre  K  François  Hugotion  ne  se  fatigue  pas.  Le 
22  juillet,  il  revient  à  la  charge  auprès  de  Henri  IV.  Je  ferais 
mieux,  lui  dit-il,  de  ne  plus  vous  écrire,  «  quar,  selon  que  je 
veoy  par  esperience,  negune  ma  letre  ne  porte  aucun  fruit,  ains 
scmle  que  mes  paroles  soient  meinsprisees  :  neantmoyns  par 
moy  mesme  j'ai  délibéré  de  vouloir  plustost  faillir  en  escrivan 
vous  que  en  taysan  ».  D'après  Hugotion,  Saint-Emilion, 
Libourne,  Fronsac,  Blayc  et  Bourg  sont  dans  la  position  la  plus 
critique,  et,  chose  grave,  de  nombreux  seigneurs  du  pays, 
faisant  défection,  passent  du  côté  des  Français 4, 


i.  Archives  munkipaUs  de  Bonhaux,  Rfgistrea  de  tajutade,  l.  JII,  j>. 
a.  Id.,  t.  m,  p.  89. 

},  id,,  t  ni,  p.  91. 

4.  ld„  t.  m,  p.  9î, 


JEAN    DE   GARENCIEKES  465 

On  trouve,  publiée  dans  les  Lettres  de  roiSy  reities^  etc.,  de 
Champollion^Pigenc,  une  intéressante  lettre  anonyme,  du 
18  octobre,  écrite  de  Bordeaux  à  Henri  IV  touchant  le  progrès 
des  Français  en  Guyenne*,  L'auteur  de  cette  lettre  —  on  ne 
ra%'ait  pas  remarqué  —  n*esc  autre  que  François  Hugotion, 
cardinal-archevéqoe  de  Bordeaux*  Le  duc  d'Orléans,  écrit-il  au 
roi  d'Angleterre,  s'approche  avec  une  grande  armée  ;  Bordeaux 
même  ne  pourra  résister  si  un  prompt  secours  ne  lui  vient 
d'Angleterre.  Ne  renvoyez  pas  sous  prétexte  de  T hiver  :  «  Vidi 
eoim  pluries  in  partibus  istis  tempora  hyemalia  ita  grata  sicut 
alias  soient  esse  tempora  veris  ».  Hugotion  croît  le  pays  perdu. 
Mais  aussi  pourquoi  toutes  les  lettres  adressées  à  Sa  Majesté 
n'ont-elles  pas  eu  dVffet  ?  Et  il  ajoute,  après  avoir  enregistré  les 
progrès  des  Français  :  «  Ex  istis  concludat,  si  placet,  alta  Vestra 
Prudenîia  :  ego  enim,  jam  a  principio  hujus  guerre,  in  mente 
raea  conclu  si,  et  sic  etiam  Vcstre  Serenitad  per  plures  mcas 
littcras  nunciavi,  quod  si  Gallici  prosequebantur  guerram  ut 
inceperant,  quod  nihilsub  vestra  obediencia  remaneret  in  par- 
tibus istis,  ni  si  succursum  seu  au  xi  Hum  congruum  mitteretis  de 
Anglia  :  et  sic  apparet  per  expericnciam  me  vera  pronunciasse  ». 

La  lettre  est  du  i8  octobre  :  quelques  jours  après*,  l'armée 
ducale  était  devant  Blaye,  tandis  quVne  flottille,  commandée 
par  Clignet  de  Brcbant,  tenait  la  mer'.  Les  Bordelais,  malgré 
le  peu  de  zèle  qu'Henri  IV  mettait  à  les  secourir,  n'avaient  pas 
perdu  courage.  Le  lo  août  déjA,  sur  Tordre  des  jurats,  Bernard  de 
Lesparre,  seigneur  de  la  Barde,  s*était  rendu  à  Blaye,  pour  orga- 
niser La  défense,  «  per  so  que  lo  seti  segont  que  era  fama  y  debe 


I,  Tome  11,  p.  320.  Champollion  date  celle  lettre  de  1407,  c*est  1406  qu'il 
fsLut  lire. 

2*  Chronique  ou  Journal  du  siège  de  Blaye  et  de  Bourg  dans  ArcUvej  hisioriqms 
de  la  Gironde t  t,  111,  p.  179. 

5.  Les  Regiitrei  de  h  Jnnuie^  t.  111,  p,  162,  donnent  une  liste  des  seigneurs 
qui  accompagnent  le  duc  d'Orléans  :  Charles  d'Albrel,  connétable  de  France  ; 
Jean  d*:  Montagu,  grand-maître  de  France;  Edouard,  marquis  du  Pont,  fils 
du  duc  de  Bar;  les  comtes  de  Clermont,  d'Armagnac,  de  Vendôme^  de 
Dammanin,  les  vicomtes  de  Thouars,  de  Castelbon,  les  sénéchaux  de 
Saintonge,  de  Liniousin,  du  Poitou,  d*Angoumois,  les  seigneurs  de  Parthe- 
nay,  de  la  Fené,  de  Beaumanoir,  de  Pons,  de  Montberon,  de  Mauléon,  Jean 
de  la  Tour,  Arnauton  de  Bordes.  A  cette  liste ,  on  peut  ajouter  François  de 


46é  A.    PIAGET 

bénir*  ».  Le  20  septembre,  les  Bordelais,  qui  avaient  mppelé  le 
sire  de  la  Barde,  envoyaient  à  Blaye  des  hommes  d'arnus»  des 
archers  et  des  arbalétriers  *.  En  octobre  140e»  la  viUe  de  Blayc  ' 
avait  à  sa  tête  Jean  de  Grailly,  bâtard  du  captai  Jean  IIl-  Le  siège 
dura  une  quinzaine  de  jours,  qui  se  passèrent  en  négociations 
relatives  au  mariage  —  qui  d'ailleurs  n*aboutit  pas  —  du  troi- 
sième fils  du  comte  de  Foix»  partisan  des  Français,  avec  Marie 
de  Montaud»  dame  de  Mussidan,  héritière  de  Blaye  *. 

De  Blaye,  Louis  d'Orléans  vint  mettre  le  siège  devant  Bauig, 
et  fut  encore  moins  heureux.  Le  20  octobre,  les  Bordelais 
avaient  envoyé  à  Bourg,  avec  quelques  hommes  d'armes, 
Bertrand  de  Montferrand  le  Jeune  :  <£  Quar  gtandament  pot  sa 
pcrsona  aproiîeitar  a  la  deffensa  deudeit  loc  d,  lit-on  dans  les 
Registres  (U  la  Jurade^,  Jeaonet  de  Garencières,  comme  nous 
verrons,  parle  dans  ses  vers  de  Bertrand  de  Montferrand.  Le 
Religieux  de  Saint-Denis  fait  également  Féloge  de  ce  person- 
nage :  «  Ipsam  tamen  [villam  de  Burgo]  custodiendam  suscepe- 
rat  quidam  Gasco,  miles  strenuus  et  astutus,  qui  ante  ducts 
adventum  ex  finitimis  vicinis  vires  corrogans,  victus  et  alimen- 
torum  copias  collegerat,  arma  congregaverat,  materiam  ad  cun- 
texendas  varii  generis  machinas  et  cetera  que  in  huiusmodi 


Gfignols  (Clairambault,  Titns  scella^  r.  86,  p.  6745),  Amaury  de  Limcrs 
(Qairambault,  r.  éi,  p.  5049),  Raymon  Arnaud  de  OoairsLZC  (voir  plus  loin) 
et  Jeannet  de  Garencières.  —  Archarabaud  de  Grailly,  comte  de  FoU,  ne  se 
trouvait  pas  dans  Farmée  de  Louis  d'Orléans ,  connue  le  dit  M,  G,  Lcfôvre- 
Pontalis  (Petite  chronique  d^  Guyenne  fusqu^à  Van  1442,  dans  Bib.  Éc.  db 
Cfmrifs,  L  XL  Vil,  î886,  p*  64),  Ce  seigneur  était  resté  fidèle,  du  moins  en 
apparence,  aux  Anglais.  Le  premier  novembre  1406,  il  Taisait  dire  au  conseil 
de  Bordeaux  «  <|ue  de  ssons  locs»  a  ssou  poder,  res  de  la  part  deu  rey  d'Angla- 
terra  »,  mais  que  son  û\s  s*en  est  allé  auprès  du  duc  d'Orléans  avec 
400  hommes  (Registres  de  la  Jurade,  i.  III,  p.  127).  Le  comte  de  Foix  raen* 
tionné  parla  PetHe  chronique  n*est  autre  que  Jean,  vicomte  de  Castelbon» 
devcmi  comte  de  Foix  en  141 2. 

1.  Registres  de  la  Jurade,  t*  III,  p.  19. 

2.  M,  t,  m,  p.  î4,  64. 

3.  Voy,  sur  ces  négociations  Léon  Flourac,  Jean  /«,  comte  de  Fwx,  via 
îouvirain  de  Bèarn,  Paris,  i884t  P-  îS- 

4.  Tome  III,  p.  129.  Sur  Bertrand  de  Montferrand»  voy,  les  Registrts  de  la 
Juradc,  t.  III,  passim,  et  J.  de  Bourrousse  de  Lafibre,  NotUimre  de  Guimne  et 
deGasaf^Hfy  t.  IV,  p.  241, 


JEAN    DE   GARENCIERES  4*7 

soient  usum  prestare  necessarium^  ardentibus  studiis  incolas 

hortatus  fuerat  inducere  *  ». 

Un  combat  naval  eut  lieu»  le  23  décembre,  surveille  de 
Noël',  entre  la  flotte  bordelaise-anglaise  et  les  vaisseaux  fran* 
çais,  à  la  hauteur  de  Saint-Julien  de  Médoc,  en  amont  de 
Pauillâc*.  Les  Français  furent  battus,  et  une  vingtaine  de 
chevaliers,  parmi  lesquels  Jeannet  de  Garencières,  emmenés 
prisonniers  à  Bordeaux.  Ce  fut  le  seul  engagement  sérieux  de 
la  campagne  4.  Un  temps  affreux  de  pluie,  de  neige  et  de  tem- 
pêtes vint  paralyser  toutes  les  opérations  et  développer  dans 
l'armée  des  assiégeants  les  fièvres  et  la  dysenterie^.  Il  semblait 
vraiment  —  et  certains  chroniqueurs  n'ont  pas  manqué  de  le 
remarquer,  —  que  Dieu,  du  haut  du  ciel,  prenait  la  défense 
des  Anglais  :  «  E  nulh  contrast  lodeit  duc  no  ago,  sino  de  Diu 
qui  lo  combato  ab  pluyas,  ab  vent  fortz  et  grandas  fanhas**  ». 

Le  court  passage  de  Thomas  Walsingham  sur  le  siège  de 
Bourg  mérite  d*être  cité  : 

tt  Anno  MCCCCVII  soluta  est  obsidio  villarum  de  Burgh  et 
de  Bloy  (Blaye)  in  Wasconia,  facta  per  ducem  Aurelianensem; 
qui  cum  quioquagiota  millibus?  venerat  ad  subverteodum  illas. 

1.  RiUgieux  dt  Saint-Denis^  t.  III,  p.  453. 

2.  Religieux  de  Saint-Defiis^  t.  Ill»  p.  454. 

3.  Archives  de  la  Girondr^  t.  III,  p,  179. 

4.  S'il  est  vrai  que  les  chroniqueurs  d'inspiration  bourguignonne,  tels  t^uc 
le  Religieux  de  Saint-Denis ,  Monstrclct ,  P.  Cochon ,  Jouvcncl  des  Ursins, 
insistent  avec  un  secret  plaisir  sur  Tinsuccès  de  Fexpédition  de  Guyenne ,  il 
faut  avouer  que  Cousinot,  pour  les  besoins  de  sa  cause,  en  prend  â  son  aise 
zvtc  rhistoire  :  t<  Et  avint  une  journée  que  Monsieur  Glignet  de  Braibant, 
admirai  de  France,  qui  a  grani  gem  gardoit  la  mer,  combati  Angloîs  qui  en 
Gironde  estoieni  entrez;  lequel  obtint  victoire;  et  fut  la  prins  le  maire  de 
Bordeaux.  »  Uîronique  de  Coininot^  éd.  Vallct  de  Viri ville,  p.  112. 

5.  «  Instantis  raaxima  erat  inclemcntia  hyerais  et  pluviarura  intempéries 
inaudita,  ita  ut  armatorum  virorum  papihones  vix  posscnt  cohibere  stillicidia  ; 
unde  etiam  vîctus  et  supellcx  omnimodo  de  madore  jugis  aque  corrumpe- 
rentur  et  inciperent  putrescere.  Ubique  in  tentoriis  et  extra  per  lutum  nsquc 
ad  genua  opportebat  incedere,  »  Religieux  de  Sainl-DefAs,  t»  III,  p,  454, 

6.  Ardnves  de  la  Gironde^  t.  III,  p.  180, 

7.  La  Peiiie  chronique  de  Guyenne  donne  le  chiffre  de  quinze  mille  combat- 
tants, ce  qui  correspond  assez  bien  aux  six  mille  hommes  d'armes  indiqués 
par  le  Religieux  de  Saint-Denis.  Voyez  la  note  de  L.  Flourac»  Jean  /«*  cantte 
deFoix,  p,  35. 


468  A.    PLAGET 

Scd  Deo  dispensante,  qui  superbes  humiliât,  nulta  dies  per  cxto 
hebdomadas  illuxit  ei  sine  lempestate  pluviamm,  nivis  et  gran- 
dinis,  mixtae  cuin  ventis  et  fulmine;  quae  tam  homines  ad 
mortem  conipuUt  quam  jumenta.  Quibus  infonunîis  fernir  sex 
millia  hominum  perdidisse;  et  qui,  in  adventu  suo,  super  for- 
tunani  suam  nimis  ambitiosus,  fecerat  deportari  supra  caput 
suum  a  quatuor  militibus  pannum  aureum,  jam  reveriens» 
inglorius,  gaudcbat  ab  imbribus  cessare  coelum  '  ». 

Le  14  janvier  1407,  le  duc  d'Orléans  leva  le  siège,  sans  avoir 
rien  fait  que  perdre  beaucoup  d'hommes  et  beaucoup  d'argent, 
«  Ce  fu,  remarque  Nicolas  de  Baje,  une  besoigne  de  grant  per 
et  de  néant  et  entreprise  de  reveP  ». 

Prisonnier  des  Anglais  i  Bordeaux,  Garencières  se  console 
en  faisant  des  vers.  Il  se  demande,  dans  la  ballade  XLrV'\  lequel; 
vaut  !e  mieux  «  pour  vivre  joyeusement  »  :  être  homme* 
d'armes,  ou  être  amoureux  3,  Il  n'avait  à  se  louer,  pour  Tins* 
tant,  ni  de  Tun  ni  de  l'autre  de  ces  w  mestiers  »  :  amoureux,  sa 
dame  le  faisait  languir;  homme  d'armes,  il  était  prisonnier. 
Jeannet  s'adresse  pour  avoir  solution  de  la  question  à  Lourdîn 
de  Salligny  et  à  Gaucourt. 

XLIV.  Babde  Vous  m'aiH^.  Cette  ballade  figure  dans  le  Jardin 
de  Plaisance^  édition  Vérard,  f*  cxi  v^  : 

J'ay  longuement  Amours  servi 
Pour  cuidiûr  leur  bien  acquesier, 
Mais  ilz  m'en  ont  si  mal  party 
Que  je  ne  m'en  pourroye  louera  ; 
Si  ne  m'en  sçay  a  quel  mestier 
Mcctre  pour  mon  allégement. 
Conseil  demantJe  a  toute  gent» 
Car  je  ne  5^;ay  qui  me  vauh  mieulx 
Pour  vivre  bien  joyeusemenl, 
Estre  homme  d'armes  ou  amoureux . 


I.  HUioria  anglmna,  td.  Rilcy.  Londres,  1864,  t.  II,  p,  275,  ou  V/ 

Neuitriae^  éd.  Rilcy.  Londres,  1876,  p.  421, 

a.  Nicolas  de  Bayi\  L  182, 

),  Dans  le  Blason  dfs  artftcs  et  tks  dames,  Coquîllart  pose  la  même  question. 
Il  conclut  qu'un  prince  doit  aimer  les  unes  et  les  autres. 

4.  Ms,  kuer. 


JEAN   DE   GARENCIÈRES  469 

Pour  ce,  Lourdim  de  Salligny; 
Et  vous,  Gaucourt,  my  aray  chier. 
Qui  m'avez  veu,  la  Dieu  mercy, 
Longuement  Amours  pourchacier. 
Je  sui  a  Bordeaulx  prisonnier,  1 5 

Et  n'ay  ne  dame  ne  argent. 
Vous,  oyez  «  mon  gouvernement 
Et  me  dictes,  si  vous  ait  Dieux, 
Lequel  me  vault  mieulx  a  présent 
Estre  homme  d'armes  ou  amoureux.  20 

Gur  ma  dame  du  bien  de  li  * 

Ne  m'a  voulu  oyr  parler. 

Il  a  plus  d'un  an  et  demy. 

Ne  [a]  grant  peine  regarder. 

Plus  ne  vous  en  fault  desclaîrer,  25 

Trop  en  savez  vous  largement. 

Avisez  [a]  ce  jugement, 

Et  me  dictes,  entre  vous  deux. 

Qui  est  plus  mon  avencement, 

Estre  homme  d'armes  ou  amoureux  s .  30 

Nous  n'avons  pas  la  réponse  de  Lourdin  de  Salligny.  Mais 
nous  avons  celle  de  Gaucourt  (ballade  XLV)  et  celle  d'un  autre 
chevalier,  nommé  Courrarre  {sic)  dans  le  manuscrit  191 39 
(ballade  XLVI). 

Gaucourt  conseille  sagement  à  Jeannet  de  rester,  comme 
devant,  homme  d'armes  et  amoureux. 

XLV.  Balade  et  resposte  de  Gaucourt. 

Garencieres,  je  vous  niercye 

Quant  il  vous  plaist  me  demander 

Conseil  de  vostre  maladie, 

Des  maulx  que  vous  fault  endurer. 

Selon  ce  qui[l]  me  puet>embler. 

Vous  estes  content  de  servir 

Amours  ou  les  armes  suir. 

Pour  savoir  lequel  vous  vault  mieulx 


1.  Ms.  orre:(^. 

2.  Ms.  lui, 

3.  Var.  du  Jardin  de  Plaisance  :  3  Mais  il^  mont  si  tresnud  party,  — 
4  scauroye.  —  ^  Si  ne  me,  —  11  Saligry  (sic).  —  12  mon  amy,  —  13  Qui  aue^. 
—  2%  A  me  trouuer  en  haultains  lieux. 


470  A^    PIAGET 

Si  vous  fault  tous  les  deux  tcnk, 
Estre  homme  d'armes  et  imoureux. 

Mais  je  croy  et  vous  ccrtiffie 

due  cil  qui  veult  les  detix  Uanter, 

S*il  ea  fait  un  jour  chîere  lie. 

Deux  Ten  ùmh  languir  et  penser; 

Et  ets  verroit  on  bien  muser 

Cent  saiges  et  eux  esbaîr 

La  ou  •  vous  livrez  a  plaisir 

Tant  estes  bel  et  gracieux  ; 

Si  vous  faylt,  q«oy  qu'wiî  peust  venir, 

Estte  homme  d'armes  et  amonrenx. 

Je  le  vous  conseil  et  vous  prie, 
S'Amours  vous  ont  voulu  monstrer 
Leur  pouoir  et  letir  seigneurie. 
Vueillez  humblement  endurer, 
Et  celle  qu'on  n*ose  nommer 
Plus  qu*oncques  amer  et  chérir. 
Car  die  vous  pourra  guérir 
Tout  a  tens  par  ces  biens  joyeulx. 
Or  vueilleij  sans  vous  repentir, 
Estre  homme  d'armes  et  amoureux. 

Courrarre  (w),  qui  lui  aussi  était  prisonnier  des  Anglais,  ne 

prend  pas  au  sérieux  la  «  desesperacion  »  de  Garencières.  Vous 
n'êtes  qu'un  enfant,  lui  dit-il,  et  vous  aurez  bien  le   temps 
d'acquérir  «  le  les  de  bon  guerrier  ». 
XL VI.  Balade  et  resposte  de  Courrarre. 

Garenderfels,  mon  compaignon. 

Il  vous  a  pieu  de  toute  gent 

Enquérir  par  oppinion 

Que  vous  devtz  faire  a  présent, 

Ou  renoncier'  entièrement 

Aux  grans  biens  qu'Amours  puet  donner, 

Ou  laissier  d'armes  le  mestier. 

Mon  très  doulx  frère  gracieux. 

Je  vous  vueil  premier  conseiller 

Que  vous  soiez  bien  amoureux. 

D'armes  laissier  n'avez  raison, 
Veu  que  vous  n'estes  qu'un  enfant  ; 


I.  Ms.  Ion  —  2.  Ms.  Et  receuoir. 


JEAN   DE  GARENCIÈRES  47 1 

Celle  desesperacion 
Ne  soit  en  vous,  ne  tant  ne  quant. 
Car,  si  Dieu  plaist,  d'or  en  avant 
Avrez  le  los  de  bon  guerrier, 
Et  tout  plaisir  par  bien  amer. 
Tenez  vous  donc  a  tous  ces  deux. 
Pensez  tousjours  d'avant  aler. 
Et  d'estre  tresbien  amoureux. 

Aiez  tresbonne  entencion 
De  saillir  de  prison  briefment  ; 
Vous  estes  encore  en  saison 
De  ferir  ung  coup  plus  avant. 
Laissiez  trestout  ce  mal  talent 
A  moy  qui  doy  tousjours  plourer, 
Car  je  sui  vieil  et  prisonnier. 
Et  ay  perdu  tant  que  les  yeulx. 
Laissiez  moy  ces  maulx  endurer, 
Et  soiez  tresbien  amoureux. 

Cellui  qui  ne  fault  [ne]  ne  ment 
Vous  doint  tresbon  avancement 
En  ces  deux  mestiers  gracieux, 
Et  vous  doint  tousjours  pensement 
D'avoir  le  cuer  bien  amoureux. 

Le  Gaucourt  dont  il  est  ici  question  est,  très  probablement, 
Raoul  VI*  du  nom,  qui  fut  conseiller  et  chambellan  du  roi, 
grand-maître  de  France,  gouverneur  de  Dauphiné.  En  1396,  il 
avait  pris  pan,  avec  Jeannet  de  Garencières,  à  l'expédition  de 
Hongrie,  et  avait  été  fait  chevalier  le  jour  de  la  bataille  de 
Nicopolis*. 

Quant  à  Courrarre,  il  faut  l'identifier  à  Raymon  Amaut,  sei- 
gneur de  Courraze  ou  de  Coarraze,  chevalier  béarnais,  cham- 
bellan du  duc  d'Orléans.  Ce  personnage,  qui  a  joué  un  rôle 
important  dans  l'histoire  du  Béarn*,  était,  en  1403,  chevalier 
et  chambellan  de  Louis  d'Orléans.  En  juin  de  cette  année,  il  est 
choisi  par  le  duc  «  pour  porter  lettres  closes  par  devers  le  conte 


1.  Voy.  sur  ce  personnage  le  P.  Anselme,  Hist,  gànéal.,  VIII,  pp.  368  et 
suiv.;  La  Thaumassière,  Histoire  de  Berry,  pp.  586  et  suiv. 

2.  Voy. Histoire  générale  du  Languedoc,  X,  col.  2195.  Flourac,  Jean  /«r 
comte  de  Foix.  Pièces  justificatives»  pp.  198,  211,  292. 


472  A.    PIAGET 

de  Foix  pour  certaines  choses  qui  grandement  touchent  ic  tut 

de  moïidit  seigneur  le  duc  '  ».  Il  se  trouvait,  en  1407,  au  siège 
de  Bourg,  et,  comme  Jeannet  de  Garencières,  fut  fait  pri- 
sonnier. Le  23  avril  1407  (n.  s.),  le  duc  d'Orléans  lui  donne 
2.000  L  t.  «  pour  lui  aydier  a  payer  la  finance  a  laquelle  il  est 
mis  a  rençon  par  les  Anglais  dont  il  est  prisonnier  ». 

Collection  de  Bastard,  n"  497  : 

Loys,  filx  de  roy  de  France,,,..  2  nostrc  amé  et  féal  conseiller  Jchia  le 
Flamcnc,  wlut  et  dileccion.  Nous  voulons  et  vous  mandons  que  par  nostrc 
bien  amé  Adam  de  Blois,  commis  de  par  nous  a  recevoir  la  somme 
de  110^^  II»  francs,  a  nous  assignée  par  monseigneur  le  roy  pour  le  £ut  de 
Tarmee  de  la  mer,  sur  ce  qu'il  nous  puei  devoir,  tant  a  cause  de  la  dicte 
assignacion  du  fait  de  ïa  mer  comme  de  ce  que  ordonné  lui  avons  a  recevoir  1 
pour  le  fait  des  noces  de  Compiengnc,  vous  faictes  bailler  et  délivrer  a  nostre 
amé  et  féal  chevalier  et  chambellan,  messire  Ray  mon  Amault  de  Courraze, 
ou  a  son  certain  mandement,  la  somme  de  deux  mil  livres  loumois,  laquelle 
nous  lui  avons  donnée  et  donnons  de  grâce  especial  par  ces  présentes,  tant 
pour  consideracion  des  bons  et  agréables  services  qu*il  nous  a  faiz  et  espérons 
que  cncores  face,  comme  pour  lui  aydier  a  payer  la  finance  a  laquelle  il  est 

mis  a  rençon  par  les  Anglois,  dont  il  est  prisonnier Donné  a  Paris,  le 

xxiii*  jour  d'avril.  Tan  de  grâce  mil  occc  et  sept.  Sign.  :  Héron. 

Collection  de  Bastard,  n^  498  : 

Sachent  luit  que  je,  Ray  mon  Amault  de  Courraze,  che\*alier  et  chambellaa 
de  monseigneur  le  duc  d'Orléans,  confesse  avoir  eu  et  receu  de  Adam  de 
Elois,  commis  de  par  mondit  seigneur  le  duc  a  recevoir  la  somme  de 
IIJI**  II*  frans,  a  lui  assignée  par  le  roy  nostre  sire  pour  le  fait  de  l'armée  de 
la  mer,  la  somme  de  deux  mille  livres  tournois  que  mondit  seigneur  le  duc, 
par  SCS  lettres  données  le  xxui*  jour  de  ce  présent  mois  d'avril ,  m'a  donné 
de  grâce  especial  pour  aidier  a  paier  la  finance  a  laquelle  j'ay  esté  mis  a 
raençon  par  les  Anglois  don  j'en  suis  prisonnier,  et  pour  cert^nes  autres 
causes  et  consideracions  plus  a  plain  contenues  et  déclarées  es  dictes  lettres, 
de  laquelle  somme  de  11**  L  t.  dessus  dicte,  je  me  tieng  pour  content  et  bien 
paiez  et  en  quicte  mondit  seigneur  le  duc,  le  dit  Adam  et  tous  autres,  Tes- 
moing  mon  secl  et  saing  manuel  cy  mis,  le  xxv*  jour  dudit  mois  d'avril.  Tan 
mil  cocc  et  sept.  Sig.  :  Ramon  Arnaut, 

En  1426,  Raynion  Arnautj  chevalier,  seigneur  de  Coarrazeet 
d'Aspct,  reçoit  580  L  t,  pour  le  payement  de  ses  gages  «  ou 
service  du  roy  nostre  sire  en  ses  présentes  guerres  es  parties  de 


I.  CoUeaion  de  Bastard,  no  ^jj. 


JEAN    DE  GARENCifeRES  473 

France  a  rencontre  des  Anglois  et  autres  ses  rebelles  et  desobeis- 
sans'  ».  Deux  années  après,  il  prend  part  au  siège  d'Orléans^, 
et  pour  Ten  récompenser,  le  roi  de  France  le  gratifie  de 
1500  1.  t.  :  a  pour  consideracion  des  grans  et  notables  services 
que  nostre  amé  et  féal  chevalier,  conseiller  et  chambellan,  le 
seigneur  de  Courraze,  nous  a  faiz  par  deçà  en  noz  guerres  et 
mesmement  en  la  ville  d'Orléans,  par  longue  espace  de  temps, 
durant  qu'elle  a  esté  assegee  par  les  Ânglois  noz  ennemis,  et 
depuis  aussi  en  autres  places,  et  pour  le  recompenser  des  grans 
fraiz  et  despens  qu'il  a  faiz  en  icelle  ville  durant  ledit  temps  '  ». 
II  n'était  pas,  en  1407,  aussi  vieux  qu'il  se  plait  à  le  dire  dans 
sa  ballade  :  nous  savons  qu'il  vivait  encore  en  14604. 

Du  fond  de  sa  prison,  Garencières  adresse  à  sa  dame  une 
longue  complainte  amoureuse  (XLVIII).  Mais  au  milieu  de  ces 
lamentations  toujours  les  mêmes  et  que  nous  ne  connaissons 
que  trop,  on  est  heureux  de  rencontrer  quelques  allusions  à  ses 
geôliers.  La  scène  du  chaperon,  par  exemple,  est  bien  jolie  : 

Hz  me  font  a  force  languir 
Et  endurer  des  maulx  tout  plain, 
Et  n'y  a  si  meschant  villain 
Qp'ii  ne  me  faille  seigneurir. 
Si  tost  que  je  les  voy  venir 
Je  mea  au  chapperon  la  main, 
Mais  c'est  en  priant  saint  Germain 
Qu'il  leur  puisse  mesavenir  ! 

N'aimerait-on  pas  trouver  quelques  passages  de  ce  genre  dans 
les  poésies  d'un  autre  prisonnier  des  Anglais,  de  Charles 
d'Orléans  ? 

XLVIII.  &)mplaînte  Fous  m'ave:^. 

I.  Loingtain  de  quanque  je  vouldroye, 
Tout  au  rebours  de  mon  vouloir, 
Seray,  ma  dame,  a  dire  voir. 
Jusqu'à  ce  que  devers  vous  soye. 
Je  ne  voy  riens  qui  ne  m'ennoye. 


1.  P.  orig,,  vol.  792,  no  22. 

2.  Chronique  de  la  Pucelîe,  éd.  Vallet  de  Vin  ville,  p.  261. 

3.  P,  orig.y  vol.  792,  no  29. 
A.  P.  orig,,  vol.  792,  no  3^. 

ftouMnM.  xxn,  3  ^ 


-[  474  ^*    PUGET 


I 


\ 


Je  suis  près  de  mon  dcscspoir 
Pour  ce  que  tie  vous  ptiis  vcoir. 
Belle»  doulce,  plaisant  et  coye, 
Sans  qui  vivre  je  ne  savroye, 
Ne  parfilîœ  plaisance  avoir- 
dr  nulle  que  vous  n'a  pouoir 
De  mectre  ma  douleur  en  joye. 
Dame  par  qui  tost  je  pourroye 
Guérir  ce  qui  me  fâult  douloîr, 
Plaiae  vous  oir  et  savoir 
Qjie  voulentiers  je  vous  venoye. 

H.  El  ce  n'est  mie  [grant]  mervdUe, 
Beïle^  bonne,  blanche  et  vermeille^ 
Qjie  mon  cueur  souvent  me  conseille 
D'estre  de  vous  bien  amoureux, 
Car  de  Londres  jusques  a  Marcelle 
N*a  dame,  tant  bien  s'apareille, 
C2^i  peust  estre  de  vous  pareille 
Tant  avez  de  bien  gracieux. 
Pay  pour  vous  la  puce  en  l'oreille 
Qpi  ne  veult  point  que  je  soimneille, 
Ains  a  toute  heure  me  desveille 
Et  me  fait  penser  aux  beaulx  yeulx 
Qpe  je  vous  vy  soubz  une  trdlle, 
Dame,  de  toutes  nompareille, 
Pour  vous  servir  jeunes  et  vieulx  » . 

III.  Vueillez  ma  pensée  escouter 
Et  piteusement  adviser 
Le  mal  qu'il  me  fault  endurer 
Pour  ce  que  je  ne  puis  aler 
Vous  dire  mes  douloureux  plains 
Dont  nul  ne  me  puet  conforter, 
Doulce,  plaisant  a  regarder, 
Que  vous,  qui  me  pouez  donner 
De  bien  trop  plus  que  souhaidier 
Ne  pourroye,  j'en  suis  certains. 
HellasI  je  sens  les  maulx  d'amer. 
Ma  dame,  pour  force  d'amer 
Mon  cuer  ne  fait  que  souspirer 
Et  ma  pensée  que  pleurer. 


I.  Ms.  jeunes  et  beaulx. 


JEAN   DE  GARENCifeRES  475 

Pour  ce  que  de  vous  sui  loingtains, 
Je  sens  mes  maulx  renouveller, 
Et  voy  ma  joye  deffiner. 
Je  suis  près  qu'au  désespérer 
Qpant  je  ne  puis  a  vous  parler, 
Belle,  que  tant  désir  et  crains. 

IV.  Mon  cuer  se  plaint  et  je  me  dueil, 
Et  je  vous  diray  Tachaison  : 
Je  suis  au  rebours  de  mon  vueil, 
Et  loingtain  de  ma  guerison. 
Je  sens  des  maulx  plus  grant  foison, 
Ce  me  semble,  que  je  ne  seuil  ; 
Je  regarde  souvent  de  Tueil, 
Je  ne  voy  riens  qui  me  soit  bon  ; 
Je  suy  entre  gent  sans  raison 
Qpi  me  font  trespetit  acueil  : 
Je  n'ose  pas  passer  le  sueil 
Du  premier  huys  de  ma  maison  ; 
Il  y  a  un  traistre  garçon 
Qiii  me  fait  arragier  de  dueil, 
Il  me  ferme  l'uis  au  courreil, 
Et  me  laisse  en  une  prison. 
Je  ne  puis  avoir  se  mal  non. 
Tant  que  je  soye  en  cet  aqueil 

V.  Car  je  me  vois  de  vous  loingtain 

Q^i  me  pouez  (tous)  mes  maulx  guérir 

Entre  [c]eulx  dont  je  suis  certain 

Qpe  nul  bien  ne  me  puet  venir. 

Hz  me  font  a  force  languir 

Et  endurer  des  maulx  tout  plain, 

Et  n'y  a  si  meschant  villain 

Qp'il  ne  me  faille  seigneurir. 

Si  tost  que  je  les  voy  venir 

Je  mect  au  chapperon  la  main, 

Mais  c'est  en  priant  saint  Germain 

Qp'il  leur  puisse  mesavenir  I 

Car  quant  est  de  mon  départir 

Je  ne  me  tien  pas  si  prouchain 

Qu'on  ne  peust  au  fleuve  Jourdain 

Aler  a  temps  et  revenir. 

VI.  Pour  quoy,  belle,  je  vous  prye 
Et  supplie 
Q^e  vous  ne  me  vueillez  mie, 


I  47^  ^"  î'ïA^^'^ 

>  SW  vous  plaist,  mectre  çn  oublk  ; 

Mais  penseï  qu^  j'ay  envie, 
,  Qlioy  qu'on  die, 

De  trouver  b  départie 
De  moy  et  des  getis  [i]cy. 
Car  certes  leur  corapaigaie 

Si  m'ennuye 
Pour  la  tresgranl  tîrannîe 
DoQi  chasctîti  d'euk  est  garny. 
Qijant  a  moy  je  les  regnye 

Et  deffie 
Pour  tous  les  jours  de  ma  vie , 
Mais  que  j*cn  soyc  pany. 
Car  ïh  sont  desraïsonnableg 

Et  muables 
Plus  que  n'est  un  jeu  de  tables. 
C2pe  l'on  tient  a  l'aventure. 
Et  si  sont  de  tel  nature 

Qpe  je  jure 
Qp'on  feroit  estre  parjure 
Le  meilleur  pour  un  cent  d'ables, 
Et  quant  est  d'estre  amiables 

Ne  piteables, 
Les  sarrazins  mescreables 
Le  sont  d'aussi  grant  mesure', 
Car  leur  prison  est  trop  dure 

Et  obscure, 
Et  semble  bien  qu'ilz  n'ont  cure 
Qu'on  les  tiengne  a  honnorables. 

Vil.  Ce  sont  gent,  a  vous  tout  dire, 
De  si  maie  voulenté 
Qpe  je  ne  saroye  '  eslire 
Le  niieulx  condicionné. 
Ne  si  n'ay  pas  advisé 
Qu'on  peust  congnoistre  le  pire  ; 
Et  pour  ce  trop  je  désire, 
Ma  souveraine  chierté, 
D'estre  de  vous  approuchié 
Pour  m'oster  de  ce  martire. 
Car  mon  fait  tousjours  empire. 


1 .  Ms.  mesaise. 

2.  Ms.  savoyt. 


JEAN    DE   GARENaÈRES  477 

Je  suis  près  qu*a  mort  mené. 
Se  confort  ne  m'est  donné 
Je  tien  que  je  mourray  d'ire. 

VIII.  Mais  se  je  muir  par  vostre  amour 
En  ceste  douloureuse  tour, 
Belle  que  j'ajmie  si  tresfort, 
Au  moins  vueillez  plaindre  ma  mort, 
Et  dictes  unes  foiz  le  jour, 
S'il  vous  plaist,  en  quelque  destour, 
Qu'on  a  fait  mourir  a  grant  tort 
Cellui  qui  tout  estoit  d'accort 
D'estre  vostre  sans  nul  retour. 
Se  '  vous  me  faictes  cest  honnour 
Vous  me  ferez  grant  reconfort 
Encontre  l'amoureux  effort 
Q.ui  me  tourmente  sans  séjour. 
Et  me  mect  en  la  grant  doulour 
Dont  je  ne  puis  avoir  confort, 

IX.  Si  ne  me  vient  de  vostre  grâce, 
Doulce,  plaisant  et  gracieuse  ; 
Car  je  voy  qu'Amours  se  soulace 
Qpant  ma  pensée  est  douloureuse. 
Il  ne  la  puet  souffrir  joyeuse 
N'il  ne  me  veult  laissier  en  place. 
Il  fault  souvent  que  je  desplace 
Par  sa  puissance  rigoreuse. 
Car  Fortune  la  maleureuse, 
Qpi  toutes  *  les  douleurs  amasse, 
Me  veult  asommer  de  sa  masse, 
Se  vous  n'estes  de  moy  piteuse  : 
Je  la  trouve  si  despitcuse 
Qjiie  je  ne  sçay  pas  que  je  face. 

X.  Vous  avez  oy  ma  complainte 

De  mon  cuer  qui  tousjours  se  plaint, 
Dame^  par  qui  j'ay  douleur  mainte, 
Souffrez  )  que  mon  mal  soit  estaint , 
Ou  autrement  je  sui  retaint 
Et  tien  ma  vie  pour  estainte. 


1.  Ms.  Ce, 

2.  Ms.  ious. 

3.  Ms.  Souffrir. 


478  A.   nAGET 

Car  Désespoir  qut  rae  destrrât 
Me  Ml  reootiveller  ma  plaînit. 
Je  sois  en  ramoureuse  ençamte. 
De  tOQS  les  cost^  si  ençaïnt, 
Qpe  je  oe  puis  estre  desçâint 
De  ma  douloureuse  desçainte, 

La  pièce  XLIX,  faussement  nommée  «  balade  »,  a  pour 
auteur,  comme  le  dit  le  titre,  «  ceulx  de  BordeauU  »,  Ce  pro- 
duit de  la  collaboration  de  quelques  seigneurs  bordelais  est  très 
incohérentj  mais  ne  manque  pas  d'intérêt-  On  y  trouve  Féloge 
du  roi  d'Angleterre  et  celui  de  Bertrand  de  Montferrand, 

Garcncières  répond  (ballade  L)  de  son  mieux  à  1* écrit  des 
seigneurs  bordelais,  qui  est^  remarque-t-il  ironiquement. 

Si  grandemeni  rimé 
Qpe  par  Dieu  je  ne  renten  mye  ! 

Il  accorde  volontiers  que  Montferrand  s'est  très  bien  défendu 
dans  sa  ville  de  Bourg,  et  fait,  en  passant,  une  discrète  allusion 
au  duc  d'Orléans. 

XLIX*  Balade  faicie  par  ceulx  de  Borâmulx  '. 

A  vous»  ma  dame  jolie. 
Par  ma  foy  nous  ea  yron, 
A  vous,  ma  dame  jolie. 

A  Paris  sur  Normendie 
Dont  maudit  soit  le  renom. 
A  vous... 

François  ont  fait  grant  folie 
D*assaillir  le  gascon. 
A  vous... 

Le  jour  de  saincte  Marie 
Candelour  nous  combatron. 
A  vous... 

Par  ma  foy  non  feron  mye, 
A  Paris  nous  en  yron. 
A  vous... 

En  la  chambre  jolie 

De  ma  dame  nous  tendron. 

A  vous... 


X.  Je  reproduis  cette  «  balade  »  telle  qu'elle  est  dans  le  manuscrit. 


JEAN   DE  GARENCIÈRES  479 

Monferrant  et  sa  compaignie 
A  gaigné  tresgrant  renon 
A  vous... 

De  la  tresgrant  valentie 
Qp'il  a  fait  ou  lieu  de  Bourc  ; 
A  vous... 

Qjiie  pour  mort  ne  maladie 
Ne  pour  promesse  ne  don 
A  vous... 

Q)ie  le  duc  fait  leur  ait  voulu 
Le  lieu  de  Bourc  ne  rendron. 
A  vous... 

Ains  le  tendron  en  la  baillie 
De  roy  Henry  leur  baron, 
A  vous... 

Q)ie  les  en  fera  trestous 

Chevaliers,  chambellans  de  grant  renon. 

A  vous... 

Messire  Jehan  de  Garencieres, 

Les  seigneurs  de  la  ville  vous  envoye[nt] 

Cest  escript,  et  vous  prie[nt] 

Q.ue  vous  faciez  la  responce 

Selon  vostre  sentement.  Preu  vous  face. 

L.  Balade  et  responce  Fous  m'àve^i. 

Seigneurs,  vous  m'avez  envoyé 
Ung  escript  de  vostre  partie 
Q.ui  est  si  grandement  rimé 
Que,  par  Dieu,  je  ne  Tenten  mye. 
Et  pour  cela  je  vous  supplie 
Que  se  je  respons  jeunement 
Que  [vous]  vueillez  premièrement 
Avant  toute  euvre  regarder 
Que  ce  me  fait  force  d'amer, 
Qui  me  tient  en  merencolie, 
Pour  ce  que  je  ne  puis  aler. 
Par  devers  ma  dame  jolie. 

Quant  au  duc  qui  s'en  est  aie, 
Je  ne  sçay  s'il  a  fait  folie, 
Car  je  ne  l'ay  pas  conseillé. 
Aussi  ne  m'en  cre[r]oit  il  mye  ! 


^|jgO  A.    PIAGET 

Mais  $e  fesBTie  at  No 
Dcmî  je  fsny  âtt{Tt)mGvxocBÊ^ 
El  que  j'ei^se  d^vretoeiu 
Ek  r^rgcnt  qu'il  tue  ùaâL  fsttkr. 
Je  oe  fcfoye  aune  mestiert 
Eïe  cek  oe  votu  daobtez  mye, 
Trtstout  k  long  de  c^t  f*cr, 
Qpe  veoir  ou  d^me  plie. 

MonifcrTam,  qui  Bourc  â  gardé 
Enîre  lui  et  &a  compôignk, 
Doit  bi^  cstre  rccomimndé 
A  roMieur  de  daevakrie. 
Dq  surplus  je  ne  sait)}^  mye  ' 
Vous  n^pondre  quant  a  preseot. 
Ne  comnïem  le  departemeoï 
Du  siège  s'est  peu*  ûrdonuer. 
Car  je  sui  vostre  prisonmer 
En  une  tour  ou  bien  tn 'ennuyé. 
Or  m'en  vudllejt  tpst  delivro-. 
Si  verray  ma  dame  foUe! 
Et  preu  vous  ùict. 

Dans  la  LP  et  dernière  ballade,  Jeannet  de  Garendèies,  depuis 
trois  mois  prisonnier,  las  d'invoquer  «  les  sains  de  paradis  » 
pour  sa  délivrance,  crie  «  aux  dames  mercy  ». 

LI.  Balade  Fous  tnavei. 

Il  a  bien  trois  moys  acomplis 
Que  je  ne  finay  de  prier 
Dieu  et  les  sains  de  paradis 
Qu*ilz  me  voulsissent  délivrer; 
Et  cuidoye  pour  beau  parler 
Les  convertir  a  ce  vouloir. 
Mais  je  puis  bien  aparcevoir 
Qu*ilz  m*ont  a  ce  besoing  failly. 
Si  m*en  repens,  a  dire  voir, 
Et  en  crie  aux  dames  mercy. 

Car  se  j'eusse  requis  les  dames 
Ainsi  bien  que  j*ay  fait  les  sains, 
Veu  que  pitié  est  [toute]  en  femmes 
Et  Tonneur  de  tous  biens  mondains, 

I.  Ms.  je  ne  sauoy  mye.  — -  2.  Ms.  cest  pour. 


JEAN   DE  GARENaÈRES  48 1 

Je  CDidâsse  estre  plus  proucbains 
D*avoir  trouvé  ma  délivrance. 
Mais  non  obstant  la  penitance 
Qpe  j*ay  faiae  jusques  a  cy, 
Je  vien  a  leur  obéissance 
Et  leur  crie  de  bon  cueur  mercy. 

Qji'il  leur  plaise  me  pardonner 
De  ce  que  j'ay  autre  requis. 
Car  ilz  me  peuent  plus  aidier 
Qpe  tous  les  sains,  grans  et  petiz  ; 
Mais  folie  m'avoit  sourpriz 
Com  un  homme  désespéré. 
Et  pour  ce  que  j'ay  advisé 
Que  j'ay  trop  grandement  failly, 
Je  m'en  mect  a  leur  voulenté 
Et  leur  crie  de  bon  cuer  mercy  ! 

Fous  ifi'otAq. 

Arthur  Piaget. 


NOTES  DE  LEXICOLOGIE  ESPAGNOLE 


L'ètymologie  Je  aida^  st  misîstT^lemeDt  démontrée  par 
M.  P.  Me  ver  {Rmanm,  D,  8o-{  ,  avait  été  indiquée  déjà  par 
an  grammairien  fôpagtïol  du  xvuj-  siècle,  D.  Gregorio  Garces, 
dans  son  cMivnige  intitulé  :  FMmhmcnîo  M  vigcry  degamia  de  la 
lengua  msîdlam^  ixfmisio  m  dprûpiûy  vario  uso  de  st4s  parîktda^^ 
Madrid,  1791,  t.  H,  p,  134,  Pour  rattacher  à  yi,x-i  le  roman 
caday  Garces  ne  s*appaie,  il  ^sx  st£\^  que  sur  le  sens  des  deux 
particules  et  sur  le  traitement  que  le  cistillan  a  fait  subir  au  I 
intervocalique  dans  les  mots  latins;  il  n'a  pas  connu  Temploi 
de  cota  en  has-latin.  Voici  au  reste  ses  paroles  :  «  Entre  los 
pronombres  que  tiene  nuestra  lengua  invariables  en  el  numéro 
y  casos  damos  el  primer  lugar  a  las  voces  coda  y  dtmûs^  que 
detemiinan  mulotud  por  diversa  manera;  puesto  que  aconipa* 
nase  siemprc  el  primero  con  sustanrivos  comunes  en  si  ô  géné- 
rales, contrayéndolos  a  determinada  cantidad  ô  numéro... 
empero  dmbos  son  bien  singulares  por  su  naturaleza  y  origen, 
en  la  quai  se  parece  bien  el  genio  desembarazado  y  filosôfico  de 
la  lengua  Espanola,  pues  dériva  a  nuestro  parecer  el  pro- 
nombre ccda^  que  dice  tanta  relacion  con  el  adjetio  singuli 
de  los  latinos,  de  la  preposicion  kata  de  los  Griegos  man- 
teniéndole  su  ser  de  indéclinable  y  toraàndole  la  particular 
mira  al  distribuir  multitud  de  su  raiz.  »  Et  en  note  :  «  Es  muy 
conforme  el  trueque  de  la  letra  d  por  la  /  al  genio  de  nuestra 
lengua  ;  pues  asi  como  la  muda  respecto  de  la  preposicion 
griega,  hdcelo  tambien  respecto  de  las  voces  latinas  todOy  pode- 
rosoy  puedcSy  podias,  etc.,  sonido^  oido,  atnado^  etc.  » 

ESTANTIGUA 

Dans   la  Zeitschrift  fur   rottianisclx    Philologie  (XV,    228), 
M.  Akc  W:son  Munthe  a  proposé  pour  le  mot  castillan  estan- 


NOTES   DK   LEXICOLOGIE   ESPAGNOLE  48) 

tigua,  qui  signifie  «  spectre,  fantôme  »,  la  jolie  étymologie 
hueste  anligtm  dont  le  sens,  d'après  un  texte  du  xvr  siècle,  paraît 
bien  être  «  procession  de  trépassés  ».  Un  autre  exemple,  beau- 
coup plus  ancien,  de  la  même  locution,  et  qui  jusqu'ici  a  passé 
inaperçu,  se  trouve  dans  le  Poemade  Fenian  Gon^ahx  (str,  3î3). 
Les  compagnons  du  comte,  abîmés  de  fatigues  et  de  misères, 
[se  plaignent  et  protestent  :  «  Cette  vie  est  bonne  pour  les 
démons  (pecados)  qui  marchent  jour  et  nuit  et  jamais  ne  sont 
las;  le  comte  ressemble  au  diable  et  nous  à  ses  acolytes.  » 
fuis  vient  le  passage  intéressant  : 

Porquc  lidiar  qucrcmos  e  tanto  lo  amamos, 

NuMca  folgura  tcncmos»  sy  non  quand o  aJraas  saquamos  ; 

A  los  de  b  utstt  aniygtm^  aqudlos  semdamos, 

Ca  todas  cosas  cansan  e  nos  nunca  cansatnos. 

Voila  qui  confirme  pleinement,  croyons-nous,  Tctymologie 
proposée,  qu'appuyait  d'ailleurs  la  signification  de  «  procesion 
nocturna  de  finados  »  que  les  dictionnaires  de  Fasturien  moderne 
attribuent  k  guesie^  gueslia, 

fUDINO 

A  la  page  xxxvm  du  tome  FV  de  son  Anîoh^îa  de  portas  liricos 
caskUanos  (Madrid  1893),  M.  Menéndez  Pelayo  fait  à  propos  de 
Juan  Alfonso  de  Bacna  la  déclaration  suivante  :  «  La  conjecture 
de  Torientalistc  MûUer,  qui  doute  de  l'origine  hébraïque  de 
Juan  Alfonso,  na  pas  trouvé  if  adhérents  :  il  Iitym//>ï<)où  les  autres 
lisent  judino  et  considère  comme  une  simple  cheville  les  mots 
bahado  en  cl  agm  del  sanio  haptismo,  w  Où  la  conjecture  n*a-t-elle 
pas  trouvé  d'adhérents?  Si  c'est  en  Espagne,  je  le  regretterai 
pour  les  Espagnols  et  en  particulier  pour  mon  excellent  ami 
Menéndez  Pelayo,  qui  était  digne  de  raccueillir  et  de  fimposer 
à  ses  compatriotes,  car  cette  conjecture  ou,  pour  mieux  dire, 
cette  lecture  est  l'évidence  même.  Le  manuscrit  du  Cancimtera 
de  Bama  porte  très  distinctement  :  «  el  quai  dicho  libro...  fizo 
e  ordeno  e  conpusso  e  acopilo  el  indino  Johan  Alibnso  deBaena, 
escriuano  e  seruidor  del  muy  alto  e  muy  alto  e  muy  noble  rey 
de  Castilla  don  Johan,  »  ce  qui  est  tout  à  fait  satisfaisant  et 
conforme  au  style  que  tous  les  compilateurs  du  monde  emploie- 
raient pour  dédier  leur  ouvrage  a  leur  souverain  :  «  Tin- 
digne,  a  etc.  A  la  vérité,  comme  1*/  initial  du  mot  indino  est 


484  A.    MOREL-FATIU 

long,  OD  conçoit  que  les  premiers  éditeurs  aient  commis  la  huie 
de  lire  judim^  —  :1s  en  ont  fait  bien  d*autres,  qui  ont  été  en 
partie  corrigées  par  Fr.  Michel,  quoi  qu'en  dise  M.  Menéiide^i 
—  mais,  paléographie  à  pan,  ce  judino  est  une  «  conjectarc  • 
sans  valeur,  et  cela  pour  deux  raisons.  La  première  d'ordre 
moral  et  qui  a  été  indiquée  par  M,  J.  Mûlkr',  c'est  qu*il  est 
contraire  à  toute  vraîsembianœ  qu'un  juif  oa  un  nouveau 
converti  se  soit  ainsi  prodamé  juif  on  d*orîgîne  juive.  La  seconde 
c'est  que  le  dérivé  judim  n*a  jamais  existé  que  dans  la  langue 
des  éditeurs  du  C^Mncicnaro^i  on  connaît  judh,  jiêdùgo^  fude^no^ 
mais  non  pas  fmàim.  Lisons  donc  en  toute  sécurité  indim  et  n*en 
parlons  plus. 

Quant  à  savoir  si  Juan  Alfonso  de  Baena  était  un  amverso, 
c*est  une  autre  affaire.  M.  Mûlkr  ne  le  nie  pas  ;  il  fait  setilement 
observer  que  dans  b  pièce  de  Ferrant  Manuel  adressée  à  Juan 
Alfonso,  le  vers  «  Banado  de  agna  de  santo  baustîsmo  »  n'a  pas 
grande  ponée,  vu  qu'il  peut  avoir  été  suggéré  par  le  besoin 
de  trouver  une  rime  en  ismû.  Cela  me  pâuidt  sag^ement  pensé, 
et  TcHigine  juive  de  Juao  Alftiinso,  possible,  prohabk  même, 
doit  être  établie  par  d'autres  arguments. 

UNDO 


Le  sens  étymologique  (limpidus)»  qm  s'est  conservé  pour 
ce  mot  en  italien»  parait  n'avoir  plus  été  compris  des  Casdllans 
dès  h  fin  da  XW  siëde*  Et,  chose  cnrieuse,  le  foG  vocable  fut, 
à  cette  époque,  trouvé  bas  pir  quelques  puristes  qui  tentèrent 
de  Tesdure  de  la  Lingue  châtiée.  Témoin  cette  protestation  de 
Femodo  de  Hcrrera  dai»  son  conmientaire  sur  Gardlaso 
(Sévîll^,  1580,  p.  121)  : 


f|Qe  ïmya  el  tratt»  desa 


(Jeocti|alft- 


lueior^ôe 


Si3per. 


Ckam 

es 


ct4elVrei 


KOTES   DE   LEXICOLOGIE    ESPAGNOLE  485 

Ou  encore  cette  allusion  de  Lope  de  Vega  dans  la  dédicace 
de  Im  Pîuda  vakticiana  : 

«  Muchos  se  han  de  oponer  d  tan  linda  cdtcdri:  perdonen  los  crfiicos  esta 
voz  lifula;  que  Fernando  de  Herrera»  hotior  de  h  lengua  castellana  y  su 
Colon  primcro,  no  la  despreciô  famas  ni  dejé  de  alabarla,  como  se  ve  en  sus 
ComiHios,  » 

Les  Oistilhns  de  la  Vieille  Castille,  à  vrai  dire,  tenaient  lindu 
pour  fort  bon  et  taxaient  d'Andalous  (grave  injure  !)  les  gens 
mal  avisés  qui  se  permettaient  de  le  proscrire.  Cest  ce  qu'on 
peut  voir  dans  la  critique  sanglante  que  fit  du  commeotaire  de 
Herrera  le  connétable  de  Castille,  D.  Juan  Fernande^  de 
1  Velasco  : 

«  Con  vucstra  eioquencîa  de  hierro  os  queitais  de  que  muchos  condenan 
estas  vozes  de  ayuda  y  Iittiio^  y  estos  deveti  de  ser  algunos  éloquentes  sevill- 
llanos,  porque  de  puertos  acd  no  a  llegado  esa  censura.  A  muchos  discretos  é 
oydo  dezir  Jindo,  y  en  los  libros  de  frai  Luis  de  Granada,  que  es  el  Cîceron 
castellano,  he  topado  hartas  %'ezes  ayuda\  y  asi  me  parecc  que  quien  condena 
este  vocablo  ayuâUf  meresce  la  palmatoria  y  vos  una  ayuda  ô,  si  os  parece 
mejor  vocablo»  una  melezina  de  agua  fria*.  )> 

Des  passages  cités  il  ressort,  semble-^t-il,  que  ni  Herrera,  ni 
Lope  de  Vega,  ni  le  Connétable  de  Castille  ne  se  rendaient  compte 
de  la  signification  primitive  de  lindo.  Quant  aux  lexicographes, 
ils  ne  montrent  pas  en  savoir  plus  long.  Covarruvîas  traduit  le 
mot  par  «  agréable  à  la  vue,  beau,  bien  proportionné  »,  le  tire 
de  lima  et  donne  comme  sens  dérivé  (en  parlant  d'un  homme) 
celui  d*  «  efféminé  »  :  «  Dezir  eî  varon  lindo  absolu tamente,  es 
llaraarle  afemhmdo,  »  A  Tépoque  de  Covarruvîas,  en  effet, 
lindo  désignait  particulièrement  l'élégant,  Thomme  à  la  mode  : 
El  lindo  don  Diego  est  le  titre  d'une  comédie  de  Moreto,  qui  a 
sans  doute  répandu  et  maintenu  un  certain  temps  cette  accep- 
tion spéciale.  Autant  qu'on  le  peut  vérifier,  les  ouvrages  lexico- 
,  graphiques  postérieurs  à  Covarruvias,  et  notamment  le  Diction- 
naire de  rÂcadémie,  depuis  fédition  dite  dt  autoridades  jus- 
qu'aux éditions  publiées  de  nos  jours,  ne  font  que  paraphraser 
les  définitions  de  Térudit  du  xvn''  siècle  et  n'enregistrent  pas  le 
sens  de  «  pur  »,  dont  dérivent  tous  les  autres. 


I.  Fernando  de  Herrera,  Contrùversia  sobre  îus  Anotacioms^  etc,  Séville 
1870,  p.  7- 


4&6  A.    MOREL-FATKÏ 

C*esi  pourquoi  il  a  paru  utile  de  signaler  ici  deux  passages  ou 
lindo  signifie  incontestablement  «  pur  »  et  ne  peut  pas  signifier 
autre  chose.  Le  premier  est  dré  du  roman  de  Cifar  (éd.  Micbe- 
lant,  p.  117)  : 

«  Cavallero  de  Dtos,  rruegovos,  por  la  Ce  que  dcvcdes  ai^ocl  que  aci  vos 
cnbio,  que  dîgades  delante  de  todos  estes  ssy  sodés  fijodalgo  o  non. — Vcnîad 
vos  digo,  scDor,  dixo  d  cavallero  de  Dios»  que  so  fijo  de  doen^  et  de  caval- 
lero Undos,  » 

Le  second  passage  appartient  aux  fameuses  Trecwttas  de  Juan 
de  Mena  (str.  83)  : 

Aprcndan  los  grandes  vivir  castaiDcnte. 
No  ven2an  en  vido  los  brutes  salvages. 
En  %'ilipendio  de  muchos  îinagcs  ; 
Viles  delcites  no  envicien  ta  gente, 
Y  los  que  presumcn  del  mundo  présente 
Huyan  de  donde  los  danos  renacen  : 
Si  lituhs  codician  ser  hechos,  abra^en 
La  vida  mas  casta  con  la  continente. 


PLEGAR 

La  forme  rigoureusement  phonétique  du  subjonctif  de /^Aïrtr 
est,  en  castillan,  plega.  Mais  à  côti5  de  pUga,  Ton  trouve  pU^m. 
Le  (t  plût  à  Dieu  39  !  se  dit  aussi  bien  plegue  à  Dios!  que  ph^d 
à  Dios!  Comment  expliquer  pîegue  ? 

Les  grammairiens  se  contentent  de  dire  :  forme  irrégulière, 
corrompue,  attribution  erronée  à  la  première  conjugaison  d*une 
forme  verbale  qui  appartient  à  la  deuxième,  «  Lo  mas  notable 
ha  sido  la  conversion  de  pkga  en  pkgue^  como  si  el  verbo  pasase 
de  la  segunda  conjugaciôn  i  la  primera,  lo  que  ha  dado  motivo 
i  que  figure  en  aigu  nos  diccionarios  el  verbo  imaginario  pkgar, 
que  dicen  significa  placer  6  agradar^  y  de  cuya  existencia  no  se 
podria  dar  otra  prucba  que  este  mismo  solitario  pîegue^  corrup- 
a6n  de  pkga^  „  Bello,  qui  écrit  ces  lignes  dans  sa  Gramàtica  de 
la  kngua  casiellana  (éd.  R.  J.  Cuervo,  §  561),  a  raison  de 
protester  contre  Tintroduction  pure  et  simple  dans  les  diction- 
naires d  un  verbe  pkgar  synonyme  de  placer^,  mais  un  hypothè- 
iquù  piegar  n'en  est  pas  moins  nécessaire  pour  expliquer  pkgm. 

mon  avis,  la  fréquence  de  l'expression  pkga  à  Dhs  et  la  confu- 
sion qui  a  pu  s'établir  parmi  les  Ulettrés  entre  ce  plega  et  le 


NOTES   DE  LEXICOLOGIE  ESPAGNOLE  4S7 

plega,  doublet  vulgaire  àtprega^  dérivé  de  precat  (d.  pkpiria)^ 
ont  fait  perdre  de  vue  le  rapport  entre  pl^a  et  ptam',  et  motivé 
la  «  croyance  »  à  un  infinitif  plegar  :  d'où  plegue. 

Cette  confusion  de  mots  et  cette  sorte  de  création  analogique 
d'une  formQ  plegar  sont  rendaes  évidentes  par  le  passage  suivant 
d'une  comédie  d'Alarcon  (JElsemejante  à  si  mismOy  acte  I,  se.  5)  : 

Dona  Ana 

\  Plega  à  Dios,  dueno  querido, 
Si  en  tu  ausencia  tengo  vida, 
Q.ue  viva  yo  aborrecida, 
De  un  adorado  maridol 

i  Plega  à  Dios!... 

Sancho 
Basta  de  plegas  ; 
Qpe  viene,  senor,  el  viejo. 

Don  Juan 
Al  tiempo  la  prueba  dejo 
Desas  fînezas  que  alegas. 

Sancho 
i  Plega  à  Diosl...  Ahl  Enamorados, 
Cuando  empiezan  à  plegar ^ 
Plegarias  pueden  prestar 
Al  dia  de  los  fînados. 

Alarcon,  sans  aucun  doute,  se  rendait  très  bien  compte  de  la 
valeur  de  plega  dans  l'expression  plega  âDiost;  mais  le  fait  qu'il 
a  pu,  par  manière  de  plaisanterie,  dire  plegaSy  «  des  plût  à  Dieu  !  » 
et  plegar  y  «  proférer  des  plût  à  Dieu!  »,  puis  rapprocher  de  ces 
mots  plegarias  y  permet  de  supposer  que  d'autres  ont  de  leur 
côté  pu  croire  sérieusement  à  un  infinitif  ^/ég^ar  et  en  tirer  un 
subjonctif  ^/^«^. 

Un  emploi  analogue  de  plegar  dans  le  sens  de  dire  des  «  plût 
à  Dieu  !  »  se  trouve  aussi  dans  une  comédie  de  Lope  de  Vega 
{Pobre:^a  no  es  villeia,  acte  II,  se.  12).  «  ;  Plega  al  cielo!  »  dit 
un  Duran.  A  quoi  un  Mendoza  répond  :  «  Plegue  y  vaya  ». 

SIERO 

Le  latin  sérum,  «  petit-lait  »,  est  représenté  en  castillan  par 
suerOy  en  portugais  par  sorOy  en  sarde  par  soru,  qui  répondent  à 


LES  NOMS  DE   RIVIÈRES 

ET  LA  DÉCLINAISON  FÉMININE  D'ORIGINE  GERMANIQUE  « 


Il  y  a  longtemps  que  Jules  Quicherat  a  fait  remarquer^  que 
certains  noms  de  rivières,  dont  la  forme  latine  appartient  à  la 
première  déclinaison,  présentent  aujourd'hui  en  français  une 
terminaison  masculine  en  -am,  -m,  -ing.  M.  Lindstrôm  a 
ajouté  ^  quelques  noms  à  ceux  qu'avait  signalés  Quicherat,  et  il 
cite  en  tout  six  exemples  de  ce  curieux  phénomène;  voici  ces 
exemples  par  ordre  alphabétique  *  ; 

Le  Loingy  affluent  de  la  Seine  (Yonne,  Loiret,  Seine-et- 
Marne),  en  latin  Lupa; 

Le  Mesvrirty  affluent  de  l'Arroux  (Saône-et-Loire),  en  latin 
Magavera; 

1 .  Je  n*ai  pas  à  justifier  ici  la  qualification  que  je  donne  à  la  déclinaison 
féminine  en  -am,  bien  que  Torigine  germanique  n*en  soit  pas  reconnue  par 
tous  les  philologues.  M.  Gaston  Paris  doit  étudier  la  question  dans  un  travail 
spécial,  qui  paraîtra  dans  un  des  plus  prochains  numéros  de  la  Romania, 

M.  Longnon  a  bien  voulu  lire  la  première  épreuve  de  cet  article  qui  traite 
d*un  sujet  sur  lequel,  comme  sur  tout  ce  qui  touche  à  la  géographie  historique, 
il  avait  réuni  un  important  dossier  de  notes.  En  le  remerciant  de  Tintérêt 
qu'il  a  témoigné  à  ce  travail,  je  tiens  à  déclarer  que  je  lui  dois  l'indication 
d'une  trentaine  de  noms  de  rivière  en  -ain  ou  en  -a«,  la  connaissance  des 
formes  anciennes  de  quatre  de  ces  noms  {Ingressin,  Rhcin,  Ternin,  Vaïouian), 
et  différentes  remarques  de  détail.  M.  Longnon  a  fait  d'ailleurs  sur  ce  sujet 
d'intéressantes  observations,  que  les  lecteurs  de  la  Romania  lui  seraient  cer- 
uinement  très  reconnaissants  de  leur  communiquer. 

2.  Delà  formation  française  des  anciens  noms  de  lieu  (Paris,  1867),  p.  82. 
Quicherat  cite  le  FormanSy  le  Loing,  le  Morin  et  le  Thérain, 

3.  Anmàrkningar  till  de  ohetonade  vohûernas  hortfàll  i  nagra  nordfranska 
ortnamn  (Upsala,  1892),  p.  13. 

4.  M.  Lindstrôm  a  laissé  de  côté  le  Formans,  cité  par  Qjiicherat,  dont  nous 
parlerons  plus  loin. 

Amimm.  xni.  32 


490  A.    THOMAS 

Le  Marin ^  nom  de  deux  ri\îèrcSj  le  Grand -Mbrm  et  le  Petit- 
Marin,  affluents  de  la  Marne  (Marne,  Seine-et-Marne),  en  brin 
Muera,  Mogra; 

UOrnain,  affluent  de  la  San U  (Meuse,  Marne),  en  latin 
Odorna; 

Le  Serain,  affluent  de  l'Yonne  (Côte-d'Or,  Yonne),  en  latin 
Sedena; 

Le  Thérain,  affluent  de  TOise  (Seine^Inférîeure.  Oise),  en  latin 
Thara. 

Quicherat  suppose  que  les  noms  français  se  sont  formés  par 
Taddition  du  suffixe  -in us  au  nom  primitif  et  représentent 
des  types  comme  Lupinus^  Mticrinus,  etc.,  qu'on  ne  trouve  pis 
dans  les  textes  latins, 

M.  Lindstrora  combat  cette  opinion  en  taisant  remarquer  que 
dans  les  documents  les  plus  anciens  les  formes  en  langue  vul- 
gaire oâFirent  la  graphie  -ain  ou  -ein,  mais  non  -tif-  Pour  le 
Serain,  par  exemple,  on  trouve  Seneim  en  114^^  Samim  vers 
1150,  Senairtcn  1 1 57,  5«ffi«rm  en  ir88,  Scnaynen  1297;  il  &ut 
attendre  jusqu'en  1485  pour  avoir  une  forme  en  -i«,  CcninK 
Pour  le  Petit- iVfan«,  on  trouve  Martin  en  1 168,  Mareinsen  1209, 
Morains  en  1227,  Morain  en  1252,  Mcurein  en  1272  :  ce  n'est 
qu'en  1278  qu'apparaît  Morin^,  Quanta  rexplicJtion  destinée  à 
remplacer  celle  de  Quicherat,  M*  Lindstrôm  ne  la  donne  pas 
péremptoirement  :  il  en  présente  deux  sur  la  même  ligne  en 
avouant  qu*il  n'a  pas  de  raison  pour  choisir  :  le  sufBxc  -anus 
ou  un  cas  régime  en  -ain, 

A  notre  avis,  les  noms  Laing^Mesvrin,  etc,  sont  incontestable- 
ment des  restes  Je  l'ancienne  déclinaison  française  et  doivent  être 
mis  sur  la  môme  ligne  que  les  deux  débris  conservés  par  la  langue  ^ 
actuelle  et  souvent  cités  :  nannain  ci  putain.  Comme  le  rappelle' 
M.  Lindstrôm,  M.  Longnon  a  indiqué  que  telle  était  sa  manière 


dami^n*'^'^  ^^^    exemples    donnés   par    M.    Lindstrôm    en   puisatit 

torJ.1^    ^''^"  '^'^  '^^''""'^  *^^  Qîiantin.   pour  le  Serain.  et  dans  le  DicU 

2    M   ;  T    '  ^   ^^°«^^°^  ^^'  ï^  Pedt-Morin.         * 
(Mamei  elt    p'""""  ^^'''''''  ^'**'  ^  *^^'^^  ^'^°*=  ^^  "^^'^^  *^^  ***="  Purremorain, 

textes  ne^  fou7niL^aT'''p  ^    ''''  T  "^  '"  ^''''^*  ''''''^-  ?'  ^^^>  ^« 
urmssem  que  Petrus   Morain    vers  i.aa  cl  Pie?r^^Jn  en 


LA    DÉCLINAISON   FàMININE   DES   NOMS   DE   RIVIERES         49  î 

de  voir  quand  il  a  écrit  dans  son  introduction  au  Dict.  top.  de 
la  Marnt\  p.  XIII  :  «  Les  villages  de  ...  Mœurs ^  Muera  ou 
Mocra,  Moratns,  Muera  ou  Mocra  (au  cas  oblique),  étaient 
originairement  désignés  par  les  mêmes  vocables  que,.,  le  Grand- 
Morin,  le  Petit-Morin...  Les  vocables  Picrrcuwrains^  Petra 
Mu  crâne,  et  Vimnt\  jadis  Fiaisue,  Vie  us  Axonae,  offrent 
des  exemples  de  la  combinaison  d*un  nom  de  rivière,  le  Petit- 
Morin  et  T Aisne,  avec  on  nom  commun  qu'il  détermine,  »  On 
peut  mettre  en  fait  qy'on  déclinait  autrefois  Lot4e  Louai n , 
Meure  Mevrain^  Meure  Morain^  Orne  Or  nain,  StntieSenain,  Tere 
Terain^  au  même  titre  que  anît  antain^  nontte  nonnain^  pute 
putain^  etc,  parmi  les  noms  communs,  Berîe  Bertain^  Aie 
AiicHt  etc.,  parmi  les  noms  propres. 

Ce  qui  a  fourvoyé  Quicherat  et  troublé  le  discernement  de 
M*  Lindsirôm,  c'est  le  genre  masculin  actuel  des  six  noms  de 
rivières  cités  plus  haut.  Le  genre  masculin  est-il  le  genre  primitif 
de  ces  noms  sous  la  forme  -aiw?  C'est  une  question  difficile  à 
résoudre  directement  par  les  textes,  car  au  moyen  âge  les  noms 
de  rivière  s'emploient  ordinairement  sans  article,  comme  ils  le 
font  encore  aujourd'hui  dans  les  locutions  géographiques  pétri- 
fiées, comme  ClkUUlûn-sur-Lôing,  CMiUlon-sur-Môrin,  L'Isle- 
sur-Scrain,  etc.  Mais  si  le  masculin  est  formellement  attesté 
pour  le  xvu^  siècle,  où  l'on  trouve  le  Grand  Morain  dés  1602 
on  peut  croire  que  ces  mots  en  -ain  étaient  féminins  au  moyen 
âge  :  cela  résulte  manifestement  de  la  forme  latine  Senana 
par  laquelle  est  traduit  en  1263  le  nom  du  Serain,  écrit  Senain 
dans  les  textes  français  de  la  même  époque  ^  La  substitution  du 
masculin  au  féminin  %  à  une  époque  relativement  récente,  s'ex- 
plique par  la  confusion  qui  s'est  produite  entre  la  terminaison 
féminine  -ain,  relativement  rare,  et  les  terminaisons  mascu- 


1.  Quantin,  Dict.  top.  dé  T  Yonne, 

2.  Dans  la  bonne  latinité  les  nomsde  cours  d*eaij  de  la  première  déclinai- 
son sont  du  masculin,  m;ûs  on  trouve  déjà  quelques  exceptions  :  c'est  ainsi 
qu'Ovide  fait  Allia  du  féminin  :  w  flebilis  AJHa  Vulneribus  Laiii  sanguinolenta 
fiait  »>  {An  Am,t  I,  413}.  A  la  basse  époque»  c'est  le  genre  masculin  qui  est 
exceptionnel  :  si  Ausone  tait  indifféremment  MouUa  des  deux  genres,  il 
traite  Matrona,  Druentia,  Sura  et  Garumna  comme  féminins  (voy.  Gossrau, 
Lat*  SprachUhrt,  p.  65).  On  peut  donc  considérer  jous  ces  noms  comme 
fénûnîns  dans  le  ktiii  qui  a  été  le  point  de  départ  des  Ungues  romanes. 


492  A.    THOMAS 

lines -diw,  -ein^  -in,  très  nombreuses*.  Je  puis  produire  un 
exemple  de  h  même  confusion  qui  ne  laissera  pas  de  doute  à  cet 
égard.  Il  y  a  au  diocèse  actuel  de  Limoges  (ancien  diocèse  de 
Poiiiers)  une  église,  siège  de  paroisse  et  de  commune^  dite  de 
Saint-Barbant,  canton  civil  de  Mèzières  (Haute- Vienne).  Le 
curé  de  Saint-Barbant,  ayant  fait  récemment  reconstruire  son 
église  et  voulant  dédier  le  maître-autel  au  patron  primitif  de 
la  paroisse,  se  trouva  fort  empêché  :  il  ne  savait  littéralement  i 
quel  saint  se  vouer,  saint  Barbant  ne  figurant  sur  aucun  calen- 
drier, et  il  avait  quelque  scrupule  à  charger  son  prône  de  ce 
saint  nouveau  et  suspect.  Un  de  ses  voisins,  mon  excellent  maître 
et  ami,  M,  Fabbè  J.  Paufique,  curé  de  Bussière-Poitevine,  lui  a 
montré  sans  réplique  que  saint  Barbant  n'est  qu'un  avatar  de 
sainte  Barbe;  Téglise  en  question  est  appelée  Sancta  Bar- 
bara dans  un  texte  authentique  du  xiv* siècle*. 

1.  On  trouve  cependini,  dès  le  moyen  âge,  des  traces  de  cette  coolusian. 
Ainsi  PAmatice»  affluent  de  la  Saône,  Antancia  en  1270,  est  appelée  Amacimi 
(corr.  Amanciens)  en  1295  (J,  Finot,  Etudt  de  géogr,  historique  sur  lu  Soém^ 
p.  î4).  Le  cas  régime  régulier  de  Anmnu  serait  Amandm  :  la  présence  de  IV 
trahit  Tinfluence  des  noms  masculins  en  -un,  Cf.  les  expressions  aqva  dt 
Moreitts  (120^),  ripparia  de  Momùjs  (iijj),  relevées  par  M.  Longnon  pour  le 
Petit-Morin,  et  le  nom  du  village  de  Morains,  sur  le  Petit-Morin,  écrit  Marrîns 
dès  Î171. 

2.  Sernaim  religieuse  de  Limoges^  2  février  189Î,  pp.  112-115.  On  me  satin 
gré  sans  doute  de  reproduire  Texplication  donnée  par  M,  Tabbé),  Paufiquc. 
«  Quant  à  \a  curieuse  transformation  ijui  a  fait  de  sainte  Barbe  saint  Barbant, 
la  philologie  romane  peut  l'expliquer  a  prwn\  Il  faut  admettre  que  :  i*»  le  / 
n'a  aucune  valeur  étymologique  (comme  celui  de  Mortetnart^  Mûriua  mari) 
et  que  Ton  écrit  saint  Barbant  ou  saint  Barhand,  en  ajoutant  une  lettre  finale 
à  la  terminaison  an,  par  analogie  avec  s^miAmandou  ssànt  Amant;  20  saint 
Barban  est  une  corruption  de  sainte  Barban,  où  la  tenninajson,  d'aspect  mas- 
culin,  a  transformé  peu  à  peu  la  sainte  en  saint  ;  }<>  sainte  Barban  s'explique 
régulièrement  dans  la  langue  du  moyen  âge,  C*est  un  fait  bien  connu  que 
les  noms  propres  de  femme  de  la  première  déclinaison  ont  en  ancien 
français  un  cas  régime  distina  du  cas  sujet  et  que  ce  cas  régime,  d'origine 
germanique,  est  en  ain.,.  Dans  la  région  intermédiaire  entre  le  français  et  le 
provençal  on  a  la  terminaisou  an  au  lieu  de  la  terminaison  ain*  Les  textes 
manquent  pour  la  région  du  nord  du  Limousin,  miiis  dans  les  textes  lyoniuîs 
et  dauphinois  on  trouve  Katalman  (Catherine),  Blandinan  (Bkndine),  etc. 
Pour  dire  VégUse  de  Saink  Barbe,  la  syntaxe  de  rancienne  langue  exige  le  cas 
régime^vec  ellipse  de  la  préposition  de,  et  Ton  disait  régulîèrenjent  F^lù» 


LA   DècLtNAlSON   FÉMIXINE  DES   NOMS  DE   RIVlfeRES         493 

On  serait  loin  de  compte  si  Ton  croyait  que  les  six  rivières 
mentionnées  par  M*  Lindstrôm  sont  les  seules  dont  le  nom  ait 
ainsi  été  décliné  en  ancien  français  et  se  présente  aujoiirdliui 
sous  la  forme  du  cas  régime  prise  pour  un  masculin.  Il  existe  en 
France  environ  quatre-vingts  noms  de  rivières  en  'ûin,  -in  ou 
-«>w  :  il  est  probable  que  la  majeure  partie  de  ces  noms  com- 
porte la  même  explication.  Malheureusement,  tant  que  nous 
n'aurons  pas  de  dictionnaires  topographiques  pour  tous  les 
départements  français,  nous  en  serons  réduits  aux  conjectures 
dans  beaucoup  de  cas*.  Je  puis  du  moins  énumérer,  par  ordre 
alphabétique,  en  les  accompagnant  de  quelques  remarques,  un 
certain  nombre  de  ces  noms  dont  Forigine  ne  laisse  aucun 
doute  : 

V Alain  ou  le  Lalain^  affluent  de  la  Vanne  (Yonne)  :  lege^ 
V.  1150;  Itgye^  1163;  yogty  1293;  ^^S^^  1548.  (Quantin,  Dict. 
top.  de  tYotjru).  La  filiation  de  la  forme  actuelle  n'est  pas  très 
claire  :  il  semble  que  l*Jlain  ou  Lalain  soit  pour  La  Ltien;  en 
tout  cas,  c'est  bien  un  ancien  régime  féminin. 

VAnglin,  affluent  de  la  Gartempe  (Creuse,  Indre,  Vienne), 
éponymedela  ville  d'Angle  qu'il  arrose  :  ftuvius  EngU\  vers  1080; 
riveria  de  Englis,  vers  115 1;  fluvius  Englk^  iiio  ;  Jîtmus  qui 
vûcatur  Anglia,  1247;  riparia  (fEngleen,  1260  ;  aqua  de  T Anglain, 
1309  ifieuve  de  Englm^  I35  3  ;  Anglen^  1450.  (Rédet,  Dici.  top. 
de  la  VierifieS) 

VAubetin^  affluent  du  Grand-Morin  (Marne,  Seine-et-Marne)  : 
Huvius  Alba,  \7i*  siècle;  Albtîa^  1213;  Aubetain,  1231;  Aubete, 
alias  Aubeîin,  1675.  (Longnon,  Dict,  top.  Je  la  Marne.) 

Le  Cousin',  affluent  de  la  Cure  (Yonne):  Cosa^  ii47> 
Cosainy  1366;  Cosin,  1587.  (Quantin,  Dicî,  top,  de  T Yonne ^) 


1.  Même  pour  les  départements  qui  possèdent  des  dictionnaires  topogra* 
phîques,  la  curiosité  n'est  pas  toujours  satisfaite  :  les  articles  relatifs  aux  cours 
d*eau  sont  souvent  insî^lfiants,  quand  ils  ne  sont  pss  oubliés.  Cest  ainsi 
qu*on  ne  trouve  pas  dans  le  Dict.  top.  de  ta  Marne  le  Poussin,  affluent  de 
droite  de  TAube  en  aval  d'Anglure.  Dans  le  Dict.  top.  de  TYonne  on  trouve 
bien  le  Branlain  et  le  Lumin^  mais  sans  aucun  exemple  de  formes  anciennes. 
De  même  pour  VAcoïin  et  VAcotin  dans  la  Nièvre, 

2.  Cf.  la  Cause  ou  Couie,  nom  de  divers  affluents  de  la  Dordogne,  de  la 
Véière,  de  la  Gartempe  et  de  TAllier.  Il  faut  ajouter,  comme  exemples  de 
Torthographe  -atn,  Cosain-îa-Rûiclx  (1472)  et  Cosain4t-Pont  (1586),  noms  de 
deux  hameaux  de  la  commune  d'Avallon.  sur  le  Cousin  :  on  écrit  aujourd'hui, 
bien  entendu,  CousinAa-Roche  et  Cottsin-k-Pont. 


A.    THOMAS 

VHoiaiu\  affluent  de  la  Seine  (Aube),  éponyme  du  village 
de  la  Chapelle  d'Oze,  appelé  Ausa  en  754  :  Osa,  1236;  riparia 
de  Ose,  1247;  Osain,  i}04;  rivière  d'Osain^  1566;  Losa^  i6ï8; 
Lûsain^  1679  ;  sources  du  Lûiein,  xvîiî*  siècle.  (Boutiot  et  Sccard, 
Dict.  top.  de  rAuhe.) 

Ulngressin^  affluent  de  la  Moselle  (Meurthe-et-Moselle)  :  flu- 
violmJJngruscia,  S'i&ijhwwn  Angruxia,  ^Hi;  Engrusia^  Iî68- 
j  19^  ;  Engresbin^  I779-  (Lepage,  Dicî.  top.  de  Id  Meurt fje,^ 

L'Ora«%  affluent  de  la  Seine  (Aube,  Seine-et-Marne)  : 
Alve^  117?;  Lûruirtus,  iéi8;  le  Lorvain  ou  Sarme^  xvan*  siècle; 
Lûrrain  (corr,  Larvain)^  carte  de  Cassini*  (Boutiot  et  Socard,  Dict, 
top,  de  l'Aube,) 

VOlfjaift^  affluent  de  la  Chiers  (Meuse)  :  Ortusfluviolw^  654; 
super  Jiuinum  qui  dicitur  Otha^  12S3;  Ostain,  1656;  Osthain, 
1681  ;  Osîin^  Aulin,  1700;  Hotin^  1749  (Liénard»  Dict.  top.  d€ 
la  Meuse.) 

Le  Wmh  ou  le  cours  de  Rhoin^  sous-affluent  du  Meudti 
(Côie-d'Or)  :  cursus  de  RMns^  i^jj  ;  cursus  de  Rinces  ^  1236.  (Cart^ 
de  Citeaux^  cité  par  Gamier,  Nontenclat,  hist.  des  commums  de  la 
Câie-ifOr,  n*  924.) 

Le  Somin^  affluent  de  la  Loire  (Rhône,  Saone-ei-Loirc, 
Loîre)  :  SomftuviuSi  dans  un  diplôme  du  roi  Boson  de  879». 

Le  Surmelin^  affluent  de  la  Marne  (Marne,  Aisne)  :  Seurtmmi^ 
V ,  1252;  Sommerain ,  Sourmerain,  1366;  Saunnera in^  1 5  9  }  ;  Sûur- 
meJain^  ï395;  Sourtnelans^  t4tï;  SaunmJmi^  H^4l  Somrmrlin^ 
1553 ;  Atr/m,  xvm^  siècle;  U  Surmdin  m  plus  smvmt  k  Melin^ 
l86o«  (Longnon,  Dkt.  top.  de  h  Marne,)  On  retnirqoen  que  les 
textes  réunis  par  M*  Longnon  ne  donnent  pas  le  nom  latin  de 
cette  rivière*  Dans  le  plus  anden  exemple»  S€MrwÊinei  est  tnaaifes- 
tement  une  faute  de  scribe  pour  Seunmmin  :  cet  exemple  est, 
d*aiUcuTS«  prédeux»  car  U  nous  montre  que  le  n  initial  de  la  troi* 
sii^mc  syllabe  est  primitif  et  a  été  dissimilé  soit  en  r  (cf.  Serain 
pour  Sifmn\  soit  en  l  (cL  Filaimpom  Finaine)^  Le  nom  biia 


ée  U  Dunkfoe  (Cjmmt),  le  £j^^,  iff 
a.  <ktim  e»  pour  A^vêM  (CL  Arc 

de  crm  tivi^fv  est  le  mèsar  que  ex 
Atvâ,  pow  AW*.  en  ma,  (A.  L 


Or).  IJm^f^ 


I  .\2s0e,  sppdèe 
^tle  (Istre). 


H 


lii 


LA   DECLINAISON    FÉMININE  DES  NOMS   DE    RIVIÈRES        495 

est  vraisemblablement  Surmena,  peut-être  même  Sumtmna,  car 
il  est  fort  possible  que  le  r  de  Surmclin  soit  dû  ^  une  ètymologle 
populaire  et  que  ce  nom  soit  le  même  que  celui  de  la  Stmène 
(Haut€*Loire),  de  la  Suniém  (Ardèche  et  Cantal),  de  la  Semine 
(Ain  et  Camal)  et  de  la  Souvignc  (Corrèze),  appelée  au  moyen 
âge  Sumffunia  (Cart.  de  Bcaulteu^  n°  172). 

Le  Ternin  ou  Tarnin,  aïfincni  de  TArroux  (Côte-d'Or,  Nièvre, 
Saône*et-Loire)  :  Ripa  Tarant^  ripariam  ik  Taronam  (corr.  Taro- 
ynain),  {Hisi.  de  Saint-Martin  d^Autun,  citée  dans  M.  Qnat, 
Topogr.  des  cours  d'eau  du  dép,  de  Saône-chLoire^  p.  14). 

Dans  quelques  cas,  la  forme  en  -ain  ou  -ien  est  tombée  en 
désuétude,  mais  on  constate  directement  ou  indirectement  son 
existence  au  moyen-âge  : 

UAnmnce,  affluent  de  la  Saône,  a  porté  le  nom  d'Amaftcien 
au  xiir  siècle,  comme  il  résulte  d'un  texte  de  1295,  où  le  scribe 
a  écrit  fautivement  Amaciens.  (J.Finot,  Êtuik  de  géogr,  hist.  sur 
la  Sûône,  p.  34). 

La  Dive^  affluent  de  la  Vienne,  et  la  Dive,  affluent  du  Touet, 
s'appelaient  au  x*  siècle  Divain^  à  en  juger  par  les  expressions 
fluvius  Divane,  alveum  Divane,  qui  se  trouvent  en  916  et 
en  994.  (Rédet,  Dict,  top.  d^  la  Vienne.^ 

Parmi  les  autres  noms  de  rivières  en  -ain^  -in  ou  -ien^  plu- 
sieurs se  révèlent  a  priori  comme  d'anciens  cas  régimes  en  -ain 
par  le  simple  rapprochement  avec  des  localités  èponymes  ou 
avec  des  rivières  homonymes  :  le  Brcucbin  passe  i  Breucks 
(Haute-Saône),  le  Cusancin  à  Cusance  (Doubs),  le  Jarnossin  à 


I,  Voici  une  liste  de  ceux  que  je  connais»  liste  qui  n'a  pas  la  prétention 
d*ètre  complète,  tnais  qui  pourra  servir  provisoirement  d'index  pour  des 
recherches  ultérieures.  Je  îais  suivre  le  nom  des  rivières  des  noms  des  dépar- 
tements où  elles  coulent.  Tous  ces  nom*î  sont  masculins  dans  Tusage  actuel  : 

Acûïin  ou  Cotin,  affluent  de  la  Loire  (Allier,  Nièvre). 

Âcotin^  affluent  de  la  Nièvre  (Nièvre). 

Acolin  ou  Cotin,  affluent  du  Nohain  (Kiè\Tx;). 

Airain,  affluent  de  TYèvre  (Cher), 

AfigoUn,  affluent  de  Tlodre  (Indre), 

Annain^  affluent  de  TAuron  (Cher). 

Badin  y  affluent  de  la  Vingcanne  (^Hau te- Marne). 

Bardin^  affluent  de  TOzcrain  (Côte-d'Or). 

BîandenaifJi  afiluent  de  la  Loire  (Saône-ct-Loire), 

Blartn,  sous-affluent  de  la  Moselle  (Meurthc-et-Mo«el!e). 


49^  A.    THOMAS 

Janwsse  (Loire),  le  Sagonin  i  Sagûmw  (Cher),  comme  le  Mes- 
vrin  àMesvre,  le  Grand  Morin  à  Mœurs;  d'autre  pan,  V Airain 
fait  penser  à  VAire^  nom  d*un  affluent  de  T Aisne  et  d*uii 
affluent  de  TArve;  le  Colin  X  la  Colle  (Dordogne)  et  à  la  Cwk 
(Marne);  le  Cusandn  h  la  Cousance  (Meuse),  à  la  Cu^atict 
(Allier)  et  à  la  Cuisance  (Jura);  le  Ij>iain  à  VÈa^ain,  dont  il  a 
été  question  ci-dessus,  le  MetiT^in  à  la  Meuse^  etc. 

L'usage  de   la  déclinaison  germanique  féminine    n*est   pas 


Beulain  ou  Bulletin,  affluent  du  Breuchin  (Haute-Saône). 
Bouchitt  (ru  dé)^  affluent  du  Cousin  (Yonne), 
Branîatn  ou  BranUn,  afBuent  du  Four  (Yonne)* 
Breuchin^  afiBuent  de  la  Lanterne  (Haute^Saône), 
Buiiift^  affluent  de  l'Albarine  (Ain). 

Caîvtlm^  âfHuent  de  la  Nied  française  (Meurthe-et-Moselle). 
Cclin^  affluent  de  rYèvrc  (Cher). 
Cotencirt,  affluent  du  Moulin*Keuf  (Cher), 
Coussin,  affluent  de  la  Sauldre  (Loir-et-Cher). 
Cusancin  ou  Cuisatuin^  affluent  du  Doubs  (Doubs). 
Dti'tï^  affluent  de  la  Somme  (Somme. 
Édin,  affluent  de  TOuche  (C6te-d*Or). 
Fêkrin,  affluent  de  la  Tessonne  (Loire). 
Fttsaift^  affluent  du  Loing  (Loiret,  Scine-ct-Mame). 
Herclin,  affluent  de  l'Escaut  (Nord). 
Hivemin,  affluent  du  Cher  (Cher). 
Hoiim  (ru  tf ),  affluent  de  l'Aisne  (Aisne). 
Jarmssin,  affluent  de  la  Loire  (Loire), 
Uitt,  afHuent  de  la  Charente  (Charente). 
Lûing  ou  Ouin,  affluent  de  la  Sèvre  Niortaîse  (Deux  Sèvres), 
Lûiain,  affluent  de  TOgnon  (Haute-SaÔne), 
Lttmtin,  affluent  du  Loing  (Yonne»  Seine-et-Marne), 
Mardift,  affluent  de  la  Loire  (Saône-et- Loire). 
Martcnin,  affluent  de  la  Gande  (Saône-^t  Loire). 
Mauvdain  (ndismt  de),  affluent  de  la  Brenne  (C6tc-<i*Or). 
Maiwoisin,  affluent  de  la  RC-rc  (Cher). 
M^-Ji^/iw,  affluent  du  Fîuem  (Meuse), 
Meniin  ou  Muim,  affluent  de  la  Dheune  (Côte-d*Or). 
Moiiiin,  affluent  de  la  Sajie  (Ain), 

Mardain  {ruisseau  du),  affluent  de  la  Vouge  (Côte-d'Or), 
Mortntin,  affluent  de  la  Sauldre  (Loir-et-Cher). 
Morins,  affluent  de  b  Petite- Sauldre  (Cher), 

Mohaifu  affluent  de  la  Loire  (NièNTe)  :  pas  d>xemple  avwt  le  xv*  siècle  où 
Ton  écm  Noyn  en  145,.  (Soultrait,  DicL  top,  de  la  Nièvre,} 


LA   DÉCLtNArsOK  pfeMîMlNE   DES  NOMS   DE   RIVtfeRES         497 

limité  au  français  propre;  s'il  est  rare  en  provençal,  il  est  très 
répandu,  en  revanche,  diins  les  dialectes  intermédiaires  entre  le 
français  et  le  provençal,  et  particulièrement  dans  ^est^  L;\  la 
terminaison  n'est  plos  -ain^  mais  -an\  Dans  cette  région,  les 
noms  de  rivières  n'ont  pas  échappé  non  plus  à  Finfluence  germa- 
nique. J*en  puis  citer  un  intéressant  exemple  que  n*a  pas  relevé 
M.  l'abbé  Devaux;  il  s'applique  à  i*Isêre.  On  lit  dans  le  cartu- 
laire  de  Thôpital  de  Saint-Paul  de  Romans,  dans  une  chane  de 


Oignin^  affluent  de  TAÎn  {Aîn)« 

Oraitty  affiuent  de  la  Vingeanne  (Côte-d'Or). 

Orain  ou  Dorain^  affluent  du  Doubs  (Jura). 

Oltrain  ou  LcKierain,  afBuent  de  la  Brenne  (Côte-d'Or). 

Rabin^  afHuent  de  rOignon  (Haute-Saône). 

RetiHn  {ruisseau  de)^  afllueni  de  la  Dheune  (Côte-d*Or). 

Rhin  ou  Rabin ^  affluent  de  la  Loire  (Loire), 

Sagouin^  affluent  de  l'Auron  (Cher). 

Saridiits^  affluent  du  Mou  Ion  (Cher). 

Serairtf  affluent  de  la  Seille  (Jura). 

Solirtt  affluent  du  Loing  (Loiret). 

Spitt,  affluent  de  la  Scilîc  (Lorraine  allemande). 

Suin^  affluent  de  la  Creuse  (Indre). 

Ttrrouin^  affluent  de  la  Moselle  (Meurthe-et-Moselle)  :  TtrouHn,  1272; 
Le  Terrowain^  1471.  (Lepage,  Dict.  top.  de  la  Meurthe). 

Tramhotiîin^  affiuent  de  la  Loire  (Nièvre). 

Tripotiftf  sous-affluent  de  la  Sarthe  (Sarthe). 

IV<f^/frt,  affluent  de  la  Bourbînce  (Saône-et-Loîre). 

Feront fî^  affluent  de  la  Meuse  (Belgique,  Ardennes). 

Je  ne  fais  pas  figurer  dans  cette  liste  le  Duretin^  mieux  Durtmn^  affluent  de 
la  Voukie  à  Provins,  car  îe  nom  primitif  de  ce  cours  d'eau  paraît  être 
Durtanus.  Cf.  Bourquelot,  Hist.  de  Provins ^  II,  399  i  fttmum  de  Durtani 

p,  1176;  ihid.,  I,  ï86,  n.  }  :  inter  Durtanum  et  Vosiam^  1233. 

1.  Devaux,  Essai  sur  la  langue  vulg.  du  Dituphirté  seplcntr.y  p.  361  ;  Suchîer, 
t£  franc,  d  k  prcv,^  p.  204.  M,  Suchicr  semble  nier  Texistence  en  pro- 
vençal de  cette  déclinaison  féminine  ;  mais  pulan  est  fréquent  chez  Marcabru 
(notamment  dans  la  pièce  Sdgner  n*Aidric^  où  il  est  assuré  par  la  rime  : 
voy.  Ânn,  du  Midi,  V,  500),  et  je  relève  Cauban,  Estevenan  dans  des  textes 
bordelais  (Luchaire,  Recxml  d^  textes  de  Tarn,  dialecte  gascon,  pp.  122  et  127). 

2.  Au  lieu  de  -an  on  a  -iiï  sous  rinfluencc  d*un  yod  :  ainsi  Kataîinan^  mais 
Berengeirin.  Il  se  pourrait  donc  que  quelques-uns  des  noms  de  rivière  men- 
tionnés plus  haut  en  note,  comme  le  Buiiin  (Ain),  VOiptin  (Ain),  présen- 
tassent cette  réduction  phonétique  de  -«•«  à  -in  et  non  une  orthographe  défec- 
tueuse consistant  à  écrire  -m  pour  -ain. 


498  A.    THOMAS 

I20J  :  dtis  Iscran  en  cei^>  Je  ne  crois  pas  être  trop  téméraire  en 
supposant  que  ce  cas  régime  Iscran^  qui  a  disparu  de  Tusage 
en  tant  que  nom  de  la  rivière  d'Isère,  a  survécu  dans  la  locution 
U  col  d'Iseran,  terme  bien  connu  des  géographes,  qui  désigne  le 
passage  réunissant  les  vallées  de  Maurienne  et  de  Tarcntaise^ 
près  des  sources  de  l'Isère  et  de  TArc  (Savoie). 

En  soumettant  tous  les  noms  de  rivières  de  la  région  franco^ 
provençale  qui  se  présentent  avec  la  terminaison  -tin  (variantes 
-audy  -anty  -ans^  ens)  à  un  examen  historique,  il  est  probable 
que  Ton  arriverait  à  constater  que  beaucoup  d'entre  eux  sont 
d'anciens  régimes  féminins  \  Malgré  Tinsuffisance  de  mes  moyens 


1.  Édition  Ulysse  Chevalier,  no  58. 

2.  Voici  une  liste  alphabétique^  dressée  comme  celle  que  j'ai  donnée  plus 
haut,  pour  guider  des  recherches  uhérieures  ;  aux  noms  de  la  région  franco- 
provençale,  qui  sont  de  beaucoup  les  plus  nombreux,  sont  môles  quelque 
noms  du  domaine  provençal  : 

Ainan,  affluent  du  Gui  ers  (Isère). 

Anconan,  affluent  de  i'Oignin  (Ain). 

Ba^éran,  affluent  de  la  Garonne  (Gironde). 

Barhcnan,  affluent  de  la  Bèbre  (Allier)* 

Chéran,  affluent  du  Fier  (Hautc-Savoîe). 

Conan^  affluent  de  la  Brévenne  (RhÔne). 

Coran  y  affluent  de  la  Charente  (Charente-Infértcure). 

Daiiian^  affluent  de  PAnde  (Cantal), 

Droiwenanty  affluent  de  la  Syrène  (Jura) 

Formam^  afïîueni  de  la  Saône  (Ain). 

Furan,  affluent  du  Rhône  (Ain), 

Furand,  affluent  de  fîsère  (Isère). 

Fnrem,  affluent  de  la  Loire  (Loire). 

Gtrhan,  affluent  de  la  Bèbre  (  \llier). 

Herbe  tan,  affluent  du  Gui  ers- Vif  (Isère). 

Hérétang^  affluent  du  Guicrs-Mort  (Isère). 

JiMn,  affluent  du  Sichon  (Allier). 

]ournan,  sous-affluent  du  Rhône  (Ain), 

Méran,  affluent  de  ïa  Loire  (Loire). 

Moignans,  affluent  de  la  Chalaronne  (Ain). 

Ki^eranâ,  affluent  du  Rliônc  (Rhône). 

NoUan,  affluent  du  Suran  (Ain). 

Ouêan,  affluent  de  la  Loire  (Loire). 

Séran,  affluent  du  Rhône  (Ain)» 

Soamn,  affluent  de  l'Azcrgue  (Rhône). 


LA    DfeCLINAISON    FfeMÎNTSE    DES    KOMS   DE    RIVîtRES         499 

de  recherche  je  puis  en  indiquer  un  certain  nombre  comme 
écant  sûrement  dans  ce  cas. 

LQConan,  affluent  de  la  Brévenne  (Rhône),  a  donné  son  nom  à 
h  val  lis  Col  nrrtsi  s  ^mcnûonnéçQu  1204  dans  la  charte  678  du  car- 
tulaire  de  Savigny  :  il  est  donc  certain  que  le  nom  primitif  du 
Comn  était  identique  il  celui  d'une  localité  disparue,  appelée 
Col na,  qui  figure  dans  deux  chartes  du  même  cartulaire%  et  à 
celui  de  la  Cosne,  autre  affluent  de  la  Brévenne. 

Le  Formans^  aflluent  de  la  Saône  (Ain),  figure  sous  la  forme 
Folmoda,  signalée  par  Qiiicherat  sans  indication  de  prove- 
nance, dans  une  charte  du  cartulaire  d'Ainay  d'environ  980  : 
unutn  muhuiniim  qitod  est  super  (Ujua  Fohnoda  volventem^,  Vs  de 
la  forme  actuelle  du  nom  du  Formans  n'a  rien  d'ancien  :  la 
carte  de  Gissini  écrit  Froman  (sic},  et  Guigue  indique  la  forme 
Formoan  comme  employée  au  moyen  âge'. 

Le  Furand^  ruisseau  affluent  de  Tlsére  (Isère),  n*est  pas  men- 
tionné avant  1398  :  à  cette  date  il  est  appelé  ripptria  Furani^ 
forme  qui  montre  que  le  d  qui  termine  le  mot  dans  Tortho- 


Sdmn^  ailBueDt  de  laSeille  (Ain  et  Saône-et-Loîre). 

Scîvan^  Affluent  de  b  Seille  0ura)» 

Sonnayit^  afRuerit  de  llsère  (Isère)* 

Su^ati,  afBucnc  de  la  Midouze  (Landes). 

Sur  an  t  Surand^  Surani,  affluent  de  l'Ain  (Ain). 

Taîenchant^  affluent  de  la  Mouge  (Saône- et-Loire). 

Trambotiiafif  affluent  de  la  Loire  (Loire)» 

Falouian,  affluent  de  la  Grosne  (Saônc-ct-Loîre). 

rmani,  affluent  de  la  Boublc  (Allier), 

Je  ne  fais  pas  figurer  dans  cette  liste  le  Ferrand,  affluent  de  la  Romanche, 
parce  que  ce  torrent  emprunte  son  nom  au  mont  Ferrand,  appelé  tnms  Fer- 
rant en  1260.  Ce  renseignement  m*est  communiqué  par  mon  confrère  et  ami, 
M,  Prudhomme,  archiviste  de  l'Isère,  d\iprès  le  Dkt.  top.  de  Vhhe^  ouvrage 
en  préparation  de  M.  Pilot  de  Thorey;  c*est  de  la  même  source  que  me 
viennent  les  textes  que  je  cite  plus  loin  sur  le  Fttrand^  VHerbetan  et  VHhHang. 
Je  liens  à  en  exprimer  ici  tous  mes  remerciements  à  ces  deux  messieurs. 

1.  «  Unam  medictatem  de  cambone  quae  est  juxta  Colnam  »»  n»  468  (an 
994):  ft  in  loco  qui  diciturCiriacus  sive  Colna  *,  n^  578  (vers  l'an  1000).  Ala 
rigueur  on  pourrait  croire  que  c'est  le  cours  d'eau  luî-mcme  qui  tîgure  dans  la 
charte  no  468. 

2.  Cari,  d'Ainay,  publié  par  Aug.  Bernard  à  la  suite  du  cartulaire  de  Savi- 
gny, n*^  181, 

5.  To/nyr.  hist,  du  dip,  de  TAin,  Trévoux,  1875. 


500  A«    THOMAS 

graphe  actuelle  n'est  pas  ctymologique.  Ldi 
l'bèrc  a  nom  la  Furc  et  est  éponyme  du  h:i:  . 
ton  de  Tullins.  L'étude  des  anciennes  formes  du  nom  de  la  Fore 
montre  que  le  nom  actuel  du  ruisseau  de  Furand  est  bien  le  cà& 
régime  de  Fure,  En  effet,  les  textes  qui  mentionnetit  b  Fore 
rappellent,  à  partir  du  xiv*  siècle,  tantôt  Fure,  tantôt  Furam^ 
sous  des  graphies  diverses  :  Fura  aqua,  en  976  ;  aqua  fm  dki- 
lut  Fura,  en  1257  ;  aqua  deFura^  en  13 17;  oqMi  de  Furrmï^  en 
1)54;  mpid  de  Furans,  en  1591;  ripperia  Fure,  en  1593;  rippù- 
ria  de.  Furans,  en  1394;  aqua  Furani,  en  1444;  rivière  de  Fitn^ 
en  1546;  rivière  de  Furan^  en  1724.  Ces  formes  pcrmenent  de 
supposer  avec  la  plus  grande  \Tâisemblance  que  le  Furtns^ 
rtffluent  de  la  Loire  qui  passe  à  Saint-Etienne,  et  le  Fitran^ 
affluent  du  Rhône  (Ain),  s'appelaient  primitivement  la  Fure. 

VHerhctan,  affluent  du  Guiers-Vif  (Isère),  est  formé  par  la 
réunion  de  deux  ruisseaux  que  Ton  désigne  respectivement 
sous  le  nom  de  VHerbetan-ù-Fif  et  V Herbetan-lt-Mort,  Que 
Herhetan  soit  un  féminin  et  que  la  notion  de  ce  genre  se  soit 
longtemps  conservée,  c'est  ce  qui  résulte  des  anciennes  formes 
réunies  par  M,  Pi  lot  de  Thorey  :  rif  iHerbeîtai-la-Morte,  en 
1641;  rivière  Arbeiki-la-Vive  et  rivière  Arbetta-la-Marte,  en 
1725*  L*Hcrhetan-le-Vif  est  appelé  ruisseau  de  rHerbetie  en 
1695  ;  aqua  Alhia  et  aqua  que  iHxatur  Arbeta^  en  1314.  Il  n'y 
a  pas  d'hésitation  possible  sur  la  forme  primitive  entre  Albeta 
et  Arkia^  car  le  changement  de  /  en  r  devant  une  labiale  n'est 
pas  rare  dans  le  Dauphiné*  :  Albeta  est  le  diminutif  de  Alh^  et 
VHcrkian  du  Dauphiné  est  le  pendant  exact  de  VAubctin  de  la 
Champagne. 

VHèretang,  ruisseau  affluent  du  Guiers-Mort,  qui  traverse  les 
communes  de  St-Joseph-de-Rivière  et  de  St-Laurent^du-Pont 
(Isère),  paraît  avoir  été  souvent  désigné  par  le  même  nom  que 
rHerbetan,  M.  Pilot  de  Thorey  cite  les  formes  suivantes  comme 
s'appUquant  à  THérétang  :  Albeta^  en  1139;  rivus  de  Alkta,  en 
1308  ;  aqua  Aîbete^  in  rivis  dAlbetay,  river ia  dtAlbetan  en  1333  ; 
fwus  de  Albetam^  en  1512;  le  ry  d^Erbetan,  en  1540;  rivUrt 
dtArbetan^  en  1554.  Il  est  manifeste  que  ce  n'est  pas  de  ces 
formes  que  peut  être  sorti  le  nom  actuel  :  ce  nom  se  présente 
pour  la  première  fois  en  12S9,  où  le  ruisseau  qui  nous  occupe 


I,  Voyti  Devaux»  Essêè^  «c»,  p.  ||7. 


LA   DÉCLINAISON    FÉMININE   DES  NOMS   DE   RIMERES  5OI 

est  appelé  aqua  à'  Lcyretan^  puis  il  prend  définitivement  le 
dessus  au  xvii^  siècle  :  rivUrede  fHeretan^  dcVHcreta\y  en  1610; 
rivière  de  rHcreîan,  en  1645.  Il  est  clair,  d'après  ces  derniers 
exemples  aussi  bien  que  d'après  celui  de  1289,  que  la  forme 
correcte  est  Leretan,  plus  anciennement  Leyretan;  si  le  nom 
actuel  Hérétang  a  perdu  son  /  initial,  parce  que  le  peuple  a  pris 
ce  /  pour  Tarticle,  et  s'il  a  reçu  un  g  finale  parce  que  les  gens 
savants^ou  se  croyant  tels,  ont  pris  ce  nom  pour  un  composé  du 
mot  français  étang,  ce  double  déguisement  ne  nous  empêchera 
pas  de  le  reconnaître  pour  un  ancien  cas  régime  AtLeyrete^  c'est- 
à-dire  «  la  petite  Leyre  »  ou  «  la  petite  Loire  ». 

Le  SéraHy  affluent  du  Rhône  (Ain),  est  mentionné  dans  une 
charte  des  environs  de  1 1 3  >  yfluviusquidiciturSerafia  ' .  Il  ne  paraî- 
tra pas  téméraire  sans  doute  de  conclure  de  cette  forme  que  5tVïï;î 
était  féminin  au  xii*^  siècle  et  que  le  nom  primitif  latin  de  ce 
cours  d*eau  était  Sera^.  On  notera  que  Guigne  mentionne 
un  ruisseau  appelé  la  Serre  comme  affluent  du  Séran  :  il  semble 
donc  que  le  môme  nom  ait  été  appliqué  à  Torigine  aux  deux 
cours  d*eau,  habitude  fréquente  dans  la  nomenclature  hydro- 
graphique. 

Le  Soanany  affluent  de  TAzergue  (Rhône),  figure  en  858  sous  la 
forme  Soanna  dans  le  cartulaire  de  Savigny  ;  a  cercio  Soatifta 
(var.  Soana)  fiuviô  l'olveuk^  n°  25.  La  forme  primitive  est  con- 
servée dans  le  nom  de  P\ilsonm,  localité  arrosée  par  ce  cours 
d'eau  et  appelée  au  moyen  âge  Fahoamia^,  Auguste  Bernard 
appelle  ce  cours  d'eau  la  Souannc  y  peut-être  par  suite  d'une 
préoccupation  étymologique.  Au  xvii"^  siècle,  le  sieur  Coulon, 
qui  ne  peut  être  soupçonné  d*une  préoccupation  de  ce  genre, 
dit  de  son  côté  que  TAzergue  «  se  joint  à  la  Saene^  ».  Quoi 
qu'il  en  soit,  l'usage  actuel  est  pour  Soûnan"^  ^  Cassini  écrit 
Soatmt, 

Le  nom  de  Valou^^cin  est  porté,  non  seulement  par  Tun  des 


1.  Guigue,  Top.hisi^àeTAin, 

2.  Cf.  la  Cèriy  afEuent  de  la  Dordogne  (Cantal,  Loi),  en  latin  Sera, 
d'après  QiJicherat. 

5.  A.  Bernard,  Cart,  de  Savigny,  p,  940, 

4.  Les  rivières  de  France ^  par  le  sieur  Coulon,  Paris»  1644,  p.  94. 

5.  Le  Dict,  giogr.  de  k  France  de  M.  Joanne  appelle  cette  rivière»  par  suite 
d*une  fâcheuse  coquille,  ÏQSoaman, 


s 02  A,    THOMAS 

bras  supérieurs  de  ta  Valouze»  affluent  de  h  Grosne  (SaÔQC-et- 
Loire),    mais  par  la  Valouze  elle-même,  appelée  Avalosa' 

au  X*  siècle. 

La  Vésonne^  affluent  de  la  Gère  (Isère),  a  dû  posséder  trhs 
aocienuement  laccusatif  Vésonnan^  ï  en  juger  par  un  acte  d'en- 
viron 975  i^App.  7,  dans  le  Carîulaire  de  S^  Anàré-ït-Bas^  p.p, 
U.  Chevalier)  où  on  lit  :  rio  Vesonnane;  dans  les  chartes  2, 
4,  25,  36,  on  Ht  Vesonna. 

Parmi  les  noms  pour  lesquels  les  textes  anciens  font  absolu- 
ment défaut,  on  peut  faire  quelques  constatations  intéressantes* 
D'après  Jeanne,  le  Drouvtnanî  porterait  aussi  le  nom  de  Drcm- 
ventu*  Près  des  sources  du  Tramhuian  naît  un  autre  cours 
d*eau,  affluent  du  Rhin  ou  Rahin,  qui  porte  le  nom  de  Tram* 
bouiè  et  qui  tire  manifestement  ce  nom  du  village  de  Trambou^ 
qu'il  arrose.  Le  Coran^  affluent  de  la  Charente,  fait  penser  à  k 
Cure  (en  latin  Cor  a),  affluent  de  T  Yonne;  le  Suran^  affluent 
de  TAin,  à  la  Sure^  affluent  de  la  Moselle,  etc. 

A  quelle  époque  les  noms  de  rivière  dont  nous  venons  de 
parler  ont-ils  été  soumis  à  la  déclinaison  féminine  d*ongtne 
germanique  ?  Il  faudrait  beaucoup  plus  de  textes  que  nous  n'en 
possédons  pour  répondre  à  cette  question  d'une  manière  satis- 
faisante. La  date  a  dû  varier  selon  les  régions,  selon  les  noms 
mêmes.  11  est  évident  qu'un  nom  comme  Aubctain  ne  peut  pas 
préteodre  à  une  bien  haute  antiquité  :  c'est  sans  doute  un  des 
plus  récents.  Quant  aux  plus  anciens,  tout  au  plus  remontent- 
ils  à  l'époque  carolingienne  ;  ils  supposent  en  effet  déjà  forte- 
ment enraciné  parmi  les  populations  romanes  Tusage  de  décliner 
ainsi  les  noms  germaniques  de  fetnraes,  avec  une  tendance  i 
appliquer  la  même  déclinaison  aux  noms  romans  ^.  Cette  ten- 
dance est  moins  énergique,  d'ailleurs,  pour  les  noms  de  rivières 
que  pour  les  noms  de  femmes  :  elle  ne  s'attaque  guère  qu'aux 
petits.  On  ne  voit  pas  qu'elle  ait  jamais  atteint  les  noms  de 


1.  Chavût,  Le  Mdc&nnais,  p.  276. 

2.  En  fait,  le  plus  ancien  exemple  de  la  déclinaison  germanique  appliquée 
i  un  nom  de  rivière  que  je  connaisse  esi  de  Tan  916  :  à  cette  daie  la  Divc  de 
Mortcmer  est  appelée  fluvius  Diva  ne.  Un  peu  plus  tard,  et  dans  U 
même  région^  celle  du  Poitou,  la  Divc  de  Montcontour  est  désignée  par  rot- 
pression  alveum  Divane  (voy,  Rédet»  Dict.  top.  tU  la  Vienm).  Le  rio 
Vesonnane,  ea  Dauphiné,  de  975,  vient  ensuite. 


LA   DÉCLINAISON    FÉMININE   DES   NOMS    DE    RIVIÈRES  303 

l'Aisne,  de  TAube,  de  la  Marne,  de  la  Meuse,  de  la  Saône,  de 
la  Seine,  de  la  Vienne,  de  TYonne,  etc.  Ces  grands  cours  d'eau 
jouissaient,  semble-t-il,  d'une  trop  grande  notoriété  pour  qu'on 
songeât  à  modifier  l'usage  traditionnel  de  leur  nom  :  les  petits 
ruisseaux  font  les  grandes  rivières,  mais  ils  n'appartiennent  pas 
au  même  monde. 

Je  terminerai  en  faisant  remarquer  que  le  fait  que  certains 
noms  de  cours  d'eau  ont  été  soumis  à  la  déclinaison  germa- 
nique suppose  une  sorte  de  personnification  de  ces  cours  d'eau. 
Diez  a  déjà  constaté  ^  que  la  déclinaison  Berte  Bertain  s'applique 
non  seulement  aux  noms  de  femmes  proprement  dits,  mais  aux 
noms  d'animaux  ou  d'objets  féminins  personnifiés  :  il  cite  Pinte 
Pintairiy  la  poule,  dans  le  Renarty  et  Guile  Guilain^  la  tromperie  ; 
il  aurait  pu  citer  Courtain,  la  légendaire  épée  d'Ogier  le  Danois^. 
On  accordera  sans  peine  que  la  personnification  d'un  cours 
d'eau  est  pour  le  moins  aussi  naturelle  que  celle  d'une  épée. 

A.  Thomas. 


1.  Gramm.  des  îang.  rom,,  II,  42. 

2.  On  lit  dans  Girart  de  Roussiîlon,  manuscrit  d'Oxford  : 

E  a  ceinta  Beîan  qui  fu  Disder  (v.  3937,  éd.  Fœrster). 
M.  P.  Meyer  traduit  :  «  Et  ceignit  Tépée  qui  appartint  à  Didier.  »  En  note 
il  indique  que  le  ms.  d'Oxford,  au  lieu  de  «  Tépée  »,  a  Belan,  et  il  ajoute, 
avec  un  point  d'interrogation  :  «  le  nom  de  Tépée  ».  Le  traducteur  n'avait 
pas  à  craindre  d'abonder  en  son  sens  :  Belan  est  à  bêla  (==  belle)  comme  en 
français  Courtain  à  courte.  J'ajoute,  pour  prévenir  une  question  et  dissiper 
jusqu'au  dernier  doute,  que  Girart  de  Roussiîlon  décline  Berla  Bertan  (v.  185, 
23s,  etc.)  :  on  voudra  bien  se  rappeler,  d'ailleurs,  que  M.  P.  Meyer  place 
la  patrie  de  Girart  de  Roussiîlon  dans  la  région  même  à  laquelle  appartient 
Saint- Barbant  y  qui  a  été  expliqué  plus  haut. 


LAILOKEN  (OR  MERLIN  SILVESTER) 


INTRODUCTORY  NOTES 

After  the  death  of  S*  Kentigern  (6  ï2,  accordîng  to  the  Jnnala 
Catnbrue)^  there  is  almost  a  total  blank  in  the  Church  history 
of  Cumbria  for  500  years.  The  eadiest  really  historical  records 
are  those  edited  by  Costno  Innés,  for  the  Maitland  Club,  as 
the  Rcgisirum  Episcopatus  GlcLsgucmis  (Edinburgh,  1845).  The 
first  six  bishops  of  Glasgow  in  thaï  Regîster  are  as  foUows  : 
(i)  John,  consccratcd  about  1117,  died  1147.  (2)  Herben, 
1147-1164.  (3)  Ingelram,  1 164-1174.  (4)  JoceUne,  1174-1199. 
(s)  Hugh  de  Roxburgh,  died  two  momlis  afier  appointmem, 
1199*  (6)  William  Malveisin,  1 199-1202, 

There  are  practically  only  two  Lives  of  Kentigern.  No.  i  îs 
a  mère  fragment  (a  prologue  and  8  chapters),  written  at  the 
request  of  Bishop  Herbert  (and  therefore  before  1164)  by  a 
cleric  of  S^  Kentigern's,  who  vvas  apparently  a  foreigner.  It 
now  only  exists  in  one  Ms,  (Cotton  Ms.  Titus  A,  XIX, 
ff.  76-80.  b);  but  the  satne  chapters  hâve  been  used,  in  an 
abridged  forni,  tor  the  Legend  of  S*  Thenew  (Kentigern*s 
mothcr),  in  9  Lections,  in  the  Breinary  of  Akrdeen  (Pars  Esti- 
valis,  f.  xxxiv).  It  was  printed,  from  Titus  A,  XIX,  by  Cosmo 
Innés,  as  Appendix  II  to  his  Introduction  to  the  Registrum 
Episc,  Glasg.,  followed  by  extracts  from  the  Aberdeen  Breviary* 
It  was  reprinted  by  Alex  P.  Forbcs,  bishop  of  Brechin,  in  his 
Lives  of  SS.  Ninian  and  Kenîigern  (vol,  V  of  the  Historians  of 
Scolland^  Edinburgh,  1874).  The  other  Life  of  Kentigern  was 
written  (in  a  prologue  and  45  chapters)  by  Joceline  of  Furness, 
at  the  request  of  Bishop  Joceline  (and  therefore  before  1 199), 
in  order  to  correct  the  extravagances  of  the  earlier  Life.  It  was 
first  published  (from  the  13^^'  cent.  Cotton  Ms.,  Vitellius 
C.  VIII)  by  Pinkerton,  in  his  P'itts  antique  Saru'forum  Scoti^e 


ta 


LAlLOKE?4    (or    MERLIN    SILVESTEr)  50$ 

(1789);  and  again  (from  a  Dublin  Ms.  with  collations  from 
thc  Cotton  Ms.)  by  A.  P,  Forbes,  in  his  Ninian  and  Kenii- 

The  Life  of  Kentigern  which  used  to  be  ascribed  to  S*  Asaph 
(pupil  of  Kentigern,  and  his  successor  at  Lknelwy»  now 
S*  Asaph's,  in  Mintsliire),  is  nathing  more  than  an  abridgmeni 
(made  by  John  of  Tmmouth)  of  Joceline's  work.  It  was 
published  in  Cap^rave's  Noi*a  Legcnda  Anglie  ^  and  again  in 
Acta  SS.  (Jan*  13). 

The  Breviary  of  Ahrdeen ,  vvhich  contains  extracts  from  the 
earlier  Life,  was  drawn  up  by  William  Elphinston,  bishop  of 
Aberdeeo  in  1483  (died  15 14).  It  was  prioted  for  the  bishop 
by  Walter  Chepman  (Edinburgh,  15 10),  and  reprinted  by  the 
Bannatyne  Club  (London,  1854), 

Thomas  Dempster,  in  his  Hist.  u^cles.  Getttis  Scotorum  (1627), 
p.  490,  under  the  head  of  "GuL  Malvaisin''  (bishop  of 
Glasgow  in  1199),  says  :  '*De  miraculis  S.  Niniani  lib.  L  — 
Acta  S.  Kentigerni  lik  L  —  laudat  Mombritius.**  I  can  find 
nothîng  on  the  subject  in  Ûm:  Sam'îtiarium  of  Mombritîus;  but 
there  are  some  of  his  published  W'Orks  which  \ve  bave  not  got  in 
the  British  Muséum. 

Let  us  now  glance  at  the  two  îndcpendent  Livcs,  No.  I 
(Titus  A»  XIX).  It  is  headed  "  Vita  Kentegerni  '\  but  not  in 
the  hand  of  the  scribe,  The  Prologue  begios  :  **  Multas  quidem 
perlustrauî  reglones.  et  earundeni  mores  et  cleri  plcbisque  de^ 
uociones  diligenter  perscrutans.  omnem  patriam  sancios  suos 
prouinciales  propriis  et  arternis  [**altiorîbus"  éd.  Innés;  **  alter- 
nis  **  ed,  Forbes]  laudum  preconijs  vcnerantem,  Cum  auiem 
ad  regnum  Scoitorum  demum  perueoerim,  '*  etc.  He  goes  on  : 
**  qnemadmodum  Symeon  monachus  olim  Dunelmensis  de 
sancto  suo  Cuthberto  historiam  contexit.  ira  et  ego  qualem- 
cunque  clericus  saricti  Kentegerni.  de  materia  in  virtutura  eius 
codicello  *  reperta.  et  viua  voce  fidelium  mihi  relata,  intimante 
venerando  Glasguensi  episcopo  Herberto,  prout  potui  deuote 
composui,  "  Thèse  words  w^ouîd  seem  to  imply  that  the  author 


1.  Wriucn  **coJicclt.  "  I  see  iliat  M.  de  la  Villemarqué  {Myrdhinn,  1892, 
p.  68,  note  2)  has  extended  the  contraction  thus  :  **ccKlicellis.  "  Pcrhaps 
this  suiis  the  passage  better,  by  iiself  ;  but  compare  Joceline's  mention  of  a 
certain  "codiculus  "  ;  —  see  a  Utile  further  on. 


S06  M.    WARD 

could  not  read  the  '*  codicellus";  and  this  view  may  be  sup- 
ported  by  the  way  in  which  he  spells  vxo  of  the  names  ;  but  it 
îs  hardly  confirmed  by  what  Joceline  says  of  a  certain  ''  codi- 
oilus  '\  which  is  probably  the  same.  Cip,  I  of  the  Fragment 
now  tells  us  that  King  '*  Leudonus  *'  [called  '*  Loth  "  in  the 
Aberdeen  BreviaryJ,  *'  vir  semipaganus  ",  had  a  daughter 
"  Thaney  **  ["  Thenew  '*  in  the  Ab.  Brev.,  aiid  elscwhere; 
the  modem  VVelsh  however  pronoujice  this  -€W  like  the 
German  -d].  She  had  a  suitor,  favoured  by  her  fkther  :  *'Erat 
namque  procus  eius  iuuenis  quidam  elcgantissiraus,  Ewen  vide- 
licet  fiiius  Erwegende [Urbgen  ?]  nobilissima  brittonum  prosapia 
ortus.  Sed  verbis  neque  donis  aniori  satis  congruis  animum 
virginis  ad  suum  connubiura  nullatenus  potuit  promouere.  ** 
—  It  is  pcrhaps  the  scribe  who  has  hère  inserted  the  words  : 
'*  in  gestis  histrionum  vocatur  Ewen  fiiius  régis  Ulien  '*(that  is, 
Yvain  fils  Urien).  —  -'Et  quanto  illa  plus  renitebatur.  tanto 
audacius  iste  in  eius  amorem  accendebatur,  '*  Cap.  H.  Ewen 
disguises  himself  as  a  girl,  and  violâtes  '*  Thaney  *';  yet,  whcn 
he  leaves  her,  she  is  stiU  half  persuaded  that  he  is  a  girl. 
Cap.  IIL  She  is  found  with  child,  and  condemned  to  death. 
Capp.  IV-V.  She  is  cast  down  from  Mount  Kepduf  (now 
Kilduff),  but  is  miraculously  saved.  Cap.  VL  She  is  tumcd 
adrift  in  a  boat^  at  the  mouth  of  the  river  Aberlessic  (now 
Aberlady).  Cap.  VU.  King  Loth  is  killed,  and  is  buried  under 
a  cairn  near  Dunpelder  (now  Dunpender  Law,  in  East  Lothian). 
Cap,  Vin,  '*  Thaney  *'  is  case  on  shore  at  Culross,  in  Fife;  and 
she  bears  Kentigern,  who  is  received  by  S*  Servanus  (or 
S'  Serf).  Hère  our  copy  ends.  It  may  perhaps  hâve  been  made 
for  Bishop  Elphinston,  when  he  was  employed  on  the  Aberdeen 
Breviary,  This  Breviary  says,  on  S*  Kentigern's  day  (13  Jan.)  : 
**  Lectio  prima.  Predarus  Dei  confessor  Kentigemus  nobilissima 
incUtoruni  Scotica  prosapia  pâtre  Eugenio  Eufuren"  rege  Cum- 
brie  matre  vero  Tenew  filia  Loth  régis  Laudonie  ortus»  **  etc. 
On  S*  Thenew^s  day  (18  July)  it  says  ;  **  Namque  eu  m  Ewen 
Cumbrie  régis  fiiius,  "  etc. 

N**  2.  (Joceline's  Life  of  Kentigern  '.)  Joceline  alludes  to  the 


1*  I  quûte  from  Bishop  Forbes's  édition;  because  our  Cotton  M$,  (Vitel- 
Uns  C,  VIII)  has  a  very  great  aumber  of  pctty  misukes,  that  are  oot  wortfa 
noiîng, 


LAILOKEN    (or    MERLIN    SILVESTEr)  507 

earlîer  Life  ùrns  :  "  Qua^ivi  igitur  diligenter  vitam,  si  forte 
invenîrctur,  qux*  majori  auctoritate  et  evidentiori  ventate  fulciri, 
et  stilo  cuhiori  videretur  exarari,  qoam  illa,  quam  vestra  fré- 
quentât ecclesia.  '*  Joceline  goes  on  :  *'  et  quod  prae  hiis 
omnibus  quilibet  sane  sapiens  magis  abhorret,  in  ipso  narra- 
tionis  frontispicio  quoddam  sanar  doctrinal  et  catliolicie  fidei 
adversuin  evidenter  apparet,  *'  This  refers  to  Thenew's  prayer, 
that  she  (like  the  Virgin)  may  conceive  a  child  by  a  miracle. 
Hc  adds  that  the  stupid  peopte  still  believe  that  her  prayer  was 
granted*  Joceline  calls  her  father  "  paganissimus  '*;  but  he 
does  not  name  either  her  father  or  her  suitor.  Alluding  (appa- 
rently)  to  the  **  codicellus"  mentioned  by  the  earlier  writer, 
Joceline  says  :  **  Codiculum  autem  alium,  stilo  Scottico 
dictatum,  reperi,  per  totum  soîœcismis  scatentem,  diffusius 
tamen  vitam  etactus  sancti  Pontificis  condnentem."  The  éditer 
and  other  modem  writers  translate  **  stHo  "  dialecî;  and  suppose 
the  *'  codiculus  "  to  hâve  been  in  Welsh  or  Gaelic;  but  I  cer- 
tainly  think  it  was  a  Latin  Life,  full  of  Scottîsh  idîoms.  Joceline's 
last  chapter  (cap.  45)  is  headed  :  "De  prophetia  cujusdam,  et 
sepultura  sanctorura  in  Glasghu,  *'  It  begins  :  "  Eodera  anno 
quo  sanctus  Keotegernus  rébus  exemptus  humanis  ad  celos 
migravit,  rex  Rederech,  sepe  nominatus  [i.  e.  Rhydderclî  Hael, 
of  Strathclyde],  in  villa  regia  que  Pertncch  nuncupatur,  diuttus 
soUto  commoraïus  est.  Iti  curia  ejus  quidam  homo  fatuus, 
vocabulo  Laloecen  [in  the  Cotton  Ms.  **  laloicen  *'J,  degebat, 
qui  victualium  et  vesticus  necessaria  ex  régis  munificentia 
perci[pi]ebat.  Soient  enim  optimates  terre,  filii  regni,  vanitaii 
dediti,  homines  hujusmodi  secuni  retinere,  qui  et  ipsos  domi- 
nos, et  famiham,  verbis  et  gestibus  fatuis  possînt  in  jocos  et 
cachinnos  commovere.  Hic  homo  post  depositionem  sancti 
Kentegerni  gravissimis  lamentis  se  afficiebat;  nec  aliquam 
consolationem  ab  aliquo  accipere  volebat.  Qui  cum  perquire- 
retur  cor  tam  inconsolabiliter  lugeret,  respondit  regem  Rede- 
rech  dominum  suom,  et  quemdam  de  primoribus  terre  nomine 
Morthec,  non  posse  post  mortem  sancti  episcopi  diutius  in  hac 
vita  morari,  sed  illo  anno  presenti  in  fata  concessuros.  Quod 
dictum  fatui  quum  non  fatue,  sed  pocius  prophetice  probatum 
fuerit,  mors  prefatorum  eodem  anno  subsecuta  evidenter  com- 
probâvit,  '* 

It  is  to  this  passage^  compared  with  Bower's  erdarged  Scoti- 


J08  H.    WARD 

cbrmicon  (Lib.  III.  cap  31),  ihat  ail  tbe  modem  ciitîcs  ha^ 
referrcd»  whcn  trcaring  of  Lailoken. 

But,  before  tuming  to  rhe  texi  of  ibc  S(vt$chrmiwn^  I  wîll 
say  a  few  words  aboui  the  Welsh  traditions  ofthe  gneat  battle  of 
Ardderyd.  It  appears  in  rite  Annaks  Câmhri^  (Rolls  édition)  as 
foUows  ;  **  573 .  Bellum  Armterid  [inter  filios  Eltfer  et  Gueodoleu 
filiam  Keidiau;  in  quo  belle  Guendoleu  cecîdit  :  Merlînus  insa- 
nas  efieaus  estj,  ^*  The  words  between  brackets  ztc  onh*  found 
io  the  later  Mss,;  but  their  ptirpon  is  supponed  by  évidence  ot 
the  12^^  century.  From  anotherentry  in  the  Annaks  (under  580) 
we  leani  that  d\'o  of  ihe  sons  of  Elifer  were  named  **  Gnurci  " 
and  **  Peretur  '\  In  the  Black  Book  of  Caermarthen  ,  Poem  I 
îs  a  dialogue  between  Myrddin  and  Taliessin,  upon  the  battle^ 
of  Ardderyd,  They  speak  as  if  Maelgwn  Gwynedd  commanded 
the  army  against  Guenddoleu  ;  but  they  also  speak  in  praise  of  the 
sons  of  *•  Eliffer  ".  Poem  XVII  is  the  Avalîemu  (Apple-trees). 
Myrddin  hère  complains  of  his  madness.  In  the  translation  în 
Skene's  Four  Ancient  Books  of  fFalts  (vol.  I,  p,  370)  his  words 
are  : 

(Stanza  V  :) 

Gwendydi  [tbe  wifeof  Rhydderch  Hael]  loves  inc  not,  grects  me  oot. 

1  am  hated  by  the  firmcst  rainister  of  Ryddérch  ; 

I  hâve  ruined  his  son  and  his  daughter. 

Death  takes  away  ail,  wby  does  be  not  visit  roc  ? 

For  afier  Gwenddoleu  no  princes  honour  me  ; 

I  am  oot  sootlied  with  diversion,  1  am  not  visited  by  the  (air; 

Yel  in  the  battïc  of  Ardderyd  golden  was  ray  torques  \ 

ThoQgh  I  am  now  despised  by  her  who  b  ofthe  colour  of  ^wans. 

(Stanza  VI  ends  :) 

O  Jesas!  would  that  tny  end  had  coroc, 

Before  the  deatb  of  the  son  of  Gwndydd  happeocd  on  my  hand, 

(Stanza  VU,  speaking  ofthe  applc-tree  :) 

^^hile  ray  reason  was  not  aberrant,  1  used  to  bc  around  its  stctn 
;^  »th  a  Uir  sponive  maid,  a  paragon  of  sicndcr  form. 
len  years  and  fony,  as  the  toy  of  lawless  ones. 


word^Jl^^*'''*^''''^  ^^'^^^  '°  "^  '^"^  ^^  ^^™'  ^°^^*^*i  °^^^  EngUsh 


3KE\    (OK    MERLIS'    SILVh>Tl  l<)  509 

Hiive  I  bcen  wandering  in  gloom  and  iimong  sprites. 

I  wiU  not  sleep,  but  tremble  on  account  of  my  leader, 

My  lord  GwendJoIcu,  Jiid  those  who  are  natives  ofmy  country** 

In  the  Red  Book  of  Hergest,  Poem  I  is  a  dialogue  between 
Myrddin  aod  Gwcndydd,  upon  the  kings  destined  to  succeed 
Maelgwn,  Rhydderch,  etc.  The  poem  is  conimonly  known  as 
the  **  Cyvocsi  Myrddin"  (see  the  translation  in  the  FiJur  Aticknt 
'BookSy  vol.  I,  p.  462).  Gwendydd  hcre  addresses  Myrddin  as 
**LlaIlogan"  (usually  intcrpreteJ  twin-brother). 

Most  critics  are  now  agreed  ^,1  believe)  that  the  langua^e  of 
thèse  three  poems  îs  of  the  12^'*  centory;  and  that  the  third  of 
them  (*'Cyvoesi  Myrddin**)  has  also  been  enlarged  in  the 
lî**"  century^  but  still  that  they  partially  represent  much  carlier 
compositions.  Thereishere  no  allusion  to  Vortigern.  Myrddin  is 
no  deviFs  child  He  Iras  no  snpernatural  gifis  frmn  his  hirth.  He 
is  only  the  brother  of  the  queen  of  Strathdyde;  and  he  has 
been  inspired  with  prophecy  by  madness. 

It  is  crue  that,  in  ihe  Fita  Merltni  of  Geoffrey  of  Monmouth, 
Merîio  emphatically  asserts  that  he  (now  the  broiher-in-law  of 
Rhydderch)  wasformerly  the  prophetof  Vortigern.  But  Geoffrey 
toys  with  the  sobject  of  his  poem.  He  drops  the  pretence  of 
scrupulous  accuracy  and  the  tone  of  profound  soleninity  that 
helped  to  establish  the  fictions  of  his  Histona.  He  says  : 
**  musamquejocosam  Merlini  cantate  paro  '\He  adopts  incidents 
of  popular  tradition;  but  he  alters  them,  and  arranges  them 
artificially,  so  as  to  suit  lus  poem.  In  his  account  of  the  battle, 
Maelgwn  disappears;  Rhydderch  comniands  in  chief  against 
'*  Guennoleus  '\  king  of  Scotia,  Rhydderch's  associâtes  being 
Peredur  with  the  North-Welsh,  and  Merlin  himself  with  the 
South- Welsh.  Merlin  îs  styled  a  king;  a  title  perhaps  suggested 
by  the  '*  golden  torques*'  meutioned  in  the  Avaîknau.  When 
Merlin  is  mad,  and  is  held  captive  by  Rhydderch,  he  laughs  at 
seeing  the  king  pick  an  apple  -leaf  out  of  the  hair  of  Gwendydd. 
He  accuses  his  sister  of  having  just  committed  an  act  of 
adultery.  She  retorts,  by  leading  him  to  foretell  three  différent 


i.  Thomas  Stephens  has  engUshed  the  passage  în  better  style,  m  his  Litt^ 
rature  of  ty  Kymry{i%^^),  pp.  223-25 1*  Bot  he  uscd  a  more  modem  text , 
lull  of  corruptions  and  interpolations. 


5IO 


H-    WARD 


deaths  for  the  same  man.  Thèse  two  incidents  are  toId#  în 
coonecrion  with  Lailoken,  but  not  with  Gwendydd»  în  Titus 
A.  XIX;  and  Geoffre>'  (I  thînk)  ha$  defamed  Gwendydd, 
merely  in  order  to  tnaintain  a  kind  of  uniry  in  his  narrative. 
Geoflfrey's  Merlin  is  older,  he  says^  than  the  oaks  of  the  Cale- 
donian  Forest;  but  he  does  not  explain  how  his  sister  is  young 
enough  to  please  both  her  husband  and  her  lover.  And  lastly, 
when  Gwendydd  herself  is  rapt  with  inspiration,  she  describes 
events  of  ii}9-îi4i*  with  a  downright  minuteness,  which 
(GeoSrey  must  hâve  been  qui  te  aware)  could  never  hâve  beetl 
mistaken^  even  by  the  simple  critics  of  his  time,  for  the  genuine 
language  of prophecy.  In  short,  he  meant  the  poem  to  be  received 
as  an  amusing  fiction,  ending  in  a  political  squîb. 

Let  us  now  turn  to  the  Scotichroniam,  John  of  Fordun,  appa- 
rently  a  Chantr>-  Priest  in  the  Cathedral  of  Aberdeen,  began  a 
work,  Chronica  gentil  Scotorum^  about  1384.  He  completed  five 
books,  and  a  few  chapters  of  the  sixth  ;  and  he  left  materials 
for  more  when  hedied,  about  1387.  Fifty  years  later,  the  work 
was  resumed  by  Walter  Bower,  Abbot  of  Inchcolm  in  the 
Firth  of  Forth,  and  completed  (in  16  books  altogethcr)  in  1447. 
Bower  dîed  in  1449*  Fordun's  part  of  the  %vork,  to  some  txtent 
altered  by  Bower,  was  published  by  Gale  in  169 1  and  again 
by  Heame  in  1722»  But  the  whole  work  (in  16  books)  was 
published  by  Walter  Goodall  in  1759;  and  it  is  this  latter 
édition  that  has  usually  been  quoted  as  Forduns  Scûlichnmkon» 
Fordun  himself  only  gave  two  meagre  notices  of  Kentigem* 
both  taken  from  the  earlier  Life  (now  only  a  fragment).  But 
in  the  third  book  Bower  inserted  a  narrative  of  the  interview 
between  Kentigern  and  LaiJoken  (now  reckoned  as  Lib,  III, 
cap,  31),  which  is  abridged  from  ihe  same  text  as  that  in  our 
Ms.  Titus  A.  XIX.  Lailoken  hère  says  that  he  has  been  driven 
mad  by  the  events  of  the  great  battle  **  in  campo  inter  Lidel  et 
Cirwanolow  situato  *',  This  induced  Mr.  Skene  to  visit  that 
pan  of  Cumberland,  lying  a  few  miles  north  of  Carhsle, 
between  the  river  Liddel  and  the  brook  Cirwhinelow;  and  he 
has  fixed,  with  something  like  certainty,  upon  the  parish  of 


I 


I.  Events  in  Oxford  in  1139,  and  in  Liocob  and  Winchester  in  1 141  :  sec 
the  expîanatbns  given  in  my  CataJqg^ue  cf  Romances,  vol,  I  (1883),  pp.  2S2-S. 


LAILOKEN    (or    MERLIN    SILVESTER)  5II 

Arthuret,  as  containing  the  site  of  the  battle  of  Arderydd^.  It 
is  supposed  that  the  resuit  of  this  battle  transferred  much  of  the 
importance  of  Carlisle,  as  capital  of  Cumbria,  to  the  head- 
quarters  of  Rhydderch  Hael,  at  Aldyde  (afterwards  called 
Dunbrettan,  and  now  Dumbarton)  :  see  Professor  John  Rhys, 
Celtic  Britain  (1882),  p.   143. 

Bower's  mode  of  abridging  his  text  was  this  :  he  eut  out  half 
of  it  from  the  middle;  and  then  he  tacked  the  beginning  and  end 
together,  without  any  regard  to  the  sensé.  He  has  also  altered 
a  few  phrases;  and,  after  the  words  addressed  by  Lailoken  to 
Kentigern,  —  "  Ego  sum  Christianus  licet  tanti  nominis  reus,  " 
—  Bower  has  added  :  *'  olim  Vortigerni  vates,  Merlinus 
vocltatus  ". 

The  Rev.  Thomas  Price,  of  Crickhowel,  made  some  remarks 
upon  the  '*  Cyvoesi  Myrddin  ",  in  his  Hanes  Cytnru  (History 
of  Wales),  which  came  out,  in  14  Parts,  in  1836-1842.  Price 
then  turns  to  the  Scotichronicon,  and  says  (according  to  a  trans- 
lation given  me  by  one  of  my  colleagues)  :  '*  Now,  since  the 
word  Laloicen  or  Lailoken  bears  no  signification  in  itself,  it 
appears  certain  to  me  that  the  word  was  taken  from  the  Welsh 
llallogariy  which  signifies  twin  "  (p.  209). 

Thomas  Stephens,  in  his  Literature  of  the  Kymry  (1849), 
p.  220,  expresses  a  belief  that  the  "  C)rvoesi  Myrddin  "  contains 
"  a  few  facts  of  authentic  biography  "  ;  and  he  commends 
'*  Mr.  Price's  ingenious  proof  that  Laloiken  is  another  form  of 
the  Welsh  word  llallogan  ". 

Again,  one  of  Price's  English  Essays  contains  a  passage  to 
much  the  same  effect  :  see  his  Liierary  Remains ^  vol.  I.  (1854), 
p.  143.  And  this  passage  is  quoted  in  the  Four  Ancient  Books, 
vol.  II,  p.  424;  and  also  by  Bishop  Forbes,  and  others. 

Now  the  whole  strength  of  Price's  argument  rests  upon  the 
assumption  that  **  Llallogan  "  was  never  used  by  the  Kymry 
as  a  Personal  name.  But  see  the  Redoti  Cartulary  (p.  125,  and 
p.  363).  Hère  we  find  "  Lalocan,  donator  villae  Trebinhoi  in 
Siz  "  (named  several  times)  in  Dec.  854;  and  **  Lalocant  " 
(another  Donator)  in  May  850. 

I .  Skene  read  a  paper  on  this  subject  to  the  Society  of  the  Antiquaries  of 
Scotland,  15  Feb.  186$.  It  was  published  by  the  Society  in  their  Procefdings^ 
vol.  VI  (Edinburgh,  1864-6),  p.  91. 


>I2 


tK    WARD 


I  understand  that  **Lalocant''  was  probably  the  oldest  form 
of  ihe  name,  and  that  this  would  naturally  change  into  Lahh 
gan  (as  Morcant  changed  into  Morgan).  If  it  was  at  aJl  certaiu 
that  "llallogan"  evtrr  meant  twin-hraibcr  in  Old  Welsh,  wc 
might  here  thtnk  that  we  had  obtained  a  due  to  part  of  chc 
tradition.  The  original  form  of  the  "  Cyvocsi  M>Tddin  '*  mighr 
be  supposed  to  hâve  been  a  dialogiie  betv^een  Gwendydd  acd 
the  family  bard,  Lalogan;  and  that  oatne  might  easily  bave 
been  misunderstood,  when  the  poem  was  taking  one  of  ils 
Uter  forras.  But  I  hâve  been  assured,  on  very  high  authority, 
that  the  interprétation  of  *'  llallogan  "  as  tKin-hrothtr  îs  proba- 
bly  not  niQch  older  than  the  Dictimmry  of  Owen  Pugbe  (1793)* 
I  cannot  then  suggest  any  process  by  wbich  ihe  hxxàHy 
bard  of  the  queen  of  Strath-Clyde  was  convened  (as  he  cenaioly 
was)  into  her  brother,  zs  early  as  the  days  of  Geofircy  of 
Monmouth. 

People  had  cenainly  begua  to  îdentîty  Lailoken  with  Merlin, 
when  the  narrative  in  Titus  A.  XIX  was  written,  It  says  of 
hîm  :  '*  qui  Lailoken  vocabarur  quem  quidam  dicunt  fuisse 
Merlinuni.  qui  erat  Britonibus  quasi  propbeta  singularis»  seJ 
nescitur.  **  Again,  Lailoken  utters  that  prophecy  about  a  triple 
death  (in  this  case  told  of  himselQ,  whrch  we  regard  ^  essen- 
tially  Merlinesque,  because  we  know  it  well  in  the  French 
Romance.  And  lastly,  at  the  end  of  Pan  II,  when  it  bas  been 
told  how  he  was  buried  at  Drumelzier  in  Tweeddale,  **în  cuîus 
campo  lailoken  tumulatus  quiescit,  *'  the  foUowintr  couplet  îs 
added  : 

Su  de  perfossus,  lapiaem  perpcssas,  et  ttndam, 
Merlinus  triplicem  fcrtur  inisse  nceexn. 

In  ail  other  respects,  Lailoken  is  very  différent  indeed  from 
the  semi-d;eraon  who  attached  himself  to  the  early  kings  of 
Britain.  Kentigern  describes  him  as  a  mère  man,  subject  to  cold 
and  hunger,  and  liable  to  death.  He  is  much  more  a  madntan 
than  a  prophet.  He  can  never  make  the  same  statement  twicc 
over.  No  one  pays  much  heed  to  his  words,  until  he  has  dicd 
the  triple  death  he  had  prophesied  ;  and  then  a  few^  of  his  other 
strange  sayings  are  recalled  to  mind. 

It  may  be  objeaed  that  the  secular  legend  has  been  craraped, 
in  order  to  exalt  the  dignit>^  of  the  Saint.  And  this  objecrion 


' 


wÊm^ 


LAILOKEN    (or    MKRLÎN    SÎLVESTE^J  51  J 

ceruitily  applies  ia  tht:  case  of  Joceline's  Life  of  Kentigern, 
where  *'  Laloecen  *'  appears  as  an  ordinary  court  fool.  But  the 
author  of  the  earlier  Life  was  evidently  more  indulgent  in  his 
treatment  of  popular  traditions.  And  I  think  \ve  may  fairly 
regard  our  Part  I  as  a  chapter  taken  out  of  the  earlier  Lîfe. 
There  is,  indeed,  no  exteroal  proof  of  this.  Our  copy  is  not  in 
the  same  hand  as  that  of  the  open îng  chapters  of  the  earlier 
Life,  which  are  bound  up  with  it,  The  writîng  looks  a  Httle 
older^  and  the  transcript  may  hâve  been  made  for  Bower,  when 
hewas  enlarging  thethird  book  of  the  Scolichronicon^Thc  internai 
proof  is  rather  strong.  The  earlier  Life  was  still  the  popular  one 
in  the  days  of  Fordim,  and  Bower,  and  Bishop  Elphinsion. 
Bower,  therefore,  was  likely  to  use  it  for  any  further  détails  of 
the  Saint.  And  the  quaint ,  picturesque  style  of  our  narrative 
reminds  one  of  the  opcning  chapters;  only  it  is  better,  partly 
because  the  subject  is  bctter,  and  panly  because  the  scribe 
understood  his  original.  It  has  only  been  known  in  modem 
times  through  Bower's  abridgment.  Our  copy  has  not  even 
1  been  noticed  by  any  critic,  so  far  as  I  can  ascertaiti,  except  by 
M.  de  la  Villemarqué  in  his  Myrdhimi  (1862),  pp.  71-76, 
La  Villemarqué  has  ignored  the  name  ''  Lailokcn '*.  He  has 
referred  to  our  Ms,,  as  well  as  to  the  Scotichronicon;  but  in  his 
abstract  and  hîs  quotations  he  has  simply  follovved  the  latter. 

Part  II  of  our  narrative  is  a  sort  of  supplementary  chapter 
(perhaps  by  a  later  author);  which  is  addcd  to  explain  how 
Lailoken  incurred  the  deadly  hatred  of  the  queen  of  Meldred, 
the  kinglet  of  Dunmeller  (now  Drumelzier).  He  had  been  caught 
and  held  captive  by  Meldred;  but  he  had  been  releascd,  on 
condition  of  explaining  a  sudden  laugh.  He  had  laughed  (he 
said)  at  an  appfe-leaf  entaogled  in  the  queen's  hair,  a  witness 
of  her  frailty.  This  is  Merlinesque,  no  doubt;  but  an  unexpected 
laugh  is  a  natural  attribute  of  any  Seer*  1  cannot  assert  that  the 
story  reached  Geoffrey  in  this  particular  form,  and  that  he 
chose  to  identify  the  king  with  Rhydderch  and  the  queen  with 
Gwendydd  (see  his  Fita  Merlini\  Unes  2)4-293);  but  I  think 
that  this  w^as  oot  improbably  the  case. 

Before  concluding  thèse  introdoctory  Notes,  I  wâll  ofFer 
another  instance,  in  which  a  local  tradition  seems  to  hâve  been 
preserved  more  strîctly  in  the  earlier  than  in  the  later  Life. 
Many  of  the  old  seals  of  Glasgow  bear  a  figure  of  S*  Kentigern, 


514  H.   WAÎU> 

in  connecrion  wîth  a  fish  and  a  ring.  The  siotj  (perhaps  siigges- 
ted  by  this  device)  is  told ,  how  a  certain  king  or  kinglet  of 
Strath-Ctyde  went  out  hunting  with  one  of  hts  knights;  hcyw 
they  rested  on  the  bankof  the  Qyde,  and  the  knight  fell  asleep; 
how  the  king  saw  his  queeo's  ring  upon  ihe  knight*s  hand, 
drew  it  off,  and  flung  it  into  the  Qyde  ;  and  how  the  king  rode 
home,  and  summoned  the  queen  (on  penalty  of  death)  to 
produce  the  ring  (a  gift  of  his  own)  within  a  certain  rime.  The 
queen  then  appeals  to  Kentigem,  and  makes  full  confession. 
The  Saint  sends  a  ser\'ant  to  the  Clyde,  telling  him  to  bring 
back  the  first  fish  he  can  catch.  It  is  a  salmon,  and  the  ring  îs 
tnside  it.  The  Aberdeen  Breviary,  which  apparently  dérives  ail 
îts  narratives  of  Kentigem  from  the  earlier  Life,  telk  this  story 
of  a  '*  Regina  de  Caidzow";  ihat  is  to  say,  a  qoeeo  whose 
husband  was  a  kinglet  undcr  Rhydderch  Hael»  and  who  had 
his  seat  at  Cadyow,  about  two  miles  from  the  Clyde  '.  But 
JoceUne  (cap.  36)  tells  the  story  of  the  queen  of  Rhydderch 
himself.  It  raay  be  added  that  Joceline  does  not  call  her 
Gwendydd,  but  **  Languoreth  *'  or  ''  Lang^-eth  ". 

Part  I.  —  Sx*  Kextigerk  akd  Lailokek 


BoWER*S  SûOTXCimOKICOK 

(Ub.  m,  cap.  51), 

Df  mirahili  pjmimlm  MerUm  t«ifù. 

Legiraus  qu6d  eo  tempore  quo  bea- 
tus  Kcntigemus  eremi  dcscfta  fre- 
quenUre  solebat,  CDodgit  die  quidam, 
Uk»  in  soliradînis  arbusto  soUidte 
oraitte*  ut  quidam  demem,  nudus  et 
hîfSOtii&,  «b  omni  solatio  mundalî»  ut 
âppifttit,  destî tutus,  quasi  quoddini 
tOTVuiu  furiiJe,  transitus  Éicerei  sccus 
eum,  qui  vulgo  Latk>keti  vocâbatut'. 


Trrrs  A.  XIX  (ft,  74-75^) 


Sdrraiints  aflûOcèm^  btaiei  (In 
tiitr  handy  **  Fita  Mirlim  sihtaim 
In  2  Parts, 

Part,  l.  (Keodgem  and  L^loken). 

Eo  quidem  in  tempore  quo  beatus 
Kentcgemus  heremi  descru  frequen- 
tare  sokbat.  contigii  die  quadam  iUo 
in  solitu^finis  arbusto  solicite  orante. 
vt  quidam  démens  nndus  et  hirsotus 
et  ab  omni  bono  destitntus.  qnan  ; 
quidam  toninm  funale  traositiim  h" 


1 .  Aftemrards  the  seat  of  tbe  Hamsltons  :  sec  Waher  Scott's  ballid  ot 
••  Cad\t>w  Castîe  ",  in  his  Minsirâsy  of  lia  Border. 

1»  The  assertion ,  that  Lailoken  is  said  to  hav>e  ilso  bonie  the  name  o|  1 
MeHin  >  but  that  û\h  ts  doubtiul  (made  in  tbe  fiill  nirratii^),  is  omitied  bf 
BowicT  in  ihis  sentence  ;  bat  only  to  bc  pliced  (qoiic  posttjvdy),  ftmher  ou, 
in  the  hkhmIi  d  LuMcen  lueiiadf. 


LAILOKEN    (or   MERLIN   SILVESTER) 


Qpcm  cùm  vidisset  Sanctus  Kenti- 
gernuSj  fertar  eu  m  ita  diccndo  conve- 
nisse  :  Adjuro  te,  qtiiliscunque  es 
creatara  Dei,  per  Patrem,  et  Filium, 
et  Spiritum  sanclum ,  si  ex  parte  Dei 
es,  et  in  Deum  credis,  ui  mecum 
loquaris  »  exprimcns  quis  es  et  cur  in 
hac  solitudîne  solivagus  silvestribus 
bestiis  comitaris.  At  concitù  dt;mens 
cursum  coercens  respondit  :  Ego  sum 
Chrîstîanus  îicet  tanti  nominis  reus, 
olira  Vortigerni  vates,  Merlinus  vocî- 
tatus.  In  hac  solitudine  dira  paticns 
ùia,  qu3e  pro  peccatis  meis  niihi  sunt 
cum  fcrîs  pr;EdestinAta  :  quoniam  non 
sum  dignus  inter  homines  mea  punire 
peccamina.  Eram  enim  Cîedis  omnium 
causa  interemptorum ,  qui  interfecti 
sunt  in  bello^  cunais  in  hac  patrîa 
consiitutis  satis  noto,  quod  erat  in 
campo  imer  Lideï  et  Carwanolow 
situato  :  in  quo  etîam  prxlîO)  super 
me  cœium  dehiscere  cœpit ,  et  audîvi 
quasi  fragorem  mnximum,  vocem  de 
coelo  mibi  dicentem,  Laiïoken,  Lailo- 
ken,  quia  tu  soins  omnium  horum 
inierfectorum  reus  es  sanguinis,  tu 
solus  cunctorum  scelera  punies  :  An- 
gelo  enim  Satbanae  traditus,  usque 
in  diem  mortis  tuas  conversationem 
habebis  imer  bestias  silvestres,  Cùm 
autem  ad  vocem  quam  audivi  mcum 
direxi  intuitum,  vidi  splendorem  nî- 
mium,  quem  natura  humana  sustinere 
non  potuit.  Ubî  etiam  innumcr.ibilis 
phalanges  exercitûs  in  aère,  fulguri 
si  m  îles  corusco  lanceas  igneas  et  tela 
scintillantia  in  manibus  tenemes, 
quae  crudelissimè  in  me  vibrabant. 
Unde  extra  meîpsum  conversum  spi- 
ritus  malignus  me  arripuit,  ferisque 
silvestribus  sicut  ipse  contemplaris , 
praedestinnvit.  Et,  hisdictis^  prosiluît 
înde  in  loca  nemorum  infrequentia» 


ceret  secus  eoiu  qui  Laiîoken  vocaba- 
tur.  quem  quidam  dicunt  fuisse  Mer- 
lynum.  qui  erat  Britonibus  quasi  pro» 
phcta  singularis,  sed  nescitur, 

Quem  cum  vidisset  sanctus  Kente* 
gernus,  fcrtur  eum  in  dicendo  taliter 
conuenisse.  Adiuro  te  qualiscunque 
es  creaiura  deî  per  patrem  et  iilium  et 
spiritum  sanctum.  si  ex  parte  dei  es  et 
in  deum  credis,  vt  mecum  loquaris. 
exprimens  quis  es  et  cur  in  hac  soli- 
tudîne soliuagus  silucstribus  comitaris 
bestijs.  At  concito  démens  cursum  co- 
hercens,  respondit-  Ego  sum  christia- 
niis  Iicet  tanti  nomînis  reus.  in  hac  soli- 
tudîne dira  paciens  fata  que  pro  pcccatis 
meis  mîhi  sunt  cum  feris  prédestinât  a. 
quoniam  non  sum  dignus  inter  homi- 
nes mea  punire  peccamina,  Eram 
enim  cedis  omnium  causa  interempto- 
mm  qui  interfecti  sunt  in  bello. 
cunctis  in  hac  patria  constitutis  satis 
noto  (Af5.-a).  quod  erat  in  campo  qui 
est  inter  Lidel  et  Carwannok,  in  quo 
ctiam  prelio,  celum  super  me  dehis- 
cere ccpit.  Et  audiui  quasi  fragorem 
maximum,  vocem  de  celo  mihî  dicea- 
tem,  Lailochen.  Laîlochen.  quia  tu 
solus  omnium  istorum  interfectorura 
reus  es  sanguinis ,  tu  solus  cuncto* 
rum  scelera  punies*  Angelis  enim 
Sathane  traditus  vsque  in  diem  mortis 
tue.  conuersacionem  habebis  inter  bes- 
tias siluestres.  Cum  autem  ad  vocem 
quam  audiui  meum  direxi  intuitum,, 
\idi  splendorem  nimium  quem  natun 
humana  sustinere  non  potuit.  Vidi 
etiam  innumera biles  phalanges  exerci- 
tûs in  aéra  [aère  ?]  fulguri  similes  cho- 
rusco.  lanceas  igneas*  et  tela  sdntillan- 
da  in  manibus  tenentes,  que  crudelis- 
simè in  me  vibrabant.  Vnde  extra 
meipsum  conuersum  »  spiritus  mah- 
gnus  me  arripuit.  ferisque  siluestribus 


5  lé  H.    WARD 

feris  ac  avibus  nota.  De  cujus  sicut  ipsc  contcmpUris  prcdestinauit. 
miseria  beaius  Kentigernus  valde  Et  hijs  dîctis  prosiluit  in  loco  [loca?] 
compaiiens  proddit  in  faciem  suam  inde  nemorum  mfnuïuentia.  feris  dun- 
super  terram  dicens;  Domine  Jesu,  Uxat  ac  auibas  nou.  De  cuius  mïiemj 
hic  miserorum  misemmus  honiinum  Kentegemus  beitus  valdc  compassu 
quomodo  in  hac  squalenti  degit  soH-  proddit  in  hàcm  suam  super  tcrran 
tudinc  in  ter  bestias,  ut  bcstia,  nndus  dicens  :  Domine  Jheso,  Hic  mis 
et  profugus;  herbarum  tantùm  pabulo  rum  misetrimus  bominum.  quomodo 
pastus.  Sttae  ac  pili  sunt  feris  ac  in  bac  squalenti  degit  soliiodine  imer 
bestijs  tegmina  naturaiia;  herbarum  bestias  vt  bcstia.  nudus  et  profugus  « 
vîreoa,  radiccs  et  folia  propria  ciba*  herbanim  untura  pabulo  pastus.  Scte 
ria  :  et  en  hic  frater  noster,  formam,  et  pili  sunt  feris  ac  bestiis  tegmina 
camem  et  sanguinem,  sicut  uaus  nos-  naturaiia  herbarumque  virecta.  radi- 
trûm  habens,  nudiutc  et  famé  roorie-  oa  et  folia,  propria  cibaria.  Hic  tra- 
tur.  ter  nosier  formam,   nuditatcm.    ca^- 

Bowcr  hère  goes  on  :  '*  Iddrco  nem  sanguinem  et  fragilitatem.  sicut 
posi  tuam  nunc  mihi  iâctam  confes-  vnus  habens  ex  nobis  »  omnibus  caret 
«onem",  etc.  (see  further  on)  This  quibus  humana  indiget  natnra.  prêter 
is  dumsy  patching  indeed  !  LaiJoken  duntaxat  aerem  communem,  Quo- 
had  left  Kenùgera  ;  and  it  was  not  modo  igimr  pre  Êunc  et  algore  et  iitc- 
till  aficr  scveral  more  interviews  that  diarum  vniuersitate  inter  bcstias  viuit 
the  Saint    consented  to   reccive    his    siîuestres? 

confession  and  give  him  the  sacra-  Fleuit  igitur  pietatis  Ucrimis  gênas 
ment.  Villemarqué  b  naturally  not  profusus  ptus  prcsul  Kcnt^cmus, 
awaïc  of  this;  and  he  tries  to  supply  soUto  ardus,  pro  dci  amore,  solitudi- 
ihc  gap  in  Bower  with  the  foUowing  curi  se  tradens  disdplîne.  Opttulaba- 
words  ;  s  Et  rappelant  d^une  voix  tur  etiam  domino  predbus  obnixis. 
fone  le  fugitif:  Mon  frère,  ne  me  fuis  pro  illo  siluestri  homîne.  mbero 
pas,  re\iens.  »  Tben  hc  proceeds  mth  immundo  et  energuminoso ,  vt  cala- 
toc  narrative  :  m  Puisque  tu  m*2S  £ui  ta  miut»  et  enimpnc  quas  pacicbatur 
conlessiaQ  i»,  eic,  (see  hb  MyriMm,  hic  in  corporc,  suc  subsistèrent  anime 
^^  7^)'  re&igerium    in    ftituro.     Hîc    autem 

dcmcns  vt  fertur.  postmodum  de  soli- 
^EtiiflilM]sseptusveniens.sedebat  super 
qitiaiidani  rupcm  proclîuam.  que  emi- 
net  trans  torrentcm  Mellodonor  '  quaâ 
in  prospccxu  Glascu,  ad  aquilon[al]em 
partem  eiusdem  lod  ccclcsie,  multo- 
dcns  tnquîctaiiit  danioribushorrisonis 
sanctum  Kente^mumet  clericos  eius. 
diuiiieci08ifieai[ilacioQÎs  opcri  vacantes. 
Ât  enîm  ibt  multa  futurs  ac  si 


ll*ii  bfook  i,  «ow  câlted  the  IWmItiwr. 


LAILOKEN    (or    MERLIN    SILVESTEr)  517 

propheta.  Sed  quia  nunquam  repetere 
solebat  que  predixerat.  quamquam 
erant  valde  obscura.  et  quasi  non  intel- 
ligibilia  ;  nullus  ei  credere  présume- 
bat.  Sed  quasi  verba  nugatoria  quedam 
retinebant  et  scripturc  commendabant. 
In  die  autem  qua  de  huius  mundi  mise- 
rijs  migrare  debuerat.  démens  iste  vt 
sueuit  ad  rupem  peruenit  prefatam. 
beato  Kentegerno  missam  mane  célé- 
brante, ciulans  et  damans,  magnaque 
voce  rogitans,  vt  ab  illo  christi  corpore 
rauniri  et  sanguine  mereretur  ;  ante- 
quam  de  hoc  seculo  transitum  faceret. 
Cuius  clamoris  irreuerendam  beatus 
Kentegemus  cum  ferre  non  possct; 
misit  âliquem  clericum  qui  silencium 
illi  indiceret.  Cui  miser  felix  pijs  et 
mitibus  verbis  respondens.  ait.  Vade 
precor  domine  mi  ad  bcatum  Kente- 
gernum.  et  eius  gracie  caritatis  opitu- 
lare,  quatenus  viatico  me  dominico 
munire  dignetur.  quoniam  de  hoc 
seculo  nequam ,  hodie  per  illum  féli- 
citer transibo.  Cum  autem  episcopus 
hec  ab  ore  clerici  audisset ,  pie  subri- 
dens  dixit  circumstantibus.  pro  ener- 
gumino  vociférante,  illi  obnixe  suppli- 
cantibus.  Nonne  vosomnes  ceterosque 
nonnuUos  miser  iste  suis  sepe  verbis 
seduxit.  vitamque  energuminosam  in- 
ter  feras  siluestres  multis  annis  deduxit. 
nec  communionem  christianam  nouit? 
Qpapropter  mihi  non  credo  esse  salu- 
bre  tantum  illi  munus  donare.  Sed 
perge  inquit  cuidam  clerico  suorum 
et  interroga  eum  de  qua  morte  morie- 
tur ,  et  si  hodie  sit  moriturus.  Perrexit 
igitur  clericus  dicens  deme[n]ti.  sicut 
iniunctum  ei  fuerat  ab  episcopo.  Cui 
respondit  démens.  Q}iÏ3i  hodie  lapidi- 
bus  obrutus  et  fustibus  defungar.  Gerî- 
eus  vero  regressus  ad  episcopum,  dixit 
ei  quod  audierat  ab  ore  démentis.  Epis- 


LAILOKEN    (or    MERLIN    SILVESTEr)  519 

sim  destinatus?  Ecce  non  credunt  ver- 
bis  meis.  cum  nichil  aliud  illis  prefa- 
tus  sim ,  quam  quod  mihi  tu  inspirasti. 
Conuersus  igitur  ad  clericum  dixit. 
veniat  quam  maxime  obsecro  ad  me 
episcopus  ipse ,  cuius  patrocinio  a 
domino  in  hac  die  precipue  sum  dele- 
gatus.  et  afferat  secum  sacrosanaum 
quod  postulo  viaticum.  et  audiet  man- 
datum  quod  deus  dignatus  est  illi  per 
me  significare.  Venit  igitur  episcopus. 
multis  clericorum  precibus  superatus , 
deferens  secum  panem  et  vinum  sacra- 
tissimum.  Qpo  appropinquante,  des- 
cendens  miser  felix  de  rupe  cecidit  in 
faciem  suam  ante  pedes  episcopi.  in 
huiusmodi  verba  prorumpens.  Salue 
pater  venerande.  summi  régis  miles 
electe.  Ego  sum  miser  iUe  inermis. 
qui  olim  tibi  in  heremo  apparens,  fata 
mca  soliuagus  et  erroneus.  angelis 
adhuc  sathane  traditus.  Sed  et  a  te  per 
deum  viuum  et  verum  in  nomine  tri- 
nitatis  coniuratus ,  causam  mee  cala- 
mi  tatis  enarraui.  Pro  cuius  etiam 
erumpnis  et  miserijs  pietate  sauciatus 
si  rétines;  domino  cum  lacrimis  pre- 
ces  fudisti.  quatenus  omnes  angustias 
et  infortunia.  que  in  hoc  seculo  pacie- 
bar  in  corpore,  in  gaudium  mihi 
conuerteret  sempiteraum.  recolens 
nimirum  apostoli  verba  dicentis,  quod 
non  sunt  condigne  passiones  huius  tem- 
poris  ad  futuram  gloriam  que  reuelabi- 
tur  in  electis  dei.  Et  quia  oraciones  tuas 
mei  misertusexaudiuit  dominus,  hodie 
in  meipsum  reuersum.  et  in  deum 
patrem  omnipotentem.  sicut  decet 
christianum  [fidei?]  chatholice  creden- 
tem  vt  verbis  meis  credas.  hijs  signis 
munitum,  tibi  hodie  pre  ceteris  electis 
specialius  me  misit.  vt  per  suscepdo- 
nem  sacrosancti  corporis  et  sanguinis 
eius  ad  illum  hodie  me  remittas.  Cum 


$20 


Idcirco  post  tuam  nunc  mihi  fac- 
um  coofessionem,  si  verc  pœniteas,  et 
si  te  digaum  tami  donî  contempbris, 
ecce  Christi  mensae  împositam  hos- 
tiam  saJûUrem.  Accède  taiitûm  eam 
cum  timoré  Dd,  in  omoi  humilitate 
accepturus,  ut  îpse  Cliriîstiis  te  quoque 
suscipere  dîgnetur;  quoniam  nec  tibi 
dare  neque  audco  prohibere.  Miser 
autem  confesiim  aqui  lotus,  et  unum 
Deum  in  Triniiate  ftdcliter  confessus, 
accessit  h u militer  ad  altare,  et  suscepit 
purâ  tide,  et  devotione  maximâ  incir- 
cumscripti  sacramenti  niunimen.Quo 
percepto,  extendens  manus  ad  cœlum 
dixit,  Gratias  tibi  ago,  Domine  Jesu 


WAKD 
auteni  audisset  beatus  presul  Kenic- 
gemus  iUum  hune  esse,  qui  dudum  in 
heremo  illi  apparuit.  et  alia  muha  tb 
ipso  que  in  hoc  codicello  scripu  non 
sunt.  de  incertis  ad  ceru  aliqujutu- 
lum  promotus.    pîctateque  coouictus 
lacrimis  quoque  l'aciem  pcr£usus  ;  tni- 
sero  dcfieoii   et  dei    graciam  obiûxe 
petenti,  respondit    benigniter  dicens* 
Eccc  ade[st]  corpus  et  sanguis  dotnini 
nostri  Jhesa  Chrisû  qui  est  perpétua 
Wuencium-  salus  vera  iû  se  creden- 
cium.  gloria  etema  se  digne  sumcn- 
cium.  Qpicunque  crgo  hoc  sa4:ram€ti- 
tum  digne  suscipit ,  vita  viuet  et  non 
inorietur-  Qui  auiem  iDdigr^e,  morte 
morietur  et  non  viuct 

Icdrco  si  te  dignum  lanti  donî  con- 
templaris  ,  ecce  christî  itiense  imposi- 
tum.  Accède  tamcn  cum  timoré  dé. 
cum  omni  humilitate  ipsura  acceptu- 
rus.  Vt  ipsc  Christus  te  quanquam 
dignetur  suscipere.  quoniam  nec  tibi 
dare  oeque  audeo  prohibera  Mistfr 
auteni  beatus  coiifestim  aqua  lotus,  et 
vnuni  deum  in  triniiate  fideliier  con- 
fessas, accessit  humilitcr  ad  altare,  «a 
suscepit  pura  fide  ac  sincera  deuodonc 
incircumscripti  sacramenti  munimoi. 
CXuo  percepto,  extendens  raanus  ad 
celum ,  dixit,  Gratias  tibi  ago  domine 
Jliesu.  nam  quod  optaui  sanctisâ- 
mum,  iam   consequuius  sum    sacra- 


uixn,  uratias  tîbi  ago,  Domine  Jesu    mum,  lam   consequuius  sum    sacra 
Christe,  quia,  quod  optav-i,  sanctissi-    mentum,  et  conuersus  ,  dixit  ad  bea 


muni  jam  consecutus  sum  sacramen- 
tum.  Et  conversus  dixit  ad  beatum 
Kemigernura  :  Pater,  si  hodie  com- 
pléta fuerit  in  me  \nia  temporanea, 
skuta  me  accepîsti,  regum  Britannia? 
pra^stantissimus  episcoporum  sanctis- 
simus,  coniitumque  nobiUssimus  in 
hoc  anno  me  sequentur.  Rcspondil 
^nctus  episcopus  :  Frater,  adhuc  per- 
niines  in  simphcitate  tua,  non  pemtus 


tum  Kentegernum  Domine  si  hodie 
compléta  fuerit  in  me  vita  terapora- 
nea.  si  eut  a  me  accepisiis.  Regum 
Brîtannie   prestantissimus.    Episcopo- 

rum  sanctissimus,  Coraîtuni  nobîUssi- 
mus,  in  hoc  anno  me  sequentur. 
Respondit  episcopus.  Frater  adhuc 
permanes  in  simplicitate  tua?  Non 
expers  irreu[er]encie?  Igitur  vade  m 
pace,  et  dominus  sit  tecum,  Lailokcn 


I 
I 


LAILOKEN   (or   MERLIN   SILVESTEr)  52! 

expers  irreverentiae  :  Vade  in  pace,  et  autem  pontificali  benediccione   sus- 

Dominus  sit  tecum.  Lailoketi  autem  ,  cepu.  prosiluit  inde  velut  capreolusde 

pontificali  benedictione  susceptâ,  pro-  laqueo  venantis  ereptus.    solitudinis 

siluit  inde,  velut  capreolus  de  laqueo  petens  letus  frutecta.  Sed  quoniam  eâ 

venatoris  ereptus,  promensque  canoro  que  a  domino  sunt  predestinata  ne- 

jubilo,  misericordias  Domini  in  ater-  queunt  pretermitti.  quin  ea  oporteat 

num  cantdbo ,   solitudinis  petiit  laetus  fieri ,  contigit  vt  eodem  die  a  quibus- 

frutecta,  sed,  quoniam  ea  quae  a  Do-  dam  régis  Meldredi  pastoribus  vsque 

mino    sunt    praedestinata ,    nequeunt  ad   mortem  lapidatus   ac   fustigatus. 

praetermitti,  quin  oporteat  fieri,  conti-  casum    faceret    in    mortis    articule, 

git  ut  eodem  die  a  quibusdam  reguli  vitra  oram  Trauedis  fluminis  prerup- 

Meldredi  pastoribus,  usque  ad  mortem  tam.  prope  opidum  Dunmeller.  su- 

lapidatus  ac  fustigatus,  casum  faceret  per  sudem  acutissimam.  que  in  ali- 

in  mortis  articulo  ultra  oram  Tuedae  qua  piscaria  erat  inserta.  et  transfixus 

fiuminis  praeruptam,  prope  oppidum  per  médium  corpus,  inclinato  capite 

Dunmeller*,    super  sudem  acutissi-  in  stangno. spiritum sicut  prophetaue- 

mam  quae  in  aliqua  sepula  piscaria  rat.   domino  transmisit.   Hec   autem 

erat  inserta,  et  transfixus  per  médium  cum  cognouisset  beatus  Kentegemus 

corpus ,  inclinato  capite ,   in   stagno  et  derici  eius  ;  consummata  videlicet 

spiritum,  sicut  prophetaverat,  totaliter  ita  esse,  que  de  se  presagierat  energu- 

Domino   transmisit.    Unde  quidam;  minus  ille;  credentes  et  timentes  ea 

Sudeque  perfossus ,  lapide  percussus ,  et  proculdubio  fore  futura.  que  de  resi- 

undd  :  Hoc  tria  Merîinum  fertur  inire  duis     predixerat.    ceperunt     omnes 


necem.  Haec  autem  cûm  cognovisset 
Beatus  Kentigernus  et  clerici  ejus, 
consummata  esse  quae  de  seipso  praedi- 
xerat  energuminus  ille  praemissus, 
credentes  et  timentes  ea  procul  dubio 
fore  futura,  quae  de  residuis  praedixerat, 
cœperunt  omnes  pavere  et  taedere, 
genasque  creberrimè  lachrimis  perfun- 
dere,  et  nomen  Domini  in  omnibus 
collaudare  ;  cui  sit  honor,  etc. 

Post  haec  addit  epitome  libri  Pasle- 
tensis,  **  Et  sic  eodem  anno  mortui 
sunt  Merlinus,  sanctus  Kentigernus, 
et  rex  Rodericus". 

Walter  Goodall ,  the  editor  of  Bo- 
wer's  Scotichronicon  (  Edinburgh , 
1759),  says  in  his  Préface  (p.  iv)  : 
"  Epitome  libri  Pasletensis  a  Joanne 
Gibson  canonico  Glasguensi  et  rectore 


pauere.  et  lacrimis  gênas  vberime 
perfundere.  nomenque  domini  in 
omnibus  collaudare ,  qui  est  in  sanctis 
suis  semper  mirabilis  et  benedictus  in 
secula  seculorum.  Amen. 

End  of  Part  I  (Kentigem  and 
Lailoken). 

Note.  —  The  couplet  inserted  by 
Bower  (see  preceding  column),  is  sub- 
stantially  the  same  as  the  couplet  at 
the  end  of  our  Part  II. 


I .  Now  Drumelzier  (see  Conduding  Note). 

Komania.  XXII 


34 


522  H.    WARD 

de  Renfren  scripta  A.  D,  MDt  *"  The 
Blaek  Book  of  Paisley  itself  is  now  at 
thc  British  Muséum  (Royal  Ms,  15. 
E.  X*  Tîie  narrative  about  Lailokcn 

ts  it  r  5B). 

Ai  thc  end  of  his  narrative  Bower 
has  added  :  **Non  mireris  qu6d  Mer- 
lÎDUs  et  Sanaus  Kentigemus  uno  et 
eodcm  aono  vitam  Hnlerunt,  dim 
siquidem  Sanctus  Kentigemus  fuît 
cemum  octoginta  et  unius  annorura 
quando  obiit  :  nara  babetur  infrà  libri 
quinii  capite  XLIII.  de  quodam  armi- 
gero  vocato  Johannes  de  Tcmporibus, 
qui  vixit  trecentis  sexaginta  et  uno 
annis.  Alii  dicunt  quôd  non  fait  Mer- 
linus  qui  fuit  tempore  Vortigeroi ,  sed 
alius  mirabilis  Scotorum  vates,  qui 
dicebatur  Lailoken;  sed  quk  pro- 
pheta  fuît  mirabilis  j  vocatus  est  alter 
Merlinus.  " 

End  of  Bower*s  Scotichronkoft,  IJb. 
m,  cap*  ji. 

Part  IL  —  King  Meldred  and  Lailoren^^ 

Titus  A.  XIX  (fl'.  75*75  b).  Fertur  quod  lailoken  a  regulo 
Meldredo  dudum  captus.  et  in  opido  suo  Dunmeller  loris 
conuinctus  lenebatur,  vt  aliquod  nouum  ab  illo  rex  audire 
mereremn  Ille  vero  triduo  ieiunus  permanens  nuUi  penitus  licet 
a  multis  conueniretur  dedit  responsum.  Tercio  quoque  die 
regulo  in  aula.  celsiori  assidente  sedîl[i].  intrauit  vxor  cîus. 
arboris  folium  suo  peplo  iDuolunim  nobilîter  gerens  in  capite* 
Quod  regylus  videns,  manu  attraxit,  et  attrahendo  in  minuta 
frusticula  disccrpsit,  Quo  viso,  Lailoken  démens  cepit  in  altum 
prorumpere  risum.  Cumque  illam  solito  hilariorem  rex  Mel- 
dredus  conspiceret,  conuenit  eu  m  blandis  verbis  dulcissime 
dicens,  Amice  mi  La![ok[en]dic  mihi  obsecro  quid  risus  porten- 
dcrit,  quem  argute  stringendo  auribos  nostris  tinnire  fecisti,  et 
liberum  eundi  quo  vis  te  dimittam.  Ad  hec  confestim  Lailoken 


I .  There  is  nothing  in  the  Scotkhronkon  that  corresponds  to  our  Pan  II. 


LAILOKEN    (or    MERLIN    SILVESTEr)  52) 

MS{iondit.  Tu  me  cepisti.  et  vinciri  loris  îussisti,  gliscens  nooum 
aKquod  audire  oraculum.  Quapropter  problema  nouum  de  noua 
tibi  proponam  materia.  De  veneno  stillauiidulcedo,  et  de  melle 
amaritudo.  Sed  neutrum  ita  licet  verum  manet  vtrumque*  En 
proposai  questionem,  die  si  potes  solucionem,  et  me  liberum  ire 
dimitte.  Regulus  respondit*  Hoc  problema  valde  est  perplexum. 
cuius  nescio  soluere  nexum  ^  Die  igitur  aliud  apercius  sub 
premissa  condicione.  At  Lailoken  priori  siraite  problema  protulit 
dicens,  Bonum  pro  malo  fecit  iniquitas.  e  conuerso  reddîdit 
pieias.  Sed  neutrum  ita  licet  verum  manet  vtrumque.  Regulus 
dixit.  Noli  vitra  loqui  per  conieccuras.  sed  palam  die  nobis  cur 
risisti,  et  questiooum  soluciones  quas  protuHsti,  et  liber  a  vin- 
culis  eris,  Lailoken  respondit.  Si  palam  loquutus  fuero,  vobîs 
inde  mesticia.  mihi  autem  mortifera  orietur  tristicia.  Ad  hec 
regulus.  Quaraquam  inquit  ita  futurum  fore  contigerit,  nîchillo* 
minus  audire  hoc  volomus.  Lailoken  siquidem  intulit  regulo. 
Tu  quoque  cum  sis  iudex  scieocia  preditus,  die  mihi  prius  vntus 
pragmatis  iudicîura,  et  tois  postmodum  iussis  parebo.  Regulus 
respondît.  Die  cito  causam.  vt  audias  iudicium*  Lailoken  dixit. 
Qui  summum  honoremconfert  inimico.  et  supplicium  pessimum 
amico.  quid  meretur  vterque  ?  Respondit  regulus.  Talionîs  vicem. 
Recte  inquit  Lailoken  iudicasti*  Proîndc  nîmirum.  vxor  tua 
promeruit  coronam,  tu  vcro  pessimam  mortem,  sed  non  ita. 
licet  verum  restât  vtrura[que],  Regulus  dixit.  Cunctorum  que 
facis  fucus  opacitate  concludiior.  Edissere  ergo  nobîs  obsecro 
bas  questiones,  et  quicquid  hooeste  potest  persolui*  si  postules 
tibi  dabo,  Respondit  Lailoken,  vnum  valde  dabile  postule,  liber- 
tate  non  pretermissa.  videlicet  vt  tradas  corpus  meum  sépulture, 
ad  partem  huius  oppidi  orientalem*  in  loco  funcri.  fidelis  defuncti 
competenciorej  haut  longe  a  cespite,  vbi  torrens  Passales*  in 
flumen  descendit  Tuedense,  Futurum  est  enim  post  paucos 
dics,  trina  nece  me  morit[urum],  Cum  autem  confurcacio 
ampnis  vtriusque  contigua  fuerit  tumulo  meo,  pactor  Britani[ce] 
gentis  dominabitur  adultérine  K  Hec  dicendo,  signauit  excidium 


I.  Hère  and  ihere,  ît  will  be  obsen^ed ,  jingles  occm  in  the  dialogue. 
Perhaps  the  writer  was ,  half  tinconsdously,  imitating  the  forra  in  whkh  hc 
had  heard  the  ston^  told  in  Celtic. 

2  «The  brook  Paasayl  :  see  our  Concluding  Note. 

|.  That  is,  Cadwaladyr  shdl  subdue  the  Saxons  :  see  our  Conduding 
Note. 


524  H*    WAKD 

Britinnorum,  et  itcrum  eorum  diuorcij   refonnacioncra   esse 

futuram.  Hec  il!o  et  alia  protrahente.  et  que  audire  optabam 

ficcius  différente,  regulus  ac  régula  eorumque  curia.  concessa 

funeris  postulacione.  cum  iuramento  affimiauerunt  vi  liberum 

et  incolumem  illum  quo  vellet  ire  dimittereat*  At  Lailokcn  lorij 

solutis  stans  fugere  paratus,  huiusmodi  verbaexorsus  est  diccns, 

Qiiid  est  ainarius  felle  muliebri,  quod  ab  tnicio  serpentino 

infectum  est  veneno?  Quid  autem  dalcîus  iusticte  censura  per 

quam  mites  et  humiles  a  felle  impiorum  defenduntur?  Hec 

quippe  mulier  vxor  tua  suDimum  honorem  hodie  suo  contulit 

ininiico,  tu  vero  amicum  rtdelem  conscidisti  in  frustula,  Sed 

ncutrum  ita  quia  hoc  faciens.  bene  facere  existimasti.  Illa  vero 

honoris  quem  ininiico  confercbat.  prorsus  erat  ignara.  Secun- 

dum  problema,  huic  est  simile.  Tune  iniquitas  fecit  bonuni, 

cum  mulier  nequam  suum  veneraretur  proditorem.  Tune  pietas 

fecit  malum,  quando  vir  iustus  suum  fidelem  occidit  amicum. 

Sed  neutrum  ita,  quia  inscius  facti  fuit  vterque.  Régula  enim 

paulo  ante  in  orto  reguli  adultérante,  descendit  folium  arbaris 

super  caput  eius  vt  illani  traduceret.  regique  adulterium  mani- 

festaret.  Quod  in  peplo  suo  inuolutum  coram  omnibus  régula 

super  caput  suum  in  auiam  portando  venerabatur.  Qyod  cum 

vidisset  rex,  protinus  digitis  attraxit.  et  attrahendo  dlgitis  suis 

minutatim  decerpsit.   Hoc  est  quod  mulier  honorem  contulit 

inimico.  qui  facinus  suum  prodere  voluit.  et  quia  rex  iuiuriam 

fecit  amico,  qui  vt  crimen  euitarei  illura   premunire  decreuit. 

Lailoken  hijs  dictis.  solitudinis  squalena  inuia  petente.  nulloquc 

eum  persequente,  oranes  pariter  nutare  ceperunt.  Mecha  vero 

cum  lacrimis  machinans  dolum,  regulum  quam  dulcibus  cepit 

alliccre  sermonibus   dicens.   Noli  domine   mi  rex  venerande 

Jîuius  démentis  credere  verbis,  quoniam  vt  credi  fas  est»  nichil 

aliod  coniecturando   fecit.    quam  querere  a  nexibus  solui   et 

dimitti,  tiuapropter  mi  domine  cum  complicibus  presto  sum 

ydoneis,  me  de  obiccto  crimine  purgare.  Ipse  quoque  audisti 

nobiscum,  quatenus  seductor  îlle  pessimus  dixit  se  ter  moritu- 

rum,   quod   proculdubio   est   impossibile.   Quoniam    m   nuUo 

semel  defuncto,  mors  iterar[i|  potest.  vtrumque  ergo  pari  palet 

mendacio.  Proptereasi  propheta  vel  vates  fidelis  csset,  nunquam 

se  capi  permitieret  seu  ligari.  a  quibus  vellet  postea  erui.  Quam- 

obrem  si  illum  persequi  désistas,  nostrum  obprobrium  et  regni 

*"*  -mnam  fouere  videberis.  Tu  ergo  quia  honor  regîs  iudi- 


tui  mu 


LAILOKEN    (ou    MERLIN    SILVESTEr)  525 

dura  dîlîgît,  non  debes  tantum  scelus  înipunitum  transire.  ne 
forte  illi  parcenJo  honor  regni  insolescat.  At  hec  regulus  res^ 
pondit.  O  mu]ieruni  stultissima.  si  verbis  tuis  obtemperarc 
andauero,  tu  mecharum  fedissima  fuerîb  probata*  ille  autem 
veridicus  propheta.  Dixit  eiiim.  Si  palam  rtfferamque  postularis, 
vobis  inde  mcsticia.  mihi  autem  letalîs  orietur  tristicia,  Nostra 
iam  quippe  patet  tristicia.  sua  vero  quamdiu  superfuerit  latet 
mestjcia.  Mu  lier  hijs  dictis  vberius  in  lacrimis  prorumpens  quia 
quot!  voluit  non  valuit,  clam  morti  Lailoken  parabat  insidias. 
Post  aliquot  quidem  annos,  contigit  Lailoken  illo  die  quo  diuino 
erat  premunitus  viatico.  occidente  iam  sole  transîtum  facere 
per  campum  secus  castellum  Dunmeller.  Quo  a  quibusdam  corn- 
perto  pastoribus.  qui  erant  in  illum  a  nequam  femina  încitati, 
sicut  predixerat.  et  super  inscriptum  est,  ita  de  dlo  diffioîtum 
esse  audiuimus.  Cuius  vt  dicitur  corpus  exanime.  rex  tradidit 
sépulture  in  loco  videlicei  quem  ipse  adhuc  viuens  sibi  preele- 
gerat.  Porro  opidum  istud  distat  a  ciuîtate  Glascu  quasi  xxx** 
miliaribus*  In  cuius  campo  Lailoken  tumulatus  quiescit. 

Sude  perfossus.  bpidem  |>erpessus.  et  vndara  ; 
Medinus  triplicem  fertur  misse  necem. 

End  of  Part  II.  (King  Mddrcd  and  lailoken.) 

CONCLUDING  NOTES 

ïiinmeller,  în  Tweeddale  (now  Drumelzîer,  in  Peebleshire) 
used  to  be  in  thc  heart  of  the  Caledonian  Forest, 

The  '*  pactor  britanice  gentis  "  is  no  doubt  Cadwaladyr, 
whose  miraculous  return,  a^  ihe  imiter  of  the  Cymry  froni 
Cumbria  to  Armorica,  was  often  prophesied  in  the  Merlinesque 
poems.  When  ît  is  said  that  he  '*  dominabitur  adultérine 
[genti]",  that  is,  over  the  Saxon  race,  I  do  not  suppose  that  more 
is  meant  by  that  phrase  than  intrusive\  but  it  seems  to  hâve 
suggesied  to  the  author  the  idca  of  there  having  been  a  divorce 
between  the  varions  Celtic  families. 

Thc  conckidiog  prophecy  has  hiiherto  (I  believe)  been  only 
known  in  a  very  modem  form.  It  was  first  published  by 
Alexander  Pennycuick  (or,  as  he  vvrote  the  name  himself, 
Pennecuik),  M.  D.,  in  A  ^eograpbical  htstoricaî  Description  of 
the  Shire  of  Tweddale  (Edinburgh,  1715)»  The  following  passage 


526  H.    WAKD 

is  at  pp.  (26)— (27),  ''  A  little  furder  down  is  the  town  of 
Drumel^^er,  with  the  Church»  Mr.  fVaUac^  Minister.  There  is 
one  thing  remarkable  hère»  which  îs,  The  Bum  called  Pausayl, 
runs  by  the  Eastside  of  thîs  Church-yeard  into  Tweed,  at  the 
sideof  which  Bum,  a  little  belowthe  Church-yeard^  the  famous 
Prophet  Merlin  is  said  to  be  Burîed.  The  particular  place  of  his 
Grave,  at  the  root  ofa  Thorn-Tree,  was  shewn  me  many  years 
ago,  by  the  Old  and  Révérend  Minister  of  the  place  Mr.  RkJmrd 
Braum^  and  hère  was  the  old  Prophecy  fulfiUed  delivered  in  Se4^s 
Ryme  to  this  purpose  : 

ff^hen  Tweed  and  Pausiiyl  meii  at  Merlins  GratM^ 
Scotland  and  England,  shalî  one  monarch  hâve. 

For  the  same  Day  that  our  King  James  the  ^'*  was  Crowned 
King  of  England,  The  River  Twùsd  by  an  extraordinary  Flood, 
so  £ar  Overflowed  its  Banks,  that  il  met  and  joined  with  Pausayl^ 
at  the  said  Grave,  which  was  never  before  observed  to  fell  eut, 
nor  since  that  time  ".  Walter  Scott  gives  some  account  of  Merlin 
out  of  the  Scotichronicoriy  and  then  he  quotes  part  of  the  above 
passage  from  Pennycuick,  in  his  Introduction  to  the  Second 
Ballad  of  Thomas  the  Rhymer,  in  his  Minstrelsy  of  the  Scottisb 
Border.  See  also  the  remarks  of  J.  S.  Stuart  Glennie,  in  an 
Essay,  which  is  prefixed  to  Part  III  of  the  Early  English  Text 
Society's  Merlin  (London,  1869),  the  Essay  being  entitled 
Arthurian  Localitics  (p.  lxxii). 

H.  L.  D.  Ward. 


MÉLANGES 


D'UN  COMPARATIF  GALLO-ROMAN  ET  D'UNE  PRÉTENDUE 
PEUPLADE  BARBARE. 

Il  y  a  dans  le  département  de  la  Marne  une  commune  du 
nom  officiel  de  Courtisais,  Il  est  certain  que,  dans  CaurtisolSy  Vs 
finale  est  paragogique  et  que  17  a  pris  la  place  d'une  r  anté- 
rieure, sans  doute  par  suite  de  dissimilation  :  on  disait  autre- 
fois CourtisoTy  et  Ton  prononce  aujourd'hui  Courtisou.  Si  j'ajoute 
que  d'anciennes  chartes  latines  traduisent  la  forme  vulgaire 
par  Curtis  Ausoruniy  Otiosorum  CurtiSy  on  ne  sera  pas  surpris 
que  Quicherat  ait  fait  figurer  Courtisols  parmi  les  noms  de 
lieu  qui  ont  conservé  jusqu'à  nos  jours  d'anciens  génitifs 
pluriels*.  Dans  l'introduction  de  son  Dict,  top,  de  la  Marne 
(189 1),  page  X,  M.  Longnon  s'exprime  avec  quelque  réserve  à 
ce  sujet.  «  Courtisols  y  dit-il,  Curtis  Ausorum^  semble  avoir 
pour  second  élément  le  nom  de  quelque  peuplade  étrangère.  » 
La  réserve  de  M.  Longnon  porte  plutôt,  à  ce  qu'il  semble,  sur 
les  mystérieux  Ausi  (pourquoi  pas  Otiosiï)  que  sur  le  génitif 
pluriel  dont  Courtisols  continue  à  ses  yeux,  comme  aux  yeux  de 
tous,  à  être  le  dépositaire. 

Or,  voici  toutes  les  formes  réunies  par  M.  Longnon 
jusqu'au  commencement  du  xiii*  siècle  pour  le  nom  de  Cour- 
tisols :  Curtis  Acutiory  847;  Curtis  Agutior,  vers  850;  Curtis 
AusorutHy  987-996;  Otiosorum  Curtis  y  1028;  Ausorum  Curtis  y 
1043;  Curia  Ausorum  y  1132;  Cortesory  1165;  Cortesoriumy 
1181;   Cortesorty   1185;    Curtis  Auxorumy   xii*  s.;    Cortoisory 

I.  Traité  de  îaform.  des  noms  de  lieu,  p.  59.  La  liste  de  Quicherat  a  été 
reproduite  par  A.  Darmesteter,  Traité  de  Iaform,  des  mots  composés,  p.  48,  n.  3, 
et  en  partie  par  M.  Suchier,  Le  franc,  et  le  prov.y  p.  222.  Sur  une  douzaine 
de  noms  donnés  par  Quicherat,  quatre  au  moins  sont  i  rejeter. 


J28  HfeÀKGES 

Corîaisùur^  1203,  I2i2;  Cariisar^  «215,  etc.  En  présence  de  ces 
textes  et  de  leurs  dates  respectives,  il  est  difficile  d^accoîder  110 
plus  grand  crédit  à  Curtis  Auu^trum  qu'à  OtiûSârum  Curiis. 
Pour  mon  compte,  j'aimerais  mieux  m'en  tenir  à  Curiis  JÊat- 
tior  de  847,  et  dire  que  dans  Caurîisùls  le  second  élément 
représente,  non  pas  «  le  nom  de  quelque  peuplade  étrangère  •» 
mais  le  comparatif  acuttôrem»  qui,  d'après  les  lois  phoné- 
tiques du  français,  a  dû  devenir  auisar.  C'est  sans  doute  cette 
forme  auisor,  dont  Y  s  devait  être  à  Toriginc  très  peu  sensible, 
qu'il  faut  reconnaître  dans  la  traduction  latine  Ausorum. 

Que  si  1  on  a  des  doutes  sur  Temploi  effectif  de  acutiorem 
dans  la  topographie  de  h  Gaule,  j'en  puis  citer  un  autre 
exempte,  emprunté  à  la  région  méridionale.  Il  y  a  prés  d*Agen 
une  localité  appelée  officiellement  Montagusan^  nom  que  Ton 
écrivait  au  xi*  s.  Montagu^or  *,  et  dont  l'étymologie  est  mani- 
festement Montem  acutiorem.  J'ajouterai  encore  que  acu- 
tiorem n'est  pas  le  seul  comparatif  inconnu  de  la  langue 
commune  que  nous  ait  conservé  la  topographie.  Je  relève  4 
plusieurs  reprises  dans  le  censier  de  Solignac,  Haute- Vienne 
(xu*  s.)  :  mansus  sotrâry  rnansus  sutràr^^  et  je  ne  crois  pas 
que  J(?/n5r représente  autre  chose  que  subteriorera.  Ce  même 
comparatif,  ainsi  que  superiorem,  se  retrouve  d'ailleurs  dans 
deux  noms  de  lieux  du  Dauphiné.  On  lit  dans  le  Cartuîairtdi 
Saint'André-k-Bas  de  Vimne,  p.p.  U.  Chevalier  (Vienne  et 
Lyon,  1869,  p.  263;  Âpp,  chart,  Vimn,  ^S}):  «  in  loco  et  villa 
que  diciiur  Monte  Subteriore  (1051)  n,  et  (iWJ.  ^84  et  Caf- 
tuL  p.  88)  «  in  Monte  Superiore  »;  ces  deux  localités  sont 
aujourd'hui  Monsteroux  çi  Momeveroux  (c**"  de  Beaurepaire,  art. 
de  Vienne). 

A.  Thomas, 


. 


1.  Monuguson  figure  encore  comme  chef-lieu  de  commune  dans  le  EHa, 
miv.  Jés  gwgraphies  de  Masselin  (  1 827)  ;  depuis  il  a  été  réuni  i  U  commune  de 
Cours*  La  prononciation  locale  doit  être  Mantagusou,  que  l'on  a  transcrit  mal  I 
propos,  dans  cette  langue  incohérente  qu*on  peut  appeler  le  français  topogra- 
phique, par  Montaçusùtt. 

2.  Ecclesia  de  Monte  Aguzor,  CarL  de  Connues,  n»  572  ;  cccîesia  in  Monte 
Aguzor,  tbid.^  no  586. 

î.  BibI  nat.  Nouv,  acq.  ht,  461,  fol.  2  yo  et  j  vo;  les  aorents  sont  dans 
le  manuscrit. 


^^^^,.->^ 


LAISSE    144'    DU    ROIJKD 


529 


LA  LAISSE  !44  '  DU  ROLAND 


Le  passage  du  Roland  compris  dans  les  vers  2031-2059  du 
ms.  M,  correspondant  aux  laisses  204  de  C,  193  de  V,  105  de 
P,  92  de  T  et  62  de  L,  appardent-il  à  la  rédaction  primitive  de 
la  chanson,  bien  qu'il  ne  se  trouve  pas  dans  le  ms,  d'Oxford? 

On  peut  tout  d'abord  remarquer  que  ce  passage,  qui  nous 
raconte  la  fuite  du  roi  Marsile  avec  20000  des  siens,  netiit  double 
emploi  ni  avec  ce  qui  précède  ni  avec  ce  qui  suit,  et  que,  —  au 
moins  dans  M  et  C,  —  le  style  a  les  qualités  ordinaires  de  Tau- 
teur  :  la  rapidité  et  la  simplicité.  En  outre,  comme  presque  toutes 
les  laisses  de  la  chanson,  celle-ci,  que  nous  appellerons  144* 
pour  plus  de  commodité,  forme  un  petit  tableau  complet  en  lui- 
même.  Son  existence  dans  la  rédaction  primitive  A  est  donc 
bien  vraisemblable. 

Si  nous  Texaminons  dans  les  mss.,  nous  arriverons  à  la 
même  conclusion. 

En  effet,  M  et  O  forment  une  famille  ayant  pour  origine  des 
mss.  a'  et  a",  issus  tous  deux  d'un  type  jtj  C»  V,  T,  P  et  L — je 
ne  parle  pas  de  F,  vu  que  le  passage  en  question  n*est  pas  arrivé 
jusqu'à  nous  —  appartiennent  k  un  autre  groupe  (3),  C  et  V  for- 
mant une  famille  copiée  sur  un  ms.  ^',  dont  un  autre  exem- 
plaire, g",  a  donné  naissance  à  deux  autres  familles,  y  (repré- 
sentée par  T)  et  y'  (représentée  par  P  et  L),  La  multiplicité  et 
la  concordance  de  témoignages  provenant  de  sources  si  diffé- 
rentes obligent  à  reconnaître  que  le  copiste  d*0  a  tout  simple- 
ment omis  144  '•  Pour  quelle  raison?  Peu  importe. 

Ajoutons  à  ces  témoignages  ceux  de  la  Katiamagni4s  Saga  et  de 
la  rédaction  de  Conrad,  lesquelles,  faites  sur  d'autres  mss,  que 
ceux  que  nous  connaissons,  renferment  toutes  deux  le  passage 
en  question,  et  nous  conclurons  que,  de  vraisemblable,  l'exis- 
tence de  144'  devient  certaine. 

A  ces  raisons  d'un  ordre  extrinsèque,  il  est  possible  d'en 
joindre  d'autres  tirées  du  ms.  d'Oxford  même.  Trois  fois,  dans  la 
suite  du  récit,  il  est  fait  allusion  à  la  fuite  de  Marsile,  Le  vers 
2570  dit  : 

U  reb  Marsilie  sen  fuît  en  Sarrjguce, 


Sans  b  ktsse  144  ^  cette  phrase  serait  înintelligible,  et  il  en 
seiait  de  même  do  vers  27S43 


Final  SI 
Enfin  le  vers  1913, 


t  qmi  m  |ioGt  1 


De  CD  ^«  dit  se  fiûr  sa  e 

rend  évidente  la  nèœssîté  de  restitoer  144  '.  Cette  exclamatioii» 
m  Qo'impofte  si  Marsîle  s^est  enfiû  ?  «»  ex^  pcmr  la  danè  et  la 
liatsoo  du  rédt  qu^S  ait  été  question  prècédônment  de  la  (îitte 
do  roi  dans  des  termes  positifs. 

En  résnmé,  la  restitution  de  144'  s*impose^  parce  qtie  cette 
laisse  est  —  an  moins  dans  M  et  C  —  conforme  au  s^le  de 
l'auteur,  parce  qu'elle  se  trouve  dans  tous  les  mss.  autres  que 
O  et  dans  deux  rédactions  étrangères,  enfin  parce  qu'elle  esc 
nécessaire  i  l'exposition. 

Mais  comment  £iudra-i-il  la  resdtoer?  Aux  7  vers  donnés 
par  M  et  Q  qui  sont  presque  identiques»  faut-tl  ajouter  ceux 
que  donnent  V,  T,  P,  L,  ou  quelques-uns  de  ces  vers  ?  Les 
amplifications  constantes  auxquelles  se  livrent  les  copistes  de  ces 
derniers  mss,  ikhis  les  rendent  a  priori  suspects.  Nous,  n'hésite- 
rons donc  pas  à  éliminer  les  ^xrs  surabondants  de  V,  T,  P  et 
L,  et  nous  ne  nous  servirons  de  ces  mss.  que  pour  y  chercher 
au  besoin  une  expression  quand  le  terme  exact  aura  été  déna- 
mré  ou  remplacé  par  M  et  C.  A  la  vérité,  k  vers  3  de  V,  2  de 
T,  P,  L  semblerait  pouvoir  s'intercaler  entre  les  vers  i  et  2  de 
144'.  n  a  pour  lui  Taccord  de  4  mss.,  et  il  est  très  vraisem- 
blable. Nous  l'écartons  cependant,  ayant  remarqué  que  son 
introduction  a  obligé  V,  T,  P  et  L  à  modifier  la  construction 
du  premier  vers,  qui  devient  une  proposition  subordonnée,  tan- 
dis que  dans  M  et  C  il  forme  une  proposition  principale.  Or, 
C  et  M  sont  incontestablement  plus  près  du  texte  primitif  que 
V,  T,  P,  L.  Nous  réublirons  donc  seulement  les  7  vers  qu'ils 
nous  donnent. 

Les  trois  premiers  n'oflErent  pas  de  difficultés  et  peuvent  se 
restituer  ainsi  : 

lÀ  reis  Marries  lo  poing  destrç  it  perd  ut; 
Encontre  terre  puis  getet  son  escut; 
Lo  cheval  brochet  des  esporoos  ngui  ; 

Au  4*  vers»  laisserons-nous  lasrit  que  donne  M,  prendrons^ 


RÉVISION   DES   ÉTUDES   SUR   LE   POÈME   DU   CID  53 1 

nous  la  locution  Droite  la  reincy  formant  une  sorte  d'ablatif 
absolu,  de  C,  guenchist  de  V,  T  et  L,  ou  torne  de  P  ? 

Je  crois  qu'il  faut  écarter  laseit.  En  effet,  si,  en  éperonnant 
son  cheval,  Marsile  avait  lâché  la  rêne,  c'eût  été  parce  qu'il  se 
serait  élancé  contre  l'ennemi,  ainsi  que  le  prouve  la  comparai- 
son avec  les  vers  1290,  1381,  iS74,  ^99^  ^^  3877>  où  noas 
trouvons  ce  lieu  commun  :  lâcher  la  rêne.  Ici,  Marsile  a  épe- 
ronné  son  cheval  pour  fuir  ;  il  a  donc  dû  tourner  bride. 

Droite  la  reine  ne  signifie  pas  grand  chose. 

Si  les  copistes  de  M  et  de  C  s'étaient  trouvés  en  présence  de 
torne  y  mot  qu'ils  connaissaient  puisqu'il  se  trouve  dans  tout 
le  domaine  roman  (it.  tornare;  esp.,  pg.,  pr.  tornar;  roum. 
turnà)y  ils  n'auraient,  très  probablement,  pas  changé  le  texte. 
J'admettrai  donc  assez  volontiers  que  la  rédaction  primitive 
zvdxt  guenchisty  mot  d'origine  allemande  (anc.  h.  ail.  wankjan^ 
auj.  wanken  et  schwanken^y  qui  n'a  de  représentant  qu'en  anc. 
fr.  et  en  roumanche  (Coire,  guinchir)  et  que  les  Italiens,  copistes 
de  M  et  C,  pouvaient  ne  pas  comprendre.  Guenchist  convient 
très  bien  comme  sens  et  M.  Godefroy  donne  4  ex.  d'un  emploi 
identique  {Ogiery  AmadaSy  Tristan  [en  prose]  et  Parise). 

Nous  rétablirons  donc  le  4*  vers  ainsi  : 

Guenchist  la  redne  ;  vers  Espaigne  s'en  fuit. 

Les  vers  5 ,  6  et  7  peuvent  être  restitués  de  la  manière  sui- 
vante : 

E  tels  vint  mille  s*en  vont  deriedre  lui 

ou  :  s'en  alerent  o  lui 
N'i  at  celui  ne  seit  el  cor  feruz. 
Dist  Tuns  a  l'altre  :  Li  niés  Charle  at  vencut. 

Aoi. 

A.  Salmon. 


RÉVISION  DES  ÉTUDES  SUR  LE  POÈME  DU  CID 

I 

P.  423,  w.  2231  3438  /.  Por  mando  del  rrey  Alfonso. 

—      i;.  2951  /.  E  que[ent]  vos  pesé,  rréy. 
P.  424,  V.  2986  /.  Porque  dentro  en  ToUedo  el  rrey  fazie  cort. 


5Î2  MÈLAKQES 

P.  424,  V.  629  L  Ayrol  el  rrey  Alfons&o  ou  bien  A3 
Alton  sso. 

—  w.  213  s  304Î  /,  Rrespuso  el  rrey  [al  ÇtdJ, 
P.  425,  V,  2127  î.  En  d,  en  so  o»  Sobrel  cavâllo  Bzv 

Diâ2  salto  à\o, 

—  t^*  2420.  /.  Alcançûl  ou  Alcaoço  el  Çid  a  Bu 

—  t\  2476  /.  [Myo  Çid]  a!ço  k  mano. 

—  w,  632-633  /.Si  non  das  conscîo,  [rrey]  oti 

dieres  conseio  ou  Si  non  pusicres  conseio 
Temel  perdras  [E]  perdras  CaJaiayuth,  erc 
dras  était  la  far  me  Ânt  si  servait  le  poète, 
P,  426»  V.  2410  /.  [Tu]  v^eerte  as  con  el  Çid. 
P.  427,  w,  2278-2279  /.  En  Valençîa  se  folgava  el 
todos  los  SOS,  Con  eipi]  amos  sus  ycrno 
de  Canton. 
—       ^.  2464.  Cmplélfr  le  t^rs  en  lisant  :   Mas  e 
cuydavan   m  cuydamn,   leçmi  qui  réiabli. 
r autre  msamineeet  qui  s^ appuie  sur  la  Clwo9 
cbap,  CCtXXVn  ;  Bien  to  dezia  el  Çid, 
al  se   tenian  en  el  coraçon,  passade    qui 
txtriantes   inst^i^arttes ,  se  reirmeve   dans 
£Espa^m^  fol.  cccxiv,  tr*  A. 
P*  428,  V.  2677.  Mieux  ttîJifl  lire  je  crois  :   Por  m] 
Bîrar  ûu  por  myo  Çîd  natural  ;  cf>  v.    i^ 
tef&n  de  myo  Çid  natural  que  me  prûp^^se 
Ri^lin  me  semble  tout  à  fait  à  sa  place. 
t\  299S>  Une  autre  leçon  serait  El  enemigo  d< 
-^        et.    3612-3613.  Af.  le  ly   Roi  in  évite  FâSSù 
césure  en  lisant  :  Dcsi  los  de  myo  Çîd  va 
Canion  E  los  de  Carrion  \ietieii  a  los  del  C 
165  .  Le  premier  bém.  est  œmrî^ 
1402.  te  premier  jWaf.  est  awrecf. 
^  1714  L  Diva  salto  myo  Çid. 

P    ^^^   *"  ^5^  ^;  Fw  el  Camp^dor  posar  e  œvad 
^^  4|0,  r.   169.  Urne  i^cn  m^i^  r^bercb^  serait  :  Ca 
el  Çid, 

~     '  " .™  ''  ^""^  ^  '^  ^^"^  ^^  Çi^>  i^-^  ^ 

^  ^entasse,  ^"   > 

V*    PQT  nosj  so«  yemœ  cato  e  nolos 


P-   459.    E  ' 
t% 


RÉVISION   DES   ÉTUDES   SUR   LE   POÈME  DU   QD  533 

Les  hémistiches  que  voici  sont  d'autres  excellentes  preuves  du 
vers  de  quatori^e  syllabes  et  auraient  dû  prendre  place  après 
l'article  Rruy  Diaz  myo  Çid  : 

De  myo  Çid  Rruy  Diaz  942. 

Con  myo  Çid  Rruy  Diaz  1237. 

Que  myo  Cid  Rruy  Diaz  784  958. 

Que  a  myo  Çid  Rruy  Diaz  25. 
P.  431,  w,  720-721   /. 

Ferid[los],  los  cavalleros,  por  amor  del  Criador, 

Yo  so  el  Çid  Rruy  Diaz  de  Bivar  Campeador. 

—  v.  1140  /.  Yo  so  el  Çid  Rruy  Diaz  Campeador  de  Bivar. 
P.  432,  V,  2558  /.  Fablo  yfante  Ferrando. 

v.  3624  /.  Con  yfante  don  Ferrando. 
P.  434,  V.  187  /.   Cinco  escuderos  tien,  a  todos  [çinco]  los 
carga. 
V.  1 5  00.  Supprimer  comme  mauvaise  la  sec.  des  deux  leçons, 
P.  435,  V.  1994  ^'  E  aquel  Alvaro  Alvarez. 

V.  1999  /.  el  bueno  de  Aragon  =  3071. 
P.  437,  V,  3379.  La  leçon  du  ms.  est  bonne, 
P.  438,  V.  282  /.  Plega  a  Dios  [Criador]  e  (a)  [madré]  Santa 
Maria. 

—  V.  1867.   Supprimer  «    lire  tris  probablement  de  mime 

V.  1867  »,  où  la  leçon  est  pour  le  moment  bien  difficile  à 
rétablir.  Le  ters  avait  une  assonance  en  i. 

—  V.  2980  /.    Que  en  Tolledo  cort  fazie   en  el  plazo 

senalado. 
P.  439,  V.  3597  I.  Je  n  approuve  plus  la  leçon  proposa. 

—  V.  2Sj2  l.  Plutôt  A  la  torre  de  Urraca. 

—  t/.  2613  /.  PUERTA  au  lieu  de  HUERTA. 

—  V,  ^Sj,  La  leçon  du  ms,  Salieron  de  Aïcocev peut  ou  doit 

rester, 

—  V,  1 174  /.  Mal  se  quexan  en  Valençia. 

P.  440,  î;."i396  I.  Omilom  dona  Ximena,  est  une  excellente 
leçon  à  laquelle  je  n  aurais  pas  dû  toucher, 
V,  3017  /.  Que  amas  manos  besasse  ou  que  besasse  amas 
manos  et  supprimer  l'autre  leçon, 

P.  441,  V,  1790.  Alfonsso  el  Castelano  doit  rester.  Le  premier 
hémistiche  est  fautif.  La  première  des  leçons  proposées 
pour  le  V.  2900  est  par  conséquent  mauvaise. 

—  V.  i()2<).Ala  leçon  du  ms,  Alfonso  el  de  Léon  je  préférerais 


^^JsTi 

MÉLAKCeS                                                               ^H 

rrey  Alfonso  de  Léon.  Pour  des  raucm  que  je  ne  pms      ^ 

développer  maintemni^  je  lirais  aufaunTlmi  t.  3536           J 

Ellos  eran  en  poder  au  en  h  maso  de  Alfcmsso  de     ^M 

Léon  et,  t\  3543,  A  Alfonsso  de  Léon;  cf.  v.  3717,     H 

qui  rne  semble  confirmer  ces  leçons.                                        ^M 

^^B 

t/.  2013  L  De  un  dia  lego  antes  cl  [boen]  rrey  don      ■ 

Alfonsso.                                                                      ^^M 

^^^^H 

V.  3 171  n  /.  vos  sodés  nuestro  Senor;  cf,  5403.           ^^M 

^H 

V,  290.  La  le^ûft  du  ms.  peut  rester.                                ^^^Ê 

V.  1714  L  Dava  salto  myo  Çid.                                    ^^^^ 

V.  2127  n.  Rruy  Diaz  salto  dio.                                    |P^H 

^^^H 

V,  3004.  V hémistiche  est  correct,  mais  tassmmM  ts^^M 

fausse,                                                                             ^M 

^^V             443, 

,  î/.  3148  /.  [Aqu]esto  fyo]  les  demando  a  condcs  de     ^M 

Carrion.  I.  2952  au  lieu  J!f  295 1 .                                      ^M 

^^^H 

i;,  3 38 1  /*  Qui  con  los  de  Carrion  le  darie  a  casar.              ^M 

^^H        ^-444> 

V.  3129  /,  Del  dia  que  fui  rrey  au  Hyo  desdc  que  fui     ^M 

rrey.                                                                                     ^M 

^^^H 

V.  3 130  /-  La  primera  fue  ea  Burgos.                                   ^M 

^H            445, 

,  V.  3132  /.  Catando  esran  al  Çid  quantos  [que]  ha  en  la    ^M 

con.                                                                                 ^M 

^H 

V.  II 90.  Viniesse  a  myo  Çid  doit  rester.                            ^| 

^^^H 

V,  1302  /.  Plaz  a  Minaya  Albarfanez  de  lo  que  diz  don     ^M 

Rrodrigo;  w.  539-3 120  /.  [DeJ  lo  que  dixo  el  Çid,       ^Ê 

^^1 

V.  102S  L  Dixo  el  conde  :  comed  ;  cotnme  il  arrive  sem-    ^M 

vent,  le  texte  s'embarrasse  quand  Vassofuince  change,            ^M 

^^^^L 

V.  2514.  Une  leçon  plus  simple  est  :   que  el  Campeador     ^| 

^1 

^^^H 

w,  2049  2227.  /.  dtpréfèrenc€  Çid  el  buen  Campeador.     ^ 

^^m 

sV,  911.  V assonance  à  la  césure  tne  fait  dernier  de  la  jus-     ^J 

tesse  de  la  leçon  adoptée.                                                        ^Ê 

^^^^^m 

V,  2685  /.  grade  el  Campeador  ;  que  appartient  à  Fautre    ^^ 

hémistiche.                                                                                     ] 

^^^^H 

î/.  2280.  durmie  el  Campeador  est  un  hémisticlye  douteux.     M 

^^^^^^H 

V.  2230  L  H>^oios  fitos  sedie  el  [buen  Çid]  Campeador    H 

ou  myo  Çid  Campeador.                                                      H 

■L'.  3192.  Supprimer  u  est  un  hétnistiche  douteux  ^.                ^| 

v^  2527  /,  fablo  ifante  Ferrando.                                       ^^Ê 

^^^^^^^H 

v^  92s  L  bien  ynne  a  a  mi,  Minaya.                               ^^H 

î'.  1815  /.  qoe  fse]  bsse  con  Minaya,                             ^^H 

RÉVISION   DES   ÉTUDES   SUR    LE   POÈME    DU   CID  535 

P.  452,  V.  1256  /.  elli  se  va  consegando. 

—  î/i/.  347.  V assonance  est  incorrecte,  L.  peut-être  Do  dizen 

mont  de  Calvar  ou  En  el  monte  de  Calvar,  comme  on 
lit,  Poema  de  Alfonso  XI  iiS  1521  1914. 

—  V.  3629.  La  première  leçon  est  impossible;  l.  Firme  estido 

don  Pero. 
P.  453,  w,  3053-3054.  Les  deux  assonances  en  ado  sont  invrai-- 
semblables  dans  cet  entourage;  L  El[buen]  rrey  don 
Alfonsso  a  Tolledo  fo   entrar  [E]  myo  Çid  Rruy 
Diaz  en  San  Servan  va  posar. 

—  v.  911 .  Voir  la  rem.  sur  ce  vers  quelques  lignes  plus  haut. 
P.  454,  w.  2962-2963.  //  serait  aisé  d'obtenir  des  assonances  en  0 

en  lisant  :  Por  todo  el  myo  rreyno  andaran  myos 
pregones,  Pora  dentro  en  Tolledo  pregonaran  mîa 
cort. 

—  v.  2335  /.  En  Valençia  [vos]  folgad. 

—  i;.  1814  /.  Del  [Çid]  que  Valençia  manda. 

Les  passages   traités  ci-dessus  sont,   dans  leur  ordre,   les 
suivants  : 


25 

784 

1714 

2279 

2951 

3148 

lés 

9ir 

1790 

2280 

2962 

3170 

169 

92s 

1814 

2304 

2963 

3192 

187 

942 

1816 

2335 

2980 

3379 

282 

958 

1867 

2410 

2986 

3381 

290 

1028 

1927 

2420 

2998 

3438 

347 

1140 

1994 

2464 

3004 

3536 

428 

1174 

1999 

2476 

3017 

3543 

43  î 

1190 

2013 

2514 

3043 

3597 

539 

1237 

2049 

2527 

3053 

3612 

587 

1256 

2127 

2558 

3054 

3613 

629 

1302 

2135 

2613 

3071 

3624 

632 

1396 

2227 

2677 

3120 

3629 

633 

1402 

2230 

2685 

3129 

720 

1470 

2231 

2812 

3130 

721 

1500 

2278 

2900 

3132 

Prague,  mars  1891. 

J.  Cornu. 


Sî6 


MËLANCeS 


SUR  L^ORIGINE  DU  POÈME  DE  PHYLLIDE  ET  FLORA 

II  est  en  général  difficile  de  déterminer  le  pays  d'origine  des 
pièces  dues  aux  clertci  vaganUs,  II  y  a  pourtant  des  exceptions, 
et  parmi  celles-ci  il  faut  ranger,  selon  nous,  une  des  poésies 
les  plus  charmantes  de  la  classe  des  erotica  du  recueil  connu 
sous  le  nom  de  Carmina  Buratia  ',  celle  qui  est  intitulée  De  Pbyl- 
lide  et  Flora.  Le  fait  seul  qu'il  y  a  quatre  poèmes  français  trai- 
tant le  môme  sujet ^  fait  soupi^onner  une  origine  française, 
mais  deux  passages  du  poème  latin  lui-même  confirment  cette 
hypothèse. 

Le  premier  se  trouve  str,  7.  Les  deux  jeunes  filles,  dît  le 
poète,  au  moment  où  le  débat  commence,  étaient  assises  sous 
un  pin  : 

Ut  pucllis  noceat  calor  solis  minus, 
Fuit  juxta  rivulum  spaciosa  pi  nus, 
Venustata  foliis,  late  pandens  smus, 
Ncc  intrarc  poierat  calor  peregrinus. 

Ce  trait  a  fait  penser  à  une  origine  italienne*  «  Les  jeunes 
filles,  »  dit  M.  Hauréau  ',  «  sont  assises,  avant  de  commencer 
leur  débat,  sous  un  pin  d'Italie,  puisque  ce  pin  forme  sur  leurs 
têtes  un  dôme  de  verdure.  »  Déjà  BDrckhardt4,  dans  son  ouvrage 
sur  la  Renaissance,  avait  cité  le  même  passage,  pour  revendiquer 
pour  notre  poème,  ainsi  que  pour  les  plus  belles  pièces  du 
recueil  des  Carmina  Buratia^  une  origine  italienne.  M.  Ch.-V. 
Langlois,  dans  son  intéressante  étude  sur  les  poésies  goliar- 
diqoes,  analysant  notre  pièce,  parle,  lui  aussi,  sans  se  pronon- 
cer d'ailleurs  sur  la  question  d'origine,  d'un  «  pin  parasol»  ». 
Nous  croyons  qu'on   fait  trop   d*honneur  aux  connaissances 


I .  Carmina  Bttrana  (dans  BibUothék  des  liUfiarischtn  Fera  us  in  Stuttgart , 
t.  XVI),  p,  IS5  ss. 

a.  Voir  en  dernier  lieu  E.  Langlois,  Origims  tt  sources  du  Ronmn  dt  ta 
Rose^  p,   11-15. 

3,  Notices  et  txtraitsdes  manuscrits^  XXIX,  2*  partie»  p.  joS, 

4.  Die  Cul  tut  dcr  Retiaissanct^  1,  J2}  (j*  édition). 

>.  Hfinu poîi tique  cl  linéaire,  1893,  t.  I,  175,  col.  a. 


SUR  l'origine  du  poème  de  PHYLLIDE  et  FLORA         537 

botaniques  du  poète  inconnu  en  lui  prêtant  des  conceptions 
aussi  précises.  La  mention  du  pin  est  tout  simplement  emprun- 
tée aux  chansons  de  geste  ou  aux  poèmes  qui  les  imitent  de 
près.  On  trouve  le  pin  déjà  dans  le  Roland  (v.  114,  2356, 
2375,  du  texte  d'Oxford),  et  il  figure  évidemment  comme  un 
arbre  qui  donne  de  l'ombre.  De  même  dans  le  ms.  IV  de 
Venise  (v.  2354  édition  Kôlbing,  à  insérer  après  le  v.  2201 
d'Oxford)  : 

Deso|  un  pin  e  foluç  e  ramer. 

Dans  les  chansons  de  geste  postérieures,  le  pin  est  mentionné 
à  tout  propos  et  hors  de  propos  pour  remplir  le  vers  ou  amener 
une  assonance  en  i  :  voir  notamment  Fierabras^  p.  3 ,  v.  73 , 
p.  28,  V.  896,  p.  50,  V.  1633  (Je  ramé  pin),  p.  138,  v.  4579. 
Des  chansons  de  geste  la  mention  passe  aux  poèmes  narratifs 
qui  imitent  particulièrement  le  style  épique. 

Dans  le  Roman  de  ThèheSy  v.  2375,  il  est  dit  d'un  messager  : 

Tant  a  brochié  par  le  chemin 
Les  dames  trueve  soz  un  pin, 
Sor  un  pué  ou  eles  5*omhreient. 

Ce  passage  est  curieux  parce  qu'il  insiste  sur  Vombre  de 
l'arbre*.  Enfin,  dans  une  des  versions  françaises  du  débat  {De 
Hueline  et  d' Aiglantine ,  v.  8,  dans  Méon,  Nouveau  Recueil ,  I, 
353),  le  fameux  pin  reparaît  :  les  jeunes  filles,  dit  le  poète. 

Amont  vindrent  par  le  jardin 
A  la  fontaine  sor  (lis.  soz)  le  pin. 

Évidemment  l'imitateur  français,  qui  prenait  tant  de  libertés, 
n'eût  pas  reproduit  un  trait  qui  lui  aurait  semblé  étranger*. 

1 .  On  peut  cependant  remarquer  que  dans  les  poésies  goliardiques  la  men- 
tion de  Tombrage  est  fréquente ,  ainsi  que  Ta  observé  M.  Marold  (Zeitschr, 
fur  Deutsche  PhiL,  XXIII,  24),  et  que  Tinsistance  du  poète,  dans  notre  passage 
comme  dans  d'autres,  pourrait  s'expliquer  par  une  influence  de  la  poésie 
antique. 

2.  Le  pin  se  retrouve  dans  la  fameuse  Altercatio  Ganymedis  et  Heletue 
(strophe  3)  et  dans  une  imitation  de  cette  pièce  publiée  en  partie  par 
M.  Hauréau,  Notices  et  Extr.,  XXIX,  2*  partie,  p.  276.  M.  Wattenbach 
(^Zeitschr.  f.  deutsches  Alterthum,  XVIII,  12s)  attribuerait  volontiers  V Alterca- 
tio à  un  Français  du  Nord,  mais  la  mention  de  Tolivier  (str.  i)  le  fait  penser 
à  un  Provençal.  Ce  n'est  pas  nécessaire  :  Tolivier  est  mentionné  dans  la 

Romani4,Xni  3) 


538 


MèLANGES 


Ud  passage  plus  important  est  la  descriprion  du  palefroi  de 
Flore  qu'elle  monte  pour  se  rendre  à  la  cour  du  dieu  Aniour. 
Le  cheval»  dit  le  poète  (str.  50-52)  était 

Pictus  artifîcio  varii  coloris, 

Nam  mixtus  nîgredini  color  est  olorîs. 

Loro  fuit  habilis  çtatis  priraçvç, 
Et  respexil  paululum  timide,  non  s^ve. 
Cervix  fuit  aniua,  coma  sparsa  lève» 
Auris  parva^  firomituns ptiius^  caput  brève* 

Dorso  pando  jacuit  virgini  sessUrç 
Spina,  quç  non  senserat  atiquid  pressurç  ; 
Ptde  cavo^  tibia  recta  ^  longo  çrure 
Totum  fuit  sonipes  studium  naiurç. 

Ce  passage  a,  même  i  première  vue,  une  ressemblance  retuar* 
quable  avec  les  descriptions  de  destriers  dans  les  chansons  de 
geste**  Nous  devons  cependant  faire  une  réserve.  Les  exprès* 
sions  ûue  nous  avons  soulignées  se  retrouvent  dans  le  Carmm 
de  prmkiom  Gtmionis  {Rùmania^  XJ,  476,  v.  339  et  ss.).  Voici 
les  vers  (le  poète  latin  traduit  assez  exactement  la  description 
du  cheval  de  Turpin,  Chanson  de  Roland^  v.  165 1  et  ss.)  : 

Horridus  aspectus,  auris  brevîs^  aràua  ctrvix^ 

Costaque  prolixa,  Ubia  rt€ta  sibi^ 
Crus  perîargîtmt  pes  cavm  et  ptctm  spaciùsum. 

En  rapprochant  ces  trois  passages,  on  trouve  ressemblance 
peu  prés  complète  pour  tibia  recta  (=  gambes  plates) ,  pede  cû 
{Carmen  :  pes  cavus  =^  pie:^  rapf^^);  auris  pan>a  correspond  Jl 
auris  brans  du  Carmen  (^  petite  oreille);  rexpression  crm 
perlargum  du  Carmen  nous  montre  que  longû  crure  du  débat 
doit  être  corrigé  en  largo  crure  {curte  la  quisse^  RalL^  1653; 
comp.  la  cuisse  grosse  et  corte^  Fierahras^  41 10).  Il  est  inadmis* 

poésie  française  A  peu  près  aussi  fréquemment  que  le  pin  :  Tauteur  du  Filiri- 
nagt  d«  Cfyarlrmagnf  pîace  môme  un  olivier  à  Saint-Denîs  (v,  7,  élit* 
Koschwiii),  L*oîivier  remplace  le  pin  dans  une  version  française  du  débat  des 
deux  jeunes  filics,  Ik  Florance  et  de  Bîûfuhefior  (v.  57,  Fabliaux  it  Ctmks^  édi- 
tion Barbawn-Méon.  IV.  555). 

t.  Ces  descriptions  ont  été  analysées  et  comparées  par  Bangen,  dk  Tïert 
im  «Ut/rân^  Epoi  (Àu^.  und  Ahhandîuf^en  de  Stengel,  XXXIV),  p.  48-50. 

a.  Comp.  G.  Paris,  Hom^a,  XI,  509,  note  1. 


SUR  L*ORIGINE  DU  POÈME  DE  PHYLLIDE  ET  FLORA  539 

sible  que  deux  auteurs  aient  traduit  indépendamment  Tun  de 
l'autre,  de  la  même  façon,  des  expressions  aussi  techniques.  On 
peut  ajouter  que  deux  formules  qui  ne  sont  pas  dans  le  Roland 
sont  communes  aux  deux  textes  latins  :  prominens  pectuSy  qui 
correspond  au  pectus  spaciosum  du  Carmen  (comp.  Fier. y 
41 13  :  moût  ot  large  le  pis)  et  ardua  cervix  dont  l'équivalent  fran- 
çais n'est  pas  très  clair'.  Comme  le  passage  du  Carmen 
est  plus  court  que  notre  débat  et  traduit  assez  exactement  le 
Rolandy  il  est  évident  que  c'est  notre  poète  qui  est  l'imitateur. 

Mais  notre  débat  ne  contient  pas  seulement  ces  formules 
empruntées  à  un  poème  latin,  qui,  quoique  traduit  du  français, 
n'a,  dans  l'espèce,  aucune  valeur  probante;  il  donne  d'autres 
formules  directement  empruntées  au  français.  Et  d'abord 
l'expression  du  Carmen  :  auris  brevis,  est  plus  éloignée  de  l'ex- 
pression française  habituelle  que  ne  l'est  celle  du  débat  :  auris 
parva  ;  comp.  petite  oreille^  Roi. y  1656;  petite  oreillettey  Gui  de 
Bourgogney  2329;  petites  oreilleteSy  FierabraSy  41 13. 

Le  débat  dit  du  cheval  qu'il  était 

Pictus  artificio  varii  coloris  ; 

Nam  mixtus  nigredini  color  est  oloris. 

La  diversité  ou  même  la  bizarrerie  des  couleurs  de  la  robe  du 
cheval  est  un  des  traits  que  les  descriptions  des  chansons  de 
geste  relèvent  le  plus  souvent.  Aux  passages  réunis  par  Ban- 
gert^  on  peut  ajouter  celui-ci,  du  Roman  de  ThèbeSy  v.  2829  ss. 
Le  poète  décrit  le  palefroi  d'Ismène  : 

Et  fu  toz  neirs,  ne  mais  les  hanches 
Et  les  espaules,  qu'il  ot  blanches, 
Et  les  costes  et  les  oreilles 
Et  les  jambes  qui  sont  vermeilles. 

La  formule  color  est  oloris  se  retrouve  littéralement  dans  Gui 
de  Bourgogney  v.  2326  :  //  ot  le  costé  blanc  come  cisne  de  mer. 

Caput  brève  du  débat  correspond  à  la  teste  corte  et  megre  du 
même  poème  (v.  2328;  cf.  FierabraSy  v.  41 13  :  maigre  chiej). 

1.  Comp.  cependant  Fierabras, 4108  :  le  hum  haut  levé.  Il  est  probable  que 
l'auteur  du  Carmen  de  prod.  Guen,  aura  emprunté  ces  détails  à  des  descriptions 
analogues  qui  se  trouvaient  dans  d'autres  chansons,  ou  bien  qu'il  a  eu  sous 
les  yeux  un  texte  légèrement  amplifié. 

2.  Ouvrage  cité,  p.  53 


J40  A^LâMOBS 

S:ins  les  textes  français  on  ne  se  ferait  pas  une  Idée  nette  du 
sens  des  deux  vers  de  la  str.  5  2  : 


Docso  pando  jaaiit  virg^fii  ses£urç 
Sptoâj  quf  non  setiserai  aliqaid  pressurç. 

VescMm  ad  him  halte,  dit  la  Chamm  dt  Roland  du  cheval  de 
Turpin,  \\  16S4;  ^  dmiti  rmhme  dît  le  Fiirabras^  v.  4112, 
Uautcur  du  Rmmn  ai  TUks  va  un  peu  plus  loio  :  suivant  lui, 
iJ  ne  suffit  pas  que  répine  dorsale  d'un  bon  cheval  soit 
droite  ;  loin  d'être  déprimée,  elle  doit  être  bombée  :  il  dit,  en 
décrivant  le  cheval  Blincbenue  (y.  'S^^)  = 

Et  01  ixQ  poî  tofobte  le  éos; 
De  um  i  Eut  ondUof  sedr  '. 

Li  descripdon  «lu  cheval  est  soîvîe  de  oelle  dti  hamadietneot  : 
au  début  nous  retrouvons  encore  un  détail  de  h  po^ie  vulgaire 
(itr,  53)  i 

la  mention  de  h  selle  d*ivoire  est  cofitiotiene  daiEs  ks 
sons  de  geste,  voir  Bin^ert^  p.  jS;  on  pent  a}oufjer  le  Rm 

Dmsi  choses  sont  à  noter  pour  bicsi  apprider  œ 
Aemeats  :  d*uae   pin^  ces  dêsoîptîoas  de  chcvatct,  sm^eent, 

agnementées  Je  détails  birarres  (tel  que  celui  des  couleurs  de  la 
ro!x).  son:  une  des  marques  disriactives  de  V épopée  friinaiùs ; 
J^aurre  part.  les  dérails  à  Taide  desquels  notre  poète  a  complété 
les  brèves  indications  du  Curmen  ne  semblent  pas  empruntés  i 
un  seul  texte  ;  pour  les  eciaircir^  nous  avons  du  comparer  des 
passades  assez  nombr^iux-.  L*auceur  du  débat  avait  donc  avec 

1.  Le  >çrul  truc  ajoutai  par  le  iêb-dt  dent  on  ne  retrouve  pas  bien,  la  tonne 
îriuv-ii^^  î^^-  «:x:;ui  Jc  la  >rr.  ;  :  :  Cjtnu  ^pursa  kve.  On  trouve  des  expressions 
diverses  pour  décrira  la  vT^nicn;  :  Jtv  snrts  lom  dt  J*:tgït!^,  Bmcan  j£  Caïuat, 
p.  ;;.  V.  7,  ciiiL  Tirix*  ;  la  :T.n<  jasmtu  Fûrabras^  4,111  ;  ^n  Jutre  l'exprès- 
>îcii  p^u  ddirx:  .UiCri-  sinru-^  i^v&ir  Godeiroy,  i.  v,  cwnéy  et  &?m.  Je  'Vxbei  05, 7^ 
^ui  11^  peut  se  rapporter  ^u'a  la  cnniere  :  rien  de  tout  cs!i3L  ne  correspond 
^xactetneac  a  la  pnrase  latine. 

>.  Parmi  les  poèmes  <^ue  nous  citons*  il  v  ^n  a,  comme  Gui  de  Bour^wvrtc 
sjui  >enc  >X'rtaiiTemem:  po^^teneurs  au  débat  ;  mais  les  descriptions  vpie  c» 
^a»ui>oii>  coutieimetit  deiveut  vitre  composées  de  lieux  commims  remontant 
beaucoup  piu>  haut. 


LA   CHANSON   COMPOSÉE   A   ACRE  54I 

cette  littérature  épique  une  familiarité  que  nous  ne  pouvons 
supposer  que  chez  un  Français  de  naissance,  peut-être  chez  un 
Anglo-Normand  (il  est  à  remarquer  que  des  quatre  pièces 
françaises  qui  traitent  le  même  sujet,  deux  furent  écrites  en 
Angleterre).  En  tout  cas,  l'auteur  du  De  Phyllide  et  Flora  n'était 
ni  un  Italien  ni  un  Allemand.  Grâce  à  la  popularité,  déjà  au 
douzième  siècle,  de  l'épopée  française  à  l'étranger,  on  pourrait 
supposer  chez  un  clerc  allemand  ou  surtout  italien  la  connais- 
sance de  quelques  détails  isolés,  pris  dans  une  œuvre  connue 
par  hasard;  une  pareille  richesse  de  réminiscences  ne  se  com- 
prend que  chez  un  national. 

Gédéon  HuET. 


LA  CHANSON  COMPOSÉE  A  ACRE 

EN   JUIN    1250 

Je  voudrais  donner  quelque  jour  un  recueil  d'anciennes 
chansons  historiques,  comme  une  nouvelle  édition,  augmentée 
et  améliorée,  du  recueil  de  Le  Roux  de  Lincy,  mais  en  me 
restreignant  aux  xn*  et  xiii*  siècles.  Je  compte  imprimer  d'abord 
ici  la  plupart  des  pièces  qui  le  composeraient,  dans  l'espoir  que 
cette  publication  pourra  donner  lieu  à  des  observations  utiles. 
Je  l'ai  déjà  fait  pour  la  chanson  de  Huon  de  Saint-Quentin 
{Romaniay  XIX,  295). 

Celle  dont  je  m'occupe  aujourd'hui  (Raynaud,  1887)  a  été 
imprimée  deux  fois,  par  P.  Paris  {Romancero  françois ^  p.  100) 
et  par  Le  Roux  de  Lincy  {Chants  historiques  français^  t.  I, 
p.  118)*.  Ces  deux  éditeurs  n'ont  connu  que  le  ms.  Pb" 
(B.  N.  fr.  20050),  où  elle  se  trouve  au  f*  117;  elle  est  encore 
dans  Pb**  (fr.  24406)  au  ^  iiéd,  malheureusement  avec 
deux  couplets  en  moins.  Le  texte  que  je  donne  repose  sur  la 
comparaison  des  deux  manuscrits ,  qui  n'offrent  pas  d'ailleurs 
de  bien  grandes  variantes  (j'appelle  A  le  ms.  20050,  B  le 
ms.  24406).  L'authenticité  des  deux  couplets  omis  par  B  ne  fait 
pas  doute;  la  seule  question  difficile  est  celle  de  l'ordre  des  cou- 


I .  Par  une  inadvertance  singulière ,  Le  Roux  de  Lincy  (p.  90)  la  donne 
comme  inédite. 


s  41  MÉLANGES 

plets.  Pour  la  résoudre,  il  feut  se  rendre  compte  de  1 
tion  exirémement  savante  de  la  pièce-  Il  est  probî 

est  ûite,  comme  tomes  les  chansons  politiques,  à 
d'une  chanson  d'amour  célèbre ^  mais  je  n'ai  pas  s< 
pour  le  moment  les  moyens  de  le  vérifier. 

La  pièce  compte  cinq  strophes  (il  nous  manque 
un  envoi).  La  strophe  de  neuf  vers  sur  quatre  riir 
le  schéma  suivant  (je  marque  par  des  chiffres  les  rin 
rées  comme  distinctes  les  unes  des  autres  dans  chaq 
réservant  les  lettres  pour  désigner  leur  identité  rée 
strophe  à  rautre). 


Si  nous  désignons  par  â  ^  r  rf  les  rimes  i  2  3  4  d 
tîous  remarquons  que  la  str.  Il  ent ploie  d  et  *i  pour 
et  2^  et  r,  comme  I,  pour  sa  rime  3^  en  sorte  qu'e 
dnit  qu'une  rime  nouvelle,  sa  rime  4,  que  nous  ap 
Un  a  donc  entre  les  strophes  I  et  H  k  rapport  suivan 


L 


K   l   a 

2.  2  h 

4*  ^  h 
7    î  c 

^44 


n. 


rapport 

î.  t  d 
2.  2  a 
1.  1  d 
4-  a  a 

6.   j  c 

«-  4  c 

94c 


^7  *"*^'*.XT^^r:^***^«*^  «Topheet  ks  strophe 
*«iot«  l  ordre  v^érictbfe,  eesi  eo  efi 


LA   CHANSON   COMPOSÉE  A   ACRE 


S43 


produit  si  nous  faisons  passer  au  troisième  rang  la  strophe  V  de 
A,  au  quatrième  rang  la  str.  IV,  et  au  cinquième  rang  la  str.  III. 
Nous  obtenons  alors  le  rapport  suivant  pour  les  rimes  des  cinq 
strophes  : 


I       II     m     IV 


I. 

a 

d 

e 

f 

g 

2. 

b 

a 

d 

e 

f 

3- 

a 

d 

e 

f 

g 

4' 

b 

a 

d 

e 

f 

5. 

b 

a 

d 

e 

f 

6. 

c 

c 

c 

c 

c 

7- 

c 

c 

c 

c 

c 

8. 

d 

e 

f 

g 

h 

9- 

d 

e 

f 

g 

h 

On  comprend  en  même  temps  que  les  str.  IV  et  V  aient  été 
omises  par  B,  qui  s'est  contenté  des  trois  premières  ;  quant  à  la 
raison  du  désordre  de  A,  qui  nous  présente  I  II  V  IV  III, 
nous  ne  la  saisissons  pas. 

On  voit  que  par  ce  système  ingénieux,  qui  lie  intimement  les 
strophes  les  unes  aux  autres,  chaque  rime  revient  dans  trois 
strophes  à  trois  places  différentes,  sauf  3  qui  reste  immuable, 
et  les  45  vers  se  contentent  de  huit  rimes  '. 

I  »  Nus  ne  poroit  de  mauvaise  raison 

Bone  chançon  ne  faire  ne  chanter; 

Por  ce  n'i  vueil  mètre  m*entencion, 

Que  j'ai  assez  autre  chose  a  penser. 

Et  nonporquant  la  terre  d'outre  mer 
Voi  en  si  très  grant  balance 

Cîp'en  chantant  vueil  proier  le  roi  de  France 

Que  ne  croie  coart  ne  iosengier 
9.  De  sa  honte  ne  de  la  Dieu  vengier. 


I,  I  B  On  —  4  A  Car,  —  6  très  manque  B  —  7  B  Qua  jointes  mains  prie  on 
—  8  B  Quil  —  ^  A  De  la  honte  nostre  signor  v. 

1 .  La  rime  h^  finissant  la  dernière  strophe,  n'a  que  deux  vers  à  elle  ;  a 
commençant  la  première,  n'en  a  que  cinq;  ^,  qui  ne  figure  que  dans  la  pre- 
mière strophe,  n'en  a  que  trois  ;  d  efg  en  ont  sept,  et  c  en  a  dix. 

2.  Je  ne  relève  pas  La  graphie  lorraine  de  A;  on  la  trouvera  dans  l'édition 
diplomatique  du  ms.  20050  de  la  Société  des  anciens  textes. 


MÉUUfiQES 

II.  A  !  geoîû  Tok^  gKOit  Dki»  to»  M  t 

Tott  Bgifiie  doioit  Toitic  i 

Or  iifiiiej  ipt  ^liost  ^olez  1 
4  f&WÊÊkm  csxrc  en  di^ttî* 

Ov  ^Bânl  Dkos  est  de  TO  i 
Er  MJgnor  dr  si  ^ 

Bîcxi  deânict  i 

De  refoig^les  mon  £1  le^duîtîs 
f  Qpî  ptii'  O^  sont  et  por  «es  moit  â  prâ. 

JH  Rots,  vos  sa-rfi  ^ne  Dâeû$  4  pOD  d'ans. 
Ne  onqiMS  nias  d^cs  ont  si  gram  ncsttr  r 
Ctrpor  vos  est  sesppefks  mocra  pris* 
4  Ne  imi,  £dr  Tm^  ne  f  «n  pocoii  aidi»'  ; 
^»e  porre  lom  dl  aatie  dievalkr, 

SI  crkmeot  b  éaaiomsce; 
Eî  s'en  tel  poiitl  lor  ùasksi  farUitMip^ 

9  5e|Pliîa&«)iatt4ei 

l\^  Rois^  vœ  JTCZ  tiitsar  d^or  et  iTsigem 
Phis  ^Dc  DOS  roê  a'ot  ooifiics^  c:c  m'es 
S  tn  devez  doo^  plai  bi^goiieni 
4  Et  dcmocer  fMsr  guider  cest  pais; 
Car  ¥OS  2VCE  pins  penlo  que  cofKfnis, 

Sa  serait  trop  giani  viEtDcê 
De  ie«orDCT  2  toi  k  ineKheanoe; 
Mai5  deroorer,  si  ferez  gram  ^^^^c,  < 

9  Tant  qae  Frjnce  ait  Ttcafvrôe  s^onor. 


Rois,  s'iCT  tel  point  tïï& 
France  dirm,  CEunipasgoe,  ei  eotc  gent^ 
Qi3«  vostre  !os  âi«ï  mk  en  tresxor 
&  gxitgnSè  aTTéi  ineiïis  q/at  tûem; 
Et  des  pmoQs  qin  vivent  «  Tooueiit 
Deûssàei  itoït  pcsance; 


''*»**»'  --  Q  A  lir#  nw  txïf  sont  a  /tr  jancvir  ij^TÛ 

tV-V.  MraqucAi  B  ~  IV.  >  & 


LA  CHANSON  COMPOSÉE  A  ACRE  545 

Bien  deûssiez  querre  lor  délivrance  : 
Qjiant  por  vos  sont  et  por  Jesu  niartir, 
9  C'est  granz  péchiez  ses  i  laissiez  niodr. 

En  imprimant  cène  chanson  pour  h  première  fois,  P.  Paris 
Tavait  datée  de  1190,  y  voyant  une  exhortation  adressée  au  roi 
Philippe  de  ne  pas  rentrer  en  France  après  la  prise  d*Acre,  et 
avait  ajouté  :  «  On  pourrait  Tattribuer^  sans  invraisemblance, 
à  Qjienes  de  Béihune;  c'est  encore  ici  son  éloquence,  son 
énergie  et  sa  haute  raison.  »  Le  Roux  de  Lincy  avait  accepté 
cette  hypothèse.  Mais,  dans  une  note  écrite  sur  son  exemplaire 
du  Rûmanara^  peu  après  la  publication  do  Uvre,  mon  père  avait 
remarqué  ;  k  Cette  chanson  est  plutôt  d*un  compagnon  de 
Join ville  et  dut  être  fliite  en  1250.  »  Et  en  en  citant  un  cou- 
plet dans  le  t,  XXIII  de  VHisioire  Utîéraire  (p.  814),  il  la  dési- 
gnait comme  «  cette  belle  chanson  où  Ton  engage  Louis  IX  à 
ne  pas  quitter  la  Terre  Sainte  avant  d'avoir  visité  Jérusalem  et 
délivré  tous  les  chrétiens  restés  captifs  »»  Il  n'y  a  pas  en  eflet  de 
doute  à  avoir  sur  ce  point  :  la  chanson  a  été  composée  à  Acre 
en  1250',  quand  on  ne  savait  pas  encore  si  le  roi,  qui  venait 
d*arriver  d'Egypte,  se  déciderait  \  rentrer  en  France  ou  à  rester 
en  Syrie.  On  peut  même  en  fixer  la  date  avec  une  rigoureuse 
exactitude.  Arrivé  à  Acre  le  dimanche  13  mai,  Louis  IX  tint  le 
12  juin  un  premier  conseil  où  il  exposa  simplement  la  situation, 
en  demandant  aux  barons  qu'il  avait  convoqués  de  lui  donner 
leur  avis  le  dimanche  suivant  19  juin  ;  ce  jourdà,  après  les  avoir 
entendus j  il  remit  encore  à  huitaine  pour  leur  faire  connaître 
sa  décision,  et  le  dimanche  26  juin  il  leur  annonça  qu'il  était 
résolu  à  rester*  :  k  chanson  est  donc  antérieure  à  ce  dernier 


V,  8  Kf  por  voi  sont  et  por  satnour  cccis.  J'ai  restitué  par  conjecture  la  fin 
du  vers;  le  coniroen cernent  est  peut-être  également  fautif  dans  le  manuscrit  : 
le  copiste  a  répété  par  distraction  le  v.  II,  9,  pour  lequel  il  avait  d'ailleurs 
une  mauvaise  leçon  (occis  ne  peut  s'appliquer  aux  dmitis  du  v,  8). 

I .  Ce  fait  n*est  pas  sans  importance  pour  l'étude  des  différentes  parties  du 
ms.  2O0)o.  Il  est  clair  que  la  partie  du  manuscrit  où  se  trouve  notre  chanson 
a  été  copiée  un  certain  temps  après  le  milieu  du  xut«  siècle, 

a.  Ces  dates  sont  celles  que  M.  de  Wailly  (Joinville,  éd*  Didot,  p.  506) 
a  déduites  des  données  du  récit  de  Joinvilîe;  les  mêmes  raisons  les  ont  ialt 
adopter  par  M.  R.  Rôhrîcht  {KJeinc  Sttidien  ^ur  GtichkhU  der  Kreù^iùge,  Ber- 
lin» 1890»  p,  22).  Tiilemoiu  (ÏII,  389)  et  M.  Wallon  {^Hhtoire  d^  saint  Louis ^ 
^*  ^95 1  ?9^t  4<^)  avaient  adopté  pour  les  trois  dimanches  les  dates  des 


19  juin,  16  juin  et  \  jui 


llet. 


J4é  MÉLANGES 

jour»  et  très  probablement  au  19  juin  ;  elle  a  dû  être  composée 
et  répandue  entre  le  12  et  le  19,  pour  peser  sur  ta  décision  du 
roi  et  combattre  les  efforts  des  <*  couards  et  losengiers  »  qui  le 
sollicitaient  de  s'en  retourner  au  plus  tôt. 

En  lisant  cette  chanson,  on  est  frappé  de  son  étroite  ressem- 
blance avec  la  partie  des  Mémoires  de  Joinville  relative  à  ces 
mêmes  incidents.  Les  arguments  que  le  sénéchal  se  donnait  4 
lui-môme  ou  donnait  au  roi  en  faveur  d'un  séjour  de  quelque 
temps  en  Syrie  se  retrouvent  dans  la  chanson.  Le  poète  insiste, 
comme  le  fit  !e  sénéchal,  sur  la  honte  et  le  péché  qu'il  y  aurait 
à  abandonner  à  une  mort  certaine  les  prisonniers  restés  en 
Égypï^'  Les  expressions  mêmes  sont  parfois  identiques  :  «  Et 
par  sa  demouree  seront  délivré  li  povre  prisonier  qui  ont  estei 
pris  ou  servise  de  Dieu  et  ou  sien,  qui  jamais  n*en  istront  se  li  rois 
s'en  va  (§  427);  i>  d.  I,  9;  H,  9;  V,  5-9.  Le  moyen  suggéré 
pour  avoir  des  forces  suffisantes  est  le  même  et  est  indiqué  dans 
les  mêmes  termes  :  «  L'on  dit  que  H  rois  n*a  encore  despendu 

nus  de  ses  deniers Si  mete  li  rois  ses  deniers  en  despense..».. 

et  quant  Ton  orra  que  li  rois  dontu  bien  et  largement  ^  chevalier 
li  venront  de  toutes  pars.  î)  Cf.  FV,  1-3  :  Rois^  ivs  air^  ire^ord^or 
et  d'argent,.,..  Si  en  deve^  doner  plus  largement.  Enfin  on  doit 
relever  la  mention  de  la  Champagne  à  càté  de  k  France 
(V,  2),  qui  permet  de  voir  un  Champenois  dans  rauteur  de  h 
chanson* 

Ces  rapprochements  suggèrent  naturellement  une  hypothèse: 
cet  auteur  ne  serait-il  pas  Joinville  lui-même?  Assurément  3 
n'y  aurait  rien  dMnvraisemblable  à  ce  que  le  jeune  séaédial  de 
Champagne,  familier  de  la  cour  de  Tibaud  le  Cbansonnier^ 
habitué  des  «  chambres  des  dames  »,  ait  pratiqué  Part  de 
«  trouver  »,  qui  faisait  alors  partie  de  la  haute  édocatioa  cour- 
toise  qu*il  se  piquait  de  posséder  X  fond,  comme  nous  le 
montrent  les  précieux  souvenirs  de  Francesco  da  Barberino.  Si 
nos  recueils  ne  nous  ont  transmis  aucune  ch  :  ôus  soo 

nom,  cela  ne  prou\'e  naturellenient  rien*  On  saiL  ^rs  qu'il 

aimait  à  composer  et  à  écrire,  et  dans  cette  même  ville  d'Acre, 
peu  de  mois  après,  il  occupait  ses  lobîfs  par  b  rédaction  et 
rUlustration  de  son  Credt?,  Il  est  donc  très  tentant  de  lui  attri- 
buer cette  chanson  dont  les  sentiments  répondent  si  bien  aux 
siens»  dont  les  termes  mêmes  rappellent  de  si  près  ceux  qu*il 
emploie  en  notant  ses  propres  paroles,  Touteibis  une  affirma- 


ENTRECOR  —  PUIN  (HELT)  547 

tion  serait  téméraire,  et  l'hypothèse  rencontre  quelques  diffi- 
cultés. Il  semble  que  si  Joinville  avait  composé  cette  chanson, 
qui  dut  avoir  un  certain  effet  sur  l'opinion,  il  n'aurait  pas  omis 
de  le  dire  dans  ses  mémoires,  où  il  ne  manque  guère  l'occasion 
de  rappeler  le  rôle  qu'il  a  joué,  et  où,  en  cette  circonstance 
même,  il  semble  avoir  quelque  peu  exagéré  l'importance  de 
celui  qu'il  eut.  D'autre  part,  la  chanson  s'adresse  au  roi  avec 
une  franchise  qui  va  jusqu'à  la  rudesse ,  et  l'on  se  demande  si 
Joinville,  déjà  l'ami  de  saint  Louis,  n'aurait  pas  craint  de  le 
froisser  en  lui  parlant  ainsi,  non  en  particulier  (il  va  aussi  loin 
dans  l'entretien  où  il  lui  déclare  qu'à  son  avis  il  ferait  «  que 
mauvais  »  s'il  s'en  allait,  §  433),  mais  publiquement  et  dans 
une  pièce  destinée  à  courir  de  bouche  en  bouche  ^  Il  est  donc 
plus  sage  de  ne  rien  décider;  mais  en  tout  cas  cette  remar- 
quable pièce  est  d'un  compatriote  de  Joinville  et  d'un  homme 
qui  partageait  tous  ses  sentiments. 

G.  P. 

ENTRECOR  —  PUIN  (HELT) 

M.  Salverda  de  Grave  a  traduit  le  mot  entrecor  (entretor) 
dans  YEneaSy  v.  4484,  par  «  fusée  de  l'épée  »;  M.  G.  Paris, 
dans  son  compte  rendu  de  cette  édition  (Rom,,  XXI,  291),  dit 
ne  pas  connaître  ce  mot.  Cependant  M.  Maindron,  dans  son 
livre  Les  Armes  ^,  l'un  des  plus  récents  et  des  meilleurs  sur  la 
matière,  ne  se  sert  pas  d'une  autre  expression.  Littré  a  inséré 
fusa  avec  cet  emploi  dans  son  supplément,  mais  la  définition 
qu'il  donne  :  «  partie  de  l'épée  qui  est  engagée  dans  la  poignée 
et  qui  s'y  fixe,  »  n'est  pas  juste.  La  fusée  n'est  pas  une  partie  de 
l'épée,  qui,  exactement,  ne  se  compose  que  de  la  lame  et  de  la 

I .  On  pourrait  encore  objecter  que  la  chanson  propose  comme  objectif  au 
séjour  du  roi  la  délivrance  de  Jérusalem  (II ,  3-4) ,  ce  dont  ni  Joinville  ni 
Louis  IX  ne  disent  mot  dans  les  Mémoires.  Mais  c'était  certainement  là  un 
des  motifs  principaux  qui  dictèrent  la  décision  du  roi  et  qui  le  firent  plus  tard 
prolonger  son  séjour  bien  au  delà  de  ce  qu*il  avait  d'abord  projeté.  Joinville 
devait  avoir,  en  1250,  les  mêmes  espérances;  mais  l'événement  les  ayant  si 
complètement  déçues,  il  ne  les  rapporte  pas  dans  son  énumération  des  raisons 
qu'avait  le  roi  de  rester  en  Syrie. 

I.  Bibliothèque  de  renseignement  des  Beaux- Arts  ^  librairies-imprimeries 
réunies. 


#'il»pUl|Ut  purkltcmem  ^  h  futée ^  rt  U  est  è\îdeai  q 

l|ll  II  fflflt  rccfiflcr  la  défini ijon  donnée  par  M-  Gc 

àtlluh    fiitff{or,   L'exemple*  que  le  même  a   tiré 

tf\Hr\fimhi'  (!*•  Mcycr,  Akxandre  k  Grande  I^  218^ 

l*i  litHV  (Jliilt  faite  à\ï%%\  parfois  de  pierre  précieuse 

iflUHI*^!!  lo  nuJinc  mot  que  fmée^  masse  de  fil  en 

ItoMNlil  }  iW%\  hm  pruKiKIe  ;  il  ii  dû  y  avoir  une  as 

ftirm*»  \\m\%  IVvolution  sémasîologique<  Ce  sens 

\n\\%  mmlenic,  LVxi^mpJe  le  plus  ancien  que  j'en 

IhHHV  \U\\%  Mn  *^ivni|î^  de  M.  Penguiily  THaric 

OJ^   Vhw    %\w  |Mi  Utlrt  —  le  CiJtf/i^ii^  <feî  colk^ti^ 

I A  fk\Mhyi\  m  5<cns  de  mfmyr  aniènc  à  considéi 
*X;r\  ^>|^nK  >mi  le  ii\H»\x"  ptcsi^iie  coutoiirs  énut 
^^  »Xh4^  W  fcvw^H  4^m  fvsmue  «si  certaine. 


BÉDANE  549 

Si  que  li  puins  et  Tentrecor 

Ki  estoit  adoubés  a  or 

Li  remest  en  la  main  sans  plus. 

L  Aire  périlleux  y  v.  5  596-5600,  Herrig. 

On  serrerait,  je  crois,  la  vérité  de  plus  près  en  traduisant 
par  «  quillon  »,  la  garde  des  épées  anciennes  étant  bien  diffé- 
rente de  celle  des  épées  d'aujourd'hui. 


A.  Salmon. 


BÉDANE 


Le  Dictionnaire  général  donne  bédane  y  «  outil  de  menuisier 
pour  faire  les  mortaises,  »  remarque  que  Cotgrave,  en  léii, 
écrit  bec  (Tasne,  et  explique  en  conséquence  :  «  Pour  hec-d'âne^ 
composé  de  bec  et  à'dne,  »  Littré  écrit  bédane  sans  accent,  mais 
renvoie  à  bec  d^âne^  graphie  qu'il  adopte,  et  qui  le  dispense  de 
donner  l'étymologie  d'un  mot  aussi  transparent.  Toutefois  ce 
composé  est  embarrassant  :  on  n'a  jamais,  que  je  sache, 
attribué  de  bec  à  l'âne  comme  au  lièvre,  et  la  forme  de  sa 
bouche  ou  de  sa  tête  n'y  invite  nullement.  Puis  le  bédane  est 
une  sorte  de  règle  de  fer  de  petite  dimension,  terminée  en 
biseau,  qui  n'a  aucun  rapport  avec  la  tête  ou  la  bouche  d'un 
âne.  Il  me  paraît  certain  qu'il  s'agit  ici  à'anCy  «  canard  »  en 
anc.  fr.,  et  non  iLasne.  Déjà  Marion,  dans  le  Jeu  de  Robin  et 
Mariony  confond  ou  feint  de  confondre  les  deux  mots  (v.  32  ss.), 
et  plus  d'un  philologue  moderne  est  tombé  dans  cette  erreur 
(voyez  entre  autres  la  remarque  faite  ici,  XVIII,  142).  Cotgrave 
y  est  tombé  également,  et,  ne  connaissant  qu'un  mot  ane  qu'on 
l'écrivait  asne,  il  a  résolu  le  bédane  qu'il  entendait  en  bec  d'asm, 
sans  être  arrêté  par  l'incongruité  de  l'image.  La  prononciation 
a  dû  pourtant  être  longtemps  distincte.  Les  ouvriers  aujourd'hui 
prononcent  généralement  béddne  (peut-être  sous  l'influence  de 
la  fausse  étymologie);  mais  on  entend  aussi  bédane,  et  mon 
ami  J.  M.  de  Heredia  s'est  autorisé  de  cette  prononciation, 
qu'il  m'assure  avoir  constatée  maintes  fois,  pour  faire  rimer 
bédane  avec  ahane  et  platane  dans  son  joli  sonnet  du  Huchier  de 
Na:(areth  {Les  Trophées,  p.  91).  Quant  à  bec  d'âne,  qu'a  préféré 
Littré,  ou  mieux  bec  d'âne,  c'est  un  archaïsme  tout  à  fait  disparu 
de  l'usage.  G.  P. 


MAKMOT,  3tAllMEA.U 


Marmai  est  doooè  par  Liaré  comme  étant  d*oni 
Diez  est  muet  \ 

Marmoi,  quî^  injourd'hai,  âgnifie  «  petit  ei 
fiait  autrefois  «  marmotte  »  et  «  petit  sioge 
doone  :  «  Marmci,  a  marmoset,  or  littlc  moi 
mannotaiDeJ-  »  MarmÉU  est  le  fëminiD  d< 
dernier,  et  non  marmûSU,  représentant  m  un 
bien  que  soas  une  forme  fort  corrompue,  La 
r^ulière  se  trouve  dans  le  bdio  (pays  de  Coi 
m  marmotte  *  ;  mitffmmi  ^^mutim  montu- 
que  le  pays  où  habite  b  marmone  ail  fourni  au 
mal  et  son  nom.  Le  ladin  miârmMî  est  probable 
de  fane,  haut  allemaiid  marimunm^  mmrmenii  et  | 
des  autres  mois  néo-latins  :  italiai  muirmûitû  et 
et  port,  marmota^  fr.  anc,  manmût^  fif,  mod,  ma 
mu  rem  montis  Fîtalien  aurait  £ùt  murman^ 
mûiîû,  qu'il  s'est  permis  d'attribuer  à  b  deuxiè^ 
comme  û  k  ladin  mmnmmi  Tenait  d*un  fictif  *n 
Du  masculin  marmoiiû^  manmiH,  oo  a  créé  le  &m 
*,  qui  seul  est  resté,  et  qiai^  luî  aussi,  2 
meut  le  saas  de  «  guenon  »  comme  marmûi  cdai 
*»  Marmofu,  a  she  marmoset  or  she  mookej  »,  é 

I.  [Flediia  (.fn^.  g^hti.,  n,  566,  mÂ^  p*r  M,  Kôrti 
tV.  c  petit  enfant,  singe,  •  de  ••senw  ;  M,  K^mi^  a|o 
être  oDtnitic  iém.  msrm^eSâ^  m  cane  v«at  ftts  mer  ce  mcx  à 
^tii  teîpeu  croy^bie-  >  L'îal,  «âmaoe^èv,  m  petit  easÊairt  »  (< 
P-  40s)  pirait  empfitnté  âa  feuiçiis;  quant  m  «ii^m^lts, 
P«*d^  k  comisqi^  fw^^wT^  le  tire  directcnMit  de  mis 

1    -^fVfî«i  *i,rf  £i^|£s*  Dktio,,^^.  UmUm,  éd.  1675. 

î    -M^nMMf^  f»Tw,ia4n&.f,  formes  ftnûmnes  de  mmn 

*  i.  Pi^' ""'  '^^^  ^'  ^  -i.*^*^  ^«t  de  l-it^ 


MARMOT,    MARMEAU  55  I 

Quant  au  passage  du  sens  de  «  marmotte  »  à  celui  de  «  singe  », 
le  peuple  qui  fait  les  langues  n'a  jamais  été  bien  fort  en  zoologie, 
surtout  au  moyen  âge  où  les  savants  eux-mêmes  n'en  savaient 
guère  plus  que  lui,  et  il  a  bien  pu  donner  le  nom  de  marmot, 
marmotte  au  singe  et  à  la  guenon,  deux  matnmifères,  après  tout, 
puisque  les  savants  d'alors  prenaient  encore  la  baleine  pour  un 
poisson. 

Le  passage  du  sens  de  «  singe  »  à  celui  de  «  petit  enfant,  mar- 
mot »,  est  encore  plus  naturel.  Nous  avons  de  la  tendance  à 
dénigrer  la  gent  enfantine  :  les  mots  gamin,  mioche,  moutard  se 
prennent  tous  en  mauvaise  part,  et  puisque  nous  appelons  quel- 
quefois les  enfants  des  crapauds,  nos  pères  ont  bien  pu  les  com- 
parer à  de  petits  singes. 

Marmot  avait  donc  les  sens  :  i°  de  marmotte,  2°  de  singe  et 
3°  de  petit  enfant,  de  même  que  marmotte  signifie  marmotte, 
guenon  et  petite  fille  :  «  Marmote,  s.  f.  petite  fille  (c'est  une 
franche  petite  marmote)  »,  dans  Richelet,  Dict.  de  la  langue 
française,  éd.  1759  :  de  l'Académie  française,  6*  éd.,  1835, 
dit  également  :  «  {Marmot)  se  dit  figurément  et  familièrement 
d'un  petit  garçon;  on  en  forme  aussi  le  subst.  fém.  marmotte, 
qui  se  dit  d'une  petite  fille.  » 

Il  y  a  dans  l'ancien  français  un  autre  mot  de  forme  à  peu  près 
semblable  à  marmot  et  signifiant,  comme  lui,  «  petit  enfant, 
petit,  »  c'est  mermel,  marmel,  manneau,  marmiau,  diminutif  de 
merme,  «  petit,  petit  enfant,  mineur,  »  minimum  :  voy.  Gode- 
troy,  au  mot  Mermel.  De  mertne,  mermaille,  marmaille,  —  Mar- 
meau,  enfant,  s'est-il  confondu  avec  marmot,  marmotte  et  singe  ? 

Scheler  *  incline  vers  l'opinion  que  marmot  n'est  autre  que 
marmeau  ;  mais  marmot,  avant  d^avoir  le  sens  d'enfant,  a  d'abord 
signifié  marmotte,  puis  singe;  il  n'y  a  donc  pas  identité,  mais 
il  y  eut  probablement  confusion  entre  marmeau,  petit  enfant, 
et  marmot,  singe,  après  que  ce  dernier  eut  passé  au  sens  de  petit 
enfant.  Cette  confusion  était  d'autant  plus  facile  que  l'un  et 
l'autre,  à  partir  du  xvii*  siècle  environ,  se  prononçaient  de 
même,  marmô. 

En  résumé,  marmot,  ladin  tnarmont,  murem  montis, 
a  signifié  d'abord  marmotte,  puis  singe  et,  enfin,  petit  enfant. 

Quant  à  marmeau,  petit  enfant,  il  s'est  probablement  con- 

I.  Dict,  d'itymoL  française^  1868. 


S52  MÉJL  ANGES 

fonJu  avec  marmot ^  grâce  à  h  pronondadon 

pour  les  deux  et  au  sens  qui,  dans  ntarmût^ 

a  abouti  à  celui  de  petit  enfant,  signification  de  manm 


J.  MOLINET  AUTEUR  DU  MYSTÈRE  DE  S.  QCE5^ 


Il  y  a  quelque  temps,  j'ai  montré  que  VAri  iâ  ï 
faussement  attribué  i  Henri  de  Croy,  est  en  léafité  A 
net  *  ;  aujourd'hui  c'est  une  composition  noa  niotfïs 
mais  d'un  tout  autre  genre  et  beaucoup  plus  importaxi 
restitue  au  Qième  auteur,  c'est  YHisî^yîre  ai  JéÊmsagman 

Ce  m^^tèfie  esï  un  des  plus  curienx  à  diâer^nxs  potii 
notamment  pour  rhîstoîre  de  h  bogue,  dis  sTfie  er  < 
siâcatioû  pendant  répoi]ue  qui  a  ^stcèàt  iwwJiii 
Renaissance,  Malgié  cet  intérêt,  il  est  eococe  ioéfiÊ,. 
dnit  qu^il  soit  pnbiîè,  l'aiLilTse  de  M.  Ed.  Hchj, 
dmm^ks  mnbépbgifwm  de  Didiïja,  peut  àatana  OBe  iil 
împort^Me'. 

Xoki  les  deux  raîsoiï&  qui  me  tottt  jsiîfcvef  ce  i 
Molinet;  la  secoade  me  poraii  dô^âre,  ce  îe  b 
si^T3Akr  la  première  sans  tnj  ssrèur  z 

t'  Lfô  procédés  de  srrie  eî  de  TCrâftnnrm  j 
du  mi^iiétrsûotAl»hnac!iicciEEde|,  Mcfine:^ 


3k  tc^  *%  iMfirJI 


Sd,  Fk 


COaUILLES   LEXICOGRAPHiaUES  SS3 

2°  Un  manuscrit  des  œuvres  de  Molinet,  appartenant  à 
M™*  la  baronne  James-E.  de  Rothschild,  contient  (fol.  ii  v°)' 
une  ballade  fatrisée  commençant  par 

Maurice  le  beau  chevalier 

Dans  son  Art  de  Rhétorique ^  Molinet,  après  avoir  défini  la 
«  ballade  fatrisée  ou  jumelle  »,  ajoute  :  «  Geste  couleur  de  reiho- 
rique  est  décente  a  faire  Rçgrez^  comme  il  appert  en  TYstoire 
de  Sainct  Quentin,  ou  Tescuier  trouve  Saint  Maurice  mutilé 
sur  les  champs.  »  Et  l'exemple  qu'il  donne  est  précisément  la 
pièce  Maurice  h  beau  chevalier. 

Les  deux  seuls  manuscrits  connus  du  mystère  de  S.  Quentin 
se  trouvent  à  la  bibliothèque  de  Saint-Quentin;  un  de  mes 
frères,  professeur  au  lycée  de  cette  ville,  a  consulté  pour  moi 
ces  deux  manuscrits  et  y  a  trouvé  la  ballade  en  question;  elle 
fait  partie  du  second  acte  (vers  2504-2254  de  cet  acte,  5971- 
6021  du  drame). 

De  ce  qui  précède ,  je  conclus  que  la  ballade  fatrisée  Maurice 
le  beau  chevalier  est  de  J.  Molinet;  qu'elle  fait  partie  du  mystère 
de  S.  Quentin  ;  en  fin  de  compte,  que  ce  mystère  est  lui-même 
de  Molinet.  Ernest  Langlois. 

COQUILLES  LEXICOGRAPHiaUES  « 
C-D 

CANETTE 

<r  Canette.  Pièce  de  bois  supportant  la  ventrière  d*un  navire  qu'on  veut 
lancer  à  Teau ,  et  glissant  dans  un  coulisseau  parallèle  au  grand  axe  du 
navire.  »  (Littré,  Supplément.) 

Nous  n'avons  pu  retrouver  la  source  de  Littré,  aucun  des  dictionnaires  que 
nous  avons  consultés  ne  donnant  ce  sens  au  mot  canette.  C'est  une  coquille 
évidente  pour  coueUCy  mieux  coite^  que  Littré  définit  lui-même  :  «  forte  pièce 
de  bois  qui,  placée  sous  un  bâtiment  en  construction,  glisse  avec  lui  quand 
on  le  lance  à  la  mer.  » 

CHARNIE 

M.  Godefroy  enregistre  dans  son  Dictionnaire  de  V ancienne  langue  française 
un  substantif  féminin  charnie,  synonyme  de  clxirnier,  au  sens  de  «  échalas  de 

1.  Catalogue  Rothschild,  n»  471-8. 

2.  Voy.  Romania,  XX,  464,  616. 

Rmania,  XXU  36 


S54  MttJ^KGES 

vigne  ».  Sa  seule  giutoriti'  csi  Nicot,  qu'il  cite  aîn^*  :  *f  Cli amies  oti  ccNlu.  ■ 
Ed  réalité,  il  y  a  dans  NIcot  dMîrm/Sf  et  non  chimkSf  au  moins  dans  Téditii^fl 
de  1606  (il  est  vrai  que  Taccent  aigu  stîr  IV  est  à  peine  visible),  tl  t'est 
assurément  à  Nicot  que  Coigrave  a  empninlé  son  ariide  ^f^mùr^  dont  il  ùaî 
un  $ubstantîf  masculin.  Si  ron  remonte  à  1564,  date  du  Dkiiûfittmre  4e  Jean 
Thïcrn%  embryon  de  Nicot,  on  y  lit  effectivcmetît  dfàrtiùs  ou  ischaks,  Um  lE 
suffit  de  remarquer  que  le  Dicnonnaîrc  de  Robert  Estîenne  (édil  de  îî49) 
donne  à  la  m^me  place  charmer  ou  Hchaîûî  pour  se  couvai  ocre  que  f*  Je 
fiMtrnia^  en  1564,  est,  non  pas  le  signe  du  pluriel,  mai^  une  simple  iioti; 
d'impression  pour  r  :  le  charmé  de  Cotgrive  et  h  charnic  de  M,  Gadcffoy 
*'évanouissetil  donc  en  fumée ,  et  ÎI  ne  reste  qye  k  mot  bien  authemiquc  de 
(harnitr^ 

CHASSE-PARTIE 

if  CtiASSE- PARTIE.  Accord  par  lequel  les  aventuriers  règlent  ee  qui  dort 
revenir  à  chacun  pour  sa  pan.  Ètym*  Partk  est  ici  le  participe  passé  du  verbe 
partir,  partager  :  chasse  partagée.  »  (Littrê.) 

Le  mot  n'est  ni  dans  Furetière  (1690),  ni  dans  Tliomas  Corneille  (1694), 
Il  a  été  introduit  dans  Tédition  de  Furetiêrc  donnée  par  Bjsnage  en  1701 
avec  cette  définition  :  a  Cest  un  accord  par  lequel  les  aventuriers  règlent 
entre  eux  ce  qui  doit  revenir  à  chacun  d'eujc  pour  sa  part,  lorsqu'ils  ont  bit 
quelque  entreprise,  »  De  là,  il  a  passé  dans  tous  les  dictionnaires,  ou  pe«t 
s'en  faut.  Trévoux  traduit  élégamment  :  «  Pactum  c&nvmium  initr  pir&im  de 
pariia$da  mt^^  sf  pr^Ja.  >*  C*est  dcji  l'étymologie  de  Litiré.  Mais  écoutons 
Savary,  Tautcur  du  Dictionnaire  du  commerce,  rédigé  longtemps  avant  la  date 
où  il  a  paru  (1725).  Après  avoir  dctini  la  cJkirte-partie  maritime  au  sens  ordi- 
naire que  donnent  tous  les  dictionnaires,  il  ajoute  :  «  Charte-partie  est  encore 
un  terme  de  marine  qui  signifie  un  certain  acte  par  lequel  plusieurs  personnes 
se  joignent  ou  s'associent  ensemble  pour  naviger  {sic)  de  compagnie  et 
fliire  quelque  entreprise  de  piraterie  ou  d'autre  chose  semblable.  Ce  sont  de 
ces  sortes  de  charte-parties  {sic)  qu'ont  coutume  de  faire  ensemble  ces 
fameux  flibustiers  {sic)  qui  par  leurs  entreprises,  leur  valeur  et  leur  cruauté, 
ont  si  souvent  f.iit  trembler  l'Amérique  esp.ignole.  »  Il  est  à  peine  besoin 
d  ajouter  qu'on  ne  trouve  pas  dans  Savary  clkisse-partie,  déformation  évidente 
de  ifM/tt'-/\irtu\  Cette  détormation  est-elle  une  simple  coquille,  ou  provient- 
elle,  de  1  etymologie  populaire?  Nous  inclinons  vers  cette  dernière  opinion. 

CHEVÈTRIER 

^'  CjiiA-i-i'RiKK.  Pièce  qui  sert  de  support  à  un  tourillon.  Il  Solive  dVnche- 
vctiuie.  l::v..:,  chovCtre.   .  ^inré.) 

le  second  sens  est  le  seul  qui  soit  d'accord  avec  rét>Tnologie ;   nous  le 


COQUILLES   LEXICOGRAPHiaUES  555 

mettons  hors  de  cause*.  Quant  au  premier,  on  complétera  la  définition  qui 
lui  convient  en  s'adressant  à  Littré  lui-même,  au  mot  chèveteau  : 

«  Chèveteau.  Dans  un  moulin,  grosse  pièce  de  bois,  sur  laquelle  tourne  le 
tourillon  de  Tarbre.  Ètyin.  chevet».  * 

Il  est  manifeste  que  le  nom  de  la  pièce  de  bois  sur  laquelle  repose  le  tou- 
rillon doit  avoir  pour  étyraologie  chevety  et  non  chevéire.  Dans  cl}evcty  le  / 
n'est  pas  étymologique  (anc.  franc,  cheve^  :  le  diminutif  correct  en  eau 
serait  chcveceau,  qui  existe  effectivement  et  dont  on  peut  voir  plusieurs 
exemples  dans  le  Dictionnaire  de  M.  Godefroy,  parmi  lesquels  un  a  précisé- 
ment le  sens  spécial  qui  nous  occupe  J.  Nous  n'osons  décider  si  cJjn'eU-atiy  qui 
apparaît  dans  Trévoux  (éd.  1771),  doit  être  considéré  comme  un  dérivé 
très  récent  de  djevet,  ou  comme  une  simple  faute  d'impression  pour 
cl)evec€au.  En  tout  cas,  nous  sommes  en  mesure  d'établir  que  cfjevctrier  est 
le  résultat  d'une  coquille.  Un  vieux  livre,  fort  bien  fait,  sur  la  matière 
est  le  Manuel  du  Meunier  rédigé  sur  des  mémoires  du  sieur  César  Buquet 
et  publié  en  1775  par  Béguillet.  Or  Béguillet  ne  connaît  que  cbevressier 
(voir  notamment,  p.  16  et  168).  L'article  Art  du  Meunier  de  l'Encyclopédie 
mctl)odique,  paru  en  1788  {Arts  et  Métiers,  t.  V),  se  borne  en  général  à  copier 
Béguillet,  en  l'augmentant  surtout  de  fautes  d'impression.  Dans  le  vocabu- 
laire qui  termine  cet  article,  on  lit  à  plusieurs  reprises  la  forme  bizarre 
chevetsier  :  c'est  évidemment  cet  impossible  chevetsier  que  des  gens  bien 
intentionnés  ont  corrigé  en  chevetrier,  puis  affublé  de  l'accent  circonflexe  de 
son  père  ^uXzxM  chevêtre.  Or  il  est  manifeste  que  l'auteur  de  Y  Art  du  Meunier 
n'avait  pas  l'intention  de  changer  la  technologie  de  son  modèle  :  en  effet,  on 
lit  à  trois  reprises  chez  lui  chevressier  (pages  69  et  70)  et  une  fois  —  par  suite 
d'une  faute  d'impression  d'un  autre  genre  —  chevresier  (p.  44). 

Reste  à    montrer   le    rapport   de  cJjei'ressier   (mieux    cheirecier)   à   chevet 

1 .  Cltevétrier  ne  figure  avec  ce  sens  dans  aucun  dictionnaire  français  anté- 
rieur à  notre  siècle.  Il  existe  en  blaisois  et  désigne  «  chacune  des  deux  grosses 
pièces  de  bois  enfermant  à  l'avant  et  à  l'arrière  le  tablier  du  pressoir  »  ;  on  le 
trouve  dans  un  devis  local  de  1743.  (Voy.  A.  Thibault,  Glossaire  du  pays 
blaisois,  Blois  et  Orléans  [1892].) 

2.  Littré  et  la  plupart  des  dictionnaires  contemporains  donnent  aussi  à 
cJjeveteau  le  sens  de  «  solive  d'enchevêtrure  »,  comme  à  chevètrier.  Si  le  sens 
est  bien  attesté,  cJjeveteau  serait  dérivé  de  chevêtre  par  l'intermédiaire  de  la  pro- 
nonciation négligée  chei>èt\  Dans  le  blaisois,  chevêtre,  au  sens  dialectal  de 
«  crocheta  ressort  qui  est  au  bout  d'une  corde  de  puits  pour  saisir  l'anse  du 
seau  »,  s'est  réduit  à  cJjevet  dès  le  xvn«  siècle.  (A.  Thibault,  Gloss.  du  pays 
blaisois.) 

3.  Au  mot  chevecel.  M.  Godefroy  définit  ainsi  ce  sens  spécial  :  «  Solive 
d'enchevêtrure  sur  laquelle  tourne  le  tourillon  de  l'arbre  de  la  roue  d'un 
moulin;  »  et  il  est  si  content  de  cette  définition  qu'il  la  reproduit  in  extenso 
au  mot  chevcccul.  On  voit  le  profit  qu'il  a  tiré  de  Littré. 


5S6  MÉLANGES 

(mieux  fhtve^).  CbtvrecUr  est  pour  chfvmtr  et  nous  offre  k  même  r  épcnth^ 
tique  que  nous  avons  dans  chanvre  pour  chanve.  On  remarquera  dans  le  Dk' 
tionnaift  de  M.  Godefroy  un  exemple  de  charcchad ,  pour  cheirctul^  qui  a 
préciséracnt  le  sens  ledimque  de  notre  mot  chevrakr\  oû  trouve  ménie 
cbevtrscul  dans  un  autre  texte,  ce  qui  pourrait  Êurc  croire  que  le  mystérieui 
chevtlsier  de  VEtKychpedit  mèlfxkii^m  doit  être  corrigé  en  cfjnifrsirr^  'i-ariaotc 
phon^îtiquc  de  cheweckr. 


CORMAN 


Coignivep  «1  mot  mrmùrunt^  se  contente  de  faire  un  renvoi  à 
c*est  sous  cette  dernière  forme  qu*îl  di^finit  et  Toiseau  bien  connu  que  nous 
nommons  aujourd*huî  cormoran,  et  une  sorte  de  poisson,  «  the  cabot  6sb  ». 
Nous  ne  savons  pas  quelle  est  la  source  de  Cotgrave  quand  il  donne  le  nom 
de  cornian  â  un  poisson  et,  par  suite,  nous  ne  pouvons  pas  nous  prononcer 
sur  la  valeur  de  son  témoignage.  Mais  en  tant  que  nom  de  Foiseau  appek 
ordinairement  cormoran^  la  forme  corman  n*est  qu*une  coquilJe.  Cotgrave  a 
puisé  dans  le  Nicot  de  1606,  oii  on  Ut  :  «  Corman,  corbeau  p^scherei,  phala- 
crocorax,  corvus  aquaticus  :  Delphi nates  vocanl  corhat  peschereî,  j»  La  definirioo 
vient  en  droite  ligne  de  Robert  Estienne  (1 549),  sauf  que  dans  ce  dernier  00 
lit  ccrTucnant  et  non  corman.  Cette  dernière  forme  s*est  introduite  dans  le 
Dkthnnain  françois'latin  de  1564,  publié  sous  le  nom  de  Jean  Thierry;  il 
est  évident  que  c'est  une  simple  coquille,  car  Tordre  alphabétique  reste  le 
même,  et  le  soi-disant  corman  (lisez  cormoran)  est  placé  après  corme^ 


4 


ÇXJURT-BATOM 


«  CouRT-BATON.  Ancienne  arme  du  genre  des  demi-piques.  ||  Terroc  de 
marine.  Courbe  de  charpenterie  qui  soutient  les  bouts  des  bancs  '  et  des 
barrois.  «  (Littré.) 

Le  premier  sens  est  le  seul  qui  ne  jure  pas  avec  Torthographe  court^éton  : 
nous  n'avons  pas  à  nous  en  occuper  ;  nous  ne  retenons  que  le  terme  de  marine» 
Littré,  qui  ne  donne  aucune  indication  étymologique,  a  oublié  qu'il  avait 
admis  précédemment  un  article  ainsi  conçu  : 

«  CouRBATON.  Terme  de  marine.  Fortes  pièces  de  bois  qui  servent  de 
contre-forts  dans  une  galère.  » 

Trévoux  ne  donne  que  courhaton  dans  les  deux  sens.  La  fausse  ortho- 
graphe courl-hasiûfi,  ccurhastmt  est  d'ailleurs  ancienne  :  on  la  trouve  dans  le 
Trésor  de  Nicot  de  1606,  qui  paraît  être  le  premier  dîaionnaire  qui  lit 
enregistré  ce  terme  de  marine.  Dans  un  passage  d'Etienne  Binct ,  un  peu 


I 

4 


î.  Sic,  C'est  une  coquille  pour  haux^  pluriel  de ^7w.  Cf\  Fuketière  (1690); 
«  CoDRT  Baston,  terme  de  marine ,  qui  se  dit  des  courbes  de  charpenterie 
qui  soutiennent  les  bouts  des  baux  et  des  barrots.  » 


COaUILLES   LEXICOGRAPHIQCES 


557 


antérieur  (1600),  quQ  nous  a  communicjué  M*  Godefroy,  on  Ut  courhaiton. 
Il  est  évident  que  le  terme  de  marine  n'a  rien  à  voir  ni  avec  cmirt  ni  avec 
hiion  et  qu*il  se  rattache  à  raJjeclif  courbe,  qui  s'emploie  substantivement, 
au  féminin,  dans  un  sens  analogue.  Comme  on  s'explique  diflicilemcnt,  en 
français,  un  rapport  de  dérivation  entre  cowIk  et  courbahn,  on  peut  supposer 
que  le  terme  de  marine  est  emprunté  de  l'espagnol  curvaton.  En  espagnol, 
curvaion^  à  côté  de  cun*ù,  est  analogue  4  nom(o,  rm^aton^  Â  côté  de  nimfo. 

COURT-BOUTON 

«  Court-bouton.  Pièce  de  Fatielage  des  bœufs.  An  pîm\  Des  courts- 
boutons.  »  (Littré,) 

Le  mot  se  retrouve  dans  presque  tous  les  dictionnaires  antérieurs,  et  Littré 
aurait  pu  emprunter  à  BeschercUe  une  définition  un  peu  plus  précise  : 
«  Cheville  de  bois  qui  attache  les  bœufs  avec  un  anneau  de  bois  tortillé  au 
bout  du  limon.  »  Il  faut  remonter  jusqu'à  1752  pour  avoir,  dans  Trévoux,  à 
la  fois,  la  mention  lexicographique  la  plus  ancienne  et  la  défmition  la  plus 
complète  :  «  Cheville  de  bois  à  dcmi-équerre  qui  sert  i  Uer  les  bœufs  avec 
un  omblet  ou  anneau  de  bois  tortillé  au  bout  du  timon.  «  Littré  s*est  abstenu 
de  donner  l'éiymologie  du  mol  :  sa  définition  fait  douter  qu*il  ait  eu  une 
idiie  exacte  de  la  chose.  On  remarquera  que  les  dictionnaires  qui  ont  succédé 
iV  Trévoux  (de  Wailly,  1775,  Gattel,  1797,  etc.)  ont  déj:\  Ix  définition  de 
Bescherelle ,  c'est-i-dire  qu'ils  ont  supprimé  avec  une  admirable  entente  la 
seule  indication  qui  puisse  permettre  de  trouver  l'étymologic  :  à  dam-éqturre. 
Il  est  à  croire  qu'ils  n'ont  pas  compris,  et,  à  vrai  dire,  Trévoux  lui-même, 
vo  êqtterre^  n'enregistre  pas  l'expression  à  dcmi-èquerrt.  Il  faut  entendre  que  la 
tête  de  la  cheville  forme  avec  le  corps  non  pas  un  angle  droit  {iqu^né)^  mais 
un  angle  obtus  de  90*^:  telles  sont,  en  effet,  à  peu  prés,  les  chevilles  qui  servent 
a  cet  usage  dans  le  Limousin,  et  qu'on  appelle  tùlodoudrd  (atleloires).  C'est 
donc  à  l'adjectif  courbe  qu'il  faut  rattacher  notre  mot.  Or  on  lit  d^ns  le  Voca- 
buiaire  du  Haut 'Maint  parC-R,  de  M.  (Le  Mans  et  Paris  1859)  ; 

«  Cour  BETON.  Grande  cheville  de  bois  à  laquelle  on  adapte  une  branche 
courbée  qui  sert  à  attacher  les  bœufs,  conjointement  avec  VambiH  ',  » 

Il  nous  paraît  évident  que  c'est  ce  mot  cmirbeion  qui  a  été  entendu  cour- 
hoiitjn  par  quelque  philologue  amateur  du  siècle  dernier,  et  orthographié  le 
plus  singulièrement  du  monde  cmirl-bouion.  Ce  qui  est  à  remarquer  dans  la 
définition  de  Trévoux,  c*est  la  forme  omhUJ  au  Heu  de  ambUt^  ou  plutôt 
ainblaû,  nomdialcctal  de  la  hart  d'attelage  '  ;  cette  ahération  de  an  en  on  est 
précisémentun  caraaère  âss  patois  de  rOue^t* 


i.  Cette  définition  est  défectueuse,  car  Vambid  ou  ambld  n'est  autre  chose 
que  /ti  bmnchf  cmtrbèe  dont  it  y  est  question,  ou  Imrt^  et,  d'autre  part,  ïa  cour« 
bure  du  conrbelon  n'est  pas  indiquée. 

2,  Le  mot  se  trouve  sous  la  forme  ambUdui  dans  le  Pûlyptiqm  trirmitton; 


^ 


MELANGES 


COUBTIÈBE 


a  CouRTltHE.  Espace  dans  lequel   tourne  1 

Le  mot  figure  avec  b  m^c  définition  dans 
qui  ont  dû  le  prendre  dans  rEtjcycliypêdk  métffùi 
ailleurs,  à  notre  comiaissance.  On  lit;  en  cflfei,  < 
le  long  article  sur  VArt  thi  McmUr  dans  le 

w  Cour!iln\  c'est  l'espace  où  La  roue  dti  tno^ 
plan  incliné,  afin  que  TeatE  ne  s*y  arrête  pas,  u 

On  remarquera   qut^  dans  le  courant  de 
mcme  sens  reilUre  ott  caursiitt  ma.ts  jamais  cour 

«  MmtUtts  en  ikssùus^  dont  la  rone  X  aubes  to 
ou  cûuratit  d'eau  qui  ïa  prend  par  dessous*  » 

En  outre,  le  vocabulaire  lui-même,  à  lart 
chevrccier  du  dehors  : 

tî  Oxvetsier  eu  drJj&rSj  celui  qui  reçoit  le  lou 
moulin,  et  qui  est  posé  comme  un  Iinteat 
e0ursûr£  \  s 

Conime  tenue  de  marine,  on  emploie  îndiffiS^ 
pour  designer  un  passage  dans  le  sens  de  la  k 


Guérard  le  déftnlt  avec  une  grande  précision 

contonisque  effbrnïatus  cui  paxIUus  ju^  înseril 

M.  Godcfroy,  qui  reproduit  cette  définition  en 

d'emprunter  à  Carpentier,  sans  le  nommer,  u 

que  deux    exemples  français,   de    1554    et    i:| 

M.  Godeiroy,  a  Tartide  amblais^  ce  qui  est  rcL 

doit  cire  cherché  dans  le  même  ouvrage  à  Tartic 

mm  existe  non  seulement  dans  les  patois  de  1 

tonge),  mais  en   Berr\%  en  Morvan  et  sans  d 

moment^  M.  F.  Dégaine  nous  signale  un  empl 

auTcup  du  xvur.--  siècle,  Duhamel  du  Monceau,  t 

j^^  Mu  p-    J45  :  <'■  Afin  d^empédier  qu^iîs  (U 

Univerture,   on  y  applique  ce  qu'on   appelle 

dv  fil   d^  fer  ou   une  courroie  et  qui  s^attach( 

WoncLviu  n:înJiqye  pas  dans  quelle  région  umbl 

"^luf.  qiîcpîuîieurï  pjtois  expriment  par  le  mot  ^ 

î.  ^ï^'"îe  forme  aux  aniciesmM/riîjL'ar^  et  fffmi 

l  ^UU'Ur  du  SLuusel  du  Meunùr  (1775),  q,,c  VEm 

"NuMuemcnt  à  copier,  emploie  aussi  coursiht.ÎL. 

P*  3f^  i  «  Touïes  les  .lubes  A  roues  qui  tournem 


COaUILLES   LEXICOGRAPHiaUES  559 

donc  pas  surprenant  qu'on  puisse  dire  la  coursière  aussi  bien  que  le  coursier 
d'un  moulin  à  eau.  A  vrai  dire,  le  sens  propre  de  œursier  est  plutôt  «  conduit 
qui  amène  Teau  à  la  roue  »  que  «  espace  où  la  roue  tourne  »,  encore  que 
l'un  soit  le  prolongement  naturel  de  l'autre,  et  qu'une  extension  de  sens  soit 
fort  explicable.  En  tout  cas,  il  ne  faut  pas  hésiter  à  considérer  courtière  comme 
une  faute  d'impression  pour  coursihe  ». 

COUSTON 

a  CousTON.  Filaments  courts  qui  restent  après  que  l'on  a  passé  le  chanvre 
écru.  Étym.  Diminutif  de  coste  ou  côte.  »  (Littré.) 

Cette  définition  singulière  n'est  qu'une  mutilation  de  celle  de  Besche- 
relle  :  «  Filaments  courts  qui  restent  après  que  l'on  a  passé  le  chanvre  écru 
à  Tccl)anvroir.  »  Comme  on  le  voit,  les  trois  derniers  mots,  qui  importent  fort, 
sont  restés  dans  l'encrier  de  Littré. 

Les  filaments  courts  font  songer,  à  première  vue,  que  coiision  pourrait  bien 
être  une  coquille  pour  courton.  On  n'aura  plus  de  doute  si  l'on  considère 
la  définition  que  donne  Littré  au  mot  courton  : 

«  Courton.  Troisième  qualité  de  filasse;  les  quatre  qualités  sont  le 
chanvre,  la  filasse,  le  courton,  l'étoupe.  » 

GRAVE 

«  Crave,  s.  w.  Terme  d'ornithologie.  Nom  donné  par  quelques  auteurs 
au  genre  frégile.  »  (Littré.) 

«  Crave  ou  coracias,  oiseau  noir  qui  tient  du  corbeau.  »  (Bescherelle.) 

La  définition  de  Bescherelle  se  retrouve  à  peu  près  dans  Napoléon  Landais 
et  dans  La  veaux.  Boiste  (1800)  paraît  être  le  plus  ancien  de  nos  lexicographes 
qui  ait  recueilli  le  mot  ;  il  se  contente  de  cette  vague  définition  :  «  grave  ou 
GORAGIAS,  oiseau.  » 

BufFon  mentionne  ce  nom  de  crave  avec  un  renvoi  ainsi  conçu  :  «  crave  est 
le  nom  qu'on  lui  donne  en  Picardie,  suivant  Belon.  »  En  réalité,  Belon  ne 
donne  pas  la  forme  crave^  msiis  g  raye  y  qu'il  fait  féminin.  Voici  le  passage  où 
il  en  parle  le  plus  longuement  : 

«  Celui  qu'on  nomme  en  quelques  lieux  un  petit  corbin  est  le  cornix  des 
anciens,  dont  l'on  voit  une  espèce  qu'on  nomme  corneille  emmantelée  ;  et  pour 
ce  qu'elle  est  aussi  nommée  une  graye^  il  y  en  a  qui  ont  pris  argument  de 
dire  que  c'était  gracculus^  mais  nous  montrerons  cy  après  qu'il  en  est  autre- 
ment et  que  le  nom  françoys  est  prins  de  l'anglois  qui  nomme  une  corneille 
craye*.  »  (^Histoire  de  la  nature  des  oiseaux  (155S),  VI,  2.) 

;-,     JL>ans  \c  Supplément  de  Littré,  on  trouve  coursière  au  sens  de  «  rigole 
desti^^^  ^  conduire  le  métal  fondu  dans  le  moule  ». 
^  ^     En  réalité,  l'anglais  dit  croiv  et  non  craye. 


5^0  MÉLANGES 

Ailleurs,  U  dit  :  «  Toutefois  gracctihis  est  ce  qu'avons  çâ  nommé  utu  rrnîl', 
graye  on  freux.  «  (îbid.  VI,  6.) 

Nous  conclurons  que  Ténigmatique  cravi  est  une  coquille  pour  cm^r  que 
l'on  a  pris  d:ins  Belon,  sans  s*apercevoir  que  celui-ci  le  donnait  non  pour  du 
français,  mais  pour  de  Tanglais.  Quant  à  ^raye  s  en  dépît  de  Belon,  iJ  est 
bien  difficile  de  ne  pas  le  rattacher  au  latin  giacuîa  et  de  ne  pas  le  considérer 
comme  une  notation  inexacte  de  graille,  «  nom  vulgaire  de  la  corbinc  >i 
dit  Littré, 

CROILER 

«  Croiler  ouCroler,  Termede  fauconnerie.  Se  vider  par  le  bas.  »  (Littnt.) 
A  Tarticle  croler,  Lîttré  ne  mentionne  pas  la  forme  croiler ^  mais  il  donûc 
Tétymologie  de  croler  avec  un  $am  douU  qui  est  de  trop  :  c'est  une  variante 
du  mot  de  la  langue  commune  crouler.  Tous  les  dictionnaires  de  ce  siècle 
portent  croiler^  sans  explication  ét>'mologique,  sauf  cependant  Napoltfon 
Landais  qui  fait  cette  sortie  imprévue  :  «  Nous  demanderons  â  nos  devan- 
ciers pourquoi  Us  ont  employé  deux  termes  pour  une  même  signltication» 
car  croiUr  nous  semble  n*avoir  aucune  espèce  d^analogie  avec  la  chose  que  ce 
mot  exprime;  il  n'a  aucune  espèce  d*étymologie  admissible;  nous  préférons 
le  second  dont  s'est  servi  Marot  dans  le  sens  de  crouler^  et  ici  croler  a  bien 
quelque  analogie.  >i  Les  devanciers  de  Napoléon  Landais  ne  lui  ont  pas 
répondu,  parce  qu*il  n'a  pas  su  les  interroger  :  il  y  faut  de  la  patience. 

Le  Dictionnaire  de  toutes  ks  espèces  de  clmsseSy  paru  en  1794,  dans  la  collec- 
tion de  VEncychpcdie  mHliodique ,  ne  donne  que  crckr.  La  dernière  63itîûn  de 
Trévoux  (1771)  se  contente  d*un  simple  renvoi  sous  crolbr;  c'est  sous 
CROILER  qu'elle  place  son  article ,  où  on  lit  comme  exemple  cette  phrase  : 
«  Quand  un  oiseau  de  proie  croik^  c*est  marque  de  santé,  »  Il  semble  résul- 
ter de  cette  disposition  que  croiler  est  plus  légitime  que  croler  ;  mais  il  n'en  est 
rien.  Les  premières  éditions  de  Furetiére  et  de  Thomas  Corneille  ne  donnent 
que  croiler,  forme  primitive  de  crouler,  laquelle  se  lit  effectivement,  au  sens 
spécial  de  la  fauconnerie,  dans  ks  œuvres  de  d'Arcussia»  On  sait  que  la  pre- 
mière édition  de  Trévoux  n'est  guère  qu'un  plagiat  du  Furetiére  de  1701,  avec 
des  traductions  btines  cl  quelques  artilices  d'orthographe.  L'un  de  ces  arti- 
fices consiste  à  imprimer  en  petits  caractères,  dans  les  mots  en  vedette»  les 
lettres,  spécialement  les  consonnes,  qui  ne  se  prononcent  pas  :  ainsi  on 
imprime  coMpTE,  aIler,  et  de  ménïc  croIler,  Dans  U  seconde  édition  (1721), 
on  renon<;a  â  ce  système  qui,  tout  ingénieux  qu'il  fût,  choquait  les  yeux,  et  on 
imprima  :  compte,  aller;  mais  comme  croJkr  n'était  pas  de  la  langue  cou- 
rante, on  prit  ï  minuscule  pour  1,  et  le  mot  en  védetlc  devint  :  croïler, 
JusquVn  1752,  le  mot  est  resté  à  la  place  qu*il  occupait  primitivemcoi 
entre  croix  et  CROMATiaUE  :  ce  trouble  dans  Tordre  alphabétique,  précieux 


î.  Le  mol  est  dans  Cotgravci  qui  Ta  sans  doute  emprunté  à  Bclon. 


COQUILLES   LEXICOGRAPHiaUES  561 

témoin  d*un  état  antérieur,  a  été  réparé  dans  l'édition  définitive  (1771),  qui 
a  intronisé  croiler  triomphant  entre  croie  et  croire. 

DÉCHAUSSIÈRE 

«  DÉCHAUSSIÈRE,  S.  f.  Terme  de  vénerie.  Lieu  où  le  loup  a  gratté  et  où  il 
gîte.  On  dit  aussi  déchaussure,  Etym.  déchausser,  »  (Littrè.) 

Nous  retrouvons  chez  presque  tous  les  lexicographes  de  notre  siècle  la 
même  dualité  :  déchaussière  ou  déchaussure.  La  première  forme  remonte,  à  tra- 
vers V Encyclopédie  méthodique  de  Tan  III,  à  V Encyclopédie  de  Diderot  (1754),  où 
on  lit  : 

«  DÉCHAUSSiERES,  c'est  le  lieu  où  le  loup  a  gratté,  où  il  s'est  déchaussé.  » 
La  forme  du  pluriel  trahit  la  source  où  a  puisé  V Encyclopédie  ;  déchaussière  est 
une  coquille  pour  déclmussure^  qui  est  seul  susceptible  d'une  explication  satis- 
faisante. On  lit  en  effet,  aussi  bien  dans  les  premières  éditions  de  Trévoux 
que  dans  Thomas  Corneille  (1694)  et  dans  Furetière  (1690),  un  article  iden- 
tiquement conçu  : 

«  Deschaussures,  s.  f.  Terme  de  vénerie,  qui  se  dit  du  lieu  où  a  gratté  le 
loup,  où  il  s'est  deschaussé  et  où  il  giste.  » 

DÉFENDURE 

«  Défendures,  s.  f.  pi.  Bâtons  garnis  de  paille,  dressés  en  un  champ  et 
indiquant  que  les  bestiaux  n'y  peuvent  aller  paître.  Etym.  défendu.  »  (Littré.) 

Coquille  manifeste  de  Littré,  qui  a  été  fidèlement  reproduite  par  le  dic- 
tionnaire français-allemand  de  Sachs.  A  la  place  de  défettdure,  Larousse  et 
Poitevin  donnent  défendude,  qui  remonte  à  V Encyclopédie  méthodique^  Agricul- 
ture (1796),  où  on  lit  : 

a  Défendudes.  C'est  le  nom  que  l'on  donne  en  Provence  à  des  morceaux 
de  bois  au  bout  desquels  on  met  de  la  paille,  pour  marquer  un  champ  où  on 
ne  veut  pas  que  les  troupeaux  aillent  paître,  a 

La  forme  du  mot,  à  défaut  du  témoignage  exprès  de  V Encyclopédie  métho- 
diquty  suffisait  à  déceler  une  origine  méridionale.  On  lit  effectivement  dans  le 
Trésor  dou  felihrige  de  Mistral  : 

a  Defendudo,  devendudo,  S.  f.  Terrain  en  défense  contre  la  vaine 
pâture;  perche  surmontée  d'un  bouchon  de  paille  pour  indiquer  qu'un  champ 
est  interdit  aux  troupeaux.  » 

DEMI-CEINT 

«  Demi-ceint,  s.  m.  i©  Ceinture  d'argent  que  les  femmes  de  condition  infé- 
rieure avaient  accoutumé  de  porter.  2°  Terme  d'architecture.  Nom  donné 
quelquefois  à  une  colonne  qui  ne  paraît  qu'à  demi  hors  du  mur.  »  (Littré.) 

Nous  ne  nous  occuperons  que  du  sens  2  qui,  manifestement,  jure  avec  le 
sens  I.  Dans  la  première  édition  de  Furetière  (1690),  les  composés  avec  le 


562  BCfejlKi;£S 

moi  à^ni  sont  divisés  en  dtmx  groupes  :  Ite  ùhs,  ceux  qm  n'âppellenî  |ai 
dVxpîicatJon  spéciale,  sont  éniimèrés  pëe-mtk  à  Tirtide  mime  :  «  urii^flw- 
diamètre,  ud  demi-cerch^  etc.  ;  ■  les  autres  ont  <îes  anides  panioiiicrs  i  b 
suite»  dont  chacun  forme  un  alinéa  en  tète  duquel  le  mot  éiudîé  Êgute  ea 
petites  apilAÎes,  formant  vedette.  Les  vedettes  donnent  La  liste  scivaaîe  : 

DEMMOTTE,  DEMI-MIN^  OEMI-LUXE,  DEMI-BASTION»  DEMI-CEUTT,  POI3-FÎ1E, 
DEMI -GORGE,    DEMI-FiaUE,    DEMI-TOK    Ct   DEItVVOL,    TontéfotS,    dcûl    tDÛtS 

composés,  ou  le  root  défini  n*^t  pis  en  t^e  de  k  défînilioo,  îi  oni  pis  été 
fnis  en  vedette  :  c*cst  dam-arrests  {sic}»  qui  est  apnb  DEMi-eorrE.  etémi- 
mhnm,  qui  est  après  dimi-cetnt,  La  reproduction  cxaae  de  la  dispos^on 
matérielle  du  dictionnaire  de  Furctié  ■  fera  mieux  cotnpreodrc  où  nous  m 
voulons  venir  : 

K  Demi-bastjon,  est  un  biitîon  qui  n  a  qil*un  flâne  et  une  face. 

«  Demi-ci[nt,  est  une  ceinture  d'argent  avec  des  pendants  que  portient 
autrefois  les  femmes  des  artisans  et  les  paysannes, 

ir  On  appelle  en  architecture  une  dmi-c^îonm,  celle  qui  ne  paraît  qu'i  doiti 
hors  du  mur,  qui  n'est  pas  en  plein  reïiel. 

«  Demi-fïle  csi  une  file  divisée  en  deux,  » 

Cette  disposition  est  maintenue  dans  h  première  édition  de  Tr^i-Hsai 
(1704),  E!k  a  induit  en  erreur  BescîicrcJle  qui  pour  avoir  lu  trop  -^ite  a  attri- 
bué à  DEMi-CEiNT  la  définition  qui  s^applique  exclusivement  à  dfmi<ohHm  : 
«t  Colonne  qui  n*est  pas  en  plein  relief  et  <jui  ne  ressort  du  mur  qu'à  demi,  » 
Littré  a  suivi  aveugléinent  Bcscherellc,  et  Larousse,  Sichs  et  îa  Grattât  Emy- 
çhpédk  en  cours  de  publication  ont  emboîté  le  pas.  Juàquld  les  dictionnaires 
spéciaux  d'architecture  n'ont  pas  admis  di-tni-c^ni.  Espérons  que  îa  Grartét 
EfîcyclopêiUe  ne  les  entraînera  pas  dans  Terreur  qu'elle  reproduit  après  tant 
d'autres. 

Dl^SŒUVRER,    DÉSŒUVREMENT 

«  Dj':scr.uvRF.R,  v.  a.  Terme  de  papeterie.  Séparer  les  feuilles  de  papier  les 
unes  des  autres. 

«  Ui^sa:uvREMENT,  s.  m.  Terme  de  papeterie.  Séparation  des  feuilles  de 
papier.  Hiyni.  A' préfixe  et  œuvre  (de  papeterie).  »  (Littré.) 

Tous  les  grands  dictionnnaires  de  notre  siècle  donnent  dcsœuvrer  et  dcsœii- 
viemcfit  avec  ce  sens  spécial;  rétymologie  seule  est  propre  à  Littré,  et  elle 
"  est  pas  satisfaisante.  Les  deux  mots  se  trouvent  pour  la  première  fois  dans 
'  ^^^cychpcdic  méthodique  (1788),  où  on  lit  : 

dans  c^"^"^'^^''^.^"^'  "^'^'^^  séparer  les  feuilles  de  papier  les  unes  des  autres  et 
J^'s  fcuniT'l  '"'"'''■'''''■'"''"^  ^^Snifie  la  séparation  de  œs  feuilles.  On  a  soin  que 
craindre  nu   T  ^r^""'  "^  ''''''"^  P'''  désœuvrées  avant  la  colle,  parce  qu'il  esta 

Plon-c  d  ,nc  i""'     i?'^^"-"''  *""  ^"^^  ^^''^  '^"^  séparation,  ne  se  cassent  lorsqu'on  les 
•^     tians  la  colle.  » 


4 


COQUILLES   LEXICOGRAPHiaUES  563 

Il  nous  paraît  évident  que  nous  avons  affaire  dans  désœuvrer  et  désœiivreitient 
à  une  altération  par  fausse  étymologie  de  desseuvrer,  desseuvretttenty  qui 
remontent  aux  premiers  temps  de  la  langue  française  sous  les  formes  dese- 
irer,  dcsnrement,  et  dont  on  peut  voir  de  nombreux  exemples  dans  le  Dic- 
tionnaire de.  Vanc,  îang.  franc,  de  M.  Godefroy.  Desevrer  est,  comme  on  sait, 
composé  de  la  particule  de  augmentative  et  de  sevrer^  séparer  :  il  n'a  rien  à 
voir  avec  œuvre. 


a  DouviLLE,  S.  f.  Variété  de  poire  d'automne.  »  (Littré.) 

Cet  article  doit  être  rapproché  de  l'article  suivant  du  même  auteur  : 

«  DoNviLLE,  s.  m.  Espèce  de  poire.  » 

L'étymologie  manque  aussi  bien  à  donvilh  qu'a  dotiville.  Littré  a  copié  Bes- 
chcrellc,  chez  qui  on  lit  :  «  Donville,  s.  m.  Espèce  de  poirier.  —  Douvilîe,  s.  f. 
Variété  de  poires  d'automne.  »  Ce  n'est  qu'en  considérant  la  source  de  Littré 
qu'on  s'explique  la  bizarrerie  qu'offre  ce  dernier  en  ce  qui  concerne  le  genre  : 
doninllcy  s.  m.,  à  côté  de  donvilîe,  s.  f.  Bescherelle  fait  donviïle  masculin  parce 
qu'il  applique  ce  nom  à  un  poirier  —  ce  qui  est  raisonnable — ;  Littré  lui 
conserve  ce  genre  tout  en  substituant  dans  la  définition  poire  à  poirier  —  ce 
qui  est  absurde. 

Napoléon  Landais  et  Laveaux  ne  connaissent  que  douvilîe.  On  ne  trouve 
ni  douvilîe  ni  donvilîe  dans  les  dictionnaires  antérieurs  de  Boiste,  de  Gattel, 
de  De  Wailly.  La  source  de  Laveaux  doit  être  V Encyclopédie  méthodique^  où  on 
lit  : 

«  DoNviLLE.  Variété  du  poirier  dont  le  fruit,  de  grosseur  médiocre,  est  de 
forme  allongée  et  en  pointe  vers  la  queue.  Sa  peau  est  unie,  jaune  du  côté 
de  l'ombre,  colorée  d'un  rouge  vif  du  côté  du  soleil.  Ce  fruit  se  conserve 
jusqu'à  la  fin  de  germinal.  »  {Agriculture,  publiée  en  1797.) 

Nous  devons  donc,  en  l'état  de  la  cause,  considérer  donvilîe  comme  la 
bonne  forme  et  douvilîe  comme  une  coquille.  Quant  à  l'étymologie  du  mot, 
il  faut  vraisemblablement  la  voir  dans  le  nom  de  lieu  Donvilîe,  canton  de 
Granville  (Manche).  Plusieurs  localités  portent  le  nom  de  Douvilîe,  mais  il 
n'y  aurait  à  s'en  préoccuper  que  si  des  recherches  plus  approfondies  renver- 
saient notre  conclusion  en  faveur  de  la  forme  donvilîe. 


DRVIN 

«  Dryin,  s.  m.  Poisson  appelé  aussi  appât  ou  équille  (ammoilytcs).  » 
(Littré.) 

Littré  n'indique  pas  d'étymologie.  Il  est  manifeste  que  dryin  est  la  forme 
francisée  du  latin  des  naturalistes  dryinus,  grec  opu?v«s.  On  peut  lire  dans  le 
dictionnaire  de  Thomas  Corneille  un  Jong  article  sur  le  dryinus  : 


L 


564  MÉLANGES 

9  DftYtNUS.  Espèce  de  serpent  i^uî  est  blanc  et  fuligineux  pa.r  le  dos  et  qui 

a  la  teste  semblable  à  celle  d'une  hydre,  *. .C'est  ce  qu'en  dît  Nkander.  Ce 
serpent  est  nommé  dryîmts  de  Sp-j^,  chesne,  à  cause  qu'il  se  nourrit  parmi  les 
racines  de  ce:  arbre  '.  n 

Ceb  éti^nt,  on  oe  s'êJîpîiquc  p^s  comment  le  nom  d'un  serpent  a  passe  â  cm 
poisson,  car  on  ne?  conçoit  pas  un  poisson  vivant  parmi  les  racines  dVn 
chêne.  Littré,  comme  d'habitude,  a  copie  Bfscherelle,  Napoléon  Landais  dît 
plus  justement  :  ^  Dryin.  Espèce  de  vipère*  »  Laveaujt  (éd,  1S28),  plus  com- 
plet, commet  une  erreur  singulière,  qui  va  tious  montrer  comment,  sekm 
toute  vraisemblance,  un  serpent  a  été  peu  à  peu  pris  pour  un  poisson  : 
*t  Dryin.  On  a  donné  ce  nom  à  la  vipère  coîinue  aussi  sous  le  nom  à^amstiù-^ 
dyti  ùppdL  n  Cest  là  ce  qu'on  peut  appeler  une  définition  amphibie  :  le  dryin 
est  bien  une  vipère,  mais  Vammodyk  appét  est  incontestablement  un  poisson, 
celui  qu*ûn  appelle  aussi  rquiîU  ou  lan^ûn.  Cest  le  savant  naturaliste  alle- 
mand Conrad  Gessnçr  qui  a  le  premier  appliqué  à  ce  poisson  le  nom  très 
flpproprî<î  d*amnmdylg,  puisqu'il  s*enfonce  dans  le  sable  (cf.  les  noms  allemands 
smtdaaî ,  sa*iJfischj  et  les  iioms  anglais  sand-t-d^  iatid-hma}.  Or  les  andens 
appliquaieîîE  le  nom  d'amfnodyit  à  un  serpem  des  déserts  de  Lybie  ;  gre; 
à[Afio3uîii;,  lat.  mnnukiyîei.  Il  en  est  question  dans  Lucaîn  i 

Concolor  exustis  atque  indiscretus  areals 
Amniod}'tes. 

Quelque  naturaliste  aura  eu  Fidée  de  rapprocher  le  dfyin  de  Vamttwdyk- 
vipère,  —  ce  qui  est  raisonnable  — ,  et  comme  à  côté  de  Vammodyte-vipire 
il  y  a  Vammodyte-poisson,  nos  bons  lexicographes  en  ont  conclu  que  le  dryin 

pouvait  lui  aussi  être  concurremment  serpent  et  poisson  —  ce  qui  est  absurde. 

Ad.  Hatzfeld,  Ant.  Thomas. 


I.  Trévoux  reproduit,  en  l'abrégeant,  l'article  de  Th.  Corneille;  mais 
Tcdition  de  1771  donne  par  erreur  en  vedette  drynus,  au  lieu  de  dryinus. 


COMPTES  RENDUS 


Mémoires  de  la  Société  néo-philologique  â  Helsingfors, 

1.  Hcisingfors,  Wascniuska  Bokhaocidii  ;  Paris,  Weher»  1893,  412  p. 

Rîen  n'est  plus  intéressant  et  plus  digne  de  sympathie  que  les  efforts  que 
font  depuis  quelques  anntïcs  en  Finlande  un  certain  nombre  d'hommes  jeunes 
et  convaincus  pour  y  développer  les  études  sérieuses  de  philologie  moderne 
et  spécialement  de  philologie  romane.  Leur  œuvre  rencontre  beaucoup  d*obs- 
ticles,  dont  quelques-uns  sont  tout  à  fait  étrangers  à  la  science  ;  mais  ils  la 
continuent  avec  une  ténacité  qui  finira  par  leur  assurer  le  succès*  Ils  ont 
fondé,  à  Hclsingfors,  le  15  mars  1887,  un  Chth  nèo-philolcgique^  devenu  en 
1891  une  Société  ttèo-phihlogiqm^  qui»  de  17  membres,  a  passé»  s'accroissant 
chaque  année,  à  88,  et  qui  forme  une  base  très  solide  pour  l'action  qu*îls 
poursuivent  tant  i  l'université  qu'à  côté  d^elIe.  1!  est  vrai,  et  cela  se  comprend 
trop  naturellement^  que  la  plupart  des  membres  de  cette  Société,  maîtres  de 
langue  ou  simples  amateurs,  s*intéressent  aux  questions  d  enseignement  ou  à 
Tusage  des  langues  modernes  plus  qu*à  leur  histoire  et  à  leur  ancienne  litté- 
rature i  mais  ils  forment  un  milieu  accessible  à  Tétude  historique,  et  les  direc- 
teurs de  la  Société  ont  très  bien  su  joindre  dans  ses  travaux  la  philologie  à  la 
pédagogie  et  à  b  pratique.  Cette  Société  a  pour  président  M.  Sôdcrhjelm, 
pour  vice-président  M-  WallenskjÔld»  pour  secrétaire  M,  Lindelôf  ;  ce  sont 
trois  noms  déjà  honorablement  connus  dans  la  philologie  romane  et  qui 
méritent  d'être  mentionnés  avec  reconnaissance  par  ceux  qui  s'intéressent  à 
sa  diffusion'.  Ils  nous  ont  donné  dans  ce  volume  le  premier  fruit  de  leurs 
efforts  collectifs,  et,  comme  on  le  verra,  ce  fruit  n'est  point  à  dédaigner.  Le 
recueil  de  la  Soci/U  néo-phiMûgiquc  de  Hclsingfors  contient  des  travaux  de 
divers  genres  ;  je  ne  m'occuperai  pas  de  ceux  qui  sont  purement  pédagogiques 
ou  consacrés  aux  langues  germaniques  ou  slaves;  je  parlerai  seulement  de 
ceux  qui  concernent  la  philologie  romane  K 

P.  21 -p.  W.  Sôderhjelm,  Le  pohm  de  saint  Laurent  dam  le  ms,  Egcrlon 


i.  Une  bibliographie  des  ccriis»  déji  nombreux,  de  ces  trois  savants  se  trouve  dans 
l'article  de  M.  P.  Gusiafsson  qui  ouvre  le  présent  recueil,  article  où  l'on  pourra  voir 
en  outre  les  diftîcultcs  coutre  lesquelles  se  heurte,  à  Funiversité  fitibndaise^  la  bonne 
volonté  de  ceux  qui  essaient  d'y  introduire  la  philologie  moderne.  ïl  convient  de  rap- 
peler Tappui  que  leur  a  prêté  M.  EstUindcr^  le  précurseur  et  le  maître  des  romanistes 
6nlandais, 

2.  Tous  les  articles  du  recueil  *ont  en  françaU  ou  en  allemand. 


j66  COMPTES  fŒKDiîS 

J710,  M.  S.  aviît  donné  son  édition  «!e  h  Vu  d^  smni  Imiftml  (ray^  ftm„ 
XVII,  6îo)  saDS  conoiître  le  se*:ûnd  miîwiscTit  *âe  ce  poècoe  qoc  P,  MtfffA 
'  trouvé  1  Londres.  I!  donne  ici  la  colktion  coraplete  de  ce  ms.,  qoî  osilbcv- 
reuscnient  dérive  de  la  môme  copie,  déjà  très  fautive^  que  ïc  ms-  «le  PUil» 
TOAis  cjui  cependant  permet  d\iméïiorer  le  texte  en  uo  ceruln  oomb^e  4*C»- 
d  rails. 

F.  Î2-64.  W.  Sôdcrhjebi,  Saint  Martimct  k  Tommdtia  Biih  Hm/tedeûm- 
iQnltmpI^,  M.  S.,  qui  va  donner  une  édition  complète  4ii  pc^^e  de  ¥ûm 
Gastinei  sur  ta  vie  et  les  oairacles  de  saint  Martin,  s'e^  enqui*  ifes  autitl 
ttuvrcs  poétiques  où  figure  k  célèbre  évoque  de  Tours  (il  ^gnak  ootifo- 
mtm  un  mystère  du  x\'i«  siècle,  représenté  à  Saint-Jean  àe  Manrienoe  en 
156)  et  récemment  imprimé,  que  n'in  -.  pas  M.  Petit  de  Juîleviîle),  et  tî  1 
lu  k  rottia»  de  ïa  MU  HMne^  dont  l'Mt*oîiie  est  donnét;  comme  îa  mère  de 
saint  Mirtin,  romain  bien  connu  dans  sa  version  en  prose  et  dans  ses  traduaioos 
étrangères ^  mais  dont  la  forme  originale  est  encore  inédite.  Il  eo  impntue 
ici,  d'après  îe  seul  ms.  de  Paris  iisSi  %  les  morceaux  qui  concemeiil  »  tu- 
cbevéque  0  de  Tours  appelé  Martin,  qui  donne  son  nom,  ers  le  baptisant,  k 
Lïon.  Vnn  des  fils  d'Hélène,  et  en  fait  plus  tard  son  successeur,  A  vrai  dire, 
cette  publication  repose  sur  un  malentendu.  M,  S.  imprime  ces  mordant 
paxce  qu*il  les  regarde  comme  concernant  saint  Martin;  d'après  lui,  •  Il 
%ure  Historique  ou  légendaire  de  saint  Martin  se  trouve  ainsi  partagée  ci 
deux  dans  le  roman,  »  Mais  le  parrain  de  Lîon,  Martin,  n'est  nulle  pan  J«eb 
k  roman  donné  comme  saint,  et  il  ne  se  conduit  nullement  comme  un  saîist 
(M,  S,  k  remarque  lui-même)  :  k  seul  saint  Martin,  aux  yeux  du  romandct^ 
est  le  fils  d'Hélène,  et  l'autve  Martin  ne  figure  que  pour  lui  donner  son  nom 
et  lui  kisscr  son  siège.  Sur  Timpression  des  vers  tirés  du  ms.  125S2,  il  y 
aurait  à  faire  plus  d'une  observation  de  détail  ;  mais  cela  paraît  assez  superflu, 
puisqu'une  édition  du  poème,  quand  on  la  donnera,  devra  nécessairement 
s'appuyer  sur  tous  les  manuscrits.  Je  noterai  seulement  qu'il  faut  lire  Douay  pour 
dofiay  et  ihiiivê  pour  douhbè  (p.  45),  n'euissc  pour  lie  visse  (p.  45)  et  qu  cuisse 
pour  que  visse  (p.  51),  ileuisl  pour  dczûst  (p.  ^7)y  poiiei  etc.  et  non  /x>îv^, /vw- 
stst  pour  peiisisi  (p.  58);  pp.  55  et  64  les  leçons  du  ms.,  œntree  et  Alons 
ment  ne  devaient  pas  être  corrigées.  Les  autres  erreurs  no  risquent  guère 
de  reparaître  après  la  collation. 

P.  6).  \V.  Sôderhjelni,  Notice  et  extraits  d'un  manuscrit  latin-français  du 
XF''  siècle  se  trouvant  en  Finlande.  Il  s'agit  d'un  petit  ms.  acheté  à  Stras- 
bourg par  un  particulier;  c'est  un  livre  d'heures  et  d'oraisons  avec  quelques 
morceaux  en  français.  M.  S.  les  imprime  :  l'un  est  k  prologue  d'un  hynme  à 
la  Vierge,  où  l'on  raconte  que  cette  prière  fut  révélée  en  vision  à  un  chanoine 
appelé  Ernoul  (je  ne  connais  pas  plus  que  M.  S.  la  source  de  cette  histoire). 


i 
4 


.   .  oK/  auss,  les  rc.sc^McMicnts  donnes  sur  le  ms.  B.  N.   fr.   1489,  rédaction   en 
P  ose  nKlcc  aalcxandrins  rimant  deux  à  deux.  I^  réd.icteur  semble  avoir  suivi  b   mise 
prose  de  1  ancien  poème,  en  essay.mt  ,à  et  i.i  de  la  rimer. 


Mémoires  de  la  Société  néo-philologique  à  Helsingfors  5  67 
Il  conclut  avec  raison  des  formes  du  langage  que  le  ms.  a  été  exécuté  en 
Picardie  ou  plutôt  en  Hainau  ;  peut-être  les  noms  marqués,  suivant  l'usage, 
dans  le  calendrier  français  qui  est  en  tête  comme  objets  d'une  dévotion  par- 
ticulière, auraient-ils  pu  donner  quelque  renseignement  plus  précis. 

P.  71-109.  A.  Wallenskjôld,  Das  VerhàUniss  :^wischen  den  deutschen  tind  den 
entsprechenden  lateinischen  Liedern  in  den  Carmina  Btirana.  Si  je  mentionne  ici 
cette  étude,  c'est  parce  qu'elle  présente  un  intérêt  au  moins  indirect  pour 
l'histoire  générale  de  la  poésie  lyrique  au  moyen  âge.  On  a  beaucoup  disserté 
dans  ces  derniers  temps  sur  le  rapport  des  strophes  allemandes  insérées  dans 
le  ms.  des  Carmina  Burana  avec  les  pièces  latines  qu'elles  accompagnent. 
M.  W.  me  paraît  rendre  très  vraisemblable  son  opinion,  qui,  d'ailleurs,  a  été 
celle  de  tout  le  monde  jusqu'à  ces  derniers  temps,  mais  qu'il  appuie  par 
d'excellentes  observations,  que  les  pièces  latines  ont  été  composées  sur  le 
modèle  des  strophes  allemandes.  Si  l'inverse  était  vrai,  ce  qu'on  a  soutenu, 
il  faudrait  faire  à  l'influence  latine  dans  le  développement  de  la  poésie  lyrique 
allemande  une  part  considérable,  et  naturellement  on  serait  tenté  d'admettre 
pour  d'autres  pays  ce  qu'on  aurait  constaté  en  Allemagne.  La  question  géné- 
rale n'est  pas  tranchée  par  le  résultat  acquis  pour  les  Cannina  Burana  ;  mais 
pour  la  résoudre  il  ne  faudra  pas  s'appuyer  sur  les  données  fournies  par  cette 
précieuse  collection. 

P.  131-1 66,  Ivan  UschakofF,  Zttr  Erklârting  einiger  fran^ôsisclien  VerhaJfor- 
men.  Ce  morceau,  le  plus  remarquable  du  recueil,  et  qui  montre  en  son 
auteur  un  linguiste  expérimenté  et  sagace,  a  pour  objet  la  recherche  des 
causes  qui  ont  amené  en  français  l'addition  d'un  c  2,  la  v^  pers.  du  prés, 
ind.  et  aux  trois  pers.  du  sing.  du  prés.  subj.  de  la  conjugaison  en  -cr.  L'au- 
teur cherche  à  démêler,  des  diverses  influences  analogiques  qui  ont  produit 
cette  déviation  des  lois  phonétiques,  celles  qui  ont  agi  le  plus  puissamment, 
et  rectifie  ou  précise  ce  qui  a  été  dit  avant  lui  sur  ce  sujet.  Il  admet  avec  rai- 
son que  des  influences  analogiques  diverses  ont  pu  concourir  au  même  résul- 
tat et  qu'il  ne  faut  en  exclure  aucune.  En  somme,  pour  la  transformation  du 
subjonctif,  plus  ancienne  (jur,  jttrs,  jurt  devenus  jure,  jures,  jure),  il  regarde 
surtout  comme  déterminante  l'influence  des  subj.  comme  serve  serves  serve,  sans 
qu'ait  fait  défaut  celle  des  verbes  qui  phonétiquement  avaient  un  e  (livre, 
livres,  livre)',  il  montre  fort  bien  pourquoi  la  3e  pers.  (Jurt)  s'est  maintenue 
plus  tard  que  les  deux  premières,  appuyée  qu'elle  était  par  soit,  ait,  puist  en 
regard  des  i"  pers.  soie,  aie,  puisse,  etc.,rimpf.  ind.  -0// en  regard  de-o/>,rimpf. 
subj.  -asttn  regard  de  -asse.  Pour  le  prés.  ind.  il  y  voit  surtout  une  «  analo- 
gie proportionnelle  »  avec  le  prés.  ind.  des  autres  conjugaisons  (cour,  cours) 
où  la  irc  pers.  no  différait  de  la  2e  que  par  l'absence  de  Vs  (ainsi  jure  :  jures  :: 
cour  :  cours)',  il  y  joint  d'ailleurs  l'influence  du  groupe  livre,  et  aussi  celle  des 
temps,  comme  le  futur  et  le  parfiiit,  dont  les  deux  premières  personnes  du  sin- 
gulier avaient  au  moins  le  même  nombre  de  syllabes.  Tout  cela  est  fort  bien 
déduit,  et  l'auteur  fait  un  bon  usage  de  la  statistique,  en  montrant  que  les 
formes  des  verbes  non  en  -er  l'emportent  de  beaucoup  en  fréquence  dans  la 


î68  COMITES  RENDi: 

langue  pariée  sur  cçlïm  des  verbes  en  -er  (il 
part  au  glossaire  d'E.  Siengel  aux  plus  andeDS 
du  Bottr^fois  gtfitilhùmmtf  et  il  trouve  dans  !( 
contre  1663  non  en  -^,  dans  le  second  1S7  ^i 
-tff  donc  la  même  proportion,  qui  comporte  p 
fréquence  double  de  celle  des  verbes  en  -#f) 
formes  de  subjonctif  deux  fois  plus  usitées  que 
assimîlées.  Je  crois  seulement  que  M.  Uschako 
fluence  du  subj,  du  type  îhrtr  :  on  voit  par  sa 
formes  verbales  de  ce  type  constituent  en^îron 
formes  verbales  en  -tr  ;  11  ne  suffit  peut-être  p 
rassimilation  aux  Ibrmes  des  verbes  non  en  -* 
assimilation  atirait  pu  ne  pas  se  faire  ;  elles  m 
décisif  et  auraient  peut-être  amené  rassimilatic 
fluence  du  subj.  des  verbes  non  en  -«"r.  M,  U 
qu'un  groupe  moins  nombreux  n'assimile  pai 
mais  ici  rassimilation  me  paraît  avoir  été  très  fac 
du  plur,,  semblable  par  Taccentuation  aux  J  p< 
dans  le  présent  des  deux  modes  (Jurtfti  '  cornm* 
rétaîent  aussi  devetiues  de  très  bonne  heure  (jur 
ïnâ,  et  pr.  subj,  Sjurefd-Hvrmt^  pr,  subj,  i  pir 
runiformisatioEï  était  indiquée,  et  comme  dl 
livre i  elle  s'est  pratiquée  sur  iurt\  maïs  je  n^ 
courte  cQureî,  cottn^  cùumd*  n*y  ait  aidé,  Qua 
rindic,  je  croîs  de  même  à  Finfluence  prépoi 
subj.  prés,  assimilé,  la  conjugaison  en  -fr  j 
personne  une  division  qui  ne  pouvait  subsister 
suTjmi;  on  moâch  jtir  SUT  hvre;  mais  encore 
des  autres  influences  invoquées  par  M,  U.  ;  je 
d'analogie  j  il  faut  tenir  un  compte  particulier 
corps  d'une  même  conjugaison  (celle  que  M.  I 
iraerft^çn  regard  de  IVîWfj^ïV  exiem^).  En  résur 
est  fort  intéressant;  l'auteur  annonce  sur  d'ai 
française  des  études  qui  ne  peuvent  manquer  d\ 
et  suggestives. 


W^y^-^dcv.,tnt  f.îrc  -cb.nt  à  l'ind.,  -c.nî  ,u  subj.  (d 
^tc  ),  n^,,,!  „^i,^^^^  ^  àû  ^  fair.  très  ,nc\^nncnv 
veniez  i""'  ^'"^  f*'"^  commode  que  ..mV,  q 
c^^dtJr^  =^pe«d;int  qtiWnt  le  travail  Kénér.1  c 
^'i^m  ïo,nîu4  ■!."' '"f '"'  ^^  "^  cpnroniïer  n.  type  l 
P^^^^^^^^T  '-^^  ^^"^^^"^-^  -^  typ-/-r.  Ainsi  . 

^^  ni.n.e,  .„nsi  que  r./.„V  h  càié  de  r^rr.. 


rVdberg,  Lf  (Icveloppcmeni  de  facere  darts  les  lang.  rom.  569 

P.  360-372,  Annie  Edelfeit,  LisU  de  moii  français  employés  dans  la  langm 
sitèdoisc  avec  utu  signifier iim  détour ni^.  Quoique  ne  portant  que  sur  des 
emprunts  modernes,  cette  liste  mérite  d*ètrc  signalée  ;  il  est  curieux  de  voir 
les  déviations  de  sens  parfois  étranges  qu^ont  subies  les  mots  français  en  pas- 
sant dans  un  autre  milieu  (ainsi  bonjour  signifie  en  suédois  «  redingote  », 
carotte  «  compotier  ij,  pirate  u  sac  à  ouvrage  w,  polissons  v  favoris  «,  salope 
«  espèce  de  manteau  «,  etc.).  D'autres  fois,  un  sens  du  mot  français,  perdu 
cheiî  nous,  s*cst  conservé  là -bas  (c'est  le  cas  pour  cadet,  planchette,  veste).  Plu- 
sieurs de  ces  mots  viennent  directement  aux  Suédois  de  Fallemand,  et  c*e$t 
en  allemand  qu*îls  ont  subi  la  déviation  du  sens  (ainsi  bldtner,  concours^  par* 
tout,  réel,  revers^  etc.).  Quelques-uns  des  mots  cités  ont  peut-être  été  pris  au 
latin  et  non  au  français. 

Nous  souhaitons  longue  vie  et  prospérité  à  la  Société  ttéo^phihli^qm  de  Hel- 
sîngfors,  et  nous  espérons  qu'elle  nous  donnera  bientôt  un  nouveau  volume 
de  Mémoires  K  G.  P. 


L.e  développeinent  de  FACERE  dans  les  langues  romanes, 

Thùsc  pour  le  doctorat  par  Gust.  Rydberg,  licencié  ts  lettres  de  TUniver- 
sité  d'Upsal.  Paris,  Noblet^  187J,  8°,  10-256  p. 

Cet  ouvrage  n*est  pas  seulement»  comme  rauteur  semble  le  dire  trop 
modestement  dans  sa  préface»  un  recueil  de  faits  et  un  résumé  d'opinions 
présentées  antérieurement.  Le  jeune  philologue  suédois  auquel  nous  le 
devons  apporte  partout  une  critique  très  indépendante  et  généralement  trCrs 
perspicace,  et  sur  plus  d'un  point  les  explications  qu'il  propose  sont  i  la  fois 
nouvelles  et  justes.  Le  sujet  qu*il  a  choisi  paraît  au  premier  abord  bien  étroit 
pour  un  gros  volume  ;  ce  n*cst  nullement  par  une  exposition  prolixe  ou  des 
digressions  inutiles  que  M,  Rydberg  est  arrivé  à  remplir  son  livre  :  au  con- 
traire, il  est  plutôt  concis^  et  quand  il  expose  les  hypothèses  émises  avant 
lui,  il  le  fait  avec  une  étendue  justement  proportionnée  à  leur  importance. 
Mais  ce  sujet  était  réellement  fort  totércssant  et  difikile,  il  soulevait  un  grand 
nombre  de  questions  obscures  et  délicates,  dont  plusieurs  sont  encore  pen- 
dantes, et  M.  Rydberg  n'a  eu  qu*à  Tétudicr  métbodiquemem.  Encore  ne 
s'est-il  occupé  que  de  révolution  morphologique  de  facere  dans  les  langues 
romanes.  S'il  avait  voulu  en  étudier  l'évolution  sémantique,  il  lui  aurait  failu 
UQ  autre  volume. 

Le  premier  chapitre  concerne  les  rapports  du  verbe  latin  facere  avec  b 
grammaire  indo-européenne,  le  second  traite  de  la  nature  du  c  qui  termine 
le  thème  ;  nous  ne  nous  y  arrêterons  pas*.  Le  troisième  et  le  quatrième  sont 

t.  Je  n'ai  pas  mânuoniié  un  article  de  M.  Soderhjclni  sur  des  cas  d'analogie  en  syn- 
uxc,  parce  qu'il  ne  contient  il  peu  près  rien  qui  concerne  les  lingues  romaties  ;  mais  il 
est  plein  d'idées  justes  et  intéressintes  pour  h  linguistique  gétièralc, 

3,  Notons  seulement  que  les  exemples  alléguèi  eu  preuve  de  raacîenne  €  ;ïsstm»t4< 
tion  >  du  r  sont  tous  à  riycr  (voy.  Compiet  rendiu  éU  V Académie  des  ImcTiptÎQm^  l,  XXt, 
1893,  p.  81)  ;  M.  R.  avait  d'ailleurs  fait  de  prudentes  réserves  sut  Lear  autbcaticité. 

kmmu»»,  mil  57 


570  COMPTES  RENDLS 

ooQSJdés  à  rînfîmuf  et  au  futur,  dont  T^tude  est  îotîniemeiit  Dée.  Je  passe  lur 
ce  qai  concerne  les  dilTérentes  représentatioDs  du  type  facere  pour  s^oiIcr 
setilemcot  ce  que  dit  M.  R.  des  formes  nombreuses  qui  postulent  un  tvpe 
Imre  en  Ut.  ^nilg.  ;  je  suis  tout  i  fait  de  son  avis  sor  Texistence  réelk  de  cette 
base,  qui  explique  seule  d'une  mantcre  satîsfaî&aote  des  formes  qu'on  tioutt 
dans  plusieurs  langues  romanes  et  qu'on  a  tentt^  sans  succès  d'cxptiqocr  bo)^ 
ment.  Le  français  ne  présente  aucun  exemple  de  f arc*;  mais  M.  R»  ttcon- 
naît  dinsylTiij  la  continuation  d'un  L  vutg.  farajo,  en  quoi  je  suis  encore 
de  son  avis.  Seulement  je  ne  puis  admettre  que  IV  âc/mu  sott  cooforme  à  h 
phonétique  normale  :  dans  lavarajo^  etc. ,  Va  est  amétomqtie  non  i  h 
s>llabe  initiale,  d*o£i  tairrai,  etc.  ;  mais  À  la  syllabe  initiale  a  persiste  (hrint^ 
etc.*:  farajo  devrait  donner /tirji.  Je  suppose  que  nous  avor  un 

phénomène  de  phoûciique  syntacdque  :  on  disait /a/a/,  mais/o  r-zj^ 

etc.,  la  première  syllabe  du  mot  se  trouvant  comme  seconde  par  Tiaiion 
intime  avec  le  mot  pn^ccSient  ;  puis  cette  forme  est  devenue  unique.  Cest  la 
répédtioo,  à  quelques  siècles  de  disunce,  du  même  phénomène  qui  a  produit 
la  forme /riii,  si  usitée  en  aoglo-normand  *  et  qui  n'est  pas  rare  non  plus 
dans  des  textes  picards*.  Sauf  ce  détail,  toute  Texposition  de  M,  R.  me 
paraît  excellente;  il  appuie  d'ailleurs  l'existence  de  fare  au  moins  sur  un 
exemple  cité  par  Schuchardt^.  Comment  s'explique  cette  forme  fare,  qui 
n^est  pas  conforme  à  la  phonétique  ?  Elle  parait  être  due,  comme  celles  que  nous 
aUons  constater  pour  Tînd.  prés.,  à  une  abréviation  du  langage  courant  pro- 
venant de  l'emplni  extrêmement  fréquent  de  ce  mot';  elle  s'employait  sans 
doute  uniquement  quand  le  mot  était  dépourvu  d'accent  oratoire  et  intime^ 
ment  hé  au  mot  suivant  :  or  c'est  ce  qui  arrive  surtout  dans  la  proposition 
composée  facere  habco,  qui  est  devenue  le  futur,  aussi  at-ce  Ik  que  fare 
est  le  plus  généralement  répandu  dans  les  langues  romanes;  dans  aucune 
d*iulleurs,  en  dehors  du  futur,  fare  n'a  supplanté  facere  :  les  deux  formes 
existent  i  c6té  Tune  de  l'autre,  bien  que  leur  emploi  ne  soit  plus  soumis 
aux  règles  primitives. 
Le  chip.  IV,  qui  traite  du  présent  de  l'ind.»  est  le  plus  intéressant  de 


t.  Fer  $c  lit  à  U  rime  dui&  Meraagù  (p.  102),  tuùs  M.  Ziogerte  (Ufber  ILumï  M 
HùHàdfHc,  p.  |8)  a  montré  que  c'était  une  leçon  fsuitTc. 

a.  On  trouve  bien  Jtrine^  mais  dialectalement  cl  postéricarement. 

j.  M.  E,  en  aurait  trouvé  des  exemples  plu*  Anciens  que  ceux  qn*il  dtc  dans  la  dis- 
sertation, qu'il  mentionne  pourtant,  de  J.  Brôhan  surit  futur.  H  aurait  dû  rtanar^^ucr 
quc/r*ti,  frdi^  attestés  par  la  mesure,  se  trouvent  déjà  dans  le  BretïdaH  (v.  1441,  878). 

4.  M.  R.  ne  cite  qu*.4fûl,  mais  il  eu  aurait  trouvé  beaucoup  d'autres  exemples  danj 
Brôhan.  En  revanche,  celuî<î  cite  par  erreur  G/V.  de  Roust.  v-  ôjo, 

5.  Il  mentionne  au»i  la  forme  cal(e)farc,  base  du  pr.  calpr^  fr*  chaîfkr^  «t  Je  pcns^ 
qu'il  a  raison.  On  a  eapliqué  aatrcmcnt  ces  verbes,  par  un  cAlfacit  det>cnu  ctlfat  et 
produisant  toute  une  conjugaison  sur  ce  point  de  départ  ;  mats  il  paraît  probable  qu'oo 
auraîteu  cal  fi  cil  comme  pcrficiç. 

6.  Il  est  probable  que  Ton  doit  aussi  faire  une  place  à  l'influence  analo^quc  à» 
date,  siare* 


* 


RYDBERG,  Le  dévdûppcmcut  lie  facere  dans  les  hirfg,  rom.  5* 
l'ouvrage.  Je  suis  encore  ici  —  et  depuis  longtemps  —  de  T^ivis  de  rauteuî^ 
qui  admet  en  lat,  vulg.,  à  côté  des  formes  classiques^  les  formfâ  fais,  fait, 
faim  us»  failis,  faunt.  Ce  sont  des  formes  abrégées  d  cause  de  rerapbi 
h'équent  du  mot,  et  tout  â  fait  comparables  à  celles  de  Tind.  prés,  de  vaderc, 
qui  étaient  en  lat.  vulg.  vao,  vais,  vait,  vamus,  vaunt.  II  y  a  seulement 
deux  points  sur  lesquels  je  ne  suis  pas  de  l'avis  de  M.  Rydbcrg.  Je  ne  crois 
pas  à  Texistenceen  lat.  vulg.  delà  i^^  pers.  fao  :  les  représentants  de  facio 
se  retrouvent  en  sarde,  en  italien,  en  gallo-roman  et  en  réto-roman  (le  roumain 
ne  compte  pas  ici);  riiispano-roman  a  eu  aussi  facio,  conserve  dans  k  port, 
fa^Ot  et  M.  R.  a  parfaitement  raison  de  voir  dans  Tesp.  }xLgo  une  forme  rela- 
tivement moderne  subsiituée  â  un  faxp  plus  ancien.  Or  il  ne  s*agit  pas  ici  de 
phonétique  syntactique  ni  d*abréviation  rapide  comme  celle  de  facis  en/flii, 
etc.  ;  facio  n'a  jamais  pu  devenir  fao,  et  faco  n'a  jamais  existé,  comme  le 
montre  M.  R.  lui-même.  Les  formes  sur  lesquelles  on  s*appuie  pour  recon- 
struire fao  sont  inconnues  â  la  Sardaigne^  à  F  Espagne  (sauf  le  catalan)  »  i 
la  France  du  Nord  et  i  la  Rétie  :  elles  se  bornent  à\xjau  (faite)  prov.  cal.  et  à 
rit.  fût  mais  ces  formes  sont  indépendantes  les  unes  des  autres,  relativement 
récentes,  et  construites  précisément  parce  ([uc  fai^  jaccio,  difïti raient  trop  des 
autres  personnes  du  mtïme  temps  :  celles-ci  se  rapprochant  de  celles  de  *vao, 
•dao,  •stao,  on  a  refait,  d'une  part  en  Provence,  d'autre  part  en  Toscane, 
une  i^  pers.  semblable  à  cellcs-lâ*  En  ce  qui  concerne  la  y  pers,  pL,  M,  R. 
repousse  avtc  énergie  riiypothèse  d'une  forme  'facunt  d*oCi  fa  uni,  admise 
par  plusieurs  philologues  comme  par  moi  ;  mais  l'existence  de  celle  forme 
«t  absolument  certaine,  car  toutes  les  3"  p^rs,  en  -îunt  ont  perdu  leur  1  en 
roman,  donc  en  lat.  vulg.  (aucune  trace  d^Vi  dedormiunt,  serviunt, 
audiuni,  sapiunC,  capiunt);  faciunt  n\i  pu  faire  exception  et  a  néces- 
sairement passé  par  facunt  *  ;  d'ailleurs,  ce  n*est  que  facunt  et  non  faciunt 
qui  peut  dans  une  prononciation  rapide  s'abréger  en  faunt.  Au  reste  j'admets 
avec  M.  R.  que  facunt  n'a  laissé  aucune  trace  en  roman*;  toutes  les  formes 
qui  ne  sont  pas  analogiques  viennent  de  faunt  :  faunt  prononcé  en  deux 
syllabes  a  fort  bien  pu  donner  le  (dmcux  ftrnt  au  Jonas;  faunt  prononcé  en 
diphtongue  a  donné  pr.  faun  fr,  fotU  (toutefois  pour  ce  dernier,  comme 
pour  kfûtt  provençal,  on  peut  admettre  aussi  une  imitation  de  sun  t)  i  le  fiitt 
prov.  et  surs.,  le  fann^  it.,  peuvent  venir  de  faunt  ou  être  mode- 
lés sur  dant,  s  tan  t.  —  L'hypothèse  de  faim  us,  fa  i  lis  explique  également 
les  formes  fainm^  faites  ^^  sans  f,  au  lieu  de  faisnus,  faistfs*.  —  Nous  pou- 

j.  Les  formes  romanes  (c5p,>  port,,  etc.)  qui  semblent  remonter  à  faciunt  sont 
refaites  par  analogie  i  M*  R,  Ta  très  bien  pressenti,  qnolqu'il  pcïisc  qu'elles  pourraient 
être  étymologiques. 

2.  Sauf  peut-être  le  sarde  fihfjént  (Jiichiu  ftighent),  qut  M.  R*  regarde  comme  un« 
forme  aiulc^ique  (p,  76),  fins  donner  de  raisons. 

3,  Sur  ÏV  final  de  ers  formes,  voy,  Rom,  XXI,  3 ça* 

4-  M.  Meyer-LQbke(Gr.,  1,5  Sîi)»  ^^^^  p*r  M.  R.,  oppose «/liin^j  kfimm^ie  dcmaa* 
dant  lequel  est  réguHeri  lequel  andlogîque,  Msis  il  y  a  là  une  erreur  de  fiiit  i  on  si  dima 


4 

i 

I 

4 


571  COMPTES   RENDUS 

vons  donc  admettre  avec  certitude  comme  rcpréseoiaDt  U  fortae  prise  par  te 

présent  de  Hnd.  de  facere  en  lat.  vulg.  ^  fac|o,  fajs,  fâj t,  fjijtniiK  fjjlis» 

faunt. 

Dsms  le  diap.  V,  consacré  â  Timpératif^  Tauteur  aJtnet  que  tes  tangues  J 
romanes  continuent  tantôt  fac,  tantôt  face.  Il  Ht  ut  toutefois  remarquer  que 
fac  n*est  absolument  attesté  nulle  part,  et  que  les  îozmcs  fay  fai  fii  (anc. 
esp,,  cat.,  prov.,  fr.,  surs.,  frioulan,  ital.)  pounaient  s'expliquer  par  un  ht. 
vuJg.  fac  analogue  aux  formes  du  présent.  Néanmoins,  je  crois  plutôt  à 
fac,  comme  base  de  toutes  ces  formes  :  fac  a  été  plus  usité  que  face,  et  ce 
monosyllabe  rentrait  bien  dans  le  cadre  général  fourni  par  le  présent  de  Tindi- 
catif. 

Le  ch.  VI,  consacré  au  subj.  prés*,  ne  contient  rien  de  bien  nouveau»  it 
temps,  sauf  quelques  formations  analogiques  transparentes,  étant  dans  les  dif- 
férentes langues  le  développement  régulier  du  temps  tatin.  La  question  du 
remplacement  en  français  de  facUms  p^r  facionts  n*est  pas  traitée  par  î  auteur, 
et  en  effet  elle  est  en  dehors  de  son  sujet.  —  Le  très  court  diap.  VII  traite 
de  rimpf,  du  subj.,  face  rem,  conservé,  comme  on  sait,  uniquement  en  sarde. 

Ch,  VIII  :  imparfait  de  Tindicatif.  Sur  Torigine  de  l'imparfait  roman  en 
-ia,  -ea,  M.  R.  émet  une  hypothèse  un  peu  compliquée,  mais  très  ingénieuse. 
D'après  lui,  étant  donné  que -ieba m  était  abandonné  pour  -ibara,  Texis- 
tencedcsdoublesformesaudivi-audîi,audîveram-audieram,audiverO' 
audicro  aurait  amené  la  création  d^audiam  en  face  d*audivam; 
d'autre  part,  les  impf.  en  -ebam  étaient  souvent  devenus  -Ibam,  p,  es. 
delibam  pour  delebam,  d'où  naturellement  delianii  mais  d'autres  impf. 
gardaient  -ebam,  et  sous  l'influence  de  -iam  on  créa  une  forme  <am. 
Ainsi  les  impf.  desconj.  II,  lîl,  IV  flottèrent  entre  des  formes  -iï«,  -la,  -a% 
*M,  et  ces  formes  se  retrouvent  dans  les  langues  romanes,  parfois  encore  eu 
concurrence,  le  plus  souvent  avec  victoire  de  la  forme  sans  î%  et  avec  une 
répartition  dïct  à'e  qui  ne  correspond  pas  à  la  distribution  latine.  Je  voisi 
cette  hypothèse  une  objection  sérieuse,  c'est  que  l'i  de  audii,  cic  ,  est  bref, 
tandis  que  Vi  du  roman  -ia  est  long,  et  que  par  conséquent  il  semble  peu 
vraisemblable  que  le  couple  audîvi-audîi  ait  suscité  le  couple  audîva- 
audïa,  qui  lui  ressemble  d'autant  moins  qu'aux  personises  les  plus  impor- 
tantes du  parfait^  la  fc  et  la  y  du  sg,,  le  changement  de  quantité  amenait  un 
changement  d'accent  :  audivit-aiidiit.  M,  R.  ne  semble  pas  avoir  connu 
l'hypothèse  de  M.  Thurncysen  (Das  verhum  être,  p.  30),  qui  donne  pour 
point  de  départ  â  -ea  des  imparfaits  comme  vivea,  ave  a,  dcvca,  savea* 
où  le  V  serait  tombé  par  dissimîlation,  comme  dans  vi  va  ci  us,  vivenda, 


comme  faimts,  et  non  Jtsnies  (si  dhmts  se  trouve,  il  est  purement  graphique  ;  c'ait 
comme  t^edisma^  etc.,  nnc  grnphie  inverse  due  au  très  ancien  amuîsscmeat  d*i  dcnat 
fft)  ;  d i  c  i  m  u  s  était  en  ht ,  vtilg,  d i i  m  u s  comme  f a c i m  u  s  était  f a  i m  q  s. 

I.  Sauf  pour  le  sarde,  qui  reproduit  ôdckment  la  forme  du  latin  classique,  itrçc 
déplacement  de  Taccent  kh  i"  et  4*  plur.  (pour  U  y,  voy.  ci-dcssusj  p.  s?*»  »•  a). 


RYDBERG,  Ix  développement  de  facere  dans  les  lang,  rotn,  573 
vîburnum;  -«ï  aurait  ensuite  produit  -ia  :  cela  paraît  à  la  fois  plus  simple  et 
plus  vraisemblable.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  formes  -iva,  -ia,  -eva,  -ea  sont 
en  effet  répandues  dans  le  domaine  roman  :  en  Gaule,  le  v  ne  s*est  conservé 
que  dans  -iva  et  très  sporadiquement  (gascon,  franco-provençal,  messin)  '  ; 
en  général  on  a  pour  -ibam  comme  pour  -ebam  -w  au  sud,  ea  au  nord.  En 
français,  -eie,  sorti  régulièrement  de  -ea  non  précédé  de  palatale,  s'est  imposé 
même  après  une  palatale,  où  on  aurait  dû  avoir  it  :  c'est,  comme  le  remarque 
M.  R.,  le  cas  de  faiseU,  qui  serait  régulièrement /aiVi^,  s'il  représente  facê- 
bam  comme  s'il  représente  fa  ci b  a  m.  Il  rapporte  avec  vraisemblance  à 
l'influence  dt  ferai,  f croie  la  prononciation  si  souvent  attestée  dcfesoie,  etc., 
au  lieu  de  faisoie  (cf.  pïaisoiâ  taisoie).  Il  ne  parle  pas  de  la  question  de  Vi  des 
ire  et  2e  pers.  du  pluriel  ;  y  voit-il  un  représentant  normal  de  Ve  d'-êâmus 
ou  le  regarde-t-il  comme  provenant  de  l'impf.  en  -ia?  Les  deux  opinions 
peuvent  se  soutenir  et  ont  été  soutenues  ;  je  pencherais  plutôt  pour  la  pre- 
mière. 

Dans  le  chap.  IX,  qui  traite  du  participe  présent  et  du  gérondif,  l'auteur 
me  paraît  manquer  un  peu  de  clarté  :  il  ne  dit  pas  expressément,  ce  qui  est 
bien  sa  pensée  et  ce  qui  est  certain,  que  toutes  les  formes  romanes  remontent 
à  facentem,  facendo. 

Le  chap.  X  est  consacré  au  parfait  de  l'indicatif.  Il  est  excellent  ;  tout  au 
plus  pourrait-on  demander  plus  de  lumière  sur  certains  points.  Ainsi  l'au- 
teur établit  fort  bien  que  la  seule  forme  traditionnelle  du  français  (sauf  le 
changement  de  voyelle  dû  à  l'influence  de  la  re  pers.  du  sing.)  pour  la  3e 
plur.  est yîrdw/ de  fecrunt,  mais  il  ne  donne  pas  l'explication  des  formes 
fisdren[t]  (Ug.),  fistrent  (S.  Brendan  $94,  Ben.  Chron.  41804,  S.  Martin) y 
non  plus  que  du  fisent  picard-wallon-lorrain;  il  pense  certainement,  avec 
raison,  que  ces  formes  sont  empruntées  à  misdrent  et  à  dislrent  d'une  part, 
à  misent  de  l'autre  *.  Pour  la  chute  de  Vs  d3insfesis  (lui-même  pour /mis,  cf. 
feisii[t]  Pass.  212),  etc.,  il  accepte,  après  avoir  hésité,  l'influence  analogique 
de  vetSf  etc.  ;  et  en  somme,  il  n'y  en  a  guère  d'autre  possible;  toutefois  le 
feissenl  du  ms.  de  S.  Léger  fait  diflficulté,  puisqu'à  l'époque  où  il  a  été  écrit  le 
d  de  vediSf  etc.,  subsistait  encore'.  —  Je  ne  suis  pas  de  l'avis  de  M.  R.  sur  la 

1.  On  peut  du  reste  se  demander,  là  comme  partout  où  on  retrouve  le  v  de -iva  ou 
de  -eva,  s'il  est  originaire  ou  si  plutôt  il  n'est  pas  emprunté  à -a  va;  je  penche,  quanta 
moi,  pour  cette  dernière  opinion,  d'après  laquelle  le  roman  n'aurait  reçu  que  -ea,  -ia. 
Remarquez  que  même  là  où  l'on  trouve  -ew,  -iva,  le  conditionnel  est  toujours  -ia. 

2.  Un  mot  en  passant  sur  ces  formes,  qui  ne  sont  pas  elles-mêmes  toutes  tradition- 
nelles. L's  douce  devant  r  postule  un  d  d'appui  (cosere]>cosdre),  d'où  misdrent^ 
tetc.  ;  mais  ces  formes  se  sont  plus  tard  modelées  smt  distrent y  etc.,  où  une  s  appuyée  pos- 
ulait  un  /.  Dans  les  régions  où  on  dit  misent,  le  groupe  s  douce  -f-  r  ne  postulait  pas 
de  d  intercalaires,  et  Vs  de  misrent  est  tombée  ;  mais  s  appuyée  4-  r  postulait  un  /,  et 
disent,  etc.,  ne  s'expliquent  que  par  l'influence  de  misent,  etc. 

3.  M.  R.  regarde  cette  forme  comme  «  accidentelle  ou  même  douteuse  »,  le  même 
texte  ayant  ailleurs  fesist  (196,  leçon  d'ailleurs  mal  assurée).  Aux  exemples  anciens 
qu'il  cite  pour  la  chute  de  1*^,  il  faut  ajouter  celui  de  YApp.  à* Alexis  et  l'exemple  éga- 
lement probant  pretst  empreist  dans  Brend.  770. 


574  COMPTES  RENDUS 

conservation  en  hispano-roman  de  la  base  fecérunt;  le  h  âù  Vc 
ne  peut  représenter  un   ê  :  ces  formes  sont  refaites,  et  rhbpoiid 
comme  toutes  les  langues  romanes,  n'a  reçu  du  latin  vulgaire  que  des  formes 
en  -crunt. 

Le  plus-que-parfait  de  Tind,  (ch.  XI)  présente  en  fr.  les  formes^^r^  (^t)^ 
fUdra^  fistdra^  qX  fire  (Akx.  12\  fireî).  Comme  le  dit  mais  un  peu  obscure 
ment'  M.  R.,  la  forme  primitive  a  dû  être  frire  <  feira  (cf.  le  prov.);/rf/t 
est  devenu /ne  comme  /tirent  est  devenu  firent,  sous  rinfluencc  de  fis;OQ  2 
âlxjisdre  sous  riniluence  de  mtsJre. 

Le  ch.  XIÏ,  qui  traite  du  plus-que-parfâit  du  subjonctif,  n'offre  rko  de  bîca 
iniLTessant,  le  sort  de  ce  temps  étant  identique  à  celui  des  formes  faibles  du 
parfait.  —  Le  cli.  XIII  s'occupe  du  futur  exact  (antCrieur)  et  du  parfait  du 
subjonctif.  Il  y  a  peu  de  chose  à  dire  du  temps  résultant  de  la  fusion  de  ces 
deux  temps  qui  soit  spécial  à  facere  ;  il  n*existe,  comme  on  sait,  qu'en  his- 
pano-roman, sauf  quelques  traces  en  roumain  et  dans  des  dialectes  italiens.  — 
Enfin  lech-  XIV  donne  les  formes  diverses  du  participe  passé»  qui  n'ont  rien 
non  plus  de  particulier  et  représentent  révolution  régulière  du  txpe  latin. 

Un  vaste  tableau  synoptique,  où  chaque  forme  est  accompagnée  d'un  ren- 
voi à  la  page  du  livre  où  elle  est  traitée,  et  une  bibliographie  qui  remplit  pîus 
de  vingt  pages,  complètent  cet  intéressant  volume,  dont  la  Icaure  sera  très 
utile  particulicrement  aux  étudiants  en  philologie  romane,  en  leur  montrant» 
sur  un  sujet  bien  limité,  une  niasse  considérable  de  faits  interprétés  avec  une 
exccUeme  méthode,  et  en  leur  faisant  connaître  la  marche  de  ta  science  par 
le  résumé  et  la  judicieuse  critique  d*un  grand  nombre  d'hypothèses  émises  sur 
ces  faits  par  divers  savants.  La  thèse  de  M.  Rydberg,  qu'il  a  eu  raimable 
attention  d'écrire  en  français,  fait  grand  honneur  à  runiversité  d'Upsal  et 
permet  d'attendre  de  son  auteur  des  travaux  remarquables  dans  le  domaine  où 
il  a  si  bien  débuté»  G.  P,  , 

La  proBunzia  popolare  dei  versi  quantitatîvi  latinl  nei 
bassl  tempi  ed  origine  délia  verse ggiatura  ritmica. 

Memorîa  di  Felice  Ramorin'O,  professore  ne  11  a  R.  Uni  versi  ta  di  Pavia, 
Torino,  Clausen,  40,  70  p.  (Extrait  des  MetnorU  dàla  R.  Accaàentia  delU 
JoV»^f  di  TorinOf  ser.  II,  t.  XMII). 

Depuis  quelques  années  on  s'est  occupé  aux  points  de  vue  les  plus  diffé- 
fcnts  des  origines  de  la  versification  romane,  qui  est,  comme  on  sait,  fondée 
sur  l'accent  et  le  nombre  de  syllabes  (l'assonance  ou  rime  n'est  qu'accessoire), 
par  opposition  à  h  versification  classique,  fondée  sur  la  quantité  et  le  pied.  J'ai 
souvent  eu  occasion  de  parler  ici  de  cette  intéressante  question,  cl  d'autres 
collaborateurs  de  la  Romattiu  ont  essayé  de  Tédaircir  à  leur  manière.  Les  tra- 


j.  ht  fi  ait  m  du  \\  62  est  aimbuc  ici  pAr  M.  R.  au  plus-que-parfait,  et  plus  haot  m 
parfiitt  :  c'c$t  bien  prob^iblemcnt  cette  dernière  opinion  qui  est  U  vraie, 

a.  Il  aurait  dû  écrire  fcccunt  et  non  feceruut  comme  base  du  dérivé  Irançais. 


RAMORiNO,  V origine  délia  verseggiatura  riimita.         575 

vaux  de  MM,  W-  Meycr  (de  Spire),  Kawczynski,  Vcrnier,  Havet,  Henry, 
Thurneysen,  Bccker,  Ronca,  Stcngel»  d'autres  encore»  n'ont  cependant  pas^ 
malgré  le  très  grand  mérite  de  plusieurs  d'entre  eux,  réassi  encore  à  Télucider. 
M*  RAmorino  nous  apporte  ici  une  solution  nouvelle ,  qu'il  regarde  comme 
déûnitivc,  et  qui  mérite,  tout  au  moins,  d'i^tre  prise  en  très  sérieuse  considé- 
ration, car  si  elle  ne  résout  pas,  à  mon  avis,  le  problème  tout  entier,  elle  en 
éclaire  d'une  façon  qui  me  paraît  décisive  quelques-uns  des  côtés  les  plus 
obscurs.  Pour  Tcxposer  dans  son  ensemble  et  la  discuter  dans  ses  détails ,  il 
faudrait  une  étude  de  Tctcndue  de  h  sienne;  je  ne  puis  entreprendre,  pour  le 
moment,  un  travail  qui  demanderait  beaucoup  de  temps  ;  je  veux  seulement 
signaler  ù  nos  lecteurs  ce  remarquable  mémoire,  en  faire  connaître  F  idée 
dominante  et  indiquer  très  brièvement  les  quelques  objections  ou  réser\^e$ 
qui  se  présentent  d'elles-mêmes  à  Tes  prit. 

L*idée  fondametitale  de  Famcur,  c'est  que  les  vers  rythmiques  sont  une 
imitation  des  vers  métriques,  tels  qu'ils  apparaissaient  quand  on  les  prononçait 
d'après  Tacccnt ,  sans  tenir  compte  de  la  quantité.  C'est,  en  somme ,  comme 
M.  Ramorino  le  reconnaît  d'ailleurs,  Tidéc  que  M.  Ph.*A.  Becker  avait 
exprimée  en  1890  dans  son  intéressant  écrit  Uebcr  den  Unprung  der  romanh" 
chéft  Vetsmasse^  mais  il  ne  Tavait  pas  appuyée  et  développée  comme  le  fait  le 
savant  professeur  de  Pavie.  Il  montre  d'abord,  par  des  témoignages  de  gram- 
mairiens et  des  exemples  de  poètes  (tirés  en  grande  partie  des  inscriptions), 
que  le  sentiment  de  la  quantité  va,  à  partir  du  in<  siècle  (et  même  avant), 
se  perdimt  de  plus  en  plus,  et  que  la  plupart  des  erreurs  comnïises  sont  dues 
à  l'influence  de  Taccent.  Puis  il  fait  voir  comment  de  vers  métriques  fautifs 
on  passe  insensiblement  X  des  vers  qui  ne  reproduisent  des  vers  métriques 
que  la  distribution  de  leurs  accents  :  il  explique  ainsi,  et  il  me  semble  avec 
certitude,  les  vers  de  Commodien  et  beaucoup  d'autres.  Maintenant  ce  pro- 
cédé de  déformation  a-t-il  été  le  seul?  Un  autre  s)'^tème,  plus  conscient, 
consistant  à  remplacer  aux  temps  forts  des  vers  la  longue  des  vers  métriques 
par  une  tonique  n'a-t-il  pas  été  employé?  Les  deux  procédés  coïncident  sou- 
vent, mais  sont  essentiellement  différents  (par  exemple,  dans  rhcxamètre  avec 
césure  penthémimère,  /Irma  vinmque  cano  Trojae  qui  primas  ab  oris,  le  pre- 
mier système  nous  donnerait  en  traduction  rythmique  'w-  *«  'v  Vw  '^^  ^\ 
le  second  '- -  '--  '«  '^  '- -  'w).  Puis  n'y  a-t-il  pas  eu  des  vers  ryth- 
miques indépendants  de  toute  imitation  de  vers  métriques  et  créés  simplement 
d'après  Paccent  (c'est  ropinion  de  M.  Stcngcl,  et  c'est  celle  que  j'avais  ex  primée 
jadis,  en  la  formulant  comme  je  ne  le  ferais  plus  aujourd'hui)?  L'absence,  dan 
les  hexamètres  de  Commodien  et  autres  pareils,  de  tout  principe  de  syllablsmc, 
ne  les  met-elle  pas  à  elle  seule  en  dehors  de  l'évolution  rythmique  i  laquelle 
appartient  la  versification  romane,  tandis  que  les  vers  de  soldats  qui  nous 
ont  été  conservés  de  César  k  Aurélîen,  les  seuls  d'un  caractère  vraiment 
populaire  que  nous  ayons  (et  dont  on  est  surpris  que  M.  R.  ne  dise  rien), 
montrent  dès  leur  apparition  ce  principe  absolument  établi?  Si  on  admet  la 
prononciation  populaire  en  ce  qui  concerne  l'abandon  de  la  quantité  au  pro- 


Sjfi  COKtPTES  RENDUS 

fit  de  Tâccent,  ne  faut-il  pas  radmcitre  aussi  pour  bien  d'autres  choses, 
nolamracni  pour  la  consonification  de  Vi  (e)  devant  voyelle ,  qui  réduisit  de 
bonne  heure  tant  de  dactyles  rythmiques  à  des  trochtVs?  Elle  joue  bien 
un  rôle  dans  les  fautes  de  vers  métriques  et  les  imitations  rythïniqucs  de 
ceux-ci  alléguées  par  M.  R,»  mais  dans  des  vers  vraiment  modelés  sur  la  pro- 
nonciation populaire  elle  devait  être  admise  »ns  exception.  HofiD  0  est 
surprenant  qu'une  versification  sorte  d'une  autre  en  s'édîfiant  sur  un  élé- 
ment complètement  étranger  à  celle-ci;  la  substitution  des  toniques  aux 
longues  aux  temps  forts  aurait  au  moins  un  avantage»  c*est  qu'entre  les  deux 
versifications  il  y  aurait  un  élénient  commun ,  prcciséroeni  le  temps  fort.  11 
est  \Tai  que  M.  Kawciynski  a  contesté  l'existence  chez  les  anciens  du  icrops 
fort  (ou  temps  marqué)  comme  distingué  du  temps  faible  par  Tintetisilé; 
mais,  quelle  que  soit  la  force  de  ses  arguments  (qui  n'ont  pas  con^iincu 
M.  R.),  on  peut  très  bien  admettre  que  cet  élément  d'intensité  était  \-enu  i 
un  moment  quelconque  s'attacher  à  la  tk'sis  (ou  â  Tarn'i,  si  on  veut  conserver 
Tancienne  terminologie,  qui  semble  bien  erronée)  ;  dès  lors,  Taccent  ayant  pris 
également  un  caractère  de  plus  en  plus  dominant  d'intensité,  il  était  naturel 
de  le  faire  coïncider  avec  le  temps  fort;  il  était  même  inévitable  que  cela 
arrivât  pour  qu'une  prononciation  r>'thniée  des  vers  fût  possible  (nous  n'arri- 
vons pas  à  nous  représenter  comment  Claudien  ou  d'autres  prononçaient  leurs 
vers  avec  des  temps  forts  et  des  accents  d'intensité  qui  ne  coïncidaient  pis). 
Toutes  ces  questions  restent  pendantes,  et  il  appartiendra  à  l'avenir  de  les 
résoudre.  Mails  on  ne  peut  nier  que  le  beau  travail  de  M*  Ramorino  ne  les 
ait  écLiirces  de  plus  près  qu'on  n*avait  fait  jusqu'ici,  et  n'ait  obtenu  sur  plu- 
sieurs points  des  résultats  qu'on  peut  considérer  conunc  acquis  A  la  sdencc. 

G,  P, 

Etude  sur  la  vie  et  la  mort  de  Guillaume  Longne-Epéet 

duc  de  Normandie»  par  J,  Lair,  Paris,  Picard,  iii95,  in-folio,  S4  p. 

Cette  belle  publication  nous  intéresse  d'abord  à  cause  de  la  nouvelle  édition 
critique  qu'y  donne  M.  Lair  du  précieux  petit  poème  rythmique  (les  vers  n'y 
sont  pas  seulement  syllabiques,  comme  il  le  pense,  mais  très  régulièrement, 
sauf  des  passages  corrompus,  cotnposés  de  trochées  toniques)  sur  la  mort  de 
Guillaume  I  de  Normandie  (94?),  avec  une  magnifique  reproduction  béliogra* 
phique  des  deux  mss.  qui  nous  en  ont  conservé  un  texte  malheureusement 
bien  altéré,  ensuite  à  cause  des  nouveaux  documents  que  le  savant  éditeur 
apporte  à  la  curieuse  question  de  la  chanson  de  la  VengeafKt  Kiotil  (voy.  Rûm.^ 
XVII,  276).  M.  Lair  n'étudie  pas  d'ailleurs  cette  question  en  elle-même  (îl 
propose  toutefois,  et  avec  toute  vraisemblance,  de  lire  de  PtwU  pour  d^spaigiu  au 
V.  1 565  de  la  Gatedci  Normands  ;mà\%  il  y  a  certainement,  en  outre»  une  lacune 
â  cet  endroit).  Il  s*attache  surtout,  comme  l'indique  le  titie  de  son  mémoire 
et  comme  l'y  engageait  la  direction  habituelle  de  ses  études,  à  la  partie  his- 
torique du  sujet.  Il  continue  â  corriger  dans  la  str.  II  du  poème  Htc  in  orht 
transîuarino  valus  paire  in  crrore  paganorum  permanente  en  Hoc  in  urbc^  trans- 


j.  LAiR,  Étude  sur  Guillaume  Longue-Épà  577 

maritto  naius  paire,  malgré  Taccord  des  deux  mss. ,  et  à  la  str.  III  Moriente 
infidèle  (ms.  de  Florence  infidelis)  suo  pâtre  surrexerunl  contra  eum  beJUcose  en 
Moriente  infidèles  suo  pâtre  surrexerunl.  La  première  de  ces  corrections,  qui, 
comme  la  seconde,  a  pour  but  de  mettre  le  poème  d'accord  avec  Dudon  de 
Saint-Quentin  et  les  autres  sources  (qui  d'ailleurs  dépendent  presque  toutes 
de  lui),  est  appuyée  par  une  savante  note  de  M.  J.  Steensirup,  en  réponse  aux 
objections  de  M.  G.  Storm  ;  elle  n'en  paraît  pas  moins  bien  difficile  à  admettre. 
Sur  la  seconde,  M.  L.  ne  s'étend  pas  ici  comme  dans  sa  première  édition  ;  elle 
reçoit  un  certain  appui  de  la  leçon  infidelis  du  manuscrit  découvert  depuis  lors  ; 
toutefois,  si  on  considère  que  le  mot  est  devant  une  j,  on  sera  bien  porté  à 
croire  qu'infidèle  et  infidelis  sont  également  pour  infideli;  d'ailleurs  la  con- 
struction adoptée  par  M.  L.  est  au  moins  singulière;  enfin  on  sait  que  le 
retour  de  RoUon  mourant  au  paganisme  est  raconté  par  Adémar  de  Chabanes. 

On  peut  se  demander  si  la  division  des  strophes  adoptée  par  l'éditeur  (3  vers 
de  12  syllabes  divisés  en  deux  hémistiches,  plus  i  vers  de  8  syllabes  et  un 
refrain  de  2  vers  de  8  syllabes)  est  bien  la  bonne  ;  elle  paraît  assez  appuyée 
par  le  fait  qu'elle  dégage  plus  de  rimes  que  les  autres;  d'autre  part,  elle 
sépare  souvent  d'une  façon  peu  naturelle  des  groupes  de  mots  qui  se  tiennent. 

Le  savant  éditeur  dit  (p.  69)  que  «  cette  forme  était  assez  usitée,  et  probable- 
ment populaire  »  ;  j'avoue  n'en  pas  connaître  d'exemples.  En  tout  cas,  les 
derniers  vers  des  strophes  V  et  IX  indiquent  que  les  strophes  se  terminaient 
bien  par  un  octosyllabe.  Les  incroyables  corruptions  et  lacunes  des  deux  mss. 
font  qu'il  est  impossible,  surtout  pour  les  strophes  qui  ne  sont  que  dans  B, 
de  restituer  avec  certitude  le  texte  original.  Str.  IV,  il  faut  Audacter 
(A  auditOy  B  audacer)  ;  str.  IX,  obsideque  nullo  dato,  quoddam  ftwnen  (A  obsi- 
deque  nulla  dalum  quosdam  flumen,  B  obsideque  nullo  qitodda  flwnen  ;  flumine, 
introduit  par  M.  L.,  ne  peut  entrer  dans  le  rythme)  ;  str.  XIII,  1.  occukndo  ou 
occultando  (B,  ici  seul,  occulando)  ;  la  str.  XV  (dans  Bseul)  est  désespérée,  mais 
la  substitution  de  mihi  à  tibi  n'est  guère  admissible  (cette  strophe,  où  est 
mentionné  Guillaume  de  Poitiers,  beau-frère  du  duc  de  Normandie,  pourrait 
bien  être  ajoutée). 

M.  Lair  a  bien  voulu  rappeler  en  tête  de  sa  belle  publication  que  la  pre- 
mière copie  du  poème  lui  avait  été  communiquée  par  moi  (ms.  de  Clermont- 
Ferrand)  ;  la  seconde  (ms.  de  Florence)  a  été  publiée  par  M.  Léopold  Dclisle  : 
nous  avons  été  heureux  l'un  et  l'autre  de  fournir  des  matériaux  à  quelqu'un 
qui  sait  si  bien  les  mettre  en  œuvre'.  G.  P. 


I.  II  est  regrettable  qu'un  assez  grand  nombre  de  légers  lapsus  et  de  fautes  d'impres- 
sion aient  échappé  i  la  révision  de  l'auteur.  Ainsi,  p.  59,  il  remarque  que  p.irmi  les 
grands  barons  de  France,  dans  le  Couronnement  de  Louis^  figure  «  Garin  d'Anséune-li- 
Vieh  »  (ces  traits  d'union  et  cette  majuscule  sont  de  trop),  et  il  ajoute  :  «  C'est  le 
Garin  de  Mousket,  mari  d'Anseis,  sœur  de  Gisia,  femme  de  Rollon.  »  Mais  dans  le  pas- 
sage de  Mousket  cité  plus  haut  (p.  9),  Garin  épouse  non  Anseis  (qui  n'est  pas  un  nom 
de  femme),  mais  Herluis  (ce  Garin,  trois  lignes  plus  loin,  est  défiguré  en  Sorin)\ 
d'ailleurs  on  sait  que  Garin  d'Anseûne  doit  son  surnom  à  la  ville  qu'il  possédait  et 
nullement  à  sa  femme. 


578 


COMPTES  RENDUS 


Dîe    handschriftlichen    Gestaltungen    der   lateinische 
Navigratio   Breadanl.   voa  Cari   Stetsweg   (Rooianischc   Fo 

schungen,  voL  VIL  pp    1-48). 

I«&  Navigatio  Sancti  Brendani  ia  antico  venezlano,  ^n 

ed  illustrata  éâ  Francesco  Novah.  Bergaoïo»  1S92. 

L'étude  <ie  la  Ugcadc,  et  plus  partkulièreraent  du  im^gt.  otéattuiui^  àc  5410 
Brtridan,  a  pris  dans  ces  dcroicrcs  années  un  nouvel  essor  ;  nombre  de  pbila 
logues.  aussi  bien  celtistes  que  roimnisies»  ont  voulu  apporter  leur  contriba 
tion  à  la  solution  d'un  problème  qui.  sans  être  d'une  importance  capitale 
pn-scnte  néanmoins  un  certain  intcrêt  à  différents  points  de  vue  '.  Cepcndi 
on  est  obligé  d  avouer  que  le  progrcs  accompli  est  loin  de  r*>pondre  i  1 
effort  aussi  multiple  et  aussi  considérable;  non  que  personne  n'ak  fc 
trouvé  la  vérité  ou,  du  moins,  une  partie  de  la  %'érité,  tnaîs  il  me  semble 
qu*on  a  continué  i  chercher  après  avoir  trouvé  déjà,  et  que  tout  ce  qui  a  ét^i 
dit  sur  la  question,  après  les  travaux  de  Schroder,  Suchier*  et  Zimmcr,  ^H 
presque  autant  contribué  a  embrouiller  les  choses  qu'à  les  écUircir.  ^H 

Le  travail  de  M.  Steinweg  sur  les  manuscrits  de  la  Xavigatio  latine  n  a  pis 
la  prétention  d'être  complet  ni  définitif;  Tauteur  déclare  lui-mcmc  que  '   ^ 
but  a  été  uniquement  de  jeter  les  bases  d'un  travail  plus  étendu  sur  le  nxn 
sujet,  travail  qu'il  ne  pouvait  exécuter  lui-même,  n*étant  pas  en  posscssuij 
de  tous  les  matériaux  nécessaires  ;  reste  à  savoir  s'il  a  atteint  le  but  qui 
s'était  proposé,  et  dont  il  se  plaît  lui-même  à  foire  remarquer  la  modeslîfl 
M.  St.  a  divisé  son  travail  en  trois  parties:  la  première  (p.  7-îî)  est  cou4 
crée  â  la  classification  des  manuscrits  étudiés;  la  deuxième  (p.  54-57)  s'occup 
de  la  traducUon  en  prose  en  ancien  français,  publiée  en  1856  par  Jubinal  \ 
rééditée  tout  récemment  par  M.  Wahlund;  la  troisième  (p.  J7-4S)  est  iiititil 
lée  «  mutmassliche  Gcstaltung  ilc^  Originals  w.  Le  tout   est  précédé  d'ufl 
courte  introduction  et  d'une  table  des  manuscrits. 

La  classification  proposée  est  inacceptable  pour  plusieurs  raisons*  Ofi  \ 
que  les  manuscrits  de  la  Navigath  sont  très  nombreux  *  et  disséminés  daiîS 


t.  Outre  les  deux  ouvrages  qai  fonnent  \c  sujet  de  ce  compte  rendu,  îl  a  p4nj  •. 
*^ftftfi  ^?*^^"  années  les  travaux  suivants  :  Scbinncr,  Zur  BrgnJanus-Lfgrmtf,  Lcip 
VXViTr     "^'^'^*  5ri7iJdfw  Murfahrt,   j888  {àxixs  Zeih^br,  f,  deufulfj  AlUrfum,  t 
71^/'  "9-2ao  et  2S7'5î8);  De  Gocje,  la  Ugtndf  dt  Saint- Brandnn,  LciJc,  1% 
ï  j    "^^   -^"^^^  ''"   ^   Cofigrh  inUrnatictuti   dts    Ot  imUlhtes)',    Graf,    dan*    M 

Wahlund,  Brendans  Stefahrt,  Upsala.  1892,  *     7#  » 

R^ma^is^l^^'shtZn  T''^  ^'^''^^**"'  Erïangcn.  1871  ;  Suchier.  BramUm  Sttfahft  (d^ 

w'sMp^'rnTLtr'  ^A^'  "'''J  (PescriptH.  C.taîogu.^  I.  i.  p.  rj^)  «  qui,  dV 

^''^iic.  Ktat     " Vr  .         "î!"  ^  '^"   '*'"*  ^^  N^nigotio,  est  évidemment  le  ma«u.c 

'«^niontcra^  ;,.  JJr.'   v"  ^  ""J^'J^'^'""'  Cbrhtinaf,  217)  que  \f,  Whitîcv  Stokcs  f 

ccic,  vo>%  De  Gocje,p.  25,  note  5  et  p.  35. 


Steinwhg,  Dei  Handschriften  der  Navigûtio  BrendanL    579 

un  grand  nombre  de  bibliothèques  de  l'Europe  :  on  en  connaît  aujourdliui 
75  î  or,  M,  St.  n*a  tenu  aucun  compte  de  plus  de  la  moitié  de  ces  manuscrits, 
il  n'a  même  utilisé  directement  que  ceux  qui  se  trouvent  en  Allemagne  et 
qui  sont  au  nombre  de  12;  pour  d'autres,  il  s'est  servi  d'une  collation  par- 
tielle de  M,  Suchicr.  îl  est  évident  que,  dans  ces  conditions,  il  était  de  prime 
abord  impossible  d'obtenir  des  résultats  absolument  certains,  et  de  jeter, 
comme  Ta  voulu  Tauteur,  les  bases  d'une  classification  déEnitîvc.  Mais  il  y 
a  une  autre  question  :  Tauteur  a-t-ll  consacré  à  la  mise  en  œuvre  de  ces 
matériaux»  quelque  insuffisants  qu'ils  soient,  tout  le  soin  et  toute  l'exactitude 
désirables?  Il  suffira,  pour  en  juger,  de  rexamen détaillé  de  quelques  passages 
de  cette  première  partie.  Je  choisis  les  paragraphes  2  et  5  (p.  8-9)  parce  que, 
grâce  à  leur  nature  plus  générale,  ils  se  prêtent  mieux  que  d'autres  ù  un  con- 
trôle exact,  tandis  que  presque  partout  ailleurs  tome  critique  est  rendue  plus 
OU  moins  impossible  à  quiconque  n'a  pas  en  mains  tous  les  manuscrits  dont 
s'est  servi  M.  Steinweg, 

P.  8,  lignes  6  et  7  :  «  Brendan  jedoch  nimrat.,.  >»  etc.  L'auteur,  par  une 
Inconcevable  inattention^  n'a  pas  saisi  le  sens  si  simple  et  si  clair  du  texte 
latin  »(Schrôder,  p.  10, 1.  5-4)  :  Sattctus  Brandanus  rekvato  iUo  de  terra  et  data 
osath  dixii  :  Fili,  dominns  mskr^  etc...)-  P^^r  ^^^y  Brandan  s'adresse  à  ses 
compagnons  et  non  au  ce  procurator  »  ;  c'est  qu'il  a  pris  le  mot  fili  pour  un 
vocatif  pluriel,  ce  qui  est  contraire,  d'abord  au  contexte,  et  ensuite  à  la 
grammaire,  et  spécialement  d  la  grammaire  de  notre  texte  '. 

P.  8,  K  16-18.  «  Denn,  wolltc  man  auch...,  etc.  »  Les  manuscrits  qui  ne 
portent  pas  dum  présentent  une  leçon  excellente;  la  prédiction  ne  s*étcnd 
qu'aux  «  vigiliae  »  et  aux  «  missac  »  sur  le  jasconius,  et  elle  s'accomplit 
de  point  en  point;  il  n'y  a  donc  là  aucune  contradiction,  et  ainsi  l'unique 
argument  qu*ait  fait  valoir  M.  St.  pour  prouver  qu'aucun  des  manuscrits 
étudiés  ne  représente  l'archétype  est  dénué  de  toute  valeur. 

P.  8,  I.  2},  «  Nur  an  einer  von  beidcn  Stellen,.,  i»,  etc.  Cette  répétition 
est  parfaitement  dans  la  nature  des  choses  ;  à  vouloir  éliminer  le  passage  en 
question»  on  enlèverait  mkm^  au  texte  beaucoup  de  sa  clarté,  qui  est  ici 
irréprochable* 

9,  S  j.  L'auteur  range  la  version  en  ancien  français  parmi  les  manu- 

îts  appartenant  k  la  famille  w,  mais  aucun  des  traits  indiqués  ici  comme 
caractérisriques  pour  cette  f^imille  ne  se  retrouve  dans  cette  version. 

P.  9,  sub  8,  26.  Frcttum  pris  comme  masculin  (Jrenum  qurm)  est  indiqué 
comme  trait  caractéristique  de  la  famille  m  ;  mais  nous  trouvons  également 
(rtntim  iptem  dans  le  manuscrit  d'après  lequel  est  faite  Tédition  de  Schrôdcr  et 
que  M.  Si.  range  lui-même  dans  une  autre  famille.  D*aiHcurs  il  n'est  permis 
de  tirer  aucune  conclusion  de  fautes  du  genre  de  fnnum  pris  comme  mascu- 


ti,  Caaimc  M.  St,,  je  citerai  toujours  d'après  Tédition  de  Schrôder,  ùp,  dt^^  p.  J-jé. 
a.  Ccliii-ci  tie  connaît  du  moi  Jili us  que  le  vocatif  singulier //i  (24,  16;  19,  25); 
cour  tous  les  autres  cm  il  emploie  des  formes  de  filiolus. 


COMPTES  RENDUS 
que  la  faute  qui,  d'ailleurs,  sau 


te  aux  veux,  ^  lOit 


580 

lîn;  il  est  fort  possible 

trouviie  îi  Torigine  dans   an  plus  grand  nombre  de   manuscrits   et  que  les 

copistes  raient  compile  dans  quelques-uns. 

Toutes  ces  m«iprbcs  se  trouvent  dans  moins  de  deux  pages,  et  il  n*y  1  pas 
lieu  de  croire  que  le  reste  soit  fait  avec  plus  d'exactitude.  On  conclura  donc 
que  cette  partie  du  travail  ne  tnérite  aucune  conûance  et  qu*oii  ne  saurait  eu 
accepter  les  conclusions. 

Dans  le  deuxième  chapitre,  M.  jSt.  examine  la  version  en  ancien  français 
dont  nous  avons  parlé,  â  Teffet  de  rechercher  si  elle  pourrait,  ay  besoin,  tenir 
lieu  du  texte  latin  sur  lequel  die  a  été  faite.  Le  résultat  de  cet  examen  est 
purement  négatif,  et  Ton  n'entrevoit  pas  les  raisons  qui  ont  engagé  Tauteur  k 
consacrer  un  chapitre  spécial  à  ce  sujet  et  â  nous  dire  en  trois  pa^cs  ce  qu'il 
aurait  pu  nous  dire  en  trois  lignes.  Comme  M.  St.  ne  peut  (aire  entrer  la 
version  française  dans  aucune  des  familles  de  sa  classification,  —  et  pourtant 
dans  le  tableau  de  la  page  s  il  la  range  dans  la  famille  m  —  il  pense  que  le 
traduacur  a  eu  sous  les  yeux  plusieurs  manuscrits  de  familles  dîdérenies. 
Mais  il  est  fort  possible  qu'il  n*en  soit  pas  tout  à  fait  ainsi  et  que  la  version 
se  comporte  de  la  mcme  manière  que  le  manuscrit  du  Mont  Cassin  qu*i 
signalé  M  Novati  (p.  XI,  note  i)  et  que  M.  St.  n'a  pas  connu  :  il  est  égale- 
ment impossible  de  faire  entrer  ce  manuscrit  dans  k  classitîcatlon  proposée, 
et  cela  probablement  parce  que  cette  classification  est  fausse. 

Le  troisième  chapitre  ne  répond  pas  exactement  au  titre  qu'il  porte:  on 
s'attend  ùl  de  véritables  conjectures  sur  l'archétype  de  la  Navigaih,  et  l'auteur 
ne  nous  présente  que  des  remarques  sur  un  certain  nombre  de  passages 
qu'il  estime  interpolés.  De  ces  interpolations,  l'auteur  tire  des  conclusions 
qui,  si  eîles  étaient  acceptables,  seraient  d'une  certaine  poitée  pour  l'en- 
semble de  la  question  «  brendanîque  »,  puisqu'elles  fixeraient  définitivemcm 
au  ixe  siècle  la  date  de  la  rédaction  de  notre  texte.  Pour  quclqucs-um  des 
passages  en  question  le  doute  n'est  pas  possible  :  Tinterpolaiion  est  tout  à  fai^ 
imaginaire.  C'est  le  cas  pour  le  passage  p.  îj»  1.  24-aB  (St.  p.  47);  le  texte 
est  parfaitement  clair  et  ne  bisse  rien  â  désirer»  seulement  M.  St.  n'a  pis 
compris  le  mot  navigan  ()),  24),  qui,  du  moins  dans  la  Navigaiio^  stgnîfte 
quelquefois  «  ramer  »  »  ;  il  a  pris  ce  mot  dans  le  sens  de  «  fahren  » ,  de 
a  vehi  e,  et,  partant  de  cette  erreur  peu  excusable,  il  se  lance  dans  une 
interprétation  qui  fait  sourire.  Mais,  ce  passage  et  quelques  autres  mis  à  pari, 
il  en  reste  .1  peu  près  une  douzaine  que  l'auteur  juge  interpolés  et  qui  méritent 
qu'on  s'y  arrête.  La  raison  qui  fait  conclure  M.  St.  à  une  interpolation  est  tou- 
jours une  contradiction  dans  les  faits  ou  une  répétition  ;  or  ces  contradictions 
existent  réellement  et  il  ne  s'agit  que  de  savoir  à  qui  elles  doivent  être  attri- 
buées. D'après  l'auteur,  elles  n'appartenaient  pas  à  l'original  et  sont  rocuvrc 
des  copistes,  bien  entendu  des  copistes  qui  ont  transcrit  les  manuscrits  anté- 
rieurs à  k  lia  du  x«  siècle,  puisque  le  plus  ancien  manuscrit  que  nous  com- 


I.  Voy,,  par  exemple,  d,  17;  7.  t,  18,  ja;  19,  21;  18,  jj  aS,  aa. 


NovATi,  La  Navigatio  Brendanî.  581 

naissions,  et  qui  date  de  cette  époque,  lc5  contient  déj.l  toutes.  Or,  si  nous 
examinons  un  manuscrit  du  xiis  du  xm^^ou  du  xiv<  sitïcle  (p.  ex.  ceux  qui 
sont  représentés  par  l'édition  de  Schrôder),  nous  voyons  qu*ib  ne  contiennent 
pas  ou  presque  pas  de  contradictions  et  répétitions  en  sus  de  celles  qui  sont 
déjà  dans  le  manuscrit  de  la  fm  du  x«  siècle.  Les  copistes  du  x«^  siècle  auraient 
donc  été  grands  interpolateurs  et  surtout  grands  amateurs  de  contradictions 
et  de  répétitions  d'un  genre  particulier,  tandis  que  leurs  congénères  du  x«  au 
xive  siècle  auraient  fait  preuve  d'une  tendance  inrtniment  plus  conservatrice. 
Evidemment,  M,  St.  est  dans  Terreur  :  ce  grand  nombre  de  contradictions, 
toutes  du  même  genre»  pour  un  texte  qui  n'a  qu*une  trentaine  de  pages  et 
pour  un  laps  de  temps  aussi  restreint,  est  si  extraordinaire  qu'on  ne  saurait 
admettre  qu'elles  datent  d'époques  différentes  et  de  copistes  indépendants  ;  il 
faut  plutôt  croire  ou  bien  qu'elles  se  trouvaient  déj,\  dans  l'original,  —  et 
cette  hypothèse  est  rendue  très  probable  par  ce  que  je  dirai  plus  loin  de  la 
manière  dont  a  été  composée  la  Navigatio  — ,  ou  bien  qu'elles  ont  été  intro- 
duites dans  le  texte  par  un  seul  et  même  copiste,  Il  se  pourrait  donc  que  la 
rédaaîon  originale  de  notre  texte,  loin  d'être  antérieure  d'au  moins  un  siècle 
au  plus  ancien  manuscrit,  lequel  date  de  la  lîn  du  x«^  siècle,  ne  remontât  qu'à 
peu  d'années  au  delà  de  ce  manuscrit. 

M,  Novati  a  fait  précéder  son  édition  de  la  Navtgaftù  en  ancien  vénitien 
d'une  courte  introduction  sur  l'ensemble  de  la  question  w  brendanique  ».  Ce 
n'est  que  de  cette  introduction  que  je  m'occuperai  ici  ;  je  reprendrai  une  à 
une  les  idées  que  Tau  leur  y  a  émises  et  je  chercherai  i  réfuter  celles  qui  nie 
semblent  inacceptables,  tout  en  tenant  compte  des  différents  travaux  publiés 
dans  ces  dernières  années  sur  le  même  sujet.  M.  Novati  consacre  d'abord 
quelques  mots  à  ses  prédécesseurs  et  trouve  que  les  résultats  auxquels  ont 
abouti  leurs  recherches  ne  sont  que  peu  de  chose  en  comparaison  de  ce  qu'il 
reste  à  faire  pour  résoudre  la  question  d*une  manière  définitive.  Selon  lui,  il 
régnerait  encore  beaucoup  d'obscurité  sur  «  les  origines  et  les  vicissitudes  n 
du  récit  de  la  Navigatio^  lequel  renfermerait  encore  presque  intactes  sous  le 
voiie  qui  les  recouvre  «  les  formes  grandioses,  primitives,  de  conceptions  tout 
à  fait  païennes  n.  Tel  n'est  pas  mon  avis;  pour  les  origines  de  la  Navigatio, 
il  me  semble  que  M.  Zimmer  les  a  suffisamment  indiquées  et  qu'il  n'y  a  plus 
que  quelques  questic  »_routf  ^.^  résoudre;  Thistoire  du  texte  latin  sera 
complète  quand  on  au*.,  s|  ^^  .  travail  de  M.  Steinweg,  et  qu'on  nous 
aura  donné  une  édition  critique  et  définitive.  Il  est  vrai  que  nous  ne  connais^ 
sons  pas  encore  la  date  exacte  de  la  rédaction  première  de  ce  texte,  mais 
cette  question  ne  sera  peut-être  jamais  résolue  et  n'est,  d*.iilleurs,  que  d'une 
importance  secondaire.  Quant  aux  conceptions  grandioses  et  primitives  que 
renfermerait  la  Navigatio,  on  ne  voit  pas  trop  en  quoi  elles  consistent,  et 
Tauteur  aurait  bien  fait  de  nous  le  dire.  On  a  d'ailleurs  attribué  souvent  au 
texte  btin  une  valeur  esthétique  que,  à  mon  avis,  il  n'a  point.  M.  Renan  * 


BssaU  démorak  U  dtfriUque^  Pjiris,  i8f9,  p.  446. 


582  COMPTES   RENDUS 

est  ailé  jusqu'à  appeler  h  NaifigaUo  <t  une  des  plus  étonnantes  créatidos  4e 
l'esprit  humain  et  Texprcssion  la  plus  complète  peut-être  de  Tid^l  cdrique,  s 
Il  est  diJBcile  de  partager  ce  jugement  quftnJ  on  considère  ^ttenTivement  la 
genèse  de  notre  texte  :  celui-ci,  loin  d*ètre  Texpressioa  d'une  conception  pcxpa- 
laire  et  nationale  de  toute  une  race,  n'est  que  la  compilation  faite  par  mi 
esprit  assez  médiocre  de  matériaux  pillés  un  pca  panoui  et  coordonnéSi 
quelquefois  avec  une  certaine  habileté,  mais  presque  toujours  sans  beaucoup 
d'art  ni  de  goût.  Si  la  Nuingatto  a  néanmoins  joui,  au  niojren  âge,  d'une 
assez  grande  popularité  sur  le  continent,  c'est  grâce  au  caractère  pamcuiicr  et 
tout  exotique  des  aventures  qu'elle  contenait;  peut-être  aussi  a-t-dlc  bésÊC&' 
Clé»  du  moins  en  France,  de  la  faveur  toute  particulière  qui  s'était  attachées 
dès  la  deuxième  moitié  du  xir«  siècle,  aux  sujets  d'origine  «  bretonne  ».  Oo 
sait  d*ailleurs  qu'au  moyen  âge,  tout  comme  aujourd'hui,  la  valeur  esthétique 
d*un  texte  ne  va  pas  toujours  de  pair  avec  la  popularité  dont  il  jouit» 

Tout  en  rejetant  fopinion  de  M»  Zînimer  sur  les  sources,  ou  du  moins  b 
source  principale,  do  la  Navigation  M,  Novati  déclare  reconnaître  pleinement 
les  mérites  du  savant  celtiste,  et  il  lui  décerne  l'éloge  d'avoir  mieux  que  tout 
autre  indiqué  les  liens  qui  rattachent  la  Naiigath  aux  «  rmrama  »  de  la  litté- 
rature irlandaise.  Cette  appréciation  est  singulièrement  contradictoire,  puisque, 
d'une  part,  la  théorie  de  M,  Novati  (p.  XI)  ne  fait  aucune  place  à  Vfmr^m 
MatîduiH  ni  Â  quelque  autre  «  imram  1»  que  ce  soit  dans  les  sources  de  la 
Ntmgatio^  et  que  d'autre  part  M.  Zimmer  reconnaît  dans  c^  «  itnrama  »  la 
source  principale  et  presque  unique  du  texte  latin.  Si  M.  Novati  a  raison, 
M.  Zimmer  aura  tort  absolumeot  et  en  tout;  il  n*y  a  pas  là  de  moyen  terme. 
Mais  je  croîs  que  Téminent  celtiste  a  raison,  et  j*aî  même  beaucoup  de  pdne 
à  comprendre  que  non  seulement  M.  Novati,  mais  encore  M.  De  Goeje  et 
M.  Graf  aient  pu  un  seul  instant  hésiter  à  accepter  ses  conclusions.  M.  Zim- 
mer nous  montre  qu'il  a  existé  à  partir  du  \^n*  siècle  un  genre  littéraire 
particulier  à  Tir  lande,  les  t  imrama  »,  mot  dont  la  traduction  latine  contem- 
poraine est  «  navigatio  a  et  qui  signifie  «  voyage  maritime  9,  Qpetques-uns  de 
ces  imrama  nous  ont  été  coDser\  es,  entre  autres  V Imram  Madduin  >  ;  celui-â 
contient  une  bonne  partie  des  aventures  de  la  Naii^aiio  latine,  soit  sous  une 
forme  X  peu  près  identique,  soit  avec  des  modifications  plus  ou  moins  pro- 
fenJcs.  C'est  11  un  fait  qui  ne  peut  être  nié  et  Qu^Hequel  la  simple  lecture 
des  deux  te&tes  suffit  à  éckirdr  tous  les  doutes.  Nous  nous  contentons  donc 
de  rappeler  quelques-uns  des  traits  les  plus  caractéristiques  communs  â  Vim- 
f0m  et  à  U  NmfigfatÈO  :  k  visite  de  M^lduin  au  druide  Nuca  et  cdle  de  Bran- 
la» à  ttint  fiEida;  k  Me  des  trois  frères  de  lait  de  Madduin  et  celui  des 


à9 


H  ^omw  X^  f  tndiicSMft  «g^jhbc  qui  ii«:coffipd^ 

M    Stnkc»,  *^      ,  \  ««tfcs  taâneHkin^,  l'crie  rn  aller  ;i£r, 

flll  PHwitv  uac  9è»mm  cntâfw  4e  VhmMm  (if.  ^.,  p.  lyo-iyé}^  l'xûtrc  en  tmayiis  «k 
il.  Kl4t««»4  Loi,  ént  k  C»mt  et  ëÊih^mff  idH^  ik  M.  iWrbeis  de  Jiib«iitv&tk, 


NovATi,  La  Navigaito  brendani.  583 

trois  moines  de  la  Navigatio;  l'île  gardée  par  le  chat  de  Vimram  et  la  première 
île  rencontrée  par  Brandan  dans  la  Navigatio;  Tîle  des  forgerons;  la  colonne 
et  le  filet  d'argent.  Quant  à  savoir  si  c  est  Vimram  qui  a  emprunté  ces  traits 
à  la  Navigatio  ou  si  c'est  Tinverse  qui  a  eu  lieu,  le  doute  n'est  pas  possible 
non  plus  :  Vimram  et,  en  particulier,  le  genre  d'aventures  qui  nous  occupe 
rentre,  comme  on  vient  de  voir,  dans  une  catégorie  de  récits  du  même  genre, 
les  imrama,  tandis  que  nous  ne  connaissons  pas  de  texte  latin  ressemblant 
tant  soit  peu  à  la  Navigatio  dans  la  littérature  latine  du  moyen  âge  ;  le  mot 
a  navigatio  »  n'est  que  la  traduction  du  terme  irlandais  «  imram  *  »  ;  Vim- 
ram Maeîduin  a  été  composé  au  plus  tard  au  viii*  siècle,  tandis  qu'il  n'y  a 
pas  de  raisons  pour  faire  remonter  aussi  haut  la  date  de  la  composition  de  la 
Navigatio;  en  outre,  et  c'est  là  l'argument  le  plus  décisif  de  M.  Zimmer, 
plusieurs  traits  qui  sont  naturels  et  parfaitement  motivés  dans  Vimram  (visite 
de  Maeîduin  au  druide,  rôle  des  trois  frères  de  lait  de  Maeîduin)  sont  plus 
ou  moins  incompréhensibles  et  mal  motivés  dans  la  Navigatio. 

M.  Novati  a  tenu  à  rappeler  qu'il  n'est  pas  le  seul  à  être  d'autre  avis  que 
M.  Zimmer,  et  il  cite  à  cette  occasion  le  travail  de  M.  De  Goeje  que  nous 
avons  mentionné  plus  haut  *.  D'abord  il  faut  faire  remarquer  que,  si  M.  De 
Goeje  n'est  pas  de  l'avis  de  M.  Zimmer,  il  est  tout  aussi  peu  de  l'avis  de 
M.  Novati  ;  il  ne  faut  pas  oublier  non  plus  qu'il  n'a  pu  prendre  connaissance 
du  travail  de  M.  Zimmer  que  peu  de  temps  avant  la  publication  de  son  propre 
mémoire  et  qu'il  n'a  pu  en  tenir  compte  que  dans  une  mesure  très  restreinte. 
M.  De  Goeje  avoue  lui-même  (p.  32)  que,  si  Vimram  Maeîduin  datait  vrai- 
ment du  viiie  siècle,  ses  scrupules  à  l'égard  de  la  thèse  du  savant  celtiste 
devraient  être  «  considérés  comme  non  avenus  »  ;  il  croit  pouvoir  trancher 
toute  difficulté  en  supposant  que  Vimram,  tel  qu'il  nous  est  parvenu,  ne  date 
pas  du  viiie  siècle,  et  qu'il  est  seulement  la  refonte  faite  au  xi«  siècle  d'un 
conte  plus  ancien.  Mais  les  arguments  que  donne  l'auteur  à  l'appui  de  cette 
supposition  (p.  33  et  34),  quand  môme  ils  seraient  justes  en  eux-mêmes,  ne 
prouveraient  rien  pour  l'âge  de  la  rédaction  qui  nous  est  parvenue.  Nous 
sommes  donc  tenus,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  de  considérer  Vimram 
Maeîduin  comme  datant  du  viii*  siècle,  conformément  aux  conclusions  de 
M.  Zimmer,  qui  est  seul  compétent  dans  la  matière  et  qui,  sûrement,  n'a  pas 
jugé  à  la  légère,  puisque  tout  son  travail  repose  sur  cette  base'.  Il  faudra  donc 
considérer  les  traits  qui  sont  communs  à  Vimram,  à  la  Navigatio  et  aux  contes 
de  Sindbad  non  pas  comme  ayant  passé  de  ces  derniers  dans  la  Navigatio  qX. 
de  là  dans  Vimram,  mais  comme  ayant  passé  des  contes  de  Sindbad  dans 
Vimram  (ou  vice  versa),  et  de  Vimram  dans  la  Navigatio. 

1.  Voy.  Zimmer,  op.  cit.j  p.  145. 

2.  Voy.  Romania^  XIX,  p.  504,  un  compte  rendu  de  ce  mémoire  par  M.  G.  Paris. 

3.  Dans  un  travail  plus  récent  paru  dans  les  Sitiungsherichte  der  Akademie  der  fVis» 
senscbaften  ^u  Berlin  (vol.  XVI,  pp.  279-517),  M.  Zimmer  a  corroboré  par  de  nouveaux 
arguments  ce  qu'il  avait  dit  déjà  sur  Vimram  Maeîduin  et  spécialement  sur  la  date  de 
la  rédaction  de  ce  texte . 


584  COMPTAS   KEXDUS 

Qltam  aux  aiioâdcDoes  éc  ctsiâka^  xnâm  «le  k  Wae^gmm  mm  ^^Êms^èê 
rédt  é&  avttitBnam  ponugia  i^pfKMté  par  le  |g4*JgiJyhc  JBSiie  Edkjn^  <  (Ik 
des  QKMiions,  îk  de»  oiicM]s)»  il  mt  lemik  qaÙes  wam  jonanes  es  d^oo 
caradère  beaticcmp  trop  gMral  poar  laire  anife  1  des  caymim  &cc£s^ 

Il  y  a  eocoie  une  foule  d'aMnes  objcdlotis  de  mamdt^  ht^nMMMKr  à  iâtt 
SOI  travail  de  M.  De  Coqc.  Lescoodusicxis (^.  9)  qall  m^  âa  péage  deli 
Kavigêih  p.  ^4^  L  |0-|S,  me  lemfakiit  fart  dcmtesses;  3  et  vm  1^  ce 
passage  pr^bente  mie  oaiûoÊt  coimadktîûD  (et  c'c5t  précHémem  b  nâ^ 
pour  laquelle  M.  Sieîiiw^  k  «ocsklére  axBine  interpolé),  nuis  d  «"ai        | 
impossilile  de  rocooaaltn:  dms  ces  quel^œ  moB  ks  tnces  d^oaie  txa£tko        1 
dîÂSreoie  de  cdk  qoe  suit  d'ordiQaîtr  f amevr  et  scmyable  à  c«fle  fm  aant       I 
été  cGBscrvee  par  Raoful  Gïaber,  D'ailkb^^  k  pesage  de  XHiàonm  WÊi  ^^*^^^J 
de  Raoul  que  dce  M.  De  Goqe  ne  pitAive  pas  Fesiâetïce  d'âne  vériufaie  m&çMl 
tioo  di^erente  de  odle  qœ  leprteâte  b  .V«£'^fis£»0  :  ks  ^âi^ences  fui  oesI^  ' 
entre  les  deux  testes  s'expfiquens  parbiternsM  si  Too  afiiEtet  q«e  Raoat  Qi- 
ber  n  avait  pas  k  texte  de  la  Nm^ati&  90m  ks  \^tix  et  quU  dtxit  de 
mémoijis;   il  appelle  Bicndait  ■  egrqpus  conléssor  Besniaou^  {dey  •  et  Im 
donne  cocnme  patne  k  pa)*s  <  orietit^iiTi]  Ai^ofiuii  •»  ce  qoi  est  es  cxB* 
tradiction  non  seolemetit  ai^ec  b  NavigâÈm^  tuais  afcc  lo«t  ce  que  ni9lis  csb< 
naissoEîs  de  b  kgeode  du  s^nt  ifbûtbis.  Cepen^uot  k  pasage  ea  quetioi 
est  d'un  certain  intérêt  pooriioiis,  parce  qa'npnNiTe  la  dîÂisioQ  delà  l^enAe 
de  saint  Brendan  en  France  ao  commenccineiit  du  xi«  sièck. 

Le  raisonnement  sur  lequel  s'appok  rautenr  (p.  6)  pcfor  coodnre  que  b 
donnée  de  sept  ans  comme  dorée  du  voyage  àt  Brendan  se  uouwait  d^ 
dans  9  b  légende  originale  qui  forme  b  base  de  b  NavigaHo  m  est  fort  sin- 
gulier, car  on  s'attend  à  une  conclusion  tout  à  bit  contraire.  Mais  qu'est-ce 
que  M.  De  Goeje  entend  par  la  légende  originale  qui  aurait  formé  la  base  de 
la  Savigaiic?  Il  nous  parle  encore  d'un  «  sujet  antérieurement  connu  »  (p.  6, 
ligne  6),  de  l'ancienne  légende  du  josconius  (p.  20),  de  Tancienne  \-ie  de 
saint  Brendan  (p.  24);  on  ne  voit  pas  si  toutes  ces  expressions  désignent 
une  seule  et  même  chose,  ou  s'il  s'agit  d'autant  de  traditions  diâférentes  et 
distinctes  les  unes  des  autres. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  é\-ident  que  la  thèse  De  M.  de  Goeje,  dans  son 
ensemble,  ne  peut  pas  être  juste;  si  je  m'y  suis  arrêté  un  instant,  c'est  que 
personne  n'avait  encore  pris  la  peine  de  la  réfuter  et  que  M.  No\-ati,  au  con- 
traire, l'oppose  à  la  thèse  de  M.  Zimmer. 

Dans  la  même  note  de  la  page  IX,  M.  Novati  tait  à  M.  Zimmer  l'objection 
que  b  XdiYJtio  renfermerait  des  éléments  empruntés  à  l'antiquité  classique; 
mais  il  oublie  que  M.  Zimmer  est  le  premier  à  reconnaître  le  fait,  puisqu'il 
nous  dit  lui-même  que  ces  éléments  entraient  pour  une  bonne  part  dans  la 
composition  des  imrjma,  par  conséquent  aussi  dans  ceUe  de  Vlmram  Ma^U 


duin. 


I.  De  Goeje,  p.  iS-i^^ 


KOVATi,  La  Navigatio  Brendani.  585 

Je  ne  vois  pas  trop  ce  qu'à  voulu  dire  M.  Novati  (p.  ix,  note  i)  quand  il 
déclare  que  M.  Sdiirmer  aurait  exposé  des  t<  idées  tout  à  fait  différentes  (de 
celles  de  M.  Zimmer)  sur  le  rapport  entre  les  imrama  païens  et  la  Navi^atia 
chrétienne  »,  M.  Schirmer  *  dit  bien  quel<|ues  mots  d*un  imram  qui  ne  con- 
tiendrait pas  d*él(lmenis  chrétiens;  mais  d*abord  M.  Schirmer  est  dans  Ter- 
reur', et  ensuite,  quand  même  il  aurait  raison,  ce  qu'il  dit  n'aurait  aucune 
importance  pour  notre  sujet.  M.  Novati  ajoute  même  que  ces  idées  ont  été 
reprises  par  M»  d'Arbois  de  Jubainville  dans  le  cinquième  volume  de  son 
Coûts  iit  UUératun  cdtiquc  ;  mais  tout  ce  qui,  dans  cet  ouvrage,  pourrait  avoir 
donné  lieu  à  la  remarque  de  M.  Novati  se  réduit  aux  deux  dernières  lignes 
de  la  note  1  de  la  page  449  et  i  deux  autres  passages  tout  aussi  couns,  Tun 
(p.  449),  de  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  qui  nous  dit  que  la  Navigatio  est 
imitée  de  Vhmam  MadJuifi^  et  l'autre  de  M>  Lot  (p.  4>i),  qui  nous  dit  que 
c'est  Vïmram  Maddtnn  qui  imite  fa  Navigatio. 

Si  M.  Novati  s'oppose  aux  conclusions  de  M.  Zimmer  sur  les  emprunts 
£aîts  par  Fauteur  de  la  Navigatio  à  V Imram  Maeiduin^  c*est  uniquement 
parce  qu*il  trouve  inadmissible  que  les  aventures  de  Tr^riji?!,  attribuées  i  saint 
Brendan  par  le  simple  caprice  d*un  clerc  >  aient  pu  donner  naissance  à  une 
légende  aussi  populaire;  selon  lui,  la  Navigatio  n'aurait  jamais  atteint  la 
grande  popularité  dont  elle  a  joui  si  elle  n*avait  pas  eu  ses  racines  dans  une 
tradition  populaire  plus  ancienne*  Partant  de  U,  il  préfère  révoquer  en  doute 
des  faits  qui  me  semblent  acquis  et  incontestables,  pour  se  lancer  dans  des 
hypothèses  qui  ne  reposent  sur  rien  de  certain-  D'ailleurs,  les  objections  de 
M.  Novati  disparaissent  quand,  sans  tenir  compte  de  l'Irlande,  on  considère 
ce  qui  s'est  passé  sur  le  continent  :  la  Navigatio  y  est  devenue  populaire  et  a 
été  traduite  dans  les  langues  vulgaires  sans  avoir  eu  besoin  pour  cela  du 
secours  de  traditions  populaires  plus  anciennes. 

Mais  on  peut  aller  plus  loin  et  dire  que  la  Navigatio,  bien  qu'elle  ait  été 
composée  en  Irlande,  n*y  a  pas  été  populaire,  du  moins  dans  les  commence- 
ments; elle  a  fini  par  le  devenir,  mais  seulement  par  contre-coup,  et  après 
s'être  répandue  sur  le  continent  et  en  Angleterre.  Des  nombreux  manuscrits 
de  la  Navigatio  qui  nous  ont  été  conservés,  il  n'y  en  a  qu'un  seul  qui  se 
trouve  en  Irlande*,  et  celui-là  date  du  xui»  siècle.  Dans  la  littérature  de  Tlr- 


I.  Zur  Bretidanns-Ligendt^  p.  19  et  2;  «16. 

3,  Voy,  Zimmer»  op,  cH  ,  p.  2S9  et  161- 

j,  M,  NovMti  est  d'accord  avec  M.  De  Goeje  pour  révoquer  en  doute  l'hypothèse  de 
M.  Zimmer  sur  la  manière  dont  les  aventures  de  Vïmram  Miteîduin  auraieot  passé  dans 
U  Navigatio^  hypothèse  d'après  hqucllc  on  aurait  confondu  notre  Brendan,  Brendan  de 
Cloitfert,  avec  un  autre  Brendan,  Brendan  de  Bîrr,  dont  11  est  question  dans  Vîmram 
Miitlduin;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  cette  hypothèse,  M,  Zimmer  la  donne  comme 
telle  et  n'y  attache  pas  lui-même  beaucoup  d'imporiajice;  il  a  voulu  donner  rcxplication 
d'un  fait,  et  quand  même  cette  cxpUcatîoîi  serait  reconnue  fausse  (ce  qui  d  ailleurs  ii*est 
pas  le  cas),  le  fait  n*en  subsisterait  pas  moins. 

4.  CïpaDt  à  savoir  si  parmi  les  auties  il  s'en  trouve  qui  aient  été  faits  en  Irlande, 
personne  ne  s'est  encore  prononcé  lÂ-dessus,  mais  la  chose  est  fort  peu  probable. 

SbmMis,  XML  3S 


58fi  COMPTES  RENDUS 

bode,  la  piemièrc  tÙmaoa  à  la  Navigaîw  cjâie  nous  trouvions  date  âe  h  un 
do  xf  siècle,  tandis  que  le  nom  de  Brend^n  et  certains  traiis  appanexiiïîti 
la  Jégendc  du  saint,  mnîs  étrangers  m  récit  de  U  Kat4iûtw,  se  rencontrent 
assez  souvent  bien  avant  cène  époque  '  et  dors  que  la  xVuî'^^w  elîe-ni^^tnc 
était  déjà  répandue  sur  le  continent.  îl  me  semble  que  M.  Novati,  ainsi  qoe 
tous  ses  prédécesseurs,  n'a  pas  distingué  assez  soigneusemeot  entre  saint 
Brendan,  héros  de  la  Mtni^^aiio,  et  samt  Brendan,  héros  de  la  légende  pro- 
prement dite  qui  porte  son  nom.  Scbo  moi,  la  Vita  publiée  par  Moran^ 
représente  h  légende  qui  s'était  formée  peu  â  peu  autour  du  saint  irlandais  ei 
qui  n'a  presque  rien  de  commun  avec  la  Navi^aiio.  Cest  cette  Fita^  ou  plut<5t 
le  sujci  qu'elle  traite^  qui  a  été  populâ^''^  en  Irlande,  tandis  que  la  N^*i^étw 
y  a  été  presque  inconnue  ou  du  moin  a  peu  répandue.   Cela  s'explique  ton 
bien  et  s*aceorde  parfaitement  avec  les  conclusions  de  M .  ZimmcT  sur  les 
sources  de  la  Nai'îgijiio.  En  effet,  il  serait  bien  extraordinaire  que  les  compa- 
triotes de  saint  Brendin,  qui  connaissaient  U  légende  telle  que  nous  ladontîe 
la  F/ta,  eussent,  du  jour  au   iendemain,  accepté  comme  vrai  et  authentique 
le  récit  de  la  Navigatio,  qui  attribuait  à  saint  Brendan  une  foule  d'aventures 
dont  ils  n 'avaient  jamais  entendu   parler,  ou   qu'ils  connaissaient   pour  les 
avoir  entendu  attribuer  au  héros  Maelduin.  Il  faut  plutôt  croire  que  les  Irlan- 
dais, s'ils  ont  connu  U  Navfgalio,  Vont  prise  pour  ce  qu'elle  éuit  réeUeni«!t, 
et  qu'ils  en  ont  pensé  ce  qu'en  a  pensé  plus  tard  Vincent  de  Beau  vais  (et 
après  lui  ks  Bollandistes)^  qui  la  qualifiait  de  «  apocrypha  délira menta  ^*  Ce 
que  M,  Novati  dit  :\  h  page  tx   de  la   popularité  de  b  légende  en  Irlande 
doit  s'entendre  de   l'ancienne  légende  vraiment  populaire  et  non  pas  de  la 
Natfi^aliû;   si  ce  sont  précisément  un    promontoire    et   une  baie    (Novati„ 
p-  IX 'j  qui  ont  reçu  et  portent  encore  aujourd'hui  le  nom  de  Brendan,  c'e^t 
que  ce  promontoire  et  cette  baie  sont  situés  dans  le  voisinage  immédiat  du 
lieu  où  le  saint  irlandais  était  né  et  avait  vécu,   et  que  d'ailleurs  l'ancienne 
légende  connaissait  peut-être  déjà  Brendan  comme  navigateur.  Par  l'expres- 
sion de  warebraudanicum,  qui  se  trouve  dans  Gérald  de  Barry  (Novati,  p.  ix), 
il  n'est  pas  nécessaire  d'entendre,  comme  le  veut  M.  Novati,  l'Atlantique 
tout  entier  :  il  se  peut  parfaitement  que  Gérald  n'ait  voulu  désigner  que  cette 
partie  de  l'Océan   dans  laquelle  se  jette  le  Shannon,  et  qui  baigne  les  côtes 
de  la  province  de  Munster,  la  patrie  de  saint  Brendan.  Quant  au  passage  du 
même  Gérald  de  Barry  que  M.  Novati  cite  un  peu  plus  loin  (p.  xi,  note  3), 
je  ne  crois  pas  qu'il  soir  permis  d'en  rien  conclure.  On  sait  que  Gérald,  quia 
Ir'land'^^      '^''''^^''''  ////v„//û/  vers  1190,  était  Gallois,  qu'il  n'a  séjourné  en 
Probabl^^^'r""^^"^  ^^^"-^  ^""^<-^îi  et  qu'il  connaissait  fort  mal  ce  pays.  11  est 
en   An  A  ^"      "'^  ''^"''^'^  "^^^  lui-même  dans  la  province  de  Munster,  et  c'est 
n'a-t-il^niT"''^  "^"'^  ''""^^  ^"   °"  entendu   le  récit  de  la  Navigatio;  peut-être 
"eme   pas   voulu  désigner  par  «  ea  quae  de  sancto  Brendano  tara 


^-  Voy.Zimmer.o^c//.,  p.,99.3^e>. 


NOVATi,  La  Navigatio  Brendant,  587 

miraculose  refeiuntur,  et  in  scriptum  etiam  redacta  sunt  »  des  traditions 
populaires  proprement  dites,  encore  moins  des  traditions  particulièrement 
irlandaises.  Cependant  il  pourrait  se  faire  aussi  qu'il  eût  vraiment  entendu 
raconter  en  Irlande  certaines  aventures  se  rapportant  à  saint  Brendan  et  qu'il 
ait  cru  qu'il  s'agissait  de  celles  qu'il  avait  lues  ou  entendues  en  Angleterre. 

Quant  à  savoir  si,  antérieurement  à  la  rédaction  de  la  Navigatio,  la  légende 
attribuait  déjà  au  saint  irlandais  un  ou  plusieurs  voyages  maritimes  i  la 
recherche  de  la  terra  repromissionisy  la  question  est  assez  embrouillée  ;  peut- 
être  même  ne  réussira-t-on  jamais  à  la  résoudre  complètement.  En  tout  cas, 
c'est  là  un  point  d'une  importance  secondaire,  car  nous  connaissons  la  source 
principale  de  la  Navigatio,  qui  est  Vlmram  Maelduin,  et,  s'il  a  existé  antérieu- 
rement d'autres  Navigationes  de  saint  Brendan,  elles  ne  peuvent  avoir  fourni 
à  l'auteur  de  celle  qui  nous  occupe  que  quelques  épisodes,  entre  autres  celui 
de  la  baleine  et  l'idée  générale  de  la  terra  repromissionis  sanctorum. 

Nous  possédons  pour  la  date  de  la  rédaction  de  la  Navigatio  le  terminus  ad 
quenty  qui  est  la  deuxième  moitié  du  x«  siècle;  les  deux  seuls  textes  antérieurs 
à  cette  date  qui  fassent  allusion  à  une  Navigatio  de  saint  Brendan  sont 
quelques  vers  d'un  poème  irlandais  de  la  fin  du  ix«  siècle  ^  d'après  lesquels 
Brendan  aurait  passé  sept  ans  sur  le  dos  d'une  baleine,  et  une  Vie  de  saint 
Malo  '  composée  en  Bretagne  vers  la  fin  du  ix«  siècle.  Dans  cette  Vita, 
Brendan  accompagne  son  disciple  saint  Malo  dans  un  voyage  que  ce  dernier 
a  entrepris  pour  découvrir  l'île  d'Yma  et  au  cours  duquel  les  navigateurs 
célèbrent  la  fête  de  Pâques  sur  le  dos  d'une  baleine.  Mais  il  est  difficile  de  se 
prononcer  sur  la  question  de  l'antériorité  de  l'un  ou  de  l'autre  des  deux  textes. 
Pour  ma  part  je  suis  porté  à  croire  que,  s'il  y  a  réellement  un  emprunt 
direa,  c'est  la  Navigatio  qui  a  emprunté  k  h.  Vie  de  saint  Malo,  En  effet, 
d'une  part  il  est  peu  probable  que  la  Navigatio  ait  été  connue  en  Bretagne 
dès  le  milieu  du  ix«  siècle  ;  d'autre  part  il  est  vraisemblable  que,  si  l'auteur 
de  la  Vita  avait  connu  la  Navigatio,  il  n'aurait  pas  manqué  de  lui  emprunter 
l'idée  d'un  voyage  à  la  lerra  repromissionis.  Mais  il  est  possible  aussi  qu'il  ait 
existé  antérieurement  à  la  Navigatio  aussi  bien  qu'à  la  Vita  une  tradition  plus 
ou  moins  ancienne  qui  aurait  connu  un  voyage  de  saint  Brendan  et  à  laquelle 
auraient  puisé  les  auteurs  de  l'un  et  de  l'autre  texte.  Cependant  cette  dernière 
hypothèse  est  rendue  assez  peu  probable  par  le  fait  de  l'existence  de  la  Vita 
Brendanij  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  et  qui  ne  contient  aucune  allusion 
ni  au  récit  de  la  Navigation  ni  à  n'importe  quel  autre  voyage  océanique  du 
saint.  De  là,  M.  Zimmer  a  cru  pouvoir* conclure  (p.  292-295)  que  cette  Vie 
était  antérieure  à  la  Navigatio,  puisqu'elle  ne  tient  aucun  compte  de  cette 

1.  Zimmer,  op.  cit.,  p.  303;  Schirmer,  op.  cit.,  p.  15. 

2.  Vie  inédite  de  saint  Malo,  écrite  au  IX*  nècU  par  Bili,  publiée  p.  dom  Plaine, 
Rennes,  1884. 

3.  II  est  vrai  que  dans  le  manuscrit  unique  de  cette  Vie  la  Navigatio  se  retrouve  tout 
entière,  mais,  comme  Ta  montré  M.  Zimmer  (p.  130  et  293),  elle  y  a  été  intercalée 
par  un  copiste  et  éuit  tout  à  fait  étrangère  à  la  rédaction  originale. 


588  COMPTES   RENDUS 

dernière;  mais  il  me  sembîe  qu'ici  le  savant  cddste  a  tort;  cir,  comme  |e  Vu 
dit  plus  haut,  la  Navigaiio  ne  devait  pas  être  fort  répandue  en  Irlande,  et, 
d'ailleurs,  l'auteur  de  la  Vita  peut  Tavoir  connue,  mius  n'en  avoir  pis  tenu 
compte^  parce  qu^il  la  considérait  comme  apocr)^phe. 

Qu'on  me  permette  d^iniercalcr  iâ  quelques  remarques  sur  des  faits  que 

M   Novati  n*a  pas  touchés  dans  son  travail,  mais  qui  me  semblent  avoir  une 

cenaine  importance  pour  l'ensemble  de  la  question  «  brendanîque  n^  Dans 

Tintroduction  de  son  Sanct  BranJan  (p.  xi-Xïi)»  M.  Schrôdcr  a  cru  pouvoir 

affirmer  que  la  conception  de  la  terra  rtpromUnùnis  sam-forum  telle  qu'elle  se 

dégage  du  récit  de  la  Xavigatio  répond  assez  exactement  à  Pidée  que  se  fai* 

saient  du   «f  séjour  des  morts  •  les  anciens  Celt«^  et  les  anciens  Germainsf 

M.  Zimnier  a  repris  cette  opinion  dans  le  chapitre  qu*îl  a  intitulé  Dit  terrê^ 

rtpromissionis  im  Uchte  dn  irtschen  Sagf,  et  où  iJ  a  rassemblé  et  coordonn«J  tous 

les  éléments  permettant  de  reconstituer  le  stjottr  dts  MetUxur/ux  de  b  m\^ho- 

logie  irUndaii^î.  Je  ne  doute  pas  que  cette  partie  du  travail  de  M,  Zimmer  ne 

soit  fort  précieuse  pour  tous  ceux  qui  s'occupent  des  choses  celtiques,  mais 

force  m'est  d*avouer  qu'elle  contribue  fon  peu  i  éclairdr  b  moindre  des 

choses  de  la  question  qui  nous  occupe.  En  effet,  je  ne  vois  aucun  trait  qui 

soit  commun  â  la  terra  repromissionU  et  au  s^our  des  bienheureux  des  Celtes 

sans  Fétre  en  même  temps  k  JHdée  du  paradis  terrestre  tel  que  Ta  compris  le 

mo\xn  âge  chrétien.  La  description  de  la  ierra  est  calquée  sur  la  descripti^ic 

du  paradis  terrestre  de  la  Genèse^  avec  un  certain  nombre  de  modifications 

qui  se  retrouvent  dans  d'autres  textes  du  moyen  âge.  Il  sufiît,  pour  éc\à 

tous  les  doutes  à  ce  sujet,  de  comparer  la  Savifaiio,  p.  4-$  et  îS-î6.  avec^ 

Zimmer,  p.  280-281,  et  Graf,  \fUi,  légende,  etc.,  vol,  I,  p.  6,  22,  38  ctpassini. 

M.  Zimmer  (  p,  202-204)  croit  reconnaître  dans  Vhnram  Va  Corrûy  qu'il 

estime  avoir  été  composé  au  xil*  siècle,  certains  traits  appartenant  à  U  Natn- 

gulio,  ce  qui  ferait  supposer  que  celle-d  a  été  plus  ou  moins  populaire  en 

Irlande  dès  le  commencement  du  xii»  siècle.  Sans  \'Ouloir  nier  la  possibilité 

de  cette  dernière  hypothèse,  je  trouve  que  les  arguments  sur  lesquels  se  fonde 

M.  Zimmer  ne  sont  pas  concluants.  Daprès  lui,  le  sruisk  (=lc  sage)  de Tiii»- 

ram  ne  serait  qu'une  réminiscence  du  tir  dei  de  la  Nav^aiio;  Tautcur  de  Tim- 

raw  n'aurait  pas  vu  ou  aurait  oublié  momentanément  que  le  tir  dei  et  sanctui 

Brendanus  ne  faisaient  qu'une   seule  et  même   personne  et  aurait  cru  qu'U 

sagis.Haitdedeux  personnages  dîfîércnts.  Mais  cela  est  fort  peu  probable;  il 

me  semble  que,  même  pour  un  lecteur  peu  attentif,  il  était  impossible  de  s'y 

tromper  :  Brcndan  est  pour  ainsi  dire  Tunique  persontiage  de  la  Navigaiio  ti 

U  .\mjuth   nest  guère  qu'une  longue   en6ladc  de  phrases  av^nt  presque 

^utc^  le  même  sujet,  à  savnir  Brendanus  ou  mnclm  Brendofius  ou'  sa^^ius  i»ter 

aue  cW  r  "T  C^""'"''  **  ^"  ^^'^  ^"*^«  °*^  P*^"^  o^^îi^  ^  ^"^"O  •»<>««» 
P«  IZ  .  "^^^^  ^"""  *^*«"'  Les  oiseaux  de  Vimr^  ne  ressembleot 

P«  plus  aux  mseaux   de  la  Nm^Ho  qu'à  ceux 


qu'on  rencontre  dans  une 


t.  C«t  cx|iptttjaiis 


•wîeaociK  plus  de  300  fois  eo  moins  d« 


ÎO  pi^es. 


NOVATI,  Im.  Nnvigatio  Brendani,  589 

foule  d'autres  textes  du  moyen  âge  ' .  Enfin  il  me  semble  que  la  coïncidence 
de  Vimrdm  et  de  la  Navigatio  dans  la  description  des  deux  sources  de  IMle 
d'Ailbe  s'explique  suffisamment,  si  Ton  admet  que  les  auteurs  des  deux  textes 
ont  puisé  indépendamment  à  une  source  commune  perdue,  d'autant  plus  que 
nous  retrouvons  Tîle  d* Ailbe  dans  d'autres  textes  irlandais  (Zimmer,  p.  1 54 
et  301)» 

M,  Zimmer  a  essayé  de  déterminer  la  date  de  la  rédaction  de  la  Kavigatio 
(p.  297- J07),  et  il  a  cru  pouvoir  la  fixera  la  deuxième  moitié  du  xi^  siècle; 
mais  le  seul  fait  que  nous  connaissons  un  manuscrit  de  la  (in  du  x^  siècle 
détruit  cette  hypotbèse,  M.  Zimmer  avait  admis  que  la  Nai'igath 
ne  datait  que  du  xf  siècle  parce  qu'il  n'existe  pas  de  textes  irlandais  antérieurs 
à  cette  époque  qui  y  fassent  allusion,  et  cVst  encore  lâ  la  meilleure  preuve  de 
ce  que  je  disais  plus  haut,  à  savoir  que  la  Ntwigatio  n^était  pas  répandue 
en  Irlande  alors  qu*elle  était  déji  connue  sur  le  continent. 

J*ai  dît  ce  que  je  pensais  du  travail  de  M,  Steînweg  sur  les  manuscrits 
de  la  Navigatio;  M.  Novati  (p.  x)  n'est  pas  de  mon  avis,  et,  tout  en  recon- 
naissant que  les  recherches  de  M.  Steinweg  ne  sont  rien  moins  que  défini- 
tives, il  en  accepte  néanmoins  les  conclusions.  Puis  il  résume  sa  propre  opi- 
nion sur  l'ensemble  de  la  question  (p,  xi).  Ici  M.  No  val  i  est  en  désaccord 
complet  avec  tous  ses  prédécesseurs;  la  théorie,  qu'il  nous  donne  paraîtra 
peut-être  excellente  à  quiconque  n'a  de  la  question  qu'une  connaissance  super- 
ficielle, parce  qu'elle  semble  tout  expliquer  à  merveille;  mais,  au  fond,  elle 
ne  repose  sur  rien  de  certain  ;  Tauteur  s*cst  laissé  guider  plutôt  par  son  ima- 
gination que  par  les  faits. 

Le  reste  de  l'introduction  (p.  xii  et  suiv.)  est  consacré  aux  traductions  et 

,  imitations  de  la  Navigatio  dans  les  langues  vulgaires  et  particulièrement  en 

I  italien.  Cette  partie  de  la  question  a  été  suffisamment  mise  en  lumière  par 

M.  Novati  et  ses  prédécesseurs,  et  il  serait  superflu  de  s  y  arrêter  longtemps. 

Je  rae  bornerai  donc  là-dessus  â  quelques  remarques  détachées. 

P.  xri»  note  i.  Le  texte  latin  de  M.  Wahlund  n'est  pas  et  n'a  pas  la  pré- 
tention d'être,  comme  le  dit  M.  Novati,  une  édition  définitive  :  c'est,  au  con- 
traire, un  «  Compromisstext  »  qui  n*est  destiné  qu'à  faciliter  l'intelligence  de 
la  traduction  française  en  regard  de  laquelle  il  est  placé» 

P.  XVL  M.  Novati  revendique  pour  les  textes  italiens  qu'il  étudie  une 
place  à  part  et  presque  une  place  d'honneur  parmi  les  traduaions  de  la 
Navigatio  dans  les  langues  vulgaires.  Je  suis  loin  de  partager  son  avis,  car  la 
»  description  de  la  terra  rfptomissionis  que  le  traducteur  italien  a  ajoutée  à  sa 
version,  ou  plutôt  qu'il  lui  a  juxtaposée,  n'a  rien  d'original;  on  pourrait  par- 
faitement la  retrancher  sans  qu'il  y  parût,  et  il  est  même  fort  possible  que  le 
traducteur  ait  tiré  cette  description  d*tin  texte  latin  tout  à  fait  indépendant  de 
ht  Navigatio, 

P.  XVII.  L'auteur  de  la  Navigatio  n'entre  pas  dans  une  description  bien 


I.  Voy.  Schirmcr,  0/. «>,.  p,  Jî,  note;  Gr*f,  op.  dl,,  p,  aéo. 


590  COMPTES   RENDUS 

détaillée  de  k  Urra  rtprortiissiùnii  et  ne  consacre  guère  que  deux  oa  trois 
pages  à  ce  sujet;  M,  Novati  est  surpris  de  cette  concision  qu'il  juge  excessive, 
et  qui,  selon  lui,  ressemble  fort  i  une  mutilation  ;  il  voit  U  un  probJcroc 
intéress.tnt  digne  d*£trc  étudiiJ.  U  me  semble  pourtant  que  cette  prétendue 
mutibtion  s^cxpliquc  parfaitement  :  le  sujet  de  la  Navigatio  est,  comme  l'in- 
dique son  titre»  un  voyage  maritime  ;  il  est  donc  tout  à  fait  naturel  que  Tan- 
teur  ait  consacré  la  plus  grande  partie  de  son  récit  à  son  véritable  sujet,  quî 
est  la  description  de  ce  voyage.  De  deux  choses  Tune,  ou  bien  l'idée  de  la 
iirru  npromiistonis  était  répandue  et  populaire  en  Irlande,  et  alors  h  quoi  bon 
décrire  tout  au  long  cette  île  que  tout  le  monde  connaissait  ?  ou  bien  cette 
idée  n'était  pas  répandue,  et  Tauteur  de  la  Navigatio  ne  Ta  introduite  que 
pour  motiver  le  voyage  du  saint  irlandais;  dans  ce  cas,  il  est  fort  naturel 
aussi  que  l'auteur  ne  se  soit  pas  arrêté  très  longtemps  h  la  description  de  la 
terra.  11  pourrait  bien  en  avoir  été  du  récit  de  la  Ndvigatio  comme  il  en  est 
de  nos  jours  des  nombreuses  relations  de  voyages  au  pôle  Nord  écrites  pour 
le  peuple  et  la  jeunesse  :  la  plus  grande  partie  de  la  relation  est  consacrée 
aux  aventures  du  voyage;  quant  au  but  et  aux  résultats  de  Tentreprise,  Tau- 
teur  ne  fait  que  les  esquisser  rapidement,  parce  qulls  n'oflrcnt,  d*ordinaipe, 
pas  grand'  chose  de  nouveau  et  sont  à  peu  près  les  mêmes  dans  tous  les  c^. 

César  Boser. 

Bertran  de  Bom,  hgg.  von  Albert  Stimmikg.  {Rûmamscbe  Bibiioihik. 

n<*  8)  Halle,  Kicmeycr,  1892,  in- 12  de  248  pages* 

La  nouvelle  édition  de  Bertran  de  Bom  que  vient  de  donner  M.  Stinuning 
diflèrc  profondément  de  celle   qu*il  avait  publiée  en  1679,  et  se  rapproche  ^ 
tout  i  fait  par  la  disposition  matérielle,  comme  par  le  caractère  intrinsèque, 
de  celle  que  j'ai  donnée  en  1S88.  L'orthographe  et  la  langue  sont  inufor- 
misées  ;  les  poésies  ne  sont  plus  rangées  dans  un  ordre  alphabétique  unique,  - 
mais  di viciées  en  trois  classes  :  sirventés  politiques,  chansons  d*amour,  poésies  \ 
diverses  ;  les  ra^  ne  sont  plus  imprimées  en  bloc,  mais  distribuées  en  tète  I 
de  chaque  poésie,  etc.  La  biographie  de  Bertran  de  Bom  a  été  en  partie  reââe 
J»r  M.  St.,  et  il  est  arrivé  à  quelques  condusions  oouvdles  pour  k  date  des  1 
sirventés  politiques,  comme  oq  s'en  rend  compte  clairement  piir  le  tabiesu  | 
eompanttf  qui  occupe  U  page  49,  Dans  b  pféC^e,  M.  St.  vcm  bien 
Mitre  que  mon  édition  de  18S8  «  ootistinitft  m  pcogrfo  «xr  sa  devandète  m  ' 
^^f^  P"  seulement  pour  luâ  rendre  sa  politesse  qoe  fe  tiem  à  &ire  mie 
^^d^raoïi  analogue  en  œ  qi»  co«Kcn)e  Tèdiiioii  de  iS^a  p«r  i^|x^  à  cdki 
ÎLÎTÏLS!!^  ^  ^"^'^^  tedicf^cs,  rédianr  a  Lvgeiiiem  mis  â  profit! 
^^  *''^  oo<i>pies  i^odvs  qtii  COI  été  faits  de  om»  édition ,  fuo  picia 
;(rùUM^U^  de  déuâl  et  de  coojectuies  ingénietacs  de  M.  Etaile  Lew; 
™w«.  moim  iwportaat.  ma^ié  ses  gnmdes  f^Ofomm^!^  de  M,  Andraen. 
^•^e»ci«ra  de  fie  pts  «ïwndi^ 


A.  STiMMiNG,  Beriran  de  Born  591 

absolumem  pour  le  ^re.  Je  voudrais  simplement  montrer,  par  quelques 
observations  détachées,  que  ma  dévotion  à  Bertran  de  Born,  bien  qu'étouf- 
fée par  d'autres  préoccupations,  n'est  pas  encore  tout  à  fait  éteinte. 

Biographie.  P.  5.  M.  St.  oublie  qu'Henri  Plantagenêt  n'était  pas  roi  d'An- 
gleterre quand  il  épousa  Eléonore  de  Guyenne  et  qu'il  ne  le  devint  que  deux 
ans  après.  —  P.  14.  Il  n'y  a  pas  de  raison  pour  dire  Guiscart,  Guiscarda 
quand  il  s'agit  de  personnages  de  la  maison  de  Beaujeu,  mais  Guischarty 
Guischarda,  ou,  à  la  moderne,  Guichardy  Guicharde.  —  P.  15.  Berhesil  est 
aujourd'hui  Barbepeux.  —  P.  44.  Au  lieu  de  Gameges,  lire  Gamaches.  — 
P.  4$.  Au  lieu  de  MeîhaUy  lire  Millau. 

Jidiiion.  Comme  je  l'ai  indiqué,  M.  St.  a  uniformisé  le  texte  de  Bertran  de 
Born  de  façon  à  introduire  partout  les  formes  proprement  limousines.  C'est 
un  travail  où  il  n'est  pas  possible  d'éviter  les  incohérences  :  quelques-unes 
m'ont  frappé.  Partout  c  -{-  a  est  rendu  par  ch  :  chaniOy  trenchaty  etc.  Pourquoi 
n'a-t-on  pas  de  même  /  pour  c  médial  ou  g  -f-  a  ?  L'éditeur  imprime  :  digat^ 
d'une  part  (II,  52  ;  VI,  2,  etc.)  Qt  preiat^  de  l'autre  (IV,  49);  il  est  vrai  que 
pour  ce  dernier  passage,  il  a  eu  un  remords  et  que  dans  ses  Anmerkungen,  il 
corrige  en  pregat^.  J'avoue  que,  dans  ces  deux  cas  et  dans  les  analogues,  je 
ne  m'explique  pas  pourquoi  M.  St.  n'imprime  pas  dijat^y  prejat^y  puis- 
qu'il n'hésite  pas  à  écrire  ;flw^/r  (IV,  25),  jardi  (XXIV,  4).  C'est  une  incon- 
séquence aussi  que  d'écrire  ajut  d'une  part  (II,  51)  et  veia  de  l'autre  (V,  37). 
Mais  je  n'insiste  pas  sur  ces  minuties,  et  je  passe  à  l'examen  de  quelques 
leçons  ou  de  quelques  notes.  I,  2,  n'Aratuon  Ltic  d'Esparro,  Pour  justifier 
Aramon  M.  St.  invoque  le  haut-allem.  Aramundy  Arimunty  et  pour  élucider 
la  mention  d'EsparrOy  il  parle  d'une  famille  féodale  qui  empruntait  son  nom 
à  la  localité  d'Esparrony  dans  les  Hautes- Alpes  :  ces  deux  remarques  viennent 
de  M.  Andresen  et  me  paraissent  sans  valeur  ;  puisqu'il  s'agit  d'un  agent  du 
comte  de  Toulouse  et  qu'il  y  a  un  Esparron  au  sud  de  Toulouse,  en  pays 
gascon,  je  maintiens  ce  que  j'ai  dit,  que  «  Arratnon  est  la  forme  gasconne  de 
Raimon  »  et  que  «  vraisemblablement  »  il  s'agit  d'Esparron,  près  d'Aurignac, 
dans  la  Haute-Garonne.  —  I,  15.  La  rue  et  la  place  de  Toulouse  citées 
s'appellent  du  Peyrou  et  non  du  Peyron.  —  II,  33,  /o  fers  Saint  Launart.  M.  St. 
paraît  s'en  tenir  à  l'explication  de  Diez  qui  voit  là  une  allusion  aux  ex-voto 
offerts  à  l'autel  de  St  Léonard  de  Limousin  (et  non  de  Limoges)  par  les  pri- 
sonniers délivrés  de  leurs  fers  ;  il  mentionne  pourtant  l'opinion  de  M.  Cha- 
baneau  d'après  laquelle  il  s'agirait  plutôt  du  fer  fabriqué  à  St-Léonard,  ville  du 
Limousin.  J'incline  vers  l'opinion  de  M.  Chabaneau,  ayant  relevé  récemment, 
dans  l'inventaire  des  archives  de  la  Haute-Vienne,  l'autorisation  donnée  à  un 
marchand  de  St-Léonard  de  bâtir  un  moulin  sur  la  Vienne  pro  faciendo  fer- 
rum  (D  991)  :  l'acte  est  assez  récent  (1491),  mais  il  est  vraisemblable  que 
depuis  longtemps  on  travaillait  le  fer  à  St-Léonard.  —  V,  20.  L'égalité 
Acs  z=  ad  Aquas,  empruntée  à  M.  Andersen,  n'est  pas  tout  à  fait  juste  ;  il 
faudrait  écrire  Acs  nr  Aq  u  is.  —  V,  26.  Je  ne  comprends  pas  pourquoi  M.  St. 
a  remplacé  la  leçon  qu'il  avait  adoptée  en  1879  (5ï...  E Malleos  e  Tannais  fos  en 


s  92  COMPTES   RENDUS 

pes)  par  E  Malk^i  t  Taunats  fo^sen  près,  La  locution  esstr  en  pts,  *  être  sor 
pieds,  «  doit  ôtre  gardée,  car  elle  est  en  harmonie  avec  l'image  du  \^erssuivam  : 
£  a  Sivrai  fùs  vescoms  vim  e  sus.  La  comparaison  des  tnanuscrits  indique  aussi 
qu'elle  est  primitive  :  les  six  textes  se  répartissent,  d'après  M.  St.  lui-même, 
en  deux  familles  dont  Tune  est  représentée  par  C  tout  seul  et  rautrc,  a  des 
degrés  divers,  par  AFDJK  ;  or  fos  en  pes  s*appuie  à  la  fois  sur  C  et  sur  A.  — 
V,  35,  Entre  Peitau  e  la  hia-Bochut,  Ordinairement  Peitaiâ  signifie  PoUm  et 
non  Poitiers.  La  leçon  est-elle  justifiée  par  les  manuscrits?  Qu'on  en  juge, 
Peitau  AI,  PeitOH  K,  Peiteu  D,  PeiUus  F,  Peittetis  C.  Etant  données  les  dcui 
familles  telles  que  M.  St.  les  a  constituées,  je  n*hésite  pas  A  lire  Peiteus, 
devenu  Ptiiieus  sous  la  plume  relitivement  récente  de  C.  —  Vil,  10-12,  G:s 
trois  vers  sont  Tobjet  de  deux  notes  erronées  au  point  de  vue  géographique  : 
là  Saintonge  et  TAngoumois  forment  aujourd'hui  deux  départements,  et  nou 
un  seul  ;  d*autre  part  le  Finist(:re  (et  non  finisttrre)  est  la  Bretagne  breton- 
nante  et  non  «  îa  partie  occidentale  de  la  Normandie».  —  X,  24,  En  Ceniolbs 
abGasto.  La  graphie  par  Ih  appartient  au  ms.  C,  qui  écrit,  comme  on  sait,  Mfc 
pour  M,  etc.  Il  faut  la  lui  laisser  ici  comme  ailleurs  et  écrire  Centds,  en  bt. 
CentuUus  et  non  Cent  uU tu  s,  —  XIV,  45,  Qu€  iTAuiasvah  entro  a  Monfermn. 
M.  St.  m*a  emprunté  la  conjecture  Autasvats^  au  lieu  de  Ostasvah  des  manu- 
scrits; il  a  eu  tort.  J^ai  déjà  fait  mon  mea  culpa  de  cette  conjecture  dans  les 
Annales  du  Midi,  il  y  a  trois  ans  (II,  14)  :  il  s'agit  d'Os  total  dans  les  Pyré- 
nées et  non  à'Aîtavaux  en  Limousin.  —  XVI,  21.  Dans  la  note,  Odessa  est 
une  fâcheuse  coquille  pour  Édesse,  —  XVII,  1 5 ,  £  Catr^is  rema  soi  en  trepei. 
M.  St,  fait  du  ^  un  usage  immodéré  dans  son  orthographe  unifiée  :  il  écrit 
Caerii  (c  a  d  u  r  c  i  n  u  m),  farcit  (fa  r  c  i  t  u  m),  etc.  Mais  le  c  étant  directement 
appuyé,  il  faut  récrire  par  un  c,  comme  â  Tinitialc  ;  aucun  tns.  n'écrit  un  ; 
dans  ce  cas.  —  XXXII,  27,  mi  dons  m  Elis.  M.  St  ,  suivant  ïd  encore  la 
f&cheuse  influence  de  M.  Andrescn,  me  reproche  d'avoir  imprimé  nAelis^  Cl 
il  ajoute  :  «  La  dame  s*appclait  sans  aucun  doute  Elis,.  ;  d'ailleurs  Aelt^  {AJd 
heid)  n'a  rien  à  voir  étyraologiquement  avec  Elis  (Elisabeth^  »  Je  conteste 
absolument  que  la  dame  en  question  se  soit  appelée  Elisabeih  ou,  en  d'autres 
termes,  que  Elis  doive  s'interpréter  autrement  au  mcmn  Age  que  comme  une 
forme  abrégée  de  Aelis  et  se  traduire  autrement  en  français  moderne  que  par 
Alix.  La  dame  célébrée  par  Benran  de  Boru  était,  au  dire  du  biographe,  fille 
d*un  vicomte  de  Tunenne  et  sœur  de  Matilde  (MoeuT)  de  Montignac  cl  de 
Marie  de  Ventadour  ;  je  ne  veux  pas  insister  ici  sur  sa  personnalité,  que  le 
biographe  pourrait  bien  avoir  méconnue.  Toujours  est-il  que  le  vicomte  de 
Turenne  Riimon,  contemporain  de  Bertran  de  Born,  mort  à  la  j*  croisade^ 
a^it  une  femme  que  les  documents  authentiques  appellent  indifiéremmeot 
/J'I^  ^^'''"  -^ÛNon--,  B.  Nat.  n.  ao,.  lai,  1560,  f^  165  v<»),  fl«/f>  en 
1191  (•».  P»  129  To^y  et  HeiU  en  1209  Qnstéï,  Hist.  âtUmaù,  iê  Tmrmm, 
T^T!^\^^       .  '  Appendice  m,  M.  St.  reproduit  à  tort,  après  bien  dantres, 
1^     u  "^""""^  *'*"*  ^^"^  ^^  ^  «»<^  d  Adémar.  comte  d'Angou- 

itme     k  comte  moumt,  à  Umoges.  le  i<5  juin  1202  exactement  (Oro..  i. 


Miây 


A.  STiMMiNG,  Bertran  de  Born  593 

Saint-Martial  de  Limoges,  p.  p.  Duplès-Agier.  p.  106).  Un  peu  plus  loin  est 
répétée  une  erreur  d'un  autre  genre,  très  difficile  à  déraciner,  paraît-il  :  M.  St. 
croit  que  quand  Hugues  X  de  Lusignan  épousa,  en  1220,  Isabelle  d'Angou- 
lême,  veuve  de  Jean  sans  Terre,  il  ne  faisait  que  reprendre  le  bien  que  le  roi 
Jean  lui  avait  enlevé  en  1201  ;  mais  ce  n'est  pas  Hugues  X,  c'est  son  père 
Hugues  IX  qui  avait  été  fiancé  en  1201  avec  Isabelle. 

Je  terminerai  par  l'examen  d'un  point  particulier  de  la  versification  de  Ber- 
tran de  Born  que  M.  St.  n'a  pas  élucidé.  Dans  son  édition  de  1879,  il  avait 
signalé  sept  vers  décasyllabes  comme  présentant  une  césure  fétninine  ;  les 
voici  tels  que  les  donne  la  première  édition  : 

1.  En  dompn'  escarsa  nois  deuria  hom  entendre,  V  (2«  édit.  xxv),  31. 

2.  Qu'ab  thezaur  jovepot  bon  pretz  guazanhar,  VII  (xl),  44. 

3.  Que  de  nulh'autra  aver  lo  desirier,  XV  (xxxi),  11. 

4.  E  la  paraula  fon  doussa  et  humana,  XIX  (xxxv),  29. 

5 .  Per  eu  fon  Polha  e  Sansonha  conquesa,  XXIX  (xix),  24. 

6.  Tro  la  demanda  qu'a  faita  a  conquesa,  XXXI  (xvii),  7. 

7.  Una  ren  sapchon  e  Breton  e  Norman,  XXXIV  (xiv),  41. 

La  question  est  de  savoir  si  l'on  a  affaire  à  la  césure  épique  ou  à  la  césure 
enjambante.  On  remarquera  que  deux  de  ces  vers  (3  et  5)  ont  Télision  de  la 
cinquième  syllabe,  ce  qui  les  met  hors  de  cause  ;  deux  autres  (4  et  6)  se 
prêtent  aux  deux  coupes,  selon  qu'on  élide  ou  qu'on  n'élide  pas  la  huitième 
syllabe.  Dans  le  vers  2,  M.  St.  n'obtient  la  césure  épique  qu'en  intercalant  le 
mot  bon  qui  n'est  pas  dans  le  seul  manuscrit  qui  contienne  cette  poésie.  En 
gardant  la  leçon  du  manuscrit  : 

Qu'ab  thezaur  jove  pot  pretz  guazanhar, 

on  a  la  césure  enjambante.  Dans  la  seconde  édition,  M.  St.  imprime /wVa  au 
lieu  de  pot  et  se  prononce  contre  l'avis  de  M.  Chabaneau  qui  propose  sage- 
ment de  garder  la  leçon  du  manuscrit.  Le  vers  7  n'est  que  dans  deux  manu- 
scrits ;  l'un  des  deux  donne  la  césure  enjambante  : 

Una  ren  sapchon  Breton  e  Norman. 

Reste  le  n©  i ,  pour  lequel  nous  avons  un  manuscrit  unique,  où  l'on  a  la 
césure  épique.  Je  suis  disposé,  je  l'avoue,  à  admettre,  comme  M.  Chabaneau, 
que  Bertran  de  Born  a  employé  couramment  la  césure  enjambante,  tandis  que 
l'emploi  de  la  césure  épique,  constaté  une  seule  fois,  est  tout  à  fait  exception- 
nel. Le  premier  vers  de  la  pièce  XXXIV  (xiv)  : 

QjLian  la  no  vêla  flors  par  el  verjan, 

où  M.  St.  voit  la  coupe  6  4-4»  peut  être  considéré  comme  ayant  la  césure 
enjambante  après  la  quatrième  syllabe.  En  effet,  la  coupe  6  -f  4  ne  se  retrouve 
pas  une  seule  fois  chez  B.  de  Born  ;  M.  St.  en  indique,  il  est  vrai ,  un  autre 
exemple,  mais  l'indication  de  cet  exemple  est  le  résultat  d'une  mauvaise  ponc- 
tuation ;  d'ailleurs  la  pièce  où  figure  ce  prétendu  exemple  n'est  pas  de  Ber- 


594  COMPTES   RENDUS 

tran  de  Born  et  M.  Si.  ne  la  reproduit  pas  dans  la  seconde  édition.  Outre  ï» 

sept  vers  indiqués  par  M.  St.  comme  ayant  la  césure  féminine ,  il  y  cti  i 
àcu%  autres  qu'il  a  oublîc%  : 

Pois  na  Guîscharda  nos  es  en  sai  tramesa,  I  (scxfx),  14* 
Sleu  autra  domiia  mais  deman  ni  enquier,  XV  (xxxi),  2}- 

Dans  le  premier  cas,  sur  deux  manuscrits,  un  seulement  contient  b  prépo- 
sition en  qui  n'est  pas  utile  au  sens.  Dans  le  second,  sur  huit  manuscriu, 
deux  seulement  ont  la  leçon  adoptée  par  M.  St.  ;  quatre  suppriment  méi, 
et  les  deux  autres  ont  un  texte  dîtféreot»  J'ajouterai  que  pour  le  vers  27  de 
la  piccc  XV  (xxia),  la  comparaison  des  manuscrits  ne  me  parait  pas  appuyer 
la  leçon  adoptée  par  M.  St,  Au  lieu  de  : 

£  Tus  r autre  nons  poscam  ja  aroar, 

je  lirais,  avec  une  césure  enjambante  : 

E  ja  Tus  Tautre  non  s  poscara  amar. 

A.  Thomas* 


Essai  sur  la  taogue  vulgaire  du  Dauphiné  septentrio- 
nal au  moyen-âge...»  par  Fabbé  A.  Devalx.  Paris,  Wcltcr;  Lyon» 
Cote,  1892.  In-80,  xxti-S22  pages  et  une  carte  (Extrait  du  BidUHn  4#  M<»- 
déttit  iielphinak,  4*  série,  t.  V). 

Cet  ouvrage  est  une  thèse  de  doctorat  présentée  i  la  Faculté  des  lettres  de 
Grenoble.  C'est  sans  doute  Tune  des  meilleures  thèses  que  cette  Faculté  ait 
reçues  '.  â  Paris  mCme  on  en  a  iidmis  qui  ne  b  valaient  pas.  Le  sujet  est 
bien  limité»  bien  comprisii  traité  avec  compétence.  Lorsque  je  dis  que  le  sujet 
choisi  est  bien  limité,  je  n'entends  pas  dire  que  le  roman  du  Daupbiné 
septentrional  offre  des  caractères  spéciaux  qui  permettent  de  constituer  une 
circonscription  dialectale.  Là,  comme  ailleurs»  les  caractères  linguistiques  se 
développent  indépendamment  les  uns  des  autres  et,  pris  dans  leur  ensemble, 
résistent  à  toute  délimitation  géographique.  M.  l'abbé  Devaux  le  sait  bien,  et, 
s*il  a  choisi  le  nord  de  l'Isère  comme  sujet  de  son  étude,  c'est  parce  qu'il 
avait  des  facilités  particulières  pour  connaître  tant  les  documents  anciens  que 
Tétat  moderne  du  langage  de  ce  territoire.  Ayant  ainsi  limité  le  sujet  de  ses 
recherches»  il  a  eu  le  mérite  de  s'y  tenir,  ne  citant  les  formes  Unguistiquçt  de 
la  région  voisine  qu'à  titre  de  comparaison  ou  pour  indiquer  la  dircoion  de 
certains  faits,  s'abstenant  de  ces  généralisations  vagues  et  peu  jusrifiôcs  qu*oa 
rencontre  trop  souvent  dans  les  travaux  de  ce  genre  publiés  jusqu'i  ce  jûux. 

M,  Dcvaux  nous  donne  plus  que  ce  que  promet  le  ritre  de  son  ouvrage.  H 
ne  se  l>orne  pas  â  décrire  le  dauphinois  septentrional  du  OTo>-en  Age  :  il  suit 
les  faits  jusqu*i  Pépoquc  actuelle.  C'est  donc  véritablement  une  gramtnjnre 
historique  qu'il  nous  donne.  ï>rocédant  historiquement,  D  se  garde  bico  de 
mettre  sur  le  même  plan,  comme  on  Ta  fait  quelquefois  (c'est  une  des  £utta 


DEVAUX»  Essai  sur  la  langue  vulgaire  du  Daupfriné  595 
capitales  de  la  Grammaire  des  langues  romanes  de  M.  Meyer-Lûbke),  les 
formes  anciennes  et  les  modernes.  Pour  chaque  fait  il  indique,  autant  que  le  lui 
permettent  les  documents  écrits,  l'état  de  la  bngue  au  moyen  Age,  et  il  donne 
ensuite  l'éiat  actuel»  ayant  soin  d'exclure  les  mots  français  qui  se  sont  intro- 
duits en  si  grand  nombre,  parfois  depuis  une  époque  assez  ancienne,  dans  les 
patois.  Il  faut  l'en  louer,  car  je  sais  des  romanistes  qui  n*ont  pas  la  m^ime 
précaution.  Pour  la  notation  des  sons  patois,  il  se  contente  des  ressources 
ordinaires  de  rimpnmerie.  H  n'arrive  pas  au  degré  de  précision  qu'obtiennent 
MM,  Gilliéron  et  Rousseloi,  dans  la  Revtu  des  patois  gallo-ronians^  avec  leur 
alphabet  si  compliqué,  mais  son  système»  par  cela  même  qu'il  est  plus 
simple,  est  plus  accessible  au  commun  des  leaeurs  et»  en  somme,  donne  des 
résultats  suffisamment  exacts. 

M,  D.  n'est  pas  le  premier  qui  ait  étudié  historiquement  le  roman  d'une 
région  déterminée,  mais  la  région  à  laquelle  il  s*est  attaché  offrait  des  condi- 
tions particulièrement  favorables,  et  il  a  su  en  profiter.  Lorsque  M.  Ascoli  a 
décrit  de  la  façon  tnagistrale  que  Ton  sait  Tensemble  du  domaine  ladin ,  il 
s'attaquait  A  une  suite  de  territoires  disjoints  pour  lesquels  on  a  bien  peu  de 
documents  en  dehors  des  mots  et  des  phrases  que  l'on  peut  recueillir  de  la 
bouche  du  peuple  Pour  une  partie  seulement  de  ces  territoires ,  les  textes 
écrits  remontent  jusqu'au  xvi«  siècle,  de  sorte  que  la  période  soumise  A 
l'étude  est  nécessairement  assez  courte.  Ici  M.  Devaux  a  pu  utiliser  quelques 
textes  du  xin*  et  du  xrv«  siècle.  Un  de  ses  mérites  est  d'avoir  su  ajouter  par 
ses  recherches  plusieurs  documents  écrits  à  ceux  que  l'on  connaissait  avant  lui, 
et  surtout  d'en  avoir  su  tirer  â  peu  près  tout  ce  qu'ils  pouvaient  donner  de 
renseignements  sur  l'état  ancien  du  langage.  A  cet  égard,  son  «  essai  j>,  pour 
employer  le  titre  modeste  qu'il  a  adopté,  n'a  guère  d'autres  devanciers,  dans 
cet  ordre  d'études,  que  la  Grammaire  Umousine  de  M.  Chabaneau,  où  le 
limousin  anden  est  constamment  comparé  au  limousin  moderne,  Mais,  soit 
dit  sans  diminuer  le  mérite  de  M.  Chabaneau  dont  l'œuvre  est  antérieure  aux 
récents  progrès  dé  la  philologie  romane,  le  travail  de  M.  D,  l'emporte  dans 
l'ensemble  par  la  sûreté  de  la  méthode ,  dans  le  détail  par  l'exactitude  avec 
kquclle  les  faits  sont  vérifiés,  classés  et  décrits.  L'ancien  limousin  de 
M*  Chabaneau  est  un  peu  vague ,  son  limousin  moderne  est  le  langage  de 
Nontron  et  des  en\n'rons.  Chez  M.  D.  la  correspondance  entre  l'état  ancien 
et  l'état  moderne  du  langage  est  beaucoup  plus  rigoureuse. 

VEaai  iur  la  langue  vulgaire  du  Dauphiné  septeutrianal  se  divise  en  deux 
parties  :  i<*  La  Documents,  z^  PlxméJique  et  Flexion.  Suivent  un  chapitre  de 
conclusion  {Lancim  dauphinois  et  les  patois  actuel;  Tancim  dauphinois  il  ks  dia- 
lectes voisins)  et  divers  appendices. 

Le  recueil  de  documents  qui  forme  la  première  partie  est  du  plus  grand 
intérêt.  Voici  ce  qu'on  y  trouve  :  L  Le  testament,  bien  connu^  souvent 
réimprimé  et  utilisé  (j'en  ai  fait  grand  usage  dans  mon  Uvre  sur  Alexandre  le 
Grand  dans  la  littérature  française  du  moyen  d^e)^  de  Guignes  Alleman,  seigneur 
d'Uriage  (127$).  Malheureusement  le  texte  original  n'a  pas  été  retrouvé,  et 


596  COMPTES    RENDUS 

M,  D.  a  dû  se  contenter  de  réimprimer  le  texte  donné  par  Chorier,  avec  un 
petit  nombre  de  corrections  justifiées  en  note,  y  joignant  un  commentahe 
hîsioriqne  et  géographique.  — IL  Comptes  consulaires  de  Grenoble  (1)38-40), 
Comme  pour  le  texte  précédent  ^  l'original  de  ces  comptes  est  perdu ,  tuais 
depuis  une  époque  beaucoup  plus  récente,  de  sorte  qu'il  ne  £aut  peut-être  pas 
renoncer  à  tout  espoir  de  le  recouvrer.  Quoi  qu'il  en  soit ,  on  n*en  possède 
que  des  citations  assez  nombreuses  faites  par  Piloi»  Tandcn  archiviste  de 
risère,  en  diverses  publications  qui  datent  de  40  à  50  ans.  M,  D.  a  recueilli 
partiemment  toutes  ces  citations ,  les  a  rangées  dans  Tordre  chronologique, 
rectifiant  par  des  conjectures  généralement  heureuses  le  texte  mal  transcrit 
par  Piloi  *,  —  IIL  Usages  du  mistral  d(s  œmtts  de  Vienne  (1276).  Le  mistral 
des  comtes  de  Vienne  était  un  fonctionnaire  héréditaire.  L'énumératicm  des 
droits  quil  percevait  à  Vienne  en  certaines  occasions  présente  de  Tintérêt 
pour  Thistoire  comme  pour  la  topographie  de  cette  ville,  sans  parler  de  b 
valeur  linguistique  du  document,  qui  était  tout  i  fait  inconnu,  et  que  M.  D. 
a  publié  d'après  Forigina!  conservé  dans  la  collection  d*un  bibliophile  dau- 
phinois bien  connu,  feu  E.  Chaper,  —  IV.  I^yde  de  Vienne,  texte  qui  remonte 
probablement  à  la  fin  du  xin*  siècle,  mais  dont  on  n*a  qu*une  copie  asset 
incorrecte  de  1403.  Tous  ces  documents,  je  le  répète»  sont  fort  bien  publiés, 
quoiqu'il  y  reste,  surtout  dans  le  n*»  11,  des  passages  bien  obscurs  *.  L'usage 
en  serait  plus  commode  si  M.  D.  avait  eu  l'idée  de  les  distinguer  les  uns  des 
autres  par  des  titres  courants.  Dans  le  reste  de  Touvrage  aussi  Tabsence  de 
titres  courants  est  regrettable. 

Il  n'existe  pas  de  textes  littéraires  anciens  qu'on  puisse  avec  probabilité 
attribuer  au  Dauphiné  septentrional,  ou  du  moins  on  n*cn  connaît  pas. 
Toutefois  M,  D.  signale  dans  le  recueil  de  MM,  Bartsch  et  Horning  {La 
hngue  tt  la  UfUr,  fr,^  col.  461)  une  Vie  de  saint  Théophile  rédigée  en  vers 
octosyQabiques,  qui  lui  semble  composée  dans  le  langage  àçs  environs  de 
Bourgoin  (p.  439,  cf.  p.  ii).  Cette  hypothèse  n'est  pas  tout  à  fait  e:xactc-  La 
Vie  de  saint  Théophile  dont  il  s'agit  est  tirée  d'un  ms,  (n«  818  du  fonds 
français  à  la  Bibl.  nat,)  dont,  bien  avant  MM,  Bartsch  et  Horning,  divers éru- 
dits  avaient  publié  des  fragments  qui  ont  échappé  à  Tattention  de  M.  Devanx. 
Tout  récemment  j'ai  fait  paraître  (dans  ies  Notices  et  Bxtraiti)  un  mémoire  sur 
ce  ms.,  Cl  je  n'ai  pas  eu  de  peine  A  en  prouver  Torigine  lyonnaise.  De  Lyon 
à  Bourgoin  la  distance  n'est  pas  grande. 

La  deuxième  partie  est  consacrée  â  la  grammaire  de  l'ancien  dauphinois. 


I.  Aux  J5  ^6«  ^9*  20,  21,  ptjjp,  palps^  que  M.  D,  interprète  dans  son  glossaire^  maîs 
non  sans  une  juste  réserve,  par  paîm^  pourrait  être  un  nom  de  monoAtc  :  voir  Du  Cangc 
PALPA,  Si  cette  explication  était  adoptée,  on  pourrait  proposer  din,  (deniers)  au  lieu  de 
dm  qui  se  rencontre  dins  les  mêmes  articles  et  qu'on  ne  sait  comment  expliquer.  ^^ — Au 
56}  rmoHair,  qui  étonne  i  bon  droit  M.  D.,  ne  doit  pas  être  corrigé  en  rmom^r;  il 
faut  lire  ret'outar.  C'est  utîc  forme  savante  comme  vaquar  c\ti  p.  iiç. 

a-  M.  Ant.  Thomas  a  communiqué  à  M,  Tabbé  D,  quelques  corrections  qui  ont  élé 
imprimées  sur  un  feuillet  volant  pour  être  joint  à  Touvragc. 


DEVAux,  Essai  sur  la  langue  vulgaire  du  Daupbiné      597 

Elle  se  divise  en  deux  chapitres.  Le  premier,  et  le  plus  long  (pp.  103-349) 
traite  de  la  phonétique,  le  second  (pp.  349-409)  deîa  flexion.  L'ordre  suivi  me 
paraît  bon  (il  se  trouve,  par  une  simple  coïncidence,  que  c'est  â  peu  près  celui 
que  j'ai  adopté  pour  mon  enseignement  de  TEcole  des  Chartes)  et  Texposi- 
tion,  qui  est  toujours  claire,  ne  dissimule  pas  les  difîïcultés.  Bien  que  les 
documents  linguistiques  du  Dauphtné  septenirional  n'aient  pas  été,  jusqu'à 
M.  D.,  Tobjet  d'une  étude  systématique,  il  ne  faut  pas  croire  qu'ils  nous  pré- 
sentent un  grand  nombre  de  faits  nouveaux.  Au  contraire»  beaucoup  des 
cjtractëres  de  Tidiome  étudié  étaient  connus  par  des  documents  de  pays  voi- 
sins. M.  D.  est  très  au  courant  de  ce  qui  a  été  écrit  sur  les  alentours  de  son 
sujet  et  discute  avec  compétence  les  opinions  qu'il  adopte  ou  qu'il  rejette* 
On  comprend  qu'à  mon  tour  je  trouverais  beaucoup  à  discuter.  J'ai  eu  à  me 
former  une  opinion  sur  beaucoup  des  points  qu'étudie  M.  D.,  et  il  est  natu- 
rel que  je  ne  me  représente  pas  toujours  de  la  même  façon  que  lui  les  modi- 
fications phoniques  dans  leurs  conditions  de  temps  et  de  lieux.  Je  me  borne- 
rai toutefois  à  un  petit  nombre  de  remarques  choisies  parmi  celles  qui 
n'exigent  pas  un  trop  long  développement.  A  tonique  influencé  par  une 
mouillure  reste  pur  en  certains  cas,  comme  en  provençal  (ligatum  Ua^ 
mcrcatum  marchia)^  et  en  d'autres  cas  devient  U,  comnje  en  français  la 
même  voyelle  (ligare  /tVr,  regalem  regiti).  On  sait  que  cette  difl^érence  de 
traitement  a  suscité  bien  des  tentatives  d'explication  depuis  que  M.  Ascoli  l'eut, 
le  premier,  mise  en  son  plein  relief.  M,  D.  étudie  à  son  tour  ce  point  délicat, 
mais  je  ne  trouve  pas  qu'il  ait  classé  les  faitb  bien  clairement.  Il  range  en  effet 
(p.  us)  dans  la  même  subdivision  marchia  (  m  e  r  c  a  t  u  m)  et  preyh  (p  r  c  c  a  t  o  s), 
chargiéi  (carricatus).  On  s'étonne  de  voir  groupés  ensemble  deux  résultats 
aussi  différents.  On  s'en  étonne  d'autant  plus  qu'on  voit  plus  loin  M.  D.  adop- 
ter, avec  raison  du  reste,  l'explication  de  M.  Philipon  {Rornania^  XVI,  263), 
qui  fait  dépendre  la  conservation  de  Va  de  la  nature  de  la  consonne  qui  suit  : 
a  se  conserve  quand  il  est  suivi  d'une  explosive  (mercatum  :==  marchia)^  il 
s'aflaibliten  0  quand  il  est  suivi  d'une  continue  (m  ercat  os  ^:  mflr£"ftkfi,  ligare 
^z  lùry  Ce  n'est  qu'un  défaut  de  classement.  C'est  sans  doute  par  inadvertance 
que  masna  de  mansîonata,  en  passant  par  masruia,  est  cité,  p.  117,  comme 
exceptionnel  :  il  n'y  a  aucune  raison  pour  que  Va  tonique  de  ce  mot  passe  à  iV.  =— 
Le  traitement  du  suflixe  -acum,  dans  les  noms  de  lieux,  est  différent  selon 
que  ce  suffixe  est  ou  n>st  pas  précédé  d*/  :  Burnacum  aboutit  k  BouriMt,  et 
Romaniacum  à  Romagmfu,  Voilà  le  fait  incontestable.  L'explication  de  ce 
fait  présente  une  difficulté  justement  relevée  par  l'auteur.  Comment  le  suffixe 
-acura  donne-t-il  ai  tandis  que  lacum,  'faco  (pour  facio)  donnent 
lau^  fati  ?  Assurément,  dans  ces  derniers  mots  il  y  a  perte  pure  et  simple  de 
la  gutturale;  cf.  en  prov.  *i^cunx  faun^  fagum  fmt,  etc.  De  même,  quand 
-iacum  donne  -Uu  (ou  eu)  on  conçoit  que  l'influence  de  l'i  a  fait  passer  l'a 
suivi  d'w  à  f^  la  persistance  de  la  posttonîque  u  ayant  ici  le  même  effet  sur  l'a 
qu'une  consonne  continue»  Il  y  a  parallélisme  complet  entre  Iacum  lau  et 
Romaniacum  Romagnku.  Mais  pourquoi  ai  dans  Bourtmi^  Cfmrintùnnai^ 


598  COMPTtS  REKDUS 

Clmutlai,  Chaioîtai,  etc.,  tous  licust  de  l'Isère  qui  oût  en  ladc  le  su^ke 
-  il  c  u  m  non  précédé  d^utie  mouillure?  Pourtjuoi  pas  Bûurtmu^  etc.?  Jedob 
il  vouer  que  rexplication  proposée  par  M,  D.  ne  me  satisfait  pas,  ei  j'ai  peine 
â  croire  qu'elle  le  satbfasse,  ScIod  lui  (p.  140),  «  dans  RomaBiacum 
«  devenu  Româtiiago,  le  g  a  dû  tomber  de  bonne  heure,  tandis  quTil 
«  persistait  dans  B  u  rn  a  g  o  pour  se  résoudre  plus  tard  en  palatale,  B  u  rn  a  jo.  • 
Assurément,  de  Barnayo  on  arrive  vite  à  Boitntai.  Mais  quelle  raisoti  avons- 
nous  de  croire  que  dans  ButDago  lef  a  persisté  plus  loiîgtemps  qu&  dans 
Romaniago?  Et  est-il  bien  sûr  que  Içg^  suivi  d'une  voyelle  bbiale,  devait 
se  changer  en  v  ?  Ce  sont  là  des  suppositions  très  aven t tirées.  Et  en  outre  il 
reste  à  expliquer  pourquoi  lacunn  csl  devenu  lau  et  non  pas  ht,  M.  D.  a  vu 
robjcction,  et  il  répond  ainsi  (p,  142;  .  [1  ne  semble  pas  tmpossabk  qu*en 
«i  disant  !au  on  ait  continué  à  dire  BurnagO^  précisément  paroe  que  Hfo 
!i  était  un  suffixe,  et  même  un  sufEie  de  lieu,  par  conséqueot  un  signe  plus 
a  résistant,  a  Y  a-t*il  donc  une  phonétique  spéciale  aux  noms  de  lieux?  La 
véritable  explication  est  fournie  par  un  lait  qui  paraît  avoir  échappé  à  M.  D., 
c'est  que  dans  ïa  région  dauphinoise  et  aux  environs  le  suffîxe  -a cas  est 
dcveîiu  de  bonne  heure  -ai eu  s,  je  consute  le  Êait  sans  êtrç  irn  eut  d'en 
donner  rexpïication  :  Anmmii  cstAnnonaîcus  dès  le  Oûxi^ème  sâède  dans  le 
Cartulâiîie  de  St-Andr^lé-Bas  (pp,  265,  19S),  Chartnkmm  esi  C  a  renie  n- 
tiaicus  (iH4.^  p.  297)»  Cbmsiki  cil  Cancellaicus  (Cart.  de  S«im-Hugues, 
p.  2),  Ckiimoi  estCatonaicus  (St- Andné-Ie^Bjs,  p.  j6  |),  Fimm  \"  i  u  a  i  c  u  s 
(Can.  de  Si4iugues,  p.  l>  Il  ra.  ^ns  cËre  que  je  n'étends  pas  oette  c&piiatkra 
â  la  t^^oct  coitiak  et  sc|rtefitriopale  de  h  Fracice,  où  il  nV  a  point  de  i^Ttr- 
^jOKit  entre  les  piodaits  de  Ucum  ^t  da  sufExc  -a  eu  m.  et  où  d^aiikti^ 
pour  ce  suffixe,  on  trouve,  dès  le  onzième  âède,  -aie m,  -eîum,  mais  non 
-ai  eu  m.  —  La  îînale  -ii'u  -^u  correspondanî  à  -iacum  éprouve  dans  une 
partie  du  Dauphiné  une  modification  singulière  :  Vu  dexient  consonne  et  est 
représenté  par  f  :  C  a  n  d  i  a  c  u  m ,  acîuellemeni  Chandieu  (air.  de  Menne),  se 
trouve  au  Xï\*«  siècle  sous  la  forme  CbjnJff.  M.  D.  a  étudié  de  très  près  ce 
phénomène  (^pp.  i;^  et  suiv.")  et  en  a  relevé  à  peu  près  tous  les  exemples  que 
tourriisscnt  les  textes  de  risere.  Il  rapproche  avec  raison  de  ces  exemples  g 
d*Cj:o  ,  'co,  ù*  de  *î'ico  v?»>i^î"  îacîoV  II  remarqDe  non  moi^s  â  propos 
que  ce  passap.^  d>  ou  ^  iarin  posrronique  i  r's'obf^rve  en  anden  français  dans 
nr  àc  nidu,  dans  pi''  de  riu;  aiouîons  Gif,  près  Pam,  qui  est  en  latin 
Giîr. m.  c:  pour  k  DauphiDc  môme  Cun'rrf  (ClerJeu,  DrômeX  et  Vad^j 
(^Vasnîc.-.x,  l>"<Snic\  /'4XVÎ.'  es:  donné  par  3e  Can.  de  Léonce!  qui  a  aussâ 
Ta  ;».  ,  nii-.s  po;:rqjvX  n'a-t-on  pas  V^lv  -  Comme  le  DLz:.  top,  ac  h  Dràrm  de 
M.  Krun>l^uranc  ne  donne  pas  de  formt  plus  ancienne  que  Variz^  en  liiS, 
«>r,  nVs:  pxv  a^îSUT-e  %:sc.:'i  présent  c*3e  le  rvpe  pnmrdf  foh  en  -iaccm.  — 
M  î>.  trji:rc  de  k  prv^:onlCJe  non  in:t:ijc  d'après  Darmesicîer.  Il  lapprik 
♦^  proton )C;îc  îmnx'dwitc  >>  ce  q«:  n'es:  pa>  clair,  La  seoie  dênoimnaîion 
evAvtc  c^; ,  K  «  ii  d:t  pîus  c\;:n£  lois,  c  mtenoaiqoe,  «>  car  si  en  Mn^às  ie 
5»<\'0:\i  £  de  sac  :  Ji  ni  c  r.  :  c  m  s'a£aj*);::  en  t  {ie^ctncn:  ),  si  .dans  bonîiaîcm  Vi 


DEVAUX^  Essai  sur  la  langue  vulgaire  du  Dauphiné.       599 

disparaît  (bmte) ,  ce  n'est  pas  du  tout  parce  que  cet  û  ou  cet  i  sont  placés 
avam  la  tonique  principale,  c'est  parce  quHls  sont  placés  après  la  tonique 
secondaire'.  Ainsi  rintertonique  est  généralement  traitée  comme  une 
posttonique,  qu'elle  est  en  effet.  Le  classement  des  faits  (pp.  240  et  suiv.) 
n*est  pas  irréprochable.  Certains  faits  ne  sont  pas  à  leur  place^  d'autres  sont 
mal  expliqués.  Je  ne  vois  pas  ce  que  Va  initial  d*agurium  (p.  242) 
vient  faire  parmi  les  intertoniques.  Vo  d'adobar  (p.  244)  n'est  pas  du  tout 
conservé  parce  qu'il  est  appuyé  sur  un  groupe  de  consonnes  :  c'est  un  mot 
composé;  le  cas  est  donc  tout  autre  que  dans  honora  tu  s  donnant  ondras. 
Dans  le  même  paragraphe  sont  rangés  à  tort  peioresses ,  montonines ,  formes 
dérivées  où  rinfiuencc  du  primitif  est  évidente,  —  P.  252,  c*est  sans  doute 
par  inadvertance  qWapcrUtam  est  cité  parmi  les  mots  oQ  a  s'affaiblit  en  e  sous 
Taction  d'une  r  suivante,  —  En  Dauphiné,  et  plus  i  l'est,  la  diphtongue 
latine  au^  antétonique^  s'est  continuée  en  u  :  Mauricius  ^z  Mûris ^ 
Auriaticum  Uriage.  M.  D.  pense  que  cet  u  se  prononçait  ou\  mais  il  n'en 
donne  aucune  raison  valable  :  la  graphie  EuriagWy  au  xvii«  siècle,  ne  prouve 
rien,  puisqu'on  français,  à  cette  époque,  on  écrivait  souvent  eu  ce  qui  était 
prononcé  u  (par  cti,  heur,  bonheur ,  malheur).  Ce  qu'il  faudrait  trouver,  c'est 
Ouriagt'y  Mouris.  Je  crois  donc  {^u'on  prononçait,  comme  maintenant,  Uriage^ 
Mûris;  cL  en  Piémont  Turin  de  Taurin  u  m.  Le  point  délicat  est  de  distin- 
guer les  cas  où  au  antétonique  se  continue  en  u  et  ceux  où,  comme  ailleurs, 
il  se  continue  en  0  probablement  ouvert.  —  11  y  a  un  peu  de  désordre  dans 
Texposé  qui  concerne  le^  intervocalique  (p.  291)  :  pciesu,  poesu  (Podiensis) 
n*a  rien  à  y  faire ,  et  quant  au  passage  i  y  de  ^  suivi  d'une  voyelle  labiale 
(c si  ego  z^  esle)x>),  j'y  crois  peu.  —  M.  D.  explique  très  bien  que  le  /  inter- 
vocalique disparaît  en  dauphinois  très  anciennement,  aussi  t6t,  peut-être  même 
plus  tôt  qu'en  français»  d'où  les  participes  passés  féminins  en  -aa^  lat. 
-a ta,  prov.  -adû.  Mais  je  ne  comprends  pas  pourquoi  Gratsivaudan  est  cité  à 
titre  d'exception,  comme  un  mot  tout  provençal  (p.  297);  car  assurément  le 
second  ^  de  G  ration o poli  tanum  n'est  pas  intervocalique  :  Yi  étant  tombé 
très  anciennement ,  le  /  se  trouve  appuyé  sur  17.  —  Le  passage  dV  en  /  dans 
CaiaUna  (p.  351)  n'est  point  spécial  au  Dauphiné,  puisque  le  même  exemple 
est  cité  dans  les  Leys  d'amers^  II,  194, 

Le  deuxième  chapitre,  consacré  à  la  flexion,  est  beaucoup  moins  étendn 
que  le  premier  :  les  documents,  tous  d'ordre  diplomatique,  qu'on  peut  utili- 
ser ne  fournissent  pas  une  grande  variété  de  formes  flexîonnelles ,  surtout 
pour  la  conjugaison,  et,  comme  le  remarque  très  justement  M.  D.,  U  y  a  peu 
à  tirer  des  patois  pour  h  connaissance  de  Tancienne  flexion,  tant  la  déclinai- 
son et  la  conjugaison  ont  été  modifiées,  depuis  le  moyen  âge,  par  des 
influences  analogiques.  On  peut  du  moins  rendre  à  M.  D.  ce  témoignage 
qu'il  a  tiré  le  meilleur  parti  des  textes  anciens  qu'il  avait  à  sa  disposition. 
Tout  en  reconnaissant  le  mérite  de  cette  partie  du  livre»  je  dois  dire  que  je 


1.  Vof.  MûMantû^  VII,  451. 


600  COMPTES    RENDUS 

n'approuve  guère  la  classification  des  déclinaisons  qu'a  imaginée  M.  Devatti  : 
il  n'y  aurait  pas  moins  de  six  déclinaisons,  trois  pour  les  noms  masculins  et 
autant  pour  les  féminins,  sans  parler  d'une  dernière  série   compos<ie  îc 
substantifs  indéclinables.  Tout  cela  est  ùctîce  et  correspond  mal  X  Fétyino- 
logie.  Sans  entrer  dans  une  critique  détaillée,  qui  prendrait  trop  de  place  et 
que  chacun  peut  faire  »  je  me  bornerai  à  contester    que  les  sujets  féminins! 
CQri^,  tnaysons.Gtc,  dérivent  de  Taccusatif  latin»  et  que  Vs  (ou  ^  de  âeiionl 
ait  été  introduit  par  l'analogie  de  h  seconde  déclinaison  latine   (p.   jM-l 
Il  n*y  a  aucun  doute  que  ces  formes  correspondent  à  des  nominatifs  atteste*  j 
en  latin  vulgaire  (curtis,   mansionis)'.  Les  pages  où  il  est  traité  de  UJ 
conjugaison  contiennent  des  discussions  bien  intéressantes,  par  cit.  sur  lej 
subj.  prés,  en  <*/V  (3e  pers.  du  sîng.);  je  me  borne  à  les  signaler. 

Dans  la  conclusion ,  qui  forme  le  dernier  chapitre,  M.  D,  examine»  non! 
point  en  théorie,  mais  en  f^iit,  la  question,  tant  de  fois  débattue  et  trop  sou- 
vent  mal    comprise»    des    limites   dialectales.    Les   résultats    auxquels  ses! 
recherches  Tont  conduit  confirment  absolument  les  idées  que  la  Rornania  ij 
mainte  Ibis  soutenues,  à  savoir  que  les  aires  sur  lesquelles  s'étendent  Ic$l 
divers  caractères  linguistiques  ne  coïncident  pas;  partant,  point  de  limitt 
dialeaale  :  «  le  nom  de  dialecte  appliqué  au  dauphinois,  comme  d'ailleurs  il 
a  n'importe  quel  parler  régional ,  est  un  terme  de  convention  ;  au  point  del 
«  vue   iinguistique,    il    désignerait    un  être   de    raison   et    non  une   espècel 
«  réelle  (p,  234).  »  Conclusion  tout  à  fait  semblable  à  celle  qui  a  été  justi- 
fiée ici  môme  pour  la  Normandie  et    le  Ponthieu  par  M.   Gilliéron»  XII, 
394  et  suiv.,  par  M.  Phihpon  pour  le  Lyonnais,  XX,  |o6.  Cesl  en  somnie| 
ce  que  Ton  constatera  partout.  La  lecture  de  ce  chapitre  ne  saurait  trop  i 
recommandée  aux  philologues  qui  divisent  et  subdivisent  le  roman  en  lang 
dialectes  et  sous-dialectes  '. 

M.  D.  a  imprimé  à  la  suite  de  bon   livre  divers  appendices  intéressants  :J 
I*  un  glossaire  de  Tancien  dauphinois  septentrional  (comprenant  les  non 
propres),  dont  les  éléments  principaux  ont  été  Ibumis  par  les  textes  publié 


dans  la 


première  panie  de  1  ouvrage;  II,  un  index  des  mots  empruntés  Â  ! 


littérature   dauphinoise    (xvi<    et    xix^    siècle);    10,    un    index    des   mots 
empruntés  directement  aux   parlers    vivants;  IV,    un  index    géographique,! 
^  o  n  M.  D.  a  dressé  une  carte  linguistique  du  Dauphiné  septentrional  oùj 
sont  Circonscrites  les  aires  de  divers  caractères  linguistiques. 
qu^il^r''^'^  a""  ^'  ^^?,"^  ^^^  ^"^^*  complet  que  le  permettent  les  documcotj^ 
combler"*     ^/Jjsposition.  Les  lacunes  qui  subsistent  ne  pourront  guère  arc 
tenant  TuT  ^'    ^"  ''^"''''  ^  àécouvrir  de  nouveaux  textes  dauphinois  appir- 
•>omhrcde<.T^''"  ^^^'  ^^  Devaux,  qui  a  déjà  accru  par  ses  recherches  le 
et  personne  ,,''*'""'^"*'  ^*^  ^^^  ""'^'^^  ^^ra  sans  doute  de  nouvelles  découvertes. 


p. -A.  BECKER,  Jean  Lemaire  6oi 


Jean  Lemaire.  DerersU  humanistUche  Dichter  FrankreichSj  von  Ph.  Aug. 
Becker.  —  Strasbourg,  Trùbner,  1892,  in-8'»,  p. 

Jean  Lemaire  de  Belges  n'est  ni  un  oublié  ni  un  dédaigné.  Depuis  long- 
temps, la  critique  lui  a  marqué  sa  place  parmi  les  précurseurs  immédiats  de  la 
Pléiade;  tous  les  Morceaux  choisis  du  xvie  siècle  contiennent  quelques  extraits 
des  Epistres  de  ramant  vert  et  des  Illustrations  de  Gaule, 

U  y  a  quelques  années,  M.  Fr.  Thibaut  a  présenté  à  la  Faculté  des  Lettres 
de  Paris  une  thèse  de  doctorat  intitulée  Marguerite  d'Autriche  et  Jehan  Lemaire 
de  Belges  y  ou  De  la  littérature  et  des  arts  aux  Pays-Bas  sous  Marguerite  d'Autriche. 
(Paris,  1888.)  —  Le  défaut  essentiel  de  ce  livre,  —  trop  sévèrement  jugé, 
toutefois  par  quelques  critiques,  —  apparaît  dans  son  titre  môme.  Ce  sont  en 
réalité  deux  études  successives,  dont  le  lien  est  très  artificiel.  Marguerite 
morte  et  enterrée,  M.  Thibaut  s'attache  au  seul  Lemaire,  déjà  entrevu,  et  il 
n'est  plus  question  de  Marguerite.  Cependant  nous  avons  à  partir  du  cha- 
pitre V  une  étude,  sinon  complète  et  approfondie,  au  moins  suffisante  pour 
qui  voudrait  prendre  du  sujet  une  connaissance  générale  et  quelque  peu 
superficielle.  Le  meilleur  chapitre  est  le  sixième  :  Lemaire  historien  ;  c'est  une 
assez  bonne  introduction  à  la  lecture  des  Illustrations  de  Gaule.  Quant  à 
Lemaire  poète,  M.  Thibaut  lui  consacre  des  pages  sympathiques  et  banales, 
où  l'on  retrouve  avec  ennui  ce  qui  traîne  depuis  de  nombreuses  années  dans 
les  notices  de  Morceaux  cltoisis.  Conclure  par  le  jugement  de  Pasquier,  c'est  se 
dispenser  de  conclure  ;  on  termine  ainsi  une  Leçon,  non  une  étude  critique. 

M.  Becker,  sans  avoir  à  tenter  une  réhabilitation,  pouvait  donc  écrire  un 
livre  nouveau  sur  Jean  Lemaire.  Il  a  su  profiter  des  travaux  de  ses  devanciers 
auxquels  il  rend  justice,  et  dont  il  relève  et  corrige  les  erreurs. 

Dans  une  courte  préface,  il  s'attache  à  faire  ressortir  l'importance  et  l'in- 
térêt de  l'époque  où  Lemaire  a  vécu,  et  la  signification  toute  particulière  de 
Lemaire  lui-môme  au  milieu  des  poètes  de  son  temps.  «  Par  sa  vie,  ses 
mœurs,  ses  essais,  il  est  au  centre  du  mouvement...  Dans  sa  sphère  restreinte, 
il  nous  donne  une  image  des  aspirations  et  des  tentatives  de  tout  genre  de 
ses  contemporains.  »  —  «  Mon  désir,  dit  M.  B.  en  concluant,  n'est  pas  seu- 
lement de  prouver  que  Lemaire  fut  vraiment  un  poète  d'où  l'on  pourrait 
extraire  une  anthologie  de  passages  remarquables,  qu'il  a  devancé  son  siècle 
et  montré  le  chemin  aux  écrivains  de  la  Renaissance  ;  —  je  voudrais  aussi 
faire  voir  en  Lemaire  une  personnalité  qui,  en  dépit  de  la  fuite  du  temps,  reste 
à  nos  yeux  vivante  et  significative,  et  mérite  toute  notre  sympathie.  » 

Le  plan  suivi  par  M  B.  surprend  un  peu  au  premier  abord.  En  effet,  le 
critique  mène  parallèlement  la  biographie  de  Lemaire  et  l'analyse  raisonnée 
de  ses  ouvrages.  Il  en  résulte,  çà  et  là,  quelques  inconvénients  :  c'est  ainsi 
que  le  i^^^  livre  des  Illustrations  est  analysé  au  chapitre  IX,  et  qu'il  faut 
attendre  aux  chapitres  XV  et  XVI  l'analyse  des  deux  livres  suivants.  On  eût 
préféré  une  étude  d'ensemble  sur  un  ouvrage  de  cette  importance.  —  Mais, 

Rfffnama.  XXII  39 


é02 


COMPTES   REXDUS 


ca  y  regardant  de  près,  cette  méthode  était  vraiment  la  meilleure  pour  nous 
faire  apprécier  exactement  le  mérite  propre  de  Lemaire. 

Qp'a-t-il  écrit,  ea  effet,  sinon  des  ceuvres  de  drconstance,  inspirées  par 
SCS  tonctions,  par  le  désir  de  pkire  â  ses  protecteurs  successifs  ?  —  Corameiit 
les  a-t-il  écrites,  sinon  sous  des  influences  direaes  et  sans  cesse  renouvelées? 
—  Et  comment  faire  ressortir  le  progrès  continuel  d'un  poète  d^abord  fidèle 
disciple  de  Molinet,  enfin  rival  et  presque  émule  de  Marot,  sinon  en  reconsti- 
tuant presque  au  jour  le  jour  moins  Thistoire  de  ses  ouvrages  que  cdic  de 
son  talent  ?  —  C'est  ce  que  M.  B.  a  fait,  très  bien  fait,  d'tine  manière  vrai- 
ment définitive.  Et  l'on  ne  saurait  trop  louer  Te^aaitude  et  la  sûreté  des 
analyses  à  la  fois  historiques»  morales  et  littéraires  qui  remplissent  ses  dix- 
huit  premiers  chapitres. 

«Mais  il  semble  que  M.  B.  aurait  dù^  par  sa  méthode  même,  et  par  les  rai- 
sons quMl  avait  eues  de  la  choisir,  se  sentir  averti  de  la  v^riuble  originalité 
de  son  poète  ;  il  se  serait  ainsi  gardé  des  exagérations  de  ses  derniers  chapitres, 
dans  1csl|uc1s  il  attribue  à.  Lemaire,  un  peu  péle-méle,  tomes  les  qualités  d'un 
écrivain  de  génie.  Sans  doute^  Lemaire  n'est  pas  un  auteur  tk  second  ordre „ 
c*cst  un  poète  de  transi  lion  ^  â  qui  il  n'a  peut-être  manqué  que  de  naître  cin- 
quante ans  plus  tard  pour  égaler  Ronsard  sur  qui  il  l'emporte  du  moins  par 
le  goût.  Dévoué  à  la  tâche  ingrate  de  précurseur,  poite-ouvritr  trop  occupé  de 
préparer  à  ses  successeurs  un  instrument  plus  parfait,  il  est  aussi  supérieur  k 
un  écrivain  stamdaite  que  Malherbe  Test  à  Jean-Baptiste  Rousseau.  Si  donc 
M-  B,  veut  lui  assurer  une  place  prépondérante  parmi  les  prédécesseurs  et  les 
inspirateurs  de  la  Pléiade,  s'il  pense  qu'on  ne  saurait  trop  le  compajrer  à  son 
temps  ni  démêler  avec  trop  de  scrupule  et  d'exactitude  ce  qui  chez  lui  appar- 
tient encore  au  moyen  âge  ou  annonce  déjà  la  pleine  renaissance,  il  a  raison  ; 
et  qu'il  ait  rempli  cette  tache  avec  patience,  avec  érudition,  avec  amour, 
nous  ne  nous  en  plaindrons  pas.  Mais  si  le  critique  s'est  flatté  d^ajouter 
quelque  chose  i  la  renommée  alnohu  de  son  poète,  de  lui  assurer  une  plus 
large  place  dans  les  anthologies  destinées  aux  amateurs  ou  aux  écoUcrs,  et  de 
lui  attirer  des  lecteurs  plus  nombreux  et  plus  épris,  W  s'est  vraiment  fait  illu- 
sion, Jean  Lemaire  doit  tenir  une  place  importante  dans  l'histoire  littéraire  : 
la  littérature  peut  le  négliger.  Cest  dommage.  M.  B,  nous  fait  déji  caresser 
des  yeux  et  presque  toucher  de  la  main  un  joli  petit  volume  qui  serait  ilhis- 
tréy  et  qui  comprendrait  les  Amours  de  Paris  et  d'Œtwnf,  les  Epistra  de  fumant 

xtert,  îa  Concorde  des  deux  kftgai^es,  et  les  deux  contes  de  Cupido  et  d*Atropos 

Encore  cette  espérance  d'une  anthologie  est-elle  légitime  cher  un  critique 
qui  préparc  une  nouvelle  édition  âtis  oeuvres  complètes,  Mais  iM.  B.  force 
trop  la  note  dans  ses  chapitres  XIX,  XX  et  XKl,  où  il  examine  le  caractère, 
le  talent,  Tinfluence  et  le  style  de  Lemaire.  Un  écrivain  dont  les  poèmes  ne 
peuvent  être  utitcment  étudiés  que  rattachés  aux  circonstances  mômes  de  leur 
apparition,  dont  chaque  vers  perdrait  une  partie  de  sa  valeur  s'il  n'était  exac- 
tement reporté  i  sa  date  dans  l'histoire  Uttéraire  et  dans  la  vie  même  de  l'au- 
teur, un  poète,  je  le  répète,  auquel  M.  B,  a  appUqué  cette  méthode  d'analyse, 


P.-A.  BECKER,  Jean  Lemaire  603 

et  avec  raison,  peut-il  mériter  d'aussi  pompeux  éloges  ?  Aucune  quaKté,  natu- 
relle ou  acquise,  n*a  manqué  à  Lemaire,  si  Ton  s'en  rapporte  à  son  nouveau 
biographe  :  «  Lemaire  a  le  souffle  lyrique...  l'élan  de  l'enthousiasme...  il 
nous  emporte  avec  lui  dans  le  pays  de  la  fantaisie...  Il  a  trouvé  des  traits 
d'une  beauté  impérissable...  L'inspiration  vivifie  sa  langue  :  elle  lui  inspire 
des  traits  d'une  véritable  poésie,  qui  nous  ouvrent  un  nouvel  horizon  et  qui 
brillent  comme  un  rayon  de  soleil  parmi  les  nuages...  A  de  pareilles  hau- 
teurs, il  sait  se  soutenir  comme  un  oiseau  qui  plane  et  se  balance  sans 
craindre  de  chute...  »  M.  B.  veut  bien  reconnaître  cependant  que  Lemaire  n'est 
pas  l'égal  de  Ronsard,  «  ce  jeune  aigle  qui  vole  sur  les  traces  de  Pindare  dans 
les  hauteurs  de  l'espace...  Il  s'est  tenu  modestement  dans  des  régions  plus 
basses,  sur  les  prés  fleuris  où  Catulle  se  promène  quand  il  chante  le  moineau 
de  Lesbie.  »  La  poésie  ne  manque  pas  au  style  de  M.  B.  ;  c'est  une  perpé- 
tuelle création  d'images  et  de  métaphores.  L'abus  ne  s'en  fait  vraiment  sentir 
que  dans  ces  derniers  chapitres,  où  l'auteur  se  laisse  aller,  avec  trop  de  com- 
plaisance, et  à  son  enthousiasme  exagéré  pour  Lemaire,  et  à  la  facilité  exu- 
bérante de  son  imagination.  Mais  ce  style  coloré,  cette  chaleur  d'admira- 
tion qui  circule  incessamment  sous  les  pages  les  plus  techniques,  donnent  aux 
analyses  et  aux  critiques  de  M.  B.  un  intérêt  tout  particulier.  Il  est  presque 
à  regretter  que  M.  B.,  connaissant  bien  notre  langue,  ait  écrit  son  livre  en 
allemand.  Les  lecteurs  français  eussent  pris  grand  plaisir  à  le  lire;  c'eût  été 
pour  eux  un  sérieux,  avantage  que  l'étude  d'un  ouvrage  où  le  fond  est  si  riche 
et  si  solide,  et  la  forme  si  séduisante.  Il  eût  seulement  été  à  craindre  qu'en 
passant  de  la  prose  de  M.  Becker  aux  vers  de  Jean  Lemaire  ils  n'eussent 
éprouvé  une  déception  dont  ib  auraient  peut-être  gardé  rancune  au  poète 
de  Marguerite  d'Autriche. 

Du  moins,  les  érudits  et  les  critiques  ne  pourront  se  dispenser  de  le  con- 
sulter, et  tout  en  faisant  leurs  réserves  sur  le  mérite  absolu  de  Jean  Lemaire, 
ils  jugeront  avec  nous  que  M.  B.  vient  d'écrire  d'une  manière  aussi  définitive 
que  possible  un  des  plus  intéressants  chapitres  de  l'histoire  de  la  littérature 
française  au  xvic  siècle. 

Ch.-M.  des  Granges. 


PÉRIODIQUES 


L  —  Zeitschrift  fur  ROMANISCRE  PHILOLOGIB,  XVII,  1-2,  —  P,  I,  E, 
Gessner,  Das  spanische  Bfrsonalpronomm.  [Travail  consciencieux,  très  méri- 
toire »  mais  lia  peu  dmeitig^  comme  tous  ceux  de  Tauteur^  sur  les  (ormes  et 
la  syntaxe  du  pronom  personnel  castillan»  M,  Gcisner  prétend  tout  tirer  de 
son  fonds  et  ne  s^occupe  pas  de  ce  qui  a  pu  être  fait  par  d'auires  sur  le  sujet 
qu*il  traite.  Est-ce  ignorance  ou  dédain?  Le  dédain  serait  bien  peu  juslihé 
quand  on  songe  à  des  livres  tels  que  le  Dictwntmrc  de  Guervo,  où  tant  de 
questions  abordées  par  M.  Gessner^  notamment  celledu  Jasme-histm^  qui  jadis 
fit  verser  des  flots  d'encre,  ont  été  traîté<^  d'une  façon  tout  i  fait  supérieure 
et  définitive.  Le  choix  des  textes,  en  outre,  mis  à  profit  par  Gessner  prête  A 
la  critique  :  il  est  loin  de  présenter  toutes  les  faces  du  génie  littéraire  espa- 
gnoL  —  A»  M. -F.],  —  P.  55,  Schiavo,  Fedf  t  supersH^ione  neW  antica potsia 
francest.  Fin  de  ce  long  et  médiocre  travail  ;  dans  ce  dernier  article»  non  moins 
incomplet  et  insuffisant  que  les  autres,  le  lecteur  est,  en  outre,  rebuté  par  le 
nombre  extraordmaire  des  fautes  d'irapre^ion.  L'idée  de  voir  dans  la  Court  di 
paradis  une  satire  des  dogmes  chrétiens  est  bien  peu  raisonnable,  —  P,  U5»  E 
Dias,  Einige  Bemerkufigm  ^ur  Vcrbeaermtg  da  Cancioneiro  ^iràl  von  Reunàt, 
Nombreuses  et  utiles  corrections.  —  P.  1J7,  Miguel  de  Unamuno,  Ddtit- 
tmntù  alienigaia  en  tl  idiûtna  vasco.  [Observations  intéressantes  et  qui  dénotent 
un  esprit  sain  sur  les  mots  empruntés  par  le  basque  au  castillan,  Chcimn 
faisant,  Fauteur  nous  révèle  certains  procédés  de  f^if«!Îa//a«  de  mots  basques  dus 
aux  champions  de  l'euskarisme;  il  ne  paraît  pas  priser  beaucoup  la  ci%*iltsa- 
tion  euskarienne  et  se  méfie  des  bascophiles.  Cependant  il  est  basque.  Il  va  se 
faire  lapider.  —  A.  M  -F,]  —  P.  148,  Forsyth  Major,  Italiânisché  Ftêlgarna- 
mm  der  Fltdermaus.  Recueil  d^une  richesse  et  d'une  variété  surprenaoto  des 
noms  donnés  à  la  chauve-souris  dans  toutes  les  parties  de  lltalic  ;  les  expli- 
cations de  Fauteur  montrent  beaucoup  de  savoir  et  de  jugement,  et  il  réussit 
à  ramener  à  leur  étymologie  des  formes  extraordinairement  défigurées.  — 
P.  160  es  Horning,  Utber  Diahkt^reniett  im  Romnnnchen,  Dans  cette  très 
intéressante  étude,  M.  H.  résume  avec  beaucoup  de  dané  le  débat  qui  s'i»t 
élevé  entre  les  romanistes  depuis  le  mémorable  article  de  P.  Meycr  sur  k 
franco-provençal  et  la  question  des  dialectes  et  de  leur  limite;  il  oppose  h 

r.  Par  saîtc  d*uti  icclAtm  quclcoûquc.  entre  les  piges  16a  et  ï6i  sont  fittercaléti 
quatre  pages  numéngiécs  160  a,  b,  ç,  d. 


pèRIODIQUES  605 

Popinion  de  Mcyer.  que  j'ai  adoptOc  ainsi  que  MM.  Giltiéron,  Schuchardt, 
Gauchit  et  la  plupart  des  philologues,  des  objections  diverses,  toutes  réfléchies 
et  dignes  d'attention.  Il  y  en  a  deux  principales,  Tune  de  théorie,  Tautrc  de 
fait.  L'objection  théorique  est  empruntée  à  M.  Grôber  r  la  question  des 
dialeaes  se  pose  en  roman ,  et  notamment  en  gallo-roman ,  autrement  que 
dans  d'autres  domaines  ;  en  effet  ^  le  htin  ne  s'est  pas  épandu  sur  fa  Gaule 
(ne  parlons  ici  que  de  b  Gaule)  comme  une  onde  qui  submerge  également 
une  plaine  ;  il  a  rayonné  de  di6férents  centres  dans  un  pays  peu  peuplé,  où 
des  forêts  énormes,  des  nurais,  des  espaces  inhabités  séparaient  et  séparèrent 
longtemps  les  territoires  successivement  conquis  par  le  langage  étranger 
d*abord  introduit  dans  chacun  de  cgs  centres,  et  gagnant  peu  à  peu  alentour; 
il  a  donc  pu  et  dû  se  former  des  variétés  diverses^  qui,  en  s'étendant,  se  sont 
rencontrées  et  sont  devenues  des  dialectes  limitrophes  après  avoir  été  des 
dialectes  isolés.  Uobjection  de  fait  est  tirée  en  grande  partie  des  observations 
de  M.  H.  lui-même,  si  profond  connaisseur  des  parlers  de  l'est  de  la  France; 
en  plus  d*un  endroit,  il  a  trouvé  des  limites  linguistiques  assez  nettes  entre 
des  territoires  voisins;  des  faits  du  même  genre  ont  été  constatés  pour  la 
Lorraine  par  M.  J.  Passy,  par  MM.  de  Tourtoulon  et  J.  Simon  pour  1  extrême 
Sud- Est  et  le  Nord-Est;  on  a  également  pu  tracer  exactement  la  limite  du  pro- 
vençal et  du  catalan  ;  au  Sud-Ouest,  P.  Meyer  lui-même  a  reconnu  des  limites 
au  domaine  de  la  langue  d'oc  et  à  celui  de  la  langue  d*oui.  Cette  objection  ne 
inc  parait  pas  peser  d'un  grand  poids  dans  la  balance;  en  effet,  d'une  part, 
plusieurs  de  ces  constatations  semblent  fort  douteuses  (et  M.  H.  en  convient 
lui-même  avec  impartialité);  d'autre  part.  P.  Meyer  et  ses  adhérents  ont 
toujours  reconnu  que,  sans  parler  des  limites  naturelles  produites  par  des 
séparations  matérielles,  îl  y  avait  eu  des  extensions  de  variétés  dialectales  ducs 
i  des  causes  historiques  et  amenant  des  parlers  autrefois  divers  à  une  unité 
plus  ou  moins  complète  et,  par  suite,  des  parlers  autrefois  éloignés  l'un  de 
l'autre  à  être  voisins,  mais  nettement  séparés.  Nous  avons  opposé  ce  fait  que 
nous  qualifions  à'hntoriqne  au  développement  natureî  60%  parlers»  qui  ne  pro- 
duit pas  entre  parlers  variés  de  séparation  tranchée  atteignant  un  ensemble 
de  traits  linguistiques.  M,  Hornîng  n'admet  pas  cette  idée  du  développement 
tf  naturel  1»,  et  remontre  à  ceux  qui  la  soutiennent  que  l'évolution  du  langage 
n*cst  pas  un  fait  naturel,  mais  un  fait  social»  Je  suis  tout  à  fait  de  cet  avis,  et 
je  t'ai  dit  plus  d'une  fois,  et  k  une  époque  même  où  la  théories  naturaliste  » 
régnait  dans  la  science,  et  où  Schïeichcr  voulait  comparer  rigoureusement 
révolution  des  langages  à  celîe  des  espèces  (voy,  Rnmt  Critique,  1868,  t.  II, 
p.  2421  Jounut! des  Savants,  1887,  p. 66).  Mais  ici  il  s'agissait  simplement  de 
distinguer  les  faits  qui  appaniennent  au  développement  d'un  langage  Hvré  i 
lui-même  de  ceux  qui  tiennent  â  des  causes  historiques  :  le  développement 
du  celtique  en  Gaule  est  un  fait  du  premier  ordre,  l'implantation  du  ïatin  en 
Gaule  un  fait  du  second  ;  le  développement  d'un  parler  local  est  un  fait  du 
premier  ordre,  la  substitution  d'un  autre  parier  ou  du  francs  d'école  à  ce 
parler  un  fait  du  second;  îl  est  évidemment  nécessaire  de  disiingtier  soigneu- 


6o6  pèRioDiauEs 

sèment  les  faits  des  deux  ordres  (quils  soient  mêlés  dans  Thistoire  de  presque 
tous  les  parlers,  ce  n'est  pas  contestable,  maïs  cela  n'cnipôchc  pas  leur  profotidc 
diversité  originaire).  Il  nous  est  donc  facile  de  répondre,  et  il  nous  parait  évi- 
dent que,  partout  où  Ton  trouve  entre  des  parkrs  gallo-romans  une  limite 
réelle,  cela  tient  à  des  causes  historiques  et  relativement  récetîtes.  Reste  la 
théorie  de  M.  Grôher,  qui  est  assurément  ingénieuse  et  profonde;  mais  rien 
ne  vient  la  confirmer  en  fait.  Si  elle  était  vraie»  les  différences  dialectales 
seraient  d'autant  plus  tranchées  qu'on  se  rapprocherait  plus  de  Fonginc  : 
prenons  un  parler  roman  qui,  s'étant  formé  A  Reims,  rayonne  peu  il  peu  tout 
alentour,  et  un  autre  qui  en  fasse  autant  en  partant  de  Paris  ;  Us  finiront  par 
se  rencontrer,  mettons  entre  Meaux  et  Soissons  :  il  est  clair  que  dans  Ls  pho* 
nétique  et  la  morphologie  chacun  d*eux  aura  développé  certains  traits  par* 
ticuliers  qui  les  mettaient  en  vive  opposition  A  Toriginc^  mais  que  le  com- 
merce entre  les  régions  limitrophes  pourra  peu  A  peu  rapprocher.  Or  c'est 
tout  le  contraire  qu*on  observe.  Plus  on  remonte  le  cours  des  siècles,  plus  on 
constate  d'uniformité  dans  le  développement  du  latin  en  Gaule  sur  uïï  terri- 
toire de  plus  en  plus  vaste  :  les  ultiémes,  par  exemple,  tombent  dans  la  Gtulc 
entière,  et  dans  la  Gaule  entière  les  cas  se  réduisent  à  deux  ;  puis  de  grands 
faits  sont  encore  communs  à  des  zones  immenses,  comme  le  changement  à* a 
tonique  en  é,  de  k  en  tSy  h  diphtongaison  dV  fermé  e,n  a,  la  chute  de  l*j  sonore, 
puis  de  Vs  sourde  devant  consonne,  etc.  Cela  indique  un  contact  permanent 
entre  les  différents  parle rs  et  non  l'élaboration  séparée  du  gallo-roman  dans 
un  certain  nombre  de  foyers  distincts.  Mais  l'examen  de  ces  faits,  qui  forment 
la  trame  même  de  l'histoire  du  gallo-roman,  ne  saurait  être  abordé  id;  îl 
nous  conduirait  à  traiter  les  questions  les  plus  difficiles  de  la  linguistique. 
Bornons-nous  à  répéter  que  les  faits  linguistiques  ne  donnent  point  raison  i 
la  conception  de  M.  Grôber,  que  les  faits  historiques  beaucoup  trop  mal  ooo- 
nus  ne  sauraient  non  plus  justifier*  :  l'histoire  linguistique  nous  montre  bien 
par  toute  la  Gaule  une  masse  d'abord  i  peu  près  identique  et  se  différenciant 
de  plus  en  plus.  La  formation  d'une  langue  d'oc  au  Sud,  d'une  langue  d'oui 
au  Nord,  pour  prendre  le  cas  le  plus  saillant,  ne  s'expliquerait  par  aucune 
raison  historique  (c'est  ce  que  j'aî  voulu  dire  en  parlant  d^  points  «  absolu- 
ment fortuits  Ht  par  lesquels  passerait  la  prétendue  ligne  de  démarcation); 
M,  H.  s'efforce  d'imaginer  celles  qui  ont  pu  exister,  et  remarque  d'ailicun 
justement,  avec  M,  de  Tounoulon,  qu'il  ne  serait  pas  scientifique  de  nier  un 
fait  parce  qu'on  ne  peut  l'expliquer;  nmis  si  le  fait  existait  réellement,  il  est 
clair  qu'on  l'accepterait,  quitte  à  en  ignorer  ou  à  en  chercher  les  causes;  seu- 
lement il  est  loisible  de  faire  remarquer  qu'au  manque  de  preuves  de  son  exis- 


I,  Pl<eDotis  «û  eiemple  que  M.  H.  i  die  h  Tapput  de  »  thèse  :  •  Le  Perche,  dit 
A.  Lf  Prévost,  n'éuit  qu*«nc  forêt  avant  l'invasion  normande.  Au  Perche  appartcnjùcnt 
Im  aép4ftemcnts  actuels  de  KOruc,  Eure-et-Lotr ,  Sarthc ,  Loir-cl^Chcr.  •  Or.  non 
•tulcment  le  Perche  comptait  d'importantes  villes,  comme  Chartres ,  qui  n'ont  ]*tmi% 
«••aé  J'êtnî  popitleu»c*,  mais  si  ou  examine  les  noms  de  l'ttax  habités  qu'il  renferme, 
on  voit  que  le  plu»  gnmd  nombre  remonte  1  répoqtic  romainç. 


lÉ 


PÈRIODiaUES  607 

tence  vient  s'ajouter  son  improbabilité.  La  grande  argumentation  de  M  H. 
porte  sur  ce  qu'il  faut  entendre  par  a  limite  dialectale  »  ;  il  nous  reproche  de 
nous  représenter  cette  limite  comme  une  ligne  mathématique,  et  de  prétendre 
qu'elle  n'existe  pas  parce  que  nous  ne  la  rencontrons  pas  sous  cette  forme  ;  à 
cette  idée  abstraite  et  fausse  il  faut,  d'après  lui,  substituer  l'idée  d'une  zone- 
limite,  d'un  genre  intermédiaire;  il  aperçoit  bien  l'objection  qui  se  présente 
immédiatement,  et  il  annonce  qu'il  la  détruira,  mais  je  ne  vois  nulle  part 
qu'il  le  fasse.  Cette  objection  est  celle-ci  :  on  constitue  la  langue  d'oc  et  la 
langue  d'oui  (pour  conserver  cet  exemple  particulièrement  frappant),  l'une  au 
Sud,  l'antre  au  Nord,  et  entre  les  deux  on  admet  une  bande  intermédiaire  qui 
n'est  ni  d'oc  ni  d'oui,  ou  qui  est  d'oc  par  certains  traits,  d'oui  par  d'autres  ;  je 
dis  que  c'est  un  procédé  arbitraire  (résultant  de  l'idée  préconçue  qu'il  y  a  une 
langue  d'oc  et  une  langue  d'oui),  et  que  si  on  découpait  la  France  du  Sud  au 
Nord  en  autant  de  bandes  égales  à  celles  dont  on  a  fait  la  zone  intermédiaire, 
on  trouverait  toujours  (sauf  aux  extrémités)  un  égal  mélange  dans  chaque 
bande  des  éléments  des  deux  bandes  contiguës(je  prie  le  leaeur  d'excuser  la 
grossièreté  d'un  pareil  schématisme  ;  je  n'ai  pas  besoin  de  dire  que  je  ne  m'en 
sers  que  comme  d'un  procédé  abréviatif).  En  résumé,  la  position  que  prend 
dans  la  discussion  en  question  un  savant  de  la  valeur  et  de  la  circonspection 
de  M.  Homingest  assurément  un  fait  important,  et  plusieurs  de  ses  remarques 
méritent  d'être  prises  en  sérieuse  considération  ;  mais  je  ne  puis  trouver  qu'il  ait 
réussi  à  ébranler  une  théorie  qui  me  paraît  toujours  absolument  simple, 
conforme  à  la  nature  des  choses  telle  que  nous  pouvons  la  concevoir,  et  con- 
firmée par  la  plupart  des  observations  qui  ont  été  faites  avec  la  rigueur  et 
l'absence  de  parti  pris  désirables.  Lui-même,  évidemment,  il  n'est  pas  bien 
sûr  de  ce  qu'il  pense  au  fond  ;  il  n'avance  ses  idées  qu'avec  beaucoup  de  pru- 
dence et  m^me  d'hésitation  ;  après  avoir  essayé  d'établir  par  divers  exemples 
qu'il  existe  bien  réellement  des  limites  dialectales,  il  avoue  qu'il  n'ose  pas  se 
prononcer  sur  l'existence  même  des  dialectes  ;  après  avoir  exposé  la  théorie 
de  l'expansion  du  latin  par  le  rayonnement  de  foyers  distincts,  il  n'essaie  pas 
de  chercher  dans  les  faits  la  confirmation  de  cette  théorie  ;  après  avoir  répété 
que  les  traits  dont  la  réunion  peut  constituer  un  groupe  dialectal  doivent  non 
se  compter,  mais  se  peser  (ce  qui  est  juste),  il  ne  nous  dit  nulle  part  et  ne 
nous  fait  comprendre  par  aucun  exemple  à  quels  traits  on  peut  reconnaître 
un  de  ces  groupes,  etc.  Son  travail  est  fort  intéressant  et  donne  beaucoup  à 
penser  sur  beaucoup  de  points  ;  il  pourra  être  fécond  en  ce  qu'il  excitera  des 
travailleurs,  par  des  études  de  plus  en  plus  méthodiques  et  minutieuses,  à 
contrôler  sur  les  faits  la  justesse  des  idées  vers  lesquelles  il  incline  ou  de  celles 
qu'il  critique.  La  science  ressemble  au  champ  de  la  fable  :  pour  fouiller  avec 
ardeur  et  persévérance,  il  faut  être  encouragé  par  l'espoir  d'un  trésor  caché; 
le  trésor  ne  se  trouvera  peut-être  pas,  mais  le  champ  sera  labouré  et  portera  de 
riches  moissons.  C'est  l'exemple  que  nous  a  déjà  donné  M.  H.  dans  plusieurs 
de  ses  excellents  travaux,  et  que  d'autres,  espérons-le,  suivront  avec  zèle  : 
«  Travaillez,  prenez  de  la  peine;  c'est  le  fonds  qui  manque  le  moins.  »  — 


éo8  pèRioDiauEs 

P,  i88,  R.  Lenz,  Biitràge  xur  Kennlnh  des  Americospanischm.  [Très  impor- 
tantes recherches  d'un  excellent  phonéticien  sur  le  développement  de  l'espa- 
gnol parlé  dans  rAméfique  du  Sud,  et  sur  rinflucnce  que  b  langue  iraucanç 
a  exercée  et  exerce  encore  sur  l'espagnol  chilien.  Au  début  de  son  article, 
M,  Lenz  déclare  que  les  renseignements  qu'on  peut  rccueîïlir  sur  rorigine 
des  conqtmiadora  et  des  colons  espagnols  ne  permettent  pas  de  rattacher  les 
variétés  hispano-américaines  à  telle  ou  telle  variété  de  castillan   parlé  en 
Espagne  au  xvi*  siècle.  En  terminant ,  au  contraire,  U  se  range  i  l'opiaion 
d'un  historien  américain,  Diego  Barros  Arana,  suivant  laquelle  le  plus  grand 
nombre  des  conquistadores  auraient  été  originaires  d^Estremadure,  et  auraient 
implanté  en  Amérique  leur  castillan  tslrentefio^  d'où  serait  sorti  le  chilien 
actuel.  Je  ne  connais  pas  les  arguments  de  Barres  Arana,  mais  qiioiqu*il 
convienne  sans  doute  d'admettre  que  Pizarrc ,  par  exemple,  ait  amené  avec 
lui  plutôt  des  gens  de  sa  province  et  que  ceux-là  en  aient  appelé  d'autres,  il 
ne  s*en  suit  pas  que  la  prépondérance  de  Télément  estremtuo  dons  b  colonisa- 
tion de  l'Amérique  du  Sud  et  du  Chili  en  particulier  soit  un  fait  acquis.  Beau- 
coup d*auires  Espagnols  de  toutes  hs  provinces  de  la  monarchie  partidpèreol 
à  Texode  et  vinrent  grossir  le  premier  noyau;  nous  savons»   notamment» 
qu'un  nombre  considérable  de  monlahaa,  d*Astu riens  et  de  Basques  s*cxpa- 
trièrent  par  Séville  au  xvi«  et  au  xvnc  siècle.  Or*  retrouver  aujourd'hui  dacs 
tout  ce  mélange   des  traits  propres  à  telle  variété  castillane  du  xvj<  siècle 
(quand  d'ailleurs  on  ne  sait  que  très  imparikitement  la  prononciation  da 
castillan  de  cette  époque)  me  semble  épineux.  La  partie  la  plus  importante 
du  travail  de  M.  Lenz  est  son  essai  de  phonétique  araucane.  Les  documents 
sur  lesqueb  il  a  opéré  ne  sont  pas  tous  très  sûrs ,  et  il  reste ,  naïunrllemcnt , 
bien  é^  points  douteux  touchant  l'action  que  cette  langue  indienne  peut  avoir 
eue  sur  la  langue  blanche.  Toutefois,  le  premier  pas  est  Éait.  M.  Lenz  ne 
compte  guère  sur  les  H ispano- Américains  pour  lui  venir  en  aide,  et  nous  n*y 
comptons  pas  non  plus  \  mais  nous  comptons  sur  lui  *  qui  est  parfaîtement 
préparé  i  accomplir  la  belle  tâche  qu'il  s'est  tracée  dans  ce  domaine  à  peu 
près  vierge.  —A.  M.-F.J  —  p.  215,  Link,i>  roman  â'Ahîadam.On  n'a  de  ce 
roman  en  prose  que  le  début  (M.  L.  paraît  ne  s'en  être  pas  aperçu  ,  m^is  cf, 
notamment  p,  229,  L  î6,  ftmiwif  U  îivrt  dttmst  cy  affres},  et  encore  imparfaite- 
ment conscr\'é.  Du  Gange  l'avait  fait  copier  sur  un  manuscrit  perdu»  et  sur 
cette  copie  en  ont  été  exécutées  pour  D.  Grenier*  trois  autr»,  aQ}0iirdlittt 
conservées  X  Amiens,  Paris  et  Munich,  dont  chacune  ajoute  des  fautes  i 
celles  de  la  première.  M.  Link  pubUe  ce  début  d'après  les  trois  cognes  :  il  atiraii 
pu  souvent  mieux  corriger  le  texte  qui  résulte  de  leur  comparaison  (pour 
ncn   citer  que  quelques  exemples  220,4  ^mcuriUir    qu^il    rcmpbcc    par 
acr^nirtf^X  fort  bon;  221,18  L  Sîngrtfmmc4\  224,16  frumii  229.2  mmui 
^lUK^ffmi  ajs.ia  soul^iii  252,20  traiHurs:  «j,i  deux  copies  doanettl 


t.  M.  L 


*'obstiiie  k  écrire  Grtm»er^  fciuiç  <|uc 


nous  tvoos  dé|a  fdeniée. 


PÈRIODiaUES  609 

prime  y  la  Xrovàkm^  prince  \  M.  L.  lit  priwe,  qu'il  comprend  sans  doute).  La 
perte  du  reste  du  roman  et  le  mauvais  état  de  ce  que  nous  en  avons  sont  peu 
regrettables  :  c'est  une  très  pauvre  fiction,  imitée  (comme  l'a  reconnu  M.  L.) 
du  Bustalus  tournaisien,  qui  prétend  raconter  les  origines  antiques  de  la  ville 
d'Amiens ,  laquelle  se  serait  appelée  d'abord  Abladane,  puis  Somme-Noble, 
puis  Amiens  (le  fragment  s'arrête  après  la  destruction  d' Abladane  et  avant 
qu'on  la  reconstruise  sous  le  nom  de  Somme-Noble  comme  l'annonce  le  pro- 
logue). L'histoire  la  plus  grossièrement  défigurée,  la  magie  la  plus  banale, 
les  inventions  les  plus  froides  font  les  frais  du  récit ,  d'ailleurs  aussi  sec  et 
plat  que  possible.  Le  prologue  assure  que  le  conte  a  été  traduit  du  latin  par 
un  disciple  de  Richard  de  Fournival  (f  1260),  d'après  un  manuscrit  qui 
aurait  été  brûlé  dans  l'incendie  de  l'Hôtel  de  Ville  d'Amiens  en  1258;  il  a 
donc  été  en  tout  cas  écrit  après  1260,  sans  doute  vers  1280;  l'existence  de 
l'original  latin  est  très  douteuse.  Il  n'y  a  dans  ce  fatras  qu'un  trait  intéressant; 
malheureusement  il  se  trouve  après  une  lacune  qui  le  rend  peu  clair  :  car  en 
reprouvier  aient  cil  d'AbbeviUe  (c'est  la  leçon  de  deux  copies ,  et  la  bonne  ; 
M.  L.  adopte  à  tort  la  leçon  de  la  3c,  MonstrceuJ,  amenée  par  la  mention  de 
cette  ville  dans  le  récit  deux  lignes  plus  bas)  a  cetts  (T Amiens  :  aies  caroler 
(les  copies  ont  dés  caroles,  M.  L.  als  caroles),  quant  cil  d'Amiens  leur  dient  qu'il 
voient  le  sang  obeuerQ).  Il  y  a  là  un  échange  de  dictons  injurieux  entre  les 
deux  villes  :  l'auteur  explique  à  sa  façon  l'origine  de  celui  qui  concerne 
Amiens;  l'autre  est  obscur.  Notons  que  l'auteur  a  emprunté  son  Aftican,  qui 
Jist  maint  droit  et  plusieurs  lois  qui  encore  sont  tenues  au  jurisconsulte  Africanus. 
Ce  n'est  pas  lui,  comme  le  dit  M.  L.,  qui  a  prêté  à  Virgile  la  construction 
d'une  image  (ou  d'un  palais)  qui  devait  s'écrouler  «  quand  une  vierge  enfan- 
terait ».  —  P.  232,  Zenker,  Das  Lai  de  l'épine.  Edition  de  ce  petit  poème,  que 
Roquefort  a  imprimé  d'après  un  ms.  très  altéré,  d'après  les  deux  mss.  qui 
l'ont  conservé.  V.  i  je  lirais  les  laySy  pour  le  sens  et  la  mesure.  —  24-25  la 
leçon  de  B  est  meilleure.  —  jo  je  lirais  Paage  pour  V entente,  en  rattachant  ce 
vers  au  précédent.  —  36  le  mot  iemble ,  dont  l'éditeur  ne  sait  que  faire,  est 
bien  connu  :  jernble,  gemhle  signifie  «  jeune  »  ;  le  vers  suivant  reste  très  diffi- 
cile à  restituer.  —  46  je  lirais  Si  failli  Vefifantil  amor,  H  (avec  i  non  élidé 
devant  voyelle)  comme  nom.  sg.  fém.  de  l'article  étant  picard  et  non 
normand.  —  ^2  Et.  —  ^6  joinst  (B).  —  63  La  leçon  de  A  De  si  bien  lor  amor 
garder  est  plus  claire  que  celle  de  B,  et  M.  Z.  traduit  en  note  cette  leçon 
même,  qu'il  déclare  ne  pas  comprendre.  —  68  ert.  —  87-8  tels  que  l'éditeur 
les  imprime  et  les  ponctue,  n'ont  pas  de  sens;  1.  Cent  Jei^  le  baise  par  amor; 
SHl  i  sont  trop  c'iert  grant  folor.  —  loi  fl  quelque  painne.  —  104  destrei^.  — 
119  qwl  la  ferai}  —  126  Et  la  reine.  —  175-6  Lisez /^  et  Aeli^j  d'après  la 
phonétique  normande.  —  194  Qui.  —  251  parlot.  M.  Z.  a  raison  de  préférer 
le  freor  de  B  au  paor  d'A,  mais  il  explique  bizarrement  freor  par  «  froid  »  ; 
ce  mot  (lat.  fragorem)  veut  dire  «  bruit  ».  —  276  Se  es  chose  qui  parler  deies 
(ce  terme  de  clx)se  appliqué  à  un  être  qu'on  soupçonne  d'être  surnaturel  est 
très  fréquent).  —  295  Qui.  —  326  maumetre.  —  341  tros  (A)  et  non  trons. 


6tO  l'LKlODlnLfuS 

—  J64  ('aimcnns  micax  soi  (B)  qot  hr  (A).  —  567  pasunt  (B)  ;  tout  œ  pas- 
sage a  K*mblé  obscur  â  M.  Z,  »  mais  cette  leçon  cd  enlève  une  4es  diffiotliès; 
Tautrc  qui  Ta  frappé  mV^chappe.  —  418  1.  Ja  mm-  et  bod  /amt  fféikw» 
verriit-il  là  une  forme  de  Jamm  ?).  —  416  Et  pu  c*tst  vdr,  —  4S8  hJë^B 
Lt\  1.  Z.d«  Je  ne  relève  pas  un  certain  nombre  de  ponctuatiotis  contestables  m 
de  fautes  d'impression  ;  Tédition  est  d'ailleurs  Êiite  avec  som.  Dans  la  préûoe^ 
M.  Z,  traite  de  la  langue  du  poérae,  qui  est  certainement  nortuande.  Le  seul 
point  à  discuter  est  la  rime  des  v.  241-2,  qui  dans  A  est  nhûiUi prié  (prcco), 
dans  B  dfshaitià  (L  rehaUiés)  pitiés.  La  leçon  de  B  est  certainement  refaite  ;  celle 
d*A  indiquerait  une  rime  de  jV  =  ^  -(-  ;  avec  i^  ^=  ti  qui  assignerait  le  poemc 
à  Toucst  du  domaine  normand  (quant  i  lire  rehaUic  prir,  qui  donnerait  une 
rime  piciirdc,  c'est  impossible  de  toutes  façons);  sans  examiner  si  une  telle 
rime  est  possible ,  je  remarquerai  que  ce  qui  la  rend  bien  peu  probable  peut 
notre  poème,  c'est  qu'on  y  trouve  H  rimant  avec  chasti  (iio);  je  crois  dotjc 
préférable  de  corriger  au  v.  242  or  vos  pripé\  la  forme  fiV,  tombée  en  désuè* 
tude  âè%  \c  milieu  du  xnic  s.,  a  souvent  été  supprimée  par  les  copistes  :  îcî  A 
et  B  ont  modifié  le  texte  de  deux  façons  différentes.  Cet  emploi  de  it  pour 
#  +  /  constituait  la  seule  différence  grave  relevée  par  M.  Z.  entre  la  Ungue 
de  notre  lai  et  celle  des  lais  de  Marie;  te  taî  de  VBsptm  est-il  d'elle?  M.  Z, 
d*accord  avec  M.  Warnke,  ne  le  pense  pas,  et  ils  donnent  à  l'appui  de  leur 
opinion  deux  raisons  qui  leur  paraissent  décisives,  l'extrême  pauvreté  du  fond 
et  une  divergence  dans  Findication  des  sources.  H  est  vrai  que  ce  petit  rédt 
est  dénué  de  tout  intérêt,  mais  !c  lai  du  Chaitivd  en  a-t-il  davantage  ?  Quant 
k  la  source  de  ses  lais,  Marie  indique  la  tradition  orale  ;  l'auteur  de  VBspim 
renvoie  au  contraire  à  un  recueil  conservé  à  Carlion.  Mais  dans  le  poème 
même  l'auteur  parle  d'une  source  orale  (ji  conf&i  conter ,  v,  481),  et  dans  le 
prologue  it  ne  prétend  pas  avoir  puisé  dans  le  recueil  de  Cartion  ;  il  dit  scti- 
lement  que  le  livre  conservé  à  Saint-Aaron  peut  lui  servir  de  garant  pour  la 
vérité  des  aventures  qui  en  sont  le  sujet  (il  ajoute,  si  on  adopte  La  leçon  de 
B  qui  me  parait  la  meilleure,  que  ces  liistoires,  conntûcs  en  plusieurs  lieux, 
iomi  €ik$  en  Bretagne,  c'est-à-dire  qu'on  les  y  a  aussi  par  écrit).  Ce  qui  est 
remarquable ,  c'est  que  l'auteur  de  notre  lai  rappelle  en  débutant  qu'il  en  a 
composé  beaucoup  d'autres  :  Les  aventwreM  qu'ai  travées  (c'est  le  root  même 
dont  se  sert  Marie),  Qui  diwrsfmmi  sont  c&nieis^  N«s  ai  pas  dit^  smn^ganimt. 
Ajoutons  que  la  mention  de  Cariion  convient  parCmeroent  à  Marie,  étililk  ai 
Angleterre.  Si  l'on  jdnt  à  ces  circonsunces  l'identité  de  langtie,  de  style  cf  Je 
ton,  on  sera  porté,  je  crob,  ;li  joindre  le  lai  de  VBspim  mx  lais  de  Mavie,  dcoi 
il  sera  assunfrmetit  un  des  plus  faibles.  —  P.  256,  Wese,  Zu  dm  Liedtrm  Im- 
tnh  GmsHiàiÊitis,  CoUation  ou  publication  diaprés  ks  manuscrits  die  Flopenoc 
Cl  de  Paris  de  tiombreiises  im^ot^Hs^  de  Ciustiiiitiil. 

MÉLANQtts.  L  ms»oin  tUthmre.  P.  276,  Arattjo,  Vn^im  dm  ww^ê  êm  Oâ- 
***"•  ••  Qmd,  Cetw  note,  comme  le  momreas  1^  tomêtts  %aes,  qoe 
IWur  a  n^ifii^  de  oKMËfier,  étitt  destinée  à  k  JNmwui;  ochis  a^m» 
H|«tidy  au  tr^  dfatini^tté  lomaniste  espagnol  <^'éh  Doa$ 


PÈRIODiaUES  éll 

mériter  Timpression.  En  effet,  M.  A.  veut  trouver  le  nom  de  l'auteur  du 
Châtelain  de  Couci  dans  les  deux  mots  qui  terminent  le  vers  Et  mon  nom 
rimerai  ausy  :  il  y  lit  Rémi  Avresy,  ce  qui  est  une  erreur  de  fait,  Rémi  Avresy 
ayant  dix  lettres  et  rimerai  ausy  onze  (M.  Grôber  dit  qu'on  pourrait  aussi  bien 
lire  Aimeri  Saury,  —  ou  Savary  Miriéy  ou  Marie  Varisy^  ou  bien  d'autres 
choses).  Mais  il  ne  considère  pas  que  non  seulement  (comme  le  dit 
M.  GrôbQT)  Jakemes  Sakesep  «  s'obtient  sans  effort  »,  mais  qu'il  est  impossible 
que  ces  quatorze  lettres  se  trouvent  par  hasard  commencer  dans  cet  ordre 
les  quatorze  vers  qui  suivent  le  passage  où  le  poète  annonce  qu'il  va  se  nom- 
mer, et  qu'en  outre  ces  quatorze  vers  ont  le  tour  contraint  qui  indique  la  gêne 
imposée  par  l'acrostiche.  Quant  à  l'expression  mon  nom  rimeray^  à  laquelle 
M.  A.  attache  beaucoup  d'importance,  elle  signifie  seulement  que  le  poète 
fera,  par  un  engen ,  entrer  son  nom  dans  ses  vers.  Le  nom  de  Sakesep^  il  est 
vrai ,  paraît  étrange ,  mais  il  a  des  congénères  ;  à  la  rigueur  on  pourrait  ne 
prendre  que  les  douze  premiers  vers  du  passage  et  lire  Sàkès  (ou  Makès  si  on 
adopte  la  leçon  du  ms.  Ashburnham)  :  Saquet  et  Maqmt  sont  des  noms  de 
famille  encore  répandus.  —  II.  Textes,  i.  P.  279,  Stimming,  Anglo-norman- 
nische  Version  von  Eduards  I  Statutum  de  viris  religiosis  ;  fragment-  publié  en 
regard  du  texte  latin  (1279),  ^^^^  grand  intérêt.  —  2.  P.  282,  Suchier,  Les 
quinze  joies  Nostre  Dame.  Édition ,  d'après  un  ms.  possédé  par  un  particulier 
(avec  collation  de  deux  imprimés),  de  cette  oraison  du  xv*  siècle,  et  des  Sept 
requestes  a  nostre  seigneur  qui  la  suivent.  —  III.  Grammaire.  P.  285,  Kalepky, 
Ztim  sog.  historischen  Infinitiv  im  Franiôsischeti.  Discussion  un  peu  subtile,  mais 
qui  paraît  judicieuse,  de  l'opinion  de  M.  A.  Schulze  sur  la  valeur  actuelle  de 
de  dans  les  phrases  comme  :  «  Et  les  enfants  de  rire,  »  etc.  —  IV.  Histoire 
des  mots.  P.  288,  Marchot,  Solution  de  la  question  du  suffixe  -arius.  J'aurai 
l'occasion  de  discuter  prochainement  à  fond  cette  question,  et  d'examiner 
la  théorie  de  M.  Marchot,  qu'il  publie  sous  un  titre  qui  pourra  sembler  un 
peu  ambitieux.»  Le  mérite  de  sa  note  est  surtout  de  rappeler  l'attention  sur  les 
très  intéressantes  formes  sorcerus  et  paner  dans  les  Gloses  de  Reichenau. 

Comptes  rendus.  P.  293,  De  Gregorio,  Capitoli  délia  prima  compagnia  di 
disciplina  di  S.  Nicole  in  Palermo  (Schneegans  :  examen  rapide  de  cette  édi- 
tion, de  la  critique  de  M.  Fôrster  et  de  la  réponse  de  l'éditeur).  —  P.  295 , 
Bûttner,  Studien  ^u  dem  Roman  de  Renart  und  don  Reinhart  Fuchs  (Fôrster  : 
travail  rendu  inutile  par  les  études  de  M.  Voretzsch.  M.  F.,  qui  ne  connaissait 
pas  encore  le  livre  de  L.  Sudre,  insiste  en  terminant  sur  l'origine  germa- 
nique (îirdeutsch)  des  poèmes  de  Renard  ;  j'aurai  prochainement  l'occasion  de 
revenir  sur  cette  question).  —  P.  298,  Doutrepont,  Étude  linguistique  sur 
Jacques  de  Hemricourt,  Tableau  et  théorie  de  la  conjugaison  dans  le  wallon 
(Homing  :  remarques  importantes,  notamment  celle  qui  concerne  la  diphton- 
gaison de  e,  0  entravés,  même  à  l'atone).  —  P.  300,  de  Mugica,  DiaJectos 
castellanos  montants,  viicaino,  aragonés.  Primera  parte  :  Fonetica  (Vigon  : 
[compte  rendu  assez  insignifiant  d'un  livre  qui  est  plus  mauvais  encore,  s'il  se 
peut,  que  la  Gram^ticd  dçl  castellano  antiguo  du  mêmç  auteur  \  aussi  ^von$- 


^12  PÈRlODiaUES 

nous  jugé  inutile  d*en  parler  â  nos  lecteurs],  —  A*  M.-F.]  —  P.  JOJ*.  Lc^» 
PKK'en^aUsdxs  Supplément- fVôrtfrbttch,  I  (Toblcr  :  précieuses  remarques  recti- 
ficatives et  complémentaires),  —  P,  îo6»  Novati ,  Nouvelîts  rwchefchn  Wf  k 
roman  dt  Florimcnt  (Risop  :  M,  R,,  qui  prépare  depuis  de  longues  années  une 
édition  de  Fîanmont ,  annonce  une  prochaine  réfutation  de  l'étude  de 
F.  Novati  ;  mais  Tadhésion  donnée  par  moi  â  une  partie  de  cette  étude  l'a 
décidé  â  répondre  tout  de  suite  sur  quelques  points.  Il  est  regretuble  qu'il 
persiste  à  regarder  k  choix  comme  libre  entre  Sûr  A$dgji£  a  ClMstilhn  et  Lûrt 
a  sefour  a  Oxisiiîîon ,  étant  trop  évident  que  la  seconde  leçon  est  une  altéra- 
tion de  Tautre  et  que  Tinverse  ne  saurait  être  vrai  (ce  qui  entraine  nécessai- 
rement la  préférence  à  donner  à  Lwftois  sur  Laonois).  Sur  la  nécessité  de  la 
forme  Romanadapîe  au  contraire  (et  non  RomanJapl/)^  M»  R.  a  pleinement  rai- 
son. La  question  du  nom  de  Juliana  ^  Afîa[i\lm  reste  indécise.  M,  R. 
apporte  à  sa  réponse  une  bonc  d'irritation  qu*on  ne  s*explique  pas  bien.  — 
P.  3îi,  Jeanroy,  Les  origims  de  la  poèsk  lyrique  Jrançam  (Grôber  :  simple 
annonce,  rendant  pleine  justice  aux  grands  mérites  du  livre,  en  attendant  k 
compte  rendu  détaillé  auquel  M.  Grôber  «  se  considère  comme  obligé  »).  — 
P*  J15.  Bellorini,  Note  sulk  traduiiotii  italiane  deïï  Ars  amatoria  t  dei  Rtmêài^ 
amoris  d'Ovidio.  —  P,  jij,  Rmnania^  avril -juillet-octobre  1S92  (M*  Toblcr 
fait  quelques  menues  correaions  à  T  édition  à'Estfjcr^  doute  de  mon  explica- 
tion de  sontcs^  estes  par  Tinfluence  dVjm^i  parce  (\\x*esmes  n*csi  pas  attesté  en 
français;  mais  il  oublie  csmes  Ama  Alexis ^  v.  616,  sans  compter  que  Vismis  de 
la  Passion  et  de  Boèce,  Vesmos  lyonnais  ratlesieni  en  gallo-roman),  cite  de 
nombreux  exemples  de  hrief  en  a,  fr,  au  sens  d'écrit  qu'on  porte  sur  soi 
comme  talisman  (à  propos  de  la  note  de  P.  Meyer  dans  le  BttJL  de  la  5tV*  des 
anc,  textes,  1891,  2);  —  M.  Mcyer-Lùbke  approuve  Tétymologie  à*aiii  don- 
née par  A,  Thomas,  remarque  (ce  qui  m'avait  échappé)  qu'il  avait  déjà  donné 
Tétymologie  de  mastin  (Kôrting,  Anhatïg  5074),  tire  antenois  d^annotinum 
mais  un  peu  autrement  que  moi  (j'aurai  occasion  de  revenir  sur  ce  point)  ;  — 
M,  Horning  présente  des  remarques  dignes  d'attention  sur  la  terminaison  -à 
des  i^w  pçrs,  pL  en  lorrain  ;  —  M.  Grôber,  montrant  que  îongatgne  a  le  sens 
d*  <t  excrément  )>  plus  souvent  que  je  ne  Tai  dit  (ce  que  confirme  A,  Tobler). 
et,  apportant  d'autres  raisons,  ne  se  déclare  pas  convaincu  par  mon  étNinolo- 
gie).  —  P.  321,  GiornaU  stôrico  deîla  leiteratura  italiatia,  XVlll,  5  ;  XIX,  i 
(Wiese  :  à  noter  principalement  les  remarques  sur  la  première  partie  de  Tim- 
portante  étude  d'A,  Cesareo  sur  la  chronologie  des  poésies  de  Pétrarque). 

G.  P, 


II.  —  RomanischeForschungen,  M. (1891).  —  P.  t,  Manitius,  Lateiniuhe 
Gedichu  ans  Cod.  Dresd.  A  167-;  pièces  pieuses;  la  troisième  ci  dernière 
racome  un  combat  allégorique  entre  Fuscus  de  Jéncho  et  DL^ôphiUis  de  Jéru- 
**  '^l  ?"*  <^oinprend  ce  que  cela  veut  dire.  Cesi  une  pièce  à  joindre  au  dos- 
sier déjà  nche  des  «c  combats  des  vices  et  des  vertus  n.  —  P.  9,  Roth, 


PÉRIODIQUES  fil  3 

Laieiniscbe  Ctdkhtc  des  Xîl'XlV,  Jahrhundirh  aus  Dannstadter  Hatuischriften, 
Six  petites  pièces,  dont  deux  assez  curieuses  (mais  sont-elles  in  édiles?)  se 
rapportent  au  débordement  de  la  Seine  à  Paris  en  1296.  L'édition  nVst  pas 
exempte  de  fautes.  —  P,  17,  Rotli,  Mittimimigm  lur  LUeratur  des  MittelaU 
ter  aus  DarmsladUr  Handschri/im,  Il  y  a  des  choses  intéressantes  dans  ces 
descriptions  de  manuscrits  et  dans  les  morceaux  publiés  (notamment  le 
poème  Pavû  où,  sous  Tallégorie  transparente  d*oiseaux,  sont  représentées,  dans 
un  esprit  guibelin,  les  luttes  de  Frédéric  II  et  de  la  papauté),  mais  les  textes 
sont  bien  imparfaitement  publiés  (voy.  surtout  le  premier  poème,  bien  connu 
d'ailleurs,  qui  a  pour  commencement  et  fin  de  chaque  distique  Fat/a  tmrf), 
et  tout  commentaire  est  absent;  des  recherches  que  je  ne  puis  faire  ici  mon- 
treraient d'ailleurs  que  plusieurs  des  morceaux  donnés  ici  comme  inédits  ne 
le  sont  pas  V  —  P*  57,  Rohde,  La  Prise  de  Cordre^  aît/ran^ôsiîchej  f^olht'poi 
aus  dtr  Wende  des  12,  und  1 }.  Jahrbundtrts  (première  partie  d'une  introduc- 
tion, raisonnable,  mais  inutilement  prolixe  dans  F  élu  de  linguistique»  à 
une  édition  de  cette  chanson  de  geste).  —  P.  89  et  615,  Vollmôller, 
Laberinto  amoroso^  reproduction  d'après  les  deux  exemplaires  seub  con- 
nus d'une  édition  de  1618  (Barcelone)  et  d'une  seconde  de  1638  (Sara* 
gosse)i  d*un  canciofterû  galant,  avec  de  précieuses  notes»  —  P.  149,  Mail, 
Zur  GtschkhU  der  Légende  vont  Pttr^aîorium  des  hil.  Patricîus  ;  édition»  avec 
quelques  remarques  iniroductîvcs,  d'un  double  texte  de  la  relation  connue 
d'Henri  de  Sakerey;  malhcureusenicni,  la  suite  du  travail,  où  le  savant 
auteur  devait  rechercher  b  date  de  Touvrage  et  le  rapport  exaa  du  poème  de 
Marie  de  France  avec  les  diverses  rédactions  qu'on  en  possède  du  texte 
latin,  n'a  point  paru,  —  P.  198,  Roth,  Mitt}>eilungen  aus  altJraniosisch(ft^ 
itaiienischen  uttJ  sfHtnischen  Handichrijten  der  DartmladUr  Hofhiblwthek.  Manu- 
scrits français:  un  volume  de  Froissart;  traduction  faite  pour  Charles  le  Témé- 
raire des  chroniques  de  Pise  de  Bemardo  Marangone;  traduction  de  Boèce 
attribuée  à  Jean  de  Meun  (ms,  exécuté  pour  w  noble  damoiscUe  Jehanne  de 
Bcaucours»  dame  de  Montmartin  et  du  Brossay  »>)  ;  quelques  vers  pieux  sur 
les  feuilles  de  garde  d'un  ras,  ;  un  tnédkinaire  ou  réccptaire  du  xv^  siècle  ; 
explication  du  Pakr  (xiv«-x%^=  s,);  Vie  de  Jésus-Christ^  traduite  du  latin,  vers 
I Î90,  pour  le  duc  de  Berri  ;  Ysaie  le  Triste  ;  le  Saint  GraaJ  (xiv«  %.)  ;  gloses  aux 
distiques  de  Caton  (xtv«  s.);  notes  françaises  dans  le  traité  de  musique  de 
Jean  de  Grouchi  (xxvc  s.);  Exemple  dé  Notre  Z)a^w^  (semble  être  le  quatrain 
fameux  sur  la  conception  de  Jésus  comparée  au  passage  d'un  rayon  de  soleil 
dans  une  verrière);  Vie  de  saint  Julien ,  Dit  de  Saches  (?  iwr),  prières  et 
hymnes  {xv^  s*);  fragments  de  Oui  de  Bourgc^tu  (imprimés  depuis,  voy. 
Rom.  XX,  527),  Manuscrits  italiens  :  traduction  du  De  viris  illustrihus  de 
Pétrarque  ;  nouvelles  dello  impcradore  Frederigho  de  Bardi  et  delta  Gbutgliâma 


1.  M.  VollmûUer  &11  remarquer  (p.  4^8)  que  le  morccâu  IV  ett  tiré  dl»idore  de 
Sévînc. 


6 14  pfeRlODlQUiiS 

fifUttok  del  rt  ifArtgUae  donna  del  rc  itUngïieriû  ;  ïc  r«te  insignifiant.  Minu- 
scrits  espagnols  :  Chronka  dt  hs  re^s  de  Navarra  asia  A  primif^  Coflt»  49 
escritapoT  este  (xv<  s,),  etc.  —P.  20},  Kùbler,  Commonilorium  Foikàià,  Brkf- 
wtchsd  uiscfjen  Alexander  dem  Grossm  und  AthtotfUs  ukr  die  IVuttdir  înSeni, 
Publication  de  ces  textes  d'après  le  ras,  de  Baraberg  (xi<  s.),  avec  une  îîHé- 
ressante  introduction,  —  P.  258,  Baist,  Aiborai-Camp^ador ,  LHntcrpréUtioo 
de  Dozy  du  mot  alboroi^  dans  la  lettre  connue  du  comte  Berenger  de  Barce- 
lone au  Cid,  comme  une  traduction  ironique  en  arabe  du  litre  de  cmtpm- 
dor^  n*esi  pas  soutenable  ;  M*  B.  en  propose  une  autre  {alhatai  -=.  fxtrtmm- 
ium),  qui  n*est  qu'admissible.  —  P.  259,  Roih,  MitOmlungm  aus  mititlhui- 
micfien  HandschifUn  der  HoJbibUoihrk  lu  Darmstadt.  Catalogue  très  sommaire 
de  nombreux  manuscrits,  surtout  des  xiv«  et  xv«:  siècles,  à^cc  quelques  cita- 
tions, souvent  Éiutives  (p.  ex.,  p*  260,  iornuna^  L  crtimfmi).  —  P.  27:, 
Roth,  Oas  Missak  und  das  Antipiionarium  der  Ahtei  Echtirnûcb  O.  5,  B.  iOtc. 
X  in  der  HofbibUothk  lu  DarmstadL  —  P.  ^^^  Mettlich,  Zur  QudUn  und 
AUetbestimmuntg  da  ^ogemmnUn  aîtfraniôuichcn  Hohnliédti.  Par  une  série  de 
rapprochements  ingénieux,  mais  qui  sont  loin  d'être  probants,  l'auteur  essaie 
d'établir  que  le  mots  de  juillet  où  l'auteur  de  Tancienne  imitation  du  CûHliqm 
des  Caniiqim  met  la  scène  qu'il  rapporte  {^uani  H  solUi^  converset  eft  leoti,  £h 
icel  Uns  qu'est  ortus  pliadon)  est  le  raois  de  juillet  1 140,  et  que  le  po^mc  a  été 
composé  peu  après.  Le  manuscrit  me  paraît  décidément  plus  ancien.  En  tout 
cas,  ridée  d'attribuer  le  poème  à  saint  Bernard  ne  sera  certainement  a^^cep* 
tée  par  personne.  —  P.  292,  Baist»  Eine  neue  Handscf^ijt  des  spanhchen 
Alexandre-^  cf.  Rom,  XVII,  476.  —  P.  293,  Zingerle,  Zum  «  Songe  d'hu/em 
des  Raûuis  de  Houdette;  collation  du  manuscrit  B.  N,  fr.  2168,  non  utilisé 
jusqu'ici.  —  P.  298,  Otio,  Der  povtugiesiiche  Infini tiv  hei  Camoes,  Madame  de 
Vasconccllos  a  tenu  compte  de  ce  travail  et  Ta  apprécié  dans  son  étude  plus 
générale  de  rinfinitif  portugais  dont  nous  avons  eu  occasion  de  parler,  — 
P.  J99,  Mann,  Zh  PhiUpp's  von  Taûn  tVerken.  L  Ccst  sans  raison  que  le 
catalogue  des  mss.  cottoniens  du  British  Museurn  attribue  à  Philippe  un  bes- 
tiaire latin  contenu  dans  le  ms,  Vesp.  E.  x»  ;  ce  bestiaire  n'est  pas  non  plus 
de  Hugues  de  S.  Victor,  bien  qu*il  dgure  dans  ses  ueuvres,  ni  sans  doute  de 
Guillaume  Perrault,  à  qui  il  est  auribué.  II,  Les  (trois)  manuscrits  du  Ba- 
tiaire,  111.  Les  morceaux  en  prose  latine  intercalés  dans  le  i3<^^iia»'^  ne  sont 
pas  de  Philippe,  non  plus  que  les  intercalations  semblables,  latines  et  («û- 
çaises,  du  CompuL  IW  Rem.irquei.  détachées  sur  les  sources  et  le  texte  du  ikh 
tiaire.  W  Les  trois  passages  (relatifs  au  lion)  identiques  dans  le  Comfii  «  k 
lii'sliuire  ne  sont  pas  interpolés  de  celui-ci  dans  celui-là,  mais  ont  été  toits 
par  Phihppc  pour  le  Comput  (1119)  et  repris  par  lui  dans  le  Bestiaire  (1125)^ 
--  P.  414,  Zingerle,  Zur  MargareiJitn-Ugeiuîe,  Fragment  (fio  vers  octosylla- 
biques)  d'un  ms.  anglo-normand  contenant  une  vie  de  sainte  Marguerite  dif- 
férente de  toutes  celles  qu'on  connaît  déjà.  —  P,  417,  Wcrncr,  Eiite  Zûri* 
cha  Hamischrijt  i^u  Arnuifs  DeîUU  Ckri  ;  collation  avec  Tédition  donnée 
par  M.  Huemer  dans  le  1. 11  des  R,  F,  -  P.  424»  Patzig,  Lant/ridund  CMo, 


pèRIODiaUES  él5 

essai  de  restitution  du  texte  du  poème  rythmique  de  Lantfrid  et  Cobon 
que  j'ai  publié  dans  le  Moyen  dge  (août-sept.  1888);  j*ai  rapporté  les  proposi- 
tions de  M.  P.  dans  un  article  subséquent  du  même  recueil.  —  P.  427,  Otto, 
Rumànisch  insurare;  ce  mot,  qui  a  le  sens  d*uxorare,  est  en  fait  ce  mot 
lui-même;  Vn  s*est  intercalée  devant  Vx.  —  P.  429,  Roth,  MUtheilungen  aus 
laUinischen  Handschriften  :(u  Darmstadi,  Main^^  Cobleni  und  Frankfurt  a.  M. 
Le  chancelier  de  Paris  dont  M.  R.  imprime  (mal)  divers  morceaux  en  vers 
rythmiques  est  naturellement  Philippe  de  Grève,  et  ces  vers  sont  imprimés 
ailleurs  encore  que  dans  Flacius  Illyricus.  —  P.  462,  Roth,  Der  Buchdrucker 
Johann  Schaffer  ^u  Main^  (1503-1531).  —  P.  47s,  Roth,  Beitràge  ^r  Ges- 
chichte  und  Uteratur  des  Mittelaîters,  insbesondere  der  Rheinlande,  —  P.  509, 
Manitius,  Die  Messias  des  sogenannten  Eupolemius;  poème  du  xii*  au  xiii©  s., 
racontant  encore  un  combat  de  «  Messyas  »  contre  «  Cacus  »,  le  diable.  — 
P-  557»  Voigt,  Dos  FloriUg  von  S.  Orner  \  recueil  (340  hexamètres)  de  sen- 
tences et  de  proverbes;  l'édition,  préparée  par  un  savant  français  qui  a  voulu 
garder  Tanonyme,  a  été  terminée  par  M.  V.,  et  les  notes  comparatives  lui 
doivent  de  nombreux  enrichissements.  —  P.  574,  Voigt,  Karl  Bartsch  mit- 
teîlateinischer  Nachlass;  description  des  notes  qu'avait  recueillies  et  classées 
Bartsch  sur  la  littérature  du  moyen  âge.  —  P.  581,  Manheimer,  Eiwas  ûber 
die  Aer^teim  alten  Frankreich;  jolie  étude  (uniquement  d'après  les  sources  lit- 
téraires), attestant  une  lecture  intelligente  et  étendue,  d'un  jeune  homme  dont 
c'était  le  début,  et  dont  une  mort  tragique  arrêta  aussitôt  après  les  grands 
projets  de  travail.  Elle  a  aussi  paru  à  part  (voy.  Rom,  XX,  375).   —  G.  P. 

m.  —  Publications  of  the  modern  language  association  of  america, 
edited  by  James  Bright,  vol.  VIII,  1893  (New  Séries,  vol.  I).  —  P.  1-76, 
Schônfeld,  Die  Be\iehting  der  Satire  Rabelais*  ^u  Erasmus*  Eticomium  Moriae 
und  Colloquia;  ce  travail,  qui  dépasse  notre  cadre,  est  prolixe,  mais  ne 
manque  pas  d'intérêt  :  il  confirme  d'ailleurs  ce  qu'on  a  dit  maintes  fois  de 
l'influence  considérable  d'Erasme  sur  Rabelais  plutôt  qu'il  ne  démontre  par 
des  faits  nouveaux  une  imitation  directe  du  premier  par  le  second.  —  P.  77- 
140,  G.  Mac  Lean  Harper,  The  legend  of  the  Holy  Graily  essai  tout  à  fait  inu- 
tile à  lire  ;  l'auteur,  qui  prétend  mettre  ses  lecteurs  au  courant  des  derniers 
travaux  sur  la  question,  ne  connaît  rien  de  plus  récent  que  le  livre  de 
M.  Nutt  et  n'a  guère  rien  lu  en  dehors.  Il  commet  en  outre  beaucoup 
d'inexactitudes  de  détail  qu'il  est  superflu  de  relever».  —  P.  141-209, 
L.  E.  Menger,  The  historical  development  of  the  Possessive  Pronuns  in  Italian. 
Cet  excellent  travail,  fait  avec  autant  d'application  que  de  méthode,  éclaire 
véritablement  le  sujet  auquel  il  est  consacré.  L'auteur  étudie  dans  un  premier 


I.  Lorsque  ce  mémoire  a  été  lu  i  la  dixième  assemblée  annuelle  de  la  Modem  Lath 
guage  Association,  il  a  provoqué  des  remarques  fort  judicieuses  de  la  part  de  MM.  War- 
ren  et  J.  E.  Matzkc  (voy.  l'Appendice  du  présent  volume,  p.  XVII-XVIII). 


6x6  ^^^F  PÈRIODICIUES 

chapitre,  i  Taiile  d*im  grind  nombre  de  textes  soigneusemetit  dépo utiles»  tes 
formes  irréguUères  de  ces  pronoms,  d^abord  celles  du  singulier  (surtout 
iuo  mo  jxjiir  mia,  etc.),  qu'il  explique  d'uTie  É»çon  plausible,  pub  celles  < 
pluriel,  c*est-à-dire  les  formes  dorentines  si  connues  mia  tua  ^tta  pour  mm^ 
titoi,  suoî  et  mU,  ttu^  sue,  pour  lesquelles  il  démontre  à  peu  près  mûrement 
que  ce  sont  originairement  des  formes  neutres,  employées  d'abord  devant  les 
noms  neutres  pluriels  conservés  (U  sua  hraccia,  Dante),  puis  devant  des 
noms  d'un  sens  de  duel  et,  plus  tard,  surtout  dans  Tusagc  populaire,  <îtcn- 
dues  à  tous  les  cas.  Dans  le  second  chapitre,  il  étudie  les  formes  ordi^ 
naircs  mio  mtW,  tuo  iuoi^  suo  suoi^  avec  leurs  variantes,  et  conclut  qu'elle 
représentent  un  dt^veloppement  phonétique  r^^lier,  tout  e  ou  tf,  long  aus« 
bien  que  bref,  se  diphtongant  en  hiatus  avec  f,  tout  i  ou  o,  long  ou  bref,  pas- 
sant à  I,  u  devant  o.  Cette  conclusion  est  appuyée  sur  une  étude  très  péné- 
trante de  tous  les  cas  d'hiatus  latins-italiens,  et  elle  paraît  devoir  être  acceptéBj 
de  tous.  Une  seule  amélioration  pourrait  être  apportée  au  travail  de  M  Men 
ger  :  les  textes  dont  il  s*est  servi  sont  loin  d'être  sûrs  pour  c 
questions  de  graphie;  il  a  en  général  consulté  les  meilleures  édi  si 

pour  baïucoup  d*auteurs  anciens  on  n'en  a  pas  encore  qui  reproduise  jtriae- 
ment  les  manuscrits.  Il  est  à  croire  toutefois  que  la  comparaison  de  ccux-d 
ajoutera  des  exemples  â  ses  listes,  raab  n'infirmera  en  rien  les  résultats  qu'il 
a  obtenus.  —  P.  305,  J,  Matzke,  On  ihi  soura  0/  tbi  Italian  and  EttgUsb 
Idiofns  fmanitig  **  to  iake  Time  by  thejortlxk  ".  G,  P. 

IV,  —  Studies  akd  notes  in  philology  akd  uteraturê.  Publîshed  on- 
der  the  direction  q(  the  modem  laoguage  départ menis  of  Harvard  Univer- 
sity».  —  «  On  a  rintention,  dit  dans  une  note  préliminaire  M.  F.  J.  ChiUl  Jtt 
nom  du  comité  de  publication,  d'imprimer  annuellement  une  série  d'anidcs 
par  les  professeurs  et  les  étudiants  dans  les  différents  départements  des  Langues 
modernes  à  Puniversiié  de  Harvard.  Ce  premier  numéro,  publié  sous  le  patro- 
nage de  l'université,  montrera  ce  que  doit  être  le  caractère  général  de  U 
publication;  mais  les  numéros  suivants  seront  de  dimensions  plus  étendues.  » 
-Nous  accueillons  avec  grand  plaisir  cette  annonce  et  ce  spécimen  qui  est  fnrt 
mtércssant.  Nous  rendrons  compte  dans  ce  numéro  et  dans  les  suivants  des 
articles  qui  rentreront  dans  nos  études.  ^  P,  1*65,  G.  L.  Kiilrcdgc,  7^* 
iiuifiôrship  of  the  tnglish  Rofrtaunt  of  th  Rose,  Contrairement  à  Tcipinion  de 
M.  Lounsbury,  qui  revendique  pour  Chauœr  cette  traduaioo  dont  on  ne 
possède  que  7700  vers,  M.  K.,  après  une  étude  fort  attentive  et  fort  métho- 
dique, conclut  que  le  Homaunt  n'est  pas  de  Chaucer,  à  rexccption  pcui- 
ét^rc  des  1704  premiers  vers  (exception  admise  par  MM.  Kaîuza  et  Skeat). 

oJ^Hibti,  étude  excellente,  qui  intéresse  la  philologie  romane  et  spécialement 


oolu!!!;  ad\  ^''*'*  """^  ^^'  '^'^  *^"^^'  '^»  P^  -  On  .  imprimé  au  4o*  :  vol.  i,  ou^s 
00âur.|,  dû  le  ««rtre  .usti  sur  le  titre  c.  U  «g„,,urc  de  fcaaies. 


éÊm^â 


PÈRlODiaUES  617 

française  tout  autant  que  l'anglaise.  Je  regrette  de  ne  pouvoir  éclairer  aucun 
des  points  restés  obscurs  pour  Tauteur  dans  ce  double  domaine  (par  exemple 
les  anciens  noms  des  lettres  en  provençal)  ;  il  montre  un  savoir  si  sûr  et  un 
raisonnement  si  juste  qu'on  peut  difficilement  le  compléter  ou  le  redres- 
ser. Il  rassemble  beaucoup  de  faits  curieux  et  en  donne  des  explications  tou- 
jours plausibles,  souvent  nouvelles.  Son  hypothèse  sur  la  formation  du  nom 
nouveau  de  la  lettre  h  (ha  en  latin)  est  des  plus  ingénieuses  :  ha,  par  la 
chute  de  Vh,  ne  se  distinguant  plus  d'à,  on  prit  l'habitude,  en  épelant,  de 
dire  (h)a  Aa,  joignant  à  (h)a  le  nom  de  la  consonne  la  plus  proche,  d'où 
acd  (port,  hagd)  ou  aca,  acca  (it.  acca,  fr.  ache).  Les  remarques  sur  les  anciens 
noms  de  Vy  (notamment  vén.  it.^,  pr.  fint\  (?),  anc.  fr.  fius=iîi\\us  à  cause 
de  l'habitude  attestée  d'écrire  T  pour  le  Fils,  uîoç),  du  «/,  du  ^  sont  égale- 
ment fort  érudites.  Il  serait  à  désirer  que  cette  liistoire  de  l'alphabet,  qui  a 
des  côtés  fort  intéressants  et  pour  la  phonétique  et  pour  la  KuîiurgeschichU, 
fût  étudiée  avec  soin  dans  les  différents  pays.  Sur  la  prononciation  ioj,  a?/,  etc, 
je  signale  à  l'auteur  les  passages  que  j'ai  cités  Rom.,  XIX,  125.  —  P.  118- 
124,  Sheldon,  Elymological  notes.  I.  Fr.  traître^  M.  Sh.  réfute  très  bien  l'opi- 
nion, émise  par  Willenberg  et  soutenue  par  Neumann,  d'après  laquelle 
traître,  anc.  fr.  traître,  serait  tradïctor;il  y  voit  avec  raison  un  mot  savant. 
Il  faut  noter  déjà  dans  la  Pass.  tradetor,  au  lieu  de  -idor,  qui  ferait  croire  que 
c'est,  comme  on  peuts*y  attendre  pour  un  mot  savant,  tradïtorem  qu'on 
a  emprunté  en  français;  puis  tradetour  est  devenu  traditour  sous  l'influence 
de  tradir  (la  chute  du  ^  <;  </  dans  des  mots  savants  n'est  pas  rare  :  voy.  p. 
ex.  hinir,  juise,  empereur,  etc.,  tandis  que  le  /  ne  tombe  pas).  Je  crois  en 
outre  que  traditre  a  été  refait  en  français  sur  traditour  :  on  avait  besoin 
d'employer  ce  mot  au  vocatif,  (et  on  ne  s'en  fait  pas  faute  dans  les  vieux 
poèmes):  c'est  ce  qui  a  maintenu  le  mot  au  nominatif  dans  le  français  actuel  ; 
servitour,  également  très  anciennement  emprunté,  n'a  pas  développé  de 
nomin.  servitre.  —  2.  Pr.  suite,  anc.  siute  <  sécta  influencé  par  les  formes 
de  séquére  qui  avaient  iu  devenu  ui;  j'admettrais  plus  volontiers,  vu  l'an- 
cienneté de  siute,  un  part,  séquitus,  qui  aurait  existé  à  côté  de  sècùtus. 
—  3.  Engl.  cruise,  «  croisière  »,  au  lieu  de  croise;  essai  d'explication.  — 
4.  Engl.  jeweî;  le  mot  reporté  à  un  anc.  fr.  giuel,  juêî,  attesté  d'ailleurs,  et 
non  ^  joieî  qui  n'existe  pas  ;  ce  giuel  ne  peut  venir  degaudiellum  comme 
on  l'admet  le  plus  souvent,  ni  de  jocalem  comme  on  l'a  proposé  :  c'est 
un  diminutif  de  jeu  comme  joiut  ;  l'addition  de  Vy  s'explique  comme  dans 
aloyau,  hoyau,  boyau  ;  cela  parait  tout  à  fait  plausible.  G.  P» 


Remania.  XXII.  40 


CHRONIQUE 


Ed.  Schwan  esi  mort  à  Gies&en,  sa  pairie,  le  27  juillet,  â  Vàge  de 
35  ans  sculeraeiiL  II  avait  été  relève  de  MM.  Bôhmcr,  ten  Brink,  Martin  et 
Koschwîtz  i  Strasbourg,  puis  de  M.  Grôber  A  Breslau  ;  il  avait  suivi  à  Paris 
les  cours  du  Collège  de  France  et  de  l'École  des  Hautes  Etudes;  c'est  des  con* 
rérences  de  cette  école  qu'est  sortie  son  ctudc  sur  tes  manuscrits  de  la  Fù  des 
Fera  qu'a  publiée  la  Remania.  Après  avoir  été  privat-docent  à  Berlin,  puis 
avoir  suppléé  M*  Koschwitz  à  Breslau  pendant  un  semestre,  il  venait  d'être 
nommé  professeur  h  Jena  quand  il  fut  atteint  de  la  maladie  qui  Ta  emporté. 
Outre  d'intéressames  études  de  phonétique  et  dliisioire  littéraire,  on  lui  don 
surtout  un  iniportatnt  travail  sur  les  Chanson nifrs  français  du  moyen  i^e  (Ber- 
lin, î886)»  qui  rend  et  rendra  beaucoup  de  services,  et  qui  témoigne  d'un 
travail  intelligent  et  acharné.  La  Grammairt  de  rancien  Jraitçûis^  qu'il  avait 
publiée  en  1888,  a  reparu  cette  année  même  dans  une  seconde  édition  com- 
plètement remaniée.  On  peut  adresser  bien  des  critiques  à  ce  livre»  i  la  foi$ 
trop  systématique  et  trop  peu  rigoureux,  mais  il  y  a  un  grand  eiFort,  une 
composition  habile,  beaucoup  de  remarques  ftnes  et  judicieuses»  et  c'est 
assurément  jusqu'il  présent  la  meilleure  de  beaucoup  des  grammaires  de  nota* 
ancienne  langue.  Ed.  Schwan  n'était  pas  seulement  un  esprit  distingué  et  un 
ardent  travailleur  ;  sa  personne  était  sympatliique  et  attachante,  et  sa  mort 
prématurée  laisse  de  vifs  regrets  à  tous  ceux  qui  l'ont  connu. 

—  Le  6  août  est  mort,  à  Castel  Gandollo,  G.  Papanli,  âgé  de  62  ans, 
M.  Papami  a  rendu  les  plus  grands  services  à  la  littérature  italienne  par  son 
Caidîo^a  dd  novAlùri  Haïiani  in  prosa  (Livourne,  1871,  2  vol.  in-8«),  par  son 
supplément  i  Touvrage  de  Passano  sur  le  même  sujet  (Livourne,  1878),  et  à 
la  linguistique  par  sa  belle  publication  :  /  parlari  italiani  in  Certaido  aUafesia 
dei  VI  cmUnario  di  mejsi'r  Giovanni  Boccaccio  (voy,  Rom,  V,  496).  Citons 
encore  son  joli  recueil  :  Faceiie  e  motii  dei  sec.  XV  t  XF/ (Bologne,  1874),  et 
Toetivre  érudite  et  précieuse  qu*il  intitula:  Dante  secundo  la  tradiiionee  i  twvtl' 
laiùri  (Livourne,  1875),  Papanti  était  comme  profession  un  riche  négociant 
de  Livourne;  il  employa  sa  fortune  d'abord  à  coïlectionner  des  livres,  puis  i 
imprimer  élégamment  quelques  nouvelles  inédites,  et  enfin  il  devint  un 
excellent  et  intelligent  bibliographe. 

—  Un  jeune  romaniste  danois,  qui  avait  été  élève  de  TÉcole  des  Hautes 
Études,  et  qui  donnait  à  ses  anciens  maîtres  de  Copenhague  et  de  Paris  les 
espérances  les  mieux  fondées,  M.  W.  Sporon,  est  mort  après  une  très  courte 


CHRONIQ.UE  6l9 

maladie,  le  14  octobre.  M.  Sporon  avait  fait  sur  les  vies  de  saints  en  ancien 
français,  sujet  proposé  par  TAcadémie  de  Copenhague,  un  mémoire  qui  lui 
avait  demandé  beaucoup  de  travail  et  qui  obtint  le  prix.  Nous  ne  savons  si  ce 
travail,  que  l'auteur  voulait  revoir  encore  avant  de  l'imprimer,  pourra  être 
publié. 

—  M.  Paul  Marchot  vient  d'être  appelé  à  l'université  catholique  de  Fri- 
bourg  en  Suisse,  pour  y  enseigner  la  phlilologie  romane. 

—  L'Académie  des  Inscriptions  a  décerné  le  prix  La  Grange  à  M.  Emile 
Picot  pour  la  publication,  en  collaboration  avec  feu  le  baron  James  £.  de 
Rothschild,  du  mystère  du  Viel  Testament  par  la  Société  des  anciens  textes 
français, 

—  Le  1$  mars  1894  est  le  centième  anniversaire  de  la  naissance  de  Frédéric 
Diez.  Plusieurs  universités,  tant  de  l'Allemagne  que  d'autres  pays,  où  sont 
représentées  les  études  romanes ,  ont  l'intention  de  célébrer  cet  anniversaire 
par  une  fête  intime  entre  romanistes.  En  France,  les  villes  dont  les  Facultés 
ou  les  autres  établissements  d'enseignement  supérieur  offrent  à  ces  études  des 
centres  importants,  comme  Paris,  Lyon,  Montpellier,  voudront  sans  doute  en 
faire  autant.  Nous  reparlerons  de  celte  question  dans  notre  prochain  numéro  ; 
nous  ne  savons  encore  si  l'on  s'entendra  sur  un  moyen  de  centraliser  les 
hommages  qui  seront  si  légitimement  rendus  au  vieux  maître  de  Bonn. 

—  La  Société  des  parUrs  de  France  est  reconstituée,  comme  nous  l'avons 
annoncé.  Son  premier  Bulletin  contient  les  statuts,  la  liste  des  membres 
actuels,  celle  des  membres  du  bureau»,  le  compte  rendu  de  la  première 
réunion,  tenue  à  la  Sorbonne,  où,  grâce  à  la  bienveillance  de  Monsieur  le 
vice-recteur  de  l'Académie  de  Paris,  auront  lieu  désormais  les  séances,  le 
discours  de  M.  G.  Paris  sur  les  Parlers  de  France,  et  quelques  communica- 
tions intéressantes.  La  cotisation  est  fixée  à  six  francs  par  an,  et  donne  droit 
au  Bulletin,  La  Société  patronne  en  outre  des  publications,  pour  lesquelles  les 
membres  ont  droit  à  un  prix  de  faveur  (eUe  annonce  dès  à  présent  le  Glos^ 
saire  des  parlers  de  Bourncis,  dans  le  Doubs,  par  M.  Ch.  Roussey,  et  le  Glos- 
saire Sainl'PoloiSy  l'œuvre  si  remarquable  de  M.  Edmond,  dont  le  commen- 
cement a  paru  dans  la  Revue  des  patois  gallo-romans).  Elle  institue  des 
enquêtes  (dont  le  Bulletin  donne  plusieurs  excellents  spécimens)  sur  des 
faits  de  phonétique,  de  morphologie,  de  lexicologie,  de  sémantique,  etc.  Elle 
espère  pouvoir  constituer  prochainement,  au  moins  sous  une  première  forme, 
un  Atlas  phonétique  de  la  France.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  nous 


I.  Président  :  M.  G.  Paris;  vice-présidents  :  MM.  Paul  Meycr  et  Gilliéron;  secrétaire 
général  :  M.  Rousselot  ;  secrétaires  adjoints  :  MM.  Pepoucy  et  Salmon  ;  administrateur  : 
M.  Psichari;  trésorier  :  M.  Deseilligny  ;  bibliothécaires-archivistes  :  MM.  Sudre  et  J. 
Passy;  comité  de  direction  scientifique  et  de  publication  :  MM.  P.  Meyer,  A.  Thomas,  Gil- 
liéron, Morel-Fatio;  conseil  général  (outre  les  membres  ci-dessus  nommés)  :  MM.  d'Ab- 
badie,  d'Arbois  de  Jubainville,  Brunot,  Clédat,  Colin,  Condamin,  Delochc,  Dottin, 
L.  Gautier,  Raillant,  L.  Havct,  Jorct,  LiéUrt,  Longnon,  Loth,  P.  Passy,  E.  Picot, 
Rosapelly. 


620  CHRONIQUE 

fccommanjons  chaudement  cette  scientifique  et  nationale  entreprise  à 
tous  no5  lecteurs.  Les  souscriptions  et  cotnmumcaiions  doivet^t  être  adrcs- 
ste  Ji  M.  l'abbé  Rousselot,  ii,  rue  Llltré» 

—  Il  vient  de  se  fonder  à  Paris  une  nouvelle  Société,  sur  laquelle  nous  ne 
saurions  trop  appeler  Tattention  de  nos  lecteurs.  Nous  détachons  des  Statuts 
l«t  art,  I  et  8,  qui  font  suffisamment  connaître  Tobjet  en  vue  duquel  elle 
a  étc  fondée  et  les  moyens  qu'elle  se  propose  d*cmpIoyer* 

Jtt.  i,  Jl  e^l  créé  une  Société  d'histoire  tiitéraîre  di  U  Francf,  destiné»:  x  fouroif  aux 
pcrwnnc»  qui  **intércsscnt  â  ThiMoirc  de  h  France  liitér,iîrc  les  luoyeni  de  se  réunir* 
d'écliàiigcr  leurs  idées,  de  profiter  en  commun  des  recherches  individuelles,  d*UQlr  kun 
cflbrti  et  de  groufKr  leurs  travaux. 

Âri.  8.  Li  Société  se  propose  de  publier  une  Rfiue  périodique,  des  mémoires  et  des 
ouvrdge»  lutéfciitint  rhbtoire  de  U  liitéraiurc  françaiset  et  d*âîdcr,  dans  la  mesure  et 
CCS  moyens,  au  développement  de  ces  études, 

La  cotisaiion  des  membres  de  la  Société  est  fixée  à  20  francs*  moyennant 
quoi  ils  recevront  la  Kwue.  Les  adhésions  doivent  être  adressées  à  M,  Brunot, 
secrétaire,  23,  me  Madame.  Le  bureau  se  compose  de  MM.  G,  Bois&îcr, 
président;  Petit  de  Jullevillc  et  Dezcimeris,  vice-présidents  ;  Brunot,  secré- 
laire;  t*.  Bonnefon,  secrétaire-adjoint;  A.  Colîn,  trésorier.  Parmi  les  membres 
du  Conseil  d^admiiustration,  nous  relevons  les  noms  de  MM,  Chuquct» 
Claretk%  Doumîc»  Faguet,  Larroutnet,  Lavissc,  J.  Lemaîire,  G.  Monod,  P.  de 
Kolhac»  G,  Paris,  I:,  IMcot,  Tamizey  de  Larroquc;  parmi  les  premiers  adhé- 
rents, ceux  de  MM.  Bédicr,  Beljâme,  Bourcicx»  Châtelain,  Consuns,  Dejob, 
Dclboulle,  L.  Delislc,  Gasié,  Gaiicr,  L,  Hilévy,  Hauréau»  Jcanroy,  Jorct, 
E.  Langiois,  Ch,-V,  Langlois,  Lanusse,  Marty-Laveaux»  A,  de  Montiîglon» 
Morel-Fatio,  Novati,  J.  Pichon,  G.  Ravnaud,  Rcinach,  RigaL  H.  de 
Rothschild,  Sudre,  Vapereau.  Inutile  de  dire  que  nous  soulmitons  le  mdlkur 
succès  i  la  nouvelle  Société,  qui  vient  combler  une  lacune  bien  souvent 
déplorée.  Le  premier  numéro  de  la  Rnme  tfbisioirt  Hiiérmrt  ir  Itf  Frimct 
parattrti  en  janvier  1894* 

—  La  Société  des  anciens  textes  français  vient  de  mettre  en  dlstnbiutiofi 
deux  volumes  attribués  â  l'exercice  189^  :  le  tome  VTH  d*£ttsilache  0»- 
champs,  par  M.  G.  Ravnaud;  et  le  vocabulaire  des  Mirjtcks  éi  Nmtrt  Dmm, 
par  M.  Bonnardot.  Ce  vocabulaire  forme  le  tome  VIH  de  U  poUkatioa  des 
Miracles  faite  par  MM,  G.  Paris  et  U.  Robert,  L  eseioce  189  j  sera  pcockia- 
nemcnt  complété  par  le  roman  de  GuiUAmm  di  Doie  de|)iiî$  sa  ioi^eiffS 
annoncé.  —  La  même  société  se  propose  de  roeftie  pioduinemcaf  kmbs 
presse  une  édition  des  poésies  de  Guillaume  Alexis,  par  MM.  É,  Pkm  et 
A.  Pîagct, 

—  Nous  avons  dit  un  mot  ct^cssus  (p.  529)  des  p^  m^  ^oi  en  éiè 
imprimés  eu  Iulie  à  Toccasion  du  mariage  de  mademoisdlc  Macbilde  d*A»- 
cona  avec  M.  E.  Casàn,  Void  ccUcs  de  ces  charmin»  p«ibE«iom  fri  m 
paMMScni  mériter  spécialement  d  être  désignées  à  oos  lectcms  :  L  SsM 
fmeiH  imdUi  éi  Masser  Frmaxo  Aatiii  d'Arts  (obk  moels  ém  àM 
l«niooii$ohe  eu  XV  siècfc);  —  h  del  Lungo,  Vm  1   n'i   iijr if  m  M  i 


aiRONIQUE  621 

XIII  (  curieuse  page  extraite  de  la  Cratiiai  doftmtka  deDonato  Velluti,  dont 
M,  del  Luîîgo  prépare  la  publication  tî*après  le  ms.  autographe);  — 
P,  Rajna,  PulxcUa  Gaût^  cantate  cavalUresco  (poème  inédit  sur  un  thème  ana- 
logue à  ceux  de  Grathni  et  de  Lmtvaî\  M.  Rajna,  qui  ne  donne  ici  que  le 
texte,  nous  en  promet  une  édition  copieusement  illustrée)  ;  —  D»  Buona- 
mici  et  S.  Morpurgo,  E!  govertto  d^  famigVia  (  U  malitk  ddk  àonm  (ce  sont 
deux  poèmes  originairement  distincts»  Tun  imité  de  la  célèbre  épître  ;\  Rav- 
raond  de  Saint- Ambroise  attribuée  A  saint  fk'rnard,  l'autre  sur  un  thème 
bien  connu;  ils  ont  été  indûment  réunis  à  une  époque  déjA  ancienne  i  Tau» 
teur  des  Mahiie  ddU  donm,  qui  vivait  à  la  Un  du  xv*  siècle  et  est  peut*étre 
aussi  celui  du  Gt^vtrm  de/amtgJûi,  avait  également  composé  les  Malitie  ddk 
arii^  dont  il  y  a  plusieurs  éditions;  tout  cela  est  exposé  dans  la  sobre  et 
savante  notice  jointe  par  M  Morpurgo  à  cette  édition  faite  sur  divers  impri- 
més anciens);  —  P.  Nov.iti,  Libro  mcmoriak  dei  figïi  di  M.  Lapo  da  Castigîion- 
chio  (1382,  avec  une  charmante  préface  et  de  savantes  notes)  ;  —  F.  Torraca, 
Baiti  e  scrilti  di  Vgolino  Bu:(^ola  (nouveaux  renseignements  sur  ce  Faentin» 
dont  Dante  a  parlé  dans  le  De  vidg.  cL^  et  qui  avait  composé  un  traité  sur  les 
diverses  manières  de  saluer  fort  admiré  de  Franccsco-  da  Barberino)  ;  — 
M,  Menghini,  Uttcapiiolosuila  virtudtïU  (rutta  (petit  poème  inédit  du  xv*  s.)  ; 
—  O,  Bacci,  Ltttere  inédite  di  Marco  Farenti^  setaiuolo  fiorcntino  dtl  secolo  XV 
(extrait  d'une  riche  correspondance  dont  on  iî*3  imprimé  jus^ju'icî  que 
quelques  échantillons  et  (^ui  rnériterait  certainement  d'être  publiée  tout 
entière);  —  G,  Pitre»  Dtibhi  e  indovindîi  siciiiani;  —  G.  Mazzatinti,  Costitu- 
\l<ini  dei  Disciplinât  i  di  S.  Andréa  di  Ptrugia  (texte  de  1374,  intéressant  pour 
la  langue)  ;  —  M.  Barbi,  Antonio  Mandti  £  la  ncvella  dtl  Grasso  tcgnaiudo 
(Manetri,  s'il  est  probablement  l'auteur  de  la  Vie  de  BruneUeschi,  n*est  paS 
celui  de  cette  célèbre  nouvelle  dont  on  a  une  copie  de  sa  main  ;  elle  paraît 
être  sortie  d'une  collaboration  dans  laquelle  Feo  Belcari  eut  la  principale 
part,  et  a  été  plusieurs  fois  retouchée  et  amplifiée), 

—  Nous  avons  reçu  le  premier  fascicule  de  V AUfran^osische  Grammatih 
que  public  M,  Suchier  (Halle,  Niemeycr,  in-8«,  88  p.).  Il  comprend  l'étude 
des  voyelles  accentuées  de  la  «  Schriftsprache  «  ;  les  variations  dialectales 
seront  étudiées  à  pan.  L'ouvrage  est,  on  le  voit,  conçu  sur  un  plan  à  la  fois 
très  clair  et  très  compréhensif;  il  formera  sans  doute  plus  d*un  volume.  Ce 
que  nous  en  avons  lu  justifie  pleinement  tout  ce  qu*on  pouvait  attendre  d'un 
philologue  de  la  valeur  de  M,  Suchier  :  nous  en  reparlerons  à  loisir. 

—  Au  troisième  congrès  des  philologues  Scandinaves,  tenu  A  Stockholm 
en  1886,  M.  J,  Storm  avait  fait  une  communication  sur  la  dipîjtongaison  dam 
Us  langues rotnatm s  qui  vient  seulement  d^ètre  imprimée,  après  avoir  été  rema- 
niée par  Tauieur,  dans  l'appendice  des  Actes  du  quatrième  congrès,  tenu  i 
Copenhague  en  1892,  Le  savant  phonétiste  de  Christiania  attribue  la  diphton- 
gaison de  €  en  iV,  a  en  uOy  quMl  croit  (et  nous  sommes  de  son  avis) 
originairement  commune  à  toutes  les  langues  romanes»  comme  une 
conséquence  de  li  réduction  de  è,  ï  à  <•,  de  ô,  û  A  j>,  Jointe  à  l'égalisation  de 


622  CHRONIQUE 

la  quantité  entre  ^,  o  et  é,  à,  les  quatre  voyelles  étant  devenues  longues  do 
moment  quelles  portaient  Taccent.  Le  btin  ayant  en  lui,  comme  plusieurs 
autres  langues  (M.  Storm  dte  particulièrement  un  dialecte  norvégien  qui 
offre  des  phénomènes  tout  à  fait  analogues),  une  tendance  i  prononcer 
les  voyelles  longues  comme  des  diphtongues,  de  telle  façon  qu'elles  finissent 
autrement  qu'elles  ne  commencent,  cette  tendance  s'est  développée  par  îc 
besoin  de  distinguer  les  anciens  <•,  o  des  nouveaux,  et  elle  a  abouti  à  b  for- 
mation,  d'abord  de  voyelles  doubles  ft,  ûo,  puis  des  diphtongues  ie^  uo^  dont 
Taccentuation  a  peut-être  été  à  Torigine  descendante,  mais  qui  a  fini  (non  point 
panout)  par  devenir  ascendante,  après  avoir  passé  par  une  longue  période 
d'accentuation  «  flottante  ».  Bornée  dans  la  plupart  des  langues  à  é,  é 
toniques  libres,  elle  a  atteint  dans  d'autres  <?,  6  entravés,  et  en  français  (et 
ailleurs)  elle  a  encore  agi  sur  IV,  o  nouveaux,  les  changeant  en  W»  ow 
(devenus  plus  lard  m,  eu).  On  retrouvera  ces  idées^  que  nous  nous  bornons  ici 
à  exposer,  dans  VEnglUclx  Phiîologu  de  Tautcur.  Elles  ont  le  grand  mérite 
d*étrc  fondées  sur  l'observation  directe  et  attentive  des  phénomène  vivants 
du  langage. 

—  Au  quatrième  congrès  des  philologues  Scandinaves,  tenu  à  Copenhague 
en  juin  1892»  M.  J.  Visîng  a  fait  une  intéressante  communication  (imprimée 
en  suédois  d  Copenhague  dans  les  actes  du  Congrès)  sur  le  latin  vulgaire,  U 
a  eu  surtout  pour  but  de  répondre  à  M»  K.  Sitll,  qui,  dans  différents  écrits, 
en  dernier  lieu  dans  le  Jahnsherichl  de  Bursian  (1891),  a  nié  que  les  textes 
de  l'époque  classique,  grammaires,  ouvrages  et  inscriptions,  nous  aient  rien 
conservé  du  latin  vulgaire  (voy,  là-dessus  M,  Miodonski,  dans  le  t.  vni, 
p.  1461  de  VArchiv  fur  hUeinhcfx  Lixikographié).  M.  Vising  montre  que  c'est 
se  faire  une  idée  laussc  du  latin  vulgaire  que  de  s^imaginer  qu'il  dût  présen- 
ter des  formes  très  différentes  du  latin  littéraire,  et  que  c'est  cette  idée 
fausse  qui,  en  amenant  une  déception  chez  les  philologues  qui  ont  examiné 
en  s'en  inspirant  les  textes  en  question,  leur  a  fait  nier  qu'ils  continssent  du 
latin  vulgaire.  II  fait  voir  que,  des  grandes  altérations  du  latin  qu'on  trouve 
dans  les  langues  romanes,  les  unes  par  leur  nature  (accent,  quantité,  etc.)  ne 
se  prêtaient  pas  à  être  notées  dans  les  textes,  les  autres  sont  postérieures  i 
Tépoque  à  laquelle  remontent  ces  textes,  et  que  notamment  les  différences 
dialectales  (que  le  même  K.  SittI  avait  jadis  infructueusement  essav^é  de 
constater)  étaient  très  faibles  à  cette  époque.  Malgré  cela,  ces  textes  sont  loin 
d'être  aussi  stériles  qu*on  le  dit,  et  il  en  donne  quelques  preuves  que  tout 
romaniste  pourrait  multiplier*  Il  ne  faut  surtout  pas  oublier  que  la  forme 
qu'on  peut  appeler  vulgaire  et  qui  était  destinée  à  triompher  n'a  jamais  rem- 
placé brusquement  la  forme  classique  correspondante,  qu'elle  a  longtemps 
vécu  à  côté  d'elle,  que  ceux  qui  l'employaient  connaissaient  aussi  l'autre  et 
préféraient  naturellement  celle-ci  quand  ils  écrivaient  :  tout  homme  qui 
écrit  est  un  lettré  (  même  les  graffiti  de  Pompéi  sont  l'œuvre  de  demi -savants), 
il  a  forcément  appris  Torthographc  et  la  grammaire  en  même  temps  que 
récriture,  et  il  ne  les  viole  outrageusement  que  quand  elles  se  sont  par  trop 


CHRONiaUE  623 

éloignées  de  la  langue  vivante  (comme  en  français  moderne),  ce  qui  n'était 
pas  le  cas  en  latin*  Au  reste,  la  question  du  latin  vulgaire  est  à  reprendre 
d*ensemble,  après  les  travaux  de  ces  dernières  années  ;  les  quelques  pages  de 
M.  Vising  formeront  une  bonne  contribution  A  cette  attraj^^ante  et  difficile 
étude. 

—  A  ce  même  congrès,  M.  P.  A»  Geijer  a  fait  une  intéressante  lecture 
sur  ks  noms  de  phinks  tn  français,  sur  lesquels  il  prépare  un  travail  étendu. 
L'auteur  parle  d'abord  des  noms  traditionnellement  conservés,  d*origine  cel- 
tique, latine,  germanique,  puis  passe  en  revue  les  différents  procédés  employés 
par  b  bngue  frjtnçâise  pour  dénotnmer  des  plantes  ou  des  variétés  qui 
n'avaient  pas  de  nom  traditionnel.  Il  mentionne  en  dernier  lieu  les  emprunts 
aux  langues  étrangères  et  nous  donne  Tétymologie  du  mot  rutabaga  (bras- 
ska  csciilmta),  «  chou  de  Suède,  navet  de  Suède  •>»  qucLittré  n'explique  pas. 
Le  nom  suédois  de  cette  plante  est  rofvcr^  mais  la  langue  poputaire  la 
désigne  sous  le  nom  de  roiahaggar  ;  ce  nom  parait  avoir  été  transporté  avec 
la  plante  elle-même  en  Angleterre  d'jbord  et  de  là  en  France, 

—  Dans  les  Anaieita  Graecitnsia  offerts  par  TUniversité  de  Graz  au  con- 
grès des  philologues  allemands  et  autrichiens  tenu  à  Vienne  au  mois  de 
juin,  M.  Schuchardt  a  inséré  une  jolie  étude  intitulée  :  Dtr  mebr\ieJige  Frage- 
und  Rdaîiviati  (tirage  à  part,  cher  Fauteur,  Graz,  2B  p.  in-80).  II  s*agit  de 
phrases  dans  lesquelles  une  double  qucsïion,  directe  ou  indirecte,  est  conte- 
nue, comme  dans  l'allemand  :  IVaun  niksi  du  nvhin?  L*auteur  recherche 
cette  construction  dans  les  nombreuses  langues  qui  lui  sont  familières.  Elle 
est  rare  en  roman  :  pour  le  français,  il  nVn  a  pas  trouvé  d'exemples  ;  je  crois 
cependant  qu^on  pourrait  en  découvrir  qui  ne  seraient  peut-être  pas  des  lati* 
nismes,  au  moins  sous  la  forme  exclamative.  Il  ne  serait  pas  impossible,  il  me 
semble,  de  dire,  en  supprimant  et  dans  la  phrase  connue  de  Racine  ;  Quel 
père  je  quitterais  pour  quelle  mire!  Mais  si  cette  forme  a  été  employée,  c'a 
été,  i  coup  sûr,  très  exceptionnellement.  L'auteur  a  fait  précéder  cette  étude 
de  quelques  réflexions  intéressantes  sur  ce  qui  constitue  réellement  le  génie 
des  langues,  ce  qu'il  appelle  «  la  langue  intérieure  »  par  opposition  A  «  la 
langue  extérieure  ». 

—  La  première  partie  du  t.  II  de  la  Gramniatik  der  roman ischen  SpracJjen  de 
M.  Meyer-Lûbke  vient  d'être  mise  en  vente  ;  la  seconde  partie  paraîtra  sans 
doute  au  mois  de  janvier.  La  traduction  française  de  ce  volume  est  confiée  à 
deux  jeunes  romanistes  belges  que  nos  lecteurs  connaissent,  MM.  Auguste  et 
Georges  Doutrcpont. 

—  Dans  les  n<»  de  mai,  juin»  juillet  et  3iOùt  du  Journal  des  savants,  G.  Paris 
a  publié,  à  propos  du  livre  de  M.  A.  Fioravanti,  //  SaJadino  nelïe  ieggende  fran- 
ct$i  ed  italiane,  une  étude  étendue  sur  la  légende  de  Saladin  (elle  a  paru  À 
part,  in-40,  à  la  librairie  Bouillon).  Il  faut  y  joindre  l'édition  d*un  petit 
poème  latin  sur  Saladin  donnée  par  le  mcme  dans  le  n**  de  mai  de  la  Rome 
di  r Orient  latin» 

—  Dans  le  n»  de  novembre-décembre  de  la  Revoie  historiqtte  (p.  225-260)  a 


—  Nous  avons  reçu  de  M.  tLirtwell  Joncs  les  observations  suivantes  ; 

L'écrivain  de  ranjcle  paru  dans  Romanta  d*avnl  1895  est  complète  m  ctil  dans  l'erreur 
lorsqu'il  croît  cjuc  je  suis  responsable  pour  la  publication  des  Morceaux  choisis 
liréf  des  Manuscrits  lL*  Hengwrt  pjr  William*.  —  Voici  ce  qu'il  en  est,  —  A  la  mort 
du  chanoine  Williams,  la  traduction,  qui  était  incomplète,  fut  confiée  à  un  célèbre 
savant  gallois;  mais  bientôt»  se  trouvant  tnciipable  de  faire  cet  ouvrage,  il  me  pria  de 
le  faire  pour  lui.  Ainsi  donc,  on  voit  après  cela  que  les  critiques  de  G.  P,  vaut  tout  À 
fait  au  delà  du  point.  PremicrcmcTït,  il  écrit  1*  M,  Harti^'cll  Jones,  qui  est  responsable 
de  cette  partie  delà  tâche,  c  Eh  bi<;n,  il  n'y  a  aucune  raison  d'être  pour  cette  assertion. 
Ce  qui  m'a  été  confié,  c'est  la  traduction  seulemeuti  et  elle  devait  être  terminée  dans 
Tespacc  de  six  mois. 

2*.  Il  est  évident  qu'avec  si  peu  de  temps  à  ma  disposition,  je  ne  pouvais  jamais 
essayer  d^entreprendre  une  étude  philol(^quc  des  différentes  parties  de  l'ouvrage. 

D*ailleurs»  toute  responsabilité,  excepte  pour  ce  qui  regarde  la  traduction,  a  été  rcjetée 
dans  la  préface. 

5*.  Ensuite,  trouvant  parfois  impossible  de  déchiffrer  le  texte  gallois,  j'ai  voulu  con- 
sulter les  manuscrits  de  Peuurth  ;  tout  ce  que  j'ai  pu  obtenir,  c'a  été  la  permission  d*y 
jeter  un  coup  d'ceil  pendant  deux  jours  seulement. 

4\  Le  texte  gallois  tout  entier,  sauf  les  trois  dernières  pages  de  la  fin  (qui  ont  été 
imprimées  par  M.  Phillimore),  avait  été  mis  sous  presse,  et  de  fait  imprimé  avant  U 
mort  du  chanoine  Williams. 

;".  Les  notes  sur  le  texte  ont  été  insérées  à  h  suggestion  d*un  ssvant  célèbre  gaU 
lois  qui  a  cru  que,  pour  me  justifier,  je  devais  expliquer  le  sens  qu'on  avait  adopté 
pour  les  passages  altérés.  Les  explications  qui  précèdent  ont  été  insérées  avec  te 
consentement  des  éditeurs,  et  cela  pour  s  inaplc ment  servir  de  guide  aux  recherches 
futures. 

Va  Taltération  du  texte  dans  l'ouvrage  entier,  ît  m'aurait  été  complètement  impos- 
sible d'en  entreprendre  la  publication,  et  comme  ]*ai  écarté  aussi  clairement  que  pos- 
sible toute  idée  de  publication,  les  remarques  de  M.  G.  P.  à  mon  égard  sont  ntanifes* 
tement  injustes. 

On  pounajt  ainsi  résumer  sa  critique  : 

t".  Partant  d'une  idée  fausse,  il  attaque  un  ouvrage  que  je  n'ai  jamais  entrepris  et 
que  je  n'aurais  jamais  voulu  entreprendre. 

1°.  Il  n'a  pas  discerné  le  travail  que  j'ai  réellement  fait»  c*est-Mirc  la  iraditclîon  de 
la  VI*  partie,  la  seule  chose  que  l'on  m'ait  demandé  de  faire,  et  qui,  je  peux  le  dire,  a 
mérité  l'approbation  des  suivants  gallois,  bieti  capables  de  jtigcr  de  sa  valeur. 

G.  HjIMTWELL  JONES. 

Cette  réponse,  comme  on  le  voit,  nest  guère  moins  confuse  que  la  publica- 
tion même  dont  j'ai  rendu  compte.  J'ai  dit  que  M,  H.  J.  était  responsable  de  la 
partie  de  cette  publication  qui  n'était  pas  de  M.  Williams,  et  je  le  maintiens, 
car,  quoi  qu*il  en  dise,  il  n'a  nullement  rejeté  cette  responsabilité  dans  sa  pré- 
face. Au  reste,  il  ne  désavoue  pas  dans  sa  réponse  les  notes  que  j'ai  critiquées, 
et  îï  importe  peu  qu'elles  aient  été  faites  «  à  la  suggestion  d'un  savant  célèbre 
gallois  »  et  «  insérées  avec  îc  consentement  des  éditeurs  ».  Elles  sont  bien 
de  M.  H.  J.,  ou  du  moitis  je  n*avais  et  n*ai  aucune  raison  de  les  attribuer  à 
un  autre.  Au  reste^  ta  question  personnelle  est  ici  de  peu  d'importance;  j'ai 
voulu  faire  connaître  i  nos  lecteurs  U  valeur  d'une  publication  qui  pouvait 
les  intéresser,  et  M.  H.  J.  luî-méme  ne  dît  pas  que  mon  appréciation  soii 
mal  fondée.  C'est  le  point  essentiel.  G.  P. 


CHRONÎtlUB 


—  Uvfts  âf2t)0£icès  sommairement 


^iin  f^ioii  uxûlm^  cotitributt 
moifern^,  fxr  pjn!  Ma^îiot^  Paris,  BouiUati, 
—  Noos  av^cms  id  la  rdbnie  Complète  ex  extrèmei 
sm  U  piîcns  de  S^i-Huben  que  M.  M^rdiot  ^^ 

J/ ^bîlakfie  franç^ix  (IV ,  190-201)1  c'est  dcveo) 
riche  en  observitions,  et  où  Vûti  rem^irqueiii  ac 
propositions  ^ytiiologi<]Ues,  ordinâîretïient  )adk 
unes  i^stére^sent  le  français  même  ou  le  roman 
c'est  ni  nùS  conmioJe  ni  irés  jùstïhé*  et  oo  peu 
négligences  (impossible»  par  exemplef  de  comprei 
tuté  Exapiiom^  où  les  rubriques  dîscnE  le  centra 
dire)-  fnais  en  g^éral  il  fait  preuve  d*att»itiao  < 
petit  Mfre  fornaerâ  vraîmciïi  une  contribûtîo 
waûïOQ  moderpe* 
Emcsto  MoKAQ,  Suir  milichhsima  mntitenû  gmllart 
Cfxxc^  XV,  6.  Roma,  1391,  m-S«,  i  s  p»  (extrait  de 
d^mui  dei  Lmi:ef\  mai  1892),  —  M.  Monaci  a  rais 
âtir  cette  petite  pièce,  fort  obsctire  et  assuréms 
mais  qui  est  Tûcuvre  d'un  jongleur  toscan  du  Kl 
scrite  avant  h.  ûa  de  cestècle  (on  en  a  donné  deu) 
phiques),  H  en  améliore  en  beaucoup  d*endroits  le  1 
gnabns  nocammeatrï^^/iaf^r^ci  fan  bien  appliqué  coi 
maisquiest  à  mon  avis  non  p3is  nuptiale  H-isb( 
de  nu  plia  avec  le  double  suffixe  'ar-isc  rècem 
bkr,  voy,  ci-dessus,  p,  340).  Il  en  fixe  h  date  ai 
que  le  ivscm'o  voUfrrani>  du  v.  24,  désigné  seulemei 
nom  doit  avoir  trob  syllabes  et  rimer  en  uno,  ne 
évtque  de  Volterra  de  njo  à  1171.  Mais  il  n'an 
bkble  que  le  pape  dooi  reloge  enthousiaste  re 
trouvent  ces  vers  fût  Calliste  II  (1124)  "  qu'an 
un  pape  mort  depuis  trente  ou  quamnie  ans,  c 
ne  croira  pas,  malgré  tout  ce  qu*oni  d'ingénieux 
sur  le  (HtradiS  dmiano  (province  de  Vienne),  lotnaf 
en  question  dok  être  un  contemporain  de  G  a 
imprime  Se  mi  dd  pour  semida^  mais  il  me  parai 
St  mi  dà  et  de  supposer  que  le  jongleur  sittend 
vient  de  buer).  Cluant  au  vtscova  ^rimaUrsco,  y 
if  m<ïme  G;ilg.mo.  La  première  strophe  pourrai 
iHr.mgère  aux  deux  autres.  ^  Au  w  ^  m  /soh 
l.iille  interpréter  Jisoliia^  par  Phystolcfus  (on  sait 
ciJiint.>rntia'nt  au  moyen  âge  pour  un  nom  d'au  te 
difveni»  iwctesiivemeïit  filomfû,  fisdafo,  polac^,  - 


CHRONiaUE  627 

Emesto  Monaci,  ShJP  aiba  hiUng^ie  dd  coà.  Fat.  Rtg.  1462.  Rama,  1892, 
Jn-8«,  15  P*  (extrait  des  Rtndkonti  deUa  R.  Academîa  dti  Lincei,  juin  1892). 
—  M*  Monaci  essaie  très  savamment  et  trt;s  iogé nie u sèment  de  prouver 
que  le  refrain  «  vulgaire  n  de  la  chanson  d*aube  latine  sur  lequel  on  s'est 
tant  exercé  n'est  pas  provençal,  m.iis  ladin,  que  î^/^/7  ou  bigii  n*y  est  pas 
un  adjectif,  mais  désigne  le  VigiUJoch  près  de  Meran,  et  que  Tencbras  est 
sans  doute  aussi  le  nom  (jusqu^i  présent  non  retrouvé)  d*une  montagne 
voisine,  La  langue  d'ailleurs  confirmerait  cette  explication  :  y  serait  le 
surselvan  i  =r  illc  et  illî  ;  en  ladin  itutr  est  masculin,  humidum  et  so] 
survivent;  mira  veut  dire  «  voilà  »  etiiar  «  lumière  »,  part  «  du  côté  de  » 
s*emploie  sans  un  de  qu\  le  relie  au  mot  qui  en  dépend,  post  devient />o. 
En  sorte  que  les  deux  vers  :  Latba  part  umet  mar  atra  sol^  Po  y  pitsa  higiî 
miraclar  tcnehras  signifient  dans  le  plus  pur  ladin  du  monde  :  «  Uaube  du 
côté  de  îa  mer  humide  attire  le  soleil  ;  après  qu'elle  passe  Vigîl,  voilà  lumière 
[sur]  Tenebras.  »  C'est  une  obsen-'atîon  de  météorologie  locale  d'une 
remarquable  précision  (sauf  la  mention  de  la  mer  qui  surprend  un  peu  ; 
mais  M.  M.  nous  prouve  que  c'est  à  tort).  Je  doute  que  mon  savant  ami 
convertisse  à  son  opinion  beaucoup  plus  de  lecteurs  que  ceux  qui  l'ont 
précédé  dans  les  divers  essais  d'interpréter  ce  texte,  où  il  n'y  a  qu'une 
chose  claire,  c'est  que  VaUnx  part  est  le  fr.  Laube  péri,  le  prov.  Vaïba 
par,  début  de  tant  de  refrains  d'aube.  Mais  ce  qui  est  intéressant  dans 
le  mémoire  de  M.  M-,  ce  sont  les  preuves  de  l'activité  littéraire  de  la 
région  lombardo-frioulane  aux  vm«,  ix«  et  x«  siècles.  C'est  â  cette  région 
aussi  que  M.  M.  rapporte  {il  en  donnera  prochainement  les  raisons)  les 
gloses  de  Cassel,  et  la  pièce  81  des  Carmina  Burana,  où  Ton  avait  vu  du 
provençal  mêlé  de  français.  —  G.  P. 
Livres  prm^efiçaiix  rassemblés  pendant  quelques  annéts  d* étude  et  offerts  à  la  biblio- 
thèque de  rUnivcrsité  d'Upsala  par  Cari  Wahlund.  Upsala,  impr.  de  l'Uni- 
versité, mai  1892»  très  petit  format.  — On  connaît  lecatalogue,  unique  en 
son  genre,  que  M.  Wahlund  a  dressé  de  ses  ouvrages  de  philologie  romane 
afin  qtion  pût  plus  commodément  les  lui  emprunter  (voy.  Rom  ,  XIX,  369). 
Cène  fois  il  imprime  avec  la  plus  exquise  élégance,  à  75  exemplaires  seule- 
ment, le  catalogue  des  livres  provençaux  qu'il  a  rassemblés  et  dont  il  a  fait 
don  à  la  bibliothèque  de  runiver5ité  d'Upsah  Ce  catalogue  comprend  224 
numéros;  le  titre  de  chacun  d'eux,  reproduit  approximativement  d'après 
l'original,  occupe  un  recto  ;  au  verso  se  trouvent  les  indications  du  for- 
mat, du  nombre  des  pages  et  du  prix.  Il  y  a  pîaisir  à  feuilleter  ce  charmant 
volume,  et  ci  et  là  les  provençalisies  feront  connaissance  avec  des 
ouvrages  dont  la  plupart  ignoraient  sans  doute  l'existence,  par  exemple 
des  dissertations  suédoises.  Quant  aux  étudiants  en  provençal  de  Funiver- 
sité  d'Upsal,  ils  devront  à  leur  généreux  professeur  un  instrument  de 
travail  que  ne  possèdent  assurément  pas  bien  des  universités  beaucoup  plus 
voisines  de  la  Provence.  Il  faut  cependant  avertir  les  bibliographes  que 
M*  W,  a,  en  certains  cas,  créé  des  titres  qui  n'existent  pas  et  converti  en 
tirages  ft  part  de  simples  coupures  de  revues* 


^ 


628  CHRONiaUB 

Réceptaire  français  àti  XÎV'^  siècle ^  diaprés  un  1 
J.  Camus,  in-80,  15  p.  (extrait  du  Bulletin  di  j 
la  CâU-iTOr,  u9  u).  —  Ce  petit  recueil  i3e  t& 
ms.  de  Turin  L,  V,  17  >  il  ne  manque  pas  d'im 
pour  rhistoire  de  la  médecine*  M.  Camus  l'a  p 
quelques  bonnes  remurques.  «  Le  manuscrit,  dit- 
à  déchiffrer;  aussi  aï-je  cru  devoir  faire  suivre 
quelques  vocables  dont  b  lecture  ne  m'a  pas  do 
Je  n*ai  pu  restituer  ces  mots  ;  voici  quelques  ob 
sages  :  4  dont  on  (feut  Immm  ganr  ti  satdver  si 
mority  1.  aterminèi  (voy.  Godefroy,  s.  v,);  ^  ; 
terre  :  la  première  aï  m  priera ^  la  secomie  m  pan 
pierres  (c'est  la  ftirmule  bien  connue  in  herUs^  « 
nei  li  acoinUf  1.  liacûttra  (?)  ;  ^  a  j  et  ^00  y  c^,  L 
—  76  li,  1.  Pi;  —  124  cafwrgf  l.  /û«tTf  (mince) 
1.  <rajra«fe  (d'érable)  i  —  273  dan^  une,  1.  d'aucun 
éd.  uns  du  vdlous,  tnais  il  faut  lire  uns  dureUons 
la  ou  nature  domine  qu^élle  en  ait  (de  la  barbe 
peut-être  plutôt  dénie  ou  dénote  \  —  548  mptrîn. 

Notice  sur  un  ms.  d'Orléans  contenant  d'anciens  mi 

français,  par  Paul  Meyer  (tiré  des  Nûtic4s 
'  t.  XXXIV,  2«  partie).  Paris, imp.  nat.,  librairie 
30  pages  et  une  héliogravure.  —  Ces  précieui 
trois  miracles  distincts,  sont  d'une  t^criture  du  xi 
normande;  mais  le  texte  parait  être  continental 
est  affectus,  cela  les  assignerait  au  sud-ouest 
remarquera  une  curieuse  description  du  marché 
Jérusalem,  que  l'éditeur  rapproche  d'autres  anal< 
céder  sa  publication  de  renseignements  sur  les  dif 
de  la  Vierge,  de  recherches  sur  les  sources  de  ce 
l'a  accompagnée  d'un  glossaire  riche  en  indication 
Notice  sur  le  recueil  de  tniracles  de  la  Vierge  renfertn* 
Si8y  par  Paul  Meyer  (tiré  des  Notices  et  extraits 
2e  partie).  Paris,  Imp.  nat.,  libr.  Klincksieck, 
P.  Meyer  prouve  d'abord  que  les  pièces  de  ce  ms. 
d'origine  française  ont  été  composées  dans  la  r 
ensuite  les  trois  miracles,  appartenant  à  ce  grou 
trois  imprimés  en  fragments  dans  la  notice  précéc 
Enfin  il  donne  les  rubriques  et  les  débuts  des  26 
sont  dans  ce  ms.,  et  qui  forment  «  le  document 
possédions  du  langage  lyonnais  au  xiiie  siècle  ». 

Tk'ophih  Braga  e  la  sua  ohra,  por  Teixeira  Bastc 
m-i2,  ix-508  p.  —  M.  Braga  a  écrit  une  centa 
posé   des  poèmes,  des  contes,  des  œuvres  ph 


CHROKiaUE  629 

sociologiques,  politiques;  il  est  en  Portugal  le  représentant  du  jXïsiti- 
visme  et  le  chef  âcs  républicains;  le  livre  enthousiaste  de  M.  T.  Bisios 
éclaire  sous  tous  ses  aspects  l'activité  multiple  et  vraiment  prodigieuse  du 
«t  plus  grand  remueur  d'idées  du  Portugiil  contemporain  ».  Mais  nous  ne 
mentionnerions  pas  ce  livre,  malgré  le  vif  intérêt  avec  lequel  nousTavons 
lu,  si  M.  Braga  nViait  en  même  temps,  comme  on  sait,  l'historien  de  la 
httérature  portugaise.  Son  oeuvre  inégale,  disproportionnée,  contradictoire 
en  bien  des  pages  (suivant  que  l'auteur  a  passé  de  l'école  de  Hegel  à  celle 
de  Comte,  ou  qu'il  s'est  exalté  pour  les  Germains,  les  Arabes  ou  les  Tou- 
raniens),  est  en  tout  cas  une  mine  de  faits  prodigieusement  riche  et 
aussi  une  mine  d'idées  qui,  pour  n'être  pas  toujours  bien  approfondies  et 
bien  sévèrement  contrôlées,  n'en  sont  pas  moins  fort  souvent  originales  et 
quelquefois  remarquablement  justes  et  fécondes.  Comme  philologue, 
Th.  Braga  ne  mérite  pas  pour  son  Conchnaro  vatkatw,  travail  fait  précipi- 
tamment, toute  Tadmiration  que  lui  accorde  son  biographe.  Comme  folk* 
loriste,  il  s'est  acquis  les  plus  grands  titres  à  la  reconnaissance  des  savants 
et  de  son  peuple  par  ses  belles  publications  de  chants  et  de  contes.  Th. 
Braga  est  né  i  Ponta  Delgada  {Ile  de  Saint-Miguel,  Açores)  le  24  février 
1845;  il  a  publié  à  quinze  ans  son  premier  volume  (des  poésies)  et  ne  s* est 
pas  arrêté  depuis.  Une  bibliographie  de  ses  œuvres  et  des  appréciations 
dont  elles  ont  été  l'objet  termine  le  volume.  On  y  voit  avec  grand  plaisir 
que  Th.  Braga  prépare  une  édition  nouvelle,  complètement  refondue,  de  sa 
grande  Histoire  de  la  Httérature  portt^aise. 

Die  isirianiscljen  Mutulartett,  Von  Dr.  Anton  Iv£,  \Vî en,  Verîag  des  Verfas* 
sers»  1893,  in-8^»  42  p*  —  M,  Ivc  poursuit  ici  le  cours  de  ses  précieux 
travaux  sur  le  roman  de  Tlstric.  Ce  fascicule  contient  le  vocalisme  du 
parler  de  Rovigno,  comparé  constamment  à  ceux  de  Pirano,  Valle, 
Dignano,  Gallesano,  Fasana,  Sissano  et  Pola,  et  rapproché  quand  il  y  a 
lieu  du  vénitien  et  du  ladin.  C'est  une  étude  faite  véritablement  avec 
beaucoup  de  soin  et  qui  sera  très  utile  aux  romanistes  quand  elle  sera  ter- 
minée ;  Tautcur  nous  annonce  que  la  suite,  consacrée  au  consonantisme  et 
à  la  morphologie,  ne  tardera  pas  à  paraître. 

Gbsiaires  et  lexicographs  geneivis^  par  Eugène  Ritter.  Genève,  Georg, 
1895,  in-80,  19  p,  (extrait  du  Bulletin  de  V Institut  geneims^  t.  xxil)*  — 
Dans  cet  intéressant  discours  et  dans  les  appendices  qui  l'accompagnent, 
M*  R.  donne  une  courte  description  du  plus  ancien  dictionnaire  latîn-fran- 
çàis  imprimé,  qui  le  fut  à  Genève  en  1487,  et  dont  la  bibliothèque  Sainte- 
Geneviève  à  Paris  possède  le  seul  exemplaire  connu,  —  des  détails  sur  l'im- 
pression \  Genève,  en  1680,  du  dictionnaire  de  Richelet,  —  et  surtout  sur  le 
dictionnaire  français-italien  de  Pierre  Canal,  publié  à  Genève  en  1598,  ^- 
et  communique  une  liste  d'additions  au  Glossaire  genevois  de  J.  Humbert, 
dont  il  avait  eu  le  projet,  malheureusement  abandonné,  de  donner  une 
nouvelle  édition. 

Manuale  délia  letteratnra  italiana,  compilato  dai  Professori  AL  d'ANCONA  c 


CHRONiatJE  631 

p.  58,  attribue-t-U  au  Pamphilus  quatre  vers  du  Condlium  Romariciniontisï). 
U  faut  ccpendjitxt  noter  la  preuve,  tirée  de  pièces  d'archives,  que  le  Guido 
dclle  Colonne  qui  a  mis  en  latin  Benoit  de  Sainte-More  était  bien  juge  à 
Messine  de  1257  à  1280  au  moins,  et  qu*il  doit  être  identifié,  contraire* 
ment  à  ropinion  de  M.  Gorra,  avec  îe  poète  ïyrîque  du  même  nom, 

Premitr  essai,  Pdtk  gramtmiire  du  àtahck  valdotain  avec  traduction  françûise 
[par  l'abbé  J,-B.  Cerlogne].  Front  Canavese,  impr.  J.-B.  Cerlogne, 
1893,  ln-î2,  105  pages.  —  M.  l'abbé  Cerlogne,  curé  de  Champ-de-Prai, 
dans  le  val  d'Aoste,  aime  son  patois  et  ne  néglige  aucun  soin  pour  le  faire 
connaître.  1!  ambitionne  même  de  lui  donner  une  littérature.  Ses  poésies, 
publiées  à  divers  inten'alles  et  réimprimées  récemment  en  un  volume 
{PoésUs  m  dialecte  valdotaits  p.ir  Tabbé  J.-B.  Cerlogne,  Aoste,  inapr. 
L.  Mensio,  1889,  in-8,  158  pages),  constituent,  à  part  leur  mérite  littéraire 
que  nous  n*avoiis  pas  à  apprécier,  un  véritable  testodi  îingua  d'autant  plus 
facile  à  utiliser  qu'une  traduction  française  est  placée  en  regard  du  texte.  Il 
a  publié  aussi  des  almanachs  populaires  en  patois  {Jan-Pouro,  armanaque  dt 
veUad^o  pe  Vîm  bisesiil  iSgiy  Barbania,  impr.  J,-B.  Cerlogne,  1892; 
Armùfuiqtif  di  veUad^o  aivc  Us  foires  dt  la  vatlee^  ^893),  et  voici  qu'il  nous 
donne  sous  un  titre  modeste  une  courte  et  -utile  grammaire  du  dialecte 
valdotain.  M.  Tabbé  C.  est  son  propre  éditeur  cl  même  son  imprimeur  : 
cette  circonstance  doit  nous  rendre  indulgents  pour  les  fautes  typogra- 
phiques qui  abondent  dans  la  Petite  grammaire  et  qui  ne  sont  pas  toutes 
relevées  à  Vetrata.  Cette  grammaire  n'est  pas  et  ne  prétend  pas  être  un 
travail  d*érudition  linguistique.  Cependant  elle  indique  avec  assez  de 
clarté  la  prononciation,  en  tenant  compte  des  variétés  locales,  et  elle  four- 
nit des  séries  de  paradigmes  qui  paraissent  complètes.  L  auteur,  qui  n'est 
plus  jeune,  signale  çà  et  là  des  modifications  qui  se  sont  produites  dans  son 
patois  depuis  un  de  mi -siècle.  11  ne  faut  pas  perdre  de  vue,  afin  de  rendre 
justice  à  M,  l'abbé  Cerlogne,  qu'avant  lui  les  philologues  n'.avaient  guère, 
pour  se  rendre  compte  du  patois  valdotain ,  qu*un  petit  nombre  de  spéci- 
mens imprimés  dans  îa  Raccolta  di  diaîetti  italîam  de  Zuccagni-Orlandini 
(Florence,  1864),  p.  32  et  suiv.,  et  dans  le  recueil  de  Papanli  I  parlari 
italiani  in  Certaîdo^  p.  490.  —  P.  M. 

Semin  Santy,  La  Comtesse  de  Die.  Sa  vie,  ses  oeuvres  complètes,  les  fêtes  don- 
nées en  son  honneur,  avec  tous  les  documents.  Introduction  par  Paul 
ALxRiÉTOK.  Paris,  A.  Picard,  1893.  In-S"»,  xvni-146  pages.  —  Cet  ouvrage 
a  été  composé,  comme  l'indique  le  titre,  en  souvenir  des  fêtes  célébrées  à 
Die,  en  août  1888,  à  propos  de  Tinauguration  d'un  buste  de  la  fabuleuse 
comtesse.  On  y  trouvera  tous  les  discours,  toutes  les  poésies  qui  virent  le 
jour  à  cette  occasion.  En  ce  qui  concerne  la  comtesse  de  Die  elle-même, 
nous  avons,  dans  ce  volume,  un  résumé  assez  exact  et  passablement  au 
courant  de  ce  qu'on  a  écrit  pour  concilier  ou  expliquer  les  deux  biographies 
de  cette  poétesse  et  les  témoignages  de  Franccsco  da  Barberino.  L'auteur, 
qui,  du  reste,  $e  borne  au  rdie  modeste  de  rapporteur,  dit  avec  raison >  en 


632  CHRONIQUE 

prC'Scncc  des  contraJîaîons  qui  surgissent  Je  toutes  parts,  que  Tliistoire,  le 
nom,  le  litre  de  son  héroïne  sont  encore  une  énigme»  hes  poésies  sont 
réimprimées  d'après  les  cdîtîonSf  et  qui  implique  des  v;inations  considé- 
rables de  syïilème,  et  accompagnées  de  traductions  où  Ton  trouverait  bien 
à  reprendre.  En  somme,  travail  d'amateur,  fait  consciencieusement^  mais 
où  il  ne  faut  rien  chercher  de  neuf. 

i/i  livres  dt  comptes  des  frèrts  Bonis,  marchands  monlaJbanais  du  XI V^  sikJi, 
publiés  et  annotés  pour  la  Société  historique  de  Gascogne,  par  Ed.  Fores* 
TJÉ.  Deuxième  partie.  Paris»  Champion;  Auch,  L.  Cocharaux,  tS^j. 
In-80,  285  pages.  —  Nous  avons  rendu  compte  du  premier  volume  de 
celte  intéressante  publication  (Romank,  XX»  170);  nous  nous  bornons 
actuellement  a  annoncer  la  seconde  partie  qui  vient  de  paraître,  ayant  Tin- 
lention  de  consacrer  aux  Livres  des  frères  Bonis  un  second  compte  rendu, 
lorsque  la  troisième  partie,  qui  renfermera  la  lîn  du  texte,  le  glossaire  et  k 
table,  aura  paru. 

Us  couplets  similaires  dans  ta  vieille  êpop/e  française,  par  Alfred  NoitDFELT. 
Stokholm,  1895,  in-40,  18  p,  —  M.  Nordielt»  dont  nous  avons  annoncé 
l'an  dernier  rintércssanie  étude  sur  l'antiquité  des  laisses  nionorîmes  ter- 
minées par  un  petit  vers,  s'attaque  ici  â  un  autre  point  de  La  technique 
des  chansons  de  geste,  celui  des  «  couplets  similaires  ».  On  a  déjà  beau- 
coup discuté  cette  question  compliquée,  et  Tauieur  n*a  pas  connu  tout  ce 
qu'on  a  écrit  avant  lui  (il  s'est  aperçu  après  coup  que  M.  Grôber  avait 
donné  une  explication  fort  semblable  ;!^  la  sienne).  Il  établit  d*abord 
que  les  laisses  entihetnenl  similaires,  comme  Roi.  XLV  et  XL  Vil,  sont 
extrêmement  rares;  pour  les  laisses  partiellement  similaires,  il  y  voit  un 
procédé  des  copistes»  qui  ont  amplifié  de  simples  «  recommencements  ©  au 
début  d*unc  laisse,  ou  de  simples  «  anticipations  i>  à  h  Hn  d^une  autre.  D 
donne  de  ce  procédé  des  exemples  qui  paraissent  frappants,  notamment 
dans  les  Enfances  Vivien,  où  la  rédaaion  la  plus  récente  remplace  par  plu- 
sieurs vers  répétés  (avec  changement  de  rime)  un  vers  de  résume  de  la 
rédaction  la  plus  ancienne.  Toutefois,  quand  on  voit  les  laisses  similaires, 
fréquentes  dans  les  anciennes  chansons  (notamment  dans  le  Roland}^  deve- 
nir de  plus  en  plus  rares  avec  le  temps,  on  ne  peut  les  regarder  que  comme 
très  exceptionnellement  dues  à  Tintervention  des  copistes.  On  peut,  avec 
plus  de  vraisemblance,  les  attribuer  souvent  aux  chanteurs,  mais,  dès  lors, 
elles  apparaissent  comme  un  procédé  qu'on  employait  pour  plaire  aux 
auditeurs  ;  et  qui  empêche  alors  de  croire  que  les  premiers  auteurs  en  ont 
eux-mêmes  fait  usage?  C'est  une  question  complexe,  mais  à  l'étude  de 
laquelle  les  observations  précises  de  M.  N.  apportent  une  contribution  qui 
n*est  cenainement  pas  à  négliger. 


Lepnfprytaire-g&anl,  E.  BOUILLON, 


TABLE  DES  MATIÈRES 


E..PHILIPON.  Les  parlers  du  Forez  cis-ligérien  aux  xiii«  et  xive  siècles.  i 

A.  Jeanroy.  Trois  dits  d'amour  du  xiii*  siècle 45 

R.-J.  CuERVO.  Las  segundas  personas  de  plural  en  la  conjugacion  cas- 

tellana 71 

P.  Meyer.  Les  manuscrits  de  Bertrand  Boysset  {fin) 87 

W.  Cloetta.  Le  mystère  de  V Époux 177 

A.  PiAGET.  Simon  Greban  et  Jacques  Milet 230 

É.  Picot  et  A.  Piaget.  Une  supercherie  d'Antoine  Vérard 244 

G.  Paris.  La  Oxinson  d'Antioclx  provençale  et  la  Gran  Conquista  de 

Ultramar  (Jin) 34S 

L.  Gauchat.  Les  poésies  provençales  conservées  par  des  chansonniers 

français 364 

Oc  E.  Gais  de  Pierlas  et  P.  Meyer.  Mémoire  provençal  présenté,  en 

1 398,  au  comte  de  Savoie,  par  les  Grimaldi  de  Beuil 40s 

A.  Piaget.  Jean  de  Garencières 422 

A.  Morel-Fatio.  Notes  de  lexicologie  espagnole 482 

A.  Thomas.  Les  noms  de  rivières  et  la  déclinaison  féminine  d'origine  489 

germanique. 

H.-L.-D.  Ward.  Lailoken  (or  Merlin  Silvester) 504 

MÉLANGES. 

Une  charte  de  Gace  Brûlé  (P.  Guilhiermoz) 127 

Les  premiers  vers  de  Charles  d'Orléans  (A.  Thomas) 128 

Le  latin  - itor  et  le  prov.  -être  (A.  Thomas) 261 

Buissé,  boissiéy  houyssé,  baissé  (A.  Delboulle) 264 

Fragment  d'un  miracle  de  sainte  Madeleine  (G.  Doncieux) 26s 

Chrétien  de  Troyes  et  l'auteur  de  V Ovide  moralisé  (A.  Thomas) 271 

Le  jeu  des  cent  drutz  (É.  Picot) 273 

Sur  Guillaume  de  Machaut  (A.  M.-F.) 27$ 

Jean  de  Hesdin  (B.  Hauréau) 276 

Complément  de  l'oraison  d'Amoul  Greban  à  la  Vierge  (É.  Picot) 281 

D'un  comparatif  gallo-roman  et   d'une  prétendue  peuplade  barbare 

(A.  Thomas) 527 

Rffmania,  XXII  4^ 


634  TABLE   DES   MATIÈRES 

La  laisse  144»  du  Roland  (A.  Siîmon) .,......,  S29 

Revision  des  Études  sur  le  Potf me  du  Cid  0.  Coron).* S  î  î 

Sur  Torigine  du  poème  De PhyïHtk  tt  Flora  (G.  Huet). ..............  %\h 

La  chanson  composée  à  Acre  en  juia  1 250  (G.  P.)  -  ■  ^  - .  -  —  •  — S4! 

Enirecor  (Jmin,  hdt)  (A.  Salmoii), , , Î47 

Bédane  (G.  P.) . , .,  549 

Marmot,  marmeau  (A.  Bos). . , , , , ...,.,.. ,  S50 

J.  Molinet  auteur  du  Mystère  dt  S.  Qmniin  (E,  Langlois).*, SS2 

Coquilles  lexicographiques  (Ad.  HatEfcid,  A.  Thomas) > S3 


COMPTES  RENDUS. 

Becker,  Jean  Lemaire  (Ch.-M.  Des  Granges) 136 

DÉDIER,  Le  fabliau  de  Richeut  (G.  P.) 156 

Bédier,  De  Nicolao  Museio  (gallice  Colin  Masel)  (G.  P.). . .  * .  -  aS^ 

Bbljame,  La  pronondation  du  nom  de  La  w  (G.  ¥.),.... * .  1 57 

Bertran  de  Born,  hgg.  von  Stimming  (A,  Thomas). *,......•  590 

BoNNARDOT,  Trois  textes  en  patois  de  Metz  (G.  P,). . .  * . . . . . .  ♦  147 

CoNSFANS,  Notés  pour  servir  au  classement  des  niss.  du  roraafl  de 

Troie  (G.  P.).  ..--■■.- .  *  - - . 14^ 

Cornu,  Études  sur  le  poème  du  Cid  (G.  PO .,,,..  i%% 

CoURAYE  DU  Parc,  Chants  populaires  de  la  Basse-Normandie  {G.  P.)-  138 
Devaux,  Essai  sur  la  langue  du  Dauphin*^  septentrional  au  moyen  âge 

(P.  M.) .' 594 

Edelfelt  (Annie),  Mots  français  et  suédois 5^ 

Études  romanes  dédiées  à  Gaston  Paris  (G.  P.) 1 54 

Flach,  Le  compagnonnage  dans  les  chansons  de  geste  (G.  P.) r4S 

GiLLiÉRON,  Remarques  sur  la  vitaHté  phonétique  des  patois  (G.  P.).  • .  IS5 
GoLDSTAUB    und    Wendriner,    Ein    tosco-venezianischer    Bestiarius 

(E.-G.  Parodi) 300 

GoLTHER,  Geschichte  der  deutschen  Litteratur,  I  (G.  P.) 164 

Grand,  Proclamation  d'un  héraut  en  dialecte  montpelHérais  (G.  P.).  •  I45 

Havet,  L'5  latin  caduc  (G.  P.) 148 

HuET,    Remarques   sur   les   rédactions    diverses    d'une    chanson    du 

xiiic  siècle  (G.  P.), Ij6 

Jkanroy,  Une  pièce  artésienne  du  xiiic  siècle  (G.  P.) 140 

Jones,  voy.  Williams. 

Joret,  La  légende  de  la  rose  au  moyen  âge  (G.  P.) 147 

Lair,  Élude  sur  la  vie  et  la  mort  de  Guillaume  Longue-Épée  (G.  P.).  576 

Langlois,  Quelques  dissertations  inédites  de  Claude  Fauchet  (G.  P.).  141 
Lanusse,   De  l'influence  du  dialecte  gascon  sur  la  langue  française 

^••M) 299 


TABLE    DES   MATIERES  6j5 

LuzzATTo,  I  dialetti  moderni  délie  città  di  Venezia  e  Padova  (E.-G. 

Parodi) 310 

Mémoires  de  la  Société  néo-philologique  d*Helsingfors,  I  (G.  P.) 565 

MoNOD,  Les  Anttaîes  Laurissenses  minores  et  le  monastère  de  Lorsch 

(G.P.) 138 

Morel-Fatio,  Duelos y  qnehrantos  (G.  P.) 152 

Muret,  Sur  quelques  formes  analogiques  du  verbe  français  (G.  P.). . .  155 
NovATi,   La  Navigatio  sancti  Brendani   in  antico    veneziano  (E.-G. 

Parodi) 304 

NovATi,  La  Ndvigatio  sancti  Brendani  in  antico  veneziano  (C.  Boser). .  ^81 

Omont,  Les  mss.  français  des  rois  d'Angleterre  à  Richmond  (G.  P.)  .  136 

Pages,  La  version  catalane  de  V Enfant  sage  (G.  P.) 146 

PiAGET,  Chronologie  des  épîtres  sur  le  Roman  de  la  Rose  (G.  P.) 141 

PsiCHARi,  Le  roman  de  Floriinont  (G.  P.) 158 

RoMARiNO,  La  pronunzia  popolare  dei  versi  latini  ed  origine  délia  ver- 

seggiatura  ritmica  (G.  P.) 574 

Raynaud,  La  mesnie  Hellequin  (G.  P.) 138 

RoussELOT,  Vs  devant  /,  />,  c  dans  les  Alpes  (G.  P.) 157 

Rydberg,  Le  développement  àtfac^re  dans  les  langues  romanes  (G.  P.).  $69 

Salmon,  Remèdes  populaires  du  moyen  âge  (G.  P.) 146 

Sepet,  Observations  sur  le/fw  delà  FeuiUée  d'Adam  de  la  Halle  (G.  P.)  140 

SôDERHjELM,  Le  poème  de  saint  Laurent  (G.  P.) 565 

SôDERHjELM,  Saint  Martin  et  le  roman  de  la  Belle  Hélène  (G.  P.). . . .  566 

SôDERHjELM,  Notice  d'un  ms.  français-latin  du  xve  siècle  (G.  P.). . . .  566 
Steinweg,  Die  handschriftlichen  Gestaltungen  der  Navigatio  Brendani 

(C.  Boser) 578 

Strimming,  voy.  Bertran  de  Born. 

Studi  dialettali  veneti  (E.-G.  Parodi) 300 

Taverney,  Le  traitement  de  /;  et  du  suffixe  ulum^  ulam  en  roumain 

(G.P.) 147 

Thomas,  Vivien  d'Aliscans  et  la  légende  de  saint  Vidian  (G.  P.) 142 

UscHAKOFF,  Zur  Erklàrung  einiger  franz.  Verbalformen 567 

Wallenskjôld,  Die  deutschen  Lieder  der  Carmina  Buram 567 

Wendriner,  voy.  Goldstaub. 

Williams  and  Jones,  Sélections  from  the  Hengwrt  Mss.  (G.  P.)  269;  cf.  625 

WiLMOTTE,  Gloses  wallonnes  du  ms.  2640  de  Darmstadt  (G.  P.) 146 


636  T4BLË  DES  JtâTIÊMS 


UVRES  ANKOKCES  SOMMAIREMENT, 

Altow,  vqy.  Jnstis. 

Amcona  (D*)  e  Bacci,  MaouAJe  âéh  HtoMan  ititîaiu.  « . 171,  629 

André  le  Chapelain,  Dt  amore  lièrt  tru^  rec  Tkojel.  ....,,, 174 

Ansâs  von  Kartbago^  hgg.  von  Altox. .*...,...,....« ^  ;p 

AuvRAY,  Les  manuscrits  de  E^nte  des  tiiUîocbèqtie&  de  Fisnce^ ......  1 71 

Baco,  voy.  D'Ancona. 

Bastin,  Glanores  grammaïkalfô  « . . ip 

Bastos,  Thcopbilo  Braga.    ... .,..,.....  62S 

Bayonne  (Livre  des  ÉtMissermvis  di} ..,..,  5^7 

BÂmer,  Les  Fabliaux .,..-......*..,*,.... .*.,...,...  541 

Bellouni,  Note  sulk  tradiiziciEii  italiaiie  d*Ovidio 1^9 

Bonis  (Les  livres  de  comptes  des  frércsx  p  p-  FoniSTiÉ,  H,  * .  - 6p 

Bomtempi,  Poésie  in  dialeito  vaîmiggîpo. . . . . , ....,*»,*,,««  140 

BouRaEZ,  La  langue  gascofine  à  Bonjeaux. , , , 540 

Camus,  Récepuire  ftançab  du  xi% «  siède.  * ,  ^aS 

Cerlogme,  Petite  grammaire  du  dblecte  vddoiaio. . , . .  ^ , . , .  6|i 

CoELHO,  Os  Ciganos  de  Portugal , . , , .  ^ .  J17 

COURTEAULT,  voy.  Goston  IV,  ctmk  de  Foix  {Hùioirt  de% 

Cresomi,  Qpaldie  appunto  soprà  VAm^îù  del  Boccat:cio. ,  « ,  ^ . .  144 

CucHARMOYS,  1/  soinct  voyait  âe  }êrumkm,  p.  p.  De  Majisy.  * , , 171 

Dammann,  Die allegorische  Qin/onê  des  Guîraut  de Calanso. .    . .    .    .  tu, 7 

Dante,  Traité  de  r éloquence  vulgaire,  p.  p.  Maignien  et  Prompt 172 

Dardy,  Anthologie  populaire  de  TAlbret 332 

FoRESTiÉ,  voy.  Bonis. 

Farinelli,  Die  Beziehungen  zwischen  Spanien  und  Deutschland. .  174,  333 

Gaston  IV ,  comte  de  Foix  (Histoire  de),  p.p.  Courteault,  1 630 

Gautier,  Les  épopées  françaises,  II 332 

Genelin,  Unsere  hôfischen  Epen  und  ihre  Quellen 331 

GiANNiNi,  Gli  amori  di  Bclinda  e  Milene 1 76 

Gonçalves  Vianna,  Exposiçào  da  pronuncia  normal  portuguesa 337 

Gorra,  Studi  di  critica  letteraria 336 

GoTTscHALK,  Ueber  die  Sprache  von  Provins  im  13.  Jahrhundert 344 

Graf,  Miti,  leggende  e  superstizioni  del  Medio  Eve,  II 339 

Gregorio  (De),  voy.  Libro  dci  Vi^ii  e  délie  Virtù. 

Gregorio  (De),  Per  la  storia  comparata  délie  letterature  neo-latine.. .  630 

Grôber,  Geschichte  der  lat.  Litteratur  im  Mittelalter 343 

Hamel  (Van),  L's  Lamentations  de  Mathcolus,  1 334 

Hasdeu,  Genealogia  poporelor  balcauice 173 

Herzstein,  voy.  Tractatus. 

Hervieux,  Avianus  et  ses  anciens  imitateurs 343 


TABLE    DES    MATIERES  637 

IvE,  Die  Istrianischen  Mundarten 629 

JoRET,  La  rose  dans  Tantiquité  et  au  moyen  âge 171 

KoscHwrrz,  Les  parlers  parisiens 342 

KuRTH,  Histoire  poétique  des  Mérovingiens 342 

Lanusse,  De  Johanne  Nicotio  philologo 337 

Lenz,  La  Fonetica 333 

Leseur,  Histoire  de  Gaston  IV,  comte  de  Foix,  p.p.  Courteault 630 

Libro  (//)  dd  Viiii  e  délie  Virtùy  pubbl.  da  G.  DE  Gregorio 334 

Levy,  Provenzalisches  Supplement-Wôrterbuch 337 

LoTH,  Les  mots  latins  dans  les  langues  brittoniques 333 

Maignien,  voy.  Dante. 

Marchot,  Phonologie  détaillée  d*un  patois  wallon 626 

Marsy  (De),  voy.  Cucharmoys. 
Martin,  voyez  Proverbes, 

Matheolus  (Les  lamentations  de\  p.  p.  Van  Hamel,  I 3  34 

Meyer  (G.),  Die  rom.  Bestandtheile  im  Wortschatze  des  tûrkischen  341 

Meyer  (P.),  Sur  un  ms.  contenant  d'anciens  miracles  de  la  Vierge. . .  628 

Meyer  (P.),  Sur  le  recueil  de  miracles  de  la  Vierge  du  ms.  fr.  818. .  628 

MoNACi,  Suir  alba  bilingue 626 

MoNACi,  Suir  antichissima  cantUena  giullaresca 627 

Nordfelt,  Les  couplets  similaires  dans  la  vieille  épopée  française 632 

Prompt,  voy.  Dante. 

Proverbes  au  Comte  de  Bretagne^  hgg.  von  Martin 175 

PsiCHARi,  Études  de  philologie  néo-grecque. 33$ 

Rajna,  Gaia  da  Camino  . . 174 

Redi  di  Francia  (/),  per  cura  di  Vandelu,  1 334 

Restori,  Musica  allegra  di  Francia  nei  secoli  XII  et  XIII 341 

Restori,  Tre  preghiere  francesi  del  secolo  XV 342 

Ritter,  Glossaires  et  lexicographes  genevois 629 

RoTTiG,  Die  Verfasserfrage  des  Eneas  und  des  Roman  de  Thebes 333 

RûDOW,  Geschichte  des  Rumànischen  Schrifttums 336 

Sainénu,  Istoria  filologiei  romane 336 

Salvioni,  Lampyris  italica 175 

Santy,  La  comtesse  de  Die 63 1 

ScHULTZ,  Die  Briefe  des  Trobadors  Raimbaut  de  Vaqueiras 338 

ScHWAN,  Grammatik  des  Altfranzôsischen 342 

Sten gel,  Romanische  Metrik 343 

Storm,  Englische  Philologie,  1 333 

SuDRE,  Les  sources  du  Roman  de  Renart 339 

SuDRE,  Ovidii  Metamorphoseon  libros  quomodo  nostrates  imitati  sint. .  342 

Thormann,  Thierri  von  Vaucouleurs  Johannes- Légende 335 

Thuriet,  Traditions  populaires  de  la  Haute-Savoie  et  du  Jura 335 

Tisseur,  Modestes  observations  sur  Tart  de  versifier 341 

Tobler,  Etymologisches 340 


638  TABLE    DES  MATlàRHS 

Tractatus  de  diversis  histonis  Romattorum  hgg.  von  Heristein.  , 17^ 

Trojel,  voy.  André  le  Chapelain. 
Vandelu,  voy.  Reali  di  Francia, 

Wagker,  Franzôsische  Qjuantitât , , . . , ._,.,..     3f8 

Wahlund,  Livres  provençaux ,  * _.,...,**.    éi'j 


PÉRIODiaUES, 


Bulletin  de  la  Société  des  anciens  text^  fratiçais,  1S92,  1 *  \H 

Propugnatore  (II),  1891 , , , .  Pî 

—  1892 ...,,.,,. p6 

Publications  of  the  Modem  languages  Association  of  America,  VIQ. ,,  577 

Revue  de  philologie  française  et  provençale,  VI ,  •  •  3^3 

Romanische  Forschungen,  IV , . . . .  J20 

—  —  V J22 

—         —        VI m 

Studies  in  philology  and  literature  of  the  Harvard  University,  | 580 

Zeitschrift  fur  romanische  Philologie,  XVI,  3-4 , 315 

-^         —         —        xvn,  1-2 , 565 


CHRONiaUE. 

Nécrologie  :  Ed.  Màtzner,  S.  Luce,  168;  Ed.  Schwan,  G.  Papami, 
W.  Sporon,  618.  —  Centième  anniversaire  de  la  naissance  de  Diez,  618. 
—  Nominations  de  professeurs,  chargés  de  cours,  etc.  :  MM.  Gauchat, 
Matzke,  Todd,  328  ;  Marchot,  619.  —  Prix  décernés  à  MM.  Rousselot,  328, 
Picot,  619;  médaille  à  M.  Loth,  328;  mention  à  M.  Devaux,  328.  — 
Publications  nouvelles  :  Almaiiac  de  VAriejo,  169;  Vie  de  saint  Edfnotid,  de 
Denis  Pyramus,  par  Th.  Arnold,  170;  G.  Paris,  V altération  du  c  latin  eti 
rontan^  336,  Les  preuves  épigraphiques  et  palcographiqucs  alléguées  en  faveur  de 
V altération  du  c,  331  ,  nouvelle  édition  des  Extraits  de  la  Chanson  de  Roland 
et  des  Extraits  des  anciens  chroniqueurs  (publiés  avec  A.  Jcanroy),  330-31, 
Jaufré  Rudel,  623,  Lj  U'getuie  de  Sahdin,  623,  Poènie  latin  sur  Saladin,  62}  ; 
Latcinischc  Denkmâler  des  XV.  und  XVI.  Jahrhutulerts,  170;  Tobler,  Die 
romanisclye  Philologie  au}  den  d^utschen  Universitàten ,  328;  C.  Morel, 
Anciennes  traductions  françaises  de  Dante  ^  624  ;  W.  Meyer-Lùbke,  Gratnttmtik 
der  rom.  Sprachcn,  II,  i,  624;  A.  Suchier,  Altfran^dsisclje  Gramnmiiky  I, 
623  ;  A.  d'Avril,  Nouvelle  bibliothèque  bleue  {Le  chien  de  Montargis,  Girard 
de  Roussillon),  624  ;  Schuchardt,  Der  nul)riielige  Fragesat^,  624  ;  Rizler. 
Naimes   von  Baiern  und  Ogier  der   Dàne,    328.    —  Rassegna   bibliografca 


TABLE  DES   MATIÈRES  639 

delîa  letteratura  itàliana,  169.  —  Publications  annoncées  :  Histoire  de  la 
littérature  française  dirigée  par  H.  Petit  de  Julleville,  330;  Geschichte  der 
fran^ôsischen  Litteratur,  par  H.  Suchier  et  H.  Morf,  3 30;  Piaget  et  Bou- 
genot,  Œuvres  poétiqttes  d'Hugues  de  Ber^é,  624  ;  E.  Gorra,  ouvrages  divers, 
331;  Sudre,  Roman  de  Renart,  624;  Bourdillon,  Chronique  saimongeaise, 
331  ;  Dorveaux,  Legrant  Herbier  de  France,  624.  —  Publications  en  Thon- 
neur  des  noces  Cassin-d*Ancona  (MM.  Bacci,  Barbi,  Buonamici,  Del  Lungo, 
Mazzatinti,  Menghini,  Morpurgo,  Novati,  Pitre,  Rajna,  Sanesti,  Torraca), 
328,  620.  —  Le  Mêliador  de  Froissart  retrouvé,  624.  —  Société  des  parlers 
de  France,  328,  619;  Société  d'hbtoire  littéraire  de  la  France,  620.  — 
Quarante-deuxième  congrès  des  philologues  allemands  (mémoires  de 
MM.  Tobler  sur  l'adjectif  employé  substantivement  dans  les  langues 
romanes,  Friedwagner  sur  la  critique  des  anciens  textes  poétiques  français, 
Zenker  sur  la  légende  de  Gormond  et  Isembart;  plan  d'un  recueil  des 
formes  du  latin  vulgaire),  329;  —  Troisième  et  quatrième  congrès  des 
philologues  Scandinaves  (mémoires  de  MM.  Storm  sur  la  diphtongaison 
dans  les  langues  romanes,  Vising  sur  le  latin  vulgaire,  Geijer  sur  les  noms 
de  plantes  en  français),  621,  622,  623.  —  Lettre  de  M.  Hartwell  Jones, 
62s. 


MAÇON,    »JlOTAT   FRERES,   IMPRIMEURS 


aN 


Janirier 


18B3 


ROMANIA 

RECUEIL  TRIMESTRIEL 

COSSACRfe  A   l'èTUDE 

DES   LANGUES   ET   DES   LITTÉRATURBS    ROMANES 

PCBUi  FAR 

Paul  jMEYER  et  Gaston  PARIS 

Fur  remcnhrtt  des  jnei^s«tf$ 
Les  au  é  !c$  ÙLÎt  e  !cs  muir. 


Tome  XXn 


PARIS 

ÉMtLH  BOUILLON.  LÎBRAJKE-ÉDÎTEIJR 

67,  aun  im  RicatMru.  ^7 

CONDITIONS  D'ABOKNEMENT  A  LA  ROMANIA 

Paris  :  îo  fr»  —  Dépoftcmvnu  i^^wlc  > . , -     aj  ir. 

Les  ibooneiîîCDts  o«  se  (om  ijut  1.^  citiièa*  et  i  jurtif  ik  jimtivr. 

L'annote  utjc  Tdb  tcrnjîn^c  se  vctkl,  piM?  i  Pid*,  ♦.,.,,,..  ^  ♦...». .    lî  fr. 

Prin  ^e  la  collection  eomplttc,  18; j  i  1892  ix^di»,  y  cocil|irb  U  uWc 
•9n  màjum  «ttaw^ 


SOMMAIRE  DU  PRÉSENT  NUMÉRO  : 


E.  Phiupon,  Les  par!ers  du  Foroz  cîs-Iigérkn  aux  Xill=  et  Xiv*  sièctes*. 

A.  Jeanroy^  Trois  dîts  d'amour  du  xiii*  siècle •  •  - 

R.-J.  CuERvo,  Las  scgundas  porsonas  de  plural  en  h.  conju^soR  casid- 

lana ,.**,** _  _ - *- 

P.  Me^'er,  Les  mimuscrÎEs  de  Bertrand  Boyssct  (fin) ^7^ 

MÉLANGES 

P.  GuiLHLERMOZ,  Unc  clurtL*  dc  Gacc  Brûlé < "7 

A.  Thomas,  Les  prcinieri»  vers  de  Charles  d'Orléans -,_.....-    i*^ 

COMPTES  RENDUS 

Études  romanes  dédite  à  Gaston  Paris  (G.  P.) • îî4 

W.  GoLTilER,  Geschichte  der  deutschen  litteratur  (P.  G.) 164 

CHRONIQUE iftî« 


Les  prochains  numéros  contiendront  : 

P.  Mhylr,  Phonétique  provençale.  A  tonique  (avec  carte). 

G.  Paris,  La  Omnson  irAutiOiJje  provençale  et  la  Gnin  Conijuisfa  de  UllrH' 

vutr  (fin).  —  La  destinée  du  f  latin  en  français. 
W.  G.  C.  BijVANCK,  \'illon  inédit. 
H.  Cais  de  Pikrlas.  Mémoire,  en  provençal,  présenté  en  1398  au  comte  Je 

Savoie  par  les  Grimaldi  de  Hueil.  '"•^^ 

W.  CLOi/n'A,  Le  Mystère  Je  ri'poux. 

H.  Moui-,  Notes  pour  servir  à  l'histoire  de  la  légende  de  Troie  (suite).  ^  -^ 

A.  PiAGKT,  Simon  Grcban  ei  Jacques  Millet.  —  Jean  de  Garencières. 
b.  Picot,  Fra«,qncnis  de  mystères  de  la  Passion  (suite).  —  Les  plagiats 

d'Antoine  Vérard. 
ii.  L.-D.  Ward,  Recherches  sur  Merlin. 


EH   VESTE   A   LA  MÊME  tlURAIRIE 


LES  LAMENTATIONS  DE  MATHHOLUS 

ET  LE  LirUf  DB  IMESCH 
De  JEHAN    LE    FfcVRE   m   MSSON 

Pir  A.  G,  vMi  îlAMEL,  professeur  i  rUniverïilté  de  Gronitjguc. 

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LES  SOURCES  DU  ROMAN  DE  RENART 

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LES  ANCIENS  POÈTES  DE  LA  FRANCE 

Publiés  sous  les  auspices  du  Ministère  de  l'Instruction  puMique  « 
sous  la  direction  de  M,  F.  Guessard 

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Chaque  volume  se  vend  sèpurilment.  Pru. . 

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Paris  :  ij  fn  —  Départements  et  Union  postale  ;  17  fr. 


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^    SCOco     si 

N*  86  Avril  1893 


ROMANI  A 

RECUEIL  TRLMESTRIEL 

CONSACRÉ  A  l'Étude 
DES   LANGUES    ET   DES   LITTliRATURES    ROMANES 

PUBLIÉ   PAR 

Paul  MEYER  et  Gaston  PARIS 

Pur  remenbrcr  des  anccssurs 
Les  d'iz  c  les  faiz  e  les  murs. 

Wacl. 


Tome  XXn 


PARIS 
KMILE  BOUILLON,  LIBRAIRIMiDITHUR 

67,    RUE   l)n   RICIIF.LII.U,    67 


CONDITIONS  D'ABONNEMliX  r  A  LA  ROMANIA 

Paris  :  20  fr.  —  Départements  et  Union  postale 22  fr. 

Les  abonnements  ne  se  font  que  pour  Tannée  entière  et  à  partir  de  janvier. 
L'année  une  fois  terminée  se  vend,  prise  à  Paris 2>  fr. 

Prix  de  la  collection  complète,  1872  \  1S92  inclus,  y  compris  la  table 

des  dix  premières  années 5 1^  ^r* 

Aucun  numéro  n\'it  vendu  sèparànent, 

TOUS    llKOITS    KISLKVLS 


SOM.MAîm!  DU  PRÉSÎtKT  NUMÉRO  i 

A-  PîAtilT.  Stiniîn  Grcban  ci  |.ia]ui:^  Mu',i  , ..,,,_. 

E.  Picot  et  X.  Puokt.  Une  jupcrcïkarii;  4'A»rome  Vêrard 

MÉLAKGKS 

Le  biîn  -7/tir  et  Je  provciis;J  -fir^  (A*  Ttioniw). 

Ihmu^^  lmùi^îi\  kmym'^  iHibsé  (A.  Dciboulk) - 

Fra^iiitnt  â\in  tninide  de  sainte  Mjiilvlciiic  (G,  Donclca*). . 
Chrêtfwi  Je  Troyet  et  l'auteur  de  rOi^êJf  fttofdHsi  (A-  'niaitu&;4  ..*.*. 

Le  jt?u  4n;  crnt  tirut/  (E.  Picot)* ,    * 

Sur  r?uitlaumc  tJe  Macîmui  (A.  M. •!'.).. . .  -  . 

Jeafî  ik'  Hcudln  (B.  Hauréau) 

Conijilcîitcnt  de  l'Orm^m  d'Amoul  Gieban  i  Îa  Vierge  (H.  Picot)... .     2%ï 

COMPTES  RENDUS 

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tUe  Pemtrth  library  (G.  1\) ,,....*>. 

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rn  antico  vcnexîano,  —  Luïîi.iîo*  I  duilctti  modcmî  dclïç  dtth  âï  Vcnc- 
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Savoie  par  les  GrintaJdi  de  BueiL 
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A,  MotîFii-pATto,  Noie»  de  lexicologie  espagnole. 
l\,  MoKP,  Noies  pour  uTvir  i  llVisloire  de  U  k^gcndede  Trwe  (Auiie)» 
A.  Pï^Gi.T.  Jean  de  C.n\3ncîéres. 

E,  Picor,.  Prag;nïentji  de  m>-stûrcî  de  U  Passion  (lutic}. 
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CONSACRÉ  A  l'Étude 
DES   LANGUES    ET    DES    LITTÉRATURES    ROMANES 

PUBLIÉ    PAR 

Paul  MEYER  et  Gaston  PARIS 


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L*année  une  fois  terminée  se  vend,  prise  A  Paris 25  fr. 

Prix  de  la  collection  complète,  1872  A  KS92  inclus,  y  compris  la  table 

des  dix  premières  années )40  fr. 

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TOUS    HhOIT'"    KIM  KV.  ■■ 


SOMMAIRE  DU  PRÉSENT  NUMÉRO  : 

C  Paris.  La  Chanson  ^Jntwche  ptovmçak  et  la  Gran  conqmsta  dâ 
Ultramar  (/î«)„ H5 

L.  Gauchat.  Les  poésies  provençales  conservées  par  des  chansQnoieis 
français S^ 

O*  E.  Cais  de  PiERLAS  et  P.  Meyer.  Mémoire  en  provençal  présenté, 
en  1398,  au  contte  de  Savoie  par  les  Grimaldi  de  Beuil 40S 

A.  PxAGET.  Jean  de  Garendèies 4>> 

A.^  Morel-Fatio.  Notes  de  lexicologie  espagnole 4^2 


Nota.  Pour  ne  pas  trop  retarder  l'apparition  de  ce  numéro,  que  nous 
comptions  faire  double,  nous  publions  id  une  première  partie,  qui  ne  contient 
que  des  articles  de  fonds.  La  seconde,  comprenant  des  articles  de  fonds,  les 
comptes  rendus,  les  périodiques  et  la  chronique,  paraîtra  très  prochainement. 


Los  prochains  numéros  contiendront  : 

P.  Mi-YiiR.  Phonétique  provençale.  A  tonique  (avec  carte). 

Ci.  Paris.  Les  accusatifs  féminins  en  -ain.  —  La  destinée  du  e  latin  en  fran- 

sMis. 
J-  l^r.DU-R.  Fragment  d'un  ancien  mystère  français. 
W.  C;.  C.  RijVANCK.  Villon  inédit. 

n.  Mour.  Notes  pv)ur  servir  à  l'histoire  de  la  légende  de  Troie  (5wi7f). 
»■•  Vic.or.  Fragments  de  mystèrcs  de  la  Passion  (suite). 
A.  Thomas.  Noms  de  rivière  en  -am,  -au. 
1--   \'oKj.r/i:M.  Sur  Ausas  th-  Oirtdgi. 
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FRANCOGALLICO   CARMIKUM  SCRIPTORE 
Par  le  même. 
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UTION    DE    QUELQUES   DIFFICULTÉS 

DE  LA   PHONÉTiaUE  FRANÇAISE 
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Par  P.  MARCHOT. 
olume  în-8.  —  Prix,  ,*.****..- 3  fr.  50 


S  LAMENTATIONS  DE  MATHEOLUS 

ET  LE  LIVRE  DE  LEESCE 
De    JEHAN    LE    FÈVRE    de    RESSON 

(Poème*  ff«Ofitf  du  «V*  tiède.) 

riliiltie  «ccotTiTugncf:  de   roriginil   \mn  de»  Lantfntatims  d*après  l'uni  que 
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Par  L.  SUDRE.  professeur  au  Collège  Stanislas, 
olume  grand  ia-8.    —  Prix.  -, î2  fr. 


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Par  L,  G.  WYSOCKI,  professeur  au  Lycée  Condoscet. 

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SCRIPTIS  ET  INGHNIO 

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N*  88  Octobre  1893 

ROMANI  A 

RECUEIL  TRIMESTRIEL 

CONSACRÉ  A  l'Étude  [ 

DES   LANGUES    ET    DES    LITTÉRATURES    ROMANES  \ 

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PUBLIÉ   PAR  : 

Paul  MEYER  et  Gaston  PARIS 


Pur  remcnbrcr  des  anccssurs 
Les  diz  c  les  faiz  e  les  murs. 
NVace. 


Tome  XXII 


PARIS 
ÉxMILE  BOUILLON,  LIBRAIRE- ÊDITHUR 

67,   RL'L   I)t    RICIIF.LIHU,   67 


CONDITIONS  D'ABONNEMENT  A  LA  ROMANIA 

Paris  :  20  fr.  —  Déi\irieiiients  et  Union  postale 22  ir. 

Les  abonnements  ne  se  font  que  pour  r.inîîcv;  entière  et  à  partir  de  janvier. 
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