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Full text of "Réunion des sociétés des beaux-arts des départements"

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REUNION 


SOCIÉTÉS  DES  BÉAUX-ARTS 


DES   DEPARTEMENTS 


EN    1898 


MIMSTKIir,   ItF,   f,'INSTR(:0TION  PUBLIQUE  ET  DEf^  IlEAI'X-AUTS 


DIRECTION    DES  BEAUX-flRTS 


Bureau  de  l'Enseignement  et  des  Manufactures  nationales 


REUNION 


DE8 


SOCIÉTÉS  DES  BEAUX-ARTS 

DES    DEPARTEMENTS 

SALLE  DE  L'HÉMICYCLE,  A  L'ÉCOLE  NATIONALE  DES  BEAUX-ARTS 

Dxx    12    au.    16    avril    1898 


VIlVftT-DEtlXIK.UE    SESIglO.I 


Ouvrage    orné   de    ci  nq  liante- tro  is    planches 


PARIS 


TYPOGRAPHIE    DE    E.    PLON,    NOURRIT    kt    C 

r. m:  (i.UîAXCiKr.i:,  s 


IIDCCCXCVIII 


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HUIJ.ETIN   DU  COMITK 


MINISTERE  DE  L'INSTRUCTION  PURLIUUE  ET  DES  BEAUX-ARTS 


DIRECTION   DES   BEAUX-ARTS 


Bureau  de  l'Enseignement  et  des  Manufactures  nationales 
N"  4  I"  DÉCEMBRE   1897 

BULLETIN 

DU 

COMITÉ  DES  SOCIÉTÉS  DES  BEAUX-ARTS 

DES  DÉPARTEMENTS 

SOMMAIRE 

Actes  administratifs.  —  Session  de  1898  :  Circulaire  n"  2.  —  Compte  rendu  de 
la  session  de  1897.  —  Table  des  vingt  prcniiers  lolumes  des  sessions  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts.  —  Partie  documentaire.  —  Questions. —  Réponses. 
—  Faits  ou  découvertes.  —  Xécrologie.  —  Echanges  de  publications.  — 
Bibliographie. 


SESSIOlsr   DE   1898 
CIRCULAIRE     N"    2 


REPUBLKJIE  FRAXÇAISE 

Palais-Royal,  le  l'^''  décembre  1897. 
Bureau  de  l'enseignement  et  des  Manufactures  nationales. 
22°  réunion  annuelle  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements  (1898). 
IMOXSIELR, 

Ainsi  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  l'annoncer  par  ma  circulaire  du 
31  mai  1897,  un  arrêté  ministériel  fixe  au  mardi  12  avril  1898  l'ouver- 
ture de  la  22<"  session  des  Sociétés  des  Beau\-.-\rts  des  déparlements. 

Les  séances  auront  lieu  du  mardi  12  au  vendredi  15  avril.  La  séance 
générale  est  fixée  au  16- avril. 

Les  manuscrits  seront  reçus  à  la  Direction  des  Beaux-Arts,  rue  de  Valois, 
n°  3,  jusqu'au  31  janvier  1898  inclusivement.  Passé  ce  délai,  aucun  tra- 
vail ne  pourra  élre  soumis  à  l'examen  du  Comité.  J'ajoute  que  les  travaux 
comportant  des  pièces  justificatives,  qui  seraient  adressés  dans  le  délai 
i\<>  4  b 


prescrit,  sans  que  les  pièces  en  question  fussent  jointes  au  mémoire  pro- 
prement dit,  ne  seraient  pas  soumis  au  Comité.  Certains  auteurs  ont 
estimé  pouvoir  retarder  l'envoi  des  annexes  ou  appendices  à  leur  texte. 
Le  Comité  a  jugé  que  celte  façon  de  procéder  constituait  un  abus  qu'il 
importe  de  faire  cesser.  C'est  donc  la  copie  intégrale  des  mémoires  pro- 
posés par  leurs  auteurs  qui  doit  être  parvenue  à  la  Direction  des  Beaux- 
Arts,  le  31  janvier  1898  au  plus  lard. 

îiCs  auteurs  sont  également  prévenus  que,  désormais,  les  copies  de 
pièces  inédites  joinles  aux  mémoires  soumis  à  l'examen  du  Comité  devront 
être  aullienliquéos,  soit  par  les  directeurs  des  dépôts  d'archives,  soit  par 
les  notaires,  soit  par  les  propriétaires  des  papiers  communiqués. 

Le  grand  nombte  des  communications  m'oblige  à  rappeler  aux  auteurs 
([u'il  leur  est  accordé  vingt  minutes  au  plus  pour  lire  ou  résumer  leurs 
travaux.  Les  mémoires  qui,  à  l'impression,  exigeraient  plus 
de  vingt  pages  du  format  du  compte  rendu  devraient  être 
l'objet  de  suppressions  qui  seraient  demandées  aux  auteurs 
avant  la  mise  sous  presse. 

Comme  je  vous  l'ai  fait  savoir,  les  caries  d'invitation  et  les  lettres  de 
pai cours  sur  les  chemins  de  fer  seront  envoyées  aux  seules  personnes 
nominalement  désignées  par  les  présidents  des  Sociétés  des  départements 
et  aux  membres  non  résidants  ou  correspondants  du  Comité  des  Sociétés 
d3s  Beaux-Arts  qui  auront  exprimé  l'intention  formelle  de  prendre  part 
à  la  session. 

Les  délégués  qui  auront  besoin  d'une  lettre  de  parcours  indiqueront  l'itiné- 
raire qu'ils  se  proposent  de  suivre  pour  se  rendre  à  Paris.  Si  le  voyage  doit 
s'effectuer  sur  des  réseaux  différents,  ils  devront  le  mentionner  dans 
leurs  demandes  et  signaler  les  gares  où  aura  lieu  le  changement  de  réseau. 

Les  demandes  de  cartes  et  de  lettres  de  parcours  devront  parvenir  à  la 
Direction  des  Beaux-Arts  avant  le   1"^  février  au  soir,  terme  de  rigueur. 

L'envoi  de  ces  imprimés  aux  ayants  droit  sera  fait  du  l'^''  au  15  mars. 
MM.  les  délégués  sont  invités  à  prendre  bonne  note  de  ces  dispositions. 
11  ne  saurait  être  réjiondu  aux  lettres  de  léclamation  tendant  à  obtenir 
les  pièces  mentionnées  ci-dessus,  antérieurement  à  la  péiiode  qui  vient 
d'être  indiquée. 

Recevez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  très  distinguée. 

Le  Ministre  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts. 

Pour  le  Ministre  et  par  autorisation  : 
Le  Directeur  des  Beaux-Arts, 
H.   RoLJOx. 

A.  B.  —  Chaque  année,  les  auteurs  des  mémoires  acceptés  par  le 
Comité  et  insérés  dans  le  compte  rendu  de  la  session  demandent  à  la  Direc- 
tion des  Beaux-Arts  l'autorisation  de  faire  des  tirages  à  part  de  leurs  tra- 
vaux. MM.  les  auteurs  sont  prévenus  qu'ils  peuvent  traiter,  pour  les  tirages 
à  part,  avec  l'éditeur  du  compte  rendu,  sans  que  la  Direction  des  Beaux- 
Arts  ait  à  intervenir  en  aucune  manière  dans  ces  négociations.  11  ne  sera 


—    Xi\    — 


donc  pas  iqjoiulu  aux  lollres  des  collaborateurs  du  fjornilé  qui  auraient 
trait  à  celte  (|uestion.  —  Les  tirages  à  part  ne  sont  livrables  aux  auteurs 
qu'après  raclièvement  et  la  distribution  du  compte  rendu  de  la  session. 


COMPTE  RENDU  DE  LA  SESSION  DE  1897 

Le  Compte  rendu  de  la  session  tenue  en  1897  est  achevé  d'imprimer. 
Il  renferme  quarante-huit  des  mémoires  lus  dans  la  salle  de  l'Hémicycle 
et  ne  comporte  pas  moins  de  1177  pages.  50  planches  hors  texte  ajou- 
tent à  l'intérêt  du  volume,  qui  sera  distribué  dans  quelques  semaines 
aux  auteurs  des  travaux  publiés. 


TABLE  DES  VINGT  PREMIERS   VOLUMES  DES  SESSIONS 
DES   SOCIÉTÉS  DES  BEAUX-ARTS 

La  Table  analytique  des  matières  contenues  dans  les  comptes  rendus 
des  vingt  premières  sessions  (1877-1896),  réclamée  au  cours  de  la  session 
de  1896.  est  terminée.  Le  texte  de  cet  important  travail,  entrepris  sur 
l'ordre  de  M.  le  ministre  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts,  sera 
prochainement  sous  presse. 


QUESTIONS 
Le  peintre  L.-J.  de  Launay.  —  Ine  correspondance  découverte 
récemment  aux  .-\rchives  d'Ille-et-Vilaine  nous  apprend  qu'un  peintre  dorigine 
bretonne,  Louis-Jacques  de  Launay,  chevalier  (de  Sainf-AIicliel),  quitta,  vers 
1724,  la  Cour  de  l'ologne,  renonçant  aux  honneurs  et  aux  Arls,  pour  embrasser 
la  vie  religieuse  dans  un  couvent  de  Chartreux,  à  Laon.  l'oun-ait-on  fournir  des 
renseignements  sur  ce  peintre,  qui  paraît  avoir  joui  d'une  certaine  célébrité  au 
commencement  du  dix-huitième  siècle,  mais  qui  est  aujourd'hui  absolument 
iucot)nu?  Serait-ce  le  de  Launay  simplement  cité  dans  la  Xolice  des  iableaux 
de  r  Ecole  française  au  Louvre,  parmi  les  copistes  du  peintre  Hyacinthe  Rigaud? 
—  P.  P...,  à  Rennes. 

L'abbaye  de  l'Estrée.  —  Connaît-on  une  Vue  de  l'abbaye  de  l'Estrée 
(ordre  de  Citeaux),  près  Dreux?  — E.  V...,  au   Alesnil-sur-l'Estrée  (Eure). 

RÉPONSES 

Les  expositions  au  dix-huitième  siècle.  —  /'.  C...,  à  Nancy  (n^S 
du  liulletin).  —  Le  texte  ilu  Rapport  adressé  au  Roi,  en  17 V6,  sur  les  exposi- 
tions se  trouve  aux  Archives  nationales,  série  0,  n"  10,095,  p.  15G,  de  l'Etat  de 
la  dépense  et  régie  des  Académies  royales.  —  \  .   B à  Alelun. 

Salon  de  1748.  —  -1/.  R...,  à  Grenoble  (n.  3  du  Bulletin).  — Les  Lettres 
écrites  de  Paris  à  Bruxelles,  sur  le  Salon  de  1748,  ont  été  publiées  dans  la 
Revue  universelle  des  Arts,  t.  X,  p.  433-462.  —  A.  C...  à  Angers. 


FAITS    OU    DÉCOUVERTES 
—  Un  collectionneur  bien  connu,  M.  J.  .\Iaciet,  a  fait  présent  au  Alusée  du  Louvre 
de  quatorze  peintures  flamandes  ou  allemandes  du  quinzième  et  du  seizième  siècle. 


—  Les  meubles  deBoulIc  exposés  dans  la  galerie  d'Apollon  et  qui  avaient  subi, 
probablement  sous  Loiiis-Pliilippe,  des  remaniements  et  des  adjonctions  déplo- 
rables, ont  élé  remis  en  leur  état  priinitil".  Un  dessin  de  l'époque  de  l'auteur, 
appartenant  au  Musée  des  Arts  décoratifs,  a  permis  de  mener  à  bonne  fin,  en  toute 
certitude,  cette  œuvre  de  restitution  nécessaire. 


NÉCROLOGIE 


Le  23  novembre  1897,  le  Comité  a  perdu  l'un  de  ses  membres  les  plus 
autorisés  el  les  plus  dévoués,  dans  la  personne  de  M.  A  Bardoux,  séna- 
teur, membre  de  l'Institut,  ancien  ministre  de  l'Instruction  publique  et 
des  Beaux-Arts,  décédé  î'i  Paris  dans  sa  soixante-septième  année.  Nul 
plus  que  M.  Bardoux  ne  suivait  avec  une  sympathie  profonde  le  mouve- 
ment provincial,  attesté  par  le  succès  croissant  des  sessions  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements. 


ÉCHANGE   DE  PUBLICATIONS 

MM.  les  présidents  des  Sociétés  des  départements  sont  invités  à  faire 
parvenir  à  la  Direction  des  Beaux-Arts  (bureau  de  l'Enseignement  et  des 
Manufactures  nationales),  3,  rue  de  Valois,  les  Bulletins  ou  Mémoires 
périodiques  renfermant  les  travaux  des  membres  de  leurs  sociétés.  Ils  rece- 
vront, en  échange,  le  Bulletin  du  Comité  dee  Sociétés  des  Beaux- Arts  des 
départements,  el  chaque  numéro  du  Bulletin  contiendra  les  extraits  des 
sommaires  des  publications  reçues,  intéressant  l'art  ancien  ou  moderne. 

Bulletins  ou   Mémoires  des  Sociétés  des  départements.  —   Périodiques.  — 
Extrait  des  sotnmaires  intéressaiit  l'Art  ancien  ou  moderne. 

Alpes  (Haltes-). — Bulletin  de  la  Société  d'études  des  Hautes-Alpes  (2*  série, 
n"  23,  'i'  trimestre  1897.  Gap,  Jou'jlard,  1897,  in-8").  —  Description  des  por- 
traits gravés  intéressant  les  Hautes-Alpes,  par  M.  J    Roman. 

Garonne  (Haute-).  —  Bévue  des  Pyrénées  (t.  IX,  1897,  livraisons  1  à  4.  Tou- 
louse, 1897,  Privât,  1897,  in-8").  —  Aladrid  au  dix-huitième  siècle,  par  M.  Des- 
devises, du  Dézert.  —  L'Art  paradoxal  à  Toulouse,  par  Desazars.  —  Abrégé  de 
l'histoire  du  Languedoc,  parM.  Roschach.  —  Les  Pyrénées  à  l'Opéra  :  Messidor; 
la  vallée  de  Bethmale,  par  M.  de  Lahondès.  —  Trois  siècles  de  vie  provinciale  en 
Languedoc,  par  M  Roschach.  —  Le  t  Triomphe  de  Joseph  j  et  le  »  Déluge  s 
d'Hilaire  Pader,  par  M.  Lestrade. 

Ouvrages  sur  l'art  ancien  ou  moderne  reçus  pendant  le  dernier  trimestre. 

Marsv  (comte  de).  ■ —  Les  dalles  tumulaires  de  la  Belgique  (Paris,  Picart, 
189G,  in-8'',  avec  planches).  —  Dalles  tumulaires  découvertes  à  Gand  et  se  ratta- 
chant aux  treizième  et  quatorzième  siècles.  —  Dalles  de  Namur,  etc. 


MINISTÈRE  L)K  L'INSTRUCTION  PUBLIQUE  ET  DES  BEAUX-ARTS 


DIRECTION    DES    BEAUX-ARTS 


Bureau  de  l'Enseignement  et  des  Manufactures  nationales 
N"  5  I"  MARS   1898 

BULLETIN 

DU 

COMITÉ  DES  SOCIÉTÉS  DES  BEAUX-ARTS 

DES  DÉPARTEMENTS 

SOMMAIRE 

Actes  administratifs.  —  Session  de  1898  :  Circulaire  n"  3.  —  Nomiualion  d'un 
correspondant  du  Comité.  —  Partie  dociimentaii-e.  — Questions.  —  Réponses. 
—  Faits  ou  découvertes.  —  Nécrologie  —  Echange  de  publications.  — 
Bibliographie. 

SESSION   DE   1898 

CIRCULAIRE    K°    3 

RÉPUBLIQUE  FRANÇAISE 

Palais-Royal,  le  1"  mars  1898. 
Bureau  de  l' Enseignement  et  des  Manufactures  nationales. 
22"=  réunion  annuelle  des  sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements  (1898). 

Monsieur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  adresser  sous  ce  pli  : 

1°  Une  carte  nominative  de  Délégué  à  la  session  prochaine  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements  à  l'Ecole  nationale  des 
Beaux-Arts; 

2°  Une  lettre  d'invitation  devant  vous  permettre  de  vous  rendre 
à  Paris. 

Les  Compagnies  de  chemins  de  fer  ont  bien  voulu,  sur  ma 
demande,  étendre  aux  Délégués  des  Sociétés  des  Bcaux-Arls  la 
faveur  déjà  accordée  aux  Délégués  des  Sociétés  savantes,  en  leur 
N°5 


concédant  une  réduction  de  50  pour  100  sur  le  prix   des  places 
(l'aller  étant  intégralement  perçu  et  le  retour  gratuit). 

Les  lettres  d'invitation,  établies  d'après  le  modèle  adopté  par  le 
Syndicat  des  Compagnies  de  chemins  de  fer,  seront  valables  à  partir 
du  3  avril  et  tiendront  lieu  de  billets  de  retour,  pourvu,  tou- 
tefois, que  toutes  les  formalités  indiquées  en  note  aient  été  remplies 
exactement  et  que  le  retour  soit  effectué  du  16  au  21  avril  inclus. 
Toute  irrégularité  dans  la  lettre  d'invitation,  dans  le  certificat  de 
présence  aux  réunions  ou  d;ins  les  visas  entraînerait  la  déchéance 
du  droit  au  retour  gratuit. 

Pour  la  ligne  du  Alidi,  la  lettre  devra  être  visée  au  retour  dans 
la  gare  terminus  de  ce  réseau  (lîordeaux-Saint-Jean,  Agen,  Mon- 
tauban,  Toulouse,  Albi,  Cette  ou  Montpellier,  suivant  le  cas). 

Je  vous  rappelle  que  les  séances  seront  tenues,  comme  les  années 
précédentes,  dans  la  salle  dite  de  l'Hémicycle,  à  l'Ecole  nationale 
des  Beaux-Arts,  du  mardi  12  au  vendredi  15  avril  inclusivement. 

La  Séance  générale  aura  lieu  le  samedi  16  avril,  dans  le  grand 
amphithéâtre  de  la  Sorbonne. 

Recevez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  très  dis- 
tinguée. 

Le  Ministre  de  Tlnslruction  publique  et  des  Beaux-Arts. 

Pour  le  Ministre  et  par  autorisation  : 

Le  Directeur  des  Beaux- Arts, 

H.  ROLJON. 

NOMIXATIOX  DE  CORRESPOMDAÎVT  DU  COMITÉ 

Par  arrêté  en  date  du  30  décembre  1897,  rendu  sur  la  proposilion  du 
directeur  des  Beaux-Arts,  M.  H.  Lahanhe,  conservateur  de  la  Bibliothèque 
et  du  Musée  d'Avignon,  a  été  nommé  correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  déparlements. 


QUESTIONS 
Problème  épigraphique.  —  Un  lecteur  du  Bulletin  demande,  pour  la 
solution  d'un  petit  problème  épigraphique,  si  quelqu'un  connaît  l'auteur  du  pen- 
tamètre latin  suivant  : 

Inviti  siiperunt  limina  sacra  pedes. 

V.  P...,  à  Vannes. 

Chardin.  —  Le  peintre  Chardin,  nommé  membre  de  l'Académie  de  Rouen, 
a-t-il  fait  un  séjour  dans  cette  ville?  A-t-il  réellement  été  «  officier  d  à  la  com- 
pagnie normande,  comme  le  veulent  plusieurs  de  ses  biographes?  In  correspon- 
dant du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements  serait  bien  recon- 
naissant envers  celui  de  ses  confrères  qui  pourrait  l'éclairer  sur  ce  point,  que  la 
distance  où  il  se  trouve  l'empêche  d'élucider  personnellement. — F.  G...,àCognac. 


—    XMII    — 


REPONSES 


Jehan  Bourdichon.  —  D.  V...,  à  Tliouars  (n"  '■^  du  liulletin). — Xous 
sommes  heureux  de  pouvoir  répondre  à  la  question  posée  sur  Bourdklion  par 
les  iijjnes  suivanles  (jue  nous  avons  tout  lieu  de  croire  inédites  :  «.AJe/ian  Boni- 
ilic/iun,  painire  et  enlumineur,  la  somme  de  seize  livres  dix  deniers  tournois  en 
dix  escuz  d'or  de  xxxij  solz  j  denier  tournois  la  pièce,  à  lui  ordonnée  par  ledit 
seij^neur  durant  ledit  mois,  tant  pour  ses  peines  et  sallaires  d'avoir  pourtraict  et 
|)aint  huit  patrons  de  plusieurs  sorte  de  plaisir  dudit  sei'juenr  cpie  aussi  pour  le 
récompenser  d'un  voya;(e  par  lui  fait  partant  de  Tours  jusques  à  Tliouars  devers 
ledit  seigneur  où  il  a  vacqué  dix  jours  entiers,  ponr  ce  cy  par  vertu  dudit  roole 
du  Roy  et  qnictance  dudit  liourdiclion  escrite  le  sv'  jourde  mars  mil  (^.CCC.  111.1^^ 

cy  rendre  ladicle  sonuiie  de xvj  liv.  x  d.  t.  » 

(Archives  nationales,  Comptes  de  la  chambre  du  Roi,  KK  G'f,  fol.  111  r"  et  v".) 

—  JI.  R...  à  Lyon. 

Abbatiale  de  Gluny.  —  /....,  à  Paris  (n"'2  et  3  du  Bulletin).  —  Jean- 
Gabriel  Cliarcet.  artiste  dessinateur,  est  né,  non  à  Lyon,  mais  à  Serricres 
(Ardèche),  en  1750;  son  portrait,  par  Donat  X'onnotte,  est  au  Musée  du  Louvre. 
La  vue  de  l'abside  de  l'abbaye  de  Cluny,  à  l'encre  de  Chine,  est,  en  effet,  entre 
les  mains  de  son  petit-fils.  —  L.  C...,  à  Paris. 

Le  peintre  L.-J.  de  Launay.  —  P.  P...  à  Rennes  (n°  4  du  Btdletin). 

—  Uom  Marcel  de  Launay,  né  à  Xantes  en  1680,  fit  profession  à  la  Chartreuse  du 
Val  Saint-l*ierre,  le  30  juillet  172V,  et  mourut  à...,  le  28  mai  17i30.  C'est  tout 
ce  (|ue  nous  révèlent  de  cet  <•  habile  peintre  »  les  archives  de  la  Grande  Char- 
treuse. Quel([ues  notes  secrètes  représentent  ce  religieux  comme  étant  atrabi- 
laire et  misanthrope,  mais  cependant  «■  austère  pour  lui,  exact  et  modeste  à 
l'église  !i .  On  n'a,  de  .Jacques  de  Launay,  aucune  peinture  à  la  Grande  (^harlreuse, 
et  on  n'en  connaît  pas;  s'il  a  continué  à  peindre,  après  son  entrée  en  religion, 
ses  œuvres  doivent  se  retrouver,  au  moins  en  partie,  dans  la  réjiion  du  Val  Saint- 
Pierre.  —  Victor  Adiielle,  à  Paris. 


FAITS  or  DEGOLIERTES 

—  La  Chronique  des  Arts  et  de  la  curiosité  (numéro  du  20  novembre  1897) 
décrit  une  fresque  d'une  grande  importance,  découverte  il  y  a  peu  de  temps,  sous 
un  enduit  de  plâtre,  dans  une  villa  voisine  de  Florence.  Cette  fresque,  fort 
endommagée,  mais  où  l'on  distingue  encore  le  dessin  de  cinq  figures  d'hommes 
nus  en  des  mouvements  de  bacchanale ,  serait  de  la  meilleure  manière  d'Antonio 
Pollaiuolo.  Il  est  à  désirer  qu'on  en  relève  minutieusement  tout  ce  qui  en  reste, 
car  le  local  ne  se  prête  pas  à  la  photographie. 

—  On  a  trouvé  à  Gand.dans  une  des  décharges  de  l'Académie  de  dessin,  un  buste 
drapé  de  Bonaparte  premier  consul,  que  certains  connaisseurs  belges  sont  tentés 
d'attribuer  à  l'rauçois  Rude. 

—  Il  a  été  organisé,  au  mois  d'août  dernier,  à  Saint-Jean  de  Luz  (Basses-Pyré- 
nées), sous  les  auspices  de  la  Société  nationale  d'Ethnographie  et  d'Art  populaire, 
une  série  de  t.  fêtes  de  la  tradition  en  pays  basque  ».  La  manifestation  régionale 
se  complétait  par  une  exposition  et  un  congrès.  Toutes  les  parties  du  programme 
ont  un  vif  intérêt. 

—  Des  manifestations  tontes  semblables  avaient  eu  lien  l'annc-e  dernière,  à  Xiort, 
pour  la  région  du  bas  Poitou.  On  annonce,  pour  l'été  prochain,  des  assises  du 
même  ordre  à  Honfleur,  pour  la  Xormandie,  et  à  Bourg,  pour  la  Bresse.  Ce  mou- 
vement de  décentralisation  mérite  d'être  attentivement  suivi. 


NÉCROLOGIE 


Le  Comité  a  pordii  deux  de  ses  membres  depuis  la  publication  du 
dernier  numéro  du  liullclin. 

M.  Gasxault  (Paul-Charles),  conservateur  du  Musée  des  Arts  décora- 
tifs, appartenait  au  Comité  depuis  le  24  février  1890.  Il  est  décédé  le 
G  janvier  1S98. 

M.  Lavoix  (Henri),  administrateur  de  la  Bibliothèque  Sainte -Gene- 
viève, avait  été  nommé  membre  du  Comité  le  30  janvier  1897.  Il  n'a  pu 
assister  qu'à  quelques  séances  de  celte  assemblée,  qui  était  en  droit  d'at- 
tendre de  lui  une  collahoralion  précieuse.  Il  a  été  emporté,  à  cinquante  et 
un  ans,  le  27  décembre  1897. 


ÉCHANGE  DE  PUBLICATIONS 

MM.  les  présidents  des  Sociétés  des  départements  sont  invités  à  faire 
parvenir  à  la  direction  des  Beaux-Arts  (bureau  de  TEnseignement  et  des 
Manufactures  nationales),  3,  rue  de  Valois,  les  Bulletins  ou  Mémoires 
périodiques  renfermant  les  travaux  des  membres  de  leurs  sociétés.  Ils 
recevront,  en  échange,  le  Bulletin  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux- 
Arts  des  départements ,  et  chaque  numéro  du  Btdletiii  contiendra  les 
extraits  des  sommaires  des  publications  reçues,  intéressant  l'art  ancien  ou 
moderne. 

Bulletins  ou  Mémoires   des  Sociétés   des  départements .  —    Périodiques.   — 
Extrait  des  sommaires  intéressant  l'Art  ancien  ou  moderne. 

Hérault.  —  Bulletin  de  la  Société  languedociejine  de  géographie  (t.  XX, 
.3^  trimestre  de  1897.  Montpellier,  1897,  in-S"). 

HÉRAULT.  —  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Béziers  {'i"  série,  t.  II, 
1™  livraison.  Béziers,  Sapte,  1897,  in-S^).  ■ —  Musiciens  et  compositeurs  biter- 
rois,  par  M.  Donnadieu.  —  La  cathédrale  de  Saint-X'azaire,   par  AI.  Nouguier. 

Loire.  —  Bulletin  de  la  Diana  (t.  IX,  n"  6,  avril-juin  1897.  Alontbrison, 
Brassant,  in-S",  avec  planche).  —  La  collégiale  de  Saiiit-Just,  de  Lyon,  par 
M.  Richard.  —  Peintures  du  seizième  siècle  découvertes  dans  l'ancienne  chapelle 
de  la  Chartreuse  de  Sainte-Croix,  par  M.  Favar. 

Loire.  —  Becueil  de  mémoires  et  documents  sur  le  Forez,  (t.  XII.  Montbri- 
son,  Brassart,  1897,  in-8").  —  Carcabeaux  ou  mercuriale  de  Charlieu,  de  1700 
à  1783, 

Lot.  —  Bulletin  de  la  Société  des  études  littéraires,  scientifiques  et  artis- 
tiques du  Lot  [i.  XXII,  S'^  fascicule.  Cahors,  Coueslant,  1897,  in-8'J).  — Xoces 
d'argent  de  la  Société  des  études,  par  M.  G.  Larroumet.  —  La  céramique 
grecque  dans  le  bas  Quercy,  par  AI.  Momméja. 


DISCOURS 


PROCÈS-VERBAUX   ET  RAPPORTS 


REUNION 

DES 

SOCIÉTÉS   DES   BEAUX-ÂRTS 

DES  DÉPARTEMENTS 

DANS   LA   SALLE    DE    L'hÉMICYCLE   DE    l'ÉCOLE    NATIONALE    DES    BEAUX-ARTS 

EM    1898 


YirVGT-DEUXIEME  SESSIOIV 


Ouverture  de  la  session  et  constitution  du  Bureau. 

Par  arrêté  rendu  sur  la  proposition  du  Directeur  des  Beaux-Arts, 
en  date  du  25  mai  1897,  le  ministre  de  l'Instruction  publique  et 
des  Beaux-Arts  a  décidé  que  la  session  annuelle  des  délégués  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements  aurait  lieu,  du  12  au 
16  avril  1898,  à  l'École  nationale  et  spéciale  des  Beaux-Arts. 

Un  second  arrêté,  rendu  sur  la  proposition  du  Directeur  des 
Beaux-Arts,  décide  que  les  séances  de  la  session  seront  successive- 
ment présidées  : 

Le  12  avril,  par  M.  Edouard  Millaud,  sénateur,  ancien  ministre, 
membre  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts; 

Le  13  avril,  par  M.  Lucien  Marcheix,  sous-bibliothécaire  àl'École 
nationale  et  spéciale  des  Beaux-Arts,  membre  du  Comité  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  ; 

Le  14-  avril,  par  M.  Gustave  Servois,  directeur  des  Archives, 
membre  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts; 

Le  15  avril,  par  M.  Maurice  Touriveux,  homme  de  lettres, 
membre  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts. 

1 


2  SEAMCE    DLi    12    AVRIL. 

Le  vice-président  de  chaque  séance  sera  choisi  parmi  les  délé- 
gués des  Sociétés  des  Beaux-Arts. 

Le  président  et  le  vice-président  seront  assistés  pendant  la  ses- 
sion par  M.  L.  Crost,  chef  du  bureau  de  l'Enseignement  et  des  Ma- 
nufactures nationales,  secrétaire  du  Comité,  et  par  M.  Henry  Joum, 
secrétaire  de  l'École  des  Beaux-Arts,  qui  remplira,  en  outre,  les 
fonctions  de  rapporteur  de  la  session. 


Séance  du  mardi  12  avril. 

PRÉSIDENCE    DE    M.   EDOUARD  MILLAUD. 

La  séance  est  ouverte  à  deux  heures,  sous  la  présidence  de 
M.  Edouard  Millaud,  sénateur,  ancien  ministre,  membre  du  Comité 
des  Sociétés  des  Beaux-Arts,  assisté  de  M.  Crost,  chef  du  bureau 
de  l'Enseignement  et  des  Manufactures  nationales,  et  de  M.  Jouin, 
secrétaire  rapporteur  du  comité. 

Outre  les  délégués,  assistent  à  la  séance  : 

MM.  Deandreis,  sénateur;  Guiffrey,  membre  du  Comité,  admi- 
nistrateur de  la  Manufacture  nationale  des  Gobelins;  M.  L.  Favre, 
bibliothécaire  du  Sénat;  Alphamdéry,  conseiller  à  la  Cour  de  cas- 
sation; Bénard,  architecte,  ancien  prix  de  Rome;  Leuasseur,  du 
ministère  delà  justice;  G.  Laroque,  avocat;  Servois,  directeur  des 
Archives,  membre  du  Comité;  de  Fourcaud,  membre  du  Comité, 
professeur  à  l'École  des  Beaux-Arts;  Moïse,  ingénieur  en  chef  des 
ponts  et  chaussées;  Marcou,  inspecteur  général  adjoint  des  monu- 
ments historiques,  membre  du  Comité. 

S'est  excusé  :  M.  Victor  de  Swarte,  correspondant  du  Comité  à 
Lille. 

M.  le  président  invite  M.  Massillon-Rouvet,  correspondant  du 
Comité  à  Nevers,  à  prendre  place  au  fauteuil  de  la  vice-présidence, 
et  prononce  l'allocution  suivante  : 

a  Mesdames,  Messieurs, 

«  Déjà  plusieurs  fois  j'ai  eu  la  fortune  d'ouvrir,  en  cette  salle 
illustre  de  l'Hémicycle,  la  session  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des 
départements. 


ALLOCUTIOAJ    DE    M.    EDOUARD    MILLAUD.  3 

«  Appelé  à  présider,  cette  année  encore,  votre  première  séance, 
je  dois  cet  honneur  aux  liens  étroits  qui  m'unissent  à  vous.  Je  ne 
saurais  assez  remercier  M.  le  ministre  d'avoir  choisi,  pour  être 
aujourd'hui  son  représentant,  un  de  vos  plus  fidèles  amis. 

«A  ce  titre,  recherchant  à  cette  place  même,  en  ISO^,  quels 
pourraient  être  les  meilleurs  moyens  de  multiplier  votre  action, 
je  vous  faisais  remarquer,  non  sans  regret,  qu'il  était  des  régions 
d'où  le  comité  supérieur,  institué  au  ministère  de  l'Instruction 
publique,  n'avait  jamais  reçu  ni  un  document  ni  un  manuscrit. 
Tandis  que  ces  observations  demeurent  encore  vraies  pour  quelques 
grandes  villes,  il  n'est  que  juste  de  signaler,  en  1898,  une  ten- 
dance meilleure. 

«  Dans  l'ensemble  de  la  France  le  progrès  est  incontestable;  on 
nous  envoie  maintenant  plus  de  mémoires  dignes  d'être  lus,  et 
nous  voyons  s'accroître  le  nombre  de  nos  correspondants,  je  m'em- 
presse de  le  constater. 

"  Pour  ne  parler  que  de  la  session  actuelle,  le  Comité  a  vu  grossir 
ses  cadres  de  huit  collaborateurs  nouveaux,  érudits  ou  chercheurs, 
qui  sont  venus  lui  apporter  un  savant  concours. 

tt  Si  un  vœu  devait  être  renouvelé,  ce  serait  que  les  auteurs  des 
mémoires  consentissent  le  plus  possible  à  nous  entretenir  de  leur 
département,  de  leur  canton,  mieux  encore  de  la  ville  où  ils 
demeurent,  d'un  monument  ou  d'une  collection  dans  cette  ville, 
d'un  artiste  de  valeur  y  ayant  vécu  ou  séjourné. 

tt  A  vrai  dire,  cette  obligation  ne  saurait  être  absolue  ;  mais,  même 
à  ne  l'observer  qu'à  demi,  une  telle  règle  aurait  pour  conséquence 
de  donner  plus  de  suite  à  des  communications  excellentes  en  elles- 
mêmes.  Il  est  permis  d'ajouter  que  si,  dans  cette  entreprise  méri- 
toire, les  auteurs  ne  négligeaient  jamais  de  mettre  en  lumière  les 
relations  qui  existent  entre  le  sujet  traité  par  eux  et  le  point  de 
vue  esthétique,  il  en  devrait  résulter  de  sérieux  avantages. 

«  Une  telle  méthode  a  été  conseillée  trop  souvent  pour  qu'il  soit 
nécessaire  d'insister. 

«  Dès  à  présent,  le  Comité  se  félicite  du  souci  montré  par  ses  cor- 
respondants à  éliminer  de  leurs  travaux  des  dissertations  archéo- 
logiques d'érudition  pure.  Vous  avez  compris.  Messieurs,  qu'une 
démarcation  nette  doit  distinguer  les  mémoires  présentés  par  vous 
de  ceux  des  Sociétés  savantes  destinés  à  être  lus  en  Sorbonne. 


4,  SÉANCE    DU    12    AVRIL. 

«  Vous  ne  vous  y  trompez  point,  d'ailleurs  :  de  telles  remarques 
sont  inspirées  par  l'importance  même  de  vos  productions;  elles 
ne  s'expliqueraient  pas  si  vos  écrits  étaient  moins  riches  et  votre 
compétence  moins  étendue. 

«  Loin  d'user  votre  vigueur,  la  durée  la  développe,  et  votre  vita- 
lité apparaît  plus  intense  à  chaque  session. 

tt  Au  début  de  ces  réunions,  on  pouvait  craindre  que  vous  ne 
vous  enfermiez  trop  dans  un  programme  immuable;  combien  vous 
avez  prouvé  le  contraire  à  la  Direction  des  Beaux-Arts  ! 

tt  Vous  ne  vous  êtes  point  bornés  à  fixer  vos  regards  sur  les 
cathédrales  dont  vous  avez  dévoilé  les  mystères  et  expliqué 
les  symboles,  sur  les  édifices  de  tous  les  âges  dont  vous  avez 
compris  les  beautés,  sur  les  statues  par  vous  animées,  sur  les 
toiles  de  toutes  les  écoles  par  vous  célébrées  ou  sauvées  de  l'oubli. 

«  On  vous  a  dû  des  notes  inédites  sur  la  vie  des  peintres,  des 
sculpteurs  et  d'autres  artistes  du  passé;  vous  vous  êtes  installés 
dans  les  musées,  dans  les  archives,  dans  les  bibliothèques,  pour 
rectifier  une  erreur,  affirmer  ou  contester  une  attribution,  éclairer 
plus  d'une  question  controversée.  Les  matériaux  accumulés  par 
vous  remplissent  des  volumes  où  se  manifeste  l'étonnante  variété 
de  vos  connaissances  et  de  vos  goûts. 

«  Approuver  vos  efforts  et  vanter  vos  succès,  c'est  louer  une 
qualité  très  française,  quoi  qu'on  nous  la  refuse  :  la  persévérance. 

«  Sans  contredire  ce  que  je  rappelais,  il  y  a  un  instant,  des  diffé- 
rences qui  vous  séparent  des  Sociétés  savantes,  je  n'hésite  point  à 
proclamer  que,  dans  le  milieu  où  elles  vivent,  dans  leurs  petites 
patries,  vos  Sociétés  font  sagement  de  diriger  leurs  investigations 
vers  toute  œuvre  qui  s'éclaire  d'un  rayon  d'art  et  de  génie. 

«  Moins  périlleuses  que  celles  des  voyageurs  vers  les  mystères 
des  pôles  ou  sur  le  chemin  des  lacs  silencieux  du  sud  de  l'Afrique, 
vos  explorations  ne  sont  pas  moins  dignes  de  passionner  les  esprits. 
Elles  répondent  aux  mêmes  penchants  très  hauts  qui  nous  portent 
vers  l'inconnu  et  le  voilé. 

«  Seule  l'inerte  banalité  ne  vous  retient  point.  Votre  domaine 
très  large  embrasse  tout  ce  qui  relève  des  Beaux-Arts.  Que  d'émo- 
tions et  de  surprises  à  le  parcourir  avec  vous! 

«  Voici  de  vieux  meubles  sculptés  qui  font  penser  à  quelque 
tercet  de  Dante  :  en  bas,  des  tètes  grimaçantes  ont  sur  les  lèvres 


ALLOCUTIOX    DE    M.    EDOUARD    MILLAUD.  5 

un   rictus  de  malédiction;  en  haut,  des  chérubins  ailés  s'extasient 
sur  des  visions  célestes. 

«  Alaintenant,  notre  admiration  s'arrête  devant  une  de  ces  tapis- 
series tissées  de  soie  et  d'or  qui  furent  la  gloire  des  manufactures 
françaises.  En  bordure,  toutes  les  splendeurs  de  la  flore  enguir- 
landent des  écussons  fleurdelisés.  Sur  le  fond,  une  reine,  vêtue 
d'une  robe  aux  plis  magniGques,  les  épaules  couvertes  d'un  manteau 
d'hermine,  nous  fascine  de  ses  prunelles  bleues.  En  un  coff'ret 
rempli  de  perles  et  de  joyaux  fouillent  ses  doigts  fuselés.  Autour 
d'elle  des  pages  et  des  princesses,  à  ses  pieds  un  lion  qui  som- 
meille. 

(i  Qui  de  nous  n'a  déploré  que  de  pareilles  compositions,  jadis 
ornements  splendides  des  palais,  gisent  aujourd'hui  dans  l'obscu- 
rité froide  d'un  garde-meuble? 

«  De  tel  pastel  décrit  par  vous,  merveille  de  séduction  et  de  déli- 
catesse, s'échappent  des  tièdes  dentelles  et  des  boucles  d'une  che- 
velure blonde  de  si  pénétrants  parfums  qu'ils  enivrent,  après  deux 
siècles,  celui  qui  a  la  sensation  de  les  respirer!  Il  est  des  médailles 
dont  le  seul  relief  est  un  chef-d'œuvre,  des  pierres  gravées  dont  le 
profll  souverain  vaut  une  statue,  des  verreries  où  sur  des  courbes 
éthérées  se  jouent  des  arcs-en-ciel,  des  émaux  dans  le  fondant 
desquels  la  lumière  captive  vivifie  la  matière;  il  est  des  morceaux 
d'argent  ciselés  en  poignée  d'épée  dignes  des  héros,  des  minia- 
tures tant  exquises  qu'elles  centuplent  le  prix  des  livres  sur  lesquels 
les  peignirent  des  artistes;  il  est  des  ivoires,  des  poteries,  des 
étains,  des  bronzes,  des  cuivres  que  leurs  possesseurs  n'échan- 
geraient point  contre  des  trésors. 

«  Je  connais  des  rampes  d'escalier  et  des  margelles  de  puits  qui 
justifient  un  voyage  de  l'autre  côté  des  Alpes. 

«  Oui,  l'orfèvrerie,  la  ferronnerie,  la  mosaïque,  la  glyptique,  la 
xylographie,  la  céramique,  l'imagerie,  l'imprimerie,  l'enluminure, 
l'aqua-tinte  sont  de  nobles  arts,  à  côté  de  l'architecture,  de  la 
statuaire  et  de  la  peinture!  Personne  n'oserait  le  nier  sans  s'ex- 
poser à  être  déclaré  profane.  Les  Sociétés  des  Beaux-Arts  remplis- 
sent exactement  leur  mission  quand  elles  ne  négligent  aucune  des 
branches  de  l'esthétique. 

«  Elles  ne  sont  pas  moins  dans  leur  rôle  lorsque,  s'aidant  de 
quelque    manuscrit  ou    de  quelque   estampe   de  l'époque,   elles 


6  SEANCE    DU    12   AVRIL. 

reconstituent  la  vie  intime  et  les  mœurs  publiques  de  nos  pères, 
les  costumes,  les  fêtes,  les  spectacles  des  siècles  abolis. 

«  Bourgeois  coiffés  de  feutre,  moines  encapuchonnés,  conseillers 
en  robe  écarlatc,  compagnons  du  guet  aux  moustaches  épaisses, 
arquebusiers  aux  buffleteries  reluisantes,  échevins  en  bonnet 
carré  vous  appartiennent. 

V.  Je  les  sais  vôtres  aussi. 

Les  reîtres  à  panache  et  les  mauvais  garçons, 
Dont  le  rire  tintait  aux  vitres  des  auberges  ', 

et  ces  ribaudes  effrontées  servant  d'échansons  à  des  buveurs  rouges 
et  lippus. 

«  On  aime  avec  vous  à  suivre  les  processions  marchant  lentement 
au  son  des  cloches,  ou  les  cortèges  royaux,  précédés  de  musiciens 
jouant  à  l'unisson  des  airs  naïfs  que  la  foule  accompagne  de  ses 
acclamations  et  de  ses  cris. 

«  Ne  cessez  point,  Messieurs,  de  faire  reparaître  sur  les  vieilles 
murailles  les  fresques  effacées,  d'énumérer  les  trésors  de  nos 
églises;  demandez  aux  champs  de  bataille  célèbres  ou  aux  sépul- 
tures antiques  des  armes,  des  bijoux,  des  agrafes  incrustées  de 
sardoine  et  d'onyx,  des  aiguilles  d'or  à  tête  de  sphinx,  des  glaives 
et  des  boucliers  burinés  par  des  maîtres;  cherchez  sous  la  patine 
du  temps  l'élégance  des  modèles  ;  allez  où  vous  attirent  la  pureté 
des  contours,  la  souplesse  des  lignes,  la  fermeté  du  dessin; 
initiez-nous  à  tout  ce  qui  vous  a  semblé  unir  la  sûreté  de  l'exé- 
cution à  une  conception  victorieuse. 

«  Rares  sont  les  jours  où  réapparaissent  à  nos  regards  des  têtes 
accolées  comme  celles  du  camée  de  Gonzague,des  coupes  pareilles 
à  la  «  Minerve  au  rocher  »  du  trésor  d'Hildesheim,  ou  une  ado- 
rante acrolithe  semblable  à  celle  du  musée  du  Louvre;  mais  que 
de  joies  encore  pour  vos  études  sur  des  découvertes  destinées  à 
une  renommée  moindre! 

«  La  table  analytique  des  matières  contenues  dans  les  comptes 
rendus  de  vos  vingt  premières  sessions  est  terminée.  Ce  recueil 
est  la  preuve  de  la  diversité  si  vivante  de  vos  mémoires;  je  ne 
citerai  volontairement  aucun  des   écrits  vers  lesquels  vont  mes 

*  Albert  Mérat.  Vieille  estampe. 


ALLOCUTION    DE    M.    EDOUARD    MILLAUD.  1 

souvenirs,  je  me  contenterai  de  remercier  nos  correspondants. 
«  Nous  tressons  des  couronnes  aux  maîtres  qui,  par  leurs  créa- 
tions,  offrirent  à   leurs  contemporains   l'admiration   d'un   chef- 
d'œuvre  nouveau. 

tt  Ceux  qui  ressuscitent  ou  dévoilent  une  richesse  artistique  per- 
due appellent,  eux  aussi,  toute  notre  gratitude. 

«  On  se  plaît  à  se  retrouver  parmi  vous,  parce  que  vous  êtes 
des  bienfaiteurs  de  l'humanité. 

«  Ce  qui  est  beau  est  moral  ^5 ,  a  écrit  quelque  part  Flaubert.  Si 
cela  est  vrai,  ainsi  que  je  le  pense,  vous  êtes  aussi  des  moralistes. 
tt  Je  n'irai  pas  jusqu'à  dire  que  l'arrêté  ministériel  de  1879,  par 
lequel  vous  fut  conférée  une  vie  distincte  de  celle  des  Sociétés 
savantes,  vous  avait  déjà  ainsi  qualifiés.  Ce  que  jfr  sais  bien,  c'est 
que  l'épithète  était  dans  la  pensée  de  Jules  Ferry. 

«Lorsque  vous  voudrez  connaître  sans  incertitude  le  programme 
qui  vous  fut  tracé;  après  avoir  lu  le  rapport  classique  de  M.  de 
Chenevières,  reportez-vous  au  beau  discours  prononcé  par  le 
ministre  à  la  Sorbonne,  le  19  avril  1879. 

«  Avant  tout,  il  vous  était  recommandé  de  vous  vouer  à  l'histoire 
de  l'art  en  province,  principalement  à  l'époque  qui  précéda  et 
suivit  la  Renaissance,  puis  au  dix-septième  et  au  dix-huitième 
siècle,  enfin  durant  la  période  révolutionnaire.  La  prévoyante 
ambition  de  Jules  Ferry  vous  mêlait  également  aux  réalités  de  nos 
jours  et  aux  espoirs  des  lendemains. 

«  Les  projets  de  monuments,  la  restauration  des  édifices  et  leur 
décoration,  les  écoles  de  dessin  et  les  musées,  rien  de  ce  qui 
touche  aux  arts  plastiques  ne  devait  vous  demeurer  étranger.  Les 
conférences,  les  expositions,  l'art  dramatique  et  musical  entraient 
aussi  dans  votre  ressort. 

«  Les  Sociétés  des  Beaux-Arts,  disait  le  ministre,  resteront  libres  ; 
nous  serons  là  seulement  pour  les  encourager,  les  subventionner, 
et  pour  leur  indiquer  la  direction  dans  laquelle  elles  doivent 
s'engager.  « 

«  Puis,  ayant  au  passage  gratifié  d'une  boutade  le  vieux  conser- 
vateur qui  considère  le  musée  comme  étant  sa  propriété  plutôt  que 
celle  du  public,  il  insistait  sur  cette  idée  que  les  chercheurs  des 
choses  d'autrefois  étaient  les  meilleurs  préparateurs  des  choses 
futures.    '  Entre  le  passé  et  l'avenir,  proclamait-il,  il  n'y  a  ni 


8  SEANCE    DU    12    AVRIL. 

divorce  ni  contradiction.  La  Révolution  française  n'était  pas  une 
rupture,  mais  un  dénouement.  « 

a  A  vous,  Messieurs,  de  profiter  de  la  liberté  qui  vous  a  été 
laissée  en  1879  et  qu'aucune  circulaire  n'a  entravée  depuis  lors. 

«  J'ai  fait  partie  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  dès  son 
origine  :  je  peux  témoigner  des  idées  qui  présidèrent  à  son  orga- 
nisation. Combien  ont  déjà  disparu  de  ceux  qui  pourraient  apporter 
le  même  témoignage  :  Charles  Blanc,  Ed.  Charton,  Paul  de  Saint- 
Victor,  Edmond  About,  Schœlcher,  Castagnary,  Emile  Perrin, 
Liouville,  Viollet-le~Duc,  E.  Véron,  Ambroise  Thomas,  Cham- 
fleury,  Vaucorbeil,  Paul  Alantz!  D'autres  encore  qlii  ne  sont  plus, 
desquels  je  crains  d'omettre  le  nom. 

tt  Entre  tous,  j'évoquerai  celui  d'un  homme  qui  fut  toujours 
acquis  et  ardemment  dévoué  à  vos  associations.  Bardoux  avait 
souvent  présidé  vos  séances.  Comment  ne  pas  rappeler  que  la 
passion  du  beau  le  possédait  tout  entier!  Député,  sénateur, 
ministre,  il  ne  s'est  jamais  démenti  dans  ses  livres,  dans  ses  dis- 
cours et  dans  ses  actes.  S'il  était  parmi  nous,  il  vous  inviterait  à  ne 
point  ménager  votre  initiative,  à  ne  point  craindre  qu'on  la  blâme, 
et  à  lui  laisser  libre  carrière.  Aux  heures  de  lutte  où  tous  les  con- 
cours sont  requis,  personne  n'a  le  droit  de  se  soustraire  à  sa  tâche, 
serait-ce  par  une  modestie  excessive. 

«  Le  progrès  est  incessant,  répète-t-on.  La  formule  est  vraie,  mais 
trop  vague.  Des  peuples  rivaux  nous  enserrent.  11  en  est,  jadis  à 
notre  suite,  à  présent  impatients  à  nous  dépasser.  Quels  que  soient 
notre  rôle  et  notre  position  sociale,  ne  supportons  pas  que 
d'autres  nations  s'emparent  du  rang  de  la  France.  Au  milieu  du 
tumulte  des  concurrences  internationales,  ne  perdons  pas  la  plus 
petite  quantité  de  nos  forces.  Pour  étendre  votre  influence  et 
resserrer  les  liens  qui  doivent  unir  entre  eux  les  correspondants  et 
les  membres  non  résidants  du  comité,  on  avait  songé  à  vous 
recevoir  à  Paris,  une  seconde  fois,  en  dehors  de  la  session  d'avril. 

«  Puisque  ce  projet  paraît  se  heurter  à  des  difficultés  d'ordres 
divers,  j'incline  à  croire  que  les  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  dépar- 
tements ne  pourraient  que  gagner  à  organiser  en  province  des 
réunions  régionales  au  moment  des  grandes  vacances. 

«  En  ces  journées  bientôt  consacrées  par  l'usage,  les  questions  à 
discuter  ne  feraient  pas  défaut,  surtout  si  quelques-unes  avaient 


ALLOCUTIOM    DE    M.    EDOUARD    MILLAUD.  9 

déjà  figuré  au  Bulletin  mensuel.  De  Tindication  des  travaux  entre- 
pris, de  la  révélation  des  découvertes,  de  la  communication  des 
sujets  à  traiter  sortirait  nécessairement  une  méthode  profitable  à 
tous.  Le  plaisir  de  se  retrouver,  l'échange  familier  des  idées,  une 
cordialité  facile  ne  tarderaient  pas  à  faire  de  ces  rencontres  de 
véritables  fêtes  où  l'esthétique  et  les  lettres  dédiées  aux  arts  occu- 
peraient la  première  place. 

'<  La  musique  et  la  poésie  y  étant  aussi  les  bienvenues,  j'imagine 
que  le  public,  trop  écarté  de  vos  assemblées,  ne  se  plaindrait  point 
si  vous  l'admettiez  à  entendre  quelque  mélodie  d'un  archaïsme 
savoureux  ou  des  fragments  symphoniques  exhumés  d'un  parche- 
min jauni.  II  ne  serait  même  pas  impossible  de  reconstituer  modes- 
tement, sans  frais,  avec  les  instruments  de  l'époque,  des  parties 
de  vieux  opéras  dans  la  simplicité  d'un  décor  shakespearien. 

«  Sans  attendre  la  réalisation  peut-être  lointaine  de  ces  souhaits, 
il  me  semble  qu'une  occasion  solennelle  va  se  présenter  pour  vous 
de  vous  entretenir  de  telles  propositions  et  de  toutes  autres  que 
vous  jugerez  propres  à  stimuler  les  volontés  hésitantes,  à  fortifier 
votre  activité  commune,  à  affirmer  votre  existence. 

«  Je  veux  parler  de  l'Exposition  de  1900. 

«  Cet  appel  des  peuples  aux  rives  de  la  Seine  ne  doit  pas  aboutir 
uniquement  à  une  exhibition  de  curiosités,  en  un  rendez-vous  de 
plaisirs. 

«  La  Chine  elle-même,  où  les  signes  de  la  politesse  et  la  façon 
de  peindre  le  visage  datent  de  milliers  d'années,  est  capable  de 
produire  des  merveilles,  encore  que  figée  dans  des  usages  sécu- 
laires. 

a  II  importe  de  viser  plus  haut. 

K  Lorsqu'elle  recevra  chez  elle  ses  visiteurs,  la  France  doit  appa- 
raître, aux  yeux  du  monde,  robuste  de  toutes  ses  forces,  parée  de 
toutes  ses  gloires. 

«  Sur  ce  concours  prodigieux  des  nations,  à  l'aube  du  vingtième 
siècle,  doivent  planer  des  idées;  il  faut  que  des  lipres  et  de  la 
parole,  de  la  science  et  des  arts,  du  foyer  allumé  sur  le  sol  de 
Paris,  se  dégagent  des  pensées,  beaucoup  de  lumière,  une  fierté 
morale,  une  orientation  nouvelle. 

'  Tous  prendrez  certainement  une  part  capitale  à  l'organisation 
de  l'exposition  rétrospective  destinée  au  plus  vif  éclat.  L'obtention 


10  SEANCE    DU    12    AVRIL. 

des  prêts,  le  choix  si  délicat  des  pièces  à  exposer,  l'élimination 
parfois  plus  difficile  de  celles  imparfaites,  la  manière  de  produire 
les  objets  retenus,  l'établissement  de  leur  état  civil,  le  souci  de 
veiller  à  leur  conservation,  imposeront  une  lourde  tâche  :  vous 
devez  la  revendiquer  et  l'accomplir. 

«  Votre  place  est  marquée  aussi  dans  le  palais  où  s'ouvriront 
pendant  l'année  1900  de  nombreux  et  intéressants  congrès. 

a  Si  je  suis  utilement  renseigné,  vous  n'avez  qu'à  vouloir.  Aucun 
encouragement  et  aucun  appui  ne  vous  feront  défaut  :  vous  êtes 
attendus. 

«  Je  n'ai  pas  qualité  pour  énumérer  ici  les  questions  qui  pour- 
raient être  abordées  par  les  congressistes  ;  il  vous  appartiendra  de 
les  désigner  et  de  les  discuter  avec  toute  l'ampleur  qu'elles  com- 
porteront. 

«  Si  j'étais  autorisé  à  en  indiquer  une,  j'élèverais  la  voix  pour  que 
le  congrès  de  vos  Sociétés  consacràt-une  ou  plusieurs  de  ses  séances 
à  la  question  d'un  catalogue  synthétique  de  toutes  les  publications 
traitant  des  beaux-arts  :  histoire,  philosophie,  biographies,  mono- 
graphies, critiques,  etc. 

«  Après  l'inventaire  des  richesses  artistiques  de  notre  pays,  l'in- 
ventaire, la  bibliographie  cataloguée  de  tous  les  livres  ou  manu- 
scrits se  rapportant  aux  Beaux-Arts  dans  toutes  les  bibliothèques  de 
France. 

«  Les  cas  n'ont  pas  été  rares,  en  province,  où  l'on  a  vu  se  dis- 
perser les  plus  riches  collections  de  livres,  ainsi  qu'il  advint  à 
Paris,  au  début  de  la  Révolution,  pour  les  manuscrits  de  l'Abbaye 
de  Saint-Victor,  qui  furent  partagés  en  trois  lots,  dont  l'un  fut 
porté  à  la  Bibliothèque  nationale,  l'autre  à  l'Arsenal,  et  le  troisième 
à  la  Mazarine. 

«  Le  répertoire  que  je  sollicite  permettrait  d'abord  de  connaître 
un  livre  se  rapportant  à  l'esthétique,  quel  que  fût  le  dépôt  dans 
lequel  il  existerait.  11  aiderait  ensuite  aux  échanges  des  ouvrages 
et  favoriserait  le  complément  des  éditions  disséminées  en  divers 
endroits. 

«  Tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  lettres  attendent  la  continua- 
tion du  catalogue  de  notre  Bibliothèque  nationale,  dont  le  premier 
volume  a  paru  l'année  dernière,  précédé  d'une  si  remarquable 
introduction.  La  discussion  ouverte  sur  le  sujet  qui  me  préoccupe 


ALLOCUTIOX    DE    M.    EDOUARD    MILLALD  H 

par  des  hommes  d'une  compétence  indiscutée  conduirait  pour  wne 
branche  du  jjénie  humain,  celle  des  IJeaux-Arts,  à  un  résultat  dont 
vous  saisissez  toute  la  portée.  Ainsi  commencerait  à  se  réaliser  le 
vœu  exprimé  par  M.  Léopold  Delisle  :  «  La  fusion  des  catalogues, 
dont  la  nécessité  s'imposera  un  jour,  préviendra  des  doubles 
emplois  et  des  déperditions  de  force,  -y 

a.  Je  m'excnse  de  m'en  tenir  à  ces  quelques  mots  sur  un  tel  sujet  ; 
mais  je  ne  m'accorde  pas  le  droit  aux  développements.  Malgré  les 
circonstances  trop  rares  où  il  m'est  loisible  de  m'adresser  à  vous, 
je  ne  puis  m'abandonner  à  un  entretien  qui  éloignerait  l'instant  oii 
nous  allons  applaudir  les  lectures  annoncées. 

tt  D'ailleurs,  n'aurai-je  pas  achevé  ce  discours  quand  j'aurai 
répété  une  fois  de  plus  que,  l'art  intéressant  l'ordre  public,  l'Etat 
doit  sa  protection  aux  artistes  et  à  tous  ceux  qui  répandent  le  sen- 
timent du  beau?  Les  peuples  qui  ont  été  les  plus  grands  parla  jus- 
tice de  leurs  lois,  les  plus  riches  par  leur  supériorité  industrielle, 
furent  ceux-là  aussi  qui  comptèrent  le  plus  de  poètes,  ces  attiseurs 
d'âmes,  et  le  plus  d'artistes,  ces  charmeurs  de  la  matière. 

<(  Le  barbare  qui  égorge  les  vaincus  est  le  même  qui  brise  les 
statues  des  divinités  de  l'Hellade. 

ic  Pour  qu'une  industrie  soit  sans  rivales,  ce  n'est  pas  assez  qu'elle 
ait  une  prééminence  technique,  elle  doit  encore  s'épanouir  dans 
un  milieu  de  goût,  de  luxe,  de  tradition  élégante,  au  cœur  d'une 
société  où  le  sens  de  la  beauté  pénètre  dans  les  esprits  avec  l'air 
dans  les  poumons.. 

«  L'art  seul  ne  fait-il  pas  de  nous  de  véritables  voyants  au  sens  le 
plus  exact  du  mot?  Inconscients  des  émotions  qu'il  procure,  nous 
ressemblerions  à  l'aveugle  privé  de  l'azur  du  jour  et  du  scintille- 
ment des  étoiles,  ignorant  des  sillons  argentés  sur  les  vagues  de 
l'Océan,  des  teintes  roses  des  glaciers,  des  arbres  et  des  fleurs,  du 
sourire  sur  les  lèvres  d'un  enfant. 

«  Les  Sociétés  des  Beaux-xArts,  propagatrices  de  vérité,  direc- 
trices des  intelligences  vers  l'idéal,  remplissent  à  côté  des  artistes, 
dans  la  république  des  lettres,  une  mission  civilisatrice.  Elles  mé- 
ritent toute  la  sympathie  d'un  gouvernement  éclairé. 

"  Au  nom  du  ministre,  je  vous  souhaite.  Messieurs,  la  bien- 
venue, et  je  déclare  ouverte  la  22°  session  des  Sociétés  des  Beaux- 
Arts.  V 


12  SEANCE    DU    12    AVRIL. 

La  lecture  de  M.  Massillon-Rouvet,  correspondant  du  Comité, 
à  Nevers,  sur  les  faïences  d'art  à  Nevers,  est  d'une  importance 
sérieuse.  L'auteur  établit  avec  un  ensemble  de  preuves  probantes 
que  les  Conrade  de  Savone  ont  été  les  véritables  importateurs  de 
la  faïence  dans  le  Xivernais.  Jusqu'ici  le  rôle  de  ces  céramistes 
n'avait  pas  été  bien  défini.  M.  Massillon-Rouvet  les  met  en  lumière 
et  cite  à  l'appui  de  son  argumentation  des  documents  de  toute 
valeur. 

A  la  suite  de  la  lecture  de  M.  Massillon-Rouvet,  M.  Le  Breton, 
correspondant  du  Comité,  à  Rouen,  revendique  pour  Masseot  Aba- 
quesne,  de  Rouen,  l'honneur  d'avoir  devancé  les  faïenciers  de 
Nevers.  Abaquesne  a  signé  des  carrelages  de  sa  composition  en 
1547,  en  1549,  en  1557.  Les  observations  très  précises  de  M.  Le 
Breton  n'infirment  pas  les  affirmations  de  M.  Massillon-Rouvet, 
qui  s'est  surtout  appliqué  à  établir  qu'à  ses  yeux  les  Conrade  ont 
devancé  Gambin,  leur  ouvrier,  et  méritent  d'être  appréciés  comme 
des  initiateurs,  alors  que  Gambin  n'a  pas  droit  au  même  éloge. 

La  parole  est  donnée  à  M.  Jacquot  (Albert),  correspondant  du 
Comité,  à  Nancy,  sur  le  graveur  Charles  Eisen.  Ce  n'est  pas  une 
étude  approfondie  de  l'œuvre  du  graveur  qui  a  tenté  M.  Jacquot; 
mais  un  document  très  inattendu  s'étant  offert  à  lui  sur  la  mort 
d'Eisen  elles  agissements  de  son  logeur  après  le  décès  de  l'artiste, 
M.  Jacquot  a  voulu  mettre  en  luaiière  cette  pièce  inédite.  Elle 
complète  ce  qui  jusqu'ici  avait  été  dit  sur  Eisen. 

M.  Benêt  (Armand),  membre  non  résidant  du  Comité,  à  Caen, 
donne  commmunication  de  ses  mémoires  :  1°  Peintres  des  dix- 
septième  et  dix-huitième  siècles.  Documents  extraits  des  archives 
du  Calvados,  efH"  Artistes d'Avranches,  Bayeux,  Cherbourg,  etc., 
dix-huitième  siècle.  Ces  mémoires  sont  une  contribution  curieuse 
à  l'histoire  des  artistes  normands  durant  les  deux  derniers  siècles. 
Ce  sont  autant  de  mentions  inédites  et  précieuses  tirées  de  divers 
fonds  d'archives. 

M.  Le  Breton  (Gaston),  correspondant  du  Comité,  à  Rouen, 
donne  lecture  de  son  Etude  critique  sur  deux  tapisseries  du 
musée  de  Rouen.  Les  deux  œuvres  diff'èrent,  mais  l'une  et  l'autre 
sont  précieuses.  La  tapisserie  d'Anet,  notamment,  qui  complète 
une  suite  bien  connue,  est  une  pièce  de  la  plus  grande  valeur. 
M.  Le  Breton  l'a  décrite  avec  toute  compétence.  Le  Musée  de 


SEA\CE    DU    1-2    AVRIl,  13 

Rouen,  qui  possède  cette  œuvre  rare,  n'a  rien  à  envier  aux  plus 
riches  galeries. 

M.  Demis  (Joseph),  correspondant  du  Comité,  à  Angers,  a  la 
parole  sur  le  Maître-autel  de  Denis  Gervais,  à  Saint-Maurice 
d'Angers.  Cet  autel  date  de  1755.  Il  est  remarquable  et  n'a  pas 
souffert  depuis  sa  mise  en  place.  La  i)rève  monographie  de  M.  Denais 
est  justifiée  par  l'intérêt  que  présente  ce  spécimen  de  l'art  déco- 
ratif sous  Louis  XV. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  communication  de  M.  Cavrois,  secré- 
taire général  de  l'xAcadéraie  d'Arras,  sur  YEmaïl  de  Vaulx  en 
Artois  (1581).  Cette  courte  note  a  son  importance.  Elle  peut 
servir  de  guide  à  plus  d'une  Société  provinciale  dans  le  sauvetage 
des  œuvres  d'art  d'une  région.  M.  Cavrois  a  rappelé  des  faits  qui 
sont  tout  à  l'honneur  de  la  commission  des  monuments  historiques 
du  Pas-de-Calais. 

M.  Leroy  (G.),  correspondant  honoraire  du  ministère  de  l'In- 
struction publique  à  Alelun,  donne  lecture  de  son  mémoire  :  la 
Céramique  à  Boissettes  [Seine-et-Marne),  1732-1781.  Dans  ce 
travail,  l'auteur  établit  que  les  historiens  de  la  céramique,  sur  la 
foi  d'un  monogramme,  ont  souvent  attribué  à  un  fabricant  Orléa- 
nais des  pièces  provenant  de  Boissettes.  La  révélation  de  M.  Leroy 
est  de  nature  à  mettre  en  éveilla  sagacité  des  amateurs. 

M.  l'abbé  Douillet,  correspondant  du  Comité,  à  Caen,  est  invité 
à  lire  son  étude  sur  les  Boiseries  sculptées  de  l'église  de  Laval-Dieu 
(dix-septième  siècle).  Une  description  très  précise  de  ces  boiseries 
bien  conservées  et  de  bon  style  fait  du  travail  de  M.  Bouillet  une 
source  à  consulter  par  les  historiens  futurs  de  l'art  décoratif  sous 
Louis  XIV. 

C'estune  histoire  anecdolique  très  prestement  écrite  que  M.  Char- 
VET  (Léon),  membre  non  résidant  du  Comité,  à  Lyon,  nous  a  donnée 
de  V Hôtel  de  ville  d'Arles  et  de  ses  huit  architectes  (dix-septième 
siècle).  Nous  ne  pouvons  rappeler  ici,  après  M.  Charvet,  les  com- 
pétitions, les  rivalités  de  toute  nature  qui  entravèrent  pendant  de 
longues  années  la  construction  de  l'hùtel  de  ville  d'Arles.  Bornons- 
nous  à  dire  queMansart  est  l'auteur  delà  partie  la  plus  importante 
de  l'édifice. 

M.  LoRiiv,  secrétaire  de  la  Société  archéologique,  à  Rambouillet, 
donne  lecture  de  ses  mémoires  sur  1"  Pierre  Dupuis,  peintre  de 


14,  SÉANCE    DU    12    AVRIL. 

Montfort,  et  2"  les  Quatre  saisons,  de  Sauvage.  De  Pierre  Dupuis, 
M.  Lorin  ne  cite  pas  d'œuvres  importantes.  En  revanche,  il  fait 
plus  nombreuses  les  sources  d'informations  sur  l'artiste.  En  ce  qui 
touche  Sauvage,  peintre  fort  en  vogue  à  la  fin  du  dernier  siècle, 
M.  Lorin  décrit  des  panneaux  d'une  importance  appréciable. 
L'étude  rétrospective  que  M.  Lorin  consacre  à  ce  peintre  qui  eut 
sa  spécialité,  reporte  les  esprits  vers  un  art  oublié,  très  en  honneur 
chez  nos  grands-pères, 

La  Section  entend  M.  Mazerolle  (Fernand),  correspondant  du 
Comité,  à  Dijon,  sur  les  Dessins  de  médailles  et  de  jetons  attri- 
bués à  Bouchardon.  M.  MazeroUe,  dans  ce  travail,  établit  la  part 
qui  revient  à  Bouchardon,  à  Duvivier  et  à  Roëttiers  dans  les  des- 
sinsconservés  à  l'Hôtel  des  monnaies,  et  qu'on  était  enclin  à  ranger 
en  totalité  parmi  les  dessins  de  Bouchardon.  Les  preuves  apportées 
par  M.  Mazerolle  à  l'appui  de  sa  discussion  sont  décisives. 

La  brève  étude  de  M.  Ponsoivailhe  (Charles),  correspondant  du 
Comité,  à  Béziers,  relative  à  un  Dessin  sur  Thermidor,  par  Hubert 
Robert,  permet  à  l'auteur  de  rectifier  plus  d'une  inexactitude 
échappée  à  la  plume  des  biographes  du  peintre.  Le  dessin  décrit 
par  M.  Ponsonailheest  conservé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Mont- 
pellier, et  personne  encore  ne  s'était  avisé  de  signaler  cette  œuvre 
exécutée  par  l'artiste  sous  les  verrous  de  Saint-Lazare. 

La  parole  est  donnée  à  JVL  Maillard  (Jules),  membre  de  la 
Société  archéologique  de  Rambouillet,  à  Versailles,  pour  sa  com- 
munication sur  les  Appartements  et  le  mobilier  du  château  royal 
de  Saint-Hubert.  Ce  château,  lendez-vous  de  chasse  sous  Louis  XV 
etLouisXVI,  a  complètement  disparu.  Il  était  situé  non  loin  de  Ver- 
sailles. Gabriel  en  avait  été  l'architecte.  L'étude  de  M.  Maillard,  iné- 
dite dans  toutes  ses  parties,  est  un  travail  très  apprécié  par  la  Section. 

La  Section  entend  M.  Deligmières  (Emile),  membre  non  résidant 
du  Comité,  à  Abbeville,  sur  des  Peintures  anciennes  de  T Ecole 
flamande.  Ces  peintures  extrêmement  curieuses,  découvertes  chez 
un  amateur  par  M.  Delignières,  sont  des  fragments  d'un  retable 
«xécuté  mi-partie  au  quinzième  et  mi-partie  au  seizième  siècle. 
M.  Delignières  les  étudie  en  historien  et  en  critique,  avec  compé- 
tence et  avec  goût. 

L'ordre  du  jour  étant  épuisé,  la  séance  est  levée  à  six  heures. 

Demain  mercredi,  à  une  heure  et  demie,  suite  des  communica- 


ALLOCL'TION    DE    M.    LUCIE  X    M  ARC  HE  IX.  15 

lions,  SOUS  la  présidence  de  M.  Lucien  Marcheix,  sous-bibliothé- 
caire à  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  membre  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts. 


Séance  du  mercredi  13  avi'il. 

PRÉSIDE\CE    DE    M.    LUCIEN    MARCHEIX. 

La  séance  est  ouverte  sous  la  présidence  de  M.Lucien  Marcheix, 
sous-bibliothécaire  à  l'Ecole  nationale  et  spéciale  des  Beaux-Arts, 
membre  du  Comité,  assisté  de  M.  L.  Crost,  chef  du  bureau  de 
l'Enseignement  et  des  Manufactures  nationales,  et  de  M.  Henry 
JouiN,  secrétaire  rapporteur. 

Outre  les  délégués,  assistaient  à  la  séance  : 

M.  L.  Crost,  chef  du  bureau  de  l'Enseignement  et  des  Manufac- 
tures nationales; 

M.  Servois,  directeur  des  archives,  membre  du  Comité  ; 

M.  Marcou,  inspecteur  général  adjoint  des  monuments  histo- 
riques, membre  du  Comité. 

M.  le  président  invite  M.  Quarré-Reybourbon,  correspondant  du 
Comité,  à  prendre  place  au  fauteuil  de  la  vice-présidence,  et  pro- 
nonce l'allocution  suivante  : 

«  Messieurs, 

«  Vous  avez  vu  à  cette  place  jusqu'à  ce  jour,  et  vous  y  verrez 
encore,  dès  demain,  des  hommes  connus  de  vous,  connus  de  tous 
pour  leur  talent  ou  pour  leur  érudition  :  ni  l'autorité  ne  manquait 
aux  avis  que  vous  attendiez  d'eux,  ni  le  prix  aux  éloges  qu'il  vous 
fallait  bien  subir,  ni  la  compétence  à  ces  objections  qui  sont  le  sel 
de  la  louange.  Cette  autorité,  cette  compétence  me  manquent.  Je 
n'aurai  pas  la  présomption  de  donner  des  conseils  à  des  hommes 
qui  tous  auraient  quelque  chose  à  m'apprendre,  et  dont  plusieurs, 
s'ils  ouvraient  école,  me  verraient  accourir  sur  leurs  bancs. 

«  Mais  M.  le  ministre  a  sans  doute  pensé  — je  l'en  remercie  et 
je  m'en  félicite  —  que  si  des  artistes  ou  des  historiens  d'un  mérite 
reconnu  ont  seuls  qualité  pour  critiquer  vos  travaux,  vous  avez 
droit  aussi  à  la  bienvenue  de  tous,  et  que,  pour  vous  souhaiter 


16  SÉARICE    DU    13   AVRIL. 

cette  bienvenue,  à  défaut  de  notoriété,  de  science  et  d'éloquence, 
il  suffît  d'aimer  l'histoire,  d'aimer  l'art,  d'aimer  la  France...  et  de 
vous  avoir  lus. 

"  C'est  ce  que  j'ai  fait,  Messieurs;  je  vous  ai  lus,  avec  quel  pro- 
fit! avec  quelle  sympathie  surtout!  c'est  ce  que  je  voudrais  vous 
dire  :  si  parfois  je  semblais  prendre  le  rôle  de  panégyriste,  dont  je 
me  défends,  ou  celui  de  pédagogue,  qui  ne  me  convient  pas,  la 
faute  en  sera  à  vous,  non  à  moi,  car  votre  œuvre  est  de  celles  qui 
se  louent  elles-mêmes,  et  elle  est  pleine  des  conseils  les  plus  effi- 
caces, je  veux  dire  de  bons  exemples  et  d'excellents  modèles. 

tt  Cette  œuvre  commence  à  être  considérable  :  depuis  vingt- 
deux  ans  elle  va  grandissant,  s'étendant  d'année  en  année.  Je 
vois  sur  les  rayons  de  la  bibliothèque  de  cette  Ecole  s'aligner 
les  uns  à  côté  des  autres,  toujours  plus  gros,  toujours  plus  com- 
pacts, les  volumes  où  vivront  vos  travaux  :  aux  in-octavo  de  1877, 
1878, 1879,  de  taille  déjà  raisonnable,  mais  svelte  encore,  comme  il 
convient  à  des  conscrits,  ont  succédé  des  tomes  de  plus  en  plus 
et  sans  doute  aussi  de  mieux  en  mieux  nourris,  moins  élégants 
peut-être  dans  leurs  proportions,  mais  imposants  par  leur  ampleur  : 
on  croirait,  dans  cette  revue  livresque,  après  les  alertes  régi- 
ments de  l'armée  active,  voir  défiler  la  territoriale  solide  ;  seule- 
ment ici  ce  sont  les  plus  jeunes  qui  demandent  les  habits  les  plus 
larges  :  la  classe  1897  en  particulier  se  recommande  par  son 
embonpoint,  et  c'est  avec  une  véritable  admiration  que  nous 
l'avons  immatriculée  à  la  suite  de  ses  aînées  :  ses  douze  cents  pages, 
gros  bataillon  où  il  y  a  plus  d'une  compagnie  d'élite,  se  sont  tout 
de  suite  tenues  correctement  sur  la  tablette  —  j'allais  dire  sur  le 
champ  de  bataille,  —  et  le  reste  de  l'armée,  12,000  vétérans  un 
peu  fatigués  de  la  lutte,  se  repose  sur  elle  sans  la  faire  fléchir  : 
mole  sua  stat. 

«  Si  vos  vingt  et  un  volumes,  rien  qu'à  les  voir,  inspirent  le  res- 
pect, combien  cette  impression  se  renforce  lorsqu'on  les  consulte 
et  qu'on  les  feuillette,  lorsque,  après  avoir  trouvé  le  renseigne- 
ment qu'on  cherchait,  on  en  rencontre  un  autre  et  un  autre  encore, 
et  avec  ces  renseignements  des  vues  nouvelles,  des  hypothèses  ingé- 
nieuses et  si  prudentes,  que  plus  d'une,  émise  dans  le  volume  pré- 
cédent, se  voit  confirmée  dans  le  volume  suivant! 

«  Pour  glaner  ces  faits,  dont  l'histoire  un  jour  fera  sa  gerbe, 


ALLOCUTIO.\    DE    M.    LUCIEN    MARCHEIX.  n 

VOUS  ne  ménagez  ni  votre  temps,  ni  vos  pas,  ni  vos  peines;  vous 
fouillez  votre  ville,  votre  canton;  à  quelques-uns  leur  arrondisse- 
ment, leur  département  même  ne  suffit  pas,  et  vous  en  pourriez 
nommer  dont  l'activité  ne  s'arrête  pas  aux  bornes  de  leur  province. 
Vous  explorez  des  régions  que  les  ignorants,  voire  les  savants 
croyaient  connues;  vous  visitez  des  monuments  où  vos  devanciers 
n'avaient  pas  tout  vu,  des  bibliothèques  où  ils  n'avaient  pas  tout 
lu;  vous  exhumez  de  nouvelles  ruines  et  presque  de  nouveaux 
grands  hommes  :  pour  vous,  le  greffe  secoue  sa  poussière,  l'admi- 
nistration ouvre  ses  archives,  certains  notaires  entr'ouvrent  leurs 
cartons;  et  vous  allez  ainsi  déchiffrant,  regardant,  mesurant  et 
photographiant,  ne  laissant  nulle  place  où  la  main  ne  passe  et 
repasse  dans  ce  vaste  champ  où  chaque  coup  de  bêche,  à  qui  sait  le 
donner,  livre  une  parcelle  du  trésor  national. 

tt  De  ce  trésor  vous  avez  déjà  retrouvé  bien  des  pièces,  celles-ci 
brillantes  encore,  celles-là  à  demi  effacées,  rongées  par  l'injure 
des  hommes  plus  que  par  celle  du  temps;  vous  en  avez  signalé 
plus  d'une  à  l'insouciance  de  son  propriétaire,  et  vous  avez  épargné 
quelques  remords  à  notre  âge  qui  se  prétend  artiste  et  qui  a  dé- 
truit tant  d'œuvres  d'art,  N'est-ce  pas  un  de  vous,  M.  Léon  Giron, 
qui  a  tiré  des  églises  et  des  châteaux  delà  Haute-Loire lesfresques 
naïves  qui  racontent  maintenant  aux  visiteurs  du  Musée  du  Puy, 
avec  nos  vieilles  légendes  sacrées,  une  partie  de  l'histoire  de  la 
peinture  au  moyen  âge?  un  autra^  J\I.  Delignières,  qui  nous 
donnait  le  catalogue  de  500  peintures  et  dessins  du  château  de 
Moreuil,  dont  quelques-uns  portent  la  signature  et  même  la  griffe 
de  David  ou  d'Ingres?  C'est  par  la  plume  d'un  des  vôtres, 
M.  Marionneau,  que  l'Aquitaine  nous  rappelait  l'antiquité  de  sa 
civilisation  et  que  Bordeaux  nous  envoyait  la  longue  liste  de  ses 
peintres,  ouverte  par  le  Gallo-Romain  Amabilis,  un  nom  de  bon 
augure  et  qui  lui  a  porté  bonheur.  C'est  M.  Jacquot  qui,  il  y  a 
*  quelques  années,  retrouvait,  encastré  dans  un  mur  de  village,  un 
bas-relief  de  l'un  des  Richier- c'est  M.  Thiollier  qui  vous  signalait 
dans  le  Forez  trois  statues  de  notre  Renaissance,  trois  bellesdepuis 
trois  cents  ans  au  bois  dormant. 

«  Et  ce  n'est  pas  seulement  du  sommeil,  mais  de  la  mort  même 
que  votre  amour  parfois  cherche  à  tirer  la  beauté  disparue  :  M.  Na- 
lalis  Rondot  a  reconstitué  pour  vous  le  tombeau  du  cardinal  de 

2 


18  SÉANCE    DU    13    AVRIL. 

Saluées;  M.  Denais  vous  a  presque  remis  devant  les  yeux  celui 
du  roi  René  et  d'Isabelle  de  Lorraine.  Vous  essayez  même  de 
réparer  dans  la  mesure  du  possii)le  les  méfaits  de  nos  pères,  et 
M.  liabeau  vous  a  raconté  l'histoire  tragi-comique  et  fait  le  portrait 
de  trois  saints  sculptés  par  Girardon,  badigeonnés  en  1793  et  trans- 
formés à  la  mode  du  temps  par  un  spirituel  abbé,  mais,  hélas  !  re- 
connus sous  leur  déguisement  par  l'œil  sévère  du  Comité  de 
l'endroit  et  immolés  sans  pitié  sur  l'autel  de  la  patrie  française  par 
des  Champenois  qui  croyaient  être  des  Lacédémoniens. 

«  Pleins  de  regrets  pour  les  belles  œuvres  disparues,  d'inquié- 
tudes pour  celles  que  ne  menacent  pas  seulement  les  intempéries, 
vous  n'oui)liez  pas  celles  qui  reposent  maintenant  en  sûreté,  ou  à 
peu  près,  dans  nos  collections  :  vous  ne  voulez  pas  que  ce  repos 
soit  celui  de  la  mort  et  qu'un  musée  soit  un  cimetière,  y  compris 
la  fosse  commune,  je  veux  dire  l'anonymat.  Vous  les  visitez,  ces 
œuvres  qui  sont,  avec  les  livres,  nos  amis  d'avant  nous,  vous  vous 
informez  de  leur  santé,  vous  les  interrogez  sur  leur  origine,  vous 
dressez  leur  état  civil,  vous  savez  leur  parenté,  leurs  voyages, leurs 
vicissitudes.  Que  ne  doivent  pas  les  Musées  de  Rouen,  de  Besan- 
çon, de  Tours,  de  Versailles,  d'Avignon,  de  Cambrai,  de  Poitiers 
—  pour  ne  nommer  que  ceux-là —  à  MM.  Le  Breton,  Castan,  de 
Grandmaison,  Dutilleux,  Duhamel,  Durieux  et  Brouillet,  et  à  tant 
d'autres  auxiliaires  ardents  et  bien  informés  de  la  Commission  de 
l'inventaire  de  nos  richesses  d'art,  que  souvent  ils  devancent,  que 
parfois  ils  complètent? 

«  En  étudiant  les  œuvres,  Messieurs,  vous  ne  pouviez  négliger 
les  hommes  :  dans  les  biographies  de  nos  grands  artistes  vous 
rétablissez  les  dates,  vous  rectifiez  les  erreurs,  vous  comblez  les 
lacunes;  aux  l)elles  légendes  vous  substituez  la  vérité,  que  vous 
estimez  plus  belle  encore.  Sur  Nicolas  Froment,  sur  Simon  Mar- 
mion  et  Bellegambe,  sur  Jacques  Morel  et  son  neveu  le  Moiturier, 
sur  ce  Regnault  qui  reprenait  l'année  dernière  sa  place,  toute  sa 
place  auprès  de  Michel  Colombe,  sur  les  Anguier,  Le  Poussin  et 
Puget,  sur  Philippe  de  Champagne  et  sur  Claude  Lefèvre,  sur 
Watteau,  sur  Ingres  et  sur  Delacroix,  nous  vous  devons  mille  ren- 
seignements, et  quelques-uns  d'entre  eux  vous  doivent  un  regain 
d'immortalité. 

«  Votre  dévotion,  qui  revient  sans  cesse  aux  grands  dieux, 


ALLOCUTIOM    DE    M.    LUCIEX    MARCHEIX.  19 

comme  il  est  juste,  aux  dieux  de  tout  le  pays,  ne  néglige  pas  les 
divinités  locales,  toute  cette  estimable  troupe  de  talents  secon- 
daires qui  mettent,  en  le  rapetissant,  en  le  vulgarisant  un  peu  — 
comment  s'en  étonner?  —  l'art  des  plus  grands  à  la  portée  des 
plus  petits;  satellites  modestes  qui  préparent  les  yeux  à  soutenir 
une  lumière  plus  éclatante  et  qui  renvoient  partout  les  reflets, 
vivifiants  encore,  d'un  soleil  trop  lointain. 

a  Enfin,  Messieurs,  —  et  c'est  la  partie  peut-être  la  plus  utile  de 
votre  œuvre,  —  vous  avez  largement  contribué  à  l'histoire  de  ces 
arts  qui  veulent  bien  s'appeler  mineurs;  vous  savez,  vous,  qu'il  ne 
faut  pas  les  prendre  au  mot;  que  peu  importent  les  dimensions,  le 
sujet  apparent,  la  matière  et  l'outil,  là  où  l'âme  a  guidé  la  main; 
et  qu'elle  peut  infuser  au  bois,  à  l'or  ou  au  fer  sa  fierté  ou  sa  ten- 
dresse dans  l'enroulement  d'une  volute  ou  l'élan  d'un  rameau, 
comme  dans  le  geste  d'un  héros  ou  l'agenouillement  d'un  saint. 
Aussi  vos  livres  sont-ils  pleins  de  pages  qui  décrivent  et  de  photo- 
graphies qui  reproduisent  mille  objets  dont  s'est  embellie  la  vie 
française  aux  siècles  passés  :  figurines  d'ivoire,  naïfs  et  précis  sou- 
venirs d'époques  qui  souvent  n'ont  plus  guère  d'autres  témoins; 
meubles  hardiment  sculptés  en  plein  bois  par  la  rude  et  loyale 
main  de  nos  vieux  huchiers  ou  curieusement  fouillés  par  le  délicat 
et  savant  ciseau  des  ébénistes  de  la  Renaissance;  feuillages  frémis- 
sants oij  nos  bons  menuisiers  ont  fait  sourire  les  anges  et  chanter 
les  oiseaux;  majestueuses  tapisseries  qui  mettaient  le  printemps 
ou  l'automne,  les  fêtes  du  ciel  et  de  la  terre,  autour  des  devis 
courtois  des  preux  chevaliers  et  des  nobles  dames;  cofi*rets  d'une 
païenne  élégance  d'où  s'exhale  encore  le  parfum  des  belles  qui 
furent  aimées;  dur  fer  qui  s'est  tordu  en  souples  branches  ou 
épanoui  en  fleurons  printaniers  sous  le  marteau  du  forgeron; 
faïences  où  l'humble  argile  sous  mille  formes  charmantes  s'est 
émaillée  de  couleurs  qui  ne  vieilliront  pas;  vieux  vitraux  dont  le 
soleil,  divin  complice  du  verrier,  fait  des  tapis  d'émeraude,  de 
rubis  et  d'améthyste  ;  ostensoirs  d'où  a  rayonné  le  soleil  des  âmes, 
reliquaires  qui  ont  fait  des  miracles,  ciboires  où  le  Dieu  qui  aime 
les  pauvres,  mais  qui  ne  hait  pas  les  artistes,  se  plaisait  à  s'enfer- 
mer dans  l'or  :  tout  ce  qui  nous  raconte  les  coutumes  et  les  amours, 
la  vie  et  l'idéal  de  nos  pères,  vous  l'aimez,  vous  le  recherchez,  vous 
le  décrivez  avec  un  soin  pieux  ;  et  à  voir  passer  sous  les  yeux,  quand 


20  SEANCE    DL'    13    AVRIL. 

on  VOUS  feuillette,  les  spécimens  des  styles  que  notre  pays  n'a  cessé 
de  créer  jusqu'au  commencement  de  ce  siècle,  on  croit  suivre  dans 
sa  lente  évolution  Tàme  française,  rude  et  fière,  mais  non  sans 
grâce  déjà  au  douzième  siècle,  et  enseignant  aux  autres  nations, 
au  temps  de  saint  Louis,  l'art  des  temps  nouveaux;  mettant  au 
quinzième  siècle  sa  mesure  dans  la  richesse  flamande;  au  seizième, 
sa  netteté  un  peu  sèche  dans  l'exubérance  italienne,  puis  remplis- 
sant le  monde  d'un  faste  majestueux  qui  sut  rester  sobre,  jusqu'au 
jour  où,  ayant  fait  siens  tous  les  éléments  empruntés  à  l'antiquité 
et  aux  pays  voisins,  affinée  par  l'usage  du  monde,  désabusée  du 
faste  pour  l'avoir  trop  payé,  de  la  majesté  pour  l'avoir  trop  vue, 
et  de  l'austérité  pour  l'avoir  trop  entendue,  elle  se  fit  un  art  bien 
à  elle,  qui  ne  fut  ni  italien,  ni  flamand,  ni  espagnol,  mais  uni- 
quement français,  où  elle  apparaît  encore  à  nos  yeux  charmés 
avec  le  clair  bon  sens,  la  noblesse  aisée  et  la  fine  tendresse  de  la 
société  la  plus  polie  qui  fut  jamais. 

u.  Ah!  Messieurs,  le  joli  costume,  les  jolis  meubles!  le  moyen 
d'être  sotte  ou  même  laide  sous  ces  galants  déshabillés  de  formes 
si  coquettes  et  de  couleurs  si  gaies?  Comment  eût-on  osé  être  un 
pleutre  avec  cette  épée  au  côté?  Qui  serait  resté  lourdaud  sous  ce 
frac  léger  et  ces  fines  dentelles?  Qui  n'aurait  eu  de  l'esprit  dans 
ces  fauteuils  faits  pour  la  conversation  et  non  pour  s^endormir  en 
fumant  après  dîner? 

«  Comparez,  ces  costumes  et  ces  meubles  avec  le  costume  que 
nous  ne  pouvons  plus  renvoyer  en  Angleterre,  et  avec  les*  meubles 
que  nos  Crésus  devraient  bien  y  laisser.  Oue  ne  vous  ont-ils  lus! 
Que  n'assistent-ils  à  vos  réunions,  ces  favoris  de  la  fortune  plus 
que  de  la  nature,  ces  victimes  peu  intéressantes  du  snobisme  et 
d'habiles  commis  voyageurs!  Ils  sauraient  que  la  France  a  créé 
en  tous  temps  d'assez  beaux  modèles  en  tous  genres  et  assez  variés, 
pour  n'avoir  pas  besoin  d'aller  chercher  hors  de  chez  elle  quoi? 
de  lourdes  imitations  de  ce  qu'elle  a  fait  autrefois  et  de  ce  qu'elle 
dédaigne  sottement,  Xous  avons  encore  assez  d'habiles  ouvriers 
pour  qu'on  puisse  faire  ici,  et  à  moins  de  frais,  du  Louis  XVI  non 
dégénéré.  Oui,  Messieurs,  s'ils  vous  avaient  lus,  ils  sauraient  tout 
cela,  ils  commanderaient  des  meubles  français  à  des  ouvriers  fran- 
çais, et,  s'ils  fussent  restés  après...  ce  qu'ils  étaient  avant,  du 
moins  ne  le  saurait-on  pas,  dans  leur  salon,  avant  qu'ils  aient  parlé  1 


ALLOCUTIOIV    DE    M.    LUCIE  M    MARCHEIX.  21 

«  Si  ce  n'était  là,  Messieurs,  qu'un  fait  isolé,  si  ce  n'était  qu'une 
mode  destinée  à  passer  comme  les  grands  canons  ou  les  vertuga- 
dins,  on  en  prendrait  son  parti,  et  il  serait  ridicule  de  jeter  pour 
si  peu  le  cri  d'alarme.  Mais  il  n'en  est  pas  ainsi  :  parcourez  nos 
expositions,  feuilletez  ces  revues  paradoxales  où  une  jeunesse  vieil- 
lote  proclame  la  gloire  de  la  décadence;  tenez  les  yeux  ouverts,  si 
vous  le  pouvez,  devant  tous  les  bariolages  dont  des  Botticelli  de 
carrefour  prétendent  décorer  nos  murs;  regardez  ces  estampes  où 
des  couleurs  exaspérées  hurlent  en  prétentieuses  dissonances  sur 
des  formes  indistinctes  —  et  pour  cause  —  dans  les  compositions 
où  le  préraphaélisme  anglais,  le  réalisme  japonais,  la  bizarrerie 
chinoise  et  le  dernier  chic  de  Montmartre  se  combinent  et  se  com- 
battent, se  repoussent  et  s'enlacent,  se  contournent  et  s'enchevê- 
trent, à  la  grande  admiration  d'amateurs  trop  peu  intelligents  et  de 
dames  trop  intellectuelles.  Voyez  partout  ce  débordement  d'exo- 
tisme et  de  mauvais  goût,  l'un  suivant  l'autre,  et  dites  si  ce  ne  sont 
pas  là  les  symptômes  d'un  mal  profond,  contre  lequel  il  faut  réagir. 

«  Ce  mal,  on  pourrait  être  tenté  de  l'attribuer,  à  première 
vue,  à  l'affluence  et  à  l'influence  excessive  des  étrangers.  Mais 
est-ce  que  la  France  a  jamais  cessé  d'attirer  chez  elle  des  étran- 
gers et  d'en  refaire  sa  chair  et  son  sang  en  leur  communiquant 
son  âme?  Est-ce  qu'elle  n'a  pas,  à  plusieurs  reprises,  emprunté 
à  l'Italie,  à  la  Flandre,  à  l'Espagne,  à  l'Allemagne  et  à  l'Angle- 
terre des  formes  d'art  et  des  idées  qu'elle  a  su  s'approprier?  Et 
si  aujourd'hui  elle  se  sent  menacée  d'être  absorbée  au  lieu  d'ab- 
sorber et  de  devenir  allemande,  anglaise  ou  américaine,  n'est-ce 
pas  tout  simplement  faute  d'être  assez  française? 

«Voilà  le  mal.  Messieurs,  et  vous  le  connaissez  bien;  vous 
connaissez  aussi  le  remède,  c'est  de  ranimer  le  goût  français. 
C'est  ce  goût  dont  on  a  éloquemment,  mais  follement  médit  quel- 
quefois, formé  à  l'école  des  logiciens  et  des  humanistes,  nourris 
des  traditions  et  des  exemples  de  la  Grèce  et  de  Rome,  éclairé  au 
seizième  siècle  d'un  sourire  de  l'Italie,  ce  goût,  fait  de  tact,  de 
mesure,  de  clarté  et  de  fermeté,  c'est  lui  qui  en  accueillant,  en 
appelant  de  partout  ce  qui  convenait  à  notre  nature,  en  écartant  ce 
qui  lui  répugnait,  a  créé  et  défendu  cette  France  intellectuelle  qui 
va  encore  maintenant,  quoi  qu'on  en  dise,  au  delà  des  Vosges,  au 
delà  du  Rhin,  au  delà  des  Alpes  et  de  l'Océan. 


22  SEAMCE    DU    13   AVRIL. 

u.  D'où  venait-il?  De  la  Grèce  et  de  Rome  autant  que  de  Gaule. 
Où  avait-il  puisé  ses  qualités?  Dans  le  vieux  fonds  gaulois  sans 
doute,  mais  aussi  dans  les  lettres  et  les  arts  de  l'antiquité.  Com- 
ment s'est-il  entretenu?  En  remontant  à  plusieurs  reprises  à  ses 
origines  et  en  se  rattachant  à  son  propre  passé. 

Cl  C'est  de  la  même  façon  qu'il  peut  reprendre  une  nouvelle 
vigueur  :  en  attendant  une  renaissance  des  humanités,  qui  se  fera 
le  jour  où  on  le  voudra  vraiment,  c'est  à  vous,  Messieurs,  à  tous 
ceux  qui  connaissent  et  aiment  l'histoire  de  l'art,  de  travailler  à 
la  résurrection  du  goût  français  —  disons  mieux  en  disant  plus 
court  —  du  goût.  En  tirant  de  l'ombre,  en  mettant  sous  tous  les 
yeux  dans  des  musées,  dans  des  livres,  dans  des  conférences,  les 
œuvres  où  éclate  ce  goût  et  les  hommes  qui  l'ont  porté  le  plus 
haut,  vous  amènerez  la  France  à  se  retrouver  elle-même,  à  se 
reprendre  :  elle  n'est  point  si  fardée  ni  si  défigurée  qu'elle  ne  se 
reconnaisse  dans  ces  portraits  qu'ont  tracés  d'elle,  aux  temps  de  sa 
jeunesse  et  de  sa  gloire,  ses  poètes  et  ses  peintres,  ses  architectes 
et  ses  sculpteurs;  elle  rejettera  avec  dégoût  les  oripeaux  qui  l'en- 
laidissent; elle  verra  les  rides  qu'elle  croit  avoir  s'effacer  avec  ses 
tristesses  d'emprunt,  et  elle  s'apercevra  avec  un  joyeux  étonne- 
ment  qu'elle  est  encore  belle,  qu'elle  est  encore  jeune  et  qu'elle 
n'a  pas  cessé  d'être  elle-même;  car  un  peuple  ne  meurt  que  lors- 
qu'il le  veut  bien  et  n'est  vieux  que  lorsqu'il  se  l'imagine.  Et  sa 
faiblesse.  Messieurs,  disparaîtra  avec  son  erreur,  et  l'espérance  lui 
reviendra  avec  la  force,  et  elle  se  remettra  par  la  bouche  de  ses 
orateurs,  par  la  plume  de  ses  poètes,  par  le  ciseau  de  ses  sculp- 
teurs et  par  le  pinceau  de  ses  peintres,  par  tous  les  outils  de  tous 
ses  ouvriers,  à  parler  net  et  clair,  à  parler  français  au  lieu  de 
radoter  dans  le  volapuck  de  tous  les  pays. 

u  Vous  avez  déjà  travaillé,  vous  travaillerez  encore.  Messieurs, 
à  cette  restauration  du  goût  français,  qui  sera  la  restauration 
même  de  la  patrie.  Vous  y  pouvez  beaucoup;  vous  ne  pouvez  pas 
tout;  il  y  a  dans  l'àme  des  peuples  une  force  mystérieuse  dont  le 
principal  ressort  ne  dépend  pas  de  la  volonté  consciente,  une  force 
qui  s'engourdit  ou  s'éveille,  s'alanguit  ou  s'exaspère  par  des  lois 
qui  nous  échappent  :  lorsque  les  efforts  de  ceux  qui  sont  le  cerveau 
d'une  nation  coïncident  avec  les  réveils  de  l'énergie  populaire,  alors 
les  obstacles   s'abaissent,  les  fautes   se  réparent,  les  nuages  se 


SEA\'CE    DU    113    AVRIL.  23 

dissipent,    et,    sous  un  ciel    rasséréné,    l'art  peut  s'épanouir  et 
chanter. 

V.  Kn  venant  ici  de  toutes  les  parties  de  la  France,  en  traversant 
nos  campagnes,  vous  avez  vu  sous  la  tiédeur  d'avril  disparaître  les 
dernières  traces  de  l'hiver  :  les  bourgeons  éclataient  aux  branches 
de  la  forêt,  la  prairie  s'émaillait  de  fleurs,  le  blé  montait  dans  le 
sillon,  l'alouette  prenait  l'essor  et  lançait  dans  un  rayon  de  soleil 
son  salut  joyeux  au  printemps.  «  Vous  assisterez  l)ientôt,  Mes- 
sieurs, j'en  ai  la  ferme  espérance,  à  une  fête  plus  belle,  au  renou- 
veau de  la  patrie  et  de  l'art  français.  «  Le  sol  a  été  labouré,  en 
dépit  du  mauvais  temps;  la  moisson  germe;  l'alouette,  la  vail- 
lante alouette  gauloise  est  là  sur  le  bord  du  sillon  ;  à  peine  échappée 
de  l'orage,  elle  frémit  encore  ;  mais  elle  regarde  le  blé  qui  pousse, 
le  soleil  qui  lui  sourit  :  tout  à  l'heure  elle  va  s'élancer  et  remplir 
le  ciel  de  sa  chanson.  » 

Lecture  est  ensuite  donnée  du  procès-verbal  de  la  séance  pré- 
cédente, qui  est  adopté. 

La  parole  est  donnée  à  M.  Quarré-Reybourboiv  (L.),  corres- 
pondant du  Comité  à  Lille,  pour  la  lecture  de  son  mémoire  sur  les 
Peintres  Van  Oost  à  Lille  (dix-septième  siècle).  C'est  aux  archives 
de  sa  région  que  l'auteur  a  puisé  les  documents  inédits  qu'il 
apporte  sur  les  Van  Oost.  Le  tableau  qui  est  le  motif  de  ce  mémoire 
est  placé  par  M.  Dehaiives  dans  son  ouvrage  le  Nord  monumental, 
parmi  les  ex-voto  dont  il  reste  peu  de  spécimens  dans  les  Flandres 
françaises.  M.  Quarré-Reybourbon  donne  de  nombreux  rensei- 
gnements sur  les  peintres  dont  il  s'occupe  et  termine  par  la  publi- 
cation de  pièces  justificatives  et  d'une  généalogie  des  Van  Oost. 

M.  Gauthier  (Jules),  membre  non  résidant  du  Comité  à  Besançon, 
lit  sa  notice  sur  le  Musée  Jean  Gigoux  à  Besançon.  Ce  n'est  qu'une 
préface  à  l'étude  que  voudra  faire  l'auteur  après  l'installation  des 
toiles  et  des  dessins  légués  par  le  peintre  Gigoux  à  sa  ville  natale. 
Mais  si  brève  qu'elle  soit,  cette  note  permet  d'apprécier  l'impor- 
tance du  Musée  Gigoux  et  l'intérêt  que  revêt  cette  riche  collection. 

M.  l'abbé  Brune,  correspondant  du  ministère  à  Beaume-les- 
Messieurs  (Jura),  lit  son  étude  Peintures  et  sculptures  de  l'église 
Saint-Antoine  en  Viennois.  C'est  une  dissertation  critique  et  histo- 
rique très  fouillée  sur  la  façade  de  l'église  de  Saint-Antoine  et  les 


24  SÉANCE    DU    13    AVRIL. 

peintures  murales  de  cel  édifice.  M.  Brune  incline  à  voir,  non  sans 
raison,  la  main  de  Le  Moiturier  dans  les  sculptures  de  la  façade. 
Les  raisons  qu'il  apporte  à  l'appui  de  son  opinion  sont  de  premier 
ordre. 

M.  Victor  Advielle  demande  la  parole  sur  la  communication  de 
M.  l'abbé  Brune  et  fait  connaître  le  résultat  de  ses  propres  recherches 
sur  les  travaux  exécutés  à  Saint-Antoine  en  Viennois;  mais  ses 
recherches  ont  été  sur  beaucoup  de  points  infructueuses. 

M.  l'abbé  Brune  réplique  que  les  archives  notariales  et  les 
archives  diocésaines  d'Avignon  permettent  encore  d'espérer  que 
l'histoire  des  artistes  qui  ont  travaillé  à  Saint-Antoine  s'enrichira 
de  documents  nouveaux. 

La  parole  est  donnée  à  M.  de  Granges  de  Surgères,  correspondant 
de  la  Société  des  antiquaires  de  France,  à  Nantes,  ?,\xy  la  cathédrale 
de  Nantes.  Documetits  inédits  (1631).  II  s'agit  de  parties  impor- 
tantes de  l'édifice  que  l'on  savait  avoir  été  construites  au  dix- 
septième  siècle,  mais  dont  les  auteurs  n'étaient  pas  connus.  Des 
pièces  découvertes  dans  des  minutiers  de  notaires  ont  permis  à 
M.  de  Granges  de  Surgères  de  nommer  les  architectes  nantais  qui 
ont  exécuté  ces  travaux. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  lecture  de  M.  Biais  (Emile),  corres- 
pondant du  Comité  à  Angoulème,  sur  les  grands  amateurs  angou- 
moisins  du  quinzième  au  dix-huitième  siècle.  Ce.  sont  autant  de 
portraits  de  bibliophiles,  de  curieux,  de  collectionneurs  de  la 
Saintonge  et  de  l'Angoumois  que  M.  Biais  a  su  grouper  en  une 
galerie  restreinte,  non  sans  avoir  eu  le  soin  d'indiquer  ses  sources, 
ce  qui  ajoute  à  la  valeur  de  son  travail. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  lecture  de  M.  Bouillon-Landais, 
correspondant  du  Comité  à  Marseille,  sur  le  Musée  de  Marseille. 
Son  transfert  au  palais  de  Longchaînp.  L'auteur  est  conser- 
vateur honoraire  du  Musée  dont  il  écrit  l'histoire.  Il  est  donc  bien 
informé,  et  les  renseignements  les  plus  circonstanciés  abondent 
sous  sa  plume  à  l'occasion  de  l'installation  brillante  des  collec- 
tions d'art  de  Marseille  dans  le  riche  monument  élevé  par  Espé- 
randieu. 

La  section  entend  M.  Lafond  (Paul),  correspondant  du  Comité  à 
Pau,  sur  François  et  Jacques  Bu7iel, peintres  de  Henri IV.  L'étude 
de  M.  Lafond,  très  documentée,  ne  laisse  rien  dans  l'ombre  de  ce 


SE  A  MCE    DU    13    AVRIL.  25 

qui  concerne  les  Bunel.  Les  œuvres  de  ces  maîtres  ayant  disparu,  il 
est  doublement  intéressant  de  les  bien  connaître  dans  leurs 
personnes,  dans  leurs  travaux.  Des  indications  précises  et  nom- 
breuses sont  les  plus  sûrs  jalons  pour  retrouver  les  peintures  qui 
existeraient  encore  à  l'insu  de  tous. 

M.  Maxe  Werly  (Léon),  membre  non  résidant  du  Comité  à  Rar- 
le-Duc,  donne  lecture  d'un  travail  intitulé  l'Art  et  les  artistes  dans 
le  Barrois.  C'est  une  nomenclature  précieuse  d'artistes  oubliés  ou 
de  monuments  disparus  qui  s'ajoute  aux  précédentes  communi- 
cations du  même  auteur  et  les  complète.  Les  futurs  historiens  de 
l'ancien  duché  de  Bar  trouveront  d'utiles  indications  dans  ces  réco- 
lements  dressés  par  un  érudit  à  qui  rien  n'échappe  du  passé  de  sa 
province. 

M.  l'abbé  Porée,  membre  non  résidant  du  Comité  à  Bournain- 
ville  (Eure),  est  invité  à  lire  son. travail  sur  le  Monogramme  de 
Masséot  Ahaquesne.  Deux  vases  de  pharmacie  dont  le  décor  paraît 
devoir  être  attribué  à  Abaquesne  portent  un  monogramme  que 
M.  Porée  estime  devoir  être  celui  du  céramiste  rouennais.  Le  jalon 
posé  par  .^L  Porée  servira  sans  doute  de  point  de  départ  de  recherches 
décisives  sur  la  question.  Il  est  vraisemblable  que  l'écrivain  a 
raison. 

M.  l'abbé  Requim,  membre  non  résidant  du  Comité  à  Avignon, 
est  invité  à  lire  son  mémoire  sur  le  sculpteur  Imhert  Boachon. 
C'est  un  maître  du  seizième  siècle,  originaire  de  Màcon,  dont  il 
reste  deux  œuvres  très  remarquables  à  Avignon.  \\.  Requin  a 
découvert  un  certain  nombre  de  pièces  inédites  sur  Boachon,  qui 
lui  permettent  de  reconstituer  la  monographie  de  cet  artiste  de 
haut  mérite. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  lecture  de  M.  Vixcent,  membre  de  la 
Société  archéologique  de  Touraine,  à  Tours,  sur  une  association 
de  maîtres  joueurs  d'instruments  au  dix-septième  siècle.  L'étude 
de  M.  Vincent  n'a  que  quelques  lignes,  mais  elle  ne  laisse  pas 
d'être  instructive  et  attachante.  Les  douze  citoyens  qui,  par  contrat, 
se  mettent  en  société  pour  jouer  dans  les  fêtes  publiques  et  privées 
de  leur  région,  semblent  avoir  tout  prévu  relativement  à  la  disci- 
pline de  leur  troupe.  Il  est  regrettable  qu'ils  aient  omis  de  joindre 
à  leur  acte  de  Société  le  répertoire  des  morceaux  de  musique  qu'ils 
avaient  le  dessein  d'exécuter. 


26  SEANCE    DL'    14    AVRIL. 

Le  mémoire  de  AI.  Momméja  (Jules),  membre  non  résidant  du 
Comité  à  Montauban,  sur  la  salle  des  actes  de  la  faculté  de'ihéo- 
logie protestante  de  Montauban,  est  une  étude  critique  très  docu- 
mentée et  inédite  dans  toutes  ses  parties.  La  décoration  dont 
s'occupe  M.  Momméjà  est  de  plusieurs  époques.  C'est  donc  à  tort 
qu'une  tradition  populaire  attribue  à  Ingres  père  un  travail  auquel 
cet  artiste  n'a  d'ailleurs  pris  aucune  part.  M.  Momméja  nomme  les 
décorateurs  du  dix-septième  et  du  dix-buitième  siècle  qui  ont 
exécuté  les  sculptures  de  Montauban. 

L'ordre  du  jour  étant  épuisé,  la  séance  est  levée  à  quatre  heures 
et  demie. 

Demain  jeudi,  à  une  heure  et  demie,  suite  des  communications 
sous  la  présidence  de  M.  Gustave  Servois,  directeur  des  Archives, 
membre  du  Comité. 


Séance  du  jeudi  14  avril. 

PRÉSIDENCE  DE  M.  GUSTAVE  SERVOIS. 

La  séance  est  ouverte  à  deux  heures,  sous  la  présidence  de 
M.  Gustave  Servois,  directeur  des  Archives,  membre  du  Comité, 
assisté  de  MM.  Crost,  chef  du  bureau  de  l'Enseignement  et  des 
Alanufactures  nationales,   et  Henry  Jouin,  secrétaire  rapporteur. 

Outre  les  délégués,  assistaient  à  la  séance  :  MM.  Tourneux, 
homme  de  lettres,  membre  du  Comité;  Cfatel,  ancien  archiviste  du 
Calvados;  Couard,  archiviste  de  Seine-et-Oise. 

M.  le  président  invite  M.  Jules  Gauthier,  membre  non  résidant 
du  Comité,  à  prendre  place  au  fauteuil  de  la  vice-présidence  et 
prononce  l'allocution  suivante  : 

«  Messieurs, 

«  Appelé  à  l'honneur  de  présider  la  troisième  séance  de  votre 
congrès,  et  invité,  suivant  l'usage,  à  l'ouvrir  par  une  brève  allocu- 
tion, je  céderai  à  une  inclination  toute  naturelle,  commune  du 
moins  à  bien  des  gens,  si  je  vous  parle  de  choses  de  mon  métier. 
C'est  d'ailleurs  vers  des  choses  d'archives  que  me   conduit  tout 


ALLOCATION    DE    M.    GUSTAVE    SERVOIS.  27 

d'abord  un  souvenir  éveillé  en  moi  par  vos  intéressantes  lectures, 
et  qu'il  ne  me  paraît  pas  sans  à-propos  de  rappeler  ici. 

a  Au  temps  éloigné  où  me  reporte  ce  souvenir,  vers  1865,  le 
Comité  des  travaux  historiques  ne  recevait  encore,  parmi  les  com- 
munications de  ses  correspondants,  qu'un  très  petit  nombre  de 
documents  relatifs  à  Tart  et  aux  artistes.  Il  le  regrettait,  mais  il  ne 
s'en  montrait  pas  surpris.  «  Les  documents  de  ce  genre,  écrivait 
l'un  de  ses  membres,  sont  extrêmement  rares  dans  les  dépots  d'ar- 
chives. y>  A  ce  jugement  quelque  peu  téméraire,  on  pourrait 
opposer,  j'allais  dire  triomphalement,  les  très  nombreux  et  1res 
méritoires  travaux  que  vous  avez  su  tirer  de  documents  originaux, 
conservés  dans  les  archives.  Ne  craignez  pas  que  j'en  tente  Ténu- 
mération.  La  liste  de  leurs  titres  ressemblerait  de  trop  près  à  cette 
table  des  matières,  contenues  dans  vos  mémoires,  dont  M.  le 
sénateur  Millaud  vous  annonçait  la  prochaine  publication,  ou 
encore,  ce  qui  reviendrait  au  même,  à  celle  des  rapports  généraux, 
toujours  si  exacts  et  si  complets,  sans  parler  de  leurs  autres  mérites, 
que  vous  applaudissez  très  justement  chaque  année.  Il  faudrait, 
de  plus,  qu'elle  reproduisît  presque  entièrement  les  tables  des 
revues  dont  vous  êtes  les  collaborateurs  et  la  bibliographie  des 
ouvrages  dont  vous  êtes  les  auteurs. 

«  Du  moins  de  vos  mémoires,  de  vos  revues,  de  toutes  vos 
œuvres,  et  aussi  de  renseignements  recueillis  çà  et  là,  et  le  plus 
souvent  auprès  de  vous,  aurais-je  voulu,  par  goût  professionnel, 
extraire  le  sujet  d'une  dissertation  sur  ceux  de  nos  fonds  d'archives 
qui  vous  ont  offert  jusqu'ici,  et  qui  vous  offriront  longtemps 
encore,  de  précieuses  ressources  pour  écrire  l'histoire  de  l'art 
français.  Une  conférence  de  ce  genre  eût  été,  j'en  conviens,  d'une 
utilité  contestable  devant  des  explorateurs  d'archives  aussi  habiles 
que  vous  l'êtes,  beaucoup  plus  expérimentés  assurément  que  je 
ne  le  puis  être  moi-même,  n'étant  guère  qu'un  témoin  des  travaux 
d'autrui.  Le  projet  néanmoins  était  séduisant,  la  matière  pouvant 
d'ailleurs  se  traiter  à  peu  de  frais.  Mais  le  programme  que  je 
m'étais  tracé  complaisamment  s'est  évanoui  dès  que  j'ai  commencé 
à  feuilleter  les  volumes  des  procès-verbaux  de  vos  sessions,  ainsi 
que  l'ont  fait  successivement  tous  vos  présidents,  j'imagine,  avant 
d'écrire  leur  premier  discours,  ainsi  que  le  fit  au  moins  mon 
regretté  maître  et  ami  M.  de  Rozière,  lorsqu'il  dut  présider  une 


28  SEANCE    DU    14    AVRIL. 

séance  du  congrès  de  1890.  "  J'ai  voulu,  disait-il  en  vous  contant 
«  l'embarras  où  l'avait  jeté  l'obligation  de  cboisir  un  sujet  de 
«  harangue,  j'ai  voulu  m'inspirer  des  modèles  offerts  par  mes 
«  éminenls  prédécesseurs,  .l'ai  relu  leurs  discours  et  me  suis 
"  pénétré  de  leurs  conseils.  C'est  ce  qui  m'a  sauvé.  "  Pour  moi, 
Messieurs,  la  même  curiosité,  la  même  recherche  de  modèles  à 
suivre  m'a  perdu,  je  veux  dire  m'a  fait  perdre  la  conférence  quelque 
peu  doctrinale  que  je  méditais  de  vous  faire  ex  cathedra.  Après 
avoir  lu  de  nouveau  les  excellents  et  très  éloquents  discours  où 
M.  de  Rozière  lui-même,  MM.  de  Montaiglon,  Guiffrey,  Havard, 
Nuitter,  d'autres  encore,  s'étaient  faits  vos  guides  à  travers  nos 
collections,  j'ai  dû  renoncer,  en  effet,  à  l'allocution  projetée.  Je 
la  remplacerai,  avec  votre  permission,  par  une  modeste  causerie, 
non  pas  sur  un  sujet  qui  puisse  vous  paraître  neuf,  mais  tout  au 
contraire  sur  une  question  très  souvent  traitée,  et  qui  l'a  été  ici 
même  dans  plusieurs  discours  que  vous  n'avez  pas  oubliés.  En 
raison  du  temps  écoulé  et  des  changements  survenus,  je  voudrais 
ajouter  à  ces  discours  un  simple  post-scriptum. 

«S'il  est  une  question  peu  nouvelle,  c'est  bien,  n'est-ce  pas? 
celle  des  archives  du  notariat,  qui,  réapparaissait  avant-hier  au 
congrès  de  la  Sorbonne,  sous  les  auspices  du  Comité  des  travaux 
historiques.  Et  cependant  j'y  reviens  encore,  au  risque  de  vous 
fatiguer  de  redites.  Il  y  a  des  causes  qu'il  ne  faut  pas  s'exposer  à 
perdre  par  prescription  et  qu'il  convient  de  recommander  avec 
persévérance  à  l'attention  de  qui  de  droit.  Maintenons  donc  celle- 
ci,  toute  vieille  qu'elle  soit,  à  l'ordre  du  jour  de  nos  réunions,  et 
à  celui  de  votre  congrès  aussi  bien  que  de  tout  autre.  Elle  vous 
touche  particulièrement,  car  les  actes  notariés  constituent  une 
mine  inépuisable  de  renseignements  sur  la  vie  et  les  œuvres  de 
vos  artistes  :  les  témoignages  en  abondent  également  dans  vos  écrits 
et  dans  les  procès-verbaux  de  vos  réunions.  «  Les  archives  du 
«notariat  renferment,  au  point  de  vue  historique,  des  trésors 
«inappréciables;  c'est  un  monde  à  explorer  » ,  disait,  en  1884, 
mon  confrère  et  collègue  M.  Guiffrey,  qui,  en  souvenir  de  fouilles 
heureuses,  avait  le  premier  introduit  auprès  de  vous  cette  ques- 
tion des  archives  notariales,  devenue  aujourd'hui  presque  fameuse 
à  force  d'être  débattue.  C'est  sur  l'invitation  du  ministre  de  l'in- 
struction publique  et  des  Beaux-Arts  que,  deux  ans  plus  tard, 


ALLOCUTIOM    DE    M.    GUSTAVE    SERVOIS.  09 

M.  Havard  la  ramenait  devant  vous,  sans  nulle  pensée  de  polé- 
mique, avec  le  désir  de  signaler  une  fois  de  plus  à  votre  curiosité 
des  collections  trop  peu  connues  d'actes  précieux. 

tt  Enfin,  après  un  silence  de  quatre  ans,  M.  de  Rozière  reprenait 
la  même  question,  et,  dans  un  discours  plein  de  raison,  il  la  traitait 
en  érudit,  en  jurisconsulte,  avec  l'autorité  qui  s'attachait  à  son  titre 
de  président  ou  de  futur  président  de  la  commission  spéciale  qui 
devait  présenter  au  garde  des  sceaux  un  projet  de  loi  ou  de  régle- 
mentation sur  la  conservation,  et  peut-être  la  concentration,  des 
minutes  notariales.  Cette  commission,  objet  d'espérances  dont 
M.  de  Rozière  vous  faisait  les  confidents,  n'a  jamais  siégé,  ayant 
cessé  de  vivre  le  lendemain  ou  le  surlendemain  de  sa  naissance. 
Bien  qu'il  n'y  ait  plus  lieu  de  compter  à  bref  délai  sur  une  loi,  ni 
même  sur  une  réglementation  devant  laquelle  s'élèvent  des  diffi- 
cultés plus  ou  moins  insurmontables,  j'estime  que  la  question  des 
minutes  et  des  protocoles  notariaux  n'est  pas  de  celles  qui  sont 
demeurées  et  demeurent  dans  un  immobile  statu  quo.  Afous 
sommes  encore  loin,  si  elle  doit  jamais  intervenir,  d'une  solution 
pleinement  satisfaisante  pour  tous  ;  mais,  à  mon  sentiment,  les 
temps  sont  bien  changés  depuis  le  jour  où  un  jeune  avocat  de  la  ville 
de  Thiers,  qui  devait,  quelques  années  plus  tard,  devenir  l'archi- 
viste de  la  Seine,  dénonçait  les  dangers  que  couraient  beaucoup 
d'anciens  fonds  de  notaires,  antérieurs  à  la  Révolution  :  nous  ne 
parlons,  bien  entendu,  que  de  ceux-là. 

«  C'est  en  1861  que  doivent  se  placer,  je  crois,  les  origines 
d'une  querelle  toujours  courtoise,  mais  sans  cesse  renaissante, 
origines  qui  ne  sont  guère  connues,  que  des  plus  vieux  membres 
du  Comité  des  travaux  historiques,  dont  je  suis.  Tout  ravi  de 
la  rencontre  qu'il  avait  faite,  dans  un  minutier  de  son  pays, 
de  documents  intéressants  sur  un  artiste  ignoré,  M.  Saint-Joanny 
saisissait  successivement  de  la  cause  dont  il  s'était  fait  l'apôtre, 
qu'il  soutenait  avec  un  zèle  mêlé  d'un  peu  de  candeur,  le  Comité 
des  travaux  historiques,  les  Sociétés  savantes,  les  conseils  généraux 
et  les  ministres.  Dans  le  premier  de  ses  mémoires,  imprimé  à 
Thiers,  il  suppliait  le  Comité  des  travaux  historiques  de  demander 
et  d'obtenir  le  versement  de  toutes  les  archives  des  notaires  dans 
ses  propres  archives,  à  Paris,  au  ministère  même.  Les  archives  du 
Comité  eussent  été  transformées  en  un  dépôt  spécial,  aussi  vaste 


30  SEANCE    DU    14    AVRIL. 

que  celui  de  l'hùtel  Soubise,  beaucoup  plus  vaste  même,  si  j'en 
crois  l'un  des  honorables  orateurs  qui  ont  pris  part  à  la  discussion 
de  la  Sorbonne  :  neuf  cents  salles,  disait-il,  suffiraient  à  peine 
pour  contenir  les  archives  notariales  de  France.  X'en  fallût-il  que 
le  quart,  la  concentration  proposée  par  M.  Saint-Joanny  n'en  eût 
pas  moins  été  une  imagination  bien  singulière.  Il  ne  tarda  pas  à 
le  comprendre  lui-même,  et,  se  résignant  aux  concessions,  il 
annonça  qu'il  se  contenterait  de  voir  centralisée  à  Paris  la  portion 
«historique  »  des  archives  notariales  :  il  voulait  bien  laisser  le  reste 
à  la  province.  C'eût  été  ressusciter  très  malencontreusement  les 
bureaux  de  triage  institués  ou  décrétés  pendant  la  Révolution;  mais 
le  respect  des  fonds  était  alors  le  moindre  des  soucis  de  M.  Saint- 
Joanny.  Heureusement  il  n'avait  pas  encore  charge  d'archives, 

«  Tel  n'était  pas,  il  est  superflu  de  le  faire  remarquer,  le  pro- 
gramme de  M.  de  Rozière.  Pour  lui,  la  meilleure  et  la  plus  sûre 
des  concentrations  était  celle  dont  bénéficieraient  les  archives 
départementales  dans  les  conditions,  prudemment  déterminées,  où 
elle  s'était  déjà  opérée  sur  divers  points,  et  où  elle  s'opère  encore 
peu  à  peu  :  je  pourrais  citer  des  villes  importantes  dont  les  études 
n'ont  rien  conservé  de  leurs  archives  d'ancien  régime. 

S'il  pouvait  jamais  arriver  que  la  solution  préconisée  par  M.  de 
Rozière  obtînt  l'assentiment  universel,  les  emplacements,  il  faut 
en  convenir,  deviendraient  bientôt  insuffisants  çà  et  là;  mais  n'ou- 
blions pas  que  les  conseils  généraux  ont  souvent  réclamé  les 
mesures  de  protection  que,  de  leur  côté,  souhaitent  les  érudits,  et 
ne  mettons  pas  en  doute  qu'ils  cesseraient  de  s'en  tenir  à  des  vœux 
purement  platoniques,  le  jour  où  ils  en  seraient  sollicités.  Aussi, 
me  laissant  aller  à  des  espérances  que  l'on  jugera  sans  doute  bien 
optimistes,  je  prévois,  à  une  date  plus  ou  moins  prochaine,  l'instal- 
lation, en  divers  départements,  soit  d'un  dépôt  unique  d'anciennes 
archives  notariales,  soit  de  plusieurs  petits  dépôts,  tels  qu'on 
souhaitait  en  1789  qu'il  s'en  établît  dans  les  sénéchauss'ées  du 
Périgord  :  ce  dépôt  unique  ou  ces  moindres  dépôts  se  consti- 
tueraient avec  le  concours  des  assemblées  départementales  et  des 
chambres  de  notaires,  sous  la  garde  et  sous  l'inspection  de  per- 
sonnes choisies  ou  agréées  par  des  collèges  notariaux. 

«  Qui  pourrait  affirmer  qu'à  une  grande  œuvre  de  préservation 
ne  viendraient  point  s'associer,  par  des  contributions  volontaires, 


ALLOCUTION    DE    M.    GUSTAVE    SERVOIS.  31 

ceux  qui  pensent  que  l'histoire  intime  de  nos  grands  artistes,  de 
tous  nos  grands  hommes  on  même  de  nos  propres  familles,  si 
modestes  qu'elles  aient  pu  être,  mérite  bien  quelques  sacrifices? 
N'ai-je  pas  appris,  ces  jours  derniers,  qu'un  ami  des  études  histo- 
riques offrira  sous  peu  aux  notaires  desacontrée,  en  faveur  de  leurs 
vieilles  minutes  et  de  leurs  vieux  registres,  un  bâtiment  construit 
ou  aménagé  à  ses  frais,  dont  ils  pourront  jouir  avec  l'indépen- 
dance et  les  garanties  désirables,  comme  jadis  les  notaires  et 
tabellions  de  l'ancien  régime  usaient,  en  quelques  pays,  dos 
ce  chambres  du  gros  « ,  des  "  chambres  des  contrats  n,  des  «  bu- 
reaux de  tabellionage  »  ?  Jusqu'au  succès  de  ce  libéral  projet, 
je  devrai  taire  le  nom  de  celui  qui  l'a  formé.  Si  plus  tard  vous  êtes 
appelés  à  le  connaître,  vous  ne  serez  pas  surpris  de  le  voir  attaciié 
à  une  tentative  que  le  goût  de  l'histoire  et  le  patriotisme  ont 
inspirée. 

«  En  attendant  de  meilleures  destinées  pour  tous  les  fonds  no- 
tariaux sans  exception,  il  semble  permis  de  croire,  en  dépit  de 
certaines  révélations  apportées  mardi  à  la  Sorbonne,  que  les 
lamentables  descriptions  dont  nous  nous  étions  émus  jadis  ont 
presque  partout  cessé  d'être  exactes,  et  que  le  plus  souvent  la 
vigilance  des  intéressés  a  conjuré  tout  péril,  dès  qu'elle  a  été 
mise  en  éveil.  Je  veux  tenir  pour  certain  que  désormais  on  ne 
laissera  plus  échapper  des  études  le  moindre  des  actes  relatifs  à 
l'un  des  artistes  ou  des  artisans  dont  vous  vous  êtes  constitués  les 
biographes,  non  plus  qu'aucun  testament  de  reine  de  France,  non 
plus  même  qu'aucune  donation  faite  par  le  plus  humble  des 
gagne-deniers. 

«  Ce  n'est  pas  assez  que  nous  prenions  confiance  en  la  durée 
illimitée  des  minutiers  qui  subsistent  en  totalité  ou  partiellement; 
ce  n'est  pas  assez  que  la  courtoisie  de  leurs  possesseurs  les  rende 
plus  accessibles  de  jour  en  jour  aux  érudits  qui  sont  dignes  de  con- 
fiance. Nos  vœux  sont  encore  que  ces  minutiers  soient  tous  classés 
et  répertoriés,  comme  le  sont  ou  le  seront  tous  les  fonds  qui  con- 
tiennent une  partie,  ne  fût-ce  que  des  parcelles  de  notre  histoire. 

oSur  ce  dernier  point,  j'aimerais  à  vous  citer  un  certain  nombre 
de  faits  heureux,  qui  m'apparaissent  comme  des  signes  de  temps 
nouveaux.  Mais  il  faut  se  hâter.  Pour  Paris,  je  me  borne  à  vous 
rappeler  l'impression  partielle,  due  à  M.  Coyecque  et  consentie, 


32  SEA\CE    DU    14   AVRIL. 

TOUS  le  pensez  bien,  par  le  notaire  intéressé,  d'analyses  tirées  d'un 
minutier,  nouvellement  classé,  du  seizième  siècle.  Ces  analyses, 
que  plusieurs  d'entre  vous  ont  déjà  utilisées,  se  continuent,  et 
peut-être  seront-elles  intégralement  publiées  dans  l'une  des  collec- 
tions historiques  du  conseil  municipal. 

«  Je  passe  aux  indices  favorables  qui  se  produisent  en  province. 
Un  ancien  administrateur,  plein  de  zèle  pour  l'érudition,  complé- 
tait récemment  l'un  de  ces  états  sommaires  qu'ont  dressés  pour 
elles-mêmes  diverses  chambres  de  notaires,  et  qui  donnent  la  liste 
des  titulaires  successifs  de  chaque  office,  avec  les  dates  extrêmes 
des  actes;  puis  il  l'insérait  dans  le  Bulletin  de  la  Société  savante  de 
l'arrondissement,  qui  est  celui  de  Semur  en  Auxois.  Je  ne  veux  pas 
surfaire  l'importance,  assurément  fort  modeste,  de  cette  réimpres- 
sion de  quelques  pages.  En  reproduisant  au  profit  de  tous  une  liste 
précédemment  destinée  à  quelques-uns  et  dont  l'édition  est  d'ail- 
leurs épuisée,  M.  de  Saint-Genis  a  simplement  montré  la  voie  où 
d'autres  pourront  s'engager,  dans  les  pays  dont  les  archives  nota- 
riales n'ont  pas  encore  été  l'objet  d'un  récolement.  La  réimpression 
que  je  signale,  du  reste,  n'est  que  le  prologue  de  travaux  de 
dépouillement  et  d'analyses  que  M.  de  Saint-Genis  aurait  l'ambi- 
tion de  diriger  à  travers  les  minutes  de  son  arrondissement,  si  ses 
collègues  de  la  Société  savante  dont  il  fait  partie  avaient  le  loisir 
de  lui  prêter  assistance.  Réussira-t-Il  à  les  entraîner  à  sa  suite  dans 
sa  laborieuse  et  délicate  exploration  ?  Nous  le  saurons  plus  tard. 

'<  C'est  un  métier  que  de  faire  un  livre  »  ,  a  dit  La  Bruyère. 
C'en  est  un  autre  de  rédiger  l'inventaire  d'actes  de  cette  sorte,  et 
un  métier  qui  exige  beaucoup  de  discernement,  et  de  plus  l'expé- 
rience, les  yeux,  la  patience  d'un  paléographe.  La  tâche  devrait 
cependant,  en  province  comme  il  arrive  chaque  jour  à  Paris,' tenter 
des  travailleurs  d'esprit  éclairé.  C'est  ainsi  qu'on  aimerait  à  savoir 
qu'il  est  quelque  part  un  canton  favorisé,  où  quelque  notaire  de 
bon  vouloir  et  de  bon  exemple  consacre  ses  heures  de  liberté 
à  explorer  les  minutes  de  sa  contrée  et  à  préparer  un  choix  d'ana- 
Jyses  et  de  citations  qui  puisse  venir  en  aide  aux  études  histo- 
riques, sociales  ou  économiques,  ainsi  qu'à  vos  études  biogra- 
phiques sur  les  artistes  qui  vous  sont  chers. 

«  Mais  une  seconde  fois  se  présente  à  moi  la  tentation  de  me 
montrer  peu  discret,  et  une  seconde  fois  je  n'y  résiste  qu'à  moitié. 


SEANCE    DU    14   AVRIL.  33 

a  Ce  notaire  que  j'appelle  de  mes  vœux,  que  je  souhaite  de 
rencontrer  pour  le  proposer  comme  modèle,  il  serait  déjà  trouvé, 
si  je  m'en  rapportais  à  l'un  de  nos  correspondants,  que  je  regrette 
de  ne  pas  voir  parmi  vous  :  présent,  il  nous  eût  donné  les  éclair- 
cissements qui  me  manquent  encore  sur  le  projet  qu'il  me  fait 
connaître.  Je  vous  désignerais  par  son  nom  le  notaire  érudit  dont 
il  s'agit,  archiviste  volontaire  du  notariat,  s'il  ne  restait  encore 
quelque  chose  d'un  peu  vague  dans  la  correspondance  échangée  au 
sujet  de  sou  offre  de  concours,  et  s'il  n'était  prématuré,  d'autre 
part,  de  citer,  même  entre  nous,  le  canton  où  les  vieilles  archives 
du  notariat  semblent  devoir  s'ouvrir  avec  une  très  louable  libéra- 
lité. Puisse  le  catalogue  que  l'on  nous  annonce  ne  pas  se  faire 
attendre  longtemps!  Il  pourrait  devenir,  dans  notre  vaste  collec- 
tion d'inventaires  départementaux,  le  premier  volume  d'une  série 
nouvelle,  formée  des  fonds  conservés  dans  les  études,  et  prenant 
place,  avec  l'assentiment  des  conseils  généraux  et  des  notaires,  à 
côté  de  la  série  où  sont  fictivement  réunies  les  archives  rurales. 

«  Mais  n'est-ce  pas,  Messieurs,  vous  arrêter  trop  longtemps 
sur  une  question  d'archives?  Il  est  temps  de  revenir  aux  questions 
d'art  dont  vous  entretenait  si  éloquemment  votre  président  d'hier. 
Vous  avez  la  parole,  Messieurs,  et  nul  de  vos  auditeurs,  au  cours  de 
cette  séance,  ne  sera  plus  attentif  à  vos  dissertations  et  à  vos  ensei- 
gnements que  votre  président  d'aujourd'hui.  « 

La  parole  est  donnée  à  M.  Gauthier  (.Iules),  membre  non  rési- 
dant du  Comité,  à  Besançon,  sur  Com^ad  Âleyt  et  les  sculpteurs 
de  Brou  en  Franche-Comté.-  Vexoile  des  maîtres  de  Brou  en 
Franche-Comté,  les  vicissitudes  qu'ils  endurèrent  dans  cette  ré- 
gion, sont  tracés  avec  une  grande  sûreté  par  AI.  Gauthier.  A  cette 
partie  historique  se  joint  une  partie  critique  dans  laquelle  M.  Gau- 
thier décrit  les  sculptures  du  temps  qu'il  attribue  à  Conrad  Meyt, 
à  ses  compagnons  ou  à  ses  successeurs  immédiats.  Le  mémoire  de 
M.  Gauthier  est  un  excellent  chapitre  de  l'histoire  de  la  sculpture 
dans  l'est  de  la  France. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  communication  de  M.  Braquehaye 
(Charles),  membre  non  résidant  du  Comité,  à  Bordeaux,  sur  les 
Peintres  de  l'hôtel  de  ville  de  Bordeaux,  i^rofesseurs  de  l'Ecole 
académique.  Ce  litre  général  embrasse  un  ensemble  de  faits  que 

3 


34  SÉANCE    DU    14   AVRIL, 

l'auteur  ne  pouvait  aborder  en  un  seul  mémoire;  aussi  M.  Bra- 
quehaye  n'a-t-il  présenté  dans  son  étude,  lue  en  1898,  que  le 
peintre  Le  Blond  de  Latour,  portraitiste,  décorateur  et  professeur. 
La  monographie  de  cet  artiste  provincial  a  été  composée  avec  un 
très  grand  soin  par  son  auteur. 

La  section  entend  M.  Thoison  (Eugène),  membre  de  la  Société 
historique  du  Gàtinais,  à  Larchant.  Son  mémoire,  intitulé  :  Céi'a- 
mique  et  verrerie  (seizième  siècle),  a  pour  objet  une  découverte 
d'instruments  de  musique  en  verre  et  en  terre  cuite.  La  commune 
de  Larchant,  où  a  eu  lieu  cette  découverte,  paraît  avoir  été,  à  la 
fin  du  seizième  siècle,  un  centre  de  fabrication  d'instruments  en 
terre.  Les  preuves  fournies  par  M.  Thoison  semblent  péremp- 
toires. 

Au  cours  de  sa  lecture,  M.  Thoison  fait  circuler  des  trompettes 
de  terre  du  seizième  siècle  entre  les  mains  des  assistants,  et  plus 
d'un  des  membres  présents  tire  de  ces  instruments  primitifs  des 
sons  d'une  harmonie  sévère  qui  laissent  regretter  qu'une  répétition 
préalable  n'ait  pas  permis  de  préparer  un  concert  qui  eût  apporté 
sa  note  joyeuse  à  la  session  de  1898. 

M.  Delignières  demande  la  parole  sur  la  communication  de 
M.  Thoison,  qu'il  remercie  d'avoir  cité  M.  l  iguier,  amateur 
abbevillois.  Il  ajoute  qu'en  Picardie  on  use  encore,  dans  les 
champs,  de  cornets  qui  se  rapprochent  des  instruments  décrits  par 
M,  Thoison. 

M.  DE  GaAiVDMAisORi  (Charles),  membre  non  résidant  du  Comité, 
à  Tours,  dans  son  étude  sur  les  Tapisseries  de  Montpezat,  résout 
un  problème  qui  avait  embarrassé  plus  d'un  historien.  Il  éclaircit 
le  miracle  dit  des  "  Bonels  »  de  saint  Martin.  «  Bonets  »  signifie 
bas  de  manche.  Une  pièce  de  la  tenture  de  Montpezat  reproduit  ce 
miracle.  M.  de  Grandmaison  a  donc  fait  une  incursion  dans  l'his- 
toire proprement  dite  à  propos  d'une  tapisserie. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  communication  de  M.  de  Longuemare 
(Paul),  président  de  la  Société  des  antiquaires  de  Normandie  à 
Caen,  sur  les  Sphinx  de  Pavilly.  Ces  sphinx  sont  des  sculptures 
du  dix-septième  siècle  que,  dans  la  région  normande,  on  attribue 
volontiers  à  Puget.  L'étude  de  M.  de  Longuemare  orientera  sans 
doute  les  chercheurs  vers  le  document  décisif  qui  viendrait  con- 
firmer cette  attribution. 


SEANCE    DU    14   AVRIL.  35 

La  Section  entend  ensuite  M.  de  GraivdmaisoiM  ([iOuis),  corres- 
pondant du  Comité,  à  Tours,  sur  la  Tombe  de  Lancelot  du  Fau, 
évéque  deLuçon  (1523). C'est  un  joaillier  qui  obtient  la  commande 
de  ce  tombeau,  mais  le  marcbé  porte  qu'il  sera  exécuté  en  cuivre 
et  richement  orné.  Un  orfèvre  connu  dans  l'Ecole  tourangelle  du 
seizième  siècle  se  porte  garant  du  joaillier.  La  présence  de  ce  maître 
chez  le  notaire  qui  rédige  le  contrat  porte  M.  de  Grandmaison  à 
croire  que  le  tombeau  de  Lancelot  du  Fau  dut  être  l'œuvre  de 
l'orfèvre.  Le  raisonnement  doit  être  juste. 

M  Tabbé  Bosseboeuf(L.),  correspondant  du  Comité,  à  Tours,  est 
invité  à  lire  sa  brève  notice  sur  Un  maître  de  l'œuvre  du  Mont 
Saint-Michel  au  dix-septième  siècle.  Le  point  de  départ  de  cette 
étude  est  une  pierre  tumulaire  conservée  dans  l'ancienne  abbaye 
du  mont.  L'inscription  funéraire  porte  le  nom  d'un  architecte.  A 
cette  inscription  révélatrice  M.  Bossebœuf  ajoute  des  indications 
fournies  par  des  pièces  d'archives,  et  ainsi  se  trouve  ébauché  le 
profil  d'un  maître  hier  encore  inconnu. 

La  Section  entend  la  lecture  de  AI.  Gabeau  (Alfred),  membre  de 
la  Société  archéologique  de  Touraine,  à  Tours,  sur  le  Mobilier  du 
château  de  Chanteloup.  La  partie  intéressante  de  cette  étude  est 
celle  qui  a  trait  aux  peintures  du  château,  entrées  en  majeure 
partie  à  l'époque  de  la  Révolution  dans  le  Musée  de  Tours.  Les 
historiens  de  ce  musée  puiseront  dans  le  travail  de  M.  Gabeau  plus 
d'un  renseignement  utile  sur  l'état  civil  de  certains  tableaux. 

La  parole  est  donnée  à  M.  Guerlin  (Robert),  membre  de  la 
Société  des  antiquaires  de  Picardie,  à  Amiens,  sur  des  Tableaux 
offerts  à  la  confrérie  de  Notre-Dame  du  Puy,  à  Amiens.  Deux 
peintures  occupent  M.  Guerlin.  Elles  sont  également  curieuses. 
Leur  caractère  est  avant  tout  iconique.  Ce  sont  les  portraits  qu'elles 
renferment  qui  constituent  leur  intérêt.  Exécutées  à  Amiens,  ces 
peintures  sont  l'indice  d'un  foyer  d'art  en  Picardie  au  seizième 
siècle. 

M.  Lex  (Léonce),  correspondant  du  Comité,  à  Màcon,  lit  sa  notice 
sur  G. -F.  Moreau,  évéque  de  Mdcon  {1163-1190),  protecteur  de 
Greuze  et  de  Prud'hon.  C'est  surtout  Prud'hon  qui  est  redevable  à 
l'évèque  de  Alàcon  d'avoir  été  envoyé  à  l'École  de  Dijon  alors  qu'il 
n'était  encore  qu'adolescent.  Le  haut  talent  de  Prud'hon  rend  atta- 
chante la  mémoire  de  son  premier  protecteur,  qui  fut  en  même 


36  SEAIVCEDIJ15AVRIL. 

temps  un  amateur  éclairé  et  l'initiateur  de  l'Ecole  de  dessin  de 
Màcon. 

M,  Veuclin  (V.-E.),  correspondant  du  Comité,  à  Mesnil-sur- 
l'Estrées  (Eure),  est  invité  à  lire  ses  trois  mémoires  : 

1°  Les  origines  du  Musée  de  Bernay  ; 

2°  L'Art  campanaire  et  l'ornementation  des  cloches  au  dix- 
septième  siècle; 

3°  L'Art  dramatique  à  Lisieux  pendant  la  Révolution. 

Le  cadre  de  ces  études  est  circonscrit  dans  la  région  normande. 
Les  difficultés  éprouvées  par  les  fondateurs  du  Musée  de  Bernay 
seront  un  enseignement  pour  les  hommes  d'initiative  que  tentera 
la  création  d'une  collection  municipale.  Dans  ses  recherches  sur 
Tornementation  des  cloches,  M.  Veuclin  donne  d'intéressants  dé- 
tails sur  des  fondeurs  normands.  Le  théâtre  à  Lisieux  pendant  la 
Révolution  renferme  des  indications  précieuses  sur  les  mœurs  et 
les  goûts  de  la  province  à  l'époque  de  commotion  sociale  dans 
laquelle  l'auteur  a  circonscrit  son  travail. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  lecture  de  AL  Labamde,  correspon- 
dant du  Comité,  à  Avignon,  sur  Un  miniaturiste  avignonnais . 

Cet  enlumineur  de  réel  mérite,  dont  M.  Labande  fait  passer  de 
nombreuses  compositions  sous  les  yeux  des  délégués,  est  l'occa- 
sion pour  l'écrivain  de  mettre  zw  lumière  une  suite  de  maitres  du 
Comtat  qui  n'étaient  qu'imparfaitement  connus. 

L'ordre  du  jour  étant  épuisé,  la  séance  est  levée  à  cinq  heures. 
Demain  vendredi,  séance  à  deux  heures,  sous  la  présidence  de 
M.  Maurice  Tourmeux,  homme  de  lettres,  membre  du  Comité; 

Suite  et  fin  des  communications  et  lectures. 

A  la  même  séance,  lecture  du  rapport  général  sur  les  travaux  de 
la  Section  par  M.  Henry  JouiN,  secrétaire  rapporteur  du  Comité. 


Séance  du  vendredi  1 5  avril. 
Préside\ce  de  m.  Maurice  Tourmux. 

La  séance  est  ouverte  à  deux  heures,  sous  la  présidence  de 
M.  Maurice  Tourneux,  homme  de  lettres,  membre  du  Comité, 
assisté  de  M.  L.  Crost,  chef  du  bureau  de  l'Enseignement  et  des 


ALLOCUTION    DE    M.    MAURICE    TOURNE  UX.  37 

Manufactures  nationales,  secrétaire  du  Comité,  et  de  M.  Henry 
Jouix,  secrétaire  rapporteur. 

Outre  les  délégués,  assistaient  à  la  séance  : 

M.  \Iaximilien  UouRGEOis,  statuaire,  et  divers  représentants  des 
Sociétés  savantes  se  rattachant  aux  autres  sections. 

M.  le  président  invite  M.  Herluison,  correspondant  du  Comité, 
à  prendre  place  au  fauteuil  de  la  vice-présidence  et  prononce  Tallo- 
cution  suivante  : 

tt  Messieurs, 

«  C'est  à  un  bibliographe  qu'est  échu  l'honneur,  assurément 
très  inattendu,  de  présider  la  quatrième  séance  de  votre  congrès; 
et,  bien  qu'en  prenant  possession  du  siège  ma  surprise  soit  compa- 
rable à  celle  qu'éprouva,  dit-on,  le  doge  de  Gênes  dans  la  grande 
galerie  de  Versailles,  je  me  crois  néanmoins  fondé  à  me  dire  votre 
confrère,  puisque  je  sers  de  mon  mieux,  dans  mes  moments  de 
loisir,  une  cause  qui  nous  est  chère  à  tous  :  celle  de  l'histoire  de 
notre  art  national.  Toutefois  comme,  suivant  un  vieil  adage,  il 
souvient  toujours  à  Robin  de  ses  flûtes,  c'est  encore  le  bibliographe 
qui  voudrait  vous  soumettre  une  idée  dont  il  ne  saurait  assumer  la 
paternité,  mais  dont  il  serait  très  fier  de  pouvoir  se  dire  un  jour  le 
parrain. 

'■■  Le  temps  n'est  plus.  Messieurs,  et  ne  reviendra  probablement 
jamais  où  un  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  française  pouvait, 
au  début  d'une  notice  sur  La  Bruyère,  écrire  avec  désinvolture  : 
«  On  ne  sait  rien  de  sa  famille,  et  cela  est  fort  indifférent.  »  Si 
M,  Suard  revenait  au  monde,  il  serait  fort  surpris  de  voir  que  nous 
avons  changé  tout  cela,  et  que  la  généalogie  d'un  grand  écrivain  ou 
d'un  grand  artiste  ne  nous  semble  nullement  négligeable.  Que  de 
fois  une  date  ou  une  alliance  a  expliqué  un  fait  jusqu'alors  obscur! 

«  Il  vous  faut  donc  des  documents,  il  vous  en  faut  beaucoup,  il 
vous  en  faut  d'authentiques,  et  vous  n'épargnez  aucune  peine  pour 
nous  apporter  chaque  année  une  gerbe  plus  épaisse  et  mieux  triée 
de  monographies,  où  vous  vous  efforcez  de  ne  rien  omettre  de  ce 
qui  peut  lesrendre  plus  précises.  Ces  documents,  vous  les  demandez 
à  vos  archives  locales  ou  départementales,  aux  minutiers  des 
notaires,  à  vos  papiers  de  famille,  à  des  livres  peu  consultés,  par- 


38  SEANCE    DU    15    AVRIL. 

fois  à  (les  traditions  orales;  mais  il  est  un  vaste,  un  immense 
répertoire  dont  vous  vous  servez  fort  peu,  je  crois,  parce  que,  dans 
son  état  actuel,  il  est  à  peu  près  impossible  de  s'en  servir. 

«  Vous  connaissez  tous,  Messieurs,  la  formidable  série  des  inven- 
taires des  arcbives  départementales  dont  l'impression,  commencée 
en  1860  par  ordre  du  ministre  de  l'Intérieur,  n'est  pas  encore 
acbevée.  Je  sais  tous  les  reproches  que  les  spécialistes  ont  adressés 
à  cette  volumineuse  et  encombrante  collection;  je  sais  qu'au  début, 
du  moins,  la  préoccupation  bizarre  de  donner  à  chaque  fascicule 
des  proportions  à  peu  près  égales  y  avait  fait  introduire  des  énu- 
mérations  oiseuses,  et  que  par  contre,  pour  obéir  aussi  aux  circu- 
laires ministérielles,  rédigées,  comme  le  disent  MM.  Langlois  et 
Stein,  par  des  bureaucrates  incompétents,  on  s'était  borné  à  ne 
donner  que  les  dates  extrêmes  de  chaque  article,  laissant  ainsi  le 
chercheur  indécis  sur  ce  qu'il  avait  chance  d'y  rencontrer;  mais 
je  sais  aussi  que  lorsqu'on  a  le  courage  de  dépouiller,  la  plume 
à  la  main,  quelques-uns  de  ces  fascicules,  on  a  grande  chance  de 
n'avoir  point  perdu  son  temps;  c'est  ainsi  que  l'un  des  érudits 
dont  je  viens  de  vous  citer  le  nom,  M.  Henri  Stein,  a  pu,  il  y  a 
dix  ans,  présenter  à  l'un  de  vos  congrès  le  résultat  de  ses  recherches 
dans  les  archives  de  l'Isère  et  apporter  un  notable  complément  aux 
patientes  investigations  de  M.  Edmond  Maignien  sur  les  artistes 
grenoblois.  Mais  M.  Maignien,  comme  M.  Stein,  n'avait  en  vue 
qu'une  seule  province,  sinon  même  qu'une  seule  ville,  et  le  but 
de  la  publication  que  nous  sommes  quelques-uns  à  rêver  serait  de 
mettre  à  la  disposition  de  tous  ce  qui,  jusqu'à  présent,  n'a  pu  favo- 
riser que  des  travaux  entrepris  sur  place. 

«  Vous  n'ignorez  pas.  Messieurs,  combien  nos  vieux  maîtres, 
peintres,  sculpteurs,  architectes,  ont  été  nomades.  Lorsqu'on  par- 
vient à  reconstituer  la  série  des  pérégrinations  de  l'un  d'entre  eux, 
on  reste  stupéfait  des  distances  qu'ils  ont  parcourues  si  l'on  songe 
aux  difficultés  multiples  que  présentaient  alors  de  pareils  voyages, 
et,  sans  vouloir  pousser  l'affirmation  jusqu'au  paradoxe,  on  peut 
alléguer  que  ceux  qui  ont  travaillé  sur  place  sont  assurément  en 
très  petit  nombre.  Le  nom  de  Martin  Claustre,  originaire  de  l'Isère, 
s'est  retrouvé  à  plusieurs  reprises  sur  les  bords  de  la  Loire.  Le 
véritable  lieu  de  naissance  du  mystérieux  Jacques  d'Angoulêmeest 
encore  un  problème  dont  ni  la  Champagne,  qui  serait,  disait-on,  en 


Al.l.OCL'TIOX    DE    M.    MAURICE    TOURNEUX.  39 

droit  de  le  réclamer  comme  un  de  ses  fils,  ni  la  Saintonge  n'ont 
trouvé  la  solution.  D'où  venait  et  où  alla  mourir  ce  "  maître  Jean  ' , 
qu'Alhert  Durer,  dans  le  journal  de  son  voyage  aux  Pays-Bas  (1521), 
qualifie  de  «  sculpteur  français  ■»  ,  tout  en  le  disant  originaire  de 
Metz,  et  qu'il  paraît  avoir  tenu  en  haute  estime,  puisqu'il  dessina 
son  portrait  et  qu'il  lui  offrit  son  œuvre  gravé?  Au  fond  de  quelle 
province  d'Italie  se  fixa  ce  Nicolas  Pinson,  de  Valence  (Drôme), 
qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  peintre  brugeois  Finson  ou  Fin- 
sonius,  dont  M.  de  Chennevières  a  jadis  retrouvé  la  trace  et  les 
tableaux  dans  les  vieilles  églises  d'Aix  en  Provence? 

«  Si  je  cite  ces  exemples  auxquels  ou  pourrait  assurément  en 
ajouter  beaucoup  d'autres,  c'est  parce  que  l'obscurité  qui  plane 
encore  sur  tant  de  noms  célèbres  ou  dignes  de  le  devenir  serait 
peut-être  dissipée  en  recourant  aux  ressources  que  nous  offrent  les 
inventaires  imprimés  des  archives  départementales. 

«  Comment  donc  en  tirer  parti? 

«  Sans  doute  un  érudit  qui  constate  à  Aix  —  je  formule,  j'ai  à 
peine  besoin  de  le  dire,  une  supposition  tout  à  fait  gratuite  —  la 
présence  d'un  peintre  ou  d'un  sculpteur  né  à  Dunkerque,  ou  vice 
versttj  est  toujours  en  mesure  d'écrire  à  l'archiviste  du  départe- 
ment pour  lui  demander  copie  d'un  acte  dont  il  a  constaté  la  pré- 
sence dans  son  dépôt;  mais,  quelle  que  soit  la  proverbiale  obli- 
geance de  MAI.  les  archivistes,  il  en  est  bien  dans  le  nombre  qui 
peuvent  ne  pas  être  tentés  de  donner  satisfaction  à  l'impétrant,  et 
l'érudit  qui  ne  peut  traverser  la  France  pour  aller  vérifier  une  date 
ou  un  nom  propre,  court  grand  risque  de  ne  recevoir  qu'une 
vague  réponse  et  parfois  même,  si  l'on  en  croyait  de  méchantes 
langues,  pas  de  réponse  du  tout. 

«  Eh  bien,  Messieurs,  s'il  existait  un  répertoire  méthodique  de 
ces  actes  tantôt  soigneusement  analysés,  tantôt  reproduits,  lorsqu'il 
y  aiWea,  in  extenso j  ne  croyez-vous  pas  qu'il  s'ensuivrait  des  décou- 
vertes piquantes  et  une  réelle  économie  de  temps?  Et  pour  atteindre 
ce  résultat,  que  faudrait-il?  D'abord  procéder  à  un  relevé  sur 
fiches  dans  chaque  dépôt  de  toutes  les  pièces  intéressant,  à  un  titre 
quelconque,  l'histoire  de  l'art.  Une  commission,  autant  que  pos- 
sible peu  nombreuse,  réunie  par  les  soins  de  la  direction  des 
Beaux-Arts,  examinerait,  sur  le  vu  du  résumé  fourni  par  les  archi- 
vistes, celles  de  ces  pièces  qu'il  y  aurait  lieu  de  transcrire  et  de 


40  SEANCE    DU    15    AVRIL. 

publier  intégralement.  Dans  raffirmative,  une  indemnité  pécu- 
niaire serait  allouée  à  l'arcliiviste  qui  transcrirait  de  sa  main  ou 
ferait  copier,  sous  sa  direction  et  sa  responsabilité,  les  pièces  ainsi 
admises,  et  lorsque  tout  un  fonds  aurait  été  inventorié  et  qu'il  aurait 
donné  un  résultat  plus  ou  moins  copieux,  on  imprimerait  en  un 
ou  plusieurs  fascicules  l'ensemble  des  documents  fournis  par 
chaque  dépôt. 

«Entreprise  simultanément  et  poursuivie  avec  patience,  cette 
enquête  apporterait  certainement  à  vos  études  une  contribution 
dont  il  est  impossible  de  prévoir  l'importance,  mais  qui  ne  laisse- 
rait pas  que  d'être  considérable.  Il  ne  faudrait  pas  attendre  d'ail- 
leurs qu'elle  fût  terminée  sur  tous  les  points  du  territoire  pour 
mettre  le  public  auquel  elle  s'adresse  en  mesure  d'en  goûter  les 
fruits,  et  si,  par  exemple,  le  fascicule  de  TV  onne  était  prêt  avant 
celui  de  l'Ain,  il  n'y  aurait  pas  lieu  de  tenir  compte  de  l'ordre 
alphabétique,  et  il  faudrait  imprimer  sans  retard. 

«  Rien  n'est  si  facile,  écrivait  Diderot  dans  un  fragment  destiné 
«à  passer  sous  les  yeux  de  Catherine  II,  rien  n'est  si  facile  que  d'or- 
«  donner  un  grand  empire,  la  tête  sur  son  oreiller.  »  Rien  ne  va  non 
plus  si  vite  que  notre  pensée  lorsqu'elle  n'a  à  compter  ni  avec  les 
obstacles,  ni  avec  les  critiques.  C«^pendant  notre  rêve  —  comme  tous 
les  rêves  —  est  exposé  à  se  heurter  à  de  dures  réalités.  Sans 
attendre  les  objections  qui  surgissent  déjà  peut-être  dans  votre 
esprit,  je  vais  vous  indiquer  moi-même  celles  auxquelles  j'ai 
songé.  J'en  entrevois  d'ores  et  déjà  de  trois  sortes.  Le  résultat 
compensera-t-il  l'eli'ort?  Ne  serait-il  pas  cruel  de  priver  du  béné- 
fice et  de  la  joie  de  la  trouvaille  —  bénéfice  tout  intellectuel  et  joie 
bien  innocente  —  de  savants  archivistes  et  de  laborieux  cher- 
cheurs? Où  et  comment,  enfin,  trouver  l'argent  nécessaire  pour 
l'impression  de  ces  fascicules? 

«  Sur  le  premier  point,  je  crois.  Messieurs,  qu'il  faudrait  apporter 
une  grande  circonspection  dans  le  choix  des  pièces  à  mettre  en 
lumière  et  refuser  les  honneurs  de  la  lettre  moulée  à  une  foule 
d'artisans  et  de  praticiens  qui  ne  peuvent  légitimement  se  voir 
qualifier  d'artistes.  Cependant  le  départ,  comme  on  dit  aujourd'hui, 
est  fort  délicat  à  établir,  et  l'humble  maçon  inscrit  sur  un  compte 
obscur  est  peut-être  «  un  maître  des  œuvres  »  dont  le  nom  ne  doit 
pas  périr.  En  semblable  occurrence,  le  rôle  de  la  commission  serait, 


ALLOCUTIOX    DE    M.    MAURICE    TOURXEUX.  41 

ce  me  semble,  de  se  montrer  très  libérale  et,  pour  quelques 
mentions  insignifiantes,  de  ne  pas  s'exposer  à  en  sacrifier  de 
capitales. 

«  Passons  à  la  question  de  l'inédit,  considéré  comme  un  droit 
d'aubaine.  Est-il  juste  de  frustrer  un  archiviste  du  plaisir  de  mettre 
au  jour  sous  son  propre  nom  un  document  conservé  dans  son 
dépôt,  retrouvé  par  lui  et  apportant  sur  un  point  de  l'histoire  de 
l'art  une  lumière  inattendue?  Assurément  non  ;  mais  veuillez  bien 
remarquer,  Messieurs,  que,  loin  de  déposséder  l'archiviste  du  pri- 
vilège que  lui  confèrent  ses  fonctions,  notre  projet  l'obligerait,  au 
contraire, à  dépouiller  telle  ou  telle  liasse  sur  laquelle  il  n'avait  pu 
jeter  les  yeux,  ou  dont  l'intitulé  n'avait  pas  jusqu'alors  excité  sa 
curiosité.  L'honneur  de  la  découverte  lui  appartiendrait  donc  tout 
entier,  et  d'ailleurs  le  Comité  compte  parmi  ses  correspondants 
nombre  d'archivistes  qui  savent  fort  bien,  le  cas  échéant,  faire 
œuvre  d'historiens.  A  vous-mêmes,  Messieurs,  quelle  serait  votre 
part?  C'est  à  vous  qu'il  incomberait  le  plus  souvent  de  mettre  en 
œuvre  et  en  valeur  le  document  parfois  découvert  à  l'autre  bout 
de  la  France  et  qui  viendrait  se  juxtaposer  parmi  ceux  que  vous 
auriez  déjà  rassemblés.  Dès  lors  aussi,  point  ne  serait  besoin  de 
flanquer  vos  Mémoires  de  tout  un  appareil  de  preuves  qui,  si  pré- 
cieuses qu'elles  soient,  ne  laissent  pas  que  d'alourdir  notablement 
chaque  volume  de  vos  congrès.  Un  simple  renvoi  suffirait  là  où 
vous  êtes  aujourd'hui  obligés  d'accumuler  des  textes. 

"  Reste  la  question  d'argent,  sur  laquelle,  et  pour  cause,  je  serai 
très  bref,  car  la  direction  des  Beaux-Arts  a  seule  qualité  pour  la 
trancher  de  sa  propre  initiative,  ou  pour  la  soumettre  aux  délibéra- 
tions de  la  Commission  du  budget.  Trouverait-elle  sur  ses  pro- 
pres fonds  les  crédits  nécessaires  ?  Ferait-elle  appel  à  la  sollicitude 
des  conseils  généraux  ?  Notre  rôle  se  borne  à  lui  indiquer  discrè- 
tement l'un  de  nos  desiderata,  et  toute  notre  ambition  doit  être  que 
notre  motion  ne  passe  pas  inaperçue. 

«Telle  est,  Messieurs,  dans  ses  grandes  lignes,  mais  aussi,  si 
j'ose  dire,  dans  toute  sa  naïveté,  l'idée,  la  velléité  plutôt,  que  je 
me  proposais  de  vous  soumettre,  et  sur  laquelle  j'appelle  votre 
attention.  C'est  à  vous  qu'il  appartient  de  voir  ce  qu'elle  peut  pré- 
senter de  pratique  et  de  fécond,  c'est  à  vous  de  dire  si  elle  est  viable 
ou  caduque.  Aussi  bien  vous  ai-je  assez  et  peut-être  trop  longtemps 


42  SEANCE    DU    15   AVRIL. 

entretenus  de  ce  qui  n'est  pas,  de  ce  qui  ne  sera  peut-être  jamais, 
et  je  me  reprocherais  d'empiéter  sur  le  plaisir  que  nous  nous  pro- 
mettons des  savants  mémoires  et  du  spirituel  rapport  général  qui 
nous  restent  à  entendre.  L'ordre  du  jour  donne  sans  doute  au  pré- 
sident de  la  séance  le  droit  de  parler  le  premier,  mais  je  serais 
désolé  qu'on  pût  m'accuser  d'avoir  abusé  de  la  permission.  « 

Lecture  est  ensuite  donnée  du  procès-verbal  de  la  séance  précé- 
dente, qui  est  adopté. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  lecture  de  MM.  Herluisori  (Henri), 
correspondant  du  Comité,  et  Leroy  (Paul)^  membre  de  la  Société 
des  amis  des  Arts,  à  Orléans,  sur  Sergent-Marceau,  peintre  et 
graveur.  Cet  artiste  est  connu.  Il  a  eu  ses  historiens,  et  lui-même  a 
souvent  écrit.  Mais  une  partie  de  sa  vie  s'est  écoulée  en  exil,  et 
c'est  sur  cette  période  de  l'existence  de  Sergent  que  MM.  Herluison 
et  Leroy  ont  réuni  un  nombre  important  de  pièces  habilement 
présentées. 

M.  Jadart  (Henri),  membre  non  résidant  du  Comité,  à  Reims, 
a  la  parole  sur  un  portrait  de  Louis  XIII;  il  s'agit  d'une  peinture 
oubliée  quj,  vers  1630^  décora  l'ancien  hôtel  de  ville  de  Reims. 
M.  Jadart,  qui  a  découvert  cetle  peinture,  la  décrit  avec  soin.  Elle 
comporte  de  nombreuses  scènes  sur  son  pourtour,  et,  à  ce  point  de 
vue,  elle  revêt  une  importance  documentaire  qu'il  n'était  que  juste 
de  faire  ressortir.  M.  Jadart  y  est  parvenu. 

L'ordre  du  jour,  appelle  la  communication  de  M.  Hénault 
(Maurice),  correspondant  du  Comité,  à  Valenciennes,  sur  Antoine 
Gilis,  sculpteur  et  peintre  (1702-1781).  Ce  maître,  qui  vécut  tour 
à  tour  à  Valenciennes  et  à  Tournai,  eut  une  assez  grande  notoriété 
à  son  époque.  C'est  dans  son  atelier  que  se  forma  Jacques  Saly,  le 
sculpteur  du  roi  de  Danemark.  A  ce  titre,  il  méritait  d'être  connu 
de  la  génération  présente.  M.  Hénault  a  mis  au  jour  de  nombreuses 
pièces  inédites  sur  Gilis. 

M.  Parrocel  (Pierre),  correspondant  du  Comité,  à  Marseille, 
donne  lecture  de  sa  monographie  de  Y  Arc  de  triomphe  de  la 
porte  d'Aix,  à  Marseille.  C'est  une  étude  puisée  aux  archives 
municipales,  et  l'auteur  n'a  rien  omis  des  délibérations  successives 
auxquelles  donna  lieu  le  monument  de  Marseille,  décrété  sous 
Louis  XVI  et  terminé  seulement  sous  Louis-Philippe.  M.  Parrocel 


SEANCE    DU    15    AVRIL.  43 

a  soigneusement  décrit  en  artiste  l'œuvre  collective  de  Penchaud, 
de  David  d'Angers  et  de  Ramey. 

La  section  entend  M.  Coste  (i\uma),  correspondant  du  Comité, 
à  Aix,  sur  Pierre  Puget  à  Aix.  Cette  fois,  ce  n'est  pas  le  sculpteur 
qui  est  en  cause,  c'est  le  peintre.  Ine  importante  commande  de 
peintures  religieuses  faite  à  Puget  par  les  jésuites  d'Aix  est  le 
point  de  départ  de  l'étnde  de  M.  Coste.  Les  documents  qu'il  a  mis 
en  œuvre  sont  inédits.  Bougerel,  Lagrange^  ne  les  avaient  pas 
connus.  Ils  éclairent  d'un  nouveau  jour  l'existence  traversée  du 
maître  marseillais. 

M.  Gmoux  (Charles),  membre  non  résidant  du  Comité,  à 
Toulon,  dans  sa  notice  sur  Jacques  Rùjaud,  dessinateur  et  gra- 
veur marseillais^  s'est  appliqué  à  séparer  la  personnalité  de  Jac- 
ques Rigaud  de  celle  de  son  neveu  Jean-Baptiste.  M.  Ginoux,  en 
possession  d'une  note  autobiographique  de  Rigaud,  rectifie  des 
erreurs  commises  sur  cet  artiste  par  la  plupart  des  historiens  qui 
s'étaient  occupés  de  lui. 

Rien  de  plus  curieux  que  le  mémoire  de  M.  Girom  (Léon), 
membre  non  résidant  du  Comité,  au  Puy,  sur  une  Assomption,  de 
François  Le  Moyne.  C'est  à  l'aide  des  archives,  à  demi  détruites 
par  le  feu,  de  l'abbaye  de  Saint-Julien-Chapteuil  que  M.  Giron  a 
reconstitué  l'histoire  du  tableau  peint  par  Le  Moyne  en  1718,  à  la 
demande  de  M.  de  La  Roche-Aymon,  évêque  du  Puy. 

M.  DE  Beaumont  (Charles),  correspondant  du  Comité,  à  Tours, 
a  la  parole  sur  Pierre  Vigne  de  Vigny,  architecte.  Le  même  auteur 
s'était  occupé  à  une  session  précédente  de  Pierre  de  Vigne,  membre 
de  l'Académie  d'architecture  au  dernier  siècle.  Des  documents 
nouveaux,  découverts  par  M.,  de  Beaumont,  lui  permettent  de  pré- 
ciser aujourd'hui  certains  points  de  l'existence  de  l'artiste  qui  res- 
taient à  élucider. 

Le  mémoire  de  M,  de  Beaumont  étant  le  dernier  des  travaux 
inscrits  à  l'ordre  du  jour,  M.  le  président  donne  la  parole  à 
M.  Henry  Joum,  secrétaire  à  l'Ecole  nationale  des  Beaux-Arts,  pour 
la  lecture  de  son  rapport  général  sur  la  22*  session. 

C'est  une  étude  complète  sur  les  travaux  qui  ont  été  soumis 
au  Comité  et  lus  avec  son  assentiment.  M.  Jouin  examine  chaque 
mémoire  et  rattache  par  des  liaisons  heureuses  les  différentes 
études  dont  il  rend  compte.  II  caractérise  l'ensemble  des  travaux 


44  SÉANCE    DU    15   AVRIL, 

de  1898,  et,  après  avoir  trouvé,  pour  chacun  des  auteurs  qui  ont 
été  admis  aux  honneurs  de  la  lecture,  un  mot  d'éloge,  il  reporte 
ses  félicitations  sur  les  Sociétés  des  Beaux-Arts  et  sur  l'institution 
des  Congrès  annuels. 

La  lecture  du  rapport  général  étant  achevée,  M.  le  président 
remercie  les  délégués  et  déclare  close  la  session  de  1898. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures  et  demie. 


RAPPORT   GENERAL 

SUR  LES  TRAVAUX  DE  LA  SESSIOX  DES  SOCIÉTÉS  DES  BEAUX-ARTS,  LU  DA\S 
LA  SÉANCE  DU  1  5  AVRIL,  PAR  M.  HENRY  JOUIN,  SECRÉTAIRE  RAPPOR- 
TEUR DU  COMITÉ. 


«  Monsieur  le  Président  ' , 
«  Mesdames, 
«  Messieurs, 

«  Un  historien  de  l'ancienne  Rome  raconte  qu'un  ami  deCicéron 
voulut  le  détourner  d'écrire  ses  plaidoyers  contre  Verres.  Vous 
vous  souvenez  des  incidents  de  cette  cause  fameuse.  V  ous  n'avez 
pas  oublié  le  proconsul  infidèle  courbant  la  tète  sous  les  charges 
accablantes  des  Siciliens  et  prenant  de  lui-même,  avant  toute  sen- 
tence, le  chemin  de  l'exil. 

tt  Les  célèbres  Ve?'rines,  à  l'exception  de  la  première,  furent  donc 
composées  après  coup,  lorsque  l'homme,  sans  cesse  oi)jurgué  dans 
ces  pages  véhémentes,  était  déjà  loin  de  Rome.  Xoiis  comprenons 
alors  que  les  familiers  de  Cicéron  aient  songé  à  lui  épargner  la 
peine  que  lui  donnerait  la  rédaction  de  ses  inutiles  plaidoyers. 
Mais  Cicéron  de  leur  répondre  : 

«  Vous  ne  soupçonnez  pas  les  joies  que  me  réserve  Ténuméra- 
"  tion  des  œuvres  rares  enlevées  par  Verres  aux  Siciliens.  « 

«  Ce  mot  me  revient  à  l'esprit  à  l'heure  où  j'entreprends  moi- 
même  un  inutile  plaidoyer.  Certes,  entre  vous,  Messieurs,  et  le 
gouverneu  r  de  Sicile,  nul  rapprochement  possible.  Toutefois,  quand 
votre  groupe  compact,  jeune,  ardent,  enthousiaste  se  dirige  vers 
Paris,  une  grande  cause  est  en  jeu.  C'est  la  cause  de  l'art  clans  nos 

'  M.  Maurice  Tourneux,  membre  du  Comité. 


46  RAPPORT    GENERAL. 

provinces.  Mais  ce  ne  sont  pas  des  témoins  à  charge  qui  vous  ont 
précédés  dans  cette  enceinte.  Des  amis,  des  conseillers,  des  aînés 
vous  attendent,  et  leur  approbation  vous  est  assurée.  Vous  le  savez, 
Messieurs,  votre  cause  est  gagnée  d'avance.  Lors  donc  que  le  mi- 
nistre, le  directeur  des  Beaux-Arts,  les  membres  de  votre  Comité 
se  disposent  chaque  année  à  élever  la  voix  pour  applaudir  à  votre 
initiative  généreuse,  ceux  qui  vivent  auprès  d'eux,  les  témoins  du 
labeur  quotidien  qui  enlève  tout  loisir  aux  hommes  en  fonction 
seraient  tentés  de  les  dissuader  d'un  travail  superflu.  Xe  craignez 
rien;  ceux-ci  ne  se  laisseront  point  détourner  de  leur  tâche. 

tt  Vous  ne  soupçonnez  pas,  diraient-ils  aux  fâcheux  qui  leur 
conseilleraient  le  silence,  vous  ne  soupçonnez  pas  la  joie  que  nous 
réserve  un  applaudissement  renouvelé  de  ces  bonnes  volontés,  de 
l'effort  général,  de  l'heureuse  fortune  de  plusieurs  qui  chaque 
année  attestent  en  ce  lieu  la  richesse  de  la  province  et  sa  vitalité. 

«  Soyez  donc  salués.  Messieurs,  vous  tous  qui  venez  de  la  Pro- 
vence ou  des  Flandres,  de  la  Picardie  ou  du  Languedoc,  en  mes- 
sagers de  la  bonne  nouvelle. 

«  Mais  le  poète  nous  l'a  dit  : 

A  ce  chœur  joyeux  de  la  route 
Qui  commençait  à  tant  de  voix, 
Cliaquc  fois  que  l'oreille  écoute 
Une  voix  manque  chaque  fois. 

«  Cette  année.  Messieurs,  votre  Comité  a  perdu  cinq  de  ses 
membres. 

«  M.  Paul  Casimir-Périer,  sénateur  de  la  Seine-Inférieure,  est 
décédé,  âgé  de  quatre-vingt-cinq  ans^  le  7  juin  1897.  Il  apparte- 
nait au  Comité  depuis  dix-huit  années,  et  aucune  des  questions 
traitées  par  vous  ne  le  laissait  indifférent. 

"  Plus  jeune,  entré  dans  le  Comité  depuis  quelques  mois  à  peine, 
Henri  Lavoix  a  succombé  le  27  décembre.  Je  n'ai  pas  à  vous 
apprendre  la  valeur  de  ses  livres  appréciés  sur  la  musique  française 
et  l'instrumentation. 


RAPPORT    GEXERAL.  4T 

«  Paul  (îasnault,  ramateiir  passionné,  rapôlre  convaincu  de  la 
céramique,  —  c'est  un  mot  de  AI.  Georges  Berger,  prononcé  sur 
la  tombe  du  conservateur  du  Musée  des  Arts  décoratifs,  —  est 
mort  le  6  janvier.  Son  renom  de  connaisseur,  sa  distinction,  son 
désintéressement  l'avaient  désigné  pour  faire  partie  du  Comité  en 
1890. 

«  Mais  le  vide  le  plus  profond  qui  se  soit  produit  dans  nos  rangs 
depuis  une  année  est  dû  à  la  mort  de  M.  Bardoux^  sénateur, 
ancien  ministre,  membre  de  l'Académie  des  sciences  morales, 
membre  de  votre  Comité  depuis  1879.  Je  n'ai  pas  à  rappeler  ici  la 
place  qu'occupa  M.  Bardoux  dans  le  Parlement.  Sa  haute  intelli- 
gence, son  aménité,  sa  bonté  faisaient  de  lui  le  champion  spontané 
des  causes  les  plus  obscures,  le  défenseur  tenace  des  clients  les  plus 
humbles.  Avec  quelle  régularité  n'assistait-il  pas  aux  séances  du 
Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  !  Il  vous  lisait.  Messieurs,  ce 
n'est  pas  assez  dire,  il  vous  aimait.  Ses  analyses  de  vos  travaux 
étaient  empreintes  de  bienveillance  et  de  sagacité.  Il  était  heureux 
du  succès  grandissant  de  vos  sessions,  et  c'est  avec  une  joie  visible 
qu'il  présidait  vos  séances.  Ecrivain  châtié,  soucieux  des  sources, 
sachant  extraire  d'un  document  toutes  les  déductions  qu'il  ren- 
ferme en  puissance,  M.  Bardoux  a  laissé  des  monographies  qui 
sont  des  modèles  de  sincérité,  d'atticisme  et  d'élévation.  Notre 
devoir.  Messieurs,  est  de  nous  proclamer  ses  obligés. 

«  A  ce  nom  respecté  s'arrêtait  le  cruel  nécrologe  de  l'année, 
lorsque  la  mort  a  de  nouveau  frappé  l'un  des  nôtres,  Charles 
Vriarte,  inspecteur  général  des  Beaux-Arts.  Il  a  succombé  le  7  avril 
1898.  Sa  tombe  est  à  peine  fermée.  Vriarte  était  entré  dans  le  Comité 
le  30  janvier  1897,  et  dès  le  20  avril,  il  y  a  moins  d'une  année,  il 
présidait,  au  nom  du  ministre,  la  séance  d'ouverture  de  votre  ses- 
sion. Son  discours  fut  bref;  mais  avec  quel  empressement  n'a-t-il 
pas  rendu  hommage  à  votre  noble  patience!  «C'est  par  vous,  disait- 
"  il  d'une  voix  émue,  que  nous  connaissons  les  oubliés  et  lesdédai- 
11  gnés  ;  vous  les  vengez  de  l'abandon,  vous  restituez  de  glorieux 
«  inconnus  dont  le  nom  s'est  effacé  et  n'a  pu  franchir  les  limites  de 
«  la  province.  »  Ce  compatriote  de  Goya,  Français  de  cœur.  Italien 
par  une  certaine  afûnité  intellectuelle,  se  séparait  sans  effort  des 


48  RAPPORT    G  E  MER  AL. 

Médicis,  des  Borgia,  de  Françoise  de  Rimini,  dont  l'histoire  pres- 
tigieuse et  traversée  l'avait  séduit  de  longue  date,  pour  s'approcher 
de  vous  et  applaudir  à  vos  études.  En  la  personne  de  Charles 
Vriarle  vous  perdez  un  ami. 

«  Après  avoir  évoqué  trop  rapidement  le  souvenir  douloureux 
des  disparus,  je  passe  aux  vivants. 

'<  On  a  dit  que  la  distance  est  un  obstacle  à  l'autorité  d'un  pouvoir 
central.  Il  n'est  pas  douteux  en  effet  qu'un  ordre  donné  soit  moins 
ponctuellement  exécuté  dans  des  régions  éloignées  qu'il  ne  l'est 
dans  le  voisinage  immédiat  du  chef.  Cela  est  vrai  toutes  les  fois  qu'il 
s'agit  de  commandement.  Mais,  il  faut  le  croire,  votre  Comité  ne 
donne  pas  d'ordres.  Il  fait  plus,  il  vous  invite  au  labeur  désinté- 
ressé, et  de  toutes  les  régions  françaises,  des  points  extrêmes  du 
territoire,  répond  à  son  appel  l'adhésion  chaleureuse  des  travail- 
leurs. A  la  vérité,  le  mot  d'ordre  se  transmet  d'une  province  à 
l'autre,  la  contagion  de  l'exemple  se  manifeste  de  proche  en  proche, 
si  bien  que  les  érudits  ou  les  amateurs  des  cités  les  plus  lointaines 
ne  savent  plus,  en  se  mettant  à  l'œuvre,  s'ils  obéissent  aux  appels 
d'un  Comité  central  où  s'ils  sont  conviés  à  l'étude  par  l'inilialive 
entraînante  du  voisin. 

«  Ces  réflexions  se  présentent  d'elles-mêmes  en  face  des  mémoires 
nombreux  et  de  toute  provenance  apportés  à  celte  tribune  pendant 
la  session  qui  s'achève. 

«  De  la  zone  la  plus  rapprochée  de  Paris  sont  venus  quatre  délé- 
gués :  MM.  Thoison,  Maillard,  Lorin  et  Leroy. 

«  M.  Thoison,  membre  de  la  Société  historique  du  Gàtinais,  à 
Larchant,  apporte  à  l'histoire  de  la  musique  en  France  une  contri- 
bution bien  inattendue.  Des  ouvriers,  creusant  un  puisard  à  Lar- 
chant, ont  mis  à  jour  environ  trente-quatre  instruments  en  verre  et 
en  terre.  Je  passe  sur  les  instruments  en  verre.  Ceux-ci  ne  sont  pas 
extrêmement  rares  dans  les  collections  publiques.  Mais  il  en  est 
autrement  des  trompes  et  olifants,  des  cors,  des  trompettes  ou 
pseudo-trompettes  en  terre  cuite.  Ces  objets,  au  nombre  de  vingt- 


U.iPPORT    GEMI:RAL.  49 

quatre,  sont  des  plus  curieux.  Concevez-vous  des  cors  a  deux  et 
trois  tours  dont  le  tube  présente  un  développement  dépassant 
2  mètres?  Concevez-vous  des  instruments  innomés  dans  la  langue 
de  nos  jours,  qui  participent  à  la  fois  de  la  trompelle,  du  cornet  et 
du  clairon?  M.  Tboison  est  d'avis  que  la  découverte  dont  il  vous  a 
-parlé  n'a  rien  de  fortuit.  Larchant  n'est  pas  dépourvu  d'arjjile;  on 
peut  donc  supposer  que  l'art  céramique  fut  en  honneur  dans  cette 
localité,  et  peut-être  les  céramistes  de  Larchant,  au  seizième  siècle, 
avaient-ils  la  spécialité  des  instruments  de  musique.  Fabricants  ou 
vendeurs  se  sont  en  tout  cas  groupés  à  Larchant.  La  Satire  Ménippée 
nous  montre  un  avocat  bouffon  muni  d'un  cornet  de  verre  pro- 
venant de  Larchant.  Si  le  verre  a  été  travaillé  vers  1590  dans  la 
région  dont  s'occupe  M.  Tboison,  ce  dut  être  par  des  Italiens;  mais 
l'argile  a,  sans  doute,  été  pétrie  par  des  mains  françaises.  Ainsi  se 
trouve  ébauché  en  cette  session  le  premier  chapitre  d'une  Histoire 
des  luthiers  en  terre  de  la  Brie  française. 

a  Nous  entrons  chez  Louis  XV.  C'est  à  M.  Maillard,  membre  de  la 
Société  archéologique  de  Rambouillet,  que  nous  devons  d'être 
présentés.  La  rencontre  a  lieu  dans  le  château  royal  de  Saint- 
Hubert,  non  loin  de  Versailles.  Le  cadre  est  charmant.  L'architecte 
Gabriel  l'a  tracé.  Slodtz,  Falconet,  Pigalle,  Coustou,  Verbreckt, 
Bachelier,  Carie  Van  Loo  l'ont  rempli  de  leurs  ouvrages.  La  pièce 
d'honneur  est  «  le  salon  » .  Quoi  de  plus  intime  que  ces  simples 
mots  :  u.  le  salon  !  »  Cette  pièce  n'a  donc  pas  ses  similaires  dans  le 
château?  Louis  XV  et,  plus  tard,  Louis  XVI  n'amèneront  à  Saint- 
Hubert  que  de  rares  invités,  le  plus  souvent  des  compagnons  de 
chasse.  M.  Maillard  a  retrouvé  l'inventaire  descriptif  de  cette  rési- 
dence aujourd'hui  détruite,  et  nous  éprouvons  à  le  suivre  à  travers 
les  appartements  disparus  quelque  chose  du  charme  pénétrant  qui 
s'échappe  des  ruines  les  plus  célèbres.  Remercions  notre  guide. 
M.  Maillard  est  un  nouveau  venu  dans  cette  enceinte.  Salve!  Il  y 
a  plus.  M.  Maillard  est  au  premier  chef  un  homme  heureux.  Les 
pièces  d'archives  s'étaient  offertes  d'elles-mêmes  à  ce  chercheur 
avisé.  Et  voilà  que  sa  tâche  étant  remplie,  deux  documents  curieux 
et  précis  émanant  d'un  tabletier  du  roi  nommé  Compigné  s'ajoutent 
aux  écrits  du  temps.  Ce  sont  des  plaques  d'or  et  d'étain,  mi-partie 
peintes,  mi-partie  en  relief,  remontant  à  l'année  1770  qui  nous 

4 


50  RAPPORT    GÉNÉRAL. 

donnent  l'aspect  du  château  construit  par  Gabriel.  Un  amateur  ver- 
saillais,  M.  Arnauld,  détient  ces  précieux  objets  dans  sa  collection. 

«  Ce  qui  a  survécu  de  Pierre  Dupuis,  peintre  de  fleurs  et  de 
fruits,  membre  de  l'Académie  royale,  en  1663,  c'est  son  portrait 
par  Nicolas  Mignard.  M.  Lorin,  secrétaire  de  la  Société  archéolo- 
gique à  Rambouillet,  a,  si  j'ose  dire,  replacé  cette  toile  dans  son 
cadre.  Je  me  trompe,  ce  n'est  pas  l'œuvre  de  Mignard  qui  a  été 
l'objet  de  l'étude  de  M.  Lorin,  c'est  Dupuis  en  personne.  L'hon- 
nête peintre  était  originaire  de  Montfort,  et  cette  commune  possé- 
dait, au  dix-septième  siècle,  un  tabellion  dont  le  minutier  n'a  pas 
été  dispersé.  M.  Lorin  s'y  est  plongé,  et  les  renseignements  de 
divers  caractères  qu'il  a  puisés  à  cette  source  éclairent  la  physio- 
nomie de  l'artiste.  Ses  proches  gravitent  autour  de  lui.  Nous  les 
coudoyons,  nous  leur  serrons  la  main.  Ce  sont  tous  de  braves  gens. 
Dupuis,  désormais  connu  dans  son  intérieur,  n'attend  plus  de  vous, 
Messieurs,  qu'un  récolement  bien  fait  de  ses  peintures.  La  tâche 
est  délicate;  elle  exige  qu'on  s'y  applique,  mais  elle  ne  dépasse 
pas  les  forces  humaines. 

«  Les  camaïeux  de  Piat-Joseph  Sauvage  sont  moins  rares  que  les 
tableaux  de  Dupuis.  Dans  un  second  mémoire,  M.  Lorin  vous  a 
décrit  les  Qualité  Saisons  exécutées  par  Sauvage,  en  1787,  pour  la 
laiterie  de  Rambouillet.  Sauvage  eut  son  heure  d'éclat.  Il  fut  le 
premier  peintre  du  prince  de  Condé.  L'Académie  lui  ouvrit  ses 
rangs.  Les  Mémoires  secrets  exaltent  sa  valeur.  La  Correspondance 
de  Grimm  lui  est  hostile.  Entre  ces  deux  extrêmes,  je  vous  propose 
de  rester  indifférents.  Entendons-nous.  Les  recherches  de  M.  Lorin 
méritent  attention.  Il  a  bien  fait  de  décrire  des  pages  connues  de 
lui  et  dues  à  un  artiste  jadis  apprécié.  Mais  l'intérêt  qui  s'attache 
à  l'étude  de  votre  confrère  ne  ramènera  pas  la  popularité  sur  le 
nom  de  Sauvage.  Ses  bas-reliefs  simulés,  ses  grisailles  adroites, 
curieuses,  ses  trompe-l'œil,  que  l'on  est  tenté  de  vérifier  à  l'aide 
du  toucher,  relèvent  du  procédé.  IViertz,  le  compatriote  de  Sau- 
vage, s'est  livré  à  ces  jeux  de  coloris  il  y  a  moins  d'un  demi-siècle. 
On  ne  dit  pas  qu'il  y  ait  acquis  une  grande  notoriété.  L'étude  rétro- 
spective de  M.  Lorin  est  donc  opportune.  Elle  a  sa  place  dans  l'his- 
toire des  variations  du  goût. 


RAPPORT    GÉXÉR  AL.  51 

«Les  initiales  prêtent  à  bien  des  méprises.  M.  Leroy,  correspon- 
dant honoraire  du  ministère  à  Melun,  vous  l'a  dit.  C'est  la  pre- 
mière fois  que  M.  Leroy  prend  la  parole  dans  cette  assemblée,  et 
son  début  est  une  plaidoirie  en  restitution.  Boissettes  est  une 
humble  commune  de  Seine-et-Marne.  Elle  vil  s'ouvrir  sur  son  ter- 
ritoire, en  1732,  une  faïencerie  et  en  1776  une  fabrique  de  por- 
celaine. Les  braves  artisans  qui  ont  dirigé  ces  manufactures  y  ont 
mis  trop  d'abnégation.  Ils  marquaient  leurs  produits  de  la  lettre  B. 
Et  voyez  l'erreur  !  Les  historiens  de  la  céramique  française  en  ce 
siècle  reportent  à  la  manufacture  d'un  certain  Bourdon-Sauzay, 
d'Orléans,  l'honneur  d'avoir  fabriqué  toutes  les  pièces  marquées 
à  l'initiale  fatidique.  AL  Leroy  nous  met  en  garde.  Où  des  esprits 
trop  prompts  avaient  prononcé  le  nom  de  Bourdon-Sauzay,  nous 
estimerons  équitable  de  prononcer  parfois  celui  de  Boissettes. 

u  Le  mouvement  s'accentue.  Après  les  érudits  de  l'Ile-de-France 
ou  de  la  Brie,  ceux  de  la  seconde  zone  se  mettent  en  marche.  Ils 
viennent  de  Mesnil-sur-l'Estrée,  de  Bournainville,de  Rouen,  d'Ab- 
beville,  d'Amiens,  de  Reims,  d'Orléans. 

o  Soyons  attentifs  à  leurs  discours. 

«  Quand  nous  étions  jeunes,  je  me  trompe,  quand  j'étais  jeune, 
—  car  aucun  de  vous,  Messieurs,  n'a  vieilli,  — je  fredonnais  avee 
les  enfants  de  ma  génération  la  romance  d'un  poète  oublié  ; 

J'aime  à  revoir  ma  Normandie.  , 

ic  M.  Veuclin,  correspondant  du  Comité  à  Mesnil-sur-l'Estrée. 
fait  mieux  que  de  fredonner  les  couplets  de  Frédéric  Bérat,  il 
les  met  en  pratique.  Trois  notices  ont  été  lues  par  M.  Veuclin  a 
cette  session  :  Les  Origines  du  Musée  de  Bernay,  V  Ornementa- 
tion des  cloches  au  dix-septième  siècle ^  VArt  dramatique  à  Lisieux 
pendant  la  Révolution.  Le  cadre  de  ces  trois  études  est  circonscrit 
dans  la  province  normande.  Elles  ne  constituent  pas  des  chapitres 
étendus  de  l'histoire  de  l'art  dans  celte  région.  Ce  sont  plutôt  de 
vives  échappées  sur  le  théâtre  à  une  époque  de  notre  histoire  peu 
propice  au  développement  de  l'art,  sur  la  fonte  d'une  cloche  par 
Burel,  le  célèbre  praticien  de  Rouen,  sur  la  création  pénible  d'une 


è2  RAPPORT    GENERAL. 

collection  municipale  dans  une  ville  de  six  mille  âmes.  Ces  aper- 
çus, j'oserais  dire  ces  ouverlures  prenant  jour  sur  la  scène,  un 
musée  et  quelques  églises  normandes,  ont  le  charme  d'une  aqua- 
relle sans  prétention  assez  comparable  aux  aimables  stances  de 
Bérat. 

tt  Masséot  Abaquesne,  le  céramiste  rouennais,  n'a  pas  d'histoire. 
M.  l'abbé  Porée,  membre  non  résidant  du  Comité  à  Bournainville, 
essaye  de  poser  un  jalon  dont  l'utilité  serait  grande.  Il  s'agit  de 
déterminer  le  monogramme  de  ce  maître.  Abaquesne  vivait  en  1542. 
Il  est  l'auteur  d'un  carrelage  primitivement  placé  au  château 
d'Écouen  dans  lequel  les  verts  vifs,  les  violets  légers,  les  jaunes 
citrin,  les  rinceaux  filiformes  bleu  lapis  composent  une  gamme 
exquise.  Or,  M.  Porée  a  découvert  à  Mantes  et  à  Pont-Audemer 
deux  vases  île  pharmacie  dont  le  décor  est  d'un  caractère  iden- 
tique à  celui  du  carrelage  d'Ecouen.  Et  l'un  et  l'autre  de  ces  vases 
portent  en  monogramme  les  initiales  M.  A.  B.  La  déduction  devait 
tenter  la  plume  d'un  savant.  Déjà  M.  Le  Breton,  un  Rouennais, 
s'était  plu  à  reconnaître  dans  les  lettres  L.  A.  B.  également  grou- 
pées le  monogramme  de  Lauient  Abaquesne,  fils  de  Masséot  et 
céramiste  comme  son  père.  La  preuve  reste  à  faire,  mais  l'indice 
a  sa  portée.  M.  l'abbé  Porée  ne  s'arrêtera  pas  à  mi-chemin.  II  sait 
voir  et  trouver.  Nous  lui  devrons  un  jour  la  justification  de  sa 
conjecture  parfaitement  admissible. 

«  Je  n'imagine  pas  de  gens  plus  heureux  que  les  romanciers. 
Toutes  digressions  leur  sont  permises.  Je  gage  que  M.  Le  Breton, 
correspondant  du  Comité  à  Rouen,  ne  s'est  pas  souvenu  que  «  l'in- 
génieux hidalgo  de  la  Manche  :>,  Don  Quichotte,  a  parlé  en  fort 
bons  termes  de  l'envers  et  de  l'endroit  des  tapisseries.  "  Il  me 
u  semble,  dit-il,  que  quand  on  lit  un  ouvrage  traduit  d'une  langue 
tt  dans  une  autre,  c'est  comme  quaiid  on  regarde  des  tapisseries 
«  de  Flandre  à  l'envers  :  on  voit  bien  les  figures,  mais  elles  sont 
«  pleines  de  fils  qui  les  rendent  confuses,  et  elles  ne  paraissent 
tt  point  avec  le  poli  et  la  couleur  de  l'endroit.  »  M.  Le  Breton  s'est 
précisément  occupé  d'une  tapisserie  qu'il  serait  tenté  d'attribuer 
avec  certitude  à  Jean  Grenier,  à  moins  que  ce  ne  soit  à  Jean  de 
Bacre,  l'un  et  l'autre  tapissiers  à  Tournai,  au  début  du  seizième 


RAPPORT    GÉMÉRAL.  ^% 

siècle.  Hâtons-nous  de  dire  que  votre  confrère  étudie  cette  tenture 
à  l'endroit.  Elle  représente  un  paysage  entouré  de  palissades  au 
milieu  duquel  sont  des  cerfs  ailés.  D'où  qu'elle  vienne,  cette  ten- 
ture superbe  doit  être  admirée.  L'allure,  le  dessin  des  cerfs  qui 
constituent  le  motif  principal  du  décor,  leurs  bannières  revêtues 
d'inscriptions  françaises  bien  rythmées,  l'écu  de  France  suspendu 
à  leur  cou  par  une  couronne  royale  ornée  de  pierreries,  captivent 
le  regard.  Qu'ai-je  dit? 

«  Une  tenture  du  château  d'Anet  est  voisine.  Je  me  laisse  dis- 
traire. Cette  page  est  hors  de  pair.  Quatre  panneaux  étaient  connus. 
M.  Moreau,  propriétaire  d'Anet  en  1878,  les  avait  acquis.  Alais  la 
série  n'était  pas  complète.  Il  y  manquait  une  pièce.  Elle  est  à 
Rouen,  et  M.  Le  Breton  vous  l'a  décrite.  Pourquoi  Anatole  de  Mon- 
taiglon  et  M.  Roussel,  les  commentateurs  enthousiastes,  il  y  a 
vingt  ans,  des  tapisseries  d'Anet,  n'étaient-ils  pas  hier  dans  cet 
hémicycle?  Ils  eussent  applaudi  l'usufruitier  de  cette  œuvre  rare. 
Diane,  à  genoux  aux  pieds  de  Jupiter,  implore  le  maître  des 
dieux.  Junon,  Mercure,  Minerve  et  Mars  font  cortège  au  roi  de 
l'Olympe.  Mais  je  ne  puis  reprendre,  après  M.  Le  Breton,  la  des- 
cription minutieuse  du  paysage,  des  scènes  accessoires,  de  l'archi- 
tecture, des  emblèmes,  des  chiffres,  des  trophées,  tissés  avec  un 
art  achevé  par  un  maître  du  plus  haut  mérite,  sans  doute  aux 
ordres  de  Diane  de  Poitiers  et  de  Henri  IL  Nous  irons  tous  à 
Rouen,  si  vous  le  voulez,  applaudir  à  l'heureuse  fortune,  de  la 
ville  qui  a  fait  entrer  cette  tenture  dans  son  Musée. 

«  Il  ne  faut  pas  confondre  la  gloire  avec  le  mérite.  Ce  sont  choses 
différentes.  La  gloire  est  toujours  nominale.  Le  mérite  est  trop 
souvent  anonyme.  Vous  vous  souvenez  de  l'étude  de  M.  Emile 
Delignières  sur  des  Peintures  anciennes  de  V école  flamande .  En 
dépit  de  leur  mérite,  elles  sont  sans  gloire,  mais  M.  Delignières, 
qui  les  a  découvertes  chez  un  amateur  ahbevillois,  les  a  mises  en 
belle  lumière.  Trois  de  ces  peintures,  d'un  art  admirable  et  d'une 
parfaite  conservation,  appartiennent  au  quinzième  siècle.  Quatre 
autres  sont  de  date  plus  récente  et  moins  bien  conservées.  Non 
content  de  les  faire  connaître  en  artiste,  notre  correspondant  a 
voulu  restituer  leur  histoire  en  homme  bien  informé.  Un  manu- 


54  RAPPORT    GENERAL. 

scrit  de  la  bibliothèque  d'Abbeville  lui  a  révélé  qu'avant  la  Révolu- 
tion ces  peintures  avaient  fait  partie  d'un  grand  retable  à  la  char- 
treuse de  Thnison.  Mais  ce  retable  n'avait  pas  été  formé  d'un  seul 
coup.  Il  était  composé,  la  chose  est  établie  par  documents,  de  trois 
éléments  distincts  :  une  Passion  sculptée,  probablement  du  sei- 
zième siècle,  et  qui  a  disparu;  quatre  peintures  du  temps  de  Phi- 
lippe le  Bon,  duc  de  Bourgogne,  et  qui  paraissent  avoir  été  données 
par  ce  prince  au  monastère,  et  quatre  peintures  nouvelles  exécu- 
tées sur  le  revers  des  panneaux  primitifs,  sciés  depuis  en  épaisseur. 
M.  Delignières  plaide  si  bien  pour  faire  reconnaître,  dans  les  trois 
compositions  du  quinzième  siècle,  la  Cène,  V Ascension  et  \a.  Pen- 
tecôte, les  ouvrages  offerts  aux  Chartreux  par  le  duc  de  Bourgogne, 
qu'on  est  tenté  de  lui  donner  raison.  A  coup  sûr  ces  peintures 
sont  magnifiques  et  constituent  un  ensemble  de  premier  ordre. 
M.  Delignières  les  estime  flamandes,  de  la  main  d'un  très  grand 
maître.  Toutefois  notre  correspondant,  qui  montre  dans  son 
mémoire  une  véritable  érudition,  se  borne  modestement  «  à  pré- 
luder-) ,  comme  il  le  dit,  «  aux  recherches  à  faire  touchant  l'auteur 
de  ces  peintures  » .  Ces  recherches  nous  conduiront  sans  doute  à 
une  attribution  certaine,  et  c'est  à  M.  Delignières  qu'appartiendra 
l'honneur  de  l'avoir  provoquée.  On  aura  Tœil  à  l'avenir  sur  ces 
pages,  hier  encore  ignorées.  Malheureusement,  le  quatrième  épi- 
sode, la  Résurrection,  a  été  séparé  des  trois  autres,  et  l'on  prétend 
qu'il  ne  serait  pas  impossible  de  le  retrouver  dans  quelque  collec- 
tion toulousaine.  Avis  aux  chercheurs  du  Languedoc.  Les  quatre 
figures  décorant  l'extérieur  des  volets  semblent  être  de  quelque 
artiste  du  nord  de  la  France  et  de  l'école  archaïsante.  Elles  n'en 
ont  pas  moins  de  charme  et  de  valeur.  Elles  représentent  la  Vierge 
mère,  saint  Jean-Baptiste  et  deux  saints  évêques.  Tels  sont  ces 
chefs-d'œuvre  dont  M.  Delignières  s'est  fait  le  chroniqueur  patient, 
le  critique  plein  de  goût.  Et  voilà  qu'il  faut  désormais  ajouter  quel- 
ques pages  à  l'histoire  des  retables  fameux  de  Saint-Denis,  de 
Reims,  de  Troyes,  de  Noyon,  de  Brou.  Ces  pages  sont  signées 
Delignières.  On  vous  les  a  lues.  \ous  les  intitulerons  :  «  Le  retable 
de  la  chartreuse  de  Thuison.  » 

«  M.  Guerlin,  membre  de  la  Société  des  antiquaires  de  Picardie 
à  Amiens,  vous  a  parlé  de  plusieurs  peintures  offertes  à  l'église 


RAPPORT    GENERAL.  55 

cathédrale  par  la  confrérie  de  Notre-Dame  du  Puy.  Tout  d'abord, 
votre  confrère  s'applique  à  revendiquer  pour  sa  région  les  auteurs 
de  ces  peintures.  L'Ecole  picarde  se  dessine.  Lebel,  Jehan  de 
Paris,  Maressal,  habitent  Amiens  à  la  fin  du  seizième  siècle  et  y 
reçoivent  des  commandes.  Mathieu  Prieur  se  mêle  à  leur  groupe. 
Il  travaille  en  1600.  Il  a  représenté  les  membres  de  la  famille  de 
Villers  réunis  sur  un  même  panneau,  en  compagnie  de  person- 
nages illustres,  parmi  lesquels  figure  Henri  IV.  Tous  sont  vus  de 
face  au-dessous  d'une  Vierge  tenant  l'Enfant  Jésus  et  assise  sur 
un  trône  devant  la  porte  de  la  cité  mystique  décrite  dans  l'Apoca- 
lypse. L'œuvre  est  éminemment  curieuse.  Prieur  ne  brille  pas  par 
la  composition,  mais  en  revanche  il  donne  à  ses  têtes  le  caractère 
et  le  relief. 

«  Plus  agréable  d'aspect  est  le  panneau  d'un  peintre  inconnu, 
conservé  au  village  de  Coullemont,  représentant  un  donateur  age- 
nouillé, entouré  de  ses  proches.  Dans  la  partie  supérieure,  la 
Vierge,  assise  sur  un  char  d'or  traîné  par  des  licornes,  est  entourée 
de  petits  anges  qui  célèbrent  sa  victoire  sur  l'hérésie.  L'hydre  à 
sept  têtes  a  été  la  pierre  d'achoppement  du  peintre  ;  mais  un 
paysage  apaisé,  d'une  profondeur  sagement  comprise,  rachète  les 
tâtonnements  du  pinceau  dans  l'exécution  de  l'hydre.  M.  Guerlin 
nous  doit  la  suite  de  l'histoire  de  l'Ecole  picarde. 

"Le  point  de  départ,  l'occasion  du  discours  sont  le  plus  souvent 
fournis  par  le  hasard.  Interrogez  M.  Henri  Jadart,  membre  non 
résidant  du  Comité  à  Reims.  Sous  le  titre  :  Un  portrait  de 
Louis  XIII  avec  allégories,  M.  Jadart  vous  a  raconté  sa  trouvaille 
fortuite  d'un  dessus  de  cheminée  de  l'ancien  hôtel  de  ville  de 
Reims.  L'œuvre  parait  dater  de  1630.  Un  grenier  lui  servit  d'asile 
pendant  plus  d'un  siècle.  La  peinture  est  médiocre,  mais  elle  con- 
stitue un  document  historique  d'une  valeur  réelle.  Des  emblèmes, 
des  scènes  multiples,  des  devises  entourent  la  figure  royale  placée 
au  centre  d'un  panneau  «  aplani  au  rabot  d  et  mesurant  dans  tous 
les  sens  plus  d'un  mètre.  M.  Jadart,  en  homme  qui  sait  tout,  ou 
peu  s'en  faut,  sur  la  ville  de  Reims,  étudie  cette  effigie  de  circon- 
stance dont  il  serait  superflu  de  rechercher  l'auteur.  Puis,  rap- 
prochant cette  image  des  statues  de  Nicolas  Jacques  et  de  Milhomme, 


56  RAPPORT    GENERAL. 

ainsi  que  d'une  peinture  et  d'un  dessin  conservés  au  Musée  de 
Reims,  M.  Jadart  a  trouvé  l'occasion  d'écrire  d'excellentes  pages 
sur  l'iconographie  de  Louis  XIII,  que  l'on  ne  consultera  pas  sans 
profit. 

«  M.  Herluison,  correspondant  du  Comité,  et  M.  P.  Leroy,  de  la 
Société  des  Amis  des  Arts  d'Orléans,  ont  rappelé  devant  vous  l'exis- 
tence tourmentée  de  Sergent-Marceau.  Ce  fut  un  artiste  de  second 
plan  et  un  acteur  improvisé  du  drame  révolutionnaire.  Ces  deux 
mots  laissent  pressentir  les  lacunes  et  les  défaillances.  Mais  Sergent 
avait  débuté  par  être  un  curieux.  Durant  toute  sa  vie  il  a  fait  preuve 
d'initiative  et  de  fertilité  d'esprit.  Aux  jours  sombres,  il  sauva  la 
tête  de  Gossec  et  de  Larive.  Il  sut  être  l'avocat  heureux  de 
Marceau,  son  beau-frère.  Il  y  a  plus  :  le  foyer  de  Sergent  ressemble 
à  la  chaumière  sans  orages  de  Philémon  et  de  Baucis.  Que  parlé-je 
de  foyer?  Les  proscrits  n'ont  qu'une  tente.  Ils  la  dressent  le  matin 
en  un  lieu  propice  et  la  replient  au  premier  soleil!  Les  plus  belles 
années  de  Sergent-Marceau  se  sont  écoulées  hors  de  la  patrie.  Les 
pièces  inédites  qui  ont  motivé  l'étude  de  MM.  Herluison  et  Leroy 
et  qui  en  constituent  la  sève  sont  datées  de  l'exil.  Vous  penserez 
comme  moi  :  La  souffrance  et  les  larmes  effacent  bien  des  fautes. 
Nous  demanderons  à  Sergent-Marceau  la  note  personnelle  qu'il  est 
en  mesure  de  nous  fournir  sur  une  époque  tumultueuse.  Nous  ne 
lui  tiendrons  pas  rigueur  sur  ses  heures  d'oubli.  Ainsi  raisonnait 
le  héros  de  Chateaubriand.  «Les rois  de  vos  pères,  lui  dit  une  per- 
K  sonne  aimée,  ont  été  des  ingrats.  —  Qu'importe,  réplique  Aben- 
ct  Hamet,  ils  ont  été  malheureux!  i; 

«Admirez  avec  moi,  Messieurs,  la  contagion  de  l'exemple.  Voici 
que  des  collaborateurs  du  Comité  se  lèvent  en  foule.  Ils  viennent 
vers  nous  de  Tours,  de  Dijon,  de  Nevers,  d'Angoulême,  de  Màcon, 
de  Lyon,  du  Puy.  Ouvrons  les  portes  toutes  grandes. 

«  M.  Charles  de  Grandmaison,  membre  non  résidant  du  Comité 
à  Tours,  en  examinant  avec  soin  l'un  des  quinze  sujets  que  com- 
porte la  Tapisserie  de  Monlpezat,  a  fait  une  découverte  hagiogra- 
phique non  moins  importante  que  fortuite.  Il  s'agit  d'une  relique 
désignée  sous  le  titre  de  «  Bonets  de  Saint-Martin  »  enlevée  de  la 


RAPPORT    GEMERAL.  51 

cathédrale  de  Saint-Gatien  de  Tours  lors  du  pillage  de  cette  église 
par  les  protestants  en  1562.  Qu'est  devenue  la  relique?  Quelle 
était  sa  nature?  Saint  Martin  s'étant  dépouillé  de  sa  tunique  en 
faveur  d'un  pauvre  se  trouva  incomplètement  vêtu  le  lendemain 
de  cet  acte  charitable  pour  célébrer  la  messe.  Ses  avant-bras, 
notamment,  demeuraient  nus,  et  c'est  alors  que,  selon  la  légende, 
deux  anges  lui  apportèrent  des  bas  de  manches  ou  «  bonets  « 
ornés  de  pierreries. 

Angez  ont  ses  bras  revestu 

De  bonets  riches  et  moult  gents. 

«  M.  de  Grandmaison  a  voulu  retrouver  l'origine  de  la  légende. 
Il  a  découvert  qu'elle  était  connue  dès  le  douzième  siècle,  sinon 
plus  tôt,  et  un  vitrail  du  siècle  suivant,  conservé  au  Mans,  repro- 
duit la  scène  du  miracle.  Quant  à  la  commande  des  tapisseries, 
elle  est  due  à  Jean  Desprez  de  Montpezat,  évêque  de  Montauban 
de  1519  à  1539,  qui  voulut  doter  l'église  de  sa  ville  natale  d'une 
tenture  dont  l'exécution  fut  confiée  à  une  fabrique  tourangelle. 
L'étude  de  M.  de  Grandmaison  éclaire  la  vie  de  saint  Martin  et 
complète  ce  qu'avait  écrit  M.  Devais  sur  le  même  sujet  dans  le 
tome  III  des  Annales  archéologiques. 

«  Un  joaillier  et  un  orfèvre  se  présentent  à  nous  sous  les  auspices 
de  M.  Louis  de  Grandmaison,  correspondant  du  Comité  à  Tours. 
Le  premier  s'appelle  Jean  Rembert:  le  second,  Claude  Content.  Il 
s'agit  du  tombeau  de  Lancelot  du  Fan,  évêque  de  Luçon,  à  élever 
dans  la  cathédrale  de  cette  ville  en  1523.  Un  aigle  de  lutrin  est 
compris  dans  la  même  commande.  Ces  deux  œuvres  seront  en 
cuivre  et  de  la  plus  grande  richesse.  Rembert  se  tient  au  premier 
plan.  Mais  Rembert  n'est  qu'un  joaillier.  Claude  Content  est  un 
orfèvre,  et  son  nom,  son  habileté,  ?a  fortune  nous  sont  connus. 
M.  de  Grandmaison  constate  en  outre  que,  dans  le  marché  conclu 
avec  Rembert,  Claude  Content  se  porte  garant  du  joaillier.  Au  cours 
du  même  acte,  Rembert  s'engage  à  "  faire  faire  -  et  le  tombeau  et 
le  lutrin.  Or,  le  cuivre  ouvré,  ciselé,  rehaussé  de  matières  pré- 
cieuses, se  réclame  de  l'orfèvre  et  non  du  joaillier.  M.  de  Grand- 
maison  conclut  donc,  et  nous  pensons  comme  lui  que  les  œuvres 
somptueuses  dont  s'enrichit  la  cathédrale  de  Luçon  au  début  du 


58  RAPPORT    GENERAL. 

seizième  siècle  sortirent  de  l'atelier  célèbre  de  Claude  Content. 
Quant  à  Remhert,  le  voilà  réduit  au  rôle  d'homme  de  paille. 

De  nos  cailloux  froUés,  il  sort  des  étincelles. 

«C'est  un  alexandrin  de  Voltaire,  que  M.  Charles  de  Beaumont, 
correspondant  du  Comité  à  Tours,  rappelle  avec  à-propos  au  sujet 
d'un  architecte  du  dernier  siècle,  Pierre  Vigne  de  Vigny,  d'humeur 
irascible.  N'oublions  pas,  je  vous  prie,  que  cet  architecte  est  du 
lemps  passé.  AI.  de  Beaumont  nous  l'avait  fait  connaître  il  y  a 
quatre  ans.  Il  nous  le  présente  à  nouveau  en  apportant  des  preuves 
à  l'appui  de  ses  hypothèses  anciennes.  Il  est  désormais  certain  que 
de  Vigny  est  élève  de  Robert  De  Cotte.  Il  est  également  indéniable 
qu'il  eut  un  caractère  difficile.  Le  malheureux  !  IVe  va-t-il  pas  jus- 
qu'à faire  saisir  un  paysan,  son  voisin,  pour  «  avoir  cueilli  de 
«l'herbe,  éboiirgeonné  de  la  vigne  et  pris  une  serpe  dans  sa  pro- 
"  priélé  ;)  !  Belles  peccadilles!  De  Vigny  n'avait  donc  pas  lu  les 
Animaux  malades  de  /«joeA/e.^Maishàtoïis-nous  de  dire  que  pour 
le  compte  d'autrui  de  \  igny  avait  plus  de  clairvoyance  et  de 
dignité.  Je  n'en  veux  comme  preuve  que  son  expertise  en  faveur 
des  religieux  de  Saint-Martin  de  Paris  contre  un  sieur  Le  Tellier 
qui  avait  abusé  de  leur  bonne  foi  !  Là  du  moins,  de  Vigny  est 
dans  la  mesure.  Mais  Le  Tellier  avait  un  appui  dans  Mansart  au 
sein  de  l'Académie  d'architecture.  Vous  devinez  le  reste.  Ce  fut 
un  duel  à  mort  entre  les  deux  collègues,  de  Vigny  et  Mansart. 
Je  le  répète,  Messieurs,  ces  choses  se  passaient  il  y  a  cent  cin- 
quante ans. 

«  Vincent  Rogerie,  dont  vous  a  parlé  M.  l'abbé  Bossebœuf,  cor- 
respondant du  Comité  à  Tours,  a  sa  pierre  tumulaire  dans  l'église 
abbatiale  du  Mont  Saint-Michel.  Il  est  mort  en  1620.  Là  se  bornait 
l'histoire  de  Vincent  Rogerie.  M.  Bossebœuf  s'est  attaché  à  sa 
mémoire,  et  des  pièces  inédites  lui  ont  révélé  que  Rogerie  porta  le 
titre  de  «  maître  maçon  de  l'œuvre  de  ce  lieu  ii .  Saluons  cet  archi- 
tecte. A  la  vérité,  nous  ne  savons  pas  encore  dans  quelle  mesure  il 
exerça  le  rôle  de  maître  d'œuvre,  pendant  combien  d'années,  et 
quelles  parties  de  l'édifice  pourraient  être  signées  de  son  nom. 
Mais  lorsqu'il  s'agit  d'un  joyau,  tout  porte  à  croire  que  les  mains  qui 
l'ont  façonné  ou  serti  n'avaient  rien  de  médiocre.  Nous  voilà  bien 


RAPPORT    GÉNÉRAL.  59 

près  de  tenir  Rogerie  pour  un  homme  supérieur.  Aucune  preuve 
encore,  mais  de  fortes  présomptions. 

"  M.  Gabeau,  membre  de  la  Société  archéologique  de  la  Tou- 
raine,  un  nouveau  venu  dans  vos  rangs  et  qu'il  convient  de  saluer, 
nous  a  dit  les  splendeurs  du  mobilier  du  château  de  Chanteloup. 
Nous  avons  passé  d'heureux  instants  dans  la  compagnie  de  ce  guide 
instruit,  plein  de  naturel,  épris  de  son  sujet.  Le  duc  de  Choiseul, 
aprèslui  le  ducde  Penthièvre.ont  possédé  Chanteloup.  Les  tahleaux 
y  étaient  nombreux,  les  meubles  riches,  les  lambris  ornés  de 
glaces.  On  dirait  un  Versailles  en  miniature.  Au  surplus,  M.  Gabeau 
n'a-t-il  pas  usé  d'une  locution  presque  royale  lorsqu'il  vous  a 
parlé  de  la  «  petite  cour  de  Chanteloup  »  ?  Le  souverain  de  ce  lieu 
privilégié  paraît  avoir  le  Goût.  Mais  n'oublions  pas  que  nous 
sommes  en  1785.  C'en  est  fait  du  style  Louis  XIV,  et  même  du  style 
Louis  XV.  Nous  sommes  en  pleine  vogue  du  style  Louis  XVI,  essen- 
tiellement gracieux.  Les  sièges,  les  glaces,  les  plafonds,  les  corni- 
ches ont  reçu  le  visa  de  François  Boucher  et  des  Van  Loo.  Parmi 
les  tableaux  que  garde  avec  amour  M.  de  Choiseul,  je  ne  compte 
pas  moins  de  six  bas-reliefs  simulés  de  Sauvage,  l'homme  aux 
trompe-l'œil.  Mais  j'allais  omettre  de  vous  dire  que  M.  Gabeau  ne 
s'est  pas  attardé  chez  le  duc  de  Penthièvre.  II  a  lu,  il  a  étudié 
l'inventaire  de  Chanteloup  en  1794,  et  c'est  en  investigateur  adroit 
qu'il  s'est  appliqué  à  suivre  l'exode  des  peintures  qui  l'avaient 
séduit  tout  à  l'heure  par  leur  réunion  dans  le  château. 

"  M.  Vincent,  membre  de  la  Société  archéologique  de  Touraine, 
débute  au  milieu  de  vous  par  une  communication  d'un  caractère 
imprévu.  Il  s'est  entretenu  avec  vous  d'une  association  de  joueurs 
d'instruments  formée  à  Tours  en  1657.  Les  sociétaires  sont  au 
nombre  de  douze.  Leur  contrat  doit  durer  quatre  années.  Ces 
hommes,  épris  de  musique,  se  feront  entendre  aux  ballets,  bals, 
aubades,  sérénades  et  visites,  noces  et  festins,  tant  à  la  ville  qu'à  la 
campagne.  Ah  !  les  gais  compères,  les  gens  avisés  !  C'est  à  regret- 
ter de  ne  les  avoir  pas  rencontrés  et  applaudis.  Ne  les  prenons  pas 
pour  des  bohémiens  ;  je  gagerais  qu'ils  étaient  rangés,  de  bonne 
compagnie,  distingués,  ayant  du  savoir-vivre.  Et  leur  répertoire 
était  varié.  Les  parts  de  sociétaires  durent  être  bonnes.  L'acte  est 


60  RAPPORT    GENERAL 

bien  fait.  Ces  braves  gens,  sans  y  être  tenus,  se  sont  imposé  de  par- 
tager le  fonds  des  amendes  entre  a  les  malades  de  T Hôtel-Dieu,  la 
«  boîte  des  prisonniers  et  les  pauvres  de  la' Charité  «.  Ce  détail 
nous  touche.  Des  artistes  de  ce  caractère  n'ont  pu  jouer  que  de 
bonne  musique. 

«Règle  générale,  deux  collaborateurs  se  font  plus  de  tort  que  de 
bien.  M.  Fernand  Mazerolle,  correspondant  du  Comité  à  Dijon,  a 
intitulé  le  mémoire  qu'il  a  lu  devant  vous  Dessins  de  médailles  et 
de  jetons  attribués  à  Boucha?'don.  Je  sens  déjà  la  pointe  du  fleu- 
ret. Cet  «  attribués  »  ne  me  dit  rien  qui  vaille.  Il  sent  le  prêt 
bénévole  d'une  lieue,  la  donation  précaire  et  toujours  révocable. 
Bouchardon  me  paraît  être  dans  un  mauvais  pas.  Vous  vous  souve- 
nez du  différend.  M.  Henri  Bouchot  et  M.  Alphonse  Roserot  avaient 
pensé  que  les  dessins  de  jetons  conservés  à  la  Monnaie  et  se  ratta- 
chant au  règne  de  Louis  XV»^  étaient  l'oeuvre  de  Bouchardon.  M.  Ma- 
zerolle reconnaît  plusieurs  mains  dans  celte  suite  de  projets.  J.  Du- 
vivier  et  J.-C.  Roëttiers  ont  évidemment  exécuté  plusieurs  des 
dessins  visés.  Ce  qui  le  prouve,  c'est  l'abbé  Gougenot,  biographe 
de  Duvivier,  qui  nous  raconte  la  brouille  du  graveur  avec  le 
sculpteur  à  l'occasion  d'un  profil  du  roi  que  Duvivier  refusa 
d'exécuter.  Ce  qui  le  prouve  encore,  c'est  la  présence  à  la  Mon- 
naie de  compositions  similaires  pour  un  même  sujet,  l'une  à 
peine  esquissée,  l'autre  très  arrêtée.  Je  crois  que  tout  le  monde 
est  d'accord.  Bouchardon  est  l'auteur  du  croquis  initial,  et  Roët- 
tiers ou  Duvivier  ont  précisé  le  trait  avant  de  graver  leur  coin. 
Mais  Victor  Hugo,  s'adressant  à  un  statuaire  de  son  temps,  n'a-t-il 
pas  dit  : 

La  forme,  ô  grand  sculpteur,  c'est  tout  et  ce  n'est  rien  : 
C'est  tout  avec  l'esprit,  ce  n'est  rien  sans  l'idée. 

ciBouchardon  peut  se  réclamer  de  ces  vers.  A  lui  l'idée  rapide- 
ment écrite  ;  à  Roëttiers,  à  Duvivier  la  forme  impeccable,  la  com- 
position dernière,  de  proportions  voulues,  d'aspect  séduisant. 
M.  Mazerolle  a  raison  au  nom  de  l'érudition;  mais  tenons  pour 
véniel  le  tort  de  ses  devanciers.  Ils  n'avaient  pas  bluté,  estimant 
peut-être  que  la  farine  tout  aussi  bien  que  le  son  pouvaient  être 
comptés  à  Bouchardon. 


RAPPORT    GENERAL. 


61 


i<.  Les  faïences  d'art  à  Nevers.  —  Ce  litre  trop  modeste  ne  laisse 
pas  soupçonner  l'importance  du  mémoire  de  AI.  Massillon-Rouvet, 
■correspondant  du  Comité  à  Nevers.  Nous  assistons  avec  lui  à  un 
procès  en  réhabilitation,  et,  avocat  muni  de  preuves,  votre  confrère 
a  gagné  sa  cause.  Exposer  le  juste  et  le  vrai  est  un  acte  de  l'intel- 
ligence. Mais  détruire  une  erreur  accréditée,  venger  une  mémoire 
digne  d'illustration,  replacer  Tauréole  sur  un  front  découronné, 
xoW'SL  qui  satisfait  le  besoin  de  combativité  d'une  nature  généreuse 
et  met  en  vibration  tout  l'être  moral.  Améric  Vespuce  détrôné 
par  Christophe  Colomb,  Fulton  par  Jouflfroy,  Daguerre  par 
Niepce  de  Saint-Victor,  voient  leur  groupe  s'augmenter  de  Scipion 
Gambin,  qualifié  trop  longtemps  du  litre  enviable  de  «  premier 
«  importateur  de  la  faïence  à  Nevers  n .  Sus  à  l'usurpateur!  De 
Thon  nous  avait  prévenus.  «  On  raconte,  écrit  cet  historien,  qu'un 
«Italien  qui  avaitaccompagnéen  France  unduc  de  Nivernais  aperçut, 
«en  se  promenant  aux  environs  de  Nevers,  la  terre  de  l'espèce  dont 
use  faisait  la  faïence  en  Italie.  Il  la  prépara  et  fit  construire  un  petit 
«  four  où  fut  fabriquée  la  première  faïence  en  France,  w  Cet  Italien, 
Messieurs,  client  de  M.  Massillon-Rouvet,  est  Dominique  Conrade 
de  Savone,  compagnon  d'armes  de  Louis  de  Gonzague.  Fixé  à 
Nevers,  il  appela  près  de  lui  ses  deux  frères,  Baptiste  et  Augustin. 
Tous  trois  furent  naturalisés  Français  en  1578,  et  ce  sont  les  Con- 
rade qui  importèrent  en  France  l'art  de  fabriquer  la  faïence  à  la 
façon  de  Savone.  Mais  Scipion  Gambin  ?  Ce  n'était  qu'un  de  leurs 
ouvriers.  Les  Conrade,  «  sculpteurs  en  terre,  maistres  pothiers  en 
«  œuvres  blanche  et  aultres  coulleurs  «  ,  les  protégés,  les  amis  de 
Louis  de  Gonzague,  recouvrent  l'héritage  de  gloire  trop  gratuite- 
ment attribué  à  Scipion  Gambin,  leur  valet.  Il  y  avait  captation,  et 
le  Code  l'interdit. 

«  Ce  n'est  pas  une  galerie,  c'est  un  cabinet  que  M.  Emile  Biais, 
correspondant  du  Comité  à  Angoulême,  a  entr'ouvert  devant  nous. 
Les  grands  amateurs  angoumoisins  dont  il  vous  a  entretenus  for- 
ment une  réunion  d'effigies  très  variée.  Pas  un  portrait  en  pied, 
mais,  en  revanche,  quelques  bustes,  des  médaillons,  des  médailles, 
plusieurs  pastels,  le  tout  de  bon  style  et  d'aspect  agréable.  Vous 
nommerai-je  les  personnages"?  C'est  d'abord  l'aïeul  de  François  I", 
Jean  d'Orléans,  dit  le  Bon,  c'est  le  roi-chevalier,  c'est  Marguerite 


62  RAPPORT    GENERAL. 

d'Angoiilême,  puis  Jean-Louis  de  Nogaret,  Guez  de  Balzac,  Charles 
de  Sainte-Maine,  duc  de  Montauzier,  (Jourville  et  Charles-Rosalie 
de  Rohan-Chabot,  comte  de  Jarnac.  Je  ne  nomme  que  les  princi- 
paux. M.  Riais  connaît  sa  province  ;  aussi  a-t-il  multiplié  les  profils 
célèbres,  ou  simplement  aimables,  dans  l'étude  qu'il  projetait 
d'écrire.  Mais  voyez  l'embarras  de  tant  d'opulence  !  Votre  collè;jue 
savait  que  le  temps  lui  serait  compté  et  l'espace  ménagé  ;  aussi 
n'a-t-il  pas  échappé  à  une  gêne  visible.  C'est  en  homme  hàtif  qu'il 
énumère  les  belles  œuvres,  les  pièces  rares.  Son  cadre  était  trop 
vaste.  M.  Biais  ne  nous  a  donné  qu'un  "  coup  d'œil  w  sur  des 
richesses  dont  il  sait  la  valeur,  et  il  voudra  s'y  reprendre  en  faisant 
halte  devant  un  seul  de  ces  amateurs  dont  il  a  souhaité  d'être  l'his- 
torien et  le  juge  autorisé. 

tt  Gabriel-François  Moreau,  évêque  de  Mâcon  en  1763,  nous  est 
présenté  par  M.  Lex,  correspondant  du  Comité  dans  cette  ville, 
sous  le  patronage  de  Prud'hon.  C'est,  en  effet,  ce  prélat  qui  recom- 
manda Prud'hon,  adolescent,  aux  Etats  du  Maçonnais,  le  17  mai 
1774,  et  obtint  qu'on  l'envoyât  étudier  à  l'Ecole  de  dessin  de 
Dijon.  Une  aussi  heureuse  initiative  méritait  d'être  connue.  Mais 
M.  l'évèque  de  Mâcon  eut  encore  l'honneur  de  fonder  dans  sa  ville 
épiscopala  une  École  d'art  qu'il  inaugura  en  personne.  Greuze  fut 
chargé  de  peindre  son  portrait  que  désiraient  lui  offrir  les  Etats. 
Il  commanda  lui-même  à  Greuze  le  portrait  de  M.  de  Valras,  son 
prédécesseur.  Et  par  surcroît,  son  palais  était  un  Musée.  Plus  de 
cinquante  tableaux,  des  sculptures,  des  tapisseries,  des  gemmes 
remplissaient  les  salles  de  cette  demeure  d'artiste.  M.  Lex  a  été  bien 
inspiré  en  replaçant  dans  son  jour  cette  figure  effacée  d'un  évêque 
amateur,  au  sens  le  plus  élevé  de  l'expression.  Il  a  aimé  l'art  en 
homme  de  goût,  en  homme  de  cœur,  en  citoyen  d'une  intelligence 
supérieure.  Ce  fut  quelqu'un. 

«  L'Hôtel  de  ville  d'Arles  et  ses  huit  architectes ,  tel  est  le  titre 
du  curieux  mémoire  que  M.  Charvet,  membre  non  résidant  du 
Comité  à  Lyon,  a  lu  à  celte  session.  Nous  sommes  en  1665,  Louis- 
François  de  Royers  de  la  Valfenière  est  choisi  pour  construire 
l'édifice.  iMais  il  n'est  souveraineté  qui  soit  à  l'abri  d'une  usurpa- 
tion.  Puget  faisait  grand  bruit  dans  la  région.  Les  consuls  ont 


RAPPORT    GEXERAL.  63 

l'idée  de  l'appeler  à  Arles.  Il  s'y  rend  par  deux  fois  en  1672  et 
soumet  ses  plans.  On  les  discute.  Pendant  ce  temps,  un  certain 
frère  Clément,  religieux  aujjustin,  entre  en  lice.  Il  est  assisté  d'un 
architecte  de  Tarascon,  Nicolas  Lieutaud.  Puis  vient  le  tour  d'un 
peintre  arlésien,  Jacques  Peitret.  Et  les  plans  de  pleuvoir!  Mais 
Dominique  Pilleporte  se  présente,  et  Jean  Kocliair  le  suit  de  près. 
Les  consuls  délibèrent  et  ne  s'entendent  pas.  C'était  à  prévoir. 
Pour  achever  de  les  rendre  perplexes,  Jules  Hardouin-Mansart, 
âgé  de  vingt-sept  ans,  vient  augmenter  le  nombre  des  concurrents. 
M.  Charvet  vous  a  dit  les  réclamations  de  La  \  alfenière.  Ses  con- 
frères firent  évidemment  comme  lui.  Peine  perdue!  Le  vestibule 
voûté  en  pierre  est  l'œuvre  de  Mansart,  et  c'est  à  lui,  le  huitième 
larron,  que  revient  l'honneur  de  la  construction  dans  ce  qu'elle  a 
de  remarquable.  Incidemment,  M.  Charvet  fait  passer  sous  la  voûte 
hardie,  œuvre  du  jeune  iVIansart,  la  belle  Mme  de  Grignan.  Celte 
apparition  toute  gracieuse  ajoute  à  l'intérêt  de  son  étude. 

K  Est-ce  une  page  d'histoire  que  vous  a  lue  M.  Léon  Giron, 
membre  non  résidant  du  Comité  au  Puy,  à  propos  de  V Assonqjtion 
de  François  Le  Moyne,  conservée  dans  l'église  de  Saint-Julien- 
Chapteuil?  Oui,  certes;  mais  l'histoire,  dans  la  circonstance,  ne 
laisse  pas  d'être  romanesque.  La  mère  de  Le  Moyne,  veuve  en 
1693,  alors  que  son  fils  était  âgé  de  cinq  ans,  avait  épousé,  cette 
même  année,  le  peintre  Vrac  de  Tournière.  Union  de  courte  durée. 
En  1702,  Tournière  et  sa  femme  se  séparaient.  Quelque  dix 
ans  plus  tard,  Le  Moyne  avait  grandi.  L'Académie  royale  le  comp- 
tait parmi  ses  membres.  L'honnête  peintre  recueillit  sa  mère  à 
son  foyer.  X'en  soyons  pas  surpris  :  il  habitait  rue  des  Bons-Enfants. 
L'évêquedu  Puy,  M.  de  La  Roche-Aymon,  ayant  souhaité,  en  1718, 
de  pouvoir  offrir  une  peinture  aux  moines  de  Saint-Julien,  s'ou- 
vrit de  son  désir  au  duc  d'Antin,  qui  chargea  Le  Moyne  de  satisfaire 
le  prélat.  Le  Moyne  avait  deux  palettes  :  c'est  un  détail  que  relève 
M.  Giron.  La  première  comportait  comme  couleurs  fondamentales 
le  jaune  et  le  rouge,  dont  le  mélange  permettait  au  peintre  d'obte- 
nir des  tons  roux.  Il  en  usait  pour  ses  scènes  mythologiques.  Le 
rouge  et  le  blanc  dominaient  sur  la  seconde  palette.  Celle-ci  servait 
à  peindre  les  sujets  religieux.  Le  Moyne,  on  le  voit,  était  un  homme 
méthodique.  Il  fut  aussi,  pour  son  époque,  un  consciencieux.  Il 


64  RAPPORT- GÉNÉRAL. 

avait  le  respect  de  la  nature.  Se  voyant  chargé  de  peindre  une 
Assomption  pour  M.  de  La  Roche-Aymon,  il  s'avisa  de  nous  laisser 
le  portrait  de  sa  mère  dans  la  figure  de  la  Vierge  qui,  les  mains 
jointes,  assise  sur  des  nuages,  s'élève  dans  les  airs  escortée  par  des 
groupes  d'anges  dont  François  Boucher,  disciple  de  Le  Moyne, 
se  souviendra  plus   tard  et,  sans  grand  effort,  fera  des  Amours 
potelés  et  souriants.  Je  m'attarde.  Mais  cette  histoire  a  son  épi- 
logue. Le  Moyne  perdit  sa  mère,  puis  sa  femme,  puis  son  protec- 
teur le  duc  d'Antin,  et  enfin...  la  raison.  La  main  tremblante  du 
peintre  devint  inhabile  à  tenir  le  pinceau.  La  plume  n'aurait  pu 
traduire  ses  pensées  confuses.  C^est  alors  qu'un  de  ses  élèves, 
Nonotte,  le  suppléait  comme  secrétaire,  et  M.  Giron  a  retrouvé 
dans   les   papiers  respectés   par  l'incendie  de  l'abbaye  de  Saint- 
Julien  cette  curieuse   mention  :  «  M.  Nonotte  nous  mande  de  la 
«  part  de  M.  Le  Moyne  pour  que  soit  lacérée  ou  brûlée  la  Vierge 
(i  Marie  dont  M.  l'évèque  de  La  Roche-Aymon  a  fait  don  au  prieuré 
«  en  1718.  AL  Le  Moyne,  en  démence,  prétend  qu'il  fut  sacrilège 
Il  de  pourtraire  sa  mère,  et  que  pour  ce,  sa  mère  souffre  dans  les 
«  flammes  du  Purgatoire.  Nous  prions  pour  lui.  "   Ces  lignes  ne 
rendent-elles    pas   deux  fois    précieuse  V Assomption  de    Saint- 
Julien-Chapteuil? 

«  Pendant  que  je  suis  dans  l'Auvergne,  tout  occupé  de  Le  Moyne, 
les  provinces  frontières  se  sont  levées.  On  accourt  vers  Paris  de 
toutes  parts.  J'entends  des  voix  connues  :  MM.  Bouillet,  Benêt,  de 
Longuemare,  Denais,  de  Granges  de  Surgères  réclament  leur  tour 
de  parole. 

«  L'étude  de  M.  l'abbé  Bouillet,  correspondant  du  Comité  à 
Caen,  sur  les  Boiseries  de  la  Val-Dieu^  renferme  un  enseignement. 
Ces  boiseries  sont  l'œuvre  d' un  huchier  dont  le  nom  ne  nous  est  pas 
connu.  Leur  importance  n'a  rien  de  considérable.  Elles  datent  de 
la  fin  du  dix-septième  siècle.  Des  guirlandes,  des  pilastres,  quelques 
cariatides  s'échappant  d'une  gaine  ornée  constituent  le  décor  de- 
vant lequel  s'est  arrêté  M.  Bouillet  dans  l'église  de  la  Val-Dieu. 
Mais  votre  confrère  vous  l'a  dit  :  «  Cette  œuvre  est  belle  autant  par 
«  la  perfection  du  travail  que  par  l'heureux  agencement  des  parties 
«  qui  la  composent.  Les  sculptures,  ornements,  draperies,  chapi- 


RAPPORT    GENERAL.  65 

«teaux,  figiiros,  feuilla*jps  et  fleurs  ont  été  fouillés  en  plein  bois 
u  par  un  cisoau  d'une  énergie  sans  préciosité,  avec  une  vigueur 
u  sûre  d'elle-même  et  maîtresse  de  ses  effets.  C'est  de  l'art,  mais 
«  de  l'art  puissant  et  robuste.  »  M.  Bouillet  tiendrait-il  un  autre 
langage  s'il  avait  à  jnger  des  pages  décoratives  d'un  Coyzevox  ou 
d'un  Buyster?  Conclusion,  Messieurs  :  l'École  française  au  dix- 
septième  siècle  a  sa  doctrine  et  son  style  perceptibles  sous  le 
ciseau  de  l'artisan  tout  aussi  bien  que  dans  le  travail  des  maîtres 
en  renom.  Cette  unité,  cette  foi  est  à  son  honneur,  et  j'ignore  si 
les  ouvrages  que  l'on  exécute  aujourd'hui  présentent  un  caractère 
analogue  ;  j'ignore  si  la  discipline  de  nos  décorateurs  permettra 
dans  deux  cents  ans  de  préciser  l'époque  à  laquelle  ils  auront 
tenu  l'outil.  L'art  sous  Louis  XIV  porte  une  date  qui  n'est  pas  sans 
gloire. 

«  m.  Armand  Benêt,  membre  non  résidant  du  Comité  à  Caen, 
est  l'auteur  de  deux  mémoires  puisés  à  des  sources  dififérentes, 
mais  présentant  certaines  analogies.  Ils  ont  pour  titre,  le  premier  : 
Peintres  des  seizième  au  dix-huitième  siècles,  notes  et  documents 
extraits  des  fonds  paroissiaux  des  archives  du  Calvados;  le 
second  :  Artistes  d'Avranches,  Bayeux,  Cherbourg,  Coutances, 
Saint-LOj  Valognes  et  Vire  au  dix-huitième  siècle^  d'après  les 
rôles  de  la  capitation.  Ce  sont  deux  répertoires  inédits  que  vous 
ofifre  M.  Benêt.  J'entends  l'observation  des  metteurs  en  œuvre.  Hé  ! 
Messieurs,  soyons  de  bonne  foi!  Les  ouvrages  les  plus  consultés, 
les  guides  les  plus  sûrs,  les  plus  familiers  de  quiconque  touche 
aux  études  historiques,  ce  sont  précisément  les  dictionnaires,  les 
nomenclatures  bien  établies,  les  tables  méthodiques,  les  réper- 
toires faits  de  clarté  et  de  précision.  En  ce  temps  de  vie  fiévreuse, 
qui  donc  a  le  loisir  de  tout  lire  et  de  compulser  les  chartes  origi- 
nales? Sachons  gré,  croyez-moi,  au  lecteur  préalable,  au  chercheur 
modeste,  patient,  obstiné,  qui  consent  à  disposer  pour  nous  «  à  pied 
d'œuvre  n  les  éléments  de  nos  livres  de  demain.  Ne  faisons  pas  fi 
des  répertoires.  Saint-Simon  nous  révèle  qu'à  son  époque  les  gens 
de  goût  disaient  volontiers  d'une  personne  qui  se  souvenait  de 
beaucoup  de  choses  et  se  montrait  toujours  prête  à  instruire  les 
autres  :  «  C'est  un  répertoire!  >'  Conservons  à  ce  mot  le  sens  élo- 
gieux  que  lui  donnait  Saint-Simon. 

5 


66  RAPPORT    GÉNÉRAL, 

«  Les  Sphinx  de  Pavilly  dont  s'est  occupé  M.  P.  de  Longuemare, 
membre  de  la  Société  des  antiquaires  de  Normandie,  sont  deux 
sculptures  énergiques,  de  grand  aspect,  datant,  selon  toute  vraisem- 
blance, du  dix-septième  siècle.  Elles  décorent  le  parc  de  M.  le 
comte  d'Auray.  Les  têtes  ont  un  peu  souffert,  mais  la  poitrine  se 
dessine  bien,  et  les  corps  de  lion  sont  presque  intacts.  Un  écusson 
sculpté  sur  la  housse  qui  recouvre  le  corps  des  sphinx  paraît  ren- 
fermer les  armoiries  des  Le  Marchand  de  Bardouville  ou  des  Cara- 
das.  Est-ce  dans  les  archives  de  ces  maisons  qu'il  conviendrait  de 
chercher  le  prix  fait  des  sculptures  de  Pavilly?  On  serait  tenté  d'y 
voir  des  œuvres  de  Puget.  Le  maître  a  travaillé  au  Vaudreuil  en 
Normandie.  Mais  nulle  preuve  de  cette  attribution  trop  flatteuse, 
pour  qu'on  l'accueille  sur  le  simple  examen  des  sphinx  en  question. 
Ce  sont  de  belles  œuvres.  Sachons  gré  à  M.  de  Longuemare  de  nous 
en  avoir  révélé  le  mérite,  mais  tenons  réservée  la  question  d'attri- 
bution. 

«  Ce  n'est  pas  une  plume,  c'est  un  crayon  très  fin  qu'il  faudrait 
tenir  à  la  main  pour  reproduire  dans  ses  détails  le  maître-autel  de 
la  cathédrale  d'Angers  dont  vous  a  parlé  M.  Joseph  Denais,  corres- 
pondant du  Comité.  L'auteur  de  ce  décor  fastueux  s'est  appelé 
Denis  Gervais.  11  s'est  qualifié  lui-même  sculpteur  et  pensionnaire 
du  roi.  La  justification  de  ce  double  titre  nous  échappe,  mais  assu- 
rément l'Académie  royale  dut  compter  dans  ses  rangs  au  dernier 
siècle  des  hommes  moins  habiles  que  ce  Denis  Gervais.  Il  excellait 
à  façonner  le  marbre  ou  l'albâtre,  à  disposer  des  colonnes,  à  simu- 
ler les  nuages,  à  cadencer  les  figures  d'anges,  les  cassolettes,  les 
diadèmes.  Bref,  ce  fut  un  homme  expert  en  l'an  de  grâce  1755. 
M.  Denais  vous  a  communiqué  le  contrat  passé  entre  Gervais  et  le 
Chapitre  de  la  cathédrale.  Tout  le  monde  fut  d'accord.  On  était  en 
veine  de  conspiration  contre  les  lignes  sévères,  le  style  simple  et 
grand.  On  aimait  le  bruit,  la  recherche,  la  pompe  et  l'or  prodigué. 
Gervais  tenait  réserve  de  ces  articles  en  abondance.  Il  servit  les 
chanoines  à  souhait.  Son  œuvre  n'est  pas  sans  aspect.  Elle  porte 
une  date,  qui  le  conteste?  Mais  si  notre  sens  critique  trouve  à  re- 
prendre dans  le  baldaquin  surchargé  de  l'autel  de  Denis  Gervais, 
par  contre,  cette  œuvre  reste  un  spécimen  très  complet  du  style 
retentissant  en  honneur  sous  Louis  XV. 


RAPPORT    Gi:\ERAL.  6T 

"  AI.  de  Granges  de  Surgôres,  correspondant  de  la  Société  des 
antiquaires  de  Krance  à  Nantes,  un  érudit,  un  chercheur  que  rien 
ne  lasse,  se  mêle  à  votre  groupe  pour  la  première  fois.  Prêtons 
l'oreille.  Votre  nouveau  confrère  a  frappé  au  bon  endroit.  Il  a  dé- 
pouillé les  minutiers  de  sa  ville.  Et  grâce  à  ces  découvertes,  nous 
savons  maintenant  que  les  grandes  voûtes  de  la  cathédrale  de  Nantes, 
commencées  en  1626,  furent  achevées  en  1630.  Nous  savons  (|ue  le 
transept  méridional  fut  adjugé,  le  27  mars  1631,  pour  32,000  livres 
à  René  Lemeunier,  Michel  Poirier,  Jacques  Corbineau,  Marin 
Gadenier  et  Guillaume  Belliard,  tous  maîtres  architectes  de  la 
ville  de  Nantes.  Cette  révélation  nous  satisfait,  car  il  est  bien  peu 
d'artistes  ou  d'historiens  de  l'art  qui  ne  se  soient  rendus  au  moins 
une  fois  dans  ce  transept  où  rayonne  le  superbe  tombeau  du  der- 
nier duc  de  Bretagne  par  Michel  Colomb.  Les  perles  fines  sont 
hors  de  prix,  mais  il  n'est  pas  indifférent  que  l'écrin  qui  leur  sert 
de  cadre  et  les  protège  soit  de  bonne  fabrique.  M.  de  Granges  de 
Surgères  vous  a  fait  l'histoire  de  l'écrin. 

«  Je  suis  trop  long.  Vos  confrères  de  la  région  de  l'Est  s'impa- 
tientent. Faisons  silence.  MM.  Gauthier,  Brune,  Maxe-Werly, 
Jacquot  ont  la  parole. 

u  Conrad  Meyt  et  les  sculpteurs  de  Brou  en  Franche- Comté, 
>  tel  est  le  sujet  traité  par  M.  Jules  Gauthier,  membre  non  résidant 
du  Comité  à  Besançon.  Conrad  iMeyt  vous  est  connu.  M.  Finot, 
M.  Charvet  ont  parlé  de  lui.  M.  Gauthier  s'attache  à  ses  pas,  je 
veux  dire  à  ses  œuvres  maîtresses.  C'est  un  sculpteur  allemand  que 
son  rare  mérite  désigna  comme  directeur  des  chantiers  de  Brou, 
avec  la  haute  mission  de  sculpter  les  têtes  et  les  mains  des  gisants 
princiers  de  ce  Saint-Denis  de  la  Bresse.  Un  Florentin,  Mariolto,  est 
son  lieutenant.  Van  Boghem,  esprit  ombrageux,  lasse  la  patience 
de  Conrad.  Celui-ci  émigré  à  Lons-le-Saunier.  Mariotto  l'accom- 
pagne. Philiberte  de  Luxembourg  leur  confie  l'exécution  de 
superbes  tombeaux.  Ils  se  mettent  à  l'œuvre.  Mais  Henri  de  Nassau 
vient  à  la  traverse.  Philiberte  dépossédée  de  ses  biens  ne  peut 
achever  sa  noble  entreprise.  Conrad  et  .Mariotto  se  trouvent  sans 
appuis,  sans  salaire  sur  terre  franc-comtoise.  C'est  alors  que 
M.  Gauthier,  tant  avec  le  secours  des  sculptures  de  l'époque  encore 


68  RAPPORT    GÉNÉRAL. 

visibles  qu'à  l'aide  de  j)ii'ces  d'archives,  ressaisit  les  deux  maîtres 
ainsi  que  leur  imitateur  Claude  Lulier  et  reconstitue  leur  œuvre 
dans  ses  pages  essentielles.  Quelques  affirmations  de  M.  Gauthier 
inquiètent  l'historien  que  la  méthode  rigoureuse  en  honneur 
aujounl'hui  rend  circonspect,  mais  les  rapprochements,  les  aperçus 
dont  le  travail  de  votre  confrère  est  tissé,  à  l'exemple  d'une  trame 
solide  et  serrée,  ne  permettent  pas  de  le  contredire.  Des  statues  de 
haut  style,  anonymes  jusqu'à  ce  jour,  sont  restituées  par  M.  Gau- 
thier aux  hommes  dont  il  s'occupe.  Si  quelque  hésitation  subsiste 
dans  l'esprit  de  son  lecteur,  M.  Gauthier  ne  sera  pas  combattu.  Il  a 
pour  lui  beaucoup  de  preuves  irréfutables  et  des  vraisemblances 
évidemment  très  proches  de  la  vérité.  Les  Bisontins  voudront  tenir 
compte  de  la  réclamation  formulée  par  leur  compatriote  au  sujet 
de  la  Pieta  de  la  cathédrale  de  Besançon. 

«Une  porte  s'entre-bàille,  et  M.  Gauthier,  qui  tout  à  l'heure  a  fait 
œuvre  de  critique  et  d'historien,  nous  apprend  en  quelques  mots 
rapides  ce  que  renferme  la  salle  voisine.  Elle  contient  le  Musée 
Gigoux,  c'est-à-dire  4^50  toiles  et  3,000  dessins  légués  par  le 
peintre  à  sa  ville  natale.  L'exemple  est  salutaire.  Il  a  été  donné  par 
Ingres  à  Montauban,  par  le  statuaire  David  à  Angers,  par  Wicar  à 
Lille.  Le  Musée  Gigoux  aura  son  intérêt,  car  le  vieil  artiste  que 
nous  avons  personnellement  connu  était  un  délicat  et  un  collec- 
tionneur. Nous  nous  souvenons  d'une  vente  de  dessins  à  l'hôtel 
Drouot,  en  mars  1882,  qui  rapporta,  dit-on,  100,000  francs.  Ces 
dessins  provenaient  de  chez  Gigoux.  M.  Thiers,  amateur  à  ses 
heures,  ne  voulait  rien  conclure  avec  les  marchands  d'œuvres  d'art 
sans  avoir  pris  conseil  de  Gigoux.  Mous  avons  raconté  dans  des 
pages  dictées  en  partie  par  le  peintre  ses  relations  sans  nombre 
avec  ses  contemporains;  aussi  sommes-nous  assurés  que  les  histo- 
riens futurs  de  l'Ecole  française  au  dix-neuvième  siècle  seront 
tenus  de  visiter  le  Musée  Gigoux  sous  peine  d'être  incomplète- 
ment pénétrés  du  mérite  des  peintres  ou  des  dessinateurs  dont  ils 
voudront  parler.  Les  Johannot,  Delacroix,  Cabat,  Couder,  Fran- 
çais, Laviron,  Marquiset  et  cent  autres  ont  été  les  amis  de  Gigoux 
et  lui  ont  offert  quelque  ouvrage.  M.  Gauthier  rappelle  également 
certaines  peintures  anciennes  de  la  collection,  mais  il  n'a  pas  le 
loisir  d'en  retracer  la  genèse,  d'en  établir  l'authenticité.  Ce  sera 


RAPPORT    GÉNÉRAL. 


69 


sa  tâche  prochaine.  Votre  confrère  semble  désirer  qu'un  buste  eu 
marbre  du  donateur  soil  un  jour  placé  au  milieu  de  sa  collection. 
Rien  de  plus  louable,  et  le  buste  superbe,  modelé  ad  vivum  par 
m.  Loiiis-Xoël  à  la  veille  du  Salon  de  1882,  sera  l'effigie  sculptée 
la  plus  vraie,  la  plus  vivante  qu'il  conviendra  de  placer  en  pendant 
du  portrait  du  maître,  par  M.  Bonnat,  au  Alusée  Gigoux. 

«  Vous  avez  présente  à  la  mémoire  la  communication  de  .\I.  l'abbé 
Brune,  correspondant  du  ministère,  à  Baume-Ies-Messieurs.  Il  vous 
a  parlé  de  sculptures  et  de  peintures  conservées  depuis  plusieurs 
siècles  dans  l'église  de  Saint-Antoine  en  Viennois.  En  l'écoutant, 
je  me  rappelais  cette  boutade  d'un  pamphlétaire  :  «  Rien  n'est  plus 
Cl  difficile  à  retenir  que  de  la  gloire  volée  :  elle  revient  tôt  ou  tard  à 
u  son  premier  maître.  »  Antoine  Le  Moiturier  a  été  longtemps 
dépouillé,  mais  ici  même  M.  l'abbé  Requin  a  plaidé  en  faveur  de 
ce  grand  artiste  que  .Michel  Colomb  proclamait  «  souverain  tailleur 
d'images»  !  Et  spontanément,  Messieurs,  vousavez  ordonné  la  resti- 
tution loyale  à  Le  Moiturier  de  ses  belles  œuvres  sculptées  à  Dijon 
et  à  Avignon.  M.  Brune  poursuit  le  procès.  La  façade  de  l'église  de 
Saint-Antoine  comprend  une  centaine  de  statues.  Celles  qui  déco- 
rent Tarchivolte,  dans  sa  partie  la  plus  voisine  de  la  porte,  sont  au 
nombre  de  douze.  Elles  représentent  des  prophètes.  Leurs  propor- 
tions sont  plus  grandes  que  celles  des  groupes  disposés  dans  la 
seconde  et  la  troisième  zone  de  l'ensemble  décoratif.  Le  caractère 
de  ces  prophètes  est  donc  nettement  écrit.  Or,  M.  Brune  n'hésite 
pas  à  réclamer,  au  nom  de  Le  .Moiturier,  toute  la  sculpture  de  la 
façade.  Le  sens  critique  approuve  cette  réclamation.  Ce  que  l'on 
sait  de  la  vie  du  maître  autorise  à  penser  qu'il  vécut  de  longues 
années  à  Saint-Antoine.  Mais  ce  n'est  pas  seulement  Le  Moiturier, 
c'est  le  peintre  Robin  Favier  que  M.  Brilne  a  le  noble  désir  de 
remettre  en  possession  de  son  patrimoine,  et  je  ne  serais  pas  sur- 
pris que  des  pièces  écrites  vinssent  Justifier  un  jour  ses  conclu- 
sions plausibles. 

--  Très  faciunt  capitulum.  Le  chapitre  sera  complet  avec  ce 
troisième  mémoire  de  .M.  Maxe-Uerly,  membre  non  résidant  du 
Comité  à  Bar-le-Duc,  sur  l'Art  et  les  artistes  dans  le  Barrois. 
Cette    fois,    l'auteur   a  voulu   traiter   des    imagiers,    des    maîtres 


70  RAPPORT    GÉNÉRAL. 

d'œuvres,  des  verrriers  et  des  hommes  de  théâtre.  Le  cadre  est 
vaste.  M.  Maxe-Uerly  ne  l'a  pas  restreint  par  lassitude  ou  par 
oubli.  Statues,  retables,  objets  mobiliers,  effigies  gravées  ou 
peintes,  tout  l'intéresse  et  l'attire.  Sépultures,  mausolées  de 
princes,  de  donateurs  éminents,  de  personnages  illustres,  sont 
poursuivis  dans  les  caves,  les  greniers,  les  pièces  de  débarras  où 
personne  ne  songe  à  s'aventurer.  Quel  patient  chercheur  M.  Maxe- 
Werly!  Est-il  moins  heureux  dans  le  domaine  de  l'art  dramatique 
ou  lorsqu'il  s'occupe  de  verrières?  ÎVe  le  craignez  pas.  Sa  moisson 
est  de  toute  richesse,  de  toute  variété.  Les  glaneurs  perdront  leur 
temps  après  lui.  Et  à  l'appui  de  son  texte,  M.  Maxe-lVerly  a  mul- 
tiplié l'image,  si  bien  que  son  mémoire  a  l'attrait  d'un  Musée. 
Suivez,  Messieurs,  suivez  l'exemple  de  votre  confrère  du  Barrois, 
et  que  toutes  nos  provinces  donnent  lieu  à  des  répertoires  concis, 
lumineux,  dans  le  caractère  de  celui  que  M.  Maxe-Werly  a  con- 
sacré à  sa  première  patrie. 

u  Certaines  époques  se  révèlent  à  nous  sous  un  aspect  aimable. 
Les  maîtres  de  ces  temps  faciles  sont  de  taille  moyenne,  mais  ils 
nous  apparaissent  avec  un  sourire  éternel.  Tel  est  le  dix-huitième 
siècle  avant  le  coup  de  tonnerre  de  1789;  tel  est  Charles  Eisen,  le 
graveur  valenciennois,  dont  M.  Albert  Jacquot,  correspondant  du 
Comité  à  Nancy,  vous  a  dit  la  mort  humiliée.  Il  en  faut  rabattre 
de  l'aisance  dorée  que  laissent  supposer  les  estampes  d'Eisen  dans 
les  Contes  de  la  Fontaine,  édités  en  1762  pour  les  Fermiers  géné- 
raux. Eisen  a  connu  le  res  angusta  domi.  C'est  hors  de  France 
qu'il  succombe,  le  -4  janvier  1778.  Il  s'éteint  à  Bruxelles,  soli- 
taire, insolvable,  chez  un  logeur  nommé  Clause  ,  qui  n'est  rien 
moins  qu'un  fripon.  Ledit  Clause  s'approprie  clandestinement 
nombre  de  dessins  laissés  par  son  locataire,  entre  autres  une  com- 
position qui  paraît  être  importante  et  que  l'accusateur  de  Clause 
intitule  :  la  Séduction.  Qu'est  devenue  cette  page?  Quel  châti- 
ment fut  infligé  au  voleur?  La  pièce  apportée  ici  par  M.  Jacquot 
est  muette  sur  ces  deux  points.  Qu'importe?  Nous  faisons  un  pas 
de  plus  vers  la  lumière  au  sujet  d'un  petit  maître  du  dernier 
siècle. 

a  De  l'Est  au  Nord,  il  n'y  a  qu'un  pas.  Ne  faisons  pas  attendre 


RAPPORT    GEXERAL.  m 

MM.   Quarré-Reybourbon ,    Cavrois,    HénauU,   vos  confrères   du 
Nord. 


tt  Je  soupçonne  M.  Quarré-Reybourbon,  correspondant  du  Comité 
à  Lille,  d'avoir  éprouvé  un  malin  plaisir  à  retracer  ici  la  vie  de 
Jacques  \an  Oost.  Songez  donc!  \ous  sommes  à  Paris,  et  Van  Oost, 
né  à  Bruges,  vers  1640,  prit  un  jour  la  résolution  de  venir  se 
perfectionner  dans  l'art  de  peindre  auprès  des  maîtres  de  l'Académie 
royale.  Quel  projet  plus  louable  que  celui-là!  Mais  l'artiste  fit  une 
halte  à  Lille,  et  Lille  le  retint  pendant  quaranteannées.  C'est  à  Lille 
qu'il  prit  femme,  eut  des  enfants  et  multiplia  ses  tableaux.  Capoue 
avait  eu  raison  de  l'énergie  d'Annibal.  Lille  centupla  les  forces  de 
Van  Oost.  Et  c'est  à  cette  tribune,  en  plein  Paris,  qu'un  écrivain 
lillois  raconte  ces  événements,  Paris  en  est  presque  confus,  à 
moins  que  Paris  n'en  soit  heureux.  Somme  toute,  personne  n'a 
perdu  à  ce  stage  des  Van  Oost,  le  père  et  le  fils,  dans  les  Flandres 
françaises.  Leurs  œuvres  y  ont  été  en  honneur.  Ces  deux  peintres, 
descendants  assagis  de  Rubens,  habiles  imitateurs  de  Van  Dyck, 
ont  bien  fait  de  vivre  dans  un  cadre  à  leur  taille.  Ils  y  ont  gagné  de 
la  renommée,  de  la  fortune  et,  ce  qui  est  plus  rare,  un  biographe 
attentif. 

«  Les  voyages  sont  instructifs,  mais  parfois  ils  peuvent  être  mor- 
tels. Que  vous  a  raconté  M.  le  baron  Cavrois,  secrétaire  général  de 
l'académie  d'Arras?  Ne  vous  a-t-il  pas  dit  le  péril  de  mort  que 
courut  l'émail  de  Vaulx-Vraucourt  à  la  suite  d'un  voyage  qui 
semblait  devoir  être  inoffensil!  Cet  émail  est  vénérable.  Il  date  de 
1581,  et,  depuis  sa  naissance,  cette  pièce  de  choix  était  l'ornement 
du  trésor  de  Vaulx.  Voilà  qu'en  1896  la  ville  d'Arras  ouvre  une 
exposition  rétrospective.  On  porte  l'émail  de  Vaulx  à  Arras,  Là, 
on  l'admire,  on  l'étudié,  on  le  flatte.  L'exposition  prend  fin.  Notre 
émail  est  transporté  chez  un  amateur.  Dans  quel  but?  Dans  la 
pensée  de  le  rapprocher  momentanément  d'un  certain  nombre  de 
pièces  datant  également  du  seizième  siècle  et  provenant  de  Limoges 
comme  l'émail  de  Vaulx.  Aventure  toute  simple.  Mais  l'amateur 
décède  subitement.  On  pose  les  scellés  sur  sa  porte.  On  met  aux 
enchères  sa  collection!  0  terreur!  Ce  passant,  ce  visiteur  d'uu 
jour,  ce  commensal  accidentel  est  compris  dans  les  biens  de  l'ama- 


72  RAPPORT    GENERAL. 

leur,  et  c'en  est  fait  de  sa  liberté!  Mais  le  Pas-de-Calais  possède 
une  commission  des  monuments  historiques  à  l'œil  vifjilant.  Elle 
eut  recours  au  préfet,  qui  ne  permit  pas  qu'un  jour  d'école  buis- 
sonnière  entraînât  la  mort  du  llàneur.  L'émail  de  Vaulx  est  de 
retour  au  village.  Félicitons  M.  Cavrois  de  nous  avoir  conté  cette 
odyssée.  L'émail  de  1581  renferme  de  si  charmants  portraits  de 
donateurs  que  sa  disparition  serait  une  perte  regrettable.  Il  a,  paraît- 
il,  ses  semblables  au  Musée  de  Cluny.  Tous  nos  compliments  à  ce 
Musée. 

«Antoine  Gilis,  sculpteur  et  peintre,  est  un  heureux.  M.  Hénault, 
correspondant  du  Comité  à  Valenciennes,  vient  de  lui  consacrer 
une  élude  approfondie.  M.  Eugène  Soil  avait  eu  le  même  souci  à 
l'endroit  de  Gilis.  Il  est  vrai  que  ce  sculpteur  a  eu  deux  patries  : 
Tournai  et  \  alenciennes.  Il  est  juste  qu'il  ait  rencontré  deux 
biographes.  Gilis,  à  Valenciennes,  fut  le  maître  de  Jacques  Saly,  et 
il  ne  quitta  cette  ville  qu'à  l'âge  de  cinquante-cinq  ans.  M.  Hénault 
avait  donc  la  pins  belle  période  de  la  vie  de  son  modèle  à  raconter 
à  l'aide  de  pièces  inédites.  Il  en  a  fait  ample  moisson,  et  l'honnête 
sculpteur  valenciennois  ,  quelque  peu  redondant  et  tourmenté  à  en 
juger  par  un  Hercule  terrassant  l'hydre,  personnage  trapu  dont 
nous  avons  vu  une  reproduction  entre  les  mains  de  M.  Hénault,  est 
désormais  ressaisi  dans  les  événements  les  plus  circonstanciés  de 
son  existence.  Xous  n'exigerons  pas  qu'on  lui  élève  un  bronze  dans 
la  galerie  des  maîtres  de  \  alenciennes,  mais  sa  médaille  y  est  à  sa 
place,  et  nous  l'estimons  bien  frappée. 

«  Le  Midi  réclame  !  Le  Midi  !  Locution  vague  dont  nous  avons  fait 
la  dénomination  d'un  groupe  de  provinces  riches,  studieuses, 
promptes  à  l'effort,  c'est-à-dire  le  Béarn,  le  Quercy,  le  Languedoc, 
la  Provence  et  le  Comtat.  Laissons  pénétrer  les  envoyés  de  ces 
belles  régions.  Un  délégué  de  l'Aquitaine  a  pressé  le  pas  et  les 
précède. 

«  Les  tilres  honorifiques  n'ont  qu'une  valeur  viagère.  Lorsque 
l'homme  qui  les  porte  vient  à  disparaître,  c'en  est  fait  de  l'éclat 
qu'ils  ajoutaient  au  nom.  Vous  avez  entendu  M.  Charles  Braque- 
haye,  membre  non  résidant  du  Comité  à  Bordeaux,  retracer  la  vie 


RAPPORT    GEMER AL.  .  73 

d'Antoine  Le  Blond  de  Lafour,  peintre  de  l'hôtel  de  ville  de  celte 
grande  cité.  Le  Blond  s'est  qualifié  académicien  et  peintre  du  roi. 
Or,  les  documents  que  nous  a  laissés  l'ancienne  Académie  de  pein- 
ture, s'ils  ont  été  bien  lus,  ne  permettent  pas  d'établir  l'authen- 
ticité de  ce  double  titre.  Mais  Le  Blond  est  mort  en  170G,  et  ses 
œuvres  nous  dispensent  de  nous  attarder  aux  qualificatifs  de  sa 
personne.  Les  quatre-vingt-seize  portraits  de  jurats  qu'il  peignit 
pour  le  compte  de  la  ville,  de  1668  à  1690,  justifient  le  projet 
caressé  par  M.  Marionneau  et  réalisé  par  M.  Braquehaye.  Le  Blond 
méritait  une  notice.  Elle  est  faite.  Votre  confrère  l'a  rédigée  à  l'aide 
de  pièces  d'archives  à  demi  consumées  par  la  flamme  des  incendies. 
Sachons-lui  gré  d'avoir  fait  parler  les  cendres.  Le  Blond  peignit 
aussi  des  portraits  de  princes  et  de  souverains.  Il  fut  l'artisan  des 
entrées  somptueuses  dans  sa  ville  d'adoption.  Il  ouvrit  école  et 
voulut  être  éducateur.  Son  crayon  ne  lui  suffit  point.  Il  prit  la 
plume.  J'avoue  que  sa  Lettre  sur  la  peinture  atteste  plus  de  bonne 
volonté  que  de  réel  talent.  Le  Blond  n'est  pas  écrivain.  Mais  s'il  fut 
bon  peintre,  il  a  droit  au  respect.  M.  Braquehaye  n'a  malheureu- 
sement retrouvé  que  les  portraits  d'un  «  clerc  de  ville  »  et  de  sa 
femme.  11  se  peut  que  des  descendants  des  jurats  ajoutent  tôt  ou 
tard  à  ces  deux  toiles  quelques  portraits  d'ancêtres  dont  ils  ne 
soupçonnent  pas  l'origine  et  qui  soient  l'œuvre  de  Le  Blond. 

«  Agrippa  d'Aubigné,  c'est  M.  Paul  Lafond,  correspondant  du 
Comité  à  Pau,  qui  nous  le  rappelle,  se  plaignit  un  jour  en  un 
quatrain  mordant  que  le  roi  de  Navarre  lui  eût  ofifert  son  portrait. 
Le  satirique  laisse  deviner  que  la  peinture  offerte  tenait  lieu  d'argent 
gagné.  Si  la  peinture  était  bonne,  d'Aubigné  pouvait-il  se  plaindre? 
M.  Lafond  a  voulu  savoir  quel  était  l'auleur  du  portrait.  Et  dès  la 
première  heure  de  son  enquête,  il  s'est  trouvé  en  face  des  Bunel. 
Ces  peintres  sont  au  nombre  de  trois  :  Jean,  François  et  Jacob.  Jean 
exerce  son  art  à  Blois  en  1518.  François,  son  fils,  doit  naître  entre 
1515  et  1530,  à  Blois,  sans  doute.  Jacob,  son  petit-fils,  verra  le 
jour  à  Blois  en  1558.  François  est  de  bonne  heure  valet  de  chambre 
et  peintre  du  roi  de  Xavarre  à  la  petite  cour  de  Pau.  Les  livres  de 
comptes  compulsés  par  M.  Lafond  nous  montrent  François  Bunel 
très  employé  et  peu  payé  !  L'or  était  rare.  Plus  rare  encore  aujour- 
d'hui est  une  peinture  authentique  de  François.  Toutes  ses  œuvres 


7*  RAPPORT    GENERAL. 

ont  disparu  ou  nous  échappent.  Jacob,  le  petit-fils,  est  plus  à  portée 
de  l'historien.  Il  a  voyagé  en  Espagne;  il  s'est  épris  de  Titien  et  a 
travaillé  pour  Philippe  II.  De  retour  en  France,  il  collabore  avec 
Dubreuil  à  la  décoration  de  Fontainebleau.  Il  peint  k  lui  seul  une 
galerie  de  portraits  que  le  feu  détruira.  Peintre  en  titre  de  Henri  IV, 
conservateur  du  cabinet  du  roi,  il  a  son  logement  au  Louvre,  et 
c'est  lui  qui  donnera  les  premières  leçons  de  dessin  à  Louis  XIII 
enfant.  Ses  peintures  ont  subi  le  sort  des  ouvrages  de  son  père,  mais 
Thomas  de  Leu  a  tout  au  moins  sauvé  par  son  burin  le  portrait 
de  Henri  IV.  Bunel  a  i)ien  vu.  Le  roi  de  France  sous  son  pinceau  a 
le  type  consacré  par  Pourbus  et  Dupré.  Remercions  M.  Lafond  de 
son  excellente  monographie  des  Bunel,  si  riche  en  révélations  de 
tout  ordre. 

«  On  reproche  souvent  aux  vieux  historiens  de  faire  graviter  les 
hommes  d'une  époque  dans  l'orbite  d'un  seul  personnage.  M.  Mom- 
méja,  membre  non  résidant  du  Comité  à  Montauban,  vous  a  prouvé 
que  le  reproche  s'appliquerait  encore  avec  raison  aux  historiens  de 
notre  époque.  Il  s'agit  de  la  décoration  de  la  salle  des  actes  de  la 
Faculté  de  théologie  protestante  à  Montauban.  Ce  travail,  commandé 
en  1685  par  les  Minorités  ou  religieuses  de  Sainte -Claire,  fut 
parachevé  en  1771.  Or,  la  tradition  orale  veut  que  cette  décoration 
soit  l'œuvre  d'Ingres  père.  Nous  savons  d'ailleurs  par  les  études  de 
M.  Edouard  Forestié  qu'aux  environs  de  1771,  Ingres  père  était 
non  pas  à  Montauban,  mais  à  Nice.  De  plus,  il  n'avait  alors  que 
dix-sept  ans.  Voilà  pour  l'achèvement  du  travail.  Quant  à  la  partie 
commandée  en  1685,  le  bon  sens  nous  dit  qu'elle  ne  peut  être 
attribuée  à  un  contemporain  de  Louis  XV.  Au  surplus,  M.  Mom- 
méja  nomme  les  décorateurs  de  1771.  Us  se  sont  appelés  Burcq  et 
Granjac.  D'autre  part,  un  écrivain  local  a  nommé  l'artiste  de  1685. 
Il  s'appela  Dussaut.  M.  Momméja  souhaiterait  de  l'identifier  avec 
un  Jacques  du  Soit  de  1652,  peintre  et  doreur;  mais  ce  du  Soit 
n'est  inscrit  nulle  part  dans  les  comptes  des  bâtiments  postérieurs 
à  1664.  L'artiste  se  dérobe.  En  revanche,  son  œuvre,  d'une  abon- 
dance robuste,  ses  panoplies,  ses  trophées,  ses  rubans,  ses  médaillons 
modelés  et  peints  indiquent  que  nous  sommes  en  présence  d'un 
suivant  de  Le  Brun,  qui  avait  emporté  dans  un  pli  de  sa  mémoire 
des  ressouvenirs  de  Versailles. 


RAPPORT    GEXERAL. 


«  Ici,  Messieurs,  je  me  récuse.  M.  Charles  Ponsonailhe,  corres- 
pondant du  Comité  à  Béziers,  vous  a  signalé  un  curieux  dessin 
d'Hubert  Robert,  sur  Thermidor.  Je  voudrais  rendre  justice  à  votre 
confrère,  mais  ma  plume  hésite.  Je  ne  puis  oublier  que  notre  pré- 
sident a  seul  autorité  pour  bien  parler  de  l'époque  dans  laquelle 
s'est  confiné  cette  fois  M.  Ponsonailhe.  Vous  connaissez  comme  moi 
la  Bibliographie  de  l'histoire  de  Paris  pendant  la  Révolution  fran- 
çaise, œuvre  monumentale  que  publie  en  ce  moment  M.  Maurice 
Tourneux.  Il  n'est  pas  un  sujet,  pas  un  trait  isolé,  se  rattachant  à 
la  période  révolutionnaire,  qui  ne  soit  en  puissance  dans  cette 
Somme  d'un  nouvel  ordre.  Je  n'ose  donc  franchir  le  guichet  de 
Saint-Lazare  avec  M.  Ponsonailhe,  tant  je  crains  de  trébucher  sous 
le  ferme  regard  de  l'historien  assis  à  ma  droite.  Terreur  inoppor- 
tune, sans  doute,  car  le  vrai  savoir  est  indulgent.  Admirons  donc 
ensemble  ce  singulier  dessin  la  Délivrance  des  prisonniers,  com- 
posé par  Hubert  Robert  entre  le  9  et  le  17  thermidor  an  II,  jour 
de  sa  mise  en  liberté.  C'est  une  allégorie.  J'aperçois  une  jeune 
femme  qui  tient  une  cage  ouverte  d'où  s'échappent  de  petits  oiseaux. 
La  Faculté  de  médecine  de  Montpellier  détient  ce  dessin.  Je  ne  sais 
où  Vigée  a  puisé  ses  renseignements.  Ne  parle-t-il  pas  d'innom- 
brables croquis  dessinés  par  Hubert  Robert  dans  sa  prison?  Vigée 
exagère,  ou  alors  un  destin  mauvais  s'est  acharné  sur  les  sanguines 
de  l'artiste,  car  M.  Ponsonailhe  n'en  a  pu  découvrir  que  quatre  ou 
peut-être  cinq.  Le  dessin  de  Montpellier  était  inédit,  oublié,  ignoré. 
Il  a  pour  nous  l'intérêt  d'un  document  psychologique.  Il  donne  la 
mesure  chez  son  auteur  d'une  possession  de  soi  toujours  rare  aux 
heures  de  crise.  Mais  les  prisons  de  la  Terreur  comptèrent  plus 
d'un  artiste  à  l'âme  assez  virile  pour  échapper  au  découragement. 
C'est  aux  Madelonnettes,  je  crois,  que  Quatremère  de  Quincy 
modelait  les  statues  de  la  Liberté  et  de  l'Egalité  à  l'aide  d'un  ébau- 
choir  taillé  dans  une  planche  du  cachot;  Loir  dessinait  le  piédestal, 
Rebourg  et  Guilbert  l'exécutaient  en  carton  avec  le  tranchet  d'un 
cordonnier,  et  LaChabeaussière,  pour  tracer  les  inscriptions  du  socle, 
usait  d'un  cure-dent.  Au  surplus,  M.  Tourneux  vous  eût  dit  cela 
mieux  que  moi,  car  c'est  à  lui  que  j'emprunte  l'anecdote. 

«  M.  Pierre  Parrocel,  correspondant  du  Comité  à  Marseille,  a 
eu  l'heureuse  pensée  de  retracer  ici  l'histoire  de  la  Porte  d'Aix. 


16  RAPPORT    GÉNÉRAL. 

C'est  le  nom  populaire  de  l'arc  de  triomphe  de  Marseille.  On  vous 
l'a  dit.  Ce  monument  (|ue  Puget  avait  rêvé  fut  décrété  en  1784,  et 
les  sculptures  qui  le  décorent  portent  la  date  de  1839.  En  écou- 
tant M,  Parrocel,  nous  ne  pouvions  nous  défendre  de  songer  aux 
vicissitudes  qui  ont  marqué  l'exécution  laborieuse,  sans  cesse  tra- 
versée, de  l'arc  de  l'Étoile  et  de  l'arc  du  Carrousel  à  Paris.  Mêmes 
obstacles,  mêmes  exigences.  Penchaud  fut  l'architecte  de  la  Porte 
d'Aix;  Ramey  fils  et  David  d'Angers  en  ont  été  les  décorateurs.  Le 
gros  œuvre  est  d'un  praticien  consciencieux,  habile,  Pierre  Blu, 
dont  votre  rapporteur  est  particulièrement  heureux  de  rappeler  le 
nom.  Les  édiles  de  USA  espéraient  édifier  un  monument  à  la  gloire 
de  Louis  XVI.  Ceux  de  1823  eurent  la  pensée  d'honorer  le  duc 
d'Angoulême.  La  révolution  de  Juillet  fit  rejeter  les  esquisses  de 
David  et  de  Ramey,  qui  reçurent  l'ordre  de  composer  de  nouveaux 
emblèmes  à  l'honneur  de  l'armée  française.  Rendons  hommage 
aux  deux  statuaires,  car  leur  tâche  importante  fut  vraiment  désin- 
téressée. Je  n'ose  inscrire  ici  los  sommes  dérisoires  qui  leur  furent 
allouées.  Et  cependant,  Messieurs,  n'est-ce  pas  le  statuaire  qui  pré- 
cise la  pensée  maîtresse  d'un  monument  triomphal?  Supprimez  les 
reliefs  éloquents  de  l'arc  de  Constantin,  il  ne  restera  plus  qu'une 
maçonnerie.  Si  donc  nous  sommes  jamais  appelés  à  donner  notre 
avis  sur  un  monument  similaire  de  la  Porte  d'Aix,  prenons  tous 
l'engagement  de  songer  tout  d'abord  à  sa  parure,  à  l'éclat,  à  l'opu- 
lence du  manteau  de  marbre  que  des  maîtres  bien  doués  seront 
chargés  de  jeter  sur  l'ossature  de  pierre. 

«  L'histoire  ensoleillée  du  Musée  de  Marseille,  tracée  par 
M.  Bouillon-Landais,  correspondant  du  Comité,  est  une  page  qui  re- 
pose l'esprit.  Sans  doute  le  nuage  traverse  çà  et  là  le  ciel  du  tableau. 
Où  donc  l'azur  est-il  éternel?  Mais  votre  confrère  nous  fait  assister 
aux  débuts  modestes  d'une  collection  provinciale,  à  ses  développe- 
ments et  enfin  à  son  installation  princière  dans  le  palais  de  Long- 
champ.  Cette  progression  est  attachante,  et  il  semble  que  la  grande 
cité  ait  pour  un  jour  fait  silence  autour  des  belles  œuvres,  peintures 
de  valeur,  marbres  ou  bronzes  de  Lequesne,  deBarye  et  de  Cavelier 
qu'elle  portait  joyeuse  dans  l'édifice  construit  par  l'architecte  de  haut 
mérite  Espérandieu.  Ce  sont  là.  Messieurs,  des  souvenirs  d'hon- 
neur, et  M.  Bouillon-Landais,  qui  aurait  eu  le  droit  de  dire,  en  par- 


RAPPORT    G  Ë\'ER  AL.  77 

lant  (le  ces  événemenls  oubliés  :  quorum  pars  magna  fui,  laisse  à 
peine  soupçonner  le  rôle  dont  il  s'acquitta  en  conservateur  vigi- 
lant et  actif.  Soyons  plus  équitables;  les  conservateurs  de  Musée 
sont  des  trésoriers,  et  quiconque  fait  fructiGer  un  trésor  au  profit  de 
tous  a  quelque  droit  à  la  reconnaissance  publique. 

«  Puget  à  Aix,  tel  est  le  titre  d'une  brève  étude  de  M.  Numa 
Coste,  correspondant  du  Comité  à  Aix.  C'est  le  peintre  qui,  cbez 
Puget,  a  tenté  la  plume  de  vofre  confrère.  Il  vous  a  dit  la  genèse 
de  deux  toiles  que  l'historien  de  Haitze,  en  1679,  semble  con- 
fondre dans  un  même  éloge,  alors  que  M.  Coste,  avec  plus  de 
critique,  nous  avertit  de  l'inégale  valeur  des  deux  peintures. 
V Annonciation  est  connue.  Lagrange  l'a  décrite,  mais  il  n'a  pas 
dit  que  ce  tableau  renfermât  les  armoiries  de  la  famille  Meyronnet 
de  Saint-Marc,  ce  que  constate  M.  Coste.  Lagrange  a  également 
regretté  de  n'avoir  pu  découvrir  une  pièce  quelconque  établissant 
la  date  d'exécution  de  cette  peinture;  or,  l'écrivain  qui  m'occupe 
vous  a  lu  le  prix  fait  de  treize  tableaux  confiés  à  Puget  par  les 
Jésuites  d'Aix,  et  V Annonciation  fut  la  première,  peut-être  la 
seule,  des  peintures  exécutées  par  le  maître  à  la  suite  de  l'accord 
conclu,  le  2  janvier  1658,  entre  lui  et  les  Jésuites.  La  découverte 
de  M.  Coste  a  son  mérite.  Elle  fixe  une  date.  Elle  nous  révèle  en 
outre  que  l'homme  qui,  de  son  propre  aveu,  se  plaisait  aux  grands 
ouvrages,  ne  se  sentait  pas  troublé  par  la  commande  de  treize 
peintures!  Il  est  vrai  que  la  commande  resta  lettre  morte.  V An- 
nonciation paraît  être  de  la  main  de  Puget.  La  Visitationj^\Q\x\e 
de  ressouvenirs  de  Véronèse,  ne  doit  pas  être  l'œuvre  personnelle 
du  peintre  auquel  on  doit  le  Salvator  mundi.  M.  Coste  vous  a  dit 
les  difficultés  survenues  entre  les  Jésuites  et  Puget.  C'est  une  page 
inédite,  curieuse,  qui  s'ajoute  aux  pages  douloureuses  de  la  vie  du 
grand  homme.  Théophile  Gautier  a  dit  un  jour  :  ci  Les  contem- 
«  porains  pardonnent  volontiers  au  talent  stérile;  par  contre,  la 
«  fécondité  du  génie  ne  séduit  l'humanité  qu'avec  le  recul  des 
tt  siècles.  '^  Je  propose  aux  futurs  historiens  de  Puget  d'adopter  cette 
sentence  pour  épigraphe. 

«  Un  autographe  sur  la  marge  d'un  dessin!  M.  Ginoux,  membre 
non  résidant  du  Comité  à  Toulon,  s'est  attaché  à  la  personne  de 


78  RAPPOHT    GENERAL. 

Jacques  Rigaud,  dessinateur  et  graveur  marseillais.  On  le  disait 
Parisien.  On  le  faisait  naître  en  1700.  On  le  prénommait  Jean- 
Baptiste.  Autant  d'erreurs.  Jean-Baptiste  est  le  neveu  de  Jacques, 
et  à  diverses  reprises  l'un  et  l'autre  ont  collaboré  aux  Vues  de 
châteaux  et  de  maisons  royales^  éditées  par  Jacques  Rigaud.  Les 
archives  de  Marseille  n'ont  pas  encore  livré  l'acte  de  naissance  de 
Jacques  Rigaud,  mais  qu'avons-nous  besoin  de  ce  document?  Vous 
vous  souvenez  de  l'attaque  infructueuse  du  prince  Eugène  et  du 
comte  de  Savoie  contre  la  ville  de  Toulon  en  1707.  Jacques 
Rigaud  était  là.  Il  fut  témoin  du  bombardement.  Vite  des  crayons 
et  de  l'encre  de  Chine.  Voici  la  scène  reproduite  en  un  dessin 
superbe  mesurant  plus  d'un  mètre  de  largeur.  Rigaud  fera  présent 
de  son  dessin  à  Lamoignon  de  Bàville,  intendant  du  roi  en  Lan- 
guedoc. C'est  un  personnage  puissant.  L'occasion  paraît  bonne 
pour  solliciter  sa  protection.  Aussi,  dans  sa  dédicace,  notre  artiste 
exprime-t-il  le  désir  d'entrer  dans  le  bureau  des  fortifications  de 
la  cour.  Et  comme  corollaire  de  sa  requête,  il  se  dit  de  Marseille, 
âgé  de  vingt-six  ans.  Quelles  pièces  d'archives  vaudraient  ce  témoi- 
gnage relevé  par  M.  Ginoux  sur  le  magnifique  dessin  de  Jacques 
Rigaud  que  conserve  le  Musée  de  Toulon? 

«M.  Labande,  correspondant  du  Comité  à  Avignon,  entre  ici 
pour  la  première  fois.  Ouvrons-lui  nos  rangs.  Mais  c'est  à  tort 
que,  sur  la  foi  d'une  annonce,  nous  avions  pensé  qu'il  se  présen- 
terait accompagné  d'un  simple  enlumineur.  Il  n'en  est  rien.  A  la 
vérité,  Guyot  Baletet,  miniaturiste  avignonnais  du  quinzième  siècle, 
est  à  la  droite  de  M.  Labande.  Il  tient  sous  le  bras  le  Livre  d'heures 
qu'il  acheva  d'orner  de  ses  exquises  compositions  sur  vélin  le 
28  avril  1488,  mais  j'aperçois  derrière  lui  tout  un  groupe  d'ar- 
tistes enlumineurs,  ses  contemporains.  Ce  sont  Nicolas  Prevot, 
Colin  de  Toysie,  Guillaume  Gastel,  Georges  Trubert,  Antoine  et 
Etienne  Bolety,  Olivier  Bon-Ami,  que  sais-je  encore?  Ces  vieux 
maîtres,  dont  M.  Requin  vous  avait  en  1889  signalé  l'existence, 
n'ont  pas  voulu  que  vous  puissiez  douter  du  mérite  de  leur  con- 
frère Guyot  Baletet.  Ils  le  couvrent  de  leur  propre  renom.  Et  tous 
ces  artisans  de  petits  chefs-d'œuvre  vous  demandent  de  contre- 
signer pour  les  siècles  futurs  les  lettres  patentes  de  l'École  de 
miniature  avignonnaise.  Nous  chargerons  M.  Labande  d'un  décret 


RAPPORT    GÉNÉRAL.  79 

bien  en  rt^glc,  lil)ellc  par  votre  Comité,  donnant  satisfaction  aux 
maîtres  du  Comiat. 


«M.  ra])I)é  Requin,  membre  non  résidant  du  Comité  à  Avignon, 
a  reconstitué  la  biographie  d'un  sculpteur  maçonnais  du  seizième 
siècle,  Imbert  Boaclion.  C'est  un  maître  de  fière  allure.  Deux 
œuvres  de  cet  artiste  subsistent  encore  à  Avignon.  M.  Requin  en  a 
dit  la  valeur  et  aussi  les  mutilations.  Le  retable  de  la  chapelle  des 
Parpaille  à  l'église  Saint-Pierre  est  un  morceau  à  la  fois  puissant 
et  délicat.  Le  ciseau  de  Boachon  est  d'une  souplesse  remarquable. 
Pourquoi  ce  retable  est-il  déshonoré  par  trois  figures  de  fabrique 
industrielle  récemment  placées  entre  des  pilastres  dont  le  décor, 
d'un  style  excellent,  rappelle  les  fines  arabesques  de  Jean  d'Udine? 
Des  verrues  de  cette  importance  sur  un  visage  où  tout  est  lumière 
sont  une  profanation.  L'autel  et  le  retable  de  la  chapelle  des  Doni 
à  l'église  de  Saint-Agricol  ont  également  souffert,  mais  combien 
précieux  sont  les  restes  inaltérés  de  ces  pages  maîtresses!  Et  ce 
qui  ajoute  au  prix  de  pareils  ouvrages,  ce  sont  les  détails  doulou- 
reux que  nous  donne  M.  Requin  sur  les  contestations,  les  procès 
dont  souffrit  Boachon  avant  d'obtenir  payement.  Vous  vous  rap- 
pelez le  mot  de  M.  Poirier,  dans  la  comédie  d'Augier  :  «  Comment, 
«  s'écrie  Gaston  de  Presles,  trouveriez-vous  mauvais  qu'on  protège 
tt  les  arts?  5)  Et  M.  Poirier  lui  répond  :  «  Qu'on  protège  les  arts,  bien! 
«  mais  les  artistes,  non...  «  IlL  Poirier  doit  être  de  vieille  souche. 
Les  Doni  d'Avignon,  au  seizième  siècle,  pensaient  comme  lui. 

'i  J'ai  fini,  Messieurs.  Mon  interminable  discours  a  lassé  votre 
patience.  Je  m'en  excuse,  mais  vous  êtes  responsables  dans  une 
large  mesure  de  l'étendue  de  ce  rapport.  Deux  fois  seulement 
depuis  vingt-deux  ans  votre  Comité  avait  inscrit,  comme  il  l'a  fait 
cette  année,  cinquante  mémoires  à  l'ordre  du  jour  d'une  même 
session.  Sans  doute  votre  nombre  qui  va  grandissant  nous  donne 
le  secret  de  cette  fertilité  qui  est  votre  honneur.  Mais  je  soupçonne 
une  autre  cause  à  cette  éclosion  soudaine  d'excellentes  études  en 
la  présente  année  1898.  Vous  êtes  des  érudits,  Messieurs,  mais 
vous  êtes  avant  tout  des  patriotes.  A  ce  double  titre,  vous  avez  eu 
présentes  à  la  pensée  les  grandes  journées  de  Thermidor  an  VI, 
dont  un  siècle  révolu  nous  invile  à  fêter  le  centenaire.  N'est-ce 


80  RAPPORT    GENERAL. 

pas  le  0  iheimidor  de  l'année  magique  dont  j'évoque  le  souvenir 
que  Ton  vit  se  déployer  depuis  le  Muséum  d'histoire  naturelle 
jusqu'au  Champ  de  Mars  un  cortège  de  dieux?  Raphaël,  Zampieri, 
Titien,  Véronèse,  Corrêge  avaient  déserté  leur  patrie  natale,  et 
Paris  acclamait  au  nom  de  la  France  ces  maîtres  de  toute  majesté 
et  de  toute  séduction.  Le  Laocoon,  le  Gladiateur,  V Antinous, 
Mclponiène  et  cent  autres  chefs-d'œuvre  dominaient  les  vingt-sept 
chars  pliant  sous  le  faix  des  dépouilles  opimes  dont  notre  pays  se 
sentait  redevable  aux  vainqueurs  d'Arcole  et  de  Rivoli.  In  million 
d'hommes  étaient  debout.  Les  acclamations  de  la  France,  repré- 
sentée par  l'élite  de  ses  penseurs,  se  mêlaient  aux  salves  des 
canons.  Et  lorsque  les  chars  furent  disposés  en  hémicycle  sur  le 
Champ  de  Mars,  dans  l'enceinte  radieuse  circonscrite  par  ces 
trésors,  les  dépositaires  du  pouvoir  reçurent  la  charte  des  con- 
quêtes. L'état  volumineux  des  peintures,  des  marbres,  des  ivoires, 
des  vélins,  des  médailles,  des  camées  apportés  d'Italie  fit  trembler 
d'émotion  les  mains  qui  le  recevaient.  Un  hymne  patriotique  écrit 
par  Lesueur  sur  des  vers  de  Lebrun-Pindare  releva  la  pompe  de 
cette  solennité.  Puis  le  chant  des  siècles,  le  Carmen  sœculare 
d'Horace,  dont  Philidor  avait  jadis  noté  les  stances,  fut  entonné 
par  un  peuple  ivre  de  joie. 

«  Événements  prestigieux,  heures  magnifiques  dans  la  vie  d'une 
nation! 

Il  Mais,  on  l'a  dit,  l'histoire  est  un  perpétuel  recommencement. 
C'est  pourquoi,  Messieurs,  depuis  vingt-deux  ans  vous  donnez  à  la 
France  le  spectacle  d'une  marche  triomphale  de  peintures  anciennes, 
de  marbres  oubliés,  de  tapisseries  et  de  tentures  habilement  tissées, 
de  miniatures,  de  plans  d'églises  ou  de  châteaux,  de  documents 
véridiques  et  précieux  sur  les  maîtres  de  l'École  française.  Depuis 
vingt-deux  ans,  vous  ne  vous  lassez  pas  de  reprendre  le  chemin 
de  la  capitale,  contribuables  volontaires  de  la  Provence,  duComtat, 
du  Languedoc,  de  l'Aquitaine,  de  la  Bretagne,  de  l'Artois,  des 
Flandres,  de  la  Normandie,  de  la  Franche-Comté,  de  la  Picardie, 
de  l'Ile-de-France,  de  l'Orléanais  et  de  la  Touraine!  Avais-je  tort. 
Messieurs,  de  parler  à  l'instant  de  la  force  de  persuasion  de  votre 
Comité,  sensible  aux  points  les  plus  extrêmes  du  territoire?  La 


1 


SEAMCK    GEIVERALE.  81 

France  laborieuse  n'cst-elle  pas  magnifiquement  représentée  par 
TOUS  tous,  qui  que  vous  soyez,  archivistes,  amateurs,  hommes  d'en- 
seignement, artistes  ou  magistrats?  L'ancienne  France  ne  lut 
témoin  qu'une  fois,  en  Thermidor  an  \I,  d'une  marche  triomphale 
de  chefs-d'œuvre.  La  France  de  nos  jours  assiste  depuis  vingt- 
deux  ans  au  tribut  incessant  des  provinces.  Et  si  nous  constatons  le 
succès  particulier  de  la  session  présente,  c'est,  n'en  doutons  pas, 
qu'il  vous  a  plu  de  célébrer  avec  éclat  le  centenaire  des  trophées 
de  l'an  IL  Je  l'accorde,  les  vingt-sept  chars  de  Thermidor  auraient 
été  superflus  pour  transporter  le  fruit  de  vos  conquêtes;  sans  doute 
vous  n'avez  pas  vu  sur  votre  passage,  aux  approches  de  cette  salle, 
un  million  d'hommes  debout  et  attentifs.  Mais  un  ministre  d'hier, 
des  érudits,  des  critiques,  des  maîtres  vous  attendaient  ici ,  et  ils  ont 
applaudi  à  vos  découvertes.  Les  trésors  d'art  dont  vos  mains  sont 
remplies,  pour  être  moins  célèbres  peut-être  que  les  pages  d'un 
Raphaël  ou  d'un  Corrège,  sont,  en  revanche,  des  œuvres  françaises 
qui  n'ont  pas  à  craindre  un  1815.  N'est-ce  rien,  Messieurs,  je  le 
demande,  que  de  bien  connaître  ses  ancêtres?  Les  Conrade,  Aba- 
quesne,  Boachon,  Baletet,  les  Bunel,  Claude  Lulier,  I^e  Moiturier, 
Claude  Content,  Nicolas  Jacques,  Eisen,  Mansart,  Bouchardon, 
Puget,  Le  Moyne,  sont  pour  nous  des  ancêtres,  et  nous  ne  nous 
lasserons  pas  d'apprendre  sur  leur  compte.  Voilà  pourquoi  vos 
études,  les  pièces  d'archives,  les  critiques  apportées  par  vous  à 
cette  tribune  ont  tant  de  prix  à  nos  yeux.  Aussi  quand  je  rap- 
pelais tout  à  l'heure  les  cinquante  mémoires  que  vous  avez  lus 
depuis  quatre  jours  en  ce  glorieux  centenaire  de  l'an  VI,  cet 
ensemble  de  bons  travaux  m'apparaissait  comme  une  sorte  de 
Carmen  sœculare^  plus  durable,  plus  utile,  mieux  approprié  aux 
intérêts  élevés  de  notre  grande  nation  et  non  moins  harmonieux 
que  ne  le  fut,  il  y  a  cent  ans,  l'hymne  oublié  de  Philidor.  n 


Séance  générale  du  samedi  16  avril. 

PRÉSIDENCE    DE    M.    A.    RAMBAUD. 

Le  samedi  16  avril  a  eu  lieu,  dans  le  grand  amphithéâtre  de  la 
nouvelle  Sorbonne,  sous  la  présidence  de  M.    Alfred  Rambaud, 

6 


82  SEAMCE    GENERALE. 

ministre  de  rinstruction  |)ul)Iiqiie  et  des  lîeaux-Arts,  l'assemblée 
générale  qui  clùl  chaque  année  le  Congrès  des  Sociétés  savantes  de 
Paris  et  des  départements,  et  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des 
départements. 

Le  ministre  est  arrivé  à  deux  heures,  accompagné  de  M.  L.  Liard, 
membre  de  l'Institut,  directeur  de  l'Enseignement  supérieur,  con- 
seiller d'Ktat  ;  de  M.  A.  Sacquix',  chef  du  cabinet,  et  de  M.  Leydier, 
chef  du  secrétariat  particulier. 

Il  a  été  reçu  par  iUM.  les  doyens  de  la  Faculté  des  lettres  et  delà 
Faculté  des  sciences,  M.  de  Saimt-Arroman,  chef  du  bureau  des 
travaux  historiques  et  des  Sociétés  savantes  ;  par  les  hauts  fonc- 
tionnaires de  l'Université,  M.  le  secrétaire  de  l'académie  de  Paris 
et  par  MM.  les  membres  du  Comité  des  travaux  historiques  et  scien- 
tifiques. 

M.  Alfred  Rambaud  a  pris  place  sur  l'estrade,  ayant  à  sa  droite 
MM.  Alexandre  Bertramd,  de  l'Institut,  président  de  la  section 
d'archéologie  du  Comité,  président  du  Congrès  ;  Ch.  Tranchant, 
vice-président  de  la  section  des  sciences  économiques  et  sociales  ; 
Xavier  Charmes,  de  l'Institut,  directeur  honoraire  au  ministère  de 
l'Instruction  publique  ;  Léon  Vaillant,  secrétaire  de  la  section  des 
sciences  ;  G.  Servois,  directeur  des  Archives  nationales,  membre 
du  Comité;  —  à  sa  gauche  :  MiM.  L.  LlARD,  de  l'Institut,  directeur 
de  l'Enseignement  supérieur,  conseiller  d'Etat;  Levasseur,  de  l'In- 
stitut, présidentde  la  section  des  sciences  économiques  et  sociales; 
Bouquet  de  la  Grye,  de  l'Institut,  président  de  la  section  de  géo- 
graphie historique  et  descriptive  ;  Milne-Edwards,  de  l'Institut, 
vice-président  de  la  section  des  sciences  ;  Darboux,  de  l'Institut^ 
membre  du  Comité;  Janssen,  de  l'Institut,  directeur  de  l'observa- 
toire de  iMeudon,  membre  honoraire  du  Comité. 

MM.  Sacquin  et  Leydier,  chef  du  cabinet  et  chef  du  secrétariat 
particulier;  de  Saint-Arroman,  chef  du  bureau  des  travaux  histori- 
ques ;  le  docteur  Hamy,  Himly,  Glasson,  Grandidier,  E.  Babelon, 
JuGLAR,  de  l'Institut;  F.  Buisson,  Bienaymé,  Octave  Noël,  Maunoir, 
Henri  Cordier,  Gabriel  Marcel,  prince  Roland  Bonaparte,  DavannEj 
Henri  Omont,  Jules  Guiffrey,  Houdas,  E.  Lefèvre-Pontalis,  mem- 
bres du  Comité;  Barbier  de  Meynard,  de  l'Institut,  administrateur 
de  l'École  spéciale  des  langues  orientales  vivantes  ;  Bergeron,  se- 
crétaire perpétuel  de  l'Académie  de  médecine  ;  E.-A.  Martel, 


_n 


DISCOURS    DE    M.    LE    M IXIST  RE  83 

Louis  RoussELET,  Deligmières,  Georges  Harmaxd,  E.  Trutat,  Lêou 
Salefra\que,  le  docteur  V.  Ledé,  Fraxche,  sous-chef  du  bureau 
(les  travaux  historiques  et  des  Sociétés  savantes,  etc.,  etc.,  ont  éga- 
lement pris  place  sur  l'estrade. 

Aux  premiers  rangs  de  riiémicycle  on  remarquait  MM.  Fri.v- 
G\ET,NiE\VE\'GLO\vsKi,  Adrien  Dupuy,  Hémox',  Jules  Gautier,  Lavié- 
viLLE,  Pestelard,  inspecteurs  d'académie  ;  Bertagne,  Fourteau, 
Staub,  Cuvillier,  Voism,  Jalette,  Morlet,  proviseurs  et  censeurs 
des  lycées  de  Paris  ;  Braquehaye,  l'abbé  David,  Le  Sergent  de 
Moxnecove,  R.  de  La  Grasserie,  Léon  Maxe-Werly,  comte  de 
Marsy,  de  Malarce,  Justin  Dupoxt,  le  docteur  Barthès,  Ludovic 
Drapeyron,  Jules  Gauthier,  Alexandre  Boutroue,  Toussaint  Loua, 
Léon  de  Vesly,  docteur  Rouire,  M.  et  M-"'  Erivest  Chantre, 
Aug.  Chauvigné,  Duraxd-Lapie,  Gauthigt,  Gaston  Le  Breton, 
Quarré-Reybcurbox,  Gabriel  Ventenat,  Georges  Blondel,  Camoix 
de  Venge,  Emile  Belloc,  Henri  Escoffier,  Charlier-Tablr, 
Guesnon,  Eugène  Chatel,  de  Beaumont,  Albert  Jacquot,  Maurice 
HÉNAULT,  etc.,  etc. 

La  musique  du  24'  régiment  d'infanterie  prêtait  son  concours 
à  cette  cérémonie. 

M.  le  ministre  a  ouvert  la  séance  et  donné  la  parole  à  M.  Darlu, 
membre  du  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques,  qui  a  lu 
le  discours  d'usage. 

M.  le  ministre  a  pris  ensuite  la  parole  en  ces  termes  : 

tt  Messieurs, 

«  Depuis  le  jour  où  M.  Guizot  organisait  l'union  des  Sociétés 
savantes,  en  lui  donnant  pour  charte  la  liberté,  l'institution  n'a 
cessé  de  prendre  de  nouveaux  développements  et,  tout  le  monde 
en  convient,  de  se  perfectionner. 

it  A  travers  ces  modifications,  ont  persisté  deux  organismes, 
dont  chaque  jour  met  en  lumière  plus  vive  l'utilité  et  la  nécessité. 

Il  D'une  part,  le  Comité  des  travaux  historiques,  devenu  le 
Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques,  et  dont  le  rôle  con- 
siste, comme  l'a  voulu  M.  Guizot,  à  transmettre  aux  Sociétés 
savantes,  a  d'un  centre  commun,  les  moyens  de  travail  et  de  succès 
u  qui  ne  sauraient  leur  venir  d'ailleurs  et  recueillir  à  ce  même' 


84  DISCOURS    DE    M.    LE    MINISTRE. 

«  centre  les  fruits  de  leur  activité  pour  les  répandre  dans  une 
«  sphère  plus  élevée  » . 

«  D'autre  part,  le  Congrès  des  Sociétés  savantes,  qui  se  réunit 
annuellement  à  Paris  et  où  vous  venez,  avec  la  pleine  liberté  qu'a 
voulu  vous  assurer  votre  fondateur,  mettre  en  commun  et  livrer  à 
la  plus  large  publicité  les  résultats  de  vos  recherches  et  de  vos  tra- 
vaux . 

«  Votre  congrès  a  subi  d'importantes  modifications,  car  toutes 
les  sciences  sont  venues  tour  à  tour  y  revendiquer  et  y  occuper  leur 
place  légitime.  Aux  deux  sections  qu'avait  seules  prévues  M.  Guizot, 
celle  d'histoire  et  philologie  et  celle  d'archéologie, se  sont  ajoutées 
celle  des  sciences,  puis  celle  des  sciences  économiques  et  sociales, 
puis  celle  de  géographie  historique  et  descriptive.  La  section  des 
sciences  a  dû  elle-même  se  subdiviser  en  sous-sections  qui  tendent 
à  devenir  plus  nombreuses. 

«  N'oublions  pas  que,  parallèlement  à  vos  travaux,  se  poursui- 
vent ceux  des  Sociétés  de^  Beaux-Arts,  réunies  dans  la  splendide 
salle  de  l'Hémicycle,  où  le  pinceau  de  Delaroche  a  convié  les  artistes 
du  passé  à  entourer  les  trônes  réservés  aux  trois  grands  génies 
artistiques  de  l'ancienne  Hellade. 

(t  Nous  nous  croyons  en  mesure.  Messieurs,  quelque  ampleur 
que  doivent  prendre  dans  l'avenir,  par  le  progrès  même  des  sciences, 
vos  futures  assises,  de  les  suivre  dans  tous  les  développements  que 
vous  jugerez  à  propos  de  leur  donner.  Il  n'est  pas  à  craindre  que 
Paris  puisse  jamais  faillir  à  ses  devoirs  d'hospitalité  envers  les 
représentants  provinciaux  de  la  science  et  de  l'art  français. 

«  Ce  n'est  donc  aucune  inquiétude  de  ce  genre  qui  m'a  porté  à 
étudier  le  projet  tendant  à  faire  alterner  entre  Paris  et  quelques 
villes  des  départements  l'honneur  de  recevoir  le  Congrès  des  Sociétés 
savantes. 

«  Ce  projet,  soumis  d'abord  à  l'examen  du  Comité,  y  a  ren- 
contré une  approbation  unanime. 

tt  II  est  donc  entendu  que  votre  prochain  Congrès  se  tiendra  dans 
une  ville  de  province;  le  suivant,  celui  de  1900,  viendra  néces- 
sairement contribuer  à  l'éclat  dont  rayonnera  la  métropole  de  la 
France  ;  et  ainsi  se  poursuivra  l'alternance. 

«  Les  avantages  de  la  réforme  sont  évidents.  Celles  de  vos  ses- 
sions qui  auront  pour  théâtre  une  de  nos  villes  de  province,  —  et 


DISC  ou  us    DE    M      L  K    \I1\ISTKE.  85 

non  pas  seulement  une  très  grande  ville,  non  pas  seulement  uiip 
ville  (l'Université,  mais  toute  ville  qui,  parmi  les  compétitions  (|u'il 
est  bien  permis  de  prévoir,  aura  fixé  votre  choix,  —  tron\oiont 
dans  l'originalité  même  du  milieu  provincial  un  renouveau  de  vita- 
lité et  de  fécondité. 

tt  Tel  centre  vous  offrira  l'attrait  d'incomparables  merveilles 
arcbéologi(|ues  et  préhistori(|ues;  tel  autre,  celui  d'une  région  infi- 
niment intéressante  au  point  de  vue  géologique,  comme  le  sont,  par 
exemple,  la  Bretagne  avec  ses  granits  battus  de  l'Océan,  l'Auvergne 
avec  ses  volcans  éteints,  le  Languedoc  avec  ses  causses  pleines  de 
surprises;  ici  vous  serez  sollicités  par  des  institutions  degrand  inté- 
rêt économique  ou  social;  là,  dans  un  de  nos  grands  ports,  vous 
serez  comme  baignés  d'effluves  marins,  vous  sentirez  tout  proche 
les  mondes  que  vous  croyiez  lointains,  et  tout  prés  de  votre  cœur 
les  Frances  d'outre-mer.  Quelque  jour,  peut-être,  vous  serez 
tentés  de  passer  la  Méditerranée  et  d'aller  installer  vos  assises  dans 
cette  Algérie  où  les  Roumis  ont  retrouvé  la  trace  des  Romains,  ou 
bien  au  pied  de  la  colline  où  se  dressa  Carthage.  Partout  vous 
rencontrerez  un  accueil  empressé,  les  mêmes  souhaits  de  bienvenue 
dans  les  accents  dont  la  variété  même  fait  le  charme  de  notre  lan- 
gue; partout  votre  présence  suffira  à  faire  sortir  de  l'ombre  des 
trésors  d'art  et  de  science,  suscitera  des  collaborations  inattendues, 
affranchira  des  bonnes  volontés  qu'enchaînait  peut-être  trop  de 
modestie;  et  le  réveil  de  vie  que  vous  aurez  provoqué  sur  votre 
passage  profitera  peut-être  à  l'éclat  de  vos  futures  sessions  pari- 
siennes. 

«Et  ne  serait-ce  pas  déjà  un  grand  avantage  que  d'avoir  mieux 
fait  connaîtie  la  province  aux  savants  de  Paris,  et  aux  provinciaux 
mêmes  les  provinces  que,  sans  une  telle  occasion,  ils  n'auraient 
jamais  visitées?  Peut-être  avons-nous  le  tort  de  vivre  un  peu  trop 
chacun  chez  soi  ;  si  le  provincial  affectionne  son  coin  de  pays,  pour 
beaucoup  de  Parisiens,  Paris  n'est  qu'un  coin  dont  ils  ne  sortent 
pas  volontiers.  Le  Congrès  les  en  fera  sortir,  les  promènera  au 
\ord  et  au  Sud,  à  l'Ouest  et  à  l'Est,  leur  révélera  la  variété  infinie 
et  l'originalité  de  ces  provinces  françaises  qui  se  souvieiment  d'avoir 
été  autrefois  des  nations,  avec  leurs  lois,  leurs  parlements,  leur 
église,  leur  dialecte,  leurs  costumes,  leur  art,  leur  littérature,  tout 
au  moins  learfolk-lore.  C'est  de  la  forte  originalité  de  ces  petites 


86  DISCOUUSDEM.LEMIIVISTRE. 

patries  que  sont  faits  le  charme  et  la  puissance  de  la  grande  patrie. 
Miclielet  a  déjà  montré  comment  de  tous  ces  esprits  locaux  s'est 
formé  l'esprit  national.  La  France,  si  diverse  de  races,  est  avant 
tout  une  harmonie. 

«  Revenons  aux  travaux  que  vous  avez  accomplis  cette  semaine. 
Toutes  vos  sections  ont  rivalisé  de  féconde  activité. 

«  La  réunion  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  vous  a  vus,  suivant 
l'heureuse  expression  de  M.  Alillaud,  sénateur,  un  de  vos  présidents, 
«  diriger  vos  investigations  vers  toute  œuvre  qui  s'éclaire  d'un 
«  rayon  d'art  et  de  génie  n  . 

«  La  section  d'histoire  a  mis  au  jour  de  précieux  documents, 
précisé  d'importants  points  de  détail,  sur  lesquels  pourront  se 
fonder  en  toute  sécurité  les  travaux  d'ensemble,  les  hardies  et 
larges  généralisations  comme  celles  dont  i\L  Darlu  nous  a  offert, 
au  début  de  son  discours,  un  éloquent  exemple. 

«  J'ai  vu  avec  grand  plaisir  que  votre  section  d'histoire  n'a  pas 
négligé  la  période  révolutionnaire  :  beaucoup  de  lectures  ont  eu 
pour  objet  de  nous  faire  comprendre  comment  fonctionnèrent  dans 
tel  département  les  assemblées  locales  créées  par  la  Révolution; 
comment,  au  plus  fort  de  la  tourmente,  nombre  de  localités  trou- 
vèrent moyen  de  vivre  en  plein  repos;  elle  président  de  la  séance, 
un  historien  d'une  compétence  incomparable,  M.  Aulard,  a  eu  soin 
de  faire  ressortir  combien  "  l'histoire  de  ces  communes,  dont  la  vie 
«  fut  normale,  a  un  intérêt  considérable  pour  l'histoire  générale  de 
«  la  Révolution  « . 

tt  La  section  d'archéologie,  par  delà  les  monuments  des  âges 
historiques,  nous  a  fait  remonter  aux  origines  de  l'industrie  du 
fer,  au  développement  déjà  si  riche  de  la  primitive  céramique,  à 
la  première  lueur  d'une  pensée  artistique  chez  des  hommes  qui  se 
terraient  dans  les  cavernes. 

tt  La  section  des  sciences  économiques  et  sociales  a  rendu  de 
sérieux  services  à  la  politique  et  à  l'humanité  en  étudiant  les 
moyens  d'enrayer  la  dépopulation  des  campagnes,  les  divers 
aspects  du  fermage  et  du  métayage,  la  question  des  habitations  à 
bon  marché,  la  statistique  et  les  causes  de  la  criminalité,  les 
œuvres  de  mutualité  et  de  prévoyance,  la  procédure  criminelle  et 
correctionnelle,  le  régime  fiscal  des  valeurs  mobilières,  la  condi- 
tion de  l'étranger  en  France,  la  réforme  successorale  en  Allemagne, 


DISCOURS    DE    M.    LE    MI MSTRE.  87 

et  mon  attention  a  été  particulièrement  attirée  par  la  nouveauté  et 
la  précision  îles  procédés  de  critique  appliqués  à  l'œuvre  de  Jean- 
Jacques  Rousseau. 

-  La  section  de  géographie  a  soulevé  d'intéressants  problèmes, 
comme  ceux  qui  concernent  les  courants  de  l'Océan,  les  îles 
Cliaussey,  les  antiques  forêts  disparues,  les  pêcheries  lointaines, 
les  colonies  françaises. 

(i  Les  sous-sections  scientifiques  ont  apporté  de  précieuses  con- 
tributions à  l'élude  des  maladies  épidémiques,  des  maladies  para- 
sitaires, comme  à  toutes  les  branches  des  s.ciences  naturelles. 

»  Peut-être,  parmi  ces  sous-sections,  le  principal  honneur  des 
dernières  journées  revient-il  à  celle  de  photographie.  Ceux  d'entre 
vous  qui  ont  assisté  à  ses  travaux  sont  encore  sous  la  vive  impres- 
sion des  révélations  de  AL  le  lieutenant-colonel  Aloëssard  sur  les 
services  que  rend  la  photographie  aux  sciences  astronomiques,  et 
de  MAL  Lumière  sur  les  procédés  qui  leur  ont  permis  de  réaliser 
la  photographie  en  couleurs  et  d'annoncer  une  révolution  totale 
dans  la  librairie  illustrée. 

«  Je  m'arrête,  car  je  vois  que  je  me  laisse  entraîner  à  citer  des 
noms,  et  je  m'étais  imposé  de  n'en  citer  aucun,  pas  même  les 
noms  de  ceux  dont  les  travaux  ont  le  plus  contribué  à  l'éclat  de 
cette  session.  Pourtant,  j'en  citerai  encore  quatre,  mais  parce  que 
c'est  vous-mêmes.  Messieurs,  qui,  par  les  présentations  arrêtées 
dans  les  sections  du  Comité,  les  avez  désignés  à  l'attention  du  Gou- 
vernement. 

tt  Comme  l'année  dernière,  et  pour  les  mêmes  raisons,  c'est-à- 
dire  parce  que  le  contingent  attribué  à  mon  département  pour  les 
nominations  dans  la  Légion  d'honneur  est  épuisé  depuis  le  mois  de 
janvier,  je  ne  puis  aujourd'hui  que  proclamer  ces  noms,  mais  j'ai 
l'assurance  que  le  ministre  de  Tlnstruction  publique,  quel  que  soit 
l'homme  qui,  en  juillet  prochain,  détiendra  ce  portefeuille,  rati- 
fiera ma  promesse. 

«  Vous  applaudirez,  Alessieurs,  dès  aujourd'hui,  j'en  suis  certain, 
à  la  présentation  qui  sera  faite  alors  à  AL  le  Président  de  la  Répu- 
blique, pour  le  grade  de  chevalier  de  la  Légion  d'Iionneur,  de  : 

«  M.  Edouard-Alfred  Alartel,  membre  de  la  Société  de  géogra- 
phie de  Paris,  de  la  Société  de  spéléologie,  de  nombreuses  Sociétés 
savantes  en  France  et  à  l'étranger,  le  hardi  explorateur  des  cavernes 


88  DISCOURS    DE    M.    LE    MINISTRE. 

qui,  de  colles  «les  îles  Britanniques,  de  la  Dalmatie,  du  Monté- 
négro, de  la  Grèce,  a  transporté  son  activité  et  son  audace  à  celles 
de  rAveyron,  do  la  Lozère,  des  Alpes;  qui  de  ce  monde  souter- 
rain a  rapporté  tant  de  notions  précieuses  sur  le  régime  et  la  com- 
position des  eaux,  la  faune  des  abîmes,  l'humanité  préhistorique, 
et  qui  hier  encore  vous  tenait  sous  le  charme  de  sa  parole  si 
éloquente  et  si  précise; 

«  M.  Louis  Rousselet,  membre  de  la  Société  de  géographie  et  de 
plusieurs  autres  Sociétés  savantes,  le  voyageur  qui  voulut  revivre 
sur  place  Tiiisloire  des  Dupleix  et  des  Bussy,  et  qui  nous  a  donné 
Vlnde  des  rajahs,  le  continuateur  de  Vivien  de  Saint-Martin  dans 
la  publication  du  Dictionnaire  de  géographie  universelle,  l'auteur 
enfin  de  tant  de  publications  agréables  ou  utiles  à  la  jeunesse 
française  ; 

«  AL  Ernest  Petit,  président  de  la  Société  des  sciences  histo- 
riques et  naturelles  de  l'Yonne,  membre  non  résidant  de  votre 
Comité,  lauréat  de  l'Institut,  et  à  qui  nous  devons  tant  de  travaux 
éminents  sur  l'histoire  de  la  Bourgogne; 

«  Enfin,  M,  Emile  Delignières,  président  delà  Société  d'émula- 
tion d'Abbeville,  proposé  au  ministre  par  le  Comité  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts,  pour  ses  savantes  publications  sur  les  artistes  et  les 
monuments  artistiques  de  la  région  du  Nord. 

0  Messieurs,  de  cette  enceinte  où  vous  êtes  aujourd'hui  rassem- 
blés, qu'il  me  soit  permis  de  reporter  ma  pensée  vers  d'autres 
laborieux,  d'autres  vaillants,  d'autres  savants,  qui  s'honorent 
d'être  vos  collaborateurs  dans  la  recherche  ardente  de  la  vérité 
scientifique  et  dans  le  dévouement  passionné  à  la  grandeur  fran- 
çaise. Ils  travaillent  loin,  parfois  très  loin  de  vous,  et  plusieurs,  en 
ce  moment  peut-être,  endurent  la  fatigue,  les  privations,  et  courent 
péril  de  la  vie. 

«  Je  voudrais  vous  rappeler,  en  quelques  mots,  les  missions 
accomplies  dans  le  courant  de  cette  année  ou  que  sont  en  train 
d'accomplir  ces  courageux  Français.  Ce  sera  pour  leurs  efforts  une 
première  récompense  que  la  proclamation  de  leurs  noms  devant 
les  représentants  des  Sociétés  savantes  de  la  France  entière. 

V.  Parmi  les  nombreuses  missions  qui  ont  sillonné  l'Afrique 
inconnue,  je  parlerai  seulement  de  celles  qui  ont  fonctionné  sous 
les  auspices  du  ministère  de  l'Instruction  publique.  Celle  de  M.  le 


DISCOURS    DE    M.    LE    M I. VIST  RE.  80 

capitaine  Cazemajoii  opère  en  ce  moment  dans  le  Sokoto  et  ses 
environs,  et  je  n'en  ai  pas  encore  de  nouvelles  certaines.  En 
revanche,  j'ai  sous  les  yeux  les  documents  relatifs  au  voyage 
accompli,  avec  une  bravoure,  une  endurance,  une  précision  dans 
la  recherche  scientifique  tout  à  fait  remarquable,  par  M.  Edouard 
Foa.  Coupant  sur  plusieurs  points  les  itinéraires  de  Livingstone  et 
de  plusieurs  autres  de  ses  devanciers,  il  a  abordé  l'Afrique  par 
l'embouchure  du  Zambèze,  remonté  le  Chiré,  exploré  à  fond  les  lacs 
IVyassa  et  Tanganyika,  ainsi  que  leurs  abords,  et  regagné  l'Atlan- 
lanlique  en  suivant  le  cours  du  Congo,  ayant  parcouru  10,000  kilo- 
mètres dont  6,000  entièrement  à  pied,  rapportant  des  observations 
astronomiques,  hygrométriques  et  météorologiques  qui  rendent 
définitifs  pour  la  science  les  résultats  de  son  exploration,  et  enfin 
enrichissant  nos  Musées  de  collections  infiniment  précieuses. 

"Dans  l'Afrique  du  Nord,  il  convient  de  signaler  la  continua- 
tion des  fouilles  du  P.  Delattre  sur  le  sol  de  Carthage,  et  l'établis- 
sement d'une  carte  très  développée  de  la  vieille  métropole  punique. 
Je  dois  ici  remercier  MM.  les  ministres  de  la  Guerre  et  de  la  Marine, 
qui  n'ont  rien  négligé  pour  aider  les  savants  patronnés  par  le 
ministre  de  l'Instruction  publique  et  par  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres. 

«  A  Madagascar,  M.  Guillaume  Grandidier,  marchant  sur  les 
traces  et  désireux  d'accroître  l'héritage  scientifique  de  son  illustre 
père,  reprend  l'exploration  de  la  grande  île  et  compte  préciser  ses 
recherches  par  des  fouilles  dans  les  gisements  de  fossiles. 

"  En  Egypte,  près  d'Abydos,  M.  Amelineau,  s'attaquant  à  de 
véritables  collines  formées  par  les  débris  de  poteries  antiques,  y  a 
relevé  des  fragments  de  dessins  ou  d'inscriptions  qui  permettent 
de  déterminer  ce  qu'était  la  civilisaiion  égyptienne  sept  ou  huit 
mille  ans  avant  notre  ère. 

a  Je  viens  de  recevoir  des  dépêches  m'annonçant  que  M.  Loret 
a,  dans  les  ruines  de  Thèbes,  retrouvé  les  tombeaux  de  deux  des 
plus  illustres  pharaons  :  Aniénophis  II  et  Thoutmès  III.  C'est  sur 
les  traces  glorieuses  de  Mariette,  de  Maspéro  et  de  Jacques  de 
Morgan  que  marche  le  nouveau  «  directeur  des  antiquités  égyp- 
tiennes » . 

a  En  effet,  M.  Loret  a  succédé  en  cette  qualité  à  M.  de  Morgan 
qui,  ainsi  que  vous  le  savez,  va  entreprendre  de  nouvelles  fouilles 


90  niSCOL'HS    DE    M.    LE    MIMISTRE. 

en  Perse,  grâce  au  crédit  de  plus  de  500,000  francs  que  j'ai  obtenu 
du  Parlement,  et  grâce  à  un  traité  fort  avantageux  conclu  avec  le 
shah  et  qui  laisse  à  la  France  la  propriété,  par  moitié,  des  objets  à 
découvrir. 

«  Les  dernières  lettres  que  j'aie  de  M.  de  Morgan  m'annoncent 
seulement  la  marche  de  900  kilomètres  qu'il  vient  d'accomplir  de 
Téhéran  à  Suze,  constamment  harcelé  par  des  tribus  pillardes, 
rebelles  au  roi  de  Perse,  et  contre  lesquelles  notre  archéologue  a 
dû  se  retrancher  toutes  les  nuits,  en  faisant  le  guet,  son  fusil  à  la 
main.  Nullement  découragé  par  les  fatigues,  les  privations  et  les 
dangers,  il  m'informe  que  je  puis  compter  —  et  croyez  bien  que 
je  n'en  ai  jamais  douté  —  «  sur  sa  prudence  et  son  énergie  » . 

«  Un  autre  de  nos  missionnaires,  M.  Sylvain  Lévi,  professeur  au 
Collège  de  France,  explore  en  ce  moment  l'Inde  et  les  confins  de 
l'Inde.  A  Bénarès,  la  ville  sainte  des  Hindous,  il  a  conversé  en  sans- 
crit avec  les  brahmanes  qui,  abdiquant  tout  fanatisme,  l'ont  traité 
comme  un  des  leurs,  comme  n\\j)andit.  Le  Népaul,  qui  se  ferme 
si  jalousement  aux  Européens,  s'est  ouvert  à  lui  ;  sa  dernière  lettre 
m'est  arrivée  de  Katmandou;  le  maharadja  lui  a  livré  sa  biblio- 
thèque de  manuscrits  rares.  Aous  pouvons  espérer  de  ce  voyage 
un  précieux  accroissement  de  nos  connaissances  comme  de  nos 
collections. 

tt  La  mission  présidée  par  M.  Bonin  entreprend  un  itinéraire 
qui  doit  la  mener  de  la  Birmanie  au  Mékong,  et  de  Sining-fou  à 
Irkoutsk  en  Sibérie. 

«  D'autre  part,  M.  Ciiaffanjon,  déjà  connu  pour  sa  mission  sur 
rOrénoque,  à  peine  reposé  de  son  voyagea  travers  l'Asie  centrale, 
est  reparti  avec  le  dessein  d'explorer  la  Sibérie,  la  Mandchourie  et 
la  Corée,  de  dresser  la  carte  de  ces  pays  et  d'y  faire  des  recherches 
d'ethnographie  et  d'histoire  naturelle. 

!'  Je  dois  rappeler  que  récemment  une  femme,  Mme  Isabelle 
Massieu,  sous  les  auspices  du  ministère  de  l'Instruction  publique, 
mais  sans  aucune  subvention,  a  parcouru  la  Birmanie,  les  Etats 
Shang,  la  Mongolie,  la  Sibérie  et  le  Turkestan. 

«  Ainsi  les  itinéraires  français  se  croisent  sur  l'immensité  de 
l'Asie,  et  nos  voyageurs  rivalisent  de  zèle  avec  les  Anglais  et  les 
Russes,  mais  ne  sont  mus  que  par  l'amour  désintéressé  de  la 
science,  tandis  que  nos  rivaux  ou  alliés  se  préoccupent,  très  légiti- 


DISCOUUS    DE    M.    LE    MIMISTKE.  91 

mement  d'ailleurs,  de  leurs  intérêts  nationaux  dans  des  régions  si 
voisines  de  leurs  possessions. 

<■<■  L'Amérique  n'est  point  délaissée  par  nos  explorateurs,  et  pro- 
chainement s'ouvrira  au  Muséum  l'exposition  des  collections  que 
M.  le  comte  Henri  de  la  V'aulx  a  rapportées  de  son  voyage  à  travers 
la  Patagonie. 

«Nous  n'abandonnons  pas  non  plus  le  sol  de  la  Grèce,  où  tant 
de  découvertes,  et  tout  récemment  les  fouilles  de  Delphes,  ont 
honoré  le  nom  français.  Grâce  à  un  nouveau  crédit  annuel  de 
20,000  francs  que  vient  de  voter  le  Parlement,  le  service  des 
fouilles  est  assuré  et  notre  Ecole  d'Athènes,  dont  les  regards  sont 
déjà  6xés  sur  l'île  sainte  de  Délos,  n'aura  rien  à  envier  aux  mis- 
sions allemandes,  anglaises  ou  américaines. 

«  Les  espérances  que  nous  font  concevoir  les  travaux  de  vos 
Sociétés,  Messieurs,  et  les  hardies  entreprises  de  vos  émules  en 
pays  lointains  ne  peuvent  nous  empêcher  de  faire  un  retour  sur  ce 
que  l'année  écoulée,  féconde  et  glorieuse  à  tant  d'égards,  nous  a 
apporté  de  deuils  et  de  regrets. 

«  Le  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques  a  perdu  quatre 
de  ses  membres  :  dans  la  section  d'archéologie,  M.  le  Blant;  dans 
la  section  des  sciences  économiques  et  sociales,  M.  Bufnoir;  dans 
la  section  de  géographie,  .\I.  Schefer;  dans  la  section  des  sciences, 
M.  Aimé  Girard. 

«  Edmond  le  Blant,  membre  de  l'Institut,  ancien  directeur  de 
notre  Ecole  de  Rome,  avait  consacré  sa  vie  à  l'étude  de  nos  ori- 
gines religieuses.  Son  Recueil  des  inscriptions  chrétiennes  de  la 
Gaule,  qui  lui  valut  la  première  médaille  au  concours  des  anti- 
quités nationales  de  1852;  sa  collection,  commencée  eu  J878,  des 
Sarcophages  chrétiens  delà  Gaule  ;  son  étude  sur  les  Persécuteurs 
et  les  Martyrs  au  premier  siècle  de  notre  ère,  resteront  ses  princi- 
paux titres  de  gloire  et  l'honneur  impérissable  de  sa  mémoire. 

tt  II  y  a  bien  peu  de  semaines  que  nous  disions  le  dernier  adieu 
à  M.  Bufnoir,  l'un  des  maîtres  les  plus  éminents  qui  aient  honoré 
notre  Ecole  de  droit,  un  des  collaborateurs  les  plus  assidus  de  votre 
Comité,  où  sa  droiture  de  caractère  et  l'élévation  de  ses  idées  ont 
laissé  un  souvenir  inoubliable. 

«  Presque  dans  le  même  temps  notre  Ecole  des  langues  orien- 
tales perdait  son  directeur,   Charles  Schefer,   qui,   avant  d'être 


92  piSCOURSDEM.LEMI\'ISTRE. 

appelé  à  la  tète  (le  la  maison  où  il  fut  d'abord  élève,  exerça  les 
fonctions  du  drogmanat  à  Beyrouth,  à  Srnyrne,  à  Alexandrie, 
enfin  à  Conslantinople.  Il  fut  mêlé  à  d'importantes  négociations  : 
celles  qui  aboutirent  au  traité  de  1856,  celles  qui  nous  valurent 
la  colonie  d'Obock  ;  dans  l'intervalle,  il  avait  accompagné  la  petite 
armée  française  qui  pacifia  le  Liban.  Il  était  depuis  1857  professeur 
de  persan  à  rÉcole  des  langues.  Il  possédait,  dans  la  même 
perfection,  l'arabe  et  le  turc.  Xommé  directeur  de  l'ilcole,  il  lui 
assura  un  nouveau  local  et  une  autonomie  plus  complète,  y  fit 
créer  de  nouvelles  chaires  et  conférences,  — dont  il  m'a  été  donné 
d'augmenter  encore  le  nombre,  —  enrichit  la  bibliothèque,  qui 
passa  de  325  volumes  à  plus  de  40,000,  commença  la  série  des 
Puhlicotions  de  Vécole  qui  compte  plus  de  60  volumes,  ainsi  que 
le  Recueil  des  voyages  et  documents ^  enfin  rédigea  de  sa  main 
pour  ces  deux  collections  des  ouvrages  de  premier  ordre. 

K  Le  jour  même  où  s'ouvrait  votre  Congrès,  nous  apprenions  la 
mort  d'Aimé  Girard,  l'éminent  professeur  de  chimie  à  l'Institut 
agronomique  et  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers. 

«Parmi  les  membres  honoraires  du  Comité,  nous  avonsà  regretter 
la  perte  de  Georges  Ville,  qui  a  rendu  tant  de  services  aux  sciences 
agronomiques  ;   de  Léon  Gauthier,   l'historien  amoureux  de  nos 
Institutions  et  de  notre  littératuredu  moyen  âge,  l'érudit  dont  les 
Epopées  françaises  furent  une  révélation  même  pour  le  monde 
savant,  et  dont  le  livre  sur  la  Chevalerie  et  l'édition  définitive  de 
la  Chanson  de  Roland  ont  rendu  le  nom  populaire  jusque  sur  les 
bancs  de  nos  écoles  ;  —  et  enfin  de  A.  Bardoux,  le  plus  aimable 
et  le  meilleur   des  hommes,  qui  fut,    comme  ministre  ou  comme 
membre   du  Parlement,    un    serviteur  passionné    du  progrès   de 
l'instruction  publique  à  tous  ses  degrés,  et  qui,  présidant  en  1878 
votre  Congrès,  définissait  avec  tant  de  justesse  votre  rôle.  Parlant 
du  grand  effort  que  venait  d'accomplir  la  France  pour  son  relè- 
vement intellectuel ,   il  vous    disait  :    «  Les  Sociétés  savantes  en 
a  représentent  un  des  côtés  les  plus  rares  :  l'investigation  sagace  et 
«  patiente,  l'amour  profond  des  origines,  la  recherche  minutieuse 
«  des  faits,  tout  cet  ensemble  d'études  provinciales  qui  apporte  les 
«  matériaux  de  l'édifice...  ■>■> 

«  Messieurs,  qu'il  s'agisse  d'apprécier  les  travaux  qui  vous  ont 
été  lus  dans  ce  palais  de  la  Sorbonne,  ou  d'envoyer  une  parole 


DISCOURS    I)K    \r.    LE    MINISTRE.  93 

(rencouragemeiit  à  ceux  qui  travaillent  et  combattent  loin  de  vous 
pour  la  même  cause  que  vous,  ou  d'évoquer  le  souvenir  de  ceux 
que  la  mort  a  enlevés  dans  nos  rangs,  nos  cœurs  battent  à 
l'unisson,  émus  des  mêmes  joies,  des  mêmes  espérances  ou  des 
mêmes  tristesses. 

Il  Je  voudrais  que  les  étrangers  qui,  sur  les  rumeurs  ou  les 
tumultes  de  la  rue,  jugent  sévèrement  et  jugent  mal  la  nation 
française,  et  qui  s'imaginent  peut-être,  pour  avoir  lu  des  articles 
de  polémique,  que  ce  peuple  est  voué  à  la  division  et  à  l'impuis- 
sance, je  voudrais  qu'ils  se  donnassent  un  moment  le  spectacle 
que  j'ai  aujourd'liui  sous  les  yeux.  Ils  commenceraient  à  savoir  ce 
qu'est  vraiment  la  nation  française,  car  vous,  les  laborieux  de  la 
science  et  de  l'art,  vous  êtes  ici  comme  la  représentation  et  comme 
l'élite  des  laborieux  de  la  terre  et  de  l'atelier. 

«  Ceux-ci,  tandis  que  vous  accroissez  le  patrimoine  intellectuel 
de  la  France,  travaillent  sans  relâche  à  l'accroissement  de  sa 
fortune  matérielle.  Dédaigneux  des  vaines  clameurs,  ils  fécondent 
ces  champs  sous  les  renûements  desquels  vous  retrouvez  parfois 
les  ossements  de  leurs  aïeux  héroïques  ;  ils  tissent,  ils  taillent  et 
ils  forgent;  ils  créent,  sans  se  reposer,  la  richesse  de  la  patrie  ; 
ils  accumulent  l'épargne  qui  aux  jours  critiques  la  rendra  maîtresse 
de  l'heure  ;  ils  recrutent  de  robustes  soldats  ses  légions;  ils  sont 
l'armée  immense  des  bons  citoyens,  respectueux  des  lois  et  soucieux 
de  l'avenir  de  la  nation.  Entre  eux  et  vous,  il  y  a  l'air  de  famille 
et  le  sentiment  de  la  solidarité  dans  le  bien.  En  eux  comme  en 
vous,  je  salue  de  tout  cœur  la  province  française.  Et  comme  c'est 
dans  la  province  française  que  se  retrouvera  le  Congrès  qui  clôt 
aujourd'hui  sa  session  parisienne,  en  vous  disant  merci  au  nom  du 
Gouvernement,  qu'il  me  soit  permis,  en  tant  que  membre  de 
plusieurs  de  vos  Sociétés,  d'ajouter  ce  mot:  Au  revoir!  » 

M.  DE  Sai\t-Arromaiv  donne  ensuite  lecture  d'arrêtés  ministériels 
décernant  des  palmes  d'officier  de  l'Instruction  publique  et  d'offi- 
cier d'Académie. 


94  XOMINATIOAS. 


Chevalier  de  la  Légion  d'honneur  et  officiers  d'Académie 
nommés  sur  laprésentation  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts. 

J  "  Chevalier  de  la  Légion  d'honneur. 

M.  Emile  Delig\'IÈres,  président  de  la  Société  d'émulation  d'Abbe- 
ville,  membre  non  résidant  du  Comité  à  Abbeville. 

2°  Officiers  d'Académie. 

(Arrêté  du  23  avril.) 

MM.  Beaumoot  (Charles-Joseph-Marie  de  la  Bomivinière  de)  ,  membre 
de  la  Société  archéologique  de  Touraine,  correspondant 
du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements. 

L'abbé  Bosseboeuf,  président  de  la  Société  archéologique  de 
Touraine,  correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux- 
Arts  des  départements. 

HÉXAULT  (Maurice),  bibliothécaire  adjoint  de  la  ville  de  Valen- 
ciennes,  correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux- 
Arts  des  départements'. 


'  On  trouvera  à  la  fm  du  volume  la  liste  complète  des  distinctions  honori- 
fiques accordées  sur  la  présentation  du  Comité  depuis  sa  fondation. 


I 


LECTURES 


ET 


COMMUNICATIONS 


I 


NOTICE 

SUR 

DELX  ANCIEIVNES  TAPISSERIES  DL  MUSÉE 
DES  ANTIQUITÉS  DE  ROUEN 

La  tapisserie  est  la  plus  haute  expression  de  l'art  décoratif  eè 
l'une  des  formes  les  plus  élevées  de  la  peinture.  Implantée  en 
France,  depuis  plus  de  cinq  siècles,  elle  y  est  devenue  un  art  véri- 
tablement national,  qui  a  contribué  plus  qu'aucun  autre  à  répandre 
à  l'étranger  la  renommée  du  goût  français.  Aussi,  le  Musée  dépar- 
tementat  des  antiquités  de  la  Seine-Inférieure  étant  très  pauvre  en 
tapisseries,  nous  sommes-nous  fait  un  devoir  de  chercher  à  com- 
bler cette  lacune,  en  augmentant  ses  collections,  par  deux  pièces 
de  cette  nature. 

Les  deux  photographies  qui  accompagnent  la  présente  notice 
permettront  de  se  rendre  compte  de  leur  importance  artistique  et 
de  leur  rareté. 

La  plus  ancienne  de  ces  deux  tapisseries  offre  dans  son  ensemble 
un  aspect  très  décoratif  '. 

Sur  un  parterre  semé  de  fleurs,  se  détachent  trois  cerfs  ailés, 
d'une  grande  allure,  et  portant  les  andouillers  d'un  cerf  dix  cors. 

L'un  de  ces  cerfs  occupe  le  centre  de  la  tapisserie  ;  il  est  accosté 
de  deux  autres  cerfs  debout  et  affrontés. 

Le  cerf  du  milieu  est  assis  dans  un  champ  clos,  fermé  par  une 
palissade  de  branches  d'arbres  enlacées.  Il  soutient  avec  ses  pieds 

'  Voir,  ci-après,  plaache  I. 


98      DEUX    ANCIENNES    TAPISSERIES    DU    MUSEE    DE    ROUEN. 

la  hampe  d'une  bannière,  fond  rouge,  ornée  de  soleils  d'or,  au  centre 
de  laquelle  on  voit  l'archange  saint  Michel  terrassant  le  dragon. 
L'iTTchange  lient  un  glaive  de  la  main  droite,  et  de  l'autre  un 
bouclier. 

Il  porte  l'armure  complète  de  la  seconde  moitié  du  quinzième 
siècle,  c'est-à-dire  formée  de  deux  plaques,  recouvertes  par  deux 
plastrons  également  en  fer,  l'un  pour  garantir  la  poitrine,  et 
l'autre  les  épaules.  La  cuirasse,  descendant  jusqu'à  la  taille,  est 
rejointe  par  une  jupe  de  mailles,  qu'enveloppent  des  lames  ajustées 
à  recouvrement  appelées  fauldes.  Les  coudières  et  les  genouillères 
sont  munies  de  gardes,  et  les  pieds  chaussés  de  poulaines  sont 
protégés  par  des  solerets. 

La  lame  du  glaive  est  large  et  à  deux  tranchants,  les  quillons 
droits  et  le  pommeau  rond  et  aplati  en  forme  de  disque.  Le  bou- 
clier à  bords  recourbés  porte  une  croix. 

Une  banderole  ou  phylactère  enroulée  autour  de  la  hampe  de  la 
bannière  est  chargée  de  cette  légende  explicative  en  vers  de  huit 
et  neuf  pieds  : 

Cest  estandart  est  une  enseigne 

Qui  a  loial  francois  enseigne 

De  jamais  ne  la  bandonner 

S'il  ne  veult  son  honneur  donner. 

A  droite  et  à  gauche  de  la  tapisserie,  les  deux  cerfs  affrontés 
debout  portent  une  couronne  fleuronnée  de  lis,  ouverte,  enrichie 
de  pierreries,  à  laquelle  est  suspendue  un  écu  aux  armes  de 
France. 

Une  banderole  se  déroule  du  cou  du  cerf  de  droite  sur  laquelle 
on  lit  : 

Armes  porte  très  glorieuses 
Et  sur  toutes  victorieuses. 

Sur  la  banderole  du  cerf  de  gauche  se  voit  également  cette 
légende,  qui  complète  la  pensée  émise  sur  la  précédente  : 

Si  nobles  na  dessoulz  les  cieulx. 
Je  ne  pourroye  porter  mieulz. 

Dans  le  bas  de  la  tapisserie  et  au  centre,  se  trouve  le  blason  de 
France,  sur  un  écu  de  forme  recourbée,  beaucoup  plus  grand  que 
les  deux  autres,  qui  sont  suspendus  au  cou  des  deixx  cerfs.  Cet  écu 
esl  accosté  de  deux  lions  affrontés,  couchés  sur  le  parterre  semé  de 


DEUX    ANCIENAiES    TAPISSERIES    DU    iMUSEE    DE    ROUEN.      99 

fleurettes  et  d'iris  bleus  et  blancs,  qui,  peut-être  ici,  tiennent  lieu 
de  lis  ', 

Sur  le  côté  gauche  de  la  tapisserie,  des  buissons  de  roses*  et 
d'arbustes,  qui  paraissent  être  de  jeunes  sorbiers  ^ 

Lne  partie  des  bords  de  la  tapisserie  a  disparu  du  côté  droit, 
mais  ce  qui  existe  sur  l'autre  indique  suffisamment  que  les  deux 
côtés  présentaient  une  disposition  analogue. 

Cette  tapisserie,  telle  qu'elle  est  actuellement,  mesure  3°", 47 
de  hauteur  sur  8"°, 80  de  largeur. 

Au  sommet,  se  trouvent  deux  châteaux  forts  à  tours  crénelées, 
surmontant  des  rochers  escarpés,  d'où  l'on  distingue  un  vaisseau, 
aux  voiles  déployées,  suivi  par  une  barque.  L'architecture  nous 
semble  indiquer  la  seconde  moitié  du  quinzième  siècle. 

Quoique  postérieure  d'un  siècle,  cette  tapisserie  pourrait  être 
classée  dans  la  catégorie  de  celles  qui  figurent  dans  l'inventaire  de 
Charles  V,  sous  la  désignation  de  tapisserie  d'armoirie.  On  trouve 
également  mentionné  dans  cet  inventaire  *  :  «  Ung  grand  tappiz 
et  ungbancquier  vermeil,  semez  de  fleurs  de  lys  azurées,  lesquelles 
fleurs  de  lys  sont  semées  d'autres  petites  fleurs  de  lys  jaunes,  et  au 
milieu  un  lion,  et  aux  quatre  coins,  bestes  qui  tiennent  banières.  » 

Pour  ce  qui  concerne  les  légendes  explicatives  en  vers  français, 
les  poètes  les  plus  réputés  de  ce  temps-là  ne  dédaignaient  pas  d'y 
travailler.  Les  œuvres  de  maître  Henri  Baude,  que  Jules  Quicherat 
a  publiées,  sont  un  exemple,  entre  plusieurs,  de  ces  dictz  moraux 
pour  mettre  en  tapisserie ^  ainsi  que  les  désigne  lui-même  le  poète. 

11  nous  resterait  à  déterminer  l'époque  et  l'origine  de  cette 
tapisserie  du  Musée  de  Rouen,  sur  laquelle  nous  n'avons  pu 
malheureusement  jusqu'à  ce  jour  recueillir  aucun  renseignement 
sous  le  rapport  de  la  provenance. 


'  En  effet,  certains  auteurs  pensent  qu'il  faut  voir  l'origine  des  lis  qui  figurent 
sur  les  armes  de  France  dans  l'iris,  et  notamment  dans  l'iris  des  marais.  D'autres, 
au  contraire,  penchent  pour  des  fers  de  lance,  etc.,  etc. 

*  A  considérer  la  forme  de  ces  buissons  de  roses,  il  serait  possible  de  les  pren- 
dre pour  des  camélias,  si  l'on  ne  savait  d'ailleurs  que  ces  arbustes  ue  furent  intro- 
duits en  Europe,  par  le  Père  Gamelli,  qu'en  1739. 

*  Ces  arbres  passaient  alors  pour  servir  de  préservatif  contre  les  sortilèges  et 
les  maléfices. 

*  Labarte,  Inventaire  du  mobilier  de  Charles  V,  roi  de  France,  Paris,  1879, 
p.  378  et  suiv. 


100      DEUX    ANCIENNES    TAPISSERIES    DU    MUSEE    DE    ROUEN. 

De  l'examen  de  rensemble  même  de  cette  tapisserie  et  de  cer- 
tains détails,  tels  que  les  légendes  explicatives  écrites  dans  notre 
langue,  il  nous  paraît  résulter  qu'une  origine  française  peut  lui 
être  attribuée.  Les  légendes  qui  figurent  sur  les  tapisseries  fla- 
mandes proprement  dites  sont  le  plus  souvent  en  latin,  ou  en  alle- 
mand pour  les  tapisseries  de  celte  origine  ou  de  provenance  suisse. 
Quant  à  songer  à  trouver  une  date,  on  sait  combien  elles  sont  rares 
sur  les  tapisseries  du  quinzième  siècle  ;  à  plus  forte  raison  ne  faut-il 
pas  compter  y  rencontrer  une  signature  '. 

Cependant  par  le  caractère  décoratif  assez  spécial  de  cette 
tapisserie,  la  forme  paléographique  des  lettres  qui  composent  ses 
légendes,  celle  de  la  couronne,  de  l'écu  et  des  fleurs  de  lis,  de  la 
cuirasse,  et  d'autres  détails,  tels  que  les  fauldes,  gardes  et  pou- 
laines  à  solerets,  ainsi  que  l'architecture  des  édifices,  le  genre  de 
flore  employé  pour  décorer  les  fonds  de  cette  tapisserie,  etc.,  tout 
cela  semble  devoir  nous  permettre  de  faire  remonter  son  origine 
à  la  fin  du  quinzième  siècle,  c'est-à-dire  aux  règnes  de  Charles  l  III 
ou  de  Louis  XIL 

Sa  couronne  ouverte,  ses  fleurs  de  lis,  ainsi  que  ses  deux  lions, 
sont  d'ailleurs  à  peu  près  analogues  à  ceux  qui  se  trouvent  sur  le 
sceau  de  Louis  XII,  en  1498  ■. 


»  Consulter,  Achille  Jubixal,  Les  anciennes  tapisseries  historiées;  l'Histoire 
de  la  tapisserie,  depuis  le  moyen  âge  jusqu'à  nos  jours,  par  M.  Jules  Gliffrev. 
Tours.M.DGCC.LXXXVI.  —  La  tapisserie,  par  M.  Eugène  Mlntz.  Paris,  Quan- 
tin.  —  L'Histoire  générale  de  la  tapisserie  :  Tapisseries  flamandes,  par 
M.  Alexandre  Pinchart.  Paris,  Dalloz;  Les  tapisseries  françaises,  par  AI.  Jules 
GuiFFREV;  Les  tapisseries  bruxelloises  et  historiées,  par  M.  Wauters  ;  Les  tapis- 
series de  hante  lisse  de  fabrication  lilloise  du  quatorzième  au  dix-huitième 
siècle,  par  Jules  Houdov.  Paris,  Aubry,  1871,  etc.,  etc. 

*  Au  sujet  de  la  couronne  fermée,  nous  lisons  dans  Menestrier  ce  qui  suit  : 
»  Quelques  uns  prétendent  que  Charles  VIII  est  le  premier  qui  ait  pris  la  cou- 
ronne fermée,  lorsqu'en  1495  il  prit  la  qualité  d'Empereur  d'Orient.  Cependant 
l'on  voit  des  écus  d'or  et  autres  monnoyes  de  Louis  XII,  successeur  de  Charles  VIII, 
où  la  couronne  n'est  point  fermée.  Il  paroit  donc  qu'on  doit  rapporter  cette  usage 
à  François  I",  qui  ne  vouloit  céder  en  rien  à  Charles-Quint  et  à  Henri  VIII,  roi 
d'Angleterre,  qui  avoient  pris  la  couronne  fermée,  t  Nouvelle  Méthode  raisonnée 
du  blason,  du  P.  Mexestier,  p.  230.  Lyon,  M.DCC.LXX. 

Pour  ne  citer  qu'un  exemple  à  l'appui  de  cette  opinion,  une  très  belle  reliure, 
de  la  collection  de  M.  Dutuit  de  Rouen,  faite  pour  François  P"",  porte  les  armes 
de  France,  timbrées  d'une  couronne  fermée,  avec  l'F  et  la  salamandre.  L'ouvrage 
ainsi  relié  a  pour  titre  :  lamblichus  de  mysteriis  JEgyptorum,  Chaldaeorum, 
etc.  l/enetiis,  inœdibus  Aldi  et  Andreœ  soceri,  1516.  In-fol.  veau  fauve  à  cora- 


DEUX    ANCIENNES    TAPISSERIES    DU    MUSEE    DE    ROUEM.      101 

Pour  ce  qui  est  de  l'emploi  des  banderoles  (ou  phylactères) 
chargées  de  légendes  descriptives  que  l'on  voit  sur  la  tapisserie  du 
Musée  de  Rouen,  d'autres  exemples  semblables  existent  également 
sur  des  tapisseries  françaises  de  la  même  époque  et  antérieures. 
Elles  sont  assez  fréquentes  comme  parti  pris  décoratif,  surtout  en 
ce  qui  concerne  les  tapisseries  allemandes  et  suisses.  Il  serait  aisé 
d'en  fournir  de  nombreuses  preuves  :  à  savoir,  la  tapisserie  du 
Musée  germanique  de  Nuremberg,  qui  représente  des  promenades 
et  des  jeux  sur  les  remparts,  ainsi  que  celle  des  douze  apôtres 
dans  l'église  Saint-Laurent  de  la  même  ville,  etc.  ;  d'autres  tapisse- 
ries à  Bàle,  de  même  origine,  ou  suisses,  dont  une  représente  une 
partie  de  la  légende  des  neuf  preux  et  une  autre  un  sujet  symbolique 
sur  l'amour,  etc.,  etc. 

Enfin,  pour  revenir  à  la  France,  nous  citerons  également  une 
frise,  du  commencement  du  quinzième  siècle,  sur  laquelle  on  voit 
des  anges,  d'nn  charme  exquis,  portant  les  attributs  de  la  Passion. 
Cette  tapisserie  appartient  à  l'église  Notre-Dame  de  Nantilly  à  Sau- 
mur.  Elle  offre  un  exemple  entre  plusieurs  de  l'emploi  des  légendes 
explicatives  sur  les  tapisseries  françaises  de  cette  époque  '. 

Maintenant,  en  ce  qui  concerne  le  caractère  décoratif,  assez  parti- 
culier d'ailleurs,  de  la  tapisserie  du  Musée  de  Rouen,  nous  dirons 
que  la  tenture  si  remarquable  du  Musée  de  Cluny,  l'histoire  de  la 
Dame  à  la  licorne  (qui  est  cependant  du  commencement  du 
seizième  siècle),  nous  semble  s'en  rapprocher  sous  certains  côtés, 
notamment  par  les  animaux  héraldiques,  les  bannières,  etc.  La 
tapisserie  du  Musée  de  Rouen  n'a  pas,  il  est  vrai,  de  personnages 
comme  les  tapisseries  provenant  de  Boussac,  mais  elle  nous  paraît 
néanmoins  appartenir  à  la  même  famille  et  dénoter  aussi  une  même 
origine  bien  française,  quoique  pouvant  être  plus  ancienne  de 
quelques  années. 

A  quel  atelier  devons-nous  alors  rattacher  cette  tapisserie  du 
Musée  de  Rouen?  On  sait  qu'à  l'époque  où  elle  fut  tissée,  l'Artois  et 
la  Flandre  appartenaient  à   la   France.  Il  y  avait  bien  aussi  des 


part,  et  fleurs  de  lis,  tr.  dor.  Nous  avons  cité  cet  ouvrage  de  préférence  à  cause  de 
sa  date  de  1516.  D'autres  reliures  de  ce  roi  portent  également  les  mêmes  armes  que 
surmonte  une  couronne  fermée.  11  en  est  de  même  pour  des  monnaies  de  ce  roi,  etc. 
'  Ces  tapisseries  ont  été  publiées  par  MM.  Jules  Guiffrey  et  Eug.  Muntz  dans 
les  ouvrages  cités  précédemment. 


102      DEUX    AMCIEMNES    TAPISSERIES    DU   MUSEE    DE    ROUEM. 

ateliers  à  Paris  ',  à  Reims,  à  Troyes,  à  Bourges,  à  Rennes,  etc.; 
mais  ils  ne  constituaient  pas  en  réalité  un  centre  de  fabrication. 

Les  recherches  auxquelles  les  savants  les  plus  compétents  se  sont 
livrés  de  nos  jours,  sur  l'histoire  de  la  tapisserie,  ont  donné  certai- 
nement déjà  des  résultats  très  précieux.  Ces  recherches  toutefois 
ne  sont  pas  encore  assez  avancées  pour  permettre  d'établir  une 
distinction  spéciale  parmi  les  œuvres  sorties  de  ces  ateliers  de  tapis- 
siers. Il  en  est  de  même  pour  ceux  de  Bruxelles,  Tournai,  Lille, 
Gand,  Audenarde,  etc.,  etc.  -. 

Si  nous  passons  très  rapidement  en  revue  les  diverses  phases  de 
l'histoire  de  la  tapisserie  en  Europe,  Paris  et  Arras  occupèrent  tout 
d'abord  le  premier  rang,  au  quatorzième  siècle,  puis  dans  la 
seconde  moitié  du  quinzième  siècle,  ces  villes  furent  dépassées  par 
Tournai,  Bruxelles  et  Bruges,  Au  seizième  siècle,  la  suprématie 
revient  à  Bruxelles,  à  l'Italie  et  même  à  la  France,  pour  appar- 
tenir définitivement  à  cette  dernière,  pendant  les  siècles  suivants. 
Dans  la  seconde  moitié  du  quinzième  siècle,  Tournai  et  Bruges  se 
disputent  la  vogue  dans  l'art  de  la  tapisserie  et  reçoivent  les  com- 
mandes des  ducs  de  Bourgogne,  notamment  de  Philippe  le  Bon. 
Bruges  semble  même  l'emporter  pour  la  finesse  de  l'exécution  et 
par  la  distinction  de  l'art  qu'elle  doit  surtout  à  son  Ecole  de  pein- 
ture, ce  qui  lui  vaut  la  clientèle  des  Médicis.  Il  nous  sera  cependant 
permis  de  faire  remarquer  ici  que,  dans  cette  seconde  moitié  du 
quinzième  siècle,  la  ville  de  Tournai  était  celle  entre  toutes  qui 
paraissait  jouir  de  la  plus  grande  vogue  pour  ses  tapisseries.  Déjà 
ses  ateliers  de  fabrication  avaient  pris  un  très  grand  essor  de  1449 
à  1453,  mais  l'occupation  d'Arras  par  Louis  XI  en  1477  porta  un 
coup  mortel  à  l'art  de  la  tapisserie  dans  cette  ville.  Tournai  semble 

'  On  peut  même  attribuer  à  uu  atelier  parisien  l'admirale  tapisserie  le  Couron- 
nement de  la  Vierge,  conservée  dans  le  trésor  de  la  cathédrale  de  Sens,  que  nous 
considérons  comme  le  chef-d'œuvre  de  cet  art,  au  commencement  du  seizième 
siècle.  La  commande  en  aurait  été  faife  par  l'archevêque  Tristan  de  Salazar  au 
maître  tapissier  Allardin  de  Souyn,  qui  travaillait  à  Paris  dans  l'hôtel  même  de 
cet  archevêque  de  Sens.  Il  n'existe  d'ailleurs  que  très  peu  de  documents  sur  la 
fabrication  de  la  tapisserie  à  Paris  à  cette  époque.  Cette  tapisserie  du  trésor  de 
Sens  dénote  encore  une  influence  flamande,  notamment  celle  de  l'école  de 
Bruges. 

^  Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  ici  des  ateliers  d'Allemagne,  de  Suisse  et 
d'Italie,  la  tapisserie  du  Musée  de  Rouen  ne  nous  paraissant  pas  devoir  leur  être 
attribuée. 


DEUX    AXCIEXXES    TAPISSERIES    DU    MUSEE    DE    ROUEN.       103 

devenir  alors  le  grand  centre  où  s'approvisionnent  les  princes  et 
les  grands  seigneurs  pour  les  tapisseries.  C'est  ainsi  que  le  cardinal 
Georges  d'Amboise,  le  iMécène  d'alors,  s'adresse  pour  l'ornemen- 
tation de  son  palais  à  Antoine  Grenier,  un  des  membres  d'une 
famille  qui  a  occupé  une  situation  prépondérante  parmi  les  tapis- 
siers tournaisiensde  la  seconde  moitié  du  quinzième  siècle'. 

Déjà  l'un  d'eux,  en  1459,  Pasquier  Grenier,  avait  vendu,  pour  la 
somme  de  5,000  écus  d'or,  au  duc  de  Bourgogne,  une  riche  ten- 
ture (le  l'histoire  d'Alexandre.  Philippe  le  Beau  avait  acheté  au 
même  en  1461,  pour  4,000  écus  d'or,  six  tapisseries  delà  passion 
de  Notre-Seigneur  ;  puis,  en  1462,  une  tenture  de  l'histoire  d'As- 
suérus,  et  une  autre  histoire  du  chevalier  du  Cygne,  en  trois 
tableaux. 

En  1472,  le  magistrat  franc  de  Bruges  s'adressait  au  même  tapis- 
sier pour  une  tenture  de  la  destruction  de  Troie,  offerte  en  présent 
à  Charles  le  Téméraire.  Ce  qui  semblerait  indiquer  pour  cette 
époque  la  supériorité  des  ateliers  de  Tournai  sur  ceux  de  Bruges*. 

Plus  tard,  Jean  Grenier  fournit  diverses  tentures  à  Philippe  le 
Beau,  parmi  lesquelles  on  voit  mentionnés  une  histoire  du  ban- 
quet et  d'autres  personnages  de  vignerons  ou  bûcherons.  Il  reçoit 
pour  un  seul  payement,  2,472  livres. 

Enfin,  à  cette  triste  date  de  1513,  où  Tournai  est  ravie  à  la 
France,  c'est  encore  à  Jean  Grenier  que  s'adresse  le  magistrat  de 
cette  ville,  pour  la  fourniture  de  six  pièces  qui  sont  offertes  à  Mar- 
guerite d'Autriche,  à  l'occasion  de  sa  nomination  au  gouvernement 
des  Pays-Bas. 

11  nous  serait  facile  de  fournir  d'autres  exemples,  en  citant  éga- 
lement Jean  de  Bacre,  auquel  les  magistrats  de  Tournai  s'adressent 
pour  une  tapisserie,  sortant  de  son  alelicr,  qu'ils  offrent  au  grand 
historien  Philippe  de  Commines  \ 


'  Le  cardinal  était  pourtant  à  même  de  recourir  à  des  Italiens,  comme  il  le 
faisait  pour  d'autres  arts.  Ce  qui  prouve  encore  davantage  la  réputation  des  ate- 
liers de  Tournai  à  cette  époque. 

*  Consulter  l'ouvrage  de  \l.  Eugène  Soil,  Les  tapisseries  de  Tournai. 

^  Les  mêmes  magistrats  qui  se  montraient  si  généreux  envers  Piiilippe  de 
Commines  pouvaient  paraître  encore  plus  empressés  auprès  de  Charles  VIII  ou 
de  Louis  XII  et  leur  faire  hommage  également,  d'une  tapisserie  comme  celle  du 
Musée  de  Rouen,  dont  les  légendes  étaient  si  flatteuses  pour  eux  et  pour  la 
France. 


104     DEUX    ANCIENNES    TAPISSERIES    DU    MUSEE    DE    ROUEN. 

En  1501,  Nicolas  Blayart,  de  la  même  ville,  vendait  pour 
442  livres  quatre  pièces  de  tapisseries  à  Philippe  le  Beau,  etc. 
Comme  on  vient  de  le  voir,  Tournai  avait  acquis  une  réputation 
universelle,  et  aucune  antre  ville,  même  Bruges,  n'était  mieux  en 
mesure  de  pouvoir  fournir  une  tapisserie  au  roi  de  France.  D'ail- 
leurs, son  blason,  trois  fois  répété  sur  la  tapisserie  du  iVIusée  de 
Rouen  et  les  légendes  si  chevaleresques  qui  s'y  trouvent  permettent 
plutôt  de  croire  à  un  don  fait  au  Roi  qu'à  une  commande  faite  par 
lui. 

Mous  n'avons  fait  jusqu'ici  qu'émettre  certaines  probabilités  sur 
l'origine  de  la  tapisserie  du  Alusée  de  Rouen  ;  nous  souhaitons  vive- 
ment que  d'autres  plus  habiles  puissent  mieux  que  nous  préciser 
l'atelier  d'où  elle  est  sortie. 

TAPISSERIE    DE    L'ATELIER    DE    FONTAINEBLEAU. 

La  seconde  tapisserie,  que  nous  venons  d'acquérir  également 
pour  le  Musée  départemental  des  antiquités  de  la  Seine-Inférieure, 
provient  de  la  fabrique  de  Fontainebleau,  fondée  par  François  I", 
que  Henri  II  plaça  sous  l'habile  direction  du  célèbre  architecte  Phi- 
libert Delorme. 

Elle  nous  paraît  avoir  été  faite  pour  le  château  d'Anet,  qui  venait 
d'être  reconstruit,  vers  1555,  par  ce  grand  artiste,  pour  Diane  de 
Poitiers.  Cette  tapisserie  porte  d'ailleurs  les  attributs  de  l'illustre 
châtelaine,  tels  que  les  trois  croissants  enlacés  et  l'H  de  Henri  II 
qui  se  marie  au  D  de  Diane,  etc.  '  ;  de  même  que  le  delta  grec,  avec 
les  arcs,  les  carquois,  les  flèches  et  les  têtes  de  cerf,  rappellent  la 
divinité  antique,  à  laquelle  cette  tapisserie  est  consacrée.  Sur  les 
extrémités  de  l'écharpe  qui  flotte  autour  de  la  taille  de  la  déesse 
on  voit  également  l'H  de  Henri  II  enlacé  avec  le  D  de  Diane. 

La  déesse  antique  est  représentée,  croyons-nous,  sous  les  traits 
de  Diane  de  Poitiers,  implorant  Jupiter  (sous  les  traits  de  Henri  II) 
pour  obtenir  de  lui  le  don  de  chasteté.  Junon,  Minerve,  Mars  et 
Mercure  entourent  le  maître  des  dieux,  dont  les  attributs,  l'aigle 
et  la  foudre,  sont  au  bas  du  trône. 

Dans  le  lointain  on  voit  un  temple  élevé  en  l'honneur  de  la 

'  Voir,  ci-contre,  planche  II. 


DEUX    AATCIEMMES    TAPISSERIES    DU    MUSf:E    DE    ROUIÎ^',      105 

déesse  et  le  serpent  Python  qu'Apollon  et  elle  viennent  de  frapper 
morlellenient  de  leurs  flèches. 

Dans  le  haut  de  la  tapisserie,  placée  sur  sa  bordure  et  tissée  à 
même,  se  trouve  cette  légende  explicative  en  vers,  inscrite  sur  une 
tablette  encadrée  dans  un  cartouche  qu'accompagnent  deux  têtes 
de  chèvre  : 

Depuis  pour  mieux  aux  chasses  s'adonner 

A  Jupiler  ses  prières  adresse, 

Le  suppliant  chasteté  luy  donner, 

Côme  à  Pallas,  des  guerres  la  maistresse. 

En  même  temps,  Phœbus  ses  armes  dresse 

Contre  Python  et  par  sa  grand  vertu 

De  mille  traitz  il  la  mort  abbatu. 

Le  peuple  Icrs  qui  s'estone  et  contêpie 

Voyant  des  dieux  l'ennemy  comhattu 

Pour  son  honneur  luy  a  dresse  un  temple. 

On  lit  ensuite  dans  la  bordure  sur  des  phylactères  : 
D'un  côté...  sic  immota  manet,  et  de   l'autre...  non  frustra 
Jupiter  amhas.  (Ces  deux   hémistiches  des  légendes  forment  un 
hexamètre  complet.) 

Les  deux  têtes  de  chèvre  qui  accompagnent  la  tablette,  sur 
laquelle  se  trouve  la  légende  en  vers,  ont  ici  leur  raison  d'être,  en 
ce  sens  que  les  deux  chèvres  servaient  de  supports  aux  armes  du 
connétable  Louis  de  Brezé,  grand  sénéchal  et  gouverneur  de  Nor- 
mandie, dont  la  devise  était  : 

Tant  gratte  chièvre  que  mal  giste. 

Ce  document  concorde  bien,  d'ailleurs,  avec  le  passage  de  la 
Relation  des  cérémonies  observées  aux  obsèques  de  Louis  de 
Brezé f  où  il  est  dit  : 

«  Le  premier  gentilhomme  portoit  ung  estendard  de  taphetas 
aux  coulevrs  dudit  feu  sieur,  qui  sont  jaune  noir  et  rouge.  Où  estoit 
figurée  une  sainte  Barbe  et  une  chièvre  avec  des  eee  qui  signifie 
Brezé  (on  sait,  en  effet,  que  Brezœus  au  vocatif  fait  Brezœe;  de  là 
les  trois  eee),  et  avoit  escript  «Tant  gratte  chièvre  que  mal  giste.» 

On  peut  voir  également,  dans  la  cathédrale  de  Rouen,  sur  le  tom- 
beau de  Louis  de  Brezé,  les  deux  chèvres  supportant  un  cartouche 
qui  renferme  deux  E  gothiques,  l'un  minuscule  et  l'autre  oncial  '. 

'  Un  devant  de  coffre  en  bois  de  chêne  sculpté  qui  nous  appartient  montre 
également  les  trois  croissants  de  Diane,  ainsi  que  les  deux  tètes  de  chèvre 


106     DEUX    ANCIENNES    TAPISSERIES    DU    MUSEE    DE    ROUEN. 

La  bordure  de  la  tapisserie,  d'un  goût  et  d'une  élégance  remar- 
quables, porte  cette  devise  : 

Tu  mihi  sola  places. 
(Seule  tu  me  plais.) 

Cette  devise,  si  spéciale,  donne  lieu  de  rappeler  ici  le  sujet 
principal  de  notre  tapisserie,  c'est-à-dire  la  déesse  antique  invo- 
quant Jupiter  pour  obtenir  de  lui  le  don  de  chasteté. 

On  sait  que  Diane  de  Poitiers  eut  parfois  une  étrange  façon  de 
concilier  ses  devoirs  d'épouse  avec  les  faveurs  qu'elle  accordait 
à  son  royal  amant. 

Conservant  toujours  le  costume  de  veuve,  elle  inscrivait  l'expres- 
sion de  ses  regrets  pour  son  mari  défunt  sur  les  murs  du  château 
d'Anet,  que  lui  faisait  bâtir  Henri  II.  Demeure  princière  pour 
laquelle,  disions-nous  en  commençant,  cette  tapisserie  avait  dû 
être  exécutée  '. 

Brezœo  hœc  statuit  pergrata  Diana  marito 
Ut  diuturna  sui  sint  monumento  viri. 

(Diane  reconnaissante  a  élevé  ce  monument  à  Brezé,  son  époux, 
afin  qu'il  restât  un  souvenir  durable  de  lui.) 

De  même  que  sur  le  tombeau  de  Louis  de  Brezé  dans  la  cathé- 
drale de  Rouen,  on  peut  lire  les  quatre  vers  qui  suivent  : 

Hoc  Lodoice  tibi  posiiit  Brezœe  scpulclirum 
Pictonis  amisso  mœsta  Diana  viro 
Indivulca  tibi  quondam  et  fidissima  conjux 
Ut  fuit  in  thalamo  sic  erit  in  tumulo. 

(0  Louis  de  Brezé,  Diane  de  Poitiers,  désolée  de  la  mort  de  son 
mari,  t'a  élevé  ce  sépulcre.  Jadis  inséparable  et  fidèle  épouse  dans 
le  lit  conjugal,  elle  le  sera  encore  dans  le  tombeau.) 

Quoi  qu'il  en  soit,  et  laissant  de  côté  cette  particularité  tout  à  fait 
étrangère  à  l'art,  la  tapisserie  qui  vient  d'entrer  au  Musée  de  Rouen 
est  une  œuvre  réellement  hors  ligne,  non  seulement  en  raison  de 
sa  provenance  célèbre,  mais  surtoutpar  la  finesse  de  son  exécution, 
l'harmonie  et  la  conservation  des  couleurs,  le  caractère  des  figures 

'  Consulter  sur  le  château  d'Anet  les  travaux  de  MM.  Roussel  et  .Anatole  de 
Montaiglon. 


DEUX    ANCIENNES    TAPISSERIES    DU    MUSEE    DE    nOUEV.      107 

et   des  ornements    et  la   beauté    décorative   de   sa   composition. 

Les  bordures  notamment  sont  d'une  élégance  et  d'une  sobriété 
qui  justifient  à  elles  seules  l'influence  du  célèbre  architecte,  sous 
la  direction  duquel  elles  ont  été  exécutées.  On  sent,  en  effet,  dans 
leur  ensemble  un  caractère  architectural  et  décoratif  de  premier 
ordre,  qui  dénote  surtout  la  main  d'un  architecte  dont  les  créations 
sont  si  pondérées  et  si  françaises. 

Ainsi  que  l'a  si  justement  fait  ressortir  M.  Jules  GuifFrey, 
réminent  administrateur  de  la  Manufacture  nationale  desGobelins", 
tt  on  ne  saurait  rien  imaginer  de  plus  riche  et  de  plus  ingénieux 
«  à  la  fois  que  ces  admirables  bordures,  bien  françaises  d'inspiration 
u  et  de  goût.  Il  est  visible  que,  lors  de  leur  exécution,  Philibert 
«  Delorme  a  remplacé  les  Italiens  comme  suprême  ordonnateur 
«  des  constructions  et  des  Manufactures  royales.  C'est  lui,  sans  nul 
u  doute,  qui  donne  à  l'atelier  de  Fontainebleau  l'excellente  direction 
«  que  nous  lui  voyons  suivre  dans  les  Arabesques  et  dans  la  tenture 
«  de  Diane  .  Voilà,  certes,  des  œuvres  faisant  le  plus  grand  honneur 
c.  à  nos  artistes  et  capables  de  soutenir  la  comparaison  avec  les 
«  chefs-d'œuvre  les  plus  vantés  des  fabriques  étrangères.  « 

Cette  tapisserie  du  Musée  de  Rouen  fut  sans  doute  donnée  à  la 
famille  Grillo  de  Gênes,  ou  acquise  par  elle,  au  dix-septième  siècle  ; 
toujours  est-il  qu'elle  a  substitué  ses  armes*  par  places  au  delta 
grec,  ainsi  que  les  lettres  initiales  de  son  nom,  les  deux  G,  au 
chiffre  enlacé  de  Henri  II  et  de  Diane  de  Poitiers  ^ 

Nous  avons  déjà  dit  que  cette  tapisserie  avait  dû  être  faite  pour 
le  château  d'Anet.  En  effet,  dans  la  partie  de  cet  édifice  si  remar- 
quable qui  renferme  le  grand  escalier  d'honneur,  se  trouvent  cinq 
grands  trumeaux  remplis  autrefois  par  cinq  tapisseries.  Quatre 
seulement  de  ces  tapisseries  achetées  cent  mille  francs  ont  pu  être 
réintégrées  à  leur  place  primitive,  il  y  a  une  vingtaine  d'années 
environ,  par  M.  Moreau,  ancien  syndic  des  agents  de  Paris  (décédé 
depuis),  qui  avait  fait  restaurer  le  château  (M°"  Morèau  en  est 

'  Histoire  de  la  tapisserie,  p.  218. 

*  Le  grillon  qui  figure  sur  ces  armes  indique  déjà  suffisamment  les  armoiries 
parlantes  de  cette  famille.  Quant  à  la  forme  de  l'écu,  il  nous  paraît  bien  appartenir 
au  dix-septième  siècle. 

^  Il  est  facile  de  se  rendre  compte  de  cette  substitution  sur  l'épreuve  photo- 
graphique de  cette  tapisserie  qui  accompagne  cette  notice  ;  on  voit  encore  l'H 
qui  apparaît  derrière  les  deux  G  enlacés. 


108     DEUX    ANCIENNES    TAPISSERIES    DU    MUSEE    DE    ROUEN. 

encore  acUiellement  propriétaire).  Ces  quatre  tapisseries  sont 
semblables  comme  époque  à  celle  du  Musée  de  Rouen,  et  montrent 
le  même  parti  pris  décoratif  et  les  mêmes  attribuls  de  Diane  de 
Poitiers.  La  disposition  de  cette  grande  pièce  indique  bien  encore 
aujourd'hui,  par  ses  proportion*  monumentales  et  sa  hauteur, 
qu'elle  avait  été  faite  pour  recevoir  les  cinq  tapisseries  en  question. 
D'ailleurs,  la  place  que  devait  occuper  .autrefois  la  tapisserie  du 
Musée  de  Rouen  est  encore  restée  vide  actuellement  au  château 
d'Anet  (ainsi  que  nous  l'avons  constaté  nous-méme  à  une  récente 
visite). 

Nous  aurions  mauvaise  grâce  à  ajouter  (il  est  cependant  facile 
de  s'en  rendre  compte)  que  cette  dernière  tapisserie  du  Musée  de 
Rouen  est  la  plus  remarquable  des  cinq,  d'abord  en  raison  des 
portraits  de  Diane  et  de  Henri  II,  ainsi  que  par  sa  composition  et 
par  la  conservation  de  ses  couleurs.  Il  y  a  notamment  des  rouges 
rubis  sur  la  robe  et  sur  les  manches  de  Junon  en  rappel  de  ton  sur 
le  vêtement  très  court  qui  recouvre  la  cuirasse  de  Mars,  qui  sont 
d'une  coloration  admirable. 

La  tapisserie  du  Musée  de  Rouen  mesure  4°, 84  de  hauteur  sur 
4", 07  de  largeur. 

Les  tapisseries  actuellement  au  château  d'Anet  sont  dans  les  mêmes 
dimensions.  Elles  représentent  Latone  changeant  les  paysans  en 
grenouilles^  (c'est  la  naissance  de  Diane),  Diane  délivrant  Iphi- 
génie,  Diane  tuant  le  chasseur  Orion  et  la  Mort  de  Méléagre. 

Nous  connaissions  déjà  deux  suites  de  tapisseries  exécutées  pour 
Diane  de  Poitiers,  celles  du  château  d'Anet  dont  la  tapisserie  du 
Musée  de  Rouen  fait  partie,  une  pièce  de  la  collection  Maurice 
Kann,  et  d'autres  qui  appartenaient  à  M.  Emile  Peyre. 

Une  troisième  suite,  qui  se  trouve  depuis  plus  de  quatre-vingts 
ans  dans  la  famille  de  M.  le  général  Bezard,  a  fait  l'objet  d'une 
communication  de  M.  Eugène  Muntz,  membre  de  l'Institut,  à  l'Aca- 
démie des  inscriptions,  dans  la  séance  du  21  mai  1897.  Ces  tapis- 
reries  lui  avaient  été  signalées  par  M.  Collignon. 

Cette  suite,  exécutée  en  1610,  est  une  reproduction  des  tentures 
du  seizième  siècle  que  nous  venons  de  mentionner. 


'  Cette  tapisserie    a   été   reproduite   dans   l'Histoire  de  la  tapisserie,   par 
M.  Jules  GuiFFREV,  p.  217,  et  dans  La  tapisserie,  par  M.  Eugène  Muntz,  p.  240. 


DEUX    AIVCIENNES    TAPISSERIES    DU    MUSÉE    DE    ROUE.M.      109 

Les  tapisseries  du  château  d'.Anet  et  du  Musée  de  Rouen  ont 
certainement  été  composées  sur  les  indications  de  Diane  de  Poi- 
tiers, ainsi  que  le  prouve  les  attributs  et  les  emblèmes  choisis 
par  elle. 

D'ailleurs,  elle  n'avait  qu'à  consulter  son  exemplaire  des  Méta- 
morphoses d'Ovide,  dont  un  manuscrit  existait  dans  la  biblio- 
thèque d'Anet,  pour  guider  ensuite  les  artistes  sur  les  divers  épi- 
sodes qui  s'y  trouvaient  retracés.  Ces  données  devaient  servir  à 
exalter  la  déesse  antique  qu'elle  avait  choisie  pour  se  gloritier 
elle-même.  Ce  qui  explique  les  trois  croissants  pris  par  elle  comme 
emblèmes,  qui  sont  une  sorte  d'allusion  à  cette  espèce  de  patro- 
nage olympien  sous  lequel  la  duchesse  de  V^alentinois  s'était  placée, 
et  à  la  fameuse  devise,  Donec  totum  impleat  orhem.  D'ailleurs,  la 
tapisserie  du  Musée  de  Rouen  nous  montre  son  propre  portrait 
ainsi  que  celui  de  Henri  II.  Nous  serions  également  tenté  de  supposer 
que  les  autres  divinités  antiques  qui  s'y  trouvent  peuvent  être  aussi 
des  portraits  de  personnages  de  la  cour  de  Henri  II. 

Nous  sommes  heureux  de  soumettre  à  nos  collègues  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements  la  primeur  de  cette  notice  et  des 
deux  photographies  des  tapisseries  récemment  acquises  par  nous 
pour  le  Musée  départemental  des  antiquités  de  la  Seine-Inférieure, 
où  désormais  notre  art  national  sera  dignement  représenté  par 
deux  œuvres  remarquables. 

Gaston  Le  Breton, 

Correspondant  de  rinstitut,  directeur  du  Musée 
départemental  des  antiquités  de  la  Seine- 
Inlérieure  et  du  Jlusée  céramique  de  Rouen, 
correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  départements. 


110  PEIMTRES    DES    XVT,    XVII'   ET    XVIIT   SIECLES- 


II 


PEINTRES  DES  XVI%  XVII»  ET  XVIIP  SIÈCLES 
NOTES  ET  DOCUMENTS 

EXTRAITS  DES  FONDS  PAROISSIAUX  DES  ARCHIVES  DU  CALVADOS 

Une  des  principales  sources  de  l'histoire  des  anciens  artistes  est 
la  collection  des  titres  des  églises  qui,  aux  leraies  de  la  loi  du 
5  brumaire  an  V,  devraient  se  trouver  réunis  aux  archives  dépar- 
tementales (série  G)  :  malheureusement  la  <■<■  centralisation  » , 
exécutée  d'une  manière  bien  imparfaite,  a  été  ultérieurement 
détruite  par  des  "  versements  » ,  par  des  «  restitutions  » ,  à  tous 
points  de  vue  déplorables  '. 

D'une  part,  les  municipalités  n'envoyèrent  à  l'administration 
qu'une  partie  des  pièces  et  registres  déclarés  propriétés  nationales 
(loi  du  5  novembre  1790),  surtout  ceux  qui  pouvaient  fournir 
des  titres  «  utiles  »  au  point  de  vue  de  la  vente  des  biens  nationaux 
et  du  recouvrement  des  créances  :  de  là,  bien  des  documents  restés 
dans  les  dépôts  communaux;  puis  ce  furent  les  envois  aux  hôpi- 
taux*, sous  prétexte  de  cessions  de  rentes  nationales;  enfin,  lors 
des  "  restitutions  «  aux  églises  %  des  abandons,  aussi  maladroits 
qu'intempestifs,  furent  faits  à  diverses  reprises,  sous  Napoléon  1"  et 
la  Restauration  :  en  comparant  les  documents  alors  livrés  à  l'église 
Saint-Pierre  de  Caen  avec  ceux,  du  même  fonds,  qui  sont  encore 
conservés   aux   Archives   du  Calvados  —  absolument  de   même 

>  Les  délibérations  conservées  aux  archives  communales  complètent  les  fonds 
paroissiaux.  Cf.  plusieurs  mentions  d'artistes  dans  mes  inventaires  de  la  série  E 
supplément. 

*  Cf.  mon  Inventaire  des  Archives  hospitalières  de  Honjleur,  B.  25  (H.  Sup- 
plément 1598),  comptes  de  la  confrérie  du  Rosaire  de  l'église  Sainte-Catherine 
de  Honflcur,  David  Meveux,  al.  Meveu,  sculpteur,  organistes,  etc. 

'  Où  bien  des  pièces  avaient  été  oubliées  dans  les  sacristies,  les  clochers,  les 
presbytères. 


FEUTRES    DES    XIT,    XVII''   ET    XVIIT   SIÈCLES.  111 

nature —  on  peut  juger  de  la  «  méthode  »,  de  la  ^<.  conscience  » 
apportées  à  cette  opération,  dont  le  plus  clair  résultat  fut  le  dé- 
membrement des  collections. 

Il  n'en  reste  pas  moins,  aux  Archives  du  Calvados,  une  impor- 
tante et  volumineuse  série  de  titres  paroissiaux  :  en  constituant  ses 
fonds,  notamment  pour  l'enlèvement  des  pièces  étrangères,  j'ai 
rassemblé,  au  hasard  des  classements,  des  notes  et  documents  sur 
plus  de  cent  peintres  des  seizième,  dix-septième  et  dix-huitième 
siècles  :  sans  vouloir,  bien  entendu,  chercher  à  présenter  un 
dépouillement  complet —  principalement  pour  les  registres  dont 
j'ai  dû  laisser  de  côté  un  certain  nombre  —  et  à  devancer  en  toutes 
les  mentions  utiles  l'inventaire  ultérieur  —  et  lointain. 

Les  notes  qui  suivent  seront  fructueusement  consultées  à  divers 
points  de  vue  :  dabord  pour  l'inventaire  des  richesses  d'art,  en 
raison  de  l'origine,  de  1'  «  état  civil  »  de  tableaux  encore  exposés 
dans  les  églises  ;  puis  pour  la  «  restitution  d  de  ceux  qui  ont  disparu 

—  par  exemple  celui  de  Restout  à  Rots,  dont  le  maire  de  cette 
commune,  M.  Gaston  Le  Hardy,   n'a    pas  oublié  la  destruction; 

—  puis  encore  pour  l'histoire  des  anciens  peintres,  déjà  connus  ou 
inédits'  :  et  l'on  pourrait  peut-être  me  reprocher  d'avoir  recueilli, 
malgré  leur  intérêt  spécial,  bien  des  notes  de  peinture  purement 
«  industrielle  «,  si  on  ne  savait  —  on  en  trouvera  de  nouveaux 
exemples  dans  ces  notes  —  qu'alors  les  artistes  s'en  chargeaient 
au  même  titre  que  des  «  travaux  d'art  « . 

Il  est  regrettable  sans  doute  que  les  documents  soient  relati- 
vement modernes,  qu'ils  appartiennent  surtout  à  une  époque  où 
Caen  avait  cessé  d'être  un  centre  artistique  :  il  suffit  d'un  coup 
d'œil  sur  le  matrologe  de  la  charité  de  Saint-Nicolas  de  Caen-  qui 
servit  du  quinzième  au  dix-huitième  siècle;  il  suffit  de  comparer 
les  miniatures  —  malheureusement  endommagées  —  et  les 
ornements  du  début,  avec  le  Saint-Xicolas  aux  empâtements  ridi- 
cules qu'au  commencement  du  dix-huitième  siècle  présente  la  fin 


'Cf.  par  exemple  les  pièces  sur  Elouis,  qui,  rapprochées  de  la  liasse  (série  F) 
donnée  par  M.  Fernand  Engerand,  prouvent  qu'on  a  eu  tort,  tout  récemment 
encore,  de  le  confondre  avec  le  conservateur  du  Musée  de  Caen;  ce  sont  deux 
artistes  différents  du  même  nom.  Une  mention  spéciale  est  due  aux  documents 
concernant  i  Champagne  La  Faye  i . 

*  Archives  départementales,  série  G,  fonds  de  Saint-Nicolas. 


112  PEINTRES    DES    XVV,   XVIT   ET    XI  IIl'  SIECLES. 

du  registre,  pour  saisir  rirrémédiable  et  profonde  déchéance  où 
l'art  caennais  était  alors  tombé  '.  On  ne  s'étonnera  pas,  dans  ces 
conditions,  de  voir  les  trésoriers  de  Saint-Sauveur  s'adresser  à  des 
artistes  parisiens*,  comme  le  fit  l'ingénieur  en  chef  Lefebvre  pour 
les  statues  de  l'hôtel  de  l'Intendance  au  sculpteur  Mouchy  ',  comme 
bien  d'autres  le  firent,  en  s'adressant  à  Paris,  à  Rouen,  en  d'autres 
lieux,  pour  les  «  commandes  »  les  plus  diverses  *.  Et  pourtant,  loin 
de  me  repentir  d'une  trop  grande  hospitalité  envers  des  artisans  — 
des  «  barbouilleurs  » ,  comme  portent  plusieurs  pièces  —  dont  la 
mémoire,  à  première  vue,  ne  semble  pas  mériter  d'être  sauvée 
de  l'oubli,  je  suis  plutôt  tenté  de  regretter  de  n'avoir  pas  accueilli 
plus  largement,  plus  complètement,  d'avoir  laissé  de  côté  bien 
d'autres  noms,  bien  d'autres  notes,  qui  auraient  sans  nul  doute 
pu  fournir  aux  chercheurs  des  matériaux  utiles,  dans  un  sujet  si 
neuf  encore  pour  le  Calvados. 

Armand  Bénet, 

Membre  non  résidant  du  Comité,  à  Caen, 
Archiviste  du  département  du  Calvados. 


AiGNEMOXT  (Guillaume  d'). 

Quittances  au  curé  du  Tourneur  :  de  91  livres,  pour  avoir  peint,  doré 
et  argenté  les  deux  petites  contretables  de  l'église,  outre  sa  nourriture 
pendant  deux  mois  et  demi  qu'il  a  passés  à  faire  led.  ouvrage;  de 
12  livres,  outre  sa  nourriture,  pendant  15  jours  qu'il  a  employés  à 
peindre  les  fonds  baptismaux,  les  portes,  les  corniches  de  la  nef,  les 
deux  statues  de  la  Vierge  et  de  S'  Jean,  et  le  confessionnal  à  M.  Le  Houx 
(1763). 

*  J'en  donnerai  ultérieurement  d'autres  preuves  dans  un  mémoire  sur  les  Ecoles 
artistiques  à  Caen  avant  et  pendant  la  Révolution. 

'  Cf.  plus  loin  Delaplanche,  Lélu,  et  diverses  autres  pièces  du  fonds  de  Saint- 
Sauveur,  pour  la  construction  de  l'autel. 

'  Cf.  les  pièces  publiées  dans  mon  Inventaire  de  la  série  C,  t.  IV,  dont  les 
bonnes  feuilles  ont  été  utilisées  au  dernier  Congrès  par  M.  de  Longuemare. 

*  Pour  les  orgues,  ornements  d'église,  cf.,  entre  autres,  H.  63,  68,  abbaye 
d'Ardennes.  Etc. 


PEINTRES    DES    XVT,    XVIT  ET    XVIIT   SIÈCLES.  113 

AUBRY. 

u  Aujourd'huy  dimanche  premier  jour  de  décembre  mil  sept  cent 
soixante  seize,  à  l'issue  des  vespres  de  la  parroisse  de  Carpiquet,  en 
conséquence  de  semonce  faitte  ce  jourd'huy  au  prône  de  la  messe  par- 
roissiale  par  M*  Charles  Bazin,  prêtre,  curé  de  cette  parroisse,  au  son  de 
la  cloche  et  autres  formalités  prescritles  par  les  règlements  duement 
observées,  se  sont  assemblés  les  parroissiens  possédant  font  en  général, 
les  présents  faisant  fort  pour  les  absents,  pour  délibérer  sur  quelques 
avantages  proposés  à  la  fabrique;  premièrement,  il  a  été  représenté  par 
le  s'  curé  que  Monsieur  Aubry,  peintre  à  Caen  et  tréfoncier  de  lad.  par- 
roisse, avoit  été  chargé  de  faire  deux  tableaux,  l'un  de  S*  Martin,  l'autre 
de  S"  Anne,  pour  le  grand  autel  qui  vient  d'être  construit,  et  ce  aux  frais 
de  la  fabrique.  Led.  s'  Aubry  les  a  faits  de  très  bon  goût  et  de  prix,  mais 
il  n'a  voulu  y  en  mettre  aucun  ;  il  en  fait  présent  à  la  fabrique.  Sur  quoi 
lesd.  délibérans,  pour  marquer  leur  reconnoissance  aud.  s'  Aubry,  en 
acceptant  le  don  par  luy  fait,  l'ont  déchargé  et  le  déchargent  pour  toujours 
par  la  présente  de  trois  livres  de  rente  qu'il  étoit  tenu  faire  à  lad.  fabrique, 
pour  la  place  de  banq  qu'il  occupe  dans  l'église,  ainsy  que  des  arrérages 
qu'il  peut  maintenant  devoir,  et  consentent  qu'il  jouisse  de  lad.  place  de 
banc,  sans  en  payer  aucune  redevance.  »  —  Registre  pour  servir  aux  déli- 
bérations de  la  paroisse  de  Carpiquet,  de  1774  à  1780,  f°'  12  v°  et  13. 

A  VICE. 

«  A  M"  Noël  Avice,  paintre,  pour  avoir  paint  l'image  S'  Jean  et  envi- 
rons d'icelle,  XXII  1.  X  s.  »  —  Caen,  S'  Nicolas.  Compte  de  1603-1605. 

Bagot. 

A  Bagot,  peintre,  «  pour  travail  d'avoir  faict  les  deuxescriptz  des  deux 
boutz  du  grand  autel  »,  4  1.  —  Coulonces.  Compte  de  1692-1693. 

Basly  (de). 

«  A  Michel  de  Bâlly,  painctre,  pour  avoir  fait  le  protraict  de  la  croix, 
XXX  s.  >.  1546.  —  Caen,  S'  Nicolas.  Compte  de  1545-1546. 

BÉNARD. 

Quittances  au  curé  de  Gueron  :  de  40  livres  «  pour  un  tableau  de  la 

8 


114  PEINTRES    DES    XVT.    XVlV   ET    XVIU'   SIECLES. 

Transfiguration,  que  je  liiy  promest  fournir  et  livrer  pour  le  retable  de 
son  église  »  (Caen,  19  novembre  1714);  —  de  30  livres  «  pour  deux 
moyens  tableaux  dont  l'un  est  du  S'  Bernard  et  l'autre  d'une  Vierge  en 
douleurs  ayant  son  fils  mort  près  d'elle  »  (5  octobre  1722),  A  la  suite  de 
cette  dernière  quittance  :  Payé  à  Pierre  Pellevey  8  1.  pour  les  deux  cadres 
desd.  tableaux  placés  dans  le  chœur  le  5  décembre  1722  >. 

BoiTO. 

A  François  Boilo,  peintre,  4  1.,  pour  avoir  nettoyé  le  tableau  du  grand 
autel  et  celui  de  S'  Sébastien.  1774.  Caen,  S'  Ouen.  —  Quittance  dud. 
Boito  de  3  livres,  pour  avoir  nettoyé  le  tableau  de  S'  Michel  (1774).  Vire. 
Église  Notre-Dame.  Confrérie  de  S'  Michel. 

Blondel. 

A  Blondel,  pour  un  tableau  de  S'  Sébastien  et  pour  2  petits  morceaux 
de  tapisserie,  13  I.  5  s.  A  Blondel,  pour  avoir  fourni  la  peinture  de  la 
chapelle,  26  1.  14  s.  A  Blondel,  pour  avoir  peint  et  doré  les  4  chandeliers, 
3  1.  15  s.  Caen.  S'  Sauveur,  Compte  «  de  la  Charité  de  1739  à  1751. 

Quittances  diverses  par  Blondel,  à  la  Charité  de  S'  Sauveur  de  Caen^ 
des  années  1751,  1758,  1759,  1760,  1761,  1762  et  1763:  travaux  de 
dorure,  peinture.  Les  quittances  de  1761  et  1763  signées  Jacques  Blondel. 

a  Mémoire  des  pinture  fait  en  la  chappelle  de  la  charité  de  S'  Sauveur 
de  Caen,  fourny  : 

liv.  s.  d. 

Dix  livres  de  ceruze,  pour  ce 4  0  0 

Trois   pot  d'huil  de  lin,  pour  ce 3  18  0 

Quatre  livres  d'huil  de  noix,  pour  ce 3  4  0 

Pour  bleux  de  Prusse 3  0  0 

Pour  de  l'huil  d'aspic 0  10  0 

Pour  façon,  quatre  livres 4  0  0 

TOTALLE.  18  12  0 


'  Dépense  figurant  au  compte  de  1720-1723,  qui  contient  en  outre  :  47  livres 
pour  le  tableau  de  Saint  Germain.  Parmi  les  pièces  justificatives,  quittances  de 
6  livres,  pour  un  grand  cadre,  pour  un  tableau  dans  le  chœur  (4  janvier  1715); 
de  7  livres,  pour  le  cadre  et  le  châssis  du  tableau  de  Saint  Germain  donné  par  le 
curé  (26  mai  1718)  ;  de  6  1.  12  s.  6  d.,  pour  fourniture  de  drogues  pour  peindre 
les  portes  de  l'église  et  les  trois  grands  tableaux  du  grand  autel  par  derrière 
(3  novembre  1718),  etc. 

^  Ibid.  *  Au  peintre  pourravoir  raquemodé  le  tableau  de  Saint  Sébastien  i ,  12  s. 


PE IX TRES    DES    XVT,    XVII'   ET    XVIir   SIÈCLES.  II5 

Reçue  le  contenue  au  présent  mémoire  par  les  mains  de  Monsieur  Bidet 
échevin  en  sarge  de  la  charité  de  Saint-Sauveur  de  Caen,   donc  je  tiens 
quitte.  f\  Caen  ce  trente  octobre   mil  sept  cens  cinquante  six.  Jacque 
Blondel.  » 

«  Mémoire  des  débourcé  que  j'ay  fait  et  fourny  pour 
la  chapelle  de  frères  de  la  Charité  de  S'  Sauveur  de  Caen, 
premièrement,  avoir  graté  et  colé  six  flambeau,  fourny  le 

papier,  pour  ce 0  liv.      12  s. 

De  plus  avoir  pin  six  teste  de  mors  et  raquemodé  six 

autres,  pour  ce 2  0 

De  plus  pour  du  gros  papier  et  épingle 0  6 

Pour  carton  une  livres  dix  sols 1  10 

Pour  noir  et  colle 0  12 

Pour  chasy,  une  livres 1  0 

Pour  papier  blanc 0  3 

Pour  doux 0  4 

Pour  façon  de  tons 1  4 

Pour  un  chandellier  raquemodé 0  5 


7  16 


Reçue  le  contenue  au  présent  par  les  mains  de  Monsieur  Bidet,  échevin 
en  sarge  de  la  Charité  de  S'  Sauveur  de  Caen,  donc  je  tins  quitte.  A  Caen, 
ce  dix  mars  mil  sept  cens  cinquante  huit.  J*  Blondel.  » 

Travaux  à  S'  Martin  de  Caen  (dépense  non  spécifiée).  Compte  de  .1775 
et  1776. 

Blouet. 

«  Mémoire  de  l'ouvrage  fait  en  peinture  à  la  chapelle  de  la  Charité  de 
S'  Etienne  de  Caen. 

liv.     s. 
Premièrement,  pour  avoir  peint  en  fond  bleu  du  haut  en  bas 

la  chapelle  et  les  cordons 20  » 

Plus,  avoir  peint  en  jaulne  le  cadre  du  tableau,  la  croix, 

les  deux  vases,  le  devant  de  l'autel  et  ses  côtés 6  » 

Plus  pour  avoir  peint,    marbré  et  rechampi  les  deux  co- 
lonnes   10  n 

De  plus,  pour  les  étoilles 12  n 

De  plus,  pour  la  vigne  et  l'ornement 30  » 


1 

116  PEINTRES    DES    XVT,    XVII'   ET    XVIIl'   SIÈCLES. 

liv.    S. 

De  plus,  pour  l'écrileau  et  le  fond 6  » 

De    plus,    pour    avoir    écrit    le    nom    de    S'    Marcoul    et 

l'avoir  peint 1  5  s. 

Déplus,  pour  avoir  peint  la  petite  barrière 1   15  s. 

De  plus,  pour  avoir  renfraichi  le  tableau  de  l'autel  de  la 

chapelle 2  » 

De    plus,  pour   avoir  raccommodé  la  banière,   fourni   un 

gland  et  remfraicbi  les  deux  tableaux 3  » 

Total 92  » 


Je  reconnois  avoir  reçu  de   M'  Desobaux  le  montant  du  présent.   A 
Caen  ce  vingt  un  d'octobre  mil  sept  cent  quatre  vingt  onze.  J,  Blouet.  » 
Charité  de  S'  Nicolas  de  Caen,  réunie  à  S'  Etienne. 


Bo\NEMER. 


Compte  rendu  par  «  maistre  Jacques  Bonnemer,  painstre,  eschevin  de 
la  charitté  des  glorieux  Sainct  Jacques  et  Sainct  Crestosphles,  fondée  en 
l'église  Sainct-Gervais  de  Fallaise  » ,  pour  l'année  de  sa  charge  commen- 
çant le  26  juillet  1669  et  finissant  à  pareil  jour  1670.  Parmi  les  noms  : 
Alexis  Bonnemer,  de  la  Trinité.  Falaise.  S'  Gervais.  —  Jacques  Bonne- 
mer,  peintre,  figure  parmi  les .  redevables  à  lad.  église  S'  Gervais.  Cf. 
compte  de  1685. 

Bordeaux  (Louis). 


Travaux  à  S'  Désir  de  Lisieux. 

«  Débours  faits  pour  l'autel  de  S'  Désir,  commencé  le  cinq  aoust  mil 
sept  cents  soixante  et  traize. 


•V 


75  pains  de  craye  fine 

6  liv.  de. colle  de  Flandre 

26  pains  de  craye 

2  liv.  de  colle  de  Flandre 

Employ  de  drogues  pour  nétoyer  le  tableau 
Peintures  pour  le  marbre  des  plaintes.   .  . 

4  onces  de  vermillon 

23  livrets  d'or  à  2  liv.  5  s 


liv. 
1 

4 


s. 
17 
16 
13 
12 
12 
10 
12 
15 


6 


PEINTRES    DES    X\V,   XVII"   ET    XIMIT   SIECLES.  117 

liv.  s.  d. 

1  liv.  1/4  d'orpin  pour  les  côté  du  lambry 2  12  » 

Peinture  de  deux  cierges  et  le  papier  marbré 1  6  » 

Mordant 4  »  n 

Payé  à  Fouché,  menuisier,  par  quitance 9  2  » 

Suite  de  réparations.  Le  14  de  mars  1778,  sur  les  cotez 
de  l'autel  et  aux  anges  et  posé  du  blanc  aux  endroits  gâtez, 

8  onces  de  colle,  12  pains  de  craye »  14  » 

Orpin  pour  le  devant  d'autel »  6  » 

Mordant 1  1  » 

Employé  5  livrets  1/2  d'or  à  2  \iv.  5  s 12  7  6 

DÉBOURS.   ...  96  16  6 

Décoration  du  service  de  feu  Louis  XV 15  »  » 

Trente  jours  et  un  quart  à  travailler  à  raison  de  2  liv. 

par  jour  (et  12  heures  par  jour) 60  10  » 

Total  du  tout.   ...  172  66 


J'ay  reçu  de  Monsieur  Desgenetez,  thrésorier  ancien  de  la  par- 
roisse  de  S'  Désir,  du  consentement  de  Messieurs  les  curés,  trésorier, 
députez  actuels,  le  montant  du  présent  mémoire.  Fait  ce  quatorze  avril 
mil  sept  cents  soixante  et  dix-huit.  Louis  Bordeaux.  » 

Mémoire  des  dépenses  faites  pour  le  service  de  Louis  XV,  célébré  en 
l'église  S'  Germain  de  Lisieux,  le  1"  juin  1774.  Pour  les  armoiries 
fournies  par  Bordeaux  Lafontaine,  au  nombre  de  200,  à  4  s.,  40  liv.  — 
Quittance  par  Louis  Bordeaux  et  François  Samson,  a  armoiristes  »  à 
Lisieux,  au  trésorier  de  la  fabrique  de  S'  Germain,  de  18  liv.  pour  avoir 
décoré  et  fourni  les  armoiries  tètes  de  mort,  les  9  et  10  octobre  1783, 
pour  le  service  de  feu  l'évêque  de  Lisieux.  19  dud.  mois.  —  Quittances 
diverses  pour  travaux  à  S'  Germain  de  Lisieux,  1767,  1775,  1784. 

A  Bordeaux,  pour  décoration  et  armoiries  au  service  du  Dauphin, 
12  liv.  —  Honfleur  S'"  Catherine.  Compte  de  1766. 

Boucher. 

A  Gilles  Boucher,  peintre  et  doreur,  48  liv.  pour  avoir  peint  et  doré 
l'image  de  S'  Paul  et  son  autel,  suivant  le  pouvoir  que  lui  en  ont  donné 
les  paroissiens,  devant  le  notaire  de  l'Hôtellerie.  Courtonnel.  Compte 
de  1776. 


118  PEIMTRES    DES    XVV,    XVIV  ET    XVIIl'  SIÈCLES. 


Briouze. 

Quittance  diidit  à  Bidet,  trésorier  de  S'  Sauveur  de  Caen,  de  59  liv.  4  s,, 
pour  le  plan  et  dessin  du  grand  autel  de  lad.  église,  frais  et  dépenses  de 
voyage  de  Paris  à  S»-Denis.  Caen,  26  novembre  1770. 

Caennie. 

«  Pour  le  tableau  d'une  bennière  baillés  par  Michel  Caennie,  m"  pein- 
tre »,  11  livres  (acquit  du  4  novembre  1684).  Viessoix.  Compte  des  tré- 
soriers. 

Caignard. 

A  Caignard,  peintre,  pour  avoir  peint  les  faux  flambeaux  de  la  charité, 
1  liv.  10  s.  1743.  Caen.  S'  Martin.  Compte  de  la  charité. 

Travaux  à  S'-Sauveur  de  Caen.  Quittance  à  Le  Fèvre,  échevin  de  la 
charité,  de  101  liv.,  pour  le  tableau  de  la  bannière  et  avoir  doré  le  damas, 
ferrure,  etc.  1737.  (Signé  .'Cagniard.)  —  A  «  Cagnard  «,  peintre,  12  liv., 
pour  avoir  redoré  le  coq  du  clocher.  1746.  —  A  Caignard,  peintre,  3  liv., 
«  pour  avoir  repeint  la  figure  du  S'  Esprit  de  la  Chaire  et  celle  du 
Sauveur  ».  Compte  de  1749-1751. 

Autre  quittance  (signée  Caignard),  à  Guillaume  Michel,  échevin  de  la 
charité,  de  70  livres,  pour  un  tableau  de  S'-Sébastien,  qu'il  a  fourni  pour 
la  chapelle  de  la  confrérie  (30  juin  1750'). 

A  Caignard,  peintre,  et  à  Yautier,  48  liv.  pour  avoir  fait  plusieurs 
dorures  et  peintures  au  banc  du  trésor  (1754,  1755). 

A  Caignard,  peintre,  pour  décoration  de  la  chapelle  des  confrères  de 
S'   Sébastien,  suivant  quittances  de  1760,  42  liv.  (compte  de  la  charité). 

Autres  quittances  de  1756  et  1760,  l'une  de  celles  de  1760  signée  Cai- 
gnard de  La  Haye. 

Travaux  au  grand  autel  de  Notre-Dame  de  Caen.  Compte  de  1737-1738. 

Carabie. 

Travaux  à  l'église  de  Vaucelles  de  Caen.  Cf.  comptes  de  1758-1760  et 
1765. 

'  Cf.  Compte  de  la  charité  de  1739  à  1751.  A  Cagniard,  pour  le  tableau  de 
r  t  hôtel  1 ,  70  1.  ;  à  Méry,  pour  avoir  fait  et  fourni  l'autel,  120  1.  12  s. 


PEINTRES    DES    XVr,    X  VII'  E  T    XV  II  T   SIE  C  LE  S.  U9 

Chrétien. 
Quittance  pour  travail  à  l'église  S*  Jean  de  Bayeux.  1787. 

COXARD. 

Marchés  et  quittances  de  Jean  Conard,  peintre,  bourgeois  de  S'  Malo  de 
Bayeux,  pour  travaux  de  peinture,  dorure,  à  l'église  de  S'  Sulpice  prè» 
Bayeux,  de  173G  à  1743.  Entre  autres  :  quittances  du  27  septembre  1737, 
de  9  liv.  10  s.  u  pour  avoir  paint  ;Y  l'huille  le  deux  etvêques  Sulpisce  et 
Saint  Vigord  et  avoir  mis  de  la  dorrure  »  ;  de  5  liv,  10  s.  «  pour  avoir  paint 
en  fleurs  et  ornement  le  deux  porte  du  cœur  de  le  dise  de  Saint-Sulpisce  ». 

«  11  a  été  arresté  entre  M'"  Jean  Conard,  paintre  en  la  parroisse  de 
S'  Malo  de  Bayeux,  et  M"*  Simon  Pitard,  trézorier  en  charge  de  la 
parroisse  de  S'  Sulpice,  en  la  présence  et  du  consentement  du  sieur  curé,  de 
M' Le  Roy  de  Fontaine,  escuier,  et  de  plusieurs  autres  parroissiens  de  lad. 
parroisse  sousignés,  sçavoir  que  led.  sieur  Conard  s'oblige  paindre  à 
huille  les  deux  petites  contretables  des  autels  de  la  même  manière  qu'ils 
étoient  auparavant,  rajuster  les  deux  tableaux,  remettre  une  toille  derrière 
celuy  de  S''  Anne,  comme  aussy  paindre  à  huille  un  devant  d'autel  des 
deux  costés,  dont  l'un  servira  aux  grandes  festes,  qui  sera  paint  de  la 
même  manière  que  celuy  de  la  parroisse  de  Longue,  et  l'autre,  où  il  y  aura 
du  violet  et  du  ver  qui  domineront  dans  les  fleurs,  qui  servira  pour 
l'Avent  et  le  Caresme  et  les  dynianches  de  l'année,  et  le  tout  à  la  volonté 
du  sieur  curé  et  trézorier,  de  plus,  s'oblige  paindre  à  huille  les  quatre 
pilastres  qui  supportent  la  contretable  du  cœur  en  marbre  de  couleur 
noire,  à  l'exception  des  chapiteaux  qu'il  paindra  de  la  couleur  qu'on  luy 
désignera,  au  moyen  et  parce  qu'il  luy  sera  payé  par  Joseph  Nicolle, 
ancien  trézorier,  en  déduction  de  ce  qu'il  peut  devoir  au  trézor,  la  somme 
de  quatre-vingt  livres.  Fait  aujourdy  dymanche  vingt  neufvième  d'octobre 
mil  sept  cents  trente  sept.  Signé  :  de  Foktainxe  le  Roy.  Jacques  Dufort. 
Jean  Lefebvre,  M.  Hérolt.  F.  Galien.  F.  Héroult.  G.  Slard.  Guillonme 
Conard.  J'ay  receut  de  Joseph  Nicolle,  trésorrier  de  Saint-Sulpisce,  la 
somme  de  soitsainte  livres.  Fait  ce  vingt  six  avril  mil  sept  cents  terente 
huit.  Jean  Conard.  De  pelus  receut  la  somme  de  vingt  livres.  Fait  ce  trois 
d'aust  mil  sept  terente  huit.  Conard.  » 

Concorde. 
A  Nicolas  Concorde,  peintre,  «  pour  avoir  lavé  et  rafraichis  le  tablean 


120  PEINTRES    DES    \\V,    XI'IT   ET    Xl'llT   SIECLES. 

du  maître-autel  avec  le  cadre  » ,  12  liv.  Honfleur.  S"  ^Catherine.  Compte 
de  1747. 


COUTANCES. 

A  Poisson,  imprimeur,  et  Coulances,  peintre,  pour  avoir  imprimé  les 
noms  des  frères  servants  et  échevins,  avoir  peint  et  écrit  en  lettres  dorées 
les  tableaux  qui  servent  à  montrer  lesd.  noms,  17  liv.  15  s.  1789.  — 
Caen.  S'  Martin.  Compte  de  la  charité. 

Daléchamps. 

u  Au  s'  Delonchamps  »,  pour  avoir  peint  et  doré  un  faux  livre  pour 
servir  à  la  S'  Sacrement,  2  liv.  1772.  (La  quittance  porte  la  signature  : 
JJ.  Daléchamps.  Caen.  Notre-Dame.) 

Dehors. 

Quittance  de  24  liv.  pour  avoir  nettoyé  six  tableaux  de  l'église  S'  Ger- 
main de  Lisieux,  repeint  leurs  cadres  et  redoré  ce  qui  était  effacé  de 
l'ancienne  dorure  des  cadres.  1768.  —  Travaux  au  presbytère.  Compte 
de  Saint-Germain  de  Lisieux  pour  1787. 

Delaplanche. 

Mémoire  et  toisé  détaillé  des  ouvrages  de  peintures  et  dorures  faits  à 
l'église  de  S'  Sauveur  de  Cean,  lesd.  ouvrages  faits  dans  le  commencement 
de  l'année  1771,  par  Delaplanche  le  jeune,  m*  peintre  et  doreur  de  l'aca- 
démie de  S'  Luc,  à  Paris,  y  demeurant  rue  Neuve  S*  Mery,  dans  une 
porte  cochère  en  face  du  bureau  des  jurés-crieurs. 

A  une  crédence,  le  tournant  de  la  ceinture  cont.  84" 
(correct.  83  1/2)  sur  8»  1/2  (correct.  8»  4  1.)  com- 
pensée, vallent 411     60 

Les  deux  consoUes  de  chacune  36°  (correct.  35"  1/2) 
sur  12»  (correct.  11")  de  développement  sur  chacque  sens 
vallent  les  deux 6 

La  noix  de  15"  sur  11"  dévelopée  sur  chacque  sens, 
V 1     7     60 

L'autre  consoUe  cont.  idem  v «   .   .       12     7     10 

(Correct.) 22   1/2 


PEIXTRES    DES    XVT,    XVU'   ET    Xl'lII"   SIECLES.  121 

A  l'exposition,  la  calotte  du  dessus  de  26"  sur  24» 
double  la  plus  valleue  des  oves  évaluée  à  6°  réduit, 
vallent 9     2     0  0 

Trois  consolles,  dont  une  conl.  42°  de  développe- 
ment sur  la  hauteur  et  15  pouces  de  profil,  compensée, 
vallent 4     4     60 

Trois  vazes  au-dessous  desdites,  de  chacun  9  pouces  sur 
5°  12,  vallent  ensemble »    11     3  6 

Trois  guirlandes  de  chacune  22°  sur  7°,  vallent 
ensemble 2  10     6  0 

Les  trois  pommes  du  dessus  de  chacune  9  1/2 
(correct.  9°)  sur  6"  compensée,  vallent 12     30 

Le  plateau  du  bas  de  22»  sur  19°,  vaut 2  10  10  0 

Deux  gloires  au-dessus  des  archivolte  de  chacune  trois 
tetles  de  chérubins  avec  leurs  ailles  et  nuages  de  chacune 
2  pieds  9»,  sur  2  pieds,  toisée  comme  unie  et  demandée 
double  pour  la  sailly  et  développement,  vallent 22     0     0  0 

(Correct.).  Ensemble  réduites  à 16     8     0  0 

Quatre  gerbes  de  bled  et  raisins  de  chacune  sçavoir, 
la  branche  jusqu'au  feuilles  de  raisin  de  12»  sur  2» 
9  lignes,  les  feuilles  et  raisins  de  ensemble  18»  (cor- 
rect. 16°  9  1.)  sur  15»  de  développement  sur  chacque 
sens,  les  épis  de  12°  (correct.  11)  sur  9°,  vallent  ensemble 
les  quatre 11     5     60 

La  bordure  du  tablau  de  37  p'  1/2  (corr.  36,  2)  de 
tour,  sur  1  p' (corr.  11»  6)  de  profil,  vallent 37     6     0  0 

(Correct.) 34     7  11  0 

La  plus  valleue  du  ruban  tournant  sur  le  devant  de  lad. 
et  le  fesseau  de  baguette  du  derrière  évallués  ensemble  à.  3     0     0  0 

(Correct.) 2     4     00 

Les  deux  tour  creuse  contiène  chacune  sçavoir  la 
coquille  du  haut  du  panau  de  11°  sur  9»  (corr.  12),  y 
compris  les  feuilles  attenante  en  forme  de  volutte , 
vallent 0     8     30 

Le  neud  de  ruban  et  le  bout  pendant  de  ensemble  45° 
sur  3»  vallent 0  11     3  0 

Les  guirlandes  de  ensemble  8  pieds  de  développement 
sur  7°  compensée,  vallent 4     8     0  0 

Au  carteil  tiu  millieu,  les  guirlandes  de  ensemble  56» 
(corr.  60)  de  développement  sur  6»  compensée,  vallent.   .  2     6     0  0 

La  rozette  de  24»  de  diamètre  sur  un  sens,  et  20»  sur 


122  PEINTRES    DES    XVI'.    XVir  ET    XVIIF   SIECLES. 

l'autre,  y  compris  les  bandes  unies  reignant  autour,  val- 
lent  (addition  :  duire  pour  les  angles  20,  non  réduits).   .  3     4     0  0 
Les  guirlandes  et  rosasses  de  80»  de  développement 

sur  2°  1/2  compensée,  vallent 1     5110 

Au  bds  de  lad.  tour  creuse,  la  guirlande  de  58»  de  dé- 
veloppement sur  3°  compensée,  vaut 1     2     60 

Les  partie  d'ornement  de  ensemble  60"  de  développe- 
ment sur  4»  de  profil  compensée,  vaut 14     00 

(Correct.) 8 

L'agrafe  du  bas  de  12»  sur  6»  de  développement  sur 

chacque  sens ,  v 0     6     0  0 

La  moulure  renfermant  led.  panau  de  26  pieds  8»  de 

tour  sur  3»  1/4  compris  listel,  vallent 7     2     80 

L'autre  tour  creuse  idem,  qui  avoit  été  obmises.   ...       24     2     7  0 
Les  deu\  partie  de  bandeau  au-dessus  de    ensemble 

5  pieds  sur  3»,  vallent 1     3     00 

Au  paneau  derrière  le  tabernacle  la  moulure  de 
18  pieds  1/4  (corr.  16-2)  sur  4°  (corr.  3»  9)  de  profil 

compris  listel,  vaut 6     1     00 

(Corr.) 5     2     3  0 

Au  deux  panaux  d'appuis  des  moulures  contienent 
ensemble  14  pieds  4»  sur  3»  de  profil,   compris   listel, 

vallent 3     7     00 

Les  trois  partie  comme  simaizes,  stragalles  et  soc 
contiene    ensemble    56»  sur  ensemble    1    pied    1°    1/2, 

vallent 5     0     80 

A  un  pilastre,  le  chapitau  cent.  27»  sur  37»  compensée 

en  trois  partie,  vallent 611     30 

(Correct.) 2 

Au  millieu  dud.  pilastre,  les  partie  d'ornement  sortant 
des  canaux  de  30°  (correct.  32»  6)  de  développement  sur 
ensemble  12»  (corr.  9°  6),  les  canaux  de  42»  sur  ensemble 

11»  (corr.  10»  6)  de  profil,  vallent 5     8     60 

Ensemble 13     4  10  0 

Les  bazes  de  22»  1/2  sur  11»,  vallent 2     8     76 

(Lesd.  trois  lignes  de  chiffres  et  la  suivante  rayées  et 
remplacées  par  80.  5.) 

Cinq  autres  pilastres  idem,  vallent 71     9     8  0 

Plus  pour  les  canaux  d'un  desdits,  qui  avoit  été  doré  et 

bruni  et  qui  a  été  redoré  matte,  vallent 3     2     60 

Addition 11/2 


PEINTRES    DES    \\'l\    XVII'   ET    XIIIT   SIÈ  CLES.  123 

A  la  gloire,  le  corp  de  lad.  consistant  en  nuages, 
13  tettes  de  chérubins  avec  leurs  ailles,  cent.  8  pieds  sur 
9  pieds  toisée  comme  unie  et  demandée  double,  évalua- 
tion faittes  des  saillis  tant  des  13  tettes  avec  leurs  ailles 

que  des  nuages,  vallent 144 

(Correct.) 104 

Plus  pour  avoir  doré  en  or  vert  37  lettres,  à  raison  de 

15  s.  chacune,  font 27  15  0 

Les  rayons  sçavoir  : 

N"  1.  —  De  4  pieds  de  développement  sur  la  longueur, 

sur  14°  de  profil  compensée  vallent.   .  .  4  8  0  0 

2.  —  De  1  pied  3<>  sur  11»  1/2,  vallent 12  4  6 

3.  —  De  2  pieds  3''  sur  11%  vallent 2  0  9  0 

4.  —  De  1  pied  7»  sur  9»,  vallent 12  30 

5.  _  De  5pieds3''(corr.  2»),  sur  14''(corr.  1306).  6  160 

6.  —  De  2  pieds  3°  sur  11»  (corr.  10»  3) 2  0  90 

7.  —  De  3  pieds  2  sur  13» 3  5  20 

8.  —  De  1  pied  3  sur  9»  1/2 I  0  6  0 

9.  —  De  3  pieds  6  sur  11» 2  7  90 

10.  —  De  1  pied  10»  sur  12 1  10  0  0 

11.  —  De  1  pied  6  sur  8 1 

12.  —  De  2  pieds  6  sur  10» 2  1  00 

13.  —  De  2  pieds  6  sur  11» 2  3  60 

14.  —  De  1  pied  6  sur  8»  1/2 10  90 

15.  —  De  1  pied  9  sur  11 1  7  4  6 

16.  —  De  3  pieds  6  sur  12»  1/2 3  7  91 

17.  —  De  1  pied  5  sur  10»  1/2 1  2  10  6 

18.  —  De  3  pieds  sur  11»  1/2 2  7  60 

19.  —  De  2  pieds  5  sur  9 111  3  0 

20.  —  De  5  pieds  4  sur  14 6  2  8  0 

21.  —  De  1  pied  4  sur  10  1/2 1  1  4  0 

22.  —  De  2  pieds  1  sur  10 1  8  10  0 

23.  —  De  1  pied  3  sur  12 1  3  0  0 

24.  —  De  4  pieds  sur  13  1/2 4  2  00 

B.  —  De  1  pied  sur  7» 0  7  0  0 

C.  —  De  1  pied  4»  sur  8  1/2 0  11  0  0 

D.  —  De  1  pied  3°  1/2  sur  8 ....  0  10  4  0 

Total  des  pieds  d'or 426  9  7 

Les  426  pieds  9»  7  lignes,  à  raison  de  6  liv.  le  pied, 

prix  convenu,  fait 2,560  10 


124  PEINTRES    DES    XVT,    Xl'lT   ET    XVIIT    SIECLES. 

Marbres . 

Le  panau  sous  le  cadre  du  tablaii  derrière  le  tabernacle 
de  8  pieds  (corr.  7)  sur  2  pieds  1/2  compris  les  partie  en 
plâtre,  le  dessus  du  cadre  de  8  pieds  (corr.  7)  sur  10°  com- 
pensée les  deux  tour  creuse  de  21  pieds  ^e  haut  (corr.  37) 
sur  ensemble  i  pieds  9°  la  plainte  autour  du  lambry  de 
40  pieds  sur  1  pied,  un  gradin  de  21  pieds  1/2  sur  i  pied 
vallent  ensemble  5  (corr.  6)  toisses  13  pieds  1/4  à  24  liv. 
la  toise,  compris  le  verni  gras,  font 128  « 

(Corr.) 132  r, 

Bois  verni. 

La  corniche  de  50  pieds  de  tour  sur  2  pieds  toisée  double 
à  cause  de  la  longueur  des  modillons  et  danticulles,  les  em- 
brazem'"  ou  wousures  des  archivoltes  de  26  pieds  de  tour  sur 
ensemble  10  pieds,  le  restant  des  lambris  de  54  pieds  de  tour 
sur  19  pieds,  à  prendre  du  dessous  de  la  corniche;  à  déduire 
pour  les  wuides  des  archivoltes  de  chacune  9  pieds  1/2  sur 

7  pieds  le  surplus  vaut 28  1/4 

(Correct.) •  .  25  1/4 

A  raison  de  6  liv.  font  .   .  .   ,  • 170  " 

Total. 2,886  15 


Payé  pour  l'embalage  et  caise  du  cadre 

Pour  la  peinture  et  rechampisage  de   la  grille 

Pour  le  racomodage  de  la  gloire  et  du  cadre  estimez 
ensemble  à 

Les  37  lettres  rechampie  en  bleu  à  2  s.  chacune 

Avoir  apprêté, blanchy  et  àdoucy,  ensuitte  couché  de  tainte  et 
verny  10  fiches  en  couleur  de  cire,  à  raison  de  2  liv.  chacune. 

Avoir  argenté  6  chandeliers,  à  raison  de  5  liv.  chacun.   . 

Marbre,  6 1.  .   .   ..'...... 

Verni,  25  1/4. 

Lettres '...... 

Chandeliers   .   .  '. 

Table  et  fiches.   .   .  .  '. 

415  pieds  1/2 2,495  » 


liv. 

s. 

16 

» 

30 

n 

6 

)) 

3 

14 

20 

» 

30 

n 

132 

r 

151 

10 

24 

n 

24 

n 

18 

» 

Total.  ..  ,. ..      .     2,844  10 


4 

M 


PEINTRES    DES    XVl%    XVII"   ET    XVTIT   SIÈCLES.  125 

J'ai  soussigné  reconnois  avoir  reçu  de  Monsieur  Bidet,  Irézorier,  la 
somme  de  deux  mille  huit  cents  quarante  quatre  livres,  tant  en  argent 
qu'en  deu\  billets  payable  dans  les  termes  convenus,  pour  les  ouvrages 
de  peintures  et  dorures  par  moy  faits  en  l'église  du  Saint-Sauveur  de 
Caen,  dont  je  le  tients  quitte.  A  Caen  ce  douze  octobre  mil  sept  cent 
soixante  unze. 

Signé  :  Delaplanche. 

A  M.  de  La  Planche,  90  liv.  pour  les  ouvrages  de  peinture  et  dorure 
qu'il  a  faits  à  la  chapelle  de  la  confrérie.  1771.  Compte  de  la  charité 
de  Saint-Sauveur  de  Caen. 

Desdouits. 

A  Jean  Desdouys  ou  autres  à  son  droict,  pour  la  peinture  du  m'  autel 
et  encoigneures,  sacraire,  et  tableau  de  parmy  paint  sur  bois,  21  écus. 
Caen.  S'  Gilles.  Compte  de  juillet  1584  à  juin  1585'. 

'  Extraits  dud.  compte. 

A  Jean  Angot,  serrurier,  qui  a  fait  quatre  »  escrieus  »  et  quatre  «  vys  i  pour 
afficher  le  tableau  dud.  m*'  autel,  et  pour  une  verge  de  fer  et  deux  i  pintelz  i , 
45  s. 

A  Thonnas  Le  Petit,  grossier,  pour  5  aunes  de  camelot  de  «  Lisie  i ,  pour  faire 
un  rideau  à  mettre  devant  led.  tableau,  1  écu  2  t. 

Pour  trois  quarterons  1/2  de  sargette  pour  faire  la  frange  aud.  rideau,  37  s. 
6d. 

A  la  veuve  Jean  de  Basiy  pour  la  façon  de  lad.  frenge  et  10  aunes  de  ruban  à 
appliquer  led.  rideau  à  lad.  verge,  12  s. 

2  douzaines  d'anneaux  de  cuivre  pour  accommoder  led.  rideau,  10  s. 

A  Madeleine,  femme  de  Cyprien  Regnaud,  pour  son  salaire  d'avoir  cousu  lad. 
frange  et  le  ruban  à  l'entour  du  rideau,  et  avoir  cherché  et  quis  le  fil  pour  le 
coudre,  10  s. 

Pour  avoir  approprié  et  assis  led.  tableau,  12  d. 

Pour  une  aune  1/2  de  camelot  pour  élargir  le  rideau,  20  s. 

Pour  28  aunes  de  grand  passement  large  pour  border  et  renforcer  la  tapisserie 
de  l'église,  25  s. 

Pour  un  quartier  1/2  de  grande  frenge  de  sargette  pour  mettre  à  la  laise  du 
rideau,  8  s.  6  d. 

A  Madeleine,  femme  de  Cyprien  Regnauld,  qui  a  élargi  le  rideau  et  cousu  les 
28  aunes  du  passement  à  l'entour  de  lad.  tapisserie,  tant  pour  sa  peine  que  pour 
le  fil,  10  s. 

A  Jean  Angot,  serrurier,  qui  a  élargi  lad.  verge  et  a  fait  deux  «  pitez  »  neufs 
pour  afficher  icelle,  10  s. 

Même  compte,  achat  à  la  foire  de  Guibray  de  chappes,  tapis,  façon  de  Flan- 
dre, etc. 

A  un  marchand  de  Flandre,  pour  «  ung  petit  ymage  avec  l'estuie  pour  servir 
le  jour  de  l'Ascencion  en  lad.  église  d  ,  40  s. 


126  PEINTRES    DES    W'V,    Xl'IT   ET    XVIIT   SIECLES. 


Desté. 

A  Nicolas  Desté,  4  liv.,  pour  avoir  rafraîchi  les  tableaux  et  les  gradins 
de  l'église,  suivant  quittance  du  21  septembre  1742,  le  curé  ayant  payé 
le  surplus.  Cheux. 

Drouais. 

«  Au  s' Droais  «  pour  des  peintures  au  tableau  du  grand  autel,  1  liv.  5  s  . 
Lisieux.  S'  Désir.  Compte  de  1703.  —  A  Drouais,  pour  le  tableau,  3  liv. 
Ibid.f  1741,  —  A  Drouais,  doreur,  15  liv.,  pour»  l'écarrie  du  dais  pour 
porter  le  S'  Sacrement  ».  Auvillars.  Compte  de  1733-1735. 

Dlbois  (J.-B.). 

Quittance  de  4  liv.  pour  peinture  par  lui  faite  à  la  niche  du  S' Sacrement 
de  la  paroisse  S'  Germain  de  Lisieux.  1742,  3  juin. 

DUBREIIL    (P.). 

Quittance  au  curé  de  Gueron  de  36  s.,  pour  avoir  peint  6  souches 
(Bayeux,  4  mai  1773). 

Dlgastel  (Jean). 

Quittances  de  1767,  1768  et  1769,  pour  travaux  de  peinture  à  S'  Ger- 
main de  Lisieux. 

Dlpré-Jlmel  (B.). 

Quittance  au  curé  d'Hermanville  de  24  livres  pour  avoir  fait  le  tableau 
de  la  bannière  dud.  lieu  (Caen,  7  juillet  1686). 

DUVAL. 

A  Duval,  peintre,  pour  le  tableau  de  la  S'«  Vierge  et  pour  deux  boites 
de  torches,  41  liv.  Compte  de  la  confrérie  du  Rosaire  de  Burcy,  pour  les 
années  1757-1767  ». 


'  Même  compte  :  A  Duval,  faïencier  à  Vire,  pour  le  platde  quête,  10  s.  Parmi 
les  pièces  justificatives,  quittance  de  Louis  Duval,  «  dinnandier  » ,  bourgeois  de 
Vire,  de  6  s.,  pour  avoir  raccommodé  un  des  chandeliers  de  la  confrérie. 


PEINTRES    DES    XVl'.    XVII"    ET    XIIIT   SIECLES.  127 


Eléazar. 

A  «  Elêazard  »,  peintre,  du  Tourneur,  40  liv.,  pour  le  tableau  du 
maître-autel.  Bény-Bocage.  Compte  de  1754-1763. 

Elouis. 

A  «  Pelouis  »,  peintre,  pour  le  vernis  du  banc  du  trésor,  30  liv.  Caen. 
S*  Etienne.  Compte  de  1752-1753.  —  Ibid.,  1755.  A  Elouis,  pour  avoir 
doré  l'exposition  du  S'  Sacrement,  18  liv. 

Quittance  de  200  liv.  pour  aider  à  payer  la  dorure  de  la  contretable  de 
l'église  d'Auvillars.  17  septembre  1756. 

A  Elouis,  peintre,  pour  avoir  parfait  l'autel  de  la  chapelle  de  la  cha- 
rité, 43  liv.  Caen.  S»  Etienne.  Compte  de  la  charité  de  1759  à  1765. 

A  »  Louis  »,  peintre,  pour  avoir  peint  et  «  accomodé  »  le  chandelier 
pascal  de  l'église,  6  liv.  Caen.  S'  Nicolas.  Compte  de  la  S'  Jean  1760-1761. 

A  Elouis,  peintre,  15  liv.  4  s.,  pour  avoir  repeint  les  gradins  du  grand 
autel,  rafraichi  les  tableaux  et  fourni  le  bâton  de  la  croix  neuve.  Cheux. 
Avances  du  curé  de  Cheux  remboursées  en  1761, 

Quittance  d'Elouis  au  trésorier  de  S'  Nicolas  de  Caen  de  6  liv.,  pour 
avoir  peint  en  blanc  à  l'huile  le  chandelier  pascal  de  lad.  paroisse  et  avoir 
fait  des  filets  en  or  couleur  sur  led.  chandelier.  5  mars  1762. 

«  A  W  Elouis,  pour  avoir  mis  en  blanc  poly  les  faux  cierges  de  la 
paroisse  »,  3  liv.  Caen.  S'  Nicolas.  Compte  de  1769,  et  quittance. 

«  Aujourd'hui'  vingt  trois  mars  1774,  il  a  été  convenu  entre  Messieurs 
les  députés  de  la  paroisse  de  Bernière  et  le  sieur  Elouis,  peintre  et  dote ur 
de  la  ville  de  Caen,  sçavoir  que  ledit  sieur  Elouis  s'oblige  de  dorer  et 
peindre  la  contretable  de  l'église  de  laditte  paroisse  de  Bernière,  sçavoir  : 
la  croix  du  haut  de  laditte  contretable  sera  dorée  en  face  la  couronne  qui 
est  autour  de  même  ainsi  que  tout  le  reste  de  la  contretable,  les  orne- 
ments du  cadre  de  la  niche  seront  dorés,  et  les  fonds  en  un  beau  blanc 
(en  correction  de  marbre),  les  grandes  guirlandes  seront  dorées,  les 
modillons,  les  denticulles  et  les  rosettes  qui  sont  dans  la  corniche  dorés, 
les  chapiteaux,  les  embase  des  collonnes  dorées,  et  les  ornements  qui 
sont  autour.  Les  pilastres  derrière  les  colonnes,  qui  ne  sont  presque  pas 
vue,  seront  seullement  en  coulleur  d'or.  Le  cadre  du  tableau  sera  doré  et 
les  fonts  dudit  cadre  en  marbre  {blanc,  ajouté).  Les  figures  seront  peinte 
d'un  beau  blanc  avec  un  gallon  d'or  aux  extrémitées  qui  ce  découvre  à 
leurs  habillement,  c'est  à  dire  à  ce  qui  est  visible.  Les  ornements  qui 
sont  autour  des  portes  qui  sont  au  bas  de  la  contretable,  seront  dorés,  le 


128  PEIXTRES    DES    WV.    XVII'   ET    XVIir    SIECLES. 

tombeau  sera  redoré,  et  générallemetit  toutes  la  sculpture  de  laditte 
contretable,  exeplé  les  figures  qui  seront  habillées  comme  il  est  men- 
tionné ci-dessus.  Tout  ce  qui  est  par  dessus  les  ornements,  et  tout  ce  que 
la  vue  ne  découvre  pas  à  une  distance  raisonnable  ',  sera  seuUement  mis 
en  couUeur  d'or,  et  générallement  tous  les  fonts  seront  peint  en  très  beau 
(en  correct,  de  dijérents)  marbre  {blanc  et,  ajouté)  convenable  à  l'ou- 
vrage. Le  tableau  sera  netoyé,  les  deux  portes  seront  peinte  d'une  couUeur 
convenable.  Tout  l'ouvrage  mentionné  cidessus  sera  peint  et  doré  à  l'huille 
d'un  bel  or  et  le  tout  bien  conditionné  suivant  ce  devis.  En  conséquence 
de  quoy  nous  sus  dit  députés  avons  accordé  audit  sieur  Eloûis  la  somme 
de  quinze  cens  livres,  payable,  un  tier  au  commencement  de  l'ouvrage, 
un  tier  au  millieu  de  l'ouvrage,  et  le  dernier  tier  à  la  fin  de  l'ouvrage. 

Messieurs  les  députés  chargeront  le  trésorier  de  faire  faire  une  établie 
bonne  et  solide,  convenable  à  l'ouvrage,  et  de  fournir  les  échelles  néces- 
saires, parce  qu'en  outre  les  ouvrages  cy-dessus  détaillés  le  s'  Elouis 
s'oblige  de  dorer  six  pots  à  fleurs  servants  à  la  décoration  de  l'autel. 
Entendu  par  le  présent  marché  que  led.  s'  Elouis  se  logera  et  nourira 
lui  et  ses  ouvriers  à  ses  frais.  Et  a  été  accordé  pour  le  vin  des  ouvriers 
une  somme  de  douze  livres.  Fait  et  aresté  double,  à  Bernières,  le  vingt 
trois  mars  mil  sept  cens  soixante  quatorze.  » 

Signé  :  Elolis.  Holsset.  L'abbé  de  Touchet.  Aubert, 
curé  de  Bernières  sur  la  Mer. 

«  Et  depuis  le  marché  cy-dessus,  Messieurs  les  députés  se  sont  portés  à 
faire  mètre  en  or  les  ornements  des  pilastres  qui  sont  derrière  les  colon- 
nes, lesquels  par  le  1"  marché  ne  devoint  être  peint  qu'en  couleur 
d'or,  de  plus  ils  ont  fait  peindre  aud,  s"^  Elouis  le  lambri  du  sanctuaire, 
sur  lequel  ont  été  appliquées  trois  couches  de  couleur,  pour  quoi,  en 
considération  des  augmentations  cy-dessus,  Messieurs  les  députés  ont 
accordé  aud.  s'  Elouis  une  somme  de  cent  quarante  quatre  livres,  et 
attendu  qu'il  ne  s'est  pas  trouvé  nécessaire  de  redorer  le  tombeau,  ainsi 
qu'il  avoit  été  convenu  et  aresté  par  le  susdit  marché,  le  s'  Elouis  a  con- 
senti diminuer  sur  la  somme  à  lui  accordée,  celle  de  quarante  huit  livres; 
partant,  la  somme  totalle,  tant  en  principal  que  vin  du  susdit  marché,  est 
fixée  à  celle  de  seize  cens  huit  livres,  qui  sera  payé  aud,  s'  Elouis,  si  fait 
n'a  été,  suivant  les  conventions  et  aux  termes  portés  aux  susdit  marché. 
A  Bernières,  le  premier  aoust  mil  sept  cens  soixante  quatorze,  n 

Signé  :  Holsset.  Elouis.  Aubert, 
curé  de  Bernières  sur  la  Mer. 

'  Gomme  les  côtés  des  pieds  d'esteaux,  collones  et  autre  chose  pareille,  rayé. 


PEIXTRES    DES    XVI',    Xl'II'   ET    XVIII'    SIÈCLES.  129 

«  Le  septic'iiie  jour  de  juin  mil  sept  cent  soixante  seize,  en  conséquence 
d'une  délihéralion  du  général  des  parroissiens  possédant  fonds  de  la 
parroisse  de  Carpiquet  sousseing,  en  datte  du  19  may  dernier,  qui 
autorize  M"  Bazin,  curé  de  lad.  parroisse,  Aubry,  Piedplu  et  Michel 
Larcher,  fils  Archange,  conjointement  avec  iM"  Laurent  Lamy,  trésorier 
en  charge,  de  faire  décorer  le  grand  autel  de  l'église  parroissiale  dud. 
lieu  en  dorure,  peinture,  marbre  feint  et  tableaux,  aux  dépens  de 
la  fabrique  et  de  bon  goût;  lesd.  s"  curé,  trésorier  et  députés  se  sont 
assemblés  avec  plusieurs  personnes  de  l'art,  pour  examiner  les  ouvrages 
à  faire  and.  autel,  et  convenir  avec  quelqu'un  du  prix  de  la  confection 
d'iceux,  et  après  avoir  entendu  le  raport  desd.  artistes,  peintres  et 
doreurs,  qui  ne  portoient  pas  la  décoration  à  moins  de  douze  cent  livres, 
avoir  pareillement  examiné  les  forces  de  la  fabrique,  ses  revenus  annuels 
et  ses  charges,  ils  ont  senti  l'impossibilité  de  faire  actuellement  cette 
dépense  en  entier,  sans  faire  un  emprunt  sur  le  compte  de  la  fabrique, 
ils  se  seroient  déterminés  à  ne  faire  actuellement  que  les  décorations  les 
plus  urgentes  et  les  plus  provisoires,  relativement  aux  forces  actuelles 
de  la  fabrique,  vu  qu'il  est  nécessaire  qu'il  reste  toujours  des  fonds  à 
la  fabrique  pour  les  dépenses  ordinaires  et  accidentelles.  Sur  ce  s'est 
présenté  le  sieur  Elouis,  peintre  doreur  à  Caen,  lequel  a  représenté  aux 
s"  curé,  trésorier  et  députés,  que  cette  décoration  faille  en  deux  fois  seroit 
estropiée  et  manquée;  que  led.  autel  étoil  de  bon  goût  et  finy  et  devoit 
être  duement  décoré  au  désir  de  la  délibération  du  général  des  parrois- 
siens, que  pour  faciliter  l'exécution  actuelle  desd.  décorations,  il  offroit 
de  faire  partie  des  avances  et  de  prendre  des  termes  pour  ce  qui  resteroit, 
si  les  s"  députés  vouloient  s'arenger  avec  luy.  Sur  quoi  lesd.  s"  curé, 
trésorier  et  députés  ayant  entreux  délibéré  ont  été  d'avis  que  la  propo- 
sition du  sieur  Elouis  est  avantageuse  à  la  fabrique,  vu  que  ce  dernier 
s'est  relâché  à  une  somme  d'onze  cent  livies  pour  la  confection  desd. 
ouvrages,  parce  que  le  s"^  curé,  pour  en  failiter  l'exécution  et  faire 
l'avantage  de  la  fabrique,  a  volontairement  offert  au  s"^  Elouis  sa  table 
pendant  la  confection  d'iceux.  En  conséquence,  et  en  vertu  des  pouvoirs 
à  eux  donnés  par  la  délibération  vantée,  ils  sont  convenus  avec  led. 
s'  Elouis  de  ce  qui  suit  : 

1°  Led.  s"^  Elouis  se  charge  de  décorer  led.  autel  et  la  contretable  dans 
toutes  ses  parties  en  dorure,  peinture  et  marbre  feint  partout  où  il  sera 
nécessaire  ainsy  qu'il  est  cy-après  expliqué,  à  l'exception  des  tableaux 
qui  ne  sont  point  à  sa  charge; 

2"  La  porte  du  tabernacle,  la  niche  ou  exposition  du  S'  Sacrement  e^ 
le  scabellum  seront  dorés  en  plein.  Les  ornemens  du  corps  du  tabernacle 
et  ceux  des  gradins  seront  pareillement  dorés  avec  un  fond  sablé  de  bon 


130  PEINTRES    DES    XV!".    XVlT   ET    XVIir   SIECLES. 

goût,  le  tombeau  diid.  autel  sera  feint  en  marbre  clair  conforme  à  l'échan- 
tillon présenté  par  le  s'  Elouis  auv  s"  députés;  mais  la  cartouche  étant 
au  milieu  sera  dorée  en  plein  avec  un  fond  en  argent.  La  baguette  ou 
cordon  qui  environne  led.  tombeau  sera  pareillement  dorée  ainsy  que  les 
ornemens  dt's  pieds  corniers,  la  table  descrédenses  sera  feinte  en  marbre, 
mais  les  ornemens  d'icelles  ainsy  que  les  consoles  qui  les  soutiennent 
seront  dorées  en  tant  que  des  parties  vues  en  devant  ; 

3"  Le  fond  de  la  contretable  restera  en  blanc,  ainsi  que  le  fond  des 
ornemens,  mais  toutte  la  sculpture  et  ornemens  d'icelle  sera  dorée,  comme 
bazes  et  chapitaux  des  pilastres,  graines  et  cordons  d'iceux,  les  guir- 
landes, les  consoles  qui  soutiennent  les  petits  tableaux,  modillons  et  den- 
ticules.  La  gloire  avec  ses  rayons  sera  dorée  en  plein,  le  Jehova  pourra 
avoir  un  fond  en  argent,  l'agneau  ainsy  que  les  ornemens  sur  lequel  il 
est  appuyé  sera  doré;  ainsy  que  les  palmes  et  autres  ornemens  du  cou- 
ronnement dud.  autel  et  ceux  des  petits  vases  et  de  la  croix  qui  forment 
l'amortissement,  le  fond  de  lad.  croix  pourra  être  sablé,  les  flammes 
des  deux  grands  vases  latéraux  ainsy  que  les  ornemens  d'iceux  et  ceux 
des  urnes,  en  tant  que  des  parties  vues,  seront  dorés,  les  fumées  seront 
feintes  en  couleur  naturelle  et  la  plus  analogue  à  la  place.  Le  gable  de 
l'église,  qui  forme  au-dessus  de  l'entablement  le  fond  dud.  autel,  sera 
peint  de  deux  couches  de  peinture  à  l'huile  petit  grix,  les  cadres  des  trois 
tableaux  seront  feinls  eu  marbre  noir  luisant  veiné  en  or,  la  baguette  des 
cadres  des  trois  trumeaux,  qui  sont  sous  les  tableaux,  sera  dorée,  le 
rétable  ou  socle  de  lad.  contretable  sera  feint  en  marbre  de  la  couleur  et 
à  la  hauteur  que  le  s'  Elouis  jugera  le  plus  convenable  et  généralement 
toutte  la  sculpture  et  ornement  desd.  autel  et  contretable  seront  dorés  en 
bel  or,  tout  l'ouvrage  mentionné  cy-dessus  sera  peint  et  doré  à  l'huile 
avec  les  couches  de  peinture  nécessaires  pour  la  beauté  et  solidité  de 
l'ouvrage;  le  tout  bien  conditionné  conformément  aux  règles  de  l'art  et  à 
ce  devis  et  rendus  prêts  pour  la  fin  du  mois  prochain.  Est  encore  entendu 
que  tout  ce  qui  est  par  dessus  les  ornemens  et  touttes  les  parties  que  la 
vue  ne  découvre  pas  à  une  distance  raisonnable  sera  seulement  mis  en 
couleur  d'or,  se  chargeant  lesd.  s"  trésorier  et  députés  de  faire  faire  des 
échafaudages  solides  aux  frais  de  la  fabrique,  pour  la  confection  desd. 
ouvrages,  et  sera  tenu  led.  s''  Elouis  de  se  fournir  de  toutes  les  matières 
nécessaires  pour  lad.  décoration,  pour  la  confection  et  fourniture  des- 
quels lesd.  s"  curé,  trésorier  et  députés  en  leurs  dittes  qualités  ont  accordé 
aud.  s'  Elouis  une  somme  d'onze  cent  livres,  de  laquelle  il  luy  sera  payé 
sous  quinze  jours  par  M*"  Laurent  Lamy,  trésorier  en  charge,  la  somme 
de  six  cent  livres,  et  le  surplus,  montant  à  cinq  cent  livres,  sera  payé  par 
le  trésorier  pour  lors  en  charge  aud.  s""  Elouis,  sçavoir,  celle  de  trois  cent 


PEINTRES    DES    XVT,    XVlT  ET    XVIlT   SIÈCLES  131 

livres  à  la  fête  de  tous  les  saints  mil  sept  cent  soixante  dix  sept,  et  le  res- 
tant montant  à  deux  cent  livres  luy  sera  payé  à  pareil  jour,  un  an  après, 
c'esl-à-ilire  en  mil  sept  cent  soixante  dix  huit,  dont  du  tout  ce  que  dessus 
lesd.  parties  sont  demeurées  d'acord  et  contentes,  et  ont  signé  double,  à 
Carpiquet,  le  jour  et  an  que  dessus. 

Signé  :  Bazi.v,  curé.  L.  Lamy.  J.  Piedplu, 
Michel  Larcher.  Elouis. 

Reçu  à  cont  sur  le  pr[é]sant  la  somme  de  six  cents  livres,  le  présant  et 
le  double  ne  valant  qun  seul  et  même.  Ce  traize  jun  mil  sep  cent  soixante 
saize. 

Signé  :  Eloïis.  « 

A  Elouis,  peintre,  133  liv.  pour  avoir  fait  le  tableau  de  la  bannière, 
avoir  fourni  le  bâton  et  la  ferrure.  1779.  Caen.  Saint-Ouen. 

EXAULT.    ESXAULT. 

A  Esnault,  bourgeois  de  Vire,  «  pour  avoir  peint  et  mis  en  fleur  le 
rideau  de  la  chaize  paschalle  de  l'église  »,  30  s.,  suivant  sa  quittance  du 
10  mai  1691.  Bény-Bocage.  Compte  de  1693-1696  K 

A  Gilles  Enault  pour  peindre  la  contretable,  36  liv.  Coulonces.  Compte 
des  confréries  de  S'  Gilles  et  S'  Marcoul,  de  1724  à  1735. 

Etiexxe. 

Quittance  par  Etienne,  «  pintre  «,  de  la  paroisse  de  S'  Gervais  de 
Falaise,  au  trésorier  de  S'  Germain  de  Fourches,  de  200  liv.  pour  avoir 
fait  et  fourni  «  le  tablot,  ferrures,  baston,  garniture  et  pente  »  d'une 
bannière  qu'il  a  faite  pour  lad.  paroisse.  1789,  30  septembre.  Fourches. 

Feugeray  (Pierre). 

Quittances  de  Pierre  Feugeray,  «  paintre  «  à  Caen,  au  prieur  de  S' Ger- 
main-la-Blanche-Herbe  :  de  70  s.  pour  avoir  peint  une  paire  de  gradins 
fournis  pour  Tautel  par  Pierre  Duval,  menuisier  à  Caen  (1629);  de 
10  sols  t.,  tant  pour  avoir  peint  les  quatre  bâtons  qui  s'entretiennent  et 
servent  à  porter  le  dais  ou  tente  que  le  bâton  ou  verge  et  pommes  de  la 
bannière  de  l'église  (1630).  —  <<  A  Pierre  Feugerey,  painctre  »,  12  liv. 

'  Aud.  compte,  »  au  peintre  qui  a  placé  le  tableau  du  grand  autel  s,  1  liv.  18  s. 


132 


PEINTRES    DES    WV,   XVIT   ET    XVIIT   SIECLES. 


«  pour  avoir  p.iinct  la  toille  à  servir  en  Caresme  devant  le  crucifix  où 
est  painct  une  Xostre-Damede  Piété  tenant  Nostre  Seigneur  sur  son  giron, 
avec  autres  figures  de  la  Passion  » .  1647.  Caen.  Vaucellcs. 

Gaugaix. 

Quittance  pour  le  tableau  de  la  chapelle.  1787.  Caen.  S'  Sauveur. 
Charité. 

GoD  (Charles). 

Quittance  de  Charles  God,  peintre,  l)ourgeois  de  Caen,  à  Jacques 
Feuillet,  trésorier  de  S'  Michel  de  Vaucelles,  de  15  liv.  t.  «  pour  mes 
paines,  sallaires  et  vacations  d'avoir  faict  et  t'abricqué  le  tableau  qui  sert 
de  font  au  days  possé  sur  le  grand  autel  de  lad.  églize  >i .  15  octobre 
1646.  (Signature  avec  Le  devant  son  nom.) 


Gosse. 


A  Gosse,  peintre,  pour  avoir  reverni  et  racommodé  les  cassures  qui 
étaient  au  tableau  de  la  bannière,  6  liv.  Caen.  S'  Etienne.  Compte  de  la 
charité  de  1719-1722. 


GoT  ou  Le  Got  (Crespin). 

«  A  M'  Crespin,  paintre,  pour  les  douze  enseignes  qu'il  a  faictes  pour 
mettre  aus  chaperons  [des  frères  servans  à  la  charitlé],  6  liv. 

a  A  M*  Isac  Baillehache,  m«  mason,  suivant  l'alou  qui  a  esté  faict 
avecques  luy  pour  fere  l'autel  de  S'  Raphaël  et  S'"  Barbe,  36  liv. 

<(  A  M^  Crespin  Got,  paintre,  pour  avoyr  painct  les  deux  images  qui 
sont  sur  led.  autel,  qui  est  l'image  de  S'  Raphaël  et  l'image  de  S'*  Barbe, 
15  liv. 

«  Aud.  M*  Crespin,  pour  avoyr  faict  le  tableau  qui  est  dans  led.  autel, 
qui  est  l'istoire  de  Tobye,  et  pour  avoyr  paint  et  doré  led.  autel,  54  liv. 

«  A  M"  Crespin  God,  M"  paintre,  pour  avoyr  painct  toult  à  l'entour  de 
la  vitre  de  S'  Raphaël,  et  faict  deux  tabeaulx  es  deulx  costés  de  celuy  du 
contraulel  et  pour  avoyr  painct  ce  qu'il  y  a  d'aultre  painture,  30  liv.  « 

Comptes  de  la  charité  de  V'aucelles  de  Caen  pour  1613-1614. 

«  A  M*  Chrespin  Le  Guot,  paintre,  pour  avoir  dorey  le  sacrere  et  dix 
figures  pour  garnir  icelluy,  paint  et  dorey  les  marches  qui  sont  sur  l'autel 


PEIMTRES    DES    XVr,    XVW  ET    XVIir   SIECLES.  133 

et  repaint  les  grandz  images  de  dessus  le  hault  dud.  autel  et  paindre  un 
ciel  façon  de  Damas  pour  couvrir  led.  autel,  cent  livres,  suivant  son 
marché  et  alleu  du  3°  jour  de  mars  1619.  »  Caen.  Vaucelles.  1619  '. 

u  A  M"  Crespin  Le  Got,  paintre,  pour  avoir  repaint  et  mis  en  couUeurs 
la  grande  bennyère,  remis  de  l'or  et  argent  aux  endrois  nessesaires  tant 
du  tableau  que  sur  le  damas,  repaint  le  baston  d'icelle,  doré  et  repaint  le 
baston  de  la  croix  d'argent  »,  18  liv.,  suivant  le  marché  fait  avec  lui  et 
son  acquit  du  8  avril  1623.  Caen.  Vaucelles.  Charité.  1623. 

a  A  Crespin  Le  Got,  M'  paintre  en  cette  ville  de  Caen,  pour  avoir  faict, 
quis  et  fourny  douze  tableaux  en  huille  sur  fer  blanc  pour  servir  d'orne- 
mens  aux  torches  et  sierges  d'icelle  charité  » ,  25  livres,  suivant  le  marché 
fait  avec  lui  et  son  acquit  du  20  septembre  1624.  Ibid. 

Aud.  Le  Got  «  pour  avoir  paint  deux  grans  traistres  pour  servir 
à  mettre  les  torches  despendantes  d'icelle  charité,  et  pour  avoir  j)ainct  dix 
basions  servans  à  icelles,  paint  les  douze  escussons  de  boys  sur  quy  sont 
cloués  les  douze  petits  tableaux  de  fer  blanc  » ,  10  liv.  8  s.,  suivant  son 
acquit  du  10  mars  1625.  Ibid. 

«  A  AP  Crespin  Got,  paintre,  pour  avoir  faict  unne  figure  de  S'  Michel 
à  mètre  dans  le  roulleau  de  l'un  des  chaperons  des  frères  servantz  de 
lad.  charité  .),  15  s.  Ibid.  Compte  de  1628-1629. 

«  A  M*  Crespin  Got,  paintre,  pour  avoir  fourny  trois  histoires  ou  figures 
S'  Michel  pour  mettre  sur  troys  des  chaperrons  servantz  aux  frères  de 
lad.  charité  »,  40  s.  Ibid.  Compte  de  1632-1633. 

il  A  M*  Crespin  Got,  paintre,  pour  avoir  paint,  quis  et  fourny  cinq 
roudeaulx  sur  lesquels  sont  paints  la  figure  S'  Michel  pour  servir  aulx 
chaperons  desd.  frères  »,  4  liv.  Ibid.  Compte  de  1633-1634. 

«  A  M*  Crespin  Got,  peintre,  pour  avoir  fourny,  peint  et  estofey 
plusieurs  figures,  peintures  et  estofes  aux  images,  austel  et  closture  de 
la  chapelle  S*  Sébastien,  suivant  l'alleu  et  endorse  faict  sur  iceliuy  du 
20"  de  febvrier  1636  » ,  52  liv.  Ibid.  Compte  de  1635-1636. 

Quittance  à  Crespin  God,  de  100  s.  pour  une  année  de  rente  au  trésor 
de  Vaucelles,  à  lui  donnée  en  paiement  de  tableau,   1647^. 


'  Ibid.,  pour  avoir  fait  rapporter  le  i  sacrere  »  de  chez  le  peintre,  5  s. 

^  Extraits  des  comptes  de  la  Charité  de  Vaucelles  : 

De  1598-1599.  a  Payé  à  Jacques  Hébert,  thrésorier  d'icelle  églize,  pour  avoir 
faict  apporter  et  quis  ung  image  de  saint  Sébastien,  suivant  l'acquit  dud.  Hébert, 
du  15"  de  may  1599,  2  écus  15  s.  Plus  payé  au  peintre  qui  a  peint  led.  ymage 
saint  Sébastien,  2  écus  12  d. 

De  1643-1644.  «  A  un  paintre,  pour  avoir  quis  et  fourny  un  ymague  de  saint 
Michel  paint  sur  carte  pour  naettre  à  l'un  des  chaperons  des  frères  servants,  eu 
lieu  de  cclluy  qui  y  estoit  rompu  « ,  12  s. 


134  PEINTRES    DES    XVI',    XVir   ET    WIIT  SIÈCLES. 


GoUBIN. 

Divers  travaux  de  peinture  à  S'  Sauveur,  1770,  1773,  1774,  etc.  Sa 
note  de  1776,  sur  la  chemise,  porte  :  Au  «  barbouilleur  ».  —  1776. 
A  Goubin,  pour  avoir  peint  quatre  porte-cierges,  1  liv.  Caen.  S'  Etienne. 
—  A  Goubin,  pour  peinture  des  stalles  du  chœur  et  de  la  porte  du 
cimetière,  58  liv.  10  s.  Compte  de  S'  Martin  de  Caen  de  1777  et  1778  *. 

GOYER. 

A  Goyer,  peintre,  pour  avoir  peint  V  «  exposition  »,  12  liv.  1782, 
3U  octobre.  Caen,  S"  Paix^. 

Grevost. 

Quittance  de  «  Josph  Grevost  » ,  peintre  à  Caen,  rue  de  l'Odon,  à  Queu- 
deville,  trésorier  de  Carpiquet,  de  5  liv.  pour  deux  tableaux  à  lui  vendus 
(1762)  3. 

GuÉRARD. 

Quittance  à  Léger,  syndic  des  confrères  de  la  charité  de  S'  Sauveur  de 
Caen,  de  6  liv.,  pour  réparation  à  la  bannière  de  la  confrérie,  1788. 

Halley  (Louis). 

A  Louis  Halle,  suivant  le  marché  fait  avec  lui  le  1"  septembre  1706, 
pour  fournir  à  l'église  un  tableau  avec  le  cadre,  les  gradins  et  le  devant 
d'autel,  127  liv.  10  s.,  suivant  ses  quittances  des  27  juin  et  27  sep- 
tembre, et  16  janvier  1708. 

A  Louis  Halley,  137  liv.  10  s.  pour  un  «  quesson  «  enrichi  de  sculptures 
et  une  exposition  dessus  avec  deux  gradins,  deux  petits  cadres,  quittances 
des  26  septembre   1708  et  2  octobre  1709.  —    Même  compte,  pour  la 

'  Même  compte  :  A  Cabourg,  pour  avoir  raccommodé  la  statue  de  saint  Pierre, 
4  1. 

*  Ibid.  A  Germain,  5  novembre  1782,  6  1.,  pour  avoir  fait  la  couronne  de 
l'exposition  et  autres  ouvrages. 

^  Ibid.  Quittance  de  Boullée  de  3  1.  10  s.,  pour  un  tableau  vendu  à  l'église  de 
Carpiquet  (1762).  —  Quittance  de  Cahagnet,  de  20  s.,  pour  avoir  fait  deux 
cadres  pour  servir  à  deux  tableaux  de  l'égUse  de  Carpiquet. 


PEINT  II  ES    DES    XVI',    X  V  1 1'    E  T    X  V  1 1  T    S  1  E  C  l,E  S.  135 

nourriture  du  peintre  qui  est  venu  placer  dans  réglise  le  tabernacle,  30  s. 
dieux. 


Hkbert  (Pasquel). 

Novembre  1591.  «  A  Pasquet  Hébert,  m'  du  ineslier  de  painclre  et 
vitrier  " ,  pour  avoir  assis  à  la  lanterne  de  dessus  le  chœur  de  l'église  les 
quatre  vitres  neuves  auxquelles  il  y  a  108  pieds  de  verre  au  prix  de  5  s. 
chaque  pied,  9  écus. 

10  juillet  1592.  A  Pasquet  Hébert,  vitrier,  pour  avoir  u  racoutrey  » 
plusieurs  panneaux  et  mis  en  ploml)  neuf  avec  plusieurs  losanges  aux 
autres  vitres,  1  écu  30  s.  Caen.  S'  Nicolas.  Compte  de  1591-1592. 

Jahouf.l. 

1769.  A  Jahouel,  pour  avoir  doré  l'exposition  du  grand  autel,  avec  les 
panneaux  de  côté,  suivant  son  marché,  212  liv.  Au  même,  pour  avoir 
fourni  la  glace  de  l'exposition,  42  liv.  10  s.  Caen.  S'  Nicolas. 

1771,  23  juin.  Marché  entre  Lair,  trésorier  de  la  paroisse  S'  Nicolas  de 
Caen,  et  Jahouel,  maître  doreur  à  Caen,  qui  s'oblige  dorer  le  grand 
«  hostel  )'  de  lad.  paroisse,  le  cadre  seulement,  c'est-à-dire  le  gros 
«  cardron  »  dud.  cadre,  en  or,  ainsi  que  la  chevelure  et  les  ailes  du 
chérubin,  et  les  deux  morceaux  d'ornement  au-dessus  du  cadre;  les 
moulures  des  deux  côtés  seront  peintes  en  marbre  blanc,  ainsi  que  le 
cadre  du  devant  de  1'  «  hôtel  » ,  l'appui  de  communion  sera  peint  de  trois 
couches  de  peinture  à  l'huile  en  noir,  pour  empêcher  au  fer  de  rouiller, 
les  boutons  et  grenette  seront  dorés  en  or  du  meilleur  et  du  plus  beau,  le 
tout  sujet  à  visite,  moyennant  107  liv.  Quittance.  Cf.  les  comptes.  — 
Autre  quittance  du  même  de  18  liv.  pour  avoir  peint  de  trois  couches  en 
noir  et  avoir  doré  le  lutrin  de  S'  Nicolas,  et  avoir  aussi  peint  le  pied,  qui 
est  en  pierre,  en  couleur  de  marbre,  avoir  fourni  la  peinture,  l'or  et  la 
main  d'oeuvre  (1771,  23  juin).  Cf.  les  comptes. 

Quittance  du  même  à  Bidet,  trésorier  en  charge  de  la  paroisse 
S'  Sauveur  de  Caen,  de  9  liv.,  pour  avoir  fait  et  vérifié  le  toisé  de  la 
dorure  de  l'autel  de  lad.  église  (1771,  14  octobre)  . 

1788,  11  février.  lAIarché  par  lequelJahouel,  peintre  doreur,  bourgeois 
de  Caen,  s'oblige  envers  Louvel  La  Maindelle,  pour  l'église  de  Bourguébus, 
dorer  à  la  colle,  c'est-à-dire  à  l'or  bruni,  six  chandeliers  et  une  croix 
d'autel,  dans  le  même  genre,  de  la  même  manière  et  du  même  or  que 
celle  des  chandeliers  du  grand  autel  de  S'  Pierre  de  Caen,  plus  faire  et 
fournir  six  souches  de  5  ou  6  pieds  de  haut,  etc.,  avec  une  septième  boite 


136  PEI\'TRES    DES    \VV,   XVlT  ET    XVIir   SIECLES. 

ou  fut  pour  le  cirier,  pour  lui  servir  de  modèle,  moyennant  18  liv.  par 
pièce,  soit  12(>  liv,,  pour  la  dorure  et  arrangement  des  chandeliers,  et 
pour  les  souches  40  sols  du  pied,  prêtes  à  placer.  Diminution  de  6  liv. 
par  jour  de  retard  au  terme  fixé,  à  moins  qu'il  ne  tombât  malade.  Plus 
1  liv.  4  s.  pour  le  vin  du  garçon. 

.luMEL  ET  Le  Jumel. 

Robert  <  .lumel,  paintre  ».  1677.  21  liv.  pour  avoir  peint  le  devant 
d'autel  de  la  chapelle  S'  Sébastien  et  autre  travail.  Caen.  Vaucelles.  Charité. 

Robert  .liimel.  55  liv.  pour  avoir  fait  le  tableau  de  la  bannière  et  avoir 
racommodé,  repeint  et  repassé  le  tableau  de  la  grande  bannière.  Ibid. 
Compte  de  1677-1678. 

A  Robert  Le  Jumel,  peintre  à  Caen,  30  liv.  pour  avoir  fait  et  fourni  le 
tableau  de  la  bannière  '.  Quittance  du  16  octobre  1690.  —  A  Pierre 
Le  Jumel,  peintre,  14  liv.  pour  avoir  peint  le  devant  d'autel  de  S'  Sébas- 
tien *,  quittance  du  27  septembre  1691.  Caen.  S'  Gilles.  Compte  de  la 
charité,  pour  les  années  1690-1692. 

A  Pierre  Le  Jumel,  peintre,  28  liv.  pour  avoir  peint  le  plafond  de 
derrière  l'autel  de  l'église.  Caen.  S'  Gilles.  Compte  de  1694-1696. 

A  Suzanne  Jumel,  4  liv.  pour  avoir  raccommodé  une  bannière,  doré 
les  pommes  et  un  bâton  de  croix  peints.  Compte  de  la  charité  S'  Gilles  de 
Caen.  1715-1717. 

La  Barbrie  (A.). 

Aud.  peintre,  100  s.  pour  avoir  peint  les  crédences  du  chœur.  1686. 
Falaise.  S'  Gervais. 

La  Drouaise. 

Travaux  de  peinture  à  l'église  de  S'  Désir  de  Lisieux.  Comptes  de  1656 
et  1658. 

La  Haye  (de). 
.A  M«  Gabriel  de  La  Haye,  6  liv.  pour  avoir    «  painct  et  escript  en 

'  A  Philippe  Busnel,  marchanda  Caen,  41  1.  pour  avoir  fait  et  fourni  la  ban- 
nière de  damas  rouge  cramoisi.  —  .Autres  paiements  pour  la  ferrure  et  monture 
de  la  bannière. 

'^  A  Le  François,  père  et  fils,  menuisiers,  11  1.  5  s.,  pour  avoir  fait  le  devant 
d'autel  de  la  chapelle  de  saint  Sébastien  et  fourni  le  bois. 


PEIMTRES    DES    XVT',    XVII''   ET    XVIir    SIÈCLES.  137 

letrcs  (l'or  la  chasse  du  grand  autel  ».  1617.  Falaise.  S'  Gervais. 
Reconnaissance  laite  en  1G7I  pour  Toussaint  de  La  Haye,  peintre, 
bourjijeois  de  Falaise,  par  les  trésoriers  de  Guibray,  de  la  fieffé  à  lui  faite 
en  1641 ,  d'une  loge  construite  en  appentis  contre  l'église  et  dans  le 
cimetière,  led.  de  La  Haye  ayant  remontré  que  dès  il  y  a  long  temps  il 
avait  fourni  en  lad.  église  plusieurs  tableaux,  en  conséquence  de  quoi  il 
avait  joui  de  lad.  loge  sans  contredit,  et  qu'aujourd'hui  il  désire  fieffer 
à  perpétuité  lad.  loge,  et  pour  ce  faire  fournir  en  lad.  église  quelques 
tableaux  à  ce  nécessaires,  et  outre  payer  annuellement  quelques  sommes 
dedeniers  au  trésor  :  assemblée  des  paroissiens  portant  que  led.  de  La  Haye 
demeurera  quitte  de  la  jouissance  qu'il  a  eue  de  lad.  loge,  au  moyen 
qu'il  a  promis  bailler  et  fournir  à  lad.  église  de  Guibray  un  tableau  de 
S'"  Anne  en  huile,  et  pour  l'avenir  elle  lui  sera  fieffée  pour  construire  et 
faire  couvrir  de  tuile  ainsi  qu'il  avisera  bon,  moyennant  60  sols  de  rente 
foncière.  Falaise.  Guibray. 

La  Haye. 

Aud.  peintre,  pour  travaux  au  grand  autel  de  Notre-Dame  de  Caen. 
Compte  de  1737-1738. 

Lanisien. 

«  A  M""  Lanisien,  pour  avoir  fait  une  inscription  en  lettre  d'or  au  côté 
du  maître  autel  »,  18  liv.  Falaise.  S'  Laurent  de  Vaston.  Compte  de 
1769-1772. 

La  Pierrk. 

A  La  Pierre,  peintre,  suivant  quittance  du  30  août,  5  liv.  15  s.  1756. 
Caen.  S'  Nicolas. 

A  Marie  dit  La  Pierre,  peintre,  91  liv,  pour  avoir  doré  gradins,  taber- 
nacle, suppôt  des  reliques,  cadre  derrière  l'autel.  1773.  Caen,  Notre-Dame. 

A  Marie  ditLapierre,  croquetier,  son  mémoire  de  peintures  dans  l'église 
et  au  clocher.  1773,  Caen.  Notre-Dame.  —  Ihid.  à  Lapierre,  peintre, 
26  liv.  10  s,  pour  travaux  de  peinture,  1774  ;  autres  travaux  de  peinture 
et  dorure  en  1776,  par  Marie  dit  La  Pierre,  peintre. 

Laroche. 

Quittance  de  F.Laroche,  de  5  liv.  pour  deux  tableaux  qu'il  a  «  racom- 
modés  »  dans  deux  chapelles  de  l'église  S'  Sauveur  de  Caen,  1769. 


138  PEINTRES    DES    XVT,    \V IV   ET    XVIIT   SIECLES. 


Le  Bâtard. 

A  Jean  Le  Bâtard,  peintre,  pour  avoir  peint  les  vieux  bancs  autour  du 
chœur  de  l'église  pour  la  décoration  uniforme,  30  liv.  Caen.  S'  Etienne. 
Compte  de  1752-1753. 

Le  Feuvre. 

A  M*  Jacques  Le  Febrre  ',  4  écus  h  déduire  sur  ce  qu'on  lui  doit  pour 
faire  le  tableau  du  banc  de  la  Charité.  —  Compte  de  la  Charité  de 
S'  Gilles  de  Caen^  pour  l'année  1596-1597. 

Le  Feye. 

«  A  M'  Nicoll.  Paye,  sieur  de  La  Champagne,  paintre  et  sculleur  aud. 
Caen,  pour  avoir  paint  la  chasse  du  m^  autel  de  lad.  églize  de  S'  Nicoll. 
et  doré  l'ornement  de  feuilles  d'ollives  de  lad.  chasse  et  autre  besongne 
contenue  en  son  alleu  du  22«  febvrier  1654,  55  livres.  »  Caen.  S'  Nicolas. 
Compte  de  1653-1654. 

Marché  avec  la  Charité  de  Vaucelles. 

K  Au  jourd'huy  vingt  huicl"  jour  de  janvier  mil  six  cent  cinquante 
cinq,  marché  et  alleu  a  esté  ce  jourd'huy  faict  entre  M°  NicoUas  Le  Feye, 
M*  peintre  et  bourgeois  de  Caen,  et  honneste  homme  Jean  Gauquelin, 
eschevin  de  la  charité  de  l'esglise  parroissialle  de  S'  Michel  de  Vaucelles 
de  Caen,  par  lequel  led.  Le  Feye  s'est  submis  et  obligé  faire  une  banière 
au  tableau  de  laquelle  il  y  peindra  d'un  costé  l'image  de  la  S'^  Trinité  eu 
trois  figures  et  de  l'autre  costé  d'icelle  l'image  et  représentation  de 
S'  Michel,  en  forme  d'ange  habillé  par  le  dessus  d'un  corselet  qui  sera 
faict  pareil  et  semblable  à  un  tableau  de  S'  Michel  qui  est  de  présent  au 
couvent  des  religieuses  de  la  Visitation  de  ceste  ditte  ville,  et  lequel  a  esté 
veu  par  Monsieur  le  curé  de  lad.  esglize,  comme  aussy  la  planche  sur 
laquelle  sera  faict  le  tableau  de  la  Saincte  Trinité.  Par  ce  que  led.  Le 
Faye  fournira  le  couetil  neuf  de  chanvre  sur  lequel  seront  peint  par  luy 
lesd.  tableaux,  comme  aussy  le  hois  et  ferreures  nécessaires,  lequel  bois 
et  pommes  au  nombre  de  trois  seront  dorées,  et  mesmes  le  baston  ser- 

'  Cf.  compte  de  1597-1598.  A  M*  Jacques  Le  Febvre,  menuisier,  qui  a  fait  le 
tableau  du  banc  de  la  Charité,  4  écus  1/3  restant  du  paiement. 

-  Ibid.  1599-1600.  A  Hector,  pour  refaire  le  tableau  et  même  pour  avoir  de 
cuir  et  de  clou,  14  s.  6  d. 


PE  IX  THE  s    DES    XVT,    Xl'Il"^   ET    XV 11^   SIECLES.  139 

vant  à  porter  lad.  hanière  jiisques  à  rexlresmitté  du  bord  de  la  frange  de 
lad.  hanière.  Et  en  tant  que  le  damas,  frange,  houppes  et  soye  néces- 
saires et  montures  dud,  tableau,  ilz  seront  faictes  faire  et  fournies  par 
led.  eschevin.  Et  sur  les  deux  costez  et  fanons  dud.  damas  sera  faict  des 
trophées  d'or  de  S'  Michel  jusqiies  au  nombre  de  traize  de  chacun  costé 
d'icelle  au\  frais  et  despens  dud.  Le  Feye.  Et  sera  le  tableau  d'icelle 
hanière  de  la  mesme  grandeur  que  celuy  qui  a  esté  depuis  peu  faict  par 
led.  Le  Feye  pour  la  chappelle  du  S'  Sacrement  en  l'esglise  de  S'  Jean. 
Le  présent  alleu  et  marché  faict  en  la  présence  et  du  consentement  de 
noble  et  discrette  personne  M°  Jean-Jacques  Le  Boucher,  p*»",  curé 
d'icelle  esglize,  honneste  homme  \oel  Auber,  s'  de  Mendre,  M"  Nicollas 
Danois  et  François  Guillot,  thrésoriers  de  lad.  esglize,  par  le  prix  et 
somme  de  quatre  vingtz  dix  livres,  qui  luy  seront  paiez  par  led.  sieur 
Gauquelin,  eschevin,  sçavoir  est  une  moictyé  présentement  comptant  et 
l'autre  moictyé  lors  que  lad.  hanière  sera  faicte,  qu'il  a  promis  rendre 
preste  dans  le  jour  de  Pasques  prochaines.  Faict  l'an  et  jour  dessusd.  n 
Parmi  les  signatures  :  M.  Le  Feye.  Annexée,  quittance  dud.  Nicolas  Le 
Feye,  à  l'echevin,  de  10  liv.  t.  pour  reste  de  90  liv.  à  lui  promis  pour 
led.  tableau.  7  septembre  1655.  Cf.  Comptes  de  la  charité  de  1654-1655  : 
«  .A  M*  Nicollas  Le  Fayes,  m*  paintre  en  cesle  ville  de  Caen  »,  90  liv. 
pour  avoir  fait  un  tableau  à  la  bannière  que  l'on  prétend  faire,  suivant 
l'alleu  et  certificat  des  paroissiens  du  31  janvier  1655.  «  Au  sieur  Faye, 
peintre,  pour  avoir  doré  la  lampe  de  lad.  églize  »,  6  liv.  1657.  Caen. 
Vaucelles. 

Extrait  des  registres  de  la  charité  de  S'  Sauveur  de  Caen,  par  Jacques 
Le  Canu.  "  Jacques  Le  Canu,  pour  la  3°  fois  eschevin,  en  1658  a  fait 
paindre  dens  le  fronton  ou  amortissement  du  banc  '  le  martir  de  S'  Sébas- 
tien par  le  s''  de  La  Champaigne  Feye,  et  a  cousté  12  liv.  et  pour 
replacer  icelluy  il  y  a  eu  procez  contre  les  trésoriers  quy  le  voulleurent 
empescher,  et  particullièrement  M«  Charles  Le  Lubois,  un  d'iceiix,  dontil 
y  eut  sentence  en  bailliage  pour  le  replacer.  En  1659  a  fait  argenter  les 
trois  figures  quy  sont  sur  le  pied  de  la  croix  et  furent  portée  à  Paris  pour 
cet  efet,  et  a  cousté  6  liv.  A  fait  faire  deux  petits  tableaux  pour  mettre 
aux  sieurges,  un  représentant  la  Nativité  de  Nostre  Seigneur  et  l'autre  du 
S' Sacrement,  etcoustent  3  liv.  10  s...  Pour  avoir  fait  faire  l'amortissement 
du  haut  du  banc  quy  est  un  tableau  en  fasson  du  Mont  de  Tabort,  12  liv.  -  »  . 

'  Delà  Charité.  Cf.  Saint-Igny,  sculpteur.  Un  autre  texte  dit  «  dens  le  chaspi- 
tiau  ou  amortissement  du  banc  » . 

*  Cf.  r  «  Etat  général  de  la  valleur  du  papier  de  la  charitay  de  S'  Sauveur  » , 
d'après  les  anciens  comptes,  depuis  1568.  En  1607.  n  A  été  le  tableau  qui  est 


140  PEINTRES    DES    XV1'\    XVIP  ET    XVIIT   SIECLES. 

«  A  Monsieur  de  La  Champagne  Faye,  paintre,  pour  le  tableau  de  la 
banière  »,  90  liv.  Ihid.  Damas  et  frange,  etc.,  pour  la  bannière.  Caen, 
S' Nicolas.  Compte  de  1661-1662. 

Cl  A  Mons'  de  La  Cliampaigne  Faix  »,  pour  la  dorure  et  peinture  de 
neuf  tableaux  des  indulgences,  6  liv.  Caen.  Noire-Dame.  Compte  du 
V'  mars  1669-1670. 

Quittances  de  Nicolas  Le  Feye,  peintre  de  Caen  (signées  N.  Le  Feye), 
au  curé  d'Hermanville  :  de  20  liv.  pour  avoir  peint  et  doré  les  montres 
de  l'horloge  de  l'église  (30  mai  1697)  ;  de  25  liv.  pour  un  tableau  repré- 
sentant S'  Nicolas,  placé  à  une  des  chapelles  de  l'église  (30  mars,  1700). 

Le  François. 

A   Le  François,    peintre,   pour  le   grand  autel,   70  liv.   Pour  l'autel 

S'  Paul,   la  balustrade  et   avoir  blanchi  l'église,    54  liv.    Pour  l'autel 

S'  Lubin  et  le  vernis  de  la  chaire,  pour  le  chœur  et  les  bancs,  néant. 
Courtonnel.  Compte  de  1758. 

Le  Grand. 

A  Le  Grand  (Nicolas),  peintre,  5  liv.  pour  avoir  raccommodé  le  tableau 
de  S'  Joseph.  Villers-sur-Mer.  Charité.  Compte  de  1712-1713. 

A  Le  Grand,  pour  avoir  dégraissé  et  «  vernisé  »  les  3  tableaux  du 
chœur,  24  liv.  Audit,  pour  avoir  peint  et  marbré  la  contretable,  45  liv. 
Honfleur.  S'<^  Catherine.  Compte  de  1749.  —  Ihid.  compte  de  1750.  A  Le 
Grand,  peintre,  pour  avoir  nettoyé  le  tableau  de  l'Annonciation,  8  liv. 

Quittance  par  Le  Grand,  doreur  à  Caen,  de  45  liv.,  pour  travaux  à  la 
croix  d'autel,  chandeliers,  etc.  1769.  Caen.  Notre-Dame. 

Le  Gras. 

A  Le  Gras,  pour  avoir  peint  le  coq  qui  est  sur  la  tour,  20  s.  1696. 
Caen.  S'  Nicolas. 

Le  Héricy. 

u  A  ung  painctre  et  à  ung  meneurier  pour  avoir  visitey  le  sacraire, 

enluminez  fait  aux  frais  de  lad.  cliaritey.  i>  1658.  »  Le  martir  S'  Sébastien  a  esté 
paint  dens  le  fronton  du  desus  du  Lanc.  »  1659.  «  Fait  faire  deux  petis  tableaux 
pour  mettre  aux  sieurges  » ,  etc.  —  Cf.  ibid.  Dons  de  petits  tableaux  pour  atta- 
cher aux  cierges,  1642. 


PEIXTRES    DES    XVV,    XVIT   ET    XVIIl'   SIECLES.  Ul 

V  S.  t.  »    «  A  Massiot  Le  Hérichy  pour  unc[  portrait  qu'il  avoit  pour  led. 
sacraire,  V  s.  t.  »  Caen.  S'  Xicolas,  compte'  de  1534. 

Au  compte  commençant  le  4  octobre  1535  :  «  Massiot  Le  Hérichye, 
pour  avoir  faicl  deulx  fenestres  et  pour  le  clou  à  pendre  lesd.  fenestres, 
IX  s.  II  d.  ')  —  Au  compte  de  deux  ans  commençant  le  5  octobre  154-4  : 
à  Massiot  Le  Héricy  pour  avoir  fait  quatre  «  lieutrins  »,  XII  d.  Au  même 
pour  2  bâtons  de  torche  pour  la  fête  de  X'oel,  2  s. 

Le  Lys. 

.'\  Robert  Le  Lys,  peintre,  40  liv.,  pour  avoir  peint  la  chapelle  des 
filles  et  rafraîchi  et  doré  l'image  Notre-Dame.  Caen.  Vaucelles.  Compte 
de  1637-1638. 

Le  Maître. 

12  février  1595.  A  Jacques  Le  Poissonnier,  pour  la  façon  du  bois  du 
tableau  alloué  à  faire  à  M"  Louys  Le  Maître,  20  s. 

Pour  3  grands  ais  achetés  de  bois  sec  pour  faire  led.  tableau,  45  s. 

Paie  à  un  homme  qui  l'a  porté  chez  led.  Le  M®,  paintre,  XVIII  deniers. 

Pour  une  douve  à  faire  une  barre  aud.  tableau.  II  s.  V\à. 

Le  samedi  de  Pâques,  à  un  homme  qui  a  apporté  led.  tableau  de  chez 
le  peintre  à  l'église,  2  s. 

Led.  jour,  aud.  Le  M%  paintre,  pour  avoir  fait  led.  tableau,  suivant 
l'alleu  qui  lui  en  avait  été  fait,  15  écus  sol. 

Pour  6  vis  qui  retiennent  led.  tableau  et  2  autres  qui  portent  une  verge 
de  fer  pour  pendre  un  rideau  et  pour  lad.  verge  de  fer,  55  s.  Caen. 
S'  Nicolas.  Compte  de  1594-1595. 

«  Le  sieur  Jacque  Lemaître,  peintre,  demeurant  à  Bayeux,  parroisse 
S'  Malo,  s'oblige  de  peindre,  marbrer  et  dorer  le  grand  autel  de  l'église 
de  Rubercy,  de  la  manierre  qui  suit  :  de  marbrer  tous  les  paneaux, 
colonnes,  corniches,  frise,  architraves,  vases,  pieds  destaux,  socles,  gra- 

^  Ibid.  Pour  avoir  apporté  led.  sacraire,  baillé  à  un  porteur,  15  d.  A  un  serru- 
rieur  pour  2  couplets  et  2  serrures  à  mettre  aud.  sacraire,  3  s.  6  d.  A  2  maçons 
pour  avoir  fait  la  place  à  mettre  led.  sacraire,  8  s.  a  Aux  meneuriers  pour  avoir 
taict  led.  sacraire,  XLv"  t.  »  «  En  despense  quand  on  eut  assis  led.  sacraire,  aul.^ 
meneuriers,  mâchons,  vitriers  et  ymaginiers,  xxxv  s.  »  «  Pour  le  verre,  et  pour 
avoir  painct  les  ymages  dud.  sacraire,  xii"  x  s,  t.  " 

"  A  Alartin  Vincent,  pour  avoir  remuey  les  yma;i[es  du  maistre  autel,    ni    s. 

VI  d.  D    4  A  Pierres  Le  Révérend  et  à  sou  varlet  pour  avoir  refaict  le  portemain 
du  maistre  autel,  pour  leurs  journées,  v  s.  t.  i> 


U2  PEIXTRES    DES    \\V,    XVlT   ET    XVIII'   SIECLES. 

dins,  cadres,  chimibranles,  pleintes,  le  lout  de  différents  marbres  assortis 
au  fjoùt  dudit  sieur  Le  Maître,  lequel  marbre  sera  vernis,  et  de  peindre 
en  blanc  tous  les  montant  ou  bâtis  dudit  autel,  de  dorer  une  moulure 
autour  du  devant  d'autel,  celle  qui  règne  tout  autour,  la  moulure  des 
paneauv  qui  sont  aux  deux  bouts  du  devant  d'autel,  les  baguettes  ou 
simaises  des  pieds  deslau\,  les  moulures  des  six  paneaux  desdits  pieds 
destaux,  les  troix  moulures  des  gradins,  les  moulures  des  troix  paneaux 
au-dessus  desdits  gradins,  ainsy  que  la  baguette  qui  règne  au-dessus  des- 
dits pan'eaux,  les  bases  des  colonnes,  les  chapiteaux,  la  baguette  du 
cadre,  les  deux  grandes  moulures  de  l'architrave,  les  moulures  des  cinq 
paneaux  qui  sont»  sous  la  corniche,  les  denticuUes,  les  modillons  et  la 
moulure  qui  les  enchaîne,  la  baguette  qui  règne  sous  les  modillons,  une 
baguette  aux  pieds  destaux  des  vases,  les  baguettes  des  vases  et  les 
pommes  de  pin  qui  sont  dessus,  la  croix  du  haut  de  l'autel,  les  moulures 
des  troix  paneaux  des  portes,  les  moulures  qui  fonts  le  tour  des  quatre 
paneaux  qui  sont  sur  les  deux  portes,  et  enfin  la  moulure  au-dessus  desdits 
paneaux,  de  peindre  deux  saints  dans  les  deux  grand  paneaux  qui  sonts 
sur  lesportes,  de  peindre  en  beau  jeaune  les  moulures  des  paneaux  qui  sonts 
derrière  les  colonnes,  de  décrasser  la  dorure  du  tabernacle  et  le  repeindre 
et  marbrer,  de  peindre  en  gris  le  pignon  ou  mur  au-dessus  dudit  autel, 
de  repeindre  les  deux  statues  de  la  Vierge  et  S'  Laurens  et  dorer  le  bord 
de  la  robe  de  dessus  de  la  S'''  Vierge,  ainsy  que  le  bord  du  chasuble  de 
S'  Laurent  partout  où  il  est  doré,  c'est-à-dire  le  devant,  et  dorer  les  cro- 
chets du  livre  de  S'  Laurent  et  repeindre  le  Christ  en  couleur  de  chair  et 
en  décrasser  la  draperie,  parce  que  Monsieur  le  curé  de  ladite  parroisse, 
et  Monsieur  des  Lagues,  écuyer,  ont  promis  comme  députés  du  général 
de  la  parroisse  de  payer  audit  sieur  Le  Maître  la  somme  de  quatre  cents 
cinquante  livres  et  six  livres  de  vin  à  la  fin  dudit  ouvrage,  et  que  Monsieur 
le  curé  dudit  lieu  a  bien  voulu  se  charger  de  la  nouriture  et  logement 
dudit  sieur  Le  Maître  et  de  ses  ouvriers.  Le  présent  fait  et  signé  double 
après  lecture,  ce  deux  may  mil  sept  cents  quatre  vingt  cinq.  »  Signé  de 
Le  .Mailre  et  de  Des  .Marais,  curé  de  Rubercy.  a  De  plus,  convenu  avec 
Monsieur  des  Lagues  et  Monsieur  Cohué  de  trente  deux  livres  pour  dorer 
deux  moulures  à  la  corniche  verte  qui  est  sous  les  colonnes  et  une  mou- 
lure autour  du  tableau- et  nefoyer  et  vernir  ledit  tableau. 

J'ai  reçu  de  maître  Phillipe  Tostain,  trésorier  en  charge  de  la  parroisse 
de  Rubercy,  la  somme  de  quatre-vingt  huit  livres,  avec  celle  de  quatre 
cents  livres  que  le  sieur  Ravenelle  m'a  payée,  cela  aquitle  entierrement 
le  présent  marché.  A  Rubercy,  ce  12  février  1787. 

Signé  :  Le  Maître,  pintre.  » 


PEI\TRES    DES    XVT,    XVIT   ET    XVIIT    SIÈCLES.  143 


Le  Pailmier. 

Quittances  au  trésorier  de  S'  Exupère  de  Bayeux  :  de  22  liv.  pour 
peinture  et  dorure  de  l'appui  de  communion,  etc.  (1782);  de  40  liv.  pour 
avoir  doré  le  support  du  Christ  de  lad.  église  (1784). 

«  Aujourd'hui'  trente  juillet  mil  sept  cent  quatre  vingt  huit,  marché  et 
attachement  a  été  fait  par  Messieurs  les  députés  soussignés  de  la  paroisse 
S'  Jean  de  Bayeux,  pour  la  réparation  et  décoration  de  l'hôtel  de  la  dite 
paroisse,  suivant  la  délibération  passée  le  dimanche  vingt  trois  juillet  mil 
sept  cent  quatre  vingt  six,  à  M'  Le  Paulmier,  peintre  doreur,  demeurant 
en  cette  ville,  paroisse  S'  André,  lequel  s'est  chargé  de  ladite  réparation 
et  décoration,  suivant  le  devis  qui  suit,  savoir  :  de  peindre  le  fond  de  la 
contretable  du  maître  hôtel  en  ])ianc  à  quatre  couche,  peindre  le  Père 
éternel,  et  les  deux  anges  qui  l'accompagne,  de  couleur  naturelle,  dorer 
la  draprie  du  Père  éternel,  ainsy  que  la  croix  et  la  draprie  des  anges 
et  l'ornement  du  médaillon  qui  est  autour,  dorer  les  fiâmes  des  deux 
vases  qui  sont  sur  la  corniche  et  les  drapries  qui  sont  autour,  dorer 
les  moulures  de  la  corniche  et  tous  les  modillons,  dorer  les  ornemens 
qui  sont  à  l'architraves,  dorer  l'ornement  du  cadre  du  tableau,  dorer 
les  chapiteaux,  dorer  la  vigne  qui  est  autour  des  colonnes,  dorer  les 
embasses  des  colonnes,  dorer  les  consolles  qui  sont  des  deux  côtés 
des  colonnes,  dorer  les  moulures  des  pieds  d'estaux  et  lambris,  mar- 
brer le  lambris  et  les  pieds  d'estaux  jusqu'à  la  hauteur  des  colonnes 
en  blanc,  dorer  la  draprie  qui  est  autour  des  pieds  d'estaux,  dorer 
l'ornement  des  culs  de  lampes  et  paniers  de  fleur  qui  sont  au-dessus, 
ainsy  que  toutes  les  moulures  des  panneaux  et  baguetes  des  corniches 
et  des  pieds  d'estaux,  redorer  le  tabernacle,  l'exposition  et  les  gra- 
dins quant  à  l'ornement  pour  ces  derniers,  et  le  reste  devant  être  en 
marbre  blanc,  dorer  la  moulure  qui  est  au  cadre  du  devant  d'hôtel, 
marbrer  le  surplus,  netoyer  le  tableau,  le  racomoder  et  reloucher  par 
tout  où  besoin  sera  ;  peindre  le  gable  en  bleu  céleste  avec  des  étoiles, 
peindre  les  deux  figures  en  couleur  naturelle,  dorer  l'ornement  de 
S'  Siphorien,  et  la  croix  de  S'  Jean,  auquel  on  ajoutera  un  Agnus  Dei,  le 
mouton  sera  argenté;  peindre  un  baldaquin  à  la  voûte  au-dessus  du  Père 
étemel,  avec  un  rideau  des  deux  cotés  en  blanc  et  rouge,  avec  des  her- 
mines dans  le  fond;  réparer  tout  ce  qui  concerne  la  menuiserie  et  la 
sculpture  dudit  hôtel,  y  compris  deux  tabletes  à  mètre  en  neuf  sur  le  cul 
de  lampe,  qui  seront  propres  et  marbrées  avec  un  cordon  qui  sera  doré. 
S'est  aussy  obligé  ledit  sieur  Lepaulmier  mètre  un  très  beau  vernis  sur 


144  PEINTRES    DES    XVI',    XVII     E  T    X  V  III'    S  lE  C  LE  S. 

lesdits  ouvrages.  Ledit  aleii  et  attachement  cy-dessus  fait  par  le  prix  et 
somme  de  quatre  cent  livres,  dont  un  lier  sera  payé  en  commençant 
l'ouvrage,  le  second  à  la  moitié,  et  le  troisième  et  dernier  après  le  parfait 
jugé,  parce  que  mondit  sieur  Le  Paulmier  s'oblige  commencer  l'ouvrage 
sur  le  champ,  et  le  continuer  sans  interruption.  Fait  et  arrêté  double  ce 
dit  jour  et  an. 

Signé  :  Lemarchand.  Hébert  Dorval. 

LePAULMIER.  ') 
Quittances  de  Lepaulmier  (1788-1789). 

K  Au  Paulmier  »,  peintre,  5  livres  pour  visite  de  la  contretable. 
Compte  de  Jean  Gouet,  trésorier  de  Villiers-le-Sec,  pour  1791. 

Le  Romain. 

A  Denis  Le  Romain,  peintre,  14  livres  pour  avoir  peint  le  tabernacle 
et  les  gradins  de  l'église,  suivant  son  acquit  du  24  décembre  1673.  Compte 
de  l'église  de  S'  Sulpice  près  Bayeux  pour  1674-1676. 

Lélu. 

«  Je  soussigné  m'oblige  par  le  présent  à  faire  et  à  livrer  dans  le  mois 
d'avril  mil  sept  soixante  dix  à  la  fabrique  de  la  paroisse  S'  Sauveur  de 
Caen,  Basse-Mormandie,  un  tableau  original  de  ma  composition  repré- 
sentant le  mislère  de  la  Transfiguration  de  Jésus-Christ  sur  le  Tabor,  et 
ce  dans  les  formes  prescrites  pour  la  hauteur  et  pour  la  largeur  par  le 
plan,  sur  une  toile  de  choix  et  sans  aucun  deffaut  qui  puisse  préjudicier 
soit  à  la  duré  soit  à  la  bauté  général  du  tablau,  pour  la  somme  de  sept 
cent  livres,  prix  convenu  et  arrêté  avec  moy  par  le  sieur  Briouse,  chargé 
de  cette  affaire  par  les  marguilliers  de  la  ditte  paroisse,  qui  s'obligent  de 
me  le  payer  content  sur  le  vu  de  l'aprobation  des  principaux  membres  de 
l'Accadémie  Royal  de  peinture  et  de  scupture,  à  qui  je  le  soumetlray  pour 
preuve  du  talent  que  j'ay  acquis  à  Rome  dans  l'art  que  je  professe.  Fait 
à  Paris  ce  27  may  1769. 

Signé:  Pierre  Léli'.  » 

«  J'ay  reçu  de  monsieur  Bidet,  trésorier  en  charge  de  la  paroisse 
S'  Sauveur  de  Caen,  la  somme  de  sept  cent  livres  pour  le  prix  convenu 
du  tablau  du  maitre  autel  que  j'ay  fait  et  mis  en  place  ce  jour  d'huy 
pour  la  ditte  paroisse.  A  Caen  ce  31  octobre  mil  sept  cent  soixante  et  dix. 

Signé  :  P.  Lélu.  » 


PEIXTKES    DES    XV1^    XVIT   ET    XVIIT   SIECLES.  145 


Lknallt. 

1705,  16  avril,  paiement  par  le  curé  de  La  Lande-Vaumont  à  «  .Mon- 
sieur Lesnaut,  peintre  »,  de  60  sols  pour  avoir  raccomodé  et  repeint  le 
tableau  du  grand  aulel  de  l'église.  Si(/nature  :  Lenault.  Mémoire  des 
affaires  de  l'église  de  La  Lande-Vaumont,  1704-1705. 

Lesseline. 

Quittance  par  «  Cristofles  Lesselinne  »,  bourgeois  de  Caen,  à  Giffard, 
échevin  de  la  charité  fondée  en  l'église  S'  Sauveur  de  Caen,  de  43  sous 
pour  deu.v  petits  tableaux  pour  le  service  de  la  charité  (1668). 

u  A  Esselinne,  paintre,  pour  avoir  argenté  les  trois  images  de  la  Croxes 
et  repains  les  deux  grands  chandeliers  de  bois  et  y  avoir  mis  six  pommes 
soubs  les  pies  »,  39  s.  6  d.  Compte  de  la  charité  de  S'  Sauveur  de  Caen. 
1691-1692. 

Le  Touzey. 

Aud.  peintre,  pour  avoir  raccomodé  les  trois  tableaux  et  avoir  peint  le 
haut  de  l'autel  en  bleu,  52  liv.  —  Compte  de  Guillaume  Vimard,  trésorier 
de  S'  Aubin  d'Arquenay,  pour  un  an  de  la  S'  Michel  1766  à  la  même 
date  1767. 

Le  Vallor  et  Le  Hou  ou  de  Hou. 

A  Louis  Le  Vaulor,  peintre,  30  liv.  pour  avoir  peint  le  grand  autel  et 
fourni  les  couleurs  K 

Aud.  (sic)  Le  Hou,  peintre,  20  liv.  pour  avoir  peint  la  chapelle 
S'  François  et  fourni  de  drogue  nécessaire.  Condé-sur-IVoireau.  S'  Sauveur. 
Compte  examiné  le  1"  août  1712. 

Ibid.  Compte  de  1686-1687.  Au  s'  de  Hou,  peintre,  12  liv.  pour  des 
peintures  faites  à  S'  Sauveur. 

LOIZOT,    LOUIZOT,    LOISEAU. 

Quittances  par  Louizot  (signature)  :  au  curé  de  Gueron,  pour  un  devant 

'  Ibid.  .\  Pierre  Picard,  cabaretier,  70  s.  pour  avoir  fourni  de  cidre  au  peintre 
qui  a  peint  l'église. 

A  Jean  Regnault,  50  s.  pour  avoir  fourni  de,  pain  et  viande  et  au  peintre. 
A  Jean  Chauvin,  18  s.  pour  avoir  servi  le  sculpteur. 

10 


I 


146  PEIMTRES    DES    XV1%    XVII'    ET    XVIIl'    SIECLES. 

d'autei  qu'il  lui  a  peint  pour  la  paroisse  (Bayeux,  18  juillet  1743)  ;  au 
trésorier  de  Fresné-sur-la-Mer  (S'  Côme  de  Fresné),  de  34  liv.,  «  pour 
avoir  peint  une  l)anièreet  vasse  et  bâton  n  pour  lad.  paroisse  (28  mai  1746). 

Paiements  à  Loisot  (en  correction  de  Loison),  peintre,  en  1752  et  1753. 
Comptes  de  S' Georges-d'Aunay . 

Quittances  par  Loizol  (signature),  au  curé  de  Port-en-Bessin,  de  9  liv. 
12  s.,  pour  avoir  peint  un  bâton  de  croix  et  avoir  raccomodé  le  tableau 
du  grand  autel  et  celui  de  l'autel  de  la  Vierge  (1759).  Le  compte  de  la 
même  année  porte  :  Loison. 

1770,  6  mai.  Alleu  par  Nicolas  Peullier,  trésorier  de  S'  Georges  d'Au- 
nay,  à  Loiseau,  peintre,  demeurant  à  Bayeux,  stipulé  par  Jean  Fossey, 
un  de  ses  ouvriers,  «  de  peindre  et  dorer  le  tabernacle  et  gradins  dud. 
lieu  de  S'  Georges,  de  décrasser  la  contrelable  et  peindre  en  marbre  les 
embasses  des  pilliers  d'icelle,  donner  une  couleur  en  bleu,  au-dessous  du 
tableau  de  la  contretable,  tant  à  ce  qui  est  vieux  que  neuf,  donner  une 
couche  à  tous  les  fonds  bleu  de  lad.  contretable.  Et  pour  ce  qui  regarde 
le  tabernacle,  toute  la  sculture  et  moulure  sera  dorée  d'or  malle  et  tous 
les  fonds  seront  en  peinture  la  plus  propre  ;  lequel  ouvrage  sera  fait 
sujet  à  visitte  pour  la  feste  de  Dieu  prochaine.  Parce  que  led.  Peullier  en 
sad.  qualité  s'oblige  de  nourrir  led.  s'  Fossey  pendant  led.  ouvrage,  et 
luy  payer  en  outre  la  somme  de  cent  vingt  trois  livres,  tant  pour  l'ou- 
vrage que  pour  les  drogues  convenables,  et  ce  après  la  perfection  du 
susd.  ouvrage.  Fait  et  arresté  double  ced.  jour  et  an.  Bien  entendu  que 
la  doreure  sera  appliquée  au  mordant.  Et  sera  envoyé  un  cheval  aud.  sieur 
Fossey  pour  venir  de  Bayeux  faire  le  susd.  ouvrage,  le  samedy  d'après 
l'Ascension  prochaine.  (Signé  :)  .1.  Fossey.  »  Quittance  par  Jean  Fossey 
le  18  août  1770. 

Malherbe. 

A  Malherbe,  peintre,  pour  avoir  peint  et  doré  la  bannière,  100  liv., 
3  août  1780.  Comptes  de  la  charité  de  3'  Nicolas  de  Caen.  Ibid.  A  Boi- 
sard,  tapissier,  pour  fournitures  et  façon  de  la  bannière,  195  liv. 

Paiement  de  travaux  pour  la  bannière,  301  liv.  à  une  chasublière,  à 
un  serrurier,  à  un  bourrelier  et  à  Malherbe,  peintre,  1790.  Caen. 
S'  Martin.  Comptes  de  la  charité. 

Maltot. 

A  Maltot,  doreur,  39  liv.  pour  avoir  blanchi,  raccommodé  et  »  lustré  « 
le  christ,  chandeliers  et  lampe.  1773.  Caen.  Notre-Dame. 


PEINTRES    DES    XV1%    XVI T'   ET    XVII 1'   SIÈCLES.  147 


Marxet  ou  Martet, 

1771.  A  Marnet,  peintre,  sans  désignation,  22  liv.  10  s.  Autres  paie- 
ments à  Martet,  pour  avoir  peint  dans  la  tribune,  4  liv.  10  s.  ;  à  M.  Os- 
mont,  pour  noir,  céruse  et  citerge,  61  liv.  19  s.  Honfleur.  S'®  Catherine. 

Martin. 

A  Gilles  Martin,  peintre,  pour  avoir  peint  la  crédence  faite  par  Le 
Roux,  menuisier,  lad.  année.  1689.  Caen.  S' Nicolas. 

Marquv. 

Quittance  de  «  François  Marquy,  italien,  figuriste  de  plâtre  «,  de  40  s. 
«  pour  avoir  pain  deux  christ  couleur  de  chair  et  les  avoir  doré  »,  1776. 
Caeo.  Notre-Dame.  Le  compte  écrit  :  «  .Maquery.  » 

MOXGAUDLV. 

A  Mongaudin,  doreur  à  Bayeux,  pour  le  «  fornissement  »  et  dorure 
des  deux  contretables  pour  orner  les  deux  autels  de  la  nef,  118  liv. 
Compte  de  Jean  Léger,  curé  de  S'  Vigor-le-Grand,  ci-devant  curé  de 
S'  Sulpice,  de  la  gestion  qu'il  a  eue  du  trésor  dud.  lieu  en  1693-1696. 

IMOUSSARD. 

Quittance  au  curé  de  Gueron  de  15  s.  pour  avoir  doré  un  petit  amor- 
tissement pour  le  tabernacle.  1709. 

XoiRV. 

A  Jacques  Noury,  peintre,  pour  une  bannière  représentant  d'un  côté 
la  S'*  Trinité,  de  l'autre  S'  Michel^  150  liv.  Caen.  Vaucelles.  Compte  de 
1770-1771. 

OxVFROv  (Jean) . 

Requête  des  curé,  prêtres  et  paroissiens  de  Gueron  au  vicomte  de 
Bayeux,  remoatrant  que  Jean  Onfroy,  doreur  en  cette  ville,  s'est  obligé 
dès  le  commencement  de  juin  précédent  dorer  et  placer  pour  la  fin  de 
juillet  le  grand  cadre,  les  gradins  et  «  quesson  »  avec  l'exposition   d'une 


\. 


148  PEINTRES    DES    XVr,    \V IV  ET    Xl'IIT   SIÈCLES. 

contretable  de  leur  église,  suivant  le  marché  par  eux  fait  le  lOdud.  mois, 
lequel  il  refuse  d'exécuter  :  demande  de  permission  d'assignation  (26  sep- 
tembre 1707);  signification  aud.  Onfroy;  obligation  de  satisfaire  (30  sep- 
tembre); quittance  dud.  Onfroy  de  48  liv.  pour  led.  travail  de  dorure 
(25  octobre  1707).  Quittance  du  même  au  curé  de  Gueron  de  65  sols, 
pour  avoir  doré  et  fourni  6  vases,  une  «  archivole  »,  une  croix,  et  doré 
à  plusieurs  endroits  au  tabernacle  de  lad.  église  (25  mars  1712). 

Parey   (Michel) . 

A  Michel  Parey,  peintre,  6  liv.  pour  avoir  la  table  et  1'  «  encastileure  » , 
du  grand  autel,  suivant  son  acquit  du  23  mars  1638.  Compte  de  S'  Ger- 
main de  Lisieux,  pour  1637.  Ibid.  «  A  M'  Nicollas  de  La  Court,  étoffeur 
d'or  »,  103  livres  pour  la  dorure  du  tableau  S'  Germain  (1637).  — Au 
même  100  livres  à  déduire  sur  l'accord  avec  lui  fait  au  compte  de  1638. 
Paiement  du  reste  des  600  liv.  promises  aud.  de  La  Cour,  esloffeur,  pour 
faire  1'  «  encastilieure  »  du  grand  "  hostel  " ,  suivant  l'ordonnance  des 
curé  et  députés  du  22  juin  1638.  —  A  Michel  Parey,  peintre,  4  liv.  10  s. 
pour  six  armoiries  du  Roi,  qu'il  aurait  faites  pour  être  mises  en  l'église 
pendant  le  service  célébré  pour  le  Roi,  suivant  l'ordonnance  des  députés 
[du  trésor]  du  27  mai  1643.  Mandat  de  paiement  du  même  jour.  Lisieux. 
S'  Germain.  Ibid.  A  Michel  Poltier,  pour  sa  peine  d'avoir  attaché  contre 
l'église  les  armoiries  du  Roi,  6  s. 

PlGNY, 

Au  s'  Pigny,  peintre,  5  liv.  Caen.  S"  Paix.  Compte  de  1774.  A 
M'  Pigny,  pour  avoir  peint  le  bâton  de  croix,  1  liv.  Caen.  S"  Paix. 
Compte  de  1777-1778.  —  A  Pigny,  peintre,  pour  le  racommodage  des 
tableaux,  66  liv.  Caen.  Vaucelles.  Compte  de  1777-1778.  Aux  comptes 
antérieurs,  divers  travaux  par  le  même. 

PiLLET  (Pierre). 

Quittance  dudit  au  curé  de  Port-en-Bessin  de  24  liv.,  pour  avoir  peint 
la  bannière.  1745. 

Poisson. 
«  A  Roch  Poisson  '  pour  avoir   repaint  les  deux  ymages  d'anges  de 

'  Dans  le  compte  de  1613-1614,  paiement  à  Roch  Poisson,  menuisier,  de  6  1. 
pour  avoir  fait  des  «  trillages  i    à  l'église.  —   1624.   Parmi   les   ornements  et 


PEI\TRES    DES    X  V  T.    XVII'    ET    XVIll'    SIECLES.  149 

dessus  les  coulombes,  x  s.  »  Cacn.  Sainl-Nicolas.  Compte  do  1603- 
1G05. 

QUEXTIN. 

A  Guillaume  Quentin,  35  s.  pour  avoir  peint  l'escalier  et  refait  la  lan- 
terne des  reliques.  1G30.  Lisieux.  S'  Germain. 

Restout. 

Gl  liv.  à  Marc  «  Retoult  »,  peintre,  bourgeois  de  Caen,  pour  avoir 
peint  en  huile  le  tableau  (de  l'autel)  et  icelui  aidé  à  placer.  Rois.  Compte 
de  IG44  à  1653. 

"  .'\u  sieur  Retout,  paintre,  la  somme  de  30  solz,  pour  avoier  racom- 
modé  un  tableau  sur  bois  et  avoier  escript  dans  icelluy  en  lettres  d'or 
(indulgences  plénières)  et  reazuré  icelluy  tableau,  i  1664.  Caen.  Vau- 
celles. 

«  A  M*  Marc  Restout,  peintre,  pour  un  tableau  par  luy  fourny  à  l'autel 
de  la  Vierge,  50  liv.  «  Hermanville.  Compte  de  1669-1670.  Sa  quittance 
du  16  novembre  1671. 

ROUYER. 

Payé  à  Gilles  Rouyer,  peintre  et  doreur  de  Vire,  14  liv.,  pour  avoir 
repeint  et  racommodé  3  tableaux  et  fourni  la  toile.  Compte  de  S'  Germain- 
de  Tallevende,  pour  1755-1758. 

RUPALLEY. 

"  «  ARupaley,  pour  le  tableau  de  la  S'"  Vierge  »,  30  1.  Quittance  du  4  avril 
1743.  Audit.,  30  liv.  pour  le  tableau  de  l'autel  S'  .Michel.  Quittance  du 
13  juillet  1743.  Gueron,  compte  de  1737-1742.  Y  joint  les  deux  quit- 
tances portant,  celle  du  4  avril,  pour  un  tableau  de  V Annonciation  placé 
dans  une  des  chapelles  ;  celle  du  13  juillet,  pour  le  tableau  de  la  chapelle 
de  l'Ange  gardien. 

S'-Germaix. 
A  Saint-Germain,  3  liv.  pour  la  peinture  des  bâtons  du  grand  dais. 

diverses  choses  achetées  à  la  foire  franche,  seize  tableaux,  4  1.  16  s.  Ibid.  — 
Compte  de  S'  Nicolas  de  1623-1624.  i\  Jean  Poisson,  menuisier,  pour  avoir  fait 
et  quis  le  bois  d'une  «  escarrye  »   à  mettre  au  grand  tableau,  50  s. 


150  PEINTRES    DES    \VV,    XVll'  ET    XVIIl'   SIÈCLES. 

Caen.  Vaucelles.  1763-1764.  —  Travaux  non  dénommés.  Ibid.  1765- 
1766. 

A  S'  Germain,  pour  avoir  peint  les  souches  qui  servent  à  l'autel,  9  liv. 
Compte  de  1769-1770. 

Compte  de  1770-1771.  A  Saint-Germain,  peintre  doreur,  pour  la  ban- 
nière [faite  par  Noury.  Voir  p.  147],  78  liv. 

Quittances  de  J.-D.  S'-Germain,  peintre  ;  au  trésorier  de  Vaucelles  (1770)  ;  à  celui 
d'Hermanrille,  de  24  1.  pour  avoir  peint  en  marbre  les  fonts  baptismaux  et  le  bénitier  du 
bas  de  l'église  en  1770  (1772). 

Saint-Igny  (de). 

Jacques  Le  Canu,  échevin.  "  Plus,  en  ladite  année  1653,  a  fait  faire 
un  fronton  et  amortissement  sur  le  haut  du  banc  [de  la  charité],  pour 
rornement  d'icelluy,  et  pour  avoir  fait  paindre  'deux  grans  chandeliers  de 
bois  quy  avoient  estez  donnez  par  Mons'  Puel,  cy-devant  eschevin,  a  esté 
payé  par  ledit  Canu  au  s'  de  S' Ygny,  m"  sculteur,  pour  le  fronton  et  pain- 
ture  des  chandeliers,  8  liv.  »  Caen.  S'  Sauveur.  Extrait  des  registres  de  la 
charité,  par  Jacques  f^e  Canu  (XVII°  siècle). 

Quittance  par  Jean  de  S'  Igny  (signature),  au  curé  d'Hermanville,  de 
11  liv.,  pour  avoir  doré  la  niche  pour  exposer  le  Saint-Sacrement  (1695). 

Il  Je  soubs  signé  Marie  Le  Peltier,  veufve  de  Jean  de  S'  Igny,  de  la  pro- 
fession de  doreur,  m'oblige  de  faire  à  l'église  de  Hermanville  l'ouvrage 
qui  ensuit. 

Nétoyer  et  blanchir  à  deux  couches  de  blanc  de  séruse  à  huile  de  noix 
toute  la  contretable  de  la  chapelle  de  la  Vierge  de  lad.  église  avec  les  por- 
tiques étant  à  côté. 

Item,  blanchir  comme  dessus  le  devant  d'autel  de  pierre  et  le  côté  dud. 
autel  avec  le  cadre  de  la  contretable  dud.  autel  de  pierre  qui  est  dans  la 
nef. 

Item  dorer  le  cardron  dud.  devant  d'autel. 

Item,  dorer  les  deux  cardrons  dud.  quadre,  avec  huict  feuilles  d'or  aud. 
quadre. 

Ilem,  blanchir  le  gradin  dud.  autel  et  dorer  le  quardron  et  la  moulure 
dud.  gradin,  led.  blanc  à  huile  comme  dessus. 

Item,  peindre  en  bleuf  les  deux  gradins  du  grand  autel  de  lad.  église, 
dorer  les  quardrons  desd.  gradins  et  y  graver  des  figures  en  or. 

Lequel  ouvrage  m'oblige  de  faire  bien  et  deument  pour  la  somme  de 
cinquante  livres  qui  seront  payées  par  led.  sieur  curé  des  deniers  du  tré- 

'  Et  asurer,  ajoute  un  autre  texte  dud,  extrait. 


PEIMRES    DES    X  V  T",    XVll'   ET    Xl'IIl'   SIECLES.  3CI 

sort,  le  tout  faict  sous  le  bon  plaisir  de  monsieur  le  marquis  d'Hcrman- 
ville,  en  présence  et  du  consentement  du  sieur  curé,  prêtres  et  trésorier 
et  parroissiens  de  lad.  parroisse  qui  ont  été  d'advis  que  led.  ouvrage  soit 
faict  à  lad.  église  pour  le  prix  cy-dessus.  Faict  aud.  lieu  le  dimanche 
14  septembre  1698.  » 

«  Mémoire  des  augmentations  faictes  à  la  contretable  de  l'église  d'Her- 
manville  par  moy  Marie  Le  Peltier,  veufve  de  Jean  de  S'  Vgny. 

Je  repeint  les  deux  anges,  les  deux  figures  de  S'  Pierre  et  S'  Paul  et  les 
figures  du  tabernacle. 

Item  argenté  la  clef  de  S'  Pierre  et  l'épée  de  S'  Paul,  et  repeint  la  dra- 
perie. 

Item,  j'ay  faict  des  filets  d'or  aux  pieds  d'estaux  desd.  figures. 

Item  j'ay  doré  les  moulures  qui  sont  au-dessous  du  ronpoint  des  portes 
de  la  sacristie. 

Item,  j'ay  mis  en  bleu  et  faict  un  petit  ornement  en  or  au  pied  du 
tabernacle. 

Item,  j'ay  relavé  et  reverny  le  tableau  de  la  chapelle  de  la  Vierge. 

Item,  j'ay  relavé  et  reverny  les  deux  ovales,  ay  mis  du  vermeil  à  l'or 
des  dites  ovales  et  reblanchy  les  coins. 

Item,  j'ay  repeint  et  redoré  de  neuf  la  Résurrection  qui  est  au-dessus 
du  tabernacle. 

J'ay  soubsignée  Marie  Le  Pelletier,  vefvede  Jean  de  Saintigny,  ay  reçeu 
de  M'  le  curé  d'Hermanville  la  somme  de  vingt  livres  pour  le  mémoire 
cy-dessus.  Fait  audit  lieu  ce  23  sept.  1698,  en  présence  d'Etienne  Royer 
et  Xoël  Le  Marinier.  «  Marque  »  de  lad.  Le  Pelletier.  » 

Quittances  diverses  de  Marie  Le  Peltier  [al.  Le  Pelletier),  veuve  de  Jean 
de  S'  Igny  [al.  Saintigny),  doreur,  et  de  son  fils  (signature  :  de  Saintigny), 
1698. 

A  la  veuve  du  feu  s""  de  S'  Igny,  peintre,  26  liv.  10  s.  pour  les  quatre 
chandeliers  dorés  avec  la  'croix.  Caen.  S'  Gilles.  Comptes  de  la  charité, 
1700-1702'. 

Au  s'  de  S'  Igny,  doreur,  106  liv.  pour  ouvrages  au  grand  autel.  Caen. 
Xotre-Darae.  Compte  de  1737-1738.  Ibid.  au  même,  pour  avoir  doré  le 
coq  du  clocher,  12  liv.  Notre-Dame.  Compte  de  17-40-1741.  —  Au  s'  de 
S'  Igny,  doreur,  pour  avoir   blanchi  4  faux    cierges,  2  1.  8  s.   Caen. 


'  Ibid.  A  F"''  Le  François  dit  l'Italien,  5  I.  pour  4  chandeliers  de  bois  noirci. 
A  Pierre  Onfroy,  tant  pour  avoir  transcrit  les  indulgences  de  la  charité  que  pour 
avoir  fourni  les  peintures  et  le  velin,  4  1.  4  s. 


152  PEINTRES    DES    XVl',    XVIT  ET    XVIIl'  SIECLES. 


S'  Etienne.  Compte  de  1740-1741,  —  Au  même  pour  dorure  faite 
au  grand  autel,  10  liv.  Ibid.  Compte  de  1749-1750.  —  Quittances 
signées  de  S!  Igny  à  la  charité  de  S'  Sauveur  de  Caen,  pour  travaux  de 
dorure  (1742-1744).  Cf.  compte  de  la  charité  de  S'  Sauveur  de  Caen  du 
27  oct.  1730  à  1751.  Paiement  à  «  M'  S'  Igni  d  pour  travaux  de  sculp- 
ture et  dorure. 

A  S'  Igny,  pour  avoir  blanchi  huit  faux  cierges,  5  liv.  5  s.  1742. 
Caen.  S'  Martin. 

1748.  Au  s'  de  S'  Igny,  pour  avoir  doré  les  pots  à  fleur  de  l'église, 
22  liv.  —  1750.  Au  même,  pour  avoir  blanchi  six  faux  cierges,  3  liv. 
12  s.  Ibid. 

S'  Jean  (de)  . 

«  Au  paintre  de  S'  Jean,  auquel  fut  faict  alleu  de  paindre  l'image 
M"  Dame,  Iny  fut  paie  XI  liv.  X  s.  —  Pour  le  vin  dud.  marché  XXX  s.  » 
Caen.  S«  \icolas.  Compte'  de  1601-1602. 

Samson. 

Quittance  de  F.  Samson,  peintre  doreur,  au  trésorier  de  La  Pommeraye, 
de  3  livres,  pour  avoir  peint  un  chapiteau  et  une  Vierge  pour  l'église. 
(Lisieux,  20janvier  1786.) 

«  Mémoire  pour  Monsieur  Marabour,  trésorier  en  charge  de  la  paroisse 
de  S'  Germain  de  Lisieux,  pour  l'ouvrage  fait  et  fourni  par  moi  F.  Sam- 
son, peintre,  doreur,  armoiriste,,  à  l'égard  de  saize  éçussons  representans 
les  armes  de  la  dite  paroisse,  pour  mètre  aux  flambeaux  de  Messieurs  les 
trésoriers  pour  la  procession  du  S'  Sacrement.  Lesdits  éçussons  faicts  par 
ordre  de  Monsieur  Le  Coge,  m''  épicier,  à  neuf  sols  pièce,  font  sept  livres 
quatre  sols,  et  livrés  le  quatorze  juin  dernier.  Reçu  le  contenu  du  pré- 
sent, à  Lisieux,  ce  vingt  et  un  novembre  mil  sept  cents  quatre-vingt-sept. 
Ce  que  j'ai  signé.  F.  Samson,  peintre.  »  —  Cf.  p.  117. 


'  Ibid.  ï  Paie  pour  l'image  de  S'  Nicollas  estant  au  portail  contre  la  porte  de 
l'église,  achapté  à  Rouen,  4  1.  10  s. 

i  Pour  le  port  du  navire  auquel  on  avoit  mis  led.  ymage  et  dessendu  sur  les 
quays,  xv  s. 

«  Pour  le  paintre  qui  avoit  paint  en  huille  led.  ymage,  lx  s. 

f  Pour  deux  porteurs  qui  avoient  apporté  icelluy  à  l'eglize  et  aydé  à  le  mettre 
en  place,  xv  s. 

i  Pour  le  mareschal  ayant  faict  une  cheville  de  fer  avec  deux  crappons  et  quis 
le  piastre,  xx  s.  » 


1 
i 


PEINTRES    DES    XVF,    WIl"    ET    XVIlT    SIÈCLES.  153 


Scelles. 

A  Jean  Scelles,  pour  avoir  peint  le  tableau,  G  liv.  Compte  de  la  charité 
de  S'  Gilles  de  Caen,  pour  1728-1730. 

Spindler. 

A  Spindler,  peintre,  pour  avoir  décrassé  et  verni  un  tableau,  6  liv. 
Lisieux.  S'  Germain.  Compte  de  1785. 

TOURXELLE. 

Quittance  de  Tournelle,  peintre,  de  6  liv.,  pour  avoir  nettoyé  les  trois 
tableaux  des  autels  de  l'église  de  Livarot  (25  février  1775).  —  Quittance 
an  curé  de  la  1'"  portion  de  «  Bernays  »  (Bernesq),  de  3  liv.  pour  avoir 
nettoyé  et  «  renouvelé  »  tous  les  tableaux  de  l'église,  tant  grands  que 
petits,  15  janvier  1782.  Y  joint,  billet  de  Le  Moigne,  curé  de  Bernesq,  à 
La  Fontaine  Le  Tuai,  trésorier,  concernant  led.  travail  :  le  porteur  est 
venu  le  trouver  et  a  offert  de  nettoyer  les  tableaux  de  l'église  et  faire 
revivre  les  couleurs;  il  a  montré  au  curé  plusieurs  attestations  de  diffé- 
rents endroits  où  il  a  passé  et  a  raccommodé  les  tableaux  ;  le  curé  con- 
naît même  la  signature  de  quelques-uns,  comme  de  La  Cambe  et  Trévières  ; 
il  demande  3  livres,  etc. 

Vassault. 

A  Vassault,  peintre,  pour  peinture  employée  à  l'essente  de  la  couver- 
ture du  clocher,  61  liv.  Honfleur.  S'°  Catherine.  Compte  de  1748. 
Au  compte  de  1752,  il  est  qualifié  vitrier. 

Vente  (de  La). 

«  A  M'  de  La  Vante,  paintre  » ,  pour  le  restant  de  l'accord  fait  par  feu 
l'abbé  de  La  Paluelle,  curé  de  la  paroisse,  et  les  paroissiens,  pour  la 
peinture  de  la  contretable  et  du  chœur,  40  liv.  Clinchamps  (Vire), 
Compte  de  1712. 

Quittances  de  F.  de  La  Vente  :  à  Le  Chartier,  diacre  de  la  paroisse  de 
Campagnolles,  de  9  liv.  restant  de  92  liv.  18  s.,  pour  avoir  peint  l'autel 
du  Rosaire  dans  l'église  dud,  lieu  et  pour  avoir  doré  la  petite  figure  de  la 
Vierge,  pour  lad.  confrérie  (18  octobre  1765);  à  Robert  Auvray,  <t  ma- 
jeur »  de  la  confrérie  du  Rosaire  en  l'église  de  Burcy,  4  liv.  16  s.  pour 


15-i  PEIMTRES    DES    W 1',    Wir   ET    XVIIT   SIÈCLES. 

avoir  peint  en  couleur  de   layence  4  pots  ù  fleur  pour  lad.  confrérie. 
(Vire,  31  mai  I7G9.) 

Quittance  de  V.-.I.-F.  de  La  Vente,  peintre,  à  Bonne-Sœiir,  «  majeur  » 
de  la  confrérie  de  S'  Michel  en  l'église  Notre-Dame  de  Vire,  de  10  écus, 
complément  des  50  écus  ci-devant  reçus,  formant  les  180  liv.,  dont  on 
était  convenu  pour  le  prix  du  tableau  par  lui  fourni  à  lad.  communauté. 
(Vire,  19  octobre  1782.) 

Verpray. 

Obligation  de  Verpray  (signature),  envers  les  paroissiens  de  Guibray, 
de  leur  noircir  et  dorer  la  balustrade  de  fer  étant  au  devant  du  chœur  de 
lad.  paroisse.  1732.  Cf.  le  compte  :  à  "  Verperay  «,  39  liv.  pour  avoir 
doré  et  noirci  la  balustrade.  1732.  Falaise.  Guibray. 

A  Verpray,  pour  avoir  doré  le  coq  du  clocher,  11  liv.  1741.  Falaise. 
Guibray.  Compte  de  1740-1743. 

Pour  avoir  doré  l'autel  S'  Sébastien,  140  liv.  Ibid. 

\  Verpré,  pour  avoir  peint  les  barrières  du  cimetière,  3  liv.  10  s. 
S'  Laurent-de-Vaston.  Compte  de  1756-1759. 

VlQUESNEL. 

Ce  jourd'buy  dix""  de  juillet  mil  sept  cents  vingt  neuf,  nous  p*""',  curez, 
trésorier  et  députtez  de  la  parroisse  de  S'  Désir  de  Lisieux,  sommes 
convenus  avec  le  s'  Jean  Viquesnel,  bourgeois  dud.  lieu,  doreur,  pour 
dorer  la  contretable  du  grand  autel  de  lad.  église  de  la  somme  de  sept 
cents  livres  dont  la  moitié  lui  sera  payée  en  commençant  led.  ouvrage,  et 
le  reste  à  la  fin  dud.  ouvrage,  sujet  à  visite  aux  frais  du  tort,  parce  que 
led.  sieur  Viquesnel  s'oblige  dorer  toute  la  sculpture,  les  moulures  qui 
bordent  les  panneaux,  les  quatre  colomnes,  chapiteaux  et  ambases  et 
quarrez  dorez,  et  les  gorges  des  colomnes  seront  blanches,  la  croix  dorée, 
le  quart  de  rond  doré  et  la  gorge  en  sera  blanche,  et  un  (|uarré  au-des- 
sous de  la  gorge  doré,  et  la  plinte  blanche,  les  deux  palmes  du  haut  de 
la  gloire  toute  dorées,  les  nuages  et  les  ailes  des  chérubims  dorées  et  le 
fond  d'un  bleu  céleste,  les  gaudrons  des  deux  vases  dorées  et  les  flames 
rouges  et  les  gorges  blanches.  Le  1""  talon  de  la  grande  corniche  doré, 
les  denticules  dorées,  un  quart  de  rond  au-dessous  des  denticules  doré, 
dont  les  fonds  seront  blancs,  la  1"  moulure  de  l'architrave  et  une  autre 
petite  moulure  dorée  et  les  fonds  blancs,  le  talon  du  grand  quadre  doré 
et  le  quarré  de  dehors  dud.  quadre  doré  et  la  gorge  blanche,  et  tous  les 
autres  quadres  du  même  profil  dorées  et  les  gorges  blanches,  le  fond  des 
niches  bleu,  tous  les  chérubims  carnationnez  et  les  ailes  dorées,  le  pied 


PEINTRES    DES    XVr,    XVIT    ET    XVIII"    SIECLES.  155 

d'estail  des  colomnes  dont  la  1"  moulure  sera  dorée,  la  baguette  do 
dessous  et  une  gor<][e  dorée  et  les  quadres  d'alentour.  Les  petits  pan- 
neaux où  il  y  a  de  la  sculpture  seront  pareillement  dorées  et  les  fonds 
en  seront  blancs,  deux  baguettes  du  bas  du  pied  d'estail  dorées,  le 
boudin  sera  rouge  et  la  baguette  de  dessous  dorée,  et  les  quadres  des 
panneaux  du  bas  du  pied  d'estail  dorées,  tous  les  fonds  blancs, 
tous  les  filest  de  dedans  les  panneaux  de  la  gloire  dorées  et  deux  qui 
sont  sur  les  figures,  le  bord  du  gradin  et  une  gorge  au-dessous  du 
gradin  dorées  et  les  fonds  blancs.  Tout  le  piramide  du  tabernacle 
jusqu'à  la  balustre  sera  doré  et  les  vases  tous  dorées,  et  les  colomnes 
pareillement,  la  face  de  la  corniche  du  corps  du  tabernacle  et  architrave 
dorée  et  tous  les  boutons  dorées  et  les  fonds  blancs,  les  moulures  dorées 
et  le  tour  des  niches  des  figures  de  S"  dorées  et  tous  les  fonds  blancs,  la 
corniche  du  pied  d'estail  doré  et  l'ambase  dud.  pied  d'estail  doré,  tous 
les  fonds  dud.  tabernacle  (addition  :  marbrées)  blancs,  le  cadre  du  devant 
d'autel  (en  addition  :  marbré  ou)  blanc  et  le  quart  de  rond  rouge  (en 
addition  :  tout  blanc  ou  tout  rouge).  Les  pieds  d'estail  des  figures  blancs 
(en  addition  :  marbrées)  avec  des  filest  d'or  au  tour  les  moulures  et  le 
tout  du  meilleur  or.  Un  petit  filet  d'or  au-dessus  de  la  plinte,  et  la  plinte 
et  le  talon  blanc  (en  addition  :  en  huille)  au  bas  de  la  contretable.  Tou- 
tes lesquelles  pièces  led.  s"^  Viquenel  s'oblige  rendre  bien  et  parfaittes  et 
sujettes  à  visite  et  s'oblige  commencé  led.  ouvrage  dans  la  moitié  du  mois 
d'aoust  prochain  et  le  continuer  jusqu'à  sa  perfection,  sans  entreprendre 
d'autres  ouvrages.  Fait  et  arrêté  ced.  jour  et  an  que  dessus.  Fait  double. 

Signé  :  Viqiesnel.  Le  Lièvre.  Le  Grand. 
L.  Mathieu,  etc. 

Au  dos  :  «  Je  soussigné  Jean  Viquesnel,  doreur,  bourgeois  de  Lisieux, 
reconnois  avoir  receu  la  somme  de  trois  cents  cinquante  livres  sur  le 
marché  contenu  en  l'autre  part,  à  compte.  Fait  ce  cinq'  d'aoust  mil  sept 
cents  vingt-neuf.  »  Signé  :  «  Viquesnel.  »  «  Je  soussigné  Jean  Viquesnel, 
doreur,  bourgeois  de  Lisieux,  recongnois  avoir  receu  la  somme  de  cent 
cinquante  livres,  sur  le  marché  contenu  en  l'autre  part,  à  compte.  Ce 
trois' juillet  mil  sept  cens  trente.  »  Signé  :  «  Viquesnel.  »  «  Cejourd'huy 
31*  S"""  1730,  j'ay  ssigné  Jean  Viquenel,  M»  doreur,  à  Lisieux,  receu  la 
somme  de  deux  cens  livres  pour  le  restant  du  marché  contenu  en  l'autre 
part,  de  la  contretable  de  S'  Désir  dud.  Lisieux,  partant  je  descharge  le 
thrésor  dud.  lieu,  ced.  jour  et  an  que  dessus.  »  Signé  :  «  Viquesnel.  » 

<i  Ce  trentième  jour  de  septembre  de  l'année  mil  sept  cents  quarante,  se 
sont  assemblez  les  s"  curez,  thrésoriers,  députez  de  la  parroisse  S'  Désir 


156      ARTISTES    DAVRANCHES,    BAVEUX,    CHERBOURG,    ETC. 

de  Lisieux,  lesquels  ayant  délibéré  au  sujet  do  tout  l'ouvrage  qui  est  en 
bois  sans  dorure,  tant  aux  cotez  que  dedans  la  conlrelable  du  maistre 
autel  dudit  lieu,  et  voulants  le  faire  dorer,  ont  fait  venir  le  s""  Viquesnel, 
doreur,  demeurant  sur  la  parroisse  S'  Jaques  de  celte  ville,  avec  lequel 
ils  sont  convenus  de  la  manière  qui  suit.  Le  s'  Viquesnel  s'oblige  à  dorer 
à  plein  les  deux  pots  à  fleur  avec  leur  corbeille,  la  sculpture  des  six 
paneaux,  dont  qualres  sont  dans  la  gloire  et  deux  sur  les  têtes  de  S'  Désir 
et  S'  Eutrope,  la  frize  au-dessus  du  grand  quadre,  les  chutes  des  deux 
cotez  du  tableau.  De  plus  à  dorpr  les  ornements  des  deux  grandes 
consônes  régnantes  le  long  de  l'autel,  la  corniche  du  haut  des  paneaux, 
conforme  à  celle  des  piliers,  toute  la  sculpture  dedans  les  paneaux,  les 
quadres  et  lés  ornements  extérieurs  desdils  paneaux,  les  deux  petites 
consonesjoignantes  les  paneaux,  les  quadres  au-dessous  desdits  paneaux, 
l'appuy  des  petites  consônes  et  les  quadres,  le  tout  d'or  bruni,  et  à  mettre 
et  placer  à  ses  fraits  tout  l'ouvrage  qui  a  été  défait  pour  être  doré;  et 
les  dits  s"  curez,  thrésoriers  et  députez  luy  payront  pour  le  dit  ouvrage 
en  son  entier  la  somme  de  cent  quatre  vingt  quinze  livres  payable  à  la  fin 
de  l'ouvrage,  qui  sera  sujet  à  visite,  et  le  dit  s'  Viquesnel  s'oblige  à  rendre 
l'ouvrage  parfait  pour  le  jour  de  S'  Eutrope  prochain.  Fait  double  ledit 
jour  et  an  que  dessus.  » 

Signé  :  Viquesnel.  P.  Cordier.  J.  Bouffard.  Motaillé. 
A.  Desgenetez.  N.  Le  Lièvre. 

Cf.  les  comptes  de  S'  Désir  de  Lisieux.  1740  et  1741. 


III 


ARTISTES 

D'AVRANCHES,     BAVEUX,     CHERBOURG,     COUTANCES,     SAINT-LO, 
VALOGNES    ET   VIRE    AU    XVIII'    SIÈCLE, 

d'après    LKS    ROLES   DE    LA    CAPITATION    CONSERVÉS    AUX    ARCHIVES 
DÉPARTEMENTALES    DU    CALVADOS. 

Malgré  leurs  imperfections,  leurs  lacunes,  leurs  insuffisances, 
les  anciens  registres  d'impositions  sont  une  source  précieuse  de 


ARTISTES    DAVRAXCHES,    BAVEUX,    CHERBOLRG,    ETC.      157 

reconstitution  :  en  inventoriant  les  rôles  de  la  capifalion  des  bour- 
geois que  conserve  le  fonds  de  l'intendance  de  Caen,  j'ai  recueilli 
de  nombreuses  notes  sur  les  artistes  des  deux  villes  qui,  avec  le 
chef-lieu,  dépendent  aujourd'hui  du  Calvados,  Bayeux  et  Vire',  et 
de  cinq  principales  de  la  Manche,  Avranches,  Cherbourg,  Cou- 
tances,  Saint-Lô  et  Valognes-  :  en  les  complétant  à  l'aide  des 
cahiers  de  même  nature  qui,  pour  la  fin  de  l'ancien  régime  —  à 
la  suite  des  institutions  nouvelles  qui,  avec  l'amoindrissement  des 
attributions  des  intendants,  commencent  déjà  la  Révolution  — 
existent  dans  le  fonds  de  la  commission  intermédiaire  de  Basse- 
Normandie,  j'ai  réuni  des  matériaux  dont  la  réunion  ne  saurait 
manquer  d'intérêt. 

Sans  doute,  les  lacunes  sont  grandes  :  c'est  ainsi  que  le  fonds  de 
l'intendance  ne  conserve,  pour  Avranches,  à  l'article  C.  ^SSô,  que 
les  rôles  de  1740  (arrêté  le  15  décembre  1739),  1751,  1773, 
1780,  1781,  1787,  plus  le  contrôle  en  1756  des  bourgeois  et  habi- 
tants de  la  ville  et  bourgeoisie  d'Avranches,  relevé  des  rôles  de 
capitation,  divisé  en  quatre  classes  suivant  les  impositions,  com- 
plétés, dans  le  fonds  de  la  commission  intermédiaire  (C.  8122), 
par  le  rôle  de  1789;  de  même,  pour  Bayeux  (C.  4538-4547),  les 
registres  ne  remontent  (|u'à  1768;  viennent  ensuite  ceux  de  1775, 
1777,  1779,  1781,  1782,  1783,  1784,  1785  et  1787  :  on  n'en 
trouvera  pas  moins,  dans  les  simples  notes  qui  suivent,  les  pre- 
miers éléments,  en  grande  partie  inconnus,  d'une  statistique  des 
artistes  de  la  Basse-Xormandie  '  dans  la  seconde  moitié  du  dix- 
huitième  siècle. 

Armand  Béxet, 

Membre  non  résident  du  Comité,  à  Caen, 
Archiviste  du  département  du  Calvados. 

'  Ces  notes  seront  ultérieurement  complétées  par  des  extraits  des  rôles  des 
dixièmes  et  vingtièmes  de  Bayeux  et  de  Vire,  également  conservés  dans  le  fonds 
de  l'intendance  de  Caen. 

-  Les  rôles  de  Carentan  et  Mortain  manquent.  —  Pontorson.  C.  4.537,  rôles  de 
1772,  1773,  1780,  1781,  1787  :  Fontaine,  organiste,  rue  S'  Alichel,  1780;  la 
veuve  Gilles  Pitel,  organiste,  rue  du  Château,  1772;  la  même,  en  1773,  sans 
désignation  d'organiste.  —  Thorigny.  C.  4558  et  4559,  Pinel  frères,  architectes, 
aux  écarts  de  Thorigny,  1767  (18  livres),  1768;  ils  flgurent  sans  le  titre  d'archi- 
tectes au  rôle  de  1773.  C.  8126,  Trousset,  peintre,  demeurant  i  Baille  de  haultt , 
imposé  à  1  livre,  1789. 
.     '  Les  notes  recueillies  sur  Caen  feront  l'objet  d'un  travail  ultérieur. 


158      ARTISTES    D'A  V  R  A  IV  C  II  E  S.    BAVEUX,    CHERBOURG,    ETC. 

AvRAXCBES. 
(C.  4536,  8122.) 

Lapierre  dit  Barbera,  peintre,  imposé  à  21iv.  sur  un  revenu  de  20  liv., 
rue  S'  Pierre.  1787. 

Sety  ou  Se^y  (lean-FraaBœois),  reiieor  et  doreur,  3  liv.,  rue  du  Puis 
de  Livet.  1731.  En  1756,^  5  liy.  —  En  1773,  1780,  etc.,  il  est  seulement 
qualifié  relieur. 

Vaudatin  (Joseph),  doreur  (porte  de  Ponls  et  Grand  Tertre),  1780- 
1781  ;  en  1787,  rue  Pendante. 

Roger  (Jean),  vendeur  d'images,  1740,  1751,  etc. 

Artamène  (Georges),  sculpteur,  rue  Pendante,  imposé  à  4  liv.  sur  un 
revenu  de  40  liv.  1787.  —  Au  rôle  de  1789,  le  s'  Artamène,  sans  indica- 
tion de  profession,  même  rue,  6  liv. 

Cahet,  sculpteur,  3  liv.,  rue  Saugnière.  1789. 

Gogeard  (Jean),  sculpteur,  4  liv.  5  s.  rue  des  Champs.  1740.  —  Au 
rôle  de  1751,  Boulevard,  le  fils  de  Jean  Gogeard,  sculpteur,  3  liv.  (rayé). 
—  En  1751,  Jean  Gogeard,  sculpteur,  rue  des  Champs,  4  liv.  (rayé,  et, 
en  addition,  le  fils  de  feu  Jean  Gogeard,  2  liv.).  —  En  1773,  la  veuve 
Jacques  Gogeard,  sculpteur,  1  liv.  10  s.,  etc.  —  En  1781,  la  veuve 
Jacques  Gogeard  et  fils,  rue  des  Champs. 

James  (Pierre),  sculpteur,  rue  des  Trois-Rois,  4  liv.  5  s.  1740. 

Houel  (Laurent),  u  architecque  »,  rue  Saugnières,  1773.  —  En  1780, 
Houel,  architecte,  même  rue.  En  1781,  rue  des  Champs. 

Martin,  ingénieur.  1787,  1789. 

Morel  (Nicolas),  géomètre,  rue  S'  Pierre.  1773,  1780.  En  1781,  1787, 
1789,  pas  de  prénom. 

Orfèvres  :  les  enfants  d'AUain-Moël  Gérard,  orfèvre,  1740  ;  —  Littrey 
on  Littré  {y vançoii) ,  1740,  1751,  1756  ;  —  Littré  (Jean-François),  1773, 
1780,  1781;  — Littré,  sans  prénom,  1787,  1789,  place  Baudange;  — les 
enfants  Bellin  (en  correction  de  AUain),  1751  ;  —  Gérard  (Noël),  1751  ; 
Gérard,  1780,  1781,  1787;  Gérard,  ci-devant  orfèvre,  1789;  —Barbey, 
1789  ' 

Jublin  (Joseph),  maître  de  danse,  rue  Pomme  d'Or.  1773. 

'  Menuisiers,  en  1740  :  La  Fontaine,  Charles  Reulot,  La  Fosse,  Jean  Davignon, 
Poittevin,  Pierre  Gauchet,  René  Dubois,  François  Coupé,  Thomas  Tesson,  la  veuve 
de  Gilles  Gatrel,  Pierre  Beaumont,  Duperré,  Jacques  Rauline,  Touqueran,  Jean- 
Baptiste  Dyon,  Julien  Le  Loup,  Longraye,  Jean  Baudet. 

Tourneurs  :  Michel  Samson  et  son  fils,  etc. 


ARTISTES    DAVRANCHES,    BAYEUX,    CHEIIBOURG,    ETZ.      159 

Voisin,  niaitre  tle  danse.  Le  Tour  du  Marché  et  butte  aux  Vaches,  en 
1780  ;  rue  Boudrie,  en  1781  ;  rue  du  Pot-d'Étain,  en  1787  ;  rue  Neuve, 
en  1789. 

Gilbert,  marchand  et  musicien,  rue  Pomme-d'Or.  1789. 


Bayeux. 

(C.  4538-4547.) 

Peintres. 

Allard  ou  Alard  (Jean-Joseph),  paroisse  S'  Loup.  1779  à   1787,  (De 

1  liv.  16  s.   à  3  liv.)  Xommé  Joseph  seulement  en  1785  et  1787. 

Chrétien  (André),  paroisse  S' Jean.  1775  à  1787.  (De  1  liv.  4  s.  à  3  liv. 
4  s.  3  d.) 

Cuminal  (Pierre),  paroisse  de  la  Madeleine.    1782  à  1787.    (D'abord 

2  liv.  8  s.,  puis  1  liv.  4  s.) 

Douard,  paroisse  S'  Patrice.  1781  à  1785.  En  1787,  Douard,  peintre, 
ou  héritiers. 

Fossey  (Jean),  paroisses  :  S' Jean,  1775-1777;  S' Malo,  1779;  S' Sauveur, 
1781-1785.  (De  1  liv.  4  s.  à  3  liv.)  Sa  veuve,  1787,  paroisse  S'  Sau- 
veur. 

Hébert,  paroisse  S'  Patrice,  1782-1787.  (4  liv.,  puis  3  liv.  Ils. 
6d.) 

La  Houssaye  (de),  paroisse  S'  Patrice.  1775,  1  liv.  4  s.  La  Houssaye, 
et  Pierre  de  La  Houssaye,  paroisse  S'  Sauveur,  1777,  1779.  Pierre 
La  Houssaye,  paroisse  de  la  Madeleine,  1781-1787. 

La  Pierre,  paroisse  S'  Malo,  1  liv.  4  s,,  1777. 

Le  Boiteux  (Michel),  paroisse  S'  Patrice,  1787. 

Le  Champenois  (Claude),  paroisse  S'  Malo,  1777  ;  Claude  Champenois, 
paroisse  S'  Martin,  1779. 

Le  Maître  (Jacques),  paroisse  S»  Malo,  1775-1787.  (De  3  à  12  liv.) 

Le  Tellier  (Thomas),  paroisse  S'  Jean,  1777,  1  liv.  10  s. 

Le  Tellier  (Jean),  paroisse  S'  Sauveur,  1782-1785,  2  liv.  8  s.,  puis 

2  liv.  2  s.  9  d. 

Loisot  (Michel),  paroisse  S'  Malo,  1768,  4  liv. 

Mahier  (Pierre),  paroisse  S'  Sauveur,  1782-1787,   (2  liv.  8  s.,  puis 

3  liv.  Ils.  6d.) 

Palos  (Jean-Baptiste),  paroisse  S'  Vigor  le  Petit,  1785,  1787,  2  liv. 
2  s.  9  d.,  puis  1  liv.  4  s. 

Rupalley  ou  Ruppalley  (Joachim),  paroisse  S'  Jean,  1768-1779.  Au 
rôle  de  1768,  figure  avec  les  héritiers  de  la  veuve  du  Saul,  sa  belle-mère. 


160      ARTISTES    D'AVRAXCHES,    BAYEUX,    CHERBOURG,    ETC. 

3  liv.  En  1775,  1777,  1  liv.  4  s.;  en  1779,  1  liv.  10  s.  En  1781,  1782, 
même  paroisse,  la  veuve  -  Rupaley  » ,  peintre. 

Sculpteurs. 

Auguste  (\a  veuve),  sculpteur,  paroisse  S'  Sauveur,  1775,  1777. 

Auguste  (Alexandre),  paroisse  S'  Sauveur,  1779-1782,  la  Madeleine, 
1783-1785. 

Durand  (Jacques),  paroisse  de  la  Madeleine,  1777.  Durand^  sculpteur^ 
sans  prénom,  paroisse  S'  Patrice,  1787. 

Mangin  (Jean-Louis),  paroisse  S'  Loup,  1768^  1775. 

Mangin  (Salomon),  paroisse  de  la  Madeleine,  1775-1787  (en  1775 
Mengin;  en  1787,  sans  prénom). 

Paulet  (François)^  paroisse  S'  Martin,  1775. 

Pichard  (Jacques),  paroisse  de  la  Madeleine,  1768-1787.  Au  rôle  de 
1768.  il  figure  comme  ayant  épousé  la  veuve  Hasiey. 

Rupalley,  Ruppalley  ou  Rupaley  (Jean),  paroisse  S'  Jean,  1775-1787; 
il  figure  au  rôle  de  1777  avecles  prénoms  Jean-Baptiste. 

Orfèvres. 

Desmares  (veuve  Gabriel),  paroisse  S' Malo,  1768-1787.  Successivement 
25  liv.,  32  liv.,  36  liv.,  40  liv.,  79  liv.  10  s.,  80  liv.,  71  liv.  10  s.  En 
1768  ;  veuve  et  héritiers. 

Desmares  (héritiers  d'Olivier,  orfèvre,  et  de  sa  femme),  paroisse 
S«  Martin,  1768. 

Guérin  (Sébastien),  paroisse  S'  Malo,  1775,  1777.  Sa  veuve,  1779  ; 
veuve  Guérin,  orfèvre,  1781-1784  ;  Madeleine,  veuve  Guérin,  ancien 
orfèvre,  1785,  1787. 

Le  Provost  (Henri-Charles),  argentier  ou  orfèvre^  paroisse  S'  Jean^ 
1775-1783.  Henri-Charles  Provôt,  orfèvre,  paroisse  S'  Martin,  1784, 
1785.  Provôt,  sans  prénom,  orfèvre,  paroisse  S'-Martin,  1787. 

Marquet  (Jean),  doreur,  paroisse  S'  Sauveur.  1768.  Id.,  argentier, 
puis  orfèvre,  paroisse  S'  André,  1775-1787. 

Architectes. 

Blancagnel  (Pierre), paroisse  S'  .Malo,  1768.  Aux  rôles  de  1768, 1775, 
llllj  Jacques  Blancagnel,  entrepreneur  de  bâtiments,  paroisse  S'  Jean. 

Fouquet  (Philippe),  paroisse  S'  Patrice,  1779-1787.  En  1782  et  1784, 
marqué  architecte  pour  la  ville. 

Gouesmel,  paroisse  S'  Martin,  1779-1783;  paroisse  S'  Malo,  1785- 
1787. 


ARTISTES    D'AVRAXCHES,    BAVEUX,    CHERBOURG,    ETC.      161 

Laloë  (Pierre),  paroisse  S'  Jean,  1785-1787. 
.I/m^c/ (héritiers  Michel),  paroisse  S'  Malo,  1781. 

Musiciens,  etc.  '. 

C//aw/?eflua;  (Jean-Baptiste),  organiste,  paroisse  S'Patrice,  1777-1783. 
Veuve  et  héritiers,  17Si_,  1785. 

Chapuy  ou  Chappxiy  (Claude),  musicien,  paroisse  S'  Loup^  1768.  En 
1775,  1777,  1779,  1781,  Claude  Chapuy,  maître  à  danser,  paroisse 
S'  Martin. 

Deschamps  (Jacques),  organiste,  paroisse  S'  Sauveur,  1768. 

DiibuissoJi  oa  Dubisson,  maître  à  danser,  paroisse  S' Malo,  1777-1784. 

Huberlet  ou  Hebcrley  (André),  musicien,  paroisse  S'  Laurent,  1775- 
1779. 

Jouet  (Louis-Philippe),  lulhier,  paroisse  S'  Sauveur,  1775-1782, 
1784.  Sans  prénoms,  1783,  1785,  1787. 

Le  Jeune,  maître  de  musique,  paroisse  S'  Sauveur,  1785  ;  paroisse 
S' Martin,  1787. 

Morel  (Joseph),  maître  de  danse,  paroisse  S'  Vigor-le-Petit,  1782, 
1783,  1785,  1787;  paroisse  S' Martin,  1784. 

Parmi  les  Potiers  ^. 

Auvraij.  S'  Sauveur,  1784. 

Catherin  (Jean-Baptiste).  S'  Patrice,  1768. 

Cauville  (Thomas).  S'  .Malo,   1775-1779. 

Chandavoine  (Marie),  potière.  S' Martin,  1768. 

C/a/re/ (François).  S' Martin,  1768. 

CouetiiMen).  La  Madeleine,  1775.  S' Jean,  1781,  1782. 

Dastenast  (veuve  Joseph).  S'  Jean,  1768. 

Drurie  (Germain).  La  Madeleine,  1768. 

Dupont  (Michel).  S' Laurent,  1779-1787. 

£'naM/r/ ou  i^nfli//^  (Jean-Baptiste).  S' André,  1782-1787. 

Féron  (La  femme  Jacques).   1787. 

Fossard  (Jean).  La  .Madeleine,  1775. 

Fow^rwei  (Jean).  S' .Malo,  1775-1779. 

Frémanger  (Jean-Michel).  La  Madeleine,  1779-1785. 

Gardin  (Jean).  S'  E.xupère,  1775-1787. 

Giffard  (Antoine).  S' Loup,  1768. 

'  A  l'état  des  non-valeurs  de  la  capitalion  de  1771  (C.  4705)  :  Lendormy, 
musicien. 

*  Les  potiers  d'étain  ont  été  laissés  de  côté. 

Il 


162      ARTISTES    D'A  V  R  A  M  C  H  E  S,    BAYEL'X,    CHERBOURG,    ETC. 

Gontier  {Lou\s) .  S' Jean,  1779-1787. 

Gosselin  (Jean-François).  S' Malo,  1775-1777. 

Grandin  (Charles).  S'  Jean,  1779-1782. 

Guillehert  (Jean).  S'  Malo,  1775.  Jean  Guilbert,  S'  Sauveur,  1777- 
1779. 

Hébert  (veuve  Pierre).  S'  Jean,  1768. 

Héricy  oaHérissy  (Michel).  S'  Malo,  1768-1779. 

Jemble  (Jacques).  S'  Malo,  1768. 

Laisné  ou  Laine  (Pierre).  La  Madeleine,  1775-1779. 

Laine  (Jacques).  La  Madeleine,  1779. 

Le  Comte  (Louis).  S'  Patrice,  1768. 

Le  Fetteij  (Louis).  S' Patrice,  1768-1775.  Sa  veuve.  S' Patrice,  1777- 
1784. 

Le  François  (Michel).  S'  Loup,  1777-1783.  Sa  veuve.  S'  Loup,  1784- 
1787. 

Le  Grand  (Georges).  S'  Malo,  1768-1779. 

Le  Grand  (Jean),  potier  de  terre.  S'  Sauveur,  1768-1777, 

Lehot  (Jean).  S' Malo,  1768. 

Marie  (Julien).  La  Poterie,  1782-1787. 

Marlrayny  (veuve  Gabriel).  S'  Jean,  1768. 

Morel  (Simon).  S'  Exupère,  1775-1783.  Sa  veuve,  1784-1787. 

Moyon  (Jacques-Henri),  dit  La  Rivière.  S'  Malo,  1768-1775.  Sa  veuve, 
1777-1779. 

Néel  (Robert).  S'  Sauveur,  1768. 

Robert  (Jean).   S»  Martin, 1777. 

Salen  (Louis).  La  Poterie,  1768. 

Saussaye  (Jacques),  La  Madeleine,  1768-1775.  Veuve  et  héritiers, 
S'  Patrice,  1782. 

Simon  (Jacques).  S'  Martin,  1782-1783. 

Tilla7'd  {\ieu\e  et  héritiers).  S'  Jean,  1768. 

Vaittier  (Jean),  S'  Jean,  1768. 

Vver  (Michel),  S'  Patrice,  1775.  Sa  veuve,  1777-1785,  etc.  '■ 

Cherbourg.  ? 

(C.  4561,  8128.)  I 

Filière  (François  de),  peintre,  1740,  3  liv, 

Freret  (Pierre),  sculpteur,  ancien  quai,  1780,  2  liv.  10  s.  ;  1781,  4  liv. 
16  s,  4  enfants.  En  1787  et  1789,  la  veuve  et  fils  dud.  sculpteur.  | 

Le  Tetrel  (Pierre),  orfèvre,  1740  (article  rayé).  î 

Rouland  (Jacques-René),  orfèvre,  1789. 


ARTISTES    DA\  RAXCHES,    BAVEUX,    CHERBOURG.    ETC.      3G3 

Dufour  (Charles),  organiste,  rue  des  Corderies  (1780, 2  liv.  10  s.  ;  1781 
et  1787,  4  liv.  1(3  s.).  4  enfants.  En  1789,  pas  d'indication  de  rue,  5  liv. 

Langlois  (Jean),  maître  de  danse.  1789. 

Fondeurs  :  Simonnet  (Jacques),  1740,  1751.  Viel  (Pierre),  1780, 
1781,  1787,  1789. 

COUTANCES. 

(C.  4555,  8123.) 

Asselin  (François),  peintre,  rue  de  la  Mission,  1773,  3  liv.  —  Asselin 
(sans  prénom),  peintre,  rue  des  Cohues,  1780,  10  liv.;  1781,  19  liv.; 
1787,  1788,  1789,  13  liv.  6  sols. 

Bichue  (Jacques),  peintre,  et  sa  mère,  imposés  à  1  liv.  «  .Marché  à 
bled.  »  1740.  Idem  en  1741,  avec  la  note  :  Pauvre.  Idem  en  1751.  — 
Bichue  (sans  prénom),  peintre,  rue  du  Pilori,  imposé  à  10  liv.;  son 
domestique,  1  liv.  16  s.,  1773.  En  1780,  Basse  rue,  Robert  Bichue, 
peintre,  13  liv.  10  s.;  en  1781,  25  liv,  13  s.;  en  1787,  25  liv.  13  s.; 
plus  son  domestique,  imposé  à  lad.  somme;  en  1788,  le  même,  Basse 
rue;  en  1789,  la  veuve  de  Bichue,  peintre,  même  rue. 

Blanchet  (Jacques),  peintre,  rue  des  Cohues,  en  1780,  4  liv.  ;  en  1781, 
7  liv.  12  s.  En  1787,  1788  et  1789,  rue  du  Siège,  11  liv.  8  s. 

Police  (André),  peintre  (la  veuve  de),  rue  d'Egypte,  1740.  Idem 
en  1741,  avec  note  :  Sans  profession  ni  commerce. 

Robin  (Louis),  peintre,  rue  S'  Pierre.  En  1773,  1  liv.  10  s.;  1780, 
2  liv.;  1781,  1787,  1788,  1789,  3  liv.  16  s. 

LeMière  (Jean),  «  m"*  d'image  ».  1773. 

La  Lande  (Pierre  de),  sculpteur,  rue  du  Pilori,  1788. 

Guyon,  marbrier,  rue  des  Cohues,  1787,  1788,  1789. 

Doshonne,  architecte,  rue  des  Capucins  et  de  la  Mission,  1781,  1787, 
7  liv.  12  s.  En  1788,  même  rue,  «  Dobonne  »  ;  en  1789,  «  Dosbonne  », 
7  liv.  12  s. 

Charette  (Jacques-Philippe),  orfèvre.  Grande  rue,  1773,  1780,  1781, 

1787,  1788,  1789. 

La  veuve  Dominique  Le  Moine,   orfèvre,  1773,   1780,  1781,  1787, 

1788,  1789. 

/>u/?ra^eau,  orfèvre, marché àblé,  1780.  Dupratot,  orfèvre,  rue  S' Nicolas, 
1781.   Michel-Pierre  Dupratot,  orfèvre,  Grande  rue,  1787,  1788,  1789. 

Gérard  (François),  orfèvre.  Grande  rue.  1740.  En  1741,  marché  au 
blé.  En  1773,  Grande  rue.  La  veuve  François  Gérard,  orfèvre.  Grande 
rue,  1780,  1781;  idem,  sans  prénom  1787,  1789. 

Goudelet  (Gaspard),  orfèvre.  Grande  rue,  1740,  1741,  1751.  La  veuve 


164      ARTISTES    D'AVRANCHES,    RAYEUX,    CHERROCRG,    ETC. 

Gilles  Goudclet,  orfèvre,  et  ses  enfants.  Grande  rue,  1773;  la  veuve 
Gilles  Goudelet,  orfèvre,  (Jranderuc,  1780,  1781;  idem  et  ses  deux 
filles,  1787,  1788,  1780.  Bernard-François  Goudelet,  orfèvre,  Grande 
rue,  1773,  1780,  1781;  sa  veuve,  Grande  rue,  1787,  1788,  1789;  le 
fils  héritier  de  Bernard-François  Goudelet,  orfèvre,  1788,  1789.  Louis 
Goudelet,  orfèvre,  Grande  rue,  1780,  1781. 

Le  Rond,  orfèvre.  Grande  rue,  1787,  1788,  1789. 

Maille  (Jean),  perruquier,  et  son  fils,  orfèvre,  solidairement,  Grande 
rue,  1740.  Idem  1741,  1751,  avec  note  en  1741  :  Pauvre  et  sans  aucun 
exercice  de  sa  profession. 

Clément  {y\eri-e),  organiste,  Grande  rue,  1773,  1  liv.  6  s.;  1780, 
lliv.  4  s.;  1781,  3  liv.  16  s.;  1787,  5  liv.  14  s.;  1788,  1789. 

Laporte,  maître  de  danse,  rue  des  Cohues,  en  1787,  1788;  rue  du 
Pilori,  en  1789. 

Le  l'avasseur,  maîlre  de  danse,  1751. 

Voisin  (Louis),  mailre  de  danse.  Tournées  S'  Nicolas,  1773.  En  1780, 
rue  de  la  Mission.  En  1781,  Tournées  S'Xicolas  et  marché  à  chaux  (sans 
prénom). 

Poirier  (Jean),  musicien,  rue  S'  Pierre,  1787,  1789'. 

Sai\'t-Lo. 
(G.  4557,  8125.) 

Martin  (Jacques),  peintre,  rue  des  Ruelles.  En  1773,  1  liv.  7  s.  En 
1780,  1  liv. 

Durand  (lem-Baptiste),  architecte.  En  1787,  3  liv.  11  s.  7  d.;  une 
domestique,  30  s.  1789,  3  liv.  12  s.  9  d.;  sa  domestique,  idem. 

^eri'/eu  (Julien),  architecte.  1773,5  liv.  15  s.;  en  1780,  2  liv.;  en  1781, 
3  liv.  15  s.  9  d.  ;  plus,  sa  servante. 

1  Lesdits  rôles  à  compléler  par  les  états  de  non-valeurs  (G.  4524,  4525, 
4708)  : 

1736.  î  "  s'  de  La  Duerie,  sculpteur. 
1762.  Le  VavasseuryVaaXire  de  danse. 

1768.  Le  IJé,  maître  de  danse  (demeure  en  pension  et  n'a  point  de  domicile 
fixe).  — Rebiily,  maître  de  danse,  avec  cette  annotation  significative  :  On  ne  lui 
connaît  aucun  meuble  à  saisir  (il  était  imposé  à  i  livre!). 

1769.  Le  Dez  et  llebuty,  maîtres  de  danse. 

1770.  Le  Dé,  maître  de  danse  :  n'a  point  de  domicile  fixe,  et  on  ne  lui  connaît 
pas  de  meubles  saisissables. 

1771.  Jacques  Hubert,  orfèvre;  Le  Dé,  maître  de  danse;  Jean  Guérin,  potier. 

1772.  Le  Dé,  rafaître-de  danse,  bourgeois  de  Coutances,  1  1.  11  s.  9  d.;  Jac- 
ques Hébert,  orfèvre^  1  1.  1  s.  3  d. 


ARTISTES    DAVRAÎVCHES,    BAYEDX,    CHERBOURG,    ETC.      165 

Orfèvres  :  1740,  la  veuve  de  Jacques  Chemin,  orfèvre;  la  veuve  et 
héritiers  de  Daniel  Saint,  orfèvre.  1740,  1751,  la  veuve  de  Jacques  Du 
Bosq  et  son  fils,  orfèvre.  1740,  Pierre  Saint,  orfèvre.  —  1740,  Jean 
Fauchon,  orfèvre.  —  1740,  les  dames  Du  Fresne,  orfèvres;  1751,  la 
dame  Du  Fresne,  orfèvre.  —  1751,  Thomas  Saint,  orfèvre.  —1751, 
Daniel  Saint,  orfèvre.  —  1751,  Jean  de  La  Landes  Hopkins,  orfèvre.  — 
1773,  1780,  1781,  Alexandre  Granelly,  orfèvre.  —  1773,  Thomas 
Rousso,  orfèvre.  —  1773,  1780,  Jean-Baptiste  Du  Bosq  ou  Dubosq, 
orfèvre.  —  1773,  la  veuve  Daniel  Saint,  orfèvre.  1780,  la  veuve  Saint, 
orfèvre,  1781,  les  héritiers  de  la  veuve  Saint,  orfèvre.  —  1773,  1780, 
1781,  1787,  1789,  Michel  Saint,  orfèvre.  —  1780,  Guillaume  Piédois, 
orfèvre.  1787,  Guillaume  Piédoist,  orfèvre  (sans  désignation  de  profession 
sur  le  rôle  de  1781).  1789,  Guillaume  Piédois,  orfèvre.  —  1787,  1789, 
Pierre  Gillet,  compagnon  orfèvre.  —  1789.  Ambroise  Cousinet,  com- 
pagnon orfèvre. 

Germain  Ze  Pre^/e,  fondeur,  1773. 

Julien  Bécheton  Bêché,  fondeur,  1780,  1781,  1787,  1789. 

Alexandre  (Pierre),  organiste,  1773,  1  liv.  7  s.;  1780,  1  1.;  1781, 
1  liv.  17  8.  10  d.  ;  1787,  1 1.  15  s.  10  d.  ;  1789,  lliv.  16  s. ,  Michel-Pierre. 

Darthenay  (Jean-Baptiste),  organiste,  1773,  1  liv.  7  s. 

La  Porte,  maître  de  danse,  1780,  1781. 

Valognes. 
(C.  4560,  8127.) 

Desnoyers  (Jean-Marin),  peintre,  rue  des  Religieuses,  1  liv.,  1787, 

Hamel  (François),  peintre,  rue  de  Potterie,  3  liv.,  1780,  1789. 

Le  Berrier  (François),  peintre,  rue  de  Potterie.  1780,  5  liv.;  1781, 
9  liv.  15  s.;  1787  (sans  prénom), 9  liv.  10  s.;  1789  (Berrier),  12  liv.  5  s. 

L'Ehrequier  (Pierre),  peintre,  rue  de  Venise,  1  liv.  1780.  En  1781 
(L'Ebréqué),  même  rue,  1  1.  19  s. 

Le  Cocquerre,  peintre,  rue  de  la  Trinité.  1780,  3  liv.;  1781,  5  liv. 
17  s.  Un  Le  Cocquierre,  sans  profession,  indiqué  rue  des  Religieuses, 
figure  au  rôle  de  1787,  3  liv.;  rue  de  la  Trinité,  L?  Cocquierre,  libraire. 

Le  François  (Louis),  peintre,  rue  des  Portes  TEvêque,  1787.  En  1789, 
3  liv.  5  s. 

•    Le  Roy,  peintre  et  fermier,  rue  au  Magnen,  6  liv.  18  s.  3  d.,  1773. 
Indiqué,  même  rue,  comme  peintre,  4  liv.,  1780;  7  liv,  16  s.,  1781. 

Ferey  (Louis),  dit  Le  Danois,  doreur,  rue  du  «Boucachard  n,  2  liv.,  1740. 

Alexandre  (Thomas),  sculpteur,  rue  de  l'Auditoire,  2  liv.  15  s.  3  d., 
et  un  compagnon,  2  liv.  1  s,  6  d.,  1773.  En  1780,  6  liv.  6  s.,  pas  de 


166      ARTISTES    DAVRANCHES,    BAYEIJX,    CHERBOURG,    ETC. 

compagnon,  rue  du  Gisors.  Même  rue,  12  1.  13  s.  6  d.,  1781.  En  1787, 
même  rue,  les  héritiers  Thomas  Alexandre. 

Mengin  (Jacques),  sculpteur,  rue  de  la  Trinité  (addition  :  la  veuve  et 
héritiers  de),  7  liv.  10  s.,  1740.  1751,  même  rue,  les  filles  héritières  de 
la  veuve  de  Jacques  Mengin,  sculpteur,  10  liv.  1773,  la  fille  de  Jacques 
Mengin,  sculpteur.  —  Dans  l'état  des  décharges  et  modérations  de  la 
capitation  de  1736  (C.  4711)  :  Bourgeois  de  Valognes,  Jacques  «  Mengy  », 
sculpteur,  modéré  par  ordonnance  du  20  mars  1737  de  2  liv.  4  s. 

Orfèvres.  1740,  la  veuve  de  Jean  Bréard,  orfèvre.  —  1740,  Nicolas 
Gérard,  orfèvre.  —  1740,  1751,  Jean  Jobard,  graveur  orfèvre  et  son 
fils.  1773,  la  demoiselle  Jobart  et  Jean-Antoine  Lefrançois,  représentant 
Jobart,  orfèvre.  —  1751,  Jacques  Le  Forestier^  orfèvre.  1773,  Hugues 
Le  Forestier,  orfèvre.  1780,  1781,  1787,  Le  Forestier,  orfèvre,  sans 
prénom.  —  1780,  Jean-Antoine  Le  François,  orfèvre.  1781,  1787, 
1789,  Le  François,  orfèvre,  sans  prénoms. 

Michel  (Louis),  fondeur,  1740. 

1740,  François  Philippes,  dit  La  Cadence,  «  m'  à  dancer  »,  bouton- 
nier  (addition  :  la  veuve  et  héritiers  de).  Au  rôle  de  1751,  Jean  Philip- 
pes,  dit  La  Cadence,  sans  désignation  de  profession.  —  1740,  la  veuve  de 
Charles  Dufour,  maître  de  musique  (article  rayé).  —  1740,  1751,  Jean 
Gantier,  maître  à  danser.  —  1751,  Jacques-André  Clément,  maître  à 
danser.  1773,  1780,  1781,  Clément  (sans  prénoms),  maître  à  danser. 
En  1787,  rue  S'  Lin,  Clément,  sans  profession.  —  1780,  1781,  Guin- 
gret,  maître  à  danser.  1780,  Phitippe,  maître  à  danser. 

Vire. 
(G.  i5562,  8129.) 

La  Vente  (François  de),  peintre,  rue  de  La  Douve,  1768.  Les  veuve  et 
enfants,  rue  aux  Fèvres,  1775.  La  veuve  et  les  deux  fils  du  s'  de  La 
Vente,  peintres,  même  rue,  1782,  etc.  En  1789,  lesd.  veuve  et  fils,  rue 
S»  Thomas. 

Parquet,  peintre,  rue  aux  Fèvres,  1787. 

Cahel,  sculpteur,  rue  aux  Brebis,  1783. 

Roger  (Xicolas),  sculpteur,  rue  du  Haut  Chemin,  1787,  1789. 

Le  Breton  (Pierre-Armand)  et  son  fils,  orfèvre,  rue  de  La  Saunerie, 
1768.  La  veuve  Pierre-Armand  Le  Breton  et  son  fils,  orfèvre,  rue  Sau- 
nerie, 1775. 

Michault,  argentier,  rue  de  la  Saunerie,  1787,  1789. 

Vautier  (Jean-Baptiste),  fondeur,  «  rue  Dupont  etBourgneuf  »,  1768, 

Basché,  architecte,  rue  de  la  Douve,  1775,  1781,  1782. 


L'EMAIL    DE    V  AULX    EM    ARTOIS.  167- 

Beaumont  (Jean-Baptiste),  architecte,  rue  Poissonnerie,   ]7<S2,  1783. 

Hanse,  organiste,  rue  aux  Fèvres,  1775. 

Deschamps,  organiste,  rue  de  la  Chaussée,  1783,  1787,  1789.  Cf. 
C.  4712,  décharges  et  modérations  de  la  capitation  de  1761,  Deschamps, 
organiste. 


IV 

L'ÉMAIL  DE  VAULX  EM  ARTOIS 

Le  Trésor  de  Vaulx-Vraucourl  ou  Vaulx  en  Artois  renferme  une 
pièce  du  plus  grand  intérêt  :  c'est  un  émail  de  Pierre  Reymond, 
qui  a  été  signalé  d'abord  dans  le  catalogue  de  notre  Exposition 
rétrospective  de  1896  qui  en  donne  cette  description  sommaire  : 
«  Ex-voto  de  M.  G[rimb]ert  (?)  et  sa  femme  offert  (1581)  à  la  con- 
frérie du  Saint-Sacrement  érigée  par  Paul  III  en  l'église  de  cette 
commune  (Vaulx-Vraucourt) ,  émail  peint  de  Limoges,  ovale, 
158  X  190  mm.  n  Ensuite,  nous  le  retrouvons  d'une  façon  très 
inattendue  et  que  nous  expliquerons  plus  loin,  dans  la  vente  des 
collections  de  M.  Deusy,  en  juin  1897,  sous  cette  rubrique  : 
"  AI"  65.  —  Reymond  (Pierre).  —  Plaque  ovale  représentant  V ex- 
voto  de  M.  G[rimbert]  ?  et  sa  femme.  —  Saint  Paul,  saint  Grégoire, 
saint  Dominique,  saint  Jérôme;  au  bas  les  donataires  (fractures)'.» 

Ces  descriptions  étant  incomplètes,  erronées  ou  inexactes,  il 
nous  paraît  nécessaire  de  commencer  par  dire  très  précisément  ce 
que  représente  cet  émail. 

Sur  un  fond  de  verdure  avec  un  ciel  bleu,  se  dresse  d'abord  au 
centre  la  personne  du  Christ,  tenant  dans  sa  main  gauche  un  calice 
surmonté  d'une  hostie,  et  levant  la  main  droite  en  prononçant  les 
paroles  de  la  consécration  rappelées  dans  le  phylactère  qui  envi- 
ronne sa  tête  :  hoc  est  corpvs  mevm.  A  sa  droite  est  incontestable- 
ment saint  Paul,  bien  reconnaissable  à  l'épée  qu'il  soutient  de  la 

'  Voir,  ci-après,  planche  III. 


168  L'EMAIL    DE    VAULX    E  iV    ARTOIS 

main  droite,  et  aux  j)aroles  extraites  de  sa  première  épîlre   aux 
Corinthiens  qu'il  indique  de  la  main  gauche  :  ACCEPI  A  DOMIX'O  QVOD 

TRADIDI  VOBIS. 

A  la  gauche  du  Christ  se  trouve,  non  pas  saint  Dominique,  mais 
saint  Thomas d'Aqiiin  qui  porte  le  costume  de  son  ordre.  Le  chantre 
de  l'Eucharistie  tient  dans  sa  main  gauche  un  calice  et  dans  la  droite 
un  phylactère  avec  ce  verset  de  sa  célèbre  prose  Lavdasion  : 

DOGMA    DATVR    XRIAMS 

QVOD    m    CARNEM    TRANSIT   PAIVIS 

ET  VIVVM  (sic)  m  SANGVINEM. 

Nous  nous  demandons  maintenant  comment  on  a  pu  voir  saint 
Grégoire  et  saint  Jérôme  dans  les  deux  personnages  non  nimbés 
qui  sont  sur  les  côtés  de  l'émail,  alors  que  leur  costume,  aussi  bien 
que  les  paroles  qu'on  leur  met  dans  la  bouche,  dénotent  des  pon- 
tifes de  l'Ancien  Testament  :  ils  sont  les  figures  de  la  loi  mosaïque 
représentant  la  loi  nouvelle.  Que  dit  en  effet  celui  qui  est  à  côté  de 
saint  Paul?  —  offerro  panem  et  vinvm  deo.  C'est  le  grand  prêtre 
Melchisédech  qui  offre  le  pain  et  le  vin  du  sacrifice  antique  :  il 
porte,  en  effet,  une  coupe  recouverte  des  pains  de  proposition. 

A  l'autre  extrémité  de  l'émail  est  représenté  le  sacerdoce  de 
l'ancienne  loi  sous  les  traits  du  grand  prêtre  Aaron,  car  il  tient  un 
agneau  sur  le  bras  gauche,  et  dit  celte  parole  qui  annonce  les 
temps  nouveaux  :  fine  accipivnt  sacrificia  mea.  Son  nom  est  écrit 
sous  ses  pieds  :  haro. 

Devant  le  Sauveur  est  placé  l'agneau  symbolique,  tenant  la 
hampe  d'une  croix  où  flotte  un  gonfanon,  avec  cet  exergue  :  ecce 
AGNVS  DEi.  Au-dessous  jaillissent  des  fontaines  sous  lesquelles  on 
lit  :  OMNES  siTiENTES,  vEiviTE  AD  AQVAS,  texte  surmonté  du  millé- 
sime de  1581. 

Dans  le  plan  inférieur  se  trouvent  cinq  personnages  d'une  stature 
beaucoup  plus  petite.  C'est  d'abord  un  évèque  debout,  tenant  une 
crosse  et  un  livre  ouvert,  probablement  celui  de  Cambrai,  Robert 
de  Croy,  dans  le  diocèse  duquel  était  situé  Vaulx-Vraucourt,  et  qui 
avait  transmis  à  cette  église  la  Bulle  apostolique  de  Paul  III,  dont 
nous  parlerons  plus  loin.  Il  ne  peut  être  le  patron  du  donateur, 
puisqu'il  n'est  pas  nimbé. 

Arrive  enfin  la  famille  des  donateurs  eux-mêmes  (et  nou  des 


Planche  III 


LiniAIL     IIK     VALI.X     i:\AI5  TOI  S 

ir.xi 


M 


LEMAIL    DE    VAILX    EX    ARTOIS.  169 

donataires,  comme  le  dit  le  catalogue  delà  vente  Deusy).  A  gauche, 
un  homme  vénérable  est  à  genoux,  les  mains  jointes  :  on  a  bien 
fait  de  mettre  un  point  d'interrogation  après  son  nom  proposé  de 
Grimbert,  caria  fracture  de  l'émail  n'a  respecté  que  trois  ou  quatre 
lettres,  à  l'aide  desquelles  il  est  bien  difficile  de  reconstituer  un 
mot.  On  lit  d'abord  une.\iavec  un  point,  qui  peut  signifier  Messire. 
La  première  lettre  du  nom  qui  suit,  à  moitié  ébréchée,  ne  peut  être 
qu'un  c,  un  G,  un  o  ou  un  Q;  ne  pouvant  y  retrouver  ni  Jean,  ni 
Maximilien  de  Longueval,  seigneurs  de  Vaulx-Vraucourt  à  cette 
époque,  on  en  est  réduit]  à  des  conjectures.  Les  trois  dernières 
lettres  du  nom  sont  :  ert;  mais  l'intervalle  compris  entre  la  pre- 
mière et  les  dernières  lettres  est  trop  large  pour  n'y  placer  que  le 
seul  nom  de  Grimbert.  Il  faut  donc  chercher  une  autre  solution, 
que  nous  proposerons  tout  à  l'heure. 

Derrière  ce  vieillard  à  barbe  blanche  sont  deux  jeunes  gens  à 
genoux,  et  en  face  de  lui,  également  à  genoux  et  les  mains  jointes, 
tenant  un  chapelet,  sa  femme  en  costume  de  l'époque,  coiffée  d'un 
bonnet  noir  à  haute  forme,  portant  au  cou  une  guimpe  blanche, 
ornée  d'une  ruche,  et  aux  poignets  des  manchettes  tuyautées.  Près 
d'elle  est  un  livre  posé  par  terre. 

Au  moment  où  nous  cherchions  à  identifier  ces  deux  person- 
nages, nous  avons  découvert,  au  Musée  de  Cluny  à  Paris,  deux 
émaux  ovales,  du  même  Pierre  Reymond,  inscrits  sous  les  n°'4637 
et  4638,  mesurant  0'°,09  sur  0'°,12.  Ils  représentent  l'un  et  l'autre 
la  scène  bien  connue  de  Suzanne  au  bain  avec  les  deux  vieillards  : 
or,  sur  le  premier,  on  aperçoit  derrière  ces  vieillards  la  personne 
du  donateur  qui  est  identiquement  celui  de  notre  émail  de  laulx, 
comme  ressemblance,  comme  pose  et  comme  costume  !  Et  sur  le 
second,  à  la  même  place,  se  trouve  sa  femme  également  copiée 
sur  le  modèle  de  la  nôtre.  Mais  ce  qui  donne  à  ce  rapprochement 
un  intérêt  capital,  c'est  que  le  nom  du  marfijy  est  écrit  en  toutes 
lettres  avec  la  date  de  Y  ex-voto  :  «  M.  lEHAX  GVEX'IX.  1581.  v 
Son  patron,  S'  Jean-Baptiste,  montrant  l'agneau  figuratif,  est  debout 
à  ses  côtés.  Le  nom  patronymique  de  la  femme  ne  nous  est  pas 
révélé;  mais  elle  est  accompagnée  de  sa  patronne,  aussi  debout, 
S''  Marie-Madeleine,  portant  le  vase  de  parfums,  toujours  avec  le 
même  millésime  1581. 

Cette  identité  absolue  de  personnages  et  de  dates  pourrait  nous 


no  L'ÉMAIL    DE    VAULX    E IV    ARTOIS. 

autoriser  à  attribuer  l'éniail  de  Vaulx  à  la  libéralité  du  même 
M.  GvEivm  :  son  nom  était  probablement  suivi  de  celui  d'un  fief 
finissant  par  ERT.  L'Armoriai  de  Picardie,  dressé  par  d'Hozier,  un 
siècle  plus  tard,  nous  apprend  que  Nicolas  Guénin,  conseiller  du 
Roi,  président  des  Traites  de  Péronne,  n  porte  de  sable  à  trois 
croissants  d'argent,  deux  et  un  » . 

Tel  est  l'enseniblie  de  cette  pièce  magnifique.  J'avais  donc  raison 
de  dire  qu'elle  était  digne  de  faire  partie  du  Trésor  de  Vaulx  en 
Artois.  C'est  bien  là  qu'elle  était  encore  en  1896,  avant  l'Exposi- 
tion rétrospective  d'Arras,  où  elle  fut  apportée  par  un  délégué  du 
conseil  de  Fabrique  de  cette  paroisse.  Mais  quand  on  l'en  retira, 
au  lieu  de  la  reporter  dans  l'église  à  laquelle  elle  appartient,  on  la 
laissa  à  M.  Deusy,  qui  possédait  déjà  d'autres  émaux  du  même 
artiste  de  Limoges.  Elle  fut  alors  comprise  dans  l'inventaire  des 
objets  d'art  qui  fut  dressé  après  le  décès  de  ce  collectionneur  infa- 
tigable, et  elle  allait  être  mise  en  vente  par  adjudication  publique, 
lorsque  survint  la  haute  intervention  de  la  Commission  des  monu- 
ments historiques  du  Pas-de-Calais,  qui  arrêta  l'affaire  et  fit  surseoir 
à  la  vente.  Ce  sursis  fut  le  salut  de  l'émail.  M.  le  préfet  renvoya  la 
question  à  l'examen  du  Comité  exécutif  qui  m'a  fait  l'honneur  de 
me  la  confier.  Après  avoir  recherché  et  établi  la  propriété  incon- 
testable de  la  Fabrique  de  Vaulx-Vraucourt,  nous  avons  demandé, 
par  l'entremise  et  l'autorité  de  l'évêché,  la  réintégration  de  V Ex- 
voto  dans  l'église  de  cette  paroisse.  C'est  aujourd'hui  chose  faite, 
puisque  les  300  francs  représentant  le  prix  de  l'émail  ont  été 
remboursés  à  la  succession  de  M.  Deusy,  et  l'objet  d'art  rendu  à 
son  légitime  propriétaire. 

Mais  devions-nous  en  rester  là?  Ce  qui  s'est  fait  une  fois  ne 
pourrait-il  pas  se  renouveler?  C'est  ce  que  notre  Commission  avait 
le  devoir  d'empêcher.  Il  existe  heureusement  une  loi  récente,  en 
date  du  30  mars  1887,  pour  la  conservation  des  monuments  et 
objets  d'art  ayant  un  intérêt  historique  et  artistique;  elle  porte,  en 
effet,  dans  son  article  8,  que  le  classement  est  fait  par  les  soins  du 
ministère  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Aris.  Les  articles 
suivants  stipulent  que  les  objets  classés  appartenant  aux  Fabriques 
ne  pourront  être  restaurés,  ni  aliénés,  qu'avec  l'autorisation  du 
Ministre,  et  que  l'aliénation  faite  en  violation  de  cette  loi  sera  nulle. 
Par  conséquent  l'arrêté  de  classement  ne  dépouille  pas  la  Fabrique 


LEMAIL    DE    VAULX    EM    ARTOIS.  m 

de  la  propriété  des  objets  qui  lui  appartiennent,  mais  il  les  rend 
inaliénables  sans  l'autorisation  ministérielle. 

L'exposé  qui  précède  nous  dictait  notre  conduite  :  aussi  ai-je  eu 
l'honneur  de  proposera  la  Commission  des  monuments  historiques 
de  demander  à  l'autorité  compétente  le  classement  de  l'émail  de 
Vaulx-Vraucourt,  ce  qui  a  été  voté  à  l'unanimité. 

Cette  demande  de  classement  comprend  également  une  autre 
pièce  rarissime,  appartenant  au  Trésor  de  la  même  paroisse  :  c'est 
la  Bulle  en  parchemin  qui  a  érigé,  le"  27  août  1549,  une  confrérie 
du  Saint-Sacrement  dans  cette  église,  confrérie  à  laquelle  le  susdit 
émail  a  été  offert'. 

La  Bulle  mesure  0",75  de  hauteur  sur  O^.SO  de  largeur  :  elle  a 
perdu  les  sceaux  dont  elle  était  munie,  mais  le  bord  inférieur 
replié  sur  lui-même  en  porte  encore  la  trace.  C'est  une  formule 
imprimée  qu'en  termes  de  chancellerie  on  appelait  instrumentum  : 
elle  comprend  quatre-vingt-quatorze  lignes  de  texte  in-folio  et 
contient  aussi  des  blancs  qu'on  a  remplis  à  la  main  pour  indiquer 
notamment  le  nom  de  la  paroisse  affiliée  et  la  date  de  l'agrégation. 
Nous  y  lisons  donc  ce  passage  manuscrit  que  nous  transcrivons  : 
«  Ad  instantiam  cojmnunitatis  et  hominum  oppidi  de  Vaulx, 
Cameracensis  diocesis,  pro  confraternitate  Sancti  Martini  prœdic- 
torum  oppidi  et  diocesis  erecta.  » 

Encadrée  d'une  bordure  de  O^.IO  ornée  de  feuillages  poly- 
chromes, elle  est  rehaussée  de  cinq  médaillons.  Les  trois  médail- 
lons placés  dans  la  bande  supérieure  représentent  :  au  centre  un 
calice  avec  hostie  porté  par  deux  anges  et  abrité  sous  un  pavillon  ; 
—  à  gauche  et  à  droite,  saint  Pierre  et  saint  Paul. 

Les  deux  médaillons  inférieurs  sont  plus  finement  peints  que 
les  précédents  et  ne  paraissent  pas  émaner  du  même  artiste  :  ils 
ont  sans  doute  été  ajoutés  au  moment  de  la  délivrance  de  la  Bulle 
à  la  confrérie  de  Vaulx.  L'un  rappelle  ce  trait  de  saint  Martin, 
patron  de  la  paroisse ,  partageant  son  manteau  avec  un  pauvre 
mendiant;  l'autre  donne  les  armoiries  de  .lean  de  Longueval  qui 
était  seigneur  de  Vaulx  en  Artois,  et  qui  fonda  la  nouvelle  église 
de  ce  lieu,  achevée  seulement  en  1564,  avec  le  concours  de  sa 
femme  Jeanne  de  Rosimboz.  Leur  fils  Maximilien  porta,  le  premier, 

'  Voir,  ci-après,  planche  IV  . 


172  LA    CATHEDRALE    DE    NAIVTES. 

le  titre  de  baron  de  Vaulx,  devint  gouverneur  d'Arras,  et  fut  tué 
en  1581  au  siège  de  Tournay;  il  avait  épousé  Marguerite  de  Lille. 
L'écusson  des  Longueval  est  bandé  de  vair  et  de  gueules  de  sise 
pièces.  —  Supports  :  deux  griffons.  —  Heaume  surmonté  d'un 
griffon  pour  cimier. 

On  donne  une  curieuse  explication  sur  l'origine  de  ces  armoiries. 
Un  Longueval  faisant  partie  de  l'expédition  des  croisades,  pour 
rallier  ses  troupes  qui  avaient  perdu  leur  étendard,  tailla  dans  son 
manteau  des  bandes  d'étoffe  qu'il  mit  au  bout  d'une  pique;  et 
comme  son  manteau  était  rouge  d'un  côté,  et  bleu  avec  paillettes 
d'argent  de  l'autre,  on  y  vit  les  gueules  et  le  vair  qui  devinrent  ses 
couleurs  héraldiques.  Les  Sarrazins  l'avaient  surnommé  le  Dragon. 

Il  nous  semble  donc  que  la  Bulle  de  1549  et  l'émail  de  1581 
méritaient  bien  d'être  sortis  de  l'oubli  dans  lequel  ils  ont  été  trop 
longtemps  ensevelis. 

Baron  Cavrois, 

Chancelier  de  l'Académie  d'Arras,  Délé- 
gué par  la  Commission  des  Monuments 
historiques  du  Pas-de-Calais. 


V 


LA  CATHEDRALE  DE  NANTES 

DOCUMENTS  INÉDITS 
1631 

L'histoire  des  anciens  monuments  religieux  si  importants  et  si 
nombreux  qui  peuplent  le  sol  de  la  France,  a,  de  tout  temps,  attiré 
l'attention  des  amis  des  arts  et  de  nos  antiquités  nationales. 

C'est  que,  bien  plus  que  les  architectures  civile  et  militaire,  l'ar- 
chitecture religieuse  est  le  reflet  des  aspirations  artistiques  d'un 
peuple.  Alors  que  les  châteaux  forts  et  les  édifices  civils  sont,  le 
plus  souvent,  l'œuvre  d'un  seul  ou  de  quelques-uns,  on  peut  dire 


I 


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LA    CATHEDRALE    DE    IVIAIVTES.  n3 

que  nos  cathédrales,  qui  demeuraient  inachevées  et  comme  en 
chantier  pendant  des  siècles,  s'élevant  peu  à  peu  par  le  concours 
pécunier  et  sous  les  influences  de  tous,  prêtres,  nobles  et  bourgeois, 
sont  véritablement  le  produit  des  communs  efforts  de  plusieurs 
générations,  et  par  conséquent  l'expression  sincère  et  complète  de 
notre  génie  national  aux  siècles  passés. 

Dans  ces  monuments  séculaires,  on  peut  suivre,  comme  en  un 
livre,  les  évolutions,  les  émancipations,  les  triomphes  et  jusqu'aux 
défaillances  du  goût  de  nos  ancêtres.  Les  pierres  dont  ces  édiflces 
sont  faits,  les  sculptures  et  les  verrières  qui  les  ornent,  disent  et 
redisent  cet  amour  de  l'esthétique  et  ce  souci  du  beau  et  du  grand, 
qui  furent,  de  tout  temps,  le  partage  de  notre  race. 

Aussi,  quelle  satisfaction  pour  l'artiste  de  s'attacher  à  l'histoire 
de  quelqu'une  de  ces  basiliques,  de  la  suivre,  contrats  et  marchés 
en  main,  depuis  la  pose  de  sa  première  pierre,  si  c'est  possible, 
jusqu'à  son  complet  épanouissement,  la  voyant,  à  travers  les  âges, 
se  développer,  s'embellir,  ou  se  modifier  dans  ses  plans  primitifs 
sous  le  souffle  des  écoles  nouvelles! 

Rien  d'ailleurs,  comme  la  connaissance  des  plans  et  des  devis 
des  travaux  exécutés  successivement,  n'aide  à  comprendre  l'ar- 
chitecture d'un  édifice  dans  ses  grandes  lignes,  ne  permet  de 
saisir  ces  mille  détails  qui  passeraient  inaperçus  autrement. 

De  même  qu'un  voyageur  ne  peut  comprendre  la  constitution 
des  peuples  qu'il  visite,  leurs  mœurs,  leurs  coutumes  et  leurs 
usages,  s'il  ne  sait  leur  histoire  ancienne,  de  même  il  ne  sera 
donné  qu'à  celui  qui  connaîtra  bien  l'historique  d'un  monument 
de  pénétrer  les  secrets  de  son  architecture  et  d'en  saisir  les  beautés, 

Ajoutons  enfin  que  ce  n'est  qu'à  l'aide  des  marchés  ou  des  procès- 
verbaux  de  visite  des  travaux  qu'on  peut  reconstituer,  ou  tout  au 
moins  connaître  les  parties  d'un  édifice  détruites  ou  détériorées 
par  les  injures  du  temps,  par  la  maladresse  des  uns  ou  par  les 
passions  révolutionnaires  des  autres. 

Telles  sont,  très  sommairement  déduites,  quelques-unes  des 
considérations  qui  nous  avaient  porté  à  penser  que  le  Comité  des 
Beaux-Arts  accueillerait  avec  faveur  la  communication  de  quelques 
pièces  relatives  à  la  construction  de  la  cathédrale  de  Nantes, 
monument  parachevé  depuis  peu  d'années  et  classé  à  juste  titre 
parmi  les  Monuments  historiques . 


174  LA    CATHEDRALE    DE    NANTES. 

La  Revue  des  provinces  de  l'Ouest  publiait,  il  y  a  bientôt  qua- 
rante ans  ',  sous  la  signature  de  Mi  A.  de  la  lîorderie,  tout  un 
ensemble  de  documents  éclairant  d'un  jour  nouveau  l'histoire 
assez  obscure  jusqu'alors  de  l'antique  cathédrale  de  Nantes.  Les 
archives  de  Tévèché,  ainsi  que  celles  du  chapitre  de  Saint-Pierre, 
mises  à  la  disposition  de  l'auteur,  avaient  révélé  leurs  secrets  :  de 
leur  poussière  était  sortie  une  florissante  gerbe  de  marchés  et  de 
contrats  d'adjudication. 

Il  s'en  fallait  cependant  de  beaucoup,  —  l'auteur  ne  l'ignorait 
point,  —  que  toutes  les  pièces  intéressant  l'œuvre  de  la  cathédrale 
aient  été  retrouvées  et  mises  au  jour. 

Sans  parler  de  la  partie  ancienne  de  l'édifice,  au  sujet  de  laquelle 
on  n'apportait  que  quelques  dates,  qu'un  rapide  jalonnement,  si 
nous  pouvons  ainsi  dire,  du  labeur  entrepris  et  accompli  avant  le 
quinzième  siècle,  il  faut  bien  reconnaître  que  les  différentes  étapes 
delà  construction  moderne  n'avaient  pu  le  plus  souvent  qu'être 
sommairement  indiquées. 

Au  quinzième  siècle,  on  le  savait,  revenait  l'honneur  d'avoir 
achevé  le  portail,  la  façade  et  les  deux  tours;  au  seizième,  appar- 
tenaient la  nef  et  ses  bas  côtés  ;  enfin,  au  dix-septième,  les  grandes 
voûtes  de  la  nef,  la  voûte  des  orgues,  la  façade  du  chœur  -,  le 
transept  sud  et  les  deux  chapelles  collatérales  au  delà  de  ce 
transept. 

Cependant,  même  pour  ce  dix-septième  siècle,  si  près  de  nous 
relativement,  pour  ce  siècle  qui  avait  vu  se  produire  un  si  bel  élan 
en  faveur  de  l'achèvemenÉ  du  grand  œuvre,  les  plus  grosses  lacunes 
ne  cessaient  de  subsister. 

Ces  lacunes  devaient  évidemment  exister  dans  les  archives  capi- 
tulaires,  car  il  est  certain  que  l'auteur  n'était  pas  homme  à  passer 
à  côté  d'un  document  important  sans  le  saisir  pour  rincorporer 
dans  son  mémoire. 

Depuis  lors,  il  semblait  donc,  avec  raison,  qu'au  hasard  seul  il 


1  Tome  III,  année  1855,  p.  27  et  321. 

*  C'est  ainsi  que,  dans  ces  dernières  années,  on  a  prétendu  que  devait  unique- 
ment être  désigné  l'ancien  jubé,  démoli  depuis  peu.  On  a  même  avancé  que 
l'expression  ^«ôe  était  une  expression  toute  moderne.  On  pourra  se  convaincre,  en 
jetant  un  coup  d'oeil  sur  notre  pièce  justiûcative  n"  II,  qu'elle  était  déjà  parfai- 
tement en  usage  au  commencement  du  dix-septième  siècle. 


LA    C  ATIIKDIIALE    UE    KAX'TES.  ITâ 

pût  êlre  réservé,  sinon  d'acliever  cet  historique,  au  moins  de  le 
compléter  dans  quelque  partie  essentielle. 

C'est  à  lui  que  nous  devons  aujourd'hui  d'avoir  retrouvé,  en 
poursuivant  des  recherches  dans  les  archives  de  la  chamhre  des 
notaires  de  Nantes,  un  certain  nombre  d'actes  relatifs  aux  travaux 
exécutés  à  la  cathédrale  au  commencement  du  dix-septième  siècle. 

Quelques  lignes  rapides  sont  indispensables  pour  montrer  l'in- 
térêt de  ces  actes. 

La  première  et  importante  donnée  qui  s'en  dégage  est  relative  à 
la  construction  des  grandes  voûtes. 

On  a  écrit  qu'elles  furent  commencées  en  1628  '.  Cette  date  ne 
saurait  être  exacte.  Le  marché  de  ce  travail  très  important,  adjugé 
à  Michel  Poirier,  René  Le  Meunier,  Guillaume  Belliard  et  Alarin 
Godenier*,  étant  du  3  novembre  1626  %  il  n'est  pas  douteux  qu'il 
dut  être  immédiatement  commencé  et  rapidement  exécuté.  Dès  le 
10  mars  1631,  en  effet,  on  mettait  à  l'adjudication  la  plomberie 
de  la  couverture  de  ces  voûtes^  ;  mieux  que  cela  même,  dans  le 
procès-verbal  de  la  visite  de  ces  voûtes,  faite  par  divers  archi- 
tectes, le  22  août  1631  %  il  est  formellement  dit  qu'elles  étaient 
achevées  depuis  plus  d'un  an  ou  deux. 

Il  faut  donc  conclure  que  ce  travail  fut  commencé  vers  la  fin  de 
l'année  1626  ou  vers  le  début  de  Tannée  1627,  et  qu'il  fut  terminé 
au  plus  tard  dans  les  premiers  mois  de  l'année  1630. 

Faisons  remarquer  en  passant  que  le  procès-verbal  du  22  août 
1631,  que  nous  venons  de  citer,  vient  fort  heureusement  à  point, 
par  les  détails  techniques  qu'il  contient,  pour  suppléer,  au  moins 
en  partie,  au  marché  du  3  novembre  1626,  que,  malgré  toutes  nos 
recherches,  nous  n'avons  pu  retrouver  dans  les  archives  de  la 
chambre  des  notaires. 


'  Cf.  Travers,  Histoire  de  Nantes,  t.  III,  p.  272;  l'article  déjà  cité,  dans  la 
Revue  des  provinces  de  l'Ouest,  t.  III,  p.  29  et  40,  et  toutes  les  notices  publiées 
depuis  sur  la  question. 

'  Xotre  livre,  actuellement  sous  presse,  Les  artistes  nantais,  contiendra  sur 
ces  architectes  des  notices  au.xquelles  nous  renvoyons  le  lecteur. 

*  Voir  la  pièce  justiûcafive  n°  II. 

*  Aux  termes  de  ce  marché,  passé  devant  M«  Garnier,  notaire,  cette  plomberie 
est  adjugée  à  Pierre  Giiyot,  W"  plombier.  Par  ce  même  acte,  des  charpentes  à 
refaire  sont  adjugées  à  Michel  Poirier,  M"  charpentier. 

*  Voir  la  pièce  justificative  n"  II. 


176  LA    CATHEDRALE    DE    NANTES. 

On  remarque  notamment  que  les  clefs  de  ces  voûtes  étaient 
ornées  des  armes  royales  et  de  celles  des  alliances  de  la  Couronne. 
Ces  armoiries  n'existent  plus  depuis  longtemps. 

La  seconde  donnée  importante  apportée  par  nos  actes  concerne 
la  construction  du  transept  méridional  de  la  cathédrale,  de  ce  bras 
de  croix  dans  lequel  est  aujourd'hui  placé  le  chef-d'œuvre  de  la 
Renaissance  dû  au  prestigieux  ciseau  de  Michel  Colombe,  le 
tombeau  du  dernier  duc  de  Bretagne,  vulgairement  appelé  le 
tombeau  des  Carmes. 

L'auteur  du  travail  que  nous  avons  cité  au  début  de  ce  mémoire 
écrit  ce  qui  suit  au  sujet  de  ce  transept  : 

«  L'évèque  Cospeau  paraît  avoir  imprimé  aux  travaux  de  la 
cathédrale  une  grande  activité.  En  1628 ',  je  l'ai  déjà  dit,  il  fit 
commencer  les  voûtes  de  la  nef,  qui  furent,  semble-t-il,  assez 
rapidement  exécutées;  et  tout  de  suite  après  l'on  entreprit  un  plus 
grand  travail,  l'érection  du  bras  de  croix  méridional...  » 

Seule,  une  requête  des  architectes,  datée  de  1637  *,  requête  de 
laquelle  on  pouvait  conclure  que  ce  transept  était  achevé,  per- 
mettait à  l'auteur  de  parler  de  la  construction  de  ce  bras  de  croix. 
Les  déductions  qu'il  en  tirait  étaient  exactes,  nous  ne  faisons 
aucune  difficulté  de  le  reconnaître;  mais  il  est  manifeste  qu'il  avait 
inutilement  cherché  dans  les  archives  capitulaires  l'acte  d'adjudi- 
cation (le  ce  travail. 

Cet  important  marché,  nous  le  reproduisons  in  extenso^,  nous 
bornant  à  l'alléger  des  formules  inutiles  du  protocole  final.  Ainsi 
sera  fixé  d'une  façon  complète  et  définitive  l'historique  de  cette 
partie  de  l'édifice. 

C'est  le  27  mars  1631  que  fut  adjugé  cet  important  travail,  pour 
la  somme  de  32,000livres  *,  à  Léonard  Malherbe,  René  Le  Meunier, 
Michel  Poirier,  .Jacques  Corbineau,  Marin  Godenier  et  Guillaume 
Belliard,  tous  maîtres  architectes  de  la  ville  de  Nantes,  qui  s'en- 
gageaient à  l'avoir  terminé  et  à  rendre  leur  renable  trois  ans  après. 


'  Nous  avons  déjà  fait  remarquer  que  ce  marché  était  de  1626. 

*  Cf.  Revue  des  prouinces  de  l'Ouest,  t.  III,  p.  321. 

*  Voir  la  pièce  justificative  n'^  I. 

*  C'est  à  tort  que,  dans  l'article  susvisé  de  la  Revue  historique  de  l'Ouest,  et 
dans  ceux  qui  ont  été  publiés  depuis,  on  a  écrit  que  le  prix  d'adjudication  avait 
été  de  33,000  livres. 


LA    CATHEDRALE    DE    \AXTES.  177 

On  sail  qu'un  arrêt  de  la  Cour  des  comptes,  rendu  le  1 2  décembre 
1637,  fit  ajouter  8,000  livres  au  montant  de  l'adjudication.  De  h 
sorte,  le  prix  de  ce  travail  fut,  au  total,  de  la  somme  de 
40,000  livres. 

Le  marquis  de  Graxges  de  Surgères, 

Correspondant  de  la  Société  nationale  des  anti- 
quaires de  France ,  membre  du  Comité  con- 
stitué pour  l'acbèiement  de  la  cathédrale  de 
Xantes, 


PIECES  JUSTIFICATIVES 


DOCUMENT    ifi°    1. 

1631,  27  mars.  —  Marché  de  la  construction  du  bras 
de  croix  méridional  de  la  cathédrale  de  Xantes. 

Par  deuant  Messieurs  les  trésoriers  de  France  et  généraux  des  finances 
en  Bretagne,  commissaires  deppulés  par  le  Roy,  presanls  nobles,  véné- 
rables et  discrets  missires  Jean  Fourché,  grand  arcbidiacre  de  Xantes, 
Jean  Giraud,  abbé  de  Melleray  et  chanoine  de  l'église  cathédrale  dudit 
Xantes,  Michel  Dubreil,  pénitencier  et  chanoine  en  ladite  église,  Julien 
Pageot,  aussy  chanoine  de  ladite  église,  monsieur  M'"  Jean  Fourché, 
escuier,  sieur  du  Bizou,  conseiller  du  Roy,  maître  de  ses  comptes  en  Bre- 
taigne,  et  Michel  Loriot,  escuier,  sieur  de  la  Xoe,  sénéchal  des  Regaires  dudit 
Xantes,  et  cy-deuant  maire  audict  Xantes,  tous  assemblés  en  l'église 
calhédralle  dudit  Xantes;  présents  aussy,  Guillaume  Blanchard,  escuier, 
sieur  de  la  Chapelle,  conseiller  du  Roy  et  son  procureur  au  siège  présidial 
dudit  Xantes,  a  été  remonstré  que,  pour  continuer  l'œuvre  de  l'embellis- 
sement et  augmentation  de  ladicle  église,  il  auroit  esté  cy  deuant  faict 
diuerses  propositions  au  chapitre  de  ladicte  église  entre  lesquels  n'en 
ayant  esté  Irouué  aucunes  plus  à  propos,  utile  et  remarcable,  que  de 
coramancer  à  bastir  la  croisée  du  grand  corps  de  l'église  à  peu  près  de 
l'ancien  modelle  d'icelle,  affin  d'accompagner  les  voûtes  de  la  nef  qui  ont 
depuis  peu  esté,  par  la  grâce  de  Dieu,  paracheuées,  il  auroit  esté  aduisé 
de  faire  assigner  et  publier  le  marché  de  l'une  des  ailles  de  ladicte 
croisée,  au  vingt  quatriesme  du  presant  mois  de  mars,  pour  essayer  de 
paruenir  à  prendre  si  bien  les  mesures  dudict  bastiment  que  le  tout  peust 
réussir  à  l'honneur  et  à  la  gloire  de  Dieu.  Et  pour  cest  effect  auroit  esté 
expédié  ordonnance  par  mesdicts  sieurs  généraux,  portant  commandement 

12 


178  LA    CATHEDRALE    DE    AIAMTES. 

au  premier  sergent  royal  de  faire  la  publication  dudict  marché,  ce  que 
ayant  faict  en  plusieurs  et  diuers  lieux,  tant  de  ceste  ville  que  circon- 
uoisins  et  à  diuers  jours  de  marchés,  lesdicts  sieurs  cy-dessus  nommez  se 
seroient  tous  trouués  à  cedict  jour,  vingt  quatriesme  de  mars  mil  six  cens 
trante  ung,  sur  les  troys  heures  de  l'après  midy,  en  ladicte  grande  église 
ou  pareillement  se  seroient  rencontrés  grand  nombre  de  AI"  architectes, 
sculpteurs,  cherpantiers,  couureurs  et  autre  expers,  pour  le  subiect  de 
ladicte  assignation,  suiuant  laquelle  il  auroit  esté  requis  de  la  part  desdicts 
sieurs  du  chapitre  qu'il  soit  procédé  à  la  réception  des  offres  de  ceux  qui 
voudroient  entreprendre  ledict  œuure;  sur  quoy,  Michel  Loyson,  sergent 
royal,  et  Bougiart,  trompette  ordinaire,  ayant  déclaré  auoir  bien  et  deue- 
ment  banny  et  publié  ladicte  assignation,  les  quinze  et  vingt  deuxiesme 
dudict  mois,  ledict  marché  en  plusieurs  endroits,  suiuant  l'ordonnance  à 
eulx  delliurée  à  cedict  jour,  dont  ils  auroient  raporté  procès-uerbal,  lequel 
ils  auroient,  par  serment  d'eux  pris,  certiffié  véritable,  auroit  esté  faict 
lecture  à  haulte  voix,  tant  de  la  bannye,  que  du  deuis  dudict  bastiment  de 
l'une  des  ailles  de  ladicte  croisée  du  costé  du  Chapitre,  après  laquelle 
lecture  ouye  par  tous  lesdicts  entrepreneurs  et  expers  presans,  lesquels 
auroient  requis  en  auoir  communication  et  qu'il  leur  feust  permis  et  don- 
ner temps  pour  voirs  le  lieu  dudict  bastiment,  prendre  les  mesures  et 
proportions  de  l'emplacement  et  advuiser  ensemble  à  faire  valloir  les 
choses  honnestemeni,  ce  que  lesdicts  sieurs  commissaires  auroient  accordé 
et  pour  ce  ordonné  leur  estre  delliuré  coppie  dudict  deuis,  l'assignation 
dudict  marché  auroit  esté  remise  au  vendredy  vingt  septième  dudict  pré- 
sant  mois,  auquel  jour  estans  tous  lesdicts  sieurs  rassemblés  en  la  nef  de 
ladicte  grande  église,  sur  les  deux  heures  d'après  midy,  pour  l'effect 
dndict  marché,  où  se  seroient  semblablement  trouués  grand  nombre  de 
peuple  expers,  W'  architectes,  entrepreneurs  et  autres  artisans,  en  la 
présance  desquels  ledict  Bougiard,  trompette,  ayant  certiffié  auoir  banny 
de  rechef  ladicte  remise,  auroit  esté  faict  lecture  à  haulte  voix  de  tout  le 
deuis  de  la  construction  et  des  bastiments  de  ladicte  aille  de  la  croisée 
vers  le  chapitre,  dont  la  teneur  ensuilt  : 

PREMIÈREMENT. 

Est  requis  considérer  l'ordre,  haulteur  et  grosseur  d'un  arc  doubleau 
antien  basti  et  esleué  contre  la  tour  du  cœur,  joignant  la  chapelle  Sainct- 
Clair,  lequel  arc  il  faudra  conduire  et  mettre  à  perfection  ainsy  qu'il  est 
commencé,  et  au  bout  de  la  chapelle  de  la  Madelaine,  proche  du  Chapitre, 
et  faire  ung  pareil  audict  antien  commancé,  lequel  pillier  sera  de  pierre 
de  grain  esligy  à  la  haulteur  du  paué  par  le  dedans  et  par  le  dehors, 


LA    CATHÉDRALE    DE    NANTES.  179 

montant  ledict  grain  de  pareille  haulteur  et  fasson  que  sont  les  autres 
pilliers  de  la  nef,  et  sera  appuyé  d'un  autre  pillier  qui  aura  aultant  de 
buttée  et  saillye  vers  le  Chapitre  comme  ont  ceux  qui  sont  faictz  en  la  nef. 
Sera  ledict  pillier  fondé  sur  un  bon  roc  bien  ferme  et  stable  pour  porter 
le  fais  et  pesanteur  qui  sera  posé  par  dessus,  et  en  icelluy  seront  faictes 
les  mesmes  architectures  et  arachementz  de  voûte  et  impostes,  comme 
elles  sont  à  celluy  qui  est  planté  sur  ledict  premier  pillier,  comme  a  esté 
dict  cy-deuant,  et  seront  conduistz  les  deux  pilliers  à  mesme  hauteur  de  la 
nef.  Et  la  muraille  qui  est  entre  lesditz  pilliers,  où  est  la  petite  gallerie 
qui  sera  acheuée  d'être  conduicte  à  la  mesme  hauteur  desdictz  pilliers  et 
de  la  nef  et  entablée  comme  ladicte  nef. 

Oultre,  sera  faict  sur  ledict  entablement  des  ballustres  et  galleryes, 
comme  il  y  a  à  ladicte  nef  et  des  gargouilles  au  dehors,  pour  jeter  l'eau 
et  aussy  des  piramides  pour  amortir  lesdiclz  pilliers,  de  la  [même]  sculp- 
ture que  celles  cy-deuant  faictes  du  mesme  costé. 

Et,  à  l'autre  costé  quijoinctla  sacristie,  il  sera  faict  un  mesme  pillier, 
qui  sera  de  mesme  grosseur  que  celuy  joinct  ladicte  chapelle  de  la  Made- 
laine,  comme  a  esté  parlé  cy-deuant,  auecq  la  mesme  sallye  et  pillier  en 
arbouttant,  qui  sera  reuesty  de  pierre  de  grain  par  dedans  et  par  dehors, 
et  de  mesme  architecture  que  l'autre  pillier  et  pareil  à  ceux  de  la  nef  et 
fondé  sur  un  bon  roc  ou  fonds  sollide  pour  porter  ladicte  œuure.  Et  sera 
planté  ledict  pillier  au  lieu  où  est  la  muraille  qui  clos  ladicte  sacristie  et, 
d'aultant  qu'elle  ne  porte  pas  l'espesseur  requise,  sera  esligy  dedans  la 
petite  caue  que  tient  à  présent  missire  Isac  Raguideau,  sacrisie,  et  pour  Ja 
sûreté  de  ladicte  sacristie,  auant  que  de  l'ouurir  sera  faict  un  parpain  de 
tuffeau,  qui  conduira  jusque  sous  les  arcades  des  deux  voûtes. 

Aussy,  entre  ledict  pillier  et  le  pillier  de  la  Maddelaine,  sera  faict  le 
pignon  de  ladicte  croisée  vers  le  chapitre,  lequel  sera  fondé  sur  un  bon 
roc  ou  fond  sollide  et  dans  icelluy  pignon  y  aura  ung  petit  portique  au 
millieu  pour  descendre  audict  chapitre  et  aller  vers  l'église  Sainct-Laurens, 
et  y  sera  mis  aultant  de  marches  qu'il  en  faudra,  au-dessus  duquel  por- 
tique et  au  milieu  dudict  pignon  sera  esligy  ung  grand  vitrail  qui  aura 
pour  le  moings  de  largeur  vingt  trois  pieds  plus  ou  moings,  selon  que  la 
place  le  pourra  permettre,  lequel  vitrail  montera  aussy  hault  que  la  cir- 
conférence de  la  voûte  de  ladicte  croisée.  Et  sera  bien  deuement  ambrasé 
à  la  proportion  de  la  muraille,  qui  aura  pour  le  moings  six  pieds  d'espes- 
seur  et,  par  le  fonds,  dix  pieds  jusques  à  l'esligement  dudict  vitrai  et  sera 
remply  de  bonnes  pierres  de  tuffeau  blanc  comme  celui  qui  est  employé 
aux  voûtes  et  arboutans.  Sera  aussy  ledict  vitrai  rempli  de  montans  de 


180  LA    CATHEDRALE    DE    A.A\TES. 

pierre  de  Taillebourg,  aiiltant  qu'il  en  sera  requis  auecq  des  roses  entre 
lesdictz  montans,  selon  leur  proportion,  et  pour  tenir  les  dictz  niontans 
sera  nécessaire  de  mettre  en  faisant  la  massonnerie,  des  barres  de  fer, 
tant  en  la  largeur  dudict  vitrail  qui  entre  chacun  desditz  nionlans, 
pour  tenir  et  attacher  les  vitres  dudict  vitrai  et  les  maintenir  contre  la 
force  des  veniz,  lequel  fer  et  vitraiges  les  entrepreneurs  ne  seront  tenuz 
de  fournir.  Ledict  pignon  sera  esleué  de  son  carré  aussy  hault  que 
lesdictz  pilliers  de  la  nef,  et,  au-dessus  de  ladicte  haulteur,  sera  faict  une 
pointe  en  pignon  qui  sera  conduict  selon  la  charpente  et  entable  d'un 
cheuron  brizé  en  rampant.  Kt  pour  l'amortir,  sera  faict  une  croix  auecq 
son  pied  d'estail,  qui  sera  bien  et  duement  lyé  de  bons  liens  de  fer  et  os 
de  bœuf,  pour  maintenir  ladicte  croix  contre  la  force  des  ventz  et  en 
icelle  pointe  de  pignon  y  aura  ung  o,  pour  esclairer  sur  les  voultes,  qui 
sera  faict  en  rond,  dans  lequel  il  sera  mis  et  posé  une  croix  de  fer  pour 
maintenir  le  vitraige  que  lesdictz  entrepreneurs  ne  seront  tenuz  de  fournir. 

Entre  le  pillier  qui  joindra  la  sacristie  et  à  la  quadrature  du  pillier  de 
la  Madelaine  et  un  vieil  pillier  encommancé,  sera  basty  ung  autre  pillier 
qui  regardera  de  ses  eslignements  ledict  pillier  antien  et  celluy  du  coing 
de  la  sacristie  et  sera  aussy  près  de  la  vieille  tour  de  son  architecture 
comme  est  celluy  qui  est  planté  sur  ledict  antien  pillier,  et  en  cas  qu'il  se 
Irouue  ung  aussy  bon  fondement  de  pierres  de  grain,  corne  audict  antien 
pillier,  les  entrepreneurs  pourront  planter  l'architecture  à  la  haulteur 
qu'est  celle  dudict  antien  pillier  et  conduire  la  mesme  architecture  aux 
impostes  et  arachemenlz  pour  suporler  le  grand  doubleau  qui  portera  l'un 
des  carrez  de  la  grande  voulte  du  cœur  et  sur  lequel  doubleau  on  laissera 
des  reltrailes  et  arachemenlz  de  voûte  pour  vouller  le  cœur  quand  l'on 
voudra.  Et  sera  ledict  doubleau  razé  et  à  la  haulteur  de  ladicte  nef  et  pil- 
lier pour  porter  la  cherpente. 

Et,  en  cas  que  le  fondement  ne  se  trouuast  propre  et  bon  pour  venir  à 
la  quadrature  desdictz  pilliers,  les  preneurs  seront  tenuz  de  chercher  ung 
bon  fondement. 

Entre  ledict  pillier  et  celluy  qui  joindra  la  petite  rue  qui  conduict  à  Saint- 
Laurens,  au  coing  de  ladicte  sacristie,  il  sera  faict  une  longère  de  pareille 
haulteur  et  largeur  que  celle  d'entre  les  pilliers  du  costê  de  la  Madelaine  et 
pareil  entablement  etbalustre.  En  laquelle  longère,  il  se  fera  une  arcade, 
à  l'entrée  du  cœur,  sur  un  pillier  vers  la  sacristie,  au  derrière  duquel  pil- 
lier sera  faict  des  attentes  pour  continuer  les  baslimentz,  tant  du  cœur  et 
sacristie  que  des  voultes  d'iceux,  quand  l'on  voudra.  Et  sera  ladicte  arcade 
de  largeur  de  saize  pieds,  plus  ou  moings,  selon  que  la  place  le  pourra 
porter,  pour  passer  les  processions  qui  iront  allentour  dudit  cœur. 

Et,  au  hault  d'icelle  longère,  il  sera  faict  deux  vitraux  pareilz  à  ceux 


LA    CATIIKOUALK    DE    MANTES.  181 

<|iii  sonl  (losia  plantés  en  la  lunijèiode  la  Madelaine,  lesquels  seront  aussy 
paracheuez  par  lesdictzs  preneurs  à  la  mesme  haulteur  de  l'arasement,  et 
esligeront  ung  vitrai  dans  la  cosliere  de  ladicle  sacristie,  du  coslé  vers  le 
niidy,  pour  donner  jour  en  icelle  de  la  grandeur  requise. 

Tous  les  paremens  de  ladicle  croisée  seront  esleuez  en  bonne  pierre  du 
grain  aussy  hault  qu'ilz  sont  dans  la  nef,  et  le  surplus  qui  ira  soubz  la 
voulle  sera  esleué  de  bon  luffeau  blanc  par  dehors  et  par  dedans,  sans 
qu'il  en  puisse  auoir  de  noir  ni  de  tresue. 

Seront  tenuz  lesdicts  entrepreneurs  de  faire  bien  et  duement  les  voultes, 
doubleaux,  ogiues,  comme  portent  les  pilliers  et  arrachements  qui  sont 
desia  plantez,  de  bon  tuffeau,  comme  sont  les  voultes  de  la  nef,  et  seront 
taillés  au  hault  desdictes  voultes  les  armoiries  qui  leur  seront  commandées. 

Et  pour  aider  et  seruir  à  faire  tout  l'ouuraige  sera  baillé  au\  entre- 
preneurs par  niesdictz  sieurs  du  chapitre  le  jardin  et  cloître  antien  dont 
jouist  à  présant  vénérable  et  discret  missire  Pierre  Vivien,  pour  mettre 
leurs  matériaux  et  ouuriers  et  tailleurs  de  pierres. 

Seront  lesdictz  entrepreneurs  tenuz  d'oster  les  terriers  et  vidanges  qui 
sortiront  des  fondementz  et  aultres  délivres  provenant  de  leurs  ouvrages 
et  les  faire  conduire  sur  la  Motte  ou  hors  la  ville. 

Feront  aussy  lesdictz  entrepreneurs  les  desmolitions  qu'il  conuiendra 
faire,  pour  faire  et  bastir  ladicte  œuvre,  parce  que  aussy  ils  se  pourront  se- 
ruir de  toutes  les  vieilles  matières  qui  se  trouueront  ausdictes  desmollitions. 

Sera  le  plan  pied  de  la  dicte  croisée  esleué  de  trois  marches  plus  que 
la  nef  en  laquelle  lesdictes  marches  seront  posées,  et  pour  le  surplus  des 
aultres  marches  nécessaires  pour  monter  au  cœur  et  à  la  sacristie,  elles 
seront  posées  en  l'espesseur  du  pillier  et  de  la  longueur  que  portera 
ladicte  arcade.  Et  soubz  ladicte  montée  sera  esligé,  au  costé  vers  Sainct- 
Laurens,  une  |)etite  porte  pour  aller  à  la  chapelle  de  Sainct-Gohard. 

Pour  le  regard  de  la  cherpente  qu'il  conuiendra  faire  sur  ladicte 
croisée,  lesdictz  entrepreneurs  seront  tenuz  faire  et  fournir  ladicte  cher- 
pente  de  bon  bois  de  cliesne,  conformément  à  celle  de  la  nef,  et  l'accom- 
paigner  des  noues  qui  seront  nécessaires  et  se  trouueront  à  la  rencontre 
de  l'ancienne  cherpente,  pour  tirer  les  eaux,  lesquelles  couleront  le  long 
de  la  gallerie  par  des  canaux  qui  seront  faictzà  la  forme  de  ceux  qui  sont 
à  présans.  Laquelle  cherpente  sera  de  bon  bois  de  chesne,  comme  dict 
est,  loyal  et  marchand,  de  pareille  grosseur  et  longueur  et  espace  que 
celle  qui  est  sur  ladicte  nef. 

Et  pour  la  couverture,  seront  tenuz  lesdicts  entrepreneurs  de  faire 
couvrir  ladicte  croisée  du  costé  dudict  chapitre  de  bonne  ardoise  de  poil 
de  liepure,  de  pierre  d'Angers  et  aussy  de  toutes  sortes  de  clous  et  lattes 
et  chanlatte,  jusques  à  la  perfection  de  ladicle  œuvre,  selon  et  au  désir 


182  LA    CATHEDRALE    DE    NANTES. 

du  presant  deiiys,  sans  toutefois  que  lesdictz  entrepreneurs  soient  subietz 
de  fournir  de  plomb  aux  lieux  et  endroictz  où  il  en  sera  requis  et  où  l'on 
voudra  en  mettre. 

Seront  encor  les  entrepreneurs  tenuz  de  faire  et  fournir  le  paué  requis 
à  ladicte  croisée  de  pierre  de  Rayrie. 

Sera  monstre  ausdictz  entrepreneurs  une  place  pour  faire  uneperriere 
à  tirer  aullant  de  pierre  de  raassonne  qu'il  leur  sera  requis,  pour  le 
bastiinenl  de  ladicte  œuvre,  laquelle  pierre  ils  seront  tenuz  de  tirer  et, 
passé  de  ce,  faire  remplir  ladicte  perriere  à  leurs  frais  et  despens,  sans 
neanmoyns  que  lesdicts  sieurs  desputez  soient  subiecls  eu  aucun  garan- 
taige  ny  obligation  en  façon  quelconque. 

Sera  pareillement  baillé  place  ausdictz  entrepreneurs,  au  port  de 
Richebourg,  près  de  la  riuiere,  pour  mettre  et  placer  leurs  matériaux, 
chau,  sable,  pierre  de  tuffeau  et  autres  matériaux  qui  seront  requis  à 
faire  ladicte  œuvre. 

Et,  d'aultant  qu'il  a  esté  cy-deuant  commandé  de  faire  faire  plusieurs 
desseings  pour  le  bastiment  de  ladicte  église  et  mesme  ung  modèle  en  tuf- 
feau de  tout  ce  qui  semble  estre  requis  de  faire,  tant  pour  ladicte  croisée 
du  grand  corps  de  l'église  qu'en  ceste  du  cœur,  pour  estre  dorenauant 
suiuy  aux  occasions  qui  ont  trauaillé  ausdictz  desseings  et  faict  ledict 
modelle  et  delliurer  lesdicts  dessings,  parce  qu'ils  mettront  et  poseront 
à  leurs  frais  ledict  modelle  au  lieu  qu'il  sera  aduisé  par  ledict  chapitre 
pour  y  estre  conserué. 

Et,  après  la  lecture  duquel  deuis  cy-dessus  a  esté  par  ordonnance  de 
mesdicts  sieurs  publyé  à  baulte  voix  par  Bougiard,  trompette,  si  aucuns 
voudroient  entreprendre  de  faire  ledict  œuvre,  selon  les  articles  cy-dessus. 
Sur  quoy,  a  esté  par  Jacques  Corbineau,  maistre  architecte,  offert  faire 
faire  ladicte  œuvre,  suiuant  ledit  deuis,  p(yir  quarante  huit  mil  liures, 
sans  voûter;  par  Pierre  Parisi,  pour  quatre  mil  liures  moings,  aussy  sans 
y  comprendre  les  voûtes;  par  ledit  Corbineau,  a  esté  mis  mil  liures 
moins;  par  ledict  Parisy,  aussi  mil  liures  moings;  par  ledict  Corbineau, 
a  esté  le  marché  mis  à  quarante  mil  liures;  par  ledict  Parisi,  deux  mil 
liures  moings;  par  Guillaume  Belliard,  à  mil  liures  moings;  par  ledict 
Parisi,  mil  liures  moings;  par  Sébastien  Guesdon,  M'  masson,  à  trante 
cinq  mil  liures;  par  Guillaume  Babinot,  M'  masson,  à  trante  quatre  mil 
liures;  Michel  Poirier,  mil  liures  moings;  Guillaume  Belliard,  mil 
liures  moings;  ledict  Corbineau,  à  trante  mil  liures;  ledict  Parisi, 
à  vingt  neuf  mil  cinq  cens  liures;  Hélye  Brosset,  aussy  sans  com- 
prendre les  dictes  voûtes,  a  minué  à  vingt  neuf  mil  liures;  ledict  Ba- 
binot, à  vingt  huict  mille  cinq  cens  livres  et  par  ledict  Belliard  à  vingt 
huict   mil  liures.  Sur  quoy,  tous   lesdictz    sieurs    s'estant   assemblez   et 


l 


LA    CATHKnilALE    DE    NANTES.  183 

resolleii  qu'il  ne  seroit  faict  qu'un  seul  marché,  tant  pour  ledict  œuvre 
que  pour  les  voûtes,  pour  meilleur  mesnagement  et  déclare  à  uiig  chacun 
qu'ils  eussent  ;i  faire  leurs  offres  ausdictes  conditions  de  faire  les  voûtes 
de  ladicte  croisée  et  que  autrement  elles  ne  seroient  receues.  Ayant  faict 
allumer  la  chandelle,  qui  se  seroit  diuerses  fois  estainle  sans  qu'aucun 
voullust  parler,  et  enfin  après  auoir  longuement  attendu  et  estre  par  ledict 
Belliard  offert  faire  ladicte  œuure,  auec  lesdicles  voûtes,  pour  trante  et 
trois  mil  liures,  et  sur  ce,  ayant  esté  la  chandelle  réallumée,  puis  eslainte 
et  encores  rêallumée,  puis  estainte  et  encore  réallumée,  ledict  Poirier 
auroit  offert  prendre  tout  ledict  marché,  compris  lesdictes  voulles,  à 
trante  deux  mil  liures  et  ung  denier  à  Dieu  de  cent  escus,sur  lequel  offre 
la  chandelle  estant  estainte  et  encor  réallumée  diuerses  fois,  sans  que 
aucun  se  présentas!,  voiant  que  la  plus  grande  part  des  assislans  se  reti- 
roient  à  estre  d'un  commun  aduis,  par  mesdictz  sieurs  les  commissaires, 
le  marché  dudict  œuure  adjugé  à  ladicte  somme  de  trante  deux  mil 
liures  audict  Poirier,  qui  a  déclaré  estre  tant  pour  luy  que  pour  lesdicts 
Corbineau,  iielliard,  Marin  Godenier  et  René  Le  Meusnier,  presanlz,  qui 
ont  ensemblement  accepté  ladicte  déclaration  dudict  Poirier,  tant  pour 
eux  que  pour  Léonard  Malherbe,  auquel  ils  ont  promis  de  faire  ratifier. 
Et  ont  promis  de  faire  bien  et  deuement  et  accomplir  ladicte  œuvre, 
auecq  lesdites  voûtes,  fournir  de  tous  matériaux  et  autres  choses  néces- 
saires, ainsi  qu'il  est  porté  par  ledict  deuis  cy-dessus  et  en  rendre  leur 
renable   dans  d'huy  en  trois   ans  prochains  venans,  moyennant  ladicte 

somme  de  trante  deux  mil  liures Le  vingt  septiesme  jour  de  mars 

mil  sept  cent  trente  et  un. 

Signé  :  Fourché;  Michel  du  Brkil;  Pageost;  Michel  Loriot; 
J,  Blanchard;  M.  Povrier;  Corblveau;  Guillaume 
Belll^rd;  René  Le  MeUxMER  ;  Marin  Gouexier; 
Garxier  et  Dems,  notaires  royaux. 

Pour  copie  certifiée  conforme  par 
t archiviste  soussigné, 

Poirier. 

DOCUMENT    N"   2. 

1631,  22  aoiU.  —  Procès-verbal  de  la  visite  des  voûtes  de  la  cathédrale 
et  renable  rendu  par  les  adjudicataires. 

Deuant  MM.  les  trésoriers  de  France  et  généraux  des  finances  en  Bre- 
taigne,  commissaires  députez  par  le  Roy  et  en  la  présence  de  nobles  et 


184  LA    CATHEDRALE    DE    MAM  TE  S. 

discrets  niissires  Pierre  Coupperie,  coadjuteur  de  l'archidiaconé  de  la 
Mée,  Jan  Giraud  et  Estienne  Bouet,  chanoine  de  l'église  de  Nantes,  des- 
putez  du  chappitre  d'icelle,  monsieur  maître  Jan  Fourché,  conseiller  du 
Roy  et  maître  ordinaire  de  ses  comptes  en  Bretaigne  et  de  nohle  homme 
Guillaume  Blanchard,  sieur  de  la  Chappelle,  aussi  conseiller  de  Sa 
Majesté  et  son  procureur  au  siège  présidial  dudit  Nantes  et  maire  audict 
Nantes,  tous  assemblez  en  l'église  cathédralle  dudict  Nantes,  a  esté 
remontré  par  ■Michel  Poirier,  René  Le  Meunier,  Guillaume  Belliard  et 
Marin  Godonier,  tant  en  leurs  noms  que  pour  Jacques  Corbineau  et 
autres  associez,  tous  M*'  architectes,  leur  ayant  esté  fait  marché  dès  le 
troisiesme  de  nouembre  mil  six  cens  vingt  six,  pour  la  construction  des 
voûtes  de  la  nef  de  ladicle  église  et  arboutans  nécessaires,  accordèrent 
mesmes  de  réparer  toutes  les  chouses  qui  pouroient  estre  endommagées 
durant  ladicle  construction,  ainsi  qu'il  est  contenu  au  marché,  ils  l'au- 
roient  entièrement  acomply  au  mieux  qu'il  leur  a  esté  possible,  y  aiant 
plus  d'un  an  ou  deux  que  les  chouses  sont  parfaites,  ainsy  que  chacun 
sait.  Et  d'autant  qu'ils  sont  obligés  de  rendre  ung  renable  de  tout  ledict 
œuure,  duquel  il  leur  reste  à  paier  encores  quelques  sommes,  dont  ils  ne 
peuvent  rien  loucher,  faire  raporter  le  procès-verbal  dudict  renable,  ce 
qui  les  incommode  fort,  ils  auroient  supplié  mesdicts  sieurs  de  vouloir 
recevoir  icelluy  renable,  qu'ils  entendent  présentement  rendre  et  faire 
visiter  toute  la  besogne  par  eux  faite,  auecq  offre  de  satisfaire  entièrement 
à  ce  qu'ils  sont  obligez;  ce  que  mesdits  sieurs  commissaires  et  desputez 
leur  aiant  acordés  et  pour  y  procéder  faict  apeller  nombre  d'expers 
trouuez  en  ceste  ville,  entre  autres  Helye  Brosset,  François  Richard,  Lau- 
rent Renaudin  et  Jacques  Peandeau,  M««  architectes,  Pierre  Guiot,  M*  plom- 
beur  et  Estienne  Legrand,  M"  couvreur,  ausquels  aians  faict  mettre  et 
déliurer  le  marché  faict  audict  Corbineau  et  faict  faire  le  sermant  de  se 
porter  fidellemenl  à  la  visite  desdictes  voûtes,  arboutans  et  autres  chouses 
contenues  audict  marché,  aians  dépuiez  aucuns  de  mesdicts  sieurs  pour 
se  transporter  et  descendre  aux  cndroitz  plus  imporlans,  assistez  du 
notaire  soubsigné  et  de  ses  expers,  lesdits  Brosset,  Richard,  Renaudin, 
Peandeau,  Guiot  et  Legrand,  aians  ouy  la  lecture  du  contenu  audict 
marché,  qu'ils  auroient  dit  bien  entendre,  auroient  commencé  au-dessus 
desdiles  voûtes  qu'ils  auroient  trouuées  en  bon  estât  et  bien  faict.  El  aians 
veu  et  considéré  le  dessous  d'icelles,  qui  sont  dans  la  nef  de  ladite  église, 
les  arcs  doubleaux  et  diagonaux  et  arachemens  d'icelles  voûtes,  auecq 
leurs  molures  d'architecture,  conduits  unaniment  comme  les  ordres 
antiens,  ensembles  les  clefs  desdites  voûtes  pendantes  enrichies  des 
armes  du  Roy,  ensembles  des  alliances  de  France  auecq  leurs  colliers 
d'ordre,  rinceaux  et  feillages,  pour  simetrier  et  enrichir  lesdites  armes. 


LES    MAITRES    JOUEURS    D'I  M  STRUME  IVS.  185 

le  tout  consistant  en   l'arc  et  ordre  des  voulcs   et  architectures,  lesdits 
expers  ont  trouvé  le  tout  estre  bien  et  deuement  faict. 

Plus,  aiant  veu  les  rampans  et  ornemens  qui  auroient  esté  faict  au  jubé 
dépendant  de  l'architecture,  comme  arquitraves,  frises,  corniche,  auroient 
reco,q[nu  tout  ce  qui  est  des  ornemens  dépendans  dudit  jubé  estre  bien  et 
dûment  racommodés  et  mis  en  estât  par  pièses  detuffeau,  et  en  telle  sorte 
qu'il  ne  reste  rien  à  réparer. 

Faict  le  vingt  deuxiesme  jour  d'aoust  mil  six  cent  trante  ung. 

Signé  :  J.  GmaRn;  P.  Coupperie;  E.  Bouvet;  Jan  Folrché; 
H.  Brosset;  G.  Hiillier;  M.  Poyrier;  E.  Bou- 
chald;  René  Le  Meunier;  F.  Poydras;  Marin 
GoDE\iER  ;  Guillaume  Belliard  ;  Garxier  et  Dems, 
notaires  royaux. 

Pour  copie  certifiée  conforme  par 

l'archiviste  soussigné, 

Poirier. 


VI 


LES  iMAITRES  JOUEURS  D'IMSTRUMENS 

AU  XVII*  SIÈCLE 

tSOCIÉTÉi 

«  Le  vingt-qnatr'  jour  de  décemb  mil  six  cent  cinq"  sept,  en  la 
Cour  du  Roy  noire  sire  à  Tours,  pardevant  nous  notaire  en  icelle 
ont  été  prêsans  de  leur  personne  et  duement  soubmis  les  sieurs 
Estienne  Brunet  l'aisné,  Charles  Deshayes,  Jean  Pottier,  Joseph 
Potlier,  Jean  et  Philippe  Hamelot,  Jean  Petit,  Giraud  Moutlon, 
Estienne  Brunet,  Jean  Pottier,  René  Moreau  et  Jean  Simon. 

'  Acte  du  2V  décembre  1057,  devant  M'  Charles  Duduy,  notaire  ù  Tours.  — 
Étude  de  lU»  G.  Viacent  fils. 


186  LES    MAITRES    .lOLEURS    Dl  N  ST  RU  M  E  M  S. 

«  Tous  m"  joueurs  d'instrumens  demeurant  en  cette  dicte  ville  de 
Tours, entre  lesquels  ont  esté  faictes  les  accords,  conventions,  pro- 
messes et  obligations  quy  en  suivent.  C'est  à  savoir  qu'ils  ont  promis 
et  s'obligent  pendant  et  durant  le  temps  de  quatre  années  à  com- 
mencer lors  etaussy  tost  que  les  partyes  n'auront  plus  d'engagement 
avecques  autres  personnes  leurs  associés  avecque  lesquels  lesd. 
Pottier  et  consorts  doibvent  jouer  durant  quatorze  mois  et  lesdils 
Deshayes,  Hamelot  et  consorts  le  temps  quy  reste  à  expirer  de  leur 
sociellé  reçue  par  nous;  et  lorsqu'ils  seront  ainsy  d'accord,  en 
sera  faict  acte  à  la  suite  des  présentes,  pour  les  quatre  années  de 
la  présente  societté  avoir  cours  du  jour  dud.  acte,  déjouer  conjoinc- 
tement  de  leurs  instrumens,  s'advertir  les  ungs  les  autres  lorsque 
l'un  d'eux  aura  esté  mandé,  pour  les  proffilz  quy  en  proviendront 
estre  entre  eux  partagés  également  tant  des  ballets  que  bals, 
aubades,  serainades,  estrennes,  visites  que  autrement,  mesme  les 
vins  et  marchés  quy  seront  donnés. 

ti  Et  quand  aux  estraines  que  les  mariés  donneront  le  jour  de 
leurs  espousailles  ou  le  lendemain  appartiendront  à  ceux  quy 
aurons  servy  à  lad.  nopce. 

«  Et  ne  délaisseront  les  susdits  de  participer  aux  profStz  encore 
qu'ils  fussent  mallades  ou  indisposez. 

«  Si  par  ung  des  susdits  est  reçu  quelque  proffit  pour  le  service 
qui  aura  esté  rendu,  sera  rapporté. 

«  Et  sy  quelqu'uns  estaient  mandés  et  fissent  service  hors  celle 
dite  ville  et  lauxbourgs,  les  proffilz  qu'ils  en  auront  leur  appar- 
tiendront seuls  sans  estre  tenus  à  aucun  rapport. 

K  Les  susdits  ou  partie  d'eux  allans  à  la  campagne  faire  service, 
les  frais  et  dépenses  qu'ils  feront  mesme  des  instrumens  que  l'on 
fera  porter  seront  commungs  entre  eux,  lorsque  ceux  quy  mèneront 
chevaux  pour  leurs  montures  seront  tenus  de  paier  la  dépense  de 
leursd.  chevaux. 

tt  Ceux  quy  iront  à  la  campagne  à  leurs  affaires  particulières  ou 
pour  servir  n'auront  rien  aux  proffitz  quy  se  feront  pendant  le 
temps  de  leur  absence;  et  estant  de  retour,  le  feront  savoir;  s'ils 
reviennent  le  matin,  ils  participeront  au  proffit  quy  se  fera  le  long 
du  jour;  et  ne  revenans  qu'après  midy,  ils  ne  participerons  qu'au 
proffit  de  l'après  diner  et  du  soir. 

tt  Sy  quelqu'uns  sont  menés  à  la  campagne,  et  que  ceux  quy  les 


LES    MAITRES    JOUEURS    DI\STRLME\S.  187 

aurons  menés  les  ramenassent  en  cette  ville  et  fust  par  eux  fait 
bail,  donné  aubades  ou  serainades  le  mesme  jour  de  leur  retour, 
ils  ne  seront  tenus  de  raporter  aucune  chose  de  leur  proffit  à  la 
communauté. 

«  Et  sy  l'on  est  mandé  pour  aller  jouer  sur  l'eau  ou  dedans  de 
cette  dicte  ville  et  bancslieux,  ceux  quy  servirons  raporteronsàceux 
qui  resterons  en  ville;  et  ceux  quy  resterons  en  ville  raporterons 
leproffit  de  leur  service  à  ceux  quy  aurons  esté  sur  l'eau. 

K  Sy  l'ung  joue  seul  ne  sera  tenu  à  aulcun  raport  ;  et  sy  deux 
ensemblent  jouent  et  servent  et  que  le  mesme  jour  et  le  soir  les 
autres  ou  aulcuns  d'eux  ne  facent  aulcun  service,  le  proffit  que 
lesd.  deux  joueurs  aurons  fait  leur  appartiendra,  et  sy  quelques 
autres  jouent  le  mesme  jour  ou  le  soir,  le  tout  sera  raporté  en 
commung. 

«  Si  l'on  est  mandé  pour  aller  faire  visite,  ou  que  l'on  y  aille  de 
son  propre  mouvement,  le  proftlt  sera  commung  à  tous  les  susd., 
et  sy  iceluy  ou  ceux  quy  aurons  esté  mandé  et  chez  lesquels  le 
messager  se  seroyt  directement  adressé  ne  se  trouvaient  lors  du 
service,  ils  n'aurons  aulcune  chose  au  profBt. 

«  Sy  quelqu'un  des  susd.  est  requis  par  la  compagnie  de  jouer 
et  qu'il  refuse,  il  ne  sera  tenu  pour  peine  que  de  perdre  sa  part  du 
proffit. 

«  Et  si  lesd.  Hamelotz  ou  l'un  d'eux  et  autres  de  la  susdite 
compagnie  allaient  en  foire,  comme  il  leur  est  permis,  lors  de  leur 
absence,  ils  ne  participerons  à  aulcunes  choses,  et  estant  de  retour 
en  advertissant,  ils  participerons  à  ce  quy  se  gagnera  en  après. 

«  Lesd.  Estienne  Brunet  père,  Charles  Deshayes,  Jean  Pottier 
père,  Joseph  Pottier,  Jean  Hamelot,  René  Rigault  et  Jean  Petit 
tiendront  les  dessus. 

«  Et  les  basses  seront  tenus  par  René  Moreau  et  Jean  Simon. 

«  Et  quand  aux  tailles,  elles  seront  tenues  par  Philippe  Hamelot 
et  Estienne  Brunet. 

«  Et  les  véritables  haultes  contre,  par  Jean  et  Jacques  Pottier; 
lesquelles  véritables  haultes  contre,  ils  porterons  et  non  d'autres. 

"  Et  quy  que  ce  soyt  ne  pourra  entrer  en  lad.  troupe  sans  le 
mutuel  consentement  de  tous,  et  nul  ne  pourra  y  estre  admis  que 
pour  tenir  la  basse. 

«  Estant  de  présentement  accordé  que  led.  Jacques  Pottier  ne 


188  LES    MAITRES    JOUEURS    I)  IN  STRUME  M  S. 

participera  aux  proffitz  que  pour  les  deux  tiers  d'un  autre  pour 
quel(]ue  considération. 

«  Et  ne  pourrons  aulcuns  des  susdits  jouer  ny  s'associer  avecque 
d'autres  joueurs  d'instrumans,  sans  l'exprès  voulloir  et  consen- 
tement des  autres  à  peine  de  XXIIII  livres  d'amende,  au  paiement 
de  laquelle  le  contrevenant  sera  contraint  par  la  saisie  de  ses  biens 
meubles  et  immeubles  lors  et  à  l'instant  qu'il  se  trouvera  duement 
convaincu,  l.id.  amende  applicable  pour  ung  tiers  à  l'Hôtel-Dieu, 
l'autre  tiers  à  la  boueste  des  prisonniers,  et  l'autre  tiers  aux  pauvres 
de  la  cbarité  de  cette  ville. 

«Seront  les  susdits  tenus  de  s'assembler  tous  les  dimanches  en 
la  maison  de  l'un  d'eux  à  l'heure  de  six  heures  du  matin  en  esté, 
et  en  yvert  à  huit  heures  pour  faire  le  concert,  à  peine  contre 
chacun  quy  manquera  de  douze  deniers  pour  chacune  fois,  exigible 
et  applicable  comme  cidessus. 

«  Et  s'il  est  recognu  que  quelqu'un  des  susdits  recelle  tout  ou 
partyes  de  ce  qu'il  aura  reçu,  ils  seront  tenus  de  perdre  leur  part 
et  de  donner  en  présence  des  autres  aux  pauvres  pareille  somme 
qu'il  aurons  recellée. 

«  Car  ainsy  le  tout  a  esté  accordé  entre  les  partyes  par  ces  pré- 
sentes, H  l'entretien  desquelles  ils  s'obligent  promettant  et  renon- 
çant dont  est  jugez. 

«  Faict  et  passé  en  l'étude  dud.  notaire,  après  midy. 

"  Présents  :  M.  Antoine  Boutault,  praticien  et  Pierre  Charpentier, 
sieur  de  la  Chouinière,  demeurant  paroisse  de  S"  Croix. 

«  Donné  avis  du  scel  royal  i' . 

Suivent  les  signatures  de  : 

a  Deshayes,  Pottier,  J.  Pottier,  J.  Hamelot,  p.  Hamelot, 
Petit,  J.  Simon,  Etienne  Brunet,  Jean  Pottier,  Brunet,  Mouton, 
René  Moreau,  Charpentier,  Boutault  et  Du  Puy,  n"  royal.  ^ 

9  janvier  1658. 

Et  le  neuvième  jour  de  janvier  mil  six  cent  cinq*°  huit,  pardevant 
led.  notaire,  les  associés  ont  déclaré  et  fait  constater  qu'ils  avaient 
rompu  leurs  précédentes  autres  sociéttés  et  commençaient  la  société 
ci-dessus  du  24-  décembre  1657,  en  présence  d'Estienne  Hadou  et 
de  Francoys  Granier,  praticiens. 

Et  ont  signé  avec  le  notaire. 


LES    MAITRES    J  0  L  E  U  R  S    a  I IV  ST  R  L  M  E  X  S  .  180 

2  décembre  1658. 

Enfin,  par  acte  devant  Du  Puy,  notaire,  du  deux  décembre  mil 
six  cent  cinq"  huit,  Jean  Hamelot,  Jean  et  Joseph  Potlier,  Jean 
Petit,  Philippe  Hamelot,  Jean  Simon,  Estienne  lUunet,  tous  joueurs 
d'instrumens,  déclarent  accepter  Alartin  et  Pierre  Berlault,  aussi 
joueurs  d'instrumens  en  cette  ville,  pour  jouer  de  leurs  instrumens 
et  jouer  du  basson  pendant  le  temps  qui  reste  à  expirer  de  lad. 
société,  en  présence  du  sieur  Ruer  et  de  Julien  Leconte,  prati- 
ciens en  cette  ville. 

Suivent  les  signatures  :  Pottier,  J.  Pottier,  J.  Petit,  M.  Ber- 
TAULT,  J.  A.MELOT,  P.  Bertault,  J.  SiMox,  P.  Hamelot,  Esticune 
Brunet,  Ruer  et  Lecoxte,  Du  Puy,  n". 

Tours,  10  janvier  1898. 

La  lecture  de  ces  actes  de  société  montre  que  ces  maîtres  joueurs 
d'instrumens  savaient  parfaitement  discuter  et  préciser  tous  les 
cas  possibles  de  leur  association  assistés  de  conseils,  et  ne  point 
oublier  les  intérêts  pécuniaires.  Ils  pensaient  aussi  aux  pauvres  et 
aux  prisonniers. 

Ils  se  rendaient  à  tous  les  désirs  des  aimables  sociétés  de  l'époque; 
ils  allaient  en  ville  et  à  la  campagne  et  sur  l'eau,  comme  à  Venise, 
et  prêtaient  volontiers  les  accords  de  leurs  instruments  variés  aux 
ballets,  bals,  aubades,  sérénades,  étrennes  et  visites,  aux  noces  et 
festins.  De  sorte  que  nobles,  bourgeois  et  vilains  s'amusaient  alors 
comme  aujourd'hui  en  notre  temps  moderne,  fin  de  siècle,  et  aux 
sons  harmonieux  des  maîtres  compositeurs  de  l'époque,  sans  doute 
de  Michel  Lambert,  musicien,  né  en  Touraine,  très  connu  à  l'époque, 
ou  peut-être  du  célèbre  Lulli  devenu  le  gendre  de  Michel  Lambert, 
quoique  bien  jeune  alors,  et  qui  fit  la  musique  des  ballets  et  inter- 
mèdes qu'on  jouait  à  la  cour  du  grand  Roy  Soleil  Louis  XIV. 

Ad.    VlNCEXT, 

Notaire   honoraire,   membre   de   la  Société 
archéologique  de  Touraine,  à  Tours. 


190  LES     «    OLATRE    SAISONS    »    DE    SAUVAGE 


VII 

LES 
«QUATRE  SAISONS»   DE  SAUVAGE 

La  laiterie  de  la  Reine  à  Rambouillet  possédait  en  1786  la 
Nynqjhe  à  la  chèvre  de  Julien;  elle  possède  encore  la  Suzanne  de 
Beauvallet.  La  Nymphe  à  la  chèvre  et  la  chaste  Suzanne  ont  fait 
l'objet  des  deux  études  que  nous  avons  lues  en  1897  à  la  réunion 
du  Congrès  des  Beaux-Arts.  Mais  en  même  temps  qu'en  1786 
M.  d'Angiviler  commandait  à  Julien  sa  Nymphe  à  la  chèvi'e,  il  enga- 
geait le  peintre  Sauvage  pour  l'exécution  de  grisailles  dans  un  petit 
pavillon  dépendant  de  la  Laiterie. 

Le  peintre  Sauvage  (Piat-Joseph),  né  à  Tournai  en  1747  et  par 
conséquent  alors  âgé  de  trente-neul  ans,  quand  il  vint  à  Rambouillet, 
avait  d'abord  été  ouvrier  vitrier,  comme  son  père,  puis  il  avait  suivi 
des  cours  à  l'Ecole  de  dessin  de  Tournai  '  ;  il  termina  son  éducation 
artistique  à  Anvers,  dans  l'atelier  de  Martin-Joseph  Geerants. 

Sauvage  se  rendit  ensuite  à  Paris;  en  1781,  il  exposait  pour 
la  première  fois  à  l'Exposition  de  peinture,  et,  en  1783,11  était 
admis  à  l'Académie  royale. 

Dans  une  lettre  sur  le  Salon  de  1781,  du  25  août,  Bachaumont 
rend  justice  à  Sauvage,  nouvel  agréé,  sur  l'illusion  que  causaient 
ses  bas-reliels  exposés  à  ce  Salon. 

En  1783,  le  même  critique  s'exprimait  ainsi  à  deux  reprises  sur 
le  talent  de  l'auteur  belge  : 

«Je vous  ai  entretenu  plusieurs  fois  deM.  Sauvage,  cet  enchanteur 
animant  la  matière  morte  et  donnant  un  relief  trompeur  aux 
surfaces  les  plus  planes.  » 

Le  23  septembre,  il  ajoutait:  «M.  Sauvage  a  trompé  par  des 
camées  à  gouache  représentant  des  fêtes  à  Gérés  et  à  Bacchus, 

'Bellier  de  la  Chavigxerie,  Dictionnaire  des  artistes. 


LES    »    QUATRE    SAISOXS   »     DE    SAUVAGE.  191 

imilant  tellement  le  relief  que  le  spectateur  était  obligé  d'y  porter 
la  main  '.  ^ 

L'œuvre  de  Sauvage  au  Salon  de  1783  qui  excitait  ainsi  l'admi- 
ration de  Bachaumonl  était  : 

Lne  table  garnie  d'un  tapis  de  Turquie  sur  lequel  est  placé 
V Enfant  à  laçage  i\e  Pigalle,  un  casque,  le  vase  de  Médicis  en 
bronze,  au  bas  un  bouclier  et  d'autres  objets. 

Grimm,  de  son  côté,  critique  ce  morceau.  «  Ce  tableau,  dit-il,  est 
composé  d'une  manière  large,  et  il  a  beaucoup  de  vérité.  On  lui 
a  reproché  cependant  une  lumière  trop  égale  sur  tous  les  objets. 
Cet  artiste  ne  varie  point  assez  ses  sujets.  Tous  ses  autres  ouvrages 
sont  des  bas-reliefs  d'enfants  imitant  le  bronze  ou  le  marbre...  On 
observe  encore  que  ses  bas-reliefs  imitent  plutôt  le  plâtre  bronzé 
que  le  bronze  même,  et  Ton  pense  que  le  contraire  serait 
mieux.  " 

En  1785,  Sauvage  expose  :  deux  bas-reliefs  imitant  le  bronze: 
des  enfants  jouant  avec  un  lion  ;  des  bas-reliefs  imitant  le  vieux 
marbre  :  sept  enfants  préparant  un  sacrifice. 

En  même  temps  le  peintre  de  Tournai  exécutait  dix  dessus  de 
porte  au  château  de  Compiègne. 

Grimm,  en  1785,  accentue  sa  note  de  reproche  de  1783  : 

«  Les  bas-reliefs  imitant  le  bronze,  dit-il,  ou  la  terre  cuite,  exposés 
cette  année  par  M.  Sauvage,  soutiennent  la  réputation  qu'il  s'est 
acquise  dans  ce  genre,  mais  ne  l'augmentent  point.  Il  est  un  mérite 
d'imitation  auquel  on  n'est  pas  plus  accoutumé  qu'on  y  attache 
assez  peu  de  prix.  » 

Sauvage  était  devenu  le  premier  peintre  de  S.  A.  Monseigneur 
le  prince  de  Condé. 

Sa  réputation  était  alors  à  son  apogée  ;  c'est  sans  doute  à  ce 
titre  que  M.  d'Angiviler  jeta  les  yeux  sur  lui  et  lui  confia  le  soin 
d'exécuter  les  Quatre  Saisons  pour  la  Laiterie  de  Rambouillet. 

Cl  Aux  côtés  de  la  grille  d'entrée  de  la  Laiterie,  dit  l'auteur  de 
l'Almanach  de  1791  du  département  de  Seine-et-Oise,  il  y  a  deux 
tourelles;  dans  celle  qui  est  à  gauche,  se  voit  un  salon  d'assemblée 
dans  lequel  on  a  peint  des  bas-reliefs  qui  sont  d'une  illusion  si 


'  Bachalmont,  t.  XXIV,  p.  35,  lettre  du  23  septembre  1783,  lettre  du  25  août 
1781. 


192  LES     «    QUATRE    SAISONS    "    DE    SAUVAGE. 

complèle  que  le  toucher  seul  peut  rectifier  le  sens  de  Ja  vue  el 
donner  la  conviction  que  ces  objets  sont  peints',  v 

A  gauche  en  entrant,  le  peintre  a  représenté  l'Hiver  :  des  enfants 
se  chauffent  à  un  brasier,  tendant  les  mains  vers  la  flamme;  d'autres 
enfants  nus  apportent  du  bois  pour  alimenter  le  feu  ;  d'autres  sont 
montés  sur  un  arbre  pour  couper  des  branches. 

Au  fond,  toujours  à  gauche,  c'est  le  Printemps  ;  ce  sont  toujours 
des  enfants,  avec  des  couronnes,  des  vases  de  fleurs;  un  Amour 
plane  au-dessus  de  la  scène  avec  des  couronnes;  deux  enfants 
exécutent  une  danse,  deux  autres  s'entourent  la  taille. 

A  droite  en  entrant,  vous  avez  l'Automne  ;  c'est  la  saison  des 
vendanges;  un  enfant  est  assis  sur  un  bouc  qui  semble  émerger  du 
tableau  et  est  merveilleusement  mis  en  relief;  un  autre  enfant  boit 
dans  une  urne  :  une  amphore  est  à  côté  de  lui*. 

Le  dernier  tableau  donne  l'illusion  de  l'Elé  ;  c'est  le  tableau  qui 
est  dessiné  au  fond,  à  droite  ;  des  enfants  emportent  des  gerbes  de 
blé  dans  leurs  bras,  d'autres  coupent  le  blé  avec  la  faucille;  un 
enfant  dort;  deux  autres  le  préservent  des  rayons  du  soleil. 

Ces  compositions  sont  Ibrt  gracieuses  et  bien  conservées. 

Elles  furent  exécutées  en  1786  ou  1787.  An  Salon  de  1787, 
Sauvage  exposait  des  camées,  mais  il  trouvait  de  moins  en  moins 
grâce  devant  Grimni,  qui  écrivait  en  novembre  : 

ttll  y  a  dans  la  plupart  des  petits  camées  de  M.  Sauvage  de  la 
grâce  et  de  la  facilité,  mais  on  y  remarque  plus  de  pratique  que  de 
vrai  talent.  Ses  bas-reliefs  imitant  le  bronze,  la  terre  cuite,  le  stuc, 
ont  fait,  en  général,  cette  année,  assez  peu  de  sensation;  c'est  une 
sorte  de  magie  dont  l'illusion  n'est  pas  longue.  " 

En  1786,  les  bas-reliefs  de  Sauvage  avaient  donc  tout  au  moins 
l'attrait  de  la  nouveauté,  à  défaut  de  qualités  (|ue  les  uns  trouvaient 
très  grandes  et  où  les  autres  découvraient  surtout  du  procédé. 

Sauvage  ne  persista  pas  moins  à  exposer  jusqu'en  1810,  toujours 
dans  le  même  genre. 

En  1795,  il  expose  deux  tableaux  imitant  des  bas-reliefs  en 
bronze^. 

*  Almanach  de  Seine-et-Oise  de  1791. 
^  Voir,  ci-contre,  planche  V, 

^  Salon  du  dix-huitième  siècle,  rcimpressioa  de  Guiffrey,  t.  XIII,  p.  439; 
t.  XIV,  p.  273;  t.  XV,  p.  162. 


i2         s-        J 

^   -a    i 

O      J     =: 


P.EUUK    DUPUIS.  l.)3 

Sos  grisailles  sont  très  nombreuses;  les  AJusées  de  Aloulpellier, 
dOrléaiis,  »lt  Lille,  de  Aloiilauhan  en  possèdent. 
Ses  œuvres  les  plus  remarquables  sont  : 
La  Mort  de  Gcrmanicus; 
Les  Sept  Sacrements^  d'après  Poussin; 
Le  Sommeil  tV Emhjmion; 
Son  portrait  j)ar  lui-même,  à  Tournai. 
Sauvage  mourut  dans  sa  ville  natale,  le  10  juin  1818. 

LORl.V, 

Secrétaire  général  de  la  Société  arctiéo- 
logique  à  Rambouillet. 


VIII 

PIERRE  DUPLIS 

PEINTRE     DE    MOMTFORT 

Les  documents  n'abondent  pas  sur  Pierre  Dupuis;  mais  si  aucune 
œuvre  n'a  survécu  de  ce  peintre  qui  ne  fut  pas  sans  valeur,  au  moins 
ses  traits  ont  été  transmis  à  la  postérité  grâce  à  Mignard  d'Avi- 
gnon et  à  un  autre  peintre,  qui  l'un  et  l'autre  firent  son  portrait. 

Xous  connaissons  le  portrait  de  Mignard  par  la  gravure  d'Antoine 
Masson,  et  nous  avons  une  pliolograpbie  d'un  autre  portrait  qui  se 
trouve  aujourd'hui  à  Londres  :  ce  portrait  serait  attribué  à  Jacob 
Van  Loo  de  Sluys. 

Le  portrait  de  Dupuis  gravé  par  Antoine  Masson  porte  la  date  de 
16G3  ;  il  est  e.ilouré  de  cette  inscription  :  «  Petrus  Dupuis  Montfor- 
tensis pictor  regius  Academicus  ^ ^  et  au  bas  du  portrait  est  tracée 
cette  autre  inscription  : 

Je  peins  et  je  suis  peint  par  mes  meilleurs  amis. 
Xous  avons  en  cecy  tous  trois  même  avantage, 
Car  si  pour  m'obliger,  ils  n'y  ont  rien  obmis, 
L'honneur  (jui  est  sans  prix  est  lé  prix  de  l'ouvragG. 

13 


194  PIERRE    DL'PLIS. 

Cette  derniôre  inscription  indique  donc  bien  que  le  portrait  de 
Pierre  Dupuis  a  été  exécuté  par  deux  de  ses  amis. 

Enfin,  une  troisième  inscription  placée  sur  la  gravure  nous 
donne  le  nom  de  son  auteur  et  le  nom  du  peintre  d'après  lequel 
elle  est  faite  : 

N .  Migna7-d Avenionensis  pinxit .  Ant.  Masson  sculpebat.l66S. 

Nicolas  Mignard  s'appelait  Mignard  d'Avignon,  parce  que,  après 
avoir  étudié  la  peinture  à  Rome,  il  viut  s'installer  à  Avignon,  où 
Louis  XIV  le  rencontra,  quand  il  alla  épouser  l'infante  d'Espagne 
et  lui  commanda  son  portrait;  en  1660,  Mignard  venait  à  Paris; 
en  1663,  il  était  nommé  membre  de  l'Académie  de  peinture  et 
professeur  en  1664. 

Le  portrait  de  Dupuis  fait  par  lui  est  cité  comme  un  de  ses  meil- 
leurs avec  les  portraits  du  duc  d'Harcourt,  de  Brisacier  et  de  la 
Tour  d'Auvergne. 

Tous  ces  portraits  furent  gravés  par  Antoine  Masson,  graveur 
beaucoup  plus  jeune  que  Mignard  et  Dupuis,  et  ils  sont  regardés 
comme  des  chefs-d'œuvre. 

Pierre  Dupuis  naquit  à  Montfort-l'Amaury,  le  3  mars  1610  :  son 
acte  de  naissance  est  ainsi  conçu  : 

a  Du  il'  mars  audit  an  fut  baptizé  Pierre  filz  de  Michel  Dupuys 
et  de  Vzabel  sa  ï\  Le  parain  Charles  filz  de  honorable  ho"  Estienne 
Ysabel  eslu  pour  le  Roy;  la  mareinne  Denize  Toutain,  veuve  de 
feu  Pierre  Dupuys'.  n 

Le  père  de  Pierre  était  marchand  à  Montfort;  sa  mère,  âgée  de 
vingt-trois  ans,  quand  elle  le  mit  au  monde,  appartenait  aussi  à  une 
famille  montfortoise,  ainsi  quecela  résulte  de  son  extrait  baptistaire  : 

aDu  lundy  seizième  février  audit  an  (1587)  fut  baptisée  Simonne 
Ysabel,  Bile  de  Grégoire  Ysabel  apothicaire  et  de  Madeleine  Canée, 
sa  femme « 

Les  époux  Dupuis-Ysabel  eurent  de  leur  mariage  quatre  autres 
enfants  : 

Mathieu,  qui  embrassa  la  profession  de  chirurgien;  deux  filles, 
Marie  et  Elisabeth,  et  ungarçon,  nommé  Michel,  qui  naquit  le  2  mai 
1620  \ 


'  État  civil  de  Monlfort-l'Amaury. 
s  Ibid. 


PIERRE    DU  PLI  s.  195 

En  1635  et  1636,  Michel  Dupuis  est  le  quatrième  marguillier 
de  l'église  de  .Monllort. 

iXousne  savons  rien  de  l'enfance  de  Pierre  Dupuis,  qui  se  destina 
à  la  peinture;  on  peut  supposer  qu'il  se  rendit  à  Rome  pour  se 
perfectionner  dans  son  art  entre  1630  et  1640,  et  qu'il  connut  là 
Pierre  Mignard,  qui  était  de  deux  années  plus  jeune  que  lui. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'année  même  où  son  portrait  est  gravé  par 
Antoine  Wasson  et  où  Pierre  Mignard  est  lui-même  reçu,  nous  le 
voyons  nommé  académicien. 

En  effet,  nous  lisons  sur  les  procès-verbaux  de  l'Académie  royale 
de  peinture  et  sculpture,  séance  du  2  juin  1663  : 

"  Le  sieur  Pierre  Dupuy,  peintre,  ayant  présenté  des  tableaux  de 
fruits  de  son  ouvrage,  a  été  resçue  dans  l'Académie  dont  il  a  preste 
le  sertnen  en  la  manière  accoutumée'.  » 

Le  nom  de  Pierre  Dupuis  figure  aux  séances  de  l'Académie  des 
7  juillet,  7  août,  11  août  1663,  puis  n'y  est  plus  mentionné  les 
années  suivantes. 

Dupuis  était  surtout  un  peintre  de  fleurs  et  de  fruits.  Nous  le 
retrouvons  sur  le  livret  de  l'Exposition  de  peinture,  faite  en  1673, 
dans  la  cour  du  Palais-Royal;  ce  livret  porte  : 

Il  De  M.  Dupuy,  un  grand  tableau  qui  représente  un  tapis  et  un 
singe.  « 

M.  deWontaiglon,  quia  fait  réimprimer  ce  livret,  ajoute  au  texte  : 

«P Le  dessin  sur  parchemin  (du  portrait  gravé  par  Antoine 

Masson  de  Pierre  Dupuis)  existe  en  notre  Musée  de  dessins.  Ce 
même  portrait  a  été  gravé  en  manière  noire  par  Pierre-François 
Dupuis,  fils  de  Pierre,  qui  sur  la  planche  prend  le  titre  de  Minonta.  « 

Xous  perdons  de  vue  Pierre  Dupuis  à  Paris,  mais  nous  le  retrou- 
vons à  Montfort,  dans  les  années  qui  suivent. 

Son  père  est  mort  vers  1676,  et  sa  succession  est  partagée  entre 
ses  héritiers;  Pierre  Dupuis  se  rend  à  Montfort. 

«L'an  1676,  le30octol)re,  furent  présens  Pierre  du  Puys,  peintre 
du  Roi  en  son  Académie  royale,'  demeurant  à  Paris,  rue  des  Petits- 
Champs,  paroisse  Saint-Honoré,  étant  de  ce  jour  à  Montfort, 
Mathieu  du  Puys,  chirurgien  ordinaire  du  roi,  demeurant  audit 
Montfort;  Marie  et  Elisabeth  Dupuys  filles  majeures,  tous  héritiers, 

'  Tome  pf  des  Procès-verbaux,  par  Anatole  de  Montaiglon. 


196  PIERRE    DU  PLI  S. 

chacun  pour  un  quntrième  do  défunts  \Iicliel  Dupuys  et  Simonne 
Vsabel,  leurs  père  et  mère,  lesquels  pour  parvenir  au  parta^je  de 
ladite  succession  ont  fait  état  des  biens  et  chargé  Claude  Lanquest, 
Nicolas  Quesnay  et  Guyon  Barat,  bourgeois  de  cette  ville,  pour  en 
faire  l'eslimation.  ■» 

Il  résulte  de  cet  acte  reçu  par  le  notaire  de  Montfort,  qu'en 
1676  tous  les  enfants  de  Michel  Dupuis  moins  un  existaient  encore. 

Le  notaire  partage  les  biens  entre  Pierre  Dupuis  et  ses  frère  et 
sœurs. 

Mathieu  Dupuis',  qui  était  devenu  chirurgien  de  la  personne 
du  roi  et  héraut  d'armes  de  France,  se  relira  à  Alontfort. 

Pierre  Dupuis   le  peintre  mourut  à  Paris,  le  18  février  1682-. 

Ses  deux  sœurs,  Marthe  et  Elisabeth,  lui  survécurent.  Dans  son 
testament  du  9  juin  1703,  Elisabeth,  qui  ne  s'était  pas  mariée,  fait 
un  certain  nombre  de  legs,  parmi  lesquels  figurent  des  tableaux. 

Xous  ne   savons   rien   du   mariage   de  Pierre  Dupuis,  mais  il- 
résulte  de  la  combinaison  de  diverses  pièces,  notamment  du  testa- 
ment  de  Alarie-Marthe  Dupuis,    qu'il   avait   eu  au  moins   deux 
enfants  :  Marthe  Dupuis  et  un  fils  qui  entra  chez  les  Cordeliers. 

En  effet,  dans  le  testament  de  jMarie-Marthe  Dupuis  du  25  dé- 
cembre  1709  déposé  le  8  juillet  1721,  il  est  fait  mention  d'un 
frère  qu'elle  avait  chez  les  Cordeliers. 

Marthe-Marie  légua  le  portrait  de  son  père  par  Mignard  à  l'Aca- 
démie royale  de  peinture^. 

Ces  notes  sur  Pierre  Dupuis  sont  bien  sommaires  et  un  peu 
rudes,  mais  nous  avons  pensé  qu'il  y  avait  intérêt  à  fournir  quelques 
renseignements  sur  ce  peintre,  qui  se  rattache  par  sa  naissance  à 
notre  région. 

LORIN, 

Secrétaire  général  de  la  Société  archéo- 
logique à  Rambouillet. 

'  Le  père  du  célèbre  économiste. 

-  Bellier  de  la  Chavignerie,  Dictionnaire  des  artistes. 

•*  Tabellionnë  de  Montfort.  Renseignements  de  M.  le  comte  de  Dion. 


LA    CERAMIQUE    A    BOISSETTES.  197 


IX 

LA  CÉRAMIQUE  A  BOISSETTES 

(SEINE-ET-MARNE) 

1732-1781 

Sur  le  bord  de  la  Seine,  à  moins  de  4  kilomètres  au-dessous  de 
Melun,  se  trouve  Boissettes,  un  tout  petit  village,  peuplé  d'environ 
cent  habitants.  Sa  situation  est  charmante,  sur  la  pente  d'un  coteau 
insensible,  protégée  des  vents  du  nord  par  les  bois  de  Boissise, 
bordée  vers  le  midi  par  des  prairies  arrosées  par  la  Seine.  Au  delà 
du  fleuve,  les  coteaux  de  Farcy,  des  Vives-Eaux  et  de  Vosves, 
couverts  de  cultures  et  de  beaux  parcs,  forment  un  décor  qu'on  ne 
se  lasse  d'admirer. 

De  longue  date,  des  bourgeois  de  Melun  et  de  Paris,  séduits  par 
le  site,  y  ont  possédé  des  maisons  de  campagne,  modestes  dans 
l'origine,  de  petits  châteaux  maintenant. 

En  1721,  un  sieur  Thomas  Desrues  de  Boudreville,  qualifié 
bourgeois  de  Paris,  mourait  en  sa  maison  de  Boissettes.  Il  laissait 
trois  enfants.  L'aîné  était  dans  les  ordres,  diacre,  licencié  de  Sor- 
bonne;  un  autre,  Jacques-Thomas,  âgé  de  vingt-quatre  ans,  n'était 
pas  fixé  dans  sa  vocation;  une  jeune  fille  était  encore  mineure. 

Jacques-Thomas,  qui  eut  dans  son  lot  la  maison  de  Boissettes, 
resta  dans  le  pays,  et  se  mit  en  tète,  lui  oisif,  de  briguer  des 
honneurs.  A  son  instigation,  le  Roi,  par  édit  du  mois  d'août  1722, 
crée  l'office  de  syndic  de  la  paroisse  de  Boissettes,  qu'il  achète  à 
beaux  deniers  comptants,  au  prix  de  255  livres'.  Ce  n'était  pas 
payer  trop  cher  les  honneurs  et  prérogatives  attachés  à  ce  titre.  Un 
syndic  de  village  marchait  immédiatement  après  le  seigneur  dans 
les  processions;   peut-être,  aussi,  partageait-il   avec  lui   l'encens 

'  Archives  de  la  préfecUire,  Re;]istre  des  Causes  du  Roy.  C.  87,  f^  42. 


198  LA    CERAMIQUE    A   JJOISSETTES. 

prodigué  par  le  curé.  Il  avait  son  banc  au  chœur  de  l'église,  et 
jouissait  d'autres  droits  réputés  superbes  à  l'époque  '. 

Mais  ces  fonctions  étaient  peu  absorbantes  pour  l'activité  d'un 
jeune  homme  de  vingt-quatre  -ans;  on  ne  peut  pas  toujours  pro- 
cessionner  ni  trôner  au  chœur.  Jacques-Thomas  Desrues,  époux 
(le  Charlolte-Éléonore  Rognon,  qui  était  fille  du  directeur  de  la 
manufacture  de  AIontereau-faut-Yonne,  rêva  d'industrie. 

A  \Ielun,  dans  la  rue  de  la  Pescherie,  aujourd'hui  des  Potiers, 
existaient  deux  ou  trois  fabriques  de  poterie  commune,  grossière 
d'exécution,  dont  les  produits,  vendus  à  bas  prix,  trouvaient  leur 
écoulement  dans  la  ville  et  dans  les  villages  limitrophes.  L'expor- 
tation de  celte  fabrication,  donnant  du  travail  à  un  petit  nombre 
d'ouvriers,  ne  dépassait  pas  ces  limites.  Esprit  observateur  et  entre- 
prenant, Desrues  y  trouva  l'inspiration  d'une  fabrication  analogue, 
perfectionnée,  à  créer  dans  sa  maison  de  Boissettes.  Des  gisements 
argilo-calcaires  et  des  couches  de  sable  de  formation  marine, 
existant  dans  le  pays,  lui  parurent  des  matériaux  utilisables  pour 
^les  poteries  de  bonne  qualité. 

Modeste  bourgeois,  cadet  d'une  famille  peu  fortunée,  les  fonds 
de  premier  établissement  lui  manquaient.  11  recourut  à  l'association 
des  époux  Joly,  domiciliés  à  Paris.  D'après  un  traité  passé  devant 
Hargenvilliers,  notaire  en  cette  ville,  le  14  janvier  1732,  Desrues, 
en  compensation  de  l'apport  de  ses  procédés,  recevait  de  ses  asso- 
ciés 10,000  livres,  pour  les  bâtiments,  moulins,  outils  et  ustensiles 
qui  lui  étaient  nécessaires,  plus  3,000  livres  destinées  à  l'achat  de 
matières  premières.  Le  traité  était  conclu  pour  neuf  ou  douze  ans. 
De  nos  jours,  rien  ne  s'opposerait  à  une  exploitation  immédiate. 
Sous  l'ancien  régime,  en  vertu  des  lois  et  règlements  sur  les  arts 
et  manufactures,  édictés  sous  le  ministère  de  Colbert,  la  sanction 
royale  était  indispensable.  Il  s'agissait  de  créer  un  monopole,  et 
d'interdire  à  des  concurrents  semblable  fabrication  dans  un  rayon 
déterminé  autour  de  Boissettes.  Nous  n'avons  pas  à  rechercher  si  ce 
monopole,  entrave  de  la  liberté  commerciale,  tournait  à  l'avan- 
tage de  l'intérêt  public. 

'Le  17  juin  1736,  en  vertu  d'un  contrat  devant  Besnard,  notaire  à  Alelun, 
Desrues,  »  maître  de  la  niamifaclure  de  fayence  » ,  obtient  du  curé  et  des  lial)i- 
tants  de  Boissettes  la  concession  de  la  jouissance  de  la  chapelle  Saint-François, 
dans  Tégiise,  moyennant  116  sols. 


LA    CERAMIQUE    A    BOISSETTES.  ]90 

Dans  lin  placot  présenté  au  Roi  en  son  conseil,  Desrijes  exposait  : 

..  Qu'ayant  trouvé  aux  environs  du  village  de  lîoissettes,  près  de 
:<■  la  ville  de  Melun,  des  terres  très  propres  pour  la  fabrication  de 
>'  fayence,  dont  il  a  fait  différents  essays  qui  en  ont  produit  d'aussi 
u  belle  que  celle  qui  se  fait  à  Rouen  et  à  Lille,  il  aurait  formé  le  des- 
«  sein  d'en  établir  une  manufacture  dans  le  village  de  Boissettes.  » 

Il  insistait  sur  l'avantage  (jui  résulterait  pour  Paris,  où  en  toute 
saison,  au  moyen  de  la  navigation  de  là  Seine,  la  faïence  de  Bois- 
settes pourrait  être  transportée.  Il  réclamait  un  privilège  exclusif 
du  droit  de  fabrication  dans  la  localité  ;  l'exemption  des  tailles  pour 
ses  ouvriers  et  pour  lui  ;  la  faculté  d'obtenir,  île  la  gabelle  de  Paris, 
du  sel  de  morue  pour  la  composition  des  émaux;  enfin  le  titre  de 
manufacture  royale  '. 

Desrues  ne  s'illusionnait-il  pas  en  affirmant  que  ses  produits, 
non  encore  jugés  par  la  durée  de  l'expérience,  valaient  ceux  de 
Rouen  et  de  Lille?  Plus  juste  eût  été  de  dire  qu'il  en  essayerait 
l'imitation  et  s'inspirerait  de  leur  mode  de  fabrication.  Alais  il  était 
de  règle,  à  l'époque,  que  les  requêtes  pour  l'obtention  de  faveurs, 
de  concessions,  de  grâces,  ou  remises  de  dettes  et  d'impôts,  exagé- 
rassent en  bien  ou  en  mal  les  faits  qui  s'y  trouvaient  énoncés. 

A  la  date  du  l*"""  décemlire  1733,  le  Conseil  d'Etat  du  Roy,  où 
siégeaient  d'Aguesseau ,  Ciiauvelin ,  de  Harlay,  statuait  sur  la 
demande  du  futur  manufacturier  de  Boissettes,  et  lui  accordait 
tous  les  privilèges  qu'il  avait  réclamés,  en  y  ajoutant  l'obligation 
de  mettre  la  manufacture  en  état  de  travailler  dans  un  délai  d'un 
an,  sous  peine  de  nullité  de  l'arrêt. 

Dès  février  1732,  Desrues  avait  acbelé  du  curé  et  des  habitants 
de  Boissettes  un  pré  de  30  perches,  au-dessous  du  jardin  de  sa 
maison,  proche  le  puits  commun  de  la  paroisse,  en  la  rue  condui- 
sant à  la  rivière-.  C'est  là  qu'il  établit  sa  manufacture,  dont  la  con- 
struction était  en  cours  au  mois  de  septembre  de  la  même  année  \ 

Devançant  l'arrêt  du  conseil,  rendu  le  l"  décembre  1733,  Des- 
rues, dans  les  actes  qu'il  signe  en  1732,  prend  le  titre  de  «  maître 
«  de  la  faïencerie  royale  établie  à  Boissettes  ».  Parfois,  la  qualifi- 

'  Archives  nationales.  F"  1100,  n"  10. 

*  Contrat  devant  Godin,  notaire  à  Melun,  du  2  février  1732. 
'  Procès-verbal  d'arpentage  du  9  septembre  1732.  —  Registre  conservé  à  la 
mairie  de  Boissettes. 


»()() 


LA    C  l';  R  A  M  I  Q  U  E    A    B  0  1  S  S  K  T  T  E  S . 


cation  modeste  de  fayencerie  se  transforme  en  rappellation  plus 
pompeuse  de  manufacture.  Tantôt  Desrues  est  un  bourgeois  de 
Paris  résidant  en  sa  maison  de  campagne,  tant(M  il  est  directeur  de 
la  manufacture  royale. 

C'est  avec  ce  dernier  litre  qu'il  assiste  à  l'inhumation  du  sei- 
gneur du  village,  le  17  novembre  1733,  ou  qu'il  signe  les  actes  de 
baptême  des  enfants,  assez  nombreux,  qui  naquirent  de  son  union 
avec  Charlotte-Eléonore  Rognon  '. 

Le  13  août  1733,  avant  l'octroi  du  privilège  royal,  le  four  de  la 
faïencerie  est  chauffé  pour  la  première  fois.  C'est  au  curé  du  vil- 
lage que  Desrues  accorde  l'honneur  d'allumer  le  feu,  cérémonie 
accompagnée  d'une  bénédiction  solennelle,  avec  les  chants  et  orai- 
sons d'usage,  et  de  la  consécration  de  la  manufacture  à  saint 
Antome  de  Padoue.  Le  curé  consigne  sur  les  registres  paroissiaux 
le  récit  détaillé  de  la  journée  -. 

La  fabrique  fonctionne,  mais  elle  est  peu  importante,  peu 
d'ouvriers  y  sont  occupés,  son  essor  est  restreint,  ses  affaires  lan- 
guissantes. L'association  contractée  avec  les  époux  Joly  est  dis- 
soute en  1736,  cinq  ans  avant  la  date  fixée  par  le  traité.  Desrues 
est  constitué  débiteur  envers  eux  d'une  somme  de  14,000  livres  ^ 
Des  bruits  défavorables  circulent  sur  sa  solvabilité.  En  juillet  1737, 
il  cite  devant  la  Prévôté  seigneuriale  un  habitant  qui  l'a  diffamé, 
en  prétendant  qu'il  ne  payait  personne,  qu'il  faisait  du  tort  à  tous 
ses  domestiques  et  à  ses  ouvriers  *. 

Desrues  supporte  difficilement  cette  crise.  Il  abandonne  sa  fabri- 
cation. Quand  sa  femme  meurt,  en  1751,  l'inventaire  fait  par  un 
notaire  de  Melun  constate  que  le  matériel  est  sans  importance  : 

—  a  Vn  moulin  à  broyer  les  compositions  pour  la  fayence;  quatre 
«  tours  à  faire  et  façonner  la  fayence.  »   Les  magasins  sont  vides. 

—  «  Dans  les  lieux  et  endroits  de  l'ancienne  fayencerie  de  Bois- 
«  settes,  dit  encore  l'inventaire,  il  ne  s'est  rien  trouvée  » 


'  Registres  paroissiaux  de  la  commune  deBoissettes.  Mairie,  Greffe  du  tribunal 
civil  de  première  instance  de  Melun. 

-  Vide  infi-à,  Annexes,  II. 

'  Inventaire  après  le  décès  de  la  dame  Desrues,  dressé  par  Delacourtie,  notaire 
à  Melun,  le  21  août  1751. 

*  .Archives  de  la  préfecture  de  Seine-et-Marne.  Titres  et  pièces  de  la  prévôté 
de  Boissettes. 

'  Inventaire,  par  Delacourtie,  notaire,  21  août  1751. 


LA    CKRAMIQUE    A    BOISSETTES,  201 

I.es  produits  obtenus  par  Dosrues  étaient  supérieurs  à  ceux  des 
potiers  de  Mclun.  Ils  étaient  de  matière  tendre,  opaque,  à  base 
d'argile  calcarifère,  prenant  de  la  consistance  sous  une  épaisse 
couverture  d'émail  stanifére,  blanc,  décoré  de  dessins  au  grand 
feu,  rappelant  les  bleus  de  Xevers,  représentant  des  fleurs,  des 
animaux,  quelquefois  des  personnages,  grossièrement  exécutés  ' . 

Moins  coûteuse  que  la  vaisselle  d'étain,  la  faïence  de  Boissettes 
fut  adoptée  dans  les  ménages  de  paysans  et  d'artisans.  Elle  n'eut 
jamais  de  cacbet  artisti(jue  qui  pût  la  rendre  digne  de  la  recberche 
des  amateurs.  Des  débris  trouvés  en  assez  grande  quantité  sur  les 
lieux  où  elle  fut  fabriquée,  et  dont  l'aulbenticité  n'est  pas  dou- 
teuse, en  disent  la  nature,  le  faire,  le  genre,  avec  plus  de  certitude 
qu'on  ne  l'obtiendrait  de  pièces  complètes,  qui,  à  défaut  de  marque 
spéciale,  ne  fourniraient  qu'une  attribution  contestable  ou  dou- 
teuse. 

Avec  des  ustensiles  d'usage  journalier,  en  faïence  blanche,  com- 
muns de  forme  et  d'ornementation,  Boissettes  fabriquait  aussi  des 
pots  et  vases  en  terre  vernissée,  des  épis  pour  les  toitures  des  bâti- 
ments, de  couleur  bleue,  verte,  brune,  obtenue  par  des  oxydes 
métalliques. 

Des  gisements  d'argile  et  de  sable  du  pays  fournissaient  la 
matière  première,  matériaux  médiocres,  trop  vantés  par  Desrues 
dans  son  placet  au  Roi  en  1732. 

Malgré  leur  infériorité  de  matière,  de  forme  et  de  décoration, 
les  produits  de  Boissettes,  rehaussés  de  bleus  foncés,  étaient 
agréables  à  l'œil,  comme,  en  général,  les  faïences  monochromes. 
Il  ne  serait  pas  étonnant  que  Tliabileté  de  brocanteurs  contempo- 
rains eût  fait  accepter  les  meilleures  pièces  pour  des  œuvres  de 
fabrique  en  renom  du  siècle  dernier.  Le  goût  et  la  connaissance 
des  collectionneurs  ne  sont  point  infaillibles*. 

Avoc  un  marché  plus  étendu,  Boissettes  aurait  pu  prospérer. 
Malbeureusement,  les  transports,  rendus  coûteux  et  difficiles  par 
le  mauvais  é!at  des  chemins,  ne  permettaient  pas  la  vente  de  ses 

'  Fragments  trouvés  sur  l'emplacement  de  la  fabrique. 

-  Il  y  a  quarante,  cinquante  ans,  on  trouvait,  chez  les  marchands  revendeurs  de 
Melun,  d'anciens  plats,  lourds,  massifs,  en  faïence  hlanciie,  avec  filets,  bouquets, 
dessins  bleus,  qu'ils  disaient  être  du  vieux  Xevers  ou  du  Rouen,  et  qui,  plus  vrai- 
semblablement, provenaient  de  Boissettes. 


k 


202  LA    CERA.MIQUE    A    BOISSETTES. 

produits  an  delà  d'un  rayon  de  quelques  lieues.  Le  coche  d'Auxerre 
et  de  Montereau,  qui  passait  devant  Boissetles,  prenait  les  envois  à 
destination  de  Paris.  Mais,  dans  la  capitale,  où  affluait  la  fabrica- 
tion des  principales  manufactures  du  royaume,  la  concurrence 
était  écrasante  et  insoutenable.  Desrues  avait  encore  trop  présumé 
en  avançant  que  son  industrie  procurerait  l'abondance  dans  la  ville 
de  F^aris. 

C'est  à  Melun  et  dans  les  villages  environnants  que  la  faïence  de 
Boissettes  trouva  son  principal  débouché,  assez  restreint,  il  faut  le 
dire,  car,  là  aussi,  elle  avait  à  lutter  entre  les  fabriques  du  pays. 
Son  prix  réduit,  son  entretien  facile,  la  firent  préférer  à  la  vaisselle 
d'élain  qu'il  fallait  polir  et  nettoyer  sans  cesse  pour  lui  conserver 
son  brillant.  Elle  fut  le  cadeau  à  la  mode,  fait  aux  mariées  de  vil- 
lage pour  garnir  et  orner  le  dressoir  qui  était,  au  dix-huitième 
siècle,  le  principal  meuble  d'un  jeune  ménage,  après  la  couche  à 
pilieis,  avec  ciel  et  courtine  en  éloffe  à  ramages. 

Alais  tout  passe,  la  vogue  est  éphémère.  Recherchée  un  instant 
par  les  haliitanls  de  la  campagne,  la  lourde  faïence  de  Boissettes, 
peinturlurée  de  bleus  nivernais,  fut  délaissée.  D'autres  produits 
céramiques,  plus  légers  ou  plus  décoratifs,  mis  en  faveur  par  la  mode 
capricieuse,  la  remplacèrent,  sans  que  le  goût  y  gagnât  au  change. 

Xon  renouvelée,  subissant  la  destruction  de  l'usage  et  du  temps, 
elle  finit  par  disparaître.  Qui  sait  s'il  en  existe,  au  fond  de  nos  vil- 
lages, quelques  épaves  intactes,  provenant  de  l'héritage  des  vieux 
parents?  Et  ces  spécimens,  rarissimes,  introuvables,  dépourvus  de 
marijues,  sont  d'une  attribution  très  douteuse.  C'est,  comme  je  l'ai 
dit,  par  les  débris  recueillis  sur  l'emplacement  de  la  fabrique, 
qu'on  est  exactement  renseigné  sur  les  œuvres  des  maîtres  faïen- 
ciers de  la  très  modeste  manufacture  royale  de  Boissettes. 

Fermé  à  la  suite  des  embarras  financiers  de  son  fondateur, 
latelier  de  Boissettes  est  rétabli  par  un  gendre  de  Desrues,  qui, 
après  l'avoir  exploité  quelque  temps  et  n'y  réussissant  pas  mieux 
que  son  beau-père,  le  donne  en  location,  le  26  mars  1757,  à 
Jacques  Leclerc,  potier  de  profession,  pour  le  prix  annuel  de 
1,250  livres,  une  assez  grosse  somme  à  l'époque  '. 


'  Archives  de  la  préfecture.  —  Titres  et  pièces  de  la  prévôté  seigneuriale  de 
Boissettes. 


LA    CERAMIQUE    A    BOISSETTES.  203 

Après  une  courte  exploitation,  Boissettes,  où  les  éléments  de 
succès  font  défaut,  est  aux  prises  avec  de  nouvelles  difficultés.  Des 
créanciers  sévissent  contre  Leclerc,  en  1759,  deux  ans  à  peine 
après  sa  prise  de  possession.  Bientôt,  tout  est  saisi;  il  donne  son 
consentement  à  la  vente  du  matériel,  des  machines,  des  marchan- 
dises, qui  sont  devenus  le  gage  des  créanciers'. 

Boissettes  ne  sombra  pas  dans  celte  mésaventure.  Desrues  de 
Boiidreville,  qui  existait  encore  et  ne  mourut  que  le  17  mai  1775, 
toujours  propriétaire  de  l'immeuble,  concourut  à  son  maintien, 
aidé  de  ses  enfants*. 

En  1766,  apparaît  Louis  Quiclet,  «  directeur  de  la  manufacture 
"  de  Boissettes  ii  ,  remplacé  plus  tard  par  Etienne -Dominique 
Pellevé^  auquel  deux  actes  de  Tétatcivil,  des  20  et  21  mars  1776, 
donnent  le  même  titre*.  Celui-ci  est  un  céramiste  de  profession; 
il  tente  de  rehausser  la  valeur  de  ses  produits.  Son  père,  Pierre 
Pellevé,  avait  organisé  la  faïencerie  de  Sinceny,  vers  1737.  Des 
pièces  marquées:  "  Etiolles,  1770,  Pellevé  i  peuvent  s'appliquer 
au  père,  aussi  bien  qu'à  son  fils,  Etienne-Dominique,  qu'on 
rencontre  à  Boissettes  quelques  années  plus  tard. 

Sous  sa  gestion,  cette  fabrique  fonctionne  activement,  les  ouvriers 
y  sont  plus  nombreux  qu'autrefois.  Les  registres  paroissiaux  en 
citent  quelques-uns  :  Charles  Eautré,  qui  assiste  au  baptême  et 
à  l'inhumation  d'un  enfant  de  son  patron  en  1776  ;  Joseph  Albert, 
père  d'un  enfant  mort  le  15  février  1777.  Précédemment,  en  1759, 
un  trouve  Paul  Homont,  mouleur.  Tous  ces  ouvriers  sont  étrangers 
au  pays,  qui  ne  paraît  avoir  fourni,  comme  employés  à  l'usine,  que 
des  terrassiers  et  des  hommes  de  peine. 

L'exploitation  de  la  faïencerie  de  Boissettes  s'acheminait  vers 
sa  fin.  Au  cours  de  1776,  Pellevé  vendit  son  matériel,  liquida  ses 
marchandises,  céda  son  entreprise.  La  modeste  manufacture,  dont 
les  destinées  n'avaient  jamais  été  très  brillantes,  fut  définitivement 
fermée  comme  faïencerie.  Avec  des  fortunes  diverses,  une  prospé- 

'  Archives  de  la  préfeclure.  —  Titres  et  pièces  de  la  prévôté  seigneuriale  de 
Boissetles. 

»  Ibid. 

^  Dominique  Pellevé  avait  précédemment  travaillé  i  la  faïencerie  de  Saint-Denis- 
sur-Sarthon  (Orne),  dont  son  père,  Denis-Pierre,  fut  directeur  de  1T50  à  1755. 

'  Registres  paroissiaux  de  Boissettes.  Greffe  du  tribunal  civil  de  première 
instance  de  Melun. 


•204  LA    CERAMIQUE    A    BOISSETTES. 

rilé  (le  courle  durée,  des  revers  fréquents,  quarante-cinq  années 
s'étaient  écoulées  depuis  sa  fondation  par  Desrues  de  IJoudreville, 
en  1732. 

Grâce  à  la  découverte  des  kaolins  de  Saint-Vrieix,  vers  1768,  la 
porcelaine  de  luxe,  dont  la  France,  jusqu'alors,  avait  été  tributaire 
de  la  Saxe,  de  la  Chine  et  du  Japon,  accessible  seulement  aux 
grands  seigneurs  et  aux  traitants,  se  vulgarisa  et  s'introduisit  dans 
les  intérieurs  bourgeois  et  aisés.  Sèvres  donna  l'essor  à  la  fabri- 
cation des  nouveaux  produits.  On  rechercha  les  moindres  objets 
en  porcelaine  dure,  d'origine  française,  d'abord  à  titre  de  curiosité, 
ensuite  pour  leur  utilité.  Les  étagères  s'en  ornèrent,  les  collec- 
tionneurs, les  curieux,  comme  on  disait  alors,  la  mirent  à  la  mode. 
La  vaisselle  d'argent,  déjà  rare  par  suite  de  son  transport  à  la 
Monnaie,  dans  les  temps  de  pénurie  du  numéraire,  ne  se  rencontra 
plus  que  dans  les  vieilles  familles  ne  sacrifiant  pas  au  goût  nouveau. 
On  lit  cas  des  pièces  décorées  par  des  artistes  qui  excellaient  à 
peindre  des  sujets  dans  le  style  de  l'époque,  dont  Boucher,  Watteau, 
Natoire,  étaient  les  maîtres  incontestés.  On  s'engoua  pour  les 
frivolités,  les  statuettes,  les  bonbonnières,  les  boîtes  à  poudre, 
mille  riens  délicats,  aimables,  charmants,  que  les  céramistes 
façonnaient  avec  la  nouvelle  matière,  et  que  des  spécialistes 
décoraient. 

Les  grands  seigneurs  se  prirent  àencourager  l'industrie  naissante. 
D'aucuns  voulurent  avoir  leur  manufacture  de  porcelaine,  établie 
à  grands  frais  dans  le  voisinage  de  leurs  châteaux,  s'y  livrant  à  des 
essais  coûteux,  et  obtenant,  avec  des  pièces  de  prix  qu'ils  se  réser- 
vaient, des  objets  d'usage  courant  répandus  dans  le  commerce.  On 
n'a  pas  besoin  de  citer  les  fabriques  ouvertes  ou  encouragées  par 
le  duc  d'Orléans,  le  comte  d'Artois,  Alonsieur  comte  de  Provence, 
le  prince  de  Condé,  le  duc  de  Villeroy,  la  reine  Marie-Antoinette 
elle-même. 

L'émulation  ne  resta  pas  le  privilège  de  la  noblesse.  Des  praticiens 
céramistes  s'engagèrent  dans  la  même  voie.  Dès  le  commencement 
du  règne  de  Louis  XVI,  Paris  et  ses  environs  virent  s'ouvrir  des 
manufactures  de  porcelaine  dont  les  produits  légers,  délicats, 
finement  décorés,  acquirent  promptement  une  légitime  réputation. 

En  octobre  1776,  Jacques  Vermonet  père  et  Jacques  Vermonet 


LA    CERAMIQlîK    A    BOISSETTES.  205 

fils  traitèrent  avec  Pellevé  de  raccjuisition  de  sa  faïencerie,  dans 
l'intention  d'y  substituer  une  porcelainerie  où  ils  introduiraient 
les  procédés  des  principales  manufactures  du  royaume.  Ils  se 
disaient  inventeurs  d'une  pàtc  supérieure  en  blancheur  et  qualité 
aux  autres  pâtes  connues,  à  l'épreuve  de  la  plus  forte  chaleur,  et 
pouvant  être  livrée  à  des  prix  modiques. 

Sans  plus  tarder,  ils  présentent  un  placet  au  Roi  pour  la  réali- 
sation de  leur  projet.  Ils  demandent  le  titre  de  manufacture  royale, 
l'exemption  de  toute  milice,  logement  de  guerre  et  autres  charges 
publiques,  un  privilège  exclusif  pendant  trente  ans,  l'interdiction, 
pour  autrui,  d'établir  semblable  usine  à  deux  lieues  à  la  ronde  ; 
la  faculté  de  créer  un  entrepôt  à  Paris  pour  le  débit  de  leurs 
marchandises.  Toutes  ces  faveurs  leur  furent  accordées  par  arrêt 
du  Conseil  signé  le  2  janvier  1778'.  La  fabrication  commença 
immédiatement.  Le  14  février  suivant  figure,  sur  les  registres  de 
Boissettes,  «  Jacques  Jubin,  tourneur  en  porcelaine  de  la  manu- 
K  facture  établie  en  cette  paroisse  «  . 

Pendant  combien  de  temps  se  poursuivit-elle?  Mes  recherches 
ne  m'ont  fourni  aucun  renseignement  pour  l'établir.  Les  registres 
paroissiaux  contiennent,  au  contraire,  une  indication  qui,  loin 
d'éclaircirle  fait,  jette  une  conjecture  sur  le  sort  delà  porcelainerie 
de  Boissettes. 

Le  28  février  1781,  on  baptise  dans  l'église  du  lieu  une  fille, 
née  le  même  jour,  «  du  sieur  Bernard-Mathieu  Aubry,  directeur 
«  de  la  manufacture  de  porcelairte  de  M''"'  le  duc  d'Orléans,  et  de 
«  demoiselle  Jeanne  Audibert  «  . 

Le  duc  d'Orléans,  qui  résidait,  en  compagnie  de  Mme  de 
Montesson,  à  Sainte-Assise,  distant  d'une  lieue  de  Boissettes,  et  où 
il  mourut  en  1785,  s'était-il  substitué  dans  la  fabrique  des  Vermonet, 
qui  n'ont  laissé  nulle  trace  dans  le  pays,  ni  sur  les  registres  de 
l'état  civil,  ni  dans  les  contrats  des  notaires?  On  sait  qu'en  ce 
temps,  Louis-Philippe-Joseph,  duc  d'Orléans,  avait  pris  sous  son 
patronage  la  porcelainerie  du  Pont-aux-Choux,  à  Paris.  Ses  produits 
portent  le  chiffre  du  prince  L.  P.  Boissettes  est  simplement  marqué 
d'un  B  en  cursive  majuscule. 

Quoiqu'il  en  soit,  il  est  singulier  de  trouver  fixé  à  Boissettes,  en 

'  Archives  natiouales.  F. '2,  1496. 


206  LA    CERAMIQUE    A    BOISSKTTES 

1781,  à  répo(|ue  où  il  est  permis  de  penser  que  la  manufacture 
créée  quatre  ans  plus  tôt  était  en  pleine  activité,  i.  un  directeur  de 
f  la  manufacture  de  porcelaine  de  M»'  le  duc  d'Orléans  v . 

Je  dois  à  l'obligeance  de  M.  Edouard  Garnier,  l'érudit  conser- 
vateur du  Musée  et  des  collections  de  Sèvres,  des  renseignements 
sur  les  produits  de  Boissettes,  dont  l'établissement,  confié  à  ses 
soins,  possède  des  spécimens,  La  pâte  manque  peut-être  un  p.eu  de 
blanclieur,  mais  la  fabrication  et  la  dorure  en  sont  très  soignées. 
Les  peintures,  paysages  et  fleurs,  assez  bien  exécutées,  ne  sont  pas 
très  glacées.  Les  pièces  portent  la  marque  B  en  cursive  majuscule, 
bleue,  rouge  ou  or  '. 

A  Genève,  au  Musée  Ariana,  j'ai  vu,  en  1892,  quelques  beaux 
produits  de  Boissettes,  deux  soupières  rondes,  dont  le  couvercle  est 
surmonté  d'un  fruit  arlistement  moulé,  une  théière,  quatre  lasses, 
marquées  comme  les  pièces  conservées  à  Sèvres".  AL  Godefroy 
Sidler,  le  directeur,  tient  cette  porcelaine  pour  assez  rare.  Elle  est 
peu  fréquente  dans  les  ventes  de  curiosités;  toutefois,  son  prix 
n'est  pas  plus  élevé  que  celui  des  produits  similaires  de  Clignancourt. 

Des  marchands  et  des  experts  m'ont  confirmé  la  rareté  des  por- 
celaines de  Boissettes,  que  d'aucuns  n'ont  jamais  vue.  La  fabri- 
cation, qui,  selon  les  apparences,  dura  quatre  ans  à  peine,  dut  être 
peu  importante. 

Elle  n'était  pas  représentée  à  l'Exposition  rétrospective  de  la 
céramique,  organisée  l'année  dernière,  clans  le  Palais  des  Beaux- 
Arts,  au  Champ  de  Mars. 

Le  Musée  de  South  Kensington,  à  Londres,  que  je  visitais  en 
1896,  l'a  mise  au  nombre  de  ses  desiderata.  Riche  en  produits 
céramiques  de  toutes  les  parties  du  monde,  il  n'a  pu  trouver 
encore  aucune  pièce  de  Boissettes.  Un  sommaire  des  anciennes 
porcelaines  françaises,  affiché  dans  les  galeries,  et  sur  lequel  figure 
notre  modeste  manufacture,  m'avait  donné  l'espoir  que  j'y  rencon- 
trerais ses  produits.  Une  lettre  du  directeur  du  célèbre  Musée  m'a 
désillusionné  ". 

Cluny  est  également  dénué  de  faïences  et  de  porcelaines  de 
Boissettes.  Le  savant  et  regretté  M.  Darcel,  que  j'interrogeais  à  ce 

^   Vide  infrà.  Annexes,  III. 
-  IbiiL,  Annexes,  IV 
'  Ibid.,  Aniieics,  V. 


1 


I.  A    CERAMIQUE    A    B0IS8ETTES.  207 

sujet,  m'avoua,  en  toule  sincérilé,  qu'il  en  entendait  parler  pour  la 
prtMniére  lois  '. 

Les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  la  céramique,  I\IM.  Jacquemart, 
Ris-Pac(|uot,  Denimin,  Gerspacii,  M.  Miuillier,  dans  une  commu- 
nication au  Congrès  des  Sociétés  savantes,  en  1883,  ont  mentionné 
Boissettcs,  sa  faïence  et  sa  porcelaine. 

ilIM.  Jacquemart  et  Lchlanc,  plus  explicites  et  plus  documentés 
dans  leur  Histoire  artistique,  industrielle  et  commerciale  de  la 
porcelaine  -,  analysent  le  privilège  accordé  aux  Vermonet  en  1778, 
et  avancent,  ce  qui  est  exact,  qu'il  reçut  sa  complète  exécution. 
D'apiès  une  note  conservée  dans  les  x^rcliives  de  Sèvres,  ils  attri- 
buent à  des  perles  considérables  la  cessation  de  la  fabrication  et  la 
fermeture  de  l'établissement. 

Ce  fait  possible  n'est  confirmé  par  aucun  document  authentique. 
Certainement,  à  Boissettes,  l'exploitation  était  coûteuse.  Les 
matières  premières  étaient  tirées  de  loin  :  le  kaolin  de  Saint-Yrieix, 
l'argile  plastique  de  Montereau-faut-Vonne,  le  sable  siliceux  de  la 
forêt  de  Fontainebleau.  Répartis  sur  une  production  restreinte,  les 
prix  de  revient  étaient  élevés,  laissant  peu  de  marge  aux  bénéfices 
du  commerce  courant.  Pour  soutenir  l'entreprise,  il  aurait  fallu  la 
fantaisie  d'un  grand  seigneur  riche  et  prodigue.  La  trouva-t-elle 
dans  le  duc  d'Orlrans,  qu'on  entrevoit  à  Boissettes  en  1781?  .Mais 
avec  la  fin  du  concours  du  duc,  en  admettant  qu'il  lui  ait  été  acquis, 
Boissettes  dut  éteindre  son  four  et  fermer  ses  ateliers.  Ce  dénoue- 
ment peut  justifier  la  note  des  .Archives  de  Sèvres,  qui  attribue  sa 
disparition  à  des  pertes  considérables. 

MM.  Jacquemart  et  Leblanc  élèvent  un  doute  sur  l'attribution 
certaine  en  faveur  de  Boissettes  des  pièces  «  assez  répandues, 
"  disent-ils,  en  porcelaine  dure,  fort  blanche,  décorée  de  fleurs  et 
"  de  bouquets,  qui  portent  pour  marque  un  B  majuscule  en  bleu  «  . 
Ils  ne  voient  guère  aucune  autre  usine  à  laquelle  la  marque  et  les 
caractères  de  cette  poterie  conviennent  mieux.  Pourtant,  ils  livrent 
ceci  aux  amateurs  comme  une  simple  conjecture. 

Il  est  vrai  qu'une  objection  s'est  élevée  sur  l'identité  des  porce- 
laines à  la  marque  B.  On  a  paru  vouloir  en  déposséder  Boissettes, 


'  Lettre  particulière  de  M.  Darcel  à  l'auteur,  22  mars  1892. 
'  Uu  volume  in-fol.  Paris,  ïecliner,  1862,  p.  590. 


I|^ 


208 


LA    CKUAMIQIIE    A    BOISSETTES- 


au  profil  d'une  usine  qui  aurait  fonctionné  vers  le  même  temps  à 
Orléans,  et  dont  l'initiale  du  nom  de  son  directeur  est  un  H,  Avant 
d'accueillir  cette  opinion,  il  faut  tenir  compte  que  les  fabriques  de 
céramique  du  dix-liuilièuie  siècle  adoptaient  généralement  pour 
marque  le  nom  «lu  lieu  où  elles  s'exploitaient,  ou  un  signe  parti- 
culier sur  lequel  on  ne  pouvait  se  méprendre,  tel  le  cor  de 
Chantilly. 

Indépendamment  de  son  B  initial,  Boissettes  a  un  autre  carac- 
tère, qu'il  partage  avec  les  produits  similaires  de  Paris  et  de  la 
banlieue.  Ces  produits  sortent  des  mains  d'artistes  formés  à  une 
même  école,  s'inspirant  des  peintres  délicats,  charmants,  maniérés, 
aussi,  de  la  seconde  moitié  du  dix-huitième  siècle.  Leur  pâte  peut 
différer  de  blancheur  et  d'éclat,  mais  les  peintures  qui  en  sont 
rornement,  les  fleurs,  les  fruits,  les  bouquets,  les  guirlandes,  les 
personnages,  les  scènes  champêtres  ou  galantes  qui  s'y  trouvent 
représentés,  ont  un  cachet  particulier  qui  constitue  ce  qu'on  peut 
appeler  l'École  parisienne  de  la  céramique,  et  que  les  porcelaines 
françaises  de  province  n'avaient  j)u  encore  égaler.  Il  en  est  de  la 
céramique  comme  des  médailles  à  légendes  incertaines  que  les 
numismatistes,  par  des  apparences  spéciales,  déterminent  sûrement 
et  facilement.  Ce  cachet  particulier,  possédé  par  Boisseltes,  est 
comme  une  seconde  marque  de  fabrique  qu'il  est  difficile  de 
mèconnaitre  et  de  lui  contester,  pour  l'attribuer  à  une  fabrique 
orléanaise. 

Jusqu'à  ce  que  des  preuves  plus  convaincantes  qu'un  simple 
doute  aient  été  fournies,  il  faut  conserver  à  Boissettes  toutes  les 
porcelaines  du  dix-huitième  siècle,  marquées  d'un  B  en  cursive 
majuscule,  bleu,  rouge  ou  or. 

Par  une  singulière  ironie,  l'immeuble  où  s'était  exercée  une 
industrie  qui  s'inspirait  d'art  décoratif  vit  s'ouvrir,  sous  le 
premier  Empire,  une  prosaïque  manufacture  de  lacets,  qui  dura 
jiendant  plusieurs  années.  Avec  sa  disparition,  c'en  fut  fait  de 
toute  fabrication,  de  toute  industrie,  dans  le  minuscule  village  de 
Boissettes. 

Aujourd'hui,  l'ancienne  faïencerie  de  Desrues  de  Boudreville, 
l'éphémère  porcelainerie  des  Yermonet,  est  transformée  en  une 
agréable  habitation  de  campagne,  au  milieu  de  riants  jardins  qui 
s'étendent  jusqu'au  bord  de  la  Seine. 


LA    CERAMIQUE    A    BOISSETTES.  209 

Les  souvenirs  locaux  de  l'industrie  céramique  d'autrefois  se 
sont  éteints  avec  les  vieillards  qui,  naguère,  il  y  a  une  cinquantaine 
d'années,  en  avaient  des  notions  vagues.  Ils  parlaient,  au  milieu 
des  faits  restés  dans  leur  mémoire  débile,  de  visites  des  seigneurs 
du  voisinage,  des  châtelains  de  Sainte-Assise  —  le  duc  d'Orléans 
peut-être  —  aux  fours  de  la  porcelainerie,  quand  on  sortait  des 
moufles  les  pièces  soumises  à  la  cuisson.  Ces  traditions  ont  disparu 
avec  les  derniers  survivants  de  ceux  qui  les  conservaient, 

A  titre  de  dernière  trace  ou  de  dernier  souvenir  de  la  manufac- 
ture de  Boissettes,  de  temps  à  autre,  sur  l'emplacement  où  elle  a 
existé,  des  ouvriers  ramènent  à  la  surface  du  sol  des  débris  de 
faïence  ou  de  porcelaine,  brisés,  abandonnés  à  l'époque  de  leur 
exécution.  Ils  s'en  montrent  étonnés  au  même  degré  que  le 
nomade  qui,  dans  les  sables  du  désert,  exhume  des  vestiges  de 
civilisations  d'autrefois,  à  peine  mentionnées  par  les  historiens,  et 
dont  la  mémoire,  fugitive  comme  le  souffle  de  l'air,  est  peu 
connue  des  sociétés  modernes. 

G.  Leroy, 

Bibliothécaire  de  la  ville  de  Mclun, 
Correspondant  honoraire  du  minis- 
tère de  l'Instruction  publique  pour 
les  travaux  historiques. 
Alclun,  18  janvier  1898. 


PIECES  JUSTIFICATIVES 


I 

Arrêt  du  Conseil  d'Etat  du  Roy  en  faveur  du  sieur  Desrues  de  Boudrevillc, 
portant  concession  du  droit  d'étahlir  une  manufacture  de  faijence 
à  Boissettes.  —  1  Décembre  1733. 

Sur  ce  qui  a  été  représenté  au  Roy  en  son  Conseil  par  le  sieur  Jacques 
Thomas  Desrues  de  Boudreville,  qu'ayant  trouvé  aux  environs  du  village 
de  Boissettes,  près  de  la  ville  de  Melun,  des  terres  très  propres  pour  la 
fabrication  de  fayence,  dont  il  a  fait  différens  essays  qui  en  ont  produit 
d'aussy  belle  que  celle  qui  se  fait  à  Rouen  et  à  Lille,  il  auroit  formé  le 
dessein  d'en  établir  une  manufacture  dans  le  village  de  Boissettes  ; 

Que  cet  établissement  seroit  d'autant  plus  avanlaneux  que   la  fayence 

U 


210  LA    CKRAMIQIIE    A    BOISSETTES. 

qui  seroit  fabriquée  dans  la  dite  manufacture  pouvant  estre  conduite 
;\  Paris,  par  la  rivii-re,  dans  toutes  les  saisons  et  en  un  jour,  cette  facilité 
en  procurerait  l'abondance  dans  la  dite  ville,  dans  les  tems  mêmes  où  la 
sécheresse  et  les  basses  eaux  empêchent  qu'il  n'y  en  soit  apporté  des 
manufactures  du  Royaume,  d'où  elle  vient  ordinairement  par  la  rivière  ; 

Pourquoy  requeroit  le  suppliant  (|u'il  plust  à  Sa  Majesté,  pour  le  mettre 
en  étal  de  se  dédommager  des  dépenses  considérables  qu'il  sera  obligé 
de  faire  pour  former  son  établissement,  de  luy  accorder,  et  à  ses  hoirs  et 
ayant  cause  : 

1°  Un  privilège  à  perpétuité  pour  faire  fabriquer  de  la  fayence  dans  le 
village  de  Boissetles,  avec  deffenses  à  toutes  personnes  de  faire  aucun 
pareil  établissement  dans  la  distance  de  six  lieues  à  la  ronde. 

2"  L'exemption  de  la  taille  pour  luy  et  les  ouvriers  qui  seront  employez 
à  l'exploitation  de  la  dite  manufacture. 

3»  La  liberté  de  lever  la  quantité  de  quatre  minots  de  sel  de  morue 
tous  les  mois  des  gabelles  de  Paris,  suivant  la  taxe,  pour  être  employez 
à  la  composition  des  émaux  des  ouvrages  de  fayence  de  sa  manufacture  ; 

Enfin,  le  litre  de  manufacture  royale  en  faveur  de  sa  fabrique. 

Et  Sa  Majesté  désirant  traiter  le  suppliant,  vu  l'avis  du  sieur  de  Harlay, 
conseiller  d'Etat  ordinaire,  intendant  et  commissaire  déparly  dans  la 
généralité  de  Paris,  ensemble  les  observations  des  Fermiers  généraux  et 
l'avis  des  Députez  du  commerce  -,  oiiy  le  rapport  du  sieur  Orry,  conseiller 
d'Etat  et  ordinaire  au  Conseil  royal,    controlleur  général  des  Finances  ; 

Le  Roy  en  son  Conseil  a  permis  et  permet  au  dit  sieur  Jacques  Thomas 
Desrues,  ses  hoirs  et  ayant  cause,  d'établir  dans  le  village  de  Boissetles, 
une  manufacture,  et  d'y  faire  fabriquer  toutes  sortes  d'ouvrages  de  fayence 
pendant  le  tems  et  espace  de  vingt  années  à  compter  du  jour  et  date  du 
présent  arrêt  ;  fait  Sa  Majesté  deffenses  à  toutes  personnes,  de  quelque 
qualité  et  condition  qu'elles  soient,  de  faire  pendant  le  dit  tems  de 
vingt  années  aucun  pareil  établissement  dans  l'étendue  de  quatre  lieues 
i  la  ronde  du  dit  village  de  Boissetles,  à  peine  de  confiscation  des  ouvrages 
qui  y  auroient  esté  fabriquez,  des  mattereaux,  outils  et  ustenciles  qui 
auroient  servi  à  leur  fabrication,  et  de  trois  mille  livres  d'amende  appli- 
cables moitié  au  profût  de  Sa  Majesté,  et  l'autre  moitié  au  profit  du  dit 
sieur  Desrues  ou  de  ses  hoirs  et  ayant  cause  ; 

Veut  Sa  Majesté  que  ledit  Desrues,  ses  hoirs  et  ayant  cause,  successeurs 
en  la  dite  entreprise,  et  les  ouvriers  qui  seront  employez  dans  la  dite 
manufacture  soient  et  demeurent  personnellement  exempts  de  la  taille 
pendant  le  dit  temps  de  vingt  années,  pourveu  qu'ils  n'y  ayent  pas  esté 
déjà  imposez  ;  qu'ils  n'ayent  pas  d'autres  biens,  el  ne  fassent  autre 
commerce  que  leur  travail  dans  la  dite  manufacture,  même  que  ceux  des 


L\    CKRAMIQUE    A    BOISSETTES.  211 

dits  ouvriers  qui  se  trouveraient  actuellement  compris  dans  quelque  roUe 
d'impositions  ne  puissent  estre  imposez  à  une  plus  forte  cotte,  sous 
prétexte  de  leur  travail  dans  la  dite  manufacture  ;  à  l'effet  de  quoy  le  dit 
Desrues,  ses  hoirs  ou  ayant  cause,  seront  tenus  de  remettre  chaque  année, 
avant  le  premier  jour  du  mois  d'octobre,  aux  scindics  et  collecteurs  de  la 
paroisse  de  Boissetles,  un  état  d'eux  certiffié  de  tous  les  ouvriers  qui  seront 
employez  dans  la  ditle  manufacture,  le  tout  à  la  charge  par  le  dit  Desrues 
de  n'employer  pour  la  fabrication  de  ses  ouvrages  que  du  bois  blanc 
seulement,  et  à  la  condition  qu'il  établira  ladilte  manufacture  et  la  mettra 
en  état  de  travailler  dans  l'espace  d'une  année,  à  compter  du  jour  et  datte 
du  présent  arrêt,  à  peine  de  nullité  d'iceluy  et  d'estre  descheu  du  privi- 
lège de  la  ditte  manufacture,  et  seront  sur  le  présent  arrêt  toutes  lettres 
nécessaires  expédiées. 

Signé  :  d'Aguesseau,  Chauvelin,  Orry. 

A  Versailles,  le  1"'  du  mois,  de  décembre  l'3Z. 
(Archives  nationales  E.  1100,  n»  10.)  —  Dû  à  l'obligeance  de  M.  Henri  Stein,  archiviste. 

II 

Bénédiction  et  inauguration  de  la  manufacture  de  Boissetles.  — 
13  aoiU  1733. 

Cejourd'huy  jeudi  treize  du  mois  d'Août  de  la  présente  année 
mil  sept  cent  trente  trois,  nous  Etienne  Baron,  curé  de  Boissettes,  sous- 
signé, ayant  été  requis  par  .M.  Jacques  Thomas  Desrues,  maître  de  la 
manufacture  royale  de  fayence  établie  en  cette  paroisse  par  privilège  du 
Roy,  de  bénir  le  four  à  fayence  et  autres  lieux  dépendans  de  la  susdite 
manufacture,  comme  il  se  pratique  en  pareil  cas,  et  suivant  l'usage  des 
autres  manufactures  établies  dans  le  Royaume,  avons  procédé  à  la  susdite 
bénédiction,  assisté  de  AI.  le  curé  de  Boissise-la-Bertrand,  accompagné  de 
notre  clergé  ordinaire,  du  dit  sieur  Desrues,  de  tous  les  ouvriers  de  la 
susdite  manufacture,  des  habittans  de  notre  susdite  paroisse  et  de  beaucoup 
d'étrangers,  qui  sont  venus  exprès  de  la  ville  de  Melun  et  du  voisinage  ; 

Nous,  accompagné  comme  dit  est,  sommes  transporté  processionnel- 
lement  de  nostre  église,  avec  la  croix,  deux  chandeliers  à  côté,  la 
bannière,  le  bénitier  et  l'encensoir,  étant  tous  entrés  en  cérémonie 
dans  la  susdite  manufacture,  sommes  descendu  dans  l'endroit  où  est  le 
four  à  fayence,  et,  nous  y  estans  arrêté,  avons  commencé  la  susdite 
cérémonie  par  l'intonnation  de  l'hymne  Veni  Creator  que  nous  avons 
tous  chanté  à  genoux.  Et  après  avoir  dit  l'oraison  Deus  qui  corda,  avons 


212  LA    CERAMIQUE    A    BOISSETTES. 

mis  le  feu  nous  môme  au  bois  préparé  pour  chauffer  le  dit  four  pour  la 
première  fois  qu'il  a  été  chauffé  ;  ensuite  de  quoy  nous  avons  chanté  avec 
notre  clergé  les  Litanies  et  Oraisons  des  Saints,  pendant  lesquelles  nous 
avons  fait  tant  dans  le  dit  four  que  dans  les  lieux  de  la  manufacture,  en 
dehors  et  en  dedans,  l'aspersion  de  l'eau  bénite  et  les  encensements,  et, 
à  cet  effet,  sorti  par  la  grande  cour  de  la  dite  manufacture,  avons  passé 
derrière  la  tournerie  et  le  dit  four  sur  les  prés,  affm  de  bénir  aussi  en 
dehors  les  susdits  lieux,  et  sommes  revenus  à  la  susdite  manufacture,  par 
la  rue  proche  l'église,  dans  la  petite  cour  d'entrée,  et  sommes  descendu 
au  bas  du  dit  four,  oii  nous  avons  achevé  de  chanter  les  susdites  litanies 
et  oraisons  qui  les  suivent,  et  après  avons  dit  l'oraison  Te  Deuni 
omnipotentem,  comme  dans  le  Rituel,  et  celle  de  saint-Antoine  de  Padoue, 
patron  de  la  ditte  manufacture,  laquelle  étant  finie,  avons  chanté  solen- 
nellement l'hymne  Te  Deum  en  actions  de  grâces,  laquelle  étant  finie,  en 
nous  en  retournant  à  l'église,  nous  avons  chanté  le  Salve  Regina  et  l'oraison. 
Ce  que  nous  curé  susdit  certifions  véritable,  et  en  foy  de  quoy  nous 
avons  signé  le  présent  procès-verbal,  les  jour  et  an  que  dessus,  pour 
servir  et  valoir  ce  que  de  raison  et  en  tems  et  lieu. 

Signé  :  Baron,  curé  de  Boissettes. 

(Archives  du  greffe  du  tribunal  civil  de  Melun.  —  Registres  paroissiaux  de  Boissettes. 
Année  1733.) 

III 

Liste  des  porcelaines  de  Boissettes  appartenant  au  musée  de  Sèvres. 

N<»  ^SIS.  —  Saucière  à  deux  versants,  à  anses  latérales  géminées  ; 
filets  d'or  dentelés,  —  Marque  B. 

N»  'i3!26.  —  Assiette  à  dessert,  bord  lobé  treillissé  dans  la  pâte,  décor 
de  fleurs  détachées.  —  Marque  B. 

N"6422.  —  Cafetière  ornée  de  filets  d'or  dentelés.  —  Marque  B. 

N"  8176.  —  Cafetière  mince  à  anse  ornemanisée.  Décor  de  paysage 
avec  personnages  en  costume  du  XVIII^  siècle.  —  Marque  B. 

(Communication  de  AI.  Ed.  Garnier,  directeur  du  Musée  de  la  Alanufacture  nationale 
de  Sèvres.) 

IV 

Porcelaines  de  Boissettes  appartenant  au  musée  Ariana  à  Genève. 

Deux  soupières  rondes,  ornées  de  bouquets  de  fleurs  variées.  Charmante 
décoration. Couvercles  surmontés  d*un  fruit.  — Marque  B, bleu  sous  couverte. 


LA    CERAMIQUE    A    BOISSETTES.  213 

Petite  théière,  même  décor  et  même  marque. 

Quatre  tnsses  avec   guirlandes   et    ruban   rouge,    ornées   de  bouquets 
variés.  —  Marque  B.  on  or. 

(Communication  de  M.  Godefroy  Sidior,  directeur  du  Musée  Ariana.) 


V 

South-Kensington  Muséum.  —  Porcelain  o/Boissettes. 

«  I  am  directed  to  express  regret  that  this  Muséum  does  not  possess 
any  spécimen  of  the  porcelain  made  in  Ihe  last  century  at  Boissettes. 
Your  impression  ihat  it  did,  arose,  no  doubt,  from  your  having  seen  the 
naoïe  on  the  lisls  of  factories  de  pottery  hung  in  the  ceramic  gallery  of 
the  Muséum.  » 

The  Secretary,  Department  of  Science  and  art,  London,  S.  IV. 

Signé  :  {Illisible.) 


VI 

Collections  particulières. 

In  amateur,  M.  de  Richebourg,  capitaine  au  2«  chasseurs,  qui  tint 
garnison  à  Melun  il  y  a  une  dizaine  d'années,  possédait  quelques  spécimens 
de  la  porcelaine  de  Boissettes  :  une  cafetière,  plusieurs  tasses  avec  leurs 
soucoupes,  décorées  de  bouquets  et  de  fleurettes,  et  marquées  d'un  B  en 
cursive  majuscule  bleu. 

L'année  dernière,  au  château  de  Voisenon,  dans  le  voisinage  de 
Boissettes,  à  la  vente  qui  suivit  le  décès  de  la  marquise  des  Ligneris,  il 
parut  un  lot  de  plusieurs  assiettes  de  même  porcelaine,  provenant  de 
services  différents,  toutes  marquées  d'un  B  en  cursive  majuscule  bleu 
sous  couverte,  ornées,  avec  plus  ou  moins  de  profusion,  de  bouquets 
imitant  le  Saxe,  et  aux  bords  lobés  et  dorés. 

Le  lot,  qui  comprenait  quatre  assiettes,  fut  acheté  par  M.  Rapin^  de 
Melun,  qui  en  céda  deuxà  des  amateurs  de  Paris,  entre  autres  au  proprié- 
taire actuel  de  l'immeuble  où  exista  la  manufacture  de  Boissettes  ;  — 
m'offrit  la  troisième,  et  se  réserva  la  dernière,  la  plus  élégamment  décorée. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  le  mobilier  du  château,  sauf  quelques 
modifications  introduites  par  le  goût  et  la  mode  variant  avec  le  temps, 
s  était  transmis,  à  peu  près  sans  changement,  de  propriétaire  à  autre, 
depuis  la  vente  du  domaine  de  Voisenon,  comme  bien  national,  après 


2Ï4  LA    CERAMIQUE    A    llOISSETTES. 

rêmigration  de  son  propriélaire,  Champion  de  Cicé,  hèr  lier  des  Fusée  de 
Voisenon,  auxquels  se  rattachait  Tahbé  de  ce  nom. 

Or,  sans  être  taxé  de  témérité,  ne  peut-on  admettre  que  les  assiettes 
vendues  en  1897  sont  des  débris  de  services  ayant  existé  autrefois  au 
château,  où  peut-être  ils  avaient  été  introduits  quand  florissait'la  porce- 
lainerie  de  Boisscttes,  c'est-à-dire  peu  d'années  avant  la  Révolution? 
L'idée  n'a  rien  d'invraisemblable. 

Déplus,  elleason  importance  comme  réponse  à  la  contestation  de  l'attri- 
bution à  Boissettes  des  porcelaines  rriarquées  du  B  en  cursive  majuscule. 
Voisins  de  la  porcelainerie,  dont  ils  étaient  distants  d'une  lieue  à  peine,  on 
s'explique  que  les  propriétaires  de  Voisenon  aient  voulu  posséder,  à  une 
époque  où  la  porcelaine  française  était  rare  encore,  des  services  de  table, 
élégants,  agréablement  décorés,  provenant  d'une  manufacture  locale,  et 
qui  rappelaient,  avec  des  prix  moindres,  les  produits  similaires  de  Saxe. 
Les  spécimens  vendus  l'année  dernière  seraient  des  témoins,  épargnés  par 
le  temps,  échappés  aux  risques  d'un  usage  séculaire,  des  services  de 
Boissettes  qu'auraient  possédés  les  anciens  châtelains  de  Voisenon.  On 
peut  contester  cette  appréciation  ;  mais,  en  la  repoussant,  il  sera  difficile 
d'expliquer  comment  ces  incontestables  produits  de  Boissettes  sont  venus 
échouer  dans  les  armoires  d'un  château  briard. 

J'ajouterai  que  de  mêmes  pi'oduits  se  trouvent  peut-être  aussi  dans 
les  châteaux  des  environs  de  Melun,  dont  les  mobiliers,  transmis  de  père 
en  fils,  sont  antérieurs  à  la  Révolution,  etse  sont  accrus,  quand  Boissettes 
fonctionnait,  de  quelques-unes  de  ses  œuvres.  La  vogue  de  la  nouvelle 
porcelaine  française,  la  protection  que  les  grands  seigneurs  accordaient 
aux  fabriques  qui  existaient  dans  lés  environs  de  Paris  et  même  dans  la 
capitale,  qu'ils  subventionnaient  et  soutenaient  au  prix  de  sacrifices 
onéreux;  le  caprice,  l'esprit  d'imitation,  tout  fait  croire  que  ces  fabriques, 
Boissettes  entre  alitres  pour  spécialiser,  durent  avoir  pour  clientèle  la 
noblesse  du  voisinage.  11  ne  serait  donc  pas  étonnant  que  les  quelques 
châteaux  de  la  vallée  de  la  Seine  autour  de  .Melun,  dont  les  mobiliers  sont 
restés  intacts  depuis  une  centaine  d'années,  possédassent,  en  plusou  moins 
grand  nombre,  des  produits  ignorés  de  Boissettes,  comme  on  en 
a  l'exemple  à  Voisenon. 


CFIARLESEISEIV.  215 

X 

CHARLES  EISEM 

Jal,  dans  son  Dictionnaire  critique  de  biographie  et  d'histoire, 
a  démontré  que  Charles-Joseph-Donîini(|iieEisen,  le  graveur,  était 
né  Français,  puisqu'il  naquit  à  Valenciennes  et  y  fut  baptisé  le 
17  août  1720. 

Fils  de  François  Eisen  et  de  Marie-Marguerite Gainse,  il  habitait 
et  travaillait  à  Paris  à  la  fin  de  1 742  ;  il  y  épousa,  l'année  suivante, 
croit-on,  Anne  Aubert,  de  treize  ans  plus  âgée  que  lui.  Ils  eurent 
cinq  enfants,  dont  deux  filles. 

Deux  fils  seulement  survécurent  à  leur  père  :  Christophe-Charles 
et  Jacques-Philippe. 

Le  premier,  maître  peintre  à  Paris,  et  le  second,  peintre  et  doreur 
à  Caen.  Tous  deux  assistèrent,  dit  Jal,  à  l'apposition  du  scellé  qui 
eut  lieu  aux  domiciles  de  leur  père,  après  le  4  janvier  1778, 
jour  du  décès  de  Charles  Eisen  (à  IJruxellesj.  C'est  des  domiciles 
de  Paris,  bien  entendu,  que  Jal  veut  parler. 

L'époque  et  le  lieu  de  ce  décès  sont  connus  des  biographes, 
qui  se  sont  contentés  de  dire  qu'Eisen  mourut  dans  un  état  voisin 
de  l'indigence. 

Jal  fait  connaître  ensuite  le  procès-verbal  de  l'apposition  du 
scellé  et  une  lettre  jointe  à  celte  pièce,  qui  sont  déposésaux  archives 
de  l'Empire. 

Il  établit  qu'en  1777,  Eisen  se  rendit  à  Bruxelles,  non  pour  ses 
affaires,  ainsi  que  le  déclare  sa  pauvre  femme,  Anne  Aubert,  «  qui 
se  montra  fort  réservée  «  mais  pour  quitter  cette  digne  compagne 
qu'il  avait  abandonnée  depuis  longtemps  déjà,  pour  vivre  à  Paris 
avec  Marie-Charlotte  Martin,  demeurant  rue  Saint-Hyacinthe,  et 
veuve  d'un  sieur  René  du  Coudray. 

Eisen  habitait  doncBruxelles,  de  1777  à  1778,  où  il  s'était  établi 
chez  un  quincaillier  nommé  Jean-Jacques  Clause,  rue  au  Beurre,  où 
il  meubla  une  chambre. 


216  CHAULES    EISEN. 

Lalettre  (le  Clause,  adressée  à  madame  «Saint-Martin  «  (c'est  ainsi 
que  Eisen  faisait  nommer  celte  femme),  expose  bien  qu'il  lui  doit 
une  somme  de  376  florins,  752  livres  en  argent  de  France.  Nous 
n'analyserons  pas  cette  lettre  que  tout  le  monde  peut  lire  dans 
l'intéressant  ouvrage  de  Jal,  lettre  dans  laquelle  il  ose  réclamer 
l'envoi  de  l'argent  sur  ce  que  la  vente  du  mobilier  de  Paris  peut 
produire,  car  il  estime  que  celui  qui  garnit  la  chambre  d'Eisen  à 
IJruxelles,  ainsi  que  sa  bibliothèque,  ne  lui  payeront  pas  la  moitié 
de  ce  qui  lui  est  dû. 

Or,  ce  que  Jal,  et  ce  que  tout  le  monde  ignore  jusqu'ici,  c'est 
que  cette  bibliothèque,  comme  l'appelle  le  propriétaire  quincaillier 
Clause,  renfermait  une  collection  des  œuvres  du  maître,  collection 
dont  ce  Clause  connaissait  la  valeur  et  que,  par  une  ruse  déloyale, 
ce  Clause  s'était  fait  adjuger. 

Nous  avons  eu  la  bonne  fortune  de  retrouver,  dans  les  archives 
de  Belgique,  un  document  qui  jette  un  jour  nouveau  sur  cette 
question.  Nous  nous  empressons  de  le  transcrire;  son  importance 
et  sa  netteté  nous  dispensent  d'y  ajouter  aucun  commentaire. 

C'est  d'abord  la  déposition  de  Jansens,  peintre  et  doreur  de 
Bruxelles,  puis  la  décision  prise  par  les  magistrats  contre  ledit 
Clause', 

"  J.-J.  Jansens,  peintre  et  doreur,  demeurant  en  cette  ville, 
"  exposequ'il  est  parvenu  à  sa  connoissance:  Charles  Eisen,  dessi- 
«  nateur  célèbre,  est  mort  à  Bruxelles  le  4  janvier  1778.  L'on  croit 
«  qu'il  avoit  femme  et  enfans  à  Paris.  Il  étoil  logé  ici  chez  le 
«  nommé  Clause,  marchand  quincailler,  près  de  St-\icolas,  de  qui 
«  l'on  tient  les  circonstances  suivantes  relativement  à  la  vente  qui 
«  s'est  faite  le  10  dudit  mois  l'après  dîner  dans  la  maison  du 
«  St-Esprit,  de  tous  les  effets,  habits,  linges,  objets  et  surtout  de 
K  plusieurs  dessins  de  prix  délaissés  par  ledit  Eisen. 

"  Ledit  Clause,  entrant  dans  un  endroit  public,  le  samedi 
«  10  janvier,  vers  les  six  heures  du  soir,  y  débita  pour  nouvelle  en 
«  présence  de  nombre  personnes,  qu'il  venoit  d'avoir  fait  un  bon 
«  coup,  qu'il  avoit  gagné  de  quoi  faire  une  nouvelle  façade  à  sa 
«  maison,  qu'il  étoit  devenu  propriétaire  de  tous  les  dessins  et 

'   »  Bruxelles.  Sccrétairerie  d'Etat  et  de  Guerre,  s  —  Registre  573'',  fol.  154. 


CHARI.KS    KÎSEN.  217 

M  oiivrajjes  que  le  célèbre  Eisen  avoit  délaissés  ;  (|u'il  étoit  parvenu 
'-  à  se  procurer  ces  desseins  au  nioien  d'une  permission  qu'il  avoit 
Il  oblenue  du  Mag'  de  Hruxelles,  par  le  canal  del'Echevin  Dux  pour 
«  faire  vendre  tous  ces  effets  à  son  profit  ;  que  celte  vente  s'étoit 
«  effectuée  la  mesme  après  dîner  dans  la  maison  du  St-Esprit,  et 
«  qu'il  s'y  êtoit  trouvé  peu  de  monde,  que  pour  avoir  les  desseins 
K  à  bon  compte,  il  avoit  eu  soin  de  les  arranger  à  sa  façon  chez  lui 
«  dans  les  diCferens  portefeuilles  qui  les  contenoient,  qu'il  avoit 
«  commencé  par  faire  mettre  en  vente  le  plus  beau  de  ces  desseins, 
«  représentant  la  Séduction,  sur  lequel  ainsy  que  sur  les  autres 
«  il  avoit  été  le  seul  encliérisseur,  parceque  aucun  de  ceux  qui 
ti  étoient  présent  à  la  vente,  la  plupart  fripiers,  ne  connoissoient 
Il  pas  ces  sortes  de  choses  ;  qu'il  avoit  ce  beau  dessein  de  la 
Il  SéductioUj  pour  dix-sept  florins  et  qu'il  ne  le  donneroit  pas 
(■  pour  six  cent,  (ju'il  avoit  également  tous  les  autres  ouvrages 
tt  d'Eisen  pour  lesquels  il  feroit  bien  son  compte,  qu'il  étoit 
«  d'intention  de  faire  annoncer  dans  les  feuilles  publiques  que  ceux 
«  qui  voudroient  acheter  de  ces  ouviages  pourroient  s'adresser  chez 
«lui,  qu'afin  de  pouvoir  plus  facilement  parvenir  à  obtenir  seul 
«  à  la  vente  tous  ces  desseins  il  n'avoit  prévenu  personne  que  cette 
Il  vente  devoit  se  faire,  que  cependant  quelques  jours  avant,  le 
Il  valet  de  chambre  de  ill^'  le  duc  d'Lrzel  étoit  venu  de  la  part  de 
Il  son  maître  lui  demander  quand  cette  vente  se  feroit  parcequ'il 
«  désiroit  beaucoup  d'y  faire  quelqu'emplette,  que  lui,  Clause 
Il  avoit  répondu  qu'elle  ne  se  feroit  pas  de  sitôt,  qu'il  devoit  aupa- 
II  ravant  écrire  à  Paris,  que  M.  le  Comte  de  Cuypers  désireroit 
«  d'avoir  la  Tahatièî'e  d' Eisen,  sur  laquelle  il  y  avoit  un  dessein, 
Il  avoit  aussi  fait  demander  chez  lui  quand  celte  vente  se  feroit,  en 
«  le  priant  de  vouloir  acheter  pour  luy,  Comte  de  Cuypers  cette 
«  tabatière  à  tel  prix  qu'elle  pourroit  se  vendre.  Quelques  personnes 
"  de  la  Compagnie  indignées  d'un  tel  procédé,  observèrent  à  Clause 
«  qu'il  n'éloit  pas  permis  d'agir  ainsi,  vu  que  tous  les  amateurs  de 
«  desseins  altendoient  avec  impatience  celte  vente  et  que  lui-même 
'•  d'ailleurs  devoit  être  intéressé  à  la  faire  valoir  le  plus  que  possible 
«  afin  d'être  payé  des  prétentions  qu'il  avoit  à  la  charge  d'Eisen, 
«  et  en  même  tems  tenue  pour  acquitter  les  prétentions  des  autres 
tt  créanciers  qu'Eisen  avoit;  surquoy  Clause  dit  qu'il  ne  s'inquiétoit 
«  pas  des  autres,  que  tout  l'argent  que  l'on  avoit  fait  de  vente  ne 


218  CHARLES    EISEN. 

«  siiffiroit  pas  encore  pour  sa  seule  prétention  et  qu'il  croioit 
«  d'autant  plus  cette  vente  faite  en  règle  qu'elle  avoitété  annoncée 
u  par  le  Delleman  dans  la  paroisse  de  St-Nicolas  le  matin  même  du 
et  jour  de  la  vente.  » 

Suivent  les  conclusions  et  les  décisions  des  magistrats  :  les  voici  : 
«  Parler  du  préjudice  pour  les  autres  créanciers  d'Eisen.  Tromper 
a  l'attente  des  amateurs  de  dessein,  flétrissure  pour  la  mémoire 
«  d'Eisen.  On  a  surpris  la  religion  duMag'ou  d'un  de  ses  membres 
«  pour  obtenir  la  promesse  de  faire  cette  vente  précipitée  etobrep- 
«  tive  et  clandestine  en  cellant  sans  doute  qu'entre  les  bardes, 
«  linges,  etc.,  il  y  avoit  les  desseins  de  prix. 

«  Conclure  à  ce  que  la  permission  du  Mag'  soit  déclarée  nulle 
it  comme  urb.  et  obreptivement  abvenue,  et  par  conséquent  ulté- 
it  rieure  la  vente  qui  s'en  est  suivie  également  nulle  et  comme  non 
Il  avenue.  Ordre  à  Clause  sans  dire  expurgation  de  remettre  au 
«  Curateur  que  le  Conseil  trouvera  bon  de  dénommer  pour  la 
«  créance  d'Eisen,  généralement  tous  les  desseins,  ouvrages  et 
(i  d'autres  effets  qu'il  a  obtenus  à  cette  vente  ou  qui  se  sont  trouvés 
't  dans  sa  maison,  lorsde  la  mortd'Eisen,  pourle  tout  être  revendu 
«  de  nouveau  après  préallables  afficbés,  et  avis  dans  les  feuilles 
«  publiques  comme  il  est  de  règle  et  convenable  dans  un  cas  parti- 
tt  culier  tel  que  celui  où  il  s'agit  de  l'ouvrage  d'un  artiste  célèbre 
«  qui  ont  un  prix  indéfini. 

«  Pour  sûreté  des  créanciers  demander  provisionnellement 
«  permission  d'arrêt  sur  les  desseins  de  la  vente  entre  les  mains 
et  du  vendeur  public.  Et  à  ce  que  Clause  soit  condamné  à  tous 
<i  frais,  dommages  et  intérêts  résultés  et  à  résulter  de  cette  pour- 
«  suite. 

<:  Demander  provisionnellement  que  Clause  ait  à  consigner  au 
«  devans  les  vingt  quatre  beures,  tout  ce  qu'il  a  obtenu  à  cette 
«  vente.  » 

On  consultera  avec  intérêt  la  notice  que  M.  Jules  Guifftey 
consacre  à  Cbarles  Eisen  dans  le  tome  VI,  12*  volume  des 
Nouvelles  Archives  de  l'art  français  '. 


'  2'  série,  t.  VI,  12"  vol.  de  la  collection,  publiée  par  Jules  Guiffrey,  1771- 
1790.  Paris,  Charavay. 


LE    MAITRE-AUTEL    DE    DEMS    GERVAIS.  219 

Cette  notice  ajoute  un  intérêt  de  plus  et  se  lie  au  fait  que  nous 
relevons  ;  elle  reproduit  le  certificat  d'inliiimalion  de  Charles  Eisen 
au  cimetière  de  Sainte-Gudule,  à  Bruxelles,  donnant  ainsi  la  date 
exacte  du  décès  du  graveur,  le  4  janvier  1778,  "  chez  le  S'  J.-J. 
"Clause,  marchand  quincailler,  demeurant  rue  au  Beurre  et  inhumé 
«  le  6  du  même  mois  »  . 

Cette  notice  contient  également  le  curieux  procès-verbal  d'appo- 
sition de  scellé  à  Paris,  en  date  du  13  janvier  1778,  dans  lequel 
M.  Guiffrey  fait  remarquer  le  nom  du  graveur  Patasse',  que  Jal 
avait  lu  Patusse  et  qui  demeurait  rue  du  Plàtre-Saint-.Iacques,  celui 
du  S.  Jean-Baptiste  Roger,  professeur  de  musique  à  Paris,  rue 
Beaubourg,  tuteur  de  d"*  Aimée-Justine  Roger,  sa  fille,  et  de 
demoiselle  Catherine-Justine  Eisen,  son  épouse. 

M.  Jules  Guiffrey  a  publié  aussi  une  série  de  pièces  sur  Charles 
Eisen,  émanant  des  archives  des  Commissaires  au  Chàtelet'. 

Albert  Jacquot, 

Correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Ceaux-Arts  des  départements,  à 
Xancy. 


XI 


LE  MAITRE-ALTEL    DE  DENIS  GERVAIS 

A    SAINT-MAURICE    d'A\'GERS 
(1758) 

Bien  que  le  maître-autel  de  Saint-Maurice  d'Angers  soit  d'une 
ordonnance  qui  ne  s'accorde  pas  avec  le  style  général  de  l'édifice 
(douzième-treizième  siècle),  il  mérite  cependant  une  mention  par- 


C'est  du  graveur  Patas  qu'il  s'agit. 
Courrier  de  l'Art,  1884. 


220  LE    MAITUE-ALTKI.    DE    DEMIS    GERVAIS. 

liculière,  comme  un  des  spécimens  les  plus  importants  qui  nous 
soient  restés,  de  la  décoration  religieuse,  au  milieu  du  dix-huitième 
siècle. 

C'est  une  justice  à  rendre  à  l'Église  de  France  —  et  on  la  lui  a 
rendue  déjà'  —  que  de  constater  qu'elle  fut  la  dernière  à  aban- 
donner les  pures  traditions  de  simplicité,  de  logique  et  de  goût, 
dans  la  construction  et  l'ornementation  de  ses  autels.  L'Italie, 
l'Espagne,  plus  tôt,  et  l'Allemagne,  dès  le  quatorzième  siècle,  cou- 
vraient leurs  autels  de  ces  clochetons  et  de  ces  corps  d'architecture 
encombrants  que  ral)bé  Thiers,  les  voyant  apparaître  en  notre 
pays,  au  prix  d'irréparables  sacrifices,  ne  craignit  pas  d'appeler, 
en  1688,  de  «  monstrueuses  décorations  »  . 

Mais  aj)rès  les  retables  monumentaux,  plaqués  au  fond  du  chœur, 
sous  Louis  XIII  et  encore  sous  Louis  XIV,  la  mode  s'imposa,  par- 
tout où  on  put  la  suivre, d'ériger  de  grands  autels  avec  des  espèces 
de  cihorium,  ou  de  baldaquin^  comme  à  Rome,  à  Saint-Pierre  et 
presque  partout.  A  Paris,  même,  Dulaurecite  en  ce  genre,  comme 
étant  «  d'un  bel  effet  «,  l'autel  de  Saint-Jean  en  Grève,  dessiné 
par  Illondel,  et  achevé  en  1724;  il  assure  encore  que  l'autel  de 
Saint-Barthélémy,  œuvre  des  frères  flamands  Slodz  (l'un  mort  en 
1754,  l'autre  en  1758),  «  mérite  les  regards  des  curieux^  d  ,  et 
signale  aussi  le  baldaquin  du  \  al-de-Gràce. 

Les  chanoines  d'Angers  n'échappèrent  pas  plus  longtemps  à 
l'influence  de  la  mode. 

En  1754,  le  Chapitre  se  préoccupe  de  remplacer  l'autel,  recon- 
struit en  1699,  par  un  autel  à  baldaquin^,  et  des  plans  sont  deman- 
dés à  un  artiste  dont  nous  voyons  le  nom  pour  la  première  fois, 
Denis-Antoine  Gervais ,  qui,  dans  le  marché  conclu,  s'intitule 
«  sculpteur  de  l'Académie,  à  Paris,  et  pensionnaire  du  Roy  » ,  et 
qui  est  nommé  «  sculpteur  ordinaire  des  bâtiments  du  Roy  «  ,  dans 
l'acte  de  mariage  de  son  fils,  «  sculpteur  architecte  de  l'Académie 
de  Paris,  pensionnaire  de  Sa  Majesté  » ,  dans  son  acte  de  décès.  Il  était 


'  Viollet-le-1)lc,  Dictioimaire  cV architecture,  t.  I,  p.  49. 

-  Nouvelle  Description  des  curiosités  de  Paris,  2°  édit.,  1787,  t.  I,  p.  66; 
t.  II,  p.  130. 

^  Archives  municipales  d'Angers,  GG.  33,  105.  — Arcliivesde  Maine-et-Loire, 
E.  2610.  —  Cr.  Cet.  Port,  Les  artistes  angevins,  1881,  p.  125-126,  et  Dic- 
tionnaire de  Maine-et-Loire,  t.  II,  p.  257. 


LE    MAITRE-AL'TEL    DE    DE.\IS    GEIIVAIS.  221 

alors  âgé  de  cinqiiaiite-six  ans  el  ne  vécut  pas  au  delà  de  soixante  ' . 

A'ous  aurons  dit  sur  Denis  Gervais  tout  ce  que  nous  savons,  si 
nous  ajoutons  qu'il  mourut  avant  d'avoir  terminé  le  grand  autel 
d'Angers,  le  28  septembre  1758,  dans  une  pauvre  chambre  garnie 
de  la  cité  de  cette  ville,  où  il  redevait  trois  mois  de  loyer  à  l'hô- 
tesse, soit  10  livres  par  mois,  et  que  ses  deux  filles,  dont  l'une 
mariée  à  un  épicier  de  Paris,  renoncèrent  à  sa  succession,  comme 
son  fils,  Jean-Jacques,  qui  devait  continuer  et  terminer  l'œuvre. 
Xotons,  toutefois,  que  Jean-Jacques  était  né  vers  1733  à  Angers 
même,  où  il  devait  se  marier  à  vingt-six  ans  et  où  il  demeurait 
encore  en  1766,  rue  du  Cornet  :  ce  n'est  peut-être  pas  se  hasarder 
beaucoup,  après  cela,  que  de  supposer  que  Denis  Gervais  était 
Angevin,  tout  au  moins  par  ses  alliances. 

Après  avoir  examiné  les  plans  que  l'artiste  leur  avait  commu- 
niqués le  17  janvier  1755,  les  chanoines  déléguèrent  plusieurs 
d'entre  eux  pour  conclure  un  marché.  MAI.  de  Montéclerc,  Pocquet 
de  Livonnière,  Bruneau,  Rousseau  de  Pontigny  et  Houdbine 
signèrent  l'acte,  au  nom  du  Chapitre,  le  28  mars  suivant. 

Denis  Gervais  s'engagea,  moyennant  un  prix  de  22,000  livres 
(qu'il  fallut  presque  doubler  ),  à  exécuter,  dans  le  délai  de  dix-huit 
mois,  la  reconstruction  du  maître-autel  de  la  cathédrale,  d'après 
les  plans  présentés. 

Mais  c'est  seulement  à  l'heure  même  où  il  eût  dû  livrer  son 
œuvre  que  Gervais  la  put  commencer.  L'évêque  Jeau  de  Vaugirault 
bénit  la  première  pierre  le  ISjuillet  1757",  et,  quatorze  mois  après, 
le  27  septembre  1758,  l'artiste  mourait,  laissant  l'autel  inachevé. 
On  raconte  que,  moribond,  il  se  fit  transporter  sur  un  matelas,  à  la 
cathédrale,  pour  expliquer  ses  projets  de  baldaquin  ^, et,  comme  nous 
l'avons  dit,  c'est  son  fils  Jean-Jacques  Gervais  qui  termina  la  tâche. 
Un  nouvel  évèque,  Jacques  de  Gi'asse,  consacra  le  grand  autel  le 
23juilletl759,  après  plus  de  cinq  ans  de  pourparlers  et  de  travaux*. 

Au  total,  le  monument  ne  coûta  pas  moins  de  40,000  livres  ' .  Les 

'  L'ami  du  secrétaire,  par  Brossier.   Ms.  656  de  la   Bibliothèque  d'Angers. 

^  Ms.  656  de  la  Bibliothèque  d'Angers,  t.  I  (Autel).  —  Archives  de  Maine-et- 
Loire,  G.  385. 

^  Jean  de  Vaugirauld,  par  M.  Bailli  (dis-huitième  siècle).  Ms.  633  de  la 
Bibliothèque  d'Angers. 

*AIs.  656. 


222  LE    MAITRE-AUTEL    DE    DENIS    GERVAIS- 

chanoines,  qui,  dès  175G,  avaient  obtenu,  à  cet  effet,  du  grand  maître 
des  eaux  et  forêts  de  la  Généralité,  la  permission  d'aliéner  cent 
soixante-treize,  grands  chênes  anciens  sur  leurs  domaines  de 
Saint-Denis  d'Anjou  et  de  Chemiré,  —  furent  aidés,  dans  cette 
dépense,  par  l'évèquc  Jean  de  Vaugirault,  qui  donna  11,000  livres 
de  ses  deniers,  et  aussi  par  les  habitants,  qui  firent  une  loterie. 

Au  surplus,  nous  renvoyons  au  texte  même  du  marché,  joint  à 
cette  notice  *. 

Tel  qu'il  existe  encore  aujourd'hui,  le  maître-autel  de  Saint- 
Maurice  d'Angers  n'est  pas  sans  quelque  analogie  avec  les  balda- 
quins dont  nous  avons  parlé  de  Saint-Jean  en  Grève  et  de  Saint- 
Barlhélemy,  dont  le  souvenir,  —  tout  ce  qu'il  en  reste  à  cette  heure, 
—  est  conservé  au  cabinet  des  estampes  de  la  Bibliothèque  na- 
tionale^ :  avec  son  immense  gloire,  l'autel  de  Saint-Barthélémy  est 
plus  étriqué,  moins  harmonieux  dans  son  ensemble*. 

Quant  aux  détails  de  l'ornementation,  ce  sont  à  peu  près  ceux 
qu'on  a  coutume  de  voir  à  cette  époque,  où  la  ligne  droite  et  la 
symétrie  démodées  étaient  remplacées  par  les  contre-parties  non 
symétriques  et  les  courbes  les  plus  capricieuses.  Des  dessins  de  la 
collection  l'olerlet,  dus  à  l'artiste  allemand  François  Habermann^ 
et  à  Babel"  ont  des  rocailles  gracieuses  et  légères  qui  rappellent 
singulièrement  celles  du  baldaquin  d'Angers;  les  dessins  de  Charles 
Eisen"  sont  plus  lourds.  Enfin,  je  ne  serais  pas  étonné  que  les 
trophées  d'Amours  etde  chasse,  composés  par  J.  Dumont  le  Romain 
et  gravés  par  Blondel*,  ainsi  que  les  cartouches  de  Nicolas  Pineau, 
gravés  par  Hérisset,  chez  Jean  Mariette,  aient  pu  fournir  à  l'orne- 
maniste Denis  Gervais,  ou  à  son  fils  Jean-Jacques,  des  modèles 
qu'ils  auraient  copiés  ou  plutôt  interprétés,  d'ailleurs  avec  une 
véritable  habileté. 

'  L'autel  à  baldaquin  du  Val-de-Grâce  coûta  60,000  livres,  au  témoignage  de 
Dulaurc. 

*  Voir  ci-dessous,  p.  227. 

*  Carton  Autels. 

*  Gravé  par  Aloreau. 

^  François-Xavier  Habermann  (1721  f  1796).  \joir  Les  maîtres  ornemanistes, 
pi.  157. 

^  F.-E.  Babel,  ornemaniste  français,  milieu  du  dix-huitième  siècle.  {Ibid., 
pi.  59.) 

'  Ibid.,  pi.  54. 

^  Ibid.,  pi.  45. 


LE    MAITRE-AUTEL    DE    DEXIS    GEIU'AIS.  223 

Ce  qui  (lislingiie  le  maîlre-autel  d'Angers,  c'est,  à  la  fois,  la  soli- 
dité imposante,  on  pourrait  dire,  majestueuse,  du  corps  principal 
d'architecture,  et  la  proportion  rationnelle  du  couronnement, orné 
avec  cette  légèreté  maniérée  qui  distingue  les  dessinateurs  français 
desornemanistesallemands,  [iresque  toujours bizarresetcommuns'. 

L'idée  d'un  autel  monumental,  énorme,  —  idée,  je  tiens  à  le 
répéter,  tout  à  f.iit  discutable,  — étant  admise  ici,  l'artiste,  on  peut 
l'affirmer,  a  résolu  un  problème  que,  trop  souvent,  n'ont  même 
pas  compris  des  ornemanistes  ou  des  architectes  de  ce  temps.  Denis 
Gervais  a  su  donner,  à  l'autel  et  aux  colonnes  qui  le  surmontent,  la 
solidité  qui  rassure  et,  en  même  temps  à  son  couronnement,  la 
grâce  qui  plaît  à  la  vue. 

Là,  du  moins, les  yeux  ne  donnent  pas  cette  préoccupation  ins- 
tinctive, cette  inquiétude  plus  ou  moins  consciente,  qu'on  éprouve  à 
l'aspect  de  ces  constructions  défiant  le  sens  commun,  où  des  colonnes 
trop  grêles,  des  arceaux  trop  légers,  des  cariatides  trop  faibles,  sup- 
portent comme  en  un  château  de  caries  un  ciboriiim  trop  lourd, 
un  groupe  trop  considérable,  voire  même  des  niches  tout  à  fait 
écrasantes.  V  a-t-il  rien  de  plus  pénible  pour  un  auditeur  que  de 
voir  une  vaste  tribune  de  chaire  <à  prêcher,  juchée,  comme  en  équi- 
libre, sur  un  pédoncule  trop  mince,  de  sorte  que  l'on  redoute, 
comme  un  vrai  péril  pour  l'orateur,  le  moindre  de  ses  gestes  et  le 
plus  simple  de  ses  mouvements? 

Les  Gervais  ont  évité  ce  travers.  Les  pompes  religieuses  peuvent 
se  déployer  ici  en  toute  sécurité  ;  il  ne  peut  venir  à  la  pensée  de 
personne  qu'un  écroulement  du  baldaquin  soit  seulement  possible. 
Les  règles  de  la  proportion  et  de  la  logique  sont  ici  respectées. 

Il  me  reste  peu  à  dire  pour  compléter  l'historique  de  ce  monu- 
ment. 

Denis  Gervais,  en  son  contrat,  s'était  réservé  de  faire  au  plan 
primitif  les  changements  qui  pourraient  paraître  utiles.  C'est  ainsi 
que  furent  ajoutées,  en  forme  d'acrolères,  les  deux  cassolettes  qui 
surmontent  les  côtés  de  la  corniche  et  dont  le  marché  ne  parle 
pas.  C'est  pour  une  autre  raison,  par  économie  sans  doute,  que  ne 
furent  point  exécutées  les  deux  crédences  de  bois  doré,  qui  devaient 

'  Voir,  ci-après,  pi.  6. 


224  LE    MAITIIE-AUTEL    DE    DEi\lS    GERVAIS. 

êlre  posées  (l;it)s  rentre-colonneinent,  pas  plus  que  les  diversesdé- 
coralions  de  bronze  doré  au  tombeau  de  l'autel. 

Mais  je  ne  saurais  dire  si  l'écusson  de  18  pieds  aux  armes  du 
Chapitre  [de  (jueules  à  Vescarhoucle  à  huit  rais  d'or),  qui  devait 
être  incrusté  dans  le  marbre  du  marchepied  de  Tautel,  fut  exécuté 
ou  non  :  il  n'existe  pas  aujourd'hui.  Peut-être  a-t-il  été  détruit  à 
la  fin  du  dernier  siècle. 

L'œuvre  de  Denis  Gervais  subit  heureusement  peu  d'altérations 
à  l'époque  où  Saint-Maurice  d'Angers  fut  transformée  en  Temple 
Décadaire  (1797)'  pour  lequel  David,  père  du  célèbre  statuaire, 
sculpta  un  autel  de  la  Patrie,  qu'on  peut  voir  au  Musée  de  la  ville*. 
On  se  contenta  de  couvrir  la  croix  d'un  bonnet  phrygien  et  de  faire 
disparaître  les  tabernacles'.  Mais,  pour  la  construction  d'estrades 
ofâcielles,  on  avait  enlevé  le  marchepied  de  l'auteP,  et,  lorsqu'on 
put  le  rétablir,  en  1805,  on  ne  devait  pas  songer  à  reconstituer  des 
armoiries,  en  admettant  qu'elles  eussent  existé  avant  la  Révo- 
lution. 

L'ange  du  couronnement,  au  lieu  d'une  custode  ou  pixide,  tient 
en  ses  mains  une  couronne  royale  de  bois,  or  et  vermillon,  com- 
mandée à  David  père,  en  1805  ^ 

Depuis  que  les  études  archéologiques  sont  plus  répandues,  par 
une  réaction  assez  explicable,  mais  excessive,  contre  l'éclectisme 
irraisonné  des  derniers  siècles,  il  y  aurait  quelques  tendances  à  de 
nouvelles  destructions,  en  vue  de  rendre  strictement  uniforme,  en 
son  style,  tout  monument  ancien.  Si  l'autel  de  Saint-Maurice 
d'Angers  n'a  pas  encore  couru  le  risque  d'être  détruit,  il  faillit  être 
déplacé,  transporté  à  Paris,  au  Panthéon  de  Soufflot,  contemporain 
de  Denis  Gervais. 

Mais  la  Commission  archéologique  de  Maine-et-Loire  fît  entendre 


'  Deux  fois  l'autel  a  été  repeint  et  doré,  en  1831  notamment;  la  corniche  fut 
d'abord  peinte  en  marbre  rouge;  elle  est  maintenant  en  marbré  blanc  leiné  de 

-  Voir  Henry  JouiM,  Histoire  et  description  des  musées  d'Angers  (1885), 
p.  211. 

^  Le  tabernacle  actuel,  en  bois,  peint  en  malachite,  avec  ornements  dorés,  est 
de  François-Edme  Dessus-Lamarre.  [Registres  de  fabrique,  1809.) 

'^Registre  des  délibérations  du  conseil  de  fabrique.  (Archives  de  la  cathé- 
drale.) 

'"  Archives  départementales.  (Travaux  de  la  cathédrale,  an  XL) 


MAITRE -AUTEL 

P1R     DKNIS     GKRVfltS     17Ô8 

{Cathédrale  d'Angers.) 


Piige 


i 


m:    \1  a  11' HE- al  tel    de    de  m  s    G  E  U  V  A  1  S  .  225 

(les  protestations  fort  vives  contre  ce  projet,  que  la  désalleclation  de 
Sainte-Geneviève  ne  permet  pas  de  craindre  aujourd'liui '. 

Quelle  que  soit  l'importance  de  l'autel  construit  à  grands  fiais 
par  Denis  Gervais,  il  est  impossible  de  ne  pas  éprouver  de  regrets, 
quand  on  sait  qu'il  a  remplacé  un  autel  déjà  reconstruit  depuis 
cinquante-cinq  ans,  sans  doute  (à  l'époque  où  la  manie  du  change- 
ment privait  la  France  de  tant  d'objets  d'art  a  jamais  sacrifiés), 
mais  qui,  sur  sa  simple  maçonnerie  de  pierre,  n'en  montrait  pas 
moins  des  ornements  très  précieux  du  moyen  âge  -. 

Du  côté  du  chœur,  l'ancien  autel  était  orné  d'un  parement  de 
vermeil  donné  par  Févêque  Normand  de  Doué,  mort  en  1153.  Ce 
parement,  qui  représentait,  sous  quinze  arcades  cintrées,  Jésus, 
les  Douze  ajyôtres,  et  deux  évcques  (probablement  S.  MaiiriUe  et 
S.  Renéj  ou  encore  le  portrait  du  donateur),  fournit  une  réponses 
la  question  que  se  posait  l  iollet-le-Duc  lorsqu'il  se  demandait  s'il 
y  eut  en  France,  hormis  Marseille,  des  devants  d'autel  ornés  de 
ligures  de  saints  ou  de  personnages  divins  antérieurement  au  quin- 
zième siècle". 

L'autre  face  de  l'ancien  autel  répond  également  à  cette  interro- 
gation. Elle  présentait  un  autre  parement  d'autel,  en  vermeil  et 
filigranes  d'or,  dont  les  bas-reliefs  représentaient  la  Nativitéj 
V Adoration  des  Bergers,  la  Visitation  de  la  l'ierge,  V Annoncia- 
tion, les  Mages  devant  Hérode,  V Adoration  des  Mages,  le  Mas- 
sacre des  Innocents,  le  Trépassement  et  le  couronnement  de  la 
Vierge,  enfin,  agenouillé,  le  donateur,  l'évèque  Guillaume  de  Beau- 
mont,  mort  en  1240. 

Depuis  qu'on  avait  abandonné  les  traditions  primitives,  où  deu\ 
chandeliers,  (|ualre  au  plus,  étaient  placés,  à  plat,  sur  l'autel, 
depuis  qu'on  avait  construit  des  gradins  sur  la  table  de  l'autel,  on 
ne  se  faisait  pas  faute  d'y  placer  aussi  des  châsses,  des  armoires  ou 
niches  avec  représentations  de  saints.  Aux  deux  côtés  du  grand 
autel  d'Angers,  s'élevaient  deux  de  ces  niches,  à  volets,  en  bois 

'  Voir  dans  le  Répertoire  archéologique  de  l'Anjou,  18(vl.  Bruits  fâcheux, 
par  V.  Godard-Faultrier,  et  Communications,  par  E.  Lachksk. 

-  Voir  L.  DE  I''ar(;v,  Xotices  archéologiques  sur  les  autels  de  la  cathédrale 
d'Angers.  Angers,  J878,  .in-8"  de  30  pages. 

'  Dictionnaire  raisonné  d architecture  française ,  t.  I,  p.  .")3. 

15 


-220  1-E    AI  AIT  11  K- A  UT  EL    DE    DEMS    GEHVAIS. 

sculpté  et  doré,  exécutées  en  J504  par  Michel  Heuzé  ou  Huzé, 
pour  abriter  deux  grandes  statues  d'argent  doré  de  plus  de  -4  pieds, 
celle  de  la  Vierge,  qui  avait  coûté  400  écus  d'or  au  doyen  du  Cha- 
pitre Jean  de  la  Vignole,  en  1462,  et  celle  de  S.  Maurice^  qui  n'avait 
pas  coûté  moins  de  569  livres  de  main-d'œuvre,  chez  l'orfèvre  de 
Tours  Hans  iMangolt,  au  commencement  du  seizième  siècle  \ 

Au  lendemain  de  la  consécration  du  grand  autel  de  Denis Ger- 
vais,  ces  précieux  objets  d'art  disparurent,  pour  acquitter  les  dé- 
penses de  construction.  Vendues  au  poids,  les  statues  d'argent  doré 
de  la  Vierge  et  de  S.  Maurice  ;  vendus,  les  parements  d'autel  du 
douzième  et  du  treizième  siècle,  vendus  au  poids  et  anéantis  ! 

C'était  à  cette  époque  véritablement  barbare  (1755)  oii  la  cathé- 
<lrale  d'Amiens,  sacrifiant  aussi  son  magnifique  autel  de  J483,  était 
(t  bouleversée  pour  faire  place  à  des  images  de  plâtre  et  à  des 
rayons  de  bois  doré,  avec  grosses  cassolettes,  draperies  chiffonnées, 
gros  anges  effarouchés,  également  en  plâtre  "  "  ;  —  où  Chartres 
démolissait  son  autel  et  son  jubé  du  treizième  siècle;  —  où  Saint- 
Denis  se  «  modernisait  î)  !  —  où  Xotre-Dame  de  Paris  procédait  à 
la  destruction  de  son  ancien  autel,  de  ses  reliquaires,  de  ses  tombes 
épiscopales;  —  oii  tant  d'églises  brisaient  leurs  vitraux! 

Angers  n'eut  rien  à  envier  aux  pires  Vandales,  pendant  le  dix- 
huitième  siècle  tout  entier. 

La  nomenclature  de  ses  destructions  serait,  hélas!  trop  longue. 
Il  n'est  pas  sans  utilité  ni  sans  enseignement  d'y  faire  allusion. 

Le  vandalisme  n'a  point  encore  partout  abdiqué.  Mais  c'est  une 
justice  à  rendre  à  notre  époque,  que  de  le  reconnaître  :  les  actes  de 
destruction  deviennent  de  moins  en  moins  fréquents.  Il  faut 
espérer  qu'ils  disparaîtront  tout  à  fait.  Nos  Sociétés  des  Beaux- 
Arts,  des  réunions  comme  celles-ci  contribueront  beaucoup  à 
atteindre  un  résultat  aussi  désirable. 

Joseph  Deivais, 

Correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements  à 
Angers. 

'  Sur  Hans  ou  Jean  Mangolt,  voir  E.  Giraudet,   Les  artistes  tourangeaux, 
1885,  p.  281,  (Mémoires  de  la  Société  arcliéologique  de  Touraine.) 
*  V'iOLLET-LE-Dix,  Dictionnaire  raisonné  d'architecture,  t.  I,  p.  53. 


I.E    MAITUE-AITEL    D K    DEMS    GERVAIS.  227 


PIÈCES    JUSTIFICATIVES 

Arc/lires  départementales  de  Maine-et-Loire,  série  G.,n"26(^. 

"IS  mars  1755.  —  Devis  et  marché  des  ouvrages  de  sculpture  en  bois, 
menuiserie,  chai'pente,  dorures,  marbres  et  maçonnerie  et  poses  qu'il 
convient  faire  pour  le  grand  Autel  de  l'Eglise  de  la  Cathédrale  de  Saint- 
Maurice  d'Angers,  par  les  ordres  de  Monseigneur  l'Evêque  et  Messieurs  les 
Chanoines  du  Chapitre  sur  les  dessins,  plans,  profils,  élévations  et 
conduites  du  sieur  Gervais,  sculpteur  de  l'Académie  à  Paris,  et  pension- 
naire du  I>oy,  en  mars  mil  sept  cent  cinquante-cinq. 

Savoir  : 

Sera  démoli  le  grand  autel  tel  qu'il  se  comporte  aujourd'hui  pour 
être  reconstruit  plus  avant,  dans  le  chœur,  ce  qui  sera  arrêté  avec 
Messieurs  les  Commissaires,  et  en  enlever  tous  les  matériaux  délivrés  qui 
ne  pourront  point  me  servir,  le  tout  à  mon  profit,  savoir  :  les  matériaux 
tant  en  bois  doré  qu'en  pierre  de  marches  d'autel,  coffre,  parquet, 
gradins  et  tabernacles  et  guéridons  portant  les  figures  de  la  Vierge  et  de 
S.  Maurice,  même  pierre  de  maçonnerie.  Le  surplus  de  ce  qui  compose 
ledit  autel  restera  audit  Chapitre. 

Sera  construit  la  masse  d'un  nouvel  autel  au  lieu  et  à  la  place  dessinée 
et  marquée  sur  le  plan  agréé,  qui  aui-a  environ  24  pieds  de  long,  et 
9  à  10  pieds  de  large,  y  compris  le  massif  des  six  colonnes,  maçonnée 
en  pierre  des  Rairies  '  pour  les  piédestaux  et  en  pierre  d'ardoise  pour  les 
tombeaux  et  marches,  à  chaux  et  sable,  fondé  sur  le  solide  ou  bon  fond 
et  que  si  les  fondements  passaient  six  pieds,  il  n'en  serait  tenu  compte, 
à.  l'estimation. 

Seront  faites  et  fournies  six  colonnes  de  marbre  rouge  de  Laval  ou  de 
Sablé  de  la  hauteur  de  14  pieds  de  fûts,  grosses  à  proportion,  suivant 
l'ordre  corinthien,  avec  leurs  piédestaux,  corniches,  et  bases  joignant  les 
deux  tombeaux  d'autels;  lesquels  deux  tombeaux  seront  avec  leurs  tables 
de  marbre  en  plein  de  trois  morceaux,  chaque  table  de  marbre  de  devant 
et  derrière  bombée  sur  son  plan  d'élévation  avec  moulures,  cadres,  listels, 
revêtements  et  incrusteaients  des  quatre  côtés,  le  tout  suivant  les  plans 
et  dessins  qui  sont  donnés,  et  de  ceux  qui  seront  tracés  en  grand  et 
agréés,  comme  aussi  les  couleurs  et  qualités  des  marbres,    des  panneaux 

'  Calcaire  jurassique  des  Rairies,  près  Durtal  (Maiue-et-Loire).  —  J.  D. 


228  l,K    Al  AIT  RE -AUTEL    DE    DEXIS    GEHIAIS. 

de  devant  et  de  dei  riore  des  tombeaux,  tant  des  piédeslaiiv  que  des  devants 
d'autels,  savoir  :  les  deux  devants  d'autels  en  marbre  incrustés  de  bri'che 
violette,  les  panneaux  des  piédestaux  des  colonnes  seront  soit  en  marbre 
aussi  inscruté,  en  ceracolin  verte  '  ou  marbre  d'autin  (?),  le  tout  bien  ajusté 
et  mastiqué,    atlacbés  avec  agrafes  et  travaillé  avec  tout  l'art  possible. 

Sera  fait  quatre  gradins,  deux  derrière  et  deux  devant,  de  la  baiiteur  de 
G  pouces  et  de  la  longueur  des  autels  environ,  étant  interrompu  et  par 
les  tabernacles  et  les  joignans  ornés  d'une  gauderone  et  gorge  qui  sera 
revêtue  d'une  frise  en  marbre  inscrutée  de  brècbe  violette  de  toutes  les 
longueurs,  derrière  et  devant,  ayant  14  pouces  au  plus  large  ;  chaque 
gradin  sera  chantourné  sur  son  plan. 

Sera  fait  les  deux  tables  des  marchepieds  des  autels  en  plein,  formant 
les  pleins  murs  et  qui  aura  par  le  devant  4  pieds  de  large,  et  sera  incrusté 
dans  le  milieu  de  l'écusson  de  saint  Maurice,  en  marbres  différents;  il 
aura  de  long  IS  pieds  ou  environ,  6  pouces  de  haut  godronnés,  et  les 
marches  de  16  pouces  par  le  devant  et  de  13  à  14  parle  derrière  en  largeur, 
toutes  sur  six  pouces  de  hauteur;  le  tout  suivant  le  plan  qui  en  sera  arrêté 
par  devant  Messieurs  les  Commissaires  nommés,  et  pareillement  la  table 
du  marchepied  de  l'aulel  de  derrière,  îï  l'exception  qu'elle  sera  plus  petite 
que  celles  du  devant  et  les  marches  aussi,  le  tout  en  marbre  noir  bien  poli. 

Sera  fait  G  bases  en  bronze  pour  les  six  colonnes  de  marbre  tournées 
et  fondues  suivant  les  grosseur  cl  hauteur,  avec  leurs  moulures  tores  et 
carrées  conforme  à  l'ordre  ci-dessus. 

Sera  fait  et  fourni  deux  boîtes  de  tabernacle  en  plomb,  revêtu  en  bois 
par  dedans,  devant  et  derrière,  ouvrant  à  clefs  avec  serrures  et  accom- 
pagnées de  deux  amortissements  riches  ornés  de  rocailles,  raisins  et 
feuilles  de  pampres,  et  dans  le  milieu  des  deux  tabernacles,  il  sera 
pratiqué  une  plate-lorme  ornée  d'un  tailloir  en  marbre  de  couleur,  pour 
y  poser  soit  une  grande  Croix  ou  une  Exposition  du  Saint-Sacrement,  telle 
qu'elle  est  dans  le  Trésor. 

Sera  fait  6  cha|»ileauxen  bois  de  l'ordre  corinthien,  enrichi  de  ses  volutes, 
tailloirs,  feuilles  d'olivier  et  callicoles  (sic),  le  tout  dans  ses  proportions. 

Sera  fait  la  corniche  au-dessus  desdils  chapiteaux  et  du  même  ordre, 
enrichie  de  tous  ses  marbres  d'architecture,  roses,  modillons  et  autres 
ornements  tant  dans  la  frise,  avec  plusieurs  attributs  de  saint  Maurice 
et  d'église,  et  autres  ornements,  sur  les  marbres  d'architectures  dans 
toutes  les  quatre  faces  devant,  derrière  et  côtés,  suivant  plans  et  profils, 
le  tout  en  bois  collé,  chevillé,  mortaizé  à  clefs  que  assemblé  avec  tout 
l'art  et  la  force  convenable  à  un  pareil  ouvrage. 

'  Sarrancoiiii  d'Iihct  (Hautes-Pyrénées).  — J.  l). 


I,E    MAITRE-AUTEL    DE    DEMIS    GERVAIS.  229 

Sera  fail  sur  le  devant  de  la  corniclie,  enlre  les  clia|)iteaux,  une  Gloire 
où  il  y  aura  un  Ange  tenant  une  suspension,  l'ange  aura  une  draperie, 
et  soutenu  par  des  ailes  et,  derrière,  avec  des  tètes  de  chérubins  qui 
l'accompagneront,  comme  aussi  des  rayons  sortant  de  derrière. 

Le  derrière  sera  orné  d'une  gloire  enrichie  de  cinq  tètes  de  chérubins 
accompagnés  de  nues  et  rayons,  le  tout  en  bois  doré  et  peint. 

Au-dessus  de  la  corniche,  sera  posé  un  socle  qui  recevra  les  colonnes 
du  baldaquin  ;  il  sera  de  la  hauteur  d'un  pied  seulement,  le  chapiteau 
à  socle  sera  peint  en  marbre  vert  Campan. 

Sera  fait  au-dessus  desdits  socles  4  consoles  et  2  enfants  '  formant 
le  baldaquin,  mariées  toutes  les  unes  avec  les  autres  et  s'accordant  par  le 
haut  avec  un  groupe  de  nuées  et  de  4  têtes  de  chérubins  tant  derrière  que 
devant  et  accompagneront  une  boule  ou  globe  du  monde  entortillé  d'un 
serpent  et  surmonté  d'une  croix,  qui  terminera  le  tout. 

Chaque  console  du  baldaquin  pourra  avoir  12  à  13  pieds,  enrichie  de 
palmes,  festons  de  (leurs,  blés,  vignes,  raisins  et  autres  ornements, 
feuilles  rocaillées,  volutes  percées  à  jour.  Le  tout  en  bois  bien  assemblé 
et  de  tout  ce  qui  pourra  être  nécessaire  à  la  solidité  de  l'ouvrage. 

Sera  fail  toutes  les  dorures,  tant  en  mal  que  bruni,  du  plus  bel  or  jaune 
que  l'on  pourra  trouver,  savoir,  tout  le  baldaquin,  les  têtes  des  chérubins, 
palmes,  rayons,  fleurs,  guirlandes,  pampres  de  vignes,  raisins,  chapiteaux, 
partie  de  marbre  de  la  corniche,  attributs,  ornements  des  deux  tabernacles, 
la  custode,  l'ange  la  tenant  et  généralement  ce  qui  est  expliqué  au 
modèle,  d'or,  à  l'exception  de  toutes  les  nues  qui  seront  peintes  en  bleu 
de  ciel  ;  le  reste  de  la  corniche  sera  peint  en  marbre  dedifférents  couleurs 
et  qui  seront  choisis  par  écrit,  comme  aussi  le  socle. 

Seront  faits  tous  les  bronzes  des  ornements  du  tombeau  des  autels 
devant  et  derrière,  savoir  par  devant  les  deux  consoles  et  sur  les  angles 
et  un  grand  cartel  d'où  sortira  des  guirlandes  de  raisins  et  bleds,  et 
joindront  lesdiles  consoles  des  deux  côtés.  Le  derrière  sera  orné  d'un 
pareil  cartel  comme  devant,  avec  seulement  deux  consoles  sur  les  côtés. 
Tous  les  bronzes  seront  mis  en  couleur  d'or  à.  fosse. 

Sera  fourni  par  moi  les  deux  glaces  pour  les  deux  cartels  en  bronze 
des  deux  devants  d'autels  où  doit  être  posées  les  reliques. 

Sera  posé  et  renfermé,  comme  dans  une  boîte  ou  rigole,  le  cordon  de 
soie  qui  suspendra  la  custode  et  descendra  le  long  d'une  des  colonnes 
sans  être  aperçu  et  fermera  à  clef,  ainsi  qu'il  est  actuellement. 

Seront  par  moi  fournis  tous  les  échaffauds  nécessaires,  soit  pour  monter 
les  colonnes,  la  corniche,  le  baldaquin,  et  dorer,  peindre  le  tout,  jusqu'à 

'  Anjjelots.  —  J.  D. 


230  LE    MAITRK-AUTEL    DE    DENIS    GEUVAIS. 

l'enlière  perfection  dudit  ouvrage,  même  le  transport  des  6  colonnes  et 
du  reste  de  l'ouvrage  à  saint-Maurice  ;  le  tout  à  mes  frais. 

Plus  sera  fait  et  fourni  àeax  crédences  en  bois  doré  dont  Ips  dessus 
seront  en  marbro  et  allacliés  entre  les  colonnes  du  baldaquin. 

Tous  lesquels  susdits  ouvrages  ci-dessus  et  de  l'autre  part  mentionnés, 
seront  par  moi,  (îervais,  soussigné,  bien  et  dûment  faits  et  fournis,  bien 
polis,  travaillés,  sculptés,  dorés,  peints,  mis  en  couleurs  et  en  beau  bois, 
posé  avec  toute  la  solidité  et  précision  possible  et  convenai)le,  même  avec 
ferrements  et  gros  fer  ,  boulons  dans  les  6  colonnes  baut  et  bas,  bien 
coulés  et  scellés.  Tous  les  plombs  et  bronzes  seront  bien  ciselés,  dorés 
ou  en  couleur  d'or. 

Le  tout  ci -dessus  expliqué  pour  le  prix  et  somme  de  vingt -deux 
mille  livres ,  réservant  qu'il  me  sera  permis  de  faire  tous  les  petits 
changements  que  je  trouverai  bien  à  faire,  soit  dans  les  ornements  ou 
positions  des  figures  ou  têtes  de  chérubins,  sans  cependant  rien  diminuer 
de  l'ouvrage  préposé  et  ne  rien  prétendre  au  surplus  du  marché  ci- 
dessus,  et  que  s'il  se  fait  des  changements  ou  augmentations,  de  concert 
avec  Messieurs  les  commissaires,  ils  me  seront  payés  en  plus-value  à 
l'estimation  et  à  l'amiable.  Lesquelles  vingt-deux  mille  livres  me  seront 
payées  au  fur  et  à  mesure  que  mes  ouvrages  avanceront  par  messieurs  du 
Chapitre. 

Lesquels  ouvrages  moi,  Gervais,  promets  faire  et  fournir  pour  ladite 
somme  de  vingt-deux  mille  livres,  avant  la  fête  de  Saint  Maurice  pro- 
chaine, en  un  an. 

Et  nous,  commissaires  du  Chapitre  de  l'Eglise  d'Angers,  soussignés, 
promettons  aux  dits  noms,  faire  payer  audit  sieur  Gervais  ladite  somme 
de  vingt-deux  mille  livres  pour  les  ouvrages  compris  dans  le  présent 
marché  que  nous  promettons  lui  payer  à  fur  et  à  mesure  que  l'ouvrage 
avancera,  de  façon  qu'il  reste  à  lui  payer  la  somme  de  6,000  livres  lors 
de  la  réception  de  l'ouvrage. 

Fait  à  Angers,  double,  sous  nos  seings,  le  28  mars  1755. 

Signé  :  de  Montéglers,  Pocquet  de  Livonnière, 
Bruneau,  V.  R.  RoussEAL'  DE  Pantigny, 
Hovdbine,  D.  Gervais. 

(Contrôlé  à  Angers  le  29  mars  1756  par  Delaage,  qui  a  reçu  soixante-quinze 
livres  douze  sols.) 

Suivent;  1°  L'ordonnance  de  Philippe  Barthélémy  Levesque,  chevalier, 
seigneur  de  Gravalle  et  autres  lieux,  conseiller  du  Roi  en  ses  conseils, 
grand  maître  des  eaux  et  forêts  de  France  au  département  des  provinces 


LES    PEINTRES    VAN    00  ST.  -231 

de  Toiiraine,  Anjou,  le  Maine,  haut  et  bas  Vendôiiiois,  comniellanl  le  sieur 
de  \iileneufve,  maître  particulier  de  la  maîtrise  d'Angers,  pour  reconnaître 
et  visiter  173  pieds  de  chêne,  épars  sur  les  domaines  du  Chapitre,  paroisse 
S.  Denis  d'Anjou  et  Chemiré,  «  aux  offres  de  les  employer  en  nature  ou 
le  prix  en  provenant  à  la  construction  du  maître  autel  »  de  S.  Maurice 
d'Angers.  (Paris,  5  février  175G.) 

2"  Procès-verbaux  de  visites  par  Joseph  Lehay  de  Villeneufve,  pour  la 
reconnaissance  desdils  chênes.  (25  mars  1756  — 28  mars  1756.) 


XII 

LES  PEIXTRES  VAN  OOST 

A    LILLE 
A  PROPOS  D'IîX  TABLEAU  LILLOIS  DE  NOTRE  COLLECTION 

En  1891,  nous  achetions  à  la  vente  après  décès  d'un  descendant 
d'une  ancienne  famille  lilloise  un  curieux  tableau  attribué  par 
divers  amateurs  à  Van  Oost  le  Vieux  ;  cela  nous  donna  l'idée  de 
rechercher  la  trace  du  séjour  à  Lille  des  artistes  de  ce  nom.  C'est 
le  résultat  de  nos  recherches  que  nous  publions  et  que  nous  divise- 
rons en  trois  chapitres  : 

1"  Le  séjour  à  Lille  des  Van  Oost; 

2"  Leurs  œuvres  à  Lille; 

3°  Tableau  lillois  de  notre  collection. 

Le  travail  est  complété  par  des  notes  justificatives. 

I 

LE     SÉJOUR     A    LILLE     DES     VAN    OOST 

Descamps  '  nous  apprend  que  Jacques  Van  Oost,  surnommé  le 
Vieux,  naquit  vers  1600  à  Bruges  et  mourut  dans  cette  ville  en 

'  Descamps,  La  vie  des  peintres  flamands  ^  allemands  et  hollandais,  t.  H,  p.  51. 


232  LES    PEINTRES    V  AN    OOST. 

1671  ;  que  ce  peintre,  iipiv's  avoir  visité  l'Italie,  par   amour  de 
sa  patrie,  revint  h  Hrnges,  où  il  se  fixa. 

Dans  sa  jeunesse,  \  an  Oost  avait  copié  Rubens  et  Van  Dyck  avec 
tant  d'art  que  ses  copies  trompent  tous  les  jours.  Voilà  où  il  a 
commencé  à  prendre  la  couleur,  sa  fonte  et  sa  belle  touche. 

Le  Guide  des  étrangers  à  Lille  '  et  Descamps  -  nous  apprennent 
qu'à  Lille,  à  ré<}lise  Saint-Maurice,  dans  la  chapelle  de  Notre- 
Dame  de  Liesse,  au-dessous  des  croisées  se  trouvait  le  tableau  de 
l'épitaphe  d'Antoine  Legillon  et  d'Anne  sa  sœur,  représentant 
l'Enfant  Jésus,  la  Vierge  et  saint  Joseph  ;  le  frère  et  la  sœur  y  sont 
à  genoux,  en  prières;  c'est  un  beau  tableau  peint  avec  fermeté 
par  J.  Van  Oost  le  père. 

Cette  composition  a  de  l'analogie  avec  celle  dont  nous  nous 
occupons. 

Alfred  Michiels,  dans  son  Histoire  delà  jyeint  are  flamande^ , 
parle  de  Jacques  Van  Oost  dit  le  Vieux  en  ces  termes  :  -  C'était  un 
imitateur  de  Rubens.  Il  était  né  à  Bruges,  en  février  1(301,  dans 
une  fanîille  ancienne,  qui  possédait  des  i)iens  de  ce  monde.  Elle 
lui  fit  donner  une  éducation  brillante,  dont  il  se  félicita  toute  sa 
vie.  Comme  on  le  destinait  à  la  glorieuse  et  difficile  carrière  de  la 
peinture,  où  le  précédait  son  frère  aîné,  il  négligea  insensiblement 
ses  autres  études.  » 

Selon  le  même  auteur,  Jacques  Van  Oost  était  bon  musicien  et 
fréquentait  les  meilleures  sociétés  :  il  avait,  d'ailleurs,  une  figure 
avenante,  les  manières  d'un  homme  du  monde  et  la  conversation 
d'un  homme  instruit.  Ayant,  dès  ses  débuts,  fait  preuve  d'un 
talent  peu  commun,  il  était  surchargé  de  travaux;  on  lui  deman- 
dait surtout  des  images  d'église  et  des  portraits.  Ce  dernier  genre, 
à  lui  seul,  l'occupait  beaucoup. 

Pour  donner  de  la  vie  aux  portraits,  Van  Oost  représentait  souvent 
les  personnages  occupés  d'une  manière  conforme  à  leur  profession, 
à  leurs  habitudes  ou  à  leur  caractère.  Il  avait  peint,  par  exemple, 
un   médecin   tàtant   le   pouls  de  sa   femme  avec   une    attention 

'  Guide  des  étrangers   à  Lille,  in-12,  p.  89.    Lille,  Jacquez,  MDGGLXXII. 

-  Descami'S,  Voyage  pittoresque  de  la  Flandre  et  du  Brabant,  in-8",  p.  6. 
Rouen,  MDCGLXIX. 

*  Histoire  de  la  peinture  flamande ,  depuis  ses  débuts  jusqu'en  1864,  t.  VIII, 
p.  42J  et  suiv. 


I.KS    PEI.VTRES    VAM    00  ST.  ^V.i 

extrême,  et  cherchant  hi  cause  de  son  mal.  La  patiente,  (|ni  était 
enceinte,  épiait  en  quelqne  sorte  le  visage  de  son  mari,  et  atten- 
dait, pleine  d'inquiétude,  le  jugement  (ju'il  allait  porter  sur  son 
état. 

M.  U'auters,  dans  sa  Peinlurcjlania?icle  punie  récemment,  con- 
firme ces  assertions  ',  ainsi  que  tous  les  auteurs  qui  ont  écrit  sur 
les  peintres  flamands. 

Il  existe  à  Lille  des  tableaux  de  Van  Oost  le  Vieux,  qui  dut  y 
séjourner;  mais  nous  n'avons  trouvé  trace  de  ce  séjour  ni  aux 
archives  départementales,  ni  aux  archives  municipales. 

Examinons  maintenant  ce  qu'était  Jacques  Van  Oost  le  Jeune. 

Cet  artiste,  né  à  Bruges  en  1620,  y  mourut  en  17L3. 

Descamps  *  nous  donne  des  détails  sur  la  vie  de  ce  peintre,  qui, 
après  être  allé  en  Italie  et  avoir  travaillé  sérieusement  à  Bruges 
sous  la  direction  paternelle,  désira  aller  à  Paris. 

Van  Oost  en  passant  par  Lille  s'arrêta  pour  y  voir  quelques  amis 
artistes,  mais  ils  lui  donnèrent  l'occasion  de  peindre  plusieurs  por- 
traits qui  eurent  tant  de  succès  que  les  premiers  de  la  ville  l'en- 
gagèrent à  abandonner  le  projet  d'aller  à  Paris.  Il  se  détermina 
donc  à  rester  à  Lille,  et  il  y  épousa  Mlle  Alarie  Bourgeois";  il 
demeura  quarante  et  un  ans  dans  cette  ville,  qu'il  n'aurait  pas 
quittée  sans  la  mort  de  sa  femme.  Van  Oost,  devenu  veuf,  retourna 
à  Bruges. 

Descamps  ajoute  :  «  La  manière  de  Van  Oost  le  Jeune  approche 
de  celle  de  son  père;  il  est  cependant  pbis  pâteux,  et  sa  touche  plus 
franche;  il  drapait  de  plus  grande  manière;  ses  compositions  ne 
sont  pas  abondantes,  mais  réfléchies  ;  ses  figures  sont  correctes  et 
expressives...  Comme  son  père,  il  peignait  très  bien  le  portrait; 
quelques  partisans  zélés  ont  osé  comparer  quelques-uns  de  ses 
tableaux  à  ceux  de  Van  Dyck.  La  comparaison  est  outrée,  mais  il 
était  le  meilleur  de  son  temps.  .) 

Alfred  Alichiels  ^  dit:  «Jacques  Van  Oost  fils,  si  peu  connu,  si  peu 
flatté  par  les  historiens  qui  ne  l'oublient  pas,  est  un  homme  encore 

'  W.AUTERS  (i.-J.),  La  peinture  flamande ,  in-8",  p.  1V8.  Paris,  Quanfin,  s.  cl. 
-  Desca.mps,  loc,  cit.,  t.  III,  p.  57. 

'  Voir  aux  Pièces  justificatives  le  contrat  de  mariage  de  Jacques  Van  Oost  et 
(le  Marie  Bourgeois. 

*  Histoire  de  la  peinture  flamande ,  t.  IX,  p.  85  et  suiv. 


234  I,ES    PEIX'TRES    VA\'    OOST 

supérieur.  Les  tableaux  de  sa  main  que  possède  Lille  sont  faits 
pour  enthousiasmer  les  connaisseurs.  Il  fut  baptisé  à  Bruges,  le 
11  février  1637.  Il  n'eut  d'autre  professeur  que  son  père.  Tout 
jeune  encore,  il  étudia  la  peinture  avec  passion  ;  il  était  l'exemple 
de  ses  camarades,  évitait  les  moindres  causes  de  dérangement 
et,  absorbé  dans  son  travail,  réjouissait  le  cœur  du  vieux  Van 
Oost.  1) 

Alfred  Michiels  donne  ensuite  des  renseignements  sur  les  tra- 
vaux et  la  vie  du  peintre,  et  termine  sa  notice  : 

«  Après  une  longue  union,  Van  Oost,  ayant  perdu  sa  femme, 
retourna  définitivement  à  Bruges,  où  il  termina  ses  jours  le  29  sep- 
tembre 1713.  II  fut  enseveli  dans  le  bas  côté  méridional  de 
l'église  des  Dominicains,  et  l'on  encastra  sur  la  tombe  un  losange 
de  marbre  blanc  où  était  gravée  cette  inscription  funèbre  :  «Cy  gist 
«  le  corps  du  sieur  Jacques  Van  Oost,  peintre  fameux,  fils  de 
«  Jacques  et  de  demoiselle  Marie  Tollenacre,  époux  de  demoiselle 
«  Marie  Bourgeois,  qui,  après  quarante  et  un  ans  de  résidence  à 
«  Lille,  mourut  à  Bruges,  son  domicile  et  son  lieu  natal,  le 
et  29  septembre  1713,  âgé  de  soixante-treize  ans,  et  plusieurs  de 
«  ses  sœurs.  Priez  Dieu  pour  leurs  âmes.  « 

Bien  que  Van  Oost  le  Jeune  soit  né  à  Bruges,  il  est  plutôt  Lillois 
par  ses  attaches.  C'est  à  Lille  qu'il  se  marie  en  1670  '  ;  il  se  fait 
recevoir  dans  la  même  année  bourgeois  de  celte  ville  et  devient 
marguillier  de  la  Madeleine  "-.  C'est  à  Lille  que  naissent  ses  enfants 
Dominique-Joseph  et  Marie-Marguerite,  et  les  descendants  de 
Dominique  perpétuent  son  nom  dans  cette  ville.  Ses  œuvres  y  sont 
nombreuses;  quelques-unes,  très  remarquables,  ont  mérité  d'être 
attribuées  à  Rubens.  (Voir  Eglise  des  Capucins,  p.  237.) 

Dominique-Joseph  Van  Oost,  fils  de  Jacques,  est  né  à  Lille 
(paroisse  Saint-Etienne)  le  8  août  1677,  a  épousé  Marie-Monique 

'  Nous  publions  en  appendice  les  documents  d'Archives  que  nous  avons  trouvés. 
Nous  devons  à  AI.  Rigaux  la  découverte  de  l'acte  de  bourgeoisie  de  Van  Oost, 
inscrit  à  la  table  des  registres  aux  bourgeois  sous  le  nom  de  Van  Coot. 

-  Nous  trouvons  dans  l'Histoire  du  décaiiat  de  la  Madeleine,  par  M.  Desmar- 
CHELiER  (in-8",  fig.,  p.  39.  Lille,  1892),  la  phrase  suivante  : 

tt  Parmi  les  autres  marguilliers  qui  ont  particulièrement  droit  à  notre  recon- 
naissance, nous  devons  mentionner  M.  Jacques  Van  Oost,  peintre  célèbre,  qui 
donna,  lors  de  la  consécration  de  l'église,  un  superbe  tableau  ovale,  la  Résurrec- 
tion de  Lazare,  très  estimé  des  connaisseurs,  j 


LES    PEI\ TRES    VAN    OOST  235 

Dourdaiu  le  -25  mai  J()99,  paroisse  ^aiiit-Etieune,  bourgeois  de 
Lille  le  30  décembre  1099,  a  épousé  en  deuxièmes  noces  Barbe 
Delaporte,  paroisse  Saint-Maurice;  décédé  à  Lille  le  30  septembre 
1738,  paroisse  Saint-Maurice. 

Ce  peintre  a  laissé  quelques  tableaux  à  Lille  qui  ne  manquent 
pas  de  valeur. 

Ce  peintre  étant  né  à  Lille,  Descamps  et  Michiels  ne  l'ont  pas 
classé  parmi  les  peintres  flamands. 

Les  enfants  de  Dominique  ne  continuèrent  pas  la  profession  de 
peintre. 


II 

OEUVRES    DES    TROIS    VAN    OOST    QLI    EXISTAIENT    A    LILLE 
AU    SIÈCLE    DERMER    ET    CELLES    CONNUES    QUI    S'Y    TROUVENT    ENCORE. 

Tableaux  de  Van  Oost  le  Vieux. 

Eglise  Saint-Maurice.  —  Dans  la  chapelle  de  Xotre-Dame  de 
Liesse,  au-dessous  des  croisées,  le  tableau  de  l'épitaphe  d'Antoine 
Legillon  et  d'Anne,  sa  sœur,  représente  l'Enfant  Jésus,  la  Vierge 
et  saint  Joseph.  Le  frère  et  la  sœur  y  sont  à  genoux,  en  prières. 
C'est  un  joli  tableau  bien  composé,  et  peint  avec  fermeté  par 
Jacques  Van  Oost  le  père. 

Descsmps,  Voyage  pittoresque  de  la  Flandre  et  du  Brabant,  1"62,  p.  6. 
Guide  des  étrangers  à  Lille.  1772,  p.  80. 

Eglise  Saint-André.  —  Le  tableau  du  maître-autel  représente 
la  Transfiguration  :  le  Christ  et  les  apôtres  sont  mal  drapés  ;  ce 
n'est  pas  un  beau  tableau  :  il  est  peint  par  Van  Oost  le  père. 

Descamps,  Voyage,  déjà  cité,  p.  7. 

Eglise  Saint-Etienne.  —  Le  tableau  d'autel  de  la  seconde  cha- 
pelle représente  la  Transfiguration  ;  belle  composition  par  Van 
Oost  le  père. 

,  Guide  des  étrangers  à  Lille,  déjà  cité,  p.  77. 

Eglise  des  Jacobins.  —  L'autel  d'une  chapelle  a  pour  tableau  le 
Martyre  de  saint  Pierre,  de  l'Ordre  de  Saint-Dominique.  C'est  un 


236  I,ES1'E1\TRESVAM00ST 

assez  bon  tal)leaii  qui  a  pousse  au  noir  :  il  est  peint  par  \'an  Oost 
le  père. 

Dbscamps,  Voyage,  déjà  cité,  p.  10. 

Guide  des  étrangers  à  Lille,  déjà  cité,  p.  03. 

Le  catalogue  du  Musée  de  Lille,  publié  en  1872  par  Ed.  Rey- 
nart,  porte  : 

Van  Oost  le  \  ieux,  n"  270.  Saint  Jean  de  la  Croix  pansant  la 
jambe  d'un  frère  de  son  ordre. 

N"  271.  Fondation  de  l'ordre  des  Carmélites. 

X°  212.  Un  Augustin  et  la  Vierge. 

N"  273.  Sainte  Famille. 

Dans  le  catalojjue  publié  en  1893  par  AI.  Lenglart,  ces  tableaux 
n'y  figurent  plus  sous  le  nom  de  \an  Oost  le  Vieux.  Les  n"'  270, 
271 ,  272  et  273  sont  attribués  à  Van  Oost  le  Jeune. 

Ce  dernier  catalogue  attribue  à  Van  Oost  le  Vieux  :  Un  portrait 
dliommej  sous  le  n°  576. 

Tableaux  de  Van  Oost  le  Jeune. 

Collégiale  de  Saint-Pierre.  —  Dans  la  chapelle  paroissiale,  le 
tableau  du  maître-autel,  peint  par  Jacques  Van  Oost  le  fils,  repré- 
sente la  Sainte  Famille. 

Guide  des  étrangers  à  Lille,  déjà  cité,  p.  69. 

Eglise  Saint-Etienne.  —  On  voit  en  entrant,  à  la  droite,  le 
tableau  d'autel  de  la  première  chapelle  qui  représente  l'Enfant 
Jésus  sur  les  genoux  de  sa  mère,  montrant  à  des  anges  les  instru- 
ments de  la  passion;  derrière  lui  est  placé  saint  Joseph  :  peint  en 
1680  par  Jacques  Van  Oost  le  fils.  Les  têtes  sont  d'un  beau  carac- 
tère et  d'une  belle  façon  de  faire.  Le  soleil  a  un  peu  mangé  la  cou- 
leur. —  A  la  droite  du  chœur,  dans  la  chapelle  de  Sainte-Barbe,  le 
tableau  de  l'autel  représente  le  martyre  de  cette  sainte,  peint  par 
J.  Van  Oost  le  fils. 

—  Dans  la  même  chapelle,  on  voit  dans  la  boiserie  Vlm- 
ntaculée  ConceptioUj  beau  tableau,  peint  par  J.  Van  Oost  le 
fils. 

Descamps,  Voyage .  déjà  citi',  p.  3. 

Guide  des  étrangers  à  Lille,  déjà  cité,  p.  "3  et  "5. 


LES    l'KlM'RES    VAX    OOST.  237 

Ces  trois  lahleaiix  ont  été  détruits  lors  de  l'incendie  de  l'église, 
en  1 792. 

Efjlise  Saint-Sauveur.  —  Au  maître-autel  est  représentée  :  la 
Transfiguration,  par  J.  Van  Oost  fils.  La  composition  n'est  pas 
heureuse  :  les  figures  couchées  en  bas  sont  cependant  belles. 

Dkscimps,   Voyage,  déjà  cilo,  p.  4. 

Guide  des  étrangers  à  Lille,  déjà  cité.  p.  83. 

Eglise  Saint-Maurice.  —  Le  tableau  d'autel  de  la  chapelle  de 
Sainte-Anne  représente  une  Sainte  Famille,  sujet  composé  et  peint 
avec  fermeté  par  J.  Van  Oost  le  fils. 

—  Dans  la  chapelle  Saint-Nicolas,  de  chaque  côté  de  l'autel,  sont 
Saint  Pierre  et  Saint  Jérôme  peints  par  Van  Oost  le  fils. 

Descamps,  loijage.  déjà  cité.  p.  6. 

Guide  des  étrangers  ii  Lille,  déjà  cité,  p.  "8  et  81. 

Eglise  des  Capucins.  —  Sur  les  deux  volets  qui  ferment  le 
chœur  sont  peints  par  Van  Oost  le  fils,  d'un  coté,  à  la  droite,  saint  Bo- 
naventiire,  cardinal,  et  à  la  gauche  saint  François.  La  l)onne  cou- 
leur et  la  belle  façon  de  faire  soutiennent  assez  bien  ces  <\eux 
tableaux  à  côté  de  celui  du  milieu.  (Descente  de  Croix  de  Rubens 
du  Musée  de  Lille.) 

Desc.imps,  Voyage,  déjà  cité,  p.  15. 

Le  mérite  de  ces  deux  tableaux  les  a  fait  attribuer  à  Rubens, 
sous  le  nom  de  qui  ils  figurent  dans  le  catalogue  du  Musée  de 
Lille,  n-  673,  674. 

Eglise  des  Capucines.  — On  voit  quatre  tableaux  de  J.  Van  Oost 
le  fils;  ils  représentent  le  Mariage  de  la  Vierge^  V Adoration  des 
bergers  J  la  Fuite  en  Egypte  et  la  Présentation  au  temple. 

Au  maître-autel,  le  tableau  représente  l'Enfant  Jésus  sur  un 
globe;  il  semble  désirer  les  instruments  de  sa  passion  que  les 
Anges  lui  présentent  :  Dieu  le  Père  et  le  Saint-Esprit  sont  dans  le 
ciel  ;  cette  composition,  qui  est  de  Van  Oost  le  fils,  est  intéressante, 
et  la  couleur  approche  celle  de  Van  Dyck. 

Diiscuips.  Voyage,  déjà  cité.  p.  15. 

Guide  des  étrangers  à  Lille,  déjà  cité,  p.  110  et  111. 

Eglise  des  Carmes  déchaussés.  —  On  voit  à  droite  trois  tableaux 
par  \an  Oost  le  fils.  La  Sainte  Thérèse  est  faible  de  couleur,  les 
autres  sont  dune  belle  façon  île  faire. 


238  LKS    PE1\TRES    lAIV    OOST 

La  chapelle  de  droite  a  pour  tableau  sainte  Thérèse,  (jui  reçoit 
un  chapelet  de  la  Vier;je  ;  auprès  d'elle  sont  saint  Joseph  et  des 
anges.  C'est  un  beau  tableau,  peint  avec  fermeté  par  l'an  Oost  le  fils. 

La  chapelle  de  la  V'ierge  est  ornée  d'un  tableau  de  \an  Oost  le 
fils,  représentant  saint  Albert  qui  reçoit  le  Scapulaire  de  la  sainte 
Vierge  :  ce  tableau  est  bien  composé. 

On  Yoit  au  maître-autel  la  Vierge  et  saint  Joseph  qui  présentent 
l'Enfant  Jésus  à  la  vue  du  peuple;  dans  le  ciel  est  assis  Dieu  le 
Père  et  plus  bas  le  Saint-Esprit.  Au  bas  de  ce  tableau  est  placé 
saint  Jean  enfant  avec  son  agneau  ;  à  ses  côtés  sont  un  saint  et  une 
sainte  de  l'Ordre  :  c'est  un  des  beaux  tableaux  de  Van  Oost  le  fils. 

Au-dessus  des  confessionnaux,  à  gauche,  les  meilleurs  tableaux 
sont  Saint  Jean  de  la  Croix  qui  panse  la  jambe  d'un  frère  de 
l'Ordre,  peint  par  Van  Oost  le  fils,  et  l'autre,  la  Délivrance  de 
saint  Jean  de  la  Croix  de  la  prison,  peint  par  Dominique  Van 
Oost  le  petit-fils. 

Descamps,  l'oijage,  déjà  cité,  p.  15  et  16. 

Guide  des  étrangers  à  Lille,  déjà  cité,  p.  101-103. 

Église  de  l hôpital  de  la  Conception.  —  Le  tableau  d'autel 
représente  V Adoration  des  bergers  ;  il  est  peint  par  Jacques  Van 
Oost  le  fils.  La  composition  est  grande  et  d'un  bon  effet;  il  y  a  un 
peu  (le  la  manière  de  Carie  Maratti. 

Descamps,  Voyage,  déjà  cité,  p.  18. 

Guide  des  étrangers  à  Lille,  déjà  cité,  p.  118. 

Eglise  de  l'hôjntal  de  la  Charité.  —  A  l'autel  est  un  beau 
tableau  de  J.  Van  Oost  le  fils,  représentant  la  Visitation  ;  le  cos- 
tume y  est  ridicule,  excepté  la  figure  de  la  Vierge  ;  mais  il  est 
piquant  pour  l'effet,  correct  de  dessin,  d'un  bon  pinceau,  et  les 
têtes  toutes  belles  et  bien  expressives. 

Dans  la  salle  des  malades,  Notre- Seigneur  attaché  sur  la  croix. 
Tableau  de  J.  Van  Oost  le  fils.  Beau  comme  s'il  était  peint  par  Van 
Dyck. 

Descamps,  Voyage,  déjà  cité,  p.  19. 

Guide  des  étrangers  à  Lille,  déjà  cité,  p.  117, 

Les  catalogues  des  tableaux  du  Musée  de  Lille  de  1832  et  1837 
mentionnent  de  Van  Oost  le  Jeune  quatre  tableaux  : 
W  28.  Une  Vierge. 


LKS    l'EIXTRKS    VA.V    00  S  T.  239 

X"  29.  Un  Carme  pansant  la  jambe  d'un  frère  de  son  ordre. 

\  30.  Un  Auijustin  et  la  Vierge. 

X'  31.  La  Vierge  et  saint  Joseph 2)résentant  V Enfant  Jésus. 

Ces  quatre  tableaux  sont  indiqués  dans  le  catalogue  de  1872 
comme  étant  de  Van  Oost  le  Vieux.  Le  catalogue  de  1893  reslilue 
ces  quatre  œuvres  à  son  auteur,  sous  les  n"  571 ,  572,  573,  57-4,  en 
lui  donnant  sous  le  n"  5(39  un  portrait  et  le  n°  570  un  portrait  dun 
guerrier  en  costume  du  temps  de  Louis  XI\  ,  et  encore,  sous  le 
n"  575,  le  portrait  de  Gombert  père,  architecte. 

Le  personnage  de  ce  tableau,  coiffé  de  longs  cheveux  bouclés  et 
vêtu  d'une  robe  de  chambre  de  couleur  chamois,  regarde  en  face 
en  montrant  les  plans  de  l'église  Saint-André  de  Lille. 

Tableaux  de  Van  Oost  le  Vieux  et  Dominique  le  Jeune 

qui  sont  encore  conservés  dans  les  églises  de  la  ville  de  Lille  et  chez 

des  particuliers. 

Eglise  Saint-Maurice.  —  Saint  Charles  Borromée  ;  Saint 
François  devant  le  Crucifix  ;  l'Ange  gardien  et  la  Visitation  de 
sainte  Thérèse. 

Eglise  Saint-André.  —  L'Enfant  Jésus  recevant  de  son  Père  la 
mission  de  sauver  le  monde,  et  saint  Simon  Stock  recevant  le  Sca- 
pulaire  des  mains  de  la  sainte  Vierge. 

Eglise  de  la  Madeleine.  —  La  Résurrection  de  Lazare. 

M.  Lenglartj  propriétaire,  rue  Xégrier,  à  Lille,  auteur  du  der- 
nier catalogue  du  Musée  de  Lille,  possède  dans  sa  galerie  une 
Sainte  Famille  :  la  Vierge,  l'Enfant  Jésus,  sainte  Anne  et  saint 
Jean-Baptiste,  peinte  par  Van  Oost  le  Jeune.  Ce  tableau  est  bien 
conservé. 

.1/.  le  comte  dHespel,  rue  de  la  Barre,  à  Lille,  conserve  deux 
portraits  du  même  peintre,  exécutés  dans  le  genre  de  ceux  de 
Largillière. 

M.  Dehau,  membre  du  conseil  général,  maire  de  Bouvines, 
possède  la  Visitation  de  J.  Van  Oost  le  Jeune,  dans  le  vestibule 
de  son  château.  C'est  une  peinture  fort  belle. 

Le  Musée  de  la  ville  de  Bailleul\)ossè(\eVA2)Othéose  de  sainte 
Thérèse^  provenant  de  l'église  des  Carmélites  de  Lille.  Ce  tableau 
a  souffert. 


2iO  LES    l'ElXTRES    VAX    00 ST. 

Ces  deux  ileinières  œuvres  étaient  autrefois  la  propriété  de 
M.  Langlart. 

M.  le  comte  Von  de?'  Cruisse  de  Waziers  possède  dans  son 
château  de  Sors,  à  Fiers,  près  Lille  un  hcau  portrait  du  chanoine 
Hugues  de  Lobel,  de  la  collégiale  de  Saint-Pierre  de  Lille.  Signé  : 
J.  VanOost,  1G90'. 

Tableaux  de  Dominique-Joseph  Van  Oost. 

La  ville  de  Lille  possède  quelques  tableaux  de  Dominique 
Joseph  Van  Oost,  second  fils  de  Jacques  Van  Oost  le  Jeune. 

Descamps  et  le  Guide  de  //^7/(^  nous  apprennent  qu'un  tableau  de 
ce  maître,  représentant  la  délivrance  de  saint  Jean  de  la  Croix  delà 
prison,  se  trouvait  autrefois  dans  l'église  des  Carmes  déchausés. 

Le  Musée  de  Lille  possède  sous  le  n°  568  le  portrait  de 
Patou,  jurisconsulte,  peint  par  Dominique  Van  Oost;  derrière  la 
toile  il  est  écrit  :  "  Peint  par  D.  J.  Van  Oost.   » 

.1/.  Henri  Frcmaux,  propriétaire  et  généalogiste,  rue  Négrier, 
à  Lille,  possède  dans  ses  salons  deux  portraits  attribués  à  Domi- 
nique Van  Oost,  représentant  : 

Henri-Ignace  Herreng,  licencié  en  droit,  procureur  et  syndic  de 
la  ville  de  Lille  (1707-1739),  né  en  1675,  mort  le  18  juin  1739, 
et  Marie -Thérèse  d'Halfrengues  d'Hellemmes,  sa  femme,  née 
en  1694-,  morte  en  1773. 

M.  Lamp^  restaurateur  et  marchand  de  tableaux,  façade  de  l'Es- 
planade, à  Lille,  possédait  un  portrait  de  Dominique  \an  Oost; 
derrière  la  toile  se  trouve  la  signature  D.  J.  \aii  Oost,  17*21.  Ce 
tableau  a  été  vendu  à  un  amateur  de  Paris. 


III 

Tableau  lillois  de  notre  collection. 

Comme  nous  le  disons  au  commencement  de  ce  travail,  c'est  eu 
mai  1891   que  nous  fîmes  l'acquisition  d'un  tableau  genre  Ex- 

'  \  oir,  ci-conlre,  plaiiclie  VII. 


Planche  VII. 


I.K     CHiMOI.ME     HUGUES     I)  !•;     I.OJîKK 

put    J.     V.1\     OOST    —     I6<»(» 
(Collcclioii  de  M.    I,.  comte   Van  <(er  Cnnssi'  tie   VVii2i.-rs  i 


J 


LES    PEINTRES    VAX    OOST  241 

voto.  En  qualité  de  collectionneurs,  nous  recevions  le  catalogue 
d'une  vente  d'antiquités  à  Douai';  le  n"  39  indiquait  :  «  U71 
tableau  représentant  un  Christ  sur  croix.  Au  pied  du  Christ  se 
trouvent  les  portraits  de  M.  et  de  Mme  Le  Clercq.  Derrière,  on 
aperçoit  les  principaux  monuments  de  la  ville  de  Lille.  Au  bas 
est  écrit  :  '  Anthoine  Leclercq  fut  nommé  eschevin  de  la  ville 
de  Lille  le  premier  de  novembre  1642  «  [Hauteur  :  1  mètre  50  cent.; 
largeur  :  0,80  centimètres.)  '  »  Il  nous  fut  adjugé. 

Le  savant  Mgr  Dehaisnes  préparait  depuis  de  longues  années 
un  ouvrage  :  Le  Xord  monumental  et  artistique ',  qui  parut  en 
février  1897,  quelques  jours  avant  la  mort  de  son  vénéré  et  regretté 
auteur. 

Dans  la  description  des  peintures,  l'auteur  du  Nord  monu- 
mental a  consacré  un  article  sur  les  Ex-voto  de  la  manière  sui- 
vante :  «  Il  est  une  catégorie  de  tableaux  que  nous  devons  faire 
connaître  aussi  à  nos  lecteurs  :  ce  sont  ceux  qui  sont  désignés  sous 
le  nom  à'ex-voto  et  sur  lesquels  figurent  les  commettants,  c'est- 
à-dire  les  personnes  qui  les  ont  fait  exécuter.  Il  y  avait  des  tableaux 
de  ce  genre  à  Lille  dans  les  églises  Saint-Etienne  et  Saint-Mau- 
rice, à  Dunkerque  dans  les  chapelles  de  Saint-Eloi,  ^des  Carmes 
déchaussés  et  de  la  confrérie  Saint-Sébastien,  et  en  un  grand 
nombre  d'autres  villes  et  de  villages.  Plusieurs  existent  encore  ^  " 
Malheureusement,  ceux  qui  n'ont  pas  disparu  sont  pour  la  plupart 
en  mauvais  état  ou  restaurés  plus  ou  moins  convenablement.  La 
bonne  conservation  de  celui  que  nous  possédons  lui  donne  une 
grande  valeur. 

Ce  tableau  est  peint  sur  toile;  sa  conservation  est  parfaite,  et, 
selon  l'avis  de  peintres  et  amateurs,  il  n'a  subi  aucune  retouche,  le 
coloris  est  bon. 

Comme  description,  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  trans- 
crire celle  faite  de  main  de  maître  par  le  savant  auteur  du  Nord 
monumental,  qui  voyait  le  tableau  tous  les  jours. 

'  Ville  de  Douai,  7,  rue  de  la  Croix  d'Or.  —  Vente  d'antiquités,  faïences  et 
porcelaines,  meubles,  tableaux  et  livres  anciens,  etc.,  le  tout  ayant  appartenu  à 
feu  AI.  Le  Clercq  des  Charnpagnes,  dont  la  vente  aura  lieu  à  I)ouai,  le  21  mai 
1891.  (48  n'"  et  divers.)  Voir  ci-après,  pi.  VIII. 

-  Le  Nord  monumenlal et  artistique,  par  .MgrDEHAis.VES,  avec  cent  phototypies. 
In-V",  Lille,  Danel,  189V.  Publié  sous  les  auspices  de  lu  .Société  des  sciences. 

^  Dkh.ii.nes,  toc.  cit.,  p.  222. 

16 


242  LES    PEII\JTUES    VAN    OOST. 

«  Un  collectionneur  lillois,  M.  Quarré-Reybourbon,  possède  un 
tableau  qui  offre  de  l'analogie  avec  les  précédents.  Ce  tableau 
représente  le  Clirist  en  croix.  Deux  personnages  y  sont  age- 
nouillés les  mains  jointes  :  le  mari  porte  aussi  le  grand  collet 
rabattu  du  dix-septième  siècle;  et  la  dame,  une  large  garniture  de 
dentelles  sur  les  épaules.  On  lit  au  bas  :  ci  Anthoine  Leclerq  fut 
«  nommé  eschevin  de  la  ville  de  Lille,  le  premier  jour  de  no- 
«  vembre  1642  '.  »  C'est  une  œuvre  de  valeur  qui  est  restée  jus- 
qu'en 1891  dans  la  famille  Le  Clerq. 

A  cette  mention  nous  devons  ajouter  que  le  Christ  est  très  beau  ; 
il  rappelle  ceux  de  Van  Dyck.  IVous  en  possédons  un  authentique, 
provenant  de  l'abbaye  de  Marquette;  il  nous  est  facile  de  faire 
chaque  jour  la  comparaison.  Les  deux  portraits  sont  peints  et  exé- 
cutés avec  soin  ;  il  est  hors  de  doute  qu'ils  étaient  d^une  grande 
ressemblance. 

Ce  souvenir  de  famille  devint  la  propriété  de  la  septième  branche 
de  la  famille  Le  Clercq  en  la  personne  de  Pierre-Auguste-Mathieu 
Deschampagne,  dont  le  fils  se  fixa  à  Douai  où  il  mourut  en  1891, 
et  à  la  vente  duquel  nous  en  fîmes  l'acquisition. 

Nous  sommes  porté  à  croire  que  le  tableau  de  notre  collection 
est  l'œuvre  de  Van  Oost  le  Vieux  ;  il  présente,  d'ailleurs,  une  cer- 
taine analogie  avec  le  tableau  de  Legillon  peint  par  le  même 
maître  et  qui  existait  à  Saint-Maurice.  Cependant,  nous  laissons  à 
de  meilleurs  connaisseurs  le  soin  de  trancher  la  question. 

Comme  complément,  nous  croyons  devoir  dire  quelques  mots 
sur  le  personnage  pour  qui  a  été  exécuté  ce  tableau. 

Antoine  Le  Clercq  appartenait  à  une  honorable  famille  bour- 
geoise de  Lille,  et  dont  les  descendants  occupent  encore  une  haute 
situation  dans  le  barreau. 

La  famille  Le  Clercq  remonte  au  commencement  du  seizième 
siècle.  Elle  a  eu  pour  auteur  Antoine,  mort  avant  1575. 

Malgré  une  généalogie  de  la  famille  Théry-Le  Clercq  *  faite 
avec  soin,  les  documents  sur  Antoine  Le  Clercq  ne  sont  pas  nom- 
breux. Nous  n'avons  pas  trouvé  son  extrait  de  naissance. 

Le  premier  acte  se  rapportant  à  Antoine  Le  Clercq  que  nous 

'  Dehais.ves,  loc.  cit.,  p.  223. 

*  Généalogie  de  la  famille  Théry-Le  Clercq,  83  pages  111-4».  Lille, 
MDGGGLXXXVIII 


I 


■■'^KÊS^ë^ 


CHIUST    K\    CROIX 

i:x-V()T()    iMii    l' 1  M    iii;s   vi\    oosr 
i(;olleclii)ii  Ouairi-llijbiiuibijn.) 


I'.,j.   -iVl 


LES    f'EIXTRES    \A1V    OOST.  243 

rencontrons  est  celui  de  son  mariage  avec  iVIarguerite  Lefebvre  le 
5  février  1612,  à  l'église  Saint-Etienne  à  Lille. 

Le  registre  aux  bourgeois  nous  apprend  que  :  Anthoine  Le 
Clercq,  fils  de  feu  Anthoine  et  de  Simonne  du  Hamel,  ayant 
épousé  Marguerite  Lefebvre,  marchand  grossier,  acquit  la  bour- 
geoisie par  relief  le  11  d'octobre  1612'. 

La  famille  Le  Clercq  jouissait  d'une  grande  considération.  Plu- 
sieurs de  ses  membres  firent  partie  du  Magistrat  de  la  ville. 

Antoine  Le  Clercq  exerça  les  fonctions  échevinales  durant  les 
années  1627  à  1657. 

Nous  n'avons  pas  trouvé  la  date  de  sa  mort.  Les  registres  aux 
décès  commencent  trop  tard,  en  1604  pour  Saint-Étienne.  C'est 
sans  doute  ce  qui  fait  qu'on  ne  le  trouve  pas. 

Une  branche  de  cette  famille  s'est  perpétuée  à  Lille,  et  un  de  ses 
membres  par  sa  femme,  AI.  Théry-Le  Clercq,  sénateur,  ancien 
membre  de  l'xlssemblée  nationale,  ancien  bâtonnier  de  l'ordre  des 
avocats,  est  mort  le  28  décembre  1896  dans  sa  quatre-vingt-dixième 
année. 

L.  Quarré-Reybourbom, 

Officier  de  l'Instruction  publique.  Membre  de  la 
Commission  historique  du  département  du 
Nord,  de  la  Société  des  Sciences,  Lettres  et 
Arts,  Correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements,  à  Lille. 


PIECES  JUSTIFICATIVES 

Archives  commixales   de  Lille. 
Registres  aux  Bourgeois. 

VIII*  fol.  104  V.  «  .lacques  Van  Oost,  fils  de  Jacques  et  de  .Marie  de 
Tollenaer,  natif  de  Bruges,  marchand  et  maître  peintre,  ayant  espousé 
Marie  Bourgeois,  fille  de  Jean  et  de  Catherine  Regnault,  sans  enffans, 
par  achat,  le  VII»  de  mars  1670.  Payé  XV  livres.  « 

IX'  foi.  32  V".  «  Dominique-Joseph  Van  Oost,  fils  de  Jacques  et  de  feue 
Marie  Bourgeois,  aiant  espousé  Monique  Dourdin  fille  de  feuz  Bartho- 
lomé  et  de  Marie-Christine  Duprez.  Par  relief  le  XXX  de  décembre  1699.  » 

•  Registre  6,  fol.  8  v°. 


244 


LES    PEl.VTRES    VA\'    OOST. 


\[^  fol.  73.  «  Jacques-Joseph  Van  Oost,  fils  de  Dominique-Joseph  et 
de  Marie-Monique  Douidin,  ayant  épousé  Marie-Anne-Thérèse  Jombart, 
fille  d'Antoine  et  de  Jeanne-Thérèse  Dassonneville.  Par  relief,  3  jan- 
vier 1735.  » 

GÉXÉALOGIE  DK  JACQUES  VA!V  OOST  ET  MARIE  DE  TOLLENDER 


Jacqaes  Van  Ooet,  le  peiotret  né  à  Bruges. 

Epouse  à  Lille  le  9  janiier  1670  (paroisse  Saint-Etienne) 

Marie  Bourgeois,  décedée  le   19  janvier  1697  à  Lille  (paroiise  de  la  Madeleine), 

est  reca  bourgeois  de  Lille  le  7  mars   1670. 


Dominique-Joseph  Van  OosI, 
né  à  Lille  (paroisse  Saint-Etienne),  le 
8  août  1677,  a  épousé  Marie-Mouiqoe 
Donrdain  le  26  mai  1699,  paroisse  Saint- 
Etienne.  Itourgeois  de  Lille  le  30  décem- 
bre 1699.  a  épousé  en  2'''  noces  Barbe  De- 
leporte,  paroisse  Saint-Maurice,  le  9  août 
I7I1,  décédé  à  Lille  le  30  septembre 
Î738,  paroisse  Saint-Maurice. 

l"'  mariage. 


Marie-Marguerite  Van  Oosl. 
née  à  la  Madeleine  le  3  octobre  1678, 
cédée  le  3  décembre  1678. 


Jean-Baptiste  Jacques-Joseph 

Joseph,  Van  Oost. 

né  paroisse  Saint-  né  à  Lille,  paroisse 
Etienne,  le 29 Juillet  Saint-Klienne  .  le 
1700.  2.5     mai     1702.      a 

épousé  Alarie-Anne 
Thérèse  Jombart,  le 
7  janvier  1734,  pa- 
roisse Saint-André. 
Bourgeois  le  3  jan- 
vier 173.5,  décédé  le 
22  janvier  1746. 


Dominique- Joseph,         Marie-Catherine  Jacques-Dominique 

né    paroisse     Saint-                Joseph,  Joseph, 

Etienne,    le  8  mars     né    paroisse    Saint-  né    paroisse    Saint- 

1704,    a   pour  ma'-     Etienne,  le  12  sep-  Elienue,    le    7    mai 

raine   Marie -Cathe-     tembre  1705,  a  pour  1712,    a   pour   par- 

rine  Van  Oost.               marraine  Jeanne-Ca-  rain     Jeao-Baptiste- 

therine    Van    Oost ,  Joseph  Van  Ooit. 

décédée  le  3  janvier 

1756. 


Catherine-Joseph, 
née  le  2  novembre 
1733,  paroisseSainl- 
André.  Légitimée 
par  le  mariage. 


Marie-Augnstine  Jean-Baptiste  Isabelle-Thérèse 

Joseph,  Joseph,  Joseph, 

née     le     M    juillet     né  le2oclobre  1740,     née  le  14  mars  17-43, 


1737 


paroisse 


Sainte-Catherine  , 
décedée   le    24   dé- 


paroiEse 
Saint-André. 


paroisse   Saiut-Man' 
rice,     décédée      le 


Marie-Loniie 

Joieph, 

né  le  2  octobre  1745, 

paroiste    Saint-San- 

veur,      décedée     le 


20  novembre  1744.     10  février  1746. 


Registres  paroissiaux. 

Paroisse  de  Saint-Etienne,  le  9  janvier  1670. 

Mariage  Van  Oost  Bourgeois. 

«  Ex  dispensatione  R.R.D.D.  vicariorum  Tornacensium  et  Brugensiura 
Jacohus  Van  Oost  et  Maria  Bourgeois  presentihus  Joane  Bourgeois  et 
D.  Andréa  Caillet  Sacerdote.   >> 


LKS    PEIXTRES    V A\    OOST  245 

Paroisse  Saint-Ktienne.  Naissance  le  8  août  1()77. 

;:  Dominus  Joseph  Van  Oost  filius  Jacobi  et  D.  Marie  Bourgeois  con- 
jugum  susceptoribus  D.  Arnulphe  Joseph  Théry  coniissario  à  D.O.  Slatiis 
Tornacensis  et  D.  Leonora  Van  Oost.  » 

Paroisse  de  la  Madeleine,  le  3  octobre  1678. 

u  Maria  Margarita  Van  Oost  filia  Jacobi  et  Marie  de  Bourgeois  con- 
juguai Susceptores  Dominus  Jacobus  Vanwesbus  et  Margarita  Capon.  » 

Paroisse  de  la  Madeleine.  Décès  le  23  décembre  1678. 
CI  Vanos  Marie-Marguerite  fille  de  Jacques.  ; 

Paroisse  de  la  Madeleine,  décès,  le  19  août  1697, 
i:  Maria  Bourgeois  uxor  D.  Jacobi  Van  Oost,  exequie  solemnes,  inhu-r 
mata  in  choro.  >■> 

Paroisse  Saint-Etienne,  mariage,  26  mai  1699. 

«  Die  26  maii  1699  obtenla  dispensatione  super  duabus  denuncianibus 
ab  illustrissimo  D.  Episcopo  Tornacensi  Dominus  Joseph  Van  Oost  et 
Maria  .Monica  Dourdin  matrimonio  juncti  sunt  presentibus  Jacobo  Van 
Oost  et  Joanne  Baptista  Dourdin  per  me  inlra  scriptum  pastorem. 
S.  Mariœ  Magdaleinae  Insulensis  de  Spécial!  licentia  pastoris  S.  Stephani 
et  decani  chrislianitatis  etiam  prœsentis  et  subsignati. 

Dominique-Joseph  Van  Oost.  —  Jacob  Van  Oost.  —  Marie  M.  Dour- 
din. —  J.-B.  Dourdin.  —  B.  Bourgeois  pastor  sancta  M.  Magdalenae.  — 
Fr.  Desqueux  p.  S.  Steph.  decan.  chrislianitatis  Insulensis.  » 

Paroisse  Saint-Etieune,  naissance,  le  25  mai  1702. 

■:  Die  25  maii  1702  Jacobus  Joseph  filius  Domini  Dominici  Joseph 
Van  Oost  raensee  pauperum  hujus  parochiae  administratoris  et  domicellae 
Mariœ  Monicae  Dourdin  conjugum  ad  baptismi  gratiam  pervenit  suscipien- 
libus  Domino  Jacobo  Van  Oost  et  domicella  Maria  Joanna  Dourdin. 

D.  J.  Van  Oost.  J.  Van  Oost,  Marie-Jeanne  Dourdin.  Fr.  Desqueux 
p.  Steph.  decan.  christis  Insulensis.  » 

Paroisse  Saint-Maurice.  Mariage,  le  9  août  1711. 

K  Dominique-Joseph  Vanhot  épousa  Barbe  Deleporte  en  présence  de 
François-Léopold  Deleporte  frère,  et  de  Damien  Bourgeois  oncle  de 
l'époux.  » 

Paroisse  Saint-Etienne,  naissance,  le  7  mai  1712. 

K  Die  7  maii  1712  Jacobus  Dominicus  Joseph  filius  Domini  Dominici 
Joseph  Van  Oost  et  Domicellae  Barbarae  Deleporte  conjugum  ad  baptismi 
gratiam  pervenit  suscipientibus  Joanne  Baptista  Joseph.  Van  Oost  et 
domicella  Anna  Henry. 


2  46  LKS    l'ElîVTRES    VA  M    00  ST. 

D.  J.  Van  Oost.  Jean-Baptiste-Joseph  Van  Oost  Anne  Henry  la  veuve 
du  s'  du  chanibge. 

F.  Desqiieux  p.  S.  Siepli.  Decan.  Christi  Insulensis.  m 

Paroisse  Saint-André,  mariage,  7  janvier  1734. 

«  Praemissis  tribus  solitis  proclamationibus  quarum  prima  die  I,  secunda 
die  3,  terlia  die  sexta  hujus,  inter  missa  parochialis  solemnia  habita  est 
nulioque  légitime  impedimento  detecto  ego  infrascriptus  hujus  parochiae 
pastor  malrimonio  conjunxi  Jacobum  Josephum  Van  Oost  filium  dominici 
Josephi  et  Mariœ  Monicœ  Dourdain  etMariam  annam  Theresiam  Jombart 
filiam  antonii  et  Joannse  Theresiae  Dassonneville  ex  hse  parochia  embos, 
prœsentibus  testibus  Michaele  Martino  Dupont  et  Jacobo  Jombart.  P.  De- 
leplanque,  pastor.  « 

Paroisse  Saint-Pierre,  décès,  10  juin  1735. 
«  10.  Obiit  anna  Maria  Vannot  inhumata  propre. 
Sacellum  B.  M.  V.  » 

Paroisse  Saint-Maurice,  décès,  30  septembre  1738  est  enterré  .:  Domi- 
nique Vannoost,  pinlre époux  de Deleporte,  décédé  le  29  ». 

Paroisse  Saint-Maurice  le  24  décembre  1743  est  enterré  «  Marie-Angé- 
lique-Joseph Vannoost,  fille  de  Jacques-Joseph,  procureur,  et  de  Marie- 
Anne-Thérèse  Jombart,  décédée  hier  « . 

Le  père  présent  a  signé. 

Paroisse  Saint-Maurice.  Le  21  octobre  1744  a  été  enterrée  «  Isabelle- 
Joseph  Vannoost,  fille  de  Jacques- Joseph,  praticien,  et  de  Marie-Anne- 
Thérèse  Jombart,  décédé  hier  ». 

Paroisse  Saint-Maurice,  le  24  janvier  1746  est  enterré  «  Jacques- 
Joseph  Vannoost,  procureur,  époux  de  Marie-Anne  Jombart,  décédé 
le  22  « . 

Paroisse  Saint-Maurice.  Le  11  février  1746  est  enterrée  "  Marie- 
Louise-Joseph  Vannoost,  fille  de  feu  Jacques  procureur,  et  de  Marie- 
Anne  Jombart,  décédé  hier  »  . 

Paroisse  de  la  Madeleine.  Le  6  mars  1747,  décès  de  Vanoost  Jeanne- 
Catherine,  âgée  de  soixante  et  onze  ans,  veuve  de  Ch.  Al.  Lecamps. 

Paroisse  Sainte-Catherine.  Le  3  janvier  1756  est  enterré  «  Marie- 
Catherine-Joseph  Vanoste,  veuf  de  Jean-Baptiste  Hochart,  marchand, 
décédé  hier,  ...  âgée  de  cinquante  ans  ». 

Présents  Joseph-Henri-Casimir  Deberkem  son  cousin  issu  germain  et 
Pierre  Reynart  son  cousin. 


L  E  s    P  E  1  \'  T  K  E  s    V  A  N    0  0  s  T .  247 

Paroisse  Saiiit-Klienne,  le  10  avril  1777,  est  enterrée  «  Angélique- 
Tllér^se-Josepll  Vanoost,  épouse  du  sieur  Philippe-Joseph  Goudeman, 
licentié  es  loix  et  ancien  gendarme  du  Roy,  décédée  hier,  âgée  de  cin- 
quante-six ans  » . 

Piéscnls  son  ûls  Philippe-Romain-Joseph  Goudeman  et  Anloine-Henry 
Deleporle  son  cousin  germain  et  Pierre  Reynart,  son  cousin. 

Paroisse  Saint-Etienne.  Décès. 

«  Le  26  août  1789,  Marie-Monique-Joseph  Vanoost,  épouse  de  Louis- 
Joseph  Martel,  maître  serrurier,  décédée  le  24,  âgée  de  cinquante-quatre 
ans,  a  été  inhumée Présens  Charles  .Martel  son  fils  et  Théophile- 
Joseph  Lachapelle,  son  ami.  » 

Archives  départementales  du  xord. 
Tabellion. 

1670.  ^janvier.  —  Contrat  de  mariage  entre  Jacques  Van  Oost,  fils 
de  Jacques  "  Marchand  peintre  demeurant  présentement  en  ceste  ville  de 
Lille  )i  et  damoiselle  Marie-Bourgeois,  fille  de  Jean  et  de  Catherine 
Regnault,  hourgeois  et  marchand  à  Lille. 

(Simon  DeflanJres,  notaire  à  Lille,  année  1670.  Acte  n"  230.) 

Comparurent  en  leurs  personnesle  sieur  Jacques  Van  Oost,  fils  de  Jacques, 
marchand  peintre  demeurant  présentement  en  ceste  ville  de  Lille,  assisté 
et  accompaigné  du  sieur  Pierre  Destrez  et  de  Monsieur  André  Caillet 
presbstre  ses  amis  acquis  d'une  part.  Damoiselle  Marie  Bourgeois,  mar- 
chand en  ceste  ville,  assistée  et  accompagnée  de  ses  père  et  mère,  du 
sieur  Jean  Regnauld  son  père  grand,  d'André  Regnault  son  oncle  du 
costé  maternelle  et  de  Xicolas  Discan  son  grand  oncle  d'aultre," 

Lesquels  comparans  recognurent  et  déclarèrent  que  traicté  de  mai'iage 
s'esloit  meu  et  pourparlé  entre  lesdits  sieur  Jacques  Van  Oost  et  ladite 
damoiselle  Marie  Bourgeois  futur  marians,  lequel  au  plaisir  de  Dieu  se 
fera  et  solemnisera  en  face  de  nostre  mère  la  Sainte  Esglise  s'y  avant 
qu'elle  y  contente,  mais  avant  aulcun  lien  dudit  mariage  turent  dicts, 
devisez,  conditionnez  et  accordez  les  portemens,  retours  et  aultres 
clauses  d'iceluy,  en  la  forme  et  manière  que  s'ensuit.  Premiers  quant  au 
portement  dudit  mariant  ladite  future  espouze,  assistée  comme  dessus,  at 
déclaré  de  s'en  tenir  pour  contente  et  bien  appaysée  et  au  regard  du  port 
et  chevance  icelle  ses  dits  père  et  mère,  icelle  deuement  auclorisée  de  son 
mary,  ce  qu'elle  obt  en  elle  avoir  pour  agréable  ont  donnés  à  leur  dite 
fille  et  luy  ont  promis  paier  sitost  cedit  mariage  parfaict  et  consommé,  la 


248  LES    PEIXTUES    VAX'    OOST 

somme  de  quatre  cens  livres  de  gros  et  arrivant  la  dissolution  dudil 
mariage  par  le  prêdccès  dudit  futur  mariant  soit  que  d'icelluy  y  eut 
enffant  vivant  né  ou  apparant  à  naistre  ou  non,  en  chacun  desdits  cas 
ladite  future  mariante  aura  et  remportera  tous  et  chacuns  les  habits, 
bagues  et  joyaux  servans  à  ses  chef  et  corps,  la  somme  de  qualtre  cens 
florins  une  fois  pour  sa  chambre  estoffée,  son  droict  de  vesve  coustumier 
tel  que  dist  la  constitution  de  la  ville  et  eschevinage  de  Lille,  ousque  la 
maison  mortuere  n'y  adviendront,  ensemble  ladite  somme  de  quattre  cens 
livres  de  gros,  par  elle  cy  dessus  portée  en  mariage  avec  tous  dons,  suc- 
cessions et  hoiries  que  constant  ce  mariage  luy  adviendront  et  eschoiront 
ou  la  valeur  de  ce  que  vendu,  chergé  ou  alliéné  serat  et  pour  son  droict, 
préfix  et  amendement  conventionnel  le  tiers  avant  de  son  dit  portemen' 
de  mariage,  le  tout  librement,  franchement  et  à  prendre  (sans  charge 
d'aulcunesdebtes,  obsèques  ny  funérailles  de  sondit  futur  mary)  sur  tous 
les  plus  clers  et  apparans  biens  qu'il  délaissera  au  jour  de  son  trespas  à  la 
réserve  seulle'  debtes  et  obligations  dont  lesdits  dons,  successions  et 
hoiries  pourroient  avoir  venu,  chargez  ou  si  mieux  semble  à  ladite  future 
mariante,  elle  se  poudra  tenir  au  droict  coustumier  de  ceste  ville  de  Lille, 
que  lors  elle  aura  aussy  avant  part  tous  ses  habits,  bagues  et  joyaux  ser- 
vans à  ses  chefs  et  corps  avec  son  droict  de  vesve  coustumier  tel  qu'est 
prescript  par  ladite  coustume  de  Lille,  ores  que  la  maison  mortuaire  n'y 
adviendroit  et  pour  par  icelle  mariante  délibérer  auquel  des  deulx  droits 
elle  se  voudra  tenir,  elle  aura  le  terme  et  espace  de  quarante  jours,  à 
compter  du  jour  du  trespas  de  son  dit  futur  mary  iceluy  venu  de  sa 
cognoissance,  pendant  letjuel  terme  elle  poudra  demeurer  en  la  maison 
mortuere  dudit  deffunt  et  vivre  avec  sa  famille  des  biens  y  estant  sans 
pour  ce  pouvoir  estre  réputée  pour  vesve  demeurée  aux  biens  et  debtes 
d'icelluy,  non  plus  allendroist  de  ses  créditeurs  qu'héritiers  et  le  cas  con- 
traire arrivant  que  ladite  mariante  viendroit  à  préterminer  ledit  mariant 
sans  dudit  mariage  délaisser  enffant  vivant,  en  ce  cas  icelluy  sera  tenu  et 
subject  de  rendre  et  restituer  aux  plus  prochains  héritiers  d'icelle  ou  à 
ceux  au  proufficl  desquels  elle  y  aura  disposé,  de  quoy  faire  il  l'authorise 
dès  maintenant  et  pour  lors,  ladite  somme  de  quatre  cens  livres  de  gros 
avec  tous  dons,  successions  et  hoiries  quy  durant  ce  mariage  seroienl 
advenus  à  la  préterminée  ou  la  valeur  de  ce  que  vendu  chargé  ou  alliéné 
serat  et  par-dessus  ce  tous  les  habits  bagues  et  joyaux  ayant  servy  à  ses 
chefs  et  corps,  saulf  que  sur  lesdits  biens  subjects  à  restitution,  lequel 
mariant  pourra  retenir  la  somme  de  deulx  cens  livres  de  gros  une  fois, 
et  moiennant  quoy  tous  les  aultres  biens  dont  lesdits  futurs  conjoints 
seroient  lors  jouissans,  appartiendront  en  pleine  propriété  audit  ma- 
riant à  charge  de  par   luy  de  payer  touttes  debtes,  obsèques  et  funé- 


LES    l'KlM'RES    VAN    OOST.  240 

railles,  à  la  réserve  de  celles  dont  lesdits  dons,  successions  et  hoiries 
seroient  advenus,  chargez.  En  considération  et  contemplation  duquel 
mariage  lesdits  sieur  Jean  Bourgeois  et  ladite  damoiselle  Catherine 
Ilegnauld,  icelle  auctorisée  que  dessus  et  ledit  sieur  Pierre  Destrez  en 
qualité  de  procureur  spécial  dudit  Jacques  Van  Oost  et  damoiselle  Marie 
de  Tolenare,  père  et  mère  dudit  futur  mariant,  fondé  de  procuration 
donnée  de  Louis  Bachuus,  notaire  roial  de  la  résidence  de  Bruge, 
le  IIII-  de  ce  présent  mois,  laquelle  sert  joincte  à  ce  présent  contrat  pour 
en  avoir  recouvrier  lors  hesoing  aurat,  lequel  en  vertu  de  clause  spécialle 
inserrée  en  ladite,  procure  ont  accordés  représentation  aux  enffans  quy 
naistront  du  présent  mariage  en  leur  hoirie  et  succession  pour  par  iceux 
enffans  et  ultérieurs  descendans  y  avoir  et  prendre  toutte  telle  part  et 
portion  qu'euissent  fait  lesdits  futurs  marians  en  cas  qu'ils  les  euissent 
survescu,  mesmement  ont  promis  d'instituer,  lesdits  marians,  leurs  héri- 
tiers aussy  a  vaut  que  leurs  aultres  enffans.  Tout  ce  que  dessus  lesdites  parties 
comparantes,  chacun  en  leur  regard  et  qualité  ont  réciproquement  promis 
tenir,  entretenir,  fournir  et  accomplir,  soubs  l'obligation  scavoir  ledit 
sieur  Destrez  des  biens  desdits  sieur  Jacques  Van  Oost  et  damoiselle 
Marie  de  Tollenaere,  ses  conslituans  et  lesdits  futurs  marians  avec  lesdits 
Jean  Bourgeois  et  sa  compaigne,  de  leurs  propres,  vers  tous  seigneurs  et 
justices,  renoncheans  au  radverlissement  de  sang,  eulx  entiers  par  lettre, 
ensemble  à  touttes  loix,  coustumes,  usaiges  et  choses  à  ce  contraires, 
spéciallement  à  la  cousturae  de  Flandres,  auxquelles  en  tant  que  besoing 
se  soit,  atesté  dérogué,  mesmes  ladite  femme  de  l'auctorité  prédicte  à  la 
loy  du  senatus  consultus  velleam  et  à  l'autentique  si  qua  mulier  à  elle 
donné  à  entendre.  Ce  fut  ainsy  fet  et  passé  audit  Lille,  le  IX^  de  janvier 
XVI*  septante  pardevant  moy  Simon  Deflandres,  notaire  publicq  y  résidant 
soubsigné  es  présences  de  tous  les  parens  assistans  audit  mariage  pris 
pour  témoins  et  du  sieur  Jean-Batiste  Van  Oute,  licentié  es  loix,  advocat 
postulant  audit  Lille,  tesmoin  ad  ce  requis  et  appelez. 

Signé  :  Jacobus  Vax  Oost,  AIarie  Bourgeois,  Jeax  Bourgeois,  Catherine 
Regnault,  Jehax  Regxault,  Pierre  Destrez,  S.  Deflaxdres. 

1G70. 

(Simon  Deflandres,  notaire  à  Lille,  année  1870.  .Acte  n°  280.) 


•250  CONRAD    MEYT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU. 


XllI 

CONRAD  MEVT  ET  LES  SCULPTEURS  DE  BROU 

EN    FRANCHE-COMTÉ. 

LEUR  OEUVRE.  —  LEURS  IMITATEURS. 
(1524-1563) 

Au  moment  où  Marguerite  d'Autriche  commençait  à  bâtir  sur  la 
terre  de  Bresse  le  merveilleux  édifice  consacré  à  la  mémoire  de 
son  époux,  la  petite-fille  de  Charles  le  Téméraire  devenait  à  la 
fois  gouvernante  des  Pays-Bas,  du  Charolais  et  du  comté  de  Bour- 
gogne, et  rentrait  ainsi  dans  une  part  de  l'héritage  de  son  aïeul.  Sa 
prédilection  pour  la  Franche-Comté  s'était  affirmée  déjà  en  y  choi- 
sissant des  officiers  et  des  serviteurs  qu'elle  savait  fidèles  et  en  y 
rattachant  par  des  emplois  ou  des  terres  les  plus  intimes  de  ses 
conseillers;  elle  s'affirma  et  s'accentua  davantage  encore  de  1507 
à  1530  par  des  relations  et  des  bienfaits  continuels  qui  ont  rendu 
son  nom  longtemps  populaire  chez  nos  aïeux  '.  Si  l'œuvre  de 
l'église  de  Brou  avait  emprunté  aux  Flandres,  où  la  vie  artistique 
était  intense,  son  architecte,  ses  sculpteurs,  ses  verriers,  sans 
négliger  toutefois  d'utiliser  les  conseils  ou  les  services  de  maint 
artiste  français  ou  italien,  la  direction  et  la  surveillance  des  travaux 
se  trouvèrent  en  grande  partie  concentrées,  du  début  à  l'achèvement, 
entre  les  mains  de  personnages  francs-comtois. 

J'ai  cité  naguère,  ici  même-,  Laurent  de  Gorrevod,  baron  de 
Marnay,  gouverneur  de  Bresse,  et  Antoine  de  Montent,  abbé  de 
Saint-Vincent  de  Besançon  et  confesseur  de  Marguerite,  qui  eurent 
seuls  le  privilège  d'obtenir  à  Brou  une  chapelle  et  une  sépulture  à 

1  Voir  Ed.  Clerc,  Histoire  des  Etats  généraux  en  Franche-Comté,  t.  I, 
p.  247. 

5  Les  initiateurs  de  l'Art  en  Franche-Comté,  au  seizième  siècle.  —  ÏT^  Réu- 
nion des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements,  1893,  p.  609-625, 


CONRAD    \IEYT    ET    LES    SCULPTELRS    DE    BKOU.  251 

cùté  de  leur  maîtresse.  J'aurais  à  citer  encore  Louis  IJarangier, 
secrétaire  et  maître  des  requêtes  de  l'archiduchesse,  greffier  en 
chef  de  son  parlement  de  Dole  ',  Claude  de  Boisseè,  doyen  de 
I*oligny  avant  d'être  archidiacre  d'Arras  *,  un  exécuteur  testamen- 
taire de  Marguerite,  le  trésorier  .lean  de  Marnix,  seigneur  de  Tou- 
louse, Hugues  Marmier,  président  du  parlement  de  Dole  quand 
Gatinara  se  fut  démis  de  cette  charge',  et  bien  d'autres  qui  ont 
partagé  avec  leur  protectrice  Fhonneur  d'introduire  le  goût  des 
arts  dans  leur  pays  d'origine  ou  d'adoption.  Ce  pays,  fertile  alors 
en  gens  avisés  et  intelligents,  possédait  dans  la  région  du  vignoble 
jurassien  de  précieuses  carrières  de  marbre  noir  et  d'albâtre^  où 
avaient  déjà  puisé  au  quinzième  siècle  les  ducs  de  Bourgogne  pour 
leurs  tombeaux  et  leurs  chapelles.  Ces  carrières  furent  rouvertes 
par  les  soins  de  Jean  Le  Maire,  qui  s'en  fit  l'apologiste  *;  Baran- 
gier,  aidé  de  Simon  de  Chantrans,  capitaine  de  Montmorot,  et  du 
receveur  de  Poligny,  Tachonnier  Glouvet,  organisa  pour  la  durée 
des  travaux,  de  1510  à  1530,  une  exploitation  active  des  albâtres 
de  Saint-Lothain  \  Après  avoir  pris  dans  les  flancs  du  Jura  ces 
matériaux  de  choix  que  de  modestes  imagiers  locaux  utilisaient 
dès  longtemps,  le  contrôleur  Barangier  avait  cru  y  rencontrer  aussi 
un  sculpteur  d'assez  large  envergure  pour  tailler,  sur  des  modèles 
ou  patrons  empruntés  à  de  vrais  artistes,  les  figures  et  les  statues 
des  tombeaux  de  Brou.  Appelé  de  Salins,  ce  sculpteur,  nommé 
Thiébaud,  fut  de  suite  agréé  par  Jean  Perréal,  mis  à  l'essai,  et 
commença  le  tombeau  de  Philibert  de  Savoie;  la  tâche  était  trop 
haute  pour  son  talent  médiocre,  il  ne  justifia  point  la  confiance 


>  Louis  Barangier,  greffier  du  parlement  de  Dole  de  1508  à  1519,  enterré  dans 
sa  chapelle  de  X.-D.  de  Dole. 

-  Mort  en  Flandre  en  1547;  on  voyait  au  siècle  dernier  dans  l'église  de  X.-D. 
de  Dole  une  inscription  à  sa  louange.  Chevalier,  Mémoires  sur  Poligny,  t.  I, 
p.  126. 

^  Hugues  Marmier  fut  président  du  parlement  de  Dole  de  1518  à  1545  et  mou- 
rut en  1553. 

*  tt  \y  en  Espagne,  ny  en  Italie,  ny  en  l'Angleterre,  n'en  y  a  point  qui  l'aproche 
en  bonté,  beauté  et  polissement.  d  Lettre  de  Lemaire  à  l'archiduchesse,  22  no- 
vembre 1511,  Leglav,  Analectes,  p.  11. 

'  Mandement  de  Marguerite,  prescrivant  à  ces  personnages  «  de  faire  traire, 
tailler,  lever  et  charger  une  bonne  quantité  d'albaslre  de  la  carrière  de  Saint-IiOtain- 
lez-Poligny,  pour  faire  mener...  en  Bresse.  1510.  »  J.  FmoT,  Louis  Van  fiog/tem. 
—  12'  Session  des  Sociétés  des  Beaux- Arts,  1888,  p.  190. 


252  CONRAD    MEYT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU. 

qu'avaient  mise  en  lui  ses  protecteurs.  Disgracié  dès  1511,  relégué 
tout  au  moins  àlarrière-plan,  sinon  congédié,  il  dut  céder  la  place 
à  de  plus  habiles  '.  On  sait  la  suite,  à  partir  de  1512,  l'architecte 
Van  Bogliem,  substitué  à  Jean  Perréal  par  la  volonté  de  Marguerite 
d'Autriche,  assume  la  responsabilité  des  constructions  de  Brou  et 
dirige  les  moindres  détails  de  la  construction  et  du  décor.  Dès 
1522",  ouvrages  anonymes  de  maîtres  ciseleurs,  les  retables  des 
sept  Joies,  dans  la  chapelle  de  Marguerite,  de  la  Passion,  dans 
celle  de  Laurent  de  Gorrevod,  des  sept  Douleurs,  dans  celle  de 
l'abbé  de  Saint-\  incent,  et  de  nombreuses  statues  destinées  au 
portail,  au  maître  autel,  à  diverses  parties  de  l'édifice,  même  aux 
trois  tombeaux  de  Marguerite,  de  Philibert  et  de  Madame  de  Bour- 
bon, sont  prêts  à  être  posés.  Exécutés  sur  des  dessins  de  Jean  de 
Bruxelles,  peut-être  de  Van  Boghem  lui-même  en  partie,  ces 
retables  et  ces  figures,  œuvres  d'artistes  souvent  inégaux,  ont 
emprunté,  semble-t-il,  en  majeure  part  des  ciseaux  flamands,  à  en 
juger  par  le  style  qui  y  prédomine,  et  par  le  détail  de  l'architec- 
ture et  par  celui  des  costumes.  A  partir  de  1526,  c'est  un  maître 
allemand,  tout  flamand  d'allures  du  reste,  qui  va.  venir  donnera 
cet  ensemble  le  couronnement  qui  lui  manque  encore,  en  sculptant 
les  pièces  capitales,  les  statues  gisantes  du  prince  et  des  deux  prin- 
cesses, et  les  «  transis",  c'est-à-dire  les  cadavres  dépouillés  de  tout 
ornement  autre  qu'un  suaire,  qu'on  aperçoit  à  l'étage  inférieur  des 
sépultures  de  Philibert  et  de  Marguerite.  Ce  maître,  c'est  Conrad 
Meyt,  né  à  Worms  %  attaché  depuis  1514  au  service  immédiat  de 
l'archiduchesse  pour  laquelle  il  a  créé  mainte  effigie  de  bronze, 
de  marbre  ou  de  bois*.  Autour  de  lui,  toute  une  pléiade  d'auxi- 
liaires italiens,  florentins,  picards  et  flamands,  Thomas  Meyt  son 
frère,  Aimé  Quarré,  Onofrio  Campitoglio,  le  Florentin  Jean-Baptiste 
Mariotto,  Benoît  de  Serins,  Jean  de  Louhans,  Jean  Rollin,  fouille 
l'albâtre  et  le  marbre,  taille  de  délicates  dentelles  semées  d'ar- 

'  <t  Je  veoye  bien  que  maistre  Thiébaut  ne  sçavoit  rien.  »  Perréal  à  Barangier, 
30  mars  1511.  Leglay,  Analectes,  1850,  p.  330. 

^  Reconnaissance  des  travaux  de  Brou,  20  juillet  1522,  J.  Baux,  Histoire  de 
l'église  de  Brou,  2''  édition,  p.  407. 

^  Ed.  Marchal,  La  sculpture  et  l'orfèvrerie  belges.  Bruxelles,  1895,  p.  236, 
237,  259,  297-301,  303,  429. 

*  Ibid.  et  Charvet,  Les  édifices  de  Brou,  21''  Session  des  Sociétés  des  Beaux- 
Arts,  1897,  p.  252-389. 


COXRAD    MEYT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROL  253 

nioiries  et  devises,  modèle,  puis  achève  avec  une  rare  perfection  le 
détail  des  armures  ou  des  parures  et  les  contours  charmants  de 
délicieuses  allégories.  Aux  termes  de  son  marché,  Conrad  Meyt 
doit  s'appliquer  de  préférence  aux  visages,  aux  mains,  aux  statues 
vivantes  étendues  sur  les  lits  de  parade;  mais  il  a  le  droit  de  se 
faire  aider  par  son  frère  et  par  d'autres  «  bons  et  experts  ouvriers  «  ; 
Van  Boghem  est  chargé  des  figures  secondaires  qui  doivent 
entourer  les  tombeaux.  On  sait  le  reste,  grâce  aux  recherches 
érudites  de  nombre  de  nos  confrères  '  :  pendant  cinq  ans  Conrad 
Meyt,  aux  prises  avec  nombre  de  difficultés,  dont  le  mauvais  carac- 
tère de  Van  Boghem  lui  prodiguait  l'amertume,  travailla  assidû- 
ment aux  tombeaux  de  Brou-  dont  la  réception  officielle  fut  faite 
le  12  mars  1532  par  deux  sculpteurs,  l'un  Espagnol,  l'autre 
Anversois^.  Au  moment  où  l'on  réglait  ces  comptes  et  où  l'on  pré- 
parait à  Malines  le  transfert  du  cercueil  de  Marguerite  d'Autriche 
(morte  le  1"  décembre  1530)  dans  les  caveaux  de  Brou,  nombre 
d'aitistes  avaient  abandonné  déjà  les  chantiers  de  cette  église, 
pour  chercher  ailleurs  fortune  ou  tout  au  moins  salaire.  Depuis  le 
23  janvier  1531,  Conrad  Meyt,  Jean-Baptiste  Mariotto,  Aimé 
Quarré  avaient  accepté  non  loin  de  Bourg  une  sérieuse  commande. 
A  Lons-le-Saunier  où  l'on  venait  de  transporter  le  corps  de  Phili- 
bert de  Chalon,  prince  d'Orange,  mort  glorieusement  aux  portes 
de  Florence  à  la  tète  d'une  armée  impériale,  Philiberte  de  Luxem- 
bourg, sa  mère,  voulait  à  grands  frais  élever  une  tombe  digne  de 
la  race  illustre  qui  s'éteignait  en  lui.  Après  avoir  fait  dessiner 
entre  Milan  et  Naples  les  plus  belles  sépultures  %  après  s'être 
entourée  des  renseignements  les  plus  compétents,  la  princesse 
d'Orange  se  décida  à  faire  venir  de  Bourg  les  maîtres  qu'on  lui 
signalait  comme  les  plus  capables  de  réaliser  son  désir.  Le  23  jan- 
vier 1531,  dans  le  château  de  Lons-le-Saunier,  en  présence  de  ses 
principaux  officiers  et  conseils,  tous  les  détails  du  magnifique 
mausolée  de  Philibert  de  Chalon  furent  mis  par  écrit  et  acceptés 


'  Voir  les  divers  travaux  consacrés  aux  artistes  de  Brou,  par  Charavay,  Chai- 
vet,  Finot,  Pinchart.  Leglay,  J.  Baux,  etc.  (on  en  trouvera  la  bibliograpliie  dans 
Charvkt,  Edifices  de  Brou). 

2  Voir  J.  Baix  et  Fixor,  loc.  cit. 

^  J.  FixoT,  Description  des  travaux  de  Brou.  Archives  du  Xord,  B,  i'-iôS. 

*  Pièces  justificatives,  a°  III. 


254  CONRAD    MEYT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU. 

par  Conrad  Meyt  prenant  en  charge  toute  Timagerie,  portraiture  et 
[)ersonnages  (lu  tombeau,  par  Jean-Baptiste  Mariotto  s'obligeant  à 
faire  et  parfaire  toute  la  maçonnerie,  c'est-à-dire  toute  l'architec- 
ture, les  piliers  d'alhàtre  avec  leurs  moulures  finement  profilées, 
les  antiquailles,  billets,  feuillages,  armoiries  et  inscriptions 
rehaussées  d'or  '.  Voici  les  grandes  lignes  de  cette  architecture  qui 
devait  couvrir  toute  la  paroi  droite  du  chœur  des  Cordeliers  de 
Lons-le-Saunier  et  égaler  comme  richesse  les  splendides  décors 
destomheaux  de  IJrou.  Qu'on  sereprésentesur  une  largeur  de  neuf 
mètres  environ,  sur  une  hauteur  constante  de  quatre  à  cinq  mètres 
atteignant  dans  la  partie  centrale  sept  à  huit  mètres,  avec  une  saillie 
moyenne  de  trois  pieds,  une  vaste  composition  architeclonique, 
conçue  dans  le  style  du  lit  funéraire  de  Marguerite  d'Autriche.  Au 
centre,  une  chapelle  à  double  étage,  disposée  sous  un  arc  triomphal  ; 
dans  l'étage  supérieur  apparaît  la  statue  agenouillée  et  priante  de 
Piiilibert  de  Chalon,  la  Toison  d'or  sur  les  épaules,  recouvrant  le 
manteau  ducal;  devant  lui  s'élève,  sur  des  nuées,  portée  par  deux 
anges,  la  Vierge  de  Lorelte,  objet  de  ses  regards  suppliants.  Der- 
rière le  prince,  une  figure  de  la  Bonne  Renommée,  escortée  de 
deux  génies,  tient  de  la  gauche  une  palme  et  de  la  droite  semble 
présenter  Philibert  à  la  Vierge  qu'il  implore. 

Au-dessous  de  cette  chapelle,  sous  une  voûte  soutenue  de  courts 
piliers  et  embellie  d'antiquailles,  une  seconde  figure  du  prince 
d'Orange  est  étendue,  rigide  comme  celle  d'un  «  transy  mort 
depuis  huit  jours  "  .Au-dessus  du  grand  arc  triomphal  qui  ouvre  la 
chapelle  de  Philibert  de  Chalon  et  que  Mariotto  doit  entourer  de 
fines  moulures,  surmonter  de  frises  élégantes,  semer  d'antiques, 
de  médaillons,  de  feuillages,  la  déesse  Pallas  est  étendue,  vêtue  en 
amazone,  tenant  un  bouclier  et  une  lance,  sur  un  lit  décoré  de 
trophées  belliqueux,  casques,  éperons,  armes  de  toute  sorte,  ser- 
vant de  support  à  une  chouette;  deux  génies  lui  font  face,  portant 
des  écus  et  des  emblèmes.  Derrière  elle  s'échafaude  un  couronne- 
ment monumental,  dont  les  multiples  membrures  sont  chargées 
de  médailles,  d'anges,  d'ornements  à  l'antique,  et  abritent  dans 
une  enfonçure  la  statuette  du  neuvième  Preux,  les  huit  autres 
couronnant  quatre  par  quatre  les  deux  piliers  ajourés  qui  accostent 

'  Voir  le  marché  aux  pièces  justificatives,  n»  IV, 


CO.VRAD  MEYT  ET  LES  SC  U  LP  T  E  (J  R  S  DE  li  R  0  l  .     -i:,-, 

la  chapelle  funéraire.  Tout  en  haut,  entouré  du  collier  de  la 
Toison  d'or,  coiffé  d'un  timbre  avec  la  couronne  ducale  de  Gra- 
vina,  soutenu  par  deux  petits  anges,  apparaît  un  grand  écu  aux 
pleines  armes  de  Chalon  :  une  bande  d'or  sur  champ  de  gueules. 

I>es  deux  piliers  d'albâtre  qui  épaulent  l'arc  triomphal  com- 
portent chacun,  outre  un  soubassement,  décoré  des  armoiries  de 
Chalon  et  de  Luxembourg,  avec  supports,  une  grande  ouverture 
au  cintre  légèrement  surbaissé,  avec  cavité  profonde  en  forme  de 
niche.  A  gauche,  Jean  de  Chalon,  père  de  Philibert,  est  agenouillé, 
en  costume  de  prince,  l'ordre  de  France  au  col,  avec  »  dictiers  et 
épitaphes  ■> .  Dans  le  pilier  de  droite,  la  figure  symétriquement 
agenouillée  de  Philiberte  de  Luxembourg  est  sculptée  «  au  plus 
près  du  vif» .  Le  liant  des  piliers,  d'une  belle  et  svelte  architecture, 
se  divise  en  deux  étages  :  au  premier  étage,  une  statue  de  dimen- 
sion moyenne  personnifie  une  des  quatre  Vertus;  au  second, 
quatre  statuettes  représentent  autant  de  Preux,  soit  huit  Preux  sur 
les  deux  piliers,  le  neuvième  ayant  trouvé  place  dans  le  couronne- 
ment du  motif  central.  Sur  les  flancs  de  chacun  des  piliers  s'ap- 
puient comme  des  contreforts  deux  autres  piliers  dits  "  à  la  Reine  s  , 
chacun  mesurant  deux  mètres  de  largeur  avec  moulures,  frises  el 
supports  analogues  à  ceux  des  autres  parties  du  monument.  Sous 
l'arc  de  gauche,  voisin  du  maître  autel  et  de  la  première  fenêtre 
de  l'abside,  est  une  enfonçure  en  cul-de-four,  destinée  à  recevoir 
les  sièges  du  célébrant  et  des  diacres;  adroite,  une  porte  eu  pierres 
de  taille,  à  contours  très  ornés,  conduisant  à  la  sacristie  des  Corde- 
liers.  Au-dessus  de  ces  piliers  latéraux  les  statues  de  deux  V  ertus 
placées  à  la  même  hauteur  et  dans  un  cadre  analogue  à  celui  des 
deux  autres  Vertus  des  piliers  adjacents.  De  plus,  au-dessus  de  la 
porte  de  la  sacristie,  un  second  étage  est  disposé  avec  cul-de- 
lampe  destiné  à  recevoir  une  dernière  statuette.  Outre  le  mau- 
solée proprement  dit  et  ses  annexes,  les  deux  maîtres  imageurs 
s'étaient  obligés  à  créer  encore,  pour  un  prix  total  de  10,000  francs, 
un  bénitier  surmonté  d'un  ange  et  la  niche  du  lavabo  du  maître 
autel,  et  à  livrer  le  tout  dans  le  délai   de  deux  ans. 

Dans  cette  décoration,  Jean-Baptiste  Mariotto  devait  exécuter 
toute  l'architecture  et  maçonnerie,  depuis  les  degrés  en  pierres  de 
taille  et  les  soubassements  armoriés  jusqu'aux  fines  dentelles  de 
l'arc  triomphal  et  des  niches  en  piliers  adjacents,  y  compris  les 


256  COMRAD    M  K  V  T    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU. 

anges,  les  bestioles  et  les  triomphes  mêlés  aux  feuillages  et  aux 
rinceaux  des  tlais  et  du  couronnement,  y  compris  encore  les 
médailles  et  les  rénovations  de  l'antique,  les  inscriptions,  épitaphes 
et  devises  qui  devaient  courir,  avec  profusion,  d'un  bout  à  l'autre 
des  frises,  sans  y  laisser  aucun  vide  et  aucune  partie  lisse. 

Au  robuste  talent  de  Conrad  Meyt  revenaient  les  trois  statues 
agenouillées  et  vivantes  de  Philibert  de  Chalon,  de  Jean  son  père 
et  de  Philiberte  de  Luxembourg,  l'effigie  couchée  et  morte  de 
Philibert,  les  quatre  Vertus,  les  neuf  Preux,  la  \otre-Dame  de 
Lorette  portée  par  les  anges.  Bonne  Renommée  et  Pallas  avec  les 
quatre  génies  groupés  à  leur  suite. 

Dès  1532,  Meyt,  Alariotto  et  leurs  aides,  parmi  lesquel  Aimé 
Quarré  (ou  le  petit  Picard)',  sont  en  chantier,  et  quand,  au  retour 
des  funérailles  de  Marguerite  d'Autriche  et  du  transport  de  son 
corps  à  Brou,  célébrés  les  10,  12  juin  de  cette  année,  le  maréchal 
de  Bourgogne,  Antoine  de  Laîaing  et  Claude  de  Boisset  vinrent 
saluer  à  Lons-le-Saunier  Philiberte  de  Luxembourg,  Meyt  put 
leur  montrer  avec  orgueil  plusieurs  belles  pièces  d'imagerie  des- 
tinées à  la  sépulture  dont  l'éclat  devait  le  disputer  au  tombeau 
même  de  Marguerite,  et  reçut  des  visiteurs  enchantés  une  gratifi- 
cation qu'il  ne  dédaigna  point  d'accepter'.  A  l'heure  même,  un 
de  ceux  qui  avaient  encouragé  davantage  Meyt  et  ses  collabora- 
teurs, l'abbé  Antoine  de  Montcut,  mourait  à  Brou  et  était  inhumé 
dans  la  chapelle  de  Notre-Dame  des  Sept  Douleurs;  une  de  ses 
dernières  recommandations,  consignées  dans  un  codicille  du  20  juin 
1532,  avait  été  l'ordre  formel  de  transporter  dans  son  église  abba- 
tiale de  Saint-Vincent  de  Besançon  la  Pieta  de  marbre  blanc  exé- 
cutée pour  lui  par  Conrad  ^  Son  exécuteur  testamentaire,  le  tré- 
sorier bien  connu  Louis  Vyonnet,  exécuta  ce  dernier  vœu  de 
l'aumônier  de  Marguerite.  La  Pieta  fut  transportée  à  Besançon, 
la  chapelle  Saint-Antoine  fut  décorée  de  vitraux  et  d'argenterie, 
l'abbaye  Saint-Vincent  vit  terminer  son  clocher  haut  de  200  pieds 
dû  à  la  libéralité  de  l'abbé  de  Montcut,  et  jusqu'au  dix-huitième 

'  Voir  les  pièces  juslificatii  es  VI-X. 

^  Gratification  de  27  s.  donnée  à  Conrad  Meyt,  par  Antoine  de  Lalang,  1532. 
(Publié  par  Pinchart,  d'après  le  re<jistre  1833  de  la  Chambre  des  comptes  de 
Bruxelles.) 

■'  Pièces  justificatives,  u"  II. 


CO.VUAO    MEVT    li  T    LES    S  C  f  L I' T  E  U  11  S    DE    BROU.  257 

siècle  on  montra  et  on  admira  au  maître-autel  de  l'abbatiale  un 
retable  en  bois  sculpté  portant  la  statue  de  saint  Vincent  et  quatre 
bas-reliefs  représentant  son  martyre,  avec  une  longue  inscription, 
datée  de  1524,  rappelant  les  bienfaits  de  l'aumùnier  '.  Cette  date, 
le  fait  que  Conrad  Meyt  et  Antoine  de  Montent  vivaient  à  l'époque 
précise  dans  la  domesticité  de  la  gouvernante  des  Pays-Bas,  ren- 
dent singulièrement  plausible  l'attribution  à  Meyt  de  ce  retable 
que  Besançon  a  laissé  périr,  tandis  que  sa  calbédrale  a  recueilli  et 
possède,  sans  s'en  être  doutée  jusqu'à  ce  jour,  la  Vierge  de  Pitié 
sculptée  en  1532,  sur  laquelle  nous  aurons  à  revenir. 

Si  dans  la  commande  du  tombeau  de  Philibert  de  Chalon  Jean- 
Baptiste  Mariotto  n'avait  été  chargé  que  de  l'architecture  et  du 
décor,  ce  n'était  point  qu'il  ne  fût  capable  de  faire  jaillir  du  marbre 
ou  de  l'albâtre  de  Saint-Lothain  autre  chose  que  des  ornements, 
des  bestioles  ou  des  médaillons  à  la  florentine,  mais  uniquement  pour 
délimiter  d'une  façon  très  nette  son  champ  d'action  avec  celui  où 
devait  se  mouvoir  Conrad  Meyt,  exclusivement  chargé  de  toutes  les 
figures;  un  document  suggestif  va  le  prouver  jusqu'à  l'évidence. 

Tout  en  travaillant  côte  à  côte  avec  le  sculpteur  de  Worms  au 
tombeau  du  prince  d'Orange,  Mariotto,  dont  l'habilelé  semble  avoir 
séduit  Philiberte  de  Luxembourg,  avait  accepté  de  la  princesse 
une  seconde  commande,  dont  l'ensemble,  comme  le  détail,  était 
abandonné  à  son  exclusive  direction.  Pour  le  prix  total  de 
2,800  francs,  le  8  mai  1531,1e  Florentin  avait  pris  charge  d'élever 
au  milieu  du  chœur  des  Cordeliers  de  Lons-Ie-Saunier;  sur  le 
caveau  où  dormaient  déjà  leur  dernier  sommeil  Jean  de  Chalon  *, 
Jeanne  de  Bourbon,  sa  première  femme  %  Claude,  seigneur  d'Ar- 
guel,  leur  unique  enfanl%  et  Philibert  de  Chalon,  né  d'un  second 
mariage  %  une  sépulture  à  trois  gisants*.  Longue  de  dix  pieds, 
large  de  sept  avec  soubassements,  piliers  aux  quatre  coins  servant 
de  gîte  aux  statuettes  des  quatre  frères  d'Hercule,    '  anticailles  »  , 

'  Pièces  justificatives,  n"  I, 

-  Jean  de  Chalon,  prince  d'Orange,  mort  à  Lons-le-Saunier,  le  25  avril  1502 

(Inscription  du  caieau  funéraire  de  Lons-le-Sannier.) 

"  Jeanne  de  Bourbon,  princesse  d'Orange,  morte  te  10  juillet  1493.  [Id.) 

*  Claude  de  (]baion,  seigneur  d'.Arguel,  mort  en  novembre  1500.  (Id.) 

^  Philibert  de  Chalon,  prince  d'Orange,  lieutenant  général  de  l'Empereur  en 

Italie,  tué  à  Pisloie  le  o  août  1530.  (Id.) 
'' Pièces  justificatives,  u"  V. 

n 


258  COXRAD    MKYT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU. 

feuillages,  armoiries  et  inscriptions  tout  à  l'entour,  cette  sépul- 
ture devait  porter  étendue  l'image  du  prince  Jean  de  Chalon, 
ayant  à  sa  droite  Jeanne  do  lîourbon,  à  sa  gauche  Philiberte  de 
Luxembourg,  tous  en  riches  costumes  de  cour.  A  la  tète,  deux 
anges  debout  portant  les  armes  des  Chalon-Orange  ;  aux  pieds  du 
prince  et  agenouillée,  la  figure  d'un  petit  enfant  de  deux  ans,  Claude 
d'Arguel,né  de  Jeanne  de  Bourbon.  Pour  ceux  qui  sont  familiarisés 
avec  l'histoire  de  l'église  de  Brou,  cette  description  (à  la  matière 
près,  puisque  les  gisants  y  étaient  de  bronze)  n'est-elle  pas  la  repro- 
duction de  celle  que  donne  le  P.  Rousselet,  à  propos  du  tombeau 
que  Claudine  de  Revoire  éleva,  avant  1533,  dans  la  chapt^lle  des 
Gorrevod,  à  la  mémoire  de  Laurent  V'  de  Gorrevod  et  de  ses  deux 
femmes  '  ?  Comparons  plutôt  :  «  L'on  y  voit  la  figure  de  Laurent  de 
Gorrevod  en  bronze,  plus  grande  que  nature,  étendue  sur  une 
table  en  marbre  noir,  ayant  à  sa  droite  sa  première  femme,  avec 
une  petite  fille  qu'il  en  avait  eue,  et  à  sa  gauche,  sa  seconde  femme. 
On  voit  aux  quatre  angles  du  mausolée  quatre  génies  debout*  .  5) 
Quoi  d'étonnant  d'ailleurs,  puisque  les  maîtres  qui  sculptaient  à 
Lons-le-Saunier  avaient  fourni  un  ample  contingent  aux  richesses 
d'art  accumulées  à  Brou,  qu'ils  en  aient  rapporté  dessins  et  patrons 
pour  les  utiliser  au  profit  de  Philiberte  de  Luxembourg? 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  délai  accordé  à  Mariotto  pour  la  sépulture 
d'albâtre  dont  nous  avons  résumé  le  devis,  n'était  que  d'un  an  ; 
l'artiste  stimulé  par  la  présence  continuelle  de  Philiberte  à  Lons- 
le-Saunier,  et  par  les  payements  exacts  dont  nous  avons  recueilli 
de  nombreuses  traces,  dut  mettre  à  cette  œuvre  assez  d'activité 
pour  livrer  en  1533,  faite  et  parfaite,  la  sépulture  et  ses  gisants, 
outre  le  tabernacle  et  les  deux  statues  de  la  Vierge  et  de  saint 
François  destinés  au  maître-autel  des  Cordeliers.  Ce  qui  nous  le 
fait  croire,  ajuste  titre,  c'est  le  témoignage  du  P.  Fodéré,  dans  sa 
description  des  monastères  franciscains  de  la  province  de  Saint- 
Bonaventure,  publiée  en  1619,  malgré  les  erreurs  de  détail  de  cet 
annaliste  \  Mais  le  tombeau  de  Philibert  de  Chalon,  que  Alariotto  et 


'  P.  PaciGque  Rousselet,  Histoire  et  description  de  l'église  royale  de  Brou. 
Bourg  [1767],  p.  74. 

»  Ibid. 

'  Narration  historique  et  topographique  des  couvents  de  l'ordre  de  S.  Fratl- 
çois,  par  Jacques  Fodéré.  Lyon,  1619,  in-4". 


COMIAI)    AIK  YT    ET    LES    SCL'Ll'TELKS    DE    BROL.  259 

illcyl  poiusuivai(;iit  après  l'achèvement  de  la  sépulture  ilu  milieu 
(lu  chœur,  n'était  point  achevé  clans  le  délai  fixé  par  Philiherle  ; 
Aleyt  y  Iravaillait  encore  le  23  janvier  1534^'.  Des  événements 
imprévus  allaient  tout  arrêter  et  disperser  les  artistes  avant  que 
leur  œuvre  soit  accomplie  et  que  le  rêve  de  Philiherte  de  Luxem- 
bourg soit  en  son  entier  réalisé.  Philibert  de  Chalon  avait  une 
sœur,  mariée  à  Henri  de  \assau  ;  celui-ci,  héritier  de  son  beau- 
frère,  employa  contre  Philiherte  des  procédés  violents  et  discour- 
tois, fit  saisir  ses  mobiliers,  ses  bijoux,  sa  vaisselle  d'argent  au 
mépris  de  toutes  convenances.  Découragée,  la  princesse,  abandon- 
nant tout,  même  la  tombe  de  son  fils  et  le  projet  de  la  rendre  non- 
pareille,  se  réfugia,  pour  y  mourir,  dans  un  château  qu'elle  possé- 
dait à  Mont-Saint-Jean,  au  duché  de  Bourgogne'-.  Et  il  ne  resta 
dans  celte  église  des  Cordcliers,  qui  fût  devenue  autrement  le  pen- 
dant des  Augustins  de  Brou,  qu'un  caveau  funéraire  avec  quatre 
cercueils  déposés  sur  des  tables  de  pierre  et  des  inscriptions  armo- 
riées rappelant  le  nom  de  ces  morts,  et'  auprès  de  la  sépulture 
taillée  par  Mariotto,  nombre  de  superbes  statues  d'albâtre  ou  de 
marbre  sculptées  par  Meyt  pour  un  ensemble  qui  ne  devait  jamais 
exister.  En  1595,  l'archiduc  Albert,  traversant  Lons-le-Saunier,  les 
vit,  les  admira  et  proposa  de  les  acquérir  pour  les  emporter  aux 
Pays-Bas.  En  1619,  en  1637,  divers  témoins  signalent  «  un  grand 
nombre  de  belles  et  grandes  statues  de  marbre  blanc  de  diverses 
figures,  très  bien  polies,  taillées  et  gravées  d'après  le  naturel... 
dont  quelques-unes  à  l'entour  du  grand  autel,  sans  y  observer 
aucun  ordre  qui  peust  représenter  quelque  chose...  '.  «  En  1737, 
il  en  subsistait  encore  plusieurs,  au  témoignage  de  Dunod*.  On  cher- 
cherait vainement  aujourd'hui  le  moindre  vestige  de  l'œuvre 
accomplie  à  Lons-le-Saunier  par  Meyt  et  le  Mariotto,  de  1531  à 
1534.  Privés  brusquement  d'un  travail  qui  devait  nécessiter  encore 
de  longs  efforts,  retenus  quelque  temps  au  moins  au  comté  de 
Bourgogne  par  l'espoir  du  retour  de  Philiherte,  ou  d'une  décision 
de  M.  de  Nassau,  favorable  à  leurs  intérêts  et  à  la  continuation 


'  Pièces  justificatives,  n"  X. 

^  Ed.  Clkrc,  Philibert  de  Chaloriy  1873.  {Bulletin  de  l'Académie  de  Besan- 
çon, p.  80.) 

^  FoDÉRÉ,  Narration  historique. 

*  DuNOD,  Histoire  du  comté  de  Bourgogne,  t.  II,  p.  321. 


260  COMIAI)    MEVT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    15R0U. 

des  tombeaux,  les  deux  sculpteurs  durent  chercher  autour  d'eux 
des  commandes  pour  utiliser  soit  les  matériaux  amassés  à  grands 
frais,  soit  leur  ciseau  brusquement  paralysé.  Cette  nécessité  de 
trouver,  à  bref  délai  et  sans  déplacer  leur  chantier,  des  commandes 
et  un  gagne-pain,  valut  à  la  Franche-Comté  quelques  œuvres  d'art, 
dont  deux  au  moins  survivent,  d'une  délicieuse  facture  et  d'un  très 
grand  intérêt. 

La  première  est  un  retable,  de  petites  dimensions,  conservé 
dans  l'église  delUoutier-Villars,  à  Poligny,  à  deux  ou  trois  lieues  à 
peine  des  carrières  d'albâtre  de  Saint-Lolhain  ;  la  seconde  est  une 
exquise  statue  de  la  Vierge  à  l'Enfant,  vendue  par  l'église  Saint- 
Just  d'Artois,  il  y  a  quarante  ans  environ,  au  musée  de  Cluny,  où 
elle  est  placée  dans  la  salle  des  tapisseries  du  seizième  siècle. 

Le  retable  de  Moutier-Villars  (ou  de  Poligny),  rectangle  d'albâtre 
haut  d'un  mètre  vingt,  large  de  trois  mètres,  comporte  un  soubas- 
sement, trois  bas-reliefs  encadrés  par  des  pilastres  cannelés,  avec 
chapiteaux  ornés  de  bucrànes,  un  entablement  avec  corniche 
légèrement  saillante.  Entre  les  multiples  moulures  de.  cette  cor- 
niche et  de  l'architrave,  une  inscription  court  sur  la  frise,  en  belles 
capitales  romaines:  [xoble.  messire.]  ieham.  dagay,  [escvier] 
A.  FAICT.  FAIRE.  CE.  TABLEAVL.  EM.  LAN.  1  534.  Cette  date  :  1534, 
est  répétée  une  seconde  fois  au-dessus  de  l'arc  surbaissé  du  bas- 
relief  central,  aux  côtés  d'un  écu  brisé  :  un  lion  surmonté  d'un 
chef,  armoiries  de  Jean  Dagay,  qui  lui  servait  de  clef  de  voûte'. 

Les  trois  bas-reliefs  représentent  en  parlant  de  la  gauche  : 
l'Annonciation,  TAdoration  des  bergers,  l'Adoration  des  Mages, 
soit  trois  des  sept  mystères  joyeux  ligures  à  Brou  dans  le  retable 
des  Sept  Joies.  Tous  trois  sont  exécutés  avec  une  finesse  extrême 
et  un  art  de  composition  qui  révèle  des  artistes  exercés.  Le 
marteau  imbécile  des  terroristes  a  malheureusement  passé  par 
là;  on  leur  eût  pardonné  d'effacer  les  mots  nohle  et  écuyer  de 
l'inscription  de  la  frise  ;  leur  bêtise  et  leur  brutalité  ont  malheu- 
reusement abattu  les  tètes  ou  brisé  les  membres  de  nombre  des 
personnages  délicats,  émergeant  en  vigoureux  relief  des  massifs 
d'albàlre. 


'  Voir  ci-contre,   planche  IX.   M.   de  Lairière   mentionne  dans  le  Bulletin 
monumental,  année  1881,  ce  retable  que  nous  connaissons  dès  1867. 


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COXUAI)    MEYT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU.  261 

DansVAnnonciatwn  toute  la  scène  se  passe  dans  un  oratoire,  dont 
le  plafond  à  caissons,  les  murs  avec  frises  ajourées,  arcades,  porte 
surmontée  d'un  fronton  triangulaire,  sont  des  réminiscences  de 
rauti<|ue;  la  Vierge  agenouillée  à  droite,  regardant  le  spectateur, 
tout  en  s'appuyant  sur  un  pupitre  très  orné,  écoute,  dans  une 
pose  charmante,  la  parole  de  l'ange  Gabriel,  qui  se  tient,  res- 
pectueux, à  l'angle  gauche  du  tableau. 

Dans  YAdoration  des  bergers,  la  scène  est  en  plein  air, 
devant  le  porche  d'un  édicule  ancien,  dont  le  fronton  triangu- 
laire percé  d'un  oculus  va  se  retrouver,  réduit,  dans  YAdoration 
des  Mages.  La  Vierge  agenouillée  et  l'enfant  nu  sur  un  pan  de 
'langes,  escortés  de  saint  Joseph  dont  la  figure  monacale  se  penche 
en  avant,  écoutent  les  accords  d'une  cornemuse  dont  joue  l'un  des 
adorateurs  :  un  berger  est  couché  à  plat  ventre;  un  autre,  debout, 
accompagné  d'une  bergère,  s'avance  suivi  d'un  chien;  derrière 
eux,  tout  un  lointain  de  personnages,  de  rochers  et  de  paysage, 
où  de  joyeuses  farandoles  s'ébauchent  sur  l'obscurité  des  fonds. 

Dans  YAdoration  des  Mages,  la  Vierge  est  assise  tenant  l'En- 
fant debout,  de  son  bras  gauche;  derrière  elle,  deux  personnages, 
dont  saint  Joseph;  devant,  agenouillé  dans  une  attitude  pleine  de 
recueillement,  un  des  mages;  deux  autres  debout  derrière  lui, 
armés  à  l'antique  et  casqués.  Sur  les  bordures  du  vêtement  de  l'un 
d'eux,  cette  inscription  intraduisible  :  Xichitigos-armovs,  deux  fois 
répétée;  par  derrière,  tout  un  fouillis  de  tètes  de  serviteurs,  nègres 
ou  autres,  des  casques,  des  panaches,  des  chevaux  chargés  de  pré- 
sents et  de  coffres,  et  par  delà,  au-dessus  de  la  silhouette  d'un 
grand  château,  l'étoile  des  mages  plane  au-dessus  des  nuées. 

La  date  de  1534,  qui  coincide  avec  l'abandon  des  travaux  de 
Lons-le-Saunier,  le  voisinage  immédiat  de  Saint-Lothain,  mais 
par-dessus  tout  l'allure,  le  style,  la  maestria  des  bas-reliefs  du 
retable  de  Jean  Dagay  ne  laissent  aucun  doute,  dans  notre  pensée, 
à  cette  opinion  formulée  pour  la  première  fois  dans  cette  étude  : 
l'exécution  du  retable  de  Aloutier-Villars  ne  peut  être  attribuée 
qu'aux  sculpteurs  de  Brou,  employés  à  Lons-le-Saunier. 

Des  considérations  semblables  d'art  et  de  style  imposent  une 
conclusion  analogue  pour  la  statue  de  la  Vierge  à  l'Enfant,  dite 
d'Arbois,  conservée  au  Musée  de  Cluny.  Ce  magnifique  morceau 
d'albâtre,   de  grandeur  presque  nature,  représente  JVotre-Dame 


262  COXUAD    MEVT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    RROL. 

debout,  le  poids  du  corps  |)ortant  sur  la  jambe  droite  pour  faire 
équilibre  au  mouvement  de  l'enfant  divin  presque  complètement 
nu,  se  précipilant  à  gauche  par  un  gracieux  élan.  La  tête  de  la 
Vierge,  dont  l'opulente  chevelure  tombe  par  longues  boucles  sur 
les  épaules  et  les  bras,  deux  boucles  accrochées  formant  collier, 
est  empreinte  d'un  mélancolique  recueillement;  celle  de  l'Enfant, 
qui  tient  dans  ses  petites  mains  une  pomme,  est,  au  contraire, 
animée  par  un  sourire.  Le  riche  costume  de  la  Vierge,  son  manioau 
drapé  avec  habileté,  partie  sur  l'épaule  gauche,  partie  sur  le  flanc 
droit,  est  d'une  facture  très  primesautière.  Des  rehauts  d'or  avi- 
vent et  font  valoir  cà  et  ià  les  délicatesses  des  bordures  de  la  robe 
et  du  manteau.  Dans  cette  Vierge  d'Arhois  se  retrouvent  toutes' 
les  élégances  des  sculpteurs  de  Brou.  Pas  d'hésitation  sur  la  date 
à  lui  assigner  :  1530  à  1534;  mais  nous  n'avons  plus  la  ressource 
d'une  inscription  et  d'un  millésime,  comme  dans  le  retable  de 
Poliguy;  essayons  d'y  suppléer  pour  retrouver,  à  défaut  d'un  nom 
d'artiste,  le  nom  du  donataire  '. 

Une  enquête  faite  à  Arbois  nous  a  permis  de  retrouver  dans  la 
chapelle  à  gauche  du  chœur,  à  l'extrémité  du  collatéral,  l'empla- 
cement qu'a  occupé  trois  cents  ans  la  madone  que  nous  venons  de 
décrire.  Or  cette  chapelle,  dédiée  à  Notre-Dame  et  à  saint  Jean- 
Baptiste,  est  la  chapelle  funéraire  des  deux  cardinaux  Pierre  de  la 
Baume  (1 542-1 5M)  et  Claude  de  la  Baume  (15M-1584),  tous 
deux  prieurs  de  Saint-Just  d'Arbois  et  archevêques  de  Besançon. 
Le  premier  de  ces  prélats,  chassé  en  1528  de  son  êvêché  de  Genève, 
vint  se  réfugier  à  Arbois,  où  il  séjourna  sans  discontinuer  jusqu'en 
1533,  et  où  il  mourut  le  4  mai  1544.  Arbois  étant  sa  résidence 
favorite,  c'est  donc  à  lui  que,  sans  hésitation  aucune,  on  doit  attri- 
buer le  décor  do  la  chapelle  Xotre-Dame,  et  tout  porte  à  croire 
que  la  statue  superbe  qu'il  y  avait  laissée  comme  souvenir  fut 
sculptée  de  1530  à  1533,  c'est-à-dire  avant  le  retour  éphémère  du 
prélat  dans  son  évèché  de  Genève,  par  un  des  artistes  excellents 
employés  aux  tombeaux  des  princes  d'Orange.  L'œuvre,  bien 
homogène,  n'a  pas  nécessité  l'association  de  plusieurs  ciseaux. 

Son  allure   plutôt  florentine   que    flamande   semble   indiquer 
comme  auteur  l'Italien  Mariotto  de  préférence  au  Flamand  Meyt. 

^  Richard,  Histoire  du  diocèse  de  Besatiçon^  t.  II,  p.  212. 


COXRAI)    MEYT    KT    I.RS    S  C  l  1. 1' T  K  K  K  S    I)  K     lUlOL.  2G3 

A  côlé  (le  la  Vierge  cVAj'hois  et  du  Retable  de  Poligny,  Besançon 
a  conservé,  lui  aussi,  une  épave  des  sculpteurs  de  Brou,  la  Pieta, 
léguée  en  1532  par  Tabbé  Antoine  de  Montent  à  son  ahhaye  de 
Saint-Vincent'. 

Haut  de  l^.SO,  large  de  l^.SO,  ce  groupe  de  marbre,  mutilé 
par  les  déplacements  qu'il  a  dû  subir,  est,  depuis  1792,  date  de  la 
fermeture  de  la  plupart  des  églises  paroissiales  ou  conventuelles, 
devenu  la  propriété  de  l'église  catbédrale,  enrichie  par  son  curé 
constitutionnel,  l'abbé  Roy,  des  dépouilles  dautres  édifices.  Assise 
sur  un  rociier,  la  Vierge  des  douleurs  retient  à  grand'pcine  le 
corps  de  son  fils  (|ui,  la  télé  appuyée  sur  la  poitrine  de  sa  mère, 
glisse  sensiblement  au  bas  du  rocher.  C'est  en  vain  qu'un  ange 
agenouillé  dont  le  vêtement  plissé,  hardiment  taillé  dans  le  mar- 
bre, fait  valoir  l'anatomie  très  étudiée,  s'eflTorce  d'aider  la  Vierge 
à  soulenir  le  Sauveur.  La  tête  du  Christ,  celle  de  l'ange,  celle  de 
la  Vierge,  autant  qu'on  en  peut  juger  malgré  sa  mutilation,  sont 
de  fort  beaux  morceaux;  les  jambes  du  Christ,  ses  mains  mutilées, 
le  pied  nu  de  l'Ange  sont  traités  avec  le  naturalisme  sincère  des 
gisants  de  Brou.  L'a  restauration  d'un  pareil  morceau,  son  trans- 
fert en  place  honorable,  car,  mis  à  contre-jour  contre  l'unique 
fenêtre  de  la  chapelle  des  fonts,  il  échappe  à  tous  les  regards,  s'im- 
posent aujourd'hui  que,  grâce  à  des  documents  inédits,  l'origine 
de  l'œuvre  est  devenue  manifeste  -. 

Les  travaux  de  sculpture  semés  par  Conrad  Meyt  et  ses 
auxiliaires,  de  Lons-le-Saunier  à  Besançon,  tandis  que  des  maçons, 
des  ouvriers  de  moindre  importance,  sortis  également  de  Brou, 
apportaient  à  l'œuvre  de  Notre-Dame  de  Dôle,  à  celle  de  Notre- 
Dame  de  Gray  %  à  celle  du  clocher  de  Saint-Vincent  de  Besançon 
et  à  celle  du  château  des  Gorrevod  à  Marnay  *  un  concours  dont 
l'empreinte,  très  caractérisée,  reste,  pour  qui  sait  lire,  encore  très 
visible,  devaient  servir  de  modèle  aux  sculpteurs  qu'à  son  tour  la 
terre  franc-comtoise  devait  enfanter.  Après  ce  Thiébaud,  de  Salins, 

'  Voir,  ci-après,  planclie  X. 

^  Pièces  justificatives,  n"  II. 

^  Le  portail  de  IV. -D.  de  Gray  offre  «ne  analogie  frappante  avec  le  portail  de 
l'église  de  Bourg  et  certains  détails  de  celle  de  Brou. 

*  L'auteur  a  recueilli  à  Marnay  (Haute-Saône),  dans  le  cliâteau  bâti  par  Laurent 
de  Gorrevod,  vers  1525,  des  chapiteaut  avec  les  initiales  L  et  C,  identiques  à 
ceux  publi(''s  par  M.  Charvet,  en  1897. 


264 


COIVRAD    MEVT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU. 


que  son  inexpérience  fit  renvoyer  de  Brou,  après  ce  Landry,  peut- 
être  son  élève,  qui  taillait  dans  l'albâtre  de  Saint-Lotliain  les 
médaillons  des  douze  Césars  pour  le  chancelier  Granvelle  et  le 
portrait  de  son  fils  le  cardinal',  nous  avons  rencontré  déjà  et 
étudié  à  diverses  reprises  ce  Claude  Arnoux,  dit  Lulier,  qui, 
originaire  de  Gray,  comme  Tarchitecte  Sambin,  créa  tour  à  tour 
la  chapelle  funéraire  de  Guillaume  de  Visemal,  à  Rahon  %  le  jnbé 
de  la  cathédrale  Saint-Jean  à  Besançon  \  la  chapelle  des  d'Andelot 
à  Pesmes*.  La  biographie  de  celui  que  l'historien  Gollut,  et  après 
lui  Jean-Jacques  Chifflet,  avaient  célébré  comme  un  émule  de 
Polyclète,va  s'enrichir  d'une  œuvre  nouvelle,  retrouvée  grâce  au 
hasard,  au(|uel  nous  autres  chercheurs  nous  devons  tant  de  bienfaits  ; 
et,  chose  curieuse,  cette  œuvre,  qui  par  certains  et  très  importants 
détails  va  se  rattacher  à  l'œuvre  des  sculpteurs  de  Brou,  fera 
revivre,  grâce  à  des  dessins  jusqu'ici  ignorés,  le  tombeau  des 
Gorrevod  à  Brou,  le  tombeau  des  Chalon  à  Lons-le-Saunier  qui  lui 
ont  servi  de  modèles.  De  même  que  pour  le  tombeau  de  Guillaume 
de  Visemal,  écuyer  et  compagnon  fidèle  de  Philibert  de  Chalon, 
Claude  Lulier  s'était  inspiré  des  statues  agenouillées  de  Jean  de 
Chalon  et  de  Philiberte  de  Luxembourg,  modelées  et  ciselées  par 
Conrad  Meyt,  de  même  pour  un  tombeau  qui  lui  fut  commandé  à 
Gray,  en  1553,  il  alla  chercher  des  patrons  soit  à  Lons,  soit  à 
Brou,  et  s'inspira  visiblement  du  tombeau  de  bronze  de  Laurent 
de  Gorrevod  et  de  ses  deux  femmes,  de  celui  de  Jean  de  Chalon- 
Orange  et  de  ses  deux  épouses,  gisant  sur  un  sépulcre  d'albâtre. 
Quand  le  président  Hugues  Marmier  prit  à  sa  charge  la  dépense 
d'une  des  chapelles  qui  dans  l'église  Notre-Dame  de  Gray  devait 
faire  vis-à-vis,  sur  le  flanc  gauche  de  l'abside,  à  celle  des  Vandenesse 
bâtie  sur  le  flanc  droit,  son  désir  n'allait  pas  plus  loin  que  de 
manifester  ses  pieux  sentiments  dans  sa  ville  natale  et  que  de 
préparer,  dans  cette  chapelle  dédiée  à  la  Vierge  des  douleurs,  un 
charnier  pour  lui  et  les  siens.  Quand  il  fut  mort,  en  1553,  après 

'  Voir  Session  des  Beaux-Arts  de  1893.  Les  initiateurs  de  l'Art  en  Franche- 
Comté,  par  J.  Gauthier,  p.  620. 

2  Ibid.,  année  1896,  La  chapelle  de  Guillaume  de  Visemal,  par  J.  Gavthier, 
p.  395. 

2  Claude  Lulier,  par  J.  Gaithier,  Bulletin  de  V Académie  de  Besançon,  1890. 

*  La  chapelle  des  d'Andelot  et  l'cylise  de  Pesmes,  par  J.  Gauthier  et  G.  db 
Beauséjour,  Conjurés  de  la  Société  frauçaise  d'archéologie,  1892. 


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Marhrc,   par  Conrad   Mryl.  I.j32.! 


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COXRAD    MEVT    ET    LES    SCLLPTELKS    DE    BROU-  265 

avoii'  passé  par  la  plus  haute  loitiine,  connu  la  disgrâce  et  trouvé 
dans  l'estime  publique,  mais  surtout  dans  le  bonheur  du  foyer,  un 
remède  aux  amertumes  de  la  vie,  sa  seconde  femme,  Anne  de 
Poligny,  voulut  élever  à  sa  mémoire,  dans  cette  chapelle  où  Ton 
venait  de  l'inhumer,  un  monument  digne  de  ses  mérites.  La 
Franche-Comté  n'avait  qu'un  sculpteur,  Lulier;  ce  sculpteur  était 
de  Gray,  double  motif  pour  rattacher  à  ses  plans  et  le  charger  de 
leur  réussite.  Elever  comme  à  Brou,  dans  la  chapelle  des  Gorrevod, 
dont  la  chapelle  des  Alarmier  à  Gray  reproduisait  exactement  la 
disposition  :  fenêtre  ouvrant  an  midi,  autel  tourné  vers  l'ouest 
avec  porte  latérale  conduisant  derrière  le  chevet  et  jour  pratiqué 
sur  le  sanctuaire,  un  retable  monumental  derrière  l'autel;  placer 
du  côté  opposé  à  l'autel  un  tombeau  dont  le  massif  serait,  sur  deux 
faces  visibles,  décoré  de  niches  et  de  pleureuses,  et  dont  la  table  de 
marbre  porterait  les  statues  gisantes  d'Hugues  Marmier  et  de  ses 
deux  femmes,  sculptées  en  albâtre,  telle  fut  la  donnée  primitive. 
Claude  Lulier  la  réalisa,  en  donnant  au  président  son  costume  de 
palais,  la  robe  doublée  d'hermine,  aux  deux  femmes  le  costume 
des  grandes  dames  de  la  cour,  et  en  ajoutant,  curieux  rapproche- 
ment avec  ses  modèles,  entre  le  président  et  sa  première  femme 
Louise  Gauthiot,  un  enfant  de  deux  ans,  agenouillé,  seul  fruit  de 
ce  premier  mariage,  tandis  que  du  second,  contracté  à  soixante- 
>dix  ans,  le  robuste  vieillard  avait  eu  sept  enfants,  tous  en  vie  quand 
il  mourut.  Par  le  dessin  inédit  décrit  pour  la  première  fois  dans 
cette  étude,  on  peut  juger  de  la  façon  dont  le  sculpteur  graylois 
s'acquitta  de  sa  tâche,  soit  en  modelant  les  principales  figures, 
soit  en  taillant  les  douze  statuettes  qui  décorent  les  niches  du 
soubassement.  A  la  tète  du  tombeau,  un  bas-relief  encastré  dans 
le  mur  montrait  deux  petits  génies,  de  belle  allure,  soutenant 
d'un  bras  à  gauche  l'écu  des  Alarmier  :  une  marmotte,  et  le  geai 
couronné  des  Gauthiot,  à  droite  l'ècu  des  Alarmier  et  celui  des 
Poligny  :  un  chevron,  coupé  d'un  échiqueté  (Frontenay),  tandis 
que  leur  autre  bras  élevait  bien  haut  la  toque  du  président  du 
parlement  de  Dùle,  du  représentant  le  plus  élevé  de  l'Empereur 
en  son  comté  de  Bourgogne.  La  tête  des  trois  gisants,  comme  à 
Bourg,  repose  sur  des  oreillers;  aux  pieds  des  deux  femmes,  un 
chien  et  un  lévrier  étendus  rappellent  leur  fidélité;  aucune 
légende.  En  regard  du  tombeau,  l'autel;  derrière  l'autel,  le  retable; 


2(>6  COX'UAl)    MEYT    KT    LES    SCULPTEURS    DE    15  U  0  U  • 

un  socle,  un  panneau  central  compris  entre  deux  colonnes  moitié 
cannelées,  moitié  en  forme  de  balustre  à  panses  arrondies,  déco- 
rées de  tètes  de  chimères;  au  chapiteau  composite,  une  architrave 
soutenue  de  cinq  consoles,  une  IVise  et  une  corniche.  Le  milieu 
du  tableau  est  occupé  par  une  niclie  avec  pilastres  et  cintre  dont 
le  cul-de-four  est  orné  d'une  coquille.  Une  Vierge  de  douleur, 
grandeur  nature,  s'y  tient  debout,  contemplant  les  yeux  baissés, 
les  mains  jointes  et  tombantes,  drapée  dans  les  longs  plis  d'un 
voile,  son  divin  fils  étendu  mort  à  ses  pieds.  Celui-ci,  rigide,  est 
couché  sur  nu  suaire;  à  sa  tête,  à  ses  pieds,  assis  sur  le  roc,  deux 
petits  génies  ou  anges  sans  ailes  sont  assis,  tenant  Fun  la  boule  du 
monde,  l'autre  une  tête  de  mort,  tandis  que  leur  second  bras  sou- 
tient l'ovale  de  leur  visage'.  Aux  côtés  de  l'autel,  deux  niches 
égales  à  celle  du  retable,  cantonnées  chacune  de  deux  pilastres 
cannelés,  avec  entablement  et  soubassement  très  développé.  Dans 
la  niche  de  gauche,  un  personnage  en  robe  de  magistrat,  carac- 
térisé par  un  écu  aux  armes  de  Marmier,  blasonné  au  bas  de  l'édi- 
cule.  Dans  la  niche  de  droite,  une  femme,  avec  couvre-chef  en 
forme  de  voile,  robe  à  longues  manches,  un  rosaire  dans  les 
mains.  Une  longue  inscription  placée  dans  un  cartouche  au-dessus 
d'une  porte  voisine  nous  révèle  le  nom  des  deux  personnages  : 
Jean  Marmier,  président  du  Luxembourg,  et  Simonne  de  Falle- 
tans,  sa  femme,  morte  à  Gray  le  U  juillet  1505.  Ses  armoiries  : 
une  aigle  éployée,  sont  d'ailleurs  sculptées  aux  pieds  de  cette  der- 
nière. Une  claire-voie  ajqurée  de  sculptures  sur  bois,  permettant 
de  suivre  la  messe  célébrée  au  maître-autel  de  l'église,  une  grille 
en  fer  forgé  donnant  accès  à  la  chapelle  du  côté  du  transept,  enfin 
une  verrière  ^ux  armes  de  Alarmier  écartelées  de  celles  d'Empire, 
ainsi  qu'en  usaient  tous  les  hauts  fonctionnaires  de  Charles-Quint, 
complétaient  le  décor  de  la  chapelle,  auquel  vinrent  s'ajouter,  au 
fur  et  à  mesure  de  nouveaux  décès,  de  nouvelles  tombes  des 
descendants  d'Hugues  Marmier,  de  nouvelles  statues,  des  bas- 
reliefs,  des  inscriptions,  des  armoiries  et  des  supports.  Mais 
du  tombeau,  le  morceau  principal  de  notre  premier  sculpteur  de 
la  Renaissance,  les  moindres  vestiges  ont  disparu,  bas-reliefs, 
figures  de  Jean  Marmier  et  de  Simonne  de  Falletans,  Vierge  des 

•  Voir,  ci-contre,  planctie  XI. 


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COXUAD    MEVT    ET    LES    SCLM'TELRS    DE    ISHUL.  ÙC,- 

doiileiiis  ;  lout  s'est  effondré  dans  un  iri'éniédi;il>le  désastre  '.  Seul 
le  Christ  au  tombeau,  resté  intact  avec  ses  deux  anges,  suivit, 
transporté  dans  la  première  chapelle  du  collatéral  gauche,  tandis 
que  l'ancienne  chapelle  des  Alarmier,  devenue  la  chapelle  de 
Notre-Dame  de  Montaigu,  n'a  pas  conservé  le  moindre  souvenir  de 
ses  fondateurs.  Le  laire  de  ce  Christ,  l'expression  de  ses  traits, 
le  modelé  de  ses  membres,  la  physionomie  «les  deux  anges,  iden- 
tique à  celle  des  deux  anges  qui  portent  à  l'Hôtel  de  ville  de 
Dôle  la  devise  de  Charles-Quint  :  plvs  ovltre  ,  à  celle  des  deux 
anges  qui  portaient  dans  l'abbatiale  de  AIonl-Sainte-Marie  les 
instruments  de  la  Passion,  ne  laissent  aucun  doute  sur  rattribulion 
de  l'œuvre  totale  à  Claude  Lulier,  le  prince  des  sculpteurs  comtois. 
Une  dernière  preuve,  tirée  cette  fois  d'un  document  encore  inédit, 
est  la  suivante.  Le  22  avril  1588,  Paule  de  Pontaillier,  veuve  de 
Jean  Marmier,  gentilhomme  de  la  bouche  du  Roi,  qui  venait  de 
niourirdans  les  fonctions  de  gouverneur  deGiay,  voulut  lui  élever, 
dans  la  chapelle  de  sa  famille,  un  tombeau  décoré  de  deux  statues 
agenouillées,  d'albâtre,  la  sienne  et  celle  de  son  mari.  Claude  Lulier 
était  mort  depuis  une  dizaine  d'années,  ce  fut  son  fils  Guillaume 
Lulier,  héritier  de  son  talent,  alors  bourgeois  de  Dôle,  qu'elle  fit 
venir  et  qu'elle  chargea  de  cette  commande  %  fidèle  à  la  mémoire 
du  vieux  sculpteur  qui  avait  cru  rendre  immortels  en  les  impjcimant 
dans  le  marbre  de  nos  montagnes  les  traits  de  ses  devanciers. 

Malgré  des  destructions  déplorables,  documents  d'archives  et 
matériaux  d'art  qui  s'éclairent  mutuellement,  subsistent  assez 
nombreux,  nous  croyons  l'avoir  prouvé  dans  cette  thèse,  pour 
démontrer  d'une  façon  palpable  que  c'est  aux  sculpteurs  de  lirou 
et  à  leurs  créations  exquises,  soit  sur  les  confins,  soit  dans  le  cœur 
de  la  province,  que  la  Franche-Comté  a  dû,  au  seizième  siècle, 
l'initiative  de  ses  premiers  sculpteurs. 

Jules  Gauthier, 

Archivistedu  Doubs.commissairede  laSociélé 
franc-comtoise  des  Beaux-Arts,  membre 
non  résidant  du  Comité  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  départements,  à  Besançon. 

'  Xous  avons  découvert  ces  dessins,  absolument  inconnus,  dans  les  arcbivesd'un 
vieil  ami,  M.  le  duc  de  Marmier. 
^  Arch.  (le  M.  le  duc  de  Marmier. 


268  CONRAD    MEYT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU- 


PIÈCES    JUSTIFICATIVES 

'S. 

I.  —  Description  d'un  retable  en  bois  sculpté  offert  par  Antoine  de 
Montent,  abbé  de  Saint-Vincent  de  Besançon,  amônier  de  Marguerite 
d'Autriche,  pour  décorer  le  maître  autel  de  son  abbaye.  —  1524. 

Dominus  Antonius  de  Montecuto,  primus  commendatarius,  fieri  curavit 
antiquam  tabulam  inajoris  altaris,  in  cujus  medio  posita  est  statua  devota 
licet  lignea  Sancti  Vincfintii.  Hinc  et  inde  quatuor  status  ejus  martyrii  in 
sculptura  représentât!  et  supra  basini  quae  sequuntur  scripta  sunt  : 

AD  LAVDEM  DEl  PRESEXTEM  TABVLAM  FIERI  FECIT  R"'    IN 

CHRISTO  PATER  ET  DOMIXVS  AXTOXIVS  DE  MOXTECUTO  COM- 

MEXDATARIVS  PERPETVVS  HVIVS  MOXASTERII  S.   VIXCEXTII 

ELEEMOSIN'ARIVS  ET  CONFESSOR  ILLVSTRISSIM.î:  PRIXCI- 

PISS^  DOMIX.Ï  MARGARIT.ï  COMITISS/E  BVRGVNDlyE  AAXO 

Dxi.  1524. 

Ipse  aedificavit  excelsam  turrim  campanilem  lapidibus  quadris  haben- 
lem  centum  pedes  altitudinis  et  super  eain  erexit  sagittam  seu  acuin  ferro 
albo  tectum.  ejusdem  altitudinis  centum  pedum,  et  in  turri  majus  tympa- 
num  fieri  fecit  in  pondère  quinque  millium  librarum.  Praefuit  ab 
anno  1520  et  obiit  1532. 

(Fonds  Saint-Vincent.  (Titres  généraux.)  Archiresdu  Doubs.) 

II.  —  Codicille  de  l'abbé  Antoine  de  Montent  réglant  diverses  fondations 
et  cérémonies  qui  se  devront  faire  après  sa  mort  en  son  abbaye  de 
Saint- Vincent  et  ordonnant  entre  autres  choses  de  transporter  sur 
l'autel  de  la  chapelle  bâtie  par  lui,  dans  l'église  abbatiale,  la  Pieta  de 
marbre  commandée  par  lui  à  Conrad  Meyt  et  de  remplacer  les  vitraux 
déjà  posés  par  d' autres  verrières  représentant  /'Annonciation  et  la  Visite 
à  sainte  Elisabeth,  avec  son  portrait  agenouillé.  —  Brou,  20  juin  1532. 

Noverint  universi  et  singuli  présentes  inspecturi  quod  ego  Aymo  Mar- 
tinet, de  Sancto  Maximino,  Tharentasiensis  diocesis,  auctoritatibus  aposto- 
lica,  imperiali  et  illustiissimi  principis  et  domini  nostri  domini  Sabau- 
die,  etc.,  notarius  publicus,  recepi  de  anno  Domini  millesimo  quingente- 
simo  trigesimo  secundo,  indiclionequinta  et  die  vigesima  mensis  junii,  hora 
secunda  post  meridiem  seu  circa,  quemdam  codicillum  testamenli  conditi 
per  reverendum  dominum  Antonium  de  Montecuto,  abbatem  seu  com- 


M 


CO\RAD    MEYT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU.  269 

mendatarium  perpetuuni  abbalie  Sancti  Vincentii,  in  quo  quidem  codicillo 
inter  cetera  contirientur  clausule  subscripte.  Primo  quod  prefatus  reve- 
rendus  dominas  abbas,  addendo  dicto  testamento  et  alteri  codicillo 
jani  antea  diem  predictani  facto,  intra  lamen  illorum  derogationem  itenim 
codicillando  presentibus  vult  et  ordinal  quod  post  ipsius  reverendi  domini 
codicillanlis  ab  humanis  decessum,  videlicet  quamprimum  ad  notitiam 
venerabilium  dominorum  religiosoruni  dicte  abbatie  sive  ecelesie  Sancti 
Vincentii  Bisuntini  devenerit,  celebrentur  per  ipsos  dominos  religiosos  très 
magne  misse  primo  de  officio  Sancti  Spirilus,  alia  de  officio  Béate  Marie 
Virginis  et  reliqua  de  otûcio  defunctorum,  necnon  centum  alie  misse 
voce  submissa,  tara  ipso  die  quo  dicte  magne  misse  celebrabuntur  quam 
aliis  proxime  sequentibus,  usque  ad  dictum  numerum  centum  missarum, 
cum  etiaui  decantatione  vigiliarum  mortuorum  ad  novem  lectiones  alta 
voce,  eo  die  quo  dicte  magne  misse  celebrabuntur.  Et  ipsis  dominis  reli- 
giosis  dari  et  solvi  per  ejus  testament!  exequutores  pro  qualibet  magna 
missa  duodecim  solidos  turonenses  et  pro  qualibet  parra  seu  que  submissa 
voce  celebrabitur  duos  solidos  turonenses,  et  pro  dictis  vigiiiis  cuilibet 
astanti  in  eisdem  quatuor  albos  turonenses. 

Item  vult  et  ordinal  quod  dicta  die,  qua  dicte  magne  misse  celebrabun- 
tur, convocentur  in  dicta  ecclesia  Sancti  Vincentii  omnes  processiones  civi- 
tatis  Bisuntine  convocari  solite  et  dari  et  solvi  capitulis  sanctorum  Johannis 
et  Stephaiii  centum  solidos  turonenses,  el  reliquis  communitatibus  sive 
capitulis  aut  collegiis  cuilibet  viginti  solidos  turonenses  capitulo  Béate  Marie 
Magdalenes  quinquaginta  solidos  turonenses.  Item  luminare  suum,die  qua 
dicte  magne  misse  celebrabuntur  in  dicta  ecclesia  Sancti  Vincentii  esse  vult 
et  ordinal  idem  dominus  codicillans  de  duodecim  facibus  cereis  ponderis 
duarum  librarum  pro  qualibet  necnon  de  sex  cereis  pure  quolibet  pondé- 
rante unamlibram.  Ilemdal  et  légat  ac  jure  legatirelinquit  duodecim  Christi 
pauperibus,  dictas  duodecim  faces  deferenlibus,  dicta  die  qua  dicte  magne 
misse  celebrabuntur,  cuilibet  eorumdem  unam  vestem  panni  nigri,  valoris 
quatuor  franchorum  pro  qualibet.  Item  vult  et  ordinal  ipse  dominus  codi- 
cillans quod,  solutis  primo  et  adimplelis  omnibus  hiis  legatis  suprà  el  antea 
indiebus  ullimo  suo  testamento  el  codicillo  factis  el  ordinatis,  perfecloque 
cimballatorio  dicte  ecelesie  Sancti  Vincentii,  quod,  de  pecuniis  et  rébus  suis 
supramentionalis  non  legatis  et  reslantibus  seu  que  supererunt,  capella 
per  eum  reverendum  dominum  codicillanlem  constructa  et  fundala  in 
dicta  ecclesia  Sancti  Vincentii  seu  construi  incboata  perficiatur,  videlicet 
quod  vitrine  que  sunt  apposile  in  eadem  toUantur  et  amoveantur  a  loco  in 
quo  sunt  posile  et  reponantur  in  fenestris  superioribus  dicti  cimballalorii 
locis  magis  opportunis  et  decentibus  ;  el  loco  earumdem  vilrinarum  amo- 
vendarum  vult  el  ordinal  idem  reverendus  dominus  codicillans  quod  liant 


2:0  CO\RAD    MEVT    V.T    LES    SCULPTEURS    DE    BROU- 

alie  vitrine  ditiores  et  piilchriores  seu  magis  décore  que  apponantur  in 
dicto  loco  a  quo  predicle  amole  fuerunt.  Et  quod  in  altéra  cariimdem 
dcpingatur  imago  Annunciationis  Béate  Marie  Virginis  et  in  alla  imago 
Visitationis  sancle  Helisabelh,  cum  suis  tabernaculis  congruis  et  û°cen- 
libiis,  quodqiie  in  carumdem  vitrinarum  altéra  cum  predictis  imaginihus 
et  tabernaculis  depingatur  ipse  domiiius  codicillans,  flexis  genil)us.  Item 
vult  et  ordinat  idem  reverendus  dominas  codicillans  quod  dicte  vitrine 
claudantur  ab  exteriori  parte  pro  illarum  conservalione,  uno  trillerio 
composito  fiiio  cupri  quod  vulgari  idiomale  dicitur  Jille  darchau.  Item 
vult  et  ordinat  idem  dominus  codicillans  quod  de  dictis  pecuniis  restan- 
ibus  prout  supra,  imago  lieate  Marie  Virginis  de  Pietale  per  eum  fieri 
ordinata  magislro  Conrardo  Meits  de  lapide  marmoreo  conducatur  ad 
dictam  capoUam  et  reponatur  supra  altare  ipsius.  Item  vult  et  ordinat 
quod  in  dicta  capella  de  premissis  rébus  et  pecuniis  restantibus  fiant  in 
circuilu  partis  interioris  scanna  que  vulgo  appellantur  archehanc .  Item 
vult  et  ordinal  ipse  dominus  codicillans  quod  de  dictis  pecuniis  et 
rébus  ut  supia  restantibus  dicti  exequutores  seu  ipsorum  alter  fieri 
et  construi  faciant  sive  faciat  in  parte  anteriori  dicte  cappellanie  suum 
trillerium  ferri  ad  claudendam  ipsam  capellaniam  affingendum  super 
uno  abbassamenlo  lapidem  tallie  altitudinis  trium  pedum  hominis  con- 
dendo,  scilicet  ad  instar  trillerii  capelle  in  dicta  eclesia  fundale,  ut  asse- 
ritur,  per  quemdam  reverendum  dominum  Hugonem  de  Agicuria,  abbatem 
dicte  abbatie  Sancti  Vincenlii.  Item  vult  et  ordinat  idem  dominus  codi- 
cillans quod  dicti  exequutores  eandem  capellaniam  consecrare  faciant  et 
quod  archa  seu  coffrum  in  eadem  capellania  cum  calice  argenteo,  liidriis 
et  aliis  ornamentis  dicte  capellanie,  que  ipse  reverendus  dominus  codi- 
cillans jam  in  eadem  reponi  fecit,  remaneant  perpeluo  in  eadem  capel- 
lania ad  illius  usum.  De  quibus  premissis  et  aliis  in  dicto  codicillo  con- 
tenlis  prefatus  reverendus  dominus  codicillans  petiit  a  me  supra  nominalo 
et  subsignato  notario  publicum  instrumentum  et  lot  quot  erunt  necessaria 
ad  opus  quorum  intererit  quod  et  que  eidem  concessi  ex  uno  incumbenti 
labellionatus  seu  notariatus  officio.  Datum  et  actum  Burgi  in  domo  vene- 
randi  domini  Nicolai  de  Ponte,  canonici  ecclesie  catbedralis  Béate  Marie 
Burgensis,  ibidem  presentibus  nobili  Johanne  Vyonet  et  Claudio  ejus  filio, 
Monelo  Charbonerii,  Lavalionerio,  civibus  Burgi,  testibus  aslantibus  et 
rogatis. 

Et  me  jamdicto  et  subsignato  notario,  qui  clausulas  supra  scriptas  a 
predicto  codicillo  per  me  die  vigesima  mensis  junii  recepto  licet  manu 
alterius  notarii  vice  mea  scriptas  ad  opus  venerabilium  dominorum  reli- 
giosorum  abbatie  Sancti  Vincentii  Bisuntini,  poscente  reverendo  domino 
Johanne  de  La  Jonchière,  priore  Bonevallis,  pro  predictis  religionis  ipsius 


CO\RAD    MKVT    ET    LES    S  C  L  LPT  E  L  US    DE    BROU.  2:  1 

abbatie  Sancli    VinceiUii  levari   et    expedii'i   siib    signato    meo    manuali 
sequcnti. 

Signalum  :  Maktixet,  avec  parafe. 

(Fonds  Saiut-Vinceiit.  (Lay.  4,   cole    15.   copie  du  dix-liiiilièmc    siècle.)  Archives  du 
Doubs  ) 


III.  —  Instructions  données  par  Phi  liberté  de  Luxembourg  à  ses  servi- 
teurs Anatole  Camelin  et  Odot  Roij,  se  rendant  à  Xaples  [en  traver- 
sant toute  l'Italie)  pour  remplir  diverses  missiotis  et  se  procurer  «  en 
dessin  léger  :>  le  portrait  des  plus  belles  sépultures  de  la  Péninsule, 
pour  faciliter  l'érection  du  tombeau  de  Philibert  de  Chalon,  son  fils. 
—  Lons~le-Saimier,  31  décembre  1530. 

;(  Mémoire  à  Anathoile  Camelin  et  Odot  Roy  de  ce  que  Madame  leur  a 
ordonné  tant  siiyvant  le  contenu  ou  aultres  instructions  des  affaires  de 
Xaples  où  elle  les  envoyé  que  en  aultre  et  adjoustant  à  icelles,  fait  le  der- 
nier de  décembre  à  Lons  le  Saulnier. 

Premiers,  que,  après  avoir  ouy  les  sei<]neurs  cardinal-secrétaire,  gens 
de  la  Régye  court  et  aultres  à  cuy  ilz  sont  adressez,  sur  le  fait  de  leur 
charge  et  depescher  des  affaires  de  mad.  dame,  ils  pourront  congnoistre 
s'il  sera  besoing  pour  leur  meilleur  et  plus  briefi'e  depesche  et  mesmes 
pour  avoir  argent  content  de  faire  présent  au.\  dessusdicls  ou  a  aulcuns 
d'eu\,  auquel  cas  qu'il  semble  estre  nécessaire  ils  le  feront  selon  leur  dis- 
crétion et  les  qualitez  et  services  des  personnaiges  et  par  especial  afin 
d'avoir  plus  d'argent  content. 

Signé  :  Luxembourg,  n 

(A  cette  pièce  sur  même  papier  et  comme  annexe,  de  l'écriture  pro- 
bable de  Philiberte  de  Luxembourg  et  non  plus  de  son  secrétaire,  est  joint 
le  billet  suivant  :) 

i!  Mémoire  de  recouvrer  et  appourter  à  Madame  par  Anathoile  Camelin  et 
Odot  Roy,  ses  serviteurs  qui  sont  à  Xaples  ce  que  s'ensuyt. 

Premièrement  n'oublieront  de  recouvrer  de  la  finne  matière  et  en  prie- 
ront le  secrétaire  Martirano. 

Item  à  Milan,  à  Rome  ou  ailleurs  que  mieulx  faire  se  pourra  recouvre- 
ront des  pierreries  de  basse  valeur  et  de  diverses  couleurs  et  des  plus 
apparentes  pour  revestir  reliquiaires  commungs. 

Item  verront  les  sépultures  plus  belles  qu'ilz  pourront  entendre  et  de  ce 
qu'ilz  trouveront  exquis  appourteront  en  pourlraict  légier.  n 

(Original,  papier,  Fonds  Chalon,  E  1301  (cote  M  10).  Archives  du  Doubs.) 


COXRAD    MEVT    ET    LES    SCULPTE LRS    DE    BROU. 


IV.  —  Marché  passé  enlre  Philiberte  de  Luxembourg ,  Conrad  Meyt, 
sculpteur  flamand,  et  Jean-Baptiste  Mariotto,  sculpteur  florentin,  pour 
l'exécution  du  tombeau  de  Philibert  de  Chalon,  prince  d'Orange^ 
dans  l'église  des  cordeliers  de  Lons-le-Saunier.  —  Lons-le-Saunier, 
^3  janvier  1531. 

A  tous  presens  et  avenir  apparisse  évidemment  et  soit  chose  notoire  et 
manifeste,  que  en  la  présence  et  par  devant  Jean  Pariset,  de  Lons-le- 
Saunier,  clerc,  notaire,  juré  et  coadjuteur  des  cours  et  tabellionnés  du 
Bailliage  d'Aval  ou  comté  de  Bourgoingne  et  de  la  cour  de  l'Officialité  de 
Besançon  et  des  témoins  aval  nommés,  personnellement  elablye  haulte 
très  noble  et  puissante  dame  madame  Philiberte  de  Luxembourg,  prin- 
cesse d'Oranges,  comtesse  de  Charny  dame  dudit  Lons-le-Saunier,  etc., 
d'une  part,  et  maistres  Gonra  Mail,  flamand,  et  Jean  Baptiste  dit  Mariaut, 
florentin  tailleurs  etimageurs  d'autre  part,  lesquelles  parties  bien  advisées 
en  leurs  faits,  de  leurs  bonnes  volontés  et  pour  ce  que  ainsi  leurs  a  pieu 
et  plait,  pour  elles  leurs  hoirs  et  successeurs,  ont  faiz,  convenu  et  accordé 
et  par  cettes  font,  conviennent  et  accordent  les  marchofs  cy  après  déclarés 
ainsi  que  s'ensuit,  mêmes  iceux  maistres  Gonra  et  Jean-Baptiste  de  faire 
et  parfaire  et  rendre  fais  et  parfais  :  asçavoir  led.  M*  Jean  Baptiste  toute 
la  massonnerie  et  led.  maislre  Gonra  toute  l'imagerie  portraiture  person- 
nages [  ]  et  autres  quels  qu'ils  soient  des  ouvrages  de  la 
sépulture  que  mad.  Dame  veut  et  entends  estre  faite  au  chœur  de  l'église 
du  couvent  des  frères  mineurs  dud.  Lons,  le  tout  cy  après  divisé  et 
déclarés. 

Premièrement  de  commencer  et  faire  ladite  sépulture  de  pierres  d'alle- 
baslre  contre  et  ou  déans  de  la  muraille  d'entre  led.  chœur  de  lad.  église 
et  la  sacristie  d'icelle,  pourquoy  faire  sera  enfoncé  déans  lad.  muraille 
d'environ  deux  pieds  ou  plus  selon  qu'il  sera  nécessaire  et  avisé  pour  le 
bien  de  la  chose;  et  sera  de  la  largeur  et  grandeur  dès  le  bout  des  formes 
et  sièges  étans  oudit  chœur  de  ladite  église,  jusqu'à  la  feneslre  et  verrière 
étant  emprès  le  bout  du  grand  autel  du  costé  de  lad.  sacristie,  et  de  la  haul- 
teur  souffisante  et  qu'il  sera  nécessaire  pour  pourtionner  et  consonnant  à 
lad.  largeur  pour  la  beauté  et  perfection  desd.  ouvraiges  et  sépulture. 

Sera  tenu  et  promet  led.  Jean  Baptiste  de  faire  un  gros  et  grand  pilier 
de  ladite  pierre  d'allebastre  au  long  et  du  côté  desdits  sièges  et  formes 
que  sera  bien  fait  de  bonne  apparence,  enrichy  et  revestu  d'ouvrages  fais 
d'anticailles,  feuillage  et  de  bonne  massonnerie  et  le  plus  beau  que  faire 
se  pourra,  lequel  pilier  sera  de  la  hauteur  de  lad.  sépulture  et  fera  rive  et 
pied  droit  devers  lesd.  sièges.  El  au  pied  d'iceluy  sera  faite  une  porte  de 


CO\'UAD    MEVT    ET    LES    SC  L  Ll'T  E  L' U  S    DE    lillOU.  2-3 

la  c[raiuleur  et  largeur  nécessaire,  au  lieu  de  celle  y  étant  de  présent 
entrant  aud.  couvent,  que  sera  bien  faite,  revestue  et  garnie,  ensemble 
led.  pillier,  le  tout  d'ouvrages  fais  d'anticailles,  molures  petites  et  grosses 
molures,  billets  et  feuillages  et  autres,  et  le  plus  riche  que  faire  se 
pourra.  Et  dessus  ladite  porte,  en  montant  contre  mon;,  seront  faites  deux 
places  et  sièges  esquelles  deux  places  et  sièges  ledit  maistre  Gonra  fera 
mettre  et  asserra  :  a  scavoir  au  bas  l'image  de  l'une  des  quatre  Vertus,  et 
en  la  place  dessus  une  autre  ymage  et  portraiture  telle  qu'elle  luy  sera 
ordonné  de  par  mad.  dame;  icelles  images  et  portraitures  faites  de  bonnes 
et  souffisantes  grandeurs  et  proportionnées  selon  l'ouvrage  et  le  mieux 
faites  et  auprès  du  vif  que  faire  se  pourra. 

Item.  dud.  côté  fera  led.  maistre  Jean  Baptiste  un  autre  beau  et  grand 
pillier  que  sera  bien  fait  et  enrichydesd.  ouvraiges  faits  d'anticailles,  etc., 
comme  dessus,  déans  lequel,  ou  bas  d'iceluy  pillier,  sera  laissée  une 
place  dedans  laquelle  sera  faite  et  mise  par  led.  maistre  Gonra  la  portrai- 
ture de  mad.  dame  à  genoux  et  les  mains  jointes,  que  sera  de  sa  gran- 
deur et  bien  faite  au  plus  près  du  vif  que  faire  se  pourra;  et  au  pied 
d'icelle  sera  fait  le  blason  de  ses  armes  avec  telles  épitaphes  et  dictiers 
grands  et  gravés  qu'il  luy  plaira  ordonner  y  estre  mis. 

Uem  dessus  lad.  portraitture,  en  cinq  autres  places  qui  y  seront  laissées 
propres  par  led.  maistre  Jean  Baptistes,  led.  maistre  Gonra  sera  tenu  et 
promet  faire  mettre  et  asseoir  les  portraitures,  a  scavoir  de  l'une  des 
quatre  \ertus  ou  millieu  dud.  pillier,  que  sera  plus  apparente  et  élevée 
que  les  autres  personnages  iceux  quatre  autres  représentations  quatre  des 
neuf  Preux  que  seront  mis  en  dessus  et  seront  fais  de  telle  grandeur  et 
grosseur  qu'il  appartient  et  emprés  le  vif,  et  enrichis  et  revestus  d'ou- 
vrages comm'il  appartient. 

Toutes  lesquelles  portraitures  auront  et  tiendront  les  épitaphes,  escus 
et  blasons  tels  qu'il  seront  ordonnés  et  avisés;  et  seront  lesd.  épitaphes 
aussi  gravés  et  dorés  de  fin  or. 

Item  fera  et  promet  led.  maître  Jean  Baptiste  de  faire  un  arc  en  volte 
triomphant,  joignant  aud.  pillier,  en  forme  et  façon  de  chappelle,  la  plus 
belle  et  enrichie  que  faire  se  pourra,  tant  d'ouvraiges  d'anticailles, 
médailles,  feuillages,  frises,  que  autres,  déans  laquelle  led.  maistre  Gonra 
fera  mettre  et  assera  la  portraiture  de  feu  monseigneur  (que  Dieu  absoille) 
à  genoux,  bien  fait  et  emprès  du  vif  et  habillé  en  habit  ducal,  le  couronnel 
sur  sa  teste,  le  colier  de  la  Toison  au  col,  de  telle  haulseur  et  grandeur 
que  faire  se  pourra  et  devra;  devant  lequel  et  déans  lad.  chappelle  il  fera 
aussi  l'image  de  Xôtre  Dame  de  Lorette,  droitement  à  l'aspect  et  regard 
dud.  feu  seigneur;  lad.  image  de  Xôtre  Dame  faite,  élevée  et  soutenue  par 
anges  et  sur  nues  ainsi  qu'il  appartient. 

18 


l'"4  CONRAD    MEVT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU. 

Ilcmoudéansdiid.  arc  etchaj)pelle,derrier  lad.  port  rai  ttiirodud.  Seigneur, 
ledit  maistre  Goma  fera  une  portraiture  représentant  Bonne  Renommée 
que  sera  bien  faite  cl  taillée  de  bonne  hauteur  et  grande,  bien  enrichie,  et 
au  plus  prés  du  vif  que  faire  se  pourra;  et  tiendra  en  l'une  de  ses  mains 
une  palme  et  de  l'autre  main  présentera  led.  feu  seigneur,  lequel  person- 
naige  représentant  Bonne  Renommée  sera  revestu  de  deux  anges  bien  fais, 
comm'  il  est  es  portraits,  et  emprès  les  genoux  dudit  feu  seigneur  sera 
fait  et  mis  le  chappeau  ducal  sur  un  oreillier  fait  à  damas;  et  sous  les 
genoux  d'iceluy  feu  seigneur  aura  un  autre  tel  oreiller,  le  tout  fait  le  plus 
richement  que  faire  se  pourra;  et  encore  emprès  lad.  portraitture  dudit 
feu  seigneur  sera  fait  un  lévrier  en  son  repos,  bien  fait  et  proportionné. 

Item  sous  led.  arc  et  chappelle  sera  faite  par  led.  maistre  Jean  Baptiste 
une  volte  et  concavité  revestue  par  devant  de  beaux  pilliers,  le  tout  bien 
faits  et  enrichis  d'anticaille  et  d'ouvrages  semblables  comme  dessus,  déans 
laquelle  sera  faite  par  led.  maistre  Gonra  la  portraiture  d'un  transsy  et 
mort  d'envii'on  huit  jours,  le  tout  de  grandeur  souffisante,  même  led. 
transsy  comme  étoit  led.  feu  seigneur  et  le  mieux  que  faire  se  pourra. 

Item  fera  led.  maistre  Jean  Basptiste  sous  led.  transsy  les  marches  et 
degrés  tous  le  long  et  de  a  lentour  de  lad.  sépulture  de  telle  hauteur,  gran- 
deur, largeur  et  ouvrages  qu'il  appartient,  pour  correspondre  et  con- 
sonner  au  surplus  desd.  ouvrages. 

Item  dessus  led.  arc  triomphant  et  chappelle  ou  sera  ladite  portraiture 
dud.  feu  seigneur  aura  et  sera  faite  une  belle  place,  de  la  largeur  d'icelle 
chappelle,  déans  laquelle  place  sera  faite  et  mise  par  ledit  maistre  Gonra 
une  portraitture  représentant  Palas  déesse  des  guerres,  que  sera  couchée 
et  armée  par  le  corps,  tenant  un  escu  et  une  lance  revestue  et  imbellye  de 
deux  anges  et  desd.  ouvrages  fais  d'anticailles.  Et  seront  fais  et  mis 
emprès  d'elle  le  armet,  les  espérons,  une  chouette  et  les  autres  choses 
nécessaires  selon  qu'il  sera  avisé,  avec  aussi  les  épitaphes  et  dictiers  que 
seront  divisées,  que  y  seront  gravées  et  dorées  de  fin  or. 

Item  dessus  lad.  portraiture  de  lad.  déesse  aura  une  autre  place  bien 
faite,  en  laquelle  le  dit  M'^  Gonra  fera  mettre  et  asseoir  le  neuvième  Preux, 
que  sera  bien  fait  et  le  tout  garny  et  revêtu  de  bon  ouvraiges  d'anticailles, 
frises,  médailles,  anges  et  autres  choses,  menus  ouvrages  nécessaires,  et 
sera  led.  Preux  et  aussi  les  autres  Preux  armés,  vestus,  fais,  parfais 
selon  leur  nature  et  emprès  les  vifs,  garnis  et  revestus  de  leurs  escus  et 
épitaphes  que  seront  avisés  et  ordonnés. 

Item  de  l'autre  costé  devers  lad.  fenestre  et  verrière,  led.  M'  Jean 
Baptiste  fera  un  autre  grand  pillier  à  deux  étages,  joignant  a  lad.  volte  et 
chappelle,  devers  le  premier  étage  duquel  pillier  et  au  bas  d'iceluy,  entre 
led.  pillier  et  l'autre  prochain  sera  faite  et  laissée  une  belle  et  somptueuse 


COXRAD    MEVT    ET    LES    SCL'LPTEIUS    DE    CHOU.  275 

place;  et  devers  icelle  sera  mis  et  élevé  la  représentation  et  portraiture  de 
feu  de  très  recommandée  mémoire  monsieur  messire  Jehan  de  Chalon,  à 
son  vivant  prince  d'Oranges,  mary  de  madile  dame,  que  sera  fait  par  led. 
maître  Gonra  et  habillée  en  prince,  l'ordre  de  France  au  col,  avec  ses 
dictiersetépitaphes  que  seront  gravés  tels  qu'ils  seront  ordonnés  et  divisés; 
et  sera  faite  une  image  devant  luy  telle  que  mad.  dame  ordonnera. 

Item  au-dessus  du  second  étage  du  pillier  seront  faites  et  laissées  par 
led.  Baptiste  cin([  places  bien  faites,  semblables  a  celle  du  second  pillier. 
de  l'autre  des  côtés  premièrement  cy  devant  mentionnées,  lesquelles  places 
seront  remplies  et  garnies  de  quatre  Preux  et  de  l'une  des  quatre  \'ertus, 
que  seront  fait  par  led.  M'  Gonra  comme  les  autres  cy  devant. 

Item  sera  fait  par  led.  maistre  Baptiste  un  autre  grand  pillier  à  la  reine 
au  long  du  lavabo  et  de  la  fenestre  de  ladite  verrière,  emprès  le  grand 
autel,  bien  fais  d'ouvrages  d'anticailles,  feuillages  et  frises  et  rovestus 
comme  les  autres  cy  devant  mentionnés  de  diverses  sortes,  au  bas  duquel 
pillier  sera  faite  en  lad.  muraille  une  engraveure  en  forme  de  cul  de 
lampe  et  arvolz,  pour  y  mettre  et  asseoir  les  sièges  des  prestres,  diacre  et 
sous  diacre  et  le  dessus  selon  la  forme  et  de  la  façon  du  premier  pillier 
cy  devant  mentionné.  Et  le  dedans  sera  revestu  d'ouvrages  d'anticailles, 
images  et  autres  le  mieux  que  possible  sera. 

Item  au  dessus  de  tous  lesdits  ouvrages  sera  fait  un  grand  blason  des 
plaines  armes  de  mond.  feu  seigneur  le  Prince,  de  bonne  grandeur,  pour 
estre  bien  veu,  timbré,  couronné,  la  Toison  d'or  à  l'entour  et  autre, 
accoustré  ainsi  qu'il  appartient.  Et  encore  esd.  pilliers  et  au  dessus  ded. 
ouvrages  seront  fais  des  triomphes  et  diversités  d'ouvrages  d'anticailles, 
médailles,  anges,  enfans,  images,  bestions  et  personnages  en  grand 
nombre,  bien  faits,  pour  remplir  et  pour  l'embellissement  desd.  ouvrages 
et  sépultures  et  les  plus  beaux  et  riches  que  faire  se  pourra,  et'  encore 
mieux  que  ne  monstrent  lesd.  portraits  sur  ce  faits. 

Item  faire  une  porte  de  pierre  de  pays  pour  entrer  dès  le  dedans  de 
l'autre  porte  devant  mentionnée  en  lad.  sacristie,  que  sera  bien  faite  et 
revestûe  de  taille. 

Item  feront  de  pierres  d'allebastre  le  lavabo  estant  emprès  et  servant  au 
grand  autel,  que  sera  bien  fait  taillé  d'anticailles  et  menusées  pour  corres-*- 
pondre  ausd.  ouvrages;  et  y  seront  fais  les  bestions  et  images  nécessaires. 

Item  sera  fait  un  eau  benestye  que  sera  bien  fait  et  revestu,  taillé  de 
bons  et  riches  ouvrages  comme  dessus  ;  et  y  aura  un  ange  dessus  et  le  tout 
fait  le  mieux  que  faire  se  pourra  selon  lesdites  portraits  qui  sera  mis  ou  il 
sera  avisé  pour  le  mieux;  et  feront  et  engraveront  lesd.  ouvriers  tous  les 
dictiers  et  épitaphes  que  leurs  seront  baillés  et  ordonnés,  et  iceux  dore* 
ront  de  fin  or  à  leurs  frais. 


27G     CO\RAD  MEVT  KT  LES  S  C  C  LPTE  L' R  S  DE  BROU. 

Item  doreront  iceux  ouvriers  de  fin  or  à  leursd.  frais,  chacun  en  son 
endroit,  tous  led.  ouvrages  pour  les  lieux  et  circonstances  nécessaires  : 
.  ascavoir  led.  niaitre  Gonra  tous  lesd.  personnages  pourlraitures,  images, 
anges  et  aultres  qu'il  est  tenu  faire  comme  dit  est;  et  led.  maistre  Jean 
IJapliste  toute  lad.  massonnerie  qu'il  a  charge  et  est  tenu  de  faire,  comme 
de\ant  est  dit. 

Item  après  led  maistre  Jean  Baptiste  a  son  péril,  charge  et  fortune  de 
enfoncer  dedans  lad .  muraille  et  faire  poser  et  bien  lier  lesd.  ouvrages  à 
la  seureté,  tellement  que  les  voltes  de  lad.  église  ny  lad.  sacristie  n'en 
soient  empirées  ni  endommagées. 

Item  seront  tenus  lesd.  ouvriers  de  faire  et  parfaire  outre  les  ouvrages 
cy  devant  déclarés  les  autres  ouvrages  que  n'y  sont  écrits  pour  la  perfection 
et  embellissement  de  lad.  sépulture  selon  les  deux  pourtraits  dud.  maître 
Jean  Baptiste,  laissés  es  mains  de  mad.  Dame  et  au  mieux  que  leur  sera 
possible,  et  en  outre  de  faire  et  parfaire  ce  que  leur  peut  estre  dit,  divisés  et 
ordonné  par  et  de  part  mad.  Dame  estre  fait  en  lad.  sépulture  pour  la  beauté 
et  perfection  d'icelle,  tant  d'imageries  que  massonnerie  que  pourroit  avoir 
été  obmis  de  déclarer  cy  dessus  et  esd.  pourtraits.  Mad.  dame  Princesse  for- 
niera  ausdits  ouvriers  la  place  etperrière  à  Saint-Louthain  pour  tirer  led. 
allebastre  pour  faire  lesdites  sépulture  et  ouvrages,  avec  aussi  les  pierres  de 
marbre  noire  qu'elle  entend  estre  mises  en  icelle  sépultures  qu'elle  fera 
en  place,  crues,  à  ses  frais,  et  lesd.  ouvriers  feront  aussi  à  leurs  frais  la 
traite  et  charroy  de  lad.  pierre  d'allebaslre  et  toutes  autres  choses  néces- 
saires pour  la  perfection  desd.  ouvrages;  et  tireront  led.  allebastre  sans 
faire  dommage  et  interrest  à  M.  l'abbé  de  Baume,  auquel  appartient 
ladite  perrière,  ny  endommager  certain  conduit  y  étant  ;  et  porteront  la  terre 
de  la  découverte  ou  l'on  a  accoutumé  de  la  mettre  et  estre  portée.  Lesquels 
sépulture  et  ouvrages  lesd.  maistres  Gonra  Mail  et  Jean  Baptiste,  et  chacun 
d'eux  en  son  endroit,  ont  promis  et  promettent  à  mad.  Dame  la  Princesse 
présente,  stipulant  et  acceptant  faire  parfaire  et  rendre  fait  et  parfait, 
comme  ditest,  à  dits  d'ouvriers  connoissans  à  ce,  et  au  mieux  que  leur  sera 
possible,  dedans  deux  ans  prochainement  venans,  que  commencent  le 
premier  jour  du  prochain  mois  d'avril  et  seront  finis  à  tel  jour,  et  ce 
moyennant  et  parmy  la  somme  de  dix  mil  frans  monnoye  courante  en 
Bourgoingne,  que  pour  ce  mad.  Dame  la  Princesse  a  promis  et  promet  payer 
ou  faire  payer  et  délivrer  ausd.  Gonra  et  Baptiste  par  moitié,  que  pour 
chacun  d'eux  cinq  mil  frans,  que  leurs  seront  délivrés  à  scavoir  à  la  fin 
d'un  chacun  mois  déz  qu'ils  commenceront  à  besongner  a  chacun  desd. 
ouvriers  deux  cens  frans  ou  plus  ou  moins  selon  qu'ils  besongneront, 
auront  et  entretiendront  des  ouvriers. 

Promettans  lesdites  parties  et  chacune  d'elles  endroit  soy,  etc.,  pour 


CO\'UAD    MCVT    ET    L  K  S    S  CI  L  P  T  E  U  R  S    DE    I!  Il  0  l  .  J.'! 

leurs  sermens,  pour  ce  par  chacune  d'elles  corporellement  touchés  sur 
sains  érangiles  de  Dieu,  etc.,  a  scavoir  led.  maîtres  Gonra  et  Jean 
Baptiste  lesdits  ouvrages  et  clioses  devant  déclarées  faire,  parfaire  et 
accomplir,  comme  il  est  cy  devant  dit  et  déclarés,  etc.,  et  lad.  Dame 
Princesse  leurs  payer  lesd.  dix  mil  frans  ainsi  que  dit  est,  etc.,  oblij^eans 
tous  et  singuliers  leurs  hiens,  etc.,  et  iceux  Gonra  et  Baptiste  leurs 
propres  corps,  pour  eslre  contraints  par  l'emprisonnement  et  iucercéra- 
lion  d'iceux  à  faute  de  faire  et  accomplir  ce  que  dessus  de  leur  part, 
renonceants,  etc.,  submettans,  etc.  Fait  et  donné  aud.  Lons-le-Saunier  au 
vergier  dudit  couvent,  sous  les  seels  de  Monlmorot  et  Besançon  le  vingt 
troisième  jour  du  mois  de  janvier  l'an  mil  cinq  cens  et  trente,  presens 
nobles  seigneurs  messire  Claude  de  Salins,  chevalier,  seigneur  de  \in- 
celles,  Claude,  bailly  du  CharroUois,  Claude  do  Bussy,  écuyer,  s""  de  Chan- 
tepaulme,  nobles  hommes  et  saiges  messieurs  Etienne  Berhizcy,  Philibert 
Vieux,  docteur  es  drois,  maître  Jean  Ratte,  etc.,  Louis  Marchand,  témoins 
à  ce  requis. 

Ainsi  signé  :  Pariset,  avec  parafe. 

(Copie  du  dix-huitième  siècle,  tirée  des  archives  de  la  maison  de  Chaloii.  — ■  Nouvelle 
acquisition,  série  E.  —  Archives  du  Doubs.) 

V.  —  Marché  passé  etitre  Philibert  e  de  Luxembourg  et  Jean-Baptiste 
Mariotto  [ou  Mario),  sculpteur  florentin,  pour  l'exécution,  au  prix  de 
2,800  francs,  d'un  tombeau  à  trois  gisants,  pour  Jean  de  Chalon 
prince  d'Orange,  son  défunt  époux,  Jeanne  de  Bourbon  sa  première 
femme  et  elle-même,  dans  l'église  des  Cordeliers  de  Lons-le-Saunier. 
—  Lons-le-Saunier,  8  mai  1531. 

Haute,  très  noble  et  puissante  Dame,  madame  Philiberte  de  Luxem- 
bourg, princesse  d'Oranges,  comtesse  de  Charny,  dame  de'  Lons-le- 
Saunier,  etc.,  d'une  part,  et  maistre  Jean  Baptiste  dit  Mariaut,  florentin, 
tailleur  d'images,  d'autre  part;  celles  parties  de  leurs  bonnes  volontés,  et 
pour  ce  que  ainsi  que  leur  plait,  etc.,  ont  fait  et  font  entr'elles  les  mar- 
chiefs  des  ouvrages  et  choses  cy  après  déclarées  ainsi  que  s'ensuit  : 

Premièrement  a  prins  en  luy  la  charge  et  promet  par  cettes  led.  maistre 
Jean  Baptiste  de  faire  et  parfaire  au  milieu  du  chœur  de  l'église  du  cou- 
vent des  frères  mineurs  dud.  Lons  une  belle  et  riche  sépulture  de  pierres 
d'albastre,  la  mieux  faite  et  revestue  à  l'entour  d'ouvrages  d'anticailles  et 
feuillage  et  autres  y  nécessaires  pour  l'embellissement  de  lad.  sépulture; 
laquelle  sépulture  sera  de  la  longueur  de  dix  pieds  et  de  sept  pieds  de 
largeur  outre  les  soubasses,  et  sera  posée  aud.  chœur  ou  il  luy  a  été 
montré,  à  commencer  de  la   rive  de  la  pierre  qui  se  liève  pour  entrer  es 


218  CONRAD    \I  E  \  T    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU. 

degrés  du  charnier  en  devers  et  tirant  contre  le  grand  autel.  Et  sur  icelle 
sépulture  seront  fais,  mis  et  enlevés  trois  personnages  gisans  représentans 
l'une  la  personne  de  feu  de  bonne  mémoire  monsieur  messire  Jean  de 
Chalon,  à  son  vivant  prince  d'Oranges  (que  Dieu  ait),  habillé  en  habits 
de  prince,  l'ordre  de  France  au  col,  l'autre  représentant  feue  madame 
Jeanne  de  Bourbon,  feiie  femme  première  dud.  feu  seigneur,  et  l'autre 
gisant  représentant  mad.  dame  la  princesse  à  présent  vivant,  tous  lesd. 
personnages  faits  et  le  mieux  habillés  et  plus  richement  en  prince  et  prin- 
cesse que  faire  se  pourra. 

Item  ledit  gisant  représentant  led.  feu  seigneur  prince  sera  rais  au 
milieu  desd.  autres  deux  gisans,  ayant  un  oreiller  sous  sa  teste,  damassée, 
et  au  chiefs  deux  anges  bien  fais  et  bien  taillés  de  bonne  grandeur  et  pro- 
portionnés tenans  le  blason  des  armes  d'iceluy  feu  seigneur  et  à  la  dextre 
dud.  seigneur  sera  mis  et  enlevé  led.  gisant  représentant  mad.  dame  la 
princesse  à  présent  vivant,  et  l'autre  costé  à  senestre  celle  de  lad.  feue 
dame  de  Bourbon  sa  première  femme,  le  tout  garny  et  bien  revestûe 
d'anges  au  chief  d'un  chacun  desdits  gisans,  avec  blasons  et  oreillers  tels 
que  dessus. 

Item  aux  pieds  dud.  gisant  représentant  led.  feu  seigneur  sera  fait  le 
gisant  d'un  petit  enfant,  le  mieux  fait  que  faire  se  pourra,  représentant 
feu  monsieur  d'Arguel  son  fils,  que  sera  habillé  comme  un  enfant  de 
prince,  ayant  deux  ans,  mis  à  genoux  ou  ainsi  qu'il  sera  avisé  pour  le 
mieux. 

Item  es  quatre  coings  de  ladite  sépulture  seront  fais  quatre  beaux  riches 
pilliers,  bien  fais  et  revestus  d'ouvrages  d'anticailles,  feuillages  et  médailles 
de  telle  grosseur  et  proportionnés  comm'  il  appartient,  sur  lesquels  pilliers 
seront  faites  et  mises  les  quatre  frères  d'Hercules,  richement  enlevés, 
selon  qu'elles  luy  seront  baillées  par  écrit  par  madite  dame. 

Item  à  l'entour  de  lad,  sépulture  seront  gravés  tels  dictiers  et  épitaphes 
qu'il  plaira  à  ma  dite  dame  ordonner  y  estre  mis. 

Item  plus  sera  revestûe  lad.  sépulture  au  bas  d'icelle  de  toutes  anti- 
quailles, médailles,  personnages  et  autres  choses  nécessaires  pour  l'embel- 
lissement d'icelle. 

Item  a  la  soubasse  de  lad.  sépulture  belle  et  riche,  du  respet  et  regard 
du  dessus  d'icelle,  bien  garnie  et  revestûe  de  toutes  anticailles,  médailles 
€t  blasons  le  tout  audit  de  gens  à  ce  connoissans  et  entendus  et  selon  le 
portrait  sur  ce  fait  par  led.  maître  Baptiste  et  mieux  comme  iceluy  maître 
Baptiste  la  pourra  faire. 

Item  plus  est  tenu  et  a  promis  faire  le  dit  maître  Jean  Baptiste  les 
images  de  Nôtre  Dame,  de  Saint  François,  avec  un  beau  ciboire,  les  plus 
riches  que  faire  se  pourra,  lesdites  images  de  hauteur  et  grandeur  néces- 


C0\RA1)    MEVT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BUOL-  27',i 

saire  et  auprès  les  vils,  mùmement  de  cinq  à  six  pieds  do  liauteur,  avec 
et  outre  les  soubasses  et  led.  ciboire  de  hauteur  plus  grande  que  lesdites 
images,  comme  il  a  été  dit. 

Ilem  seront  fais  quatre  anges  pour  mettre  sur  les  quatre  pilliers  à 
l'entour  dud.  grand  autel,  de  trois  pieds  de  grandeur  et  haulteur  et  les 
mieux  fais  et  plus  riches  que  faire  se  pourra. 

Item  fera  led.  maître  Baptiste  de  la  vieille  sépulture  de  lad.  feiie 
Jeanne  de  Bourbon,  ascavoir  du  gisant  d'icelle  sépulture  une  image  de 
Sainte  Barbe  bien  faite  et  taillée  pour  mettre  où  il  plaira  à  ipad.  dame. 

Item  fera  led.  maître  Jean  Baptiste  des  pans  et  images  qu'estoient  à 
l'entour  dud.  sépulcre  trois  ou  quatre  tableaux  d'autels  pour  mettre  et 
asseoir  où  aussi  il  plaira  à  mad.  dame  et  le  surplus  et  reste  de  ladite  vieille 
sépulture,  led.  maître  Jean-Baptiste  le  mettre  en  œuvre  ainsi  que  plaira  à 
mad.  dame  aviser  de  l'ordonner. 

•Item  a  promis  led.  Baptiste  fournir  le  doucier  toute  lad.  sépulture 
neuve  qu'il  fera  d'images  et  autres  choses,  qu'il  fera  comme  dit  est  et  où 
il  sera  nécessaire  de  fin  or  et  à  ses  frais. 

Seront  fais  tous  lesd.  ouvrages  de  bonnes  et  belles  pierres  d'allebastre 
que  led.  Baptiste  fournira  tant  la  traitte  que  le  charroy  et  le  tout  à  ses  frais 
et  mad.  Dame  la  perrière  seulement.  Et  aussi  fournira  mad.  Dame  en 
place  à  ses  frais  le  marbre  qu'il  luy  plaira  estre  mis  à  lad.  sépulture. 

Item  sera  tenu  led.  maître  Jean-Baptiste  quatre  soubasses  belles  et 
riches  faites  à  grosses  et  petites  molures,  filets  et  autres  beaux  ouvrages, 
de  telles  pierres  qu'il  plaira  à  mad.  Dame  ordonner,  pour  mettre  et 
asseoir  dessous  les  quatre  pilliers  étans  au  long  et  devant  le  ^  ^..a  autel. 

Tous  lesquels  ouvrages  devant  déclarés  led.  Maître  Jean  Baptiste  a 
promis  et  promet  faire  et  rendre  fais  et  parfais  à  ses  frais,  comme  dessus 
est  dit,  des  plus  beaux  et  riches  ouvrages  que  faire  se  pourra  et  à  dits 
d'ouvriers  connoissans  à  ce,  déans  d'huy  en  un  an  prochainement  venant, 
et  mad.  Dame  luy  a  pour  ce  promis  et  promet  payer,  ou  faire  payer  et 
délivrer  la  somme  de  deux  mil  huit  cens  frans  monnoye  courant  en  Bour- 
goingne,  que  luy  seront  payés  en  faisant  led.  ouvrage,  et  selon  qu'iceluy 
maître  Jean-Baptiste  y  ouvrera,  fera  ouvrer  et  y  aura  et  entretiendra 
d'ouvriers. 

Promettans  lesdites  parties  et  une  chacune  d'elles,  endroit  soy,  par 
leurs  sermens  pour  ce  par  chacunes  d'elles  corporellement  touchés  sur 
saints  évangiles  de  Dieu,  ascavoir  ledit  maître  Jean  Baptiste  faire,  parfaire 
lesd.  ouvrages  et  sépulture,  ainsi  que  dit  est,  et  déans  led.  terme,  etc., 
et  mad.  Dame  la  Princesse  payer  lad.  somme  de  deux  mil  huit  cens  frans 
ainsi  et  en  la  manière  devant  déclarée,  etc.,  obligeant  quant  à  ce  tous  et 
singuliers  leurs  biens,  même  iceluy  maître  .Jean-Baptiste  son  corps  pour. 


280  COMIAD    MEYT    ET    LES    SCULPTEURS    DE    BROU. 

à  faute  de  ce  que  dessus,  estre  conlraint  par  remprisonnenient  el  incarcé- 
ration d'iceluy,  etc.,  submettant,  etc. 

Fait  et  donné  aud.  Lons-le-Saunier  en  lad.  église  dud.  couvent,  sous  les 
scels  de  Bourgoingne  et  Besançon,  le  huitième  jour  du  mois  de  may  l'an 
mil  cin([  cens  trente  et  un,  presens  honorables  hommes  maîtres  Jean 
Balte,  secrétaire  de  l'Empereur  et  de  mad.  Dame  la  Princesse,  Antoine 
Lombarde,  de  Noseroy,  et  plusieurs  autres  témoins. 

Ainsi  signé  :  Pauiset,  avec  parafe. 

CoUationnc  aux  oiiginaux  par  écuyer  conseiller-secrétaire  du  Boy,  mai- 
son, couronne  de  France. 

Signé  :  Tahox  u'Augerans, 

(Copie  (In  (li\-huitièmr  siècle,  tirée  des  archires  de  la  maison  de  Chalon.  —  Nouvelle 
acquisition,  sitIc  E.  — Archires  du  Doubs,) 

VI-X.  —  Ci?if/  quittances  données  à  Philiberte  du  Luxembourg  pour 
travaux  exécutés  au  tombeau  de  Philibert  de  Chalon  j^ar  les  scupl- 
teurs  Jean-Baptiste Mariotto  {ou  Mario),  Florentin,  Conrad  Meyt,  Fla- 
mand, et  Aimé  Quarrel,  dit  le  Petit  Picard,  serviteur  de  Meyt,  dans 
l'église  des  (ùordeliers  de  Lons-le-Saunier  {total  des  quittances  : 
548 /r.  10  gros  1/2).  — Lons-le-Saunier,  5  octobre  1531-23ya«Dier 
1534. 

VI.  —  5  octobre  1531. 

Honnorable  homme  Jehan-Baptiste,  dit  Mariot,  florentin,  confesse  avoir 
heu  et  receu  de  haulte,  très  noble  et  puissante  dame  dame  Philiberte  de 
Luxembourg,  princesse  d'Orainges,  par  les  mains  de  honnorable  homme 
et  saige  messire  Philibert  Vieux,  docteur  es  drois,  bailli  de  madicte  dame 
présent,  etc..  la  somme  de  deux  cens  frans  monnoie  contens,  réaiment 
et  de  fait,  en  testons  solz  de  Roy  et  aultre  monnoie  bien  contée  et  nombrée, 
et  ce  pour  et  en  déduction  de  ce  que  madicte  Dame  peult  et  pourra  debvoir 
audict  Jean-Baptiste,  a  cause  de  l'ouvrage  qu'il  fait  de  la  sépulture  de  feu 
Monseigneur,  de  laquelle  somme  desdicts  deux  cens  frans  il  est  content 
et  en  quite  madicte  Dame  et  tous  aultres,  promectant,  etc.,  obligeant,  etc. 

Donné  à  Lons  le  Saulnier  soubz  Bourgongne  et  Besançon,  le  cinquième 
jour  d'octobre  l'an  mil  cinq  cens  trante  et  ung.  Présens  honnorable 
homme  Guillaume  Maignin  le  jeune  et  Jehan  Prost,  dit  de  Baulme,  dudicl 
Lons  le  Saulnier,  tesmoings. 

Signé  :  X.  Devillers. 

(Original  :  Archires  du  Doubs.  E.  1300.  A.  211.) 


COXHAD    MEVT    ET    LES    SGLLI'TEURS    DE    I!  H  0  L  .  2HI 

VII.  —  24  octobre  1531. 

Honnorable  homme  Jeiian-Baptisle  dit  Mariot,  florentin,  confesse  avoir 
lieu  et  reçu  de  haulte  très  noble  et  puissant  dame  dame  Philiberle  de 
Luxembourg,  princesse  d'Oranges,  par  les  mains  de  honnorable  homme  et 
sage  messire  Philibert  Vieux,  de  Lons-Ie-Saunier,  docteur  es  droits,  bailly 
de  madicte  Dame  présent,  etc.,  la  somme  de  cinquante  frans  monnoie, 
bien  comptée  et  nombrée  et  ce  pour  et  en  déduction  de  ce  que  madicte 
dame  peult  et  pourra  debvoir  audict  Jehan-Baptiste  à  cause  dé  l'ouvrage 
qu'il  fait  de  la  sépulture  de  feu  Monseigneur,  desquels  cinquante  frans 
ledict  Baptiste  est  content  et  en  quicte  madicte  Dame,  promectant,  etc., 
obligeant,  etc.,  renonceant,  etc. 

Donné  audict  Lons  soubz  Montmorot  et  Besançon,  le  vingt-quatriesme 
jour  d'octobre  l'an  mil  cinq  cens  trente  ung.  Présens,  honnorables 
hommes  et  sage  maistre  Jehan  Courvoisier,  licencié  es  drois,  et  Katherin 
Mareschal  dudict  Lons,  tesmoings  ad  ce  requis. 

Si(jné  :  Deprelz. 

(Original  .-  .archives  du  Doubs.  E.  1.309.  A.  219-.) 

VIIL  —  25  octobre  1533. 

Quictance  de  maistre  Conrault  de  VIII"  frans. 

Je  maistre  Conrault  Meyt,  imageur,  confesse  avoir  receu  de  Madame» 
madame  la  princesse  d'Oranges  la  somme  de  huil-vingtz  frans  monnoie, 
sur  en  tant  moins  déduction  et  rabat  de  ce  qui  me  pourroit  et  pourra  estre 
deu  des  ouvraiges  pour  la  sépulture  de  feu  Monseigneur  le  Prince,  que 
Dieu  absoille;  laquelle  somme  est  venue  du  recepveur  de  Chaslillon,  et 
icelle  prometz  rabattre  et  deffarquer  a  madicte  dame  sur  ce  que  dict  est. 
Tesmoing  mon  seing  manuel,  cy  mis  avec  celluy  du  notaire  soubscript  à 
requeste,  le  XXV^  d'octobre  XV*^  trente  trois,  presens  honnorables 
hommes  et  saiges  maistre  Philibert  Vieux  et  Antoine  Cact,  docteur  es 
drois,  et  Claude  Noël,  tesmoins. 

Signé  :  Boillardz. 

(Original  :  Archires  du  Doubs.  E.  1309.  A.  21tj.) 

IX.  —  5  décembre  4533. 

Je  Amey  Quarrel,  dit  le  petit  Picart,  serviteur  de  maistre  Conrrault 
Meyt,  tailleur  d'ymages,  certiffie  avoir  receu  de  madame  madame  la  prin- 
cesse d'Oranges,  etc.,  présente,  etc.,  la  somme  de  quatre  vings  cin([  frans 
quatre  groz  et  demy  monnoie,  sur  et  en  tant  moings  de  ce  que  sera  deu 


28-2  LE    MUSEE    JEAN    GIGOUX. 

audict  Coiir.iiild  à  raison  des  yniages  de  la  sépulture  qu'il  faict  pour 
madicle  Dame  :  lesquels  IIII"V  frans  IIII  gros  et  demy  je  promectz  luy 
desduire  et  faire  desduire  sur  ce  que  dessus,  soubz  mon  nom  et  le  seing 
du  notaire  soul)script  cy  mis,  à  Xozeroy,  le  V''  de  décembre  X\  "^  XXXIIl, 
présens,  monsieur  Philibert  Vieux,  Jacques  Terrier  et  autres. 

Signé  :  Amé  Quarel,  dit  le  petit  Picart, 
Signé  :  Rate. 

(Copie  :  Archives  du  Doubs.  E.  1309.  A.  218.) 

X.  —  2'^  janvier  1534. 

Je  Conrauld  Meyt,  tailleur  [d'ymaiges],  cognois  et  confesse  avoir  eu  et 
receu  de  haulle,  très  noble  et  puissante  dame,  dame  Philiberte  de  Luxam- 
bourg,  princesse  d'Oranges,  etc.,  absente,  le  notaire  soubsigné  stipu- 
lant, etc.,  la  somme  de  sept  vingt  treze  frans  et  demy  monnoie,  sur  et 
en  tant  moings  de  ce  que  m'est  et  pourra  estre  [deu]  pour  la  façon  des 
ymaiges  de  la  sépulture  de  feu  monseigneur  monseigneur  le  Prince,  etc., 
à  Lons  le  Saulnier.  Desquelz  sept  vingt  treze  frans  demi  je  suis  contante, 
la  quicte  et  promectz  les  lui  desduire  sur  ce  que  dessus,  promectant,  etc., 
obligeant,  etc.,  renunceant,  etc. 

Donné  à  Lons  le  Saulnier,  le  XXIIP  jour  de  janvier  mil  V'  trente  trois, 
présens,  maistre  Odot  Roy,  chanoine  de  Nozeroy,  [Amey  Quarrel]  dict  le 
Picart  et  Claude  Le  loyer,  escuier,  tesmoings,  etc. 

Signé  :  R.ate. 

(Copie  :  Archires  du  Doubs.  E.  1309    A.  218.) 


XIV 


LE  MUSEE  JEAN  GIGOUX 

&    BESANCON 


Dans  la  pléiade  romantique  des  peintres  de  1830,  le  nom  de 
Jean  Gigoux  n'est  pas  l'un  des  moindres,  et  s'il  n'a  pas  brillé 
tout  à  fait  au  premier  rang^  ses  toiles  historiques,  ses  tableaux 


LE    MUSEE    JEA\    GIGOLX,  283 

(l'éjjlise  OU  de  genre,  ses  portraits  enfin  ont  occupé  longtemps  lu 
critique  et  mérité  la  vogue  '.  S'il  atteignit  dès  1835  l'apogée  de 
son  talent  en  peignant  la  Mort  de  Léonard  de  Vinci,  restée  juste- 
ment célèbre,  son  pinceau  fécond  a  produit  de  1828  à  1892  une 
œuvre  considérable,  et  son  crayon  habile  et  consciencieux  laisse 
nombre  de  lithographies  charmantes  ou  d'illustrations  composées 
pour  des  livres  de  gravures  "-. 

Le  succès  et  la  fortune  n'avaient  point  gâté  ce  laborieux  fils 
d'artisan,  dont  l'amour  filial,  loin  de  rougir  de  l'atelier  de  maré- 
chal ferrant  où  il  était  né,  entourait  ses  vieux  parents  de  soins 
délicats,  après  les  avoir  immortalisés  par  des  portraits  superbes; 
son  cœur,  passionnément  attaché  à  sa  ville  natale,  en  a  fait  l'héritière 
presque  universelle  de  collections  d'art  patiemment  amassées.  Ce 
legs  princier  de  quatre  cent  quarante-cinq  tableaux  et  de  trois  mille 
dessins  de  toute  date  et  toute  école,  venant  accroître  le  patrimoine 
artistique  d'une  province  justement  fière  de  ses  sculpteurs  et  de  ses 
peintres,  assurera  à  jamais  à  Jean  Gigoux  la  reconnaissance  de  ses 
concitoyens.  Besançon  a  installé  d'une  façon  digne  d'elle  les  collec- 
tions léguées  par  le  peintre  franc-comtois  ;  on  en  prépare  le  cata- 
logue ^  mais  en  attendant  qu'il  paraisse  je  voudrais,  dans  un  rapide 
aperçu,  faire  connaître  quelques-uns  de  leurs  trésors,  et  rendre 
ainsi  au  vieux  maître,  qui  m'honora  d'une  bienveillante  amitié, 
un  hommage  auquel  il  eût  été  sensible. 

Quand  la  mort  le  frappa  le  11  décembre  1894,  à  Paris,  dans  ce 
petit  hôtel  de  la  rue  de  Chateaubriand,  fréquenté  par  une  élite 
d'artistes,  d'écrivains,  de  compatriotes  et  d'amis,  ses  dispositions 
généreuses  étaient  prises;  dès  1879, il  s'était  dessaisi  au  profit  de 
Besançon  de  cinq  cents  dessins  de  maîtres  et  de  quatre  cents  litho- 
graphies, premier  acompte  de  ce  qu'il  lui  destinait;  un  testa- 
ment du  16  juin  1883  lui  assura  le  surplus  de  ses  collections. 

Empruntées  à  plus  de  deux  cents  peintres  différents,  formées 
pièce  à  pièce  et  au  hasard,  quelquefois  très  heureux,  des  encans 

'  \é  à  Besançon,  le  6  septembre  1806,  sur  la  place  des  Maréchaux.  Jean  Gigoux 
est  mort  à  Paris  le  il  décembre  1894,  rue  de  Chateaubriand,  17, 

-  Voir  la  substantielle  Notice  sur  Jean  Gigoux,  ses  œuvres  et  ses  collections, 
par  M.  A.  Estigxard.  Besançon,  1895,  in-S»  de  143  pages,  avec  22  pliotoly- 
pies. 

^  M  Paul  Lapret,  peintre,  exécuteur  testamentaire  et  légataire  universel  de 
Jean  Gigoux,  avec  la  collaboration  de  l'auteur  de  cette  notice. 


■■284  LE    MLSKE    JE  A IV    GIGOLX- 

et  des  ventes  publiques,  elles  possèdent  des  morceaux  de  yrand 
mérite,  qui  ne  seraient  déplacés  dansaucune  des  galeries  célèbres.  La 
majeure  part  des  tableaux  est  de  valeur  réelle  et  d'orifjine  indiscu- 
table ;  le  surplus,  copies  anciennes  et  de  bonne  main,  originaux 
qui  ont  perdu  leur  nom,  esquisses  étudiées,  tableaux  inachevés, 
pochades  d'inconnus,  offre  un  intérêt  de  curiosité,  un  objet  d'étude 
d'où  se  dégageront  à  la  longue  nombre  d'enseignements  ou  de 
renseignements. 

Dans  ces  quatre  cent  quarante-cinq  tableaux,  toutes  les  écoles 
sont  représentées,  anciennes,  modernes  ou  contemporaines  ;  et 
d'abord  l'École  française. 

Un  seul  tableau  du  seizième  siècle,  une  copie  de  François  Clouet, 
le  portrait  de  Cbrétienne  de  Danemark,  duchesse  de  Lorraine, 
a  surtout  une  importance  historique,  mais  il  supplée  du  moins  à 
l'absence  d'un  original,  aujourd'hui  perdu  '  ;  les  toiles  du  dix- 
septième  siècle  deviennent  heureusement  nombreuses.  De  Simon 
Vouët  une  exquise  composition  :  Sainte  Madeleiîie  mourante,  soute- 
nue jjai'  deux  ant/es  ;  la  pâleur  des  chairs,  l'expression  intense  d'un 
regard  qui  s'éteint  sont  d'une  exécution  parfaite  ;  l'œuvre  est  connue 
d'ailleurs,  grâce  au  i)urin  de  Claude  Mellan,  dont  le  Musée  Gigoux 
possède  du  reste  un  tableau  de  piété  '-.  Une  Visitation,  une  Sainte 
Famille  de  Vouët  %  deux  grandes  allégories  de  Lesueur,  une  Minerve 
et  une  Fortune  décorant  jadis  l'hôtel  Lambert  *,  nombre  d'esquisses, 
copies  ou  œuvres  possibles  de  Claude  Lorrain  et  du  Poussin  %  une 
Sainte  Famille  de  Sébastien  Bourdon  *,  coudoient  quatre  portraits 
de  Largillière  :  un  abbé,  un  magistrat,  deux  dames  de  la  cour.  De 
ces  dernières,  une  qui  dépasse  la  quarantaine  à  cette  grâce  suprême 
qu'outre  la  naissance,  l'intelligence  et  la  bonté  donnent,  à  défaut 
de  la  beauté  où  de  la  jeunesse.  Grande  distinction  du  reste,  merveil- 

'  Sur  le  panneau  même,  au-dessus  de  la  tête  de  la  duchesse,  ces  mots  devenus 
presque  illisibles  :  la  mère  dv  kev  dvc  et  de  celvv  qvi  est  a  présent,  en  lettres 
jadis  dorées.  Au  dos,  cette  cote  d'un  inventaire  du  début  du  dix-septième  siècle  : 
Chrestienne  de  Daun'emark]  fille  de  Christierne  roi  de  Da}i>i[e>nark]  et  d'Eli- 
sabeth d'Austriche  setiiir  de  l'empereur  Charles-Quint,  veiifve  de  François  duc 
de  Lorraine  et  de  Bar.  numéro  40.  —  W  338  provisoire. 

-  Un  saint  Jean,  n°  322. 

3  Vouët,  n^s  471-474. 

*  Lesueur,  n"'  295-300. 

5  Lorrain,  n"'  307-309;  Poussin,  n"'  361-373. 

fi  Bourdon,  n"  41, 


l.E    M  USEE    JEA.V    G  1  G  0  U  X  •  og-, 

leiix  ilolails  tic  coiffure,  de  draperies  et  de  denlelJes,  ne  nuisant 
en  rien  à  l'expression  du  visage,  dans  cette  œuvre  exceptionnelle '. 

Trois  portraits^  d'inégale  facture,  appartenant  à  Rigaud  :  un 
cardinal  de  Polignac,  un  peu  terne,  qui  fut  gravé  par  Brevet;  un 
président  au  parlement  de  Paris,  de  figure  légèrement  poupine; 
un  Regnard  dont  le  visage  et  les  mains,le  costume,  les  dentelles  et  le 
manteau  bleu  sont  traités  avec  une  maestria  surprenante  -.  Un 
Père  de  l'Église  de  Sul)leyras%  une  jolie  tète  de  jeune  fille  de 
Greuze  *,  deux  groupes  d'Amours  (de  Boucher)  %  un  Louis  XV  de 
Nattier'',  quelques  pastels  de  Chardin,  dont  l'un,  daté  de  1776,  est 
la  copie  du  portrait  fameux  de  la  mère  de  Rembrandt  '  ;  un 
Christ  avec  la  Madeleine,  de  Drouais^  une  Vieille  femme  de 
Lépicié  °,  une  autre  de  Lenain  '",  des  natures  mortes  d'Oudry  et 
de  Jeaurat,  voilà  ()our  le  dix-huitième  siècle. 

L'art  contemporain  est  de  beaucoup  le  mieux  partagé.  J'indi- 
querai seulement  vingt  tableaux  de  Jean  Gigoux  lui-même, quoique 
deux  ou  trois  :  le  portrait  de  sa  mère,  celui  de  son  père,  ce  vieux 
maréchal  ferrant  dont  l'artiste  avait  été  l'apprenti  et  s'en  glorifiait, 
soient  de  petits  chefs-d'œuvre  ",  car  devant  des  hôtes  le  maître  de  la 
maison  doit  toujours  s'effacer.  Place  à  ses  contemporains,  à  ses 
maîtres, à  ses  amis.  David  est  représenté  dans  la  galerie  par  trois  tètes 
d'étude  destinées  au  Serment  du  Jeu  de  paume  '-  ;  Roilly,  par  Un 
Incroyable  '  ^  ;  Prudhon,  par  une  Innocence  poursuivie  par  le  Vice  '  *  ; 
Géricault,  par  nombre  d'études,  soldats  ou  marins  de  la  Méduse^^; 
Redouté,  par  des  Fleurs  '"•,  Gérard,  par  un  solide  portrait  du  bon 

'  Largillière,  n»*  284-287. 
-  Rigaiid.  n°»  391-:393. 
'  Subleyras,  n°  427. 

*  Greuze,  n"  214. 

*  Boucher,  n"*  39-40. 
•■'  \^attier,  n"  341. 

"  Chardin,  n°*  .59-63. 

**  Drouais,  n°  107. 

9  Lépicié,  n°  292. 

'"  Lenain,  n»»  290-291. 

"  Gigoux,  n'^  171-188. 

'■^  David,  u»»  93-95. 

"  Boilly,  n"  26. 

'*  Prudhon,  n»'  .377-.378. 

'5  Géricault,  n"  1.59-169. 

"■"  Redouté,  n»  282. 


286  LE    MISEE    JEA.\    GIGOUX. 

Diicis  '  ;  Ingres,  par  un  portrait  de  Dcsdehans";  Delaroche,  par  une 
figure  nue  dans  une  vasque  '.  Voici  à  pleines  mains  tous  les  paysa- 
gistes: Decamps,  Alarilhat,  Corot,  Noyon,  Cabat,  Courbet,  Théodore 
Rousseau,  Baron,  Français,  les  gloires  de  notre  incomparable  école. 
Le  genre  coudoie  le  portrait:  les  deux  Joliannot,  Ferdinand  Perron, 
Granet,  Léopold  Robert,  Aleissonier,  Dubufe  et  bien  d'autres,  et 
au  milieu  de  toutes  ces  toiles  si  variées,  d'aucuns  diraient  presque 
disparates,  un  magistral  portrait  de  Gigoux,  signé  Donnât,  mais  qui 
se  passerait  presque  de  signature,  immortalisant  les  traits  énergi- 
ques du  généreux  donateur  ^. 

A C(Mé  des  primitifs  des  treizième,  quatorzième,  quinzième  siècles 
suffisamment  nombreux,  l'École  italienne  abonde  en  intéressants 
documents  et  en  précieuses  épaves.  Jugez-en  par  ce  Masaccio,  un 
jeune  gentilhomme  avec  cette  devise  que  le  temps  a  presque  effacée 
d'ailleurs:  el  texpo  coxsvma  %  par  cette  copie  ancienne  de  Boni- 
fazio  (une  Vierge  aux  saints)",  ce  Borgognone,  cette  Sainte 
Famille  de  Lorenzo  di  Credi,  cette  Vierge  à  V enfant  de  Crivelli  ", 
ces  trois  toiles  du  Guerchin%ce  Christ  au  tombeau  de  Sodoma', 
un  Saint  Jean-Bajjtiste  du  Corrège  '",  des  portraits  de  Giorgione  ' ' . 
Du  Titien,  voici  le  portrait,  qui  semble  bien  authentique  d'un 
duc  de  Ferrare,  dont  la  tête  est  énergique  et  expressive, malgré  son 
teint  maladif  et  le  sombre  aspect  d'un  décor  poussé  au  noir  '*  ;  du 
Tintoret  cinq  portraits  en  quatre  toiles.  La  première  montre  toute 
une  famille  patricienne,  père,  mère,  fils  et  fille,  traités  avec  cette 
robustesse  et  cette  suprême  élégance  que  l'illustre  maître  savait 
donner  à  toutes  ses  figures  ;  la  seconde,  un  jeune  gentilhomme  dont 
les  traits  fins,  le  regard  vif,  se  détachent  vigoureusement  sur  un  cos- 
tume de  soie  doublé  de  fourrures  ;  les  deux  autres,  deux  sénateurs 

*  Gérard,  n-  158. 
s  Ingres,  n"  255. 

3  Delaroche,  n"  100. 

*  Donnât,  n"'  30-31. 
5  Masaccio,  n"  319. 

*  Borgognone,  n"  37. 

'  Crivelli,  n"  88.  / 

8  Guerchin,  n"  218-220. 

9  Sodoma,  n''  423. 

•"  Corrège,  n°*  75-76. 
u  Giorgione,  n»'  189-193. 
'-'  Titien,  n"'  451-457. 


I.K    MISEE    JEA\    GIGOLX.  281 

vénitiens,  en  huste,  aux  yeux  plus  ardents  que  leurs  robes  rouges 
en  velours  frappé'.  Ajoutons  à  cette  liste  déjà  longue  des  tableautins 
ou  des  tableaux  d'Annibal  Carracbe,  de  Tiopolo,  du  Baroccio,  de 
Guardi,  et  une  esquisse  très  vivante  de  Samson  et  Dalila  du  Véro- 
nèse,  et  l'on  conviendra  que,  pour  un  romantique,  Gigoux  avait  su 
faire  à  Tltalie  une  large  part  dans  ses  justes  admirations. 

Cbez  nous,  tableaux  allemands  et  tableaux  anglais  surtout  ont 
toujours  été  rares;  notre  collectionneur  semble  avoir  voulu  réagir 
contre  cette  manière  de  voir.  Parmi  les  Allemands  de  bonne  et  vieille 
date,  son  maître  préféré,  après  Holbein,dont  il  n'avait  pu  se  procu- 
rer que  deux  fragments  de  médiocre  importance',  était  Cranach, 
dont  voici  cinq  panneaux.  Cranach,  à  côté  d'un  dessin  naïf,  possède 
une  grande  finesse  d'expression  et  un  coloris  des  plus  remarquables, 
témoin  cette  Naïade  couchée,  couverte  d'une  ceinture  en  gaze  trans- 
parente, dont  le  sommeil  et  les  charmes  sont  protégés  par  cette 
inscription  : 

FONTIS  NYMPHA[e]  SACRI  SOMi\f[l]VM  NE  RVMPE  QVIESCO  ^ 

Témoin  cette  Lucrèce  qui  se  perce  le  sein  devant  une  draperie 
de  velours  *  ;  cet  Adam  et  cette  Eve  que  Lucas  Cranach  a  si 
souvent  répétés  '  et,  par-dessus  tout,  cette  œuvre  très  originale  et  très 
vivante,  dégagée  de  la  formule  un  peu  surannée  des  autres  compo- 
sitions, où  l'on  voit  un  vieux  Mardochée  présentant  requête  amou- 
reuse à  une  courtisane  pleine  de  séductions,  aussi  dorées  que  son 
costume  ".  Aldegraver  avec  son  portrait  de  Philippe,  évêque  de 
Spire  et  prévôt  de  Wissemburg,  mâle,  rude  et  consciencieuse  pein- 
ture'', mais  surtout  Schorel,  avec  une  figure  de  jeune  femme, 
tiennent  la  place  d'honneur  parmi  les  meilleurs  morceaux  de 
l'École  allemande,  Schorel  a  peint  une  Allemande  du  Nord  au  type 
fruste,  mais  intelligent,  dont  l'àrae  se  révèle,  vibrante,  sous  son 
bonnet  de  lingerie  empesée  tel  qu'en  portent  encore  à  présent  les 
Dalécarliennes;  le  coloris  est  sobre,  mais  d'une  justesse  étonnante, 

*  Tintoret. 

-Holbein,  n-  240-241. 
^  Cranach,  n"  85. 

*  N"  84. 

*  N"  83. 

^  Granacli,  n"  82. 
''  Aldegraver,  n"  1. 


288  LK    MIJSKE    ,1  E  A  X    GIGOUX. 

les  chairs  iruiic  tonalilr  parlaile,  le  lointain  de  paysage  délicieux 
de  fraîcheur,  le  coslunie  sévère  du  seizième  siècle  hien  en  valeur; 
l'œuvre,  si  elle  était  au  Louvre,  mérilerait  une  place  dans  un 
second  Salon  carré  '. 

Gigoux  a  eu  la  main  heureuse  dans  le  choix  des  maîtres  anglais. 
Regardez  plutôt  ce  Moulin  de  Constable,  où  tout  est  moussu,  ver- 
dàtre  et  lumineux.  Bâtisses,  arbres,  vieux  murs  tapissés  de  lichens, 
eau  stagnante  et  profonde,  tout  est  rendu  avec  une  vérité  étonnante 
et  séduit  quiconque  peut  vivre  en  communion  d'idées  avec  le 
peintre,  dans  une  gamme  mélancolique.  Voyez  encore  ce  second 
tableau  à  l'horizon  nuageux  où  les  plans  se  succèdent  et  où  la  poésie 
s'étend,  diffuse,  sur  un  décor  de  paysages  qu'aucune  figure  ne 
vient  compléter';  de  Gainsborough,  de  Turner,  qui  reste  pour  ses 
compatriotes  le  véritable  géant  des  tempêtes,  voici  de  calmes 
paysages,  des  lacs  bleus,  des  horizons  recueillis  \  D'Hogarth,  le 
peintre  de  caractères  et  de  genre,  chez  qui  l'idée,  plus  vigoureuse  et 
plus  souple  que  le  pinceau,  apparaît  et  conduit  au  delà,  trois  beaux 
tableaux  dont  deux  portraits  *.  Une  grande  toile,  qui,  dans  une 
ville  horlogère  comme  Besançon,  aura  grande  chance  de  plaire, 
nous  montre  un  rajah  avec  sa  suite  visitant  à  Londres  la  boutique 
d'un  horloger;  la  peinture  est  médiocre,  mais  la  composition 
charmante  et  pleine  de  spirituelles  figures  et  d'élégants  contours. 
Un  des  portraits  aux  traits  irréguliers  rappelle,  quoique  ce, soit  un 
portrait  d'homme,  la  délicieuse  Sh7'iînp  Girl  delà  Xational  Gallery, 
au  charme  si  étrange  et  si  pénétrant  ^  D'un  Intérieur  de  Wilkie**, 
passons  aux  deux  perles  anglaises  de  la  collection  Gigoux,  deux 
portraits  de  Thomas  Lawrence  \  L'un  est  celui  du  duc  de  Riche- 
lieu, d'allure  vraiment  magistrale,  supérieur  à  une  réplique  que 
l'Angleterre  possède;  l'autre  est  celui  de  la  très  gracieuse  duchesse 
de  Sussex,  qui,  malgré  ses  cheveux  rouges,  sa  toilette  disgracieuse 
de  la  Restauration,  la  présence  d'un  kings-Charles  qui  lui  sert  de 

'  Schorel,  n"  418. 
-  Constable,  n"'  70-71. 
'  Turner,  n"  463;  Gaiiisl)oroiigb,  u"  155. 
'^Hogartli,  n- 237-239. 

î'  La  fille  aux  crecettes,  d'Hogarlli  {Shrimp   Girl),  porte  le  n°  1162  de  la 
National  Gallenj . 
«  Wilkie,  n»  479. 
'  Lawrence,  n«'  288-289. 


i'ianchp   \II. 


l'a-je  28S. 


I.A     \IKKE     DES    C.iROMDEI.ET 

l'flR    i:v    PF.  ixTiii:    iiiî    M  Al.  IX  lis,    vi;rs    ir)2r> 

(Mok/'P  Jpan   (îijjonx,   à   lîc'sancon. 


LE    MLSKK    JEAM    GIGOUX.  289 

contenance,  lutte  avec  tout  l'avantage  d'un  teint  charmant  et  de 
superbes  épaules  pour  Thonneuret  la  primauté  d'Old  England. 

L'esp  rit  éclectique  de  Gigoux  avait  des  tendresses  pour  l'Ecoie  espa- 
gnole et  pour  sa  merveilleuse  couleur.  Murillo,  Zurbaran,  Ribéra, 
Herreraet  Goya  la  représentent  très  honorablement  dans  son  Alusée. 

Zurbaran,  par  une  Fuite  en  Egypte^;  Murillo,  par  un  Saint 
Ignace  en  extase,  d'une  expression  surhumaine  et  d'un  coloris 
étonnant*.  Un  hidalgo  d'Herrera  à  rouge  et  dégoûtante  face  est  d'un 
naturalisme  prodigieux;  quatre  Goya,  dont  deux  scènes  de  canniba- 
lisme :  la  Mort  de  V archevêque  de  Québec^  sont  d'une  verve  et 
d'un  inouïsme  surprenants ^  Mais  la  palme  reste  au  Ribéra,  dont 
le  Saint  Sébastien  mourant  d'un  sentiment  indicible,  le  Saint 
Jérôme,  le  Saint  Pierre  {vans^oviewi  Tàme  dans  des  régions  qu^un 
art  infiniment  supérieur  peut  seul  atteindre  ^  ;  ces  toiles  de  premier 
ordre,  le  portrait  d'architecte  qui  les  accompagne  suffiraient  à 
enorgueillir  une  collection. 

Les  Flamands  et  les  Hollandais  affluent  nombreux  dans  une 
incroyable  variété  de  portraits  incomparables  des  seizième  et  dix- 
septième  siècles,  de  scènes  de  genre,  de  patientes  miniatures  de 
fleurs,  d'intérieurs  de  cabaret,  de  natures  mortes  des  dix-septième 
et  dix-huitième  siècles.  De  Bruxelles  à  Anvers,  de  Delft  à  Dor- 
drecht,  tableaux  de  toute  dimension  s'amalgament  par  douzaines. 

De  l'Ecole  de  Van  der  Weyden,  quelques  tètes  superbes  ^;  de 
Quentin  Aletzis,  une  Vierge  délicieuse  '  ;  d'un  peintre  inconnu  de 
Malines,  un  portrait  de  dame  dont  le  blason  m'a  fait  reconnaître  la 
mère  des  Carondelet  ^;  de  Ferdinand  Bol,  un  portrait  de  vieillard 
digne  du  Turenne  de  Philippe  de  Champaigne  qu'on  va  saluer  à 
Munich*.  De  Rubens,  nombre  d'esquisses  ou  de  copies  anciennes'  ; 
de  Jordaens.son  portrait  et  celui  de  sa  femme,  puis  Mars  et  Vénus, 
un  soudard  secouant  tendrement  une  plantureuse  commère  dont  la 

'  Zurbaran,  n"  483. 
-  Murillo,  n»  339-3 VO. 
^  Goya,  n"'  197-200. 

*  Ribéra,  n  '  387-390. 

*  Van  der  Weyden,  n  '  476-478. 
«  Metzis.  n"  324-325. 

"  Anonyme  de  Malines,  n°  244.  Voir,  ci-dessus,  planche  XII. 

«  Bol,  n»  27. 

"  Rubens,  u"'  484-512.  Voir,  ci-après,  planche  XIII. 

19 


290  LE    MUSEE    JEAN    GIGOUX. 

teint  «  pétri  de  fromage  et  de  confitures  de  groseille  «  (comme 
disait  Taiue  il  y  a  trente  ans  dans  cet  hémicycle  où  je  l'écoiitais 
recueilli)  excite  ses  amoureux  désirs'.  Après  un  portrait  exquis  dû 
aupinceaiide  VanCculen  '.voici  des  fleurs,  desfruits  de  Van  Bayeren, 
des  vaches  de  Klomp,  des  cavaliers  de  Van  der  Mculen  et  deWou- 
vermans,  un  portrait  de  Terhurg,  un  Intérieur  de  Van  Oslade, 
d'autres  portraits  de  Franz  Hais,  de  Van  Schupen  (une  tète  de 
chanoine  digne  du  Luti'in),  de  Govaert  Flinck,  une  Hôtellerie  de 
Cuyp,  un  coucher  de  soleil  de  J.  Both  où  l'on  ne  sait  qu'admirer 
davantage,  du  paysage,  des  figures  à  cheval  ou  de  la  lumière  douce- 
ment et  harmonieusement  filtrée.  Qu'on  me  laisse  citer  encore  des 
tabagies  et  des  paysans  de  Brauwer,  des  natures  mortes  de  Snyders, 
des  paysages  de  Van  Asch,  un  Intérieur  de  Witt,  et  mettre  presque 
au  premier  rang,  quoique  ce  soient  de  simples  natures  mortes, 
les  tableaux  exquis  de  Van  Héda  :  orfèvreries  chatoyantes  avec 
leurs  reflets  d'or  et  d'argent,  vins  des  Canaries  ou  de  Xérès  scintil- 
lant dans  des  coupes  â  panse  ventrue,  citrons  en  pelure,  pâtés 
éventrés,  traités  avec  l'art  consommé  d'un  dessinateur  et  d'un 
coloriste  impeccable,  et  j'aurai  fini  des  Flamands  et  Hollandais. 

Dans  cette  rapide  esquisse,  je  me  suis  borné  aux  peintures,  et  je 
n'entr'ouvrirai  pas  aujourd'hui,  même  pour  y  révéler  des  Durer, 
Jes  Holbein,  des  Léonard  ou  des  Rubens,  les  portefeuilles  où 
dorment  trois  mille  dessins  de  toute  école. 

J'en  ai  dit  assez,  toutefois,  pour  démontrer  ce  que  j'exprimais  au 
début,  c'est  que  les  collections  léguées  à  Besançon  par  Jean  Gigoux 
sontd'une  haute  valeur  artistique.  Au  milieu  de  ses  propres  œuvres, 
au  milieu  des  trésors  d'art  recueillis  par  sa  persévérance  et  son 
labeur,  distribués  par  sa  générosité,  un  buste  du  Maître,  que  son 
héritier  va  pieusement  consacrer  à  sa  mémoire,  pourra  regarder 
fièrement  l'avenir  et  attendre,  de  la  postérité,  l'hommage  perma- 
nent d'un  reconnaissant  souvenir. 

Jules  Gauthier, 

f  Arclliviste  duDoubs,  commissairedelaSociëté 
franc-comtoise  des  Beaux-Arls,  membre 
non  résident  du  Comité  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  départements,  à  Besançon. 

>  Jordaens,  n«*  263-269. 
-  V^an  Ceulen,  n"  89. 


Page  2'.I0. 


MARS    ET    VEMUS 

Ai.MiGoitii;    i:  r    vuii   n'axvHRS,  pak  f. -r.    niniEvs 
(Musée  Gi^ous.  à  ttesancoii.) 


LES    COXKADE  2t>I 


XV 


INTRODUCTION  DES  FAIEXCES  D'ART  A  XEVERS 
LES  CONRADE 

Le  nom  des  Conrade  domine,  incontestablement,  l'histoire 
artistique  de  la  ville  de  Nevers  de  la  fin  du  seizième  siècle  au  com- 
mencement du  dix-septième  siècle. 

Par  contre,  son  éclat  rejaillit  sur  une  grande  ville  de  Normandie  : 
sur  Rouen.  Ces  faits  sont  connus  par  les  publications  de  M.  du  Broc 
(le  Segange  à  Xevers  et  de  M.  Poltier  à  Rouen. 

Aussi  nous  dispenserons-nous  de  nous  étendre  sur  ce  sujet. 

Ce  qui  va  faire  l'objet  de  notre  étude,  c'est  de  reculer  la  date 
connue  de  l'introduction  des  faïences.  M.  du  Broc  de  Segange  n'a 
pas  tiré  tout  le  parti  utile  de  ses  documents;  nous  le  ferons,  en 
y  ajoutant  de  nouveaux  documents  encore  inédits. 

L'historien  nivernais  avait  plus  d'une  bonne  raison  pour  traiter 
le  sujet  des  faïences;  il  possédait,  nous  dit-il,  un  dossier  relatif  à  la 
famille  Conrade. 

Le  22  février  1640,  son  arrière-grand-oncle  avait  été  parrain 
d'une  fille  Conrade.  Puis  le  14  juillet  1733,  dit-il,  une  pétite-fille 
d'un  Conrade,  Marie-Catherine  Bianki,  épouse  François  du  Broc. 

Voilà  évidemment  un  auteur  qui  tient  à  faire  une  excellente 
biographie  de  la  famille  des  Conrade.  Ajoutons  même  qu'il  l'a  faite 
avec  la  plus  grande  impartialité;  combien  d'autres  auteurs,  sur  ce 
sujet,  se  sont  départis  de  cette  impartialité,  malgré  des  preuves 
irréfragables  contre  leurs  thèses! 

C'est  en  1602  que,  pour  la  première  fois,  M.  du  Broc  trouve  sur 
les  registres  de  paroisse  le  nom  des  trois  artistes  :  Augustin, 
Baptiste  et  Dominique. 

Dès  lors  il  s'attache  à  leurs  pas  au  travers  des  états  civils  et  ne 
les  quitte  plus.  Il  cherche  leurs  titres  qui  sont  :  sculpteurs  en  terre, 
tnaistrepothie?'j  maistre  en  vaisselle,  noble  Seigneur!.., Ce  dernier 


292  LES    COiXRADE. 

titre  rctonne,sans  doute,  et,  sachant  qu'ils  sont  d'origine  italienne, 
il  écrit  au  chevalier  Promis,  bibliothécaire  du  Roi  à  Turin. 

Par  ce  dernier,  il  sait  que  celte  famille  appartient  à  la  noblesse 
de  Savone  sous  le  nom  de  Coi-adengus. 

Le  voilà  en  veine,  il  cherche  et  trouve  les  lettres  de  naturali- 
sation données  par  Henri  III,  en  janvier  1  578,  lesquelles  portent  les 
armoiries  des  Conrade;  il  en  donne  copie.  Il  sait  qu'ils  sont  natifs 
d'Albissola,  village  sur  la  mer,  tout  près  de  la  ville  de  Savone  sur 
la  rivière  de  Gènes;  mais  n'ose  parler  de  leur  parenté. 

Il  trouve  et  transcrit  un  brevet  de  faïencier  du  20  août  16M, 
puis  une  lettre  de  provision  de  par  le  Roy  ;  enfin  un  certificat 
attestant  que  Tun  de  ses  membres  est  gentilhomme  de  la  maison 
du  roi  de  France.  Passeport  et  contrats,  toutes  les  pièces  défilent 
en  entier  sous  sa  plume.  C'est  avec  satisfaction  qu'on  sent  le 
bonheur  de  l'auteur  cataloguant  chaque  document. 

* 

Mais  l'état  civil  lui  a  donné  d'autres  révélations.  Gabrielle  Pan- 
seron,  la  femme  de  Baptiste,  lui  donne  sept  enfants  : 

Son  aîné,  Augustin,  devient  premier  médecin  de  la  reine  de 
Pologne;  il  est  seigneur  du  Marest;  le  troisième,  Charles,  a  pour 
parrain  et  marraine  le  duc  et  la  duchesse  de  Ncvers;la  cin(|uième, 
.leanne,  épouse  Hyacinte  de  Bianki,  grand  trésorier  de  Pologne; 
la  sixième  épouse  Henri  de  Bolacre. 

Si  Augustin  n'a  aucune  postérité,  M.  du  Broc  n'a  pas  pu,  non 
plus,  trouver  le  nom  de  sa  femme,  qu'à  tort  il  appelle  Françoise 
Conrade  '. 

Mieux  renseigné  avec  Dominique  dénommé  gentilhomme ,  il 
indique  trois  enfants  nés  de  sa  femme  Henriette  Samadet  :  le 
second  de  ses  enfants  est  qualifié  de  noble  faïencier  ordinaire  et 
gendarme  de  la  Reyne  ;  de  faïencier  de  la  maison  du  Roi  et  bri- 
gadier de  chevau-légers  de  la  Reyne. 

Tels  sont  les  trois  chefs  de  famille  que  nous  présente  M.  du 
Broc  avec  une  bien  légitime   satisfaction.  Aussi   indique-t-il  les 


'  Corad,  Corade,  Conrad,  Conrade,  Corrado,  etc.,  sont  cités  indistinctement  dans 
les  mêmes  actes  quelquefois. 


LES    CONRAD  E.  293 

dates  où  ces  noms  se  renconlrent  depuis  1602,  la  première  pour 
lui  : 

Pour  Baptiste,  les  11  août  1602,  8  octobre  1604,  17  octobre 
1606,  8  septembre  1608  et  24  janvier  1613. 

Pour  Dominique,  les  12  juillet  1602,  8  avril  et  3  novembre 
1604. 

Pour  Augustin,  il  ne  trouve  qu'une  seule  date,  le  11  août  1602. 

Voilà  certes  une  biographie  qui  semble  complète,  et  pourtant 
rien  ne  décide  l'auteur  à  donner  le  degré  de  parenté  de  ces  ar- 
tistes. 

Peut-être  eût-il  pu,  du  moins,  faire  ressortir  le  nom  d'Augustin 
à  l'aîné  des  fils  de  Baptiste,  faisant  présumer  un  parrainage  et  les 
bonnes  relations  entre  eux.  Il  s'en  abstient. 

Lorsque  M.  du  Broc  aborde  l'importation  de  la  faïence  à  Nevers, 
il  devient  contrarié  et  perplexe.  On  sent  qu'il  voudrait  attribuer 
cet  honneur  aux  Conrade,  et,  avec  regret,  il  le  donne  à  un  autre  : 
à  Scipion  Gambin!... 

Et  puisque  son  honnêteté  l'y  oblige,  il  donne  l'état  civil  suivant  : 
«  1592,  le  28  du  môme  mois  (avril)  fut  baptisé  Scipion  fils  de 
Jehan  Malicieux  et  Perrette  Galopin,  ont  été  parrains  Scipion 
Gambin  (Pothier)  et  Henri  Vanon;  sa  marraine  :  Marie  Micot. 

«  Signé  :  Journaux.  « 

Et  l'auteur  ajoute  —  (ah  !  que  l'on  sent  bien  qu'il  est  navré  !)  : 
—  «  Pendant  dix  ans  on  ne  trouve  plus  le  nom  de  Gambin,  ni 
d'aucun  potier.  » 

Mélancoliquement  il  écrit  :  ^<- Scipion  Gambin,  en  tout  état  de 
cause,  doit  être  considéré  comme  le  premier  importateur  de  la 
faïence  à  Nevers  '  !...  » 

Mais  aussitôt  M.  du  Broc  se  rattrape  de  cet  aveu  :  «  Nous  ne 
pensons  pas,  dit-il,  qu'on  puisse  lui  attribuer  l'initiative  de  cette 
grande  fabrication  célèbre  à  la  fin  du  règne  de  Henri  IV  '.  u 
Eh  bien,  que  son  àme  tressaille  d'aise,  il  vient  de  pressentir  la 
vérité,  ainsi  que  la  réhabilitation  de  ses  parents  les  Conrade. 

Et  cette  réhabilitation  pourra  vous  paraître  aussi  complète 
qu'à  moi. 

'  Voir  DU  Broc,  t.  I,  p.  58. 


294  LES    COIVRADE. 


Il  aurait  été  bien  étrange,  en  effet,  que  Gambin,  important  la 
faïence  à  Nevors,  eût  une  si  grande  obscurité,  et  que  les  Conrade 
en  eussent  eu  tant  d'honneur  à  son  détriment.  Quoique  encore  de 
nos  jours  ces  choses-là  se  voient  trop  souvent,  il  est  inadmissible 
de  les  garder  sans  preuves,  ainsi  que  Ta  fait  M.  du  Broc  de  Ségange, 
Gambin  n'était  qu^un  ouvrier  de  Conrade.  Voilà  l'opinion  que 
j'espère  vous  faire  partager.  Dès  à  présent  retenons  un  fait  brutal  : 
en  1592  il  se  faisait  de  la  faïence  à  IVevers. 

De  Thou,  historien  contemporain  des  Conrade  ',  écrit  :  «  On 
raconte  qu'un  Italien  qui  avait  accompagné  en  France  un  duc  du 
Nivernais  aperçut,  en  se  promenant  aux  environs  de  Nevers,  la 
terre  de  l'espèce  dont  se  faisait  la  faïence  en  Italie.  Il  la  prépara 
et  fit  construire  un  petit  four  où  fut  fabriquée  la  première  faieivce 
EN  France...  " 

Cette  assertion  n'est  pas  mise  en  doute  par  un  célèbre  auteur 

anglais,  Marryat,  et  jamais  on  n'a  mis  en  doute  de  Thou  sur  les 

faits  qu'il  avance,  lorsque  ces  faits  n'ont  pas  un  caractère  religieux. 

Mais  n'est-il  pas,  en  notre  pays,  dans  les  habitudes  de  rechercher 

la  vérité  chez  les  nations  rivales? 

Nous  allons  en  trouver,  ici,  une  nouvelle  preuve.  Marryat  est 
affîrmatif,  il  fait  mieux,  il  exhume  la  dédicace  d'un  auteur  niver- 
nais,  inconnu  dans  son  pays,  qui  en  1590  fit  une  brochure  en 
latin  dédiée  à  : 

«  L'Illustre  prince  Lodovico  de  Gonzague,  duc  du  Nivernais  et 
de  Rethel.  « 

Cet  auteur  s'appelle  Gaston  Claves;  voici  la  traduction  de  sa 
dédicace  : 

tt  Parmi  les  hommes  qui  procurent  la  célébrité  aux  villes,  il 
faut  compter  les  ingénieux  artistes  en  toute  sorte  d'art.  C'est  ainsi 
que  les  artistes  habiles  dans  le  travail  de  la  verrerie,  de  la  poterie 
et  de  Yémaillure,  appelés  par  vos  ordres  et  attirés  par  l'immunité 
des  impôts,  ont  su  produire  d'excellents  ouvrages  non  moins  utiles 
à  nos  concitoyens  (\n  admirables  aux  yeux  des  étrangers.  » 

'  Né  en  1553,  mort  en  1617,  a  fait  l'histoire  de  son  temps,  de  1546  à  1607. 


LES    CO IV  RADE.  295 

Je  me  demande  comment  cette  dédicace,  donnée  par  M.  du 
Broc,  n'a  pas  éveillé  son  esprit  affiné. 

a  Des  artistes  d'art ,  ingénieux  et  habiles  en  poteries...  d'ex- 
cellents ouvrages  admirables  pour  les  étrangers!...  « 

Mais  c'est  l'industrie  dévoilée  en  plein  succès,  en  pleine  prospé- 
rité, par  un  auteur  qui  décrit  ce  qu'il  voit,  qui  vit  dans  ce 
milieu....  La  concordance  entre  de  Tliou,  historien  à  Paris,  et 
Gaston  de  Claves,  à  Nevers,  est  absolue.  C'est  la  vérité  confirmée 
par  l'Anglais  Marryat. 

Mais  retenons  ce  fait,  deux  ans  avant  que  Gambin  signât  comme 
témoin,  en  1590,  Nevers  avait  des  faïences  et  des  faïenciers.  C'est 
le  fait  indiscuté  et  indiscutable.  Et  de  Gambin  importateur,  nous 
pouvons  facilement  nous  affranchir. 

* 
*   * 

Depuis  peu  de  temps  je  possède  des  notes  au  crayon  qui,  dès 
l'abord,  n'avaient  pas  attiré  mon  attention'. 

Ces  notes,  fort  incomplètes  et  quelquefois  énigmatiques,  m'ont 
engagé  à  vérifier  ce  qu'elles  renferment  et  à  faire  d'autres  recher- 
ches; c'est  par  ces  dernières  que  je  pense  jeter  un  jour  particulier 
sur  le  problème  que  je  viens  de  poser. 

Augustin,  Baptiste  et  Dominique  sont  trois  frères,  nous  le  ver- 
rons. Ils  sont  originaires  d'Albissola  où  était  encore  leur  mère, 
en  1608. 

En  effet,  pour  Dominique,  les  lettres  de  naturalisation  de 
Henri  111  nous  disent  qu'il  est   d'Albissola. 

Mais  Baptiste  est  aussi  d'Albissola,  en  voici  la  preuve  :  avec  son 
frère  Dominique,  dit  un  acte,  ils  iront  voir  leur  mère  :  «  Le  24  dé- 
«  cembre  1608,  par  devant  Pelle,  notaire,  comparaissent  hono- 
«  râbles  hommes  Baptiste  et  Dominique  Corade  frères,  maistres 
«  pothieis  en  œuvre  blanche  et  aultres  coulleurs. 

«  Baptiste  demeurant  à  Nevers  et  Dominique  à  S*-Esloy  sciem- 
"  ment  l'nng  l'aultre  iront  à  Gènnes  en  Italye  leurs  pays,  voir  leur 
Il  mère  et  parents. 


'  Ces  notes  n'ont  aucun  nom  d'auteur;  je  crois  pourtant  qu'elles  ont  clé  faites 
par  feu  Bouveault. 


296  LES    CONRADE. 

«  Ils  accompliront  certains  vœux  ensemblement.  Ils  ont  promis 
«  et  seront  tenus  ensemblement  partir  de  cette  ville  dans  Pasques 
~«  charnels  prochainement  venant  et  ont  y  ceulx  Corade  de  ne  se 
tt  point  laisser,  quitter,  ni  abandotmer  l'ung  Taultre.  En  cas  de 
'i  refus  de  l'une  des  parties  ou  huit  jours  après  pour  tout  délays, 
't  celui  qui  refusera  sera  tenu  de  payer  et  bailler  à  l'aullre,  celuy 
«  qui  fera  le  voyaige  la  somme  de  trente  livres  tournois 

«  S'est  le  dit  défaillant  engagé  corps  et  bien. 

«  Ont  signé  deux  témoins,  Corade  et  le  juré  :  notaire  Pelle.  5» 

Cette  pièce  nous  apprend  formellement  que  Dominique  et  Bap- 
tiste sont  frères,  qu'ils  ont  encore  leur  mère  près  de  Gênes  et  des 
parents;  qu'ils  avaient  leur  habitat  distinct,  et  que,  quoique  faïen- 
ciers à  Nevers,  Dominique  habite  Saint-Eloi  :  à  six  kilomètres  de 
Nevers  et  près  des  ducs  de  Nevers  qui  avaient  résidence  au  même 
endroit. 

D'où  découle  naturellement  qu'ils  travaillaient  ensemble.  Recon- 
stituer cette  association  est  élémentaire.  Par  les  lettres  de  naturali- 
sation on  sait  que  Dominique,  depuis  sa  prime  jeunesse,  est  au 
service  de  l'armée  française;  qu'il  est  resté  le  compagnon  d'armes 
du  duc  de  Gonzague.  Il  est  donc  surtout  soldat,  homme  d'armes,  et 
non  faïencier. 

Ce  dernier  titre  appartient  à  ses  frères.  Quant  à  lui,  avec  la  suite 
du  duc  de  Nevers  dont  il  fait  toujours  partie  en  1608,  il  vient  dans 
cette  ville.  Voilà  bien  les  faits  historiques  selon  de  Thou  expliqués. 
Et  maintenant  commentons  :  Ses  frères,  faïenciers  à  Savone,  vien- 
nent voir  Dominique,  qui  leur  attire  les  bonnes  grâces  du  prince. 

Cette  bonne  grâce  n'est-elle  pas  naturelle?  Le  duc  est  Italien,  il 
accueille  ses  concitoyens  et  connaît  la  faïence  artistique  d'Italie.  Il 
sait  que  cette  industrie  lui  apportera  de  la  gloire  et  de  la  fortune 
dans  son  duché. 

C'est  le  fait  que  nous  allons  voir  se  compléter  par  une  renais- 
sance architecturale  dans  l'église  des  Minimes,  que  la  ville  de  Nevers, 
avec  nos  prétentions  de  connaisseurs,  vient  de  détruire  il  y  a 
encore  peu  de  jours,  et  par  une  pièce  très  importante  encore  iné- 
dite des  Archives  communales  —  A.  A.  26  —  1611-1670,  archives 
Brisson  —  :  une  donation  du  16  mai  1611,  par  Augustin  Corrade. 

K  Honorable  homme  Augustin  Corradè,  maistre  pothier  en 
(i  œuvre  blanche  et  dame  Francisque  de  Bouaigue,  sa  femme, 


LES    C  ON  RADE.  297 

«  déclarent  qu'ils  ont  été  naturalisés  par  le  Roi  depuis  qu'ils  sont 
«  en  France. 

a  Mais  qu'ils  sont  natifs  d'Italye  et  demeurent  dans  la  ville  de 
u  Nevers  depuis  plls  de  vingt-sept  ans. 

Il  Ont  signé  les  témoins  :  Honorable  homme  Loys  Maraudât  — 
'<  Guy  Chaslenier,  potliiers.  « 

D'autre  part,  nous  avons  trouvé  joint  à  cette  importante  pièce 
auv  archives  communales  l'inventaire  du  28  septembre  1612 
fait  après  décès  de  Conrade,  c'est  la  mise  à  exécution  de  la  do- 
nation. 

Elle  est  de  l'étude  Pellé,  notaire  de  Conrade,  elle  appelle  le 
défunt  le  seigneur  Augustin  Conrade  niaistre  pothier,  demeurant 
rue  de  la  Tarlre,  paroisse  S'  Laurent. 

Les  appréciateurs  (experts)  se  nomment  Jules  Gamhin,  maistre 
pothier,  et  Estienne  IVaqueau,  maistre  menuisier. 

Les  témoins  sont  tous  potiers;  ils  s'appellent  Guy  Chastigner, 
François  Chappus,  Estienne  Gay,  et  demeurent  à  Nevers. 

«  Comme  la  veuve  Bouaigue  (v*  Conrade),  Chappin  a  dit  ne  savoir 
signer.  « 

L'estimation  suit  en  trente-quatre  articles  se  montant  à  840  livres 
3  sous. 

Nous  venons  de  redresser  l'erreur  de  M.  du  Broc.  La  femme 
d'Augustin  s'appelait  Francisque  de  Bouaigue,  et  non  Françoise 
Conrade.  Les  Conrade  sont  trois  frères  venus  à  Nevers  depuis  plus 
de  vingt-sept  ans,  disent-ils;  mais  ils  précisent  :  depuis  leur  natu- 
ralisation ^  soit  1578  ou  vingt-quatre  ans  avant  la  date  de  1602 
donnée  par  M.  du  Broc. 

Xous  avons  démontré  aussi  que  Dominique  a  précédé  ses  frères; 
qu'il  les  a  installés  et  s'est  associé  avec  eux  \  que  sa  haute  situa- 
tion auprès  du  duc,  près  de  qui  il  est  encore  (à  Saint-Eloi)  en  1608, 
a  facilité  et  fait  prospérer  riiidustrie.  Cette  prospérité  nous  apparaît 
non  seulement  par  la  dédicace  de  Gaston  Clave,  mais  d'une 
façon  tengible  par  l'hôtel  fastueux  qu'habitait  Augustin  rue  de  la 
Tartre. 

Cet  hôtel  en  ruine  existe  encore  au  n"  28  de  cette  rue;  et  il  y  a 

'  \ous  n'en  voulons  pour  preuve  que  deux  signatures  que  nous  donnons,  prises 
sur  le  même  acte  en  1608,  par-devant  Simonin,  pour  un  marché.  Voir  appen- 
dice II,  les  signatures  1  et  2,  page  301. 


298  LES    COXRADE. 

environ  vingt  ans,  nous  avons  vu  opérer  la  démolition  de  trois  de 
ses  fours.  M.  de  Lespinasse,  président  de  la  Société  Nivernaise, 
nous  l'a  rappelé  à  notre  lecture,  en  séance  de  cette  Société. 

Au  devant  de  cet  hôtel,  situé  près  des  remparts,  était  une  grande 
cour  au  fond  de  laquelle  se  voit  encore,  en  ruine,  son  élégant 
perron. 

Mais  ce  ne  sont  pas  les  seules  conclusions  découlant  de  ces 
pièces.  Vojjjjréciatciw  Gamhin  n'esl-il  pas  le  parent  de  Sci- 
pion? 

Son  origine,  par  la  consonance  (Gambino),  n'est-elle  pas  d'Italie? 

Dans  ce  cas,  tout  s'explique,  et  Scipion  Gambin  était  potier  chez 
les  Conrade. 

Jusqu'en  lôSi,  on  ne  connaît  pas  d'autre  fabrique  que  celle  des 
Conrade;  la  première  connue  est  celle  de  Bourcier  et  puis  celle  de 
Custode. 

Mais  l'un  et  l'autre,  on  connaît  ce  détail,  avaient  été  potiers  chez 
les  Conrade. 

Au  surplus,  voici  encore  d'autres  extraits  des  archives  commu- 
nales :  «  C.  C.  246-1599.  Au  seigneur  Augustino  Corado,  maistre 
de  la  poterie  de  cette  ville,  44  écus  pour  garniture  de  4  buffets  de 
vaisselles  de  terre  blanche  peinte  envoyée  à  Paris.  » 

On  dit,  notons-le  bien,  la  poterie  de  cette  ville.  Il  n'y  en  a  pas 
deux. 

C.  C.  254-1603  :  "Au  seigneur  Auguste  Conrade  QQ^  pour  douze 
douzaines  de  vaisselle  faïence.  » 

Eu  1611  on  signale  encore  son  nom. 

Baptiste  est  aussi  qualifié  de  seigneur  en  1606,  1612  et  1614. 
Et  Dominique  en  1604. 

Voici  q  n'en  1 590,  seizeans  avant  la  date  de  l'inventaire  et  douze  ans 
avant  la  date  première  donnée  par  M.  du  Broc,  Dominique  fabri- 
quait de  la  faïence  avec  ses  frères.  Ces  vaisselles  sont  envoyées  au 
trésorier  de  Moulins,  à  Paris,  à  la  Ville  de  Paris,  etc.,  etc.  C'est- 
à-dire  que  leur  commerce  est  prospère  et  bien  connu. 

Il  existe  pourtant  une  mention  qui  mérite  une  place  à  part,  elle 
est  de  1606.  «  On  a  payé  à  Baptiste  Conra-àe,  potier  sciiljjteur,  26'^ 
pour  avoir  fait  une  figure  de  terre  et  un  lion  de  plâtre.  » 

Potier-sculpteur,  voilà  la  dénomination  précise  de  l'œuvre  de 
Baptiste. 


LES    COX'RADE.  299 


\ous  venons,  je  l'espère,  de  réhabiliter  comme  elle  le  méritait 
la  mémoire  des  Conrade. 

Xous  avons  donné  à  ces  artistes  étrangers  la  gloire  et  le  mérite 
d'avoir  pu  créer  et  fait  prospérer  en  plein  \ivernais  une  industrie 
d'art  bien  connu,  «  la  première  e\  frange  r.  ,  nous  dit  de  Thou.  Elle 
a  eu  et  a  encore  une  haute  renommée. 

Cette  Ecole  provinciale  du  dix-septième  siècle  a  eu  son  reflet 
quelques  années  après  à  Rouen. 

Mais,  en  réhabilitant  les  Conrade,  il  faut  aussi  donner  à  Lodovico 
de  Gonzague,  et  non  à  son  fils  Charles,  l'honneur  d'avoir  facilité 
les  créations  de  ces  gentilshommes  ouvriers  d'art. 

Jusqu'ici  on  ne  l'avait  pas  fait.  Je  suis  heureux  de  rétablir  celte 
vérité  historique.  Vous  ne  serez  pas  indifférents,  Messieurs,  à  cette 
conclusion;  car  combien,  parmi  les  bons  collectionneurs,  ont 
apprécié,  depuis  longtemps,  les  pièces  de  faïence  authentiques  des 
Conrade  de  la  première  génération  ? 

Massillon  Rouvet, 

Architecte,  correspondant  du  Ministère 
des  Beaux-Arts  et  membre  de  la  Société 
Nivernaise. 


300 


LES    CO\RADE. 


APPENDICE 

I,    GKXI^ALOr.  IK     DKS    COMIADK,     C  0  T  R  R  A  I)  E  ,     COKADE     (de). 


Dominiqac,  gonlilLomme  italien,  natif  d'Arbissoles. 

Après  avoir  sprvi  en  France  dès  le  commencement  de  sa  jennesse.  reçoit  en  1578 
des  lettres  de  naturalisation  de  Henri  III.  Maistre  potier  demeurant  à  \evers  ^12  juil- 
let 1602).  Maître  pothier  en  vaisselle  de  faïence  (3  novembre  1604),  qualifié  de  sei- 
gneur Do7)iinique  de  C.onrnde  (S  avril  1604i.  Vivait  encore  en  1638.  —  Avait  épousé 
Henriette  Samadet. 
\ ^ 

Antboine  .Antoine,  3  novembre  1604.  Après  avoir  servi  pendant  qua-  Jacqaes 

12   joillet    1602.     torze  ans,  est  qualifié   en  1634,  5  février,  de  maitre  potier  Potier    en    faîen- 

en  vaisselle  de  faïence,  27  mai  1613.  de  noble  Anthoine  de  ce.  +  7  août  16.52, 

Conrade,   roarcband  faïencier,  30  aoïjt    164i,  gentilhomme  avait  en  un  61s  do 

servant,  fiïencier  ordinaire  et  gendarme  de  la  Reine.  9  mars  nom  de   René  né 

1645,  gentilbomme  et  faïencier  de  In  maison  du  Roi,  bri-  le  18  juillet  1650. 
*jadier  de  la  compagnie   des  chevau-légers  de  la  Reyne,  -J" 
1 1  juin  1648,  avait  épousé  Catherine  Rousseau. 


i 


Dominique  Jehan 

2  juillet  1630-1650.  3octobre  1632. 
Noble  Dominique  de 
Conrade  ,  Maistre 
faïencier  ordinaire 
de  Sa  Majesté,  gen- 
darme de  la  compa- 
gnie de  la  Reine, 
1651  ,  gentilhomme 
servant  Sa  Majesté 
et  gendarme  de  la 
Reine,  Avait  éponsé 
Madeleine  Noret. 
I 


Marie  Anne-Françoise  Charles-Louis 
5  février  1634.  Son  28  février    1640,    a     27  mai  16  1 1 .  Par- 
parrain  noble  homme  été  sa  marraine  Anne     rair.    Charles    de 
Charles   de    Pirville  de   uonzague  et   de     Langeron. 
contrt'ileordela  prin-  (glaives,  princesse  de 
cesse  Marie  de  Gon-  Mentoue  et  deMont- 
zagup;  en   1655  elle  ferrai,  et  son  parrain 
fut    marraine     avec  noblebommeAchille 
Gnillanme  Gascoing,  du  Broc,  escaier  sei- 
procnreur  du  Roi  de  gnear  des  Mœurs, 
l'élection  du  Niver- 
nais, 


Marie 
6  octobre  1647. 


Louis 

Edme 

Nicolas 

Charlotte 

Louise-Marie 

29  septembre 

1666. 

2  avril  1668. 

7  janvier  1671. 

Hyacinthe, 

1663 

12  septembre 
167 -2. 

Augustin,  pollier,  demeurant  au  logis  de  Saint-Privas    1 1  août  1602j,  avait  épousé  Francisque  Bouaigne. 
X'eul  pas  de  postérité. 

Baptiste,  pottier,  demeorant  en  la  maison  de  Saint-Jacques  (11  août  161)2  .  Sculplear  en  terre  defaïence  (8  octobre 
1604).  Maitre  potlier  en  poterie  blanche,  j)otier-sea/;)(e«r  (17  octobre  1606).  Maître  en  vaisselle  de  faïence  i8  sep- 
tembre 16U8).  Noble  seigneur  (24  janvier  1613\  avait  épousé  Gabrielle  Panseron.  Etait  déjà  mort  eu  1618. 

! 


Augustin 
(11  août  1602), 
docteur  en  mé- 
decine ;  premier 
médecin  de  la 
reine  de  Polo- 
gne 1629-1646- 
1664  et  pins  tard 
da  roi  Louis  XHI, 
a  signé  le  procès- 
verbal  de  sa  mort. 
Seigneur  du  ]Ma- 
rest,  1647  ;  de- 
meurait à  Mou- 
lins (Bourbon- 
nais 1685-1689. 

Avait  épousé 
Pierrette       Ma  - 
gnieo,  dont  il  eut 
une  fille,  .Marie. 


Antboioe 

8    octobre 

1604. 


Charles 
17  octobre  1606; 
eut  pour  parrain 
M9I"  Charles  de 
Gonzague  et  de 
Claives,  duc  du 
Nivernais  et  du 
Retelois,  prince 
de  Mentoue  ;  sa 
marraine,  prin- 
cesse Reynée  de 
Lorraine,  prin- 
cesse du  Maine. 


Jean 

10  janvier 

lëtJS. 


Jehanne 
17  août  1610, 
épouse  Erard  - 
Philippe,  noble 
homme,  un  des 
chevau-légers  de 
la  compagnie  de 
la  Reine ,  en 
1646.  De  ce  ma- 
riage naquit,  le 
4  mars  1636, 
Marie,  emmenée 
en  Pologne  par 
Marie  de  Gonza- 
gue ;  elle  épousa 
Hiacinte  Bianki, 
grand  trésorier 
de  Pologne. 


Gabrielle 
24  janvier  1613, 
épousa  en  1655 
noble  Henri  de 
Bolacre,  lieute- 
nant général  aux 
bailliage  et  pairie 
du  Nivernais,  es- 
cuyer,  seigneur 
du  Marest.  — 
Fut  marraine  en 

1655  avec  Phi- 
lippe Andrault, 
comte  de  Lange- 
rau,  et  le  15  avril 

1656  avec  Eus- 
tache  de  Chéry, 
éïéque  de  Ne- 
vers. 


Marie 
28  decembr» 
1614. Prononce 
ses  vœoi  le  9  fé- 
vrier 1653,  au 
couvent  de  l'ab- 
baye de  Notre- 
Dame  de  Ne- 
vers. 


1()08 


1608 


1611 


1630 


1631 


LES    COAiRADE, 


APPENDICE 


II.   SlG\ATL'RES, 


301 


«^t^^^-î-^^o-^^^^^^r^/^-^^  èî*Ç, 


ïrou^^ait 


C) 


'  Dominique  Courrade  (marché  du  2'f  décembre  1608).  — Archives.  il«  Simo- 
uin,  notaire. 

*  Baptiste  Courrade,  ibid, 

^  Courrade-Gascoiug,  20  juin  1611. 

*  Jehanne  Courade.  Baptême,  9  juin  1630,  à  Saint-Gcnès. 

*  J.  Courrade.  Baptême,  28  mars  1631,  à  Saint-Geiiès, 


302 


LES    COMRADE. 


1631 


(') 


1634 


(^<^t^V^ 


1637 


<Mjiy 


Cun^^c^z^^' 


'y  (■■■) 


164, 


3     l^o-M^'^cj  Vit   }cf     O  nkiL()< 


'  Coiirade.  Baptêmes  des  28  mars  1631,  12  septembre  1633,  4  février  1634, 
25  septembre  1634,  à  Saint-Genès. 

-  Gabrielle  Courrade,  24  avril  1634.  Baptême  h  Saiut-Genès. 

^  Marie  Courrade.  Baptême,  1637,  à  Saint-Genès. 

*  Anihoine  Conrade,  28  juin  et  12  septembre  1641.  Saint-Genès. 

=  Au;{ustin  Courrade,  médecin  de  Louis  XIII  (il  signera  le  procès-verbal  de 
sa  mort),  22  novembre  1642.  Baptême  à  Saint-Genès. 

^Dominique  de  Conrade.  Baptême,  16  mars  1643,  à  Saiut-Genès. 


LES    C  0  \  U  A  1)  E  , 


303 


16  Vf 


16i5 


16 15 


1648 


1648 


16 '«.8 


1655 


C) 


c^C 


ffiYTâ^e 


^(yiny^nm 


ôt'uX/ 


I 


^t^am  d^  y^crn/7^^9^ 


cnoXiÙ^  dCoul^  d( 


C) 


1655 


(^) 


e) 


C) 


(^) 


'  Noble  Anthoine  ConraJe,  /'«iewcîV/-  ordinaire  de  la  maison  du  Roy,  15  fù- 
vrier  1644.  Baptême  à  Saint-Gcnès. 

*  Dominique  de  Conrade,   21    septembre   1645  et  28  avril  1648.  Baptême  à 
Saint-Genès. 

^  Fils  de  Dominique  de  Conrade.  Baptême,  23  octobre  1645,  à  S.iint-Gcnès. 

*  Conrade,  13  janvier  1648.  Baptême  à  Siint-Geuès. 

^  Fils  de  Dominique  de  Conrade,  6  avril  1648.  Baptême  à  Sainl-Gcnès. 

*  Jehan  de  Conrade,  28  décembre  1648.  Baptême  à  Saint-Genès. 

'  Charles-Louis   de   Conrade,  étudiant,    12   janvier   1655.    Baptême   à    Saint- 
Gcnest. 

*  Conrade,  26  juin  1655.  Baptême  à  Saint-Genès. 


304 


1659 


LES    CONRADE. 


^eJa^^  Opr^^^^^^ 


(•) 


e) 


'  Jehan  de  Conrade,  23  octobre  1659.  Baptême  à  Saint-Genès. 
*  Marque  d'une  des  faïences  de  Conrade. 


PEIXTURES    INCONNUES    DE    L'ECOLE    FLAMAIVDE.  30; 


XVI 

NOTICE 

SUR 

PLUSIEURS  ANCIENIVES  PEINTURES  IIVCOIVIVUES 
DE  L'ÉCOLE  FLAMANDE 

PROLÉGOMÈNES 

Nous  avons  eu  l'occasion,  il  y  a  déjà  un  certain  temps,  de  voir 
à  Abbeville  des  panneaux  peints  qui,  à  un  premier  examen,  nous 
avaient  paru,  par  les  sujets,  par  leur  mode  de  composition,  par  le 
fini  de  leur  exécution  et  enfin  par  certains  détails  caractéristiques, 
devoir  remonter  à  la  grande  Ecole  flamande  du  quinzième  siècle. 

L'étude  plus  approfondie  qu'il  nous  a  été  donné  d'en  faire 
ensuite,  et  au  cours  de  laquelle  nous  avons  pu,  à  l'aide  de  docu- 
ments, découvrir  leur  provenance  et  préluder  aux  recherches  sur 
leur  origine,  est  venue  confirmer  notre  première  impression. 
Nous  avons  enfin  été  amené,  par  les  dates  et  par  des  examens 
comparatifs,  à  hasarder  quelques  conjectures  sur  l'auteur  possible 
de  ces  peintures. 

C'est  le  résultat  de  ces  observations  et  de  ces  recherches,  faites 
exclusivement  au  point  de  vue  de  l'art  et  de  l'esthétique,  que 
nous  venons  présenter  au  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des 
départements,  pour  lequel  nous  les  avons  faites  tout  spécialement. 

Les  tableaux  dont  nous  présentons  des  reproductions  photo- 
graphiques sont,  à  n'en  pas  douter,  les  restes  d'un  grand  retable 
polyptique  ;  ils  étaient,  il  y  a  trente  à  trente-cinq  ans  environ,  au 
nombre  de  quatre,  peints  de  chaque  côté  des  volets,  ceux-ci 
d'une  épaisseur  de  10  à  15  millimètres;  ils  ont  alors  été  sciés 
dans  l'épaisseur  du  bois,  puis  rendus  bien  rigides  au  moyen 
d'un  parquetage  appliqué  derrière,  de  manière  à  présenter  ainsi, 

20 


306  PEI\TURES    IMCONNLES    DE    L'ECOLE    FLAMAADE. 

étant  dt'tlouhlés,  huit  panneaux  pouvant  èlre  vus  en  même  temps 
et  suspendus  contre  des  parois  d'un  appartement  à  la  suite  les  uns 
des  autres.  L'un  de  ces  panneaux  a  été  donné  il  y  a  plusieurs 
années,  et  l'on  en  a  malheureusement  perdu  la  trace  ;  il  n'en 
reste  donc  aujourd'hui  que  sept  que  nous  avons  pu  étudier. 

Trois  de  ces  peintures  représentent  la  Cène^  V Ascension  et  la 
Pentecôte;  celui  disparu  représentait  la  Résurrection.  Sur  les 
quatre  autres  jianneaux  sont  de  grandes  figures  isolées,  en  pied, 
encadrées  en  (pielque  sorte  dans  des  niches  surmontées  d'un  dais; 
deux  de  ces  dais  sont  de  forme  ogivale,  et  deux  autres  d'une 
architecture  un  peu  différente.  Ces  derniers  représentent  la  Vierge, 
Saint  Hugues j  évèque  de  Lincoln,  Saint  Jea7i-Baptiste,  et  Saint 
Honoré,  évêque  d'Amiens. 

Ce  sont,  à  n'en  pas  douter,  des  peintures  originales,  toutes 
bien  intactes  et  en  bon  état  de  conservation  ;  toutefois  quelques 
traces  de  retouches  y  apparaissent,  surtout  dans  les  quatre  pan- 
neaux représentant  des  figures  isolées;  mais  elles  n'ont  pas  altéré 
sensiblement  l'œuvre  primitive.  Tousces  panneaux  portent  comme 
dimensions,  en  dedans  des  cadres  qui  sont  très  simples,  unis,  et 
tout  modernes,  1",60  de  hauteur  sur  0'",49  de  largeur.  La 
peinture  a  été  appliquée  sur  un  ou  plusieurs  enduits  formant  une 
épaisseur  d'un  millimètre  et  demi  environ,  ce  qui  dénoie  tout  le 
soin  qu'apportaient  les  peintres  de  cette  époque  à  l'exécution 
matérielle  et  à  la  conservation  de  leurs  œuvres.  Les  couleurs  sont 
restées  relativement  d'une  grande  fraîcheur,  les  ors  également, 
après  plus  de  quatre  siècles! 

Ces  panneaux,  disons-le  de  suite,  sauf  à  y  revenir  plus  loin  avec 
documents  à  l'appui,  proviennent  d'une  ancienne  abbaye  de 
Chartreux,  détruite  à  la  Révolution,  et  qui  existait  très  florissante 
et  très  riche,  dès  le  quatorzième  siècle,  au  faubourg  de  Thuison 
près  d^Abbeville,  sous  le  vocable  de  Saint-Honoré.  Ces  bois 
peints  formaient  les  volets  du  retable  du  grand  autel  dans  l'église 
du  couvent  ;  cette  destination,  qui  n'était  sans  doute  pas  la  primi- 
tive, leur  était  donnée,  en  tout  cas,  au  dix-huitième  siècle,  d'après 
un  manuscrit  de  1774;. 

On  peut  se  rendre  compte,  par  la  difl'érence  bien  tranchée  qui 
existe  entre  quatre  de  ces  panneaux  et  les  autres,  de  la  manière 
dont  ils  devaient,  au  moins  à  cette  époque,  se  trouver  présentés  sur 


PKIXTUIIES    I.VCOW  LES    DK    L'ECOLE    FLAMANDE.  307 

l'autel;  nous  en  verrons  plus  loin,  du  reste,  l'indication  précise  et 
même  la  reproduction  naïve  dans  le  manuscrit  précité.  Les 
grandes  figures  en  pied  de  la  sainte  Vierge,  de  saint  Jean-Baptiste, 
de  saint  Honoré  et  de  saint  Hugues,  de  dimensions  en  hauteur 
variant  entre  0"',87  et  0"',90,  se  trouvaient  à  l'extérieur  quand 
le  retable  était  fermé,  et  les  sujets  peints  à  l'intérieur  des  pan- 
neaux, la  Cène,  la  Résurrection  (disparue),  V Ascension  et  la 
PentecôtCy  étaient  visibles  seulement  quand  les  volets  étaient 
déployés,  deux  à  deux  de  chaque  côté,  pour  laisser  apparaître 
alors,  au  milieu,  un  retable  sculpté  en  chêne  qui  représentait  la 
Passion.  Ce  retable  ne  devait  pas  exister  au  moment  où  les  sujets, 
d'une  époque  antérieure,  pensons-nous,  aux  figures  en  pied,  ont 
été  placés  originairement  sur  l'autel. 
Occupons-nous  d'abord  de  ceux-ci  : 

LES    DESCRIPTIONS 

C'est  d'abord  la  Cène  ' .  Elle  est  représentée  dans  un  appartement 
au  fond  duquel  est  appliquée  une  tenture  en  basane  ou  cuir  gaufré, 
rehaussée  d'arabesques  dorées,  et  surmontée  d'un  baldaquin  peint 
en  grisaille,  à  trois  compartiments  ornés  de  filets  qui  forment  des 
triangles  et  des  losanges.  Ces  compartiments  sont  séparés  chacun 
par  une  sorte  de  contrefort;  au-dessus  est  tendue,  en  forme  de  sou- 
pente, une  étoffe  rouge  avec  petite  frange  de  même  couleur  dont 
les  quelques  plis  sont  rendus  avec  une  étonnante  vérité.  Chaque 
angle  supérieur  du  tableau  est  orné  de  filets  dorés,  entre-croisés  et 
formant  encoignures;  ces  ors  ont  conservé  une  grande  vigueur; 
tout  en  haut,  enfin,  court  une  mince  bordure  verte. 

Le  Christ  est  debout,  au  fond,  devant  une  table  autour  de 
laquelle  sont  groupés  les  douze  apôtres.  L'attention  se  concentre 
sur  cette  belle  figure  du  Sauveur  que  nous  retrouverons  semblable 
dans  YAscension.  La  tête,  admirablement  belle,  se  détache  du 
nimbe  crucifère  doré  qui  l'entoure;  elle  est  d'une  grande  régu- 
larité sous  ses  cheveux  longs  tombant  droit  sur  les  épaules  en 
laissant  le  cou  bien  dégagé  ;  la  barbe,  rougeàtre,  est  en  pointe  ; 
les  yeux,  assez  fendus,  sont  d'une  grande  douceur  d'expression. 

'  Voi,  ci-après,  planche  XIV  . 


308  PEINTURES    I\'CONIVUES    DE    L'ECOLE    FLAMANDE. 

Le  Christ  est  velu  d'une  robe  d'un  bleu  foncé  avec  bordure  dorée, 
à  pointes  au  cou  et  aux  manches  ;  la  main  gauche  est  posée  sur  le 
bord  de  la  table,  et  il  rtend  l'autre  vers  un  plat  où  est  l'agneau 
pascal  en  partie  découpé;  les  mains  sont  belles,  les  doigts  seule- 
ment trop  longs.  A-côté  de  lui,  à  droite,  se  trouve  saint  Pierre, 
debout,  la  tête  entourée  d'un  simple  cercle  doré,  reconnaissable  à 
sa  barbe  blanche  et  à  sa  couronne  de  cheveux  sous  le  haut  du 
crâne  chauve  ;    sa  robe   bleu   pâle  est  recouverte  d'un  manteau 
vert    foncé   avec    une   sorte  de  rabat  rouge  et  à  bordure  dorée 
tombant  devant  la  poitrine.  Il  regarde  le  Christ  et  paraît  lui  indi- 
quer du  doigt  Judas,  assis  à  l'autre  côté  de  la  table  au  premier  plan, 
à  droite,  reconnaissable   à   son   escarcelle  rouge  à  glands  dorés 
suspendue  à  son  côté  en  bandoulière,  et  ayant  un  autre  petit  sac 
également  suspendu.  Ce  personnage,  au  type  juif  bien  caractérisé, 
et  dont  la  figure,   au  front  déprimé,  au  nez  arqué,    se  détache 
nettement  de   profil,  comme  celle  de  son  voisin  de  gauche,  sur  la 
nappe  blanche,  semble  protester  en  se  levant  à  demi  de  son  siège, 
et  en  écartant  les  bras  avec  les  mains  levées;  il  est  vêtu  d'une  robe 
d'un  rouge  pâle  sous  un  manteau  rouge  très  foncé,  à  orfrois  dorés 
en  losanges  dans  le  bas,  et  qui  laisse  les  bras  dégagés.  A  gauche 
du  Christ  se  trouve  saint  Jean,  aux  cheveux  rouges,  la  robe  rouge 
foncé  recouverte  d'un  manteau  bleu  pâle  ;   il  est  assis ,  les  bras 
posés  sur  la  table,  les  yeux  baissés;  il  paraît  endormi,  appuyant 
sa  figure  imberbe,  douce,  contre  le  corps  du  Sauveur.  A  côté  de 
lui,  plus   à  gauche,  un  autre  apôtre,  à  la  longue  barbe  et  aux 
cheveux  blancs,  nimbé  d'un   cercle  doré,  revêtu,  sur  une  robe 
dorée  serrée  à  la  ceinture,  d'un  manteau  à  large  capuchon  bai.ssé, 
pose  la  main  sur  l'épaule  de  saint  Jean  comme  pour  le  réveiller. 
Le  personnage  qui  se  trouve  à  côtéde  Judas,  au  premier  plan,  et 
qui  fait  face  directement  au  Christ,  est  vu  de  dos,  la  figure  tournée 
à  gauche,  de  profil,  les  cheveux  assez  longs,  ainsi  que  la  barbe  ; 
il  est  assis  sur  une  chaise  triangulaire  dont  le  pied  du  milieu,  pro- 
longé, est  surmonté  d'un  dossier  cintré.  Cet  apôtre  est  vêtu  d'un 
manteau  rouge  à  capuchon   violet    foncé    avec    petite    bordure 
dorée,  recouvrant  une  robe  d'un  rouge  cramoisi  sur  l'orfroi  de  la- 
quelle, au  bas,  sont  tracées  des  lettres  qu'on   distingue   un  peu 
difficilement;  à  gauche  :  xoqeaesorpv;  à  droite  :  o  :  ixii,  puis  en 
continuant,  et  dans  les  plis  :  OT,  et,  als.  Celui 'qui  est  à  côté,  à 


r(.j[<'  -ws. 


L  A   c  !■:  \  !•: 


Hi;iAni,i-;  i»i:  i.  vvciiiwk  cinm  iii:i  si-:  m-:  su\t-iio\ori:,   i  Ai:i)niLi.i 

(Paroi  iiili'iruK'  ilu   |irriijiir  tiilil 


PEIXTLRES    I\CO\\'UES    DE    LE  C  OLE    FLAMAMDE.  309 

gauche,  à  l'opposé  de  Judas,  a  une  robe  bleue  recouverte  d'un 
vêtement  en  drap  d'or  uni  mat. 

Les  autres  disciples  sont  assis  autour  de  la  table,  les  uns 
joignant  les  maii>s,  tous  généralement  dans  l'attitude  du  respect 
et  de  l'adoration;  les  figures  sont  moins  soignées  que  celle  du 
Christ,  plus  rudes,  les  cheveux  et  la  barbe  rendus  avec  une  grande 
finesse,  les  costumes  généralement  brodés  d'or,  les  draperies  bien 
étudiées,  l'extrémité  des  plis  des  manteaux  formant  pour  la  plu- 
part des  pointes  anguleuses  ;  toutes  les  couleurs  sont  bien  fondues 
et  harmonieuses  de  ton.  Xous  signalons  comme  bien  caractéristique 
l'intensité  de  vie  qui  se  dégage  des  yeux  de  tous  ces  personnages 
et  qui  se  remarque,  au  surplus,  dans  les  deux  autres  sujets  de 
ces  volets  intérieurs  ;  nous  aurons  plus  loin  à  y  revenir  en  hasardant 
quelques  conjectures  lors  de  la  recherche  du  nom  du  peintre 
auquel  ces  sujets  pourraient  être  attribués,  selon  nous,  non  sans 
quelque  vraisemblance. 

Entre  saint  Pierre  et  Judas,  à  droite,  sont  trois  personnages, 
dont  l'un,  debout,  à  côté  de  saint  Pierre,  est  le  même  que  celui 
qui,  comme  nous  Je  verrons  dans  VAscension,  a  la  tête  complète- 
ment renversée  en  arrière;  son  voisin,  à  la  figure  imberbe,  la  tête 
couverte  d'une  sorte  de  capulet,  se  retrouve  aussi  nettement 
semblable  dans  la  Pentecôte,  les  cheveux  coupés  droit  sur  le 
front,  rewêtu  d'un  justaucorps  verdàtreavec  large  col  uni,  entière- 
ment doré;  il  paraît  être  un  portrait. 

Les  accessoires  sont  traités  avec  un  soin  et  un  réalisme,  pour- 
rait-on dire,  dignes  de  remarque;  notamment  au  premier  plan,  à 
droite,  une  corbeille  à  pain  et  un  pot  ou  cruche  en  grès  couverte 
par  un  bouchon  de  linge.  Xotons  encore  la  garniture  de  la  table  ; 
celle-ci  est  recouverte  d'une  nappe  d'une  blancheur  éblouissante  sur 
laquelle  se  détachent  nettement  des  petits  pains  ronds  presque 
en  boules,  des  salières,  des  verres  à  boire,  de  petites  assiettes  ; 
puis  encore,  devant  chaque  convive,  une  petite  tablette  de  forme 
carrée  oblongue,  avec  un  couteau  à  côté. 

Xous  devons  parler  maintenant  de  deux  autres  parties  du 
tableau  qui  ne  sont  pas  moins  intéressantes  et  qui  montrent  bien 
le  caractère  tout  flamand  de  cette  œuvre. 

A  droite,  par  l'embrasure  d'une  porte,  se  trouve  représentée 
dans  le  fond  la  scène  du  Lavement  des  jneds,  vue  à  une  certaine 


310  PEINTURES    IX'COKNUES    DE    LECOLE    FLAMANDE. 

distance.  Le  Sauveur  est  à  genoux,  les  manches  relevées,  ayant  un 
tablier  devant  lui  ;  il  lave  dans  un  bassin  doré  les  pieds  de  saint 
Pierre.  Celui-ci  est  facilement  reconnaissable  à  sa  couronne  de 
cheveux  blancs  et  à  son  crâne  nu  comme  dans  le  sujet  principal  ; 
la  ressemblance  est  étonnante.  Les  autres  apôtres,  là  au  nombre 
de  dix,  tous  nimbés  en  plein  comme  le  Christ,  sont  groupés, 
debout,  autour  de  lui. 

A  gauche,  et  par  l'embrasure  d'une  croisée  ouverte  dont  l'im- 
poste fixe  est  garnie  de  petits  carreaux  plombés  en  losange  et  dont 
les  volets  sont  repliés  en  dedans,  on  aperçoit  un  carrefour  de  ville 
flamande  au  moyen  âge;  ce  sont  bien  là  ces  anciennes  maisons  à 
étages,  avec  larges  fenêtres  à  plusieurs  montants  comme  celles  de 
la  maison  des  bateliers  à  Gand,  ces  pignons  élancés  à  rebords  dé- 
coupés en  escalier  ou  pas  de  moineaux,  ces  lucarnes  de  grenier,  etc.; 
dans  le  fond,  vers  la  droite,  un  clocher  en  pointe  élevée;  plus  à 
droite,  une  haute  tour  ronde  qui  se  dresse  au-dessus  du  comble 
de  l'église,  environnée  d'une  couronne  de  pignons  assez  fantai- 
sistes. Cette  tour  peut  rappeler  jusqu'à  un  certain  point  celle  de 
Bruges,  mais  elle  ne  rappelle  pas  moins  celle  de  Saint-Pierre  de 
Louvain  et  d'ailleurs  beaucoup  d'autres  ;  c'était  une  sorte  de  motif 
courant.  On  remarque  cinq  personnages  de  dimensions  minus- 
cules (0'",018  à  0"',020),  mais  on  les  distingue  très  nettement.  A 
gauche,  deux  hommes  paraissent  sortir  d'une  maison,  l'un,  par  de- 
vant, le  maître,  coiffé  d'un  bonnet  à  pointes,  peu  élevé  et  à  bords 
relevés,  vêtu  d'un  ample  manteau  ousouquenille  à  larges  manches 
qui  lui  descend  jusqu'aux  pieds  ;  il  est  suivi  d'un  valet  ou  soudard 
coiffé  d'un  chapeau  rond,  couvert  d'un  vêtement  rouge  tombant 
au-dessous  des  genoux  et  à  manches  un  peu  larges,  les  jambes 
prises  dans  une  sorte  de  haut-de-chausses,  ayant  des  souliers  à  la 
poulaine  qui,  comme  le  costume,  sont  encore  l'indication  d'une 
époque  ;  il  tient  à  la  main  une  longue  hallebarde.  La  porte  par 
laquelle  viennent  de  sortir  ces  deux  personnages  est  assez  élevée 
et  surmontée  d'un  porche  ogival  à  pointe  élancée.  Du  même  côté 
on  aperçoit,  penchée  à  la  fenêtre  d'une  maison  plus  loin,  au-delà 
de  la  place,  une  femme  dont  ne  voit  que  le  haut  du  corps,  la  tête 
couverte  d'un  voile  blanc  qui  retombe  sur  les  côtés;  elle  est  vêtue 
d'une  robe  rouge.  Au  milieu,  la  place,  à  laquelle  aboutissent  plu- 
sieurs rues  ;  à  droite,  et  à  l'entrée  d'une  de  ces  rues,  sont  arrêtés 


PEINTURES    IMCONNUES    DE    L'ECOLE    FLAMA.VDE.  3Ï1 

un  liomme  et  une  femme  paraissant  causer  ensemble,  la  femme 
vêtue  d'une  longue  robe  bleuâtre  avec  voile  blanc  sur  la  tête  et  sur 
les  épaules;  Tbomme,  qu'on  ne  voit  qu'en  partie,  est  coiffé  d'un 
bonnet  rouge,  et  couvert  d'un  long  vêtement  blancbâtre  à  gros  plis, 
d'un  liaut-de-cbausses  rouge,  et  il  porte  également  des  souliers  à  la 
poulaine.  Celte  écliappée  sur  la  ville,  prise  en  quelque  sorte  sur  le 
vif  avec  ses  passants,  a  été  étudiée  comme  une  véritable  enlu- 
minure ;  elle  est  bien  éclairée,  avec  des  détails  exquis  de  naïveté, 
de  vérité,  et  elle  a  été  peinte  avec  une  finesse  qui  affronte  l'épreuve 
de  la  loupe.  N'oublions  pas  enfin  près  de  la  fenêtre,  dans  l'appar- 
tement de  la  Cène,  une  cage  suspendue  renfermant  un  oiseau  qui 
paraît  être  un  perroquet  '. 

V Ascension  est  traitée  de  la  même  manière,  et  on  y  reconnaît 
presque  toutes  les  figures  dont  plusieurs  se  retrouvent  avec  une 
ressemblance  frappante,  de  même  que  les  costumes-. 

Au-dessus  du  globe  de  la  terre  qui  est  à  mi-hauteur  de  la 
composition  et  qui  en  occupe  presque  toute  la  largeur,  le  Christ 
s'élève  dans  les  airs,  les  pieds  nus,  venant  à  peine  de  quitter  le 

'  Suivant  une  indication  dont  nous  remercions  l'auteur  de  haute  compétence, 
M.  Louis  de  l'^ourcaud,  professeur  d'histoire  d'art  et  d'esthétique  à  l'École  natio- 
nale des  Beaux-Arts,  »  la  composition  de  la  Cène  pourrait  être  rapprochée  du  même 
sujet  traité  par  Thierri  Bouts  (cathédrale  de  Louvain) .  La  période  d'activité  de  Bouts 
s'étend  de  1448,  époque  oii  on  le  trouve  marié  à  Louvain,  jusqu'àl475,  datede  sa 
mort.  Toutefois,  il  n'est  guère  possible  de  suivre  sa  carrière  que  depuis  1466,  et 
nous  ignorons  quels  tableaux  il  a  pu  exécuter  avant  cette  époque.  Sa  Cène  offre  des 
draperies  fort  différentes  de  celles  ordinaires  à  l'artiste  dans  la  plupart  de  ses 
œuvres,  et  point  de  ces  ensembles  de  luxueux  costumes  et  de  détails  somptuaires 
qui  lui  sont  si  familiers;  les  fenêtres  laissent  apercevoir  la  ville,  etc.  Certaines 
attitudes  et  même  certains  types  font  penser  à  certaines  attitudes  et  à  certains 
types  de  la  Cène  de  Thuison.  Resterait  à  comparer  les  factures.  S'il  était  prouvé 
que  les  panneaux  de  Thuison  sont  de  maître  Rogier,  le  fait  serait  d'une  grande 
importance  pour  la  biographie  de  Bouts,  qui  passe  déjà,  quoique  sans  preuve, 
pour  être  l'élève  de  Van  der  VVeyden.  S'il  pouvait  être  admis,  par  contre,  que  ces 
panneaux  sont  de  Bouts,  lui-même,  en  sa  jeunesse,  comme  les  trois  peintures 
d'Abbeville  sont  de  la  même  main,  nous  aurions  un  admirable  témoignage  de  son 
point  de  départ...  Il  y  a  lieu  de  faire  remarquer  le  goût  de  réalisme  tout  hollan- 
dais qui  se  produit,  par  exemple,  aux  écussons  du  premier  plan,  et  Bouts  est 
d'origine  hollandaise;  cependant  on  né  voit  rien  d'analogue  ni  dans  la  Cène  do 
Louvain,  ni  dans  la  Pdque juive  de  Berlin;  mais  les  accessoires  de  la  Justice  de 
l  empereur  Othon  (Musée  de  Bruxelles)  sont  traités,  au  moins,  dans  un  sentiment 
de  relief  et  d'impeccable  réalité.  » 

^  \oir,  ci-après,  planche  XV. 


312  PEINTURES    INCONMUES    DE    L'ECOLE    FLAMANDE. 

sol,  tenant, la  main  droite  levée  et  bénissant.  Le  corps  (0'",39) 
est  droit,  raide,  assez  long,  revêtu  d'une  robe  d'un  violet  foncé, 
très  longue,  serrée  au  cou,  aux  larges  plis  qu'il  tient  de  la  main 
gaucbe  en  la  relevant  sur  le  côté,  ce  qui  laisse  voir  une  partie  de 
la  jambe.  La  figure,  vue  de  face,  est  d'une  belle  expression,  d'une 
sérénité  grave  et  imposante,  les  yeux  grands  ouverts  ;  la  têle  est 
entourée  d'un  nimbe  crucifère  doré,  les  cbeveux  et  la  barbe  rouges  ; 
le  corps  est  au  milieu  de  rayons  d'or  partant  du  haut  du  ciel  et  un 
peu  caché  par  des  nuages  à  droite  et  à  gauche,  au-dessus  de  deux 
paysages  dont  nous  allons  parler  plus  loin.  Sur  la  bordure  dorée 
du  bas  de  la  robe  du  Christ  on  lit  suivant  les  plis,  de  gauche  à  droite, 
les  parties  suivantes  de  versets  en  l'honneur  de  la  Vierge  :  Salve 
sancta  Deigenitrix...  opéra  manuum...  tu. ..bon. 

Devant  le  globe  terrestre  qu'ils  cachent  en  partie,  et  de  chaque 
côté,  sont  groupés  les  apôtres,  à  genoux,  dans  des  attitudes 
diverses,  quelques-unes  assez  forcées,  exprimant  toutes  l'étonne- 
ment  et  l'adoration,  la  figure  et  les  mains  levées  vers  le  Christ; 
ils  sont  tous  drapés  dans  des  costume^  très  amples  el  fort  longs 
avec  bordures  dorées  et  à  ornements,  plus  ou  moins  larges. 

On  remarque  tout  particulièrement  vers  la  gauche  la  Vierge  à 
genoux,  les  mains  (dont  les  doigts  sont  très  longs)  jointes  à  plat, 
la  tête  levée,  les  yeux  d'une  expression  ineffable  d'adoration,  de 
regret  et  de  résignation.  Cette  figure  de  la  mère  du  Sauveur  est 
d'un  modelé  achevé,  d'une  extrême  douceur,  aux  yeux  vivants, 
pourrait-on  dire  ;  nous  la  retrouverons,  absolument  du  même 
type,  non  moins  belle,  mais  peut-être  sans  la  même  intensité  du 
regard,  dans  la  Pentecôte.  Ici  malheureusement  (et  c'est  peut-être 
la  seule  détérioration  qui  existe  dans  ces  peintures,  d'ailleurs  si 
bien  conservées)  la  figure  a  reçu  un  choc,  qui  a  fait  une  éraflure 
et  l'a  ainsi  un  peu  altérée  vers  le  milieu  à  l'endroit  du  nez  et  du 
haut  de  la  joue,  mais  qui  cependant  ne  lui  a  pas  fait  perdre  son 
admirable  caractère.  La  Vierge  a  la  tête  couverte  d'un  voile  blanc 
qui  lui  tombe  jusque  sur  les  yeux  et  qui  lui  couvre  de  ses  plis  les 
épaules  et  le  haut  de  la  poitrine  ;  sous  sa  robe  qui  est  noire  et 
dont  la  doublure  d'hermine  se  voit  au  bord  des  manches  et  dans 
le  bas,  est  posé  un  grand  manteau  largement  drapé  qui,  retenu 
sur  le  haut  de  la  tête,  un  peu  relevé  sous  le  coude,  tombe  en  plis 
gracieux  jusque   par   terre    en   formant    une  sorte    de    rotonde 


l'ayi-   M -2. 


L  ASCK.VSKIY 


ni:riiii.i:  m;  l'axciiam;  cii.iiirrii;!  sk  im  siivr-ii()\niii:,    i    \iiui;vii.i  i 

ll'jiiii  iulcripurr  du  lr:.i>iinie  \(iiil.) 


PEINT  lui:  s    lIVGOiMXUES    DE    L'ECOLE    FLAMAMDE.  313 

derrière  la  Vierge;  ce  manteau  est  garni  d'un  assez  large  orfroi 
sur  lequel  on  distingue  les  mots  suivants  d'une  antienne  :  Regina: 
misericordie  :  vita  :  dulcedo  :  e  spes  nostra  :  salve. 

Derrière  la  Vierge,  plus  à  gauche,  on  reconnaît  saint  Jean,  avec 
un  court  manteau  d'un  bleu  très  pâle,  presque  blanc,  formant  une 
sorte  d'écharpe  souteuue  par  les  bras,  et  qui  tranche  sous  sa  robe 
d'un  ronge  un  peu  effacé,  les  mains  jointes,  les  cheveux  rougeàtres 
abondants,  un  peu  crépus,  sans  barbe,  aux  traits  doux,  réguliers, 
aux  beaux  yeux  expressifs,  la  tête  rejetée  en  arrière  comme  les 
autres,  la  bouche  légèrement  entr'ouverte  ;  l'attitude  générale, 
enfin,  rendant  bien  le  sentiment  d'admiration  et  d'extase. 

Toujours  au  premier  plan,  mais  à  droite  et  en  face  delà  Vierge, 
saint  Pierre,  bien  reconnaissable  aussi,  est  prosterné  presque  à 
genoux  dans  la  même  attitude,  les  mains  un  peu  écartées,  vu  de 
côté;  ses  traits  sont  assez  rudes,  mais  non  moins  expressifs;  il  est 
couvert  au-dessus  de  sa  robe  d'un  bleu  pâle  d'un  large  manteau 
rouge  à  bordure  dorée  qui  s'étend  sur  le  sol. 

Parmi  les  autres  personnages  au  second  et  au  troisième  plan,  tous 
habilement  groupés,  dans  des  poses  et  sous  des  costumes  un  peu 
différents,  on  en  remarque  deux  au  milieu,  vis-à-vis  l'un  de  l'autre, 
le  premier  représenté  complètement  de  dos,  portant  une  robe 
d'étoffe  cramoisie,  d'une  grande  richesse  avec  ses  ornements 
brodés  d'or,  et,  par-dessus,  son  manteau  à  orfrois,  serré  à  la  taille, 
d'un  rouge  très  foncé;  il  tient  sur  ses  bras  une  sorte  d'écharpe  d'un 
bleu  pâle;  le  second  est  revêtu  d'une  robe  et  d'un  manteau  verts; 
tous  deux  ont  la  tête  complètement  renversée  en  arrière  en  regar- 
dant le  Christ  qui  s'élève  immédiatement  au-dessus  d'eux;  leurs 
têtes  se  présentent  ainsi  en  complet  raccourci,  et  on  n'aperçoit,  du 
premier  surtout,  que  le  haut  du  front  et  le  nez.  Nous  ne  pourrions 
détailler  tous  ces  personnages,  mais  on  y  reconnaît  la  plupart 
des  mêmes  types  qui  sont  représentés  dans  la  Cène,  l'un  notam- 
ment dans  le  fond  vêtu  d'une  robe  d'un  tissu  uni,  entièrement 
dorée;  les  plis  des  manteaux  forment  également  des  pointes  angu- 
leuses. 

Tout  au  premier  plan,  le  sol  se  compose  d'un  gazon  que  le  peintre 
a  émaillé  de  fleurs  de  toute  espèce  :  des  pensées,  des  héliotropes, 
des  chardons,  des  pâquerettes,  des  ancoles  et  autres,  rendus  avec  un 
fini,  une  ténuité  et  une  délicatesse  merveilleuses.  Cette  partie  du 


31i  PEIMTURES    1  X  C  0  \  M  E  S    DE    L'ECOLE    FLAMANDE. 

tableau  indique  encore  manifestement  une  époque  et  une  origine". 

Nous  devons  enOn,  comme  dans  le  premier  volet,  appeler  l'atten- 
tion sur  les  côtés  du  tableau  qui  présentent  un  non  moindre  intérêt; 
cette  partie  accessoire  est  bien  caractéristique  aussi  au  point  de 
vue  de  la  recherche  de  l'auteur  de  ces  peintures.  Ce  sont  deux 
paysages  qui  se  déroulent  au  loin,  derrière  la  boule  du  monde,  de 
chaque  côté  du  Christ.  A  gauche,  un  amas  de  rochers  d'une  grande 
hauteur,  abrupts,  où  croissent  des  arbustes  en  boules,  et  devant 
lesquels,  à  un  premier  plan,  s'élèvent  deux  grands  arbres  à  la  tige 
frêle  et  élancée  au  haut  de  laquelle  les  branches  et  les  feuilles  déli- 
catement fouillées  se  détachent  légèrement;  au  bas  s'étend  un  cours 
d'eau  ou  lac  qui  ftiit  à  perte  de  vue  dans  une  belle  perspective. 
Enfin  au  loin,  sur  le  côté  et  derrière  un  gros  bouquet  d'arbres 
touffus,  on  aperçoit  une  église  avec  clocher  surmonté  d'une  flèche 
élancée;  plus  loin  encore  d'autres  édifices. 

L'échappée  de  droite  est  encore  plus  jolie  et  surtout  plus  intéres- 
sante. C'est  d'abord  une  verte  prairie  assez  étendue  devant  laquelle, 
au  premier  plan,  se  dressent  trois  grands  arbres  semblables  à  ceux 
de  gauche;  la  prairie  est  parsemée  plus  loin  d'arbustes  en  boule 
entre  lesquels  serpentent  des  chemins  et  un  cours  d'eau  qui  va  se 
déverser  dans  le  lac.  Au  delà  est  représentée,  dans  une  attrayante 
perspective  et  presque  à  vol  d'oiseau,  toute  une  ville  flamande  du 
moyen  âge  avec  ses  murailles,  ses  tours  diversement  étagées,  ses 
maisons  et  éditîceç,  notamment  ses  églises  monumentales,  l'une  à 
gauche,  vue  de  côté,  avec  ses  contreforts  de  la  nef,  son  clocher 
carré  avec  flèche  en  pointe  accotée  aux  angles  d'éperons  surmontés 
d'élégants  pinacles;  une  autre  église  se  voit  plus  à  droite,  avec 
clocher  garni  de  colonnettes  aux  angles  et  se  terminant  par  une 
flèche  ronde.  Ces  monuments  et  autres  constructions  ,  éclairés 
d'une  manière  tout  intense,  se  détachent  bien  nettement,  avec  leurs 
innombrables  détails  d'architecture  rendus  avec  une  netteté  et  une 
finesse  merveilleuses,  sur  le  vert  d'une  colline  qui  se  voit  au  delà, 
parsemée  de  nombreux  bouquets  d'arbres  d'un  vert  sombre;  cette 
ville  paraît  rappeler  celle  de  Bruges.  Plus  loin  enfin  et  au  dernier 

'  (i  Ces  fleurissements,  qui  viennent  des  miniaturistes,  comme  nous  le  faisait 
remarquer  AI.  Louis  de  Fourcaud,  sont  chcrs  à  l'Ecole  flamande  primitive;  on 
peut  les  voir  au  premier  plan  du  tableau  de  V Agtieau  de  Van  Eyck  et  dans  bien 
des  œuvres  du  quinzième  siècle.  » 


PEIXTLRES    IXCO.WUES    DE    LECOLE    FLAMANDE.  315 

plan,  s'élève  une  montagne  assez  escarpée  où  l'on  distingue  d'une 
manière  un  peu  confuse,  dans  une  sorte  de  bruine,  des  construc- 
tions de  toute  nature,  des  fours,  des  clochers  paraissant  çà  et  là 
entre  des  arbres  et  des  arbustes  '. 

Le  troisième  sujet  représente  la  Pentecôte-, 

Dans  un  vaste  local  en  longueur  avec  carrelage  de  marbre  blanc 
et  noir,  éclairé  sur  les  côtés  et  dans  le  fond  par  des  croisées  à  petites 
vitres  maillées  en  losanges,  apparaît  le  Saint-Esprit  sous  la  forme 
traditionnelle  d'une  colombe  aux  ailes  étendues,  entourée  d'un 
nimbe  d'or;  elle  se  présente  avec  un  relief  étonnant.  Du  tour  du 
nimbe  partent  des  rayons  dorés  parsemés  de  langues  de  feu  et 
qui  tombent  en  rayonnant  sur  les  apôtres  groupés  autour  de  la 
\  ierge.  La  pièce  est  traversée  dans  le  haut  par  un  dais  entièrement 
doré,  composé  d'un  large  bandeau  où  sont  figurées  au  trait  les  sta- 
tuettes en  pied  de  huit  prophètes  placées  dans  autant  de  petites 
niches;  celles-ci  se  terminent  en  pointe  ornée  de  choux  et  se  déta- 
chent sur  un  fond  rouge  en  tapisserie  qui  fait  ressortir  les  détails 
d'architecture;  ces  niches  sont  séparées  l'une  de  l'autre  par  un 
pilastre  à  moulure  surmonté  d'un  pinacle,  le  tout  encadré  en  haut 
et  en  bas  dans  le  sens  transversal  par  une  moulure  à  doucine  orne- 
mentée. Au-dessous  du  dais  et  le  complétant,  règne  une  arcature 
très  évasée  ornée  de  choux  ;  elle  occupe  toute  la  largeur  de  la  pièce, 
et  la  pointe,  terminée  par  un  large  renflement  formé  également 
de  feuilles,  s'élève  au-dessus  du  dais  proprement  dit  qu'elle  partage 
par  le  milieu  pour  se  raccorder  avec  un  petit  bandeau  à  perles 
parallèle  au  dais  et  dont  il  est  séparé  par  le  fond  rouge;  chaque 
encoignure  est  ornée  de  filets  contournés.  Dans  le  triangle  formé 
par  le  rapprochement  des  arcatures  est  représenté  l'épisode  du 
serpent  d'airain.  Enfin,  à  chaque  extrémité  du  grand  arc  et  le  sou- 
tenant ainsi   que  le  dais,  se  trouve  un  pendentif  qui  supporte  une 

'  «  Le  paysaye  de  notre  Ascension  peut  aussi,  du  reste,  nous  dit  encore 
M,  L.  de  Fourcaud,  être  rapproché,  commet  inspiration,  du  paysage  de  V Agneau; 
raais  tous  les  peintres  flamands  primitifs  ont  exécuté  des  fleurs  de  ce  yenre,  nous 
en  avons  des  exemples  dans  Van  dcr  Weyden,  Bouts,  Memliug,  Gérard  David. 
Dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  on  ne  pourra  arguer  de  ces  façons  paysa- 
gistes en  faveur  de  tel  autre  maître  que  si  l'on  peut  établir  la  formelle  ressem- 
blance d'un  fond  donné  avec  un  fond  connu  du  même  maître.  • 

-  Voir,  ci-après,  planche  XVI. 


316  PEINTURES    INCOIVMUES    DE    LECOLE    FLAMANDE 

staluelte  un  peu  plus  grande  que  celle  des  huit  prophètes;  celle  de 
gauche  représ/ente  Salomon,  celle  de  droite  David,  celui-ci  recon- 
naissahle  par  sa  harpe  qui  est  à  demi  sortie  d'une  gaîne.  Ces  sta- 
tuettes, surmontées  chacune  d'un  petit  dais  à  pointe  élancée  ornée 
de  feuilles,  reposent  sur  un  socle  porté,  à  gauche,  par  un  ange 
accroupi,  et  à  droite  par  un  personnage  grotesque,  également 
accroupi  et  les  mains  posées  sur  ses  genoux;  le  tout  est  supporté 
de  chaque  côté  par  deux  colonnes  dont  le  fût  esta  moitié  caché  par 
le  cadre;  ces  colonnes  sont  en  marbre  vert;  le  chapiteau  et  la  base 
sont  dorés.  Ces  détails  d'architecture  et  de  sculpture  sont  d'une 
grande  délicatesse,  d'un  fini  achevé,  et  l'étude  en  est  des  plus  inté- 
ressantes. 

Le  sujet  lui-même  est  d'une  composition  du  même  genre  que 
celle  des  précédents;  on  y  retrouve  les  mêmes  personnages  dans 
des  costumes  à  peu  près  identiques,  et  groupés  d'une  manière  non 
moins  heureuse. 

Au  milieu  des  apôtres,  au  premier  plan  et  bien  en  évidence,  la 
Vierge  est  assise,  ayant  à  gauche  saint  Jean  et  à  droite  saint  Pierre, 
tous  deux  agenouillés;  elle  lève  la  tête  et  les  yeux  vers  le  Saint- 
Esprit,  la  main  droite  posée  sur  son  cœur,  et  elle  tient  sur  ses 
genoux  de  l'autre  main  un  missel  tout  grand  ouvert,  aux  caractères 
noirs  et  rouges,  à  tranche  dorée  avec  ornements  en  losanges;  le 
livre  repose  sur  une  gaine  en  étotfe  brodée  sur  les  bords  avec  glands 
dorés  aux  angles.  Cette  figure  de  la  Vierge  est  admirable  de  modelé, 
de  pureté  et  de  fini,  exprimant  l'adoration  et  l'extase,  les  yeux  sur- 
tout d'une  intensité  de  vie  étonnante;  le  type,  au  surplus,  est  le 
même  que  dansV  Ascension. Vnvo'ûehlanc  couvre  sa  tète  jusqu'aux 
yeux,  descendant  autour  du  cou;  elle  est  vêtue  d'une  robe  noire 
avec  bordure  de  fourrure  aux  poignets  et  dans  le  bas,  et,  par-dessus, 
d'un  manteau  bleu  foncé  avec  orfrois  dorés  à  losanges  et  à  pointes; 
celui-ci,  posé  sur  le  haut  de  la  tête,  retombe  en  large  plis  bien  dra- 
pés jusque  sur  le  sol,  où  il  est  un  peu  relevé  par  devant.  Sur  la  bor- 
dure du  bas  on  lit  ces  mots  d'une  antienne  (en  caractères  romains)  : 
Salve  :  regina  :  vita  :  didcedo  :  et  spes  nostra  :  salve  :  acte  : 
foi;  le  reste  se  perd  dans  les  plis. 

Les  apôtres  sont  groupés  autour  de  la  Vierge  dans  des  poses  et 
sous  des  attitudes  différentes.  Au  premier  plan  à  gauche,  et  le  corps 
en  partie  caché  parle  cadre,  le  doux  saint  Jean  prosterné  à  genoux, 


'■"•'^■''^   ^^'-  Pa-ie  ;ti(;. 

i-A    l'K.VTKCOTK 

KHTiRLi:  Di:  i.\r\cii;\.\i:  tiiARTiua  si:  m;  saim-hoxoiu:,   a  flmiiiiiM.i: 
(I'an)i  iLtirimre  du  (lualric'mc   voici.) 


PEIMTLRKS    IXCOWTES    DK    I/ECOI-E    FLAMAXDE.  317 

facilemeiit  reconnaissable  comme  dans  les  deux  autres  sujets  par 
sa  figure  imberbe,  fine,  d'un  modelé  parfait,  aux  traits  bien  régu- 
liers, vue  de  profil,  les  cheveux  presque  rouges.  Il  est  à  genoux,  les 
mains  jointes  à  plat,  tenant  sous  son  bras  un  manteau  noir  recou- 
vrant sa  robe  d'un  bleu  pâle  aux  contours  à  orfrois  bordés  de  pointes, 
serrée  à  la  ceinture  par  une  cordelière  noire;  il  a  les  pieds  nus,  la 
tête  et  les  yeux  levés  vers  la  colombe  et  dans  l'attitude  de  la  prière. 
A  droite,  faisant  face  à  la  Vierge,  saint  Pierre,  à  la  figure  d'une 
certaine  rudesse,  aux  pommettes  saillantes,  mais  toutefois  d'une 
belle  expression  comme  dans  les  autres  sujets,  un  genou  en  terre, 
la  tête  renversée  en  arrière,  les  mains  écartées  et  tendues.  Il  est 
couvert  d'un  ample  manteau  rouge  doublé  de  gris,  bordé  de  riches 
orfrois  dorés  à  ornements  de  forme  triangulaire,  et  qui  retombe  en 
larges  plis  s'étalant  par  terre;  ce  manteau  recouvre  une  robe  noire 
à  doublure  jaune  relevée  aux  manches  et  laissant  les  pieds  nus  à 
découvert,  de  même  que  le  cou  qui  est  vigoureusement  musclé. 
Plus  loin,  également  adroite,  mais  plus  vers  le  milieu,  on  remarque 
lin  autre  apôtre  assis,  la  figure  de  face,  imberbe,  tenant  d'une 
main  un  livre  ouvert  sur  ses  genoux,  les  cheveux  longs,  blancs  et 
crépus,  les  traits  du  visage  non  moins  accentués,  ainsi  que  les 
attaches  du  cou;  il  est  vêtu  d'une  robe  rouge  foncé,  avec  bordure 
à  orfrois  trèfles,  recouverte  d'un  manteau  bleu  pâle  attaché  au 
cou  et  qui  tombe  sur  les  épaules  et  par  devant  sur  les  genoux.  Son 
voisin,  à  l'extrême  droite,  est  debout,  la  têle  levée,  velu,  sous  son 
manteau  qui  retombe,  à  plis  droits,  d'une  robe  d'étofife  dorée  mate, 
à  ceinture,  aux  larges  manches  blanchâtres  à  nombreux  plis  se 
raccordant  à  une  bande  en  fourrure  vers  l'épaule.  Plusieurs  des 
personnages  du  fond  se  tiennent  debout,  la  tête  renversée  en 
arrière,  regardant  la  colombe  immédiatement  au-dessus  d'eux; 
l'un  notamment,  tout  à  droite,  sans  barl)e,  les  cheveux  assez 
longs,  tenant  les  deux  bras  élevés.,  porte  une  robe  ou  tunique  de 
riche  étoffe  de  brocart  entièrement  brodée  d'arabesques  dorées  et 
retenue  au  milieu  du  corps  par  une  ceinture  de  dentelle  blanche 
roulée.  Un  autre  au  milieu,  tout  au  dernier  plan,  vu  entièrement 
de  dos,  tient  la  tête  complètement  renversée  et  ne  laissant  voir,  en 
raccourci,  que  le  haut  du  front;  il  porte  une  robe  d'un  bleu  foncé. 
Enfin,  à  gauche,  Tapùtre  qui  se  tient  derrière  la  Vierge  a  la  main 
gauche  élevée  à  la  hauteur  de  la  figure  en  regardant  la  colombe; 


318  PEINTURES    IN  C  0  i\  IV  L  E  S    DE    L'ECOLE    FLAMANDE. 

sarobecst  entièrement  dorée,  et  il  porte,  retenu  à  l'épaule,  un  man- 
teau bleu  paie  qui  lui  enveloppe  le  bas  du  corps.  La  plupart  de  ces 
costumes,  comme  on  le  voit,  sont  très  riches.  On  croit  aussi  recon- 
naître plus  à  «jauclie,  derrière  deux  autres  apôtres,  le  type  de  Judas 
qui  rappelle  celui  de  la  Cène.  Nous  ne  saurions  détailler  tous  ces 
personnages,  qui  sont,  non  compris  la  Vierge,  au  nombre  de  qua- 
torze ;  mais  il  faut  en  excepter  deux  qui  se  tiennent  comme  à  l'écart 
à  l'extrême  gauche,  au  fond,  dans  l'embrasure  d'une  porte,  et  dont 
on  ne  toit  guère  que  la  tête,  le  reste  du  corps  en  partie  caché.  Dans 
celui  en  avant,  on  reconnaît  facilement  l'homme  que  nous  avons 
remarqué  dans  la  Cène,  la  tête  enveloppée  d'une  sorte  de  capulet 
blanc  entourant  le  cou  et  descendant  sur  la  poitrine;  c'est  absolu- 
ment la  même  figure  (un  portrait  peut-être),  d'un  caractère  ascé- 
tique, sans  barbe,  les  cheveux  coupés  droit,  en  brosse,  sur  le  front. 

En  résumé,  ces  trois  tableaux  de  la  Cène,  de  V Ascension  et  de 
la  Pentecôte  sont  remarquables  par  la  richesse  et  l'harmonie  des 
couleurs,  par  l'intérêt  que  présentent  certaines  parties  accessoires, 
par  la  conscience  avec  laquelle  les  moindres  détails  ont  été  repro- 
duits; ils  le  sont  surtout  par  la  manière  habile  et  étudiée  avec 
laquelle  les  personnages  ont  été  groupés,  par  la  variété  de  leurs 
attitudes  toutes  bien  comprises  et  qui  concourent  à  l'effet  général, 
par  l'expression  très  caractérisée  des  visages,  par  la  vivacité  particu- 
lière des  yeux,  par  une  certaine  rudesse  des  traits,  à  l'exception  de 
ceux  du  Christ,  de  la  V^ierge  et  de  saint  Jean,  dont  les  figures  sont 
tout  particulièrement  belles,  et  enfin  par  le  développement  parfois 
exagéré  des  draperies. 

Nous  arrivons  aux  quatre  peintures  de  l'extérieur  des  volets  qui 
représentent,  isolés  et  en  pied,  la  Vierge,  Saint  Jean-Baj) liste, 
Saint  Honoré  et  Saint  Hugues. 

En  supposant,  ce  qui  ne  nous  paraît  pas  même  admissible,  qu'elles 
soient  de  la  même  époque  que  celles  de  l'intérieur,  elles  ne  parais- 
sent pas  de  la  main  du  même  peintre'.  On  peut  notamment  remar- 
quer, à  un  premier  aperçu,  que  le  type  de  la  Vierge  y  est  tout 


'  Elles  ne  sont  pas  non  plus  de  la  même  facture;  les  dispositions  architectoni- 
ques  sont  certainement  d'une  époque  postérieure.  Ces  nouvelles  peintures  éma- 


PEIXTUUES    l\CO\Mi:s    DK    I,  ÉCOLE    FLAM.A\DE.  319 

difTérent  de  celui  qu'on  trouve  dans  V Ascension  et  dans  la  Pente- 
côte ;  et  puis  les  traits  de  ces  personnages  isolés  sont  infiniment 
plus  doux,  plus'fondus,  plus  idéalisés,  pourrait-on  dire,  mais  moins 
vivants  peut-être  et  d'une  expression  moins  caractérisée  que  ceux 
des  apôtres  dans  les  sujets  étudiés  plus  haut.  Ils  sont  d'une  inspira- 
lion  plus  élevée,  comme  expression,  que  dans  les  premiers  sujets, 
e(  d'une  gravité  sereine  qui  leur  donne  un  plus  grand  caractère. 
Les  personnages  représentés  sur  ces  quatre  panneaux  sont 
debout,  les  pieds  reposant  sur  un  dallage  de  carreaux  bleus  et  noirs; 
ils  sont  comme  encadrés  chacun  dans  une  niche  en  hémicycle 
surmontée  d'un  dais  formant  saillie  et  dont  le  dessous  présente 
une  sorte  de  coupole.  Cette  partie  architecturale  est  représentée 
en  grisaille.  La  forme  et  les  détails  de  ce  dais  sont  différents  selon 
les  personnages:  à  trois  pans  coupés  et  de  forme  ogivale,  avec  arc 
tudor  à  chaque  pan,  pour  la  sainte  Vierge  et  saint  Hugues,  et, 
pour  saint  Jean-Baptiste  et  saint  Honoré,  se  présentant  en  ban- 
deau droit  formant  saillie  en  courbe  par  devant  et  comprenant 
plusieurs  cartouches  presque  carrés  qui  renferment  des  sujets  en 
bas-reliefs'.  Cette  différence  dans  l'architecture  du  dais  nous 
parait  se  rapporter  à  une  certaine  différence  aussi  dans  l'exécution 
des  personnages  ;  nous  aurons  à  y  revenir  plus  loin. 

Parlons  d'abord  des  deux  premiers  panneaux,  ceux  représentant 
la  sainte  Vierge  et  saint  Hugues. 

Chacun  des  trois  pans  coupés  qui  compose  le  dais  sous  lequel 
est  placé  le  personnage  comprend  un  arc  ogival;  au-dessus 
règne  une  partie  pleine  ornée  de  petites  arcatures  appliquées, 
et  le  dessous  est  relevé  de  filets  entre-croisés  à  jour;  les  accolades 
sont  garnies  de  choux,  et  le  sommet  se  termine  par  une  pomme 
de  pin.  L'angle  de  chaque  pan  coupé  comprend  un  pendentif 
à  doucine  en  haut  et  en  bas  contre  lequel  s'appuie  le  pied 
des  accolades,  ce  pendentif  supporte  une  statuette  de  prophète 
surmontée  d'un  petit  dais  avec  ornements;  le  fond  circulaire  de  la 

lient  d'un  artiste  admirateur  des  vieux  peintres  de  sa  race,  mais  dont  les  pratiques 
étaient  déjà  renouvelées  et  admcUaient  d'autres  éléments  décoratifs.  Ces  artistes 
ne  furent  pas  rares  au  seizième  siècle,  à  Amiens,  Arras,  Maubeuge,  etc.  (Xotc 
de  M.  L.  de  Fourcaud.) 

'  Comme  on  nous  le  faisait  justement  remarquer,  ces  formes  architectoniques, 
telles  que  les  baldaquins  incurvés,  se  rencontrent  à  Douai,  dans  le  triptyque 
fameux  de  Bcllegambe. 


320  PEINTURES    I\CONNlIES    DE    L'ECOLE    FLAMANDE 

niche,  d'un  rouge  pâle  ainsi  que  la  coupole,  est  divisé  en  deux 
parties  dans  le  sens  de  la  hauteur  et  par  le  milieu,  celle  du  bas 
ornée  de  losanges  remplis  par  de  petits  ornements  de  forme  ronde, 
celle  au-dessus  portant  des  baguettes  appliijuées,  parallèles,  qui 
s'entre-croisent  dans  le  haut  et  qui  sont  séparées  de  la  coupole  par 
deux  petits  bandeaux  dont  l'intervalle  est  ornementé;   enfin   la 
coupole  elle-même  est  coupée  de  losanges  pareils  à  ceux  du  bas  de 
la  niche.  Ces  parties  architecturales  qui  encadrent  en  quelque  sorte 
chaque  personnage  sont  toutes  bien  en  relief  et  ont  été  étudiées 
et  représentées  avec  un  soin  minutieux  et  une  grande  perfection. 
La  Vierge,  nous  l'avons  dit,  est  d'un  type  bien  différent  de  celui 
des  sujets  ;  le  galbe  de  la  figure  est  d'une  grande  pureté,  le  front 
est  élevé,  le  nez  droit,  un  peu  long,  la  bouche  petite,  les  lèvres, 
surtout  celle  inférieure,  un  peu  fortes,  la  figure  plutôt  longue  ;  les 
traits  sont  très  réguliers,  d'unegrande  sérénité,  mais  sansexpression 
particulière'.  La  Vierge  tient  les  yeux  un  peu  baissés;  ceux-ci 
sont  assez  fendus,   les  sourcils  bien  arqués,    très  fins  ;  la  tête,  se 
détachant  du  nimbe  doré  qui  l'entoure,  est  légèrement  penchée 
à  gauche  du  côté  de  l'Enfant  Jésus  que  la  Vierge  tient  sur  son  bras. 
Le  costume,  très  riche,  se  compose  d'une  robe  verte  qui  n'est 
apparente  qu'à  l'extrémité  des  bras  et  aussi  dans  le  bas,  et  sous 
laquelle  on  n'aperçoitque  l'extrémité  d'un  des  pieds,  avec  chaussure 
noire,  en  pointe  ;  cette  robe  est  recouverte  d'un  manteau  rouge, 
de  brocart  brodé  d'or  sur  l'étoffe,  à  bandes,  et  avec  arabesques  et 
fleurs  de  chardon  ;   il  est   doublé  d'hermine  et  garni  d'un  large 
parement  à  orfrois  orné  de  perles  et  d'émeraudes  se  détachant  en 
relief  bien  accusé  et  reproduites  avec  une  délicatesse  merveilleuse. 
Ce  manteau,  très  long  comme  la  robe,   tombe  jusqu'à  terre  en  s'y 
évasant  un  peu  sur  les  côtés  ;  iliest  recouvert  lui-même  d'un  très 
grand  voile  bleu  foncé  qui,  posé  sur  la  tête  dont  il  cache  les  cheveux 
en  encadrant  la  figure,  tombe  sur  Jes  épaules,  est  un  peu  retenu 
au  bras,  et  se  déroule  ensuite  en  larges  plis  jusqu'à  terre  comme 
le  manteau  ;  le  voile  est  également  bordé  d'une  bande  dorée,  ici 
avec  ornements  à  pointes.   Enfin  une  petite  draperie  blanche  se 
trouve  sur  le  voile  à  gauche  de  la  figure  et  passe,  plissée,  sur  le 
devant  de  la  poitrine  en  laissant  le  cou  bien  à  découvert.  Ces 

*  Voir,  ci-conlre,  planche  XVII. 


l'Uiiche  XVll. 


I'.ii[c  MO. 

f..\    VIKKGK     KT     l,'E\l'.i\T    J  É  S  |j  S 

«KTAUi-K  ui:  lvncikvm:  riiSKTitucsK  i>r:  siiVT-iioxoRii,  a  .iubivu.ik 
Paroi  eili'rieutr  du   pii^niier  volfl.) 


PElMTLUliS    IXGOWLES    l)K    Li:COI>l';    Fl.AMA.VDE,  321 

draperies  sont  superbes   dans  leur  ampleur,    leur  richesse,  et  la 
(lisposilion  savante  de  leurs  plis  larges  et  gracieux. 

La  Vierge  porte,  on  l'a  vu- ci-dessus,  l'Enfant  Jésus  assis  sur  son 
bras  droit  et  le  soutient  de  la  main;  la  tète  de  l'enfant  est  entourée 
d'un  nimbe  crucifère.  De  sa  main  gauche  élevée  à  la  hauteur  de  la 
poitrine,  la  Vierge  lui  présente  une  figue  que  celui-ci  paraît 
regarder  avec  convoitise.  Il  est  revêtu  d'une  petite  robe  blanche, 
à  plis,  un  peu  relevée  et  qui  laisse  à  découvert  ses  jambes  nues; 
il  tient  sur  son  poing  gauche  un  oiseau  qui  va  pour  lui  becqueter 
le  doigt  de  l'autre  main.  Le  type  de  la  figure  de  l'Enfant  Jésus  est 
bien  différent  de  celui  de  la  Vierge;  si  les  yeux  sont  expressifs,  le 
visage  est  celui  d'un  petit  Flamand  joufflu,  aux  cheveux  frisés,  aux 
traits  relativement  vulgaires  avec  son  nez  épaté,. ses  grosseslèvres  ; 
le  type  n'a  rien  de  divin,  et  il  rappelle  plutôt  celui  de  quelques 
apôtres  et  notamment  celui  de  saint  Pierre  dans  les  autres  sujets  ;  il 
ne  semble  pas  l'œuvre  du  peintre  de  la  céleste  figure  de  la  Vierge. 

Le  panneau  que  nous  plaçons  après  comme  étant  décoré  d'un 
dais,  dont  la  disposition  et  les  détails  architectoniques  sont  abso- 
lument semblables  au  premier,  représente,  nous  l'avons  dit,  Saint 
Hugues,  évèque  de  Lincoln. 

L'autre  évèque,  qui  figure  sur  l'un  des  deux  volets  suivants  dont 
les  motifs  d'architecture  présentent  n\\  caractère  un  peu  différent, 
tii  Saint  Honoré.  Ces  deux  saints  devaient  être  particulièrement 
en  vénération  à  la  Chartreuse  de  Thuison,  car  elle  avait  été  fondée 
sous  le  vocable  de  ce  dernier,  et  elle  possédait  les  reliques  de 
l'évêque  de  Lincoln. 

Saint  Hugues,  d'une  noble  maison  de  Bourgogne,  après  avoir 
fait  profession  à  la  Grande  Chartreuse  prés  de  Grenoble,  avait  été 
prieur  de  la  Chartreuse  de  Witlham  en  Angleterre,  d'où  il  avait  été 
placé  sur  le  siège  épiscopal  de  Lincoln,  en  1185,  et  il  y  mourut  le 
17  novembre  1200  (voy.  la  Chartreuse  de  Saint- Honoré,  par 
M.  l'abbé  Lefebvre)  ;  ses  restes  avaient  été  donnés  au  monastère  de 
Thuison  par  les  religieux  de  IVittham. 

Ce  saint,  comme  les  autres  personnages  des  quatre  derniers 
panneaux,  est  del)out  sur  un  carrelage,  vu  de  face,  la  tète  légè- 
rement penchée  à  droite;  il  est  revêtu,  sous  son  costume  de 
Chartreux,  de  ses  ornements  épiscopaux  qui  sont  d'une  grande 

21 


322  PEIXTURES    I.\C0.\XIIES    DE    LE  C  OLE    FLAMANDE. 

richesse.  Sa  lète,  couverte  île  la  mitre,  est  entourée  d'un  nimbe  doré; 
il  tient  sa  crosse  de  la  main  droite  et  de  l'autre  un  calice  d'or  d'où 
sort  l'Enfant  Jésus  ;  les  mains  sont  n«es,  à  la  différence  de  celles 
de  saint  Honoré;  enfin,  à  côté  de  lui,  à  droite,  se  dresse  un  cygne. 
La  figure  de  saint  HUç'|ues  est  admirablement  modelée,  d'une 
grande  régularité  des  traits,  imberbe,  d'une  infinie  douceur,  pleine 
d'onction  et  d'une  suavité  d'expression  presque  comparable,  bien 
<|ue  d'effet  différent,  à  celle  de  la  Vierge  du  panneau  précédent'. 
Les  yeux,  tournés  vers  le  cygne,  paraissent  exprimer  un  sentiment 
de  trouble  et  d'hésitation  qui  sera  expliqué  plus  loin.  Sa  grande 
chape  épiscopale  est  posée  sur  son  costume  de  religieux  ;  celui-ci, 
de  lin  blanc,  recouvert  du  grand  scapulaire,  tombe  jusqu'aux  pieds 
qui  portent  des  chaussures  en  pointe  et  dont  on  n'aperçoit  que  le 
bout.  La  chape  d'un  bleu  foncé,  avec  doublure  verte,  est  superbe 
comme  décoration,  avec  ses  arabesques  brodées  d'or  et  surtout  ses 
larges  parements  ou  orfrois  rehaussés  de  perles  et  de  pierres 
précieuses  qui  sont  reproduits  avec  une  transparence,  une  netteté 
et  un  relie!  étonnants  ;  elle  est  retenue  à  la  poitrine  par  une 
grande  agrafe  ou  plaque  d'or,  ovale,  sur  laquelle  est  représenté  au 
trait,  dans  un  encadrement  à  lobes,  le  Sauveur  tenant  d'une  main 
la  boule  du  monde  et  de  l'autre  bénissant.  La  mitre  est  ornée  de 
perles  et  de  cabochons  avec  petit  médaillon  crucifère  sur  chaque 
côté  de  la  bande  verticale  du  milieu;  ces  ornements  sont  dans  le 
genre  de  la  décoration  luxueuse  de  la  chape.  La  crosse,  qui  ici  se 
termine  dans  le  haut  en  volute  comme  d'ordinaire,  à  la  différence 
de  celle  de  saint  Honoré  qui  est  en  pointe  droite  comme  nous  le 
verrons,  est  aussi  d'un  beau  et  riche  travail  comme  structure  et 
ornementation.  Le  bâton  est  blanc,  coupé  dans  sa  hauteur  par  des 
filets  supportant,  dans  le  haut,  sous  la  partie  courbée  qui  est  dorée, 
une  sorte  d'édicule  hexagone  également  doré  avec  soubassement  à 
console  ;  sur  chaque  pan  coupé  sont  représentées  des  statuettes  de 
saints  en  pied,  dans  de  petites  niches,  couverts  d'un  long  manteau 
retenu  à  la  poitrine  par  une  agrafe.  On  ne  saurait  pousser  la 
description  plus  loin,  car  les  détails,  là,  sont  un  peu  effacés,  à  peine 
visibles;  on  distingue  toutefois,  dans  la  niche  du  milieu,  la  Vierge 
représentée  entre  deux  anges, 

'  Voir,  ci-contre,  planche  WIII 


'"rilXT    HLGUKS.     KVÈQtC     DE     LIXCOLX 

(l'arui  «ilericure  du  tecoud  voici.) 


l'EI\TTlUF,  s    1\C0\\'UES    DE    LE  C  OLE    FLAMANDE.  :V23 

Saint  Hugues,  avons-nous  dit,  tient  de  la  main  gauclie  le  pied 
d'un  calice  d'or  au-dessus  duquel  apparaît  à  demi  -  corps  l'Enlanl 
Jésus,  la  tète  auréolée,  tout  nu,  étendant  les  bras.  Du  même  côté, 
à  droite  du  panneau,  un  grand  cygne,  aux  larges  pattes  rouges, 
dresse  son  long  cou  orné  au  bas  d'un  collier  d'or  uni,  et  il  lient 
par  son  bec  la  manche  de  l'évêque  qui  dirige  ses  regards  de  ce 
côté.  \  oici  l'explication  de  cette  particularité  assez  curieuse  ;  elle 
résulte  d'une  tradition  que  le  peintre  a  dû  être  chargé  de  consacrer 
sur  le  panneau  :  Saint  Hugues,  paraît-il,  avait  conçu  des  doutes  sur 
la  présence  réelle  du  Sauveur  dans  le  sacrement  de  l'Eucharistie, 
et  le  cygne  représenterait  le  démon  qui,  le  tirant  de  son  bec  par 
la  manche,  l'entraînait  dans  cette  hérésie;  mais  un  jour  le  Christ 
enfant  était  apparu  au  saint  évèque  sortant  du  calice,  et  ce  prodige 
avait  dissipé  ses  doutes.  Une  chose  à  remarquer,  c'est  que  l'Enfant 
Jésus  et  aussi  la  main  qui  tient  le  calice,  main  qui  est  trop  grande, 
et  le  calice  lui-même,  sont  peints  d'une  manière  fort  peu  soignée, 
toute  différente  du  reste  du  panneau,  ce  qui  laisserait  à  supposer 
que  ces  deux  parties  auraient  été  faites  après  coup  ou  retouchées, 
tandis  que  le  cygne,  sous  son  blanc  plumage  1res  finement  détaillé, 
est  admirablement  peint,  avec  sa  tête  aux  yeux  vifs;  là  main  qui 
soutient  le  calice  a  tlù  être  changée,  et  peut-être  originairement 
caressait-elle  le  cygne. 

Il  nous  reste  à  parler  des  deux  derniers  panneaux  qui  repré- 
sentent, nous  l'avons  dit.  Saint  Jean-Baptiste  et  Saint  Honoré;  ils 
se  trouvent  placés  de  la  même  façon  que  la  Vierge  et  saint  Hygues, 
c'est-à-dire  debout  dans  des  niches  en  hémicycle  surmontées  d'un 
dais  circulaire.  Pour  ces  derniers,  la  forme  architecturale  du  dais 
est  différente  et  paraît  se  rattacher  à  une  époque  un  peu  posté- 
rieure; il  se  présente  en  un  large  bandeau  demi-circulaire  '  et  dans 
lequel  se  trouvent  des  compartiments  ou  caissons  presque  carrés 
où  sont  représentés  en  bas-reliefs,  figurés  en  grisaille,  certains  faits 
de  la  vie  du  saint  qui  se  trouve  dans  la  niche  correspondante.  Dans 
l'intervalle  qui  sépare  les  caissons  est  appliqué  un  contrefort  repo- 
sant sur  une  console  à  gorge;  ce  contrefort  est  garni  de  baguettes 


'  On  trouve,  avons-nous  dit  plus  haut,  ces  formes  courbes  dans  le  retable  de 
Bellegambe,  à  Douai. 


;524  l'EINTL'RES    IXCONM'ES    DE    l/ECOLE    FLAMANDE. 

d'angle  qui  se  rejoignent  en  toiture  dans  le  haut  et  se  terminent 
par  une  pointe  ornée  de  choux.  La  partie  supérieure  du  dais, 
au-dessus  des  caissons,  comprend  deux  moulures  séparées  par  une 
gorge  ornée  de  petits  ornements  de  forme  ronde;  le  bas,  égale- 
ment mouluré,  est  bordé  de  petits  pendentifs  trèfles.  Le  fond  de 
la  niche  est  garni  de  baguettes  verticales  parallèles  traversées  dans 
le  bas,  à  mi-hauteur  et  dans  le  haut,  par  une  moulure  transversale; 
l'intervalle  des  baguettes  comprend  au  milieu  et  en  haut  une  petite 
inflexion  de  forme  ovoïde. 

Le  Saint  Jean-Baptiste  (qu'on  appelle  aussi  saint  Jean  le  Pré- 
curseur), la  tète  entourée  du  nimbe  d'or  plein,  uni,  a  les  traits 
moins  fins  que  les  précédents;  la  figure,  un  peu  maigre,  a  toute- 
fois une  certaine  douceur  d'expression,  les  yeux  assez  ouverts,  un 
peu  fixes;  les  cheveux,  châtains,  tombent  longs  et  épais  sur  les 
côtés  du  cou;  la  barhe,  presque  rousse,  assez  garnie,  est  partagée 
en  deux  pointes;  le  cou  est  très  dégagé,  maigre,  avec  les  muscles 
d'attache  très  accusés  '.  Le  saint  porte  une  tunique  d'un  rouge 
brun  dont  on  ne  voit  que  le  haut  sur  la  poitrine;  elle  est  recou- 
verte d'un  long  manteau  rouge  brique  garni  d'une  petite  bordure 
dorée,  dentelée;  ce  manteau  tombe  à  plis  très  anguleux  jusqu'à 
terre,  il  est  retenu  sur  l'épaule  gauche,  puis  un  peu  relevé  au  bas 
en  laissant  l'autre  bras  nu,  ainsi  que  les  jambes  ;  celles-ci  sont 
raides,  maigres,  sans  anatomie,  dans  le  même  genre  que  celles  du 
Christ  dans  V Ascension,  les  doigts  un  peu  longs. 

Le  saint  porte  de  la  main  gauche  un  grand  livre  fermé  sur 
lequel  est  posé,  les  pattes  repliées,  l'agneau  divin,  la  tête  entourée 
du  nimbe  crucifère;  il  le  montre  en  étendant  vers  lui  son  bras  droit 
nu  et  sa  main,  au  doigt  indicateur  d'une  longueur  démesurée. 

Les  sujets  représentés  en  bas-relief  dans  les  caissons  du  bandeau 
du  dais,  et  qui  sont  comme  celui-ci  de  couleur  grise  imitant  la 
pierre,  se  rapportent  à  la  vie  de  saint  Jean-Baptiste  :  sa  naissance, 
sa  prédication  dans  le  désert,  le  baptême  de  Jésus-Christ,  la  scène 
devant  Hérode  et  enfin  la  décollation;  ces  sujets  d'une  compo- 
sition assez  naïve  sont  finement  traités  et  dans  un  relief  bien  accusé. 

Le  dernier  panneau  représente  Saint  Honoré;  c'est  sous  le 
patronage  de  cet  évêque,  nous  l'avons  dit,  que  la  Chartreuse  de 

'  Voir,  ci-contre,  plauclic  \1\. 


I'.igc  Mi. 


SAlAiT    JKAi\-BAl>TISTE 


iiKTiBLi-;  i)i:  L  AvciKxxK  ciiARTiiia'SK  DU  s.ii.vT-iiOMorti:,   <  AiinmiLi.n 

l'.iroi  etlericuie  du   Iroitiiine   uilcl  ) 


PKIX'TUHCS    1\  COMMUE  S    DE    LE  C  OLE    FLAMANDE.  325 

TIluison  avait  été  fondée  au  quatorzième  siècle.  Il  était  né  près  de 
là,  au  village  de  Poit-Ie-Grand,  à  huit  kilomètres  d'Abbeville,  sur 
les  bords  do  l'ancien  estuaire  de  la  Somme,  et  la  mer  venait  encore 
y  battre  il  n'y  a  pas  plus  de  cinquante  ans. 

Saint  Honoré  vécut  au  sixième  siècle,  il  fut  l'un  des  pi'emiers 
évèques  d'Amiens,  le  huitième,  dil-on;  son  corps,  après  être  resté 
à  Port-le-Grand  jusqu'au  neuvième  siècle,  fut  transporté  à  la  cathé- 
drale de  son  siège  épiscopal  où  il  est  encore,  à  l'exception  des 
fragments  d'un  bras  qui  furent  restitués  à  son  village  natal.  Saint 
Honoré  est  le  patron  des  boulangers;  sa  mort  est  fixée  en  l'an  600. 
On  lui  attribue  divers  miracles  qui  sont  représentés  au  portail  laté- 
ral droit,  dit  de  la  Vierge  dorée,  à  la  cathédrale  d'Amiens,  et  dont 
deux  sont  rappelés  dans  un  des  retables  en  bois  qui  proviennent 
également  de  la  Chartreuse  de  Thuison  et  qui  se  trouvent  au  Crotoy 
et  à  Abbeville  '  ;  nous  les  verrons  également  figurer  sur  deux  des 
caissons  du  dais  dans  le  panneau  qui  nous  occupe.  Ils  ne  laissent 
aucun  doute,  en  dehors  des  documents  qui  donnent  l'indication  de 
ce  saint,  sur  le  nom'  à  attribuer  au  personnage  peint  sur  ce  pan- 
neau; il  ne  pouvait  manquer  d'ailleurs  de  trouver  place  dans 
l'église  d'un  monastère  qui  portait  son  nom. 

Le  saint  évéque  est,  comme  les  autres  personnages  des  quatre 
derniers  panneaux,  représenté  debout  dans  une  niche  surmontée 
d'un  dais  de  structure  pareille  à  celui  où  se  trouve  saint  Jean- 
Baptiste.  Il  est  vu  de  face,  le  corps  et  la  tête  tin  peu  tournés  à 
droite;  sa  figure,  d'un  beau  galbe,  d'une  grande  régularité,  les 
yeux  bien  ouverts,  respire  la  douceur  et  la  bonté;  mais  l'expres- 
sion générale,  de  même  que  pour  saint  Jean-liaptiste ,  ne  nous 
paraît  pas  présenter  ce  caractère  particulièrement  élevé  que  nous 
avons  admiré  dans  la  Vierge,  ni  ce  degré  de  profondeur  que  nous 
avons  trouvé  dans  saint  Hugues. 

Saint  Honoré  est  revêtu,  comme  le  précédent  évèque,  de  son 
costume  de  grande  pompe  ".  Sa  mitre,  se  détachant,  avec  la  tète, 


'  Voir  Hagiographie  du  diocèse  d'Amiens,  par  M.  l'abbé  Corblet,  cinq  vol. 
in-8o.  Amiens,  1870.  Tome  III,  p,  38-77.  —  Les  retables  de  l'église  Saint-Paul 
d' Abbeville  et  de  l'église  dn  Crotoy,  par  Emile  Deligmères.  Abbeville,  1873. 
Brochure  in-8o.  —  La  Chartreuse  de  Saint-Honoré ,  à  Thuison,  près  d'Abbeville, 
par  l'abbé  F. -A.  Lefebvre.  .abbeville,  1885. 

-  \  oir,  ci-après,  planche  VX. 


320  l'Kl-VTUHES    IXCONXUES    DK    L'KCOLE    FLAMANDE. 

(l'un  nimbe  d'or  mat,  est,  ainsi  que  les  autres  parties  ornementales 
du  costume,  d'une  extrême  richesse,  lissue  de  petites  perles  blan- 
ches, rehaussée  d'autres  plus  grosses  et  de  cabochons  dans  les  bor- 
dures avec  de  petits  médaillons  avec  pierre  précieuse  dont  un,  cru- 
cifère, de  chaque  côté,  séparé  enfin  au  milieu  par  une  bande  en 
hauteur  ornée  comme  les  bordures.  Ces  détails  d'ornementation 
qu'on  retrouve  dans  les  antres  parties  du  costume  sont  peints, 
comme  pour  le  saint  Hugues,  avec  une  délicatesse  infinie,  et  aussi 
avec  une  netteté  et  un  relief  merveilleux  ;  ils  sont  plus  nombreux, 
distiibués  à  profusion,  et  nous  retiendront  plus  longtemps. 

Le  costume  se  compose  d'abord  d'une  aube  bhanche,  très  longue, 
tombant  sur  le  sol  qui  est  carrelé  comme  dans  les  autres  panneaux  ; 
on  ne  voit  de  cette  aube  que  la  partie  inférieure  sur  laquelle,  par 
devant,  est  appliqué  un  carré  d'étoffe  différente  où  est  brodée  une 
fleur  de  chardon.  L'aube  recouvre  en  partie  les  pieds  qui  sont 
chaussés  de  souliers  de  salin,  en  pointe  et  à  bandes  brodées.  Par- 
dessus est  posé  un  pallium  d'étoffe  vert  foncé,  avec  ornements 
doiés  en  arabesques  peu  apparents,  et  garni  au  cou  et  dans  le  bas 
de  parements  tissus  d'or  et  enrichis  de  perles  et  de  pierres  pré- 
cieuses; cette  partie  du  vêtement  qui  est  garni  d'un  col,  tombe 
droit,  sans  plis,  depuis  le  haut  de  la  poitrine  jusqu'à  mi-jambes, 
ne  laissant  voir  que  le  bas  de  l'aube.  Enlin  le  saint  porte  sur  le 
tout,  et  le  couvrant  en  partie,  une  grande  chape  rouge  qu'il  sou- 
tient de  ses  deux  bras  en  la  relevant  un  peu  sur  les  côtés;  l'étoffe 
de  celte  chape  est  décorée,  comme  celle  de  saint  Hugues,  de 
feuilles  et  de  têtes  de  chardons  brodées  en  or.  Mais  ce  qui  surtout 
la  rehausse,  et  dune  manière  très  ornementale  et  très  riche,  c'est 
son  large  parement  divisé  en  plusieurs  compartiments  dans  lesquels 
sont  représentés  les  apôtres,  peints  avec  une  finesse  et  des  détails 
d'encadrement  qui  les  font  ressembler  à  de  véritables  enluminures. 
On  ne  voit  que  neuf  personnages,  les  autres  étant  cachés  par  les 
plis  du  manteau  ;  ils  sont  tous  eu  pied,  la  tête  entourée  d'un  nimbe, 
sous  des  costumes  et  avec  des  attributs  différents.  La  description  de 
chacun  d'eux  nous  entraînerait  trop  loin,  mais  on  distingue  parti- 
culièrement en  haut,  à  gauche,  saint  Pierre,  reconnaissable  à  sa 
barbe  et  à  ses  cheveux  blancs,  avec  le  dessus  de  la  tête  dénudé, 
tenant  une  clef  de  la  main  droite  et  de  l'autre  un  livre  ouvert  ;  sur  le 
côté  opposé  saint  Paul,  avec  son  épée  à  longue  garde.  Ces  person- 


SAIXÏ    I10\0UÉ 

niTAi!!.!:   i)i:  lanciiam:  (;iiai!TI(i;i:sb  nu  saixt-iioxoiu:,    i   Aiiui-viu-t; 
(l'arii  cilciiiMiie    ilii  iju^.lriiiiif   vclit  ) 


I'  E  1  .\  T  L'  U  H  S    1  .\  C  0  .\  \  LES    l)  E    1/  E  C  ()  1,  E    F  1,  A  M  A  .\  U  E  .  'ii' 

nages,  (jiii  n'ont  que  0"',063  de  liauleur,  sont  placés  chacun  dans 
une  niche  encadrée  de  colonnes  et  surmontée  d'un  dais  en  pointe 
sous  une  arcature  ouvragée,  le  tout  figuré  pour  chacun  dans  Tencas- 
trement  d'une  croisée  avec  appareil  de  pierres  aii-dessus;  le  fond 
de  cha(jue  niche  est  tapissé  d'ornements  en  feuilles  de  chardon. 

Poui' revenir  à  la  chape,  elle  est  retenue  à  la  hauteur  de  la  poitrine 
par  une  agrafe  ou  plaque  d'or,  de  forme  particulière,  en  losange 
équarri  sur  les  cotés  par  des  demi-cercles  rehaussés  chacun  d'un  ca- 
bochon .  Sur  lo  milieu  de  l'iigrafe  est  représenté  le  Christ  en  busle,  la 
tète  nimhée,  les  yeux,  baissés,  les  ciieveux  longs,  la  barbe  en  deux 
pointes,  couvert  du  ii;anteau  royal  retenu  par  une  agrafe  ovale;  il 
tient  de  la  main  gauche  la  boule  du  monde  et  lève  l'autre  pour 
bénir. 

Saint  Honoré,  à  la  différence  de  saint  Hugues,  porte  des  gants 
de  peau  blanche,  assez  longs,  et  avec  un  gland  au  poignet;  le 
médium  de  la  main  gauche  est  orné  d'un  anneau,  et  à  la  main 
droite  il  y  en  a  deux,  l'un,  l'anneau  pastoral  avec  une  pierre  pré- 
cieuse placé  au  pouce,  et  l'autre  à  l'index.  Il  lient  de  la  main 
droite  une  patène  en  or  avec  bordure  garnie  d'anges;  au  centre, 
qui  paraît  légèrement  concave,  est  figuré  le  Christ,  debout,  traité 
en  enluminure  comme  les  orfrois  de  la  chape;  il  a  la  tète  nimbée, 
avec  la  couronne  d'épines,  les  pieds  nus  leposant  sur  la  boule  du 
monde,  recouvert  à  mi-corps  d'un  large  manteau  avec  agrafe  ronde, 
le  reste  du  corps  nu;  il  étend  les  bras  en  bénissant. 

La  crosse  mérite  aussi  une  mention  particulière.  Saint  Honoré 
la  soutient  de  la  main  gauche,  à  la  différence  de  saint  Hugues; 
cette  pièce  est  aussi  d'un  beau  travail  et  d'une  grande  richesse.  Le 
bâton,  coupé  comme  l'autre  dans  sa  longueur  par  des  filets  sail- 
lants, dorés,  se  termine  ici  par  une  lige  droite  en  pointe,  rehaussée 
de  pierres  fines  et  contre  laquelle  est  appliquée,  en  appendice  for- 
mant une  sorte  d'encorbellement,  une  statuette  de  la  Vierge  à 
genoux,  au-dessus  d'un  petit  bandeau  transversal  garni  de  perles 
et  soutenu  par  un  ange  ailé  formant  cariatide;  à  cùté  d'elle,  au- 
dessus,  se  trouve  un  autre  ange;  on  a  voulu  sans  doute  représenter 
l'Annonciation.  Enfin,  sous  cette  partie  supérieure  de  la  crosse, 
existe  une  sorte  d'édicule  h  peu  près  semblable  à  celui  du  bâton 
de  saint  Hugues,  à  six  pans  également,  renfermant  dans  des  niches 
surmontées  de  clochetons  aigus  autant  de  personnages  dont  on  ne 


328  PEI\Tl'RES    1\C()\.\UKS    DE    LECOLE    FLAMAXDE. 

peut  voir  que  trois  :  le  Christ  dans  le  pan  de  face,  la  Vierge  à 
gauche,  et  dans  celui  de  droite  un  saint  qu'on  ne  saurait  déter- 
miner; ces  figures,  qui  ne  paraissent  qu'au  trait,  sont  un  peu 
effacées.  Toute  cette  partie  supérieure  de  la  crosse  est  dorée. 

Quant  aux  sujets  on  grisaille  qui  figurent  dans  les  cinq  compar- 
timents du  dais  (H.  0"',102;  L.  0",063),  ils  représentent  les  prin- 
cipaux épisodes  de  la  vie  de  saint  Honoré,  figures  en  bas-reliefs 
assez  accusés  et  délicatement  rendus;  il  nous  suffira  de  les  énon- 
cer sommairement  :  1°  saint  Honoré,  à  genoux,  sacré  évêque; 
2°  le  saint  guérissant  un  paralytique;  3°  l'apparition  d'une  main 
divine  au-dessus  de  l'autel  pendant  qu'il  célébrait  la  messe;  4°  le 
saint  en  prières  dans  sa  cellule;  5°  l'invention  par  lui  des  corps  de 
saint  Fuscien,  de  saint  V'ictoric  et  de  saint  Gentien. 

Telles  sont  ces  peintures.  Il  pouvait  y  avoir  intérêt  à  les  faire 
bien  connaître,  tout  d'abord,  dans  leur  ensemble  et  plus  particu- 
lièrement encore  dans  les  détails;  il  est  en  effet  de  ces  parties 
accessoires  que  la  photographie,  malgré  les  soins  apportés,  ne 
peut  reproduire  dans  leur  infinie  délicatesse,  et  la  loupe  seule 
a  permis  de  bien  les  voir  et  de  les  décrire.  Elles  nous  ont  paru 
avoir  leur  importance  au  point  de  vue  du  costume  et  de  l'ornemen- 
tation, et  aussi  comme  pouvant  contribuer  peut-être  à  mettre  sur 
la  voie  d'une  attribution  à  donner  à  ces  curieuses  et  belles  pein- 
tures d'une  Ecole  encore  trop  peu  connue. 

l'histoire 

Passons  maintenant  à  l'histoire  des  panneaux;  elle  aura  aussi 
son  intérêt,  croyons-nous,  relativement  aux  conjectures  à  en  tirer 
sur  les  noms  de  leurs  auteurs. 

La  Chartreuse  de  Thuison,  aux  portes  d'Abbeville,  était  très 
riche  ;  elle  possédait,  outre  une  étendue  considérable  de  terres  dans 
les  environs,  un  mobilier  religieux  des  plus  remarquables.  M.  l'abbé 
liCfebvre,  aujourd'hui  décédé,  lui  avait  consacré,  il  y  a  plusieurs 
années,  un  ouvrage  très  complet  et  très  approfondi.  Dans  le  cha- 
pitre VII  consacré  à  la  description  du  monastère  au  commencement 
du  seizième  siècle,  nous  relevons  le  passage  suivant,  page  167  : 

tt  Le  maître-autel  de  la  chapelle  était  surmonté  d'un  retable  en 


IM;I.\TLHES    I\  comme  s    de    L  école    FLAMA\I)E.  3-29 

chêne  richement  sculpté  et  entièrement  doré,  représentant  la  Pas- 
sion de  Notre-Sciyneur.  Ce  magnifique  ouvrage  n'était  visible  que 
les  jours  de  fête;  ordinairement  il  était  fermé  par  des  volets  ornés 
de  peintures.  Quatre  sujets  y  étaient  représentés  :  la  sainte  Vierge 
et  saint  Jean-Baptiste ^  patrons  de  toute  Chartreuse  ;  saint  Honoré ^ 
patron  particulier  du  monastère,  et  saint  Hugues,  évoque  de  Lin- 
coln, un  des  plus  illustres  enfants  de  saint  Bruno.  »  (M"  Siffait.) 

Ces  indications  étaient  déjà  précieuses,  carnous  retrouvons  bien 
l'image  de  ces^ saints  sur  quatre  des  panneaux;  on  ne  les  voyait 
que  quand  les  volets  étaient  fermés;  mais  quand  ceux-ci  étaient 
développés  pour  laisser  apparaître  le  retable,  la  paroi  intérieure 
des  volets  devait  présenter  également  des  peintures. 

Il  nous  restait  a  en  avoir  la  preuve;  or,  nous  avons  été  assez 
heureux  pour  la  trouver  d'une  manière  absolument  certaine  dans 
les  manuscrits  même  cités  par  M.  l'abbé  Lefebvre,  mais  qu'il 
n'avait  pas  relevés  eu  entier  sur  ce  point.  Il  est  vrai  de  dire  que 
l'auteur  de  l'histoire  de  la  Chartreuse  de  Saint-Honoré  ne  savait 
pas  que  ces  volets  avaient  pu  être  conservés  ;  il  pouvait  croire  qu'ils 
avaient  été  détruits  à  la  Révolution,  et,  ne  connaissant  pas  leur 
existence,  il  n'avait  pas  cru  devoir  s'en  occuper  davantage. 

Ces  manuscrits,  appelés  actuellement  du  nom  de  la  famille  Sif- 
fait qui  possède  les  originaux,  ont  été  écrits  successivement,  de 
1657  jusque  vers  la  fin  du  siècle  dernier,  par  plusieurs  habitants 
d'Abbeville,  de  noms  différents.  Ils  sont  fort  intéressants,  bien  que 
sous  une  forme  littéraire  parfois  fort  imparfaite;  mais  ils  ont  été 
tenus  sans  prétention,  ils  respirent  dans  leur  naïveté  la  vérité  et  la 
conscience  chez  leurs  auteurs,  et  on  peut  y  ajouter  foi  entière  '. 

Au  tome  V  (1774-1780),  l'auteur,  après  avoir  énuméré  et  par- 
couru les  différentes  parties  du  monastère,  parle  de  l'église,  de 
ses  chapelles,  et  arrivé  au  grand  autel,  il  le  décrit  en  ces  termes 
(page  32)  :  «  On  y  monte  par  trois  pas;  au-dessus  du  tabernacle 

'  l  oiei  le  titre  relevé  au  premier  volume  de  ces  mauusciits  :  a  Kvénements 
les  plus  remarquables  arrivés  à  Abbeville,  depuis  l'an  1657  jusqu'à  présent, 
pour  servir  de  suite  à  l'histoire  ecclésiastique  et  à  celle  des  mayeurs  à  Abbeville, 
imprimé  à  Paris,  au  mois  de  may  1657.  »  Ce  volume  va  jusqu'en  1716.  Il  est 
ajouté  :  »  Tiré  des  mémoires  qu'ont  laissés  les  défunts  M.  Pierre  Amourette, 
marchand  fripier,  M.  Xicolas  Amourette,  son  fils,  M.  Dannei,  marclianl  iiiiger, 
ancien  bâtonnier  du  patronage  de  S'  Georges,  M.  Jean  Quehen,  maître  tellier, 
et  Xicoias-Abraham  Blancart,  écuier  contrôleur  de  guerre.  " 


330  PE  I.MTLKES    1  \  C  0  .\  i\  L  E  S    DE    l/ECOLE    FLAMA.VDE. 

et  des  gradins  est  une  boette  où  dedans  est  représenté  {sic)  en  sculp- 
ture dorée  la  Passion  du  Sauveur,  et  quand  elle  est  fermée,  on  y 
voit  en  peinture  sur  les  couverts,  la  sainte  Vierge,  S*  Jean-Baptiste, 
saint  Honoré  et  saint  Hugues  dont  la  représentation  est  à  la  page 
précédente.  Cet  autel  est  éloigné  de  la  muraille  de  quatre  pieds,  etc.  ^ 

L'auteur  du  manuscrit  ne  parle  pas,  il  est  vrai,  des  sujets  peints 
sur  la  paroi  intérieure  des  volets,  mais  il  a  fait  plus  et  mieux.  Il  a 
exécuté  en  effet  à  la  page  précédente,  comme  il  l'indique,  deux 
dessins  à  la  plume  ilu  grand  autel  :  l'un  le  représentant  avec 
le  retable  fermé  par  les  volets  plies  par-dessus,  l'autre  avec  le 
retable  apparent  avec  les  volets  déployés  présentant  leur  paroi 
intérieure;  ces  dessins  sont  absolument  naïfs  et  enfantins,  mais, 
malgré  leur  imperfection,  on  retrouve  facilement  sur  les  volets 
fermés  la  sainte  Vierge  et  les  saints  indiqués  ci-dessus,  notamment 
le  saint  Hugues,  bien  reconnaissable  par  le  cygne  figuré  à  côté  de 
lui.  Sur  le  dessin  du  même  autel,  mais  avec  les  volets  déployés, 
et  de  dimensions  semblahlcs,  on  retrouve  également  les  sujets 
de  nos  panneaux,  notamment  V Ascension  avec  les  rayons  qui 
environnent  le  Clirist  et  aussi  la  Pentecôte  avec  l'arcature  qui  la 
surmonte;  c'est  bien  le  même  autel  qu'il  a  ainsi  représenté  sous 
ces  deux  aspects.  Enfin  nous  ferons  remarquer  que  nos  panneaux 
étaient  réellement  peints  de  chaque  côté  à  l'origine,  puisque  ce 
n'est  qu'il  y  a  trente-cinq  à  quarante  ans  qu'ils  ont  été  dédoublés 
par  un  trait  de  scie  dans  l'épaisseur  du  bois,  ainsi  que  nous  l'avons 
expliqué  ci-dessus,  pour  pouvoir  présenter  ainsi  toutes  les  pein- 
tures à  la  suite  les  unes  des  autres. 

Il  ne  peut  donc  y  avoir  de  doute  ;  l'identité  est  certaine,  et  ce 
sont  bien  nos  panneaux  que  l'auteur  du  manuscrit  a  vus,  sur 
place,  en  1774. 

,"  A  la  Révolution,  nous  dit  AI.  l'abbé  Lefebvre,  page  343  de  son 
ouvrage,  en  vertu  des  ordres  donnés  par  l'autorité  départementale, 
le  conseil  général  de  la  commune  d'Abbeville  fit  procéder  par  une 
commission  à  l'invenlaire  de  tous  les  objets  mobiliers  qui  se  trou- 
vaient dans  le  couvent,  à  l'église  el  ailleurs.  »  Cet  inventaire, 
malheureusement,  a  disparu,  de  même  que  le  procès-verbal  de  la 
vente  qui  eut  lieu  en  1791  ;  ces  documents  qui  ont  été  brûlés, 
comme  tous  les  papiers  du  district,  dans  la  nuit  du  -4  au  5  jan- 
vier 1795  (Prarond,  Topographie  d'Abbeville,  t.  1",  p.  -427),  nous 


l'KI\TL'RES    I.VCO.WLES    DE    L  ECOLE    F  I,  A  M  A  \  D  E  .  .i'.l 

auraient  révêlé  sans  cloute  bien  d'autres  œuvres  tl  ait  et  des  objets 
curieux. 

"  A  celte  époque,  ajoute  M.  l'abbé  Lefebvre,  page  3oG,  après  le 
départ  des  religieux,  les  objets  mobiliers  furent  mis  à  l'encan. 
Les  nombreux  ouvrages  d'art  dont  on  avait  embelli  l'église  : 
sculptures,  autels,  retables,  statues,  tableaux,  furent  vendus  k  vil 
prix  et  tellement  dispersés  de  tous  côtés  qu'à  peine  retrouve-t-on 
quelques  débris  de  ce  triste  naufrage.  ■■ 

L'auteur  de  l'ouvrage  sur  la  Chartreuse  de  Thuison  n'a  pas 
connu,  nous  l'avons  dit,  nos  panneaux  ;  il  n'avait  retrouvé,  de 
toutes  ces  richesses  artistiques,  que  les  deux  retables  en  bois 
relatifs  à  la  Vierge  et  à  saint  Honoré,  et  qui  sont  dans  l'église  Saint- 
Paul  d'Abbeville  et  à  l'église  du  Crotoy.  «Ce  sont  peut-èlre,  dit-il, 
les  seuls  objets  qui  restent  comme  souvenirs  de  la  Chartreuse  de 
Thuison.  «  Les  volets  retrouvés  depuis  sont  venus,  heureusement, 
augmenter  ces  souvenirs. 

Ces  tableaux  avaient  été  achetés  à  la  Révolution,  soit  directement 
du  district,  soit  de  seconde  main,  par  M.  labbé  Cauchy,  alors  curé 
de  l'église  du  Saint-Sépulcre  à  Abbeville  ;  ils  les  avait  donnés,  à  sa 
mort,  à  une  autre  personne,  et  c'est  ainsi  qu'ils  ont  été  conservés, 
presque  inconnus  jusqu'ici  à  Abbeville. 

Il  reste  à  rechercher  comment  la  Chartreuse  s'était  trouvée 
originairement  en  possession  de  ces  précieuses  peintures;  cette 
recherche  nous  permettra  peut-être  de  présenter  quelques  con- 
jectures sur  leur  auteur  ou  sur  leurs  auteurs,  car  nous  sommes 
porté  à  supposer,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  fait  pressentir  au 
cours  des  descriptions,  qu'elles  ne  sont  pas  l'œuvre  d'un  seul. 

Philippe  le  Bon,  duc  de  Bourgogne  (1387-1467),  après  s'être 
allié  à  Henri  V,  roi  d'Angleterre,  avait  depuis  1422,  date  de  la 
bataille  de  Alons  en  \imeu  aux  environs  d'Abbeville,  guerroyé 
pendant  plusieurs  années  dans  le  Pontliieu  ;  l'histoire  nous  rapporte 
ses  nombreux  combats  et  ceux  des  Anglais  pendant  le  règne  de 
Charles  VII  ;  c'est  l'époque  de  Jeanne  d'Arc  (1428-1431),  qui 
resta  prisonnière  aux  environs  d'Abbeville,  au  château  de  Drugy 
près  Saint-Riquier,  et  au  Crotoy. 

En  1435,  Philippe  le  Bon  se  détacha  des  Anglais  et  conclut 
avec  Charles  VII  la  paix  d'Arras  par  laquelle  le  roi  de  France  lui 
cédait  les  villes  qui  se  trouvaient  sur  les  deux  rives  de  la  Somme  : 


332  PEIMTLKES    lAiCOWUES    DE    L'ECOLE    FLAMAi\DE. 

Amiens,  Ahheville^  Doiillens,  Péronne,  Montdidier,  avec  leurs 
revenus,  le  roi  s'étaiit  réservé  la  souveraineté  et  la  faculté  de 
rachat  qui  plus  tard  fut  exercée,  en  1463,  par  Louis  XI  '.  Lors  de 
la  paix  d'Arras  il  y  eut  pour  le  Ponthicu  une  période  de  tran- 
quillité pondant  laquelle  Philippe  le  Bon  et  Jean  d'Auxy,  l'un  de 
ses  familiers,  amenèrent  de  la  Flandre  dans  la  Picardie  de 
nombreux  artistes  venus  surtout  de  la  cour  du  duc  de  Bourgogne 
qui  se  tenait  à  Bruges,  nous  dit  l'ahbé  Lefebvre,  p.  110  ■. 

Philippe  le  Bon  visita  plusieurs  fois  le  couvent  de  Saint-Honoré, 
à  Thuison  ;  c'était  sous  le  priorat  de  Dom  Firmin  Le  Ver  qui  occupa 
ces  fonctions  jusqu'en  14-40  \  Le  noble  duc,  venant  souvent  à 
Abbeville,  aimait  à  se  recueillir  dans  le  calme  de  la  solitude  de 
Thuison.  En  souvenir  de  son  séjour  dans  le  monastère,  voyons-nous 
encore  dans  l'ouvrage  de  I\L  l'abbé  Lefebvre,  page  112,  il  donna  à 
Dom  Firmin  Le  Ver  «  soixante  livres  parisisen  aumônes,  une  cha- 
suble de  velours  violet  semée  de  fleurs  de  lys  d'or  et  barrée  d'or  et 
quatre  tableaux  de  bois  doré  que  l'on  met  sur  le  grand  autel  et 
évangeliers  des  jours  solennels  » .  Et  en  note,  au  bas  :  Kaleiida- 
riuni.  Mss.  de  la  Grande  Chartreuse. 

Là  se  borne  la  citation  du  savant  auteur  ;  il  n'indique  pas,  il  est 
vrai,  où  il  a  trouvé  ce  précieux  manuscrit  dans  lequel  il  a  puisé  la 


'  Histoire  des  ducs  de  Bourgogne,  par  M.  de  Bauantk,  6*"  édit.,  t.  III.  —  His- 
loire  d' Abbeville,  par  M.  Louaxdre. 

-  Alcius  Lediei,  .X'olice  sur  Ernoul  Delf,  entaillenr  d'images  au  quinzième 
siècle.  —  Bulletins  de  la  Société  d'émulation  d' Abbeville,  1897,  n''  3. 

^  Firmin  Le  Ver,  d'une  riche  famille  d'Abbeville,  avait  fait  profession  dans  la 
Cliartreuse  de  Saint-Honoré;  nommé  prieur  avant  1420,  il  voulut  faire  plusieurs 
réformes  dans  le  couvent,  et,  dans  leur  mécontentement,  certains  religieux,  nous 
apprend  M.  l'abbé  Lefebvre,  le  dénoncèrent  en  1421,  et  il  fut  envoyé  provisoi- 
rement dans  un  autre  monastère;  il  ne  rentra  dans  sa  maison  de  profession  qu'en 
1423  et  n'y  fut  réélu  prieur  qu'en  1437;  il  remplit  ces  fonctions  jusqu'en  1440. 
C'était  un  savant  et  uu  lettré,  et  on  lui  doit  un  Dictionnaire  latin-français,  fait 
par  lui  de  1421  à  1440;  ce  travail  est  surtout  précieux  pour  l'étude  de  la  langue 
française  de  cette  épo(|ue.  L'auteur  consacra,  dit-on,  vingt  ans  de  ses  loisirs  à  cet 
ouvrage,  composé  de  mille  pages  d'une  belle  écriture  gothique,  avec  explication 
des  trente  mille  mots  qui  s'y  trouvent  contenus.  (Rapport  de  AI.  le  chanoine 
Gagny  en  1884,  sur  l'ouvrage  de  La  Chartreuse  de  Saint-Honoré  à  Thuison,  par 
M.  l'abbé  Lefebvre.)  Ce  manuscrit  fut  acheté  en  1866  par  M.  Firmin  Didot  à  la 
vente  du  marquis  Le  Ver,  (|ui,  nous  dit  M.  Ernest  Praro.vd  da.ns  Les  hommes  utiles 
de  r arrondissement  d'Abbeville,  le  tenait  lui-même  de  M.  Traullé,  d'Abbeville; 
il  fut  enfin  acquis  vers  1885,  par  l'Ltat,  pour  la  Bibliothèque  nationale,  au  prix  de 
9,000  francs. 


PEI.VTURKS    INCOMMUES    D  F,    LKCOLi:    FLAM.WDE.  H33 

mention,  d'ailleurs  bien  précise  et  bien  formelle.  Mous  n'avons 
pas  pu,  iiial<jré  nos  recbcrclies,  retrouver  ce  document;  il  n'a  pas 
dû  être  publié,  mais  l'auteur  nous  a  écrit  qu'il  l'avait  eu  en  main; 
il  est  malheureusement  décédé  peu  après,  il  y  a  quelques  années. 
La  citation  doit  être  exacte,  elle  n'a  pas  été  imaginée,  car  le  soin 
avec  lequel  l'auteur  de  l'Histoire  de  la  Chartreuse  de  Saint- 
Honoré^  l'a  relevée,  en  la  mettant  entre  guillemets,  prouve  suffi- 
samment qu'elle  a  été  copiée  textuellement  par  lui  sur  le 
manuscrit.  Cette  mention  présente  donc  tous  les  caractères  de 
véracité  et  d'exactitude. 

Or,  les  indications  ci-dessus  sont  absolument  intéressantes  pour 
l'étude  qui  nous  occupe  ;  en  effet,  et  en  les  reprenant  une  par  une  : 

Quatre  tableaux...  C'est  précisément  le  nombre  de  nos  pan- 
neaux dans  leur  état  originaire;  c'est  seulement  il  y  a  quelques 
années,  nous  l'avons  dit,  qu'ils  ont  été  sciés  dans  le  sens  de  leur 
épaisseur. 

De  bois  doré...  Les  panneaux  sont  en  bois;  les  peintures  sont 
dorées  autant  qu'elles  peuvent  l'être. 

Que  Von  met  sur  le  (jrand  autel...  Or,  nous  avons  vu,  d'après 
un  document  indiscutable,  les  manuscrits  Siffait,  que  nos  pan- 
neaux, précisément,  étaient  placés  sur  le  grand  autel.  La  repré- 
sentation même,  en  deux  fois,  de  cet  autel,  ne  laisse  aucun  doute; 
il  n'y  avait  pas  d'autres  tableaux  que  ceux  dont  nous  nous 
occupons.  Et  puis  enfin,  dirons-nous  encore,  ceux-ci  étaient  assez 
beaux  et  assez  importants  pour  figurer  à  cette  place  d'honneur'. 


1  Cet  ouvrage  a  élé  couronné  en  1884,  par  la  Société  des  antiquaires  de  Picar- 
die, à  Amiens,  sur  le  rapport  de  M.  l'abbé  Gagny,  de  vénérable  mémoire,  un 
savant  et  un  érudit. 

-  Il  est  à  remarquer  que  le  passage  du  Kalendarium  (et  il  faut  le  prendre  dans 
ses  termes  et  à  la  lettre)  ne  parle  pas  de  la  Passion  en  bois  sculpté;  ce  retable 
n'est  signalé  que  dans  les  manuscrits  Silfait.  Sans  doute,  ainsi  que  M.  L.  de  Four- 
caud  a  bien  voulu  nous  le  faire  observer,  les  sculptures  encadrées  et  couvertes 
de  volets  peints  furent  à  la  mode  de  bonne  heure  (autel  porlatil  de  Dijon  de  Jac- 
ques de  le  Baerze,  avec  peinture  de  Broederlam),  et  cette  mode  dura  longtemps". 
Il  n'y  a  donc  rien  d'impossible  k  ce  que  le  retable  de  Thuison  ait  été  ainsi  fait  des 
sou  origine,  mais  le  Kalendarium  ne  dit  rien  de  pareil;  il  parle  simplement  de 
quatre  tableaux  de  bois  doré  mis  sur  l'autel,  et  il  vaut  mieux  prendre  ce  texte  à 
la  lettre  sans  l'interpréter.  Philippe  le  Bon  avait  donné  quatre  panneaux;  rien 

1  II  y  a  à  Baume-les-Messieurs  un  retable  du  milieu  du  seizième  siècle,  dont  la  partie 
centrale    représente  une   Passion  sculptée   et    tout   enveloppée  de  panneaux  peints. 


334  PEIMTURES    IXCOXXUES    DE    LE C OLE    FLAMAXDE. 

Il  y  a  là,  certainement,  des  coïncidences  multiples  qui  semblent 
s'imposer.  On  peut  donc  dire  en  toute  vraisemblance,  et  même, 
peut-on  ajouter,  en  toute  certitude,  que  les  tableaux  que  nous 
présentons  sont  bien  les  tableaux  de  bois  doré  si  formellement 
mentionnés  dans  le  Kalendarium  et  dans  les  manuscrits  de  la 
Grande-Cliartreuse, 

On  a  vu,  d'autre  part,  que  le  don  en  fut  fait  par  Philippe  le 
Bon  au  prieur  Dom  Firmin  Le  Ver;  or  celui-ci  cessa  son  prieurat 
en  IMO.  Cette  date  est  précieuse  à  retenir. 

Philippe  le  IJon,  on  le  sait,  était  un  grand  amateur  d'art  ;  tous 
les  historiens  ont  parlé  de  son  faste,  et  les  dons  qu'il  faisait  aux 
monastères  étaient  tous  réellement  princiers  et  de  haute  valeur. 
«  Son  règne,  nous  dit  AI.  de  ISarante  dans  VHistoù'e  des  ducs  de 
Bourgogne  (tome  \,  pa^je  387,  6"  édition),  resta  dansli  mémoire 
comme  une  époque  d'éclat,  de /)uissance,  de  richesse  et  même  de 
bonheur,  car  jamais  la  Flandre  ne  retrouva  un  temps  si  piospère.  » 
Et  ailleurs  :  '-  Aucun  roi  n'avait  eu  autant  de  puissance  et  de 
richesse...  son  règne  de  cinquante  ans  fut  noble  et  glorieux...  le 
duc  avait  été  le  plus  grand  souverain  de  son  temps.  » 

Philippe  le  Bon  était  en  relations  suivies  avec  les  artistes 
flamands,  et  nous  savons  qu'il  prit  à  son  service,  en  qualité  de 
peintre  et  de  valet  de  chambre,  Jean  Van  Eyck,  en  qui  il  avait 
placé  toute  sa  confiance  ;  il  fut,  en  1434-,  le  parrain  de  son  enfant. 
Jean  Van  Eyck  mourut  en  1440,  la  même  année  précisément  que 
le  prieur  de  la  Chartreuse  de  Thuison  à  qui  le  duc  de  Bourgogne 
avait  donné  quatre  tableaux  de  bois  doré. 

IVous  nous  bornons  ici  à  indiquer  des  faits,  à  donner  des  dates, 
à  présenter  des  documents,  mais  nous  n'allons  pas  plus  loin  et 
nous  ne  prétendons  pas  le  moins  du  monde  attribuer  ces  peintures 


ne  s'oppose  à  cette  indication  que  pins  fard,  au  seizième  siècle,  on  ait  composé 
un  retable  avec  une  Passion  qui  aurait  été  plus  récemment  achetée  à  Gand,  par 
exemple  (où  avait  été  fabriquée  celle  de  Baume-les-AIessieurs),  et  les  anciennes 
peintures  complétées,  pour  leur  nouvel  emploi,  par  de  nouvelles  peintures  au 
revers.  Comme  M.  de  Fourcaud  ajoutait  très  judicieusement,  tant  qu'on  n'aura 
pas  retrouvé  un  document  formel  ou  les  débris  qui  peuvent  subsister  du  retable 
(si  tant  est  qu'il  en  existe),  il  sera  impossible  de  se  faire  une  idée  certaine  de 
l'âge  de  cette  partie  centrale  et  de  la  constitution  primitive  du  retable.  Cette 
supposition  a  au  moins  l'avantage  de  ne  pas  forcer  le  sens  du  texte  du  Kalenda- 
rium. 


l'KIM'lRES    IXCOWTES    DE    L'ECOLE    FLAMAXDE.  335 

à  Jean  Van  Eyok,  car  elles  ne  sont  cerlaiiiement  pas  de  lui.  \'oiJs 
(lirons  seulement,  dès  maintenant,  (juo  ces  [)anneaux,  au  moins 
ceux  représentant  des  sujets,  sont  vraisemblablement  d'un  de  ses 
successeurs  immédiats  ou  à  peu  près. 

Parmi  les  peintres  flamands  en  renom  de  la  première  moitié  du 
quinzième  siècle,  il  eu  est  un  dont  les  œuvres  nous  ont  paru 
présenter  quelque  points  de  comparaison  avec  les  sujets  des  pa- 
rois intérieures  de  nos  volels,  c'est  Roger  de  la  Pasture  ou,  selon 
la  traduction  en  flamand,  Rogier  Van  der  IVeyden  ou  encore 
Rogier  de  Bruges.,  né  vers  1400,  mort  en  1464.  D'après  plusieurs 
des  ouvrages  qui  ont  été  écrits  sur  les  peintres  de  l'Ecole  flamande 
primitive,  il  aurait  été  élève  des  Van  Eyck  à  Bruges,  où  Phi- 
lippe le  Bon  tint  sa  cour.  IVaagen,  dans  son  Manuel  de  l'his- 
toire de  la  iieinture  ',  tome  I",  page  129,  tout  en  paraissant  ne 
pas  mettre  en  doute  que  Rogier  Van  der  U  eyden  fut  l'élève,  et 
même  le  plus  célèbre,  dit-il,  page  127,  de  Jean  Van  Eyck-,  le 
plus  jeune  des  deux  l'rères  qui  vécut  jusqu'en  1440,  dit  que  ses 
œuvres  révèlent  en  outre  l'influence  très  décidée  d'Hubert  et 
(\\\il  traita  comme  lui  les  sujets  inspirés  par  le  mysticisme  du 
moyen  âge.  Par  Xk  pureté  de  style  des  draperies ^  il  se  rapproche 
encore  plus  d'Hubert  que  de  Jean,  mais,  dit  encore  Waagen, 
«  il  ressemble  à  ce  dernier  par  sa  façon  magistrale  de  vendre 

'  D'après  des  indications  d'un  grand  intérêt  qui  nous  sont  données  au  cours  de 
ce  travail,  il  ne  paraît  pas  étubli  que  Rogier  ait  été  l'élève  de  Van  Eyck.  Pour 
prouver  que  Rogier  a  subi  particulièrement  l'influence  d'Hubert',  il  faudrait 
savoir  au  juste  sa  part  de  collaboration  au  tableau  de  ÏAgneau,  et  sur  ce 
point  il  n'y  a,  parait-il,  que  des  hypotiièses.  Rogier  est  inscrit  en  1427'sur  les 
livres  de  la  Gliilde  de  Tournai;  ou  le  voit  reçu  maître  en  14-32,  et  il  est  fixé  à 
Bruxelles  en  1435.  Son  seul  maître  authentiqueraent  connu  est  Robert  Gampin  de 
Tournai.  S'il  est  allé  à  Bruges,  ce  ne  peut  guère  être  qu'après  1432,  son  éduca- 
tion terminée,  car  il  ne  fût  pas  entré  chez  Campin  en  sortant  de  chez  Van  Eyck. 
Il  n'a  donc  subi,  très  probablement,  l'influence  de  Bruges  que  par  voie  d'am- 
biance et  comme  tous  ses  contemporains. 

-  Manuel  de  l'histoire  de  la  peinture.  Ecoles  allemande ,  Jlamande  et  hollan- 
daise., par  G. -F.  W.4.4GE.\",  directeur  de  la  Galerie  royale  de  tableaux,  à  Berlin; 
traduction  par  AI.  Hymans,  conservateur  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles, 
correspondant  de  l'Institut  de  France,  et  M.  J.  Cadot,  3  vol.  in-S".  Paris,  4863. 

'  M.  Henri  Hymans,  l'érudit  conserrateur  bien  connu  de  la  Bibliothèque  royale  de 
Bruxelles,  nous  a  fait  voir,  au  Congrès  de  Gand,  en  1806,  la  pierre  tombale  d'Hubert  Van 
Eyck  (jui  se  froure  posée  debout  à  l'une  des  extrémités  de  l'immense  réfectoire  de  l'an- 
cienne abbaye  célèbre  de  Saint-Baron.  Cette  grande  salle  en  longueur,  bien  restaurée, 
renferme  d  antres  pierres  sculptées  retrouvées  dans  les  ruines  du  monastère. 


;{;?6  PEINTURES    TNCO.WUES    DE    LE  C  OLE    FLAMAXDE. 

rendre  les  objets,  et  par  le  i^ea  de  souci  de  la  beauté  qui  parfois 
distingue  SOS  œuvres.  La  préoccupation  trop  absolue  du  réel  le 
conduisit  même  quelquefois  à  représenter  des  sujets  répugnants  et 
sans  goût.  Ainsi  les  nus  sont  maigres,  les  doigts  trop  longs,  les 
pieds,  surtout  dans  ses  premiers  ouvrages,  mal  conformés.  Sa 
couleur,  en  revancbe,  sans  égaler  en  profondeur  et  en  éclat  celle 
du  maître,  [possède  une  étoîwante  vigueur  ;  ses  carnations,  dans  la 
première  période  '  ont  une  teinte  dorée  (|ui  se  rafraîchit  par  la 
suite  (page  130).  " 

Nous  devons  remarquer  toutefois  ici  que  les  caractères  indiqués 
par  Waagen,  y  compris  la  couleur  d'un  brun  doré,  sont,  il  faut  le 
dire,  ceux  de  presque  tous,  sinon  de  tous  les  successeurs  immédiats 
de  Van  Eyck.  , 

D'autre  part,  M.  Alfred  Michiels,  dans  son  grand  ouvrage  en 
cinq  volumes  :  Histoire  de  la  peinture  Jlamande,  publié  à  Paris 
en  1866,  rappelle  aussi  que  Rogier  Van  der  Weyden  fut  l'élève  le 
plus  important  des  Van  Eyck  ;  "  tout  au  moins,  ajoute-t-il,  il  peut 
avoir  perfectionné  son  talent  sous  la  direction  du  plusjeune,  quand 
il  avait  obtenu  lui-même  le  droit  d'enseigner,  étant  devenu  franc- 
maître  de  la  corporation  de  Saint-Luc  à  Tournai  en  1432,  en 
même  temps  que  Jacques  Daret;  l'École  de  Bruges  à  laquelle  il  se 
rattache  était  éminement  poétique  et  s'adonnait  au  paysage,  or  les 
tableaux  de  Van  der  Weyden  à  Berlin  ont  pour  fonds  d'admirables 
paysages  *  )i . 

Enfin  M.  A.-J.  Wauters,  qui,  dans  son  oawàge  :  La  peinture 
flamande,  piihWé  aVurh  en  1883',  a  résumé  non  seulement  le 
résultat  de  ses  premières  recherches  remontant  à  1846,  mais  aussi 


'  Il  eût  élé  intéressant  de  pouvoir  comparer  nos  panneaux  aux  premiers  ouvrages 
(le  Rogier  Van  der  Weyden;  mais,  nous  dit  encore  M.  de  l'^ourcaud,  les  plus 
anciennes  peintures  citées  par  des  textes  ont,  paraît-il,  disparu  comme  ceux  de 
l'hôtel  de  ville  de  Bruxelles  dont  on  ne  peut  juger  que  par  quelques  transcriptions 
en  tapisserie  (au  Munster  de  Berne)  ;  la  chronologie  des  rares  ouvrages  du 
maître  qui  peuvent  passer  pour  authentiques  est  bien  difficile  à  établir. 

Rappelons  que  nos  panneaux,  d'après  les  documents,  se  placent  avant  1440,  et 
que  ce  n'est  qu'en  1447  ou  1449  que  Rogier  Van  der  Weyden  alla  en  Italie  et  s'y 
perfectionna. 

-Il  faut  dire  que  les  tableaux  de  presque  tous  les  Flamands  primitifs  renfer- 
ment des  paysages. 

^  Bibliothèque  de  l'enseig7iement  des  Beaux-Arts  ;  La  j^einture  Jlamande,  par 
A.-J.  Wauters.  Paris,  Quantin,  1883. 


PEIMTl'RKS    I\"CO\"\LES    1)  K    I.KCOLK    K  L  A  M  A  \  I)  i; .  337 

celles  (le  Michicls  et  de  Waagen,  s'exprime  ainsi,  page  62,  au  sujet 
(le  ce  peintre  :  "  Rogier  Van  der  IVeyden,  dit-il,  hérita  de  Van 
Eyck  l'art  de  bien  peindre.  Sa  couleur,  sans  égaler  celle  du  maître 
sous  le  rapport  de  l'harmonie  et  de  la  finesse,  en  possède  l'éton- 
nante puissance.  Ses  tahieaux,  d'un  aspect  si  niergique  et  d'une 
si  grande  allure,  sont  habilement  agencés,  et  leurs  personnages 
expriment  un  sentiment  dramatique  très  pénétrant.  Son  dessin 
est  correct  ;  seulement  dans  le  corps  humain  comme  dans  les 
vêtements,  dont  les  contours  sont  parfois  raides  et  anguleux,  il  a 
toujours  exagéré  la  longueur.  ^ 

Si  l'on  réunit  ces  divers  éléments  d'appréciation  et  si,  revenant 
aux  reproductions  des  trois  premiers  panneaux  décrits,  la  Cène, 
V Ascension  et  la  Pentecôte,  ou  cherche  à  les  y  appliquer,  on  peut 
remarquer  quelques  points  qui  paraissent  les  rattacher  au  genre 
de  talent  particulier  de  Van  der  Ueyden,  à  ses  qualités  comme 
aussi  à  ses  imperfections  '. 

Mous  avons  fait  observer  en  effet,  dans  les  descriptions,  l'habile 
agencement  des  groupes,  la  longueur  des  vêtements,  le  sentiment 
pénétrant  qu'expriment  toutes  les  figures,  leur  aspect  très  caracté- 
risé, mais  en  même  temps  (à  l'exception  des  belles  figures  du  Christ 
et  de  la  Vierge  exceptionnellement  douces  et  d'un  modelé  parfait) 
le  peu  de  souci  de  la  beauté  pour  celles  des  apcjtres,  dont  les  traits 
sont  très  accentués,  énergiques,  presque  rudes  ;  on  constate  que 
les  nus  sont  maigres,  les  doigts  trop  longs,  les  pieds,  les  jambes 
mal  conformés,  comme  le  dit  Waagen  ;  d'autre  part,  on  a  vu  avec 
quelle  étonnante  vigueur,  dans  le  sujet  de  la  Cène,  les  profils  de 
trois  des  apôtres  se  détachent  sur  la  blancheur  de  la  nappe  ;  il  est 
vrai  que  sur  ce  point  on  trouve  une  réelle  analogie  avec  le  même 
sujet  traité  par  Thierri  Bouts.  A'ous  rappellerons  aussi,  au  sujet  des 
paysages  dont  parle  M.  Alichiels,  celui  qui  a  été  si  bien  traité  dans 
V Ascension  ;  mdÀs  on  trouve  aussi  ces  paysages  dans  d'autres  pein- 
tures de  cette  époque  ;  de  même  aussi  cette  échappée,  si  curieuse 
et  si  finement  détaillée  par  l'embrasure  d'une  croisée,  dans  la  Cène, 

'  Notons,  d'ailleurs,  au  nom  de  l'impartialité,  que  deux  des  membres  du 
Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts,  après  avoir  vu  ces  belles  peintures  et  en 
avoir  reconnu  le  haut  intérêt,  ont  déclaré  n'y  reconnaître  ni  la  main  de  maître 
Rogier,  ni  celle  de  Thierri  Boats,  ou  d'aucun  des  maîtres  connus  de  l'École 
flamande.  L'opinion  que  nous  émettons  ici  nous  est  donc  personnelle,  et  nous  ne 
la  donnons  d'ailleurs  que  sous  de  grandes  réserves. 

22 


338  rEl\'Tll{ES    INCOIVX'UKS    D  K    l.KCOLK    FLAMANDE. 

du  carrefour  d'une  ville  flamande  au  moyen  àye.  M.  IJigarme,  de 
Beaune,  depuis  décédé,  membre  de  la  Commission  des  Antiquités 
de  la  Cùte-d'Or,  qui  a  vu  ces  peintures  vers  J880,  a  cru  trouver 
dans  les  monuments,  et  particulièrement  dans  ceux  de  VAsceti- 
sion,  une  ressemhlance  avec  ceux  de  la  ville  de  Bru<jes  ;  nous 
avons  dit  plus  haut  qu'on  ne  saurait  peut-être  les  rattacher  plutôt 
à  cette  ville  qu'à  une  autre. 

D'autre  part,  la  comparaison  avec  plusieurs  des  œuvres  assez 
généralement  attribuées  à  Van  iler  Ueyden  peut  fournir  aussi  des 
éléments  au  point  de  vue  d'une  attribution. 

C'est  ainsi  que  dans  le  remarquable  tableau  des  Sejyt  Sacrements 
qui  est  au  ^lusée  d'Aavers,  plusieurs  particularités  significatives 
nous  ont  iVappé  conime\e  remarquant  également  dans  les  trois 
sujets  de  nos  premiers  panneaux  :  la  longueur  des  vêtements,  qui 
est  caractéristique  dans  l'œuvre  de  Van  der  Weyden,  les  détails 
d'architecture  reproduits  avec  grande  fidélité  et  d'un  fini  achevé, 
le  groupement  habile  des  personnages,  la  longueur  des  doigts; 
nous  signalerons  aussi  le  type  de  la  Vierge  dans  le  compartiment 
du  milieu  des  Sacrements ,  type  qui  paraît  se  rapprocher  de  celui 
de  nos  panneaux  ;  puis  encore  les  chaussures  à  la  poulaine  se  rap- 
portant au  quinzième  siècle,  surtout  dans  la  première  partie.  Enfin, 
et  nous  insistons  tout  particulièrement  sur  ce  point  comme  l'ayant 
bien  observé  sur  place,  c'est  l'intensité  de  vie  qui  se  dégage  des 
yeux  des  personnages  comme  dans  nos  peintures  ;  nous  citerons 
notamment,  du  tableau  d'Anvers,  et  bien  que  cela  paraisse  peu 
vraisemblable,  la  vivacité  extraordinaire  des  yeux  du  moribond 
semblant  avoir  une  dernière  lueur  de  vie  pendant  que  le  prêtre  lui 
administre  le  sacrement  de  l'Extrême-Onction. 

Si  nous  nous  arrêtons  à  un  autre  tableau  qui  est  également 
attribué,  comme  hors  de  doute,  à  Van  der  Ueyden  le  Vieux,  le 
Jugement  dernier ,  si  célèbre,  de  l'hôpital  de  Beaune,  nous 
remarquons  encore  le  type  de  la  Vierge  prosternée,  les  mains 
jointes,  et  dans  la  même  attitude  que  dans  Y  Ascension,  les  traits 
d'une  certaine  vulgarité  et  presque  rudes  de  plusieurs  des  person- 
nages, .la  longueur  des  vêtements,  les  défauts  d'anatomie  des 
membres,  notamment  la  déformation  des  pieds;  puis  aussi  la 
figure  du  Christ  que  Ton  retrouve  avec  quelque  analogie  dans  la 
Cène  et  dans   V Ascension  de  nos  panneaux.  11  en  est  de  même 


PE  IX  TU  RE  s    IMCO.WIES    DE    1,  ECOLE    ri.AMWDE.  330 

<!ans  le  Christ  au  tombeau  (|ui  csl  au  Aliisée  du  Louvre,  avec  son 
corps  tiop  long,  ses  nieml)i  es  maigres  et  le  développcmenl  exagéré 
du  manteau;  la  figure  de  la  Vierge,  etc.  IVous  remarquons  égale- 
ment la  délicatesse  inlinie  i\c^  fleurettes  dont  le  sol  est  éniaillé 
au  premier  plan  et  (|ui  rappelle  celles  àeVAscensioriy  puis  enfin  le 
merveilleux  paysage  qui  se  déroule  dans  le  fond  avec  la  représen- 
tation d'une  ville  au  loin,  les  arbres  à  la  tige  élevée  et  grêle,  les 
autres  en  boule  au  delà,  aussi  comme  dans  le  même  panneau.  Ce  ne 
sont  pas  là,  sans  doute,  nous  le  reconnaissons,  des  points  suffi- 
samment caractéristiques  pour  permettre  d'asseoir  un  jugement 
certain,  mais  ils  peuvent  être  relevés.  On  ne  saurait  en  tout  cas, 
croyons-nous,  établir  de  comparaison  avec  les  Meniling  et  les 
Quentin  Matsys ;  on  se  rapproclierait  plutôt  du  peintre  maubeugeois 
Jean  de  Mabuse,  sauf  la  question  de  date  ;  il  ne  faut  pas  s'attacber 
non  plus  à  Van  der  Neire  de  Gand,  car  il  n'apparaît  que  plus  tard: 
le  genre  d'ailleurs  est  complètement  ditlereut. 

Les  tableaux  du  Musée  de  Berlin,  également  attribués  à  \an  der 
Weyden,  nous  présentent  moins  de  traits  de  ressemblance,  mais 
il  faut  dire  qu'ils  sont  de  la  seconde  manière  du  maître,  après 
qu'il  était  allé,  en  1447  ou  en  1449,  se  perfectionner  en  Italie;  les 
traits  des  personnages  sont  plus  soignés,  plus  fondus,  d'une  grande 
suavité;  toutefois  nous  croyons  y  retrouver  encore  certains  points 
permettant  la  comparaison,  tels  que  les  dimensions  des  vêtements, 
l'éclat  des  yeux,  etc.  Le  type  des  figures  du  Christ  et  de  la  Viej'ge 
dans  le  triptyque  de  la  Naissance  du  Christ  de  Berlin  pourrait 
également  se  rapporter  à  ceux  des  tableaux  de  Thuison,  celui  plus 
particulièrement  du  Christ  dans  la  Descente  de  croix  à  la  Haye, 
dans  la  Mise  au  tombeau  aux  Offices  à  Florence,  dans  le  Christ 
en  croix  à  Dresde,  où  l'on  retrouve  ce  corps  long,  émacié,  ce 
visage  allongé  avec  la  barbe  en  pointe,  de  même  encore  dans  le 
Christ  en  croix  du  Musée  de  Berlin  ;  nous  ne  parlons  ici  de  ces 
comparaisons  que  d'après  des  photographies  examinées  chez 
Braunn,  à  l'aris. 

11  existe  à  l'église  d'Ambierle  en    Roannais    un  retable  de  la 

Passion  i\\xidi  fait  l'objet,  dans  la  Gazette  archéologique,  d'une 

étude  très  approfondie  de  M.  E.  Jeannez  ;  nous  en  devons  l'indi- 

•  calionànotre  savant  confrère,  M.  le  comte  de  Marsy,  et  nous  sommes 

heureux  de  l'en  remercier  ici.  Or,  M.  Jeannez  a  été  amené,  par 


340  PEIMTURES    Ii\CO\i\UES    HE    I/ECOLE    FLAMANDE. 

les  renseignements  d'hisloire  et  de  chronologie,  à  regarder  Van 
der  U  eyden  comme  Pautenr  probable,  sinon  certain,  des  volets  du 
retable  d'Ambierle;  il  y  a  trouvé,  comme  caractère  particulier  et 
(|ue  nous  retrouvons  dans  nos  peintures,  «  la  simplicité  et  la  dignité 
des  attitudes,  le  grand  caractère  des  têtes  s'alliant  à  une  imitation 
scrupuleuse  de  la  nature,  le  dessin  parfois  défectueux  dans  les 
pieds  ou  les  mains  toujours  maigres,  les  plis  carrés  et  anguleux 
des  draperies  "  .11  ajoute  plus  loin,  comme  observations  confirmant 
les  premières  :  '  Le  réalisme  le  plus  intentionnel,  les  duretés  de 
détail  dans  les  extrémités,  les  fonds  de  paysage,  les  premiers  plans 
semés  d'iris,  de  viole^es,  de  myosotis  minutieusement  étudiés, 
les  masses  de  rochers,  les  chemins  qui  serpentent  en  fuyant  vers 
l'horizon,  etc.  -^  \e  dirait-on  pas,  véritablement,  qu'il  s'agit  des 
volets  intérieurs  de  la  Chartreuse  de  Thuison?  Il  est  vrai  que 
l'attribution  à  Rogier  du  retable  d'Ambierle  n'est  qu'hypothétique 
et  ne  repose  sur  aucun  document  certain,  et  on  ne  saurait  en  étayer 
la  base  d'une  attribution  pour  nos  panneaux;  mais  il  y  a  là  des 
points  d'analogie  qui  nous  ont  frappé  et  que  nous  avons  cru  devoir 
signaler. 

Nous  ne  prétendons  pas  tirer  de  cette  étude  comparative  la 
preuve  que  Rogier  Van  der  U  eyden  serait  l'auteur  des  peintures 
de  Thuison;  il  nous  aura  suffi,  en  simple  amateur  qui  s'est  pas- 
sionné pour  ces  œuvres  d'art,  mais  qui  craindrait  de  se  laisser 
entraîner,  de  poser  quelques  jalons,  d'élucider  le  point  historique, 
d'exprimer  enfin  des  impressions  d'après  une  étude  descriptive 
détaillée.  Nous  laissons  à  de  plus  savants  et  à  de  plus  experts  que 
nous  le  soin  de  se  prononcer  d'une  manière  plus  affirmative  sur 
l'auteur  possible,  selon  nous,  de  ces  belles  et  curieuses  peintures 
du  quinzième  siècle. 

Restent  les  quatre  grandes  figures  isolées  qui  figuraient  sur  les 
parois  extérieures  quand  les  volets  étaient  fermés. 

Ici  nous  ne  pouvons  plus  appliquer  la  mention  du  Kalendarium 
qui  parle  de  tableaux  de  bois  doré,  car  les  dorures  des  orfrois 
ne  sont,  en  quelque  sorte,  qu'accessoires,  tandis  que  sur  les  sujets 
précédents  l'or  domine  partout,  dans  les  rayons  de  Y  Ascension  et 
de  la  Pentecôte,  sur  le  dais  qui  surmonte  cette  dernière  scène, 
dans  les  draperies  du  fond  et  ailleurs.  Sur  les  quatre  panneaux 


l'EIKTURES    IXCOWLES    l»i:    I.ECOI.i:    FLAM.WDi;.  'iil 

extérieurs,  au  conlraire,  les  niches  et  les  dais,  ainsi  que  les  sujets 
en  bas-reliofs  (|ui  s'y  trouvent,  sont  tous  peints  en  grisaille. 

D'autre  part,  les  détails  d'arcliitecture,  arcs,  bandeaux,  etc.,  ne 
paraissent  pas  se  rapporter  à  une  épo(|ue  antérieure  à  1-440;  ceux 
même  de  Saint  Jean-Baptiste  e.t  de  Saint  Honoré^  j)ar  leur  foime 
arcliitectonique,  paraissent  se  raltaclier  plutôt  au  seizième  siècle; 
aussi  avons-nous  déjà  indiqué,  lors  des  descriptions,  que  ces  deux 
panneaux,  non  seulement  par  l'architecture,  mais  aussi  par  In 
manière  dont  les  personnages  et  particulièrement  les  figures  ont 
été  traités,  nous  paraissent  d'une  époque  postérieure  aux  deux 
premiers,  représentant  la  Vierge  et  Saint  Hugues;  et  cependant 
la  manière  dont  ils  sont  disposés,  ainsi  (|ue  les  costumes,  présentent 
une  certaine  similitude  qui,  au  premier  aspect,  semble  les  ratta- 
cher directement  les  uns  aux  autres. 

Si  nous  osions  hasarder  une  hypothèse,  car  nous  sommes  ici 
dans  le  champ  des  simples  conjectures,  ne  trouvant  plus  les  élé- 
ments caractéristiques  qui  nous  avaient  guidé  dans  nos  premières 
observations,  nous  dirions  ceci  :  Philippe  le  Bon  aurait  bien 
donné,  de  1437  à  1440,  ce  qui  paraît  établi,  les  quatre  tableaux 
de  bois  doré  représentant  des  sujets,  mais  sans  peinture  derrière 
les  tableaux.  Ceux-ci  garnissaient  bien  l'autel  dès  l'origine,  nous 
le  savons  d'après  la  mention  formelle  du  Kalendarium  (v.  plus 
haut,  n.  37);  mais  ce  document  ne  parle  pas  du  bas-relief  de  la 
Passion;  si  ce  retable  avait  existé  à  cette  époque,  l'auteur  du 
manuscrit  l'aurait  sans  doute  indiqué.  D'ailleurs,  dans  ces  condi- 
tions, le  retable  eût  été  constitue  d'une  façon  normale,  et  l'on 
n'aurait  assurément  pas  omis  de  peindre  les  volets  sur  les  deux 
faces  à  la  fois,  et  on  a  dû  peindre  plus  tard  la  paroi  extérieure.  On 
peut  ajouter  que  les  sujets  mêmes  des  panneaux  n'indiquent  pas 
qu'ils  dussent  accompagner  une  Passion  ;  il  n'y  aurait  guère  que 
la  Cène.  On  peut  se  référer,  à  l'égard  de  la  recherche  d'unité,  au 
retable  de  liaurae-les-Messieurs  '. 

'  La  Passion  sculptée  au  retable  de  Baume-les-Messieurs  (Jura,  près  Lons-le- 
Suunier),  qui  nous  a  été  très  obligeamment  signalée  au  cours  de  ce  travail  par 
M.  liOuis  de  Fourcaud,  est  encastrée  et  couverte  de  peintures;  elle  avait  été 
exécutée  à  Gand,  au  plus  tard  en  1.Ô25,  époque  où,  nous  dit-on,  elle  fut  offerte 
par  la  commune  de  (îaud  à  l'abbé  de  la  (Irande  Abbaye,  Guillaume  de  Poupet, 
en  reconnaissance  de  quelque  service  inconnu.  (Documents  produits  par  M.  l'abbé 
Brune    au  Congrès  des  Sociétés  savantes,  section  d'archéologie,  à  la  Sorbonne 


342  l'EIMTlRES    I  \  C  0  \  \  U  E  S    DE    LEGOI.E    FLAMAXDE. 

Ce  n'est  que  dans  les  manuscrils  Siffait,  celui  du  dix-huitième 
siècle,  que  le  retable  en  bois  sculpté  est  mentionné.  De  14-37  à 
liiO,  époque  où  ont  été  donnés  les  quatre  premiers  sujets  par 
Philippe  le  Bon,  ces  peintures  originaires  ne  pouvaient  se  trouver 
appli(juces  que  sur  un  des  côtés;  c'était,  d'après  le  Kalendarium, 
les  quatre  tahleaux  de  bois  doré  que  l'on  mettait  sur  le  grand 
autel;  les  ligures  en  pied,  au  revers,  n'existaient  pas  alors,  nous 
en  avons  la  preuve  par  l'examen  des  peintures  elles-mêmes  qui 
manifestent,  à  coup  sûr,  une  époque  postérieure,  ne  serait-ce  que 
par  les  détails  archi tectoniques. 

Le  retable  de  la  PaHion,  qui  n'est  pas,  d'ailleurs,  mentionné 
dans  le  Kalendarium,  n'a  dû  être  fait  que  postérieurement  (nous 
l'avons  dit  plus  haut  en  note),  et  quant!  il  aura  été  mis  en  place, 
on  se  sera  servi  des  quatre  panneaux  comme  de  volets  pour  le 
recouvrir  et  le  garantir  ainsi  de  la  poussière  ou  des  indiscrétions  ; 
c'est  ainsi,  du  reste,  que  l'auteur  des  manuscrits  Siffait  en  a  donné 
la  représentation.  Hais  à  l'époque  où  a  été  placé  le  retable, 
époque  qui  doit  se  rapporter  au  seizième  siècle,  ces  tableaux,  ser- 
vant alors  de  volets,  ne  présentaient  plus  au  dos  que  le  bois  nu  et 
n'avaient  ainsi  à  l'extérieur,  quand  le  retable  était  fermé,  aucun 
caractère  décoratif.  Il  est,  dès  lors,  vraisemblable  de  penser  (et  les 
dessins  comme  les  indications  du  manuscrit  de  1774  nous  en  don- 
nent, pour  ainsi  dire,  la  certitude)  que  les  religieux  ont  dû, 
après  coup  et  successivement,  faire  orner  cette  paroi  extérieure 
de  figures  se  rattachant  directement  à  leur  monasière  :  la  Sainte 
Vierge  d'une  part,  et  Saint  Jean-Baptiste^  patrons  de  toute  Char- 
treuse, comme  nous  le  dit  AI.  l'abbé  Lefebvre;  et  aussi  Saint 
Hugues,  Chartreux,  évèque  de  Lincoln,  dont  le  couvent  possédait 
les  reliques,  puis  en^n  Saint  Honoré,  évèque  d'Amieus,  sous  le 
vocable  duquel  la  Chartreuse  de  Thuison  avait  été  fondée. 

Il  n'y  a  là,  bien  entendu,  qu'une  hypothèse,  mais  on  conviendra 
qu'elle  ne  paraît  pas  dénuée  de  vraisem[)lance. 

A  (|uelle  époqne  et  par  qui  les  Chartreux  auraient-ils  fait  exé- 
cuter ces  grandes  figures? 

Ici,  nous  n'avons  aucun  document  qui  puisse  mettre  sur  la  voie; 

eu  1894.)  Ce  retable  venait  certainement  d'être  achevé  vers  J525,  mais  des 
morceaux  du  même  ordre  ont  été  nombreux,  nous  ajoute-t'on,  et  les  artistes, 
poui'  les  exécuter,  ne  devaient  manquer  nulle  part,  tant  en  Flandre  qu'en  France. 


PEI\TrRES    IXCOWUES    DE    L'ECOLE    K  L  A  M  A  iV  I)  E  .  3  43 

l'examen  des  œuvres  en  elles-mêmes  peut  seul  pormetlre  de 
baser  quelques  conjectures. 

Les  religieux,  désireux  sans  doute  de  compléler  la  décoration 
extérieure  de  leur  autel  principal,  oui  dû  faire  exécuter  dos  pein- 
tures (|ui  fussent  en  rapport  avec  les  premières,  en  s'adressanl  à 
des  artistes  de  talent  (jui  étaient  peut-être  du  pays  ou  des  environs; 
la  manière  dont  les  parois  extérieures  des  volets  ont  été  traitées 
le  prouve  suffisamment.  Les  élèves  ou  plutôt  les  continuateurs  des 
Van  Eyck,  des  Van  der  U  eyden,  Thierri  Bouts  et  autres  étaient 
alors  nombreux  en  Flandre  et  même  dans  le  nord  de  la  France; 
tout  en  ayant  cbacun  leur  genre  propre,  ils  s'inspiraient  de  leurs 
maîtres  ou  de  leurs  devanciers.  Quant  à  attribuer  à  tel  ou  tel  l'exé- 
cution de  ces  peintures,  nons  n'oserions  le  faire,  à  défaut  du 
moindre  document;  les  études  comparatives,  pour  celte  époque  du 
seizième  siècle,  deviennent  beaucoup  plus  difficiles  à  raison  du 
grand  nombre  de  peintres  qui  existaient  alors,  et  les  conjectures 
sur  des  noms  seraient  peut-être  bien  hasardées. 

Dans  tous  les  cas,  ce  ne  sont  point  là  des  œuvres  ordinaires,  les 
figures  de  la  Vierge  et  de  saint  Hugues,  notamment,  sont  admi- 
rables; tous  les  détails  des  costumes,  ceux  des  dais  avec  leur  archi- 
tecture si  bien  rendue,  sont  d'un  fini  et  d'une  délicatesse  extrêmes; 
la  conservation  de  ces  panneaux  est  parfaite,  sauf,  avons-nous  dit, 
celle  des  quatre  derniers. 

En  résumé,  l'ensemble  de  ces  peintures  constitue  une  série 
d'œuvres  d'art  d'un  haut  intérêt;  elles  étaient  restées  presque 
ignorées  jusqu'ici,  et  nous  avons  cru  devoir  les  signaler,  en-  ajou- 
tant celle  simple  étude  aux  ouvrages  si  complets  et  aux  travaux 
si  savants  qui  ont  déjà  paru  sur  l'art  flamand  primitif. 

Ém.  Delignières, 

Membre  non  résidant  du  Comité  des  So- 
ciétés des  Beaux-Arts  des  départe- 
ments, à  Abbeville. 


344       V\    MAlTlîE    DE    I.OEUVliE    PU    M  0  \  T-S  A  I  \  T-M  1  C  H  E  !.. 


XVII 

UN  MAITRE  DE  L'OEUVRE  DU  MONT-SAIIVT-MICHEL 

AU    XVII*    SIÈCLE 

On  a  beaucoup  étudié  le  Mont-Saint-Micliel  et  l'on  a  beaucoup 
écrit  sur  cette  merveille  de  l'Occident.  Pourtant  tout  n'a  pas  été 
approfondi,  et  il  reste  encore  plus  d'un  document  à  mettre  au  jour. 
Un  séjoui-  d'un  mois  dans  l'intimité  de  la  gigantesque  abbaye,  au 
cours  de  l'année  1897,  nous  a  permis  de  reprendre  à  nouveau  plus 
d'un  problème  imparfaitement  résolu  ou  de  découvrir  des  indica- 
tions qui  avaient  échappé  à  des  visiteurs  trop  pressés  ou  insuffi- 
samment renseignés.  Pour  le  moment,  notre  but  est  de  parler 
d'un  maître  de  l'œuvre,  dont  on  ne  trouve  la  trace  dans  aucune 
publication. 


I 


Durant  le  moyen  âge,  les  orages  causèrent  des  ravages  fréquents 
au  couvent  du  Mont-Saint-Michel,  et  l'église,  en  particulier,  eut 
beaucoup  à  souffrir.  L'abbatiale  avait  repris  sa  robuste  et  élégante 
physionomie  ogivale  lorsque, en  1594,1a  foudre  étant  tombée  «sur 
le  clocher  dont  la  pyramide  estoit  une  des  plus  hautes  du  royaume, 
elle  fut  totalement  bruslée  avec  le  rond-point  du  chœur  et  la  cou- 
verture '  » .  L'abbé  commendataire  François  de  Joyeuse,  tout 
cardinal  qu'il  fût,  se  souciait  assez  peu  de  relever  les  ruines.  Sur 
l'instance  des  religieux,  le  parlement  de  Rouen  rendit  une  sentence 
portant  que,  «  veu  les  grandes  ruines...  il  seroit  nommé  un 
commissaire  pour  faire  travailler  sur  les  lieux  aux  frais  de  l'abbé, 
et  qu'il  seroit  pris  en  outre  sur  sa  mense  1,200  écus  «  . 

'  D.  Huynes,  Histoire  générale  du  Mont-Saint-Michel. 


U\'    MAITItE    I>i:    I.OEUVKE    DI     M  0  \  T-S  A  I  V  T-M  [C  H  E  L.        :î',.-) 

Les  travaux  présentèrent  une  réelle  importance.  On  refit  trois 
piliers  avec  arcades  à  l'entrée  de  l'église,  sans  omettre  d'y  apposer 
les  armes  du  cardinal  «  en  grand  volume»  .  Les  débris  de  la  jolie 
flèche  gothique  furent  abattus,  et  Ton  reprit  la  tour.  Ses  bases 
furent  consolidées,  et  l'on  éleva  dessus  une  tour  massive.  En  même 
temps  quatre  cloches  furent  fondues  et  placées  dans  le  nouveau 
clocher.  Le  caractère  pacifique  de  la  (in  du  règne  de  Henri  IV  était 
favorable  à  l'exécution  des  ouvrages  de  restauration  et  de  réfection. 
La  date  de  1G09,  gravée  sur  un  des  piliers,  nous  aide  à  préciser 
l'époque  où  cette  partie  fut  reconstruite.  Sous  Louis  XIII,  l'abbé 
commendataire  qui  succéda  à  François  de  Joyeuse  attacha  son 
nom  à  l'œuvre  de  consolidation  du  Mont-Saint-Michel.  Il  est  vrai 
que  le  titulaire,  Henri  de  Lorraine  (1015-1642),  n'avait  alors  que 
cinq  ans  et  n'était  guère  en  mesure  de  prendre  part  personnelle- 
ment à  ce  qui  se  faisait;  mais  son  père,  le  duc  de  Guise,  s'intéressa 
vivement  à  l'abbaye. 

La  direction  spirituelle  du  monastère  fui  confiée  à  Pierre  de 
Bérulle,  le  pieux  fondateur  de  l'Oratoire.  En  même  temps  on 
s'attacha  à  réparer  les  ruines  faites  par  le  temps  et  par  les  événe- 
ments. Sur  l'initiative  de  l'envoyé  de  Pierre  de  lîérulle,  le  prêtre 
Gastaud,  on  dressa  «  le  procès-verbal  des  réparations,  lequel 
monta  à  30,000  escuz  '  »  . 

Charles  de  Lorraine,  duc  de  Guise,  résolut  d'exécuter  tout  au 
moins  les  ouvrages  réclamés  par  la  solidité  et  la  conservation  de 
l'abbaye.  En  1616,  on  lépara  diverses  parties  du  couvent,  en 
particulier  au  nord  de  l'église,  du  côté  de  la  chapelle  située  sur  le 
transept  septentrional  et  dans  le  passage  qui  longe  le  réfectoire  où 
se  voit,  en  plusieurs  endroits,  la  croix  de  Lorraine. 

En  outre,  les  superbes  bâtiments  élevés  dans  la  deuxième  moitié 
du  douzième  siècle  par  Robert  de  Torigny,  le  grand  bâtisseur  du 
Mont-Saint-Michei,  dont  il  fit  «  la  cité  des  livres  et  des  arts  », 
présentaient  des  lézardes  de  nature  à  inquiéter.  En  vue  de  conso- 
lider cette  partie  de  l'ouest,  qui  forme  actuellement  une  terrasse 
devant  l'église,  mais  qui  était  alors  occupée  par  des  constructions, 
le  duc  de  Guise  fit  faire,  en  1618,  le  contrefort  occidental.  Au 
sommet,  il  plaça  ses  armes  et  n'eut  pas  tort,  car  il  s'agit,  ici,  d'un 

'  D.  Huynes,  Histoire  générale  du  Mont-Saint-Michel. 


346       TJJV    MAITUE    DE    LOELVIiE    DU    M  0  \  T-S  A  I\  T-M  I  C  HE  L. 

travail  considérable   (jiii   coûta  14,000  livres,  somme  fort  impor- 
tante pour  répo(jne. 

A  son  tour,  l'année  suivante,  D.  Gastaud,  vicaire  général  du 
Père  de  IJéruUe,  embellit  l'intérieur  de  l'abbatiale  et  termina  le 
lambris  de  la  nel,  sur  lequel  il  mit  également  les  armes  de  l'abbé, 
selon  l'usage  du  temps,  qui  a  tout  au  moins  l'avantage  de  venir  en 
aide  auxbistorienset  aux  archéologues,  parfois  embarrassés  quand 
il  s'agit  de  dater  un  monument  d'une  façon  précise. 


Il 


Une  bonne  partie  des  travaux,  exécutés  au  commencement  du  dix- 
septième  siècle,  continue  de  fixer  l'attention  des  visiteurs  du  Mont- 
Saint-Micliel,  mais  il  est  une  autre  portion  qui  vient  de  disparaître 
définitivement:  je  veux  parler  de  la  tour  élevée  au  centre  de  l'inter- 
transept  et  qui  doit  nous  arrêter  quelques  inslants. 

On  se  souvient  de  la  silhouette  du  clocher,  qui  vient  d'être  rem- 
placé par  la  nouvelle  flèche  :  les  lignes  aussi  bien  que  les  détails 
accusaient  netlemenlle  premier  quart  du  dix-septième  siècle. L'heure 
n'était  plus  alors  aux  sveltes  et  délicates  pyramides,  plus  ou  moins 
ajourées;  l'abaissement  des  toits  s'harmonisait  avec  l'épaississe- 
ment  des  voûtes  etdes  corniches.  Latourquadrangulairedu  transept, 
une  fois  consolidée,  fut  terminée  par  un  ouvrage  aux  lignes  massives. 
La  partie  supérieure  fut  ornée  d'une  série  de  moulures  et  de 
consoles  de  grande  dimension,  qui  d'ailleurs  ne  manquaient  pas  de 
caractère.  Mais,  sans  doute  par  défaut  d'argent  et  par  suite  de 
l'inquiétude  morale  qui  agitait  le  couvent,  on  se  borna  à  recouvrir 
la  tour  d'un  toit  ordinaire  (jui  lui  donna  l'allure  d'un  pavillon  très 
élevé,  dont  la  voix  publique,  aussi  bien  que  le  chœur  des  artistes, ne 
cessait,  surtout  depuis  un  demi-siècle,  de  demander  la  démolition. 

Ce  remplacement,  nous  l'avons  dit,  est  chose  faite,  et  dès  lors, 
comme  il  arrive  d'ordinaire  en  présence  de  la  disparition  d'un 
monument  ou  d'une  portion  de  monument,  la  curiosité  se  porte 
vers  ce  qui  n'est  plus  '.  On  se  demandequi  a  présidé  aux  origines  et 

'  Nous  avons  la  satisfaction  de  posséder  une  photograpliie  des  détails  de  la 
tour,  prise  au  moment  de  la  démolition;  nous  l'avons  déposée  sur  le  bureau  du 
Con'rrès. 


UX    MAITltE    l)K    LOEL'VItK    D  I     M  0\' T-S  A  I  \  T-M  I  f!  II  E  L.       Ml 

l'on  désire  savoir  le  nom  deranteiir.Xous  aussi,  nous  nous  sommes, 
entre  autres  questions,  posé  celle  de  savoir  quel  architecte  a  dirifjé 
les  ouvrages  divers  faits  à  l'abbaye,  au  commencement  du  dix- 
septième  siècle.  Nous  croyons  avoir  découvert  le  nom  du  «  maître  de 
l'œuvre  ^  en  étudiant  les  pierres  tombales  de  l'église  et  les  docu- 
ments écrits  dans  les  archives  de  la  mairie  du  Mont. 


III 


Au  sujet  du  célèbre  monastère,  pour  celte  période  du  moins,  les 
chroniqueurs  sont  trop  souvent  muets  à  l'égard  des  artistes  auxquels 
nous  sommes  redevables  des  édifices.  Dom  Huynes,  d'ordinaire  si 
bien  renseigné,  nous  apprend  bien  que  la  surveillance  des  restau- 
rations fut  confiée  "  au  sieur  de  lîrévent,  gouverneur  du  Mont,  qui 
en  remit  le  soin  à  son  lieutenant  Jean  de  Surtaiuville.fermierdela 
baronnie  d'Ardevon  i  ;  mais  nous  nous  garderons  de  la  méprise 
arrivée  à  certains  historiens  en  pareille  occurrence,  et  qui  consiste  à 
transformer  les  capitaines  et  gouverneurs  en  architectes.  Il  s'agit 
manifestement  ici  d'un  intendant  qui  surveilla  au  nom  de  l'abbé, 
et  nullement  d'une  direction  artistique.  Quel  serait  donc  le  maître 
de  l'œuvre  ? 

Un  jour  que  nous  interrogions  attentivement  les  tombes  renfer- 
mées dans  l'église  paroissiale  de  Saint-Pierre,  en  vue  d'un  livre 
que  nous  préparons  sur  l'abbaye,  nos  regards  se  portèrent  sur 
l'une  des  pierres  tombales  que  l'on  a  groupées  devant  le  sanctuaire, 
lors  de  la  réfection  du  dallage.  La  dalle  de  granit,  au  centre  d'une 
inscription  qui  se  développe  tout  autour,  porte,  en  relief,  une 
équerre  et  un  fil  à  plomb.  La  supposition  que  nous  étions  en 
présence  de  la  tombe  d'unarchitecte,  d'un  maître  de  l'œuvre,  trouva 
de  suite  une  confirmation  dans  la  teneur  même  de  l'inscription, 
gravée  en  capitales  romaines,  grasses  et  en  relief,  à  la  manière  de 
celles  que  l'on  trouve  partout  en  IJretagne  à  cette  époque.  Cer- 
tains mots  ont  été  usés  par  le  frottement  des  chaussures,  mais  ou 
lit  bien  : 

Cy  gist  Vin  |  cent  Rogeryc  bourgeoys  de  | 
ce  liue  (sic)  \l.  ilasson  l'aict  maître  par  | 
Francoyse  |  Vger  son  épouse.  1620. 


348       UIV    MAITUE    DK    L  OK  L  V  R  E    DU    M  0  !V  T-8  A  I  \' T-M  IC  H  E  L. 

Un  «  maître  niasson  v,  bourgeois  de  céans,  doiit  la  dalle  funé- 
raire portait  l'équorre  et  le  fil  à  plomh  ne  pouvait  être  un  ouvrier 
ni  même  un  maître  maçon  quelconque.  Si  certains  critiques  d'art, 
de  nos  jours,  ont  trop  facilement  érigé  des  maîtres  ouvriers  en 
architectes,  nous  n'avions  garde  de  tomber  dans  un  errement 
contraire  en  passant  devant  cette  tombe  comme  devant  celle  d'un 
vulgaire  maître  maçon.  Notre  lâche  était  toute  tracée,  et  nous 
allâmes  demander  aux  registres  d'état  civil,  déposés  à  la  mairie  — 
un  bâtiment  pittoresque  comme  presque  tous  ceux  du  Mont  —  de- 
mander, dis-je,  la  réponse  à  la  question  qui  nous  agitait,  l^oici  le 
résultat  de  nos  recherches. 

Les  actes  ne  remontent  qu'à  l'année  1596,  et  encore  offrent-ils 
quelques  lacunes.  iVos  regrets  sont  d'autant  plus  vifs  que  nous 
eussions  sans  doute  trouvé  dans  les  registres  qui  font  défaut  des 
renseignements  sur  les  origines  et  les  ancêtres  de  maître  Vincent 
Rogerye  ou  Rogerie. 

Le  nom  de  Rogerye  apparaît  pour  la  première  fois  en  1611,  et 
pour  la  dernière  fois  en  1618.  Il  épousa  en  premières  noces  Guille- 
mine  Motlet,  et  en  secondes  noces  Françoise  Yger.  De  l'un  et 
l'autre  mariage  il  eut  des  enfants  dont  les  actes  de  baptême  ou  de 
naissance  —  ce  qui  était  tout  un  à  cette  époque  —  nous  éclai- 
rent sur  le  rôle  de  l'ouvrier.  Vincent  Rogerie  y  reçoit  en  effet  le 
titre  de  «  mestre  masson  de  l'euvre  de  ce  lieu  ^^  (1612)  et  de 
"  M''  d'euvre  »  (1618).  Les  documents  nous  le  montrent  en 
relation  avec  tous  les  notables  du  Mont-Saint-Michel  ;  mais  nous 
n'avons  garde  de  nous  appesantir  sur  ces  détails.  Nous  avons  voulu 
seulement  faire  connaître  un  maître  de  l'œuvre  du  Mont-Saint- 
Michel  sur  lequel  les  renseignements  faisaient  défaut. 

L.    BOSSEBOEUF, 

Correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements, 
à  Tours. 


DESSIXS    DE    MEDAILLES    ET    DE    JETU\S,  349 


XVIII 


LES   DESSINS  DE  MEDAILLES  ET  DE   JETONS 

ATTRIBUÉS    AU    SCULPTEUR     EDME    BOUCHARDOM 

Dans  un  intéressant  travail  paru  en  1883  ',  M,  H.  Bouchot 
signalait  l'existence  au  Cabinet  îles  Estampes  de  la  Bibliothèque 
nationale  d'un  recueil  de  deux  cent  soixante-deux  dessins  à  la 
sanguine,  modèles  de  médailles  et  de  jetons  du  règne  de  Louis  XV, 
de  1717  à  1762*.  Ces  dessins  sont  tous,  sauf  deux,  des  contre- 
épreuves  tirées  par  le  graveur  sur  un  autre  dessin  et  souvent  cor- 
rigées par  lui.  AI.  H.  Bouchot  attribuait  les  originaux  de  ces  dessins 
au  célèbre  Bouchardon,  qui,  on  le  sait,  succéda  à  Chaufourier  en 
1736,  comme  dessinateur  de  l'Académie  des  Belles-Lettres,  pour 
les  médailles  et  les  jetons,  fonction  qu'il  conserva  jusqu'à  sa  mort, 
en  1762.  Le  dernier  dessin  de  ce  recueil  es*  celui  du  jeton  frappé 
pour  l'Extraordinaire  des  guerres  en  1762. 

M.  H.  Bouchot  accompagnait  son  travail  de  la  gravure  de  deux 
dessins  sur  lesquels  ont  dû  être  tirées  deux  contre-épreuves  du 
recueil  de  la  Bibliothèque  nationale,  l'un  pour  les  jetons  des 
bâtiments  du  Roi  de  1742  et  l'autre  pour  les  jetons  de  1743  de 
celte  administration  royale.  Ces  dessins  avaient  passé  en  vente 
publique,  à  l'hôtel  Drouot,  en  1883. 

M.  H.  Bouchot  attribuait  à  Bouchardon  tous  les  dessins  de  ce 
recueil,  en  se  basant  sur  un  passage  de  la  vie  de  Jean  Duvivier, 
rédigée  par  l'abbé  Gougenot,  en  1763%  où  il  est  question  de  la 

1  Bouchardon,  dessinateur  en  médailles.  (L'Art,  t.  XXXII,  p.  214-217.) 
-Recueil,  Pb.  31,   provient  de  AI.  Moulière.    —   Les  originaux  des  contre- 
épreuves  de  1733-1736  doicfent  être  de  Jean  Gbaurourier,  qui  succéda  dans  les 
fonctions  de  dessinateur  au  peintre  Boullongne. 

*  L.  DussiEux,  E.  SoiLiÉ,  etc.,  Mémoires  inédits  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
des  membres  de  l' Académie  royale  de  peinture  et  de  sculpture,  t.  II  (Paris,  1854) , 
p.  317-320. 


350  DESS1\S    DE    MÉDAILLES    ET    DE    JETOXS. 

brouille  survenue  entre  .1.  Duvivier  et  Bouchardon.  Ce  dernier 
fournissait  au  graveur  les  dessins  de  ses  médailles.  M.  Uouchot 
inl'èrait  de  ce  passage  que  tous  les  dessins  de  sou  recueil  étaient 
dus  à  Bouchardon. 

Ces  dessins  ne  semblent  pas  être  les  originaux  de  Bouciiardon. 
Nous  croyons  pouvoir  le  prouver  par  l'inscription  qui  se  trouve  sur 
un  dessin  du  recueil  qui  fait  le  sujet  de  cet  article.  Nous  avons 
d'abord  à  faire  remarquer  que  les  dessins  du  Cabinet  des  Estampes 
ne  sont  que  des  contre-épreuves,  tirées  sur  d'autres  dessins. 

L'érudit  biographe  de  Bouchardon,  notre  collègue  M.  A.  Roserot, 
a  parlé  ici  même,  il  y  a  trois  ans,  du  célèbre  sculpteur  comme 
dessinateur.  L  n  passage  de  sa  très  intéressante  communication  est 
consacré  à  la  part  que  prit  le  célèbre  artiste  dans  la  composition 
des  sujets  des  médailles  et  des  jetons  officiels  sous  Louis  XV. 
Comme  M.  H.  Bouchot,  il  attribue  tous  les  dessins  qui  nous  sont 
parvenus  à  Bouciiardon  lui-même. 

Nous  allons  pouvoir  établir  d'une  façon  précise,  pensons-nous, 
quelle  est  la  part  artistique  qui  revient  à  Bouchardon  dans  tous 
les  dessins  que  nous  avons  pu  examiner. 

Il  existe  au  Musée  de  la  Monnaie  un  recueil  peu  connu  '  de 
cent  vingt-quatre  dessins  à  la  sanguine,  ayant  en  moyenne  210  mil- 
limètres de  diamètre  (i\Is.  f"  71).  Ces  dessins,  très  finis,  repro- 
duisent, presque  tous,  les  revers  des  médailles  de  la  série  histo- 
rique de  Louis  XV,  de  1715  à  1764.  Pour  une  des  médailles  de 
cette  série,  la  médaille  commémoralive  de  la  paix  d'Aix-la-Cha- 
pelle (17-48),  il  se  trouve  dans  le  recueil  deux  dessins:  l'un  est  un 
croquis  rapidement  dessiné,  indiquant  le  sujet;  l'autre  est  une  repro- 
duction soignée,  finie  et  assez  différente  de  l'esquissci  En  tête  du 
croquis  on  lit  cette  \nscription  :  Le  cinq  janvier  1719,  remis  le 
dessein  à  M.  Roilier,  qui  est  celuy  quil  fault  exécuter  (n"  112 
du  recueil). 

Ce  croquis  est  donc  le  modèle  remis  à  J.-C.  Roëttiers  pour 
exécuter  le  revers  de  cette  médaille.  Il  semble  logique  de 
supposer  que  le  second  dessin   est  celui  que  fit  J.-C.   Roëttiers 

'  Nous  avons  reproduit  le  dessin  de  la  médaille  historique  relative  au  voyage 
du  tsar  Pierre  le  Grand  en  France  (1T17),  dans  un  article  sur  les  Visites  de 
Pierre  le  Grand  et  de  Nicolas  II  à  ta  Monnaie  des  médailles.  {Gazette  des 
Beaux-Arts.,  numéro  de  novembre  1896.) 


DESSIXS    DE    MEDAILLES    ET    DE    JETOXS.  351 

(l'apri's  le  croquis  qui  lui  avait  élé  remis  par  Bouchardon  lui- 
même.  D'ailleurs,  ce  second  dessin,  comme  tous  ceux  qui  com- 
posent le  recueil  du  Alusée  de  la  Monnaie,  a  une  précision  dans 
les  détails,  un  fini  dans  l'exécution,  qui  indiquent  j)lutùt  le  crayon 
«l'un  graveur  que  celui  d'un  dessinateur. 

On  pourrait  donc  inférer  que  ce  recueil  comprend  les  dessins 
faits  par  les  graveurs  des  médailles  d'après  les  croquis  qui  leur 
étaient  fournis,  et  dont  un  seul  nous  a  été  conservé.  Les  deux 
dessins  reproduits  dans  l'article  de  M.  H.  Bouchot  présentent  le 
même  caractère,  et  le  recueil  de  contre-épreuves  du  Cabinet  des 
Estampes  donne,  en  sens  inverse,  des  dessins  de  graveurs.  Les 
dessins  de  médailles  du  recueil  de  la  .Monnaie  (sauf  un)  et  ceux 
du  Cabinet  des  Estampes,  compris  entre  les  deux  dates  1736 
et  1762,  sont  donc  la  traduction,  plus  ou  moins  libre,  des 
esquisses  de  Bouchardon.  Ce  qui  est  d'ailleurs  confirmé  par  le 
passage  de  la  biographie  du  graveur  Jean  Duvivier  par  l'abbé 
Gougenot,  cité  par  M.  H.  Bouchot  et  rapporté  par  HL  Roserot  dans 
sa  communication.  Jean  Duvivier,  très  capable  de  composer  lui- 
même  le  sujet  des  médailles  dont  il  gravait  les  poinçons,  apportait 
souvent  des  modifications  aux  esquisses  que  lui  fournissait  Bou- 
chardon, ce  dont  ce  dernier  ne  s'offensait  pas.  Alais  le  graveur 
refusa  un  beau  jour  de  graver  le  profil  royal  d'après  le  modèle  du 
sculpteur,  ce  qui  amena  la  brouille  entre  les  deux  artistes,  en 
1738  ou  en  1739,  «l'après  M.  Roserot. 

Ajoutons,  pour  terminer,  que  les  médailles  comprises  dans  le 
recueil  de  la  Monnaie  entre  les  numéros  71  et  121  sont  les  seules 
qui  puissent  avoir  été  exécutées  d'après  des  esquisses  de  Bou- 
chardon. Les  graveurs  qui  en  ont  fait  les  coins  sont  des  artistes 
dont  les  noms  sont  à  juste  titre  célèbres,  Jean  Leblanc,  Jean  et 
Benjamin  Duvivier,  Joseph-Charles  et  Charles-Norbert  Roëttiers, 
F.  Marteau  ;  toutes  les  médailles  n'ont  pas  été  faites  à  la  date 
qu'elles  portent.  Nous  renvoyons,  pour  plus  de  détails,  au  travail 
de  M.  J.  Guiffrey  sur  la  Monnaie  des  médailles  ',  et  nous  nous 
contentons  de  signaler,  dans  la  liste  suivante,  à  la  suite  du  titre  de 
la  médaille,  les  coins  conservés  au  Musée  de  la  Monnaie,  en  ren- 
voyant au  catalogue  de  1892.  Nous  avons  souvent  ajouté  la  date 

'  Revue  numismatique .  1884  et  les  années  suivantes. 


352  DESSIÎVS    DE    MEDAILLES    ET    DE    JETONS- 

(rexéciilion,  lorsqu'elle  se  trouve  indiquée  par  le  graveur  sur  une 
(les  parties  du  coin. 

F.  Mazerolle, 

Correspondant  du  Coraiité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements, 
à  Dijon. 


PIECE  JUSTIFICATIVE 

LISTE    DES    DESSINS    A    LA    SAXGl'IXE    DES   MÉDAILLES    DU    RÈGNE    DE    LOUIS    XV 
CONTEMS    DANS    LE    RECUEIL    CONSERVÉ    AU    MUSÉE    DE    LA    MONNAIE. 

1.  —  Déclaration  de  la  Régence  (1715).  —  Coin  gravé  par  Jean 
Le  Blanc,  41  millim.  [Catalogue  des  Médailles  françaises  dont  les  coins 
sont  conservés  au  Musée  Monétaire.  Paris,  1892,  règne  de  Louis  XV, 
n»  2.) 

2.  —  La  Régence  (1715).  —  Coin  gravé  par  J.  Dollin,  41  millini. 
{Catal.,  n»  4.) 

3.  —  Application  du  Régent  aux  affaires  (1716).  —  Coin  gravé  par 
Jean  Le  Blanc,  41  milliai.  [Catal.,  n"  5.) 

4.  —  Espérances  données  par  le  Roi  (1716).  —  Deux  coins  gravés  par 
Jean  Le  Blanc  et  Jean  Duvivier,  41  millim.  [Catal.,  n"  6.) 

5.  —  La  Chambre  de  justice  (1716).  —  Coin  gravé  par  Jean  Duvivier, 
41  millim.  [Catal.,  n"  7.) 

6.  —  Buste  du  Régent.  —  Coin  gravé  par  Jean  Le  Blanc,  41  millim. 
[Catal,  w'  181.) 

7.  —  Le  bonheur  de  la  France  (1716).  —  Coin  gravé  par  Baer, 
41  millim.  [Catal.,  n"  8.) 

8.  —  Education  du  Roi  (1717).  • —  Deux  coins  gravés  par  J.  Dollin  et 
Jean  Duvivier,  41  millim.  [Catal.,  n"  9.) 

9.  —  Entrevue  de  Pierre  le  Grand  et  de  Louis  XV  (1717).  —  Coin 
gravé  par  Benjamin  Duvivier  en  1760.  [Catal.,  n"  10.) 

10.  —  Suppression  de  la  Chambre  de  justice  (1717).  —  Coin  gravé 
par  F.  Marteau,  41  millim.  [Catal.,  n»  11.) 

11.  —  Progrès  du  Roi  (1718).  Vis  animi  cum  corpore  crescit.  —  Coin 
gravé  par  Jean  Duvivier,  41  millim.  [Catal.,  n"  14.) 

12.  —  Progrès  du  Roi  (1718).  Respondet  curis.  —  Coin,  41  millim. 
[Catal.,  n"  15.) 

13.  —  Progrès  du  Roi  (1719).  Tali  se  Dea  jactat  alumno.  — Coin  gravé 
par  Jean  Le  Blanc,  41  millim.  [Catal.,  n»  16.) 


DESSIMS    I)K    MEDAILLES    ET    DE    JETO\'S.  353 

L4.  —  Prise  de  Fonlarabic  (1719).  —  Coin  "rave  par  Jean  Duvivier, 
41  milliiii.  (Calai.,  n"  17.) 

15.  —  L'inslruclion  gratuite  (1719).  — Coin  gravé  par  C.-X.  Roottiers 
en  175't,  W  inillini.  [Calai.,  n"  18.) 

IG.  —  Visite  du  Roi  à  la  Monnaie  des  médailles  (1719).  —  Coin, 
il  Miillim.  [Calai.,  n"  19.) 

17.  —  Visite  du  Roi  aux  académies  (1719).  —  Coin  gravé  par 
C.-X.  Roctliersen  1755,  41  niillim.  [Calai.,  n»  20.) 

18.  —  Instruction  du  Roi  (1720).  —  Coin  gravé  par  .Jean  Duyivier, 
'A  millim.  [Calai,  n"  23.) 

19.  —  Paix  avec  l'Espagne  (1720).  —  Coin  gravé  par  .Jean  Le  Blanc, 
il  millim.  [Calai.,  n"  25.) 

20.  —  Audience  de  l'ambassadeur  de  Turquie  (1721).  —  Coin  gravé 
par  Jean  Le  Diane,  41  millim.  [Calai.,  n"  2G.) 

21.  —  Rétablissement  delà  sanlé  du  Roi  (1721).  Vola puhlica.  —  Coin, 
41  millim.  (Cofa/.,  n»  29.) 

22.  —  Rétablissement  de  la  santé  du  Roi  (1721).  Laelilia  popuU  pro 
sainte principis.  —  Coin  gravé  par  J.  DoUin,  41  millim.  (Calai.,  n»30.) 

23  et  24.  —  Projet  de  mariage  entre  Louis  XV  et  l'infante  Marje-Anne- 
Victoire  d'Espagne  (la  face  et  le  rêver?),  1721.  —  Coins  gravés  par  Jean 
Le  Blanc  et  Jean  Duvivicr,  il  millim.  [Calai.,  n"  31.) 

25.  —  Congrès  de  Cambrai  (1721).  —  Coin  gravé  par  Jean  Duviuier, 
41  millim.  [Calai.,  iv  32.) 

2G.  ^Entrée  de  l'Infante  d'Espagne  à  Paris  (1722).  —  Coin  gravé 
par  Jean  Le  Blanc,  41  millim.  [Calai.,  «"33.) 

27.  —  Mariage  de  Louise-Elisabeth  d'Orléans  avec  Louis,  prince  des 
Asturies  (1722).  —  Coin  gravé  par  C.-X.  Roëttiers  en  1754,  41  millim. 
[Calai.,  n»  34.) 

28  et  29.  —  Sacre  du  Roi  (la  face  et  le  revers),  1722.  —  Coins  gravés 
par  Jean  Duvivier,  Rog,  Jean  Le  Blanc  et  J.-C.  Roëttiers,  72,  41,  36  et 
32  millim.  [Catal.,  n"  35  a  à  d.) 

30.  —  Sacre  de  Louis  XV  (Louis  XV  debout),  1722.  —  Coin  gravé  par 
Jean  Duvivier,  il  millim.  [Calai.,  n"  37.) 

31.  —  Rétablissement  de  l'église  du  Saint-Sépulcre  (1722).  —  Coin 
gravé  par  C.-X.  Roëttiers  en  175i,  41  millim.  [Calai.,  n''39.) 

32.  —  Majorité  du  Roi  (1723).  Imperium  susccpluin.  —  Deux  coins 
gravés  par  Jean  Le  Blanc,  il  et  32  millim.  [Calai.,  n"  iO  a  et  b.) 

33.  —  Majorité  du  Roi  (1723).  Imperium  slahilc.  —  Deux  coin.s,  dont 
l'un  gravé  par  J.-C.  Roëttiers,  41  millim.  [Calai.,  n"  il.) 

34.  —  Peste  de  Marseille  (1723).  —  Coin  gravé  par  J.-C.  Roëtliers 
en  1755,  41  millim.  [Calai.,  n"  i3.) 

23 


354  DESSIIVS    DV.    MEDAILLES    ET    DE    JETOMS. 

35.  —  La  ville  de  Rennes  rebâtie  (1723).  —  Coin  gravé  parJ.-C,  Roët- 
tiers  en  1755,  il  millim.  [Cntal.,  n"  44.) 

3(>.  —  Promotion  de  chevaliers  de  l'ordre  du  Saint-Esprit  (1724).  — 
Coin  gravé  par  Jean  Duvivier,  41  millim.  [datai.,  n"  45.) 

37.  —  Médiation  de  la  France  entre  la  Turquie,  la  Russie  et  la  Perse 
(1724). — Coin  gravé  par.J.-C.Roëttiersenl752,  41  millim. (Ca^a/.^n°  46.) 

38.  —  Médiation  de  la  France  entre  la  Turquie  et  la  Russie  (1724).  — 
Coin  gravé  parC.-N.  Roëttiers,  41  millim.  (CataL,  n"  47.) 

39.  —  Pont  de  Rlois  (1720  sic,  pour  1724).  —  Coin  gravé  par  Jean 
Duvivier,  41  millijJi.  {CataL,  n"  48.) 

40.  —  Mariage  de  Louis  XV  avec  ALiriaLeczinska  (1125) .  Spes  matiirœ 
felicitatis.  —  Coin  gravé  par  Jean  Le  Blanc,  41  milUim.  (CataL,  n»  49.) 

41.  —  Célébration  du  mariage  de  Louis  XV^  ù  Fontainebleau  (1725). 
Sedandae  populomm  anxietali.  —  Trois  coins  gravés  par  Jean  Le  Blanc 
en  1744,  72  millim.;  par  J.  DoUin,  par  Jean  Le  Blanc  en  1749, 
41  millim.  [CataL,  n»  50  a  et  k.) 

42.  —  Mariage  de  Louis  XV  avec  Maria  Leczinska  (1725).  Buste  de 
Maria  Leczinska.  —  Coin  gravé  par  Jean  Duvivier,  41  millim.  [CataL y 
n»  51  A.) 

43.  —  Chasses  du  Roi  (1725).  —  Deuxcoins,  41  et  32  millim.  [CataL, 
n°  52  A  et  b.) 

4i.  —  Gouvernement  de  Louis  XV  suivant  les  maximes  de  Louis  XIV^ 
(172G).  —  Coin  gravé  par  Jean  Duvivier,  41  millim.  [CataL,  n"  53.) 

45.  —  Levée  de  soixante  mille  hommes  de  troupe  dans  les  provinces 
(1726).  —  CoingravéparJ.-C.Roëttiersenl752, 41  millim.  [CataL,  n''54.) 

46.  — Préliminaires  de  paix  (1727).  —  Coin  gravé  par  Jean  Duvivier, 
41  millim.  [CataL,  n»  55.) 

47  et  48.  —  Naissance  de  Mesdames  de  France,  1727  (la  face  et  le 
revers).  —  Deux  coins  gravés  par  Jean  Duvivier,  41  imW'xm.  [CataL,  n"  56.) 

49.  —  Rétablissement  des  compagnies  de  cadets  (1727).  —  Coin  gravé 
par  Rog,  41  millim.  [CataL,  n»  57.) 

50.  —  Guérison  de  Louis  XV  (1728).  —  Coin  gravé  par  Jean  Duvi- 
vier, 41  millim.  [CataL,  n"  58.) 

51.  —  Bombardement  de  Tripoli  (1728).  —  Coin  gravé  par  J.-C.  Roët- 
tiers en  1751,  41  millim.  [CataL,  n°  59.) 

52.  — Congrès  de  Soissons  (1728).  —  Coin  gravé  par  J.-C.  Roëttiers, 
en  1752,  41  millim.  [CataL,  n-  60.) 

53.  ■ —  Louis  XV  protecteur  des  sciences  et  des  arts  (1728).  — Coin 
gravé  par  Jean  Le  Blanc,  41  millim.  [CataL,  n»  61.) 

54.  —  Bonheur  de  la  France  (1729).  — Coin  gravé  par  Jean  Le  Blanc, 
41  millim.  [CataL,  n«  62.) 


DESSI.VS    HE    MEDAILLES    ET    DE    .1  E  T  0  X  S .  355 

55.  — Naissance  du  Daiipliin  (1729).    Vota  orbis.  —  Coin  gravé  par 
Rôg,  72  millim.;  deux  autres  coins,  il  et32millim.  {Catal.,  n»  (Ha  àc.) 

56.  —  Naissance  du  Dauphin  (1729).  Salus  domus  aurjmtae  propago 
imperii  pnpu/orum  félicitas.  — Coin,  41  millim.  [Calai.,  n"  65.) 

57.  —  Hommage  du  duc  François-Élicnne  de  Lorraine,  duc  de  Bar 
(1730).  —  Coin  gravé  par  Jean  Le  Blanc,  41  millim.  [Catal.,  n"  66.) 

58.  —  Naissance  du  duc  d'Anjou    (1730).   —  Coin  gravé  par  Jean 
Le  Blanc,  41  millim.  [Catal.,  n"  ()7.) 

59.  —  Pont  de  Compiègne  (1730).  —  Deux:  coins,  54  et  41  millim. 
[Catal.,  n"  68  a  et  b.) 

60.  —  Nouvelles  fortifications  de  Metz  (1732).  —  Coin  gravé  par  Jean 
Le  Blanc,  41  millim.  [Catal.,  n"  70.) 

61.  —  La  bibliothèque  du  Roi  augmentée  de  dix  mille  manuscrits 
(1732).  —  Coin,  41  millim.  [Catal.,  n«  71.) 

62.  —  L'armée  partagée  en  plusieurs  camps  (1732).  —  Coin  gravé 
par  Jean  Le  Blanc,  41  millim.  [Catal.,  n°  72.) 

63.  —  Travaux  sur  les  routes  royales  (1733).  —  Coin  gravé  par  Jean 
Le  Blanc,  et  autre  coin  sans  nom  de  graveur,  41  millim.  [Catal.,  n"  73.) 

64.  — Prise  du  fort  de  Kehl  (1733).  — Coin,  il  millim.  [Catal,  no74.) 

65.  —   Conquête    du    Milanais     (1733).    —   Coin    gravé    par  Rog, 
41  millim.  [Catal.,  n»  75.) 

66.  —  Bataille  de  Parme  (1734).  —  Coin  gravé  par  Jean  Le  Blanc, 
41  millim.  [Catal.,  n»  76.) 

67.  —  Prise  de  Philipsbourg  (1734).  —  Coin,  41   millim.  [Catal., 
n"  77.) 

68.  —  Bataille  de  Guastalla  (1734).  —  Coin  gravé  par  Jean  Le  Blanc, 
41  millim.  [Catal.,  n"  78.) 

69.  —  Les  Allemands  repoussés  au  delà  de  l'Adige  (1735).  —  Coin, 
41  millim.  [Catal.,  n»  79.) 

70.  —  Préliminaires  de  paix  signés  à  Vienne  (1735).  —  Coin  gravé 
par  C.-N.  Roëltiers  en  1752,  41  millim.  [Catal.,  n"  80.) 

71.  —  Education  du  Dauphin  (1736).  — Coin  gravé  par  Jean  Le  Blanc, 
41  millim.  [Calai.,  n"  81.) 

72.  —  Réunion  à  la  France  de  la  Lorraine  et  du  duché  de  Bar  (1737).'' 
—  Coin  gravé  par  Jean  Duvivier,  41  millim.  [Catal.,  n"  82.) 

73.  —  Paix  avec  l'Allemagne  (1738).  —  Coin  gravé  par  JeanDuvivier, 
41  millim.  [Catal.,  n°  83.) 

74.  —  Pacification  de  la  République  de  Gènes  (1738).  —  Coin  gravé 
par  Jean  Duvivier,  41  millim.  [Catal.,  n°  84.) 

75.  —  Renouvellement  du  vœu  de  Louis  XIll  (^1738).  —  Coin  gravé 
par  J.-C.  Roëltiers  en  175i,  41  millim.  [Catal.,  n"  85.) 


356  DliSSlAS    DE    MEDAILLES    ET    DE    .1  E  T  0  \  S  . 

7(j.  —  Alliuncoavoc  la  Suôde  (1738).  —  Coin  gravé  par  J.-C.  RoëUicis 
en  1755,  -il  niillim.  {Calai.,  n"  S(>.) 

77,  —  Avôncnient  de  Don  Carlos,  lils  de  Philippe  V,  roi  d'Espagne,  au 
trône  des  Deux-Siciles  (I73H).  —  Coin  gravé  par  C.-N.  Roëttiers  en 
1760,  41  iiiilliin.  (Calai.,  n"  87.) 

78.  —  Médialion  de  la  France  entre  l'Allemagne,  la  Russie  et  la  Tur- 
quie (1739).  —  Coin  gravé  par  F.  Alatreau,  41  millim.  (Calai.,  n"  88.) 

1\),  —  Maiiage  de  Louise-Elisabeth  de  France  avec  Philippe,  infant 
d'Espagne  (1739).  — Coin  gravé  par  C.-N.  Roëttiers  en  17U0,  41  millim. 
[Calai.,  n"  89.) 

80.  —  Pacification  de  la  Corse  (1740).  —  Coin  gravé  par  J.-C.  Roët- 
tiers en  1752,  41  millim.  {Calai.,  n"  90.) 

81.  —  Secours  envoyés  ;i  l'Électeur  de  Bavière  (1741).  —  Coin  gravé 
par  C.-\.  Roëttieis  en  1752,  41  millim.   (Calai.,  n"  92. j 

82.  —  Nouvelle  audience  de  l'ambassadeur  de  Turquie  Saïd-EJfendi 
(1742).  —  Coin  gravé  par  Benjamin  Duvivier,  il  millim.  (Ca/a/.,  n"93.) 

83.  —  Départ  de  Louis  XV  pour  la  Flandre  (1744).  —  Coin  gravé  par 
F.  Marteau,  41  millim.   {Calai.,  n-'94.) 

84v  -;—  Bataille  de  Menin  (1744).  —  Coin  gravé  par  F.  Marteau, 
41  millim.  (Calai,  n"  95.) 

85. — Prise  d'Ypres  (1744).  — Coin  gravé  par  F.  Marteau,  41  millim. 
{Calai.,  n"  915.) 

86.  —  Prise  de  !''urnes  (1744).  —  Coin  gravé  par  J.-C.  Roëttiers, 
41  millim.  (Calai.,  n"  97.)  _  . 

87.  —  Passage  du  Rhin  (1744).  —  Coin  gravé  par  F.  Marteau, 
41  mWWm.  (Calai.,  n"  98.) 

88.  — Maladie  de  Louis  XI  à  Metz  (1744).  —  Coin  gravé  par  Benjamin 
DuvivieE_en  1757,  41  millim.  (Calai.,  n"  99.) 

89.  —  Convalescence  de  Louis  XV  (1744).  —  Coin  gravé  par  F.  Mar- 
teau, 41  millim.  (Calai.,  n»  100.) 

90.  —  Guérison  de  Louis  XV  (1744),  —  Coin  gravé  par  C.-N.  Roëttiers, 
en  1751,  41  millim.  (Calai.,  n"  101.) 

91.  —  Campagne  d'Italie  (1744).  —  Coin  gravé  par  C.-N.  Roëttiers, 
en  1753,  41  m'\\\\m.  {Catal.,  n«  103.) 

92.  —  Prise  de  Fribourgen  Brisgau  (1744).  —  Coin  gravé  par  F.  Mar- 
teau, 41  niillijii;.((7afa/.,  n"  104.) 

93.  —  Voyage  des  astronomes  français  à  l'Equateur  et  au  pôle  nord 
(1744).  —  Cojn  gravé  par  C.-N.  Roëttiers  en  1762,  41  millim.  {Calai., 
n"  105.) 

D4.  — Mariage  de  Louis,  Dauphin  de  France,  avec  Marie-Thérèse 
d'Espagne  (1745).  iVoi^um  domus  auguslae  vinculum.  —  Plusieurs  coins 


PKSSixs  m;   \i  i:  d  \  ii.les  kt  de  .jktoxs  357 

gravés  par  .I.-(l.  Roëtlicis,  72,   41  cl  M  tnilliin.  {Calai.,  n"  lOG  a  ;i  <;.) 
95.  —  Mariage  de  liOuis,  Daupliiri  die  France  (busles  affronlôs).    — 

Deux  coins  par  F.  Marleau,  -41  et  Îi2  inillim.  {Catal.,  n»  107  a  el  r.) 
90.  —  Campagne  d'Italie  (1745).  — Coin  gravé  par  C.-X.  Koi'Uiers  en 

1758,  41  niillim.  {Calai.,  n°  108.) 

97.  —  Bataille  de  Fontenoy  (1745).  —  (loin  gravé  par  F.  Marteau, 
U  miUim.  (Catal.,  n"  1()9.) 

98.  —  Prise  de  'l'ournai  (1745).  —  Coin  gravé  par  F.  Mar-leau, 
41  milliin.  {Calai.,  n"  110.) 

99.  —  Complète.^  de  Louis  XV'  (1745).  —  Coin  gravé  par  J.-C.  Roët- 
tiers,4l  niillini.  {Calai,  n"  111.) 

100.  —  Prise  de  Hru\el!es  (174()).  —  Coin  gravé  par  F.  Marteau, 
41  millim.  (Calai.,  n"  112.) 

101.  —  Prise  de  Cliarleroi,  de  Namur,  de  Mons  en  Hainaut,  de  Jem- 
mapes,  de  Bruxelles  et  d'Anvers  (1746).  —  Coin  gravé  par  F.  Marteau, 
41  millim.  {Catal.,  n"  113.) 

102.  —  Bataille  de  Rocoux.  (1746).  —  Coin  gravé  par  J.-C.  Roéttiers, 
41  millim.  {Catal.,  n"  114.) 

103.  —  Revision  des  lois  (1747).  —  Coin  gravé  par  F.  Marteau, 
41  millim.  (Catal.,  n"  115.) 

104.  —  Gènes  secourue  (1747).  —  Coin  gravé  par  J.-C.  Roëtliers  en 
1763,  41  millim.  {Calai.,  w  116.) 

105.  —  Second  mariage  de  Louis,  Dauphin  de  France,  avec  Marie- 
Josèplie  de  Saxe  (1747).  Commune  perennitatis  votum.  — Quatre  coins, 
dont  l'un  portant  la  signature  de  F.  Marteau,  41,  36,  32  et  29  millim. 
{Catal.,  n"  117  a  à  c.) 

106.  —  Second  mariage  de  Louis,  Dauphin  de  France  (husles  affrontes). 
—  Coin,  41  millim.  {Calai.,  n"  118.) 

107.  —  Bataille  de  Lawfeld  (1747).  —  Coin  gravé  par  F.  Marteau, 
41  millim.  (Catal.,  n»  119.) 

108  et  109.  —  Prise  de  Berg-op-Zoom  (1747),  face  et  revers.  — Deux 
coins,  celui  du  droit  portant  la  signature  de  F.  Marteau,  41  millim. 
{Catal.,  n»  120.) 

110  et  111.  —  Préliminaires  de  la  paix  d'Aix-la-Chapelle  (1748),  face 
et  revers.  —  Deux  coins,  41  millim.  {Calai.,  n"  121.) 

112.  —  Paix  d'Aix-la-Chapelle  (1748).  —  Esquisse  de  Bouchardon 
pour  le  dessin  suivant  '. 

113.  —  Paix  d'Aix-la-Chapelle  (1748).  —  Dessin  de  J.-C.  Roëtliers. 
—  Deux  coins  gravés  par  J.-C.  Roëltiers  en  1749,   72  millim.   (avec  la 

"  Voir,  ci-après,  planche  XXL 


358       MOBILIER    DU    CIIATK.AU    ROYAL    DE    S  A  I\'T-K  U  BE  RT, 

date  à  l'exergtie,  28  oct,  1748),  et  en  1751,  il  millim.,  avec  la  date 
exacte  :  XVIII  OCTOBIUS  MDCCXU  III.  iCalal.,  n"  122  a  et  b.) 

Ili.  —  Protection  des  iirts  et  manufactures  (1741)).  —  Coin  gravé  par 
C.-X.  Roëltiers  en  17()2,  41  millim.  [Calai.,  \r  123.) 

115.  —  Stabilité  des  monnaies  (1750),  —  Coin  gravé  par  J.-C.  Roët- 
tiers  en  1755.  (Calai.,  w  124.) 

11  G.  —  iVaissance  du  duc  d'Aquitaine  (1753).  —  Coin  gravé  par 
C.-X.  Hoëttiers  en  1757.  [Calai,  n»  128.) 

117.  —  Maissance  du  duc  de  Berry  (1754).  —  Coin,  -41  millim. 
[Calai.,  n"  131.) 

118.  — Naissance  du  comte  de  Provence  [Louis  XVIII]  (1755).  —  Coin, 
41  millim.  {Calai.,  n'  133.) 

119.  —  Prise  de  Porl-Mahon  (1756).  —  Deux  coins  gr.ivés  par 
C-N.  Roéttiers  et  L.  Léonard,  41  millim.  [Calai.,  n"  134.) 

120.  —  Alliance  avec  Marie-Thérèse  (1756).  —  Coin  gravé  par  Ben- 
jamin Duvivier,  41  millim.  [Calai.,  n"  135.) 

121.  —  Naissance  du  comte  d'Artois  [Charles  X]  (1757),  —  Coin 
gravé  par  Benjamin  Duvivier,  41  millim.  [Calai.,  n»  137.) 

122.  —  Paix  avec  l'Angleterre  (1763).  —  Coin  gravé  par  J.-C.  Roël- 
tiers, 41  millim.  [Calai.,  n«  141.) 

123.  —  Statue  équestre  du  Roi  sur  la  place  Louis  XV.  Gallia  plaudenle 
(1763). — Deux  coins  gravés  par  B,  Duvivier  en  1763  et  1768,  41  millim, 
[Calai.,  n»  142  b.) 

124.  —  Pose  de  la  première  pierre  de  l'église  Sainte-Geneviève  (1764). 
—  Coin  gravé  par  C.-N.  Roëttiers,  41  millim.  [Calai.,  n"  143.) 


XIX 

APPARTEMEXTS   ET   MOBILIER 

DU     CHATEAU     ROYAL     DE     SAIMT-HUBERT 

(Paroisse  dos  Essarts-le-Roi). 

Louis  XV  avait,    dès  sa  jeunesse,    pris   Phabitude  de  chasser 
fréquemment  dans  la  forêt  de  Rambouillet.  Cette  forêt  lui  plaisait, 


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MOBlLir.  H    DU    CIIATEAl     KOVAI,    DE    S  A  I  \  T-II  l  I!  E  HT.       359 

et  longtemps  l'hospitalité  qu'il  avait  reçue  chez  la  comtesse  de 
Toulouse,  au  château  de  Ramhouillet,  lui  avait  été  agréahle.  Il  la 
paya  mal  :  après  la  mort  du  comte  de  Toulouse  (1737),  il  multiplia 
les  importuiiités  dans  le  hut  de  décider  la  comtesse  de  Toulouse 
et  son  fils,  le  jeune  duc  de  I*eiithièvre,  à  lui  vendre  Rambouillet. 
Il  n'y  parvint  pas.  Ainsi  il  dut  se  résoudre  à  recevoir  l'hospitalité 
du  duc  de  Penthièvre. 

Quelques  années  plus  tard,  la  situation  se  compliquait  des  fai- 
blesses du  Roi  pour  Aime  de  Pompadour:  l'atmosphère  de  vertu  dans 
laquelle  Louis  XV  se  trouvait  à  ses  voyages  à  Rambouillet  devenait 
gênante.  Cependant,  loin  de  songer  à  renoncer  aux  chasses  de  cet 
endroit,  le  Roi  les  affectiDunait  davantage. 

Ce  fut  pour  en  jouir  plus  à  son  aise  et  sans  qu'il  en  coûtât  aucun 
sacrifice  à  sa  vie  privée,  qu'il  ordonna,  en  1755,  la  construction  d'un 
rendez-vous  de  chasse  sur  les  confins  de  la  forêt  de  Rambouillet. 

L'architecte  Gabriel  choisit  pour  emplacement  à  cette  nouvelle 
maison  royale  le  bord  d'un  des  étangs  créés  sons  Louis  XIV  pour 
alimenter  d'eau  Versailles,  l'étang  de  Pouras.  De  là  le  nom  de 
pavillon  de  Pouras  qu'on  lui  donna  d'abord,  et  auquel  succéda 
bientôt  celui  de  château  de  Saint-Hubert. 

Saint-Hubert  était  distant  de  quatre  lieues  et  demie  de  Versailles, 
et  situé  à  cinq  cents  pas,  à  droite,  de  la  route  de  Versailles  à 
Chartres.  Il  fut  terminé  en  1758. 

Alors,  il  ne  comprenait  qu'un  gros  bâtiment  de  vingt-trois  toises 
de  longueur  sur  dix  toises  d'épaisseur  (46  m.  X  20  m.),  avec  un 
avant-corps,  duccMé  de  l'étang.  Cet  avant-corps  renfermait  le  salon. 
Devantle  château,  une  cour  était  précédée  de  deux  petits  pavillons, 
réunis  par  une  grille.  Le  pavillon  de  droite  était  la  conciergerie  ; 
celui  de  gauche  contenait  la  chapelle.  Enfin  deux  ailes,  en  retour, 
servaient  de  communs. 

De  1761  à  1772,  on  augmenta  le  château  de  Saint-Hubert  :  de 
deux  petits  pavillons  à  l'italienne,  accolés  au  château  ;  —  de 
quatre  pavillons  d'angle,  dessinant  une  avant-cour;  —  puis  de 
deux  ailes  de  trente-trois  toises  (66  m.)  chacune,  unissant  ces 
pavillons  deux  à  deux.  Une  deuxième  grille  ferma  l'avant-cour. 

Tous  les  bâtiments  avaient  un  rez-de-chaussée,  un  entresol,  un 
premier  étage  et  un  deuxième  étage  mansardé,  sauf  les  communs 
qui  n'avaient  qu'un  seul  étage. 


3G0        MOBILIKII    \)l    CHATEAU    UOYAI,    DE    S  A  I  N  T-H  L  B  E  RT. 

Cinqavenuesaboiitissaieiil  à  rcnlréedu  cliàleau.  Celle  du  centre 
était  plantée  de  quatre  rangées  d'arbres. 

Pour  servir  d'annexés  au  château  de  Saint-Hubert,  on  acquit  le 
petit  château  de  TArtoire,  situé  dans  le  voisinage,  de  l'autre  côté 
de  la  route  de  Chartres,  et  l'on  construisit  une  maison  de  la  poste, 
des  bâtiments  pour  la  maréchaussée  et  les  menus  plaisirs,  et  une 
petite  église  paroissiale.  Un  village  fut  fondé  auprès  du  château  et 
nommé  Saint-Hubert.  Il  ne  se  développa  pas,  par  suite  de  l'absence 
du  commerce.  Mais  le  château,  on  le  voit  par  cette  courte  descrip- 
tion, était  considérable.  Il  ne  contenait  pas  moins  de  cent  cin- 
quante logements. 

Cependant,  si  vaste  que  fût  ce  château  de  Saint-Hubert,  il  ne  nous 
ofifrirait  qu'un  bien  minime  intérêt  si  les  voyages  de  la  cour  n'y 
avaient  été  nombreux,  et  si  la  décoration  des  appartements  n'avait 
montré  que  le  Roi  attacha,  pendant  un  temps,  beaucoup  de  prix 
à  cette  demeure. 

Depuis  sa  fondation  jusqu'en  1786,  Saint-Hubert  reçut  tous  les 
personnages  marquants  de  France  :  Louis  XV,  le  duc  d'Orléans, 
le  prince  de  Condé,  tous  les  seigneurs  et  les  dames  qui  accom- 
pagnaient le  Roi  dans  ses  chasses;  la  marquise  de  Pompadour, 
la  comtesse  du  Barry;  Louis  X\  I,  son  beau-frère  l'empereur  d'Au- 
triche, le  roi  de  Suède,  Marie-Antoinette  qui  y  soupa  et  y  chassa 
maintes  fois;  le  comte  d'Artois,  pour  qui  l'on  y  installa  un  jeu  de 
paume,  etc.  Et  que  de  faits,  dignes  d'être  relatés  dans  la  vie  de 
ces  bûtes  célèbres,  constituent  les  fastes  de  Saint-Hubert!  que  de 
curieuses  aventures  de  chasse!  Ils  trouveront  leur  place  dans  une 
autre  étude  que  nous  préparons,  à  laquelle  a  bien  voulu  s'intéres- 
ser la  Société  des  Sciences  morales,  de  Versailles. 

Ici,  nous  voulons  entrer  dans  un  détail  particulier  de  la  déco- 
ration, du  mobilier  et  de  l'ameublement  du  château  de  Saint- 
Hubert.  —  A  sa  décoration  sont  attachés  les  nomsdeSlodlz,  Pigalle, 
Falconet,  Coustou,  Werbreck,  Bachelier,  Carie  Vanloo.  Elle 
mérite  donc  bien  l'attention.  Quant  à  son  mobilier,  les  inventaires 
que  possèdent  les  Archives  nationales  nous  le  décrivent  avec 
précision,  et  nous  en  sentons  toute  la  beauté  et  tout  le  luxe.  En 
sorte  qu'en  dehors  de  la  curiosité  qu'on  apporte  toujours  à  connaître 
la  demeure  des  grands,  il  est  intéressant  pour  l'histoire  de  l'art  au 


MOBILIER    DU    CHATEAU    KOVAE    DE    S  A  I  \  T-H  U  I!  E  RT.        SGI 

(lix-lulilièmo  siècle  de  s'allarder  un  peu  à  ces  descriptions;  de 
rapprocher  les  divers  élénients  <lu  mohilier,  afin  de  reconstituer 
lameublenient  des  appartenienls  tel  qu'il  était  sous  les  yeux  des 
hôtes  du  château.  I/intérèt  niènie  s'accroît  lors(|u'on  songe  que 
c'est  Mme  de  Pompadour  qui  présula  à  cet  ameuhleineut.  Un  des 
historiens  dé  la  marquise,  Capeligue,  dit  de  Saint-Hubert:  a  Les 
rendez-vous  de  chasse  étaient  devenus  des  palais,  et,  dans  le  dernier 
temps  de  la  marquise,  le  Hoi  paraissait  spécialement  affectionner 
le  pavillon  de  Saint-Hubert...  Le  mobilier  en  était  fort  riche  cl 
avait  coûté  800,000  livres,  i 

D'après  les  dépenses  faites  pour  les  appartements,  nous  pouvons 
juger  qu'ils  formaient  un  cadre  convenable  aux  merveilles  du 
mobilier.  Les  comptes  des  bâtiments  établissent  que  le  sieur 
Rousseau  reçut  16,237  livres  pour  des  sculptures  décoratives  ;  le 
stucateur  Clérici,  28,703  livres  pour  les  dix-huit  mois  qu'il  avait 
passés  à  Saint-Hubert  à  faire  des  imitations  de  marbres  antiques 
dans  le  salon  du  château  et  dans  un  cabinet  de  l'appartement  du 
Roi  ;  ce  qui  n'empêcha  les  marbriers  Trouard  etDropsy  de  fournir 
pour  plus  de  30,000  livres  d'ouvrages  de  marbre.  Les  fournisseurs 
d'ouvrages  de  ciselure  et  bronze  doré,  de  glaces  et  dorures  tou- 
chèrent dans  la  même  proportion.  Remarquons  combien  il  y  a  loin 
de  ces  riches  appartements  de  Saint-Hubert  au  rendez-vous  de 
chasse  que  les  auteurs  s'étaient  imaginé  capable  tout  au  plus  de 
fournir  le  nécessaire  à  un  débotté. 

Saint-Hubert  n'était  pas  moins  luxueux  que  Bellevue,  Meudon 
et  Choisy.  Il  avait  le  même  rang  parmi  les  résidences  royales,  et 
il  n'importe  pas  moins  pour  les  arts  au  dix-huitième  siècle. 

La  merveille  du  château  de  Saint-Hubert  était  le  salon  :  un 
chef-d'œuvre  de  Gabriel.  Il  était  situé  au  rez-de-chaussée,  dans  un 
avant-corps  du  pavillon  principal,  du  côté  de  l'étang  de  Pouras. 
C'est-à-dire  qu'il  était  sur  le  derrière  du  château. 

Quatre  arcades  ouvraient  ce  salon  circulaire  et  s'appuyaient 
contre  huit  pilastres  corinthiens,  sur  lesquels  régnait  un  entablement 
composite,  surmonté  d'une  calotte,  avec  un  percé  au  centre.  L'une 
des  arcades  était  occupée  par  la  porte  d'entrée  ;  une  autre  par  une 
cheminée,  ornée  de  glaces. 

Au-dessus  de  la  porte,  un  buste  de  Diane  et  deux  enfants  avaient 


3Gi>       MOBILIER    DU    C  K  .\  T  R  A  U    IlOVAL    DE    S  Al  AIT-H  IJ  B  E  RT. 

été  sculptés  par  Slodtz.  Une  frise,  tout  autour  du  salon,  était  ornée 
de  quatre  têtes  fde  cerf,  quatre  de  sanglier,  et  de  vingt-quatre 
chiens,  avec  des  guirlandes  et  des  consoles.  Les  chiens  étaient  de 
Uerbreck.  Quatre  bas-reliefs  avaient  été  distribués  à  Slodiz, 
Pigalle,  Falconet  et  Cousiou.  Chacun  de  ces  trois  derniers  avait 
travaillé  également  à  la  frise.  Alais  les  huit  trophées  de  chasse  qui 
décoraient  la  calotte  avaient  été  réservés  à  Slodtz,  et  celui-ci  se 
trouvait  de  la  sorte  le  principal  ouvrier  de  ces  chefs-d'œuvre. 

On  peut  noter,  en  passant,  que  ces  artistes  reçurent  pour  leurs 
travaux:  Soldtz,  4,000  livres;  Werbreck,  1,584  livres  10  sous; 
Pigalle,  Falconet,  Coustou,  1,200  livres  chacun.  (Compt.  des  Bât.) 

Quant  à  reffct  de  ce  salon,  on  peut  s'en  imaginer  la  grâce  et  la 
fraîcheur  par  le  contraste  du  stuc  blanc  des  sculptures  avec  les 
marbres  jaunâtres  peints  par  Clérici  ;  par  les  jeux  de  lumière  que 
créaient  les  percés  de  la  voûte  et  des  arcades,  qui  donnaient  un 
air  de  légèreté  à  cette  architecture,  égayée  de  tant  d'attributs  de 
chasse,  pour  en  caractériser  la  destination. 

Malheureusement  pour  les  artistes  qui  avaient  dépensé  leur  talent 
à  Saint-Hubert,  ce  salon  ne  devait  pas  contribuer  de  longues 
années  à  leur  fournir  sa  part  de  gloire.  Il  rencontra,  au  lendemain 
même  de  son  achèvement,  un  ennemi  terrible  :  l'humidité  extraor- 
dinaire de  cette  région,  qui  a  valu  à  la  forêt  de  Rambouillet  le 
nom  à^iveline.  Gabriel  n'avait  rien  prévu  contre  cet  ennemi  qu'il 
ignorait.  A  partir  de  l'hiver  1759-60,  on  entretint  tous  les  ans, 
pendant  la  saison  rigoureuse,  un  feu  suffisant  pour  empêcher  le 
salpêtre  de  se  former  dans  le  salon  jusqu'à  cinq  pieds  de  haut, 
mais  modéré  assez  pour  qu'il  ne  fît  pas  éclater  le  stuc. 

Clérici  revint  fréquemment  faire  des  réparations,  sous  Louis  XV. 
Sous  Louis  XVI,  le  salon  de  Saint-Hubert  fut  encore  bien  entre- 
tenu; mais  de  1788  à  1797,  il  resta  entièrement  abandonné.  De 
sorte  qu'au  moment  où  le  château  fut  vendu,  comme  bien  national 
(loi  de  ventôse  an  I\  ),  il  était  passablement  «  endommagé  '  »  . 

Ses  propriétaires  l'entretinrent  jusque  vers  1867,  où  il  fut 
démoli  et  ses  sculptures  acquises  par  des  amateurs. 

Deux    peintres    seulement    travaillèrent    pour    Saint-Hubert. 
'  Proccs-veital  d'estimation,  du  21  tliermidor  an  IV, 


MOBII.IEK    m;    CHATEAi;    liOYAL    DE    S  A  I  M  T-H  [' lî  E  RT.       363 

Bachelier  peignit  le  plafond  du  salon  et  fit  un  dessus  de  |)orto  pour 
la  clianibrc  à  couclierdu  Roi.  Ou  lui  paya  .'î, 800  livres,  (larle  V'auloo 
donna  un  Sfiint  Hubert  iv  la  clia|)elle  du  château.  M.  de  Alariguy, 
directeur  des  bâtiments,  lui  avait  écrit,  le  7  janvier  175S,  j)our 
lui  commander  un  lahleau  d'autel.  «  Je  veux  que  ce  taldeau  soit 
d'un  grand  maître,  et  j'ay  jeté  les  yeux  sur  vous.  Je  laisse  le  sujet 
à  votre  choix  ;  vous  ne  serez  gêné  que  par  les  dimensions...  i 
V'anloo  peignit  une  Cowz;^;'5io«^/(?.s«îV2^^«èer^.-;le  Christ  lui  apparaît 
entre  les  cornes  du  cerf  (|u'il  poursuit.  L'œuvre  était  digne  du 
maître.  Ce  Saint  Hubert  n  toujours  été  cité  avec  éloge.  Mais  il  ne 
fut  pas  épargné  par  l'humidité.  Malgré  dessoins  spéciaux,  il  n'était 
pas  en  bon  état,  en  1785,  lorsque  Louis  XVî  le  fit  transporter  à 
l'église  paroissiale  de  RamhouilleL.  Il  fut  réparé  et  gâlé.  C'est  dans 
cet  état  qu'on  le  voit  aujourd'hui. 

Pour  montrer  à  quel  point  l'humidité  a  ruiné  le  château  de 
Saint-Hubert,  nous  relèverons  ce  détail,  qu'une  copie  du  tableau  de 
Vanloo  avait  été  faite  pour  la  petite  église  paroissiale  du  village  de 
Saint-Hubert.  En  1785,  c'est-à-dire  au  bout  de  vingt  ans,  elle  était 
pourrie  et  réduite  en  poussière.  —  Le  Saint  Hubert  de  Vanloo  lui 
avait  été  payé  2,000  livres  \ 

Les  appartements  de  Saint-Hubert  eurent  aussi  un  véritable 
ennemi  dans  les  solliciteurs  de  logements.  Ceux-ci  ne  dégradèrent 
rien  ;  mais  ils  gênèrent  à  la  splendeur  d'appartements  si  richement 
aménagés  et  meublés,  dont  le  nombre,  bien  que  considérable,  ne 
suffisait  jamais  aux  puissantes  demandes  qu'avait  à  examiner  le 
Roi.  Il  en  résultait  qu'on  réduisait  chacun  au  minimum  d'espace 
possible  pour  contenter  plus  de  monde.  Les  quelques  lignes  sui- 
vantes, extraites  d'une  note  présentée  au  Travail  du  Roi,  en  1765, 
donnent  une  idée  de  l'embarras  que  devaient  causer  les  réclama- 
tions de  personnages  de  première  marque  :  «  Il  est  absolument 
nécessaire  que  Votre  Majesté  ait  la  bonté  de  penser  ii  l'anangement 
des  logements  de  Saint-Hubert...  Il  n'y  a  que  trois  logements  de 
dames,  et  Votre  Majesté  en  mène  (|uelquefois  cinq  ou  six.  M.  le 
prince  de  Coudé,  comme  grand  maître,  y  a  un  logement  très 
médiocre.  M.  le  duc  d'Orléans  et  M.  le  duc  des  Deux-I'onts  iront 

'  Comptes  des  bâtiments,  0'2258. 


3C4        ^iOliILlER    DU    CHATEAU    ROYAL    DE    S  A  I IVT-H  U  B  E  RT. 

sûrement  tous  les  ans,  et  les  jambes  ilu  premier  |)rince  du  sang  ne 
paraissent  pas  assez  bonnes  pour  le  second  étage.  M.  le  marquis 
de  Marigny  demande  qu'on  augmente  son  logement  au  cliàfeau, 
n"  19...  «Ainsi,  liormi  les  appartements  d'assemblée  et  ceux  du  Roi 
et  de  sa  maîtresse,  les  autres  étaient  disputés,  et,  par  suite,  étroits. 

Louis  XV  habitait  le  premier  étage  du  pavillon  principal.  Il  n'y 
disposait,  du  reste,  que  d'une  chambre  et  d'un  cabinet.  Sa  garde- 
robe  était  reléguée  à  l'entresol. 

En  17G2,  Mme  de  Pompadonr  avait  également  une  chambre  et 
un  cabinet,  et  un  second  cabinet  ou  garde-robe  à  l'entresol. 

L'appartement  du  Roi  était  meublé  de  damas  cramoisi,  garni  de 
deux  galons  d'or'.  L'ameublement  du  lit,  «  en  baldaquin  à  calotte 
à  la  royale  « ,  était  de  gros  de  Tours  cramoisi  «  bordé  d'un 
petit  galon  d'or  avec  deux  tresses  d'or  et  leurs  glands  n  .  l  ne 
garniture  comprenait  «  cent  douze  plumes  blanches  montées  de 
cramoisi  et  de  cinq  aigrettes  « . 

La  couchette  était  à  deux  chevets,  «  bombée,  sculptée  et  dorée  «  . 

Le  damas  reparaissait,  bordé  d'un  petitgalon  d'or,  aux  portières 
et  aux  doublés  rideaux,  d'une  hauteur  de  quatre  aunes.  Pour 
rideaux  de  fenêtres,  du  gros  de  Tours  blanc.  Un  lapis  de  la  Savon- 
nerie couvrait  le  sol  sur  cinq  aunes  et  demie  de  long  et  quatre  aunes 
et  demie  de  large.  Le  commis  du  garde-meuble  l'a  décrit  avec  la 
même  simplicité  de  termes  que  nous  retrouveronspartout  dans  son 
inventaire  :  —  «  Fond  brun,  chargé  d'un  grand  compartiment  fond 
jaune,  au  milieu  duquel  est  une  rose  moresque  entourée  de  fleurs 
de  lys  et  fleurons  ;  aux  coins  et  milieu  sont  six  grandes  fleurs  de 
lyscouleur  de  bronze  entourées  de  guirlandes  de  fleurs.  La  bordure 
aussi  couleur  de  bronze.  » 

On  ne  saurait  vraiment  reprocher  à  cette  chambre  de  sentir  son 
rendez-vous  de  chasse,  dont  le  titre  évoque  la  pensée  d'une  instal- 
lation sommaire. 

Deux  fauteuils,  deux  carreaux,  un  écran,  un  paravent  de  quatre 
feuilles  étaient  recouverts  «  de  même  damas...  chamarrés  et  garnys 
de  galons  d'or...  Les  bois  sculptez  et  dorez...  » 

*  Inventaires  de  Saint-Hubert.  Arcliiies  nationales,  0'3V39. 


MOBII.IKK    IM;    r,  HATKAU    liOVAI,    DK    SAl.\T-IiL"BERT.        365 

Isii  plus,  un  maicliopied  couvert  de  damas  ;  un  fauteuil  de 
toilette  (Ml  niaiO(|uin  rouge.  Le  bois  sculpté  et  doré. 

Deux  meubles  : 

«  l  ne  commode  de  bois  de  rose  à  fleurs  de  bois  violet  et  dessus 
de  marbre  brèche  violet,  ayant  par  devant  deux  grands  tiroirs 
fermant  à  clef,  enrichie  de  divers  ornemens  de  bronze  doré  d'or 
moulu;  longue  de  quatre  pieds  huit  pouces...  ^  Et  une  table  de 
nuit  ><  de  bois  violet  et  rose  « . 

Et  pour  compléter  cet  ameublement  :  une  grille, de  bronze 
devant  la  cheminée  ;  deux  paires  de  bras,  à  doubles  branches,  de 
bronze  doré  ;  une  pendule  «  faite  par  Aloysy,  le  cadran  d'émail 
dans  des  cartes  de  bronze  doré  «  ;  ^  un  chandelier  de  cristal  de 
liohème  à  consoles  et  six  branches,  les  fontes  dorées,  avec  son 
cordon  de  soye  cramoisy  " . 

Le  cabinet  du  Roi  n'avait  point  d'ameublement  ;  seulementdeux 
rideaux  de  gros  de  Tours  blanc,  à  la  fenêtre. 

Pour  mobilier,  ^'-  un  secrétaire,  en  armoire,  de  bois  de  rose  à 
fleurs  de  bois  violet,  orné  de  bronze  dorez  d'or  moulu,  ayant  en 
bas  deux  batlans  fermant  à  clef.  L'abattant,  couvert  de  velours 
cramoisy,  renferme  cinq  tiroirs  à  boutons  dont  un  à  droite  est 
garny  d'encrier,  poudrier  et  i)oëte  à  éponge  d'argent.  » 

Dans  la  garde-robe  du  Roi,  le  mobilier  était  de  palissandre  (chaise 
d'affaire,  bidet),  sauf  deux  jolies  encoignures  de  bois  d'amarante 
et  de  rose,  garnies  de  trois  tablettes  de  marbre  vert  de  Campan, 
et  ornées  de  pieds  de  bronze  doré. 

Mme  de  Pompadour  avait  choisi  pour  son  appartement  une  étoffe 
de  damas  rayée  vert  et  blanc,  garnie  de  crête  de  soie.  C'était  très 
modeste  par  rapport  au  damas  cramoisi  chamarré  d'or  qui  meublait 
la  chambre  du  Roi  ;  mais,  en  cela  mêmei  le  choix  était  de  bon  goût  ; 
il  l'était  plus  encore  par  l'expression  délicate  que  la  douceur  du 
contraste  de  ces  deux  teintes,  vert  et  blanc,  donne  au  mobilier 
et  à  l'ameublement  uniformes  d'une  pièce. 

Le  lit  à  quatre  colonnes  se  drapait  de  vingt  lés  d'étoffe,  qui  se 
liaient,  de  même  ([ue  les  portières,  de  cordelières  de  soie  garnies 
de  glands  de  soie. 


366        MOBILIER    DU    C  HATE  AL'    ROYAL    DE    S  A  I  M  T-H  L'BE  RT. 

Deux  fauteuils  et  six  chaises  à  dos  couverts  «  de  même  damas, 
«i  garnis  de  ladite  crête  »,  et  un  fauteuil  en  confessionnal  étaient 
répandus  dans  la  chambre  de  la  marquise.  «  Les  bois  sculptez  et 
«  à  moulures  rechampis  vert  et  blanc  « ,  dit  l'inventaire. 

«  Un  écran  à  coulisse  couvert  des  deux  cotez  de  même  damas 
«  avec  sa  tresse  de  soye  terminée  d'un  «jland.  »  Un  fauteuil  de 
toilette,  de  hêtre  et  canne,  garni  de  damas. 

Il  y  avait  aussi  «  une  niche  pour  deux  chiens,  couverte  dudit 
tt  damas  » . 

Les  meubles  de  cette  chambre  étaient  ;  deux  commodes  de  bois 
de  rose  et  de  satiné,  avec  mosaïque  de  placages,  dessus  de  marbre 
brèche  violet;  deux  tiroirs,  avec  entrées  de  serrure,  mains  fixes, 
chutes,  fleurons  et  chaussons  de  bronze  doré; 

Une  table  de  nuit  de  bois  violet  et  rose  ; 

Un  écran  de  bois  violet  massif;  le  châssis  couvert  de  papier  des 
Indes  à  fleurs,  avec  sa  tresse  de  soie. 

Dans  le  cabinet  attenant  à  la  chambre  de  la  marquise,  l'ameu- 
blement était  tout  semblable. 

Le  mobilier  se  composait  d'un  secrétaire  de  bois  violet  et  rose 
à  placages,  orné  de  chutes,  fleurons  et  chaussons  de  cuivre  doré, 
avec  trois  tiroirs,  et  d'une  table  à  écrire  de  bois  de  rose  et  fleurs 
de  bois  violet,  recouverte  de  maroquin  noir. 

Il  est  peut-être  indiscret  de  suivre  le  commis  du  garde-meuble 
inventoriant  la  garde-robe  de  Mme  de  Pompadour.  On  n'a  point 
d'embarras  à  en  décrire  les  quatre  pièces  de  tapisserie  «de  papier 
a  peintdefigureschinoises.colléessur toile  etattachéessurchassis"  . 
La  plupart  des  autres  meubles  échappent,  indignes  probablement, 
par  leur  banalité,  de  la  mention  «  Madame  de  Pompadour  »  . 

Mais,  au  contraire,  le  bidet  a  l'honneur  d'une  ample  description, 
que  nous  nous  couvrons  de  l'autorité  du  document  pour  reproduire  : 
a  Un  bidet  à  seringue,  de  bois  de  noyer,  avec  couvercle  et  dossier 
de  maroquin  rouge,  cloué  de  clouds  dorez,  ayant  dans  le  dossier 
deux  flacons  de  cristal...  » 

Le  salon  de  stuc,  comme  on  appelait  le  salon  de  Saint-Hubert, 


MOBILIER    DU    C  II  \  T  E  A  l    KOYAL    DE    S  A  Ii\  T-H  U  11  E  Rï.        367 

était  meublé  de  la  même  tapisserie  que  la  chambre  du  Roi  :  damas 
cramoisi  à  galon  d'or. 

On  y  voyait  :  six  demi-bergères,  douze  cliaises  courantes,  une 
chaise  pour  le  Roi,  un  paravent,  un  écran,  garnis  tous  de  damas 
cramoisi  et  de  galon  d'or  cloué. 

Vingt  et  une  tables  de  jeux  divers  étaient  destinées  au  salon, 
toutes  d'une  riche  et  jolie  ébénisterie. 

Sur  la  cheminée,  une  pendule  de  Hîoysy,  «  terminée  en  haut 
«  d'un  enfant  assis  sur  un  nuage  tenant  un  paon,  le  tout  en  bronze 
a  doré  d'or  moulu  ;  haute  de  vingt  pouces  >< . 

Devant  la  cheminée,  une  grande  grille  de  bronze  était  ornée 
d'une  tète  de  lion  et  d'une  tête  de  loup. 

Le  centre  du  salon  était  occupé  par  un  grand  tapis  rond,  de  la 
Savonnerie.  L'inventaire  de  17621e  détaille  ainsi  :  "...  fond  noir, 
ayant  au  milieu  un  grand  compartiment  fond  cannelle,  au  milieu 
duquel  est  une  coquille  moresque  entourée  d'une  vingtaine  de 
fleurs  et  accompagnée  de  quatre  compartiments.  Le  reste  du  tapis 
est  orné  de  mosaïque,  de  quatre  fleurs  de  lys  et  de  quatre  coquilles. 
Le  tout  entouré  de  guirlandes  de  fleurs  ;  des  oves  couleur  de 
bronze  formant  la  bordure.  Le  tapis  de  six  aunes  trois  quarts  de 
diamètre.  » 

Saint-Hubert  possédait  encore  un  autre  tapis  de  la  Savonnerie, 
dans  son  vestibule,  et  deux  remarquables  paravents,  sortis  de  la 
même  manufacture  :  Tun  de  six  feuilles,  placé  dans  la  salle  à 
manger;  l'autre  de  quatre  feuilles,  déposé  dans  le  vestibule. 

La  tapisserie  de  ces  paravents  était  de  fond  jaune;  au  milieu, 
sur  un  cartouche  de  fond  bleu,  était  représenté  uri  oiseau  :  autour 
du  cartouche,  divers  ornements,  et,  au  bas,  un  vase  de  fleurs. 
Chaque  feuille  du  paravent  portait  un  oiseau  différent. 

Ces  tapisseries  méritaient  une  mention  spéciale.  Il  n'en  faudrait 
pas  conclure  qu'après  les  objets  des  trois  principaux  appartements 
que  nous  venons  de  décrire,  elles  closent  la  liste  des  richesses 
d'ameublement  de  Saint-Hubert.  Certainement,  le  salon,  l'appar- 
tement du  Roi  et  celui  de  Mme  de  Pompadour  surpassaient  de 
beaucoup  en  luxe  les  autres  appartements.  Cependant,  on  trouve- 
rait sans  peine,  dans  la  salle  à  manger,  dans  la  chapelle,  dans  les 


368       MOBlLlIiU    DU    CHATEAU    UOYAL    DE    S  AI  iV  T-H  U  BE  RT. 

apparlements  île  darnes  cl  des  principaux  seigneurs,  des  tapisseries, 
des  Itronzes,  des  nienhlcs  d'élx'iiisterie  qui  mériteraient  un  éloge 
et  un  moment  d'atlcnlion.  Tels  les  secrétaires  qui  servaient  au 
comte  de  Xoailloset  à  (iabriel,  elle  bureau  orné  de  bronzes  ciselés 
et  dorés  du  duc  de  Cboiscul  ;  telles  lajolie  commode  de  bois  violet 
et  rose  et  la  table  à  écrire  de  même  bois  de  M.  de  Duras,  etc. 

Saint-Hubert  n'était  que  comparable  àBellevue  et  à  Cboisy  pour 
la  beauté  et  la  licbesse  de  son  mobilier;  il  les  surpassait  pour  la 
profusion  des  meubles. 

Des  mutations  se  produisirent,  dans  le  mobilier  de  Saint-Hubert, 
durant  les  règnes  de  Louis  XV  et  de  Louis  XVL  En  mai  1765,  par 
exemple,  l'ameublement  de  l'appartement  de  Aime  de  Pompadour 
fut  renvoyé  au  garde-meuble  de  Paris.  Cependant,  Tensemble  des 
meubles  resta  à  peu  près  le  même  jusqu'en  1784.  A  cette  date, 
tout  partit  pour  Rambouillet,  (|ue  Louis  \VI  venait  d'acquérir.  Il 
ne  resta  à  Saint-Hubert  que  ce  qui  était  "  indispensable  pour  un 
déjeuner  et  en  cas  d'accident  ^  . 

Pour  éviter  d'avoir  à  entretenir  des  bâtiments  devenus  inutiles, 
Louis  XVHit  démolir  les  deux  ailes  de  l'avant-cour  de  Saint-Hubert. 
Déménagement  et  destruction  s'accomplirent  en  même  temps  :  le 
caprice  royal  l'ordonnait  ainsi. 

Cependant  le  cliàteau  de  Kambouillet  ne  pouvant  contenir  tout 
le  mobilier  de  Saint-Hubert,  on  dut  en  diriger  plusieurs  cliarge- 
ments  de  voitures  sur  le  garde-meuble  de  Paris,  sur  Saint-Cloud, 
sur  Trianon. 

Rambouillet  n'eut  que  quelques  meubles  particuliers,  exigés 
par  la  proportion  des  pièces.  A  l'exception  de  deux  tapisseries 
demandées  par  la  Reine,  il  reçut  tout  de  Saint-Hubert. 

Or,  le  14  octobre  1793,  les  commissaires  de  la  Convention 
chargés  de  la  vente  des  meubles  du  't  ci-devant  Roi  »  rendirent 
compte  que  le  produit  du  mobilier  de  Rambouillet  et  de  Saint- 
Hubert  (ce  qui  était  tout  un)  s'était  élevé  à  590,000  livres', 
distraction  faite  de  tous  les  galons  d'or  et  d'argent  ;  des  matelas, 
couvertures  et  linge  propre  aux   liùpitaux  ;   des  deux  lustres  ou 

'  Réimpression  du  Monileur  universel,  t.  XVIII,  p.  126. 


MOBILIER    DL    CHATEAU    ROYAL    DE    S  A  I M  T-H  L  B  E  HT.        369 

lanternes  qui  avaient  décoré  le  vestibule  et  la  salle  à  manger  de 
Saint-Hubert,  et  de  (|iiel(|ues  tapis  de  la  Savonnerie  :  ces  objets 
ayant  été  «jardés  pour  le  Muséum. 

Kn  citant  plus  liant  CapeGgue,  lorsqu'il  jetait  comme  un  cri 
d'admiration  devant  un  mobilier  qu'il  estimait  à  800,000  livres, 
si  nous  avions  discuté  la  modicité  du  cbiffre,  nous  aurions  pu  être 
accusé  de  parti  pris.  Il  n'en  saurait  être  de  même  après  le  rapport 
des  commissaires  de  la  Convention,  après  une  vente  qui  donna 
590,000  livres,  pendant  la  Révolution,  et  qui  ne  comprit  pas  les 
retraits  faits  en  1785,  ni  ceux  qu'ordonnèrent  les  commissaires 
chargés  de  la  vente.  Mous  ne  retiendrons  de  ces  chiffres  que  la 
confirmation  que  le  mobilier  du  château  de  Saint-Hubert  a  été 
l'un  des  plus  riches  et  des  plus  artistiques  des  maisons  royales,  au 
dix-huitième  siècle. 

J.  Maillard, 

ilembre  de  la  Société  arcliéologicjue  de 
Rambouillet,  à  Versailles. 


PIECE  JUSTIFICATIVE 

Le  court  espace  de  temps  pendant  le(|iiel  le  château  de  Saint-Hubert  a 
connu  la  prospérité  est  lu  seule  raison  par  laquelle  on  puisse  expliquer 
que  sa  réputation  ne  se  soit  pas  établie.  A  moins  que  celle  demeure  n'ait 
été  plus  fermée  que  d'autres. 

En  échappant  aux  commérages  qui  entretenaient  la  vie  à  Versailles, 
elle  se  préparait  l'oubli.  lAIais  ce  qui  étonne,  ce  n'est  pas  que  les  mémo- 
rialistes aient  peu  conlé  sur  Saint-Hubert,  c'est  que  la  peinture  et  la 
gravure  ont  méconnu  cette  maison,  hospitalière  aux  arts. 

On  trouve  au  Musée  de  Versailles,  dans  la  salle  des  Résidences  royales, 
un  tableau  au  bas  duquel  est  inscrit  :  "  Le  château  de  Saint-Huhert, 
vers  1722. 

\oi\ii  une  peinture  nationale  dont  l'inexactitude  est  pleine  d'excuses. 
Car  on  ne  saurait  faire  un  château  de«  Saint-Hubert  de  quelque  vraisem- 
blance 11  vers  1722  »,  puisque  les  fondations  du  château  ont  été  jetées 
en  avril  1755,  et  les  bâtiments  n'ont  jamais  ressend)lé  à  la  peinture  de 
Versailles. 

La  correction  sera  facile  à  faire  :  décrocher  le  tableau. 

Nous  connaissons   deux  jolis    petits  tableaux    du   château   de    Saint- 

24 


3-0  IN    DE  S  SIM    SUR   »   THERMIDOR    ». 

Hubert  :  deux  petits  chefs-d'œuvre  de  Compigné,  u  tableltier  du  Roy  n. 
Ils  ont  été  faits  sous  Louis  XVI,  avant  la  destruction  des  bâtiments  de 
l'avant-cour,  par  conséquent  avant  1785. 

L'un  des  tableaux  montre  la  façade  du  château,  le  développement  des 
bâtiments  autour  des  cours,  les  grilles.  L'autre  fait  voir  la  terrasse  du 
château  sur  les  étangs,  ie  derrière  des  bâtiments  avec  le  Salon,  et  enfin 
l'avenue,  située  au  delà  des  étangs,  que  les  Dames  de  Port-Royal  avaient 
ouverte  dans  leur  bois,  pour  faire  plaisir  au  Roi  et  pour  éviter  l'expro- 
priation. 

Tous  les  détails  figurés  par  Compigné  sont  d'une  exactitude  parfaite. 

Les  lignes  d'architecture  et  les  détails  sont  repousses  sur  une  surface 
d'étain  qui  a  été  dorée  ensuite.  Mais  tandis  que  dans  les  étains  repoussés 
de  Compigné  cette  surface  dorée  est  le  plus  souvent  uniforme,  dans  les 
deux  tableaux  de  Saint-Hubert,  des  ombres  peintes  de  couleurs  adéquates 
ajoutent  à  la  perspective  du  dessin  et  enlèvent  à  la  dorure  son  ton  criard. 
L'étain  apparaît  dans  l'un  des  petits  tableaux  pour  former  le  ciel;  dans 
l'autre  tableau,  pour  imiter  l'eau  des  étangs.  Quelques  personnages,  des 
animaux,  des  arbres,  de  la  verdure,  sont  peints  en  divers  plans. 

Nous  avons  dû  à  M.  Couard,  archiviste  du  département  de  Seine-et- 
Oise,  de  connaître  l'existence  de  ces  deux  chefs-d'œuvre  (appartenant  à 
M.  Arnauld,  prop"  à  Versailles)  dans  lesquels  nous  avons  eu  le  plaisir  de 
trouver  deux  doctmients,  rigoureusement  d'accord  avec  les  pièces  des 
Archives  nationales. 


XX 


UN  DESSIN  SUR   «  THERMIDOR  « 

PAR     HUBERT-ROBERT 

A  LA  FACULTÉ  DE  MÉDECINE  DE  MOXTPELLIER 

Nous  sommes  au  siècle  deV  Histoire  par  l'Image,  désireux  d'avoir 
constamment  sous  nos  yeux  la  chose  vue,  la  sensation  éprouvée, 
préférant  à  la  page  d'un  écrivain  le  croquis  du  peintre,  ou  exigeant 
que  l'un  et  l'autre  se  commentent.  Cette  tendance,  ce  souci  de 


U.V    DESSIM    SUR    "    TIIEKMIDOR   ï.  371 

vérité  artistique,  ce  goût  des  apports  de  Part  dans  le  domaine  de 
riiistoire  vous  rendra  indulgents,  je  l'espère,  pour  cette  modeste 
communication. 

11  s'agit  d'un  dessin  au  crayon  rouge,  d'une  allégorie  du  peintre 
Hubert-Rohert  sur  la  Délivrance  des  prisonniers  après  la  journée 
de  Thermidor.  Ce  (jui  donne  à  cette  œuvre  un  intérêt  particulier, 
c'est  une  inscription,  un  autographe  mentionnant  que  l'artiste 
crayonna  ce  sujet  sous  les  verrous  de  Saint-Lazare,  tandis  qu'après 
dix  mois  de  détention,  il  comptait  les  heures  lentes  le  séparant 
encore  de  sa  famille,  de  ses  proches,  de  la  liberté. 

.Mais,  me  dira-t-on,  comment  se  fait-il  qu'il  y  ait  des  tableaux 
autres  que  ceux  retraçant  la  courbe  d'une  maladie  dans  une  Faculté 
de  médecine?En  second  lieu,  croyez-vous  votre  dessin  rare  et  inédit? 

Je  répondrai  d'abord  que  dansla  ville  universitaire,  académique  et 
certainement  intelligente  et  éprise  de  travail  de  Montpellier,  son  an- 
tique et  vieille  Faculté  de  médecine  fut  durantplusieurs  siècles  et  de 
nos  jours  jusqu'à  la  création  du  iMusée  Fabre,  le  cœur  et  le  cerveau 
de  la  cité.  A  elle  venaient  toutes  les  donations,  aussi  bien  celle  de 
l'érudit  et  de  l'artiste  que  celle  du  savant  ou  du  docteur.  Parmi  les 
donateurs  figurent  Chaptal  avec  tous  les  manuscrits  de  la  «  reine 
Christine  de  Suède  ».  Parmi  les  donations  exclusivement  d'art  on 
rencontre  des  portraits  de  Puget,  des  dessins  de  Raphaël,  des  Sébas- 
tien Rourdon,  tout  l'œuvre  gravé  de  Aatoire.  J'en  passe,  et  des 
meilleurs.  Il  existe  là,  en  somme,  un  précieux  cabinet  d'amateur, 
conservant  son  intérêt  à  côté  des  richesses  léguées  au  Mosée  de 
la  ville  parle  baron  Fabre,  MM.  laledeau,  Bruyas,  Cabanel,  etc. 

Celte  collection  sera  un  jour  prochain  mise  en  valeur  par  un  fort 
aimable  et  très  savant  érudit,  M.  Paul-Jules  Itier;  pour  le  moment 
je  me  contente  en  vous  décrivant  le  dessin  d'Hubert-Robert  de 
rappeler  le  vieil  adage  :  Ab  iino  disce  ontnes. 

Quant  à  la  seconde  objection,  sur  l'inédit  d'une  œuvre,  propriété 
d'une  ville  ou  de  l'Etat  —  les  termes  des  donations  rendent  liti- 
gieux ce  point,  vis-à-vis  des  objets  d'art  de  la  Faculté  de  Montpel- 
lier —  quant  ^à  cette  question  d'inédit,  je  ne  vous  cacherai  pas 
qu'elle  m'a  d'abord  préoccupé.  J'ai  feuilleté  tous  les  auteurs  ré- 
cents ou  anciens,  j'ai  questionné  les  maîtres  de  l'érudition  sur  la 
périod(î' révolutionnaire,  et,  comme  tous  sont  restés  muets,  j'ai  pris 
l'audace  de  parler. 


372  IIN    I)ESS1\    SUH    «    T  H  lî  «  M  I  D  0  R    t. 

Mon  inleiTogatoire  u-l-il  été  complet,  ai-je  appelé  tous  les 
témoins?  piohableincnt  non.  Cependant,  en  fait,  les  anciens  hio- 
graplies  (riinbeit-Hobert  :  \  igée,  \  illot,  Millin,  Cliarles  Blanc;  de 
nos  jours,  M.  (lal)illot,  dans  une  ma<]istiale  et  complète  étude, 
parue  récemment,  ne  soufflent  mot  de  cette  «Allégorie  »  .Remarque 
inattendue,  M.  Jules  Renouvier  dans  sou  important  travail  sur 
Y  Art  sous  la  Révolution.,  M.  Renouvier,  né  à  Montpellier,  résidant 
à  Montpellier  et  sans  contredit  le  plus  éminent  des  membres  de 
l'Académie  des  sciences  et  lettres  de  cette  ville,  en  matière  artis- 
tique, semble  ignorer  ce  croquis.  Il  cite  Hubert-Robert  cinq  ou 
six  fois,  il  traite  spécialement  des  Allégories,  des  Fêtes  et  des 
Journées;  il  parle  du  9  thermidor  de  Lethière,  et  rien  de  Hubert- 
Robert  sous  sa  main. 

Enfin,  le  petil-llls  du  poète  Roucher,  M.  Antoine  Guillois,  l'his- 
torien consciencieux  de  ''•  JVapoléon  «  et  de  la  '■  Terreur  «  ,  après 
un  voyage  de  recherches  historiques  fait  à  Montpellier,  est  revenu 
sans  soupçonner  l'existence  de  cette  œuvre  d'art. 

Et  tous  ces  silences  ne  proviennent  pas  de  la  vulgarité,  de  la 
fréquence  des  sanguines  d'Hubert  Robert,  comme  on  pourrait  le 
croire,  après  la  citation  suivante. 

Racontant  la  vie,  d'une  héroïque  tranquillité  d'àme,  gaieté,  santé 
d^esprit  et  de  corps,  d'Hubert-Robert  en  prison,  son  ami  Vigée 
nous  dit, en  effet:  «  Se  consolant  par  le  travail,  il  peignit  durant  son 
internement  cinquante-trois  tal)leaux  et  d'innombrables  dessins.  « 

Que  sont  devenues  ces  innombrables  pages?  Je  pose  la  question 
et  serai  très  heureux  que  celte  assemblée  de  chercheurs  voulût 
bien  m'aider  à  la  résoudre,  explorer  avec  moi  ce  filon  de  notre 
histoire  artistique.  Pour  le  moment,  en  sus  du  Thermidor  de 
Montpellier,  les  ouvrages  qui  font  autorité  et  mes  investigations 
personnelles  ne  m'ont  révélé  qu'une  toute  petite  poignée  d'œuvres. 

En  voici  la  brève  énumération. 

Dans  le  legs  des  collections  de  M.  Parent  de  Rosan  à  la  mairie 
d'Auteuil,  on  rencontre  deux  croquis  révolutionnaires  d'Hubert. 

1»  Le  corridor  de  Germinal  à  Sainl-Lazare;  on  y  voit  le  mar- 
quis et  la  marquise  Giambone  en  tenue  de  miséreux  d'hôpital,  et 
devant  la  porte  d'une  cellule  deux  hommes  cuisinant  près  d'un 
poêle  mobile;  certains  auteurs  veulent  reconnaître  en  eux  Roucher 
et  Robert.  Il  existe  une  reproduction  lithographique  à  la  Nationale. 


II  \'    DESSI\    SUR    »    TU  E  KM  l  DO  II    -.  3-3 

2"  lu  groupe  derrière  mie  fenêtre  grillée  :  une  l'eMinie  jeune  et 
jolie  sous  ses  accoutrements  de  citoyenne  (et  en  dépit  de  la  simpli- 
cité de  sa  coiffure  et  de  son  costume)  soutient  sur  ses  genoux  un 
enfant  de  cinq  à  six  ans;  une  seconde  leninie  debout  regarde.  La 
jeune  femme  assise  est  mademoiselle  de  Coiqny,  la  «  Captive  »  de 
l'immortel  Cbénier;  le  gamin,  \e  petit  Emile Roucher,  <i  le  moins 
malheureux  des  prisonniers  de  Saint-Lazare»,  écrit  dans  sa  dédi- 
cace Huhert-Kobert. 

3"  \\.  Haro,  fils  de  l'expert,  possède  une  fort  agréable  aquarelle 
de  tonalité  bleue  et  légère,  qui  nous  montre  le  peintre  couché  sur 
sa  large  table  de  travail,  et,  devant  une  baie  à  gros  barreaux, 
lisant  quelques  feuillets. 

4  AL  Koucher,  un  des  descendants  du  poète  célèbre,  a  conservé 
comme  des  reliques  de  famille  une  étude  de  femme  et  d'enfant 
ayant  servi  à  un  «  dessin  consacré  à  la  mémoire  de  liarra  " . 

5°  L'allumeur  de  réverbères  de  Saint-Lazare ^  avec  son  pitto- 
resque attirail. 

()'  Une  lettre  dont  l'en-léte  signalé  dans  les  Consolations  de  ma 
cajitivité  porte  deux  profils  de  femmes,  V Espérance  et  la  Patience. 

Le  Louvre  n'a  rien.  L'Ecole  des  Beaux-Arts  pas  plus.  Le  Musée 
Carnavalet,  ce  trésor  des  pièces  révolutionnaires,  n'était  pas  plus 
riche  avant  la  présente  année.  Il  vient  d'acquérir  : 

Une  très  intéressante  contre-épreuve  d'une  sanguine  représen- 
tant une  façade  de  prison,  analogue,  sauf  le  perron  en  moins,  au 
dessin  de  Montpellier;  le  sujet  dilférant  d'ailleurs  par  ses  autres 
détails.  Un  groupe  de  mères  et  d'enfants  s'est  avancé  pour  échanger 
quelques  mots,  au  moins  un  regard  avec  des  prisonniers  juchés 
sur  une  terrasse  dominant  l'édifice.  Hélas!  un  sans-culotte  les 
repousse.  El  comme  dérision  un  grand  peuplier,  un  arbre  de  la 
liberté  érige  son  mât  près  de  la  porte  close! 

La  seconde  acquisition,  sanguine  originale,  représente  une  statue 
de  la  République  traînée  à  bras  par  des  ouvriers  patriotes  vers  le 
socle  carré  qui  l'attend.  Sur  l'un  des  côtés  de  ce  piédestal,  nous 
lisons  :  Hubert-Robert  in  Sancti  Lazari  .Edibus  nocturnos  suos 
labores,  Minervœ  dicat.  Cette  inscription,  où  le  peintre  assimile  la 
République  avec  tous  ses  accessoires  symboliques  à  la  sage  Pallas 
d'Athènes,  nous  intéresse  deux  fois.  Elle  dit  le  retour  à  la  raison 
qu'espère  le  prisonnier  et  suitout  nous  fait  comprendre  à  quelles 


374  UN    DESSIN    SUR    «   THERMIDOR    ». 

heures  son  infatigable  goût  du  travail  lui  permettait  d'esquisser  les 
innombrables  dessins  qu'il  distribuait  à  ses  amis. 

Excusez  cette  énumération,  elle  vous  est  preuve  convaincante  de 
la  nécessité  de  remettre  au  jour  cette  part  de  l'œuvre  d'Hubert- 
Robert,  si  fort  éparpillée,  si  égarée  après  une  durée  d'un  seul 
siècle.  Elle  m'excuse  aussi  d'avoir  songé  à  tirer  de  l'oubli  le  des- 
sin thermidorien  du  vaillant  maître. 

h'Allégorie  conservée  à  Montpellier  célèbre  l'heure  la  plus 
douce  d'une  période  delà  vie  d'Hubert-Robert,  infiniment  malheu- 
reuse et  où  les  iieures  douces  furent  peu  fréquentes.  En  revanche, 
ce  temps  d'adversité  met  en  haute  place  les  qualités  d'àme  de 
l'artiste  et  nous  prouve  que,  chez  lui,  le  cœur  égalait  le  talent. 
Tous  ses  biograplics  sont  unanimes  à  constater  que  du  8  brumaire 
an  II,  date  de  son  mandat  d'arrestation,  au  17  thermidor  an  III, 
Hubert-Robert  fut  le  plus  gai,  le  plus  courageux,  le  plus  constant 
d'humeur  des  prisonniers  de  Sainte-Pélagie  d'abord,  puis  deSaint- 
Lazare.  Il  se  levait  à  six  heures  du  matin,  peignait  jusqu'à  midi, 
descendait  dans  la  cour  guider  la  partie  de  ballon  à  vent,  y  pre- 
nant part  avec  une  adresse  et  une  vigueur  extraordinaires,  puis,  le 
soir,  après  les  conversations  dans  ces  cellules  où  se  pressait,  hélas! 
une  élite,  il  reprenait  ses  crayons  fort  avant  dans  la  nuit.  Aubin 
Millin  l'admira  surtout,  lors  du  transfert  d'une  prison  à  l'autre. 
Tandis  que  chacun  redoutait  pour  fin  de  cet  épisode  les  scènes  d'égor- 
gement  des  journées  de  Septembre,  Hubert-Robert,  campé  dans  sa 
chariette,  n'ayant  pris  avec  lui  que  sa  boîte  à  crayons,  dessinait  avec 
un  sang-froid  absolu  le  décor  pittoresque  du  cortège,  les  gens  et  les 
choses,  les  effets  de  lumière  des  flambeaux  et  du  jour  naissant. 

Mais  ce  sont  là  des  faits  bien  connus  et  que  les  intéressés  peuvent 
lire  longuement  dans  les  œuvres  de  MM.  Gabillot,  Guillois,  de 
Lescure,  Daubnn;  arrivons  au  0  lliermidor,  à  l'expiration  de  cette 
captivité  qui  fut,  hélas!  pour  les  poètes  Roucher  et  Chénier,  ces 
amis  d'Hubert-Robert,  le  stage  de  l'échafaud! 

Les  prisonniers  furent  mis  immédiatement  au  courant  des  évé- 
nements politiques,  puisque  leur  tyran,  l'administrateur  Rergot, 
paya  sa  cruauté  de  sa  tète  et  fut  un  des  cent  treize  exécutés  avec 
Robespierre. 

La  Terreur  avait  pris  fin.  La  joie,  une  joie  mouillée  de  larmes, 
de  regrets  chez  beaucoup,  vu  les  dernières  fournées,  l'espérance 


L  M    l>  E  S  S  I  X    SLR    •■•    T  II  E  IIM  1 1)  0  K    -  .  375 

se  reprit  à  fleurir  dans  le  préau  de  Saint-Lazare.  Mille  rêves  de 
liberté,  de  voyages,  de  campagne  s'envolèrent  par-dessus  les 
frondaisons  du  parc,  vers  cet  hoi-izon  où  le  Alont-Valérien  dessinait 
sacourhe.  Los  salons  se  rouvriiout,  on  revit  de  délicieuses  jeunes 
femmes  tenir  cercle  et  bureau  d'esprit  fout  le  soir  comme  au  temps 
où  régnait  le  bon  concierge  Xautlet,  aux  premiers  mois  de  déten- 
tion. 

Enfin,  liuit  jours  après,  le  17  thermidor,  Hubert-Robert  assis- 
tait à  la  levée  de  son  écrou.  Il  embrassait  sa  femme  bien-aimée, 
Catherine  Soos,  revoyait  ses  amis;  puis  le  bouillant  sexagénaire, 
pour  se  refaire  de  ses  dix  mois  de  captivité,  allait  excursionner  bien 
plus  loin  qu'au  delà  du  llont-Valérien.Il  regagnait  une  fois  encore 
l'Italie;  il  retrouvait  Home  et  ses  chères  ruines. 

C'est  au  cours  de  la  dernière  huitaine  de  son  incarcération  qu'en 
historien  et  poète,  Hubert-Robert  allégorisa  par  un  dessin  sa  mise 
en  liberté. 

L'allégorie  est  fort  transparente  ;  cependant  l'artiste,  et  nous  n'y 
perdons  point,  l'a  complétée  par  de  nombreux  et  précieux  auto- 
graphes'. Voici  la  façade  d'un  édifice  grave  et  renfrogné.  Un  per- 
ron grossier,  laissant  apercevoir  sous  une  arcade  l'entrée  de  cachots 
obscurs,  conduit  à  une  massive  porte.  Cette  porte,  aujourd'hui 
ouverte,  nous  témoigne  par  son  solide  verrou,son  judas,  sa  serrure 
et  la  qualité  de  ses  pentures  qu'elle  est  porte  de  prison  et  non  de 
logis  hospitalier,  \ainement  le  peintre  l'agrémente,  la  couronne 
d'un  lourd  fronton  triangulaire,  vainement  par  habitude  et  par 
goût  d'élégance  fait-il  courir  une  frise  et  termine-t-il  par  un  balcon 
cette  façade  :  porte  et  maison  restent  d'abord  peu  engageant. 

Mais  sur  le  palier  du  perron  une  jeune  femme  se  silhouette;  elle 
est  vêtue  fort  simplement,  coiffée  d'un  foulard  ;  son  costume  mi- 
antique  et  rni-populaire  rappelle  les  petites  Sabines  de  M.  David. 
Mais  la  jeune  femme  ne  sépare  point  des  combattants,  elle  aurait 
encore  trop  à  faire.  Elle  se  contente  de  donner  charitablement  la 
volée  à  des  oiseaux  qu'enclosaient  trois  cages.  Les  oiselets  s'enfuient 
à  tire-d'aile,  vers  un  horizon  de  bois  et  de  collines. 

Au  premier  plan,  une   dalle  funéraire  porte  cette  inscription  : 

a  H.    ROBERT    IX  SPEM    LIBERTATIS    DELIXEAVIT  IX    S"   LAZA...  CARCEREM 
*  Voir,  ci-après,  planche  X\M. 


376  UIV    DESSIM    S  II  II    '    T  H  E  RM  I  D  0  R    i . 

1794.  »  Enfin  un  chien,  allusion  aux  nombreux  chiens  de  garde 
(les  prisons  de  Paris,  est  couciié,  bien  tranquille,  et  n'a  cure  du  vol 
d'oiseaux  qui  bat  dos  ailes  et  gagne  les  champs  derrière  lui. 

'i H. Robert  frcit ParisnSjlldi^^ ,  lit-on  surla  marge  de  ce  dessin 
qu'encadrent  deux  filets,  et  à  côté  le  litre  que  lui  veut  donner  son 
auteur  :  "  La  délivrance  des  j)^'isonnier s.  »  Toutes  ces  inscriptions 
sont  manuscrites,  et  de  sa  main.  N'oublions  pas  la  plus  importante. 
Dans  un  cartouche  au-dessus  de  la  porte  et  en  caractères  lapidaires  j 

se  lisent  en  trois  lignes  ces  mots  :  «  carceres  tandem  aperti.  » 

Telle  est  la  page  d'l)isloire  que  possède  la  I^iculté  de  médecine 
de  Montpellier,  et  sur  laquelle  j'ai  cru  devoir  appeler  votre  indul- 
gente attention. 

Si  je  n'étais  pointdans  un  milieu  d'érudits,  j'achèverais  mon  récit. 
Je  montrerais  en  1801  Hubert-Robert  revenant  au  Louvre,  repre- 
nant par  un  décret  du  Directoire  ses  fonctions  de  conservateur.  Je 
conterais  son  acquisition  d'une  délicieuse  retraite  d'été,  la  maison 
de  Boileau  à  Auteuil,  et  je  décrirais  cette  maison  plus  spacieuse  que 
celle  de  Socrate,  mais  toute  pleine  cependant  de  vrais  et  illustres 
amis:  Ducis,  Andrieux,  Delille,  Bilaubé,  Collin  d'Harleville. 

Tout  cela,  vous  le  savez  comme  moi;  je  me  contenterai  donc  de 
dire  que  la  fin  de  la  journée  compensa  pour  Hubert-Robert  les 
tristesses  du  chemin  de  sa  soixantième  année,  et  que  le  soir  de  la 
vie  fut  lumineux  et  doux  pour  cet  honnête  homme,  ce  vaillant 
artiste,  ce  vrai  Français. 

Charles  Ponsonailhe, 

Membre  de  la  vSociété  Archéologi(]iie  et  Litté^ 
raire  de  Béziers,  correspondant  du  Comité 
des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départe- 
ments, à  Béziers. 


l'Iancl.i'  XXII. 


l.\     OKLIVUA.YCK     I)  K  S     P  K  I  S  0  .\  \  I  K  H  S 

Il  i:  s  s  I  V    I'  .4  I!    Il  ij  li  !•:  it  T  -  H  0  li  i;  it  r 

(Mu).i-f  tic   la   Kaculli'  ilv   iin-diciiic  de   \l»iil|ielli<'j    I 


! 


CliRAMIQUE    ET    VERRERIE    MUSICALES.  STT 

XXI 

CÉRAMIQUl']  ET  VERRERIE  MUSICALES 

Les  objets  que  je  vais  décrire,  eu  accompagnant  celte  descrip- 
tion de  quelques  remarques,  ont  été  mis  au  jour  il  y  a  plusieurs 
années  déjà,  mais  sont  encore  inconnus  du  public,  puisqu'ils 
n'ont  été  exposés  nulle  part.  Ils  appartiennent  presque  tous  à 
deux  catégories  artistiques  voisines  l'une  de  l'autre  :  la  Céra- 
nii((ue  et  la  \errerie  musicales,  si  l'on  peut  donner  le  nom  de 
"  musique  »  aux  sons  rauques  qu'on  en  tirait  avant  qu'ils  fussent 
brisés. 

Car  ces  instruments  n'ont  pas  été  découverts  dans  l'état  d'inté- 
grité où  on  les  voit.  Le  sol  les  a  restitués  très  fragmentés,  et  il  a 
fallu,  pour  les  reconstituer,  une  patience,  une  sagacité  et  une 
adresse  auxquellesje  crois  devoir  rendre,  en  commençant,  un  hom- 
mage mérité. 

Au  nord-ouest  de  l'arrondissement  de  Fontainebleau  et  dans  le 
voisinage  de  Xemours,  une  très  ancienne  bourgade  qui  fut  long- 
temps Saixt-Mathlrin  de  Larcha\t,  aujourd'hui  déchue,  appau- 
vrie, désertée,  se  survit  à  elle-même  sous  le  nom  de  Larchant. 

A  la  fin  du  troisième  siècle,  y  naquit,  et  au  commencement  du 
quatrième,  y  fut  inhumé  Maihurin  dont  la  sainteté  se  révéla  par  de 
noml)reux  miracles  posthumes.  Il  ne  saurait  certes  y  avoir  de 
miracles  plus  ou  moins  merveilleux;  ils  le  sont  tous  à  un  égal 
degré;  pourlant  les  guérisons  opérées  par  saint  Mathurin  nous 
doivent  donner,  par  leur  difficulté  même,  une  haute  idée  de  son 
pouvoir  :  il  améliorait  les  méchantes  femmes!  Il  avait  encore  une 
autre  «  spécialité  «  :  il  chassait  le  malin  esprit  du  corps  des  pos- 
sédés, et  ramenait  les  fous  à  la  raison  '. 


'  Eug.  Thoisox,  Saint  Mathurin,  étude    liistorique  et  iconographique.  l'aris, 
1888,  in-8". 


378  CKRAMIQUR    KT    VElîUERIK    MUSICALES. 

Une  église  s'éleva  toutàcùtéde  son  tombeau,  et  la  foule  des  pèle- 
rins se  précipita  vers  ce  sanctuaire  (roii  l'on  rapportait  le  soulage- 
ment aux  maux  les  plus  grands  qui  puissent  afiliger  riiumanité. 

.Ius(]u'au  milieu  du  seizième  siècle,  Larcbant  se  vit,  à  certains 
jours,  envalii  p;ir  des  milliers  de  fidèles,  et  son  pèlerinage  fut 
parmi  les  plus  fréquentés.  Puis  le  vent  des  guerres  civiles  passa 
sur  lui;  les  huguenots  le  dévastèrent  à  plusieurs  reprises,  et,  le 
25  octobre  1567,  ruinèrent  irrémédiablement  l'église  ',  après 
avoir  dispersé  les  reliques  de  saint  Mathurin.  Ce  fut  la  mort  du 
pèlerinage  et  la  fin  de  la  prospérité  du  pays  :  Larcbant  descendit 
peu  à  peu  au  rang  de  simple  village. 

C'est  dans  ce  village  modeste,  mais  si  plein,  pour  le  chercheur 
et  l'archéologue,  de  surprises  et  d'intérêt,  que,  vers  le  milieu  de 
juillet  1890,  des  travaux  entrepris  pour  la  construction  d'un  pui* 
sard  dans  la  cour  de  la  maison  où  pendait  autrefois  pour  enseigne 
V  Homme  sauvage- ,  firent  constater  l'existence  d'une  sorte  de  puits 
carré  solidement  maronné  et  descendant  jusqu'à  la  roche  qui  règne 
sous  une  grande  partie  du  sol  lyricantois.  Le  mol  de  puits  est  donc 
certainement  impropre,  et  je  serais  porté  à  voir  ici  une  ancienne 
fosse  d'aisances*.  Puits  ou  fosse,  ce  trou  pouvait  remplacer  le  pui- 
sard projeté,  et,  comme  il  était  plein,  on  se  mit  à  le  vider. 

On  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  qu'il  avait  été  remblayé  avec  une 
quantité  de  morceaux  de  verre  et  de  poterie  mêlés  à  de  la  terre; 
on  ne  prit  pourtant  pas  garde  tout  de  suite  à  cette  singularité,  et 
l'on  commença  à  transporter  dans  les  champs  le  déblai  ainsi 
composé.  Par  bonheur,  un  voisin,  ancien  mouleur  attaché  au 
Musée  de  sculpture  du  Trocadéro,  M.  Ernest  Barbey,  fut  informé 
de  ce  qui  se  passait  :  intelligent  et  artiste,  il  reconnut  bien  vite 
l'intérêt  de  ces  débris,  en  fit  arrêter  le  transport,  et  obtint  que 
l'extraction  de  ce  qui  restait  dans  le  trou  carré  fût  faite  avec 
soin.  De  plus,  il  rapporta  chez  lui,  par  panerées,  tout  ce  qu'il  put 
retrouver  de  morceaux  là  où  l'on  avait  constitué  le  dépôt  de  ces 

'  Eug.  Thoiso\,  L'église  de  Larchant.  Mnmours,  1896,  in-S". 

^  Eug.  Thoisox,  Les  anciennes  enseignes  de  Larchant.  Fontainebleau,  1898, 
-in-S». 

^  Benj.  Fii.LOX,  L'art  de  terre  chez  les  Poitevins,  cite  plusieurs  découvertes 
faites  dans  de  vieilles  latrines,  et  notamment  (p.  209)  à  la  Créliiiière,  commune 
de  Alouliers-sous-Cliantemerle  (Deux-Sèvres),  où  l'on  recueillit  de  nombreux 
débris  de  verre. 


CKRAMIQIE    ET    VERRERIE    MUSICALES. 


370 


extraordinaires  gravats,  les  examina,  classa,  rapprocha  tout  à  son 
aise,  et  eut  l'industrie  d'en  faire  sortir  trente-quatre  instruments 
de  musique  complets  ou  à  peu  près,  dont  10  on  verre  et  24  en 
terre.  Je  ne  parle  que  pour  mémoire  d'autres  objets  comme  coupes, 
flacons,  verres  à  boire,  rêcliaud,  cruche  en  terre,  etc. 

Avant  d'insister  sur  l'importance  relative  de  la  découverte,  je 
dois  indiquer  l'époque  probable  de  l'enfouissement  :  une  monnaie 
de  Henri  III,  de  157D,  et  une  caractéristique  petite  cuiller,  trou- 
vées parmi  les  terres  extraites  du  trou  et  au  milieu  des  tessons, 


Fl(3.     1.    —    TRO^!PK    EV    VKRRE    ROLGIi 
(Collection  de  VaateDr.) 


permettent  de  la  fixer  à  la  fin  du  seizième  siècle  ou  aux  pre- 
mières années  du  dix-septième. 

Examinons  maintenant  les  instruments  en  verre  :  ils  affectent 
deux  formes  seulement,  celle  de  la  trompe  de  chasse  (9  exem- 
plaires) et  celle  du  cor  à  un  seul  tour  (1  exemplaire);  mais  le 
coloris  et  la  décoration  en  sont  assez  variés.  Xous  avons  du  verre 
bleu,  du  verre  rouge,  du  verre  opalin  bleuté,  et  du  verre  d'un 
blanc  mat  à  l'oxyde  d'étain. 

Nous  avons  des  instruments  à  la  surface  unie  et  sans  ornements 
sauf  un  filet  au  pavillon,  d'autres  autour  desquels  s'enroule  une 
baguette  de  verre  qui  se  termine  en  un  ruban  froncé  formant 
anneau  pour  attacher  le  cordon  de  suspension.  Voici  un  échantillon 
de  ce  type,  le  seul  qui,  dans  la  trouvaille,  ait  son  similaire  (fig.  1); 
il  mesure  25  centimètres  de  longueur. 


380  CKKAMIQDR    HT    VEUUEUIE    Ml  SIC  A  LE  S. 

La  pâte  des  uns  est  inonaclirome  et  lioniogène;  celle  des  autres 
contient  des  catmcs  blanches  s'allongeant  en  filets  dans  le  sens  de 
l'instrument,  ou  des  cannes  vertes  ou  brunes  ondulant  sur  le  tra- 
vers et  donnant  un  aspect  jaspé.  Dans  une  trompe,  ces  jaspures 
font  une  légère  saillie  (fig.  2).  La  trompe  blanc  opaque  est  tachée 
de  mouchetures  bleues  ;  celle  en  verre  opalin  a  la  surface  rugueuse 
comme  si  l'on  avait  voulu  imiter  la  corne  ;  une  autre  enfin  est 
ornée  de  feuilles  noires  au  pavillon  et  à  l'embouchure. 
j^  En  résumé,  nos  dix  instruments  foiment  neuf  variétés. 


Fii;.   2.  —  TiiiPMi'K  i;\'  u.iiRi;  iilku.   avec  jaspures  brlxes. 

(Cullectiou  (le  M.  E.  liaibey  ) 

Quoique  assez  peu  communs,  les  spécimens  de  celte  verrerie 
ne  sont  pas  absolument  rares;  on  en  voit  au  Musée  du  Louvre  : 
c'est  un  cornet  de  chasse  en  verre  bleu  décoré  d'une  baguette  de 
latticinio  en  relief  et  en  spirale,  absolument  comme  le  cor  à  un 
iour  de  notre  trouvaille  (6g.  3).  Le  ><  cornet  "  du  Louvre  vient 
de  la  collection  Sauvageot,  et  figure  dans  le  catalogue  de  Sauzay 
(1867)  sous  la  cote  F.  135. 

AuMuséedeCluny,  sous  le  n°  4827,  est  un  cornet  en  verre  décoré 
de  filets  blancs,  et  M.  Gerspach  a  gravé  dans  son  Art  de  la  verrerie, 
p.  297,  fig.  144,  une  trompe  de  verre  appartenant  au  même  Musée, 
objet  de  luxe,  mais  d'un  aspect  général  rappelant  nos  trompes. 

Le  Musée  du  Conservatoire  de  musique  possède  trois  instru- 
ments du  même  genre;  nous  ne  les  connaissons  que  par  les  indi- 
cations plus  que  sommaires  de  l'ancien  catalogue  :  n"'  413  el^l^, 


C  K  II  A  M  I  Q  l  K    E  r    \  !•:  R  U  K  lU  E    M  U  S  I  C  A  L  E  S 


381 


tt  petits  cors  de  verre  de  Venise  «  ;  n°439,  «  trompette  en  verre  » . 
L  ne  trompe  en  verre  assez  richement  décorée  Bgurait  dans  la 
collection  \  ictor  Gay,  et  est  dessinée  dans  le  Glossaire  archéolo- 
gique ^  v°  Cor;  l'auteur  la  donne  au  quatorzième  siècle,  et  à 
l'école  mosane,  sans  nous  indiquer  les  motifs  de  cette  attribution. 
11  est  hors  de  doute  que  d'autres  collectionneurs  peuvent  pos- 
séder des  objets  de  cette  famille;  nous  n'avons  pas  eu  le  loisir  de 
les  rechercher.  Il  faut  mentionner  pourtant  des  trompes  ou  des 
cors  de  chasse  en  verre  détournés  par  le  fabricant  de  leur  destina- 


FiG.  3.  —  Cor  en  verre  bleu. 
(Collection  de  M.  E.  Barbey.) 

tion  primitive  et  devenus  des  verres  à  boire  :  ainsi  la  trompe  du 
musée  céramique  de  Sèvres  (n"  5207),  et  le  cor  de  la  collection 
Berthet  donné  par  AI.  Ed.  Garnier,  Histoire  de  la  verrerie  et  de 
Vémaillerie,  p.  2G5,  fig.  49. 

Peut-être  arriverait-on  assez  facilement  à  cataloguer  une 
douzaine  de  ces  fragiles  instruments;  la  découverte  de  Larchant 
viendra  pres(|ue  -doubler  ce  nombre,  mais  ce  seront  encore  des 
curiosités  recherchées.  iVéanmoins  leur  abondance  ou  leur  rareté 
n'est  pas  en  cause;  ils  sont  bien  connus  par  les  textes  du  moyen 
âge  et  par  ceux  des  temps  postérieurs,  textes  que  le  marquis  de 
Laborde,  Glossaire  français  du  moyen  dge^  v"  Voirre,  et  Victor 
Gay,  Glossaire  archéologique  du  moyen  âge  et  de  la  Renais- 
sance, aux  mots  Cor  et  Corxet,  ont  patiemment  rassemblés. 


382  CEUAMlQlIi    ET    V  E  U  H  E  Kl  E    MUSICALES. 

Je  ne  reproduirai  \)iis  ici  celte  énumération  où  nous  voyons  les 
cornets  de  verre  considérés  comme  objets  précieux  et  protégés  par 
dos  custodes  ou  éluis.  Rien  d'étonnant,  d'autre  part,  à  ce  qu'ils 
semblent  le  privilège  des  rois  et  des  «jraiuls  seigneurs;  leur  prix 
devait  être  relativement  élevé,  et  leur  usage,  coûteux  par  leur 
fragilité  même;  en  outre,  les  inventaires  que  nous  possédons  pour 
les  quatorzième,  quinzième  et  seizième  siècles  sont,  en  très 
grande  majorité,  ceux  de  mobiliers  princiers.  Nous  verrons 
cependant  tout  à  l'heure  que  ce  privilège  n'a  rien  d'absolu,  et  que 
des  cornets  de  verre  pouvaient  se  rencontrer  chez  des  gens  de  la 
classe  moyenne,  sinon  de  la  classe  pauvre. 

I*eut-êlre  se  demandera-t-on  si  nous  avons  affaire  à  de  véri- 
tables instruments,  à  autre  chose  (|ue  des  pièces  de  dressoir.  A 
l'origine,  oui  :  «  Geuffroy  a  donc,  dit  un  texte  de  1387,  s'arma  et 
puys  prinst  un  corde  verre,  et  le  pendit  à  sou  col.  »  Un  peu  après, 
il  en  sonne,  et  est  entendu  de  ses  gens  '.  Il  est  possible  et  même 
probable  que  plus  tard  les  cors  de  verre  prirent  place  au  milieu 
des  objets  de  pur  ornement  sans  cesser  de  rendre,  à  l'occasion, 
les  services  d'autrefois;  c'est  un  point  qui  semble  établi. 

Nous  expliquerons  sans  beaucoup  plus  de  difficulté  l'existence 
du  dépôt  là  où  il  fut  trouvé  :  la  maison  de  V Homme  sauvaye 
abritait  très  certainement  un  marchand  de  «  quincaillerie  »  reli- 
gieuse et  de  quincaillerie  profane. 

Lue  ordonnance  de  Charles  VI,  du  15  février  1394,  souvent 
citée,  va  justifier  cette  expression;  elle  débute  ainsi  : 

—  Nous  avoir  oye  la  supplication  des  povres  gens  demeurant 
au  Mont  Saint-Michel,  faisans  et  vendans  enseignes  de  monsei- 
gneur saint  Michel,  coquilles  et  cornez  qui  sont  nommés  et  appelés 
quincaillerie  '. 

On  trouve  dans  l'inventaire,  dressé  en  1558,  des  armes,  bi- 
joux, etc.,  de  Philippe  II,  roi  d'I'lspagne,  «deux  cornets  de  voirre 
venant  de  Saint-Hubert,  comme  on  dit...  «  \ 


'  V.  Gav,  Glossaire,  v"  Cor. 

-  De  Laurière,  Ordonnances  des  rois  capctiens,  t.  VII,  p.  590.  —  Xoiis 
venous  d'apprendre  (|ue  di-s  ti-ompcs  et  des  cornets  avaient  été  découverts,  il  y  a 
une  dizaine  d'années,  en  fouillant  les  fondations  d'une  maison  au  Mont  St-AIicliel  ; 
mais  on  ignore  ce  que  ces  objets  sont  devenus. 

^  V.  Gav,  Glossaire,  v"  Cornet. 


CEHAMIQL'I';    ET    VKRHEIUK    MUSICALKS.  383 

Ces  cornets  appartenaient  donc  bien  à  la  quincaillerie  ou  biin- 
beloteric  îles  pèlerinages  célèbres,  et  d'autres  pièces  de  verre  ou 
de  terre  complélaienl  l'assortiment  du  magasin.  Or  j'ai  rappelé  que 
Larcliant  était  un  de  ces  pèlerinages;  de  plus,  en  1471,  le  prévôt 
de  Larcliant  renouvelle  la  défense  aux  femmes  d'aller  au-devant 
des  pèlerins  avec  chandelles  de  cire,  enseignes,  etc.;  en  1-498,  un 
bibelolier  est  établi  chez  nous;  en  1543,  un  autre;  celui-ci  se 
nommait  Mathurin  Canto,  et  voilà  peut-être  le  nom  du  marchand 
dont  la  pacotille  nous  arrête  aujourd'hui.  Enfin  \à Satire  Ménippee 
nous  apporte  la  confirmation  la  plus  certaine  et  la  moins  attendue 
de  ce  que  nous  avançons.  Au  nombre  des  pièces  qui  composent 
cette  Satire  fameuse,  figure,  on  le  sait,  VHistoire  des  singeries  de 
la  Ligue  par  Jean  de  La  Taille,  et  voici  comment  l'auteur  y  décrit 
un  persorniage  défilant  sous  ses  yeux  : 

—  Un  advocat  fol,  armé  de  mesme...  à  scavoir  d'un  vieil  corps 
de  cuirasse  de  fer  blanc,  une  bourguignotte  d'Auvergne  en  teste, 
panachée  et  enharnachée  d'un  superbe  trophée  de  plumes  de 
paon,  une  fourchefière  sur  son  espaule  gauche,  le  bec  tirant 
contre  bas..,,  tin  cornet  de  verre  j)€ndii  en  sa  ceinture  qui  disait 
avoir  ap'porté  de  Saint-Mathurin  de  VArchant  en  la  faveur 
duquel  il  taisoit  accourir  une  infinité  de  badaux...  \ 

Par  conséquent, en  1590  ou  environ,  on  achetait  encore  à  Larchant 
des  cornets  de  verre.  Ceux  qui  viennent  d'être  retrouvés  sont-ils 
des  invendus,  et  par  suite  de  quel  événement,  de  quelle  catastrophe 
ont-ils  été  brisés  et  jetés  pêle-mêle  avec  d'autres  débris  de  verrerie 
et  de  poterie  dans  ce  trou  sans  destination  certaine,  rien  ne  nous 
l'apprend.  Xous  savons  seulement  que  la  fin  du  seizième  siècle, 
marquée  par  la  ruine  de  l'église  et  du  pèlerinage,  vit  aussi  la  ruine 
du  commerce  local,  et  que  l'accumulation  de  tous  ces  fragments 
date  précisément  de  celte  fin  de  siècle.  Mais  sont-ce  des  invendus  ? 

Car,  après  l'avoir  éludée  le  plus  possible,  nous  voici  maintenant 
en  présence  de  la  difficulté  la  plus  sérieuse  et  forcé  au  moins  de 
poser  le  problème.  D'où  venaient  ces  objets  d'un  aspect  si  artis- 
tique? Élaient-ils  les  produits  d'une  fabrique  locale,  ou  d'une 
fabrique  voisine,  ou  d'une  fabrique  étrangère? 


'  OEuvres  de  Jean  de  La  Taille^  édit.  llcné  dk  .Maulde,  t.  I,  Histoire  des  sin- 
geries de  la  Ligue,  p.  viu. 


384  CERAMIQUE    ET    V  E  U  K  E  lU  E    MUSICALES. 

J'avoue  èlro  hors  d'état  de  répondre  d'antre  façon  qu'en  pré- 
sonlanl  les  arguments  pour  et  les  raisons  contre  une  fahricalion 
lyricanloise,  avec  l'espoir  que  l'examen  attentif  auquel  je  convie, 
permettra  de  trancher  la  question. 

Tout  d'abord,  il  faut  redire  que  les  objets  reconstitués,  olifants 
et  coupes,  sont  loin  de  représenter  toute  la  verrerie  de  la  trouvaille  : 
ils  étaientacconipagnésde  fragments  extrêmement  nombreux  d'au- 
tres coupos,  d'autres  olifants,  de  verres  à  boire,  de  flacons,  etc., 
fragments  dont  les  plus  intéressants  ont  été  réunis  par  le  posses- 
seur en  deux  tableaux,  mais  dont  il  serait  facile  de  former  plu- 
sieurs collections. 

Malheureusement,  d'après  M.  Gerspach  ',  u  on  ne  saurait  con- 
clure à  coup  sûr  à  la  présence  de  fabri(]ues  d'une  accumulation 

plus  ou  moins  considérable  de  pièces   de  verre »   D'après  le 

même  auteur,  la  découverte  de  scories  au  lieu  de  l'accumulation 
serait  un  peu  plus  probante  ;  mais  il  n'est  pas  certain  que  l'on  en 
ail  trouvé  à  Larchant,  à  peine  un  très  petit  agglomérai  de  verre, 
vraisemblablement  fondu  dans  un  incendie. 

On  avait  cru,  au  moment  de  la  fouille,  voir  comme  un  cintre 
indiqué  dans  une  des  parois  du  faux  pui.-ard  et  y  reconnaître  l'ou- 
verture d'un  four,  postérieurement  bouchée.  \L  Ed.  Garnier,  le 
savant  conservateur  du  musée  céramique  de  Sèvres,  a  visité  l'em- 
placement (le  la  trouvaille,  et,  quoique  partisan,  je  le  crois,  d'une 
fabrique  lyricantoise,  soutient  que  rien  n'y  ressemble  à  un  four  à 
verrier. 

Enfin,  on  s'étonne  qu'une  industrie  qui  paraît  avoir  été  impor- 
tante n'ait  laissé  nulle  trace  dans  les  documents,  et  il  en  est  cer- 
tainement ainsi  :  je  suis  forcé  de  déclarer  que  ni  les  registres 
paroissaux,  ni  les  autres  pièces  d'archives  ne  font  menlion  d'un  ou 
de  plusieurs  verriers;  mais  je  m'empresse  d'ajouter  que  les  regis- 
tres,,  qui  commencent,  il  est  viai,  en  1577,  sont  très  incomplets 
jusque  vers  16(  0,  époque  à  laquelle  la  verrerie  aurait,  dans  tous  les 
cas,  disparu  avec  le  pèlerinage,  et  que  les  documentssur  Larchant, 
assez  abondants  pour  les  quatorzième  et  quinzième  siècles,  sont 
rares  pour  la  seconde  moitié  du  seizième. 

Arguments  pour  et, objections  ne  semblent,  jusqu'à  présent,  ni 

'  Gersimch,  L'ai-t  de  lu  verrerie,  p.  18. 


f 


CÉRAMIQUE    ET    VERRERIE    MUSICALES.  385 

les  uns  ni  les  autres,  très  décisifs  ;  lienjamin  Fillon  va  me  fournir 
une  dernière  observation  qui  a  son  prix  : 

tt  Pour  que  cette  opinion  [l'existence  de  fours]  pût,  dit-il,  être 
acceptée,  il  faudrait,  d'abord,  qu'on  trouvât  sur  les  mêmes  lieux, 
comme  dans  les  fabriques  romano-gauloises,  des  débris  de  vases 
contemporains  mal  réussis..,'.  »  Or,  c'est  justement  ce  qui  se  passe 
ici  :  tous  ou  presque  tous  les  échantillons  retrouvés  ont  une  tare  ; 
dans  une  trompe,  c'est  l'embouchure  qui  est  gauche;  dans  une 
autre,  c'est  le  pavillon;  une  coupe  pèche  par  les  bords,  une  autre, 
par  les  pieds,  etc.  Remarquez  que  la  supposition  admise  d'une 
fabrique  locale  ne  ruine  pas  mon  hypothèse  d'un  marchand  :  le 
fabricant  pouvait  vendre  lui-même  ses  produits. 

Alais  toute  cette  verrerie  de  fantaisie  a  un  cachet  vénitien  très 
prononcé  ;  elle  est  certainement  due  à  des  ouvriers  formés  à  la 
grande  école  ;  il  faut  donc  en  chercher  l'origine  hors  et  bien  loin 
de  Larchant,  —  Le  caractère  italien  du  travail  est  absolument  incon- 
testable et  incontesté  ;  il  est  non  moins  incontestable  que  Venise 
exportait  ses  artistiques  et  élégantes  productions.  Personne  ne  peut 
être  tenté  de  le  nier  en  présence  de  cet  article  d'un  compte  de 
1394  :  «  ...  Pour  des  verres  que  les  galées  de  Venise  ont  avan 
apportez  en  nostre  pays  de  Flandre...  quatre  francs'.  »  II  est  donc 
à  la  rigueur  possible  que  notre  marchand  lyricantois  se  soit  appro- 
visionné dans  quelque  dépôt  ou  à  quelque  marchand  vénitien.  Rien 
n'est  moins  certain  pourtant,  car  on  constate  tous  les  jours  la  pré- 
sence, en  France,  de  verriers  de  Murano  attirés  par  les  largesses  de 
François  I",  de  ses  successeurs  ou  des  grands  seigneurs,  et  bravant 
les  peines  sévères  édictées  par  la  République  :  en  1552,  c'est 
Henri  II  qui  fonde  la  verrerie  de  Saint-Germain,  et  en  accorde  le 
privilège  à  un  vénitien  ;  en  1572,  c'est  le  gouverneur  du  Poitou, 
le  comte  du  Lude,  qui  prend  sous  sa  protection  Fabiano  Salviati, 
gentilhomme  de  Murano,  sa  famille  et  son  atelier,  deux  exemples 
entre  cent. 

Et,  si  Ton  trouve  que  Larchant  ne  mérite  pas  l'honneur  que  je 
voudrais  avec  grand  plaisir  lui  voir  attribuer,  on  songera  que  Fon- 
tainebleau n'en  est  pas  à  plus  de  quatre  lieues,  et  l'on  se  souviendra 


'  Benj.  Fillon,  L'art  de  terre  chez  les  Poitevins,  p.  11. 
*  L,  DE  Laborde,  Glossaire  français,  v"  Voirre. 

25 


386 


CEKAMIQI'E    ET    VERREIUE    MLSICALES. 


de  la  pléiade  d'artistes  italiens  dont  le  génie  se  surpassa  dans  cette 
royale  résidence. 

Faut-il  ajouter  enfin  que  les  carrières  du  plus  beau  sable  à  ver- 
reries sont  à  Bon/tcvauft,  hameau  de  Larchant,  et  ne  rien  conclure, 
car  adhuc  sub  judice  lis  est. 

Après  les  productions  d'un  art  délicat,  je  voudrais  montrer 
celles  d'un  art  plus  grossier.  Je  parle  des  instruments  en  terre 
commune  trouvés  confondus  avec  ceux  en  verre. 

Si  les  trompes  et  les  cornets  de  verre  sont  presque  rares,  les 
trompes,  les  cors  et  les  trompettes  de  terre  que  Je  vais  décrire 
rapidement  sont  uniques.  Un  bon  juge  en  pareille  matière, 
M.  Ed.  Garnier,  m'écrivait  :  «  Je  ne  connais  rien  qui  ressemble 


FiG.  4.   —  Trompette  j'iiRLViE.wn  e\  terre  clite. 

(Musée  ceraœiqae  de  Sèvres.) 

aux  trompes  de  Larchant...  »  Et,  de  fait,  je  pense  que  peu  de  col- 
lectionneurs le  démentiront. 

Une  seule  pièce,  dans  toutes  les  collections  interrogées,  se  rap- 
proche de  nos  trompettes,  encore  en  ditfère-t-elle  par  la  couleur  de 
la  terre;  c'est  celle  qui  porte  au  musée  céramique  de  Sèvres  le  nu- 
méro 2801 ,  et  que  l'extrême  obligeance  du  conservateur  me  permet 
de  reproduire  (fig.  4).  Cette  trompette,  donnée  par  l'amiral  Dupetit- 
Thouars,  provient  de  la  fabrique  de  Truxillo  (Pérou)  et  appartient  à 
l'ancien  art  péruvien.  L'histoire  de  la  poterie  offre  des  bizarreries  du 
même  genre  et  des  similitudes  aussi  singulières:  sans  parler  des  vases 
du  Sénégal  ressemblant  «étonnamment»  à  ceux  du  bas  Poitou,  un 
vase  des  Deux-Sèvres  a  des  formes  et  une  décoration  identiques  à 
celles  que  présentent  les  poteries  des  vieilles  peuplades  de  l'Amé- 
rique du  Xord'.  Ce  ne  serait  pas  ici  le  lieu  de  philosopher  à  ce  sujet. 


'  Benj.  FiLLOX,  Op.  cit..  Introduction. 


CEKAMIQLE    ET    VERKERIE    MUSICALES.  387 

En  avançant  (jiie  nos  iiislrumenls  sont  unicjues,  je  ne  prétends 
pas  que  l'on  n'ait  jamais  fait  nulle  part  des  trompes,  ni  des  cors  de 
terre,  témoin  le  cornet  à  bouquin  dont  on  abuse,  trois  ou  quatre 
jours  l'an,  au  grand  déplaisir  des  oreilles  sensibles  ;  mais  il  est  en 
grès,  c'est-à-dire  en  argile  très  cuite,  additionnée  d'une  forte  pro- 
portion de  sable;  à  moins  qu'il  ne  soit  en  bois  recouvert  de  peau, 
auquel  cas  il  faisait,  jusque  sous  Louis  XIII,  sa  partie  dans  les  orches- 
tres royaux.  Témoin  encore  l'espèce  de  trompette  entrée  récem- 
ment au  musée  de  Sèvres  et  provenant  de  la  fabrique  d'Aubagne 
en  Provence  ;  mais  elle  est  en  terre  vernissée  comme  la  trompette 
véritable  qui  figure  dans  la  collection  de  M,  Wignier,  d'Abbeville, 
et  fabriquée  à  Sorrus  '. 

Les  quelques  échantillons  connus  de  cette  céramique  instrumen- 
tale offrent  donc  avec  les  n(Mres  des  différences  assez  sensibles  pour 
que  celles-ci  constituent  une  classe  à  part.  D'ailleurs,  contraire- 
ment à  ce  qui  se  passe  pour  les  instruments  de  verre,  aucun  texte 
n'a  encore  été  cité  mentionnant  ceux  de  terre,  si  l'on  en  juge  par 
cette  phrase  de  \.  Gay  : 

—  On  faisait  au  moyen  âge,  pour  la  chasse  et  pour  la  guerre, 
des  cors  de  laiton,  d'ivoire,  de  corne,  de  verre,  de  cristal  et  même 
de  bois. 

Des  cors  déterre...  point.  Peut-être  faudrait-il  les  reconnaître 
dans  les  cors  et  les  cornets  «  noirs  «  que  l'on  relève  dans  certains 
inventaires;  simple  hypothèse  d'ailleurs,  et,  jusqu'à  preuve  du  con- 
traire, nous  pouvons  nous  dire  et  nous  croire  en  présence  d'objets 
inédits.  .Mais  viendrait-on  à  en  découvrir  dans  quelque  collection 
à  présent  ignorée  un  rare  spécimen,  il  demeurerait  certain  que  l'on 
ne  s'est  jamais  trouvé  en  face  d'une  réunion  aussi  riche;  personne 
par  suite  ne  s'est  occupé  sérieusement  de  cette  branche  toute  spé- 
ciale de  la  céramique.  Je  dis  :  sérieusement,  pour  ne  pas  omettre 
les  quelques  lignes  sans  intérêt  que  lui  aconsacrées  M.  Ris-Paquot^ 
Je  m'en  félicite  et  le  regrette  :  je  le  regrette,  parce  qu'ayant  eu  des 
devanciers,  j'aurais  pu,  comme  cela  se  fait  tous  les  jours,  leur 
emprunter  beaucoup   de  choses  et  présenter    une   notice   mieux 

'  Près  de  Montreuil-sur-.Mrr  (Pas-de-Calais).  Wigxier  a  dessiné  celte  trom- 
pette, ùg.  35  de  son  oiivTa;je  sur  les  Poteries  vernissées  du  Pontliieu. 

-  Ris-Paquot,  La  céramique  musicale  et  instrumentale.  Paris,  1889,  in-f, 
p.  181. 


388 


CERAMIQUE    ET    VERRERIE    MUSICALES. 


documentée;  je  m'en  félicite,  parce  que  j'espère  qu'on  voudra 
bien  me  pardonner  mon  inexpérience  trop  évidente,  en  faveur  de 
la  nouveauté  du  sujet. 

Nos  vingt-quatre  instruments  peuvent  se  classer  en  quatre  caté- 
gories :  lestrompos  ou  olifants  (sept),  les  cors  à  un  tour  (six),  les  cors 
à  deux  tours  (quatre),  les  cors  à  trois  tours  (trois)  et  les  trompettes 
(quatre),  en  employant  cette  expression  faute  d'une  meilleure. 

La  trompe  de  la  plus  petite  dimension  mesure  0°',25  à0°',28; 
mais  nous  en  avons  une  de  0°',40  et  une  de  O^jGO  de  longueur. 


FiG.  5.  —  Cor  ev  teiire  ciite. 

(Collection  de  raateor.) 


Voici  un  cor  à  un  tour  (fig.  5)  ;  les  cinq  autres  sont  semblables 
ou  à  peu  près. 

L'échantillon  des  cors  à  deux  tours,  dont  ci-dessous  un  croquis 
(fig.  6),  est  la  seule  pièce  trouvée  entière,  à  l'exception  pour- 
tant de  son  pavillon  qui  a  été  refait.  Ce  cor  donne  les  notes 
ordinaires  du  cor  sonore  sans  pistons  :  do  grave,  sol,  do,  mi,  sol 
aigu,  ces  trois  dernières  presque  justes  ;  peut-être  les  donnait-il 
justes  toutes  les  cinq  dans  son  état  d'intégrité  primitive.  Il  déve- 
loppe environ  l'°,12  de  tuyau  ;  les  autres  ont  ou  quelques  centi- 
mètres de  plus,  ou  quelques-uns  de  moins.  Il  est  clair  qu'il  ne  faut 
demander  à  ces  instruments  ni  grande  régularité  de  forme,  ni  par- 
faite similitude  dans  les  dimensions. 

Les  trois  cors  à  trois  tours  rappellent  à  s'y  méprendre,  à  n'en 


CKRAMTQUE    ET    VERRERIE    MUSICALES. 


389 


voir  que  des  dessins,  le  cor  hébreu  —  et  puisque  j'ai  l'occasion  de 
parler  d'un  peuple  de  ranliquitè,  j'en  profiterai  pour  faire  remar- 
quer que  l'on  ne  trouve  d'instruments  de  terre  ni  chez  les  Grecs, 
ni  chez  les  Romains.  —  Le  plus  fjrand  de  nos  trois  cors  mesure 
environ  2"', 20  supposé  déroulé. 

Quant  à  la  quatrième  catégorie,  son  type  ne  ressemble  absolu- 
ment ni  à  la  trompette,  ni  au  clairon,  ni  au  bugle,  tout  en  ayant 
des  rapports  avec  ces  trois  instruments  modernes,  et  c'est  peut-être. 


FiG.  6.  —  Cor  a  dhix  toirs  e\  terre  cuite. 
(Appartient  à  M.  A.  Cornet.) 

par  là,  la  plus  intéressante  de  la  collection.  La  gravité  du  son  y  a 
été  obtenue  comme  ailleurs  par  l'allongemeut  du  tube,  mais  on 
est  arrivé  à  cet  allongement  à  l'aide  d'un  procédé  qui  suppose  un 
certain  tour  de  main,  et  produit  un  efTet  peu  banal  :  celui  d'une 
corde  nouée  lâche  (fig.  7).  On  s'en  rendra  compte,  d'ailleurs,  en 
jetant  un  coup  d'ceil  sur  la  figure  ci-dessous;  l'original  existe  à 
deux  exemplaires  presque  identiques.  Les  deux  autres  pièces  de 
la  quatrième  catégorie  sont  conçues  à  peu  près  de  la  même  façon 
que  celle-ci,  sauf  que  le  tube  y  fait  un  mouvement  de  moins.  La 
plus  grande  des  deux  développe  environ  1",75. 

Autant,  tout  à  l'heure,  je  me  suis  montré  hésitant  et  réservé  sur 
l'origine  des  cornets  de  verre,  autant  je  crois  pouvoir  être  affir- 


390 


CKRAMIQUK    ET    VERREFilE    ML  SIC  A  LE  S. 


matif  sur  celle  des  trompettes  de  terre  :  le  potier  qui  les  fabriqua, 
.j'en  ai  la  conviction,  habitait  Larcbant. 

Pourquoi,  s'il  en  était  autrement,  n'aurait-on  encore  signalé 
nulle  part  des  spécimens  entiers  ou  fragmentés  de  cette  industrie 
particulière?  Faudrait-il  supposer  un  potier  travaillant  exclusive- 
ment pour  les  marchands  lyricantois  ?  Avouez  (jue  ce  serait  bien 
extraordinaire  ;  avouez  qu'il  léserait  non  moins  que  ce  potier  spé- 
cial n'eût  laissé  dans  sa  paroisse,  en  produits  manques  ou  autre- 
ment, aucune  trace  de  sa  fabrication.  A  Larcbant,  au  contraire, 
détail  à  noter,  tandis  que,  depuis  1890,  on  n'a  ramassé  dans  les 
champs,  quoique  l'on  y  cherche  attentivement,  qu'un  seul  morceau 
de  trompe  en  verre,  les  morceaux  d'instruments  en  terre  ne  sont 


FiG.   7.  —  Trompette  ex  terre  cuite. 
(Collection  de  M.  E.  Barbey.) 


pas  rares  à  la  surface  du  sol,  et  combien  n'en  a-t-on  pas  détruit  par 
ignorance  et  inattention"?  J'en  ai  réuni  toute  une  série  recueillis  un 
peu  partout  dans  noire  vallée. 

Le  plus  important  de  ces  fragments  a  été  trouvé  à  douze  ou 
quinze  cents  mètres  du  village  et  semblerait  devoir  fournir  une 
forme  inédite. 

Il  est  bon  d'ajouter  que  l'argile  plastique  ne  manque  pas  chez 
nous  ;  elle  se  rencontre  à  une  faible  profondeur  au  lieu  dit  le 
Moulhi  à  vent  ;  et  Ton  a  constaté,  vers  le  milieu  de  ce  siècle,  au- 
près de  la  ferme  du  Chapitre,  l'existence  d'anciens  fours  à  potier. 
Nous  croyons  même  qu'une  meule,  dont  un  quartier  fut  déterré,  il  y 
a  quelque  temps,  et  dont  la  pierre  beaucoup  trop  lisse  et  polie  n'a 
jamais  dû  écraser  de  grain,  a  pu  servira  broyer  la  terre  d'un  potier. 

Dans  tous  les  objets  que  nous  avons  examinés,  le  travail  paraît 
primitif:  les  embouchures  sont  peu  soignées,  les  tubes  assez  irré- 


CERAMIQUE    ET    VERRERIE    MUSICALES.  391 

gulièrement  fabriqués  à  la  main,  ont  été  retouchés  à  l'aide  d'un 
outil  qui  a  laissé  des  traces  évidentes  à  la  surface  ;  ces  remarques 
sont  générales,  mais  la  matière  n'est  pas  pour  tous  identique. 

Un  morceau  de  cor  à  un  tour  légèrement  déformé  à  la  cour- 
bure, est  en  terre  très  fine  et  uniformément  noire;  un  autre  est 
en  terre  presque  blanche,  recouverte  d'une  sorte  de  barbotine 
noire;  enfin  une  embouchure  —  d'ailleurs  unique  —  est  en  terre 
blanche  et  sans  couverte.  Comme  rien  ne  prouve  que  ces  frag- 
ments ne  soient  pas  contemporains,  et  qu'il  faille  voir  dans  ces 
variétés  des  dififérences  chronologiques,  ni  les  effets  d'un  perfec- 
tionnement ou  d'une  déchéance,  j'y  retrouve  tout  simplement  la 
main  de  plusieurs  ouvriers  s'approvisionnant  en  divers  lieux. 

Car  il  n'est  probablement  pas  indispensable  de  chercher  à  Lar- 
chant  des  potiers  de  profession.  Ecoutez  Charles  W ignier  '  : 

—  Xous  n'avons  point  connaissance  qu'il  y  ait  eu  à  Sorrus  un 

établissement  ou  une  fabrique  proprement  dite  :  les  habitants 

se  réunissaient  en  famille  pour  occuper  les  loisirs  que  pouvait 
leur  laisser  la  culture,  et  se  livraient  à  la  confection  des  poteries  et 
ustensiles  pour  l'usage  domestique...  Ils  produisaient  encore  des 
sifflets,  cornets,  trompettes,  etc. 

J'imagine  que  ce  qui  se  passait  encore  à  Sorrus  au  dix-huitième 
siècle  peut  très  bien  s'être  passé  aussi  à  Larchant,  au  seizième 
siècle,  et  sans  doute  plus  tôt. 

Quoi  qu'il  en  soit,  professionnels  ou  potiers  par  occasion,  nos 
ancêtres  lyricantois  avaient  su  se  créer  une  spécialité  que  le  hasard 
nous  a  tardivement  révélée.  J'aurais  voulu  que  quelqu'un  de  plus 
compétent  que  moi  en  entretînt  le  monde  savant;  à  défaut  de  ce 
«  quelqu'un  ^ ,  je  me  suis  aventuré  sur  un  terrain  qui  m'était  peu 
familier;  heureux  si  j'ai  pu  néanmoins  faire,  tant  bien  que  mal, 
connaître  et  apprécier  une  découverte  certainement  intéressante. 

Eugène  Thoison,    • 

Correspondant  du  ministère  pour  les  travaux 
liistoriques,  à  Larchant  (Seine-et-Marne). 

'Cil.  WIiGMEB,  Les  poteries  vernissées  de  l'ancien  Ponthieu,  1887,  in-S". 


392  LE    MONOGRAMME    DE    MASSEOT    ABAQUESNE. 

XXII 

LE   MONOGRAMME   DE    MASSÉOT   ABAQUESNE 

11  y  aurait  un  bien  curieux  chapitre  à  faire  sur  le  potier  émailleur 
Masséot  Abaquesne.  Mais  ces  pages,  les  écrira-t-on  jamais  ?  Qui  nous 
retracera  l'histoire  de  ses  premières  années,  sa  vocation  artistique, 
ses  voyages,  ses  essais  peut-être  longs  et  pénibles,  en  tout  cas  cou- 
ronnés d'éclatants  succès?  A  son  sujet,  la  pensée  se  reporte  vers 
un  autre  émailleur  du  seizième  siècle,  et  l'on  se  demande  s'il  n'y 
aurait  pas  plus  d'un  rapprochement  à  faire,  plus  d'une  analogie  à 
établir  entre  la  vie  du  célèbre  potier  saintongeais  et  celle  de  notre 
Bernard  Palissy  normand.  Malheureusement,  les  documents  relatifs 
à  ]\Iasséot  Abaquesne  sont  extrêmement  rares.  Son  nom  même 
passa  longtemps  inaperçu;  on  attribuait  à  Palissy  ce  qui  était  bien 
son  œuvre.  C'était  du  moins  déjà  en  reconnaître  la  valeur. 

Les  premiers  indices  furent  fournis  par  l'inscription  :  A  kquem 
1542,  qu'on  lisait  sur  un  carrelage  provenant  du  château  d'Ecouen', 
et  par  le  nom  :  Macutus  Abaquesne  Jigulus y  1549,  compris  dans 
une  liste  intitulée  Chronologia  inclytae  urbis  Rothomagensis, 
publiée  en  1G58  à  la  fin  de  l'ouvrage  de  Gabriel  Du  Moulin,  curé 
de  Menneval:  Les  Conquestes  et  trophées  des  Norman-François. 
Le  rapprochement  de  ces  deux  données  paraît  avoir  été  fait  pour 
la  première  fois  par  André  Pottier  ;  mais  ce  n'était  encore  qu'une 
présomption  que  rien  ne  venait  confirmer.  Qu'était  cet  Abaquesne, 
un  nom  bien  normand,  assurément?  On  n'en  rencontrait  aucune 
trace  dans  les  auteurs  contemporains.  Le  mérite  d'avoir  résolu  la 

'  Les  deux  grands  fragments  du  carrelage  d'Ecouen  (Mucius  Scevola  et  Mar- 
cus  Curlius),  conservés  par  Alexandre  Lenoir  dans  son  Alusée  des  monuments  fran- 
çais et  attribués  par  lui  à  Bernard  Palissy  [Musée  des  monuments  français,  t.  III, 
planche  CXVIII  et  GXIX,  p.  123),  font  aujourd'hui  partie  des  collections  de 
Chantilly.  Dans  la  scène  de  Curlius,  on  lit  sur  un  drapeau  que  porte  un  soldat  : 
A  ROVEX  1542.  Des  portions  plus  ou  moins  importantes  du  même  carrelage 
sont  conservées  dans  les  Musées  du  Louvre,  de  Cluny,  de  Sèvres,  de  Rouen,  de 
Bernay,  etc. 


LE    MONOGRAMME    DE    MASSE  OT    ABAQLESME.  393 

question,  dès  1869,  l'evient  à  M.  E.  Gosselin.  Ses  fructueuses 
recherches  dans  les  archives  de  l'ancien  tahellionajje  de  Rouen 
lui  ont  permis  d'altrihuer,  avec  une  certitude  absolue,  à  Masséot 
Ahaquesne,  «  esmailleur  en  terre  demeurant  à  Rouen  ^^ ,  le  splen- 
dide  carrelage  du  château  d'Ecouen  exécuté  pour  le  connétable  de 
Montmorency,  et  dont  plusieurs  pièces  portaient  le  lieu  et  la  date 
A  ROUEiV  1542', 

D'autres  carrelages  dans  les  châteaux  de  la  Bastie  d'Urfé  et  de 
Polisy,  la  frise  du  colombier  de  Iîoos,sont  l'œuvre  du  même  artiste 
et  de  son  fils  Laurent,  qui  travailla  d'abord  avec  son  père,  puis 
s'établit  à  son  compte  sur  la  paroisse  Saint-Pierre  l'Honoré  à  Rouen  ' . 

M.  Gosselin  a  reproduit  un  acte  notarié  du  24  mai  1545,  par 
lequel  «  Masséot  Abaquesne,  esmailleur  en  terre,  demeurant  en 
la  paroisse  Saint-Vincent  de  Rouen  « ,  vend  et  s'engage  à  livrer  «à 
Pierre  Diibosc,  apothicaire,  demeurant  en  la  paroisse  Saint-Martin 
du  Pont  à  Rouen  w ,  un  assortiment  complet  de  vases  de  pharmacie 

'  Il  résulte  des  documents  produits  par  M.  Gosselin  qu'à  la  date  du  22  décem- 
bre IdW,  Masséot  Abaquesne,  »  bourgeois  et  marchant  demourant  en  la  paroisse 
de  Saint-Vincent  de  Rouen  »,  prend  chez  lui  un  ouvrier  potier,  nommé  Pierre 
Roullart,  pour  y  travailler  tde  son  estât  ».  Le  24  mai  1545,  commande  de  l'apo- 
thicaire Pierre  Diibosc,  dont  il  est  parlé  plus  loin.  Le  7  mars  1548,  Masséot  Aba- 
quesne, dont  l'alelier  était  situé  ■^  sur  la  paroisse  de  Sotteville  lez  Rouen  » ,  donne 
quittance  »  à  maistre  André  Rageau,  notaire  et  secrétaire  du  Roy,  recepveur  de 
ses  aydes  et  tailles  en  ceste  ville  de  Rouen  »,  delà  somme  de  cent  écus  d'or  soleil 
£  pour  certain  nombre  de  carreau  de  terre  esmaillée  que  ledit  Abaquesne  s'estoit 
submis  et  obligé  faire  audict  sieur  connestable...  ;  présens  à  ce,  Marion  Durand, 
femme  dudict  Abaquesne,  et  Laurens  Abaquesne,  fils  dudict  Masséot  et  de  ladicte 
Marion,  affirmant  estre  âgé  de  vingt  et  un  an  et  plus  j  .  Les  cent  écus  d'or  soleil 
dont  il  donne  quittance,  sont  un  solde  de  compte.  Le  24  mai  1553,  devant  les 
notaires  de  Rouen,  .Masséot  .abaquesne  reconnaît  que  le  sieur  Bijault,  greffier  des 
appeaux,  vient  de  lui  prêter  40  livres  qui  lui  sont  nécessaires  i  pour  les 
carreaux  qu'il  est  tenu  bailler  et  fournir  pour  parer  les  seuls  et  autres  édifices  de 
messire  le  connestable  de  France  » .  Le  22  septembre  1557,  il  donne  quittance  à 
André  Rageau,  secrétaire  des  finances  du  Roi,  d'une  somme  de  557  livres  tournois, 
c  pour  la  façon  et  fourniture  d'un  certain  nombre  de  carreau  de  (erre  esmaillée, 
qu'il  avait  cy  devant  entreprise  de  faire  et  parfaire  pour  le  sieur  Durfé,  comme 
gouverneur  de  monseigneur  le  dauphin,  selon  les  pourtraicts  et  devises  que  ledit 
Durfé  lui  avoit  baillés  à  cette  fin  » .  Au  14  décembre  1564,  Masséot  était  mort, 
car  à  cette  date  on  voit  «  Marion  Durand,  veufve  dedéfunct  Masséot  .Abaquesne  » , 
s'engager  à  faire  et  fournir  à  Barnabe  Barat,  stipulant  comme  procureur  de  mes- 
sire Martin  de  Beaulieu,  abbé  du  Valasse  et  de  Colombs,  a  le  nombre  et  quantité 
de  quatre  milliers  de  carreau  esmaillé  d'azur,  blanc,  Janine  et  vert  ».  E.  GosSE- 
Lix,  (lianes  historiques  iiormandes.  Rouen,  1869. 

2  E.  GossELi.v,  loc.  cit.,  p.  41  et  45. 


394  LE    MOXOGRAMME    DE    MASSEOT    ABAQUESNE. 

de  l'orme  et  de  ronten;ince  diverses,  «  bons,  loyaulx  et  marchands, 
et  bien  esniaillez  comme  il  appartient'  55 . 

La  commande  était  fort  importante»  puisqu'elle  comprenait  trois 
cent  quarante-six  douzaines  de  vases  émaillés*.  Il  semblerait  que 
les  épaves  d'une  aussi  formidable  livraison  dussent  se  retrouver  en 
grand  nombre  aujourd'hui.  Il  n'en  est  rien,  et  les  spécimens  des 
vases  de  Masséot  sont,  au  contraire,  fort  rares  ;  je  ne  sais  même  s'il 
en  existe  dans  les  collections  publiques. 

Lors  du  Congrès  archéologique  tenu  à  Caen,  en  1883,  M.  Gaston 
Le  Breton  remarqua  dans  la  pharmacie  de  l'hospice  de  Bayeux  un 
petit  vase,  de  style  italien,  qui  était  l'œuvre  de  Laurent  Abaquesne, 
dont  il  porte  le  monogramme.  Ce  vase  a  la  forme  d'un  biberon  ; 
il  est  orné  sur  la  panse  d'une  tête  d'homme  coiffée  du  chapeau 
Louis  XI,  entourée  d'une  couronne  de  laurier  de  laquelle  partent 
des  rinceaux  analogues  à  ceux  que  l'on  voit  sur  le  carrelage 
d'Ecouen.  Sur  la  face  opposée  se  trouve  le  monogramme  composé 
des  lettres  l  a  B  ^ 

Au  cours  de  mes  excursions  archéologiques  de  1893,  j'ai  ren- 
contré deux  échantillons  de  la  faïence  de  Masséot  Abaquesne,  et 
qui,  vraisemblablement,  proviennent  de  la  commande  faite  par 
l'apothicaire  Dubosc,  en  1545.  Je  ne  crois  pas  qu'on  les  ait  jamais 
signalés  à  l'attention  des  curieux  \ 

L'un  de  ces  vases,  ayant  autrefois  figuré  dans  les  vitrines  de  la 
très  ancienne  pharmacie  Baston,  à  Pont-Audemer,  appartient  à 
M.  Charles  Verger,  conservateur  de  la  Bibliothèque  Canel.  Il  a  la 
forme  d'un  biberon  ou  chevrette,  et  mesure  O^'.^'i  de  hauteur  sur 
0™,18  de  diamètre  à  la  panse.  Sur  la  face  antérieure,  un  chapeau 
de  tiiomphe,  ou  couronne  de  laurier  vert  clair,  avec  fleurettes  vio- 

'  E   GossELix,  Glanes  historiques  normandes,  p.  37. 

-  Ce  chiffre,  à  première  vue,  paraît  invraisemblable;  mais  le  délai!  et  le  prix 
de  ces  innombrables  douzaines,  ou  mieux  séries  de  douzaines,  sont  clairement 
indiqués  dans  l'acte  notarié  cité  par  Gosseliu. 

'  Congrès  archéologique  de  France,  Sessions  générales  tenues  à  Caen  en  1883. 
Paris,  1884,  p.  21i-6;  et  Gaston  Le  Breto.v,  Le  Musée  céramique  de  Rouen,  p.  8. 
M.  le  comte  Charles  Lair  possède,  dans  sa  très  remarquable  collection  céramique, 
une  assiette,  des  carreaux  de  revêlement  et  une  demi-douzaine  de  pots  de  phar- 
macie qui  proviennent  à  coup  sur  des  ateliers  d'.Abaquesne  et  de  ses  successeurs; 
l'un  de  ces  vases  porte  la  marque  de  Laurent,  L  A  B;  les  autres  n'ont  point  le 
monogramme. 

*  Voir,  ci-contre,   planche  XXIII. 


— <        ça 


LE    MOXOGHAMME    DE    MASSKOT    AltAQLES.\E.  305 

k't  mauve  aux  élamines  jaune  citrin,  onloure  le  buste,  vu  de  profil, 
d'un  guerrier  casqué  ;  la  bombe  du  casque  est  bleue,  la  crête  et  la 
visière  jaunes.  Deux  gros  fleurons  jaunes  en  forme  de  tulipe 
laissent  échapper  de  longs  rinceaux  filiformes  bleu  lapis,  avec 
feuillages  de  même  nuance,  analogues  à  ces  ■•  rinceaux  formés  de 
tiges  extrêmement  ténues  qui  s'enroulent  avec  une  impeccable 
sûreté  de  main  et  se  terminent  en  feuilles  courtes,  ramassées,  à 
baut-relief  »,  que  Ton  rencontre  fréquemment  sur  les  meubles 
de  la  Renaissance.  De  larges  filets  jaune  d'ocre  courent  autour  du 
pied,  de  l'anse  et  du  col.  L'anse,  qui  était  courte  et  plate,  est 
cassée  ;  au-dessous  se  trouve  le  monogramme  de  Masséot  Aba- 
quesne,  mab,  encadré  d'un  large  trait  jaune  entre  deux  filets  bleus. 
L'émail  est  d'un  blanc  légèrement  rosé. 

Le  décor  est  très  largement  dessiné.  Les  arabesques,  ainsi  que 
la  couronne  de  laurier,  décèlent  une  grande  sûreté  de  main  ;  la 
tète  du  guerrier  est  moins  correcte.  On  sent  qu'il  s'agit  beaucoup 
moins  d'une  œuvre  d'art  proprement  dite  que  d'un  objet  de  fabri- 
cation courante;  c'est  une  décoration  improvisée  par  un  artiste 
capable  de  beaucoup  mieux  faire-. 

Le  second  vase  que  nous  avons  reconnu  fait  partie  de  la  riclie 
collection  de  M.  Grave,  ancien  pharmacien  à  Mantes.  Il  a  les 
mêmes  formes  et  dimensions  que  le  précédent.  Le  décor  des  rin- 
ceaux bleu  lapis  est  identique,  ainsi  que  l'encadrement  courant 
formé  d'un  large  trait  jaune  d'ocre  entre  deux  filets  bleus.  La  cou- 
ronne de  laurier  encadre,  cette  fois,  le  buste  vu  de  profil  d'un  per- 
sonnage peint  en  camaïeu  jjjeu  avec  glacis  jaune  clair  et  quelques 
rehauts  orangés.  La  tête  est  couverte  d'un  capuchon  qui  rappelle 
absolument  le  costume  traditionnel  de  Pétrarque.  Du  reste,  l'imi- 
tation du  style  italien  est  flagrante  dans  ces  deux   faïences'',  les 

'  Boxx.AFFÉ,  Le  meuble  en  France  au  seizième  siècle,  p.  46. 

-  Xoiis  ne  voudrious  pas  prétendre  que  ces  vases  de  pharmacie  soient  uui- 
ijuement  l'œuvre  personnelle  de  Alasséot  Abaquesne;  il  avait  des  aides  qui 
exécutaient  la  besogne  commune  de  l'atelier  ;  mais  il  devait  les  retoucher, 
après  en  avoir  donné  le  patron  ou  dessin.  C'est  le  monooramme  cpii  donne  nu 
intérêt  particulier  à  ces  humbles  faïences,  et  c'est  ce  monogramme  que  nous 
avons  voulu  surtout  signaler  aux  amateurs  de  la  céramique  normande. 

■'  Darcel  disait  à  propos  du  carrelage  d'Ecouen  :  i  On  reconnaît  dans  ces  pavés 
une  imitation  manifeste  des  procédés  italiens,  mais  un  goût  tout  français  dans  les 
tètes  de  chimères  qu'on  y  rencontre,  et  tous  les  caractères  d'une  excellente  fabri- 
cation :  des  couleurs  vives  et  harmonieusement  fondues  dans  un   émail  pur  sous 


396  LHOTEL    DE    VILLE    DARLES. 

arabesques  semblent  copiées  sarcelles  que  représente  la  figure  100 
de  la  plancbe  XXXII  de  Touvrage  de  Cipriano  Picolpasso,  /  tre  libri 
delV  arte  delvasajo,  traduit  parClaudius  Popelin. 

On  m'avait  présenté  ces  deux  rares  pièces  comme  appartenant 
à  quelque  fabrique  du  nord  de  l'Italie  ;  la  méprise  était  fort  expli- 
cable. Mais  le  monogramme  mab  ne  laisse  aucun  doute  sur  rori- 
gine  rouennaise  de  ces  deux  pièces,  car  c'est  bien  celui  de  Masséot 
Abaquesne',  On  retrouve  d'ailleurs  dans  les  deux  vases  de  Pont- 
Audemer  et  de  Mantes  ces  verts  vifs,  ces  violets  légers,  ces  jaunes 
citrins,  aussi  bien  que  les  rinceaux  filiformes  bleu  lapis  qui  carac- 
térisent la  gamme  si  fine  et  si  lumineuse  du  carrelage  d'Ecouen. 

Je  suis  persuadé  qu'il  existe  dans  d'autres  collections  privées 
des  vases  de  pbarmacie  analogues  aux  deux  que  nous  venons  de 
décrire.  Leur  monogramme  si  caractéristique  permettra  de  les 
restituer  à  leur  auteur,  Masséot  Abaquesne. 

L'abbé  PoRÉE, 

Membre  non  résidant  du  Comité  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départe- 
ments, à  Bournainville  (Eure). 


XXIII 


L'HOTEL  DE  VILLE  D'ARLES 

ET    SES    HUIT    ARCHITECTES 

C'est  une  histoire  fort  intéressante  que  celle  de  la  construction 
laborieuse  de  cet  édifice  qui  se  range,  ajuste  titre,  parmi  les  meil- 
leurs de  ce  genre. 

une  glaçure  brillante.  »  Notice  des  faïences  peintes,  italiennes,  hispano-mores- 
ques et  françaises,  1864,  p.  373. 

'  Le  mono{jramme  peint  sur  les  deux  vases  mesure  :  l'un  O^.Oô,  et  l'autre 
0™,08  de  hauteur. 


L'HOTEL    DE    VILLE    D'ARLES.  397 

On  sait  que,  dans  la  seconde  moitié  du  dix-septième  siècle,  les 
municipalités  rivalisaient  pour  les  grands  travaux;  Lyon  venait 
d'achever  son  magnifique  Hùtel  de  ville,  et  nous  avons  précisément 
détaillé  ici  les  ouvrages  considéral)les  de  décoration  qu'y  avait 
exécutés  le  peintre-architecte  Thomas  Blanchet  '. 

Aussi  nous  trouvons  le  conseil  d'Arles  très  préoccupé  le  16  août 
1665;  il  délibère  «  de  bâtir  une  maison  de  ville  et  de  faire  une 
«  salle  assez  grande  pour  contenir  le  grand  nombre  de  conseillers 
«qui  assistent  aux  élections,  ne  pouvant  demeurer  dans  celle 
"  actuelle  sans  confusion.  Les  consuls  seront  assistés  de  quatre 
«  nobles  et  de  quatre  bourgeois  pour  travailler  au  plan  et  dessin 
K  et  donner  les  prix  faits  -.  » 

Consuls,  nobles  et  bourgeois  se  hâtèrent  si  bien  que,  nous  rap- 
portant à  ce  qui  est  expliqué  au  conseil  du  8  novembre,  les  prix 
faits  étaient  donnés  à  cette  date,  aux  enchères  publiques,  aux 
maçons  et  même  aux  menuisiers  et  aux  plâtriers;  un  plan  et  dessin 
avait  été  commandé  à  des  maîtres  jurés  et  entendus  architectes,  on 
ne  les  nommait  pas,  et  nous  le  regrettons  fort,  car  cela  eût  allongé 
encore  la  liste  qui  va  se  dérouler  devant  nous. 

Le  6  décembre,  l'on  achetait  une  maison  du  prix  de  9,000  livres 
pour  obtenir,  avec  la  maison  de  ville  ancienne  qu'on  avait  abattue, 
un  édifice  convenable;  enfin,  le  dernier  janvier  1666,  l'intendance 
du  bâtiment  était  donnée  à  un  AI.  Chalamon,  auquel  on  allouait 
pour  cela  une  gratification  de  300  livres  qu'il  accepta,  mais  qu'il 
se  réserva  de  donner  par  tiers  à  des  établissements  de  charité. 

L'alTaire  semblait  donc  n'avoir  plus  qu'à  suivre  son  cours  naturel  ; 
mais  il  n'en  fut  rien.  Car,  quantité  de  personnes  s'étant  mêlées  de 
dresser  des  plans  et  de  donner  des  dessins,  cela  n'eut  pour  résultat 
que  de  faire  tomber  dans  la  plus  grande  perplexité. 

Si  nous  nous  en  référons  aux  habitudes  de  notre  temps,  nous 
estimerions  que  les  consuls  auraient  dû  couper  court  en  ouvrant 
un  concours  ou  en  choisissant  et  en  chargeant  purement  et  sim- 
plement un  seul  architecte  capable  de  toute  la  direction.  Cela  ne 
pouvait  pas  même  venir  à  leur  esprit,  parce  que,  à  cette  époque, 
l'organisation  des  travaux  n'était  pas  du  tout  la  même  que  celle  d'à 

'  XVII°  vol.  des  Réunions  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements, 
p.  85  à  169. 

*  Conseils  de  la  ville  d'Arles  (1664-1670,  I  BB  Z\). 


398 


L" HOTEL    UE    VILLE    D'ARLES. 


présent.  Réellement  il  ne  fallait  à  ces  consuls  (jiie  des  plans  à  leur 
convenance:  ils  entendaient  rester  maîtres  en  tout  et  se  chargeaient 
de  diriger  l'exécution,  aidés  des  maîtres  d'œuvre  des  divers  métiers. 
C'est  pourquoi  la  noblesse  du  pays  et  quelques  personnes  com- 
pétentes leur  conseillèrent  d'avoir  recours  aux  lumières  d'un  gen- 
tilhomme d'Avignon,  AI.  de  la  Valfenière ;  «  homme  très  expert  et 
«  très  intelligent  en  ces  matières  » ,  et  de  le  faire  venir  à  Arles 
pour  qu'il  pût  examiner  les  plans  et  dessins  qui  avaient  été  pro- 
posés par  les  uns  et  par  les  autres,  choisir  le  meilleur,  ou  en  faire 
un  nouveau  '. 

Ce  gentilhomme  d'Avignon  n'était  autre  que  le  fils  aîné  du  véné- 
rable architecte  de  l'Evèché  de  Carpentras,  de  l'abbaye  des  dames 
de  Saint-Pierre  à  Lyon  et  de  nombre  d'autres  édifices,  François  de 
Royers  de  la  Valfenière^  alors  âgé  de  quatre-vingt-onze  ans  et  qui 

mourut  l'année  suivante,  le  22 
mars. 

Xé  à  une  époque  que  nous 
ignorons,  mais  qui  doit  se  rap' 
procher  de  1611,  Louis-Fran- 
çois de  Royers  de  la  Valfenière 
est  mort  avant  1688,  puisque 
Marie  de  Rigole t,  qu'il  avait 
épousée,  était  veuve  à  cette  date. 
Il  fit  son  testament  le  11  octobre 
1678  au  couvent  des  Capucins 
d'Avignon,  légua  2,000  livres  à 
chacun  de  ses  enfants,  Pierre- 
François,  Claude  ou  Claudius  et 
Elisabeth,  et  fit  un  legs  à  sa  sœur 
Anne,  veuve  de  Xicolas  Des- 
landes. Il  voulait  être  enterré  aux  Célestins  d'Avignon,  dans  le 
tombeau  de  son  père  dont  on  conserve,  au  Musée  de  cette  ville,  la 
pierre  où  ses  armoiries  sont  gravées  (fig.  1).  11  a  dû  prêter  un 
concours  actif  aux  travaux  de  son  père,  surtout  dans  sa  vieillesse. 
On  lui  doit  l'agrandissement  du  chœur  de  la  métropole  d'Avignon, 
ville  où  il  a  fait  construire  une  maison  rue  Saint-Marc,  pour  les 


Fig.  1. 


'  Conseil  du  20  février  1666. 


LHOTEL    HK    VILLE    DARLES.  300 

Jésuites.  Il  fit  des  travaux  au  monastère  de  la  Miséricorde  d'Avi- 
gnon, en  1677,  et  à  l'église  de  Bédarrides  (Vauclusc),  en  1684  '. 

Il  se  rendit,  le  19  mai,  une  première  fois  à  Arles,  afin  de  voir  le 
bâtiment  et  de  donner  les  mesures  et  dessins  que  les  prifacteurs 
devaient  suivre;  le  7  juillet,  il  reçut  29  livres  pour  avoir  apporté 
l'élévation  du  bâtiment. 

Xotons,  en  passant,  (|u'en  août,  les  conseils  étaient  logés  dans 
la  maison  de  Mme  de  Goult,  attendu  la  démolition  de  l'ancienne 
maison  de  ville,  et,  en  décembre,  dans  partie  de  la  maison  de  Bel- 
larin.  Le  14  septembre,  il  recevait  161  livres  ;  «  A  noble  François 
"  de  Royers  de  Valfenière  pour  ses  frais  de  voyage  le  premier  de 
!■<.  ce  mois  pour  donner  aux  maçons  les  mesures  et  la  ligne  qu'ils 
«doivent  tenir  à  l'élévation,  l'élévation  des  portes  et  des  fenêtres 


ÙWtti^( 


FiG.  2. 

'<  et  encore  le  dessin  et  les  mesures  pour  la  grande  montée  qui  sera 
«  faite  en  voûte  suspendue  ((ig.  2).  » 

Le  2  novembre,  on  lui  paya  24  livres  pour  avoir  apporté  encore 
des  dessins;  enfin,  le  18  du  même  mois,  52  livres  pour  sa  direc- 
tion pendant  vingt-six  journées  de  séjour.  L'ensemble  des  sommes 
qu'il  a  touchées  monte,  en  conséquence,  à  295  livres. 

L'édifice  fut  élevé  ainsi  jusqu'à  la  hauteur  de  deux  cannes 
(3™, 952).  Toutefois,  tout  ce  travail  ayant  fini  par  ne  plus  recueillir 
les  suffrages  de  l'administration  municipale,  il  apparaît  qu'on  ne 
tarda  pas  à  le  raser.  \ous  pourrons  apprendre  plus  loin  sinon  les 
détails,  du  moins  les  avantages  de  ce  plan. 

L'affaire,  nous  ne  savons  pourquoi,  sommeilla  jusqu'en  1672, 
époque  où  tout  fut  remis  en  question.  La  municipalité  continuait 
à  siéger  dans  la  maison  où  elle  était  installée  lorsque,  le  7  août, 
les  consuls  invitèrent  le  conseil  à  prendre  une  décision  définitive. 

'  Les  de  Royers  de  la  Valfenière.  Lyon,  Vinglrinier.  1870;  Mémoires  de  l'Aca- 
démie de  Vaucluse.  Avignon,  189 V,  et  Lyon  artistique.  Architectes,  article  F.  de 
Royers  de  la  Valfenière.  Lyou,  Bernoux  et  Cumin,  1898.  Ces  trois  ouvrages,  par 
L.  Charvet. 


-400  L'HOTEL    DE    VILLE    D'ARLES. 

Les  uns,  dans  cette  circonstance,  opinèrent  qu'il  ne  fallait  pas 
bâtir,  et  les  autres  que  c'était  indispensable.  On  se  rallia  à  cette 
dernière  motion,  et  l'on  nomma  huit  conseillers  nobles  et  bourgeois 
pour  s'occuper  sérieusement  de  la  construction.  Ceux-ci  s'adressè- 
rent alors  à  Pierre  Pugetj  qui,  revenu  de  Toulon  et  travaillant  en 
ce  moment  à  Alarseille,  où  il  finit  par  se  fixer,  se  rendit  à  Arles  par 
deux  fois,  ainsi  (|u'on  le  constate  par  les  délibérations  suivantes  : 

«  Davantage  a  esté  représenté  par  Messieurs  les  consuls  qu'en 
"  suitte  de  la  déllibéralion  qua  este  prinse  au  conseil  tenu  le  sep- 
«  tiesme  août  dernier  de  faire  baslir  incessamment  l'Hôtel  de  ville 
«  sur  tel  projé  et  dessain  qu'il  seroit  treuvé  à  propos.  Ils  ont  envoyé 
«  quérir  le  sieur  Pujet  architecte  de  la  ville  de  Marseille,  à  cette  fin 
«  de  faire  le  projé  et  dessain  de  la  d.  bâtisse  auquel  pour  les  paines 
<i  et  soingt  qu'il  a  prins  de  venir  en  ceste  ville  de  voir  la  place  où 
tt  le  dit  hostel  doibt  estre  basti  et  de  prendre  ses  dimensions,  ils 
ti  luy  ont  donné  soixante  livres  desquelles  ils  en  demandent  l'appro- 
"  bation.  Le  conseil  a  unanimement  dellibéré  d'accorder  les  d, 
«  soixante  livres  et  qu'elles  seront  admises  au  compte  d  u  trésorier  ' .  » 

(t  Messieurs   les  consuls  ont  demandé  l'approbation,  etc.,  etc. 

«En  cent  cinquante  livres  payées  au  sieur  Pujet,  architecte  à 
ti  Marseille,  pour  les  fraiz  d'un  second  voyage  qu'il  a  fait  en  cette 
'i  ville  au  sujet  de  la  batice  de  l'hostel  de  ville  que  pour  le  séjour 
tt  qu'il  y  a  lait  pendant  seize  jours  pour  travailler  et  fere  son  projé 
(i  du  plan  et  eslevalion  dudit  hostel  que  du  travail  qu'il  avoit  faict 
«  au  dit  Marseille  en  conséquence  de  son  premier  voyage  *.  » 

Les  fonds  des  210  livres  furent  avancés  par  les  consuls,  chargés 
de  la  direction  des  travaux,  et  portés  à  Marseille;  la  quittance  est 


Fui.  3. 


signée  le  21  octobre  1672  par  GaspardPuget  [^^.  3),  maître  maçon, 
frère  de  Pierre,  lequel  il  aidait  dans  ses  travaux. 


'  Conseils  du  9  septembre  1672.  Fol.  267-269  (I  BB  35.  1670-1675). 
^Ibid.,  21  novembre  1672.  Fol.  285-286. 


L"HOTEL    DE    VILLE    DARLES.  401 

Pas  plus  que  celui  de  la  Valfenièie,  le  projet  de  ce  deuxième 
architecte  ne  convint  aux  Arlcsiens,  bien  que  le  grand  artiste, 
âgé  alors  de  cinquante  ans,  fût  à  l'apogée  de  son  talent,  et  mes- 
sieurs du  conseil  lui  mirent  en  balance  —  qui  pourrait  le  croire? 
—  le  12  février  1673,  un  troisième  projet  qui  leur  était  pré- 
senté parles  conseillers  qui  s'occupaient  de  la  bâtisse,  celui  d'un 
frère  Clément,  religieux  augustin  d'Arles',  assisté  d'un  Nicolas 
Leotaud  ou  Lieiitard,  architecte  de  la  ville  de  Tarascon.  i\ous 
voilà  déjà  à  quatre  architectes!  On  serait  disposé  à  penser  que 
c'était  fini?  non;  il  ne  tarda  pas  à  en  apparaître  un  cinquième, 
et  c'était  Jacques  Peitret,  qualifié  maître  peintre  d'Arles,  lequel 
pourrait  bien  avoir  été  au  fond  l'instigateur  occulte  de  toutes 
ces  hésitations.  Quoique  non  spécialiste,  il  avait  rédigé  un  qua- 
trième plan. 

Dans  le  conseil  du  20  avril  1673,  on  apporta  les  quatre  projets 
sur  la  table,  cette  fois  avec  l'intention  ferme  de  prendre  une  décision 
définitive.  Mais  —  cela  ne  pouvait  manquer  —  un  conseiller,  après 
avoir  fait  remarquer  que  l'on  avait  déjà  accepté  le  plan  Clément, 
conclut  que,  puisqu'on  n'avait  encore  rien  commencé,  il  fallait 
s'en  remettre  à  ce  que  les  consuls  décideraient,  et  tous  opinèrent 
de  même.  Ce  n'était  qu'ajourner  la  solution;  car  nous  ne  voyons 
pas  pour  cela  de  projet  choisi.  Malgré  cela,  le  2  juin,  on  donna  le 
prix  fait  pour  exécuter  la  délibération  du  7  avril  :  «  pourtant  que 
"  l'hostel  de  ville  qui  a  esté  demoly  sera  incessamment  rebaty 
«jusqu'à  son  entière  perfection.  » 

Enfin,  en  présence  de  l'urgence  extrême  à  procéder  à  un  choix 
parmi  tous  les  plans  présentés,  voici  ce  que  l'on  décida.  On  s'arrêta 
sur  l'un  de  ceux  qui  avaient  été  proposés  (sans  dire  lequel  dans  la 
délibération),  «y  adjoustant  et  y  repparant  »  ce  qu'on  croyait  rai- 
sonnable, et  on  chargea  de  mettre  au  net  cette  «  réparation  »,  un 
Dominique  Pilleporte,  architecte  d'Arles,  espérant  obtenir  ainsi 
toutes  les  commodités  désirables.  Vaine  illusion!  car,  malgré  ce 
sixième  architecte,  il  se  produisit  quelques  appréhensions  sur  la 
solidité  possible  de  l'ouvrage  à  cause  du  grand  nombre  de  personnes 
qui  pourrait  remplir  les  salles  du  premier  étage  dans  certaines 
occasions.  Alors,  pour  se  rassurer,  on  en  fit  venir  un  septième, 

■  II  reçut  pour  ce  travail,  le  6  mars  1673,  la  somme  de  60  livres. 

2  e 


402  1/HOTEl.    DE    VILLE    D'AHLES. 

Jean  Rochair  ou  Rochas\  maître  maçon  d'Avignon,  qualiBé 
quelquefois  architecte.  Quelle  dérision  1  c'était  ce  maître  qui  avait 
agrandi,  en  1G70,  le  chœur  de  la  métropole  d'Avignon  ^sous  la 
direction  de  Louis-François  de  Royers  de  la  Valfenière! 

Rochair  approuva  le  plan  proposé. 

Entre  temps,  il  paraît  que  de  la  Valfenière  avait  conservé  un 
chaud  défenseur  dans  la  personne  du  sieur  de  Someyre,  lequel, 
pour  la  forme,  fit  insérer  le  7  juin  dans  le  registre  une  série 
d'observations  curieuses  qui  nous  fournissent  des  détails  sur  l'édi- 
fice, primitivement  commencé  eii  1666,  puis  démoli. 

a  Advis  du  d.  Sieur  de  Someyre. 

«  Du  septième  jour  du  dict  mois  de  juin,  le  dit  sieur  de  Someyre 
«  a  dit  qu'il  est  d'advis  de  bastir  sur  les  fondemens  qui  ont  esté 
K  construits  suivant  le  dessin  du  d.  sieur  de  la  Valfenière  et  qui 
tt  avoit  esté  apreuvê  par  délibération  du  conseil  et  ensuite  eslever 
u.  d'environ  deux  cannes  sur  les  vieux  fondemens  et  il  est  en  estât 
«  de  faire  voir  que  ce  dessin  estoit  bon  et  bien  imaginé  et  qu'il  est 
i<  à  tous  cas  facille  de  réparer  le  trop  grand  nombre  de  fenestres 
«  condamnées  par  ceux  qui  ne  voudroient  pas  suivre  le  d.  dessin 
ti  et  quelques  avez  (?)  et  quelques  degrés  qui  estoient  au  porche  du 
«  plan  de  la  cour  (l'arrière-façade)  au  marché  soutenant  le  dit  sieur 
ti  de  Someyre  que  par  dessus  l'aprobaon  du  d.  conseil  il  n'est  point 
tt  de  personnes  entendues  qui  ne  cognoisse  que  la  plate  forme  dont 
tt  s'agit  estoit  bien  mesnagée  et  qu'il  se  treuvoitau  d.  dessin  toutes 
elles  commodités  nécessaires  aux  usages  pour  lesquels  la  d.  maison 
«  commune  est  bastie. 

»  Que  quand  il  seroit  ainsy  et  que  non  que  le  dessin  du  d.  sieur 
«  de  la  Valfenière  heust  des  deflaults  qui  dussent  obliger  M"  les 
"  consuls  de  ne  le  suivre  pas,  les  deffauts  pourtant  n'estant  pas  aux 
CI  fondements  ou  s'il  y  en  a  du  côté  du  marché  (la  place  de  la  Répu- 
tt  blique)  pour  n'estre  pas  tout  à  fait  à  lescaire  (équerre)  cela  pou- 
«  vant  estre  facillement  reparé  comme  il  l'avoit  offert  par  l'archi- 
o  tecte  et  leslevaon  (élévation)  qui  avoit  esté  faite  et  qu'il  paroit 
a  encore  et  il  rapelle  mesmes  par  un  rapport  faict  par  Bricharpaa- 
II  teur  commis  par  ordonnance  de  monsieur  le  lieutenant  le  septième 
«  septembre  1667  (passage  illisible)  il  peut  avoir  faict  de  nouveaux 

'  Un  Jean  Rochas  est  mort  à  Avignon  en  1752.  (L'abbé  Requin.) 


L'HOTEL    DE    VILLE    D  ARLES.  403 

«  dessins  ou  les  beautés  et  les  comodités  d'une  maison  telle  que 
"  celle  en  question  se  peuvent  rencontrer.  Il  insiste  pour  que  cest 
a  préféral)le  que  le  d.  bastiment  par  on  espargnera  bien  du  temps 
tt  et  bien  d'argent. 

tt  Et  en  ce  qui  concerne  le  dessein  qui  vient  d'être  esposé  (celui 
tt  de  Pilleporte  approuvé  par  J.  Rochair)  il  y  a  lieu  destonnemant 
"  que  celluy  du  d.  Sieur  de  la  Valfenière  soit  rejeclé  pour  suyvre 
"  celluy  la,  n'y  ayant  personne  tant  soit  peu  entendue  en  architec- 
«  ture  qu'il  n'y  remarque  une  infinité  des  deffauts  et  des  plus 
«  considérables  heu  esgard  a  la  plateforme  et  aux  usages  pour 
y.  lesquels  la  d.  maison  doibt  estre  bastie. 

«  Et  ces  deffauts  consistent  le  premier  a  ce  que  la  plateforme  du 
tt  d.  bastiment  n'estant  que  denviron  liuictante  a  nonante  cannes  il 
te  paroist  estrange  qu'on  employé  soixante  quatre  à  un  porche 
"  (vestibule)  et  que  par  la  il  soict  retranché  des  comodités  des 
K  membres  (salles)  bas  qui  sont  nécessaires  comme  il  est  sensible 
«  et  cogneu  sans  les  parlicularitez  outre  que  ce  grand  porche  est 
«  non  tant  seulement  superflu  puisque  la  dite  maison  aboutit  a 
«  deux  grandes  places  mais  que  ne  sera  indubitablement  qu'une 
«  halle  pour  la  retraite  des  paysans  dont  il  sera  impossible  de  les 
tt  tirer. 

tt  Le  second  que  le  degré  est  mal  plassé  de  la  mectre  du  costé 
"  de  la  place  du  marché  (de  la  République)  qui  est  un  aspect  qu'il 
«  falloit  conserver  pour  faire  des  logements  visants  au  dict  marché 
tt  du  costé  du  midi  qui  cest  un  simple  degré  d'une  maison  parti- 
«  culière  et  qui  na  non  seulement  rien  de  beau  (il  a  été  agrandi 
«  dans  les  plans  postérieurs)  mais  qui  est  irrégulier  vysant  a  trois 
tt  rampes  qui  ne  peuvent  estre  imposantes  qu'a  un  degré  a  lanterne 
tt  qui  a  par  la  diverses  beautés. 

tt  Le  troisième  deflaut  et  qu'il  est  la  suitte  du  second,  est  que  du 
tt  d.  degré  on  n'entre  pas  dans  la  grande  salle  mais  seulement  dans 
u  une  moindre  ce  qui  est  une  grande  irrégularité  (ce  défaut  a  été 
«  corrigé  dans  les  plans  postérieurs). 

«Le  quatriesme  consiste  en  ce  que  le  d.  degré  fait  perdre  la 
«  comodité  de  plasser  les  archives  au  lieu  ou  elles  estoient  desli- 
tt  nées  suyvant  le  dessein  du  S'  de  la  Valfeuière  et  de  tous  les 
•<  aultres  qui  ont  esté  proposés  quy  est  la  chambre  de  la  tour  de 
tt  l'horloge  a  costé  de  laquelle  et  sur  la  rue  de  sa  maison  du  prieur 


404  LIIOTEL    DE    VILLE    D'ARLES. 

«  du  Moliiis  il  y  avoit  une  chambre  qui  auroyt  este  des  dépen- 
t;  dances  des  dictes  .archives  et  celle  du  d.  horloge  peult  estre 
«  rendue  plus  claire  en  luy  faisant  une  croysée  convenable  est 
«  marquée  au  dessein  qu'il  est  proposé  ou  la  d.  chambre  est  destinée 
«  pour  une  chapelle  qui  est  la  chose  la  plus  inutille  pour  la  d. 
«  maison. 

«  Il  s'ensuit  de  la  présente  un  cinquiesme  défiant  que  les  d. 
«  archives  sont  mal  plassées  suivant  le  dessein  contre  la  muraille 
«  mitoyenne  avec  la  maison  du  roy  ny  ayant  pas  par  la  une  égalle 
a  asseurance  (sûreté)  et  on  peut  dire  que  cest  un  manquement 
a  insupportable  de  plasser  le  plus  précieux  d'une  communauté 
»  contre  une  muraille  mitoyenne  puisqu'elle  pourroit  estre  percée 
«  et  ouverte  et  d'ailleurs  que  les  archives  ne  seront  pas  à  défendre 
«  du  feu  dans  cet  endroit  comme  dans  la  d.  tour  où  les  murailles 
«  sont  du  moins  de  six  pans  despesseur  sans  voisinage  et  que  avec 
«  une  porte  de  fer  peuvent  estre  a  l'abri  et  a  couvert  de  toutes 
a  sortes  d'accidens  et  cest  mal  profiter  de  cette  rencontre  et  de  cette 
«  situation  que  de  les  transporter  ailleurs. 

te  Le  sixiesme  délfault  est  au  petit  escallier  touchant  la  situation 
«  dicelluy  puis  que  outre  qu'ils  gâteront  lordre  et  la  simetrie  des 
Cl  fenestres  du  costé  du  marché  il  faut  pour  y  aborder  par  le  bas 
«  passer  dans  la  chambre  du  concierge  et  au  second  estage  par  le 
«  cabinet  de  M"  les  consuls  ce  qui  est  une  grande  suiection  et  par 
tt  la  cest  escallier  est  irrégulier  et  mal  mesnagé. 

«  Dans  le  plan  cy  dessus  dont  sagist  ou  il  est  pris  une  partie  du 
«  marché  et  plus  du  costé  de  la  maison  du  roy  que  de  la  rue  de 
«  l'horologe  la  fassade  du  costé  du  d.  marché  présantera  mal  pour 
"  estre  plus  avancé  dans  la  dite  place  d'un  costé  que  de  l'autre. 

«  Il  n'y  a  nulle  nécessité  de  faire  les  lignes  du  dit  bastiment 
«  esgalles  celle  estant  impossible  du  bout  de  la  ligne  a  lautre  prin- 
«  cipallement  estant  basties  et  interrompues  par  diverses  murailles 
«  de  séparation  et  il  voudroyt  bien  mieux  conserver  la  régularité 
a  des  angles  que  légalité  parallèle  des  lignes. 

et  Et  par  ces  moyens  le  d.  S'  de  Someire  soustient  que  le  dessein 
«  déposé  n'est  pas  recevable  et  perciste  a  tout  cas  qu'on  ne  doibt 
a  pas  se  despartir  de  bastir  sur  les  fondemens  déjàfaicts.  « 

Signé  :  «  Someire.  » 


L'HOTEL    DE    VILLE    D'ARLES.  405 

Quel  était  ce  plan  de  la  Valfenière?  Il  n'a  pas  été  conservé. 
Toutefois  il  est  regrettable  que  l'avis  qu'on  vient  de  lire  n'ait  pas 
été  entendu,  puisque  partie  des  défauts  signalés  apparaissent  clai- 
rement dans  la  distribution  du  bâtiment  actuel.  IVous  n'aurions  pas, 
il  est  vrai,  ce  chef-d'œuvre  de  coupe  de  pierres  qui  constitue  la 
voûte  du  vestibule,  lequel  a  coûté  pas  mal  de  tracas  à  la  munici- 
palité d'Arles,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin. 

Il  est  exact,  d'autre  part,  que  nous  avons  vu  nous-même,  un 
jour  de  marché,  avec  la  pluie,  ce  vestibule  bondé  de  paysans.  Où 
est  le  mal?  M.  de  Someire  n'était  qu'un  aristocrate... 

Par  contre,  le  grand  escalier  n'est  ouvert  que  dans  les  occasions 
importantes  ;  c'est,  en  effet,  en  passant  par  la  loge  du  concierge,  ce 
à  quoi  on  ne  s'attend  guère,  que  l'on  parvient,  à  l'aide  d'un  tout 
petit  escalier,  aux  bureaux  de  la  mairie,  soit  deux  pièces  qu'il  faut 
encore  traverser  pour  arriver  jusque  dans  la  salle  magnifique  où 
reçoit  M.  le  maire. 

Vraisemblablement  les  distributions  intérieures  furent  le  résultat 
de  la  «  réparation  »  opérée  par  Pilleporte  sur  les  plans  de  Puget_, 
du  frère  Clément  de  concert  avec  Leotaud  et  de  Peitret,  pour  la 
partie  décorative,  sur  ceux  de  ce  dernier  et  de  Puget. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  consuls  engagèrent  les  travaux  sur  ces 
données  qui  avaient  été  du  reste  approuvées,  ainsi  que  nous  l'avons 
expliqué  plus  haut,  par  Rochair.  On  éprouvait  bien  encore  quel- 
ques doutes  sur  la  solidité  possible  de  la  voûte  à  construire  sur  le 
grand  vestibule;  mais  Rochair  soutint  que  le  plan  était  bien  fait. 

Les  consuls  se  décidèrent  alors  à  donner,  le  7  juin,  le  prix  fait 
à  Chai'les  Trotis  et  à  Claude  Roux,  entrepreneurs  d'Arles,  et  l'on 
posa,  le  10,  la  première  pierre  dans  les  fondements  contre  la  tour 
de  l'horloge  du  côté  de  la  rue  au  levant. 

Mais,  le  12,  de  grauds  personnages  arrivèrent  à  Arles  :  le  coad- 

juteur,  l'archevêque  et  Mansart et  il  se  produisit  un  nouveau 

coup  de  théâtre  au  sujet  duquel  nous  nous  permettrons  une  petite 
digression. 

Pendant  que  les  travaux  étaient  suspendus,  le  29  janvier  1669, 
Françoise-Marie  de  Sévigné  è^owsdM  François-Adhéinar  de  Mon- 
teil,  conitede  Grignan,  lieutenant  général  au  gouvernementde  Pro- 
vence en  l'absence  du  duc  de  Vendôme  qui  ne  s'y  rendit  presque 
jamais;  madame  de  Grignan,  qui  avait  alors  vingt  et  un  ans,  «  la 


406  LHOTEL    DE    VILLE    D'ARLES. 

plus  jolie  fille  de  France'  »,  en  prenant  «  non  pas  le  plus  joli 
garçon,  mais  un  des  plus  honnestes  hommes  du  royaume*  », 
espérait  qu'il  ne  s'éloignerait  pas  de  Paris  et  de  la  cour  où  l'on 
parlait  beaucoup  de  son  mérite  et  de  ses  qualités.  Même  M""  de 
Sévigné  avait  refusé  MM.  de  Caderousse  et  de  Mérinville, 
précisément  parce  que  leurs  terres  étaient  situées  en  Provence. 
Les  événements  changèrent  tous  ces  calculs  d'amour  et  de  ten- 
dance maternelle;  le  comte  de  Grignan,  au  contraire,  séjourna 
presque  constamment  en  Provence,  et  la  France  doit  se  féliciter 
de  cette  circonstance;  car,  si  la  fille  fût  restée  auprès  de  la 
mère,  peut-être  n'aurions  nous  pas  cette  correspondance  devenue 
célèbre. 

En  effet,  l'heure  de  la  séparation  ne  se  fit  pas  attendre;  le  comte 
partit  de  Paris  le  19  août  1670,  et,  en  février  1671,  Mme  de  Gri- 
gnan  dut  quitter  sa  mère  pour  se  rendre  à  Avignon,  Arles,  Aix, 
Marseille,  où  elle  fut  reçue  «  comme  une  reine,  et  haranguée  par 
tt  une  foule  de  notables,  qu'elle  écouta  sans  rire,  chose  éton- 
«  nante'  -^ .  En  même  temps  pleuvaient  les  cadeaux.  On  lit  dans 
les  registres  des  conseils  d'Arles  que,  le  16  juillet  1673,  le  comte 
de  Grignan,  sa  femme  et  madame  de  Sévigné  étant  arrivés  à  Aix, 
les  consuls  d'Arles  n'ont  pas  manqué  d'aller  les  saluer  et  de  leur 
offrir  vingt-quatre  boîtes  de  confitures. 

Toutefois,  n'anticipons  pas;  il  fallut  pourtant  se  reposer  quelque 
part,  et  le  comte  conduisit  son  épouse  au  château  de  Grignan,  ancien 
édifice  placé  sur  un  rocher  isolé,  construit  dans  la  première  moitié 
du  seizième  siècle  et  qui,  s'il  avait  Tort  bon  air,  ceci  dit  sans  plai- 
santerie, ne  se  trouva  pas  présenter  tout  le  confortable  qu'exi- 
geaient les  fêtes  que  les  Grignan  y  donnaient.  En  janvier  1672. 
Mme  de  Sévigné  s'y  rendait  à  son  tour  et  ne  le  quitta  que  le  5  oc- 
tobre 1673. 

Or,  qui  est-ce  qui  allait  restaurer  ce  château?  C'était  Jules- 
Hardouin  Mansart,  âgé  de  vingt-sept  ans  alors*,  dont  la  répu- 
tation grandissante  lui  avait  procuré   les  Grignan  pour   clients. 

'  Lettre  de  madame  de  Sévigné  du  18  août  1668. 
-  Ihid.,  4  décembre  1668. 
'  Ibid.,  du  4  mars  1671. 

*  V  oir  la  notice  que  nous  lui  avons  consacrée  dans  Lyon  artistique.  Architectes . 
Lyon,  Bernoux  et  Cumin,  1898  ^ 


1 


L'HOTEL    DE    VILLE    D'ARLES.  407 

Et  qui  est-ce  qui  allait  ouvrir  sa  bourse,  pour  ces  travaux,  au 
comte  de  Grignan  qui  s'endettait?  C'était  Jean-Baptiste  Âdhémar 
de  Monteil,  son  oncle,  coadjuteur  de  rarehevêché  d'Arles  de- 
puis 1667'. 

Ainsi  s'explique  la  présence  de  ces  personnages  en  Provence. 

Maintenant  nous  allons  passer  la  plume  aux 

Mémoires  de  Jean  de  Sabatier,  gentilhomme  d'Arles  *. 

"  Jetois  à  Tarascon  pour  des  affaires  particulières  et  j'y  rencon- 
<■<■  trai  M.  le  coadjuteur  qui  venoit  de  la  cour  et  qui  partait  de  là 
a  pour  aller  à  Aix.  Il  me  demanda  ce  qu'il  y  avoit  de  nouveau  et 
n  comme  je  lui  eus  appris  la  peine  où  nous  avions  été  pour  choisir 
«  un  dessin  pour  notre  Hôtel  de  ville,  il  me  dit  que  Mansart, 
"  fameux  architecte,  étoit  descendu  avec  lui  jusqu'à  Avignon,  qu'il 
«  étoit  allé  voir  le  pont  du  Gard  et  les  arènes  de  Xinies,  et  qu'il 
u  lui  écriroit  pour  nous  conseiller  sur  notre  bâtiment;  je  le  priai 
«  de  nous  accorder  cette  grâce. 

«  Quelques  jours  après,  Mansart  vint  à  Arles,  je  le  fis  savoir  au 
u  sieur  de  Grille,  alors  consul,  et  à  ses  collègues,  et  nous  fûmes 
u  tous  le  trouver  à  l'archevêché  où  il  logeoit.  Il  vit  le  plan  et  l'élé- 
«  vation  de  Peitret ;  il  fut,  avec  nous,  sur  le  lieu  du  bâtiment  et, 
«  après  avoir  loué  le  dessin  de  notre  architecte,  il  dit  qu'il  y  avoit 
«  quelque  chose  de  mieux  à  faire  si  on  souhaitait  qu'il  fit  un  projet 
"  de  sa  façon.  Les  consuls  le  prièrent  d'y  travailler  pourvu  qu'il 
"  jie  changeât  pas  les  fondemens  et  qu'il  ne  fallut  pas  abattre  la 
"  tour  de  l'horloge;  il  dit  que  cela  le  gênoit;  mais  qu'il  emploie- 
«  roit  tout  son  art  pour  nous  faire  un  dessin  qui  lui  fît  honneur 
^  et  qui  fût  propre  à  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  une  maison 
«  commune.  Il  fit  donc  celui  que  l'on  voit,  que  Peitret  fit  exécuter 
"  fidèlement  et  qu'il  a  même  enrichi  de  quelque  chose  de  son 
'i  imagination. 


'  C'est  lui  qui  a  fait  conslruire  l'archevèclié  d'Arles  attenant  à  l'église  Saiut- 
Tropliime,  où  il  fut  enseveli  ilans  la  chapelle  de  Saint-Genez  avec  son  oncle  Fran- 
çois, archevêque  d'Arles,  mort  le  9  mars  1689,  à  l'âge  de  quatre-vingt-six  ans, 
dont  il  fut  le  coadjuteur  pendant  vingt-deux  ans.  Il  est  mort  le  2  novembre  1697. 

-  Bibliothèque  d'Aix  en  Provence,  publiés  dans  Le  Musée.  Revue  arlesienne, 
3*  série,  p.  193-19'i.. 


408  L'HOTEL    DE    VILLE    DARLES. 

«  Maîisart  ne  fit  pas  l'escalier  comme  il  le  voulut  à  cause  des 
'i  fondemcns.  « 

On  voit  ainsi  comment  la  municipalité  ne  manqua  pas  d'aller  1 

consulter  un  huitième  architecte,  et  il  est  fort  heureux  que  cela  f 

ne  paraisse  pas  avoir  encore  motivé  un  nouveau  retard. 

Nous  allons  nous  arrêter  à  présent  assez  longuement  sur  cette 
période  de  Taffaire,  qui  est  la  plus  importante  pour  l'histoire  de 
Fart,  puisque  les  uns  disent  que  l'édifice  est  tout  de  Mansart, 
tandis  que  d'autres  croient  que  tout  l'honneur  revient  kPeitret. 
.  Nous,  nous  n'essayerons  pas  de  trancher  la  question  entre  les 
deux  parce  que  nous  savons  d'avance  que  cette  recherche,  qu'on 
persiste  à  faire,  envers  et  contre  tout  dans  des  circonstances  ana- 
logues, ne  saurait  donner  aucun  résultat  certain. 

Car  c'est  une  erreur  que  l'on  commet  constamment  de  nos  jours 
que  d'étudier  les  œuvres  anciennes  et  de  juger  les  artistes  qui  y 
ont  travaillé  selon  ce  qui  se  pratique  à  notre  époque  dans  les  tra- 
vaux de  bâtiment.  Il  n'y  a  aucune  analogie  possihle,  parce  que 
encore  au  dix-septième  siècle  les  administrations  et  les  particuliers 
se  préoccupaient  bien  plus  de  s'entourer  des  meilleurs  avis  de  tous 
ceux  qu'ils  consultaient,  que  de  leur  tresser  des  couronnes  pour 
leur  gloire  future  dans  les  biographies  en  n'admettant  aucun  par- 
tage. 

En  réalité,  les  œuvres  d'architecture  d'avant  le  dix-huitième 
siècle,  en  France,  ne  sont,  pour  le  plus  grand  nombre,  que 
le  résultat  d'efforts  collectifs,  ainsi  qu'on  le  constate  par  l'Hôtel  de 
ville  d'Arles,  et  il  s'en  trouve  fort  peu  d'individuelles. 

Pourquoi  donc  s'entêter  à  ne  vouloir  y  inscrire  qu'un  seul  nom, 
lorsque  la  plupart  de  ceux  qui  y  ont  coopéré  étaient  des  praticiens 
complets,  par  la  raison  bien  simple  que  dans  ces  temps  on  avait 
le  bon  sens  de  ne  pas  séparer  l'art  du  métier? 

Mansart  prit  quelques  jours  pour  examiner  les  divers  projets, 
après  lesquels  il  remit  un  plan  où  il  supprimait  les  piliers  des 
voûtes  du  vestibule,  son  opinion  étant  qu'il  pouvait  être  voûté  sur 
toute  sa  surface  sans  ces  piliers;  il  indiqua  aussi  que  le  grand 
escalier  ne  devait  aller  que  jusqu'au  premier  étage  et  détermina 
d'autres  détails. 

Enfin,  il  fit  exécuter  un  dessin  de  la  façade  sur  la  place  du 
Marché  par  la  main  de  Peitret,  et,  en  partant,  il  pria  les  consuls 


l'JantheXXIV.  I'-'!!''  ''OS 

UKSSI.V     l'OI   It     \.\    FACADi:    I)  K    I.IIOTH  I,    P  K    \ll.l.r,    I)  Alil.K  S 

SI  it    LA    l'LAcu    OU    l'i.  iv    iii:    1.1    <:in,u 

(Kig.  ''.) 


I 


L'HOTEL    OE    VILLE    D'ARLES.  409 

de  l'autoriser  à  l'emmener  avec  lui  jusqu'à  Béziers,  où  il  allait 
pour  le  bàliraenl  de  l'évêque,  aHn  de  pouvoir  lui  faire  dessiner, 
sous  sa  direction,  la  façade  du  côté  de  la  place  du  plan  de  la  cour 
(l'arrière-façade)  et  de  lui  donner  toutes  instructions,  modèles  et 
panneaux  pour  les  voûtes  du  bâtiment. 

Peilret  partit  à  Béziers  avec  Mansart,  le  7  juillet;  il  y  était 
encore  le  16. 

DeMansnrtjW  n'est  resté  à  l'Hôtel  de  ville  qu'un  dessin  (àO'",35. 
—  L.  0'°,24)  de  la  façade  postérieure;  en  haut,  on  lit  de  son 
écriture  : 

OrtlLOgi'aphie  du  costé  du  plan  de  la  cour  ou  autrement  la 
façade  que  iay  faict  pour  icelmj pour  l'Iiostel  de  ville  d'Arle. 

Signé  :_  Hardouim  Mansart  ' . 

Derrière,  cette  note  :  Ce  croquis,  vendu  à  la  ville  par  Michel 
Dugres,  n  est  pas  du  vrai  Mansart  Jules-Hardouin,  mais  de  son 
frère  Michel  Hardouin  Mansart,  comme  lui  ingénieur  et  archi- 
tecte du  roi.  La  preuve  se  trouve  au  registre  I.  CC.  691,  titre  125 
à  255.  13°  armoire.  2'  rayon.  Archives  communales. 

Réellement,  ce  dessin  est,  ainsi  qu'on  vient  de  le  voir,  de  la 
main  de  Peitret  sous  la  direction  de  Jules -Hardouin  Mansart; 
mais  c'est  son  frère  Michel  qui  l'a  signé  en  même  temps  qu'il 
touchait  pour  lui  les  500  livres. 

Dans  ce  dessin,  les  fenêtres  du  premier  étage  sont  différentes  de 
celles  exécutées;  elles  offrent  une  arcade  dans  le  genre  de  celles  du 
rez-de-chaussée  dans  laquelle  s'inscrit  le  quadrilatère  de  la  fenêtre; 
cette  disposition  a  été  maintenue  à  peu  près  pour  la  fenêtre  cen- 
trale sur  la  place  de  la  République  (6g.  9). 

Il  fut  alloué  cinq  cents  livres  à  Mansart  pour  son  travail,  les- 
quelles furent  comptées  à  son  frère  Michel  (fig.  6)  au  vu  de  la  pro- 
curation suivante  : 

"  Procuration  donnée  par  Messire  Julle-Ardoin  Manssat,  con- 
tt  seiller  du  Roy,  ingénieur  etarchitectedes  bàtimens  de  Sa  Majesté, 
«  à  Messire  Michel-Ardoin  Alausat,  conseiller  du  Roy,  ingénieur 
tt  et  architecte  des  bastimens  de  Sa  Mijesté,  son  frère,  par  devant 

'  Voir  ci-dessus,  planche  XXIV. 


410 


LHOTEL    DE    VILLE    DARLES, 


"  le  notaire  royal  Louis,  dans  le  palais  épiscopal  de  Sainl-Pons  de 
«  Thomières  pour  recevoir  en  son  nom  des  consuls  d'Arles  la 
K  somme  de  cinq  cens  livres,  pour  un  dessin  qu'il  faict,  etc.,  etc. 
it  (5  août  1673),  n 

Signe  : 


^^^azW^ouin  ^k^jM/jtJdyL 


FiG.  5. 


Registre  I  CC  691,  n'  liià. 

Voici  la  signature  de  Michel:  Arles,  7  août  1673  '. 


FiG.  6. 


La  Valfenière  n'avait  touché  que  295  livres,  et  Puget  210; 
mais  ils  n'étaient  pas  présentés  par  un  si  grand  et  si  haut  person- 
nage que  le  coadjuteur. 

Jules-Hardouin  Mansart  simplifia  depuis  sa  signature  et  ne 
signa  plus  que  Mansart  tout  court,  ainsi  qu'il  résulte  de  celle 

'  Jacques  V  Gabriel  acheta  de  sa  veuve,  le  11  juillet  1687,  sa  charge  de  con- 
trôleur général  alternatif  des  Bâtiments  du  Roi.  (Unie  G.  Uespierres,  t.  XIX  des 
Comptes  rendus  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements,  p.  493.)      .  * 


i 


L'HOTEL    DE    VILLE    DAHLES. 


411 


apposée  sur  une  convention  du  21  février  1702,  faite  pour  des  prix 
de  bois  de  charpente  à  fournir  à  V  ersailles  '. 


FiG.   7. 


Pendant  ce  temps,  Pillejjorte  conduisait  les  travaux  avec  le  con- 
trôle de  Chambarran,  bourgeois,  qui  avait  été  délégué  par  le  con- 
seil dans  ce  but,  et  qui  fut  chargé  de  le  régler  le  5  juillet  1673. 


Ù^l/Uy2Ûp^ 


FiG.    8. 


Nous  venons  de  voir  comment  fut  désintéressé  Mansart;  Rochait 
d'Avignon  n'avait  reçu  le  18  juin  que  72  livres. 

tt  La  somme  de  72  livres  au  sieur  Jean  Rochaet  11'  architecte 
^  d'Avignon  pour  le  voyage  et  séjour  par  luy  fait  pour  décider  cer- 
«  laines  difficultés  proposées  contre  le  plan  fait  par  Dominique 
"  Pilleporle,  M'  architecte  de  cette  ville,  pour  le  bastiment  de 
«  THùtel  de  Ville,  lesquelles  difficultés  il  nous  a  résolues  et  décla- 
«  lées  par  le  certificat  du  3  de  ce  mois,  le  dit  plan  est  bien  et 
«  deuement  faict.  » 

Peiiî'et,  outre  les  sommes  qu'il  avait  reçues  auparavant,  fut  payé 
comme  il  suit,  le  15  novembre  1673  -. 

«  Mandat  de  224  livres  à  Jacques  Peitret,  peintre  et  architecte  de 
«  cette  ville,  pour  les  soins  et  vacations  par  lui  employés  à  la  con- 
tt  duite  des  dessins  dressés  par  M.  de  Mansart  pour  la  bâtisse  de 


'  Archives  nationales,  Correspondance ,  carton  i0201. 
==  Registre  I  (X  (i91,  n»  225. 


LHOTEL    DE    VILLE    D  AULES-  413 

a  l'Hôtel  de  Ville,  voyage  par  lui  faict  à  Béziers  où  éloit  le  â\lMan- 
«  sort  pour  prendre  de  luy  les  instructions  et  divers  avis  pour  ledit 
u  dessin  d'élévation  par  luy  faites  de  la  façade  du  côté  du  marché 
"  et  icelhiy  du  plan  de  la  cour  et  autrement  pour  tout  ce  qu'il  a 
«  fait  pour  la  d.  bâtisse  depuis  le  mois  de  may  dernier,  jusqu'à 
ft  présent,  » 


•2Wk^ 


Fkj.    10. 


Le  dernier  décembre  on  accorda  60  livres  à  Antoine  dit  La 
Rivière,  M°  maçon  d'Aix,  pour  uh  modèle  des  voûtes  du  porche  ou 
vestibule  ;  car  il  est  de  toute  évidence  que  si  Peitret,  artiste  peintre 
de  son  métier,  pouvait  être  compétent  pour  la  décoration,  il  ne 
l'était  pas  pour  la  coupe  des  pierres. 

On  rapportait,  au  conseil  du  18  mars  1674?,  que  les  travaux 
avaient  marché;  on  avait  élevé  jusqu'à  la  corniche  du  premier  ordre 
il  rustique  >:  ;  toutefois,  certains  travaux  n'avaient  pas  été  réglés 
aux  entrepreneurs,  on  leur  donna  un  acompte  et  on  nomma  des 
experts  pour  estimer  le  travail  exécuté.  * 

Cependant,  la  voûte  du  vestibule  ne  cessait  de  donner  de  l'em- 
barras; on  appela  à  Arles  Jean  Valliê,  dit  Bonaventure,  maçon  et 
architecte  à  Marseille,  à  ce  qu'il  paraît  désigné  par  Mansart  pour 
les  modèles  et  panneaux,  et  on  lui  paya  42  livres  pour  ce  travail 
ainsi  que  pour  une  loge  en  bois  qu'il  avait  faite  sur  la  place  du 
Marché  afin  que  les  ouvriers  de  l'Hôtel  de  ville  puissent  s'y  réfu- 
gier en  cas  de  mauvais  temps. 

Le  même  jour,  on  donna  le  prix  fait  des  ferrements,  etle  18  juillet 
celui  de  la  charpente  d'après  les  dessins  de  Peitret,  qui  de  peintre 
était  passé  définitivement  l'architecte. 

Un  discussion  s'éleva  le  12  août  entre  lui  et  les  entrepreneurs 
maçons,  au  sujet  du  mur  de  refend,  séparant  la  salle  du  salon  qu'il 
voulait  qu'on  bâtît  et  qu'ils  ne  voulaient  pas  élever  encore  ;  le  con- 
seil donna  gain  de  cause  aux  entrepreneurs.  Mais  ceux-ci,  livrés 
ainsi  à  des  directeurs  de  travaux  sinon  incompétents,  du  moins 
tiraillés  par  toutes  sortes  d'avis,  se  trouvaient  en  présence  d'un 


il4  LHOTEL    DE    VILLE    DARLES. 

autre  ennui;  c'était  le  moment  de  construire  la  voûte  du  vestibule. 
Ils  avaient  bien  les  modèles  d'Antoine  dit  La  Rivière  et  de  Jean 
l/allié,  dit  Bonaventure ;  Mansart  en  avait,  paraît-il,  commandé 
un  autre  à  Paris  ;  mais  il  ne  venait  pas  ! 

Les  travaux  allaient  être  arrêtés  ;  on  écrivit  en  conséquence  à 
l'éditeur  de  Mansart,  le  coadjuteur,  lequel  répondit  de  Paris,  le 
dernier  août  : 

ti  Messieurs,  je  ne  puis  qu'approuver  la  résolution  que  vous  avez 
"  prise  de  faire  travailler  à  la  voûte  de  vostre  Hostel  de  ville  sans 
«  attendre  le  modelle  que  M.  Mansard  avoyt  promis  de  vous  en- 
nvoyer;  les  ouvriers  qu'il  y  a  fait  travailler  sy  sont  appliqués 
«  avec  tant  de  négligence  que  leur  longueur  est  capable  de  lasser 
'lia  plus  grande  passience;  je  vous  avoue  que  jestoys  desja  au 
«  bout  de  la  mienne  et  que  jay  este  fort  aize  que  vous  ayez  pris 
a  parti  de  n'attendre  plus.  Jay  vu  le  dessein  que  S'  Peytré  vous 
«  avoye  dressé  à  Arles  etcelluy  qu'on  avoit  commencé  icy  et  il  me 
«  semble  qu'il  y  a  beaucoup  de  conformité  et  que  vous  pourriez 
«  en  sûreté  faire  exécuter  le  premier.  Jay  bien  du  regret,  Mes- 
a  sieurs,  de  n'avoir  pas  pu  vousprocurerer  la  satisfaction  que  vous 
«  avez  désirée  de  mes  soins  dans  cette  affaire,  etc.  »  Ceci  était 
expliqué  le  16  septembre. 

Il  fallait  donc  s'e  résigner  à  se  passer  de  ce  modèle  !  On  ouvrit  les 
avis,  et,  comme  toujours,  le  conseil  s'en  remit  à  la  prudence  des 
consuls.  Cependant,  le  3  novembre,  on  annonça  enfin  qu'on  avait 
reçu  de  Paris  le  fameux  modèle;  toutefois  sur  l'insistance  de  Pei- 
tret  on  avait  commencé  la  voûte  qui  porte  le  mur  de  refend  de  la 
grande  salle.  Voici  ce  qui  fut  alors  résolu  : 

«  Considérant  que  le  premier  dessain  de  voultes  queMonsMan- 
«  sard  avoyt  remis  au  S'  Peytret,  estoyt  le  plus  beau  et  le  meilleur, 
«  d'aultant  qu'il  déchargoyt  davantage  la  muraille,  du  costé  du 
«  plan  de  la  cour  outre  qu'ils  sont  tous  demeurés  daccord  que  pour 
tt  exécuter  ce  nouveau  dessein  il  falloit  surbaisser  l'arc  qui  doiybt 
a  porter  la  d.  muraille  de  reffend  et  ce  faisant  desmolir  les  tas  de 
«  charge  qui  sont  faits  et  qui  vont  sous  les  voûtes  ce  qui  nuyroit 
tt  extrêmement  à  l'ouvrage,  de  sorte  que  tous  ces  messieurs...  ont, 
«  d'une  commune  voyx  conclu  et  attesté  qu'il  falloyt  continuer  le 
a  premier  dessein  de  M.  Mansard,  » 

La  seule  dififérence,  paraît-il,  entre  celui-ci  et  le  dernier  modèle 


LHOTEL    DE    VILLE    DARLES. 


i\- 


envoyé  était  que  la  voûte  du  côté  de  la  place  de  la  République 
eût  été  un  peu  plus  basse  que  la  grande  du  côté  de  la  façade  pos- 
térieure. 


Fir..    11. 

A.  Porte  du  colé  de  la  place  de  U  Républiqne.  —  B.  Porte  do  coté  de  la  place  da  plan  de  la  cour.  — 
C.  Entrée  du  grand  escalier.  —  U.  Tour  de  l'Horloge.  —  E.  Concierge  et  entrée  de  l'escalier  des  boreaui 
de  la  mairie. 


On  paya  225  livres  au  coadjuteur  qui  avait  avancé  l'argent 
pour  payer  ce  modèle. 

Lorsqu'on  examine  ce  vestibule,  on  se  demande  pourquoi  il  y 
a  un  avancement  des  deux  côtés  au  midi  et  que  la  voûte  y  est 
moins  large.  Cela  a  été  exigé  pour  porter  les  murs  de  refend  sépa- 


416 


LHOTEL    DE    VILLE    DARLES. 


rant  les  salles  au-dessus  et  renforcer  ainsi  la  grande  voûte.  Toutes 
ces  tergivcrsatious  nous  ont  valu  un  chef-d'œuvre  de  coupe  de 
pierres  que,  par  tradition,  visitent,  en  même  temps  que  la  vis  de 
Saint-Gilles,  tous  les  compagnons  tailleurs  de  pierre  faisant  leur 
tour  de  France. 

La  sculpture  des  chapiteaux  et  modillons  des  façades  fut  exécutée 
par  Jean  Lapierre,  Jean-Baptiste  Mamaille  et  Jean  Aîidrieu, 
sculpteurs.  Celle  des  armoiries  du  Roi  et  des  trophées  par  Jean  de 
Dieu. 


p^Qc. 


FiG.   12. 


(16  septembre  1673.) 


Ce  sculpteur  exécuta  également  une  statue  équestre  de  Louis  XIV, 
placée  en  1675  dans  la  niche  du  vestibule  en  face  du  grand  escalier 
(laquelle  fut  brisée  pendant  la  Révolution),  ainsi  queles  deux  lions 
qui  se  trouvent  à  l'entrée  de  cet  escalier.  Il  paraît  qu'il  accompagna 
à  Paris  la  statue  antique  de  la  Vénus,  qu'on  crut  longtemps  être 
une  Diane,  trouvée  le  5  juin  1651  par  le  bénéficier  Naufari  Brun 
au  pied  des  deux  colonnes  du  théâtre  romain,  qui  lui  fut  payée 
61  livres  par  la  municipalité  et  qui  fut  offerte  à  Louis  XIV,  par 
délibération  du  conseil  du  17  novembre  1683.  Ce  fut  M.  de  Grille, 
premier  consul,  qui  fut  député  au  Roi  pour  la  lui  offrir,  et  il  rendit 
compte  de  sa  mission  le  23  janvier  1684.  Il  avait  été  naturellement 
fort  bien  reçu,  et  on  lui  avait  donné  une  chaîne  d'or  avec  une 
médaille  de  la  valeur  de  plus  de  2,000  livres.  Le  Roi  le  remercia 
en  ces  termes  : 

«  Monsieur,  vous  pouvez  assurer  MM.  d'Arles  que  j'ay  esté  bien 
«touché  de  la  joye  et  de  l'empressement  qu'ils  ont  témoigné  pour 
«  me  faire  plaisir  en  me  donnant  leur  statue.  Vous  pouvez  leur 
Il  dire  de  ma  part  que  je  leur  en  sais  un  bon  gré  et  que  je  leur 
ti  feray  tous  ceux  que  je  pourray  dans  toutes  les  occasions  qui  se 
«  présenteront.  » 


I.  HOTEL    DE    VILLE    DARLES.  An 

C'est  au  coadjiiteiir  que  la  ville  d'Arles  doit  de  s'être  dépouillée 
de  cette  statue,  car  c'est  lui  (|ui  eu  avait  parlé  au  Koi  et  (jui  avait 
provoqué  la  délibération  du  17  novembre  1()83.  De  cette  manière, 
le  coadjuteur  put  faire  sa  cour;  de  Grille  reçut  un  cadeau 
vraiment  royal,  et  la  ville  d'Arles...  rion  du  tout. 

On  sait  (|u'en  creusant  le  sol  pour  établir  une  citerne,  on  ren- 
contra d'abord  la  tète;  puis,  les  consuls  ayant  fait  travailler  tout 
autour,  on  découvrit  bientôt  le  corps  et  les  pieds.  Il  n'y  eut  que 
les  bras  qu'on  ne  put  retrouver  ;  ils  furent  restaurés  par  Girardon ; 
toutefois  il  existe  une  estampe  signée  :  Jean-Michel  Ogier.  Lugd. 
sculp.,  où  elle  est  représentée  sans  eux'.  Un  moulage,  en  fort 
mauvais  état,  est  placé  sur  le  premier  palier  du  grand  escalier  de 
l'Hôtel  de  ville. 

Deux  inscriptions  furent  placées  dans  l'intérieur  du  vestibule, 
rappelant  le  commencement  et  la  lin  des  travaux,  l'une  de  1G73, 
avec  les  noms  de  Jacques  de  Grille-,  Jean  Autranj  Gaspard 
Brunet  et  Jean-Baptiste  Jehan,  consuls,  et  l'autre  de  1684,  avec 
ceux  de  Jean-Baptiste  de  Forhin,  André  Pazin,  Elzéar  Vachier 
q\  André -Bar  ihékmij  Laneau  ;  celte  dernière  n'existe  plus. 

Le  22  mais  1670,  on  accorda  à  Peitret  une  indemnité  "  pour 
«  avoir  conduit  la  bâtisse  de  l'Hôtel  de  ville  avec  beaucoup  de  soin 
Cl  et  d'industrie,  et  pour  s'être  appli(|ué  aussi  à  enlever  l'obélisque 
tt  du  jardin  où  il  était,  et  le  faire  transporter,  etc.,  etc.  y> 

En  effet,  Peitret  s'employa  à  l'opération  de  l'érigement,  sur  la 
place  principale  devant  l'Hôtel  de  ville,  d'un  obélisque,  provenant 
probablement  de  la  spina  du  cirque  romain,  et  dont  il  dessina  le 
piédestal  (fig.  9).  Il  fut  élevé  en  une  demi-beure,  le  20  mars 
1676,  par  Claude  Pagnon,  marcband  de  la  ville  de  Martigues, 
aidé  A' Antoine  Barthélemg,  maître  d'aches  ou  d'argués  (c'est-à- 
dire  de  cabestans)  de  Marseille,  par  suite  d'un  marcbé,  ratifié  le 
15  janvier,  d'une  somme  de  3,700  livres  à  forfait. 


'  Bibliollièque  nationale.  Estampes.  Topograpliie  de  la  France.  Arles  (Douches- 
(lu-Rliône). 

*  Jacques  l"  de  Grille,  seigneur  de  Robins  et  d'Estoubleau,  déjà  nommé  par 
Jean  de  Sabatier,  fut  londateur,  en  1622,  de  la  Société,  dite  du  Bel  Ivsprit,  qui 
devint  IWcadémie  des  Bouts-rimés  et  prit  le  litre  d'.Académie  royale  par  ordon- 
nance royale  de  1666,  mais  qui  dura  peu  {Académie  d'Arles  au  xiu^  siècle,  par 
l'aljbé  A.-i.  Baxce). 


418  LK    SCIJM'TEUK    IM[ii:  HT    BOACIIOM 

11  existe  six  ou  sept  estampes  '  de  cet  obélisque,  dont  une 
grande,  en  perspective,  de  1676  :  De  Poilhj-  Sculp.  Cura  Jac. 
Peitret  arelat.  arch.  Il  repose  sur  quatre  petits  lions,  poses  sur 
un  piédestal  très  simple,  entouré  d'une  barrière  formée  de  bornes 
reliées  entre  elles  par  des  barres  de  fer. 

Les  inscriptions  des  quatre  faces,  qui  ne  sont  pas  lisibles  sur  le 
monument,  se  trouvent  au-dessous  en  légende. 

Une  des  estampes  plus  petites  a  été  gravée  par  Jean  Alivon.  l  ne 
somme  de  700  livres  fut  payée  à  un  sieur  Rouhin,  le  2  janvier 
1678,  pour  celles  présentées  au  Roi. 

E.-L.-G.  Charvet, 

Membre  non  résidant  du  Comité  des  Socié- 
tés des  Beaux-Arts  des  départemenls, 
à  Lyon. 


XXIV 

LE  SCLLPTELK  IMBERT  BOACHON 


Il  ne  reste  presque  plus  rien  des  monuments  que  la  Renais- 
sance avait  édiflés  dans  notre  région  avignonnaise.  L'église  de 
l'Observance,  à  peu  près  complètement  décorée  à  cette  époque,  a 
été  détruite  de  fond  en  comble,  si  bien  que  peu  de  nos  compa- 
triotes pourraient  en  indiquer  l'emplacement  ;  les  châteaux  de  la 
Tour-d'Aigues  et  duBarroux,  qui  auraient  pu  soutenir  la  compa- 
raison avec  les  châteaux  des  bords  de  la  Loire,  sont  aujourd'hui  en 
ruine.  Aussi,  pour  apprécier  dans  notre  pays  d'Avignon  cet  art, 
qui  a  produit  en  France  des  merveilles,  en  sommes-nous  réduits 
à  étudier  quelques  œuvres,  modestes  au  moins  par  leurs  propor- 

1  Bibliotlièque  nationale.  Estampes.  Topographie  de  la  France  (Bouclies-du- 
Rhône). 

^  Probablement  François,  car  ils  étaient  trois  frères. 


i 


I.E    SCri.PTKlU    IMBERT    BOACHOX".  il? 

tioiis.  C'est  oc  (jiii  nous  amène  à  vous  parler  d'un  sculpteur, 
Inihert  Hoaclion,  dont  le  nom  n"a  jamais  été  cité,  et  qui  a 
cependant  laissé  dans  notre  ville  quelques  travaux  remarquables, 
dont  deux  subsistent  encore  actuellement. 

Imbert  Boacbon  —  (juelquefois  appelé  Boclion  ou  Bluncbon  — 
était  originaire  du  diocèse  de  Màcon  ;  divers  actes  en  font  foi. 
D'où  venait-il,  quand  il  airiva  dans  Avignon?  Nous  ne  saurions  le 
dire;  mais  il  est  certain  qu'il  avait  liabité  quelque  temps  Alais, 
puisqu'il  s'y  maria  avec  Jeanne  Fabrègue.  De  ce  mariage  naquit 
un  fils  nommé  Dominique  qui  devint  sculpteur  comme  son  père  et 
travailla  avec  lui  ;  d'après  une  quittance  de  l'année  1527,  nous 
voyons  (jue  Dominique  était,  à  cette  époque,  âgé  de  seize  ans,  ce 
qui  nous  permet  d'affirmer  que  le  mariage  de  Boachon  n'eut  pas 
lieu  plus  tard  que  1510.  Boachon  possédait  même  une  maison  k 
Alais,  soit  qu'il  l'eût  achetée  pendant  son  séjour  dans  cette  ville, 
soit  qu'elle  fît  partie  delà  dot  de  sa  femme.  Le  11  septembre  1527  ', 
il  donne  à  maître  Barthélémy  Berton,  son  serviteur,  une  pro- 
curation qui  permet  à  celui-ci  de  vendre  cette  maison  "  à  qui 
bon  lui  semblera  et  au  prix  qu'il  voudra,  pourvu  toutefois  qu'il 
s'entende  au  préalable  avec  Jacques  Fabrègue,  prêtre,  prieur  de 
Saint-Lazare  et  beau-frère  du  sculpteur.  On  pourrait  peut-être 
aussi  prétendre  qu'il  avait  séjourné  au  Pont-Saint-Esprit  ;  en  effet, 
dans  une  autre  procuration,  il  charge  le  même  Berton  de  recouvrer 
la  somme  de  trois  écus  d'or  sol,  moins  cinq  sous,  due  par  André 
Lombard,  prêtre  du  Pont-Saint-Esprit'.  Xous  avons  vainement 
cherché  à  quelles  œuvres  Boachon  avait  pu  occuper  son  ciseau, 
soit  à  Alais,  soit  au  Pont-Saint-Esprit.  Xotons  encore  en  passant 
que  Berton  était  chargé  également  dans  la  dernière  procuration  de 
recouvrer  une  croix  de  pierre  à  sept  personnages,  laquelle  devait 
être  en  souffrance  au  péage  de  Grignan  *,  ou  bien  d'en  réclamer  le 
prix,  si  la  croix  avait  été  vendue. 

Nous  donnons  toutes  ces  indications  pour  faciliter  les  recherches 


'  Archives  départementales.  Fonds  Pons,  n'  1067,  f^  58. 

^  Cette  maison  était  sise  devant  le  cimetière  de  l'église  paroissiale  de  Saint- 
Jean. 

^  Notes  brèves  de  Georges  Savourey,  1525,  f"  108.  —  Étude  deM^de  Beaiilicu. 
notaire  à  .Avignon. 

■*  Chef-lieu  de  canton  de  la  Drôme,  dans  l'arrondissement  de  Moatélimar, 


420  I.K    SCUI.I'TEIU    lAinKIlT    lî  0  A  C  K  O  \' . 

futures  sur  notre  arlislo,  et  nous  passons  aux  travaux  qu'il  exécuta 
dans  Aii;|non. 

Il  était  étal)li  dans  la  ville  des  papes  nous  ne  savons  depuis 
quelle  époque  ;  mais,  le  29  octobre  1524,  il  promit  au  manijic  et 
^pectable  mesire  Pcrinet  Parpalha,  docteur  en  chacun  droyt  et 
chevalier,  de  lui  édifier  et  sculpter  le  retable  de  le  autier  et  en 
entrée  de  sa  sacristie  de  sa  chapelle  située  en  l'église  de  Saint- 
Pierrc-de-Arignon  '.  Le  contrat  nous  renvoie,  comme  toujours  eu 
pareil  cas,  à  un  portrait  —  plan  et  dessin  —  signé  des  parties, 
alors  annexé  à  l'acte,  mais  aujourd'hui  perdu,  qui  éclaircirait 
d'une  façon  singulière  les  clauses  un  peu  confuses  du  prix  fait. 
Cependant  ou  peut  conclure  avec  certitude  qu'il  s'agit  ici,  non  d'un 
simple  lahcrnacle,  mais  d'un  autel  et  de  son  retable.  L'acte  notarié 
ne  spécifie  rien  sur  l'autel  proprement  dit,  sinon  qu'il  ne  sera  pas 
construit  eu  pierre  de  l'ernes  ou  de  V'elleron  comme  le  reste  du 
monument.  Le  contrat  exige  que  l'artiste  représente  au-dessus  de 
l'autel  la  Cèîie  de  Notre-Seigneur,  et  plus  haut  trois  statues  :  la 
sainte  Vierge  tenant  l'enfant  Jésus  dans  ses  bras,  saint  Sébastien  et 
saint  Roch,  avec  les  ornements  qui  les  accompagnent,  c'est-à-dire 
les  niches,  les  pilastres,  etc.  ^  En  outre,  Boachon  devait  sculpter 
l'entrée  de  la  sacristie  particulière  de  cette  chapelle  et  faire  une 
armoire  aussi  grande  que  possible  dans  l'autel,  armoire  qui  devait 
s'ouvrir  du  côté  de  la  sacristie.  Tout  ce  travail  devait  être  terminé 
et  posé  à  la  fête  de  Xoël  de  l'année  suivante,  moyennant  la  somme 
de  40  écus  d'or  sol,  de  deux  tonneaux  de  vin  à  la  mesure  d'Avi- 
gnon et  de  deux  petites  charges  de  blé  à  la  mesure  du  Conitat. 

L'autel  était  à  peu  près  à  la  même  place  qu'il  occupe  aujour- 
d'hui, c'est-à-dire  contre  la  paroi  orientale  de  la  chapelle,  dans 
le  même  sens  que  le  maître-autel  et  la  sacristie,  assez  exiguë, 
devait  se  trouver  dans  le  passage  qui  donne  actuellement  accès  à 
la  petite  porte  du  nord,  du  côté  de  l'ancien  cloître.  Plusieurs  fois 
changé  de  place,  le  relal)le  a  perdu  sa  destination  première,  parce 
qu'on  le  prenait  pour  un  tombeau  —  nous  dirons  plus  bas  pour 
quel  motif;  - —  l'autel  et  la  porte  de  la  sacristie  ont  disparu  ;  à  la 
place  de  l'autel,  on  a  mis  une  base  carrée,  lourde  et  disgracieuse, 


•  Archives  déparlemeulales  de  Vauchise.  I<'ouds  Pons,  n"  557,  f"  141. 
-  Voir,  ci-contre,  plauclic  X\V. 


I.  K     It  i:  r  \  I!  i.  K     I)  K     I'  K  U  I  \  H  l-     I'  \  H  IM  I  I,  l,  K 

PU!      I  WD  EUT     l)(J»i:il<l\ 
(.hi!ji.<in.) 


LE    SCULPTEl   It    niBEUT    ItO  A  f:  11  0  \.  421 

en  moellons  blancs,  sur  laquelle  repose  directement  la  CènCy  qui 
servait  de  «jradin  à  l'autel. 

Sculptée  en  demi-relief,  la  Cène  mesure  2", 22  de  lar<[0  sur 
O^.Si  de  haut.  Au  centre,  Xotre-Seigneur ;  autour  de  lui,  assis 
auprès  de  la  table,  rangés  par  «jronpes  de  deux  ou  trois,  les 
apôtres  s'interrogent  du  regard  et  semblent  se  dire  :  «  Quel  est  le 
traître?  >•  Saint  Jean,  à  C(Mé  du  Sauveur,  a  la  tète  appuyée  sur  la 
table,  et,  tout  à  fait  au  bord  à  droite,  Judas  tient  sa  bourse  dans 
sa  main  dissimulée  sous  la  table,  et  d'un  air  sceptique  pose  au 
Maître  la  même  question.  Plus  haut,  trois  niches,  séparées  par 
des  pilastres  Renaissance  ornés  de  fines  arabesques,  se  terminent 
en  coquilles;  elles  sont  surmontées  par  une  architrave  couverte 
d'arabesques  au  milieu  desquelles  on  voit  le  lion  armé  de  Par- 
paille  '.  Au-dessus,  dans  de  riches  frontons  à  arc  surbaissé,  on 
voit,  au  centre,  Dieu  le  Père  (à  mi-corps)  bénissant,  et,  de  chaque 
côté,  un  ange  tenant  des  phylactères.  A  la  place  des  statues  de  la 
sainte  Vierge,  de  saint  Sébastien  et  de  saint  Roch,  disparues  au 
moins  depuis  la  Révolution,  on  a  mis,  de  nos  jours,  les  statues 
du  Sacré-Cœur,  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul,  de  la  même 
valeur  artistique  que  celles  que  l'on  voit  à  chaque  pas,  dans 
Paris,  à  la  devanture  des  magasins  des  environs  de  l'église  Saint- 
Sulpice. 

Le  retable  a  longtemps  passé  pour  le  tombeau  de  Périnet 
Parpaille  ',  61s  du  précédent,  qui  portait  le  même  prénom  que 
son  père  et  comme  lui  avait  été  primicier  de  l'Université.  Il  aban- 
donna la  religion  catholique  pour  un  froissement  d'amour-propre, 
souleva  la  ville  d'Orange  dont  il  présidait  le  tribunal,  s'empara 
des  vases  sacrés  et  fut  pris  à  Bourg-Saint-Andéol  au  moment  où  il 
accompagnait  ceux  qui  allaient  les  vendre  à  Lyon.  Il  fut  ensuite 
jugé,  condamné  et  mis  à  mort  dans  l'une  des  cours  du  Palais  des 
Papes.  Comme  il  avait,  avant  sa  mort,  donné  des  signes  de 
repentir  et  qu'il  était  revenu  à  la  foi  de  ses  pères,  il  fut  enseveli 
dans  le  tombeau  de  sa  famille,  situé  dans  la  chapelle  oîi  se 
trouvait  le  retable,  d'où  l'on  avait  conclu,  dans  la  suite,  que  ce 
retable  était  le  tombeau  même  des  Parpaille.  Il  s'ensuivit  toute 

'  Le  blason  des  Parpaillo  porte  d'argent  an  lion  de  gueules  armé. 
-  C'est  de  sou  nom  qu'est  venue  l'épithèfe  de  l'arpaillots,  donnée  aux  protes- 
tants en  signe  de  mépris. 


422  LE    SCULPTEUR    IMBEUT    BOACHOX. 

une  légende  :  on  raconlait  que  les  héritiers  de  Pèrinet,  demeurés 
fervenls  catholiques,  avaient  fait  sculpter  la  Cène  sur  ce  tombeau 
aGu  de  protester  tontre  la  négation  du  dogme  de  la  présence 
réelle,  négation  qui  constitue  l'un  des  articles  principaux  de  la 
croyance  des  réformés. 

L'histoire  est  en  contradiction  formelle  avec  la  légende.  Il  est 
certain  d'abord  que  la  Cène  n'a  pas  été  sculptée  dans  ce  but, 
puisqu'elle  fut  commandée  avec  le  retable  en  1524  et  que  Pèri- 
net Parpaille  61s  eut  la  tête  tranchée  le' 9  septembre  1562.  En 
outre,  le  retable  était  distinct  du  tombeau.  Pour  établir  ce  point, 
nous  n'avons  qu'à  citer  la  description  de  ce  monument  par  le  cha- 
noine de  Véras,  qui  dépeint  ce  qu'il  a  vu  de  ses  propres  yeux  '. 
Après  nous  avoir  raconté  la  On  de  la  vie  de  Périnet  Parpaille,  il 
ajoute  :  Il  fut  inhumé  dans  la  sépulture  de  ses  ancêtres  qui  est 
dans  l'église  collégiale  et  paroissiale  de  Saint-Pierre,  joignant  la 
sacristie  où  sa  famille  lui  a  fait  élever  un  mausolée  composé  de 
trois  statues  de  pierre  blanche  de  trois  pieds  de  hauteur  repré- 
sentant saint  Pierre  avec  ses  clefs,  saint  Paul  avec  son  épée,  saint 
André  avec  sa  croix  d'une  main  et  de  l'autre  tenant  un  rouleau 
sur  lequel  on  lit  ces  mots  :  Siiscipe  discipulum .  Au  pied  de  ces 
saints  sont  deux  chanoines  à  genoux  en  surplis  et  aumusse  priant 
Dieu  pour  ledit  Parpaille,  dont  on  voit  le  squelette  parfaitement 
travaillé  au  bas  duquel  on  voit  ces  vers  en  lettjes  gothiques  : 

Qiiisquis  ades.'tu  morte  cades,  sta,  respice,  plora, 

Sam  quod  cris,  modicum  cineris,  pro  me,  precor,  ora.  » 

Il  ne  me  parait  pas  qu'il  soit  utile  d'insister  :  c'est  bien  le 
retable  d'Imbert  lioachon  qui  est  resté  debout,  quoique  mutilé,  et 
non  le  tombeau  commandé  par  les  héritiers  de  Périnet  Parpaille 
fils. 

Avant  que  ce  retable  fût  complètement  payé,  Boachon  avait 
entrepris  un  ouvrage  du  même  genre  qui  lui  lut  commandé  par 
Paul  Doni  l'aîné  '\  Celui-ci  voulait  décorer  une  chapelle  qu'il  avait 
demandée  au  chapitre  de  Saint-Agricol,  et  il  passe  le  contrat  de  prix 
fait  avantmèmed'avoir  obtenu  des  chanoines  l'autorisation  définitive. 

'  Alanuscrit  de  Véras,  f"  09. 

-  Arcliives  déparlemeDlalcs.  I''onds  Pons,  n"  1792,  f"  118. 


LE    SCL'LPTELK    niBERT    150  AC  HO. AI.  423 

Ce  retable,  en  pierre  de  l'ernes,  devait  être  orné  de  vingt  statues, 
de  médaillons  et  d'autres  ornements  conformément  au  dessin  fait 
et  signé  par  l'artiste  et  contresigné  par  Paul  Doni  et  le  notaire. 
Pour  le  prix  de  800  écus  d'or  dont  il  reçut  300  immédiatement, 
IJoaclion  s'engageait  non  seulement  à  sculpter  le  retable,  mais 
encore  à  le  mettre  en  place  à  ses  frais.  Il  se  mit  à  l'œuvre  sans 
relard,  si  bien  qu'il  avait  complètement  terminé  son  ouvrage  au 
mois  d'octobre  :  le  prix  fait  avait  été  passé  le  20  avril  1525.  liais 
les  cbanoines  allaient  moins  vite,  et,  par  une  lenteur  tout  ecclé- 
siastique, laissaient  désirer  longuement  l'autorisation.  Aussi  Paul 
Doni  fut-il  obligé  de  leur  adresser,  le  5  octobre  1525,  la  supplique 
suivante:  k  Messieurs  le  doyen,  capisco  (capiscol)  et  cbanoine  [sic] 
propose  à  vous  le  noble  Paul  Dony  leyne  (l'aîné)  que  autres  fois 
il  vous  a  parlé  de  fère  fere  le  retable  à  l'oter  (l'autel)  de  Saint- 
Christofle  au  fons  de  la  lée  (allée,  nef  latérale),  vers  les  claustres, 
Itujuel  retable  est  ja  faict  jusques  à  poser  corne  scames  ;  et  partant 
que  vous  lui  aves  promis  les  quatre  pilliers,  c'est  du  bénécbier 
jusques  a  l'autier  du  mein  entrant  par  la  petite  porte,  et  lui  pré- 
tend de  y  funder  une  confrérie  de  la  Anuntialion,  de  que  non 
puyssent  estre  sevelis  (ensevelis)  dedans  ladite  chapelle  fors  que 
ceulx  que  y  ont  leurs  tombeaux  et  de  présent,  ou  ceux  qui  seront 
de  ladite  confrérie.  Partant  vous  plera  de  moy  concéder  ladite 
chapelle  et  donner  licence  au  maistre  de  poser  ledyt  retable  ansi 
que  bon  luy  semblera  et  de  ce  m'en  fere  acte  par  votre  secretayre 
que  je  y  puisse  fere  ce  que  me  playra  juxte  ma  dévotyon  '.  » 

Les  chanoines,  cette  fois,  ne  se  firent  plus  prier  ;  ils  consentirent 
à  la  demande  de  Paul  Doni,  en  sauvegardant  toutefois  les  droits 
de  l'archevêque  pour  ce  qui  concernait  l'érection  de  la  confrérie. 
i\'ous  ignorons  si  le  prélat  fit  des  difficultés  sur  ce  point;  ce  qu'il 
importe  de  savoir,  c'est  que  le  retable  fut  mis  en  place  à  l'endroit 
désigné,  où  il  se  trouve  encore  aujourd'hui.  Seulement,  il  y  eut 
alors  des  difficultés  pour  le  payement,  d'abord  entre  Boachon  et 
Paul  Doni  l'aîné,  ensuite,  à  la  mort  de  celui-ci,  avec  son  frère, 
Paul  Doni  le  jeune,  qui  continua  le  procès  devant  le  légat.  Lonis 
Alhe,  abbé  de  Saint-André  de  Villeneuve,  fut  même  nommé  par 
le  légat  pour  juger  l'affaire  ;    mais   après    plusieurs  années  de 

'  Notes  Ijrèves  de  François  Moriiii,  1525,  f"  1T3.  —  Étude  de  M' de  Beaulicu. 


424  LE    SCTLPTELMl    IMBERT    BOACHON. 

querelles,  les  parlics  linireiit  par  se  mettre  d'accord.  Les  deux 
adversaires  en  furent  pour  leurs  frais  de  procédure,  et  Paul  Dony 
s'engagea  à  donncM-  à  JJoachon  les  15  écus  qu'il  réclamait  '.  Ces 
procédés  n'étonnent  guère  de  la  part  de  nos  ancêtres,  qui  se  plai- 
saient dans  la  chicane;  ils  surprennent  encore  moins  venant  des 
Doni,  qui,  s'ils  aimaient  les  arts,  n'étaient  pas  toujours  généreux 
envers  les  artistes,  et  avaient  de  la  peine  à  payer  même  Michel-Ange. 

Ce  retable  des  Doni  occupe  encore  sa  place  primitive  et  sert  de 
fond  à  la  nef  latérale  de  droite,  dans  l'église  paroissiale  de  Saint- 
Agricol,  entre  la  petite  porte  du  sud  et  l'entrée  du  chœur.  Il  forme 
pour  ainsi  dire  trois  parties  distinctes. 

D'abord,  une  base,  sévère  —  surtout  si  on  la  compare  au  reste 
du  monument  —  sans  aucune  sculpture,  avec  quatre  pilastres  en 
saillie,  au  milieu,  un  petit  autel  soutenu  par  deux  colonnes 
carrées  -  ;  au-dessus,  au  gradin  de  l'autel,  une  vulgaire  plaque  de 
marbre  sur  laquelle  on  lit  :  Ave  Maria,  et  qui  tient  aujourd'hui 
la  place  d'un  bas-relief;  de  chaque  côté,  sur  les  pilastres,  des 
médaillons  d'une  belle  facture  '. 

Plus  haut,  dans  ce  que  j'appellerai  la  seconde  partie  du  monu- 
ment, au-dessus  de  l'autel,  sous  une  arcature  surbaissée  soutenue 
par  des  pilastres  couverts  de  délicates  arabesques,  le  mystère 
de  l'Annonciation  en  ronde  bosse;  au  sommet,  Dieu  le  Père;  à 
gauche,  la  sainte  Vierge  debout,  et  à  droite,  l'ange  Gabriel  s'age- 
nouillant.  A  la  même  hauteur,  entre  les  grands  pilastres,  dans 
une  niche  gracieuse  un  ange  tenant  un  enfant  par  la  main.  On 
Toit  au-dessus  et  au-dessous  de  cette  niche  l'écu  des  Doni  :  d'azur 
au  lion  d'or  à  la  bande  de  gueules  chargée  de  trois  croissants 
d'argent  brochants  sur  le  tout. 

Enfin,  au-dessus  de  l'entablement,  couvert  comme  presque  tout 
le  retable  d'ornements  d'une  finesse  exquise,  dans  un  rectangle 
allongé  encadré  par  des  pilastres,  un  groupe  de  cinq  anges,  en 
haut  relief,  qui  font  de  la  musique,  et  tout  au  sommet  un  fronton 
triangulaire,  surmonté  en  pointe  et  sur  les  côtés  de  trois  anges 
portant  chacun  un  écusson.  Au  milieu  du  fi'onton  s'étale  la  lleur 

de  lis  florentine. 

♦ 

>  Notes  brèves  de  François  Morini,  1532,  f"  32.  —  Etude  de  M''  de  Beaulieu. 
*  Cet  autel  a  été  construit  récemment. 
'  Voir,  ci-contre,  pi.  XXVI. 


Planche  XWf. 


R  K  T  A  II  L  K     1)  K  S    D  0  \  1 

r  \  n    I  H  i;  n  it  r   b  o  A  <;  h  o  \ 
(Avignon.) 


f^gd^^asB 


liAS-KEl.lKl'     l)i;C()l  VKKT     K  .\     ISdS 


LE    SCUI.PTRUIÎ    I  M  MF,  UT    liOACHOM.  425 

Tout  ce  travail,  d'une  délicatesse  exquise,  a  été  barbouillé 
plusieurs  fois  d'une  couche  de  couleur  grisâtre;  les  statues  du 
milieu  polycliromées  d'une  façon  indigue  se  détachent  sur  un  fond 
d'un  bleu  intense  constellé  de  fleurs  de  lis  d'or.  Un  des  rùlés  du 
retable  a  été  coupé  pour  faire  une  nouvelle  porte  à  la  sacristie,  ce 
qui  donne  à  l'ensemble  du  monument  un  aspect  désagréable. 
D'après  les  clauses  du  contrat,  les  statues  devaient  être  au  nombre 
de  vingt  ;  il  n'en  reste  plus  que  treize  à  l'heure  actuelle;  si  l'on  y 
joint  les  deux  (jui  ont  été  enlevées  quand  on  a  coupé  le  côté  gauche 
du  retable,  nous  atteignons  au  chiffre  de  quinze  ;  les  cin(|  qui 
manquent  devaient  occuper  la  place  de  la  plaque  de  marbre  sur 
laquelle  on  lit:  Ave  Maria\  A  la  retombée  de  la  voûte,  sur  le 
pilier  du  sud-ouest  de  cette  travée  de  la  nef  latérale,  en  face  du 
côté  droit  du  retable,  Boachon  avait  placé  un  bénitier  d'un  dessin 
fort  gracieux,  décoré  des  armes  des  Doni,  bien  que  ce  travail  ne 
fût  pas  indiqué  dans  le  prix  fait.  Aucune  pièce  d'archives  ne  prouve 
qu'il  en  soit  l'auteur,  mais  le  faire  seul  vaut  un  document. 

Pendant  que  le  procès  des  Doni  durait  encore,  Boachon  et  son 
fils  Dominique,  à  peine  âgé  de  seize  ans,  s'obligèrent  à  construire, 
dans  l'église  de  l'Observance,  une  chapelle  pour  le  compte  de 
Rasonin  et  de  Henri  de  Rouvillasc  ;  ils  promettaient  d'y  élever  un 
autel,  d'y  sculpter  un  retable  et  d'y  construire  un  tombeau  -. 
L'autel  devait  être  placé  sur  la  paroi  orientale  de  la  chapelle,  dans 
le  même  sens  que  le  maître-autel  ;  celte  disposition  était  semblable 
à  celle  de  la  chapelle  des  Parpaille.  Au  retable,  qui  ne  devait  pas 
avoir  moins  de  10  pans  (2'", 50)  de  haut  sur  9  pans  (2'", 25)  de 
large,  l'artiste  était  tenu  de  sculpter  le  mystère  de  la  Xativilé  et 
d'ajouter  la  statue  de  sainte  Elisabeth  à  celles  qui  étaient  <léjà 
indiquées  sur  le  croquis  fourni  par  Boachon.  Sur  le  gradin,  à  la 

'  Depuis  quo  nous  avons  écrit  ces  ligues,  on  a  enleié  cette  plaque  de  marbre 
et  on  a  découvert,  encadrées  dans  des  niclies,  les  cinq  statues  (jui  manquaient; 
mailieureusemcnt  elles  avaient  été  maçonnées  avec  du  plâtre  et  des  débris  de 
briques  par  le  vandale  qui  avait  fait  poser  la  plaque  de  marbre,  et  il  a  été 
impossible  de  les  dégager  de  cette  gangue  sans  les  mutiler  gravement. 

*  Minute  de  Gilles  Roberty.  —  Étude  de  M'  Vincenti,  notaire  à  Avignon.  Les 
frères  Rouvillasc,  originaires  de  Celles  en  Piémont,  avaient  acquis  la  seigneurie 
du  Barroux  où  ils  avaient  fait  édifier,  dans  le  style  de  la  Renaissance,  un  château 
aujourd'hui  en  ruine.  Peut  être  pourrait-on  prétendre  qu'ils  avaient  employé 
boachon  à  la  décoration  de  ce  château  ;  mais  nous  n'avons  aucun  document  qui 
nous  le  prouve. 


426  LE    SCUI.I'TCLK    IMBERT    JîOACIIOX. 

place  OÙ  se  trouve  la  Cène  dans  le  retable  des  Parpaiile,  Iloachon 
était  obligé  de  représenter  l'bistoire  des  Rois  Alages.  Sur  le  mur 
du  fond  de  la  chapelle,  notre  artiste  devait  construire  le  tombeau 
au-dessous  du  vilrail.  Il  est  à  regretter  (|ue  le  contrat  ne  nous 
donne  aucun  autre  détail  et  nous  renvoie  au  portrait. 

L'ouvrage  devait  élre  terminé  huit  mois  après  la  conclusion  de 
l'acte,  pour  le  prix  de  IGO  écus  d'or  sol  et  de  deux  salmées  de 
blé;  lîoachon  en  avait  reçu  déjà  120  avant  d'avoir  commencé  le 
travail,  et  il  s'engageait  à  n'accepter  aucune  besogne  pour  lui  ni 
pour  son  fils,  avant  d'avoir  achevé  celle-là.  Aous  ignorons  s'il  tint 
parole,  mais  tout  nous  le  fait  supposer,  car  il  fut  intégralement 
payé  le  22  octobre  1528.  Malheureusement,  il  ne  reste  absolument 
rien  de  cette  chapelle,  et  nous  ne  pouvons  apprécier  la  valeur  de 
cette  (euvre  de  lîoachon. 

Xous  sommes  obligé  d'exprimer  les  mêmes  regrets  sur  le  dernier 
travail,  connu  de  nous,  que  iJoachon  exécuta  dans  notre  ville.  Son 
client,  Jean  de  Cocils,  dit  Agaffin,  prévôt  des  monnaies  du  Pape, 
avait  commandé,  le  24  août  1527,  à  Antoine  Rocliefort,  maçon  et 
sculpteur  d'Avignon,  un  ciborium  pour  l'église  de  Saint-Pierre,  Ce 
ciborinm,  semblable  aux  édifices  gothiques  du  même  genre,  fut 
placé  entre  le  maitre-aute^  .A  la  sacristie,  et  il  était  presque  ter- 
miné le  15  août  1528.  A  cette  date,  Rocliefort  était-il  mort,  avant 
d'avoir  mis  la  dernière  main  à  son  œuvre?  Etait-il  incapable  d'achever 
convenablement  le  travail  commencé?  ou  bien  encore  avait-il  cessé 
de  plaire  à  Jean  de  Cocils?  Nous  ne  saurions  nous  prononcer;  mais 
il  est  certain  que  IJoachon  fut  chargé  de  sculpter  trois  statues  pour 
ce  ciborium  :  au  milieu,  celle  de  la  sainte  Vierge,  tenant  l'enfant 
Jésus  dans  ses  bras;  à  droite,  saint  Jean-Baptiste,  et  à  gauche  saint 
Jacques.  Il  s'engageait  également  à  finir  et  à  réj)arer  divers  orne- 
ments, et  en  particulier  les  armes  des  Cocils  ;  ceci  semblerait  indi- 
quer que  leprévôt  des  monnaies  n'était  pas  content  du  travail  de 
Rocliefort.  Enfin,  et  surtout,  lîoachon  promettait  de  sculpter  la 
statue  de  saint  Jean  et  de  la  poser  sur  un  cul-de-lampe  aux  armes 
des  Cocils,  au-dessus  de  la  porte  de  la  sacristie,  sous  un  dais  sem- 
blable à  ceux  des  statues  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul  '. 


'Notes  brèves  (l'Honore  Johannis,  1528,    f"  185. —  Étude  de   M*  V'incenti, 
notaire  à  Avignon. 


FACUI-TK    DE    TIIKOI.OC.IK    P  ROT  E  STA  \  T  E    DE    MOXTAUBAW.    427 

Xoiis  ignorons  si  ces  divers  travaux  furent  exéciilés  par 
JJoachon  ;  le  contrai  de  prix  fait  ne  porte  point  de  (|uillance 
marginale,  et  nous  n'avons  pas  trouvé  de  quittances  ailleurs;  mais 
ceci  n'est  pas  une  preuve  de  la  non-exécution  du  contrat. 

Que  devint  ensuite  IJoaclion  ?  La  transaction  passée  avec  Paul 
Doui  nous  apprend  qu'il  était  à  Roquemaure  '  le  1"  mars  J532. 
Qu'y  faisait-il?  Que  devint-il  ensuite?  Nous  l'ignorons,  il  était 
resté  en\iron  cinq  ans  à  Avignon,  et  il  y  avait  laissé  des  traces  non 
équivoques  d'un  vrai  talent.  Aussi  bien  nous  paraît-il  désirable 
que  sa  biographie  puisse  être  complétée  par  des  recherches 
ultérieures. 

L'abbé  Requin, 

iicmbre  uon  résidant  du  Comité  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  des  dépar- 
tements, à  Avignon. 


LA  SALLE  DES  ACTES 
DE  LA  FACULTÉ  DE  THÉOLOGIE  TROTESTAiXTE 

DE    MONTALBAN 

En  commençant  cette  courte  étude,  je  pense,  comme  malgré 
moi,  à  un  livre  qui  fit  un  certain  bruit  à  son  heure,  je  veux  dire 
le  Vandalisme  révolutionnaire,  de  M.  Eugène  Despois,  cette  étude 
éloquente  et  passionnée  où,  aux  brutales  dévastations  dont  se 
rendit  coupable  ]a  populace  déchaînée,  sont  opposées  les  admi- 
rables créations  littéraires,  artistiques  etscientifiquesde  laConven- 
tion.  De  même,  mais  sans  fiel,  sans  parti  pris,   on  pourrait  écrire 


'  Clief-lieu  de  canton  du  département  du  Gard,  sur  les  bords  du  Rliône,  et  qui 
faisait  autrefois  partie  du  diocèse  d'Avignon. 


428     FACtII.TK    DE    THKOI.OGIE    PUOTKSTA.VTE    DE    !VIO\TALBAN. 

SOUS  le  litre  de  V'andalisine  protestant  une  autre  étude  non  moins 
curieuse,  dans  laquelle,  sans  rien  dissimuler  des  excès  iconoclastes 
qui  signalèrent  trop  souvent  les  soulèvements  huguenots,  et  en  ne 
manquant  pas  de  flétrir  la  répulsion  féroce  pour  toutes  les  manifes- 
tations artistiques  (|ui  a  si  tristement  caractérisé  le  calvinisme 
genevois,  il  serait  facile  de  faire  la  part  belle  à  la  Réforme,  en 
nommant  les  grands  artistes  qu'elle  a  fournis  à  la  Renaissance 
française,  et  en  esquissant  à  grands  traits  l'histoire  des  Ecoles  d'art 
protestantes,  d'Albert  Durer  à  Chodowiecki  ;  d'Holbein  à  Petitot  ; 
de  Rembrandt  àRuysdaël;  de  William  Hogarth  à  William  Turner. 
S'il  se  trouve  jamais  un  écrivain  pour  tenter  cette  œuvre  attrayante 
et  colossale,  je  lui  recommande,  à  titre  de  curiosité  tout  au  moins, 
l'histoire  de  la  Salle  des  actes  de  la  Faculté  de  théologie  protestante 
de  Montauban. 

Pour  raconter  cette  histoire,  il  faut  esquisser  en  quelques  lignes, 
tout  d'abord,  celle  du  couvent  des  Minorités  de  la  même  ville.  Il 
fut  fondé  en  1258  et  successivement  enrichi  pardivers  bienfaiteurs, 
en  tète  desquels  il  faut  compter  Alphonse  de  Poitiers,  qui  leur 
donna,  "  pour  le  repos  de  son  âme  et  de  celle  de  son  aimable 
femme  ",  une  importante  propriété  aux  portes  de  Montauban,  par 
lettres  datées  d'Armasavitas,  près  Aigues-Mortes,  en  mai  1270'. 
Le  couvent  fut  installé  en  dehors  de  la  ville,  en  avant  du  ruisseau 
de  Fossat  et  du  Castelar  de  Alontmirat.  En  13G8,  les  religieuses, 
craignant  ajuste  raison  les  pillards  de  tous  les  partis  déchaînés 
par  la  guerre  de  Cent  ans,  se  réfugièrent  dans  une  maison  située 
au  centre  de  la  ville,  où,  après  nombre  d'empêchements  suscités 
par  les  ordres  rivaux,  elles  s'établirent  à  demeure^.  En  1561,  elles 
en  furent  violemment  expulsées  par  les  huguenots  qui  tentèrent 
vainement  de  les  convertir,  et  établirent  un  temple  dans  leur 
couvent'.  Dès  lors,  il  semble  qu'une  fatalité  leur  était  attachée  qui 
les  condamnait  à  n'élever  des  chapelles  que  pour  servir  de  temples 
aux  protestants.  En  1631,  les  portes  de  Montauban,  où  la  tolérance 
était  entrée  pour  un  moment,   leur  furent  rouvertes,  mais  leurs 

'  Arcliivesde  Tarn-et-Garonne.  H.  175.  Inventaire  sommaire,  p.  499. 

-  MouLEXQ,  Documents  historiques  sur  le  Tain-el-Garonnc,  t.  II,  p.  110; 
Le  Bret,  Histoire  de  Montauban ^  t.  I,  p.  156. 

^  MouLEXQ,  loc.  cit.,  t.  II,  p.  111;  Cathala-Goture,  Histoire  du  Quercy,  t.  I, 
p.  403. 


FACILTE    OE    T  II  K  0  I.OG  I  E    PHOTEST.AXTE    DE    M  0  X  T  A  L  15  A  V  .     i20 

vieux  hàlimenls  convenliiels,  on  partie  détruits,  ne  leur  offraient 
qu'un  asile  provisoire.  Elles  les  vendirent,  et  rachetèrent  rempla- 
cement de  l'ancien  monastère  où  elles  en  édifièrent  un  nouveau, 
dont  la  première  pierre  fut  solennellement  posée  le  20  juin  IG40, 
par  messire  Arnaud  de  Lacomhe,  doyen  du  chapitre  colléj'|[ial  de 
Saint-Etienne  do  Tescou  '.  Vers  1600,  l'installation  était  complète: 
le  couvent  prospérait,  les  intendants  de  la  province  y  envoyaient 
volontiers  les  filles  des  huguenots  inflexibles"  ;  une  pension  y 
j)rospérait,  des  professeurs  de  chant  y  étaient  admis';  on  s'y 
préoccupait  de  colifichets  :  unjour,  on  achetait  de  la  cannelille,  un 
autre  jour  des  "  cache-museaux  *  n  .  Puis  vint  la  Révolution:  le 
1'  octobre  1702,  le  couvent  fut  fermé;  le  23  septembre  J7!:t3,  des 
charrettes  sinistres  y  déchargeaient  cent  quarante-quatre  prison- 
niers, parmi  Ies(|uels  l'ex-conventionnel  Garât  ^  Le  25  janvier!  795, 
seulement,  l'ancien  couvent  des  Alinorites  fut  vidé  de  ces  malheu- 
reux. Enfin,  le  5  septembre  1809,  un  arrêté  du  grand  maître  de 
riniversilé,  en  exécution  d'un  décret  impérial  du  17  septembre 
1808,  y  installait  la  Faculté  de  théologie  protestante  \ 

Le  couvent  des  Minorités,  ou  sœurs  de  Sainte-Claire  sous  la 
règle  de  Saint-François,  est  une  assez  vasle  construction,  sans 
caractère  architectural,  telles  qu'en  élevèrent,  à  la  fin  du  dix- 
septième  siècle,  les  ordres  monastiques  durement  éprouvés  par 
les  guerres  de  religion,  et  dépossédés  de  leurs  riches  domaines 
d'anlrefois.  Comme  compensation,  il  est  magnifiquement  situé  sur 
le  quai  Montmurat,  en  face  du  Tarn  et  de  la  vaste  plaine  enso- 
leillée qui,  de  ce  dernier  épaulement  du  Quercy,  déroule  ses  flots 
d'arbres  et  de  moissonsjusqu'au  pied, des  Pyrénées,  dont  les  cimes 
neigeuses  emplissent  l'horizon.  XuUe  position  ne  pouvait  être 
mieux  choisie,  et  c'était  déjà  faire  preuve  de  goût  que  de  s'y 
installer.  Les  dames  de  Sainte-Claire  étaient  généralement  recrutées 
dans  les  meilleures  familles  du  pays,  dont  leurs  abbesses  portaient 
les  plus  grands  noms,  et  par  conséquent  elles  conservaient  dans  le 

'  Archives  de  Tarn-et-(îaronne.  H.  185.  Inventaire  sommaire,  p.  505. 
■'  I/jïd.,  H.  196.  Ihid.,  p.  508. 
^  lùid.,  H.  tS.").  lOid.,  j).  507. 
^  I/nd.,  H.  185.  Uid. 

•Km.  lùjRESTiK  neteii,  Epliémérides  Instoriques  de  Monlaubaa,  p.   8S,   172- 
173. 
'•  Ibid.,  p.  211. 


430    FACULTK    DE    THKOI.OGIE    PROTESTAA'TE    DE    MOMTAUBAN. 

cloître  (les  goûts  artisli(|iies  et  de  iiien  naturelles  préoccupations  de 
luxe  dont  la  tradition  remontait  loin,  puisque,  dès  le  quatorzième 
siècle,  l'érudit  éditeur  des  Livres  de  comptes  des  frères  Bonis  en 
a  noté  les  traces  '.  Et  ces  goûts  et  ces  préoccupations  nous  ont  valu 
la  charmante  chapelle  qui  est  devenue  depuis  la  Salle  des  actes  de 
la  Faculté. 

Rien  de  plus  simple,  pourtant,  même  de  plus  hunihle,  au  moins 
comme  matière  :  de  grossiers  murs  de  brique  ne  valant  que  par 
leur  décoration,  et  cette  décoration  consistant  uniquement  en  toile 
peinte,  en  plâtre  et  en  bois,  mais  le  tout  supérieurement  entendu, 
bien  approprié  à  sa  destination,  d'une  exécution  presque  parfaite. 

Voici  ce  qu'était  la  chapelle  des  Minorités  avant  sa  récente  res- 
tauration, dont  nous  aurons  à  dire  quelques  mots.  Un  vaisseau  de 
dimensions  moyennes,  plutôt  même  petites,  sur  plan  barlong,  sans 
chapelles,  niches,  ni  séparation  architecturale  pour  le  sanctuaire. 
Devers  l'entrée,  une  tribune  supportée  par  six  colonnes  et  deux 
pilastres  cannelés,  d'ordre  ionique  très  orné.  Au  mur  de  gauche, 
trois  grandes  fenêtres  légèrement  cintrées  ;  au  mur  de  droite,  une 
série  d'ouvertures  surbaissées  fermées  par  un  grillage  de  menus 
bois  posés  en  diagonale,  grâce  auquel  les  religieuses  cloîtrées 
pouvaient  assister  aux  offices  sans  être  vues  du  public.  Entre  ces 
baies  grillées  et  les  fenêtres,  de  grands  bas-reliefs  en  plâtre,  et 
d'autres  bas-reliels  plus  petits  au-dessous  des  baies.  Au  bas,  un 
haut  lambris.  Quant  à  l'autel  et  aux  ornements  qui  décoraient  le 
mur  du  fond  auquel  il  était  adossé,  la  Révolution  n'en  avait  rien 
laissé  subsister  qu'une  gloire  aux  rayons  de  bois  doré,  piteuse  avec 
son  reste  de  luxe  sur  ce  mur,  d'une  désolante  nudité,  que  masquait 
fort  mal  la  lourde  chaire  des  soutenances  de  thèses.  Comme  abri, 
un  plafond  plat,  de  toile,  qu'un  ornemaniste  fort  expert  a  percé 
d'une  audacieuse  perspective  de  balcons  à  balustres  étages,  sup- 
portés par  des  colonnes  ioniques,  alternant  avec  de  grands  vases  de 
fleurs;  le  tout  surmonté  d'un  attique  couronné  par  des  cassolettes 

'  Edouard  Forestié,  Les  livres  de  comptes  des  frères  Bonis.  Montaubaii,  1890- 
1894,  Introduction,  p.  l\iii,  lxxix,  cxx,  t.  I,  p.  9,  66,  121,  elc.  —  M.  de  Clal- 
SADE,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  -l/«//(188V),  etnoiis-mème 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Tarn-et-Garonne  (1890,  p.  174), 
nous  nous  sotnnies  occupés  du  sceau  de  Marie  de  Penne,  que  Charvet,  dans  son 
Catalogue  des  sceaux  ?natrices  de  la  collection  Dongé,  avait  attribué  à  une 
abbesse  espagnole. 


i 


FACUI.Ti;    I)K    TlIKOLOGir:    l'UOTESTAXTE    DE    M  0  \T  A  L  li  W  .    4.;i 

arrondies  qui  laissent  monter  la  fumée  de  leurs  parfums  dans  uti 
étroit  carré  de  ciel  trop  hleu  où  courent  quelques  nuages  blancs. 
Ce  plafond,  très  caractéristique  et  fort  bien  conservé,  est  une  assez 
habile  adaptation  à  une  simple  chapelle  du  splendide  plafond  (|ue 
Le  Brun  a  peint  pour  le  grand  escalier,  dit  des  Ambassadeurs,  au 
pillais  de  Versailles.  Il  est  permis  de  douter  qu'il  en  existe  d'aussi 
intéressants,  je  ne  dis  pas  seulement  dans  le  Midi,  mais  même 
dans  toute  la  France. 

Bien  plus  simple  est  le  lambris  à  grands  panneaux  cintrés 
en  accolale,  encadrés  de  larges  moulures  sobrement  ornées  à  leur 
raccord  médian  d'un  bouquet  de  fleurs  variées,  et  séparés  par  des 
pilastres  cannelés  de  même  style  que  ceux  de  la  tribune.  Quoique 
de  beaucoup  postérieur,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  au  res- 
tant delà  décoration,  ce  lambris  s'y  rattache  naturellement  et  sans 
disparates.  Malgré  le  défaut  de  concordance  entre  ses  panneaux  et 
ceux  qui  les  surmontent,  il  a  été  évidemment  exécuté  d'après  les 
dessins  de  l'architecte  qui  conçut  l'ensemble.  Du  reste,  c'est  un 
excellent  travail  de  menuiserie,  d'un  beau  dessin  logique  et  clair 
dont  la  simplicité  fait  valoir  l'ornementation  exubérante  des  murs. 

Ce  serait  folie  que  de  vouloir  décrire  celle-ci  parle  menu,  mais 
on  peut  du  moins  essayer  d'en  donner  une  idée  ' .  Commençons  par 
le  mur  de  droite.  Il  est  divisé  verticalement  en  sept  travées  par 
trois  grands  panneaux  chargés  de  trophées,  alternant  avec  quatre 
médaillons  circulaires  remplis  d'attributs,  que  surmontent  les 
baies  grillées  de  fa  tribune  extérieure.  Les  médaillons  représentent 
successivement,  en  partant  de  l'entrée,  les  principaux  symboles  de 
l'ancienne  alliance  :  la  table  des  pains  de  proposition,  l'autel  des 
parfums,  l'arche  d'alliance  et  l'autel  des  holocaustes  sur  lequel 
repose  l'agneau  pascal,  emblème  mystique  du  Christ. 

Les  grands  panneaux,  d'un  symbolisme  beaucoup  plus  vague, 
sont  d'un  genre  infiniment  plus  décoratif.  Ce  sont  des  trophées  où 
s'entre-croisent  des  chandeliers  à  pointe  au  pied  supporté  par  des 
volutes  puissantes,  des  cierges  redressant  leur  longue  flamme,  des 
crucifix  curieusement  ciselés,  des  ostensoirs  rutilants  et  des  calices 
plaqués  de  pierreries  :  armes  pacifiques  enchevêtrant  leurs  hampes 
sculptées  auxquelles  s'accrochent  des  bénitiers,  des  encensoirs,  des 

'  Voir,  ci-dessus,  planche  XXVII. 


43-2     KAC.LLTK    DR    T-HKOLOGIE    PROTESTANTE    DE    MO\TAUBAN. 

étolcs,  (les  lampes  (réglise,  des  instruments  de  musique;  et  qui 
portent  au  milieu  —  houcliers  de  ces  saintes  dépouilles  opimes  — 
soit  un  grand  livre  ouvert,  soit  un  livre  fermé  d'où  pendent  les  sept 
sceaux  apocalyptiques  et  sur  lequel  est  couché  un  agneau,  soit  une 
main  hénissante  sortant  d'une  gloire,  soit  un  groupe  potelé  de  ché- 
rubins cravatés  de  petites  ailes.  Autour  de  ces  armes  mystiques, 
qui  à  force  de  grandiose  ampleur  font  oublier  le  réalisme  minu- 
tieux de  leur  représentation,  des  palmes,  <les  rameaux  d'olivier, 
des  bandelettes  flottantes,  des  nuages  de  parfums.  Le  tout  se  suspend 
à  d'opulentes  cascades  de  rubans  qu'un  grand  nœud  aux  complica- 
tions infinies  [)araît  retenir  au  sommet  d'un  cadre  aux  puissantes 
moulures,  avec  des  amortissements  circulaires  aux  angles  ou  aux 
-extrémilés.  il  est  aisé  d'énumérer  méthodiquement  tous  ces  attri- 
buts divers;  mais  ce  qu'il  est  impossible  de  décrire,  c'est  la  science 
impeccable  qui  a  présidé  à  la  composition  de  ces  panoplies  ecclé- 
siastifjues,  le  grand  souffle  lyrique  qui  les  anime  et  les  pénètre,  un 
peu  redondant  et  gongoresque  peut-être,  déroulant  outre  mesure 
les  anneaux  flottants  des  banderoles,  faisant  saillir  avec  une  force 
irrésistible  de  grands  leliefs  d'un  faire  gras  et  onctueux,  éche- 
velant  furieusement  les  flammes  des  lampes  au  vent  qui  sort  des 
lèvres  potelées  des  chérubins,  impétueux  comme  s'il  venait  de 
crevei-  les  outres  d'Eole.  Le  grand  souffle  de  Charles  Le  Brun  a 
certainement  passé  par  là...  et  ceci  nous  conduit  à  parler  de  l'au- 
teur de  ces  beaux  bas-reliefs  dont  le  plâtre  s'est  si  complaisam- 
ment  prêté  aux  puissants  caprices  d'un  ébauchoiî'  endiablé. 

D'après  AI.  Mila  de  Cabarieu,  qui  publia,  en  1884,  une  très  inté- 
ressante contrijjution  à  l'histoire  des  Minorités  montalbanaises,  la 
chapelle  de  ces  dames  fut  décorée  en  1G85  par  le  sculpteur 
Dussaut  '.  Mon  érudit  et  vénérable  collègue  a  malheureusement 
égaré  les  notes  d'après  lesquelles  il  rédigea  son  travail,  et  je  ne 
puis  recourir,  en  ce  moment,  aux  volumineux  recueils  de  sources 
qu'il  veut  bien  m'indiquer.  Quel  pouvait  être  ce  Dussaut? 

Dans  la  liste  des  artistes  compris  dans  l'étal  de  la  Maison  du 
Roi,  en  1652,  que  M.  de  Montaiglon  a  publiée  dans  les  Archives 
de  l'Art  français  *,  figure  un  certain  Jacques  du  Soit,  peintre  et 

'  Bulletin  arcliéolucjique  de  Tarn-et-Garonne,  t.  XII,  p.  64. 
-  Documents,  t.  V,  p.  196. 


iicii/ri;  on  tiiiioi.ogie  protestaxte  de  montalbam.  43:3 

doreur.  C'est  pi'ol)ableQieut  lui  qui  a  conçu  ce  bel  ensemble  déco- 
ratif et  qui  a  exécuté  tout  au  moins  les  peintures  du  plafond. 
A-t-il  exécutéde  mèmeles  bas-reliefs  de  plaire?  C'est  fort  possible, 
les  diverses  spécialités  artistiques  n'étant  pasalors  aussi  nettement 
séparées  que  de  nos  jours;  mais  il  serait  téméraire  de  l'affirmer.  Ce 
qui  est  hors  de  doute,  c'est  l'origine  des  trophées.  Les  premiers 
du  même  genre,  si  je  ne  me  trompe,  se  trouvent  à  la  Chartreuse 
de  Pavie;  mais  combien  les  Daniel  Marot,  les  Lepautre  et  les 
Bérain  n'ont-ils  pas  ajouté  à  ces  thèmes  primitifs!  En  fouillant 
dans  les  œuvres  de  ces  éminents  ornemanistes,  on  ne  manquerait 
certainement  pas  de  trouver  les  modèles  dont  s'est  librement 
inspiré,  ou  qu'a  soigneusement  reproduits  le  sculpteur  des  dames 
de  Sainte-Claire.  Du  reste,  les  panneaux  de  plâtre  de  celui-ci  sont 
pareils  —  sauf  de  légères  modifications  dans  l'encadrement  et  le 
rapport  des  dimensions  principales — à  ceux  que  Jules  Degoullons 
sculpta,  en  1702,  d'après  les  dessins  de  l'architecte  Jacques  Gabriel, 
pour  les  lambris  des  anciennes  stalles  de  la  cathédrale  d'Orléans'. 

Notons  en  passant  que  Degoullons  séjourna  à  Angoulême  pendant 
les  deux  années  1677  et  1678".  Aurait-il  poussé  ses  pérégrinations 
jusqu'en  Quercy? 

Notons  encore  que  le  sculpteur  Marc  Arcis  travailla  longtemps 
à  la  décoration  de  la  cathédrale^  de  Montauban  ;  c'était  un  des 
ornemanistes  que  Le  Brun  avait  dirigés  à  Versailles.  Si  mes  souve- 
nirs ne  me  trompent  pas,  il  y  a  sur  les  piliers  de  la  nef  de  la 
chapelle  de  ce  palais  des  bas-reliefs  très  proches  parents  de  ceux 
de  la  cathédrale  d'Orléans  et  de  la  chapelle  des  Minorités  de  Mon- 
tauban. V  aurait-il  quelque  relation  entre  le  séjour  de  Marc  Arcis 
dans  la  vieille  cité  quercinoise  et  les  sculptures  en  question? 
Espérons  que  l'avenir  nous  l'apprendra. 

A  Montauban  même,  sans  doute  parce  qu'on  a  oublié  la  très 
précise  indication  de  M.  Mila  de  Cabarieu,  on  répète  sans  hésiter 
que  la  décoration  de  l'oratoire  de  la  Faculté  de  théologie  protes- 
tante est  l'œuvre  d'Ingres  père.  Les  erreurs  ont  la  vie  dure,  pour 


'  G.  ViGNAT,  Les  anciennes  stalles  de  la  cathédrale  d'Orléans.  Réunion  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements,  1893,  p.  732,  planciie  XXXI. 

-  Kmile  Biais,  Les  stalles  de  Bassac.  Réunion  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des 
départements,  i881,  p.  59". 

^  Em.  I"'oRESTiÉ  neveu,  loc.  cit.,  p.  207 


434    FACULTE    DE    THEOLOGIE    PROTESTANTE    DE    MOXTAUBAIV 

si   évidentes  qu'elles  soient;   c'est  pourquoi  il    importe  de  faire 
enlièrement  justice  de  celle-là. 

Le  membre  de  la  Société  archéologi(jue  de  Tarn-et-Garonne 
qui  a  mis  en  avant  cette  hypothèse  plus  qu'aventureuse  —  car 
pour  l'admettre  il  faudrait  supposer  que  Joseph  Ingres  se  fût 
astreint  à  imiter  un  style  démodé  et  de  cent  ans  antérieur  aux 
modèles  en  vogue  de  son  temps  —  nous  a  donné  pour  la  réfuter 
la  teneur  de  deux  mémoires  très  intéressants  pour  l'hisloire  de 
notre  chapelle.  Les  voici  in  extenso  ',  collationnés  d'ailleurs  sur  les 
originaux.  Devis  de  la  dorure  du  retable  et  tabernacle,  chaire  à 
prêcher  de  l'église  des  religieuses  de  Sainte-Claire  de  cette  ville, 
par  Burq,  ^w  1771. 

Sçavoir  l'alique  où  est  le  Père  Eternel,  il  y  sera  doré  la  cor- 
niche, console,  mouleure,  ornemens  et  draperies  du  Père  Eternel, 
et  ses  nudités  en  couleur  de  cher. 

Les  quatre  vertus  qui  sont  sur  la  grande  corniche,  les  attributs 
et  draperies  seront  dorés,  leurs  nudités  en  couleur  de  cher. 

Les  deux  vases  à  fleurs  qui  sont  sur  la  grande  corniche,  il  y 
sera  doré  toutes  les  parties  saillantes,  comme  fleurs,  grande  roue 
et  mouleures. 

Les  deux  figures  couchées  sur  la  grande  corniche,  leurs  dra- 
peries et  atributs  seront  dorés  et  leurs  nudités  en  couleur  de 
cher. 

La  grande  corniche  il  y  sera  doré  toutes  les  mouleures,  denti- 
cules  et  modelions. 

A  la  fiize  il  y  sera  doré  les  ornemens  qui  s'y  trouvent. 

A  l'archetrave  il  y  faut  dorer  trois  mouleures. 

Les  quatre  chapetos  et  vases  de  colonnes  seront  dorés. 

Les  quatre  jalougies  et  leurs  cadres  seront  dorés. 

Les  deux  grandes  figeures  seront  peintes  en  blanc  estatuère  et 
leurs  niches  peintes  en  blanc  véné  en  or.  Les  ornements  qui  sont 
au  long  des  niches  seront  dorés. 

Les  deux  queues  de  lampes  qui  suportent  les  figures  seront 
dorés. 

'  H.  DE  France,  A  travers  le  vieux  Montauban,  Bulletin  de  la  Société  archéo- 
logique de  Tarn-et-Garonne,  t.  XX,  1892,  p.  144.  Archives  de  Tarn-et-Garonne, 
11.  203.  Inventaire  sommaire,  p    509. 


FACLLTK    DK    TUKOLOGIE    I' ROTE  ST  A  A!  T  E    DE    MOXTAUBAN.    433 

Le  grand  cadre  du  tableau  sera  doré. 

Toutes  les  inouleures,  corniches  et  ornemens  seront  dorés. 

Les  deux  portiques  qui  vont  de  chaque  côté  du  senloirc,  il  y 
sera  doré  les  cornées,  mouleures  et  ornemans. 

Le  tabernacle  sera  doré  en  plein,  et  la  chère  filetée  en  or  et  ses 
paneaux  peins  en  façon  de  marbre,  et  le  fon  du  susdit  rétable  et 
portique,  et  murs  de  derrière  Taulel  sera  pein  en  blanc  à  jard. 

Le  tout  sera  fait  pour  le  prix  et  somme  de  1800  livres. 

Mémoires  des  ouvrages  en  menuiseries  pour  les  dames  reli- 
gieuses Sainte-Claire  par  Granjac,  maître  menuisier  à  Montau- 
han,  en  1771. 

Fourni,  idem,  les  quatre  grandes  grilles  en  face  des  fenêtres  de 
l'Eglise,  86  livres. 

Plus,  avoir  fourni  deux  châssis  pour  toile  à  pans  coupez  au- 
dessus  'des  retables  et  mis  en  place  huit  pièces,  cy  16  livres. 

Item,  trois  dits  sur  la  tribune,  sept  pièces,  21  livres. 

Avoir  fourni  demy  livre  de  cole  d'Holande,  6  sols. 

Pris  du  lambris  de  l'église  sans  encoignures,  900  livres. 

Donc,  en  1771,  les  dames  de  Sainte-Claire'  faisaient  placer  le 
lambris  et  confiaient  à  un  peintre  doreur  le  parachèvement  du 
retable  et  de  la  chaire  à  prêcher  de  leur  chapelle.  Que  conclure  de 
ces  documents  positifs,  sinon  que  déjà  existaient  les  sculptures 
dont  nous  avons  donné  la  trop  longue  description  ?  Il  n'est  guère 
d'usage  qu'on  pose  les  lambris  et  les  meubles  avant  que  la  décora- 
tion des  murs  soit  parachevée.  En  ceci  nous  ne  pensons  pas  pouvoir 
être  contredit  par  quiconque  est  le  moins  du  monde  au  courant 
des  travaux  de  cette  nature. 

Rapprochons  de  cette  indication  ce  que  nous  savons  d'Ingres 
père. 

Celui-ci,  mort  le  14  mars  1814,  à  l'âge  de  soixante  ans,  d'après 
son  acte  de  décès  ',  était  né  en  1754.  A  onze  ans,  il  entra  à  l'Aca- 

'  On  les  appelait  indifféremment  dames  de  Sainte-Claire,  dames  cloîtrées  de 
l'ordre  de  Saint-I'Vaaçois,  et  autrefois  de  Saiut-Damiens,  Minorités  ou  Glarisses. 

-  \  oir  notre  étude  dans  la  Itr  union  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départe- 
ments, 189V.  Documents  d'état  cicil,  t.  IV,  p.  -359. 


43G    FACULTE    DE    THEOLOGIE    PUOTESTAMTE    DE    MOMTALBAX'. 

demie  des  Beaux-Arts  de  Toulouse  d'où  il  s'échappa  à  dix-neuf  ans, 
en  1773,  année  où  M.  Edouard  Forcstié  a  pu  constater  sa  présence 
à  Nice.  Enfin,  en  1775  seulement,  dit  son  scrupuleux  biographe  ', 
il  vint  s'établir  à  Moutauban.  Que  l'on  veuille  bien  comparer  ces 
dates  avec  celle  des  mémoires  de  Granjac  et  de  Burq,  et  l'on  verra 
s'il  est  encore  possible  d'attribuer  de  bonne  foi  les  bas-reliefs  de  la 
Faculté  de  théologie  à  celui  qui  devait  être  un  jour  le  père  du 
grand  Dominique  Ingres. 

Que  si,  d'ailleurs,  il  restait  le  moindre  doute,  on  devrait  com- 
parer ces  magistrales  sculptures  à  celles  dont  Joseph  Ingres  décora, 
en  1778,  le  chœur  de  l'église  de  Falguières,  pauvretés  lamentables 
à  tous  les  points  de  vue,  sans  invention,  sans  dessin,  sans  esprit, 
indignes  comme  travail  matériel  de  ce  dont  était  alors  capable  un 
simple  maître  plâtrier,  et  que  pourtant  le  bonhomme  n'eut  pas 
honte  de  signer  en  toutes  lettres...  Il  devint  plus  expert  dans  la 
suite;  mais,  je  l'affirme  hautement,  aucune  des  œuvres  qu'il  a 
laissées,  pas  même  la  décoration  de  la  chambre  à  coucber  de 
l'évêque,  à  l'hôtel  de  ville  de  Montauban,  n'approche  de  la  magis- 
trale ampleur  des  sculptures  sur  plâtre  de  la  chapelle  des  Mino- 
rités. 

Achevons  de  décrire  celle-ci.  Du  côté  des  fenêtres,  il  n'y  a  que 
deux  panneaux  sculptés.  Celui  du  milieu  était  masqué  par  la  chaire 
qui  était  peinte  en  façon  de  marbre,  avec  des  filets  dorés,  ainsi  que 
nous  l'apprend  le  devis  de  maître  Burq.  Enfin  l'ornementation 
murale  n'existait  pour  ainsi  dire  pas  sur  le  mur  du  sanctuaire  que 
masquait  un  grand  retable  dont  il  est  facile  de  se  faire  une  idée 
en  se  basant  sur  les  mêmes  devis,  et  qui,  sans  doute,  doit  se 
trouver  dans  quelqu'une  des  églises  de  Montauban. 

Nous  avons  dit  ce  qu'était  cette  chapelle  pendant  ces  dernières 
années,  on  peut  par  la  pensée  la  rétablir  dans  sa  splendeur  première, 
avec  son  retable  aux  colonnes  et  aux  figures  peintes  et  dorées,  enfer- 
mant un  grand  tableau  somptueusement  encadré,  avec  ses  deux 
grandes  statues  accompagnant  l'autel,  sa  chaire  également  peinte 
et  dorée,  l'or  enfin  répandu  partout,  sur  les  jalousies  de  la  tribune 
extérieure,  sur  les  niches,  les  culs-de-lampe,  les  portiques,  les 

'  É.  FoRESTiÉ,  Jean-Marie- Joseph  Ingres  père.  Montauban,  1886,  p.  8  et 
suiv. 


FACII.TK    DE    THKOLOGIE    I' KOTE  ST  .\  M  T  E    DE    MOMTAUBA.V.    437 

tnoiiliiri's  et  les  coiniclies,  peut-être  même  sur  les  ornements  en 
rt'lieldes  murs.  Xoiis  insistons  sur  cette  procli,<jalité  de  dorures  et 
de  couleurs  qui  établissait  une  pondération  nécessaire  entre  le 
Itlanc  trop  froid  des  mui"s  et  le  ton  soutenu,  presque  sombre,  de  la 
()einture  du  plafond .  Toutes  ces  applications  d'or  ont  depuis  long- 
temps disparu  ;  aussi  y  a-t-il  dans  cette  belle  chapelle  un  manque 
flagrant  d'unité  qui  frappe  les  moins  expérimentés,  et  (|u'on  eût 
pu  pallier  jusqu'à  un  certain  point,  en  l'absence  du  monumental 
balda(|uin  de  l'autel,  par  l'emploi  discret  de  quelques  filets  dorés 
sur  foutes  les  boiseries.  Ceci  nous  conduit  tout  naturellement  à 
dire  un  mot  des  restaurations  récemment  faites  à  la  chapelle  des 
Clarisses. 

Quand,  au  commencement  de  l'année,  il  fut  parlé  de  ce  projet 
de  restauration,  tous  les  amis  des  monuments  montalbanais 
s'émurent  ;  le  bruit  courait  de  changements  radicaux,  de  l'enlève- 
ment du  plafond  peint,  à  cause  des  risques  d'incendie,  de  rema- 
niement des  trophées  sculptés  dont  le  symbolisme  esssentiellement 
catholique  jurait  avec  la  nouvelle  destination  de  la  chapelle.  Que 
sais-je  encore?  Celui  qui  écrit  ces  lignes  s'émut  et  allait  prendre 
la  plume  pour  protester  contre  ce  vandalisme,  quand  une  infor- 
mation publiée  dans  le  Courrier  de  Tarn-et-Garonne ,  par  notre 
zélé  confrère,  .\I.  Edouard  Forestié,  vint  le  décharger  de  ce  soin. 
Il  n'y  avait  rien  de  vrai  dans  tous  ces  racontages. 

L'(cuvre  de  la  restauration  est  maintenant  terminée  et  a  obtenu 
la  sanction  de  tous.  Il  est  évident  que  pour  la  salle  des  actes  d'une 
Faculté  de  théologie  protestante,  on  ne  pouvait  songer  à  refaire  la 
somptueuse  ornementation  du  chœur,  et,  d'ailleurs,  l'eùt-on  voulu, 
où  eùt-on  retrouvé  l'autel,  le  retable,  les  statues,  sans  compter  le 
Père  Éternel,  qui  s'y  trouvaient  jadis?  Il  fallait  donc  aviser  aux 
moyens  de  décorer  le  mur  du  sanctuaire,  sans  autre  préoccupation 
que  l'harmonie  générale.  Pour  cela,  on  s'est  borné  à  placer  sur  ce 
mur  les  moulages  de  trois  des  trophées  d'emblèmes  religieux  que 
nous  avons  décrits;  puis,  au-dessus,  a  été  modelé  un  grand  livre 
ouvert  dont  une  des  pages  couverte  de  lignes  en  hébreu  symbolise 
l'ancienne  alliance,  tandis  que  la  nouvelle  alliance  est  figurée  par 
les  caractères  grecs  de  l'autre  page.  De  chaque  côté  du  livre  flotte 
une  banderole  portant  l'inscription  suivante  :  La  Parole  de  notre 
Dieu  subsistera  éternellement.  C'est  la  seule  marque  protestante 


43S      TABLEAUX  OFFERTS  A  \OTRE-DAME  DU  PUY. 

qui  apparaisse  dans  cette  chapelle,  et  on  ne  saurait  la  désirer  plus 
anodine  :  les  ombres  des  pieuses  dames  de  Sainte-Claire  peuvent 
toujours  hanter  leur  ancienne  chapelle,  si  belle  <jràce  à  leurs 
soins,  elles  n'y  trouveront  rien  qui  puisse  les  scandaliser. 

Il  faut  féliciter  sans  réserve  M.  le  doyen  Bruston,  M.  le  pas- 
teur Vielle,  directeur  du  séminaire  protestant,  M.  le  professeur 
Leenhardt,  M.  (î.  de  Mombrison  et  leurs  zélés  auxiliaires  d'avoir 
aussi  discrètement,  aussi  judicieusement  restauré  cette  chapelle, 
un  des  rares  monuments  montalbanais  qu'on  puisse  qualifier  de 
vraiment  beaux.  Les  protestants,  qui  au  seizième  siècle  ont  détruit 
tant  d'églises  dans  les  mêmes  lieux,  ont  donné,  en  conservant  et 
en  reproduisant  si  scrupuleusement  les  attributs  essentiellement 
catholiques  de  celle-ci,  un  excellent  exemple  de  respect  pour  les 
monuments  du  passé  :  exemple  dont  un  grand  nombre  de  curés 
de  campagne  devraient  bien  faire  leur  profit. 

Jules    AIOMMÉJA, 

Membre  non  résidant  du  Comité  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  départements,  à  llontauban. 


XXVI 

NOTES 

SUR  LES  TABLEAUX  OFFERTS  A  LA 

CONFRÉRIE  DE  NOTRE-DAME  DU   l'UV 

A    AMIENS 

§  1.  Les  tableaux  du  Puy  sont-ils  l'œuvre  d'artistes  locaux? 

L'origine  des  peintres  qui  ont  exécuté  les  remarquables  tableaux 
offerts  à  la  cathédrale  d'Amiens  par  les  maîtres  de  la  Confrérie  de 
Notre-Dame  du  Puy  est  assurément  l'une  des  questions  qui  piquent 


T  A  U  I,  li  \  L'  X    0  F I'  !■:  R  T  S    .A    \'  0  T  11  E  - 1)  A  ME    DU    P  l.  \  .  4:a\ 

le  plus  vivement  la  curiosité  des  historiens  de  notre  ville.  Jiisqirù 
présent,  celte  question  était  demeurée  à  peu  près  sans  soliition, 
mais  voici  que  de  patientes  recherches  dans  les  diverses  études  de 
notaires  où  sont  conservées  les  minutes  des  contrats  passés  entre 
artistes  et  bourgeois  commencent  à  éclairer  ce  prohlème. 

Pourquoi  ces  peintures  si  intéressantes  n'appartiendraient-elles 
pas  au  patrimoine  artistique  de  notre  cité?  Pourquoi  vouloir  les 
attribuer  à  des  artistes  étrangers  ?  De  la  saveur  même  de  ces 
œuvres,  de  leur  ensemble,  une  influence  locale  me  semble  se 
dégager  nettement.  Qu'une  partie  ait  été  exécutée  par  des  Fla- 
mands venus  à  Amiens,  ou  par  des  Picards  ayant  étudié  dans  les 
Flandres  ou  sous  des  Flamands,  soit.  Mais  pourquoi  aussi  une 
part,  —  et  une  bonne  part,  —  ne  serait-elle  pas  l'œuvre  d'artistes 
du  cru  ?  —  Les  types,  les  paysages,  l'allure  générale  de  plusieurs 
des  tableaux  qui  nous  restent  autorisent  cette  supposition. 

Je  le  répète,  les  archives  locales  ne  nous  ont  point  encore  livré 
leur  secret  à  ce  sujet  :  toutefois,  plusieurs  noms  ont  été  déjà 
retrouvés,  notamment  par  mon  infatigable  collègue,  M.  Dubois. 

Je  citerai  : 

A.  9  août  ]  5G8  '  (Roche,  notaire  à  Amiens).  Marché  entre  Robert 
de  Sachy,  seigneur  d'Haudvillers,  bourgeois,  marchand  drapier 
et  échevin,  maître  du  Puy  en  1567,  et  Firmin  Lebel,  maître 
peintre  à  Amiens. 

Firmin  Lebel  promet,  pour  le  1"  décembre,  «  peindre,  dorer, 
vernir  et  acoustrer  un  tableau  de  menuiserie  de  quatorze  pieds 
de  haut  sur  sept  de  large,  fait  par  Mathieu  Labesse,  menuisier. 
Faire  l'histoire  donnée  et  les  pourtraicts  de  de  Sachy,  sa  femme 
et  ses  amis.  Plus  peindre  et  dorer  douze  grantls  tableaux  qu'on  dit 
sonnets  et  deux  cent  cinquante  petits.  De  plus,  un  petit  tableau 
de  la  même  histoire  que  le  grand  ci-dessus,  pour  le  jour  de  Pâques 
suivant.  « 

Le  tout  «  moyennant  neuf  vingt-deux  livres  tournois  «  . 

B.  27  février  1570"  (Roche,  notaire  à  Amiens).  Marché  entre 

•  ot  -  Ces  doux  dates  15G8  et  1570  me  surprennent  un  peu;  Robert  de  Sachy 
avait  été  maître  en  1067;  il  aurait  donc  attendu  bien  tard  pour  commander  son 
tableau,  l'our  Jehan  Boistel,  maître  en  1569,  il  n'est  pas  impossible  qui!  ait  été 


440  TABLEAUX    OFFERTS    A    ÎVOTRE-DAME    DU    PUY. 

Jehan  Boistel,  chapelain  de  Notre-Dame  cVAmiens,  chanoine  de 
Pic(|ni<]ny,  maître  du  Pny,  en  celte  année  (1569,  voir  la  note, 
p.  439),  et  Firmin  Lebel,  iiiaître  peintre,  qui  devra  dorer  et 
peindre  suffisamment  uu grand  et  un  petit  tableau;  le  tout  suivant 
les  modèles  qui  lui  seront  donnés. 

Prix  convenu,  six-vingts  escus. 

C'était  encore  Mathieu  Labesse  qui  avait  été  chargé  de  la  menui- 
serie (même  date,  nième  not.).  Il  devait  fournir  un  grand  tableau 
de  douze  pieds  de  haut  sur  six  de  large,  un  petit  tableau  de  deux 
pieds  et  demi,  plus  deux  cents  sonnets,  dont  six  avec  bords.  —  Le 
tout  pour  65  livres. 

C.  19  avril  1581  (même  notaire) .  Marché  entre  Jehan  Du- 
fresne,  bourgeois  d'Amiens,  maître  du  Puy,  et  Jehan  de  Paris, 
peintre  à  Amiens  (reçu  maître  le  28  novembre  1567),  demeu- 
rant paroisse  Saint- Uemi,  «  pour  la  peinture  et  dorure  d'im 
tableau,  moyennant  60  écus  d'or.  11  devra  peindre  et  représenter 
au  naturel  les  histoires,  fasces  et  visages  que  ledit  Dufiesne 
lui  présentera;  peindre  et  dorer  un  petit  tableau  de  quatre  pieds 
de  hauteur  suivant  ledit  pourtraict,  sauf  que  ledit  Dufresne  y 
pourra  mettre  telles  figures  que  bon  lui  semblera,  au  lieu  de 
celles  qui  sont  représentées  audit  pourtraict,  —  peindre  aussi 
deux  cents  sonnets  ;  livrer  le  grand  tableau  au  dedans  du  jour 
Notre-Dame  des  Avents,  et  les  sonnets  et  petit  tableau,  la  veille  de 
la  Chandeleur.  » 

A  la  même,  date  et  chez  le  même  notaire,  était  passé  l'acte 
avec  le  menuisier  Jehan  Salle,  pour  la  confection  du  tableau. 
"  Pareil,  est-il  marqué,  à  celui  de  Lois  Petit  (maître  du  Puy  en 
1580),  à  ceci  près  qu'au  lieu  de  pilastre,  il  mettra  quatre  colonnes 
torses  à  chacun  des  piliers,  et  une  figure  au  mitant  (milieu)  des 
quatre  piliers.  Il  fera  de  plus  un  petit  tableau  de  quatre  pieds 
environ,  large  à  l'équipolent;  plus  deux  cents  sonnets  dont  il  y 
aura  quarante  plus  grands  que  les  autres,  à  fournir  au  dedans  du 
15  août.  1) 


continué  pour  des  raisons  qui  nous  échappent,  car  je  n'ai  pas  de  nom  pour  1570, 
et  en  1571  je  trouve  pour  maître  Pierre  Boistel,  m^. 


TAB1,EA[\    OFFERTS    A    \OTUE-DAME    DL    PU  Y.  4il 

\  oici  qui'llc  êlail  rins(Ti|i[ion  de  ce  taI)loau,  suivant  un  manu- 
scrit clf  la  l)il)liothèque  des  antiquaires  de  Picardie  : 

Au  clos  de  Dieu  et  de  la  V  icrge  Alère, 
Par  Jelian  du  P'resnc  offert  fut  ce  tableau 
L'an  (|ue  la  mort  de  sa  compajjne  chère 
Borna  le  cours  de  son  âge  plus  beau. 

D.  25  avril  l^S^  (Roche,  notaire),  Charles  de  Sachy,  seigneur 
d'Haudvillers,  bourgeois  et  marchand,  AP  du  Puy,  charge  IMerre 
Xormand,  maître  menuisier,  demeurant  paroisse  Saint-Firmin  en 
Castillon,  «  de  construire  la  clôture  de  la  chapelle  des  Drapiers, 
à  la  cathédrale,  moyennant  100  escus  sols.  Il  fera  de  plus  un  petit 
tableau  et  image,  et  mettra  quatre  colonnes  ^doriques  au-dessus 
au  lieu  de  quatre  consoles  ;  quatre  figures  ou  images  élevées  en 
bosse  au-dessus  des  piliers  ou  colonnes,  il  y  apposera  des  con- 
soles, au  lieu  de  l'ouvrage  rustique  désigné  au  modèle  ;  deux  dou- 
zaines de  tableaux  à  bord  :  deux  cents  petits  sonnets  ;  un  tableau 
pour  peindre  et  apposer  dans  ladite  église,  de  même  hauteur  et 
largeur  que  celui  de  maître  Onophre  Marchand.  «  (Honoré  Mar- 
chand, maître  en  J583.) 

A  vrai  dire,  il  n'est  pas  question  ici  du  traité  avec  le  peintre, 
mais  le  fait  même  de  la  confection  du  panneau  à  Amiens  ne  prouve- 
t-il  pas  surabondamment  que  le  tableau  a  été  exécuté  aussi  à 
Amiens? 

E.  L'acte  suivant,  du  3  avril  1586  (Roche,  notaire),  est  plus 
intéressant  encore  à  ce  point  de  vue  qu'il  nomme  un  peintre  sur 
lequel  j'ai  recueilli  maints  documents  et  dont  j'ai  déjà  même  parlé 
au  Congrès  des  Beaux-Arts,  à  propos  des  tapisseries  des  Ursulines 
d'Amiens.  — Il  s'agit  de  Raoul  Maressal,  père  de  Jean,  peintre  du 
Roi,  et  beau-père  de  Quentin  Warin.  C'est,  on  s'en  souvient,  la 
fille  de  ce  dernier,  Madeleine  Warin,  qui  dirigea  l'atelier  oit  les 
Ursulines  exécutèrent  les  merveilleuses  hroderies  que  j'ai  pré- 
sentées aux  membres  du  Congrès  de  1891. 

Cette  pièce  m'a  paru  mériter  d'être  transcrite,  je  la  donne  donc 
in  extenso. 

«  Comparut  en  personne  honorable  homme  Toussains  Rolland, 
bourgeois   d'Amiens,  maître  en  cette  année  de   la   confrérie  de 


442      TABLEAUX  OFFERTS  A  NOTRE-DAME  DU  PUY. 

Notre-Dame  tlu  Piiy,  en  ceste  ville  trAniicns,  demeurant  audict 
Amiens,  paroisse  Sainct-Fremin  le  Confcz,  d'une  part  :  et  Uaoul 
Maressal,  peintre,  demeurant  audict  Amiens,  dicte  paroisse,  d'aultre 
part.  Et  ont  recongnu  entre  eulx  avoir  faict  le  marché  ensemble 
quy  ensnict.  C'est  asçavoir  que  ledict  Maressal  a  promis  et  sera 
tenu  peindre,  enrichir  et  dorer  la  closture  de  la  chapelle  que  ledict 
Rolland  a  délibéré  faire  faire  à  l'une  des  chapelles  (sic)  dé  l'église 
Nostre-Dame  d'Amiens,  qui  est  celle  que  on  dict  des  tanneurs,  en 
la  forme  et  figure  qu'elle  luy  sera  baillée  par  Jehan  Salle,  maistre 
menuisier,  demeurant  Amiens,  suivant  le  marché  faict  entre  lesd. 
Rolland  et  Salle,  le  treiziesme  apuril  dernier,  duquel  marché  lec-. 
ture  a  esté  iaicle  audict  Maressal  par  l'un  desd.  noltaires,  Taultre 
présent.  Au-dessus  de  laquelle  closture  sera  ledict  Maressal  tenu 
pareillement  peindre  et  dorer  ww  tableau  qui  y  sera  apposé  en 
ovalle,  suivant  le  pourtraict  reprins  par  ledict  marché,  quy  en  a 
esté  pareillement  exhibé  audict  Maressal  en  passant  les  présentes. 
Ensemble  peindre,  enrichir  et  dorer  img  jyetit  tableau  en  forme 
d'ovalle  ou  aultrement,  tel  quy  luy  sera  baillé  par  ledict  Salle, 
avecq  deux  cens  sonnets,  dont  il  y  en  aura  quarante  plus  grands 
que  les  aultres  et  dix  à  bords  dorez  bien  et  suffisamment,  sujelz 

a ation,  en  laquelle  closture,  et  fermeture,  ledict  Maressal  sera 

tenu   dorer brunyr  toutes  les  figures,    masques,    visages  ou 

mufles  qui  y  sont  apposées  et  appliquées,  rendre  tous  les  feuillages 
d'or  mat  ou  à  liuille,  ensemble  les  folletz  des  mouUiires  et  cor- 
niches, et  faire  tous  aultres  enrichissements  requis  en  icelle 
closture  et  tableau,  rendre  les  collones,  assçavoir:  celles  du  bas  de 
jaspe  d'une  fachon,  et  celles  de  hault  de  jaspe  d'aultre  fachon,  et 
peindre  le  bas  d'icelle  closture  deppuis  les  collones  en  coulleur  de 
bois,  ensemble  le  dos  et  derrière  d'icelle  closture  et  tableau.  Le 
tout  faict  et  achevé  en  dedans  le  quinziesme  jour  de  décembre 
prochain  venant  ;  sauf  les  sonnetz  et  petit  tableau  qu'il  sera  tenu 
livrer  en  dedans  le  vingtiesme  jour  de  janvier  prochain,  et  ce 
moïennant  la  somme  de  quatre-vingtz  escus  d'or  sol,  tant  moins 
desquelz  ledict  Rolland  a  paie  et  advanché  comptant  audict  Maressal 
la  somme  de  trente-trois  escus  ung  tiers,  et  le  reste  lui  sera  payé 
à  mesure  que  l'ouvraige  se  fera.  Promectant le  tout  accom- 
plir... obligent  l'un  envers  l'aultre  leurs  biens  et  héritages... 
«  Passé  à  Amiens,  après  midy,  le  vingtiesme  jour  de  juin  mil 


•r  A  lî  1.  E  \  I  \  0  F  F  !■:  w  r  s  a  \  o  t  ii  e  -  d  \  \i  i:  d  i    p  u  y  .  -i  v.i 

riu(|  cens  quatre-vingt  et  six,  pardevaut^  iiottaiies  royaux,  en  la 
maison  (rAlexandic  Roclio,  l'ung  desd.  notlaires,  et  ont  les  compa- 
rans  signé  la  minute  des  présentes.  " 

U  n'est  pas  sans  intérêt  de  mentionner  également  Tacle  relatif  au 
menuisier,  Jean  Salle  :  ce  qui  nous  reste  des  cadres  de  IVotre-Dame 
DU  PUY  fait  encore  l'admiration  de  fous  les  visiteurs  du  Musée  de 
Picardie,  Leurs  auteurs  ont  fait  œuvre  non  d'artisans,  mais  d'ar- 
tistes. 

Voici,  d'après  M.  Dubois,  un  extrait  du  contrat  passé  entre 
Toussaint  Rolland  et  Jean  Salle  : 

"  Ce  dernier  construira  la  clôture  de  la  chapelle  des  Tanneurs, 
moyennant  133  escus  ung  tiers.  Il  fera  de  plus  un  tableau  en 
forme  d'ovale,  de  la  hauteur  de  trois  \)\eds,  j^our  mettre  dans  la 
maison  dudit  Rolland,  plus  deux  cents  sonnets  dont  cent  quarante 
plus  grands  et  dix  à  bord  pour  dorer.  Cette  clôture  devra  être  de 
la  même  hauteur  que  celle  de  Jean  '  de  Sachy.  « 

Remarquons  que  le  petit  tableau  est  dit  «  pour  mettre  dans  la 
maison  dudit  Rolland  » .  Dans  les  contrats  précédents,  j'ai  souligné  la 
mention  d'un  petit  tableau,  à  peu  près  pareil  au  grand.  Il  est  à 
croire  que  les  maîtres  du  Puy,  obligés  par  les  statuts  de  la  con- 
frérie d'offrir  à  la  cathédrale  un  tableau  et  de  l'y  laisser,  en 
faisaient  exécuter  pour  eux-mêmes  une  copie  réduite,  destinée  à 
leur  demeurer  en  souvenir  de  leur  maîtrise, 

F.  M,  Dubois  a  publié  in  extenso,  dans  sa  monographie  de  lîlas- 
set,  le  contrat  passé  le  28  février  1600,  entre  ^  Lois  de  Villers  le 
jeune,  marchant,  demeurant  en  la  ville  d'Amyens,  et  Pierre  Salle, 
maistre  menuisier,  et  Mathieu  Prieur,  maistre  paintre,  aussi 
demeurant  à  Amiens  »  :  je  me  borne  à  en  résumer  les  points  (jiii 
concernent  la  confrérie  de  Xotre-Dame  du  Puy  dont  Louis  de 
Villers  était  maître  en  cette  année  1600. 

Pierre  Salle  fera  une  clôture  de  bois  pour  l'une  des  chapelles  de 
la  cathédrale*  :  il  sera  tenu  faire  aussi  un  tableau,  qui  représen- 
tera la  transfiguration,  plus   un  autre  j)ctit  tableau   de   mêmes 

'  \c  serait-ce  pas  plutôt  Cliarles  de  Sacby,  ci-dessus,  m°  en  lôSi?  Il  n'y  a  pas 
de  Jean  de  Sachy,  nr  du  l'tiy,  avant  1601. 
2  Celle  de  Saint-Élienue. 


444      TABLEAUX  OFFEUTS  A  ^OTUE-DAME  DU  PUY. 

dimensions  (|ue  celui  (|ui  couronnera  la  clôture.  (Donc,  en  somme, 
deux  petits  tableaux.)  Mathieu  l'rieur  peindra,  dorera  et  décorera 
le  tout.  Le  passage  relatif  au  tableau  qui  doit  représenter  la  Trans- 
figuration me  donne  à  penser  qu  il  s'agit  ici  d'un  panneau  avec 
bas-reliefs  que  Alalliieu  Prieur  aura  polychrome  après  coup.  Quant 
au  petit  tableau  placé  au-dessus  de  la  clôture,  nous  verrons  bien- 
tôt quel  était  son  sujet.  (Ci-après  p.  446,  447.)  Il  existe  encore 
aujourd'hui. 

G.  Frère /intoine  Pestel,  prieur  des  Jacobins,  fut  maître  du  Puy 
en  1602.  Au  lieu  d'une  peinture,  il  donna  la  chaire  à  prêcher  ; 
non  pas  celle  que  nous  voyons  aujourd'hui  et  qui  est  du  sculpteur 
Dupuis,  mais  une  plus  ancienne.  Salle  (Pierre)  est  chargé  de  ce 
travail,  par  acte  du  24  avril  1602,  devant  Martin,  notaire  à  Amiens. 
Mais,  outre  la  chaire,  il  devra  livrer  aussi  un  petit  tableau  k  Prieur 
qui  a  mission  de  le  peindre.  X'oublions  pas  de  mentionner  aussi 
dans  le  lot  de  Salle  une  douzaine  et  demie  de  tableaux  en  bois  et 
six  douzaine  de  sonnets. 

H.  En  1630,  voici  un  contrat  analogue  aux  précédents.  Alexandre 
Leclercq,  maître  es  arts,  chanoine  et  préciiantre  de  la  cathédrale, 
confie  à  Pierre  de  Paris,  maître  peintre  à  Amiens,  reçu  maître  en 
1597,  le  soin  de  peindre  et  décorer  une  table  d'autel  et  un  tableau. 
Le  menuisier  est  Henri  Salle.  (5  août  1630,  Martin  Caron,  notaire.) 

I.  Ajoutons  à  ces  noms  celui  Aw  frère  Luc,  récollet,  né  à  Amiens 
et  qui  peignit  plusieurs  tableaux  pour  la  cathédrale,  notamment 
celui  donné  en  1666  par  François  Quignon,  chirurgien,  M*  du 
Puy,  et  Jeanne  Véru,  son  épouse,  et  celui  offert  en  1671  par  le 
chapelain  Mathieu  U'asse.  Je  ne  fais  que  citer  ici  cet  artiste,  me 
réservant,  comme  pour  Raoul  Maressal,  de  traiter  plus  complète- 
ment sa  biographie.  Les  documents  que  j'ai  recueillis  me  per- 
mettent dès  à  présent  de  lui  consacrer  une  notice  spéciale. 

Il  est  intéressant  de  rapprocher  des  contrats  précédents  les  des- 
criptions des  tableaux  et  de  leurs  cadres  qui  nous  ont  été  con- 
servées dans  les  manuscrits  du  bourgeois  Pages.  Je  les  rapporte  ici 
dans  l'ordre  que  j'ai  suivi  ci-dessus. 


TABLEAUX  OFFERTS  A  \OTRE-DAME  DU  PLV.      4i-, 

A.  «  La  ."Hère  de  Dieu  n'ayant  rien  per<lii  de  sa  vir<|inilè  par  sa 
fécondité,  le  fils  de  Dieu  estant  sorti  de  son  chaste  sein  comme  les 
rayons  de  soleil  passent  à  travers  le  verre  sans  le  rompre,  on  a 
représenté  la  très  sainte  Vierge  sous  cette  idée  dans  un  tableau 
posé  contre  une  de  ces  colonnes,  offert  par  M.  Robert  de  Sacliy, 
seigneur  d'Audvillers,  écheiin,  en  1567.  Ce  sage  magistrat  y  est 
peint  vestu  d'une  robe  d'échevin  ;  son  air  paraît  grave,  sa  physio- 
nomie heureuse;  une  longue  barbe  noire  le  rend  vénérable.  Les 
paroles  qu'il  a  mises  pour  refrain  dans  son  tableau  portent:  Châssis 
où  luit  le  soleil  de  justice,  conviennent  assez  à  la  représentation 
de  ce  tableau  et  faisoient  allusion  à  son  nom  de  famille  ; —  Sachy, 
avec  le  chuintement  picard,  donne  Chachy,  —  et  aux  armes  qu'il 
portoit  autrefois  :  d'azur,  au  châssis  de  fenêtre  d'or,  vitré  d'argent, 
éclairé  par  un  soleil  d'or  mouvant  du  côté  du  chef,  et  accom- 
pagné de  trois  étoiles  deux  et  une,  aussi  d'or.  Cette  famille  porte 
à  présent  :  échiqueté  d'argent  et  de  sable,  à  l'orle  d'azur. 

«  Le  cadre  de  ce  tableau  est  orné  aux  côtés  de  deux  statues  iso- 
lées et  sculptées  de  bois  doré,  qui  représentent  deux  dryades  ou 
nymphes  des  bois,  aux  pieds  fourchus,  posées  sur  deux  tortues.  » 

B.  Le  tableau  du  chapelain  Boistel  n'est  que  mentionné  dans 
Pages  :  il  est  dit  sommairement  qu'il  faisait  allusion  au  nom  du  dona- 
teur qui  avait  pris  pour  devise  :  Boistel  sacré  temjdi  de  toute  grâce . 

C.  L'offrande  de  Jean  du  Fresne  est  plus  longuement  décrite,  et 
Pages  entre  à  son  sujet  dans  d'intéressants  détails. 

't  Ce  même  triomphe  de  Marie  (l'Assomption)  est  encore  peint 
dans  un  autre  tableau  attaché  à  la  septième  colonne  isolée  du 
même  côté  (à  droite)  de  la  nef,  donné  l'an  1581  par  M.  Jean  Du- 
fresne,  marchand.  Les  apôtres  sont  peints  en  petit  autour  du  tom- 
beau de  la  sainte  Vierge,  dans  lequel  ils  cherchent  son  corps  qui 
s'élève  dans  le  ciel  ;  au  côté  de  cette  Assomption,  le  peintre  a 

placé  dans  le  même  tableau  la  Résurrection  de  J.-C AI.  Du- 

fresne  est  peint  dans  ce  tableau  avec  sa  famille.  "  Pages  fait 
observer  que  les  hommes  étaient  coiffés  de  chapeaux  à  petits 
bords,  avec  une  forme  basse,  ce  qui  était  une  nouveauté. 

Devise  :  Fresne  élevé  par  dessus  toutes  p)l(intes.  J'ai  déjà  rap- 
porté l'inscription  (p.  441). 


44G  TABLEAUX    OFFERTS    A    .MOTRE-DAME    DU    PUY. 

D.  Comme  le  tableau  de  Jehan  IJoistel,  celui  de  Charles  de  Sachy 
est  brièvement  mentionné  dans  Pages. 

Miroir  j^^rfait  où  le  jjeujjle  se  mire,  telle  était  la  devise  du 
donateur  :  comme  je  l'ai  expliqué  plus  haut,  à  propos  de  Robert 
de  Sachy,  cette  devise  jouait  sur  le  nom  et  les  armes  des  Sachy: 
châssis,  miroir.  Le  peintre  s'en  était  inspiré  pour  la  composition 
de  son  tableau,  oii  «  la  sainte  Vierge  était  considérée,  dit  Pages, 
comme  un  miroir  de  perfection  d  .  Il  ajoute:  «  Le  coloris  de  ce 
tableau  est  fendre  et  délicat.  » 

E.  Xous  avons  éprouvé  une  vraie  déception  en  constatant  que 
Pages  ne  donne  aucun  détail  sur  le  tableau  peint  par  Raoul  Mares- 
sal  pour  le  compte  de  Toussaint  Rolland.  Il  se  borne  à  quelques 
réflexions  sur  la  clôture. 

it  Cette  clôture,  dit-il,  qui  est  de  bois  peint  et  doré,  fut  ofiferte 
en  1586  par  AI.  Toussaint  Rolland,  marchand;  son  architecture  est 
ornée  de  quatre  colonnes  d'un  ordre  particulier  et  dont  on  ne  voit 
pas  de  semblables  dans  tous  les  ornemens  qui  embellissent  notre 
cathédrale.  Il  est  à  préjuger  que  le  sculpteur...  a  voulu  montrer 
qu'il  n'ignorait  pas  les  ornemens  les  moins  usités  dans  l'architec- 
ture... »  (Suit  un  paragraphe  sur  l'origine  des  Cariatides  et  l'opi- 
nion de  Vitruve  à  leur  sujet.)  Le  tableau  jouait  évidemment  sur  le 
nom  du  donateur  et  avait  été  inspiré  par  sa  devise  :  Fleur  de  tous 
saints  roulant  du  Jlot  de  grâce. 

F.  «  Le  tableau  dont  je  vais  vous  parler  sert  de  couronnement  à 
la  clôture  de  la  chapelle  de  Saint-Etienne,  faite  d'une  sculpture  de 
bois  bien  travaillé  '.  La  sainte  Vierge  y  est  peinte  assise  devant  une 
des  portes  de  cette  ville  mystérieuse  décrite  dans  le  vingt  et  unième 
chapitre  de  l'Apocalypse... sous  la  figure  de  sainte  Jérusalem,  des- 
cendant du  ciel,  dont  la  grande  muraille  de  jaspe  avait  douze 
portes,  trois  de  chaque  côté  des  quatre  vents  et  à  chaque  porte  un 
ange.  Cette  cité  d'or  pur  n'avait  point  de  temple,  car  le  Seigneur 
tout  puissant  en  étoit  le  temple  et  l'agneau;  elle  n'étoit  point 
éclairée  du  soleil  ny  de  la  lumière,  car  la  lumière  de  Dieu  l'éclai- 
roit  et  l'agneau  en  étoit  la  lumière. 

'  Voir,  ci-contre,  planche  XXVIII. 


l'Ianch*  WVIII. 


Pjge  4/it). 


1. 0  (  I  s  I)  !■:  V 1 1, 1,  r.  it  s  k  t  s  \  v .\  \i  1 1. 1.  !•: 

r  \  It      M  !\   l'Il  I  K  1       l'It  I  K  1   II 

(1600  ) 


TABLEAUX    OFFERTS    A    \OTHR-DA\IE    DU    PUY.  UU~ 

Il  C'est  à  celle  Mère  de  miséricorde,  ainsi  placcc  à  lu  perle  de  la 
Jérusalem  céleste,  que  nous  pouvons...  donner  la  qualité  de  Porte 
du  Ciel...  Cette  clôture  fut  offerte  en  l'an  1600  par  M.  Louis  De- 
villers,  seigneur  de  Rousseville,  et  dlle  Marie  Gonnet,  son  épouse. 
II  y  est  peint  avec  sa  famille.  On  y  voit  son  écu  où  il  porte  «  d'or 
à  trois  roses  de  gueules,  tigées  et  feuillées  de  synople  »  ;  son 
épouse  porte  '•  d'argent  à  trois  fasces  ondées  de  gueules  -n . 

«  Il  est  à  préjuger  que  M.  Dcvillers  pour  peindre  dans  son 
tableau  un  sujet  qui  fit  allusion  à  son  nom,  a  choisi  cet  endroit  de 
l'Apocalypse  où  il  est  marqué  que  saint  .Jean  vit  la  cité  de  Jérusa- 
lem descendant  du  ciel,  qui  est  apparemment  le  temps  que  le 
peintre  a  voulu  marquer  pour  dire  que  la  ville  estoit  en  V air,  " 
La  devise  de  Louis  de  Villers:  Du  Jubilé  belle  Ville  airs  résonnent, 
rentrait  dans  cet  ordre  d'idées. 

J'ajoute  que  les  Villers,  comme  les  Sachy,  ainsi  que  nous  l'avons 
vu  plus  haut,  avaient  changé  à  plusieurs  reprises  d'armoiries  : 
ils  avaient  eu  d'abord  pour  armes  parlantes  une  ville  soutenue  par 
des  nuées. 

Pour  compléter  cette  description,  je  suis  heureux  de  pouvoir  y 
joindre  la  photographie  du  tableau  lui-même;  il  est  du  petit 
nombre  de  ceux  qui  ont  été  conservés  à  Amiens,  et  cette  circon- 
stance double  l'intérêt  de  la  découverte,  par  M.  Dubois,  du  contrat 
et  du  nom  du  peintre.  Mathieu  Prieur,  dorénavant,  devra  être 
cité  par  tous  ceux  qui  écriront  sur  l'Art  à  Amiens. 

Parmi  les  vingt-huit  portraits  qui  figurent  sur  le  tableau,  je  ferai 
remarquer,  —  outre  les  membres  de  la  famille  de  Villers,  — 
Henri  IV  et  deux  personnages,  dont  l'un,  celui  placé  à  la  gauche  du 
roi,  est  vraisemblablement  Sully.  Le  second  serait-il  Dominique 
de  Vie,  ce  gouverneur  (|ui  avait  su  remplir  avec  tant  de  tact  la  dif- 
ficile mission  qui  lui  était  échue  au  lendemain  de  la  reprise  de 
notre  cité  sur  les  Espagnols,  qu'il  se  concilia  l'estime  et  l'affection 
de  tous  les  habitants? 

G.  Nous  avons  vu  (p.  444,  ci-dessus)  que  ce  fut  aussi  le  peintre 
Prieur  qui  fut  chargé  du  tableau  offert  en  1602,  avec  la  chaire,  par 
frère  Antoine  Pestel,  docteur  en  théologie,  prieur  des  Jacobins 
d'Amiens.  Cette  œuvre  est  disparue.  Xous  savons  seulement  (|ue  ce 
panneau  était  placé  au  couronnement  de  la  chaire,  et  que  Prieur, 


448      TABLEAUX  OFFERTS  A  XOTRE-DAME  DU  PU Y. 

en  vrai  patriote,  y  avait  encore  représenté  Henri  I\  et  le  Dauphin 
qui  fut  depuis  le  roi  Louis  XIII.  (Cf.  Pages,  p.  275.) 

H.  Le  présent  d'Alexandre  Leclercq  n'est  pas  mentionné  dans 
Pages, 

I.  Quant  aux  tableaux  peints  par  le  frère  Luc  —  Claude  François 
dans  le  monde,  —  comme  je  me  propose  d'en  parler  d'une  manière 
plus  détaillée  dans  une  monographie  spéciale,  je  me  borne  à  men- 
tionner ici  les  sujets  qu'ils  représentaient.  Celui  offert  en  1666  par 
François  Quignon,  jouant  sur  le  nom  de  ce  maître  et  inspiré  par 
sa  devise  :  Croix  aimable  à  Jésus  quoi  Quignominieuse,  montiait 
la  Vierge  tenant  entre  ses  bras  l'Enfant  Jésus  qui  regardait  amou- 
reusement une  Croix.  —  A  l'intérieur  des  volets  étaient  représen- 
tées \  Annonciation  et  la  Natiiitc  de  J.-C.  en  camaïeu. 

Le  tableau  offert  par  M'  Mathieu  Wasse  était  une  Assotnption. 
Il  n'avait  pas  été  exécuté  pour  la  Confrérie  du  Puy,  mais  fit  l'objet 
d'un  don  particulier. 

En  résumé,  grâce  aux  contrats  qui  prcèdent,  voici  les  noms  des 
auteurs  de  huit  des  tableaux  du  Puy  retrouvés...  et  retrouvés  à 
Amiens  : 

Firminle  Bel,  1567  et  1569. 

Jehan  de  Paris,  1581. 

Raoul  Maressal,  1586. 

Mathieu  Prieur,  1600  et  1602. 

Pierre  de  Paris,  1630. 

Frère  Luc,  1666  (Je  ne  compte  pas  le  tableau  de  1671). 

Pourquoi  ces  artistes  n'auraient-ils  pas  exécuté  d'autres  ta- 
bleaux? Pourquoi  les  tableaux  antérieurs  n'auraient-ils  pas  trouvé 
aussi  dans  notre  ville  des  pinceaux  assez  habiles  pour  les  exé 
cuter?  Zacharie  de  Cellers,  par  exemple,  qui,  à  ma  connais 
sance,  fut  chargé,  vers  1550-1560,  de  divers  portraits,  était 
certes  de  taille  à  donner  satisfaction  aux  demandes  des  maîtres 
du  Puy;  et  antérieurement,  les  d'Ypres,  les  Barl)e,  les  Beugier 
et  tant  d'autres  dont  j'ai  récolté  les  noms,  n'ont-ils  pas  formé 
une  pléiade  artistique  offrant  aux  membres  de  la  Confrérie  amié- 
noise  toutes  les  ressources  et  toutes  les  garanties  désirables  pour 


TABLEll  \    OFFERTS    A    MOTRE-D.AME    DU    l'LV.  4.49 

faire    exécuter  sur   place   ]o    tableau    composé    par   les   statuts? 
Et  comment  s'en  étonner.''  Cette  Confrérie,  à  elle  seule,  n'était- 
elle  pas  capable  de  donner  l'élan  artistique  à  la  cité  et  d'y  déve- 
lopper le  goût  du  beau? 

Ln  autre  fait,  postérieur,  vient  confirmer  ma  thèse  et  prouver 
l'existence  à  Amiens  d'importants  ateliers  de  peinture.  C'est 
Vexportation  des  œuvres  exécutées  à  Amiens. 

Les  actes  du  tabellionage  de  Rouen,  compulsés  en  1607  et  1608 
par  M.  Gosselin,  pour  son  "  Histoire  de  la  marine  normande  et  du 
commerce  rouennais  «  ,  ont  fourni  à  ce  propos  une  révélation  d'un 
intérêt  capital. 

En  1606,  un  industriel  de  Rouen,  nommé  Henri  Tillien,  maître 
peintre,  chargeait  sur  un  navire  de  Dieppe  vingt-six  tableaux  peints 
à  l'huile  et  représentant  des  sujets  religieux:  Descentes  de  croix, 
figures  de  N. -S.,  deN.-D.,  etc.  Ces  tableaux  sortaient  de  son  atelier; 
mais,  pour  finir  son  chargement,  le  maître  peintre  s'était  adressé  à 
ses  confrères  d'Amiens,  qui  lui  avaient  expédié  cent  cinquante-huit 
tableaux. 

(i  ...  Plus  deux  tableaux  en  albâtre,  dit  le  contrat  notarié,  et 
treize  douzaines  de  petits  tableaux  enluminés;  ces  derniers,  ainsi 
que  les  deux  d'albâtre,  n'étant  pas  de  la  fabrique  dudit  Tillien, 
mais  fait  venir  par  lui  de  la  ville  d^ Amiens  » . 

La  même  année,  dans  le  mois  de  novembre  1606,  le  sieur  Til- 
lien chargeait  sur  un  autre  navire  du  port  de  Dieppe  deux  caisses 
pleines  de  tableaux  à  l'huile  peints  par  lui  et  ses  ouvriers  plus  une 
caisse  de  tableaux  peints  à  la  détrempe,  des  tableaux  d'albâtre,  des 
plafonds...  le  tout  fait  venir  de  la  fabrique  d'Amiens  et  envoyé 
avec  ses  propres  tableaux  en  Espagne.  (Actes  du  tabellionage  de 
Rouen,  9  mai  1607  —  4  avril  1608.) 

C'était  en  effet  vers  Séville  que  les  productions  des  peintres  nor- 
mands et  picards  étaient  dirigées.  On  peut  supposer  qu'elles  étaient 
destinées  à  orner  les  murs  des  couvents,  soit  en  Espagne,  soit  dans 
les  colonies.  (Comm.  de  M.  .Janvier.) 

Il  est  aisé  de  comprendre  qu'après  les  troubles  de  la  Ligue  et  le 
coup  terrible  qui  frappa  notre  ville  d'Amiens  en  1597,  le  goût  des 
Beaux-Arts  et  les  dépenses  somptuaires  aient  dû  diminuer  dans 
notre  cité.  Les  artistes,  ne  trouvant  plus  de  débouchés  sur  place, 

29 


450  TABLEAUX    OFFERTS    A    NOTRE-DAME    D  L'    PUY, 

comme  par  le  passé,  durent  cesser  de  faire  de  l'art  pour  faire  du 
métier  et  chercher  de  toutes  les  manières  possibles  à  se  procurer 
des  moyens  d'existence  que  la  misère,  conséquence  du  siège 
d'Amiens,  ne  leur  permettait  plus  de  trouver  chez  eux.  Bien  heu- 
reux encore  de  rencontrer,  comme  leurs  collègues  d'Anvers,  un 
entrepreneur  de  brocantage  artistique.  (Cf.  Fernand  Donnet,  d'An- 
vers, communication  au  Congrès  de  Gand  en  1896.) 

Dans  ma  notice  sur  le  sculpteur  amiénois  Jacques-Firmin  Viraeux , 
présentée  au  Congrès  des  Beaux-Arts  en  1894,  je  disais  que  les 
artistes  peintres  étaient  relativement  rares  à  Amiens  au  dix-septième 
et  au  dix-huitième  siècle.  Ne  serait-ce  pas  dans  les  funestes  événe- 
ments de  1597  qu'il  faudrait  chercher  la  cause  de  la  décadence 
d'atelieisde  peinture  florissants  aux  quinzième  et  seizième  siècles? 
assez  florissants  pour  avoir  produit  au  moins  une  partie  des  pré- 
cieuses peintures  du  Puy.  Nos  archives,  je  le  répète,  n'ont  point 
encore  livré  tout  leur  secret  sur  cette  question,  mais  on  conviendra 
du  moins  qu'elle  a  fait  un  pas  appréciable.  Les  contrats  exhumés, 
les  noms  retrouvés,  les  descriptions  de  Pages  viennent  singulière- 
ment appuyer  ma  thèse,  et  je  ne  pense  pas  qu'il  soit  téméraire  de 
revendiquer  pour  les  Amiénois  l'honneur  d'avoir  créé  les  peintures 
dont  s'enorgueillissait  notre  cathédrale. 

§  2.  Note  sur  un  tableau  jjrovenaîit  de  la   Confrérie  amiénoise 
de  Notre-Dame  du  Puy. 

Les  recherches  sur  les  auteurs  des  tableaux  du  Puy  donnent 
des  résultats  encourageants  :  il  en  est  de  même  des  recherches  sur 
les  œuvres  elles-mêmes.  Toutes,  heureusement,  n'ont  pas  été  dé- 
truites! Il  doit  en  exister  encore  un  certain  nombre,  ignorées  dans 
des  églises  de  village,  égarées  chez  des  particuliers  qui  n'en  con- 
naissent pas  l'origine,  ou  même  conservées  dans  des  musées  avec 
une  fausse  attribution.  L'une  des  œuvres  les  plus  intéressantes  de 
notre  Confrérie  amiénoise  ne  se  trouve-t-elle  pas  depuis  nombre 
d'années  dans  l'un  de  nos  grands  musées...  à  Cluny...  commepro- 
venant  de  la  cathédrale  de  Reims!  J'ai  promis  à  M.  Saglio  de  lui 
fournir  toutes  les  preuves  à  l'appui  d'une  rectification  pour  la  pro- 
chaine édition  du  catalogue. 


TABLEAUX    OKI'EUTS    A    XOTKE-DAME    DL    PLT.  451 

L'origine  du  iahleau  que  j'ai  riioniieur  de  signaler  aujourd'hui 
au  Congrès  des  Beaux-Arts  était  également  tout  à  fait  oubliée:  son 
existence  même  n'était  guère  connue  que  dans  un  cercle  très  étroit, 
perdu  qu'il  était  dans  une  humble  commune  du  Pas-de-Calais,  à 
Coullemont,  village  de  deux  cent  trente-huit  habitants,  canton 
d'Avesnes-le-Comte,  arrondissement  de  Saint-Pol. 

Sans  être  comparable  aux  magnifiques  peintures  de  1518, 1519, 
1520...,  iln'estpasàdédaigner  aupoint  de  vuepurement  artistique  ; 
mais,  surtout,  il  est  précieux  en  ce  qu'il  vient  combler  une  lacune 
entre  les  tableaux  que  je  viens  de  citer  et  ceux  du  dix-septième  siècle, 

II  porte  bien  d'ailleurs  le  cachet  de  son  époque  :  le  sujet  lui- 
même  en  est  fort  caractéristique  :  nous  sommes  au  temps  des 
événements  de  la  Réforme. 

Pages  l'avait  déjà  mentionné  dans  ses  Mémoires  :  «  Le  loingtain 
de  ce  tableau  est  embelli,  écrit-il,  d'un  paysage.. On  y  voit  la  sainte 
Vierge  portée  dans  un  chariot  d'or  tiré  en  l'air  par  des  chevaux 
d'or.  Au-dessous,  on  voit  sur  la  terre  un  grand  serpent  ou  dragon 
à  plusieurs  têtes,  qui  semble  vouloir  s'élever  contre  ce  chariot. 

K  L'architecture  du  quadre  de  ce  tableau,  faite  de  bois  doré  en 
sculpture,  est  soutenue  par  des  pilastres  ou  colonnes  hermétiques 
formées  par  deux  statues  de  femme  en  demi-bosse  sortant  de  leurs 
guaines.  n 

Cette  description,  pour  sommaire  qu'elle  est,  n'a  pas  été  inutile 
et  m'a  donné  une  preuve  de  plus  à  l'appui  de  l'identification  de 
cette  peinture,  que  j'avais  déjà  reconnue  grâce  à  la  devise  et  au 
blason  de  son  donateur.  Augustin  Cousin,  prêtre,  chapelain  de 
la  cathédrale,  maître  du  Puy  en  1548,  l'off'rit  à  la  cathédrale  con- 
formément aux  statuts,  «  et  ledit  jour  chanta  sa  première  messe "  . 
C'est  du  moins  ce  que  nous  lisons  dans  un  épitaphier  manuscrit 
conservé  dans  la  bibliothèque  des  antiquaires  de  Picardie. 

Je  n'ai,  du  reste,  aucun  autre  renseignement  biographique  sur 
cet  ecclésiastique.  Un  Pierre  Cousin,  vraisemblablement  l'un  de  ses 
parents,  procureur  en  la  cour  spirituelle,  avait  été  déjà  maître  du 
Puy  en  1513  et  avait  offert  aussi  un  tableau  dont  Pages  parle  en 
termes  élogieux.  Une  reproduction  plus  ou  moins  fidèle  nous  en 
a  été  conservée  dans  le  beau  manuscrit  des  chants  royaux  d'Amiens 
(Bibliothèque  nationale,  n°  145  français);  on  la  trouvera  au  f"  41 
de  ce  recneiL^  sous  la  devise  :  Clavi^ère  du  royaume  céleste. 


452  .TABLEAUX    OFFERTS    A    \OTUE-DA.VIE    I)  i:    PUY. 

Par  quelle  étrange  destinée  le  tableau  de  1548  est-il  arrivé  dans 
celle  humble  église  du  diocèse  d'Arras?  J'ai  pu  me  procurer  à  ce 
sujet  quelques  renseignements,  grâce  à  l'obligeance  d'un  ancien 
percepteur  de  Luclieux,  M.  Picard,  membre  de  notre  Société. 

Sorti  de  la  cathédrale  sans  doute  en  même  temps  que  les  autres 
tableaux  du  Puy,  en  1723,  le  présent  d'Augustin  Cousin  vint  à 
Lucheux  à  une  épo(|ue  que  je  ne  saurais  préciser  ;  peut-être  immé- 
diatement. Sa  deuxième  étape  est  à  Humbercourt,  village  voisin 
de  Lucheux  et  situé  sur  la  limite  extrême  de  la  Somme  et  du  Pas- 
de-Calais.  Il  y  fut  naturellement  dédaigné  :  j'ai  entendu  dire  qu'on 
l'avait  réduit  au  rôle  de  cloison  dans  une  maison  d'ouvrier:  il  subit 
même  à  ce  moment  un  badigeonnage  à  la  chaux.  Aussi  ne  fit-on 
aucune  difficulté  pour  le  vendre,  le  jour  où  un  habitant  de  Coulle- 
mont,  commune  contiguë  à  celle  d'Humbercourt,  mais  dans  le 
Pas-de-Calais,  en  offrit  royalement  la  somme  de...  dix  francs.  Il  put 
emporter  son  acquisition  séance  tenante. 

A  Coullemont,  on  avait  pensé  à  mettre  le  tableau  dans  l'église, 
mais  l'évêque  d'alors,  le  trouvant  trop  profane,  s'y  opposa  :  peut- 
être  n'en  avait-il  pas  très  bien  saisi  le  sujet. 

Il  fallait  un  hasard  heureux  pour  remettre  cette  œuvre  en  lumière: 
cette  occasion  se  produisit:  en  1896,  un  des  membres  du  Comité  de 
l'Exposition  d'Arras,  dont  la  propriété  est  voisine  de  Coullemont 
et  qui  avait  eu  connaissance  de  cette  peinture,  la  demanda  au  curé 
et  la  transporta  dans  l'une  des  salles  du  palais  Saint-Vast.  C'est  là 
que  je  la  vis  pour  la  première  fois  :  frappé  tout  d'abord  de  son 
allure  et  m'étant  assuré  que  son  origine  était  totalement  inconnue, 
je  pris  séance  tenante  des  notes  qui  me  permirent  de  l'identifier 
dès  mon  retour  à  Amiens  et  de  la  revendiquer  comme  nôtre. 

J'aurais  vivement  désiré  pouvoir  la  faire  entrer  au  Musée  de 
Picardie,  mais  toutes  mes  négociations,  à  ce  sujet,  et  les  raisons  les 
plus  légitimes  échouèrent  devant  la  décision  bien  arrêtée  du  conseil 
municipal  de  Coullemont. 

Le  tableau  d'Augustin  Cousin  restera  donc  dans  cette  conimune: 
j'espère  qu'il  n'y  sera  exposé  à  aucune  dégradation  ;  mais  comme 
bien  peu  pourront  l'y  aller  voir,  j'ai  cru  utile  de  communiquer  à 
MM.  les  membres  du  Congrès  des  Beaux-Arts  une  photographie  de 
ce  curieux  spécimen  des  peintures  offertes  au  Puy  d'Amien*  vers 
le  milieu  d^u  seizième  siècle. 


Planche  WIN. 


h,.,,   i: 


ALT.  l'STIV    COIJSI\    ET    SA    KAVIIL  l,E 

1548.) 


I. 


SCULPTURES,    PEIXTUHKS    DE    LKGLISE    S  A  I  MT-A  MTO  I\  E  .     453 

La  planche  qui  complète  la  présente  note  fera  connaître  mieux 
qu'une  description  un  sujet  d'ailleurs  facile  à  comprendre'.  La 
vierge  Marie,  assise  sur  un  char  d'or,  orné  de  pierreries,  foule 
victorieusement  l'Hérésie  représentée  par  quelques  livres  :  des 
chœurs  d'anges  semblent  célébrer  sa  victoire  :  au  char  sont  attelées 
deux  licornes  ;  cet  animal  fabuleux,  qu'une  Vierge  seule  pouvait 
dompter,  est  ici  le  symbole  de  la  ville  d'Amiens  qui  l'a  adopté 
comme  support  de  ses  armoiries. 

Au-dessous,  l'Hydre  avec  ses  sept  têtes  écrasant  la  brebis  symbo- 
lique ;  sujet  qui  a  été  puisé  manifestement  dans  l'Apocalypse. 
A  droite,  trois  personnages  qui  constituent  une  allégorie  difficile  à 
saisir,  mais  relative  à  coup  sûr  aux  troubles  religieux  de  l'époque. 

Enfin,  sur  le  devant  du  tableau,  le  donateur  et  sa  famille. 

Tel  est,  en  quelques  mots,  l'ensemble  de  cette  peinture. 
Puissé-je  arriver  quelque  jour  à  retrouver  le  contrat  qui  fera  con- 
naître son  auteur. 

Robert  Guerlin, 

Membre   de   la   Société  des  antiquaires 
de  Picardie,  à  Amiens. 


XXVII 

LES    SCULPTURES    ET    LES    PEINTURES 

DE    L'ÉGLISE    DE    SAINT-AIVTOIiV  E    EAf    VIEMMOIS 
I 

L'église  abbatiale  de  Saint-Antoine  est  un  des  monuments  les 
plus  remarquables  de  l'époque  ogivale  dans  le  midi  de  la  France. 
Longtemps  demeurée  en  dehors  du  cercle  des  excursions  consa- 
crées, par  suite  de  sa  situation  un  peu  écartée,  elle  voit  aujour- 
d'hui, grâce  à  la  florissante  communauté  qui  la  dessert,  la  foule 

'  Voir,  ci-dessus,  planche  XXIX. 


•454     SCULPTURES,    PEIXTURES    DE    LEGLISE    S  A IMT-ANTOINE. 

emplir  de  nouveau  ses  vastes  nefs,  comme  au  temps  où  le  culte  du 
patriarche  des  cénobites  lui  amenait  les  pèlerins  et  les  malades  de 
tous  les  coins  de  l'Europe.  —  Ce  beau  monument  n'a  pas  encore 
sa  monographie  complète;  mon  savant  ami,  Dom  Hippolyte 
Dijon',  si  bien  renseigné  sur  tous  les  détails  de  son  histoire 
architecturale,  est  tout  désigné  pour  mener  à  bien  ce  travail,  qui 
ne  laisse  pas  que  d'être  assez  délicat.  J'espère  bien  qu'il  ne  nous 
le  fera  pas  trop  attendre. 

La  présente  notice  apportera  à  cette  œuvre  une  modeste  con- 
tribution :  elle  a  pour  but  de  faire  connaître  deux  œuvres  d'art 
très  importantes  et  d'apporter  un  peu  de  lumière  sur  leurs  ori- 
gines. 

Un  nom,  longtemps  oublié  dans  l'histoire  de  l'art,  mais  qui 
bientôt  aura  reconquis  son  ancienne  renommée,  est  attaché  à  notre 
vieille  basilique,  c'est  celui  du  (  souverain  tailleur  d'images  *  w, 
Antoine  le  Moiturier. 

Les  archives  de  Dijon  et  d'Avignon  nous  révèlent,  en  effet,  que  le 
maître  sculpteur  a  passé  à  Saint-Antoine  quelques-unes  des  années 
où  il  était  dans  toute  la  vigueur  de  Tàge  et  du  talent. 

Mais  elles  se  sont  obstinées  à  garder  le  secret  des  travaux  qu'il  y 
accomplit. 

En  1896,  Al.  .1.  .1.  Marquet  de  Vasselot^  a  exprimé  l'avis  que  le 
travail  auquel  s'était  livré  Le  Moiturier  à  Saint-Antoine  était  la 
sculpture  du  portail  de  l'église.  11  appuie  son  opinion  sur  les 
caractères  de  cette  sculpture,  qui  la  font  rentrer  dans  les  produc- 
tions de  l'École  dijonnaise. 

J'adopte  entièrement  ses  conclusions.  Mais  je  crois  être  en 
mesure  de  pousser  plus  avant  la  démonstration,  en  l'appuyant  sur 
une  preuve  positive. 

'  C'est  en  visitant  ensemble  l'église  de  Saint-Antoine  que  nous  avons  posé  les 
jalons  de  cette  notice.  Qu'il  veuille  bien  recevoir  ici  le  témoignage  de  ma  recon- 
naissance pour  les  précieux  renseignements  que  je  lui  dois. 

2  Le  mot  est  de  .Michel  Colombe.  Voir  B.  Prost,  Artistes  dijonnais  du  quin- 
zième siècle,  dans  Gazette  des  Beaux- Arts,  1891,  p.  23. 

^  Communication  à  la  Société  des  antiquaires  de  France,  Bulletin  de  1896,  p.  79. 
Le  travail  de  AI.  de  Vasselot  a  paru  dernièrement  dans  les  Mémoires  de  l'Aca- 
démie des  inscriptions  (fondation  Eugène  Piot,  'i"  fascicule  du  t.  III,  1897), 
sous  ce  titre  :  Deux  œuvres  d'Antoine  Le  Moiturier,  L'obligeante  amabilité  de 
l'auteur  m'a  permis  d'en  prendre  connaissance,  alors  que  la  présente  notice  était 
terminée.  J'ai  été  heureux  de  constater  la  parfaite  conformité  de  nos  conclusions. 


l'Iancht  X\X. 


l'ajlf 


KGI.ISK     DK     SAI\T-A\T01ÎVE 

s  i;  i  1,  r'  i- 1;  it  u  s    i>  ii    i'  <)  r.  r  \  1 1. 


I 


SCULPTURES,    PEIMTLRES    PE    LEGLISE    S  A  I  AI  T-A  IV  TO  I  iV  E.     455 

Commençons  par  décrire  brièvement  la  façade'. 

Elle  présente  un  ensemble  harmonieux  et  bien  proportionné, 
qui  en  eût  fait  l'une  des  plus  distinguées  de  son  époque,  si  son 
couronnement  avait  été  achevé,  liie  galerie  la  partage  en  deux 
étages,  et  d'élégants  contreforts  à.  nervures  prismatiques,  qui  mon- 
tent jusqu'au  sommet,  lui  donnent  un  heureux  relief,  en  marquant 
les  divisions  intérieures.  Ln  rang  de  grandes  statues  garnissait  la 
partie  inférieure  des  contreforts  et  les  pieds-droits  des  trois  portes; 
des  niches,  ménagées  dans  les  plats  de  l'étage  supérieur,  en  avaient 
reçu  également;  on  comptait  en  tout  trentre-quatre grandes  statues, 
celles  du  trumeau  comprises.  Une  seule,  et  mutilée  de  la  tète,  est 
encore  en  place  dans  la  gable  de  la  porte  de  gauche. 

Heureusement,  la  triple  archivolte  de  la  porte  principale  a  été 
plus  respectée  et  reste  pour  adoucir  nos  regrets.  Elle  est  garnie 
de  quatre-vingt-cinq  statuettes,  dans  des  niches  surmontées  de 
dais  très  ouvragés. 

La  première  série,  contre  le  tympan,  comprend  douze  person- 
nages, assis  dans  l'attitude  traditionnelle  des  prophètes.  On  y 
reconnaît  Moïse  aux  tables  de  la  loi  et  David  à  la  harpe,  sur  laquelle 
il  s'appuie'. 

Les  autres  sont  sans  doute  les  grands  prophètes  ou  des  pa- 
triarches. 

Les  deux  autres  séries  se  composent  d'anges,  groupés  deux  à 
deux  et  dominés  par  le  Christ  de  majesté,  tenant  le  globe  du  monde. 
Tous  ces  anges,  aux  ailes  multiples,  sont  debout,  dans  des  poses 
gracieuses  et  très  naturelles.  Ils  jouent  de  divers  instruments, 
ouvrent  la  bouche  pour  chanter  sur  des  livres  et  des  banderoles, 
ou  joignent  les  mains  dans  l'attitude  de  l'adoration. 

Ces  trente-six  groupes  sont  extrêmement  variés  et  prouvent  une 
singulière  souplesse  et  une  rare  fécondité  de  talent  chez  le  sculpteur. 

Les  draperies  des  anges  offriraient  bien  des  particularités  dignes 
d'intérêt.  Mais  les  patriarches  et*les  prophètes  du  premier  rang 

'  M.  Marcel  Reymond,  qui,  en  même  temps  que  M.  de  Vasseiot,  nommait 
Le  Moiturier  à  propos  des  sculptures  de  la  façade,  croit  reconnaître  dans  cette 
façade  un  caractère  nettement  italien.  J'avoue  que  ses  arguments,  développés 
dans  une  intéressante  brochure,  ne  m'ont  pas  convaincu.  (V.  Marcel  Rev.aio.\d, 
Caractère  italien  de  la  façade  de  Saint-Antoine  (Isère)  et  Sculpture  de  Le 
Moiturier.  Extrait  du  Bulletin  de  l'Académie  Delphinale,  4»  série,  t.  X,  1896.) 

'  Voir,  ci-dessus,  planche  XXX,  et  ci-après,  planche  XXXI. 


456     SCULPTURES,    1' E  I  .\  T  l  U  E  S    DE    LEGEISE    S  A  lAi  T-A  IVTO  I  \  E. 

surtout  sont  caractcristicjues.  Il  suffit  d'être  quelque  peu  familia- 
risé avec  les  sculpteurs  dijonnais  pour  retrouver  ici,  au  premier 
coup  d'œil,  l'air  do  famille,  les  procédés  ordinaires deleur  facture  : 
ce  sont  bien  les  mêmes  mouvements  des  bras  ramenant  le  manteau 
pour  en  cacher  tout  le  corps,  les  mêmes  plis  amples  et  étoffés  des 
draperies,  que  l'on  retrouve  chez  les  pleurants  des  tombeaux  de 
Philippe  le  Hardi  et  Jean  Sans  peur,  la  même  expression  des 
visages,  où  le  réalisme  énergique  et  l'inspiration  s'unissent  dans 
un  puissant  efifort  de  génie. 

Ainsi  le  portail  de  Saint-Antoine  est  bien  une  œuvre  dijon- 
naise  et  peut-être  même,  malgré  la  perte  irréparable  de  toutes 
ses  grandes  statues,  l'œuvre  la  plus  importante  que  nous  gardions 
de  la  fameuse  école.  Reste  maintenant  à  examiner  si  Le  Moiturier 
doit  en  être  regardé  comme  l'auteur. 

M.  l'abbé  Requin  '  nous  le  montre  prêt  à  quitter  Avignon  sur 
la  fin  de  l'année  1452.  Où  se  disposait-il  à  porter  ses  pas?  Aucun 
document  ne  l'a  encore  dévoilé.  On  ne  retrouve  ses  traces  qu'en 
1461,  année  où  il  signe  un  marché  dans  sa  ville  natale.  Au  bout  de 
quelques  mois,  il  quitte  de  nouveau  son  atelier  d'Avignon,  et  on  le 
retrouve,  l'année  suivante,  à  Saint-Antoine.  C'est  de  là  qu'il  part 
pour  Dijon,  appelé  par  le  duc  Philippe  le  Bon  à  la  succession  de  La 
Huerta.  Tout  fait  supposer  que  ces  dix  années,  pendant  les- 
quelles on  perd  sa  trace,  il  les  a  passées  à  Saint-Antoine,  occupé 
à  un  travail  important,  et  ce  travail  ne  peut  être  que  la  façade  de 
l'église. 

M.  Requin,  il  est  vrai,  semble  pencher  à  lui  attribuer  la  déco- 
ration de  la  chapelle  de  la  Trinité.  Mais  cette  chapelle  fut  élevée 
sous  l'abbé  Jean  de  Polley,  mort  en  1438  ".  A  cette  date,  maître 
Anthoniet  était  encore  à  Avignon,  De  plus,  d'après  les  anciens 
inventaires,  la  décoration  consistait  uniquement  dans  une  repré- 
sentation de  la  Trinité,  au  milieu  d'un  nuage,  entourée  d'anges 
adorateurs.  Ce  travail  n'aurait  pas  retenu  longtemps  le  maître  qui 
demandait  une  année  et  demie  seulement  pour  terminer  le  retable 
de  sept  métrés  de  hauteur  de  Saint-Pierre  d'Avignon  ^. 

'  Jacques  Morel  et  son  neveu  Antoine  Le  Moiturier,  dans  les  Comptes  rendus 
des  réunions  des  Sociétés  des  Beaux- Arts,  1890,  p.  18  du  tirage  à  part, 
*  Aymar  Falco,  Antonianae  Historiae  compendium,  1534,  f°  93  v°. 
^  L'abbé  Requix,  loc.  cit.,  p.  17 


l'iancLc  XXXI. 


l'âge  456 


EGLISE     DE     SA1MT-A.\T0I\E 


SCliLPTURKS     DU     IMPUTA  IL 


$ 


SCULPTURES.    l'ElXTLRRS    DE    I/EGLISE    S  \  I  \T-A  X  T  0  IX  E  .     457 

A  ces  vraisemblances,  qui,  à  la  vérité,  touchent  de  bien  près  à 
une  preuve,  bâtons-nous  d'apporter  un  document  plus  précis. 

A  l'intérieur  de  l'église,  la  clef  de  voûte  de  la  grande  nef,  contre 
la  façade,  porte  un  écusson  sculpté,  (fui  paraît  avoir  échappé  aux 
investigations  de  nos  prédécesseurs.  Il  porte  :  de...  à  trois  flamme  a 
posées  deux  et  un,  la  pointe  en  bas,  au  chef  de...  à  un  lion  de..., 
is  s  ant  d'une  face  diminuée  de...,  un  tau  de  saint  Antoine  entre 
les  flammes.  Ces  armoiries  sont  évidemment  celles  de  l'abbé  qui  a 
fait  édiGer  la  façade  de  l'église.  Or,  elles  ont  une  analogie  frap- 
pante avec  celles  qu'on  attribue  à  la  maison  deBrion. 

Il  est  vrai,  les  généalogistes  dauphinois  mettent,  à  la  place  des 
trois  flammes,  que  nous  avons  cru  voir  distinctement,  soit  trois 
têtes  de  face ,  couronnées  de  feuillages  ',  soit  trois  écussons, 
d'après  les  blasons  peints  dans  l'ancienne  commanderie  de  Ranvers 
en  Piémont.  De  ces  trois  lectures,  laquelle  est  la  bonne?  Le  fait 
importe  peu,  puisque,  en  toute  hypothèse,  l'écusson  de  notre  clef 
de  voûte  doit  être  attribué  à  la  famille  de  Brion.  Mais  ici  surgit  une 
nouvellejdifficulté.  Deux  Brion  :  Humbert  (14:38-1459)  et  son  neveu 
Antoine  (1482-1490),  ont  occupé  le  siège  abbatial  au  quinzième 
siècle.  Auquel  des  deux  attribuer  ce  blason  et  par  conséquent 
l'achèvement  de  l'église?  Au  premier,  croyons-nous,  et,  à  défaut 
de  preuves  certaines,  nous  avons  des  présomptions  suffisantes. 
L'histoire  des  Antonins  se  contente  de  dire  d'Humbert  que  l'ordre 
atteignit,  sous  son  règne,  à  un  très  haut  degré  de  splendeur  et  jouit 
d'une  tranquillité  parfaite  dont  il  fut  privé  sous  ses  deux  successeurs 
immédiats-.  C'était  donc  une  époque  très  favorable  à  l'achèvement 
de  travaux,  que  des  aumônes  princières  venaient  encore  faciliter. 

Son  neveu,  Antoine,  consacra  ses  efforts  à  remplacer  la  toiture 
peu  décente  de  la  basilique  par  une  couverture  de  tuiles  à  dessins 
de  couleur,  et  ensuite  à  la  doter  d'un  pavage  de  marbre  et  de 
pierre*.  Ce  sont  là  des  travaux  complémentaires  qui  ne  se  font 
qu'après  l'achèvement  du  gros  œuvre  d'un  monument.  C'est  donc 
à  l'abbé  Humbert  qu'il  faut  attribuer,  avec  le  blason  de  la  dernière 
travée,  la  façade  de  l'édifice.  Or,  on  l'a  remarqué,  les  dates  dans 

*  V'allier,  Armoriai  des  grands  maîtres  et  des  abbés  de  Saiiit'Antoine  de 
Viennois,  p.  46. 

*  Aymar  Falco,  toc.  cit.,  f"  Ol. 
^  [bid.,  f  98  V", 


i58     SCLLPTUKES,    1' E  !  .\  T  l  R  E  S    DE    LEGLISE    S  A  1  M  T-A  XTOINE. 

lesquelles  se  renleime  son  gouvernement  (1438-14'59)  concordent 
avec  le  séjour  de  maître  Anthoniet  à  Saint-Antoine.  Kn  effet,  si  l'on 
ne  peut  préciser  la  date  de  son  arrivée  à  l'abbaye,  on  sait  qu'il 
quitla  Avignon,  sa  ville  natale,  vers  1-452  ;  que  neuf  ans  plus  lard, 
il  habitait  Saint-Antoine,  où  le  vint  chercher  la  commande  du 
tombeau  de  Jean  Sans  peur  ';  qu'en  ce  moment,  il  partagea 
son  temps  entre  ce  lieu  et  Avignon,  où  il  exécuta  le  retable  de 
l'église  Saint-Pierre  et  qu'enfin,  à  partir  de  1464,  il  se  fixa  défini- 
tivement dans  la  capitale   de  la  lîourgogne. 

Je  me  crois  donc  en  droit  d'exprimer  les  conclusions  suivantes: 
C'est  l'abbé  Humbert  de  Brion  qui  a  terminé  la  construction  de 
l'église  de  Saint-Antoine.  Les  sculptures  de  la  façade  représentent 
le  style  le  plus  pur  de  l'École  dijonnaise  ;  elles  sont,  par  consé- 
quent, l'œuvre  d'un  des  maîtres  les  plus  habiles  de  cette  Ecole. 
Alaître  Antoine  Le  Moiturier  ayant  été  occupé  pendant  le  temps 
de  l'abbé  Humbert  à  un  travail  important  dans  l'abbaye,  ce  travail 
ne  peut  être  que  la  sculpture  de  la  façade  de  son  église. 


II 


L'église  de  Saint-Antoine  était  autrefois  couverte  de  peintures; 
simple  ornementation  dans  les  nefs,  ces  peintures  comprenaient  de 
nombreuses  scènes  dans  les  chapelles  qui  furent  édifiées  au  cours 
des  quatorzième  et  (juinzième  siècles.  Peut-être  serait-il  possible 
d'en  retrouver  de  bons  débris  sous  le  badigeon  dont  au  dix- 
septième  siècle  on  a  eu  le  bon  goût  de  les  recouvrir. 

Le  succès  qui  est  venu  couronner  un  premier  essai  dans  la  cha- 
pelle dont  nous  allons  nous  occuper  est  bien  fait  pour  stimuler  le 
zèle  de  la  Commission  des  monuments  historiques. 

Ces  peintures  ont  été  décrites  avec  autant  de  compétence  que  de 
charme  dans  une  récente  brochure  '  .  Je  me  contenterai  d'en 
donner  un  aperçu,  en  renvoyant  à  ce  bon  travail  ceux  qui  désire- 
raient un  plus  long  détail.  Au  reste,  un  coup  d'oeil  jeté  sur  les 

'  B.  Prost,  Artistes  dijonnais  du  quinzième  siècle,  p.  20;  l'abbé  Requin, 
Jacques  Morel,  p.  18. 

^  Les  peintures  murales  et  les  tapisseries  de  Féglise  de  Saint-Antoine,  par 
Dom  H.  DiJOX.  Valence,  1897.  —  V'oir,  ci-contre,  planche  XXXII. 


I 


SCUI.rTlKES,    PEI\TU11ES    DE    LEGLISE    S  A  IN  T-AAiTO  I\  E-      459 

planches  de  ce  mémoire  en  dira  plus  long  que  les  descriptions. 

Ces  peintures  couvrent  les  murs  de  la  seconde  chapelle  à  gauche 
quand  on  remonte  le  collatéral  nord.  Sur  le  mur  de  face,  une  seule 
figure  est  conservée:  c'est  celle  d'une  vierge  martyre  qui  tient  une 
palme  d'une  main  et  de  l'autre  un  objet  indéterminé.  Les  deux 
autres  murs  se  partagent  quatre  grandes  compositions.  Les  deux 
panneaux  supérieurs  ont  trait  à  la  vie  de  saint  Antoine.  D'un  côté, 
le  saint  apparaît  représenté  simultanément  dans  plusieurs  scènes: 
assailli  par  les  démons  sous  la  forme  d'animaux  sauvages;  guéris- 
sant un  possédé  dont  un  autre  personnage  s'efforce  de  contenir  la 
fureur,  etc.  De  l'autre  côté,  vis-à-vis,  saint  Antoine  retrouve,  au 
milieu  du  désert,  le  corps  de  saint  Paul,  premier  ermite,  et  se  ti^nt 
en  prières  auprès  de  lui'.  Le  troisième  panneau  est  consacré  à  la 
légende  de  saint  Christophe  avec  ses  détails  ordinaires.  Le  qua- 
trième servait  de  retable  à  l'autel  ;  c'est  apparemment  ce  qui  a  fait 
choisir  pour  sujet  la  scène  du  crucifiement.  Le  Christ  en  croix, 
imberbe,  la  tête  penchée  sur  l'épaule  gauche,  est  entièrement  nu  ; 
à  ses  côtés  sont  assis  à  terre  la  Vierge  et  saint  Jean,  celle-ci  la 
tète  appuyée  sur  ses  mains,  l'apôtre  entourant  son  genou  de  ses 
mains  entrelacées  dans  un  geste  de  suprême  désolation  *.  Près  de 
saint  Jean,  l'archange  saint  Michel  tient  à  la  main  une  balance, 
sur  les  plateaux  de  laquelle  sont  deux  âmes,  sous  la  figure  de  petits 
personnages.  La  balance  incline  à  gauche,  et  l'àme  est  précipitée 
en  bas  la  tète  la  première;  au  contraire,  sur  l'autre  plateau  l'àme 
est  debout  et  ornée,  avec  une  grande  expression  de  calme  et  de 
recueillement.  Du  côté  de  la  sainte  Vierge  et  faisant  pendant  à 
saint  Michel,  est  agenouillé,  les  mains  jointes,  un  prélat  revêtu 
des  ornements  pontificaux,  et  derrière  lui  se  profile  la  majes- 
tueuse figure  de  saint  Antoine  qui  tient  sur  sa  poitrine  le  livre 
de  la  règle.  De  petits  anges  voltigent  autour  de  la  divine  Victime 
et  recueillent  son  sang  dans  un  calice;  deux  séraphins  aux  ailes  et 
aux  vêtements  lumineux  planent  au-dessus  de  la  croix. 

Le  fond  du  tableau  est  d'une  couleur  rouge  très  chaude  ;  les 
carnations  sont  blanchâtres;  les  aubes  des  anges  sont  blanches 
avec  des  rehauts   bleus  ;  la  Vierge  est  vêtue  d'une  robe  rose  à 

'  La  partie  inférieure  de  cette  figure  a  été  détruite  lors  du  percement  d'une 
arcade. 

^  Dom  H.  Duov,  op.  cit.,  p.  7. 


4G0     SCULPTURES,    PEIXTLKKS    DE    L'EGLISE    S  A  1 1\  T-A  MTOIIVE  . 

rehauts  blancs  et  d'un  manteau  bleu;  Tapôtie  saint  Jean,  d'une 
robo  verte  et  d'un  manteau  rose.  La  chape  du  prélat  est  jaune  à 
doublure  verte,  et  saint  Antoine  est  vêtu  d'un  ample  manteau  noir, 
couvrant  une  tunique  brun  sombre. 

Les  visages  sont  beaux  et  expressifs  ;  celui  de  saint  Antoine  se 
présente  de  profil  avec  une  noble  majesté.  La  figure  du  prélat  est 
un  portrait  très  vivant;  mais  c'est  surtout  la  tête  du  Christ  qui 
mérite  l'attention  par  son  expression  très  vive  et  très  réaliste,  quoi- 
que gardant  une  incomparable  dignité.  Cette  tête  est  à  coup  sûr  le 
meilleur  morceau  des  quatre  fresques.  —  La  scène  de  saint 
Christophe  est  également  soignée,  car  elle  était  destinée  à  être  vue 
de  plus  près  que  les  deux  supérieures,  dont  l'exécution  est  moins 
serrée.  Peut-être  ces  dernières  ne  sont-elles  pas  de  la  même  main. 

Si  l'abbé  représenté  comme  le  donateur  des  peintures  portait 
quelque  indice  qui  le  pût  faire  reconnaître,  nous  aurions,  par  là 
même,  la  date  de  ces  œuvres  précieuses.  Malheureusement,  il  faut 
chercher  ailleurs. —  La  chapelle  date  du  quinzième  siècle  par  son 
style;  elles  ne  sont  donc  pas  antérieures.  L'association  de  saint  Paul 
ermite  à  saint  Antoine  ne  serait-elle  point  l'indice  que  cette  chapelle 
est  celle  que  l'abbé  Gérenton  de  Chàteauneuf  construisit,  sous  le 
vocable  de  saint  Paul  ermite,  vers  le  commencement  de  ce 
siècle  '? 

Nous  le  croyons  d'autant  mieux  que  la  clef  de  voûte,  bien  que 
martelée,  semble  porter  encore  les  trois  châteaux  des  armes  de 
cette  puissante  famille.  Gérenton,  il  est  vrai,  fut  remplacé  par 
Hugues  de  Chàteauneuf,  son  neveu  (1409-1417).  Mais  celui-ci 
bâtit  une  autre  chapelle,  celle  des  Douze  Apôtres,  dont  l'emplace- 
ment est  connu.  Il  est  possible,  cependant,  que  son  oncle  lui  ait 
confié  l'exécution  des  peintures  de  celle  de  Saint-Paul.  Cette  sup- 
position aurait  l'avantage  de  nous  rapprocher  del'époqueàlaquelle 
on  sait  qu'un  peintre  avignonnaisrésidaità  Saint-Antoine.  En  1426, 
«maître  Robin  Favier,  peintre,  citoyen  d'Avignon  et  habitant  de 
Saint-Antoine  de  Viennois  » ,  passait  à  Grenoble  un  contrat  pour 
l'exécution  de  peintures  n  en  bonneset  fines  couleurs»  aux  orgues 
de  la  cathédrale   ^.  Ce  maître  en   peinture   serait-il  l'auteur  de 

'  Aymar  Falco,  loc.  cit.,  f"  87. 

*  Publié  par  j\[gr  Cti.  Bellbt,  dans  le  Bulletin  d'histoire  ecclésiastique  de 
Valence,  Greîioble,  etc.,  i89k,  p.  198. 


I.A    TOMItK    DE    l,A\'CELOT    DU    FAU.  461 

noire  décoration  ?  C'est  possible;  mais,  comme  le  docimicnt  que  jo. 

viens  de  citer  est  le  seul  par  lequel  il  nous  soit  encore  connu,  il 

convient  de   réserver  la  question  jusqu'à  plus  ample  informé.  Il 

me  suffira  d'avoir  appelé  l'attention  sur  ces  fresques,  sans  contre-  \ 

dit  l'un  des  plus  beaux  restes  des  anciennes  peintures  murales  de 

nos  églises. 

Souhaitons  qu'un  heureux  chercheur  parvienne  un  jour  à  tirer 
de  l'oubli  le  nom  d'un  peintre  qui  mérite  de  prendre  rang  parmi 
les  artistes  les  plus  distingués  du  XV'  siècle. 

L'abbé  P.  Bruke, 

Correspondant  du  niinislère   de   l'Instruc- 
tion  publique,    à    Baume-les-Messieurs 

(Jura). 


XXVIII 

LA  TOMBE  DE  LAÎVCELOT  DU  FAU 

ÉVÊQUE    DE    LUÇOM     ET    L'ORFËVRE    CLAUDE     CGiXTENT 

(1523) 

•  Le  7  septembre  1523,  par-devant  Etienne  Viau,  notaire  à  Tours, 
M"  Pasquier  Bignet,  chanoine  de  Luçon,  et  Mathieu  de  Cha- 
bannes,  prêtres,  exécuteurs  testamentaires  de  Lancelot  du  Fau, 
évèque  de  Luçon,  passaient  un  marché  avec  Jean  Rembert,  mar- 
chand joaillier  à  Tours,  pour  faire  faire  la  tombe  de  ce  prélat. 

D'après  cet  acte,  le  monument  devait  être  en  cuivre,  tout  d'une 
pièce,  de  dix  pieds  de  long  sur  cinq  de  large.  Le  défunt  y  serait 
représenté  à  l'antique,  c'est-à-dire,  en  style  Renaissance,  revêtu 
des  habits  pontificaux  et  accompagné  de  ses  armoiries.  La  com- 
mande comprennait  également  un  aigle  "  manificquement  à  l'en- 
ticque  «,  destiné  à  servir  de  pupitre  dans  la  cathédrale  de  Luçon. 
Le  tout  était  livrable  dans  cette  église  au  jour  de  Noël  suivant. 


f 


462  LA    TOMHK    DE    LAIVCEl.OT    DU    FAL'. 

L'importance  de  ces  ouvrages  ressort  de.  leur  j)oids  total  fixé  à 
4>  milliers  environ.  Cliacjue  cent  de  cuivre  ouvré  devait  être  payé 
30  livres  tournois,  ce  qui  fait  pour  les  deux  travaux  environ 
1,200  livres,  somme  fort  élevée.  C'est  exactement  le  prix  que  fut 
payé,  la  même  année,  à  Guillaume  Regnault  et  à  Guillaume  Clia- 
leveau  le  magnifique  tombeau  des  Poncher'. 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner  de  voir  les  exécuteurs  testamen- 
taires de  l'évêque  de  Luçon  s'adresser  à  Tours  pour  la  façon  de 
son  tombeau.  En  effet,  sans  parler  de  la  renommée  qu'avaient 
alors  les  artistes  de  cette  ville,  Lancelot  appartenait  à  une  des 
familles  importantes  du  pays  :  il  était  fils  de  Louis,  seigneur  du 
Fau*,  et  d'Antoinette  de  Menou,  et  c'est  au  cbàteau  du  Fau  que, 
peu  avant  sa  mort,  il  avait  fait  son  testament,  le  23  avril  1523  ^ 
Ce  prélat,  qui  avait  pour  grand'mère  paternelle  Jeanne  de  Bour- 
bon, épouse  de  Jean,  seigneur  du  Fau,  et  fille  naturelle  de 
Charles  I",  duc  de  Bourbon,  et  de  Jeanne  Soudet,  semble  avoir  été 
fort  ami  des  arts.  En  effet,  outre  l'aigle  dont  il  vient  d'être  ques- 
tion, il  fit  placer  autour  du  maître-autel  de  sa  cathédrale  cinq 
colonnettes  en  cuivre,  auxquelles  était  suspendu  un  vase  destiné  à 
contenir  les  Saintes  Espèces.  On  lui  doit  également  la  reconstruc- 
tion d'une  partie  des  cloîtres  de  l'évèché  de  Luçon,  où  se  trouvaient 
ses  armoiries,  aujourd'hui  martelées,  dans  lesquelles  on  remar- 
quait des  fleurs  de  lis  *. 

En  rencontrant  le  document  publié  ici,  j'espérais  que  les  deux 


1  Réunion  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements,  21'' session,  1897, 
p.  89.  Remarquons  toutefois  que,  pour  le  tombeau  des  Pooclier,  le  transport  à 
Paris  devait  être  payé  en  plus  100  livres,  au  lieu  qu'ici  le  transport  à  Luçon  est 
compris  dans  la  somme  de  1,200  livres. 

*  Le  Fau,  aujourd'hui  Reignac,  canton  de  Loches,  à  30  kilomètres  deTours.  — 
Conf.  Carrk  de  Busserolle,  Dictionnaire  historique  et  géographique  d' Indre-et- 
Loire, i.  M  {Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Touraine,  t.  XXXI),  p.  274 
et  suiv.  On  y  trouve  notamment  une  liste  chronologique  des  seigneurs  de  liei- 
gnac. 

3  Gallia  christiana,  t.  II,  coi.  1411-1412;  du  Tressav,  Histoire  des  moines  et 
évéques  de  Luçon;  Ballereau,  Le  livre  d'or  de  Luçon. 

*Ballereau,  loc.  cit.,  p.  13.  —  Selon  M.  Carré  de  Blsserolle,  Armoriai 
général  de  Touraine,  t.  I,  1866  {Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Tou- 
raine, t.  XVIII),  p.  354,  les  armes  de  la  famille  de  Fau  étaient  :  de  gueules 
à  unefasce  d'argent  de  trois  pièces,  alias,  de  gueules  à  trois  Jasces  d'argent  ; 
mais  probablement  Lancelot  écartelait-il,  en  souvenir  de  sa  grand'mère,  les  armes 
de  sa  famille  de  celles  de  la  maison  de  Bourbon? 


LA    TOMBE    DE    I,  A  \' CE  LOT    DU    FAU.  4g;î 

monuments  en  question  subsistaient  encore,  ou  tout  au  moins  qu'il 
en  survivait  quelque  dessin.  Il  n'en  est  rien  malheureusement. 
M.  Léon  Ballereau,  membre  de  la  Société  française  d'archéologie 
et  archilecte  à  Lucon,  a  eu  l'obligeance  de  m'informor  qu'il 
n'existait  aucune  trace  de  ces  œuvres,  détruites  par  les  protestants 
dès  1568.  11  est  donc  impossible  de  se  rendre  compte  de  leur 
valeur  artistique,  probablement  très  importante,  si  l'on  en  juge  par 
la  date  et  le  lieu  où  elles  furent  exécutées  et  le  prix  considérable 
qu'elles  furent  payées. 

Sera-t-onplus  heureux  en  ce  qui  concerne  l'artiste  chargé  de  ces 
travaux?  Une  semble  pas  que  le  nom  de  Jean  Rembert,  le  joaillier 
qui  s'engagea  livrer  le  tombeau  et  l'aigle  en  question,  ait  été  signalé 
jusqu'à  présent.  Il  paraît  dans  un  autre  contrat  du  5  septembre 
1527,  mais  là  il  ne  s'agit  plus  d'une  œuvre  d'art,  on  est  en  présence 
d'un  simple  acte  de  commerce  :  Jean  Rembert  associe  un  bour- 
geois de  Tours  dans  la  propriété  de  la  tierce  partie,  qui  lui  apparte- 
nait, d'un  rubis  balai  de  82  carats,  acheté  par  lui  à  Paris,  de  con- 
cert avec  deux  autres  personnes,  pour  la  somme  de  527  écus  d'or  '. 

Mais  est-ce  bien  Rembert  qui  devait  se  charger  du  travail  qu'il 
s'engage  à  livrer  et  à  ^  faire  faire  "  ,  dit  le  marché  ?  II  y  a  lieu  d'en 
douter.  Une  tombe  en  cuivre,  de  même  qu'un  aigle  en  même 
métal,  doit  plutôt  être  l'œuvre  d'un  fondeur  ou  d'un  orfèvre  que 
celle  d'un  joaillier.  Or  précisément,  dans  l'acte  passé  devant  Viau, 
intervient  un  orfèvre  connu,  sire  Claude  Content,  bourgeois  de 
Tours,  qui  se  constitue  caution  que  Rembert  accomplira  son  enga- 
gement. Ne  serait-ce  pas  Content  qui  devait  exécuter  la  tombe  et 
l'aigle  destinés  à  la  cathédrale  de  Luçon? 

On  possède  d'assez  nombreux  renseignements  sur  l'orfèvre 
Claude  Content,  qui  était  lui-même  fils  d'un  orfèvre  nommé  CoUin. 
Le  2  décembre  1521,  il  avait  acheté  de  Pierre  Gallant,  fils  et  héri- 
tier de  feu  Jean  Gallant,  orfèvre  du  roi,  la  maison  et  boutique  dudit 
Jean,  située  rue  de  la  Scellerie,  près  la  tour  de  la  rue  Chièvre'. 


'  Archives  d'Indre-et-Loire,  registre  2  du  notaire  Vian  pour  1527,  P  186. 

*  GmauDET,  Artistes  tourangeaux  {Mémoires  de  la  Société  archéologique  de 
Touraine,  t.  XXXIII),  p.  88,  sans  indication  de  source.  —  La  rue  Chièvre  ou 
Chèvre  est  la  rue  de  Lucé  actuelle.  Conf.  L.  de  Grandaiaison,  Note  sur  le  rime" 
tiére  des  juifs  à  Tours,  Paris,  1889,  p.  5  et  9  (plan),  tirage  à  part  de  la  lievue 
des  études  juives,  avril-juin  1889,  p.  264  et  268. 


464  I-A    TOMBE    DE    LAXCELOT    DU    F  AL'. 

On  connaît  une  commande  importante  qu'il  fut  chargé  d'exé- 
cuter pour  la  ville  de  Tours  en  1515  :  une  coupe  en  argent  doré 
du  poids  de  8  marcs  6  onces  3  gros  et  demi,  qui  fut  offerte  au 
nouvel  archevêque,  Clnistophe  de  IJrilliac,  et  pour  laquelle  il  reçut 
163  1.  t.  '.  Le  choix  de  cet  orfèvre  par  la  ville,  dans  une  semblable 
circonstance,  prouve  qu'il  occupait  un  rang  important  dans  sa  cor- 
poration. Il  devait,  du  reste,  être  fort  riche,  car  on  rencontre  de 
nombreux  actes  d'acquisitions  de  sa  part,  parmi  lesquels  on  peut 
citer  les  suivants  : 

1.  23  mars  1527,  n.  st.  Achat  de  Guillaume  Giroust,  bourgeois, 
garde  de  la  monnaie  de  Tours,  de  vignes  dans  la  paroisse  de  Chis- 
seau,  au  fief  des  Arpentis,  pour  la  somme  de  105  1.  t.  -. 

2.  4  janvier  1528,  n.  st.  Achat  pour  161.  t.  d'unquartier  de  pré, 
en  la  paroisse  de  Saint-Martin-le-Beau,  prairie  du  Gros-Ormeau, 
fief  du  Coudray,  joignant  d'autres  biens  qu'il  possédait  déjà^ 

3.  30  janvier  suivant.  Achat  avec  clause  de  réméré,  de  la  veuve 
Bt  du  fils  de  Robert  Gervaise,  marchand-bourgeois  de  Tours,  de 
deux  corps  de  maison  avec  leurs  dépendances,  situés  à  Tours,  en 
la  paroisse,  près  et  vis-à-vis  de  l'église  Saint-Pierre-du-Boile,  au 
fief  de  l'archevêché  de  Tours,  joignant  par  le  derrière  au  pavé  de 
la  rue  du  Ciiapeau-Blanc  et  par  le  devant  à  celui  de  la  Grand'Rue 
(rue  Colbert  actuelle),  lesdits  bâtiments  chargés  de  20  s.  t.  de 
rente  annuelle  envers  l'archevêché  de  Tours  et  également  de 
20  s.  t.  envers  le  chapelain  de  la  chapelle  Saint-Jean-Baptiste  en 
l'église  de  Tours.  La  vente  a  lieu  moyennant  1300  1.  t.,  dont 
1000  1.  payées  comptant*;  le  même  jour,  Content  donne  cette 
maison  à  bail  aux  vendeurs  pour  vingt  années,  moyennant  40  1.  t. 
par  an\ 

'  Cil.  DE  Graxdmaison,  Documents  inédits  sur  les  arts  en  Touraine,  t.  XX  des 
mêmes  Mémoires,  p.  306,  d'après  les  Comptes  municipaux. 

-  Archives  d'Indre-et-Loire,  registre  de  Viau  pour  1526,  f"  340-341. 

^  Ibid.,  registre  i  du  même  notaire  pour  1527,  f°  237. 

*  Le  payement  des  mille  livres  données  comptant  est  assez  curieux  et  laisse 
soupçonner  quelque  procédé  usuraire;  il  comprend  notamment  32  marcs' 2  onces 
et  demie  d'argent  blanc  en  5  tasses  à  double  souage  vert,  2  grands  pots  à  double 
souage  vert,  2  petits  pots  à  un  souage  vert,  une  aiguière  gauderonnée  vert,  une 
aiguière  vieille,  évalués  au  prix  de  14  1.  t.  le  marc,  ce  qui  fait  la  somme  de 
452  L  7  s.  6d.  t. 

^  Vente,  Archives  d'Indre-et-Loire,  registre  1  de  Viau  pour  1527,  f°'263  et  suiv.  ; 
Bail,  ibid.,  registre  2  pour  1527,   i°  351  v".  —  L'église  Saint-Pierre-du-Boile 


LA    TOMBE    DK    L.WCELOT    DL    FAL.  465 

4.  24  février  1528,  n.  st.  Achat  pour  11>  1.  t.  de  rignei  et 
terres,  en  la  paroisse  de  Saint-Marlin-le-Beau,  au  clos  du  Houlay, 
au  lief  du  Coudray,  dont  partie  touche  aux  vignes  appelées  les 
Plantes  appartenant  déjà  à  Content'. 

Tous  ces  actes  d'accjuisitions,  dont  l'une  fort  importante,  passés 
en  quelques  mois,  permettent  d'attribuer  sans  témérité  à  Claude 
Content  une  fortune  considérable.  Du  reste,  il  possédait  encore  à 
Tours,  outre  ceux  qu'il  avait  acquis  de  Pierre  Gallant  et  de  la  veuve 
Gervaise,  un  troisième  immeuble  de  valeur  :  deux  corps  de  maison 
se  joignant,  situés  en  la  paroisse  Saint-Pierre-du-Boile,  l'un  sur  la 
Grand'Rue  (rue  Colbert),  faisant  le  coin  de  la  rue  du  «.  Signe  » 
(rue  du  Cygne),  l'autre  le  long  de  celte  dernière  rué.  Le  3  mars 
1528,  n.  st.,  il  le  donnait  à  bail  pour  trois  ans,  moyennant  74  1.  t. 
par  an,  à  Pierre  Véroust,  marchand-bourgeois  de  Tours*. 

En  outre,  Claude  Content  est  souvent  qualifié  sieur  de  la  Touche, 
ce  qui  le  suppose  propriétaire  rural,  probablement  de  la  ferme  de 
ce  nom  située  dans  la  paroisse  de  Saint-Martin-le-Beau  ';  on  a  vu 
en  effet  qu'il  y  possédait  des  biens  et  y  faisait  des  acquisitions. 

Il  avait  épousé  Simonne  Charruau,  appartenant  vraisemblable- 
ment à  la  famille  des  orfèvres  tourangeaux  de  ce  nom,  dont  un  des 
membres  fut  lapidaire  et  diamantier  de  la  reine  Anne  de  Bre- 
tagne \ 

Il  y  a  lieu  de  remarquer  qu'un  autre  orfèvre,  nommé  Math. 
Pontlevoy,  est  témoin  dans  presque  tous  les  actes  qui  viennent 
d'être  cités'  ;  peut-être  est-il  permis  de  supposer  qu'il  était  associé 
avec  Cl.  Content. 

est  aujourd'hui  détruite  ;  elle  se  trouvait  à  l'angle  ouest  de  la  rue  Colbert,  autre- 
fois la  Grand'Rue,  et  de  la  rue  Saint-Pierre.  Quant  à  la  rue  du  Chapeau-Blanc, 
elle  n'est  citée  ni  dans  Logeais,  Les  rues  (le  Tours  (1870),  ni  dans  l'ouvrage 
sous  le  même  titre  de  M.  l'abbé  L.  Bosseboklk  (1888);  ce  semble  être,  d'après 
les  deux  pièces  citées  ici,  la  rue  actuelle  du  Petit-Sainl-Jean. 

'  Archives  d'Indre-et-Loire,  registre  i  de  Viau  pour  1527,  f°  306-307. 

*  Ibid.,  registre  2  pour  1527,  P  410. 

*  Carré  de  Busserolle,  Dictionnaire  historique  et  géographique  d'Indre-et- 
Loire,  t.  VI  (Mémoires  de  ta  Société  archéologique  de  Touraine,  t.  X.XXII), 
p.  144. 

*  Simonne  Charruau  paraît  dans  la  plupart  des  actes  cités  ici.  —  Sur  la  famille 
Charruau,  conf.  Ch.  de  Gramdmaiso.v,  op.  cit.,  p.  305,  et  Giraldet,  op.  cit., 
p.  64. 

'■>  Giraldet,  op.  cit.,  p.  335,  parle  d'un  maître  orfèvre  nommé  Martin  Pont- 
levoy, vivant  en  1538-1552  et  habitant  à  Tours  la  paroisse  Saint-Vincent. 

30 


466  LA    TOMBE    DE    LAMCELOT    DU    FAU. 

Tel  est  riiomme,  probablement  artiste  célèbre  dans  sa  partie, 
qui  paraît  avoir  fait  le  tombeau  de  Lancelot  du  Fau  et  l'aigle  en 
cuivre  que  ce  prélat  avait  légué  à  sa  cathédrale  de  Luçon.  Après 
ce  qui  vient  d'être  dit,  la  destruction  de  ces  deux  œuvres  paraîtra 
sans  doute  encore  plus  regrettable. 

Louis  DE  GRANDMAlSOiM, 

Correspondant   du   Comité  des   Sociétés    des 
Beaux-Arts  des  départements,  à  Tours. 


PIÈCE  JUSTIFICATIVE 

Le  lundi  septiesme  jour  de  septembre  l'an  mil  cinq  cens  vingt  et  trois 
personnellement  establis  et  deuement  soubzmis  en  la  court  du  Roy,  nostre 
sire,  à  Tours,  vénérables  etdiscrectes  personnes  Maistres  PasquierBignet, 
chanoine  prébende  en  l'église  de  Lusson,  et  Mathieu  de  Chabanes, 
prestres,  exécuteurs  du  testament  de  feu  [de]  bonne  mémoire  Révérend 
Père  en  Dieu,  Messire  Lancelot  du  Faii,  naguères  décédé  évesque  dudict 
lieu  de  Lusson,  d'une  part, 

Et  Jehan  Rembert,  marchant  jouellier,  demeurant  audict  Tours,  en  la 
paroesse  Sainct-Estienne,  d'autre  part. 

Lequel  Jehan  Rembert  promist  et  promect  de  bonne  foy  faire  faire  et 
construire  une  tumbe  de  cuyvre,  toute  d'une  pièce,  de  dix  piedz  de  long 
et  cinq  piedz  de  large,  quy  est  la  grandeur  d'une  de  pierre  quy  est  mise 
et  assise  en  œuvre,  en  la  nefdel'église  dudict  Tours,  devantle  Cruxifiz,  et 
près  le  grant  coffre  eut  sont  receuz  les  pardons  en  ladicte  église  de 
Tours  ',  tailler  dessus  à  l'enticque  l'ymaige  dudict  deffunct  en  pontiûcat, 
emprainte  dessus,  avec  ses  armes  et  escripture  telle  que  luy  sera  devisé, 
selon  le  pourlraict  sur  ce  devisé  entre  eux, 

En  oultre  ung  aigle  manificquement  à  l'enticque,  de  la  fourme  de  l'un 
de  deux  ou  trois  patrons  que  ledict  Rembert  leur  envoiera  dedans  ung 
moys  prouchain  venant  et  de  celluy  quy  myeulx  leur  semblera,  pour 
servir  de  poupitre  au  cueur  de  ladicte  grant  église  de  Lusson  ; 

Le  tout  poisant  quatre  milliers  ou  environ,  au  poix  dudict  Tours,  et 
ledict  poix  faict  rendra,  fournyra  et  livrera  ausdis  exécuteurs  en  ladicte 

'  Il  parait  impossible  de  déterminer  de  quel  tombeau  il  s'agit.  —  Sur  les  tom- 
beaux de  la  cathédrale  de  Tours,  conf.  L.  Palustre,  Notes  sur  la  cathédrale  de 
Tours,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Touraine,  t.  XI  (1897), 

.303. 


LA    TOMBE    DE    LAIVGELOT    DU    FAU.  461 

église  de  Lusson,  le  plus  près  de  l'entrée  de  ladicte  église  que  le  charroy 
pourra  ariver  et  aproucher,  pour  le  pris  et  somme  de  trente  livres  tour- 
nois pour  chacun  cent  de  cuyvre  ouvré  en  la  manière  dessus  dicte,  et 
conduira  ledict  Rembert,  ou  fera  conduire,  mectre  et  asseoir  ladicte 
tumbe  en  ladicte  église,  sur  la  sépulture  dudict  deffunct  Révérend  Père  en 
Dieu  Messire  Lancelot  du  Fau,  naguères  décédé  évesque  dudict  lieu, 
comme  dit  est,  et  ledict  aigle  ou  cueur  de  ladicte  église  ;  et  fourniront 
lesdis  exécuteurs  de  maczons,  pierre,  chaux  et  sable  qu'il  y  conviendra 
à  leurs  propres  coustz  et  despens,  et  feront  les  despens  audict  Rembert, 
son  home  et  leurs  chevaulx,  durant  le  temps  qu'ilz  vacqueront  à  faire 
faire  ladicte  assiete;  et  le  tout  faire  et  acomplir  dedans  Nouel  proucbain 
venant  ; 

Sur  quoy,  en  fut  baillé,  paie  et  avancé  content,  en  court  par  devant 
ledict  notaire,  par  lesdis  exécuteurs  audict  Rembert,  la  somme  de  cinq 
cens  livres  tournois  en  or  et  monnoie  de  présent  ayant  cours,  dont,  etc., 
quittant,  etc.  ;  et  le  reste  lesdis  vénérables  Maistres  Pasquier  Bignet  et 
Mathieu  de  Chabanes,  exécuteurs  susdis,  paieront  ou  feront  paier  audict 
Rembert,  en  faisant  ladicte  assiete ,  et  iceile  parfaite  audict  lieu  de 
Lusson;  et  par  deffaut  de  ce  faire  et  accomplir  par  chacune  desdictes 
parties,  tous  coustz,  etc.,  amendes,  etc. 

Et  ad  ce  estoit  présent  honorable  home  sire  Claude  Content,  marchant 
orfeuvre,  bougeois  dudict  Tours,  lequel  à  la  prière  et  requeste  dudict 
Jehan  Rembert  se  constitua  son  pleige  et  caucion  de  faire  et  acomplir  le 
contenu  cy-dessus,  et  asemblablement  Pierre  Bruneau,  apoticaire  demou- 
rant  audict  Tours,  se  constitua  pleige  et  caucion  desdis  exécuteurs  de 
parfaire  le  reste  dudict  paiement,  ainsi  et  en  la  manière  dessusdicte. 

Et  quanta  tout,  fitc,  obligeant,  etc.,  renonçant,  etc.,  présens  vénérable 
personne  Messire  Pierre  Béatrix,  prestre,  vicaire  en  l'église  parroichiale 
Sainct-Pierre-du-Boille  dudict  Tours,  et  Jehan  Rousseau,  orfeuvre, 
demeurant  audict  Tours  •,  tesmoings. 

(Signé:)  E.  Vial. 

(Archives  d'Iudre-et-Loire.  —  2^  registre  d'Etienne  Viau  pour  1523,  f"  121-122.) 

'  Sur  les  orfèvres  du  nom  de  Rousseau,  conf.  Giraldet,  op.  cit.,  p.  356-357, 


468  LART    DRAMATIQI  !■;    DAKS    LA    VILLE    DE    LISIEUX. 


XXIX 

L'ART  DRAMATIQUE  DANS  LA  VILLE  DE  LISIEUX 

PENDANT    LA    RÉVOLUTION 

1789-1790 

Les  deux  premières  années  de  la  Révolution  apportent  peu  de 
changements  dans  la  vie  théâtrale  en  province,  du  moins  dans  la 
région  dont  je  me  suis  déjà  occupé  '. 

En  1789,  à  Paris,  les  comédiens  avaient  liien  été  l'objet  d'une 
sorte  de  léhabilitation  morale  qui  les  mettait  au  même  rang  que 
tous  les  autres  citoyens  ;  mais,  en  Normandie,  les  artistes  drama- 
tiques furent  toujours  traités  de  la  même  manière,  c'est-à-dire 
àVec  sympathie,  tout  en  conservant  une  distance  que  l'usage  avait 
marquée  entre  eux  et  la  bourgeoisie. 

Les  années  1789  et  1790,  prologue  pacifique  de  la  plus  sombre 
des  tragédies,  ne  semblent  point  avoir  été  favorables  à  l'art  drama- 
tique en  province.  Durant  ces  deux  années,  en  effet,  je  n'ai  trouvé 
mention  d'aucune  troupe  de  comédiens  venue  à  Bernay  ni  dans  les 
villes  circonvoisines. 

A  Lisieux,  cependant,  où  s'arrêtaient  plus  fréquemment  des 
troupes  nomades,  il  est  question  en  1789  d'y  construire  une  salle  de 
théâtre.  Le  5  avril  de  ladite  année,  le  maire  de  Lisieux  écrivait  en 
efifet  la  lettre  suivante  à  M.  de  Neuville,  directeur  des  spectacles*  : 

a  Nous  n'avons  pu  venir  à  bout  de  traiter  des  terrains  vagues 
qui  sont  sur  le  derrière  de  la  salle  de  concert.  Au  reste,  nous  n'en 
sommes  pas  fâchés  ;  c'aurait  été  vous  engager  dans  une  dépense 
qui  aurait  considérablement  excédé  les  30,000  livres  que  vous 

'  Voir  ma  communication  :  Le  théâtre  en  province.  {Réunion  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  départements  de  1895.) 

-  En  1788,  tes  sieurs  Honoré  Bourdon,  De  Neuville,  et  M""*  Marguerite  de 
Montensier,  entrepreneurs  associés  des  spectacles  de  la  province  de  Normandie, 
et  des  villes  de  Versailles,  Tours,  Orléans  et  autres  lieux,  avaient  fait  coustruire, 
au  Havre,  une  salle  de  spectacle  dont  la  première  pierre  fut  posée  le  6  décembre 
1787. 


L  ART    DUAMATIQIE    1)  A  .\  S    LA    VILLE    DE    LISIEIX.  469 

destiniez  à  la  construction  do  voire  salle  de  spectacle.  Nous  croyons 
qu'en  faisant  le  sacrifice  de  notre  écurie  l'ancien  bastiment  vous 
conviendra...  Vous  êtes  le  maître  de  mettre  la  main  à  l'œuvre 
quand  vous  voudrez.  Il  ne  faudrait  pas  différer,  parce  que  si  ce 
projet  manque,  nous  sommes  informés  que  deux  capitalistes  sont 
décidés  à  faire  construire  une  salle  de  spectacle  ailleurs. 

tt  Le  sieur  Broc,  architecte  de  la  ville,  avec  qui  nous  avons  con- 
féré, est  d'avis  qu'avec  30,000  livres  on  peut  non  seulement  nous 
construire  une  salle,  mais  encore  transporter  nos  écuries  dans  une 
autre  partie  de  l'iiôlel  de  ville.  Votre  salle  aura  toujours  quatre- 
vingt-seize  pieds  de  longueur  sur  quarante  à  quarante-deux  de  lar- 
geur, ce  qui  paraît  suffisant.  » 

Lne  cause,  que  j'ignore,  empêcha  la  construction  de  cette  salle 
de  spectacle  à  Lisieux  et  l'on  ne  voit  même  pas  que  des  troupes 
de  comédiens  soient  venues  en  cette  ville,  en  1789  et  en  1790'. 

1791-1792 

Le  théâtre,  cela  va  de  soi,  suivit  l'esprit  public  pendant  toutes 
les  phases  de  l'époque  révolutionnaire.  Déjà,  notre  érudit  con- 
frère, M.  de  Longuemare,  nous  a  dit  ici  les  incidents  politiques 
nés  sur  la  scène  de  Caen  jusqu'en  1797  ".  Moi-même  j'ai  rapporté 
comment,  à  liernay,  les  mesures  prises  contre  le  clergé  provo- 
quèrent, le  8  avril  1791,  un  mouvement  populaire,  à  cause  de 
deux  comédies  intitulées,  la  première  :  Le  Juge  incorruptible  ou 
Juge  du  nouveau  régime  ;  la  seconde  :  Les  Sœurs  grises  ou  le 
Cagotisme  confondu;  pièces  scandaleuses  que  se  proposait  de 
jouer  un  sieur  Rillet,  auquel  la  municipalité  bernayenne  eut  le 
bon  esprit  d'interdire  la  représentation  qu'il  avait  annoncée  ^ 

Les  troubles  qui,  dans  notre  contrée  et  ailleurs,  marquèrent  les 
premiers  mois  de  l'année  1792,  ne  permirent  point  aux  troupes 
de  comédiens  de  venir  égayer  l'importante  foire  fleurie  de 
Bernay*. 

'  Archives  de  la  mairie  de  Lisieux.  —  Registre  de  la  correspondance. 

'  Cf.  Paul  i)F.  I.oxGi  EMARE,  Le  théâtre  à  Caen  (1628-1830).  {Réunion  des  So- 
ciétés des  Beaux-Arts  des  départements  de  1895.) 

'  Cf.  ma  Motice,  Le  théâtre  ci  liernay  pendant  la  Révolution,  et  mou  article  : 
Respect  aux  Sœurs  grises. 

*  .Archives  de  la  mairie  de  Li.sieux.  —  Registre  de  la  correspondance. 


470         L'ART    DRAMATIQUE    DAIVS    LA   VILLE    DE    LISIEUX. 

Je  n'ai  même  trouvé  aucune  mention  de  troupes  de  saltim- 
banques ni  des  curiosités  quelconques  venues  à  cette  foire. 

La  ville  de  Lisîeux  fut  plus  favorisée;  on  y  voit,  en  effet,  en 
ladite  année,  le  sieur  Bellouard,  associé  aux  sieurs  Callas  et  Cour- 
celles,  y  donner  des  représentations',  mais  sans  laisser  de  détails 
sur  leur  séjour. 

1793-1794 

La  Terreur,  est-il  besoin  de  le  dire?  ne  fut  point  favorable  aux 
expansions  joyeuses  ;  à  part  les  fêtes  civiques,  le  peuple  n'eut 
guère  l'occasion  de  s'amuser  durant  celte  terrible  période  qui  dura 
jusqu'à  la  fin  de  juillet  1795.  Les  grandes  villes  seules  eurent  des 
théâtres  populaires,  et  encore  furent-ils,  pour  la  plupart,  obligés 
de  fermer.  On  trouve  à  ce  sujet,  dans  une  publication  du 
temps  \  cette  anecdote  plaisante  sur  le  génie  épigrammatique  des 
Français  : 

«  ...  A  Rouen,  un  entrepreneur  de  théâtre  s'était  avisé  d'en 
élever  un  dans  le  genre  où  Chaumette  voulait  les  voir  tous,  c'est- 
à-dire  bien  sans-culotte.  Il  l'avait  placé  sur  le  port,  et  commençait 
à  salir  de  nouveau  l'esprit  du  peuple  par  des  représentations  aussi 
fastidieuses  que  démagogiques  :  il  avait  eu  l'insolence  de  prendre 
pour  inscription  : 

THÉÂTRE    DE    MINERVE 

Un  plaisant  fort  adroit  dans  le  genre  de  l'anagramme  ne  fit  que 
renverser  et  chiffrer  les  lettres,  et  fit  lire  à  la  place  : 

THÉÂTRE   DE    VERMINE 

Le  directeur,  voulant  atténuer  l'effet  de  la  plaisanterie,  imagina 
d'y  substituer  ; 

THÉÂTRE    DES    VARIÉTÉS 

La  même  main  anagrammatique  mit  au-dessous  : 

1  Les  Contemporaines,  t.  X.  —  Manuscrit  du  dix-septième  siècle. 


LART    DUAMATIQUE    DANS    LA    VILLE    DE    LISIEUX.         4,ri 


THEATRE    DE    SAVETIERS 

Tout  le  monde  rit  de  la  justesse  du  mot,  personne  n'osa  plus  s'y 
montrer,  et  le  théâtre  fut  fermé.  « 

L'abolition  du  culte  catliolique  et  la  fermeture  des  églises  dans 
les  derniers  mois  de  1793  amenèrent,  pour  1794,  un  changement 
complet  dans  les  récréations  de  nos  aïeux. 

Privé  des  fêtes  religieuses,  de  leur  décorum  et  agréments  maté- 
riels, le  peuple  se  rabattit  sur  les  fêtes  civiques,  qui,  à  côté  de 
l'attrait  du  nouveau,  offraient  aux  masses  l'occasion  de  prendre 
une  part  directe  à  ces  réjouissances. 

C'est  dire  que,  pendant  plusieurs  années,  les  troupes  ambulantes 
de  comédiens  furent  remplacées,  en  province,  par  les  fêtes  natio^^ 
nales,  qui  étaient,  du  reste,  de  véritables  représentations  théâtrales 
données  par  tous  les  orateurs,  poètes,  musiciens  locaux,  avec  le 
concours  des  peintres,  décorateurs  et  autres  artistes  du  cru  ' . 

Le  30  floréal  an  II  (19  mai  1794),  on  voit  cependant  installée  à 
Lisieux  une  troupe  de  comédiens  dirigée  par  le  citoyen  L.  Reinal- 
et  composée  de  :  Desvignes  et  sa  femme;  Moulin  et  sa  femme; 
Fibrac;  Havé  et  sa  femme;  femme  Bremard  ;  Eugénie  Roland, 
femme  Saint-Par. 

Reinal  ayant  été  dénoncé  à  la  municipalité  lexovienne  comme 
étant  un  accapareur  de  savons  qu'il  fallait  surveiller',  je  pense 

■  A  Bernay,  du  5  pluviôse  an  II  (24  janvier  1794)  au  15  floréal  an  III  (4  mai 
1795),  des  comédies  politiques  furent  représentées  dans  le  local  des  séances  de 
la  Société  populaire,  par  les  élèves  de  l'Ecole  secondaire,  avec  le  concours  de 
l'Institut  national  de  musique.  Voir  mon  étude  :  La  musique  à  Bernay  pendant 
la  Révolution,  publiée  dans  le  Journal  de  Bernât/  (juin-juillet  1897).  —  Le  col- 
lège de  Bernay.  [Congrès  des  Sociétés  savantes,  en  1896.) 

-  Reinal  se  trouvait  à  Fécamp  dans  les  derniers  jours  de  1793,  avec  dix  artistes  : 
F.  Brémard,  régisseur  de  la  troupe,  et  sa  femme,  Balaincourt,  Saint-Léger,  Flo- 
riant  et  sa  femme,  Descliamp  et  sa  femme,  Dorval,  souffleur.  —  Le  14  nivôse 
an  II  (2  janvier  1794),  cette  troupe  avait  fait  un  contrat  d'union,  et  était  venue  à 
Honfleur,  où,  le  28  du  même  mois,  la  municipalité  lui  avait  donné  un  bon  pour 
avoir  tous  les  jours  douze  livres  de  pain.  Après  s'être  bien  conduite  à  Honfleur,  où 
elle  reste  deux  mois,  cette  troupe  quitte  cette  ville  si  hospitalière  et  vient  à 
Lisieux,  mais  avec  un  personnel  presque  entièrement  renouvelé. 

^  Une  lettre  datée  de  Fécamp,  le  14  floréal  an  II  (3  mai  1794),  et  adressée  au 
sieur  Reinal,  directeur  de  la  comédie  chez  le  citoyen  Lefèvre,  musicien,  à  Lisieux, 
est  interceptée  et  envoyée  à  la  municipalité  de  cette  ville,  avec  ordre  de  surveiller 
ledit  Reinal,  comme  étant  un  accapareur  de  savons. 


472  L'ART    DRAMATIQIF,    DAMS    LA    VILLE    DE    LISIEUX. 

qu'il  ne  fit  point  un  long  séjour  à  Lisieux,  et,  le  5  thermidor  sui- 
vant (23  juillet  1794),  le  maire  de  cette  ville  écrivait  la  lettre  sui- 
vante au  citoyen  CouRCEL,  directeur  de  la  comédie  à  Caen  : 

«i  Conformément  à  ton  désir,  la  municipalité  de  Lisieux  te  per- 
mettra, ainsi  qu'à  tes  collègues,  déjouer  à  Lisieux,  aux  conditions 
toutefois  que  ce  sera  des  pièces  patriotiques  et  révolutionnaires, 
l'observant  d'ailleurs  que  les  citoyens  et  citoyennes  qui  désirent  se 
rendre  avec  toi  à  Lisieux  doivent  être  porteurs  d'un  certificat  en 
forme  de  la  commune  de  Caen'.  n 

J'ignore  si  la  troupe  Courcel  vint  à  Lisieux  et  si,  durant  l'hiver 
de  1794,  cette  ville  fut  favorisée  de  la  comédie. 

J'ignore  aussi  si  la  société  de  musique  de  la  ville  ^  dont  le 
citoyen  Pierrelot  était  le  maître,  prenait  part  aux  représentations, 
ainsi  que  cela  se  faisait  ailleurs. 

1795-1796 

Le  commencement  de  1795  est  marqué,  à  Lisieux,  par  la  pré- 
sence d'une  troupe  de  comédiens  sur  laquelle  je  n'ai  trouvé  qu'une 
seule  note  datée  13  pluviôse  an  HI  (1"  février  1795)  ;  c'est  un  avis 
adressé  par  le  maire  au  directeur  de  la  comédie  afin  qu'il  dise  à 
son  imprimeur  de  désigner  la  rue  de  l'entrée  du  spectacle  par  son 
vrai  nom,  attendu  qu'il  n'existe  point  de  rue  de  Bailly  en  la  com- 
mune de  Lisieux. 

* 
*  * 

Une  grande  partie  de  l'année  1796  se  passa,  je  crois,  sans  que 
notre  région  soit  égayée  par  aucune  troupe  de  comédiens;  mais 
dans  les  premiers  jours  de  vendémiaire  an  V  (septembre-octobre 
1796),  alors  qu'il  y  avait  à  Lisieux  une  excellente  troupe  de  comé- 
diens, les  citoyens  Cordier,  Brosse,  Sentier,  etc.,  associés,  artistes 
à  Rouen,  demandèrent  à  la  municipalité  la  permission  de  venir 
jouer,  demande  à  laquelle  il  fut  répondu  ce  qui  suit,  le  12  ven- 
démiaire :  K  L'administration  ne  s'opose  point  à  ce  que  vous 
veniez  à  Lisieux  pour  la  comédie  en  vous  conformant  aux  disposi- 

'  Arcliives  de  la  mairie  de  Lisieux,  —  Registre  de  la  correspondance.  D,  112. 
-  A  partir  du  9  fructidor  an  IV,  le  maître  de  musique  de  la  ville  est  un  sieur 
Locquet  ou  Jocquet,  jusqu'au  19  brumaire  an  V. 


L'ART    DIIAMATIQIIK    DANS    l,A    VILLE    DE    LISIEUX.         4T3 

tiens  des  loix  sur  la  police  des  spectacles,  mais  elle  croit  devoir 
vous  prévenir  qu'il  y  a  déjà  une  société  qui  joue  la  comédie  avec 
succès,  et  (|iie  la  commune  de  Lisieux  n'est  pas  d'une  étendue  et 
d'jme  population  assez  étendue  pour  que  deux  associations  puisse 
s'y  établir  à  la  fois.  Vous  ferez  sur  cela  les  réflections  que  vous 
croirés  justes.  » 

Il  y  a  lieu  de  croire  que  les  artistes  de  Rouen  réfléchirent  qu'il 
n'y  avait,  en  effet,  pas  place  pour  deux  troupes  à  Lisieux,  et  ils 
laissèrent  le  champ  libre  à  la  société  qui  était  la  première  occupante 
et  qui  jouait  encore  le  26  vendémiaire.  Ce  jour-là  la  représenta- 
tion fut  troublée  par  un  soldat  et  un  spectateur,  ce  qui  motiva  un 
échange  de  lettres  entre  la  municipalité  et  le.  commandant  de  la 
force  armée  '  ;  cependant  ratfaire  n'eut  pas  de  suite,  bien  que  huit 
jours  auparavant,  une  autre  tentative  de  trouble  ait  été  faite,  mais 
sans  succès,  par  un  militaire. 

Quel  était  le  motif  de  ce  trouble?  La  correspondance  municipale 
est  muette  sur  ce  point,  de  même  que  sur  le  nom  de  la  troupe. 

L'amour  des  Lexoviens  pour  la  comédie  donna  lieu,  dans  le 
même  mois,  à  une  manifestation  caractéristique.  Le  27  vendé- 
miaire, en  effet,  faisant  réponse  à  une  pétition  présentée  par  le 
citoyen  Dulong,  entrepreneur  de  bâtiments  à  Lisieux,  l'adminis- 
tration municipale  écrivait  à  l'ingénieur  de  Pont-l'Evêque  qu'elle 
avait  arrêté  qu'en  l'absence  du  sieur  Quesnet,  ledit  ingénieur 
serait  invité  à  se  transporter  à  Lisieux,  ci  aux  fins  de  visiter  et 
expertiser  un  bâtiment  neuf  destiné  à  îine  salle  de  spectacle^  ». 

Cette  nouvelle  salle  de  spectacle  est  acceptée,  et  trois  mois  plus 
tard  est  inaugurée  par  la  troupe  dont  il  va  être  parlé. 

1797 

Le  2  pluviôse  an  V  (21  janvier  1797),  le  citoyen  Charles  Bour- 
don, entrepreneur  des  spectacles  du  Havre,  Rouen'  et  autres  lieux, 


'  Le  19  brumaire,  il  fut  enjoint  au  commandant  de  la  garde  nationale  de  placer 
un  officier  à  côté  d'un  officier  municipal  à  chaque  représentation. 

^  Cette  construction  avait  été  faite,  peu  avant  le  9  août  1795,  par  le  citoyen 
Denis  Dulong,  entrepreneur  de  bâtiments,  à  Lisieux,  avecles  matériaux  provenant 
de  la  démolition  de  l'église  Saint-Germain.  (V.  la  notice  de  M.  Remy  Duvivier, 
publiée  dans  Y Almanach  de  Lisieux  pour  1895,  p.  158  et  s.) 


sp 


474  L'ART    nRAMATIQLE    DAXS    LA    VILLE    DE    LISIEl'X. 

écrit  aux  administrateurs  municipaux  de  Lisieux  qu'il  vient  de 
conduire  en  cette  ville  un  Opéra  qu'il  se  propose  de  faire  débuter 
incessamment,  et  il  sollicite  la  permission  nécessaire  qui  lui  est 
accordée  sous  condition  de  souffrir  la  perception  d'un  décime  par 
franc  en  sus  du  prix  de  chaque  billet  d'entrée,  pour  être  employée 
au  secours  des  indigents,  conformément  à  la  loi  du  7  brumaire 
précédent.  If 

Bourdon  donne  le  répertoire  général  des  «  Opéra  «  joués  par 
.sa  troupe  au  Havre,  savoir  : 

Opéra  em  3  actes  :  La  rosière  de  Salensi.  —  Le  déserteur.  — 
L'amant  jaloux.  —  Félix.  —  Le  prisonnier  français  dans  la 
Belgique.  —  Zémire  et  Azor.  —  Alix  de  Beaucaire.  —  Tom- 
Jones.  —  Parjures.  — Raoul  de  Créqui.  —  Le  magnifique.  — 
Paul  et  Virginie.  —  Raoul  et  Lucas.  —  Le  soldat  magicien.  — 
Le  petit  matelot.  —  Liicile.  —  Les  deux  Savoyards.  —  Le  devin 
de  village.  —  Rose  et  Colas.  —  Spinette  et  Marine.  —  Philippe 
et  Georgette.  —  Le  tableau  parlant.  —  Le  secret.  —  La  pauvre 
femme.  —  Silvain.  —  Amhroise.  —  Le  tonnelier.  —  Le  mélo- 
mane. —  Marianne.  —  La  cinquantaine.  —  Ariane.  —  Le  maré- 
chal. —  Loiserolles. 

Le  lendemain,  3  pluviôse,  la  municipalité  adresse  à  Bourdon 
un  exemplaire  en  placard  de  son  arrêté  du  19  brumaire  précédent, 
portant  consigne  pour  la  salle  du  spectacle. 

Le  10  du  même  mois,  la  municipalité  s'entend  avec  le  com- 
mandant de  la  force  armée  afin  qu'une  sentinelle  soit  placée  de 
chaque  côté  au  bout  de  la  galerie  de  la  salle  de  spectacle  du 
citoyen  Dulong,  pour  veiller  à  ce  que  les  personnes  qui  doivent 
être  au  parterre  ne  s'introduisent  pas  dans  des  places  supérieures*. 

Le  30,  Bourdon  est  invité  à  donner  le  lundi  suivant,  au  profit 
des  indigents,  une  représentation  de  comédie  ;  la  municipalité 
demande  Le  souterrain,  suivi  ou  précédé  du  Secret, 

Le  29  pluviôse  (17  février  1797),  Bourdon  demande  la  permis- 
sion de  donner  au  public  quelques  bals  parés  et  masqués.  La 
municipalité  autorise,  mais  sous  condition  que  personne  ne  pourra 
arriver  ni  sortir  de  la  salle  en  masque  ni  aucunement  travesti,  à 

'  En  l'an  M ,  Silv  estre  Cabousse  est  entrepreneur  du  Théâtre  des  Arts  de  Rouen. 
-  Aux  galeries  et  au  parquet,  les  places  étaient  à  40  sols  ;  celles  du  parterre 
étaient  moins  chères. 


L'ART    DRAMATIQUE    D  A  \' S    LA    VILLE    DE    LISIEl'X.  475 

peine  d'être  arrêté;  que  l'on  ne  stî  permettra  aucune  indécence, 
propos  injurieux,  insultants,  etc.  Désirant  pouvoir  permettre  ce 
genre  d'amusement,  principalement  à  cause  du  droit  acquis  aux 
pauvres,  la  municipalité  lexovienne  demande  à  Rouen  des  instruc- 
tions à  ce  sujet. 

Malgré  les  restrictions  précitées,  Bourdon  passa  outre,  et,  le 
1"  ventôse,  la  municipalité  lui  manifestait  son  étonnement  de  voir 
que  l'affiche  placée  par  lui  portait  que,  ledit  jour,  il  donnerait  un 
bal  paré  et  masqué  ;  défense  lui  est  faite  ;  il  pourra  néanmoins 
donner  bal  paré,  mais  il  devra  finir  à  deux  heures  du  matin.  — 
Le  6,  la  municipalité  constate  que  Bourdon  a  souffert  des  masques 
dans  son  bal  ;  ordre  lui  est  donné  de  faire  cesser  cet  abus,  sous 
peine  de  voir  fermer  sa  salle. 

Il  semble,  du  reste,  que  Bourdon  en  prenait  à  son  aise  avec  les 
autorités  locales.  En  effet,  le  17  ventôse,  il  se  permet  d'annoncer 
dans  son  affiche  de  spectacle  une  pièce  qui  n'est  point  portée  dans 
son  répertoire. 

Pour  tout  raccommoder,  l'administration  prévient  Bourdon,  le 
19  ventôse  (9  mars  1797),  que  le  lundi  prochain,  il  donnera,  au 
profit  des  indigents,  une  représentation  de  Raoul  Barbe  bleue  et 
du  Devin  de  village  ;  à  quoi  le  régisseur  de  la  troupe,  le  premier. 
Piton,  répond  que  le  citoyen  Belleval  ne  sait  pas  le  rôle  d'isaure 
dans  Raoul  Barbe  bleue,  pièce  non  jouée  depuis  dix-huit  mois,  et 
que  le  citoyen  Boubdom,  rôle  principal,  est  absent. 

Le  surlendemain,  le  chef  de  brigade  de  la  première  légion, 
casernée  à  Lisieux,  demande  à  la  municipalité  l'autorisation  de 
donner  un  spectacle,  le  soir,  avec  la  troupe  précitée  qui  était  ainsi 
composée  :  Saint-Firmin  et  sa  femme  ;  Pradelle  et  sa  fille  ;  Piton  et 
sa  femme  ;  Loth  et  sa  femme  ;  Verdier  ;  Mme  Rainville,  etc. 

Le  7  germinal  (27  mars),  l'administration  écrit  à  Bourdon  pour 
que  les  entrées  de  la  salle  de  spectacle  soient  mieux  éclairées. 

Le  12  germinal,  le  programme  du  spectacle  du  14,  pour  les 
indigents,  indique  :  Raoul  Barbe  bleue  ei  le  Soldat  magicien. 

Le  25  germinal,  la  municipalité  informe  Bourdon  que  des  circon- 
stances particulières  ne  permettent  pas  de  donner  au  théâtre  la 
représentation  de  la  pièce  Le^  deux  P  âges  ;  en  conséquence,  il  vou- 
dra bien  s'en  abstenir  et  ne  faire  à  cet  égard  aucune  annonce.  Bour- 
don ne  tient  pas  compte  de  cette  défense  et,  sur  son  affiche  du  29, 


476         LAHT    I)  U  A  M  A  T  1  Q  II  E    DAMS    l-A    VILI.E    DE    LISIEUX. 


porte  Les  deux  Pages;  mais,  la  veille,  la  municipalité  lui  réitère 
<iue  cette  pièce  «  ne  peut  être  jouée  et  ne  sera  pas  jouée  « . 
A  la  suite  de  ce  conflil,  Bourdon  quitte  Lisieux. 
Le  23  floréal  an  V  (12  mai  1797),  une  nouvelle  troupe  arrive  en 
celte  ville  et  doit  y  débuter  le  lendemain  24. 

Cette  troupe  est  très  probablement  celle  du  citoyen  Leraistre,  in- 
stallée quinze  jours  plus  tard  et  qui  se  composait  de  quinze  acteurs 
dont  voici  les  noms:  d'Herbouville;  Davicene;  Saint-Léger  et  sa 
femme  ;  d'Orvilliers  et  sa  femme;  Munier  et  sa  femme;  Prosper; 
Mnrolles;  Leraistre;  Doyal  ;  Gravraud;  Mmes  Favé  et  \Iarciliac. 
Le  répertoire  de  cette  troupe  comprenait  les  pièces  suivantes: 
L'intérieur  d'un  comité  révolutionnaire .  —  La  gageure  im- 
prévue. —  La  petite  Nanette.  — Jphigénie  en  Tauride.  —  L'esprit 
de  contradiction.  —  Le  père  de  famille.  —  Les  deux  Jocrisses.  — 
Céphises.  —  Mêlante.  —  Gabriel  de  Vergi.  —  Charles  et  Caro- 
line. —  Clémentine.  —  La  pupille.  — Les  arts  et  l'amitié.  — 
Tancrède.  —  Zelmire.  —  La  mort  de  César.  —  Le  bienfait 
anomjme.  — L'orphelin.  —  La  brouette  du  vinaigrier.  —  L'école 
des  pères.  —  Le  souper  de  famille.  —  L'école  de  l'adolescence. 
—  L'habitant  de  la  Guadeloupe.  —  Mahomet.  —  Zaïre.  —  La 
somnambule. 

De  ces  pièces,  la  première  ne  fut  point  tolérée;  peu  de  jours  après, 
en  effet,  les  administrateurs  du  département  de  Caen  écrivent  à  la 
municipalité  lexovienne  qu'ils  sont  surpris  qu'elle*n'ait  pas  défendu 
qu'on  jouât  Vlntérieur  des  comités  révolutionnaires,  le  Souper 
des  Jacobins.  «  En  vain  dites-vous,  —  ajoutait  «  l'administrateur 
«  central,  —  que  les  partisans  de  l'ancienne  Terreur,  à  qui  seuls 
«^  cette  pièce  peut  déplaire,  ne  sont  pas  en  grand  nombre,  qu'ils 
tt  sont  dans  Vheureuse  impuissance  défaire  le  mal,  que  les  amis 
a  de  l'ordre  et  de  la  paix  sont  incapables  de  se  porter  contre  eux  à 
■■•■  aucune  violence,  quand  même  ils  y  seraient  provoqués. 

tt  Vous  ne  pouvez  pas  prudemment  répondre  que  des  bommes 
Cl  auxquels  une  pièce  de  théâtre /»(?m^  déplaire,  ne  se  porteront  pas 
«  à  des  excès  pour  l'empêcher,  et  que  les  partisans  de  cette  pièce 
«  ne  la  soutiendront  pas  contre  eux. 

tt  Vous  devez,  au  contraire,  prévenir  tout  cela,  puisque  la  loy,  la 
«  raison  et  vos  devoirs  l'exigent.  On  peut  sans  inconvénient  et  même 
«  avecavantage  les  mettre  sur  la  scène  après  la  génération  actuelle.  » 


$. 


LART    DRAMATIQUE    DANS    LA    VIIJ.K    DE    LISIELX.         ATi 

Une  troisième  troupe  visite  la  cité  lexovieniie  en  ladite  année; 
ces  comédiens,  venant  d'Alençon,  étaient  dirigés  par  le  citoyen 
Billouard Saint-Pralx ,  le  même  qne  l'on  a  vu  cinq  ans  auparavant, 
et  par  la  citoyenne  Cliâteauneuf.  Le  23  fructidor  an  V  (9  sep- 
tembre 1797),  ils  avaient  demandé  à  la  municipalité  de  venir 
passer  l'hiver  à  Lisieux,  ce  qui  leur  avait  été  accordé  parce  que  le 
23  fructidor  Billouard  de  Saint-Pralx  avait  écrit:  ><  ...  Le  réper- 
«  toire  de  ma  direction  est  composé  de  manière  à  ne  pas  réveiller 
«  dans  l'àme  des  citoyens  ces  malheureuses  passions  qui  alimentent 
a  le  feu  des  discordes  :  mon  but  est  d'amuser  et  de  distraire...  « 

Cette  troupe  remplit-elle  ces  promesses  ?  Je  l'ignore  ;  mais  on 
pourrait  en  douter,  car,  six  mois  plus  tard,  une  autre  troupe  de 
comédiens  étant  arrivée  à  Lisieux,  la  municipalité  commence  pat" 
prendre,  le  20  germinal  an  VI,  des  mesures  pour  éviter  les  troubles, 
ce  qui  laisse  croire  qu'il  y  en  avait  eu  précédemment.  Il  semble 
même  que  celte  troupe  ne  s'arrêta  pas,  car  il  n'y  a  pas  d'autre 
mention  de  sa  présence. 

1798 

L'n  avis  de  la  mairie,  du  8  pluviôse  an  VI  (27  janvier  1798), 
annonce  qu'il  y  aura  le  lendemain,  à  la  salle  de  spectacle,  une 
représentation,  et  que,  par  la  suite,  des  représentations  suivies 
seront  données  par  la  troupe  des  artistes  dramatiques  du  théâtre 
des  Arts  de  Rouen. 

Ceux-ci,  le  12  pluviôse,  présentent  une  pétition  à  la  municipa- 
lité, qui,  le  14  ',  prend  l'arrêté  suivant,  conformément  aux  lois  des 
7  brumaire  an  V  et  2  frimaire  an  VI  : 

P  Les  pétitionnaires  et  leurs  associés  donneront  cliaqu-e  mois, 
pendant  la  durée  du  temps  qu'ils  resteront  dans  cette  commune, 
une  représentation  au  bureau  de  bienfaisance  d'icelle,  dont  ils 
garantissent  le  produit  valoir  au  moins  trois  cents  francs,  à  charge 
par  eux  de  compléter  dans  le  cas  où  la  recette  ne  s'élèverait  point 
à  cette  somme,  sans  autre  prétention  de  leur  part,  quel  que  soit  le 
produit  au-dessus  de  trois  cents  francs,  que  de  prélever  les  frais 


'  Le  13  pluviôse,  l'Administration  municipale  avait  procédé  à  la  fénoiatiou  du 
Bureau  de  bienfaisance. 


478  LART    DRAMATIQUE    DANS    LA    VILLE    DE    LISIEUX. 

de  représentation  ordinaire,  si  toutefois  ils  se  trouvent  dans  l'excé- 
dent de  la  somme  garantie. 

2"  L'administration  choisira  la  pièce  qu'elle  voudra  pour  être 
jouée  au  jour  qu'elle  indiquera  au  bénéfice  des  indi;jents  et 
des  hospices,  dans  le  répertoire  que  les  artistes  doivent  lui  re- 
mettre dans  le  délai  de  quatre  jours,  aux  termes  de  son  arrêté 
du  jour  d'hier  ;  parce  que  le  répertoire  dont  est  question  con- 
tiendra les  pièces  de  théâtre  qui  devront  être  jouées  pendant 
quinze  jours.  3°  Lesdits  pétitionnaires,  au  moyen  de  l'entière 
et  exacte  exécution  des  articles  P'  et  2  auront  à  leur  bénéfice 
le  produit  net  de  tous  les  bals  parés  et  redoutes  qu'ils  pour- 
ront donner  pendant  leur  séjour  en  celte  commune,  sous  l'auto- 
risation en  se  conformant  au  règlement  à  ce  relatif.  4°  Enfin 
pour  l'exécution  du  présent  et  notamment  des  articles  1"  et  2, 
lesdits  pétitionnaires  se  rendront  à  l'administration  aussitôt  la 
réception  du  présent,  pour  signer  au  registre  tant  pour  eux  que 
pour  leurs  associés. 

On  le  voit,  les  comédiens  avaient  plusieurs  cordes  à  leur  arc; 
du  moins  elles  leur  étaient  offertes  par  ces  bals  j^arés  et  redoutes 
dont  il  est  parlé  plus  haut.  Cet  arrêté  n'eut  cependant  pas  d'effet, 
je  crois,  car  le  registre  municipal  ne  porte  point  les  signatures  des 
artistes  pétitionnaires,  et  l'on  voit,  au  contraire,  le  lendemain 
1 5  pluviôse,  l'administfation  communale  défendre  de  porter  masque  ; 
il  y  a  donc  lieu  de  croire  que  la  troupe  de  Rouen  quitta  Lisieux  en 
février  1798. 

Le  16  ventôse  suivant  (6  mars  1798),  des  artistes  drama- 
tiques étant  à  Lisieux,  la  municipalité  leur  indique  en  ces  termes 
les  airs  qu'il  convient  de  jouer  à  l'ouverture  des  pièces  :  «  L'ad- 
«  ministration  vous  rappelle  les  dispositions  de  l'arrêté  du  Di- 
(t  recloire  exécutif  en  date  du  18  nivôse  an  IV  (8  janvier  1791), 
tt  portant  en  substance  que  tous  les  directeurs  et  propriétaires 
«des  spectacles  seront  tenus,  sous  leur  responsabilité  indivi- 
K  duelle,  de  faire  jouer  chaque  jour,  par  leur  orchestre,  avant 
tt  la  levée  de  la  toile,  les  airs  chéris  des  républicains,  tels  que  : 
ti  La  Marseillaise.  —  Ça  ira  —  Veillons  au  salut  de  ÏEm- 
f^  pire  et  le  Chant  du  départ.  Elle  se  flatte  que  cet  arrêté  aura 
«son  exécution;  elle  ne  peut  transiger  avec  l'exécution  des 
((  lois.  » 


I/ART    DRAMATIQUE    DANS    LA    VILLE    DE    LISIEl'X,         4-9 


Une  autre  troupe  arrive  en  cette  ville  dans  les  premiers  jours 
d'avril,  et,  le  20  germinal  (9  avril  1798),  la  municipalité  prend  les 
mesures  convenables  pour  éviter  les  troubles  durant  les  représen- 
tations théâtrales. 

Cette  troupe,  ayant  à  sa  tête  le  sieur  Billouard  de  Saint-Pralx, 
ne  s'étant  point  conformée  à  l'arrêté  municipal,  est  rappelée  à 
l'ordre,  le  1"  prairial  (20  mai),  et,  le  lendemain,  la  municipalité 
informe  les  citoyens  composant  le  corps  de  musique  de  la  garde 
nationale  '  qu'une  société  de  jeunes  citoyens  de  la  commune  est 
autorisée  à  donner  le  jour  même,  à  quatre  heures  et  demie,  dans 
la  salle  du  ci-devant  grenier  à  sel,  une  pièce  de  tragédie  à 
laquelle  les  citoyens  composant  le  corps  de  la  musique  de  la 
garde  nationale  sont  invités,  «  pour  donner  l'émulation  néces- 
u  saire,  à  s'y  trouver  avec  leurs  instruments,  aux  6ns  d'y  jouer 
«  des  airs  républicains.  Nous  comptons  —  ajoutait  le  maire  — 
Cl  sur  votre  amour  pour  tout  ce  qui  tend  à  développer  les  prin- 
«  cipeset  former  des  hommes  pour  le  maintien  du  gouvernement 
u  républicain,  n 

En  présence  de  cette  concurrence,  la  troupe  Billouard  de  Saint- 
Pralx  n'eut  rien  de  mieux  à  faire  que  de  déguerpir  ;  aussi,  le 
25  prairial  (13  juin  1798),  le  directeur  écrivait  à  la  municipalité 
de  Laigle  afin  d'obtenir  la  permission  d'aller  jouer  en  cette  ville 
l'opéra,  la  comédie  et  la  tragédie. 

De  son  côté,  le  26  prairial,  la  municipalité  lexovienne  informait 
celles  d'Evreux  et  de  Laigle  que  le  citoyen  Billouard  Saint-Pralx 
désirait  donner  quelques  représentations  dans  ces  deux  villes. 
Cl  La  protection  que  les  arts  ont  le  droit  d'attendre  des  autorités 
«  constituées,  l'encouragement  que  celles-ci  doivent  leur  donner, 
Cl  l'intérêt  particulier  que  la  troupe,  dont  est  directeur  le  citoyen 
«  Saint-Pralx,  inspire,  étant  dans  l'habitude  constant  de  jouer  des 
«  pièces  républicaines,  toutes  ces  considérations  —  ajoutait  la 
«  municipalité  de  Lisieux  —  nous  engagent  à  vous  inviter  à  lui 


'  Le  15  ventôse  précédent,  la  municipalité  s'était  plainte  de  ce  que  la  musique 
ne  remplissait  pas  son  devoir  aux  fêtes  civiques. 


480  LART    DRAMATIQUE    DANS    LA    VILLE    DE    LISIEIJX. 

«  procurer  les  facilités  de  représenter  avec  avantage  dans  votre 
tt  commune  conformément  à  ses  désirs.  » 

*  * 

Le  10  tliemidor  suivant  (28  juillet  1798),  une  nouvelle  troupe 
d'artistes  dramatiques  fait  ses  débuts  à  Lisieux  avec:  les  Châteaux 
en  Espagne  et  le  Chanoine  de  Milan;  le  14,  elle  donne:  Les 
étourdis  ou  le  mort  supposé  et  la  Guerre  ouverte  ou  ruses  contre 
ruses;  le  10,  Charles  et  Caroline  et  V Impromptu  de  campagne; 
je  18,  Gahrielle  de  Vergy  et  Madame  Angot  ou  la  poissarde  par- 
venue.  —  J'ignore  quelle  était  cette  troupe. 

Il  convient  de  rappeler  ici  que  les  comédiens  trouvèrent  un  fer- 
vent protecteur  en  la  personne  de  François  de  Neufcliâteau,  alors 
ministre  de  l'intérieur  et  lui-même  auteur  dramatique;  aussi, 
dans  sa  circulaire  ministérielle  du  11  frimaire  an  VU  (1"  dé- 
cembre 1798),  disait-il:  «  ...  Le  théâtre  est  une  portion  intéres- 
K  santé  de  la  gloire  littéraire  de  la  nation  ;  il  offre  un  amusement 
«  utile;  il  a  servi  à  l'instruction  publique  et  il  peut  être  dirigé  vers 
a  raffermissement  des  principes  républicains.  » 

C'est  dire  que,  sous  ce  ministre  distingué,  le  répertoire  des 
troupes  nomades  fut  soigneusement  épuré. 

■  Du  4  frimaire  au  7  nivôse  (24;  novembre,  27  décembre  1798), 
une  troupe  d'artistes  dramatiques,  venue  de  Caen,  séjourna  à 
Lisieux  et  joua  :  Les  Visitandines.  —  Raoul  Barhe-hleue.  — 
Nina.  — Arlequin- Josej^h.  —  Le  prisonnier  ou  la  ressemblance. 
—  Biaise  et  Bahet.  —  Honorine  ou  la  femme  difficile  à  vivre. 

1799 

En  1799,  nous  voyons  apparaître  à  Lisieux  une  seule  troupe. 

Le  19  messidor  an  VII  (2  juillet  1799),  la  municipalité  invite  le 
commandant  de  la  garde  nationale  à  commander  pour  le  lende- 
main, cinq  heures  du  soir,  douze  grenadiers  et  autant  de  chasseurs, 
pour  se  rendre  à  la  salle  des  spectacles,  tant  pour  le  maintien  de 
l'ordre  et  de  la  tranquillité  publique  pendant  la  durée  du  spec- 
tacle autorisé,  que  pour  probablement  figurer  d;ins  la  pièce.  C'était 
donc  une  pièce  militaire  dont  le  titre  n'a  malheureusement  pas 
été  conservé,  de  même  que  le  nom  du  directeur  de  la  comédie. 


LART    DRAM  \T10I   K     I)  A  \  S    LA    VILLE    DE    LISIEL.X.  4SI 


ISOO 

Les  désordres  de  la  chouannerie  en  Normandie  devaient  néces- 
sairement avoir  une  influence  fâcheuse  sur  les  représentations  théâ- 
trales; il  n'est  donc  point  étonnant  de  lire  cette  lettre  que  la  muni- 
cipalité de  Lisieux  adressait,  le  2  pluviôse  an  l  III  (22  janvier  1800), 
aux  artistes dramatiquesqui  égayaient  la  ville  depuis  quelque  temps: 

«  L'administration  ne  peut  laisser  plus  longtemps  votre  spec- 
tacle se  terminer  à  dix  ou  onze  heures  du  soir  sans  compromettre 
la  sûreté  publique  dans  les  circonstances  critiques  où  nous  nous 
trouvons.  Veuillez  donc  commencer  à  cinq  heures  et  demie  pré- 
cises et  terminera  neuf  heures  du  soir.  Vous  nous  ferez  connaître 
ceux  d'entre  vous  qui  seraient  susceptibles  d'occasionner  ce  retard, 
afin  que  l'administration  prenne  à  leur  égard  le  parti  convenable. 
Xous  aimons  à  croire  (jue  vous  vous  empresserez  de  defférer  à 
cette  invitation  qui  ne  peut  que  vous  êtes  profitlable  en  vous  don- 
nant plus  de  spectateurs.  Comme  les  lois  siii-  la  police  des  spec- 
tacles sont  toujours  maintenues,  vous  nous  ferez  connaître  le 
répertoire  de  chaque  décade.  » 

Ces  dispositions  motivèrent-elles  le  départ  des  comédiens  ?  On 
peut  le  croire  ;  car  un  mois  plus  tard  ils  n'étaient  plus  à  Lisieux, 
et,  le  6  ventôse  (25  février  1800),  le  maire  écrivait  ce  qui  suit  au 
citoyen  .llauduit  la  Rozière',  artiste  dramatique  à  Verdun,  en 
réponse  à  sa  lettre  du  29  précédent  :  «  Non  seulement,  en  exêcu- 
«  tion  des  lois,  nous  jirotégeons  les  arls,  mais  nous  y  sommes  portés 
'•■  d'inclination.  La  troupe  de  laquelle  vous  faites  partie  peut,  si 
«  elle  juge  bien  pour  ses  intérêts,  se  rendre  à  Lisieux,  mais  comme 
«  nous  n'avons  que  la  police  et  non  les  locaux,  il  conviendra  que 
ti  vous  vous  arrangiez  avec  le  citoyen  Dulong,  propriélaire  de  lasalle 
K  de  spectacle  qui  pourrait  être  arrangé  avec  d'autres.  Nous  croyons 
Il  cela  mesure  indispensable.  Quant  à  nous,  pourvu  que  les  troupes 
"  se  conforment  aux  lois  sur  les  spectacles,  elles  peuvent  être 
tt  assurées  de  trouver  toute  protection.  » 

La  censure  politique  était  alors  bien  injuste  et  même  ridicule  à 

'  Pierre  Mauduit  la  Rozière,  fils  d'un  marchand  drapier  de  Lisieux,  élail  origi- 
naire de  cette  ville,  qu'il  quitta  en  mai  1799,  pour  se  livrer  ai  théâtre.  (.Vole  R, 
Duvivier.) 

31 


48->  1.  ART    DRAMATIQUE    l)A\S    LA    \  I L  L  E    DE    LISIEUX. 

l'égard  de  certaines  pièces  de  premier  ordre.  On  en  peut  juger  par 
cette  lettre  que  le  préfet  du  Calvados  adressait,  le  0  floréal  an  VIIÏ 
(29  avril  1800),  à  l'administration  municipale  de  la  communs  de 
Lisieux  : 

Citoyens, 

Mon  intention,  toujours  conforme  à  celle  du  gouvernement,  est  de  favo- 
riser autant  que  possible  le  progrès  des  arts;  ils  tendent  à  perfectionner 
la  société  qu'ils  eml)ellissent;  mais  il  ne  faut  jamais  que  ces  enfants  du 
génie  puissent  fournir  aux  ennemis  de  l'ordre  l'occasion  de  la  troubler.  Il 
se  pourroit  que  dans  la  cité  que  vous  administrés,  comme  dans  beaucoup 
d'autres  villes,  on  réclamât  l'autorisation  de  reprendre  Athalie.  Le  chef- 
d'œuvre  de  l'immortel  Racine  mérite  sans  doute  les  applaudissemens  de 
tous  les  amis  éclairés  du  «  Théâtre  françois  » ,  mais  il  n'a  pas  besoin 
pour  les  obtenir  de  la  part  d'une  certaine  portion  d'hommes  inquiets  et 
remuants,  de  leur  offrir  des  allusions  et  des  souvenirs  favorables  à  un 
gouvernement  qui  n'est  plus.  Vous  signiffierez  donc  à  tous  les  directeurs 
et  entrepreneurs  de  spectacles,  qui  ont  ouvert  ou  ouvriront  la  scène  dans 
votre  commune,  la  deffense  la  plus  expresse  de  jouer  Athalie  jusqu'à 
nouvel  ordre;  accusez-moi,  je  vous  prie,  réception  de  la  présente  et 
m'instruisez  si  pareille  demande  vous  aura  élé  faite. 

Salut  et  fraternité. 

CoLLET-DlMESNIL  '. 

J'ignore  si  l'admirable  tragédie  de  Racine  fut  demandée  par  le 
public  lexovien.  Je  crois  plutôt  qu'il  se  contenta  du  répertoire  très 
complet  qui  lui  fnt  offert  en  l'an  VIII,  et  dont  voici  la  composition  : 

Le  Jugement  de  Paris  ou  les  Trois  déesses  rivales.  —  Renaud  d'Arst. 
—  Le  Major  Palmer.  —  Les  Rivaux  d'eux-mêmes.  —  Du  devoir  de  la 
nature  ou  le  Fils  de  son  père.  —  Le  comte  d'Août  ou  le  Porte-clefs 
reconnoissant.  — Consentement  forcé.  —  Sargines  ou  l'Elève  de  l'amour. 
Les  Projets  de  mariage.  —  Les  Deux  frères.  —  Adolphe  et  Clara  ou  les 
Deux  prisonniers.  —  Le  Désespoir  de  Jocrisse.  —  Raoul  de  Créqui  ou 
Batliilde  et  Avi.  —  Lodoïska  ou  les  Tartares.  —  Le  Fou  raisonnable.  — 
La  Chaste  Suzanne  ou  le  Jugement  du  jeune  Daniel.  —  Sancho  Panca, 
gouverneur  dans  l'île  Baralarin.  —  Les  Deux  frères  ou  l'Heureuse  récon- 
ciliation. —  Les  Prétendus  ou  les  Epoux  mécontents.  —  Les  Bizarreries 
de  la  fortune.  —  Mathilde  ou  l'Enfant  victime  de  l'erreur  de  son  père.  — 
Euphrosine  et  Corodin  ou  le  Pouvoir  de  l'amour.  —  La  Petite  Xannette 

'  Arch.  de  la  mairie  de  Lisieux  :  Théâtre. 


LART    nilAMATIQL'E    DA\S    LA    VILLE    DE    LISIEUX.         483 

et  le  Père  Bonlemps  ou  l'Ecole  des  fermiers.  — Camille  ou  le  Soiiteir::in. 

—  Robert  cliel"  de  brigands.  —  Le  Souper  de  famille.  —  Les  deux  liileurs 
dupes.  —  La  Brouette  du  vinaigrier.  —  Jérôme  Pointu.  —  Léon  ou  le 
château  de  Montenero.  —  Le  baron  de  Hartwitz  ou  le  Porte-enseigne  et 
le  jeune  militaire.  —  Les  Fourberies  de  Scapin.  — Le  Jaloux  malgré  lui. 

—  Les  Femmes  à  Zelia.  —  Les  Deux  âges  ou  l'Embarras  du  choix.  — 
Azémire  ou  les  Sauvages.  —  Alexis  et  Justin.  —  La  Forêt  périlleuse  ou 
les  Brigands  de  la  Calabre.  —  Ambroise  ou  Voilà  une  journée.  —  Les 
otages  ou  la  Révocation  de  la  loi  sur  les  otages.  —  La  Xuit  aux  aventures. 

—  Lisbeth  ouïes  Mœurs  suisses  et  les  otages.  —  Les  Mariniers  de  Saint- 
Cloud  '.  —  La  Fausse  magie  ou  les  Bohémiens.  —  La  Revue  de  l'an  VL 

—  L'abbé  de  l'Epée.  —  Adèle  ou  la  chaumière.  —  L'Esclavage.  —  Les 
Deux  chasseurs  et  la  laitière.  —  Les  Prisonniers  français  dans  la  Belgique. 

—  Ariane  abandonnée  dans  l'île  de  Naxos.  —  Les  Pécheurs.  —  La 
Calomnie.  —  La  Fête  de  la  cinquantaine  ou  les  Trois  âges.  —  Le  Souper 
des  Jacobins.  —  Raoul  Barbe-Bleue  ou  la  Curiosité  punie.  —  La  noble 
veuve  et  le  fils  généreux,  —  Les  Deux  usuriers  ou  les  Dettes.  —  Le  Maré- 
chal ferrant,  etc.,  etc. 

Peut-élre  à  cause  des  événements  politiques  qui  troublèrent  la 
France  à  partir  de  1800,  on  ne  voit  réapparaître  des  comédiens  à 
Lisieux  qu'en  1804. 

Là  s'arrête  donc  cette  étude.  Aussi  bien  l'histoire  du  théâtre  pen- 
dant le  dix-neuvième  siècle  est-elle  facile  à  faire,  grâce  aux  feuilles 
périodiques  dans  lesquelles  on  trouve  tous  les  renseignements  utiles. 

E.  Veucliv, 

Correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements,  au 
Mesnil-sur-I'Estrée  (Eure). 


'  A  propos  de  cette  pièce ,  l'administration  centrale  de  l'Eure  écrivait  ce  qui 
suit,  le  26  messidor  an  VIII  (15  juillet  1800),  à  l'administration  municipale  de  la 
commune  d'Evreux  :  —  x  Quand  les  factions  s'élèvent  sur  les  ruines  les  unes  des 
«  autres,  elles  réagissent;  mais  (piand  c'est  la  République  qui  triomphe  ,  elle  est 
»  sage,  elle  est  grande.  —  L'intention  qui  a  dicté  la  pièce  :  Les  mariniers  de 
a  Saint-Cloud  peut  être  louable;  mais  cette  pièce  rappelle  des  souvenirs,  des 
a  haines,  des  passions  qu'il  est  temps  d'éteindre.  Le  gouvernement  ne  veut  point 
ï  d'esprit  de  parti;  sou  intention  bien  prononcée  est  que  tous  les  François  soient 
a  réunis  sous  la  bannière  de  la  République.  Nous  ne  doutons  pas,  citoyens,  que 
1  vous  ne  vous  hâtiez  d'empècbcr  la  représentation  de  celte  pièce.  Telles  sont 
»  les  vues  du  ministre  de  la  police  générale...  » 

(.Arch.  (U'|).  (le  l'Eure  :  L,  siippl.) 


484  LES    01UGl\i:S    DU    MUSEE    DE    BERXAY. 


XXX 

LES  ORIGIXES  DU  MUSÉE  DE  BERNAY 


La  Révolution  trouva  à  Bernay,  petite  ville  de  6,000  habitants, 
chef-lieu  d'une  élection,  puis  d'un  district,  une  église  abbatiale, 
deux  églises  paroissiales  et  cinq  églises  ou  chapelles  de  couvents 
et  d'hôpitaux. 

C'est  dire  que  cette  ville,  en  1793,  renfermait  une  quantité 
relativement  grande  de  richesses  d'art  que  le  vandalisme  révo- 
lutionnaire, durant  cette  année  et  la  suivante,  dispersa  ou  détruisit, 
ainsi  que  cela  est  constaté  dans  les  procès-verbaux  des  séances  de 
la  Société  populaire. 

Cette  Société,  cependant,  renfermait  dans  son  sein  des  artistes  et 
des  littérateurs  distingués  '  ;  elle  s'était  occupée  de  l'organisation 
d'une  bibliothèque  publique  ^  au  moyen  des  livres  provenant  des 
maisons  religieuses  supprimées  et  dépouillées  ;  enfin,  elle  avait 
créé  une  École  secondaire  où  les  Arts  libéraux  étaient  en  hon- 
neur ^ 

Personne  n'eut  donc  la  pensée,  ou  du  moins  n'eut  le  courage 
d'émettre  le  vœu  de  sauver  d'une  destruction  stupide  les  objets 
d'art  et  d'antiquité  enlevés  des  églises  et  d'en  former  un  Musée 
pour  l'instruction  artistique  de  la  jeunesse  pour  laquelle  on  voulait 
faire  tant  de  sacrifices. 


1  J'en  ai  cité  quelques-uns.  {Réunion  des  Sociétés  des  Beaux- Arts  des  dépar- 
tements, 1893.) 

-  Voir  ma  .Vo/?Ve  ;  Les  origines  de  la  Bibliothèque  publique  de  Bernay.  (Assises 
de  Caumont,  à  Rouen,  1S96.) 

^  Voir  mon  Mémoire  :  La  première  Ecole  de  dessin  de  Bernay.  [Réunion  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  des  dèparteme?ils,àe  1895.) 


LES    01!  IGIXRS    nu    MLSEK    I)  i:    lîKRXAY.  48." 


II 


Les  pertes  artistiques  causées  par  la  Révolution  à  la  ville  de 
Bernay  furent  donc  immenses  et  fâcheuses  ;  mais  à  quelques  lieues 
de  là,  la  riche  abbaye  du  Bec-Hellouin  avait  été  moins  maltraitée, 
et,  en  1807,  elle  renfermait  encore  un  magnifique  autel,  une 
superbe  collection  de  statues'  et  une  précieuse  série  de  sept  dalles 
tumulaires  gravées  au  trait. 

Or,  en  ladite  année,  Xapoléon  P'  étant  passé  par  Bernay,  un 
des  curés  de  la  ville,  l'abbé  Lefebvre,  archiprètre  de  Sainte-Croix, 
lui  demanda  pour  son  église  dénudée  les  dépouilles  de  celle  du 
Bec,  ce  qui  lui  fut  accordé. 

On  transporta  donc  à  Bernay  l'autel",  le  banc  d'œuvre,  les  sta- 
tues et  les  pierres  tombales. 

J'ai  dit'  comment  ces  dernières,  à  l'exception  de  deux,  furent 
découpées  et  mutilées  pour  servir  à  paver  l'église,  en  1813,  et 
couvrir  la  tombe  d'un  curé,  en  1821.  Quant  aux  deux  restées 
intactes  et  dont  on  ne  savait  que  faire,  ellesservirent  à  un  commen- 
cement de  Alusée  ;  voici  en  quelles  circonstances  : 


III 


De  1833  à  184.1,  le  collège  de  Bernay,  établi,  en  Tan  \I,  dans  un 
ancien  couvent  d'Augustines*,  eut  pour  principal  M.  Louis-François 
Bréard,  un  érudit,  venant  du  Havre,  lequel  fit  le  nécessaire  pour 
relever  l'établissement  qui  lui  avait  été  confié. 

M.  Bréard  eut  la  bonne  fortune  d'avoir  sous  ses  ordres  un  jeune 
professeur   très   distingué,    originaire    de    Vire,    mais   Bernayen 

'  Le  clianoine  Porée  a  parlé  de  ces  statues  à  la  Réunion  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  départements,  en  1895. 

*  Voir  la  Xotice  de  l'abbé  Dubois. 

^  Voir  ma  Notice  :  La  fin  de  l'abbaye  royale  du  Bec-Halloin,  18TT. 

*  Voir  le  rapport  sur  mon  Mémoire,  présenté  au  Congrès  des  Sociétés  savantes^ 
ea  1896. 


486  LKS    ()KIi;i\i:S    DU    M  L  S  K  E    DE    BERMAY. 

d'adoption,  .\I.  Jean-François  Ratel,  qui  éfait  en  même  temps  un 
poète  et  dessinateur  de  talent  '. 

Or,  avant  1839,  grâce  probablement  à  ces  deux  hommes  de 
goût,  un  Musée  axfaitétéorganisé  au  collège,  et,  le  7  juillet  de  ladite 
année,  sur  l'avis  de  M.  le  docteur  Bardet,  le  conseil  de  fabrique 
de  l'église  de  Sainte-Croix  consentit  à  faire  déposer  «  au  Musée 
établi  au  collège  «  les  deux  pierres  tumulaires  précitées,  lesquelles 
étaient,  depuis  1807,  à  la  porte  extérieure  de  cette  église,  exposées 
aux  injures  du  temps  et  des  hommes. 

Pour  une  cause  que  j'ignore,  ces  pierres  restèrent  cependant  à 
la  même  place,  et  ce  ne  fut  qu'en  1842  qu'on  eut  enfin  la  bonne 
pensée  de  les  mettre  à  l'intérieur,  de  chaque  côté  de  la  porte 
d'entrée  de  l'église  de  Sainte-Croix. 

Quant  au  musée  du  collège,  je  n'en  ai  plus  trouvé  mention,  et  il 
est  supposable  qu'il  disparut  avec  M.  Bréard,  en  1841. 


'IV 


En  1849,  la  question  d'un  Musée  municipal  fut  remise  sur  le 
tapis  par  un  artiste  bien  connu,  M.  Lottin  (de  Laval),  proprié- 
taire et  homme  de  lettres  normand,  lequel,  s'étant  porté  candidat 
à  la  députalion,  à  Bernay,  terminait  sa  profession  de  foi,  datée  du 
21  avril  1849,  par  ce  vœu  judicieux  : 

«  Établir  l'impôt  général  du  100"'  des  quatre  contributions, 
«  pour  le  répartir  exclusivement  sur  la  littérature,  les  arts  et  les 
a  sciences,  afin  que  l'État  dote  chaque  arrondissement  d'une 
«  bibliothèque  et  d'un  Musée,  ces  grands  moteurs  de  l'intelli- 
tt  gence.  » 

Hélas  !  M.  Lottinne  fut  point  élu,  et  sa  grande  penséenefut  point 
comprise.  L'idée  d'une  bibliothèque  existait  bien  à  Bernay  ;  mais 
la  question  d'un  Musée  ne  fut  même  pas  agitée  par  les  adminis- 
trateurs de  l'époque. 


'  Voir  le  volume  des  OEuvresde  Ratel,  publié  en  1891,  par  la  Société  libre  de 
P Eure  y  section  de  Bernay. 


I 

LES    ORIGIXES    IM     MISÉE    DE    BERXAV.  48': 


V 


Huit  ans  plus  tard,  en  1857,  un  artiste  peintre,  qui  s'était  fait 
à  Bernay  une  certaine  réputation,  AI.  Vincent  Raverat ',  entreprit 
de  réaliser  le  vœu  de  son  grand  ami  AI.  Loltin,  et  il  proposa 
à  l'administration  municipale  d'éîahlir  à  Bernay  :  1  nn  Musée  ne 
peinture  et  de  sculj)turc ;  2"  une  école  communale  de  dessin'-; 
mais,  dans  sa  séance  du  6  novembre  de  ladite  année,  le  conseil 
municipal  ajourna  cette  proposition,  sans  donner  aucune  expli- 
cation. 


L'année  suivante,  un  jeune  archéologue,  AI.  Le  Alétayer-AIasse- 
lui,  repritlapropositionpour  son  compte  personnel  et  dans  d'autres 
conditions.  Le  24  octobre  1858,  cet  antiquaire  zélé  écrivait  à  la 
municipalité  qu'il  se  proposait  de  faire  des  fouilles  dans  l'ancienne 
église  abbatiale,  convertie  en  halle  aux  grains,  et  il  disait  u  que 
«  tout  ce  qui  serait  recueilli  par  lui  appartiendrait  au  Alusée  de  la 
«  ville  :î  . 

Dans  le  même  temps,  je  crois,  «  AI.  Le  Alétayer,  lit-on  dans  le 
Manuel  du  bihliograjjhe  normand  de  AI.  E.  Frère,  otfrit  à  la  ville 
i\e  ^evx\î>i^ ,  j)Our  en  faire  le  commencement  d'un  Musée,  une  col- 
lection de  3, 000  médailles  romaines  découvertes  dans  le  département 
de  l'Eure  »  . 

Alalheureusement,  le  conseil  municipal  n'avait  point  le  désir  de 
créer  un  Alusée,  elles  résultats  des  fouilles  de  AI.  Le  Alétayer  furent 
perdus  pour  la  ville  \ 


'  M.  Raverat,  né  en  1801,  était  venu  à  Bernay  en  1851;  en  1853,  il  avait 
exécuté  quatorze  grands  tableaux  pour  l'église  de  la  Couture.  Il  lui  fut  payé 
5,000  francs  pour  huit  de  ces  toiles.  En  1856,  il  fut  sur  le  point  de  couvrir  de 
fresques  la  chapelle  de  la  Vierge  eu  ladite  église. 

*  Voir  mon  Mémoire,  présenté  à  la  Réunion  des  Sociétés  des  Beauz~Arts  des 
départements,  en  1896. 

'  De  1856  à  1861,  M.  Le  Alétayer  Gt  exécuter  dans  plusieurs  localités  des 
fouilles  qui  produisirent  une  grande  quantité  d'objets  gallo-romains  et  une  superbe 
crosse  d'abbé  qui  figure  aujourd'hui  au  Alusée  de  Cluny. 


488  I.KS    OUIGIXF,  S    DU    Al  U  S  K  E    DE    BER\AY. 


VI 


Ce  ne  futqu'en  18(72  qiielurent  jetés  les  fondements  d'un  Musée 
à  Bernay,  par  la  donation  que  fit  Mme  veuve  Charles  Lenormand 
d'une  armoire  vitrée  renfermant  les  objets  antiques  trouvés,  en 
1854,  à  la  chapelle  Saint-Eloi,  offrande  accompagnée  du  buste 
de  M.  Lenormand. 

Ce  dernier  était  très  liéavecunecélébritébernayenneet  française, 
M.  Au<]iiste  Le  Prévost  :  «  Mon  mari,  écrivait,  le  18  février  1862, 
«  la  donatrice  au  maire  de  Bernay,  était  extrêmement  attaché 
«  à  la  Normandie,  où  son  amitié  pour  M.  Auguste  Le  Prévost  avait 
Il  contribué  à  le  fixer.  Des  études  communes,  un  ardent  amour  de  la 
"  science  et  une  indépendance  de  caractère  de  plus  en  plus  rare 
«avaient  formé  entre  ces  deux  hommes  éminents  le  lien  de  sympathie 
«  et  d'affection  qui  les  unit  d'une  manière  inaltérable...  » 

A  ce  premier  don  le  gouvernement  y  ajouta,  en  1863,  trois 
tableaux,  un  certain  nombre  de  vases  en  terre  cuite  provenant  du 
Musée  Campana,  et  plusieurs  statues  en  plâtre. 

Une  somme  de  870  francs  fut  alors  votée  par  le  conseil  municipal, 
le  6  mars  de  la  mêmeannée,  pour  servir  à  V organisation  du  Musée, 
à  l'ameublement  de  la  bibliothèque,  etc. 

Au  mois  de  mai  suivant,  d'autres  dons  de  l'Etat  vinrent  grossir 
le  petit  noyau  du  musée  naissant,  qu'un  heureux  événement  mit 
en  relief,  Tannée  suivante  ;  voici  comment. 

Au  mois  de  juillet  1863,  à  l'occasion  du  Congrès  de  l'Association 
normande  tenu  à  Bernay,  se  fit  une  exposition  d'antiquités, 
d'objets  d'art  et  de  curiosité.  Cette  exposition,  bien  qu'improvisée, 
pour  ainsi  dire,  fut  splendide  et  permit  aux  savants  réunis  au 
Congrès  et  aux  nombreux  visiteurs  de  constater  les  richesses 
artistiques  que  renfermait  la  contrée. 

Cette  exibition  privée,  qui  se  fit  dans  les  salles  du  rez-de-chaussée 
de  l'Hôtel  de  ville,  et  dont  la  partie  céramique  fît  l'objet  d'un 
ntéressant  rapport  '    du  célèbre   collectionneur  normand    André 


'  h' Annuaire  nortnand  pour  1864  donne  aussi  des  détails  très  intéressants  sur 
cette  Exposition  artistique  de  1863. 


i,r,  s  oit  ICI  m:  s  ni    \iisek  dk  iii;u\av.  iso 

Podicr,  eut  pour  heureux  effet  de  réveiller  dans  le  pays  le  goût 
pour  les  anli(|uilés  et  de  faire  désirer  encore  plus  la  londalion, 
à  Heriiay,  d'un  Musée  municipal,  ainsi  qu'il  en  existait  déjà  dans 
plusieurs  villes  normandes. 

Quel(|ues  mois  se  passèrent  pendant  lesquels  ce  désir  ne  lit 
(ju'augmcnter  et  mûrir;  aussi,  le  4  mars  1865,  l'administration 
municipale,  composée  de  AIÏII.  Emile  Focet,  maire,  Emile  Vy  et 
Hache,  adjoints,  Malhranche,  secrétaire,  Charlemaine,  Dubuc, 
DulacdeEuyères,  Duroy,  Fosse  fils,  Gonord  jeune,  Guérie,  Hourdet, 
Lefebvre,  Lemercier,  Victor  Marie,  Motte,  Pesnel,  Philippe  Dela- 
londe,  Quemin,  Renou,  Suiron,  Valmont,  vota  une  somme  de 
200  francs  pour  organiser  un  commencement  de  Musée,  dans  les 
pièces  du  rez-de-chaussée  de  l'Hôtel  de  ville  (où  s'était  tenue 
l'exposition  de  l'année  précédente). 

La  petite  somme  allouée,  promptement  absorbée  par  les  frais 
préliminaires  d'installation,  n'eût  point  permis  d'obtenir  un  résultat 
sensible,  si  quelques  citoyens  dévoués,  amateurs  zélés,  n'eussent 
fait  une  loterie  dont  le  succès  répondit  à  leur  espoir  '. 

De  nombreux  dons  furent  alors  offerts,  la  plupart  par  les 
promoteurs  de  l'œuvre;  cependant  on  ne  trouvait  point  dans  ces 
dons  la  possibilité  de  constituer  un  Musée  proprement  dit,  lorsque, 
l'année  suivante,  un  enfant  de  Bernay,  M.  Alphonse  Assegond-, 
dont  la  riche  collection  avait  fait  le  plus  bel  ornement  de  l'expo- 
sition de  1863,  eut  à  honneur  de  combler  le  désir  d'un  grand 
nombre  de  ses  compatriotes,  en  offrant  à  sa  ville  natale,  qu'il 
affectionnait  sincèrement,  d'augmenter  subitement,  considéra- 
blement et  sans  bourse  délier,  pour  ainsi  dire,  son  commencement 
de  Musée  qui,  depuis  1864',  était  resté  stationnaire  et  inachevé. 

Voici  comment  s'accomplit  cet  événement  important,  qui,  selon 
la  judicieuse  expression  d'un  céramiste  distingué  de  la  Nor- 
mandie, M.  Gouellain,  «fut  une  circonstance  mémorable  pour  les 
annales  de  cette  ville  »  : 

Par  une  lettre  datée  du  19  mai  1865,  M.  Assegond  informa  le 

'  Par  arrêté  dti  18  février  J875,  le  préfet  de  i'Iùire  autorisa  le  maire  de  Ber- 
nay à  or;{aniser  une  loterie  de  ."3,000  billets  à  1  franc,  dont  le  produit  devait  être 
exclusivement  consacré  à  l'institution  d'un  Musée. 

*  AI.  .-\sse;{ond  avait  été  commissaire-priseur  dans  sa  ville  natale  et  avait  pu 
ainsi  recueillir  uue  collection  précieuse. 


A90  LES    0  R 1 G I X  E  S    DU    MISEE    DE    B  E  U  X  A  Y . 

conseil  municipal  de  l'intention  qu'il  avait  de  céder  à  lu  ville,  sous 
certaines  conditions,  la  collection  de  tableaux,  de  faïences,  divers 
meubles  et  objets  artistiques  qu'il  avait  composée.  —  Le  même 
jour,  le  conseil  municipal  nomma  une  commission  composée  de 
AIM.  Victor  Marie,  Alalbranche  et  Duroy,  à  reflet  d'examiner  la 
collection  proposée,  de  dresser  une  liste  descriptive  et  l'estimation 
<lesoi)jets  la  fornicint. 

Celte  commission,  dont  la  composition  fut  confirmée  dans  la 
séance  du  3  novembre  suivant,  s'adjoi<jnit  le  concours  désintéressé 
de  deux  amateurs  en  renom,  déjà  cités  :  MM.  André  Pottier, 
conservateur  de  la  bibliothèque  et  du  cabinet  des  antiques  de 
Rouen,  et  Gustave  Goueilain,  de  la  même  ville,  lesquels  estimèrent 
la  collection  de  M.  Assegond  à  la  somme  de  19,450  francs;  ces 
examen  et  estimation  eurent  lieu  le  24  février  ]866. 

Le  6  avril  suivant,  la  commission,  par  l'organe  de  M.  Malbranche, 
conclut  à  l'adoption  des  offres  de  M.  Assegond,  qui  était  la  cession 
de  sa  collection  moyennant  une  rente  annuelle  et  viagère  de 
1,000  francs,  et  de  remplir,  sans  aucune  rémunération,  les  fonctions 
de  conservateur  du  Musée. 

Faut-il  le  dire?  Les  conclusions  de  ce  rapport  ne  furent  point 
acceptées  par  les  membres  du  conseil  aiunici  pal  présents  à  la  séance 
du  6  avril  suivant  :  «  Considérant,  dit  le  procès-verbal,  que, 
«  malgré  l'intérêt  que  présente  la  collection  de  M.  Assegond  et  les 
«  conditions  avantageuses  sous  lesquelles  il  propose  de  les  céder, 
it  la  ville,  vu  l'état  de  ses  ûimnces,  îie  peut  accepter  celle  proposition, 
«  est  d'avis  quil  n'y  a  lieu  d'acquérir  la  collection  dont  il  s'agit,  n 
Pour  l'honneur  de  notre  cité,  les  négociations,  si  fâcheusement 
interrompues,  furent  reprisent  fructueusement  par  M.  Emile  Vy, 
premier  adjoint,  absent  de  Bernay  lors  de  la  délibération  précitée. 
Le  5  mai  suivant,  M.  Vy  remit  donc  sur  le  tapis  la  question  du . 
Musée  et  de  l'acquisition  par  la  ville  de  la  collection  Assegond, 
en  exposant  judicieusement  que  "  si  les  ressources  de  la  ville  ne 
«  permettaient  pas  de  les  grever  à  nouveau,  on  pourrait  prélever, 
«  sur  le  produit  de  la  loterie  qui  avait  récemment  eu  lieu  pour 
"  l'organisation  du  Musée,  une  somme  de  2,000  francs,  qui  serait 
f  employée  à  l'acquit  des  annuités  payables  au  1"  janvier  1868  et 
«  au  l"  janvier  1669,  etc.  » 
Grâce  à  l'activitéde  M.  Vy  et  à  ses  puissants  arguments,  le  conseil 


0R\EMi:\T.\TIO\    DES    CLOCHES    Al     WU     SIÈCLE.         491 

municipal,  en  nombre  cette  fois,  revint  sur  sa  détermination 
première  et,  par  1*2  voix  contre  8,  arrêta  le  même  jour  qu'eV  y 
ffrûTîV //«M  d'acquérir  la  collection  de  M.  Assegond  aux  conditions 
ci-dessus  exprimées.  M.  Victor  Marie  s'abstint  de  prendre  pari 
à  la  délibération  à  laquelle  M.   Pesnel,  seul,  n'était  pas  présent. 

Telles  ont  été  les  origines  du  Aluséede  Bernay,  dont  l'ouverture 
officielle  eut  lieu  le  6  janvier  18()8. 

Dans  une  notice  que  j'ai  publiée  en  1878,  et  dans  un  petit  livret 
édité  en  1873,  on  trouvera  les  dilférentes  phases  de  l'existence  de 
notre  petit  Musée  bernayen,  durant  ses  dix  premières  années. 

On  trouvera  aussi  dans  une  notice  biographique  consacrée  à  son 
fondateur,  M.  Assegond,  des  détails  complémentaires  sur  ce  Musée, 
qui,  par  les  soins  de  M.  Lottin  de  La\al,  l'initiateur  de  1849,^  été 
transféré  et  réorganisé  dans  l'ancienne  maison  abbatiale. 

Le  modeste  créateur  du  Musée  de  1866  m'ayant  honoré  de  son 
amitié,  j'ai  donc  cru  devoir  faire  revivre  le  souvenir  de  son  œuvre 
en  formant  le  vœu  que  le  nom  de  «  Salle  Assegond  »  soit  donné  à 
Tune  des  salles  du  nouveau  Musée. 

E.    l  EUCLIN, 

Correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements,  au 
Mesnil-sur-l'Estrée  (Eure). 


XXXI 


L'ART    CAMPANAIRE 


L'ORNEMEXTATION  DES   CLOCHES  AL  XVIL  SIÈCLE 

XOTES   L\ÉDITKS 

Dans  mes  précédentes  communications,  j'ai  cité  les  noms  d'un 
certain  nombre  de  fondeurs  de  cloches  ayant  exercé  leurs  talents 


492         OR\EME\TATIO\    DES    CLOCHES    AL'    XVlT   SIECLE. 

en  Normandie,  an  dix-seplième  siècle.  De  ces  aiiistos,  peu  d'œuvres 
subsistent  encore  ;  aussi  je  pense  être  agréable  à  mes  honorables 
confrères,  et  utile  à  l'histoire  de  l'art,  en  soumettant  aujourd'hui 
<|uelques  noies  inédites  et  quelques  estampages  se  rapportant  à 
trois  rares  et  beaux  spécimens  de  l'industrie  campanaire  que  m'ont 
fournis  les  nombreuses  ascensions  de  clochers  que  j'ai  faites  dans 
njon  pays. 

Laissant  de  ccMé  l'intérêt  historique  que  présentent  les  cloches 
par  leurs  inscriptions,  je  me  bornerai  à  signaler  les  ornementa- 
tions dont  elles  furent  décorées  à  partir  du  dix-septième  siècle 
seulement,  car  les  cloches  antérieures  à  cette  date,  fort  rares,  du 
reste,  dans  ma  région  où  je  n'en  connais  que  deux,  sont  dépourvues 
de  tout  ornement  ou  emblème  offrant  un  réel  intérêt. 

A  en  juger  par  le  fini  des  trois  cloches  dont  je  m'occupe,  Vem- 
pi'einte  ou  moule  de  leurs  ornements  est  l'œuvre  d'un  sculpteur 
habile,  peut-être  même  celle  du  fondeur  qui,  souvent,  en  effet, 
exécutait  sur  place,  suivant  les  indications  des  intéressés,  Vem- 
preinte  des  aimoiries  ou  autres  emblèmes  locaux. 


Les  calques  n  '  1  et  2  se  rapportent  à  une  cloche  qui  se  balance 
encore  dans  l'élégante  tour  ' ,  seizième  siècle,  de  l'église  du  Plessis- 
Mahiet,  près  Beaumont-le-Roger  (Eure),  cloche  portant  cette 
inscription  : 

J    lAY  ESTÉ    BE?>.IST  PAR  MESSIRE   GVILLAVME  ASSE  PERE 

CVRÉ  DV  PLESSIS  MAHIET  ET  MESSIRE  LOVIS  DU 

MOVLIK  PERE  VICAIRE    DV  DIT   LIEV.  MESSIRE  JACQUES 

GILLES  DARE.\D  CHEVALIER  SEIGNEVR   DESMAWILLE  POVR 

PARALV.  DAME  MARIE  DE  MARTAIXVILLE  FEMME  DE  MESSIRE 

ALEXAXDRE  DE  7  VALLES  CHEVALIER  SEIGMEUR  DV  LIEV  POVR 

MAREM.   MCOLAS  LE  SAGE  THRESAVRIER.  PIERRE  BAROiM 

ROMAIM   BVRET   MA   FAITE  1656 

'  Cette  tour  renferme  encore  deus  autres  cloclies  anciennes  provenant  de 
paroisses  annexées. 


OR\"E.ME.\T.iTIO\    U  K  S    CLOCHKS    Al     WIl'    S  1 1:  C  L  K  .  i<J8 

Au-dessous  de  celle  inscription  se  voient  les  armoiries  de  la 
célèbre  abbaye  du  Bcc-Hellouin,  à  laquelle  appartenait  le  patro- 
nage de  la  paroisse  du  Plessis-.llabiet  et  qui  avait  peut-être  coopéré 
pour  une  large  part  à  la  fonte  de  cette  cloclie.  Celle-ci  ne  porte 
point  d'autre  décoration  :  pas  même  un  galon  en  tête,  ni  une  croix, 
ni  une  image  du  patron,  saint  André. 

Je  dois  ajouter  que  le  registre  paroissial,  bien  que  remontant  à 
l'an  1G46,  ne  fait  aucune  mention  de  la  bénédiction  de  la  clocbe 
précitée. 


II 


Les  estampages  3  et  4  appartiennent  à  une  très  belle  clocbe, 
malbeureusement  fêlée,  qui  se  trouve  dans  la  curieuse  tour,  quin- 
zième siècle,  de  l'église  de  Xolre-Dame  de  la  Couture  de  Bernay 
(Eure),  cloche  dont  j'ai  déjà  donné  l'inscription  '  et  qui  a  son  his- 
toire et  sa  légende. 

Contrairement  à  la  précédente,  son  aînée,  la  cloche  en  question 
est  superbement  décorée  :  1°  d'un  diadème  fleurdelisé  ;  2°  d'une 
grande  croix  fleuronnée  et  fleurdelisée  ;  3°  d'un  large  écusson  de 
son  parrain,  l'abbé  de  Bernay;  -i"  de  l'image  de  la  Vierge  mère; 
5°  d'arabesques  aux  anses. 

J'ai  dit  que  cette  cloche  avait  son  histoire  et  sa  légende.  Voici, 
d'abord,  les  documents  historiques  qui  la  concernent  : 

Le  14  mai  1656,  devantles  tabellions  de  Bernay  pour  le  vicomte 
de  Montreuil,  se  présentent  Nicolas  Buret,  père  et  fils,  maîtres 
fondeurs  de  cloches  demeurant  à  Rouen*,  lesquels  font  alleu  de 
marché  avec  les  marguilliers  de  l'église  de  Notre-Dame  de  la  Cou- 
ture, "  pour  fondre  la  grosse  et  la  petite  cloche  de  lad.  églize,  par 
«lequel  aleu  a  près  que  lesd.  marguilliers  ont  promis  fournir 
"  auxd.  Buret  tous  les  matériaux  nécessaires  et  hommes  de  journées 
il  pour  les  servir,  iceux  Buret  se  sont  submis  et  obi.  d'aprester 

'  Voir  ma  notice  :  Les  cloches  de  Bernay. 

-  lin  1008,  un  \icolas  Burel,  fondeur  de  cioclies,  demeurait  en  la  paroisse 
Saint-Vincent,  à  Rouen.  Il  fondit  de  nombreuses  cloches  en  cette  ville  el  aux  envi- 
rons, de  1610  à  1030.  (Voir  .archives  départementales  de  la  Seinc-Inlerieure.  G. 
6915,  7232,  etc.,  etc.) 


49.4         ()K\1:ME\'T  ATIOAI    DES    CI.  OC  MES    AU    XVIT    SIECLE. 

«  et  fondre  lesil  deux  cloches  bien  et  deubment,  de  les  mettre 
(t  daceord  avec  les  deux  autres  qui  sont  de  pnt  en  lad.  êglize  au 
«  dire  dexperls  et  personnes  à  ce  appelez  dans  le  jour  de  Saint- 
«  Jean-Baptiste  prochain,  a  commencer  led.  travail  de  ce  jour,  led. 
u  aleu  fait  au  moïen  de  la  so"  de  cent  cinquante  livres  que  lesd 
«  marguilliers  se  sont  suhmis  et  obi.  de  païer  ausd.  Buret  toutefois 
«  et  quantes  après  le  travail...,  ayant  iceux  Buret  promis  de 
«  fournir  ce  quil  faillera  de  métal...  par  le  prix  de  douze  soulz 
«  chaque  livre  parce  quelz  reprendront  ce  qui  se  trouvera  de  reste 
«  de  métail  au  cas  quel  y  en  ait  au  mesme  prix  de  douze  soulz 
«  chaque  livre...  Led.  métail  sera  rendu  par  lesd.  Buret  sur  le  quay 
Il  de  la  Bouille  de  lequel  lesd  marguilliers  feront  aporter  en  ce 
«  lieu  et  lesquels  Buret  feront  suspendre  lesd  deux  cloches  dans 
"  lesglize  dud  lieu  en  debvoir  prestes  à  en  faire  la  bénédiction...  " 

Cet  alleu  porte  dix-sept  signatures,  y  compris  celles  des  trois 
marguilliers,  des  deux  notaires  et  des  deux  fondeurs;  celles-ci 
sont  libellées  jV  Buret  avec  parafe;  mais  celle  du  père,  beau- 
coup plus  grosse,  est  celle  d'un  vieillard. 

Nos  deux  artistes  ne  furent  point  heureux  dans  leur  travail, 
ainsi  que  l'apprend  l'acte  suivant  qui  fut  rédigé  par  les  mêmes 
notaires,  le  mardi  3  octobre  de  ladite  année  1658,  où  apparaît 
seul  Nicolas  Buret  le  fils,  «  bourgeois  de  Rouen,  W"  fondeur  de 
Il  cloches,  lequel  recongnoissant  après  la  visite  qui  a  esté  faicte  en 
Cl  sa  pnce  de  deux  cloches  qu'il  a  cy  devant  fondues  en  lesglize  et 
«  paroisse  de  la  Couture  de  ce  lieu...  quelles  sont  mal  fondues  et 
«  nullement  dacord  avec  les  autres  qui  sont  en  lad.  églize,  sest 
Il  icelluy  Buret  suhmis  et  obligé  les  refondre  tout  de  nouveau, 
''  fournir  les  mastereaus,  métail  et  porter  le  deschet  dicelles  et  les 
«  rendre  de  pareille  grosseur  et  pesanteur,  ainsi  quil  est  porté 
«  par  led.  alleu  cy  dessus  datte,  les  descendre,  monter  et  poser  à 
"  k  place  où  elles  sont  le  tout  à  ses  dépens  et  du  tout  les  mettre 
«  bien  daceord  avec  les  autres  cloches  dicelle  églize  ainsy  q^  sy 
«  estoit  obi.  par  led.  alleu  cy  énoncé...  '.  » 

Signé  de  N.  Buret  (le  fils),  de  six  paroissiens  et  des  deux  notaires. 

Les  Buret  ne  semblent  pas  avoir  été  plus  heureux  la  seconde 
fois  que  la  première.  Les  comptes  du  trésor  portent,  en  effet,  à  la 

'  Archives  du  tabellionage  de  Bernay.  —  Etude  de  M«  Mauduit. 


<)lt\  E  Mi;  .\'l'  \T1()\     DKS    CI>OCHES    AU    XVH     SIÈCLE.         /^<^:, 

date  (lu  17  juillet  1661  :  ^  Payé  à  Pierre  Lesage  pour  avoir  lait  un 
"  ^'^y*'S^  ^  Rouen  contre  les  IJuretz  pour  le  procez  des  cloches 
«  I\'.  Pour  avoir  relire  la  minutie  de  larrest  I\'  ;  pour  retirer  les 
Il  pièces  du  grelfe,  VHP  VI'^;  pour  le  rapport,  XIIP  IIIP  ;  pour 
u  larrest  en  parchemin,  \IP  ;  au  procureur  pour  ses  peines  d'avoir 
«  vacqué  au  px'ocès,  XXVP.  »  Le  lundi  de  Pâques  1662,  il  est 
aussi  payé  même  somme  «  pour  un  voyage  faict  à  Rouen  contre 
les  Buret  et  despense  "  ;  enfin,  le  12  novembre  de  la  même  année, 
le  trésorier  porte  aux  dépenses  la  somme  de  XIIP  XVIIP  «  pour  les 
«  fraictz  du  voyage  faict  à  Rouen  afin  de  faire  exécuter  les  Buretz, 
«  fondeurs  de  cloches,  et  en  tirer  un  exécutoire  »  .  Ajoutons  qu'au- 
cun versement  n'est  indiqué  pour  la  refonte  des  deux  cloches. 
On  ignore  donc  les  motifs  de  ce  procès  ;  mais  la  tradition  donne 
cependant  quelques  renseignements  vraisemblables;  l'on  dit  que  le 
fondeur,  convaincu  d'avoir  manqué  son  œuvre,  se  serait  enfui  sans 
même  prendre  la  peine  de  déterrer  les  cloches  en  question,  et  que  ce 
ne  fut  que  plusieurs  années  plus  tard  que  l'on  se  décida  à  exhumer 
lesdites  cloches,  que  l'on  fut  tout  étonné  de  trouver  parfaites  ou  à 
peu  près.  Cependant  les  comptes  postérieurs  au  procès,  qui  durait 
encore  en  1663,  ne  font  point  mention  de  payements  faits  aux  Buret, 
qui  auront  ainsi  perdu  leur  travail  et  ne  touchèrent  pas  un  sol. 

Nous  avons  dit  que  les  cloches  que  l'on  croyait  manquées  furent 
trouvées  à  peu  près  parfaites;  elles  laissaient,  en  effet,  à  désirer, 
et,  le  -4  novembre  1674,  il  fut  payé  à  Michel  Giraud,  sculpteur, 
qui  réparait  le  buffet  de  l'orgue  de  l'église,  la  somme  7'  10'  pour 
avoir  mis  les  noms  à  une  des  cloches  et  raccommodé  l'autre'. 
La  première  de  ces  cloches  a  disparu  à  la  Révolution;  quant  à  la 
seconde,  bien  que  fêlée  profondément,  elle  occupe  encore  la  place 
où  elle  fut  mise  il  y  a  plus  de  deux  cent  vingt-cinq  ans;  et  à  part 
un  défaut  dans  la  fonte,  à  l'endroit  où  se  trouve  le  nom  du  fon- 
deur, elle  est  splendide  comme  forme  et  décoration,  ainsi  qu'on 
en  peut  juger  par  les  estampages  ci-joints. 


III 


A  Aluzy  (Eure),  la  tour  de  la  très  remarquable  église  (douzième 
siècle)  renfermait  jadis  deux  cloches,  dont  une,  fort  intéressante 


49G         ()R\K.MEi\TAT10\'    DES    CLOCHES    AL'    XVII"   SIECLE 

et  liarraonieuse,  a  été  heureusement  conservée  ;  voici  son  inscrip- 
tion : 

MESSIRE  CHARLES  JOSEPH   BORCHART   CHEVALIER  SEIGX'EVR 

DE  MURMOVLIN  ET  CHALDOIV!  CVIïÉ  DE  MVSY  ET  FRWÇOISE 

DE  MIRE  DAME   ET  MARQUISE  DE  PIERRECOVR   COMTESSE  DE 

FAVGVERNOM  BARONNE  DE   ILLE  ET  MESSIRE  lEAN 

FRANÇOIS  LE  CONTE  CHEVALIER  SEIGNEVR  ET  MARQUIS  DE 

PIERRECOVR  SEIGNEVR  DE  LOVYE   ET  MUSY.  lE  SVIS  NOMMÉE 

FRANÇOISE.    TRESORIER  EN  CHARGE  lACQUES  EGASSE 

ET   ANTOINE   LEMERE  f  GILLE   MARAIS  MA  FETE 

La  décoration  de  cette  admirable  cloclie  consiste  simplement  en 
un  cordon  fleurdelisé  formant  diadème  et  en  des  armoiries,  deux 
fois  répétées,  qui  sont  celles  des  parrain  et  marraine. 

On  remarquera  que  ce  beau  spécimen  de  l'art  campanaire  n'est 
point  daté;  mais,  comme  le  curé  lîorchart  de  Mormoulin  admi- 
nistra la  paroisse  de  Muzy,  de  1674;  à  1686,  cette  cloche  fut  donc 
fonilue  entre  ces  deux  dates'. 

Quant  au  nom  du  fondeur,  peu  lisible,  et  que  je  crois  être  Gille 
Marais,  je  ne  l'ai  point  encore  rencontré  ni  vu  mentionné  dans 
les  ouvrages  qui  traitent  de  la  campanologie  normande.  Je  le 
recommande  donc  aux  investigations  de  mes  savants  confrères,  et 
il  me  sera  très  agréable  de  l'ajouter,  d'une  façon  certaine,  à  la 
liste  que  je  prépare  pour  l'an  prochain  t\çs  nombreux  artistes 
campanaires  qui,  durant  les  deux  derniers  siècles,  donnèrent  la 
vie  en  iVormandie  à  tant  de  cloches  sur  lesquelles  l'art  décoratif 
prodigua  de  charmantes  compositions. 

E.   Veuclin, 

Correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements,  au 
Mesnil-sur-l'Estrée  (Eure). 

^  Le  registre  paroissial  de  Muzy,  qui  remonte  à  i'aa  1598,  est  muet  sur  les 
cloclies. 


LES    SPKIW    Dli    l'UlLLY.  .497 


XXXII 

LES  SPHIW  DE  PAVILLV 


On  médit  souvent  des  Sociétés  savantes;  il  faut  pourtant  convenir 
qu'elle  rendent  parfois  des  services  assez  appréciables,  notamment 
au  point  de  vue  des  objets  d'art,  dont  elles  révèlent  le  mérite  à  des 
gens  qui  ne  le  soupçonnaient  pas  et  qu'elles  réussissent  quelque- 
fois à  sauver. 

Une  preuve  en  fut  donnée  au  dernier  congrès  tenu  à  Caeu  par 
la  Société  française  d'archéologie.  Ceux  qui  suivirent  ces  séances 
eurent  la  satisfaction  d'entendre  M.  l'abbé  Porée,  curé  de  Bour- 
nainville,  un  savant  et  un  artiste  bien  connu  des  membres  du 
congrès  des  Beaux-Arts,  leur  annoncer  la  découverte  de  fragments 
de  sculpturcdans  lesquels  avec  un  flair  remarquable  il  avait  reconnu 
des  débris  du  groupe  de  1' «Hercule  terrassant  l'Iiydre  de  Lerne  ", 
exécuté  au  Vaudreuil  pour  le  marquis  de  Girardin  par  le  grand 
sculpteur  Puget.  Ce  magnifi(|ue  ensemble  reconstitué  fut  acheté 
alors  pour  le  compte  de  la  ville  de  Bouen  par  M,.  Gaston  Le  Breton. 
Ceux  qui  l'ont  vu  au  Musée-bibliothèque  peuvent  apprécier  l'im- 
portance de  cette  découverte. 

Le  Congrès  de  l'Association  normande,  qui  a  eu  lieu  au  mois 
d'août  dernier  dans  la  petite  ville  de  Pavilly  (Seine-Inférieure),  a 
amené  une  révélation  du  même  genre. 

La  programme  de  l'enquête  scientifique  jiortait  la  question  sui- 
vante :  (t  Indiquer  les  objets  d'art  existant  dans  la  circonscription, 
qui  n'ont  pas  été  signalés  jusqu'ici,  ou  qui  ont  été  incomplètement 
décrits.  > 

Par  une  bonne  fortune  qui  n'arrive  pas  toujours,  il  y  avait  parmi 
les  congressistes  un  rédacteur  du  journal  de  Bouen  qui  apporta 
fréquemment  aux  enquêtes  un  contingent  précieux.  Sur  cette 
question  spéciale  surtout,  il  fit  une  communication  des  plus  impor- 
tantes, signalant  dans  le  parc  du  château  de  Pavilly  deux  statues, 
«  deux  sirènes  i ,  disait-il,  d'un  travail  en  tous  points  reniarquable 

32 


498  LES    SPHIIVX    DE    PAVILLY. 

el  (1t''notant  la  main  d'un  maître.  Le  nom  de  Piigel  était  même 
timidement  piononcô. 

Comme  bien  on  pense,  cette  communication  avait  attiré  tout 
particulièrement  l'attention  du  bureau,  et  comme  conclusion  une 
visite  au  parc  de  Pavilly  fut  décidée. 

Là,  au  bord  d'une  allée  écartée,  on  trouva,  oubliées  et  négligées 
depuis  un  temps  immémorial,  deux  statues  en  pierre  envahies  et 
dégradées  par  une  végétation  parasite,  lierres  et  mousse,  dont 
jamais  on  n'avait  songea  les  débarrasser  '. 

Dans  le  pays,  cependant,  on  les  avait  remarquées,  on  les  connais- 
sait, et  on  les  désignait  tantôt  sous  le  vocable  de  sirènes,  tantôt 
sous  celui  de  sj)hinx.  La  première  de  ces  appellations  surtout  est 
inexacte.  Une  tète  de  femme  sur  un  corps  de  lionne  au  repos,  voilà 
ce  que  représentent  les  deux  statues.  Dans  l'une  et  l'autre,  la 
figure,  d'un  ovale  allongé,  est  d'une  grande  noblesse  qui  apparaît 
encore,  malgré  les  injures  du  temps,  et  qui  affirme  1  étrange 
douceur  des  yeux.  Elle  est  auréolée  d'une  opulente  chevelure  qui 
se  noue  en  torsades  et  en  tresses  magnifiques  piquées  de  fleurs  et 
relevées  par  un  diadème  richement  ciselé. 

Le  buste  repose  droit  sur  les  pattes  de  devant  allongées  et  dont 
les  puissantes  griffes  débordent  le  socle.  Il  est  ornée  d'un  médaillon 
dont  le  dessin  disparait  sous  la  mousse,  mais  où  l'on  peut  recon- 
naître cependant  un  écusson,  portant  «trois  roses  fouillées  et  tigées 
au  naturel  placées  deux  et  une  v . 

Ce  médaillon  s'attache  par  deux  agrafes  à  une  housse  fort  riche 
brodée  de  losanges  et  d'une  coupe  harmonieuse  ;  elle  couvre  le 
dos  de  la  bête. 

L'arrière-train  est  incliné  sur  le  côté  gauche,  dans  un  mouve- 
ment fort  gracieux,  et  la  queue,  passée  entre  les  pattes  ramenées 
en  avant,  vient  se  recourber  sur  la  croupe. 

Les  deux  statues  sont  à  peu  près  d'égale  grandeur,  bien  que 
celle  qui  est  sur  un  socle  paraisse  un  peu  plus  grande;  le  corps 
des  sphinx  a  r",20  environ.  La  similitude  des  poses,  une  finesse 
d'exécution  identique  attestent  la  même  main,  et  c'est  évidemment 
le  même  artiste  qui  a  sculpté  ces  deux  œuvres  qui  ne  présentent 
que  de  légères  différences  de  détail. 

'  Voir,  ci-coutre,  planthc  XWIII. 


riancbc  XXXllI. 


I'8<[i-   4V.S. 


I.KS    Sl'inW     DK    l'AVII,  l.Y 


LES    SPIIIW    DE    PAVILI.Y.  4<)'i 

Ces  appréciations  ont  été  celles  des  membres  du  congrès,  et  en 
particulier  de  M.  E.  de  Robillard  de  Beaurepaire,  directeur  de 
l'Association  normande,  dont  tout  le  monde  connaît  l'érudition  et 
la  compétence  en  matière  d'art,  et  (|ui  s'est  très  particulièrement 
intéressé  à  cette  découverte. 

Nous  avons  voulu  revoir  ces  magnifiques  sculptures;  notre 
opinion,  qui,  cette  fois,  ne  pouvait  être  influencée  par  l'opinion  des 
autres,  est  restée  identiquement  la  même. 

Plus  on  examine  les  monstres  fabuleux  du  parc  de  Pavilly,  plus 
ils  se  révèlent  avec  prestige  et  avec  charme.  Positivement,  malgré 
les  injures  du  temps  et  l'abandon  des  hommes,  ce  sont  là  de  belles 
choses,  de  véritables  œuvres  de  maître. 

Mais,  bien  que  Puget  ait  travaillé  dans  la  haute  Normandie  était 
notamment  séjourné  quelque  temps  au  Vaudreuil,  nous  n'avons 
pas  de  renseignements  assez  précis  pour  les  lui  attribuer.  Peut- 
être,  grâce  à  des  recherches  nouvelles,  l'écusson  signalé  indiquera 
t-il  une  origine  certaine  et  permettra-t-il  de  fixer  et  le  nom  du 
sculpteur  et  celui  delà  famille  à  laquelle  cette  œuvre  était  destinée'. 
Actuellement,  tout  ce  que  Ton  peut  dire,  c'est  que  ces  sculptures, 
largement  traitées  par  un  ciseau  sur  de  lui  et  dédaigneux  des 
ondulations  tourmentées  et  des  mièvreries  dans  lesquelles  se  com- 
plaît le  dix-huitième  siècle,  remontent  à  une  date  antérieure.  C'est 
le  genre  ferme,  sain  et  robuste  du  règne  de  Louis  XIV. 

On  a  beaucoup  discuté  pour  savoir  exactement  ce  que  repré- 
sentaient ces  deux  figures.  A  notre  sens,  il  ne  saurait  y  avoir  de 
difficulté;  ce  ne  sont  pas  des  sirènes,  nom  sous  lequel  on  les 
désigne  le  plus  communément  dans  le  pays,  par  le  motif  que  les 
sirènes  mythologiques,  qui  habitent  les  profondeurs  des  mers, 
se  terminent  en  queue  de  poisson,  c'est  là  même  leur  caractère 
distinclif.  Ce  ne  sont  pas  davantage  des  centaures;  ces  monstres 
sont  toujours  représentés  non  pas  couchés,  mais  en  mouve- 
ment, et  se  composent  d'un  buste  humain  et  d'une  croupe  de 
cheval.  Ici  il  s'agit  d'un  corps  de  femme  soudé  à  l'arrière-train 
d'une  lionne;   ce   sont  donc   de    véritables  sphynx,    traités  avec 

'  Après  recherclies  nouvelles,  M.  (îeorges  de  Beaurepaire  a  pu  déchifdcr 
l'écusson;  il  porte  a...  au  chevron  accompagné  de  trois  roses  ti;jées  et  leuillées 
posées  deux  et  une  n .  Le  chevron  a  été  martelé,  mais  on  en  voit  très  bien  les 
traces;  ce  sont,  pensons-nous,  les  armes  des  Le  Alarchaud  de  Bardouville. 


500 


I,i:s    SPHINX    DE    PAVILLV. 


une  cerlaine  libellé,  mais  appartenant  à  la  tradition  égyptienne. 

Comment  ces  statues  se  trouvent-elles  dans  cet  endroit  écarté? 
C'est  là  une  qursiion  qu'il  serait  intéressant  de  résoudre;  leur  poids 
semble  rendre  difficile  un  déplacement  quelconque,  et  cependant 
on  ne  s'e\prK|iie  guère  leur  rôle  au  bord  d'une  allée  isolée.  Ce 
qui  est  prol)al)lc,  c'est  que,  comme  tous  les  grands  parcs,  Pavilly, 
maintenant  dessiné  à  l'anglaise,  possédait  originairement  les  allées 
droites,  les  terrasses  spacieuses  de  nos  anciens  parcs  français;  peut- 
être  dans  ce  coin  reculé,  mais  cependant  situé  bien  en  vue  du 
château,  y  atait-il  quelque  petit  temple,  imité  de  l'antique,  comme 
on  en  trouvait  un  peu  partout  alors;  un  escalier  monumental 
pouvait  y  conduire,  les  sphinx  en  garder  l'entrée...  tout  cela,  ce 
sont  des  hypothèses  auxquelles  nous  ne  nous  arrêterons  pas 
autrement. 

Ou'a{lviendra-t-il  ce  ces  statues  ?  Nous  sommes  heureux  de 
rassurer  sur  ce  point  ceux  qtrin(|uiéteraii  l'état  d'abandon  où  elles 
se  trouvaient.  Avant  son  départ,  M.  de  Beaurepaire,  auquel  l'art 
doit  tant  déjà,  a  voulu  encore  une  fois  faire  œuvre  utile;  il  a  vu 
M.  le  comte  d'Auray,  et,  comme  le  châtelain  de  Pavilly  est  un 
homme  de  goût  et  un  homme  d'esprit,  il  n'a  pas  eu  de  peine  a  en 
obtenir  la  piomesse  que  ces  pauvres  abandonnées  seraient  rendues 
à  la  lumière  et  débarrassées  du  vêlement  de  lierre  et  de  mousse 
qui  les  enveloppait  à  peu  près  complètement  et  qui,  si  on  n'y  pre- 
nait garde,  pourrait  devenir  pour  elles  un  véritable  linceul. 

Et  maintenant,  si  l'Association  normande  n'avait  eu  pendant  tout 
son  congrès  d'autre  résultat  que  d'amener  le  sauvetage  d'une 
œuvre  d'art  de  cette  valeur,  nous  croyons  qu'elle  n'aurait  pas 
perdu  son  temps. 

P.    DE    LOKGUEMARE, 

Membre  de  la  Société  des  antiquaires  de 
IVormandie,  secrétaire  de  l'Association 
normande,  à  Gaeu. 


LOEUVllE    D  LM    \I  liV  I  AT  l  R  I  S  T  E    A  \  1  G  \  0\\\  A  I  S.  501 


XXXIII 


L'OELVRE  D'UN  MINIATURISTE  AVïGNONNAIS 

DE    LA     RE\AISSANCE 

Parmi  les  manuscrits  les  plus  intéressants  de  la  IJibliolhèque 
d'Avignon,  le  n"  2595  est  un  de  ceux  qui  doivent  retenir  l'attention 
et  dont  les  miniatures  méritent  d'être  étudiées  de  près.  C'estiin 
livre  d'heures,  composé  très  probablement  pour  un  personnage 
habitant  l'ancienne  paroisse  de  Notre-Dame  la  Principale  d'Avignon; 
le  calendrier  mentionne  en  effet,  outre  les  saints  locaux,  la  dédicace 
de  l'église  de  Notre-Dame  des  Doms,  qui  venait  tout  récemment 
d'être  élevée  au  rang  des  métropoles,  et  celle  de  Notre-Dame  la 
Principale.  Il  serait  étonnant  que  cette  dernière  indication  ait  été 
portée  sans  motif  particulier,  alors  que  la  dédicace  ou  la  consé- 
cration des  autres  églises  paroissiales  de  la  ville  n'a  pas  été  signalée. 

Ce  manuscrit,  formé  de  125  feuillets'  de  parchemin  de  petit 
format  (137  X  95  millimètres),  est  écrit  en  caractères  gothiques 
de  deux  couleurs,  noirs  et  rouges,  et  orné  d'initiales  d'or  sur  fond 
alternativement  rouge  et  bleu.  II  renferme  toute  une  série  d'heures, 
d'oftîces  et  d'oraisons,  qui  ne  sont  dignes  que  d'une  médiocre 
considération;  comme  j'en  ai  donné  la  nomenclature  ailleurs',  il 
est  inutile  d'y  revenir  ici  même  et  d'entrer  dans  plus  de  détails. 
Le  volume  se  termine  enfin  par  cette  mention,  qui  lui  donne  une 
très  haute  valeur  :  "Ces  présentes  heures  fuient  achevées  d'escripre 
le  xxviir  jour  d'avril,  l'an  mil  CCCCLXXXl  III,  par  Guiot  Baletet, 
escrivain  et  enlumineur,  habitant  en  Avignon.  «  Le  manuscrit  a 
donc  une  filiation  absolument  certaine.  Or,  c'est  le  seul  miniature 


'  Ea  t'clat  actuel  il  est  incomplet;  quelques  feuillets  manquent  certainement, 
par  exemple,  après  le  28"  et  le  80°. 

-  T.  II  du  Catalogue  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  d' Avignon  (t.  XXVIII 
de  la  série  in-8"  des  Catalogues  des  manuscrits  des  bibliothèques  des  départe- 
ments),  p.  571. 


502  LOEUVIIF.    I)  l  \    M  I  \  I  A  T  L' RISTE    A  V  IGX  0\  \  AIS.         « 

vers  la  fin  Jti  quinzième  siècle,   que  je  connaisse  d'une  origine 
avignonnaise  aussi  incontestable. 

Et  pourtant  la  ville  d'Avignon,  alors  en  plein  épanouissement 
artistique,  coniplail  un  assez  grand  nombre  d'ateliers  ou  de  fabriques 
de  manuscrits,  hors  des  monastères  et  des  couvents.  Mon  .très 
distingué  collègue  et  ami,  M.  l'abbé  Requin,  dans  ses  Documents 
inédits  sur  les  jjeintres,  peintres-verriers  et  enlumineurs  d'Avignon 
nu  quinzième  siècle,  communiqués  à  la  réunion  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  départements  de  1889,  a  déjà  relevé  une  liste 
respectable  de  noms  de  miniaturistes  :  c'était,  de  1450  à  1500, 
pour  ne  citer  que  ceux-là,  Nicolas  Prévôt,  Colin  de  "  Toysie  », 
Guill^iume  Gastel,  Georges  Trubert,  Antoine  et  Etienne  «  Bolety  n , 
Olivier  Bon-Ami,  Pierre  Maurice,  Robert  de  «  Rubella  » ,  Simon 
K  Bonabuti  '^ ,  sans  compter  notre  Guiot  Baletet  lui-même.  Or,  de 
tous  ces  artistes,  il  n'est,  que  je  sache,  rien  resté  dans  les  collections 
publiques.  Aussi  le  volume  que  j'étudie  aujourd'hui  en  est-il  plus 
précieux. 

Sur  son  auteur,  Guiot  Baletet,  «  escrivain  de  lettres  de  formes  »  , 
«  scriptor  litterae  formatae  "  ,  «  enlumineur  »  ,  on  n'avait  jusqu'ici 
pour  tout  renseignement  que  les  notes  publiées  d'après  les  proto- 
coles des  notaires  par  M.  l'abbé  Requin  dans  ses  Documents 
(n°  42).  On  savait  ainsi  que,  le  21  septembre  1468,  il  avait 
commandé  deux  manuscrits  sur  parchemin  au  frère  Jeoffroy  de 
Closo,  de  l'ordre  des  Prémontrés,  ce  qui  tendrait  à  démontrer 
qu'il  ne  pouvait  pas  suffire  lui-même  à  toute  la  besogne  à  lui 
confiée,  et  qu'il  était  obligé  d'avoir  quelquefois  recours  à  des  aides. 
On  avait  encore  appris  qu'en  1  491  il  avait  vendu  une  maison  qu'il 
possédait  à  Avignon,  en  la  rue  du  Marché  aux  cuirs  (portion  de  la 
rue  Bonnetterie  actuelle),  et  qu'il  n'existait  plus  en  l'année  1510, 
date  du  testament  de  sa  veuve. 

Mais  d'autres  renseignements  puisés  à  des  sources  qu'avec  une 
parfaite  amabilité  le  même  abbé  Requin  m'a  signalées,  m'ont 
permis  de  compléter  celte  brève  notice  biographique.  Guiot  Ba- 
letet, ayant"  cela  de  commun  avec  la  plupart  des  artistes  qui 
travaillèrent  dans  l'ancienne  cité  papale,  n'était  pas  un  enfant  du 
pays  :  il  était  originaire  du  diocèse  de  Besançon,  et  en  1468  il  était 
encore  assez  nouvellement  établi  à  Avignon  pour  qu'on  mentionnât, 
dans  les  actes  où  il  comparaissait,  la  contrée  où  il  avait  pris  nais- 


LOEUVRE    DUX    MINIATURISTE    AVIGXOWAIS.  :,03 

sance.  A  celle  époque  (30  juillet  L4G8),  il  achetait  à  Guillaume 
Trenle-Sous,  et  moyennant  la  somme  de  24  florins  de  24  sols 
|)ièce,  une  maison  dans  le  voisinage  de  la  rue  actuelle  des  Vieilles- 
Ktudcs,  entre  les  anciens  et  les  nouveaux  remparts  de  la  ville  '.  On 
le  retrouve  encore,  le  31  octobre  1481,  donnant  au  trésorier  de  la 
communauté  d'Avignon  la  quittance  des  cinq  florins  qu'il  avait  reçus 
pour  l'enluminure  de  quatre  bulles  obtenues  au  profit  de  la  ville 
par  le  puissant  légat  Julien  de  la  Rovère,  le  futur  pape  Jules  II'; 
puis,  le  29  août  1491,  achetant  prosaïquement  (\eu\  tonneaux  de 
vin  du  cru  du  pays  à  Guillaume  Gervais,  dit  des  Balances,  par- 
devant  le  notaire  Jean  de  Ulmo  ou  Delorme  ^ 

En  homme  sage  et  prévoyant,  Guiot  Baletet  songea  de  bonne 
heure  à  prendre  ses  dernières  dispositions  pour  le  jour  où  il  S€rait 
rappelé  dans  un  monde  meilleur  :  une  première  fois  il  fit  son  tes- 
tament devant  le  notaire  Pierre  Borsias,  mais  le  7  août  1494,  il 
crut  devoir  le  révoquer  et  en  dicter  un  nouveau,  où  il  institua  pour 
héritière  universelle  sa  femme  Merraette*.  Le  lieu  qu'il  choisit  pour 
sa  sépulture  est  dans  cette  étude  particulièrement  à  remarquer  :  il 
voulut  être  enseveli  dans  l'église  paroissiale  de  Xotre-Dame  la  Prin- 
cipale, dans  le  tombeau  qu'il  s'était  fait  bâtir  près  de  la  chapelle  de 
Jean  Borgesii,  dit  Tarluc.  Ceci  pourrait  faire  supposer  jusqu'à  un 
certain  point  qu'il  avait  composé  le  livre  d'heures,  dont  il  est  ici 
question,  pour  son  propre  usage;  mais  ce  n'est  qu'une  simple 
hypothèse,  que  je  n'ai  ni  la  prétention  ni  les  moyens  de  justifier. 

Les  miniatures  que  Guiot  Baletet  a  peintes  sur  le  manuscrit  qui 
nous  intéresse  sont  au  nombre  de  vingt-sept.  Voici  l'indication  de 
l'emplacement  et  du  sujet  de  chacune  d'elles. 

Fol.  18  V",  en  tête  d'une  «  devotissima  deprecatio  ad  beafam 
Virginem  Alariam  «  ,  une  Vierge,  assise  dans  une  espèce  de  jardin 
clos  d'une  muraille,  tient  sur  ses  genoux  l'Enfant  Jésus. 

Fol.  22  v°,  au  commencement  du  récit  de  la  Passion  selon  saint 
Jean,  le  Baiser  de  Judas.  Le  traître  est  suivi  d'une  troupe  de  gens 
armés  d'épées,  de  lances  et  de  piques.  Au  pied  du  Christ  est  assis 

•  Etude  de  M'  Giraudy.  —  l-ltendues  de  J.  de  Brieude,  1449-1475,  fol.  110. 

'  Archives  municipales  de  la  ville  d'Avignon,  CC,  comptes  de  1481-1482,  fol.  88. 
^  Étude  de  M'  Giraudy ,  —  Notes  brèves  de  Jean  de  Ulmo,  1490-1491,  à  la 
date  du  20  août  1491. 

*  Voir  Pièce  justificative. 


504  L'OEUVRE    DUX    MIMATUHISTE    A  V  IG  X  0.\  X  AIS. 

Malthus,  auquel  saint  Pierre  \;ient  de  couper  l'oreille.  Cette 
Diinialure  est  une  des  moins  heureuses;  les  tètes  surtout  sont  assez 
mal  proportionnées. 

Fol.  34,  au  milieu  (le  la  première  partie  des  heures  de  la  Vierge, 
la  Visitation.  La  Vierjje  debout  tend  la  main  à  sainte  Elisabeth 
qui  se  prosterne.  A  l'horizon  du  paysage,  des  collines,  sur  l'une 
desquelles  est  une  petite  tour. 

Fol.  40  V",  en  tête  de  l'office  de  prime  des  mêmes  heures,  la 
Nativité.  L'Enfant  est  couché  par  terre  sur  de  la  paille  entre  saint 
Joseph  et  la  \  ierge  agenouillés,  Dansl'étableet  derrière  une  claie, 
l'àne  et  le  bœuf  traditionnels. 

,Fol.  42  v%  au  commencement  de  tierce,  l'Appel  aux  bergers. 
Un  ange  volant  dans  les  airs  annonce  la  bonne  nouvelle  à  un  berger 
debout,  appuyé  sur  son  bâton,  et  à  une  bergère  agenouillée  tenant 
une  quenouille.  Le  troupeau  paît  dans  une  plaine  coupée  de 
buissons,  au  pied  d'une  tour  carrée. 

Fol.  44,  en  tête  de  sexte,  l'Adoration  des  mages.  La  Vierge  est 
assise  en  dehors  de  sa  maison  et  tient  l'Enfant  sur  ses  genoux 
pendant  que  les  rois  offrent  leurs  présents.  Derrière  la  Vierge, 
on  distingue  la  silhouette  de  saint  Joseph. 

Fol.  46,  au  début  de  l'office  de  none,  la  Présentation  au  temple. 
Le  grand  prêtre  tient  l'Enfant  au-dessus  d'une  table  recouverte 
d'un  linge;  devant  est  la  Vierge,  accompagnée  d'une  autre 
femme,  peut-être  sainte  Anne;  dans  le  fond,  saint  Joseph  portant 
les  colombes. 

Fol.  47  x",  en  tète  des  vêpres,  la  Fuite  en  Egypte.  La  Vierge 
portant  l'Enfant  est  sur  l'àne,  que  conduit  saint  Joseph. 

Fol.  51  V",  au  commencement  des  complies,  toujours  des  mêmes 
heures,  le  Couronnement  de  la  Vierge.  Le  Christ,  assis  sur  son 
trùne,  bénit  sa  mère  agenouillée,  que  couronne  un  ange  volant 
dans  l'azur  du  ciel  éloilé  d'or.  La  scène  semble  se  passer  dans  une 
cour  bordée  d'une  sorte  de  balustrade. 

Fol.  100.  Toutes  les  miniatures  qui  suivent  représentent  le 
saint  ou  la  sainte  dont  l'antienne  et  l'oraison  sont  voisines.  Ici  c'est 
saint  Jacques,  patron  des  pèlerins,  marchant  le  bâton  à  la  dextre 
et  lisant  dans  un  livre'.  Il  chemine  sur  une  route  passant  entre  deux 

'  Voir,  ci-contre,  planclie  XXXIV. 


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petites  collines  et  conduisant  à  une  t'oiiciesse,  dont  deux  tours  cré- 
nelées et  ajourées  gardent  l'entrée.  Au  premier  regard,  on  croirait 
que  (îiiiot  Haletet  a  \i)iilii  représenter  là  l'entrée  du  fort  Saint-André, 
(lui  domine  le  Hhùne  en  lace  d'Avignon;  mais  en  examinajit  de 
plus  prés  son  œuvre,  on  est  oliligé  d'abandonner  cette  conjecture. 

Au  verso  du  même  feuillet  sont  deux  autres  uiiniatui'es  :  la 
première  montre  dans  une  cour  régulièrement  pavée  et  fermée  par 
un  mur  bas,  saint  Laurent  debout,  tenant  son  gril  et  un  livre 
fermé  ;  la  deuxième  présente  saint  Cdirisloplie,  le  bâton  à  la  main, 
ployant  sous  le  faix  de  l'Enfanl-Dieu,  en  voulant  traverser  le 
torrent  qui  le  sépare  d'un  roclier  où  l'atlend  un  moine. 

Fol.  101,  au  pied  d'une  colline  couverte  de  quelques  petites 
touffes  d'arbres,  et  surmontée  d'une  construction  en  forme  de  châ- 
teau fort,  saint  Sébastien,  nu,  attaché  à  un  tronc  d'arbre,  est  percé 
de  flèches  par  un  archer  qui   se  trouve  à  quelques  pas  de  lui. 

Fol.  104  v%  la  Trinité  telle  (|u'elle  est  figurée  partout  au  quin- 
zième siècle.  Dieu  le  Père,  assis  dans  un  palais  (?),  soutient  par 
les  bras  la  croix  où  est  étendu  son  Fils  et  au-dessus  de  laquelle 
le  Saint-Esprit,  sous  forme  de  colombe,  étend  ses  ailes. 

Fol.  105,  en  haut  de  la  page,  saint  Jean-Baptiste,  vêtu  d'une 
longue  robe  et  d'un  manteau  et  portant  l'Agneau  pascal  sur  son 
bras  gauche,  marche  dans  un  chemin  bordé  d'arbres  et  d'arbustes. 
—  Au  bas,  dans  un  paysage  également  boisé,  saint  Jean  l'Evangé- 
liste  avec  une  de  ses  caractéristisques,  le  calice  surmonté  d'un 
petit  serpent. 

Au  verso  du  même  feuillet,  saint  Pierre  et  saint  Paul  avec  leurs 
attributs,  les  clefs  et  l'épée,  debout  dans  un  monument  ajouré  en 
plein  cintre. 

Fol.  lOG,  saint  Adrien,  un  lion  couché  à  ses  pieds.  Le  paysage 
montre  une  colline,  dont  Taridité  est  coupée  par  quelques  buissons 
et  que  gravit  un  chemin  conduisant  à  un  petit  château  fort  situé  au 
sommet. 

Au  verso,  saint  Georges  à  cheval,  portant  seulement  une  partie 
de  son  armure,  transperce  le  dragon  de  sa  lance,  pendant  (|ue 
derrière  lui  une  femme  couronnée,  figurant  la  province  de  Cappa- 
doce  ',  prie  pour  sa  délivrance. 

'  Cf.  P.  (^^HrER,  Caractéristirpie  des  saints,  p.VOT. 


:.06  l/OEUVltr,    DIIAÏ   mimatiuiste    avigivonnais. 

Fol.  107,  dans  une  cour  pavée,  bordée  d'une  maison  et  d'un 
mur  bas,  saint  Nicolas  avec  ses  attributs  les  plus  ordinaires. 

Au  verso,  l'évèque  saint  Claude  en  habits  pontificaux,  avec  la 
crosse  et  un  livre  ouvert.  Il  est  debout  dans  une  plaine,  à  l'horizon 
de  laquelle  se  profile  une  colline  avec  un  château  à  plusieurs  tours 
couronnées  de  toits  en  poivrière.  Ces  tours  sont  les  seules  qui 
soient  ainsi  terminées;  toutes  les  autres  sont  sans  toit  apparent, 
comme  elles  le  sont  réellement  dans  les  fortifications  provençales 
et  comtadines.  Cette  dernière  miniature  est  certainement  une  des 
mieux  réussies  comme  exécution  :  le  dessin,  la  perspective,  les 
proportions,  tout  est  irréprochable. 

Fol.  108v',en  haut  de  la  page,  le  type  classique  de  saint  Antoine 
et  son  compagnon',  dans  un  encadrement  formé  à  gauche  par  un 
rocher  et  le  bas  d'une  maison  ouverte,  et  à  droite  par  une  touffe 
d'arbres.  —  Au  bas,  le  moine  saint  Fiacre  avec  sa  bêche  et  son 
livre  est  debout  au  milieu  d'une  plaine,  au  fond  de  laquelle  sont 
un  petit  bois  et  un  monticule. 

Fol.  109,  sainte  Barbe,  coiffée  du  hennin,  assise  dans  une  cour, 
du  milieu  de  laquelle  s'élève  une  petite  tour  carrée  et  ajourée  des 
trois  fenêtres  symboliques,  lit  dans  un  livre  posé  sur  ses  genoux. 

Au  verso,  sainte  ApoUonie  debout  dans  un  paysage  accidenté  et 
dominé  par  une  forteresse.  Elle  est  caractérisée  par  les  tenailles 
serrant  une  dent,  (|u'elle  porte  de  la  main  droite. 

Fol.  110,  sainte  Geneviève  au  milieu  d'une  plaine  aride,  avec 
son  attribut  ordinaire,  c'est-à-dire  avec  le  cierge  allumé  par  un 
ange  et  qu'un  démon  cherche  à  éteindre  avec  un  soufflet. 

Au  verso,  sainte  Avie  ou  sainte  Avoie,  dans  une  tour  ronde,  reçoit 
par  la  fenêtre  la  communion  que  lui  apporte  une  sainte  femme,  peut- 
être  la  Vierge,  accompagnée  d'un  ange.  La  présence  de  cette  sainte, 
honorée  particulièrement  en  Bretagne,  est  assez  insolite  dans  un  livre 
d'iieuresécrit  à  Avignon  :  faut-il  croire  que  celui  qui  a  commandé  ce 
volume  de  piété  était  un  Breton  établi  dans  la  ville  papale?  Mais 
alors  pourquoi  n'a-t-il  pas  fait  figurer  aussi  sainte  Anne,  la  patronne 
par  excellence  de  son  pays?  11  y  a  là  un  petit  problème  à  résoudre. 

Ces  miniatures,    de   dimensions   très  réduites,   sont  comprises 


'  Ce  type  est  le  même,  moins  le  T  sur  les  vêtements,  que  celui  qui  a  été  figuré 
par  le  P.  Cahieb,  op.  cit.,  p.  '«10  et  758. 


I.OKIVUK    I)  l  \    MIMATUUISTE    A  Y  1  G  \  0  .\  V  A  1  S.  507 

dans  un  cjirré  à  peu  près  régulier,  de  Irois  centimètres  de  côté 
en  moyenne,  et  encadrées  de  filets  de  carmin  et  d'or.  A  l'en- 
coignure supérieure  de  droite  à  chacune  d'elles  est  encore  une 
initiale  d'or  sur  fond  rouge  ou  hleu.  Cependant  ces  petites  j)ro- 
porfions  n'empêchent  pas  la  perfection  des  détails  ;  évidemment  il 
a  fallu  de  toute  nécessité  que  l'enlumineur  se  serve  de  la  loui)e. 

C'est  naturellement  la  gouache  qu'il  a  employée,  elle  genre  auquel 
on  pourrait  rattacher  son  œuvre  est  le  camaïeu,  ce  qui  ne  veut  pas 
dire  que  sesminiatures  soient  monochromes.  Tous  les  ciels  sont  d'un 
bleu  intense;  mais  les  terrains,  les  constructions,  les  paysages  sont 
d'un  gris  assez  foncé  ;  sur  cette  teinte  s'enlèvent  en  gris  plus  clair 
ou  plus  obscur,  selon  le  jour  reçu,  les  herbes  du  sol,  les  arbres  et 
arbustes,  les  personnages.  Ceux-ci  sont  même  tellement  en  lumière 
qu'ils  apparaissent  presque  complètement  blancs.  En  outre  toutes 
les  personnes  divines  et  tous  les  saints  sont  nimbés  d'or;  sont  d'or 
également  les  étoiles  du  ciel,  la  crosse  des  évêques,  les  flèches  du 
bourreau  de  saint  Sébastien,  le  diable  de  sainte  Geneviève,  etc'. 

Le  dessin,  sauf  pour  les  animaux,  que  Guiot  Baletet  n'avait  sans 
doute  pas  l'habitude  défigurer,  est  en  général  très  sûr;  l'artiste 
est  maître  de  sa  main,  aussi  la  dirige-t-il  avec  habileté.  Le  modelé, 
si  difficile  à  obtenir  avec  d'aussi  petits  sujets,  est  exprimé  très 
suffisamment,  bien  qu'avec  sobriété.  Quant  aux  vêtements,  ils  sont 
admirablement  traités,  ils  tombent  avec  élégance,  ils  se  relèvent 
et  se  drapent  avec  facilité.  Les  mouvements  des  personnages  sont 
également  souples  et  leur  pose  est  naturelle.  Tout  au  plus  pourrait- 
on  reprocher  à  l'enlumineur  d'avoir  donné  quelquefois  une  forme 
un  peu  trapue,  un  peu  lourde  à  certaines  de  ses  femmes,  par 
exemple  à  la  Vierge  de  la  Visitation  ;  mais  c'était  un  défaut  dont 
les  peintres  et  sculpteurs  de  son  temps  étaient  encore  assez  cou- 
tumiers  :  faut-il  citer  ici  des  statues  du  retable  bien  connu,  exécuté 
chez  les  Célestins  d'Avignon  par  François  Laurana  quelques  années 
avant  la  composition  de  notre  manuscrit",  statues  que  la  Vierge 
ci-dessus  mentionnée  rappelle  à  un  tel  point  qu'on  la  croirait 
dessinée  d'après  elles  ? 

'  L'or  n'est  plus  appliqué  en  feuilles,  selon  l'habitude  des  enlumineurs  gothi- 
ques, mais  au  pinceau. 

-  Le  retable  du  Portement  de  croix,  commandé  par  le  roi  René  à  François  liau- 
rana,  fut  exécuté  de  1478  à  1481. 


508  LOEUVHi;  n  ua;  mimatliustk   ai  igiVOw  aïs. 

Guiot  Baletet  n'appartient  certainement  plus  à  l'école  gothi(|ue; 
mais  ce  qui  est  plus  concluant  encore  pour  le  classer  parmi  les 
miniaturistes  de  la  Renaissance,  c'est  la  lacon  dont,  dans  ses  minus- 
cules tableaux,  il  interprète  la  nature,  c'est  son  entente  du  paysage. 
On  pourrait  même  dire  que  par  là  il  appartient  à  une  école  avan- 
cée. Examinez  comme  une  perspective  savante  met  toutes  choses 
en  place,  à  quelle  profondeur  les  horizons  s'étendent,  avec  quelle 
discrétion  sont  marqués  les  objets  les  plus  lointains,  les  châteaux 
et  forteresses;  observez  surtout  la  manière  toute  nouvelle  pour 
l'époque  dont  sont  indiquées  les  touffes  de  buissons,  les  masses  de 
feuillages.  IVe  sommes-nous  pas  là  en  plein  art  moderne? 

J'en  ai  dit  assez,  je  crois,  pour  faii'e  connaître  et  apprécier 
l'npuvre  de  Guiot  Baletet  dans  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque 
d'Avignon  :  c'était,  à  n'en  pas  douter,  un  véritable  artiste  et  non 
plus  un  simple  ouvrier  enlumineur. 

Quelques  amateurs  ont  parlé  d'une  école  avignonnaise  de  minia- 
ture au  quatorzième  siècle;  cette  distinction  nest  pas  fondée,  et  je 
montrerai  un  jour,  j'espère,  que  les  miniaturistes  avignonnais 
n'avaient  ni  procédé,  ni  style  particuliers.  Mais  faut-il  croire  qu'une 
école  spéciale  bien  caractérisée  se  soit  localisée  à  Avignon  dans  le 
siècle  suivant,  surtout  dès  le  commencement  de  la  Renaissance  ? 
Il  est  prématuré  de  donner  une  affirmation  dans  l'un  ou  l'autre 
sens  ;  sans  doute  ou  peut  remarquer  dans  le  psautier  dit  de  Bouci- 
caut  (ms.  10  de  la  Bibliothèque  d'Avignon)  des  enluminures  en 
camaïeu  susceptibles  d'être  rapprochées  de  celles  que  Guiot  Baletet 
a  peintes  ;  mais  il  faudrait  encore  trouver  une  suite 'd'œuvres  de  la 
même  facture,  appartenant  à  des  auteurs  différents  et  bien  déter- 
minés, pour  être  en  droit  de  se  prononcer.  Aussi  seiais-je  heureux 
si  cette  modeste  étude  fournissait  l'occasion  d'arriver  à  ce  résultat. 

L.-H.   Labaxde, 

Correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements,  à 
Avignon. 

PIÈCE  JUSTIFICATIVE 

Testament  de  Guiot  Baletet. 

[1494]  Die  septinii  mensis  augusti.  Testamentum  magistri  Giiyoti 
Balleti,  scriptoris  libroruin. 


I,  OEUVRE    DUM    MIMATUUISTE    AV  IG  \  0  M  \  A  1  S.  r.OO 

Honoiabilis  vir  niagister  Guyotiis  Balteti,  scriptor  librorum,  civis  et 
hahilator  Aviiiioiieiisis,  saniis  mente,  etc.,  considerans  et  actendoiis,  etc., 
siiimi  ultinuin  condidit  testaiiientuin  in  hune  qui  sequitur  modum. 

Et  primo  recoma ndavit  animam  suam  Domino  noslro  .Iliesii  Chrislo, 
heatissime  ac  gloriosissime  Virgini  Marie,  ejus  matri,  beato  Michaeli 
archangelo,  totique  curie  civium  supernorum.  Et  elegit  suam  sepulturam 
inlVa  ecdesiam  parochialem  l)eule  Alarie  de  Principali  presentis  civilatis 
Avinioncnsis,  et  inlra  timiuliun  qiiod  lecit  fieri  juxta  cappellam  Jobannis 
Borgesii,  alias  Tarleuc,  mercatoris,  civis  Avinioncnsis. 

Et  accepit  ipse  testalor  de  bonis  suis  sibi  a  Deo  collatis  pro  anima  sua 
parenliumque  et  benefaclorum  suorum,  scilicet  triginta  florenos  monete 
ourrenlis  distribuendos  et  elargiendos  in  missis,  funeralibus,  intorticiis, 
candellis,  novene  cantare  finis  annis  et  aliis  piis  causis  ad  voluntatem 
beredis  sue  infrascripte. 

Et  primo  super  dictis  triginta  florenis  legavit  ac  dari  voluit,  jussit  et 
ordinavit  hospitali  Sancti  Bernardi  Rescassii  Avinioncnsis  sex  grosses 
dicte  monete  semel  tanlum. 

Item,  super  aliis  bonis  suis  sibi  a  Deo  collalis,  legavit  ac  dari  voluit, 
jussit  et  ordinavit  cuilibet  de  parentella  sua  quinque  solidos  dicte  monete, 
et  hoc  pro  omni  jure  nature  quod  in  et  super  bonis  suis  pelere  possint. 

Item,  plus,  super  aliis  bonis  suis  sibi  a  Deo  collatis  legavit  ac  dari 
voluit,  jussit  et  ordinavit  fabrice  ecclesie  Sancti  Genesti  Avinioncnsis, 
unum  floi-enum  dicte  monete  semel  lantum. 

Et  quia  heredis  inslitutio  est  caput  et  fundamentum  cujuslibel  testamenti 
et  cujuslibet  ultime  voluntatis,  heredem  suam  universalem  in  omnibus 
aliis  bonis  suis,  niobilibus  et  immobilibus,  presentibus  et  futuris,  ubi- 
cumque  sint,  sibi  lecit,  insliluit  et  ore  suo  proprio  nominavit,  videlicet 
boiiestam  mulierem  dominam  Mermelam,  ejus  uxorem  dilectam,  solam. 

Evequutores  sive  gadiatoies  (sic)  suos  fecit  et  esse  voluit,  videlicet  dic- 
tam  .Mermelam,  ejus  uxorem,  et  magistrumJohannem  Bourges,  barbitun- 
sorem,  civem  Avinionensem,   quibus  dédit  omnimodam  potestatem,   etc. 

Cassans  quecunque  testamenla,  donaciones,  codicillos  etspecialiterquod- 
dam  lestamentum  sumptum  per  magistrum  Pelrum  Borciacii,  quondam 
nolarii,  etc.  Rogaiis  omnes  et  testes  hic  présentes  et  notarium,  etc. 

Actiim  Avinioiie,  inira  appotecam  magistri  Johannis  Borges  {sic), 
l)arbitunsoris,  presentibus  eodem,  magistris  Micolao  de  Troye,  Johaniie 
Mallardi,  Antonio  Perroli,  peliiceriis,  Jacobo  Xicolay,  religatore  librorum, 
Antonio  Martinoti,  ortolano,  et  Petro  Raynaudi,  affanatore,  habitatoribus 
Avinionensibus,  et  me  Guidone  de  Tremulla,  notario,  etc. 

(litude  de  M«  Giraudy,  notaire  à  Avignon.  —  Notes  brèves  de  J.  de  Tremulla,  liOI- 
1494.) 


510      MOhlLlKU    DUM    CHATEAU    A    LA    FIAI    DU    XVUV    SIÉCI.K 


XXXIV 

LE  MOBILIER 

d'un 
CHATEAU  A   LA  FI\'   DU  XVIIP   SIÈCLE 

CHAIVTELOUP. 

I 

INTRODUCTIOIV 

Bien  qu'il  n'entre  pas  dans  le  cadre  de  cette  étude  de  sortir  du 
château,  nous  croyons  cependant  devoir,  pour  donner  un  peu  de 
lumière  à  notre  travail,  indiquer  en  quelques  lignes  la  situation  de 
Chanteloup  et  son  origine  depuis  le  commencement  du  dix-hui- 
tième siècle,  laissant  à  de  plus  autorisés  le  soin  de  développer  son 
histoire  et  ses  splendeurs  extérieures. 

Placé  à  environ  deux  kilomètres  d'Amhoise,  sur  la  rive  gauche 
de  la  Loire,  presque  au  sommet  du  plateau  qui  domine  la  ville,  le 
cours  argenté  du  fleuve  et  ses  îles  verdoyantes,  Chanteloup  est 
dans  une  situation  exceptionnellement  belle  ;  aussi  Mme  des 
Lrsins,  séduite  par  la  beauté  de  ce  site,  chargea-t-elle  Bouteroue 
d'Aubigny  de  lui  acheter  cette  terre  en  1713;  elle  avait,  à  ce  mo- 
ment, le  projet  d'y  faire  bâtir  un  château  de  grande  importance  en 
remplacement  des  anciennes  constructions  qui  s'y  trouvaient;  mais 
sa  disgrâce,  arrivée  peu  de  temps  après,  vint  l'empêcher  démettre 
son  projet  à  complète  exécution. 

D'Aubigny  devint  lui-même  propriétaire  de  Chanteloup,  puis,  à 
sa  mort,  cette  terre  passa  entre  les  mains  de  Louis  Conflans,  mar- 
quis d'Armentières,  son  gendre, auquel  le  duc  de  Clioiseul  l'acheta 
devant  M"  Renauld,  notaire  à  Paris,  le  24  février  1761  ;  il  en  prit  pos- 
session le  25  avril  suivant,  par-devant  M'  Blin,  notaire  à  Amboise  '. 

'  Voir,  ci-contre,  planche  XXXV. 


Planche  XXXV. 


l'âge  SMJ. 


POKTKAIT    DU    I)  1  C    DE    CHUISEIJL 

d'iPKI'S    ai.     l.1\    1.1)0 
(l'ruveiia.il  •!«   Cliauleloup., 


M01ill,Ii:R    DU\'    ClIATEAI      A     LA     \'l\    DU    WIIl"    S  I E  C  F,  E .      .)  11 

Choiseul  acheva  et  transforma  le  château,  y  créa  des  jardins 
magnifiques  et,  par  suite  d'acquisitions  successives,  fit  la  grande  et 
helle  avenue  qui,  par  deux  rampes,  s'amorçait  à  la  route  d'Amhoisc 
à  Tours,  puis,  avec  les  matériaux  de  la  Bourdaisière  qu'il  avait 
fait  démolir  pour,  dit-on,  être  désagréahle  au  duc  d'Aiguillon,  pro- 
priétaire de  léretz,  auquel  la  Hourdaisiêre  servait  de  point  de  vue, 
il  Ht  construire,  sous  la  direction  de  l'architecte  Le  Camus,  la 
Pagode,  ce  hizarre  et  unique  monument  inspiré  du  goût  chinois 
de  l'époque  (2  septembre  1775  au  30  avril  1778). 

Après  la  mort  du  duc,  arrivée  en  1785,  ses  héritiers  vendirent 
la  terre  de  Chanteloup  et  ses  dépendances  —  20  juillet  1786  —  à 
Louis-Jean-Marie  duc  de  Bourbon-Pentiiièvre.  Ce  dernier  étant  mort 
en  1793, Chanteloup  passa  àLouise-AIarie-Adélaïde.  Louis-Philippe- 
Joseph  Egalité,  son  mari,  ayant  été  déporté  en  vertu  de  la  loi  du 
1"  août  1793  «comme  individu  de  la  famille  Capet»  ,  les  Inens  de 
la  duchesse  d'Orléans  furent  séquestrés  et  mis  sous  les  mains  delà 
nation  le  4  frimaire  de  la  même  année  par  Guyot,  notaire  à 
Nazelles,  et  Pierre  Héron,  commissaires  nommés  à  cet  effet  par  le 
district  d'Amboise. 

L'Etat  revendit  Chanteloup  au  comte  de  Chaptal,  le  célèbre  chi- 
miste, qui  s'en  dessaisit  lui-même  et  le  céda,  en  1823,  à  la  bande 
noire  qui  l'a  démoli  de  fond  en  comble. 

Quand  on  a  sous  les  yeux  ce  colossal  inventaire  qui  non  seule- 
ment donne  le  détail  du  mobilier,  mais  laisse  entrevoir  l'aménage- 
ment et  la  décoration  intérieure  de  cette  somptueuse  habitation,  on 
reste  confondu  de  sa  magnificence  et  on  se  prend  à  maudire,  avec 
plus  de  force  encore,  ces  révolutions  qui,  en  dispersant  ou  anéan- 
tissant toutes  ces  merveilles,  viennent  priver  les  générations  avenir 
de  la  jouissance  qu'elles  pourraient  avoir  à  les  contempler  et  à  s'en 
inspirer  pour  élever  encore  plus  haut,  si  c'est  possible,  le  niveau  de 
l'art  et  du  beau. 

Au  milieu  de  toutes  les  splendeurs  qui  y  étaient  amoncelées,  on 
rencontre  peu  de  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  des  objets  d'art  ; 
pas  de  bronzes,  pas  de  statues,  seulement  quatre  tapisseries  des 
Gobelins  de  la  suite  de  don  Quichotte,  quelques  rares  sièges  de 
cette  même  fabrique,  trois  tapis  de  pied  de  la  Savonnerie  et  quatre 
vases  de  marbre  blanc,  alors  épars  sur  les  tapis  verts  et  qui  sont 
aujourd'hui  placés  à  l'entrée  du  pont  de  Tours. 


512      MOltlLlEll    I)  l  A    CHATEAU    A    LA    FI  M    DU    Wlll'    SIÈCLE. 

Quant  aux  tableaux,  pour  lesquels  M.  de  Clioiseul  avait  une  pré- 
dilection particulière,  —  le  fameux  recueil  d'estampes  de  son 
cabinet,  gravé  par  Basan  en  1771,  en  est  la  preuve,  —  notre  inven- 
taire nous  en  si<]iiale  (juatre-vingts  dont  vingt-cinq  au-dessus  des 
portes,  cinq  dans  les  trumeaux  des  glaces,  huit  dans  la  chapelle,  au 
lieu  de  sept  indicjués  par  Kougeot,  douze  dans  une  armoire  et  le 
surplus  réparti  dans  les  appartements.  Tous  portent  dans  Tinven- 
taire  la  mention  «réservé» ,  à  l'exception  de  deux,  qui  portent  celle 
de  "  resté  «  (n-1518,  1519). 

Nous  savons  par  Rougeot,  le  créateur,  en  1760,  de  l'école  gra- 
tuite de  dessin  dans  la  ville  de  Tours,  chargé  de  faire  l'inventaire 
des  tableaux  de  Chanteloup  en  1794,  probablement  après  la  levée 
des  scellés,  que  soixante-trois  de  ces  tableaux  furent  déposés  dans 
les  différents  locaux  désignés  pour  leur  donner  asile  et  assurer  leur 
conservation,  et  (|u'après  des  déplacements  successifs,  ils  restèrent 
dans  les  b;itimenlsde  l'ancienne  Intendance  jusqu'en  1825,  époque 
à  laquelle  le  Musée  actuel  fut  construit  pour  cette  destination. 

En  1890,  M.  de  Montaiglon,  membre  de  la  Commission  de  l'in- 
ventaire des  richesses  d'art  de  la  France,  de  concert  avec  M.  Lau- 
rent, conservateur  du  Musée,  fit  un  catalogue  des  tableaux  de  la 
ville.  Dans  ce  travail,  MM.  de  Montaiglon  et  Laurent  ont  constaté 
comme  provenant  de  Chiinteloup,  tout  en  leur  donnant  des  attribu- 
tions et  des  désignations  quelquefois  dilférentes,  trente-neuf 
tableaux  portés  à  l'inventaire  de  Rougeot  et  un  qui  n'y  figure  pas  : 
Un  jeune  garçon,  page  49,  ligne  37  du  catalogue  de  Montaiglon. 
Enfin,  ils  désignent,  comme  d'origine  inconnue,  quatre  des  prin- 
cipaux tableaux  inventoriés  par  Rougeot  en  1794  :  la  Vache  lo, 
V Enlèvement  de  Proserpine,  le  Triomphe  de  Galatée  et  Vénus  sur 
les  eaux,  appelé,  par  de  Montaiglon,  le  Triomphe d' A mphitrite . 

Pourquoi  MM.  île  Montaiglon  et  Laurent  ont-ils  cru  pouvoir 
leur  nier  la  provenance  de  Chanteloup,  alors  qu'elle  est  officielle- 
ment constatée  par  Rougeot  ?  C'est  un  mystère  que  je  ne  puis 
approfondir,  mais  que  M.  Laurent,  le  distingué  conservateur  du 
Musée,  pourrait  peut-être  expliquer. 

Rien  que  M.  de  Grandmaison  ait  publié  le  document  de  Rougeot 
dans  les  Nouvelles  Archives  de  l'art  français  eu  1879,  et  qu'il  soit 
reproduit,  en  note,  dans  les  Richesses  d'art  de  la  France,  auquel 
nous  l'empruntons  nous-niême,  nous  croyons  devoir,  pour  plus  de 


MOIÏII.IER    I)U\    CHATEAL     A    I.A    FI\    DU    XVIH'    SIECLE.      515 

clarté  dans  notre  travail  et  pour  justifier  nos  observations,  le  donner 
de  nouveau  ici  et  mettre  en  regard,  en  un  tableau,  les  articles  des 
Richesses  d'art  de  la  France  qui  y  ont  rapport  ;  le  lecteur  se  rendra 
plus  facilement  compte  des  toiles  de  Cbanteloup  encore  existantes 
au  .llusée  et  des  vingt  qui  manquent  â  l'appel. 

Quant  aux  dix-sept  tableaux  que  Rougeot  n'a  pas  constatés  et  que 
signale  l'inventaire  général  de  Guyot,  que  sont-ils  devenus  ?  Peut- 
être,  fixés  aux  trumeaux  des  glaces  ou  au-dessus  des  portes,  ont-ils, 
malgré  la  mention  de  réserve,  été  vendus  avec  les  démolitions  en 
1823,  et  font-ils  partie  des  toiles  qui  ont  été  retrouvées  dans  le  pays, 
au  fond  des  caves  ou  dans  les  trumeaux  utilisés  par  la  suite,  chez  les 
particuliers.  L'examen  que  nous  nous  proposons  de  faire  du  procès- 
verbal  de  la  vente  mobilière  nous  renseignera  peut-être  à  ce  sujet. 

Quant  aux  principaux  meubles,  glaces,  bronzes  d'ornement, 
notre  inventaire  nous  apprend  qu'ils  ont  été  enlevés  ou  réservés 
par  l'Etat,  pour  aller  orner  ses  vaisseaux  ou  meubler  ses  nouvelles 
administrations,  et  que  le  surplus  de  cet  immense  mobilier  a  été 
dispersé  au  feu  des  enchères. 

Une  question  que  nous  n'avons  pu  approfondir,  et  qu'il  eût  été 
cependant  bien  intéressant  de  connaître,  c'est  de  savoir  si,  après  la 
mort  du  duc  de  Choiseul,  arrivée  en  1785,  ses  héritiers  ont  vendu 
avec  Cbanteloup  et  ses  dépendances  le  mobilier  qui  garnissait  le 
château.  Le  duc  de  Choiseul  a  laissé  dans  le  pays  de  tels  souvenirs 
que,  lorsqu'on  parle  d'un  meuble  provenant  de  Cbanteloup,  c'est 
toujours  à  lui  qu'on  l'attribue,  et  nul  ne  songe  au  duc  dePenthièvre, 
et  cependant  c'est  son  mobilier  que  la  Révolution  a  saisi  et  fait 
vendre  en  1794. 

Bien  que  nous  n'en  ayons  aucune  preuve  certaine,  n'ayant  pu 
retrouver  l'acte  de  vente  des  héritiers  de  Choiseul  au  duc  de  Pen- 
thièvre,  nous  sommes  cependant  porté  à  croire  que  le  mobilier 
avait  été  vendu  avec  le  château,  et  c'est  sur  l'inventaire  de  Rougeot 
que  nous  appuyons  cette  supposition  ;  en  effet,  dressé  en  1  794,  huit 
ans  seulement  après  l'acquisition  du  duc  de  Penthièvre,  cet  inven- 
taire indique  les  appartements  dans  lesquels  étaient  placés  la  plu- 
part des  tableaux,  et,  notamment,  vingt-sept  comme  sortant  du 
cabinet  de  ).I.  de  Choiseul;  il  nous  seml)le  donc  que,  s'ils  avaient 
été  apportés  par  le  duc  de  Penthièvre,  Rougeot  eût  signalé  cette 
provenance  et  non  celle  de  iM.  de  Choiseul. 

33 


IWEXTAIRE   DE  ROUGEOT  EM    1794. 


ATTRIBUTIONS. 


DESCRIPTION'  DES  TABLEAUX. 


Gaerchin. 
Le  Goide. 

Boologoe 

Bonlogne 


(l'ainé). . . 
(le  jennc 


BasssD. 


Piocri»  moarant  dans  les  bras  de  Céphale . 

Mort  de  Cléopàtre 

EiiUvement  d'Earope 

Charilè 

La  Vache  lo 

ICnliteœeiit  de  Proserpine 

Triomphe  de  Galatée 

Venu»  sur  les  eaui 

Chasse  de  liiane 

Repos  de  Diane 

Coucher  rie  la  mariée 

Retour  à  la  Berijerie 

Vue  de  Rome  (dessus  de  poite) 


Santerre  (d'apri's). 


La  Géométrie 

Vu  Ramooenr 

Bas- relief  d'enfauls. 


APPARTEMENTS  DE  CHANTELOUP 

d'où 
ILS  Sortaient. 


De  la  salle  de  billard. 
Du  magasin 


Un  cabinet  de  M.  de  Choiseul. 


NUMEROS 
du 

UISÉE. 


Sauvage. 


Paysage. 


Honél . 


(   M.  de  Choisenl 

T''P'«8e"" (   Madame  de  Grammout 

I    .ApolloD  tisilant  Latone 

Boucher <    Renaud  et  .^rmide 

(    Sylvie  foyaut  le  loup 

i   Vue  de  Venise 

C^i^'e"» I   Vue  de  Messine 

Carrache  (d'après  .  .  |    Lue  Racchante (demi-Bgnre) . 

I    Paysage  ovale 


BobruD  

Tintoret  

Parocel  d'Avignon. 
Titien  (d'après). . . 


Portrait  de  Minerve 

Portrait  de  Veoos 

Judith  entrant  dans  la  tente  d'Olopherne 

Fête  vénitienne 

François  U'  faisant  ses  adieux  à  Marguerite  Babon 


Du  cabinet  de  M.  de  Choiseol. 


D'on  corridor  au  premier. 
D'un  corridor  au  premier. 


.  1    La  Poésie 

^''3°^'^'' i    L'Arch.lednre 

Les  Quatre  Arts  représentés  par  de«  jenj  d'enfants. 


Amédée  Van  Loo. 


Madame  de  Pompadonr  avec  sa  Négresse. 

.Mademoi.'ielle  .-llesandririe,  sa  fille 

(   l'n  grand  dessin  ivoe  d'Amboi«e) 

'"^°"°' (   Un  grand  dessiu  (vue  de  Chantelonp).  .  . 

Vie  de  la  Vierge 


Frère  Robert. 


De  la  chapelle. 


i 


RICHESSES  DE  LA   FRANCE.   —  MUSEE   DE  TOURS 

(CAT.II.OOLE    P1R    Df:    VO\TAIGI,OV    ET    LAURENT) 


DESCIlIPnox  DES   l'.4Bl,EAUX. 


PROVENANCES. 


Procris  blessée  par  le  jarelot  de  (léphale.  .  . 

.Mort  (la  Cléopilre .  . .  . 

L'EnlèvemeuI  d'Europe 

La  (^harilé 

La  N'ymphe  lo 

L'EnlevetnenI  de  Proserpine 

Le  Triomphe  de  Galalee 

Le  TrioiDpha  dAmphitrile 

La  (Ib.iste  lie  Diane 

Le  Repus  de  Diane 

Scèue  d'intérieur,  le  Coocher  de  la  mariée. 

La  Rentrée  dn  troupeau 

Le  Campo  Vaccine 

Le  Oolisee  et  l'arc  de  Septime-Setère 

Le  Temple  de  Jupiter  tounant 

L«  Pyramide  de  Gains  Seitius 

La  Géométrie 


Chantelonp    inv.  de  11941 


Inconnoe. 


Cbanteloup  (inv.  de  1794). 


.iTTRIHlTIOXS. 


Itarbieri  dit  le  Uaerckin. 

Ueui  (Guido). 

Boolo^ne  (lloni,  ditl'ainé. 

Uoulogne  iLoui»),  le  jeune. 
Ponte  •  Jacopo  da),  dit  II  Rassano. 
Inconnu.  Ecole  d'Ialie  xflii*  siècle. 


Vue  de  l'Entrée  du  petit  bois  du  Chatellier. 

Vue  de  Paradis  près  de  Cbanteloup. 

Vue  de  Saint-Ouen  prés  de  Cbanteloup  . . . , 

Vue  de  la  Seine  en  amont  de  Paris 

Paysage.  Cour  de  ferme 


Cbanteloup  (inv.de  n94) 


Ponte  (Jacopo da")'.' dit  II  Batsano. 


Un  jeone  Elére    Tapisserie  des  Gobelins,  par  Cozetle. 

lue  petite  Fille  jouant  arec  nn  Chai 

Apollon  visitant  une  Nymphe- 

Aujyntâs  revient  a  la  vie  dans  les  bras  de  Sylvie 

Sylvie  fuit  le  Loup  qu'elle  a  blessé 

Vue  de  Venise  prise  du  pont  de  la  Paille 

Vae  de  Messine  en  Sicile 


Paysage  ovale.  Une  Bergère  donne  de  l'berbe  à  une  chèvre 
Paysage  ovale.  Une  Bergère  auprès  d'une  fontaine,   on  panier 

au  bras 

Paysage  ovale.  Bergère  assise,  une  cbevre  et  trois  montons.  . . 

Minerve 

Venus  et  l'Amour 

Jodilb  amenée  devant  Olopherne 

Fêle  galante 

Portrait  d'Alphonse  d'.Avalos  el  d'une  jeune  femme  avec  figures 

allégoriques 

La  Poésie 

L'Architecture 


Cbanteloup  (inv.  de  1794) 


Cbanteloup  (inv.  de  1794) 


Jeone  fille 

Vue  do  château  d'.Amboise 

Voe  du  château  de  Cbanteloup 

Sainte  Famille  L'EnfaDt-résusdebont,  lient  embrassée  la  Vierge 
qui  est  assise,  derrière  saint  Joseph 


Jeone  Garçon.  A  mi-corps.  tète  de  face,  coiffe  d'on  mouchoir 
les  mains  appuyées  sor  an  carton  à  dessin 


Cbanteloop  (inv.  de  1794). 


Chantelonp  (inv.  de  1794).    Inconnu.  Ecole  franiaise 


Cozette  i  d  après  F. -H.  Droaais.) 
Boucher. 

Inconnu.  Ecole  d'Italie  xvm^  siècle. 

Honél.  Ecole  française  xvin<=  siècle. 

Inconnu.  F>ole  française  wii*  siècle. 

Caliariou  Paul  Véronè8e(manièrede). 
Inconnu.  Ecole  française  xviii' siècle. 

Vecellio  Tiziauo  (d'après). 
Boulogne  (Louis),  le  jeune. 


Inconnu.  Ecole  française  xviii<^siècle 
Lenfanl. 


Amerighi  dit  le  Caraïage  (d'après). 


liècle. 


516      MOlîlLlEK    D  Li\    C II A  T  K  A  L    A    LA    FI.\    DU    WIll'    SIKCLE. 

Nous  sommes  dans  une  époque  où  lout  ce  qui  se  rapporle 
aux  choses  d'art,  à  (juelque  litre  que  ce  soit,  aux  bibelots,  aux 
meubles  rares  ou  de  style,  fixe  l'attention  de  tous,  et  les  meubles 
de  Cbantcloup  étaient  bien  laits  pour  faire  naître  le  péché  d'envie  ; 
nous  espérons,  toutefois,  que  nos  lecteurs  n'en  défendront  point  la 
lecture  à  leurs  femmes,  à  leurs  filles,  comme  dangereuse  pour  la 
tranquillité  de  leur  foyer. 

A  l'époque  à  laquelle  le  duc  de  Choiseul  a  bâti  Cbanteloup,  une 
grande  révolution,  commencée  sous  Louis  XIV,  s'était  opérée  dans 
l'art  de  meubler  les  liabitations.  Le  luxe  intérieur  s'était  accru,  le 
goût  s'était  afiiné,  et  aux  bahuts  et  crédences,  aux  sièges  à  dos- 
siers élevés  et  à  membres  grêles,  aux  tentures  sombres  et  sévères 
de  Henri  II  et  de  Louis  XIII,  avaient  succédé  des  meubles  moins 
lourds,  couverts  de  velours  et  de  soie,  aux  châssis  dorés  et  d'as- 
pect théâtral,  plus  en  rapport  avec  le  caractère  fastueux  et  galant 
du  Roi-Soleil. 

Les  lîoulle,  les  Iliesener  elles  Gouthière,  pour  ne  citer  que  les 
plus  renommés,  avaient  mis  à  la  mode  les  marqueteries  de  cuivre 
et  d'écaillé,  puis  les  marqueteries  de  bois  des  Indes  garnis  de 
bronzes  ciselés  et  dorés. 

Sous  la  Régence,  les  contours  s'arrondirent  et  devinrent  plus 
gracieux,  puis,  avec  Louis  XV,  les  rondeurs  s'accentuèrent  encore 
et  les  rocailles  se  multiplièrent. 

Mais  tout  change,  la  mode  surtout,  et  bientôt  devait  se  faire 
sentir  un  retour  aux  lignes  droites,  mais  légères,  aux  fines  canne- 
lures et  aux  délicates  sculptures  qui  ont  donné  naissance  au  style 
Louis  XVI,  le  plus  pur  et  le  plus  gracieux  des  styles,  et  cela,  une 
douzaine  d'années  avant  l'avènement  du  malheureux  prince  qui 
lui  a  donné  son  nom. 

Qu'y  a-t-il  de  plus  charmant  que  ces  sièges  dorés  ou  peints  de 
couleurs  claires,  entourés  de  perles  et  de  guirlandes,  avec  leurs 
dossiers  où  perchent  et  se  béquètent  des  colombes  amoureuses,  où 
se  croisent  des  carquois  et  des  flambeaux  relenus  par  des  nœuds 
de  rubans  gracieusement  enroulés? 

Rjen  d'étonnant  donc  que,  sacrifiant  à  la  mode  du  jour,  le  duc 
de  Choiseul  cl,  quelques  années  après,  le  duc  de  Penthièvre 
aient  exclu  les  meubles  démodés  et  incommodes  de  leurs  aïeux, 
pour  s'entourer  d'objets  au  goût  de  leur  époque. 


l'UlKl.C    XWVl. 


TAI'ISSKIUE    U    AI'HKS    UH01J,\1S 

ACTUKi,Li;,\ii:xT  AL  XII  si:  i;  uE   rouits 

(l'ruieoaul  de  Oliiiuleluup.^ 


MOIUMER    DL'M    CHATEAU    A    LA    FIN    DU    XVIir   SIECLE.      517 

On  conçoit  difficilement,  en  effet,  les  duchesses  et  les  marquises 
qui  se  succédaient  et  se  pressaient  à  la  petite  cour  de  Clianteloup 
se  hissant,  avec  leurs  rohcs  houffantes,  sur  les  meubles  hauts  et 
droits,  il  peine  rembourrés,  de  l'époque  de  Louis  Xllf . 

A  pareilles  élégances,  à  semblables  mœurs,  il  fallait  des  sièges 
bas  et  moelleux,  des  sofas  et  des  fauteuils  aux  coussins  remplis 
de  duvet  de  cygne,  des  plafonds  à  corniches  de  guirlandes  dorées, 
des  plafonds,  dis-je,  sur  lesquels  étaient  peintes  par  les  Boucher 
et  les  Van  Loo  les  scènes  de  la  mythologie  galante  ou  des  amours 
lutinantdes  bergères.  Aux  murs,  il  fallait  de  riches  tentures  altei- 
nant  avec  des  glaces  qui  reflétaient  l'éclat  des  mille  bougies  de  tous 
ces  lustres  et  de  toutes  ces  girandoles  et  dans  lesquelles  se  miraient 
les  grands  seigneurs  et  les  grandes  dames  de  l'époque  '. 

Pauvres  habits  noirs  et  redingotes  plus  lamentables  encore,  que 
la  comparaison  vous  est  lourde!  Quand,  par  hasard,  vous  vous 
égarez  dans  celles  de  ces  somptueuses  galeries  que  les  révolutions  et 
la  guerre  ont  oubliées,  si  vous  jetez  en  passant  un  regard  furtif  sur 
leurs  glaces  sans  fin,  comme  votre  sombre  silhouette  vous  doit  don- 
ner la  vision  du  convoi  funèbre  de  toutes  ces  grandeurs  passées  ! 

Ce  goût  nouveau  explique  encore  l'absence  de  tapisseries, 
trouvées  lourdes,  et  qu'on  remplaçait  par  des  glaces,  des  soieries 
brodées  des  Indes  et  de  la  Chine,  des  lampas,  des  gros  de  Tours 
et  de  Naples,  des  toiles  de  Jouy  doublées  de  taffetas  qui  s'harmo- 
nisaient mieux  avec  les  meubles  nouveaux  que  l'on  recouvrait 
d'étoffes  semblables  aux  tentures,  et,  horreur!  fussent-ils  chinois, 
par  des  papiers  peints  d'invention  nouvelle. 

Le  luxe  de  Chanteloup  ne  consistait  pas  seulement  dans  l'ameu- 
blement, et  notre  inventaire  nous  montre  des  boiseries  entières, 
des  portes  encadrées  de  fleurs  et  de  rocailles,  sculptées  en  plein 
bois,  d'une  délicatesse  infinie,  des  fenêtres  et  des  volets  couverts 
d'or,  des  cheminées  de  marbres  rares  de  toutes  les  couleurs,  avec 
des  guirlandes  et  des  retombées  de  bronze  ciselé  et  doré,  avec  des 
plaques  de  potin  ou  de  fonte,  aux  armes  des  anciens  possesseurs, 
et  des  côtés  intérieurs  ornés  de  sujets  d'après  les  peintres  galants 
de  l'époque.  \'Ous  avons  sous  les  yeux  un  de  ces  foyers  :  la  plaque 
du  fond,  très  en  relief,  est  aux  armes  de  Bouteroue  d'Aubigny, 

'  V  oir,  ci-dessus,  planc'ie  XXXVI. 


518      MOBILIER    DIN    C  H  \  T  E  A  L     A    I,A    FI\'    DU    XVIIl'    SIÈCLE. 

seigneur  de  Clicinteloup  oi  de  Chargé,  grand  maître  des  eaux  et 
forets  de  France  au  département  de  Touraine,  Maine  et  Anjou  : 
iVor  à  la  bande  vairéc  d'argent  et  de  sabie^  timbrée  d'une  couronne 
de  marquis  ;  \e&  côtés  :  au  milieu  de  guirlandes  et  d'entrelacs  du 
plus  pur  Louis  .W,  deux  amours  forgent,  sur  une  enclume  fleurie, 
des  cœurs  enflammés;  l'un  des  amours  les  martelle  à  tour  de  bras, 
tandis  que  l'autre  fait  marcher  le  soufflet. 

Pournepointdevenirtrop  fastidieux  par  une  interminable  nomen- 
clature de  deux  mille  sept  cent  quarante-huit  numéros,  nous  ne 
décrirons  que  les  principaux  appartements  et  quelques  chambres 
à  coucher  avec  les  annexes  qui  en  dépendaient;  le  lecteur  pourra 
ainsi  se  faire  une  idée  exacte  de  ce  qui  composait  alors  le  mobilier 
de  ces  galeries,  de  ces  salons  et  de  ces  chambres  ;  il  ne  lui  restera 
qu'à  suspendre  aux  murs,  par  la  pensée,  les  tableaux  compris 
dans  l'inventaire  de  Rougeot,  qu'il  lui  sera  facile  de  reconnaître 
parmi  ceux  qui  existent  au  Musée  de  Tours,  et  il  aura  reconstitué 
ces  appartements  avec  leurs  meubles,  étoffes  et  tentures. 

Si  le  lecteur  désire  connaître  plus  en  détail  ce  volumineux 
inventaire  mobilier,  nous  le  renvoyons  à  la  fin  de  ce  travail,  où  ce 
document  se  trouve  reproduit  dans  ses  parties  principales. 

Nous  avons  recherché,  dans  le  procès-verbal  de  la  vente  qui  a 
suivi,  les  prix  qu'ont  atteints  ces  meubles,  et  nous  les  indiquons 
partout  oii  il  nous  a  été  possible  de  les  appliquer  d'une  façon 
certaine  ;  malheureusement  nous  n'avons  pu  retrouver  que  la 
première  partie  de  cette  vente,  comprenant  huit  cent  quarante-cinq 
articles,  la  seconde  a  disparu;  peut-être  le  hasard  nous  la  fera-t-il 
rencontrer  un  jour. 

Nous  avons  encore  tenté  de  retrouver  les  heureux  possesseurs 
de  quelques-uns  de  ces  objets,  et,  le  procès-verbal  de  vente  à  la 
main,  de  reconstituer  ce  que  nous  appellerons  leur  état  civil;  mais 
nos  recherches  n'ont  pas  été  couronnées  de  beaucoup  de  succès, 
car  la  plupart,  et  ce  sont  les  meilleurs,  ont  été  enlevés  par  les 
marchands  d'antiquités,  leur  trace  est  perdue,  et  c'est  aujourd'hui 
dans  les  palais  de  l'Etat  et  chez  les  grands  collectionneurs  qu'il 
les  faudrait  chercher. 

A  l'appui  de  nos  dires,  nous  pouvons  citer  le  beau  bureau  à  deux 
corps  et  à  multiples  tiroirs,  en  acajou  et  en  marqueterie  quadrillée 
de  bois  des  Indes    satiné,  garni  de  cuivres    dorés  de   l'époque 


MOBILIER    D  L\    CIIATEAL    A    LA    FIX    DU    XVHl'    SIECLE.      519 

Louis  XVI  (n"  1922  de  notre  inventaire);  la  bibliothèque  à  hauteur 
d'appui,  de  même  époque,  également-en  acajou  satiné,  avec  sa 
galerie  découpée  et  ses  ornements  de  cuivre  doré  (n"  1925  de 
l'inventaire)  ;  la  magnifuiue  commode  Louis  X\'  en  laque  noire  de 
Coromandcl,  à  personnages  en  relief  et  à  dessusde  marbre,  garnie 
à  profusion  de  bronzes  ciselés  et  dorés  (n"  1975  de  l'inventaire). 


COMMODE    i;X    LAQIF.    DE   CûROMA.VOEL    AGTUELLEMFMT   A    LA    PREFECTURE    D  INDRE-ET-LOIRE. 

(Provenant  de  Clianteloup  ^) 

Ces  trois  beaux  meubles  sont  à  la  préfecture  d'Indre-et-Loire,  et 
nous  devonsà  labienveillantecomplaisance  de  M.  le  préfet  d'avoir 
pu  en  prendre  la  description,  vérifier  la  marque  et  leur  appliquer 
les  numéros  qui  les  concernent  dans  l'inventaire. 

Len°  1922  y  est  estimé  cent  livres  ; 

Le  n"  1825,  trente  livres; 

Le  n"  1975,  cent  livres; 

Or  nous  ne  croyons  pas  exagérer  en  disant  que  ces  trois  meubles 
valent  aujourd'hui  cent  fois  leur  valeur  d'estimation. 

Nous  citerons  encore  le  beau  salon  Louis  XVI  composé,  d'après 
M.  Palustre  dans  Y  Album  de  l'exposition  réti'ospective  de  Tours* , 

'  Ce  cliché  elles  deux  planches  insérées  dans  le  texte  de  la  présente  étude  sont 
extraits  du  magniûque  ouvrage  Amboise,  le  château  et  la  cille,  grand  in-4"'  de  plus 
de  600  pages  et  de  près  de  300  planclies,  sorti  des  presses  de  la  maison  Marne, 
et  publié  par  la  Société  archéologique  de  Touraine,  qui  les  a  mis  à  notre  disposition. 

-  Tours.  Péricat,  i  vol.  in-V,  p.  55,  1891. 


b-20      MOBILIER    DT'N    CHATEAU    A    l.A    FIM    D  L    XVIII'   SIÈCLE. 

de  :  un  canapé,  un  écran,  liuitgrands  fauteuils,  huit  petits  fauteuils, 
deux  bergères  et  (juatre  chaises,  qui  ornait  la  salle  du  tribunal  de 
commerce  de  Tours  et  qu'une  récente  décision  a  fait  vendre  à 
M.  Hersent,  de  Paris,  pour  la  sommede  25,000  francs  et  remplacer 
par  un  mobilier  moderne.  Xous  ne  pouvons  nous  empêcher  de 
déplorer  amèrement  cette  aliénation  ;  ce  meuble  était  recouvert 
de  soieries  dites  gros  de  Tours  qui  pouvaient  intéresser  à  un  haut 
point  la  fabrication  tourangelle,  un  des  fleurons  industriels  de 
notre  province  ;  si  ce  meuble  n'était  pas  assez  étendu  pour  les 
besoins  en  vue  desquels  il  était  destiné,  il  pouvait  être  augmenté, 
et  s'il  ne  présentait  plus  la  solidité  nécessaire,  le  Musée  de  la 
ville  de  Tours  lui  aurait,  pensons-nous,  donné  asile,  comme  à  un 
type  de  Tart  industriel  français  du  dix-huitième  siècle. 

Malgré  la  perte  et  la  dispersion  des  beaux  meubles  de  Chante- 
loup,  la  plus  grande  partie  de  cet  énorme  mobilier  ayant  été  versée 
dans  le  pays,  il  ne  faut  pas  s'étonner  du  grand  nombre  d'objets  de 
style,  de  faïences,  de  porcelaines  et  de  bronzes  d'ornement  qui  ont 
été  retrouvés  depuis  soixante  ans;  nous-même  nous  en  avons 
recueilli  quelques  épaves. 

Tous  cesmeubles,  autant  que  cela  était  possible,  étaient  marqués 


arec  un  fer  à  feu  dont  nous  reproduisons  ici  l'empreinte  en  gran- 
deur (ï'exécution. 

Nous  avons  constaté  ce  fer  sur  les  meubles  de  la  préfecture  dont 
nous  venons  de  parler,  sur  la  seconde  commode  de  laque  de  Coro- 
mandel   signalée   dans  l'inventaire,   —   n"    2803    —    que  nous 


MOini.lKU    DIX    CHATEAU    A    LA    FIM    DU    XVIir    S I H  C  L  E  .      521 

possétloiis,   sur  une  l>er<jère  qui  se  trouve  chez  M.  BrugeroUes, 

marchand  de  nouveautés  à  Amboise,  et  sur  quelques  autres  sièges. 

\oiis  avons  conslalé  é;|alement  ce  second  chiffre,  qui  ne  diffère 

du  premier  que  par  la  taille  et  par  les  lettres  qui  le  composent, 


sur  un  meuble  de  minime  importance,  acheté  en  1852  à  la  vente 
mobilière  faite  au  château  d'Amboise,  à  la  suite  de  la  conflscation 
des  biens  de  la  famille  d'Orléans.  Ce  petit  meuble  intime  avait  sans 
doute  été  réservé  en  1794,  avec  tant  d'autres,  pour  l'usage  des 
employés  du  château,  appelé  alors  la  citadelle,  et  y  était  resté. 

Nous  retrouions,  du  reste,  les  instruments  eux-mêmes  qui 
servaient  à  faire  ces  empreintes  consignés  dans  l'inventaire  dressé 
à  la  même  époque,  au  château  d'Amboise  et  ainsi  décrits:  '  N"  14. 
Deux  fers  à  marquer  au  feu,  estimés  5  livres.  » 

Sur  les  bronzes,  où  il  était  impossible  de  marquer  au  feu,  les 
chiffres  étaient  faits  à  coups  de  burin  et  simplifiés;  l'ancre  était 
supprimée,  ainsi  que  les  trois  branches  intérieures  de  la  couronne; 
ils  portaient  en  outre  un  numéro  d'ordre,  surles  chenets,  du  moins, 
ainsi  que  nous  l'avons  constaté  sur  de  beaux  chenets  Louis  XVI  en 
bronze  ciselé  et  doré  appartenant  à  Aime  de  S'...  V'...,  à  Amboise, 
qui  a  bien  voulu  me  permettre  de  le  reproduire  ici. 

Voici  ce  chiffre  : 

•   •  *  ^  #  •  î  v»».«/ 

Mais  que  voulaient  dire  ces  lettres  différentes?  Dans  le  premier 


522      MOBILIEH    1)  UN    CHATEAU    A    LA    FIM    DU    XVIII'    SIECLE. 

fer,  est-co  Chantoloiip  (première  et  dernière  lettre  du   mot),  ou 
Chaiiteloup-renthièvrc  ?  Et  dans  le  second   fer,    est-ce  Aniboise" 
(première  et  troisième  lettre),  ou  Amboise-Bourbon  ? 

Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  l'un  et  l'autre  de  ces  fers 
étaient  apposés  sur  les  meubles  de  la  succession  du  duc  de  Pen- 
tbièvrc  que  la  Révolution  a  fait  saisir  et  vendre  en  1794. 

L'inventaire  nous  révèle  le  nom  de  l'architecte  de  Mgr  le 
duc  de  Penthièvre.  Il  s'appelait  Goupy  et  avait  à  Clianteloup  des 
appartements  à  son  usage.  Cet  architecte  mérite  une  mention 
spéciale  et  son  nom  d'être  sauvé  de  l'oubli  auquel  il  aurait 
peut-être  droit  sans  cela,  car,  —  à  moins  qu'il  n'ait  été  que 
l'exécuteur  des  hautes  œuvres  et  n'ait  agi  que  par  ordre  supérieur, 
—  c'est  sans  doute  à  lui  que  nous  devons  une  partie  des  muti- 
lations qu'ont  subies lesappartements  de  Charles  VIII,  de  Louis  XII 
et  de  François  I"  au  château  d'Amboise,  et  cet  aménagement 
d'auberge  que  Mgr  le  duc  d'Aumale  vient  de  faire  disparaître 
à  grands  frais,  en  vue  d'une  restauration  en  cours  d'exécution, 
confiée  à  l'habile  direction  de  M.  Gabriel  Ruprich-Robert. 

Si  la  Révolution,  en  délogeant  de  Chanteloup  cet  architecte,  a 
sauvé  le  château  de  son  vandalisme,  elle  n'a  fait  malheureusement 
qu'en  retarder  la  ruine,  car  après  Chaptal,  la  bande  noire,  plus 
radicale  encore,  n'y  a  pas  laissé  pierre  sur  pierre;  la  Pagode  seule 
a  fait  exception,  ainsi  que  les  pavillons  des  concierges,  dont  ces 
barbares  modernes  ne  pouvaient  tirer  aucun  profit. 

Cet  inventaire,  commencé  le  15  ventôse  de  l'an  II  (5  mars 
1794),  n'a  été  terminé  que  le  2  thermidor  (20  juillet)  :  il  a  duré 
trente-huit  jours  de  travail  effectif,  du  lever  au  coucher  du  soleil; 
il  contient  4,227  articles  dont  1,4(37  sont  consacrés  au  mobilier 
du  château  d'Amboise,  2,748  au  mobilier  de  Chanteloup,  enfin  les 
douze  derniers  au  Feuillet. 

L'estimation  s'est  élevée  à  la  somme  de  110,935  livres,  dont 
93,269  livres  pour  Chanteloup  et  le  surplus  pour  Amboise  et  le 
Feuillet.  Les  commissaires  ont  reçu  pour  leur  salaire  2,446  livres 
(note  de  Guiot,  notaire  à  Nazelles,  du  16  fructidor  an  III). 


MOini.IEU    I)  L  \'    CHATCAL    A    LA    FIN    DU    Wlll     SIKCLE.      523 

II 

DESCRIPTIOM     DES     PRINCIPAUX     APPAKTEMEMTS 

Antichambre,  n"'  I4<)8  à  1-473;  estimation  :  158  liv.  10  sols. 
L'inventaire  à  la  main,  nous  pénétrerons  dans  rantichanibrc  du 
principal  corps  de  bâtiment  :  là  nous  trouverons  un  grand  poêle 
de  faïence,  quatre  banquettes  et  dix  chaises  couvertes  de  velours 
d'Utrecht  fond  vert  à  fleurs  rouges  et  blanches,  deux  grandes  con- 
soles peintes  en  gris  avec  leurs  tables  de  marbre  rouge  et,  suspendu 
au  plafond,  un  lustre  de  cuivre  doré. 

Salle  à  manger,  n"'  1474  à  1483;  estimation  :  325  livres. 
Deux  portes  battantes,  couvertes  de  velours  semblable  à  celui 
des  banquettes,   nous   donneront  accès  dans  la   salle  à  manger, 
éclairée  par  trois  fenêtres  garnies  de  rideaux  de  coton  blanc  enca- 
drés d'indienne  à  fleurs  rouges  et  bleues. 

Les  murs  sont  tendus  de  six  panneaux  de  papier  chinois  enca- 
drés de  bois  doré;  au-dessus  des  deux  portes,  deux  tableaux  éga- 
lement encadrés  de  bois  doré. 

Au  milieu  de  la  pièce,  une  grande  table  de  bois  d'acajou  montée 
sur  six  pieds;  d'un  côté  de  la  fenêtre  du  milieu,  une  petite  table  à 
écrire,  de  l'autre  un  quinola  et,  rangées  le  long  des  murs,  vingt- 
quatre  chaises  couvertes  de  coton  chiné  fond  gris;  enfin,  un  grand 
paravent  à  six  feuilles,  garni  de  drap  rouge,  et  une  lanterne  à  cinq 
bobèches  en  cuivre  étamé  qu'un  cœur  de  plomb  permet  de  monter 
et  descendre,  complètent  l'ameublement  de  cette  pièce. 
Salle  de  billard,  n"'  1484  à  1494  :  575  livres. 
A  côté,  la  salle  de  billard.  Le  principal  meuble,  le  billard,  est 
en  acajou  massif  et  sa  couverture  en  maroquin  jaune.  La  salle  est 
éclairée  par  quatre  fenêtres  garnies  de  rideaux  de  tafl"etas  vert  et 
chauffée  par  un  poêle  de  faïence  avec  un  report  de  chaleur  chauf- 
fant également  la  salle  à  manger. 

Quatre  portes  y  donnaient  accès  :  l'une  d'elles,  [à  deux  battants], 
communiquait  au  grand  salon;  elles  étaient  surmontées  de  quatre 
tableaux  en  imposte,  représentant  des  paysages;  les  cadres  étaient 
eu  bois  doré.  Il  y  avait  encore  un  grand  tableau  et  une  carte  d'Am- 
boise,  avec   cadres  de  bois   doré;  ils  ont  été  ensemble   estimés 


52i      MOBILIER    DV\    CHATEAU    A    LA    Fl\    DU    XVIIl"   SIÈCLE. 

dix  livres.  Ces  deux  ohjels,  ainsi  que  les  quatre  dessus  de  porte, 
ont  été  enlevés  par  l'État,  et  l'inventaire  de  Rougeot  nous  indique 
que  le  grand  tableau  dont  il  est  ici  question  est  Procris  mourant 
dans  les  bras  de  Ccphale,  du  Guerchin,  actuellement  au  Musée 
de  Tours;  quant  à  la  carte  d'Amboise,  elle  est,  je  crois,  à  la  Pré- 
lecture. Aux  murs  sont  encore  fixées  quatre  girandoles  en  cuivre 
doré  avec  leurs  cristaux. 

Une  grande  table  à  jouer,  garnie  en  'tric-trac,  avec  ses  cornets  en 
maroquin,  ses  dames  et  ses  dés  en  ivoire;  deux  tables  à  jouer  en 
encoignure,  en  bois  d'acajou,  couvertes  en  drap  vert;  un  canapé 
et  son  marchepied  couverts  de  velours  d'Utrecht;  neuf  fauteuils  à 
coussins  remplis  de  plume  et  couverts  de  tricot  de  différentes 
nuances;  quatre  chaises  foncées  de  paille  et  un  paravent  à  six 
feuilles,  couvert  de  tricot  et  de  damas  rouge. 

Grand  salon,  W  1495  à  1516;  estimation  :  1,365  liv.  10  sols. 

Immédiatement  après  le  billard,  le  grand  salon.  Cette  pièce  a 
six  fenêtres  garnies  de  douze  rideaux  de  gros  de  Tours  vert  et  de 
six  stores  à  monture  de  fer.  Le  plancher  est  parqueté,  et  les  murs 
sont  couverts  de  riches  boiseries  dorées,  ainsi  que  les  cadres, 
portes  et  croisées.  La  cheminée,  en  marbre  blanc,  est  ornée  de 
placards  et  de  guirlandes  en  bronze  doré  finement  ciselé  ;  le  contre- 
feu,  ainsi  que  les  côtés  intérieurs,  sont  en  potin;  des  chenets  à 
à  deux  branches  et  cà  pommes  dorées,  pelle,  pincettes  et  tenaille 
à  boutons  de  cuivre  doré  lu  complètent. 

Sur  la  cheminée  est  un  grand  trumeau  de  glace  en  trois  pièces, 
de  dix  pieds  de  hauteur  sur  cinq  pieds  trois  pouces  de  largeur,  dans 
un  cadre  de  bois  sculpté  et  doré;  un  autre  trumeau  semblable 
était  placé  en  face  de  la  cheminée,  et,  de  chaque  côté  de  ces  deux 
trumeaux,  quatre  bras  de  cuivre  doré  étaient  fixés.  Au  plafond 
était  suspendu  un  grand  lustre  en  bronze  doré  garni  de  cristaux. 

Aux  murs  encore,  deux  baromètres  de  bois  doré. 

Comme  meubles  :  quatre  consoles  de  bois  doré  avec  leur  dessus 
de  marbre  blanc;  deux  quinolas  carrés,  un  autre  rond,  en  bois 
d'acajou,  avec  tapis  verts;  une  table  à  écrire;  une  table  creuse 
pour  mettre  des  fleurs,  et  un  guéridon,  le  tout  en  bois  d'acajou. 

Un  canapé  et  quatre  fauteuils,  couverts  de  tapisserie  des  Gobe- 
lins  à  fleurs;  deux  bergères  avec  leurs  coussins  et  rondins  remplis 
de  plume  et  couverts  de  satin  broché  fond  blanc,  couleur  rouge  et 


MOniLlEH    D  L.\    CHATE  AL    A    LA    Fl.\    l)  L    XV 1 1 1     S1ÉCI,E.      025 

bleue,  une  hcrjjère  et  douze  chaises,  avec  leurs  coussins  remplis 
de  pliune,  couverics  de  satin  fond  jaune,  avec  fleurs  vertes,  et 
six  fauteuils  à  châssis  de  hois  doré,  couverts  de  satin  broché  de 
nuances  variées. 

Sept  écrans  de  différentes  formes,  en  bois  d'acajou;  deux  grands 
paravents  à  chacun  six  feuilles,  couverts  de  damas  fond  vert;  deux 
autres  petits  paravents  à  écran  couverts  de  même  étolfe. 

Dans  un  salon  intermédiaire  contigu,  éclairé  par  trois  croisées 
garnies  de  six  rideaux  de  gros  de  Tours  vert,  nous  trouvons  une 
cheminée  en  marbre,  avec  intérieur  entièrement  garni  de  fonte 
ouvragée;  cette  pièce  est  parquetée,  les  murs  sont  recouverts  de 
boiseries  entièrement  dorées,  ainsi  que  les  portes  et  les  croisées. 

Sur  la  cheminée  se  trouve,  dans  un  cadre  de  bois  doré,  une 
glace  de  sept  pieds  de  hauteur  sur  quatre  pieds  de  large,  sur- 
montée d'un  tableau;  sur  la  tablette  deux  petits  écrans  à  main; 
un  autre  trumeau  semblable,  également  avec  un  tableau,  lui  fait 
face;  quatre  bras  de  cheminée,  en  cuivre  doré,  sont  placés  de 
chaque  côté  de  ces  deux  trumeaux,  et  trois  fausses  croisées  en  bois 
doré,  ayant  chacune  huit  carreaux  de  glace,  font  vis-à-vis  aux  trois 
fenêtres  de  l'appartement;  un  lustre  à  six  lumières,  en  cuivre 
doré,  garni  de  cristaux,  descend  du  plafond,  soutenu  par  un  gros 
cordon  de  soie  verte;  appuyés  aux  murs,  six  bas  de  buffets,  que 
nous  voulons  croire  en  marqueterie  de  Boulle,  garnis  de  treillis 
et  de  rideaux  verts,  en  gros  de  Tours,  servent  de  bibliothèques; 
un  quinola,  un  guéridon  ployant,  une  boite  sur  quatre  pieds, 
garnie  intérieurement  de  cuivre  jaune,  et  un  écran  garni  de  taffetas 
vert;  comme  sièges  :  un  canapé  à  montants  de  bois  doré,  son 
matelas  et  deux  oreillers  remplis  de  duvet,  le  tout  couvert  de  satin 
broché,  fond  blanc,  à  fleurs  et  rayures  de  différentes  couleurs; 
quatre  fauteuils  de  bois  doré,  couverts  de  pékin,  et  deux  cabriolets 
à  carreaux  remplis  de  plume,  couverts  de  satin  broilé,  à  fleurs  de 
différentes  couleurs. 

Boudoir,  n"'  1530  à  1548;  estin;!ation  :  546  livres. 

Xous  passons  ensuite  dans  le  boudoir,  boi.>;é  d'acajou  et  de  bois 
de  rose;  deux  fenêtres  l'éclairent,  mais  dans  chacune  d'elles  des 
carreaux  de  glace  de  huit  pouces  de  large  sur  dix-huit  de  haut 
remplacent  les  vitres  transparentes,  maintenues  à  hauteur,  ces 


526      MOBILIER    I)  l  IV    CHATEAU    A    LA    FIM    DU    XVIH'    SIECLE. 

dernières   «jarnies  île  liuit  petits  rideaux  et  de  stores  de  lampas  de 
la  Chine,  les  embrasures  recouvertes  de  même  étoffe. 

Le  plafond  s'élève  en  dôme  et  forme  une  galerie  supérieure 
entourée  par  un  i)alcon  de  fer  forgé;  là  se  trouvent  quatre  placards 
à  deux  battants  garnis  de  rideaux  de  taffetas  vert,  qui  pourraient 
bien  être  ceux  de  la  bibliothèque  de  Tours,  car  ils  ont  été  réservés 
par  Tinvenlaire. 

Les  murs  du  boudoir  étaient  ornés  de  six  panneaux  de  glace  de 
quarante-huit  pouces  de  haut  sur  vingt  de  largeur,  et  l'un  d'eux 
fermait  l'entrée  d'un  petit  escalier  conduisant  à  la  galerie  supé- 
rieure. 

Comme  meubles  :  un  secrétaire  eu  bois  de  rose  et  acajou. 
Comme  sièges  :  une  bergère  et  quatre  fauteuils  garnis  de  cha- 
cun leur  coussin,  plus  quatre  grands  coussins,  le  tout  couvert  de 
lampas  de  la  Chine.  Du  plafond  pendaient  deux  lanternes. 

Dans  le  cabinet  du  boudoir,  on  trouvait  toutes  les  commodités 
possibles  :  un  seau,  une  cuvette,  deux  pots  à  eau,  quatre  pots  de 
nuit,  le  tout  en  faïence;  un  bidet  et  sa  monture,  une  chaise  de 
nuit,  son  pot  et  accessoires  obligés,  une  petite  poélette  à  parfums 
en  cuivre  rouge. 

Chambre  à  coucher  et  garde-robe  à  côté,  n°'  1549  à  1577; 
estimation  :  2,318  livres. 

A  la  suite  est  une  chambre  à  coucher;  elle  est  éclairée  par  deux 
croisées  avec  quatre  grands  rideaux  de  gros  de  Tours  vert  et  deux 
stores  de  canevas;  elle  est  parquetée,  et  les  murs  sont  recouverts 
de  boiseries  dorées  en  plein,  ainsi  que  les  portes  et  fenêtres;  la 
cheminée  est  en  marbre  noir,  garnie  de  cuivre  doré  et  ciselé,  l'in- 
térieur en  fonte;  les  chenets  sont  à  deux  branches  et  à  trois 
pommes  de  cuivre  doré  ;  pelle,  pincettes  et  tenaille,  une  autre 
petite  pelle  à  brûler  des  odeurs,  un  soufflet  à  deux  vents, 
balai,  etc. 

Sur  la  cheminée  :  un  trumeau  avec  sa  glace  en  deux  morceaux, 
de  neuf  pieds  de  hauteur  sur  quatre  de  largeur,  dans  un  cadre 
de  bois  doré  ;  un  trumeau  semblable  fait  face  au  premier,  et  un  troi- 
sième de  même  hauteur,  sur  trois  pieds  et  demi  de  largeur,  est  placé 
entre  les  deux  fenêtres.  De  chaque  côté  du  trumeau  de  la  cheminée 
et  de  celui  qui  lui  fait  vis-à-vis  sont  quatre  bras  d'applique  à  trois 
branches   en  bronze  doré;   au  milieu  du    plafond,   un  lustre  en 


MOlilLlEK    DIJ\    CHATKAU    A    LA    FI.\    DU    XVIIP   SIECLE-      Ô27 

bronze  doré,  orné  de  crislaux,  soutenu  par  un  gros  cordon  de  soie 
verte. 

Le  lit  et  son  impériale  sont  en  bois  doré;  le  sommier  est  en 
crin,  les  deux  matelas  en  laine,  la  couette  et  le  traversin  en  duvet 
de  cygne  ensouillés  de  basin  blanc  recouvert  de  taffetas  blanc,  la 
housse,  la  courtepointe,  les  bonnes  grâces,  fond,  dossier,  pentes 
et  tentures  sont  en  gros  de  Tours  vert;  il  existe  à  l'impériale  une 
palmette  de  cuivre  doré. 

Une  commode  à  cinq  tiroirs  en  bois  des  Indes  satiné,  avec 
dessus  de  marbre;  un  écran  de  bois  des  Indes  avec  ses  tiroirs  et 
encriers,  recouvert  de  gros  de  Tours  vert;  un  autre  écran,  pareille- 
ment recouvert  ;  une  table  à  écrire  en  acajou;  un  guéridon  à  deux 
rangs  et  à  balustre. 

Un  canapé  à  deux  dossiers,  couvert  de  basin  des  Indes  brodé,  un 
lit  de  plume,  matelas  et  deux  rondins  couverts  de  même  étoffe, 
deux  oreillers  de  duvet  couverts  de  gros  de  Tours  vert. 

Une  bergère,  son  coussin  et  rondin,  deux  fauteuils  avec  leurs 
coussins,  le  tout  rempli  de  plume  d'oie  et  recouvert  d'étofie 
cannelée  à  rayures  blanches  et  vertes  à  petits  bouquets  verts  et 
rouges;  six  fauteuils  à  châssis  de  bois  doré  et  une  chaise  prie-Dieu 
recouverts  de  pékin. 

Dans  la  garde-robe  de  cette  chambre,  une  table  de  nuit  en  bois 
d'acajou,  dessus  de  marbre  rouge,  et  ses  accessoires  obligés;  un 
bidet  en  faïence  et  sa  monture,  en  bois  des  Indes;  une  chaise  de 
nuit  de  même  bois,  son  pot  et  deux  autres  pots  de  nuit,  le  tout  en 
faïencede  Rouen,  une  boite  à  parfums  en  cuivre  rouge,  cafetière  de 
même  métal;  un  bas  de  buffet  en  bois  des  Indes,  avec  portes  à 
coulisse  et  deux  tablettes  de  marbre  blanc,  enfin  un  chauffe- 
chemise  d'osier. 

Deux  chambres  à  coté,  n-'  1578  à  1600;  estimation  : 
■467  liv.  10  sols. 

Dans  deux  chambres  à  côté,  un  mobilier  moins  luxueux  et  que 
nous  laisserons  pour  arriver  à  la  pièce  suivante,  donnant  sur  la 
galerie  de  Tappartement  des  bains,  et  que  je  présume  être  le 
cabinet  qu'occupait  M.  de  Choiseul,  car  nous  y  trouvons  les  quatre 
dessus  de  porte  Vues  de  Rome,  attribuées  à  tort  à  Hubert 
Robert,  que  signale  Rougeot  et  que  notre  inventaire  estime 
70  livres  avec  cinq  autres  tableaux,  tous  bordés  de  cadres  de  bois 


528      MOBILIER    DL'N    CHATEAU    A    LA    FIX    DU    Wll^   SIÈCLE. 

doré.  Ces  quatre  vues  de  Home  étaient  :  //  Campo  Vaccino ;  le 
Colisée  et  VArc  de  SejUinie-Sevère  ;  le  Temple  de  Jupiter;  la 
Pyramidede  Caius  Sextius.  Elles  sont  encore  au  Musée  de  Tours. 

Ce  cabinet  était  parqueté,  les  boiseries  étaient  dorées  ainsi  que 
les  contrevents  des  croisées  et  les  ferrures.  Il  était  éclairé  par  trois 
fenêtres  garnies  de  six  grands  rideaux  de  gros  de  Tours  vert,  sa 
cheminée  était  en  marbre  avec  intérieur  en  fonte;  le  feu  ou  che- 
nets était  à  deux  branches  et  les  autres  accessoires  déjà  décrits 
dans  les  cheminées  s'y  trouvaient  également. 

Sur  la  cheminée,  un  trumeau  de  glace  en  deux  morceaux  de 
neuf  pieds  de  hauteur,  sur  quatre  de  largeur,  dans  leur  cadre  de 
bois  doré;  de  chaque  côté,  deux  bras  de  cheminée  à  trois  branches 
en  cuivre  doré.  Un  autre  trumeau,  semblable  au  précédent,  lui 
faisait  face. 

Un  thermomètre  à  cadre  de  bois  doré. 

An  plafond,  un  lustre  de  bronze  garni  de  cristaux  soutenu  par 
un  cordon  de  soie  verte  et  or,  semblable  aux  cordons  de  la  che- 
minée. 

Un  lit  de  repos,  avec  ses  matelas  et  oreillers  couverts  d'étoffe 
cannelée,  rayée  fond  bleu  à  fleurs  rouges  et  vertes.  Deux  bergères 
et  neuf  fauteuils,  avec  leurs  coussins  recouverts  d'étoffe  semblable 
à  celle  du  lit.  Un  fauteuil  de  toilette  à  canne  dorée  et  couvert  de 
maroquin  vert. 

Une  table  de  toilette  et  son  tapis  de  serge  rouge,  huit  boîtes  dé 
toilette,  un  miroir  et  sa  couverture  de  perse  à  fleurs,  doublée  de 
taffetas  blanc.  Une  table  à  écrire,  en  bois  satiné,  et  son  écritoire 
argentée;  enfin,  deux  écrans  couverts  l'un  de  taffetas  vert  et  l'autre 
de  papier  chinois. 

Galerie  des  bains j   n"'  16IG  à  1631  ;  estimation  -.  3,G10  livres. 

De  là,  nous  entrons  dans  la  galerie  qui  suit,  faisant  retour 
d'équerre  à  la  pièce  [«récédente;  nous  la  considérons  comme  la 
plus  belle  des  salles  de  Chauteloup. 

Elle  était  parquetée  et  boisée  dans  son  entier;  la  boiserie  était 
dorée  et  relevée  en  bosse;  elle  prenait  jour  par  six  fenêtres,  gar- 
nies de  douze  grands  rideaux  de  gros  de  Tours  vert,  bordés  de 
crépine  verte  et  or;  la  cheminée  était  en  marbre  et  l'intérieur  en 
fonte,  le  feu  en  était  à  deux  branches  et  à  trois  pommes  dorées  en 
or  moulu,  pelle,  pincettes,  tenaille,  etc. 


MOIÎILIKK    DLM    CHATEAU    A    LA    FIN    DU    XVIll"   SIÈCLE.      529 

Sur  la  cheminée  un  trumeau,  eu  deux  pièces,  de  huit  pieds  de 
haut  sur  cinq  de  large,  avec  cadre  doré  et  deux  «jirandolesde  cuivre 
doré  en  or  moulu,  garnies  de  cristaux.  Quatre  autres  girandoles 
semhlahlcs  étaient  réparties  dans  l'appartement,  et  une  seconde 
glace  à  cadre  doré,  de  quatre-vingt-seize  pouces  de  hauteur,  sur 
soixante  de  largeur,  faisait  face  à  la  porte  d'entrée,  dont  les  pan- 
neaux étaient  formés  par  quatre  carreaux  de  glace  entourés  de 
guirlandes  d'une  finesse  d'exécution  extraordinaire. 

En  outre  des  boiseries,  quatre  tapisseries  des  Gobelins  ayant 
pour  sujet  \Histoire  de  Don  Quichotte^  estimées  500  livres,  gar- 
nissaient les  murs,  ainsi  que  cinq  cadres  de  bois  doré,  remplis  par 
des  tapisseries  de  soie  verte. 

Trois  lustres  de  cuivre  doré,  garnis  de  cristaux,  pendaient  au 
plafond,  soutenus  par  leurs  cordons  de  soie  verte  et  or  lin. 

Comme  sièges  :  quatre  canapés  garnis  de  crin,  avec  chacun 
leur  coussin  et  deux  oreillers  remplis  de  duvet  de  cygne,  six  fau- 
teuils, le  tout  de  bois  doré  en  or  moulu  et  couverts  de  damasvert,  à 
fleurs,  avec  galons  en  or  fin,  quatre  glands  en  soie  et  or  fin  à  chaque 
oreiller;  un  écran  à  cadie  de  bois  doré  en  or  moulu  et  couvert  de 
damas  semblable  aux  canapés  et  fauteuils  et  aussi  galonné  d'or. 

Cinq  grandes  bergères  à  bois  peint  en  blanc,  avec  leurs  coussins 
remplis  de  duvet  de  cygne,  dont  trois  couvertes  de  satin  broché 
fond  cramoisi  à  fleurs  vertes  et  blanches  et  deux  couvertes  de 
damas  vert.  Huit  fauteuils  à  bois  peint  en  gris,  avec  chacun  leur 
coussin  rempli  de  plume,  couverts  de  damas  vert  à  fleurs  et  ga- 
lonnés d'or  fin. 

Un  quinola  pliant,  en  bois  des  Indes,  couvert  de  drap  vert,  et 
quatre  petits  écrans  de  différents  bois. 

Appartement  n"  2,  n°*  1632  à  1661  ;  estimation  :  593  livres, 
lient  ensuite  l'appartement  n"  2,  composé  de  trois  pièces;  nous 
ne  trouvons  à  y  relever  que  le  n°  1634  :  deux  tableaux  à  cadre 
doré,  l'un  représentant  une  Vue  d'Ainhoise  et  l'autre  une  Vue  de 
Chanteloup,  estimés  ensemble  quinze  livres  ;  ce  sont  les  deux  belles 
aquarelles  de  Lenfant,  actuellement  au  Musée  de  Tours;  len"  1641  : 
deux  tableaux  à  cadre  de  bois  doré,  estimés  dix  livres;  deux  fau- 
teuils peints  en  gris,  recouverts  de  tapisserie  au  petit  point;  une 
console  de  bois  doré  à  dessus  de  marbre,  et  la  tenture  de  la  pièce, 
qui  était  en  damas  vert. 


530      MOBILIEU    DUK    CHATEAU    A    LA    FIN    DU    XVIIP   SIÈCLE. 

Chambre  à  la  suite  de  la  galerie ^  n°'  1662  à  1673  ;  estimation  : 
2,171  livres,  et  la  garde-robe,  u"'  1690  à  1700;  estimation  : 
250  livres. 

Mous  pénolrerons  maintenant  dans  la  chambre  qui  vient  à  la 
suite  de  la  «jalerie,  «jrande  pièce  éclairée  par  trois  fenêtres  garnies 
de  rideaux  en  gros  de  Tours  rayé  vert  et  blanc  et  de  six  petits 
rideaux  de  mousseline  rayée.  La  chambre  est  boisée,  et  des  colonnes 
et  pihistres  en  bois  soutiennent  les  corniches;  toutes  les  moulures 
sont  dorées;  la  cheminée  est  en  marbre  et  son  intérieur  en  fonte; 
le  feu  est  à  deux  branches  et  à  trois  pommes  de  cuivre  doré;  elle  a 
tous  ses  accessoires  ordinaires. 

Sur  la  cheminée  :  un  trumeau  avec  une  glace  en  deux  morceaux 
de  huit  pieds  de  haut  sur  trois  et  demi  de  large  ;  le  cadre  est  en  bois 
doré;  deux  bras  de  cheminée,  à  deux  branches,  en  cuivre  doré,  y 
sont  fixés.  Une  autre  glace,  de  deux  pièces,  ayant  sept  pieds  et 
demi  de  haut  sur  quatre  pieds  de  large,  est  placée  entre  deux 
fenêtres;  son  cadre  est  doré. 

Le  lit  est  à  deux  chevets,  à  colonne  et  à  impériale;  il  a  un  som- 
mier de  crin,  deux  matelas  de  laine,  une  couette  et  deux  traver- 
sins remplis  de  duvet  de  cygne,  ensouillés  de  basin  blanc  ;  la  housse 
en  gros  de  Tours  rayé  vert  et  blanc,  les  quatre  bonnes  grâces, 
chantournés,  pentes,  fond,  courtepointe  et  sousbastement  de  pékin 
doublé  de  gros  de  Tours  vert. 

Une  grande  commode  de  bois  satiné  à  cinq  tiroirs  garnis  de 
cuivre  doré,  dessus  de  marbre. 

Une  toilette  de  différents  bois,  son  tapis  de  camelot  rouge,  huit 
boîtes  de  toilette  en  bois  peint  rouge  et  or,  le  miroir  et  sa  couver- 
verture  de  perse  doublée  de  taffetas  blanc;  une  table  à  écrire  avec 
ses  encriers  en  bronze  argenté. 

Un  écran  couvert  de  taffetas  vert,  une  chiffonnière  à  trois  tiroirs, 
une  petite  table  creuse,  le  tout  en  bois  d'acajou  et  des  Indes. 

Une  bergère,  son  coussin  et  rondin  couverts  de  satin  des  Indes 
fond  blanc  et  fleurs  de  différentes  couleurs.  Un  canapé  à  fût  de 
bois  doré,  avec  deux  oreillers  remplis  de  duvet;  six  fauteuils  à 
fûts  de  bois  doré,  avec  chacun  leur  carreau  rempli  de  duvet,  le 
tout  couvert  de  pékin  à  fleurs  et  personnages. 

Dans  la  garde  robe  à  côté  : 

Un  fauteuil  de  bureau  à  canne  et  bois  doré;  une  encoignure  de 


MO  H I  LIE  11    I)  L\    CHATEAU    A    LA    FI!V    DU    XV  HT   SIECLE.      531 

bois  satiné;  une  table  de  nuit  en  bois  d'acajou  et  des  Indes  satiné, 
dessus  de  marbre;  un  l)idet  de  bois  des  Indes  satiné;  un  siège; 
liuit  pots  en  faïence  de  Rouen;  une  boîte  à  parfums  et  autres 
objets  de  toilette. 

Apiiartement  à  la  suite,  n°M674à  1689;  estimation  :  1 ,1201iv. 

L'appartement  à  la  suite  est  parqueté  et  éclairé  par  deux  fenêtres 
garnies  de  quatre  grands  rideaux  de  gros  de  Xaples  blanc,  encadrés 
de  bordures  peintes,  à  fleurs,  avec  leurs  cordons  de  soie  et  quatre 
petits  rideaux  de  mousseline. 

La  tenture  est  composée  de  cinq  panneaux  de  taffetas  vert,  enca- 
drés de  bois  doré.  La  boiserie,  les  portes,  volets,  cornicbes,  mou- 
lures et  guirlandes  sont  dorés;  la  cheminée  est  en  marbre  blanc, 
ornée  de  cuivres  ciselés  et  dorés,  l'intérieur  est  en  fonte;  le  feu 
est  à  deux  branches,  avec  trois  pommes  de  cuivre  doré,  dont  une 
à  personnage;  elle  est  en  outre  garnie  de  tous  ses  accessoires  ordi- 
naires. 

Un  trumeau  d'une  pièce,  de  cinq  pieds  de  haut  sur  cinq  de  large, 
avec  cadre  de  bois  doré  et  deux  bras  de  cuivre  doré  à  deux  branches; 
une  autre  glace  de  cinq  pieds  de  haut  sur  cinquante  pouces  de 
large,  avec  cadre  en  bois  doré. 

Cinq  tableaux  à  cadre  de  bois  doré,  estimés  ensemble  cent  livres. 

Deux  encoignures  de  bois  des  Indes  et  leur  dessus  de  marbre 
blanc;  une  table  en  bois  d'acajou,  à  forme  de  console,  à  trois 
tiroirs,  balustre  en  cuivre  et  dessus  de  marbre.  Un  corps  de  biblio- 
thèque de  bois  des  Indes  satiné  avec  balustre  en  cuivre  doré  ;  un 
globe  et  une  sphère  sur  pieds  de  bois  doré;  une  table  à  écrire  de 
bois  des  Indes  satiné;  un  petit  paravent  à  quatre  feuilles,  en  bois 
satinédes  Indes,  couvert  d'un  côté  de  papier  chinois  et  de  l'autre  de 
taffetas  vert;  un  petit  écran  de  bois  d'acajou  doublé  de  taffetas  vert. 

Deux  bergères  et  six  chaises  à  châssis  de  bois  doré  rechampi, 
les  deux  bergères  avec  leurs  coussins  remplis  de  duvet,  un  écran 
à  châssis  doré,  le  tout  couvert  de  gros  de  Xaples,  fond  blanc, 
brodé  aux  Indes,  représentant  les  Fables  de  La  Fontaine,  estimé 
tiois  cents  livres;  deux  autres  bergères  à  châssis  de  bois  doré,  leurs 
coussins  remplis  de  duvet,  le  tout  recouvert  de  salin  broché,  fond 
blanc  à  fleurs  de  diB'érentes  couleurs. 

Mous  nous  contenterons  maintenant  de  signaler  dans  chaque  pièce 
les  objets  pouvant  présenter  un  caractère  artistique  ou  de  curiosité. 


532      MOBILIER    DUN    CHATEAU    A    LA    Fl\    DU    XVIII'    SIÈCLE. 

Chambre  ouvrant  dans  la  galerie,  n"'  1701  à  1721,  et  son  anti- 
chambre, estimation  :  -4()3  livres. 

Nous  reviendrons  donc  avec  l'inventaire  dans  une  chambre 
ouvrant  dans  la  galerie;  nous  y  trouvons,  n"  1711,  un  grand  ta- 
bleau à  cadre  de  bois  doré,  estimé  cinq  livres,  et  un  autre  tableau, 
aussi  avec  son  cadre  de  bois  doré,  estimé  vingt  sols. 

Autre  chambre  à  coucher  et  garde-robe,  n"'  1722  à  1744;  esti- 
mation :  2.012  livres. 

Dans  une  autre  chambre  à  coucher  : 

Les  tentures  et  rideaux  étaient  en  toile  de  Jouy,  fond  blanc,  à 
fleurs  et  oiseaux  de  différentes  couleurs.  La  commode  était  en  bois 
des  Indes,  ainsi  que  deux  petites  i)anquettes  de  croisée,  qu'on  pla- 
çait dans  les  embrasures.  Il  y  avait  aussi  un  lustre  de  bronze  doré, 
garni  de  cristaux,  deux  bras  de  cheminée  en  bronze  doré  et  deux 
trumeaux  de  glace. 

Grand  cabinet  particulier,  n"'  1745  à  1760;  estimation  : 
1,081  livres. 

Dans  un  cabinet  particulier,  au  bout  du  corps  de  bâtiment 
formant  équerre  du  côté  du  pavillon  des  bains,  nous  trouvons  un 
feu  à  deux  branches  analogue  à  ceux  précédemment  décrits;  deux 
trumeaux  de  glace,  deux  bras  de  cheminée,  un  lustre  en  cuivre 
doré.  Les  meul)les,  tentures  et  rideaux  en  toile  de  Jouy.  Une 
grande  console  à  balustre  ;  deux  embrasures,  une  table,  un  écran 
en  bois  des  Indes  satiné;  le  paravent  et  les  portes  battantes  en 
velours  d'Ltrecht. 

1"  Étage,  —  Appartement  n"  4  :  antichambre,  chambre  de 
domestique  et  garde-robe,  n"'  1761  à  1780;  321  livres.  Rien  à 
signaler. 

Chambre  de  maître  :  cabinet  de  toilette,  autre  cabinet  et 
garde-robe,  n°'  1781  à  1816;  2,120  livres. 

Dans  la  chambre  de  maître,  la  tenture,  les  rideaux,  couverture 
des  meubles,  tout  est  en  lampas  des  Indes.  Il  y  a  quatre  grandes 
glaces  et  des  bras  de  cheminée,  une  commode  et  deux  encoignures 
en  bois  des  Indes  satiné  ;  la  table  à  écrire  est  également  en  bois 
des  Indes  ;  les  châssis  des  sièges  sont  peints  en  gris. 

Dans  les  cabinets,  les  murs  sont  tendus  de  papier  chinois,  et  on 
y  rencontre  les  mêmes  objets  que  dans  les  chambres  précédem- 
ment décrites  et  un  tableau  à  cadre  doré  estimé  trois  livres. 


MOBILIER    D  U\    CHATEAU    A    LA    FIN    DU    XlIIl*    SIÈCLE.      53:5 

Appartement  n"  5  -.petite  chambre  à  coucher,  antichambre, 
autre  petite  chambre. 

Chambre  de  maître,  garde-robe,  n"  1817  à  1848;  1,303  livres- 
Dans  la  chambre  de  maître,  les  tentures,  rideaux  et  couvertures 
des  meubles  sont  en  toile  de   Jouy,  fond  jaune  sablé,  à  fleurs  de 
différentes  couleurs.  Le  lit,  les  fauteuils  et  bergères  sont  peints 
en  gris,  les  tables  en  acajou. 

Appartement  n"  G  :  antichambre,  petite  chambre  à  coté, 
chambre  de  maître,  cabinet  et  garde-robe,  n"  1849  à  1892; 
1,739  livres  10  sols. 

La  tenture  est  en  damas  jaune  à  fleurs,  les  rideaux  sont  en  gros  de 
Tours  jaune,  les  sièges  sont  peints  en  gris  et  couverts  de  même  étoffe. 

Appartement  n"  7  :  deux  antichambres,  n"'  1893  à  1914: 
209  livres. 

Une  commode  de  bois  satiné. 

Pièce  à  droite  de  la  dernière  antichambre  servant  de  biblio- 
thèque, n"'  1915  à  1960;  751  livres. 

Trois  trumeaux  de  glace;  six  bras  de  cheminée  à  trois  branches 
en  cuivre  doré;  deux  petits  cerfs  en  bronze  doré;  deux  tasses  à 
café  et  soucoupes  en  porcelaine  de  Chine,  quatre  autres  en  sèvres 
bleu  étoile  d'or,  un  sucrier.  Les  meubles,  tentures  et  rideaux  sont 
en  perse  fond  blanc  à  fleurs,  les  rideaux  sont  doublés  de  taS'etas 
vert;  un  corps  de  bibliothèque  de  bois  satiné  des  Indes,  à  balustre 
de  cuivre  doré,  un  autre  petit  corps  de  bibliothèque  dans  lequel 
se  trouvent  quarante-deux  volumes  dont  vingt-huit  sont  reliés  en 
maroquin.  Un  bureau  de  bois  de  placage  à  trente-deux  tiroirs  garnis 
de  cuivre  doré,  estimé  cent  livres. 

Deux  tableaux  au-dessus  des  portes;  un  fauteuil  de  bureau 
canné  et  à  bois  doré;  quatre  encoignures,  dont  deux  en  bois  satiné 
des  Indes  et  deux  en  acajou. 

Pièce  intermédiaire  et  appartement  à  la  suite,  cabinet,  n"'  1957 
à  1990;  1,657  livres. 

Dans  une  chambre  intermédiaire  et  l'appartement  à  la  suite  : 
un  trumeau  et  deux  autres  grandes  glaces,  dans  leurs  cadres  de 
bois  doré;  quatre  bras  de  cheminée  à  chacun  trois  branches  en 
bronze  doré. 

Les  tentures  et  rideaux  des  croisées  et  du  lit,  couvertures  des 
meubles  sont    en  perse  fond   blanc,  à  fleurs  de   couleur;  deux 


534      MOBILIEK    DliV    C 11  A  T  E  A  L    A    LA    FIN    DU    XVIII'    SIECLE. 

tableaux  en  dessus  de  portes,  dans  leurs  cadres  dorés.  Une  com- 
mode en  laque  de  Coromandel  à  deux  tiroirs,  garnis  de  cuivre 
doré,  dessus  de  marbre,  estimée  cent  livres.  Deux  lustres  de 
cuivre  doré,  garnis  de  cristaux.  Deux  cartes  des  dépendances  de 
Chanteloup  et  d'Amboisc  encadrées  de  bois  doré. 

L'ne  lanterne  en  or  et  argent  dans  sa  boîte  de  chagrin  vert, 
estimée  cinquante  livres. 

Une  autre  carte  des  environs  de  Chanteloup. 

Appartement  à  gauche  de  V antichambre ,  n°  1991  à  1998; 
414  livres. 

La  pièce  à  côté  est  tendue  de  toile  de  Jouy,  trumeau  de  glace 
surmonté  d'un  tableau;  un  lustre  cuivre  doré;  deux  bras  de  che- 
minée à  deux  branches  cuivre  doré.  Une  console  en  bois  doré.  Deux 
autres  tableaux  au-dessus  des  portes. 

Dans  la  pièce  suivante ,  n"  1999  à  2005;  270  livres. 

Un  trumeau  de  glace,  surmonté  d'un  tableau;  deux  bras  de 
cheminée  de  cuivre  doré  à  deux  branches  ;  une  commode  de  bois 
satiné. 

La  chambre  est  tendue  de  toile  de  Jouy. 

Dernier  appartement  sur  la  galerie  conduisant  à  la  chapelle, 
n«' 2006  à  2033  ;  815  livres. 

Le  dernier  appartement  sur  la  galerie  conduisant  à  la  chapelle 
est  tendu  en  loile  de  Jouy  Tond  blanc  à  fleurs.  Une  console  en  bois 
doré,  une  pendule  à  répétition,  garnie  en  écaille,  différents 
meubles  en  bois  satiné  et  acajou;  les  canapé,  fauteuils  et  chaises 
peints  en  gris,  recouverts  en  loile  de  Jouy. 

Un  lustre  en  cuivre  doré,  garni  de  cristaux;  deux  petits  tableaux 
au-dessus  des  portes,  estimés  six  livres;  deux  encoignures  de  bois 
satiné. 

Dernière  chambre  à  coucher  du  corridor  n°  7  : 

Une  commode  en  bois  à  placage  garnie  de  cuivre  doré. 

Et  l'inventaire  se  poursuit  ainsi,  relatant  dans  presque  tous  les 
appartements  des  meubles  de  bois  rares,  des  soieries  précieuses,  des 
velours  ou  des  toiles  de  Jouy,  dont  la  valeur  était,  à  cette  époque, 
presque  égale  à  celle  des  soies  et,  en  tout  cas,  aussi  à  la  mode. 

Alfred  Gabeau, 

Inspecteur  de  la  Société  archéologique  de 
Touraine,  pour  le  canton  d'Amboise. 


MOBILIEK    1)  LM    CHATEAL    A    LA    FIN    DU    XVIll'    SIÈCLE.      535 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

XoTA.  —  Les  numéros  omis  ne  présentaient  pas  un  intérêt  artistique  suffisant  et 
surchargeaient  inutilement  cet  inventaire. 

Extrait  oe  l'inventaire  du  mobilier  de  Chanteloup. 

Aiijourd'huy  vingt-neuf  pluviôse  l'an  second  de  la  République  Fran- 
çaise une  et  indivisible. 

Nous  Joseph-Louis  Guyot,  notaire  public,  demeurant  commune  de 
Xoizay,  et  Albert  Legrand  aussi  notaire  public  en  la  commune  de 
Nazelles,  commissaires  nommés  par  les  citoyens  administrateurs  du 
district  d'Amboise,  du  seize  de  ce  mois  pluviôse  à  l'effet  de  procéder  à 
l'inventaire  des  meubles,  effets,  titres  et  papiers  qui  appartenaient  à 
Louise-Marie-Adélaïde  Bourbon-Penlhièvre,  veuve  Philippe  d'Orléans,  et 
qui  sont  tant  au  château  actuellement  citadelle  d'Amboise  et  à  Chante- 
loup,  pour  cet  effet  nous  sommes  chargés  de  faire  la  reconnaissance  des 
scellés  apposés  par  le  commissaire  nommé  par  l'administration  du  dis- 
trict de  lever  lesdits  scellés,  et  de  requérir  les  citoyens  juges  de  paix  de  la 
commune  d'Amboise  et  de  Saint-Denis-Hors  pour  reconnoître  les  scellés 
par  eux  apposés  et  donner  main-levée  ainsi  que  des  objets  qui  sont  en 
évidence. 

Le  quinze  de  ventôse  de  l'an  second,  accompagnés  de  Loyau,  apprécia- 
teur, nous  commissaires  nous  sommes  transportés  en  la  maison  de  Chan- 
teloup, commune  d'Amboise  extra-muros  où  étant  s'y  sont  trouvés  les 
citoyens  Claude  Moisson,  officier  municipal,  Antoine  Robin,  agent  national 
de  ladite  commune  d'Amboise  extra-muros,  commissaires  de  ladite 
municipalité  nommés  par  délibération  de  ce  jour,  lesquels  cy  présents  ont 
consenti  de  nous  assister  au  dit  inventaire. 

S'est  égallement  trouvé  audit  lieu  de  Chanteloup  le  citoyen  Cormier, 
juge  de  paix  du  canton  d'Amboise  extra-muros,  auquel  nous  avons  exhibé 
notre  commission  et  requis  de  faire  la  reconnaissance  des  scellés  par  lui 
apposés  en  celte  maison  à  la  requête  de  feu  Philippe  d'Orléans  et  d'Eu, 
donner  main-levée  pour  être  par  nous  procédé  à  l'inventaire  de  ce  qui 
est  sous  lesdits  scellés  et  en  évidence,  après  que  nous  aurons  reconnu 
sains  et  entiers  les  scellés  apposés  par  le  commissaire  nommé  par  le 
district  ainsi  que  nous  y  sommes  autorizés  par  notre  commission,  et 
après  avoir  par  ledit  citoyen  juge  de  paix,  reconnu  et  donné  niaiii-levée 
de  différents  scellés  apposés  sur  les  portes  de  différents  appartements, 


536      MOBIMEU    I)  l)  i\    CHATEAU    A    LA    FIM    D  L'    XVIII'    SIÈCLE. 

nous  avons  procédé  audit  inventaire  en  présence  des  citoyens  Charles- 
Antoine  Havc,  .Tcan-Piorre  Sauvé  et  Claude  Guérin,  gardiens  et  déposi- 
taires desdils  srclli's  et  effets  en  évidence,  nous  avons  préalablement 
requis  ledit  citoyen  Havé  de  nous  représenter  les  effets  en  évidence  et 
laissés  à  sa  charge,  ce  qu'il  a  offert  de  faire  avec  exactitude;  ce  fait, 
nous  avons  inventorié  les  effets  qui  suivent  : 

Antichambre  (1468  à  li73). 

1470.  Deux  grandes  consoles  de  bois  peintes  en  gris  et  leurs 

tables  de  marbre  rouge,  estimées 18  liv. 

Vendues  00  liv.  à  Loyau  François,  fripier  à  Auiboise. 

1471.  Un  lustre  en  cuivre  doré,  estimé 15     » 

Enlevé  par  l'administration. 

Salle  à  manger  (1474  à  1483). 

1478.  Un  qiiinola  de  différents  bois  couvert  de  drap  vert, 

estimé 12     » 

Vendu  30  liv.  à  Hubert  Martin,  horloger. 
1482.  Deux  tableaux  en  dessus  de  porte  à  cadres  de  bois  doré. 

Enlevés  par  l'administration. 

Salle  de  billard  (1484  à  1494). 

1486.  Un  grand  tableau  h  cadre  doré  et  la  carte  d'Amboise 

et  ses  cadres,  estimés 10      >i 

Réservés  par  l'administration. 

1487.  Six  girandoles  montées  en  cuivre  doré  garnies  de  cristal, 

estimées 10     » 

Vendues  20  liv.  à  Sanche  l'aîné. 
1489.  Une  grande  table  à  jouer,  garnie  en    tric-trac   avec 
ses  cornets  de  maroquin,  dames  d'yvoire   et  days, 

estimée 15     >' 

Vendue  51  liv.  à  Sanche  l'aîné. 
1493.  Quatre  tableaux  en  imposte  représentant  des  paysages, 

avec  leurs  cadres  de  bois  doré,  estimés 20     » 

Enlevés  par  l'administration. 

5a/o/i  (1495à  1516). 

1495.  Un  grand  feu  à  deux  branches,   cinq  pommes  dont 

deux  dorées  et  accessoires,  estimés 60     » 


MOBILIER    D  UN    CIIATK.AU    A    LA    FIN    DU    XVIII     SIKCLE.      537 

Vendus  242  liv.  ;i  Loyau  François. 

Un  grand  contre  feu  en  polin,  ainsi  que  les  côtés  inté- 
rieurs. Los  montants,  devant  et  tablette  de  ladite 
cheminée  en  niarbr»?'  blanc  garnis  de  placards  et 
guirlandes  de  cuivre  doré. 

1496.  Au-dessus  de  la  cheminée,   un   trumeau  de  glace  en 

trois  pièces  de  dix  pieds  de  hauteur  sur  cinq  pieds 

trois  pouces  de  large,  avec  son  cadre  doré,  estimé.         300     » 

1497.  Un  autre  trumeau  semblable,  estimé 300     » 

1498.  Quatre  bras  de  cheminée  de  cuivre  doré,  estimés.    .    .  00     » 

1499.  Sept  écrans,  dont  six  petits  et  un  grand  en  bois  d'aca- 

jou, couverts  d'étoffe  verte,  estimés 18     « 

Vendus  79  liv.  19  sous,  en  deux  lots,  à  Bodin  et  Billard. 

1500.  Deux  grands  quinolas  quarrés  debois  d'acajou  couverts 

de  drap  vert,  estimés 30     n 

V^endus  81  liv.  en  deux  lots  à  Loyau  et  Berlin. 

1501.  Un  autre  quinola  rond  en  bois  d'acajou,   couvert  de 

drap  vert,  estimé 15     " 

Vendu  37  liv.  à  femme  Potha. 

1502.  Une  table  à  écrire   en   bois  d'acajou   et   autres   bois, 

garnie  de  deux  tiroirs,  estimée 20     » 

Vendue  60  liv.  à  femme  Loignon. 

1503.  Quatre  consoles  de  bois  doré  et  leurs  dessus  de  marbre 

blanc,  estimées.    .   .  , 20      » 

Enlevées  par  l'administration. 

1504.  Deux  bergères   et  leurs   coussins,  couvertes  de    satin 

broché  fond  blanc,  couleurs  rouge  et  bleue,  avec 

leurs  rondins,  estimées 40     » 

Vendues  151  liv.  à  Loyau  François. 

1505.  Une  bergère  garnie  de  son  coussin  et  rondin  et  douze 

chaises  avec  coussins  remplis  de  plume,  couvertes 

de  satin  fond  jaune,  fleurs  vertes,  estimées 100     » 

Vendues  525  liv.  à  Stival,  poélier  à  Tours. 

1506.  Six  fauteuils  bois  doré,  avec  leurs  coussins  remplis  de 

plume,  couverts  de  satin  broché,  estimés 60     » 

Vendus  200  liv.  à  Loyau  François. 

1507.  Douze  rideauxde  croisée  de  gros  de  Tours  vert,  estimés.         100     » 
Vendus  687  liv.  à  Stival,  Loyau  et  Billard. 

1508.  Un  canapé  et  quatre  fauteuils  couverts  de  tapisserie  des 

Gobelins,  massif  à  fleurs,  estimés 100     " 

Vendus  100  liv.  à  Loyau. 


538      MOBILIER    D  UN    CHATEAU    A    LA    FIN    DU    XVIH'    SIÈCLE. 

1509.  Un  porte-talons  et  son  coussin,  couvert  de  cannelé  à 

rayure  verte,  estimé 5 

Vendu  l(j  liv.  à  Norl)ert,  apothicaire  à  Amboise. 

1510.  Deux  baromèlies,  estimés,    t 15 

Enlevés  par  l'administration. 

151 1.  Deux  grands  paravents  à  cadre  de  bois  doré,  de  chacun 

six  feuilles,  couverts  de  damas  fond  vert,  estimés.   .  40 

Vendus  220  liv.  à  Loyau  François. 
1515.  Un  lustre,  les  montures  en  cuivre  doré  garni  de  cris- 
tal, estimé 40 

Le  dit  appartement  est  parqueté  et  boisé,  les  cadres  et 
boiseries,  portes  et  croisées  sont  dorés. 

Salon  intermédiaire  (1517  à  1529). 

1517.  Un  feu  à  deux  branches  et  cinq  pommes  avec  acces- 

soires, estimés 60 

Vendus  150  liv.  à  Loyau  François. 

1518.  Un  trumeau  de  cheminée  en  deux  pièces  de  sept  pieds 

et  demi  de   hauteur  sur  quatre  pieds  de  large,  son 

cadre  de  bois  doré  et  tableau,  estimé 150 

1519.  Un  autre  trumeau  vis-à-vis,  en  deux  pièces  de  pareille 

hauteur  et  largeur,  son  cadre  et  tableau,  estimé  .   .         150 

1520.  Quatre  bras  de  cheminée  en  cuivre  doré,  de  chacun 

trois  branches,  estimés 40 

1521.  Trois  fausses  croisées  de  huit  carreaux  de  glace  par 

chaque  croisée  en  bois  doré,  estimées 300 

1522.  Un  canapé,    montants   de   bois  doré,    son  matelas  et 

dessus  remplis  de  crin,  deux  oreillers  de  duvet,  le 
tout  couvert  de   satin  broché,  fond  bleu,  fleurs   et 

rayures,    estimé 30 

Vendus  80  liv.  à  Loyau  François. 

1523.  Quatre  fauteuils  à  châssis  de  bois  doré,  garnis  de  crin, 

couverts  de  péquin,  estimés 40 

Vendus  100  liv.  à  Angellier. 

1527.  Six  bas  de  buffets,  servant  de  bibliothèque,  en  bois 

d'acajou,    garnis   de   treillis  et  rideaux  en  gros  de 

Tours  vert,  estimés 50 

Vendus  210  liv.   un  bas  à  Stibal  et  les  cinq  autres  à 
Loyau  pour  27.1  liv. 

1528.  Six  rideaux  de  croisée  en  gros  de  Tours  vert,  estimés   .  80 


MOBILIER    D  UN    CHATEAU    A    LA    FIX    DU    XVIIT   SIECLE.      r.;i9 

Vendus  2,595  liv.  en  Irois  lots. 

1529.  Un  lustre  ;\  six  branches  en  cuivre  doré,  garni  de  cris- 

taux, estimé 30     » 

Vendu  106  liv.  à  Loyau  François. 

L'intérieur  de  la  clieminée  est  garni  d'une  plaque  de 

fonte,  ainsi  que  les  côtés  ;  les  montants,  devants  et 

tablette  en  marbre.  L'appartement  est  parqueté,  boisé 

et  doré,  ainsi  que  les  portes  et  croisées. 

1530.  Une   glace  de   48  pouces  de  haut  sur   20  pouces  de 

large,   estimée  . 20     » 

1531.  Une  autre  de  même  hauteur  et  largeur  fermant  l'en- 

trée d'un  petit  escalier,  estimée 20     » 

1532.  1533.  Deux  autres  semblables,  estimées 40     » 

1534.  Une  autre  au-dessus  du  secrétaire,   de  48  pouces  de 

hauteur  sur  42  pouces  de  large,  estimée 80     » 

1535.  Une  autre  semblable,  vis-à-vis,  estimée 80     » 

1536.  Une  bergère  et  4  fauteuils,  avec  leurs  coussins  couverts 

de  lampas   de   la  Chine,  rideaux,  stores  et  quatre 
autres  grands  coussins,    couverts  de   même  étoffe, 

estimés 100     i 

Vendus  407  liv.  en  3  lots  à  Slibaj,  Loyau  et  Doré. 

1537.  La  boisuredu  dit  cabinet  en  bois  de  rose  et  acajou;  un 

secrétaire  de  même  bois,  dessus  de  marbre  blanc, 

estimés  ensemble 100     '> 

Laboisurea  été  réservée  par  l'administration  et  le  sur- 
plus vendu  199  liv.  19  s.  à  Bodin. 

1538.  Dans   les   deux   croisées,   huit  carreaux   de  glace  de 

13  pouces  de  largeur  sur  18  de  hauteur,  estimés  .   .  50     « 

Réservés  par  l'administration. 

1540.  Huit  rideaux  de  taffetas  vert,  estimés 20     » 

1550,  1551,  1552.  Trois  trumeaux  de  glace  de  deux  pièces  de 
9  pieds  de  hauteur  sur  quatre  de  large  dans  leurs 
cadres  de  bois  doré,  estimés  ensemble 800     » 

1553.  Quatre  rideaux  de  croisée  en  gros  de  Tours  vert, estimés.  00     » 
Vendus  166  liv.  à  Stival  et  Polira. 

1554.  Une  commode  en  bois  des  Indes  satiné  à  cinq  tii'oirs  et 

son  dessus  de  marbre  estimée 60     " 

Vendue  191  liv.  à  Loyau. 
1556.  Un  canapé  à  deux  dossiers  couvert  de  bazin  des  Indes 
brodé,  lit  de  plume,  matelas,  deux  oreillers,  l'un 
couvert  de  gros  de  Tours,  estimés 40     » 


540      MOBILIER    DU!V    CHATEAU    A    LA    FIN    DU    XIIIT    SIECLE. 

Vendus  195  liv.  à  Sanche  l'aîné. 
1557.  Quatre  bras  de  cheminée,  cuivre  doré  à  trois  branches, 

estimés 40 

Réservés  par  l'administration. 
1559.  Une  couchette  à  bois  doré,  sommier,  deux  matelas, 
une  couette  et  un  traversin  de  duvet  de  cygne  en- 
souillés  de  taffetas  blanc,  la  housse  en  gros  de 
Tours  vert,  la  courtepointe,  pentes  et  tentures,  l'im- 
périale en  bois  doré.  Six  fauteuils  à  châssis,  bois  doré 

et  une  chaise  prie-Dieu,  estimé 1,000 

Réservés  par  l'administration. 
1562.  Un  écran   avec   sa  tablette,   garnie   de   ses  tiroirs   et 
encriors,  de  bois  des  Indes,  couvert  de  gros  de  Tours. 
Un  autre  écran  garni  de  gros  de  Tours  vert,  estimés.  10 

Vendus  50  liv.  à  Stival. 
1565.  Un  lustre  en  cuivre  doré,  orné  de  cristaux,  estimé  .   .  30 

L'intérieur  de  la  cheminée  garni  en  fonte,  les  mon- 
tants, devant  et  tablette  de  marbre  noir,  garnis  de 
cuivre  doré. 

Galerie  de  l'appartement  des  bains  (1601  à  1615). 

1602.  Un  trumeau  avec  son  cadre  de  bois  doré,  estimé   .    .    .         250 
Réservé  par  l'administration. 

1603.  Un    autre    trumeau    vis-à-vis    de    pareille    grandeur, 

estimé 250 

1604.  Deux  bras  de  cheminée  à  trois  branches  en  cuivre  doré, 

estimés. 30 

Vendus  80  liv.  à  femme  Fleury. 

1605.  Un  thermomètre  à  cadre  de  bois  doré,  estimé 60 

Vendu  15  liv.  à  Boisse. 

1610.  Un  lustre  en  cuivre  doré,  garni  de  cristaux,  son  cordon 

de  soie  et  or,  estimé 30 

Vendu  101  liv.  à  Renard. 

1613.  Cinq  tableaux  à  cadre  de  bois  doré,  estimés 50 

Enlevés  par  l'administration. 

1614.  Quatre  dessus  de  porte  ,et  tableaux  représentant  les 

vues  de  Rome  et  leurs  cadres  de  bois  doré,  estimés.   .  20 

Enlevés  par  l'administration. 
L'intérieur  de   la  cheminée  en    fonte,    les    montants 

devant,  tablette  et  cotés  en  marbre. 


MOBILIER    nuv    CHATEAU    A    LA    FIX    DU    XVIIl"   SIÈCLE.      541 

La  cliambre  ost  parquetée  et  boisée  avec  dorure,  ainsi 
([ue  les  coriljevents  des  croisées  et  les  ierriires. 

Galerie. 

l()l(î.  In  feu  à  deux  branches,  deux  pommes  de  fer,  trois 
pommes  de  cuivre  doré  en  or  moulu,  pelles,  pin- 
celtes   et   tenailles    avec    leurs    boutons    en    cuivre 

doré,  etc.,   estimés 80     » 

Emportés  par  l'administration. 
1()17.  Un  trumeau  au-dessus  de  la  cheminée  de  huit  pieds  de 

hauteur  sur  cinq  de  large,  avec  son  cadredoré,  estimé.         300     r 
Réservé  par  l'administration. 
1G18.  Trois  girandoles  de  cuivre  doré  en  or  moulu,  garnies 

de  cristaux,  estimées 20     » 

Réservées  par  l'administration. 
1G19.  Quatre  canapés  garnis  en  crin,  chacun  leur  carreau 
aussi  rempli  de  crin,  chacun  deux  oreillers  remplis 
de  duvet,  six  fa  iteuils  garnis  de  crin,  le  tout  en  bois 
doré  en  or  moulu,  couvert  de  damas  vert  à  fleu- 
roni  et  garni  de  galons  d'or  fin,  leurs  couvertures 
en  toile  gi'ise,  quatre  glands  à  chaque  oreiller  en 
soie  et  or  fin,  un  écran  h  cadre  da  bois  doré  en  or 
moulu  et  sa  couverture  de  damas  vert  à  fleurs  pareil 
aux  canapés   et   fauteuils  et  aussi   galonné  en  or, 

estimés 1,200     j 

Réservés  par  l'administration. 
1620.  Trois  grandes  bergères  peintes  en  blanc,   garnies  en 
crin  et  chacune  leur  coussin  rempli  de  duvet,  cou- 
vertes de  satin  broché,  fond  cramoisi,  fleurs  vertes 

et  blanches,  estimées 100     > 

Vendues  420  liv.  à  Poitevin,  Joubert  et  femme  Fleury. 

162L  Deux  grandes  bergères,  les  montures  peintes  en  ^gris, 

garnies  de  crin  et  chacune  leur  coussin  rempli  de 

plume  d'oie,  couvertes  de  damas  vert,  estimées.   .   .  60     : 

Vendues  215  liv.  û  Benoit  et  Fleury. 

1622.  Huit  fauteuils  à  cadre  de  bois  peiut  en  gris,  garnis  de 

crin  et  chacun  lear  coussin  rempli  de  plume  d'oie, 

couverls  de. damas  vert  à  fleurs,  bordés  d'une  tresse 

d'or,  estimés  .., 150 

Vendus  550  liv.  à  Loyau. 


542      MOBILIEK    DL'iV    CHATEAU    A    LA    FI\    DU    XVIIP   SIECLE 

1023.  l.'ne  tenture  des  GoI)elins  en  quatre  pic-ces,   représen- 
tant riiistoire  de  Don  Quichotte,  estimée 500 

Enlevée  par  l'administration. 
1(324.  Une  glace  de  9()  pouces  de  hauteur  sur  00  de  large, 

avec  son  cadre  doré,  estimée 500 

Réservée  par  l'administration. 
1()25.  Trois  girandoles  de   cuivre  doré  avec  leurs  cristaux, 

estimées 15 

Réservées  par  l'administration. 

1627.  Douze  rideaux  de  croisée  en  gros  de  Tours  vert,  les 

douze  rideaux  bordés  chacun  d'une  crête  d'or  et  soie 
verte,  chaque  rideau  ayant  son  cordon  et  glands  de 
soie  verte  et  or,  estimés 400 

1628.  Cinq  cadres  en  bois  doré,  garnis  de  tapisserie  de  taf- 

fetas vert,  estimés 30 

Vendus  260  liv.  à  Gourlin-Gaudron. 

1629.  Trois  lustres  en  cuivre  doré,  garnis  de  leurs  cristaux, 

cordons  et  glands  de  soie  verte  et  or,  estimés.   .   .   .         100 
Réservés  par  l'administration. 

1630.  Deux  glaces  de  porte  d'entrée,  formant  quatre  pièces, 

faisant  vis-à-vis  à  la  dernière  glace  ci-dessus,  les 

glaces  seulement,  estimées 100 

Réservées  par  l'administration. 

La  cheminée  de  la  dite  galerie  est  en  marbre,  la  garni- 

niture  intérieure  est  en  fonte. 
La  dite  galerie  est  parquetée  et  boisée,  la  boisure  est 

dorée  et  relevée  en  bosse. 

Appartement  n"  2. 

1634.  Deux  tableaux  à  cadre  de  bois  doré,  l'nn  représentant 
unevued'Amboise  et  l'autre  une  vue  de  Chanteloup, 

estimés 15 

Enlevés  par  l'administration. 

1640.  Un  trumeau  en  deux  pièces  de   six  pieds  et  demi  de 

haut  sur  trois  pieds  et  demi  de  large,  avec  cadre  bois 

doré,  estimé 60 

Réservé  par  l'administration. 

1641.  Deux  tableaux  à  cadre  doré,  estimés 10 

Enlevés  par  l'administration-.  .   •    •       -       ■ 

1643.  Cinq  fauteuils  de  bois  peint  en  gris,  avec  leurs  cous- 


MOBILIER    D  U\    CHATEAU    A    LA    FI  M    DU    XVI  II"    SIECLE.      543 

siiis  pleins  de  pliiriic,  coiuorts  trois  en  étoile  can- 
nelée et  deux  en  tapisserie  au  petit  point  de  diffé- 
rentes couleurs,  estimés 50      >; 

Vendu  150  liv.  à  Benoît. 
1644.  Quatre  rideaux  de  croisée  en  gros  de  Tours  vert,  estimés.  50     » 

Vendus  150  liv.  à  la  femme  Potlia. 
1G45.  Une  console  de  bois  doié  et  son  dessus  de  marbre, 

estimée 5     » 

1646.  Une  tenture  de  damas  vert  à  fleurs  en  six  morceaux, 

estimée 20     » 

Vendue  60  liv.  h  femme  Fleury. 

Appartement  suivant. 

1674.  Un  feu  à  deux  branches,  deux  pommes  de  fer,  trois 
pommes  de  cuivre  .doré,  dont  une  à  personnage, 
pelle,    pincettes,   tenaille    avec  boutons    de   cuivre 

doré,  etc.,  estimés 80     » 

Réservés  par  l'administration. 
1683.  Un  corps  de  bibliothèque  en  bois  des  Indes  satiné  avec 

balustre  en  cuivre  doré,  estimé 40     » 

Vendu  500  liv.  à  Piilerault. 

1686.  Un  globe  et  une  sphère  sur  leurs  montants  en  bois  doré, 

estimés 10     " 

Emportés  par  l'administration. 

1687.  Cinq  tableaux  à  cadre  de  bois  doré,  estimés   .....         100     » 
Emportés  par  l'administration. 

1711.  Un  grand  tableau  à  cadre  de  bois  doré,  estimé  .   •   .   •  5     » 

Enlevé  par  l'administration. 

1721  Un  tableau  à  cadre  de  bois  doré,  estimé. 1     » 

Emporté  par  l'administration. 
1748.  Une  glace  de  six  pieds  de  hauteur  en  deux  pièces,  sur 
trente-six  pouces  de  large,  son   cadre  en  bois  doré 

et  tableau,  estimée.    . 80     » 

Réservée  par  l'administration. 
1750.  Une  grande  console  de  bois  des  Indes  à  balustre  en 

cuivre  doré  et  table  en  marbre  blanc,  estimée.  ...  30     » 

Vendue  282  liv.  â  Bodin. 
1801.  Deux  petits  bras  de  cheminée  à  deux  branches  de  cuivre 
doré  garnies  de  fleurs  d'émail  peint  de  différentes 
couleurs,  estimés. ........... ..  »  «ri*  o     " 


544      MOBILIER    DIX    CHATEAL    A    l.A    FI\    DU    XVIIl"   SIECLE. 

Vendus  43  liv.  àForest. 
1806.  Un  tableau  à  cadre  bois  doré,  estimé 3 

Vendu  74  liv.  à  Molard. 
1919.  Deux  petits  cerfs  de  bronze  sur  leurs  pieds  de  cuivre 

doré,   estimés 5 

Réservés  par  Tadminislration. 

1921.  Une  carte  du  département  et  environs,  cadre  et  rou- 

leau en  bois  doré,  estimée 1 

Réservée  par  l'administration. 

1922.  Un  bureau  de  bois  à  placage  garni  de  cuivre  doré, 

garni  de  trente-deux  liroirs,  estimé 100 

Enlevé  par  l'administration. 
1925.  Un  corps  de  bibliothèque  en  bois  satiné  des  Indes,  ba- 

lustre  et  garniture  de  cuivre  doré,  estimé 30 

1928.  Deux  tableaux  au-dessus  des  portes,  à  cadres  de  bois 

doré,  estimés. , 10 

Enlevés  par  l'administration. 
1973.  Deux  tableaux  au-dessus  des  portes,  à  cadres  de  bois 

doré,   estimés o 5 

Enlevés  par  l'administration. 
1975.  Une  commode  jJe  Coromandel  à  deux  tiroirs,  garnie 

de  cuivre  doré,  estimée 100 

Enlevée  par  l'administration  (est  actuellement  à  la  pré- 
fecture de  Tours). 
1977,  Une  lanterne  en  or  et  argent,  dans  une  boite  en  cha- 
grin vert,  laquelle  lanterne,  nous  commissaires  avons 
prise  pour  la  déposer  au  district d'Amboise,  estimée.  50 

1980.  Deux  cartes  :  une  des  dépendances  de  Chanteloup,  l'au- 

tre de  la  ville  d'Amboise,  avec  leurs  cadres  en  bois 

doré,  estimées 10 

Enlevées  par  l'administration. 

1981.  Deux  lustres,  un  de  l'appartement  précédent  et  l'autre 

du  présent  appartement,  tous  deux  en  cuivre  doré, 

garnis  de  cristaux,  estimés 40 

Réservés  par  l'administration. 
1988.  Une  carte  des  environs  de  Chanteloup  et  un  cadran 

avec  leurs  cadres  en  bois  doré,  estimés.   .,...,  3 

Enlevés  par  l'administration. 
1992.  Un  trumeau  de  deux  pièces  de  4  pieds  de  hauteur  sur 
36  pouces   de  large,   avec    sa  boisure  et  tableau, 
estimé  . 40 


MOBIl.lEU    I)L'\    CHATK.Al'    A    L  A    FI\    DU    W  llV   SIECLE.      545 

IlôsL'rvc  |Vir  radministfation, 
199G  L'ne  console  de  bois  don',  son  dessus  de  marbre,  eslimée.  20     n 

Vendue  50  liv.  à  foniiiie  Loignon. 
199S.  Deux  tableaux  au-dossus  des  portes,  à  cadres  de  bois 

doré,  estimés 5     n 

Enlevés  par  l'administration. 

2000.  Un  trumeau  de  vingt-huit  pouces  de  haut,  sur  trente- 

quatre  pouces  de  long,  sa  boisure  et  son  tableau, 

estimé 15     » 

Le   tableau   enlevé   par   l'administration,   le   trumeau 
vendu  à  Benoit  171  liv.  avec  le  n"  suivant  (2001). 

2001.  Deuv  bras  de  cheminée  en  cuivre  doré  à  chacun  deux 

branches,  estimés 10     " 

2004.  Une  table  en  tric-lrac,  garnie  de  ses  dames,  cornets  et 

bobèches  de  cuivre  argenté,  garnie  d'un  tapis  vert, 

estimée •••  15     » 

Vendue  169  liv.  à  Benoît. 
2021.  Deux  petits  tableaux  au-dessus  des   portes,  à  cadres 

de  bois  doré,  estimés 0     » 

2091   Trois  petits  tableaux  au-dessus  des  portes,  estimés  .  ,  10     » 

Vendus  120  liv.  à  Benoit. 
2252.  Deux  tableaux  au-dessus  des  portes,  représentant  des 

paysages,  à  cadres  de  bois  doré,  estimés.   .....  5      » 

Enlevés  par  l'administration. 
2263.  Un  grand  tableau  et  son  cadre  de  bois  doré,  estimé  •  •  3     » 

Enlevé  par  l'administration. 
2265.  Une  tenture  de  papier  velouté  bleu  et  blanc  sur  toile  et 

deux  tableaux  champêtres  au-dessus  des  portes,  avec. 

leurs  cadres,  estimés 5     » 

Tableaux  enlevés  par  l'administration,  tenture  vendue 

30  liv.  à  Doisteau. 
2312.  Deux  tableaux  à  cadre  de  bois  doré  représentant  des 

paysages,  estimés 3     » 

Chapelle. 

liv.     s. 

2801.  Deux  vases  de  marbre  sur  leurs  pieds  de  pierre  de 

lierre,  estimés 1      10 

2802.  Deux  canapés  et  leurs  coussins  remplis  de  crin, 

six  banquettes  aussi  remplies  de  crin,  deux  cous- 
sins de  genouïl,  remplis  de  plume,  huit  coussins 


546      MOBILIER    DU\    CHATEAU    A    LA    FIX    DU    X  V 1 1 1'    SIÈCLE 

de  coude,  trois  couvertures  d'appui^  le  loiit  cou- 
vert de   velours  d'Utrechl,  fond  et  fleurs  vertes, 

estimés 100 

Les  banquettes  enlevées  par  radministralion. 

2803.  Quatre  chaises  k  prie-Dieu  garnies  de  crin,  cou- 

vertes d'indienne  à  Heurs,  estimées 8 

2804.  Huit  tableaux  avec   leurs   cadres   de    bois    doré, 

estimés 15 

Enlevés  par  l'administration. 

2805.  Deux  consoles  eu  bois  doré  et  leurs  dessus  de  mar- 

bre, estimées 10 

280G.  Deux  grands  chandeliers,  une  croix  de  cuivre 
arfjenté  et  deux  petits  bras  de  cuivre  doré, 
estimés 25 

2807.  Deux  cierges  de  fer  blanc  couverts  de  cire,  estimés.  3 

2808.  La   couverture   de  l'autel   de   velours    d'Utrecht  à 

mouches  rouges  et  la  nappe  de  toile,  estimées  .  5 

2809.  L'autel,  marchepied  et  gradins,  estimés 5 

2810.  Dans   la  sacristie  :    un  trumeau  de   vingt-quatre 

pouces  de  large  sur  trente-quatre  pouces  de  hau- 
teur et  son  cadre  en  bois  peint  en  gris,  estimés.  10 

2811.  Deux    petits   rideaux  de   porte  vitrée  en  gros   de 

Tours  vert,  estimés 3 

2812.  Un  calice,   sa  patène^   une  paire  de  burettes,  un 

bassin  et  une  sonnette,  le  tout  d'argent  pesant 
ensemble  si^  marcs,  estimé  à  raison  de  cin- 
quante-deux livres  le  marc  revenant  à  trois  cent 
six  livres 306 

2813.  Une  chasuble,  une   étole,  un  manipule,  un  voile, 

une  bourse  à  corporal,  le  tout  de  gros  de  Afaples 
à  fleur  fond  blanc  garni  de  crêtes  et  franges  d'or 

fin,  estimés iO 

Lesquels  argenterie  et  ornements  des  deux  derniers 
articles,  nous  commissaires,  avons  sur-le-champ 
fait  porter  au  district. 

2814.  Une  autre  chasuble,  une   étole,   un  manipule,  un 

voile  et  une  étole  fond  argent  garnie  de  galons  et 

de  franges  d'or  iin,  estimés 10 

Egalement,  nous  avons  fait  porter  les  effets  du 
dernier  article  à  l'administration  du  district. 

2815.  Trois  chasubles,  une  de  damas  violet,  une  de  dif- 


MOBll.Ii;  I!     1)   l  \    CHATEAU    A    I.  V    Kl\     DU    Wlll     SlECI.i:.       517 

lérenles  étoffes  de  soie  et  l'aiilie  de  velours  noir 
avec  leurs  éloles,  voiles,  niunipules  et  bourses, 

estimées 15       « 

2817.  Siv  volumes  de  livres  estimés l        » 

La  tribune  particulière  en  bois,  porte  d'entrée,  deux 
«places,  un  lapis  de  pieds  en  mo(|uette  à  fleurs 
rouges,  deux  chaises  garnies  de  crin,  la  tenture 
et  le  plafond  en  velours  d'ilrcchl,  fond  blanc  et 
petites  fleurs  bleues,  estimés.    . M)       ;> 

iVoTA.  —  A  partir  du  ii''  280V  les  numéros  sont  renouveli'S  jusqu'à  2819. 

Dans  les  appartements. 

2803.  Une  commode  de  Coromandel  à  deuxlirois  fermant 

à  clef  et  son  dessus  de  marbre  estimé 50        " 

2930.  Dans  une  armoire.  Douze  tableaux  à  cadre  de  bois 

doré,   estimés.    .    .' 12        » 

Enlevés  par  l'administration. 

2918.  Quatre  bras  de  cheminée  de  cuivre  peints  de  diffé- 
rentes couleurs  et  leurs  bobèches  en  cuivre  doré.  3       « 

2949.  Deux  autres   bras  de  cheminée  montés   sur  bois, 

fleurs  en  émail  de  différentes  couleurs 10       ^ 

2959.  Lue  housse,  rideaux  d'alcôve  et  pentes  de  satin  et 
taffetas  cramoisi,  le  tout  galonné  et  bordé  de 
franges  d'or,  et  composé  de  vingt  morceaux, 
compris  deux  souilles  d'oreiller  et  les  deux 
mains  galonnées  de  même  que  la  housse  et  les 
rideaux  d'alcôve,  estimés 200       » 

2963.  Quatre  banquettes  de  différentes  grandeurs,  cou- 
vertes de  mo(|uelte  fond  blanc  moucheté  vert  et 

rouge,  estimées 35       » 

Enlevées  par  l'administration. 

3970.  L'n  secrétaire  de  bois  satiné,  son  dessus  de  marbre 

blanc,  estimé 40       » 

Enlevé  par  l'administration. 

2973.  Trois   grands   tapis   de  pieds  en    tapisserie  de   la 

Savonnerie,   estimés 30       jj 

Enlevés  par  l'administration. 

2974.  Deux  banquettes  remplies  de  crin,  couvertes  de  mo- 

quette fond  blanc,  fleurs  rouges  et  vertes, estimées.  20       » 


648      MOIUI.IEH    DIX    CHATEAU    A    LA    FI.V    DU    Xllll'    SIÈCLE. 

Enlevées  par  l'adminislration. 

2981.  Deux  grandes  chaises  à  châssis  remphes  de  crin, 

couvertes  de  damas  cramoisi,  estimées JO       » 

3009.  Une  tenture  de  toile  peinte  fond  blanc  fleurs  bleues, 

estimée 0       » 

3028.  Une  élévation  d'une  porte  et  la  citadelle  d'Amboise 

en  carton,  estimée 3        » 

Enlevée  par  l'administration. 

3044.  Cinq  grands  tableaux  à  cadres  de  bois  doré,  estimés,  30        » 

Enlevés  par  l'administration. 

3051.  Quatre  grands  coussins  de  canapé  et  dix-neuf  car- 
reaux remplis  de  crin,  couverts  de  tapisserie, 
estimés 30       » 

3070.  Six   panneaux    de   toile   peinte  en   camaïeu   bleu, 

estimés 3       » 

Pavillon  des  bains. 

3747.  Deux  bras  de  cheminée  de   cuivre  peint  et  ileurs 

d'émail,  estimés 8       » 

Vendus  21  liv.  à  Doisteau. 
3970.  Un  tableau  à  cadre  de  bois  doré,  représentant   une 

femme,  estimé 5       » 

4087.  Cent  cinquanle-cinq  flambeaux  de  cuivre,  godronnés 

ou  dorés,   estimés 465        » 

Enlevés  par  l'administration. 
4089.  Six  flambeaux  de  bureau  à  trois  branches,  cuivre 

doré,  estimés 12        » 

Enlevés  par  l'administration. 
4102.  Deux  grands  tableaux  à  cadre  de  bois  doré,  estimés.  5       » 

Enlevés  par  l'administration. 
4117.  Un  tableau  à  cadre  de  bois  peint  en  gris,  estimé.   .  1      10 

Enlevé  par  l'administration. 
4146.  Sur  le  tapis  vert  au  midi  du  principal  bâtiment  de 
Chanteloup  et  près  la  Pagode,  quatre  vases  et 

leurs  dés  en  marbre  blanc,  estimés 20       » 

Enlevés  par  l'administration  (aujourd'hui  à  l'en- 
trée du  pont  de  Tours). 
4214.  Est  le  dernier  article  de  l'inventaire  des  meubles 
du  château  de  Chanteloup  qui  se  termine  par  la 
description  des  litres  et  papiers  groupés  par  liasses, 


Mdlîll.n;  It    l>  l  \    CHATEAU    A    LA    Fl\    DU    XVIII'    SIÈCI.K.      5i!> 

ail  nombre  lie  150  pour  Clianteloiip  et  ses  dépen- 
dances, la  nourdaisiî're,  etc.,  et  33  pour  Montri- 
chard.  «  Qui  sont  tous  les  litres  et  papiers  que 
u  nous  avons  trouvés  dans  les  dites  arcliives  sus- 
«  cepfihlcs  d'être  inventoriés,  nous  réservant 
«  néanmoins  de  faire  un  nouvel  examen  de  ceux 
«  que  nous  avons  mis  au  rebut  et  destinés  iï  être 
«  brûlés,  (laicul  fait  du  montant  des  meubles  et 
«  effets  compris  au  présent  inventaire,  il  s'est 
Cl  trouvé  être  de  cent  dix  mille  neuf  cent  trente 

.(  cinq  livres  n 110,935       » 

Fait  et  arrêté  le  présent  inventaire  le  jour  et  an  que  dessus  (2  thermidor 
an  second),  avons  laissé  lesdits  titres  et  papiers  à  la  charge  et  garde 
desdits  gardiens  (|ui  s'en  sont  chargés  pour  les  représenter  lorsqu'ils  en 
seront  requis  et  ont  signé  avec  nous  après  lecture  faite. 

Signé  en  fin  :  Moissox,  Romx,  Giiot  et  Legrand, 
commissaires. 

Enregistré  à  Amboise  le  21  thermidor  l'an  deux  de  la  République 
française  une  et  indivisible. 

Reçu  cinq  cent  quarante-cinq  livres  dix  sols. 

Signé  :  Le  Ferme. 


INTITULE    DE   LA    IE\^TE 

u  Aujourd'hui,  li  fructidor,  an  second  de  la  République  française  une 
et  indivisible,  nous  Joseph-Louis  Guyot,  notaire  à  Xoizay,  commissaire 
nommé  par  l'aduiinistration  du  district  d'Amboise,  en  date  du  douze  de 
ce  fructidor  à  l'effet  de  procéder  à  la  vente  des  meubles  et  objets  qui 
sont  en  la  maison  deChanteloup,  conjointement  avec  le  citoyen  Le  Grand, 
et  compris  en  l'inventaire  fait  devant  moi  commissaire  susdit,  en  son 
commencement  du  29  pluviôse  dernier  ;  pourquoi  nous  sommes  transportés 
en  ladite  maison  de  Chantoloup,  située  commune  d'Amboise  extra-muros, 
où,  étant  à  l'heure  de  dix  du  matin,  en  présence  du  citoyen  Jean  Des- 
places, administrateur  du  district,  et  du  citoyen  Antoine  Robin,  agent 
national,  François  Alerville...,  commissaires  nommés  par  la  municipa- 
lité d'Amboise  extra-muros. 

Et  pour  faire  la  prisée  des  dits  meubles  et  effets,  nous  avons  nommé 
la  personne  du  citoyen  Autrive,  concierge  du  district  d'Amboise. 


550  LES    TAPISSERIES    DE    MO\TI'EZAT. 

Ce  fait,  nous  avons  procédé  à  ladite  vente  ainsi  qu'il  suit  : 
Premièrement,  etc.  » 
(Suit  la  vente.) 

(A  la  On  de  la  première  partie  de  la  vente.) 

"  Et  attendu  l'Iieurode  quatre  survenue,  nous  nous  sommes  retirés,  et, 
attendu  que  la  dite  vente  doit  être  continuée  par  le  citoyen  Legrand,  com- 
missaire nommé,  nous  avons  annoncé  que  la  dite  vente  serait  continuée  au 
lendemain  de  la  décadt*  prochaine;  néanmoins,  nous  avons  arrêté  le  pré- 
sent procès-verbal  à  l'elfet  de  nous  rendre  compte  de  la  dite  vente  faite 
jusqu'à  ce  jour,  calcul  fait  de  la  présente  vente,  elle  s'est  montée  à  la  somme 
de  cent  cinquante-deux  mille  cinq  cent  trente-trois  livres  dix-liuil  sols. 

Enregistré  à  Amboise  le  17  frimaire  de  l'an  trois  de  la  République 
française  une  et  indivisible;  reçu  1,256  livres. 

Signé  :  Leferme. 

N!oT/i.  —  (Cette  première  partie  de  la  vente  a  duré  dix-neuf  jours  et  a  néces- 
sité trente-huit  séances.  La  deuxième  partie  de  la  vente  est  perdue,  ou  tout  au 
moins  égarée.)  A.  E. 


XXXV 

LES  TAPISSERIES  DE  MONTPEZAT 

ET  LA  RELIQUE  APPELÉE 
LES  BONETS  DE  SAINT  MARTIN  DE  TOURS 

La  cathédrale  de  Tours  possédait  au  seizième  siècle,  et  sans  doute 
depuis  longtemps,  une  relique  desainlMartinqui  n'est  mentionnée, 
à  ma  connaissance,  dans  aucun  document  antérieur  à  celte  époque. 
D'après  le  procès-verbal  du  pillage  du  trésor  de  celte  église  parles 
protestants  en  ]5G2,donl  j'ai  publié  un  extrait  en  1870',  elle  consis- 
tait en  des  fragments  de  tafJ'etas  conservés  dans  deux  tubes  d'argent, 
et  était  appelée  par  les  chanoines,  les  Bonets  de  saint  Martin  '^. 

'  Documents  inédits  pour  servir  à  l'histoire  des  Arts  en  Touraine,  p.  333. 
In-8°.  Paris,  DumouUn,  1870. 

^  Voir,  ci-coiitre,  planche  XWVII. 


rianclie  XXXVII.  Pa_.je  550. 

LE    MIRACLE     DIT     DES     «  BOÎVETS  "     DE     SAIMT    AIAUTI.M 

T  A  1'  I  S  S  li  li  I  K      1)  I  ;     M  0  \T  P  li  Z  1  T 


LES    TAPISSERIES    DE    MOXTl'EZAT.  551 

D('  savants  ecclésiastiques,  très  versés  dans  riiistoirc  du  diocèse, 
interrogés  par  moi,  au  sujet  de  cette  relique  et  du  nom  assez 
singulier  sous  lequel  elle  était  désignée  dans  mon  texte',  ne 
purent  donner  aucune  explication.  L'appellation  même  de  Bonets 
de  saint  Martin  leur  était  inconnue.  Comme  la  relique  a  été  détruite 
par  les  protestants,  en  1562,  il  n'en  est  plus  question  après  cette 
date.  Il  y  avait  donc  là  un  petit  problème  intéressant,  dont  la  solu- 
tion ne  pouvait  venir  que  d'une  heureuse  rencontre. 

M.  l'ahbé  Bas,  curé  de  Mettray  près  Tours,  qui  vient  de  publier 
une  nouvelle  vie  du  grand  thaumaturge  des  Gaules,  très  documentée 
au  point  de  vue  artistique,  ayant  eu  la  pensée  de  faire  photogra- 
phier de  curieuses  tapisseries  conservées  dans  l'église  de  Montpezat 
près  Montauban,  et  représentant  diverses  scènes  de  la  vie  du  saint, 
voulut  bien  m'en  communiquer  les  épreuves.  Ces  tapisseries,  qui 
mesurent  l^.Side  hauteur  sur  23™, 90  de  longueur,  sont  divisées, 
dans  ce  dernier  sens,  en  cin(|  pièces,  contenant  chacune  trois 
tableaux,  séparés  par  des  colonnes  de  formes  antiques.  Au-dessus 
de  chaque  tableau,  une  inscription  en  vers  français  octosyllabiques, 
tracée  en  caractères  gothiques  blancs,  sur  un  fond  rouge,  explique 
le  sujet.  Or  l'avant-dernier  tableau,  le  quatorzième,  nous  montre  à 
gauche,  saint  Martin  sortant  de  la  sacristie  suivi  d'un  clerc  et  don- 
nant sa  tunique  à  un  pauvre  presque  nu;  dans  la  partie  principale, 
l'évêque  de  Tours,  en  habits  pontificaux,  célèbre  la  messe.  Au 
moment  où  il  élève  les  mains  et  montre  ses  avant-bras  nus,  deux 
anges  descendent  du  ciel,  lui  apportant  des  brassards,  ou  bas  de 
manches,  richement  décorés,  en  même  temps  un  globe  de  feu 
brille  au-dessus  de  sa  tète. 

La  bordure  supérieure  porte  l'inscription  suivante  : 

Quant  la  robe  au  poure  eut  vestu, 
Lui  cliuntant  devant  pluseurs  gentz, 
Angelz  ont  ses  bras  revestu 
De  bonetz  riches  et  raoult  jjentz. 

A  la  première  vue  de  cette  épreuve,  je  reconnus  que  je  tenais  la 
solution  si  longtemps  cherchée.  Les  Boiiets  sont  nommés  dans 
l'inscription  et  figurés  dans  la  tapisserie. 

'  Ce  nom  avait  probablement  été  suggéré  par  la  forme  des  reliques,  qui  était 
celle  d'un  manchon  se  terminant  en  pointe  par  un  bout,  et  ayant  un  peu  l'appa- 
rence d'un  bonnet. 


502  LES    TAPiSSEHlES    DE    MOATI'EZAT. 

Restait  à  déterminer  le  fait  de  l;i  vie  de  saint  Martin  qui  est  ici 
représenté. 

Parmi  les  historiens  du  thaumaturge,  Grégoire  de  Tours  n'en 
dit  rien;  Sulpice-Sévère,  Forlunat,  Péan  Gatineau  parlent  bien  de 
pierres  précieuses  apparaissant  sur  les  mains  du  saint  évêque, 
mais  ils  sont  muets  sur  les  manches,  ou  demi-manches,  ou 
objets  analogues.  11  n'en  est  pas  question  non  plus  dans  la  tra- 
duction de  la  Légende  dorée,  due  à  G.  Brunet,  laquelle  repro- 
duit fidèlement,  dit  le  traducteur,  l'original  souvent  interpolé  et 
augmenté.  La.  Légende  Lombardique,  publiée  par  Lamberlus  Cam- 
pester,  au  commencement  du  seizième  siècle,  et  qui  n'est  autre 
que  la  Légende  dorée,  avec  quelques  additions  et  modifications, 
raconte  le  miracle  des  Bonets  associé  à  celui  du  globe  de  feu  '. 
Lambertus  Campester  emprunte  à  Sulpice-Sévère  l'apparition  du 
globe  au-dessus  de  la  tète  de  saint  Martin  célébrant  la  messe  après 
avoir  donné  sa  tunique  à  un  pauvre;  puis  il  ajoute  qu'au  moment 
où  Tévèque  élevait  les  mains  à  Dieu,  ses  bras,  que  ne  couvraient 
plus  les  manches  de  la  tunique,  apparurent  nus  jusqu'au  coude,  et 
qu'alors  des  anges  apportèrent  des  bracelets  enrichis  d'or  et  de 
pierreries  pour  les  couvrir.  Malgré  la  variante  des  bracelets  pour 
les  brassards,  on  a  bien  ici  le  même  fait  que  dans  la  tapisserie. 
Lambertus  dit  avoir  pris  ce  second  miracle  dans  Jean  Beleth, 
théologien  parisien  du  douzième  siècle,  qui  avait  écrit  divers 
ouvrages  religieux  dont  un  seul,  je  crois,  a  été  imprimé;  c'est 
le  Rationale  divinorum  officiorum,  où  l'on  trouve  au  chapitre 
de  la  fête  de  saint  iMartin  le  miracle  des  bracelets  d'or  venant 
couvrir  les  bras  du  saint  ' .  11  parait  donc  avoir  été  introduit  assez 
tardivement  dans  la  légende  écrite.  Mais  il  fut  promptement  adopté, 
au  moins  dans  notre  région,  car,  dès  le  treizième  siècle,  il  figure 
dans  les  vitraux  des  cathédrales  de  Tours  et  du  Mans  ^ 


'  Legenda  sanctorum,  que  Lombardica  hysloria  dicitur.  10-4",  gottiique. 
Lyon,  1517,  f  126  v. 

*  Voir  aux  Pièces  justificatives. 

'  Pour  le  Mans,  voir  Lecov  de  La  Marche,  Saint  Martin,  p.  77.  Grand  in-S". 
Tours,  Marne,  1891  ;  pour  Tours,  Verrières  du  chœur  de  l'église  métropolitaine 
de  Tours,  dessinées  par  Marchand ,  texte  par  les  chanoines  Bourassé  et  Mari' 
ceau.  In-fol.  Tours,  A.  AIame,,1849,  planctie  VL  —  Il  est  à  noter  que  les  savants 
chanoines  Bourassé  et  Manceau  n'avaient,  à  l'époque  de  cette  publication,  aucune 
notion  du  miracle  des  Bonnets  dont  ils  avaient  sous  les  yeux  la  représentation.  Ne 


LES    TAPISSEIUCS    DE    MOXTI'EZAT.        •  r,r.3, 

Quoi  qu  il  eu  puisse  être,  la  tapisserie  nous  donne  bien  notre 
relique  avec  sou  nom  particulier,  et  la  forme  qui  lui  était  attribuée, 
les  reli(|uaires  n'en  contenant  plus  que  des  fragments.  Le  doute 
n'est  guère  possible;  s'il  subsistait  encore,  il  serait  assurément 
levé  par  un  texte  contenu  dans  une  plaquette  rarissime,  publiée 
à  Tours  par  un  Tourangeau,  un  peu  avant  le  milieu  du  seizième 
siècle.  Tliibault  Lepleigney,  dans  sa  Décoration  du  pays  et  duché 
de  Touraine  datée  de  1541,  s'exprime  ainsi,  en  parlant  de  Saint- 
Gatien,  cathédrale  de  Tours  : 

«  Encore  est  en  la  dicte  esglise  du  dict  Tours  ung  beau  reliquaire 
«  de  sainct  Martin,  car  ainsi,  comme  il  chantoit  une  messe  en  une 
«  chapelle  fondée  de  sainct Gervais  et  sainct  Protais ',  près  l'esglise 
«  cathédrale  du  dit  lieu  de  Saint-Martin,  avoit  donné  sa  robe  pour 
«  l'honneur  de  Dieu  à  ung  paouvre,  et  n'avoit  vestu  qu'ung  petit 
«  manteau,  qui  n'avoit  que  demy  menches,eten  monstrant  lecoips 
Il  de  Jésu  Christ,  son  dict  manteau  se  recula  de  dessus  ses  braz, 
«et  demeurèrent  tout  nudz.  Et  davant  le  peuple  qui  y  estoit  pré- 
«  sent,  fut  faict  ung  fort  beau  miracle;  car,  en  présence  de  tous 
«  les  assistans,  luy  fut  par  l'ange  apporté  une  manière  de  man- 
«  ches,  dont  il  eut  les  braz  couvers,  et  les  appelle-t-on  les  Bonets 
s  de  sainct  Alartin;  et  les  voie-t-on  par  grande  singularité,  aux 
>i  fêtes  annuelles,  en  l'esglise  Métropolitaine".  » 

La  légende  reproduite  par  Lepleigney  est  bien  celle  qu'a  suivie 
l'auteur  des  tapisseries  de  Alontpezat.  Rien  n'y  manque,  ni  les 
anges  apportant  à  saint  Martin  les  Bonets,  ni  le  pauvre  recevant  la 
tunique  à  la  porte  delà  sacristie. 

Le  miracle  représenté  dans  la  panneau  de  Montpezat  est  un  des 
moins  célèbres  parmi  ceux  qu'offre  la  vie  de  saint  Martin  ;  il  était 
surtout  connu  à  Tours,  où  l'on  conservait  les  reliques  des /?oy?e/^. 
C'était  pour  ainsi  dire  un  sujet  local.  On  serait  donc  fondé  à  penser 
que  cette  tapisserie  a  été  exécutée  à  Tours,  où  j'ai  constaté,  au 

pensant  qu'au  globe  de  feu  sur  la  tète  de  saint  Martin,  ils  s'expriment  ainsi, 
page  55  du  texte  :  Un  ange  apparaît  au-dessus  de  la  tête  de  saint  Martin  et 
laisse  échapper  de  ses  mains  des  rayons  lumineux  qui  se  dirigent  vers  les 
mains  élevées  de  l'évêque. 

'  Il  y  a  ici  un  anachronisme;  la  fondation  de  cette  chapelle  est  postérieure  au 
temps  où  vivait  saint  Martin. 

*  THinAULT  Leplkig.vev,  I.a  décoration  du  pays  et  duché  de  Touraine.  Réédi- 
tion par  le  prince  Galitzin.  In-8».  Tours,  J.  Bouzerez,  18C1,  p.  17. 


•,54  LES    TAPISSE  lUE  S    DE    MO\TPEZ.\T. 

moins  à  parlir  de  1520  ',  l'existence  d'ateliers  de  cet  art,  dirigés 
par  Nicolas  et  Pasquier  de  Morlagne,  tapissiers  de  haute  lisse,  nés 
en  Flandre,  qui  furent  employés  par  François  1". 

Je  n'ai  nullement  l'intention  de  faire  une  étude  des  tapisseries 
de  Montpezat,  dont  je  ne  connais  que  quelques  panneaux,  et  encore 
par  des  photographies;  mais,  bien  qu'elles  aient  été  attribuées  au 
quinzième,  et  même  au  quatorzième  siècle,  elles  sont  des  environs 
de  1530,  comme  le  prouvent  les  costumes  des  personnages, 
l'architecture  des  édifices,  inspirée  plutôt  qu'imitée  de  l'antique,  et 
dans  laquelle  la  gracieuse  coq  uille,  caractéristique  de  notrepremière 
Renaissance,  se  rencontre  assez  fréquemment;  enfin  les  armoiries 
du  donateur,  d'or  à  trois  handes  de  gueules  au  chef  d' azur  chargé 
de  trois  étoiles  d'or^  qui  se  trouvent  au  bas  de  plusieurs  panneaux, 
et  paraissent  tissées  dans  la  tapisserie  elle-même.  Ces  armes,  que 
surmontent  une  crosse  et  une  mître,  symbole  de  la  dignité  épisco- 
pale,  sont  celles  de  Jean  Desprez  de  Montpezat,  évêque  de  Mon- 
tauban,  de  1519  à  1539,  doyen  et  bienfaiteur  de  la  collégiale  de 
IVIontpezat,  où  il  avait  fondé,  et  doté  à  ses  frais,  six  chapellenies. 
Il  n'y  a  donc  pas  à  hésiter  sur  l'époque  de  la  fabrication. 

Quant  à  une  pareille  commande  faite  à  Tours  par  un  évêque  du 
midi  de  la  France,  elle  s'expliquerait  tout  naturellement  par  les 
relations  de  ce  prélat  avec  un  personnage  qui  habitait  une  région 
du  Poitou  limitrophe  de  la  Touraine.  C'était  Antoine  de  Lettes, 
qui  avait  pour  mère  Blanche  Desprez  de  Montpezat,  propre  sœur 
de  l'évèque  de  Montauban.  Il  avait  épousé,  en  1521,  Lyette,  héri- 
tière de  l'important  château  du  Fou,  qui  existe  encore  à  quelques 
lieues  de  Chàtellerault.  Il  suivit  François  I"  en  Italie,  et  fut  pris 
avec  lui  à  la  bataille  de  Pavie.  Il  partagea  même  en  Espagne  la 
captivité  du  roi,  qui  l'honora  de  sa  bienveillance,  lui  confia  diverses 
missions  et,  après  le  retour  en  France,  le  fit  gentilhomme  de  sa 
chambre  et  capitaine  d'une  compagnie  de  ses  ordonnances;  il  lui 
donna  de  plus  la  fonction  de  maître  des  eaux  et  forêts  du  Poitou, 
en  remplacement  de  son  beau  père  Jacques  du  Fou,  décédé  en  1 527. 
Antoine  de  Lettes  eut  une  brillante  carrière  militaire,  retourna 
plusieurs  fois  guerroyer  en  Italie,  et  mourut,  en  1544,  maréchal 
de  France.  La  fréquentation  d'un  prince  passionné  pour  les  arts 

'  Réunion  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements,  1888,  p.  235. 


l.KS    TAPISSF.  lUES    l)  K    M  0  .\  T  P  F,  Z  A  T  .  r,.").') 

et  (le  nombreux  séjours  en  Italie  ne  purent  nian(|ii('r  de  ftiire 
naître,  ou  de  développer,  chez  Antoine  de  Lattes,  des  goûts  artis- 
tiques que  partageait  son  oncle,  comme  en  témoignent  ces  tapis- 
series elles-mêmes,  et  le  beau  château  de  l'iquecos,  bâti  ou  tout  au 
moins  agrandi  par  lui,  auprès  de  Montauban,  et  dont  Louis  XIII 
Gt  sa  résidence  pendant  le  siège  de  cette  ville,  en  1621. 

A  part  cette  communauté  de  goûts,  très  explicable  à  une  époque 
où  la  noblesse  et  le  haut  clergé  de  France  rivalisaient  d'ardeur  pour 
introduire  les  procédés  d'au  delà  des  Alpes  dans  la  construction  et 
la  décoration  des  monuments,  on  ne  sait  rien  de  la  nature  et  de 
retendue  des  rapports  qui  existèrent  entre  Toncle  et  le  neveu. 
Mais  ces  rapports  furent  assez  bons  et  assez  constants  pour  que, 
j)ar  testament  en  date  de  1537,  l'évéque  de  Montauban  instituât 
Antoine  de  Lettes  héritier  de  sa  fortune,  qui  devait  être  impor- 
tante, car  il  avait  recueilli  tous  les  biens  de  sa  famille. 

Ces  considérations,  et  d'autres  qu'on  pourrait  y  joindre,  permet- 
tent de  croire  que  l'évéque  de  Montauban,  voulant  orner  sa  collé- 
giale de  belles  tapisseries,  s'est  adressé  aux  ateliers  de  Tours,  dont 
l'existence  lui  était  connue  par  son  neveu,  chez  lequel  il  avait  pu 
en  admirer  les  remarquables  produits. 

Mais  j'ai  hâte  d'ajouter  que  ce  ne  sont  là,  après  tout,  que  des 
probabilités,  et  que  jusqu'à  la  découverte  d'une  pièce  décisive,  il 
faut  se  garder  de  rien  affirmer  sur  l'origine  des  tapisseries  de 
Montpezat.  C'est  à  proprement  parler  un  point  d'interrogation  que 
je  pose,  et  une  piste  que  je  me  permets  d'indiquer  aux  érudits  langue- 
dociens, auxquels  il  appartient  surtout  de  résoudre  celte  question. 

Charles  de  GrAi\dmaiso\, 

Correspondant  de  l'Institut,  membre  non  résidant  du 
Comité  des  Beaux-Arts,  à  Tours. 


PIECES  JUSTIFICATIVES 
I 

EXTRAIT  DL  PROCÈS-VERBAL   DU  PILLAGE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  SAIXT-GATIE.V 
PAR   LES  PROTESTAXTS   EX    15(32. 

Plus,  en  une  cassette   de  i)ois,  avons  trouvé  deuz  petites  reliques  que 
lesdicts  chanoines  ont  dicl  eslre  appellces  les  bonets  de  S'  Martin,  conte- 


556  LES    TAPISSKIUES    DE    MO\TPEZAT. 

liant  chacun  d'eiiz  environ  deiny  pied  de  long,  et  au  bout  de  chacun  d'eu/ 
y  auroit  une  bordeure  d'argent  doré,  qui  faisoit  la  liaison  et  lenoit  un 
chrislal,  et  par  le  travers  lesdicts  bonets  étoient  creuz,  et  y  passoit  une 
petite  chaisne  d'argent  ;  l'un  desquels  bordz  a  esté  levé  et  le  chrislal  osté 
par  lesdicts  orfeubvres,  soubz  lequel  christal,  estoit  un  canon  d'argent 
creuz,  sous  lequel  canon  ont  esté  trouvéez  deuz  enveloppes,  la  première 
estoit  de  tafelard  rouge,  contenant  en  largeur  environ  de  trois  doigts  et 
quatre  de  longueur,  (jui  a  esté  découvert,  et  au  dessoubz  a  esté  trouvé  une 
enveloppe  aussy  nouée,  laquelle  enveloppe  estoit  de  tafetard  changeant, 
eticelle  découverte,  s'est  trouvée  de  longueur  d'un  demi  pied  et  de  largeur 
de  quatre  doigts,  par  tous  les  endroicts,  fors  de  la  gueule,  ainsi  que  seroit 
une  pochette,  et  au  dessoubz  de  ladicte  enveloppe  es  toit  ledict  canon  d'argent, 
et  le  pareil  a  esté  iaict  de  l'autre  bonet,  où  ont  esté  trouvées  deuz  enve- 
loppes, l'une  de  laffetard  rouge  et  l'autre  taffetard  changeant,  lesquelles 
enveloppes  de  taffetard  changeant  lesdicts  chanoines  ont  dicls  estre 
appellées  les  bonets;  et  lesquelles  enveloppes  de  taffetard  changeant  ont 
esté  trouvées  dissemblables  en  longueur  et  largeur;  en  l'une  d'icelles 
y  auroit  l'un  des  bonets  qui  estoit  effloré,  et  sy  apparoissoit  que  ledict 
endroict  avoit  esté  redoublé  pour  avoir  esté  adjoinct,  ou  cousu,  avec  autre 
chose;  et  par  le  travers  ont  esté  trouvés  quelques  bouts  de  soye  qui  avoit 
servi  à  glacer,  ainsy  qu'il  arrive  quant  une  chose  est  mise  en  doubleure, 
ou  en  foureure;  et  par  l'autre  bout,  il  y  avoit  un  gousset  faict  en  pointe, 
contenant  par  un  endroict  la  largeur  d'un  pousse,  venant  en  eslraississant; 
jusque  à  environ  de  trois  doigts  de  longueur,  apparoissoit  que  une  partie 
d'icelle  enveloppe  estoit  cousue  de  soye  et  l'autre  partie  de  fils  de  lin  ou 
chanvre...  Lequel  argent  doré  et  le  canon  d'argent  ont  esté  pezés  et 
trouvés  monter  un  marc  deuz  onces. 

(Archires  d'Iudre-ct-Loire,  G.  596,  p.  130-140,  copie  de  1629.  —  Imprime  dans  Docu- 
ments inédits,  loc.  cit.) 

II 

EXTRAIT  DE  JEAN"  BELETH. 

Sed  quuui  ante  altare,  ut  moris  est  in  pra-fatione,  sisleret,  manusque 
ad  Dominum  elevaret,  ita  ut  brachia  ejus,  facile  ob  amplitudinem  et 
brevitatem  manicarum  conspicerentur,  illico  aurei  torques  ipsa  honesle 
operuerunl,  et  suprà  caput  ejus  igneus  globus  visus  est. 

(Rationale dirinorum  officiorum  Johanne  Beletho,  iheoloijO  Parisiens! ,  aiithore.  —  Imprime 
à  la  suite  du  Aa;/ona/f  de  Guillaume  Dl'r/ind,  1574.  Lyon,  Pierre  Roussin,  T»,  568.) 


FRAXCOIS    ET    JACOB    ULVEL- 


XXXVI 


FRANÇOIS  ET  JACOB  BLAEL 

PEINTRES    DE    HE.\RI    IV 

Motre  école  française  abonde  en  artistes  ayant  joui  de  leur  temps 
d'une  grande  célébrité,  que  la  mode  ou  la  disparition  de  leurs 
œuvres  ont  relégués  depuis  dans  une  ombre  profonde,  \otre 
devoir  n'est-il  pas,  aujourd'liui,  quand  nous  en  trouvons  l'occa- 
sion, de  revendiquer  au  profit  de  notre  art  national  si  injustement 
dénigré  et  méconnu,  du  moins  pour  l'époque  de  la  Renaissance, 
quelques-uns  de  ces  artistes  dédaignés  ou  négligés,  et  d'essayer 
de  leur  rendre  la  place  à  laquelle  ils  ont  droit?  Il  ne  faut  pas  se 
le  dissimuler,  les  plus  grandes  difficultés  surgissent  quand  on 
tente  d'établir  les  titres  de  gloire  de  notre  vieille  école  nationale. 
Nos  maîtres  du  quinzième  et  du  seizième  siècle  ont  eu  surtout  le 
tort  de  ne  pas  être  étrangers.  Il  a  été  trop  longtemps  de  mode  de 
dire  et  d'écrire  que  notre  art  doit  tout  à  l'Italie  dont  les  peintres,  les 
sculpteurs  et  les  arcbilectes  seraient  venus  en  France  enseigner 
le  beau  à  des  ignorants  et  à  des  barbares.  Voltaire  n'a-t-il  pas  écrit, 
sans  être  démenti  jusqu'à  ces  derniers  temps,  qu'avant  Louis  XIV 
il  n'existait  pas  d'art  français"?  Notre  école  nationale  pure  de  tout 
alliage  étranger,  ne  relevant  que  d'elle-même,  et  qui  pouvait 
s'enorgueillir  d'avoir  produit  les  Ligier,  les  Ricbier,  les  Pinagrier, 
les  Alicbel  Colomb,  les  Jean  Goujon,  en  sculpture;  les  Jehan 
Foucquet,  les  Perréal,  les  Bourdichon,  les  Clouet,  en  peinture; 
les  Roger  Ango,  les  Jean  Bullant,  les  Pierre  Lescot,  les  Pierre 
Nepveu,  en  architecture,  etc.,  était  pourtant  en  pleine  efflorescence 
au  commencement  du  seizième  siècle. 

«  Avec  les  meilleures  intentions  du  monde  i ,  comme  l'a  si  juste- 
ment dit  \itet',   u  François  I"  faillit  rendre  à  notre  art  national 

'  L.  ViTEr,  Etudes  sur  l'histoire  de  l'Art. 


558  FKAXCOIS    ET    J.ÎCOR    BU\EL. 

un  fort  mauvais  service  =  ,  en  amenant  à  Fontainel)leau  cette  (ribu 
d'artistes  transalpins.  Cet  engouement  du  roi  et  tîe  la  Cour  pour 
tout  ce  qui  venait  d'Italie  manqua  d'être  fatal.  Avoir  cherché  à  faire 
plier  notre  école  au  despotisme  du  Primatice  et  du  Rosso  a  été  une 
profonde  erreur.  Les  extravagances  de  ces  derniers  ne  laissèrent 
pas,  malheureusement,  d'avoir  une  influence  néfaste  sur  nombre 
de  nos  artistes,  de  les  égarer  jusqu'à  un  certain  point  ;  fort  heureu- 
sement, la  masse  resta  réfractaire  et  notre  art  national,  d'une  sève 
si  féconde  et  si  française,  ne  se  laissa  pas  facilement  dévier  sa  voie. 

Au  nombre  des  peintres  ayant  joui  d'une  haute  renommée  au 
seizième  siècle  et  presque  oubliés  depuis,  l'on  peut  citer  hardi- 
ment au  premier  rang  les  lîunel.  Ces  Bunel  ne  sont  plus,  pour 
ainsi  dire,  pour  nous,  aujourd'hui,  que  des  êtres  abstraits,  dont  ]v, 
nom  seul  n'est  peut-être  pas  tout  à  fait  inconnu  des  curieux  d'art,  et 
encore  !  Cet  oubli,  dans  lequel  est  tombée  cette  dynastie  d'artistes, 
s'explique  jusqu'à  un  certain  point  par  deux  raisons  :  d'abord, 
parce  que  leurs  ouvrages  ont  totalement  disparu,  et  ensuite  parce 
qu'ils  vécurent  à  cette  malheureuse  époque  où,  les  guerres  reli- 
gieuses ayant  mis  la  France  en  feu,  l'on  avait  tout  autre  chose  à  faire 
qu'à  s'occuper  de  questions  d'art.  Il  ne  faut  pas  oublier  qu'alors 
les  beaux  jours  de  François  I'"  et  de  Diane  de  Poitiers  étaient 
passés.  Les  temps  étaient  devenus  hostiles  à  l'art.  Les  idées  étaient 
ailleurs,  et  peintres  et  sculpteurs  n'avaient  que  faire  entre  ligueurs 
et  huguenots.  L'argent  devenu  çare,  l'anarchie  régnant  en  souve- 
raine maîtresse  de  tous  côtés,  la  France  voyait  venir  le  moment  où 
elle  allait  être  démembrée  par  l'étranger.  La  Savoie  et  l'Espagne, 
aux  aguets,  n'attendaient  qu'un  signal  pour  se  jeter  à  la  curée. 

Nous  avons  fait  tous  nos  efforts  pour  réunir  sur  les  Bunel,  sur 
leurs  personnes  et  leurs  ouvrages,  le  plus  de  renseignements  pos- 
sible, cherchant  à  établir  leur  état  civil  et  à  donner,  aussi  fidèle- 
ment qu'il  nous  a  été  permis,  la  liste  de  leurs  ouvrages  et  leur 
historique.  Notre  moisson  n'a  pas  été  riche,  nos  recherches  sont 
bien  souvent  restées  sans  résultat.  Il  n'en  est,  hélas  !  que  trop  sou- 
vent ainsi  pour  les  artistes  de  ces  temps  troublés.  Que  sait-on  des 
Corneille  de  Lyon  et  des  premiers  du  Monstier  ?  Peu  de  choses, 
pour  ne  pas  dire  rien.  Connaît-on  seulement  d'eux  une  œuvre 
absolument  authentique  ?  Sur  ces  peintres,  l'obscurité  est  à 
peu  près  complète  et  l'on  ne  peut  en  parler  que  par  ouï-dire. 


KRAXÇOIS    1:T    JACOB    H  l  \  E  I.  550 

li.i  iataliU'  se!))l>Ic  s'être  acharnée  sur  les  Buiiel  comme  sur  eux. 

Pour  le  chef  de  la  dynaslie  des  Buiiel,  Jean  IJunel,  nous  n'avons 
presque  qu'une  date.  C'est  peu.  Pour  son  fils  François,  sans  cepen° 
dant  être  arrivés  à  découvrir  les  dates  de  sa  naissance  et  de  sa 
mort,  nous  serons  plus  explicites  et  nous  pourrons  donner  d'assez 
nombreux  renseignements  sur  sa  vie  et  sur  ses  ouvrages.  C'est 
avec  le  dernier  et  le  plus  connu  des  liunel,  Jacob  ou  Jacques,  le 
fils  de  François,  que  nous  serons  le  plus  à  l'aise,  grâce  à  l'estime 
dont  il  a  joui  auprès  de  ses  contemporains  et  même  auprès  de  la 
génération  qui  a  suivi  ;  grâce  aussi  à  l'apaisement  des  esprits,  con- 
séquence de  Tavènement  de  Henri  IV^  au  trône  de  France.  \ous 
avons  rencontré  maintes  mentions  le  concernant  dans  les  écrivains 
du  temps;  mais  les  meilleures  sources  auxquelles  il  nous  a  été 
donné  de  puiser  ont  encore  été  les  dépôts  d'archives  et  les  comptes 
des  maisons  royales.  C'est  donc  surtout  par  l'élude  de  ces  docu- 
ments que  nous  allons  essayer  de  raconter  la  vie  et  d'établir  la 
liste  des  principales  œuvres  de  François  et  de  Jacob  Bunel.  Malheu- 
reusement, bien  des  points  de  leur  existence  resteront  cachés  à 
nos  investigations  et  enveloppés  de  ténèbres  profondes. 

Le  premier  des  Bunel  dont  on  trouve  trace  est  Jean  Bunel, 
peintre  à  Blois,  qui,  en  1518,  reproduisait  des  écussons  aux  armes 
de  la  ville,  sur  les  manches  des  robes  de  cérémonie  des  officiers 
municipaux,  ainsi  que  sur  les  torches  de  cire  que  ces  magistrats 
portaient  aux  processions,  comme  en  fait  loi  un  compte  des  recettes 
et  dépenses  communales  de  Blois  de  cette  même  année'. 

La  famille  Bunel  avaitde  nombreux  représentants  à  Blois,  et  une 
certaine  Rachel  Bunel  native  de  Blois,  veuve  de  feu  Martin  Dumont, 
marchand  d'habits, qui  «mourutledernier  jour  de  septembre  1625" , 
comme  nous  l'apprennent  les  registres  protestants  de  l'état  civil 
conservés  au  greffe  du  Palais  de  justice,  appartenait  certainement 
à  la  famille  de  nos  peintres  '.  lien  était  probablement  de  même  de 
ce  François  Bunel,  sieur  de  Boiscarré,  originaire  de  Pont-Audemer, 
qui,  pour  cause  de  religion,  se  réfugia  en  Prusse  '. 

Jean  Bunel  eut  un  fils,  François,  qui  s'éleva  au  rang  de  peintre 

'  A.  Dlprk,  Notice  sur  quelques  peintres  blésois.  Gazette  des  Beaux-Art;, 
1888,  t.  II,  p.  2(i.)et  suiv. 

*  Jal,  Dictionnaire  critique  de  biographie  et  d'histoire. 
^  Haao,  La  France  protestante. 


560  KRAXÇOIS    ET    JACOB    BUXEL. 

(le  la  Cour  de  Navarre  et  ol)tint  même  le  titre  et  la  charge  de  valet 
de  chambre  du  roi,  comme  on  le  verra  plus  loin.  Où  et  en  quelle 
année  naquit-il?  Probablement  à  Blois,  où  résidait  son  père,  et  pro- 
bablement aussi  entre  les  années  1515  et  1530.  IVous  basons  notre 
hypothèse  sur  ce  que  son  père  y  exerçait  sa  profession  en  1518  ', 
ainsi  que  nous  l'avons  vu  plus  haut,  que  François  Bunel  y  vit 
naître  son  fils  Jacob  en  1558,  et  qu'en  1589  il  était  encore  au  ser- 
vice du  roi  de  Navarre. 

A  cette  époque,  Blois  était  une  sorte  de  petite  capitale  et  avait 
la  chance  particulière  d'être  un  foyer  d'art,  par  suite  du  séjour  qu'y 
fit  la  Cour  pendant  près  de  trois  siècles.  Rien  d'étonnant  alors  d'y 
rencontrer  des  artistes. 

En  1583,  François  Bunel  était  déjà  peintre  de  laCour  de  Navarre 
et  valet  de  chambre  du  roi  depuis  un  certain  temps.  Il  fournit  à 
celle  date  un  long  mémoire  de  travaux  exécutés  par  lui,  pour 
lesquels  il  réclama  la  somme  de  125  livres,  chichement  épluché 
par  le  sieur  Duplessis  *,  sans  doute  un  des  secrétaires  des  com- 
mandements du  roi  de  Navarre. 

Voici,  d'ailleurs,  ce  mémoire  écrit  de  la  main  du  peintre,  relevé 
aux  archives  des  Basses-Pyrénées  ^  : 

«  Parties  de  peintures  que  j'ay  faictes  pour  le  service  du  roy  et  par 
commandement  de  Sa  Majesté  : 

—  Un  grand  tableau  du  prince  d'Ombes,  que  j'ay  mis  dans  le  cabinet 
de  Sa  Majesté  ; 

—  Deux  créons  de  Sa  Majesté  ; 

—  Deux  petis  pourtraicts  de  Sa  Majesté,  l'un  en  lumineure  et  l'aullre  en 
huiile  à  XV  livres  pièce  l'un  portant  l'autre  ; 

—  Un  pourtraict  en  huiile  de  Monsieur  de  Bourbon  ; 

—  Un  dessein  de  navire,  pour  devise  de  sa  dicte  Majesté,  que  j'ay  faict 
pour  le  brodeur  ; 

—  Un  tableau  et  pourtraict  de  sa  dicte  Majesté  lorsqu'il  estait  aâgé 
seulement  de  troys  ans  «  ''. 

Etudions  maintenant  ces  différents  articles  : 

Le  premier  est  un  portrait  de  Henri  de  Bourbon,   prince  des 

'  A.  DupRÉ,  loc.  cit.  Gazette  des  Beaux-Arts,  18S8,  t.  II,  p.  265  et  suiv. 

—  Probablement  Duplessis-Mornay. 

^  Voir  ci-contre,  planche  XXXVIII. 

*  Archives  des  Basses-Pyrénées.  B.  2678. 


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FR  A\Ç  OIS    ET    JACOB    BL'XEL  561 

Bombes  '.  Le  second,  le  troisième  et  le  dernier  consistent  en  cinq 
portraits  du  roi  lui-même,  deux  au  crayon,  un  sur  parchemin,  un 
sur  toile,  à  l'huile,  et  un  dernier  représentant  le  souverain  à  l'âge 
de  trois  ans.  Ces  différents  portraits,  le  dernier  mis  à  part,  étaient 
sans  doute  destinés  à  être  oflerls  comme  souvenirs  aux  fidèles  amis 
et  serviteurs  du  roi.  Mais  de  là  faut-il  conclure,  comme  Agrippa 
d'Aubigné  semble  avoir  voulu  en  accréditer  le  bruit,  que  Henri  de 
Xavarre  manquait  de  générosité  et  que  l'envoi  de  son  portrait  lui 
semblait  un  payement  suffisant  pour  s'être  dévoué  à  son  service  ?  Il 
n'y  aurait  alors  qu'à  s'en  rapporter  au  quatrain  suivant,  que  le  sar- 
castique  auteur  des  Tragiques  inscrivit  sous  le  portrait  dont  le 
roi  lui  avait  fait  don  : 

Ce  prince  est  d'étrange  nature. 

Je  ne  sçais  qui  diable  l'a  fait;  » 

Il  récompense  en  peinture, 

Ceux  qui  le  servent  en  effet. 

D'Aubigné  était-il  bien  en  droit  de  se  plaindre  ?  Entré  fort  gueux 
au  service  de  Henri  IV,  il  fut  nommé  par  lui  maréchal  de  camp  et 
gouverneur  de  Maillezais. 

Mais  revenons  au  mémoire  de  François  Bunel.  Le  quatrième 
article  mentionne  un  portrait  du  prince  de  Condé  -  (monsieur  de 
Bourbon),  et  le  cinquième,  un  dessin  de  navire  devant  servir  de 
devise  et  destiné  au  brodeur.  Que  faut-il  entendre  par  là?  11  est 
bien  difficile  de  le  dire  au  juste.  Etait-ce  là  un  carton  destiné  à 
être  reproduit  en  tapisserie?  Peut-être,  probablement  même; 
mais  pourquoi  ce  sujet  d'un  navire  ?  II  ne  peut  être  question  des 
armes  de  la  ville  de  Paris;  Henri  de  Navarre  n'était  point  encore 
Henri  IV  de  France.  On  ne  peut  donc,  en  cette  occurrence,  que 

'  Henri  de  Bourbon,  fils  de  Françoys  de  Bourbon,  duc  de  Montpensier,  né  le 
12  mai  1573,  à  Mézières,  village  de  Touraine,  mort  le  27  février  1668,  porta  le 
titre  de  prince  des  Dombes  jusqu'à  la  mort  de  son  père  en  1592,  où  il  devint  alors 
duc  de  Montpensier. 

*  Henri  I",  prince  de  Coadé,  fils  de  Louis  de  Coudé,  frère  d'Antoine  de  Navarre, 
père  de  Henri  IV  ;  né  à  la  Ferté-sous-Jouarre  en  1552  et  mort  en  1588.  Ce  prince 
assista  dans  sa  jeunesse  aux  combats  de  la  Roche-Abeille  et  de  Moucontour.  II  fut 
obligé  d'abjurer  la  religion  réformée  en  1572  pour  échapper  à  la  Saint-Barthé- 
lémy, et  se  sauva  de  la  Cour  quelques  mois  avant  la  mort  de  Charles  IX.  Il  retourna 
alors  se  mettre  à  la  tète  des  calvinistes  et  fut  fait  gouverneur  de  Picardie  à  la  paix 
de  Beaulieu,  en  1574.  Il  combattit  à  Coutras  aux  côtés  de  Henri  de  Navarre  et 
mourut  l'année  suivante,  à  Saint-Jean  d'Angely,  empoisonné,  dit-on,  par  sa  femme. 

36 


562  FRAXÇOIS    ET    .lACOB    BUXEL. 

faire  des  conjectures  plus  ou  inoiDs  plausibles.  Il  convient  seule- 
ment de  leniaïquer  que  déjà  le  tils  de  Jeanne  d'Alhret  avait  songé 
à  attirer  dans  ses  Etats  des  tisseurs  flamands  chassés  âe  hnr  pairie 
par  les  guerres  religieuses,  pour  y  établir  à  demeure  des  métiers 
de  tapisserie.  Il  n'y  réussit  guère;  mais  il  faut  néanmoins  ne  pas 
oublier'qu'en  1583  Duplessis  Mornay,  son  conseiller  intime,  lui 
adressait,  sur  son  ordre,  un  mémoire  sur  les  moyens  d'installer 
en  Béarn  uue  colonie  d'artisans  flamands'.  L'on  verra  plus  loin 
que,  si  le  résultat  ne  fut  pas  à  la  hauteur  de  ce  que  l'on  était  en 
droit  d'espérer,  le  prince,  une  fois  roi  de  France,  mit  son  projet  à 
exécution  et  donna  à  l'industrie  de  la  tapisserie  les  encourage- 
ments qu'il  rêvait  depuis  longtemps  de  lui  accorder-. 

Voici    maintenant  le  mandement  de  payement  du  roi  pour  le 
tnénioire  de  François  Bunel  que  nous  venons  d'étudier  ^ . 

Le  roy  de  \avarre  a  nostre  amé  féal  conseiller  Monsieur  Vincens  de 
Pedesclaux,  par  nous  commis  à  la  trésorerie  de  nostre  maison  et  recepte 
qénêralie  de  noz  finances,  salut.  .Vous  voulons,  vous  mandons  et  ordon- 
nonsquedes  premiers  et  plus  clairs  deniers  de  vostre  charge  et  recepte  de 
la  présente  année,  vous  paiez,  baillez  et  délivrez,  ou  faîctes  paier,  bailler  et 
'  délicrer  comptant  à  nostre  cher  et  bien  amé  paintre  et  varlet  de  chambre, 
François  liunel,  la  somme  de  six  vinglz  dix  sept  escus  sol,  i-evenàns 
à  quatre  cens  unze  livres  tz.  que  nous  luy  avons  ordonnée  et  ordonnons 
par  ces  présentes  à  scavoir  :  quarante  escus  pour  ses  gages  de   nostre 


'  J.  GviFFREV,  Histoire  de  la  tapisserie.  Tours.  Alfred  Alame,  édit.  1886, 
1  vol.  in-i". 

-  Les  brodeurs  occupés  par  les  souverains  n'étaient  pas  rares  d'ailleurs  à  cette 
époque,  et  se  trouvent  fréquemment  mentionnés  dans  les  états  de  dépense  des  mai- 
sons princières  jusqu'à  la  ùa  du  seizième  siècle.  Pour  ne  pas  quitter  la  Cour  de 
Navarre,  l'on  peut  voir  qu'en  1545,  Marguerite  d'.^ngoulême  en  occupait  un  du 
nom  de  Jacques  Chamisson,  qui  remplissait  en  outre  la  charge  de  valet  de  chambre 
de  la  reine;  un  peu  plus  tard,  en  1548,  lors  du  séjour  que  cette  princesse  fit  à 
Vendôme  avec  Jeanne  d'Albret,  elle  avait  amené  avec  elle,  en  qualité  de  brodeur 
et  de  valet  de  chambre,  un  nommé  Jehan  Commyn.  On  trouve  encore,  dans  les 
registres  de  dépense  de  la  Cour  de  Navarre,  les  noms  de  Robert  et  Jacob  de  la  Noue 
qui  recevaient  des  gages  comme  brodeurs.  Robert  de  la  Noue  toucha  une  somme  de 
391  livres,  pour  six  couvertures  en  broderie  avecles  armoiries  du  roi,  plus  300  livres 
pour  trois  manchons  en  broderie  d'or.  Il  convient  de  noter  aussi  que  Remy,  con- 
cierge et  garde-meuble  du  château  de  Pau,  dont  il  sera  question  dans  le  cours  de 
cette  étude,  était  en  même  temps  brodeur  et  travaillait  en  cette  qualité  pour  la 
Cour.  —  Voir  B.  de  Lagrèze,  Le  château  de  Pau.  Paris,  1885,  1  vol.  in-12. 

^  Voir,  ci-contre,  planche  XXXIX. 


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FRWCOIS    ET    JACOB    BLXEL.  0(>3 

varlel  de  cliamlue  dont  il  nous  a  servi  en  la  présenti^  année,  comme  appert 
par  le  cerliOcat  de  noslre  très  cher  et  bien  amé  cousin  le  sire  de  Miossens, 
premier  gentilhomme  de  nostre  chamhre,  et  quatre  viiij^tz  dix  sept  escus 
restans  pnurpartyes  de  |)ainclure  qu'ila  laictes  par  nostre  commandement, 
sitjnées  et  arrestées  par  nostre  dict  cousin,  cy  avec  le  susdict  certifficat 
altacliées  souhz  nostre  eontreseel,  et  rai)porlnnt  par  vous  ce  présent 
nostre  mandement  ensemble  les  susdicls  cerlilficat  et  parties  et  quittances 
dndict  Bunel  de  la  dicte  somme  de  xi"-xvii  w.  revenans  comme  dict  est 
à  la  somme  de  iiir-xi  livres  tz.  nous  voulons  icelle  eslre  passée  et  allouée 
en  la  mise  et  despense  de  vos  comptes  ou  de  celuy  qui  payée  l'aura  par 
noz  améz  et  feanlx  les  auditeurs  d'iceulx,  aux  quelz  mandons  ai  sy  le 
faire  sans  difficulté  ;  car  tel  est  nostre  plaisir.  Donné  au  Mont  d2  .Marsan 
le  XXVII''  jour  de  novembre,  l'an  mil  v*^  quatre  vinglz  et  trois. 

Veu  par  Duplessis  Hexry 

Registre  Jouye  •  (?). 

Cemandementfut  signépar  le  ioile27novembre  1583  à  .\Iont-de- 
Alarsan,  comme  nous  voyons.  Voici  maintenant  l'ordre  de  payement 
arrêté  à  Pau  le  13  novembre  elle  certi6cat  qui  l'accompagne,  daté 
du  lendemain  14,  par  conséquent  plus  vieux  de  deux  semaines  : 

Ar<î;entier,  paiez  et  baillez  pour  les  parties  cy-dessus  à  François  Bunel, 
peintre,  la  somme  de  quatre  vingtz  dix  sept  escuz  sol,  a  quoy  se  monte 
ses  dictes  parties,  les  quelles  ont  esté  veues,  modérées,  calcullées  et 
arrestées  sur  chascunne  article  par  nous,  seigneur  de  Myossens^  premier 
gentilhomme  de  la  chambre  dut  dict  seigneur  roy  de  \avarre  et  control- 
leur  servant  en  quartier.  Faict  ce  xui^  novembre  à  Paris.  1583. 

Henry  d'Albret  *. 

FoiSSART. 

Nous  Henry  d'Albret,  seigneur  et  baron  de  Myossens,  Corraze  et 
Gerdres ,  conseiller  du  roy ,  premier  gentilhomme  de  sa  chambre  et 
lieutenant  de  sa  compagnie  de  six  vingts  hommes  d'armes,  certiffions  que 
François  Bunel,  peintre  et  valet  de  chambre  du  dict  seigneur  roy,  a  servi 
Sa  Majesté  des  dicts  estats  durant  les  moys  de  juillet,  aoust  et  septembre 
derniers,  en  tesmoignage  de  quoy  nous  avons  signé  ce  présent  cerliflicat, 
pour  servir  audict  Bunel,  comme  de  raison.  A  Pau  le  xiii"  de  novembre 
mil  cin(j  cens  quatre  vingts  trois. 

Henry  d'.Albret  ^. 

'  Archives  des  Basses-Pyrénées.  B.  2678. 

2  Ihid. 

3  Ibid. 


;)64  FRA\Ç01S    ET    JACOB    IH  .\EL. 

Arrivons  maintenant  à  la  (juitlancc  du  peintre  datée,  comme  le 
mandement  de  payement,  de  Mont-de-Marsan,  où  il  se  trouvaitalors 
avec  la  Cour. 

Pour  servir  de  quittance  à  Monsieur  Vincens  de  Pedesclaux,  conseiller, 
trésorier  et  receveur  général  des  maison  et  finances  du  roy  de  Navarre, 
de  la  somme  de  quatre  cens  unze  livres  tournois,  que  j'ay  receue  et  à  moy 
ordonnée  par  Sa  Majesté  pour  les  causes  contenues  au  mandement  de  Sa 
dicte  Majesté,  (|ui  m'en  a  esté  expédié  le  vingt  septième  du  présent  moys, 
dont  et  de  la(|uclle  somme  de  nii%  xi  livres  je  me  tiens  pour  content  et 
bien  payé  et  en  ay  quité  et  quitte  le  dict  sieur  roy,  le  dict  de  Pedesclaux 
et  tous  aultres  par  la  présente  que  j'ay  signée  au  Mont  de  Marsan,  le 
xxxix°  de  novembre,  mil  V^  quatre  vingts  et  trois,  es  présences  de  moy 
controlleur  de  la  maison  de  Madame  soubssigné. 

GOUDEYER  (?) 

F.  BuNEL.  présent  '. 

Trois  ans  après,  François  Bunel  était  à  la  Rochelle,  où  il  avait 
suivi  la  Cour,  assez  vagabonde,  du  prétendant  à  la  couronne  de 
France,  comme  en  fait  foi  la  quittance  suivante  donnée  par  lui  en 
cette  dernière  ville,  le  21  septembre  1586. 

François  Bunel  paintre  et  valet  de  chambre  du  roy  de  Navarre 
confesse  avoir  eu  et  reçu  comptan  de  Monsieur  Mallet  conseiller  trésorié 
receveur  général  des  maison  et  finances  du  seigneur  roy,  la  somme  de 
quarante  escus  sol.  A  moy  dus  pour  mon  gaige  de  la  présente  année 
a  cause  de  mon  dict  estât,  de  laquelle  somme  de  quarante  escus  je  quitte 
le  dict  sieur  Mallet  par  la  présente  et  tous  aultres  que  j'ay  signé  de  ma 
main.  A  la  Rochelle  le  vingts  et  unième  jour  de  septembre  mil  cinq  cens 
quatre  vingts  six. 

Bunel  -. 

L'année  suivante,  François  Bunel  présente  un  nouveau  mémoire 
de  travaux  dont  voici  la  teneur  : 

Parties  faictes  et  fournies  par  moy  François  Bunel  peintre  et  valet  de 
chambre  du  roy  de  Navarre  et  par  commandement  de  Sa  Majesté  : 

Premièrement,  pour  avoir  esté  de  Pezenas  en  Avignon,  par  commande- 
ment de  Sa  Majesté,  pour  faire  le  pourtraict  de  deffunt  monsieur  le  car- 

'  Archives  des  Basses-Pyrénées.  B.  2678. 
*  Ibid.,  B.  2822. 


FR  A\  COIS    ET    JACOB    BL\  EL.  565 

dinald'Armaignac,  tant  pour  la  despence  faicte  au  voyage  aller  et  retourner, 
que  pour  la  façon  et  port  dudict  pourtraict  —  80  escus   —  réglé  a  50  ; 

Plus,  pour  un  pourtraict  de  comédiens  que  Sa  Majesté  a  retenu  — 
50  escus  —  réglé  à  25,  bordure  comprise  ; 

Plus,  pouravoir  faict  deux  pourtraicts  de  Sa  Majesté  ;  assavoir,  un  grand 
et  un  petit  ;  pour  ce,  30  escus  —  réglé  à  20  ; 

Plus,  pour  avoir  faict,  par  commandement  de  Sa  Majesté,  les  pour- 
traictz  de  Messieurs  de  Sainct  Gelaiz,  Vaudoré  et  Du  Fay,  ausquelz 
Sa  Majesté  les  a  donnez,  la  somme  de  36  escuz,  a  raison  de  12  escuz 
chacun,  pour  ce,  30  escus  —  réglé  à  15; 

Plus,  le  lundi  30  mars  1587,  Sa  Majesté  a  retenu  un  grand  tableau  de 
Adonis  et  m'a  commandé  le  fere  border,  70  escus  —  réglé  à  45,  bordure 
comprise  ; 

Plus  à  Sa  iMajesté  retenu  deux  autres  moiens  tableaux  l'un  de  Triomphe 
de  laV'éritté  et  l'autre  d'un  Rufisque  italien,  valant  chacun  30  escus,  pour 
les  deux  <^0  escus,  —  réglé  à  30  escus,  compris  les  bordures'. 

Du  premier  article  de  ce  second  mémoire,  il  ressort  que  Fran- 
çois Bunel,  qui  se  trouvait  à  Pezenas  aux  environs  de  l'année  1586, 
alla  par  ordre  du  roi  à  Avignon  pour  faire  le  portrait  de  son  vieux 
parent,  qui  venait  de  mourir,  le  cardinal  d'Armagnac,  l'auteur  de 
la  fameuse  lettre  écrite  à  Jeanne  d'Albret  en  1563  '. 

Vient  ensuite  un  portrait  de  comédiens  sur  lequel  nous  n'avons 
pu  rencontrer  aucun  renseignement  et  que  le  roi  voulut  conserver 
dans  sa  galerie  particulière.  Ces  portraits  de  comédiens  et  de 
bouffons  étaient  très  à  la  mode  pendant  tout  le  seizième  siècle  et  le 
restèrent  pendant  la  première  partie  du  dix-septième.  Philippe  IV 
ne  fît-il  pas  reproduire,  par  le  pinceau  de  Velasquez,  nombre  de 
gens  de  cette  sorte  entretenus  à  sa  cour;  témoins  :  El  nino  de 

'  Arclilues  des  Basses-Pyrénées.  B.  2078. 

*  Le  cardinal  d'Armagnac  ne  fut  pas  un  mince  personnage.  Evêque  de  Rhodes," 
adminislraleiir  des  éuècliésde  Vabres  et  de  Lectoure,  il  fut  ambassadeur  à  Venise 
et  à  Rome,  archevêque  de  Toulou'îe,  associé  comme  colégat  au  cardinal  de 
Bourbon,  et  légat  à  Avignon,  qu'il  conserva  au  Saint-Siège  par  son  habileté  et  sa 
sage  administration  au  milieu  des  guerres  civiles.  Elevé  au  cardinalat  en  1544-,  il 
succéda  à  Félicien  Capiston  sur  le  siège  d'Avignon.  Il  mourut  en  1585,  à  l'âge  de 
quatre-vingt-quatre  ans.  Le  cardinal  d'Armagnac  aimait  les  choses  d'art.  11  existe 
une  correspondance  de  lui  avec  le  connétable  Anne  de  ilontmorency,  de  laquelle 
il  ressort  qu'il  rechercha,  acquit  et  envoya  à  ce  dernier,  de  Rome  en  France, 
nombre  de  marbres  antiques.  —  Voir  F.  de  Lastevrie,  Le  connétable  de  Mont- 
morencij.  Gazette  des  Beaux-Arts,  2''  série,  t.  XIX,  p.  101.  —  Miller,  Les  por- 
tefeuilles de  Gaignières,  Gazette  des  Beaux-Arts,  V"  pér.,  t.  IX,  p.  75, 


560  FUAXÇOIS    ET    .!  A  C  0  B    BUAEL. 

Vallecas  ;  el  hoho  de  Coria  ;  Pahlillos  de  Valladolid  ;  Bcirha- 
roja;  el  Primo,  etc. 

La  liste  continue  avec  deux  portraits  du  roi,  ce  qui,  avec  les 
cinq  du  premier  mémoire,  fait  sept,  devant,  probablement  comme 
les  précédents,  être  oflerts  à  de  fidèles  amis  du  souverain. 

Le  quatrième  article  énumère  les  trois  portraits  de  saint  Gelais  ' , 
Vaudoré  -  et  Du  Fay  %  destinés  à  être  donnés  aux  modèles  eux- 
mêmes. 

Le  cinquième  article  consiste  en  un  grand  tableau,  ce  qui  veut 
sans  doute  dire  de  figure  de  grandeur  naturelle,  représentant 
Adonis.  Ce  sujet  mythologique,  est  bien  dans  l'esprit  du  temps, 
épris  d'antiquité  et  de  paganisme. 

Pour  le  dernier  article,  il  comprend  deux  tableaux  de  moindres 
dimensions  figurant  :  l'un,  le  Triomphe  de  la  Vérité,  et  l'autre, 
un  Rujiesque  italien.  Le  Triomphe  de  la  Vérité,  c'était  probable- 
ment une  de  ces  allégories  alambiquées  et  compliquées  telles  que 
la  Renaissance  en  a  tant  produites,  et  par  Riifiesque  italien  il 
faut  sans  doute  entendre  le  portrait  d'un  reître  ou  d'un  ruffian 
chargé  d'oripeaux,  mi-soldat  mi-bandit,  ce  que  nous  appellerions 
aujourd'hui  une  tête  de  genre. 

La  somme  totale  réclamée  par  François  Bunel  dans  ce  mémoire 
montait  à  326  écus  soleil,  soit  978  livres  du  temps;  mais,  par 
suite  de  la  péuurie  du  trésor  royal,  et  peut-être  aussi  de  la  lési- 
nerie  assez  connue  du  roi  Vert  Galant,  cette  somme  fut  réduite 
par   Berziau  seigneur   de  la  Marsillière,  l'un  des  secrétaires  des 

'  Nous  ignorons  s'il  s'agit  ici  d'Urbain  de  Saint-Gclais,  fds  naturel  du  sieur  de 
Lanzac,  évèque  de  Comrniiiges  de  1560  à  1613,  ou  d'un  autre  Saiut-Gelais,  offi- 
cier au  service  de  Henri  de.Vavarre,  pour  la  veuve  duquel,  devenu  roi  de  France, 
Henri  IV  réclama  un  secours  à  son  conseil  des  finances  par  une  lettre  datée  de 
1595.  Voir  Berger  de  Xivrev,  Recueil  des  lettres  missives  de  Henri  /t^,'1567- 
1610,  9  vol.  in-V.  Paris,  Imprimerie  Nationale,  1866. 

-  Françoys  Salomon  de  Bremond,  seigneuf  de  Vaudoré,  était  un  gentilhomme  = 
au  service  de  Henri  IV,  qui  fut  gouverneur  de  Parthenay  et  du  pays  deGastine.  Par 
suite  d'alliances,  la  terre  de  Vaudoré  entra  plus  tard  dans  la  famille  de  la  Fontenelle.  ■ 

'  Ce  Du  Fay  n'était  autre  que  le  petit-fils  du  fameux  chancelier  de  l'Hospital. 
Michel  Hurault  de  l'Hospital,  seigneur  du  Fay  ou  du  Faï  et  de  Bel  Esbat,  fils  de 
Robert  Hurault,  seigneur  de  Bel  Esbat,  maître  des  requêtes  de  l'hôtel  du  roi,  et  ' 
de  Magdeleine  de  l'Hospital,  fillô  unique  du  chancelier, -fut  d'abord  secrétaire  du'' 
roi  de  iVavarre,  puis  elianoelier  de  Navarre  et  gouverneur  de  la  ville  de  Quille- 
beuf.,11  fut  chargé  de  plusieurs  ambassades  par  Heori  III  et  Henri  IV  .  Il  mourut 
en  1592i 


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FRAXf,  OIS    ET    JACOB    BU.\EL.  :>6l 

commai)demenfs  du  soiuorain,  à  185  écus,  soit  555  livres,  c'est-à- 
dire  de  près  de  nioilié,  nialjjré  le  |)ri\  des  encadrements,  comme 
n'oublie  pas  de  le  mentionner  le  scrupuleux  trésorier.  Le  peintre, 
qui  avait  présenté  son  mémoire  à  la  Rochelle,  fut  payé  dans  la 
même  ville  le  30  mai  1587,  comme  en  témoigne  son  reçu.  Il  se 
trouvait  d'ailleurs  à  la  Rochelle  depuis  plus  d'une  année. 
Voici  ce  reçu  écrit  en  entier  de  la  main  de  Bunel  : 

Pour  servir  de  quictance  a  Macé  du  Pcrray  conseiller  très'  et  R''  gé- 
néral des  maison  et  tinanoes  du  roy  de  \avarre,  de  la  somme  de  cent 
quatre  vingtz  cinq  escuz  sol  à  moy  ordonnez  pour  les  causes  portées  par 
son  mandement  du  Vj"  du  présent  moys.  Faict  à  la  Rochelle  ie  xxx"**- 
jour  de  may  l'an  mil  cinq  cens  quatre  vingtz  et  sept. 

Bunel  '. 

Un  an  après,  nouveau  mémoire  de  283  écus,  soit  849  livres,  pré- 
senté par  François  Bunel,  vérifié  par  Armagnac,  premier  valet  de 
ch'ambredu  roi, le  3  février  1589,  arrêté  à  177  écus,  soit  531  livres, 
sans  doute  pour  la  même  raison  d'économie  qui  semble  une  règle 
invariable  de  la  Cour  de  Navarre,  par  Roquelaure,  le  3  mai  1589 
trois  mois  plus  tard,  à  Tours;  et  enfin,  le  13  juin  J590,  payé  au 
camp  de  Gonesse,  par  ordonnance' royale.  Le  peintre,  qui  suivait 
l'armée  du  préfendant,  en  donna  quittance  sous  les  murs  de  Paris, 
le  9  juillet  de  cette  même  année. 

Voici  ce  mémoire,  comme  les  précédents,  très  instructif,  ainsi 
que  l'ordre  de  paiement,  et  le  reçu  du  peintre  : 

Parties  de  peintures  qui  sont  deues  à  Bunel,  peiptre  da  roy,  qu'il  a 
faict  par  son  commandement   : 

Et  premièrement  un  grand  tableau  d'une  Charité qu'it  à  faJCt  dans  la 
chambre  de '8a  Majesté;  60'escus  —  réglé  à  30  escus  ; 

Plus  unauhre  ehfant  grartd  comme  le  naturel  qui  desmont're  la  vie  de 
l'homme  ;  30  escus  ' —  réglé  à  15  oscus;  ■  .      . 

Plus  pour  aaoir  ;  fourni  de  toHles  et  de  couUeures  au  peintre  de 
Monsieur  de  Salaygnaiic;  pour  faire  un  tableau- d'une  Vanité  et  tout  par  le 
commandement  de  Sa  Mnjfesté  ;  60  escus  —  réglé  à  30  escus  ; 

Plus  un  pourtraict  de  luy-mesme,  en  tableau  commun  qu'il  a  donné' ^ 
à  Monsieur  de  Roquelore,  enrichi  d'uue  bordure  dorée;  1:2 escus  —  réglé  ' 
à  10  escus  ; 

'  Voir,  ci-dessus,  plancJie  XL. 


568  FRAIVÇOIS    ET    JACOB    BU\EL. 

Plus  deux  autres  tableaux  de  Drak  qu'il  a  commandé  de  semblable 
grandeur  commune  ;  20  escus  —  réglé  à  12  escus  ; 

Plus  un  autre  tableau  commun  de  Sa  dite  Majesté  a  donné  à 
Monsieur  de  Vau,  ministre  ;  10  escus  —  réglé  à  8  escus  ; 

Plus  un  autre  tableau  commun  de  Monsieur  de  Fonterailles  ;  10  escus 

—  réglé  à  8  escus  ; 

Plus  autre  tableau  commun  de  Monsieur  de  Favas  ;  10  escus  —  réglé 
à  8  escus  ; 

Plus  un  grand  tableau  de  Sa  Majesté  aussi  grand  que  le  naturel, 
d'armes  enricbi,  10  escus  —  réglé  à  8  escus  ; 

Plus  pour  avoir  esté  en  lié  pour  peindre  le  petit  de  Monsieur  Gédéon  ; 
15  escus  —  réglé  à  12  escus  ; 

Plus  un  pourtraict  du  roy  d'Escosse  de  commune  grandeur  ;  10  escus 

—  réglé  à  8  escus  ; 

Je  certifie  avoir  faict  et  fourny  pour  Sa  Majesté  ce  qui  est  ici  dessus 
mentionné  en  douze  articles,  faict  par  le  commandement  du  roy  le 
3  Febvrier  1589. 

Armaignac. 

Les  parties  contenues  de  l'autre  part  en  onze  articles,  ont  été  veues, 
arrestées  et  modérées  à  la  somme  de  huit  vingtz  dix  sept  escuz  soleil  par 
nous,  chambellan  et  maistre  de  la  garde  robe  du  roy  et  le  controlieur  de 
sa  maison  soubssignez.  Faict  à  Tours  le  tiers  jour  de  may  l'an  mil  cinq 
cens  quatre  vingtz  neuf, 

pour  177  écus  sol. 

ROQUELAURE. 

Au  dos  est  écrit  : 

Mandement  du  roy  et  quittance  de  François  Bunel  de  177  écus  sol. 

De  par  le  roy. 

A  nostre  amé  et  féal  conseiller,  trésorier  et  receveur  de  noz  maison  et 
antien  domaine  de  Navarre,  M'  Vincens  de  Pedescleaux,  salut,  nous 
voulions  et  vous  mandons  que  des  premiers  et  plus  clairs  deniers  de 
vostre  charge  et  recepte,  vous  payez  et  dellivrez  comptant  à  Françoys  Bunel, 
nostre  peintre  et  varlet  de  chambre,  la  somme  de  huict  vingtz  dix  sept 
escus  sol  que  nous  lui  avons  ordonnée  et  ordonnons  par  ces  présentes, 
signées  de  nostre  propre  main,  pour  les  causes  contenues  au  roolle  et 
certifficat  cy  soulz  nostre  cachet  allachet,  rapportant  les  quelz  ce  présent 
mandement  et  quitance  sur  ce  suffizante  dudit  Bunel  de  la  dite  somme 
de  177  écus  sol,  nous  voulions  icelle  estre  passée  et  allouée  en  la  mize  et 
despence  de  voz  comptes  par  nos  amez  et  féaulx  les  auditeurs  d'iceulx, 
aux  quels  mandons  ainsi  le  faire  sans  difficulté,  car  tel  est  notre  plaisir. 


FRAXÇOIS    ET    JACOB    BIX  EL.  Mi'J 

Donné  au  camp  de  Gonesse  le  xiiP  juin  cinq  cens  quatre  vingtz  dix. 

Henry. 
De  Loménie. 
l'eu  par  Duplessis  '. 

Je  soubz  signé,  peintre  et  varlet  de  chambre  du  Roy,  confesse  avoir 
receu  comptant  de  Monsieur  de  Pedesclaux,  conseiller  dudit  seigneur  roy, 
trésorier  et  receveur  général  de  ses  maison  et  finances  de  Navarre,  la 
somme  de  huict  vingtz  dix  sept  escus  sol  à  moi  ordonnée  pour  les  causes  con- 
tenues au  mandement  qui  en  a  esté  expédié  sur  le  dit  sieur  de  Pedesclaux, 
quelle  somme  de  177  écus  sol,  je  quitte  le  dit  sieur  de  Pedesclaux,  tréso- 
rier susdit,  et  tous  autres  par  la  présente  que  j'ay  signée  de  ma  main. 

Au  camp  devant  Paris,  le  ix"  jour  de  juillet  mil   cinq  cens   quatre 

vingtz  dix. 

pour  177  écus 

BuxEL  -. 

Le  premier  article  de  ce  troisième  mémoire  du  peintre  de  Henri 
(le  Navarre  s'applique  à  un  grand  tableau  d'une  Charité  exécuté 
pour  les  appartements  royaux,  une  allégorie  probablement;  mais 
s'agit-il  des  trois  vertus  théologales,  les  Karites  chrétiennes,  ou 
(les  trois  Grâces,  les  Karites  des  théogonies  grecques?  L'on  n'en 
peut  rien  savoir.  Vient  ensuite  la  représentation  de  grandeur  natu- 
relle dun  enfant  démontrant  la  vie  de  l'homme.  Encore  une  allé- 
gorie, cette  dernière  probablement  relative  à  la  vie  humaine. 

L'article  suivant  prouve  que  François  Eunel  ne  peignait  pas 
seulement,  mais  qu'il  fournissait  en  plus  les  outils  de  leur  métier 
et  du  sien  aux  autres  peintres  employés  par  le  roi,  puisqu'il  livre 
des  toiles  et  des  couleurs  à  un  peintre  au  service  du  sieur  de  Salay- 
gnac  %  dont  il  néglige  de  dire  le  nom,  chargé  d'exécuter  pour  le  sou- 

'  Archives  des  Basses-Pyrénées.  B.  5974.  —  Voir  Paul  Ravmo.vd,  Notes  pour 
sertir  à  l'histoire  des  artistes  en  Bénrn.  Bulletin  de  la  Société  des  Sciences, 
Lettres  et  Arts  de  Pau,  1873-1878,  i'  série,  t.  III,  p.  133  et  suiu. 

*  Archives  des  Basses-Pyrénées.  B.  5974. 

^  Saiignac  ou  Salaijjnac,  baron  de  la  Mothe-Fénelon,  fut  envoyé  plusieurs  fois 
en  ambassade  par  Henri  IV' ,  notamment  au  roi  de  France,  alors  que  le  Béarnais 
n'était  encore  que  roi  de  Navarre,  et  plus  tard  à  Conslantinople. 

Nous  ne  savons  quel  est  le  peintre  employé  ordinairement  par  M.  de  Saiignac 
dont  il  est  question  ici.  Parmi  ceux  dont  on  trouve  le  plus  souvent  les  noms 
dans  les  comptes  de  dépense  de  la  maison  de  Navarre  pendant  le  règne  de 
Henri  IV,  il  convient  de  citer  Marc  Duval,  qui  jouissait  en  même  temps  d'une 
charge  de  valet  de  chambre  du  roi  ;  Chrestien  Lefebure  (Schmidt)  ;  Simon  Hemste, 


570  FRAiVCOlS    ET    JACOB    UU.\EL. 

verain  un  tableau  représentant  une  [/«mVe,  toujours  des  allégories. 
Dans  le  quatrième  article,  il  s'agit  d'un  portrait  du  roi;  le 
sixième,  c'est  encore  un  portrait  du  roi.  Avec  les  sept  dont  il  a 
déjà  été  question  précédemment,  cela  fait  neuf,  et  nous  ne  sommes 
pas  au  bout.  Ces  deux  derniers  étaient  destinés  à  être  olTerts  à  mes- 
sieurs de  Roquclaure  '  et  du  Vau  *.  Celui-ci,  ministre  de  la  religion 
réformée.  Arrivons  donc  à  un  dixième  portrait  du  souverain, 
de  grandeur  naturelle,  le  représentant  en  pied,  avec  ses  armoiries 
figurées  sur  la  toile. 

-Un  article  précédent  est  consacré  à  deux  tableaux  de  Drak, 
exécutés  sur  commande  du  roi,  tous  deux  de  même  dimension. 
Que  signifie  ce  nom  de  Drak  que  nous  avons  en  vain  cherché  dans 
tous  les  glossaires  possibles?  S'agit-il  d'un  sujet  de  chasse?  Drak 
serait-il  le  nom  d'un  animal  de  la  ménagerie  du  souverain,  d'un 
chien  faisant  partie  de  sa  meute,  d'un  fou  attaché  à  la  maison 
royale?  Peut-être,  quoique  nous  n'ayons  nulle  part  trouvé  trace  de 
ce  nom  dans  les  comptes  de  dépense  de  la  maison  de  Navarre. 

peintre  et  valet  de  clianibre  de  Jeanne  d'Albret,  et  enfin  les  Cabery,  dont  l'un, 
Guillaume,  aidé  d'un  cliarpeutier  caj^ot,  fut  chargé  d'effacer  les  noms  et  les  por- 
traits des  rebelles  du  fanfieux  tableau  exposé  en  Béarn  jusqu'au  mois  de  janvier 
1574-.  Ce  tableau,  sur  lequel  li  étaient  peints  non  seulement  les  noms  et  prénoms 
des  proscrits,  mais  encore  leur  portrait,  de  manière  à  pouvoir  les  reconnaître  et 
leur  courir  sus  »,  avait  été  exécuté  par  les  soins  du  conseil  général  de  Pau,  d'après 
un  ordre  de  Jeanne  d'Albret  verni  de  la  Rochelle  à  une  date  incertaine,  mais,  pro- 
bablement au  commejicement  de  l'année  1570.  —  Voir. l'abbé  Dlb.aratz,  le  Pro- 
testantisme en  Béarn  et  au  pays  basque,  1  vol.  in-8".  Pau,  imprimerie  Vignan- 
cour,- 18^5;  Paul  I{AV.\ioxb',  toc.  cit.  Bulletin  de  la  Société  des  Sciences,  Lettres 
efi^rWrfe  PaK.;i87.'î-1878,  2'=..série,  t.  III,  p.  125  et  suiv. 

_'  Uy  a  eu  à  la  Cour  de  Aavarre  deux  Roquelaure  :  1°  Antoine,  baron  de  Roquc- 
laure, né  en  mars  15'f4,  mort  le  9  juin  1625%  Lectoure.  Attaché  par  Jeanne  ji'Al- 
bret  au  service  de  son  fils,  il  accompagna  ce  prince  dans  toutes  ses  expéditions  mili- 
taires, à  Moncontour,  àCoutras,  à  Arques,  àlvry,etc.  Il  fut  successivement  maître 
de  la  garde-robe  du  roi,  conseiller  d'Élat,  lieutenant  général  d'Auvergne  en  1596, 
d«  Guyenne  en  1610.  Henri  IV  n'eut  pas  de  compagnon  plus  fidèle  et  plusdé.voué. 
Il  fut  fait  maréchal  de  France  par  Louis  XIII,  le  27  décembre  1620.  Ro.qijelaure, 
qui  s'était  marié  deux  fois,  eut  dix-huit  enfants.  2°  Le  sieur  de  l'Hostal,  seigneur  de 
R<)quelaure,  Sendos  et:Maucor,  vice-chancelier  du  royaume  de  Navarre,  qui 
publia  en  1610  un  ouvrage  appelé  V Avant  victorieux,  en  l'honixeur  de  Henri  IV. 

Auquel  de  ces  deux  Roquelaure  était  destiné  le  portrait  dont  il  est  question 
ici,  il  est  difficile  ^ç  le  dire. 

-  Gilbert  de  Vaux  ou  Devaux,  pasteur  protestant,  ministre  de  la  reUgion 
réformée  à  Millau  en  1561  ;  il  avait  été  employé  à  des  négociations  avec  l'Alle- 
magne en  1573;  il  fut  un  des  signataires  du  traité  de  Bergerac  en  1577  et  de 
celui  de  Nérac  comme  député  du  Rouergueen  1579.  Il  assista  en  cette  même  qua- 


F  II  A  \  COI  s    liT    JACOI!    lîUXEI,.  :,- î 

P.: nui  ](\s  lotis  du  roi,  nous  avons  rencontré  les  noms  de  Thoniin, 
Chicot,  François  Lalo,  mais  pas  celui  de  Drak  '  . 

En  poursuivant  la  lecture  du  mémoire,  noiis  rencontrons  les 
portraits  de  AIM.  de  Fonterailles  -  et  de  Favas^  offerts  par  le  roi 
aux  modèles  eux-mêmes. 

Le  dixième  article  s'applique  au  portrait  d'un  enfant  naturel  du 
roi  et  d'Esther  Imbert,  né  en  1587  et  mort  deux  ans  après  en  1589, 
que  François  Bunel,  sur  l'ordre  du  souverain,  alla  partraicturer 
dans  l'île  de  Ré,  ou  il  se  trouvait  avec  sa  mère  *. 

Le  onzième  et  dernier  article  du  mémoire  fait  mention  d'un 
porlraitdu  roi  d'Ecosse  qui  n'était  point  encore  Jacques  I"  d'Angle- 
terre, mais  allait  bientôt  le  devenir. 

Entre  ces  deux  mémoires  que  nous  renons  de  reproduire  et 
d'analyser,  nous  aurions  dû  trouver  place  pour  le  reçu  que  voici, 
touchant  les  gages  de  François  Bunel  en  qualité  de  valet  de 
chambre;  mais  il  ne  nous  apprend  rien  que  nous  ne  sachions 
déjà,  qu'il  avait  passé  un  peu  plus  d'un  an  et  demi  à  la  Rochelle 


lité  à  l'assemblée  publique  de  la  Rocbelle  en  1588;  à  la  conférence  de  Nantes  en 
1593,  ou  les  bistoricns  protestants  l'accusent  de  s'être  laissé  corrompre  par  le 
cardinal  du  Perron.  11  mourut  en  159S. 

'  B.  DE  Lagreze,  le  Château  de  Pau  et  le  Béarn.  Paris,  1885,  in-12. 

-  Micbel  d'Astarac,  baron  de  Marestan^  et  de  Fonirailles  ou  Fontaraille, 
vicomte  de  Congolas,  fils  aîné  de  Jean-.Jacques  d'Astarac  etd'.Annede  \'arbonne, 
nommé  colonel  de  cavalerie  par  Jeanne  d'Albret,  et  attacbé  au  service  du  roi  de 
Navarre,  fut  successicement  sénéchal  d'Armagnac,  ^  gouverneur  des  villes  et 
cbasteau  de  Leytours  *,  lieutenant  général  des  pays  d'Armagnac,  Cominges,  Asta- 
rac,  Gauze,  Loumagne  et  Rivière-Verdun  ;  gentilhomme  de  la  chambre  du  roi  et 
capitaine  de  cent  hommes  d'armes.  Il  avait  eu  une  jambe  emportée  d'un  coup  de 
canon  à  la  bataille  de  Jarnac.  On  ignore  l'année  de  sa  mort  comme  celle  de  sa 
naissance.  Toujours  est-il  qu'il  vivait  encore  en  1604. 

~3  Jean  de  Fabas  était  un  gentilhomme  gascon  qui  fut  •goiiverneur  d'Albret  ou 
Làbrit,  Quoique  catholique,  il  soutint  Montgomery  cpntre'^Iontluc   pendant  les 
guerres  de  religion.  Il  prit  part  à  la  bataille  de  Lépante  contre  les  Turcs  en  1571. 
En  1576,  chargé  de  la  défense  de  Bazas  pour  le  roi  de  France,  il  bvra  cette  place!, 
à  Henri  de  Navarre  après  l'avoir  pillée.  Il  se  fit  alors  protestant  et  aidaà  la  prïsfr»! 
de  la  Réorle  en  1577;  ensuite,  avec  les  armées  huguenotes,. i'înq^uiéla  Bordcaitx  et! 
les  villes  royales,  puis  contribua  à  la  victoir.e>de  Contras  et  à  celle  d'Ivry  en  qualité  r 
d'aidedc  camp  du  roi. de  Navarre.  En  159'i,  ilfutundes  promoteurs  dé  la  conférence  v 
du  Perronavec  les  ministres  protestants.  Il  entra  dans  Paris  aux  côtés  de  Henri  IV.  '. 
Le  roi  le  récompensa  en  le  nommant,  en  .1597^  gouverneur  du  Condomois  et  du 
pays  d'Albret,  et,  en  1605,  érigea  sa  terre  dé  Castets  en  viconiïé.  Il  mourut  en 
1614.  Son  fils  combattit  avec  les  protestants  à  la  Rochelle  conti'e  Louis  XIII.  ■ 

*  Estiier  Imbert  était  fille  de  Boislambert,  maître  des  requêtes  du  roi  de  Navarre. 


»">'2  FRAXCOIS    ET    JACOB    BUXEL. 

puisqu'il  y  esl  réglé  de  son  mémoire  le  30  mai  1587,  comme 
nous  avons  vu,  et  qu'il  y  reçoit  ses  gages  de  valet  de  chambre  le 
1-2  septembre  J588. 

Pour  servir  de  quittance  h  Monsieur  Macé  du  Perray,  trésorié  général 
des  maison  et  finances  du  roy  de  Navarre,  de  la  somme  de  ()/20  livres 
tournois  pour  mes  gaiges  de  la  présente  année. 

Faicl  à  la  Rochelle  le  douzième  jour  de  septembre  l'an  mil  cinq  cens 
quatre  vingtz  huict. 

BlNEL   '. 

Pour  en  finir  avec  les  quittances  données  par  le  peintre  en  tou- 
chant son  traitement  de  valet  de  chambre,  transcrivons  encore  la 
suivante  et  l'attestation  qui  l'accompagne. 

Pour  servir  de  quittance  au  trésorié  général  de  la  maison  et  finances 
du  roy  de  Navarre,  Monsieur  Julien  Mallet,  de  la  somme  de  30  livres 
tournois  sur  mes  gaiges  de  valet  de  chambre  dudict  seigneur  roy,  pour 
la  présente  année  mil  cinq  cens  quatre  vingtz  neuf. 

BUNEL  *,  » 

Voici  maintenant  l'attestation  : 

François  Bunel,  autre  valet  d'e  chambre  l'a  somme  de  40  escus  sol. 
P"^  luy  ordonnez  pour  son  gaige  de  la  dicte  année.  Cy  couchez  par  les 
dicts  estât  sans  quitance  pour  la  somme  de  40  escus  — effacé  —  10  escus. 

en  marge  : 

Alloué  pour  somme  de  10  escus  par  quittance  de  la  dicte  somme 
ci  rendue  et  le  reste  payé  à  faute  de  quittance.  Année  mil  cinq  cens 
quatre  vingtz  neuf^. 

Ces  deux  pièces  sont  les  derniers  documents  que  nous  ayons 
rencontrés  dans  les  états  de  dépense  de  la  maison  de  Xavarre  con- 
cernant François  Bunel.  Cela  veut-il  dire  que  le  peintre  soit  mort 

Il  existe  aux  archives  des  Basses-Pyrénées  une  quittance  à  la  date  du  15  juil- 
let 1587,  produite  à  la  chambre  des  comptes  de  Pau  par  le  sieur  Macé-Diipenay, 
trésorier  général  de  Navarre  et  Béarn,  de  la  somme  de  2,200  écus  payée  à  cette 
maîtresse  du  roi  pour  son  entretien  et  celui  de  son  enfant.  V^oir  J.  Lochard, 
Ephèmérides  du  Béarn  et  du  pays  basque.  Orthez,  imprimerie  Goude-Duménil, 
1866,  in-8°. 

'  Archives  des  Basses-Pyrénées.  B.  2979. 

-  Ibid.,  B.  3051. 

^'  Ibid.  —  Registres  de  la  chambre  des  comptes  du  Trésorier  général.  B.  163, 
f»  96  \o. 


FRAXÇOIS    ET    JACOB    BLXEL.  57  î 

vers  cette  époque?  Très  probablement,  (|iJoique  nous  n'en  ayons 
aucune  preuve.  François  Bunel  devait  être  alors  âgé  de  soixante 
à  soixante-quinze  ans  environ,  s'il  était  né  entre  les  années  1515 
et  1530  comme  il  est  présumable. 

Xous  avons  éiiuméré  dix  portraits  de  Henri  I\' peints  par  François 
Bunel,  et  nous  devons  être  loin  d'avoir  cité  tous  ceux  sortis  de  son 
pinceau.  De  ces  portraits,  deux  ont  été  gravés,  tous  deux  en  Italie, 
alors,  bien  entendu,  que  Henri  IV  n'était  encore  que  roi  deXavarre, 
puisque  tout  donne  à  penser,  comme  il  vient  d'être  dit,  que  Fran- 
çois Bunel  mourut  avant  l'entrée  du  souverain  dans  Paris. 

Le  premier  de  ces  portraits,  gravé  en  1590  à  Rome,  par  Pliilippe 
Tbomassin,  suscita  au  malheureux  graveur  de  grands  désagré- 
ments, et  peu  s'en  fallut  qu'ail  n'allât,  pour  ce  travail,  pourrir  dans 
les  cachots  du  Saint  Office.  En  1585  Sixte-Quint  avait  lancé  une 
bulle  d'excommunication  contre  le  roi  de  \avarre  et  le  prince  de 
Condé,  avec  cette  circonstance  aggravante  à  l'égard  du  premier, 
qu'après  s'être  converti,  il  avait  de  nouveau  fait  profession  de  cal- 
vinisme et  "  s'était  déclaré  chef  des  calvinistes  en  France  « .  Cette 
bulle,  signée  de  vingt-cinq  cardinaux,  fut  promulguée  et  affichée 
à  Rome  le  21  septembre  1585.  Aussi  ne  faut-il  pas  trop  s'étonner 
si,  quelques  jours  à  peine  après  avoir  livré  les  premières  épreuves 
de  son  portrait  du  prétendant  excommunié,  le  mardi  12  juin  1590, 
Philippe  Tbomassin  reçut  une  citation  à  comparaître  devant  le 
tribunal  du  Saint  Office  pour  y  répondre  de  l'accusation  d'avoir 
reproduit  les  traits  du  roi  hérétique  Henri  de  Mavarre.  Le  pauvre 
artiste  avoue  avoir,  sur  l'ordre  de  M.  de  Luxembourg,  ambas- 
sadeur de  la  noblesse  de  France,  gravé  le  portrait  d'un  inconnu  ; 
d'en  avoir  tiré  d'abord  vingt  quatre  épreuves  et  ensuite  vingt-cinq 
ou  trente  autres;  il  explique  ensuite  n'avoir  inscrit  sous  ce  portrait 
que  Francoyes  Bunelpeintre  D.  S.  M.  F.  Les  juges,  suffisamment 
éclairés  par  ces  réponses,  firent  enfermer  au  château  Saint-Ange 
Philippe  Tbomassin,  ainsi  qu'un  peintre  nommé  Dominico  de 
Angelinis,  qui  avait  exécuté  une  copie  à  l'huile  du  portrait  incri- 
miné. Heureusement  que,  grâce  aux  instances  du  duc  de  Luxem- 
bourg, deux  mois  après,  le  17  juin  1590,  Sixte-Quint  faisait  rendre 
la  liberté  aux  deux  prisonniers. 

Ce  portrait  de  Henri  IV,   par  François  Bunel,  ayant  servi  de 
modèle  à  la  gravure  de  Philippe  Tbomassin  et  représeiilant  le 


574  FUAAÇOIS    ET    .1  A  C  0  I?    BIJXEL. 

«  prétendu  roi  de  \avarrc,  la  tète  couverte,  un  bâton  à  la  main, 
revêtu  d'une  cuirasse,  le  ne/  long,  le  front  large  et  la  barbe  lon- 
guette «  ,  qu'est-il  devenu?  L'on  n'en  sait  rien.  Pour  la  copie,  qui 
en  avait  été  faite  par  Doniinico  de  Angelinis,  elle  a  sans  doute  été 
détruite  par  ordre  pontifical.  Nous  n'avons  pu,  non  plus,  découvrir 
d'épreuve  delà  gravure  portant,  comme  l'indique  l'interrogatoire 
de  Philippe  Thomassin,  la  signature  de  François  Bunel  suivie  des 
initiales  D.  S.  .M.  F.,  avec  l'inscription  suivante  inscrite  dans  l'ovale 
renfermant  l'effigie  royale  : 

Pinge  pietatem  belfi  fulmcnque  fidemque 
Henrici  vultuna  pinxeris  et  animum. 

et  au  dessous  :  , 

Heuricus  cjiiartus  Dei  gratia  Galliae  et  X^avarrae  rex. 

Cette  dernière  légende  était  la  véritable  raison  des  colères  pon- 
tificales et  les  explique  d'ailleurs  facilement  '. 

Le  second  portrait  de  Henri  IV,  gravé  en  Italie  d'après  François 
Bunel,  l'a  été  en  1595  par  Augustin  Carrache  et,  comme  le  précé- 
dent, est  inscrit  dans  un  ovale.  La  planche  fut  généreusement 
payée;  mais  «  il  faut  croire  «  ,  dit  Mariette-,  c  qu'on  n'y  trouva 
pas  la  ressemblance  voulue,  et  que  ce  fut  la  cause  de  la  rareté  des 
épreuves.  On  négligea  de  faire  imprimer  la  planche,  au  lieu  que 
le  portrait  du  même  prince,  gravé  par  Goltziusen  1592,  d'après  un 
tableau  que  je  crois  aussi  de  lîunel,  fut  fort  recherché  parce  que, 
en  effet,  il  est  fort  ressemblant  et  fort  proprement  gravé.  » 

Mariette,  d'ordinaire  cependant  si  bien  informé  et  si  exact,  ne 
se  tromperait-il  pas  cette  fois  en  attribuant  à  François  Bunel  l'ori- 
ginal d'après  lequel  a  été  burinée  l'estampe  de  Goltzius?  Nous, le 
croirions  volontiers. 

Pas  plus  que  de  la  planche  de  Thomassin,  nous  n'avons  trouvé 
d'épreuves  de  celle  d'Augustin  Carrache;  mais  rien  d'étonnant 
à  cela,  puisque  ce  cuivre  n'a,  pour  ainsi  dire,  pas  été  imprimé. 
Pour  en  finir  avec  Thomassin,  disons  qu'il  ne  quitta  pas  Rome 
après  les  désagréments  que  lui  occasionnèrent  la  gravure  du  por- 

*  Un  amateur,  A  propos  d'un  portrait  politique.  Gazette  des  Beaux-Arts^  t.  V, 
2^  péi-.,  p.  186  et  suiv.  —  Archives  du  Saint-Office,  fonds  latin  8994,  f  308. 
-  -Mariette. 


FRAXCOIS    ET    JACOB    BLXEI,.  .,7.-> 

trait  (le  Henri  IV  ;  il  continua  à  y  vivre  et  à  y  tenir  une  école  de 
gravure  jusqu'à  sa  mort,  survenue  en  1650  '. 

Où  trouver,  aujourd'hui,  des  ouvrages  de  François Bunel  ?  Il  est 
bien  difficile  de  le  dire.  Les  hypothèses  mêmes  ne  peuvent  être  que 
très  prohlématiques  et  sans  autorité  sérieuse;  car  le  point  de  com- 
paraison nécessaire  manque;  ce  point  de  comparaison  serait  une 
œuvre  certaine  du  peintre,  et  l'on  n'en  connaît  pas.  Xombre 
de  toiles  pourraient  peut-être  lui  êlre  attribuées,  mais,  encore 
une  fois,  sans  preuves.  Parmi  ces  dernières,  on  aurait  quelque 
raison  de  compter  le  seul  portrait  authentique  de  Jeanne  d'Alhret 
que  l'on  connaisse,  celui  envoyé  par  elle  en  cadeau  à  la  Répu- 
blique de  Genève  sous  le  règne  de  Charles  I\  et  conservé  à  la 
bibliothèque  publique  de  l'Université  de  cette  ville  dans  la  salle 
Lullien.  Il  a  été  gravé  par  Le  Rat  et  figure  en  tète  du  volume  de 
M.  Alph.  de  Ruble  :  le  Mariage  de  Jeanne  d'Âlbret'.  Peut-être 
aussi  pourrait-on  lui  attribuer  également  le  portrait  de  Henri  I\ 
enfant,  envoyé  à  la  République  de  Genève  par  sa  mère  en  même 
temps  que  le  sien,  représentant  le  jeune  prince  er»  buste,  revêtu 
d'un  pourpoint  tailladé  et  découpé  à  la  mode  de  1570  avec  le 
visage,  bien  entendu,  imberbe  et  rappelant  beaucoup  celui  de  sa 
mère.  Ce  dernier  portrait,  gravé  au  pointillé  par  IVicholasSchenker, 
est  fort  curieux. 

Quant  au  petit  portrait  de  Henri  de  Xavarre,  alors  dans  sa  cin- 
quième année,  dans  lequel  il  est  représenté  en  pied,  en  pourpoint 
à  crevés,  petite  fraise,  l'épée  au  côté,  faisant  jadis  partie  de  la  galerie 
d'Orléans  et  gravé,  en  1791,  par  Tardieu,  il  semble  devoir  appar- 
tenir à  l'école  des  Clouet.  Cette  gravure,  car  le  portrait  est  perdu 
aujourd'hui,  a  servi  de  modèle  à  Rosio  pour  sa  statue  de  Henri  IV 
enlant.  Dans  les  inventaires  des  meubles,  tableaux,  sculptures, 
joyaux,  tentures  décorant  le  château  de  Pau  avant  l'avènement  du  fils 
de  Jeanned'Albret  au  trône  de  France,  se  trouve  la  mention  de  cer- 
taines œuvres  qui  pourraient  bien  être  attribuées,  avec  quelque  raison, 
à  François  Bunel  ;  mais,  là  encore,  tout  n'est  qu'incertitude  et  doute. 

Le  château  de  Pau,  résidence  ordinaire  et  officielle  de  Jeanne 
d'Albret  et  de  son  fils,  était  des  plus  somptueusement  meublés, 

  Ux  AMATEUR,  loc.  Cit.  Gdzette  des  Beaux-Arts,  t.  V,  2"  pér.,  p.  186  et  suiv 

-  Alph.  DE  RiBLE,  le  Mariage  de  Jeanne  d'Albret.  Paris,  Labitte,  1877,  in-8". 

—  Voir  la  Notice  sur  les  portraits  de  la  Bibliothèque  de  l'Université  de  Genève. 


576  FKAAÇOIS    ET    JACOB    BIJ\EL. 

comme  en  font  foi  les  anciens  inventaires.  Il  se  trouva  complète- 
ment dépouillé  de  ses  richesses  dès  les  premières  années  du  règne 
de  Louis  XIII.  Les  œuvres  d'art  qui  y  figuraient  ne  doivent  cepen- 
dant pas,  pour  la  |)lupart,  être  sorties  des  collections  nationales 
et  se  trouvent  sans  doute  aujourd'hui  aux  musées  du  Louvre  et  de 
Versailles,  dans  ce  dernier  tout  particulièrement. 

Le  22  décembre  1602,  Henri  IV  signe  un  reçu  sur  parchemin 
scellé  (le  son  grand  sceau  donnant  décharge  de  tout  ce  qui  restait 
dans  le  château  de  Pau,  de  bagues,  joyaux  et  autres  meubles,  qu'il 
avait  donné  ordre  de  transporter  au  château  de  Fontainebleau '. 
Les  tableaux,  cependant,  ne  devaient  pas  être  compris  dans  cet 
inventaire,  puisque,  le  20  février  1621,  près  de  vingt  ans  plus 
tard,  Louis  .\III  donne  quittance  de  tous  les  portraits  de  famille  et 
de  tous  les  tableaux  exposés  au  château  de  Pau,  qui  avaient  fixé  son 
attention  lorsqu'il  était  venu  quelque  temps  auparavant  dans  cette 
ville,  et  qu'il  avait  donné  ordre  de  rapporter  à  Paris*. 

Voici,  d'ailleurs,  l'inventaire  dressé  alors  et  conservé  dans  les 
archives  du  département  des  Basses-Pyrénées.  Malgré  sa  longueur 
et  quoiqu'il  ait  déjà  été  imprimé  dans  les  Archives  de  l'Art  fran- 
çais, nous  le  reproduisons,  vu  son  grand  intérêt  : 

Inventaire  des  tableaux  trouvés  dans  l'un  des  cabinets  du  roy,  en 
son  chasteaude  Pau,  faict  par  nous  soubssignez  Gratiandu  Pont,  conseiller 
du  roy  en  ses  conseils  d'Estat  et  privé  et  Daniel  de  Cachalon,  aussi 
conseiller  en  la  Chambre  des  Comp'.es  ;  présent  M.  Daniel  Remy, 
concierge  dudit  chasleau,  pour  estre,  les  dicls  tableaux  mis  es  mains 
dudict  de  Cachalon  et  par  lui  conduict  au  Louvre  à  Paris.  Le  tout  suivant 
le  commandement  de  Sa  Majesté  et  délivrance  a  ces  faicts  de  la  clef 
dudict  cabinet  par  Monsieur  de  Modens^  le  vingtz  un  d'octobre  mil  six 
cens  vingtz. 

Prem'. 

Ung  grand  tableau  représentant  une  cuisine  et  l'histoire  de  Tobie  qui 
a  esté  donné  par  le  roy  à  Monsieur  le  duc  de  Luynes  que  le  dict  S'  Remy 
a  déclaré  le  quel  tableau  est  dans  une  caisse  couverte  de  toile  cirée; 

Cinq  petits  tableaux  de  la  royne  Jehanne  de  Navarre  en  bois  ; 

Ung  tableau  de  la  royne  Marguerite  femme  de.  Henry  le  Grand  ; 

'  DuGEXXE ,  Panorama  historique  et  descriptif  de  Pau .    Pau ,  imprimerie 
Vignancour,  iQ-8°. 
-  J.  LocHARD,  loc.  cit. 
'  Probablement  Modène. 


FRAXÇOIS    ET    JACOB    BU.\EL.  ,577 

Austre  de  Madame  de  Joyeuse; 

Auslre  de  l.i  royne  Catherine  de  Médicis  ; 

Austre  de  la  royne  Elisabeth  d'Angleterre; 

Austre  du  roy  Anthoine  ; 

Deux  de  femmes  en  esmail  ; 

Austre  de  Monsieur  le  prince  de  Condé,  Louis  de  Bourbon; 

Austre  d'une  foie  de  la  royne  appelée  Labure  : 

Austre  de  Louis  Charles  comte  de  Marie  aùgé  de  huict  mois; 

Austre  tableau  d'une  femme  portant  le  deuil  blanc; 

Vingt  six  tableaux  de  femmes; 

Deux  tableaux  de  femmes  portant  le  deuil  ; 

Deux  tableaux  d'enfans , 

Austre  tableau  de  S'  Hiérosime; 

Austre   de  Monsieur  le  cardinal  de  Chaslillon; 

Austre  de  François  I  roy  de  France; 

Austre  de  Henry  second  roy  de  Navarre  portant  un  oyseau  sur  le  poing  ; 

Vingt  neuf  petits  tableaux  de  femmes  ; 

Ung  tableau  d'ung  enfant  au  maillot  frère  de  Henry  le  Grand; 

Austre  de  deux  Cupidons  s'entrebaisant; 

Ung  petit  tableau  d'un  cardinal; 

Ung  tableau  représentant  l'enfer; 

Austre  de  S'  Hiérosyme  adorant  Nostre  Seigneur  Jesus-Christ  en  la 
croix  avec  un  lyon  au  derrière; 

Austre  d'une  jeune  femme  habillée  à  l'espagnole; 

Austre  de  l'histoire  d'Oloferne  devant  Bethulie  ; 

Deux  docteurs  ou  gens  d'église; 

Quatre  tableaux  de  princes  d'Allemagne; 

Ung  tableau  d'une  religieuse; 

Ung  fort  petit  tableau  de  Pétrarque,  poète  français; 

Plus  un  grand  mirouer  d'acier  mis  dans  une  caisse;  les  quels  tableaux 
etmirouer,le  dict  de  Cachalon  les  ayant  faict  amener  dudict  Pau  en  cette 
ville  et  iceux  délivrés  et  mis  en  mains  de  Monsieur  de  Luynes  par  le 
commandement  de  Sa  Maj'^  en  a  deschargé  et  descharge  tant  le  dict  de 
Cachalon  que  Remy  concierge  et  garde-meubles  de  son  chasteau  de  Pau 
et  tous  austres. 

Faict  à  Paris  le  onzième  jour  de  Feburier  mil  six  cens  vingt  ung. 

Louis  de  Loméxie'. 


'  Archives  de  l'Art  français,  t.  III,   p.  60   et  suiv.,  document  extrait  des 
archives  des  Basses-Pyrénées,  communiqué  par  Francisque  Michel. 

37 


5T8  FRAXÇOIS    ET    JACOIÎ    BUXEL. 

Relevons  dans  celle  longue  éniiniêration  les  articles  suivants  : 
Cinq  petits  portraits  de  la  reine  Jeanne  d'AlItrel,  peints  sur  bois; 
un  portrait  du  prince  de  Condc,  Louis  de  Bourbon  et  un  petit  por- 
trait de  cardinal. 

II  existe,  au  musée  de  Versailles',  un  portrait  de  Jeanne 
d'Albret  en  buste,  en  costume  de  veuve,  catalogué  sous  le  n"  3184, 
peut-être  un  des  cinq  désignés  dans  cet  inventaire  qui  serait 
alors  l'œuvre  de  François  Bunel.  II  pourrait  aussi,  et  avec  encore 
plus  de  probabilités,  en  être  de  même  du  portrait  du  prince  de 
Condé,  Louis  de  Bourbon,  faisant  également  partie  du  musée  de 
Versailles,  catalogué  sous  le  n"  3187.  L'on  a  vu,  précédemment, 
que  François  Bunel  avait  fait  le  portrait  de  ce  prince.  C'est  peut- 
être  aussi  celui  désigné  dans  l'inventaire  dont  nous  venons  de 
prendre  connaissance.  Mais  est-ce  toujours  le  même  qui  figure 
aujourd'hui  à  Versailles?  Voilà  ce  qu'il  est  difficile  d'établir.  Pour 
le  portrait  de  cardinal  de  l'inventaire,  est-ce  celui  du  cardinal 
d'Armagnac  que  François  Bunel  avait  été  peindre  à  Avignon?  i\ous 
avouons  Tignorer  absolument. 

L'on  sait  que  non  seulement  François  Bunel  remplissait  l'office 
de  peintre  ordinaire  de  la  couronne  de  Navarre,  en  portraicturant 
le  roi  et  ses  familiers,  en  exécutant,  sur  l'ordre  du  souverain, 
quelques  tableaux  mythologiques  ou  autres,  mais,  de  plus,  qu'il 
fournissait  de  toiles  et  de  couleurs  d'autres  peintres  attachés 
au  service  de  la  Cour  béarnaise.  Là  ne  se  bornaient  pas  ses 
charges.  En  sa  qualité  de  valet  de  chambre  du  roi,  il  était  en  outre 
obligé  de  s'occuper  de  la  direction  des  fêtes  de  la  Cour  et  de  la 
décoration  des  rues  et  places  publiques  les  jours  de  cérémonies 
officielles.  Il  ne  faut  pas  oublier,  à  ce  propos,  que  même  beaucoup 
plus  tard  Velasquez,  comme  majordome  de  Philippe  IV,  présida  à 
l'organisation  des  fastueuses  cérémonies  célébrées  à  l'île  des 
Faisans  sur  la  Bidassoa,  qui  précédèrent  le  mariage  de  Louis  XIV 
et  de  l'infante  Maria  Térésa,  à  Saint-Jean  de  Luz. 

François  Bunel  s'est-il  converti  au  protestantisme  quand  il  fut 
attaché  au  service  du  roi  de  Navarre,  ou  son  évolution  religieuse 
eut-elle  lieu  à  une  date  antérieure  ?  Nous  inclinerions  volontiers 


'  De  Xolhac  et  Pératé,    Catalogue  du  musée  de   Versailles.  —  Voir  \'iel, 
Portraits  des  personnages  français  les  plus  illustres  du  seizième  siècle. 


FR.iXCOIS    ET    .l.\COI{    BUXEL.  579 

VOIS  celle  dernière  hypothèse.  Il  ne  faul  pas  oublier  (jiic  François 
Bnnel  habilait  Blois  en  1558,  date  de  la  naissance  de  son  fils,  et 
(|iril  séjournait  assez  fréquemment  à  Tours,  comme  nous  l'apprend 
le  peintre  Vignon  dans  une  de  ses  lettres  que  nous  aurons  à  citer 
tout  à  l'heure.  C'est  alors,  probablement,  qu'il  se  déclara  pour  les 
idées  nouvelles  dans  lesquelles  Tours  et  tout  le  pays  environnant 
avaient  donné.  Déjà,  vers  1552,  Gerbault  et  de  l'Épine,  l'un 
ancien  prieur,  l'autre  ancien  moine  de  l'ordre  des  Auguslins, 
avaient  répandu  les  doctrines  de  Calvin  dans  toute  la  région,  et 
lorsqu'on  1560  François  II  visita  Tours,  la  plupart  de  ses  habitants 
professaient  la  religion  réformée  '. 

Si  François  Bunel  n'avait  pas  été  protestant,  il  n'eût  pu  remplir 
les  charges  de  peintre  et  de  valet  de  chambre  du  roi  de  IVavarre; 
car,  par  ordonnance  du  30  septembre  1569,  jour  et  fête  de  saint 
Julien,  la  reine  Jeanned'Albret, alors  à  Saint-Maixent,  avait  promul- 
gué, par  provision,  diverses  ordonnances  sur  le  fait  de  la  religion, 
contenant  deux  chefs  principaux.  Par  le  premier,  elle  édictait  une 
suspension  de  tous  les  officiers  qui  ne  seraient  pas  religionnaires, 
et  enjoignait  au  lieutenant  général  de  ne  pourvoir  que  des  per- 
sonnes non  catholiques;  par  le  second,  elle  ordonnait  la  saisie  de 
tous  les  biens,  tant  ecclésiastiques  que  laïques,  de  ceux  qui 
auraient  désobéi  à  la  reine  ;  leurs  meubles  devaient  être  tout  incon- 
tinent vendus  au  plus  offrant  et  dernier  enchérisseur,  elles  immeu- 
bles mis  entre  les  mains  de  certains  commissaires  qui  en  devaient 
recouvrer  les  revenus,  dont  ils  demeuraient  répondants*. 

La  Réforme,  d'ailleurs,  trouva  nombre  d'écrivains,  de  savants 
et  d'artistes  sympathiques  à  ses  débuts;  épris  de  l'idée  de  renou- 
veau qui  agitait  tous  les  esprits  à  cette  époque  de  transition,  ils  ne 
voyaient  en  elle  qu'un  des  aspects  de  la  Renaissance,  celui  qui  per- 
mettait à  ces  intelligences  bouillonnantes  et  comprimées  jusqu'alors 
d'exprimer  leur  pensée  sans  entrave.  C'est  donc  là  qu'il  faut  cher- 
cher la  raison  du  changement  de  religion  de  Bunel  comme  de  bien 
d'autres. 

Mais  laissons  cette  question  et  arrivons  enfin  au  fils  de  François 
Bunel,  Jacob  ou  Jacques  Bunel,  qui  fut  un  artiste  considérable  et 

'  I)k  Sailcv,  Histoire  des  villes  de  France. 

-  L]xlrait  dos  rejjistres  de  la  chambre  des  comptes  de  Pau.  —  Bulletin  de  la 
Sociétt-  des  Sciences^  Lettres  et  Arts  de  Pau,  1871-J872,  p.  129. 


580  FllA.VÇOlS    ET    J  A  C  0  11    IJUXEL. 

forl  estimé  tie  son  temps.  Nous  en  avons,  d'ailleurs,  la  preuve  par 
le  témoignafje  de  ses  contemporains.  Il  jouit  non  seulement  de  la 
faveur  de  Henri  IV,  mais  aussi  de  celle  de  Marie  de  Médicis,  cette 
jeune  reine  que,  selon  les  heureuses  expressions  de  l  itet,  '  l'on 
nous  envoyait  des  bords  de  l'Arno  v ,  pour  laquelle  «  les  tableaux 
étaient  devenus  un  luxe  nécessaire  et  (jui  allait  faire  de  l'amour  de 
la  peinture  la  vertu  obligée  des  courtisans  '  ». 

Cette  réputation  de  Jacob  Bunel  semble  exagérée  et  surfaite 
aujourd'hui  que  nous  n'avons  plus,  malheureusement,  ses  ouvrages 
pour  la  contrôler;  mais  avons-nous  bien  le  droit,  sans  preuves  à 
l'appui,  de  nous  inscrire  en  faux  contre  le  sentiment  d'une  géné- 
ration entière?  Pouvons-nous,  sans  injustice  flagrante,  dédaigner 
un  homme  que  toute  une  époque  a  applaudi  et  célébré?  Ce  peintre, 
en  qui  ses  contemporains  voyaient  le  rival  et  l'émule  des  plus 
grands  maîtres,  ne  mérite-t-il  pas  une  étude  attentive  et  res- 
pectueuse? 

Jacob  Bunel  naquit  à  Blois  dans  les  premiers  jours  de  mai  1558, 
et  non  à  Tours  comme  l'a  écrit  à  tort  l'historien  Chalmel,  qui 
pourtant  le  connaissait  bien.  Voici,  d'ailleurs,  son  acte  de  baptême, 
extrait  du  premier  registre  des  baptêmes  de  l'ancienne  paroisse 
Saint-Honoré  de  Blois,  donné  par  M.  Dupré,  bibliothécaire  de 
cette  ville  : 

Ce  6"  du  mois  d'Octobre  1558  fut  baptisé  Jacob,  fils  de  François  Bunel 
peintre  et  de  dame  .Marie  Gueret  sa  femme  ;  les  parrains  furent  discrette 
personne  tuaistre  Jacob  Leprebstre  chanoine  en  l'église  S'  Sauveur  de 
bloys  et  noble  homme  Claude  Marchant,  maistre  des  comptes  à  Bloys  ;  la 
marraine,  daraoyselle  Marie femme  de  Monsieur  de  Tarnières*. 

Cet  acte  nous  apprend  encore  que  Jacob  Bunel  est  né  dans  la 
religion  catholique  professée  alors  par  ses  parents;  que  sa  mère 
s'appelait  Marie  Guérin,  et  enfin  que  sa  famille  jouissait  à  Blois 
d'une  certaine  considération,  puisque  l'enfant  fut  tenu  sur  les 
fonts  baptismaux  par  des  personnages  notables  :  un  chanoine,  un 
membre  de  la  noblesse  détenteur  d'une  charge  publique,  et  que 
la  marraine,  elle  aussi,  appartenait  à  la  noblesse. 


'  L.  ViTET,  Histoire  d'Eustache  Lesueur.  Paris,  1843. 

2  A.  Dupré,  loc.  cit..  Gazette  des  Beaux- Arts,  1888,  t.  I,  p.  265  et  suiv. 


FRA\Ç()1S    ET    JACOB    BL\"EL.  581 

Le  jeune  Bunel  n'ont  point  à  subir  les  angoisses  d'une  vocation  con- 
trariée. Fils  lie  peintre,  il  fut  naturellement  peintre.  Il  commença 
ses  études  sous  la  direction  de  son  père,  qui  fut  son  principal 
maître.  D'ailleurs,  à  Tours,  ville  lettrée  et  artiste  où  résidaient 
alors  nombre  de  peintres  et  de  sculpteurs,  séjour  fréquent  de  la 
Cour  et  des  grands,  où  Jacob  Bunel  passa  une  partie  de  sa  jeunesse, 
les  enseignements  et  les  heureuses  fréquentations  ne  lui  firent  pas 
défaut.  11  ne  faut  pas  oublier  que  c'est  en  Touraine  que  s'est  formée 
la  grande  école  de  peinture  nationale  qui  produisit  les  Jehan  Fou- 
quet,  les  Poyet,  les  Bourdichon,  les  Clouet,  etc.  Le  fameux  sculp- 
teur Michel  Colomb  ne  passa-t-il  pas  la  plus  grande  partie  de  sa 
vie  à  Tours,  où  il  exécuta  ses  principales  œuvres? 

Jacob  Bunel  eut  un  frère  aîné  dont  nous  ne  savons  rien;  mais, 
destiné  sans  doute  par  son  père  à  la  peinture,  puisqu'il  lui  avait 
donné  le  prénom  significatif  d'Apelles.  Il  est  à  croire  qu'il  mourut 
en  bas  âge  ' . 

Jacob  Buriel  suivit  tout  naturellement  la  route  tracée  par  son 
père,  et  il  n'eut  point  à  s'en  plaindre.  La  fortune  se  montra 
clémente  à  son  égard;  elle  lui  accorda  toutes  les  satisfactions  qu'il 
était  en  droit  d'en  attendre.  Il  jouit  de  l'estime  du  roi  et  de  la 
reine,  fut  hautement  apprécié  de  la  Cour  et  s'éteignit,  comme  nous 
le  verrons  pins  loin,  plein  de  gloire  et  d'honneur. 

Ayant  appris  de  son  père  tout  ce  que  celui-ci  pouvait  lui  ensei- 
gner, Jacob  Bunel  partit  pour  l'Espagne  dans  le  but  d'y  étudier  les 
peintures  renfermées  dans  les  collections  réunies  par  la  famille 
d'Autriche  ".  Là-bas,  il  s'enthousiasma  particulièrement  du  Titien, 
dont  il  essaya  de  s'approprier  le  coloris.  Philippe  II  se  prit  d'estime 
pour  le  peintre  français  et  lui  commanda,  pour  le  palais  del'Escu- 
rial  qu'il  venait  de  faire  élever,  quarante  tableaux,  chacun  de  trois 
toises  de  hauteur  ^  Que  sont  devenus  ces  tableaux  dont  on  ignore 
même  les  sujets  aujourd'hui  et  dont  parle,  avec  tant  d'admiration, 
Claude  Vignon?  Nous  n'en  savons  rien.  Sont-ils  encore  àl'Escurial  ? 
C'est  fort  douteux,  à  moins,  cependant,  qu'ils  ne  soient  mainte- 
nant attribués  à  un  autre  artiste,  ce  qui,  après  tout,  n'est  pas  abso- 

'  HA\r,,  lu  France  protestante. 

-  Dl'Ssiel'x,  les  Artistes  français  â  l'étranger.  Paris,  1852,  1  vol.  in-12. 
^  Comment   Pliilippc    II   s'engoua-t-il   d'un    peintre   appartenant  à   la  religion 
réformée?  Voilà  ce  qu'il  est  difficile  de  comprendre. 


Ô82  FRANÇOIS    ET    JACOB    BUXEL. 

lumcnt  impossible.  Toujours  est-il  qu'aucun  des  écrivains  (jui  se 
sont  occupés  de  ce  célèbre  palais  et  des  collections  qu'il  renferme 
n'en  fait  mention,  pas  même  le  comte  de  Laborde  '  dans  son  Itiné- 
raire descriptif  de  l'Espagne^  pourtant  si  complet  et  si  précis. 

De  retour  d'Espagne,  Jacob  Bunel  partit  pour  Rome,  où  il  com- 
mençait à  être  de  mode  pour  un  artiste  d'aller  étudier.  II  y  séjourna 
un  certain  temps,  travaillant  d'abord  dans  l'atelier  du  vieux  Pome- 
range  et  ensuite  dans  celui  de  Frederico  Zuccliaro';  puis  il  revint 
dans  sa  |)atrie  avec  une  connaissance,  peut-être  plus  approfondie, 
des  ressources  de  son  art,  mais  aussi  avec  un  entichement  plus  ou 
moins  heureux  des  procédés  transalpins.  Il  se  fixa  alors  à  Blois, 
encore  sous  l'influence  de  la  Cour  de  Marguerite  de  France,  impré- 
gnée de  l'esprit  de  Clément  Marot,  qui  y  avait  séjourné  avant  d'être 
obligé  de  s'exiler  à  la  Cour  de  Ferrare. 

A  Blois,  Jacob  Bunel  peignit  de  nombreux  portraits  «  de  sa 
façon  qui  étaient  de  bon  goust  » ,  dit  Bernier^  différentes  composi- 
tions religieuses,  entre  autres,  un  tableau  de  chœur  pour  l'église 
des  Capucins,  commandé  par  la  reine  Marie  de  Médicis,  représen- 
tant encore,  d'après  Bernier,  "  cette  femme  que  l'Apocalypse  nous 
dépeint  environnée  du  soleil  avec  des  symboles  à  l'entour  v.  ,  et 
dont  cet  historien  fait  les  plus  grands  éloges.  Alais  laissons-lui  la 
parole.  «  11  y  a  tant  d'harmonie  en  cet  ouvrage  et  je  ne  scay  quoi 
de  si  noble,  dit-il,  qu'il  pourrait  faire  seul  l'éloge  de  son  au- 
teur. » 

Jacob  Bunel  vécut  dans  sa  ville  natale  *  jusqu'à  ce  que  Henri  IV, 
probablement  en  souvenir  de  son  peintre  ordinaire  et  valet  de 
chambre  François  Bunel,  son  père,  qui  avait  été  si  longtemps  à 
.  son  service,  et  aussi  sur  l'instigation  de  la  reine,  l'appela  à  Paris 
pour  l'adjoindre  à  Toussaint  Du  Breuil  pour  l'exécution  de  la  petite 
galerie  du  Louvre. 

Le  plus  célèbre  travail  de  Jacob  Bunel,  celui  qui  fit  le  plus  pour 
sa  gloire,  est  justement  cette  décoration  de  la  petite  galerie  du 
Louvre,  appelée  autrefois  galerie  des  rois  et  aujourd'hui  galerie 

'  Alexandre  de  Laborde,  Itinéraire  descriptif  de  l'Espagne.  Paris,  1808,  5  vol. 
in-8°. 

-  Dom  LinoN,  Bibliothèque  citartraine. 
3  Berxier,  Histoire  de  Blois,  p.  523. 
■*  Haag,  loc.  cit. 


FRA\ÇOIS    ET    JACOB    BL'XEL.  583 

d'Apollon,  qu'il  exécuta  de  concert  avec  Toussaint  DuBreuil.  Tous 
les  écrits  et  mémoires  du  temps  ont  célébré  à  l'envi  cet  ouvrage. 
Voici  ce  que  nous  trouvons  dans  Sauvai  '  à  ce  propos  :  «  Les  his- 
toires (|ui  remplissent  la  voûte  que  Bunel  et  Du  Breuil  ont  peintes, 
sont  tivùes  des  Méta))i07'phoses  et  i\eV  Ancien  Testament. Bu  WvcuW 
n'était  pas  bon  coloriste  et,  d'ordinaire,  ne  faisait  que  des  cartons; 
mais,  en  récompense,  il  était  si  grand  dessinateur  que  Claude 
Vignon,  peintre,  a  vendu,  à  Rome,  de  ses  dessins  à  François  Bra- 
cionze,  excellent  sculpteur,  que  celui-ci  prenait  pour  être  de 
Michel-xAnge.  Des  cinq  ou  six  histoires  que  l'on  admire  dans  cette 
voûte,  on  ne  croit  pas  qu'il  y  en  ait  aucune  de  sa  main.  La  Gigcin- 
tomachie,  dont  les  curieux  et  les  peintres  font  tant  de  récit,  est 
d'Artus  Flamand  et  de  BuneL  »  Ajoutons  que  la  Bataille  des 
géants  et  la  Reine  de  Saba  passaient  pour  être  de  Jacob  Bunel  seul. 
Dans  ses  Mémoires,  Brienne*  n'est  pas  moins  louangeur  que  Sauvai  : 
"  Cette  Gigantomachie,  écrit-il,  était  un  grand  et  beau  morceau 
de  peinture  allégorique  dans  lequel  paraissait  Henri  IV  sous  la 
figure  de  Jupiter  et  la  Ligue  foudroyée  sous  celle  des  géants  réduits 
en  poudre.  « 

Revenons  à  SauvaP,  qui  décrit  comme  suit  un  des  principaux 
sujets  de  ces  compositions  :  "  Mais  il  n'y  a  rien  qu'on  admire  plus 
qu'un  grand  géant  fort  musclé,  qui  se  réhausse  sur  le  corps  mort 
d'un  de  ses  frères,  afin  de  joindre  de  plus  près  son  ennemi.  La 
taille  immense  de  ce  colosse  épouvantable  occupe  tant  de  place, 
qu'elle  vient  jusqu'à  la  moitié  de  l'arrondissement  de  la  voûte,  et 
quoique,  effectivement,  cette  figure  se  courbe  et  tourne  avec  la 
voûte.  Du  Breuil,  néanmoins,  l'a  raccourcie  avec  tant  d'art,  que  la 
voûte  en  cet  endroit-là  semble  redressée,  et  qu'enfin,  de  quelque 
côté  qu'on  la  regarde,  on  la  voit  toujours  sortir  hors  de  la  voûte 
droite  et  entière.  Ce  raccourci  est  un  si  grand  coup  de  maître,  que 
tous  ceux  qui  sont  capables  d'en  juger,  non  seulement  l'admirent, 
mais  disent  hautement  que,  dans  l'Europe,  il  ne  s'en  trouve  pas  de 
plus  merveilleux.  «  Et  plus  loin  :  «  La  galerie  des  rois  est  la  mieux 
peinte  et  la  plus  accomplie  de  Paris.  Bunel  et  Du  Breuil,  tous  deux 

'  S  11  VAL,  Histoire  et  recherches  des  antiquités  de  la  ville  de  Paris,  1724. 
Paris,  3  vol.  in-fol. 

-  Comte  PE  Brie.v.ve,  Mémoires.  Paris,  Ponthicu,  édit.  1828,  2*  édit. 
•^S.uvAL,  lac.  cit..  1724,  l.  II,  p.  37  à  80. 


584  FRANÇOIS    ET    JACOB    BUWEL. 

excellents  maîtres,  lui  ont  donné  tous  les  ornements  qui  la  font 
admirer;  chacun  en  a  peint  la  moitié...  »  Henri  IV  continuant  à 
vouloir,  selon  ses  propres  expressions,  «  marier  Bunel  à  Du  Breuil  «  , 
radioif^nit  à  ce  dernier  dans  l'exécution  des  décorations,  toujours 
pour  la  petite  galerie  du  Louvre,  composée  d'ornements  d'allé- 
gories, d'emblèmes,  au  milieu  desquels  figuraient  les  portraits  des 
princes,  seigneurs,  grands  personnages  aussi  bien  français  qu'étran- 
gers dont  le  roi  '  voulait  avoir  les  images  au  naturel  « .  Pour  ce 
qui  regarde  ses  prédécesseurs,  Henri  IV,  qui  «  les  voulait  authen- 
tiques, ne  fit  reproduire  que  ceux  qui  avaient  gouverné  depuis 
saint  Louis  » .  Afin  d'arriver  à  pouvoir  peindre  ressemblants  ces 
portraits  dont  les  modèles  étaient  morts  pour  la  plupart,  Jacob 
Bunel  parcourut  la  France  en  quête  de  «  bonnes  portraictures  » 
d'après  lesquelles  il  pût  exécuter  ses  peintures.  Dans  cette  œuvre 
considérable,  il  fut  grandement  aidé  par  sa  femme  Marguerite 
Bahuche,  que  Sauvai  '  nous  représente  comme  très  habile  «  à  faire 
les  portraits  des  personnes  de  son  sexe  «  ,  et  qui  peignit  «  sur 
les  dessins  de  son  mari  »  nombre  de  femmes  figurant  dans  cette 
galerie. 

Voici  ce  que  dit  Sauvai  ',  auquel  il  nous  faut  sans  cesse  recourir, 
de  cette  œuvre  de  Bunel  et  des  voyages  qu'il  entreprit  à  son  sujet  : 
«  Il  peignit  d'après  le  naturel  ceux  des  personnages  qui  vivaient  de 
son  temps.  Pour  les  autres,  il  voyagea  partout  le  royaume  et  prit 
les  copies  des  stucs,  des  cabinets,  des  vitres,  des  chapelles  et  des 
églises  oii  ils  avaient  été  peints  de  leur  vivant.  Il  fut  si  heureux 
dans  sa  recherche,  que  dans  cette  galerie  il  n'y  a  pas  un  seul  por- 
trait de  son  invention,  et  par  le  visage,  et  par  l'attitude,  tant  des 
hommes  que  des  femmes  qu'il  y  a  représentés,  on  juge  aisément 
de  leur  génie  et  de  leur  caractère.  «  A  une  autre  page  de  son  livre. 
Sauvai  dit  encore  que  toute  cette  collection  fut  exécutée  par  Bunel 
et  sa  femme,  à  l'exception  d'un  portrait  de  Marie  de  Médicis, 
œuvre  de  François  Porbus^ 


•  Sauval,  loc.  cit.,  1724,  t.  III,  p.  20. 

*  Sauval,  loc.  cit.,  t.  II,  p.  29,  nous  lisons  :  a  Dessus  cette  ordonnance  règne 
un  attJque...  couronné  de  frontons  avec  d'excellentes  figures  de  pierre  dure  de 
la  main  de  maître  Ponce  et  appliqué  à  des  salles  et  à  des  antichambres,  peintes  par 
Bunel.  1  —  Voir  Archives  de  V  Art  français ,  t.  V,  p.  13. 

^  Sauval,  loc.  cit. 


FKA.VÇOIS    ET    JACOB    BLXEL.  -.xr, 

Voici,  d'après  un  document  du  temps  ' ,  une  liste  des  personnayes 
représentés  : 

Estât  des  tableaux  qui  sont  dans  la  galerie  a  Paris  :  sur  la  porte  qui 
entre  de  la  sale  en  la  galerie  est  le  tableau  du  roy  en  grand  volume  — 
le  tableau  de  la  royne,  grand  volume  —  Joannes  Galeacius  Mediolan, 
du\  primus  -  —  Fredericus  Fellrus  Urbini  dux  —  Carolus  Burgondiae 
dux  —  Antonius  Leua  —  Joan  Galeacius  Sforza  Mediolan  dux  —  Fran- 
ciscus  Magnus,  dux  Hétruriîc  II,  grand  volume  —  Odeto  di  Foix  — 
Fredericus  Tolet  duc  Alb —  Basilius  Moscoviœ  princeps  —  Ferdinandus 
Magnus,  duc  Hetruriae  III,  grand  volume  —  Christiana  magna  Hetruriae 
ducessa  III,  grand  volume  —  Gio,  Bentiviglio  sig,  di.  Bologna  —  Ferd. 
Cortex,  Indorum  domitor  —  Carolus  Aurelianus  — Cornel.  Centurione  la 
Prîmatia  de  Cre  —  Petrus  Soderinus  Vexillifer  —  Franciscus"  Maria 
Feltrius  Urbini   dux  —   Laurentius  Medices  Urbini   dux,  grand   volume 

— dux  stren  —  Sigismundus  Fransi   princeps   —  Léo  X,   pont. 

max.,  grand  volume  —  Gregorius  XIII,  pont,  max  —  Gregorius  XIIII, 
pont,  max  —  Sixtus  IV,  pont,  max  —  Sixtus  V,  pont,  max  —  Julius  III, 
pont,  max  —  Marcellus  II,  pont,  max  — Clemens  Vil,  pont,  max,  grand 

volume  —  Benedictus  IX  p.  p.  Tarusien  —  Nicolaus c'est  un  pape 

—  Bonifacius  VIII  p.  p.  Romanus  —  Stephanus  VII,  p.  p.  Romanus  — 
Honorius  p.  p.  grand  volume  —  Pontianus  primus  p.  p.  Rom  — 
S.  Silucrius  primus  p.  p.,  frusinon  —  Benedictus  VIII  p.  p.  Rom  — 
Cosmus  Medices,  pater  patriae,  grand  volume  —  Ludovicus  Rex  Hung. 
a  Turcis  interfectus  —  Jacobus  Dei  gratia  Rex  Scotorum  1539  — 
Mathias  Rex  Hungarise  —  Stephanus  Rex  Poloniae  —  Alphonsus  Rex 
Neapol  —  Joan  Medices  mag,  co.  paler,  grand  volume  —  JuUanus  M.  l, 
grand  volume  —  A.  Jax.  Aga  —  Mutilhara  Alchitrof  Uxor  —  Alchiirof 
.4!lthiopi8e  Rex  —  .Ainaldi  Dinghil  magnus  Abyssinorum  rex  Prête  Janes 
dictus  —  Scyrifus  magnus  Mauritanie  Rex  —  Muleas  Tunes  Rex  — 
Laurentius  de  Aledices,  grand  volume  —  Totila  Rex  Gothor.  hab  — 
Caitbejus  Sultan  —  Tamerlanes  Tarlarorum  Imperator  Orientis  terror  — 
Solymanus  II  Rhod.  expugnator —  Artaxerces  Pers.  Rex  — Ariadenus 
Barberussa  —  Joannes  Medices  maj.  Cosmi  fil.  grand  volume  —  C. 
Cffsar  Caligula  —  Constantin  III  Imperator  —  Carolus  .Magnus  Imp  — 
Otho  Vespasianus  —  Nero  Claudius  Csesar  —  Henricus  III  Francorum 
rex,  grand  volume  —  Catherine  de  Medicis,  grand  volume  —  Virginius 
Vesinus   —  Georgius    Castriotus    Scanderbec    —    Joan   Bentiuoglius  — 

'  Pièce    tirée  du  portefeuille  217   de  la  collection  Godefroy,   conservée   à    la 
bibliotlièfiue  de  l'Institut.  —  Voir  Archives  de  l' Art  français ,  t.  III,  p.  59. 
2  Galeas  Visconti. 


58C  FRAXÇOIS    K  T    JACOB    BL\EL. 

Alberico  Da —  Vincentius  Capellinus  —   Narses  eiinucluis  —   Une 

duchesse  de  Toscane,  grand  volume  —  Marsilius   Ficinus.  —  Nicolaus 

Arcialus    —    L'vido   balualcantes  —  Theodorus   Gaza    —  Jacobus 

Sanuazarius   —  Cosinus  mag.  Etruriœ   du\  II,   grand   volume   —  Joan 

.Touianus    Pontanus  —  Americus   Vespucius   —   Magnns   Canis  —   

Scaliger  —  Paulus  Joanis  Episcop.  nucer  —  Thomas  Morus  —  Doctor 
Na-.iarrus  Marlinus  ad  Aspicuelta  —  Michael  Angélus  Bonarota  —  El 
Platina  —  Franciscus  Guioiardinus  —  Ludouicio  Ariosto,  grand  volume 

—  Joan  Carafa  —  Sanclies  Pagrinus  Lucens,  ord.  praedicat  —  Petnis 
Depis,  ord,  beremitarum  Hieronymi  Instilutor  —  Hippolytus  Medices 
Cardin  —  Bessarion  Cardin,  Graecus  —  Tableau  sans  inscription  ;  c'est 
un  cardinal  —  B.  Bernardo  Tolomaei.  Pri.  de  Monte  Olivieli  —  B.  Petro 
del  Morone.  Pri.  de  Celeslin  —  Tableau  d'un  cardinal  sans  inscription 

—  Joan  Vitellius  card.  Cornetanus  —  Oliverius  Carafa  card  —  Ascanius 
Sl'orza,  card  —  Ph.  cardin.  de  la  Bordezière  —  Joan  Medices  card.  ' 
grand  volume  —  Chanino  gon  —  Joan  R.  Orsini-principe  de  Talento  — 
Sfortia  —  Cosmus  Medices  magnus  Etruriœdux,  grand  volume  —  Petrus 
Toletanus  prorex  Xeapol  —  Ladislaus  rex  Neapol  —  Fernando  II  Re  di 
TViipol  —  Philippus  Vicecomes,  Mediolan  dus  —  Andréas  Doiia  — 
Malheus  Magnus  Vicecomes  —  Alexander  Medices  florent.  dux,  grand 
volume  —  Ferdinando  Gonzaga  —  Ludou.  Gonzaga,  March.  di  Mantoua. 

—  l'erdinando  Marcliese  de  Pezara  —  Joan  Medices  fortissimus  — 
Jacobus  Medices  Marignani  —  Porsena  Re  de  Etruria?  —  Grand  tableau 
d'Iiomme  sans  inscription. 

Cette  liste,  quoique  longue  et  des  plus  panachées,  n'en  est  pas 
moins,  très  cerlainement,  fort  incomplète;  car  les  portraits  qu'elle 
énumère,  quelque  fantaisistes  qu'étaient  fatalement  nombre  d'entre 
eux,  ne  peuvent  que  bien  difficilement  être  de  ceux  que  Jacob 
Bunel  exécuta  d'après  nature  ou  d'après  des  documents  recueillis 
dans  ses  voyages  entrepris  en  France  à  leur  sujet.  Toujours  est-il 
que  cette  collection,  comme  il  a  été  dit,  —  nous  parlons  des  effigies 
peintes  par  Du  Breuil  et  par  Jacob  Bunel,  — est,  en  quelque  sorte, 
l'embryon  de  nos  galeries  nationales  ;  il  n'est  que  juste,  cependant, 
d'ajouter  qu'en  plus  de  ces  portraits  dont  certains  seulement  furent 
sauvés  de  l'incendie  dont  il  va  être  question  tout  à  l'heure,  la  col- 
lection royale  renfermait  de  nombreuses  peintures  mythologiques 
et  religieuses,  des  sculptures  anciennes  et  modernes,  un  buffet  en 

'  Julien  de  Médicis. 


FUA.VÇOIS    ET    JACOB    BLXEL.  àS" 

bois  sculpté,  la  célèbre  bible  de  Cbarles  V,  des  objets  d'histoire 
naturelle,  etc. 

Ces  merveilles  d'art,  les  décorations  de  Du  Hreuil  et  de  Jacob 
Bunel,  cette  collection   unique  de  portraits,  tout  cela  fut  détruit, 
pour  la  plus  grande  partie,  dans  un  terrible  incendie  qui  éclata  le 
6  février  1G61  et  manqua  d'anéantir  le  Louvre.  Les  historiens  et 
les  chroniqueurs  contemporains  nous  ont  laissé  de  nombreux  récits 
de  ce  désastre.  On  préparait  dans  la  grande  galerig  du  palais  la 
représentation  du  ballet  V Impatience ,  dans  lequel  devaient  paraître, 
à  côté  des  plus  habiles  dar)seurs  gagés  par  le  roi,  différents  sei- 
gneurs et  grandes  dames  des  meilleurs  familles  désignés  par  le 
souverain,  pour  exécuter  les  pas  réglés  par  le  danseur  italien  Buti, 
débiter  les  vers  du  poète  Benserade,  et  chanter  la  musique  de 
Baptiste,  nom  sous  lequel  Lulli  était  plus  généralement  connu.  Un 
théâtre  avait  été  dressé  à  cet  effet  à  l'une  des  extrémités  de  la 
galerie  de  peinture.  Henri  Gissey,  conservateur  de  ces  peintures, 
avait  demandé    l'autorisation  d'enlever  provisoirement  de  leurs 
cadres  les  portraits  peints  et  seulement  appliqués  qui  ornaient  la 
galerie,  pour  les  mettre  à  l'abri  des  accidents,  et  de  les  déposer 
provisoirement  dans  un  garde-meuble;  mais  tous,  hélas!  étaient 
loin  de  pouvoir  être  déplacés. 

C'est  alors  que  l'incendie  éclata.  Il  fut  terrible.  La  Gazette  de 
Renaudot,  à  la  date  du  12  février  1661,  le  raconte  ainsi  :  u  Le 
6  du  c'  qui  estait  le  1"  dimanche  du  mois,  le  feu  s'estant  pris  le 
matin  au  Louvre,  en  la  galerie  de  peintures,  s'estendit  jusqu'à  la 
grande,  mais  il  fut  empèsché  d"y  faire  aucun  notable  progrez,  par 
la  diligence  avec  la  quelle  on  travailla  à  l'éteindre,  et  qui  eut  d'au- 
tant plus  de  bon  succez  que  Leurs  Alajestez,  suivant  les  meuvemens 
de  leur  insigne  piété,  eurent  recours  au  Saint-Sacrement,  qu'elles 
firent  aussitôt  apporter  de  l'église  Saint-Germain-l'Auxerrois,  d'où 
l'ayant  reçu  à  la  porte  du  Louvre,  après  qu'il  eut  visiblement 
détourné  le  vent  et,  ainsi,  arresté  les  fiâmes,  elles  le  reconduisirent 
jusques  en  la  dite  église,  accompagnés  de  toute  la  Cour,  avec  une 
dévotion  des  plus  exemplaires.  « 

La  Muse  de  Loret,  à  la  même  date,  narre  à  son  tour  cette 
catastrophe  sous  sa  forme  particulière  : 

Dimanctie  un  feu  prompt  et  mutin. 
Sur  les  ueuT  heures  du  matiu 


588  FRAXÇOIS    ET    JACOB    BUMEL. 

Se  prit  h  la  maison  royale, 

Dans  cette  «jalerie  ou  sale 

Ou  l'on  prétendait  (à  peu  près) 

Danser  liallet,  dix  jours  après; 

Et,  telle  fut  sa  violence, 

Les  beaux  portraicts  d'antiquité 

Dont  on  voyait  là  quantité. 

Ayant  l'air,  les  traits  et  les  marques 

De  nos  reynes,  de  nos  monarques. 

Avec  leurs  anciens  atours, 

Et  des  Illustres  de  leur  cour, 

Princes,  seiijneurs  et  grandes  dames 

Xe  périrent  pas  par  les  fiâmes  : 

Car,  par  l'avis  du  sieur  Gesse, 

Desseignateur,  maître  passé. 

On  avait  depuis  trois  semaines 

Mis  ailleurs  ces  rois  et  ces  reines  '. 

Citons  encore,  malgré  sa  longueur,  cette  relation  d'un  autre 
contemporain,  le  comte  de  Brienne',  qui  donne  sur  cet  incendie 
de  nouveaux  et  curieux  détails  : 

Il  (le  cardinal  de  Mazarin)  faisait  préparer  au  Louvre,  dans  la  gale- 
rie des  portraits  des  Rois,  un  superbe  ballet,  dont  la  décoration  devait 
être  des  colonnes  de  brocalelle  d'or  à  fond  vert  et  rouge  découpée  à  Milan, 
quand  le  feu  pris  par  hasard,  ou  si  l'on  veut  par  l'ordre  du  ciel,  qui 
n'approuvait  pas  ces  folles  dépenses,  dans  cette  magnifique  décoration, 
gagna  de  là,  les  portraits  des  rois,  tous  de  la  main  de  Janet  et  de 
Porbus,  et  consuma  en  peu  d'heures,  le,  dessus  de  la  galerie  dont  le 
plafond  était  peint  par  Fréminet  et  représentait  la  défaite  des  Titans  par 
Jupiter.  C'était  un  grand  et  beau  morceau  de  peinture  allégorique, 
dans  le  quel  paraissait  Henry  IV  sous  la  figure  du  Jupiter  et  la  Ligue 
foudroyée,  sous  celle  des  Géants  réduits  en  poudre.  Sans  les  soins  et  le 
courage  d'un  frère  Augustin  du  grand  couvent,  qui  se  signala  dans  cet 
incendie,  tout  le  Louvre  eût  couru  risque  d'être  brûlé.  Une  fourche  à  la 
main,  ce  moine  intrépide  attaché  par  le  milieu  du  corps  par  une  grosse 
chaîne  de  fer  et  suspendu  en  l'air  tout  au  milieu  des  flammes,  détachait 
avec  force  et  précipitait  jusqu'en  bas  les  poutres  et  les  solives  brûlantes. 
On  eût  cru  que  le  feu  l'allait  dévorer,  lorsque,  tout  à  coup,  on  le  voyait 
sortir  de  ces  brasiers  ardents  comme  les  trois  jeunes  Hébreux  de  la  four- 
naise  de  Babylone.  Je   ne  sais   pas   quelle  récompense   reçut   ce    digne 


'   LoRET. 

^  Comte  DE  Briennë,  loc.  cil. 


FRAXÇOIS    ET    JACOB    Bl.\EL.  58!) 

reli;]ieux  ;  mais,  je  sais  bien  que  s'il  n'eût  été  apotLicaire  de  son  métier 
et  simple  frère  lai,  son  dévouement  méritait  au  moins  un  évêché  ou 
quelque  riche  prélature.  Je  m'étais  couché  fort  tard  la  nuit  précédente,  je 
dormais  encore  sur  les  sept  heures  du  malin,  quand  La  Souche,  mon 
maitre  d'hôtel,  vint  me  réveiller  en  sursaut  et  m'apprit  que  le  Louvre  était 
en  feu.  Je  m\^  levai  à  l'instant  et  m'habillai  en  un  tour  de  main  ;  puis, 
me  jetant  dans  un  bateau  pour  être  plustot  au  logis  du  roi,  je  traversai 
la  Seine  et,  passant  au  milieu  des  gardes  qui  étaient  déjà  en  bataille 
autour  du  Louvre,  je  courus  à  l'appartement  du  Cardinal.  Je  le  rencontra 
comme  il  sortait  de  sa  chambre,  soutenu  sous  les  bras  par  son  capitaine 
des  gardes.  Il  était  tremblant,  abattu  et  la  mort  paraissait  peinte  dans  ses 
yeux,  soit  que  la  peur  qu'il  avait  eue  d'être  brûlé  dans  son  lit  l'eût  mis 
en  cet  état,  soit  qu'il  regardât  ce  grand  embrasement  comme  un  avertis- 
sement que  le  ciel  lui  donnait  de  sa  fin  prochaine.  Jamais  je  ne  vis 
homme  si  pâle  et  si  défait.  Je  ne  laissai  pas  de  m'approcher  de  lui,  comme 
les  autres  ;  quand  je  vis  qu'il  ne  répondait  à  personne,  je  ne  lui  dis  mot 
et  me  contentai  de  me  faire  voir  à  lui.  Il  monta  dans  sa  chaise  sur  le 
haut  du  grand  degré  et  le  descendit  ainsi  à  l'aide  de  quatre  porteurs  et  de 
ses  gardes,  tandis  que  les  suisses  rangés  sur  les  marches  à  droite  et 
à  gauche  se  passaient  de  main  en  main  les  sceaux  d'eaux,  ou  couraient 
les  jeter  sur  les  flammes  qui  dévoraient  déjà  l'appartemeul  dont  il  venait 
de  sortir. 

Michel  de  Alarolles  n'eut  garde,  de  son  côté,  d'oublier  ce  terrible 
événement  dans  sa  nomenclature  versifiée  des  peintres  et  graveurs 
célèbres.  Voici,  à  ce  sujet,  un  passage  de  son  curieux  manuscrit 
mis  au  jour  par  les  soins  de  M.  G.  Duplessis  : 

C'est  ce  Bunel  qui  fît  cette  ample  galerie 
Au  Louvre,  qu'on  voyait  et  qu'on  pouvait  priser, 
Pour  ses  dessins  savants,  sans  le  favoriser. 
Mais  un  feu  de  théâtre  y  marqua  sa  furie. 
D'entre  ses  grands  tableaux,  cette  belle  descente 
Du  Saint  Esprit  de  liîi,  se  voit  aux  Augustins'. 

De  cette  dernière  œuvre  de  Jacob  Bunel  nous  parlerons  en  temps 
et  lieu  ;  mais  revenons  un  peu  en  arrière.  Après  la  mort  de  Du 
Breuil  en  1612,  Jacob  Bunel  fut  nommé  peintre  du  roi.  C'est 
alors  qu'il  travailla  à  Fontainebleau  -,  où  il  exécuta  quatorze  com- 


'  Michel  DE  Marolles,  Catalogue  de  livres,  d'estampes,  etc.  Paris,  16G(),  in-8". 
-  Haag,  loc.  cit. 


500  FRAAÇOIS    ET    JACOB    BL'A'EL. 

positions  disparues  depuis  longtemps,  soit  qu'elles  soient  irrépara- 
blement détruites,  ou  seulement  cachées  sous  d'autres  peintures 
qui  ont  été,  depuis,  appii(juées  sur  les  lambris  du  palais  de  P'ran- 
çois  I*'.  Dans  ces  compositions,  qui  avoisinaient  les  décorations 
du  Primatice,  de  Sébastien  de  Serlio  et  du  Rosso,  si  fort  prisées  et 
estimées  du  joi  et  de  la  Cour,  il  est  tout  naturel  que  Jacob  Bunel 
ait  essayé  de  se  rapprocher  de  ces  maîtres,  qu'il  ait  cherché  les 
musculatures  outrées,  les  raccourcis  violents,  les  poses  emphatiques 
et  déclamatoires,  les  gestes  excessifs  mis  à  la  mode  par  ces  derniers. 
Hélas  !  la  tradition  de  notre  école  nationale  était  interrompue,  sa 
sève  naturaliste  dédaignée. 

En  1608,  après  l'achèvement  de  l'église  des  Feuillants,  rue  du 
Faubourg-Saiut-Honoré,  qui  appartenait  à  la  congrégation  des  reli- 
gieux de  Cîteaux  réformés  par  l'abbé  Jean  de  la  Barrière,  Henri  IV 
commanda  à  Jacob  Bunel  un  tableau  pour  décorer  le  maitre-autel 
de  cette  église.  Ce  tableau,  mesurant  dix  mètres  de  hauteur  sur 
six  mètres  de  largeur,  représentait  V AssomjJtion  de  la  Vierge, 
sujet  probablement  imposé  au  peintre  par  la  reine  l\Iarie  de  Médicis. 
Celte  vaste  composition,  sur  laquelle  les  armes  des  Médicis  se  trou- 
vaient accolées  aux  armes  de  France,  fut  placée  au  milieu  du  chœur 
de  cette  église  décorée  aux  frais  de  la  souveraine.  Divisée  en  deux 
scènes  distinctes,  en  voici  la  description  :  la  partie  supérieure 
figurait  dans  le  ciel,  entourée  d'anges  qui  l'enlèvent,  la  mère  de 
Dieu  dans  sa  gloire;  la  partie  inférieure,  les  apôtres  assemblés 
autour  du  tombeau  vide,  sur  lequel  est  sculpté  un  écusson  aux 
armes  mi-partie  de  France  et  de  Médicis.  On  raconte  que  dans  ce 
tableau,  en  sa  qualité  de  fervent  calviniste,  Jacob  Bunel  aurait 
refusé  de  peindre  la  tête  de  la  Vierge,  qui  serait  alors  l'œuvre  de  La 
Force'.  Jusqu'à  quel  point  cette  anecdote  est-elle  véridique?  l'on 
n'en  sait  trop  rien. 

Comment  Jacob  Bunel,  épris  de  l'esprit  novateur,  fervent  et 
austère  huguenot,  put-il  accorder  les  idées  de  sa  foi  nouvelle,  qui 
traitaient  les  arts  de  vaines  superstitions  et  en  poursuivaient  la 
destruction,  avec  les  nécessités  de  sa  profession?  Nous  l'ignorons. 
C'était  affaire  entre  lui  et  sa  conscience.  Toujours  est-il  que,  dans 


'  HuRTAiT,  Dictionnaire  historique  de  Paris.  Paris,  1779,  t.  III,  p.  8.  — 
Neues  Allg.  Kunst-Lexic.  Munich,  1835. 


l'RAXÇOIS    ET    JACOB    BUVEL.  591 

son  œuvre  d'artisle,  il  dut,  jusqu'à  un  certain  point,  laisser  fléchir 
l'austérité  de  la  Réforme. 

Après  la  Révolution  de  1789,  Y  Assomption  de  Jacob  Bunel, 
enlevée  de  l'église  des  Feuillants  et  rentrée  dans  le  domaine  de  la 
nation,  Gl  partie  du  second  envoi  de  TKtat  fait  en  J803  au  musée 
de  Bordeaux,  en  conséquence  de  l'arrêté  du  premier  Consul  du 
14  fructidor  an  VIII,  qui  avait  désigné  un  certain  nombre  d'œuvres 
d'art  faisant  partie  du  Alusée  Central  pour  être  réparties  entre  les 
divers  musées  de  province  qui  venaient  d'être,  tout  au  moins, 
réorganisés.  A  Bordeaux,  le  tableau  fut  relégué  dans  les  greniers 
de  la  collection  municipale'  et,  par  conséquent,  loin  des  yeux  du 
jiublic.  Paul  Hlantz,  un  des  rares  critiques  d'art  qui  l'aient  v^u,  en 
parle  comme  d'une  œuvre  très  ordinaire.  Dans  le  tableau  de  Jacob 
Bunel,  il  ne  trouve  rien  «  ni  de  bien  remarquable,  ni  de  bien  ori- 
ginal »  ;  et  en  ce  temps  là  •  ,  dit-il,  «  nos  maîtres  cessaient  d'èti-e 
français,  dès  qu'il  s'agit  de  faire  autre  chose  qu'un  portrait  d'après 
nature.  « 

Dans  l'année  néfaste  de  1870,  alors  que  l'on  pouvait  craindre  que 
l'ennemi  n'arrivât  jusqu'à  Bordeaux,  la  collection  municipale  de 
lableaux  et  sculptures  fut  enlevée  de  la  galerie  provisoire,  élevée 
dans  les  jardins  de  la  mairie,  et  transportée  à  l'Hôtel  de  ville,  où 
nombre  de  services  publics  étaient  réunis.  Ln  incendie  éclata  le 
7  décembre  dans  une  pièce  occupée  par  les  officiers  de  l'inten- 
dance, et  la  toile  de  Jacob  Bunel,  qui  s'y  trouvait  avec  tant  d'autres, 
fut  complètement  brûlée. 

11  est  profondément  regrettable  pour  l'histoire  de  l'art  français 
que  cette  seule  œuvre  authentique  et  importante  du  peintre  ait  été 
ainsi  détruite;  car  nous  ne  pouvons  plus  faire  autre  chose  que  des 
conjectures  à  propos  des  ouvrages  qui  peuvent  lui  être  attribués. 
Nous  nous  trouvons  réduits  à  la  juger  d'après  les  dires  de  ses  con- 
temporains et  les  très  rares  et  pour  ainsi  dire  uniques  reproduc- 
tions de  ses  ouvrages  faites  par  les  graveurs  de  son  temps,  traduc- 
teurs très  libres  et  assez  peu  fidèles,  comme  l'on  sait. 

En  plus  de  V Assomption  de  la  Vierge,  l'église  des  Feuillants 
montrait  encore  dans  le  chœur,  derrière  le  maître-autel,  un  Christ 


'  Clément  w.  Ris,   Les  musées  de  province.  Paris,  veuve  Renouard.  liljr.  édit. 
18G1.  2  vol.  iu-8»,  t.  II,  p.  3V7  et  suiv. 


rr92  FRANÇOIS    ET    JACOB    BLIVEL. 

priant  au  jardin  des  Oliviers,  de  Jacob  Bunel,  dont  la  trace  est 
absolument  perdue.  Dans  l'église  des  Grands-Augustins,  dans  la 
cliapelle  apparlcnant  à  cet  ordre  où  elle  faisait  célébrer  ses  céré- 
monies officielles,  Jacob  Bunel  exécuta  une  Descente  du  Saint- 
Esprit  sur  la  Vierge  et  les  Apôtres.  C'est  une  des  meilleures 
toiles  sorties  du  pinceau  du  peintre,  au  dire  de  ceux  qui  l'ont 
vue;  elle  lut  même  trouvée  si  parfaite  par  les  secrétaires  du  roi, 
que  ces  derniers  en  firent  faire  une  copie  pour  leur  chapelle  de  la 
Chancellerie  au  Palais  de  justice.  On  trouve,  dans  Sauvai,  une 
anecdote  caractéristique  qui  se  rapporte  sans  aucun  doute  à  cet 
ouvrage.  Il  raconte  que  Nicolas  Poussin,  après  avoir  vu  dans  une 
église  de  Paris  la  Cène  de  Porbus,  aujourd'hui  au  musée  du  Lou- 
vre, dit  que  ce  tableau  et  celui  des  Augustins  de  Du  Breuil  étaient 
les  deux  plus  beaux  qu'il  eût  vus  ' .  Sauvai  s'est  trompé  de  nom  -.  Le 
tableau  des  Grands-Augustins,  dont  il  est  question  dans  son  récit, 
ne  peut  être  que  celui  de  Jacob  Bunel,  le  collaborateur  de  Du 
Breuil.  D'ailleurs,  dans  une  autre  partie  de  son  ouvrage.  Sauvai 
rend  à  Jacob  Bunel  la  paternité  de  la  composition  en  question. 
Maintenant,  le  dire  prêté  à  Nicolas  Poussin  est-il  absolument  authin- 
tique  ?  Impossible  de  le  certifier  ^  ;  mais  le  lui  attribuer  est  déjà  suf- 
fisamment affirmer  la  haute  considération  dont  jouissaient  alors  les 
productions  du  peintre  de  Henri  IV. 

C'est  vers  cette  même  époque  que  Jacob  Bunel  décora  les  arcades 
du  chœur  de  Saint-Séverin,  de  fresques  sur  fond  d'or,  renfermant 
quarante-quatre  figures  de  grandeur  naturelle  représentant  l'Ange 
annonçant  à  la  Vierge  le  mystère  de  l'Incarnation,  les  Prophètes, 
les  Sybilles  ei  les  Apôtres.  Peut-être  en  regrattant  les  murailles  de 
la  vieille  église  retrouverait-on  trace  de  ce  travail  considérable 
dont  la  disparition  est  si  regrettable. 

Jacob  Bunel,  comme  on  sait  déjà  par  sa  série  de  portraits  de  la 
grande  galerie  du  Louvre,  fut  tout  au  moinsautant  portraitiste  que 
peintre  de  sujets  religieux  et  mythologiques.  Nombre  de  ses 
ouvrages  figurent  dans  les  collections  de  portraits  si  nombreuses 

*  Germain  Brice,  Description  de  Paris,  t.  I,  p.  282. 

-  Sauval,  loc.  cit.,  t.  II,  p.  468. 

"  Frédéric  Reiskt,  Xotîce  des  dessins,  cartons,  pastels,  miniatures  et  émaux 
exposés  au  Musée  national  du  Louvre.  Paris,  Imprimeries  réunies,  1883.  1  vol. 
11-12,  p.  292  et  siiiv. 


KKAXCOIS    ET    JACOB    BUMEL.  593 

et  si  à  la  mode  pciulant  tout  \e  soizième  siècle  et  durant  lu  première 
partie  du  dix-soplième.  On  aimait  alors  à  réunir  les  images  des 
rois,  des  princes  et  des  personnages  célèbres,  dont  on  faisait  Torne- 
ment  des  appartements  d'apparat  des  châteaux,  en  les  encastrant 
dans  les  lambris  et  les  boiseries  des  murailles.  Duplessis  Mornay, 
le  maréchal  de  Retz,  etc.,  possédaient  des  galeries  de  portraits 
historiques.  Richelieu  en  eut  une  de  ce  genre  particulièrement 
importante,  portant  le  nom  de  Galerie  des  hommes  illustres.  Parmi 
ces  portraits  si  fins  et  si  curieux  que  nous  a  laissés  la  fin  du 
seizième  siècle,  certains  sont  certainement  l'œuvre  de  Jacob  Bunel; 
mais  lesquels  ?  L'on  sait,  par  les  comptes  de  la  maison  du  roi,  un 
certain  nombre  d'effigies  de  princes  et  de  princesses  sorties  de  son 
pinceau;  il  en  existait  également  dans  les  collections  particulières. 
Dans  la  galerie  de  portraits  réunie  au  château  de  Saumur  par 
Duplessis  Alornay,  se  trouvait  celui  de  sa  femme  par  Jacob  Bunel. 
Voici,  d'ailleurs,  la  mention  inscrite  à  ce  propos  dans  les  comptes  de 
ce  personnage  de  l'année  1602  :  «  A  Jacques  Bunel,  peintre,  la 
somme  de  124  livres  pour  le  portrait  de  Madame  '.  »  Parmi  les 
portraits  faisant  partie  de  la  galerie  des  hommes  illustres  du  car- 
dinal de  Richelieu,  il  s'en  trouvait  quatre  copiés  par  Simon  Vouet 
d'après  les  originaux  de  Jacob  Bunel  de  la  petite  galerie  du  Louvre. 
Les  meilleurs,  paraît-il,  de  la  collection,  dit*  Sauvai,  car  pour  les 
autres,  «  il  les  fit  de  caprice  et  tâcha  simplement  de  leur  donner 
des  têtes  et  des  attitudes  qui  répondissent  à  la  grandeur  de  leur 
âme  "  n .  Procédé  des  plus  commodes,  mais  pouvant  laisser  quel- 
ques légers  doutes  sur  la  ressemblance. 

Parmi  les  nombreux  portraits  peints  par  Jacob  Bunel,  il  n'en 
existerait  que  deux  qui  aient  été  gravés,  s'il  faut  s'en  rapporter  à 
l'abbé  de  Marolles  %  ordinairement  si  bien  informé,  qui  assure 
que  trois  gravures  seulement  ont  été  burinées  d'après  ce  peintre  : 
«  Le  portrait  de  Pierre  de  Franqueville,  architecte  et  sculpteur  du 
roi,  par  Pierre  de  Jode  ;  un  sujet  non  désigné,  par  Henri  Odelin,  et 
un  portrait  du  roi  par  Th.  de  Leu.  » 

De  ces  trois  planches,  nous  n'en  avons  retrouvé  que  deux;   le 

'  Benjamiu  Fillo.v,  Galerie  des  portraits  de  Duplessis-Mornay.  —  Gazette 
des  Beaux-Arts,  t.  XX,  2<=  période,  p.  223  et  suiv. 
*  Sauval,  loc.  cit. 
'  L'abbé  de  Marolles. 

38 


594  FRAXÇOIS    ET    JACOB    lilJXEL. 

portrait  de  Henri  TV  gravé  par  Th.  de  Leu  '  et  celui  de  Franque- 
ville  gravé  par  Pierre  de  .loode,  dont  des  épreuves  se  trouvent  à  la 
Bibliothèque  nationale,  au  cabinet  des  estampes. 

Le  portrait  de  Henri  IV  gravé  par  Thomas  de  Leu  -  nous  montre 
le  buste  du  roi,  la  tète  de  face  et  laurée,  le  cou  émergeant  d'un 
col  rabattu  tombant  sur  une  cuirasse  ornementée,  recouverte  d'une 
écharpe  d'étoffe  légère  nouée  sur  l'épaule  gauche  et  posée  sur  un 
piédouche  placé  au  fond  d'une  niche  circulaire  entre  quatre 
pilastres  cannelés  d'ordre  corinthien,  soutenant  un  fronton  découpé 
et  tourmenté  ^  Au-dessous  de  la  niche,  à  la  base  des  pilastres,  sous 
l'effigie  du  souverain,  dans  un  cartouche  découpé  que  surmonte 
une  tête  de  grotesque,  se  lit  l'inscription  suivante  :  Henricus  IV 
Franc,  et  Nava.  i-ex.,  et  tout  à  fait  au  bas  de  l'estampe  :  Bunel 
jnn.  1605.  Thomas  de  Leufecit  *. 

Il  existe  deux  états  de  cette  superbe  planche,  la  plus  belle  effigie, 
peut-être,  qui  ait  été  faite  de  Henri  IV,  l'une  sans  les  noms  des 
artistes  et  sans  la  date  de  1605  inscrite  au  bas  de  l'estampe,  l'autre 
avec  les  noms  et  la  date.  Chalmel  loue  beaucoup  le  quatrain  que 
Guillaume  du  Peyrat  avait  rimé  pour  cette  gravure.  Toujours 
est-il  qu'il  est  des  plus  flatteurs  pour  le  peintre,  comme  on  peut  en 
juger  d'ailleurs,  car  le  voici,  quoique  incomplet  : 

Bunel  ne  pouvait  pas  d'un  prince  plus  insigne 

.^ Henri  peindre  au  vif  le  tableau  ; 

Henri  ne  pouvait  pas  d'un  peintre  aussi  plus  digne, 
Que  du  rare  Bunel  élire  le  pinceau. 

Cette  gravure  est-elle  la  reproduction  absolue  du  portrait  peint 

1  Lechevallier-Chevignard,  Sur  quelques  portraits  de  Henri  IV.  —  Gazette 
des  Beaux- Arts.  t.  VI,  2«  période,  1872,  p.  371. 

^  Voir  Les  mo7iuments  de  l'histoire  de  France.  —  Michel  Hennin,  Catalogue 
des  productions  de  la  sculpture,  de  la  peinture  et  de  la  gravure,  relatives  à 
l'Histoire  de  France  et  des  Français.  Paris,  J.-A.  Delion,  édit.  1856-1863, 
in-S".  —  L'intermédiaire  des  chercheurs  et  des  curieux,  n"  du  10  novembre 
1883. 

^  Voir,  ci-contre,  planche  XLI. 

*  Thomas  du  Leu,  gendre  du  peintre  Caron,  qui  dessina  les  célèbres  cartons  des 
tapisseries  de  l'histoire  d'Arthémise  et  des  tableaux  de  Philostrate,  est  un  des  plus 
importants  graveurs  de  la  fin  du  seizième  siècle.  D'une  habileté  de  métier  extraor- 
dinaire, comme  nombre  de  ses  confrères  de  son  époque,  il  attacha  une  grande 
importance  à  la  pureté  des  tailles  et  au  détail,  d'où  quelques  sécheresses  et  une 
certaine  dureté  dans  ses  planches. 


l'Ianche  \l.l. 


H  i:  \  it  i  c  i.  S   1 V    V 15  A  \  c .   !•:  r    \  a  y  a  .    ii  !■:  x 

1.  II  \  V  li    r  1  II    r  11 .    1)  K    I.  E  L' 

il)  «pr.'i.   .1.    liui,.-!  ) 


FRAXCOIS    ET    .1  A  C  0  B    BUVEL.  505 

par  Jacob  IJunol  ?  C'est  au  moins  douteux.  Le  buste  du  roi  seul 
doit  être  du  peintre.  Le  restant  est  un  amal,'{ame  liélrroclite 
et  l)izarre  provenant  de  diverses  sources.  Rien  de  plus  commun 
et  de  plus  dans  les  habitudes  du  seizième  siècle  et  de  la  première 
partie  du  dix-septième,  que  ces  gravures  où  s'entremêlent  les  car- 
touches, les  arabesques,  les  ornements  de  toutes  sortes,  où  les 
tapissiers,  les  céramistes,  les  verriers,  les  orfèvres,  les  ébénistes, 
les  architectes,  en  un  mot,  les  artistes  de  tous  les  genres  semblent 
avoir  collaboré  pour  la  composition  de  l'œuvre. 

Le  portrait  de  Henri  II',  d'après  Jacob  Cunel,  est  une  des  plus 
belles  planches  de  Thomas  du  Leu  et  lui  fait  le  plus  grand  hon- 
neur.   Aussi  celte   gravure    a-t-elle   été    bien   souvent   coprée   et 
pres(|ue  sans   variante  ni   changements,  notamment  par  L.  Gau- 
thier, graveur  allemand,    né  à  Mayence  en  1552  et  mort  après 
1628,  qui  s'est  contenté,  pour  ainsi  dire,  de  la  réduire,  et  ainsi 
elle 'a  servi   de  frontispice  au  livre  l'Avant  vict07'ieux\  écrit  en 
l'honneur  de  Henri  IV  par  le  sieur  de  l'Hostal,  seigneur  de  Roque- 
laure,  dont  nous  avons  parlé  dans  la  première  partie  de  ce  tra- 
vail ■.  Gauthier  a  reproduit  d'autres  fois  encore  ce  même  por- 
trait, plus  ou  moins  fidèlement,  sans  la  moindre  vergogne.  Il  ne 
fut   pas  le  seul,  d'ailleurs,  à  agir  de  la  sorte;   car  le    buste  de 
Henri  IV  d'après  Jacob  Bunel  devint,  pour  ainsi  dire,  le  portrait 
type  du  chef  de  la  maison  de  Bourbon  et  a  servi  de  modèle  à 
nombre  d'effigies  du  monarque  gravées  après  sa  mort,  notamment 
à  celle  où  il  est  figuré  à  côté  du  portrait  de  son   fils  Louis  XIII 
lors  de  l'avènement  de  ce  dernier  au  trône.   C'est  encore  cette 
même  effigie  que  l'on  retrouve  à  côté  de  celles  de  Louis  XIII  et  de 
Louis  XIV,  publiées  ensemble  sous  le  règne  du  grand  roi. 

Le  portrait  de  Pierre    de  Francheville^   gravé  par  Pierre  de 

'  Ce  volume  a  été  publié  et  imprimé  en  Béarn,  h  Orthez,  par  A.  Rouyer,  im- 
primeur du  roi  en  J610,  ainsi  que  l'établissent  les  lettres  patentes  transcrites  à  la 
p.  340  de  l'ouvrage.  —  Voir  Louis  Lacazb,  les  Imprimeurs  et  libraires  en 
Béarn,  1552-1883.  Pau.  Imp.  Caret.  Léon  Ribaut,  lib.  édit.,  1884.  1  vol.  in-4" 
avec  planches,  dont  l'une  est  la  reproduction  du  frontispice  de  C  Avant  victorieux 
du  sieur  de  L'Hostal. 
^  Voir  note  1,  p.  570. 

'  Pierre  de  Fraucheville,  appelé  encore  Francavilla  ou  même  Francouille,  né  à 
Cambrai  en  1548,  passa  une  partie  de  sa  vie  en  Italie,  où  il  eut  pour  maître  Jean 
de  Bologne,  Flamand  comme  lui,  puisque  ce  dernier  est  né  à  Douai.  Fraucheville 
résida  longtemps  à  Pise  et  fut  nommé  membre  de  l'Académie  de  sculpture  de 


596  KHA\Ç01S    ET    JACOI!    BL'XEL. 

Joode,  consiste  on  un  ovale  allongé  dans  lequel  le  personnage  est 
représenté  la   tète   de   trois  quarts  tournée  de  gauche   à    droite. 
Comme  le   dit  l'inscription    que  nous  citerons  tout  à  Tlieiire,  il 
accuse  une  soixantaine  d'années.  La  tête  puissante  et  forte  montre 
un  front  découvert  couronné  de  cheveux  gris  et  courts,  légèrement 
frisés  ;  la  barhe,  grise  et  frisée  également,  est  surmontée  de  mousta- 
clies  bien  fournies.  Le  cou  est  engagé  dans  un  large  col  rabattu 
qui  retombe  sur  un  justaucorps  boutonné,  agrémenté  d'ornements 
de  fleurs  et  de  feuillages;  les  manches  à  petits  crevés,  dont  on  ne 
voit  que  la  naissance,  sont  d'une  étoffe  plus  claire  que  celle  du 
vêtement.  Le  haut  de  la  planche  consiste  en  un  éciisson  ovale  aux 
armes  de  Pierre  de  Francheville,  surmonté  d'un  heaume  empana- 
ché qu'accompagnent,  à  droite  et  à  gauche,  deux  cornes  d'abondance 
laissant  échapper  des  fleurs  et  des  fruits;  sa  base  se  compose  de 
montants  et  de  socles  de  colonnes  d'ordre  composite  avec  l'inscrip- 
tion que  voici  en  occupant  la  partie  centrale  :  Petriis  a  Franca- 
villa  cameracencis .  G  ail.  et  Navar.  régis  christianiss.  architect, 
et  proto  {sculpta')  academicus  Jlorentimis ;  et  oh   egregia  artis 
opéra  civitate  pisana  doua  tus  M.    VI  XIII.  60,  î)  Tout  au  bas,  à 
droite,  se  trouve  gravé  :  Jacob  Bunelpinxit,  et  à  gauche  :  P.  de 
Jade  fecit\  C'est  là  une   très  belle  planche,  largement  traitée, 
par  larges  plans  sans  mièvreries  ni  petitesses,  donnant  une  haute 
idée  du  graveur  qui  l'a  exécutée  et  de  la  peinture  d'après  laquelle 
elle  a  été  burinée. 

Le  Louvre,  dans  ses  réserves,  renferme  trois  dessins  attribués 
aux  Bunel,  ou  plutôt  à  Jacob  Bunel.  Ils  proviennent  tous  trois  de 
la  collection  Crozat. 

Le  premier,  catalogué  sous  le  n"  25051,  mesurant  0'",12  sur 
0'°,10,  exécuté  à  la  pierre  d'Italie,  représente,  vue  de  trois  quarts 

Florence.  Rappelé  en  France  par  Henri  IV,  qui  lui  donna,  comme  on  le  verra 
plus  loin,  un  logement  au  Louvre,  à  côté  de  celui  de  Bunel,  avec  lequel  il  se  lia 
alors,  il  exécuta  entre  autres  ouvrages  une  statue  du  roi  en  marbre,  aujourd'hui 
au  château  de  Pau,  le  groupe  de  David  vainqueur  de  Goliath,  au  lAIusée  du 
Louvre;  le  Temps  enlevant  la  Vérité,  dans  le  jardin  des  Tuileries,  et  les  quatre 
figures  qui  ornaient  le  piédestal  de  la  statue  équestre  de  Henri  IV  sur  le  pont 
Neuf  vers  1615. 

'  De  quel  de  Jode  ou  de  Joodhe  ou  de  Joode  s'agit-il  ici?  de  Pieter  de  Jode 
le  Vieux,  né  à  Anvers  en  1570  et  mort  dans  la  même  ville  en  163V,  ou  de  son 
fils  Pieter  de  Jode  le  Jeune,  né  également  à  Anvers  en  1602?  Très  probablement 
du  père. 


F  U  A  \  C  OIS    ET    .1  A  C  ()  B    It  l  \  K  I. .  -r^- 

et  quarl  de  natiiie,  une  l'ine  h'ie  d'apôtre  avec  une  barbe  êlé<iante, 
les  yeux  levés  vers  le  ciel.  Ce  dessin  délicat  et  un  peu  maniéré,  fait 
iiivoloiilaireinent  songer  aux  crayons  de  Daniel  du  Monstier,  et 
n'était  l'auréole  qui  Surmonte  cette  tête  bien  française,  l'on  croirait 
volontiers  avoir  affaire  plutôt  à  un  courtisan  des  derniers  Valois 
qu'à  un  apùtre  et  à  un  saint. 

Le  second  dessin,  rehaussé  de  rouge,  portant  le  n°  25052,  figu- 
rant trois  vieillards  nus,  l'un  d'eux,  celui  du  milieu,  assis,  c'est 
très  vraisemblablement  une  copie  ou,  tout  au  moins,  une  inter- 
prétation d'un  groupe  de  la  coupole  de  la  cathédrale  de  Parme 
peinte  par  le  Corrège.  Au  verso  de  ce  dessin  se  lit  l'inscription 
suivante,  d'une  écriture  ancienne  :  ^'^  Soldat  endormy,  étude  pour 
une  résurrextion  à  la  plume  lavé  d'encre  de  la  Chine,  réaussé  de 
blanc  sur  papier  bistré,  i» 

Le  troisième  dessin,  de  0'°,18  sur  0'",16,  à  la  pierre  d'Italie, 
comme  le  premier,  rehaussé  de  bistre,  figure  un  Christ  descendu 
de  la  Croix.  Cette  figure  académique,  sans  caractère  particulier, 
est  insuffisante  pour  donner  une  idée  bien  précise  du  talent  et  des 
tendances  de  son  auteur.  Ainsi  donc,  ces  trois  dessins  sont  bien 
peu  importants  malgré  leurs  mérites,  malgré,  surtout,  celui  des 
deux  premiers,  et  ne  peuvent  guère  venir  en  aide  pour  permettre 
d'apprécier  le  style  et  le  faire  de  .lacob  Bunel,  dont  ils  sont  indubi- 
tablement l'œuvre. 

Dans  la  collection  de  dessins  réunie  au  dix-huitième  siècle  par 
le  marquis  de  Robien,  provenant,  pour  le  plus  grand  nombre, 
d'acquisitions  faites  à  la  vente  Crozat  et  faisant  aujourd'hui  partie 
du  musée  de  Rennes,  se  trouve  un  dessin  attribué  à  Jacob  Bunel. 
Malheureusement  ce  dessin,  mesurant  0'°,22  de  hauteur  sur  0'",36 
de  largeur,  exécuté  à  la  plume  lavée  de  bistre  et  représentant 
Une  femme  enlevée  au  milieu  d'un  combat,  n'est  pas  une  œuvre 
originale,  mais  seulement  une  copie  d'une  composition  de  Jules 
Romain  '. 

Henri  I\  ,  en  faisant  bâtir  par  Malezeau  le  père  et  Dupérac  ia 
grande  galerie  du  Louvre  en  avait  destiné,  dès  le  principe,  les 
logements  inférieurs  aux  plus  familiers  de  ses  artistes  et  artisans. 


'  Catalogue  des  peintures,  sculptures,   dessins  et  gravures  du  Musée  de  la 
ville  de  Rennes.  Kennes,  typographie  Oberthur,  1863,  1  vol.  in-12. 


598  ruA\ÇOIS    ET    JACOB    BL\'EL. 

ce  qui,  alors,  était  tout  un.  Jusqu'à  la  révolution  île  1789,  nombre 
de  ménages  d'artistes  continuèrent  d'y  habiter;  leurs  appartements 
leur  furent  même  rendus  à  la  Restauration;  mais  Louis-Philippe, 
à  son  avènement,  supprima  définitivement  ce  privilège. 

Jacob  Bunel  fut  du  nombre  des  premiers  artistes  autorisés  à 
habiter  sous  la  grande  galerie  du  Louvre.  Voici  la  liste  des  pre- 
miers occupants  de  ces  logements,  énumérés  dans  les  lettres 
patentes  accordées  en  1G08  par  Henri  IV'  à  cet  effet  : 

Jacob  Bunel,   nostre  peintre  et  vallet   do   chambre  ;   Abraham   de   la 
Garde,    nostre    orloger   et   aussi    vallet  de  chambre  ;    Pierre    Courtois, 
orfèvre  et   vallet    de    chambre    de    la   reyne  ;    Franqueviile,    sculpteur; 
Jullien   de  Fontenay,  nostre  graveur  en  pierres  précieuses   et  vallet  de 
chambre;  Nicholas  Roussel,  orfèvre  el  parfumeur  ;  Jean  Séjourné,  sculpteur 
et   fontainier  ;  Guillaume    Dupré,  sculpteur  et  controUeur  général   des 
poinçons  des  monnayes  de  France;  Pierre  V^ernier,  coustellier  et  forgeur 
d'espées    en    acier  de   Damas  ;    Laurens    Sétarbe   meneusier  faiseur  de 
cabinets  ;  Pierre  des   Alartins   peintre  ;  Jean  Petit  fourbisseur  doreur  et 
damasquineur  ;    Estienne  Flantin,    ouvrier-ès-instrumens   de  mathéma- 
tiques ;    Alleaume  professeur  ès-dites   mathématiques  ;   Maurice  Dubout, 
tapissier  de  haute  lisse  ;  Girard  Laurens,  aussi  tapissier  de  haute  lisse  ; 
Pierre  du  Pont,  tapissier  es  ouvrages  du  Levant  ;  Marin  Bourgeois,  aussi 
nostre  peintre    et  vallet    de    chambre    et    ouvrier    en    globes    mouvans, 
sculpteur  et  aultres  inventions  '. 

Michel  de  Marolles  n'a  garde  d'oublier  les   artistes  logés  au 
Louvre,  dans  ses  quatrains  : 

Les  bons  peintres  logez  dans  l'enceinte  du  Louvre, 
Jacob  Bunel,  Picou,  Bernier,  Jacques  Stella, 
Les  enfants  de  sa  sœur  vertueux  en  cela. 
Du  Moutier  père  et  tils  ou  Baladone  s'œuvre. 

Simon  Vouet,  Xocret,  Bourgeois,  Erard,  Boursone 
Mellon,  Bombes,  Gesse,  Dorigni,  des  Martins, 
Du  Pré,  le  bon  sculpteur  et  les  deux  Sarrazins  : 
L'Asne  avec  Séjourné,  pour  décorer  le  trosne-. 

Etc.,  etc. 

'  Archives  de  l'Art  français,  t.  IIL  p-  '39-Vl.  Communication  de  M.  de  Che- 
nevières. 

-  Michel  DE  Marolles,  Quatrains,  1677.  Paris,  in-4",  p.  53-5i. 


FRA.V'ÇOIS    ET    J  A  C  0  15    BL'XEL.  500 

Dans  la  preniière  partie  de  cette  éfiule,  nous  avons  vu  que  Fran- 
çois Bunel  6t  un  dessin  de  navire,  probablement  un  carton  de  tapis- 
serie. Une  fois  logé  au  Louvre,  où  existait,  dès  1613,  un  atelier 
de  haute  lisse,  sur  lequel  nous  manquons  absolument  de  détails, 
et  qui  subsistait  encore  après  1650,  il  est  à  croire  que  Jacob  Bunel 
dessina  quelques  cartons  destinés  à  être  tissés;  le  fait  est  d'autant 
plus  probable,  qu'il  se  lia  avec  ses  voisins,  habitant  également  la 
grande  galerie,  Laurent  et  Pierre  Dupont,  l'un  tapissier  de  haute 
lice,  l'autre  inventeur  des  tapis  à  façon  du  Levant,  fondateur  i\o. 
la  manufacture  de  la  Savonnerie".  V Histoire  de  Diane,  cette 
superbe  tenture  composée  de  huit  pièces  et  attribuée  à  Toussaint 
Dubreuil,  est-elle  en  son  entier  de  cet  artiste?  Bunel,  son  colla- 
borateur habituel,  n'y  a-t-il  pas  travaillé  avec  lui?  Nous  le  croirions 
volontiers. 

Nous  venons,  tout  à  l'heure,  de  nommer  Pierre  Dupont.  Ce 
Pierre  Dupont  est  un  personnage  considérable  dans  l'histoire  de 
la  tapisserie;  il  introduisit  en  France  la  fabrication  des  tapis  de 
Turquie  -  et  écrivit,  à  cette  occasion,  un  curieux  ouvrage  intitulé 
la  Stromatourgie^ .  Il  était  fort  lié  avec  Jacob  Bunel,  dont  il  était 
le  voisin  au  Louvre,  comme  il  vient  d'être  dit.  Voici,  à  propos  des 
deux  amis,  une  anecdote  caractéristique  tirée  des  Archives  de 
V  Art  français '^  : 

«  S'estant  donc  adonné  à  l'Illuminure,  feu  madame  deChasteau- 
neuf —  que  Dieu  absolve  —  comme  elle  estait  très  vertueuse  et 
adonnée  du  tout  à  la  piété  et  dévotion,  prit  le  dict  du  Pont  à  son 
service  pour  lui  faire  quelques  paires  d'heures  d'illuminure  et 
aultres  ouvrages.  De  quoy,  s'estant  fidellement  acquitté,  il  fitveoir 
aussi  à  la  dicte  dame  quelque  temps  après  —  comme  à  la  plus 
curieuse  de  Paris  —  quelques  échantillons  de  toutes  sortes  d'ou- 
vrages de  Turquie  faicts  d'or,  d'argent,  de  soye  et  de  laine,  lesquels, 

'  J.  GuiFFBEY,  Histoire  de  la  tapisserie.  Tours,  Alfred  Marne,  édit.  1886,  1  vol. 
ia-i".  —  Eug.  MiNTZ,  la  Tapisserie.  Paris,  Quaatin,  édit.,  1  vol.  in-12. 

-  J.  GciFFREV,  ibid. 

^  La  Stromatourgie  ou  de  F  excellence  de  la  manufacture  de  tapits  de  Turquie 
nouvellement  establie  en  France  sous  la  conduicte  de  noble  Pierre  Dupont, 
tapissier  ordinaire  du  roij  es  dits  ouvrages,  avec  la  devise  :  Mieux  faire  que 
bien  dire,  fut  publié  en  1632,  en  un  volume  in-4''  de  42  pages,  »  à  Paris,  en  la 
Galleriedu  Louvre,  en  la  maison  de  l'autlieur  » . 

*  Archives  de  l' Art  français ,  t.  I,  p.  210  et  suiv. 


600  FRAIVÇOIS    ET    JACOB    BUXEL. 

comme  chose  non  encore  veuë,  elle  présenta  à  la  reyne  mère  qui 
les  fit  voir  tout  à  Iheure  au  feu  roy,  le  quel,  peu  de  jours  après, 
allant  voir  les  peintures  de  sa  gallerie  et  de  sa  sale  des  Antiques 
que  feu  M.  Bunel,  son  peintre,  faisait  alors,  et,  entrant  dans  la 
maison  du  dict  lîunel,  vit  un  fonds  de  chaise,  faict  d'ouvrage  de 
Turquie,  que  le  dict  du  Pont  y  avait  laissé  et,  se  ressouvenant  de  ce 
que  feue  madame  de  Chasteauneuf  en  avait  rapporté  à  la  reyne, 
commanda  à  M.  de  Fourcy,  intendant  de  ses  bastimens  et  manu- 
factures de  faire  venir  le  dict  Dupont  dans  sa  gallerie...  « 

Par  la  citation  ci-dessus,  nous  voyons  que  Henri  IV  ne  dédaignait 
pas  d'entrer  dans  la  demeure  de  son  peintre  favori  et  d'aller  voir 
dans  son  atelier  où  en  étaient  les  travaux  qu'il  lui  avait  commandés. 
Une  autre  raison  rendait  encore  les  rapports  fréquents  entre  le 
souverain  et  le  peintre;  c'est  que  le  roi  avait  nommé  Jacob  Bunel 
conservateur  de  ses  tableaux  à  une  époque  que  nous  ne  saurions 
préciser,  mais  probablement  lors  de  la  mort  de  Toussaint  Dubreuil. 

Dans  les  derniers  temps  de  sa  vie,  le  roi  confia  à  son  peintre  de 
prédilection  le  soin  de  faire  le  portrait  du  Dauphin,  trois  mois  à 
peine  avant  la  catastrophe  du  pont  Neuf.  «  Le  mardi  16  février 
1610,  en  estudiantw,  le  fils  de  Henri  IV'  «  est  peinct  par  Bunel, 
peinctre  excellent  qui  est  au  service  du  roy  »  ,  nous  apprend  le 
curieux  et  instructif  journal  d'Hérouard,  premier  médecin  de 
Louis  XIII.  Jacob  Bunel  non  seulement  portraictura  Louis  XIII, 
mais  il  eut  encore  l'honneur  de  lui  donner  des  leçons  de  dessin. 
L'on  sait,  d'ailleurs,  le  goût  et  l'attrait  de  ce  prince  pour  la  pein- 
ture. «  Le  24  octobre  1612  u  ,  lisons-nous  plus  loin  dans  le  manu- 
scrit du  même  Hérouard,  «  le  roy  va  chez  M.  Bunel,  peintre  en  la 
gallerie.  S'amuse  à  peindre;  le  25,  s'amuse  à  peindre  feue  madame 
la  connétable  « ,  probablement  d'après  un  portrait  fait  par  Jacob 
Bunel  se  trouvant  dans  son  atelier  ' . 


'  Jelian  Hérouard,  seigneur  de  Vaugrigneuse,  né  en  1550  ou  1551,  mort  en 
1627,  premier  médecin  de  Louis  XIII,  a  laissé  un  journal  manuscrit  composé  de 
6  vol.  in-fol.,  conservé  à  la  Bibliothèque  nationale,  département  des  manuscrits, 
dans  lequel  il  a  noté  jour  par  jour,  du  27  septembre  1001,  date  de  la  naissance  du 
Dauphin,  jus^i'à  l'année  de  sa  mort,  c'est-à-dire  en  1627,  non  seulement  les 
détails  concernant  la  santé  de  son  royal  client,  mais  aussi  nombre  d'autres  faits  fort 
curieux  et  fort  importants.  —  Voir  Armand  Baschet,  le  Roi  chez  la  reine,  ou 
Histoire  secrète  du  mariage  de  Louis  XIII  et  d'Anne  d'Autriche.  Paris,  1866, 
H.  Pion,  1  vol.  in-12,  2'  édit.,  p.  462  et  suiv. 


I'  U  W C  (>  I  s    K  T    ,1  A  C  0  B    B  L  \  E  L .  (iU  ! 

Jacob  Biinel  ne  survécut  guère  plus  do  quatre  années  à  Henri  I\  , 
qui  l'avait  employé,  comme  nous  l'avons  vu,  la  plus  grande  partie 
de  sa  carrière.  Il  mourut  à  Paris  encore  jeune  et  en  plein  talent,  à 
l'âge  de  cinquante-six  ans,  le  14  octobre  161-4  '.  Onze  jours  avant 
sa  mort,  se  sentant  fort  malade,  le  3  octobre,  il  avait  écrit  son 
testament.  Voici  son  acte  mortuaire  relevé  par  Jal  dans  les  registres 
protestants  conservés  naguère  au  Palais  de  justice  et  malheureuse- 
ment brûlés  en  1871  -, 

Le  XV»  dud'  mois  d'octobre  1611  deffunct  Jacob  Bunel  vallel  de 
chambre  du  roy  et  peintre  de  S.  M.  estant  de  la  vraie  religion,  a  esté 
enterré  au  cimetierre  du  faubourg  S'  Germain  par  Jehan  Guillaume 
fossoyeur  dud»  cimetière,  ou  le  corps  dud'  deffunct  a  esté  accompagné  par 
ses  amis  et  archers  du  guet. 

Après  la  mort  de  son  mari,  Marguerite  Bahuche,  sa  veuve,  solli- 
cita du  roi  la  survivance  de  son  logement  et  de  son  traitement  de 
conservateur  des  peintures  du  Louvre  et  des  Tuileries;  ce  qui  lui 
l'ut  accordé,  comme  en  fait  preuve  le  brevet  que  voici,  sons  la 
condition  pour  elle  de  fournir  le  logement  à  son  neveu  Robert 
Picou,  peintre  comme  son  mari,  et  de  l'entretenir. 

Aujourd'huy  8"  d'octobre  1614  le  roy  estant  à  Paris  mettant  en  considé- 
ration les  longs  et  fidèles  services  que  feu  Jacob  Bunel  vivant,  l'un  de  ses 
peintres  ordinaires,  ayant  lachargede  ses  peinturesauLouvreetTliuilleries, 
a  cy  devant  rendus  tant  au  feu  roy  dernier  déceddé  qu'a  S.  M.  depuis  son 
avènement  à  la  couronne,  et,  voulant  recognoistre  iceux  envers,  Maguerite 
Bahuche  sa  femme,  sa  veuve,  la  quelle  faict  aussy  profession  de  peinture 
et  y  travaille  journellement,  S.  M.  par  l'advis  de  la  leyne  sa  mère,  a 
accordé  à  la  dame  Bahuche  sa  demeure,  sa  vie  durant  dans  le  logis  de  la 
grande  gallerie  du  Louvre  où  demeuroit  et  est  décédé  ledict  Bunel;  à  la 
charge  d'y  loger  et  accommoder  Robert  Picou  son  nepveu,  aussy  peintre, 
pour  avoir  soing  avec  elle  des  peintures,  tant  de  la  dicte  grande  gallerie 
du  Louvre  que  des  Thuilleries  ;  et,  pour  leur  donner  moien  d'y  servir  et 
sy  entretenir  dignement,  sa  dicte  M.  leur  accorde  par  moylié  les  gages 
et  entrelemments  de  1200  livres  dont  soiilloyt  jouir  le  dict  feu  Bunel, 
qui  est  à  chascun  deux  six  cens  livres  les  quelles  leur  seront  payez 
par  les  trésoriers  de  ses  bastimens  présens  et  advenir,  chacun  en  l'année 

'  Bermier,  loc.  cil.  —  Jal,  Dictionnaire.  —  A.  Dupré,  loc.  cit.  —  Gazctfe  des 
Beaux-Arts,  1888,  t.  II,  p.  265  et  suiv. 
^  Jal,  ibid. 


602  FRA.NCOIS    K  T    JACOB    BUIVEL. 

de  son  exercice,  à  conimancer  du  premier  jour  de  ce  mois  par  leur 
simple  quittance,  sans  quil  leur  soye  besoing  d'autres  lettres  ny  expédi- 
tions que  le  présent  brevet  qu'il  a  voulu  signer  de  sa  main  et  iceluy  estre 
contresigné  de  moy  son  conseiller  et  secrétaire  d'estat  : 

Louis. 
De  Lalmeneve. 

Et  au  dos  est  escrit  ce  qui  suict  : 

Enregistré  par  moy  intendant  des  bastimens  du  roy  soubzsignez  à  Paris 
le  3' jour  de  janvier  1615  ainsy  signé:  Fourcy. 
Collationné  a  son  original  sur  parchemin  '. 

Ce  Robert  Picou,  neveu  de  iVIarguerite  Bahuche,  auquel  la  sur- 
vivance du  logement  et  des  appointements  de  Jacob  Bunel  était 
accordée  de  moitié  avec  sa  tante,  ne  laissa  pas  de  jouir  de  son  temps 
d'une  certaine  célébrité*. 

Marie  Bahuche,  la  veuve  de  Jacob  Bunel,  conserva-t-elle  le  loge- 
ment du  Louvre  et  la  fonction  en  étant  la  conséquence,  conjointe- 
ment avec  Robert  Picou  jusqu'à  sa  mort  ?  C'est  peu  probable;  car 
elle  se  remaria  avec  un  sieur  Paul  Galland,  receveur  des  tailles  à 
l'élection  de  Tours,  veuf  lui-même,  et  ce  nouveau  mariage  semble 
impliquer  qu'elle  dut  abandonner  sa  situation  au  Louvre.  On  ignore 
l'époque  de  sa  mort,  qui  eut  lieu  avant  l'année  1632,  puisque,  le 
9  octobre  de  cette  même  année,  Paul  Galland  se  remariait  une  troi- 
sième fois  avec  Marie  Denetz,  fille  d'un  auditeur  à  la  Cour  des 
comptes  '. 

Dans  les  registres  de  l'état  civil  des  protestants,  détruits  lors  de 
l'incendie  du  Palais  de  justice  de  Paris  en  1871,  auxquels  nous 

'  Archives  de  l'Art  français,  t.  III,  p.  370  et  suiu.,  pièce  extraite  des  Archives 
nationales,  section  administrative  et  domaniale,  communiquée  par  Cli.  Lacor- 
daire,  de  la  manufacture  des  Gobelins. 

-  s  Robert  Picou  de  Tours,  neveu  de  la  femme  de  Bunel,  dit  l'abbé  de  Marelles, 
nous  a  laissé  de  luy  mesme  quelques  pièces  en  eau-forte  et  d'autres  de  l'inven- 
tion de  Jacques  Bassan  et  d'Herasme  David,  en  a  faict  une  d'après  luy  qui  est  le 
miracle  de  S'  François  de  Paule  traversant  la  mer  de  Sicile,  et  ensuite  les  Illus- 
tres de  son  ordre  jusqu'au  nombre  de  105.  »  Dans  son  Histoire  de  Touraine, 
Chalmel  prétend  que  son  compatriote  n  Claude  Vignon  en  faisait  beaucoup  de  cas 
surtout  par  rapport  à  la  pureté  du  trait  »  .  —  Voir  Michel  de  Marolles,  Catalogue 
de  livres,  d'estampes,  etc.  Paris,  1666,  p.  74.  —  Archives  de  l' Art  français , 
t.  I,  p.  212.  —  Chalmel,  ibid.,  t.  IV.  p.  379. 

2  Haag,  lac.  cit. 


FRAXÇOIS    KT    JACOB    RU\EL.  (JOS 

avons  (l('jà  fait  un  empniiil  avec  Taide  de  Jul,  il  est  à  maintes 
reprises  question  de  Marguerite  Baliuche. 

Au  folio  59  recto  se  trouvait  la  mention  suivante  : 

Le  3^  de  mars  1G08  nasquirent  iing  fds  et  une  Hlie  à  François  Fonlayne 
secrétaire  de  la  maison  et  couronne  de  Navarre  et  de  dam'^  Françoise 
Gommer  et  ont  été  présentez  au  bap™"  le  15'  dudict  mois  par  M""  du 
Couldray  conseiller  au  parlement  et  damoiselle  Judicq  de  Courcelles 
femme  de  M'  de  Lozeray  le  quel  ilz  ont  nommé  Androniqueet  la  fille  par 
Isaac   poupart    con"    et   secrétaire    de    feue    Madame    sœur    du  roy   et 

dam'""''  Alarye  CoUignon  femme  de  m.  du  Moulin  M.  du  S"^  r la  quelle 

a  esté  nommée  Loyse. 

Au  verso,  on  lisait  : 

Marraine  Marg''  Bahuche  femme  de  M"^  Bunel  peintre  du  roy. 

Et  au  folio  61  verso,  également,  se  trouvait  répétée  la  même 
phrase  : 

Femme  de  M"^  Bunel  peintre  du  roy. 

Cette  demoiselle  Judicq  de  Courcelles,  femme  de  M.  de  Lozeray, 
faisait-elle  partie  d'une  famille  de  Courcelles  dont  il  va  être  ques- 
tion tout  à  l'heure  à  propos  d'un  élève  de  Jacob  Bunel?  C'est  assez 
probable. 

Marguerite  Bahuche,  au  dire  de  Chalmel ',  jouissait  de  son 
temps  d'  ;<  une  telle  réputation  que  les  plus  illustres  personnages 
de  la  Cour  avaient  voulu  être  peints  par  elle  » .  Sauvai  "  nous  la 
représente  comme  très  habile  «  à  faire  les  portraits  des  person- 
nages de  son  sexe  »  et  à  peindre  "  sur  les  dessins  de  son  mari  » . 
Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'elle  l'aida  considérablement  dans  l'exé- 
cution des  effigies  des  princesses  et  grandes  dames  que  Henri  IV 
avait  demandées  à  son  peintre  ordinaire. 

Pour  en  finir  avec  la  famille  de  Jacob  Bunel,  disons  encore  que, 
par  un  acte  découvert  par  M.  Read,  il  ressort  que,  dès  1619,  un 
Pierre  Boule,  qui  était  déjà  ébéniste  du  roi  et  avait  son  logement 
au  Louvre,  avait  pour  femme  la  sœur  de  Marguerite  Bahuche  et 


*  Chalmel,  loc.  cit. 
-  *  Sauval,  loc.  cit. 


604  FRA.XÇOIS    ET    .1  A  C  0  B    BUXEL. 

que,  par  conséquent,  par  son  mariage,  ce  Pierre  Boule  était 
devenu  le  beau-frère  de  .lacol)  Bunel  '. 

Jacob  Hnnel  fui  un  artiste  considérable.  Ses  contemporains 
avaient  de  lui  la  plus  haute  idée.  Voici,  entre  autres  témoignages 
à  ce  propos,  celui  du  peintre  Claude  Vignon,  reproduit  par 
Chalmel,  auquel  nous  avons  fait  déjà  plusieurs  fois  allusion  :  "  J'ai 
eu,  dit  Claude  Vignon,  Thonneur  de  connaître  Jacob  Bunel,  le 
plus  grand  peintre  qui  fut  en  Europe,  et  même  je  me  glorifie 
d'avoir  reçu  de  sa  bonté  les  premiers  enseignements  de  la  pein- 
ture. Il  était  natif  de  Tours  en  Touraine.  Il  vivait  à  Paris,  aux 
galeries  du  Louvre,  fort  honoré  du  roi  Henri  le  Grand,  quatrième 
du  nom.  Comme  il  avait  eu  l'estime  et  emploi  du  roi  d'Espagne, 
Philippe  II,  il  a  fait  ce  beau  cloître  à  l'Escurial,  rempli  de  quarante 
admirables  tableaux,  chacun  de  trois  toises  en  hauteur.  Je  n'ai 
rien  vu  en  Europe  qui  les  surpasse  en  magnifiques  inventions,  voire 
ils  surpassent  tout  par  leur  coloris.  « 

Malgré  ce  que  cet  éloge  peut  avoir  d'hyperbolique,  Jacob  Bunel 
n'en  reste  pas  moins  un  peintre  fort  apprécié  de  son  temps.  II  fut, 
sans  doute,  autant  que  nous  pouvons  en  juger  à  distance,  un  artiste 
de  transition,  et,  quoique  ses  nombreux  voyages  l'aient  soumis  à 
d'autres  influences  que  celles  du  Primatice  et  du  Rosso,  tout-puis- 
sants à  la  Cour  de  France,  pendant  sa  jeunesse,  sa  place  semble 
marquée  entre  les  derniers  élèves  de  l'école  de  Fontainebleau  et 
les  premiers  de  celle  de  Simon  Vouet.  Comme  nombre  de  peintres 
de  son  temps,  ce  que  nous  savons  de  lui  donne  à  croire  qu'il 
oublia  trop  facilement  les  enseignements  des  Jehan  Fouquet,  des 
Perréal,  des  Bournichon,  etc.,  pour  s'engouer  de  l'outrecuidance 
et  de  la  redondance  italiennes.  Il  s'éprit  des  raccourcis  violents,  des 
musculatures  exagérées,  des  figures  extraplafonnantes;  il  eut 
l'amour  des  ajustements  bizarres,  ce  goût  italien  de  l'élégance  et  du 
raffiné  au  milieu  de  la  rudesse  des  mœurs,  qui  est  un  des  carac- 
tères de  cette  étrange  époque.  Mais  comment  aurait-il  pu  se 
faire  que  ce  peintre,  vivant  à  la  Cour,  n'eût  pas  suivi  l'impulsion 
donnée  par  le  souverain  ou  ses  courtisans  dispensateurs  des  com- 
mandes et  des  faveurs!  François  P"",  en  appelant  le  Primatice,  le 

'  Archives  de  l'Art/i-ançais,  t.  IV,  p.  321  et  suiv.  Pierre-André  Boulle.  Docu- 
ments communiqués  par  MM.  Read,  Rictiard,  Lacordaire,  et  annotés  par  A.  de 
Montaiglon. 


FllA.\Ç01S    ET    JACOB    HL.VKL.  005 

Rosso,  Xicolo  délie  Ahhiite,  —  ne  citons  que  les  principaux,  —  pour 
diri<jer  les  travaux  des  maisons  royales,  avait  donné  l'orientation, 
qui  ne  fut  que  trop  fidèlement  suivie  par  ses  successeurs,  Jacob 
Bunel,  le  protégé  d'une  Alédicis,  ne  sut  ni  ne  put  échapper  aux 
contagieux  exemples  qui  lui  furent  donnés.  Loin  de  là,  il  les 
rechercha,  et  leurs  séductions  furent  pour  lui  sans  défense,  trop 
respectueux  qu'il  était  de  ce  qu'on  admirait  et  louait  en  haut  lieu, 
qu'il  admira  et  loua  plus  que  personne. 

Aussi  ne  nous  étonnons  pas  trop  s'il  s'éprit,  comme  nous  venons 
de  le  dire,  des  effets  outrés,  des  poses  violentes,  des  raccourcis 
exagérés;  cette  préoccupation  de  ne  voir  dans  l'être  humain 
qu'une  sorte  d'athlète  aux  muscles  enflés,  tendant  les  cuisses 
et  retroussant  les  pieds,  faisant  avant  tout  métier  de  montrer  ses 
forces,  de  se  renverser  comme  le  grand  géant  de  la  Gigantoma- 
chie,  dont  il  a  déjà  été  question,  était  bien  dans  l'esprit  du  temps. 
C'était  l'époque  de  la  pédanterie,  et  la  Cour  de  Navarre,  où  avait 
vécu  le  père  de  Jacob  Bunel,  n'en  avait  pas  été  plus  exempte  que 
les  autres.  Jeanne  d'Albret  non  seulement  connaissait  les  langues 
étrangères,  mais  se  montrait  fière  de  savoir  les  langues  anciennes 
et  de  parler  couramment  le  latin,  le  grec,  et  même  l'hébreu. 

Jacob  Bunel  ne  semble  pas  avoir  laissé  d'élèves,  et,  à  part  Claude 
Vignon,  qui  s'honore  hautement  d'avoir  reçu  ses  conseils  dans  la 
lettre  de  ce  peintre  citée  tout  à  l'heure,  nous  n'en  pouvons  rencon- 
trer qu'un,  Jacob  de  Courcelles,  dont  nous  ne  connaissons  aucune 
production  et  dont  nous  ne  savons  rien,  si  ce  n'est  qu'il  travaillait 
avec  Jacob  Bunel  à  la  décoration  du  Louvre,  comme  nous  l'apprend 
la  lettre  que  voici,  extraite  du  Recueil  des  lettres  missives  de 
Henri  IV  réunies  par  M.  Berger  de  Xivrey  '. 

.'\ux  bourgmestres  de 

Très  chers  et  bons  amys,  ayant  été  advertis  de  certain  procès  pendant 
par  devant  nous,  entre  Jacob  de  Courcelles,  retenu  par  le  peintre  Bunel 
pour  la  conduicle  de  peintures  de  nostre  chasteau  du  Louvre,  et  Nicolas 
Malapert  et  Jehan  Colond)ier,  ses  tuteurs,  auquel  procès  pour  l'occasion 
susdite,  le  dict  de  Courcelles,  ne  peut  vacquer,  encore  qu'il  luy  importe 
de  la  meilleure  partie  de  son  bien,  nous  vous  en  avons  bien  voulu  escrire 


'  Berger  de  Xivrev,   loc.  cit.,   Recueil  des   lettres   missives  de  Henri  IV, 
1567-1610.  Paris,  1866,  Imprimerie  impériale,  9  vol.  in-'+".  Voir  t.  VII,  p.  486. 


606  GA.RUIEL-FRA^IÇOIS    MOUE  AU. 

celte  lettre,  pour  vous  prier  comme   nous  faisons,  d'y  vouloir  bien  faire 

considération  pour  l'amour  de  nous,  de  lui  en  rendre  si  bonne  et  prompte 

justice  que  vous  jugerés  estre  du  mérite  de  la  considération  de  son  bon 

droict,   en  vous  asseurans  que   nous  le  tiendrons  à  plaisir  très  agréable 

pour  nous  en  revancher  en  aultre  droict. 

Priant  Dieu,  très  chers  et  bons  amys,  qu'il  vous  aye  en  sa  saincte  et 

digne  garde. 

Henry. 

Il  faut  convenir  qu'il  est  heureux  que  Jacob  Bunel  ne  se  soit  pas 
érigé  en  chef  d'école.  Ce  n'était  point  un  esprit  assez  fortement 
trempé  pour  servir  de  guide,  encore  moins  un  modèle  digne  d'être 
aveuglément  imité.  Comme  nous  l'avons  déjà  dit,  il  ne  sut  point 
résister  aux  contagieux  exemples  transalpins  et  fut  le  trop  fidèle 
admirateur  des  Florentins  de  la  décadence,  abandonnant,  hélas! 
la  belle  simplicité  naturaliste  nationale.  Il  n'en  doit  pas  moins, 
cependant,  avoir  sa  place  marquée  dans  l'histoire  de  Tart  français, 
place  que,  malheureusement,  la  disparition  de  ses  ouvrages 
empêche  de  fixer  d'une  manière  définitive.  —  Il  en  est  de  même 
pour  son  père.  Espérons  qu'un  jour  viendra  où  l'on  retrouvera 
quelques  œuvres  authentiques  de  François  et  de  Jacob  Bunel. 

Paul  Lafond, 

Correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts 
des  départements,  à  Pau. 


XXXVII 

GABRIEL-FRANÇOIS  MOREAU 

ÉVÊQUE    DE    MAÇON    (1763-1790), 

AMI    DES    ARTS    ET    COLLECTIONNEUR,    PROTECTEUR    DE   PRUD'hON 

Gabriel-François  Moreau  naquit  à  Paris  le  21  septembre  1721  '. 
Il  avait  pour  père  François  Moreau,  conseiller  honoraire  au  Parle- 

'  Voir,  ci-con(re,  planche  XLII. 


l'Unche  M. II. 


G.-l'U.     MOIIKAL.     KVÈyUK     \)K     \IACO\-    (l76:5-n!t()) 

Il   AI» II  li S    f  \    r  1 S  r  i: I.    m.    i k  ir  !•  s 

'  l'Iiol.   .le  II     Mi<5nol,   .!.■   M.i.iin.) 


GABRIEL-FRA\COIS    MOREAU.  607 

ment  et  procureur  du  roi  au  Cliàtelet.  Le  M"  Jean  Moreaii,  che- 
valier j  gravé  par  Lenipereur  (1725-1796)  d'après  un  tableau  de 
Valade  (1709-1787),  dont  nous  parlons  plus  loin,  était  probable- 
ment un  de  ses  parents.  La  famille  portait  pour  armes  :  d'or  au 
chevron  d'azur  accompagné  en  chef  de  deux  roses  de  gueules 
tigées  et  feuillées  de  smople  et  en  pointe  d'une  tête  de  Maure  de 
sable  tortillée  d'argent  soutenue  d'une  rivière  d'azur  ' . 

Après  avoir  fait  ses  études  au  séminaire  de  Saint-Sulpice,  Gabriel- 
François  Moreau  devint  sucessivement  docteur  et  prieur  de  Sor- 
bonne,  conseiller-clerc  au  Parlement,  chanoine  et  théologal  du 
chapitre  de  Xotre-Dame,  vicaire  général  de  l'archevêque  de  Paris, 
évêque  de  Vence  (29  avril  1 759) ,  puis  de  Màcon  (29  novembre  1 763) , 
abbé  de  Mouzon  au  diocèse  de  Reims  et  prieur  de  Morée  au  dio- 
cèse de  Blois.  Au  moment  de  la  Révolution,  son  évêché  lui  rappor- 
tait, chiffres  ronds,  57,600  livres,  son  abbaye,  28,000  livres,  et 
son  prieuré,  5,600  livres.  Au  total  92,000  livres,  et  en  déduisant 
pour  charges  10,200,  9,200  et  1,800  livres,  il  restait  net  environ 
70,800  livres  ^ 

En  1790,  son  siège  fut  supprimé  et  ses  bénéfices  sécularisés. 

Le  30  mai  1802,  à  l'âge  de  quatre-vingt-deux  ans,  il  fut  nommé 
évêque  d'Autun,  et  le  Premier  Consul  demanda  en  même  temps, 
pour  lui,  le  chapeau  de  cardinal.  Mais  le  8  septembre  suivant,  il 
mourut  à  Mâcon,  où  il  était  venu  régler  quelques  affaires,  et  il  fut 
inhumé  dans  la  chapelle  de  l'hospice  de  la  Providence  de  cette  ville. 

Outre  un  «  esprit  éclairé  »  ,  un  «  prédicateur  en  renom  »  ,  un 
prélat  qu'accompagnait  «  une  réputation  justement  méritée  d'éru- 
dition et  d'éloquence  "  %  Mgr  Moreau  était  encore  un  fervent  ami 
des  arts  et  un  collectionneur  entendu. 

Son  goût  pour  les  arts,  il  ne  cessa  de  le  manifester  aux  Etats  et 
à  la  Chambre  d'administration  du  Maçonnais,  dont,  en  qualité  de 
président-né, il  dirigeait  les  délibérations  et  déterminait  les  votes. 
C'est,  en  réalité,  à  son  appui  que  la  France  doit  d'avoir  vu  se  révéler 
le  grand  talent  de  Prud'hon,  comme  c'est  à  ses  encouragements 
que  Màcon  doit  d'avoir  eu  de  bonne  heure   une  École  de  dessin. 

'  Armes  parlantes  :  Maure,  eau. 

'  Archives  de  Saône-et-Loire,  G.  94,  n°'  86,  87  et  89. 

'  De  La  Rochettk,  Histoire  des  évêques  de  Mâcon,  t.  II,  p.  593  et  594. 
MâcoD,  1867,  in-S». 


608  GABRIKL-FRAXCOIS    MOREAU. 

Vous  ne  rappellerons  ici  que  pour  mémoire  l'autorisation  donnée 
sans  difficulté  par  les  Etats  au  sieur  Joseph-François  Hémet, 
peintre,  demeurant  à  Cluny,  d'établir  dans  cette  ville  «  une  manu- 
facture d'indiennes,  façon  de  toilles  d'Orange,  en  bon  teint  et  diffé- 
rentes couleurs,  même  en  tapisserie,  sur  toilles,  en  paysages  tant 
en  huile  qu'en  détrampe  >  (29  décembre  1772)',  et  les  facilités 
libéralement  accordées  à  la  veuve  Buys  pour  se  libérer,  envers  la 
province,  du  montant  de  la  caution  qu'elle  lui  avait  donnée  afin  de 
«  faciliter  au  sieur  Pidoux  l'établissement  d'une  manufacture  de 
fayance*  «  (16  février  1782)  \  Signalons  aussi  la  belle  Carte  du 
pays  et  comté  du  MdconnoiSj  en  quatre  feuilles,  que  Mgr  Moreau 
fit  lever  par  le  sous-ingénieur  J,-B,  Demiège  et  graver  par  le  sieur 
L.  Joubert,  de  Lyon  (8  février  1775)*. 

Pierre  Prud'hon,  né  à  Cluny  le  4  avril  1758,  était  le  dixième 
enfant  de  Christophe  Prud'hon,  un  modeste  tailleur  de  pierre.  Il 
avait  seize  ans  en  1774,  et  ses  heureuses  dispositions  pour  le  dessin 
s'étaient  déjà  manifestées,  lorsqu'on  le  désigna  à  la  bienveillante 
attention  de  Mgr  Moreau. 

Celui-ci  le  présenta  avec  empressement  aux  Etats  du  Maçonnais, 
le  17  mai  1774,  et  fit  décider  séance  tenante  qu'il  serait  «  envoyé 
à  Dijon  pour  fréquenter  assiduement  l'Ecole  de  dessein  [et]  se  per- 
fectionner dans  cet  art,  à  la  charge  de  venir  ensuitte  [P]  enseigner 
à  Màcon  *  «  . 

!■<■  Pour  encourager  les  talents  de  ce  jeune  homme  qui  se  dévelop- 
p[aient]  d'une  manière  aussi  suprenante  que  satisfaisante  «  ,les  États 
lui  votèrent  successivement  des  gratifications  de  24 livres  (8  février 
1775)%  50livres(8  février  1776)'et  120  livres  (28  février  1777)^ 

'  Archives  de  Saône-et-Loire,  C.  494,  f"  34. 

-  «  Entre  1740  et  1750,  Madame  de  Marron,  baronne  de  Meilionas  (Ain),  éta- 
blit dans  son  château  [un]  fourneau  qui  devait  acquérir  du  renom.  Cette  dame  ne 
se  contenta  pas  de  peiudre  elle-même  les  ouvrages  qu'elle  voulait  offrir  en  cadeau; 
elle  appela  des  artistes  du  dehors.  Pidoux  j  qui  a]  signé  :  Pidoux,  1765,  à  Miliona, 
de  charmantes  jardinières,  fut  certainement  l'un  d'eux,  u  (A.  Jacquemart,  His- 
toire de  la  céramique,  p.  481.  Paris,  1873,  in-S".) 

^Archives  de  Saône-et-Loire,  C.  497,  f"  58. 

*  Ibid.,  C.  494,  f°  141  v'. 

■'  Ibid.,  C.  494,  f"  106.  —  Pièces  justificatives,  n»  I. 
®  Ibid.,  f"  141.  —  Pièces  justificatives,  n"  II. 
'Ibid..  C.  495,  f»  35.  —  Pièces  justificatives,  n"  III. 

*  Ibid.,  {"  102  v».  —  Pièces  justificatives,  n°  IV. 


GABRIEL-FRAXÇOIS    MOREAU.  609 

A  sa  sortie  de  l'Ecole  il  ne  vint  pas  «  enseigner  à  Alàcon  « ,  ce 
qui  n'empêche  que  les  Etats  du  Maçonnais,  lorsqu'il  obtint,  à  la 
suite  d'un  concours,  le  prix  fondé  par  les  Etats  de  Bourgogne,  qui 
permettait  d'aller  passer  trois  ans  à  Rome,  lui  accordèrent  une 
somme  de  100  livres  pour  l'aider  à  faire  ce  voyage  (4  août  1784)  '. 

Mais  sa  sollicitude,  Mgr  Moreau  l'avait  étendue  aussi  à  d'autres 
jeunes  artistes  :  un  sieur  Dufour,  «fils  d'un  artisan  de  Màcon«  ,  pen- 
sionné par  les  Etats  pour  suivre  les  cours  de  l'Ecole  de  dessin  de 
Dijon  (25  janvier  1779)  -  ;  Louis  Baillot,  âgé  de  quatorze  ans,  «  fils 
de  François  Baillot,  artisan  de  Màcon  »  ,  envoyé  également  à  Dijon 
comme  «  élève  pour  la  peinture  v  au  lieu  et  place  du  sieur  Dufour, 
qui  «  ne  pouv[ait]  profiter  plus  longtems  des  vues  de  bienfaisance 
de  l'administration»  (14  avril  1780)  \  gratifié  de  601ivres  en  1782 
(18  février)  *  et  de  600  livres  pour  aller  à  Paris  en  1784  (4  août)  ^ 
chez  le  peintre  Suvée,  dans  l'atelier  duquel  il  travaillait  encore  en 
1786  et  1787  *  ;  François  Baillot,  frère  cadet  du  précédeilt,  doué 
u  de  dispositions  très  heureuses  pour  l'art  de  l'architecture  »  ,  en- 
voyé à  Lyon  dans  le  but  d'y  faire,  sur  la  recommandation  de 
l'évêque  lui-même,  «  une  étude  particulière  de  tout  ce  qui  con- 
cerne la  coupe  des  pierres,  objet  important  et  peu  connu  dans 
ce  payis,  surtout  par  principes  »,  gratifié  de  50  livres  en  1783 
(31  janvier)^  et  de  350  livres  en  1784  (4  août)  ^  ;  enfin  Jean-Bap- 
tiste Chambard,  de  Mâcon,  âgé  de  vingt-deux  ans,  placé  à  l'Ecole 
de  Dijon  pour  y  apprendre  le  dessin,  à  raison  de  ses  «  dispositions 
heureuses  pour  l'art  de  la  sculpture,  dans  lequel  il  s'exerç[ait]  de- 
puis quatre  à  cinq  années  »  (5  février  1781)  ®,  gratifié  dé72  livres 
en  1782  (18  février)  '",  de  300  livres  en  1784  (4  août)"  et  de 
150 livres  en  1787  (14  février)  '-. 

'  Archives  de  Saône-et-Loire,  G.  497,  f"  2  v".  —  Pièces  justificatives,  n°  V. 

*  Ibid.,  G.  496,  {'  30. 
»  Ibid.,  f»  115. 
*/6/rf.,  G.  497,  f°60  v°. 

*  Ibid.,  G.  498,  f"  2  V",  et  G.  746,  n»'  14-17. 
«  Ibid.,  G.  511,  fo  74  et  94  v". 

'  Ibid.,  G.  498,  f"  89  v».  —  Pièces  justificatives,  u°  VI. 

"  Ibid.,  G.  498,  f"  2  v,  —  Pièces  justificatives,  n"  V. 

''Ibid.,  G.  49(),  f  164. 

'"  Ibid.,  G.  497,  f"»  43  V  et  60  v". 

"  Ibid.,  G.  498,  f  2  v. 

'^  Ibid.,  G.,  511,  fo  112  V. 

39 


610  GABRIEL-FRANÇOIS    MOREAU. 

Les  maîtres,  comme  les  élèves,  recevaient  des  encouragements. 
Ainsi  les  Étals,  désireux  de  «  montrer  au  sieur  Devosge,  directeur 
de  l'École  de  dessein,  à  Dijon,  [leur]  reconnoissance  dessoins  qu'il 
donn[ait'  à  l'instruction  des  élèves  qui  lui  [étaient]  envoyés»,  eurent 
pour  lui  une  attention  très  appréciée  en  Bourgogne,  —  et  même  ail- 
leurs, —  lorsqu'il  décidèrent  de  lui  faire  expédier  «  franc  de  voi- 
ture et  de  tous  droits,  deux  feuillettes  de  vin  blanc  du  meilleur  crû 
du  pays  »   (18  février  1782)  '. 

C'est  en  1783,  le  24  janvier,  que  le  syndic  des  États  présenta 
à  cette  assemblée  un  rapport  concluant  à  la  création  d'une  École 
gratuite  de  dessina  Màcon  :  «11  n'est  pas  certain,  disait-il,  que  pen- 
dant l'espace  de  trente  ans,  un  seul  des  artistes  que  vous  aurés  fait 
élever  et  instruire  aux  frais  du  public  s'établisse  à  Màcon  pour  y 
exercer  les  talents  dont  il  est  redevable  à  la  province...  L'établis- 
sement que  j'ai  l'bonneur  de  vous  proposer  est  fait  pour  donner  du 
goût,  de  l'énergie  et  des  moyens  de  fortune  aux  citoyens,  non  seu- 
lement de  Màcon,  mais  encore  à|touts les  habitants  du  Màconnois... 
A  l'égard  de  la  ville,  elle  pourra  se  flatter  dans  peu  d'années  d'avoir 
d'habillés  artistes  et  de  bons  artisants  *...  »  On  vota,  elle  24 février 
1785,  Mgr  Aloreau  inaugura  solennellement  la  nouvelle  école  ^  Rien 
ne  fut  ensuite  épargné  pour  doter  lesmaîtresMe  traitements  rému- 
nérateurs, les  élèves  de  gratifications  importantes  et  de  prix  inté- 
ressants, le  local  d'améliorations  utiles  et  les  cours  de  modèles 
sans  cesse  renouvelés  '. 

Aussi  les  Étals,  pour  remercier  Mgr  Moreau  des  services  qu'il 
rendait  au  pays,  lui  demandèrent-ils,  le  20  février  1771,  «  la  per- 
mission de  faire  tirer  son  portrait  en  grand  par  le  sieur  Greuze, 
peintre  à  Paris,  pour  être  placé  dans  [leur]  salle,  avec  un  cartouche 
contenant  une  inscription  qui  puisse  transmettre  à  la  postérité  la 
reconnoissance  sincère  de  la  Compagnie  et  de  toute  la  province®»  . 


■  Archives  de  Saône-et-Loire,  C.  497,  f»  60  v°. 

s  Ibid..  G.  746,  d°  18. 

3  Ibid..  G.  511,  f  20  bis. 

^  Pascal-Jean  Leuot,  directeur,  et  François  Baillot,  professeur. 

^  Voir  L.  Lex  et  P.  Martix,  Origines  de  l'Ecole  de  dessin  de  Mdeon.  {Réu- 
nion des  Sociétés  des  Beaux- Arts  des  départements,  13'  session.  Paris,  1889, 
in-8»,  p.  652.) 

**  Archives  de  Saône-et-Loire,  G.  493,  f"  104  x".  —  Pièces  justiûcatives, 
n"  VII. 


GABRIEL-FUA\COIS    MOREAL'.  611 

Et,  le  7  mars  1787,  les  élus  des  trois  ordres  accompagnés  des  com- 
missaires du  roi,  après  avoir  été  à  l'Ecole  de  dessin,  où  ils  constatè- 
rent les  progrès  des  élèves  et  l'excellence  de  l'enseignement,  vin- 
rent en  corps  dire  à  l'évêque  combien  ils  lui  savaient  gré  «  d'un 
établissement  entièrement  dû  à  son  zèle  et  à  son  amour  pour  le 
bien  public,  et  dont  l'utilité  généralement  sentie  confirm[ait] 
chaque  jour  les  motifs  développés  par  Monseigneur  pour  sa  forma- 
tion '  » . 

Outre  un  fervent  ami  des  arts  et,  par  suite,  des  artistes,  Mgr  Mo- 
reaii  était  encore,  nous  l'avons  dit,  un  collectionneur  entendu.  Son 
palais  épiscopal  nous  apparaît  à  distance  comme  un  musée  véri- 
table de  peintures,  de  pastels,  de  dessins,  de  gravures,  de  cartes,,  de 
sculptures,  de  biscuits,  de  terres  cuites,  de  plâtres,  de  bronzes,  de 
tapisseries,  de  porcelaines  et  de  pierres  précieuses.  On  y  voyait 
côte  à  côte  Bossuet,  Fénelon,  Voltaire  et  Rousseau,  au-dessous  de 
la  Sainte  Famille  une  Vénus  Callipyge  en  porphyre,  près  d'une 
Vierge  la  Clairon. 

Un  inventaire  de  ces  objets  d'art  -  fut  dressé  le  26  pluviôse 
an  H  et  jours  suivants,  avant  la  vente  du  mobilier  de  l'évéché,  par 
deux  délégués  de  l'administration  du  district  de  Màcon  assistés  du 
citoyen  Lenot,  «  artiste  »  et  directeur  de  l'École  de  dessin,  qui, 
conformément  à  la  mission  qu'il  avait  reçue,  en  fit  réserver  la 
presque  totalité  «  à  l'effet  d'être  emploies  à  composer  un  musé 
public  -n . 

Les  peintures  étaient  au  nombre  de  cinquante  et  une?,  dont 
trente-huit  sur  toile,  huit  sur  bois,  cinq  sur  cuivre,  deux  sur  verre 
et  une  sur  marbre  blanc. 

Raphaël  y  avait  nn  «  portrait  de  [s]a  maîtresse  « ,  sur  bois,  copie, 

'  Archives  de  Saône-et-Loire,  C.  498,  f°  104  v».  —  Mgr  Moreau  avait  déjà 
visité  l'école  le  20  mars  de  l'année  précédente  (1786).  Ibid.,  1°  62  v°. 

-  Ibid.,  Q.  —  Pièces  justificatives,  n»  VIII. 

■■  Dans  ce  nombre  il  peut  y  avoir  six  gravures  que  le  citoyen  Lenot  a  indiquées 
par  inadvertance  comme  étant  des  peintures.  —  Ainsi  la  Thaïs  de  Greuze  était 
«  sous  verre  « ,  dit-il.  D'autre  part,  M.  J.  Martin,  conservateur  du  Musée  du 
Tournus,  a  bien  voulu  nous  faire  savoir  que  le  tableau  de  Thaïs  faisait  partie  du 
Cabinet  Duclos  du  Fresnoy,  vendu  à  Paris  en  1795.  Il  a  été  gravé  par  Jean- 
Charles  Levasscur,  d'.Abbeville  (1734-1804).  —  Enfin  il  nous  suffira  de  signaler 
les  titres  de  cinq  autres  prétendues  peintures  pour  donner  à  penser  qu'il  s'agit  en 
réalité  de  gravures  :  l'Envoyé  d'Abraliam,  etc.  ;  Vous  me  faites  rire,  et  ses  trois 
pendants. 


612  GABRIEL-FRANÇOIS    MOREAU. 

vraisemblablement,  d(>  la  Fornarina  de  Florence,  de  même  que 
nous  y  trouvons  une  reproduction  de  V Abondance,  de  Rubens.  De 
Alignard,  une  Mère  nourrice  badinant  avec  son  enfant  sur  ses  bras 
et  lui  donnant  du  raisin  \  De  Greuze,  Thaïs  ou  la  Belle  Péni- 
tente, et  un  j)ortrait  de  Mgr  de  Valras,  prédécesseur  de  Mgr  Moreau 
sur  le  siège  de  Màcon.  De  Bloemaert,  deux  musiciens  faisant  pen- 
dants. De  Van  Ostade,  Un  Flainand  et  une  Flamande ,  sur  cuivre. 
De  Van  de  Velde,  une  Pastorale,  sur  bois.  De  Largillière,  deux 
tableaux  ovales,  sur  cuivre,  en  pendants.  De  J.-J.-Fr.  Taurel,  deux 
marines,  faisants  pendants.  De  Del  Ryo  (Del  Rio  ?),  deux  paysages, 
sur  bois.  De  Lienne  (?),  un  paysage,  sur  bois  également. 

Puis  une  certaine  quantité  de  tableaux  anonymes  :  une  Perspec- 
tive des  travaux  Perrache;  les  Apôtres,  sur  bois;  Une  femme 
badinant  avec  son  enfant  sur  ses  genoux,  sur  cuivre  ;  l'Adoration 
des  Rois,  sur  bois  ;  le  Repos  de  la  chasse  de  Diane,  sur  cuivre  ; 
sujet  de  religion,  sur  bois;  Petit  Pèlerin,  sur  marbre  blanc;  deux 
peintures  de  fruits,  sur  verre,  formant  pendants;  Moïse  dans  un 
buisson  ardent  ;  Saint  Michel  foulant  un  diable  sous  ses  pieds  ; 
Une  Vielleuse  ;  Jeune  honune  lisant  ;  Caravane  en  voyage  ;  l'En- 
voyé d'Abraham,  après  que  tous  ses  chameaux  eurent  bu,  pré- 
sente à  Rebecca  deux  pendants  d'oreilles  et  autant  de  bracelets  ; 
Sainte  Famille;  deux  Paysages  antiques,  faisant  pendants;  deux 
petites  marines,  faisant  aussi  pendants  ;  Une  femme  à  sa  toilette; 
quatre  marines  en  pendants  ;  Une  Mère  badinant  avec  son  enfant, 
tableau  ovale;  Tête  de  vieillard;  Amphitrite ;  Un  fumeur  en- 
dormi; une  Vierge  ;  un  Saint  Jérôme;  quatre  pendants,  Vous  me 
faites  rire.  Je  m'en  moque,  la  Pauvreté  me  tourmente  et  l'Amour 
méfait  de  la  peine  ;  le  portrait  du  cardinal  Dubois,  celui  d'un 
autre  cardinal  et  celui  de  Mgr  Moreau. 

Yi&\x\ pastels ^  des  Têtes  de  Hollandais,  formant  pendants. 

Un  dessin.  Projet  de  chaire  pour  la  ci-devant  église  de  Saint- 
Vincent,  par  le  citoyen  Lenot. 

Quarante-neuf  gravures,  savoir  :  de  Le  Bas,  les  OEuvres  de 
Miséricorde,  d'après  Téniers  ;  de  Smith,  Adoration  des  Anges, 
d'après  \an  Dyck  ou  Maiatti,  avec  un  pendant;  de  Wille,  la  Dévi- 

'  C'est  peut-être  la  copie  de  la  Vierge  à  la  grappe  du  Louvre,  qui  se  trouvait 
à  la  vente  des  meubles  de  M.  Pic,  ancien  notaire  à  Màcon,  et  qui  y  a  été  acquise 
par  Mme  Gardon. 


GABRIEL-FRANÇOIS    M  0  R  K  A  U  .  613 

dense  et  la  Ménagère  hoUandaisej,  d'après  Gérard  Dow  ;  de  Patas, 
Henri  IV  laissant  entrer  des  vivres  dans  la  ville  de  Paris,  d'après 
Caresme  ;  de  Beaiivarlet,  Conversation  espagnole  ei  Lecture  espa- 
gnole, d'après  l'an  Loo;  de  Wille  encore,  Tricoteuse  hollandaise  ; 
de  '  Van  Osfade,  Intérieur  d'un  ménage  flamand  ;  de  *  Greuze,  la 
Dormeuse;  de  Callot,  Tentation  de  saint  Antoine;  d'un  des 
Visschcr,  Famille  allemande  ;  i\e^  Greuze  encore,  le  Paralytique; 
d'Aliamet,  la  Place  Mauhert,  d'après  Jeaurat  ;  de  Chenu,  Amuse- 
ments des  matelots,  d'après  Téniers  ;  d'Historical  (?),  Mère  dans 
son  ménage  contemplant  son  enfant  dans  le  sommeil  ;  de  de 
Launay,  la  Partie  de  plaisir,  d'après  \l  eenix  ;  de  Rousseau,  de 
Màcon  (?),  une  grande  composition  de  Poussin  ;  de  Chenu  encore, 
les  Diseuses  de  bonne  aventure,  d'après  Téniers;  de  Strange,  une 
Vénus,  d'après  le  Titien;  de*  Vernet,  une  marine;  de  Baléchou, 
la  Tempête,  d'après  Vernet  ;  de  Rousseau  (de  Màcon?),  une  Fon- 
taine; de  Brevet,  les  portraits  de  Hossuet,  du  cardinal  deFleury  à 
deux  exemplaires  et  du  cardinal  de  IVoailles,  tous  trois  d'après 
Rigaud;  de  Cars  et  de  Beauvarlet,  le  portrait  du  cardinal  de  Rohan 
d'après  Rigaud,  celui  du  marquis  de  Pombal  d'après  Van  Loo  et 
Vernet,  et  celui  de  la  Clairon  d'après  Van  Loo;  de  Le  Mire,  le  por- 
trait de  Washington  d'après  Le  Paon;  de  Littret,  le  portrait  à  deux 
exemplaires  de  M.  de  Sartine,  d'après  Vigée;  de  Henriquez,  le 
portrait  de  l'abbé  Bossut,  d'après  Duplessis  ;  de  Lempereur,  le 
portrait  de  M''  Jean  Moreau,  d'après  Valade. 

Puis  quelques  pièces  anonymes  :  quatre  gravures  anglaises, 
Josephi  pudicitia ,  Ahram  ancillam  Agar  dimittit ,  JEsther 
coram  Assuero  suplex,  et  la  Morale;  Jésus  chassant  les  ven- 
deurs de  colombes  du  Temple  ;  Jésus  guérissant  les  malades; 
Sully  remettant  l'argent  de  ses  bois  à  Henri  IV ;  deux  pendants, 
Manufacture  des  cristaux  de  Montcenis  et  Fonderie  du  Creusot; 
une  gravure  <'•  représentant  une  sépulture» ,  d'après  Simon  Vouet; 
enQn  quatre  portraits,  celui  de  Louis  XIV  d'après  Rigaud,  celui 
du  cardinal  de  Fleury,  celui  du  cardinal  de  Polignac  et  celui  du 
comte  de  Suitendorf  (?). 

'  Il  faut  probablement  lire  «  d'après  s . 

Ud. 

Ud. 

'  Id. 


6U  GABlilEL-FRANÇOlS    MO  RE  AL'. 

Parmi  les  cartes^  signalons  celles  de  la  France,  de  la  Chine,  de 
la  Bourgogne,  du  Maçonnais,  du  diocèse  de  Lyon,  du  siège  de  la 
Rochelle,  elc. 

Des  sculptureSj,  au  nombre  de  dix-sept,  huit  étaient  sur  marbre, 
deux  sur  pierre,  une  sur  porphyre  et  six  sur  ivoire. 

Marbre  :  Fénelon  et  Bossuet  en  pendants  ;  deux  bustes  de 
Mgr  Moreau;  deux  portraits  de  femmes,  formant  pendants;  une 
sainte  Geneviève  et  «un  Aveugle  déjeunant,  son  conducteur  buvant 
avec  un  chalumeau  ce  qu'il  se  destinait  w  . 

Pierre  :  l)ustes  de  Bossuet  et  de  d'Alembert  en  pendants. 

Porphyre  :  Vénus  Calh'pyge  en  bas-relief. 

Ivoire  :  «  une  chasse,  dans  un  morceau  d'ivoire  antique  »  ;  une 
Descente  de  croix;  Une  femme  faisant  l'aumône  à  un  enfant;  Un 
vieillard  joignant  les  mains;  Unpauvre  et  U7ie  ^^auvt^esse^  d'après 
Callot. 

Sept  biscuits  :  le  portrait  d'un  prélat;  un  "  petit  portrait  de 
vieillard  »  en  sèvres;  un  groupe  représentant  Sully  aux  pieds 
de  Hemi  IV;  quatre  <r-  petites  figures  villageoises  «,  le  Patineur, 
le  Dénicheur  de  merles,  la  Fruitière  et  la  Fleuriste. 

Six  terres  cuites  :  un  Atlas  de  trois  pieds  de  Imuteur  portant  le 
globe;  un  bouquet  de  fleurs,  deux  médaillons,  l'Automne  et 
Diogène ;  deux  autres  médaillons,  Voltaire  et  Rousseau,  formant 
pendants. 

Deux  plâtres  :  des  médaillons  ovales,  dont  l'un  représentait 
Mgr  Moreau. 

Quatre  bronzes:  les  bustes  de  Voltaire  et  de  Rousseau  en  pen- 
dants, et  deux  portefaix. 

Une  tapisserie  des  Gobelins  :  Saint  Michel  foulant  à  ses  pieds 
un  diable. 

D'n  erses poj'celaines  :  trois  vases  du  Japon  ;  une  théière  de  Chine. 

Pierres  précieuses  :  un  morceau  de  lapis  ovale  encadré;  qua- 
rante-trois morceaux  de  marbre  et  d'aventurine. 

Citons  encore  des  candélabres  et  des  chandeliers  de  prix  ;  une 
urne  en  stuc  imitant  le  marbre  vert  de  Campan  ;  des  presse-papiers  ; 
soixante-douze  «  pièces  en  cuivre  « ,  etc. 

Voilà  les  objets  qui,  sur  les  indications  du  citoyen  Lenot,  furent 
transportés  «  en  la  maison  du  Collège  >>  pour  y  attendre  la  création 
du  «  muséum  »  projeté. 


r.ABinEL-FRA\COIS    MOREAU.  615 

Dans  rinventaire  du  mobilier  proprement  dit  '  dressé  le  24  fri- 
maire an  II  et  jours  suivants,  nous  relevons  encore  quelques  objets 
intéressants:  «  Lne  colonne  en  stuc  et  sur  icelle  le  buste  en  plâtre 
du  cy-devant  archevêque  de  Lyon*;  un  très  grand  groupe  en 
bronze  représentant  l'Enlèvement  de  Proserpine;  un  portrait  en 
bronze  représentant  Glouque  ^  ;  deux  volumes  en  vélin  imprimés 
en  caractères  d'or  ;  une  pièce  en  tapisserie  à  grands  personnages  ; 
sept  autres  pièces  de  tapisserie  à  personnages  ;  un  ivoire  repré- 
sentant la  Charité  ;  un  autre  ivoire  représentant  un  Chartreux  "  ; 
des  meubles  en  marqueterie  et  en  laque,  des  glaces,  des  lustres, 
des  appliques,  des  flambeaux,  des  porcelaines  et  des  faïences. 

Et  dans  le  procès-verbal  de  la  vente  de  ce  mobilier  \  dressé  le 
1"  ventôse  an  II  et  jours  suivants  :  «  quatre  petits  groupes  en  terre 
de  biscuit;  un  groupe  et  quatorze  petites  figures  en  terre  de  bis- 
cuit; un  tableau  et  son  pendant  représentant  un  lapin  et  autres 
objets  ;  deu  x  petits  tableaux  représentant  une  pèche  et  des  paysages  ; 
deux  petits  portraits  de  porcelaine  et  quatre  autres  figures  de  por- 
celaine; un  tableau  représentant  un  chat;  quatre  petits  tableaux 
représentant  des  paysages  ;  un  tableau  représentant  un  ballon  ;  un 
ballon  à  cadre  doré  ;  un  autre  ballon,  également  sous  verre  et  à 
cadre  doré  ;  un  autre  ballon  ;  trois  groupes  en  plâtre  et  un  en 
faïence;  une  méchanique  en  carton  figurant  le  cy-devant  château 
de  Romenay  '  ;  huit  pièces  de  tapisserie  à  personnages  ;  dix-sept 
figures  et  quatre  vases  de  plâtre  ;  cinq  attiques  ou  dessus  de  portes  ; 
un  tableau  représentant  une  tête  de  vieillard  ;  un  tableau  sous 
verre  et  son  pendant  représentant  des  repos  flamands  ;  une  colonne 
en  bois  surmontée  d'un  groupe  de  faïence  «  ,  etc. 

Que  devinrent  les  objets  réservés  par  Lenot?  Eurent-ils  vendus? 
Aucun  document  ne  permet  de  le  croire.  Dilapidés?  Nous  n'en 
savons  pas  davantage.  En  tout  cas,  ils  n'entrèrent  pas  au  «  muséum  " , 
qui  ne  resta  qu'à  l'état  de  projet,  et  ils  ne  furent  pas  non  plus  res- 
titués à  Mgr  AJoreau,  car  à  sa  mort  on  ne  trouva  chez  lui,  outre  les 
meubles  et  effets,  que  quelques  bijoux  (une  croix  pectorale  en  or 


'  .■\rcliives  de  Saône-Pt-Loire,  Q. 

»  Mgr  de  Malvin  de  Montazet  (1758-1788)  ou  Mgr  de  Marbeuf  (1788-1790). 

^  Le  compositeur  allemand  Gluck  (1714-1787). 

*  Arcliives  de  Saône-et-Loire,  Q. 

*  Propriété  desévèques  de  Màcon,  canton  de  Tournas  (Saône-el-Loire). 


616  GABRIEL-FRAIVÇOIS    MOREAU.      . 

estimée  88  francs,  un  anneau  dit  amétis  enchâssé  en  or  et  estimé 
100  francs,  une  tabatière  en  buis  cerclée  d'or  et  estimée  24  francs), 
un  petit  buste  de  Napoléon,  des  gravures  et  des  livres  (28  janvier 
1803)'. 

Et  qu'en  peut-on  retrouver  aujourd'hui? 

D'abord  le  beau  portrait  de  Mgr  de  Valras,  par  Greuze,  qui  est 
récemment  entré  au  Musée  de  Màcon  avec  la  collection  Ronot*.  Ce 
tableau  est  de  la  bonne  période  de  l'artiste,  celle  où  il  a  poussé  le  mo- 
delé des  chairs  et  le  rendu  des  étoffes  à  un  degré  voisin  de  la  perfec- 
tion. Le  visage  et  les  mains  du  prélat  sont  d'une  touche  parfaite,  la 
moire  de  son  camail  et  la  guipure  de  son  rochet,  d'une  remarqua- 
ble exécution.  Les  tons  ont  l'éclat  modéré  qui  convient  d'ailleurs  à 
un  peintre  moins  coloriste  que  dessinateur,  mais  on  sent  que  le  mo- 
dèle est  reproduit  avec  une  entière  précision,  une  absolue  vérité. 

Puis  la  tapisserie  des  Gobelins  représentant  «.  un  saint  Michel 
foulant  à  ses  pieds  un  diable  «  ,  conservée  à  Vanzé^  chez  Mlle  Po- 
chon,  qui  est  probablement  une  fille  ou  petite-fllle  du  sieur  Pochon, 
de  Màcon,  chez  qui  Mgr  Moreau  habita  depuis  le  mois  de  mars  1791 
jusqu'à  la  fin  de  la  Révolution. 

Enfin  le  buste  de  l'évêque  en  marbre  blanc  que  nous  venons 
d'avoir  la  bonne  fortune  de  rencontrer  chez  un  antiquaire  et  d'ac- 
quérir pour  le  Musée  confié  à  nos  soins. 

C'est  tout.  Si  nos  recherches  n'ont  pas  été  couronnées  d'un  résultat 
meilleur,  du  moins  avons-nous  la  satisfaction  de  pouvoir  ne  plus 
laisser  blanche  la  page  réservée  à  Màcon  dans  le  livre  d'or  des  collec- 
tionneurs de  l'ancienne  France*.  Avec  le  nom  du  lieutenant  au  bail- 
liage Claude  Bernard,  dont  le  cabinet  de  numismatique  nous  a  été 
toutdernièrement  révélé  %  il  faudra  y  inscrire  celui  de  Mgr  Moreau. 

L.  Lex, 

Correspondant  du  Comité  des  So- 
ciétés des  Beaux-Arts  des  dépar- 
tements, à  MàcoD. 

'  Minutes  de  HPGranjon  en  l'étude  de  M''  Lespinasse,  notaire  à  Mâcon.  —  Ren- 
seignement dij  à  l'obligeance  de  Mgr  Rameau. 

*  Feu  M.  Ronot  l'avait  acquis,  pour  le  prix  de2,400  francs,àla  vente  après  décès 
des  meubles  de  M.  Pic,  qui  fut  notaire  à  Màcon  de  1823  à  1840. 

^  Commune  de  Verzé  (Saône-et-Loire). 

*  Edmond  BoNNaFFÉ,/tf5Co//ec/?o««ewrjrfc  V ancienne  France .  Paris,  1873,in-8°. 

*  Dans  le  catalogue  de  l'importante  bibliothèque  de  feu  M.  Dauphin  de  Verna, 


GABRIEL-FRANÇOIS    MOREAU.  (ilT 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


I 

DÉLIBÉRATION'    DES    ÉTATS    DD    MACOXNAIS 

(17  mai  1774). 

L'an  mil  sept  cent  soixante  et  quatorze  et  le  dix-sept  may. 

Monseigneur  l'évêque  de  Màcon,  chef  et  président-né  des  Etats  et  pays 
et  comté  du  Màconnois,  le  révérend  père  dom  Chamoux,  prieur  de  flluny, 
élu  du  clergé,  Monsieur  Daugy,  maire  de  la  ville  de  Màcon,  élu  du  tiers- 
état,  et  les  officiers  desdits  Etats  soussignés,  assemblés  au  palais  épiscopal, 
en  la  chambre  des  Etats. 

Monseigneur  l'Evèque  a  dit  que  pendant  le  tenue  du  chapitre  de  Cluny, 
Pierre  Prudhon,  natif  de  ladilte  ville  de  Cluny,  âgé  de  seize  ans,  fils  de 
Cristophle  Prudhon,  tailleur  de  pierres,  luy  auroit  été  présenté  accause 
des  talens  qu'il  montre  pour  le  dessein,  qu'ayant  examiné  les  ouvrages 
que  ce  jeune  homme  a  fait,  sans  maîtres,  il  avoit  effectivement  trouvé  qu'il 
pouvoit  faire  des  progrès  considérables  dans  cet  art,  à  quoy  il  auroit 
ajouté  qu'ayant  été  instruit  que  les  pareils  de  ce  jeune  homme  étoient 
hors  d'état  de  luy  procurer  les  maîtres  nécessaires  pour  se  perfectionner, 
il  avoit  pensé  que  la  province  pourroit  se  déterminer  à  faire  la  dépense 
nécessaire  pour  envoyer  ledit  Pierre  Prudhon  à  Dijon  à  l'école  gratuite  de 
dessein  établie  par  Messieurs  les  élus  généraux  de  Bourgogne,-  mais  que 
comme  la  province  ne  peut  se  déterminer  à  une  dépense  qui  n'a  pour 
objet  qu'un  individu,  sans  chercher  à  faire  par  la  suitte  le  bien  publiq  il 
estimoit  qu'il  convenoitde  proposer  à  ce  jeune  homme  de  venir  enseigner 
à  Màcon  lorsqu'il  se  sera  suffisamment  perfectionné  à  Dijon. 

La  matière  mise  en  délibération,  il  a  été  unanimement  arresté  que 
ledit  Pierre  Prudhon  sera  envoyé  à  Dijon  pour  fréquenter  assiduement 
l'école  de  dessein,  se  perfectionner  dans  cet  art  autant  que  ses  disposi- 
tions naturelles  font  présumer  qu'il  est  en  état  d'acquérir  du  talent,  à  la 
charge  par  ledit  Pierre  Prudhon  de  venir  ensuitte  enseigner  le  dessein 
à  Màcon  sous  les  apointemens  qui  luy  seront  fixés, 

vendue  à  Lyon  le  4  novembre  1895  et  jours  suivants,  figure  s»us  le  n°  lOU  : 
«  Index  de  numismatibus  argentis  [sic]...  de  M.  Bernard,  lieutenant  au  présidial 
de  Màcon.  Matîscone,  1750.  i  Cet  exemplaire  unique  d'une  plaquette  inconnue 
jusqu'à  ce  jour  a  été  acquis  par  M.  J.  Prolat,  imprimeur  à  Màcon. 


618  GABRIEI.-FHANCOIS    MOREAU. 

Et  Monseigneur  a  été  suplié  de  vouloir  bien  prendre  la  peine  d'écrire 
à  Monsieur  de  Blancé  pour  l'engagera  recommander  cet  élève  au  directeur 
de  l'école  de  dessein  comme  encorre  de  vouloir  bien  charger  quelqu'na 
.'i  Dijon  de  chercher  une  pension  convenable  oîi  ce  jeune  homme  puisse 
être  placé,  le  montant  de  laquelle  pension  sera  payé  de  trois  en  trois 
mois  par  le  trésorier  des  États  de  ce  pays  et  alloué  dans  ses  comptes  en 
raportant  extrait  en  forme  delà  présente  délibération  et  les  quittances  du 
maître  de  pension.  Il  a  été  déplus  arresté  que  la  province  fera  la  dépense 
relative  à  l'école  de  dessein  où  il  est  envoyé,  laquelle  dépense  sera  pareil- 
lement payée  par  le  trésorier  des  Etals  sur  les  mémoires  certiffiés  du 
directeur  de  l'école. 
Pierre  Prudon. 

t  Gab.-Fr,,  évêqiie  de  Mâcon,  président-né  des  Etats. 
n.  Chamoux,  élu  du  clergé. 

R.  RlBAT.  NOLY. 

Girard-Labrely. 

(Archives  de  Saone-et-Loire,  C.  494,  f"  106.) 


Il 

DÉLIBKRATIOX    DES    ÉTATS    DU    MAÇONNAIS 

(8  février  1775). 

I/an  mil  sept  cent  soixante  et  quinze  et  le  huitième  jour  du  mois  de 
février. 

Monseigneur  l'Evèquede  Mâcon^  chef  et  président-né  des  Etats  du  pays 
et  comté  de  Màconnois,  le  révérend  père  dom  Chamou.K,  prieur  de  l'abbaye 
de  Cluny,  élu  du  clergé,  M.  Ducrest  de  Montigny,  élu  de  la  noblesse, 
M.  Jobard,  commissaire  élu  du  Roi,  M.  Daugy,  maire  de  la  ville  de 
Mâcon,  élu  du  tiers-état,  et  les  officiers  des  États  soussignés  assemblés 
à  Mâcon  au  palais  épiscopal  en  la  chambre  des  ICtats. 

Les  États,  renouvellant  en  tant  que  de  besoin  leur  délibération  du 
17  mai  dernier  par  laquelle  le  sieur  Prudon  a  été  placé  à  l'école  du 
dessein  à  Dijon,  aux  frais  de  la  province,  ont  ordonné  qu'il  sera  fourni 
aux  mêmes  frais  aux  menus  besoins  de  cet  élève  relatifs  à  l'état  que 
l'administration  se  propose  de  lui  donner  ;  il  a  été  de  plus  arrêté  que  pour 
encourager  les  talents  de  ce  jeune  homme,  qui  se  développent  d'une 
manière  aussi  surprenante  que  satisfaisante,  il  lui  est  accordé  pour  grati- 
fication une  somme  de  vingt-quatre  livres,  laquelle  somme  lui  sera  payée 


GAIilUl'^L-FUAiXÇOIS    MOUEAU.  619 

par  le   trésorier  des  Ktats  et   allouée  dans   ses   comptes   on    rapportant 
extrait  de  la  présente  délibération  duement  quittancé. 
t  Gab.-Fr.,  évccjue  de  Màcon,  président-né  des  Etats. 
D.  Chamolx,  élu  du  clergé.       Ducrest,  élu  de  la  noblesse. 
Jobard,  élu  du  Roi.  Daugy,  élu  du  tiers-état. 

XoLv.         RuRAT.  Girard-Labrely. 

(Archives  de  Saôiir-ot-Loirc,  C.  404.  f'^  141.) 


III 

niÎLIBÉRA  riO\    DES  KTATS    DU    MACOXXAIS 
(8  février  1776). 

L'an  milseptcent  soixante  et  seize  et  le  huitième  jour  du  mois  de  février. 

Monseigneur  l'Evèque  deMâcon,  chef  et  président-né  des  États  du  pays 
et  comté  de  Màconnois,  M.  de  Mongirod,  doyen  du  chapitre  de  Tournus, 
élu  du  clergé,  M.  le  comte  de  Fussey,  élu  de  la  noblesse,  M.  Jobard, 
commissaire  élu  du  Roi,  M.  Délavai,  maire  de  la  ville  de  Tournus,  élu  du 
tiers-état,  M.  Daugy,  maire  de  Màcon,  conseil-né  des  Etats,  elles  officiers 
des  Etats  soussignés,  à  Màcon,  au  palais  épiscopal,  en  la  chambre  des 
États. 

La  Chambre  s'étant  fait  représenter  la  délibération  du  8  février  1775, 
par  laquelle  elle  s'est  déterminée  à  faire  les  frais  de  l'entretien  à  l'école 
du  dessein  établie  à  Dijon,  de  la  personne  du  sieur  Prudhon,  et  attendu 
que  ce  jeune  homme  montre  des  talents  les  plus  décidés  et  fait  des 
progrès  très-satisfaisants  dans  la  science  du  dessein  ; 

Il  a  été  ordonné  que  les  États  continueront  de  fournir  à  la  dépense 
d'entretien  de  cet  élève,  et  afin  de  l'encourager  il  lui  a  été  accordé  une 
gratification  de  la  somme  de  cinquante  livres,  qui  lui  sera  payée,  ainsi  que 
sa  pension,  parle  trésorier  des  États,  et  allouées  dans  ses  comptes  en  rap- 
portant l'extrait  de  la  présente  délibération  duement  quittancé. 

t  Gab.-Fr.,  évêque  de  Mûcon,  président-né  des  Etats. 
De  Mo.vgirod,  doyen  de  Tournus,  élu  du  clergé. 
Le  comte  De  Fussey,  élu  de  la  noblesse. 

Jobard,  élu  du  Roi.     Delaval,  maire  de  Tournus,  élu  du  tiers-état. 
Daugy.  Rubat.  Girard-Labrely. 

(Archives  de  Saône-et-Loire,  C.  495,  f»  35.) 


620  GABRIEL-FRANÇOIS    M  0  R  E  A  U  , 

IV 

DKLIBÉRATIOX    DES    KTATS    DU    MAÇONNAIS 
(28  février  1777). 

L'an  mil  sept  cent  soixanlc-dix-sept  et  le  vingt-huitième  jour  du  mois 
de  février. 

Monseigneur  l'Evêque  de  Mâcon,  chef  et  président-né  des  Etats  du 
pays  et  comté  de  Màconnois,  M.  de  iMongirod,  doyen  du  chapitre  de  Tour- 
nus,  élu  du  clergé,  M.  le  comte  de  Fussey,  élu  de  la  nohlesse,  M.  Délavai, 
maire  de  la  ville  de  Tournus,  élu  du  tiers-état,  MM.  les  officiers  de 
l'élection,  commissaire  élu  du  Roi  et  les  officiers  des  Etats  soussignés, 
assemblés  à  Màcon,  au  palais  épiscopal,  en  la  chambre  des  Etals. 

En  laquelle  assemblée  Monseigneur  l'Evêque  a  dit  que  le  sieur  Prudon, 
natif  de  Cluny,  entretenu  à  l'école  du  dessin  à  Dijon  aux  frais  de  la  province, 
avoit  remporté  le  premier  prix,  et  qu'en  conséquence  il  avoit  obtenu  la 
médaille  d'or  destinée  à  couronner  les  succès  des  élèves  de  cette  école. 

Sur  quoy  la  Chambre,  pour  encourager  ledit  sieur  Prudon,  et  lui  donner 
des  marques  de  sa  satisfaction,  a  délibéré  de  lui  accorder  une  gratification 
de  la  somme  de  cent-vingt  livres,  qui  lui  sera  payée  par  le  trésorier  des 
Etats,  en  vertu  de  la  présente,  lequel  demeure  en  outre  autorisé  à  payer 
et  acquitter  le  montant  de  la  pension  et  de  l'entretien  dudit  sieur  Prudon 
jusqu'à  ce  qu'il  en  soit  autrement  ordonné. 

t  Gab.-Fr.,  évêque  de  Mâcon,  président-né  des  Etats. 
De  Mongirod,  doyen  de  Tournus,  élu  du  clergé. 
Le  comte  De  Flssey,  élu  de  la  nohlesse. 
Delaval,  maire  de  Tournus,  élu  du  tiers-état. 
Y oxhhhViH,  président  de  l'élection.      Tramblv.      Aubel.      Cadot. 
MioLAND.  Cha.\do.\.         Aubertin.  Sailmer. 

RuBAT.  Dalphix,  procureur  du  Roy. 


Girard-Labrelv. 

(.Archives  de  Saôue-ct-Loire,  C.  -495,  f"  102  t".) 


V 


Daugy,  conseiller. 


DELIBERATION    DES    ETATS    DU    MAÇONNAIS 

(4- août  1784). 

L'an  mil  sept  cent  quatre-vingt  quatre  et  le  quatrième  jour  du   mois 
d'août. 


GABRIEL-FRANÇOIS    MOREAL.  621 

Monseigneur  l'Kvèque  de  Màcon,  chef  et  président-né  des  États  parti- 
culiers du  pays,  bailliage  et  comté  de  Màconnois,  M.  le  Prévôt  des  comtes 
de  Saint-Pierre  de  Màcon,  élu  du  clergé,  M.  le  comte  de  Mandelot,  élu  de 
la  noblesse,  M.  Daugy,  maire  de  Màcon,  élu  du  tiers-état,  M.  Mioland, 
conseiller  en  l'élection,  commissaire  élu  du  Roi,  et  M.  de  Labrcly,  syndic 
desdits  Etats,  soussignés,  assemblés  à  Dijon,  dans  le  logement  de  mondit 
seigneur  l'Evêque. 

11  a  été  arrêté  et  délibéré,  sur  les  bons  témoignages  qui  ont  été  rendus 
par  le  directeur  et  professeur  de  l'école  gratuite  du  dessin  à  Dijon,  de  la 
bonne  conduite  et  des  dispositions  des  sieurs  Baillot,  Chambard  et  Prudhon, 
élèves  entretenus  à  ladite  école  aux  frais  du  pays,  ce  dernier  devant  aller 
à  Rome,  et  attendu  l'établissement  d'une  école  de  dessin  à  Mâcon,  l'admi- 
nistration ne  voulant  plus  faire  cette  dépense,  qu'il  seroit  accordé  au 
sieur  Baillot,  élève  pour  la  peinture,  une  gratification  de  six  cents  livres 
qui  lui  sera  payée  en  trois  termes  à  Paris,  où  l'administration  entend  qu'il 
fasse  sa  résidence  pendant  un  an  en  vertu  d'ordonnance. 

Il  a  été  de  plus  accordé  une  gratification  de  trois  cents  livres  au 
sieur  Chambard,  élève  pour  la  sculpture,  une  de  cent  livres  au  sieur 
Prudhon  pour  l'aider  à  faire  le  voyage  de  Rome  où  il  est  envoyé  par  les 
Etals  généraux  de  Bourgogne. 

Et  enfin  au  sieur  Baillot  cadet,  élève  pour  l'architecture  à  l'école  de 
Lyon,  la  somme  de  trois  cent  cinquante  livres,  pour  servir  à  payer 
sa  pension  depuis  le  premier  juillet  jusqu'au  premier  janvier  1785. 

t  Gab.-  Fr.,  évêque  de  Màcon,  président-né  des  États. 
L'abbé  De  Gouvernet. 
Bataille  de  Maxdelot. 
Daugy.         Prusilly.  Mioland. 

Trambly.  Focard. 

Bourdon. 

(Archives  de  Saône-et-Loire,  G.  498,  f»  2  V.) 


VI 

DÉLIBÉRATION    DES    ÉTATS    DU    MAÇONNAIS 

(31  janvier  1783). 

A  la  séance  du  matin,  la  Chambre  d'administration  désirant  procurer 
à  la  ville  de  Màcon  des  artistes  capables  d'y  faire  naître  l'émulation  et  le 
bon  goût,  surtout  dans  ce  qui  concerne  les  bàtimens,  leur  solidité,  leur 
décoration,  leur  distribution,  et  étant  informê[e]  que  le  sieur  François 
Baillot  montroit  des  dispositions  très  heureuses  pour  l'art  de  l'architec- 


622  -GAB1UEL-FKA\Ç01S    MO  RE  AU. 

ture,  mais  que  ses  parents  éloient  pauvres  et  par  conséquent  hors  d'état 
de  subvenir  aux  frais  de  son  instruction,  la  Chambre  s'est  déterminée 
à  l'envoyer  à  Lyon  aux  frais  du  payis,  en  considération  de  ce  que  cette 
dépense  quoiqu'individuelle,  tourne  néantmoins  au  profit  du  public,  par 
les  effets  qu'on  doit  en  espérer.  Ledit  sieur  Baillot  mandé  à  la  Chambre, 
Monseij^neur  l'ICvèque  lui  a  recommandé  surtout  de  faire  une  étude  parti- 
culière de  tout  ce  qui  concerne  la  coupe  des  pierres,  objet  important  et 
peu  connu  dans  ce  payis,  du  moins  par  principes.  Enfin  il  a  été  ordonné 
que  le  montant  de  la  pension  dudil  sieur  Baillot  sera  payé  par  le  trésorier 
des  Ktats,  laquelle  sera  néantmoins  réglée  eu  égard  à  la  condition  de  cet 
ellève,  et  quant  à  son  entretien,  il  lui  sera  accordé  la  somme  de  cinquante 
livres  seulement,  la  Chambre  n'entendant  payer  ni  acquitter  aucun 
mémoire  de  qnelqu'espèce  qu'il  soit, 
t  Gab.-  Fr.,  évéque  de  Mdcoti,  président-né  des  Etats. 

L'abbé  Sigorgne,  élu  du  clergé. 

De  Thy,  élude  la  noblesse. 

Chaillot,  élu  du  tiers-état. 

Cellard  de  Prisilly.  MiGLAND.         Brosse. 

XoLY.  Testenoire. 

RlBAT.  BOLRDOX.  GiKARD-LaBRELY. 

(Archives  de  Saône-et-Loire,  C.  49"!,  f»  HOv») 


VII 

DÉLIBÉRATIOX    DES    ÉTATS    DU    MACOXNAIS 
(20  tévrier  1771). 

L'an  mil  sept  cent  soixante  et  onze  et  le  vingtième  jour  du  mois  de 
février,  MM.  composants  les  Etats  du  pays  et  comté  de  Màconnois  étant 
assemblés  au  palais  épiscopal. 

M.  l'abbé  de  Fussey,  prévôt  de  Saint-Pierre,  élu  du  clergé,  a  dit  que 
l'abonnement  des  anciens  droits  d'aides  qui  vient  d'être  accordé  au  pays 
par  Monseigneur  le  Contrôleur  Général,  à  la  sollicitation  de  Monseigneur 
l'Evêque  de  Mâcon,  chef  et  président  des  Etats,  conserve  aux  habitans  du 
Màconnois  la  tranquillité  dont  ils  jouissent  depuis  le  traité  de  1689,  qu'un 
service  aussi  important  rendu  dans  des  circonstances  aussi  difficiles, 
exigeroit  de  la  province  qu'elle  fit  élever  un  monument  qui  pût  trans- 
mettre à  la  postérité  la  vive  reconnoissance  dont  les  cœurs  de  tous  les 
bons  citoyens  sont  intimement  pénétrés,  qu'il  a  cependant  lieu  de  penser 
que  Monseigneur  l'Evêque  de  Mâcon,  satisfait  du  bien  qu'il  a  fait,  n'aspire 
qu'à  donner  à  un  pays  dont  le  Roy  lui  a  confié  l'administration,  et  dont 


GABRIEL-FRAXCOIS    MO  RE  AL.  623 

il  est  le  père  par  son  étal,   des   nouvelles  preuves  de  son  zèle  et  de  sa 
bienfaisance  ; 

Que  néanmoins  la  province  ne  sauroit  se  dispenser  de  lui  marquer 
les  senlimens  de  gratitude  dont  elle  est  véritablement  animée  ;  qu'en 
conséquence  il  estimoit  qu'il  convenoit  que  les  Etats  en  corps  deman- 
dassent à  Monseigneur  l'Evêque  la  permission  de  faire  tirer  son  portrait 
en  grand  par  le  sieur  Greuze,  peintre  à  Paris,  pour  être  placé  dans  la 
sale  des  Etats. 

Sur  quoi,  les  États  ont  unanimement  délibéré  et  arrêté  qu'ils  feront 
sur-le-champ  demander  une  audiance  particulière  à  Monseigneur  l'Evêque 
de  Màcon,  leur  chef  et  président,  pour  avoir  l'honneur  de  renouveler  à  Sa 
Grandeur  leurs  très  sincères  et  très  respectueux  remercîmens  au  nom  de  la 
province,  et  pour  lui  demander  en  même  tems  la  permission  de  faire  tirer 
son  portrait  par  le  sieur  Greuze,  pour  être  placé  dans  la  salle  des  Etats, 
avec  un  cartouche  au  bas  du  portrait  contenant  une  inscription  qui  puisse 
transmettre  à  la  postérité  le  service  rendu  à  la  province  par  Monseigneur 
l'Evêque  de  Màcon,  le  bien  inestimable  qui  en  résulte  en  faveur  des 
habitans  de  ce  pays  et  la  reconnoissance  sincère  de  la  Compagnie  et  de 
toute  la  province. 

A  l'instant  les  Etats  ayant   fait  demander   une   audiance  particulière 
à  Monseigneur  l'Evêque  de  Màcon,  se  seroient  rendus  en  corps  dans  son 
appartement  où  M.  l'abbé  de  Fussey  auroit  porté  à  Sa  Grandeur  le  vœu  de 
la  Compagnie,  et  Monseigneur  ayant  bien  voulu  permettre  que  son  portrait 
fiit  placé  dans  la  salle  des  Etats,  conformément  à   la  délibération  de  ce 
jour,  les  Etats  ont  chargé  M.   Girard-Labrely,  secrétaire  des  États,    qui 
doit  se  rendre  incessamment  à  Paris  pour  les  affaires  de  la  province,  de 
le  faire  faire  par  le  sieur  Greuze,  peintre  demeurant  à  Paris,  et  de  com- 
mander en   même  tems  un  quadre  convenable,  avec  le  cartouche  dont  il 
est  fait  mention  dans  la  présente  délibération.  Et  ont  signés  : 
L'abbé  De  Fussey,  élu  du  clergé. 
Thésut,  élu  de  la  noblesse. 
Ravier,  élu  du  tiers-état.  Cadot. 

XoLv,  président  en  t élection.  Focard. 

MiOLAXD.  AlBERTIX. 

Chandon.         Saulnier.         Daugy.         Siraldix. 
Laborier. 

Sevré.  Girard-Labrely,  secrétaire. 

(Archives  de  Saône-et-Loire,  C.  493,  fo  104  t") 


624  GABRIEL-FRANÇOIS    MOREAU. 


VIII 


LWEMfllRE    DES    OBJETS    D  ART     FAISAM    PARTIE    DU    MOBILIER    DE    MGR    MOREAU 
(26  pluviôse-18  floréal  an  II). 

Ce  jourd'hui  vincjt-six  pluviôse,  l'an  deux  de  la  République  françoise, 
une,  indivisible  et  démocratique,  en  vertu  de  la  loi  du  17  septembre 
dernier  vieux  stile,  de  celle  du  17  frimaire  aussi  dernier,  des  différens 
arrêtés  des  représentans  du  peuple  près  Commune-Affrancbie  '  et  près 
le  département  de  Saône-et-Loire,  des  différens  arrêtés  de  l'administration 
du  district  de  Mâcon,  notamment  d'un  dernier  arrêté  de  la  même  admi- 
nistration du  vingt-six  courant,  portant  : 

Article  premier,  que  la  vente  des  bibliothèques  demeure  suspendue, 
qu'il  n'en  sera  fait  quant  à  présent  que  deux  lots,  qui  seront  conduits 
séparément  dans  la  sale  de  la  cy-devant  Congrégation  faisant  partie  des 
appartemens  de  la  maison  du  Collège; 

Que  le  premier  de  ces  lots  contiendra  tous  les  livres  de  religion  et 
d'ancienne  jurisprudence; 

Que  le  second  comprendra  tous  autres  livres  possibles,  histoire,  romans, 
voïages,  morale,  etc.  ; 

Art.  2,  que  le  citoïen  Lenot»  artiste,  demeure  nommé  commissaire  à 
l'effet  de  se  transporter  dans  les  différentes  maisons  desquelles  la  vente 
des  mobiliers  est  affichée,  accompagné  des  commissaires  aux  séquestres 
et  de  deuv  officiers  municipaux; 

Qu'il  pourra  se  faire  assister  de  tel  autre  artiste  qu'il  jugera  à  propos; 
Que  seul  ou  ensemble  il  sera  procédé  à  la  reconnoissance  de  tous  les 
tableaux  qui  se  trouveront; 

Qu'il  tournera  ceux  qu'il  croira  devoir  être  conservés,  qu'il  apprétiera 
les  autres  ; 

Attendu  la  proximité  de  la  vente  des  meubles  qui  garnissent  le  domi- 
cile qu'occupoit  cy-devant  G&briel-François  Moreau,  cy-devant  évêque  de 
Mâcon,  laquelle  est  indiquée  par  la  dernière  affiche  au  premier  ventôse 
prochain, 

Nous,  Philibert  Romieu  et  Antoine  Dediane,  commissaires  nommés 
par  l'administration  du  district  de  Mâcon  à  l'effet  de  procéder  dans  la 
commune  de  Mâcon  à  la  confection  des  inventaires  chés  les  émigrés, 
pères  et  mères  d'émigrés,  prêtres  déportés,  à  déporter  ou  dans  le  cas 
de  la  déportation,  absens,  étrangers,  Lionnois,  condamnés  et  actuelle- 

^  Lyon. 


GABRIEI.-F11A\(;0!S    MO  RE  AU.  625 

meot  séquestrés,  et  de  suite  aux  ventes  qui  devront  suivre  l(>sdits  inven- 
taires, accompagnés  des  citniens  Ficat,  serrurier,  Pierre  Durand,  officier 
municipal,  et  Pierre  Revillon,  commissaire,  notable  de  la  commune  de 
Màcon,  nous  sommes,  accompagnés  encore  du  citoïen  Lenot,  artiste, 
transporté  au-devant  des  portes  du  domicile  qu'occupoit  précédemment 
le  cy-devant  évéque.  Là,  après  avoir  reconnu  seins  et  entiers  les  scellés 
par  nous  apposés  tant  sur  la  porte  d'entrée  donnant  sur  la  cour  que  sur 
celle  qui  communique  aux  appartemens  du  rés-de-chaussée  à  droite, 
iceux  levés,  pénétrés  aux  appartemens,  de  l'avis  du  citoien  Lenot  et  à 
l'aide  des  ouvriers  de  force  par  lui  amenés,  nous  avons  opéré  ainsi  que 
suit  : 

Dans  le  vestibule,  deux  médaillons  en  relief,  terre  cuite,  l'un  repré- 
sentant l'Automne,  l'autre  représentant  Diogène; 

Une  carte  de  la  Bourgogne; 

Une  perspective,  en  mauvais  état,  des  travaux  Perrache  '  ; 

Plan  géométral  de  la  carie  cy-dessus  ;  * 

Carte  représentant  la  prise  ^  de  La  Rochelle  ; 

Carte  du  diocèse  de  Lyon,  en  partie  cassée. 

Ces  objets,  sans  être  trouvés  prétieux  par  le  citoïen  Lenot,  ont  cepen- 
dant, de  son  avis,  été  distraits,  pouvant  servir  à  orner  une  galerie. 

\ous  ne  les  avons  pas  numérotés,  comme  ceux  qui  suivront,  méritant 
peu  d'attention. 

Il  a  été  laissé  dans  le  vestibule  : 

Un  tableau  représentant  Moïse  dans  un  buisson  ardent,  cadre  bois 
noir; 

Un  autre  représentant  saint  Michel  foulant  un  diable  sous  ses  pieds, 
cadre  bois  gris;  estimés  chacun  cinq  livres. 

Dans  la  sale  à  manger,  première  pièce  des  appartemens  à  droite  : 

Un  tableau,  peint  à  l'huile,  représentant  une  vieilleuse  ^,  à  cadre  doré, 
sous  glace,  n"  1  ; 

Le  pendant,  un  tableau  représentant  un  jeune  homme  lisant,  cadre 
doré,  sous  glace,  n'S; 

Une  caravanne  en  voïage,  tableau  peint  à  l'huile,  cadre  doré,  sous 
glace,  n»  3. 

Xous  ferons  à  la  fin  de  l'état  des  objets  enlevés  par  Lenot  et  par  lui 
fait  transporter  en  la  maison  du  Collège,  les  énumération  et  description 
des  tableaux  par  lui  laissés,  avec  leur  évaluation. 

'  Michel  Perrache,  architecte,  ingénieur  et  sculpteur,  de  Lyon  (1685-1750). 
-  ParKichelieu,  le  28  octobre  1628. 
.    '■'  Vielleuse. 

40 


626  GABRIEL-FRANÇOIS    MOREAU- 

Dans  la  chapelle,  derrière  la  sale  à  manger  : 

Gravure  angloise,  sous  ver  et  cadre  doré,  au  bas  de  laquelle  est  écrit 
Josep/ii  pudicitia,  n"  i; 

Autre  {][ravure  angioise,  sous  ver  et  cadre  doré,  au  bas  de  laquelle  on 
lit  :  Abram  andllam  Agar  dimittit,  n»  5  ; 

3*  gravure  angloise,  sous  ver  et  cadre  doré,  de  laquelle  l'inscription 
est  .Esther  coram  Assuero  suplex,  n°  6; 

Tableau  sous  ver  et  cadre  doré,  au  bas  duquel  on  lit  à  droite  L'Envoie 
(F Abraham,  après  que  tous  ses  chameaux  eurent  bu,  présente  à  Rébecca 
deux  pcndans  d'oreille  et  autant  de  bracelets,  n"  7; 

Tableau  sous  ver  et  cadre  doré  représentant  Thaïs  ou  la  belle  pénitente, 
tète  de  Greuse  ',  n"  8; 

Tableau  peint  à  l'huile  représentant  une  Famille  Sainte,  n"  9; 

Tableau  gravure,  sous  verre  et  cadre  doré,  représentant  Jésus  chassant 
les  vendeurs  de  colombe  du  Temple,  n"  10; 

Autre  tableau  gravure,  représentant  Jésus  guérissant  les  malades,  n"  1 1  ; 

Tableau  peint  sur  cuivre,  cadre  doré,  sans  ver^  représentant  une 
femme  badinant  avec  son  enfant  sur  ses  genoux,  n°  12. 

Tous  les  articles  qui  seront  cy-après  décrits  sont  sous  ver  et  à  cadre 
doré,  à  moins  qu'ils  ne  soient  désignés  autrement. 

Dans  la  seconde  pièce,  salon  : 

Portrait  du  cy-devant  évêque  *,  cadre  doré,  sans  ver,  cinq  pieds  de 
haut,  n»  13; 

Tableau  en  tapisserie  des  Gobelins,  cadré  doré,  sans  ver,  représentant 
un  saint  Michel  foulant  à  ses  pieds  un  diable  %  n»  14; 

Tableau,  d'un  pied  de  haut,  un  païsage  antique,  n°  15; 

Pendant,  autre  païsage  antique,  n"  15  bis. 

Dans  la  chambre  où  couchoit  le  cy-devant  évêque  : 


'  Jean-Baptiste  Greuze,  peintre  et  graveur,  de  Tourniis  (1725-1806).  Ce  tableau 
est  indiqué  par  le  Dictionnaire  de  Bellier  de  La  Chavignerie  et  Auvray  comme 
se  trouvant  aujourd'hui  dans  une  collection  particulière. 

2  Mgr  Moreau.  Ce  tableau,  de  plus  de  1™,60  de  haut,  paraît  aujourd'hui  perdu. 
Il  ne  reste  des  portraits  anciens  de  Mgr  Moreau  que  deux  grands  pastels  ovales, 
dont  l'un,  conservé  à  l'hospice  de  la  Providence  de  Mâcon,  est  reproduit  en  tète 
de  cette  notice,  et  l'autre,  attribué  à  de  La  Tour,  fait  partie  de  la  collection  Ronot 
au  Musée  de  la  ville. 

^  Cette  tapisserie  se  trouve  aujourd'hui  chez  Mlle  Pochon,  à  Vauzé,  commune 
de  Verzé  (Saône-et-Loire),  ce  qui  n'a  rien  d'étonnant,  attendu  que,  durant  toute 
la  Révolution,  Mgr  .Moreau  a  habité  à  Mâcon  chez  un  sieur  Pochon,  qui  peut  être 
ou  le  père  ou  le  grand-père  de  Mlle  Pochon.  Dans  l'inventaire  du  mobilier  du 
24  frimaire  an  II  et  jours  suivants  on  voit  figurer  a  un  tableau,  modèle  de  celui  en 
tapisserie  des  Gobelins  »,  qui  est  vraisemblablement  le  Saint  Michel  de  l'inven- 


GARRIEL-FRAXCOIS    MOUE  Al.  627 

Podiail   de   l;i    maîtresse  de   Raphaël,    peint    sur    bois,   par   Urbain  ' 
n"  IG; 

Pastorale,  8  pouces  de  diamètre,  original  de  Van  den  Veld  -,  peint  sur 
bois,  n''  17  ; 

Pendant,  autre  pastorale,  ici.,  n"  17  hia  ; 

Paisage,  (5  pouces  quarrés,  peint  sur  bois,  de  Del  Ryo  ^,  n"  18; 

Pendant,  autre  païsage,  id.,  n"  19; 

Tableau  ovale,  peint  sur  cuivre,  de  (5  pouces  de  haut,  par  Largilièrc  *, 
n°20; 

Pendant,  autre  tableau,  id.,  n"  '10  Itis ; 

Petite  marine  de  10  pouces  de  liant  sur  8  de  large,  n»21  ; 

Pendant,  petite  marine,  id.,  n"  21  bis  ; 

Portrait  gravure  d'Hiacinte  Fleury,  parRigo',  n"  22; 

Les  OEuvres  de  Miséricorde,  par  Théniers*',  gravure,  20  pouces  de 
large  sur  18  de  haut,  n»  23; 

Gravure,  Adoration  des  anges,  par  Smil  ^,  16  pouces  de  haut  sur  12 
de  large,  n"  24; 

Pendant,  autre  gravure  id.  de  Smit,  n"  24  bis  ; 

Tableau  peint  sur  toile,  sans  glace,  musicien  de  Bloemaert*,  6  pouces 
sur  i,  n"  25  ; 

Pendant,  musicien,  id .,  n"  25  bis  ; 

Tableau  à  fruits,  peint  sur  ver,  18  pouces  sur  14,  n"  26; 

Pendant,  id.,  n"  26  bis  ; 

Petit  tableau  représentant  les  apôtres,  peint  sur  bois,  sans  verre, 
5  pouces  sur  !■,  n"  27; 

Petit  pellerin,  peint  sur  marbre  blanc,  sans  ver,  5  pouces  sur  4,  n"  28; 

taire  des  objets  d'art  où  il  a  été  indiqué  ci-dessus  comme  «  laissé  dans  le  vesti- 
bule T)  . 

'  Probablement  une  copie  ancienne  du  portrait  de  la  Fornarina,  maîtresse  de 
Raphaël  Sanzio,  peintre,  d'Urbin  (1483-1520).  Ce  portrait  est  conservé  à  Florence. 

-  .Adrien  Van  deVelde,  peintre  et  graveur,  d'Amsterdam  (1639-1672). 

=>  Del  Rio? 

*  Nicolas  de  Largillière,  peintre,  de  Paris  (1656-1746). 

'  Lire  :  Portrait  d'Hercule  Fleury,  par  Hyacinthe  Rigaud.  —  Hyacinthe  Rigaud, 
peintre,  de  Perpignan  (1659-1743),  a  fait  un  portrait  du  cardinal  Fleury  qui  a  été 
gravé  par  Pierre  Drevet  en  1730.  C'est  sans  doute  de  cette  gravure  qu'il  s'agit 
ici.  Cependant  on  la  trouve  exactement  décrite  plus  loin. 

''  David  Téniers,  le  jeune,  peintre  et  graveur,  d'Anvers  (1610-1690).  H  s'agit 
du  tableau  du  Louvre  gravé  par  .Jacques-l'hilippe  Le  Bas  en  1747. 

■  Jobii  Smilb,  graveur,  de  Londres  (1652-1742).  Le  Blanc  cite  de  lui  une  Vierge 
avec  l'Enfant  Jé.sits  et  deux  anges,  d'après  A.  Van  Dyck,  et  la  Sainte  Famille 
aux  An{je.<!,  d'après  C.  Alaratli. 

■*  Abraham  Bloemaert,  peintre  et  graveur,  deGorcum  (1565-1658). 


628  GAURIEL-FRAMÇOIS    MO  RE  AU. 

Un  multipliant'  ovale,  diamèlre  5  pouces  1/2,  n»  29; 

La  Dévideuse,  mère  de  G.  Dow  ^,  par  Ville  3,  15  pouces  sur  11,  n-  30; 

L'Adoration  des  Rois,  peinte  à  l'huile  sur  bois,  22  pouces  sur  14,  n"  31  ; 

La  Ménagère  HoUandoiso,  par  Ville  *,  8  pouces  sur  (5,  n"  32; 

Portraitgravure,rarchevêquedeParis,parRigoS20  ponces  sur  15,  n"33; 

Id.,  Messire  Jean  Moreau,  chevalier,  peint  par  Valade",  sculpté  par 
L'Empereur'',  n"3i; 

Id.,  André-Hercule,  cardinal  de  Fleury,  peint  par  Rigaud,  gravé  par 
Brevet",  20  pouces  de  haut  sur  14  de  large,  n"  35; 

Id.,  au  bas  duquel  est  écrit  Res  urbanas  moribus  ornât,  legibus 
emendat,  peint  par  Vigée^,  gravé  par  Littret  ",  10  pouces  sur  7,  n"  36; 

Autre  portrait,  pareil  au  précédent,  à  la  différence  seulement  qu'il  y  a 
une  raie  noire  sur  le  cadre  doré,  n"  37; 

Tableau,  peint  sur  cuivre,  représentant  Le  repos  de  la  chasse  de 
Diane,  2  pieds  7  pouces  de  large  sur  25  pouces  de  haut,  cadre  doré,  sans 
ver,  n»  37  bis  ; 

Portrait  en  plâtre  de  l'évêque  Moreau,  cadre  doré,  ovale,  8  pouces  de 
diamètre,  n"  38; 

Petit  portrait  d'un  vieillard,  en  biscuit  de  Sève  ",  3  pouces  de  diamè- 
tre, n»  39; 

Portrait  gravure  de  Charles  Bossut,  6  pouces  sur  1,  peint  par  Duplessis, 
gravé  par  Henriqués  '*,  n"  40; 

Portrait  en  biscuit  sculpté  d'un  prélat,  8  pouces  de  diamètre,  n"  41  ; 


'  (c  Verre  à  facettes  qui  fait  voir  les  objets  répétés  plusieurs  fois  »  (Larousse). 
Dans  l'inventaire  du  mobilier  du  24  frimaire  an  II  et  jours  suivauts  ou  trouve»  un 
miroir  à  muUipliant  rond  »  . 

-  Gérard  Dow,  peintre,  de  Leyde  (1613-1675). 

*  Jean-Georges  Wilie,  graveur,  d'Obermidile  (1715-1808).  La  Dévideuse, 
d'après  Gérard  Dovu,  a  été  exposée  au  Salon  de  1757. 

*  D'après  Gérard  Dow.  Exposée  aussi  au  Salon  de  1757. 

'■"  Rigaud.  C'est  probablement  le  portrait  du  cardinal  de  A'oailles,  gravé  par 
Pierre  Drcvet. 

**  Jean  Valade,  peintre,  de  Poitiers  (1709-1787). 

''  Louis-Simon  Lempereur,  graveur,  de  Paris  (1725-1796). 

'^  Voir  ci-dessus,  p.  627,  n°  5. 

■'  Peintre  de  l'Ecole  française  (XVIII"  siècle).  Il  s'agit  du  portrait  de  M.  de 
Sartine,  lieutenant  général  de  police,  exposé  à  l'Académie  de  Saint-Luc  en  1764. 

'"  Claude-Antoine  Liltret  de  Montigny,  graveur,  de  Paris  (1735-1775). 

"  Sèvres. 

'^  Joseph-Sifred  Duplessis,  peintre, de  Carpentras  (1725-1802), a  exposé  au  Salon 
de  1773  un  portrait  de  M.  l'abbé  Bossut,  de  V Académie  royale  des  sciences. 
Le  Blanc  ne  dit  pas  qu'il  ait  été  gravé  par  Benoît-Louis  Henriquez,  graveur,  de 
Paris  (1732-1806). 


GABRIEL-FRANÇOIS    MORE  AU.  G29 

Pendant,  portrait  de  l'évêque,  en  iimrl)re  blanc  sculpté,  8  pouces  de 
diamètre,  n"  42; 

Tableau  peint  «Y  l'huile,  représentant  une  mère  nourice  badinant  avec 
son  enfant  sur  ses  bras  et  lui  donnant  du  raisin,  par  Mignard  ',  i5  pouces 
de  haut  sur  iii  de  large,  n"  43; 

Morceau  d'ivoire  enchâssé  dans  une  caisse  dorée,  à  une  vitre,  le  prin- 
cipal morceau  d'une  seule  pièce,  8  pouces  de  haut  sur  4  de  large,  ccintré, 
sculpté,  travaillé  à  jour,  représentant  la  Descente  d'une  croix,  n"  44; 

Portrait  peint  àThuile,  une  femme  à  sa  toilette,  4  pieds  sur  3,  bordure 
dorée  de  iî  pouces,  n"  45; 

Morceau  de  lapis  ovale,  13  pouces  de  haut  sur  10,  encadré  d'une  bor- 
dure de  cuivre  surdorée  d'or  moulu,  n"  46; 

Figure  en  ivoire,  un  vieillard  joignant  les  mains,  6  pouces  de  haut,  sur 
pied  d'estal  noir,  sous  cloche,  n"47; 

Figure  d'ivoire,  pauvre,  masculin,  d'après  Calo  -,  4  pouces  1/2  de 
haut,  sur  pied  d'estal  noir,  sous  cloche,  n"  48; 

Figure  ivoire,  pendant,  pauvre,  féminin,  même  dimension,  n»  49. 

Dans  le  cabinet  à  gauche  de  la  chambre  : 

Tableau  gravure,  15  pouces  de  large  sur  12  de  haut,  Henri  IV  laissant 
entrer  des  vivres  dans  la  ville  de  Paris,  peint  par  Caresme',  n"  50; 

Id.,  gravure,  Bossuet,  par  Rigaud '*,  19  pouces  de  haut  sur  13  de 
large,  n"  51  ; 

Tableau  gravure,  Conversation  espagnole,  par  J.  Beauvarlet',  d'après 
l'original  de  Carie  Vanloo  ",  22  pouces  de  haut  sur  KJ  de  large,  n"  52; 

Dessin,  15  pouces  de  haut  sur  12,  projet  de  chaire  pour  la  cy-devaut 
église  de  Saint-Vincent",  par  Lenot  *,  n"  53; 

Tableau  gravure,  Lecture  espagnole,  par  Beauvarlet,  d'après  Carie 
Vanloo,  pendant  et  dimension  du  n"  52,  n"  54; 

Id.,  gravure,  Sully  remettant  l'argent  de  ses  bois  à  Henry  IV  "^ 
15  pouces  de  haut  sur  12,  n°  55; 

'  Pierre  Mignard,  peintre,  de  Troyes  (1612-1695).  Serait-ce  une  copie  de  la 
Vierge  à  la  grappe^  conservée  au  Louvre? 

2  Jac(|ues  Callot,  peintre  et  graveur,  de  \ancy  (1592-1635). 

'  Philippe Caresme,  peintre  et  graveur,  de  Paris  (1754-1796).  Cette  gravure  est 
de  Jean-Baptiste  Patas,  de  Paris  (1748-1817). 

*  Probablement  la  gravure  de  Pierre  Drevet,  de  Paris  (1697-1739). 
'  Jacques-Firmin  Beauvarlet,  graveur,  d'Abbeville  (1731-1797). 

"  Carie  Van  Loo,  peintre,  de  \ic6  (1705-1765). 
'  (latlu'drale  de  Alàcon. 

*  Pascal-Jean  Lenot,  directeur  de  rKcole  de  dessin  de  Màcon,  commis  à  l'esti- 
mation des  objets  compris  au  présent  inventaire. 

^  Probai)lement  une  gravure  du  tableau  exposé  par  Caresme  au  Salon  de  1777, 


630  GAmUEL-FRA\ÇOIS    MOREAU. 

1(1. ,  gravure,  Tricoteuse  lioUandoise,  par  Ville',  (15  pouces)  sur  11 ,  n"5(>; 

Ln  l)OU([uet  de  ileurs,  terre  cuite,  emboétée  sous  verre,  caisse  dorée, 
glace  de  15  pouces  sur  11,  n"  57; 

Tableau  gravure  j)ar  Ostade-,  représentant  l'intérieur  d'un  ménage 
flamand,  1(3  ponces  de  haut  sui-  13  de  large,  n"  58; 

Figure  en  marbre,  portrait  de  femme,  8  pouces  de  haut,  sur  pied 
d'estal  bois,  rond,  n"  59; 

Pendant,  figure  en  marbre,  portrait  de  femme,  id.,  n"60; 

Figure  en  bronse,  dorée  d'or  moulu,  J.-.ï.  Rousseau,  sur  pied  d'estal 
marbre  blanc,  4  pouces  de  haut,  n"  Gl  ; 

Pendant,  Voltaire,  n"  G2; 

Tous  deux  sous  cloches; 

Une  paire  de  chandeliers,  avec  leurs  bobèches,  dorées  d'or  moulu,  les 
chandeliers  formant  colonne,  marbre  blanc,  ornés  de  chaînes  cuivre 
doré,  n»»  63  et  63  bis  ; 

Tableau  gravure,  La  Dormeuse,  par  Grcuse  3,  15  pouces  de  haut 
sur  12  de  large,  n"  64; 

Id.,  gravure,  La  Tentation  de  saint  Antoine,  par  Callo  ■*,  18  pouces  de 
large  sur  14,  n"  65; 

Id.,  gravure,  Famille  allemande,  de  Visscher  %  16  pouces  sur  13,  n"  66  ; 

Tableau  gravure  d'un  Rohan  cardinal,  peint  par  Rigaud,  gravé  par 
Cars  ",  18  pouces  de  haut  sur  16,  n "  67  ; 

Un  morceau  d'yvoire  antique,  de  8  pouces  de  haut  sur  4  de  large, 
gravé  en  relief,  représentant  une  chasse',  n"  68; 

Gravure  de  Beauvarlet,  2  pieds  de  large,  30  pouces  de  haut,  au  bas  de 
laquelle  est  cette  inscription  Sehasliano  Josepho  Carvalio  Melio,  mar- 
chioni  Pombalio'^,  n»  69; 


sous  le  tilfe  de  Sully  donnant  de  l'argent  à  Henri  IV  pour  soutenir  la  guerre 
(Bellier  de  La  Chavigxerie  et  Auvray.  —  Ils  n'indiquent  pas,  dans  leur  liste 
de  l'œuvre  gravé  de  (]aresme,  cette  pièce  (pii  est  peut-être  un  pendant  de  la  gra- 
vure de  J.-B.  Patas,  cotée  plus  haut  n"  50.) 

'  WiUe. 

*  Adrien  Van  Ostade,  peintre  et  graveur,  de  Lnbeck  (1610-1685). 

^  Greuze. 

*Callot. 

5  Jean  de  Vissciier,  graveur,  d'Amsterdam  (1636-1692j,  ou  peut-être  Corneille 
de  Visscher,  son  frère  (1618-1658). 

"  Laurent  Cars,  graveur,  de  Lyon  (1699-1771). 

'  il  Une  planche  d'ivoire  représentant  une  chasse  i ,  dit  l'inventaire  du  mobilier 
du  24  frimaire  an  II  et  jours  suivants. 

^  Portrait  du  marquis  de  Pombal,  grave  en  1772  (Salon  de  1773),  d'après 
L.-.VL  Van  Loo  et  J.  Vernet. 


GABRIEL-FRAXÇOIS    MORE  AL'.  631 

Une  loupe  de  3  pouces  1/2  de  diamètre,  cercle  en  corne,  n"  70. 

Dans  le  cabinet  à  droite  : 

Tableau  gravure,  Le  Paralilique  de  Greuse,  2  pieds  de  long  sur  20  pouces 
de  large,  n"  71  ; 

Gravure,  La  place  Maubert,  par.leaurat  >,  16  pouces  de  long  sur  13  de 
haut,  n"  72  ; 

Gravure,  Manufacture  des  cristaux  de  Moncenis*,  20  pouces  do  haut 
sur  14,  n°  73; 

Gravure  flamande,  Amusemens  des  matelots,  par  Téniers  3,  20  pouces 
de  long  sur  15,  n"  74; 

Gravure,  Fonderie  du   Creusot  *,  pendant  et  même  dimension  que  le 
n"  73,  n»  75  ; 

Gravure,  Mère  dans  son  ménage,  contemplant  son  enfant  dans  le  som- 
meil, par  Historical ',  21  pouces  de  long  sur  17  de  large,  n"  76;     - 

Gravure,  Partie  de  plaisirs  ^,  gravé  par  Delaunay'^,  peint  par  Wernix'', 
23  pouces  de  large,  20  de  haut,  n»  77; 

Tableau  gravure,  Hipolite  de  La  Tiide  Clairon  ",  gravé  par  Cars  et  Beau- 
varlet  '",  d'après  Carie  Vanloo  ",26  pouces  de  haut  sur  19  de  large,  n"  78  ; 

Vénus  aux  belles  fesses'*,  bas-relief  en  porphire,  ovale,  7  pouces  1/2 
de  haut  sur  5  de  large,  n"  79; 

La  Morale,  gravure  angloise,  cadre  doré  et  noir,  15  pouces  de  haut 
sur  12  de  large,  n"  80; 

line  marine  peinte  sur  toile,  par  Taurel  '^  2  pieds  de  large  sur  18  pouces 
de  haut,  n"  81  ; 

Autre  marine,  pendant,  n°  82; 

Tableau,  peint  sur  toile,  marine,  3  pieds  de  large,  22  pouces  de  haui, 
n"  83  ; 

Autre  marine,  pendant,  n°  84; 


'  Tableau  d'Ktienne  Jcaurat,  peintre,  de  Paris  (1699-1789),  exposé  au  Salon  de 
175-3,  et  gravé  par  Jean-Jacques  Aliaraet,  d'Abbeville  (1728-1788). 

*  Monteenis  (Saône-et-Loire). 

'  David  Téniers,  le  jeune.  Cette  pièce  a  été  gravée  par  P.  Chenu  (Le  Blanc). 

*  Le  Creusot  (Saône-et-Loire). 

5  9  99 

"  a  La  Partie  de  plaisir,  pièce  ornée  d'architecture  et  de  figures    »  (Le  Blanc.) 

"  \icolas  de  Launay,  graveur,  de  Paris  (1739-1792). 

"  Jean-Baptiste  VVeenix,  peintre,  d'.Amsterdam  (1620-lt)60). 

''  »  Dans  le  rôle  de  Médée.  »  (Le  Blanc.) 

'"  Jacijues-Kirmin  Beauvarlet,  graveur,  d'.^bbeville  (1731-1797). 

"  Carie  Van  Loo,  peintre,  de  Xice  (1705-1765). 

-'  Vénus  Caliipyge, 

"  Jeau-Jacques-François  Taurel,  peintre,  de  Toulon  (1757-1832). 


632  iGABlilEL-FRAXCOIS    MO  RE  AL'.     - 

Tableau  comme  les  deux  précédens,  de  16  pouces  de  large  sur  12  de 
haut,  11"  85;  • 

Autre,  4*  pendant  du  3%  n"  86; 

Gravure,  portrait  de  Polignac,  cardinal  ',  18  pouces  de  haut  sur  13  de 
large,  n"  87  ; 

Id.,  d'après  Poussin  *,  par  Rousseau,  de  .Màcon  ^,  3  pieds  de  large  sur 
26  pouces  de  haut,  n"  88; 

1(1.,  portrait  du  cardinal  Fleury  *,  19  pouces  de  haut  sur  15  de  large, 
n'-SO; 

/(/._,  portrait  de  Louis  le  Grand,  par  Rigaud,  25  pouces  de  haut  sur  19 
de  large,  n"  90; 

Id.,  Les  diseuses  de  bonne  avanture,  peinture  de  Ténier^  gravure  de 
Chenu",  18  (pouces)  de  large  sur  13  de  haut,  n"  91; 

Tableau  peint  à   l'huile,   une  mère  badinant  avec  son   enfant,  ovale, 

3  pieds  de  haut  sur  30  pouces  de  large,  n"  92; 

Id.,  portrait  d'un  cardinal,  19  pouces  de  haut  sur  14  de  large,  n"  93; 
Id.,  portrait  du  cardinal  Dubois^,  18  pouces  de  haut  sur  1 3  de  large ,  n"  94  ; 
Tableau  peint  à  l'huile,  portrait  de  l'évêque  Yaleras  *,  tète  par  Greuse  ", 

4  pieds  6  pouces  de  haut,  3  pieds  6  pouces  de  large,  bordure  dorée  de 

6  pouces,  n"  95; 

Le  sistème  de  Copernic  "*,  n"  96; 

Deux  vases  de  porcelaine  du  Japon  avec  leurs  couvercles,  forme  anti- 
que, 16  pouces  1/2  de  haut,  9  pouces  de  diamètre,  n"'  97  et  97  bis  ; 
Figure  en  marbre  blanc,  sur   pied  d'estal  en   bois  noir,  le  buste  de 

7  pouces  de  haut,  le  pied  de  4  pouces  1/2,  Fénelon,  n"  98; 

Pendant,  id.,  Bossuet,  n''99; 

Gravure,  Le  général  Vasington",  gravé  par  Lemire'*,  n"  100; 

Deux  candélabres,  forme  antique,  pierre  prêtieuse,  montés  en  cuivre 
doré  d'or  moulu,  5  pouces  1/2  de  haut  sans  la  baubèche,  n"  101 
(et  101  bis). 

'  Melchior  de  Polignac  (1661-1742),  cardinal  en  1713. 
^  Nicolas  Poussin,  peintre,  des  Andelys  (1594-1G65). 

3  9  9'> 

*  Voir  ci-dessus,  p.  627,  n.  8,  et  p.  628,  n.  5. 
^  David  Téniers. 

"  Pierre  Chenu,  graveur,  de  Paris  (1730-1792). 
^  Guillaume  Dubois  (1656-1723). 

*  H. -G.  de  Lort  de  Sérignan  de  Valras,  évêquc  de  Màcon  (1732-1763). 
9  Greuze. 

'"  Nicolas  Copernic,  astronome  polonais  (1473-154-3). 

"  Washington.  — D'après  le  tableau  de  Jean-Baptiste  Le  Paon  (1738-1785). 

'■-  Noël  Le  Mire,  graveur,  de  Rouen  (1724-1801). 


GABIUEI.-FU  WCOIS    MO  RE  AU.  633 

Passage  des  greniers  au  cabinet  d'aisance  : 

Lne  lète  de  vieillard,  sans  cadre,  n"  102; 

Vn  tableau  représentant  Amphiirite,  sans  cadre,  n'^  103. 

Dans  une  petite  ciianibre  à  côté  : 

Un  médaillon  en  plâtre,  18  pouces  de  haut  sur  14  de  large,  cadre  doré 
ovale,  n»  104; 

Tableau  peint  à  l'huile,  l'Abondance',  copiée  d'après  Rubens-,  sans 
cadre,  de  4  pieds  1/2  de  haut,  ainsi  que  les  deux  précédens,  sur  3  pieds 

8  pouces  de  large,  n"  105; 

Tableau  peint  sur  bois,  un  païsage  de  Lienne^,  sans  vitre,  cadre  doré, 
14  pouces  de  haut  sur  10  de  large,  n"  106; 

Tableau,  original  de  Stad  *,  peint  sur  cuivre,  8  pouces  de  haut  sur  5  de 
large,  un  Flamand  et  une  Flamande,  n»  107; 

Tableau  peint   sur  toile,  un  fumeur   endormi,     1    pied  de   large   sur 

9  pouces  de  haut,  n"  108; 

Gravure  de  Slrange  %  une  Vénus  **,  17  pouces  de  long  sur  15  de  large, 
n»  109; 

Une  cage  d'oiseaux  étrangers,  empaillés,  trouvée  dans  la  chambre  du 
cy-devant  évèque,  oubliée,  n"  110; 

Auli'e  cage,  forme  octogone,  aussi  d'oiseaux  empaillés,  du  sol  de  la 
République,  n"  1 1 1  ; 

Une  urne  en  stuc,  imitant  le  ver  Canpan'',  garnie  de  tète  de  béliers,  et 
pomme  en  cuivre  doré,  8  pouces  de  haut  sur  1  pied  de  long,  n"  112; 

Porte-fait  en  bronse,  rond  de  bosse,  7  pouces  de  haut,  sur  pied  d'eslal 
en  bois,  n"  113; 

Pendant,  autre  porte-fait,  id.,  n"  113  bis  ; 

Buste  en  pierre,  Bossuet,  8  pouces  de  haut,  sur  base  de  colonne  en 
bois,  n°  114; 

Pendant,  autre  buste,  d'Alambert,  n"  114  bis  ; 

Figure,  rond  de  bosse,  marbre  blanc,  un  aveugle  déjeunant,  son  con- 
ductant  (sic)  buvant  ce  qu'il  se  destinoit  avec  un  chalumeau,  8  pouces  de 
haut,  sur  un  petit  socle  en  bois,  n"  115; 

Quatre  petites  ligures  villageoises,  terre  de  biscuit,  7  pouces  de  haut, 

'  Probablement  l'Offrande  à  l'Abondance  du  Musée  de  Stockhoim. 
-  Pierre-Paul  Rubens,  peintre,  d'Anvers  (1577-1640). 
^  Peut-êlre  Joseph  Van  Lierre,  peintre,  de  Bruxelles  (W  P  siècle). 
^  Adrien  l'an  Ostade,  peintre,  de  Haarlern  (1610-1685). 
'"  Robert  Strange,  graveur,  de  Pomona  (1721-1792). 

*  D'après  ses  dimensions,  ce  doit  être  la  Vénus  nue  couchée,  du  Titien,  gravée 
en  1768. 

^  -Marbre  vert  tiré  des  carrières  de  Gampan  (Hautes-Pyrénées). 


63i  GABRIE1,-FRA\Ç0IS    iMOREAU- 

Le  Patineur,  Le  Dénicheur  de  merle,  La  Fruitière,  et  La  Fleuriste, 
n"  IK)  chacun  ; 

Médaillon  en  terre  cuite,  Voltaire,  cadre  doré,  6  pouces  de  di&mètre, 
ir  117; 

Pendant,  J.-J.  Rousseau,  n"  117  bis ^ 

Deux  candélabres  en  l'orme  de  vase,  sur  un  pied  d'estal,  marbre  noir, 
de  la  hauteur  de  4  pouces  1/2,  le  vase,  marbre  blanc,  de  7  pouces  1/2, 
surmonté  de  lys  convertis  en  bobèches,  le  tout  orné  en  cuivre  doré  d'or 
moulu,  n-  11«  et  (118)  bis; 

Un  Atlas,  en  terre  cuite,  portant  le  globe,  la  figure  de  3  pieds  de  hau- 
teur, n"  119. 

Et  attendu  qu'il  est  l'heure  de  sept  et  demi  de  relevée  sonnée,  nous 
avons  renvoie  la  continuation  des  présentes  à  demain,  heure  de  huit  du 
matin,  à  laquelle  tous  les  dénommés  cy-dessus  sont  invités  de  se  trouver 
au  présent  domicile,  avons  mis  tous  les  objets  cy-dessus  décrits,  détaillés 
et  inventoriés  sous  le  n"  1  jusques  et  compris  le  n"  119,  ainsi  que  les  six 
premiers  articles,  qui  ne  sent  pas  numérotés,  au  pouvoir  du  citoïen  Lenot, 
commissaire  nommé  par  l'administration  pour  recevoir  la  distraction  que 
nous  faisons  desdits  etiets  à  l'effet  d'être  emploies  à  composer  un  musé 
public,  lequel  a  reçu  lesdits  objets,  les  a  retirés  en  son  pouvoir  et  les  a 
fait  transporter  de  suite  en  la  maison  du  Collège,  dans  le  local  qui  lui  a 
été  pour  ce  désigné,  pourquoi  nous  demeurons  déchargés  desdits  objets, 
ledit  Lenot  s'en  trouvant  actuellement  seul  chargé,  sauf  à  lui  à  en  rendre 
compte  à  l'administration,  quand,  ainsi  et  de  la  manière  qu'elle  le  jugera 
convenable,  sauf  encore  par  ledit  citoïen  Lenot  à  en  faire  l'emploi  qui  sera 
jugé  convenable  par  l'administration.  Ce  fait,  avons  exactement  refermé 
toutes  les  portes  et  fenêtres  intérieures  et  extérieures  de  la  maison  Morcau, 
surles  principales  portes  d'entrée  avons  apposé  les  scellés  de  l'administration 
que  nous  avons  fait  couvrir  de  plaques  de  fer  par  le  citoïen  Ficat,  nous 
étant  soussignés  avec  les  citoïens  Ficat,  Lenot,  et  les  officiers  municipaux. 

Siqné  :  Ficat,  Durand  père,  Dediaxe  aine, 
Rf.viilox,  Romif.u. 

Approuvé  l'inventaire  cy-dessus,  du  quel  sera  extrait  avec  forme  les 
objets  qui  seront  reconnus  ne  pas  être  de  mérite  à  être  contenus  dans  le 
musé. 

Signé  :  Lexot. 

Depuis,  et  ce  jourd'hui  vingt-neuf  pluviôse  seconde  année  républicaine, 
en  vertu  de  tout  ce  que  dessus,  et  toujours  attendu  la  proximité  de  la 
vente  du   mobilier  .Moreau,    laquelle   se  trouvt»  indiquée  par  la  dernière 


GABHIEL-KUAXCOIS    MO  RE  AU.  6:i:, 

alliclieaii  premier  venlôso,  nous,  Hotiiicu  et  Aiiloine  Dediane,  commissaires 
nomnu'S  par  radiiiinistrallon  du  district  de  Màcou  à  l'effet  de  procéder 
dans  la  commune  de  Màcon  à  la  confection  des  inventaires  chès  les  émi- 
grés, pères  et  mères  d'émigrés,  prêtres  déportés,  à  déporter  et  dans  le 
cas  de  la  déportation,  absens,  étrangers,  Lyonnois,  condamnés  et  actuel- 
lement séquestrés,  et  de  suite  aux  ventes  qui  devront  suivre  lesditi^-inven- 
taires,  accompagnés  des  citoïens  Ficat,  serrurier,  Pierre  Durand,  officier 
municipal,  et  Pierre  Revillon,  commissaire,  notable  de  la  commune  de 
Màcon,  nous  sommes,  encore  du  citoyen  Lenot,  artiste,  transporté  au- 
devant  des  portes  du  domicile  qu'occupoit  le  cy-devant  évêque  de  Màcon. 
Là,  après  avoir  reconnu  seins  et  entiers  les  scellés  par  nous  apposés  tant 
sur  la  porte  d'entrée  donnant  sur  la  cour,  sur  la  principale  d'entrée  des 
appartemens,  que  sur  celles  qui  communiquent  aux  apparlemens  du  rés- 
de-cbaussée,  iceux  levés,  pénétrés  aux  appartemens,  de  l'avis  du  citoïen 
Lenot  et  à  l'aide  des  ouvriers  par  lui  amenés,  à  l'aide  encore  du  citoyen 
Piguet,  du  citoïen  Laine,  de  leurs  femmes,  avec  leurs  voitures,  nous  avons 
opéré  ainsi  que  suit. 

Continuant  les  description  et  distraction  des  objets  qui  peuvent  com- 
poser et  entrer  au  muséum  à  établir  en  cette  commune,  l'opération  des- 
diles  description  et  distraction  commencée  par  notre  procès-verbal  du 
vingt-six  du  courant,  contenu  au  présent  cahier,  de  l'avis  dudit  citoïen 
Lenot  nous  avons  distrait  et  mis  en  son  pouvoir  : 

In  tableau  gravure  représentant  une  sépulture,  de  22  pouces  de  haut 
sur  15  de  large,  par  Sinon  Vouet  ',  n"  120; 

Tableau  peint  sur  bois,  sujet  de  religion,  3  pieds  6  pouces  de  haut, 
2  pieds  7  pouces  de  large,  n»  121  ; 

Tableau  peint  au  pastel,  représentant  une  tête  de  HoUandois,  de 
20  pouces  de  haut  sur  12  de  large,  n"  122; 

Pendant,  même  dimension,  n"  lîî.2  bis  ; 

Tableau  gravure,  au  bas  duquel  est  écrit  Philipus  Ludovicus  coî7ies  a 
Suitendorf,  de  19  pouces  de  haut  sur  14  de  large,  n»  123; 

Tableau  gravure  de  Verney -,  une  marine,  21  pouces  de  long  sur  18  de 
haut,  n"  124  ; 

Une  sainte  Geneviève  en  marbre,  sur  pied  d'estal  bois  noir,  9  pouces  de 
haut,  le  pied  d'estal  de  5  pouces,  n"  125; 

Tableau  gravure  de  Verney,  La  Tempête  de  Baleichou ',  21  pouces  de 
long  sur  18  pouces  de  haut,  n"  126  ; 


1  Simou  Vouet,  peintre,  de  Paris  (1590-1649). 

-  Claude-Joseph  Vernet,  peintre  et  jjraveur,  d'Avignon  (1714-1789). 

'  Jcan-Josopli  Calécliou,  graveur,  d'Arles  (1715-1764). 


636  GABRIEL-FRANÇOIS    MO  RE  AU. 

Gravure  colorée,  une  fontaine  par  Rousseau  ',  13  pouces  de  large  sur 
10  pouces  de  haut,  h'  127; 

Buste  de  l'èvèque,  marbre  blanc,  9  pouces  de  haut,  sur  pied  d'ouche 
de  diverses  couleurs,  7  ponces,  n"  128; 

Très  grand  vase  de  porcelaine  du  Japon,  avec  couvercle,  sans  couron- 
nement, 20  pouces  de  haut  sur  1  pied  de  diamètre,  n"  120; 

Deux  couvre-papiers,  en  cuivre  doré  d'or  moulu,  7  pouces,  représen- 
tant 2  levrettes,  n"  130  et  (130)  Us; 

Figure  d'yvoire,  sur  pied  d'ouche  en  bois,  une  femme  faisant  l'aumône 
à  un  enfant,  5  pouces  de  haut,  n"  131  ; 

Groupe  en  biscuit,  sur  pied  d'estal  orné,  représentant  Sully  aux  pieds 
d'Henry  IV,  9  pouces  de  haut,  n"  132; 

Une  théière,  porcelaine  chinoise,  n»  133  ; 

Treize  cadres,  avec  leurs  vitres  de  différentes  grandeurs; 

Deux  sans  vitres  ; 

Un  très  grand  poêle  de  fonte  avec  ses  cornets,  en  forme  de  feuilles  de 
palmiers  ; 

Une  armoire  à  4  portes  grillées,  chacune  aïant  un  rideau  de  taffetas 
vert,  ledit  armoire  servant  de  bibliothèque,  plaqué  et  orné  d'une  petite 
tablette  de  marbre  blanc; 

Autre  meuble  absolument  pareil  ; 

Meuble  plaqué  à  5  tiroirs,  le  dessus  étant  de  marbre; 

Autre  meuble  parfaitement  pareil; 

Quatre  très  grands  portefeuils,  tous  fermant  à  ciel,  mais  sans  clef,  en 
maroquin  rouge,  garni  en  argent,  3  en  basanne  noire  ; 

Un  élui  en  maroquin  contenant  une  carte  du  Màconnois  *,  7  pouces  de 
long,  6  pouces  1/2  de  large  ; 

Étui  en  veau,  contenant  4  cartes; 

Sept  étuis  en  carton,  papier  marbre,  garnis  de  différentes  cartes  de  la 
France,  quelques-uns  incomplets; 

Atlas  in-f"  broché,  couvert  en  papier  bleu,  de  différentes  cartes  de  la 
Chine; 

Deux  grandes  encoignures  en  vieux  lac  avec  leurs  pierres  de  marbre; 

Un  baromètre  circulaire,  à  cadre  doré  ; 

Une  tabatière  à  boussole,  en  carton; 

1  Nous  connaissons  un  Jacques  Rousseau,  peintre  et  graveur,  de  Paris  (1630- 
1693).  Mais  il  s'agit  vraisemblablement  ici  du  Rousseau,  de  Alàcon,  qui  a  gravé  un 
tableau  de  Poussin.  Voir  ci-dessus^  p.  632. 

-  Vraisemblablement  la  Carte  du  pays  et  comté  du  Màconnois,  dédiée  à 
Mgr  Moreau,  par  le  s"^  Demiège,  sous-ingénieur  et  géographe  de  la  province, 
levée  en  1775. 


GABIIIEL-FRA.VCOIS    MORE  AL.  (537 

Deux  boëtes  contenant  20  morceaux  d'histoire  naturelle,  tant  coquil- 
lages que  pétrifications  et  cristaux,  et  une  serre  de  honnnar; 

Un  petit  dévuidoir  en  yvoire,  de  8  pouces  de  haut,  travaillé  à  jour, 
avec  sa  pièce  d'étaux; 

Une  caisse  garnie  de  petits  cailloux  de  niarhre,  d'un  morceau  (ra\cii- 
turine  ',  au  nombre  de  4ti; 

Une  boëte  contenant  72  pièces  en  cuivre  ; 

Un  écritoire  à  3  vases  en  cuivre  doré,  sonnette  et  couvercles,  aussi 
cuivre  doré,  support  en  bois  ; 

Un  petit  thermomètre  de  Raumur-; 

Une  lanterne  à  4  pans,  baguette  et  montans  cuivre  doré; 

Deux  petits  ressouvenirs,  cuivre  verni; 

Petit  tableau,  cadre  doré,  7  pouces  de  long,  6  pouces  de  haut, -sujet 
sous  ver,  4  pouces,  une  Vierge; 

Pendant,  même  dimension,  saint  Jérôme; 

Tableau  peint  à  l'huile,  cadre  doré,  11  pouces  de  haut,  8  pouces  1/2  de 
large,  sous  ver,  Vous  me  faites  rire; 

Pendant,  Je  m'en  moque; 

Second  pendant,  La  pauvreté  me  tourmente  ; 

Troisième  pendant,  L'amour  me  fait  de  la  peine. 

Tels  sont  tous  les  effets,  meubles  et  objets  aïant  fait  partie  du  mobilier 
du  cy-devant  évèque,  lesquels  nous  avons  distraits  dudit  mobilier  et  mis 
au  pouvoir  du  citoïen  Lenot,  qui  s'en  est  chargé,  nous  en  décharge,  sauf 
à  lui  à  en  rendre  compte  à  l'administration  de  district,  quand,  ainsi  et  de 
la  manière  qui  sera  jugée  convenable,  avons  exactement  refermé  les  portes 
du  domicile  Moreau,  sur  icelles  avons  de  nouveau  réapposé  les  scellés  de 
l'adininistralion,  que  nous  avons  comme  précédemment  laissées  à  la  charge, 
garde  et  surveillance  du  citoïen  Tardy,  concierge  de  l'administration,  qui 
s'en  est  chargé;  de  tout  quoi  verbal.  Et  nous  nous  sommes  soussignés  avec 
les  citoïens  Ficat,  Lenot  et  les  officiers  municipaux,  non  les  citoïens  Tardy, 
Piguet  et  Laîné,  pour  ne  le  savoir,  ainsi  qu'ils  l'ont  déclaré,  de  ce  enquis. 

Signé  :  Revilloiv,  Durand  père,  Ficat, 
Dediane  aîné,  Romieu. 

Approuvé  l'inventaire  cy-dessus,  duquel  sera  extrait  avec  forme  les 
objets  qui  seront  reconnus  ne  pas  être  de  mérite  à  être  contenus  dans  le 
musé  et  vérifié  par  des  commissaires  nommé  par  le  district. 

Signé  :  Le.vot. 

'  Pierre  artificielle  faite  de  verre  mêlé  de  limaille  de  cuivre  qui  imite  l'ur. 
*  Réaumur. 


638  GABRIEL-FRAIVCOIS    MOREAU. 

Depuis  et  ce  jourd'hui  décadi,  seconde  année  de  la  République  francoise, 
une,  indivisible  et  démocialique,  en  vertu  de  tout  ce  que  dessus,  nous 
commissaires  susdits  et  soussignés,  accompagnés  du  citoïen  Ficat,  serru- 
rier, Lenot,  et  du  citoïen  Pierre  Durand,  officier  municipal,  nous  sommes 
de  nouveau  rendus  au-devant  des  portes  du  domicile  qu'occiipoit  précé- 
demment le  citoïen  Moreau,  cy-devant  évêque.  Là,  en  présence  du 
citoïen  Tardy,  concierge  de  l'administration,  gardien  par  nous  commis 
aux  scellés  apposés  sur  les  portes  dudit  domicile,  iceux  levés,  pénétrés 
aux  appartemens,  nous  avons  avec  ledit  citoïen  Lenot,  en  présence 
desdits  officiers  municipaux,  fait  1  énumération  de  tous  les  livres  com- 
posans  la  l^ibliothèque  dudit  cy-devant  évêque;  ils  se  sont  trouvés 
au  nombre  de  3,370  volumes,  y  compris  trois  très  grands  allas,  en 
maroquin  rouge,  lesdits  3,370  volumes  en  différens  formats  et  de  diffé- 
rentes littératures;  nous  avons  à  l'instant  à  l'aide  des  citoïens  Piguet, 
Laine,  de  leurs  femmes,  avec  leurs  voitures,  fait  conduire  lesdits  3,370  vo- 
lumes dans  le  magasin  du  Collège,  et  les  avons  laissés  au  pouvoir  du 
citoïen  Lenot,  qui  nous  en  décharge,  sauf  à  en  rendre  compte  à  qui  de 
droit,  avons  ensuite  exactement  fermé  les  portes  du  domicile  Moreau, 
sur  icelles  avons  de  nouveau  apposé  les  scellés  de  l'administration,  que 
nous  avons  comme  précédemment  laissés  à  la  charge,  garde  et  surveil- 
lance du  citoïen  Tardy,  qui  s'en  est  chargé;  de  tout  quoi  verbal,  et  nous 
sommes  soussignés  avec  les  citoïens  Ficat,  Lenot,  et  les  officiers  muni- 
cipaux, non  les  citoïens  Tardy,  Piguet  et  Laîné  ,  pour  ne  le  sçavoir, 
ainsi  qu'ils  lont  déclaré. 

Signé  :  Diraxd  père,  Ficat,  Revillon, 
Dkdiaxe  aine,  Romiel. 

Approuvé  du  présent  corps  d'inventaire  la  scéance  des  commissaires 
aux  séquestres  en  datte  du  [vingt-]six  pluviôse  l'an  deux,  possédant  dans 
les  entrepôts  du  Collège  les  objets  y  ennoncés,  plus  celle  en  datte  du 
vingt-neuf  pluviôse  dudit  an,  ainsi  qu'il  est  signé  par  nous  commissaiie 
chargé  par  le  district  pour  le  rassemblement  des  objels  concernant  les  arts, 
les  sciences  et  l'instruction.  Quand  au  rassemblement  des  livres  dont  il  est 
fait  mention  à  la  dernière  scéance  du  présent  procès-verbal,  non*  recon- 
naissons avoir  possédés  dans  les  entrepôs  du  Collège  la  quantité  desdits 
3,370  volumes,  à  l'effet  de  débarasser  la  maison  du  ciloyen  Moreau, 
jusqu'à  ce  que  l'administration  du  district  ait  préposé  un  bihliothéquaire 
chargé  de  cette  partie  d'instruction,  lequel  bihliothéquaire  a  depuis  fait 
l'enlèvement  desdils  livres,  dont  le  citoyen  Lenot  n'en  avoit  point  eu 
charge  avec  désignation  particulière,  si  ce  n'est  en  nombre  total,  lequel 
nombre  a  été  enlevé  par  le  citoyen  Galand,  bihliothéquaire,  après  avoir 


U.ME    ASSOMPTIOM    DE    FRANÇOIS    LEMOYXE.  630 

été  reconnu  et  linihré  par  les  riloycns  commissaires  préposés  par  le  cotn- 
mité  de  surveillance,  ce  (|ui  sert  au  citoyen  Lenot  de  décharge.  A  Mâcori, 
ce  18  floréal  l'an  2  de  la  République  Irançoise,  une  et  indivisible. 

Signé  :  Lexot. 

(Archives  de  Saône-et-Loire,  Q.) 


XXXVIII 

UNE  ASSOMPTION  DE  FRANÇOIS  LEMOYNE 
1718 


L'œuvre  d'un  peintre  étant  naturellement  dispersée,  il  arrive 
qu'un  certain  nombre  de  ses  tableaux  —  avec  les  années  —  finis- 
sent par  être  ou  égarés  ou  ignorés,  inconnus  enfin.  Rendre  à  l'œuvre 
d'un  maître  —  petit  ou  grand  —  un  de  ces  égarés  ou  de  ces 
ignorés,  c'est  rendre  à  la  mémoire  de  Tartiste  et  à  notre  trésor 
artistique  un  service  signalé,  croyons-nous.  Mais  faut-il  encore 
qu'un  basard  beureux  nous  en  fournisse  l'occasion.  C'est  à  lui  que 
j'ai  dû  de  restituer  il  y  a  trois  ans,  à  l'œuvre  de  Sigalon  un 
superbe  Christ  en  croix.  C'est  encore  à  lui  que  je  dois,  aujour- 
d'hui, de  rendre  à  l'œuvre  de  François  Lemoyne  une  Assomption 
charmante,  bien  signée,  bien  datée,  et  dont  on  ne  rencontre 
mention  aucune  dans  la  liste  —  fort  incomplète  du  reste  —  dont 
le  comte  de  Caylus  a  fait  suivre  l'éloge  qu'il  lut  de  Lemoyne  à 
l'Académie,  le  6  juillet  1748.  Ce  tableau  a  une  histoire  curieuse 
comme  une  anecdote  du  dix-huitième  siècle,  et  il  a  fallu,  pour  la 
connaître  et  la  reconstituer,  quelques  lambeaux  d'un  Répertoire 
d'abhaye  heureusement  enfoui  dans  les  Minutes  d'un  notaire  de 
campagne.  Sur  ce  Répertoire,  on  avait  consigné,  pêle-mêle,  des 
chiffres  de  redevances  et  quelques  notes  de  mémento;  nous  en 
reparlerons. 

A  propos  de  François  Lemoyne,  je  lis  dans  un  auteur  autorisé  : 


640  UNE    ASSOMPTION    DE    FRANÇOIS    LE  MO Y NE. 

«  Ses  tableaux  de  chevalet  sont  assez  rares  v  puis,  dans  un  auteur 
plus  autorisé  encore,  Paul  Mantz  :  «  Il  peignit  beaucoup  de 
tableaux  de  chevalet;  beaucoup  sont  perdus,  et  il  ne  nous  paraît 
pas  impossible  de  les  retrouver.  »  Paul  Mantz  avait  raison,  puisque 
je  viens  d'en  retrouver  un,  et  si  on  les  a  crus  rares,  c'est  qu'ils  sont 
encore,  pour  la  plupart,  ignorés.  François  Le  Moyne,  en  deux 
mots  et  avec  un  y,  ou  Lemoyne  en  un  seul  mot  ou  Lemoine  en 
deux  mots  ou  en  un  seul  mot  sans  y  —  car  on  retrouve  toutes  ces 
signatures  dans  son  œuvre  ou  dans  ses  biographies,  François 
Lemoyne  naquit  à  Paris,  en  1688.  Son  père,  Michel  Lemoyne, 
était  postillon  de  la  maison  du  roi.  Il  mourut;  son  fils  n'avait  que 
cinq  ans.  Sa  mère,  Françoise  Dauvin  —  dont  nous  retrouverons 
bientôt  le  minois  agréable  avec  son  nez  en  l'air,  sa  bouche  volup- 
tueuse et  ses  yeux  bien  ouverts  —  se  consola  vite  dans  les  bras 
de  Le  Vrac  de  Tournière,  l'habile  portraitiste  connu  sous  le  nom 
de  Robert  Tournière. 

Après  l'avoir  ainsi  consolée  les  premiers  mois  de  1693,  Tour- 
nière l'épousait  à  la  fin  de  l'année.  L'union  dura,  cahin-caha,  neuf 
ans,    au   bout   desquels,   le    18  mai   1702,  le  Chàtelet  de  Paris 
prononça  une  sentence  de  séparation  «de  biens  et  d'habitation  » 
entre  Robert  Le  Vrac  et  Françoise  Dauvin. 

Nous  allons  maintenant,  messieurs,  et  il  le  faut,  procéder 
rapidement  par  dates  avec  François  Lemoyne. 

En  1701,  il  entre  dans  l'atelier  de  Louis  Galloche  qui  eut  son 
fauteuil  à  l'Académie  et  son  jour  de  renom.  Lemoyne  avait  treize 
ans,  et,  conduit  par  Galloche  à  la  campagne,  il  a  appris  de  lui 
qu'il  y  a  une  nature  que  l'on  peut  étudier  et  dont  on  peut  s'in- 
spirer. Galloche  se  trouvait  être  un  «  révolutionnaire  »   sournois. 

En  1707,  à  dix-neuf  ans,  Lemoyne  remporte  un  prix  de  dessin 
à  l'Académie  royale,  et,  en  1711,  à  vingt-trois  ans,  le  grand  prix 
de  peinture  avec  le  sujet  donné  :  Ruth  et  Booz.  En  1716  seule- 
ment, il  fut  agréé  à  l'Académie,  et,  en  1718,  le  30  juillet,  reçu 
comme  membre  avec  Hercule  assommant  Cacus  pour  morceau 
de  réception.  Il  avait  trente  ans. 

François  Lemoyne,  jusqu'ici,  peint  dans  les  teintes  roussies,  sinon 
brûlées  la  couleur  à  la  mode  dans  la  peinture  d'alors.  Dans  l'agi- 
tation des  lignes,  maintenues  académiques  autant  que  possible, 
on  peut  pressentir  la  légèreté  et  le  caprice  de  l'Ecole  qui  va  suivre. 


U\È    ASSO\IPTIO\    DE    FilAIVÇOiS    LEMOV\E  6 il 

Dans  l'allure  mouvementée  et  le  style  des  Anges  voltigeanls  de 
sps  peintures  religieuses,  on  devine  les  petits  Amours  de  Boucher; 
ils  sentent  déjà  le  fagot  des  autels  de  Cyllièrc. 

J'ai  dit  :  «  peintures  religieuses  »,  car,  à  la  première  source, 
la. source  académiqne  de  ses  inspirations,  la  mythologie,  François 
Lemoyne  résolut  d'en  ajouter  une  seconde  :  la  peinture  religieuse. 
Comme  la  plupart  de  ses  contemporains,  il  s'imagina  qu'il  y 
réussirait  tout  aussi  bien.  C'est  pourquoi,  avec  une  interprétation 
inexacte  des  sujets  sacrés,  avec  du  brio,  de  l'invention  pittoresque, 
du  fracas  dans  les  draperies^  du  dégingandement  dans  les  person- 
nages, comme  les  autres  toujours,  Lemoyne  arriva  à  faire  des 
machines  dont  le  sentiment  religieux  est  absent.  Eh  bien,  c'est  ce 
qu'aimaient  pourtant  et  demandaient  surtout  les  gens  d'église. 

François  Lemoyne  avait  déjà  exécuté  de  la  sorte  un  Saint  Jean- 
Baptiste  dans  le  désert  pour  l'église  Saint-Euslache  à  Paris,  une 
Tentation  qui  se  trouve  aujourd'hui  dans  une  église  près  d'Amiens 
et  une  autre  datée  de  1715,  puis  les,  X oc  es  de  Cana  et  la.  Pro- 
messe de  l'Eucharistie  (1717)  et  le  Baptême  de  Notre-Seigneur 
dans  le  Jourdain  (1717),  tous  trois  actuellement  dans  la  cathé- 
ilrale  de  Sens.  11  avait  peint  ces  tableaux  religieux  tout  au  moins 
et  bien  d'autres  probablement,  quand  arriva  l'année  1718,  celle 
où  il  fut  reçu  académicien. 

Les  artistes  avaient  alors  des  protecteurs  aussi  riches  que  nobles. 
Celui  de  François  Lemoyne  était  le  duc  d'Antin,  fils  légitime  du 
marquis  et  de  la  marquise  de  Montespan,  l'homme  par  excellence 
doux,  liant,  plein  de  ressources  et  d'esprit,  de  finesse  et  de  sou- 
plesse, le  type  du  parfait  courtisan,  et  dont  il  faut,  dans  les 
Mémoires  de  Saint-Simon,  lire  à  l'adresse  de  Louis  XIV  les 
courtisaneries  dignes  des  Mille  et  une  Nuits.  . 

Le  duc  d'Antin,  très  fort  auprès  du  trône  et  de  sa  situation  fausse 
et  de  celle  si  délicate  de  sa  mère,  avait  été  successivement  colonel 
du  régiment  de  l'Ile-de-France,  lieutenant  général,  gouverneur 
d'Alsace,  et  était,  en  1718,  directeur  général  des  Bâtiments,  donc 
le  dispensateur  des  faveurs  royales  et  des  commandes  officielles. 
Les  Montespan  et  les  La  Roche-Aymon,  les  uns  et  les  autres  de 
la  province  d'Aquitaine,  étaient  depuis  des  siècles  liés  d'amitié. 
Aussi,  lorsque  Claude  de  la  Roche-Aymon,  grand  vicaire  deMende 
sous  Mgr  de   Bauciry  de  Prencors,  son  oncle,  fils  d'Antoine  de 

41 


642  UIVE    ASSOMPTION    DE    FRANÇOIS    LEAIOVXE. 

la  Roche-Aymon  et  de  Marie  de  Lusignan,  fut  sacré  évêque  du 
l'uy,  le  22  juin  1704,  dans  la  chapelle  du  Séminaire  de  Saint- 
Sulpice,  par  Algr  de  IJerclières,  archevêque  de  Narbonne,  le  duc 
d'Antin  était-il  présent.  L'évêque  du  Puy  alla  prendre  aussitôt 
possession  de  son  siège,  où,  simple,  modeste  et  de  conscience  fort 
scrupuleuse,  il  devint  un  grand  sujet  d'édification  pour  le  popu- 
laire i\e  son  diocèse. 

Nous  n'en  avons  pas  encore  fini,  messieurs;  tout  cela  est  fort 
long,  mais  tout  cela  est  utile,  comme  on  le  verra  bientôt. 

Or,  à  quelques  lieues  du  Puy  s'étendait  le  mandement  de  Saint- 
Julien  Chapteuil  avec  le  château  de  Chapteuil,  berceau  de  Pons  de 
Capdeuil,  le  troubadour  d'Azelaïde  de  Mercœur  et  de  la  première 
croisade. 

Les  évéques  du  Puy,  en  qualité  de  comtes  du  V  elay  et  en  vertu 
d'une  sorte  de  promesse  testamentaire  de  1240,  étaient  posses- 
seurs du  château,  recevaient  les  hommages  des  fiefs  et  terres  de  la 
baronnie  et  y  exerçaient  les  droits  de  justice.  Mais  à  Saint-Julien 
Chapteuil  se  trouvait  aussi  un  important  prieuré  de  Bénédictins 
qui  relevait  directement  de  la  puissante  et  riche  abbaye  de  la 
Chaise-Dieu  fondée,  en  l'an  1000,  par  saint  Robert,  et  le  prieur  et 
l'évêque  avaient  souvent  maille  à  partir  sur  les  limites  de  leurs 
droits  respectifs. 

En  1717,  le  prieuré  avait  pour  titulaire  dom  Placide  Ardanf, 
prêtre  religieux  de  l'abbaye  bénédictine  de  Saint-Jouin  de  Marnes 
en  Poitou.  Ardant  de  nom  et  de  fait,  c'était  un  assez  mauvais 
coucheur,  à  ce  qu'il  paraît,  et  il  plaidait,  précisément  alors,  devant 
le  Parlement  de  Toulouse,  contre  les  habitants  de  Saint-Julien 
Chapteuil,  prétendant  lever  la  dîme  à  la  gerbe,  tandis  que  les 
hommes  du  mandement  excipaient  d'un  droit  de  cotisation  fixe. 
A  tout  ceci,  Mgr  l'évêque  du  Puy  si  simple  et  si  doux,  un  peu 
pusillanime  aussi,  je  crois,  se  trouvait-il  mêlé,  et  dom  Placide 
Ardant  lui  faisait-il  grand'peur?  Le  fait  est  qu'il  s'imagina  de 
donner  en  présent,  au  prieuré  de  Saint-Julien  Chapteuil,  un  beau 
tableau,  et  il  en  écrivit,  à  Paris,  au  duc  d'Antin,  lui  demandant 
qu'il  lui  fît  exécuter  une  Assomption  \ 

François  Lemoyne  était  le  protégé  du  duc  d'Antin,  on  l'a  vu,  et 

'  Voir,  ci-contre,  planche  XLIII. 


riàlicl.r-    XLI 


A  s  s  o  M  I'  r  I  0  \ 

r'Ait    FiiAvcois    i,i:m()i  VK    —    1  1  !  X 
(Kgiise  St-Jiilieii-Cliiipleuil  —  Il.iute-l.oiri-. 


Paye    ii'r'. 


l\E    ASSOMPTIOX    DE    FUAXÇOIS    LEMOY\E.  6i:i 

ce  fut  lui  queleiliic  chirgea  de  cette  cnmmamle.  Le  peintre  se  mil  à 
l'œuvre  et,  l'œuvre  terminée,  la  signa  avec  pi\vi\(e  F.  Lemoine  1718. 

Celte  Assomption  a  deux  mètres  de  haut  sur  1  mètre  30  de 
large. 

La  l  ierge  s'élève  bien  vers  le  Ciel,  dans  un  mouvement  d'as- 
cension un  peu  tourmenté.  Le  visage  en  haut  et  les  mains  jointes, 
elle  ressent  une  joie  plus  mondaine  peut-être  que  céleste,  mais 
qui  suffit,  dans  tous  les  cas,  à  donner  à  son  visage  la  grâce 
habituelle  aux  femmes  de  Lemoyne  :  le  maniérisme  italien  légère^ 
ment  francisé.  Elle  est  posée  avec  quelque  recherche,  et  ses  dra- 
peries sont  précieusement  arrangées.  En  ce  genre,  le  voile  de  la 
tète  nous  semble  une  trouvaille;  mais  «  ce  minois  agréable  avec 
son  nez  en  l'air,  sa  bouche  voluptueuse  et  ses  yeux  bien  ouverts  »  , 
nous  est  connu,  et  c'est,  en  effet,  celui  de  la  mère  du  peintre  : 
Françoise  Dauvin,  que  Lemoyne,  très  bon  fils,  avait  recueillie 
chez  lui  sit(jt  qu'il  gagna  un  peu  d'argent.  Il  prit  comme  modèle 
la  tète  de  sa  mère,  selon  sa  tendance  à  s'inspirer  de  la  nature, 
quoique  à  sa  façon,  et  ainsi  que  le  révèle  un  lambeau  du  Réper- 
toire de  dom  Placide  Ardant,  sans  doute. 

Voilà  pourquoi  cette  madone  ressemble  à  une  appétissante 
bourgeoise  de  la  rue  des  Bons-Enfants  où  habitait  le  peintre. 

La  Vierge  est  d'une  tonalité  fraîche  et  rose,  modelée  dans  le 
clair:  la  tête  un  peu  ouatée,  un  peu  molle,  se  détache  sur  le  ciel 
d'un  gris  délicat,  rompu  par  des  touches  de  nuages  vaporeux, 
lumineux  et  un  tantinet  roussis.  La  robe  est  d'un  rose  tout  à  la 
fois  légèrement  brossé  et  largement  peint.  Le  manteau  est  d'un 
bleu  très  harmonieux  et  très  doux. 

Au  front  et  aux  pieds  de  la  Vierge,  deux  groupes  de  trois 
angelots  chacun-,  les  uns,  à  la  tête  ailée,  rient  à  la  Madone;  les 
autres,  au  corps  nu,  se  meuvent,  les  derniers  surtout,  dans  une 
variété  de  postures  charmantes;  certain  est  couché,  à  plat  dos,  sur 
des  roses  et  des  nuées,  dont  la  teinte  gris  sombre  repousse  à  mer- 
veille le  modelé  habile  de  ces  délicates  carnations  enfantines.  Une 
guirlande  de  roses  retombe  de  celte  couche  fleurie  et  aérienne. 
.Mettez  entre  les  mains  de  ces  angelots  des  arcs  ou  des  colombes,  et 
vous  aurez  les  Amours  potelés  et  roses  de  Boucher,  dont  Lemoyne 
fut  le  maître. 

Au  bas  du  tableau  est  indiqué,  tout  à  fait  comme  accessoire, 


644  U\E    ASSOMPTIOX    DE    FRAXÇOIS    LEMOYXE. 

le  tombeau  ouvert  de  Ja  Vierge  dans  lequel  ne  restent  plus  qu'un 
bout  de  linceul  et  des  touffes  de  roses,  selon  la  tradition.  Toutes 
les  roses  de  cette  Assoniptioîi  sont  d'une  admirable  fraîcheur  de 
tonalité.  C'est  sous  le  tombeau  que  se  trouvent  la  signature  et  la 
date. 

La  note  agréable,  que  Lemoyne  a  toujours  cherchée,  se  trouve 
dans  ce  tableau.  Tout  cela  n'est  peut-être  pas  irréprochable  de 
dessin,  mais  c'est  plein  de  charme  et  de  saveur,  d'harmonie 
discrète  et  transparente,  le  coloris  étant  formé  de  tons  adoucis  et 
fondus.  Lemoyne  avait,  en  réalité,  beaucoup  de  talent  et  pas  mal 
de  défauts,  mais  ceux-ci  appartiennent  au  siècle  où  il  a  vécu. 

Et,  ici,  je  dois  vous  communiquer  une  remarque  assez  curieuse 
que  j'ai  pu  et  dû  iaire  ;  c'est  que  François  Lemoyne,  qui  s'était 
mis  à  peindre  à  la  fois  le  mythologique  et  le  religieux,  avait 
consciemment  ou  inconsciemment  deux  palettes  différentes  au 
service  de  l'Olympe  et  du  Paradis.  Les  fameux  tons  roussis  et 
amortis  apparlenaient  au  premier,  et  les  tons  roses  éclatants,  qu'il 
introduisit  du  reste  dans  l'école  française,  étaient  réservés  aux 
sujets  religieux.  Lemoyne  est  bien  le  père  de  ce  fameux  rayon 
rose  qui,  depuis,  fit  tant  de  ravages. 

Dans  V Assomption,  qu'il  peignit  en  1731  à  Saint-Sulpice  à  la 
coupole  de  la  chapelle  de  la  Vierge,  et  dont  l'esquisse  existe 
encore,  les  deux  palettes  sont  en  présence,  et,  tandis  que  la 
Vierge  monte  vers  le  Ciel  dans  les  mêmes  draperies  roses  et 
bleues  de  celle  de  1718,  la  foule  autour,  qui  la  contemple  de  la 
terre,  reste  dans  les  tons  de  sa  palette  mythologique. 

IVous  allons  maintenant  et  rapidement  rappeler  encore  quelques 
dates  :  1723,  le  voyage  de  François  Lemoyne  en  Italie  avec  un 
ami  du  duc  d'Antin,  le  sieur  Berger,  Receveur  général  des 
finances  du  Dauphiné  et  grand  connaisseur  en  Beaux-Arts;  1730, 
où  il  se  marie  et  épouse  la  sœur  d'un  de  ses  collègues  à  l'Aca- 
démie; 1732,  où  il  commence  son  immense  plafond  de  V Apothéose 
d'Hercule  à  Versailles,  avec  ses  cent  quarante-deux  personnages 
plus  grands  que  nature,  et  1733,  où  l'Académie  le  nomme  pro- 
fesseur et  où  il  perd  sa  femme.  En  1736,  le  plafond  de  Versailles 
terminé,  il  est  nommé  premier  peintre  du  roi  Louis  XV  et  reçoit 
une  pension  de  trois  mille  cinq  cents  livres. 

François  Lemoyne  était  ambitieux,  inquiet,  jaloux,  caustique  à 


U.\E    ASSOMPTIOX    DE    Fil  A\' COIS    LE\10Y\E.  C45 

l'encontro  de  ses  confrères  et  même  ses  amis.  En  173G,  tous  ces 
défauts  s'exagèrent;  il  a  perdu  sa  femme  trois  ans  auparavant;  le 
H  novembre,  est  mort  le  duc  d'Antin  son  protecteur;  et  ces  deux 
malheurs  l'ont  profondément  alfecté.  Comme  premier  peintre  du 
roi,  il  ne  croit  pas  jouir  de  toutes  les  faveurs  dont  Ch.  Le  Brun 
avait  joui  sous  Louis  XIV,  et  il  crie  à  l'injustice.  De  plus,  sept 
années  passées  dans  des  postures  renversées,  à  peindre  la  coupole 
de  Saint-Sulpice,  le  plafond  de  Versailles,  ont  eu  sur  sa  santé  des 
influences  fâcheuses.  Il  tombe  dans  une  mélancolie  noire,  d'où  il 
ne  sort  que  par  des  égarements,  et  c'est  alors  qu'il  s'imagine  avoir 
offensé,  de  ses  plaintes,  le  ministre  cardinal  Fleury  et  être  pour- 
suivi de  ce  chef  par  les  archers  chargés  de  le  conduire  à  la 
Bastille. 

C'est  alors  aussi  qu'il  fait  écrire  par  son  élève  Nonotte  au 
prieuré  de  Saint-Julien  Chapteuil  ;  je  déchiffre  en  effet  sur  un  bout 
de  feuillet  du  Répertoire  :  «  Monsieur  Xonotte  nous  mande  de  la 
part  de  Alonsieur  Lemoine,  pour  que  soit  lacérée  ou  brûlée  la 
Vierge  Marie  dont  .Monsieur  l'évêque  de  la  Roche-Aymon  a  fait  don 
au  prieuré  en  1718.  » 

•'  M.  Lemoyne,  dément,  prétend  qu'il  fut  sacrilège  de  portraire  sa 
mère,  et  que,  pour  ce,  sa  mère  souffre  dans  les  flammes  du  Purga- 
toire. \ous  prions  pour  lui.  d  Dès  cette  époque,  Lemoyne  ne 
composait  que  des  scènes  tragiques  et  ne  se  faisait  lire  que  des 
suicides  historiques;  chaque  fois  :  a  Voilà  une  belle  mort!  t 
s'exclamait-il.  Lemoyne  habitait  la  rue  des  Bons-Enfants,  du  nom 
des  escholiers  qui  s'y  trouvaient.  Au  deuxième  était  son  atelier,  où 
chaque  matin,  à  neuf  heures,  il  montait  visiter  ses  élèves  et  ses 
aides,  pour  lesquels  il  était  très  doux  et  serviable. 

Un  jour,  il  achevait  en  grisaille  un  dessin  pour  la  thèse  de 
M.  l'abbé  de  Ventadour,  dont  un  des  grands  oncles  avait  été  évéque 
du  Puy,  quand  M.  Berger,  son  ami,  vint  frapper  à  sa  porte  à 
l'étage  au-dessous  de  son  atelier,  pour  le  conduire  a  la  campagne; 
il  frappe,  refrappe,  rien.  Il  entend  enfin  qu'on  se  traîne  cierrière 
la  porte;  on  en  tire  le  verrou  :  l'artiste  apparaît  alors,  inondé  de 
sang,  et  tombe  dans  les  bras  de  son  visiteur.  Il  avait  cru  à  l'arrivée 
des  archers  et  s'était  percé  de  neuf  coups  d'épée,  sans  pousser  un 
cri  ;  il  avait  quarante-neuf  ans. 

Lemoyne  fut  le  plus  élevé,  le  plus  noble  des  peintres  de  Louis  XV 


646  LAE    ASSOMPTIGX    DK    FRAX'COIS    L  E  M  0  Y  \  E  . 

qui  se  risquèrent  à  regarder  un  peu  du  cùté  de  la  nature  et  à  faire 
du  style  avec.  Il  eut  une  Ecole,  et  parmi  ses  élèves  furent  Bouclier, 
Natoire  et  IVonotte,  peintre  de  portraits,  qui  l'aida  à  Saint-Sulpice, 
à  Versailles,  et  écrivit  de  lui  une  vie  encore  manuscrite. 

Je  n'ai  plus  retrouvé  mention  de  sa  mère.  Elle  était  morte  avant 
lui.  Le  bon  et  pieux  évèque  de  la  Roclie-Aymon,  en  juillet  1720, 
avait  été  enterré  exceptionnellement  dans  le  cloître  de  Xotre- 
Dame  du  Puy,  à  cause  de  ses  vertus. 

Levrac  Tournières,  lui,  ne  mourut  qu'en  1752  à  Caen,  et  à 
Vàç\e  de  quatre-vingt-quatre  ans,  peintre  ordinaire  du  Roy. 

Les  mentions  des  lambeaux  du  Répertoire  sont  de  la  même 
écriture  ferme  et  à  crocliets  de  dom  Placide  Ardant,  j'en  jurerais. 
Aucun  autre  document  pour  nous  guider,  les  incendies  au  Puy  et 
à  Saint-Julien  Cbapteuil  ayant  détruit  les  archives  de  l'évêcbé  et 
du  prieuré. 

Avant  la  Révolution,  les  moines,  en  très  petit  nombre  déjà, 
avaient  quitté  le  prieuré  de  Saint-Julien  Cliapteuil.  La  commune 
acheta  l'église  romano-byzantine  et  son  mobilier.  La  Révolution 
vint,  h' Assomption  de  Lemoyne  fut  sans  doute  cachée  chez  quel- 
que bonne  àme  de  la  paroisse,  car  le  cadre,  qui  devait  être  encom- 
brant, manque;  et  ce  tableau  est  revenu  — personne  ne  se  rappelle 
quand  et  comment  —  reprendre  sa  place  dans  la  vieille  église 
modernisée  où,  d'instinct  et  à  distance,  les  touristes  l'ont  toujours 
beaucoup  admiré.  Si,  pour  confirmer  cette  admiration,  il  suffit  d'un 
nom,  le  voici,  et  si,  comme  le  disait  le  Poussin,  «  la  fin  de  la 
peinture  est  la  délectation  ^ ,  je  vous  assure,  messieurs,  qu'il  y  a 
plaisir  délectable  à  contempler  V Assomption  de  François  Lemoyne. 

Léon  Gmoiv, 

Membre  non  résidant  du  Comité  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départe- 
ments, au  Puy. 


IV    PORTRAIT    DE    LOUIS    XIII    AVEC    ALLEGORIES.  647 


XXXIX 

UN  PORTRAIT   DE  LOUIS  XIII 

AVEC   ALLÉGORIES 

DESSUS    DE    CHEMIMÉE    PROVEIVA\'T    DE    l'HOTEL    DE    VILLE 
DE    REIMS    ET    PLACÉ    AU    MUSÉE    EM    1897 

Une  coutume  usitée  de  temps  immémorial  en  France  u  été  de 
placer  le  portrait  du  roi,  comme  chef  souverain  de  l'Etat,  dans 
l'endroit  le  plus  apparent  de  Tliôtel  commun  ou  de  l'échevinage 
de  nos  vieilles  cités.  Les  monarques  du  dix-neuvième  siècle,  comme 
nos  présidents  actuels  de  la  République,  ont  eu  le  même  honneur, 
mais  leurs  effigies,  tableaux  ou  bustes,  se  trouvent  maintenant  re- 
légués dans  les  combles,  où  ils  furent  successivement  montés  après 
les  anciens  rois,  à  chaque  changement  de  régime.  Une  visite  à  ces 
majestés  du  passé,  déchues  ou  exilées,  à  ces  hautes  célébrités 
nationales  abritées  sous  les  toits,  ne  manque  pas  de  curiosité,  et 
parfois  provoque  la  découverte  d'une  œuvre  d'art,  d'un  panneau 
vraiment  historique  et  digne  d'être  nettoyé  et  remis  en  lumière. 

Tel  est  le  cas,  en  ce  qui  concerne  l'Hôtel  de  ville  et  le  Musée  de 
Reims,  d'un  portrait  du  roi  Louis  XIII,  peint  vers  1636  sur  un 
large  panneau  décoratif,  historié  d'emblèmes,  d'allégories  et  de 
scènes  multiples  retraçant  les  principaux  événements  de  son  règne. 
Ce  panneau,  plus  intéressant  par  ses  inscriptions  et  ses  trophées 
que  par  sa  valeur  intrinsèque  et  artistique,  était  vraisemblablement 
destiné  à  l'origine  à  orner  le  manteau  de  la  cheminée  delà  salle  du 
conseil  ou  de  la  salle  des  fêtes  du  palais  municipal.  Il  y  figura 
sans  doute  longtemps,  mais  il  dut  céder  la  place  à  des  décorations 
nouvelles,  probablement  même  avant  la  Révolution,  car  il  fut  re- 
monté de  longue  date  au  sommet  d'un  pavillon,  dans  l'escalier 
obscur  d'un  grenier,  près  du  local  affecté  de  nos  jours  aux  archives. 
On  l'y  oublia  dans  les  temps  révolutionnaires,  alors  que  l'on  brisait 
la  figure  équestre  du  même  roi  Louis  le  Juste,  qui  se  détachait  du 


648  U.\    POUTIl.ilT    DE    LOUIS    XÏII    AVEC    ALLEGORIES. 

frontispice  extérieur  de  la  façade  '.  Le  tableau  resta  sauf,  mais  rien 
ne  permet  de  fixer  son  emplacement  primitif,  toutes  les  anciennes 
cheminées  de  l'Hôtel  de  ville  ayant  disparu  à  tous  les  étages. 

La  construction  et  la  décoration  de  l'Hôtel  de  ville  de  Reims,  de 
1627  à  1636,  furent  un  fait  important  dans  l'histoire  de  la  cité,  en 
même  temps  qu'une  phase  glorieuse  pour  les  architectes  et  les 
artistes  locaux.  \ous  n'avons  pas  à  retracer  ici  cette  période  de 
laborieux  efforts,  qui  aboutit  à  l'exécution  des  plans  pour  la  moitié 
de  la  façade  principale  et  pour  la  partie  centrale  avec  le  dôme, 
formant  l'entrée  et  le  vestibule  d'honneur.  Ces  détails  ont  été  déjà 
relevés  avec  le  nom  du  maître  maçon,  Jean  Bonhomme,  qui  dirigea 
l'entreprise  et  fut  le  véritable  architecte  du  monument  achevé  seu- 
lement de  nos  jours  à  deux  reprises,  en  1825  et  en  1875  '. 

11  ne  subsiste  plus  à  l'intérieur  de  l'édifice  aucune  des  décora- 
tions primitives,  et  la  seule  portion  ancienne  dans  les  apparte- 
ments modernisés  est  une  riche  boiserie  du  dix-huitième  siècle. 
Au  cours  des  travaux  récents  d'embellissement,  on  retrouva  les 
traces  des  peintures  murales  dans  le  plus  pur  style  Louis  XllI  qui 
embellissaient  les  murailles,  imitant  les  tentures  et  les  tapisseries 
que  les  magistrats  municipaux  ne  pouvaient  sans  doute  pas  acquérir. 
Tous  ces  motifs  si  remarquables  dans  le  goût  du  temps  ont  été  re- 
produits, avec  de  superbes  planches  d'architecture  gravées  par 
R.  Pfnor  d'après  les  dessins  d'Eugène  Leblan,  dans  un  ouvrage 
monumental  encore  peu  connu  et  malheureusement  inachevé^, 

\^e  pouvant  remplacer  notre  vieux  panneau  dans  son  cadre  et  à 
son  lieu  primitif,  les  anciennes  cheminées  n'ayant  laissé  aucun 
vestige,  force  nous  est  de  le  décrire  comme  un  tableau  de  musée. 
Il  y  perdra  beaucoup  de  sa  valeur  décorative,  car  il  était  brossé 
pour  être  vu  en  hauteur,  entre  des  ornements  sculptés  en  saillie 
dont  il  formait  le  complément.  Nous  ne  pouvons,  à  cet  égard,  que 


'  H.  Jadart,  Les  statues  de  Reims  en  1888.  Reims,  1888,  p.  16  à  18,  avec 
Notice  sur  In  statue  de  Louis  XIII,  sculptée  par  I\J.  Jacques  en  1636. 

*  Jean  Bonhomme,  architecte  de  l'Hôtel  de  ville  de  Reims,  1627-1634.  Notice 
avec  les  documents  originaux,  communiqués  à  l'Académie  de  Reims  et  publiés 
dans  le  t.  XCV  des  Travaux  de  cette  Société  en  1895. 

^  Eugène  Lebla\,  Les  monu7nents  historiques  de  la  ville  de  Reims,  au  point  de 
vue  de  l'art  et  de  la  construction.  10  fascicules  iu-fol.  avec  texte  descriptif, 
planches  gravées  et  bois  dans  le  te.\te.  —  Paris,  Imprimeries  réunies,  Motteroz, 
1881-1882.  Les  deux  premiers  fascicules  sont  relatifs  à  l'Hôtel  de  ville. 


U\     F' OR  IRAIT    DE    1,0  1  IS    Mil    AVEC    ALLEGORIES.  (i.O 

le  inpprorliei"  de  laiiho  fi;{iire  de  Louis  XIII,  dont  nous  parlions 
plus  haut,  celle  qu'avait  taillée  Xicolas  Jacques  au-dessus  de  l'entrée 
principale  et  de  la  fastueuse  dédicace  composée  par  \icolas  Ber- 
gier,  l'antiquaire  rémois  bien  connu,  et  reproduite  de  nos  jours  : 

LVDOVICO  •  luSTO 

Pio  •  VicTORi  •  Clemeivti 
Qvi   Gallorvm  •  Amor  •  Hostivm  •  Terror 

Orbis  •  DeLICI/E 

.-Eté RM  •  Troph.îvm    S  •  P    Q    R  •  PP  • 
.\I .  DC   XXXVI. 

Cette  figure  a  été  brisée  en  1792,  et  remplacée  en  1818  par  une 
autre  de  formes  plus  athlétiques,  due  au  ciseau  d'Aimé  Alilhomme. 
—  La  figure  de  Jacques,  chose  curieuse,  était  un  portrait  que  le 
sculpteur  avait  dû  prendre  ad  vivum  dans  un  voyage  spécial  à 
Paris'.  Le  peintre,  dont  nous  ignorons  le  nom,  qui  fut  chargé  pro- 
bablement à  la  même  époque  de  reproduire  à  l'intérieur  les  traits 
du  souverain,  dut-il  aussi  s'inspirer  d'un  modèle  vivant?  Il  est 
certain  qu'il  y  eut  quelque  analogie  dans  les  deux  travaux,  et  qu'il 
serait  intéressant  de  les  comparer  si  l'œuvre  sculptée  existait  encore. 

A  défaut  de  ce  monument,  nous  devons  conclure  simplement 
(|ue  le  roi  était  représenté  au  dehors  du  palais  comme  le  monarque 
victorieux  des  ennemis  de  la  France,  figurés  par  deux  captifs  en- 
chaînés-, et  qu'il  apparaissait  au  dedans  comme  le  prince  pacifica- 
teur des  troubles  civils  et  religieux,  le  vainqueur  de  la  Rochelle 
et  du  parti  protestant.  L'imagination  de  l'artiste,  aidé  peut-être 
du  talent  d'épigraphiste  de  Bergier  ou  de  Baussonnet,  se  complut  à 
l'entourer  de  scènes  réelles  ou  fictives  et  d'allusions  transparentes, 
relevées  de  citations  et  de  textes  traduisant  l'opinion  du  temps  sur 


'  Sur  les  conseils  de  AL  de  Sourdis,  X.  Jacques  est  envoyé  à  Paris  pour  pren- 
dre modèle  de  cette  efûgie.  Conclusions  du  conseil  de  ville  de  Reims,  du  24  juil- 
let 1634.  —  Cf.  H.  J.iDART,  Les  Jacques,  sculpteurs  rémois.  Paris,  1890,  p.  8, 
27.  Extrait  du  volume  de  la  Réunion  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départe- 
ments, à  Paris,  en  1890. 

-  Le  Rotj  triomphant  ou  la  statue  équestre  de  i invincible  monarque  Louijs  le 
luste,  XIII  du  nom,  Roif  de  France  et  de  Xnvarre,  posée  sur  le  front  de  l'Hostel- 
de-l'ille  de  Reims,  à  la  gloire  de  Sa  Majesté,  l'an  .UDCXXXl'I,  par  feu  M.  René 
DE  La  Chkze,  Rémois.  —  Reims,  Fr.  Bernard,  16o7,  iu-4"  avec  planclie  gravée 
donnant  une  vue  de  cette  statue,  signée  :  E  Moreau  fecit  et  ex. 


«iJO  U.\"    P  OUTRAIT    DK    LOUIS    XIII    AVEC    A  I,  L  K  G  0  RIE  S. 

ces  victoires  dues  au  génie  de  Richelieu.  Il  nous  reste  à  décrire  ces 
allégories  reproduites  sur  la  planche  annexe  '. 

Le  panneau  en  hois,  de  forme  ohlongue,  est  formé  de  planches 
assemblées  et  aplanies  au  rabot.  Sa  hauteur  est  de  l'",25  et  sa  lar- 
geur de  1™,55,  dimensions  en  rapport  avec  le  cadre  surmontant 
habituellement  les  anciennes  cheminées  -.  La  peinture  offre  un 
mélange  de  couleurs  vives  et  de  grisailles  dans  les  encadrements. 

Au  milieu,  dans  un  cartouche  ovale,  se  détache  le  portrait  de 
Louis  XHI,  à  mi-corps,  la  tête  nue,  vêtu  en  guerrier  avec  colle- 
rette, tenant  un  ibudre  de  la  main  droite  et  un  bouclier  fleurdelisé 
de  la  main  gauche  ^  Sous  le  bouclier  se  trouve  une  sorte  de  symbole 
religieux  qu'il  protège  et  qui  repose  sur  une  table  recouverte  d'un 
tapis  rouge.  Le  symbole  se  compose  d'une  statue  de  femme,  la 
Religion  catholique  tenant  un  calice  surmonté  d'une  hostie  ;  à 
côté,  sur  le  même  socle,  se  dresse  une  petite  croix  en  métal.  Une 
couronne  fermée  et  fleurdelisée  couronne  le  cartouche,  deux  palmes 
montent  sur  les  côtés,  et  une  guirlande  de  feuillages  ainsi  que  des 
attributs  guerriers  décorent  la  base. 

Au  sommet,  se  trouve  le  titre  sur  une  large  draperie  tombante, 
(jue  soutiennent  deux  petits  génies  portant  des  écussons  aux  armes 
de  France  et  de  Xavarre  : 

Lovis  XIII  ROY  DE  France 

Et  de  Navarre  protectevr 

Et  defexsevr  de  la  foy 

Et  relligion  romaine 

De  chaque  côté  de  l'effigie  royale,  se  tiennent  debout  deux 
femmes,  figures  allégoriques,  en  costume  flottant  et  avec  des  attri- 
buts symboliques  :  à  droite  du  roi,  la  Paix,  et,  à  sa  gauche,  la 
Guerre,  l'une  et  l'autre  sur  des  socles  carrés  portant  des  inscrip- 

'  Photograpliie  exécutée  par  M.  Victor  Charlier,  employé  à  la  Bibliothèque  de 
Reims. 

-  Le  Musée  de  Reims  possède  deux  autres  dessus  de  cheminée  fort  remar- 
quables, l'un  sur  toile,  dans  son  cadre  noir  et  or  du  temps,  offrant  plusieurs 
figures,  dont  la  principale  représente  la  muse  tragique  :  TRAGJEDIA,  avec  la 
date  de  1027;  l'autre  sur  bois,  offrant  la  scène  de  lulcain  et  Venus  dans  l'ile 
de  Lemnos,  avec  la  signature  :  Philipes  Millereaii  invantor  et  pinxit,  1609. 
{Catalogue  du  Musée,  1881,  p.  73.) 

'  Voir,  ci-contre,  planche  XLIV. 


U\    PORTRAIT    DE    LOLIS    XIII    AVEC    ALLEGORIES.  631 

tions.  La  Guerre  est  debout  coiffée  d'un  casque,  les  pieds  chaussés, 
lo  bras  droit  levé.  On  lit  au  bas  : 

Et  durât  l'effroij  de  la  Guerre, 
Attacque  aussi  liolamant 
Les  ennemis  du  tout  puissant 
Qu'est  un  gros  chêne  du  Toonerre. 

La  Paix  est  coiffée  d'un  chapeau  de  gendarme;  elle  tient  une 

branche  d'olivier  d'iine  main  et  agile  une  tige  de  lis  de  l'autre.  On 

lit  au  bas  : 

Durant  la  paix  no  sans  raison, 
Xostre  Roy  surnotné  le  Juste, 
Emploije  sa  vertu  auguste 
Au  bien  de  la  Religion. 

Au-dessous  de  l'ovale  contenant  le  portrait,  s'étend  un  cartouche 
oblong  soutenu  par  deux  anges  aux  extrémités.  On  y  a  peint 
le  défilé  d'une  procession  sortant  d'une  église  et  parcourant  une 
place  publique  :  derrière  les  gens  d'église  tenant  des  cierges,  un 
évèque  s'avance  sous  un  dais  tenant  le  Saint  Sacrement,  et  à  la 
suite  marche  seul  le  roi  tenant  un  cierge,  puis  les  seigneurs  de  sa 
cour  qui  le  suivent;  en  avant,  se  tiennent  de  nombreux  assistants 
découverts.  Une  banderole  flotte  au-dessus  de  cette  scène,  offrant 
une  légende  presque  totalement  effacée  et  dont  les  premiers  mots 
semblent  être:  hic  accepit... 

Sur  les  cotés  de  cette  décoration  principale  dont  le  roi  occupe 
le  centre,  se  trouvent  deux  montants  ou  pilastres  avec  socles  et 
chapiteaux,  qui  sont  garnis,  sur  toute  leur  hauteur,  de  cartouches 
offrant  les  scènes  accessoires  allégoriques,  quatre  à  droite,  autant 
à  gauche. 

Sur  le  côté  droit  du  roi,  à  gauche  du  spectateur,  quatre  car- 
touches, avec  scènes  en  couleur,  se  détachent  de  la  base  au  som- 
met des  pilastres  peints  en  grisailles.  Chaque  scène,  dans  chaque 
cartouche,  est  accompagnée  d'une  banderole  portant  un  texte  en 
latin  qui  en  forme  le  commentaire. 

Au  sommet,  le  roi  tout  jeune  présente  une  palme  et  des  cou- 
ronnes en  courant  sur  son  char,  et  la  légende  porte  :  hic  metvxt 

PALMAS    BOXI. 

Au  second  rang,  on  voit  le  pape  assis  sur  son  trône  et  un  clerc 
tenant  près  de  lui  sa  croix;  en  face,  quatre  personnages  dont  l'un 


652  U\    POKTRAIT    DE    LOLIS    XIII    AVEC    ALLEGORIES. 

agenouillé  présente  au  pape  une  croix  à  double  traverse,  une 
mitre,  une  crosse  et  un  chapeau  de  cardinal;  l'autre  personnage  est 
del)out  en  costume  de  gentillioinnie  ;  deux  religieux  le  suivent, 
tenant  des  bourses.  L'inscription  de  la  banderole  supérieure  est 
effacée. 

Au  troisième  rang,  le  roi  siège  sur  son  trône  avec  des  gardes  à 
ses  côtés  ;  en  avant  sont  des  gentilshommes,  les  uns  à  genoux,  les 
autres  debout,  l'un  d'eux  tient  une  épée  nue;  une  banderole  au 
bas  offre  ces  mots  ;  religio  cvlta  florvit. 

Au  quatrième  rang,  le  roi  se  tient  entouré  de  gentilshommes;  au 
fond  se  dressent  une  église  du  côté  droit  et  un  temple  de  l'autre, 
figurant  l'ancienne  religion  et  la  religion  réformée;  le  roi  ordonne 
de  détruire  ce  temple  bâti  en  rotonde;  la  légende  inférieure  est  en 
partie  fruste,  on  n'y  lit  que  le  mot  :  homor... 

Enfin,  sur  le  socle  carré  du  pilastre,  se  déroule  la  cinquième 
scène  qui  représente  le  siège  d'une  ville,  probablement  celui  de 
la  Rochelle  en  1627,  Au  bord  supérieur  de  l'encadrement,  on  lit: 

TELLVRE  PROBITAS  VIMCIT. 

Le  côté  à  gauche  du  roi,  et  à  droite  du  spectateur,  contient  éga- 
lement cinq  scènes  superposées  dans  quatre  cartouches  et  sur  le 
socle  du  pilastre. 

La  scène  du  haut  offre  la  vue  d'un  chevalier  lançant  la  foudre 
sur  des  monstres  qu'il  écrase,  et  on  lit  sur  la  banderole  :  filmina 

REBELLES  SEIVTIVXT. 

Au  second  rang,  apparaît  le  roi  sur  son  trône,  avec  deux  gardes 
à  ses  côtés,  congédiant  quatre  personnages.  On  lit  au-dessus  un 
texte  imparfaitement  conservé  :  immer...  probra. 

Au  troisième  rang,  le  roi,  également  sur  son  trône,  reçoit  l'hom- 
mage de  deux  personnages  i:iclinés  devant  lui  avec  leur  suite.  La 
légende  porte  au-dessous  :  impietas  fvit  coivfligata. 

Au  quatrième  rang,  c'est-à-dire  à  la  base  du  pilastre,  on  voit  le 
siège  d'une  forteresse  et  l'incendie  qui  la  dévore  par  endroits.  Il 
s'agit  sans  doute  encore  de  la  Rochelle,  mais  le  texte  est  illisible. 

La  dernière  scène  garnit  le  socle  inférieur;  c'est  encore  la  vue 
d'un  port  et  d'une  flotte  qui  vient  l'assiéger  ou  qui  retourne 
après  la  victoire,  ce  qu'expliquerait  la  légende  du  bas  si  elle 
n'était  effacée,  sauf  le  dernier  mot MVTAT. 

Des  trophées  d'armes  et  des  faisceaux  de  drapeaux  garnissent 


U\    PORTRAIT    DE    1,0  LIS    XIII    AVEC    ALLEGORIES.  653 

les  intervalles  enlre  les  oartouclies;  on  y  voit  aussi  des  palmes  et 
des  «juirlandcs,  qui  recouvrent  presque  entièrement  le  montant 
des  pilastres. 

Tel  est  dans  ses  détails  les  plus  minutieux  le  tableau  all(';jorique 
des  actions  du  régne  de  Louis  XIII,  surtout  au  re<]ard  des  luttes 
de  la  Cour  contre  les  protestants.  Le  portrait  du  roi,  dont  le  visage 
est  légèrement  dégi'adé,  offre  la  figure  du  monarrjue  à  l'âge  luùr 
et  dans  la  plénitude  de  sa  force,  qui  ne  fut  jamais  qu'éphémère  eu 
réalité  à  cause  de  la  débilité  de  sa  constitution. 

Il  ne  sera  pas  hors  de  propos  de  signaler  en  terminant  les  deux 
autres  portraits  de  Louis  XIII  conservés  au  Musée  de  Reims;  ceux- 
ci  le  représentent  dans  son  enfance  ou  sa  première  jeunesse.  L'un 
est  une  peinture  sur  toile  du  temps  (vers  1G15),  qui  nous  montre 
le  fils  de  Henri  IV'  en  buste,  avec  une  armure  enrichie  d'orne- 
ments en  or,  le  cou  entouré  d'une  grande  fraise,  la  tète  nue  et  la 
chevelure  volante  sur  la  gauche'.  Cette  figure  a  une  grande  ana- 
logie avec  l'autre  portrait  qui  est  un  dessin  également  du  temps, 
offrant  le  jeune  Dauphin  enfant,  vu  presque  de  face,  reproduit 
d'après  Rubens  (galerie  de  Médicis),  selon  les  données  du  cata- 
logue*. 

Ajoutons  encore,  pour  finir  l'iconographie  de  Louis  XIII  à 
Reims,  que  lors  du  sacre,  en  1610,  on  sculpta  la  statue  du  jeune 
monarque  dans  des  conditions  assez  curieuses  et  que  Nicolas  Ber- 
gier  nous  décrit  en  ces  termes:  «  Une  statue  de  pierre  solide,  dit-il, 
faite  en  buste  à  la  façon  des  antiques,  et  représentant  au  plus  près 
que  l'art  de  sculpteur  se  peut  estendre,  la  figure  et  le  visage  du 
roy,  et  à  ceste  fin  avoit  esté  rapporté  de  Paris  un  pourtrait  au 
naturel  de  Sa  Majesté  des  mieux  choisis,  qui  servit  de  modèle  à 
M.  Xicolas  Jacques  qui  en  fut  l'ouvrier '.  »  Il  est  donc  certain  qu'en 
toutes  les  circonstances,  les  échevins  de  Reims  se  plurent  adonner 
la  beauté  et  l'éclat  désirables  aux  portraits  de  Louis  XIII  entrepris 

*  Achetée  en  1846,  figurant  au  catalogue  de  1881  sous  le  n'  26  de  l'l']cole  fran- 
çaise, attribuée  à  Jean  Alartin  (H.  0'",60  ;  L.  ()"',52),  p.  76. 

-  Provient  de  l'ancienne  École  de  dessin.  Portrait  au  crayon  rouge  (liant.  ()'°,J9, 
larg.  O"", 16),  attribution  à  l'école  de  Daniel  Dumonstier,  dans  \e  Catalogue,  1881, 
p.  2T3,  n"  58  des  dessins. 

^  Le  Bouquet  royal  ou  Parterre  des  riches  inventions  qui  ont  servy  à  l'En- 
trée du  Roy  Louis  le  luste  en  sa  ville  de  Reims,  par  .V.  Bergieu.  lleinis,  1637, 
in-'».",  f"  50. 


inà^. 


654  \OTICK    SIK    SERGEXT-MARCE  AL. 

par  leurs  soins  et  à  leuis  Irais,  tant  au  sacre  du  prince  que  clans  la 
décoration  de  leur  somptueux  Hôtel  de  ville. 

Henri  Jadart, 

Membre  non  résidant  du  Comité  des  socié- 
tés des  Beaux-Arts  des  départements  à 
Reims,  Secrétaire  général  de  l'Académie, 
Bibliothécaire  de  la  ville  et  Conservateur 
du  Musée  de  peinture  et  sculpture. 


XL 


NOTICE  SUR   SERGEXT-MARCEAU 

PEIMRE    ET    GRAVEUR 

L'histoire  de  l'art,  comme  celle  de  la  littérature,  nous  présente 
les  spectacles  les  plus  opposés.  Tantôt  nous  voyons  des  talents 
germer  dans  un  milieu  obscur  et  paisible,  se  développer  loin  du 
bruit  de  la  rue  dans  le  jour  de  l'atelier  et  traverser  la  scène  du  monde 
sans  autre  préoccupation  que  l'art  lui-même.  La  gloire  jette  sur 
ces  hommes  privilégiés  l'éclat  bienfaisant  de  ses  rayons,  et,  si  elle 
ne  leur  donne  pas  toujours  la  richesse,  du  moins  elle  pénètre  leur 
âme  d'une  douce  jouissance  et  d'une  intime  satisfaction.  Tantôt  au 
contraire  nous  assistons  à  la  mêlée  turbulente  des  luttes  politiques 
où  des  esprits  enthousiastes  se  jettent  avec  une  ardeur  fébrile,  les 
dirigeant  parfois,  le  plus  souvent  entraînés  par  elles,  en  éprou- 
vant les  contre-coups  violents  et  laissant  à  la  postérité  le  reflet 
puissant  de  leur  époque  dont  l'empreinte  est  marquée  dans  chacun 
de  leurs  actes  publics,  dans  chacune  de  leurs  manifestations  artis- 
tiques, dans  leur  œuvre  tout  entière. 

Certes,  si  nous  recherchions  à  laquelle  de  ces  deux  races 
d'artistes  a  échu  le  vrai  bonheur,  si  nous  avions  à  décider  quels 
sont  ceux  qui  ont  pu  cueillir  avec  le  pins  d'agrément  la  fleur  de  la 
beauté  et  gotiter  le  charme  de  l'idéal,  notre  hésitation  ne  serait 


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8 


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J)on,i 


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l'.iijf  Vini. 


K  l(  (I  \  T  1  S  P  I  C  !•:    m     MISS  k  l    d  k    c  h  a  U  !'  It  E  s 

t. Il  A  i  i  11  1-;    ^    1,   i:  Al  -  I  t)  11  T  I-    r  i  k    si.  m,  h\r 


MOTICE    SUR    SERGEXT-MARCE  AU.  655 

pas  lon,'7iie  et  nous  nous  prononcerions  immotlinlemonl  pour  les 
premiers.  Mais  quand  nous  demandons  à  Tart  de  nous  rendre  la 
sensation  du  passé,  de  ses  aspirations  et  de  ses  souffrances,  la  vie 
des  seconds  nous  est  un  champ  d'observation  intense.  Peu  importe 
qu'ils  n'aient  pas  eu  la  flamme  du  génie.  Pourvu  qu'ils  aient  su 
utiliser  un  talent  personnel  dans  l'expression  de  la  réalité,  nous 
leur  savons  gré  de  nous  faire  mieux  comprendre  les  temps  agités 
qu'ils  ont  connus  et  traversés.  Les  variations  de  leurs  idées  et  leurs 
vicissitudes  nous  intéressent  au  plus  haut  point,  nous  nous  atta- 
chons à  eux  comme  aux  personnages  d'un  drame  passionné,  et 
nous  ne  nous  lassons  pas  de  relire  et  de  redire  leur  histoire. 
Sergent-Marceau  fut  un  de  ces  hommes. 

Dans  la  rue  des  Trois  Maillets,  paroisse  Saint-Martin,  à  Chartres, 
habitait,  au  dix-huitième  siècle,  un  modeste  arquebusier,  xAntoine 
Sergent.  Catherine  Fremy,  sa  femme,  lui  donna,  le  9  octobre  1751 , 
un  fils,  Antoine-François,  qui  fait  l'objet  de  cette  étude  '.  L'arque- 
busier devait  fournir  des  attributs  et  des  fantaisies  de  chasse  sur 
les  fusils  de  sa  fabrique.  Aussi  tout  en  reconnaissant  que,  dès  la 
sortie  du  collège,  un  goût  naturel  porta  le  jeune  Sergent  vers  le 
dessin,  est-il  permis  de  croire  que  la  direction  paternelle,  en 
l'obligeant  à  cette  besogne  professionnelle  sur  les  armes,  contribua 
à  orienter  son  talent  vers  l'art  de  la  gravure  qui  devait  illustrer  son 
nom.  Les  succès  précoces  qu'il  obtint  dans  sa  ville  natale  lui  firent 
d'autant  plus  sentir  la  nécessité  d'aller  se  perfectionner  à  Paris.  Il 
passa  trois  ans  dans  l'atelier  d'Augustin  de  Saint-Aubin.  Il  conquit 
l'affection  de  son  maître,  fut  chéri  comme  un  fils  par  la  belle 
Mme  de  Saint-Aubin  %  puis  il  vint  s'établir  à  Chartres,  où  il  se  con- 
sacra à  des  travaux  variés,  dont  quelques-uns  contrastent  singuliè- 
rement avec  ses  idées  ultérieures.  Car  le  lutur  conventionnel  grava 
des  armoiries  et  fit  des  estampes  pour  bréviaires  et  missels  ^  Il 
entreprit  aussi,  avec  le  concours  de  la  municipalité,  un  plan  de 

'  Habile  dessinatrice  au  point  d'avoir  enseigné  le  dessin.  Elle  mourut  avant  que- 
son  fils  ait  pu  la  connaître.  Il  fut  élevé  par  sa  grand' mère  maternelle.  (Voir  Pièces 
annexes,  lettre  à  M.  Alaider.)  » 

-  Louise-Xicolas  Godeau,  d'une  opulente  beauté,  qu'Augustin  de  Saint-Aubin 
avait  épousée,  par  inclination,  en  1764.  — Voir  sur  elle,  outre  la  lettre  à  M.  Mai- 
der,  l'ouvrage  de  Sergent,  'Fragment  de  mon  album  et  nigrum.  BrignoUes, 
1837. 

^  V^oir,  ci-dessus,  planche  XLV. 


65«  NOTICE    SIR    S  E  RGENT-M  A  RC  E  A  L  . 

Chartres  que  les  événements  ne  lui  permirent  pas  de  mener  à  fin, 
cl  dont  on  possède  seulement  quelques  épreuves  partielles  très 
rares.  Il  dédia  ce  plan  a  Son  Altesse  Royale  Mjjr  le  duc  de  Chartres. 
Dans  le  prospectus  rédigé  par  lui,  il  rappela  avec  attendrissement 
les  pèlerinages  accomplis  à  l'autel  vénéré  de  la  Vierge  par  les 
augustes  aïeux  du  souverain  qui  faisait  aie  bonheur  de  la  France» . 
Déjà  dans  ce  projet  se  manifeste  l'admiration  que  Sergent,  même 
au  plus  fort  de  la  tourmente  révolutionnaire,  ne  cessa  de  professer 
pour  les  merveilles  architecturales  et  sculpturales  de  la  vieille 
basilique  beauceronne  et  pour  VAssomj)tion  de  Bridanqui  lui  sem- 
blait Cl  un  superbe  morceau  5).  —  Cependant,  si  là,  au  début  de  sa 
carrière,  le  jeune  graveur  ne  faisait  pas  pressentir  le  futur  jacobin, 
la  médaille  qu'il  grava  pour  les  Chevaliers  de  l'Union  (société  de 
danse  instituée  à  Chartres,  ayant  eu  des  démêlés  avec  l'évêque 
Robert  de  Fleury)  ne  laisse  déjà  aucun  doute  sur  ses  sentiments 
d'aversion  envers  le  haut  clergé. 

M.  Noël  Parfait,  à  qui  nous  devons  de  si  précieuses  études  sur 
Marceau  et  sur  Sergent,  a  extrait  du  Journal  des  annonces j  affi- 
ches et  avis  divers  du  jjays  chartrain  plusieurs  articles  écrits 
par  ce  dernier  et  qui  nous  renseignent  sur  ses  goûts  et  sur  son  état 
d'esprit  en  178!  et  1783.  Il  s'occupait,  en  effet,  de  publier  un 
Recueil  de  gravures  et  priait  ceux  qui  auraient  des  livres  à  vendre 
ou  a  transformer  en  sacs  et  enveloppes  d'enlever  et  mettre  à  part 
les  gravures  de  toute  sorte,  jusqu'aux  lettres  initiales  et  aux  fron- 
tispices permettant  d'avoir  des  dates  et  noms  d'imprimeurs.  Il 
offrait  de  les  payer,  sauf  les  doubles,  6  deniers  pièce.  Sa  curiosité 
littéraire,  scientifique,  artistique,  philosophique  avait  été  éveillée 
par  la  nature  même  de  son  esprit.  Elle  fut  encore  excitée  par  la 
société  qu'il  fréquentait,  surtout  par  la  société  féminine.  Et  ici  nous 
n'entendons  point  seulement  parler  de  celle  à  (jui  il  devait  donner  son 
nom,  mais  ces  femmes  d'esprit  qui  formaient  un  cénacle  à  Chartres  : 
Mme  de  la  Garanchère,  Mmes  Mahon,  de  Rey,  Mlles  Janvier, 
Olivier  et  Pelisson.  Elles  lui  donnèrent  le  goût  d'écrire  et  celui 
d'a{)prendre  les  langues  :  l'italien,  l'anglais.  Il  ne  demeura  même 
indifférent  ni  aux  sciences  physiques  ni  à  l'occultisme. 

En  1783,  il  entra  en  discussion  au  sujet  d'un  singulier  système 
d'optique  qu'il  préconisait  :  suivant  lui,  les  rayons  visuels  sortent 
de  notre  œil  pour  aller  à  l'objet.  Il  s'éleva  aussi  contre  ceux  qui 


XOTICE    SLR    SEllGEXT-MAUCE  AL.  657 

prétendaient  qu'un  ignorant  pût  être  un  artiste  parfait.  Le  maître 
qu'il  rêvait  devait  être  instruit  dans  toutes  les  branches  des  sciences 
humaines.  Il  invoquait,  à  l'appui  de  sa  thèse,  l'exemple  de 
Ruheiis,  (le  Poussin,  de  Falconet,  de  Greuze,  et  laisait  valoir 
jusqu'au  sentiment  de  Pline. 

La  même  année,  parut  le  Magnétisme,  une  des  premières  pro- 
ductions intéressantes  de  Sergent,  pièce  curieuse  où  l'on  voit  les 
ellels  que  proiluisit,  surtout  sur  le  beau  sexe,  le  ba(juetde  Mesmer. 
La  gravure  joint  à  une  spirituelle  exécution  le  mérite  de  l'intérêt 
historique.  Aussi  nous  ne  nous  étonnons  pas  des  prix  qu'elle  a 
atteints  dans  les  ventes  d'amateurs.  (V.  Gazette  des  Beaux-Arts, 
t.  Il ,  p.  306,  et  Gustave  Bodcard,  les  Estamjjes  du  dix-huitième 
siècle^  guide  manuel  de  l'amateur.) 

Paris,  qui  de  nos  jours  exerce  un  attrait  presque  irrésistible  sur 
les  artistes,  produisit  le  même  effet  sur  Sergent.  Voyant  sans  doute 
<|ue  la  province  ne  pouvait  suffire  à  son  besoin  d'activité,  et  peut- 
être  aussi  obéissant  à  des  aspirations  secrètes  sur  lesquelles  nous 
aurons  Toccasion  de  revenir,  il  quitta  Chartres  pour  aller  résider 
à  Paris.  De  cette  période  date  une  de  ses  premières  œuvres  les 
plus  connues,  la  Galerie  des  personnages  célèbres  de  Vhistoire  de 
France j  sorte  de  tableaux  historiques  gravés  en  couleur  avec  texte 
au  bas,  qu'il  fit  pour  le  compte  de  Blin,  imprimeur,  place  M;:nl>f'rt, 
et  dont  les  livraisons  furent  mises  en  vente  de  1787  à  1791.  C  est 
aussi  à  la  même  époque  ou  à  son  séjour  antérieur  à  Chartres  que 
l'on  doit  faire  remonter  la  gravure  de  scènes  familières  exécutées 
par  lui  d'après  ses  dessins  [Enlèvement  de  mon  oncle,  laFoire  des 
barricades  à  Chartres,  etc.)  ou  d'après  d'autres  artistes  [Hauy 
d'après  Favart  et  J/o«^/«?Mr  d'après  Duplessis]. 

Déjà,  cependant,  avec  l'année  1789  s'annonçait  le  mouvement 
réformateur  qui  bientôt  devait  devenir  révolutionnaire.  Sergent, 
avec  son  caractère  expansif,  n'y  pouvait  rester  indifférent.  Il 
embrassa  les  nouvelles  idées  avec  enthousiasme  et  marqua  la  nou- 
velle évolution  de  ses  sentiments,  en  publiant  la  caricature  du 
Seigneur  des  abus,  ainsi  que  la  Soirée  et  la  Nuit  du  \2  juillet 
1789.  Dans  la  Soirée,  un  peloton  de  gardes  françaises  du  dépôt, 
boulevard  Chaussée  d'Antin,  repousse  un  fort  détachement  du 
Royal-Allemand.  Dans  la  Xuit,  le  peuple  parcourt  les  rues  avec 
des  flambeaux  et  crie  aux  armes. 

42 


658  MOTICE    SIR    S  E  RG  E  M  T-M  A  RC  E  A  l 

Di'S  lors  sa  vie  artistique  va  être  intimement  liée  à  sa  vie 
publique  ",  et  celle-ci  aux  événements  principaux  de  Paris  sous  la 
Révolution.  Il  préside,  en  1790,1e  districtde  Saint-Jacques  l'Hôpital. 
Secrétaire  du  club  des  Jacobins,  il  demande  la  libre  publication  des 
ouvrages  littéraires  et  s'érige  en  protecteur  de  soldats  insoumis  et, 
parmi  eux,  de  Davout.  Officier  municipal  en  1702,  comme  plus  tard  ■ 
conventioiniel,  s'il  fait  partie  des  Comités  les  plus  violents,  s'il  ne 
protesta  pas  iriimédiatement  contre  les  massacres  de  Septembre 
auxquels  nous  croyons  qu'il  fut  cependant  étranger,  si  même  on 
l'a  accusé  d'en  avoir  été  l'un  des  instigateurs,  s'il  est  l'ami  de 
Marat"  et  mérite  à  ce  titre  de  figurer  à  ses  côtés  dans  le  Thermo- 
mètre du  sans-culotte  de  Caraffe,  il  déteste  Robespierre  et  sauve 
beaucoup  de  victimes  :  Gossec,  l'artiste  Larive,  l'abbé  de  Barthé- 
lémy, le  marquis  de  Chateaugiron,  etc.  Et,  comme  un  bienfait 
n'est  jamais  perdu,  à  l'heure  de  l'adversité,  il  trouvera  dans  ceux 
qu'il  a  sauvés  et  dans  leurs  familles  le  souvenir  reconnaissant  et 
l'appui  qui  l'aideront  à  ne  pas  tomber  dans  la  misère  ou  à  finir 
tranquillement  ses  jours. 

Les  événements  tragiques  qui  se  déroulaient  à  Paris  ou  sur  les 
frontières  ne  lui  firent  pas  perdre  de  vue  que  la  grandeur  artistique 
est  indispensable  à  un  peuple  qui  veut  se  maintenir  à  la  tête  des  na- 
tions. Si,  à  cet  égard,  il  tomba  dans  de  regrettables  erreurs  de  goût 
et  d'idées,  on  ne  doit  pas  oublier  dans  quel  milieu  il  vivait  et  quelle 
fut  l'atmosphère  surchauffée  dans  laquelle  s'agitaient  les  esprits 
surexcités  et  le  sien  plus  excitable  qu'un  autre.  Président  de  la 
Société  populaire  des  Beaux-Arts  à  Paris,  il  y  joua  un  rôle  des  plus 
actifs.  Ne  rêva-t-il  pas  la  création  d'un  nouveau  costume  dégageant 
le  citoyen"  des  entraves  sans  dérober  les  belles  formes  du  corps  n? 
En  fait,  il  dessina  le  costume  sans-culotte  que  Chenard  inaugura  à 
la  fête  civique  du  24  octobre  1792  et  qu'adoptèrent  les  membres  du 
Conseil  général  de  la  commune.  Ce  costume  ne  devait  présenter  de 
différence  entre  les  citoyens  que  par  la  qualité  des  étoffes  et  avait, 
dès  lors,  pour  des  esprits  égalitaires,  le  vice  inaperçu  de  marquer 
la  prééminence  de  la  richesse.  Il  ne  devait  être  porté  qu'à  vingt 

1  Voir  Carte  d! entrée  à  la  Convention. 

-  Au  Salon  de  1793  (n"  257),  Sergent  exposa  un  dessin  de  la  Liberté  assise  sur 
les  débris  d'un  trône  et  appuyée  sur  un  vase  cinéraire  qui  contient  les  restes  de 
Le  Peletier  et  de  Marat. 


\OTICE    SIR    SERGEIVT-M  ARCE  AL  .  ti.-,f) 

et  iiii  ans  et  devait  tenir  lieu  tle  lu  rolie  virile  des  liooiains.  C'était 
vouloir  transporter  chez  nous  des  institutions  qui  n'y  avaient  pas 
raison  d'être.  Répondant  à  la  dénonciation  violente  de.  Wicar 
contre  les  gravures  indécentes,  Sergent  montra  que  les  tableaux 
mythologiques  représentant  Danaé,  Léda  et  les  amours  des  dieux 
étaient  nécessaires  pour  donner  une  idée  de  la  religion  des 
anciens. 

Son  influence  artistique  ne  se  fit  pas  seulement  sentir  dans  les 
sociétés  populaires,  elle  fut  puissante  à  la  Convention  où  il  siégea, 
dans  les  fonctions  diverses  dont  il  fut  investi,  dans  les  missions 
qu'il  eut  à  remplir.  Avec  Guyton  et  Barrère,  il  fit  partie  de  la 
commission  établie  pour  la  conservation  des  monuments  des  arts 
et  sciences. 

Les  malveillants  avaient  dégradé  les  chefs-d'œuvre  de  sculpture 
placés  dans  le  jardin  des  Tuileries.  Sur  son  rapport,  la  Convention 
décréta  qne  ceux  qui  seraient  convaincus  de  semblables  méfaits 
dans  ce  jardin  et  autres  lieux  publics  seraient  punis  de  deux  ans 
de  détention.  Des  patrouilles  furent  prescrites  le  soir  aux  Tuileries. 
Comme  inspecteur  de  la  salle,  il  fut  chargé  avec  Ficquet  de  juger 
le  concours  ouvert  pour  la  décoration  d'une  pendule  décimale  et 
fit  ainsi  mettre  la  grande  horloge  de  Lepaute  au  fronton  du  château. 
Sous  sa  direction,  les  travaux  d'embellissement  du  jardin  des  Tui- 
leries furent  entrepris  par  Gisors.  Au  nom  des  Comités  d'instruc- 
tion publique  et  des  inspecteurs  de  la  salle,  il  fit  créer  ou  rétablir 
une  garde  de  soldats  invalides  devant  veiller  sur  «  les  chefs-d'œuvre 
sortis  des  mains  du  peuple  de  Rome  "  et  ornantles  jardins  des  Tui- 
leries et  du  Palais-Royal.  Dans  la  même  séance  du  13  avril  1793, 
fut  encore  voté,  sur  sa  proposition,  un  décret  destiné  k  prévenir  la 
destruction  des  monuments  qui  portaient  les  attributs  de  la  royauté 
et  ordonnant  qu'une  commission  spéciale  aurait  seule  droit  de  pro- 
poser à  la  municipalité  les  changements  d'attributs  qui  seraient 
jugés  nécessaires.  Disons  en  passant  que  c'est  k  lui  que  nous  devons 
de  voir  à  l'entrée  des  Champs-Elysées  les  chevaux  de  Marly,  chef- 
d'œuvre  de  Coustou. 

Son  biographe,  ou  pour  mieux  dire,  son  panégyriste,  M.  Noël 
Parfait,  a  raison  de  le  proclamer  créateur,  avec  David,  du  Muséum 
français.  Le  rapport  que  Sergent  lut  dans  la  séance  du  25  juillet 
1793,  au  nom  de  la  Commission  des  monuments  dont  il  était  l'âme, 


660  NOTICE    SIR    S  E  KG  E  IWT-M  A  Rf,  E  A  L. 

nous  monlre  son  admiration  pour  les  premiers  éh'nnents  déjà  réunis 
au  Louvre.  Il  proposa  d'y  l'aire  transporter  les  tableaux  et  statues 
se  trouvant  à  Fontainebleau  et  au  Luxembourg,  et  ceux  qui  pro- 
venaient de  confiscation.  Pour  enflammer  l'ardeur  de  l'Assemblée, 
il  eut  recours  même  aux  souvenirs  de  la  grandeur  antique  et  affirma 
incidemment  qu'au  nombre  de  ces  monuments  précieux  il  en  était 
un  qui  avait  figuré  dans  les  honneurs  d'un  triomphe  romain.  Le 
projet  de  transfèrement  fut  adopté,  et  la  Convention  vota  qu'une 
subvention  annuelle  de  100,000  francs  serait  destinée  aux  achats. 
Au  mois  de  septembre  1793,  il  était  en  mission  à  Chartres  avec 
un  de  ses  collègues  de  la  Commission  des  monuments,  le  peintre 
Lemonnier.  Dans  la  remarquable  étude  de  M.  Courajod,  intitulée 
la  Révolution  et  les  Musées  nationaux,  on  ne  peut  lire  sans  tristesse 
le  procès-verbal  des  objets  qu'en  présence  des  administrateurs  de  la 
ville  et  du  département  les  commissaires  enlevèrent  soit  de  la 
châsse  de  saint  Théodore,  soit  de  celle  de  la  Vierge  qui  était  une 
des  principales  beautés  de  l'ancien  trésor  de  la  cathédrale.  C'était 
assurément  un  acte  d'odieux  vandalisme  que  notre  époque  ne  peut 
comprendre,  mais  qu'explique,  sans  le  justifier,  le  moment  de  son 
accomplissement.  A  ces  camées  antiques,  détachés  ainsi  des  reli- 
quaires dont  ils  faisaient  partie  intégrante  et  qui  furent  transportés  à 
Paris,  il  faut  ajouter  des  bas-reliefs,  ayant  appartenu  à  Saint-Père  et 
attribués  à  François  Marchand,  qui  furent  promenés  de  Chartres  au 
dépôt  de  jVesle,  et  de  là  à  Saint-Denis.  M.  l'abbé  Sainsot,  qui  nous 
signale,  avec  M.  Courajod,  ce  premier  épisode  de  la  mission  Ser- 
gent, nous  fait  voir  son  rôle  en  partie  bienfaisant  dans  la  suite  de 
cette  mission.  En  novembre  1793,  le  Conseil  général  d'Eure-et- 
Loir,  acceptant  les  offres  d'un  citoyen  Sainsot,  arrêtait  que  tous  les 
saints  et  autres  signes  de  superstition  qui  entouraient  le  portail  de 
l'église  et  d'autres  lieux  extérieurs  seraient  enlevés.  Déjà  Sainsot 
avait  enlevé  et  brisé  six  statues  du  porche  septentrional,  quand  Ser- 
gent intervint,  s'opposa  énergiquement  à  la  continuation  de  cette 
besogne  barbare  et  sauva  ainsi  les  statues  encore  debout.  Revenu  à 
Chartres  le  \Q  décembre.  Sergent  présida  à  un  autodafé  où  furent 
jetés  beaucoup  d'objets  de  culte,  tels  que  missels,  lutrins,  boiseries, 
réputés  inutiles.  Comment  expliquer,  si  ce  n'est  par  l'aveuglement 
du  fanatisme,  cette  conduite  de  Sergent  qui,  dans  sa  jeunesse, col- 
lectionnait jusqu'aux  gravures  les  plus  insignifiantes  et  s'efforçait 


MOTICE    SUR    SERGE.VT-MAKCEAL:.  6G1 

(le  les  sauver  de  l'oubli  ?  Heureiisemont,  il  pensa  et  fit  observer 
que  l'orgue  pouvait  contribuer  à  l'éclat  de  la  fête  de  i;i  Raison  et 
obtint,  par  ce  moyen,  sa  conservation.  Le  rapport  de  Sercrent  sur 
l'organisation  des  fêtes  décadaires  à  Chartres  mériterait  d'èlre  cité 
en  entier.  Ici  l'artiste  domine  le  fanatique,  et  l'art,  dans  une  large 
mesure  au  moins,  reprend  ses  droits.  Pour  Sergent,  tout  imprégné 
cependant  des  idées  païennes  de  David  et  de  ses  contemporains,  la 
cathédrale  de  Chartres  est  un  des  plus  magnifiques  monuments 
qu'il  y  ait  en  France.  Tout  dans  cet  édifice  lui  semble  grand 
et  pur  :  style,  construction,  hardiesse,  voûte,  clochers,  sculp- 
tures en  tous  genre.  Elle  sera  toujours  pour  Chartres  un  objet 
d'orgueil  et  une  cause  de  richesse,  car,  quand  la  liberté  sera 
assurée  par  la  paix,  les  voyageurs  viendront  l'admirer  de  toutes  les 
parties  de  l'univers.  Au  nom  de  l'histoire  et  de  l'art.  Sergent  pro- 
posa d'arrêter  qu'il  ne  serait  détruit  aucun  des  morceaux  de  sculp- 
ture ornant  le  temple,  et  spécialement  de  conserver  ceux  qui  sont 
autour  du  chœur.  Cependant,  selon  lui,  il  faut  abattre  les  chapelles 
du  pourtour,  arracher  les  grilles  et  les  envoyer  pour  fabriquer  des 
armes  à  Paris,  renverser  les  autels  et  les  remplacer  par  des  urnes 
sur  le  pied  desquelles  on  lira  des  inscriptions  patriotiques.  Les 
tableaux  de  marbre  de  l'intérieur  lui  semblent  de  mauvais  goût  et 
doivent  disparaître,  sauf  deux  à  garder  pour  y  mettre  des  inscrip- 
tions. Deux  massifs  de  pierre,  formant  l'entrée  du  chœur,  serviront  à 
constituer  la  tribune.  Les  stalles  disparaîtront  aussi.  Quant  à  la  figure 
de  VAssomptioUj  on  appellera  son  auteur  Bridan,  qui  seul  peut  y 
faire  les  changements  nécessaires.  Cela  était  sans  doute  une  allusion 
à  l'audace  de  Sainsot,  qui  avait  fait  de  Y  Assomption  une  statue 
de  la  Raison  et  des  trois  anges  du  groupe  trois  génies  ayant  sur  la 
tête  une  langue  de  feu,  allumée  les  jours  de  fête.  Les  idées  de  Ser- 
gent ne  furent  pas  mises  à  exécution.  On  se  borna  à  adjoindre  au 
chœur  des  tribunes  ou  amphithéâtres  avec  inscriptions  etsymboles 
révolutionnaires. 

Dans  le  même  mois  de  novembre  1793,  à  l'occasioti  d'un  rapport 
de  Chénier  sur  l'instruction  publique.  Sergent  rappela  que  l'As- 
semblée constituante  avait  décrété  l'érection  d'un  monument  à 
Jean-Jacques  Rousseau  ;  la  Convention  décréta  que  ce  projet  serait 
mis  à  exécution. 

X'ous  ne  nous  arrêterons  pas  à  certaines  particularités  de  la  vie 


662  NOTICE    SUR    SE  U  G  E  NT-M  A  UC  li  A  U. 

de  Sergent  qui  n'ont  point  trait  aux  arts,  et  nous  ne  les  mention- 
nerons qu'en  passant  |)our  compléter  les  traits  de  sa  physionomie. 
Signalons  à  ce  propos  qu'il  prit  le  prénom  d'An{lroi)hil(',  et  qu'il 
présenta  un  amendement  utile  lors  de  l'institution  de  l'Ecole  nor- 
male. Dans  la  séance  de  la  Convention  du  17  brumaire  an  II,  un 
ancien  curé  du  diocèse  de  Melun  ayant  déclaré  en  termes  gros- 
siers se  défroquer  etayant  demandé  une  pension,  Sergentréclama 
l'ordre  du  jour,  en  se  fondant  sur  ce  que  ce  prêtre  ne  pouvait  être 
sincère. 

Jusqu'à  j)résent,  nous  ne  nous  sommes  occupés  que  de  la  vie 
publique  de  Sergent.  Nous  ne  devons  pas  laisser  dans  l'ombre  sa 
vie  privée,  car  l'art  lui-même  y  eut  une  part  considérable  en  favo- 
risant ses  vues  romanesques,  et  les  affections  qu'il  ressentit  nous 
expliquent  dans  quels  sentiments  de  tendresse  il  reproduisit  les 
traits  de  Marceau  et  de  la  sœur  du  jeune  général.  Sergent,  dans  sa 
jeunesse,  avait  entrevu  cliez  son  ami  Foreau  la  sœur  de  Marceau, 
et  la  physionomie  de  cette  jeune  fille  avait  éveillé  dans  son  àme  les 
premiers  feux  d'un  amour  platonique.  A  son  retour  à  Chartres,  il 
avait  retrouvé  son  idole,  séparée  de  Champion  de  Cernel  son  pre- 
mier mari  et  malheureuse.  Il  lui  avait  donné  des  leçons  de  dessin. 
Puis  Marie  (plus  tard  appelée  Emira)  Marceau  s'était  retirée  dans 
l'abbaye  de  Louye,  vivant  dans  la  continuelle  société  de  l'abbesse, 
Mme  Duportal,  visitant  avec  celle-ci  les  pauvres  et  les  malades. 
Sergent  la  décida  à  venir  prendre  pension  à  Paris.  Il  lui  enseigna 
la  gravure,  comme  jadis  il  lui  avait  appris  le  dessin.  Elle  fut, 
paraît-il,  assez  habile  pour  exécuter  plusieurs  portraits  de  sa  Galerie 
des  lyersonnacjes  célèbres,  et  arriva  à  se  faire  apprécier  comme 
artiste.  Quand,  après  l'affaire  de  la  Légion,  Marceau  fut  incarcéré 
à  Tours,  Emira  alla  voir  son  frère.  Sergent  l'accompagnait.  De  là 
ils  se  rendirent  à  Saumur  pour  obtenir  des  représentants  du  peuple 
alors  réunis  dans  cette  ville  que  Marceau  comparût  devant  eux. 
Sergent  fut  assez  heureux  pour  faire  admettre  cette  requête,  et  il 
déposa  sur  le  bureau. du  président  un  mémoire  énumérant  les  ser- 
vices de  Marceau,  qui  fut  absous.  De  retour  à  Paris,  les  deux  artistes 
continuèrent  à  vivre  sous  le  même  toit,  rue  Honoré,  n°  1M9,  et 
à  y  mener  une  existence  assez  simple.  Emira  avait  chez  elle  à  Paris 
une  vache,  six  poules  et  deux  canards.  Elle  possédait,  en  outre,  à 
Marolle,  une  maison  où  elle  élevait  des  bestiaux.  Dans  ce  commerce 


IVOTICE    SUR    SERGE\T-MARCEAU.  663 

de  chaque  jour,  s  accentua  et  grandit  le  culte  de  Sergent  pour  Mar- 
ceau et  pour  Emira. 

Bientôt  vinrent  les  jours  sombres  et,  à  leur  suite,  les  débuts 
d'une  odyssée  qui,  sauf  quelques  intervalles  de  retour  dans  la  patrie, 
les  promena  de  ville  en  ville  sur  la  terre  étrangère.  On  accusa  Ser- 
gent d'avoir  excité  les  Sections  à  la  révolte,  et,  le  13  prairial  1795, 
on  lança  contre  lui  un  mandat  d'arrestation.  Averti  par  Courtois, 
il  quitta  furtivement  Paris  et  se  cacha  quelque  temps  à  Vaux,  chez 
M.  d'Lssieu.  Emira  ne  tarda  pas  à  le  rejoindre,  et,  devenue  libre  de 
tout  lien  civil  avec  Champion  de  Cernel,  elle  épousa  son  ami  mal- 
heureux. De  Vaux,  ils  gagnèrent  la  Suisse  au  milieu  de  difficultés 
multiples'  et,  après  des  courses  inutiles,  allaient  se  fixer  à  Bàle, 
où  ils  furent  soutenus  par  l'amitié  reconnaissante  de  l'ambassadeur 
Barthélémy,  neveu  de  l'abbé  de  ce  nom,  et  parla  bienfaisance  non 
moins  reconnaissante  d'un  émigré  français,  M.  Rulhières. 

Profitant  du|  décret  d'amnistie  du  4  brumaire  an  IV,  Sergent  se 
rendit  avec  Emira  près  de  Marceau.  Ce  fut  alors  qu'il  fut  pris,  puis 
relâché  par  les  Autrichiens.  Dans  une  lettre  au  Joiwnalde  Chartres 
(n°  du  21  juillet  1839),  il  a  raconté  les  détails  d'une  entrevue 
avec  le  général,  qui  se  souvenait  d'avoir  été  porté  tout  enfant  sur 
les  genoux  de  son  beau-frère  et  le  confondait  avec  Emira  dans  sa 
confiante  affection.  Sur  le  point  de  se  séparer  d'eux,  Marceau 
supplia  Sergent  de  ne  jamais  l'oublier  et  de  joindre  le  nom  de  son 
épouse  à  son  nom  propre.  Dans  cette  même  année,  Sergent  et 
Emira  avaient  voyagé  à  pied,  pendant  un  mois,  à  travers  la  Suisse, 
et  consigné  le  récit  de  leur  voyage  sur  le  livre  de  l'abbaye  des 
Bénédictins  d'Engelberg.  Ce  n'avait  été  là  qu'une  distraction  de 
vacances.  A  l'ordinaire,  leur  vie  en  Suisse  fut  laborieuse.  Ce 
n'était  pas  certes  en  vain  qu'ils  avaient  fait  venir  de  Paris  meu- 
bles et  effets,  et  l'attirail  artistique.  Sergent  continuait  à  graver. 
Quand  ils  quittèrent  la  Suisse  pour  rentrer  en  France  en  1797, 
ils  laissèrent  leur  mobilier  en  dépôt  chez  le  citoyen  Micq.  Une 
lettre  au  ministre  des  finances  Ramel  nous  édifie   sur  les  diffi- 


'  Ils  purent  cependant,  avant  de  partir,  se  procurer  un  passeport.  Du  moins 
c'est  ce  que  déclare  Sergent  dans  une  lettre  du  6  messidor  an  VII  au  ministre  des 
ûnances.  CeUe  lettre  est  une  supplique.  Aussi  s'explique-t-on  pourquoi  il  se  garde 
bien  de  faire  allusion  aux  causes  politiques  de  son  premier  exil  et  parle  seulement 
de  l'attrait  artistique  que  Bàle  avait  exercé  sur  lui. 


664  \OTICE    SIU    S  E  R  G  E  !V  T-M  A  RC  E  AU  . 

cultes  douanières  qu'ils  éprouvèrent  et  sur  les  craintes  (|uVn 
l'an  VII  ils  avaient  d'une  entrée  des  Autrichiens  à  Bàle.  De  retour 
à  Paris,  ils  poursuivirent  leurs  travaux  de  /jravure,  en  même 
temps  qu'ils  donnaient  leurs  soins  à  un  procès  d'Emira  avec  ses 
parents. 

Au  bout  de  peu  de  temps,  le  ministre  Beriiadotle  nomma  Tex- 
conventionnel  commissaire  du  gouvernement  près  des  hôpitaux 
militaires,  charge  qu'il  remplit  pendant  quatre  ans.  La  décision 
ministérielle  fut,  comme  l'observe  M.  Noël  Parfait,  une  réponse  à 
l'accusation  qui  avait  été  dirigée  contre  Sergent  et  lui  avait 
imputé,  bien  à  tort,  croyons-nous,  d'avoir  soustrait  une  agate 
pendant  ses  fonctions  précédentes  '. 

Le  portrait  de  Alarceau,  gravé  en  couleurs,  œuvre  très  impor- 
tante au  point  de  vue  historique,  figura  au  Salon  de  1798.  En 
juillet  de  la  même  année,  l'auteur  écrivit  à  Goupilleau  de  !\Ion- 
taigu  une  lettre  dans  laquelle  il  proposait  de  faire  distribuer  ce 
portrait  ou  un  semblable.  Le  député  Abolin  combattit  avec  succès 
cette  motion,  et  le  Conseil  des  Cinq-Cents  passa  à  l'ordre  du  jour. 
Néanmoins  Sergent  et  Eraira  voulurent  offrir  ce  portrait  à  cette 
Assemblée.  La  lettre  d'envoi,  comme  il  fallait  bien  s'y  attendre, 
respire  un  enthousiasme  délirant  pour  le  héros. 

L'année  suivante,  Sergent  exposa,  sous  le  n"  295,  un  dessin- 
aquarelle  représentant  le  costume  des  filles  suisses.  L'auteur 
habitait  alors  au  Rosental,  à  Chaillot,  n"  1.  Dans  le  jardin  Mar- 
beuf,  connu  sous  le  nom  d'Idalie,  était  installée  une  ferme  avec 
vacherie  suisse  que  desservaient  des  paysannes  bernoises  ou 
originaires  de  la  forêt  Noire.  Elles  lui  servirent  de  modèles  pour 
ce  dessin  où  elles  nous  apparaissent  groupées  dans  l'intérieur 
d'une  chambre  suisse,  et  se  livrant  à  divers  travaux.  Il  donna,  au 
Salon  de  1801,  V Ermite  du  Colisée  Robert  et  un  portrait  de 
femme  (dessin). 

Dans  les  premiers  jours  de  1803,  sous  prétexte  de  complicité 
morale  avec  les  auteurs  royalistes  de  la  machine  infernale,  un 
ordre  du  gouvernement  obligea  un  certain  nombre  de  républicains, 
et  parmi  eux  Sergent,  à  quitter  la  France.  Sortant  d'une  longue 
maladie,  l'ex-conventionnel  et  sa  femme  se  dirigèrent  vers  l'Italie. 

1  Voir  cependant  MiCHELET,.//w;o2Ve  de  la  Révolution. 


XOTICE    SUR    SERGEX'T-MAKCEAC.  (iiir, 

Il  semmenèrent  avec  eux  leur  neveu,  âgé  d'environ  qnalre  ans  et 
demi,  dans  une  calèche  leur  appartenant.  Quant  à  eux,  toujours 
intrépides  voyageurs,  ils  marchèrent  à  pied  et  n'entrèrent  dans 
leur  voiture  qu'à  cinq  lieues  de  Genève,  parce  qu'il  se  mit  à 
pleuvoir.  .\Ianis  de  (juelques  recommandations,  ils  restèrent  un 
an  environ  à  Milan  et  cherchèrent  à  y  gagner  leur  vie  honorable- 
ment, la  femme  en  s'adonnant  à  l'éducation  des  jeunes  filles,  le 
mari  en  s'occupant  d'un  grand  ouvrage  :  le  Tableau  de  l'Univers 
et  des  connaissances  humaines^  qui  devait  contenir  300  planches 
coloriées,  mais  qui  fut  arrêté  après  quelques  livraisons. 

De  1804  à  1809,  ils  résidèrent  à  Vérone,  Padoue,  où  en  1805 
ils  connurent  le  feld-maréchal  comte  de  Bellegarde,  Venise. 
Détail  touchant,  qui  honore  la  mémoire  de  Alarceau  et  celle  de 
rarciiiduc  Charles,  en  souvenir  de  son  jeune  adversaire,  le 
prince  autrichien  étendit  sa  protection  sur  la  sœur  et  le  beau-frère 
du  général  français. 

Sergent  a  laissé  le  souvenir  de  ses  impressions  sur  la  reine  de 
l'Adriatique  dans  un  Coup  d' œil  sentimental  et  physique  ^  qui, 
si  nous  ne  nous  trompons  point,  n'a  été  publié  ni  en  Italie  ni  en 
France  même.  Se  piquant  d'avoir  le  cœur  sensible  et  la  fibre 
délicate  avec  une  propension  à  la  mélancolie,  myope  et  d'un  esprit 
observateur,  il  s'attache  malheureusement  plus  aux  hommes 
(ju'aux  monuments  de  l'art.  Si  nous  n'étions  pas  restreints  parle 
champ  de  notre  étude,  nous  aimerions  à  le  suivre  dans  ses  pro- 
menades vénitiennes  et  nous  mêler  avec  lui  à  la  foule  des 
badauds,  entrer  dans  les  cafés  de  Florian,  de  la  Reine  de  Hongrie, 
du  Génie,  de  la  Concorde,  fréquenté  par  les  juges  et  les  avocats, 
de  la  Fama,  de  la  Victoire,  des  Filarmonici,  où  les  chanteurs  et  les 
compositeurs  se  coudoient  aux  danseurs  et  aux  sauteurs.  Xous 
lirions  de  curieux  détails  sur  des  mœurs  peu  édifiantes,  Xous 
admirerions  la  Merzeria  ornée  pour  l'entrée  du  vice-roi  Eugène. 
Xous  surprendrions  le  jeune  amoureux  causant  doucement  avec 
sa  belle  à  la  faveur  d'une  sombre  nuit.  Car  on  se  soucie  peu  de 
l'éclairage  nocturne.  En   1807,  Sergent  n'eut-il  pas  l'idée   d'un 

'  licrit  à  Brescia  en  1814.  M.  le  professeur  Garbelli,  bibliolliécaire  de  la  Que- 
riniana  à  Brescia,  nous  l'a  signalé,  ainsi  que  beaucoup  d'autres  pièces  annexées  à 
notre  élude.  C'est  un  devoir  pour  nous  de  le  déclarer  et  de  lui  témoigner  notre 
vive  gratitude. 


CG6  \0T1CE    SI  K    S  E  RGE  iMT-M  A  RC  E  A  U  . 

projet  t!Cononii(jue  avec  réverhèies  ?  Quand  il  fit  part  de  son 
projet  au  premier  magistrat  de  la  cité,  celui-ci  lui  répondit  :  «  On 
a  toujours  vu  assez  clair  k  Venise  depuis  des  siècles  :  nous  n'avons 
rien  à  attendre  de  vos  expédients,  i!  Et  les  choses  en  restèrent  là 
jusqu'à  ce  que  Xapoléon  les  eût  fait  changer.  Ce  que  nous  cher- 
chons, ce  sont  des  impressions  sur  Part.  Rien  sur  les  monuments, 
rien  sur  les  Musées.  Patience  cependant.  Nous  aurons  des  impres- 
sions spéciales  d'art  si  nous  voulons  bien  passer  à  Sergent  quel- 
ques invectives  anticléricales.  Nous  souciant  peu  de  semblables 
diatribes,  nous  irons  avec  lui  assister  à  l'installation  d'un  curé  de 
paroisse  vénitienne.  Nous  voilà,  en  plein,  dans  un  décor  singulier 
et,  par  certains  côtés,  artistique.  «  A  Venise,  l'installation  du  curé 
^'"dans  sa  paroisse  est  annoncée  dès  la  veille  par  le  son  bruyant 
«  des  cloches  de  son  église...  On  orne  les  fenêtres,  les  portes  des 
«  maisons,  on  placarde  des  sonnets  sur  les  murs  :  sonnets  pour 
«  lui,  pour  son  père,  pour  sa  mère,  pour  toute  sa  famille.  On 
«  transforme  les  boutiques  en  décorations  théâtrales  avec  un  goût 
«  admirable...  Quand  la  nuit  survient,  elles  prennent  plus  d'éclat 
«  à  cause  des  lumières  réfléchies  par  les  facettes  agitées  des  lus- 
"  très  de  cristal  et  par  une  grande  quantité  de  glaces.  Les  rues 
«  aussi  sont  éclairées  a  giorno  :  le  peuple  circule  en  foule  jusqu'à 
ti  onze  heures  ou  minuit  autour  du  spectacle.  On  n'y  risque  rien 
«  que  d'être  volé  :  sans  ce  petit  inconvénient,  très  fréquent  à 
Cl  Venise,  tout  est  dans  le  meilleur  ordre  possible.  Dans  une  place 
«  voisine  de  l'église  où  assez  ordinairement  est  la  maison  que 
«  doit  habiter  le  curé,  on  élève  une  baraque  de  bois  à  quatre 
'  faces,  tapissée  de  vieux  chiffons  de  damas,  de  velours,  d'autres 
t^-loffes  de  soie  de  toutes  couleurs,  ornées  de  clinquants,  de 
«  dentelles,  d'oripeaux,  relevées  par  des  fleurs  très  belles,  par  des 
(i  l)ranches  de  laurier  (cet  arbre  est  consacré  à  Venise  pour  toutes 
«  les  fêtes).  Ce  monument  triomphal  est  couvert  aussi  par  quel- 
«  ques  grossières  peintures  et  décoré  de  sculptures.  A  côté  d'un 
a  saint  Jean  s'élève  une  Pomone  ;  Mercure,  Hercule,  figurent 
«  près  d'un  saint  Philippe,  d'une  sainte  Agnès...  Dans  toutes  ces 
«  décorations  d'église,  soit  intérieurement,  soit  extérieurement, 
«  on  ne  pourrait  juger  de  l'opulence  et  du  bon  goût  des  Véni- 

«  tiens A  quelque   distance  de  ce   risible  trophée,   s'élève  un 

«  amphithéâtre  dressé  de  même,  sur  lequel  sont  placés  des  musi- 


\OTICE    SIU    SERGEXT-MARCEAU.  G67 

«  ciens  qui  exèculent  des  morceaux  des  plus  célèbres  composi- 
«  leurs,  malgré  le  bruit  étourjissant  des  cloches  et  le  fracas  des 
t  pétards  que  la  canaille  jette  aux  fenêtres,  d'où  les  valets  ripos- 
.1  tent  par  des  paquets  de  serpenteaux  enflammés.  Dans  cette 
"  place  ou  tout  près  de  là,  on  a  dressé  sur  des  tréteaux  (sic)  un 
'  petit  théâtre  qui  rappelle  ceux  de  Thespis  :  les  acteurs  sont 
«  quatre  ou  cinq  faquins  (c'est  le  nom  qu'on  donne  en  Italie  aux 
i.  hommes  de  peine,  aux  porte-faix  du  coin  des  ruesj,  le  visage 
a  enfariné,  barbouillé  de  lie,  de  noir  de  fumée,  la  tète  couverte 
«  d'une  énorme  perruque  blanche  à  moitié  pelée,  etc..  A  deux 
«  pas  de  ces  farces  misérables  est  la  façade  de  l'église  ;  au-dessus 
u  des  portes  sont  suspendues  d'énormes  guirlandes.  Plus  elles 
«sont  lourdes  et  épaisses,  plus  elles  sont  admirées...  Sur  les  • 
«  contours  arqués  de  la  principale  porte  sont  placés  à  califourchon 
tt  deux  petits  anges  dorés  en  adoration  devant  le  Sacrum...  Pres- 
«  que  toujours  on  voit  sur  la  porte  de  la  paroisse  ou  sur  celle  de 
«l'église  le  portrait  du  défunt...  «  Le  Coup  d'œil  sentimental  di 
d'autant  plus  de  prix  pour  nous  que  les  renseignements  nous 
manquent  sur  le  séjour  de  Sergent  à  Venise  qui  dura  six  ans. 
Dans  le  Fragment  de  mon  album  et  nùjrum,  l'auteur  fait  une 
courte  allusion  à  sa  servante  Xiua,  à  son  amie  la  comtesse  Michieli, 
auteur  de  six  volumes  sur  les  fêtes  de  la  République,  et  à  un 
voyage  de  cent  lieues  à  pied,  avec  son  épouse  et  son  neveu, 
en  1807,  dans  les  environs  de  Venise  et  dans  le  Frioul.  Et  c'est 
tout. 

Enfin  voici  les  époux  Sergent  à  Brescia,  jouissant  d'une  meil- 
leure situation  depuis  Wagram,  grâce  à  une  circonstance  inespérée. 
Après  cette  bataille,  l'ancien  aide  de  camp  de  Marceau,  Constantin 
Maugars,  blessé  à  l'hôpital,  sollicita  de  l'Empereur  une  pension 
pour  la  sœur  de  son  ancien  général.  Le  lendemain,  un  décret 
impérial  accordait  à  Eraira  une  pension  annuelle  et  viagère  de 
1,200  francs.  Sergent  avait  quelques  créances  qu'il  lui  était  difficile 
de  faire  rentrer  \  Son  séjour  se  prolongea  pendant  sept  ans  a 
Brescia.   Xous  connaissons   assez  les  époux  Sergent    pour  savoir 

'  Le  général  Dounatlieu,  LaraproD  fils,  Garaeriu  l'ainé,  Chardin,  le  chevalier 
Salles,  le  libraire  Schoël  étaient,  en  1814,  ses  débiteurs.  Schoël  avait  exercé,  en 
l'an  \  II,  le  commerce  de  libraire  à  Bàle,  et  Scrjjent  lui  avait  alors  vendu  des 
estampes. 


668  NOTICE    SIK    S  E  RGE  A' T-M  A  UC  E  A  U 

qu'ils  n'y  demeurèrent  pas  inactifs.  Ils  ouvrirent  pour  jeunes  gens 
et  jeunes  filles  des  cours  de  dessin.  Mme  Sergentoffrit  même  d'en- 
seigner gratuitement  les  jeunes  filles  pauvres;  le  29  j;invier  1813, 
le  podestat,  comte  Baluccanti,  lui  adressa  de  chaudes  félicitations 
pour  son  dévouement  désintéressé.  Ils  conquirent  beaucoup  de 
sympathies  à  Brescia  et  s'y  lièrent  avec  deux  compatriotes  : 
M.  Deby,  ancien  payeur  divisionnaire  de  l'armée  d'Italie,  et 
M.  Julien,  le  fondateur  de  la  Revue  rétrospective.  Servis  par  une 
domestique  montagnarde,  vivant  dans  un  intérieur  modeste,  ils 
donnèrent  cependant  des  soirées  recherchées.  Lne  fois  par 
semaine,  on  jouait  aux  jeux  de  société.  Une  fois  par  mois,  ayant 
pour  acteurs  leurs  élèves.  Sergent  faisait  voir  la  fantasmagorie  ou 
les  ombres  chinoises.  Puis  on  dansait.  Comme  l'étiquette  ne  per- 
mettait que  des  robes  blanches  pour  vêtement  des  jeunes  filles  et 
des  fleurs  pour  leur  coiffure,  on  appelait  la  réunion  :  «  le  bal  de 
printemps  de  M.  Sergent,  o 

Il  y  avait  longtemps  que  Talma,  instruit  par  l'étude  de  l'histoire, 
avait  médité  et  réalisé  en  France  la  réforme  des  costumes  sur  la 
scène,  réforme  déjà  tentée  par  Lekain.  L'Italie  était  à  cet  égard 
restée  bien  en  arrière.  Sergent,  qui  était  grand  amateur  de  théâtre, 
prit  goût  h.  la  question  et  résolut  de  faire  en  Italie  par  la  plume  et 
le  burin  ce  que  Talma  avait  fait  en  France.  Il  écrivit,  en  1812,  Sulla 
riforma  da  farsi  nei  vestimenti  teatrnli.  Il  projeta  en  même 
temps  un  grand  ouvrage  sur  les  costumes  des  peuples.  Le 
28  juillet,  il  demanda  à  l'Athénée  de  Brescia  la  permission  d'en  faire 
lire  le  discours  préliminaire.  L'ouvrage  portait  pour  titre  :  Cos- 
tiimi  dei 2)opoli  antichi  et  moderni^  ;\e  premier  fascicule  parut 
en  février  1813.  La  préface  n'est  autre  que  le  discours  prélimi- 
naire lu  l'année  précédente  à  Brescia.  Cette  préface  est  vraiment 
curieuse.  L'auteur  y  célèbre  la  paix,  et  il  émet  l'augure  que  les 
souverains  de  l'Italie  protégeront  son  œuvre.  Il  salue  en  eux  des 
princes  jaloux  de  conserver  la  gloire  des  pays  soumis  à  leur  domi- 
nation. Répondant  à  certaines  critiques,  il  déclare  qu'il  a  choisi 
les  modèles  les  plus  élégants  parce  qu'il  écrit  pour  le  théâtre.  A 
propos  du  frontispice,  composition  allégorique  sans  grande  valeur, 
il  insiste  sur  la  nouveauté  du  genre  de  gravure  adopté  par  lui  et 

'  A  Milan,  cliez  Fortunato  Stella,  libraire,  contrado  Santa  Margherita. 


XOTICE    SLR    SKKGEXT-MARCKAl.  609 

fait  allusion  aux  succès  qu'il  a  oblenus  '.  Les  estampes  ([iii  accom-  • 
pagnent  le  volume  et  qui  sont,  comme  le  frontispice,  en  couleurs, 
ont  trait  aux  rôles  de  plusieurs  pièces  alors  en  vogue  en  Ilalie  : 
le  Virginio  d'Al/ieri_,  le  hallet  du  Ritorno  d'i  lisse  m  Itaca,  etc. 
Les  Costiimi  furent  l'occasion  de  lettres  échangées  de  1812  à 
181*J  entre  Sergent  et  Stella.  \ous  les  publions  à  la  fin  de  noire 
mémoire.  Il  y  est  question  non  seulement  des  Costumi,  mais  du 
Louvre  et  de  l'art  de  la  gravure  en  France  et  à  l'étranger,  de  des- 
sins qu'entreprend  Sergent,  et  aussi  soit  de  ses  embarras  d'argent, 
soit  de  son  fils  adoptif,  Agathopbile  Berchel-Marceau,  ancien 
élève  du  lycée  de  Casale,  qui  fut  employé  cbez  Stella,  et  qui, 
littérateur  dans  ses  loisirs,  entra  plus  tard  dans  la  direction  des 
travaux  publics  du  royaume  lombard-vénitien.  .Vous  n'avons  pas 
besoin  d'insister  sur  l'inlérét  qu'elles  présentent  pour  la  connais- 
sance de  l'homme  et  de  l'artiste.  \ous  ne  sommes  pas  surpris  de 
l'admiration  que  Sergent  professe  pour  les  gravures  françaises, 
surtout  pour  les  premières  estampes  de  Moreau  le  jeune.  Mais, 
tout  en  voulant  être  impartial,  peut-être  est-il  téméraire  quand  il 
met  au-dessus  de  tous  Chodouicki,  de  Dantzig,  aux  talents  variés, 
à  la  fois  peintre  en  miniature  et  émail,  dessinateur  et  graveur.  En 
cela  du  moins  il  était  d'accord  avec  beaucoup  d'amateurs  de  la  fin 
du  siècle  dernier.  Le  Manuel  de  l'amateur  d'estanq^es  d'Hubert 
et  Rost  (Zurich,  1797)  se  confondait  en  éloges  sur  Chodowicki 
et  le  classait  parmi  les  grands  artistes  dans  son  genre,  soit  pour 
l'originalité  des  idées,  soit  pour  l'esprit  d'exécution.  Deux  gra- 
veurs italiens  furent  en  relations  particulières  avec  Sergent.  Xous 
présumons  que  ce  fut  pendant  son  séjour  à  Venise  qu'il  entra  en 
rapport  avec  Francesco  Xovelli.  Ce  graveur,  en  effet,  naquit  dans 
celle  ville  en  1764.  Elève  de  son  père  Pietro-Antonio,  il  travailla 


'  Texte  original  :  *  A  colori  in  guisa  affato  nuovo  e  sconsciuti  degli  incisori 
d'Italia  e  nella  quale  mi  fu  da  parecchi  anni  accordata  una  cerla  fama  dai  Profes- 
sori  di  Pillura,  d'Iocisione  et  dul  Publico.  [Legassi  il  Guide  des  amateurs,  par 
Hubert,  ediz.  tii  Zurigo,  e  VOpera  sucjli  Incisori,  estampata  in  Sienno.  cl  nome 
Sergent,  Anl.  Fraitc.)  - 

Traduction  :  «  En  couleur,  à  la  manière  nouvelle,  inconnue  des  graveurs  ita- 
liens, dans  laquelle,  il  y  a  peu  d'années,  j'ai  obtenu  un  certain  renom  chez  les 
prolesseurs  de  peinture,  de  gravure  et  dans  le  public.  (Lisez  le  Guide  des  ama- 
teurs, par  HiBERT,  édit.  de  Zuricii,  et  l'Ouvrage  sur  les  graveurs,  imprimé  à 
Sienne,  au  mot  Sergent,  Ant.  Franc.)  t. 


670  \OTICE    SUR    S  E  RGE  !VT-M  A  RC  E  A  U. 

en  1815  à  un  Almanach  pour  Stella.  A  ce  propos,  Sergent  le 
critiqua  et  lui  reprocha  sa  froideur  dans  les  effets  et  sa  lourdeur 
qu'il  attribuait  à  la  pratique  presque  exclusive  des  sujets  religieux. 
Et  de  fait,  A'ovelli  grava  surtout  d'après  Titien,  .\Iantegna  et 
Raphaël.  Quant  à  Longhi,  Sergent  parait  attacher  beaucoup  de 
prix  à  son  jugement.  C'est  ce  qui  ressort  de  sa  correspondance  et 
du  Fragment  de  Valhinn  et  m'grum  où  il  l'exalte  comme  "  un 
«  artiste  célèbre,  grand  dessinateur,  bomrae  éclairé  sur  tout  ce 
'■<■  qui  appartient  aux  Beaux-Arts  et  à  la  poésie,  né  à  Milan  où  les 
«  femmes  sont  généralement  belles,  qui  avait  vécu  à  Rome  où  la 
«  beauté  est  grandiose...  i;  11  y  a  là  une  erreur  de  lieu.  Giuseppe 
LoDghi,  dessinateur  et  graveur,  ne  naquit  pas  à  Alilan,  mais  à 
Monza,  en  ITGG.  Il  fut  élève  pour  le  dessin  de  Giulano  Travalesi, 
et  pour  la  gravure  de  Vangelisti.  Le  chevalier  Longhi  fut  membre 
de  l'Institut  de  Milan  et  de  Paris,  professeur  à  l'école  du  royaume 
lombard-vénitien,  et  mourut  en  1831.  Son  œuvre  est  considé- 
rable. Outre  les  nombreuses  gravures  dont  le  Manuel  de  l'ama- 
teur d'estampes  donne  la  liste,  il  a  écrit  en  italien  un  traité  sur 
l'art  de  la  gravure.  D'une  grande  habileté  à  manier  le  burin,  il 
s'inspire  presque  toujours  d'œuvres  anciennes.  On  lui  reproche 
d'être  inférieur  à  ses  modèles. 

Après  qu'en  1813  il  eut  été  nommé  membre  honoraire  de 
l'Athénée  de  Brescia,  Sergent  y  lut  plusieurs  discours  et  mé- 
moires :  1813,  allocution  de  remerciement  pour  sa  nomination  et 
Notizi  dei  disegni  di  Virginia  o  studio  d'un  pittore  e  d'un 
commediante  sull  espressione  da  darsi  à  Virginio  '/  181-4,  Coup 
d'œil  sentimental  et  critique  sur  Venise,  que  nous  avons  déjà 
cité;  1815,  un  discours  intitulé  :  Quale  di  tutti  i  modi  d'incidere 
sia  pin  da  preziarvi-  ?  dont  on  trouvera  l'analyse  aux  pièces 
annexes,  dans  une  lettre  à  Stella.  En  1815,  aussi,  fut  représetilé 
au  Teatro  Grande  de  Brescia  le  mélodrame  la  Vestale,  musique 
du  maestro  Pacini,  paroles  de  Félix  Romani.  Sergent  l'entendit  et 
fut  saisi  des  imperfections  qui   existaient  dans   les  costumes  et 

1  Traduction  :  a  iVotices  des  dessins  de  Virginio  ou  étude  d'un  peintre  et  d'un 
comédien  sur  l'expression  à  donner  à  Virginio.  i  II  s'agit  évidemment  du  Virgi- 
nio d'Alûeri. 

-  Traduction  :  «  Quelle  est  de  toutes  les  manières  de  graver  celle  qui  a  le  plus 
de  valeur?  » 


NOTICE    SLR    SE11GE\T-MARCE  AL.  671 

dans  le  décor.  Il  ne  pouvait  laisser  passer  l'occasion  île  nionlrcr 
ses  connaissances  spéciales  sur  cette  partie  de  l'art  dramatique.  11 
consigna  les  fruits  de  ses  érudites  recherches  et  de  sa  science 
artistique  dans  les  Osservazioni  critiche  qu'il  lut,  le  6  août,  à 
r.Alhénée.  Xous  en  publions,  aux  Annexes,  les  plus  importants 
passages.  En  1816,  il  lisait  devant  la  docte  Assemblée  une 
curieuse  apologie  des  chiens  [Apolouia  dei  cani).  Le  13  juin 
1816,  il  annonçait  son  départ  pour  Alilan,  où  il  se  fixait  de  nou- 
veau a\ant  la  fin  du  mois. 

Suivant  une  promesse  par  lui  faite  à  l'Athénée  de  Brescia,  il 
adressait,  en  1819,  à  cette  assemblée  le  portrait  de  Canova  gravé 
par  lui. 

Son  séjour  à  Milan  ressembla  beaucoup,  à  tous  égards,  à  celui 
de  Brescia.  11  fut  marqué  par  une  Description  de  la  cathédrale. 
En  1820,  Sergent  fit  paraître  chez  Giusti.  libraire,  \a  Xotice  histo- 
rique sur  le  fjénéral  Marceau,  ornée  de  gravures  qu'il  avait 
exécutées  '.  Il  en  abandonna  le  produit  à  l'éditeur,  sous  réserve 
de  certains  exemplaires  destinés  à  des  dons.  Ces  exemplaires 
furent  donnés  par  Emira  à  Louis  XVIII,  au  roi  de  Prusse,  au  roi 
de  Suède,  au  roi  de  Wurtemberg,  à  l'archiduc  Charles,  au  prince 
de  Saxe-\\  eiraar,  aux  Chambres  françaises,  à  quelques  personnages 
célèbres.  Lui,  le  régicide  exilé,  écrivit  même  à  ce  sujet  au  ministre 
de  Sa  Majesté  le  roi  de  France,  Autre  sujet  d'étonnement.  Déjà 
nous  avions  été  frappés  de  la  réserve  politique  que  Sergent 
observe  dans  sa  correspondance.  IVotre  impression  s'accentue  à  la 
lecture  de  la  lettre  du  8  mars  1820  à  M.  Julien.  Quand  les  Autri- 
chiens eurent  reconstitué  le  royaume  lombard-vénitien,  les  Lom- 
bards avaient  pu  croire  qu'ils  conserveraient  un  reste  d'indé- 
pendance. Ils  avaient  été  vite  détrompés.  Les  canonniers  montant 
la  garde,  mèche  allumée,  sur  la  grande  place  de  Milan  ne  lais- 
saient point  d'illusion  sur  l'état  de  choses.  Silvio  Pellico  cependant 
avait  fondé,  en  1818,  le  Conciliateur  contre  la  Bibliothèque  ita- 
lienne, revue  austro-milanaise,  qui  méritait  les  sympathies 
autrichiennes;  il  allait  bientôt  cruellement  expier  ses  velléités 
libérales.  Est-ce  réserve  obligée  de  l'exil,  est-ce  effet  de  l'âge, 

'  Il  l'annonça  dès  1819.  (Voir  la  lettre  du  prince  d'Hardenberg  à  Sergent,  de 
Berlin,  30  octobre  1819,  à  propos  de  cette  annonce  e  de  la  translation  du  monu- 
ment de  Marceau.) 


6';2  NOTICE    SLU    S  E  HGE  ÎV  T-M  A  RCE  A  U. 

esl-ce  piudence  de  la  pail  du  père  adoptif ?  dans  aucune  leltre  de 
Sergent,  à  noire  connaissance,  on  ne  sent  déborder  l'indignation 
causée  par  un  régime  de  compression  et  de  tyrannie.  Il  loue  la 
Bibliothèque  italienne  et  garde  le  silence  sur  le  Conciliateur  ;  il 
loue  le  gouvernement  et  serait  presque  tenté  de  lui  pardonner  la 
censure  à  cause  de  quelques  tendances  anticléricales  et  de  la 
création  d'écoles  d'enseignement  mutuel  autorisées  à  Milan  et  à 
Brescia'.  Après  tout,  on  peut  lire  la  Quotidienne,  les  Débats,  le 
Moniteur,  et,  pour  les  autres  journaux  français,  il  y  a  la  res- 
source de  la  contrebande.  Voilà  tout  ce  que  Sergent  trouve  à  dire 
sur  rilalie  frémissante,  à  la  veille  dune  insurrection.  Pour  un 
ex-conventionnel,  c'est  le  comble  de  l'optimisme. 

En  1821,  il  publia  la  traduction  de  Viconologie  de  Pistrucci  ; 
à  la  même  époque  appartient  son  portrait  exécuté  par  le  chevalier 
Longhi. 

En  1824  et  1825,  nous  le  voyons  en  correspondance  avec 
M.  Pouthier,  agent  d'affaires  à  Paris.  Ces  lettres  ne  nous  rensei- 
gnent qu'incidemment  sur  la  vie  artistique  de  Sergent.  Au  mois 
d'avril  1824,  il  fait  appel  de  fonds  à  Pouthier  pour  solder  d'ur- 
gentes dépenses.  Il  venait,  en  effet,  de  prendre  un  nouveau  bail, 
et,  pour  obtenir  une  diminution  de  loyers,  il  s'était  engagé  à 
verser  une  année  d'avance.  En  1825,  il  est  toujours  préoccupé  du 

'  Ces  écoles  auxquelles  se  réfère  Serj^ent  dans  sa  lettre  du  8  mars  1820, 
furent  fondées  à  Brescia  par  Giacunto  JVIompiaui,  à  Ponte  \  ico  par  Camillo  Ugoni, 
et  à  Milan  par  Gonfalonieri. 

Le  premier,  philanthrope  distingué  (1785-1855),  avait  créé  en  1819,  dans  sa 
ville  natale,  une  école  de  sourds-muets  avant  d"y  établir,  en  18J9,  une  école  d'en- 
seignement Lancaster.  Il  conspira  contre  l'Autriche,  mais  on  le  relâcha  après 
qiiel(|ues  mois  de  prison,  faute  de  charges,  grâce  à  l'habileté  de  sa  conduite, 
pendant   le   procès.    (Renseignement  fourni   par  AI.   le  proièsseur  Garbelli.) 

Le  deuxième  fut  un  litterateurremarquable.il  traduisit  en  italien  les  Commen- 
taires de  César  et  les  Fables  de  la  Fontaine  et  écrivit  une  Histoire  de  la  littérature 
italienne  dans  la  dernière  moitié  du  dix-huitième  siècle,  \uiiemeni  estimée.  Des 
causes  politiques  l'obligèrent  à  quitter  l'Italie.  11  se  réfugia  d'abord  en  Suisse, 
puis  dans  d'autres  pays,  et  enfin  vint  à  Paris.  Ancien  rédacteur  du  Conciliatore, 
il  put,  par  l'entremise  affectueuse  de  Vitet,  collaborer  au  Globe,  et  lié  d'amitié 
avec  Villemain,  Cousin,  La  Fayette,  et  autres  libéraux  français,  il  rentra  à  Bres- 
cia en  1839.  (Renseignement  fourni  par  AI.  Garbelli  et  dans  la  Biographie 
Alicbaud,  art.  Lgoni.) 

Le  troisième  est  sans  doute  Gonfalonieri,  l'un  des  fondateurs  du  Conciliatore, 
ce  journal  (jui  inspira  des  craintes  au  gouvernement  autrichien  et  qui  fut  sup- 
primé au  bout  d'une  année. 


MOTICE    SUR    SERGE\'T-MARCEAU.  673 

succrs  de  son  ouvrage  sur  les  Costnmi  et  de  la  traduction  d'un 
traité  sur  le  dédomtnagement  de  l'injure.  Il  lit  le  Journal  des 
Débats,  est  en  relation  avec  des  artistes  musiciens  italiens,  et  se 
procure  des  livres  d'économie  domestique,  tels  que  YArt  de 
conserver  les  fruits  et  le  Jardinier  des  fenêtres.  Si  l'on  en  croit 
la  note  jointe  à  ces  lettres,  il  offrit  au  libraire  Audot  de  Paris  sa 
traduction  de  la  Vie  de  Canova  et  les  gravures  raccompagnant 
pour  5oO  francs.  Il  aimait  à  rappeler  que  le  gouvernement 
impérial  et  Murât  avaient  souscrit  aux  Costuini  et  déclarait,  en 
terminant,  qu'il  avait  présenté  au  Roi  et  aux  Chambres  la  Notice 
historique  sur  Marceau.  Il  gravait,  notamment,  d'après  des  maî- 
tres italiens,  et  traduisait,  comme  nous  l'avons  déjà  observé,  des 
ouvrages  de  celte  langue  en  français. 

En  septembre  1827,  il  envoyait  à  l'Athénée  de  Brescia  deux 
gravures  en  couleurs  :  une  Vierge  et  un  portrait,  et  présentait  ses 
(cuvres  au  concours  annuel.  De  1827  à  1830,  nous  le  trouvons 
établi  à  quatre  milles  de  Milan  et  cultivant,  à  Gorla,  "  choux, 
crayons  et  belles-lettres  »  . 

Xous  ne  savons  combien  de  temps  il  conserva  à  Turin  les  fonc- 
tions de  bibliothécaire  adjoint. 

Après  Turin,  Nice  l'attira;  Il  conçut  l'espoir  que  le  climat  en- 
chanteur des  bords  méditerranéens  ménagerait  à  sa  compagne  et  à 
lui-même  encore  d'heureux  jours.  Quoique  la  révolution  de  Juillet 
l'eût  relevé  de  la  proscription,  il  renonça  à  venir  à  Chartres.  Le 
chemin  était  long,  ses  amis  étaient  morts,  il  eût  été  presque  étranger 
dans  sa  ville  natale,  et  peut-être  plus  d'un  visage  se  serait  montré 
sévère  pour  lui.  Sa  chère  Emira,  l'idole  de  son  âme,  l'épouse  si 
tendrement  chérie,  lui  fut  enlevée  le  6  mai  1834.  Son  convoi  fut 
suivi  par  le  comte  de  Canclaux,  consul  de  France,  M.  Borg,  vice- 
consul,  un  général  en  retraite,  et  un  certain  nombre  de  compa- 
triotes et  d'amis.  L'époux  désolé  a  consacré  à  la  mémoire  de  sa  chère 
femme  un  précieux  hommage,  auquel  nous  avons  fait  plus  d'un 
emprunt.  Ce  fragment  de  mon  album  et  nigrum  est  illustré  de  trois 
lithographies:  1°  \e  Portrait  d' Emira,  lithographie  par  R,  Mereu, 
à. Vice, d'après  un  portrait  d'elle  dessiné  et  gravé  par  son  époux  en 
1808;  1"  sur  un  côté  de  la  couverture,  Emira  dessinée  à  rage  de 
vingt  et  un  ans  ;  3°  sur  l'autre  côté,  le  Cimetière  de  Nice,  Serg- 
Marceau,  del.  1837.  Cette  dernière  lithographie  n'est  pas  la  moins 

43 


67  4 


XOTICK    SIR    SERT.  E\T-MAIICEAU. 


curieuse.  Sergent  dépose  une  couronne  sur  la  tombe  d'Emira;  il  est 
accompagné  d'un  prêtre,  sans  doute  le  «chanoine"  dontilest  parlé 
dans  la  lettre  à  Maider  ;  sur  le  mur  du  cimetière  est  écrit:  a  L'éter- 
nité nous  réunira.  >' 

Depuis  son  veuvnge,  Sergent  vécut  à  Xice  assez  retiré,  jouant  le 
rôle  semi-comique  de  confident  des  femmes  malheureuses,  s'occu- 
pant  de  travaux  littéraires'  et  historiques,  et  dans  un  état  voisin  de 
la  gène,  qu'heureusement  le  roi  Louis-Philippe  adoucit  en  conti- 
nuant à  l'époux  la  pension  personnelle  et  viagère  accordée  par 
Napoléon  à  la  sœur  de  Marceau  ^. 

Qui  pensait  à  lui  en  France,  à  part  quelques  hommes  attachés 
aux  principes  et  aux  hommes  de  la  Révolu- 
lion?  L'un  d'eux,  David  d'Angers,  se  servit 
d'un  dessin  d'André  Dutertre,  élève  de 
Vien,  pour  modeler,  en  1835,  le  médaillon 
de  l'ex-conventionneP.  Le  statuaire  lui  en 
adressa  plusieurs  exemplaires.  Le  vieux 
graveur  fut  très  sensible  à  cet  envoi,  et  il  en 
remercia  l'auteur  dans  une  lettre  émue.  Il 
^  suppliait  en  même  temps  David  d'Angers 
de  faire  le  médaillon  de  Marceau,  et,  à  litre 
de  document,  il  dessinait  à  la  plume  sur  la 
marge  de  sa  lettre  le  croquis  que  nous  re- 
produisons ici  *.  Ce  vœu  ne  fut  pas  exaucé, 
mais  David  donna  place  au  général  dans  le  frontispice  dessiné  par 
lui  pour  une  histoire  de  la  Vendée  militaire. 

Hippolyte  Carnot,  qui  connut  Sergent  dans  les  derniers  jours  de 
sa  vie,  nous  fournit  des  détails  curieux  sur  son  intérieur,  ses  rela- 
tions et  le  culte  posthume  qu'il  gardait  à  sa  femme.  «  Morte 
«  presque  septuagénaiic,  son  Emira  (anagramme   de   Marie)  lui 


'  Voir  La  botine  fdle  et  le  ramoneur,  histoire  véritable  en  16  pages,  in-S", 
traduit  du  journal  italien  Lelture  di  famiglia.  Chartres,  18^4. 

-  Cette  pension  fut  plus  tard  grossie  d'une  rente  de  400  francs  que  Souhait  (des 
Vosges)  avait  léguée  à  chacun  de  ses  collègues  malheureux. 

'  \  oir,  ci-coiitre,  planche  XiiVI. 

*  La  lettre  de  Sergent -Marceau  à  David  a  été  publiée  par  M.  Henry  JouiN  dans 
son  livre  Dacid  d'Angers  et  ses  relations  littéraires  (Paris,  l'Ion  et  C'",  1890, 
in-8",  p.  102-lOV).  M.  Jouin,  qui  avait  conservé  un  calque  du  croquis  de  Sergent, 
a  bien  voulu  le  metlre  à  notre  disposition  pour  être  inséré  dans  la  présente  étude. 


I 


HU  ^'K-\\i- 


Planclie  XLVI 


J'iiye   (j74. 


SERGEMT    MAUCEAU 

d'aPHKS     ht:     MÉDÎILI.OV     1)K     DAVID    d'.IVCKRS 
Kc|>rudiiit  dans  le   Tiesor  de  nuiuismiuirint  et  de  glijptique 


\OTir,  r,  SIR  si:  ur.  K\T-M  \RCK.\u.  dis 

«  apparaissail  l)cllc  ot  sfdiiisîiiile  comme  aux  premiers  temps  de 
tt  leur  mutuelle  lendrosse.  Il  vivait  entouré  de  souvenirs  d'elle: 
«ichifiTons,  poitraits  crayonnés,  autogra|)lies,  chilfres  enlrelacés.  » 
Son  modeste  salon  élait  orné  de  quelques  reli(|ues  précieuses  de 
son  beau-frère  :  le  sabre  de  Marceau,  son  écharpe  sanglante,  une 
urne  contenant  une  partie  de  ses  cendres,  et  une  miuiature  assez 
médiocre,  mais  d'un  certain  intérêt  historique,  que  Marceau  portait 
toujours  sur  son  cœur,  et  qui  n'élait  autre  que  le  portrait  de  sa 
fiancée  Agathe  Leprètre  de  Chateaugiron,  morte  marquise  Dodun. 

Sa  conversation  était  pleine  de  finesse  et  de  charme.  Il  fréquen- 
tait beaucoup  le  consul  de  France  à  Nice,  le  propre  frère  d'Agathe, 
Ilippolyte  de  Chateaugiron,  qui  lui  avait  dû  son  salut  pendctnt  la 
Terreur.  Il  visitait  souvent  aussi  la  famille  anglaise  Davenport. 
Uue  nuit  qu'il  avait  besoin  de  se  lever,  son  jeune  domestique  vint 
l'aider.  Sergent  le  renvoya,  mais,  resté  seul,  il  tomba  el  se  blessa 
grièvement.  Le  lendemain  matin,  son  domestique  couiut  chercher 
le  médecin.  Le  vieillard  lui  dit:  «  Quand  j'étais  par  terre  cette 
(i  nuit,  j'ai  bien  cru  que  j'allais  mourir;  mais  j'aurais  eu  grand 
«  regret  de  partir  même  en  paradis  sans  vous  avoir  serré  la  main.  » 
Il  avait,  comme  on  le  voit,  le  pressentiment  (jue  d'un  moment  à 
l'autre,  il  allait  mourir.  Et  comment  aurait-il  pu  se  faire  la  moindre 
illusion,  alors  (|ue,  si  son  esprit  demeurait  lucide,  ses  forces  phy- 
siques déclinaient,  quand  la  cécité  le  plongeait  dans  une  nuit  con- 
tinue, à  l'âge  de  (|uatre~vingt-seize  ans  ?  Peu  de  jours  avant  sa  mort,  il 
mandait  à  M.  IVoël  Parfait,  par  l'intermédiaire  d'un  ami  :  «  Je  n'ai  plus 
«rien  à  faire  et  je  puis  maintenant  finir  moi-même.. le  crois,  mon  cher 
«  compatriote,  que  le  moment  ne  se  fera  pas  longtemps  attendre.  " 
Il  fit  venir  le  curé  de  sa  paroisse.  Les  controverses  soulevées  au 
sujet  de  ses  derniers  moments  sont  étrangères  à  l'objet  de  ce  mé- 
moire; aussi  croyons-nous  inutile  de  les  relater  ici.  Le  15  juillet 
1847,  il  rendit  le  dernier  soupir.  Un  petit  groupe  d'amis  accom- 
pagna sa  dépouille  mortelle  jusqu'au  cimetière.  Hippolyte  Carnot 
prononça  sur  sa  tomhe  quelques  paroles  émues. 

Ainsi  mourut,  dans  un  oubli  presque  complet,  un  homme  qui 
avait  eu  son  heure  de  célébrité  retentissante,  et  dont  le  nom  se 
trouve  mêlé  à  l'histoire  de  la  Convention.  Sa  vie  politique  a  pu 
être  l'objet  de  critiques  sévères.  Alais  la  postérité  montrera  de  l'in- 
dulgence pour  sa  mémoire,  parce  qu'il  supporta  les  épreuves  d'un 


fi7G  KOTICK    SI  K    SEUCEXT-M.IRCEAU. 

long  exil  et  aussi  parce  qu'il  ;iima  deux  choses  sacrées:  l'ail  (|ui 
lui  apparaissait  comme  une  des  belles  parures  de  la  patrie,  et  sa 
famille  qui  était,  en  effet,  par  riiéroïsme,  la  ten  resse  et  la  déli- 
catesse des  sentiments,  digne  du  culte  qu'il  lui  voua  jusqu'au  der- 
nier jour. 

H.  Heri.uisoiv  et  Paul  Leroy, 

Membres  do  la  Société  des  Amis  des  Arts  d'Orléans. 


PU>CES  JUSTIFICATIVES 

S,h;rcks.  —  Les  pièces  cotées  sons  les  n"^  1,  2,  3,  5,  19,  28,  29,  30,  31,  32, 
33,  3(j,  37,  38,  39,  40,  41,  42,  43,  font  partie  de  la  collection  de  M.  Herluison. 
Les  autres  sont  tirées  des  Archives  de  la  ville  et  de  l'Athénée  de  Brescia'. 

N»  1. 

Billet  écrit  par  Sergent. 

Le  citoyen  Bayard  voudra  bien  faire  chercher  sur  le  champ  un  secrétaire 
propre  et  en  état  de  servir  qu'il  faut  pour  le  Comité  du  Salut  public.  Le 

'  Nons  croyons  devoir  réitérer  ici  nos  vifs  remerciements  à  M.  le  professeur  Gar- 
belli,  bibliothécaire  de  la  Queriniana,  qui  a  eu  l'obligeance  de  nous  signaler  et  de 
nous  faire  copier  ces  documents,  et  à  l'Athénée  de  lîrescia  qui  a  bien  voulu  ouvrir 
pour  lui  ses  archives.  \'ous  remercions  aussi  M.  le  professeur  Garbelli  des  utiles 
éclaircissements  qu'il  nous  a  transmis  avec  les  copies  des  documents. 

Outre  les  pièces  que  nous  publions  et  qui  nous  ont  paru  les  plus  intéressantes, 
l'.^thénéc  possède  : 

1"  Une  lettre,  datée  de  Brescia,  4  avril  1813,  par  laquelle  l'Athénée  commu- 
nique à  Sergent  qu'il  a  été  élu  socio  d'onore. 

2"  Une  lettre  du  préfet  du  département,  datée  de  Brescia,  5  juillet  1813,  qui, 
au  nom  du  Ministère  de  l'instruction,  recommande  à  l'Athénée  les  Costttmi,  et  la 
réponse  de  l'.^thénée  à  la  lettre  précédente. 

3"  Une  lettre  de  Sergent,  datée  de  Brescia,  15  janvier  1816,  par  latiuelle  il 
demande  de  pouvoir  ajouter  à  son  nom  le  titre  de  membre  de  l'Athénée. 

4"  Une  lettre  de  Sergent,  datée  de  Milan,  19  février  1817,  par  laquelle  il  se 
défend  de  critiques  dirigées  par  M.  l'^erraris  contre  les  Coslnmi. 

.5"  Réponse  de  l'Athénée  à  la  letlre  précédente  (Brescia,  3  mars  1817). 

6"  Une  lettre  de  Sergent,  datée  de  Milan,  22  octobre  1818,  par  laquelle  il  offre 
à  r.Athénée  le  portrait  de  Canova. 

7°  Réponse  de  l'Alhénée  (Brescia,  1"  novembre  1818). 

8°  Lettre  du  président  de  l'Athénée  à  Sergent,  datée  de  Brescia,  19  avril  1818, 
sur  un  essai  de  l'ouvrage  que  Sergent  avait  l'intention  de  publier  :  Due  ccnto 
stampe  degli  illustri  niellierî  italiani. 

9°  Lettre  de  Sergent,  datée  de  Gorla,  près  Milan,  7  avril  1827,  par  laquelle  il 
offre  à  l'Athénée  deux  gravures. 

10"  Réponse  de  l'.^thénée  (Brescia,  14  avril  1827). 


XOTir.  F.    SI  11    SEIIGEXT-MAUCE.AU.  r,-T 

Porlcur  doit  rajtpoilei-    la  Réponse.   Paris  le  Priinedi  2"  Dec.  an  2'"^  de 
la  République  une  et  indivisible. 

Si(jné  :  Skrckn- r-M arceat, 
membre  du  Comité  d'Inspcclion. 

Paris,  le  (i   nu'Ssid.  an  "">=. 

Seryent  Marceau  ex-convenliunncl  au  C"  Ramel  Ministre  des  finances. 

Je  me  trouve  Citoyen  dans  un  grand  embarras  dont  vous  pouvez  me 
sauver  si  je  puis  me  promellrc  voire  intérêt  et  célérité  de  vos  bureaux.  II 
y  a  deux  ans  je  résidais  en  Suisse  en  vertu  de  passe-port  du  dép'  de 
Paris.  Comme  l'objet  qui  m'y  attirait  élait  relatif  aux  arts  et^que  je 
devais  comme  artiste  y  séjourner  tant  que  mes  travaux,  mes  études 
l'exigeraient,  je  fis  venir  à  Bàle  une  grande  partie  de  mes  effets  et 
meubles.  Lits,  tables,  fauteuils  etc.  Porcelaine  de  la  Cbine  de  service  et 
d'agrément  Estampes  desins  montés  sous  verre  et  en  portefeuilles, 
planches  de  cuivre  à  graver,  mannequin  à  peindre,  et  généralement  tout 
ce  qui  convient  à  un  artiste,  linge  de  table  de  chambre  et  de  corps.  Tout 
cela  me  fui  expédié  par  le  C"  Notelin  caissier  emballeur  rue  de  Cléry 
à  mon  adresse  à  Bàle  chez  M"  Micg  négociant  faubourg  S'  Jean,  et  chargé 
par  le  bureau  du  roulage  rue  Martin,  examiné  visité  à  la  barrière  de 
Rourglibre  et  de  Burgfeld.  Des  matelats  même  me  furent  arrêtés  comme 
étant  de  laine  trop  belle,  et  vous  donnâtes  ordre  qu'ils  me  fusssent  remis. 
A  tout  cela  se  joignait  de  l'argenterie  dont  je  vous  envoyai  la  note  et 
vous  donnâtes  également  l'ordre  pour  <jue  je  la  passasse  sous  la  promesse 
de  la  rentrer  en  Fiance  à  mon  retour. 

Une  très  grande  partie  de  mes  meubles  et  effets  sont  restés  à  Bàle  chez 
mon  hôle  le  C"  Micg  Préfet  national  et  je  l'ai  jirié  de  me  les  expédier  de 
suile  par  deux  motifs,  parce  [sic)  je  forme  un  établissement  à  Paris  et 
que  j'ai  besoin  de  mes  meubles  parceque  je  n'ai  point  trouvé  à  les  vendre 
dans  une  ville  où  on  craint  de  voir  arriver  l'ennemi,  parceque  mes 
correspondans  eux-même  très  patriotes  el  fonctionnaires  publics,  faisant 
passer  en  France  leurs  effets  propres  ne  peuvent  laisser  les  miens. 

Ils  me  préviennent  cependant  que  l'on  exige  de  très  gros  droits 
d'entrée  sur  tous  ces  objets  et  qu'il  faut  que  j'estime  chacun  de  mes 
meubles  et  estampes  dont  je  payerai  en  raison  de  la  taxe  de  chacun 
comme  marchandises  étrangères  importées  en  France. 

Observés  bien  que  je  les  ai  emportés  pour  mon  usage  lors  de  mon 
voyage  en  Suisse  et  obligé  de  les  passer  à  Baie  pour  prendre  mon  séjour 


678  K'OTICE    SLR    SE  RGE  IV  T-AI  A  UC  E  A  U. 

à  A ou  je  devais  rester,  qu'ainsi  je  dois  avoir  la  faculté  de  les  rentrer 

avec  moi  sans  payer  aucun  droit  puisque  ce  ne  sont  point  des  marchan- 
dises, puisque  j'ai  pris  noire  attache  pour  les  emporter  ou  faire  venir 
avec  moi. 

Je  vous  prie  Citoyen  ministre  de  faire  droit  à  ma  demande  et  sur  le 
champ  vu  les  circonstances  cruelles  qui  mettent  le  reste  de  ce  que  je 
possède  en  dau'jer  chaque  instant.  Tout  est  emhallé  mais  jugés  quels 
risques  je  cours  plus  que  tout  autre.  Mon  hôte  Préfet  national  sera  pillé 
h  coup  sur.  Deux  voisins  qui  détestent  les  Français  et  qui  me  voyaient  de 
très  mauvais  œil  ne  manqueraient  pas  de  déclarer  aux  Autrichiens  qu'il  y 
a  dans  cette  maison  tout  le  mobilier  d'un  Français,  et  celui  qui  a  encaissé 
mes  estampes  et  tableaux  outré  partisan  de  l'Autriche  et  leur  correspon- 
dant intime  les  mènerait  droit  à  ma  caisse.  On  attend  pour  charger  ma 
réponse,  et  je  ne  puis  la  faire  citoyen  que  lorsque  vous  aurez  eu  la 
complaisance  de  m'expédier  un  ordre,  je  n'ai  rien  qui  justifie  que  le 
reçu  de  mon  hôte  de  reconnaissance  du  dépôt,  et  le  détail  des  objets  en 
cas  de  mort.  Car  à  la  sortie  aux  frontières  on  ne  m'a  expédié  ni  Etals 
ni  rien. 

Salut  fraternel. 

Sicjné  :  Sergext  Marceau. 

rue  de  Chaillot,  n"  1. 

P. -S.  —  Indépendamment  des  craintes  que  je  puis  avoir  qui  pour- 
raient n'être  pas  autant  fondées  et  je  le  souhaite  mon  Etablissement  ne 
peut  aller  sans  ces  effets  et  chaque  jour  de  retard  me  cause  une  perte 
réelle. 

Si  vous  croyés  que  vous  ne  puissiés  arranger  cette  affaire  sans  en  causer 
avec  moi  faites  moi  le  plaisir  de  m'indiquer  un  Rendes  vous  prochain. 

N»  3. 

Le  G  niiôse  an  10''. 

Lettre  de  Sergent  au  citoyen  Lamy  libraire  rue  du  Hurepoix. 

Je  prie  le  citoyen  Lamy  de  donner  pour  moi  au  C"  Jardine  12  petits 
cuivres  de  la  suite  de  ceux  qu'il  m'a  déjà  donnés  et  de  garder  cette  note 
pour  reçu  en  attendant  que  je  passe  chez  lui. 

Salut. 

Si(jnc  :  Sergent-Marceau. 


A'OTICK    S  un    SEIlGE\T-MAUr,  K  AU.  6T0 

Brcscia,  28  juillet  1812. 

Aux  Membres  de  l'Alhence  de  Brcscia. 

Depuis  loiiijlemps  amant  du  ihéàtre,  je  me  suis  occupe"'  des  difféieutrs 
parties  qui  peuvent  conliibuer  à  le  rendre  digne  de  l'inléièt  des  gens  de 
goùl,  et  les  habitudes  que  j'ai  eues  en  France  avec  des  hommes  qui  y  ont 
brillé  par  des  talents  dus  à  de  profondes  études,  m'ont  procuré  quehpies 
connaissances  que  je  n'ai  point  négligées.  Alais  des  éludes  plus  parti- 
culières dans  les  beaux-arts  m'ont  fait  examiner  le  théâtre  sous  le  rapport 
des  Costumes,  et  je  l'ai  trouvé  en  Italie  si  loin  du  but  à  cet  égard,  que  j'ai 
pensé  faire  une  chose  utile,  en  réunissant  les  matériaux  que  j'avais 
amassés  en  mettant  à  contribution  les  anciens  et  les  niodernes,  en  usant 
de  mon  talent  dans  le  dessin  et  la  gravure  pour  donner  aux  artistes 
dramatiques  un  ouvrage  qui  leur  fut  consacré. 

Je  désire  cependantsoumellre  celte  idée  à  des  lumières  plussùresque  les 
miennes.  Mon  amour  propre  peut  me  tromper  sur  mes  intentions,  comme 
sûrement  il  m'abusera  trop  souvent  sur  mes  moyens.  H  me  faut  donc 
consulter  des  amis  avant  que  de  rien  entreprendre.  Mais,  étranger  parmi 
vous,  où  trouverai-je  des  amis?  Comment  aurai-je  pu  en  mériter  quand 
à  peine  j'arrive,  quand  rien  ne  m'a  fait  connaître  ?  J'ai  pensé  qu'au  défaut 
d'amis  éclairés,  ce  serait  dans  une  société  de  lillérateurs,  qui  ne  le  feront 
pas  pour  moi,  qui  n'ai  pas  acquis  de  droit  à  leur  bienveillance,  mais  pour 
l'amour  des  arts,  que  je  trouverais  des  Censeurs,  des  Guides,  des  hommes 
vrais  qui  me  diront  dans    la  sincérité  de  leur  cœur,  ou   «  Continuez  et 

comptez  sur  notre  appui  pour  nous  éclairer »  ou   «  Quittez  la  plume 

que  vous  tenez  d'une  main  Irop  timide  et  trop  peu  exercée...  «  .  Je  vous 
demande  donc.  Messieurs,  la  permission  de  vous  faire  lire  le  Discours 
préliminaire  de  mon  ouvrage.  H  a  été  traduit  par  un  de  vos  Membres  (|ui 
a  bien  voulu  avoir  pour  moi  celle  condescendance  et  a  qui  je  devrai 
beaucoup  si  mes  idées  vous  paraissent  présentées  avec  quelque  grâce. 
Vous  y  verrez,  ce  que  vous  savez  déjà,  les  motifs  qui  m'ont  conduit  ;  vous 
ne  trouverez  rien  de  neuf  dans  mes  remarques,  dans  me^  critiques,  dans 
mes  vues  :  plusieurs  de  vous,  sinon  tous,  auront  déjà  pensé  cent  fois  la 
même  chose.  Aussi  ne  prélends-je  [las  dans  cet  écrit  vouloir  convaincre 
et,  persuader  les  hommes  qui  cultivent  les  lettres  :  il  est  adressé  à  ceux 
à  qui  l'érudition  doit  èlre  étrangère,  et  je  ne  sollicite  que  votre  suffrage 
comme  un  aide  pour  persévérer,  comme  lai  bouclier  derrière  lequel  je 
me  mettrai  à  l'abri  des   traits  de  l'ignorance  et  des  préjugés  que  j'aurai 


680 


IVOTICE    SIR    SEUGEMT-MARCEAU. 


j)Oiir  ennemis.  Mille  choses  sont  dans  ce  discours  inutiles  pour  une  sociélé 
comme  la  vôtre  qu'il  faut  dire  au  public.  Vous  aurez  de  la  patience  en  les 
y  entendant,  mais  vous  rélléchirez  que  si  j'en  abuse  en  ce  moment,  c'est 
pour  apprendre  de  vous  si  ces  vérités  sont  bien  présentées  à  ceux  qui  les 
ignorent,  si  elles  mériteront  que  les  savants  s'en  déclarent  avec  vous  les 
apôtres,  les  défenseurs  et  si  enfin  nous  pourrons  espérer  qu'elles  servent 
à  une  régénération. 

Mon  intention  est  de  garder  l'anonyme  en  public  dans  cet  ouvrage.  Je 
suis  né  chez  un  peuple  qu'on  accuse  peut-être  avec  raison  d'avoir  trop  de 
prétentions,  qu'on  a  le  droit  au  moins  de  jiîger  trop  précipité  dans  ses 
décisions:  j'ai  craint  de  choquer  l'amour  propre  en  laissant  voir  une  main 
étrangère  qui  présentera  le  remède,  et  par  là  de  courir  les  risques  de  le 
voir  rejelter  (sic)  :  je  me  suis  enveloppé  d'un  manteau  du  pays.  Que 
m'importe  qu'on  sache  que  c'est  moi  qui  ai  tenté  de  faire  le  bien,  si  je 
parviens  à  l'opérer  ?  Vous  le  saurez.  Messieurs,  et  vous  me  rendrez 
justice,  que  j'aie  réussi  ou  non,  en  examinant  mes  efforts  pour  atteindre  le 
terme  et  en  m'appuyant  de  vos  conseils.  J'aurai  alors  obtenu  la  récom- 
pense que  je  sollicite  de  vous  en  cet  instant,  votre  estime,  puisque  vous 
calculerez  plutôt  mes  intentions  que  mes  faibles  moyens. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer,  Messieurs. 

Signé  :  Sergext-Marceau, 
Ex-membre  de  la  Commission  A'at^'  Conservai"' 
des  Monumcnls  de  sciences  arts  et  de  celle  de 
l'Encouragement  des  arts  en  France, 


N»5. 


Brescia,  le  25  août  1812. 


A  Monsieur  Schoël  libraire  rue  des  fosses  S'-  Germain-l'auxerois 
n"  29  à  Paris. 


II  y  a  apparence,  Monsieur,  que  vos  affaires  vous  ont  fait  perdre  de 
vue  la  lettre  que  je  vous  écrivis  l'année  passée  au  mois  de  juin  et  qui  fut 
portée  par  mon  Epouse,  puisque  j'ai  été  privé  d'une  réponse.  Elle  avait 
à  son  départ  donné  un  pouvoir  à  quelqu'un  pour  régler  toutes  mes  affaires 
et  cette  personne  devait  s'aboucher  avec  vous.  Mais  elle  a  quitté  Paris 
sans  pouvoir  s'occuper  de  ce  dont  on  l'avait  chargé.  La  personne  qui 
vous  remettra  celle  cy  veut  bien  prendre  le  soin  de  mes  intérêts.  Elle  est 
suffisament  autorisée  pour  terminer  tout  espèce  de  Compte. 


\OTICE    SUR    SERGENT-MAllCKAU.  G8I 

Pour  la  meltre  à  môme  de  traiter  iilileinent  avec  vous  pour  co  qui  nous 
concerne,  il  faut  que  je  vous  lasse  ici  une  observation  sur  une  réponse 
verbale  de  vous  qu'on  m'a  transmis,  peut  être  pas  assés  exactement  pour 
nous  accorder  et  que  j'eusse  sans  doute  mieux  conçue  si  vous  m'onssiés 
fait  l'amitié  de  m'écrire, 

Vous  avés  dit-on  répondu  à  ma  demande  de  régler  un  compte  avec 
vous,  que  vous  aviés  vendu  vos  fonds  à  Basle.  Et  que  cela  ne  vous 
regardait  plus.  Je  crois  qu'on  vous  a  mal  compris,  parceque  comme 
négociant  éclairé  vous  savés  que  la  Cession  des  fonds  ne  détruit  ni 
l'actif  ni  le  passif.  Vous  n'ignorés  pas  de  même  que  Votre  acquéreur 
ne  me  connaît  point,  et  que  je  ne  serais  pas  fondé  à  me  reporter  vers 
lui  sur  un  appuremenl  de  Compte  avec  vous  à  qui  j'ai  livré  et  que  jo 
ne  puis  connaître  d'autre  débiteur  que  vous.  Avec  un  compte  réglé 
simultanément  je  pourrai  me  présenter  à  votre  acquéreur  et  lui  de- 
mander s'il  a  reçu  comme  passif  l'article  qui  me  concerne  et  s'il  con- 
sent à  acquitter.  Dans  le  cas  de  refus,  je  dois  toujours  me  reporter  à 
vous.  Je  ne  vous  apprens  rien,  ainsi  vous  n'avés  pas  pu  répondre,  comme 
on  me  l'a  raporté,  que  ce  compte  ne  vous  regardait  plus  parceque  vous 
avés  vendu. 

Je  suis  fâché  et  je  l'ai  dit  dans  le  tems  que  mon  Epouse  ne  vous  ait  pas 
vu  elle-même,  elle  vous  eut  mieux  entendu.  Au  surplus  je  m'en  rapporte 
entièrement  à  votre  Probité  qui  m'est  connue,  et  aux  lumières  en  affaires 
de  mon  fondé  de  pouvoir  nouveau. 

Eclaircissons  d'abord  le  point  principal  :  Savoir  que  vous  êtes  d'accord 
de  régler  notre  Compte.  Je  reprendrai  ce  qui  n'a  pas  été  vendu,  quoique 
par  plusieurs  lettres  adressées  à  Basle  avant  mon  départ  pour  l'Italie  et 
landisque  vous  teniez  encore  vos  fonds,  puisque  j'ai  eu  le  plaisir  de 
recevoir  de  vous  une  lettre  à  Genève,  je  vous  ai  demandé  de  me  faire 
passer  à  Paris  ce  qui  vous  restait  de  mes  estampes;  à  défaut  de  réponse 
je  pourais  les  regarder  comme  vendues.  Cependant  je  reviens  à  ma  propo- 
sition de  les  reprendre  en  compte.  Vous  reponderés  de  même  sur  la 
conséquence  de  la  demande  de  règlement  si  vous  solderés,  dans  le  cas  où 
il  me  sera  dû  ou  si  vous  me  mettrés  à  même  de  l'être  sans  difficulté  par 
votre  acquéreur.  Après  cette  réponse  cathégoriquement  donnée  je  vous 
ferai  remettre  sous  les  ieux  ce  compte  que  je  vous  ai  déjà  envoyé 
plusieurs  fois. 

Agrées  l'assurance  d'une  véritable  estime. 

Signé:  Sergent-Marceau. 

Le  6  Thermidor  an  9' je  vous  ai  envoyé  mon  compte.  Sauf  reprise  en 
nature  il  se  montait  à  2.198^  12^ 


.682  NOTICE    SUR    S  E  RG  E  NT-M  A  RC  K  A  U. 

A  ce  Compte  clait  joint  l'Klal  de  ce  que  j'ai  pris  en  payement  chez  vous 
savoir  : 

Voyage  de  Utile  à  Rienne 2  livraisons. 

Vues  coloriées,  par  Bikmann 6         — 

Un  vol.  Les  12  Césars 30         — 

1/2  rame  de  papier  à  lettre  fin d 

. .  .douz'  de  crayons  noirs  en  bois » 


Brescia,  13  janvier  1813. 

Traduction  d'une  lettre  de  Sergent  à  Stella  relative 
aux  Costumi  {extrait)  '. 

Je  me  dépèche  le  plus  possible  avec  l'imprinierie,  avec  mes  colo- 
ristes pour  être  prêt  dans  les  derniers  jours  du  mois  ;  avant  que  tout  soit 
en  ordre,  tant  de  choses  se  présentent!  Mais  je  viendrai  à  bout  de  tout  en 
stimulant  l'un^  en  stimulant  l'autre.  ' 

Brescia,  23  janvier  1813. 

Traduction  d'une  lettre  de  Sergent  à  Stella  sur  le  même  objet 
{extrait)  -. 

Voici,  Monsieur,  un  gros  paquet  de  lettres  que  je  vous  priede faire 

parvenir  à  leurs  destinataires.  La  plupart  ont  pour  objet  de  prier 
Messieurs  les  journalistes  d'aviser  le  public  que  mon  premier  fascicule  ne 
sera   pas  publié  avant  la   tin  de  février.  Le   motif  (le  vrai)  est  que  les 

'  Texte  original  : 

tt  ...Mi  affretto  il  pin  possibile  colla  stamperia,  con  i  miei  colorisli  per  essere 
pronto  agli  ultimi  gioriii  del  mese;  avanti  cbe  tutto  sia  in  ordine  occorrono  tante 
cose!  Ma  sara  superalo  tulto  spronaudo  l'un,  spronaudo  l'allro...  » 

-  Texte  original  : 

Brescia,  23  gennaio  1813. 

Extrait  d'une  lettre  au  même  sur  le  même  objet. 

«  ...Kcco,  signore,  un  grosso  plico  di  letferc  ciie  vi  prego  di  far  consegnare 
ove  dcbbono  esserio.  La  plu  parte  ba  per  oggetto  di  pregare  i  signori  giorualiste 
di  avvisare  il  pubblico  cbe  il  mio  primo  fascicolo  non  sara  pubblicato  prima  dalla 
(iiie  di  l'ebbraio.  Il  molivo  (vcrissimo)  e  clie  le  fornialila  dovute  di  revisione  mi 
b.mno  ritardalo  percbc  il  prefetto  non  ba  pensato  cjie  il  suo  ispettore  provvisio- 
nale  fosse  auloiizalo  a  rivedere  una  talc  opéra  cd  ba  maudalo  le  mil  carte  a 
Miiano.  ). 


\OTICE    SLR    SERGENT-MARCKAU.  683 

formalités  obligatoires  tle  révision  m'ont  relarilé  parce  que  le  préfet  n'a 
pas  pensé  que  son  inspecteur  fût  autorisé  à  examiner  un  ouvrage  de 
celte  sorte  et  qu'il  a  envoyé  mes  feuillets  à  Milan,.. 


K»  7, 

Brcscia,  7  février  181:5. 

Traduction  d'un  extrait  de  lettre  du  vième  au  même 
sur  le  même  objet  '. 

...  Je  vous  envoie  un  ordre  pour  notre  ouvrage,  parce  que  je  puis  dire 
noire  maintenant  que  nous  sommes  tous  les  deux  intéressés  à  son  succès 
et  au  profit.  Je  voudrais  pour  la  semaine  prochaine  200  feuilles  de  papier 
vélin  de  la  qualité  que  j'ai  choisie... 

N"  8. 

Traduction  d'une  lettre  adressée  en  mars  1813  par  Sergent 
à  V Athénée  de  Brescia"^. 

iMoNSIEUU  LE  PrkSIDEXT, 

Messieurs  les  Sociétaires  de  l'Athéxée  de  Brescia, 

Si,  avide  fureteur  de  la  vénérable  antiquité,  je  m'occupe  tant  à  chercher 
certains  rapports  avec  les  usages  des  siècles  reculés,  vous  ne  serez   pas 

1  Brescia,  7  febbraio  1813, 

Extrait  d'une  lettre  au  même  sur  le  même  objet. 

«  ...Vi  mando  uuo  commissione  délia  nostra  opéra,  perché  posso  dir  nostra  ora 
che  siamo  entranibi  intcressati  al  suo  buou  esilo  ed  ail'  utile.  Vorrei  per  la  setli- 
mana  ventura  200  fogli  di  carta  velina  délia  qualita  scella  da  me...  » 

*  Texte  original.  —  (L'Athénée  ayant  communiqué  à  Sergent  son  élection  eu 
qualité  de  socio  d'onore,  celui-ci  y  répond  par  la  lettre  suivante  :) 

SlG\OR  PrESIDEXTE,   SlGXORl  SoCJ  DELL  AtEXEO  DI  BrESCIA. 

Se  avido  indagatore  délia  sacra  antichita  mi  occupo  ta  volta  a  trovare  certi  rap- 
port! nogli  usi  de  secoli  remet!,  non  vi  faccia  maraviglia  che,  immerso  nella  sto- 
ria  romana,  io  applichi  a  me  stesso  cio  che  pralicavasi  in  Roma  coi  trionfatori. 
Per  reprimerc  l'csagerafo  orgoglio,  scquitavano  il  carro  loro  alcuni  che  cantavano 
aile  oreccliie  del  triomfatore  vevsl  mordcnti  clie  gli  facevano  dalla  generosita  dei 
popolo  riconoscere  tutti  que  gli  onori. 

Devo  considerare  corne  un  non  meritato  trionfo  per  me  l'essere  chiamato  iicl 
seno  d'inia  si  rispettabilc  Societa;  e  nei  momento  stesso  sento  sibilare  le  voii 
délia  critica,  che  mi  fanno  avvisato  che   avrcte,   Signori   Academici,   avulo  plu 


68 i  NOTICE    SUR    S  E  RG  E  \  T-M  A  KC  E  A  II. 

clonncs  que,  j)lon{]c  dans  l'hisloire  romaine,  je  m'applique  à  moi-même 
ce  qui  se  pratiquait  à  Rome  avec  les  triomphateurs.  Pour  réprimer 
l'orgueil  exagéré,  derrière  le  char  marchaient  certains  personnages  qui 
chantaient  aux  oreilles  du  triomphateur  des  vers  satiriques  lui  rappelant 
qu'il  tenait  de  la  générosité  du  peuple  tous  ces  honneurs.  —  Je  dois 
considérer  comme  un  triomphe  supérieur  à  mes  mérites  d'être  appelé 
dans  le  sein  tl'unesi  respectable  société,  et  dans  le  même  moment  j'entends 
siffler  la  voix  de  la  critique,  qui  me  fait  souvenir  que  vous  aurez  eu, 
Messieurs  les  académiciens,  plus  égard  à  mon  intention  de  rendre  utiles 
quelques-unes  de  mes  études  qu'au  talent  nécessaire  pour  atteindre  ce  hut. 
Je  le  savais  déjà  sans  en  être  averti  par  un  rigide  et  juste  censeur  dans 
une  feuille  accréditée;  et  j'étais  bien  loin  de  croire  que  je  méritais 
l'honneur  de  siéger  au  milieu  de  celte  assemblée,  alors  que,  présentant 
mon  plan  dans  un  discours,  je  vous  priais  de  me  favoriser  de  votre  assen- 
timent. Le  vulgaire  reproche  aux  littérateurs,  aux  artistes,  de  se  soucier 
peu  de  la  Fortune  et  de  préférer  une  vaine  et  stérile  gloire  à  cette  utile 
Divinité.  Malheur  à  eux  s'ils  jiensaient  comme  le  vulgaire  !  Les  calculs 
mercenaires  chasseraient  les  talents  de  la  société,  et  le  vil  intérêt  serait 
la  misérable  et  unique  occupation  de  l'humanité.  En  dira  ce  que  voudra 
le  vulgaire,  mais  j'apprécierai  mon  œuvre  seulement  pour  m'avoir 
procuré  l'honneur  d'être  compté  au  nombre  des  Sociétaires  qui  illustrent 

riguardo  ail'  inlenzioiie  mia  di  rcndere  util!  alcuni  miei  studi  che  al  talenfo 
necessario  per  {jiungere  a  taie  scopo.  Lo  sapevo  già  senza  csserne  avvertilo  da 
rigido  e  giusto  censore,  iu  un  foglio  accreditafo  :  ed  era  bcu  lontaiio  del  credere 
di  merilarnii  l'onore  di  sedere  iii  niczzo  a  quesla  radumauza,  allorcliè  presen- 
lando  in  un  discorso  il  mio  piano,  vi  pregai  di  favori  uni  del  voslro  parère.  Sono 
rimproverati  dalla  plèbe  i  liettcrali,  gli  arlisti,  di  curarsi  poco  dclla  fortuna,  e  di 
anteporre  iina  vana  e  stérile  gloria  a  quesla  utile  Divinila.  Guai  a  loro  se  pensas- 
sero  corne  la  plèbe!  i  calcoli  necessarj  sbandiderebbero  délia  Societa  i  talenti,  e 
il  vile  interesse  sarebbe  la  misera  ed  unica  occupazione  dell'  umana  prosapia.  Ne 
dira  cio  cbe  lorra  il  volgo,  ma  io  prcgero  la  mia  opéra  sol  perché  essa  mi  ha 
procurato  l'onore  di  essere  confalo  ntl  uovero  dei  Soci  clie  ilbistrano  l'.Ateneo  di 
Brescia,  e  non  l'utile  cbe  me  ne  ridonderebbe  dallo  smercio  degli  esemplari.  ma 
l'approvazione  del  dilettanti  cbe  l'acquitlassero. 

Un  altro  vantaggio  non  meno  pregevole  sara,  cbe  m'avele  colla  bonla  vostra, 
accordato  il  diritto  di  soliecilare  i  vosiri  consigli  nella  dillîcile  carriera  cbe  tento 
di  percorrere,  e  cbe  nii  sara  gralissimo  di  accrescere  il  numéro  dei  miei  doveri, 
promeltendo  di  adempirli  tutti  con  quella  fedelta  lealla  e  francltezza  cbe  si  con- 
viene  a  cbi  a  l'onore  di  a|)partenere  a  questo  coiitesso  commciidabile  per  ogui 
riguardo. 

Signé  :  Sercrm-AIarceau, 
Ex  membro  delta   Commissione  conser- 
vatrice dei  monumenti  di  scienze  et 
belle  arli  in  Francia. 


\OTICE    SIR    SERGEXT-M.AUCEAL.  G85 

l'Allioneum  do  Biescia,  el  non  pour  l'ulililé  qui  en  résullerait  pour  moi 
par  la  vente  des  exemplaires,  mais  pour  l'approbation  des  amateurs  qui 
s'en  rendront  acquéreurs.  —  Un  autre  avantage  non  moins  précieux  sera 
que  vous  m'avez,  avec  votre  bonté,  accordé  le  droit  de  solliciter  vos 
conseils  dans  la  difficile  carrière  <|ue  je  tente  de  parcourir,  et  qu'il  me  sera 
très  agréable  d'accroître  le  nombre  de  mes  devoirs,  en  promettant  de  les 
accomplir  tous  avec  cette  fidélité,  loyauté  et  franchise  qui  conviennent 
à  celui  qui  a  l'bonneur  d'appartenir  à  celte  province  recommandable 
à  tous  les  égards. 

Signé  :  Sergkxt-Marceai  , 

Ex-membre  de  la  commission  conservatrice 
des  monuments  de  sciences  et  beaux-arts  en  France. 

M"  9. 

Brescia,  24  mars  1813. 

Traduction  d'une  lettre  adressée  par  Sergent  à  Stella 
sur  l'ouvrage  des  Costumi  {extrait). 

Je  vous  envoie.  Monsieur,  cent  cinquante  exemplaires  des  Costumi 

dei  popoli  antichi  pour  que  vous  en  disposiez  d'après  nos  conventions... 
Je  suis  débiteur  envers  le  chevalier  Longhi  de  quatre  feuilles  de  cuivre; 
je  lui  écris  de  s'adresser  à  vous  pour  être  payé,  et  toutes  les  fois  qu'il 
aura  à  m'expédier  de  ces  cuivres  de  les  faire  consigner  chez  vous,  et 
qu'ensuite  vous  me  les  ferez  pai  venir  par  le  courrier  '. 

X»  10. 

Biescia,  31  mars  1813. 

Traduction  d'une  lettre  du  même  au  même 
sur  le  même  objet  (extrait)-. 

...  Monsieur  Lechi  que  vous  connaissez  bien  vous  remettra  ce  paquet 

'  Texte  original  : 

Brescia,  24  marzo  1813. 

Vi  spedisco,  si<jnoro,  cenli  cinquante  qualtro  esempiari  dei  Costumi  dei  popoli 
nJitichi,  per  e.ssere  dispoti  da  voi  a  seconda  délia nostra  scriltiira...  lo  sono  dehi  - 
tore  al  Caval.  Lon<{hi  di  quatro  fogii  di  rame;  gli  lio  scritto  di  ricorrere  a  voi  per 
essere  rimborsato  ed  ojjni  <|iialvolla  avra  a  spedirnii  qiiesli  rami  di  farli  con.se- 
gnare  a  voi,  clie  poi  nie  li  farete  arrivarc  col  niczzo  dei  corriere. 

-  Texte  original  : 

Brescia.  31  mars  1SI3. 

Extrait  d'une  lettre  au  même  sur  le  même  objet. 
Vi  cousegiKTa  il  sig'  Lechi  gia  da  voi  conoseinto  assoi,  queslo  [)lico  iicl  (|Uiile 


G86  ÎVOTir.  K    SUR    SERGENT-MARCEAU. 

dans  lequel  vous  trouverez  deux  fascicules  avec  des  lellres  incluses, 
destinées  à  deux  jouinalisles  de  Milan  qui  doivent  faire  mention  de 
l'ouvrage.  J'ai  déjà  plusieurs  fois  oublié  de  vous  demander  si  c'est  l'usage 
de  leur  donner  un  exemplaire  complet  d'un  ouvrage  quand  il  doit  être 
volumineux  et  publié  ainsi  séparément.  J'avoue  que  c'est  payer  cher 
quelques  petites  lignes  d'éloge,  mais  si  les  autres  le  font,  je  ne  veux  pas 
innover  ni  me  tenir  en  arrière.  Je  laisse  tout  ;'i  votre  disposition.  J'envoie 
aussi  un  Numéro  à  Paris  à  M.  Ginguené  pour  le  Nouveau  Mercure 
étranger.  Je  vous  ferai  part  de  sa  réponse  s'il  a  le  temps  de  la  faire:  de 
même  de  votre  côté  si  vous  avez  ce  journal  et  si  vous  voyez  un  article 
pour  nous,  vous  m'en  aviserez,  je  vous  prie.  Je  vous  laisse  le  soin  d'en 
envoyer  un  Numéro  au  Journal  de  l'Empire^  en  vous  recommandant  de 
ne  pas  publier  mon  nom.  Il  lut  un  temps  oîi  nous  étions  trop  divisés  d'opi- 
nion... J'écris  à  M.  le  Conseiller  Scopoli  par  l'intermédiaire  de  M.  Lechi, 
mais  je  vous  prie  de  penser  quelquefois  à  lui  présenter  mes  devoirs  et  à 
le  pousser  pour  la  décision  qui  m'importe  tant  non-seulement  au  point  de 
vue  du  projet  pécuniaire,  mais  aussi  pour  la  satisfactioa  de  voir  mon 
ouvrage  honoré  par  le  Ministère  d'une  souscription.  Soyez  sûr  que  je  ne 
négligerai  rien  pour  le  rendre  digne  delà  faveur  publique,  parce  que  mon 
esprit  a  toujours  été  beaucoup  plus  tourné  vers  la  gloire  que  vers  l'argent, 
et  je  veux  être  traité  en  tout  sévèrement.  Mais  il  faut  un  peu  se  plaindre 
ces  mois-ci  que  j'ai  à  former  les  peintres  en  miniature  qui  sont  peu 
expérimentés.   Ils  arriveront  k  force  de  peine  de  ma  part  à  traiter  ces 

troverctr  due  fascicoli  con  lettere  iiicliiiise,  le  quali  vaiino  ai  due  giornalisti  di 
IVIilano  che  debbono  far  mcnzioii  deil'  opéra.  Ho  gia  plu  voile  dimenticato  di 
domandarvi  se  c'a  l'use  diclare  a  questi  un  esemplare  completo  d'un  opéra  quando 
dcve  essere  voluniiiiosa  e  pubblicala  cosi  separalamenle.  Confcsso  clie  cio  c 
pagari  niolto  (|ualcbe  piccola  linea  di  lodi,  ma  se  si  fa  da;{li  aliri,  non  voglio 
essere  nouatore,  ne  indietro.  Lascio  il  tulto  a  vostra  disposizionc.  Spedisco  anclin 
un  Numéro  a  Parigi  diretto  al  sig"^  Gingiiene  par  il  Nuoro  Merciirio  forestière. 
Vi  parleciparo  la  sua  risposta  se  avra  il  tempo  di  farla  :  cosi  da  parte  vostra  se 
avcle  questo  giornale  a  se  vedeta  un  articolo  par  noi,  nii  avvisarate,  vi  prcgo.  Vi 
lascio  la  cura  di  mandai-  ne  uno  al  Giornale  dell'  Imj)ero,  raccomandandovi  di 
non  pubblicar  la  il  mio  nome.  Un  tempo  fa  aravamo  Iroppo  dissidenti  di  opi- 
uiona...  Scrivo  al  sig'' Cousiglier  Scopoli  col  niezzo  del  sig'  Lecbi,  ma  vi  prago  di 
pensare  qiialcbe  voilà  a  prcsciitargii  i  miei  doveri  ad  a  accilarlo  par  la  decisione 
cbe  tanlo  m'importa  non  solo  par  l'utile  pecuniario,  ma  anche  par  la  soddistnzione 
di  vader  la  mia  opara  ouvrata  dal  Alinistro  con  una  associazione.  Assicuratevi  clio 
non  trascuraro  niante  par  rander  la  dagna  d'un  colto  publico,  perche  il  mio  genio 
e  stato  sempre  dirctio  pin  assai  alla  gloria  che  al  denaro  ed  ni  tntio  voglio  assare 
appagalo  coma  il  piu  severo  giudica.  ila  bisogna  un  poco  compatiue  (|uasti  mes 
che  ho  da  formara  i  minialori  che  sono  poco  esperli.  Itinsciranno  a  forzadi  fatéca 
do  parle  mia  a  Iratlara  cpiasle  figure  delicatamanta  e  con  buongnsto.  Sono  certo 
che  alla  seconda  publicazionc  troverete  gia  una  differenza. 


XOTICH    SIK    SF.  llf.  E\T-MAUr,  EAU.  687 

fijjurps  (lélicalement  et- avec  bon  goût.   Je  suis  certain  qu'a  la  seconde 
publication  vous  trouverez  déjà  une  dilTérence. 


M"  M 


Broscia,  12  avril  IKIS'. 


Traduction  (Tune  lettre  du  même  au  même 
sur  le  même  objet  {extrait) . 

...  J'ai  eu  une  réponse  officielle  du  ministère  de  l'Intérieur  au  sujet  de 

la  souscription Elle  m'honore ,  mais  je  suis  resté  le   nez  long. 

Monsieur  Scopoli  m'avait  assuré  que  la  Direction  en  prendrait  25  exem- 
plaires. Il  devait  en  outre  faire  en  sorte  que  ce  ministère  en  ajoutât  20  à 
25  pour  tous  les  théâtres.  Cela  dépendait  de  son  rapport,  et  j'espérais 
dans  son  amitié  comme  dans  les  flatleries  qu'on  m'avait  laites  que  la  chose 

réussirait ,îe  vous  donne  ordre  de   remettre  h  la  Direction  (i[énérale 

cinq  exemplaires;  ainsi  porte  le  long  Papier  que  j'ai  reçu.  C'est  beaucoup 
pour  honorer  mon  travail,  mais  bien  peu  pour  le  soutenir. 


N»  12. 


Brescia,  9  mai  1813. 


Traduction  d'une  lettre  du  même  au  même 
pour  le  même  ohjet  [extrait]  ^. 

J'ai  fait  rcuiellrc,  Monsieur,  au  courtier  de  Calcio  hier  8  un  colis  qui 

'  Texte  orijjinal  : 

Brescia,  \'l  a(>rile  1813. 

Extrait  d'une  lettre  nu  même  sur  le  même  objet. 

...llo  avnlaiina  risposla  ufficiale  dal  Miiiistero  dell'  Interno  cirra  l'associaziniie. 
Mi  onora...  ma  sono  restato  col  naso  Iniijjo,  Mi  avct'a  assicurato  il  sig''  Scopoli  clic 
per  la  direzione  se  ne  premlerehbei-o  25  esempiari.  li  poi  doveva  fare  ni  modo 
elle  il  delto  Alinislero  va  ne  ag;^iuiij{essc  20  o  25  per  tiitli  i  teatri.  Dipcndeva  cio 
dal  suo  rapporlo  e  sperauo  nella  sua  amici/.ia  comc  nclle  lusinjjlie  dalemi  clie  la 
cosa  sarebbe  reiiscita...  Vi  do  ordine  de  consiynarc  alla  Direzione  générale  ciri(|ue 
esempiari  i  cosi  porta  la  liinjja  carta  che  ho  ricovata.  K  molto  per  onorare  il  mio 
lavoro  ma  poco  assai  |)er  sostenerlo, 

-  Texte  original  : 

Brescia,  0  magjjio  1K13. 

...Ho  fallo  conscgnare,  signer,  al  corriere  di  Calcio  ieri  8,  un  eollo  clie  con- 
ticuc  esempiari  1S2  del  seconde  numéro..    Ho  scrillo  al  sig'^  Scopoli  per  solleci- 


688  NOTir,  K    SI  II    S  E  KG  E  N  T-M  A  R  C  E  A  U. 

conlient  182  exemplaiies   du    second  numéro J'ai    écrit  à   Monsieur 

Scopoli  pour  le  prier  de  nie  faire  part  de  l'opinion  des  commissaires  sur 
mon  ouvrage.  Si  vous  le  voyez,  failes-moi  le  plaisir  de  lui  insinuer  mon 
désir  de  connaître  leurs  motifs  ;  d'autant  que  je  reçois  déjà  de  quelques 
côtés  des  compliments  pour  le  premier  fascicule. 

N»  13. 

Brescia,  3  juin  1813. 

Tradnclion  d'une  lellrc  du  mime  au  même 
sur  te  même  objet  (extrait)  '. 

Je  me  suis  flatté,  Monsieur,  ces  jours-ci  de  l'espérance  d'une  lettre  de 
vous  et  de  l'avis  de  l'expédition  de  papier  et  de  cuivre.  Manquant  de  l'un 
et  de  l'autre,  je  suis  bien  malgré  moi  au  repos  et  je  fais  attendre  mes 
peintres.  Les  soins  adonner  tant  à  la  typographie  qu'aux  coloristes  m'ont 
retenu  à  Brescia  et  empêché  de  faire  le  voyage  projeté  à  la  Riviera,  où  je 
suis  attendu  pour  choisir  les  qualités  de  papier  qui  me  sont  nécessaires, 

N"  14. 

Biescia,  20  juillet  ISl». 

Traduction  d'une  lettre  du  même  au  mcmc 
sur  le  même  objet  {extrait)*. 

Je  me  préparais.  Monsieur,  à  satisfaire  à  votre  demande  en  vous 
envoyant  20  exemplaires  du  troisième  fascicule,  quand  j'ai  reçu  une  lettre 

larlo  a  fornii  portccipc  dell'  opinione  dci  Commissari  sullamia  opéra.  Se  lo  vcdete 
favorite  di  insinuargli  la  mia  buona  volonta  d'istruirmi  dei  loro  motivi  :  giacche 
ricevo  gia  da  alcune  parte  complimente  per  il  primo  fascicolo. 

'  Brescia,  3  giu<[no  ISI3. 

Extrait  d'une  lettre  au  même  sur  le  même  objet. 

Mi  sono  Itisingato,  sijjnore,  questi  giorni  colla  speranza  di  luia  sua  cortese  Jet- 
tera e  Tawiso  délia  spedizioiie  di  caria  et  di  rami.  Mancando  del  uno  a  dcil'  altra 
sono  mio  malgrado  in  riposo  e  faccndo  aspettare  i  miei  pittori.  Le  cure  da  dare 
tanto  alla  lipograpliia  quanto  ai  coloristi  mi  hanno  tratlenuto  e  Brescia  ed  impe- 
dilo  di  lar  il  viaggio  progetlato  alla  Riviera  ove  sono  aspcttato  per  scegliere  le 
qualita  di  caria  che  mi  sono  neccssariè. 

-  Texte  original  : 

Brescia,  29  luglio  1813. 

Mi  preparavo,  signore,  a  soddisfarc  alla  vostra  donianda  col  maiidarvi  20  copie 


MOTICE    SUR    SERGEMT-MARCEAU.  680 

du  niinislrp  de  rinlêrieur  de  \aples  qui  m'annonce  que  Sa  ^rajcslé  le  Roi 
lui  a  ordonné  l'ordre  de  souscrire  pour  20  exemplaires  de  mon  ouvrage 
et  me  les  demande  de  suite.  Je  dois  donc  disposer  de  ceux  que  j'avais 
préparcs  pour  vous...  Je  sais  que  le  rapport  peu  favorable  des  Inspecteurs 
ne  lut  pas  la  cause  de  la  faible  souscription  de  notre  ministère.  Au 
contraire  il  était  tel  que  le  Conseiller  croyait  et  espérait  au  moins 
20  exemplaires.  Mais  nous  sommes  tombés  sur  un  jour  d'économie  du 
ministre  qui  ne  se  rappela  pas  la  promesse  qu'il  m'avait  faite  et  diminua 
sur  le  rapport  le  nombre  proposé.  Cela  me  console  parce  qu'il  me  déplai- 
sait de  croire  que  j'avais  eu  peu  de  faveur  auprès  des  Inspecteurs.  Mais 
le  ministre  a  promis  de  nouveau  à  un  de  ses  amis  qui  est  aussi  le  mien 
qu'il  ferait  le  possible  pour  réparer  cela,  et  j'espère  qu'il  y  sera  excité  par 
l'ordre  du  roi  de  \aples  qui  le  laisse  en  arrière  des  4/5. 


K"  15. 

Brescia,  28  mai  18U. 

Traduclion  d'une  lettre  du  même  au  même 
sur  Agathophile  [extrait )K 

Faites-moi  le  plaisir  d'inscrire  à  mon  compte  50  francs  que  par  le 
moyen  de  votre  correspondance  vous  ferez  payer,  soit  via  de  Turin,  soit 
via  d'.'llexandria,  à  M.  Bussa,  proviseur  du  lycée  de  Casai  Monferrat. 
Cette  demande  a  pour  cause  que  ce  lycée  est  supprimé  et  on  renvoie  les 
élèves:  mon  (fils)  se  trouve  comme  Français  dans  la  catégorie,  et  j'ai  reçu 
avant-hier  l'avis  de  le  réclamer  de  suite. 

del  lerzo  fascicolo  quando  ricevei  una  Icttera  dcl  ministro  dell'  Interno  di  Napolj 
il  quale  mi  partecipa  clie  S"  M"  il  Re  gli  ha  dato  ordini  di  associazioue  par  20  copie 
délia  mia  opéra  e  me  le  dimanda  subito.  Devo  diiuque  disporre  di  queste  che 
erauo  preparate  per  voi...  Xon  so  che  non  fu  motivo  délia  picola  associazione  del 
iiostro  ministero,  il  poco  favorevole  rapporto  degli  ispettori.  Anzi  era  taie  che  il 
Consigiiere  crcdeua  e  sperava  almeno  25  copie.  Mi  sono  capitato  un  giorno  d'eco- 
nomia  del  ministro  il  quale  non  rammemorandosi  la  promesse  fattemi  da  lui,  ha 
troucata  sul  rapporto  la  quantita  proposla.  Cio  me  consola  perche  mi  dispiaceva 
il  credere  di  avère  avulo  poco  favare  presso  gli  ispettori.  Ala  il  ministro  ha  pro- 
messo  di  nuovo  ad  un  siio  ainico  e  mio  di  fare  il  possibileper  riparare  e  speroche 
l'animera  l'ordine  del  re  di  Napoli  che  lo  fascia  iudietro  di  k-jô. 
'  Teite  original  : 

Brescia,  28  maggio  1814. 

Favorite  disporre  a  mio  conto  L.  50  che  col  mezzo  délia  vostra  corrispondanza 
farete  pagare  sia  per  la  via  di  Torino,  sia  per  qiiella  d'Alessandria  al  sig""  Bussa, 
provvedilore  del  Liceo  di  Casale  Monferrato.  Qiiesta  domanda  rai  prenne  per  il 


(100  AOTIfll",    SI  1!    SKRGENT-M  AKCK  AL 


x»  k; 


Biescia,  2  IV'uricr  I8K 


TraducUon  d'une  lettre  dii  même  an  même 
sur  diocrs  objets  [extrait]  '. 

Je  m'eslime  lieiiroiix  de  vivre  avec  ma  famille  patriarcnlement  et  non 
comme  un  homme  du  monde,  de  n'avoir  pas  deux  sous  de  délies  Ici  où 
j' habile  et  de  laisser  à  mes  nouveaux  conciloyens  une  preuve  que  je  me 

suis  toujours  adonné  au  travail  et  à  un  travail  qui    puisse  être  utile 

Un  ami  se  présentera  chez  vous  ces  jours-ci  et   vous  remellra  un  [jrand 

molivo  che  e  sopprcsso  il  Licco  e  si  maudano  via  gli  Sludeiili  :  il  mio  (fi;(lio)  si 
Irovii  corne  fraiicese  iiella  catejjoria  e  ricevei  ieri  lallro  l'avviso  di  riciiiamarlo 
suhitn. 

'  Texte  ori<[inal  : 

Uicscia,  2  fobbiaio  1815. 

I\Ii  Iciijjo  felice  di  vivere  colla  niia  famiijlia  da  patriarca  e  non  da  uomo  de 
secolo,  di  non  avère  due  soldi  di  debiti  dove  abilo  o  di  lasciure  ai  niiei  iniovi  con- 
citadini  nna  prova  clic  nii  sono  sempre  dalo  al  lavoro  c  ad  un  lavnro  che  possa 
esserc  utile...  Un  amico  si  présentera  da  voi  ([uesli  ;{ioriii  e  vi  conseijnera  un 
{{rande  piico  di  carte.  Rcco  il  inotivo  :  ho  letto  nello  Spettalore  n"  19  un  articolo 
s'nl  Museo  di  Krancia  ed  ho  crediito  dovere  alla  Icdele  storia  una  risposla  su 
(picsto  aryomenlo.  Alla  lettcra  si  aggiun<{ono  alcune  carte  come  antorita,  carte 
che  vi  raccoiiiando  preniurosamcule,  essendo  mi  preziose  come  vi  .sara  nolo 
vedendole.  (Jiiesfa  mia  Icttera  e  diretla  a  voi  benche  scritta  in  francese;  l'ho 
scrilta  nclla  mia  linjjua  :  1"  perche  mi  era  piu  facile  il  dare  corso  aile  mie  idée  ; 
2"  perche  se  dovesle  slamparla  la  mia  prosa  ilaliana  non  corrisponderchbe  pnnlo 
a  quella  doi  voslri  li-aduliori  che  potramio,  voijjarizzandola,  darle  cjiialchc  majj- 
fjior  |)rc;jio.  Hli  sono  hisingato  che  (jueste  mie  osserva/ioni  dovevano  esserc  inle- 
res'jauli  dopo  l'ingresso  deile  potenze  alieate  in  Francia,  giacchc  da  <|uesto  mo- 
menlo  il  Musco  di  Parigi  divcnne  il  Museo  d'Europa...  ili  capite,  e  mia  opinione 
che  ([ucsto  nionumento  puo  ispirare  magjjiore  curiosila  ciie  un  Catiiio  Irasportata 
da  Genova  in  (]uesto  nuisco.  le  voi  la  pcusate  cosi  dare  Inogo  ucl  supplemento 
dello  Spettalore  alla  mia  letlera  ed  ni  taie  caso  vi  domandcro  di  approfittare 
délie  composizioni  pcr  farmeue  stampare  50  copie  separalameute...  Non  avrei 
avuto  bisogiio  di  maiidarvi  le  carte  probante  perche  se  io  aversi  traveslita  la  verita 
firmauda  il  mio  scritto,  dovrei  espormi  personalmcnte  agli  attachi  di  chicchesia, 
ma  avendovi  aggiunla  nna  nota  iu  voslro  nome,  era  mio  dovere  di  renderoi  cerlo 
délia  pnntualita  deile  mie  alleguzioni.  Adesso  che  siete  istruito  del  tutfo  mi  favo- 
riretc  di  palesare  sinceramenle  il  vostro  pensiero  e  la  vostra  determinazione... 
...Avete  dimcnticato  di  avvisormi  d'una  ncvila  che  mi  spiocque.  Ali  fn  detto 
([uesti  gioriii  possati  che  il  sig"^  Scopoli  non  era  piu  direttore  délia  pnblica  istru- 
zione  ;  e  per  le  scienzo  e  per  le  arti  e  per  me,  mi  rincresce...  Avrci  piacere  di 
lavorare  per  voi  qualche  picolo  discgno  che,  mi  perdoni  l'artisla,  nel  Berquin 
(L'ami  des  enfants)^  ne  avele  alcuni  tante  goffameiite  inventati,  e  poirci  promet- 
tervi  cose  un  poco  piu  gultose,  sopralulto  ni  piccolo. 


\OTICK    SI   II    SKIIGF.  \T-MAIU:K  AL'.  601 

pa(|iiel  di'  papiers.  Voici  le  iiiolil':  J'ai  lu  dans  le  SpeclaleAir  n"  lî)  un 
article  sur  le  Musée  de  Fiance,  et  j'ai  ciu  devoir  à  la  fidèle  hisloire  une 
réponse  sur  cet  article.  A  lu  lettre  sont  joints  quelques  papiers  comme 
justification,  papiers  que  je  vous  recommande  instamment,  car  ils  me  sont 
précieux  comme  vous  le  reconnaîtrez  en  les  voyant.  Ma  lettre  votis  est 
adressée  quoique  écrite  en  français.  Je  l'ai  écrite  dans  ma  langue  1"  parce 
qu'il  m'était  plus  facile  de  donner  cours  à  mes  idées,  —  2»  parce 
que  si  vous  devez  l'imprimer,  ma  prose  italienne  ne  vaudrait  pas  celle 
de  vos  traducteurs  qui  pourront,  en  la  vulgarisant,  lui  donner  quelque 
peu  plus  de  valeur.  Je  me  suis  flatté  que  mes  observations  devaient 
être  intéressantes  après  l'entrée  des  Puissances  alliées  en  France, 
puisque  depuis  ce  moment  le  Musée  de  Paris  devient  le  Musée  d'Eu- 
rope... Vous  me  comprenez,  c'est  mon  opinion  que  ce  monument  peut 
inspirer  plus  de  curiosité  qu'une  coupe  transportée  de  Gênes  dans  ce 
musée.  Si  vous  êtes  de  cet  avis,  vous  donnerez  place  dans  le  supplément 
Àn\SpeclateUrdL  ma  lettre,  et  dans  ce  cas  je  vous  demanderai  de  profiter 
de  la  composition  pour  m'en  faire  tirer  50  exemplaires  à  part...  Je 
n'aurais  pas  eu  besoin  de  vous  envoyer  les  pièces  justificatives  parce  que 
si  j'avais  travesti  la  vérité  en  signant  mon  écrit,  je  ne  m'exposerais  person- 
nellement aux  attaques  de  qui  que  ce  soit  ;  mais  y  ayant  joint  une  note  en 
votre  nom,  il  était  de  mon  dévoir  de  vous  assurer  de  l'exactitude  de  mes 
allégations.  Maintenant  que  vous  êtes  instruit  de  tout,  vous  me  ferez 
plaisir  de  me  faire  connaître  sincèrement  votre  pensée  et  votre  décision... 
\'ous  avez  oublié  de  m'aviser  d'une  nouvelle  qui  me  déplaît.  On  m'a  dit 
ces  jours  derniers  que  M.  Scopoli  n'était  plus  Directeur  de  l'Instruction 

publique;  je  le  regrette  pour  les  sciences,  pour  les  arts  et  pour  moi 

Il  me  serait  agréable  de  travailler  pour  vous  à  quelque  petit  dessin  ;  j'en 
demande  pardon  à  l'artiste,  dans  le  Bevquin  [L'ami  des  enfants)  vous  en 
avez  quelques-uns  ridicules,  je  pourrais  vous  promettre  des  choses  ayant 
plus  de  goût  surtout  en  petit. 

i\«  17. 

Breâcia,  21  février  1815. 

Traduction  d'une  lettre  du  même  au  même 
sur  divers  objets  {extrait)  '. 

Je  me  suis  proposé  pour  quelques  dessins  en  petit  et  même  en 


'  Texte  original  ; 

Breacia,  21  fubbraio  1SI5. 

Kxtrait  d'une  bîltre  à  Stella  sur  les  dessins  (jn'il  p(nit  lui  faire,  sur  ses  anciens 


G02  XOTICK    SI  n    SEKGEMT-M  ARCEAU. 

grand  pour  des  livres,  mais  il  me  semble  d'après  les  larmes  de  voire 
leltre  que  vous  avez  compris  aussi  la  gravure.  Autrefois  je  vous  aurais 
dil  oui  parce  que  j'avais  la  pratique  continue  de  graver  en  petit,  et  ce  petit 
cuivre  que  je  vous  envoie  vous  le  prouvera.  Il  plaît  beaucoup  à  Longhi. 
Mais  ayant  cessé  de  graver  depuis  que  je  suis  parti  de  France  (il  y  a  li  ans), 
je  ne  me  trouve  pas  assez  habile.  Je  me  repose  donc  pour  cette  partie  sur 
mes  anciens  lauriers  et  je  me  bornerai  aux  dessins  seuls.  Je  vous  ai  dit, 
je  crois,  que  je  connais  beaucoup  Novelli  qui  est  doué  de  (aient,  mais  il 
s'est  tellement  adonné  aux  choses  religieuses  qu'il  n'a  pas  nourri  son 
goût  avec  des  études  variées,  et  si  gracieuses  ses  compositions  soient-elles, 
et  quoiqu'en  tout  cas  je  pourrais  faire  pire,  elles  n'ont  pas  ce  sentiment, 
ce  caractère  qui  fait  le  prix  des  choses  -petites  qui  doivent  être  traitées 
avec  esprit  et  élégance.  Il  est  froid  dans  les  effets,  et  cela  s'observe  géné- 
ralement dans  votre  almanach Je  vous  parle  avec  sévérité,  mais  vous 

travaux  artistiques,  sur  les  estampes  françaises  et  sur  les  estampes  de  Chodo- 
wisky.  S'il  a  le  temps,  il  fera  un  dessin  pour  son  almauach.  II  ne  grave  plus.  Son 
jugement  sur  Novelli. 

...Mi  sono  esibito  per  alcuni  disegni  in  piccolo  ed  anche  in  grande  per  libri, 
ma  mi  pare  dalle  |)arole  della  vostra  lettera  che  abbiate  inleso  anche  l'incisione. 
Anni  sono  avrei  detto  di  si  perche  aveva  la  continua  pratica  d'incidere  in  piccolo 
e  quel  ranictto  chc  vi  unisco  qui  ne  sara  la  proua.  E;[li  piacque  molto  al  Longhi. 
Ma  aveniio  cessato  d'incidere  in  qtiesto  génère  dacche  sono  partito  della  Francia 
(I4anni)  non  mi  trovo  la  mano  abilc  a  tanto.  Ali  riposo  adunqne  in  questa  parte 
sopra  i  niici  vecchi  allori  e  mi  limitero  ai  disegni  soli.  Vi  ho  detto,  credo,  chc 
conosco  molto  il  Novelli  il  qualc  e  dotato  di  talento,  ma  egli  si  e  dato  tanto  aile 
cosc  religiose  che  non  ha  nudrito  il  gusto  con  varii  studi  e  quantunque  sieno  gra- 
ziose  le  sue  composizioui,  che  potrei  aile  volte  fare  peggio  io,  non  hanno  quel 
senlimento,  quel  carattere  che  fa  il  pi-egio  délie  cose  piccole  chc  vogliono  essere 
traltate  cou  spirito  ed  eleganza.  Kgli  e  freddô  negli  effetti  e  cio  si  osserva  nel 
vostro  almanaco  generalmente...  Vi  parlo  con  scverita,  ma  sapete  che  chi  conosce 
i  disegni  e  le  incisioni  del  Voltaire,  del  Housseau,  degli  Evangelisti,  di  Boileau  ed 
ha  vissnto  con  Morcau  e  suoi  incisori,  puo  essere  giudice  meno  indulgente.  Se 
mi  trovo  un  momento  libero,  faro  una  prova  di  un  disegno  del  vostro  almanacco 
e  ve  lo  manilero  c  del  prczzo  allora  ne  parleremo. 

Quanto  ail'  incisore,  vedo  che  avendo  disegni  forse  d'un  effettomaggiore  e  con- 
sigliato  di  mcttere  sotto  i  suoi  ochi  alcune  belle  stampe  di  Francia  quali  sono  le 
sopraccennate,  egli  potra  rivaleggiare  coi  nostri,^  che  sono  superiori  a  tutti,  tol- 
toiie  un  Cliodou/icky  herlinese  (morto)  al  quale  checche  ne  dicano  i  miei  compa 
Irioti  daro  la  corona.  E;;li  incise  3,000  pezzi,  che  tutti  sono  ricercati;  nel  Lavater 
si  vcdono  cose  di  sua  punta.  In  tulte  lé  circoslanzc  sono  inq)iirzialc...  Uniseo  al 
rametto  uu  prospectus  di  un  opéra  chc  fu  da  me  principiata  nell'  anuo  10"  della 
nostra  fn  republica  :  ne  ho  fatlo  tre  fascicoli  e  cominciava  ad  essere  accetta  al 
pubblico,  particolarmente  ail'  estero,  quando  una  malattiadi  due  anni  me  la  lece 
sospendere,  e  dopo  piac([ue  al  sig'  Bonaparte  di  farnii  consigliare  uu  'altra  aria 
di  quella  di  Parigi.  Resto  il  lavoro  seuza  essere  seguito.  Tenetevi  queslo  prospectus 
e  lu  piccola  stampa  fatta  per  le  memorie  storiche  di  mio  cognato. 


\OTICK    SL'U    SKRGKX'T-MAUCEAIJ.  603 

savpz  qiie  qui  coniiaîl  les  dessins  el  la  gravure  du  Voltaire,  du  Housscau,  des 
l'Aangéiisles,  deBoiieau,  et  a  vécu  avec  Moreau  elses  graveurs,  peut  être  un 
juge  moins  indulgent.  Si  je  trouve  un  moment  de  libre,  j'essayerai  un  dessin 
pour  voire  almanacli  el  je  vous  l'enverrai,  et  nous  parlerons  alors  du  prix. 
Quant  au  graveur,  je  vois  qu'ayant  des  dessins  peul-ètre  d'un  plus 
grand  effet  et  si  on  lui  met  sous  les  yeu\  quelques  belles  estampes  de 
France  de  celles  susindiquées,  il  pourra  rivaliser  avec  les  nôtres,  qui 
sont  supérieurs  à  tous,  si  l'on  excepte  Cbodouisky,  Berlinois  (mort)  au- 
»[uel,  quoi  qu'en  disent  mes  compatriotes,  je  donnerai  la  palme.  Il  a  gravé 
3,000  pièces,  qui  sont  toutes  recherchées.  Dans  Lavater  on  voit  des  choses 
de  son  bnrin.  En  loutescirconstances  je  suis  impartial...  Je  joins  au  petit 
cuivre  un  prospectus  d'un  ouvrage  que  je  commençai  l'an  X  de  notre 
ancienne  Uépublique.  J'en  a  fait  trois  fascicules,  et  il  commençait 
ù  plaire  au  public,  particulièrement  à  l'étranger,  quand  une  maladie  de 
deux  années  me  le  fit  suspendre,  et  depuis  il  a  plu  ù  Monsieur  Bonaparte 
de  me  faire  conseiller  un  autre  air  que  celui  de  Paris.  Le  travail  resta  en 
plan.  Gardez  pour  vous  ce  prospectus  et  la  pelit3  estampe  faite  en  souve- 
nir de  mon  beau-frère. 


X»  18. 

Brfscia,  le  0  arril  1815. 

Tvadiicllon  d'une  lettre  du  même  au  même  concernant  l'ouvrage 
des  Costumi  et  un  discours  sur  la  gravure  {extrait}^. 

J'espère  pouvoir  vous  envoyer  à  la  fin  de  cette  semaine  mon  II'  cahier 
qui  se  prépare.  Puis  les   autres   suivront  exactement    parce  que  j'en  ai 

'  Texte  original  : 

Brescia,  li  0  aprile  1815. 

Spero  di  poler  raandarvi  alla  fine  délia  sellimana  présente  il  mio  11"  quaderno 
elle  si  prépara.  Sequiranno  poi  gli  altri  piu  precisaniente  perche  ho  due  allri 
.stampati  e  ne  aspetio  dalla  revisione  allri  due.  Le  nuove  discipline  mi  hanuo  ritar- 
dato  ed  ho  preso  il  parlito  di  occupare  i  sig'  Censori  délia  uiia  opéra  continua- 
menle,  qiianlun(|ue  le  nubi  clie  oscurano  adesso  l'orizzonte  sieno  poco  favorevoli 
pcr  la  spedizione  délie  nostre  faticlie.  Ma  si  rischiarera  il  tempo,  bisogna  spe- 
rarlo  e  lavorare  con  ([uesta  hisinghevole  idea...  11  signor  Luigi  Lecciii  prende  la 
fatica  d'eslenderc  un  articolo  sulla  mia  opéra  per  il  giornale  italiano.  Ve  lo  spc- 
diro  coi  quaderni...  Ho  letlo  ail'  Ateneo  un  discorso  snll'  incisione  in  due  sedute  e 
queslo  ha  fatto  qiialche  sensazione;  e  piaciulu  agi!  academici.  .^Icuni  mi  lusin- 
gano  che  se  fosse  stampato  eccilereble  un  certo  intéresse.  L'ho  confidato  al 
Sig''  Luigi  Lecchi  che  non  l'Iia  inteso.  La  prima  parte  di  questo  discorso  cspone 
sloricanienle  ed  alquaulo  pocticamente  (per  rendere  vieppiu  amabilé  le  descri- 


694 


XOTICE    SIR    SEKGEIVT-MARCEAU, 


deux  autres  imprimés  el  j'en  altenrls  de  I.i  censtiie  deux  autres.  Les 
nouveaux  règlements  liront  relfirdé,  et  j'ai  pris  le  parti  d'occuper  conti- 
nuellement Messieurs  les  Censeurs  de  mon  œuvre,  quoique  les  nuages 
(|ui  obscurcissent  maintenant  l'Iiorizon  soient  peu  favorahics  pour  la 
célérité  de  nos  travaux.  Mais  le  temps  s'éclaiicira,  il   faut   l'espérer  et 

travailler  avec  cette  idée  flatteuse Monsieur  Louis  Leclii  prit  la  peine 

d'écrire  un  article  sur  mon   ouvrage  pour  le  Journal  italien.   Je    vous 

l'expédie  avec  des  cahiers J'ai   lu    à  l'Athénée   un   discours  sur  la 

Gravure  dans  deux  séances,  il  a  fait  quelque  sensation  et  a  plu  aux 
Académiciens.  Certains  me  flattent  en  disant  que  s'il  était  imprimé  il 
exciterait  un  certain  intérêt.  Je  l'ai  remis  à  Monsieur  Louis  Lecclii  qui  ne 
l'a  pas  entendu.  La  première  partie  de  ce  discours  expose  historiquement  et 
(juelque  peu  |)Octiqucment  (pour  rendre  par  là  moins  arides  les  descriptions 
du  mécanisme)  23  manières  de  graver  le  cuivre  en  relevant  les  travaux 
des  divers  auteurs  et  en  dévoilant  quelques  secrets.  C'est  lapins  complète 
description  qui  ait  été  faite,  et  elle  procède  d'un  homme  qui  a  expérimenté 
toutes  les  manières  décrites.  La  seconde  partie  est  toute  de  controverses, 
d'observations  sur  les  principales  manières,  sur  les  plus  remarquables 
modèles  de  chacune  pour  arriver  à  celle  qui  doit  être  le  plus  appréciée, 
et,  sans  une  décisive  conclusion  de  ma  part,  je  fais  appel  aux  amateurs, 
professeurs,  etc.  Je  laisse  mûrir  ce  fruit  de  mes  veilles,  et  nous  verrons 
quel  cas  en  faire  quand  le  soleil  se  lèvera  sans  nuages. 


N"  19. 


Brescia,  le  15  octobre  1815. 


A  M.  Joly  Conservateur  du  cabinet  des  Estampes 
de  la  Bibliothèque  li. 

J'éprouve  quelquefois,  Monsieur,  que  les  arts  sont  consolateurs,  aussi 
par  reconnaissance  je  leur  suis  attaché  et  les  cultive  au  milieu  du  fracas 
qui  bouleverse  tantôt  un  côté  tantôt  un  autre.  Je  vous  en  donne  la  preuve 
en  vous  expédiant  par  une  occasion  de  voyageur  la  suite  de  mon  ouvrage, 


zioni  del  raecanismo)  23  manière  d'incidere  il  rame  rilevando  valori  (o  labori?) 
di  varii  autori  e  svelandoiie  alciini  secreii.  Quesla  e  la  plu  compiula  descriziouc 
cbe  siasi  mai  fatta  c  da  uno  clie  lia  sperimenlafe  tutte  le  manière  dcscrilte.  La 
seconde  parte  e  tutfa  di  debatlili,  di  osservazioni  sopra  le  principali  manière, 
sopra  i  piu  respeflabili  modcili  di  ognnna  per  aniuare  a  sapere  quale  dcve  essere 
ipiu  pregata  e  senza  una  dccisiia  coiicliisione  del  niio  parère  faccio  a|)pell«  a 
dilettanti,  professori,  etc.  Lascio  malurarc  quel  frutlo  dalle  mie  vcglie,  e  vedrcnio, 
quando  il  sole  si  alzcra  scnza  nebbia,  chc  cosa  uo  faro. 


XOTICK    SlMl    SKKCK\T-MAUr.  K  AC.  (iOT) 

qui  a  éli'  co[)cii(laiit  retardô  un  pou  par  les  cvcnemcns,  quo'ujue  la  partie 
(|ue  j'habite  n'ait  éprouvé  aucune  secousse. 

Quand  je  trouverai  des  circonstances  faciles  pour  vous  compléter  de  ce 
qui  aura  été  publié,  je  me  ferai  un  plaisir  d'offrir  h  une  collection 
nationale  le  tri!)ut  de  mes  travaux. 

Acceptés  avec  autant  de  jjlaisir  que  j'en  ai  à  vous  le  dire  le  témoigna<][e 
d'une  parfaite  estime  et  d'une  agréable  réminiscence  de  plusieurs  armées. 

Signe:  SKiiGi:.\T-MflKi:KAii, 
Membre  de  l' Athénée  de  Bresria  Déj/ 
du  Mella. 


K.    Lombard  Vciiilien. 


C'est  ainsi  qu'on  peut  m'écrirc. 


X»  20. 


Brescia,  21  juillet  IS15. 

Traduction  d'une  lettre  du  même  au  même  sur  l'ouvrage 
des  Costumi  [xtraile)  '. 

.Te  vous  enverrai  aussi  un  article  pour  le  Journal  italien.  Vous 

verrez  que  mes  amis  me  servent  avec  une  solide  amitié  et  rendent  juste 
hommage  à  mon  caractère;  cel  article  écrit  par  un  homme  de  bon  goût 
et  particulièrement  en  matière  de  théâtre  ne  m'épargne  pas  néanmoins 
la  critique Si  vous  voyez  Pezzi,  faites-lui  mes  reproches  et  mes  obser- 
vations sur  son  silence  parce  que  si  j'envoie  chaque  fascicule  au  Directeur, 
mon  but  est  qu'il  fasse  l'éloge  ou  la  critique,  mais  non  pas  qu'il  l'enterre, 
ou  je  cesserai  d'envoyer  les  suivants.  Je  ferai  de  même  avec  le  Journal 
des  Dames.  S'ils  veulent  économiser  quelques  lignes,  j'économiserai  aussi 
mon  |)résenl. 

'  Tcite  original  : 

Brescia,  21  juillet  1815. 

...Vi  m.iiulen)  aiiclic  un  arlicolo  por  il  iïioriiale  italiano,  V  edrete  die  i  niiei 
amici  mi  servonocon  solida  amiciziti  e  rendono  giusto  o  maggio  al  raio  caractère; 
qucsto  articolo  scrilto  da  un  uonio  di  buon  gusio  e  parlicolaimenle  in  maleria  di 
lealri  non  mi  risparmia  neanclie  la  critica...  se  vedcte  Pezzi  falegli  i  miel  rim- 
proveri  e  le  mie  osservazioni  siil  suo  silenzio,  perche,  se  mundo  ogni  rascici>lo  al 
Direttore  il  mio  scopo  e  ch'  egii  faccia  o  l'elogio  lo  la  crilica,  ma  non  lo  melto  in 
sepolcro  o  cessero  di  mandarc  i  segucnli.  Cosi  laro  col  Giornale  délie  dame.  Se 
risparmiano  alcune  linec  di  scrillura,  risparmiero  anche  il  mio  dono. 


6m  ivoTici:  suii  sergent-mauceau. 


Brescia,  8  octobre  1815. 

Traduction  d'une  lettre  du  même  au  même  sur  ses  emharras 
d'argent  {extrait  )  '. 

J'altends   loujoiirs  mes  revenus  de  France,  mais  ils  sont  encore 

entravés,  et  cela  empêche  la  publication  de  mon  ouvrage. 


N°  22. 

Brescia,  20  mars  1816. 

Traduction  d'une  lettre  du  même  au  même 
sur  Acjalhophile  {extrait)  '. 

J'ai  fait  espérer  à  mon  fils  votre  protection,  et  il  attend  le  moment 

de  pouvoir  vous  être  utile. 

Brescia,  23  mai  1816. 

Traduction  dune  lettre  du  même  au  même 
Sîir  Acjalhophile  {extrait)  ^. 

J'espère  que  mon  fils  sera  toujours  plus  digne  de  voire  paternelle 

estime  et  de  votre  amitié,  et  que  son  amour  pour  le  travail  vous  donnera 
l'espoir  qu'il  fera  honneur  à  votre  commerce. 


'  Teste  original  : 

Brescia,  8  oljtobre  1815. 

Aspetto  sempre  le  mie  soslanze  di  Francia,  naa  sono  impedite  e  cio  imbarazzu 
la  pubblicazione  délia  inia  opéra. 
*  Texte  original  : 

Brescia,  20  marzo  1816. 

Ho  fatto  sperare  al  mio  figlio  cbe  potrebbe  essere  favorito  da  voi  ed  cgli  aspetto 
il  moraento  di  poter  esservi  utile. 
^  Texte  original  : 

Brescia,  23  mai  1816.  . 

...Spero  che  mio  figlio  sara  sempre  piu  degno  délia  vostra  paterna  stima  ed 
amicizia,  e  che  il  suo  amore  pel  lavoro  vi  dara  speranie  ch'  egli  faccia  onore  al 
vostro  negozio. 


\OTICK    S  LU    SKKGK\T-M.\UC.  r.  Al  .  6!)7 


^»  23. 

Brcscia,  30  mai  1816. 

Traduction  d'une  lettre  du  même  au  même  sur  le  même 
et  sur  Emira  [extrait)  '. 

Recevez  mes  compliments  et  mes  remerciements  pour  mon  (ils. 

Cela  plaît  aussi  à  ma  femme  qui  .1  commencé  à  ressentir  pour  lui  l'amour 
et  l'estime  que,  je  l'espère,  il  méritera  toujours  plus.  En  cela  il  montre 
que  tout  ce  qu'il  doit  au  bon  cœur,  aux  qualités  supérieures  et  à  la  culture 
de  son  affectueuse  mère,  pourra  toujours  l'aider  dans  toute  situation,  et 
j'en  suis  d'autant  plus  satisfait  que  vous  voyez  que  ni  présomplior\  ni 
flatterie  ne  me  l'ont  fait  présenter  à  vous  comme  capable  de  satisfaire 
à  vos  désirs. 

X"  24. 

Brescia,  13  juin  1816. 

Traduction  d'une  lettre  du  même  au  président  de  l'Athénée 
de  Brescia,  où  il  annonce  son  départ  pour  Milan'^. 

Mo.VSIEL'R  LE  PrÉSIDEXT, 

Mes  intérêts  m'appellent  dans  îa  capitale.  Je  serai  désormais,  à  mon 
grand  regret,  privé  des  savants  et  agréables  rapports  avec  les  distingués 

'  Texte  original  : 

Brescia,  30  niaggio  1816. 

...Ricevete  i  miei  complimenti  e  rinfjrazia  menti  per  il  mio  figlio  e  quauto 
piace  a  mia  moglie  che  principiate  a  sentira  per  lui  l'amore  e  la  slima  chespero 
méritera  senipre  plu.  In  cio  egli  manifesta  clie  tutto  cio  ciie  deve  al  biiou  enore, 
aile  doti  exccllenti  ed  alla  coltiira  della  sua  amorosa  madré,  potra  sempre  giovai- 
gli  in  ogni  situazione  e  ne  sono  tanto  piu  contento  che  vedcte  clie  ne  presunzione 
ne  adulazione  mi  fecero  presentar  vélo  come  capace  di  soddis  fare  aile  voslre 
brame. 

^  Texte  original  : 

Brescia,  13  giugno  18IG. 
Sic.vonE  Presidk.vte, 

I  miei  intorcssi  mi  cliiamano  nclla  Capitale;  Saro,  ormai,  con  sommo  mio  di."!- 
piacere,  priio  delIc  doUe  et  c  graii.ssime  correlazioni  cogli  ornatissimi  Acadctnici 
che  mi  hauno  onorato  ammentendomi  nella  loro  socicla. 

.\Iaovunque  mi  sara  data  la  facolta  di  vivere,  non  dimentichero  mai  che  il  mio 
dovere  sara,  quanto  possibilesecomlo  i  miei  deboli  talenti,  di  sostenerccon  dccoro 


r>98  IVOTICK    SI  U    SEHCENT-MAnCEAU 

Académiciens  qui  m'oiil  fait  riionnour  de  ir.'admcltre  dans  leur  société. 

Mais  partout  où  il  iiii'  sera  donné  de  vivre,  je  n'oublierai  jamais  que 
mon  devoir  sera,  autant  que  possible  selon  mes  faibles  talents,  de  porter 
avec  décorum  le  titre  qui  m'a  été  accordé  de  membre  de  l'Académie  de 
IWescia.  Il  m'est  plus  l'acile  d'assurer  celte  respectable  Société  que  l'hon- 
neur accordé  à  mes  Coslumi,  l'aimable  façon  de  vivre  avec  un  peuple 
bienveillant  et  hospitalier  me  conserveront  mon  souvenir  dans  cette 
Académie,  estime  que  ne  m'auraient  pas  méritée  les  peu  nombreux  travaux 
sans  importance  auxquels  vous  avez  daigné  applaudir.  En  tout  temps  les 
qualités  de  bon  citoyen  sont  très  précieuses,  quand  elles  sont  accom- 
pagnées de  quelque  culture  d'esprit. 

Elle  m'a  permis,  selon  les  statuts  de  l'Académie,  d'orner  mon  ouvrage 
sur  les  Costumi  des  peuples,  etc.,  ouvrage  heureusement  encouragé  par 
tous,  avec  le  titre  de  Membre  de  l'Athénée,  et  par  là  je  montrerai 
combien  je  m'estime  honoré  de  me  proclamer  toujours  le  très  dévoué 
compagnon  de  très  distingués  Messieurs  les  Académiciens. 

Signé:  Seroext-Marcicau, 
Ex-membre  de  la  Commission  A'"'  des 
Monumcnls  des  Sciences  et  Beaux- 
Arts  de  France. 

Je  m'empresserai  d'offrir  à  l'Académie  mes  travaux  d'art  de  gravure 
que  je  pourrai  exécuter  et  qui  pourront  me  mériter  quelque  faveur  du 
public,  si  les  circonstances  me  le  permettent. 

il  titolo  accordato  mi  di  socio  dell' Accademia  Bresciana.  Piu  facile  mi  e  assicurare 
a  questo  respettabile  Sociela,  che  i  miei  onorali  Costumi,  il  gentile  modo  di 
vivere  coq  un  populo  benijjno  ed  ospilaliere  mi  coaserveranno  la  mia  memoria  in 
(jtiesta  Acatlemia,  stima  elle  non  m'avrebbero  mt-ritata  i  poclii  e  niente  impor- 
tanti  lavori  cul  vi  degtiaste  d'appiaudire.  In  ogni  tempo  le  qualita  di  bnon  citla- 
dino  sono  preijevoli  assai,  qnando  sono  scortate  da  qualcbe  coitura  di  spirilo. 

Klla  mi  lia  permcsso,  secuodo  i  statut!  dell'  Accademia  di  freyiare  la  mia  opéra 
sui  Costumi  de  l'opoii,  etc.,  opcra  feliccmente  da  tutti  incorajigiata  col  litolo  di 
Membro  dell'  A/eneo,  e  concio  proiero  qiianto  nii  tengo  onorato  di  protostarmi 
sempre  il  divotissimo  socio  di  Lei  edeyli  ornatissimi  signori  Accademici. 

Signé  :  Skrgknt-Marcbau, 
ex  membro  délia  Commissiune  A '"  con- 
sercntrice  de'  Motiumeiiti  délie  Scienze 
e  Beltearti  di  Fruncia. 

\\\  faro  premura  d'oUVire  ail'  Accademia  i  Lavori  di  Arle  d'incisioue,  che  potro 
esegnerè  e  meritarmi  qualclie  Lodc  da!  l'nblico,  se  le  circostanze  me  ne  oiïrouo 
il  mezzo. 


/ 


\0T1CE    SLll    SKllGEAT-MARCEAU.  099 


Milan,   18  juin  ISLS. 

Traduction  d'une  lellre  du  mime  au  même 
sur  les  Coslumi  [extrait)  '. 

Dans  voire  leltie  do  ce  mois  je   relève  portées  sur  luoii  compte 

div-liuit  souscriptions  à  mon  ouvrage  sur  les  Costumi. 


K»  26. 

Milan,  30  novembre  1SI8. 

Traduction  d'une  lettre  du  même  au  même  sur  les  Coslumi 
et  des  dessins  {extrait)  ^. 

\'otie  compte   est  liquidé   depuis  longtemps,  je  reste  créancier 

envers   voire  Sgciélé,  je  vous  prie   d'en  venir  au   fait,   y  compris    les 
dessins  que  j'ai  faits  pour  les  Béarnais,  et  que  j'ai  faits  sur  votre  ordre. 

\»  27. 

Milan,  9  février  1819. 

Traduction  d'une  lettre  du  viêmc  à  Stella  et  Fusi,  libraires 
à  Milan,  sur  les  Costumi  [extrait)  ^. 

Ayant  l'intention   do  poursuivre    celle   année    mon    ouvrage    des 

Costumes  des  peuples  anciens,  j'ai  fait  la  proposition  à  Monsieur  Pirotta, 

'  Texte  original  : 

Milano,  18  giufjno  1818. 
Extrait  d'une  lettre  à  Stella. 

...Dalla  vostra  letlera  del  mcse  correntc  rilevo  clic  sono  rcgistrali   per  conto 
vostro  dicciolto  associati  alla  mia  opéra  sui  Coslumi... 
*  Texte  original  : 

Milano,  .30  novembre   1818. 

...Es.sendo  da  moifo  tempo  liipiitiato  il  nostro  conto  nel  qiiale  resto  credilore 
verso  la  vostra  Socicta,  vi  prego  di  veiiire  al  fato,  non  esclusi  i  desigai  falli  da 
me  par  gli  Bearne.ii  clic  fiirouo  fatli  per  vostro  ordino. 

^  Texte  original   :  * 

Milano,  9  febbraio  1819. 

..  ..'\vcndo  rinlen/.ionc  di  prosegnirc  (juesf  aiino  la  mia  opéra  dei  Coslumi  dti 
popoli  anlichi,  ho  fatta  la  proposizione  al  sig"^  stampotore  l'irotla  di  contiuuarla 


700  NOTICi;    SI  R    SKIIGENT-MARCEAU 

iiiipriinoiir,  de  la  continuer  sous  ses  presses  et  do  lui  donner  une  délè- 
giilion  entre  vos  mains  pour  recouvrer  à  mon  crédit  les  sommes  que  vos 
associés  ont  encaissées  sur  cet  ouvrage  pour  toute  publication,  et  cela 
jusqu'au  montant  que  pourra  atteindre  la  cwdiile  de  M.  Pirolta  pour  les 
iascicules  imprimés. 

N"28. 

Milan,  U-  8  mars  18-20. 

Lettre  du  même  A  M  Julien  Direct'  de  la  Revue  Encijcl.  '. 

Vous  ne  serez  pas  fâché,  Monsieur,  de  recevoir  avec  la  grâce  que 
vous  mettez  en  voyant  des  hommes  doués  de  connaissances,  un  des  enfans 
de  la  Lombardie,  attiré  par  la  curiosité,  par  le  désir  de  voir  de  près  des 
hommes  de  lettres  avec  lesquels  il  a  spirituellement  conversé.  Plusieurs 
de  mes  amis,  ardens  partisans  de  la  Liberté  et  de  la  raison  qui  la  fonde, 
m'ont  engagé  à  recommander  le  porteur  de  la  présente,  et  je  me  rens  (?) 
à  leurs  sollicitations  en  vous  adressant  M.  Zonea.  Permettez  lui  de  vous 
voir,  de  vous  consulter  sur  le  choix  des  délassemens  scientifiques  qu'il  va 
chercher.  Son  intention  est  aussi  de  voir  l'Angleterre.  Je  me  flatte  qu'il 
en  reviendra,  comme  a  fait  un  de  nos  riches  Brescians  qui,  après  avoir 
passé  15  jours  ;V  Londres,  s'est  empressé  bien  vite  de  repasser  en  France 
pour  se  dédommager,  et  qui  ne  cesse  de  repetter  qu'il  y  a  une  bien  grande 
différence  entre  l'Anglais  et  le  Français  (dont  il  ne  chantait  pas  les 
louanges  avant  son  voyage). 

V^ous  ne  serez  pas  fâché  sans  doute  d'apprendre  qu'une  Ecole  d'ensei- 
gnement mutuel  qui,  a  été  établie  à  Brescia  par  le  comte  Monpiani  (jeune 
homme  encore),  fait  les  délices  du  pays.  Que  M""  Ugoni  président  de 
l'Athénée  et  direct,  du  Lycée  en  a  établi  une  pareille  à  Ponte  Vico  (peu 
distant  de  Bres.)  où  il  a  des  biens.  Et  qu'enfin  MM.  Pons  et  Goiifalo- 
nieri,  aidés  par  M.  Monpiani,  en  ont  établi  deux  à  Milan,  et  qu'on  en 
ouvre  en  ce  moment  une  troisième.  Peut-être  savez-vous  cela  déjà  par  le 
prem.cah.  de  laBibl.  ital.  de  M.  Curbi.  LesMilanais  applaudissent  à  ces 
établissemens.  A  côté  de  cela  le  Gouv'  s'occupe  à  affaiblir  les  préjugés 

solto  i  siioi  torchi  e  di  darjjli  iina  deiegazione  iielle  voslre  mani  per  riscuotere  a 
miocredito  le  somme  clie  dai  vostri  associati  a  délia  opéra  incassate  ad  oyni  pub- 
blicazione,  e  cio  sino  alla  somma  alla  quale  si  portera  la  polizza  del  sig'"  Pirolta 
per  i  fascicoli  stampati. 

'  En  tète,  est  écrite  la  mention  suivante  :  Cette  lettre  est  rentrée  entre  les 
mains  parce  que  la  personne  pour  qui  elle  était  écrite  a  changé  d'avis,  et  relarde 
son  voyage  de  quelques  mois. 


\'()TI(:E    si:  Il    SEIIGENT-MARCEAU.  "Ol 

superslitieiix  ;  on  dit  que  l'archevêque  a  reçu  de  la  Cour  de  Rome  un  href 
qui  supprime  le  caU'chisme  que  Ton  vient  d'imprimer,  et  un  moniloire, 
qui  foudroie  d'Excommunication  l'abbé  Jozzi  G**  Vie.  qui  a  refusé  l'arche- 
vècbé  de  Milan,  ot  depuis  le  Patriarcat  de  Venise,  et  l'abbé  (îiudici, 
Conseiller  chargé  de  la  Librairie,  pour  avoir  approuvé  le  Catéch.  Le 
Gouv'  a  traité  ce  nouveau  foudre  comme  celui  lancé  sur  l'ouvrage  de 
l'abbé  Tamburini  de  Vérone,  en  ordonnant  au  pontife  de  Milan  de  mettre 
les  Brefs  dans  le  panier  sous  la  table  et  tout  Milan  crie  :  Bravo  !  Nous 
n'avons  ni  moines  ni  missionnaires,  grâce  à  la  prévoyance  autrichienne. 
Mais  nous  n'avons  pas  non  plus  la  liberté  de  la  presse. 

A  propos  de  presse,  je  vous  dirai  qu'en  ce  moment  je  fais  imprimer  en 
français  des  Notices  sur  les  derniers  faits  d'armes  de  Marceau,  et  sur  sa 
mort.  Je  vous  en  ferai  remettre  des  exemplaires. 

Je  guette  aussi  une  occasion  pour  vous  envoyer  tout  ce  qui  a  été  publié 
jusqu'à  ce  momentde  mon  ouvrage  sur  les  Costumes.  M""  Magia,  que  vous 

voyez  quelquefois,    a  dû  ou  doit  vous  remettre  une  lettre  de  moi du 

))nquet  et  dans  laquelle  je  vous  exprime  le  désir  d'obtenir  pour  cet 
ouvrage,  qu'il  soutient  ici,  une  mention  honorable  dans  la  Revue. 

Mon  épouse  me  charge  de  ses  complimens  pour  vous  et  moi,  en  me 
rappelant  à  votre  souvenir  je  vous  renouvelle  l'assurance  d'une  parfaite 
considération  —  Salut. 

Signé:  Sergent-Marceau. 


Depuis  ma  lettre  écrite,  j'ai  appris  que  l'on  va  établir  une  Ecole 
d'Knseig*  mutuel  pour  les  filles,  et  enfin  une  autre,  non  gratuite,  pour  les 
enfants  de  Xégocians,  de  Bourgeois. 

Je  vous  parle  des  Excommunications  du  Vatican  à  propos  de  l'abbé 
Tamburini,  vous  n'y  trouverez  peut-être  qu'un  lassi  de  ma  part,  si  vous 
n'èles  pas  informé  qu'aussitôt  que  l'ouvrage  a  été  publié  l'archevêque 
de  Milan  a  reçu  un  bref  du  Pape  qui  excommunie  l'auteur,  le  libraire, 
les  Marchands,  et  tous  ceux  qui  liront  en  général.  Le  Gouv',  qui  avait 
l'appprobation  du  Cons.  auliq.  pour  approuver  l'ouvrage  et  sa  publica- 
tion a  ordonné  que  le  Bref  serait  mis  à  V Index. 

J'avais  cru  que  vous  receviés,  à  échange,  la  Biblioteca  ilaliana  qui 
est  vraiment  le  seul  ouvrage  périod.  littéraire,  le  seul  écrit  dans  un  genre 
qui  honore  la  littérature,  si  déliontée  en  Italie,  où  l'on  se  prodigue  toutes 
les  sottises  que  le  répertoire  de  nos  forts  du  port  au  blé  ne  contient  qu'en 
extrait.  Mais  le  Direct'  m'a  dit,  depuis,  qu'il  ne  vous  l'a  jamais  envoyée. 
Imaginant  que   le  premier  n"  de  celle  année  pourrait  vous  faire  plaisir 


-02  MOTICK    Sllll    SEUGKNT-MAUCEAU. 

p.ircpqu'il  offre  iiii  Tahloaii  do  rit.ilic  snvanle,  indushiousR  en  ce  moment,- 
et  l'auteur  M.  Aurbi  (ou  Curbi)  qui  a  eu  le  plaisir  de  vous  voir  à  Milan 
in'u  chargé  de  vous  en  offrir  un  cahier,  en  vous  invitant  d'en  dire  un 
mot  à  l'Europe. 

—  Vous  ignorez  peut-être,  car  vous  éliés  déjà  loin  alors,  que  le 
Gouv'  Autric.  a  élevé,  nourri,  bercé  ce  Journal,  et  je  crois  lui  passe 
encore  une  somme.  C'est  au  comte  Saurau  que  l'Italie  le  doit  et  (entre 
nous)  ce  Gouverneur  s'amusait  à  écrire  des  articles  libéraux  qu'il  envoyait 
anonymement  auxGazetliers.  —  Je  ne  vous  citerai  que  celui  ci  pour  votre 
amusement.  On  lut  dans  la  Gazelle  de  Milan  h  peu  près  ceci  :  «  Les 
étrangers  qui  veulent  se  faire  une  idée  de  l'état  des  arts  à  Milan  devront 
se  faire  ouvrir  deux  galeries  dans  lesquelles  ils  admireront  des  morceaux 
d'un  beau  choix.  La  première  contient  des  Tableaux  de  nos  anciennes 
écoles  et  des  meilleurs  maîtres;  la  2''"  renferme  une  collection  intéressante  de 
nos  artistes  nationaux  contemporains,  est  un  monument  patriotique  élevé 
à  leur  gloire.  11  ne  sera  pas  difficile  à  MM.  les  Etrangers  de  se  faire 
ouvrir  ces  galeries,  il  n'en  est  pas  de  noire  pays  comme  des  autres  peuples. 
Ce  ne  sont  pas  les  Comtes  ni  les  Marquis  qui  font  de  ces  galeries  à  Milan, 

c'est  tout  simplement  chez  M cordonnier  rue  de  la  Cerva  (?)  que  l'on 

verra  les  ouvrages  distingués  de  nos  modernes.  Et  chez  le  tgiilleur  Galli  que 

reposent  les  Mich.  An.,  les  Corrège.,  les  Ve On  n'a  pas  besoin  de  se 

iairp  présenter  chez  eux.  »  —  Qu'en  dites-vous  ?  Est-ce  là  de  l'allemand. 

Il  a  fait  depuis  son  départ  suppimer  le  Collège  des  Nobles.  Pourquoi  ? 
Pour  le  faire  appeler  tout  bonnement  Collège  Longone,  du  nom  de  son 
fondateur,  qui  a|»paremment  n'était  pas  même  M.  le  C".  Cela  a  opéré  des 
changemens  dans  son  gouvernement  dans  les  professeurs,  et  y  a  introduit 
entre  autres  un  Prof,  de  Physique,  qui  dernièrement  en  démontrant  les 
élémens  de  la  Géodésie,  fut  interrompu  par  un  élève  qui  stupéfait  de  ce 
que  cela  faisait  remonter  la  création  bien  au  delà  de...  lui  objecta  que 
l'on  ne  comptait  (jue  5.000  ans:  Je  ne  suis  pas  professeur  de  Théologie, 
mais  de  physique. 

Vous  voyez  que  je  bavarde  beaucoup,  peut-être  trop,  pour  votre  lems, 
mais  comme  mes  sujets  sont  un  peu  philosophiques,  et  intéressent  un  pays 
que  vous  avez  habité  vous  ne  jetterez  pas  ma  lettre  au  feu  de  colère,  et 
la  lirez  peut-être  jusqu'au  renouvellement  de  mes  complimens  et  même  de 
mes  offres  de  service  dont  je  ne  vous  avais  parlé  dans  ma  première 
partie. 

Je  vous  ajouterai  que  quelques-uns  ont  craint  que  les  Revues  n'eussent 
pas  lieu  ici,  mais  on  ne  s'en  occupe  pas,  à  ce  qu'il  parait,  et  vous  êtes  traités 
comme  la  Quolid.  et  les  Débals,  même  le  Monil.  qui  franchissent  la  fron- 
tière. On  ne  prend  pas  une  tasse  de  caffé  à  Milan  sans  les  Débats,  et  dans 


X'OTICF.    SliU    SKKf.  E.\T-\I  \iu:i:  \  (  .  70?. 

un  polit  coin  on  cause  avec  M  .  Mais  les  antres  rnellonl  tous  les 

douaniers  aux  alertes.  —  Je  crois  cependant  qu'ils  viennent  on  l)allon, 
ou  sur  les  ailes  de  la  Renommée.  C'est  la  déesse  luUlaire  d'Alhènes  qui 
leur  ouvre  la  route  '. 


X"  29. 

Lettre  du  mnne  A  Son  Excellence  le  ministre  de  f  Intérieur. 

l'ACKI.LKXCE, 

,1e  Os  remettre  en  février,  année  courante,  un  mémoire  par  lequel  je 
sollicitais  l'exemption  de  la  taxe  de  IGO  f.  pour  le  Quint  Melr.  imposée 
sur  l'inlroduction  des  livres  français  imprimés  en  [)ays  étranger,  en  faveur 
de  l'ouvrage  que  je  viens  de  publier  sur  feu  le  G"'  Marceau  mon  beau- 
frère.  N'ayant  eu  aucune  réponse  sur  cette  demande  j'ai  différé  à  la 
réitérer  jusqu'à  ce  que  Sa  Majesté  ait  agréé  l'Iiommage  que  lui  a  fait  mon 
Epouse  d'un  Exempl.  .l'adresse  à  présenta  V.  Exe.  par  duplicata  le  même 
mémoire,  que  je  li  prie  d'examiner,  autant  sous  le  rapport  de  l'intérêt 
général  que  sur  le  mien. 

Mais  comme  les  Notices  historiques  sur  Marceau  ont  été  écrites  pour 
les  Français  (quoi(jue  déjà  quelques  Souverains  les  ont  accueillis  avec 
intérêt),  je  désire  les  mettre  à  la  portée  de  tous  les  lecteurs,  ce  qui  ne  se 
|)ourrait  eu  supportant  un  taxe  d'entrée  si  considérable.  J'espère  que 
Votre  Excellence  voudra  bien  m'informer  de  ses  intentions  et  de  sa 
décision  "■'. 

Je  suis  avec  respect. 

Signé  :  SEnGKXT-MAKCEAu, 

Membre    de   l'Athénée  de  Brescia 

auteur  des  Costnmi. 

Milan,  le  10  W»  1820. 


'  Kn  marge  est  écrit  :  27  mai.  Kiiioyé  un  estrail  de  celle  lettre  à  M.  Salfi,  avec 
invitation  d'y  prendre  ce  qu'il  croira  d'utile  pour  la  formation  de  l'article  Italie  des 
Nouvelles  litt.,  destiné  an  cahier  de  juin  M. 

-  En  marge  de  la  lettre  est  écrit  :  On  ne  peut  répondre  au  pétitionnaire, 
attendu  qu'il  faudrait  afrancbir  la  lettre  jusqu'aux  frontières  et  que  ce  n'est  point 
à  l'ad""  à  supporter  ces  frais.  La  demande  ne  pourrait  d'ailleurs  être  accueillie 
sans  nuire  à  la  librairie  française.  Classer. 


704  XOTICK    SI  K    SE  RG  E  \  T-M  A  KC  E  A  U. 


K«  30. 

Lettre  du  mime  A  Son  Excellence  le  minisire  de  l'Intérieur 
du  Roy  de  France. 

J'ai  adressé  à  Votre  Excellence  au  mois  de  janvier  dernier  un  mémoire 
par  lequel  je  sollicitais  une  décision  ministérielle  pour  l'exemption  de  la 
taxe  de  60  0/0  d'un  ouvrage  français  original,  imprimé  sur  mon  manu- 
scrit à  Milan,  intitulé  Notices du  6^''  Marceau,   lequel  a  été  présenté 

à  S.  iM.  et  aux  Cliambres. 

Le  même  mémoire  contenait  des  vues  générales  sur  l'introduction  des 
ouvrages  écrits  d'origine  en  français  dans  les  pays  étrangers. 

C'est  le  second  mémoire  que  j'ai  adressé  à  Votre  Excellence  pour  le 
même  objet,  n'ayant  point  eu  réponse  du  premier. 

M.  le  Min.  des  finances,  auquel  je  l'avais  envoyé  d'abord  croyant  que 
cela  le  regardait,  a  bien  voulu  me  répondre  en  m'indiquant  à  quel  minis- 
tre je  devais  avoir  recours.  Je  n'ai  à  ce  sujet  nul  intérêt  spéculatif,  je  n'ai 
que  celui  qui  regarde  en  général  les  liommes  de  lettres  et  peut-être  la 
gloire  de  la  langue  française. 

J'ai  prié  M.   le  docteur  mon  ami,    de  sollicitera  Paris 

une  réponse  de  Votre  Excellence,  car  je  ne  puis  en  faire  l'objet  d'une 
pétition  aux  Chambres  sans  avoir  proposé  la  question  à  Votre  Excellence, 
ou  avoir  eu  sa  décision. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  respect, 

Signé  :  SERGFAT-MARCEAr, 
Membre  de  l'Athénée  de  li rescia. 

Milan,  le  "20  mai  1S21. 

N-ai. 

Milan,  le '21  août  1824. 

Lettre  du  même  à  .Mo7isieur  Poutliier,  ac/cnt  d'affaires,  rue  Beaubourg, 

n"  49,  Paris. 

Je  me  flalte.  Monsieur,  que  vous  aurez  déjà  encaissé  le  montant  du 
dernier  semestre  et  que  peut-être  nos  lettres  vont  se  croiser  en  route. 
N'importe,  comme  je  dois  à  la  S'  Michel  céder  mon  logement  au  proprié^ 
taire  de  la  maison  qui  veut  l'occuper,  je  me  trouve  cette  année  obligé  à 
de  nouvelles  dépenses  qui  me  rendent  cet  argent  nécessaire  dans  le  courant 
de  sept'  parce  (|ue  je  me  suis  engagé  dans  mon  nouveau  bail  à  payer  en 


\OTICE    SLR    SERGE.VT-MARCEAU.  705 

entrant  l'année  d'avance,  et  cela  pour  avoir  une  diminution  de  loyer.  J'ai 
donc  cru  nécessaire  de  vous  prévenir  de  cette  urgence  pour  vous  mettre  en 
mesure  si  avant  la  réception  de  ma  lettre  cela  n'est  pas  encore  disposé  et 
afin  que  vous  m'envoyez  du  papier  à  terme  court. 

Tâchez  d'avoir  de  M""  V"  Garnerin  '  quelque  chose,  si  vous  ne  pouvez 
avoir  le  tout  ;  quoique  sa  dette  soit  peu  de  chose  faites-lui  valoir  le  tems 
qui  s'est  passé  et  que  je  ne  lui  demande  pas  d'intérêt.  Cependant  essayez 
à  lui  faire  supporter  les  frais  qui  vous  appartiennent.  Cela  est  assez  juste, 
qu'ils  soient  à  sa  charge. 

Je  n'ai  plus  cet  ami  qut  devait  passer  à  Paris  et  me  rapporter  les 
emplettes  que  je  vous  ai  prié  de  me  faire.  Il  est  revenu  d'Espagne  par  nos 
villes  méridionales,  parce  qu'un  mal  de  jambe  l'a  retenu  à  Barcelone,  plus 
longtems  qu'il  ne  voulait  et  qu'un  séjour  à  Paris  l'eût  mené  trop  loin 
encore.  Il  est  arrivé  depuis  huit  jours. 

Kous  attendons  aussi  une  réponse  au  sujet  de  M"*  Cécile,  l'aéronaute. 
Par  circonstance  il  n'y  a  rien  de  dérangé  par  ce  retard,  car  la  saison  est 
trop  avancée  à  présent  pour  entreprendre.  Ce  sera  pour  le  printems  : 
cependant  M.  Mauvrier  désirerait  savoir  dès  à  présent  s'il  peut  l'avoir  et 
quelles  seront  les  conditions.  Inutile  de  vous  dire  que  M.  Mauvrier  saura 
reconnaître  vos  soins  si  cette  aff*'  s'arrange.  Je  vous  prie  de  faire  mettre 
l'incluse  à  la  pet.  poste.  Mad«  Magin  (?)  aura  peut  être  une  occasion  que 
je  lui  indique. 

Je  vous  renouvelle  l'assurance  d'une  parfaite  considération.  Salut. 

Signé  :  Sergent-Marceau. 
K"  32. 

Milan,  le  6  janv.  1823. 

Lettre  du  même  au  même. 

Voici,  Monsieur,  le  titre  pour  toucher  le  semestre  de  la  pension  comme 
à  l'ordinaire,  mais  voici  le  moyen  de  me  faire  toucher  la  somme  cette 
fois  sans  embarras.  Un  de  mes  amis  d'ici  qui  a  toujours  des  fonds  à  Paris 
à  sa  disposition  me  comptera  ce  semestre  sans  frais  aussitôt  que  je  me 
présenterai  avec  un  reçu  de  son  neveu,  auquel  vous  remettrez  cet  argent. 

C'est-à-dire  quand  vous  l'aurez  encaissé  vous  le  déposerez  entre  les  mains 
de  M.  Ridan,  libraire,  rue  de  l'Université,  n"  3.  P'  compte  de  .M.  Ferdi- 
nand Pierdhang  à  Milan  lequel  en  comptera  à  M.  Sergent-Marceau  à  Milan. 

'  Probablement  il™«  Garnerin,  aéronante  renommée  que  Sergent  connut  à 
Milan,  (l'hoir  le  Fragment  de  mon  album  et  îiigrum.) 

45 


700  NOTICE    SLR    S  E  R  GE  \'T-M  A  RC  E  A  U. 

Vous  m'adresserez  par  la  poste  avec  votre  compte  le  reçu  dud.  s'  Ridan, 
par  duplicata,  car  vous  en  garderez  un  double  sans  doute. 

Vous  aurez  peut-être  reçu  déjt\  par  le  docl"^  Fontanaille  une  lettre  que 
je  vous  ai  écrite  par  lui.  Je  vous  prie  de  passer  quand  vous  vous  trouverez 
dans  ce  quartier  chez  M'  Fayolle  lib«  près  de  l'Assomption,  et  lui  faire 
des  reproches  de  n'avoir  pas  envoyé  depuis  7  à  8  mois  à  M.  Dufour,  à 
Milan,  le  petit  fourneau  que  vous  m'avez  acheté,  et  un  jeu  de  chez  Giote, 
PoUchinel  Vampiro,  qu'il  lui  avait  demandé.  M.  Dufour  se  plaint  que  lui 
ayant  fait  ses  commissions  près  de  M.  Giusti  lib"^  surtout  il  ne  lui  ait  pas 
même  répondu.  Faites  vous  représenter  le  fourneau,  pour  voir  dans  quel 
état  il  est,  et  assurez-vous  qu'on  en  fera  l'envoi  à  AI.  Dufour  qui  est  peu 
content. 

Il  faudrait  pourtant  voir  à  obtenir  de  M*  Garnerin  le  payement^  car 
vous  devez  voir  que  son  avocat  a  parlé  de  voyage  pour  tirer  au  loin  et  la 
dispenser  de  payer.  Je  pense  que  vous  n'obtiendrez  d'elle  que  par  les 
moyens  de  justice.  Et  je  ne  puis  être  écarté  avec  mon  titre,  puisqu'elle  a 
accepté  l'héritage  et  sûrement  les  charges.  Je  vous  prie  de  vous  occuper 
encore  de  cette  affaire,  sans  dire  que  vous  m'avez  renvoyé  le  billet.  A 
votre  premier  avis  je  vous  le  renvoyé.  Si  vous  pouvez  vous  accorder 
qu'elle  vous  donne  partiellement  cette  somme,  recevez  ce  qu'elle  vous 
donnera,  ce  qui  vaudra  toujours  mieux  que  d'attendre  ce  voyage  et  un 
procès  à  Milan  où  il  se  passe  des  années  avant  d'obtenir  une  sentence. 

Je  vous  joins  une  lettre  pour  M*  Magin  et  une  pour  M.  Audot.  Je  dési- 
rais que  vous  puissiez  remettre  celle-ci  et  vous  entendre  avec  lui  pour  une 
réponse  que  vous  m'envoyerez  :  ne  le  pressez  pas  fort,  parce  que  je  n'ai 
pas  encore  terminé  ma  traduction  (je  ne  veux  pas  lui  dire)  parce  qu'elle 
peut  l'être  quand  il  répondra. 

J'ai  reçu  hors  le  fourneau  tout  ce  que  je  vous  avais  prié  de  m' acheter; 
et  vous  en  remercie. 

Agréez  mes  sincères  complimens  et  l'assurance  de  mon  estime. 

Signé  :  Sergext-Marceau. 

Vous  m'achèterez  chez  M.  Audot  :  1"  l'Art  de  conserver  les  fruits^ 
1  fr.  50;  2"  le  Jardinier  des  fenêtres,  2  francs,  et  les  ferez  remettre  à 
M*'  Magin  pour  la  première  occasion. 

Vous  pouvez  mettre  sous  enveloppe  la  lettre  de  M"'  Magin  et  la  mettre 
à  la  petite  poste. 

Note  jointe  à  la  lettre.  (Copie.) 

Monsieur  Audot,  libraire, 

rue  des  Maçons  Sorbonne,  n"  11. 


\0T1CE    SUR    SERGEMT-MARCEAL.  lOT 

Offre  de  la  tiaduclion  de  la  Vie  de  Canova,  la  seule  esiitnée  en  Italie 
parce  qu'elle  a  été  écrite  par  un  de  ses  amis,  1  vol.  8",  31  feuilles  d'im- 
pression avec  2  portraits  gravés  et  une  planche  contenant  les  médailles 
gravées  en  son  honneur. 

500  francs  pour  la  traduction,  50  francs  des  dessins  des  gravures  et  2 
en  feuilles  ou  brochés,  et  3  exemplaires  un  relié. 

Si  vous  voulez  orner  cette  édition  du  portrait  gravé  en  couleur  (je  l'ai 
gravé  de  son  vivant  Basse  rue  S'  Denis)  comme  on  vient  de  faire  à  2  vol. 
de  Baretti  et  qui  a  eu  du  succès,  je  me  chargerois  de  cet  ouvrage  et  je 
puis  dire  que  j'étois  en  France  le  premier  graveur  pour  ce  genre.  Alors 
je  vous  fourniroi  5  cuivres  gravés  moyennant  200  francs,  vous  paierez  à 
Paris  l'impression  50  francs  pour  100  au  plus.  Voilà  tous  les  calculs  fixés 
pour  nous  entendre  si  mon  offre  peut  vous  convenir. 

Je  vous  donne  pour  titre  de  mon  travail  que  je  suis  auteur  d'un  ouvrage 
intitulé  Costumi  de  popoli  antichi,  etc.,  avec  des  gravures  en  couleur  pour 
lequel  le  gouvern'  a  souscript  pour  50  exenipl"  Murât  pour  30.  Je  suis 
chargé  à  Milan  de  la  traduction  en  français  de  toutes  les  œuvres  A'Ennio 
Quirino  Visconti  mort  à  Paris  et  j'en  ai  déjà  7  vol.  4". 

J'ai  publié  les  Notices  historiques  du  (j"'  Marceau  mon  beau  frère  1  vol. 
qui  a  été  présenté  au  Roi  et  aux  2  chambres.  Il  se  vend  à  Milan  chez 
Giusli  à  son  bénéfice.  Vous  pouvez  me  répondre  par  M.  Pouthier. 

N0  33. 

Milan,  '1\  mars  1825. 

Lettre  du  même  au  même. 

J'ai  reçu,  Monsieur,  votre  lettre  en  date  du  7  cour'  laquelle  contenait 
le  reçu  de  Audot.  Je  ne  suis  pas  heureux  dans  mes  traductions  à  ce  qu'il 
parait.  Vos  démarches  n'ayant  rien  produit  pour  mes  ouvrages.  J'en  ai 
déjà  un  autre  qui  pouvait  être  d'un  intérêt  fréquent  pour  les  magistrats, 
les  hommes  de  loi  en  France.  C'est  un  traité  excellent  pour  les  dédoma- 
gemens  (sic)  de  V injure.  Cet  ouvrage  moral  philosophique  et  de  juriscon- 
sulte convient  mieux  à  notre  législation  criminelle  qu'à  celle  de  ce  pays, 
où  il  n'y  a  jamais  de  procès  en  calomnie.  Eh  bien  un  des  écrivains  de 
votre  ville  qui  l'a  offert  n'a  pu  trouver  à  placer  cette  intéressante  traduc- 
tion d'un  écrit  utile.  Ne  perdez  pas  de  vue  cependant  mes  Costumes,  il 
peut  se  trouver  sans  la  chercher  une  occasion. 

Prenez  vos  instructions  sur  M"'*  Garnerin,  elle  a  les  moyens  de  payer^ 
dit-on,  et  si  vous  avez  quelque  pièce  qui  prouve  qu'elle  a  voulu  entrer 
avec  vous  en  quelque  espèce  d'arrangement,  qui  la  lie  à  la  reconnais- 


T08  NOTICK    SUR    SERGENT-MARCEAU. 

sance  de  la  légiliiiiité  de  ma  créance,  alors  il  faudra  agit-  judiciairement. 

M.  Toppi,  capil»  cil  retraite  qui  vous  remettra  l'obligation  de  feu  Gar- 
nerin,  vous  verra  de  teins  en  tems,  et  vous  pourrez  lui  faire  part  de  ce 
que  vous  ferez  à  cet  égard.  Il  connaît  cette  famille. 

Je  n'ai  rien  autre  chose  à  vous  recommander  que  de  croire  à  toute  la 
considération  que  je  vous  porte. 

Signé  :  Sergent-Marceau. 

Est-ce  que  je  no  vous  avais  pas  prié  d'acheter  chez  Audot  lib°  le  Jardi- 
nier des  fenêtres  et  un  autre  livre  d'économie  domestique.  Je  ne  les  vois 
pas  dans  votre  note.  Faites-moi  le  plaisir  de  voir  M.  Fritot  av'  aux  conseils 
S'  Pol  de  fer  S'  Sulpice  n"  14  le  saluer  pour  moi,  et  qu'il  vous  remette  le 
manuscrit  du  Traité  de  l'injure  (ce  qu'il  en  a).  Voyez  si  vous  pourrez 
plaire  i\  celui-là. 

Milan,  le  30  avril  1825. 

Lettre  du  même  au  même. 

Des  lettres  que  je  vous  adresse  sous  ce  pli,  il  en  est  une  que  je  recom- 
mande, Monsieur,  h.  votre  intelligence  et  à  vos  soins,  car  elle  en  exige. 
Quant  aux  autres  la  poste  vous  servira,  à  moins  que  vous  ne  preniez 
plaisir  à  voir  ceux  à  qui  elles  sont  adressées. 

Celle  donc  qui  demande  le  plus  de  difficulté  est  celle  pour  notre  neveu 
à  la  Louisiane,  et  comme  il  est  question  de  lui  apprendre  la  mort  de  son 
père  et  de  sa  mère  dont  il  doit  recueillir  seul  l'héritage,  et  que  depuis 
plus  d'un  an  que  son  père  est  mort  il  n'a  pas  répondu  à  ceulx  qui  lui  ont 
écrit.  Dans  cet  intervalle,  sa  mère  a  suivi  son  mari  qui  était  le  frère  aîné 
de  mon  épouse.  Je  lui  ai  écrit  le  mois  passé  par  l'Angleterre,  et  il  faut 
pour  être  sûr  écrire  deux  ou  trois  lettres  par  différens  moyens.  Je  vous 
prie  donc  de  vous  charger  de  celle-ci  par  une  voix  certaine.  Je  lui  donne 
votre  nom  et  votre  adresse  dans  le  cas  où  il  aurait  besoin  d'un  fondé  de 
pouvoirs,  s'il  ne  vient  pas  en  France.  On  m'assure  que  l'héritage  peut  être 
de  TO  à  80,000  francs.  Cela  vaut  la  peine  de  l'instruire. 

Je  vous  ai  accusé  par  M.  Topi  la  réception  de  la  quittance  de  M.  Ridan 
et  j'ai  touché  les  fonds  chez  M.  son  oncle.  Adieu,  .Monsieur,  croyez  à  la 
plus  parfaite  considération  et  estime  de  notre  part. 

Signé  :  Sergent-Marceau. 


NOTICE    SUR    SEKGENT-MARCEAL'.  "09 

N»  34. 

Milan,  le  2  sept"  1827. 

Lettre  de  Sergent  sur  le  concours  artistique  de  Brescia 
A  Monsieur  le  Président  de  l'Athénée  de  Brescia. 

MOXSIELR, 

Lorsque  je  mis  en  vente  la  Vierge  que  j'ai  gravée  en  couleur,  j'en  fis  aus- 
sitôt un  hommage  à  l'Alhénée  que  vous  présidés,  car  il  me  semblait  incon- 
venant d'en  retarder  l'envoi  jusqu'à  une  époque  trop  éloignée,  celle  des 
concours  pour  les  prix  que  l'Athénée  accorde  tous  les  ans,  je  me  proposais 
de  vous  prévenir, lorsqu'il  en  serait  tems,que  je  m'estimerais  heureux  d'ajou- 
ter à  ma  qualité  de  membre  honoraire  celle  de  possesseur  d'une  médaille 
que  cette  Société  savante  et  laborieuse  donne  à  titre  de  récompense. 

Peut-être  aujourd'hui  suis-je  encore  à  tems,  car  je  crois  me  rappeler 
que  les  jugemens  ont  lieu  vers  la  fin  d'août,  et  que  la  publication  des  prix 
suit  celle  de  Milan,  qui  va  bientôt  paroître.  D'ailleurs,  si  ma  mémoire  ne 
me  trompe  pas,  il  me  semble  qu'un  article  de  vos  règlemens  fait  admettre 
nécessairement  au  concours,  sans  que  les  auteurs  le  demandent,  les 
ouvrages  envoyés  dans  l'année,  et  qui  paraissent  le  mériter'. 

Je  me  flatte  trop,  sans  doute,  si  d'autres  artistes  vous  ont  soumis  leurs 
travaux,  et  il  en  est  à  Milan  dont  on  doit  redouter  la  rivalité,  qui  aspire- 
ront après  les  couronnes  que  vous  distribuez. 

Agréez,  Monsieur  le  président,  l'assurance  de  mon  dévouement  respec- 
tueux pour  la  Société  dont  je  me  glorifie  de  faire  partie,  et  pour  vous  par- 
ticulièrement de  votre  serviteur  et  collègue. 

Signé  :  Sergent-Marceau. 

N»35. 

Brescia,  22  7''"  1827. 

Traduction  d'une  lettre  du  président  de  l'Athénée  à  Sergent  sur  l'expo- 
sition des  gravures  en  couleur  (  Vierge  et  portrait)  qu'il  avait  envoyées 
à  Monsieur  Sergent-Marceau,  membre  d'honneur,  Milan  ^. 

La   Vierge  et  le  Portrait,  gravures  en  couleur,  que  V.  S.  a   envoyés 

'  L'Athénée  de  Brescia  possède  une  lettre  de  Sergent,  datée  de  Gorla  près 
Milan,  7  avril  1827,  par  laquelle  il  envoie  deux  gravures  à  cette  société. 
'  Texte  original  ; 

Brescia,  22  7''"  1827. 

Al  Sic'  Sergent-Marceau,  socio  d'onore  Milano. 
La  Vergine,  ed  il  ritratto,  incisioni  a  colori,  che  V.  S.   spcdi   iu  régale  ail' 


710  NOTICE    SUR    SERGERJT-M  ARC  E  AU. 

comme  présents  à  l'Alhénée  ont  été  offerts  aux  yeux  du  public  dans 
l'exposition  qu'il  fait  chaque  année  dans  la  clôture  de  ses  sessions 
annuelles.  Ils  seront  ensuite,  comme  c'est  de  règle,  soumis  au  juge- 
ment de  la  commission  qui  se  réunira  dans  les  premiers  mois  de  l'année 
prochaine  1828  pour  décider  des  prix  aux  meilleurs  ouvrages  que  dans 
l'année  courante  ont  produits  Messieurs  les  académiciens.  Il  est  cependant 
nécessaire,  en  vertu  d'un  nouvel  article  qui  a  été  ajouté  à  notre  Règle- 
ment, que  vous  déclariez  n'avoir  pas  présenté  ces  œuvres  pour  le  con- 
cours de  prix  d'aucun  autre  Institut. 

Cette  lettre  est  pour  répondre  à  votre  honorée  du  deux  courant;  et 
je  suis  heureux  de  vous  exprimer  mes  sentiments  d'estime  et  consi- 
dération. 

'  Signé  :  J.  Salvodi. 


N->  36. 

Milan,  le  17  janvier  1830. 

Lettre  de  Sergent  à  M'  Julien  de  Paris,  directeur  de  la  Revue. 

Je  me  rappelle  à  votre  souvenir  et  à  votre  amitié  car  je  vis  encore  libre 
et  sain  et  puis  en  profiter.  Je  souhaite  que  votre  santé  puisse  égaler  la 
mienne,  surtout  depuis  que  j'habite  les  environs  de  Milan  à  la  campagne^ 
où  je  cultive  choux,  et  crayons  et  belles  lettres,  c'est  vous  dire  que  je 
pourrais  être  heureux  si  le  Pérou  me  donnait  quelques-unes  de  ses  pro- 
ductions; mais... 

M.  Blazis,  mon  ami,  depuis  dix  ans,  est  le  porteur  de  ma  lettre;  vous 
le  connaissez  déjà  par  son  ouvrage  sur  la  danse  en  anglais.  Il  se  prépare 
à  publier  de  nouveaux  ouvrages.  Vous  voyez  qu'il  ne  bat  pas  des  entre- 
chats toute  la  journée  et  que  s'il  fait  des  Pirouettes,  ce  sont  de  celles  qui 
plaisent  non  pas  comme  tant  d'autres. 

Ateaeosono  sfati  offerli  agli  occhi  del  pubblico  nelle  esposizione,  ch'  esso  fa  nella 
chiusura  délie  sue  annue  session!  :  saranno  poi,  com'  e  di  regola  sottô  posti  al 
giudizio  délia  Censura,  che  si  radunera  nei  primi  raesi  del  futuro  anno  1828  per 
aggiudicare  i  premi  aile  megliori  opère  nel  corrente  anno  prodotle  dai  SS'  soci. 
Egli  e  pero  nccessario  in  virtu  di  un  nuovo  articolo  stato  aggiunto  al  nostro  Rego- 
lamento,  ch'  ella  dichiari  di  non  aver  prodotto  quest'  opéra  sua  pel  concorso  al 
premio  di  alcun  altro  Instituto. 

Questo  e  quanto  a  Lei  dovea  significare  risposta  alla  sua  pregiatissima  del  due 
corrente;  e  godo  di  protcstarlo  i  sensi  di  mia  estima  e  considerazione. 

Signé  :  G.  Savolof. 


\OTICE    SUR    SERGE\T-MAKCE  Al  .  711 

Je  VOUS  le  recommande  expressément,  car  il  est  rare  de  trouver  un  dan- 
seur qui  a  son  esprit  hors  les  jambes. 

Recevez  mes  saiuts  avec  amitié  comme  je  vous  les  offre. 

Signé  :  Sergext-Marceau. 
N»  37. 

Nice,  le  0  juin  183-2. 

Lettre  du  même,  à  M.  l'avocat  Caillaud. 

Je  rens  un  dernier  devoir,  Monsieur,  à  un  estimable  ami  que  je  viens 
de  perdre,  en  vous  écrivant,  sachant  par  lui  qui  me  communiquait  tout  ce 
qui  lui  était  personnel,  et  l'intérêt  amical  que  vous  mettiez  à  ses  affaires, 
et  l'embarras  qu'elles  vous  causaient,  parce  que  tout  le  monde  ne  parta- 
geait pas  ses  loyaux  sentiments. 

Je  reporterai  cet  intérêt  que  vous  lui  avez  montré  sur  une  jeune  fille 
à  laquelle  il  a  donné  en  mourant  un  gage  de  Reconnaissance.  Assurez- 
vous,  et  assurez-en  qui  que  ce  soit  que  Couturier  a  cru  acquitter  une 
dette  par  le  legs  qu'il  a  fait  à  Thérèse  Zammaretti.  Seul  au  monde,  avec 
une  vieille  femme  qui  l'a  suivi  au  tombeau,  infirme,  vieillard  déjà  décré- 
pit avant  l'âge  où  la  nature  nous  réduit  à  cet  état,  obligé  à  plus  que  de 
l'économie  dans  tout  ce  qui  dépendait  de  la  vie  il  avait  dans  Thérèse  une 
ménagère  à  ses  ordres,  à  eux  et  la  vieille  femme  qui  partageait  avec  lui 
ses  faibles  ressources,  il  avait  une  garde  malade  jour  et  nuit  qui  le  servait 
comme  une  Jille,  car  elle  lui  doit  de  savoir  lire,  écrire,  et  d'avoir  quelques 
idées  hors  de  la  sphère  où  elle  est  née  (fille  de  pêcheurs).  Moi  et  les  amis 
de  Couturier  lui  rendront  cette  justice  que  sans  ses  soins  le  malheureux 
depuis  longtems  ou  eût  cessé  de  vivre,  ou  eût  vécu  dans  le  dénuement  de 
tout  puisqu'il  avait  perdu  presque  l'usage  des  jambes. 

Je  vous  recommande  donc  au  nom  de  cet  ami  que  je  regrette  de  faire 
tout  ce  qui  dépendra  de  vous  pour  Thérèse,  de  vaincre  l'égoïsme  de  ceux 
qui  s'opposeraient  à  sa  dernière  volonté,  de  ceux  qui  n'ont  su  respecter 
ni  ses  droits,  ni  son  cœur...  Car  je  vous  le  confesse,  je  ne  puis  estimer  des 
enfans  qui  ont  négligé,  abandonné  un  père  qui  a  fait  nonobstant  cela  des 
sacrifices  pour  eux.  Je  leur  préfère  cette  Thérèse  qui  l'a  consolé,  soutenu, 
et  qui  a  supporté  ses  humeurs,  ses  plaintes^  avec  dévoument. 

Agréez,  Monsieur,  l'assurance  de  l'estime  que  Couturier  m'a  inspirée 
pour  vous  par  sa  correspondance. 

Signé  :  Sergent-Marceau. 


712  NOTICE    SUR    SERGENT-MARCEAU 

N»  38. 

Lettre  du  même,  à  M.  le  directeur  de  la  Revue  rétrospective. 

Monsieur, 

J'avais  depuis  quelque  temps  dans  mon  portefeuille  le  manoscrit  que 
je  vous  envoie,  et  que  je  destinois  pour  quelqu'un  des  journaux  qui  se 
publient  à  Paris,  J'ai  pensé  qu'il  pourrait  vous  convenir,  quoique  je  ne  con- 
naisse votre  ouvrage  que  par  les  annonces  (car  on  n'introduit  ici  que  le 
Moniteur,  la  Gazette  et  la  Quotidienne) . 

Vous  jugerez  sans  doute  comme  moi  que  le  sujet  que  je  traite  peut 
intéresser  la  nation  qui  possède  le  Régent,  qui  vaut  un  peu  plus  que  la 
médaille  de  plomb  du  chapeau  de  Louis  XI.  Je  vous  donne  cet  article 
comme  le  récit  le  plus  véridique...  Enfin  comme  ex-magistrat  supérieur 
de  la  police  de  Paris.  C'est  une  pièce  officielle. 

Vous  pourrez  y  attacher  ma  signature,  je  vous  y  autorise  en  vous  priant, 
si  vous  l'insérez,  de  me  mettre  à  part  une  couple  de  copie  de  l'imprimé 
que  vous  feriez  remettre  chez  I\I.  Fritot,  avoué,  rue  des  Bons  Enfans, 
n»  1.  Je  les  ferai  prendre  quand  il  m'en  donnera  avis. 

Ayant  perdu  beaucoup  de  mes  papiers  et  notes,  je  n'ai  pu  me  rappeler 
les  noms  de  la  mulâtresse,  ni  ceux  de  son  avocat  et  du  banquier,  qui 
demeurait,  me  dit-il,  place  Vendôme,  mais  cela  importe  peu  pour  le  fait 
principal. 

Je  suis  avec  une  parfaite  considération  pour  vous.  Monsieur,  votre 
compatriote, 

Signé  :  Sergent-Marcead, 
Off"  municipal,  administrateur  de  la  police  en 
1791  et  92,  membre  de  l'athénée  de  Rrescia 
Roy.  Lombard  Ventien. 

De  Nice  (Piémont),  le  5  juin  1834. 

IV»  39. 

Nice,  le  23  X»»"  1834. 

Lettre  du  même,  à  M.  Taschereau,  directeur  de  la  Revue  rétrospective. 

Monsieur, 

J'ai  vu  dans  les  annonces  de  la  Quotidienne  que  vous  avez  fait  impri- 
mer dans  la  Revue  la  note  historique  sur  la  journée  du  17  juillet  1791  et 


NOTICE    SLR    SERGEXT-MARCEAU.  US 

SOUS  mon  nom.  Je  désire  avoir  cet  article,  veuillez  m'adressor,  comme 
vous  avez  fait  pour  le  vol.  le  n»  de  la  Revue,  seulement  sans  plus,  et  le 
mettre  sous  bande  à  cette  adresse  : 

A  M.  Franco  à  S'  Laurent  du  Var. 

Peut-être  notre  correspondance  ne  se  bornera  pas  à  cela,  mais  en  ce 
moment  j'ai  encore  des  ménagemens  pour  certaines  susceptibilités. 
Agréez  mes  complimens  et  l'assurance  d'une  parfaite  estime. 

Signé  :  Seruext-Marceau.  ■ 
N»40. 

Le  18  juin  1840.      . 

Lettre  du  même,  â  M.  Garnerey  '. 

Vous  voyez-,  nron  cher,  que  je  ne  mets  point  de  retard  à  vos  commis- 
sions, si  quelque  inexactitude  se  mêle  à  vos  correspondances,  elle  n'est  pas 
ma  faute,  et  voici  deux  lettres  qui  vous  le  prouvent. 

Je  vous  remercie  des  soins  que  vous  prenez  de  mon  enfant  qui  est 
encore  bien  petit.  Point  surpris  que  le  petit  homme  qui  veut  se  faire 
grand  ne  fasse  pas  de  cas  de  la  progéniture  d'un  homme  probe.  Que 
pourrait-on  faire  de  cette  espèce,  son  père  est  le  plus  bête  des  niais,  ça 
n'a  pas  de  pain  et  ça  veut  que  je  le  reçoive  avec  son  beau  bijou.  Brrr 

Eh  bien,  laissons-le  là  aussi  en  lui  disant,  tire-t'en  Jacques  si  tu  peux, 
car  je  te  vois  fort  embarrassé.  Je  me  dégage  moi  des  égards  que  je  lui  ai 
annoncés.  11  a  déchiré  la  Déclaration  des  droits,  il  est  habillé  à  l'anglaise... 
Je  le  méprise,  sa  comédie  grotesque  des  ossemens  me  fait  pitié  et  il  n'y  a 
que  des  sots  qui  ne  s'aperçoivent  pas  qu'il  se  moque  d'eux.  On  en  rit  ici 
à  présent. 

Je  suivrai  vos  avis  pour  les  libraires  et  surtout  pour  que  vous  ne  vous 
désaississiez  pas  du  manuscrit.  J'en  ai  déjà  perdu  deux  à  Paris  qu'on  n'a 
pu  rattraper  après  les  avoir  confiés. 

Je  me  trouve  assez  récompensé  si  vous  en  tirez  les  3,000  francs  que 
vous  avez  demandés.  Nous  verrons  cela  quand  je  vous  envoyerai  en 
avance   quelques  premiers  cahiers   qui  auront  du  piquant  en  démentis. 

Et  puis  quand  vous  viendrez  cet  automne  je  vous  conGerai  la  fin 
j'espère. 

'  Nfous  n'avons  pu  identifier  ce  personnage.  Peut  être  est-il  Hippolyte-Jean- 
Baptiste,  peintre  et  graveur  à  l'aquatinte,  né  en  1787  et  mort  en  1858,  auteur 
de  la  Vue  des  ruines  de  l'église  Saint- Jacques,  à  Orléans  (Salon  de  1835),  et 
d'une  Vue  prise  à  Gien  (Salon  de  1846). 


7U  NOTICE    SUR    SE  RGE  \' T-M  A  RC  E  A  U. 

Veuillez-moi   toujours  du  bien,  j'aime  à  être   reconnaissant,  car  j'ai 
trouvé  tant  d'inr[rats  (jue  je  frémis  de  penser  qu'on  puisse  l'être^. 
Adieu,  portez-vous  bien. 
Votre  concitoyen, 

Sergent-Marceau. 

Le  chanoine  m'a  chargé  ce  soir  de  ses  civilités  pour  vous. 


N»41. 

Lettre  non  datée  [mais  devant  ctre  de  1843)  de  Sergent, 
à  monsieur  Maider,  rue  Salzman,  n"  8,  Strasbourg,  dép^  du  Bas-Rhin. 

Monsieur  et  Madame, 


Ne  parlons  point  politique  humaine,  ma  vieille  expérience  m'a  trop 
appris  l'homme,  heureux  quand  on  peut  écrire  sur  ses  tablettes  quelques 
privilégiés  à  excepter.  Vous  me  dites  avec  raison  que  le  titre  de  républi- 
cain n'est  qu'une  usurpation.  Je  me  rappelle  ce  que  me  dit  l'ami  com- 
mun de  votre  père,  le  bon  et  sensible  papa  Micq,  à  propos  d'un  fier  révo- 
lutionnaire Mayençais  séfugié  à  Bàle  :  Je  ne  crois  point  au  républicanisme 
d'un  homme  tiran  domestique  qui  ne  sait  pas  respecter  son  estimable 
femme,  qu'il  réduit  à  rétat  d'humble  servante,  qui  ne  parle  à  ses  enfans 
qife  pour  les  faire  trembler,  et  qui  n'a  su  gagner  l'affection  d'aucun  de 
ses  subordonnés.  Mais  il  est  probe  au  moins  —  je  le  crois...  S'il  n'avait 
pas  cette  qualité  ce  serait  complettement  un  misérable.  —  Voilà  pourtant 
Phistoire...  Vous  vous  attendez  que  je  vais  ajouter  le  mot  moderne. 
Hélas  M.,  l'Histoire  sainte  et  prophane  nous  offre  les  mêmes  passions  et 
les  mêmes  vices.  Si  je  n'ai  pas  succombé  c'est  que  j'ai  eu  le  bonheur  de 
devoir  ma  première  éducation  à  deux  femmes  qui  quoique  d'une  condi- 
tion différente  avaient  des  principes  du  véritable  honneur,  ma  grand' mère 
-maternelle,  et  l'autre  la  mère  de  mon  premier  ami  de  collège,  épouse 
maltraitée  par  son  noble  mari  M.  De  X...  (je  n'ai  pas  connu  ma  mère 
/lont  l'éloge  restait  dans  toutes  les  bouches).  C'est  que  j'ai  eu  le  bonheur 
d'aimer  même  avant  l'âge  où  l'on  sait  aimer  autre  chose  que  le  plaisir,  et 
enfin  d'être  aimé  par  une  femme  malheureuse  (j'ai  une  destinée,  je  vous 
dirai  cela)  qui  appuyait  toutes  ses  qualités  sur  la  vertu,  elle  a  purifié  mon 
âme,  vous  le  savez  déjà.  C'est  que  j'ai  trouvé  à  Paris  chez  un  artiste  de 
mérite,  mon  maître,  sa  jolie  et  aimable  épouse,  sans  enfans,  qui  m'a  chéri 
comme  un  fils,  près  de  ces  deux  époux  je  voyais  l'âge  d'or.  —  Mon  père 


\OTICE    SLR    SERGEXT-MARCEAU.  Tir, 

et  mon  grand-père  étaient  dans  le  pays  un  modèle  de  bonnes  mœurs. 

Dites  à  M*  votre  épouse  de  qui  j'ai  reçu  comme  gage  d'amitié  un  joli 
ouvrage  que  je  conserve,  qu'elle  mérite  que  je  lui  offre  comme  hommage 
cet  aveu  que  je  dois  à  des  femmes  les  qualités  qui  m'ont  procuré  quelque 
estime.  Je  veux  vous  expliquer  ma  parenthèse. 

Jusqu'à  présent  j'ai  été  l'ami  de  8  femmes  méritantes,  malheureuses 
par  l'hymen,  5  abandonnées  par  des  maris  livrés  à  de  honteuses  passions. 
Une  est  ici  avec  père  et  mère  qui  ont  quitté  leur  patrie  pour  la  soustraire 
à  23  ans  aux  folles  fureurs  d'un  misérable  qu'elle  aimait.  En  ce  moment 
celle  que  je  préfère  à  toute  société  reçoit  du  sien  l'annonce  qu'il  va  se 
fixer  à  Paris  et  qu'elle  restera  à  Nice  où  il  passera  tous  les  ans  2  ou 
3  mois.  Notre  reine  Amélie  lui  a  donné  cette  jeune  femme  riche  pour 
cadeau  des  soins  qu'il  a  donné  en  littérature  à  deux  de  ses  filles.  Elle 
a  bien  réussi.  Vous  voyez  que  je  devais  d'après  les  décrets  de  la  Provi- 
dence être  dépositaire  de  secrets  intérieurs  et  toutes  ces  femmes  jouissent 
de  l'estime  et  même  de  l'amour  gén''. 

Que  les  désordres  politiques  de  la  fourmilière  ne  nous  occupent  pas  il 
semble  que  nous  avons  assez  de  ceux  plus  haut  placés.  Tout  est  hors 
(l'équilibre  dans  le  ciel,  les  saisons  sont  changées,  des  froids,  des  neiges 
amoncelés  dans  les  campagne  de  Rome  pendant  les  mois  de  printemps,  des 
orages  tous  les  jours  à  Xice,  des  journées  froides  d'hiver  au  mois  de  juin, 
de  la  neige  à  Mulhouse  dans  le  même  mois,  des  tremblemens  de  terre 
partout.  Je  pense  que  le  \oyage  de  ces  malencontreuses  comètes  sont  la 
cause  de  cette  dislurbation  dans  le  système  céleste.  Cependant  les  Niçois 
espèrent  que  les  pérégrinations  habituelles  favoriseront  leur  ville  cet  hiver, 
aussi  on  voit  s'élever  partout  des  maisons,  qu'on  meuble  avec  un  luxe 
désordonné. 

Je  ne  puis  vous  donner  de  mon  fils  de  nouvelles  satisfaisantes,  il  est 
malade  depuis  8  mois,  une  espèce  de  céphalalgie  depuis  le  décembre  42 
il  est  incapable  d'écrire,  je  n'ai  eu  de  sa  main  que  deux  petits  billets,  il 
n'y  a  que  le  mois  dernier  qu'on  lui  permet  de  lire,  cependant  il  n'a  pas 
gardé  toujours  le  lit,  on  l'a  même  conduit  15  jours  sur  le  lac  de  Corne. 
Ce  mal  provient  d'excès  dans  le  travail,  chef  de  deux  bureaux  les  plus 
importans,  s'occupant  en  outre  de  travaux  particuliers  littéraires,  il  lui 
faut  du  repos,  mais  avec  un  emploi  qui  fait  vivre  comment  prendre  ce 
remède  quand  on  a  comme  mon  fils  trop  de  probité  pour  suivre  le  pro- 
verbe —  Mettre  du  foin  dans  ses  boites.  — J'ai  peu  d'espérance  de  trans- 
mettre à  la  postérité  mes  vérités  historiques.  Trois  de  mes  intimes  con- 
naissances, dont  deux  hommes  de  lettres  distingués  et  répandus  dans  la 
librairie,  ont  échoué  près  des  plus  hauts  éditeurs.  Chacun  se  chargera 
.volontiers  de  la  vente  si  je  me  charge  de  faire  imprimer  à  mon  compte... 


•716  \OTICK    SUR    S  E  RG  E  \' T-M  A  RC  E  A  U. 

moi  pauvre  diable  !  La  plupart  s'imaginent  que  je  repellerai  en  ja  ce 
que  d'autres  ont  sifflé  en  vu,  dix  autres  en  ul^  et  ils  répondent  le  public 
en  est  las.  Mais  je  viens  d'écrire  à  l'un.  Ce  n'est  pas  mon  cas,  je  dis  ce 
qu'on  n'a  pas  sçu  et  j'efface  ce  que  d'autres  ont  dit  —  c'est  du  neufei 
rien  d'usé. 

J'ai  reçu,  après  9  ans  d'interruption  par  les  circonstances  une  longue 
lettre  du  Bon  Jean  Micq  directeur  du  cabinet  de  physique  de  Madrid,  c'est 
noire  troisième  fils.  Il  n'est  pas  heureux,  le  trouble,  le  désordre  est  dans 
son  cœur  par  sa  famille,  comme  dans  l'Etat,  guerre  avec  sa  coupable 
femme,  guerre  avec  trois  de  ses  fils  deux  lieutenans  le  traitent  en  ennemi 
poussés  par  la  mère,  une  de  ses  filles  nubile  encore  vit  près  de  lui  avec 
une  ame  froide,  son  aînée  qui  l'aime  vit  à  Bordeaux  avec  son  mari,  mais 
ils  ont  besoin  de  ses  secours...  Pauvre  Jean!  Félicitez-vous  cher  M. 
d'avoir  près  de  votre  cœur,  époux  heureux,  femme  respectable,  aimable, 
excellente  mère.  Le  fruit  que  votre  amour  vous  a  donné  ne  démentira 
pas  son  origine.  Je  lui  souhaite  de  longs  jours  pour  vous  ce  sera  son 
bonheur,  et  le  tableau  de  votre  douce  union  dont  il  saura  profiler,  j'en  ai 
un  exemple  dans  mon  Milanais  dont  le  cœur  a  saisi  les  vertus  de  celle  qui 
lui  a  servi  de  mère,  son  sang  n'était  pas  pur,  elle  l'a  renouvelé  par  son 
amour  et  sa  sagesse. 

Adieu,  cher  ministre  qui  avez  gagné  chez  moi  l'estime  d'un  enfant  de 
Loyola,  obligé  cependant  de  vous  envoyer  au  diable.  Tout  finira  par  s'ar- 
ranger, l'Union  parviendra  à  ne  nous  rendre  tous  qu'un  sous  un  seul 
Dieu,  je  commence  le  faisceau  en  vous  serrant  affectueusement  la  main  et 
en  vous  assurant  que  je  n'oublierai  pas  de  vous  renouveller  mes  respects 
pour  Madame  et  mes  amitiés  pour  vous.  Deux  baisers  au  bon  Emile. 

Votre  dévoué, 

Signé  :  Sergent-Marceau. 

Je  quitte  mon  logement  le  mois  prochain.  Je  serai  au  port  près  de  la 
statue  du  roi. 


N»  42. 

Je  soussigné  Antoine  François  Sergent-Marceau  propriétaire  résident  à 
Brescia  dép'  du  Mella  en  Italie  donne  pouvoir  par  le  présent,  entendant 
lui  donner  la  même  valeur  que  s'il  fut  passé  devant  un  officier  public,  à 
M.  Aubertdu  Pin  prop"  demeurant  à  Paris,  rue  Guenegaut,  n°  25,  de  pour 
moi  et  en  mon  nom  :  1°  Toucher  de  M.  le  général  Donnadieu  la  somme 
de  cinq  cent  quatre  vingt  francs  montant  de  deux  traites  et  le§  intérêts 
d'icelles  jusqu'à  ce  jour,  lui  en  donner  quittance  et  décharge,  et  à  défaut 


NOTICE    SUR    SERGEXT-MAKCEAU.  7n 

de  payement  de  le  Iraduire  en  justice  et  le  poursuivre  jusqu'à  parfait 
payement  par  jugement  délinilif,  ou  de  négocier  lesdils  effets. 

2"  De  compter  avec  M.  Lampon  fils,  avocat  à  Soissons,  des  sommes  qu'il 
me  doit,  entendre  son  compte,  en  fixer  le  reliquat  et  en  donner  décharge. 

Et  en  cas  de  non  payement,  de  former  demande  en  justice  et  de  pour- 
suivre jusqu'au  jugements  et  arrêts  définitif. 

3°  De  retirer  des  mains  de  MM.  Schoël  libraire,  Blin,  Garnerin  l'aîné; 
Chardin,  le  cliev"  Salles,  et  autres  particuliers  tous  les  objets  que  je  leur 
ai  confiés,  ou  mon  épouse  pour  moi,  entendre  leurs  comptes,  les  débattre, 
les  régler,  donner  quittance  et  décharge. 

Et  en  cas  de  refus  ou  de  difficultés  de  les  faire  citer  en  justice  et  de 
poursuivre  jusqu'à  jugement  et  arrêts  définitifs. 

De  composer  et  transiger  avec  les  ci-dessus  nommés  aux  charges 
clauses  et  conditions  qui  paraîtront  à  M.  Aubert  du  Pin  plus  convenables 
à  mes  intérêts. 


Signé  :  Sergent- Marceau. 

De  Brescia,  le  20  octobre  1814  ex  roy"  d'Italie  dep'  du  Mella. 

N"  43. 

Je  soussigné  Antoine  François  Sergent-Marceau  prop"  résident  à  Brescia 
dép'  du  Mella  en  Italie  donne  pouvoir  à  M.  Aubert  du  Pin,  propriet. 
dem'  à  Paris,  rue  Guenegaut,  n"  25,  de  pour  moi  et  en  mon  nom  retirer 
des  mains  de  M.  Tombis  receveur  de  rentes  à  Paris  y  demeurant,  rue 
Saint-.-\ntoine,  n°  9,  près  la  vieille  rue  du  Temple  les  pièces,  notes  et  ren- 
seignemens  que  mon  Epouse  lui  a  confiés  le  quatre  octobre  mï[  huit  cent 
onze,  de  lui  rendre  la  reconnaissance  qu'il  a  donnée  le  d.  jour,  de  régler 
avec  lui  les  déboursés  et  honoraires  qui  peuvent  lui  être  dus  et  de  les  lui 
payer,  d'en  retirer  quittance  et  de  lui  donner  décharge  desdites  pièces. 

Signé  :  Sergent-Marceau» 

De  Brescia,  dep'  du  .Mella  ex  roy^  d'Italie,  le  20  oct''"  1814. 

N"  44. 

Extrait  des  «  Observations  critiques  sur  la  Vestale,  mélodrame  repré- 
senté pour  sa  fête  de  Bi-escia  en  1815  au  Grand  théâtre  » . 
Sergent  prend  pour  devise  :  «  La  critique  éclaire.  » 
Après  un  long  préambule,  il  commence  par  examiner  les  costumes  et 


T18  NOTICE    SUR    SE  II  GE  M  T-. MARC  EAU. 

les  cérémonies.  Le  général  romain  Licinius  porte  un  manteau  d'azur 
quand  il  aurait  dû  avoir  une  chlamyde  de  pourpre.  Les  Vestales  sont  d'une 
élégance  déplacée;  leur  voile  avec  ses  garnitures  ne  convient  pas  à  leur 
condition.  L'habillement  du  Pontife  romain  est  ridicule.  II  est  vôlu  comme 
un  grand  prêtre  juif.  Les  Romains,  gens  du  peuple,  soldats,  ne  se  recon- 
naitroient  pas  tels  qu'on  les  a  figurés.  La  cérémonie  du  Triomphe  dénote, 
une  profonde  iguorance  historique.  L'auteur  des  observations  décrit  ce 
qu'était  uu  triomphe,  et  il  entre  à  ce  sujet  dans  de  longs  développements 
d'érudition.  On  ne  s'est  pas  plus  préoccupé  de  la  vérité  historique  dans  le 
supplice.  L'auteur  décrit  ce  qu'était  ce  supplice,  et  il  montre  comment  on 
devait  le  représenter.  Enfin  il  passe  à  la  critique  du  décor.  Nous  extrayons 
de  cet  examen  les  passages  suivants  : 

n  J'ai  noté  jusqu'à  présent  les  erreurs  de  l'inventeur  du  costume  dans 
tous  les  personnages  et  du  directeur  des  cérémonies.  Il  me  reste  à  présent 
à  examiner  si  le  peintre,  quoiqu'habile  en  dessin,  expert  dans  les  règles 
de  Ift  pe/spective,  intelligent , dans  le  clair  obscur,,  s'est  mis  „en  dehors,  de. 
la  critique.  Je  ne  serait  pas, plus  indujgent  pour  lui  qui  a  déjà  tant  de, 
qualités  estimables. 

Les  architectes  romains  du  temps  de  Xuma  ne  se  servaient  pas  dans  les 
édifices  des  colonnes  corinthiennes  ou  composites,  ils  ne  faisaient  pas  les 
chapiteaux  et  les  socles  de  bronze,  les  marbres  ne  resplendirent  dans  les 
monuments  que  depuis  César.  Le  peintre  craint  peut-être  que  l'ordre 
Toscan  ne  lui  suffise  pas  pour  produire  ces  grands  effets  qui  frappent? 
Mais  il  sait  aussi  combien  de  scènes  de  prisons,  de  souterrains  composées 
avec  de  solides  pilastrjes,  avec  des  arcs,  des  escaliers  sans  colonne,  sans 
ornement  ni  sculpture,  ont  été  applaudies.  Son  atrium  du  temple  de  Vesta 
a  le  caractère  des  pompeux  monuments  du  siècle  de  Périclès  et  non  de 
celui  qui  succéda  au  palais  de  Romulus  couvert  de  paille. 

S'il  eût  consulté  quelque  érudit  dans  les  choses  antiques,  il  eut  donné 
au  temple  de  Vesta  où  s'introduit  Licinius  la  forme  ronde.  Tel  il  a  été 
décrit  par  les  écrivains,  tel  on  le  trouve  sur  les  médailles,  et  tel  le  fai- 
saient tous  les  peuples  qui  le  consacraient  à  la  déesse  âme  de  toutes  les 
choses  nées  ;  et  ils  le  construisaient  toujours  dans  le  centre  de  la  ville.  Où 
a-t-il  trouvé  le  modèle  de  cet  autel  si  élevé  et  formé  comme  un  simple  fût 
de  colonne'?...  La  belle  scène  du  champ  scélérat   est   un   contre-sens 

'  Texte  original. 

Nota.  —  Ce  texte  italien  a  été  revu  par  un  tiers  inconnu  qui  a  enlevé  quel- 
ques imperfections  de  style.  Nous  le  donnons  ainsi  revisé. 

...Ho  notato  fin  ora  gli  errori  deU'  inventore  de!  vestiario  in  tutti  i  personaggi, 
e  del  Direttore  délie  cerimouie;  rai  resta  adesso  a  esaminare  se  il  pittore,  quan- 
tunque  abile  nel  disegno,  perito  nelle  regole  délia  prospettiva,  intelligente  nel 


\OTICE    SLR    SERGENT-MARCEAL.  719 

général.  Mais  je  me  console  de  pouvoir  être  juste  avec  un  artiste  de  tant 
d'espérance.  S'il  y  a  de  notables  erreurs,  il  a  reçu  la  loi  du  poète  ou  d'un 
directeur  étranger,  et  ce  premier  examen  montrera  que  les  Anglais,  malgré 
leurs  grands  voyageurs  qui  achètent  à  Rome  des  antiquités,  malgré  leurs 
écrivains  de  haute  réputation,  sont  hien  loin  de  la  sévérité  historique  au 


chiaro-scuro,  siasi  messo  fuori  dcUa  Critica;  non  gli  saro  pin  indulgente  aveudo 
egli  già  tante  doti  stimobili. 

Gli  arcliitecti  Romani  del  tempo  di  Numa  non  usavano  negli  edifizi  le  colonne 
corintiane  o  composite,  non  facevano  i  capitelli  e  le  basi  di  bronze,  i  marmi  non 
risplendaveno  net  monument!  che  dopo  Gesare.  Teme  forse  il  pittore  che  non  gli 
bastasse  l'ordineToscano  per  sostenere  que  grandi  effeti  che  fannocolpo?  Ala  egli 
sa  pure  quante  scène  di  Prigioni,  di  Sotteranci,  composte  con  solidi  pilastri,  con 
archi,  scale  senza  colonne,  senza  fregi  ne  scultura  sono  applaudite.  Il  suo  aCrio 
del  tempio  de  V  esta  ha  il  caratlere  di  pomposi  monumenti  del  secolo  di  Pericle 
e  non  di  quello  che  succedeva  al  palazzo  di  Romolo  coperto  di  paglia. 

S'egli  avesse  consultato  qualche  erudito  nelle  cose  antiche,  avrebbe  dato  el 
tempio  di  Vesta  ove  s'introduce  Licinio  la  forma  rotunda.  Taie  fu  descritto  dagli 
scrittori,  taie  si  trova  sulle  medaglie;  e  taie  lo  facevano  tutti  i  popoli  che  lo  con- 
secravano  alla  dea  anima  di  tutte  le  cose  nate;  e  lo  costruivano  sempre  nel  centre 
délia  citta.  Ove  ha  trovato  il  modello  di  quel  allare  tanto  alto  e  formato  come  un 

semplice  futto  di  colonna? La  bella  scena  del  Carapo  scelerato  è  un  contra- 

senso  générale.  Ma  mi  consolo  di  potere  essere  giusto  con  un  artisla  di  tante  spe- 
rauze.  Se  vi  sono  notabili  errori,  egli  ha  ricevuta  la  legge  dal  poeta  o  da  in  diret- 
tore  forestiero,  e  questo  mio  esame  provera  che  gli  Inglesi  maigrado  i  loro 
grandi  viaggatori  che  comprano  a  Roma  délie  autichita  maigrado  i  loro  scrittori 
di  alla  ripulazione,  sono  tuttora  bon  lonfani  délia  severita  sforica  ne  teatri.  Ne  ho 
la  prova  nel  libretto  venuto  d'iughilterra,  il  quale  contiene  le  piu  false  insinua- 
zioni  sidie  scène...  l'uossi  imaginare  un  fasto  di  monumenti  simile  a  questo  rap- 
presentato  in  un  campo  votato  ail'  infamia  dopo  il  delitto  di  Tullia  che  vi  fece  cal- 
pestrare  da  suoi  cavalli  il  corpo  del  padre?  Perche  non  farne  ingresso  con  un 
semplice  arco,  rustico,  senza  oruamenti,  sul  quale  si  leggesse  Campus  Sceleratus 
0  non  Sceleratus  Ager?  Presso  i  Latini  la  parola  Ager  significava  une  spazio  fuori 
délia  citta  fertilizzato  coi  lavori  dell'  agricoltura  e  T.  Livio  che  sara  una  piu  for- 
male  autorita,  come  tanti  altri,  lo  chiama  Campus,  Resta  quindi  indeciso  nella 
scena  se  il  campo,  vicino  alla  porta  detta  collina  sia  dentro  o  fuori  délie  mura, 
quando  l'invenzione  pittorcsca  doveva  precisamente  indicare  ch'  egli  era  dentro 
e  il  tempio  di  Venere  Ericina  costrutto  fuor  délie  mura  od  una  certa  distanza  si 
trova  troppo  avvicinato,  colpa  del  libretto. 

«  Si  vedono,  leggo  cosi,  nella  scena  tre  tombe  piramidali  ;  due  di  queste  hanno 
sul  piedestallo  una  pietra  nera,  sopra  una  e  scritto  Mitcia,  sull'  altra  Oppia  a 
lottere  d'oro.  La  terza  tomba  e  destinafa  per  Giulia  :  il  piedestallo  e  aperto  a 
guisa  di  pietra  e  vi  si  discende  per  una  scala  praticabile.  »  Oh  non  posso  vera- 
mente  addossare  queste  sconvenienze  al  poeta.  Saranno  nate  nel  immaginazione 
di  qualche  decoratore  di  Londra.  Come  moi  pensare  che  tombe  tanto  ricche  fos- 
sero  alzate  dalle  famiglie  che  ripudiavano  sino  la  memoria  d'un  nome  caduto  in 
obbrobrio?  Non  si  supporra  certamente  che  sieno  erelte  a  spese  del  pubblico,  che 
non  ricompensava  se  non  quei  che  avessero  salvata  la  patria. 


"Ï20  DOCUMENTS    S II U    PIERRE    VIGME    DE    VIGMY. 

théâtre.  J'en  ai  la  prouve  dans  le  libretto  venu  d'Angleterre,  qui  contient 

les   plus  faux  discours   sur  la   scène Peut-on   imaginer  un  faste  de 

monuments  semblable  à  celui  qui  représente  un  champ  voué  à  l'infamie 
depuis  le  délit  de  Tullia  qui  y  fit  fouler  par  ses  chevaux  le  corps  de  son 
père?  Pourquoi  n'en  pas  faire  l'entrée  avec  un  simple  arc  rustique,  sans 
ornements,  sur  lequel  on  lirait  campus  sceleratus  et  non  sceleratus  ager  ? 
Chez  les  Latins  le  mot  Ager  signifiait  un  espace  éti  dehors  de  la  ville  ferti- 
lisé avec  les  travaux  de  l'agriculture  et  T.  Live  qui  sera  une  plus  formelle 
autorité,  comme  tant  d'autres,  l'appelle  Campus.  Reste  par  là  indécis  dans 
la  scène  si  le  champ,  voisin  de  la  porte  dite  Collina,  est  en  dedans  ou  en 
dehors  des  murs,  quand  l'invention  du  peintre  devait  précisément  indiquer 
qu'il  était  en  dedans  et  le  temple  de  Vénus  Ericina,  construit  en  dehors  des 
murs  à  une  certaine  distance  se  trouve  trop  près,  par  la  faute  du  libretto. 
J'y  lis  :  u  On  voit  sur  la  scène  trois  lombes  pyramidales  :  deux  de 
celles-ci  ont  sur  le  piédestal  une  pierre  noire,  sur  l'une  d'elles  est  écrit 
Mucia,  sur  l'autre  Oppia  en  lettres  d'or.  La  troisième  tombe  est  destinée 
pour  Julia  :  la  piédestal  est  ouvert  à  la  façon  d'une  pierre  et  on  y  descend 
par  un  escalier  praticable.  »  Oh  non  je  ne  peux  vraiment  mettre  ces  incon- 
venances sur  le  dos  du  poète.  Elle  seront  nées  dans  l'imagination  de 
quelque  décorateur  de  Londres.  Comment  jamais  penser  que  des  tombes 
si  riches  aient  été  élevées  par  les  familles  qui  répudiaient  jusqu'au  sou- 
venir d'un  nom  tombé  dans  l'opprobre?  On  ne  supposera  certainement 
pas  qu'elles  ont  été  élevé  aux  dépens  de  l'État  qui  ne  récompensa  jamais 
que  ceux  qui  avaient  sauvé  la  patrie » 


XLI 

DOCUMENTS  NOUVEAUX  SUR  PIERRE  VIGNE  DE  VIGNY 

ARCHITECTE 

Nous  avons  ici  niême,  à  la  session  de  ISO^,  essayé  une  biogra- 
phie de  cet  architecte  peu  étudié  nommé  Pierre  Vigne  de  Vigny  '. 

'  Ch.  DE  Beaumont,  Pierre  Vigne  de   Vigny,  architecte  du  Roi,  1690-1772, 


DOCUMENTS    SLR    PIERRE    VIGXE    DE    VIGMY.  721 

Depuis  lors,  un  certain  nombre  de  nouveaux  documents  sont  par- 
venus à  notre  connaissance  ;  ils  complètent  assez  bien  ce  que  nous 
savons  déjà  de  cette  étrange  figure  bien  originale  en  elle-même. 

AI.  Louis  de  Grandmaison,  archiviste  d'Indre-et-Loire,  nous 
signale  tout  d'abord  plusieurs  personnages  du  nom  de  Vigne  qui 
semblent  originaires  d'Anjou  comme  la  famille  de  notre  artiste. 
L'un,  Robert  Vigne,  qualifié  écuyer  du  comte  de  Serrant  en  1G84, 
noble  homme  et  sieur  de  Prémartin  en  1698  ',  dates  auxquelles  il 
paraît  comme  parrain  à  Saint-Georges-sur-Loire,  ne  doit  pas, 
croyons-nous,  en  raison  même  de  sa  qualité  de  noble,  être  rattaché 
à  la  famille  qui  nous  occupe.  L'autre,  Marguerite  Vigne,  épouse  de 
Séverin  Delignac,  écuyer,  seigneur  de  Scanacro(?),  est  nommée 
dans  l'acte  mortuaire  de  sa  fille  Françoise  Delignac,  morte  à  l'âge 
de  soixante-huit  ans,  et  inhumée  à  Azay-le-Rideau  (Indre-et-Loire) 
le  31  décembre  1753*.  Ce  qui  laisse  supposer  l'origine  angevine 
de  cette  Marguerite  Vigne,  dame  Delignac,  c'est  la  présence  dix  ans 
plus  tôt,  comme  parrain,  d'un  membre  de  sa  famille,  messire 
Barthélémy  Delignac,  v-  curé  de  Luigné  en  Anjou  ^  »  . 

Mais  ce  ne  sont  là  que  des  suppositions.  Ce  qui  se  rapporte  avec 
plus  de  certitude  à  notre  artiste,  c'est  le  partage  de  la  succession  de 
son  grand-père  Louis  Brisard  et  de  sa  grand'mère  Marie  Boyot, 
en  date  du  29  novembre  1691.  Il  donne  un  instructif  aperçu  de  la 
fortune  de  sa  famille  ;  nous  y  voyons  en  efiet  que  par  leur  contrat 
de  mariage  en  date  du  21  décembre  1679  %  Michel  Vigne  et  Marie 
Brisard  reçurent  en  dot  la  somme  de  3,278  livres  10  sols. 

Nous  avions  cru  pouvoir  dire,  en  1894,  que  Pierre  Vigne  vint  à 
Rome  après  son  inspection  à  Constantinople,  c'est-à-dire  en  1722  '\ 
Nous  en  trouvons  aujourd'hui  la  confirmation  dans  ce  passage 
d'une  lettre  de  Poerson  au  duc  d'Antin,  datée  du  11  août  1722, 
que  nous  a  obligeamment  signalée  M.  J.  Guiffrey  : 

dans  le  compte  rendu  de  la  Réunion  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départe' 
ments  eu  1894-,  p.  610-652,  et  tiré  à  part,  Paris,  Plon-X'oiirrit  et  C'%  189V,  in-8'' 
de  46  pages  et  un  portrait. 

'  Arcliives  de  Maine-et-Loire.  E.  suppl.,  p.  336-337. 

*  Etat'civil  d'Azay-le-Rideau. 

*  Ibid.,  voir  21  novembre  1740  et  9  novembre  1743. 

*  Leur  acte  de  mariage  est  du  14  janvier  1680.  (Cf.  Ch.  de  Beauuoxt,  lac.  cit.., 
p.  616,  et  p.  11  du  tirage  à  part.) 

^  Ibid.,  p.  611,  el  p.  C  du  tirage  à  part. 

46 


722  DOCUMENTS    SUR    PIERRE    VIGNE    DE    VIGNY. 

'i  II  est  arrivé  depuis  peu  de  jours  un  jeune  architecte,  élève  de 
«  M.  de  Colle,  lequel  vient  de  Constantinople  où  il  a  été  envoyé 
«  pour  y  examiner  l'état  ou  se  trouve  le  palais  de  M.  l'Ambassa- 
it  deur  du  Roy.  Il  s'appelle  Vignier,  et  le  s'  Gourlade,  fils  du  maître 
«  d'hôtel  de  M.  le  cardinal  de  Rohan,  qui  est  élève  dans  l'Académie, 
a  a  étudié  à  Paris  avec  lui  '.  « 

Nous  savons  donc  maintenant,  à  n'en  pouvoir  douter,  que  Vigny 
était  élève  de  Robert  de  Cotte,  ce  que  nous  n'avions  osé  affirmer 
faute  de  preuves  suffisantes.  Or,  grâce  aux  renseignements  que 
nous  ont  fournis  MM.  Merghelynck,  d'Ypres  (Belgique),  et  Quarrey- 
Reybourbon,  de  Lille  (Nord),  nous  n'ignorons  plus  qu'il  forma 
également  en  .174:3  et  1744  un  élève  qui  sut  faire  honneur  à  son 
maître.  JVé  à  Lille  le  5  janvier  1725,  Thomas-François-Joseph 
Gombert  était  fils  de  Thomas-Joseph  Gombert,  maître  maçon,  et  de 
Marie-Hélène  Buisine.  Ayant  montré  «  de  bonne  heure  d'heureuses 
«  dispositions  pour  l'étude  des  arts  et  des  mathématiques,  dit 
"  M.  Hipp.  Verly',  il  alla  étudier  l'architecture  à  Paris  en  1743  et 
"  1744,  sous  la  direction  de  Devigmjy  architecte  du  Roi,  et  fit  de 
a  rapides  progrès.  Son  père 'étant  mort  en  1745,  il  revint  dans  sa 
K  ville  natale...  »  On  lui  doit  entre  autres  la  reconstruction  de 
l'Hôtel  des  Monnaies  de  Lille,  la  transformation  en  hôpital  mili- 
taire du  collège  général  des  Jésuites,  divers  hôtels  de  Lille,  etc. 
Nommé  inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées  des  Flandres  et 
de  l'Artois,  il  contruisit  le  beau  pont  de  Nieppe^.  Il  bâtit  aussi  à 
Ypres  le  superbe  hôtel  Merghelynck,  auquel  M.  Arthur  Merghelynck, 
l'érudit  archiviste  des  villes  deFurnes  et  Ypres,  a  consacré  une  si 
magistrale  étude \ 

Une  lettre  du  mois  de  février  1744*  sans  doute  adressée  au  duc 
d'Antiu,  surintendant  des  bâtiments  du  Roi,  nous  montre  de  Vigny 


'  A.  DE  Mo\TAiGLO>i  et  J.  GuiFFHEV,  Correspondance  des  directeurs  de  l'Aca- 
démie de  France  à  Rome  avec  les  surintendants  des  bâtiments,  décembre  1896, 
t.  VI,  p.  175. 

^  Hippolyte  V'erlv,  Essai  de  biographie  lilloise  contemporaiiie ,  1896,  p.  106- 
107. 

^'Bellier  de  la  Chavignerie  et  L.  Auvrav,  Dictionnaire  général  des  artistes 
de  f  Ecole  fratiçaise,  t.  I,  p.  673. 

,    ■'A.  MKRGnELY\CK, 'Hôtel  Merghelynck.  Ypres,  1894,  iu-fol.  avec  30  vues  en 
pliototypie. 

'°  Voir  Pièce  justificative. 


DOCL'MEXTS    SUR    PIERRE    VIGIVE    DE    VlGîVY.  723 

encore  en  lutte  avec  ses  collègues.  Il  avait  été  chargé  par  les  reli- 
gieux de  Saint-AIarlin  de  Paris  de  vérifier  et  régler  le  mémoire  du 
sieur  le  Tellier,  maître  maçon;  s'étant  aperçu  de  malfaçons  et 
d'erreurs  graves,  il  crut  devoir  en  parler  à  la  séance  suivante  de 
l'Académie  d'architecture;  le  jeune  Mansard  lui  chercha  alors  chi- 
cane, mais  Vigny  le  releva  d'une  verte  façon,  lui  disant  qu'il  n'avait 
ni  son  expérience  ni  ses  lumières  pour  se  permettre  de  lui  parler 
de  la  sorte.  Mansard,  vexé,  monta  le  Tellier  contre  de  Vigny  d'une 
façon  maladroite  et  lui  attira  mille  désagréments.  Au  fond,  dans 
la  circonstance,  notre  artiste  avait  raison  et  faisait  preuve  d'un 
esprit  droit  et  intègre,  ne  voulant  pas  qu'un  entrepreneur  fripon 
pût  continuer  impunément  à  tromper  le  public  et  les  autres  archi- 
tectes. Peut-être  avait-il  employé  des  termes  un  peu  vifs,  mais 
aussi  il  faut  bien  reconnaître  que  ses  collègues  étaient  de  carac- 
tère fort  irrascible  :  témoin  une  plainte  déposée  en  1734  par 
l'architecte  J.-B.-Aug.  de  Beausire  '  contre  J.-N.  Servandoni,  en 
raison  de  sévices  et  voies  défait  '.  On  aurait  pu  leur  citer  ce  joli 
mot  de  Raynouard,  l'auteur  des  Teinpliers  :  «  Voltaire  a  dit  avec 
"  autant  d'esprit  que  de  raison  :  De  nos  cailloux  frottés  il  sort 
«  des  étincelles.  11  faut  frotter  nos  cailloux  pour  en  faire  jaillir  une 
'lumière  utile;  mais  gardons-nous  bien  de  nous  les  jeter  à  la 
"  tête.  » 

Malgré  tout  le  désir  que  nous  aurions  de  présenter  de  Vigny  sous 
un  jour  favorable,  nous  devons  à  la  vérité  de  reconnaître  qu'il 
était  de  nature  batailleuse.  Ne  le  trouvons-notis  pas,  en  effet, 
en  1746%  comme  seigneur  de  cette  petite  terre  de  Penchien,  près 
Luynes  (Indre-et-Loire),  qu'il  avait  achetée  en  1736*,  faisant  con- 
damner un  paysan  son  voisin  pour  avoir  cueilli  de  l'herbe,  ébour- 
geonné  de  la  vigne  et  pris  une  serpe  dans  sa  propriété,  à  payer  la 
somme  de  77  sols  6  deniers  et  les  frais?  Le  paysan  s'étant  montré 
réfractaire,  il  le  fit  saisir.  On  voit  que  l'air  sédatif  de  la  Touraine 
ne  calmait  pas  sa  bile  ni  n'amollissait  son  humeur  revêche.  Il  se 
plaisait  bien  pourtant  sous  ce  ciel  si  serein  et  dans  ce  climat  si 

*  Frère  de  celui  avec  lequel  de  Vigny  se  querella  en  1742.  (Cf.  Cli.  de  Beau- 
mont,  lo^.  cit.,  p.  613  et  629,  et  p.  8  et  2V  du  tirage  à  part.) 

^  Revue  de  l' Art  français  ancieii  et  moderne,  t.  V',  p.  265. 

*  Archives  du  château  de  Chàtigny. 

*  Cf.  Ch.  DE  Beau,moxt,  loc.  cit.,  p.  612  et  626,  et  p.  7  et  21  du  tirage  à  part. 


724  DOCUMEIVTS    SUR    PIERRE    VIGNE    DE    VIGNY. 

agréable.  Aussi  clierchait-il  à  s'agrandir,  et  le  31  août  1752  il 
achetait'  une  petite  ferme  dite  closerie  des  Arènes,  du  nom  erroné 
donné  dans  le  peuple  au  superbe  aqueduc  gallo-romain  entre  les 
piles  duquels  sont  construits  ses  bâtiments. 

D'autre  part,  une  lettre  adressée  par  notre  artiste  en  1763"  à 
son  neveu  Gille  Lefebvre,  fils  de  sa  sœur,  indique  qu'il  avait  l'in- 
tention d'acheter  une  autre  terre  également  en  Touraine;  mais  les 
termes  de  cette  lettre  sont  trop  vagues  pour  qu'on  puisse  deviner 
laquelle;  cette  négociation  ne  semble  pas  avoir  abouti. 

Enfin  dans  une  lettre  datée  de  1754%  destinée  peut-être  à 
Gabriel,  et  relative  à  une  lettre  anonyme  adressée  à  rAcadémie 
d'Architecture,  il  fait  encore  allusion  à  son  expérience,  dont  il 
semble  vraiment  bien  infatué  :  «  Depuis  le  temps  que  je  suis  de 
«  l'Académie,  dit-il,  j'ay  veu  certainement  bien  des  choses,  à  l'égard 
«  des  jeunes  gens,  qui  ne  sont  pas  suivant  les  règles  de  l'équité... 
«  ce  qui  certes  dégoûte  les  jeunes  gens  qui  ont  du  mérite.  » 

Nous  avons  pensé  que  ces  quelques  lignes,  et  la  correspondance 
qu'elles  accompagnent,  complétaient  assez  bien  la  notice  que  nous 
avons  jadis  consacrée  à  étudier  la  vie  de  cet  inconnu  de  mérite; 
nous  n'avons  cherché  qu'à  apporter  un  détail  de  plus  à  Thistoire 
de  l'Art. 

Charles  de  Beaumont, 

Correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  départements,  inspecteur 
de  la  Société  archéologique  de  Touraine. 


PIECE  JUSTIFICATIVE 


Lettre  de  P.  Vigne  de  Vigxy  a 

[Février  1744  *] 

Monseigneur, 

Vous  avez   receu  des  nouvelles  au  sujet  d'un  grand  bâtiment  que  les 
Religieux  de  S'  Martin  de  Paris    ont  fait  construire  depuis  1739.  Des 

'  Archives  du  château  de  Châtigny. 

«  Ibid. 

3  Ibid. 

*  Cette  lettre  porte  en  tête  cette  mention  :  Rec.  i6/'  1744.  Elle  provient  de  la 


DOCUMENTS    SUK    PIERRE    VIGNE    DE    VIG\Y.  725 

toiseurs  ont  esté  appelez  pour  vérifier  et  régler  le  Mémoire  du  s"'  le  Tellier 
maître  maron  qui  l'a  bâty.  Les  Religieux  se  doutant  que  ceux  qui  y 
avoient  mis  la  main  n'avoient  pas  agy  exactement  me  nomèrent  par  un 
acte  capitulaire  pour  le  dernier  examen,  et  j'en  reçus  la  nouvelle  le 
13  octobre  1743.  En  examinant  le  devis  et  marché,  je  trouvay  quelques 
principaux  articles  près  du  double  do  leur  valeur,  et  d'autres  enflez  au  tiers 
au  delà  de  leur  valeur.  Je  blamay  les  Religieux  de  n'avoir  pas  appelé  iin 
honète  home  a  ce  marché.  Cependant,  le  mal  estant  fait,  je  n'y  pouvois 
apporter  de  remède.  J'examinay  le  toisé  en  vérifiant  sur  le  lieu  le 
mémoire,  je  trouvay  des  erreurs  extraordinaires,  des  demandes  d'ouvrages 
qui  n'avoient  pas  esté  faits,  qu'on  luy  passoit,  et  des  malfaçons  ;  pour 
m'en  éclaircir  davantage,  je  m'hazarday  de  percer  les  planchers,  les  murs 
et  les  voûtes  pour  voir  si  l'ouvrage  estoit  fait  suivant  la  demande^  de 
l'entrepreneur;  de  :230  Iroux  que  j'ay  fait  faire,  je  n'en  ay  trouvé  que 
cinq  ou  l'entrepreneur  estoit  en  règle,  une  vingtaine  de  douteux  et  le 
restant  contraire  à  ses  demandes  au  devis  et  à  la  solidité  du  bâtiment.  Je 
les  ay  expliquez  à  M'  Gabriel",  dans  une  letre  que  je  luy  ay  écrit.  J'en 
parlay  à  notre  Académie,  et  j'en  citay  qui  parurent  incognues  et  j'en 
parlay  come  une  question  académique  afin  de  nous  mètre  en  garde  contre 
les  Entrepreneurs.  Le  S'  Mansard  ^  me  dit  vivement  quel  droit  j'avois  de 
percer  les  ouvrages  de  maço..Tie.  Je  luy  répondis  là  dessus,  et 
j'adjoutay  que  quand  il  auroit  la  même  expérience  que  moy,  et  mes 
lumières,  il  auroit  le  même  pouvoir  et  qu'il  n'avoit  pas  raison  d'épouser 
un  entrepreneur  fripon.  Il  s'imagina  que  je  luy  faisois  sentir  qu'il  s'enten- 
doit  avec  cet  entrepreneur.  Certes  ce  n'estoit  pas  là  mon  intention  ;  car 
quand  mes  confrères  m'ont  représenté  la  sottise  que  je  foisois  d'épouser 
certains  entrepreneurs  dont  la  malversation  leur  estoit  cognue,  j'ai  profité 
de  leurs  avis,  et  je  m'en  suis  bien  trouvé.  J'aurois  cru  que  cette  conver- 
sation n'auroit  pas  transpiré  au  dehors.  Mais  le  S'  Mansard  en  a  instruit 
l'entrepreneur  qui  a  fait  assigner  mes  confrères  pour  déposer  chez  un 
comissaire  ce  qu'ils  avoient  entendu  ;  mais  la  plus  part  ont  esté  indignez 
de  cette  démarche.  M'  le  Camus',  à  ce  que  je  croy ,  vous  en  a  écrit  au  nom 
de  l'Académie.  J'ay  une  grâce  à  vous  demander,  qui  est  de  nomer  les 
plus  éclairez  de  notre  Académie  pour  examiner  les  ouvrages  de  cet  entre- 
collection Cottenet  et  nous  a  été  cédée  par  M.  Etienne  Charavay.  (Cf.  Bulletin 
d'autographes,  n"  276,  janvier-février  1897,  p.  14.) 

'  Jacques  Gabriel,  inspecteur  général  des  Bâtiments  du  Roi. 

*  Sans  doute  Jacques-Hardouin  Mansart  (1703-1776),  avec  lequel  Vigny  devait 
encore  se  quereller  en  1758.  —  Cf.  Ch.  de  Beaumont,  loc.  cit.,  p.  613  et  630, 
et  p.  9  et  25  du  tirage  à  part. 

^  Nicolas  Le  Canaus,  de  Mézières  (1721-1789). 


126  JACQUES    RIGAUD. 

preneur  car  en  vérité  l'éfronterie  des  entrepreneurs  est  montée  à  un 
point  que  nous  ne  sonies  pas  les  maîtres  de  leur  faire  faire  de  bons 
ouvrages,  ce  qui  rend  notre  réputation  suspecte  dans  le  public. 

J'ay  l'honneur  d'être  avec  un  profond  respect —  Monseigneur  —  Votre 
très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Signé  :  De  Vigny. 

(Autographe.  —  Archives  du  château  de  Chatigny.) 


XLII 


JACQUES  RIGAUD 

DESSINATEUR   ET    GRAVEUR   MARSEILLAIS, 

IMPROPREMENT    PRÉNOMMÉ   JEAN    OU   JEAN-BAPTISTE 

PAR    QUELQUES  ÉCRIVAINS. 

(1681-1754) 


En  présence  du  grand  et  beau  dessin  complètement  ombré  à  la 
plume,  représentant  le  Siège  et  le  bombardement  de  Toulon  en 
1707',  que  possède  le  Musée  de  cette  ville,  il  nous  estvenu  à  l'idée 
de  nous  occuper  de  l'auteur  de  cet  ouvrage,  le  graveur  Jacques 
Rigaud,  depuis  longtemps  oublié. 

'  L'armée  des  alliés,  composée  de  40,000  hommes  environ,  était  commandée 
par  Victor-Amédée,  duc  de  Savoie,  secondé  par  le  prince  Eugène.  Les  hostilités 
furent  commencées  par  les  ennemis  le  26  juillet,  jour  de  leur  arrivée  devant 
Toulon,  et  le  siège  levé  précipitamment  le  22  août.  Pendant  les  vingt-huit  jours 
que  durèrent  les  hostilités,  les  alliés  perdirent  plus  de  8,000  hommes,  et  pen- 
dant qu'ils  opéraient  leur  retraite  sur  la  route  du  Var,  sans  être  poursuivis,  les 
habitants  des  villages,  qui  avaient  été  très  maltraités  par  eux  lors  de  leur  arrivée, 
en  tuèrent  un  très  grand  nombre. 


JACQUES    RIGAUD.  727 

En  effet,  tous  les  biographes,  peut-on  dire,  sont  restés  muets 
sur  cet  artiste  d'un  réel  mérite,  dont  l'œuvre  est  considérable  et 
qui  presque  toujours  a  gravé  d'après  des  dessins  de  son  invention, 
souvent  peuplés  de  nombreuses  figures  savamment  groupées  et 
dont  les  attitudes  sont  généralement  vraies.  On  peut  avancer  que 
si  Jacques  Rigaud,  au  lieu  de  s'adonner  à  la  gravure,  s'était  livré 
à  l'étude  de  la  peinture,  il  fût  devenu  un  peintre  distingué. 

Ch.  Le  Blanc,  dans  son  Amateur  d'estampes,  le  prénomme 
Jean-Baptiste.  Etienne  Parrocel,  le  regretté  écrivain  d'art  marseil- 
lais, dans  ses  Annales  de  la  peinture^  et  dans  son  Mémoire  sur 
l'évéque  Belzunce^f  mémoire  où  \\  T^dirle  de  quelques  artistes  qui 
ont  peint  la  peste  de  Marseille  de  1720  %  ou  qui  ont  représenté  en 
effigie  cet  auguste  prélat,  ne  mentionne  nullement  l'intrépide 
graveur  Jacques  Rigaud  qa\,  pendantque  cette  terrible  peste  faisait 
le  plus  de  ravages  dans  sa  ville  natale,  a  dessiné  sur  place  les  Vues 
du  Port  et  du  Cours,  ainsi  que  les  scènes  de  désolation  qui  s'y 
passaient,  et  les  a  ensuite  gravées.  Le  même  écrivain  cite  seulement 
un  Rigaud  (lequel  ne  peut  être  qae  Jacques  Rigaud  ou  Rigaud  {...), 
son  neveu,  les  seuls  graveurs  connus  de  ce  nom),  comme  ayant 
gravé  les  deux  tableaux  de  cette  même  peste,  peints  par  Serre,  qui 
se  trouvent  au  Musée  de  Marseille;  ce  qui  n'est  pas  admissible*. 

Le  Cabinetdes  Estampes,  à  Paris,  possède  un  volume  de  138  f"', 
relié  aux  armes  royales  et  ayant  pour  titre  :  Les  Maisons  royales 
de  France  dessinées  et  gravées  par  J.  Rigaud,  commencé  en  1730, 
terminé  par  son  neveu. 

Outre  les  nombreuses  pièces  que  contient  ce  volume,  l'œuvre  de 


'  Albersard  et  Bérard,  éditeurs,  Paris,  rue  Guénegaud,  8,  et  même  maison, 
Marseille,  rue  Pavillon,  25. 

*  Bulletin  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements,  année  1896,  p.  367. 
Paris,  typographie  de  E.  Pion,  X'ourrit  et  C'*,  rue  Garancière,  8. 

'  La  peste  se  déclara  le  27  mai  1720,  sur  un  navire  marchand  venu  du  Levant, 
et  gagna  bientôt  la  ville,  où  elle  sévit  pendant  de  longs  mois. 

*  Celui  qui  le  premier  a  avancé  ce  fait  (voir  le  Catalogue  de  1851,  p.  108,  du 
Musée  de  Marseille)  ne  devait  pas  connaître  les  deux  plauches  de  la  peste  gra- 
vées par  J.  Rigaud  ;  il  aura  tout  simplement  entendu  dire  qu'il  existait  deux  plan- 
ches de  la  peste  gravées  par  M.  Rigaud,  d'après  les  tableaux  de  Serre.  X'omet- 
tons  pas  de  dire  que  les  compositions  de  Serre  diffèrent  de  celles  de  Rigaud.  Les 
artistes  connus  qui  ont  représenté  en  peinture  la  peste  de  Marseille  de  1720 
sont  :  Serre,  J.-F.  de  Troy  et,  plus  tard,  Monsiau.  Subleyras  et  un  autre  peintre 
ont  peint  celle  de  Toulon,  arrivée  en  1721. 


•728  JACQUES    RIGAUD. 

Rigaiid  estcomplétépar  cinquante-quatre  autres  pièces  non  reliées, 
la  plupart  doubles  de  celles  renfermées  clans  ledit  volume.  Une 
seule  pièce,  la  Joute  sur  la  Seine,  est  signée  lac  {Jacques)  Rigaud; 
toutes  les  autres  ne  portent  pour  signature  que  les  initiales  ou 
monogrammes  I  ou  ï.  B.  Les  différents  catalogues  ne  parlent  que 
de  Jean  et  de  Jean-Baptiste',  ce  dernier  prénom,  d'après  plusieurs 
écrivains,  étant  celui  du  neveu,  ce  qui  n'est  pas  bien  certain,  les 
initiales  I.  B.  {sic)  ne  le  prouvant  pas  suffisamment.  Toutes  les 
planches  de  Jacques  Rigaud  qui  se  trouvent  portées  sur  le  catalogue 
de  la  calcographie  actuelle  du  Louvre  sont  au  nom  de  Jean  Rigaud*. 
La  seule  planche  du  même  graveur,  celle  représentant  la  Joute 
sur  la  Seine  que  signale  le  catalogue  ^  de  la  collection  d'estampes 
connue  sous  le  nom  de  Cabinet  du  Roi,  publié  en  1808,  est  au  nom 
de  Rigaud  J.  Xous  venons  de  voir  que  cette  dernière  planche  est 
signée  lac  {Jacques)  Rigaud. 

C'est,  sans  doute,  à  l'absence  de  toute  notice  biographie  sur  notre 
graveur  marseillais,  qu'il  faut  attribuer  l'erreur  dans  laquelle  sont 
tombés  les  auteurs  des  premiers  catalogues  du  CabinetdesEstampes, 
publiés  vers  le  commencement  de  notre  siècle,  c'est-à-dire  cin- 
quante ans  après  la  mort  de  cet  artiste;  erreur  que  plusieurs  écri- 
vains venus  après  la  publication  de  ces  catalogues  ont  continué  à 
commettre  en  prénommant  Jean  ou  Jean-Baptiste  celui  qu'ils 
auraient  dû  prénommer  Jacques.  Un  écrit  authentique  de  sa  main*, 
que  l'on  trouvera  ci-dessous,  nous  apprend  non  seulement  que 
lacques  était  son  véritable  prénom,  mais  encore  que,  au  lieu  d'être 
né  en  1700,  à  Paris,  comme  l'ont  dit  les  mêmes  écrivains,  il  était 
au  contraire  né  à  Marseille  vers  1681  ;  et  un  acte  notarié  nous  fait 
connaître  qu'il  vivait  encore  en  1753,  à  Paris,  où  il  dut  mourir 
l'année  suivante  (1754),  ainsi  que  s'accordent  à  le  dire  les  écrivains 
cités  qui,  par  erreur,  lui  ont  donné  un  nom  de  baptême  qui  n'était 
pas  le  sien.  Sans  indication  précise  de  la  date  de  sa  naissance,  ni 
delà  paroisse  sur  laquelle  elle  a  eu  lieu,  et,  de  plus,  privé  de 
table  annuelle  et  décennale  de  l'époque,  il  a  fallu  parcourir  atten- 

'  Note  signée,  venue  du  Cabinet  des  Estampes,  en  ma  possession. 
-  Note  signée,  venue  de  la  Chalcographie  du  Louvre,  en  ma  possession. 
'  Catalogue  m'appartenant. 

*  Voir,  aux  Pièces  justificatives,  la  dédicace  placée  sur  la  marge  inférieure  de 
son  dessin  du  siège  de  Toulon. 


I 


l'Iaii.li.-   Xl.Vil. 


-  -,^A 


I, 


JACQUES    RIGAUD.  129 

tivenient  chaque  page  des  registres  de  Télat  civil,  déposés  au 
greffe,  des  paroisses  de  laAIajor,  des  Accoules,  Saint-Martin,  Saint- 
Laurent  et  Saint-Ferréol.  Les  Rigaud  s'y  trouvent  en  grand  nombre, 
mais  aucun  ne  porte  le  prénom  de  Jacques.  Il  a  été  rencontré  un 
Jacques  Rigont,  baptisé  aux  Accoules  le  14  octobre  1680  (p.  86 
T°),  fils  de  Jean  et  de  Madeleine  Amaudrigue.  Le  nom  de  Rigont 
est  très  lisible,  mais  il  se  peut  qu'il  ait  été  mal  orthographié,  comme 
il  est  possible,  aussi,  que  l'acte  de  baptême  de  J.  Rigaud  ail  échappé 
aux  investigations  de  la  personne  chargée  de  le  découvrir.  IVé  dans 
une  petite  commune  de  la  banlieue,  se  serait-il  cru,  dans  ce  cas, 
autorisé  à  se  dire  né  à  Marseille,  où,  d'après  son  dire,  il  était 
connu  et  protégé  de  beaucoup  de  personnes  de  distinction? 

Malgré  nos  recherches,  nous  n'avons  pas  pu  savoir  ce  que  furent, 
dans  son  art,  les  premiers  pas  de  Jacques  Rigaud,  ni  même  quels 
ont  été  ses  maîtres  ou  à  quelle  Ecole  il  a  étudié.  Nous  savons  pour- 
tant, d'après  ce  qui  vient  d'être  dit,  que  de  bonne  heure  il  s'acquit 
quelque  réputation  dans  sa.  ville  natale.  Ce  n'est  qu'à  l'âge  de  vingt- 
six  ans,  après  avoir  exécuté,  à  Toulon,  la  vue  de  cette  place  forte, 
au  lendemain  de  son  siège  et  de  son  bombardement,  en  1707, 
par  l'armée  du  duc  de  Savoie,  qu'il  nous  apparaît  pour  la  première 
fois.  Une  longue  dédicace,  placée  sur  la  marge  inférieure  dudessin, 
nous  apprend  que  cette  Vue  de  Toulon  était  destinée  à  être  présentée 
par  son  auteur  à  Mgr  de  Lamoignon  ',  marquis  de  Basville.  Dans 
cette  dédicace,  notre  artiste  prie  cet  intendant  de  le  recommander 
à  M.  Le  Peletier*,  directeur  général  des  fortifications  de  France, 
en  vue  d'obtenir  la  faveur  d'entrer  dans  le  Bureau  des  fortifications 
delà  Cour.  Il  se  dit  né  à  Marseille,  âgé  de  vingt-six  ans,  connu  et 
protégé  de  quantité  de  personnes  de  distinction.  Il  ajoute  qu'il  se 
flatte  en  entrant  au  service  du  Roi  de  s'acquitter  dé  son  devoir  de 
manière  à  satisfaire  le  ministre. 

Nous  ignorons  si  le  dessin  du  siège  de  Toulon  fut  présenté  à 
Mgr  de  Lamoignon,  si  celui-ci  donna  suite  à  la  supplique  de  l'artiste 
dessinateur  et  graveur,  et  si  ce  dernier  fut  admis  dans  les  bureaux 
de  M.  Le  Peletier.  Nous  pensons  que  de  ces  trois  choses  la  dernière 

'  Lamoignon  (Nicolas),  marquis  de  Basville,  intendant  pour  le  roi  en  Langue- 
doc, né  en  1648,  mort  en  1724.  —  Voir,  ci-dessus,  planche  XLVII. 

*  Peletier  (Claude  Le),  directeur  général  des  fortifications  de  France,  né  à 
Paris  en  1630,  mort  en  1711,  à  quatre-vingt-un  ans. 


•730  JACQUES    RIGAUD. 

n'eut  pas  lieu,  et  que  Rigaud  vécut  jusqu'en  1 720  dans  la  Provence, 
principalement  à  Marseille,  où  il  a  dû  graver,  d'après  ses  propres 
dessins,  une  grande  partie  de  ses  planches  représentant  des  vues 
ou  paysages  animés  de  nombreux  personnages  et  portant  pour 
titre:  «  Ils  s'embarq  lient')  ;  «Ilssesauvent  «  ,etc.,  faisant  partie  d'un 
recueil  composé  d'au  moins  dix  planches.  Nous  sommes  d'avis 
qu'il  a  dû,  aussi,  graver  dans  sa  ville  natale  une  suite  d'autres 
planches  où,  au  milieu  des  sites  riants,  sont  représentés  des  jeux, 
des  fêtes,  etc.,  en  usage  dans  la  basse  Provence'.  II  est  certain 
<|ue  ce  n'est  qu'à  Marseille  et  à  Toulon  qu'il  a  pu  dessiner,  pour 
les  graver  ensuite,  les  diverses  phases  par  lesquelles  passaient,  de 
son  vivant,  les  vaisseaux  et  les  galères  de  guerre  à  partir  de  leur 
construction  jusqu'à  leur  mise  hors  de  service. 

Nous  ne  pouvons  suivre  Rigaud  durant  son  séjour  à  Paris  entre 
1720  (?),  où,  établi  rue  Saint-Jacques,  il  vendait  ses  gravures  de  la 
peste,  et  1730,  année  où  il  entreprit  le  grand  ouvrage  ayant  pour 
titre  :  Les  Maisons  royales  de  France^  qui  fut  terminé  par  son 
nexea  Rigaud,  et  qui,  peut-être,  a  été  le  dernier  de  ses  travaux 
les  plus  importants.  C'est  en  1739  ou  1740  qu'il  dut  graver,  de 
concert  avec  J.-F.  Blondel,  les  fêtes  données  en  1739  par  la  ville 
de  Paris  (parmi  lesquelles  se  trouve  celle  de  la  Joute  sur  la  Seine 
signée  lac  Rigaud) ,  k  l'occasion  du  mariage  de  Louise-Elisabeth  de 
France  avec  don  Philippe,  infant  d'Espagne*.  Il  a  été  dit  que  notre 
graveur  a  séjourné  en  Angleterre.  Ce  qui  pourrait  tenir  à  l'appui 
de  ce  dire,  ce  sont  les  treize  planches  gravées  par  lui  et  représen- 
tant des  vues  de  châteaux,  de  monuments,  de  parcs  et  de  jardins  de 
ce  pays  insérés,  à  la  suite  de  celles  des  Maisons  royales  de  France, 
dans  l'in-folio  cité,  relié  aux  armes  royales  et  contenant  une  grande 
partie  de  son  œuvre  ;  ce  sont  aussi  les  inscriptions  en  langue 
anglaise  qui  se  trouvent  sur  le  revers  du  dessin  du  siège  de  Toulon 
et  que  nous  n'avons  pas  pu  relever,  parce  qu'elles  sont  aujourd'hui 
cachées  par  un  grand  carton  fixé  sur  le  dos  du  cadre  ;  inscriptions 
qui  permettent  de  supposer  que  cet  ouvrage  est  passé  en  Angleterre, 
d'où  il  nous  est  ensuite  revenu. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  notre  Rigaud  vivait  encore  dans  la 

'  Voir  aux  Pièces  justificatives,  Vues  de  Provence. 

2  Les  modèles  qui  servirent  à  graver  les  planches  de  ces  fêtes  étaient  de  Ser- 
vandoni,  de  Boucbardon,  de  Gabriel  et  de  G.  Saliey. 


JACQUES    RIGAUD.  131 

capitale  en  1753.  Alors,  âgé  de  soixante-douze  ans  environ,  nous  le 
trouvons  faisant,  le  15  août  de  cette  année,  un  placement  de 
16,000  livres  (équivalant,  à  peu  de  chose  près,  à  60,000  francs 
de  nos  jours)  au  5  pour  100,  devant  par  conséquent  lui  rapporter 
400  .'ivres  par  an;  placement  dont  voici  le  résumé  de  l'acte  passé 
devant  les  notaires  Dumas  et  Levente  :  «  Le  15  août  1753,  M.  Duval 
de  Sainte-Marie  cède  à  Mlle  Cliarveys  un  titre  de  800  livres  de 
rente  qui  lui  appartenait  et  qui  avait  été  constitué,  par  contrat  du 
2  décembre  1720,  au  pro6t  d'un  sieur  Putliomme.  Dans  l'acte  du 
15  août  1753,  Mlle  Cliarveys  reconnaît  que  sur  ces  800  livres  de 
rente,  il  en  appartient  400  à  Jacques  Rigaud,  graveur,  parce  que 
ce  dernier  lui  a  remis  la  moitié  du  capital  nécessaire  pour  l'acqui- 
sition qu'elle  vient  de  faire  du  capitaine  Duval  de  Sainte-Marie.  » 
Nous  ne  trouvons  plus  rien  à  dire  touchant  ce  laborieux  et  con- 
sciencieux graveur,  doublé  d'un  inventeur,  si  ce  n'est  que  ses  com- 
patriotes devront  se  féliciter  de  ce  qu'il  ait  été  remis  en  lumière 
après  être  resté  oublié  pendant  cent  cinquante  ans,  ou,  du  moins, 
n'avoir  été  connu,  pendant  tout  le  présent  siècle,  que  sous  un 
prénom  qui  n'était  pas  le  sien  et  comme  étant  né  à  Paris  en  1700, 
alors  qu'il  est  avéré  que  Marseille  lui  a  donné  le  jour  vers  1681. 

Ch.   GiNOUx, 

Membre  de  l'Académie  du  Var,  vice-prési- 
dent de  la  Commission  consultative  et  de 
surveillance  du  Musée,  membre  non  rési- 
dant du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux- 
Arts  des  départements,  à  Toulon. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 
I 

VUE  DE  TOULON  PENDANT  LE  SIÈGE  ET  LE  BOMBARDEMEXT  DE  1707, 
PRISE  DES  HAUTEURS  d'aRTIGUES  ET  DE  SAINTE-CATHERINE. 

Sur  deux  feuilles  de  papier  blanc  réunies.  —  H.  0'°,43;  L.  l^.âG.  — 
Signé  sur  la  marge  inférieure,  au-dessous  d'une  dédicace  :  Jacques 
Rigaud.  —  Acquis  par  la  ville  en  1895. 

Placé    à   une   altitude   de  80  mètres  envirori ,   et    éloigné   d'une  fois 


132  JACQUES    RIGAUD. 

seulement  la  plus  grande  largeur  du  cadre  qu'il  s'était  donné,  l'artiste  a 
pu,  par  suite  du  plus  grand  développement  du  plan  perspectif  résultant 
de  celte  altitude  et  de  cet  éloignement,  c'est-à-dire  d'angles  visuels  très 
ouverts,  faire  entrer  dans  ce  cadre,  relativement  restreint,  les  principales 
opérations  du  siège,  au  nombre  de  trente-neuf,  indiquées  dans  la  légende 
qui  accompagne  son  dessin,  et  dont  le  numérotage  correspond  à  celui 
desdites  opérations  contenues  dans  le  plan  perspectif. 

Sur  le  premier  plan,  de  nature  rocheuse,  à  gauche,  quelques  arbres 
et,  peu  au  delà,  une  batterie  ennemie  dont  le  feu  est  dirigé  contre  les 
retranchements  de  Sainte-Amie  oîi  se  trouve  une  partie  des  troupes  du 
Roi  ;  au  deuxième  plan,  à  droite,  lesdits  retranchements  et,  vers  le  milieu, 
hauteur  et  chapelle  de  Sainte-Calherine  où  l'on  voit  deux  batteries 
masquées  établies  par  les  ennemis  dès  l'ouverture  du  siège,  mais  dont  il 
furent  chassés  ;  vers  le  même  point,  on  aperçoit  des  bataillons  français 
sortis  des  retranchements  de  Sainte-Anne  pour  éteindre  le  feu  de  la 
batterie  tirant  sur  ces  retranchements;  en  troisième  plan,  à  droite,  la 
ville,  à  gauche,  parallèle  ou  tranchée  d'investissement  de  la  place  et 
plusieurs  batteries  de  canons  et  de  mortiers  ;  plus  loin,  tout  à  fait  à 
gauche,  une  partie  du  camp  de  l'armée  du  duc  de  Savoie  et  le  fort  de 
Sainte-Marguerite  situé  au  bord  de  la  mer  à  5  k.  de  Toulon  ;  à  droite,  à 
l'ouest  de  la  ville,  château  de  Missiessy,  où  était  logé  le  maréchal  de  Tessé, 
et  campement  des  troupes  françaises;  au  delà,  dans  un  cinquième  plan, 
la  petite  rade,  et  la  grande  rade  où  l'armée  navale  des  ennemis  composée 
de  plus  de  cent  voiles  est  arrêtée  par  le  canon  des  forts  de  Sainte-Margue- 
rite et  de  Saint-Louis;  tout  à  fait  en  dernier  plan,  les  montagnes  de 
Cépet  et  de  Notre-Dame,  et  derrière  elles  la  mer  jusqu'à  l'horizon. 

Dédicace  surmontée  d'armoiries. 

A  Monseigneur  de  la  Moignon  de  Basville,  Conseiller  d'Estat  et  inten- 
dant pour  le  Roy  en  Languedoc. 

Monseigneur, 

La  réputation  que  vous  avez  dans  tout  le  Royaume  d'être  amateur  et 
protecteur  des  Arts,  et  surtout  la  bonté  que  vous  avez  pour  les  jeunes 
studieux  qui  ont  quelque  talent,  me  font  prendre  la  liberté  de  vous 
présenter  celte  Vue  de  Toulon  et  du  Bombardement  par  les  ennemis.  Je 
l'ay  dessiné  à  la  plume  pour  un  témoignage  du  peu  que  scay  et  du  désir 
que  jaurois  d'entrer  de  le  Bureau  des  fortifications  de  la  Cour,  laquelle 
depuis  quelque  temps  avait  donné  commission  de  chercher  des  sujets  qui 
eussent  quelque  capacité.  J'ose  espérer,  Monseigneur,  que  par  le  moyen 


JACQUES    RIGAUD.  733 

de  votre  recommandation  à  Monseigneur  Le  Peletier,  de  qui  cela  dépend, 
je  pourray  avoir  l'honneur  que  je  demande.  Je  suis  de  Marseille,  âgé  de 
2G  ans,  connu  et  protégé  de  quantité  de  personnes  de  distinction  en  cette 
ville.  Cependant,  Monseigneur,  si  l'on  m'ordonne  d'envoyer  quclqu'autre 
montre  de  mon  travail,  soit  pour  vous  ou  pour  Monseigneur  Le  Peletier,  je 
seray  pront  à  obéir.  Je  me  flate  qu'en  entrant  au  service  du  Roy  je  pourray 
m'aquiter  de  mon  devoir  en  manière  que  le  Ministre  sera  satisfait,  et  que 
vous,  Monseigneur,  me  pardonnerés  l'aml^ition  que  j'ay  eue  dç  publier  que 
je  suis,  Monseigneur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Jacques  Rigaid. 
II 

VUES  DE  PROVENCE ' . 

I"  Recueil  composé  d'au  moins  dix  planches. 

(1  Ils  s'embarquent.  » 

A  gauche,  un  vaisseau  armé  de  canons  a  levé  l'ancre  et  déploie  ses 
voiles  ;  une  chaloupe  bord  à  quai  reçoit  les  derniers  passagers  ;  à  droite, 
des  momuments. 

Signé:  J.  RicAto  j.  s. 
Planche  VI. 

L.  0"',266.  —  Fig.  de  0">,026. 

«  Ils  se  sauvent.  » 

Des  pirates,  chargés  de  butin,  poursuivis  par  la  maréchaussée,  sont 
prêts  à  s'éloigner  du  rivage  avec  leur  barque  -,  à  droite,  un  paysage  des 
plus  agrestes  où  l'on  voit  des  pins  et  des  palmiers. 

Signé  :  Rigaud  fe. 
Planche  X. 

L.  0'",261.  —Fig.  de  0", 036. 

2»  Recueil  de  quatre  planches,  au  moins. 

u  Bon  voyage,  n 

Hors  la  porte  d'une  ville,  des  personnes  se  saluent  et  s'embrassent: 
des  palefreniers  tiennent  des  chevaux  par  la  bride. 

Signé:  Rigaud,  jnv.  sculp, 

'  Les  douze  planches  décrites  qui  vont  suivre  ont  été  trouvées  dans  mon  entou- 
rage. Elles  font  partie  des  collections  de  Mil.  G...,  Henseling,  Lenormand,  Mal- 
cor,  Olive. 


734  JACQUES    RIGAUD. 

Planche  I. 

L.  0°>,2G7,  —  Fig.  de  0">,033. 

«  Arrivée  au  giste  {sic).  » 

Les  voyageurs  arrivent  près  d'un  village. 

Sig7ié  :  Rigaud,  inv.  sculp. 
Planche  II. 

L.  0»,267.  —  Fig.  de  0™,024. 
ic  Départ  du  gisle.  " 

Les  voyageurs  montés  en  selle,  l'aubergiste  leur  présente  le  coup  de 
l'étrier. 

Signé:  J.  Riqaud  jn.  sculp. 
Planche  III. 

L.  0",266.  —  Fig.  de  0-,030. 
«  La  Méridienne.  » 

Dans  un  site  ombragé  par  de  grands  arbres,  les  voyageurs  prennent 
leur  repas  du  midi. 

Signé:  Rigaud  j.  sculp. 
Planche  IV. 
L.  0",263.  —  Fig.  de  0'",030. 

3"  Recueil  de  six  planches. 

a  Exercice  de  la  fronde.  » 

Planche  I, 

«  Les  trois  sauts.  » 

C'est  moins  l'intérêt  que  la  gloire 
Qui  met  en  peine  ces  sauteurs, 
Et  l'on  devrait  au  temple  de  mémoire 
Graver  le  nom  des  vainqueurs. 

Aux  abords  d'une  ancienne  petite  ville,  une  nombreuse  foule  entoure 
les  sauteurs.  Dans  un  troisième  plan,  sur  une  place  où  se  trouve  l'église, 
des  filles  et  des  garçons  exécutent  une  farandole  au  son  du  tambourin  et 
du  galoubet. 

Signé  :  Rigaud  fecit. 

Planche  II. 

L.0-,267.  —  Fig.  deO-^.OS. 
«  La  course.  » 


I 


JACQUES    RIGALD.  -35 

Planche  III. 
«  La  bastide.  »- 

Planche  II'. 
it  La  boule.  » 

D'une  main  ferme  et  prudente 
Pour  approcher  le  but  chacun  tente  un  chemin. 

Et  souvent  on  expérimente 
Que  le  plus  court  chemin  71' est  pas  le  plus  certain. 

Des  personnes  en  grand  nombre  s'empressent  autour  des  joueurs, 
occupés  à  mesurer  le  point. 

Signé  :  J.  Rigaud  fecit. 
Planche  V. 

L.  0-,264.  —  Fig.  de  0-°,044. 
«  La  Joute.  » 

Pour  célébrer  quelque  fête 
Les  plus  hardis  matelots. 
Sans  crainte  de  la  tempête. 
Se  jouent  ainsi  sur  les  eaux. 

La  fête  se  passe  dans  un  port  de  mer  ;  une  foule  de  curieux  placés  sur 
les  quais  et  sur  des  barques  assiste  au  tournoi. 

Signé:  J.  Rigaud  fecit. 
Planche  VI. 
L.  O-.SeS.  —  Fig.  de  O^.OiS. 

4»  Deux  recueils  de  marines  de  G  planches  chacun. 

Construction  de  galères.  —  Baptême  ou  bénédiction  des  galères.  — 
Fêtes  des  galères  de  Marseille.  —  Armement  des  galères.  —  Coup  (de 
canon)  du  départ  et  embarquement  des  galères.  —  Retour  des  galères. 

Chantier  de  construction  des  vaisseaux.  —  Vaisseaux  prêts  à  être  mis  à 
la  mer.  —  Armement  des  vaisseaux.  —  Départ  des  vaisseaux  de  la  rade 
de  Toulon.  —  Combat  des  vaisseaux.  —  Naufrage  des  vaisseaux'. 

'  En  France,  les  premières  galères,  au  nombre  de  treize,  furent  construites  à 
la  fois  à  Marseille,  en  1.536,  par  quatre  hommes  du  pays.  {Documents  sur  la  ma- 
rine dcToulon,  par  V  .  Bru.v,  commissaire  général  de  la  marine,  t.  I,  p.  15.)  L'arse- 
nal des  galères  était  à  Marseille,  celui  des  vaisseaux  se  trouvait  à  Toulon,  où  étaient 
également  construites  des  galères. 


736  JACQUES    lUGAUU. 

5°  Recueil  composé  de  deux  planches. 

«  Vue  de  riioslel  de  ville  de  Marseille  et  d'une  partie  du  port  dessiné  sur 
le  lieu  pendant  la  peste  de  1720.  » 

Planche  I. 

L'hostel  de  ville  est  sur  le  premier  plan,  et  l'on  aperçoit  au  fond  la 
tour  Saint-Jean,  Les  quais  sont  encombrés  ;  des  familles  sont  abritées 
sous  des  tentes,  des  chariots  transportent  des  cadavres.  Une  foule  de 
malheureux  empilés  dans  des  barques,  se  disposent  à  se  rendre  à  Toulon, 
les  consuls  de  celte  ville,  émus  de  pitié,  les  ayant  autorisés  à  faire 
quarantaine  au  Lazaret. 

Signé:  3.  Rioaun  inv.  sculp. 
à  Paris,  chez  l'auteur,  rue  S' Jacques, 

L.  0'-,48.  —  Fig.  de  0",055. 

«  Vue  du  Cours  de  Marseille,  dessiné  sur  le  lieu  pendant  la  peste  arrivée 
en  1720.  » 

Planche  II, 

Cette  vue  prise  de  l'intersection  du  Cours  et  de  la  Canebière,  permet  de 
voir  la  Porte  d'Aix,  Sur-  le  devant,  à  droite,  on  aperçoit  un  Prélat, 
M3'  de  Belzuncc  sans  doute,  entouré  de  prêtres,  et  d'infortunés  accourus 
vers  lui  et  le  suppliant  ;  à  gauche,  un  tombereau  rempli  de  morts  ;  de-ci, 
de-là,  des  soldats  en  armes,  dont  l'un  reçoit  des  ordres  d'un  personnage 
à  cheval,  probablement  le  chevalier  Roze.  On  voit  descendre  par  une 
fenêtre  du  quatrième  étage  d'une  maison  un  cadavre  attaché  à  une  corde. 

Signé  :  J.  Rigalt  (sic)  inv,  et  sculpsit. 

à  Paris,  chez  l'auteur,  rue  S'  Jacques. 

6"  Une  seule  planche. 

«  La  Sainte  Famille  se  rendant  à  Jérusalem,  pour  célébrer  la  fête  de 
Pâques.  » 

Au  premier  plan,  à  gauche,  un  grand  arbre  dont  le  sommet  est  coupé 
par  le  bord  de  la  planche;  vers  le  milieu,  sur  un  chemin,  la  Vierge 
tenant  son  enfant  d'une  main,  et  de  l'autre  lui  montrant  la  ville  sainte 
qu'on  voit  au  loin  ;  à  côté  d'eux,  marche  saint  Joseph  la  main  gauche 
appuyée  sur  un  bâton  de  voyage  et  tenant  de  l'autre  un  second  petit 
bâton  appuyé  sur  son  épaule  droite,  auquel  est  suspendue  une  besace. 


JACQUES    RIGAUD.  737 

Au  second  plan,  A  gauche,  des  fabriquos  el  des  arbres;  au  milieu,  nn 
grand  pin;  au  loin,  une  grande  ville  forlifiée,  renfermant  de  nombreux 
monuments. 

S'ujné  :  .1.  IliGAUi)  inu.  sciilp. 
C.  P.  R. 

H.  0™,235.  —  L.  O-ZiO?.  —  Fig.  de  0"',055. 

Sur  la  marge  inférieure,  on  lit  :  «  Et  ibant  parentes  ejus  per  onines 
annos  in  Jérusalem  in  die  solemni  Paschœ.  —  Lucse,  cap.  2°  v.  41.  » 

m 

LA    JOUTE    SLR    LA  SEIXE    SIGXÉE  JACQUES  RIGAUD. 

A  l'occasion  du  mariage  de  Louise-Elisahetli  de  France  avec  Don 
Philippe,  infant  d'Espagne,  en  1739,  la  ville  de  Paris  donna  des  fêles  qui 
furent  gravées  par  Blondel  et  Rigaud.  Parmi  les  planches  exécutées  par 
ce  dernier,  il  s'en  trouve  une  intitulée  :  La  Joute  sur  la  Seine. 

Signé:  lac  (Jacques)  Rigaud. 

Reconnaissance  de  renie. 

Par  acte  passé  devant  \P'  Demay  et  Lecointe,  notaires  à  Paris,  le 
15  août  1753,  Marie-Anne  Charveys,  fille  majeure,  demeurant  à  Paris, 
quai  de  la  Mégisserie,  a  déclaré  et  reconnu  que  dans  le  transport  passé  à 
l'instant  devant  lesd.  notaires  à  son  profit  par  Edme-Marie  Duval  de 
Sainte-Marie,  ancien  capitaine,  lieutenant  de  cavalerie  au  régiment 
d'Anjou,  les  800  livres  de  rente,  au  principal  de  32,000  livres  constitué 
sur  les  aydes  et  gabelles  au  profit  de  S'  François-Pierre  Pulhomme,  par 
contrat  passé  devant  M«  Cadot,  notaire  à  Paris,  le  2  décembre  1720,  il  en 
appartient  au  S""  .Jacques  Rigaud,  graveur  à  Paris,  400  livres  au  principal 
de  10,000  livres  comme  le  S""  Rigaud  ayant  remis  à  lad.  D"®  Charveys 
qui  le  reconnoist  la  moitié  des  deniers  nécessaires  pour  faire  comme  elle 
l'a  fait  l'acquisition  desd.  800  livres  de  rente. 

(Notes  sur  divers  artistes  des  deux  derniers  siècles,  analysées  et 
commentées  par  M.  Henry  Jouin.  — Nouvelles  Archives  de  l'Art  français, 
t.  VII,  p.  16,  année  1891.) 

Notices  extraites  du  Dictionnaire  des  graveurs  par  Basan. 
Basan   (Pierre-François),  graveur  à  l'eau-forte  et  au  burin,  célèbre 

47 


738 


JACQLKS    RIGAUD. 


collectionnour  et  édiletir  d'estampes,  né  à  Paris  en  1721^,  mort  en  1791, 
s'esl  trouvé  en  relation  avec  presque  tous  les  graveurs  de  son  temps. 
Ainsi  que  son  père,  niarcliand  d'estampes,  il  a  dû  connaître  et  même  se 
trouver  en  rapport  avec  le  graveur  marseillais  Jacques  lligaud.  Dans  la 
deuvième  édition  de  son  Dictionnaire  des  graveurs,  t.  I,  p.  127,  128 
(1789),  on  lit: 

Rigaud  (Jacques),  dessinateur  et  graveur.  —  On  connaît  de  lui  plus  de 
100  Vues  de  cliâteaux  de  Versailles,  Marly,  Saint-Cloud,  Fontaine- 
bleau, etc.,  etc.  ;  il  est  mort  en  1754. 

Rigaud    ( ),  neveu  du  précédent,  a  continué  cette  suite,  mais  avec 

moins  de  succès  que  son  oncle  '. 

Descriptiox  sommaire  de  l'oeuvre  de  Rigald 

Manuel  de  V amateur  d'estampes,  par  Ch.  Le  Blanc,  vcrbo  Rigaud, 
Tome  II r,  p.  337  et  338. 

Rigaud  (Jean-Baptiste-)  ,  dessinateur  et  graveur,  né  à  Paris  vers  1700, 
mort  en  175i.  —  Basan,  II,  127.  —  Hubert  et  Rost,  VIII,  104.  — 
Nagler,  X,  187.  —  Bryan,  642.  —  Nagler,  monogr.  III,  243,  IV, 
n°  354. 

1.  —  Paysage  avec  scène  biblique,  in  f",  en  larg. 

2.  —  Réception  des  chevaliers  de  l'Ordre  du  S'  Esprit  en  1724.  1730, 
in  f"  !*'■  état;  avant  l'adr.  de  Duchange. 

3.  —  Cérémonies  pour  le  mariage  de  M""*  Louise-Elisabet  de  France 
et  de  don  Philippe  d'Espagne,  in  f»  à  l'état  avant  la  lettre. 

4.  —  Joutes  faites  sur  la  Seine,  in  f"  en  larg.,  état  avant  toute  lettre. 

5.  —  Ordre  de  bataille  des  Imjiériaux  et  des  Suédois  à  Lutzen,  in  f"  en 
larg. 

6.  —  Sujets  militaires,  6  p.  in  i"  en  larg.  I"  état  avant  la  lettre. 

7.  —  La  Tactique  des  anciens,  35  p. 

8.  —  Représentations  des  actions  les  plus  considérables  du  siège  d'une 
place,  6  p.  gr.  in  f"  ;  I"'  état  avant  toute  lettre.  (Pour  l'ouvrage  :  La 
science  des  ingénieurs.) 

9.  —  Marines  à  construction  de  galères,  6  p.  in  f"  en  larg.  ;  état  avant 
toutes  lettres. 

10.  —  Marines,  t.  p.  in  f"  en  larg.  ;  1"  état  avant  la  lettre. 


'  On  ne  trouve  pas  d'autre  graveur  du  nom  de  Rigaud,  dans  les  différentes  édi 
lions  du  Dictionnaire  de  Basam. 
-  Lire  Rigaud  (Jacques). 


MX 


JACQI  ES    HIGAUD. 


T39 


11.  —  [,a  Doiiaiie  au  bord  de  la  inei',  iti  8"  en  larji[. 

12.  —  Vue  de  Paris,  prise  du  Pont-Royal,  in  4"  en  larg.  I  '^  éiat  avant 
la  lettre. 

13.  —  Vue  des  Invalides,  prise  de  la  fjrille  royale.   Très  petite  pièce. 

14.  —  Vue  générale  de  Paris,  prise  de  la  hauteur  de  Chaillot,  in  f"  en 
larg. 

15.  —  Vue  de  Paris,  prise  de  l'Observatoire,  in  f"  en  larg. 
1<5.  —  Vue  do  Paris,  prise  de  Mesnil-Montant,  in  f"  en  larg. 
17-38.  —  Vue.s  de  Paris,  22  p.  in  f". 

39.  —  Vue  de  Bicètro  et  de  l'bôpital,  in  f"  en  larg. 

40.  —  Le  jardin  du  Luxembourg,  G.  in  ï°  en  larg. 

41.  — •  Le  jardin  des  Tuileries,  G.  in  f"  en  larg. 

42.  —  Vue  du  cours  de  Marseille,  pendant  la  peste  de  1720,  G.  in  f"  en 
larg. 

43.  —  Vue  de  l'hôtel  de  Ville  de  Marseille,  pendant  la  peste  de  1720, 
Gr.  in  f»  en  larg. 

44-55.  —  Le  château  de  Versailles,  12  p.  in  f"  en  larg. 

56-G7.  —  Les  Bosquets  des  jardins  de  Versailles,  12  p.  in  f"  en 
larg. 

68.  —  Vue  du  château  de  Versailles,  G.  in  f"  en  larg. 

69-74.  —  Le  château  de  Marly,  6  p.  in  f»  en  larg. 

75-80.  —  Le  château  de  Fontainebleau,  6  p.  in  f"  en  larg. 

81-86.  —  Le  château  de  Chantilly,  6  p.  in  f"  en  larg. 

87-92.  —  Le  château  de  Sceaux  du  Maine,  6  p.  in  f"  en  larg. 

93-94.  —  Vues  de  Vincennes,  2  p.  in  f"  en  larg. 

95-100.  —  Le  château  de  Meudon,  6  p.  in  f»  en  larg. 

100-102.  —  Vues  de  S'  Germain  en  Laye,  2  p.  in  f"  en  larg. 

103-104.  —  Le  château  de  Choisy',  2  p.  in  f"  en  larg. 

105-107.  —  Le  château  d'Anet,  3  pi.  in  f»  en   larg. 

108-110.  —  Le  château  d'Ambroise,  3  pi.  in  f"  en  larg. 

111-112.  —  Le  château  de  Chagny  près  de  Versailles,  2  p.  in  f»  en 
larg. 

113-114.  —  Le  château  de  Monceau,  3  p.  in  f"  en  larg. 

115-116.  —  Le  château  de  Chambord,  2  p.  in  f"  en  larg. 

117-118.  —  Le  château  de  Saint-Ouen,  2  p.  in  f"  en  larg. 

119-121.  —  Le  château  de  Bellevue,  3  p.  in  f"  en  larg. 

122-123.  —  Le  château  de  Bercy,  2  p.  in  f"  en  larg. 

124.  — Le  Palais  royal  de  Madrid,  in  f°  en  larg. 

125.  —  Le  château  de  Hamptoncourt,  Gr.  in  f"  en  larg. 

126.  —  Vue  de  Greenwich,  Gr.  in  f»  en  larg. 

127.  — V^ue  de  Thôpital  de  Greenwich,  Gr.  in  f"  en  larg. 


74!) 


A.\TOI\E    CI  LIS, 


ll28.  —  F,e  Parc  de  S'  James,  Gr.  in  f"  en  larg. 

129.  —  Vue  d'un  chàleau  anglais,  devant  lequel  on  exécute  un  concert, 
Gr.  in  f"  en  larg. 

130-137.  —  Jardins  anglais,  8  p.  f»  en  larg.  ;   I"  état  avanl  la  lettre. 

138.  —  Livres  de  paysages  et  marines,  où  sont  représentés  les  aven- 
tures des  voyageurs.  Titre  et  12  p.  petit  in  i°;  I"  état  avant  la  lettre,  6  p. 

139.  —  Paysages,  G  p.  in  f"  en  larg. 

140.  —  Diverses  pi.  pour  les  Comédies  de  Molière,  12  p. 

141.  —  Diverses  Vignettes". 

J.  B.  R.  sculp.  I.   U.,  J.   R. 


XLIII 


ANTOINE  GILIS 

SCULPTEUR    ET    PEIMTRE 

1702-1781 


Messieurs, 

Il  y  a  deux  ans,  M.  Henry  Jouin,  notre  dévoué  secrétaire, 
publiait  une  étude  crudité  et  remplie  d'aperçus  très  nouveaux  sur 
un  artiste  que  l'Académie  de  peinture  s'honora  de  compter  parmi 
ses  membres,  le  sculpteur  Jacques  Saly  de  Valenciennes  %  et,  au 
cours  de  son  remarquable  travail,  il  exprimait  le  regret  de  ne  point 
connaître  assez  le  premier  maître  de  Saly. 

J'ai  pensé  qu'il  élait  utile  de  combler  la  lacune  signalée  par 
M.  Jouin;  aussi  est-ce  d'Antoine  Gilis,  sculpteur  et  peintre  de 
mérite,  que  je  vais  avoir  l'honneur  et  le  plaisir  de  vous  entre- 
tenir. 


'  Cette  liste  contient  l.'i"  planches  et  diverses  vignettes. 

-  H.  iovw,  Jacques  Saly ,  de  l' Académie  de  peinture  de  Paris,  sculpteur  du  roi 
de  Datiemarli,  l'homme  et  l'aurre.  Màcon,  1896,  in-8°.  (Kxirait  de  la  lierue  de 
l'Art  français  ancien  et  moderne.) 


.WTOIMK    GII.  IS.  741 


1.    AIViTOINK    GILIS.    SA    VIE. 

1.  Séjours  à  Dole,  Anvers  et  Valenciennes,  1702-1757. 

Antoine-Françoi.s  Gilis  naquit  à  Dole  le  7  juin  1702  '  ;  son  père, 
François  Gilis,  avait  épousé,  le  21  novembre  1697,  Barbe  Bauld 
ou  Beaux*,  qui  lui  donna  neuf  enlants,  dont  le  troisième  fut 
/\ntoine  ^  Comme  on  le  voit  par  cet  acte  de  mariage,  la  famille 
Gilis  n'était  point  originaire  de  la  Franche-Comté,  mais  d'Anvers. 
Aussi,  lors(|ue  plus  lard  il  s'agit  de  faire,  pour  le  jeune  Antoine, 
choix  d'une  carrière,  l'envoya-t-on  dans  la  grande  ville  artistique 
des  l'ays-Bas,  où  son  père  avait  conservé,  sans  nul  doute,  des 
relations  amicales  et  même  des  liens  de  parenté.  Pour  obéir  à  une 
tradition  de  famille,  ou  peut-être  à  cause  des  aptitudes  toutes  spé- 
ciales que  montra  Antoine,  dès  ses  plus  tendres  années,  on  le 
destina  à  la  carrière  artistique;  en  1717,  il  fut  inscrit  sur  les 
registres  de  la  gilde  célèbre  de  Saint-Luc  et  entra  dans  l'atelier  du 
sculpteur  Van  der  Voort  *.  Ses  éludes  furent  rapides,  et,  vers  1723, 
il  se  fit  admettre  à  chef-d'œuvre,  puis  à  maîtrise  pour  la  sculpture. 
Gilis  avait  pris  des  leçons  et  commencé  son  apprentissage  en  l'art 
de  peindre,  mais  il  ne  put  le  terminer  à  Anvers,  à  cause  de  son 
départ  pour  Valenciennes  où  il  s'installa  vers  la  fin  de  1723  ou  au 
début  de  l'année  suivante. 

C'était  une  grave  question,  à  celle  épo(|ue,  qu'un  changement 
de  résidence,  car  nombreuses  et  sévères  étaient  les  formalités  en 
usage,  permettant  de  s'établir  à  demeure  dans  la  cité  choisie,  et  il 
était  plus  difficile  encore  d'y  obtenir  jamais  un  rang  honorable.  A 

'  Voir  Pièce.s  justificatives,  n"  I. 

*  «  François  Gilis,  d'Anvers,  d'une  part,  et  Barbe  Beaux,  de  cotte  ville,  d'autre, 
après  publication  d'un  ban  et  dispense  des  deux  autres  et  lettre  d'entrecour,  ont 
contracté  mariage  dans  celte  église  le  vingt-unième  novembre  seize  cent  quatre- 
vingt-dix-sept,  pardevant  moy  soussigné  vicaire  de  cette  église,  en  présence  des 
soussignés  et  de  plusieurs  autres. 

«  Signé  :  [«"rançois  (jIlis,  Barbe  Beaux,  etc.  » 

(État  civil  de  la  rille  de  Dole.  —  Renseignement  fourni  par  M.  Mour,  secrétaire  de 
l'état  civil.) 
'  Ibid. 

*  Nous  tenons  ce  fait  de  AI.  Van  den  Braudcii,  archiviste  de  la  ville  d' .Anvers,  à 
qui  nous  adressons  tous  nos  remerciements. 


742  AiMTOIXK    GILIS, 

Valenciennes,  comme  parlout  ailleurs  du  reslr,  on  n'élait  pas  (oii- 
joiirs  sûr  de  se  voir  accorder  rinsci  iplion  sur  les  registres  1res 
Termes  de  l'antique  l)Our<jeoisie  et  sur  ceux  plus  fermés  encore  de 
la  corporation  à  la(|uelle  des  études  préalables  vous  destinaient. 
Dès  son  arrivée  à  Valenciennes,  Gilis  dut  donc  fournir  maints  cer- 
tificats prouvant  qu'il  avait  bien  et  dûment  fait  son  apprentissage 
et  obtenu  la  maîtrise  après  avoir  passé  l'examen  du  chef-d'œuvre. 
Ces  formalités  accomplies,  on  le  reçut  maître  sculpteur  en  1724', 
après  qu'il  eut,  chose  très  importante,  payé  les  droits  ordinaires> 
soit  trente  livres  de  première  mise,  puis  douze  autres  au  profit  des 
maîtres  et  suppôts.  Lne  fois  admis  sans  conteste  dans  la  jalouse 
corporation,  notre  artiste  ne  tarda  pas  à  se  faire  remarquer  au 
milieu  des  autres  maîtres  ses  confrères,  car  nous  le  voyons,  avec 
l'assistance  du  connétable  Jacques  Le  Quien  et  du  maître  J.-B. 
Bondu,  rendre,  en  qualité  de  juré,  malgré  son  jeune  âge,  fidèle  et 
<i  honnesfe  »  compte  des  revenus  et  dépens&s  de  la  corporation 
pour  Tannée  1725-1726*. 

Gilis  semble  avoir  eu,  dès  cette  époque,  l'intention  de  (juilter 
Valenciennes,  où  il  s'était  déjà  acquis  nombre  de  sympathies,  sur- 
tout parmi  les  membres  les  plus  influents  (]u  Magistrat,  qui  son- 
gèrent à  le  retenir  et  à  faire  profiter  la  cité  de  ses  talents  incon- 
testés ^  Ils  ne  s'en  tinrent  pas  aux  promesses,  car  le  23  novembre 
1729  le  conseil  décida  de  donner  à  Gilis  une  pension  annuelle  de 
384  livres*.  Hlais  à  cette  époque  notre  artiste  n'était  point  encore 
maître  peintre;  il  devait  subir  bien  des  ennuis  avant  que  son 
admission  fût  prononcée.  Car  la  corpoiation,  qui  l'axait  d'abord 


'  Registre  des  délibérations  de  la  corporation  des  peintres  et  sculpteurs.  — 
Acliives  de  Valenciennes.  H  2-326,  p.  10. 

-  Comptes  des  peintres  et  sculpteurs.  H  2-238,  p.  (53.  —  L'année  commençait 
pour  ces  pièces  administratives  au  19  octobre,  et  se  terminait  l'année  suivante  à 
pareille  époque. 

^  «  On  pourrait  encore  citer  à  l'honneur  des  magistrats  de  Valenciennes,  qu'en 
1726  (?),  ils  retinrent  dans  leur  ville  M.  Gilis,  sculpteur  de  mérite,  à  qui  ils 
assignèrent  une  pension,  pour  qu'il  enseignât  successivement  le  dessin  à  quatre 
jeunes  gens  des  maisons  des  orphelins  de  la  ville.  Dans  la  suite,  nombre  d'habi- 
tants de  cette  ville  s'empressèrent  de  mettre  leurs  fils  chez  ce  maître,  et  le  s'Saly 
fut  de  ce  nombre.  »  [Extraits  de  différentes  lettres  et  autres  pièces  relatives  à 
la  statue  de  Louis  XV,  par  Sai.v,  D  1-620.) 

*  Gilis  toucha  cette  pension  tant  qu'il  demeura  à  Valenciennes,  c'est-à-dire 
jusqu'en  1757.  Voir  les  comptes  de  la  ville,  Archives  G  1-71  à  G  1-86. 


AXTOIXK    GILIS.  743 

favoraltlenient  accueilli,  élait,  comme  toutes  ses  semblables,  jalouse 
au  (Ic'jrê  le  plus  haut  de  ses  litres  et  privilèges.  Les  rèjjlements  des 
associations  ouvrières  d'alors  étaient  si  étroits  qu'il  devenait 
impossible  de  les  suivre  dans  toute  leur  intéjjrité.  Aussi  voyait-on, 
chose  curieuse  et  pourtant  très  naturelle,  tel  de  ses  membres  qui 
transgressait  chaque  jour  ses  statuts  se  montrer  intransigeant  et 
sévère  au  plus  haut  degré,  lorsque,  réuni  à  ses  confrères,  on  lui 
demandait  de  les  maintenir  dans  toute  leur  rigueur.  Aussi  le  Magis- 
trat et  les  maîtres  avaient-ils  souvent  à  punir  qneUpie  infraction 
aux  nombreux  articles  des  chartes,  à  perquisitionner  chez  les 
membres  indociles  et  à  sanctionner  maintes  saisies  de  travaux  exé- 
cutés contrairement  à  ces  règlements  draconiens.  Gilis  ne  devait 
point  échapper  au  sort  commun.  Soupçonné  de  fournir  en  fraude 
des  œuvres  de  peinture  ou  de  sculpture,  plusieurs  descentes  furent 
opérées  dans  son  atelier.  Puis,  comme  il  était  en  retard  dans  le 
payement  de  ses  cotisations,  maintes  significations  lui  furent 
envoyées;  on  l'empêcha  enfin  de  donner,  sans  acquitter  les  droits, 
des  leçons  de  dessin  à  des  particuliers'.  Souvent,  et  c'étaitbien 
pardonnable  après  tant   de  vexations,   il  devenait  impossible  de 

'  a  Payé  à  Jean  Bourlé  sergeant  pour  avoir  esté  avec  le  Gonnestable  et  m''" 
visitter  la  maison  d'Antoine  Gillis,  m'^'^  sculpteur,  soupçonné  de  faire  travailler  de 
la  peinture  en  fraude,  et  trois  signification  à  luy  faitte  pour  avoir  payemens  des 
apprentis  en  dessous  de  luy,  dont  il  n'avait  point  payé  les  droits  dans  le  terme 
prescrit  dans  les  chartes.  »  Comptes  de  la  corporation  des  peintres  et  sculpteurs, 
1731-1732.  H  2-328,  p.  131. 

I  En  même  temps  led«  m'"  ont  esté  autliorisez  d'interdire  à  Antoine  Gillis  m^'= 
sculpteur  d'enseigner  des  apprentis  par  plaisir,  sans  payer  les  droits  de  trente- 
cinq  pat.  et  conclure  au.t  amendes  portées  par  les  chartes.  — Jean  Carrion.  i  tîegislre 
des  délibérations  des  peintres  et  sculpteurs,  28  juin  1732.  H  2-326,  p.  12. 

«  Le  (3  9'"'  173V  le  vuler  a  fait  semonce  à  toutes  les  peintre  et  esculpteur  pour 
se  trouver  au  chapitre  de  S'  Jean,  lieux  ordinaire  au  sugé  des  mettre  Antoine  Gil- 
lis au  suger  de  ce  deux  lalle  quil  doy...  Dupommereulles.  d  Id.  H  2-326,  p.  18. 

t  F.t  le  8  du  dit  moy  (Q""")  dans  le  même  asanblée  étant  tout  semoucez  tan 
peintre  et  esculteur  pour  voire  la  senlance  randu  au  suger  de  mettre  Antoinne 
(îillis  tous  les  dit  supot  ou  ordonnez  au  maitre  et  contable  de  rapellée  et  de  pour- 
suivre et  de  prandre  avis  au  avocat.  —  Dupommereulles,  valez.  »  Id.  H  2-326, 
p.  18. 

a  Les  maîtres  entrant  prétendent  que  Gilis  payera  pour  daiiiau  (?)  ouvrier,  ils 
pouront  agir  contre  luy  s'il  se  croient  être  fondé  pour  rapporter  au  compt.  pro- 
chain ce  qui  en  aura  été  reçu,  n  Comptes  de  la  corporation  des  peintres  et  sculp- 
teurs, 1738-1739.  H  2-328^  p.  185. 

«  Payé  à  Charles  Leroy  sergeant,  pour  auoir  enlevé  une  pièce  de  sculpture 
chez  Gelis...  ,  Id.  1732-1733.  H.  2-328,  p.  140. 


744  AIVTOIM:    CILIS. 

garder  le  silence;  une  condamnalion  s'ensuivait,  puis  intervenait 
l'amende,  sanction  inévitable  de  tout  jugement  '. 

Une  question  importante  fut  ensuite  agitée.  Gilis,  qui  suivait  en 
amateur  les  excellentes  leçons  du  peintre  François  Eisen^,  avait 
omis  non  seulement  de  poursuivre  l'apprentissage  commencé  à 
Anvers,  mais  encore  d'en  acquitter  les  droits  à  Valenciennes.  Aussi 
voulut-on  le  contraindre  à  refaire  cet  apprentissage,  puis  à  passer 
son  chef-d'œuvre  de  peinture.  Gilis  ne  crut  pas  devoir  se  refuser  à 
cette  dernière  formalilé,  mais  il  adressa,  au  sujet  de  la  première, 
une  longue  requête  au  Magistrat,  le  priant  de  statuer  sur  son  cas  ^. 
Cotte  demande  fut  favorablement  accueillie,  ce  qui  lui  fit  obtenir 
une  dispense  d'apprentissage.  Les  maîtres,  n'osant  résister  ouver- 
tement, sanctionnèrent  ce  jugement,  et,  le  20  juillet  1733, Gilis  fut 
autorisé  à  produire  son  chef-d'œuvre.  On  lui  imposa  le  sujet  ordi- 
naire, un  Christ  d'une  hauteur  de  cinq  pieds*.  Trois  jours  plus 
tard,  eut  lieu  une  réunion  des  membres  de  la  corporation  afin 
d'examiner  ce  travail,  dont  l'admission  fut  prononcée,  non  sans 
grandes  difficultés  \ 


'  s  Le  2  oltobre  1733,  le  valé  a  fait  ccmonce...  au  sufjé  d'Antoine  Gilis,  pour 
e  solis  quil  a  dit  en  plaine  cemonce  le  17  du  dit  moys...  il  on  condané  à  48  patar 
pour  lomonc  jjénérale.  Don  Louis  Joseph  Dnpomnierenlles.  t>  Registre  des  déli- 
bérations dos  peintres  et  sculpteurs.  H  2-326,  p.  17. 

'  «  De  Giliisc  aprcnty  par  plaisir  à  François  Hissen  3  I.  »  Comptes  de  ta  corpo- 
ration des  peintres  et  sculpteurs,  1727-1728.  H.  2-328,  p.  87. 

*  Voir  Pièces  justificatives,  n"  IIL 

*  «  Le  20  de  juillet  1733,  après  semonce  fait  i  tout  supot  de  l'art  de  paintre 
au  sugé  de  la  demande  du  cliedeuvre  d'Antoine  Gilis  aprè  avoire  etté  otorisé  par 
mesieur  du  Wagistra  pour  se  aprentisage,  pourvue  par  luy  paier  la  somme  de 
dix  esqut  à  quarante  huit  patur  la  piese  pour  le  rachat  de  se  aprentisage  corn 
tout  autre  on  paicx  sy  de  van  au  corps  de  paintre  ou  et  par  de  sut  le  droit  de 
réfection  du  cliedeuvre  Ion  na  résout  de  luy  doue  un  crisce  à  luy  présente  de 
5  pied  com  ordiner  de  charte.  François  l'Iamand  maître  juré,  don  Louis  Joseph 
Dupommcreul  valez.  »  Registre  des  délibérations  des  peintres  et  sculpteurs. 
H  2-326,  p.  16. 

*  (i  Le  22  de  juillet  1733  Ion  na  fait  cemonce  à  tout  le  supot  de  l'ar  de  pain- 
tre pour  quil  eut  à  se  trouver  le  23  dudit  dans  le  chapitre  de  S'  Jean  lieux  ordi- 
naire de  leur  scemonce  pour  visiter  le  chedcuvre  du  nomé  Antoine  Gilis,  don  le 
suppôt  Ion  condamnédeun  plaine  voix  (de  payer)  douse  livre  à  l'omone  générale... 
Le  défaux  quil  on  trouvé  (audit  chef-d'œuvre)  léant  bien  voulut  accepter?... 
pourueut  de  paiex  le...  à  la  dit  omonc  et...  le  sieur  du  magistra  étant  au...  dix 
équt  au  corps  de  paintre...  et  pardesut  le  droit  ordiner  de  la  chapelle  pour  le 
rachat  de  ses  aprentissage.  François  Flamand  maître  juré.  »  Id.  H  2-326,  p.  16. 

a  D'Antoine  Gelis  pour  ses  aprentissagesde  pintre,  reçue  6  1.  i  —  «  D'Antoine 


AXTOIX'E    GILIS.  7  15 

Celle  année-là  même  (1733),  le  8  janvier,  avait  été  célébré  le 
mariage'  de  Gilis,  (|iii  demeurait  alors  rue  Saint-François',  avec 
Heine  Fiévez,  âgée  de  trenle-troisans,  filledeA'icolasFiéuez,  maître 
de  poste,  et  de  Catherine  Bernard  Dellaynin^  De  ce  mariage,  na- 
quirent trois  enfants  :  un  fils,  Jean-Michel,  dont  nous  esquissons  en 
note  la  biographie*,  né  en  1735,  mort  fou  à  l'asile  de  Froidmont, 
le  27  décembre  1788^  deux  filles,  Marie-Albertine-Joseph,  née 
le  12  décembre  1736',  et  Marie-Hélène-Joseph,  le  28  février 
1738\ 

Nous  trouvons,  plusieurs  fois  cités,  le  nom  d'Antoine  Gilis  et 
celui  de  sa  femme  dans  divers  documents  plus  ou  moins  curieux, 
relatifs  à  des  questions  d'intérêt.  Ainsi  dans  une  constalation,  en 
date  du  25  mai  1730,  des  droits  de  Reine  Fiévez  et  de  plusieurs 
membres  de  sa  famille,  pour  la  succession  du  sieur  Philippe 
Dehaynin,  chirurgien-major  de  la  ciladelle  de  Valenciennes,  son 
oncle.  Puis  en  1738,  le  18  janvier,  dans  la  vente  l'aile  à  André  de 
Warengbien,  marchand  à  Valenciennes,  d'une  rente  de  48  livres, 

Gelis  après  avoir  fait  bien  et  deuement  son  chef  d'œuvrede  peinture  reçu  30  I.  » 
Comptes  de  la  corporation  des  peintres  et   sculpteurs.   H  2-328,  p.  133  et  135. 

'  Voir  Pièces  justificatives,  n"  I. 

-  Kue  des  Récollets  acluellcment.  Registre  de  la  capitation,  1731.  C.  2-1197, 
f»  J40. 

^  V  oir  Pièces  justiûcatives,  n"  I. 

*  Jean-AIichel  Gilis  naquit  à  Valenciennes  en  1735.  II  suivit  son  père  à  Tournay 
et  l'aida  dans  la  direction  de  l'école  de  peinture  et  de  sculpture  qu'ils  y  fondèrent. 
Atteint  d'aliénation  mentale,  il  dut  cesser  ses  fonctious  a  mourut  misérablement 
à  l'asile  de  l<'roidmont  le  27  décembre  1788.  Ou  connaît  de  lui  :  un  tableau  signé 
1753,  représentant  la  Xalivilé,  aujourd'hui  dans  l'église  du  faubourg  de  Paris,  à 
Valenciennes.  .\  Tournay  :  Les  disciples  d' Einmaiis,  qu'il  fit  pour  l'église  Saint- 
IVicolas  des  Prés  en  1763,  et  qui  lui  fut  payé  65  florins  et  demi  (A.  de  L.i  GrîNGE 
et  L.  Cloquet,  Etude  sur  l'Art  à  Tournai,  t.  II,  p.  2V1);  Saint  André  montant 
au  ciet,  pour  le  couvent  de  Saint-.Vudré  ;  Saint  Xico/as  ressuscitant  un  enfant, 
pour  l'église  Saint-Piat.  [Calendrier  de  Tournai,  1775,  p.  32  et  30.)  Le  Cata- 
logue du  Musée  de  Tournay  (18^8)  meulionuc  de  lui  les  œuvres  suivantes  :  X"  145, 
Un  groupe  d'oiseaux  morts  suspendus,  fond  imitant  la  planche  de  bois  de  sapin; 
n"  144,  l'ortrait  de  J.-B.  Fouf/uez  père;  n°  145,  Une  tête  de  vieillard  avec 
barbetouffue,  coiffée  d'un  bonnet  ?io/r,  genre  Rembrandt;  n"  148,  Saint  Nicolas, 
esquisse  du  tableau  qui  se  trouve  à  l'église  Saint-Piat. 

*  Les  registres  de  naissances  de  la  paroisse  Xolrc-Dame  de  la  Chaussée  faisant 
diîfaut  pour  les  années  1729  et  1736,  nous  ne  pouvons  reproduire  l'acte  de  nais- 
sance de  Jean-AIichel  Gilis.  Xous  savons  seulement  par  son  acte  de  décès  qu'il 
mourut  en  1788,  âgé  de  cinquante-trois  ans.  Voir  Pièces  justificatives,  n"  II. 

®  Voir  Pièces  justificatives,  n"  II. 
'  Ibid. 


i46 


A\TOIi\K    G  11,1  S. 


sur  une  grande  maison  sise  rue  du  Boudinet,  «  où  est  la  posie  aux 
chevaux  «  .  Celle  cession  devait  donner  lieu  par  la  suite  (1768)  à  un 
interminable  procès  avec  un  héritier  de  ce  Uarenghien  '. 

Reine  Fiévez  claut  morte  le  11  septembre  1741-,  Gilis  se 
trouva  seul  avec  trois  enfants  en  bas  à<je.  Ke  pouvant  supporter 
sans  aide  une  charge  aussi  lourde,  il  songea  à  contracter  une  nou- 
velle alliance  pl,  le  0  juin  1743,  épousa  la  veuve  du  sieur  Antoine 
Dutrieux,  Clirisline  La  rose  ^,  alors  âgée  de  (juarante-six  ans*. 
Celle-ci  lui  apportait  une  honnête  fortune,  (jue  plus  tard  elle  légua 
en  partie  aux  enfants  de  son  mari  '\ 

2.  Séjour  à  Tournai/,  1757-1781. 

Gilis,  dont  le  nom  s'était  répandu  au  delà  des  étroits  remparis 
de  sa  ville  d'adoption,  surtout  après  les  travaux  considérables  qu'il 
venait  d'entreprendre  pour  l'église  de  Condé,  s'était  créé  de  nom- 
breuses relations  dans  la  contrée,  principalement  à  Tournay. 

Or  il  advint  qu'en  1756,  le  sieur  Péterinck,  directeur  de  la 
célèbie  manufacture  de  porcelaine  de  cette  ville,  \oulant  faire  à 
l'impératrice  Marie-Thérèse  un  cadeau  digne  d'attirer  la  bienveil- 
lante attention  de  cette  princesse  sur  son  établissement,  fit  appel 
au  talent  de  Gilis  et  lui  demanda  le  modèle  d'une  sainte  Thérèse. 
Notre  sculpteur  étant  allé  à  Tournay  y  reçut  l'accueil  le  plus 
flatteur  et  se  rendit  compte  aussitôt  du  parti  qu'il  en  pouvait  tirer 
en  vue  de  l'accroissement  de  sa  fortune  et  de  sa  renommée.  Ayant 
appris  que  l'on  n'attendait  plus  (ju'uti  maître  habile  pour  créer  une 
école  où  seraieut  enseignés  les  Beaux-Arts,  Gilis  entrevit  l'espoir 
d'être  désigné  à  ces  hautes  fonctions.  Il  résolut,  pour  y  parvenir. 


'  liegistre  des  actes  d'appel,  17G1-1777.  l''.  315,  f"  87. 
-  Voir  Pièces  justificatives,  n"  1. 
=>  Ibid. 

*  Jùid. 

*  (1  Sur  re(|uête  présentée  à  j\IM.  les  prévôts  jurés  et  éclievins...  par  Antoine 
Gilis,  m*  sculpteur  et  peintre,  et  Chrisline-Joseph  Larose,  son  épouse,  qu'ils  dési- 
raient faire  donation  d'eiilre-vifs  d'une  maison  située  en  cette  ville,  place  à  Lille, 
à  Philippe,  Jean-Michel  et  Alberline  Gilis,  tous  trois  enfants  de  Reine  Fiévet,  sa 
première  femme,  i  (Il  y  a  ici  une  erreur,  Philippe  n'est  point  fils  de  R.  Fiévez.) 
Comme  ces  enfants  n'étaient  point  aptes  à  y  participer,  on  nomme  un  tuteur 
ad  hoc,  Joseph  Uegand. 

Registre  des  autorisations,  F.  172,  f'*  261. 


A\TOI\K    GILIS.  747 

d'abartdonner  Valenciennes,  son  titre  envié  de  pensionnaire  de  la 
ville,  et  de  déplacer  le  commerce  de  bois  qu'il  exploitait  avec 
profit.  Rentré  à  Valenciennes,  il  adresse  au  Magistrat  de  Tournay 
une  lettre  dans  laquelle  il  sollicite,  pourson  (ils  et  pour  lui,  l'hon- 
neur de  fonder  et  diriger  la  nouvelle  école.  11  demande,  en  retour, 
qu'il  leur  soit  accordé  une  somme  annuelle  de  900  livres  de  France 
et  la  promesse  de  commandes  lucratives  par  la  manufacture  de 
porcelaine.  Il  s'engage,  en  outre,  si  ces  diverses  propositions  sont 
acceptées,  à  se  rendre  à  Tournay  pour  Pâques  suivant.  Cette 
demande  fut  prise  en  considération,  et,  par  délibération  en  date  du 
14  septembre  1756,  on  charge  le  conseiller  pensionnaire  Longue- 
ville  de  s'entendre  avec  Gilis.  Le  28,  celui-là  se  présente  devant 
les  consaulx  et  déclare  acceptées  par  l'artiste  les  propositions 
quelque  peu  modifiées  qu'il  lui  a  soumises.  Un  contrat  en  règle, 
signé  le  19  novembre,  est  ratifié  le  lendemain  parle  conseil.  En 
vertu  de  ce  contrat,  où  il  est  qualifié  de  «  fameux  dessinateur  et 
sculpteur  « ,  Giiis  s'engage  à  quitter  Valenciennes  pour  le  J"  avril 
suivant  '.  Bientôt  la  nouvelle  «  Académie  »  ouvrit  ses  cours  dans 
un  local  situé  sur  la  Grand'Place,  à  l'endroit  où  se  trouve  la  Bourse  '. 
Le  2  mai  1757,  Gilis  termina  son  installation,  jusque  là  provisoire, 
et  fit  venir  ses  moules,  meubles  et  tableaux,  qui,  par  faveur  toute 
spéciale,  obtinrent  libre  entrée  dans  les  Pays-Bas  ^. 

Les  débuts  de  l'Acaciémie  furent  heureux,  et  les  deux  Gilis,  par 
la  bonne  direction  imprimée  aux  études,  surent  s'attirer  la  bien- 
veillance du  Magistrat,  qui_,  entre  autres  marques  de  satisfaction, 
leur  accorda  plusieurs  exemptions  d'impôts  sur  la  bière*.  Un  rap- 
port, fait  aux  consaulx  par  le  premier  conseiller  pensionnaire,  nous 
apprend  que  ces  premiers  succès  avaient  trouvé  écho  en  haut  lieu, 
puisque  «  le  ministre  avait  témoigné  beaucoup  de  satisfaction  des 
ouvrages  de  l'Académie  de  peinture,  architecture  et  dessin^  ». 

'  Voir  aux  .archives  communales  do  Tournay  les  Registres  des  délilicrations 
des  consaulx  pour  1756  et  1757,  {"'  265,  266  v",  270,  305,  307,  etc.  Nous  ne 
saurions  trop  remercier  l'arcliivisle,  M.  Hocquct,  de  l'obligeance  aiec  laquelle  il 
nous  a  aidé  dans  nos  reclierclics. 

*  Ktrennes  (ournésienncs,  1770,  p.  283.  —  Xous  voyons  qu'à  celte  époque 
Gilis  habitait  rue  des  Grahds-Jésuiles. 

^  Archives  du  royaume,  fonds  219V.  —  Voir  E.  Soil,  loc.  cit.,  p.  S7. 

*  E.  Soil,  loc.  cil.,  p.  89. 

*  Registres  des  consaul.^,  17G1,  Vt.l*"'. 


7i8  AXTOIM:    GILIS. 

Mais  aux  jours  lieuroux  allaient  succéder  les  jours  de  deui4  et  de 
tristesse.  Antoine  (îilis  tombé  malade  dut  bientôt  cesser  ses  leçons. 
On  le  nomma  directeur  honoraire  avec  une  pension  annuelle  de 
200  florins  donnée  par  la  ville,  auxquels  on  en  ajouta  cent  autres 
retenus  sur  le  Iraitement  de  son  successeur.  Il  était  également 
convenu  qu'a  sa  mort  son  fils  se  trouverait  titulaire  de  180  florins 
de  pension,  lesquels  passèrent  plus  tard,  avec  Tassentiment  des 
consaulx,  à  l'abbé  Philippe,  son  frère.  Presque  à  la  même  époque, 
antoine  Gilis  eut  la  suprême  douleur  de  voir  s'aÛTaiblir  les  facultés 
mentales  de  son  fils  et  collaborateur.  Cette  terrible  maladie  fut 
relativement  bénigne  à  son  début,  puisqu'en  1771  '  il  put  reprendre 
ses  fonctions,  mais  pour  peu  de  temps,  car  le  mal  ayant  redoublé 
de  violence,  on  dut  l'interner  à  Tasile  de  Froidmont,  où  il  ter- 
mina misérablement  ses  jours  -. 

A  la  douleur  de  voir  s'aggraver  et  son  mauvais  état  de  santé  et 
la  folie  de  son  fils,  vint  s'ajouter  le  deuil  que  lui  causa  la  mort  de 
sa  femme,  survenue  le  1-4  mai  1775'.  Par  un  testament,  en  date 
du  20  décembre  de  l'année  précédente,  celle-ci  déclarait  son  fils  *, 
l'abbé  Philippe,  légataire  universel  et  le  prenait  pour  exécuteur 
testamentaire.  Accablé  par  tant  de  malheurs,  miné  par  le  chagrin 
et  la  maladie,  Antoine  Gilis  termina,  le'lG  novembre  1781  %  dans 
les  larmes  et  la  misère,  Pexistence  toute  de  travail  que  nous  avions 
vue  s'annoncer  sous  les  plus  brillants  auspices^. 

'  Voir  Pièces  justificatives,  n"  I. 
2  E.  SoiL,  loc.  cit.,  p.  89-90. 
^  Voir  Pièces  justificatives,  n"  II. 

*  Nous  n'avons  retrouvé  aucune  trace  des  actes  de  naissance  et  de  décès  de 
Pliilippe  Gilis.  Un  passage  de  l'acte  dont  nous  avons  parlé  nous  avait  d'abord 
porté  à  croire  qu'il  était  né  de  R.  Fiévez.  C'est  une  erreur,  car  dans  son 
testament  dont  nous  analysons  les  clauses  principales,  Christine  Larose  est  dési- 
gnée comme  sa  mère.  <i  Elle  institue  pour  son  héritier  universel,  tant  meu- 
bilier  qu'immeubilier,  maître  Philippe  Gilis,  prêtre  et  régent  du  Collège  de 
S'  Paul,  à  charge  de  par  luy  fournir  au  Révérend  Père  Xorbith  de  S'*  Christine, 
Religieux  carme  chaussé  à  Vallenciennes,  une  pension  viagère  et  annuelle  de  qua- 
rante livres...  au  sieur  Jean-Michel  Gilis,  son  beau-fils,  semblable  pension  via- 
gère et  annuelle  (1501.)...  «  Mais  dans  l'emprise  après  le  testament,  nous  lisons: 
a  L'exécution  a  été  emprise  par  maître  Piiilippe  Gilis...  et  sur  son  requis  de  la 
levée  du  scellé...  la  luy  (avous)  accordé  après  que  ledit  maître  Gilis  a  déclaré  de 
se  rendre  et  fonder  héritier  de  laJilte  défunte  testatrice  sa  mère...  »  Archives  de 
Tournay. 

*  Voir  Pièces  justificatives,  u"  I. 

*  Afin  de  rendre  ce  travail  aussi   complet  que  possible  et  moulrcr  combien 


amtoim:  cil is. 


II.   l'oeuvul:. 


Antoine  Gilis  fut  un  jjrainl  travailleur,  et  les  œuvres  (lu'on  lui 
attribue  sont  nombreuses.  Mais  on  ne  doit  point  les  enregistrer 
toutes  sous  son  nom  avant  de  les  soumettre  à  un  contrôle  sévère. 
Aussi,  appliquant  la  méthode  historique  rigoureuse  à  laquelle  se 
conforma  toujours  M.  Paul  Foucart,  notre  premier  maître  si  estimé 


étaient  jjrands  la  renommée  et  le  laleut  d'Antoiue  Gilis,  nous  avons  cru  utile  de 
donner  la  liste  de  tous  ceux  qui  profitèrent  de  ses  excellentes  leçons  ou  l'aidèrent 
dans  ses  travaux.  La  plupart  de  ces  noms  sont  tirés  des  précieux  registres  des 
(i  Comptes  de  la  corporation  des  peintres  et  sculpteurs,  H.  2-328  et  329,  pax- 
sim  ».  —  A  Valencienues.  »  Apprentis  sous  Gilis.  »  —  Les  apprentis  payaient 
6  I.  plus  1  I.  pour  l'enregistrement.  — Sculpteurs  :  J725-26,  Flamand  (Henri); 
172G-27,  Sallis  (Joseph)  ;  1729-30,  Duloy  (Franc.)  ;  1732-33, Casimire  (.Ant.-Jos., 
dit  Chevalier);  1734-35,  Frogez  (André),  pauvre;  Gravé  (Fr.-Jos.),  id.;  Delsart 
(Pliil.-Jos.),  id.  ;  1738-39,  Vandcrkove  (l'.-Jos.-H.)  ;  1739-40,  Vanstru  (Marie- 
Jos.)  (?);  1741-42,  Gérar  (?j  ;  1742-43,  Dutrieu  (Jean)  (?)  ;  Laurent  (Fr.)  (?)  ; 
Lippens  (?)  ;  Brabant  (P.-Jos.)  (?)  ;  1748-49,  Lecreux  (Xic);  1749-50,  Richart(?); 
1731-52,  Bouchelet;  1752-53,  Cliahane  (J.-B.);  Gillet  (P.-Jos.);  Dorus  (J.-B.); 
1753-54,  Pietle  (Ch.).  —  Peintres  :  iTii-3't,  Chauvin  (B.);  Ruiter  (J.-B.), 
pauvre;  Bretel  (Fr.),  id.  ;  173.5-36,  Lécuier  (Guill.-Jos  )  ;  1738-.39,  Bouchelet 
(Cli.-Jos.);  Durez  (?)  (d'après  Grar). 

Ouvriers  de  Gilis.  —  «  Les  compagnons  du  dehors  désirant  besoigner  sous 
quelque  maître...  i  devaient  payer  un  droit  de  40  sous  et  travailler  au  moins 
unmois.  — 172G-27,  Dutoy  (Dom.-Fr.),  se.  ;  1731-32,  Bouchardon  (Jacq.-Phil.), 
cavalier  au  rég' de  Condé;  1733-34,  Cammeis  (André),  se.  ;  Pilart  (J.-B.),  p.;  1734- 
35,  Grouse  (Jean),  p.;  1735-38,  V'auderboroch  (Jos.),  doreur;  1738-39,  Sipers 
(."^(lam)  ;  1737-40,  Bristain  (Xic),  se;  Gains  (Tho.),  p.;  Vaudcrmer  (Ant.),  p.; 
Horemans  (Phil.),  p.;  Listez  (Uom.);  1741-42,  Bretel-Berloud  ;  1744-45,  Vidal, 
soldat  au  rég'  de  Dauphiné,  p.;  Vanhoullc,  p.;  1746-47,  Séliga;  1747-48,  De- 
mont;  1748-49,  Lecoq;  1751-52,  Cardinal,  p.;  1752-53,  Danezan  (J.-B.).  se; 
1754-55,  Druon,  se;  Parisien,  se;  1755-56,  Duloir. 

Leçons  à  des  amateurs.  —  La  taxe  était  de  60  s.,  plus  10  s.  d'enregistrement. 
—  1730-31,  Glavarot  (P.);  Houdart  (Guill.);  Barbier  (Denis);  1731-32,  Breva 
(P.-(juill.),  fils  de  l'ingénieur  en  chef  de  la  ville;  Rochemore  (H. -Phil.);  1732- 
33.  M"«  VViddington;  1733-34,  Gouale  (Stam);  Maloteaux  (Ferd.);  1734-35. 
Merlens  (l'V.-Jos.)  ;  1736-37,  Baral  (Dom.)  ;  1738-39,  Baral  (P.-Jos.);  1739-4Q, 
Lucinie  (Phil. -Jos. )  ;  1741-42,  Delergue  (I''r.-Jos.)  ;  1743-44,  Vanstru  (P.-Am.- 
Jos);  1744-45,  Jacquemon  (Ch.-Laur.)  ;  1753-54,  Leblond  (fils),  brodeur. 

Elèves  a  Tournai/  (d'après  Grar  et  Bozières).  —  Bourla,  architecte  des  Inva- 
lides; Barbieux,  se  des  ligures  en  bas-relief  de  la  colonne  du  camp  de  Boulogne; 
Malainé,  p.  de  genre;  Bcllematte,  p.;  Lefèvre-Calers,  ciseleur  connu;  Dumor- 
tier,  se.  ;  Pointeurs-d'Ebligny,  pens.  de  l'ICcole  de  Rome;  Sauvage,  p.,  membre 
de  l'Académie  des  sciences;  Delin,  Manisfels,  Brélarf,  Ladau),  Dcicourt,  ICquen- 
ney.  p. 


■:r.O  ANTOINE    GIl.lS. 

dans  celte  enceinte,  nous  sommes-nous  gardé,  an  risque  de  paraître 
incomplet,  de  faire  lionneur  à  Gilis  de  travaux  pour  lesquels  de 
consciencieuses  et  longues  recherches  ne  nous  ont  point  fourni  de 
preuves  irrécusahles.  Car  trop  souvent,  nous  ue  saurions  le  répéter 
assez,  tout  en  le  prouvant,  l'erreur  a  été  propagée  lorsque  l'on 
s'est  contenté  d'eniegistrcr  sans  examen  les  dires  d'autrui. 

1.  Travaux  à  Valenciennes. 

Sculpteur  et  peintre  officiel,  Gilis  exécuta,  pour  la  ville  qui  le 
pensionnait,  des  travaux  nombreux,  mais  souvent  de  peu  d'impor- 
tance. S'agissait-il  de  quelques  ornements  à  faire  à  une  cheminée, 
à  une  porte,  l'on  s'adressait  au  sculpteur.  Pour  une  de  ces  réjouis- 
sances publiques,  si  nombreuses  au  dix-huitième  siècle,  avait-on 
besoin  de  transparents,  de  portraits,  d'allégories,  le  peintre  se 
mettait  à  l'œuvre.  Mais  si  ces  travaux  étaient  en  général  peu  lucra- 
tifs, les  loisirs  laissés  à  l'artiste  étaient  nombreux.  Il  en  profita, 
servi  par  son  titre  et  plus  encore  par  son  talent,  pour  exécuter 
bien  des  commandes  importantes  que  lui  firent  les  couvents,  les 
églises  et  souvent  aussi  certains  particuliers. 

Travaux  ])Our  la  ville  et  les  particuliers.  —  Le  5  septembre 
1727,  on  apprenait  la  naissance  de  l'héritier  présomptif  de  la  cou- 
ronne, fils  de  Louis  XV  et  de  Marie  Leczinska.  De  grandes  réjouis- 
sances furent  ordonnées,  parmi  lesquelles  un  splendide  feu  d'arti- 
fice. Le  Alagistrat  s'adressa  à  Gilis  pour  dessiner  les  figures  allégo- 
riques et  autres  ornements  nécessaires  en  la  circonstance'.  On 

'  (  A  Ariloinne  Gilis,  m^  sculpteur,  pour  avoir  crayonné  plusieurs  figures  autour 
du  feu  d'artifice,  ij"^  x  1.  1.  i  Comptes  de  la  ville,  1729-1730.  CI.  71,  f»  81  v°. 

La  Bibliothèque  publique  possède  une  petite  brochure  intitulée  :  Relation  de  ce 
qui  s'est  fait  et  se  fera  pendant  le  cours  du  mois  de  septembre  1729...  pour  la 
naissance  de  Monseigneur  le  Dauphin.  Valeuciennes,  Henry,  1729.  Nous  en 
extrayons  certains  passages  relatifs  aux  dessins  exécutés  par  Gilis. 

Ou  remarquait  entre  autres  choses  »  liuit  colonnes  en  portique  de  marbre  i , 
chaque  portique  ayant  «  sa  posture  finement  travaillée  et  posée  sur  un  piéd'eslal  » . 
La  première  représentait  le  génie  protecteur  du  royaume  qui  présente  le  Dau- 
phin à  la  France.  —  La  seconde,  la  France  qui  reçoit  ce  précieux  gage  du 
ciel  et  le  présente  à  Minerve.  —  La  troisième,  Minerve  marquant  par  son  atti- 
tude le  soin  qu'elle  va  prendre  du  Jeune  prince.  —  La  quatrième,  Mars  portant 
les  lauriers  et  les  trophées  qu'il  prépare  au  Dauphin.  Puis  venaient  la  Paix, 
l'Abondance,  le  Dieu  Janus,  Bellone,  (a  Religion,  la  Justice.  Enfin,  d'autres 
représentations  symboliques,  le  Soleil  qui  peint  son  itnnge  dans  utie  claire  fon- 


A\TOI\iE    GILIS.  751 

(levait  encore  avoir  recours  ù  lui,  lors  de  la  fêle  donnée  pour  la 
convalescence  du  Roi  ',  j)uis  ;i  ré|)0(|ue  du  mariage  du  Daupliin'. 
Citons  maintenant,  pour  être  complet,  divers  travaux  que  lui  com- 
manda la  ville  :  deux  lions  pour  la  chambre  de  justice  \  la  répara- 
lion  du  Christ  de  cette  même  chambre*,  des  peintures  de  décors 
pour  le  théâtre  des  Jésuites  %  le  tableau  servant  de  bas  de  che- 
minée à  la  chambre  de  justice  ",  la  sculpture  de  la  cheminée  de  la 
Salelte',  un  lion  et  deux  cygnes,  armes  parlantes  de  Valen- 
ciennes,  pour  servir  aux  processions  **,  un  nouveau  tabernacle  pour 
la  chapelle  Saint-I'ierre® .  En  1755,  il  blanchit  la  statue  de 
Louis  XV,  œuvre  de  Saly,  et  en  remastique  le  piédestal  '";  il  peint 

taine,  un  Grand  lion  en  considérant,  un  plus  petit,  un  Soleil  brillant,  la  Toison 
d'or,  un  Grenadier,  l' Arc-en-ciel  au-dessus  de  r arche  de  Noé,  le  Palladium,  un 
Jeune  lys,  une  Parélie,  l' Etoile  nationale,  une  Douce  rosée,  P Aurore. 

'  a  A  Auloiue  Gilis,  pour  lu  portrait  du  Roy  en  peinture...  et  pour  avoir  peint 
les  croniques  pour  les  réjouissances  à  cause  de  la  convalescence  du  Roy... 
cxxxj.  1.  5  Comptes  de  la  ville,  1744-1745.  C.  1-86,  f°47. 

-  Grar  raconte  à  ce  propos  que  le  projet  présenté  par  Gilis  fut  préféré  à  celui 
de  sou  maître,  François  Eisen.  Hccart  ajoute  que  celui-ci,  vexé,  se  rendit  dans  le 
cabaret  que  fréquentait  Gilis  et,  muni  d'un  charbon,  caricatura  sou  rival  heureux, 
ainsi  que  le  projet  adopté  par  le  Magistrat. 

*  t  Messieurs  du  Magistrat  ordonnent  à  Charles-Albert  Bruière  de  payer  à 
Antoine  (îilis  la  somme  de  trente  livres  pour  avoir  sculpté  deux  lions  pour  servir 
au  tribunal  de  la  chambre  de  Justice.  l'hait  à  \  aleucieimes  le  8  uovembre  1726. 
Siijnè  :  dk  Rozkl.  Je  soussigné  ay  reçu  de  Bruyère  la  somme  de  trente  livres  pour 
avoir  sculpté  deux  lions  de  la  tribune  de  la  chambre  de  Justice.  Pi  Valleuciennes, 
ce  neuf  de  novembre  1726.  Signé  :  Antoine  Gilis.  »  Celte  pièce  se  trouve  en  la 
possession  de  .M.  il.  Jouin,  qui  l'a  reproduite  dans  son  ouvrage  sur  Saly,  p.  129. 

*  t  A  Autoine  Gilis,  pour  avoir  racomodé  le  Christ  de  la  chambre  de  justice, 
Ixxvj.  1.  xvj.  s.  »  Comptes  de  la  ville,  1735-1736.  C.  1-77,  f°  76  i". 

^  B  A  Antoinne  Gilis  pour  les  ouvrages  de  peintures  qu'il  a  fait  pour  le  théâtre 
des  Pères  Jésuites...  c.  iiij"  sij  et.  »  Comptes  de  la  ville,  1739-1740.  C.  1-81, 
f  56. 

*  a  .\  Antoine  Gilis,  pour  le  tableau  servant  de  bas  de  cheminée  à  la  chambre 
de  justice,  payé  la  somme  de...  cxv'  iiij  s.  •  Comptes  de  la  ville,  1740-1741.  C. 
1-82,  f"  54  V". 

'  t  ...la  sculpture  pour  la  cheminée  de  la  Sallette...  n  Comptes  de  la  ville, 
1744-1745.  C.  1-86,  f  47. 

*  «  A  Antoine  Gilis  pour  avoir  fait  à  neuf  le  lion  et  les  deux  cygnes  que  l'on 
porte  à  la  procession  de  cette  ville...  xj'^xx  I.  j  Comptes  de  la  ville,  1750-1751.  C. 
1-92,  1"  49. 

'•'  M.  H.  Jouin  qui  possède  le  contrat  original  passé  en  1754,  entre  (îilis  et  le 
Magistrat,  l'a  publié  en  entier  dans  son  ouvrage  sur  G.  Saly,  p.  128. 

'"  «  a  Autoine  Gilis,  sculpteur,  pour  avoir  blanchy  la  statue  du  roy  et  remas- 
tiqué le  pied  desfal...  c.  iiij"  xijet.  I.  »  (Comptes  de  la  ville,  1754-1755.  C.  1-96, 
I"  57. 


T52  AMTOIME    GILIS. 

et  dore,  en  175G,  lo  lahernacle.  de  la  chapelle  Suint-Rocli  '.  Enfin, 
d'après  M.  Grar,  il  fait  de  nouveaux  panneaux  pour  les  stalles  de 
la  chapelle  Saint-Pierre,  et  sculpte  au  beffroi  les  bustes  des  douze 
Césars,  les  bas-reliefs  représentant  VHistoire  de  Samson  et  les 
Quatre  Sniaons,  statues  allégoriques  ". 

Certains  particuliers  ou  associations  eurent  plusieurs  fois  recours 
au  talent  de  Gilis.  Ainsi,  en  1743,  un  riche  habitant  de  la  rue  de 
Wiéwarde  lui  demanda  une  statue  pour  son  jardin.  Les  divers 
propriétaires  de  cet  hôtel,  (jni  se  sont  succédé,  ont  respecté 
l'œuvre  de  Gilis.  C'est  un  Hercule  domjjtant  Cerbère  '.  Debout, 
brandissant  à  deux  mains  au-dessus  de  sa  tête  une  énorme  massue, 
le  héros  semble  vouloir  écraser  le  monstre  qu'il  foule  aux  pieds. 
Cette  statue  en  plâtre,  mesurant  plus  de  deux  mètres,  est  pleine 
de  vie  et  de  mouvement  ;  le  travail  dénote  un  véritable  artiste  *. 

Le  Musée  de  Valenciennes  possède  une  petite  terre  cuite  qui  a 
]iour  sujet  V Enlèvement  d'Eurojie.  Une  jeune  femme  est  gracieu- 
sement assise  sur  le  dos  d'un  taureau  agenouillé.  La  main  gauche 
est  appuyée  sur  la  croupe,  l'autre  semble  caresser  la  tète  de  l'ani- 
mal tournée  vers  elle.  L'Amour,  muni  de  son  flambeau,  se  tient 
debout  sur  une  des  pattes  de  devant  de  la  bête  agenouillée;  à  terre 
sont  des  coquillages.  Le  sujet  est  charmant,  l'artiste  l'a  traité  avec 
une  délicatesse  exquise;  l'ensemble  en  est  un  peu  gâté,  toutefois, 
par  la  peinture  et  la  dorure  dont  tout  le  groupe  a  été  revêtu  ^ 


'  I  A  Antoine  Gilis,  pour  avoir  peint  et  flore  le  tabernacle  de  la  chapelle 
S'  Roch...  lij.  1.  xvj.  s.  y,  Comptes  de  la  ville,  1756-1757.  C.  1-98,  f  49. 

-  Grar,  A  Gilis.  Mémoires  de  la  Société  de  Valenciennes,  t.  XVIII,  p.  84.  — 
Hkcart,  Biographie^  p.  14. 

^  V^oir,  ci-contre,  plaiiclie  XLVIII. 

*  Nous  ne  saurions  trop  remercier  AI.  Sautfeaii,  maire  de  Valenciennes,  à  qui 
appartient  celte  statue,  de  l'amabilité  qu'il  a  montrée  à  notre  égard  eu  nous  per- 
mettant de  reproduire  l'œuvre  de  Gilis.  En  1867,  M.  L.  Pesier,  autrefois  posses- 
seur de  cette  maison,  a  exécuté  en  gravure  une  reproduction  de  cette  statue,  sur 
le  socle  de  laquelle  on  lisait  à  cette  époque  une  inscription  aujourd'bui  disparue  : 
«  Ant.  Giliis.  sculp.  —  1743.  s  Je  remercie  aussi  bien  sincèrement  mon  ami  et 
collaborateur  Rouault  de  la  photographie  vraiment  artistique  qui  sert  de  complé- 
ment à  ce  travail. 

*  Cellier  qui  ne  connaissait  pas  l'auteur  de  ce  groupe,  faute  de  l'avoir  examiné, 
le  place  dans  son  Catalogue,  aux  anonymes,  sous  le  n"  414.  Dans  l'inventaire  de 
1882,  on  s'était  aperçu  que  sur  le  socle  se  trouvait  l'inscription  suivante  : 
0  .^'  Gilis.  fecit.  1725.  »  Cette  œuvre  se  trouve  donc  dans  cette  édition  au  nom  de 
son  auteur  (n"  345)  ;  elle  mesure  0'",32  de  haut. 


n.u.ii.-  MA  III 


HKKCI  I.K     l)(>\ir'TA.\r    C  i:  K  I!  K  li  !■: 

I'  1 1:     1  \  111 1  \  !■:    (il  1. 1  s 
(lT4:i.) 


I'.nj,,. 


A\TOI\K    GII.IS.  753 

Il  se  célèbre  tous  les  ;ins  à  Valenciennes  une  procession  dite  du 
Saint-Cortlon,  en  souvenir  d'un  miracle  atlrihué  a.  la  Vierge.  Or, 
pendant  l'une  de  ces  sorties,  il  advint  qu'un  brigand  flamand  du 
nom  de  \an  Een,  qui  dévastait  la  contrée,  fondit  sur  le  cortège  et 
s'empara  de  la  châsse  sacrée.  Aussitôt  les  habitants  des  faubourgs 
se  mettent  à  sa  poursuite  et  lui  reprennent  les  reliques  saintes. 
Pour  éviter  le  retour  de  pareils  faits,  une  garde  à  cheval,  dite  des 
«  Puchots  ') ,  escorta  chaque  procession.  Le  magistrat,  en  souvenir 
de  celte  aventure,  organisa  une  course  de  bagues.  Un  mannequin, 
représentation  grossière  du  terrible  Van  Een,  servait  de  but.  On 
demanda  à  Gilis  de  faire  une  nouvelle  effigie  du  fameux  brigand, 
véritable  œuvre  d'art,  qui  fut  détruite  lors  de  la  Révolution  '. 

A  la  suite  d'une  erreur  commise  par  Hécart,  relevée  en  1864 
par  M.  Grar,  on  avait  regardé  Gilis  comme  un  architecte  de  talent, 
en  lui  attribuant  les  plans  d'une  magnifique  chapelle,  élevée  près 
de  Raismes  en  1713  par  Joseph  Clément,  ai'chevêque  de  Cologne. 
Souvenons-nous  qu'à  cette  époque  Gilis  avait  onze  ans. 

Travaux  pour  les  églises  et  les  couvents.  —  Aux  dix-septième 
et  dix-huitième  siècles,  les  églises  et  les  corporations  religieuses 
rivalisaient  de  luxe  et  de  dépenses,  tout  artiste  un  peu  connu 
s'attirait  de  multiples  et  lucratives  commandes  :  Gilis  fut  de  ce 
nombre.  Xous  avons  pu  retrouver,  dans  les  registres  de  comptes  ou 
de   délibérations,  la  trace   d'œuvres   qui  lui    furent   demandées. 

L'église  Saint-Géry,  aujourd'hui  détruite,  l'une  des  plus  riches 
de  la  ville,  lui  commanda  d'abord  le  modèle  en  terre  d'un  béni- 
tier -  destiné,  sans  doute,  à  être  exécuté  dans  la  suite  en  une  matière 
plus  durable.  En  1741-1742,  l'on  eut  recours  au  peintre  pour  les 
tableaux  de  deux  gonfanons  et  la  dorure  de  leur  hampe  ^ .  Quel- 
ques années  après,  dans  l'assemblée  des  pairs  et  marguilliers  de  la 
même  église,  on  résolut  de  faire  une  nouvelle  table  d'autel  pour 
laquelle  on  demanda  à  Gilis  une  maquette  en  cire  \  Enfin  en  1751, 

'  A.  Di.vAix,  Archives  du  Nord,  t.  V,  p.  213. 

*  I  Au  sieur  Gillis  p"^  avoir  modelé  un  bénitier  en  terre,  12  I.  »  Comptes  de 
l'église  Saint-Géry  pour  1730-17.31,  G.  2-458,  p.  56. 

'  a  Paye''  au  s""  (iillis  pour  avoir  peint  les  tableaux  de  deux  nouveaux  confanons 
et  avoir  doré  et  roujjit  les  bâtons  a  été  payé  suivant  son  mémoire  cy  57  1.  12  s.  s 
Comptes  de  Saint-Géry,  i741-17V2,  G.  2-471,  i"  31  v". 

*  »  Payé  au  s"^  (Jilis,  m'  pintre  et  sculpteur  pour  livrances,  maindœuvres  et  de 
toutes  ses  vacations  extraordinaires  et  lormatiou  de  la  masse  d'autel  en  cirrc  fai- 


75i  A\TOINE    GILIS. 

lui  l'ut  commandt'  un  lahloaii  représentant  Noire-Dame  d'Amour, 
ainsi  que  la  sculpture  et  la  dorure  du  cadre'.  II  aurait  exécuté, 
paraît-il,  toujours  pour  Saint-Géry,  les  médaillons  qui  décoraient 
les  stalles  du  chœur  -. 

Une  noie  curieuse  de  Gilis,   que  nous  avons  découverte,  nous 
apprend  qu'on  1739,  il  fît  pour  le  chœur  de  l'église  Saint-Jacques, 
un  grand  tahleau  représentant  la  Transfiguration  de  Notre-Sei- 
gneur  Jésus-Christ  ^  Gilis,  conime  on  le  voit  par  tant  de  témoi- 
gnages, était  uu  artiste  de  talent,  qui  ohlint  une  renommée  assez 
grande  dès  le  début  de  sa  carrière,  ce  qui  le  fît  souvent  préférer  à 
des  maîtres  fort  connus.  Ainsi  nous  voyons  comment  il  obtint,  en 
concurrence  avec  Antoine  l'ater,   la  commande  de  travaux   pour 
l'antique  association  de  Notre-Dame  du  Puy.  En  1728,  la  table 
d'autel  qui   servait  à  la  confrérie  venait  d'être  fort  embellie  et 
dorée,   mais  il  existait  dans  leur  chapelle  deux  niches  qu'il  fallait 
orner.    Plusieurs    des   confrères   s'opposaient    à    toute    dépense; 
ti  ...  enfin,  après  plusieurs  semblables  contestations,  il  fut  résolu 
d'appeller  Gillis,   estimé  très  habile  en   son  art  de  sculpture,  le 
marché  fut  fait  avec  luy  pour  en  faire  deux  bustes,  l'un  représen- 
tant Sainte  Victoire  et  l'autre  Sainte  Marguerite  avec  leurs  pied- 
destaux  pour  estre  mis  dans  les  niches  dont  il  est  parlé  çy-dessus, 
mais  Led.Sculteur  aiant  travaillé  quelque  tems,  quand  ce  fut  à  la 
relivrance,    ils    furent    rejettes   n'étant    convenables    en    aucune 
manière  aux  niches  et  aux  desseins  qu'on  luy  avoit  proposés  et  il 
fut  obligé  d'en  faire  d'autres...  »    Pendant  que  Gilis  se  remettait  à 
l'œuvre,  un  orfèvre,  nommé  Crétu,   rapporta  de  Rome  certaines 
reliques  qu'on  voulut  mettre  dans  les  bustes  commandés,  dont  il 
fallait  alors  changer  le  dessin.  Des  difficultés  ayant  été  faites  à 
Cambrai,  au  sujet  de  l'authenticité  de  ces  reliques,  la  chose  resta 
en  état.   "  I^es  deux  bustes  étant  faits  selon  les  premiers  dessins... 
furent  présentés  par  Gilis...  aux  confrères  le  3  d'octobre  l'an  1731 

sant  la  parfaite  connoissauce  de  incss'*  les  curés,  pères  el  mar^juilier...  144  1.  « 
Comptes  (le  Saiiit-Géry,  171-7-1748,  G.  2-477,  i"  36  i°. 

'  i  Payé  au  s'  Gilis  sculpleiir,  la  somme  de  cent  seplante  deux  livres  seize  sols 
pour  le  tableau  et  sculpture  du  cadre  doré  de  \otre  Dame  d'amour...  172  1.16  s.  » 
Comptes  de  Saint-Géry,  1751-1752.  G.  2-481,  f"  3:3  v». 

-  D'après  M.  Grar,  Antoine  Gilis,  Mémoires  de  la  Société  de  l'alenciennes, 
t.  Wll,  p.  85.  \ous  n'ai'ons  trouvé  jusqu'ici  aucune  preuve  de  ce  fait. 

^  Voir  Pièces  juslificalives,  n"  IV. 


AXTOIXK    r.  II.IS.  -55 

et    fiirent    acceptés   de    tous    et    liiy    l'ut    paie    o.J    éciis    pour  sa 
i'açon  "...  » 

Le  14  mai  1744,  Louis  M  arriva  à  l'abhaye  de  Cysoin»];-,  où  il 
séjourna  pendant  assez  loiiglemps.  Ses  armées,  à  leur  entrée  en 
campagne,  s'emparèrent  de  nombreuses  villes  dans  les  Flandres,  et, 
le   II    mai   1745,  le  Roi  gagna  ]a  célèbre  bataille  de  Fontenoy. 
Jaloux  de  conserver  les  bonnes  grâces  du  triomphateur,  les  reli- 
gieux de  Cysoing  imaginèrent  d'élever  un  monument  en  souvenir 
de  ces  succès.  L'abbé  Laurent  de  Rocque  conçut  le  plan  d'une  pyra- 
mide commémoralive  %  dont  on  posa  la  première  pierre  en  grande 
cérémonie,  le  3  septembre  1750.  Ce  monument  tut  placé  dans  le 
jardin  du  couvent,  au  centre  d'une  étoile  à  huit  branches.   «  Les 
angles  rentrans  de  l'étoile,  présentent  huit  berceaux  de  charmille 
où  l'on  a  placé  des  groupes  de  sculpture  qui  font  allusion  aux  prin- 
cipales opérations  de  la  guerre  de  Flandre...  «   Ces  groupes,  est-il 
dit  en  noie,  sont  de  "...  M.  Gilis,  sculpteur  pensionné  de  Valen- 
cienues,  assez  connu  par  son  talent  décidé  pour  les  génies  *  »  . 


'  Histoire  de  la  chapelle  et  confrérie  de  N.-D.  du  Pitij.  Wss.  492-629,  P  31, 
32,  32  \\  33  V",  35  el  3(i. 

-  Les  détails  que  l'on  va  lire  sont  tirés  d'un  petit  opuscule  très  rare,  édité  à 
Lille  eu  17.52,  chez  P. -S.  Lalaii,  intitulé  :  Description  de  la  pyramide  élevée  à 
la  gloire  du  Roi,  dans  l'abbaye  des  chanoines  réguliers  de  Cysoing. 

^  Celte  pyramiJe  existe  encore;  elle  est  maintenant  la  propriété  du  départe- 
ment du  Xord,  seulement  les  yroupes  de  Gilis  ont  été  détruits. 

^  Voici  la  description  complète  de  cette  œuvre  importante.  —  n  Première  allé- 
gorie. La  Force,  une  palme  à  la  main  droite,  s'appuye  de  l'autre  sur  la  base  d'une 
colonne,  le  Génie  qui  l'accompagne  y  fait  observer  ces  mots  :  Securitas  orae  Mari- 
timae.  La  Flandre  maritime  mise  en  sûreté  par  les  premières  conquêtes  du  Roi. 

—  Deuxième  allégorie.  La  Flandre,  armée  d'une  pique  et  couronnée  de  tours, 
applaudit  à  la  modération  de  son  vainqueur.  Un  Génie  soutient  à  ses  côtés  les 
écussons  accollésde  France  et  de  Flandre  avec  ces  mois  :  Flandria  totaGallica. 

—  Troisième  allégorie.  Minerve  armée  de  la  lance  lient  une  couronne  murale  de 
la  maia  droite.  Son  Kgide  est  portée  par  un  Génie  qui  montre  du  doigt  cette 
inscription  :  Minerva  victrix.  — Quatrième  allégorie.  La  Victoire,  une  branche 
de  laurier  à  la  main,  est  accompagnée  d'un  Génie  qui  tient  une  couronne  d'un  air 
enjoué  et  satisfait;  les  mois  qu'on  lit  sur  la  plintlie  :  Victoria  progrcdieris,  mar- 
quent l'heureux  progrès  des  armes  de  Sa  Alajesté.  —  Cinquième  allégorie.  La 
Valeur,  le  cascjue  eu  tète,  s'appuie  sur  un  javelot.  Un  Génie  tient  à  ses  côtés 
ses  différens  attributs  avec  ces  mots  :  Virtus  Gallica.  —^  Sixième  allégorie. 
Mars  présente  lièrement  un  javelot  chargé  d'une  couronne  murale.  On  lit  ces 
mots  sur  un  bouclier  qu'un  Génie  tient  à  ses  pieds  :  Mars  expagnator.  —  Septième 
allégorie.  La  Paix  lient  d'une  main  un  rameau  d'olivier  et  de  l'autre  un  flambeau 
dont  elle  brîile  un  monceau  d'armes.  Le  Génie  qui  l'accompagne  y  jette  des  cas- 


-,:,(]  AXTOIIVK    G  11,1  s. 

(le  serait  le  momrni,  croyons-nous,  de  répéter  cette  vérité  émise 
autrefois  par  M.  Kiistel  de  CouIan<jes,  repioduite,  il  y  a  peu  de 
temps,  dans  une  de  nos  principales  revues  '  :  «  Ceux  qui  croient 
tout  savoir,  disait-il,  sont  bien  heureux,  ils  n'ont  pas  le  tourment 
du  chercheur.  Les  demi-vérités  les  contentent;  au  besoin,  les 
phrases  vagues  les  satisfont...  Ils  sont  sûrs  d'eux-mêmes;  ils  mar- 
chent la  tète  hanle;  ils  sont  des  maîtres  et  ils  sont  des  juges  -.  »  A 
combien  d'historiens  ceci  ne  pourrait-il  s'appliquer  !  Ainsi  à  l  alen- 
ciennes  s'est-on  extasié  jusqti'ici,  cà  propos  de  la  magnifique  chaire 
de  vérité  provenant  de  l'abljaye  de  Saint-Jean,  (|ui,  après  la  Révo- 
lution, fut  d'abord  placée  à  l'église  Saint-Géry,  puis  dans  celle  de 
Raismcs;  elle  a  toujours  été  considérée  comme  l'œuvre  de  Gilis. 
Or,  sur  le  devant  de  la  cuve  de  cette  chaire,  on  peut  lire  la  date  de 
1G28;  Gilis  élant  né  en  1702,  il  est  facile  de  tiier  une  conclusion. 
On  cite  encore,  comme  étant  de  noire  sculpteur,  mais  toujours 
sans  preuve,  la  belle  statue  de  saint  Dominique  qui  ornait  le  par- 
loir du  couventdc  ce  nom  %  le  portrait  de  plusieurs  des  moines  de  cet 
ordre,  sous  l'habit  de  cardinaux,  à  la  manière  d'Hyacinthe  Rigault*. 
Voulant  orner  le  devant  de  leur  maison,  ils  firent  exécuter  un 
magnilique  calvaire,  dont  les  figures,  de  grandeur  naturelle,  repré- 
sentaient :  la  Prière  de  Jésus-Christ  au  Jardin  des  Oliviers,  la 
Flagellation,  sou  Couronnement,  le  Portement  de  sa  croix  et  sa 
Mort.  Cette  œuvre  d'art  remarquable  fut  détruite  lors  de  la  vente 
des  biens  de  ces  religieux,  malgré  les  louables  efforts  d'une  société 
de  la  ville,  dite  des  Amis  de  la  Constitution^.  Il  aurait  enfin 

qncs  et  des  Ijoiuliers.  On  lit  sur  la  piiitlie  :  Vax  augusta.  —  Hiiilième  alléc[orie. 
Jupiler  éleiul  un  bouclier  sur  les  écussons  de  Cysoing  qu'un  Génie  lui  présenle. 
Les  mots  qu'on  lit  sur  la  pintlie  :  Jupiter  consercator,  signifient  que  la  maison  de 
Cysoinjf  doit  sa  conserualion  à  la  proleclion  de  Sa  ilajestc. 

'  F.  (ji'iitAi  i>,  U œuvre  historique  de  Fuslel  de  Coulanges.  {Revue  des  Deux 
Mondes,  1896,  t.  II.  p.  72.) 

^  Cette  chaire  se  trouve  reproduite,  avec  une  notice,  dans  l'excellent  ouvrage 
de  Mgr  Dkhaisxe,  le  Nord  monumental  et  artistique.  Lille,  1897,  p.  160, 
pi.  LXXV. 

^  Le  couvent,  l'église  Saint-Paul  et  les  dépendances  des  religieux  de  Sainl- 
Doniinique  se  trouvaient  n*  6  et  8,  rue  d'Oultreman,  et  3,  rue  des  Foulons.  — 
Grar,  a.  Gilis,  p.  85. 

*  Hkcart,  Biographie  valenciennoise,  p.  14. 

*  1791  (12  mars).  «  A  été  fait  lecture  d'une  requête  de  la  Société  des  amis  de 
la  Constitution  de  cette  ville,  tendant  à  faire  acheter  aux  frais  de  la  commune,  le 
dalrairedcs  Dominicains  de  celte  dite  ville  pour  être  transféré  à  tel  endroit  (|u'on 


AXTOIXK    CI  LIS. 


757 


sciilpli'  la  cliaire  de  vérité  de  l'église  des  Recollais  (Saiiit-Géry 
actuelle),  aujourd'hui  remplacée  par  une  autre  [)rovenant  de 
l'ahhaye  de  Sainl-Gliislaiii  '. 

Xous  avons  été  assez  heureux,  en  rédigeant  l'inventaire  des 
Archives  de  Condé*,  de  trouver  plusieurs  documents  curieux  et 
inédits  qui  nous  permettent  d'attribuer  à  Antoine  Gilis  plusieurs 
travaux  importants  dans  l'église  de  cette  ville.  En  1750,  celle-ci 
menaçait  ruine;  grâce  au  duc  de  Croy,  seigneur  et  protecteur  de  la 
ville,  on  obtint  d'en  faire  la  reconstruction,  ()ui  dura  pour  le  gros 
œuvre  jusqu'en  1755.  Les  plans  furent  fournis  par  le  frère  Louis, 
carme  déchaussé  de  lalenciennes  :  on  Gt  appel  pour  l'orner  au 
talent  de  Gilis,  qui  se  mita  l'œuvre  après  avoir  passé  marché  avec 
le  magistrat  en  1753,  le  5  octobre.  Les  travaux  qu'il  exécuta 
furent  les  suivants  :  les  moulures  du  plafond,  le  dessin  et  la 
sculpture  de  trois  autels  en  pierre  blanche,  un  tabernacle  pour 
lequel  il  reçut  800  florins,  la  perspective  qui  servait  de  fond  au 
grand  autel,  enfin,  et  c'est  la  seule  œuvre  qui  reste,  les  cariatides 
soutenant  le  jubé'.  Ce  sont  deux  pilastres  à  gaine  surmontés  de 


trouvera  convenir  au  cas  qu'on  vende  tout  le  bien  appartenant  auxd.  Dominicains.  » 
«  Délibéré  y  avoir  égard,  i  Registre  des  délibérations  de  la  municipalité.  D.  1-10, 
(»  253  v». 

'  Grar,  loc.  cit.,  p.  85. 

*  M.  Hknault,  l'ille  de  Condé-siir-Escaut.  Inventaire  sommaire  des  arciiivcs 
communales  antérieures  à  1790.  Lille,  1897,  avec  une  Notice  historique. 

^  «  Audit  S"^  (Gilis)  pour  avoir  fait  tous  les  nioulles  sculptés  pour  les  plafonds  de 
l'église,  pour  avoir  fait  la  gloire  du  chœur,  dessiné  et  sculpté  les  trois  autels  de 
pierre  blanche,  fait  un  tabernacle  en  bois  uni,  en  attendant  que  lautre  soit  fait 
et  plusieurs  autres  ouvrages...  4-27  fl.  4  p.  n  Comptes  de  la  reconstruction  de 
l'église  1750-1757.  Archives  de  Condé  I)D.  23,  f"  31i-. 

»  Au  s""  Gilis,  m^  sculteur  demeurant  à  Valenciennes,  pour  les  scultures  qu'il  a 
faites  à  la  ditte  église,  conformément  à  son  marché  fait  avec  M'*  du  Magistral,  le 
5  %"""  1753...  264  fl.  j  M.,  DD.  23,  f»  34. 

1764  (19  7'"^').  t  Le  s""  Deltombe...  payera  au  s'  Gilis  fils,  la  somme  de  cent 
vingt  florins  à  compte  (|ue  son  père  a  exécuté  pour  la  reconstruction  de  l'église 
paroissialle...  «  Id.,  Dl).  23,  pièce. 

1764  (9  8*"').  a  Le  s""  Deltombe...  payera  au  s'  Gilis  fds,  la  somme  de  deux  cent 
quarante  florins,  à  compte  des  ouvrages  et  livrances  que  son  père  a  fait  |)our  le 
jubé  et  le  tabernacle  de  la  nouvelle  église  paroissialle...  j   Id.,  1)1).  23,  pièce. 

1759  (18  9''"').  i  Le  s'  Deltombe...  payera  au  s'  Lccreux,  ouvrier  du  s'  Gilis, 
la  somme  de  dix-neuf  florins  quatre  palars  à  compte  des  ouvrages  que  Icd. 
s.  Gilis,  m"  sculpteur  a  fait  pour  la  paroisse  de  cette  d'  ville...  »  Id.,  DD.  23, 
pièce. 

1760  (7  août),    i  Le  s'  Gilis,  sculpteur  a  fourni  un  lubernadc  que  sa  maladie  a 


•;58  •  AXTOIAE    GILIS. 

deux  anges  plus  grands  que  naliire.  On  ne  voit  que  la  partie  supé- 
rieure de  leur  corps,  les  bras  élevés  au-dessus  de  la  lête  soutien- 
nent le  plancher  de  l'orgue,  les  ailes  sont  éployées.  Des  guirlandes 
de  roses  formant  fronton  réunissent  ces  deux  figures;  l'exécution 
en  est  reniar(|ual)le.  Cps  travaux  donnèrent  lieu,  avant  d'être  ter- 
minés, à  des  contestations  dont  nous  trouvons  la  preuve  dans  une 
lettre  intéressante  de  Gilis  '. 

2.  Travaux  à  Tournay. 

Les  œuvres  que  nous  connaissons  de  Gilis  et  qu'il  exécula  pen- 
dant son  séjour  à  Tournay,  sont  de  deux  sortes  :  celles  que  lui 
demandèrent  les  couvents  ou  églises,  puis  ses  modèles  pour  la 
manufacture  de  porcelaine. 

En  ce  qui  concerne  les  travaux  de  l'artiste,  dans  l'ancienne  capi- 
tale des  Nerviens,  nous  n'avons  pu  voir  ni  ses  marchés,  ni  com- 
pulser les  livres  de  comptes,  à  cause  du  manque  de  temps,  d'abord, 
et,  ensuite,  de  la  difficulté  de  trouver  ces  documents,  qui,  s'ils 
existent,  reposent  dans  les  archives  non  classées  et  peu  accessibles 
de  l'évêché.  Xous  avons  donc  dû  nous  servir  des  publications  des 
historiens  d'art  de  Tournay.  L'une  des  plus  précieuses,  qui  servit 
de  guide  aux  auteurs  postérieurs,  est  le  long  article  qui  parut  en 
1775,  dans  le  calendrier  de  cetle  ville,  sous  ce  titre  :  Description 
des  meilleures  peintures  et  sculjJtures  qui  se  trouvent  dans  les 
églises  de  cette  ville  » .  L'auteur,  demeuré  anonyme,  est  un  con- 
temporain de  Gilis;  nous  pouvons  donc,  croyons-nous,  ajouter  foi 
à  son  récit. 


empêché  do  venir  placer  et  doit  coûter  avec  ses  oniemeiis...  800  fl.  "    Id.,  DI). 
23,  pièce. 

1760  (7  août).  Il  est  dû  aud.  s*"  Gilis,  tant  pour  sculpture  exécutée  que  pour 
achever  les  caryatides  qui  supportent  le  jubé,  environ  400  fl.  t  Id.,  DD.  2-3, 
pièce. 

1761  (2.5  9''").  «  Le  s'  Deltombe...  payera  au  s"^  Gilis  m"  sculpteur,  la  somme 
de  quatre  cent  florins  a  compte  des  ouvrages  qu'il  exécutle  tant  pour  la  luirance 
d'un  tabernacle  en  sculpture,  que  pour  les  termes  et  ornements  des  soutients  et 
du  dessous  du  jubé  de  la  nouvelle  éylise  paroissialle...  n  Id.,  Dl).  23,  pièce. 

1765.  ï  Aux  Sieurs  Gciis  et  Allant...  acompte  des  ouvrages  qu'ils  ont  exécuté 
tant  au  tabernacle  du  grand  autel,  que  pour  les  pilastres  à  gaine  du  jubé  et  la  per- 
spective du  fond  du  grand  autel...  SOV  fl.  8  p.  ii   Id.,  DD.  23,  cahier. 

'  Voir  Pièces  justificalivcs,  n"  V. 


AXTOIXE    Gll.lS.  Tr.îl 


"î.  Travaux iwiir  les  couvents  et  les  églises. 

Vers  le  milieu  de  la  nef  de  la  cathédrale,  à  droite,  se  Iroiuc  la 
cliaire  de  vérité.  Au  pied  sont  représentées  les  trois  vertus  théolo- 
gales, la  Foi,  l'Espérance  et  la  Charité,  sous  la  figure  de  trois 
femmes  accompajjnées  des  emblèmes  ordinaires;  auprès  de  la 
Charité  sont  des  petits  enfants  qu'elle  accueille.  La  pose  est  un  peu 
maniérée,  cependant  on  y  reconnaît  la  main  d'un  artiste  habile. 
Ln  palmier  supporte  la  cuve;  l'abat-roix  se  compose  d'une  dra- 
perie soulevée  par  des  anges  sonnant  de  la  trompette.  Les  sujets, 
seuls,  sont  de  Gilis;  les  ornements  accessoires  sont  des  frères 
Coliers,  habiles  artistes  décorateurs  tournésiens  '. 

Dans  l'église  Saint-Marc,  l'on  voyait  de  notre  artiste  une  magni- 
fique gloire  sculptée  renfermant  un  saint  Augustin";  à  l'abbaye  de 
Saint-Martin,  la  statue  en  bois  de  ce  saint  et  celle  de  saint  El oi,  autre- 
fois placées  à  l'entrée  du  choeur^;  enfin,  à  l'église  du  couvent  de 
Saint-André,  une  statue  de  saint  Joseph  '.D'après  AL  Dernier,  on  doit 
aussi  attribuera  Gilis  le  buste  d'un  ange  gardien  placé  actuellement 
dans  l'église  d'Angres,  commune  de  l'arrondissement  de  Mons^ 

Travaux  pour  la  manufacture  de  porcelaines.  —  On  sait  que 
c'est  appelé  par  le  directeur  de  cet  établissement,  le  sieur  Péte- 
rinck,  que  Gilis  vint  à  Tournay.  Dès  (]u'il  fut  fixé  dans  cette  ville, 
il  exécuta  plusieurs  modèles  qui  furent  maintes  fois  reproduits. 

Les  principaux  travaux  que  l'on  peut  lui  attribuer  sont,  d'après 
l'érudil  collectionneur  et  chercheur  M.  E.  Soil*  :  la  statue  de 
sainte  Thérèse,  saint  Antoine  de  Padoue  et  le  buste  de  S.  A.  R.  le 
prince  Charles  de  Lorraine,  gouverneur  des  Pays-Ras. 

Nous  empruntons  à  1\L  Soil  la  description  de  ces  trois  œuvres 

'  Calendrier  de  Touniny.  ITT.ô,  p.  G.  —  Rozikrks,  Totirnnij  ancien  et  mo- 
derne, t.  II,  |).  o(S2.  — Le  AIaistre  d'Avstaixg,  Recherches  sur  l'IiixLoire  et  l'ar- 
chitecliire  de  l'église  cathédrale  de  M.-D.  de  Tournay,  t.  I,  p.  '.ih'^. 

^  Calendrier  de  Tournay,  1775,  p.  19. — ^Clocqlet,  Etudes  sur  l'art  à  Tuur- 
nay.  Mémoires  de  la  Société,  t.  XX,  p.  210-211. 

=>  Ibid. 

♦Cloouet,  ibid.,  p.  210-211. 

^  Tli.  Bermer,  Dictionnaire  biographique  du  Hainaut,  éditiou  de  1871, 
p.  89. 

^  E.  Soil,  Recherches  sur  les  anciennes  porcelaines  de  Tournai/.  Mémoires  de 
la  Société  de  cette  ville,  i.  XVIII,  p.  28R,  287,  289,  pi.  XVI. 


760  ANTOINE    GILIS. 

(l'art  :  N'SGS,  slalue  do  sainte  Thérèse.  La  sainte  portant  le  costume 
des  (krmélites  est  debout,  les  mains  ramenées  sur  la  poitrine,  la  tête 
légèrement  rejetée  en  arrière  ;  elle  regarde  les  cieux,  où  elle  semble 
s'élever.  Le  mouvement  est  superbe,  les  draperies  admirablement 
étudiées.  Le  piédeslal  est  formé  de  nuages  sur  lesquels  se  détachent 
de  jolies  tètes  d'anges.  En  biscuit,  pas  de  marque...  Elle  devait  avoir 
en  cru  cinq  pieds  trois  quarts  de  hauteur  réduits  à  cinq  pieds  après 
la  cuisson.  Pélerinck  envoya  au  comte  de  Coben/1,  à  Bruxelles,  une 
réduction  en  biscuit  de  cette  statue.  Il  en  reçut  la  réponse  que  voici  : 
u  La  sainte  Thérèse  m'est  bien  parvenue,  je  l'ai  examinée,  je  la  trouve 
bien.  Vous  pouvez  continuer  l'autre  pièce  suivant  ce  modèle;  mais 
il  s'entend  que  le  glacis  n'y  soit  point  oublié,  et  je  souhaite  que  vous 
puissiez  l'achever  le  plus  tôt  possible  lant  pour  moi  que  pour  le 
bien  que  je  compte  qu'il  en  résultera  pour  le  bien  de  votre  fabri- 
que. Je  suis,  etc.  Bruxelles,  16  juillet  1756.  »  Pélerinck  porta 
lui-même  la  statue  à  Bruxelles  vers  la  fin  de  décembre  1756.  On 
en  fit  plusieurs  exemplaires,  comme  on  peut  le  voir  par  la  corres- 
pondance... Hauteur  de  la  statue,  1"',  35;  hauteur  totale,  1"',75  '. 

N"  370.  Saint  Antoine  de  Padoue,  patron  de  la  fabrique,  statuette. 
Il  porte  sur  le  bras  gauche  l'Enfant  Jésus  qui  du  doigt  lui  montre  le 
ciel;  le  saint  n'est  vêtu  que  d'un  froc  collant,  sa  figure  exprime  la  con- 
templation et  une  profonde béatitude.OEuvre véritablement  artistique 
attribuée  àGilis  père.  Statuette  émaillée  en  blanc,  pas  de  marque*. 

N"  374.  Buste  de  S.  A.  R.  le  prince  Charles  de  Lorraine,  gou- 
verneur des  Pays-Bas.  OEuvre  d'Antoine  Gilis  modelée  en  1756;  il 
fut  livré  vers  la  fin  de  celte  même  année  ^ 

Maurice  Hémult, 

Archiviste  de  la  ville  de  Valenciennes, 
correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements,  à 
Valenciennes. 

'  Arcliives  de  Tournay.  Registres  des  consaulx,  vol.  267,  fol.  265.  —  Archives 
du  royaume,  correspondance  du  comte  de  Cobenzl.  —  M.  Soit  possède  un  exem- 
plaire de  cette  statue,  dont  il  donne  une  reproduction  dans  son  ouvrage  (pi.  XVI). 
Il  ajoute  qu'une  réduction  de  ce  modèle  fut  imitée  grossièrement  au  commence- 
ment de  ce  siècle. 

*  Hauteur  0™,23.  —  M.  le  comte  de  iVédonchel  en  po.ssède  un  exemplaire  au 
château  de  Boussu. 

^  Il  en  est  parlé  dans  la  correspondance  du  comte  de  Cobenzl  avec  Péterinck. 


A\'T01\E    GII.IS. 


761 


PIEGES  JUSTIFICATIVES 


V  I. 


Extrait  des  registres  paroissiaux  déposés  aux  Archives  de  l'état  civil 
de  la  ville  de  Dole  {Jura) . 

(1)  1702  (7  juin). 

((  Antoine-François  fils  de  François  Gilis,  et  de  Barbe  Bauld,  a  été 
baptisé  le  sept  juin,  ses  parrain  et  lîiarraine  furent  noble  Antoine-Joseph 
Florimond,  et  d"°  Marguerite-Françoise  Janlot. 

Sicjné  :  Florimond  et  Robbe,  vicaire.  " 
Pour  extrait  conforme  délivré  en  mairie  à  Dole 
le  14  janvier  1898,  sur  papier  libre,  pour  service  administratif. 

P.  le  Maire. 
Le  1"  adjt., 

PlLLOT. 

(2)  1700  (3  octobre). 

«  L'an  mil  sept  cens  le  troizième  jour  du  mois  d'octobre  je  M.  A.  Va- 
nopslal  pré  vicaire  de  S'  Jacques  à  Valenciennes  sousigné  ai  baptisé  la 
fille  née  le  deuxième  dudil  mois  en  légitime  mariage  du  s'  Nicolas  Fiévet 
maître  des  postes  et  de  Catherine  Bernard  Dehenin  ses  père  et  mère 
habitans  de  celte  paroisse  à  laquelle  on  a  imposé  le  nom  de  Jeanne- 
Reine,  le  parain  a  été  Nicolas  David,  Augustin  Fiévet  au  nom  du  s'  Jean- 
Antoine  Boubet  la  maraine  Reine  Refroye  Bondu. 
N.  Fiévet.  Nicolas  Fiévet. 

Reine  Refroy  Boxdu.  « 

(Paroisse  Saint-Jacques.  —  Registre  142.) 

Pour  copie  certifiée  conforme. 
L'archiviste, 
M.  Héxault. 

(3)  1733  (8  janvier). 

«  L'an  mil  sept  cent  trente  trois  le  8  janvier  après  la  publication  de 
trois  bans  de  Mariage  faite  à  la  messe  paroissiale  par  deux  festes  et  un 
dimanche  entre  Antoine  Gilis  fils  de  feu  François  et  de  Barbe  Bau  de  la 
paroisse  de  S'  Géry  d'une  part  et  entre  Reine  Fiévez  fille  de  feu  Nicolas  et 
de  Catherine  Bernard  Dehaynin  de  l'autre  part  de  celte  paroisse  de 
S'  Jacques   veu   le  consentement  de   M'    Herbecq    curé   de    S'    Géry  je 


■7()-2 


A\TOI\E    G  11,1  S. 


M»  Adrien  Courbet  curé  doien  de  celle  paroisse  de  S' Jacques  soussigné  ai 
reçu  deux  la  promesse  et  consenlement  de  Mariage  leur  ai  donné  la 
bénédiction  nuptiale,  fait  les  cérémonies  accoutumées  de  l'Eglise  et 
célébré  ledit  mariage  en  présence  du  S'^  François  Dumont  et  du  S""  Jean- 
Bapliste  Gobau  lesquels  ont  signé  avec  moi. 

Antoine  GiLis.  \a'.  Clergq  de  Pimol? 

Reine  Fikvet.  Deheimx. 

Bruier  Wauoqiet.  J.-J.  Goiîau. 

Reine  Refkrov  Boxdu,  CouanicT. 

Daglin  de  Mo.xTii.i.iai..  n 

(Paroisse  Saint-.lac(jiies.  —  Rcgisiru  l'fi.) 

Pour  copie  certifiée  conforme. 
L'archiviste, 

M.    HÉXAILT. 

(4)  ITVl  (11  7''-). 

«  L'an  1741  le  11''  7'"^"  fut  inhumée  dans  l'église  (de  la  chaussée)  au 
2"  état  et  le  12  le  seruice  de  Reine  Fiévez  épouse  de  Gelisse  peintre  rue  de 
Canibray  âgée  de  41  ans  morte  le  11°  à  2  heures  du  matin,  furent 
présens  ledit  Gelisse  et  le  s"'  Jacques  Chauvin  marchand  de  celte 
paroisse. 

Antoine   Gii.is. 
Dagli-v,  curé.  Chaulv.  »    ' 

(État  ciiil.  —  Paroisse  \'otrc-Dame  de  la  Chaussée.  —  Registre  229.) 

Pour  copie  cerlifée  conforme. 
L'archiviste, 
M.  Hénaclt. 

(5)  1696  (l  7''"). 

«  L'an  mil  six  cent  quattre  vingt-div-sept  le  premier  du  mois  de  sep- 
tembre M'  A.  Vanopstal  vicair  de  cette  paroisse  da  S'  Jacq.  de  la  ville  de 
Vallen.  soubsigné  a  bapzé  la  fille  née  led.  jour  en  légitime  mariage  de 
Anthoine  La  Rose  et  de  .Marie-Catherine  Caufourin  ses  |)èie  et  mère, 
habilanls  de  la  paroisse  à  laquelle  on  at  imposé  le  nom  de  Chreslienne, 
le  parin  Philibert  Coursin  et  la  marine  Chreslienne  Leurat. 

A  VAN  Opstal,  vie.  Marcq.  Chrcslicne  Leurat.  » 

du  Pi  parin. 

(Paroisse  Saiut-.lacijues.  —  Registre  134.) 

Pour  copie  cerlifice  conforme. 
L'archiviste, 

.M.     ilÉXAlLT. 


A\TOI.\K    G  IMS.  763 

(())  1743  (6  juin). 

«  I/an  mil  sept  cens  quarante  trois  le  six  juin  après  la  j)iil)licalion 
d'un  ban  de  mariage  faite  à  la  messe  paroissialle  de  la  pruoissc  de 
S'  Jacques  à  Valenciennes  entre  Antoine-François  Gilis  âgé  de  (piaranle 
un  an  veuf  de  Reine  Fiévez  de  la  paroisse  de  ÎVoIre  Dame  de  la  Chaussée 
d'une  part  et  entre  Christine  Larose  âgée  de  quarante  quatre  ans  veuve 
d'Antoine  Dutrieux  de  la  susditte  paroisse  de  S'  Jacques  d'autre  part  vu 
la  dispense  de  deux  bans  en  datte  du  quatre  juin  signée  Le  Clercq  vie. 
gén.  du  diocèse  d'Arras  vu  aussi  la  dispense  de  deuv  bans  en  datte  du 
trois  juin  signée  Bernard  vie.  gén.  du  diocèse  de  Cambray,  vu  la  publi- 
cation d'un  ban  et  la  permission  du  s'"  Daguin  curé  de  la  ditte  paroisse 
de  Notre  Dame  de  la  Chaussée  audit  Valenciennes  Je  Adrien  Courbet 
curé  de  la  ditte  paroisse  de  S'  Jacques  et  doien  de  Chrétienté  soussigné 
ai  reçu  d'eux  les  promesse  et  consentement  de  Mariage,  leur  ai  donné  la 
bénédiction  nuptiale,  fait  les  cérémonies  accoutumées  de  notre  mère  la 
sainte  église  et  célébré  ledit  Mariage  en  présence  de  maitre  Vincent 
Courbet  curé  de  S'  Vast  en  haut  de  François-Marie  Breydel  d'Ignace- 
Jean  Breydel  tous  deux  pintre  de  la  ditte  paroisse  de  Notre  Dame  de  la 
Chaussée  et  de  Mad"°  Margueritte  Grenier  de  la  ditte  paroisse  de  S'  Jac- 
ques lesquels  ont  signé  avec  moi  à  Anzin  lesdits  jour  moi  et  an  (jue 
dessus. 

Antoine-François  GiLis. 

Christine  Larose. 

Fran"^  M«  Breydki,. 

Ignatius-Joannes  Brevdf.l.  Coirret  curé  et  doien. 

Marguerite  Grenier.  de  6'  Jacques.  » 

V.  Coirret,  curé. 

(lilat  civil.  —  Paroisse  Saint-Jacques.  —  Reyislre  I.")0.) 

Piiur  copie  certifiée  conforme. 
L'archiviste, 

M.   Héxaui.t. 
(7)  1775  (16  mai). 

"  Die  décima  sexto  maii  1775,  Sepulta  est  in  coemeteris  Christina 
Larose  pridie  defunctaaunos  8i  (il  faut  lire  78)  uata  sacramentis  munila, 
u\or  Antonii  Gilis.  » 

(Klat  civil  (le  la  lille  de  Toiirnay.  —  Paroisse  X'otre-Dame.  —  Registre  22i,  p.  110.) 

Pour  copie  certifiée  conforme. 
L'archiviste, 
i\L   Héxaui-t. 


7G4  AXTOINE    GILIS. 

(8)  1781  (IG  DV). 

Le  seize  (O'"^")  à  2  lieures  après-midi  est  décédé  Antoine  Gilis  né  à 
Dôle  en  Franche-Comté,  veuf  en  premières  noces  de  Reine  Fiévet  et  en 
secondes  de  Catherine  La  Rose,  âgé  de  79  ans,  inhumé  le  17. 

A.  F.  HovixE,  curé.  » 

(Ktat  civil  de  la  ville  de  Tournay.  —   Paroisse  Saiiil-Brice.  —  Registre  28,  p.  '2G2.) 

Pour  copte  cerllftée  conforme. 
L'archiviste, 
M.  Hkxal'i.ï, 

K"  2. 
(1)1736  (12  x''"). 

a  L'an  1736  le  12  de  décembre  fut  baptisée  Alarie-Aibertine  Joseph 
née  le  même  jour  à  deux  heures  et  demie  aprè  mydi  fille  légitime  du  sieur 
Anlpine  Gilis  mailre  sculpteur  et  de  Reinne  Fiévet  son  époux  légitime 
tous  deux  de  cette  paroisse  fut  parein  monsieur  Philippe-François-Joseph 
Leion  mareinne  mademoiselle  Marie-Anne-Albertine  Lamoralle  tous  deux 
de  la  paroisse  de  S'  Nicolas  le  père  présent  lequel  a  signé  de  ce  interpellée, 

Antoine  Gii.is.  M.  A.  Lamoral. 

(Marcq)  Philippe-François-Joseph  Lelox. 
P.  Dagi;i\'  curé  de  N.-D.  la  Chaussée.  » 

(État  civil.  —  Paroisse  Notre-Dame  de  la  Cliaiissée.  —  Registre  228). 

Pour  copie  certifiée  conforme. 
L'archiviste, 

M.    HlÔXAlLT. 

(2)  1738  (28  février). 

«  L'an  1738  le  28"  février  fut  baptisée  Marie-Heleine  Joseph  née  le 
même  jour  à  11  heures  du  matin  fille  légitime  du  S""  Antoine  Gilis  sculp- 
teur et  de  Reine  Fiévet  son  épouse  de  cette  paroisse  fut  Parein  monsieur 
Jean-François  Dubois  Ancien  Echevin  de  cette  ville  de  la  paroisse  de 
de  S'  Géry  et  Mareine  D"*  Marie-Héleine  Claro  de  celte  Paroisse  Le  Père 
présent. 

Antoine  Gilis. 
Marie-Héléne-îoseph  Claro.  J.-F.  Dibois.  P.  Dagii.v,  curé,  n 

(État  civil.  Paroisse  Notre-Dame  de  la  Chaussée.  Registre  228.) 

Pour  copie  certifiée  conforme. 
L'archiviste, 

M.    HlîXAULT. 


J 


A\T()l\l':    G  IMS. 


76i 


(ft)  1788  (27  x"-). 

«  Le  27  décembre  1788,  dit  son  acte  de  décès  Jean-Michel  Gillis  natif 
de  Valcnciennes  paroisse  de  la  Chaussée...  âgé  de  53  ans,  décédé  hier 
fut  inhumé  dans  le  cimetière  de  (Froidmonl)  cette  église  '  en  présence  de 
J.-B.  Piémont  et  d'Ambroise  Piémont.  » 


\»  3. 


«  Sur  requelle  présentée  i  mess"  du  magistrat  de  la  ville  de  Valen. 
par  Antoine  Gilles,  m"  sculpteur  en  cette  ville  contenant  qu'ayant  pris  ses 
principes  tant  pour  le  dessein  que  pour  la  peinture  en  la  ville  d'Anvers 
et  dans  plusieurs  autres  endroits  il  avoit  ensuitte  continué  de  s'y  appli- 
quer avec  assiduité  depuis  son  établissement  en  cette  ville  chez  plusieurs 
maistres  peintres  de  cette  ville  et  n'ayant  point  cru  en  faire  profit  il 
auroitobinis  de  se  mettre  en  aprentissage  cependant  il  reconnoissoit  plus 
que  jamais  le  besoin  dans  lequel  il  étoit  de  faire  usage  de  lad.  peinture 
tant  à  cause  de  ces..,  ouvrages  qu'il  luy  convenoit  faire  chez  luy  pour 
l'utilité  du  publicq  consistant  en  des  petits  personnages  de  terre  et  autres 
lesquels  pour  plus  grand  ornement  deuoient  être  habillés  de  différentes 
couleurs  ce  qui  pouroit  l'engager  à  essuier  plusieurs  difficultés  avec  les 
maitres  de  l'art  des  peintres  de  cette  ville  en  ce  qu'ils  pouroient  soutenir, 
que  n'étant  point  maître  pintre,  il  ne  luy  étoit  point  permis  de  faire 
pareils  ouvrages  que  les  débats  et  contestations  pouroieiU  l'engager  en 
plusieurs  différens  et  procès  qui,  n'ayant  rien  que  d'odieux,  luy  seroient 
de  plus  préjudiciables  comme  n'étant  point  en  état  de  soutenir  pareilles 
conlestatiotis  contre  tout  un  corps,  partant  ayant  intérest  d'éviter  sa 
perte  et  ruine  il  lui  estoit  préférable  de  requérir  et  demander  son  chef 
d'œuvre  de  peintre,  mais  ne  pouvant  le  faire  comme  n'ayant  point  fait 
d'aprenlissage,  car  si  quil  avoit  recours  à  mesd.  sieurs  à  ce  quil  leur  plut 
en  dispensant  le  supliant  aussi  de  ses  aprentissages  ainsy  que  plusieurs 
autres  maitres  modernes  l'avoient  été,  ordonner  quil  seroit  admis  à  faire 
sond.  chef  d'œuvre  de  niaitre  pintre  parmy  l'offre  qu'il  faisoit  de  payer 
les  droits  dus  pour  cet  effet,  pris  égard  qu'étant  maistre  sculpteur  depuis 
dix  ans  et  plus  il  faisoit  nombre  en  sa  branche  des  sculpteurs  et  maitres 
peintres  de  cette  ville  qualité  que  les  maitres  peintres  étrangers  qui 
auoientélé  admis  n'auoient  point  lorsqu'ils  auoient  été  dispensez  de  leurs 


'  N'ayant  pu  nous  procurer  cet  acte  mortuaire,  nous  reproduisons  ici  ce  (jii'oii 
elle  .\l.  (Irak  dans  son  Elude  sur  Gitis.  Reoue  de  Valenciennes,  t.  XVII,  p.  8V, 
cil.  .MX,  p   491. 


"766 


A.\T01\K    GILIS. 


appicnlissafjes  f|uoy  faisanl  de...  Sur  laquelle  requetle  par  apposlilie  du 
Irenle  avril  1737,  auroil  été  ordonné  que  le  corps  des  pintres  seroit  après 
demain  neuf  heures  du  malin  entendu  en  seemance  pard'  les  s"  escheuins 
comis  au  mois  et  greffier  civil.  Mosil.  sieurs  ven  lad.  requelle  ouy  le  corps 
des  pintres  eo  seemance  lesquels  ont  tous  consentis  au  requis  ont  dispensé 
et  dispensent  le  siiplianl  de  ses  aprenlissacjes,  ordonnent  en  conséquence 
aux  connétables  et  iiiaislies  desd.  peintres  de  le  receuoir  à  chef-d'œuvre 
et  maîtrise  en  payant  par  luy  les  droits  ordinaires  et  ce  sans  préjudice 
aux  chartes  et  sans  tirer  à  conséquence. 

Fait  et  dispensé  en  jugement  à  Valen.  à  la  scemonce  et  conjurement  du 
s'  Watier  lieutenant  préuost  le  comte  le  douze  may  mil  sept  cent  trente- 
trois.  » 

(Regislrc  tics  aulorisalioiis.  F.   165,  f"  148.) 

Pour  copie  certifiée  conforme. 
L'archiviste, 

M.    HÉ\AILT. 

X"  4. 

«  Je  soupsigné  destre  convenue  avec  Messieurs  Les  Père  de  dise  de 
S'  Jai|ue  pour  Le  tablaux  du  Cœur  représentant  La  transfiguration  de 
nostre  Seigneur  pour  le  prix  de  soisante  Esceue  sans  préjudice  à  la  con- 
vanlion  que  j'ay  fait  avec  Madamme  La  Barone  de  Worden  Laquel  est  de 
quatre  vingt  Esceue  orfrant  de  remettre  Les  Soisante  Esceue  aux  dit  Père 
Lorceque  Le  Payement  sera  fait  de  La  ditle  Damme,  dont  je  suis  conve- 
nue que  Lesdils  Père  me  donneront  de  ce  jour  vingt  Esceu  et  Lorceque 
Ledit  tablaux  sera  fini  autres  vingt  Esceue  et  finalement  vingt  autres  un 
an  après  fait  à  Valencinnes  ce  4  octobre  1739.  » 

(Archives.  —  Fonds  non  classé.) 

Pour  copie  certifiée  conjorme. 
L'archiviste, 

M.     Hl'XALI.T. 


N"  5. 


De  Tournay,  le  2  ...  1"G4. 

Moxsiian, 

Je  me  donne  l'honneur  de  vous  réitérer  de  mes  très  humbles  devoyrs 
et  de  vous  dire  Monsieur  que  je  suis  surpris  que  vous  ayee  dit  à  mon  fils 
que  je  demandait  neuf  cent  livres  de  france  pour  le  tabernacle  ce  qui  est 


<iMil 


P  1  E  1{  Il  K    P  l  G  E  T 


767 


loutoposée  à  mes  senlitncnt  puisque  le  labernacle  a  Eslce  fait  chez  moy 
(laulieuv  que  la  plus  grande  partie  du  desnus  de  Longue  a  du  se  faire  à 
('ondée  el  en  place  ou  giy  dcab  me  nourir  moy  et  mes  ouvrie  à  Loberge, 
vous  sanlée  bien  Monsieur  que  cela  niest  devenue  for  frayieux  ses  depance, 
joint  au  plâtre  et  autres  matières  et  frais  nêssaissaire  pour  celle  ouvrage 
dont  Le  détaille  cerait  un  peux  long  si  il  falait  tout  spécifier  par  partie. 

Je  peux  bien  vous  assurer  Monsieur  que  les  grands  Ternies  testes 
danges  feston  vases  et  tout  ce  qui  dépan  de  celle  ouvrage  du  desous  dorgue 
mérite  pluleaux  mil  franc  ([ue  neuf  cent  je  ne  meslait  pas  expliqué  de  La 
valeur  dechaque  ouvrage  en  particulier  dans  la  précédante  Lettre  que  jay 
eue  Lbonneur  de  vous  Ecrire  scachand  la  confiance  que  vous  avez  toujour 
eue  à  mon  Egar  ce  qui  fait  que  jose  me  flater  Monsieur  quen  Laissant 
Les  deux  ouvrages  aux  prix  de  Iraize  cent  livre  de  franco  tout  comptés 
comme  je  vous  Lay  marquée  dans  ma  susdilte  précédante  Lettre  que  je  ne 
demande  que  présisément  que  ce  qui  mestdeub  et  même  moin. 

Comme  mon  fils  doit  se  rendre  dans  peux  à  Valenciennes  et  quêtant 
posté  pour  dimanche  dovoyr  Lhoneur  de  vous  aler  saluer  vous  mobligere 
beaucoup  Monsieur  de  vouloyr  bien  avoir  la  bonlée  d'aranger  les  affaires 
pour  ce  temps  la  jaymerait  de  profiter  de  son  occasion  pour  me  le 
remettre  et  vous  en  donner  sa  quitance  je  suis  en  attendant  auecq  tout  le 
dévouement  possible  Monsieur. 

Votre  très  humble  et  très  o!)éissant  serviteur. 

A.   GiLis. 

(Archives  de  Coadc.  DD.  20.) 

Pour  copie  certifiée  conforme. 
L'archiviste, 
W.  Hknault. 


XLIV 


IMEURt:  PLGET 

A    Al.X 


L'existence  mouvementée  de  Pierre  Puget  a  fait  l'objet  de  Ira- 
vaux  si  complets  qu'il  semble  difficile  d'y  ajouter  rien  de  nouveau, 


768  PIE  HUE    PL  G  ET. 

surtout  après  l'étude  si  documentée  de  M.  Ginoux,  communlfpiée 
à  la  réunion  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements  en  1894. 

Cependant,  en  recherchant  les  traces  du  séjour  de  Puget  à 
Aix,  j'ajacquis  la  conviction  qu'il  restait  des  découvertes  à  faire,  de 
nature  à  éclaircir  quelques  points  ohscurs  de  l'existence  de  ce 
puissant  artiste. 

Le  Musée  de  la  ville  possède  quelques  échantillons  de  son  talent, 
entre  autres,  son  portrait  peint  par  lui-même,  œuvre  solidement 
modelée,  se  distinguant  par  la  chaleur  du  coloris,  mais  d'une  fac- 
ture lourde  et  pénible. 

La  famille  de  Saporta  conserve  une  ses  plus  belles  pages,  la 
Sainte  Famille,  composition  dans  laquelle  Puget  s'est  représenté 
sous  les  traits  de  saint  Joseph. 

Enfin,  sans  parler  des  morceaux  secondaires  qui  se  trouvent  chez 
divers  particuliers,  on  lui  attribue,  sur  la  foi  de  divers  biographes, 
la  paternité  de  deux  tableaux  représentant  V Annonciation  et  la  Vi' 
silation  de  la  Vierge,  qui  ornaient  jadis,  chez  les  Jésuites,  la  cha- 
pelle de  la  congrégation  laïque  des  Messieurs. 

Tous  ceux  qui  ont  parlé  de  ces  deux  ouvrages  sont  muets  sur  la 
date  où  ils  furent  exécutés,  et  leur  authenticité  n'est  établie  que  par 
une  tradition  orale  ne  reposant  sur  aucun  document  précis. 

On  sait  vaguement  qu'à  l'époque  de  la  dispersion  des  Jésuites, 
vers  1763,  un  procès  intervint,  au  sujet  de  la  propriété  du  mobi- 
lier, entre  les  membres  de  la  congrégation  des  Messieurs  et  les 
créanciers  de  la  Compagnie,  qui  voulaient  s'emparerdu  contenudes 
immeubles. 

Au  moment  de  la  bourrasque  révolutionnaire,  les  œuvres  d'art 
provenant  des  monastères  supprimés  furent  réunies  dans  divers  lo- 
caux d'où  elles  furent  tirées  en  partie,  pour  constituer  le  Musée  de 
Marseille. 

Le  tableau  de  V  Annonciation,  après  de  nombreuses  vicissitudes, 
finit  par  être  placé  dans  la  chapelle  du  grand  séminaire,  où  il  se 
trouve  actuellement  ;  quanta  celui  de  la  Visitation,  il  resta  con- 
fondu parmi  les  épaves  du  passé.  Nul  ne  savait  ce  qu'il  était  devenu, 
lorsque,  il  y  a  quelques  années,  en  vérifiant  un  amoncellement  de 
cadres  et  de  vieilles  toiles  déposés  au  rez-de-chaussée  de  l'hôpital, 
mon  attention  fut  attirée  [)ar  un  tableau  assez  médiocrement  peint, 
mais  dessiné  avec  une  précision  et  une  élégance  de  style  qui  sor- 


PIERRE    PUGET.  769 

talent  de  l'ordinaire.  L'examen  du  sujet  me  fortifia  dans  l'opinion 
que  ce  pouvait  être  le  tableau  de  Puget  que  l'on  croyait  perdu. 
L'administration  le  fit  placer  dans  la  chapelle,  et  aujourd'liui,  il  se 
trouve  dans  un  escalier  du  Musée. 

Si  l'on  s'en  rapporte  aux  indications  des  biographes  les  mieux  in- 
formés, Puget  aurait  été  contraint  de  renoncer  à  la  peinture  pour 
cause  de  santé  à  partir  de  1657.  Bougerel,  qui  a  connu  son  petit- 
fils,  l'affirme  en  ajoutant  qu'il  ne  peignit  plus  qu'une  seule  fois,  en 
collaboration,  le  dôme  des  Théàtins,  à  Gênes. 

D'autre  part,  le  grand  artiste,  dans  une  de  ses  lettres,  datée  de 
1683,  déclare  qu'il  a  cessé  de  peindre  depuis  une  vingtaine  d'an- 
nées. C'est  probablement  entre  ces  deux  dates,  1657  et  1663,  qu'il 
faut  chercher  la  vérité. 

L'acte  de  prix-fait  que  l'on  trouvera  plus  loin  atteste  que  les 
deux  tableaux  ci-dessus  faisaient  partie  d'une  série  de  treize  ta- 
bleaux représentant  les  Mystères  de  la  Vierge,  que  Puget  devait 
exécuter  pour  le  compte  de  la  congrégation  des  Messieurs  établie 
dans  le  collège  des  .lésuites. 

Cet  accord,  conclu  le  2  janvier  1658,  nous  apprend  que  le  tra- 
vail devait  être  achevé  dans  le  délai  de  deux  ans,  moyennant  le 
prix  de  2,000  livres,  payables  à  raison  de  120  livres  par  tableau, 
au  fur  et  à  mesure  de  la  livraison  et  le  reste  après  l'achèvement  de 
la  commande. 

V Annonciation,  sous  l'invocation  de  laquelle  était  placée  la  con- 
grégation, devait  orner  le  maître-autel  et,  dans  le  cas  où  le  premier 
tableau,  livré  par  Puget,  n'aurait  pas  été  à  la  convenance  des 
prieurs,  ceux-ci  avaient  non  seulement  le  droit  de  le  refuser,  mais 
encore  celui  de  résilier  le  contrat. 

Il  était  stipulé,  en  outre,  que  Puget  exécuterait  ce  travail  de  sa 
propre  main,  suivant  le  dessin  convenu.  Et,  comme  la  qualification 
de  peintre  de  Marseille  indique  suffisamment  qu'il  n'habite  pas  Aix, 
l'artiste  élit  domicile  chez  son  ami  Bernardin  ^limault  et  le  charge 
de  le  représenter  en  cas  de  contestation. 

A  l'expiration  du  délai,  Puget  n'avait  encore  livré  que  deux  ta- 
bleaux, La  congrégation  se  fâche  et  fait  tenir  à  Bernardin  Mimault 
une  sommation  d'avoir  à  livrer  les  onze  tableaux  restant  à  fournir, 
sous  peine  d'en  voir  douner  le  prix-fait  à  un  autre,  à  ses  risques  et 
périls. 

49 


770  PIERRE    PUGET. 

On  ne  connaît  pas  la  réponse  que  fit  Puget  à  celte  sommation.  A 
ce  moment,  il  étaifr  occupé  en  Normandie  à  sculpter  deux  grandes 
statues  pour  le  compte  du  marquis  de  Girardin.  Il  avait  à  terminer 
la  custode  de  la  chapelle  du  Corpus  Domini  à  Toulon,  el  prépa- 
rait, sans  doute,  son  départ  pour  Gênes  où  il  devait  séjourner 
huit  ans. 

Un  acte  de  quittance  du  18  juin  1663  nous  révèle  que  Bernardin 
Mimault  avait  é(é  substitué  à  Puget  pour  l'achèvement  de  la  besogne. 
Il  avait  reçu  2,000  livres  pour  ce  travail  qu'il  avait  fait  exé- 
cuter à  Rome  par  divers  artistes.  Lui-même  avait  peint  un  tableau 
représentant  la  Musique  des  Anges  destiné  à  la  tribune  de 
l'église. 

Des  deux  tableaux  livrés  par  Puget,  V Annonciation  seule  paraît 
devoir  lui  être  attribuée,  ce  qui  semblerait  indiquer  que  ce  fut  son 
dernier  ouvrage  de  peinture.  On  trouve  dans  cette  œuvre  la  largeur 
de  facture,  la  magistrale  ampleur  de  dessin  qui  caractérisent  son 
talent  et  se  retrouvent  au  plus  haut  point  dans  ses  œuvres  princi- 
pales, telles  que  Salvator  Mundi  du  Musée  de  Marseille,  la  Sainte 
Famille  de  M.  de  Saporta. 

Tandis  que  dans  la  Visitation,  reproduction,  un  peu  modifiée, 
d'une  composition  connue  de  Paul  Véronèse,  on  devine  une  main 
timide,  plus  respectueuse  delà  ligne  que  des  formes  intérieures, 
n'osant  pas  s'aventurer,  économisant  la  couleur  et  les  coups  de 
pinceau. 

D'ailleurs,  on  avait  fait,  de  tout  temps,  une  grande  différence 
entre  les  deux,  et  la  congrégation  des  Jésuites  manifestait  un  plus 
grand  respect  pour  V Annonciation  que  l'on  recouvrait  d'un  rideau 
en  taffetas  bleu  qui  n'était  enlevé  que  dans  certaines  circonstances. 
Lorsqu'il  fut  question  de  vendre  ce  dernier  tableau  au  moment  de 
la  liquidation  des  Jésuites,  on  l'avait  estimé  2,000  livres,  et  les  ar- 
moiries de  la  famille  Meyronnet  de  Saint-Marc,  que  l'on  remarque 
à  l'angle  inférieur  droit  y  furent,  sans  doute,  placées  par  quelque 
préfet  de  la  congrégation  désireux  de  le  marquer  d'un  signe  de 
propriété. 

Le  travail  soigné  de  cette  peinture  s'explique  encore  par  la  néces- 
sité de  se  conformer  à  la  clause  rigoureuse  qui  permettait  aux  con- 
gréganistes  de  résilier  le  contrat  si  le  premier  tableau  n'était  pas 
accepté. 


PIERRE    PUGET.  771 

Indépendamment  des  travaux  de  peinture,  Puget  avait  fourni  à 
cet  établissement,  pour  rornementation  des  fenêtres,  diverses  ma- 
quettes en  argile  représentant  des  ornements,  des  cartouches,  des 
chérubins  qui  furent  exécutés  en  bois  par  le  sculpteur  Jean  Durand, 
en  vertu  d'un  acte  de  prix-fait  du  17  mars  1659. 

Puget  revint  à  Aix  en  1686  afin  de  traiter  avec  les  procureurs  du 
pays  de  Provence  pour  l'érection  d'une  statue  équestre  de  Louis  XÏV 
que  les  États,  sur  la  proposition  du  coadjuteur  de  l'archevêque 
d'Arles,  Adhémar  de  Monteil  de  Grignan,  avaient  décidé  d'élever 
dans  la  capitale  de  la  Provence  sur  les  dessins  de  Mignard. 

Le  coadjuteur,  trouvant  les  prétentions  de  Puget  trop  exagérées, 
traita  avec  Desjardins  pour  le  prix  de  90,000  livres. 

Ce  sculpteur  reçut  plusieurs  acomptes,  mais  le  projet  fut  aban- 
donné en  1689  par  suite  de  la  guerre  et  renvoyé  à  des  temps  meil- 
leurs qui  ne  devaient  jamais  arriver. 

Quant  à  Puget,  il  reçut  en  1690  une  indemnité  de  200  livres  en 
dédommagement  de  ses  courses  et  études. 

La  même  mésaventure  lui  était  arrivée  à  Marseille,  sonpays  natal, 
où  ce  fut  Clérion  que  l'on  chargea  de  la  besogne.  Mais  pas  plus  à 
Marseille  qu'à  Aix,  Louis  XIV  ne  devait  avoir  sa  statue  et  Puget  put 
voir  se  vérifier  le  proverbe  : 

K  Xul  n'est  prophète  en  son  pays.  » 

Numa  CosTE, 

Correspondaut  du  Comité  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  départemeots,  à. Aix. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

Priffaict  des  tableaux  pour  la  co.vgrégatiox  des  Jésuites  d'Alx  et  promesse 

DE  PAYER  POUR  PlERRE  PlGET  PAIXTRE  DE  LA  VILLE  DE  MARSEILLE. 

Lan  mil  six  cens  cinquante  huict  et  le  segond  jour  du  moys  de  janvier 
appres  midy  constitué  Pierre  Puget  inaistre  paintre  de  la  ville  de  Marseille 
lequel  de  son  gré  pour  luj  et  les  siens  a  promis  et  promet  a  la  vénérable 
congrégation  soubz  le  tiltre  de  Nonciation  Nostre  dame  establie  dans  le 
collège  des  reverands  pères  jésuites  de  ceste  ville  d'Aiv,  Mossiro  Henri 
de   Clapiers    seigneur   de  Vauvenargues,  preffect  en  icelle,  M-'  louis  de 


77->  PIERRE    PUGET. 

Peiruis  s'  de  MoiUauioux,  M"  Antoine  JuUien  advocat  en  la  cour  adcis- 
tants  au  nom  dicelle  et  suivant  le  pouvoir  a  eulxe  donné  par  delliberation 
du  présent  jour  puts  acceptants  et  stipulants, 

Cest  assavoir  de  faire  et  parfaire  bien  et  deubment  suyvant  lart  treze 
tableaux  représentant  les  misteres  de  la  Sainte  Vierge  entre  lesquels  est 
compris  le  grand  tableau  du  mestre  haultel  qui  représentera  lanoncia- 
tion  de  la  sainte  vierge,  tous  lesquels  tableaux  il  soblige  de  faire  a  Ihuille 
et  suivant  le  dessain  qui  en  sera  faict  et  arreste  entre  les  parties  comme 
aussi  promet  led.  Puget  de  ramplir  les  fenestres  de  lad.  congrégation 
aussi  suivant  le  mesme  dessain,  en  fournissant  par  led.  Puget  la  toile  et 
gcnerallement  tout  ce  qui  sera  nécessaire  pour  la  perfection  et  accomplis- 
sement desdits  tableaux  et  de  tout  lautre  ouvrage  qui  sera  nécessaire,  et 
sera  obligé  de  les  faire  aporter  en  ceste  ville  a  ses  frais  et  despens 
et  les  poser  suivant  le  dessain  dans  lad.  congrégation  et  acomensera  dy 
travailler  des  apresent  et  continuera  jusques  a  perfection  a  condition 
neantmoins  quil  aura  acbeve  led.  ouvrage  dans  deux  années  dhuy 
comptable  pour  tous  déliais  a  payne  de  tous  despens  domages  et  intherest 
et  ce  moiennant  le  prix  et  somme  pour  le  tout  de  deux  mil  livres  payables 
ainsi  que  lesd.  sieurs  de  Vauvenargues,  de  Montauroux  et  Juilien  aux 
dites  quallites,  prometent  savoir:  cent  vingt  livres  pour  chascung  desd. 
treze  tableaux  qui  lui  seront  expédiés  a  mesme  temps  quil  aura  achevé 
ung  ou  deux  desd.  tableaux  et  quils  auront  este  receux  et  poses  et  ce  qui 
restera  pour  lentier  paiement  de  lad.  somme  de  deux  mil  livres  lui  sera 
paye  a  mesure  que  toute  la  besongne  sera  parachevée  et  receue  avec 
pache  neantmoins  que  la  ou  le  premier  tableau  quil  fera  ne  fust  au  gre 
.de  lad.  congrégation  il  sera  oblige  de  le  reprandre  et  le  présent  contrat 
demeurra  de  nul  effect  et  valleur,  et  estant  led.  premier  tableau  receu  il 
sera  tenu  de  faire  les  autres  de  sa  propre  main  et  la  mesme  forme  et 
quallité,  et  les  draperies  bleues  seront  dasur  doultremer  et  en  cas  que 
pour  raison  du  présent  contract  il  arriva  quelque  différant  entre  les 
parties  led.  Puget  a  eslu  et  establi  son  domicilie  en  la  maison  et  personne 
de  Bernardin  Mimault  aussi  maistre  paintre  de  ceste  dicte  ville  auquel 
tous  actes  et  exploits  de  justice  pourront  estre  faits,  le  présent  acte  et 
tout  son  contenu  prometent  lesd.  parties  en  ce  qui  les  conserne  avoir 
agréable  garder  observer  et  n'y  contravenir  a  paine  de  tous  despans 
domages  intherest  obligeant  a  ces  fins  pour  lobservation  dicellui  respec- 
tivement lesd.  parties  savoir  led.  Puget  tous  ses  biens  et  lesd.  sieurs  de 
Vauvenargues,  de  Montauroux  et  Juilien  les  biens  rentes  et  revenus  de 
lad.  congrégation  suivant  le  pouvoir  quils  ont  dict  en  avoir  présent  et 
advenir  a  toutes  cours  du  submission  sde  Provence,  etc. 

Fait  et  publie  a  Aix  dans  lad.  congrégation  en  présence  de  MM.  Charles 


PIKRRK    PL' G  ET.  773 

Jorna  et  Joseph  Aiiriol  ad\ocatz  en  la  cour  lesmoings   requis  et  soubsi- 
gnes  avec  les  parties. 

Signé  :  Vauvexargues,  Montauroux,  Julien  P.  Puget,  Jorna, 
Alriol  et  moi  Gaspard  Reyxaud,  notaire. 


Sommation    faite    par   la    congrégation   des  jeslites  a    Pierre    Plgkt 
M*  peintre  de  la  ville  de  Marseille. 

A  la  requesle  de  Messire  Jean  de  Simiane  s"^  de  la  Coste,  preffect  de  la 
vénérable  congrégation  soubz  le  tiltre  lanonciation  Xostre-Dame  estahlie 
dans  le  collège  des  R.  P.  Jésuites  de  ceste  ville  dAix  et  suyvant  la  delli- 
beralion  de  lad.  congrégation  du  treze  du  présent  moys  soit  sommé 
Pierre  Puget  maistre  paintre  de  la  ville  de  Marseille  en  la  personne  de 
Bernardin  .Mimault  aussi  maistre  paintre  do  ceste  ville  dAix  domycille 
esleu  par  led.  Puget  quatandu  que  par  acte  du  segond  janvier  mil  six  cens 
cinquante  huict  led.  Puget  cest  oblige  a  lad.  congrégation  de  faire  et 
parfaire  bien  et  deubement  treze  tableaux  représentant  les  misteres  de  la 
S*'  Vierge  a  ce  comprins  le  grand  tableau  du  Mestre  autel  et  remplir  les 
fenestres  de  lad.  congrégation  ainsi  et  comme  est  especiffié  par  led.  acte, 
et  feroit  le  tout  aporter  en  ceste  ville  a  ces  fraix  dans  deux  ans  du  jour 
dud.  acte  comptables  pour  tous  déliais  a  paine  de  tous  despens  domages 
intherest  pour  ce,  moyennant  le  prix  de  deux  mil  livres  payable  en  la 
forme  dud.  acte  et  si  bien  se  sont  passes  plus  de  deux  ans  neantmoins 
led.  Puget  na  baille  que  deux  desd.  tableaux  au  grand  préjudice  de  lad. 
congrégation  laquelle  se  trouve  desprouvue  dune  décoration  sy  sainte. 

Que  led.  Puget  en  la  personne  dud.  Mimault  aye  a  satisfaire  aud.  acte 
et  expédier  suyvant  icellui  lesd.  unze  tableaux  restants  de  la  quallite  et  en 
la  forme  portée  par  led.  acte  et  ce  dans  un  bref  délai  autrement  led. 
s'  preffait  proteste  pour  lad.  congrégation  de  ses  domages  et  intherest 
soufferts  et  a  souffrir  et  de  bailher  le  priffaict  desd.  unze  autres 
tableaux  au  péril  et  fortune  et  domage  dtid.  Puget  et  attandu  la  nécessite 
de  la  chose  qui  est  pie  et  pour  la  gloire  de  Dieu  et  de  sa  S'*  Mère. 

Signé:  De  SniVANNEsa  loriginal. 

Lan  mil  six  cens  soixante  et  le  dix  septiesme  jour  du  mois  de  febvrier 
advant  midy  au  requis  dud.  S'  de  la  Coste  en  la  quallite  quil  procède  la 
somation  réquisition  et  protestation  que  dessus  a  este  faite  par  nous 
notaire  royal  à  Aix  soubsigné  a  Pierre  Puget  maistre  paintre  de  lu  vaille 
de  Marseille  et  cest  la  personne  de  Bernardin  Mimault  maistre  paintre  de 


^^i  PIERRE    PUGET. 

ceste  ville  dAix  a  la  personne  et  maison  auquel  a  esleu  son  domycille  par 
lacte  (le  priffait  y  mentionne  lequel  Mimault  appres  en  avoir  entendu  la 
lecture  a  dict  quil  en  requiert  extraict  pour  en  advertir  led.  Puget  de  quoy 
en  avons  concédé  acte  qua  este  fait  et  publie  a  Aix  dans  la  maison  dud. 
Mimault  en  presance  de  M*  Joseph  Vincens  advocat  en  la  cour  et  jean 
Antoine  Lambert  dud.  Aix  tesmoings  requis  et  soubsignes  avec  led. 
Mimault  a  loriginal,  et  de  moy  Gaspard  Reinaud  notaire. 

L'an  mil  six  cens  soixante  trois  et  le  dix  huictiesme  jour  du  mois  de 
juin  advant  midi,  constitué  noble  François  de  Séguiran  escuyer  de  ceste 
ville  d'Aix  et  noble  Jean  Augustin  de  Gaultier  s'  de  V^allabre,  en  qualité 
de  deppultes  de  Messieurs  les  officiers  de  la  congrégation  soubs  le  tiltre 
de  lanonciation  de  la  S"  Vierge  érigée  dans  le  collège  royal  de  Bourbon 
dud.  Aix,  par  delliberation  de  lassemblee  du  disiesme  courant  lesquels 
de  leurs  grés  en  ladite  quallité  ont  declairé  et  declairent  à  Bernardin 
Mimault  maistre  paintre  dud.  Aix  présent  acceptant  et  stipulant  quils  ont 
reçu  de  lui  les  tableaux  quil  avoit  fait  faire  a  la  ville  de  Rome  pour  lad. 
congrégation  et  led.  s' Mimault  declairé  avoir  reçu  desd.  s"  officiers  deux 
mil  livres  quil  a  employé  au  paiement  desd.  tableaux  comme  aussi  led. 
s*"  Mimault  declairé  estre  comptant  et  satisfait  desd.  sieurs  de  toutes  ses 
peynes,  travailh  et  vocations  quil  a  fait  au  voyage  de  Rome  ensemble  du 
prix  du  tableau  quil  a  fait,  représentant  la  musique  des  anges  posé  sur 
la  tribune  de  lad.  congrégation,  pour  en  avoir  reçu  paiement  ainsi  quil  a 
dit  et  generallement  de  tout  ce  quil  a  fait  jusques  a  ce  jourd'bui  sentre- 
quitant  réciproquement  les  ungs  les  autres  de  tout  ce  que  dessus 
promelant  de  ne  sen  faire  aucune  recherche  etc. 

A  été  fait  a  Aix  dans  nostre  étude  en  présence  de  Jean  de  Goa  de  la 
ville  de  Berre  et  fois  Lieutaud  dAix  tesmoings  soubsignes  avec  les  parties 
et  moy  Gaspard  Reinaud  notaire. 

Priffait  pour  la  congrégation  des  jeslites  et  promesse  de  payer  pour 
Jean  Durand  escllteur. 

Lan  mil  six  cens  cinquante  neuf  et  le  dix  huictiesme  jour  du  mois  de 
mars  après  midi  constitue  Jean  Durand  maistre  esculteur  de  ceste  ville 
dAix  lequel  de  son  gre  a  promis  et  promet  a  la  devotte  congrégation 
soubz  le  tiltre  de  lanonciation  de  la  très  s"  vierge  érigée  dans  lenclos 
de  la  maison  des  révérends  pères  jésuites  de  lad.  vills  Mess,  louis 
Autheman  advocat  en  la  cour  et  louis  Bordon  conseiller  secretere  du  roy 
en  la  chancellerie  du  parlement  de  ce  pays  de  Provence  adcistants  de  lad. 
congrégation  et  M»  Joseph  Cameron  depositere  dicelle  Mous.  M"  Anthoine 


PIERRE    PUGET.  T75 

dAlbert  aussi  conseiller  du  roy  auditeur  et  archivere  en  sa  cour  des 
comptes  aydes  et  finances  dud.  pays  M*  Joseph  Auriol  advocat  en  la  cour 
et  Bernardin  Mimault  tous  deputtés  par  délibération  de  lassemblée  de  lad. 
congrégation  tenue  le  quinziesme  du  courant  présents  acceptant  et  pour 
icelle  estipulant,  cest  assavoir  de  faire  et  parfaire  bien  et  deubment  a  ses 
propres  frais  et  despans  la  cornisse  ornemants  des  tableaux  et  des 
fenestres  concistant  en  cadres,  consolles  cartouches,  chérubins  et  généra- 
lement tout  ce  qui  sera  nécessaire  faire  tout  autour  delad.  congrégation 
soit  de  charpanterie  ou  menuiserie  quils  entendent  faire  a  lad.  congréga- 
tion et  se  suyvant  et  conformément  au  modelle  dargille  qu'en  a  este  fait 
et  dresse  par  le  s''  Puget,  paintre  de  la  ville  de  TouUon  qui  a  este  veu, 
examine  par  les  parties  et  remis  au  pouvoir  du  s'  Durand  et  ce  de  bois  de 
noyer,  bien  sec  et  allunat  '  et  de  recepte  laquelle  cornisse  et  ornements 
comensant  puis  le  hault  de  la  banque  jusques  au  plus  hault  fillet  de  la 
cornisse  laquelle  haulteur  sera  de  quatorze  pans  quil  posera  sur  le  lieu  à 
ses  frais  et  despens  et  acomensera  dy  travailher  dans  huict  jours  prochain 
et  continuera  journellement  sans  discontinuer  en  façon  que  toute  la 
besougne  soit  faite  et  entièrement  parachevée  entre  ici  et  par  tout  le 
vingt  cinquiesme  jour  du  mois  de  mars  de  lannee  prochaine  mil  six  cens 
soixante  a  peine  de  tout  despans  domages  intherest  et  ce  moyennant  le 
prix  et  somme  tout  led.  travailh  de  sept  cents  vingt  livres  et  oultre  ce 
appartiendra  aud.  s"^  Durand  la  vielhe  cornisse  quy  est  dans  lad.  congré- 
gation qui  faudra  obster  en  posant  celle  qui  fera  en  desduction  et  a  bon 
compte  duquel  prix  led.  Durand  a  confesse  avoir  receu  la  somme  de 
cent  livres  etc. 

Et  le  restant  lesdits  députés  promettent  le  payer  aud.  Durand  a  mesure 
quil  aura  fait  ung  cadre  et  mis  en  plasse  en  fournissant  par  lesd. 
s"  deputtés  le  fer  et  piastre  que  sera  nécessaire  pour  poser  lad. 
cornisse  etc. 

Acte  fait  et  passé  dans  la  maison  du  s'  dAlbert  en  présence  etc.  et  moi 
Gaspard  Reinaud  notaire. 

(Minutes  de  Gaspard  Reinaud,  notaire,  f"  423.  —  Élude  Béraud. 
'  Coupé  de  bonne  lune. 


LKGLISE    DE    LAVAL-DIEl' 


XLV 


L'EGLISE  DE  LAVAL-DIEU 

(ardewes) 
ET   SES    BOISERIES    SCULPTÉES 

L'église  de  Laval-Dieu'  —  vallis  Dei —  s'élève,  dans  un  char_ 
mant  nid  de  verdure,  à  l'entrée  de  la  délicieuse  vallée  de  la  Seinoy, 
tout  près  de  l'endroit  où  cette  rivière  se  perd  dans  la  Meuse.  C'est 
l'ancienne  église  d'une  abbaye  de  l'ordre  de  Prémontré,  dont  la 
fondation  remontait  à  la  première  moitié  du  douzième  siècle.  Le 
terrain  où  elle  devait  s'élever  appartenait  à  la  célèbre  abbaye  de 
Saint-Remi  de  Reims,  quand  l'avoué  de  cette  dernière  abbaye, 
Whiter,  comte  de  Rethel  et  premier  de  la  brancbe  dite  de  Witry, 
s'en  empara  en  même  temps  qu'il  s'appropriait  plusieurs  autres 
terresque  le  monastère  avait  confiées  à  sa  défense.  Whiterfut  excom- 
munié en  1126  par  l'archevêque  de  Reims,  Regnauld  de  Martigné, 
dont  le  pape  Honorius  II,  à  la  demande  d'Odon,  abbé  de  Saint- 
Remi,  confirma  la  sentence.  Bientôt,  pour  être  relevé  des  censures, 
le  comte  de  Retbel  »  consentit  à  entrer  en  accommodement  :  la  fon- 
dation de  l'abbaye  de  Laval-Dieu  fut,  entre  autres  bonnes  œuvres, 
la  conséquence  du  repentir  de  l'avoué  des  moines  de  Saint-Remi... 
Il  donna,  en  1128,  à  Gautier  de  Saint-Maurice,  premier  abbé  de 
Saint-Martin  de  Laon,  le  lieu  dit  de  Bouclie-de-Senioy ,  pour  y  con- 
struire, sous  le  vocable  de  Saint-Remi,  une  maison  de  chanoines 
réguliers  de  l'ordre  de  Prémontré,  qui  jetait  alors  un  si  viféclat'»  . 

Pierre,  premier  du  nom,  alors  simple  chanoine  à  Saint-Martin 
de  Laon,  fut  désigné  par  son  abbé  pour  fonder  l'abbaye  de  Laval- 

'  Commune  et  canton  de  Monthermc,  arrondissement  de  Alézières. 

-  Dom  Albert  Noël,  Notice  générale  sur  le  canton  de  Monthermé,  dans 
Y Almanach-Annuaire  de  la  Marne,  de  l'Aisne  et  des  Ardennes.  Reims,  Matot- 
Braine,  1897,  p.  111. 


LEGMSE    DE    LAVAL-DIEU.  --- 

Dieu.  «  Il  eul  la  joie  d'assister  à  la  consécration  solennelle  de  sa 
nouvelle  église,  qui  fut  accomplie  avec  une  pomj)e  inouïe  par  l'ar- 
chevêque Regnauld  de  Ahirtigné,  assisté  de  deux  de  ses  sufTra- 
gants  '.  » 

Cependant,  quelques  années  plus  tard,  Manassès  III,  comte  de 
Kethel  et  fils  de  U  hiter,  voulut  reprendre  aux  chanoines  ce  que 
son  père  leur  avait  donné.  Mais  Pierre  II,  quatrième  abbé  de  Laval- 
Dieu,  o!)tint,  par  sa  patience  et  son  humilité,  que  ce  seigneur  con- 
firmât les  stipulations  paternelles  par  une  charte  authentique  que 
nous  possédons*  :  elle  est  datée  de  1 185,  signée  par  l'abbé  de  Laval- 
Dieu  et  son  prieur  Gilbert  '. 

Hugues  III,  dit  Huart,  fils  de  Manassès,  reconstruisit  en  1227,  à 
peu  de  distance  de  Laval-Dieu,  la  forteresse  de  Châleau-Regnault. 
sur  le  fonds  de  l'abbaye.  De  là,  de  la  part  de  l'abbé,  alors  Hubert  I", 
des  réclamations  ;  un  procès  en  résulta,  qui  se  termina  en  1238, 
moyennant  une  redevance  annuelle  et  perpétuelle,  accordée  aux 
chanoines  par  Hugues,  d'un  muid  de  seigle  à  prendre  sur  les  mou- 
lins de  Mézières. 

L'abbaye  possédait  une  magnifique  pêcherie  de  saumons,  qui  fut 
plus  d'une  fois  cause  de  litiges  et  de  conflits. 

Depuis  l'année  1199,  en  vertu  d'une  sentence  rendue  par  Bau- 
doin, archidiacre  de  Liège,  en  faveur  de  Tescelin,  cinquième  abbé 
de  Laval-Dieu,  les  paroisses  deHargnies,  deHaybes^et  deVillerzy, 
qui  relevaient  auparavant  du  diocèse  de  Liège,  appartiennent  con- 
stamment à  l'abbaye.  La  plupart  des  douze  chanoines  qui  compo- 
saient la  communauté,  et  dont  le  nombre  varia  peu,  desservaient, 
outre  ces  trois  paroisses,  celles  de  Louette  Saint-Pierre  et  de  Hou- 
drémont  et  d'Orchimont  '\  Celle  de  Haraucourt  ®,  qui  appartenait 
aussi  à  l'abbaye,  était  desservie  alternativement  par  un  titulaire 
présenté  par  les  abbayes  de  .Mouzon  et  de  Laval-Dieu^ 


'  Dom  A.  Noël,  op.  cit.,  p.  114. 
-  Archives  des  Ardennes,  H.  240. 
^  Dom  A.  \oEL,  op.  cit.,  p.  114. 

*  Hargnies  et  Haybes,  canton  de  Fiimay,  arrondissement  de  Rocroi. 
""  \  illerzy,   Louette,  Saint-Pierre,    Houdimont  et  Orchimont,  canton  belge  de 
Gédinnc. 

"  Haraucourt,  canton  de  Raucourt,  arrondissement  de  Sedan. 
'  Cf.  Uom  NoKL,  op.  cit.,  p.  113. 


m 


T78  L'EGLISE    DE    LAVAL-DIEU 

* 
*    * 

Il  est  difficile  de  préciser  ce  qui  subsiste,  dans  l'église  actuelle, 
de  l'église  abbatiale  construite  par  Pierre  I".  Je  crois  cependant 
que  le  massif  de  la  tour  et  les  murs  du  chœur  en  sont  des  restes, 
mais  profondément  transformés.  Les  baies  de  petites  dimensions, 
percées  sur  les  quatre  faces  de  la  tour  ;  les  fenêtres  étroites,  ouvertes 
sur  les  côtés  du  chœur;  les  arcatures  d'ornement  qui  entourent  ce 
dernier,  portées  sur  des  bandes  murales  et  surmontées  primitive- 
ment, sans  doute,  d'une  corniche,  sont  autant  d'éléments  caracté- 
ristiques de  l'architecture  de  la  première  moitié  du  douzième  siècle 
dans  la  région  où  se  trouve  notre  église.  Plus  lard,  apparemment 
au  quatorzième  siècle,  on  ouvrit  dans  le  chevet  la  large  fenêtre  à 
multiples  meneaux  qui  éclaire  le  chœur,  et  aussi  les  baies  en  arc 
brisé  percées  dans  les  faces  latérales  de  la  tour. 

Il  ne  paraît  pas  invraisemblable  que  ces  deux  baies,  dont  l'une, 
celle  du  sud,  est  aujourd'hui  murée,  aient  été  pratiquées  pour 
éclairer  davantage  le  chœur  des  religieux,  disposé  sous  la  tour. 
Cependant  certains  détails  permettent  de  conjecturer  [que  des 
constructions  secondaires,  bras  de  transept,  sacristies  ou  autres 
dépendances,  s'appuyaient  sur  les  deux  flancs  de  la  tour.  Ainsi  au 
nord,  on  voit,  autour  de  l'ogive  de  l'ouverture,  les  arrachements 
obliques  d'une  voûte  reposant  sur  deux  consoles  encore  en  place, 
et,  à  droite,  la  base  du  mur  qui  devait  entourer  l'édicule.  Au-dessus 
de  la  voûte  intérieure  du  clocher,  subsistent  encore  les  parements 
de  deux  ouvertures  qui  devaient  donner  accès  dans  les  combles,  et 
la  trace  du  faîtage  de  ces  derniers  est  restée  apparente  à  l'extérieur 
sur  la  face  méridionale. 

Le  10  juillet  1641,  le  Conseil  provincial  de  IVamur  autorisa  les 
chanoines  de  Laval-Dieu  à  transporter  à  leur  abbaye  par  la  Meuse 
les  matériaux  nécessaires  à  la  construction  de  leur  église  ;  il  accor- 
dait même  une  sauvegarde  pour  les  ouvriers  qu'on  y  employait. 

Il  ne  s'agissait  pas  sans  doute  alors  d'une  reconstruction  de 
l'édifice  entier,  mais  seulement  de  la  nef,  abattue  pour  une  raison 
que  nous  ignorons. 

Les  travaux  étaient  terminés  depuis  peu  d'années  lorsque,  en 
1696,  un  parti  ennemi  de  la  garnison  de  Maestrich  qui  infestait  la 


.J 


LÉGLISE    DE    LAVAL-DIEU.  779 

frontière  incendia,  dans  la  nuit  du  16  au  17  août,  le  monastère  de 
Laval-Dieu,  et,  le  27  septembre,  les  villages  de  Thilay  et  deNaux, 
qui  lui  appartenaient.  A  la  suite  de  ces  désastres,  Louis  XIV 
déchargea  l'abbaye  du  payement  des  décimes  pendant  trois  ans. 
Ces  trois  années  furent  employées  à  reconstruire  le  monastère  et  à 
restaurer  la  partie  de  l'église  dont  la  construction  venait  à  peine 
d'être  achevée.  La  date  de  1699,  inscrite  au-dessus  de  la  porte 
d'entrée,  à  l'extérieur,  est  celle  de  l'achèvement  des  travaux. 

La  nef,  telle  qu'elle  existe  aujourd'hui,  forme  un  rectangle; 
deux  fenêtres  en  plein  cintre  l'éclairent  au  nord.  La  façade,  con- 
struite en  briques  avec  chaînages  en  pierre,  ne  manque  pas  d'orî- 
ginalité.  La  porte  d'entrée  s'ouvre  sous  un  entablement  orné  de 
triglyphes,  supporté  par  deux  pilastres  doriques  en  marbre  rouge 
et  surmonté  d'un  fronton  triangulaire.  Entre  l'entablement  et  l'en- 
cadrement de  la   porte  on  lit,  sur  une   large  table  de  pierre  : 

ADORATE  ET  TIMETE. 

Au-dessus  du  fronton  est  percé  un  large  oculus,  entouré  d'une 
épaisse  moulure.  Plus  haut,  sur  le  prolongement  de  la  corniche 
qui  court  à  la  base  du  toit,  se  dresse  un  pignon  à  consoles,  de 
style  flamand.  Des  pots  à  feu  et  des  boules  en  complètent  l'orne- 
mentation. Au  milieu  de  ce  fronton,  une  niche  sobre  et  élégante, 
ornée  d'une  coquille,  abrite  une  statue  de  la  Vierge.  La  tête, 
détruite  à  l'époque  de  la  Révolution,  a  été  rétablie  en  1862  seu- 
lement. 

En  même  temps  que  l'on  réparait  les  dommages  subis  par  la 
nef,  on  modifiait  les  murailles  du  chœur  de  manière  à  donner 
à  l'une  et  à  l'autre  une  hauteur  uniforme.  Il  fallut  pour  cela  suré- 
lever ces  dernières,  après  avoir  détruit  la  corniche  que  supportait 
l'arcade  d'ornement,  et  surmonter  la  nouvelle  muraille  d'une 
autre  corniche,  semblable  par  son  profil  à  celle  de  la  nef.  On 
ornait  aussi  les  deux  angles  de  la  toiture  du  chœur  de  deux  pots  à 
feu,  comme  on  l'avait  fait  pour  le  pignon  de  la  façade  principale. 

Il  serait  cependant  possible  que  la  surélévation  des  murailles  du 
chœur  eût  été  accomplie  au  quatorzième  siècle,  alors  qu'on  perçait 
les  ouvertures  du  chevet  et  des  faces  latérales  de  la  tour  et  qu'on 
élevait  contre  ces  dernières  les  édicules  dont  nous  avons  signalé 
plus  haut  les  indications.  Une  trace  qui  se  voit  sur  la  face  orientale 
de  la  tour  serait  celle  du  faîtage  élevé  à  cette  époque,  beaucoup 


780  1/EGLISE    DE    LAVAL-DIEU. 

plus  élevé  et  plus  aijju  que  le  comble  actuel.  Dans  cette  hypo- 
thèse on  se  serait  contenté,  à  la  fin  du  dix-septième  siècle,  de  sur- 
monter le  chœur  de  la  corniche  et  de  la  charpente  actuelles,  en 
harmonie  avec  celles  qu'on  plaçait  sur  les  murs  restaurés  de  la 
nef. 

*  * 

De  la  même  époque  datent  les  importantes  et  remarquables  boi 
séries  sculptées  qui  décorent  l'intérieur  de  l'église.  Le  plan  de 
cette  dernière  est  en  forme  de  long  rectangle  '  ;  sur  chacun  des 
grands  côtés,  deux  saillies  indiquent  les  angles  de  la  tour;  une 
troisième,  moins  prononcée,  supporte  la  retombée  du  doubleau 
qui  sépare  les  deux  fenêtres  du  chœur.  Il  est  assez  vraisemblable 
que  ces  saillies  constituent  un  revêtement  sous  lequel  existent 
encore  des  colonnes  de  l'église  construite  au  douzième  siècle.  La 
date  de  1767  —  MDCCLXVII  —  inscrite  sous  l'arc  du  chœur, 
ainsi  que  les  ornements  de  style  rocaille  appliqués  à  différents 
endroits  des  murailles  et  de  la  voûte  actuelle,  indiquent  assez 
l'époque  à  laquelle  a  été  accompli  ou  plutôt  rajeuni  et  complété  le 
revêtement  général  qui  dissimule  les  parties  anciennes  de  la  con- 
struction et  s'harmonisent  avec  la  nef. 

Les  boiseries  régnent  jusqu'à  une  certaine  hauteur-  sur  toute 
l'étendue  des  murailles.  Leur  ordonnance  générale  se  compose 
d'un  soubassement  supportant  des  panneaux  rectangulaires  séparés 
par  des  pilastres  jumeaux  et  cannelés  de  style  ionique  qui  sup- 
portent un  entablement. 

La  partie  rectangulaire  qui  précède  la  tour  et  qui  servait  de  nef 
est  d'une  décoration  plus  sobre  que  le  reste.  On  a  cependant  fixé 
de  place  en  place  des  sortes  de  cariatides  engainées  qui  semblent 
supporter  de  leurs  mains  la  corniche  de  l'entablement  et  qui  sont 
d'une  facture  soignée  et  habilement  exécutée.  A  droite,  dans 
l'angle  que  forment  la  muraille  et  la  saillie  de  la  tour,  on  a  trans- 
formé en  confessionnal  une  ancienne  porte  qui  donnait  accès  dans 
le  cloître  de  l'abbaye,  et  que  surmonte  un  écusson  épiscopal  dont 

'  Dimensions  dans  œuvre  :  long.  :  29™, 25;  larg.  :  6™, 25.  Voir,  ci-contre, 
planche  XLIX. 

*  Le  sommet  de  la  corniche  qui  fait  le  lourde  l'édiGce  est  à  3™, 50  du  sol. 


1/KGLISE    DE    LAl'AL-DIEL.  781 

les  armes  sont  effacées;  cet  écussou  est  placé  sur  un  manteau  lar- 
gement drapé,  que  couronne  un  pavillon  orné  de  glands. 

Dans  la  partie  que  détermine  la  tour,  l'ornementation  est  déjà 
plus  soignée.  Les  volutes  des  chapiteaux  des  pilastres  sont  reliées 
par  des  guirlandes  de  fleurs;  au-dessus  des  panneaux  principaux, 
des  frontons  semi-circulaires  renferment  des  tètes  rayonnantes; 
au-dessus  des  deux  portes  latérales  sont  sculptés  des  attributs  de 
la  Passion.  De  chaque  côté  subsistent  sept  stalles  dont  les  joues 
sont  couvertes  de  feuillages,  d'enroulements  et  de  guirlandes  fine- 
ment ciselés,  tandis  que  le  revers  des  sièges  est  couvert  d'orne- 
ments variés  et  que  les  miséricordes  sont  élégamment  ornées  de 
feuilles  et  de  fleurs.  D'autres  stalles  disposées  en  retour  existaient 
autrefois  à  l'entrée  de  cette  partie  de  l'église  et  isolaient  la  nef  de 
l'enceinte  destinée  aux  religieux  ;  nous  en  avons  pour  témoins  les 
joues  qui  sont  restées  appliquées  de  chaque  côté  contre  la  saillie 
formée  par  la  hase  de  la  tour. 

On  a  rapporté  à  droite,  au-de.ssus  de  l'entablement  de  la  boi- 
serie, une  sculpture  de  forme  semi-circulaire,  complètement 
dorée  :  on  y  voit,  au  milieu  des  nuages,  une  colombe  descendant 
du  ciel  et  entourée  de  têtes  d'angelots. 

C'est  pour  le  sanctuaire  que  le  huchier  a  réservé  les  ressources 
les  plus  délicates  de  son  ciseau  '.  L^ornementation  générale  diffère 
peu  de  celle  du  chœur  des  religieux.  Alais,  au-dessus  de  l'enta- 
blement, court  une  frise  couverte  de  feuilles  d'acanthe  d'un  excel- 
lent style.  Plus  haut  encore,  six  panneaux  sont  ovales,  entourés 
d'encadrements  élégants.  Sur  les  tieux  panneaux  du  fond  sont 
peints  en  buste  saint  Pierre  et  saint  Paul.  Sur  les  quatre  autres 
ont  été  clouées,  à  une  époque  postérieure,  de  mauvaises  peintures 
sur  toile,  représentant  des  saints  de  l'ordre  de  Prémontré.  Aous 
avons  eu  la  curiosité  de  soulever  momentanément  une  de  ces 
toiles,  et  notre  indiscrétion  a  été  payée  de  l'agréable  surprise  de 
contempler  une  admirable  tête  de  saint  Jean  l'Evangéliste,  mal- 
heureusement quelque  peu  endommagée. 

La  chaire,  relativement  récente,   ne   mérite   pas  plus   qu'une 
simple  mention. 

Le  buffet  d'orgues,  déjà  lourd  par  lui-même,  a  été  encore  alourdi 

'  Voir,  ci-après,  planche  L. 


782  LEGLISE    DE    LAVAL-DIEU. 

davantage  par  des  adjonctions  postérieures.  Il  n'a  pas  à  beaucoup 
près,  au  point  de  vue  artistique,  la  valeur  des  boiseries  que  nous 
venons  d'examiner.  Il  a  néanmoins  sa  célébrité.  Méhul,  originaire 
de  Givet,  étudia  sur  cet  orgue  sous  la  direction  du  chanoine  Guil- 
laume Hauser,  musicien  distingué,  avant  de  venir  à  Paris  en 
1779. 

* 

Plusieurs  pierres  tombales  existent  dans  le  dallage  de  la  nef,  à 
l'église  de  Laval-Dieu.  Malheureusement  les  effigies  et  les  inscrip- 
tions qu'elles  portaient  sont  tellement  effacées  qu'il  est  presque 
impossible  d'en  tirer  aucune  indication  utile.  Nous  avons  pu  lire 
cependant  sur  l'une  d'elles  la  date  de  1385,  ainsi  que  les  noms 
d'un   certain    «  Gerart,   jadis   maire    de   Monthermeis  «    et  de 

K  dame  marie  sa  FAME,    FILLE  A   S...  DE  LaIFFOUR  '  i)  . 

A  droite  et  à  gauche  de  l'entrée  du  sanctuaire,  sont  encastrées 
dans  les  boiseries  deux  plaques  de  marbre  blanc  sur  lesquelles 
sont  gravées  des  inscriptions  à  la  mémoire  des  deux  derniers  abbés 
de  Laval-Dieu.  Toutes  deux  sont  surmontées  de  leurs  armes. 

La  plaque  de  gauche^  porte  :  d'azur  au  chevron  (Tor^  accom- 
pagné en  chef  de  deux  annelets  cor  donnés  d'ai'gent  et  en  pointe 
d'un  lion  morné  de  même  ;  le  tout  surmonté  d'une  couronne  de 
comte,  et  timbré  d'une  mitre  et  d'une  crosse. 

On  lit  au-dessous  : 

D.    AIICOLAUS    OUDET 

JURE    ELECTIOIMIS    RESTITUTO 

FRATRUM    VOTIS 

ad  iafulas  vocatur 
impures  presbiter 

AMO     1715. 

VALLEM    CEI    INSTAURAT 

A    FUi\DAME!V1TIS  ; 

REGULAM    VIX    VERBO 

NUIVQUAM    MIIVIS, 


'  Aujourd'hui  Laifour,  canton  de  Alonthermé,  arrondissement  de  Mézières. 
2  Haut.  :  0™,95;  larg.  :  0-,92. 


L' EGLISE    DE    LAVAL-DIEU.  183 

JUGITER    EXEMPLO 

PROVEHIT 

AD    AX'NLM    jETATIS    80 

VOTORUM    58. 

PEDI    ABBATL^LIS    51. 

HIC    SEPELITUK 

26  juLii  1765 
Requiescat  in  pace. 

Le  chapitre  de  Laval-Dieu,  à  qui  des  intrus  avaient  maintes  fois 
contesté  le  droit  d'élire  ses  abbés,  affirma  ce  droit  en  choisissant, 
dans  son  sein,  le  10  juillet  1715,  Xicolas  Oudet,  fils  de  François 
Oudet,  seigneur  de  Luzy  ;  il  fut  béni  le  29  avril  suivant  à  Reims 
par  le  cardinal  de  Alailly.  Le  prieur  du  monastère,  le  P.  François 
d'Aubigny,  soumit  au  conseil  du  Roi  un  savant  mémoire,  jempli 
de  preuves  tellement  convaincantes  que  le  Régent,  par  une  ordon- 
nance du  23  janvier  1716,  reconnut  aux  chanoines  le  droit  d'élire 
leur  abbé.  Nicolas  Oudet  mourut  en  1765. 


La  plaque  de  droite'  porte  :  d'azur  au  lis  d'argent  à  dextre, 
et  à  trois  étoiles  de  même,  mises  en  pal  à  sénestre ;  timbré  d'une 
mitre  et  d'une  crosse. 

Et  au-dessous  : 

D.    0.    Al. 

A    LA    MÉMOIRE    DE 

D.    REMACLE    LISSOIR 

AÉ    A    BOl]ILLO\-   LE    12    FÉVRIER    1730 


'  Haut.  :  O-^jOS;  larg.  :  0"\425. 


784  L'EGLISE    DE    LAVAL-DIEU. 

DERNIER    ABBÉ    DE    LAVAL-DIEU 
AUMONIER    DES    INVALIDES 

SA   CHARITÉ   FUT    AUSSI   ÉTENDUE 

QUE    SA    PIÉTÉ    FUT    DOUCE 

ET 

SON    SAVOIR    VASTE    ET    PROFOXD 

IL    DÉCÉDA    A    PARIS    LE    13    MAI    180^ 

AU    MILIEU    DE    CES    GUERRIERS 

A    QUI    IL    AVAIT    CONSACRÉ 

LE    RESTE    DE    SES    JOURS. 

PUISSE    CE    MARBRE 

CONSERVER    LE    SOUVENIR 

DE    SES    VERTLS 

R.  I.  P. 

Remacle  Lissoir  était  abbé  de  Laval-Dieu  depuis  vingt  et  un  ans 
lorsque  le  roi  l'appela,  en  1787,  à  l'Assemblée  provinciale  cleMelz, 
et  le  nomma  président  de  celle  du  district  de  Sedan.  En  1790,  il 
fut  élu  député  suppléant  à  l'Assemblée  constituante.  Malheureuse- 
ment, ce  prélat  instruit,  laborieux,  attaché  à  ses  devoirs,  prêta 
serment  à  la  constitution  civile  du  clergé  et  accepta  de  l'évèque 
constitutionnel  de  Sedan  la  cure  de  Charleville.  .t  A  l'époque  du 
rétablissement  du  culte,  il  rentra  dans  le  devoir  et  obtint  une 
place  d'aumùnier  adjoint  à  l'Hùtel  des  Invalides,  fonctions  qu'il 
garda  jusqu'à  sa  mort  ' .  » 


De  l'ancien  mobilier  de  l'église  abbatiale  de  Laval-Dieu,  rien 
n'est  parvenu  jusqu'à  nous,  Nous  savons  notamment  qu'en  1733, 
sous  l'abbé  Oudet,  dont  nous  venons  de  lire  l'épitaphe,  le  chapitre 
reçut  de  Louis  d'Estain,  chevalier  de  Saint-Louis,  ancien  capitaine 
au  régiment  de  Roussillon-inftinterie,  «  un  beau  soleil  pesant  six 
marcs  d'argent  ou  environ,  bien  travaillé;  au  pied  son  nom  est 
gravé,  à  la  charge  de  donner  la  bénédiction  du  Très  Saint-Sacre- 

'  Cf.  l'o.-n  Noël,  op.  cit.,  p.  125. 


L" EGLISE    DE    LAVAL-DIEU 


T8.- 


ment,  tous  les  jours  de  la  fête  de  la  Sainte  Vierge,  pendant  le 
cours  de  l'année  à  perpétuité  '  ,-j> 


* 


En  résumé,  ce  qui  fait  le  grand  intérêt  de  la  très  modeste  église 
de  Laval-Dieu,  c'est  l'ensemble  de  ses  boiseries  murales.  Même 
après  la  déplorable  suppression  des  stalles  qui  fermaient,  au  moins 
en  partie,  le  chœur  des  religieux,  elles  constituent  encore  un 
ensemble  des  plus  satisfaisants.  Cette  œuvre  du  dix-septième  siècle 
est  belle  autant  par  la  perfection  de  l'exécution  que  par  l'heureux 
agencement  des  parties  qui  la  composent.  Les  parties  sculptées, 
ornements,  draperies,  chapiteaux,  figures,  feuillages  et  fleurs,  ont 
été  fouillées  en  plein  bois  par  un  ciseau  d'une  énergie  san&.précio- 
sité,  avec  une  vigueur  sûre  d'elle-même  et  maîtresse  de  ses  effets. 
C'est  de  l'art,  mais  de  l'art  puissant  et  robuste,  dont  les  détails, 
loin  de  conspirer  à  dissimuler  les  lignes  principales,  concourent  à 
en  compléter  les  arrangements  et  à  en  accentuer  l'harmonieuse 
simplicité. 

A.    BOUILLET, 

Correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  départements, 
à  \ancy. 

'  Archives  départementales  des  Ardennes,  série  H.  493. 


CO 


T86  DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 


XLVI 

NOTES    ET  DOCUMENTS 
POUR    SERVIR    A    L'HISTOIRE 

DE  L'ART  ET  DES  ARTISTES  DANS  LE  BARROIS 

ANTÉRIEUREMENT    A    l'ÉPOQUE    DE    LA   RENAISSANCE 

{Suite) 

THÉÂTRE 

Alors  que  des  tournois  magniSques  se  renouvelaient  fréquem- 
ment à  Metz  et  à  Nancy  ;  que  des  joutes,  accompagnements  ordi- 
naires des  réjouissances  publiques,  signalaient  les  fêtes  données 
en  1393  à  l'occasion  de  l'arrivée  à  la  cour  de  Lorraine  de  Mar- 
guerite de  Bavière,  épouse  du  prince  Charles  :  en  1436  à  l'annonce 
de  la  délivrance  île  René  I",  puis  lors  du  mariage  de  Marguerite 
d'Anjou  auquel  assistèrent  Charles  VII,  le  dauphin  et  la  reine  de 
France,  nous  ne  voyons  pas  que  le  Barrois  ait  été  le  théâtre  de 
semblables  divertissements. 

Dans  ses  Notes  j)Our  servir  à  l'histoire  du  théâtre  en  Lorraine, 
M.  A.  Jacquot  ne  donne  aucun  renseignement  sur  les  mystères  qui 
furent  représentés  dans  notre  pays  pendant  les  quatorzième  et  quin- 
zième siècles.  Les  Annales  du  Barrois,  si  riches  en  renseigne- 
ments pour  cette  période,  ne  nous  ont  rien  appris  sur  la  célébra- 
tion des  grandes  réjouissances  qui  durent  avoir  lieu  durant  le  long 
règne  de  Robert,  soit  aux  noces  de  ce  prince  avec  Marie  de  France, 
soit  lors  de  la  naissance  de  ses  nombreux  enfants.  On  sait  seule- 
ment qu'à  roccasion  de  séjours  faits  par  ce  prince  à  Etain,  dans 
les  mois  de  mars  desannées  1363  et  1366,  il  y  eut  dans  cette  ville 
des  joutes  qui  y  attirèrent  une  grande  affluence  de  seigneurs  et  de 
spectateurs,  venus  de  tous  les  points  du  Barrois  et  des  pays  voisins. 
De  pareilles  réjouissances  eurent  lieu  également  à  Pont-à-Mousson 


m 


DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DAXS    LE    RARUOIS.  -ig- 

en  1372,  à  Dun  en  1399,  mais,  dans  le  rapport  qui  en  a  été  fait, 
il  est  seulement  mention  de  joutes,  de  tournois  et  non  de  repré- 
sentations théâtrales. 

Il  n'est  fait  aucune  allusion  aux  fêtes  populaires,  semi-religieuses, 
semi-profanes,  célébrées  un  peu  partout  à  cette  époque;  l'histoire 
ne  nous  a  pas  conservé  le  souvenir  de  Fêtes  des  Fous  et  des  Inno- 
cents, cérémonies  souvent  scandaleuses  introduites  jusque  dans  le 
cloître  de  la  cathédrale  de  Toul  et  dont  nous  retrouvons  des  traces 
à  Ligny,  au  milieu  du  seizième  siècle  ', 

Il  nous  faut  arriver  au  temps  de  René  d'Anjou  pour  rencontre^r 
des  documents  précis  sur  les  représentations  de  scènes  de  l'Ancien 
Testament,  de  Vies  de  saints,  de  Miracles  mis  en  actions  sous  les 
dénominations  de  Jeux  et  mystères  qui,  célébrés  d'abord  "3ans  les 
églises,  puis  sur  les  places  pul)liques,  se  prolongeaient  parfois 
durant  plusieurs  jours  et  même  pendant  des  semaines  entières. 
Après  être  demeuré  longtemps  entre  les  mains  des  clercs,  le 
théâtre  était  passé  dès  le  commencement  du  quatorzième  siècle 
dans  celles  des  Confrères  de  la  Passion. 

Le  roi  René  d'Anjou  prenait  grand  plaisir  à  ces  spectacles,  dont 
l'exécution  était  souvent  confiée  aux  enfants  de  chœur  de  l'église  de 
Saint-Laud  d'Angers;  dès  l'année  1454  il  avait  fait  jouer  dans  cette 
ville  les  Mystères  de  la  Passion,  de  la  Résurrection  et  de  Saint- 
Vincent  Ferrier,  pour  la  célébration  desquels,  k  considérant  qu'il 
ne  pourroient  estre  joués  sans  grant  mise  et  dépense  de  deniers»  , 
il  donna  la  somme  de  six  cents  livres  tournois^. 

Ce  prince  aurait,  dit-on,  travaillé  à  la  confection  de  ces  jeux  et 


'  a  16  aoiitz  1548,  arrêt  dii  Parlement  de  Paris  rend»  entre  il"  les  chanoines 
de  Ligni  et  le  s"^  d'Estats  leur  doyen,  par  lequel  la  cour  fait  défense  de  continuer 
l'ancienne  cérémonie  (comme  indécente)  qui  se  pratiquait  par  le  chapitre  et  les 
chapelains  à  la  fête  de  la  Pentecôte.  Cette  cérémonie  consistait  en  ce  qu'ils  choi- 
sissaient un  chapelain,  l'habillaient  en  abbé,  avec  crosse  et  mitre,  auquel  on 
donnait  le  nom  de  Bayart,  et  lorsqu'il  était  ainsi  accoutré  ils  le  menaient  à  ves- 
pres  et  à  la  messe  la  veille  et  le  jour  de  la  fête,  avec  tambours  et  autres  instru- 
ments, et,  au  sortir  de  l'église,  on  le  faisait  danser  dans  les  rues.  Les  chauoines 
et  chapelains  eux-mêmes  dansaient  avec  les  ûlles  et  les  femmes  de  la  ville,  i  (Car- 
tulaire  de  Ligny.) 

-  Lecov  de  La  Marche,  Extraits  de  comptes  et  7némoriaux  duroi  René,  n'  738. 
En  l'année  1409,  Yolande  d'Anjou  assistait  à  la  représentation  »  d'aucuns  jeux  ou 
farces  «  qui  se  donnaient  à  Angers  «  au  lieu  jadis  nommé  le  Alarchic  auxbestes..., 
auquel  on  a  accoustumé  jouer  des  mistères  i .  Voir  n°'  728  et  520. 


788  DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

même  on  lui  attribue  le  plan  du  Roy  advenir,  représenté  par  son 
ordre  et  composé  par  Jehan  le  Prieur,  son  valet  de  chambre. 
Cependant  on  ne  voit  point  que  durant  les  divers  séjours  de  ce 
prince,  soit  à  Bar,  soit  à  Louppy,  il  ait  été  donné,  antérieurement 
à  l'année  1463,  de  semblables  fêtes,  alors  en  si  grande  faveur 
dans  les  pays  voisins'. 

En  l-iSO,  à  la  suite  de  réjouissances  données  dans  l'abbaye  de 
Saint-Mihiel,  les  religieux  allèrent  assister  en  loges  au  jeu  de  Gri- 
seldis  à  l'heure  de  la  Marande^. 

Plus  tard,  en  1543,  de  pareils  spectacles  devaient  être  célébrés 
dans  l'église  même  de  l'abbaye  de  Saint-Mihiel  transformée  en 
théâtre  :  «  Là  furent  joués,  avec  toute  la  pompe  possible,  en 
empruntant  les  costumes  les  plus  brillants  de  la  sacristie,  le 
concours  des  chantres  et  des  orgues,  les  Jeux  et  mystères  de 
M.  saint  Etienne,  pape  et  patron  de  l'église  parochiale  de  la  nohle 
ville  de  Saint-Michel j  composés  par  Dom  Loupvent,  bénédictin  de 
^abbaye^  n 

L'examen  du  9"'  compte  de  Jean  de  Barbonne,  receveur 
général  du  Duché  de  Bar,  fournit,  au  chapitre  intitulé  :  Dépenses 
communes,  de  curieux  détails  sur  la  nature  des  divertissements 
que  les  courtisans  du  duc  René  offrirent  à  ce  prince,  en  l'année 
1463,  lors  de  son  séjour  an  Château  de  Bar.  Là,  en  présence  de 
Marguerite  d'Anjou  et  de  son  fils,  le  prince  de  Galles,  on  joua  une 
fiarce  dite  des  Pastoureaux,  dont  les  principaux  acteurs  furent  le 
jeune  René  de  Vaudémont,  alors  âgé  de  douze  ans,  chargé  de 
remplir  un  rùle  déjeune  fille*,  puis  ses  amis  René  de  Bourmont, 
Pierre  de  Beauvau  et  Hardouin  de  Bresse. 


'  Le  peuple  de  Metz  aimait  avec  passion  ces  sortes  de  spectacles  auxquels,  à 
l'origine,  prenaient  part  les  membres  du  clergé,  soit  comme  directeurs,  soit 
comme  acteurs.  Les  premiers  mystères  ou  drames  religieux  furent  joués  à  Metz, 
en  1412. 

'  DuMO.VT,  Histoire  de  Saint-Mihiel,  t.  I,  p.  170.  — Le  mystère  de  Griseldis, 
pièce  à  trente-cinq  personnages,  composée  vers  la  Ou  du  quatorzième  siècle,  paraît 
avoir  été  inspire  par  une  œuvre  de  Marie  de  France,  qui  avait  raconté  au  trei- 
zième siècle,  dans  son  Lai  delFreisne,  une  histoire  toute  semblable.  Xo'irOEuvres, 
1820,  t.  I,  p.  138. 

'  Voir  pour  les  détails  de  cette  très  curieuse  composition  divisée  en  trois  actes 
ou  journées,  DuuoxT,  Histoire  de  Saint-Mihiel,  t.  III,  p.  259-2Gi. 

*  Dans  le  Jeu  de  Dame  S'"  Barbe,  joué  à  Metz  en  1 V85,  le  personnage  de  la 
sainte  était  représenté  par  un  beau  gai-ron  nommé  Lyonard. 


DE    L'ART    ET    DES    AUTISTES    DANS    LE    HA  H  ROIS.  789 

«  Le  4;  décembre  1  4G3,  24'  8'  S**  monnoie  de  France  pour  une 
aulne  et  demie  gris,  mesure  de  Paris,  à  ung  escu  l'aulne,  pour 
faire  robes  longues  aux  petiz  clianil)ellans  René  de  IJourmont, 
Pierre  de  Beauvau  et  Hardoyin  de  Brezze;  quatre  aulnes  d'autres 
gros  gris,  à  la  dite  mesure  de  12'  6^  l'aulne,  pour  faire  petites 
robes  aus  dis  René  de  Hourmont  et  Pierre  de  Beauvau,  pour  jouer 
une  farse  de  Pastoureaux  devant  le  Roy  et  ij  aulnes  duditgris,  à  la 
dite  mesure,  pour  faire  ung  abit  de  fille  à  la  dite  farse  pour  René 
monseigneur  de  Lorraine  '.  » 

Sous  le  règne  de  René  II,  qui,  à  l'exemple  de  son  grand-père, 
aimait  fort  ces  sortes  de  divertissements,  les  principales  villes  du 
Barrois  purent  jouir  de  ces  spectacles  peu  fréquents  au  temps  de 
René  d'Anjou,  alors  qu'à  la  même  époque  les  représentations 
dramatiques  telles  que  le  Jeu  de  laj^asswn  Nostre-Seigneur^  celle 
de  la  Révélation  de  l'Apocalyse  sainct  Jehan,  du  Martire  de  sainct 
Victor,  de  la  Passion  de  madame  saincte  Barbe  et  autres  mystères 
pieux,  étaient  souvent  offertes  au  peuple  de  la  cité  de  Metz. 

En  1474,  au  lendemain  de  son  avènement  au  duché  de  Lorraine, 
■■■■  au  jour  de  karesme  prenant  «  ,  René  II  faisait  jouer  une  moralité 
dont  on  ne  connaît  point  le  sujet. 

En  1485,  les  c-  Galhins  sans  soccy  >? ,  qui  allaient  de  ville  en  ville 
tt  jouer  farces,  mystères  et  joyeusetés  « ,  donnent  à  Bar  des  repré- 
sentations. Les  Chroniques  de  Metz,  qui  nous  procurent  ce  ren- 
seignement, ne  fournissent  aucune  indication  sur  les  titres  des  pièces 
jouées;  il  y  est  seulement  dit  :  «  Un  jeu  fut  donné  à  Bar  et  dans  ce 
jeu  on  vit  des  hommes  faisant  les  personnages  de  dyables-.  n 

Enfin,  en  1514,  la  reine  de  Sicile  ordonnait  de  remettre  la 
somme  de  12  francs  barrois  aux  individus  qui  avaient  joué,  eu  la 
halle  de  Bar,  le  mystère  de  la  Sainte-Hostie^ . 

Puisque  nous  avons  parlé  des  Enfants  sans  souci,  troupe  nomade 
qui  parcourait  les  provinces,  allant  à  Metz,  à  Nancy,  jouant  des 
farces  et  soties,  pièces  morales  ou  satiriques,  il  ne  nous  paraît 

'  B.  502.  En  1449,  avait  lieu  à  Tarascon  le  pas  de  la  Pastourelle  ou  de  la 
Bergère,  fête  à  laquelle  prirent  part  Ferry  de  Lorraine,  gendre  de  René,  et  Isa- 
beau  de  Lenoncourt,  vêtue  en  pastourelle. 

*  Ce  fut  sans  doute  à  l'occasion  du  mariage  de  IMiilippc  de  Gueldres  avec  René, 
célébré  à  Orléans,  le  1"  septembre  de  cette  même  année.  La  ville  de  IJar  avait 
offert  la  somme  de  1,000  francs  à  cette  princesse,  i  titre  de  joyeux  avènement. 

=>  B.  620. 


700  DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

point  inutile  de  rapporter  ici  qu'un  des  chefs  de  ces  troupes 
joyeuses  devait  plus  lard  dresser  son  théâtre  à  Bar  et  égayer,  en 
1523,  les  réjouissances  du  carnaval  :  «  A  M*  Jehan  Songecreux,  la 
somme  de  20  escuz  soleil,  à  luy  ordonnée  par  Monseigneur  le  duc 
pour  lui  avoir  fait  passe  temps  durant  les  temps  gras'  »,  pendant 
lesquels,  dit  M.  A.  Jacquot,  on  joua  'probablement  une  des  pièces 
composées  par  Pierre  Gringoire*. 

L'année  suivante,  ce  même  Songecreux  se  trouvait  encore  à  Bar 
pour  les  fêtes  données  à  l'occasion  du  baptême  du  prince  Nicolas  : 
il  A  Songecreux,  20  escuz  au  soleil  que  Monseigneur  luy  a  ordonné 
pour  le  passe  temps  qu'il  luy  a  fait,  par  mandement  donné  à  Bar 
le  20"  jour  de  novembre  1524\  " 

"  La  teste,  dit  Volcyr,  estoit  jouyé  par  Songecreux  et  ses  enfants, 
Mal  me  sert.  Peu  d'argent  et  Rien  ne  vault,  que  jour  et  nuit 
jouoient  farces  vieilles  et  nouvelles,  reboblinées  et  joyeuses  à  mer- 
veilles*. >; 

IMAGIERS 

Dans  ce  monde  d'ouvriers,  d'habiles  artisans,  dont  nous  voulons 
évoquer  le  souvenir  et  tenter  de  faire  revivre  les  noms,  les  ima- 
giers ou  tailleurs  d'images  paraissent  avoir  occupé  un  rang  supé- 
rieur. Les  comptes  de  l'époque  nous  les  montrent  faisant  les  répa- 
rations, entreprenant  grands  et  petits  travaux,  même  en  dehors  des 
choses  proprement  dites  de  leur  métier.  Sculpteurs  en  meubles, 
en  statues,  en  retables,  les  imagiers  exerçaient  une  industrie  qui, 
pour  quelques-uns,  n'avait  point  de  bornes*.  Plusieurs,  devenus 
maîtres  des  œuvres,  élevèrent  des  palais  et  des  cathédrales,  d'autres 
se  rendirent  célèbres  comme  graveurs  et  monnayeurs*;  il  en  est 

'  H.  Lepage,  Etude  sur  le  théâtre  de  Lorraine. 

^  Ibid. 

3  Ibid. 

*  Mémoires  de  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  de  Nancy,  1818. 

^  En  1406,  nous  loj  ons  Melcliior  Broederlara  peindre  les  armes  de  Bourgogne 
sur  la  grande  bannière  de  la  commune,  fournir  les  franges  qui  devaient  la  garnir, 
dessiner  cinq  patrons  de  costumes  pour  le  magistrat,  produire  des  modèles  de 
bijoux;  ses  compagnons  l'employaient,  comme  c'était  l'habitude,  à  toute  sortes 
de  menus  ouvrages. 

"  Jean  Alansny  u  tailleur  d'ymaiges  j  ,  fds  de  Gauvain  Mansuy  était  «  monnoycr 


DE    I/ART    ET    DES    ARTISTES    DAMS    LE    BARROIS.  791 

qui  furent  à  la  fois  imagiers,  peintres,  machinistes,  ingénieurs  et 
fortificateurs. 

A  ses  débuts,  l'apprenti  imagier  s'exerçait  à  travailler  le  bois,  à 
faire  œuvre  de  menuiserie,  avant  de  tenter  de  reproduire  une  figu- 
rine, une  statuette;  puis,  devenant  plus  habile  à  manier  le  ciseau  et 
s'êlevant  peu  à  peu  dans  la  pratique  de  son  art,  il  devait  par  la  créa- 
tion d'une  pièce  plus  parfaite  mériter  le  titre  de  tailleur  d'images. 

Toutefois  ce  titre  tant  désiré  ne  mettait  point  fin  à  son  appren- 
tissage, car  à  cette  époque  les  œuvres  les  plus  parfaites,  qu'elles 
fussent  de  pierre  ou  de  bois,  ne  pouvaient  se  passer  du  concours 
de  la  peinture.  Le  nouvel  imagier  dut  donc  prendre  le  pinceaii 
pour  décorer  ses  meubles,  ses  statues,  ses  retables,  et  joindre  à 
son  talent  de  sculpteur  celui  de  peintre  et  de  doreur  avant  de 
devenir  maître. 

Consistant  le  plus  souvent  en  statues  religieuses,  en  sujets  de 
piété,  leurs  œuvres,  même  les  plus  ordinaires,  devenaient  au  sortir 
de  leurs  mains  des  objets  de  vénération  pour  les  fidèles,  et  Etienne 
Boileau  a  pu  dirie  des  imagiers  que  leurs  «  mestiers  n'appartenaient 
fors  que  au  service  de  Noire-Seigneur  et  de  ses  sains  et  à  la  hon- 
nerance  de  Sainte  Eglise'  » . 

Il  ne  reste  plus  rien  des  œuvres  des  imagiers  qui  vécurent  dans 
le  Barrois  au  quinzième  siècle  et  les  comptes  du  quatorzième  ne 
nous  font  connaître  aucun  des  noms  de  ceux  qui,  dès  cette  époque, 
attachés  au  service  de  nos  princes,  durent  contribuer  largement  à 
l'embellissement  de  leurs  demeures  et  des  églises  de  la  région. 
Au  surplus  dans  notre  pays  on  s'est  peu  préoccupé  jusqu'à  nos 
jours  de  ces  modestes  artisans,  de  ces  imagiers  obscurs,  précur- 
seurs de  cette  école  des  Richier  qui  devait  porter  si  haut  la  grande 
tradition  de  notre  art  national  et  produire  tant  de  chefs-d'œuvres 
durant  près  de  deux  siècles. 

Le  dépouillement  de  nos  archives  nous  ayant  procuré  de  trop 

et  frappeur  en  la  monnaie  » ,  1538-1544.  —  H.  Lepage,  Mémoires  de  la  Société 
d'archéologie  lorraine,  1875. 

'  Le  livre  des  métiers. 

«  Quiconqiies  veut  estrc  imagiers  h  Paris,  ce  est  à  savoir  taillères  de  crucifls, 
de  manches  à  coutiaus  et  de  toute  autre  manière  de  taille  quele  que  ele  soit,  que 
on  face  d'os,  d'yvoire,  de  fust  et  de  toute  autre  manière  d'cstoffe,  qucIc  ([ne  ele 
soit,  estrc  le  puet  franchement,  jiour  tant  que  il  sache  le  mestier,  et  que  il  euvre 
aus  us  et  coustumes  du  mestier  devant  dit.  »  Chap.  LXt. 


792 


DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DADS    LE    BARROIS. 

courts  renseignements  sur  ces  imagiers  et  sur  leurs  œuvres,  nous 
(levons,  afin  de  bien  établir  que  dans  le  Barrois  l'art  de  la  scul- 
pture n'était  point  en  retard,  dresser  la  liste  des  principaux  monu- 
ments élevés  dans  nos  églises,  dans  nos  abbayes,  à  nos  princes,  à 
la  mémoire  de  fondateurs  ou  de  personnages  considérables  qui  y 
avaient  reçu  la  sépulture. 


La  collégiale  de  Saint-Maxe,  cette  petite  merveille  dont  la  cha- 
pelle de  Gilles  de  Trêves  était,  au  dire  de  Michel  Montaigne,  la  plus 
somptueuse  qui  fut  en  France,  renfermait  le  tombeau  de  Marie  de 
Bourgogne,  petite-fille  de  saint  Louis,  épouse  du  comte  Edouard  I"; 
celui  du  comte  Henri  IV  et  de  lolande  de  Flandre.  Ce  dernier,  en 
marbre  noir,  s'élevait  d'environ  quatre  pieds  au-dessus  du  niveau 
du  sol  de  la  chapelle  de  Saint-Jean-Baptiste  ;  les  deux  figures,  en 
marbre  blanc,  étaient  couchées  sur  une  dalle  ;  une  grille  de  fer 
recouvrait  le  monument  ' . 

Il  ne  reste  de  ce  monument  que  la  table  supérieure  formant 
autel  au-dessous  du  squelette  de  Ligier  Richier,  et  l'épitaphe  : 


SS^«?J®i^%::! 


,.»i6B«jjB»i»*"*'"''»«'q»va&**=^'»*-''<i!*'.    » 


Epilaplic  du  comte  Henri  i\  . 

«Ci-gist.  très,  hauts,  et.  nobles,  princes,  messires.  Henris.  jadis, 
contes,  de.  Bar.  qui.  trépassât,  à.  Paris,  l'an.  de.  grâce,  mil.  ccc. 
et  XLiiii.  la.  vigile,  de.  Noeil.  Proiez.  por.  li.'  »  ;  puis,  croyons- 
nous,  un  fragment  de  son  écu  chargé  de  deux  bars  adossés  dans 
un  champ  de  croisettes  au  pied  fiché  ^ 

'  M.  l'abbé  RENâRi),  Le  château  de  Bar,  autrefois  et  aujourd'hui,  p.  172. 
^  Cette  plaque  de  marbre  se  trouve  aujourd'hui  au  Musée  de  Bar. 
'  Ce  fragment,  également  de  marbre  noir,  fait  partie  des  collections  de  ce  même 
Musée. 


DE    l.ART    ET    DES    ARTISTES    D  A  \i  S    LE    liARItOIS.  "703 

Dans  le  mur  de  l'église  existaient  trois  arcades  renfermant  des 
tombeaux  anciens  surmontés  de  statues  couchées;  c'étaient,  croit- 
on,  ceux  de  la  comtesse  de  Garennes,  gouvernante  du  Barrois,  de 
Marguerite  de  Longwy  et  de  Pierre  de  IJar,  seigneur  de  Pierre- 
fort. 

On  peut  s'étonner  de  ne  point  rencontrer,  dans  les  auteurs 
anciens  qui  se  sont  occupés  de  l'histoire  de  Bar,  la  mention  des 
tombeaux  de  Robert,  de  Marie  de  France  et  du  duc  Edouard  III, 
leur  fils,  inhumés  dans  la  collégiale  de  Saint-Maxe.  Seul,  M.  Victor 
Servais  rapporte  que  l'on  yremarquait  autrefois  le  mausolée  élevé 
à  la  mémoire  de  Robert  et  de  son  épouse,  mais  il  oublie  de  men- 
tionner en  quelle  circonstance  ce  monument  disparut  \ 

OEuvres  peut-être  d'un  sculpteur  barrisien,  ce  tombeau  et  celui 
du  duc  Edouard  furent  édifiés  dans  le  troisième  tiers  du  quinzième 
siècle,  ainsi  qu'il  résulte  du  document  suivant  dont  nous  devons 
la  communication  à  M.  Fourier  de  lîacourt  : 

Le  21  novembre  1466,  le  roi  René  fait  délivrer  aux  «  doyen, 
chanoines  et  cbappitre  de  la  collégiale  de  Saint-Maxe  la  somme  de 
100  florins  du  Rin  en  monnoye  courante  pour  faire  faire  trois 
tombes  de  marbre  taillées  comme  il  appartient  sur  les  corps  de 
feuz  Robert  et  Edouard  ses  prédécesseurs  ducz  de  Bar  et  dame 
Marie  de  France  femme  dudit  duc  Robert  que  Dieu  absoille, 
inhumez  en  notre  dite  église  entre  le  mur  et  le  grant  autel  d'icelle 
par  ainsy  que  lesd.  doyen,  chanoines  et  chapitre  promettons  et 
s'obligeront  en  noire  chambre  des  comptes  à  Bar  de  faire  et  asseoir 
lesd.  tombeaux  ainsy  et  en  la  forme  et  manière  qu'il  sera  advisé 
de  faire  par  les  gens  de  notre  d.  chambre'.  » 

Ces  tombeaux  avaient  donc  disparu  longtemps  avant  l'époque  de 
la  Révolution,  puisque  Lepaige,  Maillet,  Dom  Calmet  et  Durival 
n'en  parlent  point  dans  leurs  écrits. 

Dans  le  collégial  de  Saint-Pierre  se  voyaient  deux  tombeaux  dont 
les  figures  d'hommes  et  de  femmes  étaient  couchées  :  «  Elles  sont 
bien  sculptées,  dit  Durival,  mais  leur  auteur  n'est  point  connu.  " 

On  voyait  autrefois  sur  le  parvis  de  cette  église  une  statue  qui 


Annales  du  Barrois,  t.  II,  p.  461. 
Collection  lorraine,  u"  68.  f°  139. 


794  DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

dut  être  exécutée  dînant  la  période  de  la  première  occupation  de 
la  ville  par  une  garnison  française,  de  1480  à  1483;  nous  voulons 
parler  de  la  statue  en  pied  de  Louis  XI  qui,  désireux  de  rattacher 
notre  duché  à  la  couronne,  venait  alors  de  prendre  h  bail  la  prévôté 
et  la  ville  de  IJar.  Se  croyant  désormais  maître  définitif  du  IJarrois, 
ce  prince  avait  fait  placer  les  armes  de  France  sur  toutes  les  portes 
de  la  ville. 


Cftiu  t/ 


Dans  une  enquête  faite  en  1702,  nous  trouvons  le  rapport  sui- 
vant: «Au  grand  portail  d'iceile  (église  Saint-Pierre)  avons  remar- 
qué sur  le  pilier  gauche  dudit  portail  en  entrant  la  figure  du  roy 
de  France  de  hauteur  humaine  habillé  d'un  manteau  royale  par- 
semé de  fleurs  de  lis,  les  bras  de  ce  roy  sont  rompus.  11  a  sur  la 
teste  un  chapeau  qui  a  pour  cordon  une  couronne  royalle  ouverte 
et  de  fleurs  de  lis  faittes  à  l'antique,  liées  les  unes  aux  autres  par 


DE    1/ARÏ    ET    DES    AUTISTES    DA\'S    LE    BARIIOIS.  705 

un  cliapelct  de  perles,  ladite  figure  est  en  bosse  de  niesme  qualité 
et  de  couleur  uniforme  avec  tout  le  portail  qui  parroist  un  ouvrage 
très  autanliquc,  les  traits  du  visage  de  ce  roy  ressenihlciil  parfai- 
tement aux  estampes  que  l'on  voit  de  Louis  XI  dans  les  histoires 
de  nos  roys  et  cette  ressenil)lanre  saulle  aux  yeux  de  ceux  à  qui 
ces  estampes  sont  tant  soit  peu  familières'.  " 

Le  dessin  reproduit  par  Joly  de  Fleury  s'accorde  parfaitement 
avec  ce  passage  des  Mémoires  de  Philippe  de  Commines,  où  il  est 
rapporté  qu'il  avait  été  demandé  à  Colin  d'Amiens  un  portrait  du 
roi  le  représentant  avec  «le  plus  beau  visaige  que  pourres  faire,  et 
jeune  et  plain,  le  netz  longuet  et  ung  petit  hault,  comme  savez... 
le  netz  aquillon,  les  cheveux  plus  longs  derrière...  » 

Nous  ne  tenterons  point  de  rechercher  ici  à  quel  sculpteur  il 
peut  être  permis  d'attribuer  cette  statue,  qui  dut  disparaître  seule- 
ment à  répo(|ue  de  la  Révolution  ;  nous  avons  tenté  de  le  faire 
dans  une  étude  spéciale  que  nous  avons  consacrée  à  l'imagier  Jean 
Crocq  et  à  sa  famille. 

A  Saint-Antoine,  autrefois  église  des  Augustins,  il  existait  encore 
en  1790  de  1res  anciennes  statues  :  saint  Jean  et  la  Madeleine,  une 
Mater  Dolorosa,  saint  Crépin,  saint  Roch,  saint  Christophe,  saint 
Sébastien,  un  Ecce  homo  de  grandeur  nature,  puis  une  mise  au 
tombeau  composée  de  neuf-  grandes  statues  et  deux  autres 
moyennes. 

Ces  sculptures  ont  paru  de  peu  de  valeur  aux  agents  du  direc- 
toire du  district  du  Bar  qui,  assistés  du  sculpteur  Sébastien  Hum- 
bert,  procédèrent  à  l'inventaire  du  mobilier  des  églises"". 

Il  a  existé  dans  l'église  de  IVotre-Danie  divers  monuments  que 
des  réfections  exécutées,  au  cours  des  siècles,  dans  cet  édifice  ont 
fait  disparaître;  de  nombreux  personnages  marquants  y  avaient 

'  Collection  Joly  de  Fleury.  Fonds  français,  n»  1354,  p.  305.  Bil)liotlièque 
nationale. 

En  reconnaissance  de  la  grâce  qu'il  prétendait  avoir  reçue  par  l'intervention 
de  Saint  Xicolas,  dans  le  grand  dan<jer  où  il  se  trouva  exposé  à  Lyon,  Louis  XI 
avait  fait  placer  dans  l'église  Saint-\icolas  du  Port,  contre  un  pilier,  au  côté 
gauche  de  l'autel,  une  statue  le  représentant  à  genoux.  Voir  De  Lisle,  Histoire 
de  la  vie  de  saint  Nicolas.  Nancy,  1745. 

-  Archives  de  la  Meuse,  série  ï. 


796  DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

été  inluimés.  Quels  étaient-ils  à  la  fin  du  quinzième  siècle?  nous 
l'ignorons;  aucun  inventaire  dressé  à  cette  époque  ne  vient  nous 
renseigner  à  ce  sujet,  mais  les  termes  précis  du  testament  de  Jean 
Piielippin  de  Fains,  bailli  de  Ciermont,  mort  le  11  février  1363, 
nous  apprennent  que  ce  haut  fonctionnaire  était  représenté 
agenouillé  sur  sa  sépulture  dans  la  chapelle  Saint-Xicolas. 

«  ...  Je  vueil  et  ordonne  que  ung  archet  (arceau)  soit  fait  sem- 
blans  et  pareil  à  l'archet  que  Jehans  de  Fains  fist  faire  en  la  cha- 
pelle Saint-Jacques  en  ladite  église,  onquel  archet  jordonne  que 
une  remembrance  de  my  soit  faite  et  quelle  soit  à  genoux  sur  une 
pierre  entaillée  on  mur  devant  une  imaige  de  saint  Jean  qui  sera 
prinse  en  ma  maison  en  ma  chapelle  haut'.  » 

Une  fondation,  faite  le  29  juillet  1464,  nous  apprend  qu'au- 
dessus  de  l'autel  de  Sainte-Croix,  en  cette  même  église,  se  voyaient 
a  les  images  de  la  benoile  annonciation-  "  . 

Enfin  on  peut  voir,  encastré  dans  la  muraille,  à  la  droite  de 
Tautel  de  Notre-Dame  du  Rosaire,  un  tableau  de  pierre  des  pre- 
mières années  du  commencement  du  seizième  siècle,  offrant, 
sculptée  en  relief,  la  représentation  de  la  Vierge  entourée  des 
symboles  par  lesquels  les  Livres  saints  annonçaient  Tlmmaculée 
Conception  de  Marie* 

On  doit  croire  que  dans  les  abbayes,  les  prieurés  et  les  églises 
du  Barrois  il  devait  exister  des  monuments  de  ce  genre  :  retables, 
statues  et  autres  œuvres  d'imagiers  antérieurs  au  seizième  siècle. 
Les  documents  nous  font  défaut  pour  les  abbayes  de  Saint-Mihiel, 
de  Lisle,  de  Chàtillon,  d'Evaux,  de  la  Chalade  et  de  Saint-Benoît, 
dont  les  cartulaires  ne  sont  point  publiés  ;  toutefois,  grâce  aux 
notes  deDom  Guilton,  qui,  en  1744,  visitales  abbayes  cisterciennes 
de  la  région  et  laissa  des  renseignements  assez  curieux  sur  l'état 
de  ces  monastères  à  cette  époque,  nous  savons  qu'il  existait  alors 
dans  les  cloîtres  de  l'abbaye  d'Ecurey  plusieurs  monuments  très 

'  L.  Maxe-Werly,  Notice  sur  V èpitaphe  de  Phelippîn  de  Fains.  — Bulletin 
archéologique  du  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques^  1892,  n"  3. 

-  Collection  lorraine,  n"  68,  f"  142. 

^  L'étude  que  nous  avons  faite  de  ce  curieux  petit  monument  paraîtra  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  de  Bar-le-Duc  en  1899. 


DE  LA  UT  RT  DKS  ARTISTES  DANS  LE  BAKROIS. 


:f)- 


anciens'.    L'inventaire    des 

titres     de    ce    monastère  , 

dressé  en  1596,  rapporte  en 

efllet  que  Geodroy  de   \  au- 

couleurs,  GeollVoy  de  Join- 

ville  son  frère,    Robert  de 

Sailly,  Simon  de  Commercy 

y  furent  inhumés.  "  Il  y  a 

surtout  un  de  ces  mausolées 

très  respectables  en  entrant 

à  l'église.  Il  est  le  plus  beau 
de  tous,  représentant  un 
prélat  séculier,  la  mitre  en 
tête,  naais  sans  inscription, 
ni  monument  d'ailleurs  qui 
nous  le  fasse  connaître-,  d 
IVous  devons  à  Dom  Guit- 
ton  la  description  du  monu- 
ment de  Guy  de  Sailly,  au- 
jourd'hui déposé  au  Musée 
de  Bar-le-Duc,  sur  lequel, 
fait  très  rare  à  cette  époque, 
l'artiste  a  inscrit  son  nom  : 

5eljaii5  de    saint   iorc     me    fict 
lelianz  de  Saint  lore  me  fist  "' 

L'église  collégiale  de  Li- 
gny  possédait  un  certain 
nombre  de  monuments  éle- 
vés à  la  mémoire  des  princes 

'  L.  Maxe-Weri,v,  Emprunts 
faits  aux  récits  des  voyageurs  a?i- 
ciens  qui  ont  traversé  le  Barrais. 
Xotes  de  M,  Guitton,  religieux  de 
Clairvaux.  —  Annuaire  de  la 
Meuse,  1892. 

*  Arcllivcs  (le  la  Meuse. 

3  !..  Ma\k-VVkri,v,  Tombeau  d'un  sire  de  Sailly  de  la  maison  de  Joincille. 
—  Bulletin  archéologique  du  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques. 
1890. 


798  DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

(le  la  maison  de  Luxembourg:  «  On  y  ailmirait,  vis-à-vis  l'autel 
du  bienheureux  Pierre  de  Luxembourg,  une  superbe  statue  repré- 
sentant ce  saint  personnage  à  genoux  appuyé  sur  un  prie-Dieu.,.», 
plusieurs  statues  en  bronze  de  grandeur  naturelle  des  grands 
hommes  de  cette  illustre  maison,  puis  le  mausolée  en  bronze  d'un 
Jean  de  Luxembourg,  peut-être  frère  du  bienheureux  cardinal, 
mort  en  L397,  ou  petit-fils  de  Guy,  qui  vécut  de  1430  à  J440.  Ce 
tombeau,  qui  gênait  le  passage  de  la  sacristie  au  maître-autel,  fut 
vendu  en  1766  par  les  chanoines  de  la  collégiale  pour  la  somme 
de 25, 000  livres'. 

Dans  l'église  de  Couvonges,  nous  avons  remarqué  une  Nativité 
en  pierre,  de  la  fin  du  quinzième  siècle,  montrant  l'Enfant  Jésus 
couché  entre  la  sainte  Vierge  et  saint  Joseph  agenouillés  et  priant; 
puis  au  second  plan  les  têtes  du  bœuf  et  de  l'àne.  A  la  droite  de 
cette  scène,  se  tient  un  personnage,  le  donateur  sans  doute,  à 
genoux,  les  mains  jointes. 

Il  existe  dans  l'église  de  Gondrecourt  une  représentation  de 
l'ensevelissement  de  Notre-Seigneur,  de  la  fin  du  quinzième  siècle, 
avec  personnages  de  grandeur  naturelle,  qui,  si  elle  ne  peut  être 
mise  en  parallèle  avec  le  chef-d'œuvre  de  Ligier  Richier,  offre 
une  certaine  valeur  artistique  et  ne  manque  point  d'originalité.  Ce 
sujet  de  la  déposition  du  Christ  dans  le  sépulcre  préparé  par  Joseph 
d'Arimathie  était  très  fréquemment  traité  par  les  imagiers  du 
moyen  âge"-. 

Aux  piliers  de  la  nef  de  l'église  d'Ancerville  sont  appliquées  les 
statues  en  chêne  massif  des  douze  apôtres  représentés  avec  leurs 
attributs  traditionnels  ;  ces  statues,  hautes  de  1",20,  reposent  sur 
des  socles  que  supportent,  en  manière  de  cariatides,  des  anges, 
des  moines  et  autres  personnages. 

D'après  les  règles  liturgiques  de  la  consécration  des  églises,  on 

'  FouRiER  DE  Bacourt,  Vie  du  bienheureux  Pierre  de  Luxembourg .  Paris, 
1882,  in-8".  —  Voir  également  les  notes  manuscrites  de  l'abbé  Cornus,  Biblio- 
thèque de  Bar.  Ms.  88. 

*  Dans  la  chapelle  de  Sainte-Anne  de  Clermont,  on  voit  six  statues  qui  provien- 
nent d'un  Saint-Sépulcre  placé  autrefois  dans  l'église  des  Minimes  de  Verdun. 


.Jà 


DE    LART    ET    DES    AUTISTES    DANS    LE    BARROIS. 


J99 


devait  faire  peindre  douze  croix  sur  les  murailles,  par  allusion 
aux  douze  apôtres  qui  sont  les  fondements  spirituels  de  l'Église. 
A  Ancerville,  comme  à  Kevigny,  à  Notre-Dame  d'Avioth  (Meuse), 


et  à  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  on  avait  orné  chacun  des  piliers 
de  la  nef  d'une  statue  d'un  des  douze  apôtres,  mais,  il  y  a  quelque 


dix  ans,  le  curé  de  ce  temps-là,  ne  trouvant  plus  ces  statues  du 
quinzième  siècle  en  rapport  avec  le  style  de  l'église  restaurée  par 
lui,  les  relégua  dans  les  combles,  où  nous  les  avons  retrouvées'. 

'  A  Contrisson  (Meuse),  à  Sermaize  (Marne),  les  apôtres  sont  représentés  en 
peinture  sur  les  piliers. 


âc 


800 


DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 


Dans  cotte  mémo  é<}lise  on  voit  un  magnifique  ciborium  en  bois 
du  quinzième  siôcle  que  l'on  n'a  pas  encore  remis  à  la  place  qu'il 
occupait  autrefois.  Haute  de  3'°,  10,  en  forme  de  clocher  hexagonal 
à  trois  étages,  flanquée  de  contreforts  élégants  avec  arcs-boutants 
et  pinacles,  cette  œuvre  d'art  est  surmontée  d'un  lourd  fleuron  ou 
bouquet  de  feuillages  frisés,  sorte  de  chou  épanoui.  Des  fenêtres 
à  triples  lancettes  ornées  d'oculus  à  dessins  flamboyants,  dont  la 
variété  mérite  d'être  signalée,  occupent  toute  la  largeur  des  flancs 
de  ce  clocher  pyramidal  dont  la  flèclie  élancée,  très  délicatement 
découpée  à  jour,  est  garnie  de  crochets  sur  les  rampants.  A 
l'étage  inférieur  formant  tabernacle,  se  trouve  une  poulie  de  bois 


qui,  peut-être,  servait  à  élever  dans  l'étage  supérieur  —  sorte 
de  crédence  à  jour  destinée  à  l'exposition  de  la  réserve  eucha- 
ristique —  les  saintes  espèces  déposées  dans  la  partie  basse  du 
clocher. 

Ce  ciborium,  autrefois  polychrome  et  doré,  avait  été  également 
relégué  à  la  cure  comme  indigne  d'être  conservé  dans  une  église 
badigeonnée  à  neuf;  elle  y  attendait  Tarrivée  d'un  acquéreur 
lorsque,  en  nous  adressant  à  l'autorité  épiscopale,  nous  eûmes  la 
satisfaction  d'en  empêcher  la  vente.  Une  Piéta  de  la  même  époque, 


DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DAMS    LE    BARROIS.  SOI 

enlevée  de  son  arcade  sous  le  même  prétexte,  n'a  point  été  re- 
trouvée ' . 

On  doit  regretter  que  chaque  prétendue  restauration  d'un  édifice 
religieux  entraîne  la  dispersion  des  plus  intéressantes  pièces  d'un 
mobilier,  précieux  à  plus  d'un  titre,  et  qu'assurément  ni  les  chemins 
de  croix,  ni  les  statues  écœurantes  des  fabriques  parisiennes  et 
lyonnaises  ne  sauraient  remplacer. 

Nous  ne  pouvons  décrire  ici  toutes  les  sculptures  intéressantes 
des  anciennes  églises  du  Barrois  :  les  stalles  de  Saint-Amand  et  de 
Saint-Maxe-,  les  nombreuses  crédences  dont  plusieurs  sont  très 
remarquables  par  leur  ornementation  ^  ;  les  clefs  de  voûtes  chargées 
d'armoiries,  d'insignes  de  corporations  ;  les  tabernacles  placés 
dans  l'intérieur  des  murailles,  prenant  jour  à  l'extérieur  par  un 
petit  oculits  muni  de  barreaux  de  fer  ou  décoré  de  sculptures  dans 
le  genre  flamboyant,  puis  fermé  à  l'intérieur  par  des  volets,  grille 
ou  autre  travail  de  ferronnerie,  dans  un  petit  édiculeavec  pilastres, 
architrave  et  fronton*. 

Xous  regretterons  également  de  ne  pouvoir  reproduire  les 
curieuses  croix  placées  dans  les  cimetières,  aux  abords  des  villages 
ou  à  la  croisée  des  chemins.  Parmi  les  plus  remarquables  par  leur 
exécution,  nous  signalons  celles  du  village  d'Ancerville  \  et  la 
croix  champêtre  de  Culey.  Cette  dernière  présente  à  son  sommet, 
dans  une  rosace  gothique  ajourée  et  ornée  de  crochets,  d'un  côté 
le  Christ  en  croix  avec  la  Vierge  et  saint  Jean,  puis  de  l'autre  la 
Vierge  debout  tenant  l'Enfant  Jésus,  accostée  de  deux  personnages, 

•  L'abbé  Renard,  Notice  sur  Ancerville.  Bar-le-Duc,  1893,  in-8". 

-  L'abbé  Re.vard,  Le  Château  de  Bar,  autrefois  et  aujourd'hui.  Bar-le-Duc, 
1896,  fjrand  in-S". 

^  Xous  avons  remarqué  dans  l'église  de  Sommeilles  un  retable  en  pierre  de 
l^rande  dimension  représentant  l'adoration  des  Mages,  puis  une  piscine  dont  le 
tympan  offre  la  scène  de  l'Annonciation.  De  la  bouche  de  Dieu  le  Père,  couronne 
d'une  tiare,  sort  un  rayon  qui  porte  le  Saint-Esprit  vers  la  S'"  Vierge  agenouillée  ; 
sur  la  gauche  l'ange  Gabriel  lient  un  phylactère  avec  ces  mots  :  Al  E  AIAHIA, 
puis,  dans  l'espace  qui  les  sépare,  un  vase  portant  trois  lis. 

*  L.  Maxe-Werlv,  Note  sur  les  oculus  pratiqués  dans  le  mur  du  chœur  des 
églises  de  la  région  de  l'Est.  — Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  de  France ^ 
188:5,  p.  188. 

'•"  L'abbé  Re.vard,  Notice  sur  Ancerville. 

51 


802  DE    L'ART    ET    DES    AUTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

peut-être   saint  Mansiiy,  patron   du  village,  et  saint  Christophe, 
dont  le  culte  était  très  en  honneur  dans  la  région. 

Des  œuvres  en  bois  exécutées  au  quinzième  siècle,  telles  que 
fiertés  ou  grands  reliquaires,  autels,  statues  et  retables,  il  en  est 
peu  qui  aient  échappé  à  la  destruction.  On  peut  cependant  citer  le 
grand  meuble  conservé  dans  l'église  de  Mognéville  qui,  classé  par 
nos  soins  au  nombre  des  monuments  et  objets  d'art  ayant  un  carac- 
tère réellement  artistique,  mérite  d'être  l'objet  d'une  étude  toute 
spéciale  '. 

Dans  ce  petit  chef-d'œuvre  en  forme  de  triptyque,  où  l'habileté 
du  ciseau  se  joint  à  la  plus  exacte  reproduction  du  fait  évangélique, 
l'artiste  imagier  a  représenté  la  Passion  de  Notre-Seigneur  depuis 
la  scène  du  lavement  des  pieds  jusqu'à  celle  de  la  Résurrection.  Les 
personnages  étaient  au  nombre  de  cent,  quelques-uns  sont  dé- 
truits; leur  attitude  est  à  la  fois  naïve  et  originale  ;  les  têtes  sont 
surprenantes  de  vérité  et  de  sentiment  ;  tous  sont  richement  cos- 
tumés et  une  peinture  intelligente  a  répandu  le  brillant  de  son 
coloris  sur  cette  œuvre  qui  peut,  à  juste  litre,  revendiquer  une 
place  honorable  parmi  les  monuments  historiques  de  la  région. 

Ces  divers  monuments  dont  nous  venons  de  signaler  l'existence 
étaient-ils  les  seuls?  Cela  n'est  point  probable.  Or  comme  l'histoire 
générale  du  Barrois  est  encore  à  faire;  que  celle  de  nos  anciennes 
abbayes  ne  paraît  point  avoir  tenté  les  religieux  qui  auraient  pu  et 
dû  s'y  intéresser,  il  reste  bien  peu  de  renseignements  écrits  sur  la 
période  antérieure  au  seizième  siècle.  Aussi  doit-on  regretter  que 
partout  on  n'ait  point  pris  le  soin,  comme  le  prescrivit  en  1552 
Tévèque  Nicolas  Pseaume,  lors  de  la  démolition  de  l'église  de 
Saint-Paul,  de  relever  toutes  les  sépultures  elles  épitaphes;  il 
nous  aurait  été  permis,  en  consultant  ces  procès-verbaux,  de  ren- 
contrer bon  nombre  de  mausolées,  de  tombeaux,  de  cénotaphes 
élevés  à  la  mémoire  de  nos  princes. 

Dans  le  recueil  publié  par  l'abbé  Lionnois,  il  est  rapporté,  en 
parlant  de  la  chapelle  de  Notre-Dame,  dite  aussi  chajJeUe  de  Bar, 

'  .Vous  avons  adressé,  ca  1896,  à  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  de 
r>ar-le-Diic  une  Xotice  très  développée  sur  cet  intéressant  retable,  dont,  en  ce 
nioment,  M.  IJœswilvakl  dirige  la  restauration. 


i 


DE    L  ART    ET    DES    ARTISTES    D  A  \' S    LE    liARROIS.  803 

que  "  au-dessus  de  la  table  de  l'autel...  y  ait  une  annuntiation  ou 
imagerie  de  piere  et  près  de  l'ange  annuncéant  est  taillé  en  piere 
ung  prince  de  Bar,  en  figure  d'ung  homme  ayant  l'ung  dos  genoux 
à  terre  et  offrant  une  cha[)pelle  à  Notre-Dame,  à  l'entour  de  la 
quelle  est  ung  tableau  escript  :  Dame  je  vous  présente ,  et  ez  ij 
espaulles  diceluy  conte  priant,  y  ait  à  chascune  ung  escusson  con- 
tenant en  champ  d'azur  ij  barbeaux  d'argent'  ». 

Ce  prince  serait  le  comte  Edouard  II  mort  à  Verdun,  en  juin 
1352,  près  de  son  cousin  Hugues  de  Bar,  évêque  de  cette  ville'. 

Très  nombreuses  étaient  autrefois  les  inscriptions  encastrées  çà 
et  là  dans  les  murs  de  nos  églises,  les  pierres  tombales  dont  le 
chiffre  serait  bien  plus  considérable,  si,  lors  des  réfections 
apportées  aux  pavés  de  ces  édifices,  on  avait  pris  le  soin  d'assurer 
la  conservation  des  dalles  les  plus  importantes,  rappelant  soit  les 
noms  et  titres  de  ceux  qui  y  avaient  reçu  la  sépulture,  soit  les 
pieuses  fondations  qu'ils  y  avaient  faites. 

Toutes,  nous  l'espérons,  ne  sont  point  destinées  à  disparaître 
dans  l'avenir;  cependant,  trop  souvent  négligées  de  ceux  là  mêmes 
qui  devraient  se  faire  un  devoir  de  veiller  à  leur  conservation, 
déjà  bon  nombre  d'inscriptions  ne  peuvent  plus  être  relevées. 
Leur  état  actuel  de  dégradation  ira  sans  cesse  en  augmentant,  car 
le  peu  de  zèle  apporté  par  les  fabriques,  par  le  clergé,  à  la  conser- 
vation de  ces  rares-  débris  si  importants  pour  l'histoire  du  passé, 
contribue  chaque  jour  à  leur  disparition. 

Il  serait  trop  long  de  décrire  dans  celte  étude  toutes  les  pierres 
tombales  et  inscriptions  funéraires,  antérieures  au  seizième  siècle, 
qui  se  voient  encore  en  place  dans  les  églises  du  Barrois;  beaucoup 
de  ces  monuments  n'existent  plus  qu'à  l'élat  de  débris.  II  nous 
suffira  de  signaler  quelques-uns  des  plus  importants  tant  au  point 
de  vue  de  leur  valeur  iiistorique  que  de  leur  remarquable  exécu- 
tion'. 

'  Recueil  des  sépultures  anciennes  et  épitaplies  de  Saint-Paul  de  Verdun, 
publié  en  1779  et  réédité  en  1865,  par  Cayon. 

*  L'abbé  Clouet,  Histoire  de  Verdun,  t.  III,  p.  2V3. 

3  Consulter  sur  ce  sujet  les  travaux  de  MM.  Oumont  et  Léon  Germain,  puis 
l'étude  de  M.  A.  Bexoit,  Inscriptions  du  département  de  la  Meuse,  dont  la  pre- 
mière partie  a  paru  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  Lettres^  Sciences  et  Arts 
de  Bar-le-Duc,  1894. 


804  DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

Il  existe  dans  l'oglise  de  La  Chalade  une  pierre  tombale,  que 
M.  Julien  Havet  attribue  à  la  6n  du  treizième  siècle,  portant  gravée 
en  creux  la  figure  d'un  chevalier  en  haubert,  avec  cette  inscrip- 
tion : 

a  Ci  gist.  mesire.  Ogiers  :  chlrs  :  sires,  de  Donevou.  proiez. 
por.  lui.  " 

Ogiers  de  Donnevou  (Dannevoux,  canton  de  Montfaucon), 
écuyer,  fut  un  des  habitants  notables  du  pays  entendus  dans  l'en" 
quête  qui  se  fit  à  Verdun,  en  mai  1288,  au  sujet  de  la  frontière 
d'Empire  en  Argonne". 

Une  inscription  encastrée  dans  un  des  murs  de  l'église  de  Saint- 
Maxe  de  Bar,  signalée  dans  le  registre  capitulaire  de  cette  collégiale, 
mérite  d'être  rapportée  ici  : 

«  Cy  gist  Ogier  Bouchard,  dame  Catherine  sa  femme  et  Jehan  leur  fils, 
trépasses  le  lundi  9  juillet  1300,  le  jeudi  9  mars  1313,  le  samedi 
24  décembre  1353,  ont  donné  8  muids  d'avoine  nioilange  à  prendre 
chacun  an  sur  la  masse  et  grange  dimeresse  de  Revigny  et  Vavincourt  aux 
supports  de  l'église  de  Céans  en  charge  de  dire  et  célébrer  par  iceux 
deux  basses  messes  par  chacune  semaine  de  l'an.  » 

On  voyait  encore  en  1868,  dans  l'église  de  Vaubecourt,  une 
pierre  funéraire  en  marbre  noir,  fort  effacée,  offrant  la  représen- 
tation d'un  chevalier  du  quatorzième  siècle  dont  l'armure  était 
recouverte  d'une  robe.  De  l'inscription  demeurée  presque  illisible 
il  ne  restait  que  : 

J de  Vaubecourt  dit  l'Ermite 


Jacques,  dit  l'Ermite,  seigneur  en  partie  de  Vaubecourt,  était 
fils  de  Gilles,  seigneur  de  Nettancourt.  Sur  la  fin  du  treizième 
siècle  il  fit  le  voyage  de  Terre  sainte,  fonda  en  1300  un  couvent 
de  cordeliers  entre  Vaubecourt  et  Triaucourt,  puis  vendit  en  1314 
au  comte  de  Bar  sa  maison  de  Vaubecourt  et  toutes  ses  apparte- 
nances ^ 

'  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  chartes,  t.  XLII,  année  1884,  p.  383-428.  — 
Cette  dalle  remonte,  croyons-nous,  au  quatorzième  siècle;  les  armes  des  Danne- 
vaux  étaient  :  d'argent  à  trois  lionceaux  de  sable. 

*  DiFOURNV,  Inventaire,  layette  Bar. 


DE    LA  HT    ET    DES    AUTISTES    DAXS    LE    BAR  ROIS.  805 

Une  dalle  de  la  cathédrale  de  Verdun  nous  offre  l'inscription 
suivante  : 

tt  Cy-gist  :  honorable  et  discrète  personne  :  maislrc  Jehan  de 
Poulougni  maistre  ens  ars  et  en  medicine  :  fusiciens  des  signours 
et  dames  de  Bar  :  chanoines  de  céans  :  cureis  de  saint  Médard  : 
doiiens  de  la  crestientei  de  Verdun  ;  qui  trespassoit  :  lan  de  grâce 
nostre  signour  M  CGC  IIII  XX  et  VI  le  xx  jour  de  fevries  :  proies 
pour  lii".  i> 

Nous  ne  savons  que  penser  de  cette  date  de  1386  en  présence  des 
suivantes,  rapportées  par  M.  Servais,  qui  nous  montrent  dès  l'année 
1346  Jean  de  Pouligny ,  physicien,  chanoine  de  Verdun,  à  qui 
son  degré  de  science  et  ses  fonctions  canoniales  paraissent  devoir 
assigner  un  âge  déjà  avancé,  attaché  par  lolande  de  Flandre  au 
service  de  sa  maison;  en  1365  il  se  rendait  de  Verdun  à  Briey 
pour  soigner  le  duc  de  Bar.  Nous  le  retrouvons  dans  les  archives 
du  Barrois  indiqué  comme  étant  prévôt  de  la  Madeleine  en  1388, 
physicien  du  duc  Robert  en  1399,  1403  et  1405,  puis  habitant  Bar 
en  l'année  1420*. 

Dans  l'église  du  prieuré  de  Dieu-en-Souvienne  se  voyaient, 
avant  la  Révolution,  les  tombeaux  des  seigneurs  de  Louppy;  tous 
ont  disparu  lors  de  la  destruction  de  ce  petit  monastère,  mais  leurs 
épitaphes,  retrouvées  par  le  R.  P.  Goffinet  dans  les  papiers  d'un 
curé  luxembourgeois  qui  les  avait  relevées  au  seizième  siècle, 
doivent  être  sous  peu  l'objet  d'une  étude  de  la  part  de  notre  con- 
frère M.  Léon  Germain. 

La  dalle  funéraire  qui  recouvrait  les  cendres  de  Raoul  de 
Louppy,  ancien  gouverneur  du  Dauphiné,  un  des  personnages  les 
plus  marquants  de  son  temps,  et  celles  de  Jeanne  de  Conflans,  sa 
femme,  a  été  brisée  et  employée  à  la  confection  de  deux  marches 
d'escalier  et  du  seuil  d'une  maison  d'auberge,  à  Villotle  devant 
Louppy.  On  y  lit  : 

Cy.  gisl.  Messires.  Raouls.  jadis,  sires,  de.  Louppy.  et.  de.  BoursoU. 

1  In.scription  relevée  par  M.  Ch.  Buvignier  et  publiée  dans  le  Journal  de  la 
Société  d'archéologie  lorraine,  1837. 
-  Victor  Servals,  Annales  du  Barrois. 


là 


80G 


DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DA\S    LE    BARROIS. 


Chrs.  qui.  trespassa. 
(l'an  MCCC  Illl)  XX  et 
VIII.  le  III'  jour,  (de) 
(l'année)  '. 

Cy.  gist.  Madame. 
Jelianne.  de.  Conflans. 
sa.  femme,  qui  trespassa 
(l'an  M.  CGC.  LXXX.  la 
lll«  feste  de  la  Pentes- 
cote.  Pries.  Dieu  pour 
elle). 

Une  grande  dalle  du 
Musée  de  Bar,  décou- 
verte par  notre  con- 
frère et  ami,  M.  E. 
Pierre  de  Houdelain- 
court,  dans  l'àtre  du 
foyer  d'une  maison 
de  Baudignecourt,  fait 
connaître  un  abbé 
du  monastère  d'Evaux 
dont  le  nom  ne  figure 
ni  dans  le  cartulaire 
de  cette  abbaye,  ni  dans 
la  liste  des  abbés  que 
donne  le  GalUa  Chris- 
tian a. 

j  Lan.  de.  grâce,  mil.  cccc. 

[et.  iiii] 

le.  xxv^  daoust.  obit.  frères. 

[Jelians.  abbes.] 

fut.   de.    cest.    monastère. 

[xvui.  ans.  se.  mest] 

'  La  fête  de  Pâques  tom- 
bant cette  année  le  29  mars, 
Haoul  dut  mourir  le  31, 
jour  qui,  suivant  la  manière 
de  compter  alors  en  usage, 
était  le  troisième  de  l'année. 
Annales  du  Barrais,  t.  II, 
p.  140. 


J 


DE    LART    ET    DES    AUTISTES    DANS    LE    BARUOIS.  S07 

advis.  son.  anie.  soit.  en.  paradix. 
•f  Et.  fut.  son  successeur 
Orris.  de.  Cliallevreiines.  iadis.  ablies  de 
(Clere)  fontaine,  et.  de.  Vaulx  '. 

I!  y  a  quelques  années,  nous  avons  relevé  et  pris  les  estampages 
de  toutes  les  inscriptions  qui  se  trouvent  dans  l'église  de  Dam- 
marie.  La  suivante,  gravée  sur  un  des  piliers  de  la  nef,  nous  parait 
mériter  d'être  reproduite: 

Ci  :  gist  :  vénérable  et  :  re 

ligieuse  psône.  frère  :  Jèh  :    • 

le  :  fevre  :  de  Uaêma 

rie  :  leql  :  a  :  fait  :  faire  :  cest  : 

pote  :  eglie  :  et  :  trespassa  • 

le  :  viii'  iour  :  de  iullet  :  M 

iiii  :  cccc  :  Ix  :  et  xviii  (cloche) 

prie  :  dieu  :  povr.  Ivy 

(main)  de.  F.  P.  Chr.  de  Joinville.  re. 

Xous  avons  acquis  il  y  a  quelques  années,  pour  le  Musée  lapi- 
daire de  Bar-le-Duc,  une  dalle  funéraire  dont  l'inscription,  d'une 
remarquable  facture,  se  détache  en  relief  sur  un  fond  gradiné 
autrefois  doré  ;  au  haut  du  tableau  l'artiste  a  reproduit,  entre  les 
deux  défunts  agenouillés,  la  scène  si  fréquemment  représenté» 
alors  par  les  imagiers  :  sainte  Anne  instruisant  la  sainte  Vierge. 

En  cest.  chapelle,  gist.  Ysabel.  de  la  Reaulté.  jad.  feme.  a  feu. 
pierresso.  Brûle,  auditeur,  e.  la  chabre.  des  coptes,  a  Bar  laquelle, 
trespassa.  le.  jeudi  viij*  jo^  de  novcbre.  l'an.  mil.  iiij<=  iij^^  et.  xij.  Et. 
aussi,  y.  est.  inhumé.  Maistre.  Jlian.  de.  leglise  leur  gëdre.  qui. 
trespassa.  le.  mardy.  le  xxix=  jour,  de.  Avril,  lan.  de.  grâce  M.  cinq, 
cens,  et  cinq.  P.  pour  (eux).^. 

A  l'exception  de  Jehan  de  Saint- Joire  et  de  F.  P.  Chr.  de  Jom- 
ville,  que  nous  croyons  être  le  lapicide  auteur  de  l'inscription  de 
Dammarie,  nous  ne  connaissons  point  les  tumbiers  qui  exécutèrent 
les  dalles  funéraires  autrefois  en  si  grand  nombre  dans  le  Barrois. 
Quant  aux  imagiers  auxquels  on  doit  attribuer  l'exécution  des  tom- 

>  Mémoires  de  la  Socictc  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  de  Bar-le-Duc. 

*  C.  Maxk-Wkrlv  et  E.  Pierre,  Dalle  funéraire  de  Jean  de  Trousseij,  abbé 
d'Evaux,  mort  en  IVOV.  Mémoire  de  la  Société  de  Lettres,  Sciences  et  Arts  de 
Bar-le-Duc.  '■i'^  série,  T.  !II,  1894. 


808 


DE    L'ART    ET    DES    AUTISTES    DANS    LE    BARROIS. 


beaux,  rclahles,  autels,  piscines,  statues  et  boiseries  de  nos  églises, 
nous  avons  rencontiô  fort  peu  de  renseignements  sur  ces  artistes; 


"^*""™T  " " ' 1 Tl  _      Jl     TWl^^W    IBIL  lin      Ip  UMIIPW^^IMII  Ti'  ""  "^ —      *X.— 


aLiiLitjai:4\tictiIîjitiiiiri 


*tt'^N 


V^ 


v.^- -,oit  -^^X 


leurs  noms  nous  apparaissent  le  plus  souvent  dans  de  très  courtes 
mentions.  Comme  nous  ne  possédons  plus  les  comptes  trésoraires 


i 


^1 


Dl-:    I/AKT    ET    DES    ARTISTES    D  A IV  S    LE    BAUROIS. 


S09 


des  églises  à  rembellisseiiient  (lesquelles  ces  iinagiors  ont  si  large- 
ment contribué,  nous  ne  pouvons  déterminer  l'attrihulion  qui  peut 
être  faite  à  chacun  d'eux,  ni  juger  des  prix  payés  pour  l'exécution 
des  œuvres  admirées  autrefois  à  Saint-Maxe,  à  Notre-Dame  et  à 
Saint-Pierre  de  Bar. 

Le  plus  ancien  tailleur  d'images  dont  il  soit  fait  mention  dans 
les  comptes  du  Barrois  est  Collignon  le  Marjolet  (le  moucheté), 
maçon,  qui,  en  1M9,  refait  «  a  nuef  le  chief  et  la  couronne  de 
limaige  de  sainte  Catherine  en  la  cbappelle  de  Queurres  (Kœurs)  '  »  . 

Nous  n'avons  point  d'autre  renseignement  sur  cet  imagier  et 
n'avons  point  rencontré  de  nouveaux  documents  sur  Pierre  de 
Milan  dont  il  a  été  fait  mention  dans  un  précédent  chapitre.  On 
sait  que  de  1462  à  1464  cet  artiste  avait  un  atelier  dans  le  voisi- 
nage de  l'église  Saint-Pierre. 

Vient  ensuite  Husson  l'imagier,  dont  le  nom  6gure  dans  une 
lettre  datée  de  Louppy-Ie-Chàteau,  du  22  juillet  1464,  par  laquelle 
le  duc  René  «  sur  l'avis  de  maître  Husson  imagier,  ordonne  au 
prévôt  de  Foug  de  lui  apporter  certaines  imaiges  et  un  ciboire 
pour  l'église  de  Dieu-en-Souvienne  ^  î  . 

Sur  un  fragment  de  statue  de  pierre,  rencontré  au  milieu  des 
débris  qui  se  trouvaient  dans  les  caveaux  de  l'église  Saint-Pierre, 
nous  avons  remarqué,  tracée  à  la  pointe,  la  signature  d'un  sculp- 
teur de  ce  nom. 


A  la  même  époque,  un  compte  de  Jean  de  Barbonne,  receveur 
général  du  Barrois  (1464-1465),  nous  apprend  qu'il  fut  remis: 
«  x'  vij'  ii]**  à  maistre  Tristani,  tailleur  d'images  en  pierre,  lequel 


B.  2795,  f°  64  r". 
B.  2227,  ^69  V,  1. 


810  DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DAXS    LE    BAKUOIS. 

par  le  mémoire  envoyé  par  le  roy  de  Sicilleet  apporté  par  Henriet 
a  esté  mandé  de  par  ledit  seigneur  roy,  alors  en  Anjou,  et  a  esté 
appoincté  avec  luy  pour  ses  dépens  à  la  somme  de  vj  escuz  comme 
(appert)  par  le  tesmoingnage  dudit  Henriet  '.  » 

IVous  proposons  de  reconnaître  dans  cet  artiste  un  personnage 
du  même  nom,  demeurant  en  1460  à  Hattoncliàtel,  que  nous 
retrouverons  plus  loin  travaillant  à  la  cathédrale  deTouI  et  faisant 
«  les  dessins  et  patron  du  portail  de  Toul  »  . 

Lors  des  travaux  entrepris  au  château  de  Louppy,  dans  le  der- 
nier tiers  du  quinzième  liècle,  on  remarque,  au  nombre  des 
ouvrages  exécutés  pour  la  chapelle,  la  confection  d'un  grand  reli- 
quaire dont  la  décoration  fut,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  confiée  au 
peintre  Simonin  (page  72).  Le  compte  de  Parisot  des  Bordes,  pour 
l'exercice  1473-1474,  rapporte  qu'il  fut  payé  une  somme  de 
u  50  fr.  à  Jehan  le  menusier  pour  avoir  fait  une  fierté  de  boix 
taillée  et  ouvrée  de  menuiserie  bien  gentemenl  à  quatre  pilliers, 
deux  panneaulx  et  les  chenets,  où  étaient  en  l'un  les  armes  du  Roy 
et  celles  de  la  lloyne  en  l'autre,  laquelle  fierté  pour  mettre  en  icelle 
plusieurs  belles  et  dignes  reliques  de  plusieurs  sains  de  paradis 
qui  sont  en  la  chapelle  du  chastel,  et  dix  gros  pour  avoir  fait  deux 
tabernacles,  l'un  sur  Nostre  Dame  et  l'autre  sur  sainct  Jehan, 
pour  avoir  lambrouxié  par  dedans  la  fenestre  où  est  le  chiefsaincte 
Urcille  pour  la  frescheur  du  mur,  d'avoir  fait  ung  tableyt  où  sont 
mises  par  escript  les  ordonnances  destestamens  feu  messire  Raulx 
de  Louppy  et  deux  petis  bayars  de  bois  à  pourter  icelle  fierté  et 
ledit  chief-  « . 

Nous  citerons  enfin  Michel  et  François  Pei'rin,  dont  l'inventaire, 
des  archives  de  la  Meuse  ne  fait  aucunement  mention  et  qui, 
demeurés  inconnus  à  l'auteur  des  Annales  du  BarroiSj  seraient 
restés  dans  l'oubli,  si  M.  Alfred  Jacob,  en  reprenant  sur  notre 
demande  l'esamen  des  comptes  de  cette  époque,  n'avait  eu  la 
bonne  fortune  de  découvrir  leurs  noms  dans  le  compte  de  Chris- 
tophe Liétard,  receveur  général  du  Barrois,  puis  l'extrême  obli- 
geance de  nous  faire  parvenir  aussitôt  le  document  suivant: 


B.  503,  f  163  v». 
B.  1335. 


1)K    I,  ART    ET    DES    AUTISTES    II  A  \  S    LE    UARROIS.  811 

X'.  Xlj*.  \j'' Assavoir  a  Didier  de  Villers  pour  le   bois  de  quatre 

tal)leaux  dressez  sur  quatre  piedz  que  maistre  Michiel  Perin  yinaigier  a 

fait  faire  pour  faire  les  lyons  dessus iij  gros; 

Item  i\  François  Rouyer  de  Condey  pour  advoir  fait  et  fourni)  les  piedz 

desdits  quatre  tableaux iiij  gros  ; 

Item  pour  le  sallaire  de  huict  ouvriers  qui  ont  été  chaver  et  tirer  la  terre 
pour  faire  lesdits  lyons  entre  Lisle  et  le  Petit  Louppy  en  lieu  dit  laCouleu- 

vrière,  à  raison  de  iij  blancs  l'un  vallent.  * vi    gros 

Item  paie  à  deux  cbarretiei-s  dudit  Condey  qui  ont  fait  le  charroy  et 
admenez  la  dicte  terre  audict  Condey  pour  la  batre  et  convertir  en  nature 

pour  ouvrer,  à  raison  de  vj  blans  la  voie,  valent iij  gros 

llem  paie  à  huict  compaingnons  dudit  Condey  pour  leurs  peinnes  et 
sallaires  d'avoir  battu  ladicle  terre  par  deux  nuyttêes  durant,  à  raison 
de  vj  blans  pour  chascun  des  dicts  compaingnons,  valent.  .  .  xij  gros 
Item  paie  à  doux  charretiers  dudit  Condey  pour  leurs  sallaires  d'avoir 
admené  dudit  lieu  de  Condey  au  chasleau  de  Bar  deux  voictures  de  ladicte 
terre  après  ce  quelle  a  esté  battue  et  ouvrée  pour  ouvrer.  ...  vj  gros 
Item  paie  à  deux  antres  compaingnons  dudit  Condey  qui  ont  encorres 
battu  une  demye  charrée  de  ladite  terre   par  ung  jour  entier,  à  raison  de 

vj  bl.    l'un,  valent iij  gros 

Item  paie  audit  Michel  pour  une  vieille  nappe  et  ung  voile  lincioux  par 

luy  achetez   pour  couvrir  son  ouvraige xiiij  bl. 

Item  donné  à  François  Perin  frère  dudit  Michiel  pour  son  sallaire  d'avoir 
esté  par  quinze  journées  à  aidier  à  son  frère  à  besongner  es  lestes  de 
cerfs  et  de  biches  dont  l'on  na  es  ramures  des  chandeliers  pour  servir  es 
salles  et  galleries  à  raison  de  vj  bl.  par  jour,  vallenlz.  xxij  gros  et  demi 
Item  baillée  audit  François  Perrin  pour  avoir  depuis  besongné  et  aidier  à 
son  dit  frère  à  parfaire  les  quatre  lyons  de  terre  qu'il  a  faicle  par  l'ordon- 
nance de  la  Royne  de  Sicile,  nostre  très  redoublée  dame,  pour  mectre  à 
l'entrée  de  l'église  de  Sainct  Maxe  de  Bar  pour  tenir  les  basions  du  ciel 
qui  y  a  esté  mis  pour  le  baptisement  de  l'enfant  de  mons'^  Guyse,  par  six 

journées  a  raison  de  vj  bl.  par  jour,  valent ix   gros; 

Item  paie  pour  ung  cent  de  grans  fagots  bons  et  secqs  que  ledit  Michiel  a 
faict  adinener  dudit  Condey  en  chasleau  dudit  Bar  pour  mettre  en  four- 
neau à  cuire  les  dits  lyons \j  gros; 

Item  paie  a  François  Bouchart  pour  avoir  délivrez  audit  Michiel  trente 
livres  de  plaire  pour  aidier  à  parfaire  les  dits  lyons  à  raison  de  j.  gr.  la 

livre,  valent xxx  gros  ; 

Item  paie  audit  Michiel  pour  avoir  fourny  douze  livres  de  plâtre  qu'il  a 

mis  en  œuvre  à  faire  les  dits  lyons xij  gros  ; 

llem  baillié  à  Denis  Benoyl  boitier  j)our  des  bouts  de  blanc  fer  qu'il  a  faiz 
pour   mettre   les   chandelles  et  rameures  des  dictes  testes  de    cerfs   et 


812  DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DAXS    LE    BARROIS. 

biches 'i'j  H''*  et  demi  ; 

Item  baillié  au  torneuf  qui  avoit  mys  le  boys   es  dites    rameures  pour 

mettre  les  dits  bouts  de  blanc  fer iij  gros; 

lesquelles  parties  montent  ensemble  à  ladite  somme  dex  fr.  vij  gros  et  demi. 
Appert  parle  tesmongnaige  signé  du  clerc  juré  '. 

Grâce  à  ce  document  qui,  malgré  son  étendue,  nous  a  paru 
mériter  d'être  reproduit  in  extenso,  on  peut  suivre  nos  artistes 
dans  tous  les  détails  de  Topération  qu'ils  avaient  à  accomplir, 
depuis  la  préparation  des  quatre  selles  élevées  sur  lesquelles  ils 
doivent  modeler  les  lions,  jusqu'au  jour  de  la  mise  en  place  de 
leur  œuvre  terminée.  IVous  assistons  à  l'extraction  de  la  terre  spé- 
ciale qui,  prise  à  la  fosse  de  la  Couleuvrière,  lieudit  proche  de 
Louppy-le-Petit  (aujourd'hui  dénommée  sur  le  cadastre  Terre  aux 
pois),  est  amenée  à  Coudé,  village  voisin,  pour  y  être  battue, 
malaxée,  corroyée  avant  d'être  expédiée  au  château  de  Bar  où  les 
frères  Perrin  travaillaient.  Préparée  avec  tous  les  soins  habituels 
—  toutes  les  matières  calcaires  en  ayant  été  extraites  —  cette  terre 
sous  la  main  de  nos  deux  artistes  est  convertie  par  eux  en  tor- 
chères, représentant  des  tètes  de  cerfs  et  de  biches,  destinées  aux 
salles  et  aux  galeries  de  château,  puis  en  quatre  lions  dressés  qui 
porteront  les  bâtons  du  dais  placé  à  l'entrée  de  la  collégiale. 

Enfin  dans  un  autre  passage  de  ce  compte  il  est  rapporté  qu'il 
fut  payé  «  en  monnaye  de  Barrois  à  Adam  le  cordier  demourant  en 
la  rue  de  Veel  pour  six  trais  de  charrue  qu'il  a  délivrez  à  Nicolas 
le  chairon  pour  porter  on  chasteau  à  maistre  Michiel  Perin  ymai- 
geur  pour  pendre  les  testes  de  cerfs  et  de  biche  qu'il  a  faictes 
pour  des  chandeliers  es  grandes  galleries  et  en  la  chambre  du 
chasteau  de  bar vj  blancs*  «. 

Si  ce  compte  de  fabrication  ne  fait  point  connaître  le  pays  d'ori- 
gine de  Michel  et  de  François  Perrin,.  on  peut  cependant  croire 
qu'ils  étaient  établis  à  Bar,  car  dans  ce  même  compte  il  est  fait 
mention  d'un  certain  a  Didier  Perrin  (leur  frère  ou  leur  parent), 
serrurier  demourant  à  Bar  »  et  travaillant  au  château  \ 


'  B.  621,  f»^  127,  127  v°,  3. 

'-  B.  621,  f"  134-  V",  1. 

^  «  I*ayez  par  ledit  receveur  en  trois  frans  ung  blanc  à  Didier  Perin  sarrurier, 
demeurant  à  Bar  pour  son  sallaire  d'avoir  fait  les  ouvraiges  de  son  mestier  en 
chasteau  de  Bar...  »  B.  621,  f°  128-1. 


DE    l/ART    ET    DES    ARTISTES    DA\S    I,E    BARROIS.  Si;} 


MAITRES  DKS   OEIVRES 

On  donnait  au  moyen  âge  le  titre  de  maître  des  œuvres  au  maître 
maçon  chargé  de  dresser  les  plans,  de  faire  les  devis  et  d'exécuter 
la  construclion  d'un  édifice,  église  ou  palais,  d'une  fortification 
quelconque,  d'un  pont,  d'une  simple  maison,  car  en  ce  temps  le 
maître  des  œuvres  était  ce  que  sont  de  nos  jours  les  architectes  et 
les  ingénieurs'.  Ils  devaient  surveiller  la  livraison  des  matériaux, 
diriger  eux-mêmes  les  ouvriers,  et,  lorsqu'il  s'agissait  d'une  hahi- 
tation  particulière,  non  seulement  la  construire  depuis  les  fonda- 
tions jusqu'au  faite,  l'orner  et  la  décorer  à  l'extérieur,  mais  encore 
la  meubler  et  l'aménager  à  l'intérieur. 

Les  constructeurs  de  génie  qui  élevèrent  ces  cathédrales,  objets 
de  notre  admiration,  sont  qualifiés  dans  nos  comptes  "  maîtres  de 
l'œuvre,  maîtres  tailleurs  en  l'art  de  la  maçonnerie,  maîtres- 
maçons  1)  et  quelquefois  même  sous  la  simple  dénomination  de 
tt  maçons  »  qui  ne  permettrait  guère  de  distinguer  le  vulgaire 
ouvrier  de  l'architecte,  si  les  détails  du  compte  ne  nous  venaient 
en  aide. 

M.  H.  Lepage  n'a  point  rencontré  dans  les  comptes  de  Lorraine 
la  qualification  d'architecte  avant  l'année  1612. 

Les  Jacqnemin.  Au  cours  du  xV  siècle,  il  y  eut  à  Commercy 
deux  imagiers  célèbres  du  nom  de  Jacquemin  qui  ne  paraissent 
point  avoir  été  appelés  à  travailler  dans  notre  région  5  du  moins 
les  archives  du  Barrois  ne  procurent  sur  eux  aucun  renseigne- 
ment. 

Le  premier  en  date,  Jacquemin  Rogier  ou  Hogier,  né  à  Com- 
mercy vers  1371    «  aurait  été,  dit  Dom   Calmet,  l'architecte  des 


'  Dans  ses  Annales  du  Barrois,  M.  Servais  rapporte,  d'après  des  archives  qu'il 
a  pu  consulter.  (|u'en  1352  les  travaux  entrepris  à  Gondrecourt  pour  mettre  le 
château  en  état  de  défense  furent  confiés  à  Guillaume  de  Demenge,  maître  de  la 
fermeté  de  cette  ville.  On  ne  voit  pas  pourquoi  notre  annaliste  se  refuse  à  recon- 
naître dans  ce  personnage  l'ingénieur  W  Demenge  de  Rosières,  qualifié  du  titre 
engignor,  angignour,  dans  les  lettres  que  la  comtesse  lui  adressait  cette  même 
année,  l'invitant  à  venir  conférer  avec  elle.  En  1401,  sur  les  ordres  du  duc  Ro- 
bert, »  maistre  Jenniu  de  Buignéviile,  son  niaistre  masson,  j  passait  deux  jours 
à  visiter  cette  forterefse  et  à  reconnaître  les  réparations  que  son  état  nécessitait 
(t.  I,  p.  9,  et  t.  II,  p.  321). 


814  DR    I/ART    ET    DES    AUTISTES    DA\S    LE    BAUROIS 

tours  et  du  portail  de  la  cathédrale  de  Toul  ;  sa  figure  en  relief  se 
voyait  au  pied  et  à  côté  de  la  tour  méridionale  de  l'église  en  1751. 
Il  était  représenté  «lei)0ut  et  son  fils  auprès  de  lui,  mais  la  légende 
inscrite  au  bas  était  alors  si  mutilée  qu'il  n'était  plus  possible  delà 
déchiffrer  » . 

Cet  artiste,  qui  mourut  en  1M6  et  fut  inhumé  aux  Cordeliers  de 
Toul,  ne  nous  est  guère  connu  que  par  l'inscription  suivante 
gravée  sur  son  tombeau  ;  son  nom  n'apparaît  point  dans  les  comptes 
du  temps. 

Cy  git  maître  Jacquemin  Rogier  en  sou  vivaut 
Deruier  maître  masson  de  S'  Ktieniie, 
Lequel  commença  le  Portail  de  ladite  Eglise, 
Qui  trépassa  l'an  1VV6  l'onzième  jour  de  février. 
Dieu  lui  lasse  merci.  Amen. 

Autour  de  la  dalle  on  lisait  : 

Ceux  qui  usent  d'art  et  useront. 
Moult  renommés  sont  et  seront. 

Au-dessus  on  voyait  une  équerre,  un  compas,  deux  marteaux 
entrelacés,  insignes  de  sa  profession  ;  au-dessous  un  grand  J, 
initiale  de  son  nom  ;  puis  sur  chacun  des  côtés  la  croix  à  double 
traverse  qui  venait  de  faire  son  apparition  en  Lorraine  '. 

Gérard  Jacquemin,  son  fils,  qui  reprit  la  suite  de  ses  travaux, 
est  mieux  connu.  Dès  l'année  1447,  il  aurait  été  chargé  par  Aubry 
de  Briel,  archidiacre  du  diocèse  de  Toul,  de  dresser  le  plan  du 
portail  de  la  cathédrale  et  c'est  en  qualité  d'architecte  qu'il  aurait 
dirigé  les  travaux  de  cette  œuvre  considérable,  à  laquelle  contri- 
buèrent par  leurs  dons  l'empereur  d'Allemagne,  le  roi  de  France 
Louis  XI,  le  duc  René  II,  la  noblesse  et  le  clergé  de  Lorraine  -. 

Cette  date  de  1447  et  l'attribution  du  dessin  du  portail  à  Gérard 
Jacquemin  sont  contredites  l'une  et  l'autre  par  la  découverte  du 
document  suivant.  Le  7  mai  1460  les  chanoines  ordonnèrent  au 
maître  de  fabrique  demander  "uiaistres  Jacquemin  deLenoncourt, 

'  Voir  DomCii.MET,  Bibliothèque  lorraine,  p.  53G. 

-  Louis  XI  aurait  donné  une  somme  de  I,.î(JO  livres  par  l'intermédiaire  de  son 
grand  aumônier.  — Thiekrv,  Histoire  de  Toul,  t.  II,  p.  G3.  —  L'abbé  Balthasar, 
Notes  historiques  sur  la  cathédrale  de  Toul.  Paris,  1848,  in-8". 


DE    l.ART    ET    DES    ARTISTES    DAXS    LE    BARUOIS.  815 

MeiKjin  et  Husson  de  Bar,  les  deux  premiers  travaillant  au  clocher 
(portail)  de  Saint-Antoine  (aujourd'hui  Saint-Martin  de  Pont-à- 
Mousson),  afin  de  marchander  avec  Jean  Drouin,  bourgeois  de 
Toul,  et  Mengin  Chevrot,  de  \  icherey,  l'ouvrage  du  porlail  de 
l'église  de  Toul,  puis  de  payer  à  maître  Tristan  d'Hattonckalel  le 
patron  (le  dessin)  par  lui  fait  pour  ledit  ouvrage  "  . 

Ainsi  Jacquemin,  à  qui  les  Annales  de  l'église  de  Toul  donnent 
Lenoncourt  comme  lieu  de  résiilence,  n'aurait  été  que  l'exécuteur 
du  portail  avec  Mengin,  Husson,  Drouin  et  Chevrot,  invités  parles 
chanoines  dès  le  22  septembre  a  à  faire  les  môles  et  autres 
ouvrages  concernant  le  pourtal  de  leur  église'  » . 

Cette  même  année  il  était  payé  une  certaine  somme  «  à  M°  Jac- 
quemin, maçon  de  Toul  que  le  bailli  de  Joinville  manda  lui  envoyer 
audit  lieu,  pour  historier  et  entailler  une  cheminée'  «  , 

En  1480,  Jacquemin  était  appelé  à  A^ancy  par  le  duc  René  II 
pour  décorer  de  sculptures  la  chapelle  ou  oratoire  du  Palais  Ducal: 
«A  Gérard  Jacquemin,  ymagier  demeurant  à  Toul,  pour  une 
Xunciade  avec  les  armes  de  Monseigneur  qu'il  a  ordonné  mettre 
sous  la  tablette  de  l'autel  de  la  chapelle  de  Monseigneur'  .•>■>  Cette 
même  année,  par  suite  d'accident  ou  de  maladie,  Jacquemin  avait 
dû  entrer  à  la  Maison-Dieu  de  Toul.  Peu  après  il  était  remis  «  à 
maistre  Jacquemin,  masson,  demeurant  à  Toul,  33  livres  6  sols 
8  deniers  pour  la  paye  d'un  tableau  qu'il  a  faict  sur  l'autel  de  la 
chapelle  du  duc  Charles  en  l'église  Saint-Georges  *  » . 

En  1485,  Jacquemin  est  désigné  dans  un  document  comme 
maître  des  œuvres  du  grand  portail:  «  Mandement  sur  le  receveur 
général  Antoine  Varrin  portant  150  escus  (à  raison  de  25  gros 
pièce)  restant  des  200  escus  a  quoy  le  roy  de  Sicile  avait  mar- 
chandé à  AP  Jacquemin  l'imagier.  M*"  des  œuvres  du  grand  portail 
de  l'église  cathédrale  de  Toul,  de  faire  et  tailler  l'image  du  roy  de 
Sicile  avec  ses  armoyeries,  en  ouvrage  eslevé  et  icelles  asseoir 
audit  grand  portait.  » 


'  Registres  du  cliapilre.   —  Journal  de    la  Société   d'arc/iéolotjie  lorraine^ 
1802,  p.  25:3. 

-  .Arcliives  de  Mpurtlie-ct-Mosellc.  D.  976.  —  Annuaire  delà  Meurthe,  J865. 

-  Und.  B.  076. 

*  Bulletin  de  la  Société  d'archéologie  lorraine,  t.  XI\',  p.  28.  lî.  979. 

^  H.  I^EPAGE,  Communes  de  la  Meurthe.  Toul,  uote  p.  568.  —  Sclou  dom  Cal- 


816  DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    RARROIS. 

En  1490,  Jacquemin  s'engageait  «  à  faire  de  pierre  de  taille,  en 
ouvrage  élevé,  les  armes  de  René  II  sur  la  grande  fenêtre  jumelle 
dudit  portail'  » . 

Cet  artiste  auquel  M.  Bellot  Herment  attribuait  la  décoration  du 
portail  de  Saint-Pierre  de  Bar,  au  temps  de  Louis  Guyot,  doyen 
de  cette  église,  n'acheva  point  celui  de  la  cathédrale  de  Toul  qui 
fut  terminé  seulement  vers  1498  ;  il  dut  mourir  vers  1491,  ainsi 
que  l'établit  le  document  suivant  :  «  payé  dix-sept  frans  quatre 
gros  aux  valets  de  feu  M*  Jacquemin,  masson,  demeurant  à  Toul, 
pour  fer  et  plomb  que  Monseigneur  leur  a  ordonné  bailler  pour 
attachier  l'ouvraige  qu'ils  ont  faict  pour  Monseigneur  au  portail  de 
Samt-Etienne  de  TouP.  » 

On  ne  peut  accepter  avec  M.  Adolphe  Lance ^  que  Jacquemin  de 
Commercy  puisse  être  confondu  avec  Jean  de  Commercy,  son 
contemporain,  chargé  en  1440  d'achever  la  chapelle  des  évêques 
de  la  cathédrale  de  Metz,  à  laquelle  il  restait  à  faire  la  voûte,  les 
verrières  et  le  pavement.  En  1443  cette  chapelle  était  «  parfaicte 
et  eschevée*.  Et  fut  refaite  par  un  maistre  masson  appelé  Maistre 
Jehan  de  Commercy  et  fut  appellée  lad.  chappelle  des  Cureiz  de 
l'Evesché  de  Metz  pourtant  que  chancun  y  meit  sa  part  et  y  meist 
led.  maistre  Jehan  iij  ans  à  la  faire*» . 

Ce  ne  fut  point  le  seul  ouvrage  exécuté  à  Metz  par  maître  Jehan. 
Il  est  rapporté  dans  la  Chronique  de  Saint-Tliiéhaut  que  «  au 
mois  de  jullet  lan  que  dessus  (1444)  fut  faicte  la  croix,  le  puixe 

met,  a.  les  deux  tours  de  la  cathédrale  de  Toul  furent  achevées  eu  1496,  par  Jac- 
quemin de  Commercy,  architecte,  et  par  les  soins  d'Albéric  Briel,  vicaire  géné- 
ral, qui  en  jeta  les  fondemens  en  1463.  Necrol.  Cathed.  Titll.  i  —  Histoire  de 
Lorraine,  2^  édit.,  t.  I,  pr.  cl.  x.vx,  note  S. 

'  Archives  de  la  Meurthe-et-Moselle.  B.  988. 

^Bulletin  de  la  Société  d'archéologie  lorraine,  t.  XIV^,  p.  28.  —  B.  990. 

^  Dictionnaire  des  architectes. 

*  E.  Bégix,  Histoire  de  la  cathédrale  de  Metz. 

'"  Dom  C.^LMET,  Histoire  de  lorraine,  \.^^  édit.  Preuves,  p.  249.  M.  Gustave 
Save  ne  peut  croire  à  l'existence  de  deux  imayiers,  maîtres  des  œuvres,  du 
monde  Jacquemin.  Le  premier  en  date,  mort  en  1466,  que,  par  suite  de  la 
lecture  inexacte  de  l'épitaphe  gravée  sur  son  tombeau,  Dom  Calmet  dénomme 
Rogier  ou  Hogier,  serait  en  réalité  Gérard  Jacquemin,  mort  en  1491.  Au  lieu  de 
la  date  mil  cccc  xxxx  vi,  il  faudrait  lire  mil  cccc  iiii'^^  vi,  puis,  dans  le  mot 
Rogier  ou  Hogier  à  demi  effacé,  reconnaître,  avec  M.  Gustave  Save,  la  finale 
de  imagier. 


DE    LAUT    ET    DES    AUTISTES    DAXS    LE    BARROIS,  817 

(puits)  et  le  pont  qui  sont  devant  les  pontz  des  mors  et  les  fist 
faire  ung  nohle  chevalier  de  Metz  de  ly  propre,  appellées  seignour 
Xicole  Lowe  chevalier,  par  ung  maistre  niasson  appelle  Jehan  de 
(lommercy  '  ^ .  Puis  plus  loin  :  «  Adhoncg  fut  faict  un^r  fjrand 
Boullewerque  devant  la  porte  du  pont  des  mors  et  ung  devant  la 
porte  serpenoise  par  maistre  Jehan  de  Commercy,  l'imagier -.« 

De  ces  documents  il  résulte  que  Jehan  de  Commercy,  maçon, 
entrepreneur,  maître  des  œuvres,  imagier,  était  en  même  temps 
ingénieur  forlificateur. 


Xous  possédons  bien  peu  de  renseignements  sur  les  maîtres 
des  œuvres  nés  dans  le  Barrois  où  y  ayant  exercé  des  fonctions 
comme  maîtres  maçons  ou  maîtres  charpentiers.  Nous  n'avons  à 
citer  que  les  suivants  : 

Thiébalt  de  Ligxy,  architecte  du  comte  de  Blois  en  1354  \ 

Jehan  Thiérion,  désigné  «  maistre  et  gowernaire  de  l'evre  de 
la  chapelle  de  Gondrecourt  *  " . 

Jacqlemin  de  Vaucouleurs,  maître  maçon,  chargé  d'exécuter 
divers  travaux  au  donjon  du  château  de  Foug  de  1377  à  1381  *. 

Jexmx  de  Bl'lgxeville,  «  maistre  masson  »  du  duc  Robert  qui, 
en  1401,  passa  deux  jours  à  visiter  la  forteresse  de  Gondre- 
court ^ 

GuÈRi  Malpayé  c  maistre  masçon  demeurant  à  Bar-le-Duc»  ,  qui 
traitait  le  7  décembre  1428  avec  l'abbé  de  Boulancourt  (Haute- 
Marne)  pour  la  reconstruction  de  son  église.  Ces  travaux  coûtèrent 
«  400  écus  d'or,  un  niuid  de  froment,  une  émine  de  pois,  une 
émine  de  fèves,  un  cent  de  lard  et  six  queues  de  vin  ^  » . 

A  cette  même  époque,  Husson,  tuilier   à  Beurey,  délivrait  au 

'  Dom  Cai.met,  Chronique  en  vers  des  antiquités  de  Metz,  1445. 

Le  Seigneur  feit  appareiller 
«  Qui'stoit  i\icol  Louve  chevalier 
^  Des  estoffes  des  ouvriers,  et  puis 

feii  faire  la  croix  el  le  puis. 

-  Ibid.  —  Chronique  de  Saint-Thiébaut,  p.  247-253. 

'  Dictionnaire  des  architectes. 

'  B.  1422. 

'  B.  2208,  f'  137. 

''  V.  Servais,  Annales  du  Barrois,  t.  II,  p.  322. 

'  L'abbé  Lalore,  Mémoires  de  la  Société  académique  de  l'Aube,  Q  XXIII. 


818  DE    LAUT    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

maître  ouvrier  dii  duc  de  Bar  —  sans  doute  le  maître  des  œuvres 
—  5,000  de  tuiles  pour  la  couverture  du  château. 

Chevilloiv  (Aubert),  maître  des  œuvres  de  charpenterie  pour  tout 
le  duché  de  Bar,  qui,  en  1473,  recevait  une  pension  à  la  condition 
de  demeurer  à  Bar  et  de  ne  pouvoir  servir  ailleurs  sans  la  per- 
mission du  duc  '. 

Courtois  Geoffroy  de  Gondrecourt,  nommé  en  1491  «  masson 
et  regardeur  sur  les  œuvres  de  massonnerie  au  bailliage  de  Bas- 
signy  pour  corriger  les  abus  et  les  amendes  rapporter  aux  officiers 
des  lieux  *  » . 

Jean  de  Saimt-Pierre,  maître  maçon  au  bailliage  de  Bar,  qui 
mourut  en  1495  et  fut  remplacé  par  Didier  Raulot,  lequel  prit  le 
titre  de  maître  maçon  du  duché  de  Bar.  Il  eut  pour  successeur,  en 
1500,  Nicolas  Rallot,  qui  exerçait  encore  en  1522. 

Citons  encore  : 

Nicolas  de  Bar,  nommé  en  1505  maître  des  œuvres  de  maçon- 
nerie du  comté  de  l  audémont,  en  remplacement  de  Maxgin  Che- 
vron décédé.  11  demeurait  au  Pont  Saint-Vincent  \ 

Nicolas  de  Saint-Blaise,  maître  des  œuvres  de  M.  le  comte  de 
Ligny,  à  qui,  en  1520,  les  chanoines  de  cette  ville  cèdent  à  per- 
pétuité tt  une  maison  sise  devant  la  place  du  château  et  un  petit 
meix  devant  la  porte  des  moulins  moyennant  6  gros  de  cens 
annuel  *  » . 

Le  dernier  en  date,  Jacquot  dit  de  Vaucouleurs,  par  allusion 
sans  doute  à  son  pays  d'origine,  était,  paraît-il,  un  homme  très 
habile  dans  son  art.  Avant  d'être  nommé  par  René  II,  en  1502, 
«  maistre  des  œuvres  et  maistre  masson  pour  tout  son  duché  de 
Lorraine  " ,  Jacquot  ou  Jacot,  de  son  vrai  nom  Jacques  Vaulhier, 
avait  dirigé,  en  1494,  les  travaux  exécutés  au  château  de  Louppy, 
travaillé  aux  fortifications  de  Nancy,  réparé,  en  1496,  celles  du 

'  Etat  nominatif  des  officiers  du  duché  de  Bar  en  1473,  avec  l'indication  des 
gages  qui  leur  étaient  payés  :  «  HP  Aubert  Clievillon,  charpentier  dem'  à  Bar, 
retenu  maître  des  œuvres  de  charpenterie  pour  tout  le  duché  de  Bar,  pour  ce 
qu'il  y  était  bien  expert  et  moyennant  ce,  il  ne  pouvait  aller  ailleurs,  sans  l'expresse 

ordonnance  du  roi  de  Sicile  ou  de  ses  officiers 10  liv, 

—  B.  506. 

-  Lepage,  Offices,  p.  298. 

3  Ibid. 

*  Archives  de  la  ]\Ieuse.  Fonds  Ligny. 


DE    L'ART    ET    DES    AUTISTES    DANS    LE    BARROIS.  819 

château  de  Foug,  puis  il  élait  allô,  en  compagnie  de  trois  autres 
maîtres  maçons  visiter  les  dégâts  survenus  au  grand  pont  deSaint- 
MiheP.  Anobli  en  1510,  puis  nommé  concierge  du  palais  ducal 
à  Xancy,  Jacquot  de  Vaucouleurs  terminait  sa  carrière  par  la 
reconstruction  du  grand  pont  de  Pont-à-Mousson  *. 

Ici  devrait  prendre  place  le  nom  de  Jean  Crocq,  désigné  dans 
les  comptes  du  temps  sous  celui  de  Jean  Crocq  de  Bar-le-Duc ,  le 
pensionnaire  du  duc  René,  l'auteur  du  tombeau  de  Charles  le 
Téméraire,  un  des  plus  célèbres  imagiers  de  cette  époque,  dont 
la  réputation  fut  grande  en  Barrois  et  en  Lorraine  de  1487  à  1510; 
c'est  par  lui  que  nous  devions  clore  la  série  des  tailleurs  d'images 
qui  travaillèrent  dans  notre  pays  avant  l'époque  de  la  Renaissance. 

Or,  comme  les  documents  recueillis  sur  cet  artiste,  puis  sur  sa 
famille  jusqu'au  commencement  du  dix-huitième  siècle,  sont  très 
nombreux  et  dépassent  de  beaucoup  l'époque  que  nous  avions 
assignée  comme  limite  à  nos  recherchessur  les  artistes  du  Barrois, 
nous  avons  consacré  à  Jean  Crocq  de  Bar-le-Duc,  puis  à  ses  des- 
cendants devenus  Lorrains,  une  étude  spéciale  trop  étendue  pour 
prendre  place  dans  ce  chapitre  ^ 

VERRIERS. 

L'art  du  peintre  verrier  paraît  avoir  été  pratiqué  de  bonne 
heure  dans  la  région  du  nord-est  de  la  France;  selon  le  rapport  de 
Suger,  plusieurs  ouvriers  verriers  venus  de  Lorraine  et  du  pays 
de  Liège  auraient  travaillé  aux  vitraux  de  la  basilique  de  Saint- 
Denis*.  Au  douzième  siècle,  Nicolas  de  Verdun,  orfèvre  émailleur 
de  haut  mérite,  qui  par  ses  travaux  avait  acquis  une  juste  célébrité, 
terminait,  en  1205,  la  célèbre  châsse  de  Tournai,  ville  où  peut-être 
il  s'était  fixé.  Vers  ce  temps,  cet  artiste  instruisait  dans  l'art  du 
peintre  verrier  un  certain  Colars  de  Verdun,  son  fils  sans  doute, 
qualifié  du  titre  de   «  voirier  »  dans  le  registre  de  la  bourgeoisie 


'  B.  1062. 

-  AI.  Foiirier  de  Bacourt  a  consacré  à  cet  habile  ingénieur  une  petite  notice, 
publiée  dans  le  Journal  de  la  Société  d'archéologie  lorraine,  189(5,  p.  147. 

2  Cette  étude  a  pnru  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  l.ettres.  Sciences  et 
Arts  de  Bar-le-Duc,  1897. 

*  Historiens  de  France,  t.  XII,  p.  96-101. 


820  DE    LART    K  T    DES    ARTISTES    DAIVS    LE    BARROIS. 

de  celte  lille,  comme  ayant  été  admis  en  1227  sans  payer  plus  de 
25  sols  «  ce  qui  est  le  taux  des  flls  de  bourgeois  '  «  . 

On  sait  qu'au  quatorzième  siècle  Tabbé  Nicolas  faisait  décorer 
de  magnifiques  perrières  le  chœur  de  l'église  Saint-Paul  de 
Verdun,  ainsi  qu'il  est  rapporté  dans  son  épitaphe  rédigée  en  vers 
léonins. 

Abbas  sub  tumba  Nicolaus  est  una  coluniba, 
Simplex  et  mitis,  fugiens  opprobria  litis, 
Virdiini  natus  a  quo  locus  bic  tumulatus 
Ecclesiaeque  chorus  per  eum  fit  luce  decorus, 
Anno  milleno  ter  C.  moritur  quadrageuo 
Nono  ponenda  eum  raartis  quarto  Calenda. 

Sous  cette  tombe  est  une  colombe,  l'abbé  Nicolas,  simple  et 
doux,  fmjantVopprobe  des  progrès;  néà  Verdun  oùil  estiiihumè, 
le  chœur  de  V église  est  par  lui  orné  de  lumière;  il  meurt  Van  mil 
trois  cent  quarante-neuf  le  quatrième  des  calendes  de  mars-. 


Les  documents  d'archives  ne  permettent  pas  toujours  de  déter- 
miner si  certains  personnages  dont  les  noms  figurent  aux  comptes 
des  dépenses  étaient  à  la  fois  peintres,  peintres  verriers  ou  sim- 
plement vitriers,  c'est-à-dire  «  metteurs  en  plomb  »  de  morceaux 
de  verre  blanc  ou  de  couleur,  taillés  suivant  un  dessin  géomé- 
trique'. Dans  la  liste  que  nous  avons  relevée  peut-être  s'esl-il 
glissé  quelques  noms  d'obscurs  artisans,  or,  comme  les  textes  sont 
loin  d'être  suffisamment  explicites,  nous  avons  préféré  n'en 
omettre  aucun. 

On  connaît  différentes  œuvres  de  peintres  verriers  représentant 
les  portraits  de  plusieurs  de  nos  princes  et  de  leurs  enfants,  mais 

•  Mgr  Dehaisnes,  Histoire  de  l'Art  dans  la  Frandre,  etc.,  t.  III,  p.  115. 

-  Recueil  des  sépultures  anciennes  et  des  épitaphes  de  Saint-Paul  de  Verdun, 
fait  en  1552,  publié  par  Lionnois  en  1779,  réimprimé  par  Cajon  en  1865. 

t  Au  commencement  du  seizième  siècle,  on  fit  à  la  cathédrale  de  Verdun  de 
magnifiques  vitraux  dont  il  reste  encore  quelques  parties  dans  la  chapelle  du 
Saint-Sacrement.  —  Clouet,  Histoire  de  Verdun,  t.  II,  p.  566. 

*  Les  metteurs  en  plomb  sont  parfois  qualifiés  peintres  dans  certains  actes,  puis 
simplement  verriers  dans  d'autres;  on  ne  peut  donc  toujours  savoir  si  le  nom  du 
personnage  mentionné  est  celui  d'un  artiste  ou  d'un  artisan.  Ces  deux  professions 
de  peintre  et  de  verrier  étaient,  au  surplus,  fréquemment  exercées  par  un  même 
inditidu. 


DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DAXS    LE    BARROIS.  821 

on  ne  possède  ancun  renseignement  sur  les  artistes  qui  les  ont 
exécutés. 

Le  nom  de  l'auteur  du  vitrail  de  l'église  Saint-Nicaise  de  Reims, 
où  figuraient,  en  pied,  Jeanne  de  Toucy,  femme  de  Thil)aut  II, 
comte  de  Bar,  et  dix  de  ses  enfants,  est  inconnu.  Cette  œuvre  était 
antérieure  à  l'année  1297  '. 

Nous  ne  connaissons  pas  davantage  l'auteur  du  portrait  de 
Henri  de  Bar,  seigneur  d'Oisy,  mort  en  1397,  qui,  dit-on,  se  voit 
encore  dans  l'église  des  Carmes  à  Toulouse  -,  et  l'on  ne  sait  à 
quel  peintre  attribuer  le  vitrail  de  Saint-Sauveur  de  Bruges,  tra- 
vail d'un  goût  douteux,  dit  Montfaucon  \  où  le  cardinal  évêque 
de  Langres,  Louis  de  Bar,  figure,  mitre  en  tête,  crosse  en  main, 
parmi  les  douze  pairs  de  France. 

Etaient  également  représentés  sur  des  vitraux  dans  l'église  des 
Cordeliers  d'Angers:  Isabelle  de  Lorraine,  femme  de  René  I"; 
Jeanne  de  Laval,  seconde  femme  de  ce  prince;  Jean  de  Calabre, 
son  fils  naturel  ;  puis  ses  filles,  lolande  d'Anjou,  femme  de  Ferry 
de  Lorraine,  et  Marguerite  d'Anjou,  mariée  à  Henri  VI,  roi  d'An- 
gleterre \ 

Dans  les  verrières  du  chœur  de  l'église  Saint-Nicolas  du  Port, 
on  voit  encore  le  duc  René  II  et  son  fils  Antoine  présentés  à  la 
sainte  Vierge  par  saint  Nicolas  ^  Dans  l'église  Saint-Pierre  de 
Bar,  où  il  reste  quelques  débris  des  anciens  vitraux",   on  remar- 

'  L.  AIaxe-Werlv,  Les  vitraux  de  Saint-X'icaise  de  Reims.  —  Bulletin  du 
Comité   des   travaux  historiques  et  scientifiques.  Archéologie,  1884,  p.  121. 

A  cette  ('poqiie,  les  peintres  verriers  n'avaient  point  l'habitude  designer  leurs 
œuvres  de  leur  nom,  ni  d'y  tracer  leur  monogramme. 

'  Dans  son  Histoire  des  seigneurs  et  dames  de  Cassel,  p.  138,  M.  de  Smyttère 
avait  promis  de  publier  ce  portrait. 

'  Les  Monuments  de  la  monarchie  française ,  t.  III. 

*  MoxTi'iicox,  Les  monuments  de  la  7no7iarchie  française,  t,  III,  pi.  XLVII, 
n'«  11  et  12;  pi.  LXIII,  n»  1,  2,  3. 

^  Bretagne,  Le  reliquaire  de  Saint-Nicolas  du  Port.  Xancy,  18T3,  p.  25. 

"  Xous  avons  relevé  dans  la  cbapellc  des  fonts  baptismaux  les  débris  suivants  : 

Un  ange  debout  tenant  la  couronne  d'épines  (scène  de  l'ensevelissement  du 
Christ)  ; 

Un  écusson  aux  lettres  I  H  S. 

Un  petit  tableau  représentant  une  fondation  de  chapelle  (?)  ;  à  gauche,  un  arbre 
dépouillé  de  ses  feuilles;  au  centre,  un  religieux  assis,  la  crosse  appuyée  contre 
l'épaule,  tenant  sur  chaque  main  un  petit  édiflce,  église  ou  chapelle;  à  droite, 
agenouillé  et  les  mains  jointes,  le  donateur  ; 

Saint  Christophe  portant  l'Enfant  Jésus   et  traversant  un   torrent;  il  se  dirige 


822  DE    L'ART    ET    DKS    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

quait  autrefois  sur  un  vitrail  de  la  chapelle  fondée  par  Alexandre 
Guyoi  les  armoiries  de  Pierre  Guyot,  son  père,  prévôt  de  Bar  en 
1485,  jointes  à  celles  de  sa  mère,  Mesline  de  Villers,  qui  étaient 
«  de  sable  à  trois  pals  d'argent  '  » . 

C'est  pendant  le  quatorzième  siècle  que  prend  naissance  ou,  du 
moins,  se  répand  l'usage  de  reproduire  dans  les  vitraux  les  portraits 
ou  les  armoiries  des  donateurs. 

Le  dépouillement  de  VInvenfaire  de  nos  archives  départe- 
mentales, nos  recherches  dans  les  travaux  de  H.  Lepage,  dans  les 
divers  ouvrages  sur  la  Lorraine  et  le  Barrois,  dans  le  Fonds  Servais 
nous  ont  procuré  les  renseignements  suivants  : 

La  chapelle  du  château  de  Trognon  (aujourd'hui  Heudicourt)  *, 
placée  sous  le  vocable  de  sainte  Catherine,  ayant  par  suite  de 
son  état  de  délabrement  nécessité  quelques  réfections,  le  Domaine 
dut  en  faire  tous  les  frais.  Il  est  rapporté  dans  le  compte  de 
Willermez,  prévôt  de  la  Chaussée,  rendu  pour  l'exercice  1333- 
1335,  qu'il  fut  alors  dépensé  :  a  pour  les  verrières  de  la  chapelle 
de  Troingnon  conventées  à  refaire  à  maistre  Colin  de  Verdun  et 
pour  lou  clochier  de  ladite  chapelle  à  refaire  en  plusours  leus  de 
plonc,  et  soingnier  (fournir)   li  prevos  plonc  et  voire  pour  ledit 

ouvraige vj  libvres  x  sols 

l'an  xxxiiij  lou  joedi  devant  la  sainct  Jehan  Baptiste  '  » . 

Dans  le  cours  de  l'année  1362,  le  duc  Robert  ayant  fait  construire 
au  château  de  Bar  une  «i  tourelle  pour  lui  gésir  »,  on  y  établit 
plusieurs  chambres  aux  fenêtres  desquelles  Ancherin  le  pointre 
ajusta  quinze  pieds  de  verre  *. 

vers  un  rocher  où  se  tient  un  religieux  à  genoux,  tendant  les  bras  vers  le  Sau- 
veur; à  gauche,  un  édifice  avec  portique. 

'  Chevalier  de  Villers,  Nobiliaire  de  Lorraine  et  Barrois. 

-  Ce  château  de  Trognon  serait,  à  ce  que  l'on  croit,  l'ancien  Drippion  de  la 
charte  de  772  donnée  par  Charlemagneà  l'abbaye  de  Saint-llihiel.  (I)oni  de  L'Isle, 
Histoire  de  rabbaije  de  Saint-Mihiel,  p.  426.)  A  l'ouest  du  château  édifié  par 
Edouard  I'',  comte  de  Bar,  on  remarque  une  espèce  de  camp  formé  d'une  double 
enceinte  de  terrassements  encore  hauts  de  deux  à  trois  mètres.  Cet  emplacement 
est  désigne  sur  le  cadastre  sous  les  noms  de  Châteaux  de  Baranger  et  de  Drapion, 
Drapillon.  Voir  Dumont.  Les  ruines  de  la  Meuse ,  t.  II,  p.  179. 

'  B.  1624,  f  33  V. 

*  V.  Servais,  Annales  historiques  du  Barrois,  t.  I,  p.  133. 


DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DAMS    LE    liARKOIS.  823 

Vers  1368,  on  eut  recours  à  un  verrier  de  Verdun  pour  réparer 
les  dégâts  survenus  au  château  de  Souilly  du  fait  des  Bretons  qui 
alors  ravageaient  le  Barrois  : 

«  xiiij  libvres à  maistre  Jehan  le  p aine tre  de  Verdun  t^omv 

raparillier  et  repeindre  la  chapelle  dou  Chastel  de  Soûliez  et  pour 
faire  les  verrières  aux  fenestres  qui  estoient  toutes  brisées  et  pour 
les  despens  dudit  maistre  Jehan  et  son  valet  qui  y  demorait  pour 
lou  rapparillier  par  un  moix  entier '  y» 

Sur  la  fin  de  son  règne,  Robert  fit  exécuter  de  grandes  répara- 
tions au  château  de  Louppy  où  il  séjournait  fréquemment  : 

u  Cinq    frans baillez  et  délivrés  par  ledit  receveur  à  Henry,  fils 

Thevenin  Merlin  de  Louppi  ^exnire  ei  Michel  elle  Verrier  son  compaingnon 
dem'.  à  Bar,  en  descomptant  de  cinq  frans  et  demy,  pour  ouvraiges  qu'ils 
avoient  fait  de  leurs  mesliers  au  chastel  de  Louppi.  C'est  assavoir  la 
verrerie  de  la  chapelle,  des  galleries,  de  la  chambre  de  monsgr.  qu'ils 
avoient  refaitte  et  mise  en  estai  et  en  plusieurs  autres  lieux  et  verreries 
dudit  chastel,  du  commandement  et  ordonnance  de  monsgr.  le  Duc  et 
duquel  ouvrage  avoir  esté  compté  et  marchandé  à  eux  par  Reynaudin  de 
Robert  Espaingne  escuier  et  maistre  d'ostel  de  mondit  prynce^.  « 

Peu  avant  l'époque  de  sa  majorité,  alors  qu'il  allait  sortir  de 
mainbournie  et  prendre  possession  effective  de  son  château  de 
Bar,  René  d'Anjou  donnait  l'ordre  de  procéder  à  la  réparation  des 
fenêtres,  ainsi  que  le  prouve  le  document  suivant  extrait  du 
compte  rendu  par  Jehan  Ronnel,  receveur  général  du  Barrois 
pour  l'année  1423-1424;  :  «  21'  6'  5'^  »  aceulx  pour  les  causes  et 
par  la  manière  que  s'ensuivent  : 

C'est  assavoir  à  Estienne  le  Vaurier  du  Pont  à  Mousson  pour  avoir  fait 
les  pieds  de  verrières  nuefves  et  mises  es  fenestres  des  chambres  et  lieux 
qui  s'ensuivent  :  C'est  assavoir  en  la  tournelle  haut  qui  est  par  devers  la 
maison  Messire  Jehan  de  Laire,  3  pieds  et  demi. 

En  la  ch^  basse  en  laquelle  Mad°  la  D"««  souloit  tenir  son  estât, 
6  pieds. 

'  B.  1229,  f"87. 

*  B.  1312,  f"  17  v°.  «  Il  leur  fut  retenu  5'  et  demi  en  déduction  du  plomb  et  de 
la  soudure  que  Regnard  de  Barli,  châtelain  et  concierge  du  chàfeau,  avait  à  sa 
disposition.  > 


824  DE    L'ART    ET    DES    AUTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

En  la  ch^de  retrailctnpreslad.  chambre  par  ou  on  va  onproyel\  12  pieds 

En  la  nuefve  ch"  qui  est  cmpres  les  galeries,  22  pieds. 

En  une  fenestre  qui  est  en  la  voie  desd.  galeries,  3  pieds. 

En  la  ch"  oiî  maistre  Ferry  (sans  doute  Ferry  de  Chambly,  maréchal 
de  Lorraine)  tient  à  présent  son  estât  qui  est  emprés  la  maison  oîi 
demeure  le  tourier,  7  pieds  et  demi. 

A  lui  marchandez  et  conveniez  au  prix  de  7  bl.  chacun  pied,  par  lesd. 
54  pieds 7'  10  gros  1/2 

Item  aud.  Vaurier  pour  avoir  refait  de  vaure  toutes  les  fenestres  de  la 
grant  sale  du  chastel  de  costé  par  devers  la  court,  par  marchié  et 
couvent  à  lui  fait  par  led.  receveur  et  le  maistre  des  œuvres  et  ly  devoit 
on  songnier  vaure,  plomb  et  estain  pour  ce 3^ 

Item  à  lui  encore  pour  avoir  refait  lesd.  fenestre  de  lad.  salle  emmi,  et 
du  retrait  d'icelle;  les  verrières  de  la  lournelle  devant  dite  et  les  verrières 
de  la  chambre  hault  appellée  la  chambre  de  mons.  le  M'%  par  couvent  et 
marchie  à  lui  faict  et  devoit  songnier  vaure  et  plont  pour  ce.   .   .  3'  1/2 

It.  à  N"  le  pouUalier  pour  4  loiens-  de  vaure  pour  les  ouvraiges 
devant  d.  aupris  de  7  gr.  1/2  le  loyen,  pour  ce 2^  1/2 

It.  à  Gilet  Loche,  pour  1  loien  de  vaure '^  gr. 

It.  à  plusieurs  particuliers  pour  2  quarterons  de  plong  achetés  en  la 
Halle  aupris  de  3  fr.  8  gr.  le  cent,  pour  ce 2' 9  gros. 

Et  k  Raoul  le  Poix  pour  23*^  1/2  de  plong  au  prix  que  dessus,  pour 
ce 10  gr.  7  d. 

Comme  il  appert  par  le  tesmoingn.  dudit  maistre  des  œuvres  (Pierresson 
Bonnevie)  donné  le  peinultième  jour  d'S"""'  1424  »  ^. 

'  Pré,  prairie,  jardin. 

2  II  est  fait  mention  de  «  400  liens  de  blanc  voir  » ,  légués  en  1541  à  Antonio 
le  Yarrier  par  Valentia  Bouch,  «■  peintre  et  varrier  > ,  qui  avait  fait  les  verrières 
de  la  cathédrale  de  Aletz.  —  Leviel,  L'Art  de  la  peinture  sur  verre,  p.  k\. 

Le  mot  loien,  lien,  désigne  évidemment  un  certain  nombre  de  feuilles  de  verre, 
d'une  dimension  déterminée. 

L'ordonnance  de  1557  prescrit  à  chaque  verrier  n  de  faire  chaque  jour  trente 
livres  de  bon  verre  blanc,  et  non  plus,  contenant  le  lien  trois  tables,  et  chaque 
table  3  pieds  (de  Lorraine)  de  hauteur  et  un  pied  et  demi  de  largeur  par  le  bas 
dudit  lien  et  au-dessus  de  largeur  équivalente,  pesant  13  livres,  poids  de  marc, 
de  bonne  épaisseur,  proportionnées  tant  en  un  lien  comme  en  l'autre,  lequel  lien 
sera  lié  de  bons  glays  (glayeul,  roseau)  et  tillots  (corde  d'écorce  de  tilleuls)  em- 
paquetés de  façon  comme  ils  ont  esté  de  toute  ancieuneté  »  . 

On  nomme  encore  aujourd'hui  lien  un  paquet  de  six  feuilles  en  table.  —  Beau- 
pré, Les  gentilshommes  verriers ,  iu-8".  Nancy,  1847. 

^  B.  497.  —  En  1420,  Jean  de  Vertus  gagnait  cinq  sous  par  jour  à  la  pose  des 
verrières  de  la  cathédrale  de  Troyes.  En  1484,  Gérard  le  Moquât  livrait  au  cha- 
pitre une  verrière  représentant  la  passion  de  Xotre-Seigneur,  à  raison  de  5  sous 
10  deniers  le  pied. 


DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DAXS    LE    BARROIS.  825 

.ri[fnore  quoi  était  le  nom  de  ce  verrier  étranger  au  pays  dont 
il  est  fait  mention  dans  un  compte  d'Ancelet  Menyant,  prévôt  et 
receveur  de  Saint-Mihiel,  qui,  en  1427,  portait  en  dépense  la 
somme  de  8^  2*  délivrée  à  un  habitant  de  celte  ville  «  pour 
aller  à  Toul  quérir  le  verrier  pour  venir  à  Saint-AIihiel  faire  les 
verrières  de  Tostel  de  Mons-le-Duc  » . 

Un  compte  de  Jean  Ronnel,  receveur  général  du  duché  de  Bar, 
nous  apprend  qu'au  mois  de  janvier  1430,  il  fut  payé  «  5  sous  à 
Arnoulet  Vaiirier,  demeurant  à  Bar,  pour  sa  peine  et  sallaire 
d'avoir  mis  plusieurs  losanges  en  la  chambre  où  on  gouverne 
Loys  monsieur  et  en  celle  de  costé  où  on  fait  la  cuisine.  Comme  il 
appert  par  le  tesm.  de  Jaquet  Quare  portant  quittance  dud. 
Arnoulet  donnée  le  quatrième  jour  de  janvier  1429  '  »  . 

A  celle  époque,  l'abbaye  de  Jendlieurs  possédait  de  riches  ver- 
rières puisque  sur  un  des  vitraux  on  lisait  l'inscription  suivante  : 
«  L'an  de  grâce  Notre  Seigneur  1443  fut  ce  chantel  (morceau, 
fragment)  refait  par  frère  Didier  de  Bonne,  abbé  de  céans  et  par 
le  couvent.  Priez  pour  eux,  que  Dieu  leur  fasse  pardon  '.  « 

Les  citations  précédentes  nous  permettent  de  préciser  (juelle 
situation  était  alors  faite  à  ces  artistes  ou  artisans,  peintres  ver- 
riers ou  metteurs  en  plomb. 

Ouvriers  ambulants  pour  la  plupart,  se  rendant  là  où  ils  étaient 
appelés,  les  verriers  de  cette  époque  n'avaient  point  dans  certains 
cas  à  se  préoccuper  des  matériaux  nécessaires  pour  les  restaura- 
tions ou  les  grands  travaux  qui  leur  étaient  commandés;  ce  soin 
incombait  le  plus  souvent  au  Domaine.  Aux  termes  des  marchés 
conclus  entre  eux  et  le  receveur  du  duché  ou  son  représentant,  en 
présence  du  maître  des  œuvres  chargé  de  veiller  à  l'observation 
des  conditions  du  contrat  et  à  la  réception  des  travaux  exécutés, 
les  verriers  devaient  s'occuper  uniquement  de  la  pose  des  verres, 
de  leur  mise  en  plomb  selon  un  assemblage  déterminé  :  combi- 
naisons de  lignes  droites  et  courbes,  médaillons  enfermés  dans  des 


•  B.  498. 

^  Gallia  christiana,  Ecctesia  Tullensis,  Janduriae,  t.  XXVII. 


11 

826  DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DAMS    LE    BARROIS.  ^| 

panneaux  rectangulaires,  dessins  géométriques  dont  les  disposi- 
tions produisaient  un  effet  décoratif. 

On  devait  leur  "  songnier  »  ,  leur  fournir  les  verres,  le  plomb  et 
l'ètain,  toutes  choses  que  le  domaine  avait  à  se  procurer;  on  leur 
adjoignait  des  serruriers,  u  cerriers  v  ,  pour  la  mise  en  place,  au 
moyen  d'armatures  en  fer,  de  chaque  panneau  dans  la  baie  qui 
devait  le  recevoir,  mais  ils  devaient  toutefois  préparer  eux-mêmes 
les  vergettes  de  plomb  dont  ils  déterminaient,  à  leur  guise,  la 
forme  extérieure  et  la  profondeur  des  rainures  destinées  à  main- 
tenir chacun  des  morceaux  de  verre  composant  le  vitrail. 

On  leur  livrait  les  matériaux  bruts;  ils  devaient  par  leur  habi- 
leté en  tirer  une  œuvre  d'art. 

Dans  ses  Monuments  inédits  (T.  II,  p.  275),  M.  Paillon  rap- 
porte qu'en  1521,  Didier  de  la  Porte,  peintre  verrier,  natif  de 
Langres,  vint  à  Dijon  prendre  un  sauf-conduit  signé  par  René  de 
Savoie,  grand  maréchal  de  Provence,  qui  l'autorisait  à  transporter, 
en  franchise  de  tous  droits,  delà  Lorraine  ait  il  allait  les  acheter, 
jusqu'à  Saint-Maximin  «  les  verres,  plomb  et  esteing  necessere 
pour  les  verrières  de  ladite  église  »  . 

Lors  des  travaux  entrepris,  en  1452,  au  château  de  Bouconville, 
François  le  Merdier,  prêtre  demeurant  à  Saint-Mihiel,  pose  dans 
la  chapelle  édifiée  par  Pierre  de  Bar,  sire  de  Pierrefort,  vingt-deux 
pieds  de  verre  représentant  saint  Pierre  et  les  armes  de  feue  la 
reine  de  Sicile,  à  raison  de  neuf  blancs  le  pied  ^  Ce  prêtre  était, 
paraît-il,  fort  expert  dans  l'art  delà  peinture  sur  verre,  puisque,  en 
1462,  au  jour  de  l'achèvement  des  restaurations  entreprises  par 
Guillaume  le  Verrier  dans  ce  même  château,  François  le  Merdier 
u  qui  ad  ce  se  congnest  55  procéda  à  la  réception  des  travaux. 

Guillaume,  nommé  ailleurs  Guillemin,  demeurait  à  Bar,  et 
exerçait  la  profession  de  peintre  et  de  verrier  en  compagnie  de 
quelques-uns  des  siens.  En  1454  il  lui  est  payé  la  somme  de  : 

«  xxx  iij  sols  IV  den.  pour  ses  despens  et  ceux  d'Antoine,  son  genre, 
Pierresson  le  cerrier,  Jean  Thibault  et  son  varlet,  lesquelz  furent  iij  jours 
on    chastel    (de  Louppy)  en    novembre  iiij"^   Ijv  pour    asseoir,   ferrer  et 

»  B.  15U,  f  63. 


DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DAMS    LE    BAUHOIS.  827 

adiiitter  lez  verrières  cl  châssis  de  lacliappelle  et  dez  ij  nuefves  chambres 

et  ferrer  ij  voisines  esdictcs  chambres  joignant  la  salle  aux  dains n 

u  xxvij  libvres  aiiv  personnes  qui  s'ensuivent,  cest  assavoir  xxv  lib. 
X  sols  audit  Guillaume  le  peintre  demeurant  à  Bar  pour  avoir  delivrey  on 
cbastel  vij"  xiij  (153)  pieds  de  verrières  mis  et  employés  ez  fenostres  de 
la  chappelle  et  dez  ij  chambres  joignant  la  salle  aux  dains  à  iij  sols 
iij  deniers  chacun  pied,  xv  à  Pierresson  le  cerrier  pour  xviij  verges 
de  fer  pour  la  dicte  chappelle  à  x  deniers  chascune  verge,  xiij  sols 
IV  deniers  à  luy  pour  viij  locquelières  àxx  deniers  chascune  et  xx  deniers 
pour  iij"  pointes  et  j  cent  clouz  à  testes  pour  les  dictes  verrières.  Comme 
il  appert  par  le  tesmoignage  du  clerc  juré...  ■  » 

En  1462,  ce  même  Guillaume  et  son  neveu  Jean  posent  aux 
fenêtres  du  château  de  Bouconville  quatre  écussons  aux  armes  du 
Roi,  de  la  Reine,  de  M.  de  Calabre  et  de  M.  de  laudémont.  Deux 
hommes  de  Bouconville  les  rapportent  de  Toul  dans  une  hotte 
pour  ne  pas  les  briser  *. 

Vers  cette  époque,  plusieurs  peintres  verriers  du  nom  de  Jean 
étant  mentionnés  dans  nos  comptes,  il  est  assez  difficile  de  déter- 
miner quel  peut  être  le  neveu  de  Guillaume  de  Bar.  Peut-être  faut-il 
reconnaître  dans  ce  personnage  Jehan  verrier,  demeurant  à  Toul, 
chargé  en  1486  de  mettre  en  état  les  verrières  du  château  de 
Foug  %  de  réparer,  en  1515,  celles  de  la  forte  maison  du  Pont  *, 
puis  de  fournir,  en  151  7,  trois  douzaines  d'écussons  aux  armes  du 
duc  Antoine  pour  être  placés  dans  les  villages  de  la  terre  de  Metz 
qui  étaient  sous  la  garde  de  ce  prince  '. 

C'est  également  en  la  qualité  de  peintre  et  de  verrier  que 
Simonin  entreprit  divers  travaux  au  château  de  Bar,  en  1463,  lors 
du  séjour  de  René  d'Anjou  dans  son  duché  de  Barrois. 

Dans  le  compte  de  Jean  de  Barbonne,  receveur  général  du 
duché,  rendu  pour  l'exercice  1462-1464,  on  remarque  la  mention 
d'un  payement  fait  en  1463  à  «  Simonin  le  poinire  de  9  fr.  4  gros 
pour  56  pieds  de  verrières  par  lui  mises  es  fenesires  neuves  de  la 
chambre  de  parement  à  raison  de  2  gr.  le  pied  compris  verre 

'  B.  1328,  f»  55  V». 

*  B.  1551. 

3  B.  22.35,  f"  65. 

*  B.  987,  f°  136  V.  ' 
"  B.  988,  f"  144  r". 


8-28  DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

ploml)  et  élain  » ,  puis  celui  d'une  somme  de  105  francs  à  «  Jehan 
Verrier  de  Saint-Nicolas  pour  son  sallaire  d'avoir  fait  66  pieds  de 
verrière  de  viclz  verre  et  remis  en  plomb  icelles  renouvellées  et 
remises  en  la  chambre  de  Mons""  le  marquis  et  en  celle  d'emprez 
à  raison  de  1  gros  le  pied  apparant,  comme  dessous,  par  le  term. 
du  clerc  juré  '  », 

«  viij  Ib.  à  Symonin  le  pointre  pour  xlviij  pieds  de  verre  mis  en  œuvre 
par  lui  lant  en  la  chambre  de  la  Royne  que  en  celle  de  Mons.  le  Marquis 
à  raison  de  ij  gros  le  pied.  Appert  par  lesmoingnaige  de  Mengin  Thierion. 
clerc  jugé,  rendy-cy.  » 

«  xvj  Ib.  iij  s.  iij  d.  payer  à  ceulx  et  pour  les  causes  qui  s'ensuivent 
c'est  assavoir  à  Simonin  le  pointre  pour  Ivj  pieds  de  verrières  par  luy 
mises  es  feneslres  nuefves  de  la  chambre  de  parement,  à  raison  de  ij  gros 
le  pied  à  songnle  verre,  plomb  estain  pour  ce ix  fr.  iiij  gros  » 

«  A  luy  pour  xlvj  piedz  de  verre  blanc  par  luy  mis  es  deux  grandes 
fenestres  de  la  neufve  salle  outre  leâ  deux  escussons  faiz  en  icelle  des 
armes  de  feu  mons'  le  cardinal  et  madame  de  S'  Pol  au  pris  dessusd. 
pour  ce '   .   .     vij  fr.  viij  gros.  » 

«  Pour  lesd.  deux  escussons  contenant  xvij  piedz  à  raison  de  vj  gros  le 
pied,  valent viij  fr.  et  demi  " 

«  A  luy  pour  xxvij  piedz  de  verre  blanc  mis  cest  assavoir  xx  piedz  en 
la  chambre  de  mons.  de  Vaudemont  et  viij  es  deux  fenestres  de  la  nuefve 
wiz,  audit  pris iiij  fr.  viij  gros  » 

«  Lesquelles  parties  montent  x\x  fr.  ij  gros,  dont  l'on  rabat  deux 
loyens  de  verre  amenés  audit  Bar  par  le  seneschal  de  Bourmont  aux 
despens  du  s',  qui  monte  xiiij  fr.  ;  ainsi  reste  qui  est  paie  audit  Simonin 
par  les  parties  cy-dessus  ladite  somme  de  xvj  fr.  ij  gros,  comme  il 
appert  par  le  lesmoingnaige  dudit  clerc  juré,  rendu  cy  -.  » 

Déjà  en  l'année  1455,  c'est-à-dire  peu  après  la  cession  faite  à 
René  d'Anjou  du  château  de  Morley,  Simonin  avait  été  chargé  de 
la  décoration  de  la  chapelle  qui  venait  d'y  être  édifiée  par  les  soins 
du  prince. 

«  xiiij  1.  XIX  s.  ij  d.  a  Simonin  le  pointre  et  verrier  auquel  a  esté 
marchandé  à  verres  de  blanc  vaire  les  quatre  fenestres  estans  dessus 
l'autel  de  la  chappelle  du  chastel  dudit  Morley  comme  aussi  de  garnir  et 


J  B.  502. 

SB.  502,  f»  142  et  \\ 


DK    l/AllT    Eï    DES    ARTISTES    DAMS    LE    BARUOIS.  829 

vcrrir  de  blan  vaiire  le  châssis  estant  en  icelle  chambre  et  en  la  fenesire 
devant  le  lit  et  faire  les  ouvraiges  de  peinture  qui  s'ensuivent,  c'est 
assavoir  de  pointre  les  arnies  du  Roy  de  Seciile  en  vaurro  et  de  vaurre 
recuit  en  lome  hault  de  dessus  ledit  autel,  aux  deux  autre  lomes  compris 
à  chacun  ung  ange,  et  aux  deux  omcs  de  bas  les  armes  dudit  Monsei- 
gneur le  maistre  d'ostel  Gillet  de  Bourniont  et  celles  de  Madame  sa  femme 
le  plus  honorablement  que  faire  se  pourra.  Avec  ce  pointre  esdites  quatre 
fenestres  de  dessus  ledit  autel  et  de  vaurre  recuit  les  ymages  qui  s'ensui- 
vent c'est  assavoir  à  l'une  desdites  fenestres  l'image  de  monseigneur 
Sainct  \icolas,  de  Saincte  Catherine  à  l'autre  fenestre,  ung  crucifiement, 
à  l'autre  fenestre,  et  sainct  Jehan-Baptiste  à  l'autre  fenestre,  et  on  châssis 
estant  en  la  fenestre  devant  le  lit  deux  roses,  une  pers  et  l'autre  vermeilles 
pour  lesquelles  pointures  faire,  deust  par  marchié  a  li  fait  la  somme  ^le 
trois  francs  et  demi,  et  par  chacun  pied  de  blant  vaurre  le  somme  de 
dix  blans,  monnoie  du  Barrois.  Esquelles  quatre  fenestres  et  châssis  de 
bois  a  esté  trouvé  et  livré  par  ledit  verrier  la  quantité  de  soixante  piedz  de 
vaurre,  en  ce  compris  les  pointures,  et  pour  les  dictes  pointures  a  été 
rabattu  cinq  pieds  de  vaurre;  ainsy  demeure  cinquante  cinq  piedz  de 
blant  vaurre  qui  valent  au  prix  que  dessus  la  somme  de  onze  frans  cinq 
gros  et  demi.  Ainsy  cest  toute  somme  tant  de  blant  vaurre  que  de  poin- 
ture la  somme  de  quatorze  frans  onze  gros  et  demi  qui  ont  esté  paiez 
audit  pointre  par  le  receveur  de  ce  présent  compte,  comme  il  appert  par 
la  descharge  dudit  cler  juré,  por  icy •.   .     xiiij  1.  xix  s.  ij  d,  '  » 

A^ous  n'avons  point  de  renseignements  sur  un  certain  Jacquot 
de  Floranges  qui,  vers  1458,  posait  trois  verrières  dans  la  cha- 
pelle du  château  de  Sancy  ';  il  en  est  de  même  pour  le  nommé 
Vincent  ({we  nous  voyons  en  1462  travailler,  en  même  temps  que 
Simonin,  au  château  de  Louppy  et  poser  douze  pieds  de  verre  en 
deux  panneaux  où  étaient  reproduites  les  armes  du  Roi  et  de  la 
Reine  ^.  Les  noms  de  ces  deux  verriers  n'apparaissent  point  à  nou- 
veau dans  d'autres  comptes,  ou  du  moins  nous  ne  les  avons  point 
remarqués  dans  V Inventaire  sommaire  de  nos  Archives. 

Vers  ce  temps,   Marguerite  d'Anjou,  femme  de  Henri  VI,  roi 


'  B.  2754,  f"  38.  —  En  1471,  Gérardia  le  verrier,  demeurant  à  Gondrecourt, 
est  chargé  de  restaurer  les  verrières  du  château  de  Morley,  B.  2758.  Voir  la 
note  de  la  page  840. 

«  B.  1749,  f"  124. 

'  B.  1332. 


1  B.  2800,  f"  45  v". 
■^B.  1229,  f"  87. 
3  B.  2235,  f°  65. 
*  B.  S.  A.  L.,  t.  III,  p.  24-2T. 
SB.  S.  A.  L.,  t.  I,  p.  101. 
«  B.  S.  A.  L.,  t.  IV,  p.  11,81,  82, 
'  B.  987,  fo  136  v°. 


.4 


830  DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DAIVS    LE    BARROIS. 

d'Angleterre,  vint  habiter  le  château  de  Kœiirs  avec  son  fils 
Edouard  et  une  suite  nombreuse.  On  fit  alors  de  sérieuses  répara- 
tions pour  rendre  habitable  cette  résidence  ducale,  et,  en  MGS, 
«  Jehans  le  Veirier  demeurant  à  Verdun  »  lut  chargé  de  réparer 
toutes  les  fenêtres  de  la  chambre  du  Roi,  de  la  petite  salle,  de  la 
chambre  de  M.  le  marquis,  des  galeries,  de  la  cuisine,  de  la  rôtis- 
serie; le  prix  de  son  travail  s'éleva  à  50  sous  '. 

Vu  la  modicité  de  la  somme  payée  à  Jehans  de  Verdun,  peut- 
être  faut-il  croire  qu'il  ne  s'agissait  pas  en  cette  circonstance  d'un 
travail  de  peintre  verrier. 

C'est  toutefois  en  cette  qualité  que  nous  le  retrouvons  cette  même         % 
année  mentionné  dans  un  compte  de  Colet  Henrion,  châtelain  et 
prévôt  de  Souilly.  | 

K  14"  à  niaistre  Jehan  le  poindre  de  Verdun  pour  rapparillier  et  repoin- 
dre la  chappelle  dou  chatel  de  Soûliez  et  pour  faire  les  verrières  aux  fenes- 
tres  qui  estoient  toutes  brisiées  et  pour  les  despens  dudit  maistre  Jehan  et 
son  varlet  qui  y  demoroit  pou  lou  rapparillier  pour  un  moix  entier^.  » 

Le  nom  de  Jean  étant  excessivement  répandu  à  cette  époque,  il 
est  bien  difficile  de  déterminer  avec  certitude  si  Jehans  de  Verdun 
n'est  point  un  seul  et  même  personnage  soit  avec  Jean  le  Verrier ^ 
demeurant  à  Toul,  chargé,  en  1485,  de  mettre  en  état  les  verrières 
du  château  de  Foug^;  soit  avec  Jean  le  Verrier  (\»\,  en  1488,  pei- 
gnait un pa?ion  en  oraux  armes  du  duc  pour  le  toit  de  la  chambre 
des  comptes  de  Nancy  '',  garnissait  de  vitraux  peints  la  bibliothèque 
de  René,  l'oratoire  de  Philippe  de  Gueldres  et  l'allée  de  la  vis  ou 
escalier  de  la  tour  du  Trésor  des  Chartes*  ;  soit  avec  «  Jehain  le 
paintre  demorant  au  Pont  " ,  chargé,  de  1496  à  1504,  de  peindre 
les  armes  du  Roi  et  de  la  Reine  sur  la  Porterye  ",  et,  en  1515,  de 
réparer  les  verrières  de  la  forte  maison  du  Pont  ''  ;  soit  enfin  avec 
le  petit  Jehan  le  paintre^  domicilié  à  Bar,  en  1510-1511,  dont  le 


-I 


DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    D  A  .\  S    LE    BARROIS.  831 

compte  (le  Christophe  LietanI,  receveur  général  du  bailliage  de 
Bar,  nous  fait  connaître  les  différents  travaux. 

Il  convient  également  de  remarquer  que,  changeant  souvent  de 
domicile,  les  verriers  peuvent  avoir  été  désignés  dans  les  comptes, 
à  ces  diverses  époques,  avec  la  dénomination  du  lieu  qu'ils  habi- 
taient alors. 

«  Paiez  par  led.  receveur  en  trente  deux  gros  aux  personnes  et  pour 
«  les  causes  qui  s'ensuivent,  assavoir  à  petit  Jehan  le  paintre  pour  avoir 
«  mis  en  plomb  seize  pieds  de  verrières  pour  lesdits  offices  d'eschan- 
«  sonnerie  et  saulcerie  faictes  on  dit  chasteau  et  y  avoir  fourny  la  soul- 
0  dure  à  raison  de  six  blans  le  pied,  valent  ij  frans,  plus  payé  i'i  Loiset 
fc  Théron,  marchand  demorant  audit  Bar  pour  un  loyen  de  voir  blant 
«  emploie  pour  faire  lesdicles  verrières,  pour  ce  vij  frans  qui  est  ladite 
«  somme  '.  » 

"  xl.  s.  X  d.  paiez  par  ledit  receveur  en  xxiiij  gros  viij  aux  personnes 
«  et  pour  les  causes  qui  s'ensuivent,  assavoir  à  petit  Jehan  le  painctre 
«  demeurant  à  Bar  pour  avoir  mis  en  plomb  au  gros  mosle  unze  piedz 
«  de  verrières  mises  aux  nouvelles  offices  de  saulcerie  et  fruicterie 
.<  joindans  à  la  cuisine  derrière  sainct  Maxe,  à  raison  de  six  blans  le 
«  pied  ^.  » 

L'église  de  Saint-Pierre  de  Bar,  commencée  vers  l'année  1320, 
et  pour  l'édification  de  laquelle  Bené  d'Anjou  avait  donné ,  en 
1445,  par  lettres  patentes,  aux  doyen  et  chapitre  la  somme  de 
1,000  francs  à  prélever  sur  les  Aydes,  n'était  pas  encore  entière- 
ment terminée  au  temps  où  Bené  de  Vaudémont,  son  petit-fils, 
vint  habiter  le  château  de  Bar.  Son  portail,  qui  présente  deux 
médaillons  mutilés  aux  profils  de  Bené  H  et  de  Philippe  de 
Gueldres,  fut  achevé  dans  les  dernières  années  du  quinzième  siècle 
grâce  aux  libéralités  de  ces  souverains  \ 


*  B.  617,  f"  118  V».  Mandement  daté  du  14^  jour  de  décembre  1510. 

-  B.  fil8,  f'ill. 

Un  peintre  verrier  lorrain,  établi  à  Mnrano  (Italie)  vers  la  fin  du  quinzième 
siècle,  possédait  le  secret  d'une  nuance  rose  jusqu'alors  inconnue.  Cet  artiste  iqui 
in  exercitio  vifrario  est  super  omnes  alios  expertissimus  »  est  désigné  Jean  »  el 
Franzoso  »  dans  l'acte  d'association  qu'il  contractait,  en  l'<'92,  avec  Georges  Bal- 
larin,  chef  de  la  célèbre  famille  de  ce  nom. 

Xote  de  AI.  Eu<{.  Mlxtz,  Nouvelles  archives  de  V  Art  français ,  1878,  p.  236. 

^  Durival  rapporte  qu'il  y  avait  à  Saint-Pierre  «deux  tableaux  ronds  sous  verre 
de  15   pouces  de  diamètre,  attachés  aux  deux  piliers  qui  terio'jent  le   chœur, 


•832 


DE    LART    ET    DES    AUTISTES    DA\S    LE    BARROIS. 


C'est  vers  rannoe  1482  que  dut  être  fait  le  vitrail  dont  nous 
avons  rencontré  le  dessin  colorié  et  la  description  dans  la  collection 


Joly  de  Fleury.  Nous  transcrivons,  sans  en  rien  omettre,  le  passage 
suivant,  extrait  d'un  rapport  dressé  en  1702  : 

«  Delà  sommes  entrés  dans  cette  église  où  eslans  nous  avons  d'abord 
remarqué  sur  la  grande  vitre  qui  est  derrière  le  maistre  autel  et  dans  le 


représentant  René  II  et  Philippe  de  Gueldres,  son  épouse  » .  —  Description  de 
la  Lorraine  et  du  Barrois,  t.  II,  p.  346. 


DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DA\S    LE    BAKROIS.  833 

lieu  qui  est  le  plus  éminont  do  la  ditte  vitre,  l'écusson  plein  de  France 
couronné  d'une  couronne  d'or  ancienne  brodée  et  marquetée  on  petites 
pièces  noires.  Cet  écusson  supporté  par  deux  anges  allez  agenouillez  dont 
les  genoux  posent  sur  deux  autres  écussons  scitués  directement  au-dessous 
des  armes  de  France  lesquels  se  courbent  par  en  haut  en  s'aprochant  en 
manière  de  chevron;  le  premier  d'iceulx  placé  du  côté  de  l'Evangile  est 
porté  de  cinq  pièces  ou  quartiers  que  sont  les  alliances  de  Hongrie, 
d'Anjou,  de  Hiérusalem,  de  France  et  de  Bar;  le  dit  écusson  couronné 
d'une  couronne  ducale  aux  feuilles  d'ache.  Le  second  placé  du  côté  de 
l'épitre  est  pareillement  portée  de  cinq  pièces  dont  les  quatre  premières 
sont  les  mesmes  que  celles  de  l'autre  escu  et  la  cinquième  est  chargée  des 
armes  de  Lorraine  aux  trois  alérions  ;  ledit  écusson  n'est  point  couronné.  Et 
au-dessus  des  dittes  armoiries  et  un  quatrième  écusson  couronné  qui  est 
placé  entre  les  deux  pointes  de  ces  deux  cy-dessus  et  directement 
au-dessous  de  celuy  de  France  ;  ce  dernier  écusson  est  chargé  de  bars 
qui  sont  les  armes  de  Bar  et  semblent  servir  de  base  à  tout  l'édifice,  en 
sorte  que  les  armes  de  France  sont  seules  en  haut  avec  un  air  de  supério- 
rité tel  qu'il  convient  à  un  souverain;  les  deux  cy-devant  descrits  sont 
au-dessous  et  au  troisième  rang  l'écusson  de  Bar. 

u  Delà  nous  avons  jette  la  veûe  sur  la  vitre  qui  est  au-dessus  de  la 
chapelle  collatéralle  de  saint  Sebastien  '  au  haut  de  laquelle  sont  placées 
les  armes  de  France  à  trois  fleurs  de  lys  surmontées  d'un  lambel,  au 
costé  droit  d'icelles  est  un  lambeau  des  armes  de  Hongrie  sans  écusson 
formé  et  au  coslé  gauche  la  croix  et  les  croisettes  de  Hiérusalem,  aussy 
sans  écusson  et  est  celui  des  armes  de  France  en  forme  de  globe  seul 
couronné  d'une  couronne  ducalle. 

«  Ensuite  avons  remarqué  à  l'autre  chapelle  collatéralle  qui  est  de 
l'Annonciation,  au  haut  de  la  vitre  qui  est  au-dessus  de  l'autel  les  armes 
de  France  dans  la  même  situation  de  prééminence  qu'au  Maitre  autel  : 
elles  sont  à  trois  fleurs  de  lys  à  l'antique.  Cet  écusson  est  échancré  à  la 
manière  des  écussons  allemans  et  couronné  d'un  bonnet  royal,  au-dessous 
des  dites  armes,  dans  deux  rosettes  de  la  vitre,  sont  posés  deux  écus.  Le 
premier  des  mesmes  alliances  qu'au  maître-autel,  à  la  réserve  qu'on 
y  void  le  second  quartier  d'Aragon,  le  second  escu  est  de  Gueldres  et  les 
dits  deux  écussons  ne  sont  point  couronnés. 

'  La  chapelle  de  Saint-Sébastien,  dite  de  Barbonne,  avait  été  fondée  en  i'i-TG 
par  Jean  de  Dari)onne,  qui,  par  son  testament,  consacrait  <  une  somme  de 
50  francs  pour  la  construction  et  façon  de  la  grande  verrière  de  ladite  chapelle  ». 
Fonds  Skrvais,  Annales  du  Barrais. 

Dès  l'année  1477  il  existait  dans  cette  église  une  confrérie  de  «  Mon/:.  Saint  Sé- 
bastien «  dont  Jean  (îillel,  prêtre  vicaire  de  la  collégiale,  était  le  gouverneur.  — 
Bibliothèque  nationale,  Collection  lorraine,  n"  350. 

53 


834  DE    L'ART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

a  II  y  a  encore  plusieurs  vitres  dans  laditte  église,  moins  grandes  et 
placées  dans  des  endroits  moins  considérables  où  l'on  voict  les  armes 
de  Lorraine,   celles  de  Bar  et  aussy  de  plusieurs   maisons   illustres'.  » 

La  description  et  le  dessin  donnés  par  le  rédacteur  de  ce  rap- 
port sont  l'un  et  l'autre  fautifs,  mais  peut-être  les  susdits  écussons 
avaient-ils  été  déjà,  antérieurement  à  l'année  1702,  l'objet  d'une 
restauration  maladroite. 

Sur  l'écusson  couronné  de  droite  on  n'aperçoit  point,  au  troi- 
sième quartier,  les  croisettes  qui  devraient  cantonner  la  croix 
potencée  de  Jérusalem;  au  quatrième  indiqué  par  erreur  comme 
étant  de  France,  le  dessinateur  a  omis  de  reproduire  la  bordure  de 
gueules  qui  aurait  dû  soutenir  le  semé  de  lis  des  armes  d'Anjou. 

Ces  armoiries  me  paraissent  être  celles  que  René  I"^,  duc  de  Bar, 
avait  antérieurement  à  son  avènement  au  duché  de  Lorraine, 
en  1430. 

Quant  à  l'écusson  de  gauche,  non  couronné,  qui  est  à  six  quar- 
tiers et  non  à  cinq,  le  troisième,  mal  reproduit  ou  détérioré,  devait 
offrir  la  croix  potencée  d'or  cantonnée  de  quatre  croisettes  de 
même  ;  et  le  quatrième,  la  bordure  de  gueules  omise  dans  l'écusson 
d'Anjou.  La  présence  des  alérions  de  Lorraine  au  sixième  quar- 
tier permet-elle  de  reconnaître  dans  cet  écusson  les  armoiries 
d'Isabelle  de  Lorraine,  femme  de  René,  qui  avait  le  droit  de 
prendre  les  armes  de  son  mari  et  d'y  joindre  les  siennes  :  Lor- 
raine? 

S'il  en  était  ainsi,  le  vitrail  en  question  serait  antérieur  à  1430; 
la  partie  supérieure  geule,  aux  armes  de  France,  aurait  été  faite  de 
1474  à  1482  pendant  la  première  occupation  française  ^ 

A  cette  même  époque  de  nombreux  travaux  furent  exécutés  au 
château  de  Bar,  ainsi  qu'en  témoignent  les  mentions  suivantes 
relevées  dansle  compte  d'Antoine  Warin,  receveur  général  du  duché 
de  Bar,  pour  l'exercice  1483-1484  : 

'  Bibliothèque  nationale.  Collection  Joly  de  Fleiiry,  f.  f.  mss.  n"  1360, 
*  A  la  prière  de  son  confesseur,  Jelian  Boucard,  évêque  d'Avranclies,  le  roi 
Louis  XI  avait  donné  à  l'église  Xotre-Dame  de  Saint-Lô  (Manche)  un  magnifique 
vitrail  où  les  armes  royales  étaient  représentées  soutenues,  selon  la  mode  du 
temps,  par  un  ange.  On  y  voyait  également  les  écussons  du  Dauphiné  et  du 
Berry,  c'est-à-dire  ceux  des  deux  enfants  de  Louis  XI,  Charles  et  François. 


DE    LA  HT    ET    DES    AUTISTES    DAXS    LE    BAUROIS-  835 

.1  Réfection  et  remise  à  point  de  loutesles  verrièreset  écussons  désarmes 
étant  es  verrières  de  la  petite  salle  neuve  et  nettoyement  d'icoUes  par 
Pierre  le  Verrier  ù  qui  il  a  été  délivré  6'  pour  ce  travail. 

«  Remise  à  point  des  verrières  delà  Ch"  de  parement,  de  celle  du  Roi, 
et  de  Couppetalon,  de  la  Ch°  de  Mons.  le  marquis  par  Simonin  le 
poindre. 

«  Réfection  des  verrières  de  la  petite  Ch*  auprès  le  petit  paule  qui 
étoient  derompues. 

«  Apposilionde  plusieurs  losengesès  verrièresdu  château  et  fourni  pour 
celles-ci  verre  plomb  et  soudure  (Simonin  le  peintre). 

«  Apposition  par  Pierre  le  Verrier  de  27  pieds  de  voire  blanc  aux 
verrières  faites  neuves  dans  la  chambre  du  duc.  Fourniture  par  le  même 
de  deux  écussons  armoyés  des  armes  du  prince. 

u  Mise  à  point  et  radouber  de  verre  neuf,  plomb  et  souduie  18  pan- 
neaux de  verrières  de  la  salle  du  pale... 

K  Façon  de  la  verrière  de  l'oratoire  ;  réfection  et  mise  en  état  de  trois 
panneaux  de  grands  lozanges  es  verrières  du  petit  paule. 

«  Remise  à  point  en  la  chambre  de  Mesdemoiselles  (Marguerite  et 
lolande  de  Lorraine,  filles  de  René)  les  verrières  des  deux  grands 
châssis  '.  » 

Dans  ce  même  compte,  en  ce  qui  concerne  Jehan  Pierre  le 
Verrier,  on  remarque  une  dépense  de  «  5  fr.  9  gros  payés  à  Jennin 
Robin,  marchand  à  Bar,  pour  5  quarterons  trois  livres  de  plomb 
à  lui  achetés  au  prix  de  4-  francs  le  cent,  lequel  plomb  a  été 
employé  es  ouvraiges  desd.  verrières...  "  ;  puis  une  autre  dépense 
de  «  13  gros  3  blancs  au  même  Robin  pour  S'^  9  onces  d'étain  qui 
lui  avaient  été  aussi  achetés  pour  être  employés  auxdits  ouvrages 
a  raison  de  10  blancs  la  livre  ii . 

D'après  tous  ces  détails, on  peut  croire,  avec  M.  V.  Servais,  que 
ces  verrières  se  composaient  de  petits  carreaux  semblables  à  ceux 
que  l'on  rencontre  dans  certaines  maisons  de  la  ville  haute  dont  la 
construction  remonte  à  cette  époque*. 

En  l'année  1485,  après  être  rentré  en  possession  du  Barrois  et  de 
la  ville  de  Bar,  René  11  faisait  un  don  considérable  au  chapitre  de 
Saint-Pierre  pour  lui  permettre  de  terminer  les  travaux  ^  En  1488, 

'  B.  511.  ^ 

■  i''o:ids  Servais,  (oc.  cit. 
'  B.  512. 


836  DK    LAUT    KT    DES    ARTISTES    DAXS    LE    BAUKOIS. 

désireuse  de  contribuer  à  rembellissement  de  cette  église,  la  jeune 
duchesse  demandiiit  un  peintre  verrier  pour  exécuter  une  verrière. 
C'est  du  moins  ce  (|ui  résulte  de  Texamen  du  compte  d'Antoine 
IVarin,  receveur  général  du  duché  pour  celte  année. 

«  iiij  Ib.  paiez  par  ledit  receveur  a  T/ievenin  verrier  par  ordonnance 
de  mes  dis  seigneurs  du  conseil  pour  faire  ses  despens  au  lieu  de  Bar  et 
de  retournant  dudit  Bar  au  lieu  de  Nancey,  lequel  verrier  de  l'ordon- 
nance de  notre  très  redoublée  Dame  esloit  venu  faire  audit  Bar  pour 
prendre  la  mesure  et  veoir  le  lieu  là  où  icelle  Dame  vouloit  faire  une 
verrière  en  l'église  S'  Pierre  de  Bar...  *,   » 

Ce  personnage  doit  être  le  même  que  Thouvenin  de  Nancy  qui, 
en  1481,  avait  refait  à  neuf  «  la  grande  verrière  de  dessus  le 
maître-autel  des  Cordeliers  de  Mirecourt*  «  et  orna  plus  tard  de 
vitraux  peints  l'oratoire  du  roi  de  Sicile  ^ 

Avant  le  voyage  que  René  II  fit  en  France  au  mois  de  mai  de 
l'année  1498,  ce  prince  avait  réclamé  les  bons  offices  de  Pierre  le 
painctre  auquel,  en  1497,  il  fut  payé  par  le  receveur  général  du 
duché  de  Bar  la  somme  de  xxx  s.  iiij  d.  en  xx  gros  pour  ses 
peinnes  et  sallaires  d'avoir  fait  deux  verrières  nuefves  mises  en 
deux  fenestres  en  l'escuyrerie  du  roy  de  Sicile  et  devant  la  teste 
des  grands  chevaulx  *. 

Quel  était  ce  Pierre?  Faut-il,  avec  M.  Marchai,  l'ancien  archi- 
viste de  la  Meuse,  reconnaître  dans  ce  peintre  Pierre  d'Amyens 
qui,  en  1498,  fit  trente-quatre  écussons  aux  armes  de  lareine  Jeanne 
de  Laval,  destinés  à  décorer  l'église  Saint-Maxe  lors  d'un  service 
célébré  pour  cette  princesse^?  Convient-il  au  contraire  d'identifier 
ce  personnage  avec  un  peintre  verrier  du  même  nom,  originaire 
de  Strasbourg  ou  résidant  dans  cette  ville,  que  nous  voyons,  vers 
l'année  1500,  travailler  aux  vitraux  de  l'église  des  Cordeliers  de 
Nancy*,  et  faire  la  rose  du  portail,  puis  la  grande  verrière  placée 
derrière  le  maître-autel  '  ? 

»B.  515,  f»112. 

-  Bulletin  de  la  Société  d'archéologie  lorvaiiie,  t.  III,  p.  27. 

^  Ibid.,  t.  I,  p.  101. 

4  B.  522,  f"  149. 

^  B.  523. 

•>  B.  S.  A.  L.,  m.  27. 

"  B.  S.  ^.  L.,  t.  I,  p.  101. 


DE    I.ART    KT    D  F,  S    ARTISTES    DAXS    LE    BARROIS.  837 

Mentionnons  également  Pierron  peintre  et  verrier  (jiii,  vers  le 
même  temps,  décora  des  armoiries  ducales  les  vitraux  de  la  cha- 
pelle de  la  maison  du  Roi  à  Pont-à-XIousson  '. 

Au  commencement  du  seizième  siècle  les  comptes  de  Christophe 
Liétiird,  receveur  général  du  bailliage  de  Bar,  nous  procurent, 
en  1510,  le  nom  de  Petiljean,  peintre  à  Bar,  qui  pose  cinq  pieds 
de  verrières  «  à  la  chambre  de  Michel  Thomas,  sarrier,  demeurant 
au  Baisleet  conducteur  de  l'orloge  *  « ,  puis,  la  même  année,  exécute 
220  écussons  tant  aux  armes  de  Bar  qu'aux  armes  du  duc  pour  le 
service  funèbre  de  René  II'. 

Les  peintres  verriers  alors  en  résidence  dans  le  Barrois  étaient- 
ils  insuffisants  ou  malhabiles,  c'est  ce  que  l'on  serait  tenté  de  croire 
en  voyant  nos  princes  attirer  à  leur  cour  et  s'attacher  deux  étran- 
gers dont  les  noms  ne  sont  point  mentionnés  dans  nos  archives  : 
Jean  Clerengue  de  Vei'dun  et  Simon  de  Meaux,  que  René  II  et  sa 
femme  engagèrent  à  se  fixer  définitivement  dans  leurs  Etats,  en 
leur  accordant  divers  privilèges  et  franchises. 

Nous  empruntons  aux  notes  publiées  par  M.  Lepage  sur  les 
peintres  lorrains  des  quinzième,  seizième  et  dix-septième  siècles 
les  renseignements  suivants  : 

..  René,  par  la  grâce  de  Dieu,  Roy  de  Ihérusalem  et  de  Sicile,  duc  de 
Lorraine  et  de  Bar,  etc.  Savoir  faisons  que  par  la  bonne  relacion  que 
faicte  nous  a  esté  de  Tart  et  industrie  de  paintre  et  verrier  estant  en  la 
personne  de  notre  bien  amé  Petit  Jehan  de  Clerengue,  désirant  le  retyrer 
en  notre  ville  de  Bar,  affm  de  nous  en  servir  tant  à  l'entretenement  des 
verrières  de  notre  chastel  dudit  Bar  que  autrement,  l'avons  pour  ces 
causes  affranchy  et  exempté  et  par  ces  présentes  affranchissons  et 
exemptons  de  toutes  tailles,  aydes  prières  et  subsides  et  toutes  autres 
exactions  queizconques  imposées  et  à  imposer  en  notre  dite  ville  de  Bar, 
réservé  et  excepté  de  l'imposition  de  douze  deniers  par  livre  sy  tant  estoit 
quelle  eust  cours  audit  lieu,  aussi  du  guect,  garde  et  rétention  de  bonne 
ville,  lequel  Petitjehan  n'entendons  qu'il  soit  aucunement  tenu  servir  en 
armes  à  cause  de  celte  présente  franchise,  mais  sera  tenu  seullement 
entretenir  les  verrières  de  notre  chaste!  dudit  Bar  où  il  ne  faudra 
besongnier  plus  avant  d'un  jour.  Et  affm  qu'il  puisse  mieulx  fournir  à  ce 
et  s'entretenir  audit  Bar,  luy  avons  donné  et  octroyé,  et  par  ces  présentes 

'  Lep.îce,  Communes  de  la  Meurthe,  t.  II,  p.  329.  ^ 

-  B.  617,  618. 
'  B.  532. 


838  DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DA\S    LE    BARROIS. 

donnons  et  octroyons  de  fjràce  espécialc  ting  muid  de  l)led  froment  sur 
la  recppte  de  nostre  célcrier  dudit  Bar  par  cliascun  an  par  manière  de 
pension  à  nostre  bon  plaisir. 

11  Lettres  patentes  datées  du  château  de   Louppy,  le  20  juin   1507  '.  » 

Ces  lettres  furent  confirmées  le  5  décembre  1509  après  la  mort 
(le  René  II  par  sa  veuve  Philippe  deGueldres,  duchesse  douairière 
du  Barrois. 

u  Philippe,  par  la  grâce  de  Dieu,  royne  de  .Ihérusalem  et  de  Sicile, 
duchesse  de  Lorraine  et  de  Bar,  etc.  L'unible  sup|)licalion  et  requeste 
de  Petit  Jehan  Clerengue,  painclre  et  verrier,  demeurant  en  nostre  ville 
de  Bar,  avons  reçue  contenant  que  feu  de  glorieuse  mémoire  nostre  très 
chier  seigneur  et  espoux  le  roy  de  Sicile...,  lui  avoit  fait  sa  demeure  qu'il 
faisoit  en  la  cité  de  Verdun  et  l'avoit  fait  retirer  en  ce  lieu  et  l'affranchy 
et  exempté  de  toustes  tailles,  aydes,  subsides  et  autres  choses  quelz- 
conques,  réservé  de  l'imposition  de  douze  deniers  pour  livre  si  elle  avoit 
cours,  et  de  guait,  garde  et  rétencion  de  bonne  ville  s'il  y  esloit  demo- 
rant  sans  être  subgect  de  servir  en  armes,  mais  à  charge  de  entre- 
tenir et  besongnier  ez  verrières  de  nostre  chaste!  dudit  lieu  où  il 
fauldroit  besongnier  par  ung  jour,  et  avec  ce  luy  baillié  pension  d'un 
muid  froment  sur  la  recepte  de  nostre  célerier  dudit  Bar  jursques  à  son 
plaisir  ainsi  qu'il  povoit  plus  amplement  apparoir  par  ses  lettres  patentes, 
nous  suppliants  très  humblement  luy  vouloir  icelles  confirmer.  Savoir 
faisons  que  pour  le  bon  rapport  que  fait  nous  a  esté  dudit  Jehen 
Clerengue,  ayant  regard  à  ce  que  dessus,  désirant  entretenir  le  bon 
vouloir  de  nostre  dit  feu  seigneur  et  espoux,  pour  ces  causes  et  autres 
raisonnables   nous    mouvans,    avons  ratlilié  et  confermé,    rattiffions    et 

confermons  icelles  lettres    d'affranchissement  et  pension selon  leur 

forme  et  teneur  jusques  à  nostre  bon  plaisir  et  soubz  les  charges,  condi- 
tions et  modifications  y  spéciffiées  et  déclarées...  -.  » 

A  Jean  de  Clerengue  succéda,  dans  les  fonctions  stipulées  dans 
les  deux  actes  précédents,  un  certain  Simon  de  Meaux  qui  fut 
retenu  à  Bar  par  la  reine  Philippe.  Nous  n'avons  pas  l'acte  de  fran- 
chise donné  par  cette  princesse,  mais  l'acte  de  confirmation 
accordé  en  1521  par  le  duc  Antoine  à  ce  peintre  verrier  est  rédigé 
dans  des  termes  semblables  au  précédent. 

1  B.  S.  A.  L.,  t.  IV,  p.  86.  —  Trésor  des  chartes,  layette.  Bar,  Chambre  des 
comptes,  t.  II,  n"  21. 

-  B.  S.  A.  L.,  t.  IV,  p.  87.  — Ibid.  Bar,  ville  et  bailliage,  t.  II,  n"25. 


DE    I/ART    ET    DES    ARTISTES    DAMS    LE    BAIIROIS.  8:i9 

«  Antlioine,  par  la  grâce  de  Dieu,  et...  Salut,  Comme  la  Royne  de 
Sicile  nostre  très  chière  dame  et  mère,  à  présent  religieuse  professe  au 
couvent  de  Saincte  Clère  en  nostre  cité  de  Pont  à  Mousson,  ait,  par  cy- 
devantz  et  pour  les  causes  contenues  en  icelle,  affranchy  et  exempté 
Symon  de  Meaulx,  paintre  et  verrier,   à  présent  demeurant  audit  lieu  de 

toiittes    tailles,    aydes,    prières,    subsides Sans    que   pour    ce    ledit 

Symon  soit  aucunement  tenu  servir  en  armes  à  cause  de  ladite  franchise, 
mais  sera  tenu  seulement  entretenir  les  verrières  de  nostre  chastel  dudit 
Bar,  ou  il  ne  fauldra  besongnier  plus  avant  d'un  jour.  Et  affin  que 
mieulx  il  puisse  fournir  à  ce  et  s'entretenir  audit  Bar,  nostre  dicte  et 
mère  luy  ait  donné  et  octroyé  par  ses  dites  lettres,  ung  muid  de  froment 
sur  la  recepte  de  nostre  célérier  dudit  Bar,  par  chacun  an,  par  manière 
de  pension,  jusques  à  son  bon  plaisir,  scavoir  faisons  que  nous,  inclinant 
à  la  supplication  dudit  Symon  de  Meaulx,  ayant  aussy  regart  à  l'art  et 
industrie  de  paintre  et  verrier  estant  en  sa  personne,  pour  ces  causes  le 
retenir  en  ce  lieu,  lui  avons  confirmé  et  en  confirmons  par  ces  dictes 
présentes  ladite  franchise,  ensemble  ledit  d'un  muyd  de  bled  froment 
par  an  par  manière  de  pension,  comme  dit  est,  selon  le  contenu  ez  lettres 
de  nostre  dite  Dame  et  mère,  en  et  parmy  lesquelles  ces  présentes  son 

infixées  jusques  à  nostre  bon  plaisir Donné  en  nostre  ville  de  Bar,  le 

dixième  jour  d'apvril,  l'an  mil  cinq  cens  vingt  et  un  ». 

A  celte  liste  de  noms  demeurés  pour  la  plupart  dans  l'obscurité 
il  convient  de  joindre  celui  de  René  d'Anjou  qui,  maître  dans  tous 
les  arts,  aurait,  dit-on,  cultivé  avec  assez  de  succès  la  peinture  sur 
verre  et  exécuté,  au  temps  de  sa  captivité,  à  Dijon,  les  portraits  de 
Jean  et  de  Philippe,  ducs  de  Bourgogne,  qui  décoraient  l'église 
des  Chartreux  de  cette  ville. 

«Pendant  sa  captivité  à  Dijon,  en  1431  et  années  suivantes,  le  duc 
René  de  Bar  aurait  offert  à  la  S''  Chapelle  de  cette  ville  une  verrière  où 
il  était  représenté  à  genoux  en  robe  fourrée  avec  plusieurs  saints.  Au 
bas  du  sujet  principal  on  voyait  ses  armes  et  des  oublies,  allusions  à 
l'oubli  de  ses  sujets.  On  dit  que  ce  vitrail  auquel,  d'après  la  tradition, 
aurait  travaillé  René  lui-même,  aurait  été  vendu  à  un  Anglais  après  la 
Révolution i.  » 

Dans  son  étude  :  Les  Ducs  de  Bar  ou  seigneurs  et  dames  de 
Cassel  de  la  maison  ducale  de  Bar,  M.  de  Smy Itère  rapporte 

'  Revue  (le  l Art  chrétien,  1895,  p.  MT. 


840  DE    LART    ET    DES    ARTISTES    DANS    LE    BARROIS. 

qu'il  existait  à  la  Baumeltc,  près  Angers,  un  vitrail  offrant  le  por- 
trait de  René  fait,  croit-on,  par  ce  prince  (p.  241). 

L,  Maxe-Werly, 

Membre  non  résidant  du  Comitt'  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  des  dépar- 
tements, à  Bar-le-Duc. 


TABLK 


Imagiers  et  maîtres  des  œuvres. 
Chr,  de  Joinville. 
Chevillon  (Aubert). 
Collignon  le  Marjollet. 
Courtois  Geoffroy  de  Gondrecourt. 
Crocq  (Jean),  de  Bar-le-Duc. 
Deraenge  de  Rosières. 
Guéri  Malpayé. 
Husson,  de  Bar. 
Husson,  l'imagier. 
Jacquemin  (Gérard). 
Jacquemin  (Rogicr). 
Jacquemin,  de  Vaucoulcurs. 
Jacquot,  de  V'aucouleurs. 
Jean,  de  Commercy. 
Jean,  de  Saint-Pierre. 
Jelian,  de  Saint-Joire. 
Jehan,  le  menuisier. 
Jehan  Thierion. 
Jcnnin,  de  Buigncxille. 
Mengin  Chevron. 
Mengin,  de  Bar. 
Nicolas,  de  Saint-Biaise 
Nicolas,  de  Bar. 
Perrin  (François). 
Perrin  (Michel). 
Pierre,  de  Milan. 
Raulot  (Didier). 
Thibaut,  de  Ligny. 
Tristan. 


Peintres  verriers. 

Ancherin. 

Arnoulet. 

Clérengue,  de  Verdun. 

Colars,  de  V  erdun. 

Colin,  de  Verdun. 

Eslicnue. 

François  le  Merdier. 

Guillaume,  de  Bar. 

Henry. 

Jacquot,  de  Floranges . 

Jean.  ^ 

Jehain,  du  Pont. 

Jehan,  de  Saint-Nicolas. 

Jehan,  de  Toul. 

Jehan,  de  Verdun. 

Jehans,  de  V' erdun. 

iliclielet. 

Nicolas,  de  Verdun. 

Pierre. 

Pierre,  d'.Amyens. 

Picrron. 

Petitjean,  de  Bar. 

René,  d'Anjou. 

Simon,  de  Meaux. 

Simonin. 

Thévenin,  de  Nancy. 

Thévenin  Merlin. 

Vincent. 


Addition  à  la  page  829:  Après  la  démolition  du  château  de  Morley,  les  vitraux 
exécutés  par  Simonin  de  Bar  furent  places  dans  l'église  jusqu'au  jour  où  le  ma- 
réchal de  Beauvau,  seigneur  de  Morley,  les  réclama  vers  1775  au  curé  Richelet 
qui  les  lui  envoya. 

Note  de  M.  l'abbé  Cillant  :  Pouillé  du  diocèse  de  Verdun,  t.  II,  p.  577. 


I/AUC    DE    TRIOMPHE    DE    I,  A    TOUTE    D\I.\.  s  il 


XLIII 


L'ARC  DE  TRIOMPHE  DE  LA  PORTE  D'ALX 

A    MARSEILLE 


Marseille  rêvait  un  arc  triomphal,  depuis  que  Puget  en  avait  sug- 
géré l'idée  dans  les  vastes  plans  d'enseml)le  qu'il  avait  présentés  à 
la  ville  en  1669.  Ce  monument,  dont  le  génial  artiste  avait  marqué 
la  place  à  la  porte  d'Aix,  devait  annoncer  l'entrée  de  la  cité.  Mal- 
heureusement, une  administration  parcimonieuse,  que  les  concep- 
tions trop  hantes  déconcertaient,  avait  fait  délaisser  ces  plans,  et 
ce  n'est  que  de  la  résistance  que  la  municipalité  avait  opposée  aux 
agrandissements  ordonnés  par  Louis  XII . 

En  1780,  la  revente  des  terrains  de  l'Arsenal  ayant  produit  à  la 
ville  un  bénéfice  de  200,000  livres,  le  conseil  voulut  employer 
cette  somme  à  l'érection  d'un  arc,  de  triomphe  en  l'honneur  de 
Louis  XVI.  Nos  édiles,  d'accord  en  cela  avec  l'opinion  publique, 
dans  leur  séance  du  30  juin  1784,  ressuscitèrent  l'idée  du  grand 
sculpteur  et  choisirent  la  porte  d'Aix  '. 

L'importance  des  questions  touchant  à  la  prospérité  commerciale 
de  notre  ville  et  à  son  embellissement  qui  furent  traitées  au  cours 
de  cette  délibération,  la  façon  dont  elles  furent  envisagées,  les 
aperçus  auxquels  donna  lieu  leur  discussion,  mériteraient  un  déve- 
loppement que  ne  me  permet  pas  le  cadre  que  je  me  suis  tracé,  et 
bien  que  le  monument  qui  fait  l'objet  de  la  présente  étude  n'en 
eût  pas  été  la  cause  déterminante,  je  crois,  néanmoins,  utile  de  la 
mentionner  parce  que  c'est  au  cours  de  cette  réunion  que  l'itlée  de 
l'exécuter  se  manifesta  pour  la  première  fois. 

A  la  suite  de  cette  délibération  du  30  juin  1784,  le  Conseil  mu- 


'  Délibération  du  conseil  municipal  de  Marseille,  année  1784.  Registre  n"  185, 
p.  84. 


m 


842  L'ARC    DE    TRIOMPHE    DE    LA    PORTE    DAIX. 

nicipal  approuva  à  ce  sujet,  le  15  août  suivant,  un  projet  présenté 
par  Gautier,  artiste  marseillais. 

L'Académie  de  peinture  et  de  sculpture  de  la  ville  consultée 
avait  patronné  ce  projet^  des  lettres  patentes  permirent  bientôt 
après  à  la  municipalité  d'ajouter  telles  sommes  qu'elle  jugerait 
nécessaires  aux  200,000  livres  votées,  afin  que  l'œuvre  fût  com- 
plète ;  mais  avant  qu'on  y  eût  mis  la  main,  1789  avait  sonné  le 
glas  de  la  royauté,  et  l'arc  de  triomphe  fut  oublié, 

La  Révolution,  le  premier  Empire  passent,  sans  qu'il  soit  de 
nouveau  question  du  monument  dont  l'érection  avait  été  votée. 
L'idée  n'en  est  pas  cependant  abandonnée,  mais  il  faut  arriver  au 
17  octobre  1823  pour  en  retrouver  la  trace  dans  le  registre  des 
délibérations  du  conseil  municipal  de  Marseille. 

La  guerre,  que  LouisXVIIIavait  entreprise  pour  venir  au  secours 
de  Ferdinand  Vil  et  pour  rétablir  en  Espagne  les  principes  de  gou- 
vernement d'un  roi  absolu,  venait  de  finir.  Elle  n'avait  offert  comme 
action  d'éclat  que  la  prise  du  Trocadéro,  mais  la  prise  de  ce  fort 
(31  août  1823), qui  défendait  l'entrée  de  l'île  de  Léon,  avait  eu  un 
prodigieux  retentissement  en  Europe,  car  c'était  le  dernier  coup 
porté  à  la  révolution  espagnole.  En  France,  l'effet  de  ce  brillant  fait 
d'armes  avait  été  de  redonner  à  la  population  ce  sentiment  d'hon- 
neur national  que  réveille  toujours  la  gloire  conquise  par  nos 
armées. 

Depuisneuf  ans  le  peuple  n'avait  plus  entendu  parler  d^  victoire, 
il  n'avait  pas  oublié  ce  mot-là,  il  sentit  son  cœur  tressaillir  et  il  fit 
une  véritable  ovation  au  duc  d'Angoulème,  généralissime  de  l'expé- 
dition, lorsque  ce  fils  du  comte  d'Artois  fit  son  entrée  triomphale 
à  Paris,  en  passant  sous  l'arc  de  triomphe  de  l'Etoile,  queXapoléon 
avait  laissé  à  peine  ébauché  et  que  la  Restauration  promit  de  finir 
en  mémoire  du  Trocadéro. 

Marseille  s'était  associée  à  l'enthousiasme  général.  La  délibéra- 
tion, prise  le  17  octobre  1823,  par  sou  conseil  municipal,  va  nous 
montrer  avec  quelle  ardeur  sans  pareille  elle  avait  suivi  les  voix  de 
la  publicité  qui  s'étaient  enflées  à  l'envi  pour  exalter  le  vainqueur 
de  la  guerre  d'Espagne  : 

...  M.  le  Maire,  dans  une  lettre  qu'il  a  adressée  à  M.  le  Préfet  le  14 
t  de  ce  mois,  a  marqué  à  ce  Magistrat  que  la  délivrance  du  roi  d'Espagne, 


LA  lie    DK    TItlOMIMIK    DK    I.  A    POKTE    DAIX.  8  43 

u  cet  événement  si  gloricuv  pour  la  Fiance,  pour  son  auguste  souverain 
i(  et  pour  le  prince  illustre  à  qui  il  avait  confié  le  commandement  de  nos 
a  armes,  inspirerait  sans  doute  au  conseil  municipal  le  désir  de  porter 
«  au  pied  du  trône  et  d'adresser  à  Mgr  le  duc  d'Angoulême  ses  vives  et 
«  respectueuses  félicitations,  ainsi  que  l'expression  des  sentiments  dont  la 
«  ville  de  Marseille  est  animée  dans  cette  mémorable  circonstance.  Ce 
«  Magistrat  a  ajouté  qu'il  se  flattait  que  celte  assemblée  serait  également 
«  disposée  à  accueillir  la  proposition  qu'il  avait  dessein  de  lui  faire, 
M  d'ériger  un  arc  de  triomphe  à  la  porte  d'Aixen  l'honneur  de  Mgr  le  duc 
«  d'Angoulême  et  de  l'armée  française  en  Espagne,  et  pour  perpétuer  à 
u  jamais  dans  nos  murs  la  mémoire  de  ce  grand  résultat  obtenu  dans  la 
«  plus  belle  des  entreprises.  M.  le  Maire  a,  en  conséquence,  prié 
«  M.  le  Préfet  de  l'autoriser  <V  faire  délibérer  le  Conseil  municipal  tant 
«  sur  le  projet  d'adresse  au  Roi  et  à  Mgr  le  duc  d'Angoulême  que  sur 
«  l'érection  de  l'aie  de  triomphe  mentionné,  à  la  porte  d'Aix. 

«  M.  le  Préfet,  dans  sa  lettre  du  15  octobre  dernier,  accorde  les  autori- 
«  salions  demandées. 

«  M.  le  Maire,  dans  la  présente  séance,  soumet  à  sa  délibération  la 
«  proposition  de  deux  adresses  au  Roi  et  à  S.  A.  R.  Mgr  le  ducd'Angou- 
«  léme  dans  lesquelles  la  profonde  sagesse  du  monarque  qui  avait  su  par 
«  cette  entreprise  fermer  l'abime  des  révolutions  oii  venaient  s'engloutir  la 
«  morale  et  le  repos  des  peuples  était  exaltée  avec  autant  d'enthousiasme 
u  lyrique  que  la  gloire  militaire  conquise'^par  le  Général. 

ic  Elles  sont  adoptées  à  l'unanimité  et  dans  l'intégralité  de  leur  teneur. 
«  M.  le  Maire  invite  ensuite  le  Conseil  à  délibérer  sur  la  proposition 
c(  d'ériger  à  la  porte  d'Aix,  en  faisant  disparaître  les  vieilles  arcades  de 
c<  l'aqueduc,  un  arc  de  triomphe  qui  sera  dédié  à  Mgr  le  duc  d'Angoulême 
ce  et  à  sa  brave  armée,  en  perpétuelle  mémoire  du  glorieux  résultat  de  la 
«  guerre  entreprise  sous  les  ordres  du  prince  généralissime  pour  la  déli- 
«  vrance  du  Roi  d'Espagne. 

"  Le  Conseil  adopte  unanimement  le  projet  de  celle  érection  et  renvoie 
«  à  une  commission  spéciale  le  soin  de  s'occu|)er  des  détails  d'exécution 
■1  de  ce  monument,  ainsi  que  des  moyens  de  pourvoir  à  la  dépense 
"  qu'occasionnera  sa  construction. 

«  Cette  commission -est  composée  de  MM.  de  Panisse,  Rostand,  Bouge, 
"  Pascal  de  Pontevès.  n 

Un  arc  de  triomphe  devait  être  érigé  eu  1784  à  la  porte  d'Aix 
à  la  gloire  de  Louis  XVI  ;  trente-nenf  ans  plus  tard  la  construction 
de  ce  même  arc  de  triomphe  est  dédiée  à  Mgr  le  duc  d'Angoulême 
et  à  sa  brave  armée. 


.S44  I/AllC    DE    THIOMPHK    DE    LA    PORTE    D'AIX 

La  commission  se  met  à  l'œuvre,  et  le  30  octobre  1823  un  de 
ses  membres  expose  au  Conseil  municipal  :  "  qu'après  avoir  con- 
tt  suite  le  directeur  des  travaux  publics  de  la  ville  sur  la  dépense 
«  dont  il  s'agit,  il  lui  a  paru  convenable  de  la  fixer  à  200,000  fr., 
«  indépendamment  des  frais  relatifs  à  la  démolition  des  vieilles 
«arcades  età  l'établissement  des  conduits  destinés  aies  remplacer; 
«  que  pour  subvenir  au  payement  des  200,000  francs  mentionnés, 
«  qui  ne  pourraient  être  imputés  sur  les  revenus  ordinaires  de  la 
tt  ville  dans  l'état  actuel  des  produits,  il  y  a  lieu  de  se  procurer 
«  cette  somme  par  la  voie  d'un  emprunt,  et  que  le  remboursement 
"  en  soit  indiqué  par  cinquième  aux  années  1830,  1831,  1832, 
t  1833  et  1834,  époques  auxquelles  la  ville  sera  délivrée  soit  du 
«  payement  des  prix  d'acquisition  de  divers  immeubles  pour  les- 
"  quels  elle  est  encore  engagée,  soit  du  montant  de  l'emprunt 
"  précédemment  contracté  pour  les  frais  d'établissement  de 
"  l'évêché. 

«  L'évaluation  ci-dessus  indiquée  de  200,000  francs  sera,  pour 
«  le  directeur  des  travaux  publics  de  la  ville,  une  donnée  essentielle 
«  du  projet  de  l'arc  de  triomphe  dont  il  a  été  chargé  de  dresser 
«  les  dessins  et  devis;  mais  comme  la  rédaction  de  ce  projet  exige 
K  nécessairement  un  certain  délai,  et  que  d'un  autre  côté  l'emprunt 
«  destiné  à  l'exécution  du  monument  requiert,  d'après  la  loi, 
«  l'autorisation  préalal)le  du  gouvernement  et  des  Chambres,  la 
«  commission  propose  au  conseil  municipal  de  voter  ledit  emprunt 
ti  avec  prière  au  gouvernement  de  prendre  les  mesures  convenables 
Cl  pour  en  faire  sanctionner  le  projet,  suivant  les  formes  prescrites 
«  par  la  loi.  » 

Après  avoir  entendu  ce  rapport,  le  Conseil  en  adopte  les  motifs 
et  les  propositions,  et  vote  l'emprunt  des  200,000  francs  nécessaires, 
cette  somme  devant  être  remboursée  sur  les  revenus  ordinaires 
de  la  ville,  dans  les  années  1830  à  1834,  à  raison  de  40,000  fr. 
par  an,  qui  seraient  successivement  portés  aux  budgets  de  la  ville 
pour  ces  cinq  années.  Le  Conseil  délibère  ensuite  sur  les  propo- 
sitions qui  lui  ont  été  faites  pour  la  démolition  des  vieilles  arcades 
de  l'aqueduc  et  l'établissement  des  canaux  souterrains  destinés  à 
les  remplacer,  et  charge  de  ce  travail  le  sieur  Louis  Amphoux-, 
alors  adjudicataire  de  l'entretien  du  grand  aqueduc.  La  raison  qui 
le  Ot  choisir  prouve  combien  le  Conseil  municipal  de  Marseille 


LARC    DE    TUIOMPHE    DE    LA    PORTE    DAIX.  845 

prenait  soin  des  finances  confiées  à  sa  garde;  elle  mérite  donc 
d'être  signalée.  Louis  Amphoux,  étant  déjà  chargé  de  l'entretien 
de  l'aqueduc,  avait  à  son  service  un  assez  grand  nombre  d'ouvriers 
qu'il  occupait  pour,  cet  objet,  mais  qu'il  ne  pouvait  employer 
constamment  à  toutes  les  époques  de  l'année.  Grâce  à  ce  nouveau 
travail,  tout  chômage  cessait,  et  la  ville  pouvait  équilablement 
obtenir  des  conditions  plus  avantageuses  que  n'aurait  pu  lui  faire 
tout  autre  adjudicataire. 

Nous  venons  devoir  que  la  ville  de  Marseille  avait  voté  200,000  fr. 
pour  l'érection  de  l'arc  de  triomphe,  mais  cet  emprunt  devait  être, 
en  définitive,  autorisé  par  une  loi.  Le  Conseil  se  réunit  de  nouveau, 
le  23  novembre  1823,  et  «  considérant  que  lorsque  les  Chambres 
«  n'étant  point  réunies,  le  gouvernement  a  l'attribution  d'accorder 
«  à  cet  égard  une  autorisation  provisoire,  sauf  d'en  faire  sanctionner 
«  la  disposition  par  une  loi  à  la  plus  prochaine  réunion  des 
tt  Chambres  »,  délibéra  de  «  prier  HL  le  Maire  de  vouloir  bien 
tt  supplier  le  gouvernement,  par  l'intermédiaire  de  M.  le  Préfet, 
«  d'autoriser  provisoirement  la  réalisation  immédiate  de  l'emprunt 
«  dont  il  s'agit,  sauf  de  présenter  ultérieurement  aux  Chambres 
«  la  loi  spéciale  qui  devrait  donner  la  sanction  définitive  à  cette 
«  mesure  r  . 

La  demande  n'étant  pas  de  nature  à  être  accueillie  favorablement, 
le  Préfet  ne  pouvait  pas  intervenir  auprès  du  gouvernement  pour 
le  supplier  d'autoriser  un  emprunt  avant  de  connaître  les  plans 
et  devis  du  monument  que  cet  emprunt  était  destiné  à  édifier. 
C'est  ce  que  répond  ce  fonctionnaire  le  18  décembre,  et  lecture 
de  sa  lettre,  dans  laquelle  il  indique  "  que  la  délibération  du 
«  28  novembre  dernier  ne  sera  transmise  à  Son  Excellence  que 
«  quand  les  plans  et  devis  lui  seront  parvenus  »,  est  faite  par  le 
Maire  à  la  séance  du  24  décembre.  L'ordonnance  royale  du  30  de 
ce  même  mois  consacre  cette  réponse. 

La  ville  de  Marseille  n'avait  plus  qu'à  engager  son  directeur 
des  travaux,  l'architecte  Penchaud,  à  hâter  la  confection  du  travail 
dont  il  avait  été  chargé.  C'est  ce  que  fil  son  Maire.  Penchaud  se 
mit  à  l'œuvre,  dressa  ses  plans  et,  à  la  séance  du  24  iûts  1824, 
présenla  deux  projets.  Après  mûr  examen,  le  second  eut  la  préfé- 
rence, et  cet  architecte  se  rendit  à  Paris  pour  le  soumettre  au 
gouvernement.  Le  13  septembre  1824,  une  lettre  du  Préfet  informe 


846  L'AKC    DE    T  lU  O  M  P  H  E    DE    LA    PORTE    D'AIX. 

le  Maire  que,  le  30  août  piécéclent,  Son  Excellence  le  Ministre  de 
rintérieur  avait  donné  son  approbation  au  projet  n"  2  de  Tare  de 
triomphe.  Dans  celte  lettre  il  l'invite  à  préparer  l'adjudication  des 
travaux  pour  la  construction  de  ce  monument. 

En  réponse,  le  premier  magistrat  de  la  Cité  fait  des  observations 
sur  la  nécessité  d'attendre,  pour  les  dispositions  préalables  à  l'ad- 
judication dont  il  s'agit,  le  retour  de  Paris  du  directeur  des  travaux 
publics  de  la  ville.  11  estime  que  M.  Penchaud,  devant  diriger 
l'exécution  du  projet  dont  il  était  l'auteur,  peut  seul  en  rédiger 
le  cahier  des  charges  et  fournir  à  l'administration  les  renseigne- 
ments indispensables  sur  la  capacité  des  entrepreneurs, 

M.  le  Préfet  répond  à  ces  observations  et  fait  connaître,  par  une 
lettre  du  25  septembre,  qu'il  partage  le  sentiment  de  M.  le  Maire 
sur  la  convenance  d'attendre  le  retour  de  M.  Penchaud.  Il  rappelle 
en  même  temps  l'invitation,  qu'il  a  déjà  faite  dans  sa  précédente 
lettre  du  13  septembre,  de  suivre  strictement,  relativement  aux 
formes  de  l'adjudication,  la  marche  prescrite  par  le  décret  du 
1 0  brumaire  an  XIV,  à  moins  que,  d'après  les  observations  présentées 
par  M.  le  Maire  sur  les  inconvénients  dont,  suivant  les  résultats 
de  l'expérience,  cette  marche  pouvait  être  susceptible  à  Marseille, 
il  n'intervînt  du  ministère  une  décision  modidcative. 

Penchaud  de  retour  prend  connaissance  de  cette  correspondance 
et  le  10  novembre  adresse  au  Maire  un  rapport  sur  les  moyens 
qu'il  lui  parait  indispensable  de  prendre  pour  l'érection  du  monu- 
ment dont  il  s'agit  et  sur  les  graves  inconvénients  qui  pourraient 
résulter  de  l'adjudication  au  rabais  de  sa  construction. 

Il  représente,  entre  autres  choses,  dans  ce  rapport  "  que  cet  ou- 
tt  vrage,  assez  peu  considérable  sous  le  rapport  des  dimensions  et 
«  entièrement  isolé,  exige  cependant  au  point  de  vue  de  la  belle 
"  exécution  et  de  la  solidité,  conditions  principales  et  essentielles 
«  de  sa  destination,  beaucoup  de  choix  dans  les  matériaux,  la  plus 
tt  scrupuleuse  précision  dans  leur  taille  et  leur  pose,  et,  par  suite, 
«  un  déchet  considérable  et  des  perles  ne  temps  que  l'on  ne 
«  saurait  bien  évaluer;  que  c'est  un  ouvrage  de  détails  minutieux 
u  (jui  ne  peut  se  perfectionner  qu'à  force  de  soins  et  ne  peut  réunir 
u  les  suffrages  que  par  une  extrême  perfection. 

"Qu'il  faut  donc  en  écarter  soigneusement  la  main  indiscrète 
u  des  artistes  sans  habileté  et  des  ouvriers  maladroits,  que  c'est  dire 


L'AUC    DE    TRIOMPHE    DE    \.A    PORTE    D'A  IX.  S47 

«  assez  que  la  conslruclion  de  l'Arc  de  Iriomphe  ne  doit  pas  être 
«  livrée  aux  hasards  d'une  enchère  publique  et  qu'elle  n'est  pas,  en 
"  conséquence,  susceptible  d'être  adjugée  au  rabais,  mais  (|u'elle 
«  doit  être  indispensablement  confiée  à  un  entrepreneur  d'une 
«  probité  et  d'une  capacité  bien  connues  et  choisi  par  l'adniiiiis- 
«  tration  ;  que  des  motifs  absolument  semblables  avaient  engagé  le 
»  gouvernement  à  faire  exécuter  autrefois  par  économie  la  porte 
t'-  du  Carrousel  à  Paris  et  à  terminer  de  la  même  manière  l'Arc 
«de  triomphe  de  l'Etoile,  auquel  on  travaille  aujourd'hui;  qu'il 
«  n'est  pas  douteux  que  le  Ministre  de  l'Intérieur  n'autorise  l'ad- 
u  ministration  municipale  de  Marseille  à  agir  ainsi  pour  l'exécution 
«  du  monument  dont  Son  Excellence  a  approuvé  l'érection;  qu'il 
"  croit,  en  conséquence,  devoir  proposerde  demander  incessamment 
K  cette  autorisation  à  Son  Excellence,  en  se  soumettant  toutefois  à  ne 
»  pas  excéder  le  montant  du  devis  approuvé  qui  s'élève  à  la  somme 
«  totale  de  346,195  fr.  ^ 

A  ce  rapport  était  annexé  le  cahier  des  charges,  clauses  et  con- 
ditions qu'il  convenait  d'imposer  à  l'entrepreneur  que  l'adminis- 
tration aurait  choisi  et  qui  passerait  contrat  avec  elle  pour  l'exé- 
cution de  l'Arc  de  triomphe. 

La  proposition  contenue  dans  le  rapport  du  Directeur  des  travaux 
fut  communiquée  le  1"  décembre  au  Conseil  municipal.  Il  en 
renvoya  l'examen  à  une  commission  spéciale,  et,  à  la  séance  du 
17  décembre,  le  Conseil  adoptant  l'opinion  de  Penchaud,  faisant 
siens  les  motifs  et  les  considérations  qu'il  avait  invoqués,  prit  la 
délibération  suivante  : 

«  Le  Conseil  délibère  que  S.  E,  le  Ministre  de  l'Intérieur  sera  prié,  par 
«  l'intermédiaire  de  M.  le  Préfet,  de  dispenser  l'administration  municipale 
Cl  pour  la  construction  du  monument  dont  il  s'agit,  des  formes  usitées  d'une 
«  adjudication  au  rabais  et,  en  conséquence,  de  l'autoriser  à  annoncer 
«  par  voie  d'affiches  la  délivrance  de  cette  construction,  à  titre  d'enlre- 
«  prise,  à  celui  des  soumissionnaires  qui,  sous  les  rapports  combinés  de 
;<  la  probité,  de  la  capacité,  de  la  solvabilité  et  de  l'économie  dans  k  dé- 
«  pense,  présentera  les  conditions  et  les  qualités  qui  seront  jugées  les  plus 
u  avantageuses  sous  le  double  point  de  vue  d'une  parfaite  exécution  de 
c  l'ouvrage  et  de  l'intérêt  communal,  le  tout  sous  les  clauses  et  conditions 
u  du  cahier  des  charges  annexé  à  la  présente  délibération  et  dont  commu- 
«  nication  sera  donnée  à  leur  réquisition  aux  prétendants  à  l'entreprise,  n 


84S  I/AKC    DE    TRIOMPHE    DE    LA    PORTE    D'AIX. 

A  l'envoi  de  cette  délibération  relative  au  mode  d'exécution 
des  travaux  répond  une  lettre,  en  date  du  19  janvier  1825,  du 
Ministre  de  l'Intérieur.  Dans  cette  réponse,  Son  Excellence  indique 
«  que  la  crainte  conçue  par  l'autorité  locale  de  voir  ces  travaux 
«  exécutés  avec  moins  de  soins  et  de  perfection  qu'ils  n'en  exigent, 
«  s'ils  étaient  mis  en  adjudication  publique  au  rabais,  lui  parait 
«  peu  fondée  dans  une  ville  où  il  existe  un  directeur  des  travaux 
«publics  qui  peut  surveiller  l'exécution  des  travaux  et  s'assurer 
te  de  la  bonne  qualité  des  matériaux. 

ft  Toutefois,  comme  il  s'agit  d'un  monument,  dont  l'objet  doit 
«  faire  désirer  qu'il  réunisse  la  plus  grande  perfection.  Son  Excel- 
«  lence  déclare  qu'elle  accéderait  volontiers  à  la  proposition  faite 
«  parle  Conseil  municipal  de  ne  confier  cette  entreprise  qu'à  un 
«  ouvrier  expérimenté  et  qui  présente,  sous  les  rapports  de  capa- 
a  cité,  de  probité  et  de  solvabilité,  toutes  les  garanties  désira- 
ti  blés,  pourvu  cependant  que  le  nombre  des  soumissionnaires, 
«  entre  lesquels  l'administration  municipale  ferait  un  choix,  ne 
<i  fût  pas  trop  restreint,  car  autrement  le  défaut  de  concurrence 
«  pourrait  exposer  la  ville  à  payer  cette  entreprise  trop  chère- 
«  ment.  >' 

Considérant  sa  proposition  comme  approuvée  par  cette  lettre,  le 
Conseil  municipal  se  réunit  le  31  janvier  et  délibère  «  que  l'adju- 
(i  dication  de  l'Arc  de  triomphe  aurait  lieu  par  voie  d'entreprise 
u  et  que  le  programme,  ou  soit  les  affiches  d'annonce  de  cette 
tt  adjudication,  seraient  envoyées  dans  toutes  les  principales  villes 
Il  des  déparlements  circonvoisins,  jusqu'à  la  distance  de  Lyon  et 
"  de  Toulouse,  et  que  ladite  annonce  aurait  lieu  par  première 
a  et  seconde  affiche  et  les  jours  de  la  délivrance  provisoire  et  défi- 
tt  nitive  fixés,  si  rien  ne  s'y  opposait,  aux  1"  et  15  mars  pro- 
(t  chain  » . 

Cette  délibération  fut  approuvée  le  12  février  par  l'autorité 
préfectorale.  Après  une  adjudication  provisoire,  qui  eut  lieu  les 
25  février  et  1"  mars,  les  travaux  du  monument  furent  adjugés 
définitivement,  le  15  mars,  à  l'entrepreneur  Pierre  IJlu. 

Pierre  Blu  se  met  à  l'œuvre,  et  quelques  mois  plus  tard,  le 
6  novembre  1825,  a  lieu  la  pose  de  la  première  pierre.  Voici,  au 
sujet  de  cette  cérémonie,  ce  que  relate  le  procès-verbal  dressé  à 
cette  époque  : 


LARC    DE    TRIOMPHE    DE    LA    PORTE    DAIX.  849 

«  Le  marquis  de  Montgrand,  accompa<T[no  de  ses  adjoints  Vidal,  Salary, 
«  Rabaud,  Garonne  et  Leméo,  du  Conseil  municipal,  de  tous  les  fonction- 
«  naires  publics  el  de  tous  les  corps  administratifs,  partit  de  l'hôtel  de 
«  Ville  et  se  rendit  à  la  place  extérieure  de  la  porte  d'Aix  pour  poser 
«  solennellement  la  première  pierre  de  l'Arc  de  triomphe.  Le  cortège, 
«  précédé  de  la  musique,  était  escorté  par  un  corps  nombreux  de  troupes 
"  de  la  garde  nationale  et  de  la  ligne.  On  se  rangea  en  cercle  autour  de 
u  l'emplacement,  et  le  Maire,  après  être  monté  sur  une  des  pierres 
"  d'assises,  prononça  un  discours  analogue  à  la  circonstance,  et,  salué  des 
«  acclamations  les  plus  vives  auxquelles  se  joignirent  les  sons  de  la  musique 
«  militaire,  le  marquis  de  Montgrand  donna  lecture  d'une  inscription 
«  gravée  sur  une  table  de  marbre,  et  M.  Penchaud,  assisté  des  autres  archi- 
u  tecles  de  la  ville,  lui  remit  une  boîte  de  plomb  renfermant  des  pièces  de 
«  cinq  francs  frappées  à  l'hôtel  des  monnaies  de  Marseille  à  l'effigie  de 
K  Charles  X  et  au  millésime  de  18:25.  Le  Maire  posa  cette  boîte  dans  une 
«  entaille  préparée  au-dessus  de  la  pierre  supérieure  d'assise  des  fonda- 
«  lions,  et  la  table  de  marbre  portant  l'inscription  '  fut  ensuite  scellée  au 
«  mortier  dans  un  champ  évidé  de  la  même  pierre  que  l'on  recouvrit 
«  aussitôt  de  la  pierre  inaugurale  du  monument.  » 

Celle  solennité  ne  laissa  pas  silencieux  l'esprit  de  parti  ;  des 
êpigrammes  l'accompagnèrent,  et  on  alla  jusqu'à  dire  :  «  Qu'on 
avait  consacré  ce  jour-là  une  magnifique  soltise*.  » 

Le  monument  commencé,  le  Conseil  municipal  ne  s'occupe  plus 

'  Elle  est  ainsi  conçue  : 

Cet  arc  de  trionaphe 

fut  voté  le  17  octobre  1823  par  la  ville  de  Marseille 

pour  rendre  un  hommage  éclalant 

à  la  gloire  acquise  en  Espagne 

par  l'armée  française  et  son  illustre  chef 

S.  A.  R.  Monseigneur  le  duc  d'Angoulême 

depuis  Dauphin  de  France. 

Sa  Alajesté  Louis  XVIIl  de  glorieuse  mémoire 

permit  par  ordonnance  royale  du  30  décembre  1823 

l'érection  de  ce  monument  d'amour  et  de  reconnaissance 

envers  son  Auguste  famille. 

Le  reste  de  l'inscription  rappelle,  avec  la  date  de  l'inauguration  du  monument, 
le  nom  du  maire  de  Marseille  et  de  ses  adjoints;  du  comte  de  Corbières,  ministre 
de  l'intérieur;  du  comte  de  Villeneui/e,  préfet  des  Bouches-du-Rhône  ;  d«»  Pen- 
chaud, architecte. 

^  L'Arc  de  triomphe  de  Marseille.  Dialogue  entre  un  jeune  et  un  vieux  Mar* 
seillais.  Marseille,  1829. 

54 


«50  L  ARC    DE    TRIOMPHE    DE    LA    PORTE    DAIX. 

que  du  vote  des  crédits  qui  sont  nécessaires  au  fur  et  à  mesure  de 
l'avancement  des  travaux.  Toutes  les  délibérations  qu'il  prend,  de 
1825  au  31  juillet  182G,  ont  trait,  en  effet,  à  des  demandes 
d'empruntspartielsdeSO.OOOfrancsà  valoir  sur  les  350,000  francs 
dont  l'ordonnance  du  24  novembre  l'avait  autorisé  à  grever  le 
budget  de  la  ville. 

En  1828,  240,000  francs  avaient  déjà  été  dépensés,  et  le  corps 
seul  du  monument  était  fait;  les  frais  restant  à  faire  pour  son  achè- 
vement étaient  donc  très  importants.  On  devait  s'occuper,  dans  le 
courant  de  cette  année-là,  de  l'exécution  des  sculptures  d'orne- 
menls  dont  l'adjudication  venait  d'être  passée  à  Paris  par  les  soins 
du  préfet  de  la  Seine.  Il  y  avait  encore,  pour  le  complément  de 
l'ouvrage,  à  exécuter  les  sculptures  historiques  composées  de  buit 
statues  en  ronde  bosse  et  de  divers  panneaux  en  bas-reliefs  qui, 
suivant  le  projet,  devaient  décorer  le  monument.  La  nécessité  de 
régler  les  dépenses  sur  Tétat  effectif  des  revenus  de  la  ville  et 
l'importance  des  allocations  déjà  votées,  ou  qui  restaient  à  voter 
pour  l'Arc  de  triomphe,  ayant  mis  l'administration  dans  la  position 
d'ajourner  en  quelque  sorte  indéGniment  le  vote  des  fonds  relatifs 
à  l'exécution  de  cette  partie  des  décorations  projetées,  le  Conseil 
municipal  osa  espérer  que  le  gouvernement,  sur  la  demande  qui 
lui  en  serait  faite  par  la  ville,  ne  se  refuserait  pas  à  concourir  au 
perfectionnement  de  l'Arc  de  triomphe  en  se  chargeant,  parmi  les 
ouvrages  qu'il  distribue  annuellement  pour  l'encouragement  des 
arts,  de  faire  sculpter  les  huit  slatues  dont  les  blocs  existaient  à 
Marseille',  et  il  prit,  le  31  mars  1828,  la  délibération  suivante  : 

Il  S.  E.  le  Minisire  de  l'Intérieur  sera  supplié,  par  l'intermédiaire  de 
Cl  M.  le  Préfet,  de  vouloir  bien  faire  don  à  la  Ville  de  Marseille  des  huit 
«  slatues  dont  il  s'agit  et  dont  les  blocs  en  pierres  existent  à  pieds 
«  d'oeuvre  sur  la  place  de  l'Arc  de  triomphe.  M.  le  Préfet  sera  prié 
u  d'appuyer  la  présente  délibération  d'un  suffrage  favorable.  " 

Le  Préfet  donna  un  avis  favorable,  et  le  Alaire  se  rendit  à  Paris 
pour  essayer,  avec  l'appui  de  la  députation  de  Alarseille,  de  faire 

'  Cette  faveur  devait  procurer  dans  l'évaluation  de  la  dépense  projetée  une 
réduction  de  40,000  francs  environ,  que  la  ville  aurait  pu  utilement  employer 
dans  ses  allocations  futures  à  compléter  les  autres  parties  de  la  décoration. 


I.  AUC    nr,    TlilOMPHE    de    la    porte    D  AIX.  851 

aboutir  celle  demaiule.  Le  Conseil  municipal  eut  un  moment 
l'espoir  d'avoir  réussi,  car,  à  sa  séance  du  1"  mai  1828,  son  prési- 
dent M.  Rabaud  aîné,  adjoint,  lui  donna  lecture  de  la  lettre  que 
lui  avaient  écrite  de  Paris,  le  12  avril  dernier,  les  députés  des 
Houcbes-du-Rliône  lui  annonçant  :  «  Que  non  seulement  ils  ont 
(c  recommandé  avec  beaucoup  d'empressement  au  Ministre  de 
«  l'Intérieur  la  demande  du  Conseil  de  faire  sculpter  aux  frais  de 
'1  l'Klat  les  buit  statues  destinées  à  orner  l'Arc  de  triompbe  de 
«  Marseille,  mais  qu'ils  ont  encore  l'espérance,  d'après  leur  con- 
u.  versation  avec  M.  le  directeur  des  Beaux-Arts,  d'obtenir  gratui- 
«  tement  des  marbres  pour  ces  ouvrages,  ce  qui  serait  infiniment 
«  plus  beau  et  plus  durable.  « 

L'état  des  crédils  du  budget  général,  malheureusement,  laissait 
trop  peu  de  fonds  disponibles  pour  que  le  gouvernement  pût  mettre 
à  exécution  ses  dispositions  généreuses,  et  le  Préfet  de  Marseille, 
M.  le  comte  de  Villeneuve,  en  informait  le  Maire,  le  7  juin  1828  : 

«  Je  viens  d'être  informe,  écrivait-il  à  ce  magistrat,  par  Son  Excellence 
«  qu'il  n'avait  pas  élé  possible  d'allouer  au  delà  de  8,000  francs  en  1828 
"  pour  l'objet  dont  j'avais  entretenu  le  Ministre.  Son  Excellence  me  fait 
il  l'honneur  de  m'annoncer  que  cette  somme  sera  ordonnancée  sur  le 
a  trésor  aussitôt  que  je  lui  aurai  donné  avis  du  mode  arrêté  pour 
«  l'exécution  des  figures  et  que  je  l'aurai  informé  du  moment  où  il  y 
u  aura  lieu  d'effectuer  des  payements  entre  les  mains  des  artistes 
«  auxquels  ces  travaux  auront  été  confiés.  » 

Les  retards  apportés  par  les  deux  sculpteurs  Ramey  et  David 
d'Angers,  dans  l'exécution  des  sculptures  historiques  destinées  a 
la  décoration  de  l'Arc  de  triomphe  dont  ils  avaient  élé  chargés, 
faillirent  même  faire  perdre  à  la  ville  le  bénéfice  da  ces  8,000  fr. 
qui  lui  avaient  été  accordés.  Les  deux  ans,  donnés  par  les  règle- 
ments sur  la  comptabilité  publique  pour  l'emploi  des  allocations 
accordées  par  un  budget,  allaient  expirer  à  la  fin  de  1829;  or,  on 
était  en  décembre  de  cette  année-là,  et,  par  suite  de  ces  relards, 
radministratioii  municipale  n'aiait  pu  justifier  du  degré  d'avan- 
cement de  ces  ouvrages  auquel  était  subordonnée  la  mise  à  sa 
disposition  du  crédit  dont  nous  venons  de  parler. 

Mais  le  Ministre  de  l'Intérieur  ne  voulant  pas  que  cette  circon- 
stance,  indépendante  du  fait  de  l'administration    municipale    de 


852  LARC    DE    TPIOMPIIE    DE    LA    PORTE    DAIX. 

Marseille,  la  privât  d'une  faveur  et  d'un  avantage  sur  lesquels  elle 
avait  dû  compter  pour  l'acquittement  de  la  dépense  de  ces  sculp- 
tures historiques,  lui  annonça,  par  l'intermédiaire  de  M.  le  Préfet, 
dans  une  lettre  du  20  janvier  1830,  a  que  l'allocation  de  ces  8,000fr. 
«  serait  reportée  au  budget  de  l'exercice  1830  et  tenue  à  la  dispo- 
«  sition  du  Conseil  municipal  «  . 

Nous  venons  de  parler  de  retards,  la  délibération  du  -4  décembre 
1829  nous  en  donne  les  causes  :  <■<■  Ce  sont  le  rejet  des  dessins  de 
«  modèles  présentés  par  l'un  des  artistes'  et  la  démission  successive 
«  de  deux  des  membres  de  la  Commission  qui  avait  été  formée  dans 
"  la  capitale  pour  juger  du  mérite  des  dessins  et  des  modèles 
«  proposés  par  ces  sculpteurs,  démission  vraisemblablement  pro- 
«  voquée  par  les  dégoûts  et  les  désagréments  auxquels  elle  s'était 
Il  vue  exposée  pour  l'exécution  de  son  mandat.  51 

Ce  même  jour  le  Conseil  décidait,  pour  aplanir  les  difficultés, 
l'envoi  à  Paris  du  directeur  des  travaux,  Penchaud.  11  lui  donnait 
mission  «c  de  traiter,  s'il  y  avait  lieu,  avec  d'autres  artistes  en  se 
"  concertant  à  cet  égard  avec  M.  le  comte  de  Forbin,  directeur 
«  général  des  Musées,  sur  l'intervention  bienveillante  duquel  le 
«  Maire  comptait  pour  concourir  au  but  que  la  ville  se  proposait 
«  et  lever  les  obstacles  qui  en  contrarieraient  l'accomplisse- 
u  ment  » . 

Penchaud  réussit,  les  difficultés  cessèrent,  et,  le  2  avril  1830, 
les  esquisses  de  vingt  compositions  étaient  reçues  par  procès-verbal. 
La  révolution  de  Juillet  vint  interrompre  les  travaux,  et,  à  cause  du 
nouveau  Roi  qui  en  était  sorti,  on  crut  qu'il  était  nécessaire  de 
changer  une  partie  des  compositions  dont  les  sujets  avaient  déjà 
été  agréés.  C'est  ainsi  que  la  Commission  refusa  les  modèles  de 
deux  bas-reliefs  historiques  que  Ramey  avait  envoyés  le  10  sep- 
tembre 1830,  tandis  qu'elle  déclarait  admissibles  une  Renommée 
du  même  sculpteur  et  un  trophée,  et  une  renommée  de  David 
d'Angers.  «  Les  nouvelles  circonstances,  disait-elle,  ne  devant 
«  apporter  à  l'égard  de  ces  derniers  modèles  aucun  changement 
«aux  programmes  antérieurement  adoptés.  « 

On  comprend  aisément  que  Renommées  et  trophées  soient 
agréables  à  tous  gouvernements.  Quel  qu'il  soit,  il  ne  répudiera 

'  La  délibération  n'indique  pas  s'il  s'agit  de  Ramey  ou  de  David  d'Angers. 


? 


LARC    DE    TRIOMPHE    DE    LA    PORTE    DAIX.  853 

jamais  la  déesse  mythologique  embouchant  la  trompette  qui  va 
faire  connaître  au  loin  les  victoires,  les  triomphes  que  représentent 
les  trophées. 

Il  fallait  cependant  en  finir,  et  il  était  inadmissible  que  nos  deux 
sculpteurs  risquassent  encore  de  travailler  en  pure  perte  de  temps. 
Le  Conseil  municipal  le  comprit,  et,  dans  sa  séance  du  31  août  1831, 
il  converlit  en  délibération  les  résolutions  prises  par  la  Commission 
spéciale  à  la  suite  des  deux  rapports  que  lui  avait  présentés  Penchaud 
en  juillet  et  en  août  1831. 

I.  —  Les  bas-reliefs  qui  devront  être  proposés  au  nombre  de 
six  représenteront  les  sujets  suivants  : 

tt  Pour  les  deux  grands  bas-reliefs  qui  doivent  orner  d'iin  et 
«  d'autre  côté  le  dessous  de  la  voûte  : 

1°  La  Patrie  appelant  ses  enfants  à  la  défense  delà  Liberté. 

2°  Le  retour  des  braves  aigres  la  victoire  et  recevant  de  la  Patrie 
la  récompense  de  leurs  exploits, 

«  Pour  les  quatre  bas-reliefs  qui  doivent  orner  les  deux  prin- 
«  ci  pales  faces  de  l'Arc  de  triomphe  :  » 

1"  La  bataille  de  Fleuras. 

2°  La  bataille  d" Héliopolis . 

3°  La  bataille  de  Marengo-Desaix. 

A"  La  bataille  ifAusterlitz. 

IL  —  Les  acomptes  dus  aux  sculpteurs  pour  les  cinq  modèles 
d'ouvrages  par  eux  exécutés  leur  seront  payés  sur  les  fonds  alloués 
et  disponibles  aux  budgets  de  la  ville  et  du  ministère  de  l'Intérieur 
pour  l'exercice  courant  de  1831,  savoir  : 

A  M.  David,  4,680  francs; 

A  M.  Ramey,  4,500  francs',  au  moyen  de  quoi  M.  Ramey  dis- 
posera à  sa  volonté  et  pour  son  compte  des  deux  modèles  de  bas- 
reliefs  qui  ne  peuvent  être  employés  par  la  ville. 

'  Voici  comment  avait  été  établi  le  compte  de  ce  sculpteur  :  aux  termes  de  son 
traité,  il  devait  toucher  1,500  francs  pour  la  Renommée  et  7,500  francs  pour  les 
deux  bas-reliefs  qui  ne  pouvaient  plus  entrer  dans  la  décoration  de  l'Arc  de 
triomphe.  Sur  cette  dernière  somme  il  y  avait  lieu  de  déduire  900  francs  qu'il 
avait  déjà  reçus  et  800  francs,  prix  estimatif  des  frais  d'emballage  et  de  ôansport 
devenus  inutiles.  Restait  donc  une  somme  de  5,800  francs  que  le  Conseil  avait 
réduite  à  3,000  francs. 

Les  acomptes  dus  à  David  d'Angers  et  Ramey  leur  furent  payés  le  10  décem- 
bre 1831  et  le  12  juillet  1832.  (Voir,  à  l'Appendice,  les  Pièces  comptables.) 


85^  LARC    DE    T  lll  0  M  P  H  E    DE    LA    POUTE    DAIX. 

Cette  délibération  fut  approuvée  par  l'autorité  préfectorale  le 
8  octobre  1831. 

Deux  ans  après,  le  public  surpris  et  cliarmé  put  admirer  les 
proportions  savantes  et  correctes  aussi  bien  que  toutes  les  beautés 
de  détails  de  l'Arc  de  triomphe.  Débarrassé  des  échafaudages  qui  en 
cachaient  la  vue,  il  s'offrit  aux  regards  dans  toute  l'harmonie  de  son 
magnifique  ensemble. 

Quelle  part  faut-il  attribuer  à  chacun  de  ces  deux  sculpteurs 
dans  l'exécution  des  sujets  choisis?  Une  description  du  monument 
va  nous  l'apprendre.  .le  ne  peux  mieux  faire  qu'en  donnant  celle 
qu'en  a  faite  dans  son  Histoire  de  l'art  dans  le  Midi  W.  Etienne 
Parrocel.  Vous  n'entendrez  plus,  hélas!  votre  éminent  et  re- 
gretté collaborateur  dans  cette  enceinte,  mais  ces  quelques  pages 
de  l'œuvre  considérable  qu'il  a  laissée  pour  la  glorification  de  nos 
artistes  vous  parleront  de  lui,  et  puisque  cette  étude  m'en  donne 
l'occasion,  c'est  pour  moi  un  pieux,  devoir  de  vous  les  lire. 

Composé  d'une  seule  arcade  ornée  dans  sa  voûte  de  rosaces  cise- 
lées avec  une  extrême  élégance  et  d'une  double  arabesque  de  très 
bon  goût  à  chaque  extrémité,  cet  ouvrage  remarquable  offre  à  ses 
deux  faces  exposées  au  nord  et  au  midi  des  colonnes  cannelées 
d'ordre  corinthien  en  saillie  de  chaque  côté  de  l'arcade'. 

Entre  ces  colonnes,  placées  deux  à  deux  devant  chaque  pied-droit, 
s'élèvent  des  trophées  sculptés  en  relief  au-dessus  desquels,  à  la 
retombée  de  l'arcade,  de  grands  bas-reliefs  sont  également  sculptés 
dans  la  masse,  tandis  que  de  grandes  Renommées  remplissent  les 
tympans  de  ladite  arcade.  Les  huit  colonnes,  soit  quatre  sur  chaque 
face,  portent  au-dessus  de  leur  entablement  et  ressaut,  se  détachant 
de  l'attique,  autant  de  statues  colossales,  allégories  des  principales 
vertus  militaires.  Sous  l'arc  même  régnent  deux  grands  bas-reliefs  : 
l'un,  le  Départ!  Les  enfants  de  la  France  courant  défendre  la  fron- 
tière, par  David  d'Angers.  L'autre,  ]e  Retour!  La  France  distribuant 
des  palmes  et  des  couronnes  à  ses  fils  victorieux,  par  Ramey.  Ils 
portent  la  date  de  1839.  Les  statues,  les  Renommées,  les  trophées 
et  les  deux  bas-reliefs  de  la  façade  du  midi  sont  également  dus  à 
Ramey.  Ces  derniers  rappellent,  l'un,  la  bataille  de  AIarengo(1800); 
l'autre,  celle  d'Austerlitz  (1805). 

'  Voir  ci-contre,  planche  LI. 


LAKC    DE    TKIOMPHE    DE    I,  A    PORTE    DAIX.  855 

L'ornementation  de  la  façade  nord  appartient  à  son  tour  à  David 
d'Angers,  et  les  deux  principaux  bas-reliefs  représentent  la  bataille 
de  Fleurus  (1794)  et  celle  d'Héliopolis  (1800). 

L'Arc  de  triompbe  a  17'", 80  de  largeur  en  façade  sur  IH^.HG  de 
banteur,  par  suite  de  l'abaissement  du  sol  de  la  place.  La  largeur 
latérale  est  de  11", 50,  l'arcade  a  6", 10  d'ouverture  sur  11"", 40  de 
hauteur,  les  colonnes  ont  8  mètres  et  l'ordre  entier,  piédestal  et  enta- 
blement compris,  14  mètres  ;  le  surplus  de  la  hauteur  est  pour 
l'attique. 

Les  ciselures  des  acanthes  des  chapiteaux,  les  divers  ornements 
qui  décorent  la  corniche  ont  un  fini  qui  ne  laisse  rien  à  désirera 

Alalheureusement,  l'exactitude  un  peu  trop  géométrique  et 
complète  de  ces  ornements,  de  ces  sculptures,  atténue  le  leu,  la 
chaleur  de  la  composition,  et  diminue  l'énergie  de  l'exécution.  C'est 
la  seule  critique  que  l'on  ait  formulée. 

Construite  avec  d'énormes  blocs,  tirés  des  carrières  de  Saint- 
Remy,  la  masse  du  monument  offre  bien  à  l'esprit  l'idée  de  force 
et  d'immuable  stabilité  que  doit  inspirer  une  grande  œuvre  archi- 
tecturale ;  mais  si  l'idée  de  l'architecte  reste  une,  la  friabilité  de 
la  pierre,  que  le  temps  effleure  de  son  aile,  fait  songer  aussi  que 
toute  œuvre  humaine  est  éphémère  et  ne  saurait  lui  résister. 

Pierre  Parrocel, 

Substitut  du  procureur  de  la  République,  Cor- 
respondant du  Comité  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  départements,  à  Alarseille. 


856  LES    GRAIVDS    AMATEURS    AIVGOU  MOISIM  S. 


XLVIII 


LES  GRANDS  AMATEURS  AXGOUMOISINS 
xv'-xvnr  siècle. 


J'ai  pris  un  plaisir  extrême  à  réunir  ici  les  noms  de  personnages 
qui,  d'importance  différente,  se  rattachant  au  «  plaisant  pays  d'An- 
goulesme  » , 

t  Ou  par  droit  de  conquête  ou  par  droit  de  naissance  t , 

ont  eu  le  vif  sentiment  du  Beau  et  du  Grand  dont  ils  ont  affirmé  la 
puissance  délicieuse. 

Plusieurs  d'entre  eux  sont  inscrits,  de  longue  date,  au  tableau 
d'honneur  de  l'Art  et  de  la  Curiosité  ;  quelques-uns,  les  plus  nom- 
breux, n'étaient  point  connus  sous  cet  aspect.  On  trouvera  dans  les         a 
suivantes  notices  des  renseignements  inédits  sur  ceux-là,  et  sur         ^ 
ceux-ci  des  document  révélateurs. 

Les  uns,  .par  leurs  libéralités  royalement  discrètes,  quoique 
magnifiques,  mirent  en  relief  des  talents  ignorés;  les  autres,  sans 
prétendre  à  régenter  le  goût  de  leur  époque,  bornèrent  leur  esthé- 
tique aimable  à  de  moindres  ouvrages  artistiques,  se  contentant  de 
les  «  serrer  d'une  dextre  toujours  taquine  » ,  comme  dirait  notre 
quasi-compatriote  André  de  Rivaudeau,  Poitevin,  sûrs  d'y  trouver 
un  charme  indéfinissable  et  reposant  dans  les  cahots  de  l'exis- 
tence humaine. 

Depuis  longtemps,  les  divers  types  de  curieux  et  des  subalternes 
amateurs  ont  été  retracés  par  nos  maîtres  écrivains.  On  sait  que 
certains  collectionneurs,  emmurés  dans  leur  cabinet,  manquent  de 
la  courtoisie  même  intermittente;  on  n'ignore  pas  non  plus  que 
tels  érudits  par  procuration  attestent,  en  leurs  commentaires,  un 
savoir  confus  et  de  fraîche  date.  Ces  bonnes  gens  s'imaginent 
d'esprit  affiné,  mais  qui  n'est  bien  qu'étroit.  L'état  rogue,  jaloux, 
est   leur  «  état  d'âme  «   normal...  En  revanche,  on  en  connaît 


I.KS    GKAX'DS     AMATEUIIS    AIVI  GOUM  0  1  SIX' S.  857 

(l'amènes  et  d'ohligeaiils.  Ceux-ci,  très  certainement,  sont  les  auxi- 
liaires de  riiistorien,  attendu  les  rapports  de  la  Curiosité  et  de 
l'Hisloire. 

Si  "  l'on  trouve  que  de  choses  en  un  menuet  » ,  à  fortiori, 
un  livre,  un  dessin,  un  bibelot  précieux  me  paraissent  en  dire 
bien  davantage  et  bien  mieux  :  ils  sont  des  jetons  de  présence  d'une 
personnalité  supérieure,  ils  indiquent  un  «  tempérament  «  de 
délicat  :  toute  œuvre  d'art  vraiment  belle  porte  sur  son  possesseur 
comme  un  rayon  glorieux.  Voici  notre  petite  contribution  à  l'in- 
ventaire des  Amateurs  français  :  Dames  de  haut  renom,  puissants 
seigneurs,  religieux,  hommes  de  robe,  de  cape  et  d'épée  qui 
marquèrent,  dans  la  Curiosité,  l'affirmation  d'une  intelligence  des 
choses  artistiques. 

A  côté  de  données  nouvelles,  on  y  trouvera  des  renseignements 
biographiques  et  bibliographiques  antérieurement  inédits. 

Dans  ce  petit  défilé,  on  pourra  voir  des  représentants  des  Trois 
Ordres,  puisque  l'incomparable  République  desLettres  etdes  Beaux- 
Arts  enrôle  toutes  les  classes  sous  son  oriflamme  omnicolore  :  Grands 
explorateurs  de  livres,  friands  d'estampes,  gourmets  de  dessins  et 
de  peintures,  passionnés  de  tous  objets  frappés  au  coin  du  haut 
goût,  —  du  meilleur  —  ils  y  savourèrent  des  joies  exquises  et 
y  admirèrent  comme  un  reflet  d'un  Génie  créateur. 

IVous  entr'ouvrons  leurs  «  cabinets  de  curiosités  »  et  nous  y 
donnons  un  rapide  coup  d'oeil  :  les  maîtres  de  céans  y  figurent  en 
quelques  petits  médaillons  et  croquis  rapidement  modelés  ou 
simplement  esquissés  —  à  titre  d'hommage  ou  de  bon  souvenir. 

C'est  donc  avec  une  sorte  de  respect  intime,  de  sympathie  intellec- 
tuelle que  je  les  ai  notés,  reconnaissant  des  menues  épaves  de  leurs 
trésors  dispersés  qu'il  m'a  été  permis  de  recueillir  çà  et  là. 

Chacun,  en  son  district,  peut  glaner  même  après  les  moissonneurs 
privilégiés  qui  n'ont  guère  le  loisir  de  s'attarder  sur  un  champ  res- 
treint où  l'on  ramasse,  d'ordinaire,  plus  de  paille  que  de  froment. 


Jean  d'Orléans,  dit  le  Boiv,  comte  d'Angoulême,  aïeul  de  Fran- 
çois I",  aima  les  livres,  et  pensa  à  se  faire  élever  un  tombeau  monu- 
mental, ayant  ainsi  désir  de  somptuosités  posthumes.  Sa  veuve 
suivit  ses  prescriptions  et  fit  exécuter  ce  mausolée  superbe.  «  Il  y 


858  LES    GUAMDS    AMATEURS    A  X  G  0  L  M  OIS  1  M  S. 

avait,  dit  le  chroniqueur  Jean  Duport,  sieur  des  Rosiers,  une 
table  de  marbre  noir  qui  couvrait  le  tombeau;  des  petits  person- 
nages de  marbre  blanc  élaborés  fort  îndustrieusement,  entre 
chacun  des  quels  y  avoit  des  colonnes  de  marbre  blanc,  subtile- 
ment ouvrées,  qui  se  joignoient  par  le  haut  en  ovale,  et,  à  l'entre- 
deux  des  ovales,  y  avoit  de  Talbastre,  de  l'or  et  de  l'azur...  « 

Cette  sépulture  a  été  profanée  indignement  pendant  les  guerres 
civiles  dites  de  religion  (1562-1568);  la  table  de  marbre  noir  et 
la  grille  remarquable  qui  en  provenaient  ont  été  placées  près  des 
privés  de  la  psalletle  de  la  cathédrale,  rompues,  brisées  et  emportées 
par  tous  venants  :  les  catholiques  se  sont  chargés  de  parfaire 
l'œuvre  des  huguenots;  ils  Tont  menée  à  triste  fin,  malgré  nos 
réclamations  réitérées... 

Jean  d'Orléans  avait  une  admirable  bibliothèque  dont  il  sera  dit 
un  mot  en  citant  V Inventaire  dressé,  l'an  1497,  des  meubles  de 
Marguerite  de  Rohan,  comtesse  d'Angoulême,  sa  veuve. 

Beaux  manuscrits  enluminés,  reliés  en  maroquin,  couverts  de 
velours,  de  drap  d'or,  munis  de  fermoirs  d'or  et  d'argent,  chargés  de 
cabochons,  d'émaux,  de  pierreries,  etc.  ;  prouvent  par  l'inscription 
du  clerc  que  Jean  d'Orléans  mérite  une  première  place  comme 
bibliophile  français.  On  trouve  mention,  dans  cet  inventaire,  de  mé- 
dailles antiques,  de  bijoux  originaux,  de  reliquaires  d'or  émaillé, 
tous  morceaux  merveilleux  et  qui  témoignent  d'un  goût  supérieur. 

Marguerite  de  Rohan,  comtesse  d'Angoulême,  aimait  les  belles 
«  chouses  ti .  Devenue  veuve  du  u  bon  comte  Jean  «  précité,  elle 
ajouta  des  écrits  enluminés  et  des  imprimés  aux  trésors  bibliogra- 
phiques réunis  par  son  époux;  la  numismatique  paraît  l'avoir  inté- 
ressée, puisqu'une  collection  formée  par  ses  soins  comprenait  des 
pièces  d'or  u  la  plupart  anciennes  et  d'une  valeur  de  564  livres 
15  sols  10  deniers  ■>•> ,  aux  termes  de  V Inventaire  de  ses  meubles 
rédigé  "  le  xx' jour  d'avril  l'an  de  grâce  mil  CCCC  quatre-vingts 
et  dix-sept  '  => . 


'  I/Invcntaire  des  meubles  de  Marguerite  de  Rohan,  comtesse  d'Augoulème, 
j^ublié  pour  la  première  fois  par  M.  Edmond  Séncmaud  (1860,  Angoulème, 
iil-8"),  était  conserve  à  la  Bibliothèque  impériale  (département  des  manuscrits, 
fonds  des  Blancs-Manteaux,  vol.  49,  loi.  295  et  suiv.). 

Parmi  les  biens  meubles  délaissés  à  son  décès  par  cette  Dame  princesse,  il  est 


LES    GnA\DS    A  M  AT  EU  US    AM  GO  UM  OISIN  S.  859 

La  listes  de  ses  tapisseries  fines,  de  ses  hijoiix  ori'jiiiaiix  et  déli- 
cats, de  ses  boites  et  coflrels  d'ivoire  ciselé  superbement  garnis 
d'or  et  d'argent,  l'énuméralion  de  ses  reliquaires  d'or  émaillé  et  de 
iiomlireux  morceaux  également  merveilleux  attestent  que  cette 
princesse  bien  douée  a  droit  de  cité  dans  la  République  des  Lettres 
et  des  Arts. 

Charles  d'Orléans,  fils  de  Jean  d'Orléans  et  de  Marguerite  de 
Rohan,  fut  aussi  amateur  illustre  de  livres.  Ou  connaît  la  précieuse 
«  librairie  «  que  ce  prince  possédait  en  son  château  de  Cognac  ' ,  lors 
de  son  décès  qui  eut  lieu,  à  Chàteauneuf-sur-Cbarente,  le  1"  jan- 
vier de  l'an  ÏA^G.  Cette  bibliothèque,  inventoriée  les  20  et  21  du 
mois  de  novembre  de  celte  même  dite  année  «  pour  très  hault  et 
puissant  prince  monseigneur  le  duc  d'Orléans  (depuis  Louis  XII), 
et  très  liaulte  et  excellente  princesse  madame  la  comtesse  d'Angou- 
lesme  »  (Louise  de  Savoie),  tuteurs  du  jeune  comte  François  et  de 
sa  sœur  Marguerite.  Le  premier  ouvrage  inscrit  au  catalogue  est 
"  le  libvre  de  Jehan  Boiicasse^ ,  escript  en  parchemin  et  à  la  main, 
historié  et  tourné  à  or  et  azur,  couvert  de  velous  cramoysi  garny 
defermœrs,aux  armes,  l'un  de  monseigneur  et  l'autre  de  madame» , 


à  particulièrement  mentionner  un  livre  »  trouvé  en  la  chambre  haulte  à  parer  en 
un;{  coffre  de  cuir  ferré  »  et  ainsi  désigné  : 

I  Unes  heures  à  deux  fermailz  d'or,  estimez  lesdits  deux  fermailz.à  dixescuz 
ou  environ,  i 

Ces  précieuses  Heures  firent  partie,  quatre  siècles  après,  des  livres  de 
Charles  Sauvageot;  elles  sont  décrites  dans  le  catalogue  de  la  mémorable  collec- 
tion de  ce  célèbre  amateur,  sous  le  .n'4V  :  PR.'ECES-PI.î:  CUM  CALEXDAFUO 
in-8"  gothique,  mar.  vert,  fil.  tr.  d'or.  Rel.  anc.  fleurdelisée.  Manuscrit  de  la  fin 
du  XV<^  siècle,  sur  vélin,  composé  de  122  feuillets;  il  est  orné  de  15  miniatures...  > 

Entre  autres  garanties  de  l'origine  de  ce  manuscrit,  le  rédacteur  du  Catalogue 
a  mentionné  les  armes  de  ladite  princesse,  accolées  à  celles  de  son  mari  (1"^  et 
2*^  miniatures);  il  indiquait  aussi  »  le  portrait  même  de  Marguerite  de  Rohan, 
formant  la  14'  miniature.  La  princesse  est  représentée  en  costume  de  veuve,  a 
genoux  devant  son  prie-Dieu,  et  dans  un  petit  oratoire  fermé  par  de  riches  cour- 
tines portant  ses  armoiries,  n  ' 

'  Voir  lùlmond  Sk.nkmaid,  La  bibliothèque  de  Charles  d'Orléans,  comte  d'.An- 
goulème,  au  château  de  Cognac,  en  1496.  (.Angoulème  et  Paris,  1801,  iri-8°.)  J  ai 
K  cœur  de  rendre  mon  constant  hommage  à  la  mémoire  d'un  de  mes  vieux  maî- 
tres, .M.  Sénemand,  qui  fut  professeur  au  lycée  d'Angoulême,  puis  archiviste  du 
département  des  Ardennes.  C'était  un  érudit  de  la  bonne  école  :  celle  qui  regarde 
après  tout  le  monde  et  qui  contrôle. 

*  On  voit  qu'il  s'agit  d'un  manuscrit  de  liocace. 


860  LES    GRANDS    AMATEURS    AM  G  OUM  01  S  IN  S. 

puis  «  le  libvre  de  Dan  ',  escript  en  parchemin  et  à  la  main,  et  en 
italien  et  en  françoys,  couvert  de  soye  broché  d'or,  auquel  i!  y  a 
deux  fermœrs  d'argent  aux  armes  de  feu  mond.  sieur,  lequel  libvre 
est  historié  ».  On  y  trouve  aussi  mention  d'un  «  libvre  de  Charles 
le  Grand,  escripl  en  parchemin,  couvert  de  drap  d'or  »  ;  enfin 
un  grand  libvre  de  Lancellot  du  Lac,  ancien  et  caduc  en  plusieurs 
lieus  historié...  »  Cette  énumération  comprend  plus  de  180  vo- 
lumes en  75  articles,  les  uns  manuscrits,  les  autres  imprimés. 
Plus  nombreuse  et  riche  que  celle  laissée  par  le  comte  Jean  son 
père,  la  bibliothèque  de  Charles  d'Orléans  renfermait  de  superbes 
livres  et  peut  prendre  un  rang  très  honorable  parmi  les  biblio- 
thèques princières  les  plus  remarquables  du  temps. 

Les  livres  de  Jean  et  de  Charles  d'Orléans,  ainsi  que  ceux  de 
Louise  de  Savoie,  paraissent  avoir  contribué  à  la  formation  de  la 
bibliothèque  établie  à  Blois,  sous  François  1";  plus  tard  ce  roi  en 
ordonna  la  translation  à  Fontainebleau  (1544).  «  Après  de  nom- 
breuses vicissitudes,  cette  bibliothèque  fut  enfin  installée  en  1721, 
par  ordre  du  Régent,  dans  la  rue  Richelieu.  »  (Bibliothèque 
aujourd'hui  nationale.) 

Marguerite  de  Valois-Angoulême  et  François  I".  —  On  sait  que 
«  Marguerite,  la  perle  et  l'honneur  des  Valois  »  ,  eut  sur  son  frère, 
souventes  fois,  une  influence  heureuse.  Ce  ^^  gros  garçon  » ,  sans 
les  conseils  de  sa  sœur,  était  capable  de  beaucoup  «  gaster  » .  Elle 
avait  le  sens  artiste  —  mens  divinior  —  au  service  d'une  générosité 
inépuisable;  François,  moins  bien  doué,  eut  au  moins  le  mérite  de 
se  montrer  déférent  aux  maîtres.  Grâce  à  l'éducation  qu'ils  avaient 
reçue  à  Cognac  et  à  Blois,  au  milieu  de  trésors  d'érudition  et  de 
traditions  familiales  sous  l'impulsion  de  l'impérieuse  et  intelligente 
Louise  de  Savoie,  Marguerite  et  François  I"  aimèrent  les  Lettres 
et  les  Arts  —  à  des  degrés  différents,  il  est  vrai  —  patronnèrent  roya- 
lement les  artistes  et  les  savants;  mais  on  peut  reprocher  au  roi- 
cbevalier  la  prépondérance  excessive  de  l'italianisme  à  sa  cour,  au 
préjudice  de  notre  Art  national  dédaigné  ou  relégué  à  l'arrière-plan 

'  Nous  pensons  avec  M.  Sénemaud  que  ce  livre  ne  saurait  être  que  le  livre  de 
Dante,  la  Divina  Comedia,  poème  fort  répandu  en  Italie  dès  le  quatorzième  siècle, 
et  dont  on  trouvait  des  copies  dans  toutes  les  bibliothèques  publiques  et  particu- 
lières. 


LES    GRA\DS    AMATEURS    A  \  G  OUM  0  IS  I\  S.  861 

Pourtant,  François  I"  l'ut  excusable  :  il  tenait  de  sa  mère 
(i  Madame  Régente  «  des  traditions  d'origine  :  Louise  de  Savoie 
était  quelque  peu  Italienne.  En  ce  temps-là,  ne  l'oublions  pas,  la 
langue  italienne  était  presque  une  langue  courante;  IJoccace,  dont 
nous  trouvons  mention  dans  les  inventaires  des  bibliothèques  prin- 
cièresde  la  Renaissance  —  celles  des  Valois  en  particulier,  comme 
on  l'a  vu  au  chapitre  de  Charles  d'Orléans,  —  Boccace  était  lu  dans 
son  texte  original;  puis  l'influence  de  la  conquête  du  Milanais,  des 
guerres  incessantes  avec  l'Italie  avaient  familiarisé  la  France  avec 
le  parler  italien.  C'est  là,  ce  nous  semble,  incontestable  vérité. 
Mais  on  doit  rappeler  que  François  I"  racheta  de  telles  erreurs 
quasi  involontaires  en  voulant,  par  son  ordonnance  de  l'an  1529, 
renouvelée  en  1533,  en  voulant,  dis-je,  que  la  langue  française 
fût  uniquement  et  exclusivement  à  toute  autre  employée  dans  tous 
les  actes  publics  et  privés  '. 

On  connaît  l'immixtion  des  Italiens  dans  les  affaires  de  l'étranger  ; 
on  sait  le  rôle  important  qu'ils  jouèrent  en  France  depuis  surtout 
la  fin  du  quinzième  siècle.  La  Politique,  les  Arts,  le  Commerce, 
l'Église  rien  ne  leur  y  échappa.  Avec  les  artistes  italiens  qui 
enrayèrent  le  génie  français,  les  politiciens  équivoques  et  madrés, 
puis  les  hauts  dignitaires  ecclésiastiques  de  même  nationalité,  se 
hissèrent,  se  prélassèrent  jusque  dans  le  pays  des  Valois.  Après 
eux,  suivant  une  chute  naturelle,  l'italianisme  persista  —  j'allais 
dire  s'aggrava... 

Des  Italiens  contribuèrent  à  la  décoration  du  château  de  Cognac. 
Cette  résidence  fameuse,  reconstruite  en  partie  du  temps  de  Fran- 
çois I",  reçut  des  enjolivements  magnifiques.  Le  Roi  y  tenait  sou- 
vent séjour  prolongé,  menant  «grande  vie"«  ;  Saint-Gelais,  quis'y 
plaisait  fort,  l'appelle  «  le  second  paradis  « . 

Au  nombre  des  pièces  artistiques  sauvées  du  vandalisme  révolu- 
tionnaire en  Charente,  nous  devons  citer  ou  plutôt  rappeler  le  beau 
retable  en  terre  émaillée,  —  très  probablement  façonné  par  C.  délia 
Robbia,  — qui  provient  de  la  chapelle  haute  du  château  de  Cognac  ^ 

Il  serait  d'une  impardonnable  naïveté  d'insister  sur  les  vertus 

'  Voir  DucLos,  OEuvres,  t.  IX,  p.  243. 
*  Mémoriaux  de  l'hôtel  de  ville  d'AngouIême  (B). 

'  Voir  notre  notice  sur  ce  retable  déposé  au  Musée  céramique  de  Sèvres.  — 
Mèunion  des  Sociétés  des  Beaux- Arts  des  départements ,  1894. 


8G2 


LES    GUAIVDS    AMATEURS    AN  G  0  l!  M  0  I  S  I  \  S  . 


a  d'amateurs  »  de  François  1"  et  de  Marguerite,  héritiers  de  ces 
Valois-d'Angoulémc  chez  qui  les  Sciences,  les  «  bonnes  »  Lettres 
et  les  Beaux-Arts  furent  toujours  en  grand  honneur. 

Les  Saint-Gelays,  aliàs  Gelais,  réunirent  toutes  les  suprêmes 
élégances  de  leur  temps  :  la  Poésie  et  les  Arts,  —  l'amour  du  Beau 
sous  toutes  ses  formes,  en  ses  souveraines  expressions. 

Octavien,  le  Cognaçais,  lettré,  érudit  et  poète  à  qui  l'impri- 
merie doit  ses  premières  manifestations  à  Angoulème. 

Jacques,  créateur  de  la  chapelle  du  Salut,  chapelle  décapitée,  il 
y  a  trois  cents  ans,  parla  chute  du  grand  clocher  de  la  cathédrale, 
ravagée  ensuite  par  l'incurie  administrative,  démolie  enfin  lors  de 
la  reconstruction  de  l'abside  de  cette   même  église  Saint-Pierre. 

Les  murailles  intérieures  de  cette  chapelle  étaient  comme  une 
véritable  broderie  lapidaire  :  en  des  enroulements  de  fleurs  et  de 
feuillage,  taillés  en  bas-reliefs,  des  jeux  d'enfants,  des  chimères, 
des  oiseaux  fantasques  s'y  développaient.  Perino  del  Vaqua,  con- 
temporain des  Saint-Gelais,  a  dessiné  des  ornements  dans  la  manière 
de  ces  ciselures  d'une  invention  tout  italienne;  j'estime  que  le  sculp- 
teur s'en  est  inspiré.  (Voir  :  Emile  Biais,  La  Chapelle  Saint-Gelais  ^ 
Réunion  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements,  1893.) 

Avec  son  frère  Octavien,  — l'évêque-poète —  dont  la  jeunesse 
paraît  avoir  été  fort  animée,  Jacques  de  Saint-Gelais,  évéque 
d'Lzès,  puis  doyen  d'Angoulême,  présida  à  l'ordonnance  de  ce 
bijou  d'architecture;  ils  dirigèrent  peut-être  ces  sculptures  gra- 
cieuses et  originales,  mais,  évidemment,  ils  en  dictèrent  les  mul- 
tiples devises  empreintes  d'un  mysticisme  ineffable  d'où  s'exhalent 
encore,  quoique  morcelées,  dispersées  çà  et  là,  comme  des  soupirs 
de  regret  et  des  pensers  d'espérance. 

Les  Saint-Gelais  eurent  l'esprit  impressionnable,  le  sens  délicat 
des  vrais  lettrés  et  des  artistes,  tous  les  trois,  y  compris  Mellin  de 
Saint-Gelais,  garde  de  la  Bibliothèque  du  roi  François  I'",  puis 
bibliothécaire  de  Henry  II.  Celui-ci,  laissant  volontiers  quelque 
repos  à  sa  verve  acérée,  —  "  la  tenaille  de  Mellin  '  «  ,  —  s'inspi- 
rait des  belles  choses  qu'il  avait  vues  et  les  chantait  sur  son  luth, 
—  d'aucuns  disent  sa  harpe. 


'  Ronsard.  Voir  la  fin  de  ÏHi/mne  funèbre  de  Marguerite,  Reyne  de  Navarre. 


LES    GU.WDS    A  MATE  LUS    A  \  G  0  L' M  0  I  SI  \  S.  863 

L'n  autre  Saint -Gelais,  l'archidiacre  Charles,  fondateur  de 
l'hôpital  des  pestiférés  de  Saint-Roch-sous-Angoulènie,  parle,  en 
son  testament,  transcrit  en  un  Mémorial  de  l'hôtel  de  ville  angou- 
moisin,  de  ses  tt  meubles  comme  d'or,  d'argent  et  d'estaing  en 
:.  œuvre  de  vaisselle  où  sont  engravées  les  armes  de  Sainct-Gelais 
«  avecque  ma  devise  que  est  le  mot  Spero  » .  Dans  le  cas,  ajoute- 
t-il,  «  où  ils  viendront  ès-mains  de  mcsdictz  héritiers,  leur  proliihe 
et  delfendz  qu'ils  n'ayent  à  effacer,  désengraver,  ne  deffaire  les 
dittes  harmes  et  devise  '  » . 

Toutes  les  créations  desSaint-Gelais  portent  le  sceau  de  leur  bon 
goût;  le  peu  qui  nous  en  reste  fait  déplorer  l'ardeur  à  détruire 
que  des  architectes  intempérants  ont  mis  au  service  deleurpropre 
intérêt  pécuniaire  .  Après  la  chapelle  du  Salut,  nous  devons  men- 
tionner le  château  de  Monlcliaude  (en  Charente);  «  on  remarque, 
dit  très  justement  l'abbé  Alichon,  dans  la  décoration  des  façades, 
des  arabesques  d'un  goût  exquis  "  )) .  C'est  un  des  rares  monu- 
ments du  temps  de  la  Renaissance  (|ui  aient  été  épargnés  par  le 
zèle  destructif  de  AIH.  les  architectes,  depuis  un  demi-siècle 
ou  environ. 

Jean-Louis  de  Xogaret,  duc  d'Éperxox,  gouverneur  d'Angou- 
mois,  etc.,  était  fastueux,  mais  il  savait  assujettir  son  faste  à  sa 
politique  louche  et  tortueuse.  Je  ne  jurerais  pas  qu'il  fut  «  ama- 
teur »  dans  la  haute  acception  ;  néanmoins,  à  défaut  des  connais- 
sances spéciales  qu'il  n'avait  guère  eu  le  temps  d'acquérir,  il  savait 
s'adresser  à  bonnes  enseignes  pour  s'entourer  d'objets  arlislement 
façonnés. 

D'Epernôn,  imbu  d'orgueil,  menait  la  vie  somptueuse  d.ins  sa 
bonne  ville  d'Angoulème;  il  y  faisait  du  château  sa  résidence  habi- 
tuelle de  préférence  à  la  citadelle.  C'était,  au  dire  de  son  aimable 
panégyriste  et  secrétaire  Girard,  afin  de  ne  pas  marquer  aux  habi- 
tants de  méfiance.  Malgré  certaine  réputation  d'avarice  —  causée 
par  sa  grande  «économie» ,  —  le  même  Girard  insistesurlesqtialilés 
généreuses  de  son  maître  et  seigneur,  proclamant  que  l'écononiie 
de  «  ce  bon  ménage  esloigné  de  toutes  sortes  d'avarice,  n*^  scrvoit 

'  Ceteslament  et  son  codicille  sont  transcrits  dans  le  llegistre-Mémorial,  coté  C, 
fol.  96  et  siiiv.  (Série  AA.  6.  Archives  conimunales  d'Angoulème.) 
*  .MiCHO\,  Statistique  monumentale  de  la  Charente.  Paris,  ISVd-,  in-i". 


864  LKS    G  H  AMD  S    AMATEURS    A  \  G  0  U  MOISIN  S. 

qu'à  maintenir  la  grandeur,  et  à  luy  donner  plus  de  moyen,  sans 
èlre  à  charge  au  Roy,  de  soutenir  l'esclat  de  sa  dépense.  Elle  atou- 
siours  esté  telle,  depuis  le  commencement  de  sa  faveur,  jusqu'à  la 
fin  de  sa  vie,  qu'il  n'y  a  point  eu  de  plus  grande  table  que  la  sienne 
à  la  Cour,  de  plus  grande  écurie^  une  plus  nombreuse  suite  d'hon- 
nestes  gens  et  de  condition,  de  meubles  plus  somptueux  ni  plus 
grand  nombre  de  serviteurs  à  gages...  '.  » 

Puis,  au  rapport  du  même  historiographe  complaisant,  lorsqu'il 
reçoit  et  régale  le  roi  Louis  XIII  en  sa  belle  maison  de  Cadillac, 
en  1620,  <■<.  il  eut  esté  bien  difficile  qu'elle  (S.  M.)  eust  pu  estre 
mieux  reccue  en  aucun  antre  lieu  de  son  royaume.  Les  beaux 
meuhles,  qui  estoient  en  aussi  grand  nombre  en  cette  maison 
qu'en  aucune  autre  maison  de  la  France,  furent  mis  au  jour.  Tout 
l'appartement  du  Roy  fut  tendu  de  tapisseries  rehaussées  d'or  ; 
dix  autres  chambres  furent  parées  de  mesme  sorte  ;  les  lits  de 
drap  d'or  ou  de  broderies  accompagnaient  les  tapisseries  ;  la  déli- 
catesse et  l'abondance  des  vivres  ne  cédoit  pas  à  la  somptuosité  des 
meubles...  •>■>  Ajoutons  que  sa  vaisselle  d'argent  était  magni- 
fique. 

Si  un  prince  de  Savoie,  qui  a  contracté  mariage  avec  Madame  Chris- 
tine de  France,  vient  rendre  hommage  à  Marie  de  Médicis,  un 
appartement  leur  est  offert  dans  l'évêché  d'Angoulême  meublé 
entièrement  de  tapisseries  de  M.  d'Epernon,  rehaussées  d'or  et 
d'argent,  et  d'autres  meubles  qui  répondent  aux  tapisseries. 

Le  silence  des  mémoriaux  et  le  quasi-mutisme  des  musées 
d'Angoulême  sur  le  duc  d'Epernon  sont  parlants,  ce  nous  semble; 
on  ne  trouve  que  fort  peu  de  chose  concernant  ce  personnage  : 
quelques  phrases  brèves  et  banales,  officiellement  ou  plutôt  obli- 
gatoirement louangeuses  dans  les  registres  du  Corps  de  Ville. 

La  seule  lecture  de  sa  Vie  est  édifiante  ;  mais  n'ayant  à  envisager 
ici  le  duc  d'Epernon  que  sous  son  aspect  d'  «  amateur  » ,  nous 
tenons  là  cette  physionomie  qui  eut,  comme  les  cloaques,  des 
étincellements  jusque  dans  ses  turpitudes,  dans  sa  fange. 

Ce  trop  fameux  personnage  établit  une  manufacture  de  tapisserie 
à  Cadillac  et  y  fît  exécuter  une  suite  de  panneaux  dont  un,  qui  nous 
est  connu  et  représente  la  Bataille  de  Jarnac,  décorait  naguère  le 

'  Girard,  Histoire  de  la  Vie  du  duc  d'Espernon. 


LKS    GUA.VDS    AMATEURS    A  .\  G  0  L M  01  S  I  \  S-  8GJ 

ffiand  escalier  de  l'hôtel  de  Laiizun,  chez  M.  le  baron  Jérôme 
de  Pichoii  '. 

Suivant  nne  tradition  locale,  d'Epernon  aurait  donné  à  l'église 
de  V  illehois-la-V'alelte,  dont  il  était  le  haut  seigneur,  une  peinture 
de  \an  Dyck.  II  ne  m'a  pas  été  possible  d'en  trouver  trace. 

On  sait  (jue  deux  des  enfants  du  duc  d'Epernon  naquirent  à 
Angoulèmc,  et  que  l'un  devint  cardinal  "". 

Balzac  (Jea\-Louis  Glez  de)  fut  curieux  d'ouvrages  d'art,  peut- 
être  par  vanité  ou,  ce  qui  est  plus  probable,  par  atavisme.  On  sait 
que  son  «  bonhomme  de  père  »  —  ce  sont -les  expressions  du 
solennel  épistolier  —  aimait  les  curiosités  et  les  recherchait.  Dom 
Pierre  de  Saint-Romuald,  Angoumoisin,  rapporte^  que  la  reine 
Marie  de  Médicis  ^  logea  le  premier  jour  de  son  arrivée  à  Angou- 
lême  au  chasteau  du  Roy,  puis  les  jours  suivans  en  la  belle  maison 
de  M.  Guez,  père  du  sieur  de  Balzac,  qu'elle  trouva  embellie  et 
enricliie  de  raretez  si  exquises,  particulièrement  pour  les  tableaux 
et  autres  enjolivemens,  qu'elle  ne  voulut  point  faire  son  séjour 
autre  part,  jusqu'à  la  paix  que  luy  donna  son  fils  Louys  Treizième  » . 

«  Le  sieur  de  Balzac  «,  —  pour  parler  comme  Saint-Romuald, 
—  Jean-Louis  de  Balzac,  homme  bien  avisé,  se  plaisait  au  milieu 
de  ce  qu'il  appelait  de  «  magnifiques  bagatelles  »  .  Il  aimait  les 
livres  et  s'appliquait  à  les  connaître.  Son  avis  fut  d'un  grand  poids 
dans  toutes  les  choses  littéraires  et,  aussi,  à  l'occasion,  dans  celles 
d'érudition  et  de  goût.  De  son  père,  il  tenait  certaines  qualités  qui 
sont  du  liagage  d'un  connaisseur  superficiel  ;  le  faste  de  son 
parrain,  le  duc  d'Epernon  \  avait  dû  le  frapper  dès  sa  jeunesse. 
Il  n'échappa  donc  point  à*ces  deux  influences.  Evidemment,  il  fut 
bibliophile,  et  ses  livres  de  choix  portèrent  l'empreinte  caractéris- 


'  Pièce  citée  dans  l'Histoire  de  la  tapisserie  de  Gliffrev,  et  par  M.  Lacor- 
DAiRE,  dans  sa  Xotice  sur  les  Gobelins.  —  Voir  Catalogue  des  collectiotis  de  feu 
M.  le  baron  Jérôme  Piclion,  Objets  de  curiosité  et  d'ameublement,  tapisseries 
et  tableaux.  Paris.  1897,  iu-4",  n"  1288.  _^ 

-  Louis,  cardinal  de  La  \  aleltc,  né  eu  1593,  b.aptisé  le  17  février  à  S'  Autonin. 

^  Trésor  chronologique  et  historique.  Paris,  1GV2-16V7,  3  vol,  in-fol. 

*  I]alzac  fut  lenii  sur  les  fonts  baptismaux,  en  l'éjjlise  Saint-Paul  d'Angoulême, 
par  Myr  Jehan-Loys  de  La  \alette...,  duc  d'I'lpernon,  pair  de  France,  etc.,  le 
l'^f  juin  1597.  (Registre  paroissial  de  Saint-Paul.  —  .Archives  communales  d'An- 
goulême.) 


866  LES    GRA\iDS    AMATEURS    ANGOUMOISINS. 

tique,   la  livrée  spéciale,   personnelle  d'un    écrivain  qui,   suivant 
l'observation  judicieuse  du  hibliofjraphe  Eusèbe  Castaigne, 

Dans  ses  épîtres  familières 
Évita  le  tour  familier'. 

En  16-42,  il  offrit  un  livre  :  Theatrum  Terrœ  sanctœ,  pour 
être  décerné,  lors  de  la  distribution  des  prix,  aux  élèves  du  collège 
Saint-Louis  d'Angoulême.  C'est  un  petit  in-folio  recouvert  de  veau 
fauve  glacé,  doré  sur  trancbes,  avec  pointillé  aux  petits  fers  dans  le 
genre  de  Le  Gascon,  peut-être  même  de  ce  célèbre  relieur;  sur  les 
plats,  les  armes  personnelles  de  Balzac.  Le  dos  de  ce  volume  est 
chargé  du  monogramme  du  Christ,  de  fleurs  de  lis  et  de  sa  lettre 
initiale  B  entrelacés,  dans  un  encadrement  de  fines  dentelures. 

Ce  livre,  dont  la  reproduction  héliogravée  a  été  faite  par  nos 
soins,  fait  partie  de  la  Bibliothèque  communale  d'Angoulême  ;  il 
porte  une  note  manuscrite  rappelant  l'acte  de  libéralité  de  Balzac". 
On  pense  bien  que  Balzac  ne  fit  pas  exécuter  ce?,  fers  décoratifs  en 
vue  de  ce  seul  livre.  En  tout  cas,  c'est  le  seul  livre  que  nous 
sachions  à  ses  armes. 

On  sait  que  Balzac  avait  été  à  l'école  du  fastueux  d'Epernon. 
Néanmoins,  retiré  dans  son  château  «  où  il  se  plaisait  particulière- 
ment, dit  un  autre  Angoumoisin,  Vigier  de  la  Pile,  il  préféra  la  vie 
tranquille  de  garçon  aux  embarras  du  ménage  ».  Ce  château,  de 
modeste  apparence,  situé  à  une  heure  d'Angoulême,  fut  visité  par 
l'aristocratie  des  Lettres,  du  Nom  et  de  la  Finance.  De  là  partit 
une  suite  importante  de  cette  correspondance  fameuse  qui  enthou- 


'  Ode  pour  la  pose  de  la  première  pierre  de  l'Hôtel  de  ville  d'Angoulême. 

2  Eusèbe  Castaigne,  qui  fut  bibliothécaire  d'Angoulême,  a  porté  la  lumière  sur 
des  points  nombreux  de  notre  histoire  angoumoisine  ;  il  rappelle,  en  sa  savante 
notice  sur  Balzac,  que  la  famille  de  Balzac  portait  de  gueules  à  deux  fasces  d'or. 
(voir  Armoriai  général,  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale)  ;  mais  J.-L.  Guez 
de  Balzac  s'était  créé  des  armes  de  fantaisie  :  écartelé,  au  i.  et  k  de...,  à  l'oran- 
ger, et  au  2  et  3,  au  cor  de  chasse,  lié  de.'..,  probablement  en  souvenir  de  Marie 
Xesmond,  sa  mère,  qui  portait  d'or  à  3  cors  de  chasse  de  sable,  liés  de  gueules. 
Balzac  s'était  contenté  de  faire  graver  l'oranger  {malus  aurea)  sur  son  cachet, 
dont  il  fit  cadeau,  quelque  temps  avant  de  mourir,  à  son  ami  Gilles  Ménage,  qui 
le  remercia  par  une  pièce  de  vers  latins,  ainsi  intitulée  :  In  sigillum  aureum, 
quod  cal.  januariis  Balzacus  Menagio  dono  dédit,  in  quo  sculpta  malus  aurea. 
(Agidii  Menagii  j)oemata.  Parisis,  1G68,  in-8",  p.  53,  et  in  aliis  edit.)  — 
E.  Gastaig.\e,  Tableau  généalogique  de  la  famille  Guez  de  Balzac,  ISW 


LES    GRA.VDS    AMATEL'ilS    ANG  0  U  M  01  S  I  M  S.  x67 

siasma  si  fort  au  dix-septième  siècle.  Il  y  marqua  dans  une  lettre 
«  à  \I.  Senne,  théologal  de  l'église  de  Saintes,  le  10  août  1638, 
sa  satisfaction  d'une  faïence,  —  peut-être  de  Palissy,  —  que  Tabbé 
lui  avait  fait  tenir: 

"  Il  ne  me  fallait,  dit-il,  que  deux  bassins  de  terre  cuite,  et  j'ay 
receu  un  plein  cabinet  de  belles  choses... 

Il  ...  Xi  tout  ce  que  [je  vis  jamais  de  plus  divers  et  de  plus  his- 
torié dans  le  monde  ne  l'est  point  tant  que  ce  que  vous  m'avez  fait 
la  faveur  de  m'envoyer.  Et  dites  après  cela,  pour  diminuer  le 
mérite  de  vostre  présent,  que  ce  n'est  que  de  l'argile,  vous  qui 
scavez  que  Tertullien  appelle  l'argile  sororem  nohis  materiam^  et 
que  les  Rois  et  les  Empereurs  en  ont  été  faits...  » 

Pour  mémoire:  Tallemant  des  Réaux  rapporte  que  Balzac  donna 
à  Xotre-Dame  des  Ardilliers  de  Sauniur  «  une  lampe  de  cent  écus, 
avec  des  vers  latins  gravés  dessus,  où  son  nom  étoit  en  grosses 
lettres».  II  envoya,  selon  le  même  témoignage,  «  une  cassolette 
du  prix  de  400  livres  »  à  l'église  des  PP.  Feuillants  de  Saint- 
Mesmin,  près  d'Orléans. 

Voilà  donc  quelques  menues  notes  sur  Balzac,  amateur,  que 
ses  biographes  ne  connaissaient  ni  ne  prévoyaient  peut-être  pas. 

Charles  de  Saixte-Maure,  duc  de  Moivtauzier,  malgré  sa  rudesse 
et  ses  boutades  naturelles,  voilà  certainement  un  délicat  —  à  tous 
les  points  de  vue. 

Parangon  d'amoureuse  constance,  l'austère  Montauzier  lui-même 
fut  touché  de  la  grâce,  estima  que  la  «  divine  Julie  )>  valait  bien 
une  messe  et  inventa  une  merveille  :  la  délicieuse  Guirlande  de 
Julie,  dédiée  à  la  «  reine  des  précieuses  »,  à  la  divinité  de  l'hôtel 
de  Rambouillet.  On  sait  que  "  dix-neuf  poètes  y  prêtèrent  leurs 
voix  à  vingt-neuf  fleurs.  Corneille  le  Grand  se  chargea  du  lis,  de 
l'hyacinthe  et  de  la  grenade.  ;> 

Cette  Guirlande  de  Julie,  œuvre  charmante  composée  de  madri- 
gaux tt  des  beaux  esprits  du  temps  »  ,  transcrits  par  le  calligraphe 
Jarry  et  encadrés  dans  les  fleurs  dessinées  et  coloiiées  jïHr  le 
peintre  Robert,  celte  Guirlande  de  Julie  «  fut  vendue  quinze 
louis  d'or  après  le  décès  de  la  duchesse  d'Lzès,  fille  du  duc  de 
Montauzier;  elle  passa  alors  aux  mains  de  Moreau,  premier  valet 
de  garde-robe  du  roi  Louis  XIV  et  du  duc  de  Bourgogne.  Ensuite, 


868  1-ES    GRWDS    AMATEURS    A  \  G  0  U  M  0  1SI\  S. 

à  la  vente  de  la  bibliotlièque  de  La  Vallière,  elle  atteignit  le  prix 
de  14,510  livres,  v  Aujourd'hui,  ce  livre  célèbre  appartient  à  l'un 
des  arrière-neveux  du  preux  soupirant  :  nous  l'avons  vu  à  l'Expo- 
sition de  1878  et  revu  à  l'exposition  des  bibliophiles,  en  1883  '. 

Le  duc  de  Montauzier,  gouverneur  d'Angouniois  depuis  l'année 
IG45  jusqu'au  17  mai  1690,  date  de  sa  mort,  était,  en  consé- 
quence, le  personnage  le  plus  considérable  de  cette  province.  Le 
Corps  de  Ville  d'Angoulème  sollicitait  parfois  ses  «sages conseils»  , 
et  un  Mémorial  de  cette  époque  nous  a  transmis  le  récit  des  princi- 
paux actes  de  son  gouvernement.  C'est  lui  qui  présenta  le  maire 
(Jean  Guymart,  écuyer,  sieur  de  Jallays)  à  Louis  XIV,  alors  que  le 
tt  Roy  1',  âgé  de  douze  ans,  fit  son  entrée  dans  Angoulème,  le 
25  juillet  1650.  Montauzier  et  la  duchesse,  sa  femme,  tenaient  en 
cette  ville  comme  une  petite  cour  et  un  salon  de  conversation, 
Cl  d'esprit  »  naturellement  u  précieux  » .  Balzac,  Girac  et  quelques 
autres  y  étaient  leurs  commensaux  habituels,  ainsi  que  l'évêque 
François  de  Pèricard,  qui  avait 

...(luitté  les  belliqueux  hasards 

Et  les  rudes  travaux  de  Bellone  et  de  Mars  -. 

pour  embrasser  la  carrière  ecclésiastique. 

'  A  la  fia  de  l'année  1887,  il  a  été  vendu,  à  l'hôtel  Drouot,  une  répétition  de 
la  Guirlamle.  Ce  ;jraud  exemplaire  est  de  format  in-8",  avec  une  ravissante 
reliure  semée  du  chiffre  J.  L.  (Julie-Lucine);  il  provenait  de  la  collection  du  mar- 
quis de  Sainte-Maure  Montauzier,  et  a  été  adjugé,  moyennant  15,900  francs,  à 
M.  le  comte  de  Mosbourg.  (Ces  Saintc-AIaure,  qui  viennent  de  s'éteindre,  étaient 
issus  d'une  ligne  collatérale  au  duc  de  cette  grande  maison.) 

J'ai  vu,  chez  M.  le  baron  Jérôme  Pichon,  un  manuscrit  fort  beau  de  la  généa- 
logie des  Sainte-Maure,  comtes  de  Xesle,  etc.  Ce  célèbre  amateur  m'écrivait  : 
t  Si  vous  vous  occupez  des  Rambouillet-Montauzier,  etc.,  cela  vous  intéressera 
peut-être  de  savoir  qu'on  a  trouvé  à  Lyon  une  miniature  de  0™,30  environ  de 
large  sur  0'",20de  haut  (jo  parle  de  mémoire),  représentant  deux  femmes  assises 
dans  un  jardin.  L'une,  plus  grasse  et  plus  âgée,  présente  à  l'autre  une  couronne 
avec  une  bandelette  où  est  écrit  :  s  A  la  divine  Julie,  i  Celle  miniature  m'a  fort 
intéressé,  parce  qu'elle  me  prouve  que  le  portrait  à  la  plume  que  j'ai  dans  mon 
Livre  de  prières  de  Mme  de  Rniiibouillet  (voir  dans  T.îllemaxt  sou  Historiette) 
est  bien,  comme  je  l'ai  toujours  pensé,  le  portrait  de  Julie,  i 

Ce  livre  d'heures  de  iMme  de  Rambouillet,  calligraphié  par  Jarry,  relié  par 
Le  Gascon,  a  été  acheté  par  le  baron  Jérôme  Pichon,  il  y  a  une  vingtaine  d'années. 
Lors  de  la  vente  de  la  première  partie  de  la  bibliothèque  de  ce  grand  bibliophile, 
ce  livre  d'heures  atteignit  le  prix  de  .3,810  francs;  il  figure  au  Catalogue  de 
cette  vente,  sous  le  n"  128. 

-  Kpitre  à  Mgr  l'Kvesque  d'Angoulcsme.  —  Voir  OEiœres  chrestiennes  et  mo- 


LES    G  R  AMD  S    AMATEURS    A\' G  0  U  M  0  I  SI  V  S.  SfiO 

Au  cliàteau  d'Angoulème  ou  «  Maison  du  roy  »  ,  le  duc  avait  une 
belle  biblotlièque;  il  en  possédait  une  autre  en  son  caslel  de  Mon- 
tauzier  (commune  de  Baignes-Sainte-Radégonde,  Charente).  Ses 
descendants  conservèrent  aussi  de  i)elles  clioscs  à  Montauzier  ; 
entre  autres  un  fort  remarquable  portrait  du  duc  attribué  à  Ferdi- 
nand Elle,  ainsi  que  le  portrait  du  duc  d'L'zès  et  plusieurs  autres 
peintures  parmi  lesquelles  il  convient  de  citer  deux  petits  médail- 
lons représentant  des  Cavaliers  en  marche,  gouache  sur  bois,  dans 
la  manière  de  J.  Parrocel.  Ces  quatre  tableaux  font  partie  du 
Musée  d'Angoulème.  Quant  aux  livres  de  la  bibliothèque  des  Mon- 
tauzier,  peu  après  la  Révolution  ils  ont  contribué  particulièrement 
à  former  la  Ribliothèque  communale  d'Angoulème  ;  la  plupart 
portent  sur  leurs  plats  ou  sur  le  dos  les  armes  de  celle  puissante 
famille  dont  le  chef  prouva  que  pour  «  vivre  noblement  «,  j'allais 
dire  royalement,  il  n'est  pas  nécessaire  d'être  un  Dom  Pedro  «  le 
cérémonieux  » . 

Charles  de  l'Aubespine,  marquis  de  Chateauveuf,  garde  des 
sceaux,  amateur  par  à  peu  près,  «  logeait  en  chambre  gainie  » 
son  proche  parent  François-Olivier  de  Fontenay,  abbé  de  Saint- 
Quentin  de  Beauvais  et  petit-fils  du  chancelier  Olivier  (1581- 
1636). 

Le  marquis  de  Chàteauneuf  abritait  donc  chez  lui  la  collection 
intéressante  des  livres,  médailles  et  pierres  gravées  que  l'infati- 
gable abbé  augmentait  sans  relâche  avec  une  sûreté  de  goût  par- 
faite, et  pour  laquelle^  malgré  ses  1-4,000  livres  de  rente  ',  il 
vivait  très  modestement,  très  économiquement  surtout. 

On  sait  que  le  marquis  de  Chàteauneuf,  coupable  d'avoir 
«  dansé  »  à  Bordeaux,  "  aux  sons  des  violons,  pendant  une  maladie 
de  M.  le  cardinal  »,  devint  des  nôtres  à  Angoulême,  malgré  lui  : 
il  y  fut  incarcéré  durant  dix  années.  Voici  une  note  le  concernant 
que  j'emprunte  à  un  vieux  Mémorial  : 

"  Le  dimanche  13  mars  1633.  —  Ce  mcsme  jour,  M.  de  €iîâ- 
teauneuf,  cy-devant  garde  des  sceaux  de  France,  fut  mené  prison- 
nier au  château   d'Angoulème,  soubz  la  garde  du  sieur  de  Lau- 

ra/e.y,  d'Antoins  Godeau,  évêqiie  de  Grasse.  Paris,  P.  Le  Petit,  16G;3,  petit  in-12. 
'  Voir  Ed.  Box.vaffk..  Dictionnaire  des  amateurs  français  au  dix-septième 
siècle. 


1 

f 


870  LES    GRANDS    AMATEURS    ANGO  UMOIS  I.\  S. 

mont,  enseigne  de   ]a  garde  escossaise,   par   ordre  du  Roy'.   » 

Nous  devions  bien  un  mot  de  souvenir  à  ce  bon  serviteur  de  la 

France  —  lequel  donna  riiospitalité  à  un  amateur  d'objets  d'art. 

Jeam  HÉRAiiLD  DE  GouRi/iLLE  (1625-1703).  —  On  connaît  ce 
factotum  d'excellent  ton  et  de  parfaite  bonne  grâce,  qu'il  perdît 
ou  gagnât  au  jeu  de  la  fortune.  On  sait  qu'il  menait  grand  train; 
toutefois,  son  nom  ne  figure  nulle  part,  que  je  sacbe,  du  moins, 
parmi  les  curieux  d'objets  d'art.  Pourtant,  Gourville,  dans  ses 
Mémoires  d'un  naturel  si  vrai  d'apparence,  prouve  que  les  belles 
œuvres  ne  lui  furent  point  indifférentes.  Il  y  rapporte  simplement, 
avec  précision,  parlant  avec  mesure  et  des  gens  et  des  cboses.  On 
y  voit  que,  s'il  fut  fastueux,  par  situation,  par  devoir,  par 
politique,  il  resta  personnage  de  baule  considération,  mais  sans 
affectation  aucune.  En  effet,  il  eut  l'esprit  supérieur,  au  milieu 
des  incessantes  intrigues  des  courtisans,  d'être  simple  d'allures,  ne 
reniant  pas  ses  origines. 

'  Arcliives  communales  d'Angoulème,  série  AA.  7.  (Reg.  Mémorial  colé  G, 
fol.  44  V".)  La  détention  du  marquis  de  Cliâteauneuf  ne  fut  probablement  pas 
très  dure.  Voici,  à  l'appui  de  notre  bypolbèse,  deux  actes,  extraits  d'un  registre 
paroissial  de  Saint-Antonin,  où  figure  ledit  marquis  en  qualité  de  parrain  : 

1°  «  Le  vingt  cinquiesme  mars  1641  a  esté  baptizée  Cbarlotte-Marie-Gatherine 
Quoniam,  fille  légitime  de  Louys  Quoniam  Romeny,  maistre  d'hostel  de  monsei- 
gneur de  Gbasteauueuf  et  de  Marguerite  Janvier,  ses  père  et  mère;  son  pairain 
a  esté  Gbarles  de  Laubespine,  marquis  de  Ghasteauneuf,  cbevallier,  cbancellier 
des  ordres  du  Roy  et  Garde  des  sceaux  de  France,  et  mairaines  dame  Rauel  et 
Catherine  de  La  Rocbebeaucourt,  dans  la  chappelle  du  cliasteau  royal  d'Augou- 
lesme,  paroisse  de  Saint-Antonin  ;  ledit  baptesme  faict  par  moy,  Laurent  Guille- 
vant,curé,  èsprésances  des  soubz  signés.  [Signé  :]  De  Laubespine.  —  Marie  Rauel. 

—  C.  de  La  Rochebcaucourt.  —  Lamont.  —  Le  Marquis.  —  Guillevant,  curé.  » 
2°.   «  Le  premier  jour  d'avril  mil  six  centz  quarante  trois,  a  esté  baptizé  en  la 

cbapelle  du  Ghasteau  d'Angoulesme,  par  permission  de  monsieur  l'evesque  dudit 
lieu,  Magdelaine  Quouiam,  fille  légitime  de  Loys  Quoniam  de  Romeny,  maistre 
d'hostel  de  monseigneur  de  Ghasteauneuf,  et  de  dame  Marguerite  Janvier;  son 
parrin  a  esté  raessire  Gbarles  de  Laubespine,  marquis  de  Ghasteauneuf,  chevalier, 
chancelier  des  ordres  du  Roy,  Garde  des  sceaux  de  France,  et  damoizelle  Ghar- 
lotte  Ghesnel,  femme  à  monsieur  de  Sers,  lieutenant  pour  le  Roy  en  son  chasteau 
d'Angoulesme.  Ledit  baptesme  faict  par  nioy,  curé  soubz  signé,  es  présance  des 
soubz  signés  et  plusieurs  autres. 

[Signé  :]  De  Laiibespitie.  —  Charlotte  Cliesnel.  —  Jehan  de  Montalembert. 

—  Cymonne.  —  Louis  Quoniam.  —  Lagravière.  —  Le  Marquis.  —  Pigornet. 

—  Viollette.  —  Dessoseri.  —  M.  Mathieu.  —  Guillevant,  curé  de  Saint-Antonin 
et  Saint-Vincent,  son  annexe.  » 


I,ES    GRAXDS    AMATELHS    A  \  G  0  L  M  0  I  S  I  X  S.  S"  1 

Ce  négociateur  habile  et  très  employé  avait,  cependant,  les 
grands  repas,  —  les  repas  solennels,  — comme  sûr  moyen  diploma- 
tiqiie.  Plus  tard,  AI.  de  Talleyrand  pensa  sur  ce  point-là  comme 
Gourville.  Homme  pratique,  doué  de  Tà-propos  si  rare  à  la  Cour 
que  Mme  de  Maintenon,  sa  contemporaine,  en  fit  la  remarque 
formelle,  Gourville,  magnifique  et  néanmoins  d'économie  savante, 
très  entendu  en  matière  de  finances,  maître  es  connaissance  de 
l'être  humain,  Gourville  a  noté  plusieurs  pièces  de  son  superbe 
mobilier  et  cité  même,  entre  autres^  «  une  pendule  de  grand  prix, 
qui  allait  six  mois,  et  qui  lui  appartenait  n  .  Cette  pendule  mer- 
veilleuse était  chez  M,  de  La  Rochefoucauld;  Gourville  l'y  avait- 
complaisamment  exposée  à  l'admiration  des  visiteurs. 

Saint-Simon,  qui  parle  en  termes  fort  aimables  de  Gourville, 
dit  bien  :  «  Ce  qui  est  prodigieux,  il  avait  secrètement  épousé  une 
des  trois  sœurs  de  M.  de  La  Rochefoucauld.  »  Saint-Simon  a  pu 
faire  erreur  sur  ce  point. 

Les  u  argentiers  " ,  j'entends  les  amateurs  de  vieille  argenterie 
française,  reprocheront,  sans  doute,  à  Gourville  d'avoir  proposé  à 
M.  de  Louvois  de  faire  porter  à  la  Monnaie  quantité  de  morceaux 
d'orfèvrerie  d'argent.  Mais  on  peut  leur  rappeler  que  le  Trésor  de 
la  France  était  obéré,  et  Gourville  lui-même  le  constate  :  «  Je  me 
«  réduisis,  dit-il,  à  croire  que  l'on  pouvoit  seulement  fondre  les 
«  chenets,  les  braziers  et  toutes  ces  autres  choses  qui  ne  servent 
«  qu'au  luxe,  sans  toucher  à  la  vaisselle...  '.  «  Son  patriotisme 
l'inspira  :  n'est-ce  pas,  en  tout  cas,  une  raison  suffisante? 

1  Voir  Mémoires  de  monsieur  de  Gourville...  Paris,  M.  DCCXXIV,  2  vol.  in-12, 
p.  269.  274  et  suiv. 

A  propos  de  (lourville,  il  convient  peut-être  de  noter  ici  qu'une  de  ses  sœurs, 
très  probablement,  i  mademoiselle  Anne  de  Gourville  t.  ,  fut  marraine  d'Anne 
Boire,  t  ûlle  de  Pierre  Boire,  m""''  tailleur  d'babitz  j  ,  le  27"  jour  d'octobre  1674, 
en  l'église  Saint-Jean  d'Angoulème.  Un  de  ses  neveux,  J.  Herauld  de  Gourville, 
signa,  le  18  octobre  1705,  l'acte  mortuaire  de  n  damoiselle  Anne  de  Lenclos, 
fille  majeure  {sic)  décédée  en  sa  maison  rue  des  Tournelles,  âgée  de  90  ans, 
environ  r ,  le  17  octobre.  (Jal,  Dictionnaire  critique.) 

Si  nous  faisons  un  rapprochement,  nous  trouverons  ([ue  cette  même  Anne,  (|ui 
devint  la  célèbre  Ninon  de  Lenclos,  eut  pour  marraine  demoiselle  Anne  de  Vil- 
loutrays,  épouse  de  raessire  Benjamin  de  La  Hocbcfoucauld,  seigneur  et  baron 
d'Estissac.  Demoiselle  Anne  de  Viiloutrays  descendait  d'Etienne  de  V  illoutrays  ou 
Villoutreys,  maire  de  la  ville  d'Angoulème  pendant  les  années  1588-1589.  Ainsi, 
deux  personnes  d'origine  angoumoise  assistèrent  cette  illustration  galante  aux 
dates  extrêmes  de  sa  vie. 


«p 


X72  LES    GKAXDS    AMATEURS    A  X  G  0  U  M  0  I  S  1  M  S. 

Héraiill  de  (îoiuvillo  avait  formé  un  cabinet  où  se  [roiuaicnt 
d'intéressantes  peintures  parmi  lesqiiciles  trônaient  des  |)ortraits 
de  contemporains  célèbres,  entre  autres  ceux  de  Racine,  Boileau, 
Molière  eÀ  i\e  Ninon  de  Lenclos,  aux  termes  d'un  docunient  cer- 
tain'. ]\!'était-ce  pas  ainsi  faire  preuve  de  dilettantisme  que  de 
réunir  de  telles  portraitures  en  semblable  condition  ?  Un  mondain 
moins  raffiné  se  fût  conteiité  d'estampes  médiocres  ou  de  médiocres 
toiles;  mais  l'esprit  d'amateur  de  Gourville  s'affirma,  de  la  sorte, 
hautement  et  clairement. 

Gourville  créa  l'hospice  de  La  Rochefoucauld  (Charente).  Dans 
le  salon  d'honneur  de  cet  établissement  de  bienfaisance,  on 
conserve  soigneusement  un  assez  beau  portrait  de  son  généreux 
fondateur  ;  un  autre  y  est  exposé  dans  la  a  salle  des  hommes  «  .  Xous 
nous  proposons  d'en  parler  d'une  façon  plus  explicite. 

L'auteur  de  cette  notice  possède  un  bon  portrait  de  Gourville, 
datant  du  dix-septième  siècle. 

AIicoLAS  Pasquier,  seigneur  de  ALiiwe  et  de  Balaxzac,  lieu- 
tenant général  de  la  sénéchaussée  de  Cognac,  eut  la  passion  des 
livres...  et  des  chevaux  :  «  Je  les  aime  à  outrance  ^ ,  dit-il.  Son 
père,  Estienne  Pasquier,  lui  avait  laissé  un  nom  fameux;  Xicolas 
ne  faiblit  pas  sous  un  tel  poids,  sinon  par  des  talents  supérieurs, 
de  premier  ordre,  du  moins  par  ses  vertus  de  magistrat  il  s'en 
rendit  parfaitement  digne.  Parisien  de  naissance,  selon  sa  riposte 
au  P.  Garasse,  il  se  plaisa't  fort  en  sa  seigneurie  angoumoisine, 
où  il  vivait  plantureusement  et  dont  il  célébra  les  vins,  les  bonnes 
chairs,  les  truffes  et  les  bons  fruits  en  son  livre  XIl .  (Lettre  7, 
t.  H,  éd.  de  1723-.) 

Un  portrait  de  Nicolas  Pasquier,  fort  bien  gravé  par  Crispin  de 
Pas,  se  trouve  en  tète  de  ses  Lettres  (1623).  L'artiste  le  dessina 
sur  nature  ;  on  y  lit,  dans  l'encadrement  du  bas  : 

Crispia  Passens  ad  vivum  delineavit  et  sculpsit  Parisiis  102."î. 


'  Ces  11  portraits  peints,  du  cabinet  de  Gourville  n ,  ont  été  brûlés  dans  l'in- 
cendie qui  détruisit  en  184(i  la  collection  des  tableaux  s  réiinis  à  grands  frais  » 
par  le  marquis  de  Bieucourt.  (V.  l^cttre  adressée  par  J.  Duseigneur,  statuaire, 
au  bibliopliile  Jacob  :  Bulletin  de  l'Alliance  des  Arts,  n»  8,  10  février  1846.) 

-  Voir  ses  Lettres. 


LES    GRAXDS    AMATEURS    A\G  0  L  .M  01  S  I  .\  S.  813 

ALiis  011  n'y  voit  que  son  image;  un  distique  laliii  nous  avertit 
qu'il  u  faut  chercher  son  àine  dans  ses  écrits  «  : 

Verum  Pa.tc/iasii  /)otes  hic  cog?ioscere  vultum 
Ast  animi  in  scriptis  vica  figura  lalet. 

L'an  1G31,  Xicolas  Pasquier  «s'éteignit  en  chrétien  fidèle  et 
croyant;  il  avait  soixante-neuf  ans  '  ". 

Les  La  Rochefolcacld,  dont  l'illustre  maison  compte  parmi  les 
premières  de  la  France,  sont  avec  éclat  au  premier  rang  de  nos 
grands  amateurs;  entre  autres  : 

Le  comte  François  II,  qui  fit  construire,  en  1528,  le  château 
que  l'on  connaît,  à  côté  de  son  château  patrimonial,  chef-d'œuvre 
de  la  Renaissance  en  Angoumois.  La  veuve  de  ce  seigneur,  Anne 
de  Polignac,  reçut  de  Charles-Quint  un  hommage  mémorable. 

Ensuite,  on  doit  mentionner  François  II  de  La  Rochefoucauld. 
Au  dire  de  Florent  le  Compte,  sculpteur  et  peintre  de  Paris  (dans 
son  Cabinet  des  singularités  d'architecture,  1690),  l'auteur  pro- 
fond des  Réflexions  et  Maximes  morales  «  possédait  un  Christ 
d'une  grande  beauté  peint  par  André  Solario  '  ».  Il  s'était  fait 
«  pourtraicturer  »  par  le  célèbre  peintre-ômailleur  Petitot,  admi- 
rable bijou  dont  se  glorifie  à  très  juste  titre  le  trésor  de  ses  des- 
cendants; il  avait  fait  exécuter  pour  Andrée  de  Vivonne,  sa 
femme,  un  Livre  d'heures  calligraphié  par  Jarry  et  relié  par  Le 
Gascon  \ 

On  n'estimera  pas  hors  de  page  de  rappeler  ici  ces  u  réflexions  » 

'  Voir  l'itiipnrlaute  et  substantielle  étude  de  AI.  Louis  Aldiat,  sur  Un  fils 
cVEstienne  Pasquier  :  Nicolas  Pasquier.  (Angoulême,  1875,  in-8".) 

-  Cité  par  M.  Boxafkk,  loc.  cit. 

^  Ces  deux  chefs-d'œuvre  font  partie  des  richesses  artistiques  et  des  souvenirs 
familiaux  conservés  par  M.  le  comte  Aimery  de  La  Rochefoucauld.  L'émail  est 
superbement  emborduré  de  diamants  d'ancienne  taille  et  en  état  de  conservation 
parfaite.  Le  Livre  d'heures  est  muni  d'un  fermoir  émaillé.  Je  suis  très  reconnais- 
sant à  AI.  le  comte  de  La  Rochcfoucould  de  la  communication  qu'il  m'a  faite  de 
ces  magnifiques  bijoux;  ça  m'a  été  une  surprise  et  un  réyal  inoubliables  lors  de 
l'hospilalilé  seijjnruriale  qu'il  a  bien  voulu  m'offrir. 

Dans  le  nombre  des  richesses  d'art  réunies  au  château  de  Vertcuil,  les  plus  dif- 
ficiles connaisseurs  apprécieront  une  fort  belle  «  tapisserie  à  la  Licorne  i ,  de  la 
Renaissance,  provenant  de  l'ancien  mobilier  du  château.  Cette  tapisserie  est  admi- 
rée même  par  des  dilletlantes  qui  ont  vu  la  tapisserie  à  la  Licorne  exposée  dans 
la  grande  salle  haute  du  Alusée  de  Cluny  (salle  des  Emaux). 


874  l,ES    GRANDS    AMATEURS    AN  G  0  LM  OISIN  S. 

du  spirituel  penseur  :  «  94.  Les  grands  noms  abaissent,  au  lieu 
a  d'élever,  ceux  qui  ne  les  savent  pas  soutenir.  —  133.  Les  seules 
«  bonnes  copies  sont  celles  qui  nous  font  voir  les  ridicules  des 
K  méchants  originaux.  —  378.  Le  bon  goût  vient  plus  du  juge- 
«  ment  que  de  l'esprit.  » 

Des  huit  enfants  de  François  VI,  duc  de  La  Rochefoucauld  ', 
Mlle  de  Marcillac,  malgré  la  médiocrité  relative  de  sa  fortune, 
aimait  s'entourer  de  bibelots  précieux;  elle  fut  surtout  «curieuse» 
de  porcelaines  fines.  Elle  démontrait  la  justesse  de  cette  réflexion 
de  son  père  :  qu'  «  on  renonce  plus  aisément  à  son  intérêt  qu'à 
son  goût  « , 

Voici  ce  que  disait  de  cette  dame  remarquable  le  baron  Jérôme 
Pichon,  dont  la  haute  et  vaste  érudition  est  connue  de  tous  les 
gens  d'étude  qui  l'ont  approché  "  :  "  Hoym  acheta  beaucoup  de 
porcelaines  et  de  laques  à  la  vente  de  Mlle  de  Marcillac  (Henriette 
de  La  Rochefoucauldj.  C'était  une  de  ces  filles  de  François  de  La 

1  Vie  de  Ch.-H.  comte  de  Hoym,  t.  I,  p.  18V. 

-  Parmi  ces  objets  »  achetés  à  l'inventaire  de  Mlle  de  Marcillac,  en  1722  »  : 
«  quatre  vases  ou  cornets  à  panse  de  porcelaine  de  la  Chine,  dont  le  fond  est  d'un 
\ert  foncé  à  fleurs  et  oiseaux  :  597  liv.  10  sols;  —  deux  urnes  moyennes  à  six 
pans,  de  dessins  à  oiseaux,  d'ancienne  porcelaine  du  Japon  :  601  liv.  ;  —  deux 
urnes  moyennes  aussi  à  pans,  mais  de  dessin  différent  des  deux  précédentes  et  à 
pagodes  :  4^92  liv.  ;  —  deux  petites  urnes  à  côtes  de  melon  :  390  liv.  ;  —  quatre 
petites  bouteilles  à  quatre  pans,  avec  leurs  bouchons  et  petits  pieds  de  marque- 
terie, garnies  de  bronze  :  60  liv.  Une  autre  pareille  avec  quatre  pieds  de  mar- 
queterie :  200  liv.; —  une  grande  jatte  en  forme  de  feuilles  d'artichaut  :  632  liv.; 

—  deux  grandes  jattes  i\  dix  pans,  avec  des  pagodes  et  belles  bordures  :  1,090  liv.; 
deux  jattes  moyennes  à  huit  pans,  sans  bordures  :  400  liv.  5  s.  ;  —  deux  jattes 
cannelées  :  315  liv.  ;  —  deux  petites  jattes  en  forme  de  feuilles  d'artichaut  : 
2S8  liv.  ;  —  un  compotier  ou  assiette  à  douze  pans  :  100  liv.  ;  —  un  petit  caba- 
ret carré  long,  de  très  beau  laque  noir,  garni  de  deux  petits  seaux  à  gerbes, 
deux  soucoupes  carrées  à  paysage  et  un  petit  mortier  :  361  liv.  (un  sieur  Platries 
avait  offert  800  livres  des  tasses,  sans  le  cabaret,  au  comte  de  Hoym)  ;  —  deux 
cabarets  de  laque  rouge  avec  huit  tasses  et  autant  de  soucoupes  à  pans  et  quatre 
morceaux  de  laque  rouge  formant  les  sucriers:  1,000  liv.;  —  quatre  grandes 
tasses  à  tulipes,  dont  une  fêlée  :  220  liv.;  —  un  cabaret  rond,  de  vieux  laque, 
garni  de  six  gobelets  à  côtes  et  fleurs  en  relief,  avec  six  soucoupes  à  feuilles  d'ar- 
tichaut et  un  pot  à  sucre  avec  son  couvercle,  le  tout  d'ancienne  porcelaine  bhn- 
che  :  770  liv.;  —  deux  pots  à  thé  avec  deux  grandes  soucoupes  à  feuilles,  de 
pareille  porcelaine,  assortissant  au  cabaret  de  l'article  précédent  :  361  liv.  5  s.  : 

—  une  espèce  de  c  nécessaire  i  composé  de  plusieurs  boites  de  très  beau  laque  noir  ; 
305  liv.  ;  —  une  boite  plate  d'ancien  laque  noir  :  80  liv.  »  (Vie  de  Ch  -H.  comte 
de  Hoym,  ambassadeur  de  Saxe-Pologne  en  France  et  célèbre  amateur  de  livres, 
par  le  baron  Jérôme  Pichon.  Paris,  Techner,  1880,  2  vol.  in-8".) 


LES    GIIAXDS    AMATEURS    A\  GOIM  0  IS  IX  S.  875 

Rochefoucauld,  l'auteur  des  Maximes,  dont  Mme  de  Sêvigné  a 
raconté  le  tendre  attachement  pour  leur  père.  Née  le  15  juillet 
1638,  elle  testa  le  10  mars  1720  et  mourut  le  3  novembre 
1721.  « 

Saint-Simon,  qui  l'appelle  Mlle  de  La  Rochefoucauld  (t.  XVIII, 
page  208),  dit  qu'elle  avait  passé  toute  sa  vie,  fille,  dans  l'hôtel 
de  La  Rochefoucauld,  considérée  dans  le  monde  et  dans  sa  famille, 
toujours  très  vertueuse  et  avec  peu  de  bien.  Du  côté  de  l'esprit, 
dit  aussi  Saint-Simon,  elle  tenait  tout  de  son  père.  Ajoutons  qu'elle 
avait  un  goût  remarquable,  si  l'on  en  juge  par  les  belles  choses 
que  Hoym  acheta  à  sa  vente  *. 

Pour  mémoire,  rappelons  la  fête  donnée,  par  les  pensionnaires 
de  l'Ecole  française  à  Rome,  en  l'honneur  du  cardinal  de  La  Roche- 
foucauld, ambassadeur  de  France. 

On  conservait  au  chàleau  de  La  Rochefoucauld  un  intéressant 
portrait  de  la  Grande  Mademoiselle,  attribué  à  Mignard,  Cette 
peinture,  qui  appartient  à  M.  Callandreau,  de  Cognac,  a  figuré  à 
l'Exposition  rétrospective  à  Paris  en  1889.  (Photographiée  par 
Braiin.) 

La  liste  des  ouvrages  littéraires  et  artistiques  placés  sous  le 
patronage  de  La  Rochefoucauld  par  des  écrivains  et  des  artistes 
français  serait  trop  laborieuse  et  trop  longue  à  énumérer;  néan- 
moins nous  pouvons  rappeler  que  J.-J.  de  Boissieu,  le  fin  dessi- 
nateur-graveur, dédia  à  M.  de  La  Rochefoucauld  une  de  ses  eaux- 
fortes  :  Vue  d'Aqua  Pendente,  en  1773;  indiquons  aussi  une 
édition  des  Maximes  et  Réjlexions  moi'ales,  imprimée  en  carac- 
tères microscopiques,  petit  chef-d'œuvre  typographique,  dédiée 
t.  à  M.  le  vicomte  de  La  Rochefoucauld,  directeur  au  département 
des  Beaux-Arts  «  ,  en  1825  \ 

La  maison  de  La  Rochefoucauld  observe  avec  une  rare  délica- 
tesse ses  grandes  traditions. 

Mme  de  La  Rochefoucauld,  née  Du  Roux,  a  réuni  dans  son 


'  A  propos  d'édition  précieuse  à  d'autres  titres  des  Maximes  et  Réjlexions 
morales,  ie  me  souviens  d'avoir  vu,  chez  M,  le  baron  Jérôme  Piclion,  un  exem- 
plaire unique  de  ce  livre  :  celui  de  la  quatrième  édition  de  1075,  en  maroquin 
rouge,  aux  armes  du  duc  du  Maine,  avec  Dédicace  au  duc  du  Maine,  imprimée 
pour  ce  seul  exemplaire.  (Vendu  1,500  francs,  vente  de  la  Bibliothèque  Pichon, 
en  mai  1897;  n»  187  du  Catalogue.) 


87  6  LES    GRANDS    AMATEURS    AXGOU.MOISIXS.  : 

cliàteau  patrimonial  de  \  ertcuil  une  qiuiiilitê  considérable  d'objets 

d'arl;  nous  en  avons  parlé  antérieurement'.  |- 

Mme  la  comtesse  Aimoryde  La  Rochefoucauld,  sabolle-fillc,  a  été 
portraite  par  Ed.  Dubuffcet  aussi  par  Chaplin  (cette  œuvre  de  Cha- 
plin est  une  merveille);  Antonin  Cariés  a  ciselé  son  busle  en  marbre. 

Jacques  Favereau  méiite  une  place  d'honneur  parmi  les  curieux  ,, 

angoumoisins.  IVé  à  Cognac  en  1590,  il  épousa  une  nièce  de  Nicolas  :' 

Pasquier  et  mourut  conseiller  de  la  Cour  des  Aides,  à  Paris,  en 
mai  1638.  i^ 

On  lui  attribua  une  diatribe  dirigée  contre  le  cardinal  de  Riche-  ■'■ 

lieu  et  qui  lui  valut  un  certain  renom  :  Le  Gouvernement  jn^ésent 
ou  la  Miliade  (imp.  à  Envers^  s.  d.,  in-S"  de  66  pages).  K 

«  C'est  lui  qui  a  fait  graver  la    belle  collection  de  planches  W 

mythologiques  publiées  plus  tard  par  Michel  de  Marolles,  sous  le 
titre  de  Tableaux  du  Temple  des  Muses,  tirez  du  cabinet  de 
M.  Favereau  (Paris,  1655,  in-fo!.,  ou  Amst.,  1676,  in-i°).  »  On  y 
trouve  un  beau  portrait  de  M.  Favereau,  ainsi  que  son  éloge,  où  il 
est  parlé  de  sa  famille  alliée  à  celle  du  fameux  Estienne  Pasquier. 
"  Jacques  Favereau  était  fils  de  Pierre,  sieur  de  La  Bourgeserie 
et  de  Puyraimond^  et  de  demoiselle  Anne  de  Ranson,  autre  famille 
protestante  de  Jarnac,  qui  a  perdu  sa  particule  -.  » 

Sous  le  titre  de  Mercurius  rediviinis,  Favereau  écrivit  un  recueil 
d'épigrammes,  au  sujet  d'un  Mercure  de  bronze  gallo-romain, 
trouvé,  en  1613,  lors  des  fondations  du  palais  du  Luxembourg. 

Jacques  Favereau  collectionna  des  peintures  et  des  estampes.  ^ 

Les  DU  TiLLET,  de  vieille  souche  angoumoisine,  ont  brillé  dans 
la  noblesse  de  robe;  plusieurs  d'entre  eux  se  distinguèrent  comme 


'  Les  portraits  du  château  de  Verteuil.  (Réunion  des  Sociétés  des  Beaux-Arts 
des  départements,  1895.) 

-  Quelques-uns  de  ces  renseignements  biograpliiques  sont  peu  connnus,  attendu 
que  la  «  Famille  Castaigne,  Xotes  historiques  et  généalogiques  « ,  par  Eusèbe 
Castaigne  (Angoulême,  1866,  in-8°,  46  pages),  n'a  été  tiré  qu'à  50  exemplaires. 
M.  Castaigne  y  marque  aussi  (|uc  sieur  Pliilippe  Castaigne,  l'un  de  ses  ascendants, 
épousa,  vers  1659,  demoiselle  EstherF'avereau,  nièce  du  conseiller  Jacques  Fave- 
reau. Il  observe,  de  plus,  qu'à  l'imitation  de  l'inspirateur  du  Temple  des  Muses, 
Benserade  composa  dans  la  suite  les  Métamorphoses  d'Oiùde,  mises  en  rondeaux. 
{Lyre  d'Amour,  Angoulême,  1829,  in-8°,  p.  40.) 


LES    GRAXDS    AMATEURS    A  N  G  0  L  M  OIS  IIV  S.  877 

officiers  (les  armées  du  Roi;   ils  eurent  parmi  les  leurs  d'éruilits 
bibliophiles.  Xous  leur  consacrerons  une  notice  particulière. 

Catherime  de  Sainte-Maure,  comtesse  de  Brassac,  reçut  ses 
lettres  de  naturalisation  augoumoisine  :  elle  avait  épousé  messire 
Jean  de  Gallard,  comte  de  Brassac,  chef  du  conseil  de  la  Reine, 
surintendant  de  sa  maison,  gouv  erneuren  Saintonge  et  Angonmois  ' . 

Ln  savant  historien  d'art,  M.  Edmond  BonnafTé,  a  inscrit,  avec 
raison,  celte  dame  parmi  les  amateurs  distingués  qui  brillèrent  au 
soleil  du  dix-septième  siècle  ■.  On  sait  qu'elle  avait  réuni  vingt-six 
peintures  remarquables,  «  tableaux  de  maîtres  non  dénommés  »,  et 
que  sa  galerie  contenait  quatre-vingt-dix-neuf  portraits  des  prmces 
de  la  -  maison  de  France  et  de  quelques  autres  personnages  '  . 
Catherine  de  Saint-Maure,  tante  du  duc  de  Montauzier,  fut  pre- 
mière dame  d'honneur  de  la  reine  Anne  d'Autriche. 

D'après  Tallemant  des  Beaux,  «  Mme  de  Brassac  étoit  une 
personne  fort  douce,  modeste,  et  qui  sembloit  aller  son  grand 
chemin;  cependant  elle  savoit  le  latin,  qu'elle  avoit  appris  en  le 
voyant  apprendre  à  ses  frères  :  il  est  vrai  qu'à  l'exemple  de  son 
mary  elle  n'avoit  rien  lu  de  ce  qu'il  y  a  de  beau  en  C(îtte  langue, 
mais  s'estoit  amusée  à  la  Théologie  et  un  peu  aux  Mathématiques. 
On  dit  qu'elle  enlendoit  assez  bien  Euclide.  » 

'  Le  comte  de  Brassac  fut  a  pourvu  du  gouvernement  de  Saintonge  et  Angou- 
mois  et  de  celuy  particulier  de  la  ville  et  séneschaussée  d'Angoulesme,  sur  la 
démission  du  duc  d'Aluin  « ,  suivant  la  lettre  du  Roi,  de  Saint-Germain  en  Laye, 
en  date  du  8  mars  1633,  adressée  aux  ]\Iaire  et  Echevins  d'Angoulème.  Le  nou- 
veau Gouverneur  fit  son  entrée  dans  cette  dite  ville  le  s4  avril  d'après.  Le  Corps 
de  Ville  avait  envoyé  une  députation,  à  son  avance,  à  Gouhé.  Le  Maire  le 
liarangua  eu  des  termes  pathétiques.  On  ne  peut  résister  au  désir  de  rappeler 
l'exorde  de  cette  pièce  d'éloquence  : 

«  Monseigneur,  quand  j'aurois  cent  bouches  et  cent  langues  et  une  voix  de  fer, 
je  ne  sçaurois  suffisamment  exprimer  la  joye  et  le  contentement  qu'ont  receu  les 
habitans  d'Angoulesme  lorsqu'ils  ont  appris  qu'ils  debvoyent  estre  gouvernés  par 
vous.  Autrefois,  un  Empereur  fut  surnommé  l'amour  et  les  délices  du  genre 
humain,  tant  il  estoit  agréable  à  tout  le  monde;  permettez,  Monseigneur,  pour 
noesme  raison,  qu'il  nous  soit  loisible  de  vous  dire  et  publier  l'amour  et  les  délices 
de  la  ville  d'Angoulesme.  »  (Reg.  coté  G,  fol.  45  v°.  Archives  communales  d'.An- 
goulème.) 

Ou  pourrait  constater  que,  depuis,  la  forme  des  harangues  officielles  a  changé 
de  forme,  tant  soit  peu,  mais  que  le  fonds  est  resté  invariable. 

-  Voir  Ed.  Bo.v.\akfé,  loc.  cit.,  souvent  cité  dans  ces  notices  :  Dictionnaire  des 
amateurs  français  au  dix-septième  siècle. 


878  LES    GRANDS    AMATEURS    A  M  G  OUM  0  1  SIIV  S. 

Le  comte  de  Urassac,  sbn  petit-neveu,  qui  épousa  M"'  de  Tour- 
ville',  lit  réparer  «  à  la  moderne  "  ,  au  commencement  du  dix- 
huitième  siècle,  le  cliàteau  de  La  Rocliebeaucourt,  dont  les  apparte- 
ments, selon  le  lieutenant  criminel  Jean  Gervais,  furent  rendus 
superbes  et  magnifiquement  meublés^. 

Françoise-Athénaïse  de  Rochechouart  de  Moimtespan,  qui  succéda 
à  «  la  douce  La  Vallière  »  dans  l'intimité  du  «  Roy  Soleil  »,  ne 
manqua  pas  d'un  penchant  vif  pour  les  choses  d'art. 

Du  temps  de  sa  faveur,  M'"^  de  Montespan  avait  un  «  peintre  en 
titre  d'office,  homme  tout  à  fait  inconnu  aujourd'hui,  mais  qui  ne 
dut  pas  être  un  artiste  sans  talent  «  ;  Jal,  qui  le  rappelle,  ajoute 
sensément  que  cette  haute  dame  «  n'eût  probablement  pas  voulu 
poser  devant  un  peintre  vulgaire'  «  .  Ce  peintre  se  nommait  Jean 
de  La  Haye. 

L'altière  marquise,  excessive  en  tout,  avait  du  goût  et  du  meilleur 
parfois,  sinon  toujours.  Souvent,  les  caprices  des  jolies  femmes 
ont  du  bon  et  visent  le  Beau.  Pensant  non  sans  raison  qu' 

Lu  livre  est  ua  ami  qui  ne  change  jamais, 

M'"^  de  Montespan  installa  une  bibliothèque  dans  son  château  de 
Serres,  commune  d'Abzac,  arrondissement  de  Confolens  (Cha- 
rente); "  cette  beauté  rare  et  suprême  »  s'y  retira  pendant  sa  dis- 
grâce*. 

Entre  autres  livres  qui  en  proviennent  et  que  nous  avons  eu  la 
fortune  de  découvrir  dans  ce  département  charcutais,  on  peut 
mentionner  la  belle  édition  princeps  du  Discours  sur  l'Histoire 
universelle,  en  très  bel  état  de  reliure  :  maroquin  rouge  avec  filets, 
armes  sur  les  plats,  acquis,  depuis  une  quinzaine  d'années,  par 


'  Les  de  Cotentin  de  Tourville,  alliés  aussi  aux  La  Rochefoucauld. 

-  J.  Gkrvais,  Mémoire  sur  t'Aiigoumois  publié  par  G.-B.  de  Rencogne.  Paris, 
1864,  in-8«. 

^  Voir  Jal,  loc.  cit. 

■*  Voir  Intrigues  galantes  des  cours  de  France,  Cologue,  1688;  on  y  trouve  ce 
quatrain,  relatif  à  Mme  de  Montespan  : 

Souveraine  de  tous  les  cœurs, 
Cette  beauté  rare  et  suprême 
Au  joug  de  ses  attraits  vainqueurs 
Soumit  jusques  au  diadème. 


I 


LES    GRAXDS    AMATEURS    AlVG  0  L  MOISIM  S  .  8T9 

M.  le  baron  Jôrùine  Pichon,  qui  mourut  président  honoraire  de  la 
Société  des  Bibliophiles  français.  Ce  grand  bibliophile  possédait 
aussi,  de  même  provenance  certaine,  un  Cérémonial,  de  Denis 
Godefroy  (2  vol.  mar.  rouge).  M.  l'abbé  Bossuet,  décédé  curé  de 
Saint-Louis  en  Tlle,  à  Paris,  avait  les  OE livres  de  Grenade  (2  vol. 
in-12),  aux  mêmes  armes  de  M""  deMontespan;  enfin,  M.  le  comte 
de  La  Béraudière  conservait  des  livres  très  curieux  (livres  de  piété), 
imprimés  exprès  pour  M""  de  Montespan  '.  «  Le  duc  d'Antin  avait 
hérité  les  livres  de  M'"'  de  Montespan,  sa  mère,  et  il  avait,  outre 
cela,  les  livres  très  bien  reliés,  à  ses  armes.  Son  fer  est  beau.  J'ai 
vu  de  ses  livres  portant  sur  le  titre  :  «  Bibliothèque  de  Petitbourg.  d 
Il  avait  donc  une  bibliothèque  à  ce  beau  château*,  d  J'ajoute,  pour 
mémoire,  que  "  Mgr  le  duc  de  Mortemart  o  était  aussi  seigneur 
marquis  de  Saint-Victurnien,  sur  les  confins  du  Poitou  et  d'Angou- 
mois. 

Le  PÈRE  Lambert,  des  capucins  d'Angoulême,  a  pris  rang  parmi 
les  bibliophiles  angoumoisins.  Avec  le  savoir  du  bibliographe  et  le 
flair  du  collectionneur  pratique,  il  forma  une  bibliothèque  impor- 
tante—  dans  les  meilleures  conditions  désirables. 

Voici  ce  qu'en  dit  un  historien  local,  l  igier  de  la  Pile,  dans  son 
chapitre  consacré  aux  Capucins  : 

«  Ils  ont  surtout  un  bâtiment  pour  une  bibliothèque  qui  est  vaste 
et  bien  placée,  avec  une  belle  vue  sur  la  campagne.  Cette  biblio- 
thèque est  fort  nombreuse  et  bien  fournie.  Le  P.  Lambert,  fameux 
capucin,  natif  d'Angoulème,  a  beaucoup  contribué,  par  son  habileté 
à  faire  valoir  les  quêtes,  à  la  construction  de  ces  édifices  et  à  pour- 
voir cette  bibliothèque  de  livres.  Son  principal  fonds  vient  de  ceux 
qui  leur  ont  été  donnés  par  le  sieur  Moricet,  théologal  de  Saint- 

'  Je  dois  ces  renseignements  à  i'obiigeance  de  feu  il.  le  baron  Jérôme  Pichon. 

A  la  vente  de  la  première  partie  de  la  bibliothèque  du  baron  J.  Pichon  (mai 
1897),  les  livres  suivants,  provenant  de  la  bibliothèque  de  Aime  de  Alontespan, 
out  été  adjufjés  :  Catecltisme  des  Festes  et  autres  solennitez,  par  Alessire  Jac- 
ques-Benigue  Bossuet.  Paris,  1087.  —  Catéchisme  du  diocèse  de  Meaux,  par  te 
même.  —  Second  Catéchisme,  par  le  même,  3  part,  eu  1  vol.  in-12  rel.  mar. 
V.  (anc.  rel.).  Edit.  originales,  765  francs.  —  Discours  sur  l'Histoire  universelle, 
1,100  francs.  —  l,e  cérémonial  français,  1,011  francs.  Ces  livres  figurent  au 
Catalogue  de  la  vente  sous  les  u°'  99,  11V3,  1304. 

*  Vie  de  Cli.-ll.  comte  de  Hoyin,  par  le  baron  Jérôme  Picho.v.  (Edit.  de  la 
Soc.  des  Bibl.  français.) 


880  LES    GUAIVDS    AMATEUKS    A  \  G  0  U  M  0  IS  I\' S 

Pierre  et  abbé  de  la  Gràce-Dieu,  diocèse  de  la  Rochelle,  homme 
savant  à  qui  le  commerce  maritime  avait  procuré  une  fortune  consi- 
dérable'. "  Xons  compléterons  ces  données,  en  faisant  connaître 
qu'à  la  Révolution  la  bibliothèque  des  PP.  capucins  d'Angoulème 
contribua,  avec  les  livres  provenant  des  émigrés  de  la  province 
angoumoisine,  à  former  la  Bibliothèque  communale  de  cette  ville, 
après  avoir  servi  à  l'Ecole  Centrale  qui  s'y  était  établie. 

La  bibliothèque  desdits  capucins  avait  un  Catalogue  fort  bien 
tenu,  où  l'on  voit  mentionnés  plusieurs  livres  de  prix,  notamment:  ' 
un  Pontifical  Romain,  manuscrit,  enluminé  de  figures,  in-4°, 
plusieurs  ouvrages  imprimés  à  Angoulême  devenus  pour  ainsi  dire 
introuvables,  et  une  collection  de  Bibles  très  rares.  (Catalogue 
manuscrit.  Bibl.  d'Angoulème.) 

Mme  BouTHiLLiER,  comtesse  de  Chavigw.  Fille  unique  de  Jean 
Philipeaux,  seigneur  de  Villognon ,  en  Angoumois,  elle  avait 
épousé  Léon  Bouthillier,  comte  de  Chavigny  et  de  Bazancois,  «  fils 
unique  de  Chuule  Bouthillier  et  de  Marie  de  Bragelone,  et  qui  a 
été  successivement  conseiller  au  Parlement,  conseiller  et  secré- 
taire d'Etat,  ciiancelier  du  duc  d'Orléans,  gouverneur  du  château 
de  Vincennes,  etc.,  etc.  ""  ».  De  ce  mariage  naquirent  six  garçons 
et  sept  filles. 

La  famille  Bouthillier,  fort  connue  en  France,  figure  très  hono-  ;^ 

rablement  au  tableau  du  Corps  de  Ville  d'Angoulème  et  parmi 
les  dignitaires  de  la  vieille  magistrature  de  ce  pays.  M.  Bonnaffé, 
l'érudit  et  spirituel  auteur  de  remarquables  études  sur  les  Amateurs 
français,  n'a  point  oublié  de  mentionner  cette  Dame  ;  il  rappelle 
fort  à  propos  une  note  des  Mémoires  de  Brienne%  relative  à 
Mme  de  Bouthillier  :  «  J'ai  su  de  Mme  de  Chavigny  qu'il  (Mazarin 
dans  sa  jeunesse)  ne  revenait  jamais  d'Italie  sans  lui  rapporter  force 
pommades,  huiles  de  senteur,  savons  de  Xapleset  gants  de  Rome; 
quelquefois  même  des  tableaux  de  peu  de  valeur  et  des  chapelets 

'  l'^ançois  Viuier  de  la  Pile,  Histoire  de  l Angoumois.  (Edilion  Aliclion.) 

^  Ibid.  On  y  trouve  une  notice  biographique  précise  et  des  plus  élogieuses,  sur 

les  Boutliillier. 

^  L'une  des  filles  de  Mme  Bouthillier  de  Chavigny,  Mlle  Henriette  Bouthillier, 

épousa  Louis-Henri  de  Loménie,  comte  de  Brienne  et  de  Montbron,  «■  l'un  des 

curieux  les  plus  distingués  du  dix-septième  siècle  i ,  dit  justement  AI.  Edmond 

Bonnuffé. 


LES    GRAX'DS    AMATEURS    A\  GO  L  MO  I  S  I  \' S.  881 

bénits  OU  non,  cela  n'y  faisait  rien.  Ces  régals  plaisaient  fort  à  ma 
belle-mère  ;  elle  est,  je  crois,  après  le  cardinal,  la  personne  du 
monde  qui  aime  le  plus  à  recevoir  des  présens.  » 

M.  Boniiaffé  constate  aussi  que,  dans  sa  Revue  des  cabinets 
parisiens,  l'abbé  de  Marolles  signale  celui  de  Mme  de  Chavigny,  à 
l'hùtel  Saint-Paul,  pour  ses  «  vases,  statues,  obélisques,  escrins, 
miroirs,  globes,  coffins,  chandeliers  suspendus  et  autres  choses 
semblables  de  cristal  de  roche,  de  lapis,  d'agate  et  d'autres 
matières  précieuses  « . 

Louis  Bouthillier,  marquis  de  Poxt-Chavigxy  et  de  Villesavim, 
hérita  les  qualités  de  «  curieux  "  de  sa  grand'mère  précitée  ; 
toutefois,  il  ne  les  appliqua  pas  à  des  futilités,  à  des  «  jolités  ».  Il 
paraît  avoir  aimé  les  livres  et  s'y  entendait  ;  entre  autres,  il  acquit 
une  suite  de  volumes  qui  sont  vraiment  des  chefs-d'œuvre  de  calli- 
graphie et  qu'Eusèbe  Castaigne,  de  docte  mémoire,  eut  raison  de 
consigner  comme  tels  dans  une  de  ses  substantielles  études  biblio- 
graphiques', attendu  que  les  caractères  du  texte  manuscrit  sont 
si  purs,  si  corrects  et  si  réguliers  qu'on  les  croirait  gravés. 

Au  surplus,  voici  la  note  qu'il  leur  a  consacrée  et  que  nous 
confirmons,  nous  aussi,  de  visu  et  de  tactu  : 

"  La  Bibliothèque  publique  d'Angoulème  possède  quatorze 
volumes  in-^"  manuscrits  du  comte  de  Boulainvilliers,  et  entre 
autres  deux  volumes  de  VHistoire  du  Gouvernement  de  France, 
sept  volumes  des  Mémoires  des  Généralités  de  France  et  un 
volume  de  Pièces  détachées  sur  l'Histoire  de  France,  lesquels 
forment  dans  leur  ensemble  à  peu  près  tous  les  matériaux  de 
VEtat  delà  France.  Ces  manuscrits,  chefs-d'œuvre  de  calligraphie, 
ont  été  copiés,  de  1714  à  1722,  sur  les  originaux  de  l'auteur, 
pour  M.  Louis  Le  Bouthillier  de  Pont-Chavigny  et  de  \illesavin, 
dont  les  armes  sont  estampillées  sur  les  frontispices;  et  celles  de 
M.  de  Crussol-Montauzier,  à  qui  ces  volumes  appartenaient  avant 
la  Révolution,  sont  collées  sur  le  dos  de  la  reliure  (mar.  cilr.,  dor. 
s.  tr.).  Cette  indication  servira  peut-être  à  faire  retrouver  le  tome  V 
àeiExtraits,(\m  manque  à  la  collection  et  qui  contenait,  entre  autres 
généralités,  celles  de  Limoges,  de  la  Rochelle  et  de  Poitiers.  « 


1  Eusèbc  Castaig.ve,  Essai  d'une  Bibliothèque  historique  de  l'Aiigoumois. 
(Angoulêrae,  18V7,  in-S".) 

56 


882  I.KS    GRANDS    AMATEURS    ANGOU  M  OISINS. 

Castaigne  fait  aussi  mention  d'un  autre  manuscrit,  d'après  la 
Bibliothèque  historique  de  la  France,  tome  III,  n°  30,  718, 
Ms.  —  Lettres  de  M.  Du  Perron,  évêque  d'Angoulème,  écrites 
depuis  le  10  juillet  1634  jusqu'au  12  mai  1644,  sans  indication  de 
format.  Ce  manuscritavait  appartenu  à Z)<?w/A^-7^r««fo/5  Bouthillier, 
évêque  de  Troyes  en  1667,  après  la  démission  faite  par  son  oncle, 
ensuite  archevêque  de  Sens  '. 

Ce  messire  Denis-François  a  été  buriné  par  Saint-Simon  qui  lui 
fit  sentir  l'acuité  de  son  esprit.  Il  savait  beaucoup,  brilla  dans 
toutes  les  assemblées  du  Clergé  et  plus  encore,  dans  le  monde,  au  Ij 
jeu  et  au  milieu  des  dames"  ;  parfois,  il  visitait  son  diocèse.  C'était  & 
un  de  ces  évê(|nes  non  résidants,    comme  il  s'en  trouvait    nombre  ! 

autrefois.  Ses  livres  sont  recherchés  ;  ils  portent  Vex-libris  de  ce  j 

prélat,  c'est-à-direses  armes  familiales  :  d'azur  à  trois  fusées  d'or  ' 

rangées  enfasce. 

lîoutbillier,  surintendant  des  finances,  habitait  l'hùtel  de  Clèves, 
rue  du  Louvre;  Bouthillier,  comte  de  Chavigny,  l'hôtel  de  la 
Force,  rue  du  Roi-de-Sicile.  On  trouve  mention  d'un  Bouthillier 
de  Chavigny  parmi  lesprincipaux  personnages  qui  habitèrent  l'hôtel 
de  Harlay,  rue  Saint-Claude.  {Les  anciens  hôtels  de  Paris,  par  le 
comte  d'Aucourt.) 

La  marquise  DE  Ruffec.  Dans  le  Catalogue  des  livres  de  cette 
haute  dame  —  digne  de  la  citation  d'un  Brantôme,  —  catalogue 
rarissime  rédigé  à  l'occasion  de  la  vente  de  sa  bibliothèque  et  de 
ses  oi)jets  précieux,  il  est  dit  que  la  bibliothèque  et  le  cabinet  de 
la  marquise  de  Rufl'ec  ne  venaient  pas  de  ses  deux  maris,  mais 
qu'ils  avaient  été  formés  par  elle-même.  «  La  richesse  de  ses 
appartements,  l'élégance  recherchée  de  ses  bijoux,  le  goût  exquis 
de  ses  ameublements  découvrent  en  elle  une  intelligence  très 
complète  de  tout  ce  qui  concerne  les  Bcaux-Arls.  On  a  vu  la  vente 
qui  s'en  est  faite,  après  son  décès,  suivie  par  un  concours  étonnant 

'  On  écrivait  Le  Boutliillicr  ou  plus  simplement  Bouthillier,  conformément  à 
l'orthographe  adoptée  par  Sébastien  Boutillier,  nliàs  Bouthillier,  conseiller,  puis 
cclievin  du  Corps  de  ville  d'Angoulème,  au  seizième  siècle.  (Archives  commu- 
nales d'Angoulème,  Reg.  des  Délibérations.  —  Voir  aussi  Vigiek  de  la  Pilk,  loc. 
cit.,  édit.  IMichon.) 

-\o\v  Mémoires  de  Saint-Simon.  (Edi).  Mommercjuié  el  Paris,  t.  III,  p.  31, 
:î2.) 


LES    GR.WDS    AMATEURS    A\  G  0  L' M  0  1  S  1  VS  .  883 

des  personnes  les  plus  distinguées  et  par  les  plus  habiles  connais- 
seurs. ') 

On  peut  dire  de  Aime  la  marquise  de  Ruflec,  rivale  en  «  curio- 
sité V  (le  Aime  de  Mazarin,  —  et  l'indiscret  mais  avisé  Casanova 
rétablit  dans  ses  Mémoires  d'une  façon  piquante  et  peut-être 
même  cynique  —  vraiment  «  naturaliste  »  ,  —  qu'elle  possédait  le 
démon  de  toutes  les  curiosités. 

Sauveur-François  AIorand,  chevalier  et  secrétaire  de  l'ordre  du 
Roi,  associé  pensionnaire  de  l'Académie  des  sciences,  né  le 
2  avril  1697,  à  Chabanais  (Charente),  ou  près  de  cette  petite^ 
ville.  La  principauté  de  Chabanais  appartenait  à  Colbert.  D'autres 
personnages  qui  se  sont  illustrés  y  naquirent  :  La  Quinlinye,  surin- 
tendant des  jardins  du  roi  Louis  XIV  ;  Goursaud,  chirurgien  en 
chef  de  l'Hôpital  des  Petites-Maisons  et  professeur  au  Collège  de 
chirurgie  de  Paris  ;  les  quatre  frères  Dupont  dont  l'un  s'allia  aux 
Carnot  (les  Dupont  qui  ont  marqué  dans  l'armée,  dans  l'épiscopat 
et  dans  l'administration). 

Suivant  des  biographes,  contemporains  de  Morand,  il  était 
d'aimable  caractère,  obligeant  et,  homme  d'esprit  parfait.  Cet 
opérateur  éminent  décéda  le  21  juillet  1773  ;  son  nom  a  été  immor- 
talisé par  J.-J.  Rousseau,  auquel  il  prodigua  ses  soins. 

La  vente  de  son  cabinet,  faite  en  1773,  se  composait  de  plusieurs 
antiques,  bronzes,  médailles  et  monnaies,  —  parmi  lesquels  f-  le 
Bœuf  Âpis,  bronze,  de  la  plus  belle  conservation  et  antiquité.  Ce 
bronze  porte  trois  pouces  de  haut  sur  cinq  de  long,  adjugé  : 
150  livres.  »  Deux  Impératrices  en  albâtre  ;  les  tètes,  les  pieds  et 
les  bras  sont  de  bronze  :  331iv.  — Six  Médailles  (for  de  souverains 
contemporains:  1,179  liv.  9  sols.  —  Dix  Médailles  d'argent  de 
souverains  et  autres  personnages  :  79  liv.  —  In  gros  diamant 
brillant^  entouré  de  dix  gros  carats  et  de  dix  petits  dans  les 
angles,  le  tout  blanc.  Cette  bague  est  d'une  grande  conséquence, 
dit  le  Catalogue  :  vendue  6,001  livres.  —  Une  grande  Croix  de 
l' Ordre  de  Saint-Michel,  en  or  émaillé  :  88  liv.  —  Lue  Boîte  cariée 
de  belle  agate  d'Allemagne,  montée  en  or  travaillé  à  jour  ;  elle  e^t 
ornée  d'insectes  composés  d'agate,  de  sardoine,  oniyx,  cornaline, 
jaspe.  Cette  pièce  curieuse  a  été  faite  par  Hoffmann  :  300  liv.  (V.  Le 
Trésor  de  la  curiosité,  par  Charles  Blaxc,  tome  I".) 


884  LKS    CllAXDS    AMATEURS    A!V  G  0  U.M  OISIIV  S. 

La  vente  de  la  bibliothèque  Morand  eut  lieu  l'année  suivante. 
Voir  Catalogue  des  livres  de  la  bibliothèque  de  feu  M.  Morand,... 
Paris,  Prault,  1774,  in-8°.  Le  Bibliophile /"rancais  a  reproduit 
son  ex-libris.  Armes:  d'azur  à  cinq  codées  d'argent  ;  au  franc 
canton  d'azur  charge  d'une  épée  d'argent  garnie  d'or. 

Le  Livre-Journal  de  Lazare  Dur  aux  nous  fait  connaître  que 
Morand  achetait  chez  ce  «  marchand-bijoutier  ordinaire  du  Roy  '  » . 

Le  marquis  de  Colbert-Chabamais,  maréchal  de  camp,  avait 
tendu  les  appartements  de  son  château  de  Chabanais  de  belles 
tapisseries  dont  trois  ou  quatre,  qui  nous  sont  connues,  mettent  en 
scène  l'histoire  de  Don  Quichotte  ;  d'autres  représentent  des  chasses 
royales  d'après  des  cartons  de  A. -F.  Van  der  Meulen. 

En  1776,  JouUain,  l'expert  très  employé,  procéda  à  la  vente 
des  tableaux  du  marquis  ;  Charles  Blanc  mentionne  les  suivants  : 
Paul  Mattais.  Ence  et  Didon ;  400  livres.  —  Tournières.  Portrait 
du  Titien  et  de  sa  maîtresse;  111  livres.  —  Jouvcnet.  Sacrifice 
d'Iphigénie.  Tableau  cité  par  d'Argenville  dans  son  Voyage jjitto- 
resque  de  Paris,  et  acheté  3.000  livres  par  le  prince  de  Conti.; — 
Monnoyer.  Deux  tableaux  de  fleurs  et  de  fruits;  490  livres. 

Pierre  Glillebaud,  dit  Dom  Pierre  de  Saimt-Romuald,  a  noté 
divers  Cabinets  de  curiosité  cités  dans  le  cours  de  ces  notices.  Il 
fallait  bien  qu'il  fût  tant  soit  peu  connaisseur  pour  en  parler  avec 
une  certaine  autorité.  En  tout  cas,  il  a  rapporté  des  renseigne- 
ments estimés  intéressants  sur  des  «  Amateurs  »  ;  à  ce  titre,  il 
mérite  d'être  ici  mentionné. 

Pierre  Guillebaud,  né  à  Angoulême  le  21  février  1586,  était  fils 
de  Jean  Guillebaud  et  de  Jeanne  Masson  — dont  il  fit  les  épitaphes 
(V.  p.  262-263  de  son  Hortus  epitaphiorum  )  ;  il  fut  quelque 
temps  chanoine  de  l'église  Saint-Pierre  de  sa  ville  natale  ;  ensuite, 
il  pritl'habit  religieux  et  devint  le  "  R.  P.  Pierre  de  Saint-Romuald, 
Feuillant  •>■> . 

C'était,  j'imagine,  un  amateur  platonique  ;  mais,  enthousiaste 
rhéteur,  il  cultivait  l'hyperbole  et  la  faisait  largement  s'épanouir. 

'  Livre-Journal  de  Lazat-e  Duvaux,  1748-1758,  publié,  avec  !'«  Avertisse- 
ment et  la  JVote  i  de  .AI.  Louis  Courajod,  par  la  Société  des  Bibliophiles  fran- 
çais. (Paris,  1873,  2  vol.  in-8».) 


LES    CRAXDS    AMATEURS    A\' GO  UM  0  !  S  I  M  S  .  885 

Se  reposant  de  ses  travaux  historiques  par  la    coniposilion  d'épi- 
taphcs  en  latin  et  en  français,  Guillebaud  consacra  un  distique 
mémoire  "  d'un  j)eintre  qui  ne  cédoit  guère  à  Raphaël  d' Urbain. 
Il  est  enterre  à  Rome.  » 

Un  des  neveux  de  Guillebaud  fut  peintre  à  Augoulêmc  (dix- 
septième  siècle),  peintre  médiocre,  très  probablement;  nous  ne 
connaissons  aucun  de  ses  ouvrages. 

Dame  Hippolyte  Bouchard,  marquise  et  maréchale  d'Aubeterre, 
commanda  deux  statues  de  marbre  représentant  :  «  l'une,  le  défunt 
maréchal  d'Aubeterre,  son  mari  ;  —  l'autre,  ladite  dame  elle- 
même  » ,  aux  termes  d'un  marché  passé  entre  Mme  d'Aubeterre 
et  Simon  Van  Canfort,  sculpteur  de  la  ville  d'Anvers  ',  à  Aubeterre, 
le  27  janvier  1630. 

Sans  être  probablement  «connaisseuse",  Mme  d'Aubeterre 
demanda  du  moins  à  l'Art  de  perpétuer  sa  douleur  et  de  l'inter- 
préter. 

TisoM  d'Argence.  Leur  hùtel,  sis  sur  le  territoire  de  la  paroisse 
de  Xotre-Dame  de  la  Peyne,  à  Angoulème,  était  le  point  central 
d'une  aristocratie  de  haut  parage;  les  seigneurs  de  céans  y  don- 
naient le  ton  à  une  foule  de  braves  gens  <i  entêtés  de  noblesse  « , 
comme  dit  si  bien  Le  Sage".  On  y  voyait,  réunis  à  certaines  heures 
des  Chàteaubrun,  des  de  La  Place  —  dont  l'un,  Pierre,  fut  une  des 
grandes  figures  de  la  Réforme,  —  des  Villontreys,  des  La  Char- 
lonnie,  des  Du  Tillet,  d'autres,  d'autres  encore  dont  les  noms 
empliraient  cette  page. 

En  leur  maison  d'Angoulême,  les  Tison  d'Argence  avaient  un 
somptueux    mobilier;    plusieurs   tableaux    dont   un   bel    Hubert 


'  Ce  contrat,  découvert  par  I\l.  Paul  de  Flenry,  archiviste  de  la  Charente,  a  été 
commimiqué  par  notre  érudit  confrère  à  la  Société  archéologique  et  historique 
de  ce  département,  le  14  janvier  1885. 

Les  deux  statues  funéraires,  grandeur  naturelle,  agenouillées,  existent  encore, 
mais  fort  dégradées.  Elles  sont  placées  sur  la  plate-forme  du  tombeau  monolithe 
qui  se  trouve  dans  l'église  souterraine  d'Aubeterre.  La  statue  de  la  maréchale  est 
décapitée  :  la  tète  a  servi  de  contrepoids  au  tournebroche  d'un  honnête  habitant 
de  cettedite  commune,  pendant  plus  de  trente  ans;  actuellement  elle  est  dans  le 
cabinet  de  M.  B... 

*  Diable  boiteux. 


886  LES    GRANDS    AMATEL'RS    ANGOUMOISIN  S. 

Robert  :  Terrasse  italienne  \  quelques  bons  poitiails  de  famille, 
de  nombreuses  porcelaines  de  la  Cliine  et  du  Japon,  enfin  deux 
très  beaux  lustres  avec  pendeloques  de  cristal  *;  de  leur  biblio- 
ibèque  je  ne  dirai  pas  grand'chose,  n'en  connaissant  qu'une  cin- 
quantaine de  livres  reliés  en  maroquin  vert  orné  de  filets  dorés. 

Dans  ces  notes  rapides,  il  va  de  soi  qu'une  sorte  de  décousu,  de 
monotonie  est  inévitable  ou,  du  moins,  difficile  à  éviter,  surtout 
quand  on  n'a  d'autres  prétentions  qu'à  l'exactitude  et  la  précision; 
aussi  marquerons-nous  ^simplement  ici  le  nom  d'un  membre  de  la 
famille  d'Argence,  lequel  échangea  avec  Voltaire  une  correspon- 
dance active. 

11  est  resté  des  pages  inédites  de  cette  correspondance  voltai- 
rienne.  En  1874,  soixante-huit  lettres  adressées  par  Voltaire  au 
marquis  d'Argence  de  Dirac,  brigadier  des  armées  du  Roi,  trou- 
vées dans  la  succession  de  M.  Mathé-Dumaine,  avoué  à  Angouléme, 
furent  revendiqués  par  le  marquis  d'Argence  :  le  tribunal  d'An- 
goulême  en  ordonna  la  restitution  audit  marquis,  descendant  du 
marquis  d'Argence  de  Dirac,  en  1875. 

Le  marquis  de  Saint-Chamond,  seigneur  de  Confolens,  et  la 
belle  Claire  Mazarelli,  sa  femme,  tinrent  leur  cour  provinciale,  en 
leur  château  de  la  Villatte  (Charente),  au  milieu  d'objets  artiste- 
ment  façonnés  et  de  brimborions  charmants.  «  ...  Tous  les  beaux 
esprits  de  la  province  s'y  donnent  rendez-vous;  on  y  remarque  un 
exilé  du  Parlement,  Alaupeou,  le  président  Hocquart;  Mme  Ricco- 
boni  y  travaille  en  collaboration  avec  le  marquis;  la  Mazarelli,  qui 
se  souvient  de  la  Comédie  italienne  d'où  elle  est  partie,  cherche  à 
tromper  les  ennuis  de  cet  exil  provincial  :  ce  n'est  que  chasses, 
fêtes  et  festins;  et  ainsi  tous  s'acheminent  en  riant  vers  la  grande 
catastrophe  de  la  tin  du  siècle  ^  » 

'  Celte  très  agréable  toile  signée  et  datée  :  »  H.  Roberti,  1768  s ,  liaut.  0'",67, 
targ.  0'",83,  est  en  ma  possession. 

-Après  avoir  été  donnés  à  l'église  catliédrale  Saint-Pierre  d'Angonlème,  ces 
beaux  lustres,  acbetés  par  une  marchande  de  la  ville  de  Bordeaux,  sont  devenus 
ta  propriété  d'un  ancien  préfet  de  la  Gironde.  Ce  trafic  eut  lieu  il  y  a  une  tren- 
taine d'années. 

Voir  sur  tes  Tison  d'Argence  mes  notes  sur  Les  ancietines  paroisses  d' Angou- 
léme. (1882,  in-8".) 

^  Léonide  B.ABiLn-LARiBiÈRE,  Lettres  charentaises ,  1865  (1'^  série,  p.  4V.) 


LES    GRAXDS    AMATEURS    AIWGO  UMO  I  SI  \  S  .  887 

Largillirre  a  peint  un  porlrait  do  Mme  de  Saint-Cliamond  :  la 
belle  marquise  est  llyurêe  jusqu'aux  genoux,  de  grandeur  natu- 
relle, dans  son  costume  d'apparat;  une  négrillonne,  au  second 
plan,  lui  sert  de  repoussoir  '.  Grimm,  qui  n'était  pas  tendre,  s'est 
montré  irrévérencieux  et  brûlai  envers  la  marquise.  Kii  1771,  il 
écrivait  :  «  Les  Amans  sans  le  savoir  ont  été  joués  pour  la  pre- 
mière fois,  le  6  juillet,  à  la  Comédie-Française,  et  cette  pièce  est 
tombée.  On  ne  la  croit  pas  de  deux  amies,  mais  de  .Mme  la  mar- 
quise de  Saint-Cliamont  seule,  laquelle,  dit-on,  était  autrefois 
fille  entretenue,  connue  sous  le  nom  de  Mlle  Mazarelli,  à  laquelle 
on  a  associé,  bien  ou  mal  à  propos,  une  madame  Rozet,  qui  s'en 
est  allée  en  Russie  '.  » 

M.  de  Saint-Chamond  possédait  une  paire  de  pistolets  ricbement 
travaillés,  avec  garniture  d'argent  à  ses  armes;  ils  font  aujourd'hui 
partie  du  cabinet  d'un  de  mes  meilleurs  amis. 

Le  marquis  de  Saint-Chamond  possédait  un  cabinet  d'histoire 
naturelle  cité  par  la  Conchyliologie  nouvelle  de  17G7,  p.  313. 

Les  FÉ  DE  Barqueville  enrichirent  leur  château,  tout  proche  de 
Chàteauneuf,  d^ine  tapisserie  royale  dont  la  manufacture  des 
Gobelins  a  pu  acquérir  des  panneaux  que  l'on  considère  comme 
des  plus  remarquables  ouvrages  (jui  restent  encore  de  l'Ecole  de 
Fontainebleau  créée  par  François  I"  ^ . 

Ces  fragments  d'un  merveilleux  tissu  faisaient  partie  d'un  im- 
meuble légué  il  y  a  plus  de  vingt  ans  à  la  ville  de  Chàteauneuf 
(Charente).  Nous  avons  quelques  raisons  de  croire  que  cesdites 
tapisseries  ont  appartenu  au  château  des  Montmorency-Boutteville. 

Les  Fé  de  Barqueville  avaient  un  mobilier  relativement  luxueux  : 
l'hospice  de  Chàteauneuf,  héritier  de  cette  famille,  a  fait  vendre 
aux  enchères,  il  y  a  environ  dix  ans,  des  fauteuils,  des  canapés  et 

1  Feu  M.  [jabaud-Laribière  (Représentant  du  Peuple,  publiciste,  Préfet,  etc.), 
dont  j'ai  eu  l'Iionnenr  d'être  le  collaborateur  et  l'ami,  m'a  montré  ce  portrait 
attrayant,  à  Villecliaise,  près  Gonfolens  (Charente).  Il  en  a  été  fait  deux  copies, 
voilà  bieu  trente-cinq  ans,  par  un  peintre  angoumoisin,  M.  Gustave  Paillé;  l'une 
est  probablement  encore  à  lillechaise,  l'autre  est  chez  Mme  Gustave  de  Rcn- 
cogne,  à  .Angouièrac. 

-  Correspondance  littéraire,  philosophique  et  critique.  (1812,  t.  II,  p.  ôO.) 
'  Suivant  les  termes  d'une  lettre  adressée  par  AI.  Darcel,  alors  administrateur 
des  Gobelins,  à  M.  Énnile  Biais. 


888  l.liS    GRANDS    AMATEURS    AN  G  0  L  M  OISI  A.' S. 

d'autres  sièges  sculptés,  des  dix-septième  et  dix-huitième  siècles, 
ainsi  que  différents  objets  curieux  '. 

«  Haute  et  puissante  dame  Mme  Angélique-Isabelle  de  Montmo- 
RENCY-BouTEviLLE  -  amassalt  des  raretés.  Saint-Simon  dit  nette- 
ment qu'elle  était  «  très  avare  et  très  entasseuse  " . 

Marc-René  de  Voyer  de  Paulmy,  marquis  d'Argenson,  né  à 
Venise  —  en  1G52  selon  la  plupart  de  ses  biographes  —  était 
Angoumoisin  par  sa  mère,  Marguerite  Houlier  de  La  Pouyade, 
fille  de  Hélie  Houlier,  écuyer,  seigneur  de  la  Pouyade  et  de  Rouf- 
fiac,  lieutenant  criminel  au  présidial  et  maire  d'Angoulême;  il 
succéda  même  à  son  père  dans  la  charge  de  lieutenant  général 
qu'il  exerçait  en  1689,  lorsque  M.  de  Caumartin,  l'un  des  commis- 
saires des  Grands-Jours  tenus  cette  année-là  à  Angouléme,  le  solli- 
cita de  quitter  son  siège  et  le  décida  à  se  rendre  à  Paris,  Cette 
charge  était  «  fort  belle  -  »  ;  d'Argenson  la  vendit  75,000  livres  et 
partit.  Dans  le  cours  de  sa  fortune,  il  n'oublia  point  Angouléme 
où  il  avait  débuté  comme  magistrat;  nos  historiens  le  constatent 
avec  plaisir.  Se  souvenant  du  collège  Saint-Louis  de  cette  ville,  où 
il  avait  été  élevé,  d'Argenson  y  fonda  un  second  cours  de  philoso- 
phie. Lieutenant  général  de  police,  garde  des  sceaux,  illaissa,  mal- 
gré les  calomniateurs,  le  renom  d'un  homme  de  bien,  d'un  justi- 
cier intègre;  membre  de  l'Académie  française,  où  Fontenelle  pro- 
nonça son  Eloge,  il  fit  partie  aussi  de  l'Académie  des  sciences,  et 
donna  carrière  à  son  esprit  sagace  et  délié. 

Marc-René  d'Argenson,  qui  avait  épousé  demoiselle  Marguerite 
Le  Fèvre  de  Caumartin,  se  délassait  de  ses  graves  fonctions  offi- 
cielles au  milieu  de  ses  livres  choisis  avec  un  soin  de  bibliophile 
érudit.  Il  recherchait  les  ouvrages  rarissimes;  à  la  vente  de  l'admi- 
rable bibliothèque  du  comte  d'Hoym,  qui  eut  lieu  en  l'hùtel  Lon- 
gueville,  en  1738,  il  poussa  jusqu'à  250  livres  un  bel  exemplaire 


'  Glaces  avec  d'anciens  cadres,  tables  ouvragées  et  de  bois  de  rapport,  écrans, 
boîtes  à  jeux  laquées,  etc.  On  s'est  dispute  un  très  élégant  petit  canapé,  dont  le 
bois  chantourné  d'artistique  façon  Louis  XV  avait  attiré  l'attention  des  amateurs. 
Si  mes  souvenirs  sont  fidèles,  il  a  été  vendu  1,800  francs;  l'étoffe  de  soie  en  était 
quasiment  loquetée. 

'  Gervais,  loc.  cil. 


LES    GRANDS    AMATEURS    A  \  G  0  UM  0  1  S  IIV  S.  889 

du  Roman  des  Romans,  qui  n'avait  été  vendu  que  121  livres,  en 
1725  '  ;  il  y  acquit  aussi  pour  150  livres  les  2  volumes  in-fol.  de 
Diverses  vues  de  France  et  d'Italie,  gravées  par  Israël  Sylvestre 
et  Callot.  Les  livres  provenant  de  la  bibliothèque  de  M,-R.  d'Ar- 
genson,  frappés  à  ses  armes,  sont  très  recherchés;  ils  sont  inscrits 
aux  catalogues  des  plus  fameux  explorateurs  délivres. 

unie  raconte  dans  son  JournaV-  qu'il  acheta  '-  deux  superbes 
tableaux  faisant  pendants,  de  N.  Berghem. ..  Ils  ont  appartenu  autre- 
fois à  AI.  de  Voyer  d'Argenson  et  occupaient  une  place  distinguée 
dans  son  beau  cabinet,  comme  aussi  dans  celui  de  M.  Gaignat.  » 

L'église  de  Plassac-Rouffiac,  paroisse  dont  le  marquis  d'Ar- 
genson était  le  seigneur,  reçut  de  sa  munificence  «  une  belle 
statue  de  la  Sainte  Vierge,  en  marbre  blanc  »  ;  j'ignore  ce  qu'elle 
est  devenue. 

Son  petit-fils  eut  également  le  goût  des  Lettres  et  des  Arts  et 
protégea,  à  l'exemple  de  son  aïeul,  l'importante  Académie  de 
Saint-Luc  '. 

Jean  Gervais,  lieutenant  criminel  au  présidial  d'Angoulème, 
mérite  d'être  cité.  La  plupart  de  ses  livres,  dont  un  certain  nombre 
nous  sont  connus,  étaient  simplement  reliés  en  basane  noire,  à  la 
mode  janséniste,  mais  il  en  avait  aussi  revêtus  de  maroquin  rouge; 
il  leur  appliquait,  en  guise  à'ex-libris,  sa  large  signature  soigneu- 
sement calligraphiée. 

J.  Gervais,  esprit  observateur  et  judicieux,  a  écrit  des  Mémoires 
sur  l'Angoumois  dont  l'original  est  déposé  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale, et  que  AI.  G.-B.  de  Rencogne,  qui  fut  archiviste  de  la  Cha- 
rente, a  publiés,  en  1864,  sous  les  auspices  de  la  Société  archéolo- 
gique et  historique  de  ce  département. 

Xé  à  Angoulème  le  2  mai  1702,  Gervais  fut  nommé  maire  de 

'  Voir  baron  Jérôme  PiCHOX,  Vie  du  comte  d'Horjm.  —  Voir  aussi  le  Biblio- 
phile français. 

^Mémoires  et  Journal  de  J.-C.  Wille,  graveur  du^Roi,  publiés  par  Georges 
Duplessis.  (Paris,  185T,  2  vol.  in-8",  t.  I,  p.  398-399.') 

^  Liste  de  l' Académie  de  Saint-Luc,  des  Arts  de  Sculpture-Peinture. 

Je  trouve  cilé  dans  le  Bibliophile  français  (t.  V,  p.  123),  au  nombre  des 
livres,  recueils  tant  manuscrits  (prirnpriraés,  d'une  importance  exceptionnelle,  la 
Collection  des  pièces,  lettres  politiques,  historiques  et  littéraires  de  1630  à  1757, 
par  M.  DE  VovER  d'Argexsox.  Cette  Collection  a  été  détruite. 


890  LES    GR  A  IVIDS    AMATEURS    ANGOUMOISIM  S. 

celte  ville  sur  la  présentation  du  Corps  de  Ville  et  administra  avec 
sagesse;  il  mourut  le  23  septembre  1774. 

M.  Cossoiv  DE  GuiMPS  faisait  partie  des  principaux  bibliophiles 
qui  tinrent  un  rang  honorable  dans  notre  province,  au  dix-hui- 
tième siècle.  Les  Cosson  devinrent  Cosson  de  Guimps  après  avoir 
«payé  la  finance»  ,  au  siècle  dernier.  L'un  d'eux  fut  maire  d'Angou- 
lême  (1731-1738).  C'étaient  donc  des  gentilshommes  de  la  '-petite 
passe  »  ,  —  comme  dirait  Beroalde  de  Verville. 

h'ex-lihris  de  M.  de  Guimps  a  été  gentiment  dessiné  et  gravé 
par  de  Monchy. 

Le  Camus  de  Néville.  C'est  du  dernier  a  très-haut  et  très-puis- 
sant seigneur  "  de  Bourg-Charente  qu'il  s'agit.  François-Claude- 
Michel-Benoît  Le  Camus  de  iVéville,  chevalier,  conseiller  du  Roi 
en  tous  ses  Conseils,  maître  des  Requêtes  ordinaire  de  son  hôtel, 
directeur  général  de  la  Librairie  et  Imprimerie.  En  plus  de  ces 
titres,  il  était  aussi  «  chàtelain-palron  de  Néville,  du  Port-ÎVavarre 
et  autres  lieux.  Intendant  de  la  Généralité  de  Guyenne  et  demeu- 
rant ordinairement  à  Paris,  dans  son  hôtel,  ruede  la\  ille-l'Evêque, 
paroisse  de  la  Magdelaine  »  ,  aux  termes  d'une  pièce  officielle 
manuscrite  qui  fait  partie  d'une  liasse  des  Archives  départemen- 
tales de  la  Charente.  [Fonds  des  biens  nationaux  (familles),  1788 
et  suivantes  années.) 

A  juste  titre,  enfin,  nous  l'avons  classé  parmi  les  grands  ama- 
teurs angoumoisins.  Il  fut  une  figure  assez  originale  au  dix-hui- 
tième siècle  et  qui  valait,  en  attendant  mieux,  d'être  relevée  en  un 
croquis  rapide. 

On.  trouvait  en  ce  personnage  du  gentilhomme,  du  financier, 
même  du  fonctionnaire  pratique  tel  qu'on  en  voit  dans  les  sphères 
élevées  de  notre  époque.  Chez  lui,  l'homme  de  bon  goût,  le  biblio- 
phile surtout,  ne  dédaigna  pas  le  soin  de  ses  intérêts  positifs. 

M.  Le  Camus  de  \'éville  avait  épousé  la  veuve  de  M.  Bareau  de 
Girac  :  dameRambaud. 

La  malice  des  publicistes,  —  des  pamphlétaires  peut-être,  —  lui 
attribuait  une  filiation  d'aventure;  les  Mémoires  secrets^  ont  aussi 

'  Mémoires  secrets  pour  servir  à  V Histoire  de  la  République  des  Lettres  en 


I,KS    GUAXDS    AMATEURS    A  \  G  0  U  M  01  S  I  \' S  .  891 

dirigé  sur  M.  Le  Caiiiusiles  notes  malsonnanles  relativement  à  son 
administration. 

Chaque  année,  le  seigneur  «.  directeur  de  la  Librairie  et  Impri- 
merie »  \enait  en  ses  terres  de  Bourg-Charente  et  du  Tillou;  il  y 
résidait  quehjue  temps.  Cette  villégiature  lui  convenait,  le  repo- 
sait de  son  train  de  vie  mondain.  11  y  menait  l'existence  calme, 
largement  aisée,  au  milieu  d'unconfort  dont  les  inventaires  dressés 
sous  la  Révolution  nous  ont  laissé  le  tableau  précis.  Sa  biblio- 
thèque, notamment,  tenait  une  place  considérable  à  Bourg-Ciia- 
rente.  Elle  fut  saisie,  le  14  ventôse  an  II,  par  arrêté  du  représen- 
tant Romme,  commissaire  de  la  Convention  nationale,  en  même 
temps  que  la  bibliothèque  et  le  cabinet  de  curiosités  du  comte  de 
Jarnac,  puis  transportée  à  Angoulême.  La  Bibliothèque  commu- 
nale reçut,  par  euphémisme  ofBciel  on  doit  dire  recueillit  ainsi  un 
très  grand  nombre  de  livres  provenant  desdits  seigneurs  de  Jarnac 
et  de  Bourg-Charente. 

Les  livres  de  Le  Camus  de  JVéville  portent  soit  son  ex-libris 
gravé,  soit  ses  armes  frappées  sur  les  plats.  Ses  ex-libris  sont  de 
deux  formats. 

W.  Le  Camus  de  Xéville  signait  :  Le  Camus  de  Néville,  le  plus 
souvent  [\.  pièce  datée  1784,  Arch.  dép.  de  la  Charente,  fonds 
des  Emigrés);  il  signait  aussi  plus  simplement  :  Xéville.  (Papiers 
et  note  communiqués  par  AI.  Joseph  Castaigne.)  La  Révolution  fit 
main  basse  sur  ses  propriétés  parce  qu'il  avait  émigré.  Ses  créan- 
ciers, en  nombre  (voir  fonds  des  Arch.  précité),  réclamèrent 
auprès  du  District  de  Cognac. 

Le  26  octobre  1792,  on  rédigea  «  procès-verbal  ou  inventaire 
des  objets  mobiliers  qui  sont  dans  les  maisons  de  Bourg  et  de 
Tillou  qui  appartiennent  au  sieur  Camus  Néville  et  son  épouse, 
émigrés  v  .  On  vendit,  le  29  germinal  an  III,  une  berline  et  une 
diligence  lui  appartenant  :  «  berline j  limonière  et  harnais, 
estimés  1,500  livres  »,  furent  adjugés  moyennant  5,000  livres; 
un   autre  document  des  Archives  (même  liasse  indiquée)  étaldit 

France,  depuis  M DCCLXII  jusqu'à  nos  jours,  ou  Journal  d'un  obserrateur, 
t.  XIV%  à  Londres,  chez  Jolin  Adamson,  iMDCCLXXX.  L'exemplaire  de  cet 
ouvrage  que  je  possède  est  aux  armes  de  I^e  Camus  de  Xéville;  h"  fait  est  piquant 
à  constater.  Ce  Le  Camus  était  un  homme  d'esprit.  (Voir  aux  Pièces  justificatives, 
n"  I.) 


892  I,ES    GRANDS    AMATELRS    A\G0U.M0IS1\'S. 

aussi  la  vente  aux  enchères  d'une  autre  diligence  4,300  livres. 

Le  chAleau  de  Bourg-Charente  vidé  de  ses  meubles,  mis  à  sac, 
fut  séquestré,  bien  entendu,  et  le  citoyen  Harmand,  représentant 
du  Peuple,  demanda  et  obtint  que  le  citoyen  Le  Coq,  l'un  des 
membres  du  Directoire  régional,  fût  commis  à  l'effet  de  visiter  le 
château,  afin  d'y  loger  250  prisonniers  de  guerre,  "  la  Rochelle 
ne  pouvant  plus  contenir  les  prisonniers  espagnols i) .  (Reg.  n°  132, 
Arrêts  et  délibérations  du  déjmrtenient,  du  12  novembre  1790  au 
20  ventôse  an  II.  Arch.  dépt.) 

Voilà,  d'une  plume  hâtive,  quelques  renseignements  inédits  sur 
un  curieux  de  belles  choses  et  de  raretés  bibliographiques  dont  les 
livres  sont  encore  recueillis  par  les  plus  éminents  bibliophiles  de 
notre  temps  '. 

Le  Camus  de  JVéville  faisait,  d'ordinaire,  habiller  ses  livres  en 
veau  fauve  glacé  ou  en  maroquin  rouge  chargé  de  ses  armes  dans 
un  élégant  cartouche.  Il  possédait  entre  autres  beaux  volumes  la 
Bible  poli/glotte  de  Vitré,  in-folio,  reliée  en  maroquin  rouge,  pro- 
venant de  la  riche  bibliothèque  de  Michel  Bégon,  ci-devant  Inten- 
dant de  la  marine  à  Rochefort,  lequel  Bégon  avait  emprunté  sa 
devise  à  Grolier  :  «  Michaeli  Begon  et  amicis^.  « 

L'inventaire,  fait  pendant  la  période  révolutionnaire,  du  mobi- 
lier du  château  de  Bourg-Cliarente  est  assez  intéressant.  On  y  relève 
quantité  de  beau  linge,  notamment  des  «  serviettes  en  toile  de 
Béarn  ",  des  «  porcelaines  de  Limoges,  de  la  faïence  fine,  de  la 
faïence  anglaise  " ,  des  bras  de  cheminée  en  cuivre  doré,  un  jeu  de 
loto  Dauphin  (très  à  la  mode  alors).  Dans  la  grande  salle  de  com- 
pagnie :  quatre  chaises  garnies  de  perse;  deux  tables  à  thé  de  bois 
d'acajou;  une  lunette  anglaise  avec  sa  boîte  ;  un  canapé  et  douze 
fauteuils  en  tapisserie  en  soie;  six  chaises  gainies  de  la  même 
manière  ;  un  tabouret  en  tapisserie;  un  lustre  en  cristal  ;  six  bras  de 
cheminée  en  bronze  doré.  Dans  «  l'appartement  occupé  par  le  sieur 
de  Néville,  s'est  trouvé  :  un  lit  à  la  polonaise...  un  bureau  en  par- 
queterie;  un  bureau  en  marqueterie  ».  Dans  l'antichambre  :  une 
table  de  bois  d'acajou  avec  un  tour  d'imprimeur.  Dans  Tapparte- 

'  La  bibliollièque  très  importante  du  l)aron  Jérôme  Piclion,  dont  une  partie  a 
été  vendue  en  mai  189",  contenait  deux  ouvrages  imprimés  provenant  de  la  biblio- 
thèque de  Le  Camus  de  Néville,  n""  1092  et  1443  du  Catalogue. 

^  Celte  belle  Bible  appartient  h  la  Bibliothèque  d'Augoulême. 


I.KS    GRAXnS    AMATEURS    A  M  G  0  U  M  0  I  S  L\  S  .  893 

meut  (le  niailame  :  un  lit  a  la  turque  en  moire  et  en  tapisserie; 
six  laiiteuils  en  tapisserie;  un  canapé  en  moire;  un  écran  en  moire 
et  en  tapisserie;  une  petite  table  en  parqueterie;  un  tabouret  de 
velours  d'Utreclit.  Dans  un  «  arrière-boudoir  »...  une  table  à  thé 
de  bois  d'acajou;  un  bureau  en  pcnlure  de  la  Chine  [sic]  avec  un 
dessus  de  marbre;  une  petite  chiffonnière  chinoise;  un  écran; 
cinquante-six  estampes,  sous  verre,  encadrées,  etc. 

Charles-Rosalie  de  Rohaiv-Chabot,  comte  de  Jarnac.  Homme 
de  tète,  actif,  menant  de  front  ses  affaires  d'intérêt  et  ses  plaisirs, 
participant  même  aux  fêtes  de  la  Cour  non  par  goût,  mais  par  diplo- 
matie, le  comte  de  Jarnac,  mestre  de  camp  du  régiment  de  Jarnac- 
dragons,  réalisait  le  type  du  curieux  provincial  vers  la  fin  du  dix- 
huitième  siècle  :  sa  bibliothèque,  dont  le  fonds  principal  remontait 
au  berceau  de  sa  maison,  le  nombre  important  de  ses  pièces  de 
porcelaines  fines,  françaises  et  étrangères;  son  cabinet  de  physique 
et  d'histoire  naturelle  (coquilles,  cristaux,  collections  entomolo- 
giques);  enfin  ses  multiples  portefeuilles  emplis  de  dessins  et 
d'estampes  bien  choisis'  affirmaient  ses  qualités  d'amateur  intelli- 
gent et  éclairé,  de  crayonneur  agréable,  de  chercheur  avisé. 

Envoyait-il,  de  Paris,  à  son  fidèle  architecte  factotum,  François- 
Nicolas  Pineau,  des  morceaux  d'artistes  réputés,  notamment  des 
tableautins  de  Hubert-Robert,  des  sanguines  de  Greuze,  il  inscri- 
vait sur  le  châssis  de  la  toile,  sur  le  panneau  ou  au  verso  de  la 
feuille  'i  illustrée  »  des  indications  pour  .l'exposition  de  ces 
ouvrages. 

Protecteur  de  Pineau,  qu'il  avait  eu  dans  son  régiment  de  dra- 
gons, à  Strasbourg,  le  comte  de  Jarnac  était  l'un  des  familiers  du 
grand  «  petit  maître  dessinateur  »  Jean-Michel  Moreau  le  jeune, 
beau-frère  de  Fr. -Nicolas  Pineau;  il  était  des  habitués  de  l'atelier 
de  Joseph  et  de  Carie  Vernet,  parents  de  Moreau;  de  plus,  il 
appartenait  à  c-  l'Académie  de  Société  »  formée  par  ces  artistes 
d'élite  chez  le  duc  de  Rohan-Chabot,  associé  à  l'Académie  royale 
de  peinture. 

Ce  comte  de  Jarnac  avait  de  qui  tenir.  Certains  de  ses  prédéces- 


'  Voir  Emile  Biais,  M.  le  comte  de  Jarnac  et  son  château,  dix-Iiuilième,  dix- 
neuvième  siècles,  d'après  des  documents  inédits.  Angoulême,  1884,  iu-8°. 


894  LES    GRAiVDS    AMATEURS    A  \  GO  LM  OISIX  S. 

seurs  au  cliàteau  de  Jainac,  sur  territoire  angoumoisin,  ne  man- 
quaient pas  non  plus  du  sens  du  Beau.  L'inventaire  des  meubles 
de  ce  cliàleau  seigneurial  ',  dressé  le  23  janvier  1668,  à  la  mort 
de  messire  Louis  Chabot,  sur  l'ordre  de  la  veuve  (dame  Cathe- 
rine de  La  Rochebeaucourt),  porte  mention  d'un  très  grand  nombre 
de  pièces  de  tapisserie,  de  meubles  en  marqueterie,  des  fauteuils 
et  des  chaises  «  fasçon  d'ebesne  avec  filets  d'or  v ,  des  tapis  de 
Turquie,  garnitures  de  lits  de  velours  brodés  d'or,  d'argent,  de 
soie,  etc.,  etc.;  une  argenterie  vraiment  princière.  Les  Chabot 
avaient  transporté  dans  leur  hôtel,  à  Paris,  la  meilleure  partie  de 
leurs  richesses  artistiques;  toutefois,  il  se  trouvait  des  meubles  de 
luxe  et  quelques  tableaux,  mais  non  des  plus  précieux,  dans  leur 
château  de  Jarnac  au  siècle  dernier. 

Nous  avons  eu  l'aimable  fortune  de  glaner  quelques-unes  de 
leurs  épaves;  en  voici  l'indication  sommaire  :  sept  petits  tableaux 
de  RuineSj  cascade  Tivoli^  Intérieur  d'un  Temple,  Apothéose 
théâtrale^  Pai/sages,  par  «  Hubert  Robert  «  ;  —  Bœufs  au  pâtu- 
rage, "  W.  Hartinck  « .  —  Pastorale  :  u.  F.  Xavery  «  ;  Charles  XII 
chez  les  Turcs,  à  la  plume  touchée  d'aquarelle  :   «  Palmerius  »  ; 

—  Villageoise,  vie  illard  {tètea),  sanguines  de  Greuze;  — Paysage 
(animé)  par  Vincent  Vandervinne,  —  Portrait  du  cardinal Mazarin/ 

—  Ports   maritimes.    Haltes  de  cavalier   (Éc.   flamande)  ;   — 
«if.  le  duc  de  Rohan,  fait  ce  -4  novembre  1634  pour  et  par  D.  Du- 
moustier  »,  dessin  original  aux  trois  crayons;  —  Mlle  de  Mont- 
pensier,  gr.  nat.,  etc. 

Ce  cabinet  du  comte  de  Jarnac  enfermait  une  suite  nombreuse 
de  dessins;  le  peu  qui  nous  en  reste  démontre  bien  qu'il  était 

.Agréaljje  aux  yeux  uns  que  le  bon  sens  éclaire. 

Un  au  Ire  comte  de  Jarkac,  Charles-A\ivibal  de  Rohan-Chabot, 
dit  le  chevalier  de  Léon  (né  le  1-4  juin  1687),  aima  les  choses 
bien  façonnées.  En  tout  cas,  nous  savons  qu'il  s'approvisionnait 
chez  l'orfèvre  Herbeau  d'objets  de  sa  fabrication  ^ 

1  Inventaire  des  Meubles  et  Effets  existant  dans   le  château  de  Jarnac  en 
1668,  d'après  l'original  des  archives  de  la  Charente,  avec   deux  béliogravures, 
publié  et  annoté  par  Emile  Biais.  Angoulème,  1890,  in-S". 
.  *  Voici  en  quels  termes  il  formulait  sa  demande  d'un  de  ces  objets  : 

»  Je  prie  Herbeau  de  menuoyer  un  petit  flacon  de  poche  avec  son  étuit  pour 


LES    GllAXDS    AMATEURS    A  \  G  OU  M  0  I  S  I  M  S.  895 

Enfin  il  n'est  pas  hors  de  propos  de  rappeler  que  le  comte  de 
Jarnac  figure  en  un  lablcau  de  H.  Olivier  :  Le  Thé  à  l'anglaise 
chez  le  prince  de  Conti.  (Musée  du  Louvre.) 

Indi(|uons  aussi  sommairement  des  arcs,  flèches,  harnachements 
mexicains,  un  casque  anglais,  des  minéraux,  des  cristaux,  des 
coquilles,  etc.,  qui  composèrent  l'ancienne  collection  de  l'École 
Centrale  d'Angoulême  (an  VHI)  et  qui  provenaient  du  château  de 
Jarnac. 

Fkaxçois-Nicolas  Pineau,  — fils  de  Dominique  Pineau,  rélégant 
et  léger  sculpteur  ornemaniste,  petit-fils  du  maître  décorateur 
Xicolas  Pineau,  celuK-là  même  qui  inventa  le  «  contraste  »  en 
sculpture  ornementale,  créant  ainsi  le  style  de  transition  de  la 
Régence,  —  François-Xicolas  Pineau  fut  plus  et  mieux  qu'amateur 
de  médiocre  importance  :  il  fut  artiste  aussi.  C'est  lui  qui  hérita 
et  conserva  des  centaines  de  dessins  de  ses  pères  et  qui  les  laissa  à 
des  héritiers  dont  certains  se  montrèrent  dédaigneux  de  ces  déli- 
cieuses inventions  au  point  de  les  abandonner  aux  caprices  de 
leurs  bambins,  d'y  découper  des  polichinelles,  de  les  entasser, 
avec  des  actes  d'inutile  procédure,  dans  leurs  greniers  et  jusque 
dans  les  paniers  à  vendanger  relégués  à  la  cave,  durant  de 
longues  années,  pour  cause  de  phylloxéra. 

IVé  en  plein  épanouissement  du  dix-huitième  siècle  (1746), 
F.-\.  Pineau  suivit  les  cours  de  l'architecte  Dumont,  à  Paris, 
remporta  haut  la  main  plusieurs  médailles  à  l'Académie  royale, 
s'engagea  dans  le  régiment  de  Jarnac-dragons,  devint  l'architecte 


mettre  de  l'eau  de  Lusse,  (jueje  luy  payerai  en  me  remettant  ce  billet;  si  pouvoit 
aussi  menuoyer  par  le  presaut  porteur  la  grande  tabatière  d'ecaille  que  je  luy  eay 
donné  a  acomoder,  il  me  feroit  plaisir  a  cause  que  je  la  renuerrois  en  province 
par  un  homme  qny  par  tout  a  leure  ;  mes  deux  autres  tabatière  dcurois  estre 
faitte  ;  je  payeres  le  tout  en  retirant  mon  billet.  Je  ne  ses  sy  Ihomme  quy  deuoit 
aller  prandre  la  mesure  des  coflre  de  mon  carosse  y  a  esté  ;  je  nous  prie  de  luy 
faire  demander,  car  le  tant  presse,  et  cy  vous  ponuiez  passer  icy  demain  un  car 
d'heure  dans  la  matinée  je  vous  expliqueras  ce  que  je  veux  faire  dans  ces  deux 
coflre. 

B  J.\nxAC. 

s  A  Paris,  ce  samedy  20  février  1740.  s 

Ce  billet  m'a  été  communiqué  par  il.  le  baron  Jérôme  Pichon  ;  il  faisait  partie 
de  sa  collection  d'autographes. 


896  LES    GRAMDS    AMATEUHS    AN  GOUMO  1  SI\' S. 

du  comte  de  .larnac,  fut  nommé  par  M.  Lecamus  de  Néville 
architecte  de  la  géiiéralit'î  de  Guyenne  et  finit  ses  jours  à  Jarnac,  où 
le  premier  Empire  l'avait  improvisé  juge  de  paix. 

Pineau,  beau-frère  de  J.-M.  Moreau  le  jeune,  exposait  dans 
ses  appartements,  soigneusement  encadrées  et  sous  verre,  une 
quantité  de  gravures  du  maître  dessinateur-graveur;  il  conservait 
aussi  avec  un  soin  jaloux  des  dessins  et  des  estampes  coloriées  de 
son  neveu  Carie  \ernet.  Il  y  avait  correspondance  régulière  entre 
ces  aimables  gens.  Grâce  à  leurs  confidences  réciproques,  nous  con- 
naissons les  petites  misères  de  leurs  foyers  ',  leurs  luttes,  leurs 
désespérances,  leurs  joies.  Chez  cet  excellent  Pineau  l'on  voyait 
tôt  à  qui  Ton  avait  affaire  :  les  reliefs  de  la  splendeur  de  ses 
parents  offraient  encore  un  régal  exquis  aux  amoureux  des  Arts 
de  l'ancien  régime,  amoureux  dont  il  était  bien  aussi. 

Ce  dix-huitième  siècle  pailleté  d'esprit,  enguirlandé  de  roses  et 
qni  disait  si  joyeusement  :  «  Après  moi  le  déluge!...  »  ce  siècle 
allait  subir  une  transformation  radicale.  Pineau  assista,  certaine- 
ment attristé,  à  cette  révolution  excessive.  Eu  feuilletant  la  collec- 
tion qui  nous  est  parvenue  de  ses  dessins,  on  sourit  à  la  vue  de  ses 
efforts  pour  obéir  au  goût  du  Consulat  et  de  l'Empire,  —  alors 
que  le  style  «  néo-grec  v  imposait  officiellement  sa  ligne  froide  et 
rigide  comme  une  lame  de  glaive  aux  héritiers  des  maîtres  char- 
mants de  la  «  rocaille  »  et  des  «  contrastes  » . 

Marc-René,  marquis  de  Momalembert,  ne  saurait  être  oublié  *. 
Ingénieur  militaire,  de  haut  savoir,  Montalcmbert  fut  encore  un 
lettré  délicat,  un  amateur  instruit  à  la  bonne  école.  Il  aimait  les 
peintures  de  Joseph  Vernet  et  pensait  sur  ce  peintre  charmant 

'  Voir  Emile  Biais,  Les  Pineau,  sculpteurs,  dessinafeurs  des  bâliments  du 
Roi,  graveurs,  architectes  (1652-188('>),  d'après  des  documents  inédits,  avec  des 
renseignements  nouveaux  sur  J.  Hardouin-AIansard,  les  Prault,  imp. -libraires  des 
fermes  du  Roi,  Jean-Micliel  Aloreau  le  jeune,  les  Feuillet,  sculpteur  et  bibliothé- 
caire, les  Vernet,  etc.,  édition  des  Bibliophiles  français.  (Paris,  Lahure,  grand 
in-K  1892.) 

-  Voir  ma  notice  sur  Le  Corps  de  Ville  d'Atigouléme  et  le  marquis  de  Monta- 
lemhcrt.  (Création  de  la  londerie  de  canons  à  Ruelle.) 

Marc-René  de  Montalcmbert  ne  naquit  pas  le  16  juillet  1714,  comme  l'ont  dit 
jusqu'à  nous  tous  ses  biographes  :  il  fut  »  baptizé  i  ce  jour-là  en  l'église  de  X.-D. 
de  la  Peyne,  suivant  l'attestation  du  baplistaire  paroissial.  (Reg.  de  N-D.  de 
la  Peyne.  .^rch.  d'Angoulême.) 


LES    GUA\DS    AMATEURS    A  i\  G  0  U  MO  IS  IN  S.  891 

comme  Diderot.  Joseph  Vernet  l'avait  connu  à  Avignon;  il  le 
comptait  même  au  nombre  de  l'élite  de  ses  familiers  ', 

Dans  le  catalogue  de  l'œuvre  du  maître  «  pastelliste  »  La  Tour, 
on  trouve  mention  d'une  figure  de  Montalembert.  Augustin  de 
Saint-Aubin  a  gravé  son  portrait.  Voir  aussi  son  élégant  portrait 
mis  en  tète  de  son  livre  sur  la  Fortification. 

Montalembert  n'est  pas  oublié  de  ses  concitoyens.  Ils  savent  que 
ce  brillant  officier  général,  membre  de  l'Académie  des  Sciences  et 
de  celle  de  Saint-Pétersbourg,  fut  un  patriote  clairvoyant  :  avec 
Carnot,  avant  Carnot  il  organisa  la  défense  nationale;  nul  plus  que 
lui  n'eut  le  sentiment  profond,  la  pratique  du  désintéressement.- 
Ce  savant,  ce  délicat  amateur  fut  aussi  écrivain  aimable,  d'esprit 
délié,  élégant  et  clair. 

Les  Montalembert  d'Angoumois  eurent  d'ailleurs  l'intelligence 
du  Beau,  de  l'Art  à  des  degrés  différents  ;  en  1705,  un  proche 
parent  du  marquis,  Jehan  Montalembert  de  Gers,  fut  peint  par 
Nicolas  Monteilh".  Le  seigneur  de  Gers  avait  employé  souvent  le 
talent  de  Monteilh,  son  compatriote. 

Un  autre  Montalembert  (Nicolas-Prosper),  «  au  lieu  du  Groc, 
paroisse  de  Fouquebrune,  «  avait  réuni  dans  un  petit  cabinet  tendu 
de  tapisseries  de  Bergame  des  «  livres  rares  et  quelques  jolis 
tableaux  ^  « .  Il  n'en  restait  que  peu  de  chose  en  1793,  le  26  août, 
lors  de  la  vente  qui  fut  faite  du  mobilier  de  ce  Nicolas-Prosper  de 
Montalembert,  émigré  \ 

Des  Cordes.  —  Pierre  des  Cordes,  député  à  l'Assemblée  nationale, 
mourut  premier  président  de  la  cour  de  Poitiers  en  1823.  Né  à 
Angoulême  d'une  famille  d'artisans  qui  compta  parmi  les  siens  des 
procureurs,  des  avocats  et  des  ecclésiastiques  de  savoir  et  d'impec- 
cable loyauté,  il  descendait  d'une  dame  Jeanne  des  Cordes,  venue  de 
Limoges  à  Angoulêmedansle  cours  du  dix-septième  siècle,  ainsi  que 
l'atteste  un  registre  paroissial  de  l'église  Saint-André  de  cette  ville. 

'  Parmi  les  adresses  enregistrées  par  Vernet,  on  voit  celle-ci  :  i  M.  le  mar- 
quis de  Montalembert,  rue  Neuve  des  Bons  Enfants.  »  (Voir  Joseph  Vernet,  par 
Léon  Lagra.vge.  Paris,  1864,  p.  441  et  passim.) 

^  Voir  Emile  Biais,  Artistes  angoumoisins. 

^  Renseignement  communi(jiié  par  M.  de  Tryon-Montalembert. 

*  Procès-verbal  de  la  vente.  (Archives  départementales  de  la  Charente.  Biens 
nationaux.) 

57 


808  LES    GRANDS    AMATEURS    A\GOUMOISINS. 

Il  était  très  probablement  arrière-neveu  de  «  Jean  des  Cordes, 
chanoine  de  Limoges,  bibliophile  réputé,  mort  en  1643  «,  dont 
Pierre  Guillebaud,  précité,  fît  l'épitaphe  en  vers  bien  intentionnés 
que  voici  : 

i  Des  Cordes  n'est  pas  mort,  seulement  sa  belle  ame, 
Lasse  d'avoir  un  corps  pesant  et  ennuyeux, 
L'a  laissé  dans  la  terre  en  une  froide  lame 
Et  s'est  allé  là  haut  reposer  dans  les  cieux  : 
Les  homes  de  scavoir  ont  tousiours  cette  gloire, 
Malgré  la  mort,  de  vivre  au  temple  de  mémoire  ^  » 

Daniel  du  Moustiers  a  dessiné  le  portrait  du  bibliophile  Des 
Cordes.  (V.  la  nomenclature  dressée  par  A.  de  Montaiglon.) 

Pendant  la  période  révolutionnaire,  Pierre  des  Cordes,  citoyen 
incorruptible,  servit  son  pays  en  toute  conscience  :  studieux,  obser- 
vateur sagace,  il  connaissait  et  les  gens  et  les  choses.  Un  de  ses 
délassements  fut  de  réunir  des  objets  d'art  et  de  curiosité  en  petit 
nombre  il  est  vrai,  mais  choisis  à  bon  escient  :  belles  tapisseries 
des  Gobelins  qu'il  acheta  à  Paris,  flambeaux  d'argent,  boîtes- 
drageoirs  ornées  de  miniatures,  livres  en  belle  reliure. 

Son  fils,  le  chanoine  Adolphe  des  Cordes,  qui  s'éteignit  âgé  de 
plus  de  quatre-vingt-douze  ans  en  1894^  avait  beaucoup  voyagé  : 
d'Italie,  il  avait  rapporté  des  vases  antiques,  des  peintures,  des 
bronzes,  etc.  M.  le  chanoine  des  Cordes  s'entendait  en  émaux 
limousins  dont  il  avait  formé  une  série  intéressante;  il  ornait  aussi 
son  cabinet  de  peintures  des  Breughel  de  Velours,  de  Salvator 
Rosa  et  de  quelques  autres  maîtres;  enfin  il  possédait  de  belles 
statuettes  en  ivoire  de  vieille  facture.  Avec  ses  qualités  d'ama- 
teur, doué  d'un  esprit  lumineux  et  d'un  caractère  très  élevé,  le 
chanoine  A.  des  Cordes,  prédicateur  éloquent,  était  réputé  pour  son 
infatigable  bienfaisance  et  sa  parfaite  dignité. 

C'est  une  mémoire  à  laquelle,  amateurs  et  gens  de  bien,  nous 
devons  rendre  hommage. 

V 

Claude  Trémeau,  «  maire  d'Angouléme  nommé  à  l'unanimité 
des  voix  -  »  en  1757.  Conseiller  au  présidial,  savant  en  Jusroma- 

'  Hortus  Epitaphiorum seleclorum.  (Paris,  1648,  in-12,  p.  358.) 
'  Registre  des  Délibérations  du  Corps  de  Ville.  (Archives  municipales  d'An- 
goulême.) 


LES    GRANDS    AMATELRS    A  \  GO  U.M  0  I  SI\  S.  K99 

num  et  sans  doute  en  Droit  français,  M.  Trénieau  avait  probable- 
ment besoin  d'œuvres  d'art  qui  missent  du  charme  en  son  logis 
où  dame  Thémis  lui  faisait  escorte. 

M.  le  baron  Nivet,  conseiller  général  de  la  Charente,  m'a 
montré  une  remarquable  partie  du  mobilier  de  son  aïeul  :  quatre 
belles  consoles  en  bois  doré  et  sculpté  avec  table  de  marbre  agatisé 
(dix-huitième  siècle),  un  canapé  et  six  fauteuils  en  tapisserie  (Fables 
de  la  Fontaine);  quelques  bons  tableaux;  de  nombreuses  faïences 
françaises  et  étrangères;  des  jattes,  assiettes,  vases,  etc  ,  de  porce- 
laine de  la  Chine  et  du  Japon;  de  très  élégantes  appliques-porte- 
lumière  en  bronze  ciselé  et  doré,  de  belles  commodes  en  bois  de 
rapport,  garnies  de  bronzes  dorés  et  ciselés  (Louis  XV  et  LouisXVI)  ; 
armes  de  luxe  avec  garnitures  d'argent  buriné. 

JVous  lui  devions  bien  cette  petite  citation  —  justifiée. 

En  vertu  des  lettres  de  nobilitation  octroyées  aux  maires 
d'Angouléme,  M.  Claude  Trémeau  devint  M.  Trémeau  de  Fissac. 

Voilà  notre  petite  contribution  à  l'histoire  des  Amateurs  fran- 
çais. 

Emile  Biais, 

Archiuiste-Bibliotliécaire  de  la  villed'An- 
goulême,  Correspondant  du  Comité  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départe- 
ments. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  ET  COMPLEMENTAIRES 

N°  I.  —  M.  Le  Camus  de  Néville  avait  pour  secrétaire  général 
M.  de  Sancy.  (Voir  hi  permission,  datée  de  Paris  le  31  juillet  1783, 
donnée  au  sieur  Rouzeau-Montaut,  imprimeur  à  Orléans,  pour  l'impression 
des  OEuvres  complètes  de  Gessner,  3  vol.  in-I2.) 

Voici  quelques-unes  des  notes  malsonnantes  auxquelles  nous  avons  fait 
allusion;   elles  proviennent  des  Mémoires  secrets  sus-indiqués  : 

«  5  avril  1779.  —  On  parle  beaucoup  d'une  dénonciation  faite  au  Parle- 
ment concernant  M.  Le  Camus  de  Néville,  directeur  de  la  Librairie  ;  dénon- 
ciation qui  roule  vraisemblement  sur  ses  opérations  dans  ce  département.  » 

u23yMm  1779.  —  La  dénonciation  faite  par  M.  d'Epreraesnil  aux 
Chambres  assemblées  contre  les  arrêts  du  Conseil  rendus  sous  la  direc- 
tion de  M.  Camus  de  Néville,  concernant  la  librairie,  ayant  été  renvoyés 


900  I-ES    GKAXDS    AMATEURS    A  IVGO  L  M  0  ISI.\' S. 

au  2  juillet  pour  y  être  stalué,  les  gens  de  lettres,  les  libraires  et  autres 
intéressés  à  ce  qu'elle  ait  des  suites,  ont  jugé  nécessaire  d'éclairer  le 
Parlement  au  moment  où  il  va  s'occuper  de  l'affaire  et  répandu  en  consé- 
quence une  Lettre  d'un  libraire  de  Lyon  à  un  libraire  de  Paris,  en  date 
du  premier  mars  1779.  Toute  la  vigilance  du  chef  de  la  librairie  et  du 
garde  des  sceaux  n'ont  pu  empêcher  l'apparition  de  ce  pamphlet. 

K  24yMm.  —  Outre  la  Lettre  d'un  libraire  de  Lyon  à  wn  libraire  de 
Paris,  il  y  a  la  Réponse  du  libraire  de  Paris  en  date  du  15  mars.  L'objet 
de  la  première  est  plus  spécialement  de  rendre  odieux  M.  de  Kéville,  en 
découvrant  toute  l'iniquité  de  son  ouvrage  et  les  motifs  de  cupidité  sordide 
qui  l'on  poussé.  Dans  la  seconde,  on  cherche  à  capter  le  Parlement,  et  à 
l'engager  à  ne  pas  se  désister  d'une  recherche  qui  le  compète  et  rentre 
dans  la  plus  essentielle  de  ses  fonctions. 

«  1^^  juillet  1779.  —  La  Réponse  du  libraire  de  Paris  est  encore  plus 
vigoureuse,  s'il  est  possible,  contre  M.  Camus  de  Néville.  On  y  avance  des 
anecdotes  et  des  faits  non  moins  cruels;  on  lui  reproche: 

1°  Que  le  produit  de  l'estampillage,  dont  une  partie  étoit  assignée  pour 
les  vacations  des  syndics  et  autres  officiers  de  la  librairie,  est  passé  tout 
entier  entre  ses  mains. 

2»  Qu'ayant  paru  favorable  aux  contrefacteurs,  il  les  a  rudement  vexés 
par  un  impôt  sur  chaque  volume;  en  sorte  que  plus  il  avoient  multipliés 
les  contrefaçons,  plus  il  leur  en  a  coûté  ;  au  point  qu'à  tel  libraire  il  en 
coûte  15,000  livres  d'argent  comptant  sec. 

3"  D'avoir  porté  à  un  taux  excessif  le  tarif  qui  taxe  le  format  et  le 
nombre  des  volumes  qu'on  aura  permission  d'imprimer. 

4°  Enfin,  qu'en  mettant  ces  impositions  arbitraires,  en  se  réservant  la 
faculté  de  les  augmenter  quand  il  le  voudra,  en  les  établissant  à  perpé- 
tuité, on  ne  se  rendant  comptable  à  personne  des  deniers  qu'il  recevra,  il 
a  formé  une  entreprise  contraire  à  la  constitution  nationale  et  à  toute 
espèce  de  gouvernement. 

C'est  ce  qui  motive  la  confiance  des  libraires  dans  le  Parlement, 
d'autant  que  les  derniers  arrêts  du  Conseil  non  revêtus  de  lettres  patentes, 
sont   absolument  contraires  aux  lois  enregistrées  concernant  la  librairie. 

«  Avant  d'avoir  recouru  à  cette  voie  extrême,  ils  ont  dû  épuiser  les 
autres.  Il  i'alloit  démontrer  à  M.  le  Directeur  que  les  arrêt  violent  mani- 
festement les  loix  de  la  propriété;  que  la  manière  dont  ils  ont  été  faits, 
leur  clandestine,  le  secret  gardé  aux  conseillers  du  bureau  dont  ils  sont 
censés  émanés,  prouvent  la  perversité  de  la  besogne;  quej  ses  défenseurs 
ne  sont  que  des  sophistes  et  des  écrivains  flatteurs  mercenaires  ;  que  tout 
est  contradictoire  et  dans  ses  arrêts  et  dans  ses  apologies  ;  il  falloit  tenter 
par  une  requête  bien  motivée  d'obtenir  le  renvoi  des  griefs   au  bureau 


LES    GRA\DS    AMATEUllS    A  \  G  0  U  M  0  I  S  [  MS.  901 

charoê  de  celte  espèce  de  législation;  il  falloit  conviiincrc  W.  de  Néville 
par  un  jugement  en  justice  réglée,  tel  que  celui  entre  la  dame  Dessaint 
et  le  S"'  Paucton,  que  jamais  les  tribunaux  n'adopteroient  ses  arrêts, 
contraires  à  toutes  les  notions  de  justice  et  d'équité. 

u  2 juillet.  —  Outres  les  deux  lettres  dont  on  a  parlé,  concernant  les 
réclamations  des  auteurs  et  des  libraires,  il  en  paroît  une  troisième, 
Lettre  de  .1/***  à  im  libraire  de  ses  amis,  en  date  du  18  avril  1779.  Son 
objet  est  de  rappeler  sommairement  tout  ce  qui  a  été  dit  de  plus  lumineux 
dans  le  écrits  précédens  en  faveur  des  plaignans,  et  de  faire  sentir  au 
Parlement  qu'il  ne  peut  s'empêcher  de  statuer  sur  leur  griefs,  pour  ne 
pas  être  en  contradiction  avec  les  loix,  auquellesil  a  donné  la  sanction  par 
l'enregistrement. 

«  'i  juillet  1779.  —  Il  est  certain  que  le  Directeur  actuel  de  la  librairie 
a  trouvé  dans  son  tarif  une  mine  d'or,  s'il  peut  le  maintenir  sur  le  pied 
qu'il  a  imaginé. 

Pour  une  édition  in-folio,  chaque  vol.  tiré  à 1500  exem- 
plaires   2401ivres. 

Pour  une  édition  in- 4.   idem 120 

Pour  une  édition  in-8.  idem. 60 

Pour  une  édition  in-12.  idem 30 

Pour  une  édition  in-16.  idem 15 

Telle  est  la  taxe  des  objets  les  plus  importants. 

«  3  aoxU  1779.  —  M.  le  garde  des  sceaux  ',  protecteur  de  M.  de  Néville, 
qu'on  veut  être  son  fils,  avoit  tant  intrigué  dans  le  Parlement,  qu'il  avoit 
exicore  fait  remettre  l'assemblée  des  Chambres  concernant  les  arrêts  du 
Conseil  sur  la  librairie  au  mardi  10.  M.  Séguier  y  a  parlé,  à  ce  qu'on 
assure,  avec  beaucoup  de  force,  et  s'est  trouvé  absolument  opposé  aux 
innovations  du  chef  de  la  librairie.  Malgré  cela,  le  crédit  l'a  encore 
emporté  et  il  n'a  rien  été  statué.  » 

Ces  extraits  des  Mémoires  secrets"^  sont  donnés  ici  au  seul  litre  de  docu- 
ment. Il  est  probable  que  M.  Le  Camus  de  Néville  trouva  à  se  disculper  ; 
mais  je  n'ai  point  eu  le  loisir  de  rechercher  les  preuves  de  sa  justification. 

É.  B. 

ï  On  sait  que  le  garde  des  sceaux  ('tait  alors  W.  Hue  de  Jliromcsnil. 

^  Ces  Mémoires,  connus  sous  le  titre  de  Mémoires  de  Baclummont,  ont  eu 
successivement  pour  rédacteurs  :  L.  Petit  de  Bachaunaont,  M. -F.  Pidansat  de 
Mairobert,  Moufle  d'Angervillc  et  autres.  (V.  Barbier,  Dictionnaire  des  Ouorages 
anonymes .) 


m 


902     LES    PEINTRES    DE    I/HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX- 


XLIX 

LES  PEI\TTRES 

DE 

L'HOTEL  DE  VILLE   DE   BORDEAUX 
ANTOINE  LE  BLOND  DIT  DE  LATOUR 

PEIXTRE  DU  ROV,  BOURGEOIS  DE  LA  VILLE  DE  PARIS  ET  NATIF  d'ICELLE, 

PEIXTRE  ORDINAIRE  ET  BOURGEOIS  DE  LA  VILLE  DE  BORDEAUX, 

PREMIER  PROFESSEUR  DE  l'ÉCOLE  ACADEMIQUE  ET  MEMBRE  DE  l'aCA DEMIE  DE  PEINTURE 

ET  DE  SCULPTURE  DE  BORDEAUX. 

1630  (?)  t  9  décembre  1706. 

Antoine  Le  Blond  dit  de  Latour  est  né  à  Paris,  d'Antoine  Le 
Blond,  maître  orfèvre  et  bourgeois  de  la  ville  de  Paris  et  de 
Geneviève  Le  Masson.  Il  épousa,  à  Bordeaux,  paroisse  Saint- 
Mexent,  Marie-Madeleine,  fille  de  Jacques  Robelin,  architecte  du 
Roi,  le  7  juin  1665,  fut  nommé  premier  professeur  de  l'Ecole 
académique  de  Bordeaux,  le  29  avril  1691,  et  mourut  dans  cette 
ville,  le  9  décembre  1706,  rue  Saint-James,  paroisse  Saint-Eloy'. 

Antoine  Le  Blond  dit  de  Latour,  peintre  officiel  de  la  ville  de  Bor- 
deaux, eut  une  influence  considérable  sur  les  Beaux-Arts  dans  la  ré- 
gion du  Sud-Ouest.  Non  seulement  la  déférence,  avec  laquelle  il  était 
traité  par  ses  collègues,  démontre  la  supériorité  de  son  talent  et  de  ses 
connaissances  artistiques,  mais  il  fut  le  fondateur  de  l'Ecole  acadé- 
mique de  Bordeaux,  la  plus  ancienne  de  France  ^.  A  ce  titre  seul  il 

•  Ij'Ecole  académique  de  Lyon  semble  avoir  été  fondée  avant  celle  de  Bor- 
deaux, d'après  les  Procès-verbaux  de  l'Académie  Royale  mais,  M.  Gharvet,  dont 
la  compétence  ne  saurait  être  mise  en  doute,  dit  :  »  Nous  ne  croyons  pas  que 
Blanchet  ait  obtenu  des  lettres-patentes  spéciales  pour  Lyon,  r»  —  L.  Gharvet, 
Les  origines  de  l'enseignement  public  des  arts  du  dessin,  à  Lyon,  aux  xvii*  et 
xviu"  siècles.  Réunions  des  sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements,  Paris, 
Pion  etCi%  1878,  p.  122. 

-  Les  Pièces  justificatives   sont  placées  dans  l'ordre  cbronologique.  Chaque 


LES    PEINTRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.     903 

aurait  droit  à  la  reconnaissance  publique.  Ecrire  la  vie  de  Le  Blond 
de  Latour,  c'est  faire  l'histoire  de  cette  Ecole  qui,  après  bien  des 
vicissitudes  est  devenue  notre  École  municipale  des  Ueaux-Arts. 

Les  notes  biographiques  qui  ont  été  publiées  sur  ce  peintre 
estimable  sont  des  plus  succinctes.  Elles  ne  fournissent  aucun 
renseignement  sur  ses  parents,  sur  ses  travaux  et  présentent  quel- 
ques affirmations  plus  que  douteuses. 

Nous  avons  été  assez  heureux  pour  trouver  dans  les  minutes  des 
notaires  et  dans  les  feuillets  non  classés,  débris  de  l'incendie  de  nos 
archives  municipales  ',  de  très  nombreux  documents  qui  nous  per- 
mettent de  faire  connaître  la  famille  de  notre  peintre,  une  partie  des 
portraits  et  des  tableaux  qu'il  a  exécutés  et  les  difficultés  qu'il  a  eues 
à  subir  pour  établir  et  maintenir  l'École  académique  de  Bordeaux. 

Les  pièces  justificatives  annexées  au  mémoire,  que  nous  avons 
l'honneur  de  présenter,  faciliteront  notre  tâche.  Il  suffira,  en  effet, 
que  nous  résumions  brièvement  les  diverses  pièces  qui  concernent 
Le  Blond  de  la  Tour,  peintre,  écrivain,  professeur,  pour  que  l'on 
puisse  apprécier  le  talent  de  l'artiste,  et  que  nous  réservions  un  cha- 
pitre renvoyant  aux  documents  sur  sa  famille  pour  que  l'homme 
privé  soit  connu. 

I 

Lehlond  de  Latour,  peintre  de  l'Hôtel-de-Ville. 

Le  6  juin  1665  «Antoine  Le  Blond  dict  de  Latour  a  preste  le 
«  serment  de  peintre  ordinaire  de  la  Ville  au  casresquis  etaccous- 
tt  tumé,  au  lieu  et  place  de  Philippe  Deshays  » ,  lit-on  dans  le 
registre  de  la  Jurade.  C'est  la  première  mention  officielle  qui 
concerne  notre  peintre.  Le  lendemain,  il  se  mariait  à  Saint- 
Mexent,  en  exécution  de  son  contrat  de  mariage  passé  par-devant 
M°  Licquart,  notaire,  le  3  mai  1665. 

date  citée  indique  ainsi  la  preuve,  sans  avoir  besoin  de  répéter  indéfiniment  les 
renvois  aux  pièces  annexées. 

'  Nous  rappelons  que  c'est  dans  les  feuillets  demi-brùlés,  sauvés  de  l'incendie 
de  nos  Archives  municipales,  que  nous  avons  trouvé  la  plupart  des  documeuls  qui 
nous  permettent  de  donner  aujourd'hui  des  listes  certaines  de  noms  dejurats.dontles 
portraits  furent  peints  par  les  peintres  de  l'Hôtel  de  ville.  Le  labeur  a  été  consi- 
dérable, mais  les  résultats  ont  été  excellents,  <^ràce  à  l'affabilité  de  l'archiviste 
municipal,  M.  Ducaunnès-Duval,  que  nous  ne  saurions  trop  remercier. 


90-t    LES    PEINTRES    DE    1,  HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

Il  est  certain  que  s'il  fut  nommé  peintre  ordinaire  de  la  ville, 
c'est  que  les  édiles  connaissaient  son  talent,  et,  s'il  se  mariait  le 
lendemain  de  sa  nomination,  c'est  qu'il  habitait  Bordeaux  depuis 
(luelque  temps  déjà.  Cela  est  incontestable.  Mais  rien  n'autorise  à 
croire  que  Le  Blond  de  Latour  s'établit  à  Bordeaux  en  1656,  comme 
J.  Delpit  et  Bellier  de  la  Chavignerie  l'affirment'.  La  pièce  la  plus 
ancienne  sur  laquelle  nous  avons  vu  sa  présence  constatée  est  son 
contrat  de  mariage,  fait  le  3  mai  1665  ^ 

Les  peintres  de  l'Hôtel  de  ville  avaient  pour  mission  spéciale 
de  peindre  les  portraits  des  jurats  sortant  de  charge,  soit  trois  par 
année,  en  pied,  et  trois  en  buste,  d'entretenir  les  tableaux,  c'est-à- 
dire  les  portraits  des  anciens  jurats,  ceux  du  Roi  et  de  la  famille 
royale,  les  toiles  qui  décoraient  la  chapelle,  enfin  de  prendre  part 
aux  peintures  décoratives  des  fêtes  officielles,  armoiries  qu'on 
plaçait  aux  mais,  tableaux  allégoriques  des  arcs  de  triomphe  et 
des  maisons  navales  lors  des  entrées  royales  ou  princières.  Ils 
étaient  donc  les  peintres  de  portraits  des  jurats,  les  conservateurs 
du  Musée,  les  peintres  décorateurs  de  la  ville  ^ 

La  collection  des  portraits  des  maires  et  jurats  de  Bordeaux 
aurait  aujourd'hui  un  prix  inestimable.  On  y  verrait  tous  les  grands 


'  J.  Delpit,  Fragment  de  l' Histoire  des  arts,  à  Bordeaux,  Gounouilhou,  1853, 
in-12  de  50  pages.  —  Bellier  de  la  Chavignerie.  Dictionnaire  des  artistes^  Paris, 
Renouard,  1885,  in-8°. 

-  Si  Le  Blond  de  Latour  habitait  Bordeaux  en  1656,  on  trouvera  son  nom  lié  à 
celui  de  J.-B.  Garnier,  sieur  de  Boisgarnier,  son  ami,  auquel  il  dédia  sa  Lettre 
sur  la  peinture.  Celui-ci  fut  receveur  de  la  comptablie  à  Bordeaux,  où  des 
actes  notariés  signalent  sa  présence  de  1656  à  1669.  \ons  ne  connaissons  que 
deux  pièces  qui  rappellent  les  rapports  d'amitié  qui  les  unissaient,  mais  elles  sont 
importantes  :  le  contrat  de  mariage  de  Le  Blond  de  Latour,  3  mai  1665  et  la 
dc'dicace,  de  la  brochure  rarissime,  à  M.  de  Boisgarnier,  1669. 

'  Le  peintre  ordinaire  de  la  ville  était  inscrit  sur  les  comptes  du  trésorier 
parmi  les  menus  officiers  de  l'Hôtel  de  Ville.  Il  touchait  120  livres  de  gages  par 
-an  pour  i  l'entretenement  des  tableaux;  135  livres  par  an,  pour  trois  portraits  de 
jurats,  en  long,  c'est-à-dire  en  pied,  soit  45  livres  par  portrait  et  3  livres  par 
écusson  ou  armoirie  que  l'on  plaçait  aux  mais.  Les  Entrées  royales  ou  princières, 
celles  des  (jouverneurs  ou  des  Archevêques  lui  fournissaient  de  très  nombreux 
travaux  de  décoration  :  maisons  navales,  arcs  de  triomphe,  maison  des  ha- 
rangues, etc.  Les  honneurs  funèbres,  rendus  aux  Rois  ou  aux  grands,  mausolées 
ou  catafalques,  devaient  leur  fasic  au  talent  du  peintre  de  la  ville,  enfin  les  com- 
mandes particulières  de  la  noblesse,  du  clergé,  de  la  magistrature  ou  de  l'Uni- 
versité apportaient  à  l'artiste  officiel,  par  les  nombreux  portraits  ou  tableaux 
d'église,  non  seulement  le  bien  être,  mais  la  considération. 


LES    PEI\TRES    DE    LHOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.     905 

hommes  qui  ont  illustré  la  Guienne  depuis  Biron,  Montaigne  et 
d'Ornano  jusqu'au  vicomte  du  Hamel,  c'est-à-dire  la  noblesse, 
l'armée,  le  barreau,  le  commerce  et  la  bourgeoisie,  depuis  trois 
siècles  et  demi.  Mais  des  accidents  aussi  graves  qu'imprévus  nous 
ont  privés  à  tout  jamais  de  la  plus  grande  partie  de  ces  précieux 
souvenirs    des  bienfaiteurs  et   des  hommes  célèbres  de  la  cité. 

Le  13  décembre  1657,  l'une  des  tours  de  l'Hôtel  de  ville  sauta 
avec  la  moitié  des  bâtiments  dans  lesquels  un  violent  incendie  se  dé- 
clara. La  foudre  avait  mis  le  feu  aux  poudres  de  l'arsenal  municipal. 

Un  autre  désastre,  plus  funeste  encore,  fut  l'incendie  qui  se 
déclara  le  jeudi  saint,  en  1699.  "  Le  16  «  avril  i  sur  les  huit  à 
"  neuf  heures  du  soir,  jour  du  Jeudi-Saint,  le  feu  prit  à  la  Cha- 
«  pelle  de  l'Hôtel  de  Ville  qui  fut  tout  incendiée  à  moins  d'une 
«  heure  de  temps  à  cause  de  la  grande  quantité  de  Tableaux  et 
K  Portraits  de  MM.  les  jurafs,  et  autres  matières  combustibles  qui 
«  étoient  dans  ladite  Chapelle,  en  telle  sorte  que  sans  le  bon  ordre 
«et  la  vigilance  desdits  sieurs  jurats  qui  prirent  toutes  les 
«  précautions  nécessaires  pour  éteindre  le  feu,  le  Corps  de  logis 
«  attenant  à  ladicte  Chapelle  où  le  feuavoit  déjà  commencé  àpren- 
«  dre,  auroit  été  consommé...  '  « 

—  Enfin,  le  28  décembre  1755,  la  salle  de  spectacle  attenante  à 
l'Hôtel  de  ville  fut  détruite  de  la  même  façon  et,  des  chambres 
de  réunionsdesjurats,  il  ne  resta  que  des  murailles  noircies,  des 
bâtiments  effondrés  et  à  peine  quelques  salles  étayées,  lézardées, 
aux  plafonds  menaçants. 

Que  sont  devenus  les  portraits  de  nos  maires  et  jurats,  faits 
par  les  peintres  ordinaires  de  la  ville?  Les  familles  étaient  auto- 
risées à  emporter  ceux  de  leurs  parents,  après  plusieurs  années 
d'exposition  dans  l'hôtel  de  ville.  Ils  n'ont  donc  pas  tous  péri 
dans  les  incendies;  il  en  reste  encore  dans  des  greniers  ignorés; 
on  peut  en  sauver  encore.  Xous  pouvons  en  signaler  trois, 
ceux  de  Al.  et  AI°"  Tillet  -  et  celui  de  M.  de  Cornet. 

1  Tillet,  Chronique  bordeloise.  Simon  Boé,  1703,  p.  220. 

-  On  lit  au  dos  :  a  M.  Tillet,  auteur  de  la  Chronique  bourdeluise .  L'autre 
porte  cettn  simple  mention  :   «  il™*^  Tillet.  d  Voir  ci-après  planches  LU  et  LUI. 

Pierre  de  Cornet,  avocat,  fut  jurât,  166T-1669  et  1678-10S();  Trésorier  de  la 
Ville,  1680-1682,  fut  député  à  la  Cour  par  la  Ville,  le  15  juillet  1679.  C'est  son 
grand-père  qui  fit  faire  les  études  à  saint  Vincent  de  Pau!  et  son  père  qui  l'eut 
comme  précepteur. 


906     LES    PEINTRES    DE    LIIOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  donnons  la  liste  des  portraits  dont  nous 
avons  relevé  les  quittances,  soit  dans  les  registres  des  mande- 
ments, soit  surtout  dans  les  feuillets  demi-brûlés,  restes  de  l'in- 
cendie de  nos  archives  municipales.  Assurément  Antoine  Le  Blond 
de  Latour  a  peint  toutes  les  jurades  de  1665  à  1691,  au  moins, 
date  à  laquelle  il  fît  donner,  à  son  fils  Marc-Antoine,  la  survi- 
vance de  sa  charge,  mais  ignorant  à  quel  moment  précis  il  quitta 
le  pinceau,  nous  donnons  les  noms  des  jurats  portés  sur  les  reçus 
de  1665,  date  de  sa  nomination,  à  1706,  date  de  sa  mort;  soit 
100  portraits  en  pied  qui  ont  été  faits  en  même  que  109  portraits 
en  buste  : 


1686,  mats  13.  — 

1668,  mars  21.  — 

1671,  juiil.  21.  — 

1672,  août  20.  — 

1673,  juin.  29.  — 

1674,  août  18.  — 

1675,  mai  4.  — 

1676,  nov,  4.  — 

1677,  juin.  21.  — 

1678,  lévr.  12.  — 
1678,  juilJ.  20.  — 
1680,  sept.  11.  — 

1682,  juin.  12.  — 

1683,  juill.  U.  — 

1684,  juill.  31.  — 

1685,  juill.  31.  — 

1686,  janv.   19.  — 

1687,  janv.   15.  — 

1688,  août      9.  — 

1689,  juin    27.  — 

1690,  juill.  26.  - 

1691,  juill.     3.  — 

1692,  mars  29.  — 


M.M.  de    Ponchat,    sieur    de    Ségiir,    Clary    et 

de  Sossiondo. 
Madailhan,  Duvant  et  Roche, 
de  Vivey,  de  Licterie  et  Mercier. 
Mallet,  Noguès  et  Lostau. 
Ponthelier,  Sabatier  et  Vailoux. 
Ponchat,   Durribaut  et  Béchon. 
Fonteneil,  Boisson  et  Roche, 
de  Boroche,  Minvielle,  Carpentey,  de  Jehan 

et  Dubosq. 
de  Lalande-Deffieux,  Chicquet  et  Billalte. 
deBourran,de  Poitevin, Roche  de  laTuque. 
de  Guionnef,  Uuprat  et  Cournut. 
de  Sallegouide,  Cornet,  Pontoise,  de  Jehan, 

procureur  syndic, 
de  Lacour,  Romat  et  Léglise. 
de  Maniban,  Jégun  et  Navarre. 
Dasle,  Fresquet,  Dumas, 
de  Primat,   Dudon,    IMinvielle,    de  Jehan, 

Dubosq,  Clerc  de  Ville. 
Mérignac,  Belluye  et  Lavergne. 
de  Perron,  de  Méginhac  et  Foucques. 
de  Mérignac,  de  Fonteneil  et  Massieu. 
de    Blanc    de    Mauveisin ,    de    Brezets    et 

Miramond. 
de  Secondât,  Boyrie  et  Carpentey. 
de  Lancre,  Grégoire  et  Barreyre. 
D'Aste,  Eyraud  et  Lavaud. 


l-bnilii-  1,11.  I^ifjf   'JOIÎ 

MxADAMK     Tll.  I.ET 

Kianiic  m:  i.'htki  i;   di:  i. i       i:niiu\ioi  i:  iioinmu.oisr.  « 

iMl;    i\Tiii\i:    l,i:   liLuMi   Pli    m:   i.lToll; 

(1700.) 


n 


LES    PEI\TRES    DE    l/HOTEI,    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.    907 

1693,  août  11.  —  MM.  de  Poiimaiède,  Loydfit  et  Mitamon. 

1694,  févr.  1.  —  de  Peirelongue,  Fault  et  Séguin. 

1695,  janv.  19.  —  de  la  Devise,  Camebous  et  Fénellon. 

1696,  janv.  30.  —  de  Tayac,  Planche,   de  Sage,   Puybarban. 

1697,  janv.  3.  —  Dubarry ,    Roche,    de     Pichon ,    Lostau, 

LedouI.\. 

1698,  avril  5.  —  de  Galatheau,  de  Richon  et... 

1699,  juill.  21.  —  de  Mondenard,  Boirie  et  Billate. 

1700,  août  11.—  de  Martin,  Tillet  et  Rebail. 

1701,  août  31.  —  d'Essenauit,    Lauvergnac  et    Bensse. 

1702,  août  28.   —  Gouffreteau,  Levasseur,  Mercier. 

1703,  juill.  11.   —  d'Antac-Dalesme,  Maignol,  Viaiit. 

Antoine  Le  Blond  de  Latour  peignit  plusieurs  portraits  sur  la 
commande  des  Jurais  : 

1670,  juin     18.  —  Portrait  du  Roi. 

1672,   mai     17.   —  Réparation  du  portrait  du  maréchal  d'Ornano, 

maire  de  Bordeaux  '. 
1675,   mai       4.  —  Autre  portrait  du  Roi. 

1677,  juill.    21.   —  Portrait  du  Dauphin. 

1678,  juin     10.   —  Portrait  de  la  Reine. 

1678,  févr.   12.  —  Portrait  de  M.  de  Berthous,  jurât. 
1684,  juill.     3.   —  Portrait  du  Roi  sur  son  trône. 
1684,.  juill.  31.  —  Réparation  de  la  Passion  figurée. 

Le  Blond  de  Latour  avait  fait,  le  5  juin  1666,  un  Crucifix^ 
pour  premier  travail,  mais  il  avait  dû  aussi  réparer  plusieurs  por- 
traits qui  avaient  souffert  des  injures  du  temps  et  des  hommes,  faire 
des  armoiries  des  lambris,  des  &oe5rt^^5,  des  îoixw-hohjyour  encadrer 
les  portraits  des  jiirats.  Ces  mots  :  faux-bois,  boisages,  lambris, 
sont  en  toutes  lettres  dans  les  mandements.  Ces  travaux,  quoi  qu'on 
en  puisse  penser,  n'avaient  rien  de  déshonorant,  car,  alors,  il  n'y 
avait  pas  de  spécialistes  comme  aujourd'hui  et  le  peintre  officiel  de 
la  ville  était  chargé,  non  seulement  des  portraits  des  jurats,  mais 
aussi  des  décorations  picturales  des  fêtes  publiques,  de  l'entretien 
des  tableaux  et  de  tout  ce  qui  se  rapportait  à  ces  commandes. 

'  Nous  donnons,  aux  Pièces  justificatives,  la  liste  des  entrées  des  rois,  princes, 
gouverneurs,  etc.,  des  fêtes  publiques,  auxquelles  Le  Blond  de  Latour  a  dû  pren- 
dre part  comme  peintre  officiel  de  la  ville.  On  y  trouvera  aussi  les  extraits  d'ar- 
chives concernant  ces  travaux. 


908     LES    PEIMTRES    DE    LHOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

On  ne  se  rend  pas  un  compte  exact  de  ce  qu'était  la  vie  intime 
des  peintres  et  des  sculpteurs  en  province,  sous  le  règne  de 
Louis  XIV.  Rien  ne  distinguait  l'artiste  de  l'artisan,  sinon  le  talent. 
Nous  développerons  ailleurs  cette  question;  il  suffira,  ici,  que 
nous  donnions,  aux  Pièces  justijicatives,  le  texte  d'un  contrat 
d'apprentissage,  semblable  à  tous  les  contrats  d'apprentissage,  que 
«  François  Poiiliot,  maistre  paintre  demeurant  à  Saint-Jean  de 
Luz  ))  passait  à  Cordeaux,  le  21  avril  1666,  avec  «  sieur  Anthoine 
Le  Blond  dict  Latour ,  bourgeois  et  maistre  <  paincture  [sic)  juré  de  la 
présente  ville  " .  Cette  pièce  démontre  qu'un  artiste  officiel,  vénéré 
par  ses  concitoyens,  n'était  considéré  que  comme  un  simple  artisan. 
Ces  mœurs  peuvent  paraître  étranges,  mais  les  textes  d'archives 
les  constatent  '. 

Leblond  de  la  Tour  était  un  peintre  habile.  Les  portraits  de 
M.  de  Cornet,  jurât,  1680  (voir  planche),  de  M.  Tillet,  jurât,  1700, 
auteur  de  la  Chronique  bordelaise,  et  de  M°"  Tillet,  sa  femme 
(voir  planche),  sont  d'un  dessin  serré  et  agréable.  Les  yeux,  notam- 
ment, sont  traités  avec  une  sûreté  d'expression  qui  fait  pardonner 
une  certaine  sécheresse  des  lèvres,  assez  commune  dans  les  por- 
traits du  xiii^  siècle.  Le  dessin  est  ferme  et  large,  la  couleur  devait 
être  harmonieuse,  mais  ces  toiles  ont  tellement  poussé  au  noir  et 
ont  subi  de  si  outrageuses  retouches  qu'il  est  difficile  d'apprécier 
aujourd'hui  les  qualités  brillantes  du  peintre. 

II 
Leblond  de  Latour ^  écrivain  d'art. 

La  bibliothèque  de  Bordeaux  possède  une  plaquette  unique  — 
encore  manque-t-il  les  planches  —  qui  témoigne  de  la  droiture  du 
jugement  et  du  sentiment  élevé  de  l'art  que  possédait  Leblond  de 
Latour  :  «  Lettre  du  sieur  Leblond  de  Latour  à  un  de  ses  amis, 
«  contenant  quelques  instructions  touchant  la  peinture,  dédiée  à 
«  M.  de  Boisgarnier,  R.  D.  L.  C.  D.  Fj  à  Bourdeaux  ;  par 
«  Pieri'c  du  Coq,  imprimeur  et  libraire  de  l  Université ^  1669, 
«  in-S"  de  Idpages.  »  L'auteur  signe  à  la  dernière  page  :  «  Leblond 

'  1666,  avril  21.  —  Contrat  d'apprentissage  entre  Le  Blond  de  Latour,  peintre, 
et  François  Pouliot,  aussi  maître  peintre,  pour  son  Ois  Jean.  —  Voir  Pièces  justi- 
ficatives à  la  date  indiquée. 


l';.j|(-   ilUX. 


l'Ijmlle  1,111. 

l'IliUKK    l)K    COXIKT.    WnCAT 
JiRiT  m;  liOP.DiMLX,    ](i(i7-lG()î)  i:t    l()7S-l(i,S0  ;   Titi:somi:i!   ni:   i.i   iii.r.r:,    IliSO-KiS 
l'Mi    \\Ti>l\K   l.i;   iil.oM)   iiiT   m;   i.\ti)II; 
IfiSO.) 


LES    PEIXTKES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BOUDE  AUX.     909 

de  Latour,  peintre  de  l'Hôtel  de  ville  de  Bourdeaux.  »  Une 
planche,  relative  aux  proportions  du  corps  humain,  manque  dans 
le  texte  ;  elle  aurait  j)ermis  de  juger  si  la  sûreté  de  main  de 
l'artiste  égalait  la  rectitude  du  jugement  de  l'écrivain. 

La  dédicace  à  M.  de  iJoisgarnier  nous  déroute.  Ordinairement 
les  professeurs  dédient  leurs  travaux  à  leurs  protecteurs,  aussi 
aurions-nous  été  heureux  d'y  trouver  le  nom  de  Lebrun  qui  fut, 
croyons-nous,  le  maître  de  Leblond.  Celui  de  M.  de  Boisgarnier 
n'éveille  en  nous  que  l'idée  d'un  condisciple,  d'un  élève  ou  d'un 
ami  des  arts  qui  a  aidé  ou  fait  travailler  Leblond. 

Jean-Baptiste  Garnier,  sieur  de  Boisgarnier,  était  originaire  de 
Chartres,  où  son  père  habitait.  Il  occupait  à  Bordeaux  unesituatioîi 
importante,  parce  qu'elle  relevait  des  6nances,  où  les  emplois  ont 
toujours  été  largement  rétribués.  Il  habitait  l'hôtel  de  la  Compta- 
blie,  fossés  du  Chapeau-Rouge,  à  l'angle  de  la  rue  Saint-Remy  '. 
J.-B.  de  Boisgarnier  est  le  seul  témoin  qui  représenta  la  famille  de 
Leblond  dans  son  acte  de  mariage.  Il  y  figure  comme  ami  et  non 
comme  parent,  ce  qui  nous  porte  à  penser  qu'il  fut  l'instrument  de 
l'installation  de  notre  peintre,  à  Bordeaux,  de  son  mariage  et  de 
ses  rapports  avec  les  ingénieurs  et  architectes  du  Château-Trompette. 

La  lettre  contenant  quelques  instructions  sur  la  peinture  est 
une  conférence  sage  et  raisonnée,  pleine  d'enseignements,  par  la 
hauteur  des  sentiments,  l'enthousiasme  pour  le  beau,  l'admiration 
de  l'antique,  la  glorification  de  la  couleur.  Elle  rappelle  les  leçons 
que  les  académiciens  donnaient  à  Paris  à  la  même  époque. 

Nous  n'analyserons  pas  l'œuvre  de  l'artiste  écrivain,  parce 
qu'elle  n'offre  qu'un  intérêt  rétrospectif,  mais  nous  devons  dire 
que  le  mérite  littéraire  fait  valoir  celui  du  professeur.  Certaine- 
ment les  règles  qui  sont  exposées  sont  surannées,  l'exagération 
de  la  méthode  peut  paraître  choquante,  mais  on  doit  reconnaître 
une  sincérité,  un  amour  de  l'art,  une  distinction  de  sentiment,  un 
respect  de  la  vérité  qui  donnent  la  meilleure  opinion  de  celui  qui 
organisa  plus  tard  l'Ecole  académique  de  Bordeaux. 

Après  avoir  chaleureusement  recommandé  l'étude  de  l'antique, 
Leblond  de  Latour  cite  parmi  les  artistes  modernes:  Ch.  Lebrun, 


'  J.-B.  de  Boisgarnier  était  receveur  de  la  comptablie  de  Fraucc,  d'où  les  let- 
rcsR.  D.  L.  C.  I).  I'. 


910     LES    PEINTRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

que  nous  avons  tout  lieu  de  croire  son  maître;  Le  Poussin,  dont 
Lebrun  fut  l'élève,  qu'il  semble  avoir  vu  travailler,  et  le  Titien, 
dont  il  admire  sans  réserves  la  couleur. 

Il  décrit  le  procédé  employé  par  Le  Poussin  pour  composer  et 
éclairer  ses  tableaux.  «  Je  ne  puis  m'empêcher  d'apprendre  [à 
"  l'élève]  l'invention  du  fameux  M.  Poussin  qui  est  presque  seul 
«  de  nostre  temps  qu'on  peut  comparer  aux  anciens  pour  ses  belles 
ic  inventions  qui  lui  ont  acquis  une  estime  immortelle  parmy  les 
t  savants...  Cet  liomme  admirable  et  divin  n  préparait  une  sorte 
de  caisse  dans  laquelle  il  ménageait  des  Irons  au-dessus  et  sur  les 
côtés,  qu'il  ouvrait  ou  fermait  pour  éclairer  l'intérieur  à  volonté. 
Il  donnait  ainsi  à  son  tableau  restreint  le  même  jour  que  devait 
recevoir  son  tableau  en  grand,  à  la  place  qu'il  occuperait. 

La  partie  inférieure  de  la  caisse  était  mobile,  percée  de  trous 
et  garnie  de  cbevilles.  Il  modelait  alors,  avec  de  la  cire  molle,  le 
nu  des  personnages  qu'il  voulait  placer  dans  la  composition,  les 
drapait  avec  des  étoffes  minces  mouillées,  formait  des  accidents 
de  terrain,  puis  après  avoir  éclairé  son  tableau  en  ouvrant  des 
soupapes  pour  donner  le  jour  convenable,  il  plaçait  son  œil  au 
point  déterminé  et  voyait  ainsi  la  scène  au  naturel. 

Dans  les  conseils  que  donne  Le  Blond  de  Latour,  on  pourrait  criti- 
quer ceux  qui  recommandent  les  mesures  de  convention  du  corps 
bumain,  c'est-à-dire  le  maniérisme,  et  la  composition  des  tons  con- 
ventionnels pour  les  chairs,  les  verdures,  les  terrains,  etc.;  vrai  dan- 
ger si  la  copie  terre  à  terre  de  la  nature  n'était  pas  chaleureusement 
conseillée.  Mais  il  faut  se  rappeler  que  sous  Louis  XII  on  régenta 
toutes  choses,  l'art  lui-même,  et  que  ce  fut  l'une  des  principales 
causes  d'une  décadence  qui  tomba  dans  l'afféterie  sous  le  règne  de 
Louis  XV. 

Notre  peintre  ne  peut  pas  être  rendu  responsable  des  idées 
fausses  qui  furent  préconisées  de  son  temps,  aussi  quoi  qu'on  pense 
de  la  méthode  et  des  procédés  qu'il  conseille,  on  restera  convaincu 
qu'il  était  instruit  de  son  art  et  «  qu'il  écrivait  avec  «  une  habileté 
peu  commune  en  son  temps  comme  aujourd'hui  '  d  . 

'  Jules  Delpit,  qui  fut  toujours  un  critique  fort  difficile,  qualifie  Leblond  de  la 
Tour  »  peintre  et  écrivain  distingué  t.  11  ajoute  :  «  quant  au  mérite  littéraire  de 
M.  Leblond,  sa  lettre  prouve  qu'il  écrivait  avec  tme  habileté  peu  commune  dans 
ce  temps  et  qu'il  était  non  seulement  instruit  de  son  art,  mais  qu'il  avait  même 


LES    PEIMTRES    DE    I.  HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAL'X.     911 

Lel)loiul  de  Latoiir  avait  une  éducation  supérieure  ;  son  esprit 
était  éclairé,  ses  sentiments  élevés,  il  devait  avoir  le  crayon  aussi 
sûr  que  sa  plume  était  habile. 

III 

Lehlond  de  Latour,  premier  professeur  de  VEcole  académique 

de  Bordeaux. 

«  Leblond  dict  Latour,  bourgeois  de  la  ville  de  Paris  et  natif 
di"\ce\\Q,  paintre  du  Roy,  «  telles  sont  les  qualités  qui  figurent  sur 
le  contrat  du  3  mai  et  sur  l'acte  de  mariage  du  7  juin  1665.  Jl 
avait  donc  déjà  une  réputation  établie  sur  des  travaux  sérieux.  Tout 
porte  à  croire  qu'il  fut  l'un  des  élèves  de  l'Ecole  de  l'Académie  de 
Paris,  qu'il  travailla  sous  les  ordres  de  Lebrun  dans  les  immenses 
travaux  que  Louis  XIV  confia  au  grand  artiste.  Cette  conjecture 
s'appuie  sur  de  nombreuses  considérations  qui  ne  peuvent  être 
développées  ici.  Elle  sera  contrôlée  le  jour  où  nous  connaîtrons 
la  cause  de  l'arrivée  à  Bordeaux  du  peintre  Le  Blond  de  Latour. 
Quelle  qu'elle  soit,  il  n'en  sera  pas  moins  établi  que,  s'il  n'a  pas 
professé  à  Paris,  il  avait  des  élèves  à  Bordeaux,  en  1669,  et  que  le 
ton  de  ses  leçons  était  celui  de  l'Académie  royale. 

IVommé  peintre  de  l'Hôtel  de  ville,  le  6  juin  1665,  écrivant  des 
lettres  sur  la  peinture  en  1669,  il  est  tout  naturel  que  Leblond, 
qui  était  Parisien,  ait  été  attiré  vers  les  Ecoles  académiques  que 
Colbert  fit  créer  par  lettres  patentes  de  décembre  1676.  Aussi 
voyons-nous  qu'en  juillet  1688,  le  secrétaire  de  l'Académie  royale, 
Guérin,  écrivait  à  notre  artiste  :  "  Ne  vous  impatientez  pas;  si  jus- 
«  qu'à  présent  vous  n'avez  point  eu  de  nouvelles  de  votre  affaire.  » 
Cette  affaire,  c'était  la  création  d'une  école  académique  à  Bor- 
deaux. 

Nous  avons  déjà  annoncé,  depuis  plusieurs  années,  que  nous 
préparions  une  histoire  complète  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts  de 
Bordeaux  qui  s'est  appelée  :  Ecole  académique.  Académie  de 
peinture    et   de  sculpture  ;    Académie    de    peinture,    sculpture, 

des  prétentions  tant  soit  peu  verbeuses  à  la  théologie  et  à  la  métapliysique.  » 
—  J.  Delpit.  Fragment  de  l'histoire  des  arts  à  Bordeaux,  Gounouilliou.  1853, 
p.  13  et  15. 


912     LES    PEIWTRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

architecture  civile  et  navale  ;  Ecole  des  principes;  Académie  des 
Arts;  Ecole  gratuite  de  dessin,  puis,  de  dessin  et  de  peinture; 
Ecole  municipale  de  peinture,  sculpture  et  architecture  ;  École 
municipale  des  Beaux-Arts  et  Arts  décoratifs.  Nous  aurons  donc  un 
chapitre  spécial  dans  lequel  nous  discuterons,  en  détail,  la  vie 
intime  de  TEcoIe  académique  et  où  nous  fournirons  des  notes  bio- 
graphiques inédites  sur  ses  divers  professeurs  '. 

11  suffira  que  nous  produisions  ici  les  pièces  manuscrites,  con- 
servées dans  la  bibliothèque  de  l'Ecole  municipale  des  Beaux-Arts 
de  Bordeaux,  quelques  délibérations  de  la  Jurade,  et  le  som- 
maire des  procès-verbaux  de  l'Académie  Royale  de  Paris,  pour 
qu'on  saisisse  sans  peine  les  difficultés  de  l'établissement  de  l'Ecole 
académique,  les  vicissitudes  qu'elle  a  subies  et  le  dévouement  de 
son  premier  professeur  Leblond  de  Latour. 

Titres  de  l'Ecole  académique  de  Bordeaux,  conservés  dans  la 
bibliothèque  de  l'Ecole  municipale  des  Beaux-Arts  de  Bor- 
deaux, A'  18,  n°  219. 

N°  1.  —  Extrait  d'un  brevet  donné  par  le  Roi  en  faveur  de 
V Académie  royale  de  Paris,  le  28  décembre  1654. 

]V°  2.  —  Lettres  patentes  pour  Vestablissement  des  académies 
de  peinture  et  de  sculpture. 

N"  3.  —  Règlement  pour  Vestablissement  des  Ecoles  acadé- 
miques de  peinture  et  de  sculpture,  etc. 

Nous  ne  reproduisons  pas  ces  trois  pièces,  parce  qu'elles  ont 
été  copiées  sur  des  imprimés. 

N"  4.  —  1688,  juillet,  26.  —  Lettre  de  Guérin,  secrétaire  de 
l'Académie  royale,  à  Le  Blond  de  La  Tour,  "  peintre  ordinaire  du 
Roy  en  son  Académie  royale,  de  peinture  et  de  sculpture,  à  Bor- 
deaux. »  Comment  expliquer  que  Guérin  a  pu  écrire  de  sa  main  de 
pareilles  qualifications  si  Leblond  n'était  pas  agréé  de  l'Académie, 
puisqu'aucune  académie  n'existait  alors  à  Bordeaux  ? 

Le  secrétaire  de  l'Académie  dit  à  Leblond  de  ne  pas  s'impatienter 
s'il  n'a  pas  de  nouvelles  de  son  affaire  c'est-à-dire  de  la  création 

*  M.  le  maire  de  Bordeaux  a  bien  voulu  nous  charger  d'écrire  l'Histoire  de 
l'Ecole  municipale  des  Beaux-Arts.  Ce  travail  sera  publié  par  la  Ville  de  Bordeaux 
pour  flgurer  à  l'Exposition  de  1900. 


LES    PEIXTRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BOUDEAL'X.     013 

d'une  Ecole  académique  à  Bordeaux.  Il  parle  d'une  «  lettre  mali- 
cieuse »  qui  a  été  adressée  à  l'Académie. 

N"  5.  —  1689,  janvier,  21.  —  Lettre  de  Guérin.  —  Il  ne  reste 
plus  qu'à  faire  signer  «  les  articles  quy  ont  esté  dressez  pour  yostre 
H  establissement  -n ,  dit-il,  mais  M.  de  Louvois  était  tellement 
occupé  par  de  grandes  affaires  qu'on  n'a  pas  osé  l'importuner. 
Guérin  a  montré,  à  Lebrun,  les  lettres  de  Le  Blond,  il  secondera 
son  «  zèle  autant  qu'il  le  pourra  » .  (Lettre  autographe). 

N"  6.  —  1690,  juin,  3.  —  Lettres  patentes  de  l'Académie 
royale  portant  établissement  de  l'Ecole  académique  de  Bordeaux. 

—  Original  en  parchemin,  signé:  Mignard,  directeur;  Desjardins, 
de  Sève,  Coypel,  recteurs;  Coyseiox  et  Pailhe,  adjoints  recteurs; 
Regnauldin,  Blanchard  et  Houasse,  professeurs;  Jouvenet,  Bou- 
logne le  jeune,  P.  Sève,  de  Plate  Montagne,  Edelinck,  J.-B.  Le- 
clerc  {Id.). 

N°  7.  —  1691,  avril  29.  —  Nomination  des  jrrofesseurs  de 
l'Ecole  académique .  —  Le  Blond  de  Latour  est  nommé  "  premier 
professeur  à  cause  de  son  mérite  et  de  ce  qu'il  a  l'avantage  d'être 
du  nombre  de  ceux  qui  composent  l'illustre  compagnie  de  l'Aca- 
démie royale  de  Paris.  »  Pièce  originale  signée  par  l'archevêque 
de  Bordeaux,  vice-protecteur  et  par  les  professeurs.  —  Comment 
expliquer  une  semblaljle  délibération  si  Leblond  de  Latour  n'était 
pas  agréé  de  l'Académie  royale  ? 

N"  8,  9  et  10.  —  1692,  janvier  26,  mars  4  et  octobre  4.  — 
Nomination  de  Marc-Antoine  Leblond  de  Latour^  peintre,  et  de 
Jean-Louis  Lemoyne,  sculpteur ,  comme  agréés  de  l'Ecole  acadé- 
mique de  Bordeaux,  Ces  pièces  originales  et  signées  prouvent 
l'admission  de  Lemoyne  et  son  séjour  à  Bordeaux. 

A'  11. —  1692,  mars  5.  —  Lettre  de  d'Estrehan,  intendant  de 
l'archevêque  de  Bordeaux,  vice-protecteur  de  l'Ecole  académique. 

—  Il  a  vu  Mignard  et  les  «  principaux  directeurs  »  de  l'Académie. 
Ils  ont  promis  de  faire  prendre  une  délibération  pour  que  les  [  ro- 
fesseurs  de  l'Ecole  académique  soient  déchargés  des  taxes  comme 
l'indiquent  les  lettres  patentes  de  son  établissement.  Il  ajoute 
«  qu'il  faudroit  se  servir  du  terme  nominal  d'École  académique, 
«  quand  on  écrit,  et  laisser  vulgariser  le  nom  d'Académie  de  Bor- 
deaux partout  ailleurs  »  .  (Lettre  autographe  signée.) 

X°  12.  —  1692,  août  5.   —  Lettres  à  M.  le  cliancelier.  — 

58 


914     LES    I'l!;i:VTUES    DE    I,  HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX- 

Lettres  îles  professeurs  de  l'École  académique.  —  Ils  le  prient  de 
les  exempter  des  taxes  sur  les  arts  et  métiers,  conformément  aux 
lettres  patentes  de  l'École  académique.  —  Lettre  de  rarchevêque 
pour  recommander  la  précédente.  —  Lettre  du  secrétaire  de 
l'École f  Larraidy,  à  d'Estrehan.  Il  le  prie  de  solliciter  une  réponse 
de  M.  le  chancelier. 

Les  taxes  sur  les  Arts  et  Métiers  avaient  été  établies  sur  la 
plainte  des  maîtres  peintres  et  sculpteurs  de  Bordeaux  qui  n'étaient 
pas  professeurs  à  l'Ecole  académique.  Nous  publierons  les  actes 
notariés,  assignations,  oppositions,  etc.,  qui  furent  échangés 
entre  les  parties,  ainsi  que  les  arrangements  qui  survinrent.  Ces 
pièces  expliqueront  les  lettres  ci-contre  et  diverses  notes  des  procès- 
verbaux  de  l'Académie  Royale  de  peinture  et  de  sculpture. 

N"  13.  —  Sans  date,  1703  (?)  —  Requête  des  Académiciens  de 
Bordeaux  à  l'intendant  de  Guienne.  —  Au  sujet  de  la  taxe 
imposée  sur  les  arts  et  métiers,  poursuivie  par  le  directeur  de  la 
Recette  générale  des  finances  de  Guienne.  (Pièce  signée  Larraidy, 
professeur  et  secrétaire.) 

X"  14.  —  1703,  juin  28. —  Commandement,  par  huissier,  aux 
professeurs  de  l'Ecole  académique,  présenté  «  à  Leclerc  l'ayné, 
peintre,  représentant  l'École  académique  «  d'avoir  à  payer 
1,200  livres.  (Pièce  originale.) 

V  15.  — Sans  date,  1704  (?)  —  Requête  des  professeurs  de 
rÉcole  académique  aux  maire  et  jurais  de  Bordeaux.  —  ils 
rappellent  la  cérémonie  qui  fut  faite  le  1()  décembre  1691,  la 
messe  célébrée  dans  le  collège  de  Guienne,  en  l'honneur  de  l'éta- 
blissement de  l'École  académique,  en  présence  de  l'archevêque,  du 
commandant  delà  province,  et  des  jurats;  l'ouverture  des  cours 
qui  eut  lieu  le  lendemain,  les  succès  de  leur  enseignement,  enfin 
l'historique  des  poursuites  des  traitants.  Ils  se  mettent  sous  la 
protection  des  jurats. 

N»  16.  —  1074,  avril  15,  20  et  25,  mai  7.  —  Requête  à  l'in- 
tendant de  Guienne,  pour  être  déchargés  de  la  taxe  sur  les  arts  et 
métiers.  —  Enquête  de  l'intendant,  qui  ordonne  finalement  le 
recouvrement  des  taxes;  —  Réponse  de  Duclaircq,  professeur, 
pour  le  secrétaire  absent.  Il  adresse  les  pièces  demandées  par  l'in- 
tendant, et  signe  :  «  Fait  à  Bordeaux  par  l'Académie  des  peintres.» 

]V"  17.  —  1704,  septembre  29.  — Lettre  de  V Académie  royale 


LES    PEIXTRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.     915 

de  Paris  à  l'Intendant  dr  Guienne,  rappelant  qu'elle  a  déjà  envoyé 
un  certificat  à  l'appui  des  demandes  de  l'Ecole  académique  de 
Bordeaux  et  qu'elle  le  prie  de  surseoir  aux  poursuites  jusqu'au 
retour  du  Roi,  qui  n'a  pas  changé  de  sentiment  à  l'égard  de  l'Aca- 
démie royale  et  des  Ecoles  académiques. 

jV"  18.  —  1705,  mars  30.  —  Lettre  de  Guérin  à  Larraidij.  — 
L'Académie  sollicite  auprès  de  Mansarde  mais  celui-ci  n'a  pas  encore 
pris  de  décision.  M.  Coysevox,  directeur,  et  Guérin  insistent  le  plus 
qu'ils  peuvent,  mais  ils  n'ont  encore  rien  obtenu. 

N"  19.  —  1705,  avril  21.  — Lettre  des  académiciens  de  Bor- 
deaux à  Mansart.  — lis  l'avisent  que  l'intendant  de  Guienne  re- 
connaît le  bien  fondé  de  leurs  réclamations,  mais  qu'il  n'a  pas  le 
droit  de  faire  cesser  les  poursuites  au  traitant.  11  faut  obtenir  une 
exemption  de  la  Cour. 

Lettre  des  mêmes  à  V Académie  de  Paris.  —  Ils  lui  envoient  la 
lettre  préparée  pour  Alansart  en  priant  «  d'en  disposer  suivant  vostre 
prudence  ordinaire  » . 

Lettre  des  mêmes  à  Guérin.  —  L'Ecole  académique  le  prie  de 
l'informer  du  succès  des  deux  lettres  précédentes. 

IV°  20.  —  1705,septembre24.  — Lettre  de  Guérin  à  Larraidy , 
—  Il  lui  fait  savoir  que  le  directeur  général  des  finances  a  promis 
de  mettre  ordre  incessamment  »  aux  poursuites  du  traitant. 

X"  21.  —  Lettre  de  Larraidy  à  Guérin.  —  11  le  remercie  et 
l'avise  qu'ils  sont  obligés  de  payer  les  contraintes. 

N"  22,  —  1706,  janvier  12.  —  Jirrêt  du  Conseil  en  faveur  de 
V Ecole  académique  de  Bordeaux.  —  Cet  arrêt  décharge  «  tant  les 
peintres  et  sculpteurs  de  l'Ecole  académique  que  tous  autres  aca- 
démiciens de  peinture  et  de  sculpture  »  des  payements  des  sommes 
portés  sur  les  rôles  de  réparlilion  '. 

'  Toutes  ces  pièces  ont  été  réuuies  par  Jules  Delpit  qui  les  a  publiées  en 
partie  :  Vraijments  de  l'Histoire  des  arts  à  Bordeaux,  toc.  cit.,  1853.  Elles 
proviennent  des  Lacour  qui  furent  directeurs  de  l'Ecole.  Pierre  Lacour  fils,  intime 
ami  de  Delpit,  ne  pardonna  jamais  à  la  ville  de  Bordeaux  ses  démêlés,  au  sujet 
de  la  rente  Doucet,  terminés  par  la  nomination  d'AIaux  et  sa  retraite.  Alais  il  fit 
restituer,  par  son  ami,  les  documents  qui  appartenaient  aux  archives  de  l'Ecole. 

La  Bibliothèque  municipale  possède  depuis  peu  plusieurs  volumes  de  pièces 
manuscrites  relatives  à  V Académie  de  peinture  et  de  sculpture  de  Bordeaux, 
provenant  de  la  collection  Delpit,  nous  ne  leur  empruntons  que  l'arrcst  du  conseil 
du  12  janvier  1706,  mais  nous  publierons  de  très  nombreuses  pièces  relatives  à 
l'Académie  bordelaise  de  1667  à  1792,  quand  nous  étudierons  cette  époque. 


916     LES    PEIATRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

On  lira  aux  Pièces  justificatives  des  extraits  des  registres  de  la 
Jurade  concernant  l'installation  de  l'Ecole  académique  dans  les 
locaux  du  collège  de  Guienne  et  l'ouverture  qui  en  fut  faite,  en 
grande  cérémonie,  par  le  maire,  les  jurats,  l'archevêque  et  le 
commandant  de  la  province,  le  16  décembre  1691.  (Voir  n"  15, 
1704.) 

Dans  l'Histoire  de  l'École  municipale  des  Beaux-Arts  que  M.  le 
maire  nous  a  chargé  d'écrire,  nous  donnerons  in  extenso  les 
extraits  des  procès-verbaux  de  la  Jurade  et  de  l'Académie  Royale 
de  Paris,  dont  on  peut  lire  les  sommaires  ci-après. 

On  y  verra  l'appui  moral  et  effectif  que  les  maîtres  n'ont  pas 
cessé  d'accorder  à  l'Ecole  académique  et  à  ses  professeurs.  On  y 
trouvera  la  preuve,  contrairement  aux  assertions  de  J.  Delpit  et 
de  Ch.  Marionneau.que  cette  protection  des  professeurs  contre  les 
exigences  du  fisc  existaient  encore  en  1727  et  que  l'Ecole  acadé- 
mique fonctionna  tant  que  Alarc-Antoine  Leblond  put  donner  des 
leçons,  c'est-à-ilire  jusqu'à  ce  que  Basemont  la  transforma,  en 
1742,  en  École  des  principes  ou  Ecole  gratuite  de  dessin  que 
nous  avons  nous-même  dirigée,  puis  transformée  en  Ecole  des 
Beaux- Arts,  de  1877  à  1890'. 

Ce  qu'il  est  bon  de  retenir,  c'est  que  l'Ecole  académique  de 
Bordeaux  est  la  plus  ancienne  école  qui  ait  été  créée  par  l'Aca- 
démie Royale.  Depuis  1691,  elle  a  fonctionné  sans  interruption; 
elle  existe  encore  aujourd'hui  sous  le  nom  A' Ecole  municipale  des 
Beaux- Art  s  et  arts  décoratifs. 

Sommaire  des  Procès-verbaux  de  l'Académie  Royale  relatifs 
à  l'Ecole  académique  de  Bordeaux 

1688,  mai  29.  —  Lecture  d'une  lettre  du  11  mai  de  MM.  de  Bour- 
deaux  qui  projettent  un  établissement  académique  et  acceptent  les  articles 
envoyés  par  l'Académie. 

1689,  janvier  29.  —  Lecture  d'une  lettre  de  MM.  les  Peintres  et 
Sculpteurs  de  Bordeaux  qui   ont  rTutention   d'établir  une  Ecole  acadé- 

1  Les  difficultés,  créées  par  le  fisc  furent  soulevées  par  la  jalousie  des  autres 
peintres  et  sculpteurs  de  Bordeaux.  Nous  avons  trouvé,  dans  les  actes  des  notaires, 
des  pièces  fort  curieuses,  que  nous  ne  publions  pas  ici,  qui  expliquent  clairement 
les  causes  de  la  correspondance  active  de  l'Ecole  académique  et  de  l'Académie 
royale  de  Paris. 


I,ES    PE1\'TRES    DE    I/HOTEI.    DE    VII.I.E    DE    ItORDEAUX.     917 

miqiie...  l'atTaire  n'a  été   retardée  que   par   la  difficulté  d'en   parler  à 
M.  le  Protecteur. 

1690,  niai  G.  —  Nouvelle  lettre.  L'Académie  chartje  le  secrétaire 
d'apporter  les  Règlements  à  la  prochaine  séance. 

1690,  juin  3.  —  L'Académie  consent  à  l'établissement  demandé  à 
condition  de  se  conformer  à  la  discipline  observée  à  l'Académie  royale. 

1691,  février  3.  —  M.  d'Eslrehan,  intendant  de  l'archevêque  de 
Bordeaux,' vice-protecleur  de  l'Ecole  académique,  vient  recevoir  les  lettres 
patentes.  Elles  lui  sont  remises  par  M.  Mignard. 

1691,  mars  3.  —  Remerciement  de  l'archevêque  de  Bordeaux  et 
demande  par  l'Ecole  académique  d'une  copie  des  lettres  patentes. 

1691,  juin  18.  —  L'Ecole  académique  s'étant  qualifiée  Académie  de 
Peinture  et  de  Sculpture,  il  est  ordonné  au  secrétaire  de  rappeler  à  l'Ecole 
de  Bordeaux  qu'elle  doit  «  se  renfermer  dans  la  qualité  d'Ecole  acadé- 
<«  mique  «.  Le  sieur  Leblond  de  Latour  «  ayant  pris  la  qualité  d'Acadé- 
«  micien  de  l'Académie  Royale,  il  a  été  résolu  de  lui  écrire  d'envoyer  copie 
u  des  lettres,  en  vertu  desquelles, il  prend  cette  qualité  ». 

1691,  juillet  :28.  —  Lettre  de  l'archevêque  de  Bordeaux  assurant 
«  que  ceux  qui  composent  l'Ecole  académique  de  Bordeaux  se  renferme- 
tt  ront  dans  les  termes  de  leur  établissement  ».  —  Lettre  de  l'Ecole  fai- 
sant sa  soumission.  —  Lettre  de  Leblond  de  Latour.  Il  ne  prendra  plus  la 
qualité  d'académicien  «  si  la  Compagnie  ne  l'a  pour  agréable  »  .Celle-ci  ne 
le  reconnaît  pas  comme  académicien. 

1691,  août  18.  —  Poursuites  ordonnées  contre  ceux  qui  se  quali- 
fient indûment  de  peintres  et  sculpteurs  du  Roy. 

1692,  janvier  31.  —  L'Ecole  académique  demande  si  tous  les 
enfants  des  académiciens  doivent  dessiner  gratis  ou  un  seul. 

1692,  mars  29.  —  Le  fils  de  Lemoyne  se  plaint  que  l'Ecole  acadé- 
mique fait  des  difficultés  pour  le  recevoir. 

1703,  décembre  29.  —  Les  Académiciens  (sic)  de  l'Ecole  académique 
de  Bordeaux  demandent  à  l'Académie  de  Paris  de  soulenirleurs  privilèges. 

1704,  février  9.  — *  L'Académie  envoie  un  certificat  à  la  demande  de 
l'Ecole  académique,  afin  que  celle-ci  soit  exonérée  de  la  taxe  sur  les  arts 
et  métiers. 

1705,  janvier  12.  —  L'Académie  expose  à  Mansart,  présent  à  la 
séance,  Protecteur  de  l'Académie,  que  l'Ecole  académique  de  Bordeaux 
est  inquiétée  par  les  Traitants  contrairement  aux  lettres  patentes  d'éta- 
blissement. Mansart  en  parlera  au  Roi. 

1705,  avril  25.  —  Lettre  de  l'Ecole  académique  à  l'Académie  et  à 
Mansart,  «  la  Compagnie  a  résolu  d'attendre  son  retour  pour  soutenir 
les  privilèges  de  l'établissement  fondé  à  Bordeaux  »  . 


918     1,KS    PEINTRES    DE    LHOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

1706,  janvier  9.  —  L'Académie  félicile  M.  de  Cotle,  son  vice-pro- 
tecteur de  ce  qu'il  a  obtenu  un  arrest  du  Conseil  des  finances,  en  faveur 
de  l'Ecole  académique  de  Bordeaux  et  des  Académiciens  qui  sont  dans  les 
provinces. 

1726,  juin  1.  —  L'Ecole  académique  de  Bordeaux  étant  poursuivie 
par  le  Traitant  à  l'occasion  de  l'imposition  sur  les  arts  et  métiers,  l'Aca- 
démie enverra  une  copie  de  l'arrest  du  Conseil,  obtenu  en  1706,  qui 
l'exemple  de  la  taxe. 

1726,  juillet  27.  —  L'Ecole  académique  remercie  l'Académie. 

1727,  mai  30.  —  La  protection  de  l'Académie  est  de  nouveau 
demandée  par  l'Ecole  académique  pour  l'exemption  de  la  taxe. 

LA    FAMILLE    DE    LE    BLOND    DE    DIT    LATOUR. 

Grâce  à  un  renseignement  que  nous  a  donné  le  Comité,  dont 
nous  le  remercions,  nous  pouvons  être  très  succinct  sur  la  .''amille 
de  Le  Blond  de  Latour,  dont  nous  avions  établi  la  généalogie. 

Puisque  sa  parenté  avec  de  nombreux  artistes,  académiciens 
pour  la  plupart,  est  connue,  il  suffira  de  l'indiquer  très  briève- 
ment et  de  fournir  tous  les  extraits  d'arcbives  qui  concernent  les 
Leblond  de  Latour  de  Bordeaux. 

Les  Lemoyne.  —  Nous  savions,  que  Jean  Lemoyne,  peintre 
d'ornements,  qui  devint  académicien  le  29  mars  1692,  avait 
épousé,  en  secondes  noces,  Geneviève  Le  Blond,  sœur  d'Antoine, 
Il  en  eut  sept  enfants,  dont  l'un  fut  le  filleul  de  notre  peintre. 
Lebrun  et  Nocret  furent  aussi  parrains,  les  femmes  de  Bérain  et  de 
le  Hongre,  marraines'  de  ses  autres  enfants. 

L'un  des  fils  de  Lemoyne,  Jean-Louis,  sculpteur,  vint  à  Bordeaux 
en  1692,  à  cause  de  sa  parenté  avec  le  peintre  de  la  ville.  Il  fut 
reçu  agréé  de  l'École  académique  avec  son  cousin  Marc-Antoine 
Leblond,  fils  d'Antoine,  dans  les  séances  des  26  janvier,  4  mars  et 
4  octobre  1692'.  Celte  réception  est  une  preuve  certaine <jue  Jean- 
Louis  Lemoyne  résidait  à  Bordeaux;  il  dut  y  faire  de  nombreux 
travaux,  quelques-uns  nous  sont  connus.  Revenu  à  Paris,  il  y  devint 
l'académicien  de  grand  talent  dont  on  admire  les  œuvres  au  Louvre. 

Marc-Antoine   Leblond   de  Latour,  qui  avait  fait  ses  études  à 


'  Jal,  Dictionnaire  critique  de  biographie  et  d'histoire. 
-  Voir  aux  Pièces  justificatives,  aux  dates  citées. 


LES    PEINTRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.     919 

Paris,  avec  son  cousin  et  était  dans  les  bonnes  grâces  du  maréchal 
d'Albret,  gouverneur  de  la  Guienne,  avait  succédé  depuis  long- 
temps à  son  père  comme  peintre  delà  ville,  lorsqu'en  1730  Jean- 
IJaptiste  Lemoyne,  sculpteur,  fils  de  Jean-Louis,  memlire  des  Aca- 
démies de  Bordeaux  et  de  Paris,  qui  précède,  obtint  la  (ommande 
de  la  statue  équestre  de  la  place  Royale  de  Bordeaux.  Celte  situation 
particulière  explique  pourquoi  le  jeune  statuaire  fut  chargé  d'un 
travail  de  cette  importance  avant  qu'il  eût  donné  la  mesure  de 
son  talent  et  qu'il  fût  académicien'. 

Les  Robelin.  —  Jacques  Robelin,  architecte  ordinaire  du  Roy, 
directeur  de  la  bâtisse  du  Château  Trompette,  beau-père  d'Antoine 
Leblond  de  Latour,  né  à  Paris  en  1605,  mort  à  Bassens,  près  Bor- 
deaux, le  15  novembre  1677,  était  l'architecte  de  la  maison  de 
Sourdis,  à  Paris.  Il  fut  appelé,  à  Bordeaux,  en  1639,  par  l'arche- 
vêque Henry  de  Sourdis,  bâtit  partie  de  THôpilal  des  métiers  ;  puis, 
par  un  contrat  du  11  juillet  1656  fut  chargé,  avec  Michel,  sieur 
Duplessis,de  la  construction  du  Château-Trompette  sous  les  ordres 
deV'auban.  Son  fils,  Jacques  Robelin  le  jeune,  né  à  Paris,  en  1636, 
mort  à  Bassens,  le  1""  avril  1686,  qui  entreprit  les  mêmes  travaux 
en  association  avec  Michel  Duplessis,  était  architecte  du  Roy  maître 
et  conducteur  des  œuvres  de  maçonnerie  en  Guienne. 

Les  minutes  des  notaires  fournissent  des  pièces  curieuses 
concernant  le  contrat  de  mariage  d'xlntoine  Leblond,  portant 
4,000  livres  de  dot,  apportée  par  l'épouse,  pour  le  payement  de 
laquelle  dot,  Robelin  emprunta  et  donna  sa  maison  de  la  rue 
Saint-James.  Les  droits  aux  successions  maternelles  furent  la 
source  de  procès  Robelin-Montflard,  maître  sculpteur,  son  beau- 
frère,  qui,  après  leur  décès,  continuèrent  entre  les  héritiers 
Robelin-Leblond  et  veuve  Montflard,  femme  Chevré,  maître  sculp- 
teur. Mais  toutes  ces  difficultés  d'argent,  n'intéressant  pas  l'art, 
nous  passons. 

Les  Leblond.  — Jean  Leblond,  peintre  du  Roi,  reçu  membre 
de  l'Académie  royale,  le  1"  août  1681,  et  son  fils  Jean-Baptiste- 
Alexandre  Leblond,  architecte  des  jardins  royaux,  puis  de  l'empe- 
reur de  Russie  oîi  il  construisit  le  palais  Péterhof ,  étaient  cousin- 

^  La  stalue  équestre  de  la  place  Royale  de  Bordeaux,  démolie  cl  fondue  en 
179.3,  est  trop  connue  pour  que  nous  citions  des  textes  relatifs  ù  cette  belle 
œuvre. 


f»20     LES    l' Kl  IV  TRES    DE    l.HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

germain  vA  cousin  de  Leblond.  Nous  ne  savions  pas  que  cette 
parente  avait  été  établie  avant  nos  recherches. 

Les  Leblond  dits  de  Latour.  —  Antoine  Lehlond  dit  de 
Latourestnè,  àParis,  d'Antoine  Leblond,  maître  orfèvre  et  bourgeois 
de  Paris  et  de  Geneviève  Le  Masson.  Son  contrat  de  mariage, 
du  3  mai  1665,  avec  Marie-Madeleine  Robelin  nous  apprend  qu'il 
était  orphelin  et  que  M.  de  Boisgarnier,  receveur  de  la  Comptablie 
à  Bordeaux,  son  ami,  représenta  seul,  sa  famille  et  ses  amis. 
Leblond  habitait  probablement  Bordeaux  depuis  peu  d'années. 

La  bénédiction  nuptiale  fut  donnée,  à  Bordeaux,  dans  l'église 
Saint-Mexens,  le  7  juin  1665.  La  veille,  Leblond  de  Latour  avait 
été  nommé  peintre  ordinaire  de  l'Hôtel  de  ville ,  nous  ignorons 
pourquoi  Leblond  ajoutait  à  son  nom  «  dit  de  Latour  n  .  K'i  son 
père,  ni  son  fils,  dans  sa  vieillesse  ne  prirent  celte  qualification 
qui  lui  semble  personnelle. 

Nous  avons  fait  connaître  l'œuvre  du  peintre,  le  talent  de  l'écri- 
vain, le  dévouement  du  professeur,  il  ne  nous  reste  plus  qu'à 
donner  les  noms  de  ses  descendants. 

Antoine  Leblond  dit  de  Latour  mourut  rue  Saint-James,  dans  la 
maison  que  son  beau-père  lui  donna  pour  s'acquitter  de  partie  de 
la  dot  promise  à  Marie-Madeleine  Robelin,  sa  femme.  L'acte  de 
décès  est  du  1)  décembre  1706,  paroisse  Saint-Eloi.  Sa  femme  était 
morte  dans  sa  propriété  de  Bassens,  en  1698,  mais  le  corps  fut 
apporté  dans  le  caveau  de  famille,  église  Saint-Eloi,  «dans  le  chœur 
d'icelle  devant  le  grand  autel.  »  Voir  Pièces  justif.  1706,  et  l'on 
plaça  bientôt,  près  d'elle,  celui  de  son  époux. 

De  leur  mariage  sont  nés  six  enfants. 

I.  MARC-A\'TOI\'E  LEBLOND   DE  LATOUR. 

PEINTRK    ORDI\AIRE    DU    ROV,    PEINTRE    ORDINAIRE    DE     l'hÔTEL    DE    VILLE, 
MEMBRE  DE   l'aCADÉMIE  DE  PEINTURE    ET  SCULPTURE  DE   BORDEAUX. 

1668  avril  10  f  1744  octobre  29. 

Marc-Antoine  Leblond  de  Latour  est  né  à  Bordeaux,  paroisse 
Saint-Mexens,  le  7  août  1 668,  et  fut  nommé  peintre  de  l'Hôtel  de  ville 
en  survivance  à  son  père,  le  30  août  1690.  Marc-Antoine  semaria, 
le  14  février  1703,  à  Charlotte  Renard,  fille  d'un  maître  orfèvre 


LES    PEIXTRES    DE    r/HOTEI-    HE    \  1 1. 1.  E    DE    RORDEALX.     921 

et  nièce  d'un  maître  tapissier,  tous  deux  employés  par  la  ville  et 
par  le  duc  d'Epernon.  Il  eut  d'elle  treize  enfants,  mais  en  1745  un 
seul  fils  et  cinq  filles  avaient  survécu  :  Pierre,  deux  Marie,  deux 
Jeanne  et  Miclielle. 

Marc-Antoine  Leblond  de  Latour,  peintre  de  l'Hôtel  de  ville, 
a  droit  à  une  biographie  que  nous  ne  pouvons  placer  ici.  Ses 
travaux  furent  aussi  importants  que  ceux  de  sou  père  :  portraits  de 
jurats,  tableaux  d'église,  peintures  décoratives  aux  entrées  royales 
ou  princières,  honneurs  funèbres,  etc.,  occupèrent  son  pin- 
ceau'. Il  était  peintre  de  l'Hôtel  de  ville  lorsqu'on  adopta  le  plan 
de  la  place  Royale,  en  1728,  et  ne  fut  pas  étranger  au  choix  du 
sculpteur  de  la  statue  équestre,  le  fils  de  son  cousin-germain  et 
condisciple,  Jean-Baptiste  Lemoyne,  fils  de  Jean-Louis.  Marc- 
Antoine  fut  déposé  après  sa  mort  dans  le  caveau  de  sa  famille, 
à  Saint- Eloi. 


n.  JACQUES  LEBLOND  DE  LATOUR. 

PRESTRE  ET  CHAXOIXE  DE  QUÉBEC,    AU  CANADA,  CURE    DE    I,A  BAIE    SAINT-PAUI.    (CAXADa). 

1671  janvier  14  f  1"15  juillet  31. 

Jacques  Leblond  de  Latour,  prêtre,  né  le  17  janvier  1671, 
partit  au  Canada  en  1690.  Il  devint  chanoine  de  Québec,  ainsi 
qu'en  témoignent  les  actes  de  baptême  de  ses  neveux,  des  3  avril 
1707  et  6  avril  1714. 

Il  mourut  le  30  juillet  1715,  étant  curé  de  la  baie  Saint-Paul, 
et  fut  enterré  dans  l'église. 

a  I.  —  Leblond  Jacques,  fils  de  Antoine  Leblond  de  Latour 
«  et  de  Madeleine  Robelin,  de  Saint-André,  diocèse  de  Bor- 
«  deaux.  Sépulture  le  31  juillet  1715,  à  la  baie  Saint-Paul.  — 
«  2.  —  Vint  au  Canada  le  24  mai  1690.  —  Curé  de  la  baie  Saint- 
PauP.  « 


'  Il  prit  part  aux  travaux  décoratifs  de  l'Entrée  du  roi  d'Espa;{ne,  le  17  dé 
cembre  1700,  des  honneurs  funèbres  de  Louis  XV,  le  5  octobre  1705,  de  l'Entrée 
de  l'infante  d'Espagne,  le  25  janvier  1722,  etc. 

*  Mgr  le  chanoine  Cyprion  Tanguav,  Dictionnaire  général  des  fatnilles  cana- 
diennes, 1890,  Montréal  (Canada),  Eusèbe  Sénécal  et  flls,  inop.-édit.  in-8°. 


922     LES    PEINTRES    DE    1-IIOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX 

III.   —  PIERRE  LE  BLOND  DE  LATOUR 

INGÉNIEUR    ORDIXAIRE    DU    ROY,    GOUVERNEUR    DU   MISSISSIPI. 

1673  septembre  3  -f-  ... 

Pierre,  troisième  fils  de  Leblond  de  Latour,  fit  ses  éludes  à 
l'École  académique  que  dirigeait  son  père  et  à  l'Ecole  d'hydro- 
graphie que  les  jurats  avaient  fondée,  en  1680,  pour  les  marins 
et  les  ingénieurs  de  la  marine.  Pierre  Leblond,  X,  Berquin,  fils 
d'un  professeur  de  sculpture  de  l'École  académique,  et  un  troi- 
sième étudiant,  dont  nous  n'avons  pas  le  nom  ',  obtinrent  le  titre 
d'ingénieurs  du  Roi,  preuve  évidente  que  les  deux  écoles  étaient 
florissantes.  —  Le  5  juillet  1699,  Pierre  Leblond  donnait  sa 
procuration  à  son  père  et  à  son  frère  Alarc- Antoine,  pour 
emprunter  1,274  livres  4  sols  à  Claude  Michel  Duplessis,  afin 
d'éteindre  la  dette  veuve  Monflart,  femme  Jean  Chavra.  11  demeu- 
rait alors  à  la  Rochelle  où  il  était  ingénieur  du  Roy.  Le  13  février 
1703,  il  signait  en  celte  qualité  au  mariage  de  son  frère  Marc- 
Antoine,  mais  le  21  janvier  1706  et  le  25  septembre  1716,  il 
habitait  le  Canada,  puisque  les  actes  de  baptême  inscrits  à  ces  dates 
portent  :  «  faisant  pour  Pierre  Leblond,  ingénieur  du  Roy,  gou- 
verneur du  Mississipi.  » 

Fut-il  gouverneur  d'une  province  ou  du  fleuve  Mississipi?  Nous 
pencherions  à  prendre  le  sens  du  mot  gouverneur,  pour  ingénieur 
chargé  de  gouverner  les  eaux  du  fleuve  Mississipi,  car  Leblond  ne 
figure  pas  comme  gouverneur  d'une  province  dans  le  beau  livre  de 
Mgr  Tanguay.  Nous  ignorons  à  quels  travaux  il  employa  son 
talent  et  à  quelle  époque  il  mourut. 

IV.  —  MARIE-AIADELEINE  LE    BLOND  DE  LATOUR 

MARIÉE  A  CHARLES  SERMENSAN,   MAITRE  ORFEVRE,   RUE  SAINT-JAMES,   A   BORDEAUX. 

1676  juillet  30  f 

Les  Sermensan  étaient  les  grands  orfèvres  de  Bordeaux  de  père 
en  fils.  Ils  fournirent  la  plupart  des  pièces  d'orfèvrerie  com- 
mandées pour  les  églises  ou  par  le  clergé  pendant   tout  le  dix- 

>  Voir  Pièces  justificatives,  1705,  21avril. — Lettre  de  l'Académie  à  Mgr  Maasart. 


LES    PEIMTRi:S    DE    l/HOTEL    DE    VILLE    DE    KORDEAUX.     923 

septième  siècle.  Il  ne  serait  pas  impossible  que  les  beaux  bas- 
reliefs  en  argent,  provenant  de  l'ancien  Hôpital  des  métiers,  fussent 
sortis  de  leurs  ateliers,  car  ils  portent  les  poinçons  des  gardes  de 
Bordeaux.  —  Alarie-Madeleine  Leblond,  épouse  Sermensan,  est 
l'aïeule  maternelle  de  l'estimable  peintre  bordelais  Taillasson. 
C'est  par  elle  que  celui-ci  est  relié  aux  Leblond  de  Latour. 

V.  JOSEPH-SULPICE  LE  BLOIVD  DE  LATOL'R 

MAITRK    ORFKVRE,    PAROISSE    SAINT-PIERRE,    A    BORDEAUX. 

1680  oclobre  IV  f  1752  avril  5. 

Joseph-Sulpice  Le  Blond  de  Latour,  orfèvre,  signe  en  cette 
qualité  au  mariage  de  son  frère  Marc- Antoine,  le  14  février  1703. 
Son  parrain  était  un  moine  bénédictin  Joseph-Sulpice  de  Bourbon. 

VI.  —  ANTOINE  BONAIENTURE  LE  BLOND  DE  LATOUR 

MOIXE  DE  LA  MERCI  ET  DE  LA  RÉDEMPTIOX  DES  CAPTIFS. 

On  lit  :  tt  Antoine-Bonaventure  Leblond  de  Latour,  faisant  pour 
Pierre  Le  Blond  de  la  Tour,  ingénieur  ordinaire  du  Roy  »  au 
baptême  de  sa  nièce  Marie,  le  25  janvier  1706.  Un  contrat 
d'obligation  de  230  livres  de  pension  annuelle  et  viagère,  passé 
devant  Sarrauste,  notaire  royal,  le  14  mai  1724,  nous  fait  savoir 
qu'Antoine-Bonaventure  fut  reçu  novice,  le  21  avril  1723,  "  dans 
il  le  couvent  de  la  Alercy  de  Toulouse  »  et  que  la  maison  de  son 
frère,  rue  Saint-James,  fut  hypothéquée.  C'est  fout  ce  que  nous 
savons  du  plus  jeune  des  fils  Leblond  de  Latour  '. 

CONCLUSIONS 

En  résumé,  on  peut  conclure  des  notes  biographiques  qui 
précèdent  : 

—  Que  Le  Blond  de  Latour,  né  d'un  orfèvre  de  Paris,  fit  ses 
études  dans  cette  ville; 

Voir  Pièces  justiflcatives,  aux  dates  indiquées. 


924     LES    PEINTRES    DE    LHOTEL    DE    VILLE    DE    BOllDEAUX. 

—  Qu'il  fut  probablement  élève  de  rAcadémie  de  Paris  et  de 
Charles  Lebrun  ; 

—  Qu'il  fit  des  travaux  pour  le  Roi  c'est-à-dire  dans  les  manu- 
factures ou  dans  les  palais  royaux,  par  la  protection  de  Lebrun  et 
de  l'Académie; 

—  Que  cette  situation  particulière  lui  permit  de  prendre  le 
titre  de  peintre  du  Roi  et  même  d'agréé  de  l'Académie,  en  vertu 
des  statuts  et  articles  de  jonction  du  7  juin  1652; 

—  Qu'il  ne  fut  agréé  par  l'Académie  que  comme  candidat 
agréable,  c'est-à-dire  pouvant  présenter  des  travaux  pour  obtenir 
une  nomination  officielle,  mais  que  cette  formalité  indispensable 
n'ayant  jamais  été  remplie,  il  ne  reçut  pas  de  lettres  patentes  ; 

—  Qu'il  créa,  défendit  et  rendit  prospère  l'Ecole  académique 
de  Bordeaux,  fondée  en  1690; 

—  Qu'il  fit  une  œuvre  considérable,  dont  plus  de  cent  portraits, 
en  pied,  des  jurais  de  Bordeaux  et  autant,  en  buste,  plus  les 
décorations  des  entrées  royales  ou  princières,  des  tableaux 
d'église,  etc; 

—  Qu'il  eut  la  plus  grande  influence  sur  les  Beaux-Arts,  en 
Guienne,  comme  artiste  et  comme  professeur; 

—  Que  le  respect  dont  l'entouraient  ses  confrères  prouve  sura- 
bondamment sa  supériorité  sur  eux  tous  et  les  services  qu'il  a  pu 
rendre  aux  Beaux-Arts; 

—  Enfin,  que,  fils  d'orfèvre,  il  eut  un  fils  et  un  gendre,  orfè- 
vres à  Bordeaux,  et  que,  peintre  de  la  ville,  il  laissa  un  fils  qui 
obtint  la  survivance  de  sa  charge  :  Marc-Antoine  Le  Blond  dit  de 
Latour  qui,  lui-même,  décida  la  vocation  de  son  arrière  petit 
neveu  le  peintre  bordelais  Taillasson  et  fit  obtenir  la  commande 
de  la  statue  équestre  de  Louis  XV  à  son  cousin,  Jean-Baptiste 
Lemoyne,  l'éminent  statuaire. 


Bordeaux,  janvier  1898. 


Ch.  Braquehaye, 

Membre  non  résidant  du  Comité  des 
Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départe- 
ments, à  Bordeaux. 


LES    PEINTRES    DE    I.  HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.     925 


PIECES  JUSTIFICATIVES 

1665 
Fiançailles  Le  Blond  dict  de  Latour  et  Rohelin. 

Mai^.  —  «  ...  ont  esté  présant  en  leurs  personnes  Antoine  Le  Blond 
«  dit  de  Latour,  bourgeois  de  la  ville  de  Paris  et  natif  d'icelle,  peintre  du 
I  Roy,  habitant  de  présent  en  ceste  ville  de  Bourdeaulx,  parroisse  Saint- 
«  Mexans,  fils  naturel  et  légitime  de  feu  Antoine  Le  Blond,  vivant  orphèvre 
a  et  bourgeois  de  lad.  ville  de  Paris  et  de  feue  Geneviève  Le  Masson  ses 
«  père  et  mère  d'une  part  et  Marie-Magdelaine  Robelin,  damoiselle,  fille 
a  naturelle  et  légitime  du  sieur  Jacques  Robelin,  architecte  ordinaire  du 
K  Roy  et  de  feue  Magdelaine  Monflard,  ses  père  et  mère,  habitants  de  la 
«  présante  ville,  parroisse  Saint-Mexans,  d'autre,  lesquelles  parties  pro- 
u  cédant,  scavoir,  ledict  sieur  Le  Blond  de  l'advis  et  assistance  de  MM.  Jean- 
«  Baptiste  Garnier,  sieur  de  Boisgarnier  et  aultres  ses  amis...  et  ladicte 
«  damoiselle  Robelin,  de  l'advis,  consentement,  auttorilé  et  licence  dudict 
«  sieur  Robelin  son  père,  et  Jacques  Robelin,  architecte  et  maistre  et 
«  conducteur  des  œuvres  de  massonnerie  en  Guienne,  son  frère,  François 
«  Monflard,  m'"  sculpteur,  son  oncle,  Louis  Cornuer,  cousin  germain, 
u  Nicolas  Desjardins,  chevalier,  géographe  et  ingénieur  ordinaire  du  Roy 
(1  et  directeur  des  forliftlcations  du  Chasteau  Trompette  de  Bordeaux  et 
«  sieur  Gaston  d'Escudier  major  commandant  dans  le  chasteau  Trompette 
«  et  autres  ses  amis,  ont  promis  soi  prendre  pour  mari  et  femme  et 
«  entr'eux  solempniser  le  S'^-Sacrement  de  mariage.   » 

(Archives  départementales  de  la  Gironde.  Série  E,  notaires.  —  Licquart.) 

Mariage  Le  Blond  de  Latour  et  Robelin. 

Juin  6.  —  Nomination  du  peintre  de  la  ï/ille.  "  du  samedy  6  juing 
«  1665  —  Peintre.  —  Anthoine  Le  Blond  dict  de  Latour  a  preste  le 
«  serment  de  peintre  ordinaire  de  la  ville  au  cas  resquis  et  acoiistumé 
«  au  lieu  et  place  de  feu  Philippe  Deshayes.  » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux,  série  }i\i,  jurade  1664-1665,  f»  125. ) 

Juin  7.  —  «  Le  septiesme  du  mois  susdict  ont  espouzé  Anthoine 
«  Le  Blond  dict  de  Latour,  bourgeois  de  la  ville  de  Paris  et  natif  d'icelle, 
«  peintre  du  Roy,  a  presant  mon  parroissien,  et  damoizelleJMarie  Magde- 


926     LES    PEINTRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BOKDEAUX. 

u  laine  Robelin,  aussy  ma  paroissienne,  en  présence  de  M'"  Robelin  père 
«  de  la  susdicte  espouze  et  de  Jacques  Bernard  et  de  plusieurs  autres. 
«  Antoine  Leblond  dict  de  la  Tour  —  Marie  Madelaine  Robelin  — 
«  J.  Robelin  —  J.  Bernard.  » 

(Archives  municipales  dp  Bordeaui.  —  Registres  de  l'état  civil,  paroisse  Saint- 
Meient.) 

1666 

Mars  13.  —  «  demi  année  de  ses  gages  à  Latour  peintre^  qui  finira  le 
«  20  juin...  60  livres.  » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Comptabilité,  feuillets  demi-brûlés,  non  classés.) 

Juin  5.  —  Plus  autre  mandement  en  faveur  à' Antoine  Latour, 
«  peintre  ordinaire  de  la  Ville,  de  la  somme  de  cent  livres  sur  et 
«  en  desduction  de  400  livres  qu'on  luy  a  promis  pour  le  grand  tableau 

«  qu'il  faict  avec  un  Crucifix,  pour  MM.  les  Jurats  —  Dalon jurât 

«  100  livres.  «  [Id.) 

u  Autre  mandement  en  faveur de  Latour,  peintre  ordinaire 

[cent]  trente  cinq  [livres  pour  les  trois  pourtraits  qu'il  a  fait  de]  MM.  de 
Ponch[ac,  Sieur  de  Sêgur,  Clary  et  Sossiondo,  jurais].  »  {Id.) 

tt  Autre  mandement  en  faveur  de  Antoine  Latour,  peintre,  ordinaire 

«  de  la  ville  de  la  somme  de  cent  vingt  livres  pour  les et  dix  huit 

Il  armoiries  qu'il  a  faites  pour  les  honneurs  funèbres  de  la  feue  Reyne 
«  mère  —  J.  de  Lotiguerue  ».  120  livres,  {[d.) 

((  Plus  un  mandement  en  faveur  de  Jean  Luganois  ei  JeandeRegeyres, 
K  maistres  vitriers  de  la  somme  de  165  livres  pour  trois  cents  armoiries 
u  qu'ils  ont  faict  pour  les  honneurs  funèbres  de  la  feue  Reyne  et  cent 
«  livres  pour  la  peintiire  qu'ils  ont  fait  pour  la  chapelle  ardente  —  J.  de 
(1  Longuerue.  " 

Avril  21.  —  Apprentissage  Jean  Polilluot,  chez  Lehlond  de  Latour. 
—  «  ...  Nicolas  Desjardins,  chevalier,  géographe  et  ingénieur  ordinaire 
«  du  Roy  et  directeur  des  fortiffications  du  Château  Trompette,  de  Bor- 
t!  deaux,  lequel  faisant  pour  François  Pouliot,  maitre  peintre,  demeu- 
(t  rant  à  Saint  Jean  de  Luz,  et  en  conséquence  des  lettres  missives  à  luy 
"  escriptes  par  ledict  Pouliot,  a  de  son  bon  gré  bailhé  et  mis  pour 
«  apprenlif  <i  sieur  Anthoine  Leblond  de  Latour,  bourgeois  et  maistre 
«  paincture  [sic.)  juré  de  la  présente  ville,  ici  présant  et  acceptant  :  Jean 
K  Pouliot  fils  dudict  François  Pouliot  et  ce  pour  le  temps  et  espace  de 
il  troys  années  continuelles  et  consécutives...  pendant  lesquelles  ledict 
«  sieur  Desjardins  faisant  pour  ledict  François  Pouliot,  a  promis  comme 
«  ledict  Jean  Pouliot,  apprentif,  sera  leneu  de  bien  et  fidellement  servir 


LES    PEINTRES    DE    i^HOTEI.    DE    VILI,E    DE    BOBDEAL'X.      927 

«  ledict  sieur  Leblond  de  tous  services  utiles  et  honnestes,  luy  procurer 

«  son  bien  et  esviler  le  mal  au  mieux  quy  luy  sera  possible  et  aussy 

«  ledict  sieur  Leblond  a  promis  l'enseigner  de  son  art  de  peincre  pen- 

i<  dant  lesdicles  troys  années,  norrir,  blanchir  à  l'ordinaire  de  sa  maison, 

u  sain  et  malade,  sauf  que  sy  ladicte  maladie  excédoit  huict  jours,  ledict 

«  apprentif  ou  ledict  François  Pouliot^  son  père,  seront  teneus  de  paier 

"  l'extraordinaire,  ensemble  les  pansemans  et  médicamens.,.  et  sy  ledict 

«  apprentif  venoit  à  quitter  ledict  sieur  Leblond  pendant  le  temps,  ledict 

«  Pouliot  père  sera  teneu  de  luy  remettre  ou  luy  bailler  un  autre  yarson 

«  sy  capable  que  ledict  apprentif  lorsqu'il  en   sortira  à  ses  despcns.., 

«  comme  aussy  en  cas  que  ledict  apprentif  vint  à  mal  verser  dans  ladicte 

u  maison  ou  fairoit  perdre  quelque  choze  audict  sieur  Leblond  ou  par 

II  son  deffault  luy  seroit  derrobé  quelque  choze,  audict  cas  ledict  Fran- 

<;  cois  Pouliot  père  sera  teneu  comme  ledict  sieur  Desjardins  promet  de 

a  le  paier  au  dire   et  estimation  d'experts  à  ce  cognoissant.  Pour  lequel 

«  apprentissage  ledict   Desjardins,  audict  nom,  a  promis  faire  payer 

«  audict  sieur  Leblond  la  somme  de  cinquante  escus,  scavoir  vingt-cinq 

«  escus  comme  defaict  sur  ces  mesmes  présantes...  et  pour  les  vingt-cinq 

«  restants  a  promis  les  paier  dans  dix-huit  mois  prochains  venants...  » 

«  Desjardins,  Antoine  Lebloxd  di  de  la  Toir,  Juan  de  Polilliot. 

Liquart,  notaire.  » 

(Archives  départementales  de  la  Gironde.  Série  E,  notaires,) 

1667 

Mai  7.  —  «  Peintre  ordinaire  de  la  Ville,  trente  six  livres  pour... 

«  armoiries  qu'il  a  faictes  tant  pour  le  may  de  Mgr  de  Saint  Luc  et  pour 
"  celui   de  la  Ville.  {Id.) 

«  Février  16.  —  Plus  autre  mandement  en  îdiKeav  à' Anthoine  Lalour, 
;c  peintre  ordinaire  de  la  Ville  de  la  somme  de  60  livres  pour  demi- 
(i  année  de  ses  gages  qui  finira  le  6  juin  prochain...  60  livres.  »  {Id.) 

1668 

Août  10.  —  Baptême  Marc  Anthoine.  -•  du  mardy  10  aoust  1668.  — 
tt  A  esté  baptisé  Marc  Antoine  fils  de  Antoine  Le  Blond,  Maistre  peintre 
u  et  de  Marie  Madelaine  Robelin,  sa  femme,  de  la  parroisse  de  Saint  l^loy, 
K  parrain,  Jacques  Robelin,  architecte  ordinaire  du  Roy,  marraine  Anne 
(1  Bonpas,  nasquit  samedy  7  dudict  moy  à  10  heures  du  soir,  le  père 
«  absent,  la  marraine  n'a  sceu  signer.  »  J.  Robelin. 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  État  civil,  paroisse  Saint-André,  Naissances, 
1478.) 


928     LES    PEINTRES    DE    1/HOTEI-    DE    VILLE    DE    BORDEAUX 

Septembre  4.  — Lettre  du   Sieur  Leblond    de  Latour  à  un  de  ses 
«  amis,  contenant  quelques  instructions  touchant  la  peinture,  dédiée  à 
«  M.  de  Boisgarnier  R.  D.  L.  C.  D.  F.  à  Bourdeaux,  par  Pierre  du 
a  Coq,  imprimeur  et  libraire  de  l'Université,  1669,  m-8»  de Id  pages.  » 
a  été  signée  et  datée,  4  septembre  1668. 

1669 

Date  de  l'impression  du  mémoire  ci-dessus. 

1670 

Juinl.  —  «  ^  Latour,  paintre,  trente  six  livres  pour  les  armoiries  qu'il 
«  a  fait  pour  orner  lesdicts  mays  par  mandement  du  7  juin  1670...  » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Comptabilité,  feuillets  demi-brûlés,  loc.  cit.) 

Juin  7.  —  "à  Anthoine  Latour  peindre  ordinaire  de  la  ville 
«  cent  quatre  vingt  livres  pour  une  année  et  demy  de  ses  gages  par  trois 
mandemenls  des  19  juin,  4  décembre  1669  et  juin  1670.  »  (Id.) 

Juillet  30.  —  «  Arrest  du  Conseil  da  18  du  même  mois  qui  ordonne, 
«  entre  plusieurs  cliozes  qu'il  ne  seroit  payé  aucun  gages  au  peintre  de  la 
«  ville.  »  (76) 

(Archives  municipales.  —  Inventaire  sommaire  de  1754.  — JJ.) 

Juind.  —  "A  Latour  paintre,  trante  six  livres  pour  les  armoiries  qu'il 
«  a  fait  pour  orner  lesdictz   mays  par  mandement  du  7  juin  1670.  » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux,  feuillets  demi-brûlés,  loc.  cit.) 

1671 

Janvier.  18.  —  «  Du  mesme  jour  18»  janvier  1671,  —  a  esté  baptisé 
a  Jacques,  fils  de  Antoine  Le  Blond  de  Latour  et  de  Marie  Madelaine 
«  Robelain,  sa  femme,  parroisse  Sainct  Eloy,  parrain  Jacques  Robelain, 
«  architecte,  marraine  Jeanne  Delanoiie,  nasquit  Mercredy  14  pnt  mois  à 
«  5  heures  et  demy  du  soir,  la  marraine  n'a  pas  sceu  signer  ». 

«  A.  Leblond  de  Latour  —  /.  Robelin. 

(Archives  municipales.  —  Etat  civil,  Naissances,  paroisse  Saint-André.) 

.*...  —  (c  Mandement  en  faveur  d'Antoine  Le  Blond  de  Latour  peintre 
(1  de  la  \ille,  de  la  [somme]  de  cent  trente  cinq  livres  pour  les  tableaux 
«  qu'il  a  faits  de  MM.  Vivey,  Licterie  et  Mercier  jurats... 

(.irchives  municipales  de  Bordeaux,  feuillets  demi-brùlës,  loc.  cit.) 

Juin'2îl.  —  »  Autre  mandement  en  faveur  d' Anthoine  Latour,  peintre 


LES    PEI.\TRES    DE    L'HOTEL    DE    \  I L  L  i:    1)1.    BORDEAUX.     929 

«  ordinaire  de  la   Ville,  de  la  somme  de  60  livres  poui- et  advances 

«  qu'il  a  faictes  pour  V Entrée  de  Monsei(jneur  le  gouverneur...  autres... 
«  les  galons,  cazaques pour  la  chamhre  des  harangues »  (fd.) 

1672 

Mai  17.  —  «  à  Latour,  peintre,  trente  si.x  livres  pour  les  armoiries  qui 

«  ont  esté   mizes  audictz  mais    par  mandement  du    17"^  may xxxvf 

«  livres.  »  {Id.) 

Août  3.  —  u  à  Latour,  peintre  ordinaire  de  la  Ville,  cent  trente  cinq 
«  livres,  pour  les  tableaux  de  M. M,  de  Mallet,  Noguès  et  l'Hosteau  par 
i;  mandement  du  3  aoust »  [hl.) 

—  « A  Latour  peintre,  ^h  livres  pour  avoir  réparé  les  tableaux  da 

t  M.  le  Mareschal  D'Ornano...  dans  la  Chambre  du  Conseil,  par  mande- 
u  ment,  cy  45.  »  [Id.) 

1673 

Juin  22.  —  «  iMandement  Anthoine  Le  Blond  de  Latour  la  somme  de 

«  600  livres et  d'advances  qu'il  a   faites  pour   VEntrée  de   Monsei- 

«  gneur  le  maréchal  d'Albret...  »  {[d.) 

Juillet  29.  —  ;<  Au  mesme  Latour  peintre,  la  somme  de  45  livres 
«  pour  avoir  paint  et  doré  les  enseignes  les  deuv  trompettes  par  mande- 
u  ment  dudict  jour  29  juillet    1673.  » 

Juillet  29.  —  u portraits  de  MM.  de  Ponthelier,  Sabathier   et 

u  Vatloux,  jurats...  135  livres.  »  {Id.) 

Septembre  3.  —  Baptême  de  Pierre  Leblond.  —  «  Du  dimanche 
u  3  septembre  1673,  a  esté  baptisé  Pierre,  fils  légitime  de  sieur  Anthoine 
a  Le  Blond  de  Latour  peintre  ordinaire  de  l'hostel  de  Ville  et  de  Marie 
ic  Madelaine  de  Robelain,  sa  femme,  parroisse  Saint  Eloy,  parrain 
u  Pierre  Michel,  marraine  Louise  Douât,  naquit  vendredy....  A  Le  Bloxd 
«  DE  L.i  Tour.  « 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Etat  civiL  Saint-André,  loc.  cit.) 

1674 

Juin  2.  —  i:  Mandement  en  faveur  à' Anthoine  Latour,  peintre  ordi- 
u.  naire  du  presant  hostel,  la  somme  de  42  livres  pour  14  armoiries 
«  qu'il  a  faites  tant  pour  le  may  de  Monseigneur  le  gouverneur  que  pour 

u  celuy  de  la  ville,  à  raison  du  3   livres  pièce 42  livres  —  Plus  la 

K  somme  de  3  livres  pour  quelques  armoiries  qu'il  flt  pour  les  funérailles 
«  de  feuM.  Bertbous,  revenant  à  45 livres,  n 

Août  18.  —  «  Mandement  en  faveur  d'y4/i^/iome  Leblond,  peintre  ordi- 
^     ■•  —■-  - ■  .  ^  ■     -•■-  •59--  'V.'-  -"^  . 


930     LES    PKINTRES    DE    LHOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

«  nuire  de  la  Ville,  de  la  somme  de  135  livres  pour  les  tableaux  et 
u  portraits  de  MM  de  Poursat,  Dunibaut  et  Béchon,  qui  ont  fini  le  terme 
«  de  leur  Jurade,  le  dernier  du  présent  mois 135  livres  » . 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Comptabililé,   feuillets  derai-brùlés,  loc.  cil.) 

1675 

Mai  4.  —  ti  Mandement  à  Antoine  de  la  Tour,  peintre  ordinaire  de  la 
«  Ville,  48  livres  à  luy  ordonnées  pour  avoir  fait  14  armoiries  pour  les 
«  mays  qui  ont  estes  plantés  devant  la  maizon  de  Monseigneur  le  gouver- 
«  neur  et  devant  l'hostel  de  Ville  et  pour  deux  autres  armoiries  données 
«  aux  tapissiers  de  la  ville  par  ordre  de  MM.  les  Jurats.  »  (Id.) 

Mai  4.  —  il  Mandement  Anthoine  de  Lalour,  peintre  ordinaire  de  la 
'<  Ville,  de  la  somme  de  cent  trente  cinq  livres  pour  les  tableaux  de 
«  MM.  de  Fonteneil,  Boisson  et  Roche  jurats,  135  livres  ;  plus  à  luy 
«  ordonné  la  somme  de  45  livres  pour  le  portrait  du  Roy  qu'il  a  esté 
«  mis  dans  la  Chambre  des  beuvettes 45  livres.  «  (Id.) 

1676 

Juillet  30.  —  Baptême  de  Marie  Madeleine  Le  Blond.  —  "  Dudict 
«  jour  30  juillet  1676.  — A  esté  baptisée  Marie  Magdelaine,  fille  légitime 
u  de  sieur  Antoine  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre  de  l'bostel  de  Ville,  et  de 
"  Marie  Magdelaine  Robelin,  demeurant  parroisse  S'  Eloy,  parrain  sieur 
«  Pierre  Leboy,  maislre  d'hostel  de  M' le  mareschal  d'Albret,  gouverneur 
«  de  Guyenne,  marraine,  Damoiselle  Marie  Michel,  nacquit  le  25  mai 
tt  à  2  h.  du  m.  —  A  Leblond  de  ta  Tour.  — Marie  Michel.  —  Legois.  » 

{Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Etat  civil.  Saint-Audré,  loc.  cit.) 

Novembre  4.  —  «  Autre  mandement  en  faveur  à' Anthoine  Le  Blond 
«  de  la  Tour,  peintre  de  la  ville,  234  livres  à  luy  ordonnées  pour  avoir 
(  faict  \es  portraicts  en  long  de  MM.  de  Boroche,  Minvielle,  Carpentey, 
u  cy  devant  jurats  et  de  MM.  de  Jehan  et  Duboscq,  procureur  syndic  et 
;(  Clerc  de  Ville,  qui  est  à  raison  de  45  livres  pour  chaque  portraict  et 
"  neuf  livres  pour  avoir  peint  en  noyer  le  boisage  où  sont  appliqués 
«  lesdictz  portraicts  dans  l'hostel  de  Ville 234  livres.  » 

[Les  portraicts  en  long,  c' est-dire  en  pied,  que  le  peintre  exécutait  pour 
l'hôtel  de  ville  étaient  faits  en  même  temps  que  les  portraits  en  buste  qui 
étaient  remis  à  lajamille.) 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  — Comptabilité,  feuillets  demi-brùlés,  loc.  cit.) 

1677 

Mai  12,  —  Entrée  de  M.  le  duc  de  Rocquelaure,  gouverneur,  — 
«  A  Le  Bien  dit  Latour,  paintre  ordinaire  de  la  Ville^h  somme  de  deux 


LES    PEIXTRES    DE    LHOTEL    DE    VILLE    DE    BOItDEALX.     931 

;'  cens  huitante  livres  dix   sols  à  luy  ordonnée   pour  avoir  peint  ladilte 
'  maison  navalle,  trois  balteaux  et  trente  trois  armoiries  [)ar  mandement 

.'  et  quittance  du  douzième  may  1G77,  cy ii"^  un"  livres  x  sols,  n  [M.) 

Juillet  21.  —  «  Autre  mandement  en  ïa.veur  à! Antoine  Le  Blond  de  la 
«  Tour,  peintre  ordinaire  de  la  ville  de  la  somme  de  deiiv  cent  di\  livres, 
'.  scavoir  cent  cinquante  livres  pour  avoir  fait  les  trois  portraicts  de 
-i  MM.  de  Lalande-Deffieux,  Chicquet  et  Villatte,  jurats,  quarante  cinq 
.'  livres  pour  le  portraict  de  Monseigneur  le  Daupbin,  et  15  livres  pour 
«  avoir  peint  le  lambris  desdits  portraicts.  « 

—  «  Lala7ide-Dejieux,  iarsLl...  210  livres.  » 

(Archives  municipales.  —  Registre  des  mandements,  série  CC.  1673-lt)"".) 

Juillet  14.  —  u  Autre  mandement  en  faveur  de  Pierre  Laconfourque" 
Il  de  la  somme  de  cinquante  quatre  livres  pour  le  lambris  du  tableau  de 
i!  MM.  les  Jurais  qui  doit  estre  mis  dans  la  Chambre  du  Conseil  suivant 
"  son  compte  arrêté  par  M"^  Villatte  Jurât.  » 

—  «  Lalande-DeJJieux,  jurats.  »   [Id.) 

1678 

Février  2.  —  «  Mandement  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre  ordinaire 
"  de  la  Ville  de  la  somme  de  cinquante  livres  accordées  pour  le  portraict 
"  de  feu  M'  Berlhous,  jurât » 

—  «   Guyonnet,  jurât,  Duprat,  jurât.  »  {Id.) 

Juin  10.  —  'i  A  Anthoine  Le  Blond,  dit  Latour,  peintre  ordinaire 
«  de  la  Ville  la  somme  de  250  livres  à  luy  ordonnée  pour  avoir  fait  les 
.<  portraicts  de  la  Beyne  et  de  MM.  de  Bourran,  de  Poiltevin,  et  Roche  de 
«  la  Tuque, jurats, par  mandement  et  quittance  du  lOjuin  dernier.  »(/</.) 

Juillet  20.  —  K  Mandement  en  faveur  à' Anthoine  Le  Blond  de  la 
.;  Tour,  peintre  ordinaire  de  la  Ville,  la  somme  de  cent  cinquante  livres 
.<  pour  avoir  faicts  les  portraicts  de  MM.  de  Guyonnet,  Duprat  etCournut, 
u  jurats,  et  la  somme  de  quinze  livres  d'autre  pour  avoir  peint  le  lam-i 
.1  bris  dans  lequel  lesdictz  portraictz  sont  pozés  en  la  Chambre  du 
ic  conseil  de  l'Hoslel  de  Ville,  revenant  à  165  livres.  » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux,  —  Comptabilité,  feuillets  demi-brùlés,  loc,  cit.) 

1679 

—  " \A  nthoine  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre  ordinaire  de  la  Ville 

•<  la  somme  de  60  livres  à  luy  ordonnée  pour  vingt  escussons  qu'il  a 
j  faictes  pour  lesdictz  mays  par  mandement  et  quittance  dudict  jour 
"  cy Lx.  »  {Id.) 

Mai  6.  —  «  A  Anthoine  Le  Blond  dit  Latour,  peintre  ordinaire  de 
■■i  la  Ville,  la  somme  de  60  livres  à  luy  ordonnée  pour  20  escussons  qu'il 


932     LES    PEINTRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

u  a  faitz  pour  lesdictz  mays.  Mandement  et  quittance  de  ce  jour.  »  [fd.) 
Juillet  29.  —  «  A  Anthoine  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre  ordinaire  de 
u  la  ville  la  somme  de  (30  livres  à  luy  ordonnée  pour  demy  année  de 
u  l'entretenement  des  tableaux  dudict  hostel  de  Ville  par  mandement  et 
«  quittance  du  29  juillet  dudict  an.  »  (fd.) 

1680 

—  Confrérie  de  Saint-Sébastien.  —  Le  Blond  de  la  Tour,  reçu  en 
1680,  a  signé  sur  le  registre  de  la  «  Confrérie  de  Monseigneur  Saint- 
u  Sébastien,  S'  Roch,  S'  Martin,  S'  Hilaire  et  S'"  Barbe...  instituée  en 
"  l'église  S'  Michel  de  Bordeaux  par  le  R.  P.  en  Dieu  Monseigneur  l'Ar- 
c(  chevesque  de  Bourdeaux  en  l'année  1497.  » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Collection  Delpil.) 

jj^ai  8.  —  «  A  Anthoine  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre  ordinaire  de  la 
«  ville,  la  somme  de  LX  livrespour20  armoiries  qu'il  a  fournies  aux  trois 
«  mays.  L'un  de  Monseigneur  le  duc,  l'autre  de  monseigneur  le  compte 
«  et  celluy  de  l'Hostel  de  Ville....  60  livres.  » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Comptabilité,  feuillets  demi-brùlés,  loc.  cit.) 

Juillet  24.  —  «  De  la  somme  de  60  livres  pour  demi  année  de  gages 
«  qui  commencent  le  15  du  présent  mois  de  juillet.  »  (Id.) 

Septembre  21.  —  «  En  faveur  de  Anthoine  Leblond  de  la  Tour,  peintre 
a  ordinaire  de  la  ville,  la  soiiime  de  deux  cents  livres  pour  les  quatre 
«  portraictz  de  MM.  de  Sallegourde,  Cornet,  Ponthoise,  jurats;  de  Jehan, 
«  procureur  syndic,...  200  livres.  « 

—  u  Lacour,  jurât.  —  Delbreil,  jurât.  » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Registre  des  mandements,  loc,  cil.) 

Octobre  14.  —  Baptême  Joseph- Sulpicc  Le  Blond  de  la  Tour.  —  «  Ce 
«  mesme  jour  14  octobre  1680  —  A  esté  baptisé  Joseph  Sulpice  fils 
«  légitime  de  Anthoine  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre  ordinaire  de  l'Hostel 
K  de  Ville  de  Bourdeaux  et  de  Marie  Robely,  paroisse  Saint  Eloy,  parrain 
«  Jacques  Leblond  de  la  Tour  pour  dom  Sulpis  de  Bourbon,  religieux 
«  bénédictin,  marraine  Denise  Bélac  pour  Mademoiselle  Blanche  Lanais- 
«  sance,  le   12  à  cinq  heures  du  s. 

K  Le  Blond  de  la  Tour,  père.  Le  Blond  de  la  Tour  jais ant  pour 

u  don  Sulpice  de  Bourbon,  religieux  bénédictin,  —  Rocques.  » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Etat  civil.  Naissances.  Saint-André,  loc.  cit., 
101.) 

1681 

]\{ai  7.  — ■  u  A  Anthoine  Le  Blond  dit  Latour,  peintî^e  ordinaire  de 
«  la  ville,  la  somme  de  soixante  livres  pour  vingt  écussons  ou  armoiries 


LES    PK1\'TRES    DE    I.IIOTEI.    DE    VILLE    OE    BORDEAUX.     933 

Il  fjuil  ;i  faictes  et  qny  ont  esté  attachées  aux  troys  mays  plantés  le  jour 
«  du  premier  mai  1081  aux  susdictz  lieux  suivant  mandement  visé  par 
«  Mondict  Seigneur  de  Faucon  de  Rix,  intendant,  quittance  dalté  du 
a  7  mai  IGSl,  cy  rendu Lx  livres.  " 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Comptabilité,  feuillets  demi-brùlés,  loe,  cit.) 

1682 

Le  Blond  de  la  Tour  fut  parrain  d'an  des  enfants  de  son  beau-frère 
Jean  Lemoyne,  sculpteur,  membre  de  l'Académie  royale,  grand  père  de 
Jean  Baptiste  Lemoyne,  sculpteur,  qui  fit  la  statue  de  Louis  XV,  à  Bor- 
deaux. —  Voir  Jal,  Dictionnaire  de  biographie  et  d'hislnlre,  au  mot 
Lemoyne. 

Juillet  15.   —   «  Autre  mandement  en  faveur  à'Ant/ioine  dit  Latour, 

^t  peintre  ordinaire  de  la  Ville,  de  la  somme  de soixante  cinq  livres 

«  pour  travail  faict  pour  la   Ville  suivant  son  compte de  Navarre, 

K  jurât,  et  commissaire suivant  l'arrest  du  Conseil  du  18 Latour 

(1  faisant  vizer  le  presant quy  demeurera  attaché  à Romal,  Jurât.» 

(Archives  municipales  de  Bordoaus.  —  Comptabilité,  feuillets  demi-brùlés,  loc.  cil.) 

Juillet  18.  —  «  Expédié  mandement  en  faveur  à! Anthoine  Le  Blond 
<i  peintre  de  la  somme  de  135  livres  pour  les  portraicts  de  MM.  de 

«  La   Court,  Romat   et  Léglise,  jurats_, faictes  quy  ont  esté  exposés 

«  dans  la  grande  salle  de  l'Hôlel  de  ville,  ladicte  somme  payable  confor- 
«  mément  à  l'arrest  du  Conseil  du  18  juillet  1670.  »    {Id.) 

Août  18  à  21.  —  '<  Fêtes,  arcs  de  triomphe  avec  nombreuses  statues, 
ornemens,  etc.,  fontaines  devin,  »  etc.,  à  l'occasion  de  la  naissance  de 
Monseigneur  le  duc  de  Bourgogne,  (Id.  et  carton  229.)  —  Voir  Chron. 
Bordelaise,  Bordeaux,  Simon  Boé,  1703;  Hist.  de  Bordeaux  par  Don 
Devienne,  etc. 

1683 

Juillet  14.  —  ;  A  esté  délibéré  qu'il  seroit  expédié  mandement  à 
«  Anthoine  Le  Blond  S'  de  la  Tour,  peintre  ordinaire  de  la  Ville  de  la 
«  somme  de  135  livres  pour  les  trois  portraits  qu'il  a  faits  de  MM.  de 
«  Maniban,  Jégun  et  Navarre,  jurats,  pour  estre  payés  par  M''  Dumas, 

<  jurât, faisant  par  provision  la  charge  de  trésorier  de  la  Ville,  en 

«  vertu  de  la  délibération  du  18  juillet  1670.  ■•> 

(Archives  municipales  de  Bordeaux,  feuillets  demi-brùlés,  loc.  cil.) 

Août.  «  Luganoy  M"^  vitrier...  de  deux  cent  soixante  se|)t  livres  pour 
«  900  armoiries  qu'il  a  faictes  pour  le  service  de  la  feue  Reine  a  raizon 


034     LES    PEI\'TRES    DE    LHOTEI.    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

(c  de  30  livres  le  cent...  suivant  le  bail  au  rabais  à  luy  faict  le  21  du  mois 
«  passé  et  6  livres  pour  avoir  peint  la  Chapelle  ardente  et  les  épingles 
«  ayant  servy  à  attacher  lesdictes  armoiries »  {Id.) 

1684 

Juillet  3.  —  «  Il  fut  délibéré  qu'il  seroit  faict  un  portraict  du  Roy  assis 
^t  sur  son  trône  )^  {Cliron.  Bord.  loc.  cit.) 

Juillet  30.  —  «  Mandement  en  faveur  à'Anthoine  Le  Blond  S'^  de  la 
«  Tour,  pintre  ordinaire  de  la  Ville,  de  la  somme  de  450  livres  pour  les 
a  portraits  de  MM.  les  Jurais,  procureur  syndic  et  Clerc  de  Ville  et  pour 
"  celuy  du  Roy  qui  ont  été  placés  dans  la  salle  de » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Comptabilité,  feuillets  demi-brùlës,  loc.  cil,) 

Juillet  ril.  —  «  A  esté  délibéré  qu'il  serait  expédié  mandement  en  faveur 
«  A'Anthoine  Le  Blond  de  la  Tour  peintre,  de  la  somme  de  quatre  cens  cin- 
u  quanle  livres  pour /e5/Jor^ra<Ï5  de  MM. lesjurats,  procureur  syndicetClerc 

«  de  Ville pourtraict  du  Roy  qui  ont  esté  placés  à  la  salle  de  l'au- 

«  dience  au-dessus  des  sièges 270  livres  pour  les  tableaux  desdicts  jurât 

»  qu'il  devoit  faire  la  présente  année  et  la  prochaine  1685,  à  raison  de  135 
«  par  an  suivant  l'arrest  du  ISjuin  1670  et  180  livres  pour  le  pourtraict  du 
0  Roy  et  autres  aulmentations  auxquelles  il  n'estoit  point  teneu.  Pour  estre 
«  ladicte  somme  de  180  livres  prise  sur  les  fonds  des  amendes  suivant  la 
vt  délibération  prise  par  l'advis  du  Conseil  des  30  et  du  3  du  courant  faisant 
u  en  tout  la  dille  somme  de  450  livres...  sera  payée  audict  sieur  par  M.  Du- 

«  mas,  jurât, trésorier  auquel  elle  sera  allouée  dans  la  dicte  dépense  de 

«  ses  comptes...  le  mandement l'extraict  de  la  délibération  et  la  quit- 

«  tance  audict   Sieur  Latour  et  moyennant   ledict  payement la  Ville 

"  demeurera  quitte de  cent  trente  cinq  livres  qui  devoit  estre  payée 

«  pour  l'année  prochaine  et  ledict  sieur  teneu  de  raccommoder  \e  tableau  de 
«  la  Passion  figurée  et  entretenir  lesdicts  portraictz  placés  sur  le  banc  de 
«  l'audience,  n 

—  «  Dumas,  jurât,  — M  invielle,  jurât,  —  Dudon,  jurât,  —  Chesquet 
V. jurât.  «{Id.) 

1685 

Juillet  7.  —  «  Fournier  peintre,  reçoit  30  livres  pour  plans  des  terres 
«  et  juridiction  de  la  ville  et  de  M.  le  président  de  la  Tresne.  »  (Id.) 

1687 

Janvier  4.  —  «  Mandement  en  faveur  de  sieur  Le  Blond  de  la  Tour, 
«  peintre  de  la  somme  de  150  livres  mentionnée  dans  la  délibération  de 
«  l'autre  part Mérignac  jurât.  »  [Id.) 


LES    PEINTRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.     935 

Janvier  4.  —  «  Autre  mandement  en  faveur  de  Sieur  Le  Blond  de  la 
"  Tour,  peintre,  de  la  somme  de  cent  cinquante  livres  en  desduction  des 
u  tableaux  qu'il  a  faits  pour  MM.  les  jurats.  »  (/</.) 

Janvier  9.  —  ^^  Au  sieur  Le  Blond  de  la  Tour,  painctre  ordinaire  de 
«  la  Ville,  la  somme  de  deux  cens  septante  livres  pour  les  tableaux  qu'il 
«  a  faict  de  MM.  Mérignac  Belluye,  Lauvergne,  Ferron,  Méginhac  et 
"  Foucques  et  ce  pour  les  années  1G86  et  1687,  suivant  le  mandement  de 
«  MM.  les  Jurats  du  i)  janvier  1087  et  receu  dudict  Le  Blond  au  doz 
«  d'icelles  que  le  sieur  comptable  remet  cy ii'^lxx.  » 

Janvier  15.  —  «  Autre  mandement  en  faveur  A' Anthoine  Le  Blond  de 
"  la  Tour,  peintre,  de  la  somme  de  deux  cent  soixante  dix  livres  pour  les 
«  tableaux  qu'il  a  faicts  de  deux  eslections  de  l'année  1686  et  1687  et 
«  moyennant  le  presant  mandement,  le  mandement  du  4janviei'  courant 
u  de  la  somme  de  150  livres  demeurera  nul  et  non  advenu.  »  (/(/.) 

(Archives  municipales  de  Bordeanx.  —  Registre  des  mandements,  loc.  cit.) 

1688 

Juillet  26.  —  K  Lettre  de  M.  Guérin,  secrétaire  de  l'Académie  Royale  de 
«  peinture  et  de  sculpture  «  à  Monsieur  Monsieur  Le  Blond  delà  Tour, 
.<  peintre  ordinaire  du  Roy  en  son  académie  roy aile  de  peinture  et  sculp- 
«  turc,  à  Bourdeaux.  » 

«  Monsieur,  —  Ne  vous  impatientés  pas  s'il  vous  plaist  si  jusqu'à 
«  présent  vous  n'avez  poinif  eu  de  nouvelles  sur  vostre  affaire,  les 
«  indispositions  de  Monseigneur  de  Louvois  en  ont  esté  cauze  et  le  voyage 
<  qu'il  faict  à  forges  pour  prendre  des  eaux,  j'ay  bien  la  joye  que  vous 
«  ayez  descouvert  celuy  qui  a  escript  la  lettre  malicieuze  que  je  vous  ay 
u  envoyée.  Il  méritte  assurément  d'en  estre  puni,  j'en  parleray  samedy 
«  prochain  à  l'Académie.  Soyez  s'il  vous  plaist  persuadé  que  je  n'ay 
«  point  oublié  ce  que  vous  désirez  de  moy,  et  que  je  ne  laisseray  pas 
u  eschapper  les  momens  où  je  vous  pouray  rendre  service,  que  je  m'y 
«  employé  tout  entier,  car  je  suis  assurément  i'i  M.  Larraidy  et  à  vous, 
«  Monsieur, 

«  Vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur, 

tt  GuÉRIiV.  » 
Ce  26  juillet  1688. 

Au  dos  :  "  A  Monsieur,  Monsieur  Le  Blond  de  Latour,  peintre  ordinaire 
du  lloy,  en  son  Académie  Royale  de  peinture  et  de  sculpture,  " 

ï  à  Bordeaux.  i> 
(Archives  de  l'Ecole  municipale  des  Beaui-Arts  de  Bordeaux.) 


936     LES    PEINTRES    DE    LIIOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

Août.  —  '  Autre  mandement  de  la  somme  de  135  livres  pour  les  trois 
«  portraits  qu'il  a  faits  de  MM.  de  Mérignac,  Fonteneil  et  Massieu, 
«  jurais.  " 

(Archives  municipales  de  Bordeaux,  feuillets  demi-brûlcs,  loc.  cit.) 

Septembre  7.  —  «  Antoine  Le  Blond  de  la  Tour  a  preste  le  serment  de 
(1  Bourgeois  au  cas  resqais  et  accoustumé  après  avoir  rapporté  inquisi- 
"  lion  de  ses  vie  et   mœurs.  » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux  BB.  —  Jurade,  1688  sept.  7,  f»  70.) 

C'est  assurément  Antoine  et  non  Marc-  Antoine.  Ce  dernier  avait 
à  peine  20  ans  et  son  père  était  dans  la  force  de  Tàge,  du  talent 
et  de  la  considération  publique.  Le  texte  suivant   est  donc  fautif  : 

"  N"  216.  —  Le  Blond  de  la  Tour,  (Damoiselle  Charlotte  Renard 
a  veuve  du  sieur  Antoine)  peintre,  a  représenté  les  lettre  de  bour- 
«  geoisie  de  feu  son  mari,  du  11  septembre  1688,  tant  pour  elle  que 
«  pour  Marie,  Jeanne,  autre  Marie,  autre  Jeanne,  Pierre  et  Michelle 
«  Le  Blond,  ses  enfants  et  dudict  feu  Le  Blond  de  la  Tour,  » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  BB.  Livre  des  Bourgeois,  t.  2,  xuiii^  siècle) 

Charlotte  Renard  épousa,  le  \Â  février  1703,  Marc  Antoine,  mort  en 
17-M,  elle  ne  pouvait  pas  être  femme  d'Antoine,  mort  en  1709,  veuf 
de  Marie  Madeleine  Robelin.  La  pièce  ci-dessus  date  de  1762,  27  janvier. 
Charlotte  Renard  avait  80  ans. 

1689 

Janvier  21.  —  Lettre  de  Guérin,  secrétaire  de  l'Académie  Royale.  — 
1689.  —  ('  Messieurs.  —  Je  vous  avoue  que  c'est  avec  chagrin  que  j'ay 
esté  si  longtemps  sans  avoir  l'honneur  de  vous  escrire,  mais  j'espérois 
toujours  que  vostre  affaire  finiroit  et  que  je  pourois  vous  mander  quelque 
cliose  de  plus  positif  car  toute  l'Académie  va  rendre  au  commancement 
de  l'année  ses  devoirs  à  \ls'  de  Louvois,  son  protecteur,  je  croyois  que 
l'on  trouveroit  l'occasion  de  luy  faire  signer  les  articles  qui  ont  estédressez 
pour  vostre  establissement  car  il  ne  reste  que  cela  à  faire,  je  les  avois 
portez  pour  ce  sujet,  mais  on  le  trouva  si  occupé  par  les  grandes  affaires 
qu'il  a,  que  l'on  ne  trouva  pas  à  propos  de  l'en  importuner,  je  suis  bien 
aise  que  vous  ayez  escrit  à  l'Académie,  cela  me  donnera  occasion  de 
presser,  pour  moy  je  n'ay  rien  à  me  reprocher  et  feray  toujours  tout  ce 
quy  sei'a  possible  pour  vous  rendreservice,  je  vous  manderay  ce  que  l'Aca- 
démie aura  ordonné  sur  vostre  lettre  que  je  lui  présenteray  le  dernier 
samedy  de  ce  mois  qui  est  la  première  assemblée.  Je  viens  de  faire  voir 
à  M'  Le  Brun  la  lettre  que  vous  me  faites  l'honneur  de  m'escrire,  et  celle 


l,i;S    PKIXTllKS    OR    LHOTEI.    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.     037 

pour  l'Académie.  Il  est  toujours  dans  la  mesme  disposition  de  vous  rendre 
service  et  de  seconder  vostre  zèle  autant  qu'il  poura.  Je  le  voy  dans  la 
pensée  de  finir  vostre  affaire  au  plus  tost.  » 

«  Je  suis  toujours  avec  beaucoup  d'estime  pour  vostre  mérite  et  bien 
du  respect,  Messieurs,  vostre  très   humble  et  très  obéissant  serviteur.  « 

«  GlERIN.  i) 
'  Ce  21  janvier  1689.  - 

Mars  18.  —  Entrée  du  Mareachal  de  Lorges,  gouverneur. 

«  Autre  mandement  en  faveur  d'Antoine  de  La  Tour,  peintre  ordi- 
naire de  la  Ville,  de  la  somme  de  sept  cens  livres  à  valoir  sur  le  paie- 
ment de  la  somme  de  deux  mil  six  cens  cinquante  livres  pour  la  besoigne 
de  peintures  qu'il  a  faites  pour  l'entrée  de  Mgr  le  Maréchal  de  Lorges, 

(îouverneur, 662   livres  dix  sols —   Autre   pour  fasson    ,<    de 

bourguignottes, costumes...  matelots les  galons cazaques  des 

archers et  doux  pour  la  tribune  chambre  des  harangues,  a 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Comptabilité,  feuillets  demi-brûlés,  loc.  cit.) 

Mars  13.  —  Entrée  du  Maréchal  de  Lorges.  —  «  Il  vint  avec  la  maison 
navale  jusqu'à  Bacalan.  Il  descendit  malgré  l'insistance  des  jurats,  monta 
en  carosse  et  se  fit  conduire  chez  le  Marquis  de  Sainte  Ruhe,  lieutenant 
général  avec  lequel  il  dina.  i  [Id.  Jurade.) 

Juin  27.  —  «  Autre  mandement  en  faveur  De  sieur  Le  Blond  de  la 
Tour,  peintre  ordinaire  de  la  Ville,  de  la  somme  de  cent  trente  cinq 
livres  pour  les  tableaux  qu'il  a  faits  dans  la  présente  année  de  MM.  Dublanq, 
Brezels et  Miramon  jurats.  » 

{fd.  —  Comptabilité,  feuillets  demi-brùlés.  loc.  cit.) 

1690 

Juin  3.  —  «  Lettres  patentes  de  t Académie  royale  de  peinture  et  de 
sculpture  et  d'architecture  de  Paris,  portant  établissement  de  l'Ecole 
académique  de  Bordeaux.  » 

«  L'AcADlhlIE  ROYALLE  DE  PEIXTURE  ET  DE  SCILPTIRE  CStabliC  _pqr,  kttres- 

«  patentes  du  Roy,  vérifiées  en  parlement  présentement  sous  la  protection 
.<  de  Mo.\sEiG\ELu  LE  Marquis  de  Louvois  et  de  Courtenvaux,  conseiller  du 
«  Roy  en  tous  ses  conseils,  ministre  et  secrétaire  d' Estât,  commandeur  et 
«  chevalier  des  ordres  de  Sa  Majesté,  sur  intendant  et  ordonnateur  général 
«  des  Bastimens,  arts  et  manufactures  de  France. 

«  A  TOUS  CEUX  QUI  CES  PRÉSEXTES  LETTRES  VERRONT  SALUT.  La  Compagnie 
«  s'estant  fait  représenter  les  lettres  a  elle  cy  devant  escriltes  par 
«  plusieurs  peintres  et  sculpteurs  de  Bourdeaux,qui  proposent  de  faire  un 
«  establissement  académique  dans  leur  ville,  au  désir  et  conformément 


938     LES    PEINTRES    DE    L'HOTEL   DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 


«  aux  lettres  patentes  du  Uoy,  portant  l'établissement  des  Académies 
«  de  peinture  et  de  sculpture  dans  les  principales  villes  du  royaume,  et 
a  règlement  dressé  à  ce  sujet  du  mois  de  novembre  1G76  :  registrez  en 
«  parlement  le  22  décembre  en  suivant  après  avoir  examiné  les  délibé- 
•<  rations  particulières  et  résultats  sur  ce  projet  dudit  establissement  et 
«  voulant  de  sa  part  contribuer  au  zèle  que  lesdits  peintres  et  sculpteurs 
«  font  paroistre  de  se  perfectionner  dans  leur  art  autant  qu'il  leur  sera 
«possible,  a  résolu  et  arresté  sous  le  bon  plaisir  de  Monseigneur  de 
«  Louvois  son  protecteur  de  consentir  à  l'établissement  demandé  par 
«  lesdits  peintres  et  sculpteurs  de  Bourdeaux  à  la  charge  d'observer  les 
«  règlements  contenus  esdiltes  lettres  patentes  et  de  ce  conformer  autant 
«  que  faire  se  poura  à  la  dissipline  qui  s'observe  dans  cette  Académie 
«  Royalle  à  l'effect  de  quoy  elle  a  ordonné  qu'il  leur  seroit  envoyé  une 
«  expédition  en  parchemin  du  présent  résultat  signé  de  Mons.  le  Directeur, 
>t  de  Messieurs  les  officiers  en  Exercice,  de  Mess"  les  Recteurs  et  adjoints 
«  Recteurs  et  des  deux  plus  anciens  professeurs,  Scellez  de  son  sceau  et 
«  contresignez  par  son  Secrétaire  et  une  copie  Colationnée  des  lettres 
«  patentes  et  Règlement  qui  pouront  servir  à  leur  Etablissement  et  à  la 
tt  Régie  de  leur  Compagnie. 

il  A  Paris,  ce  troisiesme  juin  mil  six  cens  quatre  vingt  dix. 


«  MiGMRD.  )) 


GiRARDO.V 

Desjardins 

DE  SÈVE 
COVPEL 


covsevox 
Pailhe 


ADJOIXTS   RECTEVRS 


RECTEURS 


Regxavdi.v 
Blanchard 

HOVASSE 


professe VRS. 


BovLOGXE  le  jevne.  —  P.  Sève 

DE  PLATE  MONTAGNE.  J.-B.  LE  ClERC  JoVVEXET 

Edelinck. 

Au  dos  :  II.  Visa  Migxard.  —  Par  l'Académie  Gverix.  j 

(Archives  de  l'École  municipale  des  Beaux-Arts  de  Bordeaux,  loc.  cit.) 

Juillet  26.  —  « Le  Blond  de  la  Tour  270  livres  pour  les  portraits 

de  MM' Secondât et  pour  estre conformément  à  l'arrest  du 

conseil  du   18  juillet  1070  et  ce  pour  les  pourtraictz  des  jurades  des 
années  1690  et  1691.  » 

(Archives  municipales,  Comptabilité,  ten'iWeii  demi-brûlés, /oc   cil.) 

Il  est  question  ici  des  deux  tableaux  des  jurades  1690  et  1691  ;  chacun 
contenait  trois  portraits  et  était  payé  135  livres  l'un.  Les  six  jurais  dont 
Leblond  avait  fait  les  portraits  pour  la  somme  ci-dessus,  étaient  MM.  de 
Lancre,  écuyer,  Grégoire,  avocat,  et  Bareijre,  puis  MM.  Secondât  de  Mon- 
tesquieu, écuyer,  de  Hoirie,  avocat,  et  Carpentcij,  bourgeois. 


LES    PEIX'TRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.     939 

AolU  30.  —  Peintre  ordinaire  de  la  Ville  receu  en  survivance.  — 
"  S'est  pnté  Anloine  Le  Blond  de  Lalour  peintre  ordinaire  de  la  ville  qui 
u  a  prié  MM.  les  Maires  et  Jurais  vouloir  recevoir  à  sa  place  en  survi- 
«  vance,  Marc  Antoine  Le  Blond  de  Latour  son  fds  en  qualité  de  peintre 
u  ordinaire  de  la  ville  pour  jouir  après  le  déceds  dudict  Antoine  Le  Blond 
a  de  Latour,  son  père,  des  mesmes  gages,  esmolumens,  honneurs  et  préro- 
u  galives.  A  esté  délibéré  qu'acte  est  octroyé  audict  Latour  et  qu'à  sa 
«  place  est  receucn  survivance  Marc  Antoine  Le  Blond  de  Latour,  son  fils, 
tt  pour  jouir  par  ledit  Marc  Antoine  des  mesmes  gages,  esmolumens, 
«  honneurs  et  prérogatives  après  le  déceds  dud.  Anloine,  son  père  et  à 
«  l'instant  ledict  Marc  Anloine  Latour  a  preste  le  serment  au  cas  resquis. 

—  «  d'Estrapes,  maire;  Destigxols  de  L\smE.,juratf  G^ÉGomE  jurât . 
vi  — BARREVRF.yMra^,  —  Hoirie,  jurât  ;  C^^pestev y  jurât  ;  Duboscq,  clerc 
«  de  V'ille » 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  Jurade,  loc.  cil.) 

«  Estât  de  la  recepte  des  cens  et  rentes  appartenant  au  chapitre  de 
"  l'Eglise  primatiale  S'  André  de  Bordeaux  commencé  le  14  novembre 
1!  1690  et  finissant  à  pareil  jour  de  Vannée  1696.  » 

'(  Bassens  —  Plus  reçeu  du  sieur  Latour,  peintre,  la  somme  de  87  livres 
«  pour  les  prés  et  aubarède  qu'il  possède  à  Bassens,  au  lieu  appelé  à  Arli- 
(1  guelongue,  à  râôn  de  3  livres  par  an  et  pour  29  ans  finys  en  1690.  » 

(Archives  départementales  de  la  Gironde,  série  G.,  497.) 

Faut-il  comprendre  que  notre  peintre  était  propriétaire  de  ces  prai- 
ries depuis  1661  ?  Dans  ce  cas,  il  aurait  habité  Bordeaux  lors  du 
mariage  de  Louis  XIV  et  de  son  passage  à  Bordeaux,  en  1660.  Fut-il 
amené  de  Paris  à  Bordeaux  à  la  suite  du  Roy  ?  C'est  admissible. 

1691 

«  —  La  veuve  Rohelin  pour  une  pièce  de  pré  dans  la  paroisse  de 
ic  Bassens,  cy 36  livres,  x  {Id.) 

Avril  29.  —  «  Délibération  de  V Académie  de  Bordeaux  où  elle  se 
"  qualiffie  d Académie  royale.  —  Aujourd'huy  29'  d'avril  mil  six  cens 
"  quatre  vingt  onze,  nous  soussignez  composant  l'Académie  Royale  de 
u  Peinture  et  Sculpture  établie  à  Bordeaux,  estant  assemblées  dans  le 
«  Palais  archiépiscopal  conformément  à  la  délibération  précédente  en 
"  présence  de  Monseig'  l'Archevêque  de  Bord^  nostre  vice  protecteur, 
u  avons  procédé  à  la  nomination  et  l'élection  des  Professeurs  et  Adjoints, 
«  de  laditle  Académie  et  conimancé  par  nommer  Monsieur  Le  Blond  de 
<c  la  Tour  pour  premier  Professeur,  en   considération  de  son  méritte,  et 


OiO     LES    PKIXTRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 


«  de  ce  qu'il  a  l'avantage  d'eslre  du  nombre  de  ceux  qui  composent 
«  l'illustre  Compagnie  de  Lacadémie  Royale  de  Paris,  laquelle  nomina- 
«  tion  a  esté  unanimement  faille,  ensuille  avons  procédé  k  la  nomination 
«  des  autres  comme  s'ensuit,  le  tout  à  la  Pluralité  des  voix.  » 


«  Professeurs  :  » 

AP  Le  Blond  de  Latow\  peintre.      M""  Bentiis,  Peintre, 

M'  Du  Bois,  Sculpteur,  M'  Thibault,  Sculpteur, 

AP  Fournier  aisné,  Peintre,  M'  Du  Claire  aisné.  Peintre, 

-M'  Gaullier,  sculpteur,  W  Berquin  le  Jeune,  Sculpteur, 

AP  Larraidij,  Peintre,  M""  Tirman,  Peintre, 

AP  Bevquin,  aisné,  sculpteur,  M""  Dorimon,  sculpteur, 

«  Adjoints  à  Professeurs.  —  AP  Fournie  le  jeune  —  AP  Du  Claire  le 
jeune.  —  AP  Constantin.  " 

«  Desquelles  Elections  cy  dessus  avons  dressé  le  présent  procez  verbal 
pour  servir  et  valoir  en  temps  et  lieu,  et  a  Mondict  Seigneur  l'Arche- 
vesque,  déclaré  approuver  lesditles  élections.  » 

«  —  Lovis,  arch.  deBourdeatix.  —  Lebloxd  de  Latovr  —  P.  dv  Bois. 
—  FoiRNiER  —  Larraidy  —  Gavllier  —  Bextvs  —  Pierre  Berqvim  — 
TiRMAx  —  Jean  Berqvlx  —  Fourmer  —  J.  Dvclaircq  —  Dvclercq.  » 

(Archives  de  l'Erole  municipale  des  Beaux-Arls,  loc.  cit.) 

1691 

.   Août  11.  —   Supplique   des  Peintres   et   sculpteurs  qui  composent 

l'Académie  estahlie  en  cesle  ville.  « à  MM.  les  Maire  et  jurais  gou- 

«  verneurs  de  Bordeaux.  »  Ils  demandent  une  salle  dans  le  Collège  de 
Guienne  que  le  Principal  veut  bien  leur  céder;  l'autorisation  de  percer 
une  porte  et  des  fenêtres^  puis  de  poser  une  «  inscription  portant  ces 
«  mots  :  Académie  de  peinture  et  sculpture.  Cette  pièce  est  signée  : 

«  Leblond  de  Latolr.  —  c.  Fournier.  —  Larraidy.  —  Pierre  Berqvlv. 
«  —  P.  DV  Bois.  —  Lalemax  pour  les  supplians.  » 

«  —  Soit  montré  au  Procureur  scindic.  —  Fait  dans  l'Hostel  de  Ville, 
«  ce  11  août  1691.  " 

—  "  E\^^vD,  Jurât.  » 

(Arcliives  municipales,  série  GG.  —  Académie  de  peinture,  sculpture  et  architecture, 
carton  305.) 

Aoiit  14.  —  «  Veu  la  présente  Requeste  commissaire   se   transportera 

«  avecq  nous  sur  les  lieux  pour  le  Procès-verbal de  Jehan,  procureur 

"  scindicq.  " 

«  17  Aoust.  —    Commissaire   IVP  Eyraud,  jurât pour   se  trans- 

«  porter  sur  les  lieux de  Lavavd,  jurât.  »   (Id.) 


I 


LES    PEINTRES    DE    l/HOTEI.    DE    VILLE    DE    BOIIDEAUX.     941 

AoùfiQ.  — Procès-verbal  du  iixvAl  E^va.ud,  commissaire,  1res  favo- 
rable. {Id.) 

Août.  —  Au  dos  de  la  liasse  ci-dessus  on  lit  :  u  Requête  des  peintres 
et  sculpteurs  qui  composent  l'Académie  aux  fins  qu'il  leur  fut  accordé 
une  salle  du  collège  dépendant  de  t  apartement  du  Principal  pour  y  tenir 
leur  Eeolle,  et  qiiil  leur  fut  permis  de  percer  celte  salle  du  côté  de  la 
rue  du  collège,  avec  un  verbal  fait  par  AP  Eyraud,  jurât,  à  ce  député 
qui  établit  que  les  conclusions  de  cette  Requesle  peuvent  être  accordées; 
vu  même  l'inutilité  de  cette  salle  et  le  consentement  du  Principal  du 
Collège,  qu'il  avoit  déjà  donnée.  »  (/</.) 

Août  22.  —  «  Académie  de  peinture.  ^  Le  maire,  jurais  et  gouver- 
neurs de  Bordeaux «   Veu    la  requeste  du  17  du  présent  mois à 

u  ces  fins  leur  ont  concédé  wie  salle  dans  le  collège  de  Guienne à  la 

«  charge  de  faire  toutes  les  fermures  nécessaires et  ô  la  charge  aussy 

«  de  remettre  les  choses  en  premier  état (en  cas  de  déménagement). 

u  BoRŒ,  J.  Carpextev,  EvRAii),  d'Aste,  jurats.  " 

(Archives  municipales,  série  BB.  —  Registre  de  la  Jurade,  toc.  cil.) 

1692 

Janvier  26.  —  Marc  Antoine  Le  Blond  et  Jean  Louis  Lemoyne,  agrégés 
de  l'Académie  de  Bordeaux.  —  "  Aujourd'huy  samedy  26  janvier  1692 
«  nous  sous  signez,  nous  somme  assemblées  à  l'Académie  et  nous  avons 
«  proposé  ce  qui  s'ensuit  au  sujet  de  i\P  Le  Blond,  peintre,  et  de  M""  Le 
«  Moyne,  sculpteur,  qui  se  sont  présentés  pour  estre  agrégés  dans  nostre 
«  Compagnie,  s'il  nous  plaisoit  les  y  admettre,  ce  que  voulant  bien  de 
it  nostre  part  acorder  ;  la  Compagnie  a  délibéré  que  \l'  Le  Blond  fera 
■-<■  un  tableau  d'un  Crucifix  avec  une  Madeleine  aux  pieds,  de  3  pies  de 
«  haut  et  large  à  proportion,  estant  du  devoir  que  le  premier  tableau  qui 
«  sera  exposé  dans  l'Académie  soit  à  la  gloire  du  Sauveur;  pour  ce  qui 
«  est  de  Monsieur  Le  Moyne  il  fera  un  porlraict  du  Roy  en  grand,  de  bois 
«  de  noyer,  pour  mettre  sur  la  porte  de  l'Académie  :  à  l'égard  du  pre- 
(c  sent  pécuniaire,  la  Compagnie  veut  bien  leur  modérer  à  la  somme  de 
«  cent  livres   pour    les  deux,   qui  est  chacun  cinquantes  livres.  » 

«  Faict  à  Bordeaux  dans  l'Académie  de  peinture  et  sculpture  ce  mesme 
«  jour  et  an  susdit.  " 

;<  —  P.  Dv  Bois.  —  FovRxiER.  —  Gavllier.  —  Larraidy.  —  Pierre 
Berqvin.  —  Bextvs.  —  M.  Fovrxier.  —  Dvclaircq.  —  Tirman'.  —  Jean 

BeRQVIN.    ') 

(Archives  de  l'EioIc  municipale  de  Ecaiix-Aits,  loc.  cil.) 

Février  26.   —    «A  esté  délibéré  qu'il  sera  expédié  mandement  en 


942     LES    PEINTRES    DE    L' HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

<(  faveur  du  sieur /,e  Blond  de  La  Tour,  peintre  ordinaire  de  la  Ville, 
«  de  la  somme  de  cent  livres  à  laquelle  la  valleur  des  tableaux  repré- 
«  sentant  un  Crucifix  à  la  Salle  de  l'Audience  et  le  portrait  de  Mon- 
u  seigneur  le  Dauphin  ont  été  apressiés.  » 

«  EVRAlJD.yMrflf.  —  POVMAREDE,  yuraf.  FONTILLEDE  MoRAS,  ^Urfl^. 

(Archives  municipales,  feuillets  demi -brûlés,  loc.  cil.) 

Mars  4.  —  Agréés  de  V Académie  de  Bordeaux.  —  «  Conformément 
«  à  la  délibération  précédente  nous  nous  sommes  assemblées  aujourd'huy 
u  extraordinairement  ce  lundy  4  mars  1692,  et  ayant  convoqué  M"  Le 
u  Blond  et  Le  Moyne,  ils  ont  répondu  aquiescer  à  ce  que  la  Compa<^nie 
«  souhaitteroit,  et  nous  avons  bien  voulu  de  nostre  part  leur  modérer  le 
«  présent  pécuniaire  à  00  livres  pour  les  deux  qui  sont  de  30  livres 
(1  chacun,  exécutant  pour  le  reste  ce  qui  a  esté  résolu  dans  la  délibération 
«  précédente,  en  livrant  leur  morceau  d'ouvrage  dans  6  mois. 

«  Fait  à  Bordeaux  dans  l'Académie  ce  mesme  jour  lundy  4  mars  1692.» 

—  «  C.  FovRNiER.  —  Le  Bloxd  de  la  Tovr.  —  P.  DU  Bois.  —  Gaullier. 

—  Larraidy.  —  DvcLAiRCQ.  —  Jeax  Berqvl\.  —  Pierre  Berqvin.  — 
TiRMAN.  —  Mar.  Fovrmer.  —  Ltî  Blond  de  la  Tovr,  aquiescent.  — 
Lemoyxe,  acquiescent.  »    [Jd.) 

Mars  5.  —  Lettre  de  M'  d'Estrehan  à  l'Archevêque  de  Bordeaux. 

—  Paris,  le  5  mars  1692.  —  n  J'ay  différé,  Monseigneur,  a  repondre  à  la 
lettre  que  V.  G.  m'a  fait  l'honneur  de  m'ecrire  le  16*  du  passé  au  sujet 
de  la  taxe  de  MM.  les  Peintres  et  sculpteurs  de  l'Académie  de  Bourdeaux, 
parce  que  M''  Mignard,  chef  de  l'académie  Royalle,  étoit  indisposez  et  que 
c'étoit  à  luy  qu'il  falloit  insinuer  les  justes  remontrances  pour  soutenir 
l'exemption  portée  par  les  lettres  patentes.  Enfin,  Monseigneur,  j'ay 
eu  ce  matin  une  longue  conférence  avec  .M'  Mignard  que  j'ay  trouvé  fort 
incommodé  d'un  Rumatisme  et  l'ayant  prié  de  votre  part  d'avoir  la  bonté 
de  protéger  l'Académie  de  Bourdeaux  dans  ceste  occasion  il  m'a  dit  qu'il 
n'avoit  encore  eu  aucune  connoissance  de  cest  affaire  mais  que  dans  la 
première  assemblée  qui  se  tiendra  il  ne  manquera  pas  d'en  parler  et  qu'il 
employera  volontiers  tout  son  crédit  et  tous  ses  amys  auprez  de  M'  de  Pon- 
chartrain  pour  faire  conserver  l'Académie  de  Bourdeaux  dans  les  mesmes 
privilèges  et  prérogatives  que  celle  de  Paris,  étant  juste  quelle  jouisse 
des  mesmes  avantages  puisqu'elle  travaille  pour  le  bien  public  et  pour 
la  gloire  du  Roy,  il  m'a  ajouté  qu'à  votre  considération.  Monseigneur,  il 
redoublera  ses  empressemants  en  faveur  de  ces  Messieurs  et  qu'il  prendra 
plaisir  à  donner  en  celte  rencontre  des  marques  de  son  devoir  et  de  son 
respect. 

«  Comme  M'  Mignard  est  valétudinaire  et  fort  âgé  et  que  peut  estre  sa 


tKA. 


LES    PEINTRES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.     943 

santé  ne  luy  permettra  pas  d'aller  à  l'assemblée,  j'ay  fait  le  mesme 
complimant  aux  principaux  Directeurs  qui  sont  en  tour  d'y  assister 
et  qui  m'ont  promis  de  l'aire  prendre  une  délibération  pour  appuyer  et 
favorizer  les  intérêt/  de  leur  Ecole  Académique^  car  c'est  ainsy  qu'ils  pré- 
tendent que  l'Académie  de  Bourdeaux  se  doit  qualifier  envers  celle  de 
Paris.  J'en  ay  adverti  autrefois  \\'  Larraidy  c'est  un  degré  de  subordina- 
tion dont  ceux  cy  paraissent  fort  jaloux,  surtout  les  anciens  lîarbons  qui 
veulent  faire  valoir  le  droit  de  supériorité  sur  les  filiations  subalternes 
des  provinces,  pour  guérir  cette  délicatesse  quy  touche  le  cœur  des  gros 
Mailles  il  faudroit  se  servir  du  ternie  nomma/ d'Ecole  Académique  quand 
on  leur  Ecrit  et  laisser  vulgarizer  le  nom  d'académie  a  Bourdeaux  et 
partout  ailleurs  comme  je  l'ay  conseillé  sur  les  lieux. 

—  «  Je  vous  rendray  conte,  Monseigneur,  par  le  prochain  ordinaire  des 
mouvements  que  se  donne  un  M'  de  Pontac  contre  M"^  d'Hugla,  ce  qui 
cause  de  nombreux  embarras  dans  l'affaire  de  Bonséjour. 

«  Je  vous  suis  toujours,  etc. 

«  d'Estrehan.  « 

Mars  29.  —  «  Au  sieur  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre  ordinaire  de  la 
«  Ville,  cent  trente  cinq  livres  pour  trois  portraits  de  MM.  Daste, 
«  Eyraud  et  Lavaud,  jurats,  pour  estre  payé  suivant  et  conformément  à 
'(  Tarrest  du  Conseil  du  18  juillet  1670,  par  mandement  du  29  mars  1692 
"  et  quittance  que  le  comptable  remet cxxxv  livres,  » 

(Arcliives  municipales  de  Bordeaux.  —  M.  Comptabilité,  feuillets  demi-brûlés,  loc.  cit.). 

Août  5.  —  Lettre  de  Monseigneur  V archevêque  à  M^'  le  Chancelier. 
—  «  Monsieur  le  Chancelier.  —  Les  peintres  et  sculpteurs  qui  composent 
l'Académie  de  la  ville  de  Bordeaux  remontrent  très  humblement  à  Vostre 
Grandeur  qu'ayant  pieu  au  Roy  d'accorder  des  lettres  patentes  pour  l'éta- 
blissement des  Académies  de  Peinture  et  sculpture  dans  les  principales 
villes  du  Royaume  oii  elles  seront  jugées  nécessaires,  on  a  estably  une 
Académie  des  mesmes  arts  à  Bordeaux  par  les  lettres  patentes  qui  ont 
esté  envoyéez  par  l'Académie  Iloyalle  de  Paris  à  quelques  peintres  et 
sculpteurs  de  la  mesme  ville  qui  ont  observé  toutes  les  formalitez  requise 
ayant  pris  Monseigneur  leur  Archevesque  pour  leur  vice  protecteur 
conformément  aux  intentions  de  Sa  Majesté  qui  veut  qu'on  choisisse  pour 
vice  prolecteur  une  personne  Eininente  en  dignité,  dans  les  mesmes 
provinces  où  les  Académies  seront  establies,  lesdils  Académistes  ayant 
joui  assez  paisiblement  jusqu'à  présent  de  leur  Etudes  depuis  leur  Eslablis- 
semenl  qui  n'est  que  du  mois  de  décembre  1691,  se  voyant  aujourd'huy 
troublez  à  leur  avènement  par  les  autres  Peintres  et  sculpteurs  de  la 


044     LES    PEIXTRES    DE    LHOTEL    DE    VILLE    DE    BOKDEAL'X. 

niesme  ville  qui,  d'intelligence  avec  ceux  quy  sont  chargez  du  recouvre 
ment  des  taxes  imposées  sur  les  métiers  et  arts  mécaniques,  les  veulent 
comprendre  dans  leur  corps,  pour  les  y  rendre  sujets,  sans  avoir  esgard 
aux  patentes  et  aux  privilèges  accordés  par  Sa  Majesté  audits  Peintres 
et  sculpteurs  qui  entretiennent  l'Académie  à  leurs  despens  au  profit  de  la 
jeunesse  et  à  l'ornement  de  la  ville,  que  si  cela  avoit  lieu,  sa  ditle  Majesté 
auroit  compris  dans  son  édit  les  Académies  des  arts  et  des  sciences, 
mais  n'en  faisant  aucune  mention,  vous  êtes  très  humblement  suplié, 
Monseigueur,  de  vouloir  faire  connoître  à  Monsieur  de  Bezons,  intendant 
de  cette  Province,  la  distinction  que  Sa  Majesté  fait  des  Académies  d'avec 
les  corps  de  métiers,  affin  qu'on  laisse  jouïr  les  suplians  qui  sont  au 
nombre  de  li  du  fruit  de  leurs  études  et  qu'ils  ne  soient  point  inquiétés 
pour  raison  desdiltes  taxes  par  les  autres  Peintres  et  sculpteurs  de  la  ville 
qui  sont  beaucoup  plus  en  nombre  qu'eux,  et  ils  continueront  leurs  vœux 
et  leurs  prières  pour  la  santé  et  prospérité  de  votre  Grandeur.  —  Envoyée 
à  Paris  à  Monseigneur  le  Chancelier,  le  5"  aoust  1692.  » 

Monseigneur, 

«  Je  dois  vous  dire  que  dans  l'Académie  des  Peintres  et  sculpteurs  qu'il  a 
pieu  au  Roy  faire  établir  icy,  il  sy  trouve  des  sujets  qui  s'apliquent  avec 
diligence,  et  font  espérer  de  bien  réussir,  ils  ont  l'honneur.  Monseigneur, 
de  vous  présenter  une  requeste  pour  estre  conservés  dans  les  privilèges 
que  le  Roy  leur  accorde,  cette  grâce  leurdonnera  du  cœur  pour  travailler 
avec  plus  de  soin.  Je  joins  mes  supplications  aux  leurs  et  suis  avec  tous 
respects,  Monseigneur.  "  Ecrilte  à  Monseigneur  le  Chancelier  par  Monsei- 
gneur l'Archevesque,  ce  5  aoust  1692.  « 

-    MONSIELR, 

«  Comme  on  nous  veut  inquiéter  au  sujet  des  taxes  imposées  sur  tous  les 
corps  de  métiers,  nous  sommes  apprès  à  def fendre  nos  droits  avec  toutte 
la  vigueur  possible  estant  animées  par  Sa  Grandeur  qui  prend  nostre  cause 
fort  à  cœur,  ayant  bien  voulu  se  donner  la  peine  d'écrire  à  Monseigneur  le 
Chanceliei-  en  lui  envoyant  une  requeste  de  nostre  part,  suivant  l'avis  que 
j'en  ay  receu  de  Monsieur  Mignard,  qui  m'a  fait  l'honneur  de  m'écrire, 
qu'il  n'y  auroit  aucune  difficulté  pour  obtenir  ce  que  nous  souhaitons,  si 
M3'  se  donnoit  cette  peine,  mais  comme  on  a  besoin  de  sollicitations  dans 
les  meilleures  causes,  j'ose  vous  prier  par  ces  lignes  de  continuer  vos 
bontez  pour  l'exercice  de  la  vertu  en  sollicitant  incessamment  une  réponse 
de  Ms'  le  Chancelier  aM^  l'Archevesque  ;  si  vous  jugé  à  propos,  et  que 
vous  ayé  la  commodité  de  voir  M^  Mignard  et  M'"  Guérin  qui  sont  fort  dans 


I.KS    PI'l.VTUES    1)K    l.HOTKL    DE    VILLE    DE    BOKDKAL'X.     045 

nos  intérêts,  nous  laissons  le  tout  à  vostre  volonté;  comme  je  suis  per- 
suadé que  vous  ne  vous  lassé  jamais  de  faire  du  bien  j'atlond  cette  j^ràce 
de  vous  pour  joindre  à  toulles  autres  qui  m'engagent  ;i  me  dire  éternel- 
lement —  Monsieur  —  Vostre  très  humble  et  obéissant  seiviteur,  » 

«  Larraidv.  n 

«  Ecrite  à  Paris,  à  M'  d'Eslrehan,  le  5  aoust  1692  —  Vous  trouverez 
ci-dessous  les  copies  de  la  lettre  de  Ms'  et  nostre  requeste.  » 

(Archives  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  loc.  cil.) 

«  N»  13.  —  Requête  des  Académiciens  de  Bordeaux  à  l'Intendant  de 
Gnienne.  » 

u  Le  corps  des  académistes  n'a  jamais  été  compris  dans  les  taxes  des 
arts  et  métiers  —  Rapporter  les  règlements  de  l'Académie  Royalle  men- 
tionnés dans  les  privilèges,  sauf  se  pourvoir  contre  les  sculpteurs  qui  ne 
sont  pas  du  corps  académique.  —  Rendre,   i 

«  A  Monseigneur  de  Lamoignon,  comte  de  Launay  Courson,  Conseiller 
du  Roy,  en  ses  Conseils,  Maître  des  requêtes  ordinaire  de  son  Hôtel, 
Intendant  de  justice,  police  et  finances  en  la  généralité  de  Bordeaux. 

Suplient  humblement  les  peintres  et  sculpteurs  qui  composent  l'Aca- 
démie de  peinture  et  sculpture  établie  à  Bordeaux  au  mois  de  décembre 
1691,  à  l'instar  de  l'Académie  Royale  des  mesmes  arts  établie  à  Paris  par 
lettres  patentes  de  S.  M.  Disans qu'ils  ont  esté  sommez  par  le  sieur  Valtrin, 
Directeur  de  la  Recette  généralle  des  finances  de  Guiennepour  le  payement 
de  la  somme  de  vingt  cinq  livres  tant  pour  eux  que  pour  les  autres  pein- 
tres, sculpteurs  et  doreurs  de  cette  ville,  pour  le  dixième  des  revenus  du 
commerce  et  industrie  des  marchands,  négocians  et  artisans  d'icelle.  — 
Les  suplians  se  trouvent  obligés  de  vous  représenter,  Monseigneur,  que 
Sa  Majesté  n'a  jamais  [compris  dans  les  rôles  qui  ont  taxé  les  corps  des 
arts  et  métiers  du  Royaume,  les  Académies  de  peinture  et  sculpture  ainsi 
qu'il  paroist  par  le  certificat  ci  attaché  de  l'Académie  royalle  de  Paris,  et 
l'extrait  des  registres  du  Conseil  d'Estat  obtenu  ci  devant  en  pareil  cas  pour 
faire  foy  de  la  jouissance  de  leurs  privilèges,  privilèges  acordés  l'i  juste  titre 
à  un  art  que  les  plus  grands  hommes  des  siècles  passés  ont  tenu  à  honneur 
d'exercer,  et  pour  lequel  les  plusgrands  conquerans  ont  eu  de  la  vénération. 

Ce  considéré  il  vous  plaira  de  vos  grâces,  Monseigneur,  maintenir  lesdits 
.Académiciens  dans  leurs  privilèges  et  faire  inhibition  et  deffences  audit 
sieur  de  Valtrin  de  les  inquietter  à  l'avenir  au  sujet  de  ladilte  taxe,  sans 
préjudice  néantmoins  à  lui  de  se  pourvoir  contre  les  autres  peintres,  sculp- 
teurs et  doreurs  qui  ne  sont  point  du  corps  académique.  Et  les  suplians 
continuerons  leurs  vœux  pour  la  santé  et  prospérité  de  vostre  Grandeur.  » 

«  —  Par  l'Académie.  » 

«  LarrAidv,  professeur  et  secrétaire.  »  [Id.) 

60 


94G     LES    rKIKTllES    DE    L'HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

Octobre  4.  —  Agrégés  de  l'Académie  de  Bordeaux.  —  «  Aujourd'huy 
«  samedy  4  octobre  1692,  nous  nous  sommes  assemblées  à  l'Académie,  et 
«  la  Compagnie  a  délibéré  au  sujet  de  Messieurs  Le  Blond  et  Le  Moyne 
«  qui  ont  esté  cy  devant  agrégés  dans  nostre  Compagnie,  aux  conditions 
«  spécifiées  qu'ils  donneront  au  plustôt  la  moitié  de  leur  présent  pécuniaire 
«  moyennant  quoy  ils  entreront  dans  les  Assemblées  et  auront  voix 
«  délibéralive  à  commancer  du  jour  qu'ils  auront  donné  la  moitiée  de 
"  laditte  somme  en  retirant  quittance  et  achèveront  de  payer  le  total  en 
«  livrant  leur  morceau  d'ouvrage  conformément  aux  précédentes  déli- 
bérations. 

«  Fait  à  Bordeaux  dans  laditte  académie  de  peinture  et  sculpture  le 
«  mesme  jour  et  an   susdit.  » 

«  —  Le  Blo.vd  DELA  TovR.  —  Jean  Berqvlv.  — Gavllier  —  C.  Fovr- 

A'IER.  LaRRAIDY.   DuCLERCQ.   —    TiRMAX «    [Id.) 

Les  professeurs  de  l'Ecole  Académique  dits  professeurs  de  l'Académie 
de  Bordeaux.  —  C'est  cette  dernière  qualité  que  prenaient  les  pro- 
fesseurs de  l'école  de  Bordeaux,  a'nsi  que  l'indiquent  notamment  : 

1"  Une  assignation  du  15  juillet  1692  pour  «  Pierre  Duclaircq,  peintre 
"  du  Roy,  académiste  de  la  présente  ville  »  pour  un  billet  de  153  livres 
«  que  Dutoya,  bourgeois  et  maître  appoticaire  »  lui  avoit  fait  payable 
à  sa  volonté  pour  un  tabernacle.  Duclaircq  avait  donné  ce  billet  en 
paiement  au  père  Aubasson,  syndic  du  Collège  des  Jésuites,  pour  payer 
son  loyer.  Voir  aussi,  1692,  juin  17,  acte  Boubier,  notaire,  signé 
Duclercq. 

2°  Un  contrat  d'apprentissage  du  29  avril  1689,  retenu  par  Richard 
Giron,  notaire,  et  l'acte  suivant,  par  lequel  Jean  Thibaut  réclame  des 
indemnités  à  X.  Gabion,  le  23  septembre  1692,  parce  qu'il  n'a  pas  terminé 
son  apprentissage  chez  «  Jean  Thibaut  esculpter  et  professeur  de  l'Aca- 
«  demie  de  Bordeaux,  demeurant  parroisse  S'^  Eulalie  «  .  Celui-ci  expose 
qu'il  s'est  engagé  à  fournir  un  nombre  d'ouvriers  à  Sa  Majesté,  «  ce  qu'il 
«  faut  qu'il  fasse  à  quelque  prix  que  ce  soit  ». 

3°  Des  actes  des  31  octobre  et  26  novembre  1692,  dans  lesquels  est 
nommé  :  «  Antoine  Le  Blond  de  la  Tour,  bourgeois  et  premier  pro- 
«  fesseur  de  l'Académie  de  peinture  et  de  sculpture  de  Bordeaux.,  fai- 
«  sant  tant  pour  luy  que  pour  ceux  qui  composent  ladite  Académie,  etc.  » 

(Archives  départementales  de  la  Gironde,  série  E.  — Minutes  de  MM"  Bouhier,  Giron, 
Grégoire  et  Virevalois,  notaires,  liasses  300,  19  —  pour  les  trois  artistes.) 

1693 

Août  11.  —  u  Au  sieur  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre,  cent  trente 
«  cinq  livres  pour  trois  portraits,  de  MM.  de  Pommarède,  Leydet  et 


LES    PEIXTRKS    DE    l.'IIOTEI,    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.     947 

u  il/o/'Aj  jurais,  par  inaiideinent  du  11  août  1693  et  (juillance  que  ledict 
«  comptable  met  cy cxxxu  livres.  » 

(Arclikes  municipales  de  Bordeaiiv.  —  Comptabilité^  feuillets  denii-brùlés,  loe.cit.) 

Septembre  17.  —  «  Au  sieur  Le  Blond,  à  la  place  d'Eyraud,  au  prin- 

II  cipal  de  cent  livres,  contrat  du  17  septembre  1(393 40  sols.  »  Cette 

indication  de  rentes  se  trouve  souvent  indiquée  (/</.) 

1694 

Février  1.  —  «  Au  Sieur  Le  Blond  de  la  Tour ,  peintre  ordinaire  de  la 
«  Ville,  cent  trente  cinq  livres  pour  les  trois  portraits  qu'il  doit  faire  la 
«  présante  année  de  MM.  Peyrelongue,  Fault  et  Seguin,  jurats,  par 
u  mandement  du  l"  février  1694  et  quittance  que  ledict  comptable 
u  remet i"^  xxxv  livres,  n  (/(/.) 

1695 

Janvier  19.  —  «  A  I^e  Blond  de  la  Tour,  peintre,  cent  trente  cinq 
«  ïfrZres  pour  cinq  (?)  portraits  qu'\\  doit  faire  l'année  1695,  de  messieurs 
«  de  Ladevise,  Camhous  et  Fé tie lion  ;  par  mandement  du  19  septembre 
«  1695  et  quittance  que  le  comptable  remet cxxxvlivres.  »  [Id.) 

Novembre  9.  • —  «  A  été  délibéré  qu'il  sera  expédié  mandement  à  sieur 
«  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre,  de  la  somme  de  douze  livres  pour  les 
"  deux  tiers  de  la  figure  qu'il  a  fait  des  palues  qui  sont  en  contestation 
«  entre  la  Ville  et  M''  le  duc  de  Foix  et  M.  d'Hostein.  »  [Id.) 

1696 

Janvier  30.  —  "  Autre  mandement  en  faveur  du  sieur  Le  Blond  de  la 
«  Tour,  peintre  ordinaire  de  la  Ville,  la  somme  de  deux  cent  septante 
«  livres  pour  les  six  portraits  qu'il  doit  faire  de  MM.  de  Taijac,  Planche, 
«  Sage,  Puybarban,  Dubarry,  Roche,  jurats,  dont  luy  en  sera  délivré 
u  deux  expéditions  de  cent  trente-cinq  livres  chacune  pour  estre  payé 
«  conformément  à  l'arrest  du  conseil  du  18  juillet  1670.  —  Tayac,  — 
«  De  Fournel,  jurât,  r,  i^Id.) 

1697 

Avril  5.  —  Tableau  de  Saint  Paulin.  «  Madame  Démons  La  Caussade 
u  a  donné  le  tableau  de  St  Paulin,  tiré  par  le  sienr  Lalour,  peintre  sur 
«  l'original  que  feu  Ms'  le  cardinal  de  Sourdis  lit  porter  de  Rome  à  la 
u  chartreuse  de  Bourdeaux  et  coûte  28  livres  sans  y  comprendre  le  cadre 
u  doré  que  ladicte  dame  a  fait  pourter  de  Paris,  'i 

(Archives  municipales  de  Bordeaux.  —  État  civil,  Puij- Paulin.) 


948     LES    PEINTRES    DE    LHOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

1698 

Avril  5.  —  «  Mandement  en  faveur  d'Antoine  Le  Blond  de  la  Tour, 
«  peintre  ordinaire  de  la   Ville,  de  la  somme  de  cent  trente  livres  pour 

«  les  trois  portraits  de  iMM.  de  Richon Galatheau,  jurais  qu'il  a  fait 

«  exposer  à  l'hôtel  de  Ville  pour  estre  payé  conformément  à  l'arrest  du 
«  Conseil  du  18  juillet  1670.  n 

(Arcliives  municipales  de  Bordeaux.  —  Comptabilité,  feuillets  demi-brulés,  loc.  cit.) 

Nous  n'avons  pas  trouvé  de  Galatheau,  jurât,  à  cette  époque.  Peut- 
être  doit-on  lire  seulement  les  trois  noms  de  juratsqui  suivent,  dont  deux 
auraient  été  brûlés  dans  le  feuillet  précédent  ? 

Avril  22.  —  «  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre  ordinaire  de  la  Ville, 
«  135  livres  pour  les  trois  portraits  qu'il  doit  faire  de  MM.  de  Richon, 
«  Ledoulx  etLostau,  jurats,  par  mandement  du  3  avril  1G98,  et  quittance 
«  que  le  comptable  remet.  »    {Id.) 

On  devra  cependant  remarquer  que  le  premier  mandement  dit  :  «  qu'il  a 
fait  exposer  »;donc,  les  portraits  étaient  faits  le  5  avril,  et  dans  le  reçu  de 
paiement  on  lit  :  «  pour  les  trois  portraits  quiî  doit  faire  ».  Ils  n'étaient 
donc  pas  encore  exécutés  le  22  avril  :  puis,  le  premier  porte  cent  trente  livres 
et  le  second  cent  trente-cinq.  Faut-il  compter  3  ou  i  portraits?  (Id.) 

Octobre  16.  —  Maison  navale  pour  Monseigneur  l'Archevesque.  — 
«  Raymond  Cortiade  reçoit  300  livres  «  [id.)  pour  travaux  de  menuiserie 
à  la  Maison  navale  pour  l'entrée  de  Monseigneur  l'Archevêque.  La  pein- 
ture fut  certainement  confiée  à  Le  Blond  de  la  Tour,  mais  nous  n'avons 
pas  trouvé  le  mandement  à  son  nom. 

1699 

Juillet  18.  — «  Z/C  Blondde  la  Tour,  peintre  ordinaire  de  la  Ville, 

«  de  la  somme  de  135  livres  pour  trois  portraits  de  MM.  de  Mondenard, 
«  Borie  et  Billatte,  juratz  et  faits  et  pozés  en  l'Hostel  de  Ville  pour  y  estre 
«  payé  conformément  à  l'arrest  du  Conseil  du  18  juillet  1670.  —  DeMon- 
«  denard,  Billatte,  Borie,  juratz.  »  (Id.) 

1700 

Août  11.  —  «  A  esté  délibéré  qu'il  sera  expédié  mandement  en  faveur 
((  A' Anthoine  de  la  Tour,  peintre  ordinaire  de  la  Ville,  à  la  somme  de 
«  cent,  trente  cinq  livres  pour  les  trois  portraits  de  MM.  de  Martin,  Tillet 
«  et  Ribail,  jurats,  qu'il  a  faits  et  pozés  à  l'hostel  de  Ville,  pour  estre 
«  payé  conformément  à  l'arrest  du  Conseil  du  18  juillet  1670.  —  Mar- 
«  tin,  ïillet,  Bihail.  »  (Id.) 

Novembre  29.  —  «  Autre  despense  du  passage  et  séjour  à  Bordeaux 


LES    PEI\TRES    DE    LHOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX.     9i9 

«  du  Roy  d'Espaignc  et  de  nos  Seigneurs  les  ducs  de  Bourgogne  et  de 
»  Berry,  ses  frères.  —  Au  sieur  Le  Blond  de  La  Tour  qiintre  cent  livres 
"  pour  la  moitié  du  prix  des  peintures  qu'il  doit  faire  tanl  k  la  maison 
c(  navale  pour  le  Roy  d'Espaigne  qu'autres,  par  mandement  du  29  no- 
vembre 1700  et  quittance  que  le  compte  est  reçeu iinMivres.  »  (Id.) 

1701 
Maison  navale  pour  le  Roy  d'Espagne  et  ses  frères. 

Janvier  12.  —  «  Le  Blond  de  Latour,  peintre  ordinaire  delà  Villeh 
a  somme  de  cinq  cens  vingt  huict  livres.  Scavoir  celle  de  400  livres  pour 
«  l'autre  moitié  de  celle  de  800  livres  à  laquelle  il  a  esté  convenu  avecluy 
«  pour  les  ouvrages  de  peinture  qu'il  a  conveneu  faire  à  la  Maison  navalle 
«  pour  le  Roy  d'Espaigne  et  X'os  seigneurs  les  Princes,  ses  frères,  et  auv 
u  quatre  bateaux,  le  tout  conformément  au  devis  qui  en  a  esté  dressé  ayant 
M  été  payé  des  autres  400  livres  ;  en  conséquence  du  mandement  expédié  en 
«  sa  faveur  le  29  novembre  dernier  et  celle  de  128  livres  pour  travail  et 
"  ouvrages  par  luy  faict  au-delà  dudict  devis,  le  tout  conformément  au 

u  compte  aujourd'huy  arreslé  par    M"^  Bensse,  jurât,  et  commissaire 

<■<■  528  livres.  »  [Id.) 

Mars  1.  —  ^'Berquin,  maître  menuisier,  travail  qu'il  a  fait  à  l'occasion 
«  de  l'arrivée  du  Roy  d'Espaigne  et  de  nos  Seigneurs 300  livres.  »  {Id.) 

—  Berquin  était  sculpteur  et  professeur  à  l'Ecole  Académique,  c'est 
lui  qui  6t  les  statues  de  la  Maison  navale. 

Août  31.  —  «  Autre  mandement  en  faveur  de  Anthoine  de  la  Tour, 
«  peintre  de  la  Ville,  de  la  somme  de  135  livres  pour  les  trois por traie tz 
«  de  MM.  d'Essenault,  Lauvergnac ,  et  Bensse,  jurais,  qu'il  a  faictz  et 
«  pozés  à  l'Hostel  de  Ville  pour  estre  payés  conformément  à  l'arrest  du 
«  Conseil  du  18  juillet  1670,  cy  135  livres.  » 

—  i  D'EssE.VAVLT,  jurât.   —  Lavergnac,  jurât.  —  Bexsse,  jurât.  — 

GAVFFRETEAV,yMraf.  »  {Id.) 

1702 
Aoûtl^.  —  «  Au  sieur  Le  Blond  dit  de  la  Tour,  peintre,  135  livres 
«  pour  avoir  (axl  les  portraits  de  MM.  Gauffreteau,  Levasseur  et  Mercier, 
«  par  mandement  du  28  août  1702,  et  quittance  que  le  comptable  remet 
«  cy 135  livres.  »  {Id.) 

1703 

Février  14.  —  Mariage  Marc  Antoine  Le  Blond  de  la  Tour  et  Char- 
lotte Renard.  —  Nous  ne  donnerons  que  des  extraits  de  cet  acte  qui 
contient  de  très  longs  et  très  inutiles  détails. 


itôO     LES    PEl.XTRKS    D  K    LKOTEL    DE    VI1.1,E    DE    BORDEAUX. 

«  N"  345.  —  Le  14  février  1703,  je  soussigné,  preslre,  curé  de  la 

«  parroisse    Saint    Pierre j'ai    imparty     la   bénédiction    nuptiale  h 

u  sieur  Marc  Antoine  Le  Blon  de  Latour,  bourgeois  et  peintre  de  cette 

«  ville  et  damoiselle  Angélique  Charlotte  Renard,  ledit  espoux  majeur 

u  procédant  en  présence  et  du  consentement  de  sieur  Antoine  Le  Blon 
«  de  Latour,  aussi  bourgeois  et  peintre  de  cette  ville  et  sa  mère  étant 
u  décédée  et  la  demoiselle  Angélique  Charlotte  Renard,  espouse,  aagée  de 

«  vingt    un    ans procédant  en    présance   et     du    consentement    de 

u  sieur  Mathieu  Jlenard,   bourgeois  et  maistre  orpheuvre  de  la  présente 

«  ville  et  Jeanne   Colas,    ses  père  et  mère en   présence   des  quatre 

ti  témoins  bas-nommés scavoir  :  sieur  Mathieu  Hugon,  bourgeois,  et 

«  maistre  orpheuvre  ;  sieur  Pierre  Le  Blonde  la  Tour,  ingénieur  du  Roy  ; 
a  maistre  Bernard  Courtin,  advocat  en  la  Court  et  sieur  Joseph  Sulpice 
«  Le  Blon  de   la    Tour,    orpheuvre 

K  Le  Blond  de  Latovr,  époux,  Le  Bloxd  de  Latovr  frère,  —  Joseph 
SvLPisE  Lebloxd  de  Latovr.  » 

(Arctiives  municipales  de  Bordeaux.  —  Etat  civil,  Saint-Pierre,  loc.  cit.) 

Juin  28.  —  «  A'^"  14.  —  Commandement,  par  huissier,  aux  peintres 
«  doreurs  sur  bois  et  sculpteurs  de  la  ville  de  Bordeaux,  remis  pour  eux 
u  à  Leclercq  l'aisné  peintre.  —  Art.  27.  Peintres  et  doreurs,  etc.  — 
«  Généralité  de  Bordeaux.  —  Arts  et  métiers.  Confirmation  d'hérédité 
«  et  réunion.  —  Extrait  des  registres  du  Conseil  d' E tat .  » 

Le  Roy  ayant  par  Edit  du  mois  d'Aoust  1701,  confirmé  les  Proprié- 
taires des  offices  qui  ont  esté  créés  hérédiaires,  ou  en  survivance,  en 
payant  les  sommes  pour  lesquelles  ils  seront  employez  dans  les  RoUes  et 
arrests  et  ordonné  par  arrest  de  son  Conseil  du  11  juillet  1702,  l'exécution 
dudit  Edit,  tant  à  l'égard  des  Offices  que  les  corps,  Comniunautez  ou 
Officiers  auroien  réùny  à  eux,  que  pour  les  autres  auxquels  il  auroit  esté 
pourveu,  Sa  Majesté  a  fait  arrester  en  son  Conseil  des  RoUes  des  sommes 
dëiies  pour  ladite  Confirmation  entr'autres  pour  ce  qui  concerne  les 
Offices  de  syndics  et  d'auditeurs  des  comptes  des  corps  et  communautez 
d'arts  et  mestiers  de  la  généralité  de  Bord'' dont  lesdits  cor|)s  et  commu- 
nautez ayant  eu  avis,  et  qu'outre  les  taxes  qui  leur  sont  demandées,  il  a 
encore  été  créé  par  Edit  du  même  mois  de  juillet  1702  des  Trésoriers  de 
leurs  Bourses  communes,  dont  l'exécution  leur  seroit  onéreuse,  ils  au- 
roient  fait  suplier  très  humblement  Sa  Majesté,  quelle  eust  agréable  de 
se  contenter  d'une  somme  proportionnée  à  leur  foiblesse,  tant  pour  leur 
confirmation  d'hérédité  desdilz  Offices  de  Syndics  Jurés,  et  d'Auditeurs 
de  leurs  Comptes  cy  devant  réunis,  que  pour  l'union  et  incorporation 
qu'il  plairoit  à  S.  M.  leur  accorder  dudit  Office  de  Trésorier,  en  y  joi- 
gnant quelques  gages,  laquelle  proposition  Sa  Majesté  ayant  bien  voulu 


I.KS    ri:i\TUKS    DK    1/ HOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAIX.     !t5l 

accepter,  voulant  traiter  favorablement  lesdites  Communaulez;  Et  vki; 
l'avis  du  Sieur  de  la  Bourdonnaye,  Conseiller  en  ses  Conseils...  Oùy  le 
rapport  du  Sieur  Fleuriau  d'Armenonville...  Sa  Majesté  ex  sox  Coxseil, 
conformément  à  l'avis  dudit  Sieur  de  la  Bourdonnaye  a  ordonne  et  or- 
donne qu'en  payant  par  lesdits  corps  et  communautez  de  marchands  et 
d'iArts  et  iMétiers  de  la  généralité  de  Bordeaux,  les  sommes  pour  lesquelles 
ils  ont  esté  compris  dans  le  Bolle  aujourd'huy  arresté  en  Conseil,  scavoir, 
le  principal  sur  les  Bécépissez  de  \V'°  Jean  Garnier,  chargé  du  Recouvre- 
ment desdites  sommes...  ils  demeureront  maintenuz  et  confirmez  dans 
l'hérédité  desdits  Offices  de  Syndics,  et  d'Auditeurs  de  leurs  Comptes  cy- 
devant  réunis  et  jouiront  des  Offices  de  Trésoriers  de  leurs  Bourses  com- 
munes que  S.  M.  leur  a  pareillement  réunis,  ensemble  des  gages  qui  y 
seront  attribuez...  Fait  au  Conseil  d' Estât  du  Roy,  tenu  à  Versailles  le 
vingt  quatriesme  jour  de  mars  mil  sept  cens  trois.  Collationné.  r 

Signé  :  ^  Goujon.  » 
Extrait  du  Rolle  des  sommes  que  le  Roy  en  son  Conseil  veut  et 
ordonne  estre  payées  en  exécution  de  l'arrest  rendu  en  icelluy,  le  24  mars 
1703  dont  copie  est  cy  devant  écrite.  —  Ville  de  Bordeaux.  —  Art.  27. 
—  Les  Peintres  doreurs  en  bois  et  sculpteurs  de  la  ville  de  Bordeaux 
pour  estre  maintenuz  et  confirmez  et  jouir  de  vingt  livres  de  gages  par 
an  payeront  la  somme  de  douze  cent  livres,  cy...  1200  livres,  —  au 
payement  desquelles  sommes,  et  des  deux  sols  pour  livre  d'icelles,  les 
syndics  jurés  desdits  corpset  communautez  seront  contraints  par  les  voyes 
et  ainsi  qu'il  est  accoutumé  pour  les  affaires  de  S.  i\I. 

Fait  et  arresté  au  Conseil  Royal  des  Finances  tenu  par  S.  I\I.  à  Ver- 
sailles, le  24'  jour  de  mars  1703.  Collationné. 

«  Signé  :  Goujon.  » 
Suit  la  signification  et  commandement  faits   le  28  juin  1703,  sur  or- 
donnance de  M.   de  La  Bourdonnaye,  par  Miramon,  huissier,   «  fait  et 
délaissés  »  le  lendemain  "  au  domicile  du  Sieur  Le  Claire  l'ayné,  peyntre, 
en  parlant  au  desnommé...  " 

(Archives  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts.) 

Juillet  11.  —  «  A  sieur  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre,  135  livres 
«  peur  portraire  MM.  d'Arsac,  Maigyiol  et  F/flMf,jurats,  dans  l'Hostel  de 
«  Ville,  par  mandement  du  11  juillet  1703  et  quittance  que  le  comptable 
u  remet,  cy 135  livres.  « 

(Archives  municipales,  feuillets  demi-brùlés,  loc.  cit.) 
N*  15.  A  MESSIEURS  LES  MAIRE,   SOUS  MAIRE  ET  JURATS,  (JOUVemeUTS  de' 

Bordeaux,  juges  criminels  et  de  police.  —  «  Suplient  humblement  les 
u  Peintres    et   sculpteurs    de    l'Académie,    établie   à    Bordeaux,    disans 


r52    i.Ks  ri:i.\TRKs  de   lhotel  de  ville  de  bordeaux. 

«  qu'après  avoir  obtenu  des  lettres  patientes  de  S.  M.  pour  l'établissement 
«  d'icclle,  ils  en  firent  l'ouverture  le  dimanche  16  décembre  mil  six  cens 
«  quatre  vingt  onze  au  bruit  du  canon  et  cloche  sonnante  par  une  messe 
K  royale  qu'ils  firent  célébrer  dans  la  chapelle  du  collège  de  Guienne 
«  où  assistèrent  Monseigneur  l'Archevesque  de  Bourlemont,  Monsieur  le 
"  Marquis  deSourdis  commandant  pour  Sa  iMajesté  en  Guienne,  Messieurs 
«  les  Jurats  en  habits  de  cérémonie,  et  autres  personnes  éminentes  en 
«  dignité,  pendant  la  messe  il  fut  chanté  un  motet  en  musique  et  sim- 
«  pbonie  et  le  panégirique  du  Roy  y  fut  prononcé  par  Monsieur  l'abbé 
<i  Barré  avec  éloquence  et  aplaudissement. 

«  Le  lendemain  17  du  mesme  mois  ils  firent  l'ouverture  de  leur  école 
«  et  commancèrent  leurs  études  dans  une  Salle  du  mesme  collège  que 
«  Messieurs  les  Maire  et  Jurats  leur  acordèrent  avec  l'agrément  de 
«  M.  Bardin,  principal  dudit  collège  pour  leur  établissement  dont  les 
u  titres  sont  cy  attachez.  Ils  ont  continué  depuis  avec  assez  de  succès 
.<  jusqu'à  ce  qu'enfin  ils  ont  esté  troublez 'par  les  traittans  qui,  en  consé- 
«  quence  d'un  Edit  de  S.  M.  les  ont  compris  dans  les  rolies  des  taxes 
(t  imposées  sur  tous  les  corps  de  métiers  du  Royaume  pour  la  confirmation 
«  de  l'hérédité  des  offices  de  sindics  et  auditeurs  de  comptes  dans  chaque 
«  communauté;  ils  présentèrent  pour  lors  requesle  à  Monseigneur  l'inten- 
«  dant  par  laquelle  ils  expliquèrent  comme  l'intention  du  Roy  n'estoit  pas 
«  de  comprendre  dans  cet  édit  les  Académies  de  peinture  et  de  sculpture, 
«  puisqu'au  contraire  il  gratifioit  annuellement  l'Académie  Royale  de 
<i  Paris  d'une  pension  de  six  mil  livres  et  d'un  apartement  dans  le  Louvre 
«  pour  faire  leurs  études  et  y  tenir  leur  école,  et  que  celle  de  Bordeaux 
«  estant  une  extension  de  l'Académie  Royale  elle  devoit  jouir  des  mesmes 
«  privilèges.  Monsieur  l'intendant  appointa  leur  Requeste  pour  eslre  com- 
«  muniquée  au  traittant  qui  ne  laissa  pas  de  poursuivre  les  suplians  par 
it  des  contraintes  consécutives,  de  manière  qu'ils  ont  esté  obligez  de  se 
«  pourvoir  au  Conseil  d'Estat  et  y  ont  obtenu  un  arrest  dont  l'extrait  est 
«  cy-attarhé  qui  les  descharge  eux  et  tous  autres  académiciens  de  pein- 
te ture  et  sculpture  du  payement  des  sommes  pour  lesquelles  ils  ont  esté 
«  compris  dans  lesdits  Rolies,  ce  qui  met  les  suplians  en  estât  de  jouir 
«  du  fruit  de  leurs  études  interrompues  depuis  l'action  intentée  par  les- 
«  dits  traittans,  et  voulants  se  conformer  aux  intentions  de  S.  M.  qui  veut 
«  que  dans  les  endroits  ou  lesdittes  Académies  seront  établies,  on  choi- 
«  sisse  pour  protecteurs  d'icelles  les  personnes  de  qualité  éminente  qu'il 
«  sera  trouvé  à  propos  dans  lesdits  lieux.  Ainsi  qu'il  est  dit  dans  l'article 
i<  premier  des  Règlemens  pour  l'établissement  des  [mesmes  Académies,  les- 
«  dits  suplians  ont  recour  à  MM.  les  Maire,  sous  Maire  et  Jurats  à  ce  qu'il 
«  leur  plaise  prendre  tant  laditte  Académie  de  Bordeaux  que  lesdits  Acadé- 
u  miciens  sous  leur  protection,  ce  sera  une  continuation  des  faveurs  qu'ils 


LES    PEIXTRF,  S    DE    LHOTEL    DE    l  I L  L  K    DE    ROUDEALX.     053 

«  ont  déjà  receu  de  iMesdils  Sieur  Maire  et  jurais  (m'ils  supplient  très  hum- 
u  blement  de  commettre  tel  d'entr'eux  qu'il  leur  plaira  pour  faire  la 
«  visilte  de  leur  école  scituée  dans  ledit  collège  de  Guienne  pour  ordonner 
>.  ensuitte  les  réparations  nécessaires  à  ladite  Ecole,  affin  (|iie  les  dits 
>(  suplians  puissent  continuer  leurs  études  pour  le  bien  du  public  et  leurs 
«  prières  pour  la  conservation  demesdits  sieurs  maire,  sous-maire  et 
«  jurats.  ;i 

(Archives  de  l'Ecole  des  Beaiiï-Aris  de  Bordeaux.) 

1704 

Janvier  1.  —  Baptême  Marie  Le  Blond  de  la  Tour.  —  a  Ce  niardy 
u  premier  de  l'an  mille  sept  cens  quatre,  a  esté  baptisée  Marie,  fille 
u  légitime  de  Marc-Antoine  Le  Blond  de  la  Tour,  peintre  du  Roy,  et 
«  d'Angélique  Cbarlotte  Renard,  parroisse  S'  Eloy,  parrain,  sieur  Antoine 
«  Le  Blond  de  la  Tour,  aussi  peintre  du  Roy,  ayeul,  marraine,  Marie 
«  Hugon,  aussi  ayeule,  nacquit  hier  à  midy  un  quart.  « 

—  «  Le  Bloxd  de  la  Tovr,  père.  —  Le  Bloxd  «e  la  Tovr.  —  Marie 
Hlgox.  1 

(Archives  municipales  de  Bordeaus.  —  Etat  civil,  Saint-Éloy,  loc.  cit.) 

May  7.  —  Réponse  de  Duglacrcq,  joro/eMewr,  pour  le  secrétaire  absent. 
«  Les  Peintres  de  l'Académie  de  ceste  ville  pour  obéir  à  Tordonance  de 
a  Monseigneur  l'Intendant,  avons  ataché  à  nostre  praisante  Requeste  les 
>c  laittres  patantes  de  S.  M.  pour  l'Etablissement  des  Ecolles  Académiques 
>i  dans  les  principales  villes  du  Royaume,  où  il  est  dict  au  4*=  article  des 
:i  réglemens  que  les  aioints  ou  aides  qui  seront  trouvés  capables  partici- 
K  peronnt  à  leurs  privilèges  dans  les  villes  seulement. 

«  Plus  les  laitres  de  leur  Establissement  en  ceste  ville  en  datte  du  3  iuin 
ic  1690,  —  Plus  la  nominatioun  de  ceux  qui  conposet  ladite  Académie, 
«  signée  par  feu  Monseigneur  nostre  Archevêque  et  nostre  Vice  Protec- 
«  tur  en  datte  du  29"  avril  1691.  —  Plus  le  certificat  de  l'Académie 
«  royalle  de  Paris  pour  faire  voir  que  les  suplians  ne  sount  pas  con- 
«  prins  dans  la  prétandue  taxce  des  arts  et  métiers  puisque  le  corps  de 
«  qui  ils  dépandet  n'ount  point  payé,  à  Paris,  ni  n'iount  esté  coniprins  : 
(t  —  Plus  l'Estat  et  les  noms  de  ceux  qui  praitandent  estre  deschargés  de  la 
«  praitandue  taxce  :  —  à  l'Egart  du  Rolle  demandé  par  le  s'  X'allrain  au 
i<  suget  de  la  taxce  de  deux  cens  livres,  les  suplians  n'en  ount  jamais  payé 
11  aucune  portioun,  par  ainsi  il  leur  est  inposible  d'en  raporler  le  Rolle. 
«  Faict  à  Bordeaux  et  raimis  le  7"  may  1704,  par  l'Académie  des 
1  paintres. 

«  DucLAiRCQ,  profeseur,  en  l'absance  du  Secraitere.  » 

(Archive»  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts  de  Bordeaux.) 


954     LES    PEIIVTRES    DE    LHOTEL    DE    VILLE    DE    BORDEAUX. 

1706 

N"  22.  —  Janvier  2.  —  Arrest  du  Conseil  en  faveur  de  l'Ecole  Aca- 
démique de  liordeaxix.  {Id.) 

Janvier  12.  —  «  Anest  du  Conseil  d'Estat  du  12  janvier  1706  (|ui 
décharge  les  peintres  et  sculpteurs  de  l'Ecole  Académique  de  Bordeaux 
et  tous  autres  acaiémiciens  de  peinture  et  sculpture,  établis  dans  les 
provinces  du  Royaume  du  paiement  des  sommes  pour  lesquelles  ils  ont 
esté  compris  dans  les  Rolles  de  répartition  de  celles  que  les  peintres  et 
sculpteurs  desdittes  provinces  doivent  payer,  avec  deffenses  de  les  pour- 
suivre pour  raison   de  ce.   " 

[Bibliothèque  municipale  de  Bordeaux.  —  Coll.  Delpit.  —  Manuscrit  t.  IV.  Table  de 
titres  de  l'Acad.  roy.  de  peint,  et  de  sculpt.  1''*  liasse,   n"  5  —  18  octobre  1770,  f"  47.) 

Janvier  25.  —  Baptême  Marie  Le  Blond.  —  N»  69. —  «  A  esté  baptisée 
«  Marie,  fille  légitime  de  Marc  Antoine  Le  Blond  deLatour,  peintre  du  Roy 
«  et  d'Angélique  Charlotte  Renard,  parroisse  S'  Eloy,  parrain  Antoine 
a  Bonaventure  Le  Blpnd  de  la  Tour,  faisant  pour  Pierre  Le  Blond  de 
«  Lalour,  Ingénieur  ordinaire  du  Roy,  marraine,  Marie  Renard,  damoi- 
«  selle » 

u  Leblond  de  Latovr,  perre  —  Marie  Renard.  —  Amoixe  Le  Blond 

«  DE  L.'ÏTOUR.   ') 

(Archives  municipales.  —  Etat  civil,  Saint-Eloi,  loc.  cit.) 

Décembre  9.  —  Décès  Ayitoine  Le  Blond  de  Latour.  —  «  X"  111  — 
«  Du  jeudi  9  de  décembre  1706,  ledict  jour  et  mois  et  an,  Antoine  le 
«  Blond  de  Latour,  bourgeois  et  peintre  de  la  ville,  fut  enseveli  à  cinq  heures 
«  du  soir.  11  étoit  mort  le  jour  auparavant  à  onze  heures  de  la  nuict  ; 
«  presans  ont  esté  les  soussignés...   » 

«  —  Brvel,  prestre  présant,  —  Englaxd.  »  {Id.) 

1707 

Avrils.  —  «  Baptême  Antoinette  Le  Blond  de  Latour.  —  Parrain 
«  M'"  Jacques  Le  Blond  de  La  Tour,  prestre,  et  en  sa  place  François 
«  Renard.  » 

(Etat  civil,  Saint-André,  loc.  rit.) 

Sépulture  Le  Blond  de  la  Tour.  —  «  Tilre  de  sépulture,  à  Saint-Eloy, 
dans  le  cueur  d'icelle,  devant  le  grand  autel,  à  François  Romat,  advocat 
en  la  Cour,  confrontant  au  costé  du  N.  à  celle  de  M.  Le  Blond  de  Lalour, 
bourgeois  et  paintre  du  Roy.  » 

(Archives  départementales,  série  E,  notaires,  minutes  de  Virevalois.) 


ANNEXES 


4 


1 

COMITÉ  DES  SOCIÉTÉS  DES  BEAUX-ARTS 

DES    DÉPARTEMENTS,    . 


Président. 


M.  A.  RAMBAUD,  sénateur,  ministre  de  l'Instruction  publique  et  des 
Beaux-Arts. 

Vice-président. 
M.  Henry  ROUJON,  0^,  directeur  des  Beaux-Arts. 

Secrétaire. 

i    M.  L.  CROST,  ^,  chef  du  bureau  de  l'Enseignement  et  des  Manufac- 
tures nationales. 

Secrétaire  adjoint. 

M.  A.  LALANDE,  sous-chef  du  bureau  de  l'Enseignement  et  des  Manu- 
factures nationales. 

Secrétaire  rapporteur. 
M.  Henry  JOUIN,  ^,  secrétaire  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts. 

Membres. 

MM.  BAIGXIERES (Arthur),  critique  d'art,  boulevard  de  Courcelles,  19 
BALLU  (Roger),  ^,  inspecteur  des  Beaux-Arts,  rueBallu,  \i)bis. 
BELLAY,   ^,  inspecteur  de    l'Enseignement  du  dessin   et    des 

Musées,  rue  Blanche,  72. 
BERGER  (Georges),  C^,  député,  rue  Legendre,  8. 
BOESWILIVALD    (Paul),  d^,  inspecteur   général   des   monuments 

historiques,  professeur  à  l'Ecole  nationale  des  Beaux-Arts, 

boulevard  Saint-Michel,  G. 
BOURGAULT-DLCOUDRAY,    professeur  au  Conservatoire  natio- 


958  ANNEXES. 

nal  de  musique  et  de  déclamation,  villa  Molitor,  16 
(Auleuil). 

CALMETTES,  homme  de  lettres,  rue  de  Vaugirard,  93. 

CHENNEVIÈRES  (Marquis  de),  0!^,  membre  de  l'Institut,  rue 
Paul-Louis  Courier,  3. 

CHIPIEZ,  0^,  inspecteur  principal  de  l'Enseignement  du  dessin, 
rue  de  Crébillon,  8. 

CLARETIE  (Jdlks),  C^,  membre  de  l'Académie  française,  admi- 
nistrateur général  de  la  Comédie-Française,  rue  de  Riche- 
lieu, 0. 

COLLIGNOM,  (L.-M.),  ^,  membre  de  l'Académie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres,  boulevard  Saint-Germain,  88. 

DELABORDE  (Comte  Hexri),  C^,  secrétaire  perpétuel  honoraire 
de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  rue  de  l'Université,  8. 

DUBOIS  (Paul),  GÇ^,  directeur  de  l'Ecole  nationale  des  Beaux- 
Arts,  rue  Bonaparte,  14. 

EMLART  (C),  sous-bibliothécaire  à  l'École  nationale  des  Beaux- 
Arts,  rue  Notre-Dame  des  Champs,  56. 

FOURCAUD  (de),^,  professeur  à  l'Ecole  nationale  des  Beaux-Arts, 
rue  Marbeuf,  14  bis. 

GARNIER  (Edouard),  conservateur  du  Musée,  de  la  bibliothèque 
et  dos  collections  de  la  manufacture  nationale  de  Sèvres 

GONSE  (Louis),  ^,  boulevard  Saint-Germain,  205. 

GRUYER  (Anatole),  0^,  membre  de  l'Institut,  inspecteur  principal 
des  Musées  des  départements,  rue  Duphot,  18. 

GUIFFREY  (Jules)  ,  0^,  administrateur  de  la  Manufacture  natio- 
nale des  Gobelins,  avenue  des  Gobelins,  40. 

GUILLAUME,  GO^,  membre  de  l'Institut,  rue  de  l'Univer- 
sité, 5. 

HAVARD  (Hexrv),  0^,  inspecteur  général  des  Beaux-Arts,  avenue 
de  la  Grande-Armée,  83. 

HÉROX  DE  VILLEFOSSE  (A.),  0^^,  membre  de  l'Académie  des 
Inscriptions  et  Belles-Lettres,  conservateur  au  Musée  du 
Louvre,  rue  Washington,  15. 

HOUSSAYE  (Henry),  0^,  critique  d'art,  membre  de  l'Académie 
française,  avenue  Friedland,  39. 

KAEMPFEN,  0^,  directeur  des  Musées  nationaux,  palais  du  Louvre. 

LAFENESTRE  (Georges),  ^,  conservateur  au  Musée  du  Louvre, 
membre  de  l'Institut,  avenue  Lakanal,  5,  à  Bourg-la- 
Reine  (Seine). 

LECOXTE,  député,  rue  Pierre  Dillery,  5. 

LOUVRIER  DE  LAJOLAIS,  ^,  directeur  de  l'École  nationale  des 
arts  décoratifs,  quai  Bourbon,  19. 

MAGNE  (LiciEx),  ^,  architecte  des  Monuments  historiques,  rue  de 
l'Oratoire  du  Louvre,  6. 


COMITK    DES    SOCIÉTÉS    DES    BEAUX-ARTS.  939 

MAIGNAN  (Albert),  0^,  artiste  peintre,  rue  La  Bruyère,  1. 
MARCHKIX,  sous-bibliothécaire  à  l'École  nationale  des  Beaux-Arls, 

rue  de  Vauyirard,  47. 
MARCOU  (F.),  ^,  inspecteur  général  adjoint  des  monuments  histo- 
riques, rue  des  Saints-Pères,  13. 
MICHEL    (Emile),   ^,   membre  de    l'Académie    des   Beaux-Arts, 

avenue  de  l'Observatoire,  9, 
MILLAUD  (Edouard),  sénateur,  avenue  Kléber,  78,  Paris-Passy. 
MONVAL    (G.),    archiviste    de    la    Comédie- Française,    rue    Cré- 

biilon,  8. 
MUNTZ  (Eugène),   ^,  membre  de  l'Institut,  conservateur  de   la 

bibliothèque  et   des   collections   de  l'Ecole   nationale  des 

Beaux-Arts,  rue  de  Coudé,  14. 
NOLHAC  (P.  de),  conservateur  du  Musée  national  de  Versailles» 

au  palais  de  Versailles. 
NUITTER,  ^,  conservateur  des  archives  de  l'Opéra,  rue  du  Fau- 

bourg-Saint-Hor.oré,  83. 
PILLET,  :^,  inspecteur  de  l'Enseignement  du  dessin  et  des  Musées, 

rue  Saint-Sulpice,  18. 
ROCHEBLAVE  (Samuel),  professeur  à  l'École  nationale  des  Beaux- 
Arts,  rue  Denfert-Rochereau,  95. 
SERVOIS  (Gistave),  0^,  directeur  des  Archives  nationales,   rue 

des  Francs-Bourgeois,  GO. 
STEIjM    (Henri),    archiviste   aux    Archives    nationales,   rue  Gay- 

Lussac,  38. 
TOURMEUX  (Maurice),    ^,   homme  de  lettres,   rue  du  Cardinal 

Lemoine,  14. 


II 


MEMBRES  NON  RESIDANTS   DU  COMITE 


ALPES-MARITIMES 


MM. 

Chabal-Dlssurgey,  ancien  directeur  de  l'Ecole  d'art  décoratif,  à  Nice^ 

ARDENNES 

Willem,  professeur  de  dessin,  à  Sedan 

AUBE 

Babeau  (Albert),  membre  de  la  Société  académique  d'agriculture,  sciences, 
arts  et  belles-lettres  de  l'Aube,  à  Troyes,  8,  rue  du  Cloître-Saint- 
Etienne,  et  à  Paris,  54,  rue  de  la  Bienfaisance. 

BOUCHES-DU-RHONE 

Berllc-Pérussis  (de),  président  honoraire  de  la  Société  académique  des 
Basses-Alpes,  à  Aix. 

Magald,  correspondant  de  l'Institut,  ancien  directeur  de  l'Ecole  des  Beaux- 
Arts,  à  Marseille. 

Roux  (Jules-Charles),  président  de  la  Société  des  Amis  des  Arts,  membre 
de  la  Chambre  de  commerce  et  du  Conseil  municipal,  administra- 
teur de  la  Banque  de  France,  rue  Sainte,  n»  79,  à  Marseille. 

CALVADOS 

Beaurepaire  (E.  de),  membre  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Normandie, 

magistrat,  rue  Bosnières,  n°  25,  à  Caen. 
Béxet,  archiviste  du  département,  secrétaire  de  la  Société  des  Beaux- 

Arls,  à  Caen, 


MEMBRES    i\ON    IIESID.WTS    DU    COMITE.  961 

CoLix  (Paul),  inspecteur  principal    de  TEnseignenient  du  dessin  et  des 
Musées,  à  Paris,  1,  quai  Malaquais. 

CHER 

Blhot  de  Kersers,   membre  de  la  Société  des  Antiquaires  du  Centre,  à 
Bourges. 

CREUSE 

Gravier  (Léopold),  président  de  la  Commission  du  musée  d'Aubusson. 

DOUES 

Gauthier  (Jules),  archiviste  du  département,  conservateur  de  la  Société 
franc-comtoise,  à  Besançon. 

EURE 

Chassant,  conservateur  du  Musée,  à  Evreux. 
PoRÉE  (l'abbé),  curé  de  Bournainville. 

GARD 

Lexthéric  (Charles),  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  à  Nîmes. 
Révoil,  correspondant  de  l'Institut,  architecte  des  monuments  historiques, 
à  Nîmes. 

GIRONDE 

Braqiehaye,  professeur  à  l'Ecole  municipale  de  dessin,  place  Rohan,  6, 
à  Bordeaux. 

INDRE-ET-LOIRE 

Mabilleau,  professeur  de  Faculté,  à  Villeloin,  près  Loches. 

Gra.\dmaiso.\  (Charles  de),  archiviste  honoraire  du  département,  membre  de 

la  Société  archéologique  de  Touraine,  rueTraversière,  13,  à  Tours. 
Lalrent  (Félix),  conservateur  du  Musée  de  peinture,  directeur  de  l'Ecole 

des  Beaux-Arts,  à  Tours. 

LOIRE  (HAUTE-) 

Girox  (Léon),  membre  de  la  Société  d'agriculture,  sciences,  arts  et  com- 
merce, au  Puy. 

61 


962  ANNEXES 


LOIRET 


Desxoyers  (l'abbé),  direcleurdu  Musée  historique  de  l'Orléanais,  à  Orléans. 
Jarry   (Louis),   membre    de    la    Société    archéologique  de    l'Orléanais, 
place  de  l'Etape,  8,  à  Orléans. 

MAINE-ET-LOIRE 

Daiban  (Jules),  correspondant  de  l'Institut,  inspecteur  de  l'Enseignement 
du  dessin  et  des  Musées,  conservateur  honoraire  du  Musée  de  pein- 
ture, à  Angers,  place  du  Ralliement. 

Port  (Célestin),  archiviste  du  département,  à  Angers. 

MARXE 

Jadart  (Henri),  conservateur  de  la  Bibliothèque  et  du  Musée,  secrétaire 
général  de  l'Académie,  rue  du  Couchant,  15,  à  Reims. 

MARNE  (HAUTE-) 

Brocard  (Henri),  conservateur  du  Musée,  président  de  la  Société  histo- 
rique et  archéologique,  à  Langres. 

MEURTHE-ET-MOSELLE 

CoLRXAULT,  conservateur  du  Musée  lorrain,  à  Nancy. 

MEUSE 

Maxe-Verly,  archéologue,  ville  haute,  à  Bar-le-Duc,  et  à  Paris,  rue  de 
Rennes,  61. 

NORD 

Dltert,  inspecteur  général  de  l'Enseignement  du  dessin  et  des  manu- 
factures nationales  de  Sèvres,  des  Gobelins  et  de  Beauvais,  à  Paris, 
41,  avenue  Kléber 

PAS-DE-CALAIS 

Vaillant  (V.-J.),  archéologue,  à  Boulogne-sur-Mer. 

RHONE 

Aynard,  vice-président  du  Conseil  d'administration  de  l'École  nationale 
des  Beaux-Arts,  des  Ecoles  municipales  et  du  Musée,  à  Lyon. 


MEMBRES    \0M    RESIDAMTS    DU    COMITE.  963 

Charvet,  inspecteur  de  l'Enseignement  du  dessin  et  des  Musées,  boulevard 

Pasteur,  56,  à  Paris. 
HiRSCH,  arcliitecte  de  la  ville,  à  Lyon. 
RoxDOT  (Natalis),  rue  Saint-Joseph,  20,  à  Lyon. 

SEIXE-ET-ALARXE 

Lhlillier  (Th.),  président  de  la  Société  d'archéologie,  à  Melun. 

SEI\E-ET-OISE 

DÉLEROT,  conservateur  de  la  Bibliothèque,  à  Versailles. 

Dltillelx  (A.),  secrétaire  de  la  Commission  des  antiquités  et  des  arts,  à 

Versailles. 
Gravk,  publiciste,  à  Manies. 

SEIX^E-IXFÉRIEURE 

Pelletier,  président  de  la  Société  industrielle,  à  Elbeuf. 

SOMME 

Deligxières (Emile) ,  avocat,  président  de  la  Société  d'Émulation,  à  Abbeville. 

TARX-ET-GAROXNE 

MoMMÉJA  (.Jules),  membre  de  la  Société  archéologique  deTarn-et-Garonne, 
à  Monteils,  par  Caussade. 

VAR 

Gixou.v  (Charles),  membre  de  l'Académie  duVar,  1,  rue  Traverse-Dehfert- 
Rochereau,  à  Toulon. 

VAUCLUSE 

Requix  (l'abbé),  membre  de  l'Académie  de  Vaucluse,  archiviste  diocésain, 
rue  Victor-Hugo,  14,  à  Avignon. 

VIEXNE  (HAUTE-) 

Li^YMARiE  (Camille),  conservateur  de  la  Bibliothèque  communale,  secré- 
taire du  Musée  national  Adrien  Dul)ouché,  rue  Bariieilb,  20,  à 
Limoges. 

COXSTAXTIXE 

Poille,  président  de  la  Société  archéologique,  directeur  des  domaines, 
à  Constanline. 


m 

CORRESPONDANTS  DU  COMITÉ 


AISNE 

MM. 

Matton,  archiviste  du  département,  à  Laon. 

ALLIER 

Bouchard  (Ernest),  président  de  la  Société  d'Émulation  de  l'Allier,  â 
Moulins. 

ALPES  (HAUTES-) 

Glillalme  (l'abbé  Paul),  archiviste  du  département,  membre  du  Comité 
départemental  des  richesses  d'art,  à  Gap. 

Roman  (J.),  au  château  de  Picomtal,  près  Embrun,  et  à  Paris,  rue  Blan- 
che, 75. 

ALPES-MARITIMES 

MoRis,  archiviste  du  département,  à  Nice. 

Saige  (Gustave),  conservateur  des  Archives  de  la  principauté  de  Monaco. 

DuFOURMAXTELLE  (Charles),  archiviste  paléographe,  25,  rue  Assalit,  à  Nice. 

ARDÈCHE 

André  (Edouard),  archiviste  du  déparlement,  à  Privas. 

ARIÈGE 

Pasquier  (Félix),  archiviste  du  département,  à  Foix. 

AUBE 

Ai\dré  (Francisque),  archiviste  du  déparlement,  à  Troyes. 


CORRESPO\DA\TS    DU    COMITE.  963 


BOLCHES-DU-RHOXE 

Bi.ANCARD,  archiviste  du  département,  à  Marseille. 

Hoiillon-Laxdais,    conservateur    honoraire  du    Musée    de    peinture,    à 

Marseille,  à  La  Maussane  Saint-Menet,  hanlieue  de  Marseille. 
Saporta  (le  marquis  de),  correspondant  de  l'Institut,  à  Aix. 
Parrocel  (Pierre),  suhstitut  du  procureur  de  la  République,  membre  de 

l'Académie  de  Marseille. 
Vidal  (Léon),  membre  de  l'Académie  de  Marseille,  professeur  à  l'Ecole 

nationale  des  Arts  décoratifs,  7,  rue  Scheffer,  à  Paris. 
CosTE  (Xuma),  membre  de  la  Société  des  Beaux-Arts,  à  Aix. 

CALVADOS 

J.ACQUiER  (Francis),  architecte,  rue  Desmoueuv,  à  Caen. 

MÉLY  (de),  au  château  de  Mesnil-Germain,  par  Fervacques  (Calvados),  et 

à  Paris,  10,  rue  Clément  Marot, 
Travers  (Emile),  archiviste  paléographe,  à  Caen. 
ViLLERS,  ancien  adjoint  au  maire,  à  Bayeux. 
Gasté  (Armand),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Caen. 

CHARENTE 

Biais  (Emile),  membre  de  la  Société  archéologique  et  historique  de  la 

Charente,  archiviste  municipal,  à  Angouléme. 
Flelry  (Paul  de),  archiviste  du  département,  à  Angouléme. 

CHAREXTE-LXFÉRIEIRE 

Aidiat    (Louis),   président  de    la    Société   des   Archives   historiques,    à 

Saintes. 
MissET  (Georges),  bibliothécaire  de  la  ville,  à  la  Rochelle. 
Richemoxd   (Meschinet  de),    archiviste  du   département,    rue    Verdière, 

n»  23,  à  la  Rochelle. 

CHER 

GoY  (de),  à  Bourges. 

Pètre  (Ch.),  directeur  de  l'École  nationale  des  Beauv-Arts,  conservateur 
du  Musée,  à  Bourges. 

CORRÈZE 
Rlpix,  vice-président  de  la  Société  historique  et  archéologique,  à  Briv€W 


966  AN  IV  EXE  S. 

CORSE 
Péraldi,  conservateur  du  Musée,  à  Ajaccio. 

COTE-D'OR 

Chabeuf  (Joseph-Henri),  secrétaire  de  rAcadémie  des  sciences  et  arts,  à  V 

Dijon.  'A 

Garmer,  archiviste  du  département,  à  Dijon.  ^ 

Suisse  (Charles),  architecte  diocésain,  à  Dijon. 

Mazbrolle  (Fernand),  correspondant  de  la  Commission  des  antiquités  de  la 
Côte-d'Or,  archiviste  à  l'Hôtel  des  monnaies  et  médailles,  quai 
Conti,  11,  à  Paris. 


CREUSE 


Cessac  (Jean  de),  à  Guéret. 
Perathon  (Cyprien),  à  Aubusson. 

EURE 

BoiRBON,  correspondant  du  Comité  des  travaux  historiques,  secrétaire  de 
la  Société  des  Amis  des  Arts  de  l'Eure,  archiviste  du  département, 
à  Evreux. 

Veuclin,  au  Mesnil-sur-l'Estrée. 

EURE-ET-LOIR 
Roussel,  propriétaire  à  Anet. 

FINISTÈRE 
Beau  (Alfred),  directeur  du  Musée,  à  Quitnper. 

GARONNE  (HAUTE-) 

RoscHACH  (Ernest),  archiviste  municipal,  à  Toulouse. 
Lahomdès  (de),  écrivain  d'art,  à  Toulouse. 

GIRONDE 

Vallet,  conservateur  du  Musée  de  peinture,  à  Bordeaux. 
Zo  (Achille),  directeur  de  l'École  des  Beaux-Arts  et  des  Arts  décoratifs,  à 
Bordeaux. 


CORRESPO\DA\TS    DU    COMITE.  967 


HIsRAULT 

Berthelé,  archiviste  du  département,  à  Montpellier. 

Labor  (Charles),  conservateur  du  Musée  de  peinture,  place  de  la  Made- 
leine, 4,  à  Béziers. 

Michel  (Ernest),  conservateur  du  Musée  de  peinture,  à  Montpellier. 

PoxsoNAiLHE  (Charles),  membre  de  la  Société  archéologique  et  littéraire 
de  Béziers,  46,  avenue  Bosquet,  à  Paris. 

ILLE-ET-VILAINE 

Parfouri',  archiviste  du  département,  à  Rennes. 

Lexoir  (Ch.),  statuaire,  directeur  de  l'Ecole  régionale  des  Beaux-Arts-,  à 
Rennes. 

INDRE-ET-LOIRE 

BossEBOEiF  (l'abbé),  président  de  la  Société  archéologique  de  Touraine, 

à  Tours. 
Beaumoxt  (Charles  de),  inspecteur  de  la  Société  archéologique  de  Touraine, 

12,  boulevard  des  Invalides,  à  Paris. 
Graxdmaisox  (Louis  de),  archiviste  du  département,  membre  de  la  Société 

archéologique  de  Touraine,  à  Tours. 

ISÈRE 

Berxard  (Jules),  conservateur  du  Musée,  à  Grenoble. 

CoLET,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences,  à  Grenoble. 

CoRXiLLOX  (Jean-Baptiste),  bibliothécaire,  conservateur  du  Musée  de  pein- 
ture, à  Vienne. 

DiGiT,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  à  Grenoble. 

Pridhomme,  archiviste  du  département,  rue  Lesdiguières,  n"»  39,  à  Gre- 
noble. 

Reymoxd  (Marcel),  peintre  et  critique  d'art,  4,  place  de  la  Constitution,  à 
Grenoble. 

Thibaut  (Francisque),  professeur  de  rhétorique  au  lycée,  à  Grenoble. 

JURA 

LiBOis,  archiviste  du  département,  à  Lons-le-Saunier. 

LOIR-ET-CHER 

Servais  (Eugène),  conservateur  du  Musée,  à  Blois. 
Lechevai.lier-Chevigxard,  professeur  à  l'École  des  Arts  décoratifs,  5,  rue 
de  l'Ecole  de  médecine,  à  Paris. 


068 


A  i\  N  E  X  E  S  . 


Roussel,  archiviste  du  déparlement,  à  Blois. 

Storelli,   ancien  conservateur  du  Musée  de  peinture,  à  Blois,  ou  à  la 

Gourre,  par  Blois. 
Scribe  (L.),  membre  du  Comité  départemental  de  l'Inventaire  des  richesses 

d'art  de  la  France,  à  Romorantin. 

LOIRE 

Déchelette-Despierres,  à  Roanne. 

(Gai.lev,  ancien  directeur  de  TEcole  des  Arts  industriels,  13,  rue  Paul  Bert, 

à  Saint-Etienne. 
Thiollier,  membre  de  la  Société  «  la  Diana  »,  à  Montbrison. 

LOIRE-IXFÉRIEURE 

De  l'Isle  de  Dréxeic,  conservateur  du  Musée  archéologique,   à  Nantes. 

Maître  (Léon),  archiviste  du  département,  à  Xantes. 

Masseron  (R.),  vice-président  de  la  Société  des  Amis  des  Arts,  à  Xantes. 

LOIRET 

Heruison  (H.),  membre  de  la  Société  des  Amis  des  Arts  d'Orléans,  édi- 
teur, rue  Jeanne  d'Arc,  n"  17,  à  Orléans. 

Loiseleir  (J.),  secrétaire  général  de  la  Société  d'agriculture,  Sciences, 
Belles-Lettres  et  Arts,  bibliothécaire  de  la  ville,  à  Orléans. 

Noël,  professeur  d'architecture  à  l'Ecole  de  dessin,  membre  de  la  Société 
des  Amis  des  Arts,  rue  de  Bourgogne,  n"  53,  à  Orléans. 

LOT 
Cangardel,  à  Cahors. 

LOT-ET-GARONXE 

Tholix  (Georges),  archiviste  du  département,  rue  Scaliger,  à  Agen. 

LOZÈRE 

André  (Ferdinand),  archiviste  du  département,  à  Mende. 

MAIXE-ET-LOIRE 

Michel  (A.),   conservateur  adjoint  du   Musée   Saint-Jean,    rue   Boisnet, 

n"  68,  à  Angers. 
PissoT,  président  de  la  Société  des  Sciences  et  des  Beaux-Arts,  à  Cholet. 
Denais   (Joseph),    membre  de  la    Société  d'agriculture.  Sciences  et  Arts 

d'Angers,  10,  rue  Fontaine-Saint-Georges,  à  Paris. 


CORHESrOXPAXTS    DU    COMITK.  OGO 


MANCHE 


MoRix,  artiste  peintre,  à  Granville. 

QuESXEL  (L.),  conservateur  du  Musée  de  peinture,  à  Coulances. 

MAIIXE 
CouRMEAix,  conservateur  du  Musée,  à  Reims. 

MARXE  (HAUTE-) 

RosEROT,  archiviste  honoraire  du  département,  60,  rue  Saint-Placide,   k 
Paris. 

MAYEAJiXE 

Richard  (Jules),  ancien  archiviste  du  Pas-de-Calais,  à  Laval. 

MEURTHE-ET-MOSELLE 

BoLiLEET    (l'abbé    A.),    membre    de    la    Société    d'archéologie   lorraine, 

4,  rue  Corot,  à  Paris. 
Germain"  (Léon),  rue  Héré,  n"  26,  à  Nancy. 
Jacqlot  (Albert),  membre  de  l'Académie   de   Stanislas  et  de   la  Société 

d'archéologie  lorraine,  rue  Gambetta,  n°  19,  à  Xancy. 

MEUSE 
Jacob,  archiviste  du  département,  à  Bar-Ie-Duc. 

MORBIHAN 
Lion  (Emile),  sous-préfet  de  Pontivy. 

NIÈVRE 

De  Flamare,  archiviste  du  déparlement,  à  Xevers. 

Massillox-Rolvet,    architecte,    membre  de   la   Société    académique    du 
Nivernais,  rue  du  Doyenné,  4,  à  Nevers, 

NORD 

Brassart,  archiviste  de  la  ville,  rue  du  Cauteleux,  n»  63,  h  Douai. 
Delecroix  (Emile),  avocat,  à  Lille. 
FixoT  (Jules),  archiviste  du  département,  à  Lille. 

FoLCART  (Paul),    membre  de  la  Commission  des  Ecoles  académiques,  à 
Valenciennes. 


970 


ANMEXES 


Herlin  (Aug.),  conservateur  honoraire  du  Musée  de  peinture,  à  Lille. 

Plichart,  conservateur  du  Musée  Wicar,  à  Lille. 

Rivière  (Benjamin),  bibliothécaire  de  la  ville,  rue  de  Bellain,   n"  30,  à 

Douai. 
Swarte  (Victor  de),  trésorier  général  des  finances,  à  Lille. 
HÉNAULT  (Maurice),  archiviste  municipal,  à  Valenciennes. 
Van  He.vde,  membre  de  la  Commission  historique  du  Nord,  à  Lille. 
Quarré-Reybolrbov,   membre  de  la  Commission  historique   du  Nord,  à 

Lille,  boulevard  de  la  Liberté,  70. 

OISE 

Badlv,  administrateur  de  la  manufacture  nationale,  à  Beauvais. 
Marsy  (comte  de),  directeur  de  la  Société  française  d'archéologie  pour  !a 
conservation  des  monuments  historiques,  à  Compiègne. 

ORNE 

Brioux    (Lionel),  professeur  aux  Écoles   de  la    ville,  conservateur  du 

Musée,  rue  de  Bretagne,  n»  60,  à  Alençon. 
Dl'val  (Louis),  archiviste  du  département,  à  Alençon. 

PAS-DE-CALAIS 

Advielle  (Victor),   membre    de  la   Société  des  Amis  des  Arts   d'Arras, 

passage  Dauphine,  n*  28,  à  Paris. 
Hur.REL,  ancien  directeur  de  l'École  d'art  décoratif,  rue  Nollet,  n"  19,  à 

Paris. 
LoRiQUET,  archiviste  du  département,  h  Arras. 

PUY-DE-DOME 

RouCHON  (G.),  archiviste  du  département,  rue  de  l'Hôtel  de  ville,  n^O, 
à  Clermont-Ferrand. 


PYRÉNÉES  (BASSES-) 

Lafond  (Paul),  membre  de  la  Société  des  Sciences,  Lettres  et  Arts,  à  Pau. 
SoiLiCE,  conservateur  de  la  Bibliothèque,  h  Pau. 

PYRÉNÉES-ORIENTALES 

Brutails  (Aug.),  archiviste  du  département,  à  Perpignan. 

RHONE 

BÉGiLE  (Lucien),  artiste  peintre,  membre  de  la  Société  littéraire  d'archéo- 
logie, à  Lyon. 


CORRESPOXDAMTS    DU    COMITE.  971 

George,  architecte,  cours  Gamhetta,  n"  27,  à  Lyon. 
GiRAiD,  conservateur  du  Musée  d'archéologie,  à  Lyon. 
Hédix,  ancien  directeur  de  l'Kcole  des  Beaux-Arts,  de  Lyon,  IG,  boule- 
vard des  Filles  du  Calvaire,  à  Paris. 
Gligle  (Georges),  archiviste  du  département,  à  Lyon. 

SAOXE-ET-LOIRE 

Lex  (Léonce),  bibliothécaire  de  la  ville,  archiviste  du  département,  à 
Mâcon  et  à  Paris. 

Martix  (Paul),  de  l'Académie  des  sciences,  arts,  belles-lettres  et  agricul- 
ture, rue  Mathieu,  n"  5,  à  Mâcon. 

SARTHE 

Dlxoyer  de  Segoàzac,  archiviste  du  département,  au  Mans. 
Triger  (Robert),  membre  de  la  Commission  des  monuments  historiques 
de  la  Sarthe,  rue  de  l'Ancien-Évêché,  n"  5,  au  Mans. 

SEINE 

Braum  (Gaston),  photographe  des  Musées  nationaux,  rue  Louis  le  Grand, 

n"  18,  à  Paris. 
Clément  (Léon),  photographe  des  Musées  nationaux,  rue  Louis  le  Grand, 

n»  18,  à  Paris. 

SEINE-ET-OISE 

Couard,  archiviste  du  département,  à  Versailles. 
Pératé,  attaché  à  la  conservation  du  Musée  national  de  Versailles. 
Mangeant  (P.-E.),  membre  de  la  Commission  des  antiquités  et  des  arts, 
à  Versailles. 

SEINE-INFÉRIEURE 

Beairepaire  (Charles  de),  archiviste  du  département,  rue  Beffroi,  n»  24, 

à  Rouen. 
Lebel,  directeur  de  l'École  des  Beaux-Arts  et  conservateur  du  Musée  de 

peinture,  à  Rouen. 
Le  Breton  (Gaston),  directeur  du  Musée  céramique,  à  Rouen. 
Vesly  (de),   architecte,   professeur  à  l'École  régionale   des  Beaux-Arts, 

rue  des  Faulx,  n»  21,  à  Rouen. 

SÈVRES  (DEUX-) 
Dupont,  archiviste  paléographe  du  département,  à  Niort. 


972 


ANNEXES 


Arnaildet  (Thomas),  ancien  bibliothécaire  de  la  ville  de  Niort,  au  Fossé- 
Rouge,  commune  de  Sainte-Florence  (Vendée). 
Saint-Marc,  juge  de  paix  du  premier  canton  de  Niort. 

SOMME 

Béthoiart,  professeur  du  cours  communal  de  dessin  industriel,  à  Abbe- 

ville. 
Dlraxd,  archiviste  du  département,  à  Amiens. 
Florival  (A.  de),  président  du  Tribunal,  à  Péronne. 
Ledieu  (Alcius),  bibliothécaire  de  la  ville,  à  Abbeville. 


Mazas,  à  Lavaur. 


TARN 


TARN-ET-GARONNE 


Forestié  (Edouard),  secrétaire  de  la  Société  archéologique  de  Tarn-et- 
Garonne,  archiviste  de  TAcadémie  des  sciences,  belles-lettres  et 
arts,  rue  de  la  République,  n»  23,  à  Montauban. 

PoTTiER  (l'abbé),  président  de  la  Société  archéologique,  à  Montauban. 

VAR 

MiRELR,  archiviste  du  département,  à  Draguignan. 

VAUCLUSE 

Bourges,  professeur  de  dessin  au  lycée,  à  Avignon. 
Duhamel,  archiviste  du  déparlement,  à  Avignon. 
Grivollas,  directeur  de  l'École  des  Beaux-Arts,  à  Avignon. 

VENDÉE 
Charrier,  architecte,  à  Fontenay-le-Comte. 

VIENNE 

Brouillet,  conservateur  du  Musée  de  peinture,  directeur  de  l'Ecole  muni- 
cipale régionale  des  Beaux-Arts,  à  Poitiers. 

Richard  (Alfred),  archiviste  du  département,  rue  du  Puycarreau,  n"  7, 
à  Poitiers. 

VIENNE  (HAUTE-) 

Ducourtieux,  conservateur  adjoint  du  Musée,  à  Limoges. 

Bourdery  (Louis),  avocat,  artiste  peintre  émailleur,  membre  de  la  Société 


CORRESPOIWDAXTS    DU    COMITE.  9"3 

archéologique   et   historique   du  Limousin  ,   rue   Peluiraud-Deau- 
peyrat,  n°  28,  à  liimoges. 
GliBERT  (Louis),   membre  de   hi  Société  archéologique  et  historique  du 
Limousin,  rue  Sainte-Catherine,  n"  8,  à  Limoges. 

VOSGES 
VoiLOT  (Félix),  conservateur  du  Musée,  à  Epinal. 

YO\NE 
Monceaux,  secrétaire  de  la  Société  des  Sciences  de  l'Yonne,  à  Auxerre. 

ALGER 

Waille  (Victor),  professeur  à  l'Ecole  des  lettres,  à  Alger. 

CONSTAiVTINE 

Prud'homme,  conservateur  de  la  Bibliothèque  et  du  Musée,  à  Constantine. 

ORAN 

CoiNET  (E.),  ingénieur,  sous-conservateur  du  Musée  municipal,  à  Oran. 


IV 


DISTIXCTIONS 

ACCORDÉES    AUX    DÉLÉGUÉS    DES    SOCIÉTÉS    DES    BEAUX-ARTS 

DES  DÉPARTEMENTS ,    SUR    LA    PROPOSITION    DU    COMITÉ, 

DE  1877  A  1898. 


Chevaliers  de  la  Légion  d'honneur. 
MM. 

Deligxières   (Emile),   président  de  la   Société  d'Émulation   d'Abbeville, 
membre  non  résidant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des 
départements.  —  Décret  du  9  juin  1898. 
DuRiEUX  (A.),  secrétaire  de   la  Société  d'émulation  à  Cambrai,  membre 
non  résidant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départe- 
ments. —  Décret  du  11  juin  1892.  (Décédé.) 
BoussÈs  DE  FouRCAiD  (Louis  de) ,  membre  du  Conseil  supérieur  des  Beaux- 
Arts  et  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  déparlements, 
professeur  d'esthétique   et  d'histoire  de  l'Art  à  l'École  nationale 
des  Beaux-Arts.  —  Décret  du  31  mars  1896. 
GoxSE  (Louis),  membre  du  Conseil  supérieur  des  Beaux-Arts  et  du  Comité 
des    Sociétés  des   Beaux-Arts   des  départements.    —    Décret   du 
15  juin  1889. 
GuiFFREV  (Jules-Joseph),  administrateur  de  la  manufacture  des  Gobelins 
et  membre  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départe- 
ments. —  Décret  du  19  avril  188-4. 
Herluison  (Henri),  membre  de  la  Commission  du  Musée,  correspondant 
du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements  à  Orléans. 
—  Décret  du  19  avril  1895. 
JoLiN  (Henry),   secrétaire  rapporteur  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux- 
Arts  des  départements.  —  Décret  du  8  avril  1893. 
Marcille    (Eudoxe) ,  conservateur   du   Musée  d'Orléans.   —  Décret   du 

19  avril  1879.  (Décédé.) 
Michel  (Edmond),  correspondant  de  la  Société  des  antiquaires  de  France, 
membre  de  la  Société  archéologique  de  l'Orléanais,  membre  non 


D1STI\CTI0\'S    ACCOUDEES    DE    187"    A    1808.  975 

résidant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  déparlements. 

—  Décret  du  3  avril  1881.  (Décédé.) 

Officiers  de  l'Instruction  publique. 

MM. 

Abraham  (Tancrède),  conservateur  du  Musée  de  Château-Gontier,  vice- 
président  de  la  Société  des  Arts  réunis  de  la  Mayenne.  Officier 
d'Académie  du  18  avril  1879.  —  0.  I.  Arrêté  du  12  juillet  1884. 
(Décédé.) 

Advielle  (Victor),  membre  de  la  Société  artésienne  des  Amis  des  Arts 
d'Arras.  —  Arrêté  du  11  avril  1885. 

Alegre  (Léon),  conservateur,  fondateur  du  Musée-Bibliothèque  de  la  ville 
de  Bagnols  (Gard).  Officier  d'Académie  en  décembre  1869.  — 
0.  I.  Arrêté  du  22  avril  1881. 

Biais  (Emile),  archiviste  de  la  ville  d'Angoulême,  correspondant  du  Comité 
à  Angoulême.  —  0.  I.  Arrêté  du  30  mars  1894. 

Boi'ILLOx-Laxdais,  conservateur  du  Musée  de  Marseille,  correspondant  du 
Comité  à  Marseille.  —  0.  I.  Arrêté  du  30  mars  1894, 

Caffaréxa  (Louis),  avocat  à  Toulon,  membre  de  l'Académie  du  Var.  — 
0.1.  Arrêté  du  15  juin  1889. 

CoLARD,  archiviste  de  Seine-et-Oise,  correspondant  du  Comité  à  Versailles. 

—  Arrêté  du  31  mai  1890. 

Daubam,  inspecteur  de  l'Enseignement  du  dessin  et  des  Musées,  conser- 
vateur honoraire  du  Musée  d'Angers.  Officier  d'Académie  du 
18  avril  1879.  —  0.  I.  Arrêté  du  20  décembre  1884. 

Deligxières  (Emile),  correspondant  du  Comité  à  Abbeville.  —  Arrêté  du 
20  avril  1895. 

De.vais  (.loseph),  collaborateur  de  l'Inventaire  général  des  richesses  d'art 
de  la  France.  —  Arrêté  du  27  mai  1891. 

DuRiEUX,  secrétaire  de  la  Société  d'Emulation  de  Cambrai.  —  Arrêté  du 
31  mars  1880.  (Décédé.) 

DuTiLLELX  (A.),  membre  de  la  Commission  des  Antiquités  et  des  Arts  de 
Seine-et-Oise.  —  Arrêté  du  l^"^  mai  1886. 

George,  architecte,  correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts 
des  départements.  Officier  d'Académie  du  27  avril  187S.  —  0.  I. 
Arrêté  du  15  juin  1889. 

GixoLX  (Charles)  ,  membre  de  l'Académie  du  Var  ,  correspondant  du 
Comité.  —  0.  1.  Arrêté  du  26  mai  1888. 

GiROX  (Léon),  membre  de  la  Société  d'agriculture,  sciences,  arts  et 
commerce  du  Puy,  membre  non  résidant  du  (lomité.  Officier 
d'Académie  le  11  avril  1885.  —0.  1.  Arrêté  du  14  juillet  1892. 

GuiGLE  (Georges),  archiviste  en  chef  du  (!épartement  du  Rhône,  corres- 
pondant du  Comité  à  Lyon.  —  0.  1.  Arrêté  du  23  avril  1897. 

GuiLLAU.ME  (l'abbé),  archiviste  du  département  des  Ilautcs-Alpes,  membre 


976  A\MVEXES. 

(lu  Comité  départemental  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art.  Offi- 
cier (rAcadémiedii  31  mars  1883.  —  0.  1.  Arrêté  du  26  mai  1888. 

Herluisox  (H.),  auteur-éditeur,  à  Orléans.  Officier  d'Académie  du  7  avril 
1877.  —  0.  1.  Arrêté  du  26  mai  1888. 

Jacquot  (Albert),  correspondant  du  Comité,  correspondant  de  la  Société 
des  artistes  musiciens,  à  Nancy.  Officier  d'Acadén)ie  du  15  avril 
1882.  —  0.  1.  Arrêté  du  26  mai  1888. 

Jarry  (Louis),  membre  de  la  Société  archéologique  de  l'Orléanais,  cor- 
respondant du  Comité  à  Orléans,  officier  d'Académie  du  25  mai 
1888.  —0.  I.  Arrêté  du  30  mars  1894. 

JoLiBOis  (Emile),  secrétaire  de  la  Société  des  sciences,  arts  et  belles-lettres 
du  Tarn,  conservateur  du  Musée  d'Albi.  Officier  d'Académie  du 

18  avril  1879.  —  0.  I.  Arrêté  du  5  mai  1886.  (Décédé.) 
Laurent  (Félix),  conservateur  du  Musée,  à  Tours.  Officier  d'Académie  du 

20  avril  1878.  —  0.  I.  Arrêté  du   19  avril  1884. 

Le  Breton  (Gaston),  directeur  du  Musée  céramique  de  Rouen.  Offi- 
cier d'Académie  du  20  avril  1878.  —  0.  1.  Arrêté  du  31  mars 
1883. 

Lex  (Léonce),  archiviste  du  département  de  Saône-et-Loire,  correspondant 
du  Comité  à  Màcon.  — 0.  1.  Arrêté  du  30  mars  1894. 

Leymarie  (Camille),  correspondant  du  Comité  à  Limoges.  Officier  d'Aca- 
démie du  15  juin  1889.  —  0.  1.  Arrêté  du  20  avril  1895. 

Marcille  (Eudoxe),  conservateur  du  Musée,  à   Orléans.  —  Arrêté   du 

19  avril  1884.  (Décédé.) 

Marionneau  (Charles),  correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts 
des  départements,  à  Bordeaux.  Officier  d'Académie  du  7  avril  1877. 
—  0.  I.  Arrêté  du  15  avril  1882. 

MoMMÉJA  (Jules),  correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts 
des  départements,  à  Montauban.  Officier  d'Académie  du  27  mai 
1891.  —  0.  I.  Arrêté  du  2  avril  1896. 

Parrocel  (Etienne),  membre  de  l'Académie  des  sciences,  arts  et  lett'es  de 
Marseille.  Officier  d'Académie  du  18  avril  1879.  —  0.  1.  Arrêté 
du  19  avril  1884. 

Parrocel  (Pierre),  membre  de  l'Académie  de  Vaucluse,  à  Marseille.  — 
Arrêté  du  20  avril  1895. 

PoRÉE  (M.  l'abbé  André-Adolphe),  correspondant  du  Comité  des  Sociétés 
des  Beaux-Arts  des  déparlements,  à  Bournainville  (Eure).  Officier 
d'Académie  du  15  juin  1889.  —0.  1.  Arrêté  du  2  avril  1896. 

Port  (Célestin),  archiviste  de  Maine-et-Loire.  —  Arrêté  du  20  avril 
1878. 

Qlarrk-Reybourbox,  membre  de  la  Commission  historique  du  Nord,  à 
Lille.  —  0.  I.  Arrêté  du  4  avril  1893. 

Requin  (l'abbé),  membre  de  l'Académie  de  Vaucluse,  archiviste  du  dio- 
cèse d'Avignon,  membre  non  résidant  du  Comité  à  Avignon.  Offi- 
cier d'Académie  du  11  juin  1892.  —  0.  1.  Arrêté  du  23  avril  1897. 


1)ISTI\CTI0\S    ACCOUDKliS    DE    I87-;    A    1808.  071 

RoMAX  (J.),  correspondant  du  Comité  à  Embrun.  Officier  d'Académie 
du  31  mars  1880.  —  0.  1.  Arrêté  du  11  avril  1885. 

RoNDOT  (Natalis),  commandeur  de  la  Légion  d'honneur,  membre  non  rési- 
dant du  Comité,  à  Lyon.  —  0.  I.  Arrêté  du  15  juin  1889. 

RosEROT  (Alphonse),  correspondant  du  Comité  à  Chaumont.  —  Arrêté  du 
20  avril  1895. 

SoLDi  (Emile),  graveur  en  médailles,  écrivain  d'art.  —  0.  I.  .Arrêté  du 
26  mai  1888. 

Stel\  (Henri),  secrétaire  de  la  Société  historique  et  archéologique  du  Gâti- 
nais,  correspondant  du  Comité.  Officier  d'Académie  du  30  avril 
1880.  —  0.  I.  Arrêté  du  11  juin  1892. 

SwARTE  (Victor  de),  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  correspondant  du 
Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  dos  départements.  —  0.1.  Arrêté 
du  15  juin  1889. 

Vidal  (Léon),  membre  de  la  Société  de  statistique  de  Marseille.  Officier 
d'Académie  du  27  avril  1878.  —  0.  I.  Arrêté  du  31  mars  1883. 

Officiers  d'Académie. 
MM. 

Beaumoxt  (Charles-Joseph-Marie  de  la  Bonninière  de) ,  membre  de  la 
Société  archéologique  de  la  ïouraine,  membre  correspondant  du 
comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements.  —  Arrêté 
du  15  avril  1898. 

Billot  (Achille),  artiste  peintre,  membre  de  la  Commission  de  l'Inven- 
taire des  richesses  d'art  du  Jura  et  de  la  Société  d'Emulation  du 
même  département.  —  Arrêté  du  19  avril  1881. 

BossEBOELF  (l'abbé),  président  de  la  Société  archéologique  de  Tourainê, 
membre  correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des 
départements.  —  Arrêté  du  15  avril  1898. 

BouiLLET  (l'abbé  Auguste-Xicolas- Victor),  membre  de  la  Société  française 
d'archéologie  à  Caen.  —  Arrêté  du  30  mars  1891. 

Braquehaye,  vice-président  de  la  Société  archéologique  de  Bordeaux.  — 
Arrêté  du  8  juillet  1877. 

Brès,  membre  de  la  Société  des  Amis  des  Arts  de  Marseille.  —  Arrêté 
du  27  avril  1878. 

Brocard  (Henry),  conservateur  du  .Musée  de  Langres.  —  Arrêté  du 
31  mars  1880. 

BuRET,  secrétaire  honoraire  de  la  Société  des  Beaux-Arts  de  Caen.  —  Arrêté 
du  19  avril  1881.  (Décédé.) 

Ca.mbo.\  (Armand),  conservateur  du  Musée  de  Montauban.  —  Arrêté 
du  19  avril  1881.  (Décédé.) 

Chardox,  écrivain  d'art.  —  Arrêté  du  7  avril  1877. 

Cheyssac  (l'abbé)  ,  membre  de  la  Société  historique  et  archéologique  du 
Périgord.  — Arrêté  du  18  avril  1879.  (Décédé.) 

62 


978  A  MV  E  X  E  S  , 

DÉLEROT,  bibliothécaire  (le  la  ville  de  Versailles.  — Arrêté  du  18  avril  1879. 
Desavary,  secrétaire  de  la  Société  artésienne  des  Amis  des  Arts,  à  Arras.  — 

Arrêté  du  18  avril  1879. 
j\Inio  Despierrks,  correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des 

départements,  à  Alençon,  —  Arrêté  du  II  juin  1892.   (Décédée.) 
Dl'hourg,  conservateur  du   Musée  de  Honfleur ,  professeur  de  dessin  au 

collège  de  Honfleur.  —  Arrêté  du  2  avril  1880. 
DuBOz  (Félix),  secrétaire   du    comité  d'organisation   de   l'Exposition  des 

Beaux-Arts,  à  Tours.  —  Arrêté  du  19  avril  1881.  (Décédé.) 
DiiBROC  DE  Ségange,  correspondant  du  ministère  de  l'Instruction  publique, 

à  Moulins.  —  Arrêté  du  8  juillet  1877.  (Décédé.) 
DuGAssEAU,  conservateur  du  Musée  du  Mans.  — Arrêté  du  27  avril  1878. 
Fauconx'eau-Dufresxe  ,  membre  du  Comité  départemental  de  l'Inventaire 

des  richesses  d'art  de  l'Indre.  —  Arrêté  du  31  mars  1883. 
Goovaerts,   chef  de  section   aux  Archives  du  royaume,  à  Bruxelles.  — 

Arrêté  du  11  juin  1892. 
Grandin  (Georges),  ancien  conservateur  du  Musée,  à  Laon.  —  Arrêté  du 

20  avril  1895. 
Granomaison  (Louis  de),  archiviste  du  département  d'Indre-el-Loire,  cor- 
respondant du  Comité,  à  Tours.  —  Arrêté  du  23  avril  1897. 
Hénallt  (Maurice),   bibliothécaire  adjoint  de  la  ville   de   Valenciennes, 

correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  dépar- 
tements. —  Arrêté  du  15  avril  1898. 
Hervé,  membre  d'honneur  de  la  musique  municipale  deRemiremont,  pro- 
fesseur à  l'Association  polytechnique  de  Paris.  — Arrêté  du  31  mars 

1880. 
Jadart  (Henri),  secrétaire  général  de  l'Académie  de  Reims.  —  Arrêté  du 

30  avril  1886. 
Laferrière  (l'abbé),  président  de  la  Commission  des  arts  et  monuments,  à 

Saintes.  —  Arrêté  du  27  avril  1878. 
Lafoxd  (Paul),  membre  de  la  Société  des  Beaux-Arts  à  Pau.  —  Arrêté  du 

20  avril  1895. 
Le  HÉiVAFF,  inspecteur  de  l'enseignement  du  dessin,  à  Rennes.  —  Arrêté 

du  2  avril  1880.  (Décédé.) 
Mangeant,  membre  de  la  Commission  des  Antiquités  et  des  Arts  de  Seine- 

et-Oise,  à  Versailles.  Arrêté  du  2  avril  1896. 
MartIiV  (François-Joseph),  membre  de  la  Commission  des  Antiquités  et  des 

Arts  de  Seine-et-Oise,  à  Versailles.  —  Arrêté  du  4  juin  1887. 
Martin  (Paul),  correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des 

départements,  à  Màcon.  —  Arrêté  du  15  juin  1889. 
Massillon-Rouvet,  correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts 

des  départements,  à  Nevers.  Arrêté  du  2  avril  1896. 
Michel  (Edmond),  correspondant  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France, 

à  Touvent,  par  Fontenay-sur-Loing.  —  Arrêté  du  20  avril  1878. 

(Décédé.) 


DISTIXCTIOXS    ACCORDEES    DE    187-    A    1898.  910 

MiDOUX,  membre   de   la   Société  académique   de    Laon.    —    Arrête   du 

18  avril  1879. 
KoEh,  architecte,  professeur  à  l'École  de  dessin  d'Orléans.  —  Arrêté  du 

18  avril  1879. 
PoNSOXAiLHE  (Charles),  membre  de  la  Société  archéologique  et  littéraire 

de  Béziers,  correspondant  du  Comité,  à  Béziers.  —  Arrêté  du  23  avril 

1897. 
Roussel,  propriétaire,  à  Anet.  —  Arrêté  du  8  juillet  1877. 
Sabatier,  correspondant  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  dépar- 
tements, à  Vire.  —  Arrêté  du  15  juin  1889. 
Scribe    (L.)  ,    membre  du  Comité   départemental    de    l'Inventaîre^J  des 

richesses  d'art  de  la  France,  à  Romorantin.    —  Arrêté  du  4  avril 

1893. 


SOCIETES 

Correspondant  avec  le  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements 
et  avec  la  Commission  de  l'Inventaire  général  des  richesses  d'art  de  la  France. 

1877-1898. 


Ali\ 

Bourg Société  d'Emulation,  agriculture,  sciences,  lettres 

et  arts. 
— Société    littéraire,    historique   et  archéologique  du 

département  de  l'Ain. 
— Société  des  Amis  des  arts  de  l'Ain. 

AISNE 

Laon Société  académique. 

Chateau-Thierrv.    .  Société  historique  et  archéologique. 

Chauny Société  académique. 

SaIi\t-Qlextix  .   .   .  Société  industrielle  de  Saint-Quentin  et  de  l'Aisne. 

—  ...  Société  académique  des  sciences,  arts  et  belles-lettres, 

agriculture  et  industrie. 

—  ...     Société  des  Amis  des  arts. 

So«sso\s Société  archéologique. 

Vervins Société  archéologique. 

ALLIER 

Moulins Société  d'Emulation  de  l'Allier. 

— Commission    départementale    de    l'Inventaire    des 

richesses  d'art. 

ALPES  (BASSES-) 

Digne Commission    départementale    de    l'Inventaire    des 

richesses  d'art. 
—     ......     Société  scientifique  et  littéraire  des  Basses-Alpes. 


SOCIKTES    COUUESrOXDAAIT    A  V  K  C    LK    COMITE.  981 

ALPES  (HAUTES-) 

Gap Commission    départementale    de   l'Inventaire    des 

richesses  d'art. 
— Société  d'études  des  Hautes-Alpes. 

ALPES-MARITIMES 

Nice Société  des  lettres,  sciences  et  arts. 

— Société  des  Beaux-Arts. 

— Société  des  architectes  du  département. 

ARDEXXES 

MÉziÈRES Commission    départementale    de    l'Inventaire   des 

richesses  d'art. 

AUBE 

Troyes <,  .     Société  académique  d'agriculture,  des  sciences,  arts 

et  belles-lettres. 

— Société  des  Amis  des  arts. 

Bar-sur- Aube.    .   .   .     Société  des  architectes  du  département  de  l'Aube, 
Nogext-sur-Sel\e.    .     Société  pour  développer  et   encourager  l'étude  du 

dessin. 

AUDE 

Carcassoxne  ....     Société  des  arts  et  des  sciences. 

LiMOUX Société  des  Amis  des  arts. 

Narboxne Commission  archéologique  et  littéraire  de  l'arron- 
dissement de  Xarbonne. 
—         Société  des  Beaux- Arts. 

AVEYRON 
Rodez Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de  l'Aveyron. 

BELFORT  (TERRITOIRE  DE) 
Belfort Société  Belfortaine  d'Emulation. 

BOUCHES-DU-RHONE 

Marseille Académie  des  sciences,  lettres  et  arts. 

Aix Académie  des  sciences,  arts  et  belles-lettres. 

— Société  historique  de  Provence. 

— Cercle  musical. 

— Société  des  amis  des  arts. 

Arles Commission  archéologique. 


i 


982 


AMMEXES. 


CALVADOS 

Caen Société  française  d'archéologie. 

— Société  des  Beaux-Arts. 

— Académie  nationale  des  sciences  et  arts. 

— Société  des  antiquaires  de  Normandie. 

— Association  Normande  pour  le  progrès  des  arts. 

— Conservatoire  de  musique. 

Bayeux Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

Falaise Société  d'agriculture,  arts  et  belles-lettres. 

—      Société  d'agriculture,  industrie,  sciences  et  arts. 

LisiEUX Société  d'Émulation. 

—       Société  historique. 

Pont-l'Evêque  .    .   .  Société  d'agriculture,  arts  et  sciences,  etc. 

Vire Société  Viroise  d'Emulation. 

CAjVTAL 

AuRiLLAC Société  d'horticulture,  d'acclimatation,  des  sciences 

et  des  arts. 

CHARENTE 

AxGOULÊME Société    archéologique    et    historique    de    la    Cha- 
rente. 


La  Rochelle 


rochefort 
Saintes.  . 


ROYAN  .    . 


CHARENTE-INFERIEURE 

Académie  des  belles-lettres,  sciences  et  arts. 
Société  des  Amis  des  arts. 
Société  philharmonique. 
Société  de  géographie. 
Commission  des  arts  et  monuments. 
Société  des  archives  historiques. 
Société  des  Amis  des  arts. 
Académie  des  Muses  Santones. 


CHER 

Bourges Société  historique,  littéraire,    artistique  et  scienti- 
fique du  Cher. 

—       Société  des  antiquaires  du  Centre. 

Conservatoire  du  Musée. 

—       Comité  diocésain  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

CORRÈZE 

Tulle Société  des  lettres,  sciences  et  arts. 


SOCIÉTÉS    CORRESPO\DA\T    AVEC    LE    COMITE.  983 

TiLLE Coininissioa    départementale    de    l'Inventaire    des 

richesses  d'art. 
BniVE Société  scientifique,  historique  et  archéologique. 

COTE-D'OR 

Dijox Académie  des  sciences,  arts  et  belles-lettres. 

—  Société  des  Amis  des  arts. 

— Commission  des  antiquités  du  département. 

—  Commission     départementale    de    l'Inventaire   des 

richesses  d'art. 

— Conservatoire  de  musique. 

Beauxe Société  archéologique  d'histoire  et  de  littérature. 

Chatillox-sur-Seixe.     Société  archéologique. 

Semur Société  des  sciences  historiques. 

COTES-DU-NORD 

Saint-Brielc .   .  .  .  Société  d'Émulation  des  Côtes-du-Nord. 

—  ....  Société  archéologique  et  historique. 

—  ....  Association  bretonne. 

—  ....  Société  musicale. 

—  ....  Société  philharmonique. 

CREUSE 

GuÉRET Société  des  sciences  naturelles  et  archéologiques. 

AuBUSSON Société  du  Musée. 

DORDOGXE 

Périgueux Société  historique  et  archéologique  du  Périgord. 

—       ....         Société  des  Beaux-Arts  de  la  Dordogne. 


Besançon 


iMOMBÉLIARn 


ÉVREUX. 


Chartres. 


DOUBS 

Société  d'Emulation. 

Société  des  Amis  des  arts. 

Académie  des  sciences,  lettres  et  arts. 

Commission  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

Ecole  municipale  de  musique. 

Société  des  Beaux-Arts. 

Société  d'Emulation. 

EURE 

Société  départementale  des  Amis  des  arts. 

EURE-ET-LOIR 

Société  archéologique  d'Eure-et-Loir. 


984  A^iNEXES. 

Chartres Commission  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

Chateaidin   ....     Société  Danoise. 

FIMSTÈRE 

Qlimper Société  archéologique. 

Brest Société  d'Emulation. 

—      Société  académique, 

MoRLAix Société  du  Musée. 

GARD 

ICiMES Académie  du  Gard. 

— Société  des  Amis  des  arts. 

— Commission  municipale  des  Beaux-Arts. 

— Ecole  de  musique. 

Alais Société  scientifique  et  littéraire. 

GARONiXE  (HAUTE-) 

Toulouse Société  archéologique  du  midi  de  la  France. 

—      Académie  des  sciences,  inscriptions  et  belles-lettres. 

—       Société  artistique. 

—      École  de  musique. 

GERS 

AucH Société  historique  de  Gascogne. 

—     Société  des  archives  historiques  de  la  Gascogne. 

GIROXDE 

Bordeaux Académie  des  sciences,  arts  et  belles-lettres. 

—         Société  des  Amis  des  arts. 

—         Société  archéologique. 

—         Société  philomathique. 

—  Société  des  archives  historiques. 

—         Commission  des  monuments. 

—         Société  de  Sainte-Cécile. 

—         Société  philharmonique, 

—         Société  des  architectes. 

^        Société  des  bibliophiles  de  Guyenne. 

HÉRAULT 

Montpellier  ....     Académie  des  sciences  et  lettres. 

—  ....     Société  artistique  de  l'Hérault. 

—  ....     Société  archéologique. 


SOCIETES    CORRESPO\DA\T    AVEC    LE    COMITÉ.  98(5 

Montpellier  ....     Société  des  bibliophiles  languedociens. 
Béziers Société  archéologique  et  littéraire. 

ILLE-ET-VILAIXE 

Rennes Société  archéologique. 

— Conservatoire  de  musique. 

Saixt-Malo Société  du  Musée. 

INDRE 

Cbateauroux  .   .  .  .     Société  du  Musée. 

—         ....     Commission  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

INDRE-ET-LOIRE 

Tours Société  des  Amis  des  arts. 

Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

— Société  archéologique  de  Touraine. 

ISÈRE 

Grenoble Académie  delphinale. 

—        Société  de  statistique  et  des  arts  industriels. 

—        Société  des  Amis  des  arts. 

JURA 

Loxs-le-Sal'nier  .  .     Société  d'Émulation. 

—             .   .     Commission  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 
PoLiGNY Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

LANDES 

Dax Société  de  Borda. 

—      Société  d'agriculture,  sciences,  commerce  et  arts. 

LOIRE 

Saint-Etienne  .   .   .     Société  d'agriculture,  industrie,  sciences  et  arts. 
MoNTBRisoN La  Diana. 

LOIRE  (HAUTE-) 

Le  Pu¥ Société  des  Amis  des  sciences,  de  l'industrie  et  des 

arts. 
— Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

LOIRE-INFÉRIEURE 
Nantes Société  académique. 


986  ANNEXES. 

Naxtes. Commission  du  Musée. 

— Société  archéologique. 

LOIRET 

Orléans Société  archéologique. 

—      Société  des  Amis  des  arts. 

—      Société  d'agriculture,  sciences,  belles-lettres  et  arts. 

—       Académie  de  Sainte-Croix. 

—      Institut  musical. 

LOIR-ET-CHER 

Blois Société  des  sciences  et  lettres. 

—     Société  d'excursions  artistiques. 

—  . Comité  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

— Société  des  Amis  des  arts,  sciences  et  lettres. 

RoMORANTix    ....     Comité  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

VtaDOME Société  archéologique  et  littéraire. 

— Comité  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

LOT 

Cahors Société  des  études  littéraires,  scientifiques  et  artis- 
tiques du  Lot. 
— Commission  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

LOT-ET-GAROiXXE 
Agen Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

LOZÈRE 
MiiNDE Société  d'agriculture,  industrie,  sciences  et  arts, 

MAINE-ET-LOIRE 

Angers Académie  des  sciences  et  belles-lettres. 

—       Association  artistique. 

—  Société  d'études  scientifiques. 

—  Comité  historique  et  artistique  de  l'Ouest. 

—  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

Cholet Société  des  sciences  et  des  beau\-arts. 

MANCHE 

Saint-Lo Société  d'agriculture  et  d'archéologie. 

—        Commission  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

Avranches Société  d'archéologie,  de  littérature,  sciences  et  arts. 

Cherbourg Société  académique. 


SOCIETES    CORRESPOMDAXT    AVEC    LE    COMITE-  987 

Cherboirg Société  artistique  et  industrielle. 

—        Société  de  V  Union  cherbourgeoise. 

CouTAXCES Société  académique  du  Colentin. 

Valogxes Société  archéologique,  artistique  et  littéraire. 

Carentan Académie  Xormande. 

MARXE 

Chaloxs-sur-Marne.  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

Reims Académie  nationale. 

— Société  des  Amis  des  arts. 

—     Société  des  Arts  réunis. 

—     Société  des  architectes  de  la  Marne. 

Vitry-le-Fraxçois  .  Société  des  sciences  et  arts. 

MARNE  (HAUTE-) 

Langres Société  historique  et  archéologique. 

Saixt-Dizier  ....     Société  des  sciences,  lettres  et  arts. 

MAYENNE 

Laval Commission  historique  et  archéologique. 

—  .......     Société  des  Arts  réunis. 

— Société  d'archéologie,  sciences,  arts  et  belles-lettres. 

MEURTHE-ET-MOSELLE 

Nancy Société  d'archéologie  lorraine. 

— Académie  de  Stanislas. 

— Comité  de  l'Association  des  artistes  musiciens. 

— Société  chorale  d'Alsace-Lorraine. 

MEUSE 

Bar-le-Dug Société  des  lettres,  sciences  et  arts. 

—          ,       .    ,      Société  du  Musée. 
Verdl'n Société  philomathique. 

MORBIHAN 

Vanxes Société  polymathique. 

LoRiEXT Société  philotechnique. 

NIÈVRE 

Nevers Société  Nivernaise  des  lettres,  sciences  et  arts. 

Commission  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

—       ....  Société  académique  du  Nivernais. 

Clamecy Société  scientifique  et  artistique. 


988  AN  \  EXE  S. 

V^ARZY Société  du  Musée. 

— Société  liistorique,  littéraire  et  agricole. 

NORD 

Lille Société  des  sciences,  de  ragriculture  et  des  arts. 

—      Commission  historique  du  Xord. 

—     Comité  flamand  de  France. 

—     Conservatoire  de  musique. 

—     Société  des  architectes. 

AvESNES  ......  Société  archéologique. 

Cambrai Société  d'Emulation. 

—       Académie  de  musique. 

Douai Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

— Ecole  de  musique. 

—    ....'...  Société  des  Amis  des  arts. 

DuNKERQUE Société  dunkerquoise  pour  l'cucouragement  des  arts. 

—        Ecole  de  musique. 

—         Commission  de  musique. 

RoLBAix Société  d'Emulation. 

—       Ecole  de  musique. 

Tourcoing Académie  de  musique. 

Valenciennes .    .   .    .  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

—  ....  Académie  de  musique. 

OISE 

Beaui'AIS Société  académique  d'archéologie. 

—      Commission  de  l'ïnvenlaire  des  richesses  d'art. 

—      Comité  correspondant  de  l'Association  des  artistes 

musiciens. 

CoMPlÈGNE Société  historique. 

NoYOX Comité  historique  et  archéologique. 

Senlis Comité  archéologique. 

ORNE 

Alençosi Commission  des  archives. 

—      Société  historique  et  archéologique  de  l'Orne. 

Flers Société  industrielle. 

PAS-DE-CALAIS 

Ahras Académie  des  sciences,  lettres  et  arts. 

— Union  artistique  du  Pas-de-Calais. 

— Société  artésienne  des  Amis  des  arts. 

— Commission  des  monuments  historiques  du  Pas-de- 
Calais. 


SOCIETES    C()RRESrO\DA\T    AVEC    LE    COMITE.  989 

Arras Kcole  de  imisiquf . 

— Commission  des  antiquités. 

Bollogke-slr-Mer  .  Société  académique. 

—  .  Académie  communale  de  musique. 

—  .  Société  d'agriculture  et  des  Beaux-Arts. 

—  .  Société  des  concerts  populaires. 

Calais Société  des  sciences  industrielles. 

Saint-Omer  ....  Société  des  antiquaires  de  la  Morinie. 

St-Pierre-lez-Calais  Commission  de  surveillance  et  de  patronage  de  l'École 

d'art  décoratif. 

PL  Y-DE-DO. ME 

Clermoxt-Ferraxd  .     Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts. 

—  ,     Société  des  architectes. 

—  .     Société  régionale  des  architectes  du  Puy-de-Dôme, 

de  la  Haute-Loire  et  de  l'Allier. 

—  .     Société  d'Emulation  de  l'Auvergne. 
RiOM Société  du  Musée. 

PYRÉNÉES   (BASSES-) 

Pau Société  des  sciences,  lettres  et  arts. 

— Société  des  Amis  des  arts. 

Bayoxxe Société  des  sciences  et  arts. 

—  .....  Conservatoire  de  musique. 

—      Société  artistique. 

PYRÉXÉES   (HAUTES-) 
BagnèresdeBigorre.     Société  Ramond. 

PYRÉNÉES-ORIENTALES 

Perpignan Société  agricole,  scientifique  et  littéraire. 

—         Conservatoire  de  musique. 

RHONE 

Lyon Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts. 

— Société  littéraire,  historique  et  archéologique. 

— Société  académique  d'architecture. 

— Conservatoire  de  musique. 

— Société  d'agriculture  et  arts  utiles. 

— Société  d'enseignement  professionnel. 

— Société  des  sciences  industrielles. 


990  ANNEXES. 

SAONE-ET-LOIRE 

Maçon Académie  des  sciences,  arts  et  belles-lettres. 

— Société  des  concerts  historiques. 

— Société  philharmonique. 

AuTUN Société  Éduenne. 

Chalox-sur-Saônk  .  Société  d'histoire  et  d'archéologie. 

TouRNUS Société  des  Amis  des  arts. 

SARTHE 

Le  Mans Commission  pour  la  conservation  des  monuments. 

—      Société  historique  et  archéologique. 

—       Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

—      Société  française  d'archéologie. 

La  Flèche Société  des  sciences  et  arts. 

SAVOIE 

Chambéry Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts. 

—         Société  savoisienne  d'histoire  et  d'archéologie. 

—         Conservatoire  de  musique. 

MouTiERs Académie  de  la  Val  d'Isère. 

S.-JeandeMauriexxe  Société  d'histoire  et  d'archéologie. 

SAVOIE   (HAUTE-) 
Annecy Société  Florimontane. 

SEINE-ET-MARNE 

Melun Société  d'archéologie,  sciences,  lettres  et  arts. 

— Comité  départemental  de  l'Inventaire  des  richesses 

d'art. 

Fontainebleau  .    .  .  Société  historique  et  archéologique  du  Gâtinais. 

Meaux Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

Nemolrs Société  polytechnique. 

RozoY Société  d'agriculture  et  d'économie  domestique, 

SEINE-ET-OISE 

Versailles Commission  des  antiquités  et  des  arts  de  Seine-et-Oise. 

—        Société  des  Amis  des  arts. 

—        Société  des  sciences  morales,  des  lettres  et  des  arts. 

—        Société  d'agriculture  et  des  arts. 

—        Comité  correspondant  de  l'Association  des  artistes 

musiciens. 

PoNTOlSE Société  historique  et  archéologique. 

Rambouillet.  .  .  .     Société  archéologique. 


SOCIÉTÉS    CORUESPOXDAXT    AVEC    LE    COMITÉ. 


991 


SEINE-IXI-'ERIEURE 

RoLEN Académie  des  sciences,  belles-lettres  el  arts. 

— Société  des  Amis  des  arts. 

— Commission  des  antiquités. 

— Société  de  l'hisloire  de  Normandie. 

—     .    , Société  libre  d'Emulation. 

— Société  industrielle. 

— Société  des  architectes. 

— Société  artistique  de  Normandie. 

— Société  des  bibliophiles. 

— Société  rouennaise  des  bibliophiles. 

Commission  d'architecture  de  la  Seine-Inférieure. 

Elbeuf Société  industrielle. 

Société  des  architectes  du  canton  d'Elbeuf. 

Fécamp Société  du  Musée. 

Havre  (le) Société  bavraise  d'études  diverses. 

Société  de  Sainte-Cécile. 

Société  musicale  la  Lyre  havraise. 

Société  des  Amis  des  arts, 

—        Société  des  Beaux-Arts. 

.....  Société  géologique  de  Normandie. 

SÈVRES  (DEUX-) 

\'£ORT Société  de  statistique,  sciences,  belles-lettres  et  arts. 


Amiexs 


Abbeville 


SOMME 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts. 

Société  des  antiquaires  de  Picardie. 

Société  industrielle. 

Société  des  Amis  des  arts. 

Société  linnéenne  du  nord  de  la  France. 

Société  de  géographie. 

Société  d'Emulation. 

Conférence  scientilique. 


TARN 


Albi 


Académie   des    sciences,   arts   et  belles-lettres    du 
Tarn. 


MONTAUBAN  . 


TAR\-ET-GARONNE 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts. 


992  ANNEXES. 

MoxTAUBAN Société  archéologique. 

—        Commission  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

VAR 

Draguignan Société  d'études  scientifiques  et  archéologiques. 

Toulon Société  académique. 

VAUCLUSE 

Avignon Société  du  musée  Calvet. 

— Conservatoire  communal  de  musique. 

—       Académie  de  Vaucluse. 

Apt Société  littéraire,  scientifique  et  artistique. 

VEADÉE 
La  Roche-sur-Yon.  .     Société  d'Émulation  de  la  Vendée. 

VIENNE 

Poitiers Société  des  antiquaires  de  l'Ouest. 

—      Commission  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

—      Académie  des  Beaux-Arts. 

— Comité  correspondant  de  l'Association  des  artistes 

musiciens. 

—      Société  des  archives  du  Poitou. 

—      Société  poitevine  d'encouragement  à  l'agriculture. 

VIENNE  (HAUTE-) 

Limoges Société  archéologique  et  historique. 

—       Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

VOSGES 

Épinal Société  d'Émulation. 

— Commission  de  l'Inventaire  des  richesses  d'art. 

Saint-Dié Société  philomathique. 

YONNE 

AiJXERRE Société  des  Amis  des  arts. 

—     Société  des   sciences   historiques  et  naturelles  de 

l'Yonne. 

AvALLON Société  d'études. 

Sens Société  archéologique. 


SOCIETES    CORllESPOXDAVT    AVEC    I,E    COMITÉ.  093 

ALGER 

Alger Société  des  Beaux-Arts. 

— Société  historique  algérienne. 

CONSTANTINE 

CoxsTANTiNF..  .    .   .         Société    archéologique    du    département    de   Con- 

stantine. 
Boxe Académie  d'Hippone. 

ORAN 
Oran Société  de  géographie  et  d'archéologie. 


/ 


63 


TABLE  DES  MATIERES 


Numéros  2  à  5  du  Bulletin  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts 

Ouverture  de  la  session  et  constitution  du  Bureau ." 

Séance  du  mardi  12  avril  (présidence  de  M,  Edouard  Millaud).  . 
Séance  du  mercredi  13  avril  (présidence  de  M.  Lucien  AIargheix) 
Séance  du  jeudi  14  avril  (présidence  de  M.  Gustave  Servoix).  .  . 
Séance  du  vendredi  15  avril  (présidence  de  M.  Maurice  Toirneix) 
Rapport  cjénéral  sur  les  travaux  de  la  session  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts,  lu  dans  la  séance  du  15  avril,  par  M.  Henry  Jouin, 

secrétaire  rapporteur  du  Comité 45 

Séance  générale  du  samedi  16  avril  (présidence  de   M.   A.   Ram- 
baud) 


Pages. 
I-XXIV 

1 

2 
15 
26 
36 


81 


LECTURES    ET    C  0  M  M  UIV  IC  ATION  S. 


I.   Xotice  sur  deux  anciennes  tapisseries  du  Musée  des  anti- 
quités de  Rouen.  —  M.  Gaston  Le  Bretox 97 

II.  Peintres  des  Xl'I%  WI^  et  XVIIP  siècles.  Notes  et  docu- 
ments extraits  des  fonds  paroissiaux  des  archives  du 
Calvados.  —  M.  Armand  Béxet 110 

III,  Artistes  d'Avranches,    Bayeux,    Cherbourg,    Coutances, 

Saint-Lô,  lalognes  et  Vire  au  XVIII°  siècle,  d'après 
les  rôles  de  la  capitulation  conservés  aux  archives  dé- 
partementales du  Calvados.  —  M.  Armand  Hémt  .   .     156 

IV.  L'émail  de  Vaulx  en  Artois. — Baron  Cavrois 167 

V.  La  cathédrale  de  Xantes.  —  Le  marquis  de  Craxges  de 

SlRGÈRES 172 

VI.   Les  Maîtres  Joueurs  d'instruments  au  XVII°  siècle.  — 

M.  Ad.  VixcEXT 185 

VII.   Les  Quatre  Saisons  de  Sauvage.  —  M.  Lorix 190 

VIII.  Piene  Dupuis,  peintre  de  Montfort.  —  M.  Lorix.   .   .   .      I!)3 
IX..  La  Céramique  à  Boissettes  (Seine-et-Marne),  1732-1781. 

—  M.  G.  Leroy 197 

X.  Charles  Eisen.  —  M.  Albert  Jacquot 215 


906  TABLE    DES    MATIÈRES. 

Pages. 

XI.  Le  Maître-Aulel  de  Pénis  Gervais,  à  Saint-Maurice  d'An- 
gers (1758).  —  M.  .Joseph  Dexais 210 

XII.  Les  peintres  VanOosl,  à  Lille,  à  propos  d'un  tableau  lillois. 

—  M.  L.  Quarrk-Reybourbo\ 231 

Xin.  Conrad    Meyt   et   les    sculpteurs   de   Brou   en   Franche- 
Comté.   Leur  œuvre.   Leurs   imitateurs   (1524-1563). 

—  M.  Jules  Gauthier 250 

XIV.   Le  Musée  Jean  Gigoux,  à  Besancon.  —  M.  Jules  Gau- 
thier  282 

XV.   Introduction  des  faïences  d'art  à  Nevers.  Les  Conrade.  — 

M.  Massillo.n-Rouvet 291 

XVI.   Notices  sur  plusieurs  anciennes  peintures  inconnues  de 

l'école  flamande.  —  M.  Emile  Deligxières 305 

XVIÏ.   Un  maître  de  l'œuvre  du  AIont-Saint-Michel  au  XVII°  siè- 
cle. —  M.  L.  Bosseboelf 344 

XVIII.   Les  dessins  de  médailles  et  de  jetons  attribués  au  sculp- 
teur Ednie  Bouchardon.  —  M.  F.  Mazerolle   ....     349 

XIX.  Appartement  et  mobilier  du  château  royal  de  Saint-Hu- 
bert. —  M.  J.  Maillard 358 

XX.  Un  dessin  sur  Thermidor  par  Hubert-Robert  à  la  Faculté 
de  médecine  de  Montpellier.  —  M.  Charles  Po\- 
SOXAILHE 370 

XXI.   Céramicpie  et  verrerie  musicales.  —  M.  Eugène  Thoisox.     377 

XXlï.   Le  monogramme  de  Masséot  Abaquesne.  —  M.   l'abbé 

PoRÉE 392 

XXIII.  L'hôtel  de  ville  d'Arles  et  ses  architectes.  — M.  E.-L.-G. 

Charvet   .    .   .   .   , 396 

XXIV.  Le  sculpteur  Irabert  Boachon.  — M.  l'abbé  Requin  .   .    .     418 
XXV.   La  salle  des  actes  de  la  Faculté  de  théologie  protestante 

de  Montauban.  —  M.  Jules  Momaiéja ï27 

XXVI.  Notes  sur  les  tableaux  offerts  à  la  confrérie  de  Notre- 
Dame  du  Puy  à  Amiens.  —  M.  Robert  Gierlix.    .   .    .      138 

XXVII.  Les  sculptures  et  les  peintures  de  l'église  de  Saint-Antoine 

en  Viennois.  —  M.  l'abbé  P.  Bruxe 453 

XXVIII.  La  tombe  de  Lancelot  du  Fau,  évèque  de  Lucon,  et  l'or- 

fèvre Claude  Content  (1523).  —  M.  Louis  de  Graxd- 

MAISON 461 

XXIX.   L'art  dramatique  dans  la  ville  de  Lisieux  pendant  la  révo- 
lution (1789-1790).  —  M.  E.  Veuclix 468 

XXX.   Les  origines  du  Musée  de  Bernay.  —  M.  E.  Veuclix  .   .     484 
XXXI.   L'art    campanaire    et    l'ornementation    des    cloches   au 

XVIP  siècle.  —  M.  E.  Veuclin 491 

XXXII.  Les  sphinx  de  Pavilly.  —  M.  P.  de  Lomguemare 497 

XXXHl.   L'œuvre  d'un  miniaturiste  avignonnais  de  la  Renaissance. 

—  M.  L.-H.  Labande. 501 


TABLE    DES    MATIEKES.  09" 

Pages. 

XXXIV.  Le  mol)ilier  d'un  chiîteaii  à  la  fin  du  XV'III'"  siècle.  Clian- 

telonp.  —  M.  Alfred  Gabeau 510 

XXXV.  Les  tapisseries  de   Montpezat   et   la  relique  appelée  les 
Bonets  de  Saint  Martin  de  Tours.  —   M.  (".iiarles  de 

Graxdmaisox 550 

XXXVI.   François  et  .lacob  Bunel,  peintres  de  Henri  IV.  —  M.  Paul 

Lafoxd 557 

XXXVII.  Gabriel-François  Moreau,  évêque  de  Màcon  (  17()3-1790), 
ami  des  arts  et  collectionneur,  protecteur  do  Prud'hon. 

—  M.  L.  Lex 606 

XXXVIII.  Une  Assomption  de  François  Lemoyne  (1 718) .  —  M.  Léon 

GiRox ". 639 

XXXIX.   Un  portrait  de  Louis  XIII  avec  allégories.  Dessus  de  che- 
minée provenant  de  l'hôtel  de  ville  de  Reims  et  placé 
au  Musée  en  1897.  —  M.  Henri  Jadart.   ......     647 

XL.   Notice    sur    Sergent-Marceau,  peintre    et   graveur.    — 

MM.  Paul  Lerov  et  H.  Herliisox 654 

XLI.   Documents  nouveaux  sur  Pierre  Vigne  de  Vigny,  archi- 
tecte. —  M.  Charles  DE  Beaumoxt 720 

XLII.  Jacques  Rigaud,  dessinateur  et  graveur  marseillais,  im- 
proprement prénommé  Jean  ou  Jean-Baptiste  (1681- 

1754).  —  M.  Ch.  GiNOux 726 

XLIII.  Antoine    Gilis,   sculpteur    et    peintre    (1702-1781).   — 

M.  Maurice  Hkxault 740 

XLIV'.  Pierre  Puget  à  .^ix.  —  M.  A'uma  Coste 767 

XLV.   L'église  de  Laval-Dieu  (.Ardennes)  et  ses  boiseries  sculp- 
tées. —  M.  A.  BoriLLET 776 

XLVI.  Noies  et  documents  pour  servir  à  l'histoire  de  l'art  et  des 
artistes  dans  le  Barrois,  antérieurement  à  l'époque  de 

la  Renaissance 786 

XLVII.  L'arc  de  triomphe    de    la   Porte  d'Aiv  à   Marseille.    — 

M.  Pierre  Parrocel 841 

XLVIII.   Les   grands  amateurs  angoumoisins.   XV'-XVIIP  siècle. 

—  M.  E.  Biais 856 

XLIX.   Les  peintres  de  l'hôtel  de  ville  de  Bordeaux.  Antoine  Le 

Blond  dit  de  Latour.  —  M.  Ch.  Braquehaye 902 


TABLE    DES   PLANCHES 


I.   Cerfs  ailés.  Tapisserie  française  de  la  fin  du  XV"  siècle. 

(M usée  des  antiquités  de  Rouen.) 98 

II.  Diane.  Tapisserie  de  l'atelier  de  Fontainebleau  (XV'I*  siè- 
cle) aux  cliiffres  et  attributs  de  Diane  de  Poitiers.  (Mu- 
sée des  antiquités  de  Rouen.) 104 

III.  L'émail  de  Vaulx  en  Artois  (1581) 168 

IV.  La  bulle  de  Vaul.v  en  Artois  (1549) 172 

V.   L'automne.  Bas-relief  simulé,  par  Sauvage.  (Laiterie  de 

Rambouillet.) 192 

\T.  Maître-Autel,    par   Denis    Gehvais    (1758).     (Cathédrale 

d'Angers.) 224 

VII.  Le  chanoine  Hugues  de  Lobel,  par  J.  Vax  Oost  (1690). 

(Collection  de  M.  le  comte  Van  deiCruissedeWaziers.).     240 
VIII.  Christ  en  croix,  ex-voto  par  l'un  des  Vax  Oost.  (Collection 

Quarré-Reybourbon.) 242 

IX.  Retable  de  la  Vierge,  à  Moutier-Villard  (Poligny).  Al- 
bâtre attribué  à  .I.-B.  Mariotto  (1534) 260 

X.   Pieta,  à  Saint-Vincent  de  Besançon.  Marbre,  par  Conrad 

Meyt  (1532) ' 264 

XL  Christ  au  tombeau,  par  Claude  Lllier,  vers  1558.  (Cha- 
pelle des  Marmier,  N.-D.  de  Giay.) 266 

XII.   La  mère  des  Carondelet,  par  un  peintre  de  Malines,  vers 

1525.  (Musée  Jean  Gigoux,  à  Besançon.) 288 

XIII.  Mars   et  Vénus.   Allégorie  et  Vue    d'Anvers,  par  P. -P. 

Rlbexs.  (Musée  Gigoux,  à  Besançon.) 290 

XIV.  La  Cène.   Retable  de  l'ancienne   chartreuse    de    Saint- 

Honoré,    à    Abbeville.    Paroi   intérieure   du    premier 

volet 308 

XV.   L'Ascension.  Retable  de  l'ancienne  chartreuse  de  Saint- 


TAHLE    DES    PLANCHES.  999 

Pages, 

Honoré,    à  Abbeville.    Paroi  intérieiire    du  troisième 
volet 312 

XVI.  La  Pentecôte.  Retable  de  l'ancienne  charlreuse  de  Saint- 

Honoré,   ;\  Abbeville.   Paroi   intérieure  du  quatrième 
volet '     31(3 

XVII.  La  Vierge  et  l'Knfant  Jésus.  Retable  de  ranciennc  char- 

treuse de  Sainl-Honoré,  à  Abbeville.  Paroi  extérieure 

du  premier  volet 320 

XVHL  Saint  Hugues,  évêque  de  Lincoln.  Retable  de  l'ancienne 
chartreuse  de  Saint-Honoré,  à  Abbeville.  Paroi  exté- 
rieure du  second  volet 32- 

XIX.  Saint  Jean-Baptiste.  Retable  de  l'ancienne  chartreuse  de 
Saint-Honoré,  à  Abbeville.  Paroi  extérieure  du  troi- 
sième volet "^-^ 

XX.  Saint  Honoré.  Retable  de  l'ancienne  chartreuse  de  Saint- 
Honoré,  à  Abbeville.   Paroi  extérieure  du  quatrième 

volet 326 

XXL  Paix  d'Aix-la-Chapelle  (1748).  Dessin  n°  112  :  esquisse 
de  BoLCHARDOx.   Dessin  n"  113   :  exécuté   par   J.-C. 

ROETTIERS '^^- 

XXll.  La  Délivrance  des  prisonniers.  Dessin  par  Hubert- 
Robert.  (Musée  de  la  Faculté  de  médecine  de  Montpel- 
lier.)      376 

XXIH.  Vases  de  pharmacie  au  monogramme  de  Masséot  Aba- 

quesne ^'^'' 

XXIV.  Dessin  pour  la  façade  de  l'hôtel  de  ville  d'Arles  sur  la 

place  du  plan  de  la  cour ^0^ 

XXV.  Le    retable  de  Périnol   Parpaille,   par  Imbert  Boachox 

(Avignon) • ^"^ 

XXVI.  Retable  (les  Doni,  par  Imbert  BoACHOX  (Avignon).    .   .   .     424 

XXVll.  La  salle  des  actes  de  la  Faculté  de  théologie  protestante 

de  Montauban.   (Cliché  Galinou.) '^^30 

XXVIII.   Louis  de  Villers  et  sa  famille,  par  Mathieu  Prieuu  (1660).     446 

XXIX.  Augustin  Cousin  et  sa  famille  (154S) 452 

XXX.   Église  de  Saint-Antoine.  Sculptures  du  portail 454 

XXXI.  Église  de  Saint-Antoine.  Sculptures  du  portail 456 

XXXII.  Église  de  Saint-Antoine.  Peinture  murale 458 

XXXIII.  Les  sphinx  de  Pavilly ;   •     498 

XXXIV.  Livre  d'heures  écrit  et  peint  par  Guiot  Baletet.  Minia- 

tures :  1°  de  saint  Sébastien  ;  —  2»  de  saint  Jean-Baptiste 

et  de  saint  Jean  l-Evangéliste;  —  3"  de  saint  Jacques.     504 


1000         '  TADLE    OES    PLANCHES. 

Pages. 

XXXV.  Portrait  du  duc  de  Clioiseul,  d'après  M.  Van  Loo.  (Pro- 
venant de  Chanleloup.) 510 

XXXVI.   Tapisserie  d'après   Drouais,   actuellement  au  musée  de 

Tours.  (Provenant  de  Chanleloup.) 516 

XXXVII.  Le  miracle  dit  des  <  Bonets  i>  de  Saint  Martin.  (Tapisse- 
rie de  Montpezal.) 550 

XXXVIII.   Mémoires  de  travaux  exécutés  par  F.  Bunel 560 

XXXIX.  Mandement  de  paiement  du  roi  de  Navarre  en  faveur  de 

F.  Bunel 562 

XL.   Reçu  de  Fratirois  Bunel  . 566 

XLI.   Henricus  IV  Franc,  et  Xava.  rex,  gravé  par  Th.  de  Leu. 

(D'après  J.  Bunel.) 594 

XLII.  G.-Fr.  Moreau,  évêque  de  Maçon  (17(53-1790),  d'après 

un  pastel  du  temps.  (Phot.  de  H.  Migno  de  Mâcon.).   .     606 
XLIII.  Assomption,    par  François   Lemoyne   (1718).   Eglise  de 

Saint-Julien-Chapteuil  (Haute-Loire) 642 

XLIV.  Portrait  de  Louis  XIII.  (Musée  de  Reims.) 650 

XLV.  Frontispice  du  missel  de  Chartres.  Gravure  à  l'eau-forte, 

par  Sergent 654 

XLVI.   Sergenl-Marceau,  d'après  le  médaillon  de  David  d'An- 
gers       674 

XLVII.  Vue  de  Toulon,  par  Jacques  RiGAuu  (1701) 728 

XLVIII.  Hercule  domptant  Cerhère,  par  Antoine  GiLia  (1743)  .   .     752 

XLIX.  Eglise  de  Laval-Dieu  :   Boiseries  de  la  nef 780 

L.  Eglise  de  Laval-Dieu.  —  Boiseries  du  chœur 782 

LI.  La  porte  d'Aix.  Arc  de  triomphe  de  Marseille  (façade 

du  midi) 854 

LU.  M""'  Tillet,  femme  de  l'auteur  de  la  ><  Chronique  bourde- 

loise  n,  par  Antoine  Le  Bloxd,  dit  de  Latolr  (1700).     906 
LUI.  Pierre  de  Cornet,  avocat,  jurât  de  Bordeaux  (1667-1669 
et  1678-1680),  trésorier  de  la  ville  (1680-1682),  par 
Antoine  Le  Blond,  dit  de  Latour  (1680) 908 


PâRIS.   —   IVroGRAPHIE    DE    E.    PLO.\,    NOURRIT    Et'c'^,    8,    RLE   GARAXCIÈRE.  —  3802. 


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